MESSAGER
DES SCIEIVCES HISTORIQUES,
ou
ARCHIVES
DES ARTS ET DE LA BIBLIOGRAPHIE
DE BELGIQUE.
LISTE DES COLLABORATEURS.
MM. Pu. Bloiumaert, avocat, à Gand.
J. BoRGNET, archiviste de l'État et de la province, à Namur.
Ul. Capitaine, bibliographe, à Liège.
R. CuALON, président des Bibliophiles belges, à Bruxelles.
LÉON DE Bdrbure, compositcur, à Anvers.
Ch. de Chênedollé, bibliographe, à Bruxelles.
E. De ConssEMAKER, correspondant de l'Institut de France, à Dunkerque,
De la Fons-Melicocq, à Lille.
Men De Ring, antiquaire, à Strasbourg.
Le Chan. J. J. De Smet, membre de la Comm. royale d'List., à Gand.
0. Delepierre, consul de Belgique, à Londres.
L. Devillers, à Mons.
A. Do Bois, avocat et membre du Conseil communal, à Gand.
P. GÉNARD, sous-bibliothécaire de la ville d'Anvers.
A. Gheldolf, juge au tribunal de l^e instance, à Gand.
J. Gielen, à Maeseyck.
H. Helbig, à Seraing-sur-Meuse.
Ed. Joly, archéologue, à Renaix.
J. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l'Acad. royale, à Bruxelles.
F. Lecouvet, professeur à l'athénée royal de Gand.
Le Glay, archiviste-général du département du Nord, à Lille.
H. G. MoKE, professeur à l'Université de Gand.
F. NÈVE, professeur à l'Université de Louvain.
J. Petit-de Rosen, à Tongres.
Alex. Pinchart, second commis aux Archives du royaume, à Bruxelles.
Henry Raepsaet, juge-de-paix, à Lokeren.
Ch. Rahlenbeck, consul de Saxe, à Bruxelles.
F. J. Raymaekers, prieur de l'abbaye de Parc, près de Louvain.
J. E. G. Roulez, professeur à l'Univei-silé de Gand.
Alex. Schaepkens, artiste-peintre, à Bruxelles.
Arn. Schaepkens, à Maestricht.
A. SiRET, commissaire d'arrondissement, à S'-Nicolas.
J. Stecher, professeur à l'Université de Liège.
Ed. 'Van Cauwenbergue, à Audenarde.
GusT. Van Coetseai, avocat, à Gand.
Edm. Van der Straeten, à Bruxelles.
Pr. Van Duyse, archiviste de la ville de Gand.
Edw. Van Even, archiviste de la ville de Louvain.
C. Vervier, président de la Commission des Monuments, à Gand.
L. A. Warnkoenig, ancien professeur à l'Université dcTubinguc.
M. Wolters, ingénieur en chef de la Flandre orientale, à Gand.
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DIS mmm HisioRipis
ou
ARCHIVES
itQ ^rtsi et it la fiiblicgraptjie
DE BELGIQUE.
Recueil publié par MM. A. Van liOKEREN, Avocat et Archiviste honoraire
de la ville; JB" de Saint-Genois , Professeur-Bibliothécaire à l'Uni-
versité; P. C. Vaw der niEERScn, Conservateur des Archives de
l'État et de la Flandre orientale, et Kervviv de Tolkaersbeke,
à Gand.
année 1858.
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GAND,
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE DE l. HEBBELYNCK,
rue des Peignes, 6.
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UBRARY
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DU HUITIEME SIECI.K.
Parmi les curiosités que nous ont léguées les siècles
reculés, il en est qui méritent de flxer particulièrement
l'attention de tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de
l'art. C'est des manuscrits illustrés que je veux parler, de
ces monuments qui sont parvenus jusqu'à nous à travers
les révolutions et les vicissitudes des temps.
J'ai toujours éprouvé une religieuse émotion à feuilleter
ces antiques travaux de nos ancêtres : on est saisi d'étonne-
ment quand on considère la richesse et surtout la patience
qu'il a fallu pour écrire les pages de ces immenses in-folio,
ruisselant de mille couleurs. Rien n'est plus curieux à
contempler que ces gracieuses arabesques et ces lettres
tourneures, enjolivées par le lapis-lazuli, le pourpre d'O-
rient et le carmin le plus pur; puis ces admirables minia-
tures oii l'éclat de l'or et de l'argent le dispute à la finesse
microscopique de la peinture.
Je ne sais; mais en présence de ces vieux livres, dont les
peintures se rattachent si intimement au souvenir de nos
anciens ducs, rois et souverains, on croit voir se dérouler
vivants devant soi, les différents épisodes de leur carrière.
Ici, c'est la vue d'une forteresse gothique ou d'un donjon
crénelé, le spectacle d'une lutte corps à corps : une bataille
sanglante s'engage sous les murs, au bas desquels les hom-
mes d'armes, couverts de cottes de mailles, tombent percés
de flèches aiguës.
1858. I
_ 2 —
Là, c'est une scène champêtre ou bucolique, où le
gentil damoiseau et la belle damoiselle poursuivent avec
une grâce toute naïve une intrigue d'amour.
Plus loin, vous assistez, sous les voûtes d'une basilique
byzantine, à une de ces cérémonies imposantes et reli-
gieuses, où le prêtre, couvert d'ornements étincelants,
donne la bénédiction aux membres de toute une cour
royale assemblée.
Les vieux manuscrits ont leur langage, et je ne puis me
lasser d'en admirer les peintures qui me plaisent. Mais,
hélas! combien est grand le nombre de ces précieux tré-
sors littéraires et artistiques qui n'ont pu parvenir jusqu'à
nous, et sur lesquels le bras ravageur et iconoclaste d'in-
nombrables hordes barbares a fait main basse, en les livrant
au fer et à la flamme.
Triste destruction: mais qui sait?... ne serait-ce pas là
un de ces effets secrets de la Providence, qui, elle aussi,
pour stimuler davantage les recherches des archéologues et
bibliomanes modernes, a voulu jeter comme un voile d'ou-
bli sur une grande partie des œuvres sublimes auxquelles
ont pris part nos premiers miniaturistes, dont l'origine et
le nom ne nous sont que très-imparfaitement connus?
Pour quel motif, se demande-t-on souvent, les anciens
miniaturistes négligeaient-ils de signer leurs œuvres? On
pourrait établir difl'érentes conjectures à cet égard, et plu-
sieurs personnes semblent portées à croire, que cette la-
cune provient de leur ignorance, voire même de leur in-
souciance. Ces opinions paraissent très-peu probables; car,
pour que l'arliste ait pu produire dans ses compositions
jusqu'aux moindres détails historiques, il devait nécessaire-
ment avoir acquis une profonde connaissance des épisodes
qu'il devait peindre, et il y mettait, du reste, trop de soin
et de goût, pour que l'on puisse lui reprocher l'un ou l'au-
tre de ces défauts.
Une aiilre cause, à noire avis, parait avoir plus de vrai-
semblance quant à l'absence de la signature, c'est celle qui
prend sa source dans le caractère simple, désintéressé et
religieux même de l'artiste, qui dans ces siècles du moyen-
âge n'avait pas tant à cœur d'établir la réputation de sa
vaine gloire, que de travailler par son génie et son pin-
ceau à embellir le manuscrit où avait passé sa vie, son
âme tout entière, et duquel il pouvait dire glorieusement
avec son humilité cénobitique : Monumenlum exegi.
Mais laissons là ces digressions pour dire quelques
mots sur un des plus vieux manuscrits à miniatures que
possède la Belgique, et qui se conserve dans les archives
de l'église paroissiale de Maeseyck. C'est un Évangéliaire,
qui est d'autant plus précieux qu'il est le seul de son épo-
que dont on prétende connaître l'origine et la date précise.
Il est l'œuvre de deux religieuses, Harlinde et Rénilde,
filles du seigneur Allard de Denain, qui quittèrent leur
pays natal vers l'an 714, pour ériger un monastère à Alden-
Eick, joli petit hameau, situé dans une contrée fertile,
baignée par les bords fleuris de la Meuse.
Selon l'abbé Knipenberg, c'est saint Willebrod qui a
converti ces deux héroïnes au catholicisme, en leur en-
seignant par l'étude et la lecture de livres pieux, le pré-
cepte sacré d'un Christ Rédempteur.
L'occupation favorite de ces deux saintes filles semble
avoir été la transcription de livres, qu'elle se plaisaient à
orner de riches peintures. Il existe même, à propos de la
transcription du manuscrit qui nous occupe, une légende
naïve, et qui nous paraît assez intéressante pour être
citée.
Parmi les objets sacrés que possède l'église de la petite
ville de Maeseyck, se trouve un reliquaire contenant deux
chandelles en cire noire, portant une inscription latine, dans
laquelle il est dit : que pendant une soirée que SS. Fîar-
— i _
lindc et Rénilde s'occupaienl à peindre les pages de TEvan-
géliaire susdit, toul-à-coup une obscurité profonde, un
nuage infecté de soufre et de bitume les environne, un
spectre hideux et décharné, quelque chose enfin comme
qui dirait Belzébulh en personne, s'approche des deux
chandelles, et les éteint au bruit d'un souffle strident et
satanique... Mais, ô surprise, ô miracle!... les mêmes
luminaires furent rallumés de nouveau par un génie cé-
leste, et ils brillèrent d'une flamme plus belle et plus
éclatante que jamais....
Nous terminerons ces quelques lignes, en disant que
plusieurs pages de cet Evangéliaire précieux ont beaucoup
souffert, tant par l'humidité que par l'incurie des différen-
tes mains profanes par lesquelles il a passé.
Le commencement du manuscrit, petit in-folio, contient
plusieurs feuillets qui représentent une colonnade romane,
entre laquelle se trouvent les chapitres ou chiffres indica-
teurs, surmontes d'écussons et d'emblèmes symboliques,
tels que tètes de griffons, de bœufs, d'aigles et de dragons
ailés, d'une forme monstrueuse et fantasque. IVous donnons
ci-joint la copie de la miniature qui se trouve au verso du
premier feuillet, et qu'il nous a été permis de calquer sur
l'original, grâce à l'obligeance de M. le curé-doyen Kerk-
hofs. Cette miniature est entourée d'une enluminure, dont
le fond quadrillé et à losanges est d'une grande variété. Le
peintre a représenté dans ce cadre, l'évangéliste saint Jean
assis dans un fauteuil d'une forme antique, et tenant sur
le genou gauche un livre, dans lequel il trace des lignes
avec un calamus qu'il tient de la main droite. La tête
du personnage est couronnée d'un nimbe régulier : ses
traits expriment l'idéal d'une ineffable douceur divine,
et révèlent dans tout leur ensemble ce cachet primitif et
mystique, si particulier aux types conventionnels des tra-
ditions byzantines. Pour ce qui concerne les contours du
— 5 —
dessin, ils sont assez fortement accusés; les extrémités des
pieds et des mains sont effilées, le mouvement des attitudes
est sec et carré, et les plis parallèles des draperies surtout,
sont lourds et massifs et dès lors sans grâce et sans légèreté.
Quant au coloris des miniatures que contient cet Évangé-
liaire, il a conservé encore une certaine ténuité de vigueur
et d'éclat, surtout dans les fonds bleus, violets, verts et
rouges, et c'est ce que semble prouver du reste la descrip-
tion que l'historien de la vie des saintes Harlinde et
Rénilde donna un siècle plus tard, lorsqu'il dit, en parlant
de ces peintures, qu'elles étaient aussi fraîches et aussi
vives de couleur, que si elles venaient d'être peintes.
« Quae quidem universa haclenus in eodem loco tum re-
centia ac vibrentia auro et micanlia margarilis fulgent, ut
crederes ea hodie fuisse peracta. » Nous faisons grâce au
lecteur des détails éclectiques que comporte la description
des enluminures et des miniatures de l'Évangéliaire d'Eyck,
notre but ayant été seulement de signaler à l'altenliou des
archéologues l'existence d'un livre unique, auquel se rat-
tache un intérêt immense, puisqu'il contient un des pre-
miers spécimens de l'art du miniaturiste en Belgique.
J. GlELE.V.
histoire littéraire.
LES PETITS POETES LATINS DU HAIi\AlT.
Les quelques notices qui suivent, sont en partie déta-
chées d'un travail accueilli par la Société des Sciences,
des Arts et des Lettres du Hainaut, et traitant du mérile
littéraire des poètes latins nés dans cette province. Dési-
rant conserver à ce travail un caractère purement litté-
raire, nous avons fait sans peine le sacrifice de ces pages,
nous promettant toutefois de les reproduire sous une au-
tre forme et en y donnant un caractère plus historique.
Aussi, ne nous sommes-nous pas borné à copier purement
et simplement notre travail primitif; nous y avons fait les
changements que comportait le titre que nous leur donnons
aujourd'hui. C'est ainsi que nous avons tâché de donner
sur quelques-uns de ces auteurs des détails peu connus,
ou même tout-à-fait ignorés, aussi bien sous le rapport
biographique, que sous le rapport bibliographique. D'un
autre côté, nous y avons trouvé l'occasion d'appeler l'atten-
tion et les recherches sur plusieurs écrivains, dont les
œuvres sont aujourd'hui égarées ou extrêmement rares.
Une remarque que nous nous devons à nous-même de
faire ici, c'est que nous avons pu relever un assez grand
nombre d'erreurs accréditées et répétées par nos auteurs
— 7 —
modernes, relativement surtout à ceux de ces écrivains
dont nous ne connaissons que peu de chose. Nous n'avons
mis dans ces rectifications ni aigreur ni vanité. Le plus
souvent même, nous n'avons pas indiqué les auteurs de ces
erreurs. Mais nous avons cru devoir en dire un mot, afin
qu'on ne nous condamne pas à première vue.
Chacun sait ce qu'on est convenu d'appeler petits poètes;
le mot ne concerne ni la stature, ni le génie. Tel de ces
poètes a peut-être créé d'admirables choses; mais sa mo-
destie de son vivant, le hasard ou les malheurs des temps
après sa mort, tout en laissant surnager son nom, ont
englouti ses œuvres dans le gouffre toujours béant de
l'oubli. En rappelant ce que nous connaissons d'eux, nous
ouvrons la porte à une espérance de réhabilitation, et
nous provoquons, comme nous venons de le dire, les re-
cherches de nos savants. C'est là un mince mérite, nous
le savons; mais c'est un mérite, et cela nous suffît.
I. Baudry (Pieuue).
Pierre Baudry naquit à Mons le 5 août 1702. Il fît ses
premières études au collège de Houdain, et alla ensuite
étudier à l'université de Louvain. A l'âge de vingt ans, il
prit l'habit de S'-Benolt à l'abbaye de Saint-Ghislain, dont
il devint plus tard abbé. Il mourut le l^"^ mai 1752.
Baudry est assez connu pour ses Annales de l'abbaye de
Saint-Ghislain, publiées par le baron de Reiffenberg. Il
cultiva aussi, mais d'une manière accessoire, la poésie
française et la poésie latine : « On conservait à l'abbaye
de Saint-Ghislain, dit M. Pinchart, quelques poésies fran-
çaises et latines manuscrites de P. Baudry, qui sont per-
dues aujourd'hui, ou qui se trouvent on ne sait en quelles
mains, avec les précieux manuscrits que possédait ce
— 8 —
monastère. » Peul-être ces feuilles volantes ont-elles passé
en Angleterre dans la collection de sir Thomas Phillipps,
bien que le catalogue du docteur Haenel n'en fasse aucune
mention. Paquot et M. 3Iathieu ne nous apprennent
absolument rien de plus au sujet des poésies latines de
P. Baudry (i).
II. Bourgeois (Jean).
Jean Bourgeois naquit à Mons vers le milieu du XV*
siècle. Il alla étudier à l'université de Louvain, où il fut
promu au grade de docteur en théologie, le 51 juillet 14-71 ;
il fut nommé professeur à la même université en 1474; et
remplit même à plusieurs reprises les fonctions de recteur
semestriel. L'an 1506, il renonça à sa prébende et au pro-
fessorat, et fut créé évéque de Cyrène et vicaire ou suffra-
gant de l'archevêché de Cologne. Jean Bourgeois, que
Delvenne confond à tort avec un autre Bourgeois né dans
le Brabant, a laissé, au dire de M. Mathieu, quelques poé-
sies latines. Nous ne savons rien de plus de ses vers. Nos
bibliographes sont muets sur le compte de Jean Bourgeois.
Brasseur, qui l'a placé dans ses Sydera, ne le signale pas
comme poëte latin (2).
III. BuRGLNDus (Gilles).
Gilles BuRGUNDus, ou de Bourgogne, frère du célèbre
poëte et jurisconsulte Nicolas Burgundius, naquit à En-
(1) Messager des Sciences historiques, année 184-9, p. 79. — Paquot,
Mémoires, etc., l. IX, pp. 81 el suiv. — Mathieu, Biographie monloise,
pp. 10-11.
(2) Valerii Andre^î; Fasti Acadcmici Lovanienses. Lov., 1G30, pp. 37, 38,
el 95. — Brasseur, Sydera illustrium Hannoniœ scriptorum, p. 152. —
Mathieu, Biographie monloise, p. 280.
— 9 —
ghien, et s'atlacha comme son frère à l'élude de la juris-
prudence. Reçu licencié en droit, apparemment à Lou-
vain, il passa à Gand, où il fut avocat fiscal au Conseil de
Flandre. On voit par ce qui nous reste de lui qu'il cultivait
la poésie latine. Il a donné au public :
1" Ad Epicheremata politica, sive animantium homi-
numque certamina lilesque et lusus 'Aîrapr/iTtç, sive Appen-
dix Fani D. Bavonis incendium, aulhore ^Egidio Burgundo
J. C. patrilio Gandensi. Gandavi, apud Joannem Kerclio-
vium, ad insigne Ensis laureati anno 1642, in-4°. Titre et
préliminaires, 8 pages non cotées; texte, 39 pages; appro-
bation, 1 page.
Hàtons-nous de le dire, ce petit ouvrage n'est pas un
poëme. Nous ne croyons même pas que le poëme, s'il a
existé, ait jamais été publié. Ce que nous avons ici, semble
n'être qu'une espèce d'analyse en prose d'un autre ou-
vrage, analyse publiée par un ami de l'auteur, G. Breydel.
« Tu ne dois pas t'étonner, cher Burgundus, dit Breydel
dans sa préface, si ton Appendix des Epicheremata poli-
tica voit le jour à ton insu. Tu seras plutôt reconnaissant
de l'obligeance d'un ami. En donnant ton Incendie au
public, j'ai voulu satisfaire tes admirateurs et te forcer en
quelque sorte à mettre en lumière les trois parties que
j'ai lues et d'autres ouvrages. En attendant, cet Incendie
de Saint-Bavon offrira un échantillon du talent de Burgun-
dus, qui cultive les belles-lettres au milieu des soucis du
barreau, « et ut TËacides inter arma cytharam et fîdes
interponebat, sic noster ille Burgundus :
Animunjque vicissim
Aut curam inipendit populis, aut olia musis. »
Nous n'entreprendrons pas de faire l'analyse de cet
ouvrage. Malgré la gravité du sujet, le ton en est parfois
assez léger; on y rencontre même des calembours qui ne
— 10 —
seraient certes pas supportés en français. Le récit est
entrecoupé par-ci par-là de vers latins, empruntés pour
la plupart à l'incendie de Troie du second livre de
l'Enéide. Ajoutons que cet incendie, dont la cathédrale
de Saint-Bavon eut beaucoup à souffrir, éclata le 1" juin
1641, un jour de marché.
2° In nobilissimi perillvstris ac reverendissimi Domini
D. Nicolai Ilavdion, Brvgensivm episcopi avspicatam con-
secrationem accinebat .Egidivs Bvrgvndvs I. C. Anno
xvj*^ xlij. Gandavi : apud loannem Kerchovium. In-i" de
12 pp., la dernière est blanche.
Ce poëme se compose de 143 vers héroïques. Le style
en est assez obscur et prouve chez l'auteur une certaine
inexpérience du vers latin. Au reste, c'est là une de ces
pièces de circonstance qui n'ont jamais une bien grande
valeur et qui sont vite oubliées. Ce petit poëme est aujour-
d'hui fort rare : nous n'en connaissons qu'un seul exem-
plaire, celui de la bibliothèque royale (fonds Van Hullhem,
n" 27,6o8).
Nous ajouterons que Nicolas de Haudion, d'une noble
famille du Hainaut, avait été prévôt de Saint-Bavon à
Gand, avant d'être nommé à l'évéché de Bruges (i).
IV. Cleuicls (Hermès).
Hermès Le Clercq naquit à Tournay, à la fin du XV*
siècle, ou au commencement du XV1^ Il entra dans l'ordre
des Jésuites et passa une grande partie de sa vie en France;
il enseigna longtemps au collège de Billom en Auvergne,
où il se distingua par sa piété et son savoir. Il mourut dans
cette dernière ville à un âge très-avancé. Nos bibliographes
(1) Valekm A>DnE£, Bibl. belg., p. 8o6. — Foppe>s, Bibl. belg., p. 27.
— Paquot, Mémoires, t. I, p, 392. — Feller, Dicl. Iiisl., édition de Liège,
l. II, p. iU.
— 11 —
vanleiil ses connaissances en droit canonique. Sanderus
et Aubert le Mire le disent un poêle latin remarquable
(e g regins).
Hermès Le Clercq a laissé plusieurs ouvrages de poésie
latine, qui se conservaient autrefois chez les Jésuites, au
témoignage du P. Ribadeneira, mais qui n'ont jamais vu
le jour, malgré le vœu du savant bibliographe. Ces ouvra-
ges sont :
1° Vita B. Ignalii Loyolœ.
2" Fasti sacri Sanctorum Sanctarumque, en vers élégia-
ques. — « C'est, dit Paquot, un calendrier chrétien imité
des Fastes d'Ovide. Deux italiens, Baptiste Manlouan, car-
me fort connu, et Novidius Fraccus, s'étaient déjà exercés
sur ce sujet : ni l'un ni l'autre n'y avaient réussi. Le pre-
mier ne connaissait pas assez la bonne latinité; le second a
un langage trop payen. Tous les deux manquaient de criti-
que. On ne nous dit pas si le P. Le Clercq avait fait mieux. »
3° De angelis beatisque Spiritibus. — L'auteur y a mis
en vers le traité des anges qui fait partie de la Somme de
saint Thomas. Ce sujet n'est pas heureux, dit encore
Paquot. On le conçoit : la traduction en vers d'un sujet
qui se prête aussi peu à la poésie, ne devait pas fournir
matière à de bien beaux essors de talent. Ajoutons que ce
choix ne prouve guère en faveur de la vocation poétique
du P. Hermès Le Clercq (i).
V. Cleiucus (Nicolas).
Nicolas Le Clercq était fils de Jacques, premier con-
seiller-pensionnaire de la ville de Tournay en 1566.
Pendant un voyage qu'il fit à Rome, il entra dans la Com-
(1) M1R.E1 Bibl. belg., p. 256, édit. de IG-IO. — Satidercs, De Scripl.
Flandr., p. 76. — Paquot, Mém., t. X, p. 81-82, etc., elc.
— 12 —
pagnie de Jésus. Après son retour d'Italie, il séjourna
quelque temps à Tournay; de là, il fut envoyé successive-
jnenl en France, en Lorraine et en Bourgogne. Il mourut
en 1595 à Dole, où il s'était fait connaître par ses talents
pour la chaire.
C'était, au dire de MM. de Backer, un homme d'une
profonde science; sa facilité pour les langues était extrême.
Il était versé dans les lettres chaldaïques, syriaques, hébraï-
ques, grecques, latines, espagnoles, italiennes et françai-
ses. Il a laissé divers ouvrages manuscrits :
I. De perfecla christiani nominis idea.
II. In psalmos aliquot commentaria, cum prolegomenis.
III. De juramenlo per corpus et sanguinem Domini.
IV. De ornalu mulierum.
V. Epigrammata festiva grseca et latina.
VI. Dissertationes dicendumne sit Mussipontum an Pon-
timussim.
Cette note, extraite d'un manuscrit de Du Fief, a été
communiquée à MM. de Backer, par M. Barthélemi Du-
morlier, membre de la Chambre des Représentants.
Nous voyons par le titre n" V, que le P. N. Le Clercq
cultivait la poésie latine et même la poésie grecque. Ce fait
est d'autant plus remarquable que, jusqu'ici, nous n'avons
rencontré aucun autre auteur du Hainaut, qui se soit oc-
cupé de vers grecs. Il est fâcheux que nous ne sachions
pas même où reposent les manuscrits du P. Le Clercq (i).
VI. CoRDiER (Guillaume).
Guillaume Cordier était natif de Lobbes, selon Sweer-
lius et Foppens. Nous ne savons sur quelles données M. le
comte de Becdelièvre en fait un moine de l'abbaye de Lob-
(1) Auc. et Aloïs De Backer, Bibl. des écrivains de la Compagnie de Jcsm,
t. m, p. 248. — Sanderus, De Script. Fland., p. 76.
— lo-
bes. Peut-être le confond-il avec son homonyme Guillaume
Cordier, soixante-quatrième abbé de ce monastère, de Tan
U9o à l'an 1523.
Le Guillaume Cordier dont il est ici question, exerçait
la profession d'imprimeur à Binche en 1544, conséquem-
ment après la mort de l'abbé de Lobbes du même nom.
C'est même le plus ancien imprimeur connu du Hainaut.
Il y édita cette même année 1544, un Dialogue nouveau
à trois personnaiges, et en 1545, La vie et legede de ma-
dame saincte Lnthgarde.
Sweertius et Foppens lui donnent le titre de poëte, et le
signalent comme l'auteur d'un ouvrage imprimé par ses
presses, à Binche en 1544. Ce poëme a pour titre:
« De varia fontium quorundam natura, fluminibus et
anni partibus. »
Nous n'avons pu trouver trace de ce livre. Le médecin
de Mons, Eloy, ne parle pas de Cordier dans son Diction-
naire. Brasseur a consacré à Cordier les vers suivants de
ses Sydera :
Guilielmus Corderus, Lobiensis, eximius sui temporis poêla, ut
habet Sweertius.
Edidit hic fontes adjunctis partibus anni,
Et sita diversis flumina rara locis,
Ambofum effectus naturalesque favores,
Quae simul excuso protulil ille libro.
M. Hipp. Rousselle, dans les Mémoires et publications
de la Société des Sciences, etc., du Hainaut, a révoqué
en doute l'existence d'une imprimerie à Binche en 1544.
C'est là, croyons-nous, une thèse assez difficile à soute-
nir. Nous ne pouvons d'autre part nous empêcher de
faire remarquer, que c'est sur la seule indication de
Sweertius qu'on nous donne Cordier comme un poëte.
Sweertius ne s'est-il pas trompé en donnant le nom de
l'imprimeur pour celui de l'auteur 'î' Nous savons bien que
— li —
nos premiers imprimeurs étaient loin d'être dépourvus de
connaissances littéraires, et que par conséquent, il n'y a
rien d'étonnant à voir un imprimeur poêle. Au reste, c'est
un simple doute que nous émettons. Si nous avions le litre
complet du livre, la question serait sans doute tranchée (i).
VII. Pespiennes (Thomas).
Thomas Despiennes, fds de Jacques Despiennes, éche-
vin de Mons, et de Marie du Fay, était le frère de Jean
Despiennes, l'auteur des Opuscula. Jean Despiennes, en
bon frère, a réservé dans son livre, quatre pages aux
élucubralions de Thomas, jurisconsulte, seigneur de Ba-
lingen. Ces petites pièces, au nombre de 28, sont dédiées
à Jean de Croy, comte de Soire, seigneur de Molem-
bais, etc., chevalier de la Toison d'or. Elles portent le titre
de Heromn Analogiœ. Les héros de la mythologie, les hom-
mes les plus célèbres de la Grèce et de Rome servent suc-
cessivement de prétexte à des analogies entre eux et Jean de
Croy. Après ce que nous avons dit, dans notre Mémoire,
des écrits de Jean, il n'y a rien à ajouter concernant les
distiques de Thomas, sinon qu'ils sont en tous points dignes
des premiers. i\ous placerons seulement ici le distique sui-
vant, que nous trouvons à la page 189 des Opuscula:
Thomas Joanni Despiennes, Frater Fratri, Gallicam commendat
suaclam :
Suada lalina luis dum fixa amplexibus hreret,
Vidit et invidit Gallica, ulramque colas (2).
(1) Mémoires et publications de la Société des Sciences, etc., du Hainant,
1" série, t. IX, p. 136. — Bull, du Bibliophile belge, l^e série, t. I, pp. 30
et 54. — SwEERTii Alli. belg., p. 305. — FoppE^s, p. 5'J6. — Bronet, Ma-
nuel du libraire, t. IV, p. 617. — Bibliothèque dramatique de M. de Soleinne,
t. I, n" 712. — Messager des Sciences historiques, année 1847, pp. 63-64.
— Brasseur, Sydcrn, pp. 20-21. — Comte de Becdelièvre, Biographie lié-
geoise, t. I, p. 203.
(2j V.ViNCHANT, /Inn. du flainaul, t.V, p. 407; et G. de Boussu, [fisf.dc Mons.
— i'o
VII! . GiLLET (Jean).
Jean Gillet, personnage laïque, mais docle et pieux,
selon Vinchant, naquit à Mons au XVI*' siècle. Il dut à son
savoir d'être nommé le premier recteur du collège de ïlou-
dain, fondé en 1545. Il est auteur d'une grammaire latine
à l'usage de ce collège, publiée après sa mort, et intitulée
probablement (t) :
Joa. Gilleliani elementorum Erotemata, in scholse mon-
tensis usum, petit in-S" de 112 pages. Gillet se mêlait
aussi de poésie latine et même de poésie française. C'est
ce que nous apprend Brasseur:
Postquam Gillelius de carne soliilus abivit,
Hisloria eluxil, mula syada fuit,
Nec polis est musas gallas latiasque per urbem,
Aut orbem lacrymas continuisse suas.
Les muses ont pleuré sa mort, au dire de Brasseur.
Nous le croyons sans peine, s'il fut, comme l'assure le
même écrivain, un second Virgile :
Quin immo referunl omnes dixisse secundum
Perdidit urbs Montes et schola Virgilium.
« La licence poétique est grande, dit M. Camille Wins,
mais elle nous apprend du moins, que notre grammairien
pouvait compter parmi les bons poêles latins de l'époque.
» Nous ne connaissons pas les poésies de ce nouveau
cygne; quatre distiques, au candide lecteur, sont seuls
en tête de sa grammaire.
» Gillet n'a peut-être pas eu le courage d'affronter les
Saumaises montois. »Nous devons le supposer pour expli-
quer sa réputation comme poète.
(1) Le titre manque à l'exemplaire de la Bibliothèque de Mons, le seul que
nous connaissions.
— i6 —
Gillet mourut d'une maladie lente, à l'âge de quarante
ans, probablement en 1554. Jean Loquet lui succéda, en
effet, cette même année comme recteur du collège de lïou-
dain. Gillet fut inhumé dans l'église des Frères Mineurs de
Mons. On lit ce que suit sur son épitaphe :
QUI, SED AB I^•DOMITO GEMITUS MIHI PECTORE RCMPUNT,
QUALIBUS nSIGNIS BEBUS ET ARTE FUIT
CL'MQUE RDDES FIKXIT PATRI/i: STIDIOSUS EPHEBOS
PRIMCS IN HOCDANA G1M.>ASIARCHA DOMO
QUI NEQDE FDCATDM SUPERIS MENTITUS HONOREM
CONSPICUUS VERA RELLIGIONE FUIT
IlIC JACET, IIIC LENTA RESOLUTUS MORTE QUIESCIT
OCTO CUM NATCS LUSTRA GILETUS ERAT.
ET QUASI MORS NON UNA FORET SATIS EXPIRAVIT
EXHAUSTIS LOîiGA VIRIBUS ANTE MORA
SED LACHRI.MAS COAIPESCE TAMEN RESPCBLICA CORPUS
TERRA QUIDEM, AT MENTEM COELICUS ORBIS HABET.
IX. Harchius (Josse).
Josse DE Harchies, connu sous le nom latin de Jodocus
Harchius, naquit à Mons, au commencement du XVI^
siècle. Il était fils d'Arnould de Harchies, seigneur de
Millomez et d'Antoinette des Polies. C'est à tort que M. le
comte de Becdelièvre l'appelle Josse de Harchées et le
qualifie médecin théologien liégeois. Josse de Harchies fît
ses premières éludes au collège de Houdain, à Mons. Il
étudia ensuite la médecine et exerça d'abord sa profession
à Mons même, puis à Liège; il alla enfin se fixer à Stras-
bourg, où il s'efforça de mettre d'accord les catholiques
(1) Éléments de la grammaire latine, par Jean Gillet, recteur du collège
de Houdain, à Mons, Extraits, etc., par Camille Wins. Mons, 1854, petit
in-S". — Mémoires de la Sociclc des Sciences, etc., du Haînaul, 2« série, t. I,
pp. 188 et suiv. — Brasseur, Sydera, p. 76. — Vinchant, Ann. du Hainaul,
t. V, pp. 246-247, et t. VI, pp. 345-46. — G. De Boussu, Hisl. de Mons,
p. 185, — Mathieu, Hiogr. mont., p. ôOG.
— il —
romains et les protestants sur la question du mystère de
l'Eucharistie. Mais il ne réussit qu'à mécontenter les uns
et les autres; Théodore de Bèze se jeta même dans la lutte
et prit parti contre Josse de Harchies. Les ouvrages que
de Harchies publia à ce sujet ne sont point parvenus jus-
qu'à nous. Du moins, M. Mathieu, le biographe montois,
déclare n'avoir pu les rencontrer nulle part, et nos re-
cherches n'ont guère été plus heureuses que les siennes.
D'un autre côté, nos bibliographes ne citent pas ses écrits
hérétiques et condamnés. Sweertius en dit seulement :
« c'est une entreprise pleine de dangers que de vouloir
comprendre et enseigner aux autres ce que l'on n'a pas
étudié soi-même. L'étude de la théologie est particulière-
ment ardue, et il est malaisé à l'homme habitué urinam
et stercora tractare de toucher à un autre sujet. Tractent
fabrilia fahri. »
Brasseur s'emparant de cette idée odorante, la traduit
ainsi :
Ârdua sunt divina niniis, nec ad illa per artem
Stercoris et lolii quisque venire potest.
Quoi qu'il en soit, nous avons pu au moins découvrir
les titres de trois ouvrages théologiques de Josse de Har-
chies. Ce sont :
l»De Eucharistise mysterio ad sedandas controversias
in CœnaDomini libri très. Basileae, 1573. — Cet ouvrage
eut une autre édition à Worms, nous ne savons en quelle
année. Théodore de Bèze en publia en 1580, une réfuta-
tion sous le litre de : De Cœna Domini adversus Jodoci
Harchii Monlensis dogmata. Théodore de Bèze dit que
l'ouvrage de Harchies était si confus, si obscur, si dé-
pourvu de méthode, qu'on avait peine à y découvrir la
pensée de l'auteur. Au reste, nous trouvons dans celte
réfutation la preuve que Josse de Harchies était mort
en 1580.
— 18 —
2" De causis Hseresis, proque ejus exilio et coricordia
Controversiarum in Religione hserelicorum, Ponlificiorum
et Pœnitenlium, Oratio ad Deum Palrem, Basil. 1573,
in-4°.
o" Orlhodoxorum Palrum Irenœi, Cyrilli, Hilarii, Au-
gustini et reliquoruin de Eucharistia et Sacrificio univer-
sali Ecclesise Fides. In-8% 1577.
Les ouvrages de médecine que nous connaissons de cet
écrivain sont :
1" De causis contemplée medicinse lib. I, aulliore Jodoco
AB Harciiies Montensi, apud Leodienses medico. Leodii per
G(ualterium) Morberium ad Pontem Insulœ. Anno 1567,
in-lS", dern. sign. Gij. — Sweertius, Foppens et G. de
Boussu donnent erronément à ce livre la date de 1563.
Cet ouvrage est écrit en prose. Josse de Harchies s'y
montre sous certains rapports le prédécesseur de iMolière.
Il combat dans son livre l'opinion de ceux qui croyaient
lire dans un pot de chambre le secret de toutes les mala-
dies, comme le docteur Urinai du comique hollandais
Langendyck. Il s'attaque surtout à l'ignorance et au char-
latanisme des médecins; il blâme aussi leur impertinence.
Voici le portrait qu'il trace des Esculapes à la mode de son
temps : « Ubi sunt hodie gloriosi illi doctores medici,
qui purpura suffuiti, bysso exornati, annulis et catenis
aureis decorati, mulis et equis evecti, vel ob tenuem elo-
quentise famam quà tument, ob aliquem grsecismum, quem
semper éructant, ob sophismatum periliam, ob quam mire
cseteros contemnunt, ob analomes, herbarum, astronomiœ,
denique medicinse superGciariam quandam cognilionem
putani, se taies, qui ne errare quidem in medendo possint,
et cum in singulis illorum sit quod desit ad perfectum
medicum, singuli tamen seorsim ipsam medicinam se pos-
sidere gloriantur. »
Séguier, dans sa Bibliotheca BoUinica, et Éloy dans
— 19 —
sou Dictionnaire historique de la médecine ancienne et
moderne, disent que quelques écrivains attribuent le livre
de Caiisis à Philippe de Ilarchies, un autre médecin natif
de Mons, et probablement de la famille de Josse; mais il est
douteux, ajoutent-ils, qu'il en soit Fauteur. M. Mathieu
a confondu ici le de Causis avec VEnchiridion, au sujet
duquel il n'y a aucun doute. Au reste, une note marginale
de Brasseur indique Mons, comme lieu d'impression du
de Causis de Philippe de Harchies, tandis qu'il donne
Louvain (lisez Liège) pour lieu d'impression du de Causis
de notre Josse de Harchies. Il se peut à la rigueur qu'il y
ait là deux ouvrages différents. Ce qu'il y a de certain,
c'est que Josse de Harchies est l'auteur d'un de Causis,
imprimé à Liège en 1367, et nous doutons pour notre
part de l'existence d'un second de Causis, œuvre'd'un autre
de Harchies. Au reste, voici ce qui dit Brasseur à l'article
de Philippe :
Philippus Harchie, medicus insignis.
Dum siquidem temni sese videt ac medicinani,
De causis plénum condidit ille librura :
Idque preeunte sibi, vel forte sequente Judoco,
Nominis ejusdem qui fuit atque styli.
2° Enchiridion Medicum Simplicium Pharmacorum, quse
in usu sunt, nomenclaturam, facultates et administralionem,
brevi, élégante fldoque poemate comprehendens, Jodoci
Harchu studio et labore. Basileœ, P. Perna, 1575, in-S".
On aurait pu mettre cet auteur, dit Bayle, dans la liste
des médecins poètes publiée par Bartholin. Ce n'est pas le
seul qui y manque. Au dire d'Albert de Haller, cet ou-
vrage est un dictionnaire des plantes et d'autres médica-
ments simples; chaque médicament a son distique avec
une courte description et l'énumération de ses propriétés.
Il n'est pas très-savant, ajoute de Haller, puisqu'il dit que
la balsamile croit dans les cimetières, et qu'il écrit xa>>x«t;
— 20 —
au lieu de Chalcilis. — Ce dernier reproche est bien peu
de chose à nos yeux. On peut être excellent médecin sans
connaître la langue d'Hippocrate, et qui ne sait toutes les
horreurs dont sont capables les protes d'imprimerie, même
ceux de nos jours ?
Pas n'est besoin de dire que nous n'avons pas eu l'heur
de rencontrer VEnchiridion. Nous devons avouer toutefois
que le choix de ce sujet n'indique pas une vocation poéti-
que bien prononcée. Le sujet du de Causis se prêtait bien
plus à la poésie; Molière n'a pas été longtemps à le
prouver.
Brasseur, nous l'avons déjà fait remarquer, a cru devoir
parler de Josse de Harchies dans ses Sydera. Voici encore
quelques vers qu'il lui consacre :
Si tibi penna flnens, fuit liaec audacior œquo,
Dum sacra cura medicis scribere rébus amas.
Sat tibi conlemplœ medicinœ scribere causas,
El dare sat juslo pharmaca cuncla libro.
Hinc tua scripta sacris de rébus agentia censor
Damnavit, medicos non tamcn ille libros.
Brasseur appelle donc VEnchiridion, sat j'ustus liber.
Mais Brasseur ne paraît pas même avoir connu cet En-
chiridion.
Le titre promet de la brièveté, de l'exactitude, même
de l'élégance; mais on sait quelle foi il faut avoir en ces
titres menteurs (i).
(1) Jiibliolh. hotan. auct. Jo. Antomo Bcmaido. La Haye, 1710, p. 27. —
Éloy, Dictionnaire de la Médecine, t. II, p. 448. — Bulletin du Bibliophile
belge, 1" série, t. I, pp. 226-228, et t. IX, p. 119. — Ségdier, Bibl. botan.,
p. 260. — Alb. von Hailer, Bibl. botan., t. I, pp. 344-45. — Bayle, Dict.,
édil. 1730, t. II, p. 693. — David Van FIoogstraten en M. Broderids Van
NiDEK, Groot algemeen Woordenboek. — Brasseur, Sydera, pp. 80 et 89. —
BoDOLPui HospiNiANi, Hisloùœ sacramentariœ pars poslerior, pp. 591, 606
et 629, etc., etc.
— 21 —
X. HovYNE (Maximilien d).
Maximilien d'Hovyne naquit à Tournay, d'une famille
noble, vers la fin du XVI^ siècle ou dans la première moitié
du XVIP. Il était frère germain de Charles d'Hovyne, con-
seiller au grand Conseil de Malines. Il entra dans l'ordre
des Carmes déchaussés de sainte Thérèse, sous le nom de
frère Maximilien de sainte Marie-Madeleine. II se distingua
dans cet ordre par la pureté de ses mœurs et par sa grande
réputation de savoir. André Catulle, qui l'avait eu pour con-
disciple, nous apprend que d'Hovyne mit en vers élégants
la Genèse et toutes les histoires contenues dans l'Ancien
Testament. C'est, dit-il, un ouvrage qui a coûté de grands
efforts, et qu'aucun poëte n'a encore essayé. Aussi n'y
a-t-il rien d'étonnant si nommi prenialur in anmim avant
de voir le jour. Cependant, ajoute le même auteur, le père
Maximilien l'a complètement achevé; j'ai lu et examiné ce
poëme à la prière de l'auteur, et j'y ai joint une pièce de
vers élogieuse.
Ce poëme n'a jamais été livré à l'impression; il nous
est donc de toute impossibilité de contrôler les assertions
de Catulle. Nous ne connaissons de Maximilien d'Hovyne
que la petite pièce suivante, qui se lit parmi les prélimi-
naires de l'ouvrage du même Catulle, intitulé : Tornaciun
Nerviorum civitas :
Trietericon ad D. Andream Catulle, archidiaconum et canonicum
Tornacenscm,
Nerviorum Metropolis et cathedrœ egregium defensorem.
Magna, Catulle, nioves, cum fundamenta revolvis
Nervia : quod ncmo prœstilit aller opus.
Rem simul eruderas, dum fortior omnibus unus,
Quid sit Tornacum Nervia prisca, doces.
Hinc Charités, Musse : inde probata scienlia juris.
Te scriptis celebrem sydera ad alla ferent.
22
Celle pièce est signée : Frater Maximîlîanm à sancla
Maria Magdalena, carm. dise. Tornacœnas (i).
XI. Le Noir (Jacques).
Jacques Le Noir, en latin Niger, naquit à Ath et vivait
au commencement du XVIl^ siècle. Il étudia d'abord au
collège d'Ath et entra plus tard dans Tordre des Frères
Mineurs de l'Observance. Wadding et Foppens le signalent
comme un prédicateur et un théologien distingué, et en
même temps le disent poêle latin et français.
Il publia en français :
1° Le plaisant verger d'amour spirituel, parmi les par-
terres duquel, peut amasser la religieuse les fleurs de
l'amour de Dieu, de sa supérieure, comme de toutes ses
consœurs, par Jacques Le Noir, nalif d'Ath. Liège, Chris-
tian Ouwercx, 1621, iu-8°.
2° Des Reliques des saints, trophée contre les héréti-
ques. Liège, 1624.
3° De la vie et de l'invocation de saint Roch, confes-
seur, patron contre la peste. Lille, 1658, in-8°.
Jacques Le Noir écrivit en latin deux dialogues, restés
manuscrits. Ils sont intitulés :
1" Thoriis immaculatus. — Dans cet ouvrage. Le Noir
recommande aux catholiques de se tenir en garde contre
les hérétiques et de ne pas s'unir en mariage avec eux.
2" Noli me tangere. — Ce dialogue est une recomman-
dation de ne pas lire les livres des hérétiques, quels que
soient ces livres.
Ces deux ouvrages étaient-ils en vers? Nous avons tout
(1) CàTUiLii Tornacum, pp. 103-104. — Lexglet, ilélh. pour étudier l'hisl.
t. III, p. 413. — Biblioth. Carinelitana, t. Il, col. 427.
— 23 —
lieu d'en douter, à en juger par les titres et les sujets.
Brasseur, qui parle de Le Noir dans ses Sydera, ne le
signale pas comme poëte latin. Vincliant le qualifie reli-
gieux et historien. Quant à nous, nous n'avons rencontré
aucune trace des poésies latines de Jacques Le Noir; et si
nous lui donnons place ici, c'est sur la foi de Wadding et
de Foppens (i).
XIL Paludanus (Jean).
Jean Paludanus, dont le vrai nom était Desmaretz, était
laïque. Il s'intitule lui-même Neuvius (Tournaisien) dans
son Dktionariolum. Nous ignorons donc sur quelles don-
nées M. Mathieu Ta placé dans sa Biographie montoise.
On sait peu de chose de la vie de Paludanus, et il faut
bien se garder de le confondre avec d'autres qui se sont
donné le même nom. Celui dont nous avons à parler, fut
successivement professeur à Gand, à Tournay, puis à
Mons au collège de Houdain, dont il devint le recteur
en 1564, après la mort de Jean Loquet. M. Mathieu a été
induit en erreur quand il en a fait un professeur de l'uni-
versité de Louvain. Le Paludanus, professeur à l'université
de Louvain, est Jean Van den Broeck, de Malines, mort
eu 1630. Notre Jean Paludanus enseigna au collège de
Houdain pendant une trentaine d'années.
Jean Paludanus est l'auteur de plusieurs ouvrages à
l'usage de la jeunesse. Ces ouvrages, aujourd'hui rarissi-
mes ou introuvables, sont :
Dictionariolvm rervm maxime vvlgarivm, in commv-
uem pverorvm vsvm, ex optimis qvibvsque avtoribvs
(1) Waddingi Script, ord. Min., p. 184. — Foppess, p. 551. — Brasseur,
Sydera, p. lU. — De Bocssu, Uist. d'Atli, p. 202. — Vinchant, Annales du
Hainaut, t. V, p. 175.
24
congeslvm, cvm Flandrica et Gallica interpretalione. Au-
tore loANNE Paludano Nervio. Adjecimus in caice farragi-
neni quandam Verborum, secundum ordinem quatuor
coniugationum, cum eorumdem Flandrica et Gallica in-
terpretatione. Gandavi. Excudebat lodocus Lamberlus,
typoglyphvs. MDXLIIII, cum privil. Csesa. ad Triennium.
In-4°, préliminaires, 2 feuill. non chiffrés; texte 44 fol.,
à 2 colonnes; dern. sign. Lij.
Celle édition, dont nous ne connaissons qu'un seul exem-
plaire, fait partie de la bibliothèque de feu M. Borluul de
Noorldonck, qui va bientôt être dispersée.
Au verso du titre, on lit : Joainnes Paludanus Nervius dis-
cipidis suis. S. P. D. — Paludanus déclare dans cette épîlre
qu'il a composé ce livre dans l'intérêt de ses élèves et pour
combler une lacune regrettable; il y dit qu'il est le premier
qui ait publié un dictionnaire lalin-français-flamand. Celte
épîlre est datée comme suit : Gandaui è nostro musœo,
an. M. D. XLIIII, calendis Maij. Sur la même page, le
privilège daté de Binche, 7 mai 1S48, et signé : Vtierden.
Le premier feuillet des préliminaires au recto, contient
la table des chapitres, au verso les cinq distiques suivants
de Paludanus :
10. PALVDANVS NERVIVS,
puero bonarum litterarum studioso.
Firma Puer Latiœ cupias fundamina linguae
Si iecisse, gradum sisle, notata lege.
Sitque opus exiguum licet hoc, est copia maior
Hic, linguam poteris qua poliisse rudem :
Nam si scire cupis quid dictio quaeque lalina
Denotet, ô puer hinc iam didicisse potes.
Seu fueris Flander, fueris seu Gallus, utranque
Exiguus linguam continet iste liber.
Hue igitur vires animi modo dirige, dices
Et me mox sludiis eonsuluisse tuis.
Suivent encore sur la même page deux distiques de
Jacobus Forgius.
— 25 ~
Cet ouvrage eut une autre édition à Gand en 15G1; ce
qui semble prouver qu'à cette époque Jean Paludanus
habitait encore cette dernière ville. Il est vrai qu'alors
Mons n'avait pas encore d'imprimeur. Voici le titre de
cette édition, dont nous ne connaissons non plus qu'un
exemplaire, celui de M. Ferd. Van der Haeghen, à l'obli-
geance duquel nous en devons la communication :
Dictionariolum rerum maxime vulgarivm, in commvnem
pverorvm vsvm, ex oplimis qvibvsqve avtoribvs conges-
tvm, cvm Flandrica etGallica interprelatione. AutoreloAN.
Paludano Nervio auclum etcasligatum. Adiecimus in caice
farraginem quandam Verborum, secundum ordinem qua-
tuor coniugationum, cum eorundem Flandrica et Gallica
interprelatione.
Gandavi, apud Gerardum Salenson, 1561, in-i", de
81 pp., à 2 colonnes; la 8i2rpage est blanche. Les mots
latins et français en caractères romains, les mots flamands
en gothiques.
Le titre, outre l'intitulé ci-dessus, renferme les cinq
distiques déjà cités de Paludanus; au v" du titre se lit la
préface déjà signalée, ainsi que le privilège daté de Binche
le 7 mai 1548. L'index des chapitres, au nombre de 43,
occupe un peu plus de la moitié de la page 81. Voici les
litres de quelques-uns de ces chapitres :
Cap. i. De Deo et rébus divinis.
ij. De Temporibus.
iij. De nominib. 12 anni mensium.
vij. De animalium generibus.
xiij. De serpentibus.
xiiij. De vermibus.
xxviij. De coloribus.
xlij. De pecuniis.
xliij. De numeris.
Dans chacun de ces chapitres, Paludanus n'a pas suivi
— 26 —
l'ordre alphabétique; il semble plutôt avoir consulté l'ana-
logie de signification des mots.
Paludanus publia encore à Gand en 1551 :
Senlentiœ elegantiores ex Isocrate collectée, auctore
JoAN. Paludano. Gandavi, Jod. Lamberlus, 1551, in-8°.
Ce recueil, rédigé par ordre alphabétique, pourrait bien
être en vers. Malheureusement, nous n'en connaissons
aucun exemplaire.
On lit cinq distiques de Jean Paludanus dans les préli-
minaires de l'ouvrage suivant, de la collection de M. Goet-
ghebuer : Catonis Disticha, D. Erasmiro et Levini Crvcij
scholijs illustrata. Quibus adiecimus Epilomas in singula
ferè disticha, autore Malurino Corderio, cum admonilio-
nibus eiusdem. Gandavi. Excudebat lodocus Lamberlus,
typoglyphus, M. D. XLVI.
Paludanus est encore l'auteur d'un Donat, fort en vogue
de son temps. C'est ce que nous apprend Jean Bosquet,
dans ses Êlémens oit institutions de la langue française
(préface de l'édition de 1586) : « et M. Jean Desmaretz, à
l'instigation duquel j'ai esté meu de la faire (ma grammaire
françoise) pour faciliter à mes disciples allans lors chez
luy (i) l'intelligence de son Donat, que j'ai assez de près
suivy, principalement en ce que le françois a de commun
avec le latin. »
Ce Donat était vraisemblablement en vers.
Sanderus, Valère André, Sweerlius disent notre Palu-
danus poëte. Vinchant l'appelle excellent poëte et huma-
niste, et G. De Boussu, excellent poëte : M. Mathieu dit
qu'on a de lui quelques poésies latines. Ph. Brasseur le
nomme poëte distingué de son temps, et lui consacre les
vers suivants :
(I) II semble résulter de ces mois que Paludanus était mort en 158(j.
— 27 —
Duni cupit Houdan% percommodus esse palestrx,
Ejusdera studiis par duo scripta favet.
CoUigil Isocratis flores, docilique juvenlœ
Explanat linguis singula verba tribus.
Nous croyons que Brasseur se trompe en disant que
ces ouvrages ont été composés pour l'usage des élèves du
collège de Houdain. Au reste, les quelques vers que nous
connaissons de Paludanus, ne nous permettent pas d'as-
seoir un jugement sur son compte comme poète; et quant
aux assertions de Brasseur et de G. De Boussu, l'un et
l'autre sont peu faits pour servir de guider en pareille
matière (i).
XIII. PiLEus (Louis).
PiLEus, qui vivait au commencement du XVP siècle,
est qualifié Tournaisien par Sanderus. Le même le nomme
un personnage savant, si l'on peut, dit-il, en juger sur un
échantillon : « Vir, si ex ungue leonem noscimus, eru-
ditus fuit. » Il écrivit une lettre et un poème en vers
trochaïques pour la Grisélide d'Éloi Houckart ou Hoec-
kaert (EligiusEucharius), maître d'école à Gand au Sablon
et mort dans cette ville le 4 novembre 1544. Le poème de
Pileus, qui ne doit pas avoir été un auteur bien fécond,
est sans aucun doute inséré dans l'ouvrage d'Eucharius.
Malheureusement les poésies de ce dernier sont d'une ra-
reté désespérante (2).
(1) Notes communiquées par MM. Ferd. Van der Haeghen et Léop. Devil-
1ers. — Sanderus, De Script. Fland., p. 102. — Val. Andiié. — Sweertius.
— FoppENs. — Brasseur, Sydera, p. 78. — G. De Boussu, Hist. de Hlons,
pp. 185 et 432. — Vinchant, Annales du Hainaut, t. V, p. 247. — Mathieu,
Biogr. mont., p. 238. — Piiblicalions de la Société des Sciences, etc., du
Hainaut, 1I« série, t I, pp. 194-195.
(2) Sanderus, De Script. Flandriœ, p. 119. — Messager des Sciences his-
toriques, année 1854, p. 533, et 1836, p. 122.
— 28 —
XIV. Poivre (J.-F. Le).
Jacques-François Le Poivre naquit à Mons dans la
seconde moitié du XVl^ siècle, et mourut dans cette
même ville, le 6 décembre 1710. 11 s'est rendu célèbre
par son Traité des sections du cône, imprimé à Paris
en 1704, puis à Mons en 1708, et réimprimé en 1855,
par les soins de M. Cam. Wins, dans les Mémoires et
publications de la Société des Sciences, etc., du Hainaut,
premier volume de la seconde série, pp. 146 à 160. Selon
De Boussu, Le Poivre avait publié précédemment en 1687
à Mons, chez Gasp. Migeot, une introduction à Tarithmé-
tique. M-" H. Rousselle croit que l'ouvrage dont parle De
Boussu, avait pour titre : Instruction nouvelle pour ap-
prendre aux enfants à connaître le chiffre et sommer avec
les gets, ouvrage imprimé à Mons à diverses reprises.
Comme son compatriote Charles Malapert, Le Poivre
savait faire marcher de front l'étude des lettres et celle des
sciences. G. De Boussu dit que Le Poivre « était l'un des
plus beaux génies de sou temps, possédant la poésie
française et latine, et toutes autres sciences. »
Nous ne connaisons qu'une seule pièce due à Le Poivre.
Cette pièce fut composée à l'occasion de l'arrivée à Mons de
Maximilien-Emmanuel de Bavière, en qualité de gouverneur
des Pays-Bas, au mois d'avril 1698; elle fut écrite en lettres
d'or sur la porte de Nimy, et surmontée des armes du roi
c taillées en profil. » Nous donnons ici ce spécimen :
Austriadum felix soboles, amor illius orbis,
Carok", quem sine vi, quem sine caede régis,
Si Dominos alii bellique timenda vocari
Fulmina, tu nomen mite parenlis amas.
Jure tuas igilur résonant Montensia laudes
Compita, née iota est tristis in urbe locus.
Cum videt avulsum reddi sibi denique Regera,
Verius amissum se reperisse Patrem.
— 29 —
G. De Boussu nous a conservé une traduction extrême-
ment libre de cette pièce (i).
XV. Procureur (Pierre).
Pierre Procureur était natif de la ville d'Alh. Il devint
recteur du collège de Houdain; il mourut à Mons vers la
fin du XVP siècle, et fut enterré au cimetière de Sainte-
Marguerite. Avant d'être appelé au rectorat du collège de
Houdain, Procureur avait enseigné en la ville de Binche,
et mis en lumière, selon Vinchant, « une belle et facile
grammaire en vers poétiques, doncq :
Grammalicam facili discendam carminé tradit
Arma juventutis ad linguam prima lalinam. d
G. De Boussu dit aussi de Procureur : « Il composa sa-
vamment. Estius approuva ses ouvrages. «Ailleurs le même
De Boussu dit que Procureur est l'auteur de la grammaire
que l'on enseigne au collège de Houdain. M. Mathieu a cru
qu'il s'agissait ici d'une grammaire française; « c'est assuré-
ment une inadvertance, dit M. Camille Wins. Il n'est sans
doute question ici que de la grammaire latine. »
Les Éléments de la Grammaire latine de P. Procureur
furent publiés en trois livrets in-12, en lo91, à Douai,
chez Jean Bogard. M. Duthillœul ne les cite point dans sa
Bibliographie douaisienne, et M. Emile Nève, qui a cher-
ché à compléter cette Bibliographie, n'en parle pas non
plus. Voici le titre de ces Éléments :
« Brevis epitome totius grammaticœ, ex variorum gram-
maticorum et probatorum scriptorum libris, inlerpretatio-
(1) G. De Bodssu, Uist. de Mons, pp. 315 et 431. — Mathieu, Biographie
montoise, p. 221. — Publications de la Société des Sciences, etc., du Hainaul,
!« série, t. VIII, pp. 27 et suiv., art. de M, Quetelet, et 2* série, l. I,
pp. 132 et suiv., art. de M. Camille Wins, et t. IV, p. 105.
— 30 —
nibus undè sensus à pueris facile elici possit, illuslrata
(libb. III). Duaci, Jo. Bogard. 1591. .)In-12.
La deuxième et la troisième partie de l'ouvrage de Pro-
cureur se trouvent à la bibliothèque de Mons. En voici les
litres :
Grammaticœ latinse liber secundus, in quo syntaxis,
seu apta verborum conseculio, traditur, Pétri Procurato-
Ris studio collecta. Duaci ex oiïicina Joannis Bogardi,
typ. jurati sub bibliis aureis. 1591, in- 12, de 89 pp. et
index de 1 1 pages.
Grammaticse latinse liber tertius, in quo de Prosodia et
arte melrica agitur, Petro Procuratore colleclore. Duaci,
ex off. Joannis Bogardi, typ. jurati sub bibliis aureis,
anno 1591, in-12, de 44 pp. Estio censore.
Nous donnerons ici les titres des éditions de cette gram-
maire qui sont à notre connaissance :
Lalinse linguse rudimenta, declinationes nominum, pro-
nominum, et verborum, prsesertim regularium, figuris
exprimentia, etc. Pétri Procuratoris opéra. Antverpise,
Arnoldus Coninx, 1604, in-8°. — Latinse linguse,... ex-
primentia. Item octo partes orationis, inserla nonnunquam
Gallica interprelatione. Pétri Procuratoris opéra. Monti-
bus, typis Francisci VVaudré. Anno M. DC. XXVIII, cum
gratia et privilegio superiorum, in-S".
Brevis epitome totius grammaticse latirise, ex variorum
grammaticorum, et probatorum scriptorum libris. Pétri
Procuratoris studio collecta, interprelationibusque unde
sensus à pueris facile elici possit, illuslrata. Grammaticse
latinse liber primus. In quo Elymologise vel potius analogise
proponuntur regulse, hoc est generum, declinationum, com-
parationum, prseteritorum et supinorum. Montibus, typis
Francisci Waudré, M. DC. XXVIII, in-8°.
Declinationes nominum, prouominum, et verborum
prsesertim regularium, in figuras redactœ studio et opéra
— 51 —
P. Procurâtoris. Octo parles oralionis, iiiserta nonuun-
quam gallica interprelalione. Edilio ullima, ciii exlrema
auctoris manus acidila est, tyrunculorum usui maxime ac-
commodala. Monlibus, lypis Francisci Waudrsel, sub bi-
blijs. 1C55, cum gralia et privilegio Regio. Petit in-8°,
32 pp.
Brevis epilome Petri Procurâtoris studio collecta.
Monlibus, vidua Gasparis Migeot, in-8° (s. a.). Grammalicœ
lalinse liber primus in quo Elymologiœ, vel polius ana-
logies proponuiilur regulse, boc est generum, declinalio-
num, comparalionum et supinorum. In usum studiosae
juvenlulis collegii Houdaiii monlensis, aucta et correcte
bac ullima edilione. Monlibus, apud viduam Gasparis
Migeot (s. a.). — Petri Procurâtoris rudimenta sive
grammalicœ lalinse pars prima vulgo figura. Monlibus,
1751, in-12.
Grammaticse lalinee, liber secundus, in quo syntaxis, seu
apla vocum conseculio tradilur, Petri Procurâtoris stu-
dio collecta. Anlverpise, Arnoldus Coninx, 1598, In-S". —
Monlibus, typis Francisci VVaudré. Anno M. DC. XXVIII,
cum gralia et privilegio superiorum. In-8% 140 pp., index
et privilège 7 feuill. non cbiff. — Monlibus, apud viduam
Gasparis Migeot (sans date).
Grammaticse lalinse, liber terlius. In quo de Prosodia
et arle melrica agilur Petro Procuratore colleclore. Ant-
verpiae, Arnoldus Coninx, 1 604, in-8°. — Edilio poslrema,
oui summa auctoris manus addila. Monlibus, typis Fran-
cisci De Waudré, sub biblijs. Anno M. DC. XXVIII, cum
gralia et privilegio. In-8% 64 pp. — Monlibus, vid. Gas-
paris Migeot. ^1-8" (s. a.).
Jusqu'au XVP siècle, toute tentative de réforme dans
la grammaire latine était considérée comme une sorte d'at-
tentat contre le dogme. Despautère, qui devait jouir d'une
vogue si grande et si peu méritée, ne parvint à s'introniser
32
dans les écoles que très-difficilement. Mais son succès,
peut-être plus encore que ses imperfections, encouragea les
timides. En lo21, Pelrus Amicus, principal du collège de
Tournay, publiait une grammaire latine en prose. D'autres
le suivirent dans cette voie, sinon avec plus de talent, du
moins avec plus de succès. En 1550, l'université de Lou-
vain inscrivait sur la liste des ouvrages recommandés, sept
grammaires ou syntaxes latines. La grammaire latine con-
quérait sa liberté.
Venu après ces auteurs. Procureur ne parait pas s'être
assez librement écarté de leurs errements. Sa grammaire
est encore en vers, et cette forme qui n'admettait et ne pou-
vait admettre qu'un langage barbare, devait être extrême-
ment rebutante pour les commençants. Il fallait une réforme
radicale; il fallait parler la langue de ses auditeurs et de
son temps. Procureur ne s'en douta peut-être même pas;
au reste son époque était aussi coupable que lui. En 1751
— nous l'avons vu — on réimprimait encore à Mons la
grammaire latine en vers latins, de P. Procureur.
Voici deux échantillons de ce style barbare. Pour les
genres :
Neutra cadaver, iter, ver, spinter, tuber et uber,
Et cicer, atque laver, piper et fiser, atque papaver.
Pour la quatrième conjugaison :
A verbis quartse deducitur ivit et ilura.
Vincio vult vinxi, vinctum. Amicit dat amiclum.
Jean Rosier, d'Orchies, curé d'Esplechin, près de Tour-
nay, a consacré une pièce de douze vers : Eximio domino
D. ac M. Petro Procuralori apud Monteuses Gymnasiar-
chae {Miscellanea, p. 96). Cette pièce ne nous apprend
qu'une chose, c'est que Procureur donnait des soins assidus
à la jeunesse montoise :
Congrua procurans proli alimenta suœ,
— 35 —
v(>rs qui l'eiilerme sans doule une allusion à la grammaire
de notre recteur. Rosier ajoute :
Procuras gaudens proli alimRnta liiœ.
Corpora sol curai, curas cura corpore mentes (1).
XVI. RoMBisE (A.-J. LisoN de).
André-Jacques Lison de Kombise naquit à Mons, selon
M. Mathieu; il est Tauteur de deux ouvrages ayant pour
titre :
i" Ilinerarium Germanise;
2" Epigrammata in Sanctos.
Maurice Bourgeois, dans son ouvrage en vers intitulé
Vallis Mariana item Sylva Isaacana, p. 227, fait mention
d'un Rombise en ces termes :
Miissei fuerat sagax Apollo,
Rombizc Bincliiaci.
Il nous apprend de plus que ce Uombize quitta le bruit
du monde pour la retraite, et qu'il entra au monastère de
Bois-Seigneur-Isaac. Il fut plusieurs années à la tête de
l'école du monastère, puis nommé procureur; il mourut
le 25 janvier 1604, à l'âge de trente ans. Bourgeois ajoute:
Hue ingens onus attulit librorum.
C'est peut-être de ce Rombise que parle M. Mathieu.
D'un autre côté, nous trouvons parmi les échevins de Mons
en 1681, un nommé André-Jacques Lison. Les ouvrages
cités par le biographe montois ne sont-ils pas plutôt de ce
dernier? C'est ce que nous ne pouvons décider (2).
(1) Brasseur, Sydera, p. 87. — De Boussu, Ifisl de Mons, pp. 184 et i'i.
— VixcHANT, Annales du Hainaut, t. V, p. 297. — Mathieu, Biogr. monioise.
p. 251. — Wiris, Eléments de la grammaire latine de ./. Gillct, etc. — Puhl.
de la Société des Sciences, etc., du Hainaut, 2« série, t. I, pp. 191-92; t. II,
pp. 293-94 et 503. — Bosqoet, Oralor terrœ sanclœ. — Catalogue de la ftibt.
de Mons, n»s 4298 à 4302. — Catalogue Bataille et Lengrand, p. 42.
(2) Mathied, Biogr. mont., p. 255. — G. De Bocssc, Hist. de Mons, p. 411.
— 54 —
XVII. Saint-Genois (Pierre de).
Pierre de S\int-Genois, que Brasseur et G. De Boussu
écrivent Seingenois, était seigneur du Mesnage et vivait
en 1637, puisque Brasseur dans ses Sydera, publiés cette
même année, le dit son contemporain. C'est le même,
croyons-nous, que Pierre de Saint-Genois, chevalier, sei-
gneur du Mesnage, Vertain, etc., mort le 4 octobre 16S2
et inhumé à l'église de Saint-Piat de Tournay. Sa mère
était une du Gardin, comme le prouvent ses quatre quartiers :
Saint-Genois. Varax. Du Gardin. Hauport.
G. De Boussu, qui ne peut faire autorité en littérature,
a dit de cet auteur : « Grand poëte français latin. Il donna
plusieurs poésies qu'il composa en l'honneur de la Vierge. »
M. Mathieu, dans sa Biographie Montoise, a reproduit le
passage de G. De Boussu, sans nous apprendre si ces poé-
sies sont des poésies latines, ni si elles ont été imprimées.
Ce qui semblerait prouver qu'elles ne l'ont pas été, c'est
que Brasseur qui, dans ses Sydera, indique ordinairement
en marge le lieu et la date de l'impression des ouvrages
mentionnés, est muet à l'article de notre poëte; il dit seu-
lement de lui :
Hujus œvi nostri poeta lalinus et cjaUicus :
Et galla et latia cultiis fuit iste Camœna,
Si geminus Musis Phœbus uterque foret,
f.armina ilum Mariana canit, sibi reddit aminini
Carminibiis Phœbum, sed pielate Deiiin (1).
(1) De Boussu, Hisl. de Mons, p. ^T•,^^. — BtussF.un, Sydera, p. 8G. — Conile
Di: .Saimt-Genois, Mon, anc, t. I, p. 1007. — Mathieu, Biogr. mont., p. 265.
— 35 —
XVIII. ScoTus (Sydp.acus).
ScoTus, à qui Valère André donne le prénom de Sij-
drœus, tandis que llevius, dans sa Davenlria Illustrata, le
nomme Sydracus, naquit à Enghien, probablement dans la
première moitié du XVI« siècle. Il passa en Hollande, où il
occupa la place de recteur du collège d'Arnbem. Il publia :
1° Carmen Martinianum, sive commendatio divini limo-
ris, scholse Arnbemiensis, auctore Sydraco Scoto, ejusdeni
scbolœ redore. Daventrise (Simon Steenbergius sive Saxi-
montanus), ann. coidlxxvi (1576).
2" Carmen Martinianum, sive Militis cbristiani queri-
monicT, ad Deum 0. M. scbolse Arnbemiensis, eodem auc-
tore. Daventrise (Simon Sleenberg), anno \^n .
Nos bibliographes ne citent que le litre incomplet du
premier ouvrege.
Avant l'introduction du protestantisme, les écoliers
étaient dans l'usage à Arnhem, à certains jours de l'an, de
chanter des cantilenen ou carmina scholastica. Ces jours
étaient, entre autres, le jour de Saint-Paul et celui de Saint-
Martin. Ces chants étaient composés par le recteur que l'on
payait en espèces, ou à qui l'on donnait différentes choses,
deux poulets rôtis, un plat d'oies (galigaens), du masse-
pain, un quart de vin, etc. Pour ce qui concerne plus par-
ticulièrement le poëme de Saint-Martin, quand il se chantait
à la cour, on le payait d'un daeler royal ou ryxdaeler. Cet
usage fut aboli l'an 1G00.
Ces ouvrages de Scotus ne sont donc que des poèmes de
circonstance : ce qui en explique l'extrême rareté, et doit
affaiblir les regrets de leur perte (i).
(1) Valerii Andre^e Bihl. helg., éd. iii-^^", p. 821. — ForpcNs, Bibl. belg.,
p. 1113. — J.ACOBi Revu Daventriœ illustralœ, sive Historiœ urbis Daven-
triensi.1, libri sex. Lugfl. Bat., Pétri Leffen, 1641, iii-'i", p. 325. — Kronyh
van Arnhem, bl. 250. — G. Va.\ Hasselt, Arnliemschc oudheidcn.
— 56 —
XIX. Stoupy (François).
François Stoupy naquit à Mons vers l'an 1G84. Il fui
régent du collège de Houdain pendant cinquante-cinq ans,
et mourut le 1" novembre 1759. Il fut inhumé à Sainte-
Waudru de Mons; on lui fît cette épitaphe :
D. 0. M.
ICY REPOSE LE CORPS
DV SIEUR
FRANÇOIS STOUPY
VENERABLE PRETRE
TRES CELEBRE POETE
ET TRES Dir.NE REGENT
nu COLLEGE DE HOUDAIN
PENDANT 55 ANS
MORT LE 1 DE NOVEMBRE
1759 AGE DE 75 ANS.
IIEQUIESCAT
IN PACE.
G. De Boussn, contemporain de Stoupy, vante la vigi-
lance du régent de Houdain, il ajoute : « Le théâtre est une
de ses occupations. La poésie lui est si familière qu'il parle
en vers. » Ailleurs, De Boussu l'appelle excellent poëte.
« Il composa, dit-il, plusieurs tragédies latines, et un nom-
bre très-considérable de différents poèmes sur différents
sujets, qui ont été dédiés aux princes, aux états, aux
magistrats et autres selon les occasions et fêles publi-
ques. » Ces pièces paraissent avoir eu le sort de toutes les
pièces de ce genre, qui disparaissent d'ordinaire avec la
circonstance qui les a fait nailre. Nous n'avons rencontré
de Stoupy que les deux distiques suivants, adressés au
poêle Corneille Pottier :
Ad Dominum Cornelium Pottier, S. S. Panegyristam ,
Gymnusii vales, Rlielorque Rpgpnsque juventa",
El populo oralor Dogmala sancla dabas.
.Niinr sanctos scribis lastos; qiiod feccrat ante
Lingua pu-, scmper Musa diserta canet.
Franciscus Stoipv, poeta Houdancs.
— 37 —
Nous savons encore que Sloupy fit des vers à la louange
de G. De Boussu. C'est ce que prouvent les vers suivants
d'un certain Leduc, vers qu'on lit parmi les préliminaires
de l'histoire d'Alli, de G. De Boussu.
Docte vir, Iloudanœ te alias cecinere Camœnse;
Adilere quiJ valeam? Macnus le Stoupius olini
Laudavit. Satis est .- sunt vana encomia laudis
Ulteriora tuœ
Et dire que nous ne connaissons que quatre vers de ce
grand homme! (i)
XX. Ieuwain (André).
André Ieuwain naquit à Mons vers l'an 1506, et mourut
dans la même ville le 30 mai 1639; il fut inhumé dans
l'église de Sainte-Waudru, avec cette épilaphe :
ICY CIST ANDRE IliWAIN
EN SON VIVANT THEOl :
PlilLOS : ET POETE
DECEDE LE 30 MAY
1639. REQUIEiCAT
IN PACE.
Ieuwain était donc à la fois théologien, philosophe et
poêle. On a de lui en manuscrit plus de trois mille vers
héroïques et élégiaques, sous ces litres divers :
1° Andrese lewani Monlensis dislicha, 20 pp. in-f°.
2" Andrese lewani Monlensis epigrammala. 24 pp. in-f".
ù° Beati Rochi vita (en vers). 3 pp. in-4°.
4" Adonium carmen. Peccatum. 2 pp. détachées.
5" Poésies diverses (en lalin). 54 pp. in-f°.
Une partie bien faible de ces poésies fut mise au jour.
Voici ce que M. Mathieu nous apprend à ce sujet :
(1) De Boussu, flisl. de Mons, pp. 18G et 430. — Pottier, Panegyris sanc-
lorurn, etc. Mons, 1713, in-S". — Matthieu, IHogr. mont. — Léopold Devil-
LERS, Mémoire historique et descriptif sur l'église de Sainle-Waxidru, à Mons.
Mons, 1837, appendice.
— 58 —
D'après une disposition testamentaire de Tauteur, les
poésies latines furent revues et corrigées après sa mort,
par Jean Laurent, prêtre. L'impression en fut même com-
mencée par les soins de l'avocat Pierre Cospeau, exécu-
teur testamentaire d'Ieuwain. Elles portaient pour litre :
Poemata Z>"' Andrew lewani. iMais Cospeau ne parvint à
en vendre que cinq ou six exemplaires de six cents qu'il
avait fait tirer, et il n'en parut que les trois premières
feuilles (48 pages formant le l*"-" livre). — A Mons, chez
Fr. De Waudré, 1640, petit in-S". Elles sont précédées
d'une préface de Cospeau, Malevolo zoïlo. — Cette préface
est de 3 pages.
Nous ne connaissons qu'un seul exemplaire de cet ou-
vrage, celui de M. Hippolyte Rousselle, l'auteur de la Bi-
bliographie montoise. Mais une circonstance vient diminuer
les regrets que pourrait inspirer cette extrême rareté. Lors-
qu'il s'agit de livrer ces poésies à l'impression, nous apprend
encore M. Mathieu, un procès eut lieu entre les héritiers
de l'auteur et son exécuteur testamentaire; les premiers,
sous prétexte que ces poésies laissaient trop à désirer, re-
fusaient de se conformer à la volonté du testateur.
La cour souveraine du Hainaut, saisie de l'affaire, or-
donna qu'elles fussent soumises à un censeur de livres,
pour juger si elles étaient dignes d'être imprimées.
La chose prohablement en resta là, car de nombreuses
recherches n'ont pu faire découvrir aux archives de la
cour, rien de postérieur à cette ordonnance.
On trouve des vers d'André leuwain dans les Êlémens
de la langue françoise de Jean Bosquet. Mons 1S86 (i).
F. F. J. Lecouvet.
(1) Devillers, Mémoire sur l'église de Sainle-Waudru , appendice. —
Mathieu, SuppL à la Diogr. mont., t. Vlll, p. 74-76, l'* série des J/eVn. de
la Société des Sciences, etc., du Hainaut. — Mêmes Mémoires, 2" série, t. I.
p. 6i, et l. Il, p. 515.
— 39 -
Carrousel en trûtneau,
AU XVl" SIÈCLE.
Ainsi dans l'hiver même on connaît l'allégresse.
Ce n'est pUis ce dieu sombre, amant de la tristesse;
C'est un vieillard qui, sous le faix des ans,
Connaît eucor la joie, et plait en cheveux blancs.
DrLiLiR, l'Homme des Champs, chant I.
Si Dous prenons aujourd'hui la plume, ce n'est point
pour communiquer au lecteur d'importantes découvertes
faites dans le vaste et poudreux domaine des parchemins
séculaires. Nos prétentions sont infiniment plus modestes.
Bien que l'événement que nous allons raconter nous ait
été révélé par de vieux documents que l'imposante Histoire
consulte parfois, nous devons déclarer qu'il ne saurait pré-
tendre à l'honneur insigne de fixer l'attention du plus hum-
ble des savants.
En effet, il ne s'agit pas d'un grave débat historique,
palpitant d'intérêt et d'actualité; ni des libertés communales
défendues au quatorzième siècle par les Artevelde et mena-
cées au seizième par l'empereur Charles-Quint. Il ne s'agit
pas d'une longue et irritante controverse religieuse entre
les sectateurs de Calvin, de Luther, de Zwingle et d'autres
réformateurs; ni de Philippe II, ni de l'inquisition, ni du
duc d'Albe, ni du tribunal des Troubles, ni même de la
réhabilitation de quelque grande figure historique, calom-
niée selon les uns et trop exaltée selon les autres. Notre
événement — si toutefois on peut lui donner ce nom —
— 40 —
n est point classé si haut. N'ayant rien de commun avec la
politique de son temps, il serait resté dans l'oubli le plus
profond, si le hasard, ce révélateur indiscret, ne s'était
chargé de le produire au grand jour.
Sans donner carrière à notre imagination; sans créer des
personnages et des situations invraisembables pour noyer
le sujet principal dans un Océan de fictions absurdes, nous
dirons simplement, en chroniqueur fidèle, comment les
bons bourgeois de Gand se divertissaient au XVI'' siècle,
lorsque leur grande et belle ville était couverte de neige et
que l'Escaut et la Lys charriaient d'épais glaçons.
I.
Avant de raconter les réjouissances qui eurent lieu à
Gand le 1 4 janvier 1 509, il convient de dire quelques mots
des lieux qui leur servirent de théâtre.
A cette époque, le célèbre Marché du Vendredi avait l'as-
pect le plus pittoresque. D'innombrables maisons de bois
à divers étages surplombant les uns les autres, couronnées
de pignons triangulaires et décorées de sculptures, enca-
draient cette vaste place. De sombres édifices de granit
élevaient majestueusement leurs tourelles crénelées au-
dessus des coquettes habitations bourgeoises qui les envi-
ronnaient. Tels étaient le Collatie-zolder, dont la tourelle
unique existe encore; le Uutenhove-sleen, gigantesque con-
struction féodale, dont les derniers débris ont disparu au
commencement de ce siècle; le Hoocj-hmjs, splendide édifice
gothique, où les comtes de Flandre recevaient le serment
de fidélité des féaiilx et amés bourgeois de Gand; et dans
le fond, l'élégante façade de l'église de Saint-Jacques, can-
tonnée de ses deux tours romanes.
— M —
La neige qui couvrait les toitures et les saillies des
maisons, faisait ressortir les sombres contours de cette
architecture bigarée.
Au centre de la place, on avait ménagé une spacieuse
enceinte destinée à servir d'arène aux jouteurs. A l'une
des extrémités s'élevait une estrade ou pour mieux un
théâtre, où les sociétés de rhétorique devaient représenter
une pièce composée pour la circonstance. Ce théâtre, les
pignons des maisons et les tourelles des steenen, vieux
manoirs féodaux noircis par le temps, étaient pavoises aux
couleurs impériales. Des centaines de drapeaux, de bande-
roles et de flammes flottaient dans les airs au-dessus de la
foule bruyante, qui se pressait contre les barrières de
l'arène. Malgré le froid, toutes les fenêtres étaient ouvertes
et garnies de spectateurs, vêtus de costumes à la fois sim-
ples, riches et variés. Cette diversité de couleurs et de
formes contribuait encore à donner à l'ensemble du ta-
bleau, ce cachet d'originalité que l'on chercherait vaine-
ment ailleurs que dans les grandes fêtes populaires où
toutes les conditions, tous les rangs sont confondus.
La multitude ne cessait de diriger ses regards vers le
Hoofj-huys, dont les hautes fenêtres étaient drapées
d'étoffes de soie et de velours, frangées de crépines d'or.
C'était là que les Echevins de Gand attendaient l'arrivée
de Jacques de Luxembourg, comte de Gavre, seigneur de
Fiennes, gouverneur de Flandre, etc., à qui la fête,
annoncée au son de trompe dans tous les quartiers de
ville, allait être offerte.
Un bourdonnement continuel et toujours croissant
régnait au sein de cette foule, impatiente de jouir d'un
spectacle eiitièrement nouveau, car c'était la première fois
qu'un carrousel en traîneau avait lieu dans la vieille cité
flamande. Il est vrai qu'un an auparavant, cette même
foule était accourue au Marché du Vendredi pour as-
— 42 —
sister, avec non moins de plaisir, à un tournoi à outrance
où de nobles et valeureux chevaliers perdirent la vie (i).
Dans la lutte qui va s'engager, le sang ne ternira pas
réclatante blancheur de la couche de glace qui couvre le
sol. Cependant, la victoire sera chaudement disputée par
d'intrépides jouteurs, mais aucun d'eux n'aura le regret
amer de l'avoir obtenue au prix d'un meurtre.
II.
Onze heures viennent de sonner au beffroi. Le gros
bourdon, Roelant, fait entendre sa voix grave et puissante
qu'il mêle aux accords argentins du carillon. Un rayon de
soleil perçant soudain les nuages qui assombrissaient le ciel,
vient répandre sa bienfaisante lumière sur la cité et ajouter
encore à l'éclat de la solennité.
Tout-à-coup la multitude s'agite. Une exclamation s'é-
chappe de toutes les poitrines, Jacques de Luxembourg,
escorté de ses chevaliers, arrive sur la place, et quelques
minutes après il paraît aux fenêtres du Hoog-huys, accom-
pagné des magistrats de la commune. A son aspect, le peu-
ple applaudit et fait entendre les cris mille fois répétés de:
« Noël! Noël! Vive le seigneur de Fiennes! »
Ce seigneur était un respectable vieillard au front large
et intelligent, dont les cheveux blancs descendaient en
boucles argentées sur son armure de Milan, richement da-
masquinée. Sur sa poitrine biillait le collier de l'ordre de
la Toison d'or.
(1) Voyez la descriplion que nous avons donnée de ce tournoi dans un
ai'licle intitulé : Joyeuse entrée de MaximiUen I" à Gand, en 1308 {Descrip-
tion d'un livre perdu). Messager des Seicnccs historiques, année 1851, pp. 1
el suiv.
— 43 —
A midi, les trompettes et les clairons reteutirenldu côté
de la rue Longue de la Monnaie. Des cris de joie accueilli-
rent cette fanfare guerrière, et bientôt le cortège des gildes
et des voisinages qui allaient prendre part à la lutte, dé-
boucha sur le marché, aux acclamations joyeuses et réité-
rées de la foule.
Certes, ce cortège offrait un ensemble magnifique bien
digne d'exciter l'admiration. Les trompettes et les hérauts
de la ville, couverts de leurs cottes armoiriées aux armes
de Flandre et de Bourgogne, ouvraient la marche. Ve-
naient ensuite les divers groupes de jouteurs, enseignes
déployées. Chaque compagnie avait choisi un costume à la
fois brillant et bizarre, et marchait en bon ordre sous une
bannière symbolique rehaussée d'or. Le roi des Ruitiers,
suivi de ses suppôts, fermait le cortège et maintenait l'ordre
dans les rues. Cette longue suite d'hommes et de banniè-
res, d'ècussons et d'emblèmes, se déroula comme un
ruban aux couleurs chatoyantes autour de la lice exté-
rieure. Les bannières se rangèrent des deux côtés du
théâtre, où un esbattement devait être représenté après la
première joute.
III.
Le signal est donné. Les juges du camp prennent place
près du poteau aux bagues. Les clairons sonnent. La bar-
rière s'ouvre et livre passage à d'élégants traîneaux dont
les chevaux sont caparaçonnés aux couleurs des gilcles et
des voisinages. Chaque traineau est conduit par un jou-
teur, qui tâche d'enlever dans sa course rapide, au moyen
de la lance qu'il lient de la main droite, le plus grand nom-
bre de bagues possible.
Ce spectacle si nouveau, si éblouissant, excita un véri-
_ 44 —
table enthousiasme. On applaudissait les jouteurs qui
maniaient leurs chevaux et la lance avec adresse. On riait
de ceux qui se montraient peu habiles et qui ne se distin-
guaient que par des chutes grotesques
Comme intermède à ces jeux chevaleresques, on vit des
patineurs s'élancer dans la lice, se croiser, se poursuivre,
s'éviter et s'atteindre avec une vélocité surprenante. Les
moins expérimentés tombaient lourdement sur la glace et
recueillaient, non sans dépit, les bravos ironiques et les
quolibets de leurs malicieux concitoyens.
Nous devons renoncer au désir de raconter jusque dans
leurs moindres détails, les diverses péripéties de cette
joule d'un nouveau genre. Les comptes de la commune sont
muets sur ce point; mais ils nous font connaître le résultat
de ce tournoi populaire, qui dura deux jours. On y lit,
que le voisinage de la Kctelpoorte ayant remporté le plus
grand nombre de bagues, obtint le premier prix et qu'il
eut le second prix réservé à la plus belle bannière.
La gilde dite : den Droogen, se distingua également; elle
remporta le second prix dans la joule, le premier comme
ayant marché sous la plus belle bannière et le premier du
plus beau costume. Le voisinage du Meerhem remporta le
troisième prix dans la joule et le troisième du costume. Le
second prix du costume fut décerné au voisinage de la Wal-
poorte. Le voisinage de la Zant-poorte ayant joûlé en der-
nier lieu et tenu la lice ouverte contre tout venant, reçut
également une récompense pécuniaire.
Un prix d'encouragement fut décerné aux habitants du
Marché aux Grains.
Celle fêle se termina comme toutes les fêles, par un
somptueux banquet que les Échevins offrirent au seigneur
de Fiennes.
Les comptes ne fournissent aucun renseignement sur ce
feslin, qui eut lieu au Hoorj-hiujs. Il était sans doute moins
— 45 —
hrillaiil que celui que la commune offrit, en I0O8, à T em-
pereur Maximilien I et à la famille impériale; mais, il est
certain que les vins du Rhin, de Baune et de Bourgogne y
furent servis en abondance; que la table était chargée de
boîtes à dragées; et que des ménétriers y firent entendre des
chants composés en l'honnenr de Jacques de Luxembourg
par quelque poêle flamand appartenant sans doute à la
chambre souveraine de rhétorique. Serait-ce trop présumer
que d'attribuer la poésie de cette allégorie à Anna Byns,
et la musique à l'un des principaux disciples d'Okeghem?
Si les comptes se taisent encore sur ce point, nous devons
admettre que le génie de ces deux illustrations, dont la
Flandre est si fière, a pu inspirer la muse de leurs suc-
cesseurs.
Kervyn de Volkaersbeke.
Pièces jnistificatiTCSi.
Rekening vanden jare 1509-1 SI 0.
Item, betaelt Jacob De Rob, temmerman, voor zynen aerbeit
ende occnpacie die hy hadde int curten vanden lanchen int
steecspel 1er Vriendachmaerct up sledeti, naer tverclaers vander
ordonnaniie van scepenen III s. IIII d. gr.
Item, betaelt Jooris De Smet, de somme van XXV' s. gr,,
ende dat ter causen van leverynghe van haute ende heerssen,
ende voor dienst ende moyte by hem by zynder huusvrauwe
ende boden ghedaen gbeduerende tvoornomde steecspel up sle-
den 1er Vriendachmarct, naer tverclaers vander ordonnantie van
scepenen XXV s. gr.
— 46 —
Item, betaelt den zes irompeiiers vunder stede, voor haerlie-
der dienst ende moyte van dat zylieden trompten cnde spcclden
steecspele up sleden ter Vriendachmarct , naer tverclaers vander
ordonnantie van scepenen X s. gr.
Item, betaelt Jan Vande Weghe, trompet, ende Augustin
Baudins, sergant, van dat zy condichden van vierweeschede te
vierweescliede dberoup vanden steecspele up sleden ter Vriendach-
marct, ende dat de zelve noch ghecondicht hebben als boven,
dat aile de wyken hemlieden zauden vinden te xij hueren ter
Vriendachnarct, elken van ij daghe naer tverclaers vander or-
donnantie vau scepenen VI s. VIII d. g.
Item, vanden costen ghedaen by scepenen, mynen heere
den Hoochbailliii ende vêle goede mannen int festotjeren van
mynen heere van Fines, metgaders icyn cnde Iragyde verorbnert
int Hoochuus, ten steecspeele up sleden ter Vriendachmarct,
naer tverclaers vander ordonnantie van scepenen.
Vm 1. XIII s. VIII d. gr.
Item, betaelt den goede lieden ende ghebueren vande Ketel-
poorte, over den eersten prys van meest afcjhesleken hehbende ,
metgaders daer inné begrepen XX grooten over den prys van
den tweesten scoo7isten tanneel teekene, comt tzamen naer tver-
claers vander ordonnantie van scepenen. XXIX s. VIII d. gr.
Item, betaelt den ghezelscepe vanden Drooghen ende den
fjhebueren van Meerem, tsamen over den ttveesten ende derden
prys ten voornoeraden steecspele, tzamen . XXVIII s. gr.
Item, den voornomden ghezelscepe vanden Drooghen, over
den eersten prys van scoonsten inconimetie ten voornomden
steecspele, naer tverclaers vander ordonnantie. XXVI s. gr.
Item, den ghebueren vander Waelpoorle, over den ij''"" prys
van incommene XVI s. VIII d. gr.
Item, den ghebueren vanden wyc van Meerem van ghelyken,
over den derden prys IX s. IIII d. gr.
Item , betaelt den ghezelscepe vanden Drooghen , over den
eersten prys vanden scoonsten tanneelteekene te Vriendachmarct
ghesleghen IIII s. gr.
— 47 —
Item, den goede lieden ende ghebueren vanden Coornaeri,
hemlieden toegheleil om de neerstichede ende de ghewillicheii
int voornomde steecspel IX s. IIII d. gr.
Item, den goeden lieden ende ghebueren vander Zantpoorle,
van dat zy lest slekende de bane ende tvelt hehilden ten voornom-
den steecspele, naer tverclaers vander ordonnantie van sce-
penen IIII s. IIII d. gr.
MEMORIEBOEK DER STAD GHENDT.
Den XIIIP" january dede men het steeckspel up de Vrindach-
maert ten yse, ten versoucke vanden auden heere van Finis,
daer veel prysen te winnen waren met stekene. De Ketelpoorte
hadde den upperprys, den IP" ende IIP deelde 't guide van-
den Drooghe, ende de Callanderberch den naerprys.
Op desen tijdt speelde men met ijsblocken ende schaverdtjnen
up de Vrindachmaert, dat te vooren nooit ghcsien en es ghe-
weest.
48
DE LA CULTURE DE LA LANGUE FLAMANDE
DANS LE NORD DE LA FRANCE.
Parler de la culture, que dis-je? de l'usage de la langue
flamande en France, parailra bien extraordinaire à ceux
qui ne se doutent point que celte vaste contrée, agrandie
successivement par les conquêtes de Louis XIV, n'est pas
encore parvenue, après deux siècles de domination, à s'as-
similer entièrement, sous le rapport de l'idiome parlé, les
différentes annexes territoriales dont elle s'est augmentée.
Nous voulons surtout faire allusion, d'une part, à l'ancienne
Alsace, restée entièrement allemande, quant au langage,
et d'autre part à ces enclaves du département du Nord ac-
tuel que les Français ont nommées la Flandre flamingante
à cause de l'usage du flamand qui s'y est maintenu. Il est
intéressant pour nous de rappeler ici que les arrondisse-
ments de Saint-Omer (Pas-de-Calais), de Dunkerque et
d'Hazebrouck (Nord) présentent encore 202 communes où
la langue flamande est plus ou moins restée la langue ma-
ternelle des babitants.
Personne ne saurait le nier, il existe aujourd'hui une
tendance générale vers une reconstitution des différents
peuples par groupes de nationalité d'origine. Chacun d'eux
cherche à se rattacher, par l'idiome parlé, au rameau pri-
mitif commun. Les traités politiques ont eu beau démem-
brer des nations homogènes pour en parquer les lambeaux
— 49 —
selon les caprices et les exigences des intéressés, le lien
qui rallachail les différents tronçons de ces groupes entre
eux, à savoir une langue similaire, est denieuré inaltéré :
il sert à refaire, de nos jours, les anciennes nationalités de
race, comme elles existaient dans le passé, sans qu'il soit
nécessaire, pour rétablir cette unité ethnographique, de
rêver des remaniements impossibles, ou de toucher aux
délimitations des états existants. Dans le Nord, c'est une
partie du Schleswig et le Holstein qui revendiquent leur
origine allemande, sans cesser de rester Danois sous le
rapport politique. En Suisse, dans le Piémont, dans Tile
de Corse, les populations qui parlent la langue de Florence
et de Naples entendent se rattacher, par ce trait d'union
commun, au rameau italien, tout comme les habitants des
cantons helvétiques allemands, les Luxembourgeois, les
Alsaciens se font honneur d'appartenir à la race germani-
que; comme les Suisses de Genève, les Belges de nos pro-
vinces wallones et les Savoisiens de Chambery se procla-
ment issus de la souche romane, dont ils ont conservé
l'idiome. C'est là un grand fait historique, qu'il faut
accepter parce qu'il est le résultat normal de la nature
même des choses (i). Nous ne pousserons pas plus loin ces
simples réflexions. S'attacher à la langue maternelle, est
une loi générale; c'est la marche régulière de toute nation
qui se ressouvient encore de sa dignité et qui veut conser-
ver son caractère propre, en dépit des déchirements aux-
quels les caprices des rois et de la diplomatie les soumet-
tent, souvent sans les entendre.
Ce remarquable mouvement est surtout sensible en Bel-
gique, où deux groupes ethnographiques de race diverse,
(i) D'iiitércssanles considérations ont élé publiées sur cet important sujet
par H. Van den Hove (Delecourt), dans son ouvrage intitulé : Le flamand, son
passé el son avenir, et par P. Lebrocquï, dans ses Analogies linguistiques.
— 50 —
presque égaux en forces numériques, se trouvent en pré-
sence: l'un (l'origine germanique, l'autre d'origine romane.
La statistique officielle décennale de la population belge,
dressée en 184G, accusait une population indigène de
56,000 habitants pour qui la langue allemande est la
langue maternelle; de 2,500,000 pour qui elle est le fla-
mand, et de près de 1,800,000 qui parlent le français ou
le wallon de naissance. Nous ne savons s'il y a eu progres-
sion depuis cette époque pour le chiffre de l'un ou l'autre
de ces groupes, dans la statistique faite en 1836; car les
tableaux qui ont été distribués à cette occasion, n'offraient
plus de colonnes destinées à recevoir la mention de la lan-
gue parlée par les familles inscrites.
Nous nous en tenons donc aux chiffres officiels, publiés
il y a dix ans. On y voit que pour la majorité de la popu-
lation belge, c'est le flamand qui reste la langue maternelle.
Pour ceux qui prétendent quelquefois encore que cette lan-
gue maternelle, prédominant ainsi dans un document aut-
hentique, n'est qu'un patois, dépourvu de culture littéraire,
nous répondrons par un document péremptoire, à savoir
par la Bibliographie de tous les ouvrages, publiés en langue
flamande en Belgique de 1850 à 18o5, — relevé détaillé et
considérable, qui embrasse toutes les connaissances humai-
nes, depuis la théologie jusqu'aux mathématiques, depuis
l'histoire jusqu'à la philosophie, les belles-lettres, la juris-
prudence et les sciences physiques, — vaste catalogue où
plusieurs milliers de livres attestent l'activité intellectuelle
de la population thioise de notre pays (i).
Nous invoquons volontiers ici le témoignage d'un savant
compétent en fait de linguistique, M. Arthur Dinaux, qui
(1) Celle excellente noinenclalure est due aux savantes et patientes investi-
gations de M. le docteur Snellaerl; elle a été publiée à Gand en ISj?, par le
comité du WUlems-Fonds, n° 26, in-S", 230 pages.
— 51 —
s'exprime de la manière suivanle au sujet de la langue fla-
mande : « Le flamand est une langue naïve et riche qu'on
«appelait jadis le thiois et qui se rapproche tout autant de
»sa langue mère, le tudesque, que le roman se ramène vers
»le latin, sa source maternelle; on ne saurait considérer
»le flamand, comme un patois, quand on remonte aux an-
Bciennes œuvres composées en cette langue Les
«grammaires, les lexiques, toute une littérature, consti-
» tuent parfaitement un idiome »(i).
D'ailleurs, le hollandais, malgré de rares différences dans
l'orthographe et dans la tournure des phrases, n'est-il pas
pour les gens lettrés la même langue? Écrit, n'est-il pas
compris indistinctement par tous les Flamands de Bel-
gique? Or, dans le royaume des Pays-Bas actuel, il y a
encore 5,500,000 individus qui font usage du même
idiome. Et quelle belle et féconde littérature ce pays n'a-
t-il pas produit depuis Vondel et Cats jusqu'à Bilderdyk,
que nous avons vu mourir, il y a vingt-cinq ans.
Il y a donc là un noyau de près de 0,000,000 d'hom-
mes (non compris les Colonies néerlandaises) pour qui la
langue thioise est l'idiome usuel, l'organe de la littérature
et des affaires de tous les jours.
Tout ce qui tend à renforcer ce respectable groupe
ethnographique, mérite toutes nos sympathies et doit nous
intéresser, en même temps qu'exciter la sollicitude de
ceux qui veulent le maintien de la nationalité flamande.
C'est à ce titre que nous ne saurions rester indifférents
aux efforts vraiment remarquables qu'on a tentés, depuis
quelques années, dans le déparlement du Nord, pour y
recueillir les traditions de la langue parlée et pour y ra-
viver une littérature, sœur de la nôtre.
Nous trouvons ces honorables tentatives, résumées avec
(1) Archives du Nord de la France, t. VI, p. 86 (Valcnciennes, 1858, in-S").
— 52 —
I)canconp de soin et (J'exî)c(iludc dans les publications du
Comité flamand de France, présidé aujourd'luii par son
fondateur, M"" Ed. De Coussemaeker, un des savants les
plus éminenis de ce pays et dont les recherches sur l'his-
toire de la musique ancienne ont une réputation euro-
péenne et justement méritée.
C'est le 10 avril 18o5 que ce Comité fut érigé, dans la
ville de Dunkerque — centre de la population flamingante
de France — par MM. De Coussemaker, L. De Baecker,
A. Ricour, R. de Bertrand, H. Bernaert et P. Menebo, tous
hommes instruits et dévoués, qui n'ont vu dans cette insti-
tution que des litres de gloire à revendiquer et d'honorables
souvenirs à faire revivre, sans y vouloir mêler l'amertume
des antagonismes de race ou des récriminations impruden-
tes et inutiles sur des faits accomplis.
Celte association, recrutée de lout ce qui était sympa-
thique à sa patriotique entreprise, décida immédiatement
de publier des Annales où serait recueilli tout ce qui inté-
resse l'histoire, la biographie, les arls, la littérature, les
monuments, la topographie de la partie flamande de la
France.
Loin de s'opposer à l'existence de celle société, le mi-
nistre de l'Instruction publique de cette époque, M. For-
foul, dont on regrettera longtemps la perte prématurée,
s'empressa d'accorder l'autorisation nécessaire pour l'éta-
blir, l'encouragea par une souscription et lui offrit son
actif concours.
Le Comité se mit ensuite en rapport avec les différentes
sociétés flamandes qui se livrent aux mêmes travaux, ainsi
qu'avec les savants de notre pays qui s'élaient signalés par
leur dévouement éclairé à la cause de la littérature fla-
mande. Il décida de former une bibliothèque de livres
flamands et de publier une bibliographie des ouvrages
parus en France dans cette langue. Enfln il s'associa un
— 55 —
grand nombre de membres honoraires et résidants parmi
les hommes les plus recommandables do la France et de
l'étranger.
Ainsi constituée, l'association, qui prit pour devise :
Moedertael en vaderland, se montra dès son début forte,
féconde, active, et au commencement de l'année 1834, elle
faisait déjà paraître le l'^'" volume de ses Annales, où, —
outre ses statuts, la liste des membres, les procès-verbaux
des séances, les communications des sociétaires, l'extrait
de la correspondance, — nous trouvons les monographies
suivantes, qui toutes sont d'un haut intérêt pour notre
littérature :
1" Lettre à M. De Coussemaker, par M. Carlier, de
Paris (sur l'importance de Dunkerque et de l'ancienne
Flandre maritime).
2" 't Kribbetje ou la Nativité du Christ, chez les Fla-
mands de France, par l'abbé Carnel.
3" Dernier chant de N. Ricour, traduit en vers français
par A. Ricour, son fils.
4° Chants historiques, par W E. De Coussemaker.
5" Dévotions populaires chez les Flamands de France
de l'arrondissement de Dunkerque, par R. de Bertrand.
6" Notice sur deux MSS. flamands, par L. De Baecker.
La première partie de la Bibliographie flamande de
France, due en grande partie à M, De Coussemaker, y
Ogure. Elle contient 168 titres d'ouvrages flamands, tant
manuscrits qu'imprimés.
Dans le deuxième volume, imprimé en 1853, les articles
n'ont pas une importance moins grande ; nous y remar-
quons les suivants :
1° Instructions relatives aux dialectes flamands et à la
délimitation du français et du flamand dans le nord de la
France, par E. De Coussemaker.
2° Noëls dramatiques des Flamands de France, par l'ab-
bé Carnel.
— 54 —
3" Des calendriers chez les Flamands et les peuples du
Nord, par L. De Baecker.
4-" Dévolions populaires chez les Flamands de France
de l'arrondissement dllazebrouck, par R. de Bertrand.
5° Les armoiries des anciennes institutions religieuses,
féodales et civiles des Flamands de France, par M"" J. J.
Carlier.
6° Carillon et cloches de Dunkerque, par C. Thélu.
On y continue aussi la Bibliographie flamande, qui y
atteint le chiffre de 275.
Enfin le troisième volume des Annales, publié il y a
quelques semaines et qui témoigne de la louable et inces-
sante activité des hommes qui dirigent cette entreprise lit-
téraire, renferme les notices qui suivent :
\° Ypres et Saint-Dizier, par J. J. Carlier.
2° Notice sur J. A. Maquet, par R. de Bertrand.
0° Noms de baptême, avec leurs contractifs et diminu-
tifs en usage chez les Flamands de France, par C. Thélu.
4° De l'origine et de l'orthographe des noms de famille
des Flamands de France, par L. De Baecker (i).
5° De la pénalité chez les Flamands de France, et parti-
culièrement à Dunkerque, au XVP siècle, par V. De Rode.
6" Délimitation du flamand et du français dans le Nord
de la France, par M"" E. De Coussemaker, avec une carte
de M. Bocave.
C'est ce dernier travail que nous reproduisons à la suite
de cet article, avec l'autorisation de l'auteur; nous y joi-
gnons l'excellente carte linguistique de M. Bocave, qui
l'accompagne.
A partir de l'année dernière, le Comité flamand a aussi
fait paraître un bulletin bismeusuel, destiné à initier les
(1) Voir un travail du même genre, que nous avons publié en 1846, dans
lu Tadverbond d'Anvers.
— 55 —
membres de celte association à ses moindres travaux inté-
rieurs, but que ne pouvaient remplir assez promptemenl
les Annales, celles-ci n'étant publiées que tous les ans; six
numéros de ce Bulletin, formant la série de Tannée 1857,
résument toutes les communications reçues et les procès-
verbaux des séances tenues pendant ces douze mois. Cette
annexe est donc le complément indispensable des Annales
du Comité flamand de France.
Comme couronnement de celte œuvre de réparation, le
Comité flamand a voulu donner un échantillon des poésies
dues à des Flamands de France. A cet effet, il a fait pa-
raître, en 1855, le 1" cahier d'un recueil intitulé : Letter-
vruchten der Vlamingen van Vranknjk; nous y trouvons des
pièces de vers de Le Comte, Michel De Swaen, Baey, de
Bcaurepaire et A. Steven, qui ne manquent ni de verve ni
d'élégance. Nous espérons que ce recueil n'en restera pas
à ce premier essai.
Nous voudrions pouvoir nous étendre sur le mérite de
chacune des notices, de chacune des pièces imprimées dans
les publications de la Société flamande de Dunkerque. Mais
l'espace nous manque.
Certes tous ces travaux qui se rapportent à la géogra-
phie, aux noms de lieux, à la littérature flamande propre-
ment dite, ne sont pas irréprochables sous le point de vue
de l'exactitude et des considérations qui y sont émises.
Toutefois il est utile de noter que les littérateurs flamin-
gants de France écrivent au milieu d'une décadence déjà
ancienne de la langue et des choses d'un petit groupe de
peuple, qui s'est oublié dans une longue inertie, qui a sou-
vent perdu ses traditions nationales et que, le Gouverne-
ment aidant, le puissant peuple de race romane qui l'envi-
ronne, tend sans cesse à absorber et à anéantir.
Quoi qu'il en soit, nous sommes saisis d'un respectueux
étonnement en présence de ces nobles efforts, qui ont pour
— 56 —
but la reconstilution diiïicile d'un glorieux passé, oblitéré
par deux siècles de dominaliou intérieure et d'indifférence
individuelle.
Cinq ans à peine ont suffi pour poser les bases de ce
monument élevé à une population que l'on croyait défini-
tivement détachée du rameau primitif, et qui lout-à-coup
revit, pleine de sève et d'avenir, sous l'inspiration d'hom-
mes généreux et animés du patriotisme le plus pur.
Les Flamands de Belgique saluent cette entreprise avec
bonheur, comme l'aurore d'une résurrection littéraire pro-
chaine; ils applaudissent à ce retour à la vie d'une fraction
de la vieille nation flamande, que des démarcations politi-
ques n'empêchent point de jeter un regard sympathique
sur des frères qui leur tendent une main amie par-dessus
la frontière, pour poursuivre ensemble un but commun,
celui de la civilisation du peuple par la culture d'une
langue similaire.
Gaud, mars 1838. „„ r, f^
B" DE Saint-Genois.
Délimitation du Flamand et du Français dans le No)'d de
la France, par E. De Coussemaker.
Tout le monde sait qu'à la suite des guerres entre la France
et l'Espagne, sous Louis XIV, une portion de la Flandre occi-
dentale fut incorporée dans le domaine de la France et y reçut
le nom de la Flandre Flamingante. A la Révolution de 89, la
Flandre Flamingante fut divisée en deux parts qui devinrent
les arrondissements actuels de Dunkerque et d'IIazebrouck,
Mais ce qui n'est pas aussi généralement connu, c'est que la
langue flamande, qui était la langue maternelle du territoire
conquis, est demeurée celle du pays, après son annexion à la
— 57 —
France. Jusqu'à ce jour, ainsi que nous l'avons dit ailleurs (i),
elle est restée debout et pleine de vigueur, maigre le contact
incessant des habitants avec d'autres mœurs et un autre idiome,
malgré ce qu'on a pu faire pour l'étouffer ou l'anéantir; malgré
les ordonnances de Juin 1663 et de Décembre 1664, corrobo-
rées par le décret du 2 Thermidor an II (2).
Cependant, il faut le dire, il s'est opéré certaines modifica-
tions, non dans l'intérieur du pays, non sur les frontières du
Nord qui touchent à la Belgique, mais sur les limites méridio-
nales dont les habitants sont en contact direct et journalier
avec ceux du Pas-de-Calais pour leurs besoins commerciaux,
industriels et agricoles.
En 1845, la commission historique du département du Nord
a jugé qu'il pouvait être utile, au point de vue de la philologie,
de rhistoire et de l'ethnographie, de constater par une carte de
délimitation, l'état de la langue flamande et l'étendue qu'elle
embrassait sur le territoire français. Cette constatation a été
faite sur des documents officiels fournis par MM. les maires (3).
Le Comité Flamand de France, en raison tant de son insti-
tution que du temps qui s'est écoulé depuis cette constatation,
a pensé qu'il lui appartenait de faire un travail analogue sur
des bases qui lui ont paru les plus propres à obtenir un résul-
tat précis et certain. Dans des instructions relatives aux dialec-
tes flamands et à la délimitation du flamand et du français
dans le Nord de la France, insérées dans les Annales du
Comité, tome II, on a indiqué ces bases, en manifestant l'in-
tention de dresser une carte topographique d'après les ren-
seignements qui seraient donnés. Ce projet est aujourd'hui
réalisé; la carte est exécutée. Le Comité la doit au zèle et aux
soins d'un de ses membres résidants, M. Bocave, commandant
d'artillerie à Dunkerque. Au moyen de cette carte, annexée au
présent travail, il sera facile d'embrasser d'un coup-d'œil l'en-
(1) Annales du Comité Flamand de France, t. I. p. 1.
(2) Lettre de M. Carlier, ibid., p. 103.
(5) Bulletin de la Commission historique du département du Nord, l. III,
p. 51.
— 58 —
semble de l'état actuel et respectif des deux langues, flamande
et française, dans le Nord de la France; c'est-à-dire d'une part
dans les arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck, qui
forment aujourd'hui en grande partie la portion de la Flandre
incorporée dons le territoire français par Louis XIV, ainsi qu'on
l'a dit plus haut, et de l'autre, dans la partie de l'Artois,
aujourd'hui département du Pas-de-Calais, où, dans un temps
plus ou moins éloigné de nous, la langue flamande était d'un
usage presque général, comme l'a très-bien démontré M. Cour-
tois, secrétaire adjoint de la Société des Antiquaires de la
Morinie, et membre du Comité, dans son remarquable opuscule
intitulé : L'Ancien Idiome Audomarois, Saint-Omer, 1856.
Pour arrivera une constatation uniforme, certaine et officielle
en quelque sorte, une commission, nommée dans le sein du
Comité et composée de MM. l'abbé Carnel, Derode et de Cous-
semaker, a rédigé un questionnaire qui, par l'entremise de
Messieurs les Sous-Préfets de Dunkerque, d'Hazebrouck et de
Saint-Omer, à qui nous nous empressons d'off'rir ici l'expression
des remercîments du Comité, a été envoyé aux curés, aux in-
stituteurs et à la plupart des maires des communes des ar-
rondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck; et dans le
département du Pas-de-Calais, aux maires, aux curés et aux
instituteurs des communes de Clairmarais, Saint-Foiquin, Haut-
Pont, Lysel, Sainte-Mariekerque, Nouvelle-Église, Offekerque,
Saint-Omer, Saint-Omer-Capel, Oye, Rackenghem, Ruminghem,
Vieille-Église et Wardrèque.
En 1845, la commission historique du département du Nord
s'était contentée d'envoyer son Questionnaire aux maires seule-
ment; cela nous a paru insuffisant. Le maire d'une commune
est ordinairement choisi parmi les personnes les plus éclairées
de la localité, cela n'est pas douteux; pourtant il est souvent
bien moins à même que le curé et l'instituteur à constater tout
ce qui peut servir de base à un travail comme celui dont il s'agit
ici. Le curé et l'instituteur, qui sont journellement en rapport
direct avec toutes les classes de la population^de leur commune,
pouvent donner des renseignements plus positifs et plus cir-
constanciés.
— 59 —
Voici le questionnaire qui a été envoyé :
Dans la commune de —
d" Parle-t-on exclusivement flamand? — 2" Parle-t-on exclu-
sivement fiançais? — 3° Parle-t-on les deux langues? —
4° Est-ce le flamand qui domine? — 5" Dans quelle proportion?
— 6° Est-ce le français qui domine? — 7° Dans quelle propor-
tion?^— 8" Préche-t-on exclusivement en flamand? — 9° Prèche-
t-on exclusivement en français? — 10" Préche-t-on dans les
deux langues? — 11° Dans quelle proportion? — 12° Le caté-
chisme pour la première communion se fait-il en flamand? - —
13° Le catéchisme pour la première communion se fait-il en
français? — IA° Publie-t-on les bans de mariage en flamand?
— 15° Les fidèles se servent-ils de livres de prières flamands?
— 16° Est-ce le plus grand nombre? — 17° Est-ce le plus
petit nombre? — 18° Lil-on des livres flamands? — 19° Lit-on
les annales de la propagation de la foi en flamand? — 20° Dans
quelle proportion avec les mêmes annales en français (i)?
Ce questionnaire a été conçu à un double point de vue :
i° les demandes ont été posées de telle façon que les réponses
pouvaient se faire par oui ou par non; ce qui, en évitant l'em-
barras, l'équivoque, la contradiction ou la confusion, était en
même temps de nature à donner de l'uniformité et de la sim-
plicité aux réponses; 2° les questions ont été combinées de ma-
nière que les réponses faites aux demandes secondaires devaient
servir à contrôler, à préciser et à corroborer la question domi-
nante, celle qui consiste à savoir dans quelle proportion le
flamand est parlé dans chaque commune. Par exemple : lors-
qu'il a été répondu que, dans telle commune, on parle flamand
et français, le flamand prédominant dans une proportion déter-
minée, et qu'il y est ajouté que, dans cette même commune, on
prêche exclusivement en flamand, que les instructions religieu-
ses pour la première communion et les publications au prône
s'y font aussi exclusivement en flamand; qu'en outre, le plus
(1) Ce questionnaire était terminé par quelques demandes plus particuliè-
rement relatives aux dialectes flamands, qui feront l'objet d"un travail spé-
cial destiné à être publié dans un des prochains volumes des Annales.
— 60 —
grand nombre de ses habitants se servent de livres de prières
flamands, on peut dire avec une sorte de certitude que cette
commune est exclusivement flamande. C'est ainsi que nous
avons procédé dans la rédaction du tableau qui est donné plus
loin; c'est ainsi également qu'a procédé M. Bocave dans l'éta-
tablissement de sa carte coloriée.
Mais dans l'un comme dans l'autre de ces documents, il a
fallu s'en tenir aux résultats généraux, laissant de côté les
accessoires de peu d'importance. 11 eût été en effet impossible
de marquer par des teintes graduées les proportions minimes
pour lesquelles l'élément français entre dans certaines com-
munes. L'auteur de la carte, pour rester dans des mesures
praticables et même pour éviter la confusion, a donné une
teinte uniforme à chacune des communes, selon celle des quatre
catégories à laquelle elles appartiennent; il a fait abstraction
des nuances modificatives, abandonnant à l'auteur du présent
écrit le soin d'indiquer ces nuances. De toute façon d'ailleurs,
ce genre de travail n'est pas susceptible d'une exactitude
rigoureuse et mathématique. Malgré les précautions prises à
cet égard, toutes les réponses ne sont ni assez précises ni assez-
catégoriques. II en est qu'il a fallu parfois interpréter; d'autres
même à l'insuflisance desquelles on a dû suppléer par une
évaluation dont les bases ont été puisées à d'autres sources.
Mais, dans ces cas exceptionnels, on a consulté les membres
du Comité qui étaient le mieux à même de donner des ren-
seignements exacts.
Les réponses faites au questionnaire s'élèvent à deux cent
deux. Elles se répartissent ainsi : quatre-vingt-dix-neuf éma-
nent de l'arrondissement de Dunkerque; quatre-vingt-onze de
l'arrondissement d'Hazebrouck; seize de l'arrondissement de
Saint-Omer.
[M, De Coussemaker fait suivre cette partie de son travail
d'un tableau, divisé en un grand nombre de colonnes et rédigé
en réponse du questionnaire mentionné ci-dessus. Ce tableau
n'étant pas indispensable à l'intelligence du sujet, nous croyons
pouvoir le supprimer sans inconvénient dans cette reproduc-
tion de l'article de M. De Coussemaker].
— 6J —
Nous avons dit pins haut (pril a été impossiblo, dans la carte
et dans le tableau qui précèdent, de tenir compte dos propor-
tions minimes pour lesquelles l'élément français entre dans telle
ou telle commune. Il a fallu cependant s'arrêter à un degré
quelconque, et déterminer la fraction à négliger. On a pensé
que la limite pouvait être fixée à un dixième, sauf à indiquer
ici les proportions pour chaque commune; ce que nous allons
faire. Ainsi, dans l'arrondissement de Dunkerque, on compte
onze communes où moins d'un dixième et plus d'un vingtième
de la population parlent français, ce sont : Bierne, Broucker-
que, Bollezeele, Coudekerque, Eringhem, Hoymille, Leder-
zeele, Rexpoede, Socx, Spycker et Steene. Il en sept où soit
un vingtième, soit moins d'un vingtième seulement des habi-
tanls parlent français; ce sont : Drincham, Ekelsbeque, Oost-
cappel, Pitgam, Quadypre, Watten et Wormhout. Dans l'arron-
dissement d'Hazebrouck, il y a cinq communes, savoir: Berthen,
Oxelaere, Pradelles, Staple et Zuydpeene, où moins d'un
dixième et plus d'un vingtième des habitants parlent- la langue
française. On en compte quatre, savoir : Cassel, Merris, Méte-
ren et Rubrouck, où la proportion est inférieure à un vingtième.
Dans les communes où l'on prêche dans les deux langues, ce
n'est pas non plus partout dans des proportions égales. On prêche
alternativement en français et en flamand à Bailleul, à Bergues,
à Hoymille, à Petit-Synlhe et à Pradelles. A Cassel, à Haze-
brouck et à I^ysel, on prêche en flamand deux fois sur trois; à
Lynde, quatre fois sur cinq; à Lederzeele et à Steenbèque,
trois fois sur quatre; à Sercus, neuf fois sur dix; au Haut-
Pont, une fois sur trois.
Là où les instructions pour la première communion se font
dans les deux langues, c'est, par rapport aux enfants, dans les
proportions suivantes : à Bailleul, Bergues, Hoymille, Pctite-
Synlhe, Pitgam, Sercus, Steenbèque, Wulverdinghe et Zuyd-
coote, il y a proportion égale. A Merris, les quatre cinquièmes,
à Spycker, les trois quarts, à Lederzeele, les deux tiers des
enfants font leur première communion en flamand.
L'examen de la carte révèle aussi certains faits qu'il nous
paraît intéressant de signaler : 1" toutes les communes Ion-
— 62 —
géant la frontière belge, à partir de Ghyvelde jusqu'à Bailleul,
sont exclusivement flamandes; 2° toutes les communes, au con-
traire, qui sont en communication directe avec la partie méri-
dionale du département du Nord ou avec le département du
Pas-de-Calais, sont des localités où le français règne seul;
comme du côté de la mer, Gravelines et Saint-Georges, et du
côté opposé, Thiennes, Haverskerque, Merville, Neufberquin,
Estraires, la Gorgue, Steenwerck et Nieppe, ou bien des com-
munes où Ton parle les deux langues, mais avec prédominance
du français; comme Bourbourg, Saint-Pierrebrouck, Rumin-
ghem, Holque, Watten, Saint-Momelin, le Haut-Pont, Lysel,
Clairmarais, Renescure, Blaringhem et Boeseghem; 3° les com-
munes d'Ebblinghem, Lynde, Sercus, Hazebrouck, Morbeke,
Steenbèque, Vieux-Berquin et Bailleul, où l'on parle les deux
langues, avec prédominance du flamand, servent d'intermé-
diaire entre les communes exclusivement flamandes et les
communes exclusivement françaises. Il en résulte que le groupe
des communes où le flamand règne seul, se trouve bordé de
tous côtés par des communes où les deux langues sont cultivées
et qui servent ainsi de transition entre les deux extrêmes. Cet
état de choses nous semble favorable au maintien actuel des
choses.
En rédigeant le questionnaire, on avait pensé qu'un des
modes de constater la prédominance du flamand ou du français
dans une commune aurait pu s'induire de la lecture des
Annales de la propagation de la foi dans l'une ou l'autre langue.
Mais il a fallu renoncer à ce mode de constation, par la raison
que, dans un grand nombre de communes, dans celles mêmes
où le flamand est exclusivement en usage, les Annales flaman-
des sont repoussées à cause de leur traduction, peu ou point
compréhensible pour les habitants de notre Flandre. Ce motif
se trouve consigné dans plusieurs réponses faites en regard de
la dix-neuvième question. C'est le cas de répéter ici ce que
nous avons dit ailleurs (i), à savoir que les Flamands de
France qui lisent et comprennent très-bien les auteurs belges
(i) Chants populaires des Flamands de France. Introduction, p. xxii.
— 63 —
et hollandais des XVIP et XVIII" siclcs, ont la plus grande
peine à comprendre les livres modernes édités en Belgique.
Cela provient de ce que la langue flamande est restée station-
naire dans notre Flandre, tandis que, en Belgique, depuis
environ un demi siècle, elle a fait un pas vers le hollandais,
qui lui-même s'est quelquefois rapproché de l'allemand. Nous
admettons volontiers que le flamand et le hollandais ne sont
pas deux langues distinctes, qu'ils ne forment au contraire
qu'une seule et même langue ; mais on n'en est pas moins
arrivé à cette situation qu'une portion de Flamands, surtout
ceux qui n'ont pas été à même de suivre la marche de la
langue, comprennent difficilement les ouvrages composés dans
le style moderne des Belges. Quant à nous, Flamands de
France, nous sommes, comparativement aux Belges et aux
Hollandais, ce que sont les Saxons comparativement aux Prus-
siens et aux Autrichiens; les Saxons parlent plat-deutsch, et les
Flamands de France parlent plat-vlaemsch (i).
A côté des réponses faites aux questions d5, 16 et 47, rela-
tives à l'usage des livres de prières, nous trouvons deux obser-
vatons qui méritent d'être mentionnées. On y fait remarquer :
1" que dans les localités où l'on se sert de livres, partie fla-
mands, partie français, ce sont les personnes âgées qui font
principalement usage des premiers, et les jeunes gens des
seconds; 2" que la plupart de ceux qui se servent de livres
français ne les comprennent pas. Dans quelques communes, on
attribue la préférence donnée aux livres français à la difficulté
de se procurer des livres flamands, et de se les procurer surtout
aux prix des livres français.
L'examen de notre tableau et l'inspection de la carte démon-
trent que, si le flamand a une tendance à se retirer devant la
langue française, cette marche est très-lente. Il n'en est pas de
même de l'état littéraire de la langue; sous ce rapport il y a
décadence complète en quelque sorte. Il ne s'agit pas ici d'un
état littéraire avancé; nous voulons parler seulement de l'in-
struction élémentaire. On peut dire que la génération actuelle,
(I) ibiti.
— ex-
celle qui fréquente les écoles, est dépourvue, presque totale-
ment, (rinstruction flamande. Cela provient de ce que, depuis
quelques années, il n'est plus permis aux instituteurs, même
aux instituteurs libres, d'enseigner le flamand. Cet état de
choses est très-fàcheux à divers points de vue. Le Comité Fla-
mand de France en a signalé les inconvénients (i). Qu'il nous
soit permis d'appeler l'attention sur un des points qui nous pa-
raît des plus importants. Du train dont marchent les choses, on
est à la veille de voir se produire cette situation que, dans un
temps donné et rapproché de nous, il ne se trouvera plus un
notaire ni un homme d'aff'aires capable de lire ou de déchiffrer
les papiers ou titres qui, dans toutes les familles du pays, sont
exclusivement en flamand. Qu'arrivera-t-il de là? Qu'il faudra
s'adresser à des traducteurs belges ou hollandais. Ne sera-ce
pas une houle pour nos descendants de devoir recourir à des
interprètes pour des actes où il s'agit des intérêts les plus gra-
ves et les plus précieux, ceux qui se rattachent aux droits de
propriété et à l'existence des familles?
Il serait si facile cependant de parer à un inconvénient aussi
sérieux, en établissant dans nos écoles et dans nos collèges, à
côté des cours anglais, d'italien et d'allemand, un cours de fla-
mand. Certes, il serait au moins aussi utile aux habitants de
notre pays de pouvoir lire et comprendre des titres intéressant
les affaires de leur famille que de lire et d'interpréter Shak-
speare, le Tasse ou Schiller. Mais disons plus : loin de nuire à
l'interprétation des langues étrangères, le flamand est le véhi-
cule le plus facile et le plus sûr pour apprendre toutes les
langues du Nord. Jusqu'à présent on ne s'est guère aperçu du
danger dont on est menacé; mais qu'on y prenne attention, on
est sur le point de voir se produire l'état de choses que nous
venons de signaler.
En comparant le résultat constaté par la Commission histori-
que du département du Nord, en 1845, à celui que nous venons
de faire connaître, en voit qu'à part quelques légères différen-
ces, qui peuvent être attribuées à des renseignements plus
M) Annales du Comité Flamand de France.
— 65 —
ou moins exacts ou précis, il ne s'est guère opéré de modifica-
tions essentielles dans le groupe de communes teintées en vert
foncé sur notre carte. Les changements qui se manifestent ont
eu lieu dans les communes du Pas-de-Calais et dans quelques-
unes du département du Nord qui longent la ligne séparative
du département du Nord et du Pas-de-Calais. Ainsi, dans la
carte de la Commission historique, les communes du Pas-
de-Calais situées entre Gravelines, Offekerque, Noordkerque,
Zuydkerque et Saint-Omer, savoir : Clairmarais, Saint-Foiquin,
le Haut-Pont, Saint-Omer-Cappelle, Oye, Ruminghem et Vieille-
Eglise, étaient, en 1845, des communes où l'on parlait encore
flamand, tandis qu'aujourd'hui le flamand n'est en usage que
dans les communes de Ruminghem, le Haut-Pont, Lysel et
Clairmarais seulement, et cela dans une proportion plus ou
moins faible. Sur la carte en 1845, les communes de Morbèque
et Steenbèque sont indiquées comme exclusivement flamandes;
aujourd'hui elles doivent être rangées parmi les communes où
les deux langues sont parlées, mais où le flamand domine.
Tel est le résultat des documents qui ont été rassemblés par
le Comité. Nous pensons qu'un jour ils seront utiles aux philo-
logues et aux historiens. Ils pourront aujourd'hui même ne
pas être sans intérêt pour ceux qui s'occupent d'études statisti-
ques, soit au point de vue administratif, soit au point de vue
ethnographique.
Faisons remarquer, en terminant, que notre travail est un
travail d'actualité. H n'entrait pas et il ne pouvait entrer dans
notre plan de traiter les questions historiques qui peuvent s'y
rattacher et qui consistent particulièrement à savoir par qui et
à quelle époque le flamand a été importé dans notre pays,
jusqu'où se sont étendues ses limites, de quelle manière il s'est
rétiré des localités où il était en pleine vigueur au XH*^ siècle, etc.
Toutes ces questions des plus intéressantes seront traitées, il
faut l'espérer, dans le sein du Comité. Nous faisons des vœux
pour que ce soit le plus tôt possible.
Cel arlicle était imprimé, lorsqu'un professeur de notre
— 66 —
ville, M. Benoit Cauwel, parfaileinent familiarisé avec les
études linguistiques, a bien voulu nous communiquer quel-
ques observations sur la carte de M. Bocave. Nous croyons
que Tappréciation que nous avons donnée des travaux du
Comité flamand de France, serait incomplète si nous ne
faisions suivre la notice de M. De Coussemaker de ces con-
sidérations critiques :
Le Comité, en faisant dresser la carte ethnographique des
cantons où la langue flamande s'est conservée jusqu'à nos jours,
a fait une œuvre particulièrement utile. Pour les Flamands de
Belgique, qui s'intéressent au succès de la tentative de régéné-
ratioa de notre vieille langue, elle est indispensable. De plus,
c'est un document précieux, laissé aux générations futures. En
effet, quel trésor inestimable ne serait-ce pas, pour tous ceux qui
s'adonnent à l'étude de l'histoire de nos antiquités, qu'une série
de cartes au moyen desquelles on pourrait suivre pas à pas les
différentes phases de la lutte séculaire de deux puissants idio-
mes ; au reste, les soins minutieux avec lesquels l'idée a été
réalisée, prouve l'importance que le Comité y attachait. C'est
en raison même de cette importance que nous nous hasardons
à présenter quelques observations sur les données qui ont servi
de base à ce curieux travail. 11 nous a semblé que les précau-
tions mêmes qui ont été prises pour arriver à une précision ma-
thématique, ont quelque peu écarté les auteurs du but qu'ils
voulaient atteindre.
Ainsi, au nombre des questions posées aux maires et aux
curés des différentes communes, nous remarquons celles-ci :
Prêche-t-on dans les deux langues? Les enfants se préparent-ils
à la première communion en flamand ou en français? Les fi-
dèles se servent-ils de livres flamands ou français? Lit-on les
livres français?... 11 nous a semblé que les réponses faites à ces
diverses questions devaient nécessairement avoir pour résultat
d'embrouiller la question plutôt que de l'éclairer.
Est-ce que l'avantage d'avoir reçu une certaine instruction,
d'être plus ou moins versé dans la langue française, vous fait
perdre la qualité de Flamand? Depuis l'annexion de la Flandre
flamingante, tous les gouvernements qui se sont succédé se sont
— 67 —
montrés ou indilïérents ou hostiles à la culture de la langue
flamande. Partout, depuis l'essor donné à l'enseignement pri-
maire, depuis la loi de 1833, le français a pris uue prédomi-
nance marquée. L'école normale a déjà fourni un grand nombre
d'instituteurs, en général imbus de préjugés anti-flamingants.
Qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce que dans plusieurs communes,
grâce aux préventions du chef de l'école, à la tolérance du
clergé, et un peu aussi à l'amour-propre des parents, amour-
propre très-déplacé, mais qui n'en est pas moins très-réel, un
grand nombre d'enfants apprennent leur catéchisme en français
et lisent des livres français? Qu'y a-t-il encore d'étonnant à ce
que dans certaines localités renfermant quelques familles aisées
et instruites, quelques étrangers nouvellement établis, un curé
dont l'éducation a été presque exclusivement française, prêche
de temps en temps en français? Au surplus, un examen attentif
de la carte nous a affermi dans notre opinion. Il nous paraît
inadmissible de ranger dans la catégorie des communes mixtes
quelques localités, telles que Bergues, Hazebrouck, Morbecque,
Steenbecque, Lynde, Ebblinghem, etc., pas plus que Blaringhem
et Boeseghem.
Et d'abord, qu'est-ce qu'une commune mixte?
Est-ce une commune dont la partie-sud parle français, et la
partie-nord parle flamand? Au point de vue administratif, reli-
gieux, etc., oui; au pr)int de vue de l'ethnographe, non. Qu'im-
porte à ce dernier la délimitation souvent arbitraire d'agents du
gouvernement qui n'auront tenu aucun compte de l'élément
linguistique.
Est-ce une commune où tout le monde parle les deux lan-
gues? Cette commune-là, l'élément flamand la revendique
comme sienne; on n'a pas, en effet, deux langues maternelles,
et le fait même que tout le monde parle le flamand, décide la
question en faveur de ce dernier, qui n'est pas conquérant de
sa nature,
Appellerez-vous commune mixte celle où les deux idiomes
se mêlent sans se confondre, de façon à ce que la ligne de dé-
marcation soit impossible à tracer? Oui, sans doute, si une telle
commune existait; mais, si nos souvenirs sont exacts, la sépa-
ration entre les deux idiomes se fait en général brusquement :
— 68 —
Si je me dirige d'Hazebrouck à Saiiit-Omer, à Ebblinghem on
ne parle que le flamand, à Renescure on ne parle que le fran-
çais. Même observation sur la route d'Aire, Steenbecque est un
village flamand, Boeseghem un village français. Sur la route
d'Hazebrouck à Merville, la Motte-au-Bois est une aggloméra-
tion flamande, le hameau du Préavin est français. Quant aux
familles françaises qui s'établissent sur le territoire flamand et
réciproquement, nous croyons qu'il n'y a pas lieu d'en tenir
compte; car, dès la seconde génération, elles adoptent la langue
du milieu dans lequel elles vivent; c'est là un fait constant. On
pourra encore objecter que, si, dans les communes limitrophes,
l'aggloméré se sert d'un idiome exclusif, il n'en est pas de même
de la campagne. Ainsi le Préavin, qui dépend de la commune
de Morbecque, est français. La partie de Bailleul qui confine à
Steenwerck et à Nieppe, est française ; Boeseghem, Blaringhe,
Renescure ont certaines parties flamandes. A cela nous répon-
drons que le but du Comité a été de faire une carte ethnogra-
phique et non pas une carte administrative. Les limites des
communes ne sont ici d'aucune importance. Une langue ne se
prête pas aux caprices d'un ministre ou d'un préfet.
Nous dirons donc, pour résumer, qu'à notre avis il eût mieux
valu rejeter la nuance mixte, qui ne nous paraît pas avoir de
raison d'être. Nous sommes certain que si on dressait la carte
de nos Flandres belges sur les mêmes données, un grand nom-
bre de localités, à commencer par Gand, la capitale de la
Flandre, seraient rangées parmi les communes mixtes. Pour
être encore plus explicites , nous aurions restitué à l'élément
flamand pur : Ebblinghem, Lynde, Sercus, Steenbecque, Mor-
becque, Hazebrouck et Bailleul, ainsi que Looberghe et peut-
être Capellebrouck; nous aurions rangé parmi les communes
d'où le flamand est depuis longtemps exclu : Renescure , Bla-
ringhem , Boeseghem et Vieux-Berquin , sauf bien entendu à
restituer à l'élément contraire certaines fractions du territoire,
s'il y avait lieu. Quant à la base de notre délimitation, nous n'en
aurions pas eu d'autre que la notoriété publique, selon nous la
plus infaillible de toutes en cette matière.
— GO-
DES
RAPPORTS POLITIQUES ET COMMERCIAUX DES BELGES
PENDAMT l'Époque mérovingienne.
Chaque fois qu'il arrive par la volonté de Dieu qu'une
civilisation s'éteint, une autre la remplace, et celle-ci
n'accomplit sa mission providentielle qu'alors qu'elle con-
serve ce qu'il y a en elle de primitif et par cela même
d'irrésistible. Or, le monde nouveau fondé par les Francs
ne voulut pas se soumettre à ce programme immuable;
marchant en dehors des voies prescrites, il accueillit tout
ce qu'il y avait de séduisant dans les derniers échos du
monde ancien. Jeux publics et fêtes religieuses, folles
parures et somptueux habits, langue de Virgile et vins de
Sorrente, mœurs dissolues et façons hautaines : tout fut
prôné, admiré et adopté.
La victoire de Ziilpich remportée par Clovis et la céré-
monie du baptême de ce roi, nous montrent en effet l'épo-
que mérovingienne sous un double aspect. Les Germains
des forêts sont considérés comme des ennemis par leurs
frères de race, tant en Austrasie qu'en Bretagne, tandis que
les Romains, armés de la crosse abbatiale ou coëffés de
la mitre, regagnent pas à pas le terrain perdu (i).
(1) RoTH, Von dem Einflmse der Geisilichkeil uiUer dcn Merowingern, p. G.
— 70 —
La Belgique d'alors voit ses princes converlis transpor-
ter de Tournay leur résidence dans des villes gauloises,
qui offrent plus de ressources à la soif des plaisirs. Elle
n'a plus que la vie passive et incolore, propre à la province.
Les forestiers remplacent les rois. Les uns nient leur
existence, les autres en font, à l'aide d'une critique judi-
cieuse, les gardiens des frontières et des côtes, ou pour
mieux dire, les successeurs naturels des comités Ulloris
saxonici. Leur tâche est au-dessus de leurs forces. L'Angle-
terre, livrée à une aussi grande confusion de races et de
croyances, qu'au jour où, six siècles auparavant, Jules
César y prit pied, paralyse toutes leurs tentatives visant à
l'ordre et au repos. Les Angles et les Danois sont-ils battus
par les insulaires ou ceux-ci ont-ils le dessous? Une flotte
sort de la Tamise et se jette dans l'Escaut.
Parfois nos forestiers repoussent les envahisseurs, parfois
ils les accueillent : ce sont dans ce dernier cas des guer-
riers désarmés, découragés et vaincus qui demandent à se
mêler au peuple ou à aller vivre dans les bois (i). Il en est
ainsi jusqu'à la dernière heure du VP siècle. On vit alors
Ethelbert, le plus puissant d'entre les rois anglo-saxons,
obéir à la voix de son épouse Berlhe, fille de Karibert, roi
des Francs, et demander le baptême (2). Les prêtres et les
moines d'Angleterre, réfugiés chez nous, s'émurent à la
nouvelle de cet événement, mais ils ne regagnèrent pas
leurs foyers sans avoir payé la dette de l'hospitalité. Les
premiers venus d'entre eux avaient rencontré le martyre
dans nos provinces, parce que les populations, dans leur
profonde barbarie, ne voulaient comprendre de la religion
(1) De Bast, Traité de Vexislence chimérique des forestiers de Flandre,
imprimé à la suite d'un mémoire sur rinstilution des communes dans la
Belgique. Gand, 1819. — V. Acla SS. lielg., I. I, p. 4-40, .seq. — Gbégoiri;
DE Tours, liv. III, cli. 5.
(2) WiLKixs, Leg. Anglo-saxon Éd. de 1724, pp. ll-'2i).
— 71 —
nouvelle que Tobligalion de payer la dimc. Francs e(
Saxons baptisés avaient cru avoir agir logiquement en re-
venant peu à peu au culte aussi économique qu'accomo-
dant des divinités germaniques. Des régionnaires tels que
saint Amand, saint Wilfried, saint Lebewyn, saint Bavon
et saint Lambert, empêchèrent ce mouvement de se géné-
raliser (i). Les moines anglo-saxons les aidèrent de tout
leur pouvoir et parvinrent, par d'autres moyens que la
prédication, à adoucir les mœurs du peuple. On les vit sur
les terrains incultes, quj leur avaient été abandonnés par
les forestiers, faire mûrir de riches moissons et élever,
comme par miracle, des chapelles, des monastères et des
écoles. Oui, des écoles! Les premières sans doute qui sui-
virent dans nos contrées les bienfaits de TÉvangile. Elles
exercèrent une si bénigne influence sur les coutumes el
l'esprit public, que Pépin le Bref, frappé du secours que
la seule intention du clergé pouvait offrir à ses projets
ambitieux, ne manqua pas, à force de donations et de pri-
vilèges, de se concilier un puissant auxiliaire (2).
L'Église primitive avait manqué se perdre en parlant
latin; elle fut sauvée par d'humbles étrangers, qui con-
naissaient les idiomes vulgaires et savaient s'en servir avec
talent. Grâce à eux, Elnon et Luxeul, ces deux cloîtres
célèbres, se germanisèrent, et restèrent, pour le nord de
la Gaule, des centres de lumière. Jonas de Séguse nous le
donne à entendre dans sa biographie du bienheureux
Columban, l'un de ces moines venus d'Outre-Manche, De
son côté, le vénérable Bède affirme que saint Augustin
n'était accompagné que de membres du clergé italien,
(î) Veriioeven, Alfjemeyne inleijding lot de al-oudc en middtn-lydsrhc liil-
flisclie historié, p. 100.
(2) DoM Cellier, Hisl. r/cn. des aul. sac, l. XVII, p. ^t(i2 serf. — MiiiiL-
LON, Traité des éludes mn)ins., fli. I".
— 72 —
lorsqu'il quitta Rome pour venir dans le nord; mais qu'il
s'adjoignit en route des moines francs ou saxons et qu'il
dût, à celte excellente mesure, une grande part du succès
de sa mission (i).
Pendant que Grégoire de Tours compose ses annales
en son meilleur latin, qu'il avoue son mépris pour les pa-
tois des Ripuaires et des Saliens, et qu'il cherche à établir
qu'il a le bonheur de pouvoir compter un sénateur romain
au nombre de ses aïeux (2), de pauvres prêtres, qui ne
savent pas le latin et qui n'ont pas d'ancêtres romains,
renversent les divinités païennes et forcent les races diver-
ses et hostiles qui sont en présence, à vivre en nouveaux
chrétiens et fraternellement ensemble. Sur ce point comme
sur la marche du commerce et des relations de peuple à
peuple à celte époque, l'itinéraire de Willibald, publié par
les Bollandistes, donne peut-être les indications les plus cer-
taines (3).
Les monastères offraient alors aux populations errantes
l'exemple fertile d'une vie sédentaire et laborieuse. Cet
exemple fut généralement suivi et amena un ordre social
nouveau. Si jamais il y eut une révolution légitime,
exemple d'excès, de perturbations, de crimes et de mal-
heurs, ce fut à coup sur celle-là. Les opprimés avaient
rencontré le moyen de se soustraire pacifiquement à la
domination de leurs maîtres. Ils avaient compris, en visi-
tant les écoles ouvertes à tous par les moines anglo-saxons,
que leurs seigneurs étaient dominés par les prêtres, en dé-
pit de leurs dénégations, et qu'en se mettant sous l'égide
de ces derniers, ils devaient de beaucoup améliorer leur
sort.
(1) Bhdae Ecd. Hisl., lib. IV, c. 6-8.
(2) Liv. IV, ch. 5.
(3) Acta SS. Belgii, t. II, p. 503 seq.
— 73 —
11 arriva en conséquence qu'avec une entente merveil-
leuse, les paysans nouvellement convertis et toujours traités
comme des esclaves ou des prisonniers de guerre par leurs
frères de race, plantèrent le symbole chrétien au milieu de
leur champ, devant la porte de leurs chaumières et s'en
allèrent invoquer la protection d'un saint évéque, d'une
chapelle ou d'un monastère. Les seigneurs francs étaient
vaincus. Leur ambition s'arrêta impuissante devant cette
muette conspiration. On dépassa même, le but que l'on
s'était proposé dès l'abord, puisqu'il ne fallut rien moins
que la main de Charlemagne pour empêcher le pouvoir
temporel d'être tout-à-fait débordé.
La critique moderne parle avec raison des services im-
portants que, dans le principe, les monastères rendirent à
la civilisation. Cependant il ne faut pas se laisser aveugler
par la reconnaissance, et pousser les choses jusqu'à vouloir
donner à chacune de nos grandes cités un cloître pour
berceau. Certes, les moines savaient profiter des avantages
et tirer parti de tout; mais il paraît constant que les villes
naissantes les attirèrent plus souvent à elles, qu'il ne leur
arriva de présider à leur fondation.
Telle situation est favorable au calme de la vie ascétique
et peut ne pas répondre aux exigences multiples d'une
grande agglomération d'hommes. Aussi vit-on, en présence
de l'impossibilité de concilier des intérêts opposés et dispa-
rates, la plupart des maisons religieuses attendre que le
temps de la moisson fût passé, pour mettre une certaine
étendue de terrain à la disposition des marchands qui
voyageaient par troupes nombreuses. C'était là pour les
moines et leurs colons une occasion de se fournir, pour
passer l'hiver, de tous les objets et de toutes les denrées né-
cessaires à meilleur compte qu'ils n'eussent pu le faire en se
rendant au manoir le plus proche, où vendeurs et acheteurs
étaient également mis à contribution, sous le prétexte de la
— 74 —
protection qui leur était accordée par le seigneur du lieu.
Les couvents, armés de leurs chartes et de leurs privilèges,
défendaient aussi bien contre toute violence, ceux qui
accouraient à leurs marchés que s'ils eussent eu des hom-
mes d'armes à leurs ordres, et leur protection ne se payait
pas. On comprend dès-lors le succès des marchés tenus à
l'abri d'une crosse abbatiale et la décadence des autres.
Nous sommes ici amenés à un rapprochement curieux.
Tandis qu'en Belgique les cloîtres encouragent, règlent et
surveillent le commerce des échanges, ce sont au contraire
les marchés et les foires, ou bien, si l'on veut, les villes
provisoires qui font, en Angleterre, naître les monastè-
res (i). Voici comment cela se passait. Sous l'influence des
idées chrétiennes, les Bretons et les Anglo-Saxons avaient
pris en horreur les plaisirs sanglants du cirque, auxquels
ils avaient été accoutumés durant la domination romaine.
On avait cherché et trouvé à les remplacer. Tous les
dimanches, au sortir de l'église, les habitants d'un bourg
ou d'un village se donnaient rendez-vous sur les bords de
quelque ruisseau, offrant une belle pelouse. Là les jeunes
gens luttaient entre eux, et, de leur côté, les jeunes filles
en faisaient autant. Ces jeux populaires amenaient, à cha-
que jour de fêle, toute une population aux mêmes lieux,
et la foule à son tour attirait les débitants de boissons et
les marchands. Après les boutiquiers qui s'étaient enrichis,
des moines sans asile fixèrent leur demeure sur les bords
du ruisseau, et ils ne firent pas, en exploitant les joies po-
pulaires dans le cercle de leurs attributions, les moindres
bénifices. Le monastère de Barnwell, entre autres, doit son
origine aux circonstances que nous venons de raconter.
Son nom seul l'apprendrait, si ses annales ne le disaient
pas.
(I) Wright, Tlic domcstic manners »[ thr evgliseli durivr/ llic viiddlc offcs
(Ai-l. Journal, 1851), p. 15 seq.
— 75 —
Les premières années du VII'' siècle virent un grand
nombre de moines anglo-saxons repasser le détroit; mais,
en se retrouvant dans leur lie, ils ne cessèrent point leurs
relations avec ceux qu'ils avaient guidés et instruits.
Ils appelèrent auprès d'eux des ouvriers belges, pour rele-
ver leurs autels et reédifier leurs cloîtres incendiés, et cela,
parce que jusqu'alors leurs compatriotes ignoraient l'art
de composer le ciment et de tailler la pierre (i).
L'évèque Bénédict raconte, qu'ayant été à même d'appré-
cier les inconvénients des constructions en bois, il avait
fait venir, en Tan 674, des maçons de Belgique et des vi-
triers de France, et qu'avec leur aide il s'était mis à bâtir
la magnifique abbaye de Warmoulb.
Wilfried d'York avoue qu'il eut recours aux mêmes
moyens dans de semblables circonstances (2).
Celte ignorance des moindres ressources de l'arcbilec-
ture s'accorde jusqu'à un certain point avec le caractère
nomade et aventureux des Anglo-Saxons. Si l'on ouvre le
poème de Beowulf, récemment vulgarisé en Angleterre et
en Allemagne par les traductions de Wackerbarth et
d'EttmiilIer, on sera frappé d'y voir combien était grande
la simplicité de la demeure des rois anglais. Les migra-
lions étant à l'ordre du jour, on s'arrêtait au provisoire.
Il avait fallu au peuple un laps de temps assez long
pour l'engager à échanger la feuillée contre la cabane de
bois et la cabane de bois contre la maison de pierre, ce
témoignage de permanence, celte preuve de civilisation.
Sous le règne d'Alfred le Grand, on était arrivé à celle
dernière résolution. Ce souverain éprouva que, si la cul-
ture avait généralement progressé, la langue nationale
(1) Bedae Hist. eccL, 1. I, c. 34. — W. of Malmf.sbirv, Chromclc of llie
kings of England. Ed. Bohn, p. 54.
(2) Eddi vilâ WUfridi, cap. 16, 17, 22.
— 76 —
élait restée stalionnaire. Il avait entrepris une traduction
de l'histoire ecclésiastique de Bède ; mais, arrivé au mot
maçonner, il lui fut impossible de le rendre autrement que
par une circonlocution. Il écrivit donc : charpenter en
pierre (i). Rien ne pouvait par conséquent se faire chez les
conquérants de la Bretagne insulaire sans le secours de
leurs voisins du continent. Les révolutions et surtout la for-
mation d'une infinité de petits états constamment en guerre
les uns contre les autres, avaient amené cet état de choses.
La tyrannie en fut si prolongée que Glanvill, un grand
juge d'Angleterre du XIII'^ siècle, assure qu'elle s'étendait
de son temps encore aux lois, et qu'il y en avait autant
ayant force légale pour être inscrites dans la mémoire du
peuple que pour être couchées sur le papier et sanction-
nées par le pouvoir (2).
Les Francs avaient conquis, par suite de leurs emprunts
à la civilisation antique, une supériorité bien marquée sur
tous les peuples du Nord. Elle était reconnue par les Anglo-
Saxons. Plusieurs de leurs princes passèrent le détroit; les
uns, pour chercher un asile à la suite d'une insurrection,
les autres, pour connaître les ressources d'un luxe dont ils
n'avaient aucune notion. Sigebert et Eorpwald, princes des
Angles de l'est, Baidred et Ina, rois saxons de Wessex,
sont ceux dont on a, en Belgique, conservé la mémoire (3).
Ina institua dans ses états des marchés et des foires et
sut aussitôt leur communiquer un certain éclat, en pu-
bliant des lois sévères contre l'usure et le vol. Mais à peine
eut-il vécu dans l'intimité des maires du palais et des grands
seigneurs francs que, comparant leur faste avec la simpli-
(1) Sharon Turner, Hist. of ihe Anglo-saxons. Ed. of Paris, t. III, p. 278.
(2) Mot cité dans les Orig. Juricales de Dugdale. Le grand juge Ranulphe
de Glanvill passe pour être l'auteur d'un livre de grande importance, inti-
tulé : Tractalus de legibus et consuetudinibus rcgni Angliac.
(3) Old Chronide of England, by Stowe, p. 97.
— 77 —
cilé patriarcale des siens, il trouva ses sujets tellement
barbares qu'il renonça de plein gré à les gouverner et s'en
alla, dans sa folie, mourir à Rome pauvre et oublié (i).
La race conquérante de nos contrées continua, à défaut
d'un autre mérite, à exercer celte fascination perfide sur
les nombreux rois qui partageaient le sol de l'Angleterre;
mais elle n'eut aucune espèce d'action sur leurs peuples.
Ceux-ci se préparèrent à de hautes destinées en restant
fidèles à tous les instincts de leur nature, tandis que l'expia-
tion commence pour les Francs avec l'ère carlovingienne.
Les pirates germains que l'on désigne sous les noms
d'Angles, de Danois et de Normands, font désormais une
guerre sans relâche à tous ceux qui ont accepté un dégui-
sement romain. L'œuvre d'Arminius et de Claude Civilis a
trouvé des continuateurs. Ils sont moins étrangers qu'on
pourrait le croire à l'activité des Lombards et à la fonda-
tion des républiques marchandes de l'Italie, toutes établies
sur les rivages de la mer (-2),
Les pirates eurent des succès dans leur propagande de
réveil partout où ils rencontraient des éléments germani-
ques. Là il y avait sans doute une colonie, dirons-nous en
voyant surgir une république marchande au midi de l'Eu-
rope, car l'initiative de semblables progrès semble ne pou-
voir appartenir à une race de longue main habituée au
despotisme et qui avait toujours cru, avec le prince de ses
orateurs, que tout trafic devait être laissé aux esclaves.
Charles Rahlenbeek.
(1) Old Chronicle of England, by Stowk, p. 97.
(2) Grégoire de Touns, 1. IV, c. 43 et Aô. — Audoen, In vitâ S. Eligii,
t. 1, p. 9.
— 78 —
'2lxc\)mB îreô :2lrt5, îie^ ôcienceô et î»e0 Cettreô (')•
1 42. Copistes (2) ef éditeurs de musique. — Musiciens.
Sommaire .Wau lier Vranckenzone. — Martin Bourgeois. — Pierre Alamire
ou Van (len Hove. — Missels divers. — Tielman Susalo. — Benoît d'Ap-
penzell. — Compositeurs belges du XV^ et du XV1« siècle.
Vranckenzone (Waulier), — maîlre de chant de la
chapelle de la cour de Philippe le Bon, à La Haye, Il
reçut, en 1463 ou 1466, 15 florins du Rhin à compte du
salaire qui lui était dû pour avoir écrit, noté et relié cer-
tain livre de chant à l'usage de cette chapelle.
« Wouter Vranckenzone, sangmeester van der capelle binnen Myns ge-
nadigs Heeren hove, in den Hage, in mynderinge van zyn sallaris ende
aerbeytsloon van gescreven, genoleert ende gesloffeert te hebben zekere dis-
cant boucken tôt behoef van .Myns genadichs Heeren capelle, binnen den
hove voirscreve : xv Rynsgulden (3). »
Bourgeois (Martin), — prêtre, chapelain des maîtres
d'hôtel de Marguerite d'Autriche, travaillait en IbOl à
l'achèvement d'un magnifique missel pour le lutrin, orné
de riches enluminures, que Philippe le Beau voulait offrir
à son père.
« Je Martin Bourgeois, preslre, chapellain des maistres d'ostel de madame
l'archiduchesse d'Autriche, ducesse de Bourgogne, etc., confesse avoir receu
(le Simon Longin, etc., la somme de xlvj livres xvj solz, de xl gros, qu'il
(1) Suite. V. Messager des Sciences historiques, année 1854, pp. 247, ."fil et
U\; année 1833, pp. 109 et 589, et année 1836, p. 177.
(2) Voy. aussi Jean Van der Moerten, au § 15.
(3) Compte de la recette générale de Hollande, Zélande et Frise, du 24 mai
!4G3 au 23 mai 1466, f» Ixxxiij r", aux Archives du royaume, à La Haye.
— 79 —
m'a baillé en prest, tant sur Testoffe et vclin comme sur l'escripture, illii-
minaire d'or et lyurc d'un riche libre de messes en discant, que monsei-
gneur l'archiduc ma despiéça ordonné faire pour envoyer en don de par lui
au roy son père, et en oultre et par-dessus vj livres que par autre quittance
j'ai receu en prest ù ladicte cause, etc. Le xxviij*^ jour de juing l'an mil cincq
cent et ung (1). »
Alamire (Pierre), — dont le véritable nom est V^an den
Hove, nous apparaît d'abord comme « escripvain des livres
» de la chambre domestique de l'archiduc Charles, » en
1511. Il avait un talent véritable et tout particulier pour
écrire la musique, et il fut employé à ce travail pendant
de longues années. A la date que nous venons de citer,
il avait terminé deux gros volumes en parchemin « plains
« de messes de musique » que l'empereur Maximilien lui
avait fait exécuter, et dont l'un fut gardé pour l'usage de
la chapelle du palais de Bruxelles, et l'autre donné à Mar-
guerite d'Autriche, sa fille, pour son cadeau de nouvel an.
En 1517, l'artiste — on ne peut refuser cette qualification
à Pierre Alamire — touchait 9 livres, de 40 gros, de gages
annuels (a). Il figure dans l'état de maison de Charles-
Quint, au traitement de 4 sous de Flandre par jour,
comme garde des livres de la chapelle de l'empereur (ô).
En 1525, on lui paie 200 livres pour plusieurs livres de
chant destinés à cette chapelle, et il reçoit pareille somme,
en 1525, pour un autre « grand livre de musique » remis
à Jean de Montmorency, seigneur de Courrières, chargé de
l'emporter en Espagne, où Charles-Quint se trouvait alors.
Disons en passant que ce seigneur avait la mission, à la
même époque, d'engager aux Pays-Bas « aucuns chantres et
(1) Acquits des comptes de la recette générale des flnances, aux Archives
du royaume.
(2) Registre n» F. 201 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
(3) Volume intitulé : Maison des Souveraitix, t. Il, p. 21, dans les archives
de l'audience, aux .\rchives du royaume.
— 80 —
» les envoyer en Espaîgne » (i). Marguerite d'Autriche em- '
ploya aussi Alamire, notamment en 1529. La reine Marie
de Hongrie lui assura sur ses propres revenus, par lettres
patentes du 9 mars 1554 (n, st.), et jusqu'à ce que l'em-
pereur y eût pourvu, une pension journalière de 4 sous
pendant tout le cours de son existence, et dont la moitié,
après sa mort, devait être payée à sa veuve.
La Bibliothèque publique de Malines possède un superbe
volume, grand in-folio, avec la notation musicale, orné de
miniatures de la plus belle exécution, et dont nous ne
désespérons point de découvrir un jour le peintre. Ce
manuscrit fut la propriété de Marguerite d'Autriche, et
d'après quelques observations que nous avons faites en
l'examinant attentivement, il semble être le livre que son
père Maximilien lui donna en 15H. Cette supposition ne
fût-elle pas vraie, nous n'hésiterions pas encore à l'attri-
buer à Pierre Alamire. L'œuvre qui y est transcrite est
de Pierre de la Rue, dont le nom se lit sur un des derniers
feuillets. C'est l'estimable M. Van Dooren, archiviste com-
munal de Malines, qui nous a communiqué ce joyau d'une
valeur inappréciable.
M. Léon de Burbure, aujourd'hui administrateur de
l'académie royale des Beaux-Arts d'Anvers, qui a classé
avec un zèle et un soin au-dessus de tout éloge les archives
si riches de l'église cathédrale de cette ville, et qui de
plus en a fait le dépouillement au point de vue des arts,
nous a dit avoir rencontré le nom d'Alamire dans les comp-
tes, à propos de livres de chant qu'il écrivit à l'usage du
chapitre.
« A Pierre Alamire, escripvain des livres de la chambre domestique de
Monseigneur, la somme de xx libvres, sur et entantmoins de la somme de
vij*'' libvres que Messeigneurs lui ont ordonné prendre et avoir d'eulx, tant
(1) Volume intitulé : Revenus et dépenses de Charles-Quint, t. l" (1520-
laôO), fo yc xvj v", dans les archives de l'audience, ibidem.
— 81 —
pour ses paines el suUaires iravoir escript et fait, par ordre de monseigneur
l'empereur, ij gros livres de parchemin, plains de messes de musicque, dont
ledict seigneur en a eu ung, el l'autre il l'a donné ù madame de Savoye, sa
fille, pour son nouvel an (1). »
« A Pierre Alamire, pour pluiseurs livres qu'il a faiz et livrez |)our en-
voyer à l'empereur pour sa chapelle, par lettres du xv* d'avril (xv) xxiij :
ij" libvres.
"A lui, pour ung autre grand livre de musicque, délivré au seigneur de
Courrières, pour le porter en Espaigne : ij" lil)vres.
» A lui, pour autres livres pour la chapelle de Madame, en Tan (xv) xxix :
XX libvres (2). »
« Secrétaire, nous vous ordonnons despeschier noz lettres patentes de
pention de iiij solz, de ij gros, monnoye de Flandres le sol, au prouflit de
Pierre Van den Hove, dit Alamire, que luy avons ordonné et accordé prendre
et avoir de nous par chascun jour, jusqucs ad ce qu'il sera par noslre moyen
pourveu de semblable pention de l'empereur mon seigneur et frère, dont il
n'est pourveu avant son Irespas; voulons que ladicte pention soit diminuée
et restrainctc à ij solz, au prouflit de sa femme, aussi sa vye durant, de la-
quelle pention voulions qu'ilz soyerit payez par les mains de nostrc pen-
ninckmaistre de trois mois en trois mois, par égalle portion, ladicte pention
à commenchier à compter et avoir cours du premier jour de janvier dernier
passé. Fait soubz nostre nom, le ix'' jour de mars xv^ xxxiij. (Signé)
Marie (3). »
SusATO (Tielman), — est le nom d'un éditeur de musi-
que qui vivait à Anvers de 1542 à 1556, el qui adressa,
eu 1549, au conseil privé une requête tendant à obtenir un
octroi pour un recueil de vingt-neuf chansons amoureuses
notées pour quatre instruments, et dues à la composition
de Thomas Créquillon, Jean Clément et autres maitres de
même mérite et nés probablement comme eux dans les
Pays-Bas (i). Cette supplique, la voici :
(1) Registre n" F. 198 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du i\ord, à Lille.
(2) Revenus ei. dépenses de Charles -Quint, t. |er, loc. cit.
(3) Papiers divers de Marie de Hongrie, aux Archives du royaume.
('<) loi/. FÉTis, Riogropilie universelle des musiciens.
~ 82 —
« A Tempercur remonstre en toutle humilité vostre Irès-hurable snbgecf
Tilmiin Susato, imprimeur de musicque, résident en vostre ville d'Anvers,
comment, dois le mois de septembre dernier, il ait faiet préparations pour
imprimer vingt et neuf chansons amoureuses à quattre parties, propres à
tous instrumens musicaulx, avec deux prières et oraisons qui se peulent
chanter devant et après le repas, nouvellement composées tant par maistre
Thomas Crecquillon, maistre Ja. Clemens non papa, que par aultres bons
musiciens, desquelles chansons et oraisons les motz sont icy attachez; et
pour ce qu'il les désire mectre en lumière, supplie très-humblement que à
Vostre Majesté plaise luy octroyer privilège de ce povoir faire, et afin qu'il
se puist récompenser des despences pour ce soubstenues, plaise à Vostredicle
Majesté luy octroyer d'adventaige deffenses bien expresses contre tous aultres
imprimeurs de par-deça, de non imprimer les niesmes pièces par l'espace de
six ans, et fera icelle Vostre Jlajesté bonne œvre. »
Le conseil privé envoya cette requête, le 10 novembre
1349, à l'avis de Benoît d'Appenzell, maître de chapelle
de Marie de Hongrie, que M. Fétis affirme avoir été un des
grands compositeurs de son temps (0, et qui fit écrire en
marge les réflexions suivantes, sous lesquelles il apposa sa
signature :
« Benedictus Appezelde, maistre de la chapelle de la roync régente, aïant
veu ceste requeste, ensemble l'ordonnance sur ce mise, et obéyssant à icelle,
dit bien avoir veu, oy et aussy autreffois chanté les chanclions musicallcs y
mentionnées que luy semblent bonnes, comme faicles et composées par bons
maistres, et qu'il n'y véoit ou ne cognoit chose èsdictes chanehons que par
raison pourroit empescher la publication et impression d'icelles, et qu'il n'y
a que honnesteté; par quoy luy semble pour son simple advis (en parlant à
correction) que la Mnjesté impériale pour la commodité publicque porroil
bien accorder au suppliant ce que requiert par sadicle supplication, le re-
mectant néanmoins au noble plaisir de Sadicte Majesté. Fait à Bruxelles,
ce xxe iour du mois de novembre 134-9. _
■■ » Benedictus. »
En conséquence, le conseil apostilla favorablement la
(1) Cet écrivain dit qu'on le surnommait YAppezelien, parce qu'il était né
à Appenzell, en Suisse. On l'appelle Benedictus Appezclders, dans les comp-
tes des dépenses de Marie, reine douairière de Hongrie, où il figure comme
maître des enfants de la chapelle [Voij. Gachard, Rapport sur les archives de
l'ancienne chambre des comptes de Flandre, à Lille; p. il).
— 83 —
demande de Susalo, et fit dépécher le lendemain les lettres
patentes d'octroi, lui permettant d'imprimer lesdiles chan-
sons et de pouvoir seul les débiter pendant dix années
consécutives (i).
M. Éd. Fétis a eu rexlréme obligeance de demander au
savant directeur du conservatoire royal de Bruxelles, son
père, des renseignements plus complets surTielmanSusato.
Voici la note qu'il nous a remise :
« Tylman Susato, compositeur et imprimeur de musi-
que, fut vraisemblablement le successeur d'un autre impri-
meur nommé Guillielmus Vissenacus, qui n'est connu que
par un seul ouvrage, publié à Anvers, en 1542, petit in-i"
obi., et intitulé : Quatuor vocum imisicœ modulationes nu-
méro XX VI j ex optimis auloribus diligenler selectœ prorsus
novœ, atque typis hactemis non excusœ. On y trouve des
motels de Susato.
» Le premier ouvrage imprimé par ce dernier, date de
1543, et a pour titre : Premier livre des chançons à quatre
parties auquel sont contenues trente et une nouvelles chan-
çons convenables tout à la fois comme aux instrumentz,
imprimées par Thielman Susato, imprimeur et correcteur
de musicque. Petit in-4° obi. Le treizième livre porte le
millésime de 1560. Ensuite Susato fit successivement pa-
raître, en 1546 et 1547, quatre livres ou recueils de motets
de divers auteurs à quatre parties, sous le titre de Cantiones
sacrœ qiias vulgo moteta vocant; — de 1 545 à 1 558, des
Madrigali et Canzoni Francesia cinque voci, en cinq livres;
— de 1553 à 1559, seize Vwres d'Ecclesiasticarum cantio-
num, à quatre, cinq et six voix; — enfin de 1554 à 1556,
ses Evangelia dominicorum et festorum dierum miisicis
numeris comprehensa, recueil grand in-4'', qui contient
272 compositions de soixante-quinze maîtres, à plusieurs
voix.
(1) Liasses du conseil privr, aux Arcliives du royaume.
— 84 —
» On trouve des ouvrages imprimés à Anvers, en 1564,
par Jacques Susalo, fils de Thielman, ce qui semble indi-
quer qu'il mourut entre 1560 et cette date. »
La Bibibliollièque royale possède un volume imprimé
chez Susato, et contenant les dix premiers livres des chan-
sons qu'il publia dans les années 154-5 et suivantes. Il
s'y trouve un assez grand nombre de pièces composées par
l'éditeur même; en voici le relevé avec les titres qu'elles
portent :
1" livre : Si ton amour. Amour a tort.
Plus ne beuvray. i"" livre : Coingié m'avez donné.
Langeur liellas. Plcusist à Dieu.
Si lu te plains. N'avez point veu.
D'argent me plains. C"- livre ; Contre raison vous m'esles.
Side prése/it peine i'endure. Congié ie prens.
Pour estre aymé. Dame liesse.
Ne hiy monstrant. Pour ung plaisir.
2= livre : De mon malheur. Si de présent.
Ma maislresse ma bonne amye.
La Bibliothèque royale est encore riche d'un autre vo-
lume (i) édité par Tielman Susato, en 1556, in-4°, qui est
intitulé : Souter Liedekens I. Het vierde miisyck boexken
mit dry parlhien, ivaer inné begrepen syn die iersle XLI
psalmen van David, gecomponeert by Jacobiis Clemens non
papa, etc. D'après une note de Willems, consignée sur
l'exemplaire que nous avons vu, la première édition de cet
ouvrage a paru à Anvers chez Simon Cock, avec la même
notation musicale, sauf quelques petits changements, dit-il.
Le recueil des chansons dont nous parlons, outre celles
de Susato, renferme des pièces mises en musique par
trente-cinq auteurs différents, dont voici la liste :
Thomas Criquillon, Josquin Baston, Cor. Canis, Louis
(1) N" 2.Ï871 du fonds Van Hullhem.
— 85 —
Piéton, Jean Lupi, Rocourt, Jean de Hollande, Rogier
(Palhie?), Pierre de Manchicourl, Jean Gallus ou le Cocq,
Nicolas Gombert, Sandrin, Payen, Pierre Lescornet, Phi-
lippe de Vuildre, Goddarl, An. Barbe (i), Pierre Cerlon,
Adrien Vuillart, Gerardus, Glaudin, Benedictus, Larchier,
Josquin de Près, Jo. Richefort, Clément lannequin, Phi-
lippe Verdelot, Noël Baiilduyn, Jo. Courtois, lo. Mouton,
Jérôme Vinders, Jo. le Brung, Damien Havericq, Clément
non Papa, Cyprien de Rore.
Nous avons respecté l'orthographe de ces noms, dont
plusieurs sont aujourd'hui devenus populaires. Adr. Wil-
laert, Créquillon, J. de Près, etc., ont leur biographie dans
l'ouvrage de M. Fétis; mais le nombre de ceux sur lesquels
nous ne possédons aucun renseignement, est plus grand
encore, et c'est dans le but de les signaler à l'attention des
personnes qui s'occupent de recherches historiques et bi-
bliographiques que nous les avons recueillis et consignés ici.
Quelques-uns de ces musiciens sont aussi cités dans l'in-
ventaire de la mortuaire de la reine Marie de Hongrie,
dressé en 1538 (2). On y lit que cette princesse possédait
(1) Ce musicien est très-probablement un Belge, un Anversois peut-être,
car voici un extrait d'une chanson qu'il a mise en musique :
■I Ung capitaine cuidoit aveucque ses paiilars surprendre la ville d'honneur
D'Anvers, mais à son deshonneur
Se retira comme une escoufle;
luslement monstrant avoir peur;
On ne prent point tel chat sans mouffle.
»En Trancc emmenit ses larrons en ses faicts villains, parvers;
lay pillet à tors et travers;
J'ay passé Walhem, aussi Doufile,
Mais i'ay failli à prendre Anvers :
On ne prent point tel chat sans mouffle. »
(2) M"" Gachard nous a communiqué les parties de cet inventaire qu'il a
fait copier aux Archives de Simancas : c'est de là que nous avons extrait la
liste des tableaux que possédait à sa mort l'illustre gouvernante des Pays-
Bas {Voy. la Revue universelle des Ar(s, t. lll).
— 80 —
en grand nombre des œuvres de Thomas Créquillon, Nico-
las Gombert, Jean Mouton, Pierre de la Rue, Oreguen,
Justruin, Hubiiiart (Willaerl?), Jusquin (de Près?), An-
toine Hevint, Aiejandro ou Alexandre, Alimanis, Agricola
et Manchicourt (i).
§ 45. Enlumineurs.
Sonmiaire : Robert de Valenciennes. — Anliphonaires du chapitre de Sainte-
Waudru, à Mons. — Pierre Bosch. — Cartes des rivières du Brabant. —
Jean Van der Wyck on Van Battcl. — Manuscrits de l'ordre de la Toison
d'or.
Robert de Valenciennes, — est le nom d'un enlumineur
qui travaillait en 1342 à des antiphonaires pour le cha-
pitre de Sainte-Waudru, à Mons.
« A maistre Robert de Valenchiennes, pour Jehan de Hautragc, le lundi
après le Saint-Mahiu, pour partie de l'enluminure des anlhiffoniers :
xxviij liv. iij s. (2). »
BoscH (Pierre), — enlumineur, reçut en 1504 ou 1503,
une somme de 14 livres, pour avoir tracé sur un rouleau
le cours des rivières du Brabant, par ordre de la chambre
des comptes.
« Pieteren Bosch, geheeten den verlichtere, die somme van xviij 1., voor
eene roUe inhoudende den loep van den rieveren van der Ilonten ende van
den Schelt, met oie den païen ende hunten van den rieveren van Brabant,
dewelcke de heeren ende meesteren van der cameren van den rekenningen
hadden doen maken ende aen hem verdinght, ter conservacien van den rechte
ons heeren des conincs als hertoge van Brabant in de voirschreven rieveren;
welcke rolle geleyt is in de tresorie van Brabant (3). »
(1) Votj., pour plusieurs de ces noms, Fétis, Biographie universelle des
musiciens.
(2) Compte général du chapitre de Sainte-Waudru, aux Archives de l'Etat,
à Mons. Cette note m'a été communiquée par mon ami, M"" L. Devillers.
(5) Registre u" 23178, lO», f» xxiij v, de la chambre des comptes, aux
Archives du royaume.
— 87 —
Van der Wyck ou Van Battel (Jean) (i), — élail un
peintre décorateur de Malines, dont la spécialité consistait
à peindre des écussons de toute dimension. Il orna des
manuscrits; c'est à ce titre que nous le classons parmi les
enlumineurs. Pendant toute la première moitié du XVI"
siècle, il eut avec un autre peintre du même genre, nommé
Jean Van Latliem, le monopole de tous les travaux de dé-
coration ordonnés aux frais de la cour. Jean Van Battel finit
par obtenir le titre de peintre de Charles-Quint en 154U
ou 1S50. La première mention que nous avons trouvé de
lui remonte à 1504, à propos de la décoration de l'église
Sainle-Gudule, à Bruxelles, lors du service qui fut célébré
en mémoire d'Isabelle, reine de Castille et d'Aragon, belle-
mère de l'archiduc Philippe le Beau. Il fait des travaux
semblables en 1509, dans l'église de Saint-Jacques-sur-
Caudenberg, à l'occasion du service célébré pour Henri VII,
roi d'Angleterre; à l'église Saint-Pierre, à Malines, en 1520,
pour les obsèques de l'empereur Maximilieu, et en 1527,
pour celles du duc de Bourbon, tué au siège de Rome.
En 1509, il est encore payé pour avoir « accoustré et painct
»les armes de Monseigneur (l'archiduc Charles) et d'autres
«plaisantes paintures ung chariot pour mesdames, ses
»seurs, pour aller jouer dessus à leur plaisir et passe-
» temps » (2). C'est lui qui dessina le patron du sceau et
du contre-sceau gravés (5), en 1516, par Jean Van den
Perre, orfèvre de Bruxelles, pour le roi Charles (4); il reçut
de ce chef G livres.
Les œuvres les plus importantes de Jean Van Battel,
(1) Des quittances de ce peintre portent Jean Van der Wijck, et J'aulres
Van der Wyckt, alias Ballet.
(2) Collection des acquits des comptes de la recette générale des finances.
(3) Us ont été publiés par Vuedius, Siyilla comilum Flandriœ, p. 139.
[i) Alex. PiNcuAni, Recherches sur la biographie et les travaux des gra-
veurs de médailles, de sceaux et de monnaies, t. l^^^ p. .442.
— 88 —
celles surloul qui méritent d'être consignées ici, sont deux
grands livres en parchemin de l'ordre de la Toison d'or,
qu'il orna de figures et d'écussons. Le premier lui fut com-
mandé en lo5S et le second en 1549. Il travailla plusieurs
années à ce dernier, qui surpassait de beaucoup l'autre en
richesse d'exécution. Une somme de 85 livres IG sous de
Flandre lui fut payée en 1555; le volume, commencé
en 1549, coûta plus de 1,000 livres. Ce fut un peintre de
Valenciennes qui peignit « au vif les cincq représentations
«des princes, «c'est-à-dire Philippe le Bon, Charles le
Téméraire, Maximilien, Philippe le Beau et Charles-Quint.
Van Battel fut l'auteur des armoiries et d'autres détails.
« Je Jehan Van Batel, painire, deniourant à Malines, confesse avoir receu
de maistre Philippe Hancton, la somme de vj livres de Flandres, que m'es-
loit deue pour, par ordonnance de messeigncurs des finances, avoir fail
aucuns patrons des sceaulx du roy. Le ix« jour de juing Tan xv^ seize (2). »
« Je Jehan Van Baltele, painire, deniourant à Malines, confesse avoir receu
la somme de Ixxvj livres iiij solz, de xl gros, qui deue ra'estoit pour les par-
ties de mon mestier faictes pour l'obsèque que le roy a nagaires fait faire
en l'église Sainte-Goule, en sa ville de Bruxelles, pour feue la royne d'Es-
paigne, oultres et par-dessus autres parties de painctures faictes par maistre
Jaques Van Lathem, painire du roy. Premièrement pour iij'; grans blasons
aux armes de ladicte feue royne de Caslille, Ix blasons aux armes de Cas-
tille, de Léon et de Grenade, de chascun pays à part, qui ont esté attachez
tout à l'entour de la chapelle réale, et dessus la représentation de ladicte
feue royne, et pour deux patrons de ladicte chapelle réale et pluisieurs au-
tres patrons des armes, telles que le roy les porte présentement el des
armes qu'il a nouvellement prinses, lesquelles il a envoyées aux roys des
Romains et d'Arragon, etc. Le xxij« jour de jnnvier l'an mil cincq cens et
quatre (2). »
(1) Collection des acquits des comptes du grand sceau, eux Archives du
royaume.
(2) Collection des acquits des comptes de la rccelte générale des finances;
ibidem. — Registre n» F. U) I de la chambre des comptes, aux Archives du
département du Nord, à Li'.lr.
— 89 —
« A Jean Van der Wyck, alias Battele, painclre, à Malines, la somme de
jiij^''v livres xvj solz, pour ung granl livre de parclieinin, où estoient les
figures du prince fondateur et des cliefz de l'ordre de la Thoison d'or du
eommenchement qu'il avoit esté nommé et institué, jusques au viij<= de
mars 1535, et ung grant escuschon devant chascun cliief, armoyé de leurs
armes en volume d'or et d'argent, que estoient cincq personnaiges et figures,
et ciueq grandz escuschons, assavoir : le bon duc Plielippe de Bourgoingne,
le duc Charles, l'empereur Maximilian, le roy don Plielippe de Castille et
l'empereur Charles; item, pour ciiij''''iij escuschons, armoïés des armes, aussi
faicles d'or et d'argent, de tous les chevaliers et confrères dudict ordre, qui
avoient esté du coranicncheraent dudict ordre à la corapaignie d'icellui ordre,
selon léleclion qui en avoit esté faictc aux chappitres tenus jusques audicl
viij« de mars 1555 (1). »
« Je Jehan Van Battel, painctre, demourant à Malines, confesse avoir receu
la somme de ijc livres, sur ce qu'il me pourra estre deu à cause d'ung nou-
veau livre de l'ordre de la Thoison d'or, avecq la représentation des cincq
chiefz dudict ordre, ensamble de leurs armes et des aultres chevaliers dudict
ordre, le tout illuminé d'or et d'autre estofl'e, que le sieur de Nyeuwerue par
charge de l'empereur m'a faict faire. Le xxj« jour de mars xv^ quarante-
neuf (2). ).
« Je Jehan Battele, painctre de l'empereur, confesse avoir receu la somme
de ijc lib. de Ix gros de Flandre, à bon compte, sur ce qu'il me pourra estre
deu tant à cause de l'escripture du livre de la Thoison d'or, que par charge
de l'empereur je fay présentement que pour la faclion et illuminacion d'iccel-
luy livre, et ce oullre la somme de iij^ 1 livres par moy recuz pour la
mesme cause. Le xxj<= jour de juillet xv^ cincquante (5). »
« A Jehan Van Battele, painctre de l'empereur, iiijc livres pour la par-
paye de son sallaire d'avoir faict certain livre de l'ordre de la Thoison d'or,
avecq les blasons, personnages, eseriptures et tout autre ouvrages en dcp-
pendant, et ce oultre et par-dessus autres sommes païez ou comptes précé-
dents, et 1 livres païez à certain painctre de Valenchiennes, pour avoir faict
au vif les cincq représentations des princes (4). »
(1) Registre no F. 220 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
(2 et ô) Collection des acquits des comptes de la recette générale des finan-
ces, aux Archives du royaume; — Registre n" F. 230 de la chambre des
comptes, aux Archives du département du Nord, à Lille.
(i) Registre n° F. 231 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
— 90 —
§ 44. Sculpteurs et sculptures.
Sommaire ■• Josse, de La Haye. — Euslache de Cupere. — Géry ou Gérard, de
Délit. — Jean Van der Goes, peintre. — Pasquier Borreman. — Jean Tons,
peintre. — Sculptures à Téglise de riiôpital Saint-Pierre, à Bruxelles. —
David Ameldonek. — Mausolées de Jean II, de Philibert de Chalon et de
René de Nassau, princes d'Orange. — Conrad Meyt. — Ligier Ricliier. —
Gysken ? Van der Burch. — Bernard Janssen. — Nicolas Stone. — Tombeau
de Marcel Bax, à Berg-op-Zoom. — Jean Cardon. — Stalles de Téglise de
Tabbaye d'Alïlighem. — Michel Mostaert. — Marc de Vos. — Jean Van
Delen. — Sculptures de la maison des Merciers, dite le Renard, à Bruxel-
les. — Jean Elsoecht. — Charles Elshoëct. — Métiers des sculpteurs et
des peintres, à Lille. — Séraphin-Joseph Dutoit.
JossE (Jorys), — sculpteur, fut chargé, en 1440, pour
compléter la série des statues des comtes et comtesses de
Hollande qui ornait la chapelle du palais de La Haye, de
l'exéculiou de celle de Jacqueline de Bavière.
a In 't jaer van xiiij<^ xl, betaelt Jorys, beeldesnyder, voir eene vorme van
enen wive te snyden na onser genediger vrouwen zaliger gedachten, ende in
der capellen in den Hage by den anderen graven ende gravynen deser landcn
van Hollant staen soude : ij scilde, ende van te stofl'eren v 1/2 scilt (1). »
De Cl'pere (Jean et Eustache), — père et fils, sculpteurs
ou tailleurs d'images {beeldesnydere), à Bruxelles. Le pre-
mier était déjà mort à la date du 17 octohre 1454, ainsi
que le prouve un acte de constitution de cens au profit de
la confrérie de Sainl-Éloi, dans la même ville, faite par
Gertrude, fille, — y est-il dit, — de Jean de Cupere et de
Marguerite Sletlers. Eustache vivait encore en 1445 (2).
Géry ou Gérard (Geryl), sculpteur, à Delft, livra pour le
compte de Philippe le Bon, en 1451, une image de la sainte
Vierge en bois, qui fut revêtue d'or et d'azur par un pein-
(1) Compte des exécuteurs du testament de Jacqueline de Bavière de 1444,
aux Archives du royaume, à La Haye. Cette note m'a été communiquée par
.M' Bakuuizeîv ws den Bkink, archiviste général.
(2) Archives des hospices civils de Bruxelles.
— 91 —
tre nommé Jean Van der Goes. Celle stalue était, parait-il,
destinée à la chapelle du palais de La Haye.
« Geryt, de beeldesnyder van Delf, van een nyeu beelde van Onser Vrouwen
gesueden ende gemaict te hebben vaa houte, liem dairaf gegeven mids dat
hy leverde in don liage, alsoot an liem verdynct was, in een somme van
V postulaten gulden, tôt xxviij s. gr.
» Jan Van der Goes, scilder, van 't voirschreven Onser Vrouwen beelde
metten tabernaele dairtoe behoorende gestoffeert te hebben van goude ende
van azyre : xvij s. vj d. gr. (1). »
Ameldonck (David), — sculpteur (beeltsnyder), est cité
comme ayant obtenu le droit de bourgeoisie à Anvers en
1527 ou 1528(2).
BoRREMAN (Pasquier) — et Tons (Jean), — travaillaient
tous deux à la décoration des autels de Téglisede Thôpital
Saint-Pierre, à Bruxelles, en 1529 et 1550. Le premier
était scupteur et le second peintre. Pasquier Borreman est
peut-être le fils de Jean Borreman qui fit, en 1509, les
modèles en bois de plusieurs statues destinées à être cou-
lées en cuivre pour Tornementation de la cour des Bailles
du palais de Bruxelles (s).
o Belaelt Paesschiere Borreman, beeldesnydere, van den Heyligen-Sacra-
ments huyse by hem in der kercken gemaect, de somme van Ix Rins-
guldenen. »
« Betaelt Janne Tons, schildere, van eender outaer-taeffelen, metlen bcel-
den daerinne staende te stofferene Onser-Liever-Vrouwen ende den ingel
Gabriel, met noch twee cleyne beelden, in den hoogen choer, te stofiferene :
X liv. XV s. gr.
(1) Compte de la recette générale de Hollande, Zélande et Frise, du 8 fé-
vrier libl (n. st.) au 24. mai suivant, aux Archives du royaume, à La Haye.
(2) Registre n" 4980, ô", f" xxiij r" de la chambre des comptes, aux Archi-
ves du royaume.
(5) A. Henné et A. Wauiers, Histoire de Bruxelles, t. 111, p. 522.
— 9^2 —
» Denselven, betaelt van Sinle-Annen lafele le stofferene : v s. gr. (1). »
« Belaelt Paesschiere Borreman, toi behoef vau der oulaer-laeffelen vaii
Sinte-Pauwels oulaer, etc. (2). »
Mausolées de Jean II et de Philibert de Chalon, princes
d'Orange. — Nous avons parlé de ces inoiuimeuts au § 19 :
nous aurions pu ajouter qu'ils sont l'œuvre du célèbre
sculpteur Conrad Meyt, le même qui exécuta les tom-
beaux de l'église de Brou, à Bourg, en Bresse : il y tra-
vaillait en 1532.
« A Lons-le-Saulnier, par ordonnance du conte de Lalaing, à maistre
Conrrart et ses serviteurs, tailleurs d'ymaiges, qui monslrèrent audict sei-
gneur et sa compaignie pluiseurs belles pièces d'ymaigeries en pierre, faicles
pour la sépulture de feu le prince d'Orenges, à cuy Dieu face paix :
xxvij solz (3). »
Le tombeau de René de Nassau, auquel écbut la prin-
cipauté d'Orange après la mort de Pbilibert de Châlon,
fut élevé dans l'église de Saint-Maxe, à Bar-le-Duc : c'est
un cbef-d'œuvre de sculpture fait par Ligier Richier (4).
Van der Burch {Gysken?), — sculpteur, eut différents
démêlés avec la justice. Dans une lettre du 10 mars 1548
(n. st.), l'écoulète d'Amsterdam donne son signalement,
dit qu'il est âgé de quarante à cinquante ans, et qu'il a été
marqué d'un fer rouge sur la main à Londres, pour avoir
embrassé le luthéranisme {lutersten secte). Il s'était alors
réfugié en Hollande, parce qu'il était poursuivi comme
faux-monnayeur (b).
(1) Compte de l'hôpital Saint-Pierre de 1329-1500, f" xxiij v", aux Archives
des hospices civils de Bruxelles.
(2) Compte de l'hôpital Saint-Pierre de 1530-1331, f" xij v", ibidem.
(3) Registre n" 1833 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
(4) Arl de vérifier les dates, t. X, p. iio.
(5) Négociations d' Angleterre, t. Il, aux Aivliives du i-nyiiiiiiic.
— 95 —
Janssen (Bernard). — Les pièces suivantes nous appren-
nent que ce sculpteur habitait Londres en 1617, et qu'il
était venu à Berg-op-Zooni au mois d'août de cette année;
il y avait été mandé par Anne-Marie Berck, alors femme
de David Ball'oure, chevalier, capitaine d'un compagnie
de piétons au service des Provinces-Unies, pour traiter de
l'exécution d'un monument en marbre, avec statue, en
l'honneur de Marcel Bax (i), premier mari de cette dame,
qui avait été gouverneur de Berg-op-Zoom. Le prix con-
venu fut 2,000 florins carolus. La plupart des pièces qui
devaient servir à ce monument se trouvaient prêtes dans
l'atelier de l'artiste au mois de mai 1619, selon le témoi-
gnage de Mathieu Benedictus, tailleur de pierres, un de
ses compatriotes qui avait à cette époque quitté la Hollande
pour aller travailler à Londres. Après quelques contes-
tations que Bernard Janssen eut avec le célèbre sculpteur
anglais du nom de Nicolas Slone (2), à propos d'une des
pierres du tombeau, le tout fut embarqué pour Berg-op-
Zoom, dans les premiers mois de l'année 1620. Une fois
le monument dans l'église, l'artiste réclama le prix de son
œuvre; mais il éprouva à cette occasion de grandes diflicul-
(1) Il a élé publié sur ce seigneur en 1613, chez Isaac Schilders, à Brcda,
un petit volume in-i", avec titre gravé, qui est très-rare et dont un bel
exemplaire se trouve dans la bibliothèque de M^ Prosper Cuypers-Vam Velt-
uovEN; en voici le titre : Historlsch-vcrhael inhoudende sekere notabele exploi-
ten van oorloge in Nederlanden, srderl het oprechlen van de Companien der
heeren Gouverneurs ende liilmeesleren van Paulus ende Marcelis Bax, he-
schreven door lacobum Baselium.
(2) Stone apprit la sculpture dans les Pays-Bas, et fut élève de Henri
De Keyser, Tauteur du mausolée de Guillaume le Taciturne, à Delfl. L"artisl6
anglais naquit en 1586 à Woodbury, près d'Excter, et devint sculpteur et
premier architecte du roi Charles l<"". Il mourut à Londres en 1647 {Anec-
dotes of painling in England, collected by George Vertue, and publislied by
//orace Walpole; Londres, 1772, t. Il, p. iO). Nous sommes très-porté à
croire que Bernard Janssen eut également De Keyser pour maître, car c'était
alors le seul sculpteur en renom dans les Provinces-Unies.
— 94 —
tés. Anne -Marie Berck avait convolé en troisièmes noces
avec le capitaine Guillaume de Livin, dit Famars.
L'église de Berg-op-Zoom fut en partie détruite lors du
bombardement de cette ville, en 1622, par Tarmée du
prince Maurice de Nassau; le bombardement de 1743 en
acheva la destruction.
On trouve quelques détails sur ce sculpteur dans l'ou-
vrage intitulé : Anecdotes ofpaintirig in England (i). Il y
est cité comme architecte et auteur du tombeau de Sutton,
fondateur de la chartreuse, et des plans des châteaux de
Northumberland et d'Audley-inn près de Walden, dans le
comté d'Essex.
1. « Compareerdc voor my, Jan Van Wesel, nolaris openbacr, etc., nielle
geluygen naergenoempt, Matlhys Benedictus, sleenhouder van synen style,
enJc hecft Icn versuecke aeii liera gedaen by m^ Bernard Janssen, beell-
snyder, woonende binnen der stadt Londen, in Engelant, vereleert, getuycht
ende gealtesleerl, gclyck, elc., midis desen op zyne vroniiclieyt in plaelsse
van solemnelen eede, die liy (des noot ende daerloe versocht zynde) prcsen-
teert te doene, waerachlich le zyne dat hy comparant, in niayo 1619, uyt
Hollant is verlrocken naer Londen voorschi-even, omme aldaer syn ambacht
te exerceren, ende desen volgende eommende by den voorschreven m^ Ber-
nard Janssen, heeft voor denselven mf Bernard gevroclit, ter welcker tyt
hy comparant gesicn heefl dat aile bel werck dienende lotie sépulture van
zaliger niynheer d'heere Marcelis Bax, in zynen leven gouverneur deser stadt
Bergen, al gereet ende geprepareert was, uytgesundert dat daerane noch
gebrack den toctsteen, daer bel beelt oppe moest liggen, ende de taeffels aff
moeslen gemneckt M'orden, welcken slecn alsdoen was liggende in bewae-
ringe, ende te woonplaelsse van Niclaes Stoon, mede beellsnyder lot Londen
voorschreven , daeromnie tussen denselven Sloon ende den voorschreven
m"' Bernard Janssen eenigen tyt lanck questie ende geschil is geweest, sulx
dat den voorschreven m"" Janssen mellen redite den voorschreven toetsleen
oplen xix«" augusli a» 1619 voorschreven, naer den ouden styl, van de
plaelsse van den voorschreven Niclaes Sloon heeft gehaell. Vereleert voor-
ders hy comparant dat nyetlegenslaende den voorschreven toetsleen, den
(1) Edition cilée, t. il, p. 56.
— 95 —
voorschrevcn mr Bcrnaerd Janssen niettcn redite tocgewescn was, den voor-
schreven Niclaes Sloon ecliterwel weygeriiige hecft geniaeckt, omme deii
siecn le lalen volgen, ende dat soo wanneer men den voorsclirevcn sleeii
soude halen, den voorschrevcn m"' Janssen groote moeyte ende arbeyt heeft
moeten doen, met negen mannen, omme den toelsteen van de plaetsse van
den voornoemden Niclaes Stoon te lichten met groot perickel, in suleker
vucgiien datby soo verre een man hadde geslniyckl dat aile de mannen naer
apparcnlie onder den steen souden gebleven hebben, door dyen den voor ■•
schrevcn toelsteen rontsomme was beset met andere sleenen den voor-
noemden Sloon aencommende, dewelcke nyet en mochlen verleght oit aen-
gcroert wordden. Voor redene van welenlbeyt vercleert liy comparant dat
hy als knecht werekende by den voorschrevcn m^ Bernard Janssen , den
voorschrevcn toelsteen mce heeft helpen halen , ende daeraene heeft ge-
vrocht, oock daernaer de malcrialen ende wercken van de voorschreve
sépulture binnen deser stadt gebracht, sulx dat hem 't gène voorschreve
genouchsaem is bekenl, sonder argelist. Aclum is«n juny 1G20. »
2. « Compareerde voor my Jan Van Wesel, openbaer notaris, etc., mette
getuygen naegenoempt, m"" Bernard Janssen, beellsnyder van synen stj'le>
woonende biniicn der sladt Londen, in Engelanl, vercleerende ende te
kennen gevende dat hy comparant aengenomen hebbende van mevrouwe
Anna-Maria Berck, weduwe van saliger mynheer d'heere Marcelis Bax, in
synen leven gouverneur deser stadt ende fortten van Berghen, te maecken
ende stellen eene sépulture in der kercken alliier, ter memorie van den voor-
schrevcn heer gouverneur Bax, voor de somme van twee duysent carolus
gulden, volgende den bescheede ende accorde daeraff zynde deselve sépul-
ture alnu by de drye weken geleden heeft voltrokken, ten volJen gemaeckt,
ende in der kercke alhier geslell, lot welcken eynde hy al voor Paesschen
voorleden binnen deser stad is geweesl, dan alsoo hy comparant Isederl het
voltrecken van 't voorschreve wcrcke syne belalinge loi verscheyden reysen
versocht hebbende aen jonckeere Guillelme de Levin, dict Famars, capileyn,
jegenwoordich gealieert zynde mette voorschreve mevrouwe Anna-Maria
Berck, tôt noch loe, deselve betalinge nict heeft connen becommen, ende
oversulx alhier lot zynen groolen ende nierckelycken coste, schade ende
inlerest, moelen vaceren, sonder dal hy comparant syne reyse naer Lon-
den (daer syne seer nootelyeke afl'airen gelegen zyn) heefl connen voorderen,
daertoe den winl eude gelegenlheyt niiddelertyt zeer wel heeft gedient, ende
over eenige dagen aldaer wel soude geweesl hebben, ten ware hy door hct
missen van syne voorschreven penningen nyet en ware opgehoudcn ende
belet geworden, alsoo hy comparant in Engelanl voorschreven seker werck
— 96 —
by hem aengenomen nootsaeckelyck in 't der jcgenwoordich saisoen ende
voor deii aenslaendcn ougst by hem moet voltrecken worden, ende anders-
sins by gebreke vaa dyen groole schade daeraff slaet te verwaclilen; soo is
hy comparant gcnootsaeckt ende te raide gewordden, tegens de voornoemde
mevrouwe Anna-Maria Berck, ende den voorschreven jonckheer Guillelme de
[^evin, hare raan, wel ende expresselyck te protesteren, gclyck hy protesteert
midis desen, van aile coslen, scliaden, verlet ende inlercsten by bera desen
acngaende, door het onlbrcecken van den vooi'schreven penningen aireede ge-
leden, ende die hy alnoch soo alhier als in Engelant voorschreven eenich-
sinls sal commen te lyden, met uyterlycke meeninge ende intentie omme
allen 't selve opte voorsehreve mevrouwe ende jonckheere Levin, haren
man, te verseliaden ende vcrvolgen, daer ende alsoo synen raidt gedragen
zal, ende naer redite bevonden sal worden le beliooren, versueckende by
comparant hier van wetcn ende insinuatie aen de voorsehreve mevrouwe
ende jonckheer Levin, haren man, gedaen ende relaes overgelevert te wor-
den, omme hem comparant te valideren voer acte, blyvende hy comparant
van syne buytcn wercken aen de voorsehreve sépulture gcmaeckt, buyten
bel accordt, ende ander oncoslen van defroyement ende diergelycke op syn
geheel, ailes sonder argelist. Actum den xv^n junii 1620. »
5. « Compareerde voer my Jan Van Wesel, openbaer notarius, mette ge-
tuyghen, m"" Bernaert Janssen, beeltsnyder van synen style, woonende bin-
nen der sladt van Londen, in Engelant, denwclcken , te versueckc aen
hem gedan by ser David Balfoure, ridder, capileyn, etc., beeft vercleert,
geluycbt ende gealtesteert, gelyck, etc., op zyne vromicheyt in plaetsse van
solemnele eede, die by des noot ende daerfoe versocbt bereet is te doene,
waeracbtich ende hem wel kennelyek te zyne, dat by comparant in au-
guslo 1617, wesende binnen deser stadt, is ontboden geweest van wegen
mevrouwe Anna-Maria Berck, weduwe van zaliger d'Iieere gouverneur Mar-
cclis Bax ende commende ten huyse van de voorscbreve mevrouwe, is hem
comparant berselve mevrouwe in de presentie van de voorsehreve ser
David Balfoure, requirant ordre gegeven omme eene modelle te maecken
van eene sépulture, dienende 1er memorie van den voorsehreve heere
Marcellis Bax, ende deselve modelle gemaeckt zynde, beeft mevrouwe selffs,
in 't passeren met hare coelsse voorby het logement van de comparant,
doen slil bouden ende aengeroepen oft die modelle gereedt was, ende de-
selve alsdoen mede genomen lot beuren huyse, omme daeraff opten eysch
van de becostinge van dyen haer beraedt te nemen; waer naer hy compa-
rant is gegaen by de voorsehreve ser David Balfoure, omme resolulie oft
bescbeel te bebben, op synen gedaen eysch, daeroppe de voorsehreve ser
— 97 —
David Balfoure geantwoort liccft dat mcvrouwc suicke becoslinge nyet en
wilde doen, ende wel met miiider zoude gedienl zyn, ende dat men oversulx
hem comparant soude coiitenteren van de modelle ende syne gedan moeyle,
waer over hy comparant dalelyck is gegan by de voorsclireve mevrouwe,
omme haer selffs te spreken, ende hare resolutie te verstan, ende mette
selve mevrouwe desen aengaende in onderliandelinge zynde, is met haer
geaccordeert de voorschreve sépulture te maecken voor de somme van
xviijc 1 carolus gulden; waernaer de voorschreve mevrouwe hem comparant
terstont heeft gesonden an den voorschreven ser David Balfoure, omme hem
aen te dienen hel voorschreven accordt, ende hem an te seggen dat me-
vrouwe t's'avonts tôt synen huyse wilde commen, omme het accordt aldaer
te besluyten, gelyck alsoo is geschiet; ende heeft deselve mevrouwe tôt
verbeteringe van 't werck, met eene resolutie de voorschreve somme vcr-
meerdert tôt twee duysent carolus gulden. Sluyt hy comparant hiermede
syne vercleeringe, sonder argelist. Acium Bergen-oplen-Zoom, den xviij''"
juny 1620 (1). »
CoLYNs DE NoLE (Robert). — Aux travaux de ce célèbre
artiste (Voij. | 20), i! faut encore ajouter les sculplures
qu'il fut chargé d'exécuter pour l'église de Notre-Dame,
à Monlaigu, par ordre de l'infante Isabelle, et en vertu d'un
contrat passé avec Wenceslas Cobergher, l'architecle de
l'édiflce, le 14 avril 16'22. Signalons encore pour la bio-
graphie de Robert de Noie, l'achat d'un crucifix d'ébène,
avec socle en noyer, fait en 1594, par l'archiduc Ernest
d'Autriche (a).
« A Robert Noie, tailleur des yniaiges, la somme de iij'" livres, sur et
entantmoins de xiij™ iijc x livres, à quoy reviennent les pris des parties par
luy à livrer en Téglize de Notre-Dame, à Montagu, ensuite de deux accordz
faictz et arrestez avecq luy par rarchitecte Wenzel Cobberger et par Son
(1) Ces trois pièces se trouvent aux Archives communales de Berg-op-Zoom.
Elles m'ont été communiquées par mon excellent ami M"" Prosper CcypERS,
qui s'occupe particulièrement de l'histoire du Brabant septentrional, et qui
m'a abandonné avec plaisir tout ce qu'il avait recueilli sur les aris et les ar-
lisles de ce pays.
(2) Bulletins de la commission royale d'histoire, Kf série, t. XIII, p. 108.
Voy. aussi p. 104, ibidem.
7
— 98 —
Allessc et les seigneurs des finances, aggréé le xu'i']''- d'apyril xv-jf xxij, assra-
voir : vij™ ij>= xx livres pour la livraison de rornemcnt de la painclure du grantl
aullel selon le model de pierre par luy faict, monstre à Sadicle Altesse, à en
estre payé en trois termes; et par le second contraict vj™ Ixxxx livres,
à livrer xiij ymaiges de la façon et haulteur contenu audict second contract,
aussy pour ladicte églize, à en eslre payé aussy en trois termes (1). »
Cardon (Jean), — obtient, sur sa demande, des lettres
patentes de légitimation, au mois de janvier 1651, pour son
fils âgé de six ans, dont la mère était morte pendant qu'il
était allé en France pour s'y perfeetionner dans la sculp-
ture. Ces lettres nous apprennent en outre, que J. Cardon
est né à Anvers en 1602, selon toute probabilité, et qu'il
demeurait alors à l'abbaye d'Alïlighem, où il travaillait à ces
magnifiques stalles qui passaient pour les plus belles du
pays et qui coûtèrent 6, 100 florins (-2).
Nous aurons plus d'une fois l'occasion de parler de la
famille Cardon, qui a produit des sculpteurs, des peintres
et des graveurs estimables.
« Philips, etc. Allen dengenen die dese onse tesenwoordishe sullen sien
oft liooren lesen, saluyt. Doen te wetene dat wy hebben onîfangen die sup-
plicatie van Jan Cardon, bclthouwer van synen anibacht, ende jongman,
gebooren binneu onser stadt van Antwerpen, oudt omtrent achtenviertich
jaeren, tegenwoordich woonende binnen den godsbuyse van Afflighem, in-
lioudende lioedal hy van N., jonge dochler, hem niet bestaende van bloede
oft anderssints, geprocreerl hadde ecnen soone genaempt Cardon, oudt om-
trent ses jaeren, synde de moeder ongeliouwt commen te slerven terwylen
by suppliant was geweest in Vranckryck om syn ambacht aldaer te leeren,
met intentie deselve fsynder wedercompste te trouwen, voor syne weltelyke
biiysvrouwe, d'welck hem was belet midis haere doot, ende op dat de na-
tiierlyckhcyt des voorschreven synen soone naermaels nyet en soude comen
l"oi)steren in cas van successie ofle toecomende houwelyck oft anderen stael,
Cl) Registre n» F. 304 de la cbnmbre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
(2) A. Wautebs, Histoire des envlro)is de Rru.velles, t. l"^'', p. 503.
— 99 —
kecrde hem dacrom lot ons oilmoedelyck, biddende oni onse oepenc brievcn
van legiltimatie daertoe diencnde, etc. Gegeven in oiiser stad van Bruessele,
in den niacndt van janiiarii xvj'' Ij (1). »
MosTAERT (Michel) (2). — Nous avons vu chez le doc-
teur Slevens, à Anvers, une jolie petite statuette en ivoire,
provenant d'une communauté religieuse de femmes, dont les
armoiries sont sculptées sur le socle qui est également
d'ivoire : elle représente la sainte Vierge. Au fond de la
couronne qu'elle porte sur la tète, se trouve le nom de
l'artiste avec le millésime 1C71.
De Vos (Marc), — et Van Delen (Jean), — contribuè-
rent tous deux à orner de leurs œuvres la maison du
Renard, que la corporation des merciers de Bruxelles fit
reconstruire en 1G98 (3). L'un fit des sculptures pour la
façade, l'autre pour les salles de réunion. Van Delen était
en même temps architecte.
« Item, betaelt aen s"" Marcus de Vos, mcester beeltsnyder, voor syn belt-
snydery op rekeninge : ij" iiij<= R. »
« Item, betaelt aen s»" Peeler Simon ende Guillam Van der Elst, meester
steenhouwers, van aile hen werck ende geleverde witle steenen voor den
achter-gevel : jm R. (4). »
(28 juin 1699). <> Syn de dekens ende bouwmeeslers beneffens Marcus
de Vos, timmerlieden, steenhauwers ende metser, 1er camer onlboden om te
consullei-en over het opbouwen van den voor-gevel (3). »
« Betaelt aen s^ Van Erve, voor het gouverneren van den trap ende aile
de beltsnyderye daeraen synde : ]<■ vj R. »
(1) Registre n" 664 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
(2) Voy. aussi le Catalogue de tableaux et objets d'art exposés à Anvers
en 1834, 2e partie, p. 3.
(3) A. Henné et A. Wauters, Histoire de Bruxelles, t. III, p. 73.
(4) Compte du métier des merciers de Bruxelles de 1698, aux Archives du
royaume.
(3) Compte du même métier de 1698-1699, ibidem.
— 100 —
« Betaeit aen s^ Laboureur (1), adjoinct controlleur van de werckcn van
S- C. M., eiide gesworen lant- ende edificiemeler, de somme van xxxiij R.,
voor syne debvoiren in 't meten van voor- ende achter-geuvel van deseii
ambachts-huyse, confronteringe van de modelle ende het assopieren van
'l différent met de annemers van den bouw (2). »
« Betaeit aen s"" Marcus de Vos, meester belthouwer, voor syne belthou-
werye aen den voor-geuvel van desen ambachis-huyse gemaeckt : viijc viij
guldens (ô). »
« Betaeit aen s^ J. Van Delen, architect ende belthouwer van het hoff,
de somme van ix» guldens, soo in voldoeninge van twee marbere schouwen
le dienste van desen ambachle gelevert, de beltsnyderye dienende tôt ciraet
boven de deure ende schouwe op dese ambachls-camer, de modellen gemaeckt
lot het plecken van de slagie op deselve camer, als voor de directeur «"nde
ingenieuren van den voor-geuvel (4-). »
Elshoecht (Jean), — sculpteur en marbre et en bois,
natif de Bruxelles, s'établit à Lille «n 1762. Comme preuve
(le ses capacités pour être inscrit dans la corporation des
« sculpteurs, tailleurs de pierres bleues et piqueurs ou
Bcroqueteurs de grès » , il exhiba un saint Jérôme en bois,
où les connaisseurs reconnurent « une correction de des-
»sein et une bonté des musqués [muscles] » . Mais les règle-
ments s'opposaient à une admission pure et simple : il lui
fallut exécuter en bois, seul dans une salle de Thôtel-de-
ville qui lui servait d'atelier, une statue de Laocoon, haute
de 3 pieds et demi. Trois maîtres peintres, savoir : Etienne
Borne, Philippe V^an Mine et Louis-Jean Gueret, furent
(1) A propos de ce nom, nous rappellerons que le célèbre sculpteur
Laboureur, à Rome, en remerciant TAcadémie royale des Sciences, des
Lettres et des Beaux-Arts de Belgique de l'avoir admis au nombi-e de ses
membres associés, dit que la Belgique est la patrie de ses ancêtres {Voy. le
Bullelin de la séance de la classe des Arts du mois de mars 1836).
(2) Compte du métier des merciers de Bruxelles de 1698-1699, aux Archi-
ves du royaume.
(5) Compte du même métier de 1699-1700, ibidem.
(4) Autre compte de 1699-1700, ibidem.
— 101 —
désignés pour la juger : ils y trouvèrent « beaucoup d'ex-
» pression dans Tart de la sculpture » (i).
La corporation dans laquelle les sculpteurs se faisaient
inscrire à Lille, se composait au XVI* siècle, des « ma-
»chons, tailleurs de grès, d'imaiges et pierres blanches. »
Ils obtinrent divers règlements des échevins, entre autres
le 22 octobre 1577 et le 29 décembre 1628 (2). A cette
dernière date, le métier ne comprenait plus que les 0 tail-
» leurs d'images et crocqueteurs de grès ». En 1789, les
« sculpteurs, marbriers, tailleurs de pierres bleues et
i» blanches et piqueurs de grais, » formaient seuls la corpo-
ration (3). Les peintres et verriers de cette ville étaient
réunis comme dans beaucoup d'autres localités; on connaît
pour eux des règlements scabinaux datés du 19 décem-
bre 1510 et du 5 octobre 1577 (4).
Le 25 février 1856, est mort à Paris un sculpteur dis-
tingué, du nom de Cari ou Charles Elshoëct, natif de Dun-
kerque. Il avait d'abord reçu les leçons de son père qui
sculptait sur bois pour la marine : il fut ensuite élève de
Bosio. Son arrivée à Paris date de 1822. Nous n'hésitons
pas à croire que c'est là un descendant du modeste sculp-
teur bruxellois (3).
DuToiT (Séraphin-Joseph), — sculpteur de Lille, admis
comme maître en 1784 : il perdit son père en bas-âge et fut
élevé à l'hôpital général de cette ville (e).
(1) Registre aux arts et communautés des métiers, n<> 34, aux Archives com-
munales de Lille.
(2) Registres aux lettres des slilz et mcsliers, n<> 2, f» 18 r°, el n" ô, f" 71 v",
ibidem.
(3 et 6) Registre n» 54 cité.
(4) Registres aux lettres des slilz et mestiers, n" 1, f" 110, el n" 2, f» 15 v"i
aux Archives communales de Lille.
(3) Son portrait a été publié par l'Illustration française, dans le n" dii
8 mars 1836.
— 102 —
§ 45. Tombeaux des souverains et des membres de
leurs familles (i).
Sommaire : Tombeau de Jean III, duc de Brabant. — Colard Carnet et Colard
Jacoris, sculpteurs. — Tombeaux de Jean sans Peur et de Philippe le Bon.
— Carrières de Dinanl. — Jean Van den Bershe et Jean, son fils, archi-
tectes. — Tombeau de François, archiduc d'Autriche. — Tombeau de don
Diego de Chevara, à Téglise du Sablon, à Bruxelles. — Louis Van Boghem,
architecte. — Cuyot de Beaugrant , sculpteur. — Tombeau d'Ernest, ar-
chiduc d'Autriche.
Tombeau de Jean III, duc de Bradant. — Un des monu-
ments de sculpture de notre pays les plus remarquables
du XIV* siècle, est sans contredit le magnifique tombeau
en pierre de touche, que la duchesse Jeanne de Brabant
fil élever à Jean III, son père, et que Ton voyait na-
guères encore dans le chœur de la belle église de l'abbaye
de Villers, édifice dont il ne reste plus que d'importantes
ruines (2). Déjà le monument avait souffert pendant le
XV^ siècle, et des iconoclastes avaient brisé les bras et
les jambes de la statue. Le duc était représenté de gran-
deur naturelle, couvert de son armure et d'une cotte de
mailles : la cuirasse et le bouclier étaient ornés des ar-
moiries aux quatre lions de Brabant et de Limbourg. Tous
les accessoires avaient été autrefois dorés. La tête était
nue : le prince portait les moustaches, la barbe et les che-
veux longs, et il avait le front ceint d'un cercle ou cou-
ronne d'or, chargé de petits sautoirs de gueules. Au-dessus
de cette statue, qui reposait sur une pierre carrée, se
trouvait, selon l'habitude du temps, un dais élégamment
(1) Voy. §§ 19 et 20.
(2) Trois dififércntes histoires de l'abbaye de Villers ont paru depuis quel-
ques années : la première, en 1830, par M»" C. Rodenbach; la deuxième,
en 1836, par M"" J. Tarlier, et la troisième, la même année, par M"" Alpii.
Wadters. Cette dernière est un ouvrage consciencieux, comme tous ceux du
même auteur, et dont les détails sont puisés aux meilleures sources connues
et inédites.
— 105 —
travaillé. A la partie inférieure du tombeau, l'artiste avait
sculpté trente petites niches, qui furent très-probable-
ment enrichies de statuettes avant la 'dévastation de Tab-
baye, qui eut lieu pendant les guerres du XVI' siècle (i).
Nous avons découvert le nom de l'auteur de ce beau
monument, qui fut commencé vers 1363 et achevé en 1307 :
il portait le prénom de Colard ou Nicolas dans la forme
d'aujourd'hui. Ce sculpteur est qualifié dans les comptes
de maître de la tombe du duc et de faiseur de tombes (lom-
barius). Quant à son nom de famille, il n'est pas aisé de
l'établir. Dans l'un des deux registres qui font mention
de lui, il est aussi question d'un bassin de pierre, livré
pour la nouvelle fontaine des jardins de l'hôtel de Cauden-
berg (palais des ducs de Brabant), par un certain Colard
Garnet : c'est, croyons-nous, le même que l'artiste employé
à sculpter le tombeau de Jean III, à moins qu'on ne veuille
attribuer ce monument à Colard Jacoris, tailleur d'images,
mort en 1395, dans l'hôpital des Grands IMaladcs, à Na-
mur, où il avait pris l'habit religieux pour soigner les
lépreux et les pestiférés (2). Cette hypothèse est bien
moins admissible.
« Colardo, magistro de tomba ducis, super opus ad bonuni conipulum,
xxiij in januario (1364, n. st.) : v mocton. (3) •>
« Colardo, tombario, de diverse opère facto ad coopcrlorium tombe ducis
jacentis apud Villarium, ultra omnem pecuniam quam habuit antea, concor-
dato, xxiiij in meyo (1567) : x mocl. (4) »
.< Colardo Garnet, de uno pelve lapideo liberando ad fonteynam, iiij in
julio (xiij<=) Ixvij : vij nioct. (5) »
(1) On trouve dans les Trophées de Brabant, t. I", par Bctkeks, une gra-
vure de ce monument, tel qu'il existait en 1637, date de la première édition
de cet ouvrage : cette gravure a été copiée plusieurs l'ois depuis.
(2) J. BoRGNET, Les Grands Malades {Annales de lu Sociélé archéologique
de Namur; 1850). Le tombeau de l'artiste y est représente.
(ô) Registre n" 2.150 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
(4) Registre n" 235", ibidem.
(5) Ibidem.
— 10 i —
Tombeau de Jean saks Peur, duc de Bourgogne, et de sa
femme. — Les pièces qui suivent établissent que les car-
rières de notre pays fournirent les pierres de ces magnifi-
ques mausolées que Philippe le Bon fit placer dans l'église
des chartreux, à Dijon; c'est aussi de Dinant que l'on avait
tiré les pierres qui servirent au tombeau de Philippe le
Hardi. La première note que nous rapportons, prouve que
le duc Philippe avait déjà commencé à mettre à exécution, en
1435, le projet qu'il avait d'élever un monument à la mé-
moire de son père et de sa mère. Dans le second document,
on voit que deux grands architectes, Jean Van den Berghe,
maître des ouvrages en Brabant, et Jean, son fils, s'y con-
stituent garants du marché qu'il renferme (i). On peut
consulter sur les artistes qui travaillèrent au tombeau de
Jean sans Peur la table de l'ouvrage de M. le comte de
Laborde intitulé : Les ducs de Bourgogne, t. 1", Preuves.
« A Jehan Nonnon, maclion, demeurant à Dinant, pour Tachât de xxij
grandes pierres de noir marbre prinses à La Falize dudict lieu de Dinant,
que Monseigneur y a fait acheter pour icelles envoïer à Masières-sur-Meuse,
et d'iilec à' Dijon, pour faire deux sépultures; pour icelui achat : iij'= v piè-
tres, etc. »
Par lettres patentes du 10 décembre 14-53, il fut payé
426 peters, à 26 sous pièce, ou 555 livres 16 sous, pour
les frais de transport de ces pierres (2).
« Le xxv« jour d'avril, l'an mil iiijc ixj, après Pasques, Gérart des Frères
(1) On trouve dans Y Histoire générale et particulière de Bourgogne (Dijon,
174-8, t. III, p. 204 et 32G), de bonnes gravures représentant le tombeau de
Philippe le Hardi et celui de Jean sans Peur et de sa femme. M^" GiCHiRO a
reproduit dans son Rapport sur les archives de Dijon, p. 236, une descrip-
tion de ces deux monuments, qui existent aujourd'hui au Musée de cette ville,
d'après la Notice des objets d'art qui y sont exposés.
(2) Registre n" 3232, f» xxv r", de la chambre des comptes, aux Archives
du royaume.
— 105 —
Meneurs (1), marchant, demeurant à Namur, comparant en la chambre des
comptes à Bruxelles, promist par son serment de mener ou faire mener à
ses propres despens, périlz et fortunes, les pierres de marbre qui sont de
présent en la ville de Masières-sur-Meuse, et lesquelles mon très-redoublé
seigneur monseigneur le duc de Bourgogne et de Brabant a fait faire iilec me-
ner pour en faire la sépulture de feu monseigneur le duc Jehan de Bourgogne,
son père (qui Dieu absoile), dès ladicle ville de Masières-sur-51euse jusques
dedens Thostel du monastère des chartreux, à Dijon , dont il sera tenu
d'avoir pour la voiture d'icelles pierres, pour chascun cent de pesant, la
somme de xxxij groz, monnoye de Flandres, etc.; et pour plus grant sceu-
reté il a baillié à plesge Jehan Van den Berghe, maistre des œuvres de mon
avant dit seigneur en Brabant, et Jehan, son filz, pour, ou cas que en lui
eusl faulte de parfurnir et accomplir ce qu'il a cy-dessus promiz, estre par
eulx parfait et amendé partout où faulte y auroit, etc. (2). »
Tombeau de François, archiduc d'Autriche. — {Voy.
§ 20). — Voici le contrat passé devant les échevios de
Bruxelles pour l'érection de ce monument, le 5 mars 1525
(n. st.), entre Louis Van Boghem, architecte de Margue-
rite d'Autriche, et André Nonnon, maître de carrières, à
Dinant, et l'un des descendants de Jean Nonnon, men-
tionné à propos des livraisons de pierres pour les tom-
beaux de Michelle de France (s), de Jean sans Peur, etc.
Ce document nous fournit quelques détails nouveaux, et
l'on doit eu inférer que Van Boghem en traça les dessins.
Il y est en outre question de la tombe d'un seigneur du
nom de don Diego, qui existait à cette époque dans
l'église de Notre-Dame-des-Vicloires, au Sablon, à Bruxel-
les. Comme les savants historiens de cette ville n'en
parlent pas, nous avons cherché à découvrir quel fut ce
personnage. Il s'agit de don Diego de Ghevara, écuyer, qui,
(1) Nous avons cité au § 28 un architecte du nom de François des Frères
Mineurs, qui vivait à la même époque.
(2) Registre n» 290, f" xiij r», de la chambre des comptes, aux Archives
du royaume.
(3) Voy. § 20.
— 106 —
en 1507, était conseiller du roi Maximilien et de rarehiduc
Charles, et tout à la fois niailre d'hôtel de Jeanne, reine
de Castille, et le même qui fit une fondation, en 1520, à
l'église du Sablon (i). Nous avons dit ailleurs (2), qu'un des
membres de celle famille habitait déjà la Flandre en 1434,
et que Jean Van Eyck peignit son portrait et celui de sa
femme. Nous supposons encore que si Van Boghem a pris
pour ternie de comparaison la sépulture de don Diego, il
doit en être l'archilecte. Une ordonnance de payement du
2 janvier 1550 (n. st.) constate que Marguerite d'Autriche
fît don d'une somme de 100 livres de Flandre au prévôt
de l'église de Caudenberg, « pour faire faire ung grant
» chandellier de métal devant la sépulture de son feu frère
» estant devant le grant autel d'icellui esglise » (0). Le grand
Théâtre sacré du Brabant, par Leroy, contient, t. l*"",
p. 222, une gravure représentant le tombeau de Ferdi-
nand d'Autriche.
On voit par la note qui suit que Marguerite d'Autriche,
acheta, en 1521, divers meubles et objets d'art, provenant
de la mortuaire de don Diego de Ghevara :
« Aux exécuteurs du testament de feu don Diego de Gevarra, la somme
de viijc Ixx livres, de xl gros, par lettres patentes du dernier jour de sep-
tembre xvc xxj, pour certaines parties de meubles délaissées par ledict feu,
lesquelles Madame a fait prendre et acheter d'eulx, assavoir : un lict de camp
de bois, bien doré, avecq quatre mannekins, des lappis, ung tableau de
paincture de la face de roy catholique; ung autre tableau de Tenfant de
Fortune, aussi en painclure, etc. (4). »
Nous avons à revenir aussi sur le compte de Guyol
(1) A. HE^NE et A. Wauters, Histoire de Bruxelles, t. III, p. 406.
(2) Tableaux et sculptures de Marie d'Autriche, reine douairière de Hon-
grie {Revue universelle des aris, t. III, p. 134).
(3) Collection des acquits des comptes de l'hôtel de Marguerite d'Autriche,
aux Archives du royaume.
(4) Registre n" 17'J7 de la chambre des comptes, ibidem.
— 107 —
de Baugrant, le sculpteur de la statue et des accessoires
du tombeau de l'archiduc François. Des documents authen-
tiques établissent que cet artiste était en Espagne en 1555,
époque où il contracta avec la ville de Bilbao, située pres-
qu'aux frontières de France, pour l'exécution d'un grand
rétable destiné à l'église Saint- Jacques. Ces mêmes docu-
ments nous apprennent qu'il mourut dans celle ville en
1551, et que la somme qui lui restait due pour ses travaux
fut payée, au nom de sa veuve, à Jean de Beaugrant, son
frère et son élève. L'auteur qui rapporte ces détails fait
l'éloge des statues du monument dû au ciseau de notre
arlisle (i).
« A tous ceulx qui ces présentes lettres verront et orront, bourgmaislre
et échevins de la ville de Bruxelles, en la duché de Brabant, saluyt. Savoir
faisons que aujourd'huy, date de cestes, par-devant nous est venu et com-
paru en propre personne AnJrieu Nonnon, maistre des pierres de marbres,
demeurant à Dynant, au pays de Liège, et a recongneu avoir vendu bien
et loïalement à maistre Loys de Boedeghem, maistre ouvrier de madame
Marguerite, duwagière de Savoye, régente et gouvernante, etc., pour et au
prouflit d'icelle dame, une sépulture de pierre noir de marbre de la mesme
sorte que est la sépulture de don Diego, gisant en la chapelle ou église de
Nostre-Dame-de-Sablon, en ceste ville de Bruxelles, de la mesme molure et
ainsi bonne pierre que celle de don Diego, dont la tombe de desurre d'icelle
sépulture sera de la longueur de vj piedz et demi et large iij piedz et iij quar-
tiers d'ung pied; et les pierres estans entre le bassement et ladicte tombe
seront trois pouces plus hault que ladicte sépulture de don Diego, sans esire
poly, et les autres pierres seront pollyes comme icelle sépulture de don
Diego; laquelle sépulture ledict Andrieu Nonnon a promis et promect pur
ces présentes livrer en ladicte ville de Bruxelles, dedans le église de Couden-
berge, en dedans le jour de Sainct-Remy prouchain venant, pour laquelle sé-
pulture ledict maistre Loys ou nom que dessus a promis audict Andrieu
Nonnon payer la somme de cxl florins, chascun florin à xx patars coniji-
té, etc. Donné en l'an de grâce mil v<= xxiiij, le iij« jour de mars, stile de
Brabant (2). »
(1) .l.-A. CÉky BtRMUDEZ, Dkcionario hislorico de las bellas arles en Espana,
t. il, p. Ui.
(2) Collection des acquits des comptes de l'hôtel de Marguerite d'Aulrichc,
aux Archives du royaume.
— 108 —
Tombeau d'Ernest, archiduc d'Autriche. — {Voy. §20).
— Dans les archives de la secrétairerie d'Etat allemaude,
aux Archives du royaume, se trouve la minute d'une lettre
de l'archiduc Albert à l'empereur Rodolphe II, écrite le
16 novembre 1398, pour lui demander de faire prendre des
mesures pour la translation du corps de l'archiduc Ernest,
leur frère, à Prague, lieu de sépulture de leurs ancêtres, et
pour l'avertir qu'il l'avait provisoirement fait enterrer dans
le caveau des ducs de Brabant, à l'église de Sainte-Gudule,
à Bruxelles. Il ne parait pas que l'empereur se soit grande-
ment soucié de faire ces frais, malgré le désir qu'il en avait
témoigné à l'archiduc Albert avant son départ pour les
Pays-Bas.
Alex. Pinchart.
— 109
S. ^ennebert. tlotifc nécrologique.
Jean-BapUste-Joseph-Frédéric Hennebert, un des hom-
mes les plus laborieux, les plus zélés pour les lettres à
Tournai , vient de mourir presque subitement dans cette
ville, où son savoir, autant que sou caractère et ses qua-
lités, était apprécié de tous.
Né le 25 mars 1800 à Crèvecœur (Oise), il fit ses études
au collège de Beauvais, vint s'établir à Tournai en 1820 et
y devint secrétaire intime de M. le baron Lefebvre, un de
nos grands industriels de cette époque. Adonné de bonne
heure aux études littéraires qui faisaient ses délices, il
fut successivement revêtu de fonctions locales, qui ren-
traient toutes dans ses goûts modestes et éclairés; membre
dès 1828 de la Commission des monuments de Tournai,
il devint, en 1829, archiviste de la ville et conservateur
pour l'État, des archives de l'ancien Tournésis. En 1855,
il cumula ces fonctions avec celles de professeur du cours
supérieur de français à l'athénée de Tournai, et en 1851,
il fut nommé professeur de Rhétorique française, lors de
la réorganisation de l'enseignement moyen.
Nous ne pouvons mieux faire connaître la carrière si
pleine et si utile de M. Hennebert qu'en donnant ici la
liste des publications qu'on lui doit et de celles qu'il édita
en collaboration avec d'autres personnes. Ces publications
sont nombreuses, et toutes témoignent d'un esprit élevé et
d'une culture épurée de la langue française. Sous ce der-
nier rapport, les services qu'il a rendus dans l'enseigne-
— 110 —
menl, feront longtemps vénérer sa mémoire parmi la jeu-
nesse de Tournai. L'ars bene dkendi trouvait en lui un
interprète aussi intelligent que spirituel.
I. VEnseifjnement lui doit :
Questionnaire sur toutes les parties de la grammaire fran-
çaise de MM. Noël et Chapsal, par un professeur. 1 vol. in-12
de II et 56 pages, Tournay, J. Casterman, aîné, 1836.
Exercices élémentaires principalement appliqués à l'abrégé
de la nouvelle grammaire de Noël et Chapsal, par un profes-
seur. Tournai, J. Casterman, 1845. Vol. in-12, de iv et 84 pp.
— Corrigé des mêmes exercices.
Histoire de Belgique depuis les premiers temps jusqu'à nos
jours, à l'usage des maisons d'éducation. Vol. in-18, de viii
et 299 pp. Tournay, Casterman, 1843.
Manuel du langage figuré d'après Dumarsais, Fontanier,
J. V. Leclerc, etc., à l'usage des classes supérieures de langue
française, par un professeur. Tournay, A. Janssens, 1844; in-8".
Cours élémentaire de prononciation, de lecture à haute voix
et de récitation, d'après les auteurs les plus estimés; par un
professeur. Vol. in-12 de 107 et v pp. Tournay, Renard
Dosson [Six éditions successives).
Moniteur de l'Enseignement. Fondé en 1849, sur le vœu
exprimé par le congrès professoral, ce recueil a existé jusqu'en
1856, et a paru en trois séries, de quatre volumes chacune,
chaque volume comprenant 452 pages in-8°. Il a toujours dé-
fendu, même au péril de son existence, les saines théories d'in-
struction, et les intérêts des membres du corps professoral nou-
vellement constitué. Il s'est montré le défenseur le plus dévoué
de l'enseignement de l'État (i).
Annuaire de l'enseignement moyen, publié sous le patronage
du congrès professoral de Belgique. Neuf années. Bruxelles,
Hayez,'l849, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57.
(I) Cette publication, entreprise sous les auspices de la Société historique
et littéraire de Tournai, se continue cliez MM. Malo et Lcvasseur, imprimeurs
à Tournai.
— 111 —
II. I^a Bibliographie :
Notice biographique et littéraire sur II. Delmotte, publiée
par la société des Bibliophiles belges; avec un fac-similé de
sou écriture et un portrait dessiné par Madou. Mons, Hoyois-
Derely, 1856, in-8° de 4-i pages.
Notice sur la vie et les ouvrages de II. Delmotte, par
Fréd. Hennebert. 2" édition, revue et augmentée. Mons, 4842.
(irand in-S", de xtx pp., avec encadrements et portrait.
Bibliographie tournaisienne — Des premières productions
de la presse à Tournai, ln-8", de 8 pp. [Tiré a pan des Bulle-
tins de la Société historique et littéraire de Tournai).
Une corbeille de rognures ou feuillets arrachés d'un livre
sans titre, par W Ch. Nodier. Tournay (J. Casterman), 183().
Quelques mots de préface et une table ont été ajoutés par
l'éditeur (Fred. Hennebert).
Piitmes et refrains tournésiens, poésies couronnées par le
puy d'escole de rhétorique de Tournay (1477-1491), extraites
d'un manuscrit de la bibliothèque publique de Tournay.
Mons, Hoyois-Derely, 1857; 1 vol. in-8'', de xx et de 160 pages.
Le Bibliologue de la Belgique et du Nord de la France. Jour-
nal de bibliologie, d'histoire littéraire, d'imprimerie et de
librairie, publié avec la coopération de plusieurs hommes de
lettres, par Fréd. Hennebert. Tournai, 1859. T. I. Il n'a été
publié que ce volume.
m. Les Sciences historiques et archéologiques :
Essai historico-philologique sur le nom de Tournai. Tour-
nai, Ad. Delmée, 1848 [Tiré a part du t. I des Mémoires de la
Société historique et littéraire). Réimprimé sous le titre de : Guerre
à l'Y. Essai historico-philologique sur le nom de Tournai.
Tournai, Malo et Levasseur. Bruxelles, Decq, 1836.
Madame Adélaïde d'Orléans à Tournai (1792-1795). Extrait
du t. I des Bulletins. In-8°, avec un fac-similé.
Notice biographique sur Charles-Henri-Joseph De Basse ,
maire de Tournai [Extrait du t. III des Bulletins), ln-8'', de
17 pp. avec portrait.
— il2 —
Ephémérides tournaisiennes. In-8°.
Archives tournaisiennes historiques et littéraires — Recueil
concernant Tournai et le Tournaisis. T. I, Tournai iSi^. Vol.
in-8°, de 250 pp.
Société (les Amis de la Littérature, des Sciences et des
Beaux-Arts, fondée le lundi Xll' jour de mai d823 — Règle-
ment — vol. in-52 de xiv et 24 pages. Tournay, Renard
Dosson, 4834 (Ce règlement est précédé d'une notice sur la
société, sa formation, etc.)
Mélanges pour servir à l'histoire des hommes et des choses
de Tournai et du Tournaisis. 1" fascicule. Tournai, 1833, in-
8", de 93 pp. avec portr. 2'' fasc, pp. 93-204, avec planch. de
médailles, 1837. 5'= fasc, 1838.
Numismatique tournaisienue. In-8'', de 3 pp. [Tiré à part des
mêmes Bulletins (1848).
Un Bibliophile tournaisien à la fin du XV'' siècle (1497),
1836, in-8°, de 32 pp.
Mémoires d'eschevin de Tournai, remarquez et escrits par
Ph. de Hurges, d'Arras. Publié avec notes et table alphabétique
par F. Hennebert. Bruxelles, Decq, 1833; in-S".
Kalendrier des guerres de Tournai (1477-1479), par Jehan
Nicolay, publié d'après un manuscrit de la Bibliothèque impé-
riale de Paris, suivi d'appendices, d'un index général et de
notes, par Fréd. Hennebert.
Notice sur l'octroi communal de la ville de Tournai, avant
l'occupation française. Bruxelles, Em. Devroye et C'% 1840.
Crand in-8'', de 74 pp.
M. Hennebert était en outre en correspondance avec les
savants les plus distingués du pays et de l'étranger; de
nombreuses sociétés historiques et littéraires l'avaient reçu
pEirmi ses membres. Il était secrétaire de la Société histo-
rique et littéraire de Tournai, membre correspondant de
l'Académie d'archéologie de Belgique, de la Société d'ému-
lation pour l'étude de l'histoire de la Flandre, de la Société
— 113 —
d'êiniilalion de Liège, de la Sociélé royale des Beaux-Arls
et de Littérature de Gand, de la Société des Bibliophiles de
Mens, de la Société des Sciences, Arts et Lettres du Hai-
naut, de la Sociélé des Antiquaires de la Morinie, de la
Société d'archéologie du département de la Somme, de la
Société des Antiquaires de Picardie, de l'Académie d'en-
seignement de Paris, de l'Institut historique de France, de
la Société de l'histoire de France, de l'Académie archéo-
logique espagnole de Madrid.
Jamais on ne s'adressait à lui en vain pour obtenir un
renseignement sur l'un ou l'autre point qui faisait l'objet
de ses études de prédilection. On était toujours sur de re-
cevoir une réponse aussi affable que satisfaisante. Sa com-
plaisance était inépuisable.
M. Hennebert avait été pendant longtemps un des colla-
borateurs les plus assidus du Messarjer des Sciences. Il a
fourni entre autres à notre recueil les articles suivants :
Année 1837. Entrée de Henri VIII à Tournai.
B » P. J. B. Du Bois, professeur à l'Athénée royal
de Tournai.
» » Notice historique sur Lecreux, sculpteur tour-
naisien.
Année 1838. Une lettre de Jeanne d'Arc auxTournaisiens —
1429.
Année 1840. Notice sur l'abbé Duvivier, chanoine de Tournai.
Année 1841. Poutrain et son histoire de Tournai.
Au moment de mourir, M. Hennebert achevait de pré-
parer une nouvelle édition de Cousin, Histoire de Tournay .
Sa bibliothèque, intéressante surtout pour' l'histoire de la
ville où il passa la plus grande partie de sa vie, a été ven-
due à Tournai le 8 mars 1858. Il laisse aussi une précieuse
coileclion d'autographes, qui sera vendue plus tard.
J. D. S. G.
; i.i —
Cl^rouique beô ôc'mucs et î)C5 3rti3, et lïartctéô.
Lettre de Sanderus a la Chamdre des Comptes, a Lille (1606). — Un des
ailleurs les plus recommandables et les plus féconds de la Flandre, Antoine
Sanderus, le célèbre auteur de la Flandria illuslrala et de tant d'ouvrages
historiques, attend encore sa biographie. On ne sait guère de ce laborieux
écrivain que ce qu'en dit Paqdot dans ses Mémoires. De temps en temps on
découvre bien quelque document qui jette du jour sur cette vie si bien rem-
plie au service de la science. Mais personne jusqu'ici ne s'est attaché à re-
cueillir les détails nécessaires pour élever enfin à Sanderus un monument
(ligne de lui.
En 1838, M. Jules Kotele a publié dans ce recueil, pp. 144-133, trois let-
tres du savant chanoine d"Ypres, adressées aux magistrats d'Audenarde, pour
obtenir de ce collège un subside destiné à couvrir les frais considérables
(pi'entraînait la publication de sa Chorograpliie.
Une requête du même genre fut adressée par lui, aux Etats de Flandre,
vers la même époque.
M. le marquis de Godefroy, le judicieux éditeur de la Chronique de Lambert
d'Ardres, vient de communiquer k la Société des Sciences de Lille une lettre
par laquelle Antoine Sanderus, à peine âgé de vingt ans, demande à la cham-
bre des comptes un secours pour lui permettre de continuer ses études théo-
logiques à rUniversité de Douai.
Ce document nous a paru assez important pour être reproduit ici avec les
quelques mots d'introduction dont M. de Godefroy l'a fait précéder dans les
Mémoires de la Société impériale des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de
Lille, dont nous extrayons celte notice.
A Messieurs les Membres de la Société des Sciences, de l'Agriculture et des
Arts de Lille.
Messieurs,
Un des noms les plus familiers et les plus recommandables à ceux qui
s'occupent de l'histoire de notre pays est celui du chanoine Sanderus, qui
— 115 —
(liirnnl une longue el laborieuse vie, consacra des veilles niullipliées et des
sommes considérables à l'élude des antiquités de la Flandre et à la reproduc-
tion de ses monuments. Maintenant que le temps a fait son œuvre, que la
Révolution bien autrement dévastatrice que le temps, a fait disparaître tant
d'édifices témoignant de la foi, du goût et de la richesse de nos ancêtres, nous
pouvons encore, en feuilletant les magnifiques pages de la Flandria illustrala,
contempler les églises à l'ombre des(juelles ils priaient, les châteaux, splen-
deur et protection de leurs grasses campagnes, les villes, foyer de leur puis-
sante industrie, les places publiques, théâtre de leur orageuse liberté, les
beffrois, qui tant de fois tintèrent pour la protection des franchises et la
défense de la cité. Celui même qui n'a point l'attrait ou le loisir des lectures
crudités saisit dans ces gravures si nombreuses, si exactes et d'un mérite
d'exécution incontestable, la physionomie de la Flandre au XVII" siècle, et
est transporté au milieu d'elle par les yeux en même temps que par la pensée,
(."est un moyen heureux de nous intéresser au passé. Pour mon compte,
j'avoue que ramusenient qu'y trouva ma première jeunesse, éveilla de bonne
heure chez moi le désir de connaître nos annales flamandes.
Ce bon prêtre, si dévoué à la gloire du pays qui l'avait vu naître, eut d'au-
tant plus de mérite à poursuivre son œuvre vaste et patriotique, et qui exigeait
des dépenses devant lesquelles reculeraient les plus hardis éditeurs d'aujour-
d'hui, qu'entr'aulres obstacles il eut à lutter contre l'exiguité de ses ressources
personnelles. Une tradition constante, que sur des données peu concluantes on
a récemment essayé de contester, nous apprend que ses dispendieuses publica-
tions furent loin de l'enrichir, et la misère eut aggravé pour lui les rigueurs de
la vieillesse, sans la généreuse hospitalité des moines d'Afllighem (1).
Une pièce que j'ai trouvée dans ma bibliothèque, révèle que sa jeunesse ne
fut pas plus favorisée de la fortune que ses dernières années. Elle nous le
montre à l'âge de vingt ans, boursier d'Anchin, et réduit à solliciter pour se
procurer les vêtements convenables à sa condition d'étudiant en théologie.
C'est une requête, peut-être autographe, adressée à Messieurs de la Chambre
des comptes de Lille, implorant une apostille favorable prés du Conseil des
finances de Bruxelles, ù l'effet d'en obtenir une gratification destinée à fournir
sa modeste garde-robe ecclésiastique.
(1) M. Ketele a déjà fait remarquer, dans l'article cité plus haut, que c'est
bien moins dans la misère que dans le désir de trouver un asile paisible
qui lui permît de travailler à ses ouvrages historiques, qu'il faut rechercher
la cause de la retraite de Sanderus dans l'abbaye d'Alïlighem.
{Note lie la lîérl.).
— IIG —
Elle n'est point datée : mais Page (juil sy donne correspond ù Tannée 1C06;
car il était né en 1380.
.l'en offre la transcription et la traduction à la Société, pensant que ce détail
sur un homme qui a si bien mérité de nos contrées, ne lui sera pas indifférent,
et désirant lui apporter un faible tribut qui témoigne au moins combien je suis
(latte d'être associé à ses doctes travaux.
Le président de la protection duquel Sanderus se dit déjà assuré, doit être
Jean Destrorapes que le greffier Deseur, dans son volume sur la Chambre des
comptes, qualifie « chevalier, s^ de Westhove, Fresnoy, Zantervelt. » 11 était
de Bruges, fut nommé auditeur en 1370, maître en 1371, président en 1394,
après Messire Paul de la Grange, et décéda en 1617.
Vous remarquerez. Messieurs, l'emploi du latin dans une requête adressée à
des magistrats dont les attributions étaient toutes financières. Cette circon-
stance indique combien la langue de l'Église et de la science était alors fami-
lière, combien les humanités étaient sérieuses.
Vous remarquerez aussi que le nom du postulant conserve encore sa termi-
naison flamande. Généralement les savants latinisaient ou grécisaient leur
nom, mais seulement quand ils étaient entrés dans la carrière littéraire. C'est
donc plus tard, lorsqu'il commencera à publier, qu'il se présentera sous le nom
de Sanderus. Son grand-père prit quelquefois celui d'Alexandrins, qui est la
véritable traduction de Sanders. Notre auteur appartenait vraisemblablement
à la famille gantoise de Sersanders, forme flamande de Sire Alexandre. De
même Serclaes, sire Nicolas.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que les Altesses Sérénissimes dont parle la
requête, sont l'archiduc Albert et l'Infante Isabelle, alors conjointement sou-
verains des Pays-Bas, et qui y ont laissé une mémoire respectée.
Agréez, .Messieurs, l'assurance de mes sentiments dévoués et de haute consi-
dération.
M'S DE GODEFROY MÉNILGLAISE,
Membre correspondant.
Amplissimis Dominis D. Prwsidi virisque Consiliariis Camerœ rationum
SS. Celsiludinum in urbe Insulcnsi.
Exponitcum omni reverentiâ Antonius Sanders Gandavensis, aetatis viginti
annorum, ut abhinc elapso aniio promotionera adeptus, deinceps ad sacram
theologiam sese conferre deereverit, eamque ob causam magnorum virorum
consideralione, bursam in seminario régis Hispaniarum Duaci obtinuerit. Sed
cùm res domesticae ejus, horum temporum injuria, adeo sunt tenues ut ad
— 117 —
veslimenta theologia' studioso convenientia obtinenda neuliquain sulliciaiil,
iinpioraiis vestrum auxiliuni supplex ad pcdcs aniplissimi veslri concilii scsc
provolvit. Obsecratque ut ejus ad bene facienduin paralum animum veslro
subsidio paulispcr foveatis; ne hactenus studia salis féliciter inchoata, et ad
finem penè producta, turpiter et magno sui cura detrimcnlo cogatur.
Eà aulcm rationc, viri amplissimi, summum mihi auxilium attuleritis, si ea
vobis, quic jam (laus Superis) prudentissimo vestro Prœsidi est voluntas et
consiliura fuerit, ut nempto uno alquc altero verbo commendatitio ad consilium
Gnanciai-um S. S. Celsitudinum Bruxelias proficiscar. Quam mentem ut vobis
Deus concédât, apud eum asslduis precibus contendam. Simulque pro S. S.
Celsitudinum, Diliotuiui Bclgicarum, ac vcslrâ omnium salutc ex animo
obsecrabo.
A tris-illuslres 3Iessieurs les Président et Conseillers de la Chambre des
comptes de leurs Altesses Sérénissimes en la ville de Lille.
Expose en toute révérence Antoine Sanders, Gantois, âgé de vingt ans, que
l'an dernier il obtint la promotion, ensuite il résolut de se livrer à l'étude de
la théologie sacrée; pour quoi, à la recommandation de personnes considéra-
bles, lui fut accordée une bourse dans le séminaire du rot d'Espagne à Douai.
Mais la misère des temps a tellement réduit ses moyens d'existence qu'il ne
peut se procurer la tenue convenable à un étudiant en théologie. Il implore
donc votre assistance, et se prosterne suppliant aux pieds de votre auguste
assemblée, vous priant de soutenir un peu par votre aide son désir de bien
faire : afin qu'il ne soit pas contraint d'abandonner honteusement et à son
grand préjudice, des études assez heureusement commencées et parvenues
presque à leur terme.
Ainsi vous me serez, très-illustres Messieurs, d'un puissant secours, si vous
voulez bien partager les dispositions qui animent déjà (Dieu soit loué) votre
très-sage Président, et m'accorder deux mots de recommandation avec lesquels
j'irai à Bruxelles près du Conseil des finances de leurs Altesses Sérénissimes.
Je prierai assidûment Dieu qu'il vous Tinspire, et en même temps l'implorerai
de toute mon âme pour la conservation de leurs Altesses Sérénissimes, des
provinces Belgiques, et de vos personnes à tous.
Vente du Cabinet de feu M. Borluut de Noortdonck. — Le 19 avril dernier
et jours suivants, a eu lieu à Gand la vente de la première partie du beau
cabinet de feu M. Borluut de Noortdonck. Jamais vente n'a attiré chez nous
un plus grand concours d'amateurs distingués et de libraires de renom. De
— M8 —
nombreuses commissions avaient été envoyées de Londres, Paris, Berlin,
Leipzig, Francfort, Hambourg, etc.; de plus, la France y était représentée
par MM. D.-F. Didol, Techener, Porquet, Baillieu , Claudin, Giraud, Gouin,
Slesinger, etc., de Paris, Leleu, de Lille; l'Angleterre, par MM. Boone, Too-
vey, Evans et Quaritsch; la Hollande, par MM. Van Baelen, de Rotterdam, et
Nyhoff, de La Haye (ce dernier était chargé d'acheter pour compte de la
Bibliothèque royale de La Haye) ; la Belgique, par ses bibliophiles les plus
distingués et par ses plus grands libraires : MM. Vergauwen, De Meyer,
Pielers-Morel, Dacl-Van Goelhem, Van der Hacghen, Serrure, Duquesne, etc.,
de Gand; M.M. Auyls, le comte Legrelle, Schoof-Van Slraelen et Taye, d'An-
vers; Hclbig et Witert, de Liège; Heussner, baron de La Vilestreux, baron
deVinck, de Walsch, etc., de Bruxelles; M. De Bruyne, de Malines; De Moor,
de Bruges; MM. Vercruyssen et Bruyneel, de Courtrai, etc., etc. La Biblio-
thèque royale de Bruxelles était représentée par M.M. Alvin et Ruelens,
attaché; celle de Gand, par M. le baron de Saint-Genois; le Musée de Bruxel-
les, par .MM. le vicomte Du Bus et Stiénon; celui d'Anvers, par .M. Rom-
boufs; enfin S. A. R. le comte de Flandre y avait député M. Aug. Scheler,
bibliothécaire du Roi et des princes. ^
11 n'y a pas d'exemple que les livres aient été vendus en Belgique à des
prix plus élevés qu'a la vente de .M. Borlnut de Noortdonck; ceux des ventes
les plus célèbres de Paris et de Londres ont été dépassés de beaucoup. Cette
première partie a produit une somme d'environ 90,000 francs, Voici les prix
des principaux articles :
N" 3. Bibel mit horcn boecken. Delft, 1477. 1" édition de la Bible en langue
flamande, \iO fr. à M. Boone, à Londres.
N» 9. Die Epislelen en Evangelien. Utrecht , Veldener, 1481, 16o fr. au
même.
No 12. B. Pauli epislolœ. MS. sur peau de vélin, du X1I« siècle, provenant
de l'abbaye de Saint-Martin à Tournai, 155 fr. à M. Didot, à Paris.
N" 32. Historiarum vctcris instrumenti icônes. Lugduni, 1358. Première
édition des planches du Vieux Testament, gravées d'après les dessins de Hol-
bein, 200 fr. à M. Heussner, à Bruxelles.
N" 4-4. Historié des ouden en nieuwen Testaments. Amst. , 1700. Exempl.
avant les clous, 106 fr. à M. Leleu, à Lille.
N°47. Chr. Weigel, Historiée vetcris et novi Testamenti. Norimbergœ (1708),
136 fr. au même
N» 49. Joan. de Sancto Laurenlio postillœ Evangeliorum. Bruxelles, les
Frères de la Vie commune, 1480. 115 fr. à la Bibl. royale, à Bruxelles.
— 119 —
N» 53. Hier. Xatulis adnotaliones et medilationes in Evangelia. Recueil de
gravures par Wiericx, 167 fr. à M. Teclioner, à l'aris.
N» 61. Hug. de Sancto Victore super o/pcio misse. Louvain, Conr. de Wesl-
falie. 152 fr. à M. Nyhoff, à La Haye.
N» Co. Horœ beatœ Mariœ Virginis. Très-beau MS. sur vélin, orné de ma-
gnifiques miniatures, provenant de la bibliothèque des ducs de Bretagne.
650 fr. à M. Giraud, à Paris.
N» 67. Heures à l'usage de Rouen. Sur peau de vélin. 270 fr. à M. Du-
quesne, à Gand.
N» 68. Enehiridion ecdesiœ Sai-um. Paris, Kerver, 1528, avec figures de
Geoflfr. Tory, de Bourges, 2G0 fr. à M. Toovey, à Londres (M. Borluut avait
acquis ce volume au prix de fr. 1-30).
No 71. Dionijsii Areopagilœ de celesli hyerarcliia. Bruges, Col. Mansion (in-
complet de 2 fif.). 175 fr.
N» 73. 5. Auguslini super psahtios. MS. du XU siècle, provenant de lab-
baye de Saint-Martin de Tournay, 120 fr. à la Bibl. royale, à Bruxelles.
N" 87. Quodlibelica decisio de scpicm duloribus Virginis Mariœ. Anvers,
Th. Martens (1494). Exemplaire, le seul connu, sur peau de vélin, le même
qui, selon toute apparence, fut offert à Philippe-le-Beau, 536 fr. à M. De
Meyer, à Gand.
N" 96. Joan. Berlaud, encomium Irium Mariarum. Paris (1329), 150 fr. à
M. Baillieri, à Paris.
N" 109. Franc, de Retza, comeslorium viliorum. Nuremberg, 1470 (1'^'' livre
imprimé à Nuremberg), 115 fr. à M. Techener, à Paris.
N" 123. Herm. de Pelra sermones super orationem dominicain. Audenardc,
1480 (1" livre imprimé à Audenarde), 137 fr. à M. De Meyer, à Gand.
N» 134. Thomas à Kempis, de l'imitation de Jésus-Christ. Paris, 1692.
Exemplaire de M"»e de Maintenon, relié aux insignes de Sainl-Cyr, 142 fr. à
M. Taye, à Anvers.
No 140. Barlaam et Josaphat. Augsbourg, Zainer, 150 fr. à M. Van Bac-
len, à Rotterdam.
No 131. Guill. Van Branteghem Aloslani Pomarium myslicum. Anvers, Vos-
terman, 1533, 95 fr. à M. Boone, à Londres (M. Borluut avait acquis ce
volume au prix de 20 fr. à la vente Bignon, faite à Paris en 1849).
No 138. Guiltcrmi Rhetorica divina. Gand, 1483. («f livre imprimé à Gand.
100 fr. à M. De Meyer, à Gand.
No 220. Boutillier, La somme rurale. Bruges, Colard Mansion, 1479 Ma-
gnifique exemplaire, chef-dœuvre de reliure de Niedrée, 2630 fr. à M. Teche-
ner (M. Borluut avait acheté ce volume de M. Techener, au prix de 600 fr.).
— 120 —
N" 245. Bonifacius liber sexlus decretcdium. Maycnce, Fust et Schoifler,
14G5. Un des neuf exemplaires sur peau de vélin, 2000 fr. à M. Didot, à
Paris (M. Borluut avait acheté cet exemplaire au prix de 600 fr., chez les
frères de Bure, à Paris).
N» 296. Le tfrant Boece. Paris, Ant. Verard (1492), 170 fr. à M. Toovey,
à Londres.
N» 299. Jacq. Legrant, Le livre des bonnes mœurs. MS. magnifique, orné
d'un grand nombre de miniatures, et provenant de la bibliothèque des ducs
de Bretagne, 5700 fr. à M. Buyser, à Gand.
N" 329. Roderici Zamorensis spéculum vilœ humanœ. Rome, 1468, relié
par Bozerian, 156 fr. à M. Duquesne, à Gand.
N" 334. Gio.-Mich. Bruto, La inslilutione di una fanciulla nala nobilmente.
If livre imprimé par Chr. Plantin, 390 fr. à M. Nuyts, à Anvers (Ce raris-
sime volume provient de la vente Libri, faite à Paris, où M. Borluut Pavait
acquis au prix de 198 fr.).
N" 341. Gabr. Naudé, Considérations sur les coups d'état. Rome (Paris),
1639. Tiré à petit nombre, 115 fr. (M. Borluut avait acquis ce volume au
prix de fr. 26-50, à la vente Fossé d'Arcosse).
N» 549. Il libro del cortegiano del conte Bald. Castiglione. Venise, Aide,
1353. Reliure très-curieuse. 163 fr. à M. Toovey, à Londres.
N" 437. Knor et Walch, Recueil de pétri ficalions. Nuremberg, 1768-87,
183 fr. à M. le comte d'IIane-de Potier, à Gand.
N"» 472. Cuvier, Le règne animal. Très-bel exemplaire, 633 fr. à la Biblio-
thèque de l'Université de Gand.
N» 300. Georg. Edwards, Histoire naturelle des oiseaux. 7 vol. in-4<'.
Reliure de Derome, 200 fr. à M. le vicomte Du Bus, à Bruxelles.
N° 681. L'Artiste, 680 fr. à M. le Rq de Vinck, à Bruxelles.
No 693. Seroux d'Agincourt, Histoire de l'art par les monuments, 390 fr. à
.M. Rombouts (pour le Musée royal d'Anvers).
N» 694. Du Sommerard, Les arts au moyen-âge, 1330 fr. à M. Van Baele,
à Rotterdam.
N" 737. Galerie des peintres, par Chabert et Franquinet, 250 fr. à la Bi-
bliothèque de l'Université de Gand.
N" 742. Les Vierges de Raphaël, 100 fr. à M. Ch. de Loose, à Gand.
N" 748. La grande galerie de Versailles, par Le Brun, 140 fr. à M. Teche-
ner, à Paris.
N" 730. La galerie des peintres flamands, par Le Brun, 560 fr. à M. Du-
quesne, à Gand.
N" 757. Die Sammlung all-nieder und oberdeutscher Gcmâlde, par les frères
Boisserée, 313 fr. à M. Onghena, à Gand.
— 121 —
N" 759. Galerie de Florence et du palais Pilti, 315 fr. à M. de Waele-de la
Potlerie, à Garid.
N» 7C0. Reala galleria di Flrenze, 243 fr. à M. Sclioof-Van Straclen, à
Anvers.
N" 761. Pilttire del salone impériale del palazzo di Firenze, 100 fr. à
M. Vercruysse, à Courlrai.
N" 762. Pinacoleca délia ponlificia accademia in Bologna, 220 fr. à
M. Quarilscli, à Londres.
Nos 764 et 6S. le Musée français et le Musée royal, par Robillard et Lau-
rent, 3200 fr. à M. Tcchener.
N» 766. Filhol, Galerie du Musée Napoléon, 410 fr. au Musée de Bruxelles.
IN'o 769 Galeries historiques de Versailles, par Gavard, 800 fr. à la Biblio-
thèque de l'Université de Gand.
N» 771. Galerie du Palais royal, par Couché, 520 fr. à la Bibliothèque
royale, à Bruxelles.
N" 772. Valout et Quinot, Galerie lithographiée du duc d'Orléans, 160 fr. à
M. Leleu, à Lille.
N" 773. Recueil d'estampes du cabinet de Crozat, 403 fr. à M. Techener, à
Paris.
N» 774. Recueil d'estampes du cabinet de Boyer-d' Aguilles, 210 fr. à M. Van
Baele, à Rotterdam.
N» 775. Le cabinet de Poidain, 140 fr. à M. Ad. Van der Meersch, à Gand.
N» 776. Le cabinet de Choiseul, 142 fr. au même.
N» 778. Dav. Teniers, Tliealrum pictorium, 150 fr. à M. Evans, à Londres.
N» 779. Le cabinet de Reynst, 295 fr. à M. Porquet, à Paris.
N» 781. De Pigage, La galerie de Dusseldorf, 150 fr. à M. Techener, à
Paris.
N» 782. La galerie de Dresde, 360 fr. à M. Leleu, à Lille.
N» 784. La galerie de Munich, 400 fr. au Musée royal de Bruxelles.
N» 78a. La même, publiée par Piloty et Lœhle, 480 fr. à M. Onghena, à
Gand.
N» 786. La galerie de Leuchtenberg, 12a fr. à M. Van Baele, à Rotterdam.
N" 795. La galerie de Houghton, 330 fr. au même.
N" 805. Toiles peintes et tapisseries de la ville de Reims, 145 fr. à M. Qua-
ritsch, à Londres.
N" 850. Oltley, The hislory of cngraving, 155 fr. au même.
N" 871. Barlsch, Le peintre graveur, 253 fr. à la Bibliothèque de l'Uni-
versité de Gand.
N» 878. Heinecken, Idée générale d'une collection d'estampes. Exemplaire
— 422 —
illustré d'un grand nombre d'estampes anciennes, 240 fi-. à M. NyhofT, à
La Haye.
N" 949. Recueil d'estampes, pur Callot, 70 fr. à M. Scheier (pour S. A. R.
le comte de Flandre).
N» 966. Sketches in Belgium and Germany, par Louis Ilaghe, 210 fr. à
M. Edm. d'Hane de Steenhuyse.
IS'o 972. Les images de la mort. Cologne, 13i7, liO fr. à M. Quaritsch, à
Londres.
JV» 988. Portraits de Van Dyck, 250 fr. à M. Heussner, à Bruxelles.
N" 999. Duflos, Recueil d'estampes, 140 fr. à la Bibliothèque royale de
Bruxelles.
IN'o 1001. Donnard, Costumes du XlIIe, XI V^ et A'V'« siècles, 125 fr. à
M. Canneel, à Gand.
N" 1054. Les églises principales de l'Europe, 110 fr. à M. Welvaert, curé
à Gentbrugge.
N» 1079. Les singuliers pourtraicls de Sederie de Vinciolo, pour toutes sor-
tes d'ouvrages de lingerie, 151 fr. à M. Techener, à Paris.
N» 1084. L'art de faire le papier à la Chine. Suite de 23 beaux dessins
chinois, 151 fr. à M. Leleu, à Lille.
N" 1133. Isidori Ilispaliensis libri etymologiarum. .MS. du XM^ siècle, pro-
venant de l'abbaye de Cambron, 380 fr. à M. Boone, à Londres.
N° 1136. Joan. Balbus de Janua, catholicon. Volume très-rare, imprime,
selon toute apparence, par Gulemberg, 1130 fr. à M. Didol, à Paris.
N" 1139. Joan. Paludani dictionariolum. Gand, Lambrecht, 1544. Le seul
exemplaire connu, 205 fr. à M. De Meyer, à Gand.
N» 1203. Joan. Campensis grammatica hebraica. Louvain, Martens, 1528.
Edition de la plus grande rareté, dont on ne connaît que deux exemplaires,
132 fr. à M. le sénateur Vergauwen, à Gand.
N" 1293. P. Virgilii Bucolica, Georgica et /Eneis. Birmingham, Basker-
ville. .Magnifique exemplaire provenant de la vente du comte de La Bédoyère.
341 fr. à M. Slesinger, à Paris.
N» 1297. Virgile de Heyne. Exemplaire relié par Bozerian , 161 fr. à
M. Techener, à Paris.
N» 1316. L'Ovide en belle humeur, de M. flassoucy. Très-bel exemplaire,
133 fr. à M. Boone, à Londres.
N" 1323. Guil. Borluit, pguren uyt den poëte Ovidius. Volume rare, im-
primé en flamand, à Lyon en 1537, 104 fr. à M. Serrure, ù Gand.
ÎN'o 1358. Lucaiii Pharsulia. Paris, 1312. Édition très-rare, 140 fr. à
-M. Techener, à Paris.
— 123 —
No 1341). Sutii Sylvœ. Venise, Aide, 1502. Très-bel exemplaire, relié yii
chiffre Je Marc Lauwereyns, seigneur de Walervliet, 200 fr. à .M. Porquet, à
Paris.
N» 1389. Franc. Quclain Pantographia. Gand, Ger. Salenson, 1534. Volume
de la plus grande rareté, 230 fr. à M. De Meyer, à Gand.
N" 1395. Pelri de Blarrorivo, de bello nanceiano. A Saint-Nicolas du Porl,
1518, 100 fr. à M. Boone, à Londres.
N" 1424. Marci Ncviani Flandri poemala. Édition très-rare, imprimée ù
Gand en 1573, 150 fr. à M. Ferd. Van der Haeghen, à Gand.
N» 1433. Anl. de Arena, Meygra enlreprisa caloliqiii imperaloris. Avignon,
1537. Magnifique exemplaire de cette rare macaronée, richement relié par
Bauzonet, et provenant de la bibliothèque de M. Nodier, 260 fr. à M. Sle-
singer, à Paris.
N" 1437. Joan. Gcrinanntis, Historia bravissima Caroli Quinti, 1556. Autre
macaronée d'une grande rareté, reliée par Kœhler et provenant de la vente
Nodier, 220 fr. à M. Techener, à Paris.
No 1446. fiaijnouard, Choix des poésies originales des Troubadours, 146 fr.
à la Bibliothèque de TUniversitë de Gand.
N" 1467. Le roman de la Violette, par G, de Montreuil. Exempl. avec les
fig. coloriées sur vélin, 151 fr. à M. Leleu, à Lille.
N» 1476. Chrislicnnc de Pisan, les cent hystoires de Troije. Paris, 1322.
Volume rare, relié par Derome et provenant de la vente du baron Taylor (où
M. Borluut l'avait acheté au prix de 64 fr.), 500 fr, à M. Techener, à Paris.
N» 1478. Les faictz et dictz de maistre Alain Cliartrier. Paris, 1326, 160 fr.
ù M. Duquesne, à Gand (Ce volume n'avait coûté que 40 fr. à M. Borluut).
N» 1486. Le livre de Matheolus, sans lieu ni date. Magnifique exemplaire,
provenant de la vente de Nodier, 207 fr. à M. Techener, à Paris.
N» 1492. Les folles entreprises par Gringoire. Paris, 1303. Exempl. de la
plus belle conservation, acheté par M. Borluut au prix de 201 fr. à la vente
Crozet, 400 fr. à M. Techener, à Paris.
N» 1493. Gringoire, les fantaisies de la mère sote. Superbe exempl., relié
par Thompson, et acquis par M. Borluut au prix de 116 francs, 300 fr. à
M. Boone, à Londres.
N" 1497. Les actes du dernier supplice de Nicolas le Borgne, rédiges en rime
par Josse Lambert et Robert de la Visseliertje. Gand, 1343. Livret de la plus
grarde rareté, dont on ne connaît que trois exemplaires, 335 fr.à M. De Meyer,
a Gand.
N" 1498. Les œuvres de Clément M arot. Lyon, 1543, 290 fr. à M. Techener,
H Paris.
— 124 —
N» 1309. Marguerites de la Marguerite des princesses (Marguerite de Valois).
Lyon, 1347, 523 fr. à .M. Techener (Cet exemplaire n'avait coulé Sx M. Borluul
que 180 francs).
N" 1510. A,e tombeau de Marguerite de Valois. Paris, 1531. 146 francs à
M. Duquesne, à Garni.
No 1337. OEuvres de J.-B. Bousseau. Exempl. relié par Thouvenin, et en-
richi d'une lettre autographe de J.-B. Rousseau, 110 fr. à .M. Techener, à
Paris.
N" 1616. OEuvres complètes de Gilbert. Paris, 1823. Exemplaire de toute
beauté, contenant les figures avant la lettre, les eaux-fortes et le seul auto-
graphe connu de Gilbert, 320 fr. à M. Dael-Van Goelhem, à Gand.
N» 1621. Le cabinet satyrique. 1666. Volume elzévirien très-rare, 186 fr. à
M. Porquet, à Paris.
N" 1622. Le Parnasse satyrique. 1660. Très-bel exemplaire d'une édition
elzévirienne très-rare et très-recherchée, 140 fr. à .M. Techener, à Paris.
N" 1624. L'eschole de Salerne. Impr. par les Elseviers en 1631. Magnifique
exemplaire de Nodier, 160 fr. à M. Techener.
N" 1630. La comedia di Danli Aligieri. Venise, 1344, 250 fr. à M. Boone,
à Londres.
N» 1683. Os Liisiades de Comoens. Paris, 1817. Chef-d'œuvre d'impression
et de reliure, 230 fr. à M. Quaritsch, à Londres.
N" 1693. Tewrdannck. Nurnberg, 1317. Très-bel exemplaire, relié par Dc-
rome, 423 fr. à M. Techener, à Paris.
N" 1806. Le triomphe de Jésus-Christ, trad. du latin de Foxus, par Jaques
Bienvenu, Genève, 1532. Chef-d'œuvre de reliure de Thouvenin, 400 francs
à M. Boone, à Londres.
No 1840. Recueil de ynysicres français. Précieux volume, relié par Pade-
loup, et renfermant un grand nombre de pièces non décrites , 730 francs à
M. Bopne, à Londres.
No 1842. Le triumphant mystère des actes des Aposlres. Paris, 1337, 360 fr.
à .M. Slesinger, à Paris.
No 1837. OEuvres de Jodelle. Paris, 1383. Superbe exemplaire, relié par
Bouzonnet-Trautz, 100 fr. à M. Boone, à Londres.
No 1838. OEuvres du même. Paris, 1574, 180 fr. au même
No 1839. Théâtre de Jacques Grevin. Paris, 1362. Magnifique exemplaire
Nodier, 150 fr. à Techener, à Paris.
No 1866. Frère Henry Buschey , le mystère de la saincte incarnation de
Jésus-Christ, Anvers, 1587, 250 fr. à .M. Porquet, à Paris.
No 1867. Théâtre de Denys Coppée, bourgeois de Huy. Recueil de pièces
devenues introuvables, provenant de la vente Soleinne, 211 fr. au même.
— 125 —
N» 187G. Jean d'Ennetivres, Sainte- Aldegonde. Tournay, 1G45. Opuscule de
la plus grande rareté, 133 fr. à M. le marquis d'Ennelièrcs, ù Bruxelles.
^»1903. OEuvres complètes de Racine. Paris, 1820. Magnifique exemplaire
relié par Simier et contenant plusieurs suites de gravures ajoutées et les eaux-
fortes, 502 fr. à M. Ch. de Loose, à Gand.
N» 2063 et suiv. Recueil de Mystères italiens. 730 fr. ù iM. Boone, à Londr.
IS'o 2128. OEuvres complètes de Shakspeare. Paris, 1821. Exemplaire sur
grand papier vélin , contenant les dessins originaux et un grand nombre de
gravures ajoutées, 232 fr. à M. Leleu, à Lille.
N" 2136. Esope en belle humeur. Brusselles, 1700. Exemplaire de la plus
grande beauté, revêtu d'une riche reliure , dont les plats intérieurs sont or-
nés d'aquarelles; 200 fr, à M. Dael-Van Goethem, ù Gand.
N» 2143. Directorium humanœ vitœ. Sans lieu ni date. Bel exempl. d'un
livre précieux, 230 fr. à M. Quaritsch, à Londres.
N» 2167. Le roman de 31 er lin. Paris, 1328. Exemplaire provenant de la
bibliothèque du duc de Roxburghe, 483 fr. à M. Boone, ù Londres.
N» 2168. L'Histoire des quatre fils Aymon. Anvers, 1361. Anvers, 1361.
Charmant exemplaire relié par Thompson, et provenant de la vente du baron
Taylor, 152 fr. à M. Techener, à Paris.
N" 2169. La Généalogie avec les gestes et nobles faitz darmes de Goddefrôy
de Boulion. Paris, 1311. Magnifique exemplaire d'un des livres les plus pré-
cieux de la classe des romans de chevalerie, 1000 fr. à M. Quaritsch, Londr.
K» 2244. Les Serées de Guil. Bouchet. Rouen, 1653. Exemplaire provenant
de la vente Nodier, 150 fr. à M. Techener, à Paris.
N'o 2248. Poliphili Hypnerotomachia. Venise, Aide, 1499. Édition très-rare,
133 fr. à M. Duquesne, à Gand.
N» 2348. Le remède damour,par Eneas Silvius. Charmant exemplaire pro-
venant de la bibliothèque IVodier, 170 fr. à M. Slesinger, ù Paris.
IN'o 2431. Jac. Lagniet, Recueil des plus illustres proverbes. Collection très-
rare et qu'on trouve diflicilement complète, 440 fr. à M. Techener, à Paris.
No 2368. Lucien. Naples, Arn. de Bruxelles, 140 fr. à M. Boone, à Londres.
No 2626. OEuvres de M'^<= de Montesson. Paris, 1782-83. Édition très-rare
qui n'a pas été mise dans le commerce, 223 fr. au môme.
La seconde partie du cabinet de M. Borluut, contenant les ouvrages d'his-
toire, sera vendue au mois de juillet prochain. Quoique le catalogue ne soit pas
encore mis à la disposition du public, nous sommes en mesure de pouvoir
annoncer qu'elle est tout aussi nombreuse et non moins importante que celle
qui vient d'être mise aux enchères. Nous citerons les principaux ouvrages
qu'un examen rapide du catalogue nous a fait remarquer.
— 126 —
GÉOGRAPiiiË ET Voyages. N" 2G87. Zeiler fopographia, 14 volumes in-folio.
Colleclion très-inléressanle, contenant un grand nombre de vues de villes.
N" 2693. Thevenol, Relations de divers voyages curieux. Paris, i()9fi, 2 vol.
in-folio. Exemplaire Langlès d'une collection quil est très-diflicile de trouver
complète.
N» 2736. Voyages pittoresques de l'ancienne France, par Nodier; in-folio.
N" 2742. Alexandre de Laborde, Voyage pittoresque en Espagne; 4 volumes
in-folio,
N» 2754. Fonlani Viaggio pittorico délia Toscana; 3 vol. in-folio.
N» 2757. Lavallce, Voyage historique de l'Islrie et de la Dalmatie; grand
in-folio. Exemplaire avec doubles planches et les eaux-fortes.
N" 2761. De Saint-Non, Voyage pittoresque du royaume de Naples; 5 vol.
gr. in-folio.
N" 'i78i. Melling, Voyage pittoresque de Conslanlinoplc; 1 vol. gr. in-folio.
N» 2789. Choiseul-Gouffîer, Voyage pittoresque de la Grèce,- 4 vol. in-folio.
No 2797. Breydenbach, Voyage en Terre-Sainte,- en flamand. Mayence, 1488;
in-folio.
N» 2798. Les saintes pérégrinations de Jérusalem de Bern. de Breydenbach.
Lyon, 1488; in-folio. Edition de la plus grande rareté, contenant les plus
anciennes gravures sur cuivre que l'on trouve dans les livres français. Exem-
plaire provenant de la vente du prince d'Essling.
N" 2802. Léon de Laborde, Voyage dans l'Arabie,- gr. in-folio.
N" 2834. Denon, Voyage dans la Haute et Basse Egypte,- 2 vol. gr. in-fol.
N" 2823. Belzoni, Voyages en Egypte et en Nubie,- gr. in-fol.
Chuonologie. — N» 2883. L'art de vérifier les dates. 3 vol. in-fol. Meilleure
édition de cet ouvrage estimé.
Histoire uxiverselle. — N» 2883. Chronicarum liber, par Harlman Sehedel.
Nurenberg, 1493; in-fol. max.
N" 2896. De Glen, des habits, mœurs, etc. Magnifique exemplaire, riclie-
menl relié par Niedrée.
Histoire des Religions et Superstitions — N" 2901. Cérémonies et coutumes
religieuses, avec fig. par Picart; 11 vol. in-fol.
N" 2903. Eusebii Hisloria ecclesiastica. Utreclit, Ketelaer et Leenipt, 1474.
Magnifique exempl. relié par Bozerian, et provenant de la vente de De Bure.
N" 2933. Guarnacci vitas et rcs gcstœ ponlificum romanorum. 2 vol. in-fol.
N» 2962. Concilium Buch zu Constenz. Augsbourg, 1483; in-fol. Édition de
la plus grande rareté, contenant, outre un grand nombre de figures en bois,
1156 armoiries coloriées.
Histoire moderne. — N" 3246. Historié van der Kruezfahrt nach den hei-
ligcn Lande. Augsbourg, 1482; in-folio. Édition de la plus grande rareté.
— 427 —
lyo 32j3. Pacificalores orbis chrisliaiii; in-fol. Suite de 131 beaux porirails.
N" 3231. Le mo]jen-ùge el la renaissance; li vol. gr. in-4"
N»329I. MiUin, Anliquilés nationales; li vol. iii-4-o.
N» 3293. Willemin, Monuments français inédits; 2 vol. in-fol.
No 3311. Dom liour/ael, Recueil des historiens des Gaules; 20 vol. in-fol.
N"> 3357. Histoires toucltanl les guerres, massacres, etc. advenus en France
en ces dernières années (lî)o9-1370j; in-fol. Uecueil d'estampes des plus pré-
cieux.
No 3394-, Les héros de la Ligue. Recueil de gravures satj'riques très-rare.
N" 3430. Sauvai, Galanteries des rois de France. Magnifique exemplaire
Nodier, d'un ouvrage rare.
N" 3511. Pompes funèbres de Charles III, duc de Lorraine; in-fol. Recueil
de gravures très-précieux.
Histoire de Relgique. — Outre les ouvrages de Sanderus, Le Roy, Rutkons,
Vredius, De Wassebourg, Van iMieris, Van Loon, Mirœus, Meyer, etc., la plu-
pari en grand papier, on rencontre dans cette partie de la bibliothèque de
M. lîorluul, les ouvrages suivants qui méritent d'être signalés :
N» 3554. De valuaticn ende ordinanlien van den gelde. Anvers, Marlens,
in-40. Livret de la plus grande rareté et dont on ne connait que deux exem-
plaires.
N" 3535. Tmandemcnt van de valuwacyen van der munie, in-4o. Imprimé à
Anvers, vers 1491. Edition entièrement inconnue.
N" 3556. Een nieuwe evaluacie boecxken. Anvers, 1326; in-4o. Livret de la
j)lus grande rareté, et un des premiers imprimés à Anvers.
No 3604. Die wonderlyche oorloghen van keijser Muximiliaen. Anvers, 1577.
Volume très-rare, dont on ne connait jusqu'ici que deux exemplaires.
N'o 3605. Coronalio Maximiliani in Aquisgrano. 1486. iii-4o. Edition très-
rare et peu connue.
Nos 3618-3629. Plaquettes très-rares, relatives aux règnes de Charles-Quint
et de François l^"".
Nos 3630-3631. Pompe funèbre de Charles-Quint, célébrée à Bruxelles en
1558; in-folio.
^° 'ôlZ'd. Sanderî Chorographia sacra Brabantiœ. Bruxelles, 1639-1669;
2 vol. in-folio. Le deuxième volume de cette édition est de la plus grande
rareté, on n'en connait que cinq ou six exemplaires.
No» 5799-3800. Entrée de Philippe II à Gand en 1349, el le recueil des arcs
de triomphe érigés à cette occasion. Deux ouvrages de la plus grande rai'elé,
surtout le second, dont on ne connait que ce seul exemplaii-e.
No 5801. Entrée du prince d'Orange ce Gand en 1577; in-4o.
— 128 —
N» 5872. Malbraiicq de morinis et moriiioruin rébus. 3 vol. in-io. On sait
combien le 3« vol. est rare.
Histoire d'Italie, Allemagne, Angletehre , etc. — N" 40G6. L'entrée et
l'entrevue de l'empereur Charles-Quint et Clément VUI à Bologne; in-fol.
N» 4104. Murphy, Arabian antiquities of Spain; gr. in-fol.
N" 412G. Pcrlz, Monumenla Germaniœ historica; 16 vol. in-fol. Exempl.
en grand papier de cette collection estimée.
No 4183. Nouveau théâtre de la Grande-Bretagne; gr. in-fol.
]\05 4231-32. Opuscules rares, écrites par Corn, de Schcpper en faveur de
Christiern II, roi de Danemarck.
N" 4235. Suecia antiqua et hodierna; 3 vol. gr. in-fol.
N° 4304. Langlbs, Monuments anciens et modernes de l' Hindouslan, 2 vol.
in-fol.
N" 4503. Solvijns, Les Hindous; 4 vol. gr. in-fol.
N» 4313. Will. Marsden, The historif of Sumatra; gr. in-4» et atl. in-fol.
N" 4525. Gau, Antiquités de la Nubie; gr. in-fol.
!\o 4543. Alex. Lenoir, Antiquités mexicaines; 2 vol. gr. in-fol.
Histoire de la chevalerie et de la noblesse. — N° 4536. De Vulson de
la Colombiire, Le vrai théâtre d'honneur et de chevalerie, 2 vol. in-fol., reliés
par Derome.
N» 4561. Les tournois du roi René, publiés par Champollion-Figeac;
in-fol. max.
Nos 4564-65. Georg. Ruxeneri Thurnier Buch, 1330 et 1566; in-fol. Deux
éditions très-rares sur les tournois au moyen-àge.
No 4571. Le Triumphe d'Anvers faicl pour la noble feste de la Thoison
d'or; in-fol. .MS. précieux pour l'histoire de la Toison d'or.
No 4409. L'art du blason, 4 vol. in-fol. MS. très-précieux, contenant un
nombre considérable d'armoiries, et des renseignements curieux sur plu-
sieurs familles nobles.
pjos 4414-13. Recueil d'inscriptions funéraires qui se trouvaient autrefois
dans les églises de Gand; in-folio. MS. également précieux pour l'histoire
généalogique des familles de la Flandre.
La place dont nous disposons, ne nous permettant pas de mentionner
tous les ouvrages qui méritent de fixer l'attention des amateurs, nous de-
vons nous borner à dire que les Antiquités, la Diplomatique, la Biographie
et la Bibliograph'i.e, ne sont pas moins riches en ouvrages remarquables,
soit par leur rareté, soit par le luxe de leur exécution ou de leur reliure.
— 129 —
Bu Bt^M tomott.
L'ÉGLISE DE SAINT-MARTiN,
\ SAtNT-TRONI).
Les édifices religieux en slyle roman peuvent se diviser
en trois séries; dans la première série, nous comprendrons
les anciennes abbayes; dans la seconde, les églises monasti-
ques, et dans la troisième, les églises paroissiales des villes,
les '^^glises de campagne, les cbapelles particulières des châ-
teaux et les chapelles votives.
C'est à la troisième série des monuments religieux qu'ap-
partient l'église paroissiale de Saint-Martin, à Saint-Trond.
Ce monument, aussi curieux par l'âge que par l'art de sa
construction, doit remonter au commencement du XIII" siè-
cle. Voici la description architecturale qu'en donne l'ou-
vrage iniit'dé : Anciens monuments du X/'^ au XIII" siècle:
« Cette église est d'une forme très-simple et se compose
de trois nefs, se terminant en absides correspondant entre
elles par des arcades en plein cintre (i), reposant sur des
(1) Les deux absides correspondant aux deux nefs latérales ont été renou-
velées. Plusieurs églises du Limbourg en style roman ont trois absides à
l'orient. Nous citerons Notre-Dame et Saint-Servais, à Maeslricht. De cette
dernière église, les deux absides latérales servent aujourd'hui d'entrées et
sont construites sur un plan de forme carrée, tandis que le plan de l'abside
— 130 —
piliers carrés et éclairés par huit fenêtres dans le même
style. Son plafond horizontal est en bois de chêne à cais-
sons, décoré de peintures d'armoiries et de dorures dans
le goût du XVP siècle.
» La base de la tour romane est percée d'un arc ogival
à voussures, avec porte d'entrée en arcade surbaissée, dé-
corée dans le haut d'une statue équestre de saint Martin
en grand relief. A côté de l'ogive se trouvent deux niches
en plein cintre, que surmontent deux portiques figurés éga-
lement en plein cintre, ayant dans le milieu chacun une
niche. Deux bandes, dont une à caissons à angles droits,
terminent la décoration de cette partie de la tour, divisée
en plusieurs zones par des moulures.
» La partie supérieure est percée, sur chaque face, d'un
portique ouvert en plein cintre, encadré d'une arcade por-
tant sur des pilastres superposés. Les voussures de ces
portiques sont à moulures, et leur base est ornée d'un
parapet à caissons. Deux médaillons ronds, ayant un pan-
neau carré dans leur milieu, ornent la base de celte partie
de la tour, terminée sous le toit par une arcature et une
moulure.
» Une flèche à huit pans, couverte d'ardoises, couronne
la tour; elle est divisée en trois zones par deux rangs de
tympans, qui rompent les facettes de la pyramide octo-
gone. »
Nous croyons rendre un service à l'art et à l'archéologie,
en faisant connaître par \e Messager ce curieux monument,
majeure trace un demi-cercle. L'église de Rolduc, près d'Aix-la-Cliapelle, a
la même forme que celle de Nolre-Damc, à Maesiriclit; sa partie orientale
a été rebâtie au XV[« siècle; elle se compose d'une abside dans le style ogival
de la décadence.
Citons encore, pour le caractère particulier de sa construction, l'église de
Sainl-Servais, à Liège, qui a son chœur au Nord, ce qu'on rencontre très-peu
dans les monuments religieux de la Belgique.
— 131 —
dont la reproduclion par la gravure se trouve en tête de
ces lignes.
Nous engageons beaucoup les archéologues et les dessi-
nateurs de faire connaître, par le dessin et la gravure, les
édificesde l'époque romane etde transition, en tenant compte
des dispositions de ces monuments, de leurs formes et de
leur décoration. Les meubles en style roman de nos an-
ciennes églises ^ont surtout d'une grande importance pour
l'art moderne; ils peuvent servir de modèles aux artisans
comme aux artistes. Nous regrettons cependant que nos
édiflces ne restent pas à l'abri des actes de vandalisme, qui
semblent plutôt se multiplier que se restreindre depuis que
l'attention des artistes et des savants s'est portée sur ces
vénérables débris d'un autre âge; ce sont surtout les gran-
des villes de la Belgique qui donnent, sous ce rapport, le
plus triste exemple.
Arnaud Schaepkens.
Bruxelles, mai 1858.
152 —
QUELQUES RECHERCHES
SUR
LA CARRIERE DE GUY MORILLON,
SECRÉTAIRE DE CHVRLES-QUINT.
La famille des Morillon, originaire de la Bourgogne,
eut le privilège de donner à la Belgique trois noms qui
figurent avec honneur dans l'histoire du XVP siècle : Guy
Morillon, et ses deux fils, Miximilien et Antoine, ont bien
mérité de TÉtat et de l'Église par les services qu'ils ren-
dirent aux sciences et aux lettres, par leur intervention
dans des affaires importantes de leur temps.
C'est ce qu'a fait ressortir dernièrement M"" Edward
Van Even dans un rapport plein d'intérêt sur le Blausolée
de la famille Morillon à Louvain : en se livrant à des études
archéologiques sur un triptyque de Michel Coxie, de Ma-
lines, provenant d'un ancien tombeau de la collégiale de
Saint-Pierre et conservé aujourd'hui à l'hôtel-de-ville de
Louvaiii, il a non seulement reconnu les personnages du
nom de Morillon peints sur les volets de ce tableau (dont
le panneau principal représente, dit-on, l'Ascension du Sau-
veur), mais encore esquissé la biographie des principaux
membres de cette famille (i).
(1) Voir le Rapport dans le Messager des Sciences historiques de Belgique,
année 1857, 3« livraison, pp. 269-284 (avec un dessin gravé du tableau de
— 135 —
De riches et abondants matériaux serviront un jour à
l'aire l'histoire des deux fils si distingués de Guy Morillon,
de l'ainé, Maximilien, vicaire-général de Malines et ensuite
évéque de Tournai, ainsi que de son frère Antoine, litté-
rateur et archéologue. Mais il n'en est pas de même pour
la personne de leur père : quoique sa carrière publique
coïncide avec le règne de Charles-Quint, on est loin de pos-
séder actuellement des renseignements précis sur les épo-
ques saillantes de cette carrière, du genre de ceux que l'on
a conservés sur le compte de plusieurs de ses contempo-
rains, hommes d'affaires, hommes de loi, ambassadeurs et
diplomates. Guy xMorillon, mort en 1548 à Louvain,a laissé
dans son siècle la réputation d'un homme recommandable
par ses vertus, digne des fonctions de secrétaire qu'il rem-
plit auprès de l'empereur Charles-Quint, et en même temps
d'un esprit cultivé, versé dans les belles-lettres : mais est-on
autorisé à le considérer comme un helléniste habile, qui
aurait été le premier professeur de grec au collège des
Trois-Langues, àLouvain? Nous ne saurions souscrire sur
ce dernier point à l'assertion de M"" Edw. Van Even dans
le Rapport instructif que nous citions tout à l'heure. Le seul
témoignage de Goropius Becanus sur lequel cette assertion
est appuyée en définitive, est-il suffisant pour donner cré-
dit à un fait nouveau, resté inconnu à nos anciens érudits
qui se sont occupés de la célèbre institution de Busieiden?
Nous ne le pensons pas. Afin de mettre le lecteur à même
de comprendre les doutes que nous avons à ce sujet, nous
allons produire des faits qui sont en désaccord avec l'affir-
mation de^Goropius Becanus, des rapprochements de dates
Michel Coxie). — Malgré l'opinion reçue, on soutiendrait avec vraisemblance
cl peut-être avec succès, que le sujet du dit tableau est la Résurrection,
puisque le Christ s'élève portant sa croix avec un étendard, en signe de son
Irioraphe. C'est une question d'iconographie et d'archéologie chrétienne que
nous ne faisons qu'énoncer en passant.
— 154 —
prouvant au moins qu'elle est fort contestable. Les investi-
gations que nous dirigerons de ce côté ne seront pas tout-
à-fait inutiles, nous l'espérons, pour éclaircir la carrière
tout entière de Guy Morillon, la partie de sa vie qu'il donna
à l'étude, et cette autre partie qui paraît être en tout cas
la plus importante, son appel et son rôle à la cour du grand
empereur.
Nous constaterons d'abord s'il y a dans les écrits du
temps quelque présomption en faveur du titre d'helléniste
et de professeur qu'on voudrait lui donner. Ensuite nous
verrons si, d'après les témoignages conservés, il a pu se
trouver en Belgique dans la période où l'on devrait placer
son professorat. Tout ce que nous dirons des efforts que
tenta Morillon pour la cause des lettres, concourra au but
général de cette notice : on aura un exemple de plus des
qualités de l'esprit requises par nos princes et nos ministres,
au XVl^ siècle, chez ceux qui devaient figurer avec hon-
neur dans l'entourage du souverain et assister quelquefois
à ses conseils.
SI.
Erasme estimait Guy Morillon; il lui écrivit plus d'une
fois, quand celui-ci séjournait encore en Belgique et quand
il résida en pays étranger; il s'entretint de lui bien souvent
dans sa correspondance avec ses amis. Mais on ne lit nulle
part qu'il l'ait considéré comme un des actifs promoteurs de
la philologie ancienne, qu'il avait appris à connaître dans le
Brabant, et qu'il se plaisait à recommander à l'attention des
autres peuples : il ne parle ni de son habileté dans la lan-
gue grecque, ni de la charge qu'il aurait prise d'enseigner
cette langue à Louvain.
De même, dans les autres écrivains et littérateurs latins
de la première moitié du XVI'' siècle, il n'est fait nulle men-
tion de Guy Morillon à titre d'helléniste; tandis qu'ils ont
— J35 —
eu à cœur de rappeler les noms de tous les humanisles qui,
à la même époque, avaient coiiUibué eu quelque mesure à
ravancement de la philologie dans les Pays-Bas, ils n'ont
point prononcé le nom de ce personnage sous ce rapport :
c'est du moins ce qu'il nous est permis d'avancer, à l'heure
qu'il est, au point où nous avons pu porter nos lectures.
Ainsi Thierry Martens, croyons-nous, n'a pas eu occasion
de citer Guy Morillon parmi les jeunes hommes qui se sont
faits généreusement les correcteurs des épreuves grecques
et latines dans son imprimerie (i), ou qui ont surveillé di-
rectement la publication de ses éditions grecques, copies
pour la plupart des éditions de Venise. Adrien Barland,
qui fut en position de suivre attentivement le mouvement
littéraire des collèges de Louvain avant l'ouverture de celui
de Busieiden, et qui put voir encore les premiers résultats
de ce mouvement, paraît avoir gardé le même silence tou-
chant l'homme instruit dont nous nous occupons. Enfin, ni
Jean Varennius dans ses livres de grammaire, ni le célèbre
Cleynaerts dans ses divers écrits, — tous les deux hellé-
nistes formés à l'école de Rescius, — ne lui ont accordé une
place particulière dans leurs souvenirs d'études et d'amitié
qui les reportaient souvent parmi les humanistes de l'école
de Louvain.
Pour faire de Guy Morillon un helléniste et un profes-
seur de grec, on est donc réduit au passage de Goropius
Becanus auquel nous faisions allusion ci-dessus (-2), passage
que J. Molanus a reproduit en abrégé dans son Historia
Lovanîensium, encore inédite (3). Or, voici à quel pro-
pos Goropius Becanus a parlé de notre personnage. Dans
(1) Voir par exemple la Biographie de Thierry Marlens, par le P. Vah Isf.-
GiiEM (Alost, 18S2).
(2) Article cité dans le Messager, p. 273 et 277.
^3) MS. de la Bibliothèque de Bourgogne, livre XII.
— 156 —
la dédicace du livre IV de ses Origines Antverpienses au
cardinal Granvelle (i), il vante le haut mérite d'Antoine
Morillon, dont ce prélat avait encouragé les travaux d'éru-
dition et les recherches archéologiques sur le sol de l'Ilalie,
et il rapporte une partie du savoir que le jeune antiquaire
a montré, aux leçons, à l'exemple de son père, Guy, devenu
célèbre par la variété et par l'étendue de ses connaissances
littéraires; « c'est au point, ajoute-t-il, que l'école de Bus-
leiden se félicite encore hautement de l'avoir eu pour pre-
mier professeur de langue grecque (2). »
Il s'agit maintenant de reconnaître, aussi exactement
que le permet l'état actuel de notre histoire littéraire, si
l'assertion de Goropius, si formelle qu'elle paraisse, est
fondée au moins sur des indices probables, ou bi:.j si elle
n'est peut-être qu'une de ces mé|»rises ou plutôt de tes
hallucinations comme il y en a tant, et de plus étranges
encore, dans sa fameuse compilation; on s?it qu'il remonte
le cours des âges mythologiques pour donner une mjgniû-
que introduction à son livre sur les origines d'Anvers.
On objectera, il est vrai, que Goropius, qui fut troi-
sième, en 1559, à la promotion des maîtres ès-arts à Lou-
vain (3), et qui étudia dans cette ville les lettres lalines,
grecques et hébraïques, eut tous les moyens d'être bien
renseigné sur les hommes qui remplirent tout d'abord les
chaires du collège de Busieiden, érigé vingt ans auparavant.
On dira même qu'il a pu connaître à Louvain les deux fils
de Guy Morillon, jeunes gens de son âge (4), achevant en
(1) Anlverpiac, typis Planlini, d369, lib. IV (Cronia), p. 291.
(2) « Hic plurimum quidcm doctrinae erudilionisque patri suo debebat
liomini de varia mullipliciquc literarum cognilione ilà nobili, ut Buslidiauae
in Lovaniensi Academia scholae plurimum sibi gratulentur se bunc prlmum
habuisse graecae linguae professorem. »
(3) FoppENS, Bibliolhcca Belgica, p. 04-9.
(4) Maxirailien, l'aîné, était né à Louvain en 1317; Goropius vit le jour en
juin 1518, à Hilvarenbeck, dans le Brabant septentrional.
— 137 —
mèrne temps que lui leur cours d'études. On pourrait même
alléguer que Goropius eut occasion de connaître Morillon
en personne ou d'interroger ceux qui l'avaient connu, puis-
que dans le cours de ses voyages, après ses études de mé-
decine, il fut attaché en qualité de médecin à Marie de
Hongrie et à Eléonore, reine de France, dont Guy avait été
le secrétaire (i).
Malgré les inductions que l'on tirerait de ces faits di-
vers, il est assurément fort difficile d'ajouter foi au témoi-
gnage de Goropius touchant la position faite à Guy Morillon
au collège des Trois-Langues. Quand Valère-André écrivit
l'histoire de ce collège en 1614, un siècle environ après sa
fondation, il avait encore sous les yeux tous les documents
authentiques qui pouvaient servir à son dessein, et il n'a-
v&it aucun motif d'effacer le nom de Guy Morillon des
annales littéraires de l'école si, en effet, ce nom y eût été
inscrit d'ancienne date. Molanus, dira-t-on peut-être, a pu
contrôler les traditions académiques, et cependant il a fait
bon accueil dans son livre à l'assertion de Goropius. Mais,
camme on le sait positivement (2), Valère-André eut con-
naissance du travail spécial de Molanus sur Louvain et son
uaiversité : sans aucun doute, il eût mis à proflt une donnée
historique du genre de celle que nous examinons, du mo-
ment où il en eût constaté la valeur et l'authenticité.
Nos propres recherches sur l'origine et les commence-
ments du collège des Trois-Langues, ne nous ont rien fait
découvrir qui infirmât l'exposé de Valère-André sur la
nomination et la succession des premiers professeurs de
langue grecque (3). Dès qu'il s'agit de l'ouverture de ce
(1', FoppENS, Bibl. belg., ibid.
(2] V. Andr. Fasti acadcmici (éd. 1650), p. 284. — Foppens, Bibl. belg.,
pp. «94-696.
(5[ Voir le chapitre VII de notre Mémoire historique et littéraire sur le
collé'je des Trois-Langues à l'Université de Louvain, pp. 200 et suiv. [Mém.
cour, par l'Acad. royale de Belg., t. XXVIII; Bruxelles, 1836; in-Jo).
— 138 —
collège en exécution des volontés de Jérôme Busleiden,
Erasme demanda à Jean Lascaris d'envoyer à Louvain un
de ses compatriotes pour remplir la chaire de grec; mais
ses tentatives furent sans succès. Alors des humanistes de
nos provinces, Jacques Ceratinus, Robertus Csesar et d'au-
tres, élevèrent des prétentions à cette chaire et invoquèrent
à cet effet la protection d'Erasme : ce fut Rutger Rescius
qui l'obtint et qui en prit possession du jour où les leçons
de langues se donnèrent, en septembre 1518, dans une au-
ditoire des PP. Auguslins. C'est dans ce local provisoire
qu'il inaugura son enseignement (Auspicatus est professio-
nem) : ainsi le veut un texte formel, passage désormais
classique dans les fastes de notre érudition nationale. Deux
ans après, le 2o octobre 1520, c'est encore Rescius qii,
comme professeur de grec, prend possession avec les pro-
fesseurs de latin et d'hébreu du bâtiment affecté à l'insti-
tution de Busleiden. On ne saurait prouver que Rescius
ait été privé un seul instant de la jouissance de sa charge
jusqu'en 1545, année de sa mort, alors qu'il eut pour
successeur Adrien Amerotius. Ainsi aurait-on grande peiie
à revendiquer pour Guy Morillon, l'honneur que lui attri-
bue Goropius, d'avoir été le premier professeur de grec à
l'école des Trois-Langues.
Mais comment rendrait-on raison du bruit recueilli par
Goropius sur le professorat de Guy Morillon, si ce n'estpas
une pure invention? Il n'y aurait, ce nous semble, d'autre
moyen que de mettre notre personnage au nombre des
jeunes gens instruits de la faculté des Arts et d'attres
facultés, qui avaient donné, non sans succès, avant 1517,
des leçons privées de grec dans des collèges et pédagogies
de l'université. Comme il y en eut tant d'exemples 5 :ette
époque (i), nous inclinerions volontiers à croire que Mo-
(i) Voir au cliapUre V de notre. Mémoire, cilé ci-dessus.
— 139 —
rillon, à la fleur de Tàge, montra du zèle à Louvain pour
la cause des bonnes Icllres, comme en disait alors : il était
sur de rencontrer de ce côté les sympathies d'Erasme, et,
avant qu'il fût engagé dans une autre carrière, il a peut-
être porté ses vues sur une des chaires de belles-lettres
dont on réclamait de toutes parts l'érection. Qui sait même
si Morillon ne songea pas à faire valoir ses droits à la leçon
de grec, quand il la vit sollicitée par beaucoup de jeunes
hommes à la fois"^ Quoi qu'il en soit, rien ne prouve qu'il
occupa jamais une telle chaire au collège de Busleiden, et,
encore une fois, s'il eut la prétention d'être helléniste, les
nombreux écrivains de son temps ne disent pas un mot qui
la justifie.
Maintenant, qu'on veuille rendre pleine justice à Guy
Morillon et retrouver les titres qui lui ont donné rang parmi
les hommes lettrés de la même époque; on doit mettre eu
ligne de compte ses travaux en partie inédits de littérature
latine. Un ancien annaliste lui attribue des arguments ou
sommaires, ainsi que des scholies sur les Héroïdes et sur
VIbis d'Ovide, imprimés dans plusieurs éditions du texte
de ces poèmes (i). Ces courtes annotations furent repro-
duites avec les observations d'autres érudits, dans une
période où les imprimeurs s'emparaient sans grande déli-
catesse des travaux achevés aux frais d'autrui (2). On
trouve du moins le nom de leur auteur sur le titre de
(1) MS. de MoLAMUS, lib. 9. — Art. cité du Messager, p. 273 : « Scripsit
argumenta et scholia in epistolas Heroïdum et Ibin Ovidii édita Lugduni à
Gryphio et Coloniae à Gymnico. »
(2) Nous citerons d'abord une édition de Lyon : Ovidii Hcroidum libri L. A .
Sabini responsiones , cum Guidonis Morilloni argumenlis et scholiis (Lugd.,
Sira. Vincentius, 1533, in-S»); puis celle de Paris, Simon ColinBeus, 13Ao;
ensuite pluisieurs éditions de Bàle(lo4l, 1343, 13'i<i), et une autre de Franc-
fort 1563, in-8o). Voir Schweiger, Handbuch der class. Bibliographie, th. Il,
B. H; Leipzig, 1854., p. 634.
— 140 —
quelques éditions des Héroïdes (i) : Guidonis Morilloni
argumenta in Epistolas.
Un témoignage plus formel encore est rendu sous le même
rapport à Guy Morillon par Pierre Nannius, professeur de
latin (2), qui parait l'avoir connu en personne, probable-
ment dans les dernières années de sa vie que celui-ci passa
à Louvain, au retour de ses voyages. Dans les préliminai-
res du livre V'' de ses Miscellanées (3), consacré à des études
sur Tile-Live, Nannius met Guy Morillon au-dessus de
tous ceux qui se sont occupés de l'interprétation de cet
historien, et il regrette que sa modestie l'ait empêché de
publier ses commentaires, qui seraient d'une haute utilité
et qui lui vaudraient une réputation légitime de science. On
lira volontiers les termes dont se sert ici l'écrivain con-
temporain :
« Nemo omnium, quos vidi, diligentius versatus est in
» Livio, quàm Guido Morillonus, nec majori fide et fruge
» commenlarios in hune autorem conscripsit. Saepèque ob
» id illi autor fui, ut sua in lucem ederet, magno enim id
» emolumento studiosis omnibus et sibi gloriae futurum.
» Caeterùm nondum persuadere potui, gloria enim nihil
» capitur, longa jam aetate omnium fere rerum satur, prae-
» terquam studii de omnibus bene merendi.... »
On apprend en cet endroit, par la bouche de Nannius,
que Guy Morillon, qui avait entre les mains un commen-
taire sur Tite-Live, avait résisté à toutes les instances que
celui-ci lui avait faites pour le livrer à l'impression. Le zélé
philologue émet ensuite le vœu que cette œuvre ne soit
pas perdue, et qu'elle soit mise au jour plus tard, sinon par
(1) Anlv., Plantin, 1595; in-8». — Francofurti, IGOl, id.
(2) Mémoires sur le collège des Trois-Langues, ch. VI.
(3) SuixixtxTUv, sive Misccllancorum decas una (Lovanii, ex oflficina Servalii
Sasseni, anno 1548, niciise junio, in- 8"). — Liber quintus. Ex Tito Livio
hislorico, p. 140.
— Ul —
l'auteur lui-même, du moins par ses doctes fils. En même
temps, il rend à son ami cet autre témoignage, qu'il a re-
couru aux lumières des autres en toute honnêteté, avec
l'intention de ne rien dissimuler dans son travail de ce qu'il
leur devait. Nous citerons encore la suite du même passage
de Nannius, si honorable pour la mémoire de notre per-
sonnage :
« Nunquàm autem exislimat ille, satis sua elaborata esse,
» homo minime philautus, videturque mihi ex praecepto
» Horatii non nonum annum, sed poslhumum (ut sic dicam)
» expectare. IVec dubito, si ipse in vita sua non evulgarit,
» quin fllii ejus Juvenes doctissimi, sinl evulgaturi. Is ad
» eas elucubraliones, non suo solum ingenio, sed omnium
» etiam amicorum uti volet, saltem in pauculis rébus, idque
» non sine nomenclatura, Candidissimus enim est, et plagii
» summus detestator. Yidi aliquando rescripta Budaei super
» quibusdam locis, in quibus meum quoque judicium con-
» suluerat. Nonnulla igitur, quae tum cum illo meditatus
» sum, et quae posterius deprehendi, studiosorum oculis
» libenter offeram, unde spero nonnihil lucis in rébus obs-
» curioribus nascilurum. »
Nannius publiait son volume de Mélanges philologiques
au mois de juin 1548; Guy Morillon mourut à Louvain
le 9 octobre de la même année. Ainsi se réalisa la prévision
de l'écrivain relativement au sort du commentaire sur Tite-
Live, qui ne serait plus qu'une œuvre posthume. Il est dou-
teux que ce commentaire ait jamais vu le jour; mais JVannius,
comme il nous l'apprend lui-même, a mis à profit, dans ses
notes détachés sur le texte de Tite-Live (i), les observations
qu'il avait recueillies dans ses entretiens littéraires avec
(I) Miscellanea, lib. V, pp. lil-lôG, — Dans l'exameii critique de quelques
passages, Nannius consulta deux manuscrits de Tite-Live, conservés à Lou-
vain, Tun au collège d'Arras, l'autre au collège de Busleiden.
— 142 —
Morillon au sujet de cet auteur. Le désir d'être exact
allait fort loin chez Morillon, puisqu'il soumit à Nannius
les réponses qu'il avait reçues de G. Budé sur le sens de
certains passages de l'historien latin.
Dans sa première jeunesse, Morillon s'était occupé de
l'étude d'un autre historien de Rome, Suétone, le biographe
des douze Césars. Une édition de Suétone, donnée en 1509
à Paris, chez Gourmont, porte son nom comme auteur de
notes marginales accompagnant le texte (i). On la trouve
mentionnée de la manière suivante : Suelonius TranqtiilUis
de XII Caesurum vilis, diligentiori studio a mendis prope
omnibus per Guidonem Morillonum nupcrrimè vindicatus,
dispersis in marginibus adnotatiunculis (Paris, Gourmont,
1509, petit in-8"). La brillante introduction d'Ange Poli-
lien sur Suétone fut réimprimée en tête du livre.
Ce n'est pas un véritable commentaire dont se chargea
Morillon, en donnant ses soins à un auteur imprimé en
France depuis peu d'années : cette lâche avait été remplie
par des humanistes célèbres, dans des éditions d'Italie pu-
bliées à la fin du XV*" siècle {2). La révision du texte sur
un manuscrit de Paris a sans doute constitué le meilleur
service rendu par le nouvel éditeur. Les notes détachées
dues à Morillon étaient le fruit de ses premières lectures;
on ne peut leur attribuer grande importance. Un peu plus
tard (3), Erasme travailla sur le texte de Suétone à la suite
de J.-B. Egnatius, qui s'était chargé de sa révision pour
(1) Guy Morillon est donné comme Téditeur de ce volume (de 204 pages)
dans le Supplément du Gelchrten-Lexicon de Joecher (t. IV, col. 2123), d'après
le bibliographe Goetze (Bibliolh. Dresd., t. II, p. 498). — Schweiger le décrit
beaucoup mieux; mais admet que deux tirages en furent faits, le premier sans
date, et le second, avec la date de MDIX et le nom de Gourmont. V. Handb.
der class. Bibliographie (Lateinische Schriflstellern), B. II, pp. 973-74).
(2) Antoine Sabellicus dans les éditions de Venise (1490 et 1495), et Phi-
lippe Beroahlus dans celle de Florence (1493).
(3) Voir la Préface de ses observations, datée d'Anvers, année 1517.
— 445 —
les Juntes de Florence; il ne s'est pas préoccupé des notes
de Morillon. Il en est de même dans les travaux philo-
logiques, qui virent le jour chez Plantin avant la fin du
XVl^ siècle : Théodore Pulmann et Laevinus Torrentius
ont eu en vue de combler les lacunes laissées dans la criti-
que de Suétone par les littérateurs d'Italie, Beroaldus et
Sabellicus (i).
Dans sa belle édition de Suétone en deux tomes in-4%
Pierre Burmann a reproduit, au milieu des préfaces et
préambules des principaux éditeurs, la préface dédicatoire
mise par Guy Morillon en tète de l'édition de 1 o09 (-2). Cette
pièce adressée à un protecteur de notre personnage (Fran-
cisco de Campogirauldo) montre bien quel but modeste il
se proposait en consacrant ses veilles à celte édition; il a
voulu présenter à la jeunesse studieuse, dans un format
portatif, un texte aussi correct que possible, et enrichi de
courtes notes, inscrites à la marge. Il offre à son Mécène ce
travail, si imparfait qu'il soit, comme un gage de sou bon
vouloir dans la carrière des lettres, où le bienfait d'autrui
l'a fait entrer; il a choisi Suétone entre tous les bons au-
teurs, à cause du sujet capital qu'il traite et des qualités
particulières de son style (s). La correction du livre de
(1) Curâ Th Pulmanni, Antverpiae, 1574, in-S". — Cura Laevini Torrentii,
Antverpiae, 1391, in-4''. — Le commentaire de ce dernier a été reproduit en
entier dans les éditions vantées de J. Graevius et de P. Burmann : Grœvius a
même pris la défense du savant évéque d'Anvers, contre l'accusation de
plagiat.
(2) Tome II, Amsterdam, 1736, pp. iiï-iô.
(5) Dans un long passage de la dédicace que nous ne pouvons reproduire,
G. Morillon s'exprime avec justesse et fermeté sur le haut intérêt des Vies des
Césars, qu'il appelle un livre d'or. Pour le fond, ce livre est précieux comme
peinture fidèle des mœurs; il transmet à la postérité de terribles exemples
dans la fin effroyable des mauvais princes, et de sévères enseignements sur
l'efTet funeste des désordres moraux. Quant au style, il est admirable, à
cause de sa parfaite concision, de sa gravité constante et de la propriété des
termes.
— IM —
Suélone, publié jusqu'alors dans un état défectueux, lui
fut rendue plus facile par la collation qu'il put faire des
textes imprimés avec un ancien manuscrit de l'abbaye de
Saint-Victor : après de longues hésitations sur le succès
d'un tel labeur, il en tira parti, nous dit le jeune philo-
logue, grâce à celte application opiniâtre qui triomphe
presque toujours des obstacles.
Pour qu'on juge de la difficulté et du mérite de l'entre-
prise, nous citerons ici des extraits de la dédicace de Guy
Morillon, datée de l'Université de Paris, le 17 août 1508 :
G. Morilloni dedicatio ante Editionem Paris. MDIX.
Clarissimo viro Francisco de Campofjirauldo,
mérita sacratissimarum legum laurea
decorato, miisiscpie polilioribus ornatissimo
Guido Morilonus S. P. D.
« Iniquus saue otii mei distributor jure dici possira, nisi
illius, Francise! diu mei, rationem liabeam : cujus solo benc-
ficio nobis contigit hoc in amoenulo gratoque ocio, in hoc, in-
quam, suavissimo literarum diversorio, raolliter conquiescere;
quo procul diibio neque dulcius qnicqiiam, neqne expeiibilius in
hac morbili vita, aut fingi, aut excogitari potest
Ergo igitur ut possem aère me isto tuo, vel tantillum levare,
aut saltem grati erga te animi facere argumentum, statim ex
omni eruditorura albo, Suetonium Tranquillum, scriptorum ni-
rairura candidissimura, tibi potissiniura delegi, quod illius te
lectione, prout doctissimum quemque, admodum deleclari certè
sciebam
Verumenimverô hac una tantum in re, seu temporum iniqui-
tate , seu calcographorum imperitia Tranquillo maie cessit ;
tamis enira non dico mendis, sed monstris monstrabilibus sca
tebat, ut a neniine praeter a se ipso, vel Apolline (quod dicltur)
conjectore in veram, id est suam lectionem reduceretur. Quare
ego homuncio, et vir elementarius nimis infeliciter et temerario
quodara ausu , puerilique audacia , hoc tam arduum viderer
moliturus negocium, nisi in vêtus quoddam, et ob id enienda-
— 145 —
tuin, incidissem exeoiplar, quod ab antiqua Sancti Victoris
Bibliotheca, post multas tandem preces anxiè extraxiinus, auc-
tore praesertim nostro Pylade, id est Jacobo de Curia Gampano
viro quidein liteiatissimo, liberalioribus Musis oruatissinio. Fuit
nihilominus longe nobis gravius atque acerbius, quam vel bis
nostris hunieris, vel a principio conceperamus : ita nt rei diffi-
cultate deterritus terga pêne dedeiim. Vici tamen tandem la-
boris constanlia magis quam viribus, studio magis quam arte,
quum scilicet sit tani difficile, quod non assidua meditatio fa-
cillimum reddat.
» Curavimus ergo pro nostra virili Suetonium Tranquillum
tersum emunctumque ad te mittere, et ut commodius gesfare-
tur, in encbiridion transformare, dispersis pro juvenura facili-
tate in marginibus, tanquara stellulis, quibusdam annotatiun-
culis, quod si non plané tibi nostra satisfecerit diligentia,
voluntas in laude erit, cum omnis (ut ait quidam) sit conatus
in casu
Suscipe ergo, suavissime patrone, qua soles humanitate, hune
Suetonii libellum, opinor, emendatissimum, nisi me lectionis
insolentia fefellerit, et si modo hoc consequar, ut studiosos
aliquantulum juvisse dicar, tibi acceplum référant.
»Vale, praesidium et dulce decus meum, Guidoneraque tamen
quo semel coepisti favore prosequere. » — Ex aima Parrhisio-
rum Academia, XVI Galendas Septembris anno Virginis partus.
M. D.VIIL
Un humaniste de l'époque, ami de G. Morillon, Jacques
de Curia, composa pour la même édition de Suétone quel-
ques distiques, où il apostrophe l'historien latin et lui
vante la généreuse hospitalité qu'il devra à la muniflcence
d'un Mécène tel que François Bouchet, intendant du pays
de Sens (Senonensîs Reipb. moderatori); il lui fait valoir
dans les termes suivants les services de son nouvel
éditeur :
Jam laceras compsit Gitido ilforilonus amiclus,
Jam tua deformi corpora labe carent.
Ici s'arrêtent les renseignements littéraires que nous
10
— 146 —
avons pu découvrir louchant Guy Morillon : ce n'est pas
sans motifs, dira-l-on, que quelques écrivains lui ont fait
honneur d'une culture d'esprit peu ordinaire, et qu'on in-
scrivit de ce chef sur son tomheau un mot d'éloge qui
s'ajoute bien aux louanges dues à ses vertus (i). Mais,
évidemment, c'est à cause de ses éludes de langue et de
philologie latine qu'il eut le renom d'un homme de goût,
d'un érudit estimé. Cela suffît à sa gloire, en attendant que
l'on prouve, contre toute probabilité, qu'il ait également
brillé dans les études grecques.
S H.
La jeunesse de Guy Morillon s'élait écoulée dans les
éludes qui servaient alors de préparation à une carrière
savante ou à des fonctions publiques. Jusque vers 1517,
il songea peut-être à se vouer, comme tant d'humanistes de
nos provinces, à l'enseignement des lettres; mais alors, selon
loute apparence, il tourna son activité du côté des affaires.
La correspondance d'Erasme nous donne sur sa personne,
à partir de ce moment, quelques renseignements que l'on
chercherait en vain ailleurs (2).
Que d'événements importants ou curieux se pressent
dans notre histoire nationale pendant la seule année 151 7!
Charles quille le solde notre pays pour aller prendre posses-
sion du Irône d'Espagne; des publicisles et financiers des
conseils souverains de Belgique vont le suivre eo ce pays.
Le travail intellectuel qui s'est fait depuis le commencement
(1) « Viro pietale, literis et integritale vilae conspicuo Guidoni Morillono,
Carolo V imp. Caes. Aug. a secrelis, etc. » — Rapport, p. 272.
(2) Nous accepterons les dates de cliaque lettre d'Erasme ou de Blorillon,
ronime elles sont consignées dans la grande édition des œuvres complètes
<rErasme (Leyde, 1702); nous ne prétendons point cependant qu'il ne reste
des doutes plausibles sur l'exactilude de plusieurs dates de celte édition, à la
diiïérence d'une année.
~ 147 —
(lu siècle daus nos villes el nos écoles va porter ses fruits;
la cause des lettres est prise à cœur par de hauts dignitai-
res de rÉglise et de TÉtat. Le précepteur de Charles-Quint
favorise de loin par l'autorité de ses avis le nouvel essor
des éludes; Jérôme Busieiden a confié ses plans généreux
à des amis dévoués, avant de se mettre en route pour l'Es-
pagne avec le chancelier Jean de Sauvaige. Erasme excite ou
réveille le zèle des hommes qui, à la cour ou sur les bancs
de l'université, ont mis la main à l'œuvre.
Sans doute, Guy xMorillon avait eu connaissance de la
célèbre publication de Morus, VUlopie, qui sortit des presses
de Martens au commencement de 1517; il plaisante agréa-
blement, dans une lettre écrite de Bruxelles à Erasme (i),
au sujet d'un théologien de sa connaissance, qu'il appelle
doyen d'Utopie (Utopiensem decanuni), el qui, pendant une
absence, lui a conféré sa charge; on le salue, on le visite,
on l'accable de lettres; mais l'argent ne vient pas! Peut-
être, se demande-t-il, le peuple pense que les fonctions de
vicaire en Utopie sont des fonctions gratuites. A ce prix, il
se passerait de l'honneur qui reste bel et bien une charge.
Peu de mois après, le 5 juin 1317 (2), Morillon écrit à
Erasme pour lui annoncer son mariage : « Helena suo ob-
tigit Paridi (ô). » Il l'assure dans la même lettre que le
chancelier fait un accueil douteux à ses lettres; puis il lui
(1) Guido Morillonus Erasmo. — Bruxellis, 18 febr. 1317. — Epistol. (0pp.,
t. III), col. 1391. « In summa, ex Guidone pragmaticus, id est, Theologus
factus sum, nisi quod de ducatis mirum intérim silenlium : nihil forsan ad
Utopiensem Vicarium hoc attinere putant » S'agirail-il de quelque béné-
fice sollicité pour Morillon?
(2) Epistol., col. 1607-8. — La femme de Morillon s'appelait Elisabeth de
Mil; elle mourut à Louvain, le 20 décembre 1332, et fut enterrée comme son
mari à la collégiale de Saint-Pierre.
(3) Cette comparaison fut sans doute inspirée à Morillon par sa première
lecture des épitres d'Ovide, parmi lesquelles il y a une épître de Paris à
Hélène et une autre d'Hélène à Paris : nous avons dit un mot plus haut de ses
annotations sur les Héroides.
148 —
donne le conseil de se rendre à Bruxelles pour voir cet
homme d'état en personne avant sou prochain départ. Or,
à cette époque, Jean de Sauvaige, chancelier de Bourgogne,
était sur le point de se rendre en Espagne. On sait qu'il
partit au mois d'août, et que c'est à Bordeaux qu'il perdit un
de ses compagnons de voyage, le conseiller J. Busleiden.
Ce dernier événement aussitôt connu dans les Pays-Bas,
Erasme songea à la réalisation des vues de son ami en fa-
veur des études, et il fut consulté dans la même intention
par la famille du défunt. Le 2 novembre 1517 (i), il s'en-
tretenait avec Barbirius des moyens d'ouvrir sans tarder le
collège institué par le testament de Busleiden, et nommait
le juif converti iMatthseus, d'origine espagnole, comme dé-
signé d'avance pour la leçon d'hébreu : il déclarait ne pas
savoir ce que Guy Morillon était devenu : « Guido Moril-
» lonus ubi sit nescio, et tamen scire cupio quid rerum
» gerat. »
On conjecturerait que Morillon avait passé de Brabant
en Espagne, sinon à la suite du chancelier de Sauvaige et
d'Antoine Sucquet, du moins avant la fln de l'année 1317.
Au commencement de l'année suivante, Barbirius adressa
à Erasme deux lettres, dont l'une était écrite, en son nom,
de la main de Guy Morillon. En le remerciant, et en le
priant de ne pas oublier ses amis au milieu des délices de
l'Espagne, Erasme demande ironiquement des nouvelles du
jeune Guy, qu'il appelle plus loin le compère de Barbi-
rius (a), et s'étonne qu'il ait froid dans un pays si chaud.
C'était alors l'époque où l'on discutait les titres de ceux
qui s'étaient présentés par les nouvelles chaires de l'insti-
(1) Lettre de Louvain. Ibid., col. 270.
(2) Epist., col. 30G (Erasraus Barbirio), Louvaiii, 0 mars 1318. — « Sed
qiiiJ ais? frigel istio Guido juvenis in regione tam calida? Sallem adessel illi
sna nvmpha, ne loliis frigorc pereat. »— Ibid., col. 507 : « Saluta mco
nomiue Guidonem Moi-iilonein congerronem luum, »
— Ud —
tiition de Busleideu : Erasme parle de Borsaliis, désigné
pour la chaire de latin, qui échut à lîarlandus lors de Tou-
verlure du collège; mais il ne laisse point entendre qu'on
avait des vues sur Morillon. Il ne serait pas aisé de Irans-
por'er celui-ci de la Castille en Brabant au milieu de l'an
née 1518. N'avons-nous pas dit assez pour établir son
alibi?
On a lieu de croire que Guy Morillon fut de quelque
utilité à Erasme dans ses rapports avec la cour de Charles-
Quint. Il était lui-même en relation avec le chancelier de
Sauvaige, à qui Erasme dut sa nomination au rang de con-
seiller du roi (i). Mais, puisque le chancelier mourut en
Espagne dans l'année 1518, il est probable que Morillon
intervint auprès de lui pour obtenir cette faveur à Erasme.
Celui-ci, en 1517, parlait de Jean de Sauvaige comme
d'un homme très-instruit {vir eruditissimus), le considérait
comme son patron et le donnait pour un protecteur des
gens de lettres (2). Quand Morillon devint lui-même secré-
taire de Charles élevé à l'Empire, il fit en sorte d'assurer
à Erasme les avantages attachés à son titre de conseiller
royal. C'est-ce qui ressort de l'affirmation de Nannius dans
le chapitre de ses Miscellanea où il traite des études de
Morillon sur Tite-Live, comme nous l'avons rapporté plus
haut (5) : « Ut qui inter caeteros Erasmi fortunas illas pri-
» mus et sustentavit et auxit, impetrata ei à Carolo Impe-
» ratore Senatoria dignitate. » On aurait peine à douter du
fait (4), quand on le voit conûrmé par la position privi-
(1) On lit dans l'esquisse de sa propre vie tracée par Erasme dans les pré-
liminaires du t. I*^"" de ses OEuvres : « Invilatus in aulam Caroli nunc Cœsa-
ris , cui consiliarius factus est opéra Joannis Sylvagii. » — Cons. Burigsi,
Vie d'Erasme, t. 1, p. 221 et suiv., p. 227.
(2) Lettres du 2 novembre 1517. Episl., col. 2G8 et 270.
(3) Misccllaneorum decas una, lib. V, p. liO.
(4) FoppENS {Bibl. betg., biographie d'Erasme, p. 232) s'exprime ainsi :
« In aulam Caroli V Cœsaris adscitus tilulo et salario Consiliarii, Guidon.e
Morillonio eidem Caesari a secretis potissimum agcnic. »
— 150 —
légiée de Morillon auprès de Tempereur, et par la recon-
naissance qu'Erasme lui conserva, quoiqu'il n'ait pas eu
chance peut-être de le revoir ni à Bàle ni à Fribourg.
En 1522, Erasme qui était souffrant à Bàle, profita de
l'obligeance de Guy iMorillon pour informer P. Barbirius
et ses autres amis de l'état précaire de sa santé (i); il
l'appelait, dans cette lettre, a véritablement ami «(verè ami-
cum). Il reste incertain si Morillon eut l'occasion de revoir
Erasme, en passant par la Suisse et le midi de l'Allemagne.
C'est encore par Erasme que nous savons que Guy Mo-
rillon fît un très-long séjour en Espagne, de 1525 à 1531.
Le secrétaire impérial avait écrit plusieurs fois d'Espagne,
comme s'il allait bientôt regagner le Brabant : Erasme était
désireux de savoir s'il y était revenu en effet (a). Morillon
s'était toujours prêté de bonne grâce à l'échange des cor-
respondances d'Erasme avec des écrivains étrangers, habi-
tant l'Espagne ou quelque partie de l'Empire. Ayant reçu
en 1551 seulement une lettre d'Alphonse Vervesius, écrite
au mois d'août 1530, Erasme se rendit compte d'un tel
retard en considérant combien longue était la route de
l'Espagne en Flandre, et ensuite de la Flandre jusqu'à
Fribourg (ô); il n'accusa pas la négligence de Morillon, à
(1) Basileae, an. 1322 (P. Barbirio), Epist., col. 740. — II est encore
question de Morillon dans une lettre à Goclenius (13 oct. 1326. — Epist.,
col. 822).
(2) Lettre de Bàle, 2 juillet lS2o, à Maximilien Transsylvanus [Epist.,
col. 876) : « Guido Morillouus jani semel atque iteruni scribit ex Hispania
•• quasi mox repeliturus Brabanliam. Scire cupio an redierit... » — En 1526,
Erasme charge Nicolaus Hispanus de ses salutations pour le même Morillon
à qui il ne peut alors écrire [Epist., col. 952).
(5) Lettre dErasme à Vervesius, Fribourg en Brisgau, 21 août 1351 [Episl ,
col. 1415). — Alpli. Vervesius, dit Ulmetanus, était un Bénédictin qu'Erasme
tenait pour très-versé dans la philosophie chrétienne; il lui écrivit de Burgos
en février 1327, pour l'engager à mettre au jour une apologie générale qui
fermât la bouche à la masse de ses adversaires sans entrer dans aucune que-
relle parliculièrc [Episl , col. 17 ID).
— 151 —
qui la lettre fut confiée; mais il rappela plaisamment, à
cette occasion, avec quelle lenteur Morillon, dont le nom
serait bien l'équivalent de temporiseur (a morando), a
préparé son départ de l'Espagne annoncé depuis six ans ;
« Quanquam hic nihil incusandum arbilror Morillonum,
» licet à morando cognomen videatur sortitus, et alioqui
» mirus Callipides (i), ut qui tolos sex annos adornans iter,
» vix tandem Hispaniam potuerit relinquere. Sed longum
» est iter ab Hispaniis in Flandriam, rursus è Flandria Fri-
» burgum, ut felicitatis sit, si quae bue vel sero perlé-
» rantur. »
Guy Morillon remplit pendant de longues années les
fonctions de secrétaire auprès de Charles-Quint : il est
très-probable qu'il fît de fréquents voyages dans les états
de l'empereur son maître, quoiqu'il ait résidé en Espagne
pendant un terme de six années sans interruption, comme
on l'a vu plus haut. Il eut aussi, nous dit-on, les fonctions
de secrétaire auprès de la sœur aînée de l'empereur, Eléo-
nore d'Autriche, qui avait passé sa jeunesse dans le Bra-
bant, mais qui fut tour à tour reine de Portugal et de
France.
Les livres qu'il nous a été donné de consulter, ne nous
ont pas fourni de plus amples renseignements sur la car-
rière publique de Morillon. Préoccupé surtout dans cette
notice des faits d'histoire littéraire, nous laissons de bien
bon cœur à d'autres l'honneur de faire des recherches plus
spéciales et plus fructueuses sur les faits d'histoire politi-
que et diplomatique, auxquels le secrétaire impérial fut
mêlé. Nous avons renoncé de même à porter nos investi-
gations sur l'origine de la famille des Morillon, étrangère
(l) Ce nom de Callipide, acleur tragique du temps d'Agésilas, était devenu
l'épilhète d'un homme lent. Voir les Adages d'Erasme {CItiliad., l. Cent., VI,
Prov., XLHI et ses lettres fpp. 537 et 878).
— 152 —
aux provinces belgiques, et sur les traces qu'on en trouve-
rait dans l'histoire de l'ancienne Bourgogne.
Morillon rentra dans la vie privée avant son extrême
vieillesse; c'est à Louvain, où ses fils achevaient leurs élu-
des, qu'il passa probablement ses dernières années. Il
s'occupait encore d'études littéraires, au témoignage de
Nannius, dans l'année même où il mourut (lo48). La haute
fortune de son fils Maximilien lui permit d'ériger dans la
principale église de Louvain le monument funèbre qui rap-
pela pendant deux siècles la famille des Morillon, dont Guy
était le chef. Les marbres du mausolée ont été, sauf l'in-
scription, dispersés en 1807; les portraits se sont seuls
conservés avec le triptique de 3IicheI Coxie (i).
Sans doute, Morillon conserva à la cour un modeste
emploi qui lui valait la confiance du prince et qui lui don-
nait connaissance des relations de la maison d'Espagne
avec toutes les couronnes d'alors ; mais il ne semble pas
qu'il soit allé au-delà. On ne saurait lui attribuer le mé-
rite qui revient à plusieurs de nos diplomates et de nos
publicisles dans les grands événements de la jeunesse et
du règne de Charles-Quint; évidemment, on ne peut lui
assigner une place à côté des Scepperus et des Busbecq.
Mais il nous représente bien cette classe de serviteurs uti-
les au prince et à l'État, qui sortait à cette époque des
rangs de la petite noblesse ou de la bourgeoisie, et à la-
quelle l'instruction puisée dans nos écoles nationales frayait
honorablement l'entrée de carrières fort recherchées. Les
hommes du Midi n'étaient pas en droit, assurément, de
traiter de barbares des Cisalpins de cette origine, qui ap-
portaient à la pratique des affaires les lumières d'un esprit
cultivé. La fierté et la probité castillanes purent s'émouvoir
(1) Notice citée de M«' Edw. Van Even, pp. 271-72.
— loo —
des habitudes de vénalilé que des conseillers du jeune Roi
importèrent en Espagne à l'époque de son avènement; on
voudrait effacer de l'histoire les plaintes qui furent diri-
gées, à cause de la vente des charges et offices, contre les
Sauvaige, les De Chièvre et bien d'autres (i). Guy Morillon
fut à l'abri d'une tentation si funeste : s'il est permis de le
séparer de la foule des maltotiers qui déshonorèrent le nom
flamand en Caslille, s'il est juste de le louer d'avoir servi
son Roi avec désintéressement et loyauté, qu'on en fasse
honneur aux lettres!
Félix Nève,
(1) Voir les pièces du temps analysées dans le IhiUelin de la Cotiivi. royale
d'liislmre,\. X, p. 1 -, I. XI. p. 125-128.
15i —
^xcljmô hcô 3rtiî, hô ^t'mxas et ies Ccttrcô (i).
5 46. Peintres.
Sommaire : Deux tableaux de Jean Van Eyck. — Monumeuls el vitraux de
l'église de Jérusalem, à Bruges. — Epoque de la construclion de cet édi-
fice. — Tableau de Jean Van Memmelinghe. — Jérôme Bosch ou Van Aeken.
— Tableaux à ajouter à la liste de ses œuvres. — Lucas Van Nevele. —
Balthazar Kerreman. — Jean et Pierre Van Heymessen. — Dominique
Lampsonius. — Raphaël Van Cocxie. — Gilbert Van Vcen. — Tableaux
divers de ces artistes envoyés en Saxe et en Angleterre. — Gilles Claes.
— Wenceslas Cobergher. — Portrait de l'infante Isabelle envoyé à Paris.
— Bertholet Flémalle. — Histoire d'un tableau représentant VAssomptiou
de la Sainte-Vierge, attribué à Rubens , et provenant du couvent des
chartreux de Bruxelles, — J. Crokaert. — J. Dansaert. — Jean-Baptiste
Van Diest. — Peinture sur porcelaine aux Pays-Bas.
Deux tableaux de Jean Van Eyck, — C'est dans le tes-
tament crAnselme Adornes, daté de 10 février 1470 (n. st.),
qu'il est fait mention de ces tableaux, « Je donne, — dit-il,
— à chacune de mes filles, Marguerite et Louise, toutes
deux religieuses, l'une au couvent des chartreuses (près
de Bruges), et l'autre à Saint-Trond, un petit tableau,
représentant saint François, dû au pinceau de Jean Van
Eyck, et j'ordonne que sur les volets soient peints, avec
grand soin, mon portrait et celui de ma femme. »
Anselme Adornes, chevalier, seigneur de Corthuy, Ron-
sele, Ghendbrugge, etc., remplit diverses fonctions impor-
(1) Suite. V. Messager des Sciences historiques, année iSSi, pp. 24-7, .~G1 et
'i\\; année 185;», pp. 109 et ô89; année 1856, p. 177, et année 1858, p. 78.
oo —
tailles dans le magistrat de Bruges, et fit plusieurs voyages
par ordre de Philippe le Bon, en qualité d'ambassadeur de
ce prince, auprès du roi d'Ecosse entre autres, auquel il
déclare dans son testament que la nouvelle de sa mort soit
annoncée par lettre. Jacques II lui avait accordé le titre
de conseiller. C'est en Ecosse qu'Anselme Adornes périt
de mort violente, le 25 janvier 1483 (n. st.). Il avait légué
son meilleur saphir à l'évêque écossais de Saint-André, qui
lui avait promis d'adopter un de ses enfants, et fit don dans
l'acte de ses dernières volontés de 1470 d'une verrière à
ses armes, pour être placée dans la chapelle de Sainte-
Catherine au couvent des chartreux-lez-Perlh, en Kcosse.
Anselme Adornes avait épousé Marguerite Van der Banck,
qui mourut le 51 mars 1465 (n. st.). Ils sont enterrés dans
l'église de Jérusalem, à Bruges, sous une belle tombe sur
laquelle ils sont représentés l'un et l'autre avec leurs quar-
tiers. On n'est pas d'accord sur les noms des fondateurs
de celte église, qui furent, d'après quelques auteurs, les
frères Jacques et Pierre Adornes, père d'Anselme. Celui-ci
dit dans son testament qu'il posa la première pierre de l'é-
difice, dont M. Schayes reporte la fondation à l'an 1450
environ (i). Cependant, à l'époque où Anselme Adornes
dictait ses dernières volontés, l'église de Jérusalem ne res-
semblait point au monument qui existe encore aujourd'hui,
car il déclare qu'il n'y choisit sa sépulture que pour autant
que l'église soit améliorée {yerbetert wordé), et qu'il a lui-
même l'intention d'y faire faire des changemenls. L'église
n'était pas encore achevée à l'époque de la mort de Jacques
Adornes, qui date du 22 avril 1465, car celui-ci fut enterré
à l'église Saint-Michel-lez-Bruges, et Pierre, son frère, qui
vivait encore en 1446, git au couvent des jacobins, dans
la même ville. Outre la tombe d'Anselme et de sa femme,
(t) Histoire de (■ Archilecinre en Belgique, t, H, p. I!)2 (édit. en deux vol.).
— 156 —
l'église de Jérusalem est encore ornée de six vitraux repré-
sentant les ancêtres des fondateurs et leurs descendants,
et de deux autres petits monuments funéraires. Tous sont
reproduits dans l'ouvrage publié par M"" J. Gailliard et in-
titulé : Recherches sur l'église de Jérusalein à Bruges; Bru-
ges, 1843. Plusieurs de ses vitraux sont très-probablement
dus à la générosité d'Anselme. Dans un livre qui a paru
récemment sur ce personnage et sur le voyage qu'il fit en
Palestine, on trouve un autre renseignement artistique (i) :
il y est dit que Jean Van Memmelinghe peignit, en 1499,
le portrait d'Agnès Adornes, fille d'Arnould et petite-fille
d'Anselme.
Afin de retrouver les tableaux de Jean Van Eyck, sur
lesquels nous appelons l'attention des connaisseurs, nous
donnons ici les écussons d'Anselme Adornes et de Mar-
guerite Van der Bank, car si les portraits ont été exécutés
comme le recommandait le testament, il est hors de doute
qu'ils sont accompagnés de leurs armoiries, selon l'usage
général de l'époque.
« Item, 10 kieze ic luyne sépulture by mervrauwe Margriele Vau der
» Banc, mynder liever ghczelnede, op dat zu voor my versleet ende blyft zoe
» naer my weduwe, daert huer ende mynen oudslen zone ende testamenta-
» rissen best dyacken zal, hemlieden biddende dat by alzo dat Jérusalem
)) verbetert worde, of in hope zy van verbeteren daer onze sépulture lievere
» te kiezene dan eldere, mids dat 't voorschreven Jérusalem ghefondeirl es
» by mynen voorders, ende ic zelve den eersten steen glieleit hebbe van den
•) fondamente ende in meeninghe bcn 't zelve te verbeteren. »
(1) E. nt; i.A CosTE, Anselme Adornc, p. 312; Bruxelles, 1855.
— 157 —
« ftcin, zo gbcve ic elcken van myn lievc dochlers, die beghencn zyii, te
» wetcnc Margi'iele, rsaertruesinnen, ende Lowyse, Sint-Truden, een tave-
» reele, daerinne dat sinte Franssen in portrature van meesler Jans liandt
» Van Heyck ghemaect staet, ende dat mon in de duerkins die dezelve tave-
» reelkins belaucken doe roaken myn personage ende mervrauwe alzo wel
» als men mach, te dien hende dat wy van hcmlieden ende andere dévote per-
» soonen moghcn ghedocht zyn, ende daerloe elcken ic gheve om haerlieder
» wille mede te doen. »
Boscii (Jérôme, Joemen, Joen) (i), — En 1842, M"" Im-
merzeel publia le \" volume de son ouvrage intitulé : De
levens en werkender knnstschilders, etc. A l'article qu'il con-
sacre à Jérôme Bosch, t. I'^'', p. 77, il donne la date de la
mort de ce peintre d'après une note extraite de la confrérie
dite Illustre Lieve-Vrouwe broederschap, à Bois-Ie-Duc, et
qui est ainsi conçue : A" 1518. Hieronijmiis Agnen, alias
Bosch, insignis pictor. Depuis lors et grâce au livre de
M"" A. Michiels, Histoire de la peinture flamande, dont le
t. II (2) parut en 1845, le nom de J. Agnen, dit Bosch, fut
accepté comme étant celui de l'artiste créateur du genre
trivial ou burlesque dans les Pays-Bas. Ensuite vinrent le
Dictionnaire des peintres, de M'' Siret(i848) (s), le Catalo-
gue du Musée d'Anvers, de M"" De Laet (1849) (4), etc., qui
tous reproduisirent la version, et qui aidèrent à sa propa-
gande en France (3), en Italie (g) et en Allemagne (7).
(1) Une partie de cette notice a paru dans les Bulletins de l'Académie,
2e série, t. IV, n" 5.
(2) P. 383.
(3) P. 91.
(4) P. 47.
(3) Court, Catalogue des tableaux du Musée de Rouen; 1833; p. 133; —
J. Renouvieu, Des types et des manières des maîtres graveurs, etc.; Mont-
pellier, 1838; W[<^ siècle, p. 144-.
(6) Vasari, Le vite de' pià eccelenti pittori, etc.; éd. de Florence; t. XIII
(1837), p. 131, note 3.
(7) IIeller, Prahlisches llandbuch fïir Kupferslichsammler; 1830, p. 78; —
R. Weigel, Catalogue de In cnllertinn de gravures d'E.-P. Otto ,• F.eipsig,
1852; p. 1. '
— 158 —
Dans un registre des Archives du déparlement du INord,
à Lille, qui porte le n" F. 190 de la chambre des comp-
tes (i), se trouve consigné le passage suivant, lequel relate
un payement fait par ordre de Philippe le Beau au mois de
septembre 1504 :
« A Jéroniraus Van Aekcn, dit Bosch, painlre, demourant au Bois-le-Duc,
la somme de xxxvj livres, ù bon compte sur ce qu'il pourroit estre deu sur
ung granl tableau de paincture, de ix pieds de hault et xj pietz de long, où
doit estre le Jugement de Dieu, assavoir paradis et enfer, que Monseigneur
lui avoit ordonné faire pour son très-noble plaisir. »
En lisant ce passage, qui ne laisse aucun doute sur l'in-
dividualité de l'artiste dont nous parlons, nous cherchâmes
à le concilier avec la note découverte par M"" Immerzeel, et
nous conclûmes qu'il y avait là une faute de lecture. Nous
nous adressâmes à M"" Van Zuyien, commis archiviste aux
Archives de la ville de Bois-le-Duc, pour le prier de véri-
fier la mention du décès de Jérôme Bosch. Sa réponse fut
conforme à nos prévisions. Voici le passage tel qu'il se
trouve dans le registre (2) qui a pour titre : Nomina deca-
norum et prepositorum (1518 à 1658).
« Obitus fralrum : A» I51G. Hieronimus Aquen, als Bosch, insignis pictor. »
Tous les noms qui sont inscrits dans ce registre ont ce-
pendant été publiés avec exactitude dans un recueil imprimé
à Bois-le-Duc en 1841 (5), et par conséquent antérieurement
à l'apparition du livre de "SV Immerzeel.
Une autre indication que nous a envoyée M'" Van Zuyien,
et qui est extraite d'un volume intitulé : Regisler der namen
ende wapenen der heeren beeëdigde broeders soo geestelyke
(1) Fo ijf XXX \o.
(2) Les registres de la confrérie nommée Vllluslre Lieve-Vroicwe broeder-
scliap, appartiennent a la société dite : Het provinciaal genooiscliap van kun-
sten en wetensckappen in Noord-Brahand, à Bois-le-Duc.
(3) Hermans, Menijelwerk over de provincie Noord-Braband, \\« partie,
p. 159.
— 159 —
(ils werelllyke van de Illustre Lieve-Vrouwe broederschap,
confirme et le nom de Van Aeken el la date de 151 G. Au
f" 76 on trouve le contour d'un écusson dont le champ est
vide avec ces mots au-dessous : Hieronimus Aquens. alias
Bosch seer vermaerd sdiilder. Obiit 1516 (i). Enfin le nom
de Jérôme Van Aken {sic) se rencontre encore dans un
compte de la confrérie de 1498-99.
L'erreur de iM"" Immerzeel est donc évidente, et il est con-
staté que l'artiste qui a été connu jusqu'en 1842 sous le
nom de Jérôme Bos, Bosch ou Bosche, s'appelait Van Ae-
ken, et qu'il est mort en 1516, au lieu de 1518. Celte
différence de deux années est peu de chose, nous le recon-
naissons volontiers; mais une fausse date est souvent l'ori-
gine de diverses suppositions et par conséquent d'erreurs
nouvelles. On voit en outre par les expressions des notes
que nous avons rapportées, que la réputation du peintre
était fort appréciée de ses concitoyens et qu'ils en tiraient
vanité.
Plusieurs autres renseignements que nous devons égale-
ment à l'obligeance de M"" Van Zuylen, nous font rejeter
entièrement l'opinion d'un séjour prolongé de l'artiste en
Espagne (2), où existaient au XV^ siècle (s), et où existent
encore un assez grand nombre de ses meilleurs tableaux (4).
Des documents établissent que J. Bosch était déjà connu
comme peintre et qu'il vivait à Bois-le-Duc en 1488 (s);
(1) Hermans, loc. cit , p. 129.
(2) P. DE MiDRAzo, Calàlogo de los cuadros del real mttseo de pintura, elc.j
Madrid, 1845; p. 95; — Siret, loc. rit.; — Catalogue des tableaux du Musée
de Rouen, loc. cit,
(5) i. DE SiGUEKÇA, IJisloria de la ùrden de San Gerônimo; Madrid, 1605,
t. m, p. 857 à 84.1.
(4-J P. DE Madrazo, loc. cit. Consultez Po^z, Viaj'e de Espana; Madrid, 1776;
passim, et Céan Bermi'dez, Dictionnario historico de las bellas artcs en Espanat
t. I", p. 172.
(5) « Item, 1er ierster vergaderingen lot .leronimus, die scilder, voer xxiiij
— 160 —
il n'a pas quitté cette ville jusqu'à sa mort, puisqu'on le
retrouve mentionné dans des comptes de 1493-1494 (i),
1498-1499 (2), 1504 (3), 1508-1509 (4) et 1512. A celte
dernière date il dessine pour la confrérie le patron d'une
croix qui lui est payé 20 sous (5).
Pour nous assurer si Jérôme Van Aeken n'était pas un
étranger, nous avons fait des recherches dans les comptes
des sous-écoutètes de Bois-le-Duc, aux Archives du royau-
me, où sont inscrits annuellement les noms des personnes
qui ont obtenu le droit de bourgeoisie. L'absence du sien
dans ces listes est une preuve qu'il est natif de celte ville,
dont il a pris le nom pour signer ses œuvres. On lit dans
un de ces comptes (c) qu'un certain Laurent Van Aken fut
reçu bourgeois à Bois-le-Duc en 1468. jNous croyons inu-
tile de relever ici une des mille erreurs commises par M""
Viardot, qui classe Jérôme Bosch parmi les peintres de
Weslphalie (7).
» pont runUlees, 't pont : eene Phllippus penninck; item, voer iiij loet geny-
» bers, ij loet pepers, 1/2 loet soffraens : v st.; item, voer wortelen, ij st.;
» ilem, den weert een mengele wyns, etc. » (Compte de la confrérie citée de
1488-li89).
(1) Voy. plus loin.
(2) « Item, ter v'^"" vergadering, doe men den swaen att tôt Wouters Van
» der Rullen daer Jlieronimus Van Aken, scilder, dat laken lede, behalve den
» swaen gecomen en gescenckt van den renlmeester van wegeii ons genedige
»heer; daertoe noch gecocht tegen Rutger Van Erpe eene andere swaen voir
» viij stuvers, ende den knecht die de swaen bracht voer zyn drincgelt, ij 1/2
» st. » (Compte de la confrérie citée de Hd8-li09.)
(3) Registre n" F, 190 cité.
(i) » In de yersten tôt Wouters Van der Rullen, by een deel gezwoeren
» brueders, omme Jheromme ende meester Jan Heyns, te willigen ende raet
» te nemen omme Onser-Lieve-Vrouwen taefel le stofferen, etc. » (Compte de
la confrérie citée de 1308-1309.)
(a) « Jeronimo die maelder, want liy t patroen van den cruse heeft ge-
» maeckt : xx st. »
(6) Registre n" 13003, 18».
(7) Les Musées d'Espagne: Paris, 1832; p. 79; — Les Musées d'Allemagne;
Paris, 1832; p. 520.
— lCr\ —
Nous avons vainement recherché quels élaienl les docu-
ineuls sur lesquels les auteurs qui se sont occupés de l'his-
toire des arts s'appuyaient pour déterminer la date de la
naissance de ce célèbre peintre. Descamps (i), qui a ac-
cumulé et inventé tant d'erreurs, la fixe à l'année 1450.
D'autres écrivains en grand nombre la reportent à 1470 (2) :
nous les croyons plus voisins de la vérité. lïuber et Rost (3),
M"" Heller (4) et M"" Ch. Le Blanc (s) vont même jusqu'à la
rejeter à 1498. Van Mander (g), CampoWeyerman (7), etc.,
ne se prononcent point. Quoiqu'il en soit, Bosch n'a pu
peindre ni en 1450 (s), ni en 1522, comme l'ont avancé les
estimables auteurs de l'excellent Catalogue du Musée cV An-
vers (9), d'après une gravure dans laquelle ils veulent re-
connaître le sujet d'un tableau que possède cet établissement
et qui est signé : Jherommus Bosch (lo). La date de cetle
gravure avait cependant déjà été signalée comme fausse par
M"^ Immerzeel.
Jérôme Van Aeken, dit Bosch, a gravé sur bois. Heinec-
ken (11), M"" JXagler (12) et d'autres écrivains lui ont aussi
attribué des gravures sur cuivre. Ces dernières sont toutes
(1) La vie des peintres, éd. de 17d3; t. 1", p. 19; — Alexakdre, Catalogue
de tableaux vendus à Bruxelles, de 1773 à 1803, p. 61, roproduit celle date,
et fixe la mort de Tartiste à l'année 1312.
(2) Immerzeel, loc. cit.
(5) Manuel des amateurs de l'art; 1801; I. V, p. TiO.
(4) Loc. cit.
(a) Manuel de l'amateur d'estampes, t. Ic^ p. /{-fiS.
(6) Hel leven der schilders.
(7) De levens-beschryvingen der ncderlandsche konst-schilders.
(8) Annotation manuscrite d'une gravure de la collection de la Bibliotliè-
que royale de Bruxelles.
(9) 1857; no41, p. 42. — Zani, Enciclopedia délie belle arli, t. IV, l"^*^ par-
tie, p. 214, est tombé dans la même erreur.
(10) Voy. le fac-similé de la signature à la fin des deux éditions du catalo-
gue (1849 et 1837).
(H) Dictionnaire des artistes, etc., t. III, p. 184.
(12) Neues aUgemeines Kunstler-Le.ticon; Jlunich, 1837; t. II, p. fi3.
Il
— 162 —
d'Alard du llamcel, contemporain du peintre. Les auteurs
qui ont décrit ou cité les gravures de celui-ci n'ont connu
aucune particularité de sa vie. L'une de ces planches repré-
sentant un tabernacle, a fait croire qu'il était orfèvre; c'est
ainsi que le qualifie Zani (i). Du Hanieel fut un architecte
très-distingué, qui ne s'occupait de graver, tantôt d'après
ses propres dessins, tantôt d'après ceux de son concitoyen
Jérôme Van Aeken, que dans ses moments de loisir. C'est
lui qui fut chargé de la direction des travaux de la magni-
fique église de Saint-Jean, à Bois-le-Duc, une des plus
belles des Pays-Bas, depuis 1478 et peut-être antérieure-
ment à cette date, jusque vers 149o, époque pendant la-
quelle fut achevé le transept méridional et commencé la
construction du vaisseau de l'édifice (2). Du Hameel est
qualifié dans les documents de maître des ouvrages ou de
maître de la loge (0). On sait que tous les architectes du
XV'^ et môme un grand nombre de ceux du XV^ exercèrent
le métier de maçon ou de tailleur de pierres : du Hameel
était à la fois l'un et l'autre (4). Son nom n'est pas celui
d'une famille de Bois-le-Duc : il n'y acquit point le droit
de bourgeoisie. On peut donc le considérer comme un
étranger qui est allé s'établir dans cette ville. Il avait épousé
Marguerite Van Auweninge, qui décéda en 1484, et dont
la pierre tumulaire se voit encore aujourd'hui enchâssée
dans une muraille à l'intérieur de l'église de Saint-Jean,
avec son effigie et une inscription (s). Alard du Hameel est
{{) IjOc. cit., l. X, Ire partie, p. 314..
(2j Hermans, Geschiedcnis over dcn bouw der Sinl-J anskerk le 's Herlogen-
bosch; La Haye, 1853; p. 13.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem, p. 18; — Dans les comptes de la ville de Louvain de ItiOl,
fo 47, aux Archives communales, on lit : « Meester Alarl de Hamel, der stadt
» wcrckman steenhouwer. «Cette noie nous a été communiquée par notre ami
Mr E. Vaiv Even.
(3) Ibidem, p. 19.
— 165 —
mort entre les années 1503 et 1509 (i). C'est ce mémo ar-
tiste qui traça les plans et les dessins de la chapelle de la
confrérie de IVotre-Dame dite lUuslre Lieve-Vrouive broe^
derschap, adossée au chœur de l'église de Saint-Jean, et
dont les travaux s'exécutèrent sous la direction particulière
de l'architecte Jean Heyns, son beau- frère, lequel mourut
en 1515 (2). Jérôme Van Aeken fit, en 1493 ou 1494, pour
celle même association dont il faisait aussi partie, les pa-
trons de plusieurs vitraux qui furent peints par les verriers
Guillaume Lombard et Henri Buekinck ou Bueken (3).
(1) MrVAN EvEN nous a écrit qu'il était pour la dernière fois question de
lui dans un compte de 1303, et que Mathieu Kelderraans le remplace en 1504,
en qualité de maître des ouvrages de la ville de Louvain. Voici en outre une
note extraite d'un compte de la confrérie citée de 1309-1510 : « Van den
» testamcnte ende vuyterste wille wylen meeslers Alarts du Hamel, doen hy
» leefde lodze-meester in den Bosch, vj gulden, die men neemen sal van den
» somme van xxij gulden xv stuivers, die wylen Jan Heym, doen leefde on-
» derschouth in den Bosch , hem sculdich was gebleven van huwelicxschc
» vorwarde. »
(2) Hermans, loc. cit., p. 15 et 14.
(3) « Willem Lombard, glaesraalder : iij orlen stuivers voer een Gots-pen_
» ninck hem gegeven by den proeslen, doe zy met hem over quamen van een
» nyeuwen ghelaese dat hy maken sal nae den palroen dat Joen, die maelder,
»hem soude maken, 'l welk staen soude in onser nyeuwe capelle.
» Joemen, den maelder, geschenken ij 1/2 st., tôt dyen dat hy denselven
«Willem Lombart soude willen te wege helpen dat 't voirschreven gelas
» recht wael wesen gemaeckt.
» Voer een paer aider slaeplakens daer Joen, de maelder, op soude maken
» een patroen van een glaes, 't welck Willem Lombart zouden maecken in
» die Thoeren-straet : xx st.
» Willem Lombart, op 't voorschreven glas : xxx st., die van den brueder-
» scappe gebcurt hat van eene doodtschuld van eenre gehieten Margerieltc
» Dierickx Van den Hoevel, etc.
«Meester Henricken Bueken, ad computum ende op afcortinge ende in
» betalinge van den gelaese by hem aengenonien te maken, dewelcke staen
»sal in ons nye choer : ij houde carolus guldens, 't stuck op ix st. gerekent.
» Meester Henricken Buekinck, glaesmeester, noch in betalinge en afcor-
» tinge van den gelas aen hem verdinckt, 't welk staen sal in ons nyeuwe
» rhoer : vj Vuytrechls gulden, 't stuck tôt xxvij st. gerekent, ende zyneii
» knecht iij st. te verdrincke. «(Compte de la de confrérie citée de 1 493-1 4.-94.)
— 164 —
Les gravures d'Alard du Ilanieel sont d'une excessive
rareté et se vendent à des prix élevés. Barlsch (i) en a dé-
crit six, M-" Nagler (2) et M"" Cli. Le Blanc (3) sept, et M-^
J, Renouvier (4) lui en attribue une huitième, qui existe
au cabinet de Dresde. Sur plusieurs d'entre elles on lit le
mot Bosche (s) ou Shertogenbosche, formes flamandes de
Bois-le-Duc. Les unes sont signées du nom de l'artiste,
d'autres d'un monogramme, formé de la lettre A, accom-
pagnée d'un de ces signes étranges (c.) que l'on retrouve sur
les pierres des édifices du moyen-âge ou qui sont joints à
des signatures de maçons, d'architectes, de tailleurs de
pierres, etc. C'est la présence du mot Bosche sur quelques
planches d'Alard du Hameel qui a porté certains auteurs
à croire qu'elles étaient dues au burin de Jérôme Van Aeken,
dit Bosch (7). Les gravures en taille-douce, faites d'après
les tableaux de ce dernier, ont été éditées par Jérôme Cock,
les Galle et Paul de la Houwe.
Du Hameel est allé s'établir à Louvain en 1495 (s) :
(1) Le peintre graveur, t. VI, p. 354.
(2) Loc. cit , t. V, p. 329.
(3) Loc. cil , l. Il, p. 340.
(4; Loc. cit., p. 143.
(3) Bartscii a cru que les planches où se trouve ce mot, ont clé copiées
d'après Jérôme Bosch.
(ti) Bartsch, loc. cit., t. XXI, monogramme 3 et Hl; — Brulliot, Dic-
tionnaire des monogrammes; Munich, 1832; \'<^ partie, n" 2.
(7) A. MiciiiELS, loc. cit., t. II, p. 402. M'' Ch. Le Blanc attribue à Jérôme
Bosch trois gravures (nos g^ (j et 9), qu'il restitue ailleurs à Alard du Ha-
meel (nos 2, 5 et 6).
(S) « Hem, aengcsien dat meester Alart du Hamel, meester van den loed-
)• zen, hem vertrocken was, van vêle diensten der bruederscap by hem gedaen
» zynde, hier voertyts te weete zekcren wercken dair liy nyet afi" en is geloent,
» want die voirschreven meester Allart nu met zyne svvager Jan Heyns, oick
)i ovcrzien heefl den wendelsteen in ons choir staende dair ons orgelen aeii
» staen sullen, en dieselve van hier metcr woene treckt tôt Loeve, hem gc-
» schcnckt, by rade van sommige bruederen, cen hoeslake van xxx stuivers. »
(Compte de la confrérie citée de 1493-1496.)
— 165 —
c'est vers celle époque qu'il faul placer la mort de Malliieu
de Layens, l'archilecle de l'hôtel-de-ville de celle cité (i).
Du Hameel a quille Bois-le-Duc pour succéder à ce grand
artiste dans la direction des travaux de la ville de Louvain,
et il fut eftectivement nommé stadmeesler le 2o juin 1495,
aux appointements annuels de 12 1/2 florins. Il travailla
aussi à l'église de Saint-Pierre, à Louvain, alors en con-
struction (a). La date de ce départ prouve que les gravures
d'Alard du Hameel qui portent le nom de Bosche ou Sher-
togenbosche ont été exécutées dans le temps que leur auteur
habitait celte ville. A cette même époque il existait un im-
primeur à Bois-le-Duc, appelé Gérard Leempl, deNimègue :
il y travailla de U84 jusqu'en 1490. C'est très-probable-
ment à ses presses que Jérôme Bosch et Alard du Hameel
eurent recours pour tirer les épreuves de leurs gravures.
Après Gérard Leempl on ne rencontre plus d'imprimeur à
Bois-le-Duc qu'en lyH (ô).
Le nombre de tableaux sortis du pinceau de Jérôme Bosch,
dont la touche et la manière ont un cachet si étrange, est très-
considérable. Au XV1<^ siècle, c'était non-seulement dans
le précieux cabinet de Marguerite d'Autriche, à Malines(4),
que l'on pouvait admirer toute l'habilité et la richesse dima-
(1) Van Evex, Les arlisks de l'hùlel-de-ville de Louvain; Louvuiii, 1832.
(2) Van Even, Louvain monumental.
(3) Dans le compte de la confrérie dite Illuslre Lieve-Vromve Bruedcr-
scltap, de 1498-1499, on voit qu'à défaut d'imprimeur à Bois-le-Duc, elle fut
obligée de faire imprimer à ZwoUe; le compte de 1303-1506 prouve qu'elle
s'adressa à cette époque à un imprimeur d'Anvers. Il existe à la Bibliothè-
que royale de La Haye un volume sorti, en 1311, des presses de Laurent
Hayen, établi à Bois-le-Duc. Ces renseignements nous ont été communiqués
par Mr Cuvpers-Van Velthoven.
(4) « Un moyen tableau de sainct Anthoine qui n'a couverture ni fcullet,
» qui est de Jhéronimus Bosch, et a esté donné à Madame par Jhoane, femme
» de chambre de madame Lyonor. » (Le Glay, Correspondance de l'empereur
Maximilien I" cl de Marguerite d'Autriche, t. Il, p. 480; — Cabinet de l ama-
teur cl de C antiquaire, t. 1", p. 216; Paris, 1842.)
— i66 —
ginalion que Tarliste savait mellre dans ses tentalions de
saint Antoine, sujet qu'il a traité un grand nombre de fois,
mais encore dans les hôtels des principaux seigneurs de sa
cour. Tous à l'envi de la gouvernante des Pays-Bas, dont
l'amour pour les arts était si puissant qu'à elle seule elle
eût sufli pour leur donner l'impulsion dont ils avaient be-
soin afin de soutenir et de grandir la réputation des artistes
des Pays-Bas; tous à l'envi, disons-nous, se plaisaient à
enrichir leurs salons des productions des peintres , des
sculpteurs, des tapissiers les plus en renom. L'exemple
des princes a toujours été d'une grande influence en ma-
tière de luxe. C'est là une de ces vérités incontestables et
dont les preuves sont abondantes dans l'histoire de toutes
les nations. Nous citerons, parmi les seigneurs du XVP
siècle qui possédaient des tableaux de J. Bosch, Guillaume
le Taciturne, prince d'Orange, dans son hôtel, à Bruxel-
les (V. § 30), et Jean de Casembroot, seigneur de Backer-
seele, dans la demeure duquel se trouvait le sujet des Trois
Mages, avec les armoiries des Bronkhorst et Bosschuyse
sur les volets (i), tableaux qui furent, ainsi que nous l'avons
dit (§ 50), saisis et confisqués au profit de Philippe II
en 1S68. Plus tard, en 1594 et 1S95, l'archiduc Ernest
achète un tableau du même artiste, représentant le Christ
en croix et les limbes au-dessous, qu'il paie plus de 1 00 fl. ,
et un autre pour la moitié de cette somme (2).
Malgré la découverte du vrai nom de l'artiste dont nous
venons de nous occuper, nous ferons observer néanmoins
(1) « Inventoire des biens-meubles et ustensilz de mesnaige, trouvez le
» xiiij« jour d'apvril l'an mil cincq cens soixante-sept, avant Pasques, en la
» maison du sieur de Backersele, Jehan de Kasenbroot, située en reste ville de
» Bruxelles, près la porte de Couwenbcrghc, par Jehan de la Rea, à ce commis
» par Son Excellence, » dans le registre n" 395 de la chambre des comptes,
aux Archives du royaume.
(2) Bulletins de la commission royale d'histoire, l'c série, t. Xlll, p. Uii
et 119.
— 167 —
qu'il faut lui conserver le nom de Jérôme Bosch, sous le-
quel il était connu de ses contemporains, car c'est ainsi
(jue le désigne l'inventaire des objets d'art de Marguerite
d'Autriche, qui fut dressé en 1S16.
Rubens estimait beaucoup le talent plein d'originalité de
Jérôme Bosch, puisque le catalogue des œuvres d'art de
la veuve du grand peintre renseigne trois tableaux dus à
son pinceau, et un autre peint et composé dans sa manière :
« la Tentation de saint Antoine; — deux peintures estant
» des testes des grandes flgures faisant des grimazes, la
» grandeur du demy porlraict, — et une peinture repré-
» sentant ung bancquet de nopce à la façon de Jéronimus
» Bos (i). »
Ce sont autant de tableaux de J. Bosch, à ajouter à la
liste qu'à publiée M"" A. Michiels, liste dressée sans méthode
et sans critique. ¥aï voici encore d'autres :
On voyait autrefois dans l'église Saint-Jean l'Evangé-
liste de Bois-le-Duc, plusieurs tableaux de Jérôme Bosch :
la Création du monde, l'histoire d'Abigaël, un épisode de
l'histoire de Salomon, et VAdoration des Trois Rois (2),
Quelques jours après le premier bris des images qui eut
lieu à Bois-le-Duc, le 22 août 1366, ce dernier fut des-
cendu et porté à l'hôtel-de-ville pour y être mis en lieu de
sûreté, comme le prouve la note suivante •
a [tem, 2* seplerabris, Henrick Henricxsone ende eeneii anderen arbeyder,
dal zy bet taetfereel van de drie coningeii, de dooren van 0ns Lieve-Vrouwe
altaere, "t boort van den affneminge van der cruys op Gualter stairs graft
hangende, vuyl Sint-Jans kercke op 't raethuys gedragen hebben (5). »
(1) Collection de manuscrits, fonds de Pape, aux Archives du royaume.
Nous publierons plus loin Tinventaire des tableaux ayant appartenu à la
veuve de Rubens.
(2j OïDENHOVEN, Gescliiedenis der stadt 's Ilerlogenbossche; 1670; p. 25; —
CiRAMAïE, Taxandria, p. G.
(3) Compte de la ville de Bois-le-Duc de 1365-1566, aux Archives com-
munales.
— ms —
A la fin du siècle dernier, le 1" avril 1794-, fut vendu
publiquement à Bruxelles le cabinet du chanoine Wauters,
dans lequel se trouvaient deux petits tableaux attribués à
Jérôme Bosch, et représentant la Tentation de saint An-
toine (i). L'un fut acheté 2 florins et l'autre 4 flor. \o sous.
11 est nécessaire d'ajouter ici que l'on attribue à ce peintre
tous les sujets de diableries en général, quelque mauvais
qu'ils soient.
Un autre tableau de Jérôme Bosch existe au Musée de
Rouen, auquel il fut donné en 1819 par M'" de Gaze : il
i-eprésente ï Arrivée d'un sorcier au sabbat (2).
Van Kessel (Barlhélemi, Bertel, Berlelen), — peintre,
à Louvain, est cité en 1507 comme créancier d'un prêtre
nommé Arnould Boom, qui fut condamné pour crime de
sodomie, une première fois, en 1 504, à un emprisonnement,
et la seconde, à être brûlé vif, ce qui fut exécuté en lo07
par la main du bourreau de Malines. Ses meubles furent
confisqués et vendus publiquement (3). Parmi eux se trou-
vaient quatre représentations de la Sainte Vierge en tapis-
serie, en peinture et en sculpture, désignées comme suit :
« D'beelJe van Onser-Liever-Vrouwen, in een bert, metter naillen ghe-
wrachl : x s. gr.
» Een beelde van Onser-Liever-Vrouwen, in een berdeken gemaelt : ij s.
vj d. gr.
» Een albasten beelde van Onser-Liever-Vrouwen : v s. gr.
» Een tavereel van Ons-Heeren ende Liever-Vrouwen aensichte, dat con-
stelle van poinleralueren gemaict was, want 't principael ende d'beste van
den voirschrcven andcrcn slueken was, soe heeft dcn mej'cr (van Loeven) dat
(1) Alexandre, lue. cit.
(2) Court, loc. cil.
(3) Voy. sur celte affaire les registres de la chambre des comptes, aux Arclii-
ves du royaume, n" 12630, compte de 1302-1304, f» xviij v», — et n" 126G0,
complc de 1307, f» j r", xj r", xv r", xviij V à xx v°, xxij V, et ibidem, complc
de 1308, f» xiiij v».
— 169 —
gelaten voere d"alre hoighste daller voere geboden was, meeslercn Jaune
Van Binckem, licenciaet ende advokaet poslulerende in den raide van Bra-
banl, te wetene voere xxiiij gouden philippus guldenen. »
M"" Van Even, archiviste de Louvain, a publié dans la
revue intitulée ; De dietsche warande (i), quelques rensei-
gnements sur Bartlîélemi Van Kessel, qui était clerc de
l'église de Saint-Jean depuis l'année 1493, charge pour
ainsi dire héréditaire dans sa famille. Il vivait encore
en 1555.
Van Nevele (Lucas), — peintre, à Bruxelles, cité en
1552, fît partie du magistrat de cette ville en 1565 (2).
« A Lucas Van Nevele, painclre, demouranl à Bruxelles, ix livres x solz,
pour avoir pourtraict aucunes eflîgies de quelque Franchois espies, dont n'est
besoing d'autre déclaration (3). »
Kerreman (Balthazar), — peintre, à Anvers. Voici un
document qui le concerne, et qui date du mois de mars
1565 (n. st.).
'■ Ballazar Kerreman, painctre de son slil, et à présent prisonnier en la
ville d'Anvers, chargé de s'estre trouvé en conventicles et secrètes assembles
d'aucuns sectaires calvinistes, et d'avoir souffert par iceulx baptiser deux de
ses enffans, l'ung en septembre et l'aullre en febvrier es années (xv'=)lix et Ix,
dont il est Irès-repenlanl sur sa très-humble requesle, pour grâce et misé-
ricorde Sa Majesté a demandé les advis des marcgrave d'Anvers, inquisiteurs
de la foy à Louvain et de ceulx du conseil de Brabanl; et d'aullant qu'il
appert de la vraye répenlance dudict suppliant et qu'il ail suivy la doctrine
desdicls calvinistes, et esté en conventicles plus par povrelé et misère que
autrement, et qu'il a dénuncé aucuns principaulx sectaires, il leur a semblé
que Sadicte Majesté luy pourroit bien donner sa grâce, en faisant deue abju-
ration et avec pénitence salutaire, auquel advis se conforment ceulx du privé
conseil, moïennant intérinement par-devant ledict conseil en Brabanl (4). »
(1) 4« année, p. 28 cl ô3; Amsterdam, 1858.
(2) A. Heinne et A. Wadters, Histoire de Bruxelles, t. Il, p. 538.
(3) Registre n» F. 231 de la chambre des comptes, aux Archives du dé-
partement du Nord, à Lille.
(4) Archives de l'audience, liasses, aux Archives du royaume.
— 170 -
Van Heymessen (Jean et Pierre). — La pièce que nous
publions ici est l'acte de légilimitation, daté du mois de
novembre 1579, de Jean Van Heymessen, fils illégitime
de Pierre Van Ileymessem, tous deux peintres à Anvers,
et bourgeois de cette ville. Son père était mort à celte épo-
que : il avait alors vingt-quatre ans.
« PuiLiPS, etc. Doen te wetene, allen tegenwoirdigen ende toecomende,
dat wy ontfangcn liebben die oitinoedige supplicatie van Peeter Van Hey-
messem, schildere, vrye-geselle, oudtxxiiij jaeren, inhoudende lioedat wylen
Jan Van Heymesscm, ooek schilder ende poirier onser stadt van Anlwer-
pen, des suppliants vader, gehouwt wesende met eene Barbara de Fevre,
desen suppliant heeft gewonnen ende geprocreert aen eene jonghe dochlere
oft dienslmeysken genoempt Betteken, ombegrepen huers toenaems, nu eest
zoe dat de voirschreven suppliants vader ende moeder deser werelt zyn
overleden, wesende die suppliant nocli zecr jonck in der vuegen dat liy zyne
voirschreve moeder nauwelyck gekent en lieeft, is ooek warachtich dat hy
suppliant van den voersclireven zynen vader ende moeder noyt yet en lieeft
geprouffiteert, ende en is oyck nyet anders verwachlende dan 'l ghene hy
met zynen zueren arbeyt ende industrie sal mogen prospereren, ende want
die voersclireven suppliant die hem metten voersclireven zynder ambachte
ende anderssins eerlyck is yeverende ende groote affectic ende begeertc heeft
onder ons ende onse protectie te blyven woenen, hem beduchtende is dat
als hy tôt huwelycken state soude begeren le commen, hem die voersehre-
ven bastardye duerinne grootelyck soude geraken te obsleren om eenige
contracten het waere huwelycxe voorweerden, testamente ende anderssins,
valide le moegen passercn, nopende zynen geconquesteerde goeden, etc.
Gegeven in onser stadt van Antwerpcn, in de maent van november, in 't jaer
Ons Heeren duysent vyff hondert Ixxix (1). »
Lampsonius (Dominique). — On sait que cet artiste, natif
de Bruges, fut successivement secrétaire intime de trois
évêques de Liège. Il acheta à Anvers, en 1587, un livre
d'art d'Albert Diirer, pour Ernest de Bavière, au prix de
54 florins de Brabant. C'est probablement grâce à ses con-
(1) Registre n» fiiO, f" 187 v", de la chambre des comples, aux Archives
du rovaume.
— 171 —
seils que le prélat favorisa les arts dans ses états pendant
tout le cours de son règne.
n Solvi, 21 aprilis 1587, Dominico Lampsoiiius, pro libro picturaruiii
Alberli le Dure, ad opus sue Celsitudinis, emplo Anlverpie (1). »
Une lettre publiée dans le Carteggio inedito d'artistî, par
M"" Gaye (2), prouve que Dominique Lampsonius était en
correspondance avecTiziano Vecelli:elle est datée de Liège,
le 13 mars 15G7. Il y est question des gravures exécutées
d'après ce célèbre artiste par Corneille Cort, et qui ont fait
l'admiration de l'évéque Gérard de Groisbeck et de Lamp-
sonius. Cette missive est intéressante à plus d'un titre, et
notre compatriote s'y plaint des embarras que la situation
politique du pays lui donne. Les événements, dit-il, ont
empêché le prélat son maître, d'écrire lui-même à Tiziano
pour lui témoigner le plaisir qu'il avait eu à examiner
les gravures de Cort. Ajoutons ici que la Bibliothèque
royale de Bruxelles possède (3) un exemplaire de la pre-
mière édition (Florence, 1550) de l'ouvrage de Vasari, qui
a appartenu à D. Lampsonius, et que ce peintre poëte a
enrichi de vers latins en l'honneur de l'artiste italien.
Nous les croyons inédits, et c'est ce qui nous engage à les
publier.
« Georgio Vasaro, pictori aretino.
Macle anirais, macte insigni pietate Georgi,
Ingens picturse jam melioris lionos,
Cujus ab ingenio multos defuncta per annos
Tuscorum poslhac nescia fama mori.
Surgit et excelsum céleri petit œtliera penna,
Nec, velut ante, atris obruitur tcnebris.
Vos nunc, quis velerum prœclara reperta parentum
(1) Compte de la recette générale de 1586-1587, f" 234 v, dans les archi-
ves de la chambre des finances, aux Archives de l'Etat, à Liège.
(2) Florence, 1840; t. III, p. 242.
(3) Fonds Van Hulthcm, n" 22345.
— 17-2 —
Excolere, el luci reddere cura fuit.
Barbara quœ gelidis effusa aquilonis ab oris
Romulea passim gens tumularat humo,
Seu vobis œdes studium componere, seu vos
Praxitelem juvit, Prologenemve sequi;
JXocle caput fusca eripite ei vos crédite cœlo;
Jam vobis melior vita priore venit.
Ergo dum surgent ad sidéra moles exstruct*,
Seu forma ionia, sive Corinthe, tua,
Seu sibi majori quam robore dorica fullam,
Seu reperit priscis tuscia temporibus,
Seu rerum domini tandem finxere Quirites,
Dum placuit cunctas composuisse simul;
Dumque manu ducti vivent in marmore vultiis
Seu Donate tua, seu Bonarote tua,
Dumque suos tabulée pictores mille loquentur,
Scripta nihil ficta quos tua laude vehunt,
Debebunt vitam artifices, Vasare, secundani,
Debebunt tabulée, signa, domusque tibi.
DoMiMcus Lampsonius. »
Van Cocxie (Raphaël). — Van Veen (Gilbert) (Fo?/.| 50).
— Les notes qui suivent concernent Raphaël Van Cocxie,
fils de Michel, et Gilbert Van V een, peintres qui habitaient
Bruxelles à la fin du XV^ siècle, et dont le talent sem-
ble avoir été grandement apprécié par Albert et Isabelle.
Le dernier était le frère cadet d'Othon V^enius, avec lequel
on Ta souvent confondu. M' Nagler le dit né à Leyden,
en 1558 (i).
En 1596, Raphaël Van Cocxie fait les portraits de Phi-
lippe II, d'Elisabeth de France et d'Anne-Marie d'Autri-
che, femme de ce roi, de l'infante Isabelle, sa fille. Gilbert
Van Veen peint, la même année, le portrait en pied du
cardinal Albert. Ces cinq tableaux étaient destinés à Fré-
déric-Guillaume de Saxe, administrateur de l'électorat.
(1) IVcucs algcmeine Kunstlcr-Lcxieon, etc., 1. XIX, p. afiS.
— 173 —
Deux autres, les porlrails de Catherine d'Autriche, reine
de Portugal, et de Marie Tudor, reine d'Angleterre, furent
encore envoyés à ce prince. Tannée suivante : ils étaient
dus aux pinceaux des mêmes artistes. Au mois d'octobre
1601, Gilbert Van Veen reçoit une somme de 500 livres
de Flandre, à compte sur les portraits des archiducs, que
ceux-ci lui avaient commandés pour être donnés par eux
à Charles-Philippe de Croy, marquis d'Havre, chef des
finances. En août 1605, on lui paye 150 livres « pour af-
» faires secrelz concernans grandement le service de Leurs
» Altèzes » (i). Un an plus tard. Van Veen était occupé,
toujours pour le compte des archiducs, aux portraits de Phi-
lippe III, roi d'Espagne, et de Marguerite d'Autriche, son
épouse, dont ils gratifièrent aussi le marquis d'flavré, et à
deux autres portraits d'Albert et d'Isabelle, que ces prin-
ces ont fait offrir à Jacques I", alors nouvellement élu roi
d'Angleterre et d'Ecosse. M'' Nagler attribue ces tableaux à
Olhon Venius (2). \ous relèverons ici une autre erreur de
cet écrivain. Il dit que ce dernier artiste occupa les fonc-
tions d'intendant des monnaies : c'est Gilles Van Veen qui
occupa cette charge.
(Octobre 1596). « A Raphaël Cocxie et Gisbrechl Van Veen, painclres, iij«
xxxij livres x solz, par lettres patentes d'Anvers du xxvj aoust xv^ iiij'^ x\j,
assçavoir \}<^ liiij livres x solz audict Raphaël Coxie, sicomrae les ij<= livres
pour quatres painctures qu'il avoit faict à l'ordonnance de Sa Majesté, des
représentaeions de la personne d'icelle, de feues les bonnes compaignes
dames Isabelle et Anne-Marie, filles de France et d'Austriche, et de sa fille
dame Isabella-Claira-Eugénia, l'infante d'Espaigne; item, 1 livres pour ses
toilles, et iiij livres x solz pour la casse de bois pour transporter icelles
painctures; item, Ixxviij livres à Gisbrecht Van Veen, pour avoir pourtraict
la personne de monseigneur le cardinal, à sa grandeur, comprins iij livres
(1) Registre n» F. 286, de la chambre des comptes, aux Archives du dé-
partement du Nord, à Lille.
(2) toc. rit., p. 56G.
— 174 —
pour sa custode de fer blancq, avecq le basion sur lequel ladicte painctui'c
esloll enrollée et encloze : lesquelles painclures avoient esté envoyées en la
ville de Namur, à messire Joost-Henrich Van Witzleben, visconle de Upper-
guin, du conseil du duc Frédericq-Guillaume de Saxen, pour les présenter
de la part de Sa Majesté (1). »
« A Raphaël Coxie et Gisbrecht Van Veen, painctres à Bruxelles, la somme
de clij livres x solz, par lettres patentes datées de Bruxelles, le xvij aousl
xve iiij'^^ xvij, pour deux painctures qu'il avoit faict à l'ordonnance de Sa
Majesté, des représentations de feues les roynes de Portugal et d'Angleterre,
y comprins l'achapt de toilles, et pour la casse de bois pour transporter
icelles painctures vers le ducq Frédericq-Guillame de Saxen, administrateur
de Télectoriat, pour les luy présenter de la part de Sa Majesté (2). »
(Octobre 1601). « A Ghysbrechl Van Vcen, painctre, v<^ livres, entantmoins
de ce que luy seroil deu pour les pourtraitz des personnes de Leurs Allèzes,
qu'il avoit faict à leurs ordonnances, pour faire présenter à messire Charles-
Pliilippes de Croy, marquiz de Havrech (5). »
« A Gliysbrecht Van Veen, viij« iij livres, par lettres patentes datées de
Bruges, le xviij aoust xvjc iiij, dont v^ xxxvj livres pour ij painclures des
pourtraictz des roy et royne d'Espaigne, desquelles Leurs Altèzes avoient
faict présent au marquis de Havrech, chef des finances; item, vij» 1 livres
pour ij aultres grands portraits de Leurs Altèzes, envoyés au roy d'Angle-
terre en xvjc iij (4). »
Clâes, Claessens ou Claeyssens (Gilles). — La Galerie
d'Artistes brugeois, j)ar M"" 0. Delepierre, p. 4.5, et la
Biographie des hommes remarquables de la Flandre occi-
dentale, t. I", p. 71, consacrent quelques lignes à un pein-
tre du nom de Gilles Claessens ou Claeyssens, fils de Pierre,
mort en \ 605 et enterré dans Téglise de Saint-Léonard, à Bru-
ges, et qui fut peintre d'Alexandre Farnese, duc de Parme,
et des archiducs Albert et Isabelle. Nous avons trouvé dans
(1) Registre n" F. 279 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
(2) Registre n" F. 281, ibidem.
(3) Registre n" F. 284, ibidem.
(4.) Registre n" F. 287, ibidem.
— 175 —
un compte de la recelle générale des finances de 1607 (0,
une noie relalive à un petit portrait de Tinfante, peint à
riiuile par un certain Gilles Claes ou Claessens, de Bruges,
avec le plus grand soin, et qui fut enfermé dans une su-
perbe cassette d'or, garnie de diamants. Ce bijou fut
remis à Pierre Pecquius, ambassadeur des arcbiducs près
de Henri IV, pour être ofTert à la fille aînée de ce prince,
dont l'infante était la marraine. Il s'agit évidemment dans
celte note du même artiste, et la date de sa mon n'est par
conséquent pas exacte.
« Ilem, xj": viij livres x solz, pour une cassette d'or de forme ovale, garnie
parmi la ehaisnelte de Iviij diamants de différente sorte et grandeurs et
d'une grande perle, servant la même easetle à un petit pouriraict de la
sérénissime infante, peint en huille sur une carie par niaistre Gilles Claes,
paintre de Bruges; item, cxx livres pour la façon de laditte cassette, et
xxij livres payez audict Gilles Claes, pour avoir painct à Thuile le susdit
pourtrait de la sérénissime infante; ensemble une custode couverte de cuir
d'or, pour mectre et enserrer icelle cassette d'or, etc., le tout a esté mis
par le garde-joyaulx, par charge expresse de Leurs Allézes, es mains de
Pierre Peckius, ayant pour leurs affaires vers le roy très-chrélien de France,
pour estre au nom et de la part de la sérénissime infante, présenté à la fille
aisnée dudit roy que laditte sérénissime infante avoit levé du fond de bap-
tesme. »
CoBERGHER (Wenceslas). — (Voy. § 41). — Dans une
lettre écrite par Joachim d'Enzenbear, garde-joyaux des
archiducs Albert et Isabelle au secrétaire Frais, et datée du
8 octobre IGIO, il lui dit d'envoyer un ordre pour que
Wenceslas Cobergher puisse loucher la somme de 42o flo-
rins, prix de trois tableaux religieux, qu'il a peints et
qui ont été expédiés en Espagne. En 1618, ce célèbre ar-
tiste reçoit 560 livres pour deux autres tableaux, la Nais-
sance de Jésus et la Visitation de sainte Elisabeth, destinés
(1) Registre n» F. 289 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
— 176 —
à l'hermitage de xMarimont, et 20 livres pour un saint
Hubert en habits pontificaux (i), qui fut placé dans la cha-
pelle de Tervueren. La même année, W. Coberglier obtint,
par lettres patentes du 9 avril, un octroi pour pouvoir seul
exploiter aux Pays-Bas, la fabrication de la potasse. Ce
privilège fut renouvelé, pour lui et ses héritiers, par lettres
patentes du 9 septembre 1G27.
« Senor, Su Alteza me ha mandado que diga â Vuestra Merced, de su parle
que V. M. manda liazcr una ôrden sobre mj' y Van der Slegen para que
pagemos 170 pbelipes, que hazen 423 florines, à Venceslao Couwebergher,
pintor y ingeniero de las obras de Sus Altezas serenissimas, por très pin-
turas de devocion que él ha hecho hazer para servicio de Su Alleza, por el
dicho precio, las quales dichas très pinluras ha embiado Su Alteza â Espana,
y, después de hecho la ôrden, V. M. nie liaga mereed de embiârselo â niy
para darlo â la parte y V. M. me haga mereed de accordarsc tambien de
nuesiras schorres, para que puediessemos acabar àntes que Su Alteza se
parte à Mariemonl, que creo que sera bien presto para la otra semana. Y
ron esso guarde Nuestro-Senor à V, M., con darle toda aquella salud y con-
Icnto que puede y V. M. dessea, cuyas manos beso muchas vezes. De palacio,
à 8 de oltubre 1610. Soy muy cierto serbidor de V. M.
JoACHiM d'Exze.vhear (2). »
K A Wenssel Cobberguer, architecte de Leurs Altèzes, la somme de vij''
xlviij livres, de xl gros, qui deue lui estoit, assavoir : iij'^ Ix livres pour la
paincture de la Nativité de Nostre Saulveur Jésus el la Visitation de madame
saincte Elisabeth, au tableau mis en la chapelle ou hermilage proche de
Marimont; ilem, xx livres pour aullre paincture de sainct Hubert, mise à la
chappelle de Tervueren; elles restans iij"^ Ixiij par lui paie au menuisier qui
avoil livré les tableaux, aussy pour la dorure, etc. (3). »
!< Albert et Isabel, etc. Receu avons Thumble supplication de nostre chier
cl bien amé Wencislaus de Coeberger, nostre architecte général, contenant
que passez tantosl trois ans, il al trouvé des œuvriers sachant faire potasse
utile au savon, bleu, lintures et choses semblables, et à mesme temps il
nous supplia qu'il nous pleuist luy accorder de grâce espécialle et en béné-
(1) Voij. A. Wauters, Histoire des enviroris de Bruxelles, t. III, p. 388.
(2) Archives de Taudience, liasse n» 586 -", aux Archives du royaume.
(3) Acquits des comptes de la recelte générale des finances, ibidem.
— 177 —
fice lies services acluelz qu'il nous rend journellement qu';\ l'exclusion de
touts aultres, luy et ses hoirs et ayans cause pourroyent faire faire ladicte
potasse es pays de nostre obéj'ssance, sur quoy ayant esté prins Tadvis tant
des officiers fiscaulx de nostre conseil ordonné en Brabant que ceulx de nos-
tre conseil de Flandres et des magistratz de noz villes de Bruxelles et An-
vers, il y seroit passé beaucoup de temps, et cependant ledict suppliant
auroit retenu lesdicts ouvriers à grandz fraiz et despens; en considération
de quoy y nous a de rechiefz très-humblement supplié qu'il nous pleust luy
accorder et à sesdicts hoirs et ayans cause ledict octroy pour le terme de
vingt ans. Scavoir faisons, etc. Donné en nostre ville de Bruxelles, le ix" jour
d'apvril l'an de grâce mil six cens dix-huyt (I). »
Dans le numéro du mois d'octobre 1857, du Journal de
la Société centrale d'agriculture de Belgique, M"" Bortier a
publié un article intitulé : Dessèchement des tnoëres par
Cobergher en 1622. Cet article est accompagné du portrait
de l'artiste, d'après la belle eau-forte de Van Dyck, et de
deux plans, gravés sur pierre, représentant les moeres
avant et après le dessèchement. On sait que les moeres
étaient un marais pestilentiel, situé entre Furnes et Ber-
gues-Saint-Winoc. La notice de U' Bortier trace l'histo-
rique du dessèchement jusqu'en 1857.
Flémalle (Bertholet). — Voici une note qui prouve le
goût que ce grand artiste avait pour la musique, et qu'il
occupait comme musicien quelque emploi à la cathédrale
de Saint-Lambert, à Liège, où ses biographes disent qu'il
avait été admis très-jeune parmi les enfants de chœur (2).
(24 octobre 1632). « Messeigneurs (les chanoines) ayant appris que le
seigneur Bartholet Flémale laisseroit pour quelques raisons de se retrouver
à la musicque en leur église, ont commandé à leur secrétaire dei Rée, de luy
dire que s'il veult s'y retrouver, qu'il leur serat fort aggréable, avec espoir
de quelque avancement et promotion (ô). »
(1) Registre n» 144, f» xxxvij v, de la chambre des comptes, aux Archives
du royaume. L'octroi du 9 septembre 1627 est transcrit au f» ij» xxiiij r".
(2) De Becdelièvre-Hamal, Biographie liégeoise, t. Il, p. 264.
(5) Protocole des directeurs de 1649 à 1633, dans les archives de la cathé-
drale de Saint-Lambert (secrétariat), aux Archives de l'État, à Liège.
12
— 178 —
Tableau attribué a Rubens. — Nous lisons dans riiisloire
de Bruxelles que les magnifiques bâtiments qui avaient été
élevés pour les chartreux sur les hauteurs de Scheut, fu-
rent pillés et détruits en 1580. On voit encore aujourd'hui
la chapelle du couvent. C'est à la suite de cet événement
que ces religieux s'établirent à Bruxelles dans la rue qui
a retenu leur nom. Leur église, qui renfermait beaucoup
de richesses artistiques, fut commencée en 1594 et consa-
crée en 1607. Entre autres tableaux précieux, on admirait
un Christ mort sur les genoux de sa Mère, par G. de Crayer,
et une Sainte Famille, par Jean Van Memmelinghe, envoyés
à Vienne après la suppression de l'ordre, en 1783 (i). La
pièce capitale était une Assomption de la Sainte-Vierge,
attribuée à Rubens, et qui ornait le maître-autel. Sande-
rus (s), Mensaert (3), Descamps {4), Michel (s) et autres
auteurs (g), en parlent comme d'un tableau du plus grand
mérite. « Cette petite pièce, » dit le dernier écrivain, « mé-
» rite l'attention particulière des amateurs; elle est d'une
» composition très-riche, doctement grouppée, la distribu-
» tion des lumières parfaite, les têtes fines et le coloris
» de la dernière fraîcheur; l'estampe est du burin de Wit-
» douck. »
Entraînés dans d'énormes dépenses par la construction
de nouveaux bâtiments en 1772, les chartreux se virent
dans la nécessité de vendre celte œuvre d'art pour couvrir
une partie des frais (7). François Pauwels, maître brasseur
de Bruxelles, qui possédait une belle collection de tableaux,
(1) A. Hense et A. WAUTEns, ftisloire de Bruxelles, t. III, p. 495-497.
(2) Chorographia sacra Brabantiœ; 1727; t. Il, p. 358.
(3) Le peintre amateur et curieux, t. l", p. 110.
(4) Voyage pittoresque de la Flandre et du Brabant, éd. de 1769, p. 72.
(5) Histoire de la vie de P. -P. Rubens; Bruxelles; 1771, p. 70.
(6) Description de la ville de Bruxelles; 1743, in-S", p. 156.
(7) A. Henné et A. Wauters, loc. cit., t. III, p. 498.
— ild —
s'en rendit acquéreur pour la somme de 1,000 ducals ou
de 6,000 florins, argent courant. L'achat fut conclu le
30 décembre 1775, à la condition que Pauwels en ferait
faire une copie pour remplacer le vide du maitre-aulel.
Le 5 juin 1774, le peintre J. Crokaert reçut 600 florins
pour la copie et pour avoir retouché et nettoyé l'original.
La copie de Crokaert n'es! pas la seule qui ait été faite
de ce tableau. Vers 1755, J. Dansaert, directeur de l'acadé-
mie de Bruxelles, en fît une copie, de grandeur naturelle,
et une réduction. Verhaegen en a également fait une copie
qui doit exister dans quelque musée ou dans quelque édifice
à Paris.
Boucher, premier peintre de Louis XV^ avait offert pour
l'original une somme de 14,000 florins courant de Brabant,
et quelques années après Tassaert, artiste qu'il était au
service du même roi, proposa de l'acquérir au prix de
12,000 florins et une copie. Mais à cette époque les char-
treux ne se souciaient pas de se défaire de leur tableau (i).
Après la mort de F. Pauwels, sa collection fut vendue;
VAssoniption attribuée à Rubens, passa à sa fille Marie-
Thérèse, qui avait épousé François T'Kint, brasseur, à
Bruxelles (2). En 1820, celui-ci donna le tableau à l'église
de Sainte-Catherine, sa paroisse, à la condition cependant
qu'il se réservait pour lui et pour ses héritiers le droit de
le réclamer, dans le cas où l'église viendrait à être sup-
(1) Ces noies sont extraites du Regislrum pastorale Guiliclmi Van den Neese,
où elles ont été consignées par le curé Klerens. Ce volume repose dans les
archives de Téglise de Sainte-Catherine, à Bruxelles.
(2) La vente de la collection de Fr. Pauwels eut lieu à Bruxelles le 22 août
1803. Parmi les tableaux les plus dignes d'atlention qui en faisaient partie,
il faut citer (n» 1) : VAnnonce aux Bergers, par N. Berchem, vendu 3,2G6 flo-
rins; (no 129), Un palais, par Thiéri Van Delen, avec les figures de Ph. Wau-
werman, vendu 830 flor. 13 sous, et (n" 98) la Guérison du Paralytique, par
Van Dyck, vendu M, 666 flor. (Voy. Catalogue de tableaux vendus à Rruxelles
depuis l'année i77ô jusqu'à 1803.)
— 180 —
primée ou ne servirait plus au culte catholique. Le conseil
de fabrique fit mettre le tableau à la place restée vide
qu'avait occupée le chef-d'œuvre de G. de Crayer : le Mar-
tyre des quatre Couronnés {Voy. § 8). L'Assomption de la
Sainte-Viercje n'est pas de Rubens, mais de quelqu'un de
ses élèves, qui avait assez saisi sa manière. Il a pu, comme
tant d'autres, être peint dans l'atelier et sous les yeux de
l'immortel artiste, et Hubens y a peut-être donné çà et là
quelques coups de pinceau qui ont suffi pour induire en
erreur tous ceux qui l'ont vu au siècle dernier.
Le Martyre des quatre Couronnés avait élé enlevé par
les Français et envoyé à Paris avec une autre pièce de
mérite du même peintre, représentant Y Ascension au ciel
de Sainte-Catherine. Celui-ci fut rapporté par les alliés à
la demande du roi Guillaume : le tableau avait été rentoilé
à Paris; il fut replacé dans l'église au maître-autel le 15 no-
vembre 1816.
Les autres tableaux qui ornaient l'église de Sainte-Calhe-
rine, avaient été rendus sur la pétition du curé Van den
Weyngaert, par arrêté du préfet du déparlement de la Dyle,
du 19 prairial an IX (8 juin 1801); ces tableaux étaient à
cette époque au Musée de Bruxelles. « Considérant, » dit
le préfet dans l'arrêté, « que les tableaux désignés dans
» la pétition, ne sont pas assez précieux pour mériter d'être
» conservés au Musseum. » Les tableaux restitués alors
étaient au nombre de quinze, parmi lesquels on remarque
Sainte Anne apparaissant à des naufragés, par Corneille
Schut (i).
Van Diest (Jean-Baptiste), — peintre de la cour, réclama
(1) On lil dans le Catalogue de tableaux vendus à Bruxelles, cité, article
Rubens, p. 242, que ce même tableau fut adjugé au prix de 4,6G6 florins.
(2) Voy. pour la description des tableaux qui ornent aujourd'hui l'église
de Sainte-Catherine, l'Histoire de Bruxelles ciléc, t. III, p. 186.
— 181 —
en 1702, une somme de 60 écus, comme prix d'un por-
trait de Philippe V, roi d'Espagne, qu'il avait livré avec
le cadre, par ordre de l'électeur Maximilieu-Emmanuel de
Bavière, pour le conseil royal (i). En 1730, le magistrat
de Bruxelles voulut lui faire payer les droits sur les quatre
espèces de consommation, malgré son litre de peintre de
la cour; Van Diest s'adressa au conseil privé, qui lui donna
gain de cause (2). C'est à lui qu'était confiée la peinture
des décors et armoiries qui servaient lors de la célébration
des obsèques d'éminents personnages dans la chapelle du
palais de Bruxelles (s).
(1) Archives du conseil privé, aux Archives du royaume.
(2) Registre n" 261, f" 176 r», de la secrétairerie d'État, ibidem.
(3) « A Jean-Baptiste Van Diest, pour et à quoy portent les armoiries qu'il
»a peint à l'occasion des funérailles faites à la cour pour feue la princesse de
»Sulzbach et autres : j" Ixxx livres. » (Registre n° 27322 de la chambre des
comptes, compte de 1728, fo 36 V, ibidem).
« A lui, pour avoir travaillé et peint au saint sépulchre et pour les armoiries
»du mausolée pour les funérailles de feue S. A. S. le duc de Lorraine, faites à
»à la cour : iij^ viij livres. » [Ibid., compte de 1729, f" ii r».)
« A lui, pour avoir peint les armoiries qui ont servi aux exèques de feue
"l'électeur de Bavière, et autres ouvrages qu'il a faits : ij^ xvij livres x sols ix
«deniers. » {Ibid., compte de 1730, fo 49 r".)
« A lui, pour les armes qu'il a peint pour les funérailles de la princesse de
Brunswick, de l'électrice de Bavière et quelques figures aïant servi au saint
sépulchre dans la chapelle royale : Hj" vj livres x sous. » (Registre n° 27323,
compte de 1731, f» 50 v", ibidem.)
« A lui, pour les armoiries qu'il a fait et livré pour les exèques du prince de
«Sulsbach : j<: vj livres. » [Ibid., compte de 1733, f" 70 v».)
i< A lui, pour les armoiries qu'il a livrées à l'occasion des exèques faites
i>pour feu le duc de Modène : xc livres. » (Registre n" 27324, compte de 1737,
fo 66 ro, ibidem.)
« A lui, pour ouvrages faits tant pour les exèques du prince Sobieski, que
«pour le sépulchre de la chapelle royale : cxj livres. » {Ibidem, f» 66 v" )
« A lui, pour les armoiries qu'il a fait pour les funérailles de la reine
«douairière d'Espagne : cxxix livres iiij sous, » {Ibid., compte de 1740,
f» 107 V.)
« A lui, pour ouvrages faits à l'occasion des funérailles de S. M. Impériale
«Catholique, vij^^^ Ixv livres. » [Ibid., f» 122 V.)
— 182 —
Peinture sur porcelaine. — Au mois d'août 1788, Do-
minique-Joseph Ris, natif de Bruxelles, présenta requête
au conseil du gouvernement général (i), pour obtenir la
permission de fonder en cette ville, avec son associé J. Bar,
artiste, un établissement pour peindre et dorer la porce-
laine à l'instar de celle de Sèvres. Il s'y vante de pouvoir
fournir la première qualité de porcelaine, tant sous le rap-
port de la solidité, de la peinture, de la dorure, etc., à un
tiers meilleur marché que les autres manufactures des
Pays-Bas.
Alex. Pinchart.
(1) Arcllives du conseil royal, aux Archives du royaume.
— 183 —
riottcesi
QUELQUES LIVRES RARES
DU XVr SIECLE.
Peu de siècles ont produit autant de livres intéressants
que le XVI* siècle, époque de renaissance générale, véri-
table printemps pour les lettres et les arts. Bien des idées
ont été semées dès-lors, qui n'ont germé que de nos jours,
et ne produiront des fruits que bien longtemps après
nous. Quelle abondance et en même temps quelle variété,
et combien de beaux génies ce siècle a vu naître ou se dé-
velopper!
En étudiant cette belle époque, on pourrait lui appli-
quer ce que disait J.-J. Rousseau en parlant de la Suisse,
sa patrie : « En y voyageant, le peintre trouve à chaque
pas un tableau, le poëte une image et le philosophe une
réflexion. »
Au début du XVP siècle, l'imprimerie, cette magnifique
invention, était encore dans sa nouveauté. Elle avait pieu-
sement offert ses prémices, à Dieu d'abord, à la science
humaine ensuite, très-peu à l'imagination. Mais alors les
productions de la presse se multiplient à l'infini, et si la
théologie et la philosophie scolastique, ainsi que les com-
mentateurs y occupent encore une si large part, en général,
— 184 —
le goût était plus épuré et on savait déjà mieux choisir. Dans
la première moitié du XVI* siècle, les œuvres si charman-
tes et si naïves du moyen-àge que Ton quittait, et la poésie
populaire, furent reproduites beaucoup plus qu'au siècle
précédent.
Des livres de cette époque, ce qui méritait le plus d'être
connu, de nombreux bibliographes l'ont fait connaître sans
doute; mais dans une moisson aussi riche et aussi variée, il
restera quelque chose à glaner longtemps encore.
Si les quelques notices qui vont suivre pouvaient méri-
ter l'approbation des lecteurs du Messager, elles seraient
peut-être suivies d'autres plus tard.
I.
Les cinq premiers livres des histoires de Polibe Megapo-
litain, avecq troys extraitz du VI, un du VII, un du VIII
et un du XVI. Aultrefois traduitz et mis en lumière par
Loys Maigret, et depuis reveuz, corrigez et rendus plus en-
tiers par luy sur l'exemplaire Grec. Ensemble le dessain
du camp des Romains extraict de la description de Polibe.
Avecq privilège du Roy. A Paris, par Estienne Groulleau,
libraire, demourant en la rue Nostre Dame, à Venseigne
Sainct Jan-Baptiste, 1552; in-S", avec grav. en bois, de
8 feuillets prél. et 540 feuillets.
Ni Ebert, ni Brunet ne font aucune mention de cette
édition, qui mérite cependant d'attirer l'attention des
amateurs, tant par sa rareté que par sa belle exécution
typographique et la commodité de son format. Le père
Niceron (Mémoires, t. XLI, p. 159) est à ma connaissance
le seul bibliographe qui cite l'édition de 1552, qu'il prend
par erreur pour la première. Celle-ci parut dix années au-
paravant, à Paris, chez Janot, 1542, in-folio; mais elle ne
— 185 —
contient que les cinq premiers livres. Deux fragments du
sixième livre et un traité du seizième parurent ensuite à
Paris, chez Marnef, en 1545, in-S", dont un exemplaire,
imprimé sur vélin, fut vendu fr. 120, chez Mac-Carthy.
Enfin la dernière édition fut exécutée à Lyon, chez de
Tournes, en 1558, in-folio, et contient des fragments des
neuvième, dixième, onzième, douzième, treizième, quator-
zième et quinzième livres, ainsi que du dix-septième.
Au verso du titre de notre édition se trouve le privilège
du roi pour six ans, daté du 22 mars 1551, et en-dessous
on lit : « Et fut achevé d'imprimer le XXII jour d'ap-
vril 1552. » Vient ensuite la préface du traducteur, Louis
Maigret, qu'il adresse à la noblesse de France, et qui com-
mence par ces mots : « Nous sommes tous (Messieurs les
gentilshommes) par nature nez à tant de povreté, et enve-
lopez de tant de misère, qu'il n'est œuvre d'homme si
petite, qui donnant ordre à la moindre de toutes, ne lui
raporte occasion de quelque bonne estime. » Cette préface
de Louis Maigret ou Meigret, envers lequel la langue fran-
çaise a de grandes obligations, occupe six feuillets. Elle
est suivie par une ode adressée au traducteur, par Marc-
Antoine de Muret. Celui-ci, l'un des maîtres de Montaigne,
est célèbre parmi les savants du XVP siècle, mais il n'est
guère connu comme poète français. L'ode qui va suivre,
assez remarquable à plus d'un titre, n'a jamais, je le pense,
été reproduite; c'est une œuvre de circonstance, et elle est
comme perdue dans une édition fort rare d'une traduction
de Polybe. Je crois donc rendre un service aux nombreux
amateurs de l'ancienne poésie française en la reproduisant
ici :
486
Ode par Marc-Antoine de Muret, au seigneur Loijs
Maigret, Lyonnais.
Strophe.
« Le cours des célestes corps
Gouverneurs de ce bas monde,
Qui par discordans accords
Guident l'air, la terre et l'onde,
Voulut jadis que la Grèce
De bien parler fust maistresse.
Tant que les Grégeoys esprits
Emmielans les aureilles
Par leurs langues non pareilles
Ravirent le premier pris.
Antistro.
Longtemps Grèce se vanta,
Estans en sa gloire oultrée;
Mais depuis Rome enfenla
Mile esprits d'une ventrée,
Qui, bruyans comme tempeste,
Feirent abaisser la teste
Aux Grecs par trop glorieux;
Lors fut par tous lieux semée
L'immortelle renommée
Des Romains victorieux.
Epode.
Ores voyons nous la France
Par un évident bon heur,
Qui Grecs et Romains devance,
Et leur arrache l'honneur.
Maigret, ta langue sucrée,
Qui tous bons esprits recrée,
En peut assez faire foiz.
Si quelqu'un encore en doute.
Que cest œuvre tien il goutte.
Il en dira plus que moy. »
« Atendant mieulx. »
— 187 —
Nous voyons par ces vers, que dès le milieu du XVI"
siècle, nos voisins du Midi avaient déjà d'eux-mêmes une
excellente opinion. Poser dès-lors la France en héritière
directe des grands écrivains de la Grèce et de Rome, et
même comme les ayant surpassé, cela semble d'abord une
présomption un peu forte. A cette époque l'Italie, avec sa
foule de beaux génies, avait, il faut en convenir, un peu
plus de droit pour réclamer cet héritage.
Mais l'hyperbole est permise en poésie, et un poëte in-
spiré doit être quelque peu prophète. Un peu plus d'un
siècle après sa composition, cette ode n'était plus hyper-
bolique. La France avait alors recueilli bien réellement
l'héritage de la Grèce et de Rome, tandis que l'Italie, en
abandonnant les bonnes traditions classiques, s'était perdue
dans les concetti. Un précepteur de Montaigne d'ailleurs,
pouvait-il désespérer de l'avenir littéraire de la France?
II.
Sette lihri de cathaloghi a varie cose appartenenti, non
solo antiche, ma anche moderne : opéra utile molto alla
historia, et da cui prender si po materia di favellare d'ogni
proposito che ci occoîTa. Con Privilegio. In Vinegia ap-
presso Giolito de Ferrari e fratelli M.D.LII, petit in-S",
567 pp.
Je possède de ce livre bizarre et curieux l'exemplaire
unique, imprimé sur papier bleu, qui a appartenu à Char-
les Nodier. Cet aimable bibliophile lui a déjà consacré un
article dans ses Mélanges tirés d'une petite bibliothèque,
p. 143-147. On sera donc peut-être étonné, si j'ose parler
du même livre, après un si charmant esprit. Mais je le
fais uniquement pour communiquer un passage, le plus
étrange peut-être de cette œuvre étrange, passage qui a
— 188 —
échappé à rallention de Nodier. Celui-ci a inscrit et signé
sur l'un des feuillets de garde, les mots suivants : a Par
Hortensia Lanclo, qui s'y peint d'une manière peu favora-
ble, pp. 99 et 100. Très-rare, même en papier ordinaire.
V. David Clément, t. VI, p. 414. » Dans l'article que j'ai
cité plus haut, Nodier donne la traduction du passage dans
lequel Hortensio Lando retrace en effet, de lui-même, un
portrait au moral fort peu flatté. Or, dès les pp. 17-18, cet
auteur bizarre s'était déjà maltraité au physique pour le
moins autant. On va pouvoir en juger par la traduction
suivante :
Après avoir donné le catalogue de ceux des anciens qui
eurent la réputation d'être laids, se trouve la rubrique :
« Dei moderni. »
« Ce serait une entreprise ennuyeuse, que celle de vou-
loir enregistrer les modernes qui présentent un aspect
hideux. Celui qui a des yeux dans la tète peut les voir;
cependant pour ne pas déranger l'ordre que j'ai adopté,
celui de joindre toujours les modernes aux anciens, je me
bornerai à parler d'un seul. »
« D'Ortensio Lando. »
« J'ai visité dans ma vie bien des pays, tant à l'Orient
qu'à l'Occident; mais jamais je n'ai réussi à voir un homme
plus difforme que celui-ci. Il n'y a pas une seule partie de
son corps qui ne soit mal formée. Il est sourd (bien qu'il
soit plus riche en oreilles qu'un àne), à moitié louche, petit
de stature; il a les lèvres d'un Éthiopien, le nez écrasé, les
mains tortues et d'une couleur de cendre; en outre il porte
toujours Saturne sur son front. »
Certes, voilà un original qui ne se ménageait guère. Si
l'on rencontre bon nombre d'auteurs qui ne s'en rappor-
tent qu'à eux-mêmes lorsqu'il s'agit de les louer, il en est
— 189 — y
bien peu en revanche qui, comme Lando, se dépeignent à
la fois comme ridicules sous le rapport physique, et odieux
sous le rapport moral.
m.
Vita di Carolo Quinto Imp. descrilta da M. Ludovico
Dolce. In Vinegia, appresso Gabriel Giolito de Ferrarii,
M. D. LXVII, con privilegii, in-4", de 14 feuillets prél.
et 31 o pp.; plus 4 feuillets non chiffrés entre les pp. 186
et 187, frontispice gravé.
Voici un fort beau livre, d'une exécution typographique
remarquable, écrit sur un sujet fort intéressant, dont Tau-
leur et l'imprimeur ne manquent pas de célébrité, et qui
cependant a été fort négligé, tant par les bibliographes que
par les amateurs.
A toutes ces recommandations, il faut ajouter celle de la
rareté, qui suffit à elle seule, aux yeux de bien des gens,
pour des livres qui n'ont aucun autre mérite. C'est donc
encore ici le cas de répéter le vieil adage : Habent sua fata
libelli. La destinée de l'auteur fut encore plus triste que
celle de son ouvrage : Louis Dolce, à la fois poêle lyrique,
tragique et comique, historien, romancier et traducteur,
ayant écrit avec talent dans ces genres divers, mourut
en 1568, dans la plus profonde misère. Ses travaux, pour
lui comme pour tant d'autres, n'avaient sans doute profilé
qu'à son éditeur.
Cette vie de Charles-Quint eut néanmoins d'abord un
grand succès; elle fut si favorablement accueillie du public,
qu'il fallut maintes fois la réimprimer, dans le cours d'un
très-petit nombre d'années. L'édition de 1567, que je crois
être la cinquième, dédiée comme les précédentes au duc
Philibert de Savoie, doit être préférée aux autres. L'impri-
— 190 ~
nieur Giolito de Ferrari y a joint la traduction d'un ouvrage
latin d'Antoine Desbarres, Immortalita deW invitissimu et
gloriossiss. imperator Carlo Qulnto; ce traité, dédié par
cet imprimeur au fameux cardinal Granvclle — la dédicace
est datée du 20 mars 1567, — a un titre à part, mais la
pagination du volume continue. C'est Louis Dolce qui est
aussi l'auteur de cette traduction. Le volume a un fort
beau frontispice, probablement gravé par i^neas Vico; on
y voit un portrait de l'empereur, les colonnes d'Hercule
avec la fameuse devise : Plus nltra et plusieurs figures
allégoriques. Après la dédicace et la préface, on trouve un
sonnet d'Annibal Caro sur la rnort de Cbarles-Quint, suivi
d'un autre sonnet de Louis Dolce sur les deux colonnes
d'Hercule et la devise que je viens de citer.
Je crois que même à Gand, l'on rencontrerait peu
d'exemplaires de ce livre. Les amateurs de cette ville re-
cueillent cependant avec soin tout ce qui concerne leur
illustre concitoyen. Ils ne gardent pas rancune à celui-ci
pour le cruel cbàliment qu'il fit éprouver à sa ville natale
en 1540, s'en rapportant probablement au proverbe qui
dit que celui qui aime bien, cliàlie bien.
Que de plumes plus ou moins savantes et ingénieuses
se sont exercées sur la vie de Cbarics-Quint, et que de
jugements différents ont été portés sur son compte ! Les
uns voient en lui l'un des plus grands souverains qui aient
jamais existé, les autres un despote égoïste, qui est parvenu
à enrayer, sinon à arrêter, la roue du progrès. Maintes fois
on a comparé Cbarles-Quint à Charlemagne; ces deux sou-
verains se ressemblaient certainement par le nom, le titre
et la domination sur de vastes états. Moins guerrier que le
vieil empereur, Cbarles-Quint fut plus politique. Comme
Cbarlemagne , ce dernier cbercba à établir un pouvoir
despotique, mais au lieu de le tenter au moyen de la ci-
vilisation, il s'efforça au contraire, toute sa vie, à repous-
— 191 —
ser ces vagues du progrès qui menaçaient son pouvoir.
Rien n'était moins romanesque que le caractère de
Charles-Quint, rien ne le fut plus que sa vie, aussi digne
de la plume du poêle épique que de celle de riiislorien.
Fatigué enfin de lutter contre les obstacles sans cesse re-
naissants qui s'opposaient à ses projets, Charles quitte le
pouvoir et se retire dans un monastère, en abandonnant
à son fils des sujets mécontents; à ces sujets il lègue le
sombre Philippe II, et les lois sanguinaires qui portent
son nom (la fameuse Caroline), et une prochaine et terri-
ble révolution.
Le livre de Doice, comme on peut le présumer, se re-
commande plus par le style que par une discussion appro-
fondie des événements. Ceux-ci étaient encore trop récents
pour qu'on put établir, dès lors, un jugement impartial.
IV.
Copie II van het Placcaet van \\ cflnquisitie ghemaeckt
ende ghepubliceert \\ by den nieuwen Bisschop van Liiyck. ||
Midtgaders een christelycke Waerschouwinghe || aende In-
wooners des Landts van Liiyck, ende aile \\ andere goedt-
herlighen. ||
Rom. mi.
15. Hare kele is als een open graf, hare tongen hebbense tôt
bedroch ghe f| bmijckt, slanghen femjn is onder haer lippen :
14. Haren mondt is vol vloeckens ende bitterheijls :
15. Hare voeten ztjn om bloet te storten :
16. In haere wegen is vernielinghe ende ellendichetjt :
17. Den wech des vreedes en hebben sij niet ghekent, de vreese
Godts is voor haer ooghen niet.
(Sous ces citations de la Bible, on voit un écusson sur-
monté de la thiare papale et des clefs, et entourée d'une
— 192 —
guirlande. Dans riiitérieur de l'écusson, on lit : D'Inquî-
sitie II van Lnyck).
T'Hantwerpen || Ten huyse van Jaspar Troyens woo-
nende op de Cat || te Veste in den Tennen pot. Anno 1 o8!2. ||
3Iet consent. la-i°, de 4 feuillets non chiffrés, caractères
gothiques.
Je possède de cette rarissime pièce un exemplaire bro-
ché, non rogné ni même découpé, que j'ai obtenu de M. De
Bruyne, libraire à Malines. C'est peut-être le seul qui soit
parvenu jusqu'à nous, et il est d'autant plus précieux que
cet édit de l'évèque Erneste de Bavière n'a point été re-
produit dans le recueil de Louvrex. On ne rencontre dans
celui-ci qu'un autre édit en langue latine, d'une teneur à
peu près semblable, daté du 21 mars 1589, tandis que
l'ordonnance présente est datée de Liège, le 20 avril 1582.
Erneste de Bavière, prince-évéque de Liège, est connu
par le zèle qu'il a toujours montré pour défendre la reli-
gion catholique contre les opinions de la réforme. Notre
édit prouve qu'il s'occupa de ce sujet dès le commencement
de son règne. C'est une ordonnance des plus sévères, lan-
cée contre les opinions nouvelles, dans laquelle on s'oc-
cupe beaucoup de livres dangereux, libelles diffamatoires,
mauvaises chansons, voire même des comédies : « Oock
en sal men niet mogen eenige spelen doen van Rhetorycke,
Comédien, Esbatementen ende dierghelycke, ten sy dat sy
eerst ende voor al getoocht, gevisiteert ende gcapprobeert
zyn, etc. »
A la fin de l'édit on lit : « Ende waren dese voorseyde
opene brieven gheseghelt met den middelsten secreet-seghel
van Zyn Alteze, ende daer onder ghedriickt in forme va9i
placcaet.
» De teghenwoordighe copie ghedruckt met d'originaele
opene brieven, is gecoUationneert ende bevonden Vaccorde-
rcn met den selvcn. » „ ,
By my Lampson.
— 193 —
Ces mots prouvent que cet étlit a été imprimé dès qu'il
parut; il l'aura été sans doute à Liège, par Morberius, tant
en langue française que thioise; mais aucun exemplaire de
cette édition liégeoise n'est parvenu jusqu'à nous.
Une grande partie de l'avant-dernière page, ainsi que la
dernière, sont occupées par un commentaire fort violent
sur cet édit, imprimé avec des caractères plus petits et plus
serrés. On sait qu'à celle époque la ville d'Anvers, où
parut cette réimpression, était le foyer du calvinisme en
Belgique. Le commentateur anonyme combat l'ordonnance
de l'évêque, tantôt avec les armes de l'indignation, lanlôt
avec celles de l'ironie. Voici le résumé de cette diatribe;
on y accuse « l'évêque de Liège, d'accord avec le doyen et
le chapitre de la cathédrale, et avec son chancelier (qui
sont tous des créatures du pape), de chercher à établir
dans le pays de Liège la tyrannie espagnole et une inqui-
sition à l'instar de celle d'Espagne. C'est au moyen de
l'anéantissement de tous les livres contraires à la religion
papale, y est-il dit, que le nouvel évéque cherche à intro-
duire dans le pays cette ignorance barbare et cette tyrannie
servile que ses prédécesseurs n'ont pu réussir à y établir.
Aussi l'évêque a-t-il nommé de véritables inquisiteurs qu'il
intitule sournoisement des commissaires. Le contenu de
cette ordonnance est entièrement contraire, ajoute le com-
mentateur, aux libertés du pays de Liège et à ceux de l'em-
pire d'Allemagne, dont ce pays fait partie. »
H. Helbig.
iU
détails \)XBt0Y\q\i(6
A SANDERUS ET A SA CHOROGRAPHIA SACRA BRARANTI^.
--rvA/lA/Wv—
Parmi les hommes qui se sont fait un renom par leurs
travaux littéraires et historiques sur notre pays, Antoine
Sanderus mérite d'être cité en premier lieu. En effet, n'est-
ce pas à lui que nous sommes redevables d'une foule de
notions sur les trésors bibliographiques enfouis de son
temps au fond des monastères et qui ont plus tard ou
péri ou été en grande partie sacrifiés à la cupidité de
spéculateurs étrangers? N'est-ce pas à lui qu'indépendam-
ment de son grand travail sur la Flandre, nous devons des
notices historiques sur les principales maisons claustrales
du Brabant, accompagnées de bonnes gravures, qui ont
transmis à la postérité la vue de leurs splendides bâti-
ments? N'est-ce pas lui qui, après Gramaye, a stimulé en
Belgique le goût pour l'étude des antiquités nationales?
Aussi zélé que savant, il parcourait lui-même les princi-
pales abbayes du Brabant et des Flandres pour y recueillir
les matériaux devant servir à sa gigantesque entreprise et
entretenait une correspondance suivie avec leurs chefs. Il
va de soi qu'il devait être en relation avec l'abbé de Parc,
célèbre abbaye située tout près de Louvain et dont il inséra
la description historique dans sa Cliorographia sacra Bra-
— 195 —
bantiœ. Il résulte d'une lettre de l'abbé Jean Macs, publiée
par le professeur Serrure dans le Bulletin du Bibliophile
belge, que déjà avant l'année 1655, l'érudit chanoine lui
avait demandé la communication du catalogue des princi-
paux manuscrits reposant à la bibliothèque de son mo-
nastère. L'abbé, en lui envoyant l'inventaire demandé, fait
ses excuses sur le peu de soin qu'il avait pu mettre dans
la classification des volumes, ce qu'il attribue aux tristes
circonstances dans lesquelles il se trouvait (i). En effet, à
peine les habitants de celte maison claustrale avaient-ils
échappé aux périls dont l'occupation de la ville de Louvain
par l'armée franco-batave les avait menacés, que la peste
fit de grands ravages dans toute cette contrée.
La lettre de l'abbé Macs est datée du 10 janvier 1656.
Sanderus y répondit par une lettre datée d'Ypres le 30 du
même mois, lettre qui repose encore aux archives de la
même abbaye et qui iie fut jamais publiée. Après avoir
gracieusement remercié notre abbé de l'envoi du catalogue,
le savant chanoine lui expose le projet qu'il avait conçu
relativement à sa grande publication sur l'histoire sacrée
du Brabant. Il le prie en conséquence de vouloir bien lui
prêter son concours, eu chargeant un de ses religieux de
la rédaction d'une notice historique sur l'abbaye de Parc,
avec la liste biographique de ses abbés, pour l'insérer en-
suite dans l'ouvrage précité, qu'il se proposait d'éditer lors
de l'apparition de sa Flandre illustrée. Il engage en outre
le savant abbé à faire dessiner exactement par quelque bon
artiste les constructions de l'abbaye, avec les paysages d'a-
lentour, qu'il promet de faire reproduire par le burin à
ses propres frais et dont la gravure devait accompagner la
description. Il termine sa lettre en faisant des vœux que
le Tout-puissant lui accorde des jours plus heureux et qu'il
(I) V. le Bibliophile belge, t. H, p. 158.
— 196 —
le conserve encore longtemps pour le bonheur de ses sujets.
Cette lettre est d'autant plus curieuse qu'elle nous apprend,
que déjà en 1636 Sanderus méditait la publication de sa
C/iorographia sacra Brabanliœ, et travaillait dès lors à en
réunir les matériaux. Nous la faisons suivre ci-après dans
rintérêt de l'histoire du pays.
Admodiim révérende et amplissime Domine,
Ago maximas grattas Amplitudhii vestrœ pro catalogo
mamiscriptorum ad me misso; inseram illum apto loco in
Bibliotheca illa manuscripta Belgica.
Si AmpUtudini vestrœ per opportunitatem placuerit no-
bis procurare delineationem aliquarn a perilà manu totius
cœnobii vestri in piano, ut aiunt, cum vicinis sylvis et aliis
amœnitatibus, curabo eam gratis et sine suniptu Amplitu-
dinis vestrœ cum aliis principalibus Brabanliœ cœnobiis
in œs incidi, et poslquam jam Flandriam Deo adspirante,
brevi edidero, cum topographicâ Brabanliœ descriptione
evulgari. Oplarem in eum finem ab aliquo erudito islic et
religioso sacerdote prœcisam mihi suppeditari fundationem
et originem Parcensis cœnobii, cum série aliqua et prœci-
puis factis abbatum, et aliis quœ ad ornamentum ejusdem
monasterii spectant. Intérim divina bonitas Arnplitudinem
vestram cum totâ suâ familiâ, pulsis mœroribus et calami-
tatibus nuperis, lœtam et in utroque homine felicem quant
diutissime custodiat. Ita eam ex animis precor.
Admodum reverendœ et amplissimœ Dominationis vestrœ
humilUmus servus,
Antonius Sanderus, Can. Ipris.
ïpris XXX januarii 1656.
Admodum reverendo et amplissimo Domino D. Joanni Ma-
sio, abbati Parcensi, Domino suo plurimum colendo.
— 197 —
Bien des années cependant s'écoulèrent avant que San-
(lerus put songer à la. réalisation de son projet relatif à la
description sacrée du Brabant. Ceci s'explique assez bien,
vu les circonstances du temps et les nombreuses diflicullés
que faisait surgir une entreprise aussi vaste, puisqu'il ne
s'agissait de rien moins que d'un examen sérieux de toutes
les pièces enfouies depuis des siècles dans les archives pou-
dreuses de tant de monastères, il en résulta que l'ouvrage
projeté ne put paraître qu'en 1659.
Ce fut le successeur de Jean Macs, l'abbé Liberl De Pape,
qui se chargea de la rédaction de la notice sur l'abbaye de
Parc. Il résulte de pièces se trouvant encore dans ses ar-
chives, que déjà antérieurement à cette époque, le chanoine
Frumentius s'en était occupé (i). Sanderus a publié la lettre
qui lui fut adressée par le savant abbé à l'occasion de l'en-
voi du manuscrit qu'il avait élaboré. Dans cette lettre, le
modeste historien de Parc engage notre chanoine à y faire
tous les changements qu'il jugera convenables par rapport
au style; toutefois la chronique fut éditée telle que l'abbé
De Pape l'avait rédigée, comme il est prouvé par la copie
du manuscrit, qui se trouve encore aux archives de ce
monastère (2).
(1; Frumentius était né en 137». Admis à Parc en lo9i>, il y enseigna la
philosophie en 1612. En 1621, il fut promu à la cure de Pont-à-Celles; de re-
tour à Tabbaye en 1636, pour cause de maladie, il y mourut le 27 août 1641.
Son manuscrit contenant la biographie de quelques abbés de Parc, renferme
des détails intéressants pour l'histoire de cette maison religieuse.
(2) Cette lettre ne se trouvant que dans l'édition infiniment rare de San-
derus, nous en reproduisons ici le texte :
« R. admodum Domine!
» Mitto delineationem monasterii nostri simul et Heverlëensis prout R. v.
» coram explicui et parlim etiam monumenta aliqua ostendi. Plurima de
» monasierio nostro parva; et minulœ description], quam quondam. R. v.
" Iransmisi possumus adjnngere; sed consullum non videtur omnia omnibus
» publicare. Intérim fini, R. v. satisfaciam et locum quem oculis inspexil,
— 198 —
Nonobstant la promesse formelle de Sanderus, par la-
quelle il s'était engagé de faire exécuter à ses propres frais
la gravure représentant l'abbaye de Parc, les religieux eux-
mêmes voulurent bien se charger et au moyen de leurs pro-
pres deniers de la confection de la gravure, qui fut exécutée
sur cuivre, à Anvers, par Luc Vorstermans junior. Le mé-
moire rédigé par la main de l'artiste, que l'on possède
encore à Parc, fait voir qu'elle fut payée 72 florins. La
planche était accompagnée de cent exemplaires de la gra-
vure que Vorstermans avait tirés lui-même, et dont l'en-
semble fut expédié à l'abbé, résidant alors à Bruxelles,
le 27 juin 1659 (.).
Il se trouvait à cette époque, à l'abbaye de Parc, un re-
ligieux qui était à la fois architecte et miniaturiste et qui
s'entendait même dans la peinture à l'huile. Ce religieux
était Alexandre Courtmans. Il avait vu le jour à Bruges
le !'=■• novembre 1607. Son père étant en service à la cour
des archiducs Albert et Isabelle, il est probable que c'était
à cette occasion qu'il avait pris le goût des Beaux-Arts.
» diserta suà enarralione nielius quam nos ipsi explicabit. Rogabo altissi-
» mum ut conalus R. v. secundet et ero semper R. admodum Domine. R. v.
» dedilissimus in Chrislo famulus.
» LiBERTCJS, abbas Parcensis. »
(1) Memorie voor den bode om te leveren in de réfugie van de abtdye van
Parcq, tegen over de cancellerie, dese medegaende plaete ende 100 exem-
plaria, ende aldaer te ontfangene de somme van vyfentsevenlich guidons ende
sestien stuyvers, en dat door orde van den eerweerdichsten Heere mynheere
Lieberlo Depape, abt der selver abdye. In Antwerpen desen 27 juny 1G59.
Lucas Yobstersiaxs.
RD'nus : Débet aen de plaet Gl. 72
Aen 4 boecken pampier 116
Aen het drucken 2
Somma. . . 75 16
Niclaes Lemmens kenne onlfanghen te hebben de somme van vyfenseven-
tich gl. 16 st., den 28 juny 1659.
— 199 —
D'abord reçu à l'abbaye de Parc en IGol comme simple
laïc, et selon loule apparence en qualité de calligraphe, il
s'y engagea dans l'ordre de saint Norbert par des vœux
solennels, qu'il prononça le 2 octobre 1633. En 1678, il
fut nommé cbapelain au château deTervueren. De retour à
l'abbaye depuis 1689, il y mourut d'hydropisie le 7 fé-
vrier 1690. Ses restes furent inhumés au pourtour du
couvent, près du chapitre (i).
Ce fut à ce religieux que l'abbé confia le soin d'exécuter
un dessin à vol d'oiseau, de l'abbaye de Parc, et il s'acquitta
de celte tâche avec beaucoup de justesse. Eu effet, on lit sur
la gravure : Fr. Alexander Courtmans relig. Parc, delinea-
vit anno 1649.
L'abbé De Pape s'était entendu avec Sanderus pour le
tirage à part d'un certain nombre d'exemplaires de la
chronique de Parc en petit format. D'où vient-il que cette
chronique porte le nom de Sassenus, imprimeur à Lou-
vain, tandis que la Chorographia sacra abbatiœ Parcensis
porte celui de P. Vleugaerts, typographe bruxellois?
Il résulte d'une quittance de Sassenus, que le dernier ne
peut être regardé que comme l'éditeur de la Chorographia
abbatiœ Parcensis, et que l'ouvrage sortit des presses de
l'imprimeur louvaniste, auquel il fut payé, le 8 mars 1660,
la somme de cinquante florins (2).
Le nombre des planches qu'on fit tirer s'élevait à quatre
(1) Calhologus Fratrum Parchensium ordine professionis. MS.
(2) Wy onderschreven hebben belooft en beloven by desen aen S' Sasse-
nus, boeckvercooper ende druckei-, woenachlig tôt Leuven, onthier ende vier
naestcomende maenden le betaelen de somme van vyflich guldens, ende dat
over den arbeyt ende salaris hem competerende ende staende te competeren
voor liet drucken van eene chorographique historié van der abldie ende
clooster van Parcq, nefifens de voornoemde stadt liggende, gemaect door den
heer canonick Sanderus, ende in teeken der waerheyt hebben wy dit onder-
leekent. Aclum tôt Brussel, desen 8 maerte 1660.
LiBERT, abt van Parck.
— 20U —
cents, outre les cent exemplaires qu'on reçut d'Anvers.
Ne pourrait-ou pas en conjecturer qu'on fît préparer
dès-lors un nombre égal d'exemplaires de l'ouvrage fai-
sant partie de la Chorographia sacra Brabantiœ de San-
derus (i).
Il parait par les petites sommes avancées de temps en
temps par l'abbé de Parc pour le compte de Sanderus, que
celui-ci devait se trouver dans un état de gène pécuniaire,
état dont le premier semble avoir été bien informé (2); le
fait suivant va le prouver.
Le 27 du mois d'avril 1661, les députés de Brabant, à
l'exemple des États des Flandres, voulant encourager les
efforts de Sanderus pour la publication de son grand tra-
vail sur l'histoire sacrée du Brabant, lui accordèrent un
subside de cinq cents patagons.
(1) 5 meert. llem, voor 200 exeraplaria van de afbeeldinghe van Parch.
9 gl. 12 st.
9 november. Betaelt voor noch 20 exemplaria te drucken onser plaet van
Parcb 9 gl. 13 st.
[Comptes de l'abbaye de 1G60).
li may. Aen M. Sanderus, volgens syne obligalie C6 gl.
14 december. Aen D. Sanderus, voor BuUarium magnum, in drye groote
tome gebonden, elc 34- gl. 16 st.
[Comptes de l'abbaye de 1639).
(2) Wy onderschreven hebben belooft ende beloven by desen, dat soe
haest sal gedruckt wesen tôt Leuven by Peler Sassenus de historié van de ab-
die van Parck, per dom. Ant. Sanderus, etc., betaelen sullen de somme van
hondert guldens aen den voornoemden Sassenus, met conditie dat de voor-
noemde somme met boecken van de selve historié ofte andersinds van voorn.
heer Sanderus daer naer sal worden gerestitueerd ofle gerecompenseerd,
t'oirconde toi Parck, desen juny 1660.
7 July en 16 aug. Belaeld aen den drucker Sassenus tôt Loven, uyt be-
geerle van Mynheer Sanderus, 100 gl., die welcke hy ons in boecken sal
goet docn. Memorie.
Item, betaelt aen den selven op rekeninghe, de historié van Park te
drucken in cleyn formaet 106 gl.
Item, 21 december, aen den beldekensdrukker Lathouwere, tôt Brussel,
ten lastc van Sanderus 23 gl.
[Comptes de l'abbaye de 1660).
— 201 —
Sandcrus, dans le but de faire couiiallre l'importance
de son travail, avait fait hommage à cette assemblée de
quarante exemplaires de son livre.
Dans la même séance, on délibéra sur la question de lui
rendre les exemplaires d'un ouvrage qui avait une si grande
valeur : l'abbé de Parc se déclara pour l'affirmative; mais
la majorité fut d'un avis contraire. Ce fait est enregistré
dans les notes qu'il a écrites sur les travaux de l'assem-
blée des députés du Brahant, durant le temps qu'il en fil
partie (i).
Les comptes de l'abbaye de 1 679 nous font voir, que cette
année l'abbé De Pape chargea de nouveau le religieux Court-
mans de faire exécuter une nouvelle gravure, représentant
le couvent de Parc. Courtmans en confia d'abord le soin à
un artiste allemand; mais, celui-ci s'étant enfui avec une
somme de 52 florins, qu'on lui avait payée sur son travail,
notre chanoine chargea de l'exécution un artiste d'Anvers,
qui reçut de ce chef la somme de 100 florins. Cette nou-
velle gravure fut exécutée d'après le tableau du peintre
Wilmaerls, qui l'avait fait en lG6o, œuvre pour laquelle
il toucha 4-2 florins de Brahant. Il conste par une annota-
tion de l'abbé, que celui-ci avait ofîert à l'artiste une somme
de 50 patagons pour la reproduction sur cuivre de ce ta-
bleau, indépendamment de la planche en cuivre, ce qui
prouve que l'artiste en question était également graveur (2).
(1) 27 aprilis 1661. « Domino Sandero pro honorario suœ Brabanliœ illus-
» tralae dcderunt 500 patagones; cuni aiilem obtulisset 4-0 exemplaria et illa
«essenl pretiosa quœrebalur an illa tencreiilur, an redderentur. PluraJilas
» votorum habuit ut tenerenlur me renitenle unde et nolui exemplai- acci-
» père. »
(2) Anno 1679, door Frat. Alexander en Baudewyn, aen eenen duytselien
plaetsneyder, om een copere plaet voor Park le graveren, elc., en te coopen,
belaeit 32 gl.
En is daermede loopcn gegaen. Memoric.
Ilem, voor eenc copere plaet, wegendc 17 1/2 pont (ol 32 st. t'ponl,
— 20^2 —
Quant à la gravure faite en 1679, il en fut tiré en mars
1680 deux cent seize exemplaires, au prix de 25 florins
16 sous, outre la somme de 20 florins 5 sous, payée pour
dix-huit mains de papier de grand format. Ici l'on se de-
mande, dans quel but cette gravure fut-elle tirée à un nom-
bre aussi considérable d'exemplaires (i). Sans vouloir rien
affirmer, nous pensons qu'ils étaient destinés à accompagner
le texte de l'ouvrage de Sanderus sur l'abbaye de Parc,
inséré dans le second volume de la Chorographia sacra
Brabantiœ, dont le fonds ayant été saisi et transporté à
Tournai, devint plus tard la propriété de l'imprimeur
Fricx, à Bruxelles, où il périt dans le bombardement
de 1693 (2).
Lorsqu'eu 1726 la Brabantia de Sanderus fut réimpri-
mée par Chrétien Van Lom, de La Haye, l'abbé de Parc,
qui pour lors était Jérôme De Waerseghere, voulant favo-
riser la nouvelle publication, flt exécuter à ses propres frais
la gravure représentant les bâtiments de l'abbaye, avec les
changements qu'ils avaient subis depuis le temps de San-
derus. Ce fut l'artiste J.-B. Berlerham qui fut chargé de
son exécution, ainsi que de la vignette qui se trouve à la
betaelt 28 gl. 2 st.
Item, voor de vracht van Antwerpen tôt Brusselle . . . 1 gl. 12 st.
Item, voor het graveren met sterk waeter, in de selve plaet het clooster
van Parck, betaelt 100 gl.
{Comptes de V abbaye de 1679).
1663. Solvi pictori Wilmaerl per ccUarium pro depingendo Parcho. 12 gl.
16G6, 12 aprilis, adliuc eidcra 12 ducalones facit 12 gl.
Et addixi 50 patagoncs ultra platam œream.
{Comptes de 1665-66),
(1) 1680, in meert, betaelt voor het drukken van 216 exemplaria der
plate en afbeldinghe van Parck 23 gl. 16 st.
Item, voor achlleu boccken, groot papier, dienende tôt den voorn. druck.
20 fl. 16 st.
(2) V. Paquot, Mémoire pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept pro-
vinces des Pays-Bas.
— 205 —
tèle de l'ouvrage. Le hasard nous a fait découvrir égale-
ment la quittance délivrée par Tartiste. Il en résulte que,
le 5 mai 1726, il lui fut payé la somme de 13G flor. 6 sous,
y compris la gravure sur cuivre (i).
F.-J. Raymaekers, Pr.
(i) Gegraveert voor d'abdye van Parch eene groote copere plaele, waerop
is verbeldende deselve abdeye. Item, voor arbeyt en studie, twaelf pistolen.
Item, voor het vignet, dry pistolen; voor het coper, volgens liet billet van
den coperslager, hier medegaende IG 1/4.
Facit in guldens. . . 173 1H/4..
Ontfangen uyt lianden van Mynhr den camerlinck der abdeye van Pareil,
de somme van hier boven vermeil. Actum den 5 may 1726.
J.-B. Berterham.
204
®l)oma0 ®uavin,
TOURNAISIEN,
IMPRIMEUR A RALE, AU XV^ SIÈCLE.
Alors que la ville de Tournay était encore dépourvue
d'établissement typographique, et que le chapitre de celle
ville faisait imprinfier ses livres d'église à Anvers, à Lou-
vain, el même à Paris et à Cologne, de courageux Tournai-
siens dressaient leurs presses dans des contrées lointaines
et plus hospitalières.
Deux ans à peine après que Thierry Marlens eut im-
porté la typographie en Belgique, nous trouvons un Jean
de Tournay établi comme imprimeur à Ferrare; il y avait
pour associé Petrus de Arencejjo, avec lequel il publia en
147o les Consilia de Nie. de Tudeschis.
A peu près un siècle plus lard, mais à une époque où,
selon toute probabilité, il n'y avait pas encore d'impri-
meur à Tournay, un autre Tournaisien, dont la famille
n'est pas éteinte, Thomas Giiarin (aujourd'hui écrit Garin)
exerçait celle même profession à Bàle, en Suisse, alors le
centre d'un grand mouvement typographique. Que celle
famille soit originaire de la Lorraine, ou bien qu'elle soil
un rameau transplanté dans le i\ord de la célèbre famille
italienne des Guarini, toujours est-il que Thomas Guarin
était bien et duement Tournaisien. Les citations qui sui-
vront le prouveront surabondamment.
— 205 —
La première édilioii que nous connaissions de ce typo-
graphe est de Bàle 1561, et le nom de l'imprimeur y est
écrit Thomas Guerinus. Peut-être que Guarin exerça d'a-
bord à Lyon. Toujours est-il que VEpitome du trésor des
Antiquilez de Jacques de Strada, traduit par Jean Lou-
veau, d'Orléans, parut à Lyon en 1555, chez Jacq. de
Strada et Thomas Giierin. Nous ne voulons pas donner
à ce fait plus d'importance qu'il n'en a réellement. Nous
ferons seulement remarquer, mais à titre de simple parti-
cularité, qu'il existe encore aujourd'hui à Lyon un docteur
en médecine du nom de Garin.
Toutes les autres éditions que nous avons rencontrées
de ce typographe portent le nom de Guarinus.
Thomas Guarin était donc établi à Bâle en 1561. Il y
exerçait encore son état en 1582. 11 épousa la fille du célè-
bre imprimeur Michel Isingrin, et, selon toute apparence,
il reprit l'établissement de ce dernier. Jusqu'en 1567, il fil
usage de la marque de son beau-père : un palmier dans
un cartouche de forme irrégulière, avec la devise PALMA
ISING. A partir de 1569, il a sa marque particulière, qui
ressemble assez à celle d'[singrin. C'est aussi un palmier
dans un cartouche de forme elliptique, avec les mots :
PALMA GVAR.
Thomas Guarin était fort instruit. Sanderus lui donne
l'épithète de Doctissimus. A l'imitation des imprimeurs de
son temps, il écrivit de nombreuses épîtres destinées à ac-
compagner ses éditions. Dans l'une d'elles, que nous rap-
portons en entier, il cite le 250'^ vers du quatrième livre
de VOdijssée. Il est même assez probable qu'il connaissait
l'hébreu. Gaspard Wolph, médecin de Zurich, l'appelle
Egregiiis Basiliensis typographus. Charles Utenhove, de
Gand, lui a consacré, dans ses Xenia, la pièce de vers
suivante :
— 206 —
Thomas Guarinus IServius Basiliensis Typoyraphus.
Fungeris ofiicio Medici quoque mille lituris
Docle Typographicos exonerare libros.
Patria cognomen dédit hinc tibi nempe Guarini
Nervia, sic Medicam sueta vocare Manum.
Certè ego chalcographos quoties contemplor, et Ipsum
Chalcographum clarium credo fuisse Deum.
Quis scit enim, Admet! dum pascua forte pererrat,
Reppererit graphicos primus an ille typos?
Hinc eliam Nopit/iv nostris in versibus olim
Chalcograpben nobis dicere cura fuit.
Quin et OTrwpiviv de nomine diximus illam
Compatris, Aulumno nomen habentis idem.
Si quis Isingriniam volet hanc dixissc, nec Aldo
Illa suo, quantum débet Isingrinio.
Bien que Thomas Guarin ait quelquefois prêté ses pres-
ses à la reproduction d'œuvres calvinistes, il ne parait pas
avoir embrassé la religion réformée. La version espagnole
de la bible par Cassiodore de Reyna, que Paquot dit avoir
été imprimée chez lui, ne porte ni son nom ni sa marque.
Les poésies latines de Louis des Masures, son compatriote,
portent bien sa marque, mais non pas son nom. Placé au
milieu de populations attachées, en grande partie, aux
nouvelles croyances, Thomas Guarin, tout en imprimant
des livres à leur usage, ne voulait pas les signer de son
nom.
Les éditions de cet imprimeur sont fort soignées et d'une
exécution supérieure. Le caractère en est généralement fort
beau, et le papier d'une qualité remarquable. Au reste,
pour mettre les curieux mieux à même de s'édifler sur ce
point, nous citerons ici un certain nombre de ces éditions,
que nous avons vues, ou que nous avons trouvées men-
tionnées dans des catalogues.
— 207 —
I. Linguœ sanctœ canones grammatid. Aiictore Wi-
GANDO Happelio. Nuiic primum in luccm ed'uL Prœ cœteris
omnibus necessarii et utiles : His prœsertim qui viva do-
centis institutione destituti, suo marte illam addiscere co-
nantur. Basilese, Thomas Guerinus (sic), 1561, in-8°.
II. Plotini Divini illius è Platonica familia Philosophi
de rébus philosophicis libri LIIII in Enneades sex distri-
buti, à Marsilio Ficino Florentino è Grœca Lingua in
Latinam versi, et ab eodem doctissimis commentariis illus-
trati, omnibus cum Grœco exemplari collât is et dlligenter
castigatis. Accessit Index rerum et verborunt huius operis
memorabilium perquàm copiosus. Basilese, per Thomain
Gvarinvm. Anno M. D. LXII, in-fol. lim. 14 ff. non chifl".,
texte 365 fol. nuinér. d'un seul eôlé; plus un inckx de 23
flf. non chilï.
Parmi les lim. on lit une lettre à Cosme de Médicis,
signée Petriis Perna Basil, tijp. et datée du 1" mars 1559.
L'éd. de 1562 ne doit être qu'une réimpression de celle
de Petrus Perna, donnée en 1559 in-fol, La trad. latine
avait d'abord paru à Florence en 1492. L'édition princeps
du texte est de Bàle, 1580, in-fol.
III. PoLYDORii Vergilh, de rerum inventoribus. Basilese,
Th. Guarinus, 1563, in-8».
Cet ouvrage eut de nombreuses éditions.
IV. Aristotelis Pepli fragmentum, sive heroum home-
ricorum epilaphia, grœce et latine, ex interpretatione et
cum annotationibus Guil. Canteri; adjecta sunt Ausonm
epitaphia heroum qui bello trojano interfuerunt. Basilese,
Guarinus, 1566, in-i".
Réimpr. à Anvers, Plantin, 1571, in-8% avec quelques
augmentations.
208
V. Gynœciorvm, hoc est, de Mvliervm tvm aliis, tvm
gravidarvm, parientium et piierperarum affectibus et mor-
bis, libri veterum ac recenliorum aliquot, parlim nunc
primùm editi, parlim mulld quàm antea casligatiores.
Quorum catatogum sequcns pagella dabit. Cvm indicibvs
capitvm in vniversum, litnlorum, reruni ac verborum
prœcipuè in his memorabilium, locuplelissimis, fidelissi-
misque. Basileee, per Thomam Gvarinvm, M. D. LXVI,
in-4% titre et lim. 10 ff. non chiffrés; texte 434 pp. à 2
col. chiffrées; index 11 ff. non chiff'.
Les Uni. contiennent : 1° Une tahle des Traités; 2" une
dédicace de Gaspard Wolph, médecin de Zurich, à Jean
Funckius et à Marc Wolffhart, médecins et patriciens ;
o** Une épltre du même au lecteur, et 4° une table par
ordre de chapitres.
L'édition renferme les traités suivants :
1° Harmonica Gyufeciorum, sive de morbis muliebrihus
liber, ex Prisciano, Cleopatra, Moschione, libro Matricis
dicto, et Theodoro Prisciano collectus.
2° Ex Albucassis libro II.
3" Erotis de Passionibus muliebribus.
4° Nie. Rocheus de morbis mulierum curandis.
5° Lud. Bonaccioli muliebriiim libri II.
6" De mensibus mulierum lacobi Sylvii commenlarius.
7° Ejusdem de hominis generatione.
La table qui se trouve au verso du litre, indique que le
texte grec de Moschion, décrit ci-dessous, bien que por-
tant une pagination séparée, complète cette collection.
Les extraits d'Albucasses renfermant plusieurs figures
représentant des instruments relatifs à Tart obstétrical.
VI. MO£XI£2NOS::£piyLivaix£uov7C(iOwv, id est, MoSCHIOMS medici
Grœci de morbis muliebrihus liber vnus : cimi Conradi Ges-
— 209 —
NERi virî clariss. scholiis et emendationibus, nunc primùm
cditus opéra ac studio Caspari Viio/phii Tigurini medici.
Continentur hoc libro quœ ad gravidariim et puerperarum,
itemque infantiiim curam pertinent CLXII distincta capi-
tibiis tnulta : quœdam etiam nova atque à veteribus an-
tehac nunquam tradita : prœterea medica nonnulla alia
autoris incerti. Ex Bibliotheca Avgvstana. Basileœ, per
Tlîomam Gvarinvm M. D. LXVI, in-i" de 8 ff. lim. non
chiff. et 65 pp.
Cet ouvrage est dédié : Clarissimo viro D. Johanni Kent-
mano Miseno medico nobili et excellenti. Cette dédicace est
datée de Zurich, le 24 juin 1566.
VU. Theodorici a Niem, Historiée, qua res stio tempore
durante perniciosissimo schismate inter Urbamim VI et
Clementem antipapam eorumqite successores gestœ {ann.
1378-1410) exponuntur, libri IV. {edidit Sni. Schardius).
Basilese, Th. Guarinus, 1566, in-folio.
Cette histoire avait d'abord paru en trois livres seule-
ments, Norimbergœ, 1532, in-fol., sous le titre de : De
Schismate. Elle fut réimprimée à Strasbourg, en 1609,
in-8'' (Brunet).
VIII. Theod. a Niem, Historiœ, qua res suo tempore,
cum in Imperio, aliisque regnis sub Carolo IV et subsé-
quent. II Imperator., tum in Ecclesia gestœ exponuntur
lib. IV. Quorum quartus nunc primum in lucem profertur.
Hisce JoH. IMaru, Belgœ, liber de XXIII schismalis in
Ecclesia et concil. Galliœ. Eccles. prœstantia et utilit. nunc
prim. e Gall. in lat. conv. adjeclus est. Basil., Thom. Gua-
rinus, 1566, un vol. in fol.
Ce dernier ouvrage ne serait-il pas une traduction de :
Le Promptuaire des conciles de l'église catholique, avec les
— ^210 —
scismes et la différence d'iceulx, faîct par J. Lemaire (de
Belges), Paris, impr. de Deuys Janot, pour Galliol du
Pré, lo45, in-lC?
IX. Clementis Alexandrini, vlri longe doclissimi, qui
Panteni quidem martijris fuit discipulus, prœceptor iiero
Origenis, omnia, qiiœ qnidetn extant opéra, a paucis jam
annis inuenla, et nunc denuo accuratius excusa, Gentiano
Herueto Aureliano interprète. Addita sunt in fine scholia,
obscuriora quœdam loca illnstrantia, cum rerum tolo opère
memorabilium Indice satis lociiplete. Librorum nomencla-
turam et ordinem sequens pagella indicabit. Basilese, per
Thomam Gvariiivm, anno M. D. LXVI, in-fol. de 564 pp,
plus 8 fr. pour les scholies el l'index.
L'ouvrage s'ouvre par : Rodolphe Carpensi, Sanctse Ro-
manœ ecclesiœ lit. sanctae Mariée Translyberinse aFiiplis-
simo cardinali, Genlianus Heruelus S. D. P., épilre datée
de Rome, Pridiè kal. jan. 1550.
X. Pétri Bembi, patricii Veneti quœcunque vsqiiam pro-
dierunt opéra in vmim corpus collecta, et nunc demum ab
C. AuGusTiNO Curione, cum oplimis exemplaribus collata,
et diligentissimè casligata, quorum catalogum versa pagina
indicabit. His accesservnt Hac edilione singulorum historiée
librorum epitoma, cum tabula locorum prisca et noua no-
mina explicante et rerum ac vocum memorabilium Indice.
Basilese, per Thomam Gvarinvm, M. D. LXVII. 3 vol.
in-8°.
Le premier volume contient 16 ff. lim. non cotés, et
645 pp. Il comprend : i" Ilistorise venelœ lib. XII; 2° de
Guido Ubaldo et Elisabelha Ducibus Urbini. Les lim. ren-
ferment : une prt'face adressée à François-Donat, duc de
Venise, une table des noms de lieux, et six distiques de
Richard Destresius au lecteur.
— 211 —
Le second volume, qui manque au n" 15593 du (omis
Van Hulthem, se compose de 47 feuilles, comme l'indique
la dernière page du troisième volume. Il embrasse :
1" Epislolarum Leonis X nomine scriplarum lib. XVI;
2° Epislolarum familiarium lib. VI.
Le troisième volume, de 250 pp. plus 11 ff. de tables,
comprend : 1" De imitatione libellus, 2" De Aetna dialo-
gus, 5° de culice Virgilii, etTerenlii fabulis, 4° carminum
libellus.
Beau car. ital.
XI. Georgii Bvchanani Scott Poetœ eximij Franciscanus
et fratres, quibus accessere varia emsdem et aliorum Poe-
mata quorum et titulos et nomina XVI indicabit pagina.
Eiusdem Psalmos seorsim non sine accessione excudit
Basilese Ravracorvm Thomas Gvarinvs IVervivs.
Collection in-S", sans date, mais 1568; très-beau carac-
tère italique. Elle se divise, sous le rapport de la pagina-
tion, en trois parties :
1" Bucbanani poemata, 8 feuillets lim. et 319 pp.; les
poèmes comprennent, outre le Franciscain, un livre d'Élé-
gies, un de Sylves, un d'Odes, une traduction de la Médée
et de l'Alceste d'Euripide, la tragédie de Jephté, et une
traduction des iambes de Simonide. On voit par le titre
que Thomas Guarin avait déjà donné une édition de la
traduction des psaumes de Buchanan. A la page 307, le
typographe, s'adressant au lecteur, dit qu'il lui offre tout
ce qu'il a pu réunir, original ou traduction, de cet auteur,
et il promet de donner le reste, que Buchanan lui a fait
espérer de recevoir bientôt.
2° Adriani Tornebi regii grsecse philosophie, dum vixit,
Professoris variorum poematum silua (pp. 1-62). — Cla-
ris, doctissimique viri, Mich. Hospitalis, magni Galliœ
212
caucellarij, variorum poemaluin silua (pp. 63-117). —
lo. Avrali Lemovicis, Regii Grsecarum lilerarum in Acade-
mia Parisiensi professons, Poëmalia (pp. 119-176). Ce
volume présente celle parlicularité que les pages colées
pair de 66 à 80, ainsi que les pp. 84, 88, 1)2 el 96, por-
lenl en haut les mots Adr. Tornebi.
3" Caroli Vlenhouij F. patricij Gandavensis, Xenia seu
Ad lllustrium aliquol Europse hominum nomina Allusio-
num (inlerlexlis alicubi loacli. Bellaij eiusdem argumenli
versibus) Liber primus. Ad Elizabelham sereniss. Angl.
Franc. Hib. etc. Reginam, de 143 pp.
Recueil rare el curieux; la partie la plus intéressanle est
la dernière; Charles Utenhove, fils de Charles, faisait à la
fois des vers français, latins, grecs et même hébreux. Ses
vers émaillenl toute la collection. Le morceau le plus cu-
rieux que nous trouvions dans ses allusions, est le billet
d'Orlando de Lassus, qui prouve son estime pour le bon
vin rouge (p. 1 13).
XIL Antonini Liberâlis Trans format ioniim congeries.
Phlegomis Tralliani de Mirabilibus et longœvis. Eiusdem
de Objmpiîs fragmentum. Apollonii historiée mirabiles.
Antigom mirabil. narrât, congeries. ]\L Antonini de vita
sua. {Omnia) Grœcè latinèque, Guil. Xylandro interprète.
Cum annotation. Basil., Th. Guarinus, 1568, in-8°.
Cette édition, donnée par Guill. Xylander (Holzmann),
est la première d'Antoninus Liberâlis, de Phlégon de Tral-
les, d'Antigonus Carystius et d'Apollonius Dyscole.
XIIL SEN0*£2NT0S aTravxa xà (Tw^ôjxeva pi|EXîa. — XeNOPHONTIS
et imperatoris et philosophi darissinii omnia quœ exstant,
opéra, Joan. Levvenklajo interprète : cum Annotationibus
ejusdem et indice copioso. Basileœ, per Thomam Guari-
— 213 —
num M. D. LXIX, iri-fol., litre et lim., 12 pp. non cotées;
texte, 790 pp. à deux col., texte grec et latin, suivi de :
lu Xenopliontem iuterpretis annotaliones, 15 pp. non
cotées. On lit à la fin de ces annotations : Finis Annota-
tionum. Indicem, quem hoc lempore absolvere non licuit,
proximis nundinis dabimus.
Les lim, contiennent une épître à Jean Casimir, conite
Palatin, une préface aux œuvres historiques de Xénophon,
et une vie de cet écrivain.
Cette édition parut sous le titre de S'» Editio chez le
même éditeur en 1572. Il en est encore des exemplaires
dont la date est 1593. Mais dans ces trois sortes d'exem-
plaires, la page 497 est également mal cotée 597.
Brunet dit que cette édition a peu de valeur aujourd'hui.
XIV. Plutauchi chœronensis moralia, latine, ex inter-
pretatione Guill. Xylandri. Basilese, Thom. Guarinus,
1570, in-folio.
XV. Plutarchi chœronei Ethica sive moralia, interprète
Gruterio, cum indkibus. Basileœ, apud Guarinum, 1573,
in-folio.
XVI. La Biblia, que es, los sacros libros del Vieio y Nvevo
Testamento, trasladada en EspanoL... La Palabro del Dios
nuestro permanece para siempre. Isa. 40. M.DLXIX, in-4*',
de 1 5 fF. lim. non chiffrés et de 1 458, 543 et 508 col. num.
Les liminaires contiennent : 1° Prœfatio Hispan. sacr.
Bibl. Interpretis; 2" amonestacion del interprète al Lector.
A la fin on lit : Anno del Senor M. D. LXIX en sep-
liembre. La marque est un ours rampant contre un arbre
et s'acharnant sur un essaim d'abeilles : circonstance qui
a fait surnommer cette bible la Bible de l'Ours.
— 214 —
Celle version est de Cassiodore de Reyna, qui a signé
de ses iniliales C. R. la préface laline. Vogt la dit im-
primée à Bàle, et Paquot affirme qu'elle sort des presses
de Th. Guarin. Il y en a des exemplaires portant la date
(le 1622 avec la vignette de l'ours, et la même date finale;
mais on assure qu'il n'y a là d'autre changement que celui
du frontispice. Il paraît même que cette version n'eut
qu'un seul tirage, qui se fit à 2600 exemplaires. Celle
bible, qui est calviniste, a longtemps passé pour juive,
ce qui a élé cause que plusieurs savants y ont été trom-
pés (V. à ce sujet D. Clément, VI, 5o3 suiv. ; Vogt, p. 1 44;
Catalogue Girardol de Préfond, introd. p, i et u; Catalogue
Crevenna, I, 56, etc., etc.)
XVII. Stephani de Malescot, de Nuptiis Liber Para-
doxicus, nova et recenti methodo compositus. Basilese, per
Thomam Guarinum, 1572, in-8°.
XVIII. LvDOvici Masvrh Nervii Poemata secundo édita,
ab aulhore ipso recognita, et nouis aiicta. Basilese, M. D.
LXXIIII (Sans nom d'imprimeur, mais avec la marque de
Thomas Guarin). Très-petit in-8°, de 128 folios numérotés
d'un seul côté. Le verso du dernier folio est blanc. Carac-
tère italique.
La table est au verso du litre. Louis Des Masures, Tour-
naisien, auteur de ces poésies, mourut pendant l'impres-
sion du volume, comme le prouve la pièce finale, qui est
de Jacques Pasquier, Lorrain. Ceux qui l'ont fait mourir
en 1580, étaient dans l'erreur. Au reste, nous revien-
drons ailleurs, et fort longuement, sur L. Des Masures.
XIX. Rervm Bvrgvndionvtn chronicon : in qvo etiam
rerum Gallicarum tempora acciiratè demonstrantiir • per-
— 215 —
mutta autem pro vtriiisqite Historiœ, necnon eiiam Germa-
nicœ notifia, diibia confirmantur, obscurci illustrantur, et
ab aliis aiit non animacUiersa, aut non comperta enuclecm-
tur : non paiica vero quorum memoria penilus inlerciderat,
ex probatissimorum aulorum libris nunquam antea editis
et veteribus monimentis exhibentur. Ex Bibliotheca Histo-
rica NicoLAÏ ViGNERij Barrensis ad Sequanam. Basilese,
per Thomam Guarinum, M. DLXXV. Petit in-4.% titre et
lim. 4 ff. noû chiff. Texte 18o pp., plus 12 ff. pour les
index.
On lit à la dernière page : Basilese, per Thomam Gva-
rinvm, anno M. D. LXXV.
XX. Hieroglj/phica, sive de sacris JEgyptiorvm, aliarvm-
qve gentivm litteris commentarij loannis Pierii Valerianj
BoLZANiJ Bellunensis, a Coelio Avgvstino Curione duobm
Libris aucti, et mullis imarjinibus illuslrati.
Suit une épitre de huit lignes au lecteur.
Basileœ, per Thomam Gvarinvm, M. D. LXXV.
Avec le portrait de l'auteur au verso du litre, et de
nombreuses Ggures sur bois dans le texte.
In-foL, de 10 ff. lim. non chiffrés et 441 fol. numérotés
d'un seul côté, à l'exception des 15 premières pages; plus
oO pp. de tables. On lit à la fin :• Basilese ex officina Thomse
Gvarini Anno M. D. LXXV. Mense Martio.
Les lim. contiennent, outre la dédicace de l'auteur à
Cosme de iMédicis et diverses tables, une pièce de vers
grecs de Charles Utenhove, de Gand, à Arnoldus Arlu'-
nius Peraxylus et à Michel Isingrin. Cette édition ne pa-
rait être qu'une réimpression de l'édition princeps donnée
par Isingrin en 1Sd6. Mais dans cette dernière, la pièce
d'Utenhove se trouve à la fin du volume. L'édition d'Isin-
grin ne contient pas non plus les deux livres de Curion.
— 216 —
XXI. Chronolorjia hoc est svppvtatio temporvm ah initio
mundi ex edipsibus et obseruationibus Astronomicis et sacrœ
scriptiirœ firmissimis testimoniis demonstrata. Gerardo
Mercatore et MATTHiîO Beroaldo aiUhoribus. Accessit et
IsiDORi Hispalensis Epi. chronologia ex quinto et sexto
Originum libris siimpta. Basilese, per Thomam Guariuum,
M. D. LXXVII.
Deux vol. in-8% 8 ff. lim. non chiffrés. Le premier
volume, qui renferme la chronologie de Mercalor, a
292 pp. Le deuxième eu a 631, plus un index de 21 pp.
Ce deuxième volume n'a pas de titre; mais on lit à la fin
sur un feuillet séparé : Basilese, Ex Officina typographica
Thomse Gvarini. Anno salutis humanee M. D. LXXVIL
Les prélim. du i" vol. renferment les préfaces de Mer-
cator et de Béroald, et une table des chapitres.
Car. italique.
XXIL LiLH Grec. Gyraldi Ferrariemis Operum qiiœ
extant omnium non minus Erudilœ quàm Elegantis lite-
ratnrœ studiosis et expetitorum hactemis et deinceps expe-
tendorum tomi dvo. Cum Elencho Librorum, et locupletis-
simo Rerum atque Verborum indice. Basilese, per Thomam
Guarinum. M D LXXX. In-fol.
Le premier volume comprend 8 ff. lim. non cotés, et
666 pp., plus 12 ff. de tables. La dédicace à Hercule
d'Esté est datée du 4 mars 1555.
Le second se compose de 4 ff. lim., de 634 pp. de texte
et de 18 ff. de table.
XXIII. lo. Bodini Andegavcnsis de Magorum Dœmono-
mania libri IV. Basilese, per Thomam Guarinum, M D
LXXXI. In-4% 16 ff. lim. non chiffrés et 448 pp., y
compris Opinionvm IoannisWieri coïi/'y^af/o (pp. 417-488).
— 217 —
Les prél. contiennent ; 1" une dédicace à Christophe de
Toul, premier président du Parlement de Paris; elle est
datée de Laon, xx déc. lo79; 2° Typographus JEqno et
erudito lectori; 3° loannis Bodini in libros de Magorum
Dsemonomania Prsefalio; 4° Determinatio Parisiis facta per
almam Facultatem Theologicam An. Domini M. CGC.
XCVIII super quibusdam superstitionibus noviter exor-
tis; 5" Index capilum.
Cette traduction du français a pour auteur, dit-on, un
nommé Lotharius Philoponus, nom qui en cache évidem-
ment un autre. L'imprimeur a cru devoir adresser un mot
au lecteur au sujet de ce livre :
Typographus JEqvo et erudito Lectori S. D.
« Etsi hune de Dsemonomania commentarium cum
ludicij quadam acrimonia legenlibus non sine causa in
mentem venire possit illud velus, tpdip(i.axa 7:o>vXà (làvlaeM iieiu-
y[ji£va TToXTvà ôè Xuypà : tamen cum in eodem multa prœclarè
dicta adversus consceleratissimum illud et pijs omnibus
detestandum Lamiarum et Magorum cum Salana commer-
cium : mullœ eliam hisloriœ et cognilione dignse aspersse
sint : Censores noslri editionem huius operis non inhi-
bendam esse ô[jLo6u[j.a8iv decreverunt. Ea tamen, quœ in
allegorijs et sacro sanclse Scripturœ testimoniorum allega-
tionibus delortis, in lib. arbilrij hominis non renati, et
astrologise diuinalricis defensione, et aliorum quorumdam
dogmatum assertione, seuerioris doctrinœ Theologi et Phi-
losophi iure desiderare possunt, neutiquam probantes, cen-
surée eruditorum et piorum dexlrè iudicantium, omnia sub-
jiciunt. Nam et in hoc génère scripli, omnia esse probanda,
et bona retinenda, rectè persuasum habent. Bene vale ! »
XXIV. D. Andr. Alciati opéra omnia in quatuor tornos
digesta, indice locuplete adaucta. Basilese, Th. Guarinus,
1582; in-folio.
— 218 —
Les œuvres complètes de ce jurisconsulte-poëte, paru-
rent à Bâie, \o7\, en 6 vol. in-folio. Elles furent publiées
par les soins de François Alciat, parent de l'auteur.
Nous ne pousserons pas plus loin cette liste des éditions
de Thomas Guarin. Ne pouvant espérer de la rendie com-
plète, nous croyons en avoir dit assez pour montrer toute
l'importance de l'établissement typographique de notre
concitoyen.
Nous avons dit que la famille de cet imprimeur existe
encore aujourd'hui à Tournay. Au commencement du
XVII'' siècle, un Jacques Garin, d'Esplechin, se mêlait,
d'une manière accessoire peut-être, de poésie latine. On
lit une pièce de 18 vers phaleuces, signée de lui, parmi
les préliminaires des Pla Poemata de Jean Rosier, d'Or-
chies, curé d'Esplechin, ouvrage publié à Tournay en
I6U chez Ch. Martin, in-S". On trouve également des
vers de lui dans les Miscellanea du même Rosier publiés à
Tournay en 1012. Ce Jacques Garin, qui était bien cer-
tainement de la même famille que Thomas, embrassa l'étal
ecclésiastique. Il célébra sa première messe le 1 5 juin 1610.
En 1613 il était chapelain de M. de Rongy (le baron de
Roisin).
Vers la fin du même siècle, en 1694, N.-Gilbert-J. Ga-
rin acheta la charge de receveur du clapet (c'est ainsi
qu'on appelait à Tournay l'impôt sur la fabrication de la
bierre), pour la somme de dix mille cinq cent soixante fl.
Selon Hoverlant, il occupa celte charge jusqu'en 1761.
N.-G.-J. Garin, qui épousa, croyons-nous, une demoi-
selle Pels, laissa deux fils : Gilbert, et Pierre-Amé, dont
nous parlerons plus bas.
Gilbert Garin succéda à son père en qualité de receveur
de l'office du clapet; il fut nommé le 8 novembre 1792 l'un
des vingt administrateurs gratuits et provisoires de Tour-
— 219 —
nay. Gilbert Garin, dont Hoverlant fait un grand éloge,
mourut en 1795. Il eut pour successeur au bureau du cla-
pet, son fils Gilbert, III'' du nom. L'olfice du clapet ayant
été supprimé en 1796 par les français, Gilbert fut nommé
trésorier de la ville de Tournay, fondions qu'il occupa
jusqu'en 1821. Il avait épousé une demoiselle Moncbeur,
qui ne lui donna que des filles.
Pierre-Amé Garin, chef de la branche cadette, laissa
deux fils : Jacques-Léonard-Joseph et Louis-César-Joseph.
Ce dernier, commis-greffier du tribunal de commerce de
Tournay, décéda le 6 décembre 1857. Il avait épousé An-
gélique-Josèphe Bernard, dont il eut une fille unique, Flore-
Eléonore-Louise-Angélique, épouse de F. F. J. L.
Son frère aîné, Jacques-Léonard-Joseph, né en juillet
1774-, et conséquemment âgé aujourd'hui de quatre-vingt-
quatre ans, exerce la profession de chirurgien et accou-
cheur à Tournay depuis le commencement de ce siècle.
On lui doit plusieurs articles insérés dans diverses revues
médicales. Nous citerons les suivants, publiés dans le Jour-
nal de Médecine, Chirurgie, Pharmacie, etc., par les C^"^
Corvisart, Leroux et Boyer :
\° Observation sur l'hydrocéphale interne, par le cit.
Garin, chirurgien à Tournay, département de Jemmapes
(t. III, pp. 119-125, an X).
2° Observation sur l'ossification contre nature de la face
utérine d'un placenta (ib., pp. 252-255).
3" Réflexions sur les fausses douleurs de l'accouchement
(t. IV, pp. 260-267, an X).
4° Description d'un bec-de-lièvre naturel, mais d'une
figure particulière (t. VI, pp. 4-25-429, an XI),
5" Observation sur une hernie crurale étranglée par im-
flammalion, terminée par gangrène, et suivie d'un anus
contre nature guéri spontanément (t. VIII, pp. 498-501,
an XII).
220
6° Observation sur une plaie de tète, suivie d'un grand
abcès dans l'un des ventricules du cerveau, et terminée
par la mort, par M. Garin, chirurgien-accoucheur, chi-
rurgien de l'hospice des orphelines et membre du co-
mité de vaccine de la ville de Tournay (t. XVI, pp.
278-281, 1808).
7° Réflexions physiologiques sur le système sanguin du
fœtus (t. XIX, pp. 231-255, 1810).
M. Garin est encore l'auteur de différentes notes sur
la vaccine, dont il fut l'un des plus ardents et des plus
désintéressés propagateurs. M. Garin la pratiqua toujours
gratuitement. Six médailles d'or, deux du gouvernement
des Pays-Bas, et quatre du gouvernement du roi Léopold,
furent la récompense de son zèle. Enfin, un arrêté en date
du 24 octobre 1857 le créa chevalier de l'Ordre royal de
Léopold.
Un journal évaluait récemment à douze mille le nombre
des accouchements pratiqués par M. Garin durant cette
longue et si honorable carrière. La modestie de ce savant
et habile praticien serait peut-être offensée de nos éloges;
nous croyons cependant être l'écho des sentiments d'une
ville tout entière en proclamant les services qu'il a rendus
et qu'il rend encore à la cause de l'humanité souffrante.
Dans une classe de citoyens qui ne compte que des cœurs
dévoués, M. Garin a su se distinguer encore; et nous le
dirons en terminant : d'autres ont fait plus de bruit, aucun
n'a fait plus de bien.
F. F. J. Lecouvet.
221
(tl)r0tttque ies 0neîtce5 et îrc5 '2ivt5, et haxUtés.
Dons et Courtoisies de Philippe-le-Bon et de Charles-le-Téméraire aux sa-
vants, AUX ARTISTES ET AUX GOUVERNEURS DES PRINCES DE LA MAISON DE BOURGOGNE.
— Dans un précédent article, nous avons fait connaître les diverses courtoisies
que le duc de Bourgogne accordait à ceux de ses chapelains qui, sous le nom
bizarre d'évèques des fous et des ânes, présidaient aux jeux et aux ébalte-
ments des fêtes des Innocents et de la Circoncision; parlons, aujourd'hui, des
chapelains, des confesseurs et des religieux qui, devenus d'habiles calligra-
phes, s'empressaient, connaissant l'extrême générosité du prince, de lui
faire hommage de splendides manuscrits, œuvre des longs jours de leur
solitude, et qu'enrichissaient presque toujours de nombreuses miniatures.
En 1426, le duc fait donner XXVIII s. à aucuns religieux (Dominicains)
de l'église Nostre-Dame de Herlem, pour avoir Iranscript et copié ung livre
louchant matere secrète, dont MS. n'en vcull autre déclaracion eslre faicte (1).
En 1431, Jehan de Lannoy, Bernardin, obtient VI 1., pour avoir escript
et historié en IIII feullets de parchemin aucunes oraisons, pour mectre es
heures de JIS., et XI 1. VIII s. sont remis à Pierre Longue Joe (2), son valet
de chambre, pour avoir fait escripre en parchemin et enluminer ung livre
d'argorisme pour MS.
En 1437, Gilles de Vins, dit Binchois, chapelain du prince, reçoit XXIIII 1.,
pour ung livre qu'il avoit fait et composé (pour la chapelle), des Passions-
en nouvelle manière; tandis que, l'année suivante, Xllll 1. VIII s. sont ac-
cordés à M» Simon de Loz, confesseur de la duchesse, pour avoir translaté
de latin en françois ung livre, qui jadis avoit appartenu à Jehan de Bor-
nes : il reçoit en outre XII 1. X s., pour avoir fait coppier en parchemin la
proposicion de maistre Jehan Petit, qui contient grant escriplure (5).
(i) Arch. gén. du Nord, ainsi que tous les documents de celte notice.
(2) Voy. M. le comte de Laborde, Les Ducs de Bourgogne, t. I, p. 261.
(3) Nous lisons dans la chronique que nos lecteurs connaissent déjà (Les
trailiés du duc d'Orliens) : « Après, led. maistre Jehan (Petit), en alégant
222 ■ •
Quant aux deux Jacobins, qui avaient apporté de Bruges à Douai, deux
livres en parchemin, des révélacions de Sainlle Brigitte, de la règle de Saint
Sauveur (1), et des sermons des angles, XLVIII s. leur étaient accordés, et
leur prieur, Me George Tanilly, en obtenait L (2).
pluiseurs auctorités de la Bible et aultrez pluiseurs histoires, pour le vérifi-
cation et juslifiance du droit de son maislre, yl condessendy à sa (blanc),
en reraonslrant les fais du duc Lois d'Orliens, lesquelz aulcuns avons devant
mis, lesquelz avoit fait par le conseil de Pliles de Masières et du duc de
Melan, lesquelz le mirent en volenlé de mal faire : comme de sorcheries,
encantemens et invocacions des diables, et dud. sacrement de Tespée et de
Taniel. Tout ce fu fait au castiel de Mogny. Et de encore aultre sorcerie,
dont point n'avons parlé : car, au revenir de Mongay, allèrent par Monfau-
con, et prirent le corps d'un nouvel mis à mort, et le portèrent tout coie-
ment à Paris, à l'ostel de l'un d'eulx, pour faire leur carme et encantement,
et ly boulèrent ung espoy parmy le cuer, comme leur fait le requéroit, dont
le roy en fu, en celle tempore, moult malades, et de lelz en y ot quy perdi-
rent la vie, que point ne doy oublier. Car la dueesse d'Orliens, fille aud.
Galiace (duc de Milan), estoit ung jour es gardins de S' Pol, où, à celle
heure, avoit grant plenté de seigneurs, dames et demoiselles, et enfans,
grans et petis : or advint que la dueesse tenoit une pome vermeille, et dist
à ung enfant, qu'elle trouva en sa voie: mon enfant! porte celle pome au
dolfiii de Vienne, quy ylleuc s'esbat. L'enfant prist la pome, qui moult en
fu joieulx, et, ainsy comme yl s'en aloil, rencontra la norice à la mesme
dueesse, laquelle avoit à son col l'enfant au duc Lois d"Orliens et à la du-
eesse. Or, le norice veant celle belle pome, le demanda aud. petit enfant,
et yl lui bailla. Sitost qu'elle le tint, l'enfant le prist, quy moult le désiroit,
et, osytost qu'il le tint, yl le mis à sa bouce et mordy dedens : et, quant yl
en eut le saveur, sy s'eslendy et tourna yeulx tout tramblant. Et la norice
le misl à terre, et s'cscria en hault, tant que pluiseurs y afuirent, et mesme
la dueesse, laquelle, quant perchut son enfant, qui se moroit, et recongnut
la pome, adont quey pausmée, et, au relever, s'cscria en hault et dist : vray
Dieu! coment tu sces bien tes gens payer de tel service qu'il ont desservy;
car tel cuide aultruy grever qu'il mesme se déchoit. — Tout ce déclara et
les choses dessusdites aléga ledit maislre Jehan Le Petit pour la mineur,
devant tout le peuple. » (MS. n" 20 de la bibl. de Lille, fol. CXV r» et v»). —
Si nous en croyons notre chroniqueur, la duchesse d'Orléans demandait
dans sa complainte contre Jean-sans-Peur, que le duc Jehan fuist amené en
la place, où ledit fait et occision avait esté fêle, et lui mis à genous, nut
chief, jusqu'à cel heure qu'on aroit en celle place canlé vigilles et com-
mendasses, et en le fin fesisl une croix sur la terre de son doit, et le bai-
sast (Fol. CXVIII V»).
(1) Ailleurs : de le règle de Nostre Sauveur Jhu-Crist.
(2) On lit à la marge : Soient ces deux livres mis en l'inventoire qu'il
— 223 —
En 14.39, X fr. sont accordés à Jehan Crevé, enlumineur de livres, {»
Bruges, pour ce qu'on luy devoit de reste, d'avoir- enluminé (1) le livre aux
lettres d'or de MS., et, pour estre venu à Lille quérir led. livre, à ses
despens.
De son côté, Hoste de Fresancourt, dit de le Mole, escuyer, réclame XX 1.,
pour les fraiz qu'il a euz et soustenuz à avoir poursuy certains livres que MS.
voulait avoir, lesrjnelx csloicnt à Cambray.
En Uil, le receveur déclare que le parchemin, jugé nécessaire, pour
escrire les accidens et autres livres de MS., a coulé X s.
En IMo, il nous apprend que, par les ordres du prince, XII 1. ont été
données à frère Anlhoine Bombardel, religieux de l'ordre de saint Benoit,
quant yl a apporté à MS. certains volumes d'aucuns livres qu'il escript pour
lui en la ville de Chaalons sur la Soone. Puis, il s'empresse d'ajouter que la
même somme a été payée à Jehan Wacquelin, demourant à Mons, en Ilay-
nault, pour don à luy fait, quant yl est venu devers MS., à Lille, pour
aucunes affaires touchant la translacion de pluseurs histoires des pais de
MDS. (2), pour lui aidier à desfrayer de ladicle ville de Lille.
Deux ans après (14.4.7), M-^ Emond de Dinler, secrétaire du duc, recevait
Ile il. du Rin, à XXXVIII gros pièce, en considéracion des bons et agréables
services qu'il lui avoit fais, et, mesmement, pour réeompensacion de la
paine et labeur qu'il avoit prins pour faire ung livre de certaines croniques
du pays et duchié de Brabant, lequel livre yl a donné et mis par devers MDS.
L'année suivante, XXXVl 1. sont accordées à M^ Anlhoine Asterainz (sic),
secrétaire de MS d'Orléans, pour don que MDS. luy a fait, pour ce qu'yl
luy a donné ou mois de décembre, en la ville d'Amiens, ung livre qu'il
escript touchant plusieurs nioralitez et ystoires, et aussi pour luy deffrayer
d'icelle ville.
« De tous les érudits du comté d'Asti, que Charles d'Orléans avait attirés
à sa cour, le plus éminent, dit M^ A. Champollion-Figeac (3), fut Antoine
appartient (V. Leidmtz, Essais de Théodicée, p. 136, éd. d'Amsterdam, 1720).
— 11 était défendu anciennement à ceux qui n'avaient pas atteint l'âge de
quarante ans, de lire l'Apocalyse et le dernier chapitre du prophète Esdras.
(!) Il s'agit sans doute ici du livre, mentionné par M. le comte de La-
BORDE {ibid., p. 358), où il a ll« LXXII grosses lettres et Xlle petites.
(2) En 1478, les échevins de Béthune donnent X s. à Jacqmart d'Artois,
qui avoit mis par escript aulcnnes escriplurcs, comme le siège de Béthune et
aullres choses.
(3) Louis et Charles, ducs d'Orléans, pp. 333-583, et pour Nicolas Aste-
san, pp. 362-389; consult. aussi MM. le comte de Laborde, ouv. cité, t, III,
— 224 —
» Astesan, Lombard d'origine, et que le prince s'attacha en qualité de se-
xcrélaire.
» En 1461, il lui faisait hommage d'un magnifique manuscrit : c'était un
» volume de format petit in-folio, sur peau de vélin, à deux colonnes, orné
» d'arabesques, et portant les armes de Charles d'Orléans , peintes sur le
» premier feuillet. Il contenait les poésies du prince avec leur traduction
» latine par ce secrétaire. Celait le célèbre manuscrit des poésies du duc
» Charles, qui appartient aujourd'hui à la bibliothèque de Grenoble. »
Les manuscrits, et surtout les splendides livres d'heures, dans lesquels les
miniaturistes étaient devenus les dignes rivaux des peintres les plus célè-
bres, avaient acquis une haute valeur, puisque Philippc-le-Bon faisait comp-
ter (1-449) III^ écus d'or à la couronne au doyen de Liège, membre de son
conseil, pour l'achat d'toi bréviaire (1), à l'usaige de Romme, qui est très-
notable et bien enluminé, lequel MDS. donna à madame la duchesse, sa femme.
Longtemps auparavant (1420), le duc avait fait remettre XX fr. à mess.
Jehan Guyot, doyen de l'église collégiale de N.-D. de Monstreau ou fouit
d'Yonne, pour avoir gardé et recouvré un très-bel et riche bréviaire, à l'usaige
de Paris, qui estait à feu le duc Jehan, que Dieu absoille, et qui fu perdu le
jour de son trespas oud. Monslreau, et lequel yl rendy lors à MDS.
Auprès de ces précieux manuscrits prit place, en 1461, une cronique his-
torié de la généalogie des rois de France, donnée à Philippe-le-Bon par
Jacques Marcliant, de Boulogne.
Le comptable de 1443 nous fournit des documents pleins d'intérêt sur les
livres divers que la bonne duchesse offrait à son fils bien-aimé, le comte de
Charolois, alors âgé de dix ans (2).
pp. 532, 58, 61, 71, et J. Qcicherat, Procès de Jeanne d'Arc, t. V, p. 22,
éd. de la Soc. de l'hisl. de France. — Le 24 juin 14r)2, le duc octroyait
XXVIII 1. XVI s. à Anthoine de Campbon, cscuicr du pais d'Auvergne, qui,
naguères, était venu lui apporter, à Bruxelles, des lettres closes du duc
d'Orléans et de M^ Arnoul de la Palu, aslrologien du roy, par lesquelles ylz
lui escripvoient aucunes choses touchant matières et affaires secretz. — Nous
lisons dans les négociations du Levant sous François l'^'' (M. E. Charrière) :
« Gaurico, astrologue, a pronostiqué (1352) à l'empereur que, dès le i*'' jus-
qu'au 13 d'octobre, il aura temps heureux de se combatre contre le Turc,
principalement le 5 d'octobre. >i (t, I, p. 227),
(1) A en croire certains auteurs, le bréviaire n'était originairement qu'une
prière qui se faisait en commun par tous les fidèles, à certains moments de
la journée.
(2) Dans sa chambre on remarquait (1459) ung tappis paint de ras et de
— 225 —
A messire Nicole Sturgon, nous ilit-il, j'ai payé XXII s., pour avoir lié,
doré et estoflë de parchemin ung livre que madame la duchesse avoil donné
au conte de Charroloiz; VIII s., pour ung Tkeodclel; IX salus, de X 1. XVI s.,
pour utiff commune sanclorum et pluseurs autres messes, bénédictions et
orisons qu'il a faictes ou messel de MS. de Charoloiz.
De son côté, Jacquemine Lapostole, de Bruges, exigeait XXIIII s. pour
unes heures de Nostre Dame, garmjes de pluseurs ysloires et croisons, aussi
pour MS. de Charroloiz (1).
Parmi les joujoux du prince, nous remarquons (1439) un jeu d'eschez de
bois (2), tabliez à façon de personnaiges; ung chariot de cuivre, pour son
esbatement, payé XXIIII s.
N'oublions pas de dire que celui qui lui fait hommage A'ung lièvre d'Inde,
reçoit XXXVI s.
Quant à madame de Charolois (Catherine, fille de Charles VII), il faut
XLVIII s., pour une onche d'orfaverie doroe, mise aux manches d'une de ses
poupées, et VIII s. pour les border (5). En 14.43, ung jeu de quartes pour
madame de Charroloiz (4), est payé XIIII s.
En 1439, ung livre de papier, escript en latin, pour aprendre à l'escole,
livre donné au damoiseau de Cléves et à Antoine, bâtard du duc, avait coûté
XII s.; alors même que ces deux jeunes princes recevaient IIII s. pour aller
à confesse.
Parlons maintenant des gouverneurs de ces jeunes seigneurs.
En 1438, Gillotin, chevaucheur, obtenait XLVIII s., pour avoir porté
chas, payé XX 1. — Un autre historé de l'isloire du Sacrement, en tapisserie
bien riche, avait été fourni par un marchand de Bruges, moyennant III'
XVI 1. XVII s. VI d.
(1) Pour cinq pommes de grenade, prinses et achetées pour MS le conte
de Charrolois, durant qu'il a esté malade en la ville de Hesden, XL I.
(2) Le trictrac était le passe-temps favori des plus graves Romains. Ou le
nommait ludus duodecim scriplorum, à cause des scripla ou lignes qui par-
tageaient également Yaveolus, ou la table. On plaçait régulièrement les deux
armées, l'une blanche, et l'autre noire, sur cette table, et chaque armée con-
sistait en quinze soldats ou calculi, que l'on remuait conformément aux
règles du jeu et aux chances ou hasards des lesscrœ, ou dés.
(3) En 1414, un mercier avait fait payer XXXIII s. IX d. les espingles et
les deux canons d'or à faire bourses, pour esbattre mademoiselle Katherine,
durant sa maladie (fille de Jean-sans-Peur. Voy. VArt de vérifier les dates,
f. XI, p. 82).
(4) Au sujet du ban du magistrat de Lille qui, en 1582, défend de juer as
quartes, voy. les Ann. arch. de M. Didbo\, t. XV, p. 130.
IS
— 226 —
lelires closes, de par madame, à maislrc Anthoine Haneron, maistre des
baslards de MS., afin qu'il amenast les baslards à Lille, à cause de la mor-
talité.
Dans la suite, l'éducalion de l'unique héritier de la puissante maison de
Bourgogne, devenu plus tard le fougueux Charles-le-Téraéraire, fut aussi
confiée à M« Anthoine, qui s'intitule (1447j, conscillier de MS., prévost de
Mons, arcediacre de Cambrésis, maistre d'escolle (1) de MS. de Charrolois
et gouverneur de Francisque, filz de MS. le marquis de Ferrare (2j.
Cette place de haute confiance lui valait Ik 1. de pension, chaque année.
Hanneron jouissait, il est vrai, d'une grande considération à la cour,
puisqu'à cette même époque le duc l'envoyait, avec MS. de Ternant, en am-
bassade à Cologne.
Si nous en croyons les registres aux comptes de Béthune, l'habile prévôt
de Mons appartenait par sa naissance à celte cité, puisque, en 14-39, les
échevins faisaient présenter trois lots de vin à maistre Anthoine Hanneron,
estudiant en l'université de Louvain, en faveur de ce que, naguère, pour
l'amour et l'honneur de Bétluinc, dont il est, il avait visité et fait visiter par
pluisseurs notables clercs estudians ausd. cscolles, certains jus de pcrsonna-
ijes, que les compaignons jueurs de pluisseurs bonnes villes avaient Joué aud.
lieu de Béthune, à V instance de gaignier les pris (3).
En 1442, Jean, bâtard de Brabant, alors écolier au collège de Navarre,
avait pour gouverneur révérend Père en Dieu, Jean Millet, évêque de Sois-
sons et conseiller du duc; car la somme de LXVIII fr. XH s., ou L escus
d'or, lui était remise pour une année, commenchant le premier jour de
février mil 1111': XLII, pour le régime et instrucion de Jehan de Brabant,
cscoUier, demeurant au colège de Navarre, à Paris.
Il recevait en outre, par l'ordre de MS. et de madame la duchesse, XVI 1.
Ils., pour emploier en drap et penne, et pour façon d'une robe et chapperon,
fournis aud. bastard, afpn qu'il fust plus honnestement aux nopces de la soer
dud. cvesque de Soissons.
En 1444, ce prélat obtint encore C 1., pour le régime et gouvernement en
l'estude de Jehan, bastard de Brabant, escolier, estudiant en la faculté des
ars, en Vuniversité de Paris, tant pour sa despence de bouche, comme pour
(1) Le mot ferula (férule) vient de ferire, frapper. On corrigeait les éco-
liers avec la tige séchée de la ferula communis. Martial l'appelle le sceptre
des pédagogues.
(2) Ce prince ne figure pas dans YArt de vérifier les dates, t. XVII, p. 403.
(3) Voy. nos Artistes, p. 220.
— 227 —
son vestir et chausser, busclie et chandeilles, encre, papier, livres nécessai-
res et aultres menues nécessitez d'une année, finissant le derrain jour de
décembre, Tan mil CCCC XLHII.
En 1430, le receveur porte en dépense III« IIII'^^ XIIII 1. XM s. pour une
demi-année de la pension de Loys, MS. de Bourbon, et de ses gens, estant
aux escolles à Louvain.
Louis de Bourbon, neveu du duc, et plus tard évéque de Liège (i), avait
alors pour gouverneur Robert Desneval, écuyer.
On remarquait aussi à la cour de Philippe-le-Bon, les médecins le plus en
renom, dont plusieurs étaient en outre de hauts dignitaires ecclésiastiques.
Ainsi, en liiS, le duc fait donner XXV écus d'or, de XLVIII gros pièce, à
Me Guillaume de Roques, maistre en médecine, et à maistre Jehan Fromont,
syurgien, pour avoir ouvert le corps de feu Willequin Jehanzone, son varlet
de chambre.
En liGl, Yarchidiacre d'Anvers et M^ Jehan Lamy, chanoine de Noyon,
médecins, reçoivent lettres closes par lesquelles le prince les prie de se ren-
dre incontinent devers lui, pour le visiter avec autres médecins, qu'il a
pareillement mandez (2), en certaine maladie qui, despieça, lui est survenue.
Ces célèbres praticiens ayant sans doute vanté la vertu toute particulière
(1) Consult. VArl de vérifier les dates, t. XIV, pp. 224-230. — En 1467, le
duc faisait don à l'église de Saint-Lambert de Liège de sept orfrois, hysloriés
tout au long de ta vie dud'- sainct, et achetés lll^ LX 1., au brodeur bruxel-
lois, Jehan Marchant, à mettre sur quattre cappes, une casuhle et les habitz
de dyacre et soubdyacre. En 1443, les abbé, religieux et couvent de Saint-
Bavon, à Gand, réclamoient la meilleure robe (nommée la robe aux cardons),
que leur avoil léguée madame Michielle (de France, l«"e femme de Philippe-le-
Bon, morte en 1422), ainsi qu'un drap d'or qu'ilz prestèrent pour couvrir
son corps, le jour que l'on l'amena pour enterrer en leurd''" église. VArt de
vérifier les dates (t. XI, p. 91), dit que celle princesse, morte à Sainl-Bavon,
près de Gand, le 8 juillet 1422, fut inhumée à la Chartreuse de Dijon. —
En 1467, Charles-le-Téméraire faisait placer sur la sépulture d'Antoine de
la Plalière, tué au siège de Saintron, et inhumé à Louvain, dans l'église
Saint-Pierre, une tombe de marbre, couverte de latton. — En 1508, Loys
Ocquin, pbre, chanoine de Sainte Goules (Gudule), de Brouzelle, et aulmon-
nier de Marguerite d'Autriche, ordonne par son testament que, ou mylieu de
sa tombe soit imprimé ung calice, et, en rondeau d'ycelluy escript : spes meu
in Deo es! il lègue deux draps bordez de drap d'or, servans à mectre en lieu
de tableau, l'un devant et au-dessus de l'autel, et l'autre au bas et devant l'au-
tel, tous de damas blans.
(2) Voy. M. le comte de Laborde, ouvr. cit., t. I, p. 477.
— 228 —
de certaine eau , que préparait madame de Chimay, Guiron , poursuivant
d'armes, recevoit ordre de se rendre en toute hâte auprès de la bonne châ-
telaine, soit à Chimay ou ailleurs, quelque part qu'elle fust, pour avoir et
recouvrer d'elle certaine eau, nécessaire pour faire médecine pour la personne
de MS.
Près de trente ans auparavant (145i), le duc avait accordé VI 1. XVI s. à
plusieurs phisiciens de Paris, pour la collacion par eulx faicle sur et pour le
remède cl guérison du mal de dens (1), que madame de Bourgoigne a eu aud.
lieu de Paris.
Ajoutons que le comptable a grand soin de porter en dépense les IIII s.
qu'il a déboursés pour une fiole à mettre l'eaue pour envoler à mad'« dame
la boueste qui la contenait, et le cotton.
Certaines pierres précieuses passaient aussi pour des spécifiques merveil-
leux, telle celle que le bâtard de Chantcmelle, huissier d'armes de Philippe-
le-Bon, allait hastivement demander à la dame de Ruffroy (14-20), pour
garir l'œul de mess. Jehan de Luxembourg, qui avoit lors este, naguaires,
blecié (2).
Philippe-le-Bon consultait aussi ses habiles médecins et les savants de sa
cour, alors qu'il voulait faire pourtraire certaines animaux rares, ou les
monstres (3) qu'on s'empressait d'amener â sa cour.
Nous voyons, en effet, que XVHI s. sont accordés (1457) au peintre Colart
(1) Tertuliien pensait que les dents des morts étaient des substances in-
corruptibles, que Dieu se réservait comme une espèce de graine ou de
semence, pour faire regermer les corps, décomposés par la putréfaction.
« Constat non tantum ossa, verum et dentés incorruptos perennare, qui ut
semina retinentur fructificaturi corporis in resurreelione. >>(/)c resur. earnis).
— Ce préjugé avait été transmis par les payens aux chrétiens; car les Ro-
mains ne brillaient pas les corps des enfants morts avant la pose des dents,
et on les appelait pour cela minores igné rogi.
(2) Au château d'Alibandière (Voy. P. de Fenin, p. loi, éd. M"« Dupont;
Monstrelet).
(5) En 1314, Jehan Annocque (Voy. M. Le Glay, Lettres de Marguerite,
t. H, p. 159) envoie à Marguerite la figure d'ung monstre, né prez de Bo-
logne, lequel a esté baptisé à Bologne, en présence et à la maison du légat,
nommé le cardinal de Grasses, lequel a fait portraire Icd. monstre, et envoyé
à Nostre Saint Père. « De vous escripre, ajoute-t-il, tout ce qu'on dist. dud.
«monstre et aultres, car toutz les ytalez sont plain, ceste an, de semblables
«monstrez, je ne le saroye escripre en dix jours. »
239
Alon (1), pour son sallaire d'avoir paint XVIIl pourlraiclures de certain
poisson (2), qui avait esté prins au port de Venise.
En 1461, Van Bergel, serviteur d'Englebert Nyt, maréchal du duché de
Gueldres, se rendait à Bruxelles, pour faire hommage à Philippe, au nom de
son maître, d.\ine eslrange besle, laquelle, dit le comptable, par la moictié et
devant de son corps, porte la forme et figure d'un beuf, et, par la partie de
derrière, forme de serf.
La dernière année de sa vie, le duc faisait donner IllI pieters d'or, val.
IIII 1., à certains compaignons estraigniers, qui avaient apporté et amené
à Brouxellez des bcstes bien estraignes et sauvaiges, qu'ils menoient par le
pals, et ycclles montré à ycellui seigneur.
Les maîtres de chapelle les plus estimés avaient aussi une large part aux
courtoisies du duc et à celles du comte de Charoiois, puisque, en 1457, ce
dernier faisait payer LXXII s., à Morisses de Haac, escripvain de livres, à
Bruges, pour avoir loyé en cuir de cherf et en parchemin, deux livres de
chant.
Il est vrai que le comte, qui tenait beaucoup h avoir d'excellents chantres,
se montrait toujours généreux envers ceux qui lui faisaient hommage des
antiphoniers qu'ils avaient notés. Ainsi, cette même année, ung pourc pbre
hollandois, qui lui apporte des livres de chant, reçoit X fr., val. VIII I., et
11 fait donner IIII 1. ù ung poure clerc escochois qui, autresfois, lui avoit
aporté de la musique, et s'en aloit à Rome.
Aussi magnifique envers les musiciens, le comte accordait (1457; II florins
de Rin, de XL s., à Jchannin Le Blancq, de Gand, aveugle, jouant sur les
doubles fleutes, lequel estoit venu par aucuns jours jouer devant lui, à la
feste de Bruges.
Pour ces flûtes, presque toujours en ivoire, on s'adressait, d'ordinaire, aux
habiles ivoiriers de Bruges ou de Gand.
En 1467, c'est Rogier De Buy, ménestrel, que Philippe-le-Bon, peu de
jours avant son décès, charge de faire fabriquer, à Gand, par Jehan de Bo-
schere, certaines fleutes d'ivoire (5).
(1) En 1421, le duc faisait porter lettres closes de Gand à Courtray devers
les prévosl et eschevins dud' lieu et les hault pointres (sic) de la chastellenie
de Courtray.
(2) En 1461, le duc faisait venir du Luxembourg certaines poissons, ap-
pelés moucherons, lances, utnbres.
(ô) Cette même année, Jehan Noblet, tourneur d'ivoire brugeois, fait
payer XXVIII I. XVI s. ung tablier dcschez.
— 230 —
Bruges jouissait depuis longtemps d'une si haute réputation à cet égard,
que les souverains étrangers eux-mêmes s'adressaient à ses facteurs d'in-
struments. Ainsi, en 142G, le Brugeois Loys Willay recevait XXXI 1. illl s.,
de XL gros la liv., pour quatre grans instrumens de ménestrelz, quatre
douchaines et quatre fleutes, tous garniz d'estuis de cuir et de coffres, in-
strumens que le duc vouloit envoyer au marquis de Ferrare (1).
Anvers (2) possédait aussi de célèbres facteurs d'orgues; car, en 1430, c'est
à Guy, facteur d'orgues de cette ville (3), que le duc confie la restauration
du jeu d'orgues de sa chapelle de Hesdin (4). Fort longtemps après (1437),
ce prince appelait à Bruges Jehan de Sleenken, dit de Aren, maistre d'or-
gues, jouans par elles (5).
De la Fons-Mélicocq.
Table chrojîologiqde des chartes lt diplômes imprimes concernant l'histoire
DE la Belgique. — Par arrêté royal du 8 décembre 1857, le Gouvernement
avait confié à la commission royale d'histoire, le soin de reunir les matériaux
d'une table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'his-
toire de la Belgique. Ce travail fut plusieurs fois suspendu et repris. En
1854, après huit années d'interruption, feu M^ Emile Gachet, chef du bureau
paléographique, fut chargé, d'après une dépêche ministérielle, et en confor-
(1) Nicolas ni [Art de vérifier les dates, t. XVII, p. 402).
(2) Voy. les Arcli. du Nord de la France, 5e série, t. V, p. 64.
(5) Au Xllh siècle, plusieurs bulles et certaines lettres épiscopales furent
lancées pour régler les points d'orgues, les lignes musicales, les accords à
trois voix, le chant organisé ou déchant. — Jean XXII défendit d'user dans
rofiice d'autre musique que celle qui était composée sur le chant simple de
l'église {Extra., 1. 5, lit. 1). — Aëlrede, abbé de Bieval, qui vivait du temps
de saint Bernard, se plaignait ainsi qu'il suit, de tous les instruments qu'on
avait introduits dans le chant et dans la musique, depuis que l'église avait
été purifiée des figures et des ombres de la synagogue : ad quid terrihilis ille
follium slalus toniirui polius fragorem quam vocis exprimens suavilalem; ad
quid illa vocis contractio et infraclio ? Iiin succinit, ille discinil, aller super-
cinit, alter mcdias quasdam notas dividil et incidil; nune vox stringitur, nunc
frangitur, nunc impingtlur, nunc dijfasiori sonilu dilatalur; aliquando virili
vtgorc deposito, in fœminœ vocis gracilitate acuilur (Lib. 2, Specul., cap. 25).
(4) En 1464, Jehan Polart vient présenter au duc, alors à Ilesdin, ung
baston de plaisance, qu'il a ouvré de sa main bien plaisamment, et reçoit
Mil 1. XVI s.
(5) Louis XI avait fait faire par l'abbé de Baigne un ingénieux orgue de
pourceaux de divers âges, qu'on piquait comme des touches dun clavier (Bou-
ciiet, Ann. d'Aquitaine, part, i', chap. 9;.
— 251 —
mité du règlement de ce bureau, de rassembler et mettre en ordre tous les
bulletins rédigés, et de s'assurer si les ouvrages qui en avaient fourni la ma-
tière se trouvaient complètement dépouillés. La commission lui demanda en
même temps un rapport qui lui permît d'apprécier les résultats de ce dépouil-
lement. M. Cachet constata la présence de 10,131 bulletins. La même année,
M. le Ministre de l'intérieur, sur la proposition de la commission, nomma,
pour continuer la rédaction de la table, MM. Adolphe Van Rossum et Ernest
Van Bruyssel, attachés au bureau paléographique. Pendant les six premiers
mois de 1853, MM. Van Rossum et Van Bruyssel firent 4,410 bulletins M. Van
Rossum seul en fit 2,381 pendant le deuxième semestre de l'année 1833, et
873 en 1836. Le nombre total des bulletins avait donc été porté, au commen-
cement de 1837, à plus de 2i,000. Le dépouillement fut discontinué alors,
parce qu'on jugea nécessaire, avant de le poursuivre, d'attendre que le chef
du bureau paléographique eût coordonné cette masse énorme des bulletins.
Malheureusement, la maladie, qui depuis longtemps déjà minait ce savant,
l'emporta avant qu'il eut pu mettre la main a l'œuvre.
La commission ayant renoncé de lui donner un successeur, a chargé M. Al-
phonse Wauters, archiviste de la ville de Bruxelles, de revoir les bulletins,
de les fondre chronologiquement, et ensuite de les livrer à l'impression, sous
la surveillance de la commission. Après que celte première table aura vu le
jour, les travaux de dépouillement seront repris, pour former la matière d'un
second ouvrage du môme genre.
Nous félicitons la commission de la résolution qu'elle vient de prendre, et
qui aura pour résultat, nous l'espérons, de mettre bientôt à la disposition du
public, un recueil dont la publication est attendue depuis longtemps avec
une légitime impatience. Nous regrettons cependant, et nos regrets seront
partagés par toutes les personnes qui s'occupent d'études historiques, que la
commission n'ait pas jugé utile de faire faire à une table chronologique des
chartes et diplômes inédits, qui existent en si grand nombre dans nos dépôts
publics. Sans méconnaître l'importance et l'utilité du travail que la com-
mission a entrepris, nous pensons qu'un recueil dans le genre de celui dont
nous provoquons la publication, serait accueilli avec d'autant plus de faveur,
que beaucoup de savants ignorent les richesses que renferment nos dépôts
de chartes.
Inhumation des restes de Marguerite d'Autriche. — Nous avons reproduit
dans ce recueil (1837, pp. .573 et suiv.), le procès-verbal de l'ouverture du
tombeau de Marguerite d'Autriche, de Philibert le Beau et de Marguerite de
Bourbon, élevé dans l'église de Brou. La commission chargée de présider à
— 252 —
l'ouverture de cette tombe avait décidé que les restes des deux princesses,
après avoir été soigneusement recueillies et déposées dans deux cercueils dis-
tincts, seraient replacées dans le caveau, aussitôt que celui-ci aurait été re-
stauré par les soins de M. Dupasquier, architecte diocésain. Cette cérémonie
vient d'avoir lieu. Nous lisons à ce sujet dans le Journal de l'Ain du 6 juillet :
a Une grande cérémonie a eu lieu aujourd'hui dans la splendide église de
Brou, pour la fermeture définitive des caveaux renfermant les restes de Phi-
libert le Beau, de Marguerite de Bourbon et de Marguerite d'Autriche.
« Le 2 décembre 1856, on avait solennellement déposé dans des cercueils
provisoires les restes des deux princesses. Le cercueil de Philibert le Beau
était resté intact avec ses belles inscriptions gravée en relief sur la partie su-
périeure. Ces trois cercueils avaient été découverts dans un caveau pratiqué
sous le mausolée du prince, c'était l'intention de la digne fondatrice de reposer
dans un seul et même caveau, â côté de ces êtres chéris. Ce caveau a donc été
complètement restauré sous la direction de M. Dupasquier, architecte diocé-
sain, et il s'agit aujourd'hui de replacer les trois cercueils sur une solide table
de marbre préparée à cet effet et dans l'ordre primitif.
« Par les soins du préfet de l'Ain et de la commission des tombes ducales,
tout a été accompli avec un respect religieux. Les cercueils en bois des deux
princesses ont été placés dans des cercueils en plomb soudés avec solidité,
et la cérémonie d'aujourd'hui vient clore la série des actes accomplis. »
L'Echo archéologique de l'Allemagne, pcblié par M. A. Namcr. — M. le
Dr A. Namur, professeur-bibliothécaire à l'Athénée et conservateur-secrétaire
de la Société archéologique du grand-duché du Luxembourg, se propose de
faire paraiire, aussitôt que le nombre des souscripteurs sera suffisant pour en
couvrir les frais, un recueil périodique, sous le titre de : L'Echo archéologique
de i Allemagne, destiné à faire mieux connaître les travaux d'archéologie qui
se publient en Allemagne et en France. L'extrait suivant du prospectus que
M. Namur vient de lancer, fait connaître le but de celle publication, elles
besoins auxquels Tédileur a en vue de satisfaire.
« L'Archéologie est une de ces sciences qui ont plus que toute autre be-
soin d'une étude comparative.
» Pour apprécier à sa juste valeur, sous le rapport artistique et ethno-
graphique, l'état des Gaules avant, pendant et immédiatement après la
domination des Romains, il importe d'étudier, en les comparant entr'eux, les
monuments de tout genre que recèle le sol des différents pays qui autrefois
faisaient partie de ce vaste empire.
» L'Allemagne, la France et les pays limitrophes produisent un nombre de
— 233 —
plus en plus considérable de publications, de monographies, dans lesquelles
on essaie d'interpréter et de faire connaître les souvenirs de rantiquilé que
Ion parvient à dévoiler; partout nous voyons se former des associa lions
dans le but de rechercher, de conserver et dcludier ces souvenirs, pour les
utiliser dans les travaux généraux dhistoire. Ces associations ont bien com-
pris qu'elles ne peuvent pas rester isolées; qu'il doit se former entre elles des
relations qui leur permettent de travailler d'un commun accord et d'après
les mêmes bases à une œuvre commune.
» Certes, les congrès archéologiques de l'Allemagne et de la France contri-
buent efficacement à consolider ces relations internationales; mais maluré
tous les efforts qui sont faits, nous voyons à regret que les nombreux sa-
vants, qui sont appelés à éclairer les différentes questions générales de
l'archéologie des Gaules, ne tiennent pas assez compte de ce que font leurs
voisins.
» Bien que l'archéologie soit cosmopolite et ne se trouve restreinte dans
aucune autre limite que dans celle de la science, nous voyons que bien des
productions intéressantes de l'Allemagne restent presqu'entièrement ignorées
en France, et que les publications françaises ont presque autant de peine à
passer les frontières de l'Allemagne. L'unique motif nous semble en être
l'ignorance des langues respectives.
» Pour aider à populariser les écrits de l'Allemagne qui peuvent intéresser
les archéologues de la France, nous croyons rendre service à la science et
à ses adeptes, en résumant dans les livraisons périodiques les travaux qui
concernent l'Allemagne aux époques celtique, gallo-romaine et gallo-franque.
L'Echo archéolof/iqtie qui nous servira d'organe comprendra :
1» Des résumés, des traductions des travaux les plus importants.
2° Une analyse plus ou moins détaillée des publications de sociétés archéo-
logiques et historiques allemandes.
5» Une notice sur les sociétés savantes qui nous fourniront les matériaux.
4" Des planches lithographiées reproduisant les principaux monuments
dont il sera fait mention.
5" Un catalogue des nouvelles productions de l'Allemagne dans les difl'é-
rentes parties du domaine de l'archéologie, aux trois époques sus-mention-
nées.
L'Echo archéologique paraîtra en quatre livraisons d'un nombre indéter-
miné de feuilles, formant par an un volume d'au moins vingt-quatre feuilles
in-8".
M commencera de paraître dès que les souscriptions couvriront les frais de
publication.
16
— 554 —
Le prix de souscription par an est de 12 francs pour le Grand-Duché et
de 15 francs pour l'étranger, port compris. Si le nombre des souscripteurs
s'élève à 150 ou au delà, ce prix sera réduit à fr. 10 et 15.
Pour s'abonner on peut s'adresser à la rédaction de l'Echo ou à M''
V. Bûck, libraire-imprimeur, éditeur de l'Echo, et à Tétranger, au libraire
de sa localité.
Itinéraire de Lille a Jérusalem de 1G12, par Jacques Fauqcemberghe. —
Dans une des dernières séances de la Société impériale des Sciences, de
l'Agriculture et des Arts de Lille, M. Le Glay a entretenu la société d'un
manuscrit dont il est possesseur et qui a pour litre .• Itinéraire de Lille à Jé-
rusalem. L'auteur, Jacques Fauquemberglie, né à Lille en 1391, entra dans
l'état ecclésiastique et devint chapelain-sous-chantre de la collégiale de Saint-
Pierre. De bonne heure il conçut le projet de faire le voyage de la Terre-
Sainte. Sa mère, à qui il confia celte intention, le conjura de ne point partir
tant qu'elle vivrait. Il le promit et tint parole. Or, la bonne mère mourut le
9 juin 1611. Après l'accomplissement des devoirs de piété filiale, Fauquem-
berglie songea à accomplir son pèlerinage tant différé. Bientôt six autres
habitants de Lille s'associèrent ù lui et on partit le 12 janvier ICI 2. Cette
grande excursion s'accomplit sans encombre, et le 19 août il rentrait à Lille,
au milieu des félicitations de ses concitoyens, qui avaient déjà rangé nos
pèlerins parmi les buveurs d'cauc salée.
Vllincraire de Jérusalem forme un volume pet. in-i" de 212 pages. Il est
divisé en quatre livres ainsi intitulés : Livre I, contenant les choses de remar-
que depuis nosire déparlement de Lille jusques à la susdite ville de Jérusalem.
Livre 11, contenant les Lieux Saints qui se voient tant au dedcns qu allenviron
des saincles citez et bourgades de Jérusalem, Bethléem, Béthanie et montaignes
de Judée. Livre III, contenant ce qu'avons veu et remarqué et qui s'est passé
depuis nostre département de Jérusalem jusques à la ville de Rome. Livre IV,
contenant les remarques tant de la ville de Home que de Lorctle et les autres
villes jusques à la ville de Lille.
A la fin du manuscrit, on trouve une liste nominative de cinquante pèlerins
lillois qui ont accompli le voyage de Terre-Sainte depuis Tannée 1549 jus-
qu'en 1622, puis d'autres détails curieux sur la valeur des monnaies usitées
dans les états et villes par où notre voyageur a passé, avec une nomencla-
ture des distances de Heu à autre pour l'aller et le retour. Jacques Fauquem-
berghe est mort à Lille, en 1641, et fut inhumé dans le chœur même de
lèglisc Saint-Pierre, devant l'autel Saint-Thomas de Cantorbery.
— 255 —
Réunion de la Société archéologique de France. — La Société archéolo-
gique de France annonce que sa prochaine réunion aura lieu dans le courant
du mois de juillet, à Cambrai, et que des facilités ont été accordées sur le
chemin de fer aux savants qui désirent sy rendre.
Vente du cabinet de feu M. Borluut de Noortdonck. — Le 19 juillet et
jours suivants a eu lieu à Gand la vente de la deuxième partie de la riche
bibliothèque de feu M. Borluut de Noortdonck. Cette vente, comme la pre-
mière, avait attiré un grand concours d'amateurs, parmi lesquels on remar-
quait les bibliophiles les plus distingués du pays et l'élite des libraires de la
France, de l'Angleterre, de la Hollande, de la Belgique, etc. Au nombre de
ces derniers, nous citerons MM. Boone de Londres, Potier, Porquet, Slesin-
ger, Baillicu, Gouin, etc., de Paris, Le Leu de Lille, Ternas de Douai, Van
Baalen de Rotterdam, Nyhof de La Haye, Muller d'Amsterdam, Heussner de
Bruxelles, Brias de Malines, etc. La Bibliothèque royale et le Musée de
Bruxelles étaient respectivement représentés par MM. Ruelens et Stienon,
celle de Gand par M. le B"" de Saint-Génois, et celle du Roi et des Princes
par M. Scheler.
A cette vente, comme à la première, les beaux livres ont été vivement
disputés, et vendus à des prix extrêmement élevés. Nous avons remarqué avec
satisfaction que, malgré leurs hauts prix, bon nombre d'ouvrages impor-
tants ont été acquis par nos amateurs, entre autres par MM. Pieters-Morel,
Vergauwen , De Meyer, Ferd. Van der Haeghen , Serrure , Goedtghebuer,
Ch. de Loose, de Gbellinck de Walle, de Gand, Vercruyssen et Bruneel de
Courtray, Nuyts et Goethals de Bruxelles, etc., et que nos dépôts publics se
sont enrichis, non sans de grands sacrifices, de quelques volumes précieux,
qui étaient ardemment convoités par l'étranger. C'est ainsi que M. le Bon de
Saint-Génois a acheté, pour le dépôt confié à sa garde, au prix de 1210 fr.
la Grande Paléographie universelle de Silvestre, magnifique publication en
quatre volumes grand in-folio, ornée d'un nombre considérable de fac-similé
d'écritures de tous les peuples et de tous les temps, tirés des plus authenti-
ques documents de l'art graphique, chartes et manuscrits existants dans les
archives et les bibliothèques de France, d'Allemagne et d'Angleterre. La
Bibliothèque royale de Bruxelles possède également un exemplaire de cet
ouvrage somptueux; ce sont, croyons-nous, les seuls qui existent en Bel-
gique.
La vente a produit au-delà de 50,000 fr. Le chiffre de la première ayant
été d'environ 90,000 fr., la bibliothèque de M. Borluut a donc produit une
somme totale de près de 1 i0,000 fr. C'est là un résultat qui a dépassé toutes
— 23G —
les prévisions, et qui doit être attribué à la richesse de la collection autant
qu'à la réputation dont elle jouissait dans le pays et à l'étranger.
Nous regrettons que la place dont nous disposons ne nous permette
pas de donner les prix des principales adjudications; ils seront d'ailleurs
publiés séparément dans une brochure destinée à faire suite au catalogue.
Société libre d'Emulation de Liège podr l'ekcouragement des Lettres, des
Sciences et des Arts. — Programme des questions de Littérature et des Beaux-
Arts, mises au concours.
Première question. — Eloge académique du prince Velbruck, fondateur de
la Société libre d'Emulation de Liège. — Prix : une médaille en or de la
valeur de 300 francs.
Deuxième question. — Histoire de la peinture liégeoise depuis les frères
Yan Eyck jusqu'à la fin du dix-huitième siècle. — Prix Dewandre : une mé-
daille en or de la valeur de 300 francs.
Troisième question. — Tracer le tableau de la société liégeoise au dix-
huitième siècle. — Prix .- une médaille en or de la valeur de 300 francs.
Quatrième question. — Elude sur la vie et les travaux de Frédéric Rouve-
roy. — Prix Dewandre : une médaille en or de la valeur de 200 francs.
Cinquième question. — Une pièce de vers sur un sujet national. — Prix :
une médaille en or de la valeur de 200 francs.
Sixième question. — Une nouvelle en prose, — Prix : une médaille en or
de la valeur de 100 francs.
Les mémoires qui seront soumis au concours devront être adressés, franc
de port, au secrétaire-général de la Société, avant le 30 septembre 1839,
terme de rigueur; ils porteront une épigraphe ou devise répétée dans un bil-
let qui indiquera le nom et l'adresse de l'auteur. Ce billet ue sera ouvert que
dans les cas où le mémoire aurait été jugé digne d'un prix ou d'une mention
honorable, sinon il sera brûlé publiquement, séance tenante. Les concur-
rents qui se feraient connaître à l'avance seront exclus du concours.
La Société ne rendra aucun des manuscrits qui lui seront adressés : toute-
fois les auteurs auront la faculté de faire prendre des copies sans déplacement.
Académie royale de Belgique. — Classe des Lettres. — Résultat du Concours
de 1858. — La classe des Lettres avait mis au concours sept questions sur
différents sujets littéraires, et une huitième concernant le lieu de naissance
de Charlemagne. Les pièces suivantes ont été reçues par l'Académie.
Première question. — « Etablir la véritable origine du droit de succession.
Rechercher si ce mode de transmission découle de la nature des choses ou
— 257 —
s'il n'est qu'un établissement créé dans un but d'utilité civile. Exposer la doc-
trine des principaux auteurs qui ont traité cette question; proposer une so-
lution motivée. »
11 est arrivé deux mémoires, portant les inscriptions :
N" I. L'esprit politique d'une société se peint dans sa loi successorale.
(Troplonc).
N" 2. Patet testamenla esse j'uris naluralis.
(Wolf).
Les juges étaient MM. Ch. Faider, Grandgagnage et Arendt. D'après le ju-
gement des commissaires, adopté par la classe, une médaille d'or a été dé-
cernée à l'auteur du mémoire N" 2; l'ouverture du billet cacheté a fait con-
naître que l'auteur est M. François Gabba, de Milan; une médaille d'argent
a été accordée à M. Paul Voituron, avocat à la cour d'appel de Gand, auteur
du mémoire N» 1.
« Comme forme, comme style, dit M. Faider, le mémoire N» 1 laisse peu
de chose à désirer. Pour le fond, il renferme des principes justes, raisonna-
bles, pratiques, à côté de données inadmissibles qui sont pure utopie, qui
constituent des éléments de doctrine que l'Académie ne saurait ap-
prouver. »
Après avoir analysé le travail de M. Voituron, et en avoir fait ressortir le
mérite ainsi que les défauts, le rapporteur conclut de la manière suivante :
« Au reste, je rends hommage à Télude consciencieuse que l'auteur a faite de
son sujet, à une foule d'idées justes sur la propriété, à l'origine, à la nature,
au fondement de laquelle il a consacré de belles pages; il y rattache le droit
de famille et les droits de succession, le tout comme expression, comme éma-
nation du droit naturel, du droit antérieur. — J'approuve en termes géné-
raux les théories de l'auteur à cet égard; mais on comprend que, comme
application, une foule d'idées erronées ou de solutions fausses puissent être
produites, et c'est sous ce dernier rapport que nous voyons faillir l'auteur :
nous sommes donc amené à ne lui assigner que le second rang. »
Deuxième question. — Eloquence française : — « De l'influence de la civi-
lisation sur la poésie. «
Trois mémoires étaient envoyées à l'Académie. Les commissaires étaient
MM. De Decker, Devaux et Polain. A la suite d'une discussion approfondie,
la classe a décerné la médaille d'or à l'auteur du mémoire n" I, en expri-
mant le désir de voir compléter le travail.
L'auteur du mémoire couronné est M. Ferdinand Loisc, docteur en jjhilo-
sophie et lettres, professeur de poésie au collège de Tongrcs
Troisième question. — « Quelle a été l'influence littéraire, morale et iiolili-
— 238 —
que, des sociétés et des chambres de rhétorique dans les dix-sept provinces
des Pays-Bas et le pays de Liège? »
Deux mémoires avaient été adressés à la classe. Conformément aux con-
clusions de ses commissaires, MM. Snellaert, Bo» de Saint-Génois et David,
l'Académie exprime le regret de ne pouvoir décerner de récompense.
Concours extraordinaire. — « Cliarlemagne est-il né dans la province de
Liège? »
L'Académie avait reçu deux mémoires, dont Texamen a donné lieu à un
rapport remarquable de M. Kervyn de Letlenhove, dans lequel le savant aca-
démicien discute avec sa sagacité habituelle les témoignages des annalistes
du moyen-âge, et fait clairement entrevoir la possibilité de résoudre la ques-
tion proposée dans un sens favorable à la Belgique. Nous regrettons que la
place dont nous disposons, ne nous permette pas de reproduire les pages
intéressantes de M. Kervyn de Lettenhove.
Les opinions des commissaires, MM, De Ram, Kervyn de Lettenhove et
Schayes, étaient assez divergentes. Après une discussion, à laquelle ont pris
part MM. Polain et Arendt, il a été décidé qu'aucune récompense ne pouvait
être accordée; seulement l'auteur du travail portant pour épigraphe : Enl-
zwei, Entzwei, etc., a été invité à se faire connaître.
AcâDÉMIE ROYALE DES SclENCES, DES LETTRES ET DES BeAUX-ArTS DE BELGIQUE.
— Concours de 1859. — Dans sa séance du 7 juillet 1838, la classe des Let-
tres et des Sciences morales et politiques a arrêté son programme de concours
pour l'année 1859.
Première question. — <■ Quelle a été l'influence littéraire, morale et poli-
tique des sociétés et des chambres de rhétorique dans les dix-sept provinces
des Pays-Bas et le pays de Liège?»
Outre la médaille académique, le lauréat du concours recevra de la Société
royale de Wyngaerd, une médaille en vermeil.
Seconde question. — « Faire l'histoire, au choix des concurrents, de Tun
de ces conseils : le grand conseil de Malines, le conseil de Brabant, le con-
seil de Flandre. »
Troisième qtiestion, — « Faire sommairement l'histoire des doctrines qui
ont influé sur l'état social, principalement en Belgique, depuis le commence-
ment du XVI« siècle, jusqu'à nos jours. »
Quatrième question. — « Quels ont été les rapports entre la langue thioise
(flamande) et la littérature française pendant le XII^, le Xlll^ et le XIV'' siè-
cle, et quelle est l'influence que l'une a exercée sur le développement de
l'autre? »
— 259 —
Cinquième question. — « Tracer un tableau historique et politique du
règne de Jean I'^'', duc de Brabant. »
L'auteur devra surtout faire connaître ce règne sous le rapport de la lé-
gislation, du commerce, des lettres et des arts.
Sixième question. — « Faire un exposé historique de l'ancienne constitu-
tion brabançonne, connue sous le nom de Joyeuse-Entrée. Indiquer ses ori-
gines et apprécier les principes (jui y ont toujours été conservés, ainsi que les
changements qui y ont été apportés. »
La classe inscrit, dès à présent, dans son programme de concours de Tan-
née 1860, les questions suivantes :
Première question. — « Quelles sont les localités des dix-sept provinces
des Pays-Bas et du pays de Liège, où l'on a frappé monnaie, depuis l'invasion
des Franks jusqu'à l'émancipation des grands feudataires. »
Décrire ces diverses monnaies et en discuter l'attribution au besoin.
Deuxième question. — « Quelles sont les applications utiles et pratiques du
principe de l'association, pour l'amélioration du sort des classes ouvrière et
indigente? »
Troisième question. — « Faire l'histoire de l'ordre des Templiers en Bel-
gique. »
Quatrième question. — Prix d'éloquence flamande. — « L'éloge de Cats,
au point de vue de l'influence exercée par cet écrivain sur la littérature fla-
mande. »
Le prix, pour chacune de ces questions, sera une médaille d'or de la valeur
de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement en latin,
en français ou en flamand, et seront adressés, francs de port, à M^ Ad.
Quetelct, secrétaire perpétuel. Ils seront envoyés, pour les six premières
questions, avant le l^r février 1859, et, pour les deux dernières, avant le
If février 1860.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations et demande,
à cet efl"et, que les auteurs indiquent les éditions et les pages des livres qu'ils
citeront. On n'admettra que des planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage, mais seulement
une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et
leur adresse. Les ouvrages remis après le terme prescrit ou ceux dont les
auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus
du concours.
Concours extraordinaire. — La famille carlovingienne est une famille es-
sentiellement belge et même liégeoise. Celte origine n'est cependant pas suf-
— 240 —
fisammenl constatée : français ou allemands, les historiens qui ont traité
celle importante question des annales du moyen-àge, ont cédé à llnfluence
du sentiment national, et vu, dans la glorification de Charleraagne et de ses
illustres ancêtres, la glorification de l'un ou de l'autre des deux grands peu-
ples qui nous avoisinenl. Désireuse d'obtenir un livre où les litres de notre
pays soient discutés avec impartialité, et sous lequel les faits soient envisagés
à un point de vue belge, l'Académie propose la question suivante :
« Exposer l'origine belge des Carlovingiens . Discuter les faits de leur his-
toire qui se rattachent à la Belgif/iie. »
Le prix institué pour cette question, par une personne qui désire garder
l'anonyme, se compose d'un capital de six mille six cents francs, inscrit au
nom de l'Académie, au grand livre de la dette publique belge à 2 1/2 p. c.,
et avec la jouissance des intérêts à partir du 1 "juillet 1836.
Les conditions du concours sont les mêmes que pour les concours ordi-
naires de l'Académie; les mémoires devront être rt;mis, francs de port, avant
le 1" février 1859.
— Ul —
art)ant0 Uturgiquea
D'ADAM DE LA BASSÉE,
CHANOINE 1)E L\ COLLÊCrALE DE SMNT-PIERRE, A MLLE,
AU XIII"' SIÈCLE.
On trouve à la bibliothèque de Lille, sous le n" 95, un
manuscrit commençant par ces mots : Ludus Adœ de
Basseia, canonici insulensis super Antidaudlanum. C'est
un petit in-folio sur parchemin de 46 feuillets, dont les
pages ont deux colonnes. Bien que par son écriture il
paraisse appartenir au XIV'= siècle, la composition de
l'ouvrage, ainsi que nous le constaterons plus bas, date
de la seconde moitié du XII^ (i).
Comme on le voit, l'auteur est un certain Adam, ori-
ginaire de la Bassée (2), et chanoine de la célèbre collé-
giale de Saint-Pierre, à Lille. Ce nom, à notre avis, mérite
certainement une place dans l'histoire littéraire de son
époque.
Quelques hommes érudils, tels que MM. Le Glay (3),
(1) Cf. Catalogue descriptif des manuscrits de la ville de Lille, par M. le
docteur Le Glay.
(2) Chef-lieu d'arrondissement et de canton (Nord), à 23 kil. S.-O. de
Lille.
(3) Mémoire sur les Archives du chapitre de Saint-Pierre à Lille, 1856,
p. 17.
17
— 242 —
(le Coussemaker (i) et Dupuis (2), ont, tout récenimenl,
accordé un instant d'attention à l'œuvre du chanoine de
Saint-Pierre; et, nous avons hâte de le dire, ce sont leurs
indications qui, au premier abord, ont motivé notre étude.
Toutefois, jusqu'à présent, le manuscrit en question n'a
fourni aucun travail isolé; aucun dictionnaire biographi-
que n'a mentionné le nom d'Adam de la Bassée. Voici ce
qu'on lit seulement dans l'Histoire littéraire de la France,
à l'endroit où il est question de VAntidaiidiamis, le célè-
bre poëme d'Alain de Lille : « Adam de la Bassée s'est
exercé sur ce même poëme, qu'il a abrégé et enrichi de
digressions morales, sous ce titre : Ludiis Adœ de Bas-
seyâ, etc.; son écrit commence ainsi : Solet dici : qui igné
indiget suo digito hune exquirit. IMais il n'a pas encore
été imprimé » (3).
Il paraît hors de doute que Dom Brial n'a eu ici, pour
tout renseignement, que la préface du P. Ch. de Wisch
en tète de VAntidaudianus. Celui-ci place vers l'an 1400
l'existence d'Adam de la Bassée, qu'il appelle « un homme
très-illustre dans son temps par sa science; » il signale,
en même temps deux exemplaires manuscrits de son Lu-
dus in Antidaudianiim, lesquels se trouvaient à la biblo-
thèque de Saint-Martin à Tournai (4). Sanderus en fait
(1) Notice sur les collections musicales de la bibliothèque de Cambrai et des
autres villes du déparlement du Nord. Paris, 1843, p. 170. — Histoire de
l'Harmonie au moyen âge, p. i-i et 96.
(2) Notice sur la vie, les écrits et les doctrines d'Alain de Lille (Méra. de la
Société des Sciences de Lille, année 1849).
(3) Tome XVI, article de J. J. (Dom) Brial, sur Alain de Lille.
(4) « Quod opus {Anticlaudianum) proindè taiiti fecit venerabilis Âdamus
de Basseyâ, canonicus Insulensis (vir suo tempore doctrinâ clarissimus, qui
circa annum 1400 vixisse creditur), ul illud ipsum tersis et politis versibus
in compendium redegerit, et hinc indu digressionibus moralibus doctissimis
diversisque odis spiritualibus illustravit. Quod opus ipseraet indigitavit :
Ludus Adœ de Basseyâ in Anliclaudianum ^l/'""' Alatii de Insulâ. Exstat MSS.
Tornaci, in monasterio Sancti Martini in duobus exemplaribus, quorum al-
Icrum habui. >> Alani insulensis opéra. Anvers, 1634.
— 2.43 —
également mention dans sa Bibiiolheca belyica; mais nous
ne savons ce que ces deux manuscrits sont devenus (i).
Ce titre de Liidus, donné par le chanoine de Saint-
Pierre à son ouvrage, pourrait faire penser à quelque jeu
dramatique, comme on en faisait beaucoup à cette époque;
mais il n'en est rien. C'est tout simplement une imitation
assez servile de l'AnticIaudien du Docteur universel. Ce
poëme était déjà devenu classique au XIII*' siècle; Alain
l'avait composé, selon la conjecture de Ch. de Wisch et
Bartlî, pour combattre les principes émis par Claudicn,
dans ses deux livres m Rufinum (2). C'est une composi-
tion à la fois mystique, philosophique et morale; divisée
en neuf chants et écrite en vers hexamètres. — La Nature,
voyant avec douleur la corruption de l'Nomme, se décide
à le reformer et à produire un type parfait de toutes les
qualités. Elle appelle les Vertus à son aide, et, sur leur
demande, elle députe la Sagesse (Phrotiesis, Prudence)
vers Dieu, pour lui demander une âme digne du nouvel
être perfectionné. Cette Vertu monte un char, à la forma-
lion duquel concourent les sept Arts libéraux, que les
cinq Sens, comme autant de chevaux, entraînent, et au-
quel la Raison sert de conducteur.
On s'élance vers le Ciel; on traverse les champs de l'es-
pace; enfin on touche au seuil de l'Empyrée, Là le char
s'arrête; la Raison ne trouve plus de route tracée, les
(1) Les MSS. de Saint-Marlin de Tournai ont été en partie achetés par
M. Arthur Dinaux, et en partie par Sir Philips, le célèbre amateur de Midle-
hill (Angleterre). Leurs collections néanmoins n'offrent aucune trace des
volumes en question; mais aussi Haenel {Catalogus cod. 3fSS., p. 875), fait
observer que les achats de Sir Philips, déposés chez un libraire hollandais,
n'ont pas été fidèlement gardés. Le Ludus d'Adam de la Bassée ne se trouve
non plus ni à la Bibliothèque impériale, ni à celle des Ducs de Bourgogne;
l'exemplaire de Lille est donc probablement unique.
(2) Jourdain : Recherches critiques sur l'âge et l'origine des traductions
latines d'Aristote. Paris, 1819.
244
coursiers ne veulent plus avancer. En ce moment apparaît
une jeune fille qui tire la Sagesse de sa perplexité; la
Théologie, car c'est elle dont il s'agit, prend la place de
la Raison et elle-même désormais guide le char. Plus les
deux Vierges s'élèvent vers le séjour de la divinité, plus
elles sont éblouies par les merveilles qui frappent leurs
regards. La Sagesse parvient enfin devant le trône de Dieu;
le Tout-Puissant l'exauce, lui accorde l'âme qu'elle de-
mande et elle redescend vers la terre. La Nature alors
forme le corps nouveau; la Concorde unit cette œuvre au
souflle divin, et toutes les Vertus se plaisent à la doter
chacune à son tour. Cependant le noir Enfer est instruit
de cette nouvelle création; dans sa fureur, il assemble
tous les Vices, qui volent au combat pour détruire le chef-
d'œuvre ennemi; mais l'homme nouveau les met en fuite
et la victoire vient couronner ses efl'orts.
Voilà, en deux mots, le sujet de l'Anliclaudien; sujet
sur lequel Adam de la Bassée a travaillé.
« C'est avec raison, dit M. Dupuis, que son ouvrage est
intitulé Ludus, délassement; car c'est une œuvre de pur
caprice. L'auteur nous apprend que l'ennui, l'absence de
toute distraction, l'ont porté à glaner dans le champ si ri-
che d'Alain Mais ce n'est pas là glaner, c'est imiter
textuellement; même sujet, même cadre; même dévelop-
pement, mêmes expressions souvent transportées de vers
hexamètres en prose rimée, voilà l'œuvre d'Adam. »
Les pièces que nous avons pris à tâche de publier, sont
destinées à montrer que la « prose rimée » du chanoine de
Saint-Pierre est loin d'être dépourvue de poésie; eu égard
surtout à l'époque où elle a été faite.
Déterminons auparavant cette époque.
Comme on vient de le voir, le P. de Wisch, et avec lui,
Sanderus, Leyser et autres, fixent à la fin du XIV'' siècle,
ou au commencement du XV% la date où Adam de la Bas-
— 245 —
sée aurait exécuté sa composition littéraire; M. Dupuis et
M. Le Glay prouvent qu'elle doit être reportée plus d'un
siècle auparavant; nous avons été assez heureux de trou-
vei une date précise, qui indique la mort de l'auteur, ar-
rivée le 25 février 1286 (i).
Or Adam avait entrepris son ouvrage pour faire diver-
sion aux douleurs de la maladie, dont la trop fréquente
apparition usait son existence. Il raconte lui-même, avec
un sentiment de tristesse résignée, que c'est là le principal
motif qui lui a fait prendre la plume. Nous aimons à citer
cette introduction de son poëme :
CAUSA LLDl EJUSDEM.
Cum, vei'is initio, Zephiras algorura
Proscriplor, fit germinum genilor et florum;
Fréquenter materies germinat morborutn
Florelque, dura pullulât pravitas humorum.
Tune ego praecipue solitus gravari,
Quandoque proposai, quatenus levari
Valerem, si saperem leviler jocari,
Intenlus opusculo placide traclari.
Sic rithmum conficere subditum temptavi
De pulchra materia plurimum sed gravi,
Confisus de Doruini munere suavi.
Qui grave de gravi tempérât sua vi..
(1) Cette date est fournie par la pièce suivante :
« 1306. — Mathieu le Wage et Béatrice de la Bassée, sa femme, fondèrent,
»en 1306, une autre chapelle au grand autel de la chapeUe, juxtâ aulam.
■•L'on régla néanmoins que le titulaire sera du chœur et de la jurisdiction
» de Saint-Pierre; que, par quelque autorité il en soit pourvu, il sera teuu
» d'assister aux offices de nuit et jour. On lui assigna une rente de vingt li-
»vres sur le fief de Perenchies, provenant d'Adam de la Bassée, chanoine de
» celle église, frère de la fondatrice. Ce chanoine, décédé le 23 février 1286,
» était connu dans la république des lettres par quelques ouvrages qu'il a
» laissés. .. (Extrait d'un volume MSS. intitulé : Annales de la collégiale de
Saint-Pierre de Lille, depuis sa fondation jusqu'à 1777. L'auteur dit avoir
rédigé ces annales sur des pièces authentiques; il était lui-même chanoine
de Saint-Pierre. — Ce volume existe à la bibliothèque de Lille, mais il a été
acquis après la publication du catalogue.
— 246 —
Vos aulein iniciuns dcprecor lectores,
Pro Deo corrigite nocuos errores;
Nam incus, quum verberum cruciant dolores,
Abhorret doloribus anxia labores (1).
Traduction. — Au début du printemps, quand Zéphyre, chas-
sant le froid, fait naître les bourgeons et les fleurs; souvent
aussi les mauvaises humeurs du corps, mises en mouvement,
font germer et éclore les maladies. — C'est surtout alors que
vient mon tour de souffrir. Or, pour alléger autant que pos-
sible mes douleurs, j'ai essayé si je ne pouvais pas me créer
un amusement calme par la composition d'un petit opuscule.
— Je me suis donc efforcé d'assujetir au rhythme un sujet beau
à la vérité, mais lourd pour mes forces; comptant sur la bé-
nigne assistance de Dieu, qui tempère ce qui est dificile. —
0 vous lecteurs! pour Dieu, je vous en prie, veuillez corriger
les fautes qui pourraient nuire à cet écrit; vous rappelant que
l'esprit, affaissé sous les coups des souffrances, subit avec peine
le joug du travail.
Il faut donc admettre que le Liidus in Antklaudianum
a été composé vers le milieu de la dernière moitié du
XIIP siècle.
Cela étant, nous renonçons, quoique à regret, à pré-
senter l'œuvre en son entier, pour nous en tenir seulement
à sa partie musicale et liturgique. C'est par là, en effet,
que l'auteur s'éloigne spécialement de son modèle, et se
crée une position différente de celle de simple imitateur,
A l'endroit du poëme de TAnticlaudien, où la Sagesse
et sa compagne la Théologie {Noys, rintelligence, dans
{{) Que ce soient là des vers ou de la prose rimée, le nom n"y fait rien.
Nous regardons cependant cette forme comme digne d'attention, d'autant
plus qu'elle se retrouve dans la poésie italienne, castillane et portugaise;
l'accent est ici placé partout sur la syllabe pénultième, comme dans les
vers eroici italiens. Il en est ainsi dans toute l'étendue du poëme, à l'excep-
tion toutefois des morceaux notés, où les grands vers n'ont que dix syllabes,
avec laccent placé sur la dernière syllabe; ce qui les rend encore sembla-
bles au genre de vers italiens appelés Ironci.
— 247 —
Adam de la Bassée), traversent les régions de TEmpyrée
pour arriver au trône de Dieu; à la vue des hiérarchies
célestes, des chœurs d'anges et des différentes catégories
de bienheureux, Alain de Lille sent la parole lui échap-
per. Comment chanter dignement ce qui fait reculer Ci-
céron, Virgile, Aristote et Plolemée eux-mêmes?
Tullius ipse silet, raucessit lingua Maronis,
Languet Aristoteles, Ptoloraœi sensus aberrat.
Le chanoine de Saint-Pierre est plus audacieux; et, en sa
qualité de chanoine apparemment, il s'empare du langage
de l'Eglise. En conséquence, il met ici dans la bouche de
ses deux personnages allégoriques une série d'Hymnes et
de Séquences, par lesquelles ils invoquent et célèbrent
successivement les Saints, les Anges, la Vierge Marie et le
Tout-Puissant lui-même.
D'autres chants encore parsèment l'ouvrage d'Adam :
ainsi, quand, dans le poënie, les sept Arts libéraux s'oc-
cupent de former le char qui doit emporter la Sagesse
dans le Ciel, il est naturel que la Musique chante en fa-
çonnant sa roue; notre auteur donc lui prête un Motet à
paroles fort graves, noté sur un air en vogue, dont il a
soin d'indiquer lui-même ce commencement : Quant voi
la flor paroir sur le ramel, ke le dous tans d'estet se
redarcist (i). Plus loin, à l'endroit où les Vertus déco-
rent tour à tour l'homme nouveau des attributs qui leur
sont propres à chacune d'elles, nous rencontrons des mo-
tets du même genre; mais, il faut en convenir, ces motets
ne sont guère remarquables que par les mélodies qui leur
sont appliquées.
Il en est tout autrement des Hymnes, Proses et Séquen-
(1) Celte chanson est de Sauvage (ou Salvage) de Béthune (Voir A. Dinaux,
Trouvères artésiens, p. 457).
— 248 —
ces mentionnées tout-à-l'heure, qui sont le principal objet
de celte publication; évidemment leurs formes littéraires
l'emportent de beaucoup sur la prose rimée du reste de
l'ouvrage.
Chacun sait que l'usage des Hymnes dans l'Église est
aussi ancien que l'Église même; que ces sortes de chants,
primitivement asservis au mètre poétique des Anciens,
n'ont pas tardé à prendre une forme spéciale, un rhythme
suî generis, affranchi des lois classiques de la prosodie,
mais retenant encore de celle-ci une forme caractéristique,
qui se manifeste surtout à la chute de chaque vers (i).
Plus tard cette Poétique du moyen âge domina en souve-
raine dans les nombreuses proses et séquences, qu'on vit
surtout devenir communes au XII'' siècle, à l'époque
d'Adam de Saint-Victor (2). Trois éléments la distin-
guent : 1° La cadence finale de chaque vers, grave ou
légère, déterminée par la quantité de la pénultième. 2° Le
nombre fixe des syllabes, où règne parfois la césure de
la versification moderne. 3" La rime. Ce dernier point
montre particulièrement quelle influence les proses de
nos églises ont exercée sur la perfection successive de la
poésie française.
C'est avec ces éléments que les chants liturgiques
d'Adam de la Bassée ont été composés. Quant à leur
style, il se ressent naturellement du goût de l'époque :
les jeux des mots, les oppositions d'idées avec les asson-
nances dans les termes, tout cela y sert de cadre aux
pensées les plus heureuses et les plus vraies; ce sont
(1) Cf. Dissertation sur la psalmodie, etc., par l'abbé Petit. Paris, 1853,
ch. VI, art, 5.
(2) Mort en 1177 d'après Ducange, entre 1175 et 1194. d'après Félibien
et Lobineau. On ne sait aucun détail sur sa vie. Ses proses, au nombre de
trente-sept, ont été recueillies par J. Clichtove, et publiées dans son Etuci-
datnrium ccclesiasticum. Bàle, 1369.
— 249 —
moius des produits lyriques que des prières; mais ces
prières liturgiques respirent souvent une poésie calme et
gracieuse, qui vient de l'âme et non des sens. En pré-
sence, par exemple, des pièces que nous donnons sous
les numéros X, XII et XIII, on n'hésitera pas, nous l'es-
pérons, à accorder à notre Adam la part qu'il aura prise
à la couronne de louanges, tressée par son siècle si poé-
tique en l'honneur de la Mère de Dieu; il suffit, pour
jusliGer ce droit, de réfléchir sur la beauté et la tournure
des idées exprimées dans les versets suivants :
Hsec est Stella matutina;
Hœc est rosa sine spina;
Haec est cella, qua divina
Latuit essentia.
Hsec est parens sine pare,
Virgo carens exemplarc;
Quae concepit sine mare
Maris prorsus nescia.
Les chants liturgiques d'Adam de la Bassée sont tous,
ainsi que nous le disions, écrits selon un rhylhme régu-
lier. Les hymnes adressées aux difTérents saints du ciel,
présentent en outre une particularité singulière : tandis
que les autres strophes sont mesurées et chantées à l'in-
star d'une hymne connue de l'Eglise, la première strophe
se compose partout de vers décasyllabiques, ayant une
hémistiche à la quatrième syllabe, et elle reçoit sa mélo-
die d'une chanson profane, du genre de celle que nous
venons d'indiquer plus haut. Nous donnons ici les pre-
mières paroles de quelques-unes de ces mélodies, telles
que l'auteur a eu soin de nous les transmettre : Tant ai
amors siervie longement. — Quand voi la g laie meure et
le rosier s'espanir (i). — Tant ai d'amours appris et en-
(1) Chanson de Raoul de Soissons (V. Poêles français, toni. Il, p. 43),
— 250 —
tendu. — De j'uer et de baler ne qiiie mais avoir talent.
— Laiitrier esloie montés sor mon palefroi ambiant, pas-
torale. — Et quant tou remir son cors le gai, motet. —
Qui grieve ma cointise se jou lai ce me font amouretes
eau cuer ai, chanson de danse. Deux ou trois de ces titres
ont été effacés; les autres n'ont pas été signalés sur le
manuscrit.
Ceci nous amène à dire un mot de l'intérêt musical
qu'offre le Ludus in Anticlaudianum.
Et d'abord tous les morceaux sont écrits en notation
proportionnelle, selon les règles qu'avaient données prin-
cipalement Francon de Cologne, Jérôme de Moravie et le
nommé Aristote; on y voit les trois sortes de notes répon-
dant aux trois valeurs temporaires alors admises. Le sys-
tème des ligatures s'y trouve développé dans toutes ses
particularités, et la plique y représente constamment une
ligature binaire, dont la seconde note (la note coulée) est
à un degré ou à un demi degré de la première. Il est
prouvé d'ailleurs que c'est selon la mesure ternaire que
cette sorte de notation doit être traduite ou exécutée;
mais, ce qui est curieux ici, c'est que les hymnes corres-
pondantes aux chants ordinaires du Veni creator, de VIste
confessor, etc., sont également en musique mesurée. Ne
serait-ce pas là un indice de la manière dont on chantait
au temps de notre auteur dans l'église collégiale de Saint-
Pierre? Un autre fait, non moins curieux, nous est fourni
par les mélodies profanes, dont il vient d'être question :
non seulement celte « musique vulgaire » (i) se distingue
du chant ecclésiastique, par un rhythme plus vif, plus for-
tement cadencé {2); mais elle semble même s'en éloigner
(1) Vulgaris musica. C'est le nom qui lui est donné par Ilucbald, pour la
distinguer du plain-chant, Gerbert, Sn-ipl., tom. I, p. 271, passage cité par
M. DE COUSSEMAKER.
(2) Voir spécialement les morceaux traduits sous les n»* 4 et 7.
— 251 —
par la tonalité, pour s'approcher de la tonalité moderne.
Nous citerons, comme renfermant le plus manifestement
ce caractère, les mélodies :
1° 0 constantiœ dignitas (n" 2), en ut majeur.
2° 0 qîiani solempnis (n° 6), presque entière en ut ma-
jeur, sauf les dernières mesures, où elle passe, au moyen
d'un si bémol, par le ton de la sous-dominante, pour finir
ensuite dans le ton de la dominante, sol majeur.
5° Nobiiitas ornata (n" 7) en ré mineur. Cet air de
danse a été cité par M. de Coussemaker, pour appuyer
les mêmes remarques au sujet des airs populaires de la
même époque (i).
Que celte disposition mélodique de notes, qui s'appel-
lent les unes les autres, ait dû entrer de bonne heure dans
les chants mondains et populaires, cela s'explique assez
par l'attrait qui devait résulter d'une musique plus vive,
plus sensuelle. Nous croyons cependant pouvoir repro-
duire ici une autre explication, que nous avons émise ail-
leurs : c'est que l'attraction vers un son principal — signe
caractéristique de la tonalité moderne — était naturellement
préparée par la partie instrumentale dont on accompagnait
alors la musique profane. On sait, en effet, qu'un des in-
struments les plus familiers aux trouvères, jongleurs ou
troubadours des XIP et Xllh siècles, était une sorte de
vielle, nommée alors organistrum, symphonie ou chifo-
nie (2); lequel instrument ayant une corde frottée à note
permanente, devait instinctivement ramener l'idée de re-
pos mélodique vers cette note.
Maintenant, une question encore avant de terminer :
Adam de la Bassée est-il l'auteur de quelques-unes des
(1) Histoire de VHarmonie au moyen âge, p. 96.
(2) Essai sur les inslrumenls de musique au moyen âge, par M. de Coussi;-
MAKER, dans les Annales archéologiques de M. Diduon. T. VIII, p. 247.
— 252 —
mélodies dont il a orné son «jeu lilléraire? » Nous n'avons
aucune preuve positive pour le démontrer . Plusieurs
chants, il est vrai, ne se trouvent rapportés à aucun air
désigné ou connu, et, conséquemment, pourraient être
attribués, sans trop grande injustice, au poëte auteur du
texte. Quoi qu'il en soit, nous ne pensons pas qu'on
puisse refuser à notre chanoine de Saint-Pierre la qua-
lité de musicien; car, n'eùt-il fait que noter les airs en
question et les adapter à des paroles différentes, ce tra-
vail de notation supposait de son temps une connaissance
assez vaste de la théorie de l'art, pour lui mériter le litre
que nous lui revendiquons. Adam d'ailleurs, dans un
morceau que nous reproduisons sous le numéro 4, fait
lui-même l'éloge de la musique et plaint avec tant de
compassion ceux qui négligent cet art consolateur, qu'on
voit évidemment qu'il est sur son terrain dans cette ques-
tion : a Rien n'est capable, dit-il, de tenir éloignés les
tristes ennuis, comme le son du tambourin, de la vielle
et du psalterion, ainsi que les doux concerts de voix. »
Parmi les chants du manuscrit d'Adam de la Bassée,
un seul présente un déchant à deux parties : c'est le
Agmis fili Virginis; M. De Coussemaker l'a donné dans
son Histoire de l'harmonie au moyen-âge. Dans l'impos-
sibilité où nous étions de reproduire tous les autres, nous
avons choisi parmi ceux dont les mélodies nous ont paru
les plus belles, et nous n'avons pas hésité de les traduire
en notation moderne, grâce aux règles que nous ont lais-
sées les théoriciens de l'époque, et qu'ont vulgarisées des
hommes compétents auxquels nous nous plaisons ici à
rendre un juste éloge.
L'Abbé D. Carnel.
— 255
CHANTS LITURGIQUES D'ADAM DE LA BASSÉE.
Texte.
I.
SoR : Tant ai amors siervie longemenl.
0 SANCTA Ave gemma, quse lucis copia,
ACNES. Et virlute viiicis carbunculum.
Puellarum gerens insignia,
Praeferendo pudoris spéculum;
Ora Deum, qui te per annuium
Subarrlialam décorât gloria.
Ut lamenta mutet in gaudia
Et in cœlum prœsens ergastulum.
SouR : Veni Creator.
0 SANCTA Ave, quœ de Maxenlio
cATHARiNA Fidci forlitudinc
Triumphans, icta gladio
Lac dedisti pro sanguine.
0 SANCTA Ave, cuius apostolus
AGATHA. Petrus curavit vulnera,
Quae trux hostis et subdolus
Fecit amputans ubera.
0 sacer cœtus virginum
Candore vincens lilia,
Exora pro me Dominum
Quem fudit viri nescia.
IL
0 SANCTE Ave, prœsul sancte, qui pueros
NicHOLAE. Très insonles addiclos funeri
Perpetrasti abire liberos,
Virginesque slupro non atleri;
— 254 —
Ora Deum, ut sic me conteri
Lai'giatur, et flere miseros
Vitse lapsus, quod tandem superos
Videns possim his cornes fieri.
Soun : Isle confessor.
o SANCTE Ave, qui partem pallii scidisti,
MARTINE. De qua reperlum pauperem vestisli;
Modo bealus nites trabeatus
Candida stola.
0 SANCTE Ave, qui tractans mores Job beati
cREcoRi. Vivere doces languidos et pati,
Nunc in sanclorum coetu confessorum
Jure refulges.
0 Confessores Domini sacrati,
Candidis stolis rite decorati;
Deum orate, rei ut optatse
Donet ascensum.
III.
0 SANCTE Ave pugil, qui in agonia
STEPHANE. Caritatis, succensus facibus,
Pro illorum orasti venia,
Qui le diris saxorum ictibus
Obruebant, mitis immitibus.
Ora Deum, cuius clementia
Finem nescit, ut de miseria
Me abstractum iungat cœlestibus.
SoDR ; Sanclorum mcritis.
0 SANCTE Ave par angelis martir egregie,
vmcENTi. Tu igncm torridum hilari facie
Rorasti sanguine, gravi certamine
Dulcem adeptus patriam.
— 255 —
o SA^CTE Ave rex pugilum, martirquc fortior,
liURENTi. De fide Domini testis aperlior,
Tu salor munerum in sinu paiiperum,
^lernam métis gloriam.
0 Christi matires, quorum Victoria
jEterna perfrui meretur gloria;
Deum deposcile, ut, pace comité,
Det michi indulgentiam.
IV.
o SANCTE Ave pastor ovium,
PËTRE. Princeps cœli civiuni,
Fidei fundator;
Qui cœlo prœficeris,
Fidelis prae cœleris,
Domini zelator.
Quem quum non valeo
Ad prœsens ut debeo
Congrue laudare;
Prosam saltem offero
Hanc, ut vells misero
Dominum placare.
Prosa.
Christum Dei filium,
Cum Petrus asseruit
Hune quem Virgo gcnuit
In templo fidelium,
Suramam basem posuit
Quapropter obtinuil
Usum cœli clavium;
Quibus utens gravium
Vinclorum sustinuit
Nexus, sed eripuit
Vinctum vis cœlestium,
Quae vincla comminuit.
Demum Nero rabidus
Ac in fide perfidus.
— 256
0 SAJiCTE
PAUIE.
0 SANCTE
JOHANNES.
Sitiens cruorem,
Coegit martirium
Subire credentium
Ovium pastorem.
0 Petre, lux gentium,
Janitor cœlorum,
Fac michi propitiuni
Regem angelorum.
Ave doclor gentium,
Sacer cullor menlium,
Fidei lulator;
Dum scripturas aperis,
F/Cgem auges fœderis
Domini zelalor.
Ave, mane comedens
Prœdam, sero dividens
Spolia malura;
Dum saeviens priraitus
Post conversus cœlilus
Explicas obscura.
Ave, qui peraspera
Pertulisti verbera
Sathani dampnati;
Neve revelatio
Cordis inflammatio
Fieret elati.
0! utinam Dominus,
Qui suorum eminus
Providet profectus,
Det hoc œgros sapere;
Ut lœtentur luere
Noxios defectus.
Ave veri luminis
Lampas, sacrœ virginis
Humilis tutela;
Languoi'i morlifero
Mundi cuius utero
Pi'odiit inedelu.
— 2o7 —
Ave, queni praesidio
Dci fervens dolio
Oleum non lœsil;
I.ocus Pasmos insula?,
Te pro Christo exule,
Fidei adheesil.
Ave, qui aculius
In Dcum et purius
Aciem fixisti;
Dnm naturam filii
Dci, plus quam alii
Lucide prompsisti.
Quos, sœcli iudices,
Vobis preces supplices
Offero precatus;
Ne summo iudicii
Et trino et simplici
Morier ineratus.
o sASciA Ave, cuius vera contritio
MAGDALE>*. Et œtemœ vitœ fiducia,
Pia quoque mentis devotio
Meruerunt non solum venia
Te perfundi, sed fovi gratia.
Ora Christum ad quem esurio
Ut iinpurse vitœ confessio
Me conducat ad Cœli gaudia.
VI.
o SANCTA Ave, certum prœsagium
ïSAïA. Ferens de parlu Virginis,
Dicendo : ecce numinis
Virgo pariet filinm.
0 SAKCTE Ave cuius vox conterit
DAMEL. ludeos hoc prœsagio :
Cam sanctorum advenerit
Sanctus, cessabil unctio. 18
— 258 —
0 prophetarum concio,
Certo vigens prœsagio;
Exora voce sedula
Pro me regentem ssecula.
VII.
Super canlilenam quae incipit : Quand voi la glaie meure et le rosier espanir.
DE SANCTO
JOANNE
BAPTISTA.
0 constantiœ dignitas,
Fundamenlum graciée !
Te illuminât clarilas
Divinœ iusticiœ,
Gloriœ, pacis et laeliciae.
Sic illos Dei largitas
Prœmiat, quos feritas
Non vicit nequicie;
Sed de belli acie
Fervens retulit caritas
Trophaeum victorise,
Dignum cœli requie.
VIII.
o SANCTE Ave paler multarum gentium,
ABRAHAM. Qui, amorcm paternum exuens,
Immolare parasti filium,
Vera fide sequaces induens.
Ora Deum, qui votis annuens
Est suorum, ut post hoc tœdium
Me ad tuum dignetur gremium
Evocare, locellum tribuens.
SouR : Mterne rex altissime.
0 SANCTE
ISAAC.
Ave, qui carens lumine,
Benedixisti filio
Minori, pulso dubio
Pilosœ pellis tegmine.
— 259
0 SANCTb:
JACOB.
Ave, qui, hora funeris
Testans, dedisti cominus
Tuis vocatis Hberis
Ventura illis eminus.
O SANCTE
CABKIEL.
0 SANCTE
MICHADL.
0 SANCTE
liAI'HAEL.
IX.
Ave princeps cœleslis curiœ,
Qui, transmissus ad sacram Virginem,
Nunciasti quod plena graciae
Parturiet Deum et hominem;
Conturbatœ sedens formidinem
Gaudiosa verborum série,
Asserendo quod viri nescise
Obumbraret virtus Altissimi,
Archam loci fecundans intlmi.
SoR : Beala nohis gaudia.
Ave, cum quo angelica
Pompa draconem domuit,
Quem infernus absorbait
Cum sorte diabolica.
Ave Sarrœ obprobrium deiciis
Eiectam erigens
Maie errata corrigens
Per Tobiee conjujium.
0 virtutes angelicae,
Custodes jussu Domini
Cœlestis rei publicœ,
Me servare dignemini.
X.
SouR : Tant ai d'amours appris et entendu.
DE BEATA AvE rosa rubens et tenera,
viRGiNB. Cuius odor inœstimabilis.
Ave Stella transcendens sydera,
Cuius fulgor innenarrabilis.
— 260 —
Mirra fragrans, ysopus humilia,
Per quem Deus, de Dei dexlera
Se inclinans, ad nostra infera,
Nostrœ fuit naturse nubilis.
Ave virga Jesse florigera,
Flos hic inquam immarcessibilis,
Ave dulcis Virgo puerpera.
Puer cuius nuUi consimilis;
Qui immensus interminabilis
Intra tua se clausit viscera.
Lac de cœlo potans ad ubera,
Polus talis mire laudabilis.
Ave sponsi caelestis caméra
Cunctœ genti desiderabilis.
Ave, dicta confirmans vetera
Prophetarum; Christi visibilis
Facta mater, qui et passibilis
Mortem crucis tulit post verbera;
Quœ mors, licet fuit aspera
Et despecta, nulla tam utilis.
Ave, de qua narranlur opéra
Caritatis inexiinguibilis,
Ave, per quam lux salutifera
Fulsit Clara in autris nubilis;
Quum Christus rex invincibilis
Signo crucis confregil infera,
Suos solvens, quos prima vipera
Compedivit insatiabilis.
Ave, ferens ferentem fœdera
Pacis, mundi lucerna labilis.
Ave pia piantem scelera
Portans, portus in fide stabilis,
Tu egenis matrona fertilis;
Nato mater ut potes impera,
Quod sit michi in vitae vespera
Misericors, plus, placabilis.
XI.
Agnus, fili virginis
Prirai lapsum horainis
Reslaurans per sanguinis
Tui sancli pretium;
Miserere nobis.
Qui resurgens, miseris
Exiractis ab inferis,
Dedisti cum superis
Vila; refrigeriuru;
Miserere nobis.
Agnus expers criminis,
Seda venlum turbinis,
Dans virlule numinis
Verse lucia gaudia;
Doua nobis pacem (1).
XII.
Super sequenciam quœ Incipil : Zima vetds. De resurreclione Domini (2).
Zima vêtus expurgetur,
Quo Mariae commendetur
Pure sancta dignitas.
(1) Cet Agnus appartient au genre de chants liturgiques appelés Iropes.
« Ce sont, dit Gerbert [De canlu et musica sacra. T. I, p. 330), des versets
placés avant, entre ou après d'autres chants ecclésiastiques. » On leur don-
nait aussi au moyen-àge le nom de chants farcis; ainsi Ton trouve des Kyrie,
des Gloria in excelsis, des Sanctus et des Agnus Dei farcis. Cette sorte d'in-
tercalation de paroles étrangères parmi les paroles liturgiques, fut tolérée
dans rÉglise aussi longtemps que ces paroles restèrent convenables, et ne
furent qu'un développement, un commentaire du texte principal; mais en
plus d'un endroit, les évoques furent obligés de sévir contre rintroduction de
certaines paroles en langue vulgaire et plus ou moins bouffonnes {scurillibus
verbis. V. Ddcange). Dans plusieurs Églises on retrancha les paroles, tout en
conservant les notes. — Les vers de cette petite pièce n'ont, comme on le
voit, que des chutes daclyliques; c'est le même rliylhme que celui de la prose
Vetii Sancte Spiritus.
(2) Cette séquence est d'Adam de Saint-Victor. V. J. Clichtove, op. vil.
— 262 —
Tanto namque plus accrescit
Nobis, quanto plus lucescil
Eius (ligna sanctitas.
Non est opus fermentato
Frui pane, Chrislo nalo,
De tara digna Virgine.
Hœc est thronus Salomonis;
Hœc est vellus Gedeonis;
Sacro madens numine,
Hœc est scala eœlica,
Per quam proies deica
Nostros finis adiit.
Hœc est Jesse virgula,
Ex qua vcris primula
Gloriosa prodiit.
Hœc est piscina Siloe;
Hœc est archa justi Noe;
Hœc est Yris fœderis.
Mundat enim inquinalos,
Necnon salvat emundatos
Fœderalque superis.
Hœc est stella matutina;
Haec est rosa carens spina,
Hœc est cella, qua divina
Latuit essentia.
Hœc est parens sine pare,
Virgo carens exemplare;
Quœ concepit sine marc.
Maris prorsus nescia.
Nam subivit rex de cœlis
Cum salute Gabrielis
Porlani, quam Ezechielis
Clausam si£;nat visio.
— 265 —
Porta illa singularis,
Porla vere salutaris.
Par vitro, quod vis solaris
Non corrumpit radio.
0 Maria, fons dulcoris !
Reos lui rivo roris,
Irroratos de mœroris
Laeu ad superioris
Aulœ transfer gaudia.
Advocata o facunda !
Tua prece nos emunda,
Emundatos nos fecunda,
Ul a morte nos secunda
Tua salvet gracia. Amen.
XIII.
Super : Lœlahundus (1).
Ad honorera Filii
Matrem gaudii
Salutemus.
Etpiomatre Filio
Sine tœdio
lubilemus.
Ave mater veniœ
Fons misericordise,
Maris Stella.
Ave fili Virginis,
Sedans pestem turbinis
In procella.
Ave mater inclyta,
Per quam vita perdita
Reparatur.
(1) Le « Lœtabundus » est une séquence que l'on trouve dans tous les mis-
sels romains-français; elle a été longtemps attribuée à saint Bernard, Dom
Gueranger l'a rencontrée dans un manuscrit du XI« siècle.
— 2G4 —
Ave Fili nobilis,
Ciiius morlc flebilis
Mors dampnatur.
Ave maler palriîe
Cœlestis, liEticiœ
Dans annonam.
Ave fili graciœ,
Paradisi gloriœ,
Dans coronam.
Ave mater omnium
Factoris, quœ propriuni
Virgo Dei filium
Peperisti.
Ave fili numinis!
Verum corpus hominis
In utero Virginis
Assumpsisti.
0 Mater ! postula
Pro reis sedula
Donum gratiœ,
Finem bonum.
0 Fili ! preeibus
Paternis dulcibus,
Dona veniae
Reis donum. Amen.
^01 tit&immRmuehiiai.ixu!M.
ri
■UlftUt^ WttCXS
ri
•^
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565 —
^i0t0ire littéraire.
I. LOUIS DES MASURES.
Louis des Masures naquit à Tournay, d'Adrien des
Masures et de Catherine Marcand. Ces deux noms ne sont
pas encore oubliés dans cette contrée. Tournay possède
de nos jours bon nombre de Masure; et nous trouvons des
Marcand, sinon à Tournay, du moins dans les environs
de celle ville, notamment à Hollain.
On ignore la date exacte de la naissance de Louis des
Masures. MM. Weiss et Delaulnaye, dans la Biographie
Michaud, le disent né vers Tan 1523. Moréri dit : « dans
les commencements du XVl" siècle. » Nous croyons la pre-
mière date trop avancée. Des Masures avoue lui-même
qu'il se trouva, soit à la cour de François I", soit auprès
du cardinal Jean de Lorraine en qualité de secrétaire, pen-
dant l'espace de quatorze ans. Or, des Masures cessa ses
fonctions auprès du cardinal en lo47, peu de temps après
la mort de François F^ Il a dû conséquemment arriver à
la cour de ce prince vers l'année 1553. Il avait bien cer-
tainement alors plus de dix ans. Toutefois des Masures
dit que la France éleva sa tendre jeunesse. En supposant
qu'il eût alors dix-huit ans, nous arriverions à la date de
1515, comme époque probable de la naissance de ce poète.
Il est étonnant que des Masures, qui s'étend si longue-
ment sur certaines circonstances de sa carrière, ait si
19
— 266 —
rarerneiit donné un souvenir à sa patrie. Nous ne savons
rien de ses éludes. Il y a beaucoup de probabilité cepen-
dant qu'il les commença à Tournay même, qui était devenu
vers 1525 un centre d'instruction fort important.
Très-jeune encore, nous le trouvons attaché à la per-
sonne du cardinal Jean de Lorraine. Quelles sont les cir-
constances qui l'amenèrent chez ce prélat? c'est ce que
nous ignorons, des Masures ne nous apprenant rien à ce
sujet.
Il y a grande apparence toutefois que des Masures com-
mença par être attaché au cardinal de Lorraine, et qu'il
remplaça comme secrétaire auprès de ce prince Toussaint
de Hocédi, d'une famille noble de Valenciennes, qui, après
avoir été secrétaire du cardinal Jean et maître des requêtes
du duc Antoine de Lorraine, embrassa l'état ecclésiastique,
et devint, en 1545, évêque et comte de Toul. T. de Hocédi
était parent de des Masures par sa mère (matrispatruelem).
Des Masures lui témoigna toujours beaucoup de considé-
ration et d'amitié. Dans une épîlre en vers latins adressée
à ce prélat, il l'appelle son Mécène. Alors même que des
Masures eut abandonné la religion de ses pères, il n'oublia
pas ce qu'il devait à son parent. L'édition de 1574 de ses
poésies latines renferme une ode fort longue à la louange
de ce prélat, mort le 50 juin 1565, auquel il donne les
épithètes de vir bonus et dodus.
Ce fut le cardinal Jean de Lorraine qui produisit notre
jeune poète à la cour de François I". Là des Masures coula
d'heureux jours. Il s'y trouva en effet avec les plus beaux
esprits de l'époque. Plus tard, après avoir plus d'une fois
bu à la coupe amère de l'exil, il prenait plaisir à rappeler
ses beaux jours d'autrefois :
France fertile, sainle et belle
Ma tendre jeunesse esleva
Durant cette saison sereine
En haut degré tu mavançoij
— 267 —
dit-il en s'adressant au cardinal Jean de Lorraine;
Lui-mcsnie le grand Roy François
D'une humanité sonvereine
Daignoil bien quelquefois eslire
Plaisir aux fredons de ma lyre.
Que de fois il a chanté près des rives de la Loire, de
la Seine ou du Loir, et sous les chênes séculaires de Fon-
tainebleau! Là il aimait tant à
écouler la chalemie
De Merlin chantant de s'amie.
Après un souvenir à Nicolas d'Herberay des Essarls, il
ajoute :
Puis me desguisoit Rabelais
Le vray, de ses plesantes feintes
Qui de Gargantua recite
Le sens, la force et l'exercite.
Les erreurs et dangers d'Ulisse
Discouroit le bon Pelletier,
Ou traitoit par ordre et police
Des terres l'art et le mestier....
Mon Salel maintenant aux ombres
Chante la guerre d'IHon....
Avec lui Marot débonnaire.
Deux flambeaux luisans de Querci,
Ont d'une lumière ordinaire
Le nom du pays esclarci.
L'un deux errant à la merci
De fortune dure et contraire
Me désirant meilleur augure
M'envoya peinte sa figure.
Ce pourtrait me le remémore
A l'œil vif, et au col marbrin :
Qui en déclinant sur le more
Ha le teint cler et brun le crin.
Qu'ay-je à ramentevoir Macrin
Sous un cyprès ou sicomore
Pleurant Gelonis, dont la vie
Par amere mort est ravie?
— 208 —
1.» flocle bande que je conte
J'eiiz temps et plaisir de hanlef.
Caries et Colin n'eurent honte
D"y venir leurs carmes chanter.
Jan Martin s'y vint présenter,
Et meints dont trop long est le conte.
Tout cela se passait du temps de François 1". Fran-
çois I" meurt. Alors, ajoute des Masures :
Le sort, l'envie et le malheur,
Sans cause ou mérite, en souffrance
Me firent traverser grand erre,
Meinte mer, meinle estrange terre.
Ailleurs il s'écrie encore :
Fuyant la furieuse envie
Des malins poursuivant ma vie,
Aux cœurs emplis de fiel amer.
La source et fons de ma souffrance
Me vit premier partir de France,
Quand du bon Roy trop en effet
La Mageslé fut indignée :
Ce fut malheur ou destinée.
Non sa rigueur, ny mon forfait.
Nouvel Ovide, des Masures, eu vingt endroits différents,
revient ainsi sur ce qu'il appelle son indigne exil. Pas une
seule fois, il ne nomme ses ennemis; à peine dans quelques
passages transparents, peut-on entrevoir quelle fut la cause
première de sa disgrâce. Essayons de pénétrer ce mystère.
Le mot que semble le mieux résumer les motifs de celte
persécution, c'est le mot envie, invidia. Parmi les poètes
qui florissaient à la cour de François I", il est certain que
l'entente la plus cordiale n'a pas toujours régné. Rien n'est
plus exposé à l'envie que la gloire, et c'est parmi la classe
des poëlereaux que ce défaut atteint sa plus haute puis-
sance. Qui ne se rappelle le mot d'Horace :
Genus irrilabile valum?
— 2G9 —
Le passage allégorique suivant, où Pan représente Fran-
çois I", et Sylvain le cardinal Jean de Lorraine, est celui
où notre poêle est le plus explicite au sujet de sa première
disgrâce :
Morle seil en raptus, numen raortale, cadit Pau.
Atque ego vanorum invidia discedere vatum,
Quorum in me simulatus amor demulserat aures,
Cogor, et invito gratos (ila gloria falso
Numine nixa labat) Sylvano linquere campos.
François I" faisait un grand cas de des Masures. Ce prince,
grand protecteur des lettres, distribuait quelquefois ses
éloges avec une bienveillance qui n'avait rien de Irès-
éclairé. Sur la recommandation du roi lui-mêFîie et du car-
dinal Jean de Lorraine, des Masures entreprit la traduction
de l'Enéide, comme Jacques Pelletier avait traduit l'Odys-
sée, et Hugues Salel l'Iliade. Des iMasures avait à peine
ébaucbé la traduction du premier livre, que son intention
n'était pas au reste de publier seul. Il se proposait de le
revoir à loisir, comme il le dit dans son épitre au cardinal
de Lorraine. Mais le zèle précipité du cardinal trompa ses
espérances. Ayant lu ce premier livre, le cardinal voulut
le montrer au roi. François P"" s'en amusa quelques mo-
ments; mais plusieurs courtisans, qui en avaient entendu
la lecture, critiquèrent cette traduction avec aigreur. Des
Masures était mal avec quelques-uns d'entre eux. Leur
censure lui fit de la peine. Il reconnaissait bien que ces
critiques étaient fondées; il se plaignait seulement de ce
qu'elles étaient faites sur un ton de vivacité qu'il ne méri-
tait point. Ces courtisans n'ignoraient pas en effet que son
écrit avait été montré au roi contre son aveu, et que son
intention n'avait jamais été de le publier dans l'élat informe
où il était.
Ces détails prouvent assez que des Masures avait des
envieux à la cour de François I". Ces haines restèrent à
— 270 —
l'état latent du vivant de ce prince. Elles éclatèrent im-
médiatement après sa mort. Au moyen de Tune ou de
l'autre accusation , on réussit à rendre des Masures
odieux à Henri II, et des Masures dut quitter la cour.
Le 26 avril 1547, il était à l'Ile-Adam auprès du cardinal
Jean de Lorraine.
On a écrit que l'attachement de des Masures au calvi-
nisme servit de prétexte à ces persécutions. Nous ne pou-
vons nous rallier à celte opinion. Nous n'ignorons pas que,
parmi celte cour savante, il se trouvait des poêles qui
ne voyaient pas d'un trop mauvais œil les progrès de la
religion réformée. Nous savons bien que M. Saint-Marc
Girardin appelle l'école de Marot la première étape du cal-
vinisme. Mais si des Masures avait dès-lors partagé les
opinions des novateurs, s'il avait été persécuté pour ce fait,
esl-il probable qu'il eût cherché un refuge à Rome même,
au centre de la catholicité? est-il probable qu'il y eût été
choyé par un prince de l'Église, le cardinal du Bellay?
qu'un autre prince de l'Église, le cardinal Jean de Lor-
raine, l'eût pris de nouveau sous sa protection, et l'eût
ainsi ramené en France, se faisant fort d'obtenir son par-
don du roi? Cette opinion ne pourrait se soutenir que si
l'on citait des preuves positives. Or on n'en cite pas.
Des Masures dit que la mort de François I" fut un deuil
pour les Muses, et des Masures est dans le vrai. Mais les
Muses qui durent s'expatrier à la suite de cet événement,
n'étaient pas toutes des Muses suspectes. Le cardinal Jean
du Bellay lui-même se vit dans l'obligation de chercher à
Rome des lieux plus hospitaliers.
Claude Garnier, dans son commentaire sur Ronsard, dit
de des Masures : « Il fut capitaine de chevaux durant les
guerres du roy Henri II et de l'empereur Charles-Quint,
et fut en quelque peine, ce disoit-on, pour avoir intelli-
gence avec l'ennemi, dont il se purgea. » Nous croyons que
— 271 —
c'est là qu'il faut chercher la vraie cause de l'exil de notre
auteur. Après la mort de François I", des Masures, selon
toute apparence, entra au service militaire :
Tum férus ardentem Mavors horrentibus armis
Delinet
A diverses reprises, il nous dit qu'il n'a suivi le parti
de l'un ni de l'autre seigneur. Dans une épître au cardinal
Charles de Lorraine, écrite en 1532, alors que des Masures
se trouvait déjà à la cour du duc de Lorraine, il prie le
cardinal d'intercéder pour lui auprès du roi :
Sit fas hic vivcre neutra sequuto
Arma ducum, et Régis placatam agnoscere nienteni :
Cujus et assiduus castris ego miles in hostes
Arma tuli....
Plus loin dans la même pièce — et c'est à peu près la
seule allusion qu'il ait faite à sa patrie, — des Masures
vante la fidélité de la ville de Tournay, la cité royale, fille
ainée des rois de France :
Gallieus aeterno gaudet gens Nervia sanguis
Fœdere, nec partes alias, aut estera castra,
Signave quœ signis Gallorum adversa minantur
Sustinuit malefida sequi : sed Regia gestans
Arma, fero validas ostendit peclore vires.
La persistance avec laquelle des Masures revient sur sa
fidélité au roi dans la guerre, explique suffisamment les
causes de son exil. Les jaloux qu'il avait à la cour avaient
continué leurs intrigues, et ces intrigues avaient eu le ré-
sultat qu'ils en attendaient. Des Masures fut donc forcé de
quitter la France; nous ignorons toutefois si cet exil fut la
conséquence d'une condamnation formelle.
Des Masures passa d'abord en Suisse, puis il traversa
les Alpes et les Apennins, et arriva en Toscane, où il s'em-
barqua probablement pour Naples : de Naples, il alla en
272
Sicile, d'où il revint à Rome. C'est là qu'il flt la rencontre
(lu cardinal Jean du Bellay, qui le recueillit avec bonté
dans sa maison. Là s'étaient réfugiées les muses errantes.
Auprès du cardinal se trouvaient le poêle Joachim du Bel-
lay, son parent, Olivier de Magny, Panjas, poêles aussi,
et parmi eux Rabelais, que le sort, selon l'expression de
M. Saint-Marc Girardin, semblait amener à Rome par une
espèce de prédestination satirique. Que faisait à Rome cette
colonie de beaux-esprits français? Atteints du regret de
la patrie, les poêles chantaient leurs ennuis...
Des Masures se trouvait à Rome lorsque mourut le pape
Paul III, le 10 novembre 1549. La nomination de son
successeur appelle dans celle ville le cardinal Jean de Lor-
raine. Jules III est nommé au Saint-Siège, en place de
Paul III, le 8 février 1530. Jean de Lorraine se propose
alors de retourner en France; il cherche à résoudre des
Masures à l'accompagner, en lui promettant de lui faire
obtenir son pardon du roi. Malgré la conscience de son
innocence, des Masures hésite d'abord. Enfin décidé par
les assurances du cardinal, il le suit. Ils arrivent à Lyon.
Là ils apprennent la mort du duc Claude I" de Lorraine,
frère du cardinal Jean, et oncle du cardinal Charles de
Lorraine. Claude I" était mort le 12 avril 1530. Jean de
Lorraine ne tarda pas à le suivre dans la tombe. La mort
de son frère paraît avoir abrégé ses jours. Il mourut lui-
même le 10 mai suivant.
La mort du cardinal Jean afTecta vivement des Masures :
Et ce fut k fin que j'aprinsse
Que de s'attendre à Roy ou Prince
Au momie n'est que vanilé.
En Dieu seul la fiance est seure
De qui la parole demeure
Durable en toulc élernilé.
Cet événement privait des Masures de sa dernière es-
— 275 —
pérance. Il se recueillit un moment avant de prendre un
parti, et il n'aperçut devant lui qu'un nouvel exil. « Quoi-
que son âge ne fût trop avancé, selon ses expressions, il
n'eut plus en pensée qu'un exil misérable et perpétuel en
Asie, où il délibérait aller passer le reste de ses jours. »
C'est alors qu'il repasse le Rhin; il erre à travers la
Vindélicie, la Norique; il visite ainsi les rivages des Bata-
ves, le pays des Gètes, des Suèves et des Sarmales. Il ne
lui manqua que d'aller pleurer sur le tombeau d'Ovide.
Enfin, à travers mille dangers, il arrive aux champs de la
Lorraine,
Oq je viz : et y voy la terre entour saisie
Des armes, et du bruit des trompettes d'airein.
Christine de Danemarck, duchesse douairière de Lor-
raine et mère du jeune duc Charles, le reçut gracieuse-
ment à Nancy. Des Masures se trouvait dans cette ville le
1" mai 1551. Christine de Danemarck acheva d'essuyer
ses larmes, en lui donnant auprès d'elle et de son jeune
fils, l'emploi qu'il avait tenu auprès du cardinal Jean,
Remarquons en passant, qu'une telle faveur, de la part
d'une cour si catholique que celle de Lorraine, exclut l'idée
même que des Masures eût été déjà accusé de pencher vers
la réforme.
C'est pendant cette nouvelle période de tranquillité que
des Masures acheva sa traduction de l'Enéide, qui parut
en entier, au plus tard, en 1560. C'est également dans
cet intervalle, qu'il publia ses poésies françaises. En 1557,
il donna aussi un recueil de poésies latines.
Pendant les guerres de Henri II et de Charles-Quint, des
Masures fut chargé, par le duc de Lorraine, de difl'érenles
missions diplomatiques. Avant que les guerres civiles re-
commençassent en France, il fut envoyé eu Allemagne
auprès de Charles-Quint, afin d'obtenir pour la Lorraine
le bénéfice de la neutralité. Ceci se passait en 1552.
274
L'empereur lui fit des promesses, ce qui n'empêcha pas
l'armée impériale de venir assiéger Toul, iNîetz, Trêves,
Thionville. Pour détourner les maux de la euerre, il fut
alors chargé d'une nouvelle mission diplomatique, qui ne
paraît pas avoir eu plus de succès que la première.
Voulant reconnaître les services rendus par des Masu-
res, le duc de Lorraine lui accorda, le 6 juin 15o3, des
lettres de noblesse. Des Masures portait d'azur à trois
griffes d'aigle d'or, posées 2 et 1.
Ainsi entouré de la considération d'un prince puissant,
des Masures aurait pu se croire heureux; mais il manquait
encore quelque chose à son bonheur. D'abord cette position
même ne lui créait guère de loisirs à consacrer à la poésie,
ou, s'il avait quelques moments libres, le duc de Lorraine
les lui faisait souvent dépenser à traiter des sujets d'actualité
qui n'allaient toujours à la tournure de son imagination.
Mais ce qu'il regrettait de plus, c'était cette brillante société
poétique où sa jeunesse avait passé de si beaux jours. Voici
ce qu'il écrivait à ce sujet à Joachim du Bellay ;
Mais le regret sur douleur toute
Me saisit l'ame, de ne voir
Ceux qu'à présent la France escoulc
Ravie au pris de leur savoir
Plus qu'onquemais. C'est à savoir
Ronsard, qui son chef lieve et boute,
Couronné de fueiiles flairantes,
Là sus aux flammes esclairantes.
El que des autres je me taise.
L'an loo5, des Masures épousa Diane Baudoire, d'une
famille noble de Lunéville. Au bout de dix-huit mois de
mariage, Diane lui donna un fils, qu'il nomma Claude. Cet
enfant n'avait que vingt-deux jours, quand sa mère mou-
rut d'une fièvre puerpérale. Des Masures pleura Diane,
qu'il aimait du plus sincère amour. Nous avons plusieurs
pièces, adressées à son fils, où il déplore, avec les senti-
— 275 —
menls les plus élevés, ses rêves de bonheur si tôt évanouis.
II se consola pourtant de cette perte, comme on se con-
sole de toutes les douleurs humaines; et déjà avant 1S57,
Claude des Masures avait une belle-mère, Anne IJrsin, du
bourg de Saint-Nicolas du Port, à trois lieues de Nancy.
Anne Ursin fut véritablement une seconde mère pour le
fils de Diane Baudoire. Au reste, elle ne paraît pas avoir
eu de postérité.
Cet enfant joua dès-lors un grand rôle dans la vie de
des Masures, et au risque de paraître tomber dans des dé-
tails puérils, nous avons besoin d'être ici un peu long,
parce que ces événements, peu importants en apparence,
en amenèrent d'autres qui ne sont pas sans intérêt.
Claude n'avait pas encore quatre ans lorsqu'il fut atta-
qué de la fièvre. Souvent les médecins désespérèrent de sa
guérison. Des Masures n'espéra plus que dans le secours
divin. Contre toute attente, son fils se rétablit. Des Masures
vit le doigt de Dieu dans celle guérison, comme il le dit
lui-même; et de ce moment date son premier pas dans la
voie du protestantisme :
Profuit liœc animo tandem experientia segni,
Quœ monuit Sutanœ linqucrc caslra ducis.
Agnovi ^lerni curam geniloris, at ille
Dulcibus (ut placilum) miscet amara favis.
Certa sequi ex illo cœpi vesligia Christi,
Et longœ inniti quam docet ille, vise.
>
Ici il est nécessaire de jeter un coup d'œil en arrière.
En revenant de Rome avec le cardinal Jean de Lorraine,
des Masures s'arrêta à Lausanne. Il y rencontra Théodore
de Bèze, qui y occupait alors une chaire de langue grecque.
Théodore de Bèze le mit en relation avec Viret et avec Cal-
vin. Ce dernier exposa même à des Masures ses principes
religieux. Mais — et des Masures revient sur ce point à
plusieurs reprises, — il ne prêta pas grande attention à la
— 576 —
nouvelle doctrine. Il fallut les écrits nombreux de Théodore
de Bèze pour ébranler ses convictions religieuses :
Sed docuit scriptis me Beza fieqnentibus error
Quo traheret, memorique rogans ea mente tenereni
Quse mihi cum dulci duclum pastore Vireto
Ipseque et ore bonus dederat Calvinus amico,
Ferre in dlversum nionuit vestigia callem.
Tardus at hœsisset vili fixusque luto pes,
Ni Pater exceiso miseratus ab œthere segneuj
Cunctanlenique metu, et rerum telluris amauleni
■ Traxisset.
Ce n'est qu'en 15o9, conséquemment dix ans environ
après son entrevue avec Théodore de Bèze et Calvin, que
des Masures commença à pratiquer la nouvelle doctrine.
La crainte de perdre sa position à la cour de Lorraine,
l'attachement aux choses de la terre, pour nous servir de
ses expressions, l'empêchèrent encore alors de se déclarer
ouvertement pour le calvinisme. Des Masures possédait à
Saint-Nicolas du Port un petit domaine, qu'il appelle 5am-
melianus ager. C'était là qu'il allait passer les moments
qu'il pouvait dérober aux affaires publiques. C'est là aussi
qu'il composa la plupart de ses poésies françaises.
A partir de la guérison de son fils, des Masures se mit
à inspirer en secret ses erreurs sur la religion à ceux qui
voulaient l'entendre. On se réunissait clandestinement la
nuit dans une maison voisine de la sienne à Sainl-JVicolas.
Le signal pour les assemblées, selon le P. Abram dans son
Histoire manuscrite de l'université de Pont-à-Mousson,
était un coup de fusil qu'on tirait à certaine heure. Après
être demeuré ainsi caché, des Masures fil venir de Metz
un prédicant nommé Christophe, qui prêcha pendant quel-
que temps en secret. Ensuite, à l'occasion du baptême d'un
enfant, on s'assembla dans une maison nouvellement bâtie,
mais non encore habitée, où Christophe prêcha sa nou-
velle doctrine devant un auditoire assez nombreux; après
— 277 —
quoi ou chanta des psaumes. Le lendemain, qui était un
dimanche, presque tout le bourg de Saint-Nicolas se rendit
dans cette maison pour y entendre le nouveau prédicateur,
pendant que le curé était presque seul dans son église.
Ces réunions clandestines duraient depuis plus de qua-
tre ans. Ce qui venait de se passer, devait les produire au
grand jour. Le duc Charles de Lorraine en a enfin con-
naissance.
Imprudens in me jubel arma parari
Consilium,
dit des Masures. Le duc envoie à Saint-Nicolas Jean de
Savigny, seigneur de Laimont, bailli de Nancy, avec la
compagnie de ses gardes, pour arrêter des Masures avec
les autres calvinistes. Laimont arrive à Saint-Nicolas pen-
dant la nuit. La force armée cerne la maison de des Ma-
sures, qui s'échappe comme par miracle; sa maison est
envahie; on trouve son fils, qui n'avait pas encore neuf
ans, profondément endormi. Le bruit des armes l'éveille
en sursaut. On lui fait mille questions sur le compte de son
père. L'enfant ignore tout. Laimont l'épargne, grâce à son
jeune âge. Mais il sort indigné; on s'empare d'un nommé
Florentin, qui se trouvait au lit près de sa femme malade
et d'un enfant de quelques jours. — C'était peut-être le
baptême de cet enfant qui avait donné lieu à tout ce scan-
dale. — Sans autre formalité, Florentin est condamné à la
potence, et la sentence est immédiatement exécutée. Lai-
mont, en retournant à Nancy, aperçoit ce cadavre qui se
balance dans les airs; à cette vue, saisi de terreur, il s'ar-
rête involontairement; une sueur froide lui glace le sang
dans les veines, et il meurt trois mois après.
Il n'y eut qu'une victime. — La femme de des Masures
s'était réfugiée auprès de sa mère. — Ordre fut donné de
renverser de fond en comble la maison voisine de celle de
des Masures, et où avaient eu lieu les prêches. Des Masures
— 278 —
fut exilé de Lorraine; mais ses biens ne furent pas confis-
qués; le duc lui permit de les vendre et d'en toucher le
prix.
Des Masures se relira un moment dans le duché de
Deux-Ponls; mais peu de temps après, il revint à Metz,
et celte fois il fit profession publique de calvinisme. Il se
trouvait à Metz au commencement de l'année 1364. Les
réformés à Metz étaient « tellement crus de nombre, dit
Théodore de Bèze, qu'outre Pierre de Cologne et Jean
Taffin (aussi un Tournaisien), il leur fallut encore avoir
deux ministres, qui furent Jean Garnier, jadis ministre de
l'église françoise de Strasbourg, et Louys des Masures, au-
trefois secrétaire de l'ancien cardinal de Lorraine, mais
homme de bien et de bon savoir, lequel, contraint pour la
religion de partir de la ville de Saint-Nicolas, se retira
dedans Mets. «Ceci se passait un peu avant le 4 juin 1564.
Ces renseignements concordent de tous points avec les
assertions de des Masures, qui affirme s'être défendu d'a-
bord d'accepter pareille mission, et qui ajoute l'avoir tou-
jours remplie gratuitement.
C'est en ce moment que des Masures songea aux études
de son fils. Il l'envoya étudier à Heidelberg. Là ensei-
gnaient Josué Lagus, Olivier Boch , délivré de ses fers,
Pierre Boquin, du Berry, professeur de théologie, qui fut
député avec Zacharie Ursin en lo6o au colloque de Maul-
brunn par l'Élecleur palatin. Claude des Masures y eut
encore pour maîtres Basile Zanchi, et le célèbre hébraïsant
Emmanuel Trémellius, tous anciens amis de son père. La
maladie le força d'abandonner momentanément les études
et de revenir à Metz.
Après sa guérison, des Masures conduisit son fils à Paris;
ils furent reçus dans cette ville par Salignac, docteur de
Sorbonne, qu'il avait connu longtemps à la cour de Fran-
çois I". Des Masures confia son fils au célèbre Ramus,
— 279 —
qui le prit sous sa proleclion. Nous sommes au mois
d'avril 1572. Quatre mois plus tard éclale le massacre de
la Saint-Barlliélemy. Ramus ciierche dans la ville une re-
traite plus assurée que sa demeure, et confie le fils de
son ami au fameux musicien Claude Goudimel, le rival
d'Orlando de Lassus. Goudimel, à travers les plus grands
dangers et en se cachant sous un nom d'emprunt, arrive à
xMelz, avec le dépôt qu'on lui a confié. La guerre force des
Masures à fuir de iMetz avec sa famille. Le temple messin
est détruit. Ils se retirent dans la vallée de Sainte-iMarie
aux Mines, où ils sont reçus avec empressement par Ege-
nolplie, seigneur de Rappollzstain, Hohennack, Wassi-
chin, etc., qu'il remercia de son hospitalité au nom de
l'église de France. C'est de là qu'il adressa sa quatrième
élégie à Claude de Rambertvillers, de Toul, pour l'engager
à venir le rejoindre.
A Sainte-Marie encore, on pria des Masures de se faire
ministre, et il accepta ces fonctions. Les soldats d'Aumale
occupent le pays; des 3Iasures, obligé de fuir encore, se
sauve à Strasbourg. Wolfgang chasse d'Aumale et délivre
le pays. Des Masures retourne à Sainte-Marie. Un peloton
de cavalerie est envoyé de Metz avec mission de le saisir,
lui tout le premier. Il parvient encore à se sauver. Son
fils, qu'il avait renvoyé à l'université d'Heidelberg, tombe
de nouveau malade. Il soupçonne que l'air du Nekker lui
est funeste; il le fait ramener près de lui ; Claude guérit
encore, mais il n'y a pas de sûreté pour le moment à aller
reprendre ses éludes.
La quatrième élégie, d'où sont extraits tous ces détails,
est une des dernières pièces qu'ait composées des Masures.
Le 24 mai 1574, des Masures se trouvait à Sainte-Marie.
Dans une lettre de cette date, adressée à Paul de Mélisse,
il lui dit qu'il lui envoie un poëme français, le priant d'en
excuser les imperfections, vu le peu de liberté que lui lais-
— 280 —
sent les troubles et ses nombreuses occupations. Il lui en-
voie le poëme avec la musique, afin qu'on le puisse chanter.
Il n'a pas encore, ajoute-t-il, mis au jour ces dernières
poésies; il lui demande ses psaumes en allemand, car il a
des amis de celte nation qui {si minus ego lingiiani calleo)
seront enchantés de les lire.
Des Masures mourut vers la fin de cette année 1574,
pendant l'impression de la seconde édition de ses poésies
latines. C'est ce qui est surabondamment prouvé par la
pièce qui termine ce recueil; elle est de Jacques Pascharius,
Lorrain, qui avait étudié la médecine, comme on le voit par
une épigramme de des Masures. Pascharius faisait à la fois
des vers grecs et des vers latins. Voici la pièce finale du
recueil de 1574 :
Jacobus Pascharius Lotharingus ad Lihrum.
Liber eras Masurî, liber, et pia cura futurus,
Dignus in a;ternum posse parente frui;
At libi vix nato dum nato dira parentem
Mors rapit, in lucem posthumus ire doles.
Quin lœtare : parens, quôd prodis, vivere cœpit,
Poslhumus et vivo desinis esse pâtre.
Tels sont les principaux traits d'une vie qui aurait pu
être heureuse, si d'un côté l'envie qui s'attache d'ordinaire
aux réputations naissantes, de l'autre celte mens irreqideta,
selon l'expression de des Masures, qui fait à certaines
organisations une loi du changement, qui leur crie sans
cesse comme au juif de la légende : Marche! marche! n'é-
taient venues traverser celte carrière, et faire succéder des
jours d'épreuve à des jours de bonheur. Peu d'hommes res-
semblent au philosophe dont parle Horace :
Tentantem majora, fere prœsentibus œquum.
L'amour des lettres est peut-être le remède le plus efficace
que Dieu ait donné à l'homme contre les amertumes de la
vie. C'est là aussi que des Masures trouva constamment
— 281 —
un soulagemcnl prêt et une douce consolation, lorsque les
maux publics, comme ceux qu'il éprouvait en sa personne,
semblaient devoir l'abattre. Ni ses emplois, dit Goujet, ni
le nombre de ses envieux, dont il se plaint avec modération,
ni les traverses qui lui furent suscitées, ne purent jamais
le détourner de l'étude.
Des iMasures a beaucoup écrit; les listes qu'on a don-
nées jusqu'ici de ses ouvrages sont fort incomplètes, et
nous n'osons pas nous flatter nous-méme d'en avoir ren-
contré toutes les éditions.
I. L'œuvre capitale de des Masures, celle à laquelle il
consacra ces années où l'homme jouit de toute la plénitude
des facultés de l'intelligence sans avoir perdu ce feu de la
jeunesse si nécessaire à la poésie, c'est sa traduction de
l'Enéide. Nous avons déjà dit comment le premier livre de
cette traduction avait été mis sous les yeux de François 1*='".
Des Masures paraît avoir revu cette traduction, à peine
ébauchée, avant de la donner au public. Les deux premiers
livres parurent en 1547 sous ce titre :
1° Les deux premiers livres de l'Enéide de Virgile,
translatez en vers françois par Loys des Masures, Tourni-
sien. Paris, Chrét. Wechel, 1547, in-4*'.
Cette traduction est précédée d'une épilre dédicatoirc
au cardinal Jean de Lorraine; celte épître est datée de la
chambre de cette Éminence à l'Ile-Adam, le 26 avril 1547.
Nous n'avons pas vu celte épître. Goujet, qui a eu con-
naissance de celle édition, en parle en des termes que nous
croyons fort sévères. « Des Masures, dit-il, y a oublié à la
fin la modestie dont il fait preuve dans le reste. Après avoir
fait espérer qu'il traduirait toute l'Enéide, il ne craint pas
de dire que la muse Euterpe lui en a donné l'espérance; et
c'est moins pour adoucir cette fanfaronnade que pour flat-
ter le cardinal, son protecteur, qu'il ajoute que c'est pour
Vajfection que cette muse porte au cardinal, et que la faveur
•20
— 2<Si> —
qu'Eulerpe et les autres muses ont promis de lui faire, ne
peut être sans fruit.
» Le poëte n'était pas fâché que l'on crût qu'il avait lui-
même beaucoup de part aux faveurs de celte muse. Il s'en
explique très-clairement dans son épitre en vers latins à
Toussaint de IIoccdi...Dans cette épîlre, il feint que, trans-
porté en songe dans les Champs-Élisées, après y avoir
entendu la Renommée qui publiait dans une nombreuse
assemblée les actions glorieuses du règne de François 1"%
il vit l'ombre de Virgile, et fut témoin des plaintes que le
poëte faisait de ce que l'on avait été plus soigneux à faire
entendre Homère aux Français qu'à leur faciliter la lecture
de son Enéide et de ses autres poésies : (jue, lorsqu'il eut
cessé de se plaindre, jetant les yeux sur lui, il le choisit
pour son interprète. A celle occasion, des Masures, abusant
de la liberté que les poêles ont de feindre, fait faire son
panégyrique par le poëlc latin. Il ajoute que Virgile, ayant
ôlé de dessus sa tête la couronne de laurier qu'il portail,
la mit sur la sienne et disparut; et qu'à son réveil — car
après un si beau rêve il ne pouvait plus dormir, — il s'était
trouvé saisi de la fureur poétique et de l'ardeur la plus
vive de faire connaître les Rois et les faits que Virgile avait
chantés. »
Cette épîlre est suivie du sonnet suivant, qui roule sur
le même sujet, et que nous retrouvons dans l'édition des
Œuvres poétiques de 1 557 :
Au Roy, lui présentant le premier livre de l'Enéide nouvellement
traduit.
Ta rmommee aux enfers descendit.
Et là trouva Virgile en ces lieux sombres,
Errant parmi les infernales ombres,
Lors ton parler François il entendit.
Enfin laissa, devers moy se rendit.
Me commanda chanter en François nombres
Les faits d'Enee, et dangereux encombres.
Puis lair espais, en s"en voulant fendit.
— 285 —
Si l'œuvre iloDq que de inoy lu reçois,
J'ay osé rendre en langage François,
De son latin qu'à bon droit tant on prise :
Le tort en faut à Virgile donner,
Et à ton ioz qu'il vid bruire et sonner,
Non point à moy, ny à mon entreprise.
Goujet continue ainsi : « Un poêle choisi par Virgile
même pour lui faire parler notre langue! un écrivain animé
de l'esprit des Muses ! Que ne devait-on pas s'en promet-
tre! Mais la plume à la main, des Masures ne se trouva
que ce qu'il avait toujours été, poêle très-médiocre, et qui
n'en mériterait pas même aujourd'hui le nom; versificateur
dur et prosaïque; écrivain peu délicat. Il l'avoue lui-même,
au moins en partie, dans son épitre au prince Charles de
Lorraine, où, parlant plus sincèrement que dans le récit de
son rêve poétique, il se peint plus au naturel lorsqu'il dit :
Non que j'ignore et ne connaisse bien
La pesanteur de ma plume, et eombieri
Passant en l'air, j'ai le vol peu agile
Pour égaler la trace de Virgile,
Non pas que j'aye une arrogance telle
Que de penser pouvoir à tire d'aîle
Environner tout ce grand univers,
En y portant la gloire de mes vers....
Mais si je sens trop débile ma force,
En ta grandeur je me fie et m'efforce, etc. »
Cette épître se trouve dans la traduction complète de
l'Enéide, édition de 1560.
Continuons la revue des différentes éditions de cette tra-
duction de l'Enéide.
2° La traduction des quatre premiers livres parut en
1551, nous ne savons où. Cette édition est précédée d'une
épitre en prose au jeune prince Charles de Lorraine, alors
âgé de huit ans. L'épitre est datée du palais de ce prince à
Nancy, le 1" mai 1551.
— 284 —
5" Les quatre premiers livres furent réimprimés en 1352,
in-4'', à Lyon, chez Jean De Tournes et Guillaume Gazeau,
avec des vignettes sur bois, et
4° en 1554, à Paris, chez Charles Langelier, in-8°. Celle
dernière édition, et sans doute aussi la précédente, porte
la dédicace du 1" mai 1551. Celle de 1554 contient un
poëme de l'auteur sur son exil de France. Nous croyons
que ce poëme est la pièce adressée au cardinal Charles de
Lorraine, qu'on lit en latin et en français dans l'édition
des Poemata de 1 557, pièce écrite d'abord en latin en 1 552.
Elle pourrait bien aussi se trouver dans l'édition de l'Enéide
de celte dernière dale.
5" Une note de B. de la Monnoye, dans son édition de
la Bibliothèque de La Croix du Maine, indique encore une
édition des quatre premiers livres donnée en 1555, édi-
tion que nous nous n'avons trouvée menlionnée nulle part
ailleurs.
Pendant que des Masures travaillait à la suile de sa tra-
duction, dit l'abhé Goujet, quelques imprimeurs, meus
d'avarice et conduits d'ignorance, pour me servir des ter-
mes que l'on prête à Henri II, ayant réimprimé furtive-
ment les quatre premiers livres avec un grand nombre de
fautes, des Masures s'en plaignit au roi en lui présentant
les quatre livres suivants, et en obtint un privilège exclu-
sif pour faire imprimer la traduction complète de l'Enéide,
qu'il était sur le point d'achever. Le privilège, où l'on fait
tenir au roi un langage très-flatteur pour le traducteur, est
du 22 juillet 1557, et la traduction enlière des douze livres
de l'Enéide parut en 1560, à Lyon, chez Jean De Tournes,
in-4", avec le texte de Virgile à la marge. »
6° Une chose certaine, c'est que nous ne connaissons
pas toutes les éditions partielles ou totales qu'a eues cette
traduction de l'Enéide; nous ne pouvons donc pas assurer
que celte réimpression furlive soit celle de 1554, ou celle
— 285 —
de 1555 mentionnée par De la Monnoye. Toujours esl-il
que les livres V-VIII, parurent en li357, in-4% à Lyon,
chez Jean De Tournes et Guillaume Gazeau, avec des
vignettes sur bois. Voici ce que nous lisons dans le cata-
logue du duc de La Vallière, n° 14757 :
« Les [", II, V, VI, VII, VIII livres de l'Enéide de Vir-
gile, transi, de lat. en franc, par Loys des Mazures. Paris,
Wechel, 1547, et Lyon, De Tournes, 1557, 2 vol. in-4''. «
Et dans le catalogue d'une venîe faite à Paris en 1842 :
« Les huit premiers livres de l'Enéide de Virgile, trans-
latez en vers franc, par Loys des Mazures, Tournisien.
Lyon, J. De Tournes et Guillaume Gazeau, 1652-57 (li-
sez 1552), in-4*', vign. en bois (rare). »
D'autre part, nous ne croyons pas que l'édition de 1560
soit la première de la traduction complète. Dans la sylve
que des Masures adresse à Michel de l'Hôpital, nous lisons :
Hos inter legit exactam populosa libellos
Gallia quam média nondum mihi parte legebat
Versam olim relegilque novis ^neida verbis.
Il résulte à l'évidence de ce passage, que les quatre li-
vres qui suivent le quatrième, ne parurent pas avant les
quatre derniers. Il y a un moyen de tout concilier : c'est
de supposer que celte traduction parut en 1557 en entier,
mais disposée de manière à former trois séries de quatre
livres chacune. Il est probable aussi que le traducteur,
jugeant les quatre premiers livres assez répandus pour le
moment, n'aura pas cru devoir les réimprimer dès lors
avec les suivants.
Passons maintenant en revue les éditions que nous avons
rencontrées de la traduction complète de l'Enéide.
1° Les XII livres de l'Enéide de Virgile, traduicts en
vers françois par Loys des Masures, Tournisien. Imprimé
à Lyon par Jean de Tournes, 1560, in-4% avec le texte de
Virgile à la marge. Cette édition est fort belle; on voit à
— 286 —
chaque livre uue gravure sur bois, qui en représente le
sujet principal. Elle est dédiée au duc Charles de Lor-
raine, par une épitre en vers de dix syllabes comme ceux
de la traduction. Dans celte épitre, au dire de Goujet,
des Masures s'étend sur l'origine de la maison de Lorraine,
qu'il fait remonter jusqu'aux temps fabuleux, sur son
amour pour l'élude et sur les avantages qu'il en avait re-
tirés dans les divers événements de sa vie.
2" L'abbé Goujet mentionne une édition de 1567, sans
indiquer ni le lieu d'impression ni le nom de l'imprimeur.
Nulle part ailleurs nous n'en avons rencontré la mention.
5" L'Enéide de Virgile, Prince des Poêles Latins, trans-
latée de Lalin en François par Louis des Masures, Tourni-
sien. Auec les Carmes lalins correspondans verset pour
verset. (A Paris), chez .Jean Borel, près la chancellerye du
Palais, 1 572, in-8% de 672 pp. — Paquol; Cat. La V^allière,
n" U750.
k" Calmet et Goujet signalent une édition in-16, à Paris,
chez Claude Micard, 1574.
Du Verdier, suivi par l'abbé de Marolles et par Paquol,
indique une édition de l'Enéide avec les Bucoliques et les
Géorgiques, édition donnée en 1576, par le même Claude
Micard. Goujet nie l'existence de cette édition, que nous
n'avons au reste point rencontrée.
5° Mais nous avons sous les yeux l'édition de 1578 de
cette collection. Elle est intitulée :
Les œvvres de Pvblie Virgile Maron, prince des poêles
latins. Traduits de Latin en François. Les Bucoliques et
Géorgiques par Cl. M. ((élément Marol), et R. le Blanc :
Et les xij liures des Eneides par Loys des Masures. Et de
nouueau, oultre les précédentes Impressions, a esté adiousté
vn trezième liure par Maphéus. Ensemble les Epigrammes
sélecte de Virgile : qui ont esté nouvellement traduits de
Lalin en François, correspondant l'vn à l'autre par P. D.
— 287 —
Mouchault. A Paris, chez Claude Micard, au clos Bruneau,
à la chaire, 1578, avec privilège dv roy. Petit in-8°, de
4o4 folios sans les liin., une vie de Virgile et un extrait
du privilège.
La traduction de rÉnéide, avec le latin en marge, oc-
cupe les folios 103 à 417. Elle est précédée de quatre dis-
tiques latins de George de la Patrière, de la traduction de
ces distiques, d'un sonnet de Joachim du Bellay Angevin,
d'un distique anonyme, traduit en français par Claude
Binel de Beauvais, et d'un sonnet du même, adressé au
seigneur des Masures. Chaque livre, sauf le premier, est
précédé d'un sonnet tenant lieu d'argument terminé par
cette devise :
Qiianto superat discrimine virlus?
La traduction, en vers de dix syllabes, est imprimée en
caractères romains; le texte est en italique.
On lit au verso du privilège : A Roven, De l'Imprime-
rie de George l'Oyselet.
Claude Micard, dans son avis au lecteur, lui dit : « Quant
aux douze livres des Enéides, traduits par Loys des Masu-
res, Tournisien, et dédiées au très-noble et très-vertueux
prince, monseigneur le duc de Lorraine, ie n'ay que faire
de vous en parler, ni de vous les recommander : l'autheur
de soy mesme est assez cogneu d'un chacun, et la besogne
assez recommandée. »
6" Même collection. Paris, Cl. Micard, 1580, in-16.
— Brunet; Cat. La Vallière, n" 14734.
7° Même collection. Anvers, Grég. Humbert, 1582,
in-16. — Cat. Courtois, n" 840.
8" Même collection. Paris, chez Cl. Micard, 1588, in-16
ou pet. in-12. —Cat. du card. Du Bois, III, n" 824; La
Vallière, n° 14735.
9° Les douze livres de l'Enéide.... Lyon, Paul Frelon,
1606, selon l'abbé de Marolles.
— 288 —
10" Une réimpression de la collection Micard fut faite à
Cologny, près de Genève, in-16, en 1613, selon Brunet,
1616, selon la Bibliographie de Virgile, insérée dans l'édi-
tion Lemaire.
Nonobstant ce grand nombre d'éditions, ce recueil est
peu commun. La bibliothèque de l'Université de Gand pos-
sède l'édiiion de 1578. Malgré cette rareté, Brunet n'évalue
cette collection que de 5 à 5 francs.
II. 1° La guerre cruelle entre le Roy blanc et le Roy
maure, traduite en vers par le seigneur des Masures.
Paris, Vincent Serlenas, \doQ, in-4°. — Cat. La Vallière,
n" 14900.
Cette traduction du de Litdo Scacchoruni de Jérôme
Vida, parut de nouveau l'année suivante, sous ce titre ;
2° Le lev des Eschecz, translaté en François du Latin
de Hierome Vida, par Lovïs des Masvres, Tournisien,
avec celle épigraphe : Qiianlo sitperat discrimine virtiis?
A Lion, par lan de Tovrnes et Gvil. Gazeav. M.D.LVII.
Auec Priuilege du Roy. In-i", de 43 pp. y compris le li-
tre : Au verso du titre, un sonnet inlilulé : A Monsignevr,
Monsigneur de Vaudemont (Nicolas de Lorraine). Car.
ital. avec des notes marginales. — Bibliothèque royale à
Bruxelles.
Brunet l'évalue de 6 à 8 francs.
Nous donnerons ici ce que l'abbé Goujet dit de cette
Iraduclion :
« Je n'ai vu qu'une traduction du poëme des Echecs;
c'est celle que Louis des Masures Tournisien fit imprimer
à Lyon en 1.357, in-4% et qu'il adressa au comte de Vau-
demont, l'un de ses protecteurs. Elle est fort bien impri-
mée en caractères italiques, et c'est à peu près tout son
mérite. Trop paraphrasée, elle devient diffuse, languit et
ennuie. Il faut huit vers à des Masures pour traduire les
quatre premiers du poète latin, et encore quels vers! ju-
gez-en par ce commencement :
— ^289 —
Je chante en jeu une guerre pourtraile :
D'un fier combat la semblance je traite
Tirée au vray, une feinte en buy d'armes :
Le jeu d'un règne, et d'un camp de Gendarmes,
Comme deux Roys l'un à l'autre s'opposent :
Et pour l'honneur au combat se disposent.
L'un marche blanc, l'autre noir sur les rangs,
Ainsi armés de harnois diflerens.
» Vitia invoque les Nymphes de son pays, et fait hon-
neur à ritalie de l'invenlion du jeu des échecs. Des Ma-
sures en donne l'honneur à la France, et demande l'inspi-
ration des Nymphes du Touvre, rivière d'Angoulême :
Declayrès-moi du Touvre Nymphes gentes
Ces durs efforts et rencontres urgentes,
Qu'aucun poète encore en escrivant.
N'a onq osé loucher par cy-devant.
» Le poêle latin nomme plusieurs fois la ville de Rome;
mais dans tous ces endroits, le traducteur substitue celle
de Paris. Voilà à peu près tous les changements qu'il
m'a paru avoir faits; ils ne sont pas essentiels et n'allèrent
en rien le fond du poëme de V'ida. Vous pouvez remar-
quer, si vous lisez celle barbare traduction, qu'en nom-
mant la cinquième pièce des échecs, des iMasures relient
l'ancien nom de Rok; c'est la pièce qu'on nomme aujour-
d'hui la Tour. »
III. Vingt pseavmes de David, traduits selon la vérité
Hébraïque : et mis en rime Françoise, par Lovïs des Ma-
svres Tournisien. — Avec celte épigraphe : Qiianto supe-
rat discrimine virtiis?
A Lion, par lan de Tovrnes et Gvil. Gazeav, M.D.LVII.
Auec priuilege du Roy. In-4°, de 64 pp. y compris le lilre
et les lim., qui occupent 12 pp. Caractère italique.
Les lim. contiennent : 1° A Monsigneur l'Evesque et
Conte de Toul, Prince du Saint Empire, Messire Toussain
— 290 —
de Hocedy (p. 5-9). — 2° Au mesine Sigiienr et Conte de
Toul (p. 10). — û^Eideni ipsi D. Panagio Hocedio, Leu-
corum Anlistiti dignissimo, idem Ludovicus Masurius JVer-
vius, en vers (p. 1 1). — 4" Au lecteur chrétien (p. 12).
Ces vingt psaumes sont ceux qui portent les n"^ 16, 49,
81 à 84, 86 à 90, 92 à 97, 106, 117 et 159. Chacun
d'eux est précédé d'un argument en prose française. Tous
sont en vers lyriques d'une grande variété de coupes.
Bibliothèque royale à Bruxelles.
IV. Oevvres poétiques de Lovis des Masvres Tovrnisien.
— Avec cette épigraphe : Quanto superat discrimine virtus?
A Lion, par lan de Tovrnes et Gvil. Gazeav, M.D.LVII.
Auec priuilege du Boy. In-4% titre et lim. 24 pp., texte
80 pages. La pagination est plusieurs fois défectueuse.
Car. ital.
Au verso du litre : « Extrait du Privilège du Boy. »
Par grâce et privilège du Boy est permis à M. Louis des
Masures, conseiller et secrétaire de Monseigneur le duc
de Lorraine, de faire imprimer Ce privilège, donné
pour dix ans, est daté de Compiègne, le 22 juillet 1537,
et signé Par le Boy Duthier. Suit une pièce : Augeuille à
des Masures; puis un long poëme : ad car. Lotharinguni
cardinalem ampliss., accompagné en regard de la traduc-
tion en vers français, par des Masures lui-même. Nous en
retrouverons le texte latin au n" V. Ce poëme fut écrit
en 1552.
Ce volume contient :
15 pièces intitulées au haut des pages : vers lyriques.
5 èpigrammes,
10 épitaphes,
1 épilre,
1 élégie, et
la fable de Biblis et Caunus, traduite ou imitée du
I\« livre des Métamorphoses d'Ovide. Plusieurs de ces piè-
— 291 —
ces sont reproduites dans le Parnasse des poêles français.
Les vers lyriques sont intitulés :
1° A Monsigneur TEvesque et Conte de Toul, prince du
Saint Empire, Messire Toussaint de Hocedy, Ode prise en
partie sur celle d'Horace : Otiiim Divos. — 2° A Biaise
d'Everou. — 5° A Maurice Sceve Lyonnois. — 4° A loa-
chim du Bellay Ang. — 5" A Herman Taffîn. — 6" A sa
fonteine. — 7" Sur aucuns de ses vers, mis en musique,
et présentez à Monseigneur le Duc de Nivernois. — 8° La
mal traitée de son ami. — 9" D'une dame belle, et bien
variable. — 10° A Diane, lui donnant une ceinture pour
estreines. — 11" De Diane, et de Selinople, lieu de sa
naissance. — 12° A Anne. — 15° Chant pastoral, en la
nativité de notre Signeur Jesuchrist. — ii° Hymne Chré-
tien. 15° Prière à Dieu, prise du Latin de lan Picus, Conle
de la Mirandole.
Les épigrammes portent pour titres :
1° Du Roy passant le Rone. — 2° Au Roy, lui présen-
tant le premier livre de l'Enéide nouvellement traduit. —
3" De soymesmes. — 4" Le desconforté. — S" D'amour
ja presque veinqueur.
Les épitaphes sont celles : l°de François de Clemery;
2" d'Albéric de la Mothe; 3° du cœur de René de Chalon,
prince d'Oranges; 4° à Monseigneur Jan, cardinal de Lor-
reine; 5° de luy encores; 6° de Monseigneur Claude de
Lorreine, duc de Guise; 7" de 3Iadame de Jamets, Heleine
de Bissipart; 8° Épitaphe de Diane Baudoire, sa femme;
9" A elle-mesmes; 10" Épitaphe de Pierre du Villier, si-
gneur de la Mabillière, mort à son retour de la guerre.
Des Masures a dans la suite imité en latin bon nombre de
ces petites pièces, et en a donné la version dans ses poé-
sies latines en 1574.
L'épitre est adressée à Thierry de la Mothe. L'élégie ne
contient que des sentiments d'amour.
292
Le dernier morceau : Biblis, amoureuse de son frère
Caunus, prins du neuvième livre des Melamorphoses
d'Ovide, occupe les pp. 67 à 80.
Cet ouvrage est très-rare. Brunet en dit : Autrefois de
6 à 9 frs : aujourd'iiui prix arbitraire. Un exemplaire mar.
rouge, ornements, fil. (Bauzonnet) s'est vendu 53 francs
à la vente de Nodier en 1844, n" 398 du catalogue.
Bibliothèque royale à Bruxelles.
Catalogue Baudewyns n° 2260.
V. 1" Lvdovici Masvrii Nervii Carmina. — Avec cette
épigraphe : Quanto superat discrimine virlus?
Lvgdvni apvd loan. Tornsesivm et Gvl. Gazeivm. M. D.
LVII. Cum priuilegio Régis.
Car. ital., in-4'', de 76 pp. y compris le titre et une
épitre de Jean Salmon, dit Macrin, ancien valet de cham-
bre de François I"; au verso d'une page blanche à la fin
on lit dans une banderole entrelacée ces mots : son art en
DIEU.
Au verso du titre : Salmonius Macrinus luliodunensis
Ludovico Masurio Nervio. Sauf celte épître, celte édition
est reproduite en entier dans les Deliliœ C. Poetariim Bel-
gicorum, colleclore Ranutio Ghero (Grutero). Franco-
furli, typis Nicolaï Hoffmanni, sumplibus lacobi Fischeri,
anno 1614, t. III, à p. 479 ad 542.
Bibliothèque royale à Bruxelles. Catalogue Courtois,
n" 1287; iMulle, n" 3432; Baudewyns, n" 2260.
2° Lvdovici Masvrii Nervii Poemata, secundo edila, ab
aulhore ipso recognila, et nouis aucla. Basilese, M. D.
LXXIIII. Sans nom d'imprimeur, mais avec la marque de
Thomas Guarin, aulre Tournaisien établi comme typogra-
phe à Bâie; in-16 de 128 feuillets chiffrés, y compris le
titre, une épilre en prose intitulée : Lectori in Ecclesiam
Dei assumpto S., une autre en vers : Ad Theodorum Be-
zam, Florenlium Chrislianum, et Jacobum Grevinum,
— 295 —
Poetas Christum amplexos : fralres el aniicos curn primis
observandos; el enfin la pièce de Macrin, mentionnée ci-
devant. — Car. ital.
Au verso du litre on lit :
Qvee hoc poemalum volumine continentur :
Babylon, sive de Babylonis ruina carmen (fol. 4-17);
Carminum liber, quo tum canlica qusedam e sacris libris
desumpla, lum odse qusedam alise canuntur (f. 17-44);
Eclogse duse (f. 44-49);
Sylvse XIII (f. 49-80);
Elegiœ VII (f. 81-96);
Epilaphia (f. 97-108);
Epigrammala (f. 108-128).
Celle seconde édition, faite postérieurement à la sépa-
ration de Tauleur de l'Église catholique, diffère considé-
rablement de la première.
Dans sa préface, des Masures déclare qu'il a retranché
de ces poésies celles qu'il avait autrefois composées pour
plaire aux puissances du siècle, alors qu'il se trouvait au
milieu des ténèbres des Égyptiens, etc. Cependant le nom-
bre des pièces retranchées n'est pas bien considérable. Les
voici :
1° Ad Carolum Lotharingium cardin. (pp. 3-10 de l'éd.
de lSo7), pièce déjà publiée plusieurs fois en français
aussi bien qu'en latin;
2° Ad Janum Lolhar. card. 8 dist. (p. 33 éd. cit.);
3° Carolo Lolh. card. (pp. 43-47);
4° De Marte el Venere Cupidinis lelo vulnerati. — Ode
de vingt strophes (pp. 47-50);
5" Petro Ronsardo et lo. Bellaio, 4 dist.;
6° De suo et amicse mutuo amore, 5 dist.;
7° De Venere Dianam mentita, et Diana à Cupidine vul-
nerata, 11 dist.;
8° De femina quse generi amore capta filiam occidit,
2 dist.;
— 294 —
9" Amphion fonli impositus, 1 dist.
On le voit, sauf le premier morceau, qui avait déjà
eu assez d'éditions, le sacrifice que fait ici des Masures
est de bien peu d'importance. Il a ensuite omis quelques
petites pièces par puritanisme; quant à celle adressée à
Ronsard et à Joachim du Bellay, nous verrons plus loin le
motif de sa suppression. Ronsard n'avait pu cacher à des
Masures, tout en le traitant d'ami, qu'il désapprouvait son
abandon de la religion de ses pères.
Si des Masures a peu retranché, il a en revanche beau-
coup ajouté. Nous allons passer en revue le contenu de
cette seconde édition, en insistant principalement sur les
pièces qui présentent un certain intérêt historique; nous
avons ailleurs traité la question au point de vue littéraire.
Nous dirons encore que c'est de ce recueil, ainsi que des
Œuvres poétiques, que nous avons extrait presque tous
les détails biographiques que nous avons donnés sur des
Masures.
Le poëme de Babylone est une œuvre allégorique qui
rappelle l'ouvrage de Luther sur la captivité de Babylone.
Il est précédé de ces vers significatifs :
En jacel eversa tandem Babylone, superbos
Quœ domuit inereirix (infandum) fœmina Reges.
Ces deux vers sont suivis de trois distiques de Théodore
de Bèze, qui ne marchande pas les éloges à son collabo-
rateur.
La seconde partie comprend douze cantiques imités de
l'ancien et du nouveau Testament. Viennent ensuite des
odes au nombre de dix.
Les sept premières roulent sur des sujets religieux.
Dans la VIII% l'auteur raconte au cardinal Charles de
Lorraine ce qu'il fait dans son petit domaine de Saint-
Melin. Sa muse est dans les larmes. Elle déplore François
— 295 —
I", Melliii de Saint-Gelais, Macrin, Clément Marol. L'ode
suivanle est adressée à Toussaint de Hocédi.
Les deux églogues, conçues sur un ton allégorique, rou-
lent sur les motifs de sa séparation de Rome,
Parmi les sylves, nous signalerons :
La seconde, dans laquelle il explique au chancelier de
l'Hôpital les causes qui l'ont empêché jusque-là de lui
écrire. Il s'y étend longuement sur les circonstances de sa
vie. Des Masures avait vécu avec l'Hôpital à la cour. Il
l'avait même accompagné dans un de ses voyages en Auver-
gne. Il assure avoir beaucoup appris dans la fréquentalioji
de cet ancien ami.
La troisième était destinée à servir de préface à la
traduction du IH'' livre de l'Enéide. Elle est adressée au
cardinal Jean du Bellay et fut écrite à Rome. Détails bio-
graphiques.
La suivante a pour sujet le retour en France du même
cardinal. Dans la cinquième, il se recommande au même
du Bellay.
La septième est un chant funèbre sur le meurtre de
Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne. Dans la neuvième, il
déplore la perte de son épouse Diane Baudoire, et dans la
suivante, celle de François de Clémery. La onzième traite
du mariage de Renée, sœur du duc de Lorraine, avec le
prince de Bavière. La suivante, adressée à Théodore de
Bèze, renferme des conseils sur des points douteux, et
la dernière est une exhortation à Anne Ursin, de rester
fidèle au service de Dieu, malgré toutes les épreuves qui
peuvent lui survenir.
Les élégies sont adressées à François Perrot, à Odoard
Bizet, à son fils Claude enfant, au même adolescent, à
(Claude Rambertvillers de Toul, à Albéric de la Mothe et à
Philippe Brun. Les deux morceaux adressés à son fils sont
remplis de détails biographiques extrêmement curieux.
— 296 —
Dans les épilaphes, nous trouvons les noms suivants :
Antoine et François, ducs de Lorraine; Claude de Lor-
raine, duc de Guise; François de Lorraine, duc de Guise;
Jean, cardinal de Lorraine; Marguerite d'Egmont, épouse
de Nicolas de Lorraine, comte de Vaudemont; Claude Peni-
cerius, oncle de Diane Baudoire; Jacques Baudoire, son
frère; Diane Baudoire, François et Jacques de Clémery.
Des Masures a aussi consacré deux pièces à son père et
à sa mère; nous signalerons encore l'épitaphe d'Olivier
Boch.
Nous citerons aussi les principaux noms rappelés dans
les épigrammes et les Xenia qui terminent le recueil. Les
voici : Paul de Mélisse, Clément de Trelles, Jacques Pa-
scharius, Rabelais, Jean Mallot, Antoine Le Pois, Jean
Dulliier, secrétaire de Henri II, Mellin de Saint-Gelais,
Hugues Salel, Georges de la Patrière, Antoine Senneton.
L'avant-dernière pièce est adressée à Jean Taffin et Pierre
de Cologne, ministres calvinistes à Metz. Ce Jean Taffîn
est un autre Tournaisien, qui plus tard passa aux Pays-
Bas, où il fut l'un des partisans les plus zélés du prince
d'Orange, Guillaume le Taciturne.
Les deux premières pièces des Xenia sont adressées à
Georges-Jean comte palatin du Rhin, et à Égenolplie,
seigneur de Rappolslaiu, auxquels des Masures envoyait
de ses poésies.
La Bibliothèque de l'Université de Gand et la Bibliothè-
que royale à Bruxelles possèdent chacune un exemplaire
de cette rare et curieuse édition. On la trouve encore men-
tionnée dans le Cal. du card. Du Bois, III, n° 814, avec la
fausse date de 1573, et dans le Cat. Courtois, n" 1280'''*.
Paquot est tombé dans l'erreur, en disant que la meil-
leure édition des poésies latines est de Bàle, 1579, in-16.
L'édition qu'il donne comme la meilleure et dont il cite le
titre, n'est autre que celle de 1574, que nous venons de
décrire.
— 297 —
VI. ilymiie sur la Justice de Mets. De la Prise de Saincl-
Quenlin, et de la Conqueste de Calais, au Roy. — Impr. à
Tholose par G. Bondeuille, 1558, in-4°.
Cité par du Verdier. Cette édition doit être excessi-
vement rare; nous ne Tavons trouvée mentionnée dans
aucun catalogue.
L'imprimeur Bondeuille fut pendu comme protestant à
Toulouse, le 20 mai 15G2. On sait que la prise de Saint-
Quentin eut lieu en 1557, et celle de Calais Tannée sui-
vante.
VII. Chant pastoral sur le partement de France et la
bien-venue en Lorraine de monseigneur Charles, duc de
Lorraine, et de madame Claude de France, son espouse.
Lion, lan de Tournes, 1559, petit in-8°.
Cette édition est citée par du Verdier. Brunet en men-
tionne un exemplaire mar. v., vendu fr. 22-50 en 1841.
Claude de France était fille de Henri II. Elle mourut
en 1575.
VIII. Brief sommaire touchant la doctrine des Sacre-
ments composé par Théodore de B[èze], (et trad. du latin
en français par Louis des Masures). Lyon, Jean Doge-
rolles, 1564.
Rappelé par La Croix du Maine, éd. de 1772, II, 52.
Meurisse, dans son Histoire de Metz, dit qu'en 1564,
des Masures s'amusa à de mauvaises traductions. C'est là
sans doute une allusion aux ouvrages repris sous ce numéro
et sous le suivant.
IX. Dans la collection suivante, formant le u" 4003 du
Cat. Méon, nous trouvons encore une traduction faite par
des Masures :
Histoire des vies et Faicts de quatre excellents Person-
nages, premiers Restaurateurs de l'Évangile, assavoir : de
Luther, par Melancthon; d'Oecolampade, par Wolfgang,
Faber Capilo et Symon Grynée; de Zuingle, par Osvaldus
— 298 —
Myconius; de J. Calvin, par Théod. de Bèze (avec les por-
traits). — Dans le même volume, Conformité des Églises
réformées de France et de la primitive Église, par du Pinel.
— Vraye et droite intelligence de ces paroles : ceci est mon
corps, traduit du latin de Th. de Bèze, parL. Desmasures.
— Traité du péché contre le Saint-Esprit, par Aug. Mario-
rat. — Le tout en un vol. in-8°, sans indication de lieu et
sans nom d'imprimeur, 1564 (très-rare).
Pour l'ouvrage de du Pinet au moins, nous savons qu'il
parut à Lyon chez Jean Dogerolles.
Cette traduction de des Masures doit être d'une exces-
sive rareté. Elle n'est pas même mentionnée, non plus que
le n" VIII, par Rodolphe Ilospinien dans son Historia 5a-
cramentaria. Le catalogue Méon est à notre connaissance
le seul qui en fasse mention.
X. 1" David combattant, David fugitif, David triom-
phant, tragédies sainctes, par Louis des Masures Tourni-
sien. Paris, Robert Estienne, 1563, in-12. Celle édition
est accompagnée de la tragédie de Jephté, traduite du latin
de Buchanan, par Florent Chrétien.
Ces trois tragédies de David, selon Godard de Beau-
champs dans ses Recherches sur les Théâtres de France,
sont en vers de plusieurs mesures avec un prologue, des
chœurs et un épilogue, sans autre distinction d'actes ni de
scènes, que par des pauses.
2" Les mêmes tragédies sans le Jephté. Genève, François
Perrin, 1566, in-4°, avec Bergerie spirituelle, et Églogue
spirituelle, par Louis des Masures.
Les interlocuteurs de la Bergerie spirituelle sont : Vé-
rité, Religion, Erreur, Providence divine. Le tout en vers.
Cat. La Vallière, n" 17196.
3° Tragédies Sainctes avec la Bergerie et l'Églogue.
Anvers (Grég. Humbert?), 1582, in-8°.
Cat. de la Bibl. des Jésuites d'Anvers, I, 345.
— 299 —
Cette édition s'est payée 53 francs à la 5'' vente Debure.
4° Les mêmes, également avec la Bergerie et l'Églogue.
(Genève), par Gabriel Cartier pour Claude d'Augy, 1583,
in-8°.
Vendu en mar. bl. 20 fr. de la Leu; précédemment
fr. 7,20 Gaignat.
La Bergerie spirituelle est accompagnée de la musique.
S" Les mêmes tragédies, sans la Bergerie ni l'Églogue,
mais avec le Jephté de FI. Chrétien. Paris, Mamert Palis-
son, 1587, pet. in-12.
Vendu 16 fr. Labédoyère, belle reliure ancienne; GO fr.
Pixérécourt.
6" Les mêmes avec le Jephté. Paris, Mamert Pâtisson,
1595, pet. in-12.
Cat. La Vallière, n° 17198.
7° Il existe encore des tragédies saintes : une édition
sans date, petit in-12. Elle figure au catalogue Courtois
sous le uuméro 2597 avec le Jephté, éd. de 1587.
8° Enfin le catalogue Gérard, n" 702, mentionne une
autre édition sans date, in-8''; elle se trouve dans le même
volume que la Céciliade de N. Sorel, éd. de Paris, 1606.
XL Barbier cite de la Bergerie spirituelle une édition
de Paris, 1566, in-^". Cette édition anonyme n'est peut-
être pas autre que celle de Fr. Perrin de la même année.
La Bergerie fut imprimée plusieurs fois en même temps
que les tragédies; nous avons dit que l'édition de 1583
contient la musique. Ce qui est assez probable, c'est que la
Bergerie n'a jamais paru séparément, mais qu'elle avait sa
pagination distincte.
XIL Cette dernière remarque, nous la ferons également
pour l'Eglogue spirituelle, qui accompagne plusieurs édi-
tions des Tragédies.
XHL Eclogue sur l'enfance de Henry, marquis du Pont,
fils premier nay de Charles, duc de Lorraine. Genève,
François Perrin, 1566.
— 300 —
Du Verdier, qui cite celte Eglogue, n'en indique pas le
format.
XIV. Babylon, sive Babylonicse tyrannidis Eversio; ex
Gallico in Latinum Sermonem conversa. Genevse, 1569,
in-4''.
Nous n'avons trouvée celte pièce mentionnée comme ayant
été éditée à part, que dans Paquol. Au reste le pôëme latin
de Babylone est inséré, comme nous l'avons vu, dans l'é-
dition de 1574 des Poemata.
L'an 1565 avait paru in-S" sans nom de lieu, un ouvrage
intitulé : « La ruine de la grande cité et du règne tyran-
nique de la grande paillarde Babylonienne composée en
ryme françoise, » ouvrage que Barbier, d'après Fleischer
Bibliorjr. franc., t. Il, attribue à Louis Palercé. Nous igno-
rons ce qu'était ce Louis Palercé; et n'ayant pas vu l'ou-
vrage français, nous ne pouvons dire si c'est là l'original
de notre poëme latin.
XV. Foppens, dans l'articulet qu'il donne à des Masures,
s'exprime ainsi : « Ludovicus Masurius Nervius, Calviuistœ
sectse assecla, Poemata quœdam lalina edidit Basilese 1579
in-S", quorum hic titulus :
Borboniades, sive de Bello civili ob religionis causam
in Gallia gesto, libri XIV. Sunt aulem vetitœ lectionis. »
Un manuscrit de ce poëme est conservé dans la biblio-
thèque publique de Genève. Nous donnerons ici l'article
intéressant que Jean Senebier y consacre dans son Catalo-
gue raisonné des Manuscrits de la ville et république de
Genève. Genève, 1779, n" 100, pp. 245-247:
» Ludovici Masurii Nervii Borboniados, sive de bello
civili ob religionis causam in Gallia gesto, libri XII (sic),
fol. Papier.
» Ce poëme me paraît absolument inconnu de même que
son auteur; je n'en trouve aucune notice ni dans les cata-
logues des manuscrits de la Bibliothèque du Roi, de celle
— 301 —
de De Thou, le Tellier, Coislin, ni dans les histoires ou
mémoires de la Ligue, ni même dans l'hisloire latine de la
vie de Gaspard de Coligni, imprimée en 1575, quoique
Masurius dédie son ouvrage à ce héros : « Preestantissimo
«heroi Gaspari Collignio GalliarumThalassiarco, chrisliani
«exercitus Imperatori fortissimo. » Sa dédicace est datée du
mois d'août 1572; mais il apprend dans une note que
TAmiral fut lâchement assassiné « crudelissima illa Pari-
«sioruni strage cecidisse; » que, lorsqu'il apprit cette fatale
nouvelle, son ouvrage était fort avancé; qu'il avait fait les
cinq premiers livres de son Poëme, qu'il voulut le conti-
nuer, et que, comme il l'avait commencé sous les auspices
de l'Amiral vivant, il voulait le faire servir à célébrer sa
gloire après sa mort.
» Il apprend son but dans sa préface : « Mihi hoc opus
» conficienli, qualecunque erit sit ratio bellorum istorum
» civilium, quœ hoc nostro sseculo gesta sunt, potissimam
» partem carminé scribeus admixtis intérim poelicis quibus-
» dam allusionibus ac fictionibus, quibus opus ipsum illus-
» trare etiam opportunum visum est. »
» Mais il assure que, quoiqu'il ne rapporte pas les pièces
originales, il ne dit rien que de conforme à la vérité.
B Pour faciliter l'intelligence de son ouvrage, l'auteur
donne un Dictionnaire latin et français des noms d'hom-
mes et de lieux dont il se sert, parce que sans cela il eût
été inintelligible.
» Il commence son poëme en peignant les efforts de
Paul III (f 1549), pour rétablir la paix entre les rois
d'Angleterre et de France; il fait connaître la haine des mai-
sons de Montmorency et de Guise, il dessine les portraits
des hommes qu'il va faire agir, et il finit par la bataille de
Jarnac(1569).
» Cet ouvrage est une gazette versifiée; elle est sans cha-
leur ni vie, mais la vérité historique y parait très-bien
conservée.
— 30^2 —
» Pour donner une idée de ses vers, je rapporte ici les
premiers du premier livre :
Forlibus exhaustos ob mundi vasta labores
Régna viris, et bella manu violenta potenti
Orbis ob imperium et terrae pereuntis habenas
Gesta canant vano qui gaudent carminé vates;
Arma ego pro Christi regno pietatis in hostes,
El populi certa pro libertate fidelis,
Sumpla, Deique pias meditabor carminé laudes. »
Il résulte du commencement de cet article que Senebier
croyait cet ouvrage inédit. Jacques Lelong, l'auteur de la
Bibliothèque historique de la France, avait déjà exprimé
la même opinion. Cependant Calmet, sans doute d'après
Foppens, assure qu'il existe un recueil des poésies latines
de des Masures imprimée à Bàle, en 1579, in-S", et dans
lequel se trouve la Borboniade. L'édition de Bàle, 1579,
dit Brunet, doit être fort rare, puisque nous ne la trouvons
portée dans aucun bon catalogue.
Il est permis, croyons-nous, de douter que ce poëme ait
été imprimé. En tous cas, il n'aurait vu le jour qu'après
la mort de son auteur.
Nous avons maintenant à passer en revue les ouvrages
attribués à des Masures, et ce n'est pas la partie la moins
difficile de notre tâche.
Du Verdier, à l'article Louis des Masures, cite comme
étant de cet auteur un Josias, tragédie, imprimé à Genève,
et aux anonymes de la lettre J, il rapporte le titre suivant :
Josias tragédie de Messer Philone, traduite de l'italien en
vers françois. Genève, Fr. Perrin, 1556, in-4°. « Cepen-
dant selon toute apparence, dit Brunet, il s'agit bien là
d'une seule pièce, qui doit être la même que le Josias im-
primé en 1583. L'existence de l'édition de 1556 est fort
douteuse; mais nous avons vu l'édition de Genève de l'im-
primerie de François Perrin, 1566, in-8°, de 100 pages
chiffrées. »
— 305 —
Brunel, après G. de Beauchamps, regarde ce nom de
Messer Philone comme un pseudonyme, et il ajoute : « il
est très-probable que l'auteur de cette pièce, écrite en fa-
veur des Calvinistes, est Louis des Masures. »
D'un autre côté, voici ce qu'en dit de Beauchamps : « Ce
messer Philone, qu'on ne connaît point d'ailleurs, pourrait
bien être Louis des Masures, qui se serait caché sous ce
nom.... Le même imprimeur, qui a imprimé le Josias
de 1556, a imprimé les œuvres de des Masures en 1566;
mais cela ne conclut rien, à moins que l'auteur n'eût pris
un nom supposé pour une seule pièce, après en avoir donné
trois sous son propre nom; ce qui résulte de ceci, c'est
que l'auteur du Josias de 1566 n'a pas voulu se faire con-
naître. »
Dom Calmet attribue également la tragédie de Josias à
Louis des Masures. Barbier, Dict. des Anonymes et Pseu-
donymes, assure que celle tragédie fut, non pas traduite de
l'italien, mais composée en français par le même auteur.
La tragédie de Josias eut une autre édition en 1583,
sous ce titre :
Josias, Tragédie en ryme françoise par le sieur Philone,
huguenot, en laquelle Tragédie se trouve le vrai Miroir des
choses advenues de nostre temps (en 5 actes et en vers).
Sans nom de lieu (Genève). Imprimée par Gabriel Cartier
pour Claude d'Augy en 1583, pet. in-8".
Il existe encore sous le nom de Philone:
Adonias, tragédie, vrai miroir ou tableau et patron de
Testât des choses présentes etc., par Philone. Lausanne,
Jean Chiquelle, 1586, in-8°. — En cinq actes et en vers.
Nous avons peine à croire que des Masures soit l'auteur
de ces deux tragédies. Quand parut le Josias de 1556, des
Masures vivait à la cour de Lorraine, et ne songeait pas
encore à renier sa foi, qu'il n'abandonna qu'en 1559, et
encore pour n'afficher ses nouvelles opinions que quatre
— 504 —
ans plus tard. Il est vrai que l'existence de celte édition
est mise en doute par Brunet.
D'un autre côté — en admettant qu'elle n'ait pas existé,
— quand parut le Josias de 1366, des Masures n'avait
plus rien à perdre, plus rien à ménager; et il serait pour
le moins étrange qu'il eût signé de son nom ses tragédies
saintes, imprimées la même année chez le même typogra-
phe, et qu'il eût donné sous un pseudonyme cette tragédie
de Josias. Pour ce qui concerne l'Adouias, la chose est
plus extraordinaire encore, puisqu'il ne parut que douze
ans après la mort de des iMasures.
On a encore attribué à notre auteur :
Le triomphe de lésuschrist, comédie apocalyptique, tra-
duite du latin de lean P'oxus, anglois, en rilhme françoise,
et augmentée d'un petit discours de la maladie de la Messe,
par laques Bienuenu, citoyen de Genève. Genève, par lean
Bonnefoy, pour laques Bienuenu, M.D.LII, in-4% de 76 ff.
en lettres rondes avec i ff. prélim.
C'est sur une conjecture de l'abbé Mercier de Saint-Léger
que Barbier attribue cette traduction à Louis des Masures.
Nous croyons qu'il y a là erreur profonde. M. Sainte-
Beuve, avec Senebier, dans son Histoire littéraire de Ge-
nève, et la Biographie Michaud, regarde ce Jacques Bien-
venu comme un personnage réel. Du reste, on a encore de
Jacques Bienvenu : « la Comédie du monde malade et mal
pansé récitée à Genève en 1508, au renouvellement de
l'alliance entre les nobles et illustres républiques de Berne
et de Genève, 1568, in-8". » Cette satire, dirigée contre
les difl'érenls états de la société, et surtout contre les mé-
decins, attira à l'auteur de nombreux ennemis qui ne le
ménagèrent point.
Pour être conséquent, il fallait aussi attribuer la Comé-
die du monde malade à des Masures. Malheureusement
aussi il nous est prouvé que ce dernier n'a jamais résidé
à Genève.
— 505 —
Nous ajouterons que l'original de la Comédie de Foxus
avait d'abord paru à Londres en 1551. Il fut réimprimé à
Bàle en 155G. On cite aussi une édition de la traduction
donnée à Genève en 15G2, in-^".
La traduction est plus rare que Toriginal. Un exem-
plaire, cité par Brunet, fut adjugé 350 fr. à Paris, dans
la vente Coulon, faite en 1829. Ce môme exemplaire s'est
vendu 400 fr. lors de la première vente du cabinet de
M. Borluut de LNoortdonck en 1858.
Feu M. Ilenncberl, dans une note insérée au Bulletin
de la Société historique et littéraire de Tournai, soupçonne
L. des Masures d'être l'auteur de la pièce suivante :
Le dépucelage de la ville de Tournay, avec les pleurs et
lamentations obstant sa défloration, par L. D. (sans lieu
ni date), petit in-8" goth., de 8 fT.
Cette pièce fut composée à l'occasion de la prise de
Tournay par Henri VIII, roi d'Angleterre, en 1513, et
elle doit être de la même époque; le simple rapprochement
des dates prouve que l'hypothèse de M. Ilenncbert est
dénuée de fondement. M. Ilenncbert aura sans doute été
induit en erreur par l'historien Jean Cousin, qui parle de
L. des Masures sous l'année 1507.
Celte petite pièce, devenue fort rare, a été réimprimée à
Paris en 1830, et à Valenciennes en 1838.
On trouve encore des vers de des Masures :
1" dans : Hodœporicon sive itinerum totius fere orbis
lib. VII. Opus historicum, Ethicum, Physicum, Geogra-
phicum à N. Reusnero Leorino J. C. colleclum, Jeremiœ
Reusneri fralris cura edilum. Basileœ ad Pcrnam Lccy-
thum MDXXC.
Cette collection renferme la troisième (pp. G25-630) et
la sixième (pp. 631-C34) élégie des Poemata de 1574-.
2° Parmi les préliminaires de : Austrasi.ic rcges et duces
epigrammatis, per Nicolaum Trciccum descripti. Coloniœ,
— 306 —
1590, in-i". Et dans la traduction en vers français du
même ouvrage par François Guibaudel. Coulongne, 1591,
in-4% fîg. Celle pièce se trouve folio 112 de l'édition citée
des Poemata de des Masures.
L'original, éd. de 1590, forme le n° 12793 du Calai.
La Vallière.
On voit par la préface de la traduction que des Masures
fut un de ceux qui engagèrent Nie. Clément, de Trelles
sur Moselle, à entreprendre cet ouvrage. Celte préface est
datée de Vizelize, dans le comté de Vaudemont, le 2
juin 1573.
3° Parmi les liminaires de : Ant. Le Pois, Discours sur
les Médailles et Gravures antiques, principalement romai-
nes. Paris, Mamert Pâtisson, 1579, in-4", on trouve une
pièce latine et une autre en français. La première se lit
également dans les Poemata de des Masures, éd. de 1574,
fol. 121.
4° Les Schediasmata poetica de Paul Melissus Schedius,
renferment plusieurs pièces de des Masures, pp. 171-172,
p. 526, pp. 527-28, éd. de 1625. Ces pièces latines sont
reproduites dans les Poemata de 1574.
P. 528-531, on lit : Ode aux Muse (sic) sur les poèmes
et armoiries de Paul de Mélisse, 8 strophes de 10 vers.
Cette pièce ne se trouve dans aucune des éditions que
nous connaissons de des Masures. Elle faisait sans doute
partie des poëmes français qu'il se proposait de publier
quand il fut surpris par la mort. Dans la lettre en prose
insérée dans \es Schediasmata (pp. 610-611), lettre que
nous avons déjà rappelée, des Masures parle en effet de
poëmes français qu'il a récemment écrits et non encore pu-
bliés. Godard de Beauchamps cite bien une édition de 1595
du Jephté de Florent Chrétien avec des fragments de des
Masures; mais nous pensons que ce mot fragments signiGe
tragédies saintes. Il n'y a aucune apparence que ces poëmes
français aient jamais vu le jour.
— 307 —
Des Masures jouissait d'une grande réputation parmi ses
contemporains; cette renommée, il la devait surtout à sa
traduction de l'Enéide; et les éloges ne lui furent pas mar-
chandés de son temps. Voici d'abord venir Pontus de
Thiard :
Des Masures soit loué.
Qui au bien imité style
Par un doublement Virgile
Des Muses est avoué.
François Habert, dans son épître à Mellin de Saint-
Gelais sur l'immortalité des poêles français, en parlant de
l'assemblée des Muses où il feint de s'être trouvé en songe,
dit à son tour :
Puis fut parlé du gentil des Masures
Sur l'Enéide en ses graves mesures.
La parole est au chef de la nouvelle école poétique, à
Pierre de Ronsard :
A Loys des Masures, Tournésien, poète François.
Masures, tu m'as veu, bien que la France à l'heure
Encor' ne m'enroloit entre les bons esprits,
Et sans barbe, et barbu j'ay releu tes écrits.
Qui engardent qu'Enée en la France ne meure.
Ah ! que ie suis marry qu'encore ne demeure
A Paris ce troupeau si doctement appris,
Qui n'agueres chantoit pour emporter le pris,
Et sa chanson esloit sur toute la meilleure.
Pour une opinion de Beze est deslogé,
Tu as pas faux rapport longuement voyagé,
Le sçavant Peletier a vagué comme Ulysse.
Phœbus, tu ne vaux rien, et vous ne valez rien,
Muses jouet à fols; puisqu'en vostre service
Vos servans n'ont reçeu que du mal pour du bien.
Ronsard a également adressé à des Masures un de ses
Discours sur les misères du temps. Il paraît que, quand ce
discours fut écrit, des Masures avait déjà embrassé le cal-
vinisme. On sait que l'école de Ronsard était aussi attachée
— 508 —
au catholicisme que l'était peu celle de ^larot. Toutefois
dans ce discours, Ronsard, tout en ayant Tair de blâmer
des Masures, lui donne encore le nom d'ami. Voici au reste
une analyse de ce discours :
Mon livre est ressemblable à ces tables friandes
Quun prince faict charger de diverses viandes :
Le mets qui plaist à l'un, à l'autre est desplaisant.
Aussi, dit-il, je ne contrains personne à me lire.
Celuy qui bien content de mon vers se tiendra,
Me fera grand plaisir : s'il advient au contraire,
Masures, c'est tout un, je ne sçaurois qu'y faire.
Je m'étonne, ajoute-t-il, de ceux de la nouvelle doctrine
qui ne font que répéter : Si Ronsard cessait de parler tan-
tôt de l'amour, tantôt de la guerre, et qu'il ne chantât plus
que Jésus-Christ, Ronsard serait parfait. >'oici sa réponse :
0 pauvres abusez ! que le nouveau sçavoir
D'un moyne défroqué a laissé décevoir :
Tenez-vous en vos peanx; et ne jugez personne....
D'où serait animé
In habitant du Rhin en un poésie enfermé
A bien interpréter les sainctes Escritures
Entre les gobelets, les vins, et les injures?
Y croye qui voudra, Ami, je te promets
Par ton bel Amphion de n'y croire jamais.
Le poëte feint ensuite que du Bellay mort lui a apparu
en songe, et lui a dit :
Crains Dieu sur toute chose, et le fard d'Epicurc
Ne te fasse jamais errer à l'avanture :
Toute ton espérance et de corps et d'espril
Soit fermement flchée au Sauveur Jésus-Chrisl.
Entre Homère et Virgile, ainsi qu'un demi Dieu,
Environné d'esprits j'ay ma place au milieu,
El suis en la façon que m'a descrit Masures
— 309 —
Nous avons analysé cette pièce, parce qu'elle fait con-
naître la position de des Masures vis-à-vis de la plus grande
illustration poétique de l'époque. Nous avons déjà cité le
passage dans lequel des Masures regrette la société de Ron-
sard. Dans ses poésies latines de 1557, on lit une pièce
de 4 distiques, adressée à Ronsard et à Joachim du Bellay;
cette pièce ne se retrouve plus dans la seconde édition de
ces poésies. Celte suppression, était-ce une réponse au dis-
cours de Ronsard?
Un autre non moins célèbre, Rabelais, que des Masures
avait d'abord ensencé, se brouilla plus tard avec notre
poëte; Rabelais avait peu de respect à coup sur pour le
papegaut et ses cardingcmx. Mais il en avait encore moins
pour les disciples de la nouvelle religion. Il invectiva vio-
lemment contre Calvin. Des Masures lui répondit par ce
mauvais destique :
Qui Rabelœus eras, placidus modo, jam quia fundens
Verba furis, Rabie tu niihi lœsus eris.
Il ne peut entrer dans nos intentions de passer ici en
revue tous les éloges que les contemporains ont adressés à
des Masures. Laissons donc Macrin l'appeler la gloire des
poètes de la Nervie; Paul de Mélisse, l'étoile des Nerviens,
laissons Th. de Bèze proclamer Homère et Virgile jaloux
du mérite de des Masures. Ce ne sont là que de simples
politesses sans conséquence; elles peuvent témoigner de la
vogue, mais non du mérite d'un écrivain.
L'abbé Goujet dit de des Masures : « Cet écrivain était
moins mauvais poëte que Pelletier. Peut-être son érudition
n'était-elle pas plus étendue, mais il avait eu le goût meil-
leur et le jugement plus solide. Il avait de l'imagination, et
la langue latine et la nôtre lui étaient familières. »
Joachim du Bellay a aussi traduit le IV'' et le V^ livre
de l'Enéide : « Contemporain de des Masures, dit encore
— 310 -
l'abbé Goujel, non seulement il ne le surpassa point, mais
on ne peut même pas dire qu'il l'ait égalé. »
«La traduction de des Masures, écrit-il ailleurs, est
assez fidèle, littérale même autant que le génie des deux
langues l'a pu permettre. Il y a cependant des endroits où
elle aurait dû être resserrée, et qui sentent trop la para-
phrase.... Mais les Muses ont dû blâmer sa versification
plate et languissante, quoiqu'on apparence aisée et natu-
relle, ses bâillements fréquents, ses défauts de césure, ses
termes bas et rampans, ses tours prosaïques si éloignés du
sublime de Virgile. Malgré tant de vices, qui ne seraient
pas supportables aujourd'hui, il paraît que cette traduction
a été lue et recherchée dans le seizième siècle. »
Il peut être intéressant de connaître ce que les tra-
ducteurs postérieurs de l'Enéide ont dit de celte version
de des Masures. Voici comment s'exprime P. Perrin dans
l'avant-propos de sa traduction de l'Enéide en vers : Paris,
Estienne Loyson, 1658 : « Ceux qui ont traduit Virgile en
vers ont manqué pareillement par défaut d'artifice, pour
s'estre attachez indiscrettement à la traduction des mots et
des phrases latines, comme ont fait des Masures et les frè-
res Chevalier; par malheur encore, en ce que la poésie de
leur temps rude et mal polie n'avait rien de comparable
aux avantages de la nostre; et tous par défaut de génie,
puisqu'il est vray qu'aucun jusqu'icy ne s'est appliqué à
cette entreprise qui ait eu le moindre charactère, ny d'ha-
billé homme, ny de poète, à la réserve du cardinal du Per-
ron, que la difficulté du travail, véritablement incroyable,
a rebuté dès les premiers essays. »
Les dix éditions de la traduction complète de l'Énéide
prouvent assez une vogue extraordinaire. Le premier effet
de son apparition, ce fut de faire oublier la traduction
d'Octavien de Saint-Gelais, publiée à Paris par Antoine
Vérard en 1S09, in-folio. Ceci résulte des termes mêmes
de plusieurs pièces rapportées plus haut.
— 3H —
Au reste, pour ce qui est du mérite de celle traduction,
nous ne sommes pas éloigné d'admettre le jugement de
l'abbé Goujel. Nous ferons observer seulement que plu-
sieurs des défauts qu'il reproche à des Masures doivent
être mis sur le compte de l'époque, et que tel de ces dé-
fauts n'en serait plus un aujourd'hui. Des Masures, au
moins pour la forme, est un des ancêtres de l'école roman-
tique.
Nous placerons ici la traduction de Texorde du discours
qui ouvre le second livre :
« Chacun se leut, et pour ouïr ces choses
Tous ententifs tenoyent leurs bouches closes.
Le père Enee à l'heure s'avança
Sur le haut lit, et ainsi commença :
Tu me contrains, roine de grand valeur,
Renouveller une estrange douleur,
Qui veux ouïr, comme en ruine et proye
Les Grecs ont mis les richesses de Troye,
Et saccagé le règne lamentable.
Ce que j'ay veu (misère inestimable)
Et dont je fus grande partie aussi.
Qui est celui (en racontant cecij
Des Myrmidons, Dolopes, ou gens d'armes
D'Ulysse Grec qui retiendroit ses larmes?
Et jà du ciel la nuict humide et sombre
Se précipite, et l'ordinaire nombre
D'astres mourans, à dormir nous convie.
Mais si tu as une si grande envie
D'entendre ici nos fortunes conter,
Et les labeurs extrêmes escouter.
Que j'ay en fin veu à Troye advenir :
Combien qu'au cœur ce triste souvenir
Me donne horreur, et de deuil mon penser
Soit reculé, je les vay commencer. »
Nous ne le dissimulerons pas, des Masures n'avait point
ce qu'il faut pour un poëme de longue haleine; Chaudon
et Delandine reprochent à ses tragédies saintes de manquer
— 312 —
de régularité dans le plan et d'élégance dans les détails.
M. Sainte-Beuve, dans son Tableau de la Poésie française
au XVI" siècle, dit: « Louis des Masures, traducteur de
Virgile, donna, en 1566, sous le nom de Bergerie spiri-
tuelle, une véritable moralité, et, sous celui de tragédies
saintes, des pièces équivoques qui rappellent YAbraham
de Théodore de Bèze, et tiennent le milieu entre les mys-
tères et la nouvelle tragédie. » Les triomphes de Jodelle et
de Garuier allaient faire oublier ce genre hybride, que peu
d'écrivains de marque cultivaient encore.
Les tragédies saintes font involontairement songer à la
trilogie dramatique des Grecs. Elles sont peut-être un des
rares exemples de l'imitation de celte forme ancienne dans
la littérature française du XVP siècle.
Des Masures a peu chanté l'amour. A l'époque où il
vivait, il était de mode que chaque poëte eût son amie.
Macrin pleurait Gélonis, Maurice Scève célébrait sa Délie,
Du Bellay chantait son Olive, et Ronsard, sa Cassandre et
son Hélène. Seul à peu près, des Masures n'eut point sa
mie. Il chanta Diane, il est vrai; mais Diane devint la mère
de son fils; sa seconde épouse eut aussi quelque part aux
faveurs de ses chants. Mais cette part est si faible; et puis,
dans la suite, des Masures semble avoir renié ces poésies
en retranchant de ses œuvres tout ce qui sentait l'amour.
Le rigorisme calviniste avait soufïlé là-dessus.
Une autre manie des poètes de l'époque, c'était d'avoir
chacun leur devise; celle de des Masures était une allusion
à ses jours de malheur :
Quanto superat discrimine virtus?
Il n'y a rien de particulier à dire des poésies latines de
notre auteur, sinon qu'elles sont de beaucoup supérieures
à ses poésies françaises. Nous n'irons pas cependant jus-
qu'à nous écrier avec de Paul de Mélisse, son ami :
— 515 —
Al Ut Virgilius, Masuri, sis, aller llonicrus,
Ardiia docte gravi bella sonare tuba.
Nemo nec invideal fainœ. Borbonias cxstet
Par opus yEncidi, par opus Iliadi
Vraiment on aurait peine à concevoir que des auteurs
se soient dit de ces choses-là sans sourire, si Ton ne savait
que c'était en quelque sorte passé dans les mœurs, et
qu'on n'y prélait plus attention comme étant une chose de
tous les jours.
Voici encore le jugement que le Père Abram porte de
des Masures dans son Histoire de f Université de Pont-à-
Mousson : « Homo litteratus et poeta venustus, se diatina
poesi quam Gallica Virgilii translatione felicior. »
Ces poésies latines ont cependant un défaut que nous
devons relever. Des Masures semble s'y être surtout pro-
posé Ovide pour modèle. Exilé comme le poêle de Sul-
mone, il s'est en quelque sorte identifié à son sort. A chaque
instant, il revient sur son exil; cependant il ne laisse pour
ainsi dire jamais percer le découragement qui s'était em-
paré de son àme, et alors même il y a quelque chose qui
donne la vie à ses vers; ce quelque chose, c'est la confiance
en Dieu.
En résumé, des Masures n'était pas plus mauvais poète
que la plupart de ceux de son époque. Pasquier, dans ses
Recherches, l'a placé à la suite de la brigade de Ronsard
avec Pontus de Thiard, Rémi Belleau, Guillaume des
Autels, Olivier de Magny, Passerai, etc., elc. Aujourd'hui
ses œuvres, par leur excessive rareté, ont acquis un autre
genre de mérite. Elles sont devenues de ces reliques que
se disputent avec acharnement les véritables bibliophiles.
F. F. J. Lecouvet.
iU
jpartîculûrttcô tuconnucs
SUR
QUELQUES FOUS EN TITRE D'OFFICE DU MOYEN-ACE (i).
« La coulumc crenlrelenir près de soi des serviteurs
obligés d'avoir de la gaieté et de l'esprit pour tout le monde,
se répandit sous le régime de la féodalité. Il n'y a que les
gens ennuyés qui attachent tant de prix au talent d'exciter
le rire. Isolés dans leurs châteaux, passant la journée sur
les grands chemins et dans les bois, rudes, sauvages, les
nobles paladins, que les romans nous décrivent avec des
couleurs si brillantes, étaient la plupart du temps, des
personnages aussi maussades que redoutés. Ne voyant dans
leurs égaux que des ennemis avec lesquels ils badinaient
toujours l'épée au côté, ils auront admis quelques-uns de
leurs vassaux à l'honneur de les distraire un moment et
(1) Le chanoine Heylen, archiviste de l'ahbaye de Tongerloo, a recueilli les
détails suivants sur quelques fous du moyen-âge : « Mniis domini Gcrardi de
Wacnrode, flor. geld. — Mimis domini de Wesemale, 12 plecken. — Jocula-
toribus seu Faluis 's Mercks-Greve, 11 plecken. — Joculatoribus domini
Duxisse (sici, 1 nuid. — Pro Jlnns Diesicnsibus et Tcncnsibus, 6 st. — Pro
jusore agente, 2 st. — Jacobus slultus noster reccpit 111 st. — Morionis
Rmi Argentinensi, 6 plecken. — Stclto de Berne, pro nola, G plecken. —
VosKEN, Slulto domini Coloniensis, 1 gryp. — Kieremiere, mimo domini
Leodiensis, 1 il. — Lamberto, régi mimorum, 1 ren. »Voy. IJistorische ver-
handeling over de Kcmpen. Turnhout, 1837, in-S» p. 166, note XX. Ces
parlirulariiés prouvent à l'évidence que l'usage d'entretenir des Fous en titre
était général au moyen-âge.
— 315 —
de les arraclier à la monotonie de leur rustique grandeur.
Mais la finesse des propos, la délicatesse des pensées,
n'avaient guère de prise sur ces hommes hérisses de fer.
Pour se frayer impunément un chemin jusqu'à eux, la plai-
santerie devait ressembler à l'impertinence, à la licence, à
la liberté. Or, il arrivait que l'épigramme allait souvent
plus loin que ne le désirait un patron fier et irascible.
Afin de conserver la dignité du maître, il fut réglé qu'on
ne pourrait lui dire de bonnes vérités sans être réputé /oh.
Un vêtement particulier, un titre significatif furent attri-
bués aux diseurs de bons mots, pour avertir que leurs
sarcasmes ne tiraient pas à conséquence, et qu'on risque-
rait à les imiter. Les flatteurs, ceux qui trafiquaient de
mensonges, n'eurent garde alors de croire qu'ils n'étaient
pas les sages, (i) »
Nous avons recueilli, dans le cours de nos investigations,
des renseignements sur quelques fous en titre d'office, ainsi
que sur quelques autres farceurs du moyen-âge. Comme
ces renseignements ne sont pas sans intérêt pour l'histoire
des mœurs d'une époque qui, malgré des travaux consi-
dérables, est loin de nous être connue sous toutes ses
faces, nous avons jugé à propos de les communiquer aux
lecteurs du Messager des Sciences historiques.
Pour que les fous fussent dignes de remarque, on voulait
qu'ils eussent la double difformité de l'esprit et du corps.
Un bouffon à grande bouche, à nez en abîme, à larges
oreilles, de petite taille et bossu par dessus le marché, était
le plus recherché et le mieux soldé. On coiffait la tête du
pauvre hère d'un bonnet de folie, on lui donnait pour habit
une robe bariolée, où dominait le vert, couleur du métier,
ou bien un juste-au-corps de buffle et boutonné par der-
(1) Voir le baron de Reiffenberg, Histoire des fous en litre d'office, flans
Le Lundi. Bruxelles, 1855, in-12», p. 237.
~ 316 —
rière; puis on lui remeltail une marolle à grelots. Ainsi
accoutré, le drôle n'avait qu'à paraître et à ouvrir la bouche
pour faire éclater le rire des spectateurs. On sait qu'il lui
était permis de tourmenter tout le monde et de tout dire.
« Ces fous, c'est M. le comte Léon de Laborde qui l'assure,
étaient parfois gens fort sérieux envoyés en missions diffi-
ciles, (i) »
.Jeanne, duchesse de Brabant, la vertueuse épouse de
Wenceslas, ne pensait pas compromettre sa gravité en
entretenant à sa cour un fou en litre d'office. Son bouffon
visita, en 1364, la ville de Louvain. L'administration com-
munale lui fit offrir, à cette occasion, un nouvel habillement
en drap de laine. Elle fit, en outre, orner son chapeau de
galons en or fin ('i). Ces détails semblent prouver qu'on
n'avait point alors l'habitude de vêtir les fous gradués
d'un jusle-au-corps mi-parti et d'un chaperon à oreilles
d'âne.
Philippe-le-Bon, ce prince qui aimait les plaisirs de
tout genre, entretenait des fous, des folles, des nains et
des grimpeurs. Son grimpeur vint à Louvain le 8 septem-
bre 1453 et y donna, pendant deux jours, preuve de son
adresse en montant sur les maisons situées à la Grand'
Place. Notre population trouva les exercices de ce drôle
fort à son goût, en sorte que l'administration communale
lui alloua un pour-boire de 51 plecken (3).
La folle graduée de Philippe-le-Bon, qui s'appelait
(1) Voy. M. le comte de Laborde, Les Ducs de Bourgogne, t. I, p. 19 de
l'Inlroduclion.
(2) « Item, mcesler Dieric Cledermaker van Mire Vrouwen Sot van Bra-
bant syn cledercn te maken, en van linenlaken, 18 lib. 14 st. — Item, van
gulden borde dat men hem leyde om sine hoyke, 12 lib. 12 st. » Comptes de
la ville de Louvain du mois de juillet 1364-.
(3) « Gegeven, by bevele der slat, den Clymmer Mi/ns genedigen Heren van
Brabant, die clam opten huysen ane den Kerciiof, binnen 2 dagen, 2 wer-
ven, 8 in sept., 31 plecken. » Comptes de la ville de 1435, f" 15.
— ùl I
xMadame d'Or, assista, au dire de Saiut-llemy, aux fêtes de
l'institution de l'ordre de la Toison d'or, célébrées à Bruges
en 1429 (i). Il paraît que le duc, qui était, ainsi qu'on ne
l'ignore pas, grand amateur du beau sexe, portait beau-
coup de sympathie à sa « moult gracieuse folle. » Lorsque
Jeannette, la mère de la farceuse, vint, en 1453, rendre
visite à sa fille, qui se trouvait pour lors à Dijon, le prince
lui fit remettre une somme de 10 francs, monnaie de l'épo-
que, pour frais de voyage (2). Madame d'Or épousa, en
1448, un certain Jean Vair ou Vaer. Philippe invita, à
cette occasion, les villes de ses étals à lui voter une somme
en guise de cadeau de noce. Le conseil communal de Lou-
vain lui alloua deux écus d'or (3).
M. le comte Léon de Laborde nous a fait connaître, dans
les sources pour son histoire des ducs de Bourgogne, plu-
sieurs fous en titre d'office de Philippe-le-Bon. Nos recher-
ches nous mettent à même d'augmenter sa liste d'un nom.
Le fou du grand duc, qui portait le prénom de Jean, vint,
en 1464, annoncer à l'administration que son maître se
proposait de faire une visite à sa bonne ville de Louvain.
Le trésorier, qui a annoté ce fait, ne dit pas si le farceur
se signala dans cette circonstance par des saillies et des
(1) V. DE Reiffenberg, Histoire de l'ordre de la Toison d'or, introduction,
p 20. Nous lisons ailleurs : « A Madame Doii, Sotte de Monseigneur, pour
don à avoir espingles, 20 sols. » Comptes de la recette générale, aux archives
de l'ancienne Chambre des comptes à Lille, de 1432-35. Voy. M. de Laborde,
Les ducs de Bourgogne, t. I, p. 266.
(2) « A Jehnette, mère de Madame Dor, que Monseigneur luy a donné à
son partement à Dijon, où elle estoit venue veoir madite dame Dor, sa fille,
et pour soy en retourner en son hostel, 10 francs. » Comptes, ib., 1433-34..
V. M. de Laborde, op. cit., p. 345.
(3) « Dame Doir, Sotlinne ons genedegen IJeren, die haer brulochl hielt
met Janne Vaer, haren bruglioen, hadde de stat ghegeven, ter beden van
hem selven, 7 in october, 2 scilden, 'tsluk te 14 stuvers, val. 84 plecken. »
Comptes de la ville de Louvain de 1448, f" 22.
— 318 —
tours de son métier. Il nous apprend seulement qu'on lui
donna un pour-boire de deux sols (i).
L'usage d'encourager les farceurs était alors à l'ordre
du jour. II y avait alors à Louvain un vieux drôle du nom
de Jacques van Lare qui, après avoir dissipé une fortune
assez considérable, s'occupait de farces, d'astronomie et
de prognostic. Le Conseil communal lui alloua, en 1434,
un subside de 4 écus d'or (2).
Un autre farceur, qui se fit appeler le Chevalier du comte
d'Oestrevant, se présenta, le 27 octobre 1445, devant
notre Conseil communal et lui débita un discours en l'hon-
neur de la ville de Louvain. On lui accorda une gratification
d'un florin d'or (3).
Les prêtres de nos grandes églises célébraient alors
chaque année une fêle des fous. Celle fêle singulière avait
habituellement lieu vers la nouvelle année, depuis la Noël
jusqu'à l'Epiphanie. La veille de la fêle, les jeunes prêtres
faisaient entre eux choix iWm Évêqite. Crosse, milré, ganté,
(1) >< Eeiien gehelen Meester J\y, mrjns genedig lîeren Sot, die by deu
Borgemeester de boedschap brachte dat Myii genedige Ileer te Loven co-
meii soude, gegeven te drincgelde 2 stuvers, val. 33 plecken. » Comptes de
1464.-65, fo67 v».
(2) « Ghegeven, by bevele der slat, Jacob Van Lacre, omme goetswille,
omme dat een goede oude niaii es en dei- Ileeren alloes na gevolgt heeft, en
van groten goede te nienle eonien es, soe compt hi aile jaren, t' onser Liever
Vrouwen daghe nativilalis (8 sept.), voir den helfft, als men den \vyn snyt,
en op anderen tyde van den jare, alsoe heeft hem de stal doen geven 2 scil-
den, 20 in junio, val. 102 plecken. » Comptes de la ville de 1454, f" 81 v». —
Ghegeven, by bevele der stat, meestei- Jacob Van Laed, om Gode en dat een
ARM GiiEK es, ter beden van goeden niannen, dat hi in de slerren sien can,
2 scilden, 102 plecken. » Ib. — Gegeven, bi bevele der stat, Meester Jacob
Van der Lare, om Gode, dat een arm sol es, dat hy U sclioen loeder pleclit le
sien, 5 in sept., 2 guld. val. 78 plecken. » Y. Comptes de 1435, f» 19.
(3) « Geggeven, bi bevele vander stat, eenen Sot, die hem heeten dede
'.s Greven Ridder van Oeslervanl, doen (hi) schocn woirdc quam seggen voir
lier stal, 27 in oclob., le drincgelde, 1 lichten guiden, val. 50 plecken. »
Y. Comptes de lu ville de 1445, l" 20.
— 319 —
somptueusement costumé, cet étrange prélat était mené en
tr-iomphe dans l'église; puis conduit processionnellement
par les principales rues de la ville, il distribuait force bé-
nédictions (i). On nommait parfois un Cardinal et même
un Pape des fous, et celte élection était habituellement con-
firmée par des cérémonies burlesques. A Amiens, et dans
quelques autres villes, ceux qui étaient revêtus de cette
dignité éphémère jouissaient du privilège de battre mon-
naie. Leurs pièces sont en plomb et surchargées de rébus,
dont l'explication est fort diflîcile aujourd'hui. Elles indi-
quent quelquefois le nom de l'élu, sa paroisse et l'année de
sa nomination (2).
Les chapelains de Saiule-Gudule, à Bruxelles, avaient
l'habitude de créer annuellement un Abbé des fous et de
visiter, avec ce dignitaire d'un jour, les chapelains de Saint-
Rombaut, à Malines (3), ou de Saint-Pierre, à Louvain.
Les chapelains de Saint-Pierre élurent à leur tour, en
14oo, un Cardinal des fous et visitèrent avec son éminence
leurs confrères de Sainte-Gudule. Leur divertissement fut
très-grand. A leur retour, le 17 janvier, ils reçurent, delà
part de notre administration communale, deux vases de vin
de Beaune et la même quantité de vin du Rhin {4).
(1) Depuis 1332, les élèves des écoles de Louvain avaient l'habitude d'élire
annuellement un Évêfjue des innocents. Nous lisons dans les eoniples de la
ville le passage suivant : « Item, die de stad gaf den Scolekiuderen, le haren
Bescop, 5G stuvers. » Comptes de 1332, f» 121.
(2) Ces monnaies, ou plutôt ces médaillons, ont été décrites par feu M. le
docteur Rigollot, dans l'ouvrage intitulé : .Monnaies inconnues des évêques
des Innocents et des Fous. Paris, 1833. M. de Marsy prépare une seconde
édition de ce livre singulier. V. M' Jules Corblet, Manuel élémentaire d'Ar-
chéologie. Paris, 1831, in-S», p. 407.
(5) « Item, 6 stoepen wyns ghepresenteert den ghemaecten Abd van Brues-
sele, die hier toten Bisscop van Sint Rom gecomen was, 16 januarii. » Comp-
tes de la ville de Malines de 1443. Voy. M. Gtseleers-Tuys, Additions et cor-
rections à la notice sur les archives de la ville de Malines, t. III, Impartie,
p. 43; MM. Hes>e et Waiters, Histoire de la ville de Bruxelles, t. Il, p. 631.
(4) >. Den capellauen van S'e-Peeler alhier, doen sy in din meeslen deele
— 5^0 —
Antoine de Croy, le favori de Philippe-le-Bon, avait
également un bouffon à gages. Ce fou accompagna, le 25
juin U60, son maître à Louvain. Les bourgmestres, dans
le but d'être agréable au puissant seigneur, allouèrent au
farceur un pour-boire de trois florins d'or, somme très-
considérable pour l'époque (i).
Nos Bourgmestres ordonnèrent, en 14-60, de faire con-
fectionner une robe en drap, moitié blanc et moitié rouge,
pour être donnée à Henri le Fou ou Hennen de Sot, robe
qui coûta, avec une paire de bas de mêmes couleurs, 5 flo-
rins, 26 plecken (a).
« Les évéques et les abbés, observe le baron de Reiffen-
berg, avaient adopté la coutume des seigneurs laïques. Le
Concile tenu à Paris, en 1212, défend aux prélats d'avoir
des fous pour les faire rire; cependant, en 1624, Antoine
Sanderus reprochait encore à ceux de son temps d'aimer
mieux s'amuser avec des bouffons (inorionibus) et des filles
de joie que de se délasser au sein de l'étude (ô). »
een gennechte opstelden met eeneii gemaecktes Cardimel te trecken besoe-
ken den capellanen vaa Bruessel, alsoe zy des jaerà te voren alliier gedaea
liadden, ten wedercoraene, 17 january I4o5, geseinki, by der stad, in den
Yngel, 2 stoepen beanen, en te Reynkens 2 stoepen rynswyn, 18 plecken. «
Comptes de la ville de 1433, fo 51 v».
(1) « Den Sot 's ffeeren van Croye, die alliier te Loevene quara, 30 juny
1460, 1er ecren en lyefden "s Heeren vau Croye, len bevele van den Burge-
ineeslers, te welene Jacoppe Uuten Lyeraingen en Vranken Willeras, gegeven
te drincgelde, uuten register, 3 lichte gulden, Hstuck le 33 plecken, val. "t sa-
men 99 plecken. » Comptes de la ville de 1439 (v. s.), f" 98,
(2) « Ten bevele van Lodewyke Pynnock eâ Quinten Cokeroul, Burghe-
meeslers, en andere van den Raide, gegeven en doen maken He.we^î de Sot,
om goidswille, eeuen labbart en een paer cousen, halff root, halflf wit, daer
loe versneden syn "t samen, raetlen voeijerlaken H 1/2 ellen, costen fsamen
36 sluvers, 3 oristuvers, die maken, in guldens te 34 plecken, 3 guld. 8 plec-
ken, 6 stuvers payements. Willeme de Munter, cleermaker, vanden voorsc.
tabbarde en cousen te makene, vergouwen hem daervoer tsamen 18 plec-
ken. » Comptes de 1360, f» 41 v.
(3; V. Le Lundi, p. 261. Philippe-le-Bon fit remettre, en 1439, une somme
— 321 —
Il y avait alors à Louvain un plaisant du crû, un far-
ceur raffiné. Il portait le nom cI'Antoine Vander Phaliese.n
et était, en 14G1, chapelain et organiste de Saint-Pierre.
Philippe-le-Bon, c'est Érasme, Tiliustre panégyriste de la
folie, qui nous l'assure (i), aimait à s'amuser avec lui (2).
Jean Vander Plialiesen, curé de Saint-Pierre et membre de
l'administration de l'Université, créa en 1454, une rente
en faveur de son Gis naturel Antoine, ainsi qu'il résulte
d'un acte que nous avons trouvé aux archives de la ville (3).
au fou de Jean de Heinsberg, évêque de Liège : « A Maynart de Kaiser, fol
de TEvesque de Liège, pour don à luy fait par mds, pour luy aidier à des
fraier de la dite ville de Brouxelles. » V. M. de Laborde, op. cit., t. I, p. 357.
(1) « Anto-vius de Phalisia, sacerdos, capellanus et organista ecclesiee divi
Pétri, in vita sua multas fatuitates, quœ non solùm Lovanii. sed alibi in ore
hominum versantur. Ob quas vivus et morluus diclus est Paep Thoeji. Seri-
bet de eo Erasmus, in Fabuloso Coiivivio. » Joanues Jlolanus, Hisloria Lovan ,
lib. 13, c. 31.
(2) « Nunc tempus est, ut ab equis, quod ajunt, ad asinos descendat fabula;
à regibus ad Antonium sacrificum Lovaniensem, qui Philippo Cognomenfo
Bono fuit in deliciis. IIujus viri feruulur multa vel jucunde dicta, vel jocose
facta, sed pleraque sordidiora. Nam plerosque lusus suos condire solilus est
unguento quodam, quod non admodum eleganter sonat sed pejus olet. »
D. Efasmi Cotloquia, ctcr. Corn. Schrevelio, Lug. Bat., 1664-, in-S", p. 282.
(3) « Voir le texte de ce document : « Van lieere Jamne van der Phalizen
en Antiiokyse, .sijnen natuerliken soen. « llem, aise vanden gelde gecomen en
dat comen sal van den 25 vrancer eronen erfelike renten, die de voirsc.
Anthonis, natuerlic soen des voirsc. heeren Jans van der Phalisen, procliiaeii
der kercken van S'« Peters, te Lovene, vercoclit heeft met consente des selfs
heeren Jans, syns vaders, de welke gelden G12 1/2 crone, goet van goude
en swaer van gewichte, daer af dat vorwerde is dat men de 300 eronen glie-
reet gheven sal en dander 300 t'Onscr Vrouwen daghe lichtmisse naeslco-
mende, en dat de 12 1/2 crone gaen selen tôt den heergiiewede, es overdragen
inden Rade vander stat dat de voirsc. 300 eronen dieuien ghereet gheven
soude dat die de voirsc. Prochiaen en Anihomjn ter slont heffen selen tôt
hueren profyte te bekeren, en aise vanden andcren 500 eronen die heer
Henric van Diest, lieere van Rivieren, Jan Zuetelief, Gord Vrancx, Jan Cala-
ber en Berlelmeeus de Hont den voirsc. heeren Janne en Antlionyse geloven
selen te belalen fOnser Vrouwen dage voirsc, es voert overdragen dat ten
voirsc. daghe de voirsc. personen de voirsc. 500 eronen setlen selen inder
stat wissel van Loven, tôt behoef Anlhonys voirsc. om hem daer niede le
copen 30 mudde rox-lyftochten ten live des voirsc. Anlhonys en ter quitingcn
— 522 —
Celait, selon toute probabilité, le farceur qui nous occupe.
Il n'était connu à Louvain que sous le nom de Prêtre
Antoine ou Paep-Tlwen.
Erasme a recueilli, pendant son séjour à Louvain, des
détails au sujet d'une couple de farces d'Antoine Vander
Phaliesen qu'il trouva assez piquants pour être intercalés
dans son colloque du Dîner plaisant ou Convivium fabiilo-
sitm. On nous permettra de les indiquer sommairement.
Un jour, ayant invité des amis et n'ayant ni mets ni ar-
gent, il se rendit chez un usurier de la ville, qu'il visitait
souvent, s'introduisit dans la cuisine et profita de l'ab-
sence de la servante pour enlever une marmite en cuivre
remplie de bouillon. Arrivé chez lui, le drôle ordonna à
sa servante de vider la marmite dans un autre chaudron
et de la nettoyer de manière à la rendre méconnaissable
à son propriétaire. Cela fait, il chargea un gamin de
porter la marmite chez l'usurier, de l'engager pour deux
escalins et de demander un billet constatant le fait, écrit
de la propre main du maitre. Le gamin réussit à souhait.
L'argent qu'il apporta était destiné à l'achat de quelques
bouteilles de vin. Antoine reçut ses amis et les régala
sans bourse délier. Mais lorsque la servante de l'usurier
voulut servir le diner de son maitre, elle ne trouva plus ni
marmite, ni soupe, ni viande. Tout avait disparu. Sur sa
déclaration que personne n'avait pénétré dans la cuisine
met alsulken vonverden oft met den voirse. gelde lyfloclit gecoclit worde en
die weder afgequydt uut dalmen dat geld wederom aen lyfloclit ieggcn sal,
op de manière voirse.en alsoe voerl lot der tyt loe dat de voirse. Anlhonys
24 jaer eut syn sa! en niet langher. En also dat de voirse. Iieere Jan den
paeht vander voirse. lyfpensioen heffen en buercn sal, alsoo lange als de
voirse. Anlhonys met hem woenen sa] en des sal, de selve heer Jun den selven
Anthonys lamelic liouden van coste en van elederen. Dit is gedaen in pleno
eonsilio jul. 2.J, anno I4Ô4.. » Voy. Groot. gemeyn Bocck, f" 332 v». Sur Jean
Vander Phaliesen, voir noire Notice historique et archéologique sur l'Hôtcl-de-
ville (le Louvain. Louvain, 1857, \n-i'\ p. 8, note 3.
— 3^25 —
qu'Antoine, on accusa le farceur du vol commis. Il avoua
qu'il avait emprunté une marmite à la cuisine de son ami,
mais que cet objet avait été remis immédiatement. Le maî-
tre protesta, et sa servante aussi. Mais au même instant le
fin matois tira de sa poche la déclaration délivrée au gamin
et confondit ainsi un homme qui faisait métier de tromper
les autres.
Une autre fois qu'Antoine se trouvait à table, avec des
amis, on agita la question de connaître la partie la plus
précieuse du corps humain. L'un indiqua les yeux, l'autre
le cœur, un troisième le cerveau. Antoine vota pour la
bouche. Un des compagnons, qui se croyait le plus malin
de tous, indiqua la partie du corps où le dos change de
nom, et prétendait que celui qui s'était assis le premier
n'était pas un imbécile. Son opinion fut adoptée et l'on
tenait Antoine pour battu. Mais le farceur n'en jugea pas
ainsi. Le lendemain il revint au milieu de ses amis et les
salua par un pet retentissant. « Hors d'ici saligaud! «s'écria
son antagoniste de la veille. — « Pourquoi? » répliqua An-
toine. « Si je vous avais salué par la bouche, vous m'auriez
» rendu votre salut, et maintenant que je vous ai salué avec
» la partie qui, d'après votre avis, est la plus précieuse du
» corps, vous me traitez de saligaud. » Des éclats de rire
suivirent cette explication. Le malin resta court, ne sachant
que dire, et la réputation d'Antoine Vander Phaliesen était
sauvée (i).
Le goût des farces ne l'abandonna jamais, pas même à
son lit de mort. Molanus nous apprend, dans son histoire
de Louvain, qu'il se choisit lui-même une sépulture sous
une gouttière pour qu'il n'eût point soif après son décès.
Il ordonna en outre que son cadavre, au lieu d'être couché
dans la fosse, fût placé debout, pour ([u'on pût répondre à
(l) Erasmi CoUoquia, éd. cit., p. 282.
— 324 —
ceux qui feraient la question : « Où gît-il? » — « Nulle part! »
Antoine Vander Phaliesen mourut à Louvain, le 17
mars 1487, et fut enterré au cimetière de Péglise de Saint-
Pierre. On grava sur une pierre fixée dans le mur du
champ funèbre la phrase suivante :
31 (ôt mort en 1487 iîî. 2lntotnc, ûutrement |3ac^î-
%ï)oc\\. |3rtC2 ^)Our lut puisqu'il a cô^m en Btcu (i).
Antoine louchait 8 Saint-Pierre d'or ou gulden Pecters
par an, en qualité d'organiste de notre collégiale. Il paraît
qu'il s'occupait aussi de la confection d'instruments de
musique. Le farceur restaura, en 1483, les trompettes de
l'orgue de l'abbaye de Parc, et ce travail lui rapporta 33
florins du Rhin (2).
Le Ptécollet Jean de Brustheim nous fait connaître que
les bons mots d'Antoine passaient pour miraculeux (3).
Ses farces, bien qu'elles ne fussent pas toujours conformes
aux règles de la convenance, restèrent populaires longtemps
après sa mort. Le baron de lleiffenberg, qui ne l'a connu
(1) « Hic sacerdos, cum Deus plerumque homiiies ea animaiiversioiic
puniat, ut taies moriantur quales vixerunt, ne moriturus à fatuitalibus ab-
stinuit. Fertur enim in coemelerio sepiilturam elegise siib slillicidio ne post
mortem siliret : et mandasse, ut cadaver suura non supinum, sed erectum,
ponerelur; ut interrogantibus ubi ipse jaceat, responderetur : nusquam. Inci-
suin est autem eo loco, in lapide mûri :
WnX îï0imnuô 2lntoutu5, ûltû0 ^^t^ II)oen,U87.
(iD^rate ^jro eo, quia Bpcroott tu lî>co. »
V. MoLANUs, op. cil. lib. 15, n» 31.
(2) « Item, noch gegeven, den 10 mcye l/t83, mecster Aniony, orgalysl
lot Sinte Peters, te Loeven, tôt reparalie van die trompctlen in ons orgelen,
35 rlienens. >> Comptes de l'abbaye de Parc.
(5) « Ejus tempore, anno domini U87, décima scplima martii, obiit Lovanii
dominus Antlionius, diclus Paep-Thoen, cujus joei mirandi fuerunt. » — Le-
;'itur ad marginem : « Paep-Thoon. » V. Johan. Bruesthemins, Calalogus et
aciu episroporum Leodiemium. Celle chronique a été publiée par le baron
de Ueiffcnbcrs à la suite du \^' volume de son édition de Ph. Mouskés, p. 580-
— 525 —
que par la courte mention de Jean de Bruslliciin, dit qu'il
avait été élevé aux fonctions de fou gradué. Mais, Mola-
nus, toujours si bien informé, ne dit rien de cette promo-
tion. Quoi qu'il en soit, il ne demeure pas moins une des
illustrations des fastes de la folie.
« Il est à croire, dit le baron de Reiffenberg, qu'il y eut
plus d'un plaisant de ce nom, puisque sous Charles-Quint
nous rencontrons, encore à Louvain, un farceur nommé
Pape-Theun, qui avait exercé les fonctions de marguillier
ou de sacristain, et dont l'empereur s'amusait beaucoup,
quoiqu'un jour il l'ait exilé pour ses impertinences, exil
que Pape-Theun sut éluder par un moyen qu'on attribue
également à Tiel Uilenspiegel, à Gonella et à Roquelaure.
K.-F. Floegel, Geschichte der Hofnaren, 205-6; Le nou-
veau bouffon de la Cour, Paris 1709, in-IS", oG-7; La vie
et les actions héroïques et plaisantes de Vinvincible empereur
Charles-Quint, Bruxelles, 1699, II, 218-220; Archives
pour servir à lliistoire civile et littéraire des Pays-Bas,
IV, 101-2; Histoire des fous en titre d'office, à la suite du
Lundi, 270-71. Il y a eu probablement plusieurs Pape-
Theun, comme il y a eu plus d'un Jouan et d'un Caillette.
Il est naturel qu'on aime à perpétuer la gloire (i). »
« De l'emploi de marguillier, qu'il avait longtemps
exercé à Louvain, observe le même savant, il passa à celui
de bouffon gradué en cour. Entre autres facéties qu'on lui
attribue, il en est une qu'on met également sur le compte
de ce Gasion-Jean-Bapliste de Roquelaure, surnommé le
Momus français. Les folies de Pape-Theun ayant été trop
loin, il reçut, dit-on, l'ordre de quitter les terres de l'em-
pereur. Retiré dans le pays de Liège, il ne tarda pas à en
sortir, et revint bravement à Bruxelles dans un chariot rem-
pli de terre de Liège, manière burlesque d'éluder la défense
du monarque. »
(I) Op. cil., t. 2, p. 8l/i.
— 326 —
« Celle facélie esl dans le genre de celle de Tiel Vilen-
spîegel, héros de la bouffonnerie allemande, donl l'exis-
tence esl un problème, et sur lequel Goerres a écrit un livre
remarquable et qu'un jeune littérateur belge M. 0. Dele-
pierre, vient ( 1 855) de rappeler à ratlention publique (i). »
Mais revenons aux fous gradués.
Charles-le-Téméraire, ce prince qui ne rêvait que ba-
taille et gloire, avait plusieurs bouffons en litre. Son maître
fou, qui s'appelait le GLoaiEux, était un farceur raffiné, donl
les livres d'anecdotes enseignent les malices et les repar-
ties. Le duc avait à sa cour un autre fou qu'on désignait
par le soubriquel de Mennen ou petit Homme,- chconslance
qui semble prouver qu'il n'avait pas des proportions co-
lossales. L'administration communale de Louvain lui fît
confectionner, en 1472, une robe en draps doublée de soie
et ornée de rubans et de floches (2).
(1) V. le Lundi, p. 270.
Au moment (renvoyer noire travail à l'imprimerie nous retrouvons dans
un registre aux comptes de la confrérie du Saint-Sacrement de Téglise de
Saint-Pierre, à Louvain, de 146G à 1321, les détails suivants sur le farceur
A. Vandcr Phaliesen :
1467. « Hem, ghegeven Gielis Vandcn Zande van Pape Tuenis wcghen,
24. st. ..
1482. « Item, ghegeven, fobruary penultima, den Iiecre Antonius diclus
Pape-Thoen, op 't gheene dat vallen sal te Paessche, 4 1/2 stuvcrs. » — Ilem,
gegeven heere Anlhonius, organist, geheelen Pape-Thonvs, op den 2"" dach
van oclober, op den toecomenden vierendecl jaers 4 1/2 stuvers. »
1487. « Item, ontfaen van der Zielemesse lieeren Anlhonise 'wylan Vandcr
Phalisen, gelieeten Pape-Thoen, 20 stuvers. »
Il résulte de ces renseignements que Vander Phaliesen, qui était organiste
de la confrérie du Saint-Sacrement, touchait assez souvent ses honoraires
avant la fin du trimestre, preuve certaine que sa position n'était pas fort
brillante. Ils nous apprennent également que le drôle n'était connu que sous
le sobriquet de Prêtre Antoine, et que la confrérie a fait célébrer, en 1487,
un service funèbre pour le repos de son àme.
(2) « Enen myns genedegen Hceren t' 's Ilertogen Sot, die men hict Mené,
ten beveJe van den Borgemeesters, gegeven vander stad overbleven lieeren-
l:iken, lot enen Tal)barde, b ellen lakens. En wanl d'iaken met don anderen
— 527 —
Noire administration fil offrir, en 1487, une robe, con-
fectionnée de drap rouge el blanc, à M"" Catherine la
Folle (i). ISous ne possédons aucun détail sur cette far-
ceuse, qui était probablement attacbée à la cour de Brabant.
Maximilien I" avait, comme les autres monarques de
son époque, un fou cbargé de le délasser du poids des
affaires. Il portait le prénom d'ANTOiNE et visita, en 1494,
la ville de Louvain. L'administration communale lui fit
alors cadeau d'une superbe médaille en or, exécutée par
l'orfèvre Josse Pauwels, d'après un dessin du peintre Ar-
nould Vander Pbaliescn, dit At^t in den Meynaert. Cette
médaille avait une valeur intrinsèque de 24 florins du
Rhin (2).
Cousin, le fou de l'archiduc Philippe-le-Beau, reçut, en
1495, de notre administration une nouvelle robe de céré-
monie. Cette robe était confectionnée de draps de diverses
couleurs et coûtait 19 florins (5).
in ander rckeningen gerekenl is, es daeromme Jiier nict. — Philips in 't Woul,
van 19 1/2 ellen roet sais daer den Talîbaert mel gcvoyert es, en syn bruer-
ken een clcin Tabbaerlkcn heeft, en coste elc elle 8 plecken, niaken IGO
plecken. Item, aen qucspcl en lint 21 plecken. Hem, aen beyde de Tabbaeris
le maken 33 plecken, maken tsamen 214 plecken, val. 3 guld. 32 plecken. »
V. Comptes de la ville de 14-72, f» 101.
(1) « Item, by der vrouwen van der Voeren gelevert 2 ellen rocts en 2 elIen
wits, voer Jouffrouw Katlvnen der Sottijiîie eenen Tabbart afï" te maken,
coste elck elle d'cen doer dander 10 stuvers. » 1487. V. Dlcenboech, i» 171 v».
(2) « Item, betaelt Joose Pauwels, goudsmel... van le hebben gemaict
eenen gouden Penninck, die byder stat gegeven wert Toens den Nar van den
Coninck, 22 stuvers. — Item, ten selven tyt betaelt van den goude daer den
voirsc. Penninck af geraaeckt wert, te weten thien gouden overlansche (gul-
den) van gewiclit, daeraf 't stuck coste 23 stuvers, niaect 24 rynsgulden,
valent 15 guld. 10 st. — Item, betaelt Arnde in den Meyacrt (Vander Pua-
liezen) van te belrecken 't patroen d'welc oplen voirscreven Penninck gestec-
ken wert (vacat). » V. Comptes de 1494, f» 424.
(3) « Item, betaelt vander falhoen le maken den Tabbarl die gegeven wert
CoNsiN, DEN Sot Myns genadigen Ileren 't's Ilertogen, 20 stuvers 1 guld. 2. »
Comptes de 1494, f" 438. — Item betaelt Janne van Bolle van 7 1/2 ellen dam-
mast gecocht tôt eenen Tabbaert voer Cousvn, Mijns r/cnedigen llecrcn Sot,
— 528 —
En 1497, Maximilien d'Autriche visita la ville de Lou-
vain. Il était accompagné de son fils Philippe-le-Beau et
de plusieurs seigneurs de sa cour. Parmi les réjouissances
que l'administration communale avait organisées pour cette
circonstance, on remarquait des exercices gymnasliques
dans les tourelles aériennes de l'hôtel-de-ville. L'acrobate
reçut 27 sols en récompense de son adresse (i).
Marguerite d'Autriche, celle princesse qui rencontra
tant des revers dans le chemin de la vie, entretenait à sa
cour un fou et une folle en titre. Le 7 septembre 1509,
jour de la kermesse, la gouvernante des Pays-Bas vint à
Louvain, avec son neveu le jeune Charles-Quint, et assista
à un banquet que lui élait offert à l'hôtel-de-ville. Son fou
et sa folle, M"'= Anne, l'avaient accompagnée dans cette
excursion. Notre administration usa de beaucoup de cour-
toisie à regard de ces deux personnages. M'^'= Anne reçut
une somme de six livres (2) et le fou obtint une bague en
argent, qui devait avoir d'énormes proportions, attendu
qu'elle pesait deux onces et demi (3). L'orfèvre Georges
Boba plaça, en outre, un anneau dans la chaîne d'ar-
gent de ce farceur, ainsi qu'il résulte des comptes de
van (liversche verwen : wit, rool, swert, daeraf d'elle coste 42 stuvers, en van
8 ellen fustams om voederen le 2 st. d'elle, vergouwen te saraen 17 Rins-
gulden, 3 sluvers, en van dal hy reet alsdoen, omme te halen, 12 stuvers,
t'sanien 19 guld. 13 st. » Comptes de 14.95, f" 513 v».
(1) « Item, gesconken dcn man die opien torre van den stadthuys clora,
xxvij sluvers... » Comptes de la ville, de 1497, f» 475 V.
(2) « Aen de Solline van mynder genaediger vrouwen geheten Anna, 6 lib. »
Comptes de 1309.
(3) « Item, betaelt den officiers ende coken voer hueren arbeyt van dat zy
bereydt hadden, d'bancket, tôt Loeven kanniesse als Myn genedige Heere
hertoge Kaerle ende vrouwe Margriete, duagiere van Savoyen, tôt Loevene
kermisse opter Stadthuys aten, 12 lib.... — Item, den Sot eenen rinck van
2 1/2 oncen silvers meticn fanchoen, t'samen 4 lib. 9 stuvers. » Comptes
de 1509, fo 282 et V.
— 329 —
la ville (i). En 1513, madame Marguerile assista à un
tournoi qui eut lieu à Tournai. Robert Macquerieau rap-
porte que la folle en titre suivait sa maîtresse dans uu
chariot, avec les anciennes dames de la cour (2).
Le sévère Philippe II, qui ne rit qu'une seule fois en
public, entretenait à sa cour plusieurs fous en titre dont
les noms et les farces ont été enregistrés. II parait même
que ces personnages jouissaient d'une certaine influence
et qu'on était obligé de recourir à leurs bons offices pour
obtenir les bonnes grâces du monarque. Lorsqu'en 1576
les abbés de Parc et de Gembloux se rendirent à Madrid
pour exposer au roi, au nom des États de Brabant, la si-
tuation misérable du pays, ils donnèrent au fou, se trou-
vant au palais Cusa del Catnpo, une somme de 17 livres,
10 sols (3).
Le goût des fous descendit alors dans les sociétés d'agré-
ment. Chaque chambre de Rhétorique voulait avoir son
bouffon en litre d'office. On n'organisait presque plus de
concours de poésie sans qu'il n'y eut un prix pour le fou
le plus adroit. La chambre la Rose de Louvain obtint ce
prix au concours de Vilvorde en 1560 (4). En 1561 la
chambre de Saint-Luc ou des Violieren d'Anvers proposa
à l'occasion du fameux concours qu'elle ouvrit entre toutes
les grandes sociétés du pays, un prix pour celui qui pour-
rait le plus innocemment ou gaillardement faire le fol,
sans injure ni dêshonnèteté. Le premier prix fut décerné
(1) « Betaelt Jorys Boba, goulsinel, voer eene scakel aen een silveren kelene
voer den Sot van Myndcr genadiger vrouwen Mergrielen, hertoghiiine van
Savoyen, die coste t'samen mellen faclioen 4 lib. 10 stuvcrs. »Ib., f" 283.
(2; V. R. Macquerieau, Histoire générale de l'Europe. Louvain, 1764, in-4'',
p. 83.
(3) « Kem, den Sot van den Coninck gesehonken 17 lib. 10 sluvers. » Voy.
Comptes du voyage, armoire aux fardes, lit. S, n" 95.
(4) V. Nieuwe Chronycke van Brabant oft vervolch van de oude. Antw., by
.lan Molyn, l^iGo, in-fol. p. 408.
— 350 —
au fou de la chambre de Vreugde Bloeme, de Berg-op-
Zoom, qui portail un chat en disant : « Je l'ai trouvé. >»
{Ik heb se gevonden). La chambre de Leliekens uit den Dale,
de Léau, obtint le second prix. Son fou était placé dans
une voiture d'enfants {rollewagen) et avait sous ses pieds
deux soufflets qu'il faisait fonctionner. Il disait : « Je dois
y être également » {Ik moet daer oock zyn). Enfin le troi-
sième prix fut décerné à la chambre de Couwoerde, de He-
renlhals. Son fou se trouvait sur un cheval de bois et disait :
« Voulez-vous m'accompagner? montez » {Wildij mee, sit
op) (i). Le 6 août, le fou de la chambre de Saint-Luc invita,
sur la scène, les fous des quatorze chambres prenant part au
concours, à l'effet de boire le plus long trait. Ces farceurs
s'y firent remarquer par des tours du métier, par des drô-
leries étranges, qui amusèrent beaucoup la multitude (2).
Un manuscrit de notre bibliothèque particulière, écrit
en 1561, renferme un dessin représentant le fou de la
chambre de Saint-Luc, à cheval, escorté de deux autres
farceurs à pied. Au-dessous on lit les vers suivants :
3uerken k Bfl)tlî)er5 sot sat ûlîms te peerîre,
iîlet tujce lackcpfn, ûl500mett md stct;
(En I)oclî>en mebe tnne k groot van ujeerk.
't iUû5 ûl blpîi5cl)ap, bûer en xoas geen uerîinet,
Onîre goeg ^Ijenucljte, Mt xod îrnerujtet.
Comme on n'a publié jusqu'ici aucune représentation
(1) Voy. Spelcn van Sinnc, vol scoone moralisacie, xuûeggingen ende bedie-
denis-ien op aile loeflycke Conslen waerinne men claerlyck, gelyck in eenen
spieghel, figuerlyck, poctelyck ende reloryckelyck maeh aenschouwen hoe nood-
saekelyck ende dienstelyck die selve Conslen aile menschcn syn. Antwerpen by
M. Willem Silvius, 15G2, in-i».
(2) n Den 6^" so hadde den Sot der Violieren voorghenoemt aile dandere
Sotlen ghenool opte Scena oft Speelhiiys, om te comen drincken de langste
toghe, aldaerde selve Sollen veel belachlycke cluchten bedreven, ende voor-
stelden. » Ouvrage cité, préface.
— 331 —
de fou de nos chambres de Rhétorique, nous avons cru
faire plaisir aux amis de nos anliquilcs nationales en fai-
sant reproduire le dessin de notre manuscrit, qui renferme
d'autres images également intéressantes pour l'histoire du
concours d'Anvers de 1561 et que nous nous proposons
de faire connaître dans la suite.
L'usage d'entretenir des fous en titre d'office subsista
jusqu'au XVII^ siècle.
Les archiducs Albert et Isabelle, dont la simplicité ne
saurait être mise en doute, entretenaient non seulement
un fou, mais aussi une naine en titre. Cette dernière, qui
portait la dénomination de Barbe Goossens, mourut à
Louvain, dans la paroisse de Saint-Pierre, le 23 septem-
bre 1671, et fut enterrée, le 23, dans l'église des Récol-
lets, circonstance qui semble prouver qu'elle jouissait d'une
certaine aisance (i). Elle avait survécu de bon nombre
d'années à ses maîtres.
Il nous serait aisé de multiplier les renseignements qui
précèdent. Mais nous ne voulons point abuser de l'indul-
gence des lecteurs de ce recueil. Tout ce que nous avons
voulu, en publiant ces détails, c'est d'indiquer à ceux qui
ont assez de courage, car il en faut beaucoup, pour fouiller
dans les vieux comptes de nos villes, des sources précieu-
ses pour la connaissance des mœurs et des coutumes du
moyen-âge.
Louvain, 12 janvier 1858.
Edward Van Even.
(I) " 2j sept. 1671, domicella Barbara Goosens, nana serenissimonim prin-
cipum Alberli et Isabcllœ, apud Minoritas. » Registre des décès de Saint-Pierre,
foi?.
— 532 —
'^ixcïjms itô 2lrt5, icô ^cmuts et î»cô Ccttreô (i).
§ 47. Graveurs sur cuivre.
Som»îaiVe .• Corneille Bos ou Van den Bossche, libraire et graveur, à Anvers
et à Rome. — Jean Eeuwoutssone, libraire et graveur, à Amsterdam. —
Jérôme Wierincx, graveur, à Anvers. — Anecdote qui concerne ce dernier.
— Michel Faulle, graveur, à Paris. — Corneille Galle, graveur, à Anvers.
Bos OU Van den Bossche (Corneille), — imprimeur et
graveur (figuersnyder), à Anvers, eut, vers '1344, ses
meubles confisqués, parce qu'il avait embrassé la réforme :
il était alors fugitif (2), N'est-ce point là l'artiste du même
nom qui gravait à Rome de 1546 à 1555, et dont la pa-
trie est toujours resiée une énigme (3)?
Eeuwoutsoxe (Jean), — libraire et graveur {figuersny-
der), à Amsterdam, obtint, par apostille mise à sa re-
quête le 4 octobre 1546, un octroi pour pouvoir vendre
les livres permis par les placards publiés sur la matière.
Voici la requête dans laquelle il invoque la réputation de
bon catbolique dont il jouit.
a Aen den keyser, gceft in aire oitmoet te kennen uwe onderdanigé Jan
Eeuwoutssone, figuersnyder ende boeckvercooper, woonende binnen uwer
(1) Suite. V. Messager, année 1854, pp. 247, 3G1 et 441; année 18dd,
pp. 109 et 589i année 1836, p. 177, et année 1838, pp 78 et 134.
(2) Registre n» 19669 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
(3j Bnt'Li.ioT, Dictionnaire des monogrammes, l^f partie, n» 810, etc.
OÙO
stede van Amstelredamme, in HoUant, hoedat liy suppliant, sonder by jac-
tantie te spreken, allyt gestaen heeft gocder famé ende name, ende van eer-
lycker conversatie sonder oy t suspect geweest te zyne van heresye oft ketterye,
in sulcker voegen dat die van uwen raide van HoUant den suppliant gead-
mitteert hebben om te mogen vercoopen binnen uwe voorschreve stede van
Amsterdamme, de boucken by Uwer Majesteyt placcaten geadmilteert, des
nytiemin en soude die voorschreve suppliant deselve boecken nyet dorren
nocli willen printen overmits Uwer Majesteyt ordonnantien, ter contrarien,
sonder eerst ende al voren hierop van Uwer Majesteyt verworven te hebben
behoorlycke brieven van orlofl", licentie ende consent, om deselve zeer oit-
moedelyck biddende, behoudelyck dat die suppliant sal achtervolgende ende
observeren de placcaten van Uwer voorschrever Majesteyt, presenterende
daertoe zynde belioorlycken eedt. D'welck doende, etc. (1) »
WiERiNcx (2) (Jérôme). — Voici une anecdote des plus
authentiques pour la biographie de Jérôme Wierincx, le
célèbre graveur. Le fait se passe en lo78 : l'artiste avait
alors vingt et quelques années (5). Un jour, c'était vers
la On du mois d'octobre, après avoir pris une assez forte
dose de cervoise dans quelque échope de la tumultueuse
ville d'Anvers, où ses parents avaient acquis le droit de
bourgeoisie, il entra avec un autre gai compagnon dans
la demeure d'un tonnelier, nommé Frédéric Van Hove,
qui vendait à boire. Wierincx tenait à la main deux aigle-
fins, et s'adressant à la maîtresse du logis, il la pria de
faire cuire les poissons, ce à quoi elle consentit. Puis il
demanda de leur servir un pot de bière, mais Claire, c'est
le nom de la femme de l'artisan, lui répondit qu'il eût à
(i) Archives du conseil privé, liasses, aux Archives du royaume.
(2) On trouve le nom de cet artisie écrit d'une foule de manières difTc-
rentes : Wierix, Wierx, Wiericz, W'inrinx, Wyrinex ou Wierincx.
(3) 11 se dit âgé de vingt-deux ans dans sa requête en grâce, mais nous
croyons qu'il s'est fait plus jeune pour diminuer la gravité de son action;
car la date de sa naissance ne concorderait plus avec les renseignements sur
son âge puisés d'après ses propres gravures (Voy. IVcnes Allgcmeines Kiinsiler-
Lexicon, t. XXI).
554^
payer d'abord ses vieilles dettes avant d'en créer de nou-
velles. Wierincx fut vivement blessé de cette brusque sortie,
faite sans ménagement pour la présence du camarade qu'il
avait invité : il se fâcha, jeta le poisson à bas du fourneau,
et prenant un boudin dans une armoire, il intima à l'hô-
tesse avec menace l'ordre de le cuire. Celle-ci, vexée de tant
d'effronterie, s'y refusa, l'accabla d'injures, auxquelles le
jeune homme riposta de plus belle. Poussé au paroxysme
de la colère par les invectives dont il était l'objet, il saisit
une pinte et la lance à la tête de son antagoniste. En voyant
le sang couler de la blessure que le projectile avait causé,
il a hâte de se sauver. Six semaines après cet événement
Claire Van Hovealla de vie à trépas. Wierincx fut arrêté par
l'écoulète du chef d'homicide, mais, par lettres patentes
du 24 mars 1580, l'archiduc Matthias lui fit grâce, con-
sidérant qu'il était en état d'ivresse, et que d'ailleurs,
après information prise à cet égard, le médecin qui avait
donné ses soins à la défunte avait déclaré que sa mort
n'était point la suite de cette blessure. II fut donc relâché et
rendu à ses travaux.
« Philips, etc. doen te wetene, aile jeghenwoordighe ende toecomende dat
>vy onlfanghen hebben die oitraoedighe supplicatie van Jheronimus Wyrincx,
jonckman onghehoudt, van den ouderdom van vierentwintich jaeren oft daer
omirent, printsnyder van zynder consten ende poirtei" deser onser sladt van
Anlwerpen, alsnu giievanghen by den schouteth der voirschreve onser stadt,
inhoudende hoedat hy suppliant entrent den leslen dacli octobri xv^ Ixxviij
is ghecommen (wesende wel by drancke) ten huyse van Frederick Van Hove,
cuyper van zynder ambachte, met twee schelvisschen, begeerende deselve
ghesoeden te hebben met eenen pot biers, waertoe de voornoemden suppliant
ghenoeyt hadde een van der ghebueren. Waernaer is ghcschiel alsdat de
weerdinne van de voirschreven huyse (ghenoempt Clara Van den Hove), hem
weygheringhe maecle van te tappen,segghende totten voirschreven suppliant:
Belaelt d'aude schnll, soe wil ick u weder oppennyeuws borghen,- duer welcke
woerde de voirschreven suppliant hem zeer was stoorende als ghefoullecrt
wesende van zynder eeren, famé ende renommée, als wesende van goeden
eerlycken ende treflelycken ouders ende bergers descr onser voirschreven
OO'O —
stadt, gheinerckl dat deii persooii die hy gheiioeyl liadde, zulcx moeste hooren,
ende dus wesende in deselve furie, ende wel by drancke, namp denselven
vissch van den viere ende sloech desen ter eerdcn, ende naederhandl bindende
eenen boUinck in de botleireye heeft denselven oick willen ghebranden heb-
ben, ende 't selve siende de voirschreve Clara was haer seer stoorende, seg-
ghende den voirschreven suppliant seer veel scamper ende leelycke woirdeii
ghelyck hy oick dede ter conlrarien, ende dus wesende in dit gheschil den
voirschreven suppliant, nyet langher connende verdraeglien hair schampcr
woirden, heeft ten laetsten in der handt ghenoemen een suelleken van een
pinte, ende daer mede naer de voirschreven vrouwe gheworpen, ende met
grooten ongheiucke deselve ghcraeckt op haer hooft, heur aldaer makende
zekere cleene solutie oft quetsuere, zulcx dat de voirnoemde Clara Van den
Hove daermede achter huyse heeft haer dinghen ghedaen, ende is omirent
les weken daernaer nyettemin deser weerelt ovcrleden, al tôt bitter leelwesen
van den voirschreven suppliant, als gheschiet wesende doer den dranck ende
groole jonckheyt oft wulpsheyt, hebbende de voirschreve Clara van den be-
ghinnen aff doen cureren ende visiteren by diversche meesters als doctoeren
ende chirurgyns, dewelcke hebbende geafflrmeert ende gheattesteerl by
huerlieder certiflîcatie daeraff zynde, alsdat de voirnoemde Clara van de-
selve quetsuere nyet en is gheslorven, maer wel van zekere catarren ende
andere inconvenienten ende putrifactien die zy uitlyfTover lange heeft ghe-
draghen, ghelyckt ghebleken is naer d'insisie van de voirschreven doctoeren
ghedaen in den persoen van de voirschreve Clara naer haer doot; al desen
jiyet jeghenstaende vreest de voirnoemden suppliant, dat den voirschreven
officier jeghens hem rigoereuselycken zoude moghen doen procederen, ten
ware hem hierop verleent wordde onse gratie ende ghenade, alsoe hy seeght,
cm dewelcke hy ons oitmoedelyk ghebeden heeft, etc. Ghegheven in onscr
stadt van Antwerpen, in de maent van meerte h d Ixxx (1) ».
» Van dat Jeronimus Wierincx, plaetsnyder, geapprehendeert was ter oir-
saecken van dat hy mcde eender pinten suicx gewont hadde in 't hooft Clara,
uxor Fredericx Van Hove, cuypere, dat dezelve daeraff deser wereit was
overleden, is, vuyt crachte van de opene brieven van remissie hen by den
hove verleent oplen xxiiij^n meerte a" xv^ Ixxx, van den voirschreven gevanc-
kenisse gerelaxeert (2) ».
(1) Registre n» 649, f" 218 r», de la chambre des comptes, aux Archives
du royaume.
(2) Registre n» 12908, compte de 1381-1582, f" 1 v, ibidem.
— 356 —
Faulte (Michel), — est un graveur au burin qui tra-
vaillait à Paris dans la première moitié du XVIP siècle.
On trouve onze planches très-finement gravées par cet ar-
tîsle, et signées de son nom ou de son monogramme, dans
un petit volume qui n'a pas encore été décrit, et qui est
intitulé : L'office de la Vierge Marie; Paris, Gabriel Clo-
peiau ; 1631. En voici la liste : nous ferons remarquer
que les sept premières ont servi à un volume publié en
1615, et qui est cité par M"" Ch. Le Blanc (i).
La Visitation La Fuite en Égyple,
L'Annonciation. La Résurrection de Lazare.
L'Adoration des rois. L'Apothéose de Marie.
L'Adoration des bergers. Le Christ en croix.
La Circoncision. David en prière.
La Présentation au temple.
Galle (Corneille). — ■ Ce célèbre graveur avait épousé
Françoise Nys, fille naturelle de Jacques Nys; elle fut
légitimée sur sa requête, par lettres patentes datées du mois
de juillet 1657. La famille de C. Galle se composait alors
de quatre enfants.
« Philips, etc. doen te wetene aile leghenwoordighe ende toecomende dat
%vy hebben ontfanghen die ontmoedige supplicatie van Françoise Nys, na-
tuerlycke dochter van wylen Jacques Nys, leghenwoordighe huysvrouwe van
Cornelio Galle, plaetsnyder binuen onser sladt van Anlwerpen, versien met
vier witlige kinderen, inhoudende hoedat sy suppliante es geboren ex libero
et libéra, wesende haeren voorschreven vaeder ende moeder beyde overleden,
het es nu soo dat die suppliante geerne soude wesen gelegitinieert, etc. Ge-
geven in onser stadt van Bruessele, in de niaendt van julius xvj^ Ivij »(2}.
(1) Mmniel de l'amateur d'eslampcs, t. l^r, p. 221, nos 4.-10.
(2) Registre n» 667 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
— 537 —
§ 48. Fac-similé de signatures écrites.
Sommaire : Architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens,
orfèvres, etc.
1. Pierre Apianus, malhémalicien allemand du XVI*
siècle.
2. Benoît d'AppENZELL, maître de chapelle de Marie,
reine douairière de Hongrie.
3. Guyot DE Beaugrant, sculpteur, natif des Pays-Bas,
qui travailla à Bruxelles, à Bruges et en Espagne, sous le
règne de Charles-Quint.
4. Corneille de Boxt, orfèvre et graveur de sceaux, qui
florissait à Gand de 1470 à 1504.
5. Henri Bredeniers, organiste de l'archiduc Philippe le
Beau.
6. Jacques du Broeucq, sculpteur et architecte, floris-
sait à Mons, sa ville natale, dans la première moitié du
XVI* siècle.
7. Wenceslas Cobergher, peintre, architecte, ingénieur
et graveur, né à Anvers en 1 5G 1 ; mort à Bruxelles en 1 6315.
8. Pierre Coustralv, peintre décorateur de Philippe le
Bon et de Charles le Téméraire.
0. Gaspar de Crayer, peintre, florissait à Anvers et à
Gand, au XVII« siècle.
10. Laurent Delvaux, sculpteur belge du XVIH'' siècle.
11. Laurent Flascoen, tapissier de haute-lisse, florissait
à Enghien sous le règne de Charles-Quint.
12. Ballhazar Gerbier, peintre, architecte, diploma-
te, etc., né à Anvers en 1592; mort en Angleterre eu 1667.
13. Jérôme Henault, graveur des monnaies frappées à
Mons, de 1580 à 1589.
— 358 —
14. Bernard Jansen, sculpteur et architecte, né dans les
Pays-Bas septentrionaux, travaillait en Angleterre dans le
XVII« siècle.
15. Jacques Jonghelinck, sculpteur et graveur de mé-
dailles et de sceaux, né à Anvers en 1550; mort en 1606.
16. Rombaut Keldermans ou Van Mansdale, architecte,
florissait à Bruxelles dans la première moitié du XVP
siècle.
17. Olivier de la Marche, chroniqueur du XVI* siècle.
18. Conrad Meyt, sculpteur suisse, qui travailla aux
Pays-Bas et en France dans la première moitié du XVI°
siècle.
19. Jean de Montfort, graveur de médailles et fondeur
de métaux, à Bruxelles, de 1593 à 1649.
20. Claude Noirot, graveur des monnaies de Hollande,
de 1554 à 1563.
21. Jean Noirot, orfèvre et graveur des monnaies de
Flandre, à Bruges, de 1517 à 1545,
22. Corneille Plum, orfèvre et graveur des monnaies
frappées à Namur, de 1497 à 1528.
23. Rombaut de Rasières, graveur de sceaux et de
monnaies, à Anvers, en 1599.
24. Nicolas (Claes) Ro.mbouts, peintre verrier, florissait
à Bruxelles sous les règnes de Philippe le Beau et de
Charles, son fils.
25. Pierre-Paul Rubens, peintre, né en 1577 et mort
en 1640.
26. Jacques de Surhon, orfèvre et géographe, florissait
à Mons, de 1548 à 1555.
27. Jacques da Trezo, graveur de sceaux et de médail-
les, et tailleur de pierres fines. Italien de naissance, qui
travailla dans le Milanais, aux Pays-Bas et en Espagne,
sous les règnes de Charles-Quint et de Philippe II.
— 559 —
28. Louis Van Boghem, architecte, qui florissait à Bruxel-
les dans la première moitié du XV* siècle.
29. Jean Van Coninxlo, peintre, qui florissait à Bruxel-
les au XVI* siècle.
30. Michel Van Coxcyen, peintre, né à Malines, florissait
au XVP siècle.
31. Jean Van den Perre, orfèvre et graveur de sceaux,
florissait à Bruxelles de 1515 à 1551.
52. Gaspar Van der Heyden, graveur des monnaies frap-
pées à Tournai, sous les Archiducs et Philippe IV.
33. Jean Van der Wvck, dit Van Battel, peintre déco-
rateur, qui florissait à Malines de 1504 à 1549.
34. Godefroid Van Gelre, orfèvre et graveur de mé-
dailles, florissait à Bruxelles de 1585 à 1604.
35. Liévin Van Lathem, orfèvre et graveur de sceaux,
qui florissait à Anvers de 1493 à 1515.
36. Jean Van Nymmegen ou Van Vlierden, orfèvre et gra-
veur de sceaux de monnaies, qui florissait à Anvers de
1488 à 1521.
37. Bernard Van Orley, peintre, qui florissait à Bruxel-
les, sa patrie, au XVP siècle.
38. Henri Van Pe ou Van Pede, architecte, qui florissait
à Bruxelles dans la première moitié du XVI'^ siècle.
39. Olhon Van Veen, peintre, qui florissait à Anvers au
XVII« siècle.
40. Denis Waterloos, graveur de sceaux et de médailles,
né à Bruxelles en 1627, mort en 1715.
41. Sigebert Waterloos, graveur de sceaux et en taille-
douce, qui florissait à Bruxelles de 1600 à 1624.
42. Augustin de Wynter, orfèvre et graveur de sceaux,
qui florissait à Bruxelles en 1550.
— 340
§ 49. Verriers et Verrières.
Sommaire : Antoine et Hubert Wypart. — François Lowichs. — Tilman
Pisset. — Guillaume Smelz. — Jean de Bastoingne. — Thiéri Leumont.
— Godefroid delà Molle. — Jean Hardy. — Verrières au palais épiscopal,
au séminaire, à l'église de Saint-Servais, à la cour écljevinale, aux églises
de Sainl-Servais et des jésuites, à Liège. — Verrières à l'église de Reck-
heim, aux abbayes de Roberlnionl et du Val-Benoît, à Liège. — Verrières
données par les évêques de Liège pour embellir la demeure de diverses
personnes. — Verrière au couvent des Filles-Dieu, à Tournai.
Peinture sur verre, a Liège. — Les comptes des dé-
penses des évéques de Liège qui existent aux Archives de
rÉtat, à Liège, sont loin d'offrir pour l'histoire des arts de
grandes ressources : la collection n'embrasse que la seconde
moitié du XVI'' siècle, et de plus le rédacteur a été d'un
laconisme désespérant.
Voici quelques notes que nous avons recueillies sur les
vitraux qui furent payés par Ernest de Bavière, depuis
1587 jusqu'à 1596, tant pour l'ornementation du magnifi-
que palais épiscopal que pour l'embellissement de quelques
églises ou communautés religieuses de ses états. Nous avons
classé ces notes d'après la date des payements.
W janvier 1587. Verrière aux insignes et armes de
l'évéque pour le palais : 18 florins (2).
19 février 1587. Verrière exécutée par Antoine Wypart
ou Wypariz (vitrifex), et donnée à l'abbaye de Robert-
mont : 70 florins de Brabant (3).
Le même jour. Autre exécutée par le même artiste, et
donnée à l'église de Saint-Servais à Liège : 120 florins (4).
Janvier 1588. Grande verrière exécutée par le même
(i) Tous les payements sont en florins de Brabant.
(!) Compte de la recelle générale de 1586-1387, chambre des finances,
aux Archives de l'Etat, à Liège.
(3) Ibidem, f» 234, V.
(4) Ibidem.
— 341 —
artiste, et donnée à réglise de l'abbaye du Val-Benoît :
150 florins (i).
51 mars 1588. Verrière aux armes de i'évèque, exécu-
tée par François Lowicbs (vitrifex), et placée dans la de-
meure de Jacques de Hervé ; 4 florins (2).
11 septembre 1588. Antoine Wypart reçoit 14 florins
pour quatre petites verrières aux armes du prince, et dont
deux avaient été placées dans la maison du doyen de
l'église Saint-Servais, et les deux autres dans la demeure
du chanoine Pierre Curtius, à Liège (3).
15 octobre 1590. La femme du verrier Tilman Pissel
(vitrifex), reçoit 6 florins pour quatre fenêtres armoriées
qui ornaient la nouvelle cour échevinale, à Liège (4).
30 août 1591. A Guillaume Smelz, verrier (vitrifex),
pour une fenêtre, armoriée, selon toute probabilité, des-
tinée à l'habitation de INicolas Lampsonius, chanoine de
Saint-Denis, à Liège (5).
8 novembre 1591. 20 florins sont payés à Tilman Pisset,
pour difl'èrentes verrières, dont deux avaient été placées
dans la maison de l'écolàtre de Liège, et deux autres, aux
armes des ducs de Bavière, qui furent également données
pour orner des demeures de particuliers (c).
Décembre 1595. Tilman Pisset ou Pissel reçoit encore
4 florins pour une verrière posée dans la maison d'Antoine
Romarin (7).
Même date. Deux verrières, du prix de 8 florins et ser-
(1) Compte de la recette générale de 1587-1588, f» 235 v", chambre des
finances, aux Archives de TÉtat, à Liège.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
(i) Compte de la recette générale de 1589-1590, f" 252 r», ibidem.
(5) Compte de la recelte générale de 1591-1592, f» 97 r», ibidem.
(6) Ibidem, f» 97 v°.
(7) Compte de la recette générale de 1593, f» 102 r", ibidem.
— 34>2 —
vant à rembellissemeul de la maison du suffraganl, sont
payées au verrier Hubert Wypart (vitrifex) (i).
S septembre 1594. Deux verrières, exécutées par Jean
de Bastoingne {vitrifex), et données pour orner le séminaire
fondé par le prince évéque : 6 florins (2).
27 janvier lo9o. Payement de 16 florins au verrier
{vitrifex) Thiéri Leumont, pour deux fenêtres placées dans
la chambre écheviuale vers la galerie du palais (3).
1596. Antoine Wypart reçoit 230 florins pour une
grande verrière donnée par l'évéque à l'église des jésuites,
à Liège (4). Le prélat avait en outre payé les frais de l'ar-
mature de fer de la fenêtre (s).
10 avril 1397. 60 florins sont payés au même artiste
pour une verrière donnée à l'église de Reckeim (g).
14 juin 1o98. Godefroid de la Motte reçoit 4 florins
pour une verrière (7).
30 novembre 1398. Payement à Jean Hardy de 4 florins
pour deux petites verrières (s).
Verrière au couvent des Filles-Dieu, a Tournai. — Au
mois d'avril 1383, le duc de Parme gratifia les religieuses
(1) Compte de la recelte générale de 1593, f» 102 v, chambre des finances,
aux Archives de lÉtat, à Liège.
(2) Compte de la recelte générale de 1394-, f» 535 r», ibidem.
(3) Ibidem, f" 333 y°.
(i) Compte de la recette générale de 1396, f» 334- v, ibidem.
(d) « Decembri a» 1393. Persolvi Syraoni Fabri, ferrario fabro, pro confec-
» lione ferramentorum fœnestrœ vitrese collocatae seu donatae ex serenissimaî
« suœCelsitudinIs liberalitate in ecclesia patrum societatis Jesu .- ij'^ xl fl. viij s. »
>' 29 maii 1396. Solvi pro 1792 libéras ferri ad magnam fenestram vitream
» datam in templo jesuitarum. «(Compte de la recette générale de 1393-1396,
{° 366 r" et 367 r", ibidem).
(6) Compte cité de 1396, f" 33a r».
(7j Compte delà recette générale de 1597-1398, f" 341 r», ibidem.
(8;« Ad donandum in navi Arnoldi le Page. » (Compte de la recette générale
de 1598, fo 337 v», ibidem).
343
du couvent de la Madelaiue, vulgairement appelé des Filles-
Dieu, à Tournai, d'une somme de 20 livres pour l'achat
d'une verrière aux armes de Philippe II, à placer dans
l'église qu'elles venaient de faire bàlir (i).
§ 50. Collection de dessins et de miniatures.
Sommaire : Inventaire de la collection de miniatures et dessins de Philippe II,
duc de Poméranie et de Stettin, dans laquelle se trouvaient des œuvres de
Tob. Bernhart, Paul Bril, J. Bullen , J. Fisclier, Jér. Gunter, M. Kager,
L. Kilian, J. Kônig, A. Mozart et J. Rollenhamer. — Il avait l'intention
de former une galerie de portraits de princes contemporains et s'adressa
aux archiducs dans ce but.
Philippe II, duc de Stettin et de Poméranie, succéda
à Bogislas le Bon, son père, en 1606. Il naquit le 28
juillet lo7o de Claire de Brunswick-Lunebourg, et mou-
rut le o février 1619 (n. st.), sans postérité. Philippe fut
un prince qui aima les lettres, les sciences et les arts.
C'est lui qui posa la première pierre du palais ducal
situé près de l'Oder, à Stettin, et sous son règne, plusieurs
belles églises de celte ville furent restaurées et embellies.
Il se proposa d'orner ce palais des portraits des princes
de l'empire contemporains et d'autres avec lesquels il avait
des rapports d'amilié. Dans ce but il s'adressa également
aux archiducs Albert et Isabelle, en 1617. Le duc de Stet-
tin les remercie chacun isolément, dans la lettre qu'il leur
écrivit, de l'envoi qu'ils lui ont fait de magnifiques dessins
pour son album, et leur joint la grandeur des portraits
peints qu'il désire obtenir. L'album, dont parle ici le
prince, était une collection précieuse, composée en majo-
(1) Registre n" F. 268 de la chambre des comptes, aux Archives du dé-
partement du Nord, à Lille.
— OU -
rite de miniatures : il s'y trouvait aussi quelques dessins
à la plume. Chaque pièce avait pour auteur un artiste en
renom de l'époque. Nous avons eu le bonheur de décou-
vrir aux Archives du royaume, une liste des trente huit
dessins dont se composait l'album du duc de Stettin et de
Poméranie, en 1612. L'inventaire contient l'indication des
sujets, lesquels sont tous puisés dans le Nouveau Testa-
ment. Les noms du plus grand nombre des donateurs y
sont consignés et parfois aussi ceux des artistes, savoir :
Tobie Bernhart, Paul Bril, Jean Bullen, Jean Fischer,
Jérémie Gunter, Marc Kager, Lucas Kilian, Jean Kouig,
Jean Rottenhamer et Antoine Mozart.
Philippe avait épousé, en 1607, Sophie, fille de Jean le
Jeune, duc de Holstein-Sonderbourg, morte en 1618, et
sœur cadette d'Anne, sa belle-mère.
« Eximium singularis cuiusdam erga nos benevolentise testrmonium'exis-
limamus, serenissima princeps, cognata carissima, quo Dileclio Vestra ad
pelitionem nostram librum illum quem mémorise omnium liac aetate viven-
tium regum et principum consecravimus, et manu sua et insigniis, histo-
riaque quadam biblica arlifieiossime depicla exornare voluerit. Debueramus
equidem Dileclioni Vestrœ eo nomine iamdudum agere gralias, sed occasio
commoda nobis defuit, quam bac vice nacti significare Dilectioni Vestrae
voluimus officium illud nobis fuisse longe gratissimum, certoque Dilecfio
Vestra sibi persuadeal mnemosinon illud inter ea , monumenta quœ nobis
carissima sunt, diligenter asservatum iri.
» Cœterum freti ea, quam hactenus apud Dileclionem Vestram experli
sumus, promlitudine, unum adbuc ab ea amanter petimus. Palatium quod-
dam novum hoc tempore exstruimus, idque effîgiebus regum et principum
nostri seculi ad vivum depiclis, insignire ornatiusque rcddere studemus. Quia
vero Dileclio Vestra inler heroinas nostrœ huius œtalis prœcipuo loco est,
illiiis imaginem prœ ceeteris desideramus. Maiorem itaque in modum a Di-
leelione Vestra contendimus ut effigiem suam artifici manu pictam nobis per
Jacobum de Soramere transmillere velit, sicuti eliam serenissimum Austriae
archiducem Albertum, Dilectionis Vestrae maritum carissimum, idem ofiicium
nobis proesliturum confidimus. Eril illud propensissimi erga nos affectus iu-
fliciiim, facietque ad aevilernam Dilectionis Vestrae memoriam, et si qua in re
— 345
Dilectioni Vestrœ rursus gratiflcari poterimiis , studiura et voluntas nobis
nunquam décrit. HisceDilectionemVestram féliciter valere ex aninio optannis.
Dabantur ex arce nostra in veteri Sletino, xvii aprilis anno MDCXVII.
» Philippus II,
» Diix Slctinensiuni, Pomeranorum, etc. »(!).
Voici l'inventaire avec la traduction en regard.
« Verzeichnuss deses neuen Stambuechss welches der durchleichtigc hoch-
geborne Furst und Ilerr Herr Philips, llertzog zue Stettin-Pommern, etc ,
a" 1612 angefangen.
» Dass Format desselben ist in gross Quarto, unnd wirdt ailes auf Perga-
nient gemalilet von Miniatur iMahlcrey, oder auch wol sehônen Federrissen,
von den allerbesten unnd beruembsten Mahlern so hin unnd wider zue
finden.
» Folgen die Namen deren so darin schon verwilligt sambt den Stucken so
sie mahlen lassen; die Stucklein aber sein mehrentheilss genommen ex vita
Christi :
1. Die rômishe Kayserliche auch
zue Hungern unnd Bohaimen Kônig-
liche Mayesteit Herr Matthiass, Erz-
hertzog zueOssterreichen, unser aller
gnedigster Herr, Jereinias Gunter
Ihrer Mayesteyts Hofmaller mahlet
dass Stuckhlein, unbenant aber noch
wass fur Historia.
2. Herr Wilhclm, Hertzog zue
Bayrn , den englischen Gruess , von
Thobiass Bernhart gemahlet, die In-
vention aber ist von Hanss Rotten-
hamer.
3. Wie die Junghfrau Maria Ihre
môhnie Elisabeth heimbsucht, von
Paul Brill zue Rom gemahlet.
4. Ferdinandt , Churfurst unnd
Erzbischoir zue Colin, die Geburt
1. Miniature, donnée par l'empe-
reur Matthias. — OEuvre de Jérémie
Gunter, peintre de la cour de ce
prince.
2. f,'^nnoneja/iO)j, miniature, com-
posée par Jean Rottenharaer et peinte
par Tobie Bernhart. — Donnée par
Guillaume II, duc de Bavière, mort
en 1G26; il avait abdiqué en 1396 en
faveur de son fils.
3. La Visitation, miniature, exécu-
tée à Rome par Paul Bril.
i. La Naissance de Jésus, minia-
ture, exécutée à Rome par Jean Konig.
(I) Archives de la secrétaireric diktat allemande, aux Ai'chives du royaume.
30
— 546 —
flhristi, von Hannss Kônig, zue Rom
gemalilel.
5. Christian, Margraf zue Bran-
denburg, die heylige dreye Kiinige,
von Antonie Motzarl gemahlet.
6. Ferdinandt, Erlzhertzog zue Os-
terrcich, die Flucht Chrisli in Egip-
len, von Paul Brill gemahlet.
7. Johann- Conradt, Bislioff zue
Eystiilt, Mie der Herr Christuss in
seinem zwôlften Jalire mit den Gelahr-
ten im Tempel disputiret, von Tobia
Bernhardt gemahlet.
8. Maximilian, Herlzog zue Bayrn,
die Tauff Christi, von Martz Kager
gemahlet.
9. Wie Christuss in derWûsten ver-
sucht wirdt, von Paull Brill gemahlet.
10. Frau Sophia gebohrne zue Hol-
slein, Ilertzogin zue Stettin-Pom-
mern, die Cananeysche Hochzeit.
H. Augustuss der junger Herlzog
zue Braunschwig unnd Linnenburg,
wie der Herr mit einem Samarilischen
Weiblein Sprach helt bei einem Bru-
nen.
12. Frau Clara -Maria gebohrne
zue Stettin-Pommcrn, Hertzogin zue
Braunschweig unnd Linnenburg, die
Hisloria wie die Martha so beschefflig
ist, Maria aber dass beste Thcil cr-
welilctcr.
— Donnée par Ferdinand de Bavière,
archevêque de Cologne, évêque de
Liège, etc., fils du duc Guillaume 11,
mort en 1650.
5. Les trois Rois, miniature d'An-
toine Mozart. — Donnée par Chré-
tien, fils de Jean-George, margrave
de Brandebourg, auteur de la branche
des margraves de Bareuth.
6. La Fuite en Egypte, miniature
de Paul Bril. — Donnée par Ferdi-
nand, archiduc d'Autriche.
7. Jésus au milieu des Docteurs,
miniature de Tobie Bernhart. —
Donnée par Jean- Conrad de Gem-
mingcn, évêque d'Eichstadt, nommé
en 1397 et mort en 1612.
8. Le Baptême du Christ, miniature,
exécutée par Mathieu Kager. — Don
de Maximilien, électeur de Bavière.
9. La Tentation de Jésus dans le dé-
seW, miniature, exécutée par Paul Bril.
10. Les Noces de Cana. — Don do
Sophie, fille de Jean le Jeune, duc de
Holstein-Sonderbourg, qui épousa Phi-
lippe II, duc de Poméranie et de Stet-
tin.
1 1 . Jésus et la Samaritaine . — Don
d'Auguste, duc de Brunswick et de Lu-
nebourg, fils de Guillaume, et frère de
Christian, auquel il succéda en 1635.
12. Jésus chez Marthe et Marie. —
Don de Claire-Marie, fille de Bogislas
le Bon, duc de Stettin, qui épousa :
l" Sigismond-Augusle, lue de Meckel-
bourg; 2», en 1G07, Auguste, duc de
Brunswick-Luncbourg; elle mourut
eu 1025.
347 —
13. Ertzherzog Leopold zue Ôster-
reicli, Bishoff zue Slrasburg uiind
Passaw, wie die Kindllein zuin Ilerrn
Cliristo gebracht werden, von Ilannss
Kônig gemahlet.
li. Georg, Hertzog zue Stettin-
Pomraern, wie der Herr von den Jùn-
gern im Schiff wirdt erweckhl, unnd
deraWindt unnd meer gebeut dass es
slill wirdt.
13. Joachim Ernst, Marghraf zue
Brandenburg, wie Christuss mit wenig
Brotlen unnd Fischlein etliche tausent
Mann speiset, von Antonie Motzardt
gcmalilet.
16. Jobann-Adolph, Hertzogh zue
Scblesewick-Holstein , wie Pelruss
nach der Preedig Christi einen glickh-
lichen Fischfang thuet.
17. Philipps, Hertzog zue Holstein,
wie der Gichtbrichtige durchs tach
herunder gelassen und vonn Chrislo
gesundt geniacht wirdt.
18 Frau Elisabeth, gebohrne unnd
verraehlte Ilertzogin zue Braunschweig
unnd Linnenburg, Wittve , wie der
Herr Christuss der Wiltwen zue Nain
einigen Sohn von Todt erweckhet.
19. Frau Anna, gebohrne zue
Schlesewick-Holstein, Hertzogin zue
Stettin-Pominern, Wittve, wie dass
Weiblein so 12 Jahr den Bluetgang
gehabt durchs anrueeren der Kleider
Chrisli gesundt wirdt.
20. Moritz, Landtgraf zue Hessen,
die Werklerung Christi aufm Berge
Thabor.
1 3 . Laisses venir à moi les pclils
enfants, miniature, exécutée par Jean
Konig. — Don de l'archiduc LéopoId
d'Autriche, nommé évéque de Stras-
bourg et de Passau en 1607, et mort
en 162i>.
14. Jésus apaisant la tempête. —
Don de George, frère de Philippe II,
duc de Pomcranie et de Stettin, qui
mourut en 1617.
15. La Multiplication des pains et
des poissons dans le désert, miniature,
exécutée par Antoine Mozart. — Don
de Joachim-Ernest, margrave d'An-
spach, fils de Jean-George, margrave
de Brandebourg.
IG. La Pêche miraculeuse. — Don
de Jean-Adolphe, duc de Holstein-
Gottorp, mort en 1616.
17. La Guérison du paralytique. —
Don de Philippe, duc de Holstein-
Glucksbourg, né en 1384. et mort
en 1665.
18. La Résurrection du fils de la
veuve. — Don d'Elisabeth, fille de Fré-
déric II, roi de Danemark, qui épousa,
en 1390, Henri-Jules, duc de Bruns-
wick-Wolfenbuttel, mort le 20 juillet
1613; elle décéda en 1626.
19. La Guérison de la femme ma-
lade, — Donné par Anne, fille de
Jean le Jeune, due de Sleswick-Son-
derbourg, seconde femme de Bogislas
le Bon , duc de Poméranie et de Set-
tin, morte en 1616.
20. La Transfiguration. — Don de
Maurice, landgrave de Hesse, mort
eu 16.Ï2.
348 —
21. Ulrich, Herlzog zoe Steltin-
Pommern, die Auferweckhung Lat-
zari.
22. Philippuss-Juliuss, Herlzog zue
Steltin-Pommern, die Historia vom
reichen Mann unnd armen Latzaro.
23. Frau Agniss, gebohrne Mar-
grâfin zue Brandenburg, Hertzogin
zue Stettin-Pommern, etc., den Oel-
berg.
24. Ertzherzog Maximilian-Ernes-
tuss zue Osslerreich , die Crônung
Christi von Luebass Kilian mit der
Fedep gerissen, Invention des Rotlen-
haimtes (sic).
2.'). Ertzherzog Maxirailian zue Oss-
lerreich, Grossmeister dess Teutschen
Ordenss, die Aussfuhrung Christi.
26. Al])recht, Herlzog zue Bayrn,
die Chreulzigung Christi, von Hanss
Fischer gemahlet.
27. Bogisslaf, Herlzog zue Slettin-
Pomraern, die funff Clugen unnd funf
lliorichten Jungfrauen wie sie dem
Breutigam entgegen gehn.
21. La Résurrection de Lazare. —
Don d'UIric, frère de Philippe II, duc
de Poméranie et de Stettin, qui fut
nommé évoque de Camin en 1618.
22. La Parabole du Riche et du
Pauvre. — Don de Philippe- Jules,
fds d'Ernest-Louis, duc de Wolgast,
et petit-fils de Philippe I", duc de
Poméranie et de Stettin; il naquit
en 1584 et mourut en 1623. Il hérita
en 1600 du duché de Stettin par la
mort de Jean-Frédéric, son oncle.
23. Jésus sur la montagne des Oli-
viers. — Don d'Agnès, fille de Jean-
George, électeur de Brandebourg, qui
épousa, en 1604, Philippe-Jules, duc
de Stettin.
24. Le Couronnement du Christ,
dessin à la plume, composé par J.
Rottenhaimer(?), el exécuté par Lucas
Kilian. — Don de l'archiduc Maximi-
lien-Ernest d'Autriche, grand-maître
de Tordre Teutonique, fils de Charles,
archiduc de Gratz; il mourut en 1616.
23. La Rcsurreclion du Christ. —
Don de l'archiduc iMaximilien d'Aulri-
che, grand-maître de l'ordre Teutoni-
que, fils de l'empereur Maximilien H,
mort en 1618.
26. Le Crucifiement, miniature, exé-
cutée par Jean Fischer. — Don d'Al-
bert, duc de Bavière, landgrave de
Leuchtenberg et comte de Halle; il
avait épousé, en 1612, Malhilde de
Leuchtenberg.
27. La Parabole des Vierges sages
et des Vierges folles. — Don de Bo-
gislas, mort en 1637, frère de Philip-
pe II, duc de Poméranie et de Sletlin.
— 549 —
28. Frau Maria, gcbohrnes Fraulein
il) Holstein, Eptisin zue Itzehow, die
Siindtfluel, von Hannss Bullen ge-
mahlct.
29. Johannes-Fridcrich, Hertzog
zue Wirttenberg.
30. Juliuss-Friderich, Hertzog zue
Wirttenberg.
51. Georg-Friderich, Margraff zue
Baden.
32. Philipps-Ludtwig, Pfalzgraf
bei Rbein.
33. Wolfganng-Wilhelm, Pfalzgraf
bey Rhein.
34. Augustuss, Pfalzgraf bei Rhein.
35. Johannes-Friderich, Pfalzgraf
bei Rhein.
36. Ernst-Ludtwig, Hertzog zue
Sachsen.
37. Franz, Hertzog zue Stettin-
Pommern, etc., Bischof zue Caminn.
38. Frau Sophia, gcbohrne aus'ni
Churfiirstlicliem Stam zue Sachsen,
Hertzogin zue Stettiii-Pommern. »
28. Le Z)eÏM(;c', 'miniature, exécutée
par Jean Bullen. — Don de Marie de
Holstein, abbesse de Itzehoe, dans le
duché de Holstein.
29. Don de Jean-Frédéric, duc de
Wurtemberg, mort en 1628; il suc-
céda à Frédéric, son père, en 1608.
30. Don de Jules-Frédéric, frère
du précédent; il forma la tige de
Weitlingen.
31. Don de George-Frédéric, mar-
quis de Bade-Dourlach, né en 1373,
mort en 1638.
32. Don de Philippe-Louis, duc de
Neubourg, mort en 1614..
33. Don de Wolfgang-Guillaume,
fils du précédent; mort en 1633; il
succéda à son père.
34. Don d'Auguste, frère du précé-
dent, mort en 1631; il forma la bran-
che des ducs de Sulzbach.
33. Don de Jean-Frédéric, frère du
précédent, comte de Hippolstein.
36.Dond'Ernest-Louis, néen 1587,
fils de François II , duc de Saxe-
Lauenbourg; il mourut en 1620.
37. Don de François, qui fut d'a-
bord évèque de Gamin, et qui succéda,
en 1G19, à son frère PhiHppe II, duc
de Poméranie et de Stettin; il mourut
en 1620.
38. Don de Sophie, fille de Chris-
tian ler, électeur de Sa.\e;elle épousa,
en 1610, François, due de Poméranie
et de Stellin, cité à l'arlicle précé-
dent, et mourut en 1635.
550 —
§ 51. Inventaire de manuscrits.
Sommaire : Inventaire des manuscrits de liturgie du chapitre de Saint-Pierre,
à Anderlecht, près de Bruxelles, en 1505.
L'inventaire qui suit est celui des livres de liturgie,
au nombre de plus de cent, du chapitre de Saint-Pierre, a
Anderlecht : il fut dressé le 5 juillet 1505, par le chanoine
Renier Van den Kerchove, trésorier de la communauté.
On remarquera combien peu de ces livres sont imprimés.
« Primo een groot missael van aile den jaere, op ten hoogen outaer.
Een groot missael van aile den jaere, gelieeten : Ad allare béate Elisabeth.
Een out missael de loto anno, manet in allare sancti Guidonis.
Vier cleyn halve missale : twee somer-stucken ende twee wynter-stucken.
Een cleyn missael, in franchyne, dair niet dan de misse van requiem inné
en staet.
Twee wynter-stucke die al nieuwe zyn tôt Schuete gescreven (1).
Achte antliiphoneers, over elc zyde vier, te weetenen : twee zomer-deele
ende twee wynter-deele.
Vier graduwale van den jaire, over elc zyde twee.
Acht goede souters (2), over elc zyde viere.
Twee brevieren van al den jaere, daeraf den eenen is premonstreyt-orduyn
ende den anderen Anderlechts.
Een canters voer de toto anno.
Een vers-boec oft venite-boeck.
Twee capiteele-boecken, over elc zyde eenen.
Eenen ouden capiteel-boec ende eenen souter, in berderen gebonden ,
liggende in de tresorye.
In den choor, noch twee geheel oude antiphoneers.
Een les-boeck, in berderen, dat men in 't schole besichl.
Eenen vocabulercn franchyne voir den deecken, met eender kethenen ge-
bonden.
Een boeck gehoeten Summa Raymundi, met eender kethenc gebonden.
(1) Voy. §13.
(2) Psautier.
— 351 —
Twee matrilogye-boeckeii, dair meiid'een daghelycx besiclit,ende d'andercn
is ont, in berderen oie gebonden.
Een evangelye-boec liggende opten pulpetruiu.
Een epistel-boeck de toto anno, oie aldaer.
Twee yinraineren (1) cura notis, dairaf den eenen gebonden is met eenen
nieuwen zouter.
Een oude cleyn souters.
Eenen ordinaris, leyt in den clioor.
Een vocabulare geheeten Mammelracliis.
Twee omelye-boeken, een zomer-deel unde een wynter-deei.
Een Légende sanctorum.
Twee passionale.
Een boeck De genesi, melten anderen boecken el quatuor libri regum,
Een boeek De proplietis ende Apocalipses Johannis,
Een boeck dMe/us aposlolorum ciim Epislolis Jacobi, Pelri, Johannis, Jude
el Pauli, et Parabole Salomonis, Ecclesiasles, Tobtje, Judil, Hesler et Macha-
beorum inné staen.
IVoch vier boecken ongekelent, die over beyde zyde ghaen, d'een geheeten
nationale dominorum; d'anderen een vocabulier geheeten Calholicon; 't derde
boeck bout in principio Legendas sanctorum, Vitas ponlifieum et Librum sum-
marum, in uuo volumine; item 't vierde is Scholastica hisloria cum theologia
naturali, in uno volumine.
Glosa cartliusicnsis super psalterio. ""
Vita Jhesu eiusdem carlhusiensis, in tribus voluminibus.
Een biblia impressa.
Een bible gescreveu, in franchine. •
Dcerelale magnum, impressum.
Sexlus Clémentine cum institutionibus.
Uuo psalteria cum glossis.
Twee vigilye-boecken, over elc zyde eenen.
Een cleyn boexken dair men kinder medc doept dat eleer is ende oie die
voenle medc wydt.
Een out cleyn boexken dair 't selve officie inné slaet.
Een seven psalmo metten lelanyen daer men mede olyet de syecke.
Een boeck daer Venite ende lessen van den vigilycn inné staen.
Een alcph-boeck, métier noten.
(I) Livres dhymmes.
— 532 —
Vive responsorye-boecken oft processye-boeken, dairaf de drie zyn gebon-
den met berderen, ende de twee met coopertoryen, van francliyne.
Vive boecken, in swerten ieere gebonden, inhoudende Feslum béate Marie
Virginis.
Een van denselven oflicien dair chorus op steet, in francliyne, gebonden.
Noch twee quaternen van den selven ofQcyen, papirenen.
Twee quaternen houdende Ofpcium sancti Augiistini, in franchyne.
Drye quaternen houdende Officium undecim milium virginum.
Noch twee quaternen houdende Officium sancte Elisabeth.
Noch twee quaternen houdende Officium visitationis béate Marie Virginis,
Een quaternen houdende Officium transfigurationis Domini.
Ecn passye-boeck, in papire, cum notulis (1). »
§ 52. Scribes et Enlumineurs.
«
Sommaire : Jacques Pilavaine, scribe et enlumineur, à Mons. — Manuscrits
qu'il a exécutés. — Manuscrit de l'église de Saint-Hermès, à Renaix. —
Corneille de Lorimier, calligraphe. — Jérôme de Roovere, clerc, scribe et
enlumineur.
Pilavaine (Jacques), — calligraphe et enlumineur d'un
mérite secondaire, était natif de Péronne, en Vermandois,
et exerçait son art à Mons, qn Hainaut. Il nous apprend
lui-même ces particularités. Quant à l'époque oîi il vivait,
on peut affirmer qu'il florissait sous les règnes de Charles
le Téméraire et de Marie, sa fille. Trois manuscrits sortis
de sa plume, sont parvenus jusqu'à nous : ils sont con-
servés à la Bibliothèque de Bourgogne. Le plus beau (2)
est un exemplaire grand in-folio sur parchemin, de cin-
quante-deux centimètres de hauteur, des Histoires Marli-
niennes. Ce volume contient 274 feuillets à deux colonnes,
chacune de quarante-deux lignes. Il est enrichi de douze
(1) Archives du chapitre d'Anderlecht, aux Archives du royaume.
(2) N» 9069, p. 240 du catalogue.
— 353 —
grandes miniatures qui sont entourées d'encadrements fleu-
ronnés, et qui occupent la moitié de la page, et de trois
autres vignettes beaucoup plus petites : toutes sont l'œuvre
de Jacques Pilavaine. Voici les sujets des grandes minia-
tures :
Création d'Adam et d'Eve; — leur expulsion du Paradis terrestre (f" 12 v»);
Passage de la mer rouge par les Hébreux et défaite des Égyptiens (f» 25 y);
Siège de Thèbes (f» 35 r»);
Prise de Troye et mort du roi Priam (f" 46 v);
Combat de David contre Goliath; — David coupant la tète du géant (foGO r»);
Fondation de Rome par Romulus (f» 78 r»);
Judith tranchant la (été à Holopherne (f» 97 v");
Troisième défaite de Darius par Alexandre (f» 138 r<>);
Défaite des Romains par Annibal à Cannes (f" 162 r");
Autre bataille livrée par les Romains sous les murs de Numance (f" 182 r»);
Défaite des Helvètes par Jules César (f" 216 r»);
La défaite de Pompée à la bataille de Pharsale, en Thessalie (f» 252 v").
Quant aux trois petites miniatures, l'une est placée en
tète du commencement de l'ouvrage (f" 12 r") et repré-
sente très-probablement l'artiste lui-même occupé à la
transcription de son livre; les deux autres : Samson étouf-
fant le lion et l'Élection de Saiil se trouvent aux f°' 54 r"
et 58 v°.
Les onze premiers feuillets du manuscrit contiennent la
table : l'ouvrage est divisé en huit cent-quatorze chapitres,
dont les intitulés sont écrits en rouge. A l'intérieur du
volume, il y a un très-grand nombre de petites lettrines
enluminées. A la fin de la première colonne du dernier
feuillet on lit : Cxpltctuitt le^ I)ptotrfô martintcnncô
fâfrtpteô por Jacquemart Jptlatiaine e^criptiain et
eiilumitteur ^emourattt a Mono eu i^û^nnaut natif
îre jperonne nt lîermcnîïob. Sur la seconde colonne, une
main à peu près contemporaine a consigné l'annotation sui-
vante, qui nous fait connaître le nom du premier proprié-
— 554 —
taire du livre : Cf Uore tôt appelle les iîtarttnifuufô
traittant ^f la cu'afUin ou nu^n^c ft îic5 fatiî et rnujnc
ôc pluiiifur^ empereurs ou il p a îto l)i5toîrf5, lequel
est a mauâ^ Cliarles? ^e Craj: comte ^e Cljimaç. (Signé)
Cljrtrles.
Philippe, père de Charles, mourut eu 14-82 ou 1483, et
le titre de prince de Chimai fut octroyé à ce dernier eu 1486.
L'annotation doit donc être placée entre ces deux dates.
Les deux autres manusci'its (i) de Jacques Pilavoine
sont réunis dans le même volume, et contiennent ensemble
23G feuillets en parchemin, à deux colonnes de trente-
deux lignes, avec capitales dorées et enluminées. Quoique
l'un d'eux seulement soit signé, l'écriture est identiquement
la même. La première partie du volume jusqu'au f" 1 lo r"
contient VÀrbre des batailles, par Henri Bonnet; l'autre
est le traité intitulé : les Faits d'armes de chevalerie, dont
Christine de Pisan est l'auteur.
VÀrbre des batailles est orné au commencement d'une
miniature, où l'on voit Henri Bonnet présentant à genoux
son livre à Charles M, roi de France, qui est entouré de
cinq personnages. Au feuillet suivant se trouve une autre
miniature, qui occupe la moitié de la page et dont le sujet
est un duel entre chevaliers.
Les Faits d'armes de chevalerie s'étendent depuis le
fo \\j J.0 jusqu'au f' 226 v"; ce traité est divisé en quatre
parties, avec une table en avant de chacune d'elles. Il n'est
enrichi que de deux grandes miniatures (f°^ 118 v et
181 \°), encadrées comme celles du manuscrit précédent
de fleurs et d'ornements, et qui représentent toutes deux
Christine de Pisan; elle est occupée à écrire dans la pre-
mière vignette. A la (în du second manuscrit, on lit : (Cr
(!) iN« 9009 et 0010.
DDO
fine le liore (\vlï traite îres î>rot5 b'armeô e^cript por
mog 3aa]uemart pUttoatue. Aubert le iMire, qui fut
bibliothécaire des archiducs Albert et Isabelle, a consigné
à la fin du volume, que le cardinal infaut Ferdinand
d'Autriche eut ce livre en mains le 12 décembre 1059.
Les derniers feuillets du manuscrit contiennent la copie
de lettres patentes de 1506, qui ne doivent pas nous occu-
per ici, et qui forment dans le catalogue de la bibliothèque
le n" 9011.
De même que le volume qui renferme les Histoires Mar-
tiniennesM volume, où sont transcripts Y Arbre des batailles
et les Faits d'armes de chevalerie, ont conservé la preuve
de leur origine, car on lit aussi sur un des derniers feuillets
le nom de Charles de Croy, prince de Chimai, et les enca-
drements des miniatures attestent également par les écus-
sons et la devise Moij seul, qui y est souvent repétée, que
le volume a été exécuté par Jacques Pilavaine pour cet
illustre seigneur ou pour son père, qui avait épousé une
comtesse de Meurs. C'est du reste ce qu'une personne plus
versée dans Tari héraldique pourra établir d'après les
armoiries.
Pendant que ces feuilles s'imprimaient, notre ami M. Léon
Paulet faisait insérer dans la Picardie, revue qui se publie à
Amiens, un excellent article intitulé : Jacmart Pilavaine,
miniaturiste du XV^ siècle. Cet article a été tiré à part,
sous forme d'une brochure in-8°, de 53 pages (Bruxelles,
Decq, 1838). M. Paulet y décrit au long les miniatures
qui ornent le premier manuscrit dont nous parlons ici : il
n'a pas eu connaissance des deux autres.
De LoRiMiER (Corneille). — Manuscrit de l'église de
Saint-Hermès, a Renaix. — Au § 13, nous avons fait la
description d'un volume écrit en 1314, par Corneille de
Lorimier, et que nous avous attribué, en l'absence de toute
— 556 —
autre indication, à quelque église collégiale ou prévôté du
pays de Liège. Nous avons depuis reçu de M"" E. Joly, à
Renaix, quelques observations à ce sujet. Il nous propose,
et nous sommes entièrement de son avis, de reconnaître
dans ce manuscrit une autre origine. Eu effet, deux des
noms qui se lisent dans les miniatures, se retrouvent dans
la liste des chanoines de la collégiale de Saint-Hermès, à
Renaix; ce sont ceux de Jacques Kickenpois, mort vers 1 567,
et de George de Rodere, mort en 1561. Il faut encore dire
qu'en 1535 vivait un chanoine appelé en latin Paul de Val-
le, ou Van den Daele, qui mourut en 1557, et qu'un certain
Melchior le Lorimier, chanoine de la cathédrale de Cambrai,
fut nommé doyen à Renaix, en 1523, et décéda en 1534.
C'est probablement un frère ou un parent de ce dernier
qui a exécuté le manuscrit.
Dans les registres de la chambre des comptes, aux Ar-
chives du royaume, n° 21918, f" xlv v°; n» 21919, f" Ixv r°
et f" Ixxv v°; et n" 21921, f" xxxv V, il est question d'un
personnage du nom de Corneille de Lorimier, le Lormier
ou le Lorimier, « demeurant à Renaix, » qui figure comme
« promoteur député au faict de l'inquisition au pays de
» Flandres, » depuis le commencement de Tannée 1551 et
jusqu'à la fin de janvier 1554, en compagnie du terrible
Pierre Titelmans, doyen de Renaix, inquisiteur commis par
Charles-Quint. L'année 1554 est probablement celle de sa
mort, car son nom est alors remplacé par celui d'un certain
Nicolas de Hondt, qui occupa la même charge de promo-
teur du saint office. Nous ne craignons pas d'avancer que
c'est là notre calligraphe.
De Roovere (Jérôme), — scribe et enlumineur, est
qualifié de clerc. Au mois de mai 1539, Philippe de Croy,
duc d'Arschot, lui fait payer 11 livres 3 sous « pour avoir
» escript et copié aulcunes escriptures. » Il reçoit encore
357 —
(le ce seigneur 8 livres, en 1341, « pour avoir copié ung
» grant dénombrement que feu monseigneur de Chimay a
» baillé de sa terre de Lillers » (i).
Nous rappellerons que nous avons mentionné au | 3,
un enlumineur du nom de Jean de Uoovcre, qui vivait
encore en 1527.
S 53. Inventaire de tableaux, sculptures, orfèvre-
ries, etc.
Sommaire : Inventaire des tableaux, manuscrits et objets d'art divers du
château de Belœil, en 1359, appartenant à Philippe, comte de Ligne et
de Fauquembergue, baron de Wassenaer, etc.
Les Archives judiciaires, à Mons, possèdent un petit
registre in-4°, de 28 feuillets, intitulé : « Inventoire de tous
» et quelconcques les biens meubles trouvez ou chasleau
» et fortresse de Bailœl, faict à l'ordonnance de mes-
» sieurs les hommes féodaulx de la noble et souveraine
» court, à Mons, suivant la requeste présentée par noble
» et puissant seigneur messire Philippes, comte de Ligne
» et de Faulckemberghe, chevalier de l'ordre du roy, nos-
» tre sire, affin de povoir entrer oudict chasteau sans pré-
» judice aux debtes de son feu père, etc. » Cet inventaire
fut commencé le 17 et terminé le 20 août 1oo9, par An-
toine Hallot, lieutenant prévôt de Mons, et Quentin du
Prêt. Nous en avons extrait la liste des tableaux qui exis-
taient au château de Belœil à cette époque, et parmi toutes
les autres curiosités nous avons fait un choix des pièces
qui nous ont paru avoir quelque intérêt. L'inventaire men-
(1) Extraits d'un registre intitulé : Parties desboursées par Gaultier de
Lyere, pour les extraordinaires de monseigneur le duc d'Arscliot, depuis le
premier jour de novembre 1537, aux Archives judiciaires, à Mons.
— 558 —
lionne aussi quelques tapisseries, qui trouveront leur place
ailleurs; le sceau d'argent de la dame de Wassenaer, brisé;
quatre cartes géographiques, sur toile, celles de Frise, de
Brabant, de Gueldre, de Hollande, et « le gardinat du
» Hainaut », c'est-à-dire le jardin ou tableau sous forme
d'enclos des armoiries des villes, abbayes, pairies, etc.,
du comté. Quant aux livres, voici comment sont décrits
ceux que le document renseigne :
' « Ung grand livre couvert de velour noir, les boucles de cuivre dorées,
armoyé des armes de Bourgoigne et d'Angleterre, appelle! le Livre des Anges.
Deux heulres, de parchemin, couvertes de velour, les ymaiges ouvrez d'or.
Ung missel couvert de velour, flguré avecq les doux et bouclez d'argent
doré, estant en une custode. »
Pour s'expliquer la présence de certains portraits dans
la collection du château de Belœil, nous dirons que ce
Philippe, à la demande duquel l'inventaire fut dressé, était
comte de Ligne et de Fauquembergue, baron de Wasse-
naer, de Belœil, de Ville, etc., et qu'il avait épousé Mar-
guerite de Lalaing, fille de Philippe, comte de Hoogstraeten.
Il mourut en 1583 et fut enterré à Belœil. Ce seigneur
était fils de Jacques, lequel eut deux femmes : Marie,
héritière de Wassenaer, morte en 1344, et Jeanne de Hale-
wyn, décédée le 27 décembre 1557.
Tableaux et Sculptures.
« Ung tableau de Téfigie feu Anlhoine, Ung aullre de sainct Christofflc.
seigneur de Ligne. Ung aultre de Nostre-Damme.
Ung tableau de la Lucrèsc. Ung aultre de sainct Bernard.
Ung aullre de la généalogie dos ducz L'cfigic madanirae de Savoye.
deBourgoigne jusques à Tempcreur Ung tableau d'albadc du Jugement de
Charles V^. Paris.
Un aultre tableau de la Lucrèse. Ung aultre tableau d'albadc de Nostre-
La Décolation sainct Jehan ou de Nos- Damnie.
Ire-Seigneur. Ung auUrc tableau de l'éfigie de qucl-
l'iig tableau de saint Anlhoine. ijuc marchanl.
359 —
Ung lablcnu de réfigic madamme la L'cfigie madamme d'Egmonl.
grande.
L'efligie du duc Jan.
L'effigie du ducq de Bavière.
Ung petit tableau de l'éfigie du roy
Loys de Hongrie.
Ung petit tableau à deux foeillez.
Ung tableau de la représentation de Ung aultre de saincte Katherine.
L'éfigie mademoiselle des Fossez.
L'éfigie du comte de Ligne estant cii
eage de cliincq ans, qui est cesliiy
de présent.
Ung tableau de Nostre-Damme, île
broudure.
la Vierge Marie à deux foellez.
Ung tableau de sainct Jhérosme.
L'éfigie de la Magdelaine.
L'éfigie de la reyne de Hongrie.
L'éfigie feu monseigneur de Hocstrate.
Ung tableau d'un enflant mangeant
papin.
Ung tableau de Nostre-Damme.
L'éfigie du seigneur de Houl'alize.
L'éfigie d'un vieu seigneur d'Aigmond
avecq madamme sa femme.
L'éfigie don Loys de Villa.
Item le seigneur de Lumen.
L'éfigie mademoiselle la sénesclial de
Tournay.
L'éfigie madamme de Bailloel.
Une aultre éfigie d'une damme avecq L'éfigie du seigneur la Chau.
le pluma blan.
L'éfigie du prince de Saulmona.
Idem madamme de Lumen.
L'éfigie du seigneur de Wassenaire.
Une éfigie ayant robbe noir rickamée
d'or.
L'éfigie madamme de Wassenaire.
Ung grand tableau de Nostre-Dame.
L'éfigie de l'empereur.
L'éfigie d'un vieu seigneur de Wasse-
naire.
L'éfigie de la vièze damme de Wasse-
Ung tableau de Nostre-Damme.
Ung tableau de la Lucrèse.
Ung tableau de quelque damme.
Ung grand tableau de Jugement de
Paris.
Ung tableau d'ivoire où y a la Passion
Nostre-Seigneur.
Ung sainct Franchois d'albade.
La Mort en yvoire, avecq une kainelle
de cuivre.
Une Nostre-Damme de bois painte
d'or et d'azuré. »
naire.
Orfèvreries, Bijoux, Médailles, etc.
« Ungtableaud'or de la Nativité, avecq Ung petit rond tableau d'or avec une
des rubis, perles et ung dyamanl à roze ou mitant.
crochet.
Ungpety tableau d'or de sainct Michiel
avecq rubis et dyamand.
Ung aultre pety tableau d'or esmaillié
de rouge.
Ung aultre pety tableau d'or avecq la
leste sainct Jan.
Six rons tableaux d'argent doret, si-
comme l'un de la Décolation de
sainct Jehan, avecq pliriseurs perles
— 560 —
et piéries; le ij"^ de Nostre-Damme; Une médaille de fin or d'une dammc
ung aultre aussi de Nostre-Damme ayant ung lion en son giron,
ayant son enfifant; le iiije aussi de Une grande couppe dorée, avecq l'arbe
sainct Jehan ayant une ameralle; le de Jessé, et la couvercle de meisme,
v« pareillement Nostre-Damme; et que l'on dist venir du roy de Dine-
le vje le chief saincte Catherine. marcque; avecq la custode y ser-
Item sainct Adrien d'argent doré. vante.
Ung tableau avecq deux cloans d'ar- Une couppe dorée, esmaillié, avecq les
gent doré, ouquel y a l'Anonciation déesses Vénus, Juno, Pallas et les
Nostre-Damme, de cockil de perle. chiefz de l'empereur et aultres,
Une médaille d'or de l'empereur Con- avecq la custode.
stantin. Une couppe dorée, au-dessus Lucresse,
Quattre pièces de coral de l'arbre de avecq la custode.
Jessé, les personnaiges d'argent Une couppette dorée, au-dessus y a
doré. ung fol avecq la custode.
Trente getz d'argent des armes de Une couppe dorée, esmaillée de vert
Bourgoine et Angleterre. et rouge, au-dessus y a Cupido; en
Le pied de l'arbe de Jessé d'argent une custode.
dore, la branche de coral rouge, Une couppe dorée, gravée sur icelle
avecq pluisieurs personnaiges d'ar- le Jugement de Salomon; avecq la
gent doré. custode. »
Avec si peu d'indications utiles, il serait sans aucun
doute très-difficile de reconnaître les objets d'art men-
tionnés plus haut s'ils existent encore; mais en publiant
dans notre recueil des inventaires de ce genre, nous n'avons
eu pour but que de donner une idée de l'importance de
certaines collections et de rameublement des hôtels et châ-
teaux de nos grands seigneurs des temps passés.
Alexandre Pinchart,
— 561
Cl)rattt(|îte hc$ ôcicuccs et hcs :2lrt5, et iHomtési.
PÉIEBINAGES, ESCONDITS ET VOYAGES EN BELGIQUE, E« HoLLi^DE ET SUR LES
BORDS DU Rhin, imposés par les échevins de Lille et de Béthune aux banms et
AUTRES REPRIS DE JUSTICE, ETC. (XIV«, XV^ ct XVI« sièclcs). — Bien que nous
ayons déjà parlé ailleurs (1) des pèlerinages, imposés par l'échevinage de
Lille aux coupables condamnés, soit au bannissement, soit à des amendes,
nous avons pensé que les documents qui suivent pourraient encore intéresser
les nombreux lecteurs du Messager des Sciences historiques de Belgique, puis-
qu'ils mentionnent les sanctuaires les plus vénérés des Pays-Bas.
En 1366, parmi les pèlerins que les échevins envoient en divers lieux,
pour cause d'amende, « fête au cappite de Sainl-Piere de Lille, pour certain
fet touchant le ville, » nous remarquons ceux qui se rendent à Saint-Liénart
(Léonard), de là Bruges, et à St-Lambert dou Liège. Au premier, ils allouent
XLVIII gros, val. XXVIII s., pour III joui-s, à queval, à raison de XVI gros
par jour; au second, VI s. de gros, val. XLII s., pour IX jours, à piet, à
raison de VIII s. gros par jour.
C'était, d'ordinaire, à Haspre et à Renaix que les échevins envoyaient en
pèlerinage les fous furieux.
En 1390, Jehan Casenne reçoit, pour Dieu et en aumosne, XXIIII s. fors,
pour I poure vallet dervé (2), nommé Ilalet, de Lomme, faire mener à Haspre,
à Saint-Akare.
Quelques années après (1396), XXX s. étaient accordés aux sergens du
prévôt qui, par ordre des échevins, avaient expulsé de la ville un fol dervé.
En 1421, on expulse encore de la cité ung homme qui estoit hors de se mé-
moire, et qui faisoit pluiseurs excès.
En 1456, celui qui conduit à Haspes et à Renaix (3), son frère, inscnsi-
(1) Arch. du Nord de la France, 3^ série, t. IV, pp. 306-309.
(2) Fou (Voy. Roquefort, Gloss., t. I, p. 367).
(3) Saint-Hermes. Hermès y était particulièrement invoqué pour ces infor-
tunés.
31
— 5G-2 —
ble (1), à intcncion de alégier et eslre garis Je sa maladie, reçoit du magistral
XL s. En 14.88, outre les X s. qui sont accordés à ung poure homme, que les
échevins avoyent fait mener à Saint-Hermez, pour ce qu'il estoil furieux,
lequel esloit retourné en santé, ils font compter illl 1. XVI s. à Micquiel Bar-
bry et à Guillemot Le Hardy, pour leurs sallerres de l'avoir mené à Renaix,
faire son offrande à monseigneur Saint-Hermez, où il a esté IX jours, en ce
comprins aucuns drois payez à l'église, tant pour le chambre où il fut tnis et
gardé, comme pour chire et le sallerre des femmes qui le baignèrent.
En 1493, les deux hommes qui conduisent à Saint-Hues et à Saint-Akare
«ng josne homme hors de se mémoire, reçoivent XXIIII s.
Le passage suivant, que nous empruntons au MS. N» H de la Bibliothèque
de Lille, nous donne une idée des avanies qu'au X1V<^ siècle on faisait subir,
en Italie, à ces infortunés. Il s'agit d'un ermite qui contrefaisait le fou. Nous
y lisons : « En toutes les villes où il venoif, il fesoit le fol, si que l'en li getoit
>> la boe et les chavates à la teste; et, quant il entra à Rome, si le commen-
» ehièrent le peuple à huer, et li gctoient la boe et l'ordure, et crioient après :
>• le vesci le fol ! et li enfant le huoient et poingnoient. «
C'était surtout à Cologne que les échevins de Lille envoyaient ceux qu'ils
condamnaient à des amendes. Ainsi, en 1480, un individu, qui avait injurié
une femme dans la boucherie, paie XL s. pour s'exempter d'un voiaige des
trois Roix, à Coulongne.
En 1321, George Cornette, Bauduin Laigniel et Adrien Pretot, qui avaient
favorisé l'évasion de l'assassin du messager de la ville, réfugié aux Corde-
liers (2), et qui lui avaient procuré chevaux et épée, sont congiez de la ville,
sur chescun ung pèlerinage : assavoir ledict George à Marie Magdelaine des
desers (3), au rachat de six vcrghes de cauchie; ledict Bauduin, à Trois Rojjs,
à Coullongne, à rachat de deux verghes de cauchie, et ledict Adrien, à Ayx,
au rachat de deux verghes de cauchie, le tout à employer au marchié au
poisson.
(1) Roquefort dit insensif. (Ibid , t. II, p. 12).
(2) En 1526, un assassin est enferré, par ordre des échevins, dans le clo-
cher de l'église Saint-Sauveur, où il s'était réfugié. On envoie, à Tournai,
vers les procureurs de la cour spirituelle, affîn de pooir le distraire de cette
église.
(3) Cette même année, un brasseur, condamné à faire le même voyage,
pour avoir osté ung sacq de grain molu hors de la masquicre (voy. Roquefort,
suppl., p. 212, aux mois masquiers ghiloires), après qu'il avoit esté mis et
mesluré par les esgards, paie à la ville, pour s'en escompter, le coust de six
verghes de cauchie de cailleaux de grans doubles.
— ôGô —
Les trois avocals, consultés dans cette grave circonstance, et qui reçurent
XL s. chacun, appartenaient aux premières familles de nos provinces du
Nord : c'étaient MM«s Jehan de Bernicourl (1), Florent du Mont Saint-Eloy et
Robert Couronnel.
En 1523, celui qui a averti un prévenu, que la justice était sur ses traces,
fera le voyage aux Trois Rois de Cologne, ou fournira deux milliers de briques,
estimés VI i. Même sentence (1524) contre un ouvrier parmenlier qui, au
cabaret, avait, sans cause ni occasion, /urc /es LV playes Nostre Seigneur,
par diverses fois, et juré et blasphémé le nom de Dieu (2).
En 1551, les échevins de Béthune en condamnent un autre à tenir prison
et à une amende de X s., pour avoir juré la vertu de Dieu.
En 1480, des brasseurs, obligés, qui, à un voyage à Notre-Dame de Gra-
vesande (3), en Hollande (4); qui, à un voiaige et pélerinaige à Nostre-Damc
du Bos, livrent chacun, pour s'en exempter, un millier de briques de XL s.,
destiné aux fortifications de Lille.
A ceux qui avaient encouru des amendes plus fortes, on imposait le péle-
(1) Bernemicourt (voy. notre Artillerie de la ville de Lille, p. 43, note 1).
— Par une lettre du 21 janvier 1507 (v. s.), Maximilien déclare que Phle de
Bernemicourt, Robert de Nedonchel, Jehan Desplancques, Jehan de Wigna-
court, Christophe Bynet et Francliois du Ploich, tous gentilzhommes, nom-
més eschevins de Béthune, sont, néanmoins, maintenus en leurs droits et
preveléges de noblesse, sans qu'on puisse, à l'avenir, leur objecter celle
nomination.
(2) En 1529, on dit qu'un individu a juré pluiseurs grans sermens sur
Dieu, nostre créateur, et, entre aultres, la saincte sueur d'icelluy.
(3) Ailleurs : Segravesande.
(4) 1444. On parle d'aucunes entreprinses que ceulx de Dieppe et les Hol-
landois commencent faire les ungz alencontre des aultres. — 1450. A maistre
Anthoine Ilaneron (yoy. nos Artistes, p. 220 et le Messager des Sciences ci-
dessus, p. 22G), IIIIxxXVl frans, du pris de XXXII gros, raonn. de Flandre,
chascun franc, pour certain volage par lui fait, du commandement de MDS.,
en la ville de Rouan, où estoient aussi envoiez, de par ycelui S., le S"- d'Auxy,
chevalier, son conseillier et maistre de rcquestes de son hostel, pour pour-
suir la réparacion de pluiseurs dommages fais par les gens de guerre de la
ville de Dieppe, sur aucuns subgets de MDS., de ses pays de Hollande et
Zeellende. — En 1433, Jehan, bastard de Roisin, escuier, pannelier de MS.,
se rendoit, par son ordre, vers le roi d'Arragon, pour le fait de certain bale-
nier, appartenant à MDS.. qui avoit esté destroussez par ceulx de la ville de
Barsselonne. — En 1399, une nef de haijnne , portant entre XL et XLV muit
de blet, est vendue à Valenciennes LXXl florins d'or, nommés couronnes
dou roy.
— 364 —
rinage au saint Sang de Wilscnacq (1). Ainsi, en 1481, pour le radial de ce
voyage on exige, tantôt douze milliers de briques, estimés XXIIII I.; tantôt
dix milliers, payés XX 1.
En 1521, le brasseur qui a appelé les esgards pour mettre grain en mas-
quibre, sans avoir ses eauwes chaudes, ou qui le met en leur absence, doit
faire le voyage de Wissenaecq, ou fournir trois verges de eauchie pour le
marclû' au poisson.
Pour un voyage à Bos-le-Duc, on fournil une verge de eauchie (1521), ou
un millier de briques, aussi bien que pour celui de Noslre-Dame de Haulx, et
celui de Saint-Gommart (sans doute Saint-Goar), a Liere.
Collin de Boullongne et Als Chouette étaient condamnés à faire un voyage
à Haulx et ung escondit, pour avoir de nuyt et hors heure, busquié contre les
huys et fenestres de Jehenne Petit, vesve de Arnoul, fournier, et bouté oullre,
de ung esclan (2) une fenestre : meismes déclaré, sur ce qu'il portail ledict
esclan, qu'il estait Dieu et portoit le bois.
Cinq ans après (1529), un individu est banni, après avoir été mis au pi-
lori (3) avec ung escript contenant ses blasphèmes, pour avoir injurié plu-
sieurs hommes mariez, les appellant wihos (4), et avoir juré pluseurs grans
sermens sur Dieu, nostre créateur; meismes renonchié ycelluy S. Dieu,
invocant le Dieu (sic), disant qu'il avoit plus grande compaignie que Dieu.
En 1561, quatre jeunes débauchés lillois attaquent et blessent grièvement
un joueur d'orgues et son souffleur, mettent en pièces l'instrument et jettent
dans un puits l'un des soufflets. Appelés aussitôt en justice, ils se voyent
condamnés à faire chascun ung voiaige à Nostre-Dame de Haulx, et de ce
rapporter léal ensaingnement, ung mois après leurs délivrances, et à payer
chascun douze livres pour le cas préveliegez, faisant XLVIII 1., quy est pour
la moictié de la ville allencontre du roy, nostre sire, XXHII 1.
(1) Var. Willesenach, Wilsenach, Willenach.
(2) Traîneau. (Roqdefort, ibid., t. I, p. 501).
(3) 1531. On établit (à Bétliune) ting cept, pour y niecfre les yvrognes scan-
daleux, les blasphémateurs du nom de Dieu, brimbeurs et gens vacabondz,
aussy les eoppe bourses et larons, pour les monstrer au poeuple, pour de eulx
avoir congnoissance, et, plus facillement, instruire leur procès ; dont mons. le
lieutenant portera la clef.
(4) Voy. notre Cité picarde, p. 125. — Le bénoit saint Gengoulfe se doub-
loit aulcunement que sa femme ne le wihoslast. (MS. n» 16 de la Bibl. de
Lille, XV<= siècle). Parmi les injures que les femmes du peuple (de Bélhune)
s'adressaient à cette époque, nous remarquons celles-ci : curatière, vesteresse
de crapaux, frigale, faide, baude, G. vineuse : parmi icelles qu'elles adres-
saient aux hommes : sire coup gaihan, coquin avolez, haidel, cocgnon —
vous lenés le plus mauvais hoslel quy soil entre Bruges et liâmes.
— 5G5 —
Notre-Dame de Halle (1) était depuis longtemps, il est vrai, un des sanc-
tuaires les plus vénérés de la Mère de Dieu. En IHO, Philippe-le-Bon y
avait fait acheter, moyennant Xllll 1. VIII s. (non compris la façon, qui
coûta XV s.), six enseignes d'or à l'imaige Nostre-Datne. Vingt ans aupara-
vant, s'y étant rendu en pèlerinage avec la duchesse, il avait fait dislriliuer
à ses gens plusieurs enseignes de Nostre-Dame, qui coûtèrent XII s. En 145fi,
douze enseignes d'argent, les Vf dorées et les autres blanches, de Nostre-Dame
de Hal, sont payées XL s.
Le pénultiesme jour de mars 1547 (v. s.), les échevins de Béthune com-
muaient la peine d'un an de bannissement en celle d'un voyage à N. D. de
Haulx, en l'honneur et révérence de la mort et Passion de Nostre-Seigneur
Jésus-Crist, considéré aussi la poureté, anchienneté et impotence des père
et mère du coupable.
Le pèlerinage de N. D. d'Anlenbourg était aussi trés-fréquenté. Ainsi,
en 14-23, Fhilippe-Le-Bon fait acheter, au prix de XX s., chandeilles, en-
seignes ou affiches pour les gentilzhorames qui devaient, en sa compagnie,
aller en pèlerinage à N. D. d'Ardembourg.
En 1524, les échevins de Lille condamnent un de leurs justiciables à faire
ung voiage à Nostre-Dame d'Ardenbourg. A Nostre-Dame de Grâce, lès
Bruxelles (2), MS. de Charolois fait offrir (1456, fév., v. s.; des cierges, et,
à trois reprises différentes, dépense Mil s. pour ijmages (5).
Le comte de Charolois avait, il est vrai, une dévotion toute particulière
pour Noire-Dame de Grâce (4), puisque, en 1457, Jorys Huguez (3), orfèvre
(1) Voy. les Délices des Pays-Bas.
(2) 1440. La Confrarye du livre à Brouxelles.
(3) Celles achetées à Nivelle, où le prince s'était rendu avec le Dauphin
(depuis Louis XI), coûtent 11 s.
(4) Le 27 janvier 1313, Marguerite d'Autriche ordonne de payer CL 1., de
XL gros la livre, à Claes Romboulte, verrier, à Bruxelles, pour une verrière
faite dans l'église de Nostre-Dame du Sablon, à Bruxelles.
(3) Voici deux documents qui nous paraissent importants pour l'hisloire
commerciale de Bruges. — 1414. Le comptable dit que le doyen de Saint-
Donat, de Bruges, a fait assambler dans son hôtel les nacions des Vénissiens,
des Castillans, des Genevois, des Plaisantins, des Alemans et autircs estons en
ladicle ville. — 1460 (n. s.). M»^ Gomlsalvc, consciUier et phiscien (') de MS. le
due, se rend de Bruxelles à Bruges, pour parler et savoir du fait des mar-
chans de la nation d'Espaigne, qu'ilz s'esloient renduz fugitifz, pour ce qu'ilz
avoient esté faniez du péchié d'éresie. (Arch. gèn. du Nord).
(*) On lit dans une lettre, datée de Dole (2 août 1S23) : Au surplus, pour ce que le
bailly de Dole est fort malade, et y a cinq ou six jours qu'il a les médecins riirc luy,
nu lioH (le Poligny, qui sont l'astrologue et le pbre, médecins de ce heu.
— 366 —
bnigeois , lui livrait un faucon d'argent, arnioyé de ses armes, dont il lui
faisait hommage (1).
Saint-Adrien, de Grantraont, attirait aussi de nombreux pèlerins; car,
en 1437, Piiilippe-le-Bon fait remettre à cette église LXXII s. pour une en-
seigne d'argent doré, d'autres enseignes de plonc et ung chierge de cire.
C'était aussi à Saint-Adrien (2) que Louis XI, arrivé aux derniers jours
d'une vie que l'histoire ne pourra jamais trop sévèrement juger, envoyait
de riches offrandes, puisque les échevins lillois faisaient remettre (1482) ung
francq de XXXII s. à ung poursieuvant du roy qui, nagaires, estoit arrivez à
Lille, pour aller à Gand querre ung saulf conduit, pour apporter une offrande
de certaine grant somme de deniers, que le roy voulloit envoyer à mon-
seigneur saint Adrien.
A Béthune (1575), un condamné doit faire un pèlerinage à Saint-Sauveur.
Un autre (1576) doit être mis en basse prison, au pain et à l'eauwe, puis
faire un pèlerinage à Nostre-Dame de Douai (3).
Les échevins condamnaient, parfois, les coupables à faire des escondils
dans les villes voisines (4), car, en 1485, ceux de Lille font compter XH s.
au messager de Gand, qui amena ung homme dudict lieu de Gand, faire ung
escondit par devers eschevins.
(1) Aux derniers jours de sa vie (1467), Philippe-le-Bon faisait offrir IX" I.
de cire (ù II II s VI d. la liv.), à l'église Saint-Esprit de Rue; IX^^ 1. à Nostre
Dame de Lyesse , et deux cierges de pareil poids, l'un à Saint-Martin de
Tours, et l'autre à Saint-Hubert, en Ardenne. Douze ans auparavant (1455),
se trouvant à Vilry Le-Croisié, il avait fait présentera l'offrande de la messe,
qu'il y avait entendue, XXIIII s., puis, pareille somme à celle qu'il avait fait
célébrer à Notre-Dame de l'Espine; tandis qu'il faisait déposer LXXII s.
auprès des reliques de cette dernière église.
(2) Au XV|e siècle, lorsqu'un parent était gravement malade, on avait
l'usage, à Béthune, d'envoyer en pèlerinage à Saint-Nazaire (En 1496, une
poure fille à marier, adprésent vexée et travaillée de la maladie Monseigneur
saint Nazaire, reçoit XX s.), à Nostre-Dame des Cœurs et à Saint-Adrien.
(3) A Béthune (1612), Michel Caudron, de Douai, est condampné à e.ilre
fustigez de verges par les enffans d'escolle, en chambre esriievinatle. Ce hon-
teux supplice se renouvelait souvent, car, en 1599, Jeiian Bernard, natif de
Mons, en Haynault, était condamné à un bannissement de cinq ans, afirès
avoir esté fusiigié de verges par les enffans de l'escolle des poures — A Lille,
certains coupables étaient condamnés à porter le thonneau autour du marcliie.
Les sergents qui les conduisaient (1566-1572) recevaient XXIIII s.
(4) 1459. On dit qu'un coupable fut pour ses démérites pugny de congie-
ment, escandis et voyages.
— 367 —
Malheur à celui qui, durant les maladies contagieuses, si l'réquenles, hélas 1
au raoyen-àge, contrevenait aux ordonnances du magistrat, car la justice se
montrait avec raison d'une sévérité extrême à son égard.
En 1480, Cottin Wulpart et Ogier Dourliel, ayant négligé de mettre estrain
(paille) à leurs maisons (1), pourtant qu'un individu y estoit mort de maladie
contagieuse, se voyaient condamnés à faire certain voiaige ou pélierinaijje;
lequel voiaige, ajoute l'argentier, ilz ont racheté, comme faire povoicnt, ches-
cun de laig millier de bricques.
Les ordonnances ordonnaient, eu effet, de désigner ainsi les maisons des
pestiférés, puisque, en 14-84., les quatre sergcns reçoivent VI 1., pour plui-
seurs paines et labeurs extraordinaires par eulx faites cesle dicte année, tant
en avoir esté par toutes les rues de la ville de Lille, par pluiseurs fois,
enquérir et savoir là où on csloit mort de malladie contagieuse, pour y faire
metlre estrain, affîn que cheseun en fuist adverty.
Nous voyons ailleurs qu'une clochette était atlachée (1383) à la bierre des
pestiférés, afin d'avertir les passants, et qu'en 1397 l'orfèvre Anlhoine Des-
camps faisait payer XIX 1. X s. une ehibolle de cuyvre dorée, livrée aux ca-
puchins s'estans mis en infection.
On leur fournissait aussi LVIII lots de vin de Madère, à XXVI patars le lot.
En 1375, Grard de Warlaincourt , tailleur d'images, faisait payer XX 1.
ung crucifix par luy faict et taillié, pour mettre au riez de Canteleux, au lieu
où sont les Infectés de la malladie contagieuse (2).
Des peines sévères étaient aussi réservées aux hypocrites qui, abusant de
la crédulité du peuple, s'attribuaient le droit de distribuer des indulgences,
toujours vendues à haut prix, comme le constate le châtiment terrible in-
fligé à maistre Jehan du Crocq. lequel, dit le comptable lillois, fut eschaf-
faudé (1430) par III jours, puis banni à tous jours, pour pluiseurs cabuiste-
ries par lui faites, en abuzant des pardons et indulgences de Malines. (A son
départ on lui donne XII s. en aumosne).
Cette grave affaire fut, au reste, longuement discutée ; car nous voyons
figurer parmi les frais, et les LXVIII s., dépensés par les échevins, con-
seilliers et serviteurs de la ville, quand Jehan Ducrocq, cabuisleur, fut prins
(1) 1319. Une bonne, grosse et évidente marque d'esfrain. Elle devait rester
durant XL jours, depuis le dernier décès.
(2j 1464. Mal d'épidume, sy comme de la boche en laine. — On lit que du
temps saint Michiel, pape, une grande peslillcnce régnoit à Romme, telle
que de la boche en laine le peuple soudainement moroit, pour laquelle chose
saint Grégore institua procession, que on nomme les létanies (MS. n" 16 de
la Bibl. de Lille, XV» siècle).
— 368 —
et examiné par eschevins présens ad ce maistrc ISicole Cotlin , le prieur des
Jacoppins, le doyen de le Xpienlé et autres, sur ce qu'il se disoit estre se-
crétaire des pardons de Malines, et avoir pluiseurs auctorités, pour abuzer le
peuple.
A LXIX s. s'élevèrent, en outre, les frais de bouche, faits par messieurs,
après ce qu'ilz eubrent receu e la ville de Malines, de MS. l'évesque de
Salebry et autres pénitanchiers, lettres responsoires à celles de crédence à
eux portées par Jehan Henneron.
Longtemps après (1465), le magistrat congioit de la ville un mauvais gar-
nement, qui se mesloil de gtiisandrie, et lequel, autresfois s'estoit en ceste
ville mis en la samblance de Dieu, pour miculx atraire pécune.
Vers cette même époque, accuser, sans preuve, une femme d'aller au sab-
bat, faisait encourir la peine de bannissement. Ainsi, en 1423, les échevins
de Bélhune punissaient de cette peine un maçon qui, en pleine rue, avait dit
à une femme, présent son mari, qu'elle estoit fausse chreslienne, juize, incré-
dule; ajoutant : aies faire vos assamblées de vos j'uizans es bos, que vous et
les diables avez auttres fois fait. Pourquoy, dit la sentence, attendu que
ledicîe femme est de bonne famé et renommée, sans quelque reproche, et
que lesdictes paroUes sont calomnieuses, et que icelles ont esté dictes à
ledicte femme publicquement, présent sondict mary, qui est un bon preu-
domme, ledict procureur du bailly, ostant que ledict est zimouœux et de
très-mervilleux gouvernement, (demande) que icelly soit pugnis de prison ,
à vostre ordonnance, et, par vous banny de la ville.
La même peine est prononcée contre une femme, qui avait dit : vous men-
gastes laignel le jours du blanc joeudy (le jeudi-saint) avec pluiseurs aultres :
à partir en dedens soleil couchant.
De la Fons-Mélicocq.
RÉBELLION DES LiÉcEois. — En ccl an mesme (Î430), durant le siège de
Compiègne se rebellèrent Liégois et se boutèrent hors plus de cent mille,
à banière desployée, et vinrent destruire le pais de Hainau et de Namur, et
abatirent et boutèrent le feu dedens le ville de Poillevace, où estoit en gar-
nison Monsr. de Senlis, lequel n'eut point conseil de eulx atendre, et se
party, ancois que les Liégois y venissent. Monsr. de Croy estoit en ce tamps
à IS'amur, en garnison, qui grant mal leur faisoit, et leur livroit grant guerre,
et ardoit villes et hamiaus au pais de Liège. Ung peu après le commenche-
ment de celle rébellion mirent les Liégois siège devant le ville de Bouvines,
et assalirent ung grant boUeuverc, duquel ceulx de Bouvines jettoient de
canons dc^dens le ville de Dinant; lequel bolleuverc estoit devant le ville, et
— 569 —
avoieni les Liégois fait ung engieii où bien avoil X roues, ol y pooil bien
entrer II"^ liommes dedens, atout couvert, qui ne doubtoient piere, ne tret.
et appelloit-on ledit engien ung cal, dedens lequel avoicnt à manière d'un
petit pont leviz, lequel contendoit de avaler sur ledit bolleuverc. Mais les
capitaines de le ville de Bouvines, comis par le duc Plile, saichans apoinlier
ledit engien pour faire assaull audit bolleverc, prinrent pluiseurs fagos et
de le poure de canon, et deus lonneaulx doUe , et, quant les Liégois apro-
chèrent ledit bolluverc alout leur engien, adont commença mervilleus assauls,
et Iraioient mervilleusemcnt, d'une part et d'aullre, de canons et d'abales-
tres, et espesiallement ceulx de Bouvines jelloient pieres de canons par IIII
tours principalles, qui sont à quatre carliers de le ville, sur ledit engien et
derière ; dont yl tuèrent grant plenté du comun de Liège. Quant les
Liégois vinrent atout leur engien, tout au plus près du bolleuverc, sur le
fossé, adont avallèrenl leur pont, pour enirer dedens : adont jellèrenl ceulx
de dedens les fagos tout espris de fu, plain dolle et de poure de canon. Sy
fu, yncontinent, tout espris ledit engien, parquoy yl fallirent à leur enprinse.
A celle heure avoit une tour au lès de la rivière de Meuse, où estoient Lié-
gois, qui moult fort getloienl d'engiens à pour contre la ville de Bouvines,
et contre le bolvercq. (Les Chroniques de France, HIS. n» 2G, de la Bibl. de
Lille, fol H» 111 vo _ IJc IIII ro).
Siège des Flamexs devant Calais. — En lan M. 1111'= XXXVI, le duc Pliie
fist armer le commun de Flandres, à intencion de mettre Calais à son obéis-
sance, dont moult fist folle emprise pour le païs de Flandres, et furent le
commun de Flandrcz très-diligent de ce faire, et se mirent en armes, par
dissaines, ainsy comme yl avoient fait au voiage de Hem, et assemblèrent de
chascune castelerie ensamble, et tirèrent en grant nombre vers Calais, à
tentes et à pavillons moult richement hourdés, de quarroy chergiés de plui-
seurs engiens à poure, et avoient ceulx de Gand chergiés pluiseurs baliaiilx
de leurz abillemens de guerre sur la rivière du Lys, lesquelz sievoient lesdis
batiaus, tousjours logans le plus près de la rivière qu'il pooient, et furent
logiés à Wervi, à Armentières, à Biaupré, Labre cl à Mcureviile. El droit là,
laissèrent la rivière, et puis chergèrenl leurs habillcmcns qu"ilz avoient en
leur nefz, sur cars, et s'en allèrent droit à Graveligncz, où yl trouvèrent
ceulx de Bruges, du Franc et dipre. Et, quant yl furent tous ensamble, adont
mirent le siège à Oie, où yl y avoit fort caslel, et le prirent, et le démolirent
et abatirent, et pendirent tous ceulx qui esloient dedens en garnison. Et
après, mirent le siège devant le caslel de Marcques, lequel fu pareillement
deslruit, et aulcuns de la garnison fure tués, et les aullrez prisonniers. El
32
— Ô70 —
puis mirent le siège à Zagat (Saiigatte) et à Blascnglien (Balinghem ), les-
quelles fortresses furent toutes ruéez jus et destruiles. Entrelant mist le
S"" de Croy avec cculx de son estandart, le siège devant Chines (Guines), et
le surplus des nobles de l'armée du duc Phle tirèrent droit à Calais, et y
mirent aulcunement le siège; mais c'estoil pour nient, puisqu'il n'estoient
point asségié par mer, duquel costé, par mer, croissoient leur force, de
jour en jour, par l'aide qui leur venoit d'Englelerre. Après vinrent les Gan-
tois devant Calais, et frumèrent une bastille, où yl se boutèrent pour garder
ie pas. Ung jour vint qu'il faisoit fort cault, se avoient tant but de ceute
que, à plain jour, yl s'estoient endormis, sans commettre quelque garde;
mais les Englès qui ce veoient, entrèrent en laditte bastille et copèrent les
gorges à ceulx qu'il trouvèrent dormant, et en y ot de tués plus de LXX.
Après celle tuison faicte audit bastille, les Gantois se commcnchèrent à ten-
ner, et n'eure plus cure de faire guerre, et, en le sepmaine après, fu envoiet
en l'armée du duc Phle ung hiraull d'Englelerre, de par le duc de Clocester
qui, pour lors estoit régent de Engleterre, lequel deffia le duc Phle et manda
journée de bataille : et, quant eculx de Gant le seurent, sy se vorent partir,
comme yl firent après le prise de Hem (1), et, pour quelque prière que leur
fesist le duc Phle, ne se vaulrent oncques assentir de demorer, ainsy firent
sonner le deslogement, ceulx de Gand principalement, pour ce qu'il voloient
estre en leur ville la nuit de l'Assumption Nostre Dame, à renouveler le loy,
comme pluiseurs mentienle : Et fu prestement le siège levé. Et, aiiisy comme
les comunes de Gand et de toutes Flandres s'en aloient, sans quelque con-
roy, le duc Phle fist tenir en ordonnance che qu'il pot des hommes d'armes
et de guerre, tant que le caroy fu passé le rivière de Gravelignes, et, après
ce, s'en retourna chascune des communes, le plus tost qu'il paurent, es lieuz
dont yl estoient partis (Ibid., fol. 11^ IX r" et v» — 11^ X r»).
De la Fons-Mélicocq.
Restai-ration du mo.xumlnt de Scepperiis, a Eecke. — Un mémoire acadé-
mique, publié en 1857, par MM. de Saint-Génois et Yssel de Schepper, a fait
connaître dans ses moindres détails la carrière si pleine, si utile, de Corneil
de Schepper, dit Scepperus, un des diplomates belges les plus distingués du
XVIe siècle. Cette œuvre de réhabilitation vient d'être complétée par la res-
tauration du monument, élevé naguère dans l'église d'Eecke, à cet illustre
ambassadeur, monument qui avait été entièrement mutilé, ainsi que nous
(1) Pour la relation de ce siège, voyez la Hevue de Picardie (1857),
pp. 241-248.
— 371 —
l'avons dil dans le Messager des Sciences historiques, année 1856, dans Tar-
ticle que nous avons consacré à Scepperus.
A roccasioii de la restauration partielle de l'église de cette commune, la
partie de l'édifice où les débris de ce monument étaient conservés, a été en-
tièrement démolie, et ce qui restait de la tombe allait disparaître peut-être à
jamais, lorsqu'il fut fait appel à la générosité de la famille de Schepper, qui
habile aujourd'hui la province d'Overyssel (Pays-Bas), pour qu'elle voulût
bien contribuer à sauver ces restes vénérables d'une destruction définitive.
Cet appel ne fut pas fait en vain; une somme convenable fut mise à la dispo-
sition de celui qui écrit ces lignes, et des mesures furent immédiatement
prises de concert avec le curé et la fabrique d'église de l'endroit, qui s'y
prêtèrent avec un louable empressement, pour restaurer cette tombe.
La grande dalle tumulaire en pierre de Tournay, où Corneil de Schepper
et son épouse Isabelle Danche étaient sculptés en haut-relief, était la seule
partie de l'ancien monument qui fut susceptible de restauration. Quoique
ayant souffert dans plusieurs petits détails, elle avait parfaitement conservé
l'efllgie de ces deux personnages De couchée qu'elle était autrefois sur la
tombe, la pierre a été placée droite et encastrée dans la muraille intérieure
de l'église, à droite en entrant, à côté de la porte d'entrée; elle y fait pendant
au baptistère, qui occupe l'autre côté. Autour de cette pierre a été placée
une bordure de granit bleu, sur laquelle on a gravé linscriplion suivante :
ReSTAURATUM SUMPTIBUS NOBILISSIM^. FAMILI^ ScEPPERlOnUM NUKC IN HOLLAMDIA
DEGENTIS, ANNO SALUTIS M. D. CGC. LVIII.
Sur une plaque du même granit, qui sert de soubassement à l'ancien mo-
nument, a été reproduite en entier l'inscription funéraire que nous avons
publiée dans l'article susmentionné du Messager des Sciences historiques.
Les écussons gravés et coloriés de Scepper et de Donche ornent les deux
côtés de l'inscription, et les armes actuelles de la famille de Schepper, de
Hollande, occupent le milieu de la bordure supérieure. Deux consoles de gra-
nit, soutenant un petit entablement, complètent l'ornementation du monu-
ment, qui a été ainsi restauré avec beaucoup d'intelligence par M. Patcrnotte,
marbrier à Gand,sur un dessin deftl' Félix DeVigne. Les ossements de C. Scep-
perus et de son épouse, trouvés dans le caveau primitif, ont été soigneuse-
ment recueillis et enfermés dans un espace maçonné , derrière la grande
pieri'c bleue où ces personnages sont représentés.
Il serait à souhaiter que le noble exemple, donné par une famille devenue
étrangère ù nos contrées, fût suivi plus souvent en Belgique, où, à peu d'ex-
ceptions près, nous avons le regret de le dire, nos grandes familles laissent
un à un se dégrader et périr les plus beaux monuments funéraires qui les
intéressent, avec la plus déplorable incurie. J D S. G.
— 572 —
AMiQUtTÉs DÉCOUVERTES k Maestuicht. — Ucpuls quclqucs aniiécs, on a fait
des découvertes d'antiquités à MaestrichI, qui fournissent de nouvelles preu-
ves à ajouter à celles qui sont connues et qui établissent Tancienne origine
de cette ville. Les thermes romains, trouvés à proximité de la porte de
Notre-Dame, monument militaire d'une haute antiquité, en face duquel les
archéologues placent l'ancien pont romain, sont suffisamment connus par l'ou-
vrage du professeur Leemans, de Leide, pour que nous ayons besoin de les
signaler. Du côté opposé, un indice très-curieux d'anciens travaux a été con-
staté récemment. Sur la rive droite de la Meuse, toujours près de l'endroit
où se trouvait anciennement le pont dont nous venons de parler, on vient
de découvrir, il y quelques mois, des restes de très-fortes maçonneries ro-
maines avec tuiles antiques et formant un angle droit parfait. Jusqu'à pré-
sent, cette partie de la ville, qu'on appelle Wyck {Vicus), n'avait offert aucune
trace, à notre connaissance, de débris ou de restes de l'époque romaine. En-
core les fouilles faites pour la construction de la nouvelle église de Saint-
Martin, située dans ce même faubourg, ont mis au jour un objet d'art antique
très-intéressant. C'est un torse d'homme sculpté en pierre de sable, de
grandeur plus que nature, qui a été trouvé à l'endroit où s'élevait l'ancienne
église de Saint-Martin démolie. Des objets de toilette déterrés à proximité
des églises de Saint-Servais et de Saint-Jean, aux encloîtres dans les tran-
chées pratiquées pour l'établissement des conduits de gaz , des médailles
romaines mises au jour par les mêmes travaux, sont autant de souvenirs
qui refont de temps en temps l'époque reculée d'où l'ancien Mosae Trajectum
tire son origine.
Si nous groupons ces découvertes faites dans la ville, les savants auront
une preuve de plus de l'étendue qu'occupaient les anciennes constructions
qui ont formé son noyau. Enfin, les découvertes faites, il y a quelques an-
nées, au faubourg de Maestricht Saint-Pierre, près de la Meuse, d'urnes ci-
néraires et autres, de lacrymatoires, d'armes et d'objets de toilette, offrent
la certitude qu'il existait un cimetière païen presque sous les murs de l'an-
cienne fortresse.
A. SCHAEPKENS.
DÉCOUVERTE DE FRAGMENTS d'uN MANUSCRIT DU XV SIÈCLE DE JeAN RuVSBROEK
ET DE Jean van Leeuwen, et d'une édition sur peau de vélin de l'Entrée de
CiiARLEs-QuiNT i Bologne, en 1529. — On se rappelle que, dans une vente
(1) Cette église passe pour avoir remplacé un temple païen, quoique jus-
qu'à présent on ait traité celle opinion de fable.
— 373 —
de livres faite à Gand, il y a quelques années, il se trouvait un exemplairr
d"une édition du XV^ siècle des Facecie morales de Laurent Valia, sans lieu
ni date, et indiquée comme ayant été imprimée, scion toute apparence, ù
Cologne. Vérification l'aile, il fut constaté que ce volume, dont M. Koning a
donné un fac-similé dans sou Histoire de l'imprimerie, était une édition ra-
rissime, attribuée aux presses de l'école primitive de Harlem. A la faveur de
l'erreur commise dans le catalogue, ce volume précieux fut adjugé à un prix
relativement peu élevé, et il forme aujourd'hui un des joyaux de la Biblio-
thèque royale de La Haye.
Deux découvertes également importantes viennent d'être faites dans des cir-
constances à peu près semblables.
Dans le catalogue de la bibliothèque de M. Van dcr Elst, dont la vente a eu
lieu à Bruxelles le 7 octobre 1838, se trouvaient indiquées, sous le n" 23 bis,
six grandes et petites miniatures coupées d'un manuscrit bas-allemand du
XVI^ siècle. M. Serrure, un de nos amateurs les plus distingués, qui assistait
à cette vente, reconnut dans ces miniatures des fragments d'un manuscrit
du XV« siècle de Jean Ruysbroek, prieur du couvent de Groenendael, et de
Jean Van Leeuwen « le boa cuisinier » du même couvent, deux des meilleurs
prosateurs flamands du XIV^ siècle. Ces fragments précieux furent adjugés ii
M. Serrure, au prix relativement insignifiant de 56 fr.
La seconde découverte a été faite dans les circonstances suivantes : à la
suite d'une vente de meubles et de quelques livres, faite récemment à Gand,
pour cause de départ, on découvrit un rouleau'de parchemin, contenant une
suite d'anciennes gravures. Ce rouleau, n'ayant pas été porté au catalogue,
soit qu'il ne parut offrir que peu d'intérêt, soit qu'il n'eût été découvert
«ju'après l'achèvement du catalogue, fut abandonné généreusement par le
propriétaire à l'expert priscur de la vente, qui le céda à son tour, pour quel-
ques francs, à un de nos libraires. Celui-'ci, en examinant le rouleau, fut
très-agréablement surpris de se trouver en possession d'un exemplaire sur
peau de vélin ou sur parchemin, de la suite d'estampes, collées ensemble en
forme de frise, de la magnifique et solennelle entrée et entrevue de l'empereur
Charles-Quint et du pape Clément VU dans la ville de Bologne, le 3 novem-
bre 1329, dont il existe un exemplaire sur papier et de différents tirages,
dans les bibliothèques de Mgr le duc d'Aremberg, à Bruxelles, de M. Goel-
ghebuer à Gand et dans celle de M. Borluut de Noortdonck, vendue récem-
ment en notre ville. On assure que l'heureux libraire n'a pas eu de peine à
le placer immédiatement au prix de 300 fr.
P. C. Y. D. .M.
— 374 —
DÉCOLVERTE d'une ÉDITION IflCOK>UE d'dNE VERSION LATINE DC POÉ.ME DU PiENARD.
— M. Campbell, conservateur-adjoiut de la Bibliothèque royale de La Haye,
vient de faire une découverte très-importante pour Thistoire de notre an-
cienne littérature flamande. Cest celle d'une édition inconnue, imprimée à
Utrecht, par Ketelaer et Leempt, de 1475-14.80, d'une version latine du cé-
li^bre poëme du Renard. Cette édition, qui avait échappé jusqu'ici aux in-
vestigations des bibliographes , offre cela de curieux qu'elle est précédée,
paraît-il, dun prologue dans lequel le traducteur déclare qu'il a fait sa ver-
sion latine d'après un manuscrit flamand du XII1« siècle, et que, à cette
époque, le poënie du Renard était déjà très-populaire dans nos provinces.
iVous aurons sans doute l'occasion de revenir sur cette découverte intéres-
sante, et de rectifier ou compléter, s'il y a lieu, ce qui précède, M. Campbell
ayant l'intention de faire de sa découverte l'objet d'un travail assez étendu.
*
P. C. V. D. M.
DÉCOUVERTE d'une PARTIE DES ARCHIVES DE l'aXCIENSE CHANCELLERIE DE LUXEM-
BOURG. — On a découvert récemment a Brunn (Luxembourg) une partie des
archives de l'ancienne chancellerie de Luxembourg, qui ont appartenu à Josse,
marquis de Moravie, comte de Luxembourg et ensuite empereur d'Allemagne
Ces documents, composés principalement d'actes diplomatiques, paraissent
d'autant plus importants qu'ils jettent un grand jour sur les prétentions des
<iucs de Bourbon à une partie du comté de Luxembourg, vendue par Josse
de Moravie au duc d'Orléans.
Vente de la collection de dessins et d'estampes dépendante du cabinet de
FEU M. BoRLUUT DE NooRTDONCK. — Lc 13 décembre prochain aura lieu à Gand
la vente de la troisième partie du cabinet de feu M. Borluut de Noortdonck,
comprenant les dessins et les estampes. Cette vente, qui formera le digne
pendant de celles des livres et manuscrits, faites successivement pendant les
mois d'avril et de juillet, est destinée à avoir un certain retentissement, tant
par le nombre que par le choix et la parfaite conservation des épreuves dont
elle se compose.
Les dessins n'y sont pas en très-grand nombre, mais ils se recommandent
presque tous par leur incontestable valeur artistique. C'est ainsi qu'on y
trouve, entre autres, de beaux dessins dus au crayon de Rubens, de Nicolas
Pou.ssiii, elc , et à la plume exercée de M"e Ridderbosch; une collection pré-
cieuse de dessins originaux de Cochin, pour l'édition de la Gcrusalemmc
liberala de Didot; les dessins originaux, au nombre de plus de 1100, du re-
— 375 —
cucil des coslumcs religieux et niililiiires de Jacq.-Cli. Bnr, ainsi que ceux de
Fragonard cl autres, copiés d'api es les tableaux représentant la vie de saint
Brunon, peints par Le Sueur pour le cloître des Chartreux; plusieurs suites
de dessins richement peints pour le roi Louis-Philippe, par Beauvaiet de
Saint-Victor, etc., etc.
La collection d'estampes, composée de pins de lo,000 pièces, réparties
en 2700 n»», est très-remarquable, et mérite de fixer, d'une manière toule
spéciale, l'attention des amateurs. La plupart des pièces, parfaitement con-
servées, proviennent des ventes célèbres de Basan, Mariette, d'Aigremont,
Libert de Beaumont, Lousbergs, le comte de Pries, Delbecq, Brisart, etc.
L'Ecole allemande comprend environ SîiO articles; les maîtres les plus
célèbres, tels que Martin Schtin, Israël van Meckcn, Albert Durer, Lucas Cra-
nach, Aldegrever, les Beham, Hans-Sébald Griin , les Hopfer, George Panez,
Zingel, etc., y sont représentés par leurs estampes les plus estimées.
Parmi les pièces capitales appartenant à cette école, qui méritent une
mention spéciale, nous citerons d'Albert Durer : Adam et Eve, épreuve de
toute beauté, la Vierge assise au pied d'une muraille, saint Euslaclie, saint
Jérôme en pénitence et le portrait de Joacliim Patenier, épreuves très-vigou-
reuses , provenant de la vente Brisart ; d'Israël van Mecken : la Danse
d'Uérodiade , magnifique épreuve du cabinet du comte de Pries, les Douze
Apôtres, épi-euves d'une grande beauté, acquises à la vente Brisart; de Mar-
tin Schôn : le Portement de Croix et la Tentation de saint Antoine, provenant
l'une du cabinet du comte de Pries, l'autre de celui de Brisart : saint Michel
terrassant le dragon, etc.; de Martin Zingel : le Christ en croix, épreuve de la
plus grande beauté, provenant également de la vente Brisart,
L'Ecole italienne se compose d'environ 300 articles, parmi lesquels on
compte, outre de belles estampes modernes dues i\ l'habile burin de Gara-
vaglia, Jesi, Toschi, Raph. Morghen, etc., bon nombre d'eaux-forts du
Guide, de Ribera, des Carrache, du Pésarèse, etc., d'estampes gravées an
burin par Mare-Anloine, et Augustin Vénitien et Marc de Ravenue, ses
meilleurs élèves, des Ghisi, de Mantegna, de Robelta, du Maître au Dé, de
Beatrizet, d'Enée Vico, etc., et quelques clairs-obscurs de Hugues da Carpi,
André Andréani, Barth. Coriolano, etc.
Parmi les pièces appartenant à cette école, sur lesquelles nous croyons
devoir attirer l'attention des iconophiles, nous nous bornerons à citer :
la Flagellation, la Sépnllure, le Sénat de Rome accompagnant un triomphe
et les Soldats portant des trophées, d'André Mantegna; Y Adoration des Rois
et la Vieille et les deux couples d'Amoureux, de Robetta ; saint Paul prê-
chant à Athènes, sainte Cécile et le Parnasse, de Marc-Antoine; le Massacre
— 576 —
des Innocents et V Assemblée des Savants, de Marc de Uavenne; Iphigénie, par
Augusin Vénilien; les Portraits de Charlcs-Quinl et de Jean de Médicis,
d'Enée Vico, magnifiques épreuves provenant du cabinet du comte de
Pries, etc., elc.
L'Ecole flamande et hollandaise est à la fois la plus riche et la plus nom-
breuse; elle renferme plus de 1200 nos. Bakhuizen, Bega, Bergliem, Boel ,
îiolh, Cari Dujardin, Corn. Dusart , Everdingen , Van Haeften , Van den
llecke, Oslade, Bonav. Peeters, Sloop, Van Swanevelt, Van Uden , Vander
Cabel, Rembrandt, Lievens , Van Vliet, etc., y sont représentés par leurs
meilleures eaux-fortcs; mais ce sont les maîlres, tels que les Bolswert, les
Vorsterman , les Pontius, les Visscher, les Edelinck, etc., qui ont porté la
gravure chez nous à un si haut degré de perfection, et qui ont surtout re-
produit les plus belles toiles de Rubens et de son école, dont M. Borluut
a complété les œuvres avec un soin jaloux. La plupart des estampes gra-
vés par ces maîtres célèbres, ont été acquises dans la vente de la riche
collection de M. Lousbcrgs , faite à Gand en 1811. — Presque toutes les
pièces provenant de cette vente, sont des premières épreuves, remarqua-
bles autant par la vigueur et l'harmonie de leur ton, que par leur parfaite
conservation.
Enfin les Ecoles française et anglaise se composent d'environ 600 n"».
On y trouve quelques morceaux du Maître à la Licorne, qui est regarde
comme un des plus anciens graveurs français, et dont les estampes sont
rares et très-recherchées ; ainsi qu'un nombre assez considérable d'eaux-
fortes décrites par M. Robert-Dumesnil, de pièces, en premières épreuves,
de Brevet, des Audran, de Masson , de Morin, de Pilau, de Nanteuil, dont
l'œuvre compte près de cent estampes, toutes également belles, de Woollett,
de Strange, etc.
Tout porte à croire que la vente des dessins et estampes, formant le com-
plément du beau cabinet de M. Borluut de Noortdonck, aura le même succès
que celle des livres et des manuscrits, dont le souvenir ne s'effacera pas de
longtemps de la mémoire des amateurs.
Congrès artistique et arcuéologique a Gaîvd. — L'une des plus anciennes
compagnies savantes du pays, la Société royale des Beaux-Arts et de Littéra-
ture, de Gand, fondée en 1808, vient de célébrer le cinquantième anniver-
saire de son existence. Un demi-siècle consacré à donner aux lettres et aux
arts une impulsion constante, couronnée des plus beaux résultats, telle est
en résumé l'histoire de ce cercle, que M^ Ed. De Busscher nous a fait con-
naître dans l'intéressant rapport qu'il a lu à la séance du 20 septembre.
— 377 —
Peu de sociétés peuvent se glorifier iravoir fourni une carrière aussi lon^^no
et aussi bien remplie. La l'êle jubilaire a dignement répondu à ce brilhmt
passé.
Une cantate flamande, due à la muse d'une femme qui figure parmi les
illustrations dont la Belgique s'bonore, à M™" Van Ackere-Doolaeghe, a fourni
à un jeune musicien, Mr Frans Van Ilerzecle, roccasion de se signaler. Le
poëte et le compositeur ont été couronnés à la séance solennelle, qui a eu
lieu au palais de l'Université, où leur œuvre a été exécutée en présence de
M. le Ministre de l'Intérieur, des autorités de la province et de la ville, et
des nombreux savants et artistes venus de loin pour prendre part au Congrès
artistique et archéologique. Rappelons, en peu de mots, les travaux que cette
assemblée devait embrasser. L'iconographie, l'esthétique, l'allégorie, les mé-
thodes et les procédés techniques, etc., fhistoire de l'art dans fantiquité, au
moyen-àge et à l'époque de la renaissance, étaient autant de sujets sur les-
quels le Congrès avait à se prononcer. Quel vaste champ à parcourir! que
de choses intéressantes et inconnues à révéler! Les fruits cueillis isolément,
après de longues études et des recherches laborieuses, allaient se réunir pour
les faire goûter à ceux qui ignoraient leur existence.
Ce fut le 19 septembre, à onze heures du malin, que les membres du Con-
grès s'assemblèrent pour la première fois à rhôtel-de-ville. Le bureau provi-
soire se composait de M. de Kerchove-Delimon, bourgmestre, de M. RoelandI,
président de la Sociélé, et de Mr Ed. De Busscher, secrétaire. Après le dis-
cours prononcé par le premier magistrat de la commune, on procéda à la
formation du bureau définitif, composé de M. Quetelet, président, MM. Fétis et
Kervyn de Lettenhove, vice-présidents, MM. Braemt et Casterman, membres,
et MM. Alberdinghk-Thijm et Adolphe Siret, secrétaires.
Le peu d'espace que nous avons à notre disposition, ne nous permet pas
de donner ici un compte-rendu détaillé des deux séances du Congrès; bor-
nons-nous à la reproduction du programme.
PnEJllÈRE SÉANCE.
^. M. KEnvYN DE YoLKAEESBEKE, de Gatid, les monuments et œuvres d'art à
Gand.
2. Mr Ad. Siret, commissaire de district à Saint-l\'icolas, du siècle et de
l'influence des arts et de la litléralure sur les mœurs publiques.
3. M"" LÉOPOLD DE ViLLERS, Secrétaire du Cercle archéologique de Mous, les
monuments de Mons : l'église de Sainte-Waudru.
4. M. Le Grand de Reulandt, archéologue à Oslende, proposition de publier
nu inventaire analytique de tous les travaux imprimés en Belgique sur l'Iiis-
— 378 —
toire nationale et rarchéologie du pays, tant par les acadéniies et les sociétés
provinciales que par des écrivains. — Développement de la proposition.
5. M. Weale, archéologue, de la nécessité de conserver les monuments
anciens et notamment les dalles tuniulaires.
Seconde sÉA^•CE.
1. M"" Loois ScHEPENS, de Gand, Tart plastique appliqué à Tinduslrie.
2. M' Adolphe Siret, à Saint-Nicolas, nécessité de réunir dans une publi-
cation spéciale tous les documents relatifs aux artistes anciens et aux artistes
modernes.
3. M. Kervyn de Lettenhove, de Bruges, de l'avenir des études historiques
en Flandre.
4. M' L. DE Taeye, professeur à l'Académie d'Anvers, les tendances de la
peinture dans Técole flamande de 1830, son but et son avenir.
5. M'' H. -G. MoKE, professeur à l'Université de Gand, de la pensée dans
l'art.
Toutes les questions qui ont été discutées ont excité le plus vif intérêt, et
nous sommes fondés à croire que les travaux du Congrès de Gand ne seront
pas stériles. Il faut espérer qu'ils provoqueront une réaction en faveur de
tant de souvenirs de ce passé, dont on dit tant de mal, mais qui a aussi du
bon qu'il conviendrait de conserver et parfois d'imiter.
K. DE V.
Congrès de la Propriété littéraire et artistique a Bruxelles. — A peine
le Congrès de Gand a-t-il terminé ses discussions sur l'art et l'archéologie,
qu'il faut se rendre à Bruxelles pour commencer l'examen de la grave ques-
tion de la propriété littéraire et artistique. C'est le 24 septembre que les
membres de ce Congrès se sont réunis dans la salle des séances publiques
de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts.
Après un discours d'ouverture, prononcé par le président, M"" Charles
Faider, les membres adhérents se sont rendus dans leurs sections respec-
tives chargées d'arrêter provisoirement et de proposer à l'assemblée géné-
rale la solution des questions insérées au programme :
Première section. — Questions relatives à la reconnaissance internationale
de la propriété littéraire et artistique.
Deuxième section. — Questions relatives à la propriété des ouvrages de
littérature et d'art en général.
— 579 —
Thoisième section. — Questions relatives à la rcpréscnlatioii et à l'exéeu-
lioii des œuvres dramatiques ou musicales.
Quatrième section. — Questions relatives aux arts du dessin.
Cinquième section. — Questions économiques.
Les hommes les plus éminents dans la littérature et les arts de tous les
pays s'étaient donné rendez-vous à cette assemblée internationale, où tous
les états de l'Europe avaient envoyé des délégués. La France surtout y était
largement représentée. L'Amérique elle-même n'avait pas voulu rester étran-
gère à ce grand débat. La question principale était évidemment celle soumise
à l'examen de la deuxième section, où il s'agissait de savoir si la propriété
littéraire ou artistique devait être perpétuelle ou limitée. En d'autres ter-
mes, si, après la mort d'un auteur, les héritiers ou ayanis-droit seront pro-
priétaires de son œuvre d'une manière absolue, comme on l'est d'un champ
ou de tout autre immeuble.
Ce principe admis, il devait avoir pour conséquence d'exposer les œuvres
de l'intelligence à se perdre par la seule volonté de leurs propriétaires, qui
auraient le droit de les confisquer pour leur bon plaisir. A cet argument,
les partisans du système de la propriété perpétuelle opposèrent l'expro-
priation pour cause d'utilité publique. Beau moyen! Comment apprécier la
valeur de l'œuvre qu'un propriétaire ignorant ou malintentionné veut faire
disparaître du domaine public? Sera-ce en raison du succès qu'elle aura
obtenu à l'époque où elle vit le jour? Dans ce cas, il n'est pas de drame, de
vaudeville ou de chansonnette d'une moralité même très-contestable, qui ne
puisse ambitionner les honneurs de l'expropriation.
Après des débats très-animés, qui ont duré quatre jours, le bon sens a
triomphé, et le principe de la propriété littéraire et artistique limitée a été
adopté à une forte majorité.
K. de V.
Institution d'un prix triennal pour la composition d'une oeuvre dramatique
EN langue flamande. — Un arrêté royal de date récente, contient les dispo-
sitions suivantes :
1» Il est institué un prix triennal pour la composition d'une œuvre dra-
matique en langue flamande, dont le sujet devra être pris, soit dans l'his-
toire, soit dans les mœurs nationales;
2» Le prix qui sera décerné à l'auteur de l'ouvrage couronné consistera
en une médaille d'or d'une valeur de cent francs et une somme de cinq cents
francs au moins et de quinze cents francs au plus, à répartir suivant les
mérites de la pièce dramatique el le nombre des actes;
— "80 —
S» Un subside pourra également élre accorde pour la mise en scène;
i» Le jugement se fera par une commission de trois membres au moins,
choisis sur une liste double de présentation, dressée par la classe des Lettres
de l'Académie royale de Belgique;
H" La première période triennale sera considérée comme close le !<■"■ jan-
vier 1839, de telle sorte que toutes les œuvres qui auront paru depuis
le 1"" janvier 1836 pourront participer au prix;
6» Notre Ministre de l'Intérieur prendra toutes les autres dispositions
nécessaires pour l'exécution du présent arrêté.
La Commission pour la littérature flamande de l'Académie royale de
Belgique, composée de MM. David, Snellaert, Bormans, De Decker et
Carton (celui-ci remplacé, à sa demande, par M. le baron de Saint-Génois),
est cbargée de formuler un règlement destiné à assurer de la manière la
plus satisfaisante l'exécution de la mesure prise par le gouvernement, dans
le but de stimuler une branche importante de la littérature nationale.
^n On^hena.
— 581 —
'ZxcljmB hs 2xtô, ko Bc'mms et îrcô Ccttrcô (i).
^ 54. Histoire des monuments.
Indication des localités : Bailleul, Beveren , Binche, Bois-le-Duc, Bois-Sei-
gncur-Isaac, Bouvignes, Bruxelles, abbaye de la Cambre, Dînant, Mcrch-
ten, Montaigu, abbaye de Moulins, Nivelles, abbaye de Nizelles et Tournai.
— Moulin, sculpteur à Écaussines. — Carrières deVilvorde au XlVe siècle.
Château de Beveren. — En i395, Philippe le Hardi
ordonna la reslauralion complète du cliàteau-fort de Beve-
ren, en Flandre. Les travaux commencèrent le 16 avril
sous la direction du châtelain Guyot de Lompré, écuyer
d'écurie du duc de Bourgogne. On reconstruisit entière-
ment le mur d'enceinte qui tombait en ruines: déjà en
1370 son état de délabrement avait nécessité tant en ma-
tériaux qu'en journées d'ouvriers une dépense de 57 livres
4 sous 8 deniers gros (2). On éprouva des difficultés pour
la démolition de ce mur en 1395, ce que la personne char-
gée de la gestion des deniers affectés à ce travail a eu soin
de consigner dans son compte de la manière suivante :
« Est assavoir que, pour le proufTit de l'ouvrage dessusdil, fu advisé par
les commissaires et les ouvriers que les viez murs du circuite dudit chastel,
qui, pour ce que le fondement d'iceulx n'cstoit pas assés parfont, esfoicnt tèle-
ment avalés, fendus, crevez et empirez qu'ilz n'estoienl mais d'aucune valeur
ou deffense, l'en abatroit du tout et jeltcroit hors le fondement d'iceulx et y
(1) Suite. V. Messager, année 1834., pp. 247, 361 et 441; année 1835,
pp. 109 et 389; année 1856, p. 177, et année 1838, pp. 78, 134 et 532.
(2j Compte en rouleau n» 2907, aux Archives du royaume.
— 582 —
seroil mis j nouvel fondement plus parfont que paravant n'avoit esté, cl pa-
reillement seroit refait j mur nouvel; lesquelz vicz murs qui estoient fondés
hors de l'eaue on n'a peu abatre ne ledit viez fondement jeller hors que un
peu au cop ainsi que de jour à autre l'en le povoit refaire, pour ce que la
terre de la mote par-dedens les murs estoit si haute et toute droite senz aucun
respondant autre que ledit mur par-dessus l'eaue que qui eust abatu grans
pans et fait grans traux à une fois audit mur ladicte terre de la mote s'eust
toute cheute aval es fossez dudit chastel pour ce qu'elle n'eust point eu de
respondant, et ainsi on n'eust peu venir à chief dudit ouvrage, et jà soit ce
que il ait esté fait en cesle manière si a-il convenu avoir charpentiers et
autres ouvriers pour faire eslallages et mettre bailles et planées contre ladicte
terre tant d'un eoslé comme d'autre. »
Nous avons rencontré ailleurs à l'oecasion de la démoli-
tion du vieux mur d'enceinte une dépense de trois douzai-
nes de « fors gens pour manier les roques et pièces qui
» chéoienl [tombaient] du viez mur quant on le abatoit, re-
» mettre à point et chargier sur cbivières, lesquelles roques
n estoient si dures que les ouvriers y froissoieut et gastoient
» toutes leurs mains, »
Henri Heyien et Jean de Heyst, de Vilvorde, fournirent
les pierres blancbes appelées ordun, dont la verge d'une
contenance de vingt pieds revenait, livrées sur place, au
prix de 23 sous gros.
Les travaux de reconstruction et de démolition furent
conCés à Jean Ympe ou Impin et à Michel de iMellebrouc, qui
mourut en 1306. On dépensa du 16 avril 1595 au 24 dé-
cembre 1398 près de 1,7o0 livres de Flandre. En 1402
d'autres travaux furent encore exécutés; ils coûtèrent la
somme de 1,380 livres 6 sous parisis (2).
On voit par les détails des dépenses faites au château
de Beveren, qu'il se composait de plusieurs tours, grosses
et petites; trois de ces tours furent élevées en 139S et an-
(1) Registres nos 26343 à 26347 de la chambre des comptes, aux Archives
(lu royiiume.
(2) Registre n" 2G348, ibidem.
— 385 —
nées suivantes (es trois tours neufves ditdit chastel et illec
faictes de nouvel du costé de Noord, dont Vane et la
moyenne tour est plus grande que nulle des antres deux
entre le porte devant et le grosse tour derrière qui siet droit
à l' opposite de ladite porte).
Abbaye de Moulins, près de Dinant. — • Par lettres paten-
tes datées de Gaod, le G mai l/t^ô, Philippe le Bon donne
aux religieux de celte communauté une somme de 100 fr.,
de 33 gros la pièce, « pour convertir es édiffices de leur
» égliac (i). »
Tour de Crèvecœur, à Bouvignes. — Dans un registre aux
Archives du royaume (2), se trouve un chapitre intitulé :
« Ouvrages et réparacions fais es mois de juing, jullet,
» aoust et septembre mil WV]'^ xliiij (1444) à le tour de Crè-
» vecœur, qui, par la derrenière guerre de Liège, avoit
» esté em partie toute rompue et démolie des bonbardes et
» canons dont ceulx dudict pays de Liège le bâtirent, eulx
» tenant le siège devant la ville de Bouvigne. »
Prieuré de Bois-Seigneur-Isaac, près de Hal. — Philippe
le Bon donne, par lettres patentes du 20 décembre 1445,
aux religieux de celte maison, des bois pour réparer leur
église et leur couvent (3).
Couvent des Carmes, à Bruxelles. — Don, par lettres
patentes de Philippe le Bon du 9 septembre 1451, de 80
couronnes d'or « pour les travaux que Ton y fait présen-
tement (4). »
(1) Registre n» 18203, 4», de la chambre des comptes, aux Archives du
royaume.
(2) N» 5241, ibidem.
(5) Registre n" 2415, 3», f» cxxv r», ibidem.
(4) Ibidem.
— 384 —
Église de Saint-Jacqiies-sur-Coudenberg, à Bruxelles.
— Par lettres patentes du 28 janvier 14-57 (n. st.),
Pliilippe le Bon donne 100 livres, de 60 gros la pièce,
pour aider à couvrir les frais de la charpente de l'église et
pour construire un escalier contre la grosse tour de cet édi-
fice {om te helpen tymmeren ende volmaken eenen weyn-
delsteen neven den groolen torre van der voorschreven
kercken) (i).
Couvent des Frères -Mineurs, à Bois-le-Duc. — Philippe
le Bon accorde à ces religieux, par mandement du 12 mars
14G5 (n. st.), 100 écus, de 48 gros de Flandre la pièce,
pour « emploïer en la réédificacion et réfection de leur cou-
» vent, lequel nagaires par feu de meschief a esté ars et
« brûlé (2). »
Ville de Dinant. — On conserve aux Archives du
royaume un compte de la démolition du château et des
tours, portes, murailles et fortifications de la ville de Dinant,
faite par ordre du duc de Bourgogne, démolition qui fut
commencée le 2 septembre et achevée le 31 octobre 14-66.
La direction de ce travail de destruction fut confiée à Pierre
de Rommergnotte, bourgeois de Bouvignes, comme étant
le plus propre « pour ce faire à moins de frais. » Dans ce
compte la dépense s'élève à 620 livres 6 sous, de 4-0 gros.
Une autre partie de cette dépense, c'est-à-dire une somme
de 917 livres 14 sous, est mentionnée dans le compte du
produit de ce qui a été vendu après le pillage de la ville.
Voici les noms de quelques constructions qui existaient à
Dinant avant 1466, tels que nous les avons copiés dans les
(I) Registre n" 2-418, 2", f» cxvij v", de la cliarabre des comptes, aux
Archives du royaume.
(2; Collection des acquits de la recette générale des finances, ibidem.
— 385 —
documents dont nous parlons : « la porte vers le pas Baïarl;
» — deux tours eslans entre le chastel et la porte nommée
.. la porte de le Val ; — une grosse tour eslans au-dessus de
» la ville, nommée la tour Saint-Jehan; — une tour estant
» entre le molin à l'iaue de la ville et la porte du pas Baïarl;
» — une tour eslans entre le pont de Mœuse et le tour Cor-
» nière estant sur ledicle rivière de Mœuse, du coslé envers
» Bouvignes. »
Couvent des religieuses de Bailleul. — Le 1 1 mars
1494 (n. st.), les religieuses de Bailleul déclarent avoir
reçu une somme de 12 livres, de 40 gros la pièce, que le
receveur général des finances leur a payée par ordre de
Philippe le Beau, « pour les aidier à réédiffîer leur cloistre
» que pendant les dernières guerres a esté tout destruit el
» bruslé (i). »
Abbaye de Nizelles, en Brabant. — Dans une chronique
manuscrite de cette abbaye qui existe aux Archives du
royaume, on lit que le couvent et l'église furent détruits
par le feu, au commencement de l'année 1502, el que le
30 mai de la même date on commença à rebâtir le temple
qui fut consacré en 1508. L'église fui de nouveau brûlée en
1577 par une bande de soldats. On ne commença à la res-
taurer qu'en IGOl. La même chronique nous apprend qu'en
1776, on entreprit la restauration de tous les bâtiments de
l'abbaye, et qu'à celte époque on changea le maître-autel
sur lequel fut placé un tabernacle de cristal provenant de
l'église Saint-Jacques, à Nivelles, ainsi que deux adorateurs
faits à Ecaussines, par un sieur Moulin, sculpteur.
Couvent des Sœiirs-Noiï^es, à Binche. — Don de 200 li-
(1) Colleclioii (les acqtiils de la rccelle i^cncralf des finances, aux Archives
du royaume.
— 386 —
vres, fait au nom de Charles-Quint, en 1555, « pour les
«aidier à rédiflier et construire leur esglize et cloistre brus-
»lée et ruynée par les Franchois en l'an xv^ liiij (i). »
Abbaye de la Cambre, près de Bruxelles. — Don de
3,000 livres, en 1597, au nom du roi Philippe II, pour la
reconstruction de l'église de cette abbaye.
« Payé aux abbesse et religieuses de l'abbaye de la Chambre, situé lez
Bruxelles, iij™ livres que Sa Majesté, par lettres patentes données audict
Bruxelles, le l" d'aougst xv": iiijxx xvij, leur at accordé une fois en considéra-
tion que durant les derniers troubles depuis l'an xv Ixxviij, elles sont esté con-
strainctes d'abandonner ledict cloistre et se retirer avecq loutle leur religieuse
congrégation en nombre d'environ cent personnes en ladicte ville, où elles
sont tenues bien estroictement et aussy esté enserrées et retenues de force
par les rebelles ayants occupé icelle ville jusques l'an xv" iiijxx v; durant
lequel temps elles ont enduré et souffert beaucoup d'oppressions et extorsions
tiranicques des hériticques; à condition que lesdicts iij" livres ne seront
employées ny déverties en aultre usaige que à la l'édiflication de leur églize
ayant esté destruicle par lesdicts rebelles, du tamps qu'ilz occupoient ladicte
ville (2). »
Commune de Merchlen. — Par diverses lettres patentes
de 1562, 1563 et 1566, Marguerite de Parme accorda au
nom du roi des subsides pour aider le magistrat de la fran-
chise de Merchten, à faire rebâtir les maisons détruites
par suite d'un grand incendie. On y lit que les habitants de
cette localité ne pouvaient payer leur quote-part dans les
aides, et « comment furent par feu y bouté de fait par au-
» cuns malfaicteurs boute-feux, comme l'en dit, arses et
» brûlées toutes les meilleurs et les plus puissans et nota-
» blés maisons et manoirs de toute la ville et franchise(3). »
(1) Registre n" F. 234 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
lement du Nord, à Lille.
(2) Registre n» 25569, f° 132 v, de la chambre des comptes, aux Archives
du royaume.
(3) Collection des acquits de la recette générale des finances, ibidem.
— 587 —
Château de Coiivin. — Permission de réédifier le clià-
leau de Couvin, en 1572 (i).
Église du Béguinage, à Bruxelles. — Don de 500 livres
fait, par lellres patentes du 20 août 1597, au recteur du
Béguinage, « pour achever l'érection de l'église » (2).
Église de lliùpital Saint-Pierre, à Bruxelles. — Voici
une note de l'année 1597 qui concerne cet édifice :
>< Aux religieuses du couvent de Saint-Pierre, dit Zieckeliedcn, à Bruxelles,
ij« livres, en considération que durant la rébellion de la ville de Bruvelles,
ilz (sic) estoient constrainctes, par la rage et furie des ennemiz et héréticques,
eulx réfugier en certaine maison particulière, pendant lequel temps leur
église (qui estoit ung bien beau et ample vaisseau) avoil esté ruynée de piet
en comble et les ornemens et meubles d'icelle spoliez (3). »
Église de Sainte- G ertrude, à Nivelles. — ( Voy. | 57). —
D'après des documents du siècle dernier, on voit que la
eliàsse de Sainte-Gertrude pesait alors 570 livres de Bra-
bant, et que le coffre avait 6 pieds 2 pouces de longueur
sur 2 1/2 de hauteur et 1 1/2 de largeur (4). Ces documents
nous ont également fourni quelques dates relatives à l'enlè-
vement ou au replacement du corps de sainte Gertrude
dans l'église , quand les événements faisaient craindre
quelque invasion militaire. Ces reliques que les chanoines-
ses conservaient avec tant de soin furent réintégrées avec
la châsse le 24 septembre 1574, le 17 septembre 1585;
le 30 novembre 1C22, le 50 septembre 1G55, le 50 décem-
bre 1789, le 3 janvier 1791, le 26 septembre 1792 et en
(1) Archives du conseil privé, registre aux dépêches de 1571-1574, f" 12i,
aux Archives de TÉtat, à Liège.
(2) Registre n» F. 281 de la chambre des comptes, aux Archives du dépar-
tement du Nord, à Lille.
(3) Ibidem.
(4) Archives du chapitre de Sainle-Gerlrude, aux Archives du royaume.
— 588 —
septembre 1793. On les sauva pour les soustraire au pillage
et à la destruction, notamment pendant les guerres du XVI''
siècle, le 28 août 1622, en 1744, le 7 octobre 1789,
le 23 novembre 1790, le 31 mai 1792.
Couvent des Clarisses, à Saînt-Omer. — A la suite des
guerres de religion du XVI' siècle , les clarisses de
Veere, en Zélande, avaient dû se réfugier à Saint-Omer.
Par ordonnance du 5 octobre 1606, les archiducs leur ac-
cordèrent 300 livres de Flandre « en subvention des frais
» des bastimens et ouvraiges à faire à leur couvent (i). »
Église de Saint-Nicolas, à Bruxelles. — En novembre
1621, Tinfante Isabelle fait don de 500 livres de Flandre
aux marguilliers de cette paroisse pour les aider à faire les
frais d'un nouvel autel dans le grand chœur et l'achat d'un
tableau de prix {iing signalé tableau) (2).
Église de Notre-Dame, à Montaigu, — En mars 1640,
payement d'une somme de 27,600 livres de Flandre, qui
restait à solder pour les travaux de construction et d'ameu-
blement de cet édifice bâti aux frais de l'infante Isabelle (3).
Abbarje de Saint-Martin, à Tournai. — Dans une chro-
nique manuscrite du XVII'= siècle de cette abbaye que pos-
sèdent les Archivesdu royaume, on lit que le 3 juillet 1671
a été posée la première pierre de la nouvelle église, qui fut
entièrement achevée en 1680.
(1) Registres n" 18308, f» xlvj v", et n" 18310, f» Ixviij r», de la chambre
des comptes, aux Archives du royaume.
(2) Registre n" F. 503 de la chambre des compfes, aux Archives du dé-
partement du Nord, à Lille.
(5) Registre n» F. 317, ibidem.
— 389 —
S 55. Relieurs et Reliures.
Sommaire: Phelipprarl, scribe et relieur, à Mons. — Jean de Tournay,
moine de l'abbaye de Moulins, scribe et relieur. — Volume avec notation
musicale et bréviaires de l'église de Bioux. — Relieurs, calligraplics et
enlumineurs, à Lille, au XY« et au XVIc siècle. — Ateliers de reliure
établis au couvent des augustins, à Louvain. — Ateliers de reliure établis
au couvent des frères de la vie commune, à Bruxelles. — Ateliers de re-
liure, de calligraphie et d'enluminure établis au couvent de Notre-Dame
de Sion, à Audenarde. — Bernard Buillot, garde des orgues et chapelain
de la chapelle du château de Mons. — Arnould Courtois et Corneille Oli-
viers, relieurs, à Bruxelles. — Reliures allemandes de 1558 et de 1567. —
SW, graveur des fers de Tune de ces reliures.
Phelipprart. — Au I 10 nous avons déjà parlé de ce
scribe de Mons, qui fui aussi relieur. Voici encore une
noie relalive à un payement qui lui fut fait par le receveur
général de Hainaul, en 1424, pour la reliure d'un volume.
« A Phelipprart, l'escripvent, pour sen sollaire de avoir couviert et loyet
le grant cartulaire ouquel sont les rentes, droitures, signouries et revenues
appartenans à Monseigneur (Philippe le Bon), ad cause de son pays de Hayn-
nau : viij lib. tournois (1). »
De Tournay (Jean). — Nous avons établi au § 10 que
les croisiers de Namur s'occupaient de reliure vers le milieu
du XV* siècle : nous possédons aujourd'hui la preuve qu'à
la même époque environ on s'occupait de transcriptions de
manuscrits et de reliure de livres à l'abbaye de Moulins,
qui était également située dans le comté de Namur. Jean
de Tournay, religieux du monastère, écrivit et fit la no-
tation musicale, en 1451 ou 1452, d'un beau volume en
vélin, contenant les offices de la Visitation et de la Concep-
tion de Notre-Dame, pour le curé de Bioux, village situé
non loin de l'abbaye. En 1452 ou 1453, le même moine
relia pour l'église de Bioux deux grands bréviaires et re-
(1) Registre n» 3194 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
— 590 -
copia plusieurs feuillets que le temps et l'usage avaient
altérés. Il reçut 5 livres 8 sous pour le premier travail et
4 livres 10 sous pour le second.
« A Danp (1) Jehan de Touriiay, religieux et moisne professe en réglise
Noslre-Dame de Molin, pour avoir fait, escript et notiez à quairée nolte les
offices des Visitation et Conception de Nostre-Dame, sur beal vellin, à la
requesle des cureit et personne de Bioul; à lui marchandé, par le conseil
d'aucuns des religieu d'icelle église et dcsdit cureit et personne, à la somme
de iiij couronne qui monte vj ob., vallent cviij s. (2) »
« A Dan Jehan de Tournay, religieu et moisne professe en l'église Noslre-
Dame de Molin, pour avoir reloyé tout noef les deux grans brefviaires de
l'église de Biou, assavoir l'un du temps, et l'autre des sains, et y remis,
eseript et nottés aucun quayl aval et amont (5), qui esloient tellement dé-
rompu que on ne s'en povoil aidier ny servir; à lui marchandé, par le conseil
des cureit et personne de Biou, à la somme de v ob. qui vallent iiij lib.x s. [i) »
Relieurs, calligrapiies et enlumineurrs, a Lille, au XV^
ET AU XV^ siècle. — M"" le baron de la Fons-Mélicocq,
qui depuis quelques années s'occupe avec tant d'ardeur
du dépouillement des archives départementales et commu-
nales du Nord de la France à un point de vue semblable au
nôtre, vient de publier dans le 40"^ numéro (15 avril 1858)
du Bulletin du Bouquiniste, imprimé à Paris, un article
des plus intéressants, intitulé : Les manuscrits de la collé-
giale de Saint-Pierre de Lille; prix des relieurs, salaires
des callifjraphes; XF« et XVI'' siècle. \o\c\ les noms de plu-
sieurs relieurs, calligrapiies et enlumineurs cités par M'' de
la Fons-Mélicocq, et que nous reproduisons parce qu'ils
intéressent notre pays ;
Relieurs : Jean le Per(1401); Guillaume Moieau ou
Morel (1456-14G2); Denis Glorieux (150I-I559) ; et
maître Siger (1306).
(1) Don.
(2) Quelques caliiers au commencement et à la fin.
(3) Registre n» 10912 de la chambre des comptes, aux Archives du royaume.
(4) Registre n» 10913, ibidem.
— 591 ~
Calligraphes : Jacques Bernard (1445); Jean Ca-
sier (1447); Jacques Rousée (1525); Jean Laller et Gérard
le Luicl (1555).
Enlumineurs : Un peintre du nom d'Antoine (1506);
Nicolas (1508-1519), et Colard ou Nicolas de Saint-Léger
(1512-1518); ces deux derniers étaient aussi calligraphes.
Courtois (Arnould, Aert), — et Oliviers (Corneille),
sont deux relieurs qui étaient établis à Bruxelles : le pre-
mier est cité dans un compte de 1548-1549, et le second
dans un compte de 1550-1551 (i).
Ateliers de reliure établis au couvent des Augustins, a
LouvAiN. — On s'occupait de reliure au commencement du
XV*" siècle dans le couvent des augustins, à Louvain, car
un religieux de ce monastère nommé en flamand bruederen
Jaune den custere (frère Jean le clerc), reçut, en 1420 ou
1421, 4 sous 4 deniers gros pour la restauration du mis-
sel de la chapelle du château ducal.
o Bruederen Janne den custere, augustyn, te Loeven, van dat lii d'nies-
boeck dat behoert ter cappelle opte borcli herbonden heeft ende van nuws
gesloct, ende oec dat ter somraiger slat daert behocfde vercleert heeft, coste
iij s. iiij d. g. (2). ..
Ateliers de reliure établis au couvent des Frères de la
vie commune, a Bruxelles. — Les frères de la vie com-
mune de Nazareth s'établirent à Bruxelles en 1422 : ce
sont eux qui ont introduit l'art de l'imprimerie dans cette
ville, en 1476. Avant celte époque ils s'occupaient de la
transcription des manuscrits. A la fin du XV"" siècle ils ob-
tinrent de pouvoir enseigner la jeunesse (3). Plusieurs de
(1) Registre n» 21720 de la chambre des comptes , aux Archives du
royaume.
(2) Registre n» 3791, 2", ibidem.
(3) A. Henné et A. Wauters, Histoire de Bruxelles, l. lII, p. 154 et 168.
— 59^2 —
ces religieux travaillaient à relier des livres vers le milieu
du siècle suivant, et nous citerons entre autres le nom de
frère Jean de Bruynen, qui répara plusieurs volumes, en
1552, pour l'église de Saint-Jacques-sur-Coudenberg, à
Bruxelles.
« Betaeit bruer Jan de Bruynen, religieulx te fralers, voer reparatien van
diversche boecken : xxxvij st. vj deii. (1). »
Ateliers de beliure, de calligraphie et d'enluminure,
ÉTABLIS AU COUVENT DES SOEURS DE NoTRE-DaME DE SlON, A
Audenarde. — C'est dans l'ouvrage que M"" Edmond
Vanderstraeten vient de publier sous le titre de Recher-
ches sur les communautés religieuses d' Audenarde, que nous
trouvons des détails sur les ateliers de reliure, de calli-
graphie et d'enluminure, établis en cette ville au couvent
des Sœurs de Notre-Dame de Sion. Ils étaient dirigés par
un religieux et deux frères laïcs du couvent des augustins,
à Gand. Sur les plats des reliures sorties du couvent des
religieuses d'Audenarde on lit le nom de Sion, et les mono-
grammes ordinaires de Jésus et de Marie. AP Vanderstrae-
ten cite les noms de quelques religieux artistes qu'il a
recueillis, ce sont : George Canlinis et Michel Pycke,
en 1499; Jean Van Maldeghem, en 1513; Guillaume
Van der Vurst et George Van der Meere, en 1522.
BuiLLOT (Bernard), — « garde d'orghe de la cappelle do-
» mestique de mon très-redoublé Seigneur, et chappellain
» de la cappelle Saint-Silvestre, scituée au chastcau de
» Mons », reçoit une somme de 15 livres, de 20 gros de
Flandre la pièce, pour avoir, en 1481 ou 1482, « réparer
» le missal de ladicte cappelle du chasleau (2). »
(!) Compte de l'église de Sl-Jacques de 1552-1553, aux Archives du
royaume.
(2) Registre n" 9570, 2», (° iiijxxxvj r», de la chambre des comptes, ibidem.
— 395 —
Reliures allemandes de 1558 et de 1567. — S. W.
GRAVEUR DES FERS. — M"^ Cuypers-Vaii Veilhoven possède
dans sa riche bibliothèque un exemphiire du livre inliUilé:
New-Munz-Buech, imprime à Munich, chez Adam Berg,
en 1597. Ce volume in-folio conlient environ 80 fcuillels
de monnaies de toute espèce gravées sur bois. L'exemplaire
dont nous parlons est enrichi d'une magnifique reliure gau-
frée en parchemin, représentant sur chaque plat deux
êvangélisles d'un travail artistique très-remarquable, comme
on peut en juger par la planche ci-jointe. Ces figures sont
doublement encadrées : dans la première bordure on voit
le Sauveur, saints Pierre, Paul et Jean, et dans la seconde
des sujets d'une dimension un peu plus grande : l'Annon-
ciation, le Baptême du Christ, la Résurrection et le Christ
en croix. Sur le siège d'un personnage assistant à celte der-
nière scène on lit la date de 1558, qui doit être celle de
l'exécution des fers de la reliure ; un monogramme formé
des lettres SW se voit derrière saint Marc: c'est très-pro-
bablement celui de l'artiste qui les a gravés.
Chose assez étrange, nous avons retrouvé les fers des sujets
du second encadrement que nous venons de décriresur des
couvertures en parchemin provenant d'un volume in-folio,
et appartenant àM''Thiry, marchand d'antiquités, à Bruxel-
les. Chaque plat de ces couvertures représente la figure de
la Justice en costume de grande dame de l'époque, et tenant
le glaive de la main droite et la balance de la gauche, avec
un cartouche au-dessous renfermant l'inscription suivante :
IVSTICLV QVISQVIS PICTVRAM LVMINE CENMS DIC DEVS EST IVSTVM
ivsTAQVE FACTA. Autour du sujct Central existe un premier
encadrement composé de quatre petites figures, la Foi,
l'Espérance, la Charité et la Force; sous le nom de cette
dernière se trouve la date de 1567.
— 394 —
§ 56. Cfironiqueiirs, Écrivains, Historiographes, etc.
Sommaire : 0 . de la Marche. — Érasme. — Nie. Laidara. — Et. Morel. —
Jean Oudegherst. — B. Désirant,
De la Marche (Olivier). — Voici une pièce autogriiphe
de ce chroniqueur qui constate le payement d'une somme
de 40 écus, de 24 sous de Flandre, la pièce, qu'il reçut le
15 février 1482 (n. st.), par ordre de Tarchiduc Maximi-
lien d'Autriche, pour le rembourser des pertes qu'il avait
essuyées au service de ce prince.
Je Olivier de la Marche, chevalier, conseiller et premier maistre d'ostel de
monseigneur le duc dWuslriche et de Bourgoingne, etc., confisse avoir eu et
receu de Clays de Mol, huissier d'armes de Mondictseigneur , la somme
de xl escus de xxiiij patars, pièce, monnoie de Flandre; lesquelz xl escus
estoient en ses mains des biens des François et tenant party contraire à Mon-
dictseigneur. Et les m'a Mondictseigneur donné en récompensse d'aultres
mes perles, comme il appert par la céduUe de Mondictseigneur, laquelle
somme de xl escus je confesse avoir receu et en quicte ledict Ciays de Mol et
tous aultres. Tesmoing mon saing manuel cy mis le XV« jour de février mil
iiijo quatre-vings et ung. 0. de la Marche (1). »
Erasme. — Ce célèbre écrivain, auquel Charles-Quint
avait fait une pension annuelle, ne pouvait, en 1523, en ob-
tenir le payement; aussi, voyant que ses réclamations auprès
des officiers comptables n'étaient pas accueillies, s'adressa-t-il
à l'empereur qui était alors en Espagne. Celui-ci qui tenait
Erasme en grande estime et désirait le garder à son ser-
vice, enjoignit, par lettre datée de Valladolid,le 22 août, et
écrite à Marguerite d'Autriche et aux membres du conseil
des finances aux Pays-Bas, de payer sans retard au savant
ce qui lui était dû jusqu'à ce jour.
« De par l'empereur. Madame, ma bonne tante. Chiers et féaulx. De la part
de noslre bien amé maistre Erasme de Rolerdame, nous a esté remonstré
(I) Collection d'autographes, aux Archives du royaume.
— 395 —
que de la pension que par ci-devant luy avons ordonné prendre cl avoir de
nous par cliascun an il ne pcult avoir ne consuyr solucion ne payement,
quelque dilligence qu'il ait de ce fait faire, nous supliant vous en eseripre ;
parquoy et que désirons icelui Érasnne estre favorablement traiclié par raison
de ses grandes doctrines et littératures, vous requérons et ordonnons le
faire payer et satisfaire de ce que jusques oircs luy pcult eslrc deu de sadicle
pension, afïin que à faulle d'icelui payement il n'ail occasion de laisser nostre
service. Donné en nostre ville de Validoly, le xxijc jour d'aoust xv^ xxiii.
ClIAIlLES (1). »
Laidam (Nicaise). — Nous avons déjà parlé de ce chro-
niqueur au I 17, et nous avons dit que le baron de Reif-
fenberg a publié divers détails pour sa biographie (2). En
1526, Charles-Quint, qui affectionnait ce serviteur, écrivit
d'Espagne, une lettre à Marguerite d'Autriche, gouvernante
des Pays-Bas, et aux membres du conseil des finances,
pour recommander à cette princesse la demande que Ni-
caise Laidam avait faite relativement à l'obtention de la
prévôté de Bapaume à ferme.
€1 De par Tempereur. Madame ma bonne tante, chiers et féaulx. De la
part de Nycase de Ladam, nostre roy d'armes, intitulé : Grenade, nous a esté
exposé comm' il a esté la plus grand partie de son temps résidant en nostre
ville de Beaulpalme, et illec, par moyen des guerres, a perdu ses maisons et
pluiseurs biens, et à cause qu'il désiroity finer ses jours en estât honnorable,
se seroit retirer vers vous, requérant d'avoir la prévosté dudit Beaulpalme à
ferme, pour tel pris que de raison; sur ce a esté renvoyé vers les président et
gens de nostre chambre des comptes, à Lille, afTin d'avoir leur advis, lequel
pour vous veu, fut dit que ledit exposant seroit préférer selon le contenu
d'icellui advis ; et attendu que en son absence, luy estant en nostre service
es royaulmes de par-deçà, vous pourriez avoir pourveu en ladite prévosté et
ferme, nous a très-instamment supplié et requis vous en vouloir eseripre à
sa faveur, et pour ce que désirons le bien et avancement de noz anciens ser-
viteurs et officiers, et les pourveoir avant autres, nous vous requérons et
néantmoings ordonnons bien acertes, que sans préiudice de nostre ferme.
(1) Archives de l'audience, aux Archives du royaume.
(2) Nous avons omis de mentionner V Annuaire de la bibliothèque royale de
Belgique, 1842, p. 83.
— 596 —
usant d'icelle à la manière accoustumée et à nostre plus grand proufTil, vous
ayez ledit Grenade pour recommandé en ladite ferme et prévosté, le préfé-
rant à autres que n'en bailleroient plus grand pris que luy. Atanl, Madame
ma bonne tante, cliiers et féaulx,Nostre-Seigneur soit garde de vous. Donné
en nostre cité de Grenade, le xvij"^ jour de septembre a« (xv^) xxvi.
CUÂRLES (1). »
MoREL (Etienne) — fuJ, de même que Nicaise Laidam,
héraut d'armes de Charles-Quiut : on le surnommait Uai-
naut. Il avait obtenu de son souverain, au commencement
de l'année 1548 (n. st.), une lettre missive pour le prési-
dent du conseil privé, aux Pays-Bas, a6n qu'il fût délivré
au porteur un octroi qui lui permît de publier un ouvrage
relatif au campement de l'empereur près de la ville d'In-
golstadt. Les lettres patentes qui furent dépêchées à Morel,
ne le satisfirent point, car immédiatement il réclama non-
seulement pour que le terme du privilège qui lui avait été
accordé fût étendu, à cause du temps nécessaire à la gra-
vure des planches, mais encore contre la désignation in-
complète de l'œuvre même. Un nouvel octroi lui fut dé-
livré pour quatre ans, ensuite d'apostille favorable mise
à sa requête, le 7 avril 1 548.
«L'empereur et roy. Très-chier et féal. Nous envoyons par-delà l'hérault
Haynnau pour pourtraire certaines choses que luy avons enchargé, et luy
avons accordé de faire imprimer la siluacion du camp que eusmes l'année
passée devant Ingbelslal, et le povoir vendre sans que autre le puisse impri-
mer ne faire imprimer, dont vous advertissons pour luy ordonner le dépêche
sur ce nécessaire. Alant, très-chier et féal, Noslre-Seigneur vous ait en sa
sainete garde. D'Ausbourg, le xixc de janvier 1547. Charles (2). »
« A monseigneur le président, remonstre Etienne Morel, surnommé Hayn-
nau, hcraull d'armes de l'empereur, comme depuis environ deux mois ençà
(1) Archives de l'audience, cartons, aux Archives du royaume.
(2) Nous croyons cette pièce de l'année 1348 (n. st.), car l'apostille de la
rcquéle de Morel est datée du 7 avril 1348, après Pâques.
— 597 —
il ait appourté lettres de l'empereur à Vostre Seigneurie afin de luy faire
expédier lettres de privilège de povoir imprimer ou faire imprimer pai' au-
tres en sou nom le camp de Sa Majesté devant Inglestadl en la Germanye, et
aussi la venue de monsieur de Bueren audict camp, ce que de Vostre Grâce
avez fait dépescher; mais lesdictes lettres ne font mention sinon pour le
camp devant ledict Inglestadt, pour ung an seuUemenl, sans y avoir narré
ladicle venue de monseigneur de Bueren audict camp, et pour ce, monsei-
gneur, que ce sont deux pièces différantes et qu'il fauldra quasi un an à les
faire tailler et plastrer comme il sera de besoing, parce qu'il y a beaucop
d'ouvraiges fort pesant; à ceste cause ledict remonstrant supplie Vostredicle
Seigneurie que son plaisir soit luy faire renouveller lesdictes lettres de pri-
vilège pour le temps et terme de sept ou huit ans, aflin qu'il puist recouvrer
la despense qu'il luy conviendra supporter pour mectre à effect lesdiets ou-
vraiges, en deft'endant à tous imprimeurs, paintres et autres que pendant
ledict temps ilz n'ayent à faire imprimer, paindre ou contrefaire lesdictes
pièces, sur grosses paines et amendes à applicquer à Sadicte Majesté. Si
ferez bien (1). »
OuDEGiiERST (Jean), — C'est en 1571, que sortit des
presses de Christophe Piantin, le premier volume des
Annales de Flandre, sous le nom de Pierre Oudeghersl;
l'ouvrage complet n'a paru qu'en 1789, avec des notes de
Lesbroussart. Nous avons découvert des documents qui
établissent que Pierre Oudegherst n'est qu'un plagiaire
ou plutôt qu'il s'est approprié l'œuvre de son père. Au
XVP siècle le fait était déjà connu, et depuis lors aucun
biographe ne s'est douté de la fraude. Valère André (2),
Paquot (3), Lesbroussart, etc., ont commis les mêmes er-
reurs. Voici ce qui ressort des pièces que nous avons eues
sous les yeux.
Pierre Oudegherst, fils de l'annaliste, fut assez impu-
dent pour oser, en 1572, se présenter à Vienne à Maximi-
(1) Les deux pièces existent dans les archives du conseil privé, liasses, aux
Archives du royaume.
(2) BibUolheca belgica, p. 732.
(5) Mémoires, t. III, p. 269,
54
— 598 —
lieu II, comme étant l'auteur des Annales de Flandre,
qu'il avait dédiées à ce prince, et pour s'en faire un titre
afin d'obtenir quelque emploi. L'empereur désirant d'abord
avoir sur lui quelques renseignements, fît écrire dans ce
but, deux lettres, le 28 février, Tune au duc d'Albe, —
c'est celle dont la teneur suit ici, — l'autre à Viglius. La
réponse du duc est datée du 10 mai. Il s'y excuse d'avoir
lardé si longtemps, mais il n'a pu se procurer des indica-
tions satisfaisantes ; il prie l'empereur de vouloir s'adres-
ser au comte de Monte-Aguda, ambassadeur du roi d'Es-
pagne, auquel il a fait communiquer ce qu'il a pu recueillir
de renseignements sur le personnage en question. En
même temps il envoya au résident du roi à Vienne, une
note d'où il résulte que Pierre Oudegherst était retiré en
Autriche à cause de ses dettes, qu'il était tout simplement
l'éditeur du manuscrit de son père, homme honorable à
juste titre, et qu'aux Pays-Bas il n'avait pas même été
trouvé apte à remplir une charge à la chambre des comp-
tes, à Lille, qu'il avait demandée sous le gouvernement de
la duchesse de Parme. Il est plus que probable que l'empe-
reur fit éconduire le solliciteur.
Une fois mis sur la voie, nous avons trouvé que Jean
Oudegherst, fils de Bauduin (i), était licencié en lois et
exerçait en 1530 et 1531 (2) les fonctions de lieutenant-
général du bailli de Tournai et Tournaisis, charge qu'oc-
cupait avant lui Jacques Bacheler, licencié en lois, seigneur
de Roissart (3), et qui fut remplie après lui par Pierre
d'Ennelières (4). Il fut ensuite nommé pensionnaire du
Franc de Bruges, et prêta serment en cette qualité le
(1) Registre n» 2729, f» ciiijxx iiij r" (annotation marginale), de la cham-
bre des comptes, aux Archives du royaume.
(2) Registres n» 41804, f" xxxv r», et n" 41803, f" xxxij v», ibidem.
(5) Registre n" 41 803, f» xxxv v», ibidem.
(4) Registre n» 41800, f" 47 v", ibidem.
— 399 —
16 octobre 1551 (i); il jouissait à ce litre de 800 livres
parisis de gages par an, qui lui furent payés jusqu'au
9 juillet 1558, jour où il donna sa démission (a), pour
aller prendre possession de la place de conseiller et procu-
reur général du grand conseil de Malines, que des lettres
patentes de Philippe II, en date du 11) juin, venaient de lui
conférer en remplacement de Bauduin le Cocq (5) : Oudc-
glierst prêta serment le 16 juillet, mais il ne jouit pas
longtemps de son nouvel emploi, car il mourut le 21 avril
1559 (4). Les lettres patentes de François Verlysen, son
successeur, sont datées du 28 juillet suivant (s).
« Maximilian der Aander, etc., Hocligeborner lieber Ohaim unnd Ftirst.
Deiner Lieb geben wir genedigclicb zu vernenien, das unlangsl ainer mil
Namen Peter Oudegherste, der Recblen Leerer, aUieer an unnsern kaiser-
liclien Hof konimen, unnd unns ein Historii, so er in Drueck ausgeen lassen,
underllienigelieli presentiert.Wie unns nun derselb von ellichen die Gcschick-
lichait unnd Erfarnus berûembt worden, das wir mit ilime dahin handien
zu lassen, damit er sich in unnsern Diensl begeben welle, genedigclich wol
gcnaigt und bedacht weren, so haben wir doeb unns darin one Deiner Lieb
Vorwissen unnd mehrere Erekundigung seins Thuens und Lassens nicbt ent-
licbt resolviern wôlien, unnd ersuecben demnach Dein Lieb freundllich und
genedigclich gesinnend, Dieselb wolle unns, wie es mit vorgenanten Oude-
gherste ein Gestalt unnd Gelegenhait, was auch hievor sein Thuen unnd
(1) « Meester Jan Oudegherste onlancx annegheeommen ten pensioene van
» den land omme de groote ende zware zaken die den landen daghelicx over-
» comraen, ende dat den meesten tyd altyts eenighe van den pcnsionnarisscn
» absent moeten zyn omme te reysene in diversche plaetse , zo te bove als
» olders, omme d'affairen van den landen, te gaigien van viij<: ponden pari-
» sis Isiaers, ende dat van den xvjf" october xv<^ Ij dat hy zynen eedt dede
»als pensionnaris, etc. » (Registre n» 52810, f» cl r», de la chambre des
comptes, aux Archives du royaume).
(2) « Tôt ende met den ix«n van hoymaent Iviijdat by orlof ghenomen ende
xvertrocken es. » (Registre n» 52816, f» clxxv r", ibidem.)
(3) BuTKENS, Trophées de Drabanl, t. IV, p. '51.5.
(4) Registre n» 2729, cité, et acquits de la recette générale d'Oost-Flandre,
aux Archives du royaume.
(;)) BuTRENS, loe, cil.
— 400 —
Lassen gcwesen, dessen ailes dann Dein Lieb sich Zweifels one wol wirdel
zu erkundigen wissen; inasonderhait auch, ob Dein Lieb anslat des durch-
leuchtigisten unnsers freûntlichen lieben Vettern, Schwagern und Brueders
des Kiinigs zu Hispanien, etc., leiden môge, das wir ihne berùrler massen in
unnsern dienst annemen, Deiner Lieb berichl mit eliisten zuckoramen las-
sen, damit wir unns volgends nach Gelegenhait zu entscliliessen liaben.
Das raicht unns von Deiner Lieb zu sonnderm angenemen Gefallen, inn
Freunischafft, Gnaden unnd allem Guetem, damit wir Deiner Lieb one das
gantz wolgewogen, zu erkennen. Gcben in unnser Stall Wienn, den xxiijen fe-
bruarii a» 1572.»
« Que assez mal Son Excellence sçauroit informer Sa Majesté Impériale des
qualitez ou suffisance d'Oudegerst, pour ne le cognoistre fort bien, néant-
moins icelle vœult bien advertir Sadicle Majesté que Ton lient qu'il s'est retiré
d'icy pour raison de ses debtes, dont il est grandement cliergc, ayant, passé
quelques années, du temps de la dueesse de Parme, poursuivy icy ung estât
de maistre des comptes à Lille, à quoy il ne sceut parvenir ne le trouvant
avoir les qualilez ad ce requises, ayant entendu que le recueil des histoires
de Flandres qu'il a faict imprimer et dédier à Sadicte Majesté, n'a esté faict
par luy, mais par son père quy esloit homme studieux, ayant esté long-
temps pensionnaire du Franc à Bruges, et depuis à sen trespas faict procu-
reur général du roy en son grand conseil, ayant icelluy procureur déleissé
pluissieurs enffans; quy est ce que Sadicte Excellence en sçauroit pour le pré-
sent advertir à Sadicte Majesté (1). »
Désirant (Bernard). — Cel infatigable adversaire des
jansénistes, qui appartenait à Tordre de Saint-Augustin,
fut nommé historiographe du roi Charles II, et prêta ser-
ment en cette qualité le 22 avril 1689 (a). Il obtint de
Joseph I", le 13 septembre 1710, le titre particulier de
théologien de l'empereur. Les lettres qui le lui confèrent
contiennent des détails curieux pour la biographie de cet
écrivain; nous les transcrivons ici.
« JosEPHts, divina favore clemenlia electus Romanorum imperator, seraper
Augustus. Fide dignis itaque testimoniis edocti honorabilem religiosum de-
(1) Archives de la secrétairerie d'Etat allemande, aux Archives du royaume.
(2) Volume intitule : Serments, ibidem.
— 401 —
volum nobis dilecluni patrem Bernarduin Désirant, ordinis eremitarum sancli
Augustini, naluiu el professum in civitate Brugensi, in Flandria, annis abhinc
viginti quinqiie sacra; theologia; doclorem in universitate Lovaniensi creatum,
deinde pro mercede variorum scriptoruni a se tara pro fide catholica contra
lullieranos, calvinistas et janscnistas, quant contra quatuor proposilioncs
galiicanas editorum anno 1689 a serenissimoqiiodamUispaniarum regeCarolo
secundo piissimœ mémorise, non tantum historiographum regium et profes-
sorem publicum historiarum, quibus plures Germaniœ principes ac nobiles
imbuit, factura, sed ctiam, niediante consueta eleclione sanclœ facultatis
theologicae Lovaniensis, régentera renuncialum, ac insuper, accedenle eiusdem
serenissimi régis iussu, ab episcopis Belgii, necnon a majori et saniori parte
prœdiclœ universitatis Lovaniensis ad sedem apostolicara contra janscnistas
missum, ibideraque munere suo tara prœclare functum fuisse, ut in illius
causas fulcimenlum duo brevia apostolica ad praefatos Belgii episcopos directa,
et unum sibi inscriptum a sumrao pontifice Innocentio duodecimo felicissima;
recordationis obtinuerit. Ac prœterea bénigne perpendentes, praedictum pa-
trem Bernarduni anno 1G97 in Belgiura reversum jansenistis magis magisque
in odium venisse, necnon allaborante eorumdem invidia anno 1701 tamquam
nimis impense Austriacum a minislris gallicis inaudilumTrudonopolimrelega-
tum, détecta vero insidiarum fallacia, post quinque menses honorifice resti-
lutum fuisse, facere non poluimus , quin tara sublimium merilorum intuilu
cidem gratiœ nosirœ cœsareae propensionem lestatam redderemus. Ac proinde
motu proprio ex certa scienlia, animoque bene deliberato praidiclum patrem
Bernardum Désirant, in theologum nostrum cesareum bénigne assumpsimus
et recepimus, prout per prœsentes assumimus et recipimus, aliorumque nos-
trorum theologorum numéro ac latui clcmenter adscribimus et adjungimus:
decernenles ac expresse volentes quod anle nominatus Bernardus Désirant,
noster theologus, omnibus et singulis honoribus, prœrogalivis, immunilatibus,
prœeminentiis, privilegiis et gratiis utatur, fruatur et gaudeat, quibus ceeteri
theologi noslri utuntur, fruuntur et gaudent, quomodolibct de consuetudinc
vel de jure, etc. Quae dabantur in civitate nostra Vicnna;, die quinta septem-
bris, anno 1710 (1). »
(1) Archives du royaume.
— 402 —
^ 57. Arcliitecles.
Sommaire : Architectes français : J. Fourcy et J. le Noir. — Le cliàleau de
Château-Thierry. — Architectes bourguignons des ducs de Bourgogne de
la 2« race. — Architectes ou maîtres des ouvrages de maçonnerie du comté
de Hainaut depuis Philippe le Bon jusqu'à Charles II. — Amand NuUon.
— La Maison du roi, à Bruxelles. — D. de Wagemakere. — R. Van Mans-
dale, dit Keldermans. — Pierre de Mendicaval, architecte espagnol. —
Paul du Collé, dominicain. — M. Van Hulst. — Abbaye de Rolthem.
Fourcy (Jean). — Le Noir (Jean). — Au mois de mai
1855, on vendit pubiiqueinenl chez le libraire Heussner, à
Bruxelles, une grande quantité d'archives qui appartenaient
à un amateur belge, disait-on, et qui provenait en majeure
partie de la collection du baron de Joursanvault, vendue à
Paris en 1838. Un des lots concernant la Champagne fut
acquis par M"" le comte de Villermont, qui nous a permis
à cette époque de prendre note de quelques pièces intéres-
santes pour rhistoire des Beaux-Arts.
Dans les dernières années du XIV*= siècle, Louis, duc
d'Orléans, fît commencer la reconstruction du château de
la petite ville de Château-Thierry, sur la Marne, et confia,
par lettres patentes du 21 mai 1400, la direction des tra-
vaux à maître Jean Fourcy, qui dans un acte du 24 sep-
tembre de la même année est aussi qualifié de « maislre
» des euvres de massonnerie du roy ou bailliage de Vitry.»
Jean Fourcy devait recevoir 3 sous G deniers de gages par
jour. Il est encore cité dans un acte du 24 novembre 1407.
A cette époque, Pierre le Beuf était le charpentier « des
» euvres de charpenterie de monseigneur d'Orliens en son
» chasteau et chaslellerie de Chasteau -Thierry. » Le Cata-
logue analytique des archives de M. le baron de Joursan-
vault, 1. 1*=% p. 364, renseigne encore d'autres pièces rela-
tives aux travaux du château de Château-Thierry. Au
nombre des documents achetés par W le comte de Viller-
— 405 —
mont se trouve aussi une commission du duc d'Orléans,
en date du 9 décembre 1598, donnée à Gilles Ciiaslelain,
clerc des offices de son hôtel et payeur des œuvres du châ-
teau de Pierre P'ons, en qualité de payeur des œuvres du
château de La Ferté-Milon : on y lit qu'il ne doit rien payer
sans certificat du maître Jean le Noir, maçon de Charles VI,
roi de France, au bailliage de Senlis.
« Loïs, fils de roy de France, duc dOrlieiis, comte de Valom, de Bloiz el
de Beaumont, et seigneur de Chasteau-Tliierry, à tous ceulx qui ces lettres
verront, salut. Savoir faisons que pour le bon rapport qui fait nous a esté du
sens, loyauté et diligence de inaistre Jehan Fourcy, maistre maçon juré ou
bailliage de Vitry, nous icellui avons commis, député et ordonné, et par ces
présentes commettons, ordonnons et depputons pour gouverner les ouvrages
de maçonnerie de nostre chastel du Chasteau-Thierry, de nostre maison de
Jangonne et des autres lieux où nous ferons ouvrer en nostre chaslellerie de
Chasteau-Thierry, aux gages de iij soûls vj deniers tournois pour chascun
jour qu'il vacquera ou fait desdis ouvrages, et aux autres droiz, proufifiz et
émolumens accousiumez tant comme il nous plaira. Si donnons en mande-
ment à nostre bailly du Chasteau-Thierry ou à son lieutenant que dudit
maistre Jehan il reçoive le sérement accoustumé en tel cas, et le mette en
possession et saisine dudit office, et à nostre receveur et païeur des euvres
dudit lieu que les gages de iij soûls vj deniers par jour dessus dis il paie et
délivre audit maistre Jehan, pour tant de jours que par certiffîcation du clerc
ordené pour recevoir et enregistrer les matières desdiz ouvrages lui appa-
rera icellui maistre Jehan avoir vacquié ou fait d'iceulx ouvrages , et par,
rapportant ces présentes ou vidimus d'icelles fait soubs séel authentique col-
lationné à la chambre de nos comptes, la certiffîcation dessusdicte et quittance
sur ce nous voulons lesdis gaiges estre allouez es comptes dudit receveur el
païeur par noz amez et féaulx gens de noz comptes, à Paris, sans contredit,
Donobstans quelxconques ordonnances, mandemens ou défences à ce contrai-
res. En lesmoing de ce nous avons fait mettre nostre séel à ces présentes.
onné à Chasteau-Thierry, le xxje jour de raay l'an de grâce mil quatre cens.»
Architfxtes bourguignons des ducs de Bourgogne. — Le
volume de 1855 du Bulletin monumental, publié à Caen
par M'^de Gaumont, contient un article sur lequel nous vou-
lons appeler l'attention des personnes qui s'intéressent à
— 404 —
rhisloire des arts dans notre pays et dans les contrées qui
furent soumises à la domination de nos souverains, cause
fréquente des émigrations de nos meilleurs ouvriers et ar-
tistes, surtout au moyen-àge. C'est une Note sur les maîtres
des œuvres des ducs de Bourgogne, suivie d'une note sur
Joseph Colare, fondeur et canonnier, par M" Marcel Canat.
Nous croyons donc faire chose utile en signalant ici les
noms des architectes ou maîtres des ouvrages de maçonnerie
recueillis par l'honorable président de la Société d'histoire
et d'archéologie de Chàlons-sur-Saône; sa notice est de plus
enrichie de gravures de sceaux de deux de ces architectes
et de sceaux de maîtres-maçons et de maîtres-charpentiers
du XV^ siècle.
Jacques de Nuilley, Nuilly ou NuUey, 1576-1396. 11 est
qualifié d'ouvrier des œuvres de massonnerie de monsei-
gneur le duc dans plusieurs actes.
Drouetde Dampmarlln, 1383-1396.
Jean Bourgeois, nommé par lettres patentes du 9 décem-
bre 1404, exerçait la profession de maçon à Dijon en 1387.
Pierre Herendel, qui est cité dans l'état de maison de
Philippe le Bon, et auquel succéda
Philippe Mideau, déjà en charge en 1429.
Jean de Monsteret, cité en 1450.
M"" Canat a consigné aussi les noms des maîtres des ou-
vrages de charpenterie du duc de Bourgogne, et parmi eux
il cite Gautier Menestrier ou Ménestrel, auquel il croit
pouvoir attribuer la bâtisse du couvent des cordeliers,
fondé par Philippe le Bon, en 14S4, « car ce couvent, —
» dit l'écrivain français, — tout construit en bois, était un
» ouvrage magnifique de charpenterie, et dénotait un ar-
» chitecte charpentier. » Il rapporte, d'après M"" le comte de
{{) Mémoires pour servira l'histoire de France et de Bourgogne, in-4»;
Paris, 1729; p. 241.
— 405 —
Laborde, (i) que ce maître flt des patrons d'ouvrages de
charpenterie que le duc voulait faire exécuter à Bruges et à
Dijon.
Nous devons consigner ici une observation sur le travail
très-consciencieux d'ailleurs de M"^ Canat. Il donne à l'ar-
tiste qui jeta eu fonte en 1587, pour le maitre-aulel de l'é-
glise des chartreux de Dijon, les colonnes surmontées d'an-
ges et aussi l'aigle du grand pupitre, le nom de Joseph
Colare, canonnier de Philippe le Hardi, tandis que dans les
documents dont il s'est servi il est appelé Colars Joseph.
M"" Canat a pris Colars pour un nom de famille, taudis que
c'est la forme usitée depuis le XII^ siècle jusqu'au XVl^
pour signifier Nicolas.
Architectes ou maîtres des ouvrages de maçonnerie du
COMTÉ de Hainaut. — Nous avons dressé d'après les comp-
tes des domaines de Mons qui existent aux Archives du
royaume (2), la liste des maîtres des ouvrages de maçon-
nerie du Hainaut, c'est-à-dire des architectes, depuis le mi-
lieu du règne de Philippe le Bon jusqu'à la fin du XVII''
siècle.
Jean Huelin, ou Huwellin, déjà cité en 1442, était en-
core en fonctions en 1464; n'habitait pas Mons. Il recevait
50 livres blancs de gages annuels.
Antoine le Vel,cité de 1463 à 1501; n'habitait pas Mons.
Jean Henrart, cité de 1501 à lo07.
Laurent Colmie ou Colmye, cité en 1S07; mort en
juin 1557; n'habitait pas Mons.
Jean Anseau, Anceau ou Ansseau, à Mous, cité de
1557 à 1557.
Jean Repu, à Mons, cité de 1558 à 1568.
(1) Les Ducs de Bourgogne, t. l", Preuves, n» 1390, p. 391.
(2) Registres nos 9733 à 9896 delà chambre des comptes , aux Archives du
royaume.
— 400 —
George de Harmegtiies, à Mons, cité de lo68 à 1384.
Mathieu de le Place, à Mons, cité en 1583.
André Villain, au Quesnoy, cité de 1586 à 1593.
Etienne Gauchie, cité de 1595 à 1603.
Bon Thiéry, cité de 1604 à 1620.
Nicolas du Chasleau, cité de 1621 à 1636.
Charles du Chasteau, cité de 1637 à 1668.
Antoine Gallemart, cité de 1668 à 1694.
NuLLON (Amand), — était maître des ouvrages de ma-
çonnerie de Philippe le Bon au pays d'Artois, en 1463 (i).
De Wagemakere (Dominique). — Van Mansdale ou
Keldermans (Rombaut). — M"" Alph. Wauters a publié
dans le Messarjer des sciences historiques, 1842, une ex-
cellente notice sur la Maison du roi ou Maison du pain,
sur la Grand'Place, à Bruxelles. Les plans de Tédifice que
nous voyons aujourd'hui sont dus à Antoine Keldermans,
qui mourut peu de temps après les avoir tracés. La direc-
tion de l'œuvre fut confiée à l'architecte Louis Van Boghem
qui l'avait remplacé dans ses fonctions de maître des ou-
vrages de maçonnerie en Brabant en 1516. Les fréquentes
absences de ce dernier artiste que Marguerite d'Autriche
avait chargé de l'exécution de la belle église de Notre-Dame
de Brou, à Bourg, en Bresse, nécessitèrent la nomination
de deux architectes d'Anvers, Dominique de Wagemakere,
et Rombaut Van Mansdale, dit Keldermans, pour surveil-
ler les travaux et faire les dessins d'exécution et des dé-
tails du nouvel édifice. La pièce que nous publions ici est
relative à l'augmentation de salaire de ces deux artistes
que la chambre des comptes leur accorda par acte du
21 novembre 1517.
(1) Registre n" 9148 de la chambre des comptes, aux Archives duroyaume.
— 407 —
Opten xxj'ndach der maent van novembri anno xv^ xvij is incn, by gebickc
van den meester werckman van melselrye ons heeren des coninex Lcni hou-
dende den meesten deel van den jaere besundere in den somerbuyten lanls
in Savoyen, overcomen, in presentie ender by advyse van Janne Van den Nu-
wenhove, rentmeester van Brabant in 't quartier van Bruessel, Janne Brome,
rentmeesler derselver sladt van Brussel ende conteroUeur van den wercke
van 'tshertoglien-huyse, mit meesteren Doniinico de Wagemakere ende Rom-
bout Van Mansdale, alias Kelderman, meesters werclude van melseiryen in
der sladt van Antwerpen, als dat elck van lien van den arbeyl, nioyte ende
onleden die zy gedaen ende gehadt hebben binnen den twee jairen overleden,
in 't maken van der ordinanlien, patronen ende berderen van der ediiTicien,
d'welck nien maict opte Merct,in doser stadt van Bruessel, opte plaitse dacrop
plach te stane een huys geheete 't Brootimys, aldus genaempl des Herlogen-
huys, hehben sal die somme van xx philippus guldenen, boven huere vacacien,
ende van Bamisse lestleden voirtans, ende alsoe lange als men aen 't voir-
schreven Hertogen-hurjs wercken sal, ende zy die ordinanlien ende patronen
dairaf maken zolen, elc van hen jairlycx hebben sal, die somme van xxx der
voirschreven philippus guldenen, vallende allyt te Bamisse, boven huere vaca-
cien aïs voere; behoudelyck dat zy sculdich zelen zyn te doene ende t'ach-
tervolgeue 't gheene des hiernae volght : lerst, dat zy t'allen tyden, als'l
behoeren sal, patroonen, ordinanlien ofl berderen le maken, dat zy dairloe
selen verslaen, ten versueke van den luden van deser cameren goidslyls
voere den vyinler, aleer men die leveringe van den steenen endestoffen dairop
sal besladen; item, dat zy oie t'allon tyden, als zy beschreven zelen word-
den, by brieven van deser cameren, om 1er causen van den voirschreven
wercke alhier in deser stadt te comen, dat zy, ofl emmer d'een van bon,
sculdich zal zyn alhier te comen, op huere gewoenlick dachuers van eenen
philippus guklen voere elcken van hen 's daigs. Aelum in der eamere van der
rekenningen, le Bruessel, ten dage ende in 't jaer vorschreven(l). »
De Mendicâval (Pierre), — figure en qualité de maître
général des ouvrages du roi d'Espagne (niastro mayor de
las obras de edificios), dans Tétat de maison de Charles-
Quint qui fut dressé en 1520 {-2).
(1) Archives de la chambre des comptes, cartons , aux Archives du
royaume.
(2) Volume intitulé: Regislro de los officialcs de la casa real d'Araijun,
archives de l'audience, ibidem.
— 408 —
Le nom de cet artiste n'est cité dans aucun des ouvrages
suivants, et il n'est pas probable qu'il le soit dans d'autres :
Cean Berinudez, Diccionario hislôrico de las bellas artes;
Zani, Enciclopedia délie belle artî, et IVagler, ^eues allge-
meines Kûnstler-Lexkon .
Du Collé ou Collet (Paul). — Chalon (Pierre). — Le
30 avril 1641 fut incendié par la foudre le clocher de la
vieille et curieuse église collégiale de Sainle-Gertrude, à
Nivelles. Le carillon, qui se composait d'un jeu de cloches,
fut fondu. On évalua la perte à 80,000 livres environ. Le
12 août de l'année même du désastre, d'Andelot, prévôt de
l'église, convint « avec maistre Pierre Chalon, maistre
j> charpentier de Landreichy, à présent demeurant à Mons,
» en Haynault, pour l'ouvrage de la flesche et beauffroy de
» la tour de l'église de ÎVivelles, qu'iceluy maistre Pierre
» fera ledict ouvrage suivant le plan et dessin du frère
» Paul Collet, dominiquain, bien et léallement. »
Frère Paul Collet, ou du Collé, selon sa signature, était
religieux au couvent de Braine-le-Comte (i).
Le nouveau carillon coûta 23,748 livres.
Van Hulst (Martin), — architecte (bouwmeester) de
l'abbaye de Rotthem dans la mairie de Haelen, en Brabant,
mourut le l'='" mai 1636, des suites d'une blessure que lui
avait faite dans une querelle un ouvrier (dienaer), nommé
Guillaume Van Geertruyden, auquel furent accordées pour
ce fait des lettres patentes de rémission d'homicide, le
4 mai 1645 (2).
(1) Archives de l'église de Saiiite-Gertrudc de Nivelles, aux Archives du
royaume.
(2) Registre n" (501 de la chambre des comptes, ibidem.
409
I 58. Batteurs de cuivre, fondeurs de cloches et de
métaux.
Sommaire : Jacob ou Jacques. — Albert et Jean, fondeurs de cloches, à Lou.
vain et à Dinant. — Renier Van Thicnen. — Lutrin pour lY-gliso de Sl-
Jacques-sur-Caudenberg,à Bruxelles. — Pierre deBackere.— Jacques Jou-
ghelinck. — Jean de Montfort. — Fonte des objets de sculpture en bronze
reconnue art libéral.
Jacob ou Jacques. — JVP le lieulenanl-colonel du génie
Meyers possède parmi grand nombre d'autres curiosités un
mortier en bronze à deux anses, de :22 centimètres de
diamètre sur 17 i/a de hauteur, dont les caractères per-
mettent d'attribuer au XII'' siècle. On y voit représentées des
colonnes surmontées d'une tête nue et alternées de fleurs
de lis. On y lit le nom du fondeur : iacob me fecit, et un
autre nom Simon, celui du propriétaire probablement, suivi
de cinq lettres qui n'offrent entr'elles aucun sens.
Albert, — fondeur de cloches {pusor campanariim), est
cité en 1340, comme habitant dans le Hoelstraet ou rue
de Tirlemont, à Louvain, hors la porte Saint-Michel (i).
Jean, — fondeur de cloches, à Dinant, refondit celle de
la chapelle du château de Montaigle, dans la province de
îVamur, en 1457.
« A Jehan, le fondeur de clocques demorant à Dynant, pour avoir ref-
fondu le clocque de la chapelle du chastel de Monlaigle qui estoit rompue, et
pour le métal qu'il y a mis pour faire ladicte clocque plus pesante, par mar-
chié à luy fait, présent le chastellain et aullrez gens de la fortresse, à la
somme de v ob. de Rin xij aidans, qui vallent vij ob.(2). »
(1) Acte échevinal, aux Archives communales de Louvain. Cette noie m'a
été communiquée par M' Ed. Van Even.
(2) Registre n» 10916 de la chambre des comptes, aux Archives du
royaume.
— 410 —
Van Thienen (Renier). — j\P Ch. Piot a publié, en
1855, dans la Revue universelle des arts, t. I", p. 280, une
notice sur Tiiabile fondeur (gheelgietere) de ce nom qui
florissait à Bruxelles de 1464 à 1509. A cette époque nous
n'avons pu retrouver la note relative aux travaux qu'il
exécuta en 1465 pour l'église de Saint-Jacques-sur-Cou-
denberg. Nous avons été plus heureux depuis. Il s'agit
d'un lutrin pour placer dans le chœur et représentant
un pélican, que les marguilliers achetèrent à Renier Van
Thienen pour le prix de 13 livres de gros de Flandre, et
aux piliers duquel il fut convenu que l'artiste ajouterait
quatre petites figures de métal.
« Cont zy allen licdcn die dese yegliewoirdige cyrograpliie selen sien ofle
hoiren lesen dat Andries Van den Horicke ende Jan Juwacs, geheeten Van
Parys, kercraeesters nu terlyt der kerken van Coudenberghe, hebben ghe-
cocht jeghen Reyneren Van Thienen, gbeelghietere, in den name van der
kerken voirschreve, eenen lattoenen pellicaen tôt eenen lessenere : te sine
in den choir van der voirschreve kerken, in aider manieren alsmen daer
sien mach nu terlyt om xiij liv. gr. Vleems, elc liv. te xxx s. gr. Brab. ge-
rekent; uylghenomcn dat Reyneren voirschreven noch vier lattoennen bel-
dyen aen de vier pilaren van denselven pellicaen noch setten sal ende leveren
na huerer behoirten met voirwaerden hierinne onder sproeken, etc. In den
jaere 0ns Heeren doen men screef m iiij» ende Ixv, den Mij^^'i^" dach in
decembri (1). »
De Beckere (Pierre), — fut tout à la fois orfèvre, gra-
veur de sceaux et fondeur de métaux. 11 habitait Bruxelles
et nous avons trouvé mention de lui en 1495. Sa mort ar-
riva le 5 janvier 1527. Pierre de Beckere est l'auteur du
magnifique mausolée de Marie, duchesse de Bourgogne,
qui fut élevé par ordre de Philippe le Beau dans l'église de
Notre-Dame, à Bruges. Le tombeau est en marbre noir, et
la statue de la princesse ainsi que tout les ornements sont
(1) Cartulaire de la prévôté de Saint-.Iacques-sur-Coudenberg, f" 75 v»,
aux Archives du royaume.
— Ui —
en cuivre doré. C'est un des plus beaux monumenis qui
existent encore dans le pays. Nous en avons donné une
description détaillée dans la notice consacrée à P. de Bcc-
kere qui est insérée dans les Bulletins de l'Académie,
t. XVIII (1).
JoNGHELiNCK (Jacqucs). — Daiis nos Recherches sur la
vie et les travaux des graveurs de médailles, de sceaux et de
monnaies des Pays-Bas (2), nous avons publié une bio-
graphie assez étendue de cet artiste, qui fut sculpteur,
fondeur de métaux et graveur de sceaux et de médailles.
Jacques Jonghelinck naquit à Anvers, le 21 octobre 1550
et y mourut le 51 mai 1606. Les statues qu'il fit en métal
sont nombreuses, et l'on trouvera dans l'ouvrage auquel
nous nous permettons de renvoyer beaucoup de détails,
et entre autres sur le monument que le duc d'Albe se fit
ériger dans la citadelle d'Anvers en 1571.
De Montfort (Jean), — est un des meilleurs graveurs
de médailles du XVIl^ siècle. Nous avons décrit ses œuvres
dans l'ouvrage que nous venons de citer (5). 11 vécut à
Bruxelles de 1595 à 1649. On voit encore dans l'église
de Sainte-Gudule, à Bruxelles, un lion de cuivre doré, qui
orne le mausolée des ducs de Brabant Jean II et Antoine
de Bourgogne, et qui fut coulé par Jean de Montfort
en 1610.
Fonte des objets de sculpture en bronze reconnue art
(1) Voy. aussi la notice sur P. de Beckere que nous avons publiée dans
la Revue de la Numismatique belge, t. Il, 5e série, et qui se trouve à la p. iCî.S,
du t. !<='■ de nos Recherches sur la vie et les travaux des graveurs de médailles,
de sceaux et de monnaies des Pays-Bas; Bruxelles, 1858.
(2) T. I" p. 312-Ô42. Cette notice a été tirée à part à un petit nombre
d'exemplaires.
(3) T. Ie^ p. H3-125.
— 412
LIBÉRAL. — Le 8 juillet 1776 seulement, la fonte des ob-
jets de sculptures en bronze fut mise au rang des arts li-
béraux, et il fut déclaré qu'aucun métier ne pouvait en
empêcher l'exercice (i).
Alexandre Pinchart.
(1) Archives du conseil privé, cartons, aux Archives du royaume.
— 415
Becl)ercl)e0
SUR
L'ORGAMSATION MILITAIRE DE LA VILLE DE GAND,
AU MOYEN-AGE.
Il sera toujours difficile, pour ne pas dire impossible,
de tracer un tableau exact des corporations militaires
gantoises au moyen-âge. Le peu de renseignements qui
nous sont restés à ce sujet, se trouvent dispersés dans les
comptes de la ville ou éparpillés dans les rares règlements
auxquels étaient soumis les métiers.
Charles-Quint et le temps, ces deux grands ennemis de
nos privilèges communaux, ont si bien anéanti les diverses
preuves de notre puissance militaire et industrielle, que
bien peu d'entre elles ont échappé, soit au feu de l'inquisi-
tion impériale, soit à la négligence de nos magistrats; et
les restes de ces précieux témoignages ne nous sont par-
venus que cancellés de la main du bourreau, ou rongés par
la vermine; car nos édiles, soit insouciance, soit flatterie
à l'adresse du souverain, voyant d'ailleurs les corporations
éteintes, ont traité ces intéressantes dépouilles tout aussi
rudement que les avait traitées le maître, les ont aban-
données à leur triste sort, et entassées péle-méle dans ce
goufi're qu'on appelle l'hôtel-de-ville, où tous les jours, grâce
au zèle national qui s'est réveillé depuis peu, on en décou-
vre les précieux débris.
3S
— 414 —
Les détails relatifs aux corporations que nous lisons dans
les écrivains de Fépoque , ou que nous avons pu trou-
ver dans les manuscrits que possèdent la ville, la province
ou la bibliothèque publique, sont si concis, si obscurs par-
fois, qu'ils ne fournissent que de bien légers indices, pour
guider l'historien au milieu de ce dédale si obscur, de ces
nomenclatures indigestes qui se contentent d'indiquer les
faits, sans parler ni des causes qui les ont suscités, ni des
conséquences qu'ils ont traînées à leur suite. Les comptes
de la ville sont donc pour ainsi dire les seuls guides pro-
pres a éclairer l'investigateur; eux seuls, de temps à autre,
viennent jeter sur la partie vitale des corporations du
moyen âge quelques faibles rayons, auxquels leur rareté
donne encore plus de prix.
Si avant tout une corporation était une réunion de mar-
chands que rapprochait un même intérêt, celui de leur
commerce, on concevra facilement que, de cette commu-
nauté même d'idées, devait nécessairement résulter la dé-
fense mutuelle, le soutien réciproque, sous un ou plusieurs
chefs possédant la confiance de tous; l'organisation mili-
taire des corporations est donc aussi ancienne que la cor-
poration elle-même.
Dans les corporations, chacun était soldai, chacun était
tenu de répondre au premier appel fait à son courage pour
la défense de tous et celle de ses enfants : la bannière dé-
ployée, chacun marchait au combat aveuglément, à la suite
du chef qui avait su captiver la confiance générale. Le
doyen du métier lirait le glaive : Dieu et la bonne cause !
tous le suivaient au combat; trop fiers pour reculer, ils
préférèrent souvent la mort à la honte d'une défaite.
A toutes les époques, la ville de Gand s'est distinguée par
ses idées belliqueuses; de là ces nombreuses séditions, ces
fréquents appels aux armes, ces combats qui si souvent en-
sanglantèrent la capitale de la Flandre. Bien avant la
— 415 —
bataille de Courtrai, celte lutte de géants où la noblesse
française vint chercher la mort sur la pointe des lances
démocratiques des corporations, les Flamands s'étaient fait
connaître à l'Europe entière : « L'organisation militaire de
B la Flandre était arrivée, au point de vue militaire, au
» même degré où en était arrivée notre industrie, sans ri-
» vaux; et ces mêmes hommes qui avaient poussé noire
•> industrie nationale à ce point de splendeur, formaient les
B troupes les mieux organisées et les mieux disciplinées du
5 moyen-âge »(i).
Une des choses les plus curieuses à remarquer dans l'or-
ganisation militaire de l'époque, c'est que l'industrie,
cette fille de la paix, marche de pair avec la guerre, cette
fille du désordre. Dans aucun pays, nous ne voyons ces
deux éléments réunis concourir au même but et arriver au
même résultat; car si les Flamands firent si souvent la
guerre, quelque injuste qu'elle fût, au fond ils avaient tou-
jours la même préoccupation: leur industrie et leur com-
merce.
De tout temps, cet amour de la guerre et des aventures
semble avoir possédé toutes les classes, les plus riches aussi
bien que les plus pauvres. Guillaume de Loo se rend au
secours d'Etienne : les Flamands, dit Gervasius, quittant
leur terre et renonçant à leurs métiers de tisserands, affluent
par troupes en Angleterre et s'y répandent comme des
loups affamés (2).
Il parait que ce caractère d'aménité se conserva long-
temps chez nos ancêtres : tous les écrivains de cette époque
dépeignent les Flamands comme des hom.mes violents, ba-
(1) GiNTKEL, Mémoire sur la part que les Flamands ont prise à la con-
quête de l'Angleterre.
(2) <i Deposiloque quod illi populo familiare et quasi proprium est lexentli
ofïïeio, catervalim in Angliam confluant (Flandrenses) et famelicorum more
luporum. » Gervasii Chron., 1139.
— 416 —
tailleurs, livrés à toutes les passions. Avec des penchants
aussi déréglés et aussi féroces, on ne doit point s'étonner
de la terreur qu'ils inspiraient au moyen-àge, et des ta-
bleaux affreux qu'en font tous les auteurs (i). Malheur aux
pays où la guerre voulait qu'ils portassent leurs pas! c'é-
taient les fléaux des peuples voisins; nouveaux Normands,
on pouvait suivre leurs traces aux incendies qui éclairaient
leur marche funèbre et triomphale.
Cet esprit de haine et de vengeance semblait avoir pris
racine dans tous les cœurs et enveloppé la Flandre en-
tière d'un sanglant linceuil : on paraissait s'être donné
le mot pour guerroyer jusqu'à la mort du dernier citoyen.
En vain, pour faire cesser ces combats scandaleux, l'Église
interpose-t-elle sa toute puissante autorité; ses prières et
ses menaces n'ont pas plus de succès que les ordonnances
comtales : on dirait un peuple en délire.
La ville de Gand jouait au milieu de tous ces troubles,
de toutes ces querelles, le rôle qui lui échut à chaque époque
de guerre nationale ou intestine : sa population, déjà assez
belliqueuse d'elle-même, s'enrichissait de tout ce que la
Flandre possédait de pillards et d'aventuriers; braves guer-
riers, résolus au combat, mais parfois aussi à craindre
pour la paix publique que l'ennemi lui-même. Meyer nous
a laissé le sombre et effrayant tableau de toutes ces extra-
vagances, qui ne finirent que lorsqu'on ne trouva plus de
victimes à immoler.
(1) Voici un passage de Philippe, abbé de Bonne-Espérance, qui suffît pour
prouver combien les mœurs des Flamands étaient grossières au XII^ siècle :
« Pro utilitate ecclesise missi (IVorbertini) in quasdam partes Flandriœ aesta-
tis tempore... viderunt plerosque viros, non solum feminalibus, sed omni
vestium génère refrigerii gratia denudatos per vicos passim et plateas ince-
dere, propriis operibus nudos insistere , nec ullos occurrentium aspectus
revereri — Quos cum fratres nostri arguèrent, cur incederent tam bes-
tialiter dciiudati : non est vestrum, responderunt, nostrœ leges imponere
voluntati. »
_ 417 —
A cette époque, Gand représentait une immense forte-
resse; on aurait dit qu'elle était sans cesse en guerre ou
à la veille d'un assaut : chacun se fortifiait, se barricadait;
tout bourgeois riche faisait de sa maison un fort capable
de résister aux attaques de ses ennemis. Philippe d'Al-
sace, à son retour de la Palestine en 1178, trouva les
principaux rebelles dans leurs maisons fortifiées, où ils
lui opposèrent une résistance qui ne servit qu'à les rendre
plus coupables et qu'à attirer sur eux la juste sévérité des
lois. Nous voyons dans la charte de la comtesse Méhault,
que, parmi les privilèges que cette princesse accorde aux
Gantois, elle leur permet de fortifier non seulement la
ville, mais aussi leurs maisons (i).
L'humeur vindicative, cruelle, querelleuse des Flamands
en général, et des Gantois en particulier, nous est attestée
par les nombreuses ordonnances que publièrent tour à tour
l'Eglise et le souverain. Etienne, évéque de Tournai, écrit
à l'archevêque de Reims pour lui conseiller de lever l'in-
terdit qui pèse sur la Flandre : o Ce n'est point avec la
rigueur et les menaces que vous parviendrez à soumettre
ce peuple au caractère allier, car les effets des menaces
des Flamands ne se font guère attendre, et elles sont aus-
sitôt suivies de coups » (2).
C'est de la Flandre que partirent ces troupes connues
sous le noms de Brabançons et qui se composaient d'aven-
turiers de toutes sortes : gens de bas-étage, sans feu ni lieu;
hommes attachés à la glèbe, voulant se soustraire à l'op-
pression de leurs seigneurs; nobles, cadets de famille,
trop fiers pour travailler, impuissants à piller seuls els'ad-
(1) « Art. IV. Spécial etiam ad liberlatem eorura, oppidum suum mûris et
vallis, et quacumque volueiinl munitione ad libitum suum firmare, sic et
proprios domos. »
(2)« Minas Flandrensium sequuntur ictus percussionum. « Epist. Stepiiam
Tornac. episc. — Recueil des Hisl. de France, t. XIX.
— 418 —
joignant à celte fin la lie du peuple, et finissant par s'en-
treluer pour partager le butin dont ils venaient de dé-
pouiller les infortunés conduits sur leur route par leur
mauvais sort. Du reste, ces troupes, braves et décidées,
se battaient avec un courage héroïque et formaient la pre-
mière infanterie de l'Europe; leurs armes consistaient en
de longues piques, en forme de hallebardes, dont le fer
bien aiguisé avait au milieu un crochet, à l'aide duquel
ils démontaient les meilleurs cavaliers : la bataille de Bou-
vines nous en offre un curieux exemple.
On comprendra sans peine comment les Flamands, avec
ces idées guerroyantes, furent en état de tenir si souvent
en échec et les rois de France, leurs ennemis de prédilec-
tion (i), et les comtes de Flandre, leurs souverains légiti-
mes; car il ne faut pas perdre de vue que les comtes, bien
que gouvernant le pays, n'avaient de puissance militaire
qu'en raison du bon vouloir ou du loisir des villes et des
corporations : les souverains avaient beau promettre ou me-
nacer; les bourgeois se riaient de leurs menaces, comme ils
méprisaient leurs caresses; et ils ne se rendaient jamais
au bon plaisir de leur prince, sans avoir obtenu de sûres
garanties de la sincérité de ses promesses. Les corporations
refusaient-elles de prendre les armes, le comte était obligé
de se soumettre aux caprices souvent insolents de la mul-
titude. Quelle différence avec ce beau pays de France, où
Philippe le Bel est obligé de désarmer sa bourgeoisie; les
malheureux vendent leurs armes pour se nourrir, au lieu
de se lever comme les puissantes corporations de la Flan-
dre et de revendiquer, les armes à la main, le droit inhé-
rent à la nature humaine : celui d'exister.
(1) Dès qu'il s'agit de combattre les Français, ils laissent là leurs anciens
démêlés intérieurs :
Francigenasque
Dura pugnant, vetercs juvat intermittcre pugnas.
— 419 —
Malgré toutes nos recherches, ce n'est qu'à partir de la
hatailie de Groninghe, cette lutte de l'élément démocratique,
contre la nohiesse, que nous commençons à voir luire quel-
ques rayons, hien faibles encore, il est vrai, sur l'organi-
sation militaire des corporations : o Que n'a-t-on pas dit de
cette bataille (i) ! quels subterfuges! quelle mauvaise foi
pour diminuer la gloire de ces vaillants artisans ! des fossés
creusés, puits, trappes couvertes d'herbages, que sais-je?
Mais la chevalerie française était donc aveugle? Ses chefs,
qui brillaient parmi les guerriers les plus illustres, n'a-
vaient donc jamais assisté à un combat? L'histoire a fait
justice de tous ces mensonges, accumulés pour amoindrir
ce triomphe; ce sont les goedendags et les piques flaman-
des, et le courage indomptable qui les animait, qui seuls
décidèrent de cette journée, une des plus sanglantes dont
fasse mention l'histoire. Veut-on un fait d'héroïsme, un
sacrifice à la patrie, de cet amas de canailles, de ces arti-
sans, de ces tisserands, de ces foulons, plus propres au
travail qu'à la guerre, gens de sac et de corde? »
L'armée française, malgré son orgueilleux dédain pour
la plèbe qu'elle combat, n'a jamais olîert un aussi bel
exemple de dévouement à la patrie que celui que nous
allons citer : c'est un trait digne de la plume de PIu-
tarque. Guillaume de Juliers, à la bataille de Mons-en-
Puelle, vaincu, accablé par ses ennemis, succombe; plus
d'espoir de vaincre. Il pourrait cependant se sauver, lui et
ses troupes; mais plutôt la mort : Mourons, amis, en bra-
ves, et montrons que les Flamands préfèrent la mort à l'es-
clavage : la terre que nous foulons est sainte, c'est la terre
de la patrie; et tous, ôtant leurs chaussures, embrassent la
croix de leurs glaives et attendent la mort en combattant :
ils savent mourir, mais non pas se rendre (2).
(1) Lenz, Artcveldn.
(2) Llkz, Traité d'iniquité.
— 420 —
De tout temps, cette énergie frénétique a caractérisé les
Flamands; tous les auteurs s'accordent à reconnaître la
ténacité avec laquelle ce petit peuple a toujours lutté pour
se dérober à l'esclavage : ce fut cette même énergie qui
força Philippe le Bel, après la bataille de Mons-cn-Puelle,
à faire la paix malgré lui; car les Flamands, voyant les
troupes françaises immobiles, fortement retranchées der-
rière leurs remparts, voulaient en finir quand même, et
ils avaient résolu d'aller débusquer l'ennemi, quelque part
qu'il fût, en l'attaquant de nuit. Effrayé de tant d'audace
et craignant l'issue d'un assaut oîi sa cavalerie aurait été
inutile, Philippe se hâta de souscrire à leurs propositions,
tout humiliantes qu'elles étaient pour sa popularité.
V^eut-on un témoignage non équivoque de la bravoure
des corporations flamandes : qu'on recoure à l'histoire des
peuples étrangers, car la nouvelle de la victoire de Gro-
uiughe eut du retentissement dans tous les pays; plus loin
que la Flandre se répandit la renommée de cette bourgeoisie
méprisée, de ces vilains sortant de leur sommeil, de cette
plèbe luttant contre la première chevalerie du monde, n'ayant
à opposer aux glaives des chevaliers que leurs poitrines à
demi-nues, mais où battait un cœur patriotique et toujours
prêt à se sacrifier pour la liberté de la patrie, n'ayant d'au-
tres cuirasses à opposer aux lances ennemies que leur jusle-
au-corps de travail, et à leur dédain, qu'un courage in-
domptable qui, méprisant le danger, les menait presque
toujours à la victoire.
Partout, de la cour des rois au simple caslel de l'écuyer,
du manoir du haut baron au donjon du chevalier, on se
demandait : Quelle est donc celte bourgeoisie qui vient d'a-
battre en un jour le prestige de la noblesse? Qui donc sont
ces braves? La bataille est perdue, messire; trois mille épe-
rons d'or jonchent la plaine, toute la France est en deuil.
« Personne, dit un gentilhomme de Styrie, n'a pu m'en-
— 421 —
» seigner la tactique des Flamands; un chevalier qui a as-
» sisté à cette journée, m'a dit que les bourgeois ne lui
» avaient guère laissé le temps d'observer leur manière de
» combattre ni leur ordre de bataille. »
Réunis à Bruxelles, les princes d'au-delà du Rhin rendent
une justice tout aussi éclatante à la valeur de ces soldats
citoyens; ils conseillent à leur allié, Edouard III, de pren-
dre à son service et de se concilier l'infanterie flamande,
la première du monde, et la seule qui puisse l'aider à
vaincre.
Après tant de témoignages, devons-nous admettre aveu-
glément et sans contrôle ce que les écrivains français nous
disent des redoutables bataillons communaux? Quand on
voit les hauts faits de ces corporations, peut-on s'imaginer
qu'aucune organisation militaire ne présidât à leur forma-
tion? C'est cependant ce que l'on a voulu faire accroire à
l'Europe entière : il serait plus que surprenant, il serait
incompréhensible, qu'un tas de canailles, comme dans son
superbe dédain féodal les traitait le comte d'Artois, eût
réussi à vaincre la chevalerie française, si un accord par-
fait n'eût existé entre eux et s'ils n'eussent été soumis à
une organisation militaire bien entendue.
Trente ans après la bataille de Groninghe, les corpora-
tions présentent une organisation militaire portée à un tel
point de perfection, qu'elles ne laissent rien à envier à celle
de l'époque actuelle. Une escarmouche, l'assaut d'une ville,
la prise d'une forteresse, d'un camp, peuvent être opérés
avec succès par une populace en désordre, qui a pour elle
le cœur et l'énergie; mais nos corporations, nos armées
communales demandaient aux rois de France autre chose
que des combats partiels : elles demandaient bataille; elles
ne s'enfermaient point dans des retranchements, elles mar-
chaient fièrement, bannières déployées, en rase campagne
et venaient jeter un défi à la chevalerie et à la noblesse.
42b2
Dans la guerre avec Philippe le Bel, nos bourgeois lui en-
voient un carfel ; ils brûlent du désir de livrer bataille, et
ils demandent le combat : le roi de France refuse, il n'ose
affronter ces redoutables milices flamandes. « Les Flamands
«brûlent de livrer bataille ; ils sont impatients de com-
» battre, ils désirent tant avoir la guerre. Décrivait l'àme
damnée de Philippe, Enguerrand de Marigny, à son con-
fident, Simon de Pise (1313), « mais ils ne l'auront pas. »
Cultivé au plus haut point, l'art de la guerre avait
fait des progrès notables parmi cette bourgeoisie remuante
et batailleuse du moyen-âge, dans ces tourbillons de luttes
continuelles, incessantes, des corporations des diverses
villes contre leurs souverains (ou contre les rois de
France, leur ennemis naturels), toujours prêts à biffer de
la pointe de leurs glaives les privilèges qu'ils venaient
d'accorder à leurs sujets, au prix de l'or ou de leur sang.
Ceux-ci, à leur tour, exploitaient les vices ou les pro-
digalités de leurs comtes et leur faisaient payer, souvent
au prix de leur honneur, le sang qu'ils versaient sur le
champ de bataille pour satisfaire leur insatiable ambi-
tion; car il est à remarquer que la plupart des guerres
des comtes de Flandre avec leurs sujets eurent pour point
de départ la même cause : d'une part, le manque d'argent
obligeait les comtes à emprunter de leurs sujets, qu'ils
payaient en privilèges; d'autre part, une bourgeoisie fière
et hautaine, rendue insolente par un pouvoir fruit de ses
propres efforts, revendiquait à main armée l'exécution et
le maintien de ce que le souverain avait promis; mais
celui-ci, une fois que la somme consacrée à payer ses fo-
lies était épuisée, voulait déchirer de force la charte qui
portait sa signature et à laquelle appendait le sceau du
comté.
Si l'organisation militaire des corporations était favo-
rable au maintien de Tordre et de la paix (car il est à
— 425 —
remarquer que, dans les luttes communales, la bour-
geoisie ne tenait à détruire ni l'aristocratie, qui presque
toujours partageait ses luttes, ni le pouvoir du comte, au-
quel en sujets soumis les bourgeois concédaient la supé-
riorité), elles ne souffraient point non plus qu'on louchât à
leurs prérogatives; et si le peuple voulait être libre, ce
n'était qu'à l'ombre du trône de ses souverains : d'un autre
côté, cette organisation portait en elle-même tous les élé-
ments de la désunion et du désordre; car elle donnait trop
de pouvoir et de force au peuple, à une classe nombreuse
de citoyens, pour ne pas manquer le but de sa constitution.
Elle produisit bientôt des résultats funestes, qui amenèrent
rapidement sa dissolution; la haine et la jalousie divisèrent
les chefs de ces compagnies d'artisans qui voulaient gou-
verner la cité; l'arrogance s'empara des suppôts, l'esprit de
domination s'introduisit dans les différents corps de mé-
tiers : chacun voulut être maître et commander, personne
ne se soumit à l'obéissance, et quand par hasard on s'en-
tendait, c'était pour se révolter contre le prince ou contre
le magistrat. Lorsque l'anarchie et le désordre furent par-
venus à leur plus haut période, ces corporations unirent,
comme finissent toutes les démagogies, par le meurtre
et l'assassinat. Nous parlerons ailleurs des combats san-
glants que se livrèrent les divers métiers pour conserver
la suprématie (i).
Ce fut à l'infanterie que les communes flamandes furent
redevables de leurs succès au XIII"^ siècle; à cette époque
elle n'étaitguère connue qu'en Italie, où l'on désignait ceux
qui faisaient partie de ce corps sous le nom de Condottieri,
assemblage de gens de toute espèce, mais aussi braves dans
le combat qu'avides au pillage, une fois la victoire rem-
portée. Philippe le Bel, après ses revers contre les
(1) Lenz, Artevelde.
— 424 —
communes flamandes, voyant la supériorité de l'infan-
terie sur la cavalerie, se hâta de prendre pour modèle ce
ramassis de canailles qui avait si bien humilié son orgueil,
et il fît venir d'Italie et d'Espagne de nombreuses bandes,
qu'il joignit à sa cavalerie : ce qui constitua ainsi la pre-
mière infanterie française.
Dans la plupart de nos communes, le corps échevinal,
comme aussi les doyens des corporations, était pris parmi
tout ce que la ville olfrait de plus noble, de plus distingué
ou de plus audacieux. Les attributions des échevins étaient
tout autres que celles que leur laisse la pâle organisation
d'aujourd'hui; ils avaient un pouvoir réel, géraient la com-
mune pour le plus grand bien des citoyens, et si parfois
ils firent de l'autocratie, leur règne fut de courte durée et
n'exista tout juste que le temps nécessaire pour faire sentir
au peuple combien est lourd l'esclavage.
Une responsabilité sévère pesait sur chacun des membres
de ces corps, et il n'était point sans danger de se jouer de
l'honneur et des droits des corporations et de la bourgeoisie:
à eux de prévoir les dangers, de prévenir les calamités, à
eux de pourvoir à la défense de la ville (i); tout en un mot,
guerre, finances, politique, était du ressort du banc éche-
vinal et des doyens des métiers. Un revers, une déception,
un combat malheureux, coulait souvent la vie à son au-
teur; les corporations s'assemblaient en armes, on brûlait
la maison du malheureux ou du coupable, et son sang ve-
nait souvent assouvir la rage de la multitude.
(1) 1526, fol. Ixxvij. Item, gaven d'ontfangers de iiij scepenen van de keurr
en van ghedeele van hare soudeyen van xxx weken dat sy lagen s'nachts ter
iiij porten.
155j, fol. XX. Ilem, gaven d'ontfangers Janne van Zomerghem, sceppenc,
die ghequest was in t'occassien van der stede.
134.."), fol. m" xxviij. Item, trocken naer hemlieden (de corporatien) ute
cm hem te volgene doe nicn de gliemeen poort ute gheboodt scepenen Jan
Wiiladc, Glas van den Hende.
— 425 —
Non seulement, en temps de guerre, l'armée menait avec
elle rélile des citoyens, non seulement presque tout le
banc échevinal marchait à sa suite; mais, ce qui plus
est, là où se trouvait l'armée, là était censée être la par-
lie vitale de la commune, ses magistrats et ses lois. Pen-
dant la guerre de Brabant, les corporations furent appelées,
à la mi-août, à procéder au renouvellement annuel du
magistrat, et ce fut sur le champ de bataille que se Crenl
les élections (i).
Chaque corporation avait, outre son doyen, un chef mi-
litaire nommé Beleedere, c'était le dux des anciens; il était
choisi parmi les capitaines les plus hardis et les plus au-
dacieux du métier. Ordinairement, c'était le doyen qui
conduisait les milices au combat; mais, ne pouvant se trou-
ver partout oîi sa présence était nécessaire, il nommait un
officier qui avait sa confiance et celle du métier, et il lui
déléguait ses pouvoirs. Nous n'avons pas trouvé qu'un
autre chef ou beleedere fût nommé lorsque le doyen était
présent; mais celui-ci ajoutait parfois à son titre de doyen,
celui de beleedere (2).
Au XIP siècle, le châtelain avait le commandement
de tous les hommes astreints au service et convoqués
pour l'arrière-han dans toutes les terres du ressort de son
château et qui comprenaient non seulement les vassaux de
la chàtellenie, mais encore les milices. Ce ne fut que plus
tard que la ville de Gand choisit elle-même ses capitaines.
11 est à remarquer que la ville était obligée au service
(1) 1556, f» clxxj. Item, scepenen die doe op onse vrauwe avond ghecoren
waren up tvcll bulen Lenneke, en ontfingen last van den beleeders van der
stede aïs scepenen.
(2) 1344, fol. cxxxiij. Ghegeven den Her Gheeraerde van Denyse, deken
en beleedere van de weve ambachle. — Gbieldolf, Histoire de Flandre, t. Il,
p. 24.
— 426 —
militaire envers le comte. Diericx (i) suppose, d'après le
traité de 1101, imprimé dans Rymer, et d'après les privi-
lèges commerciaux accordés à la ville par les rois d'An-
gleterre durant le XII^ siècle, que dès celle époque, les
troupes de la ville faisaient partie de l'armée du comle.
Cette obligation au service militaire était pour les hommes
libres une suite de l'ancien Heribanmim : de là le erand
nombre de chevaliers que l'on rencontre dans les villes,
à mesure de l'émancipation de leurs anciens sujets. Une
des preuves les plus convaincantes de l'obligation de la
ville au service militaire résulte de cette circonstance
que les rois de France lui firent jurer l'observation de la
paix de Melun, et que les Gantois promirent de ne pas
assister le comle à l'encontre du roi, en cas d'infraction à
la paix. Une autre preuve nous est fournie par l'acte de
garantie que donna la ville de Gand en mars 1257 (2).
Les milices flamandes avaient divers devoirs à remplir
à l'égard du comle : d'abord, il y avait la landwere. Lors-
que le comle de Flandre avait à défendre ses prérogatives
ou se trouvait dans la nécessité de soutenir une guerre
soit contre le roi de France, soit contre un souverain quel-
conque, les bourgeois n'étaient tenus vis-à-vis du comte
qu'à défendre et à garder les frontières. De là l'expression
de landwere, composée de land, pays, et^^?ere, défense (s).
Une guerre était-elle déclarée aux possessions du comte
en Zélande, les Gantois étaient seulement obligés de four-
nir les moyens de transport nécessaires. On lit à cet égard
dans la charte de la princesse Méhault : « Les Gantois ne
sont astreints à aucun service autre que celui du transport.
(1) Diericx, Mémoires sur la ville de Gand, t I, p. 146.
(2) Geldolp, [nlr. de Warnkœ7iig, vol. III.
(3) Dit swerdi onsen ghedeclilen heere goet ende geirouw te sine sine
erfachtighede ende seigneurie, van der païen van der lande van Vlanderen te
houdene ende helpen houde, enz. {Witte7i regisler). Hôtel-de-ville.
— 427 —
Quand le prince aura besoin de leur coopération, il en pré-
viendra les bourgeois quinze jours d'avance, afin qu'on ail
le temps nécessaire pour préparer le bateau. Arrivé dans
la ville même, les bourgeois l'escorteront et le mèneronl
aussi loin qu'on peut naviguer au-delà d'Anvers durant trois
marées hautes et basses. A celte distance, ils attendront à
l'ancre que le prince les rejoigne, et ils le reconduiront par
le même bateau jusque dans la ville de Gand » (i).
La ville de Gand semble avoir été primitivement divisée
en paroisses; en 1514, nous la trouvons organisée par
quartiers (2). Deux corporations dominaient à cette épo-
que : les tisserands et les foulons: il n'est nullement fait
mention des petits métiers, qui ne datent que du temps
où Jacques d'Artevelde divisa la ville en trois catégories
distinctes. Ces quartiers avaient chacun un chef particu-
lier et marchaient sous le commandement direct de cinq
capitaines, nommés par la commune, et agissant en son
nom (3). Les tisserands occupaient dans la ville vingt-
trois quartiers, et les foulons, dix-huit; le reste du peuple
marchait à leur suite. Chaque quartier possédait une ban-
nière en propre (4), et toutes ces bannières portaient pro-
(1) « Gandenses principi suo nullam debent expedilionem nisi navalem :
quà si forte indiguerit, prœsignificabit eis quindecira diebus ante, ut pra;pa-
relur ei Gandavinavissua, ab eis qui eam dejure prœparare tenentur : prin-
cepsque Gandavi navem intrabit, et cum burgensibus navigabit, et ipsi cum
eo, ultra fines Antverpiœ, quantum pep très maris tractus et retraclus po-
terunt navigare. Iliic redilum principis exspectabunt, et princeps cum eis,
et ei cum principe Gandavum usque remeabunt. »
(2) Ik Ketele, den onderbailliu, ende Pieler den Smcd, sinen cnape, en
van xxiij wiken van wevers, ute elken wike eenen man, en van xviij wiken
van volres, ute elken wike eenen man, ende de deken van de scerres en sine
ghezellen die ute voeren naer Sint Dionysiusdag. 1515, fol. xviij v».
(3) 1326, fol. clxiij. Item, belaelt van lange blauwen laken, daer men de
V hooftmanen en haren cnapen talibard af adden te wintere.
(4-) 1514., fol. ccxxxvj vo. Item, van 1 bannieren te maken te volres bouf,
bachten sGeerards duivels steen.
Van eeu bannieren die de volres adden in de nieuwe slraele.
— 428 —
bablemeiit les armoiries ou insignes du métier auquel elles
appartenaient.
A Bruges, une ordonnance de l'an 1296, relative aux
corporations, porte : Chaque individu qui possède moins de
trois cents livres, n'a pas le droit de faire la guerre comme
poorlere, mais est le serf de la corporation à laquelle il
appartient (i).
A Gand, quand tous les métiers étaient réunis, ils mar-
chaient sous la conduite d'un seul chef, désigné par la ville
et que Ton nommait le capitaine des Gantois. Pour obtenir
ce grade ambitionné, il fallait avoir su captiver par quel-
que exploit ou le zèle ardent du patriotisme la bienveillance
ombrageuse des membres les plus influents des divers mé-
tiers. Ces élus appartenaient toujours à l'une ou à l'autre
corporation. — Parmi les capitaines les plus illustres, nous
citerons Gilles Rypegeerste, les Artevelde et Ackerman.
Il était du devoir de chaque homme de courir aux
armes au premier appel du magistrat : ce privilège de se
défendre eux-mêmes, si précieux pour nos ancêtres, était
surveillé d'un œil jaloux par les diverses corporations qui
composaient la cité. Au premier son du tocsin, chacun était
non seulement invité à venir prêter la force de son bras,
mais on prononçait les peines les plus sévères contre qui-
conque ne répondait point à l'appel. Ces appels aux armes
se faisaient quelquefois au son de la trompette, et c'était
le signal ordinairement en usage, la cloche ne servait
qu'en cas de surprise ou de danger pressant (2). Dans le
règlement des ceinturonniers, on trouve : « Quiconque,
lorsqu'il sera fait appel aux armes, soit au marché soit
ailleurs, ne se rendra pas sous sa bannière au premier
signal donné, encourra une amende de 20 escal. paris. »
(1) Gaillaud, Les corporations de Bruges, p. 3.
(2) 1472. Item, bctaelt Matheus Meys, van dat hy reed achlei- de stede
mette trompette, dat hem clc van wapenen vorsien zoude.
— 429 —
Dans une ville aussi militairement organisée que la ville
de Gand, chacun était tenu de posséder des armes (i), bien
qu'il fût sévèrement défendu de sortir armé, sauf pour les
besoins du service. On voit par le règlement des charpen-
tiers, que le guet qu'on faisait en ville était commandé à
lourde rôle; en voici un extrait : Les charpentiers de Gand
se réuniront à la mi-carême pour faire le guet; chacun des
membres du métier viendra un soir, hormis les six jurés,
qui se présenteront trois fois de suite. Quiconque désire
ne point venir au soir indiqué par le doyen ou les jurés,
peut envoyer en son lieu et place, n'importe qui, pourvu
que le remplaçant soit franc charpentier. Tous seront armés
d'un casque blanc, avec une cuirasse ou cotte, d'un plas-
tron ou d'une jaquette à deux housses de mailles, et de
gants blancs (2). En outre, chacun fera en sorte, pour
l'honneur du métier et pour sa propre considération, d'être
armé uniformément; et quiconque ne viendra pas armé
comme il a été dit, encourra, pour chaque soir qu'il man-
quera à l'appel, une amende de douze gros, sauf le cas de
maladie grave, de blessure ou d'absence prouvée pour les
trois soirs, ou bien encore par suite de permission accordée
par le doyen ou les jurés.
Si par hasard une question épineuse se présente, le
doyen et les jurés décideront en dernier ressort.
(1) 1487, loi. i24 r». Item elc van de ghcscllen die ghecoren sijn officier
voor hem van eender hooflwapene, zwerdl, langhe messe of dagglie, die
gheslert zijn te hai-en costen en die niet te costen van hunen gheburen.
(2) 1487, fol. 424 r". Hem ghepublyert dat aile de officiers van butcn, dal
zyliedcn doen maken elc die ghecoren zijn cen v.ittc scabbe van kenincts? of
andre lijnwaedc, en metten eender bende gheluwe ende persch.
1487, fol. 420 r". item betaelt Roelant Gliijs, trompet, ende Licven de
Joncheere, bode, van dat zy ghepublyert bebben dat aile manncn, aiso wcl
van buten als van binnen, bcneden den Ixx jaren en boven den xvij jarcn
lienilieden terslond bereed maken, ghewapenl met boghcn, colveneren ende
pijcken, omnie monstre te docne, terslond als zy vermaend sullcn wordcii...
ÔG
— 450 —
Quiconque aura encouru Tamende, ne pourra travailler
avant de l'avoir payée; et ceux qui travailleront sans l'a-
voir soldée, ne pourront ni voter à la mi-août, ni être élus
jurés, ni faire partie du serment.
Les amendes provenant de ce chef serviront à l'achat
d'armes et d'armures , qui seront mises à la disposition
des membres de la corporation.
Ceux qui ne seront point présents, lorsqu'on sortira de
la maison de la corporation pour faire le guet, ou ceux qui
s'écarteront ou partiront et ne resteront point auprès du
doyen, ou qui ne rentreront point avec le guet à ladite
maison, seront passibles de la même amende (année 141 4).
En temps de guerre, la ville habillait tous les membres
des métiers qui marchaient sous ses bannières; de plus, les
principaux de chaque métier recevaient des équipements
complets. Ces dépenses montaient quelquefois à des som-
mes énormes, et plus d'une fois il arriva que, par suite
de la stagnation des affaires, occasionnée par les guerres
continuelles qu'elle avait à soutenir, la ville n'était point en
état d'équiper ses troupes; alors elle leur remettait plus
tard l'équivalent en argent (i).
L'uniforme était de rigueur dans les corporations ; les
couleurs généralement adoptées par les métiers de Gand
étaient le rouge et le blanc, excepté pour les bouchers, qui
portaient jaune et rouge.
Dans son savant ouvrage, mon ami, M. Félix de Vigne,
(1) Ann. 1345, fol. 239. Teerslen ghaven sy dcn xlij« niannen vandcr we-
verien ende die dcr wevcrlen toebehooren die gheen lakcn en adden : dat
zijn de scercs, vauders, huutslaghers, slrikcrs, geredcrs, tikewevers, linine-
wevers, tapijtwevers
Item ghaven sy den cleenen neringhen die gheen laken en adden lote
xxvij<= personen, etc.
Fol. 274 v». Ilem gavcn dontfanghcrs vj™ ix'' xcvj niannen uten weve
anibachte, ende die licm toebelioorcn, cnde nie allen cleenen neeringhen die
gheen laken te frocken en hadden veijare, clken xxx groele tornois.
— 431 —
nous a dépeint les différentes confréries, ainsi que leurs
costumes; voici la note curieuse qu'il ajoute : « A Bruges,
les costumes de l'armée communale étaient de couleur jau-
ne, grise, bleue, blanche, noire, et blanche à croix rouges.
A Ypres, on avait généralement adopté le vert. Sanderus
nous dit que, vers le milieu du mois de mars de l'an 1302,
Guillaume Jobs, d'Ypres, rassembla une armée composée
d'Yprois et de Furnois pour s'opposer aux troupes royales,
campées près du canal de Saint-Omer; le Jeudi saint, les
Yprois, tous habillés de drap vert, se rendent à Arck,
qu'ils incendient »(i).
Plus d'une fois, nous voyons les corporations adopter
des signes distinctifs, des marques de ralliement. Ainsi,
en 1566, la ville indemnise le métier des tisserands pour
des habits qu'elle n'a pu livrer à temps et qui étaient mar-
quées de griffes (2). C'était à l'époque où la ville était di-
visée en parti national, Clauwaerts, et parti français, Le-
liaerts. Cet article nous démontre clairement de quel côté
penchait le magistrat : c'était celui du peuple, celui de la
force active, celui de l'intérêt de son industrie et de son
commerce.
Un article des plus curieux est le compte-rendu d'une
expédition militaire, qui se trouve dans les archives de
(1) La planche que nous donnons ici, est tirée de l'ouvrage de M. De
Vigne. Elle représente les corporations des boulangers, des poissonniers et
des tondeurs de drap, d'après une peinture murale du X1II« siècle, trouvée
à Gand en 1846.
(2) 1386. Item, betaelt aen de goede lieden van de weverien, van achter-
stellen van frocken mette clauwe.
Item ghaven donlfanghers den goeden lieden uter weverien, Heinric Goet-
halse, Heinricke vandcn Viereweghesceden ende Lieven Rogghemulen; cnde
uter volrien, Heinric vanden Bossce, Macs van Wcstveide ende Rase Ilaec,
ende uten clenen neringhen, Jan van Dronghine, Symoen de Necker, Jan
Colinszone, quamen van Berghine ghesent vanden serjantcn vanJer slcde
die daer laglien, omme hier te volghenc cnde te hebbcne soudcyc cndc frocke,
over hare costc ende pine, Ixxij lib.
— 432 —
Bruges. On sait que toutes les fois qu'une armée rentrait
dans ses foyers, elle recevait de la ville un vêtement neuf
complet (i) : c'est ce qu'on nommait la bien-venue (de wel-
comst). Au départ, si la ville n'équipait pas entièrement ses
troupes, elle les vêlait cependant de manière à ce qu'elles
pussent se présenter convenablement. Dans un des registres
de la ville de Bruges, fol. 21 V, à l'année 1258, le froc,
ou tunique de guerre, est désigné : Pro tunicas ad expedi-
lionem; à l'année 1292, folio 21 , pro sagos ad tunicas
probabilari (2). Dans un compte flamand de 1300 (3), on
trouve cités des soudoyés à cottes blancbes, jaunes, bleues,
grises et noires; ces coites étaient en drap pour les chefs
et les magistrats, et garnies d'orfroi, avec des franges en
or ou en argent (4).
En cas de guerre, les comtes de Flandre envoyaient
ordre de rassembler les milices des diverses villes dépen-
dantes du comté; les communes en agissaient de même
à l'égard de leurs subordonnés. Voici la proclamation pro-
mulguée à son de trompe, dans la ville de Gand, pour
porter aide et secours au duc Jean de Bourgogne (1408,
MSS. de feu M. Lammens) : « Wij schepenen, etc. Ordon-
» neren dat aile de ghene die hun rechts vermeten an de
» vrijhede ende poorterie van der stede van Ghent, die
» buuten sijn, t'sij edele of andere, uutghedaen die nu je-
» ghenwerdelic bi onsen gheduchten heere ende prince syn,
» commen binnen Gend, binnen derden daghe voer schepe-
» nen, ende doen hun teekeneu bi naemen en toenaemen.
(1) CooMANS, Les Communes belges, p. 123.
(2) C'est une preuve non équivoque que dès Tan 1238, les Flamlres avaient
adopté l'uniformité de costumes, du moins pour les cottes d'armes {wapen
frocken) .
(3) Comptes de Bruges, année lôOO, fol. 35. Ilem, betaelt van de soude-
niers metten witten, ghcluwc, blauwe, grise en zwarte frocken.
(4) De VicNE, Recherches historiques, t. I, p. ô6.
iOÙ
» Die de contrarie detle, schepcnen soiiden se daer of cor-
» rigeren bi tijden ende wijieii aiso daer toe ghehoercii
» soude.
»Iteni, dat aile de giiene die oinmesaeten syn ende in de
» casselerije sijn der slede van Gend als stappens ghcrcel-
» scap maken, ende iuin voorzien van engienen, harnaschen
« ende vvaepenen omme le Irekene melter stede van Gend in
» iiulpen ende sccoursen vau onsen ghediichten heere ende
9 prinse so wanneer lii le doen Iieefl, ende ment hun laet
» vvelen. »
L'article suivant nous offre la preuve que chacun était
obligé de se munir d'armes à ses frais :
« Item, dat aile edele ruddere ende cnapen die poorteren
» sijn binnen der stede van Gend commen binnen den ler-
» mijn voorseyl, utghedaen die nu bi onsen gheduchten
» heere ende prince syn , ende haer gereetscepe maken
» omme met den goeden lieden vau der stede te Irecken in
» hulpe van onsen voorseyde heere. »
La première fois que nous trouvions mention de troupes
auxiliaires étrangères, c'est vers l'an lo2G. Les premiers
soudoyés que la ville ait pris à son service, furent des An-
glais; c'étaient des archers à cheval, qui ne recevaient
point de paie régulière, mais qui étaient loués à l'année.
En temps de paix, la commune se contentait de fournir la
nourriture à leurs chevaux, une fois hors de la ville, ils
avaient à pourvoir eux-mêmes à tout ce qui regardait leur
entrelien (i).
Plus tard, en 14-64, nous voyons la ville faire appel à
tous ceux qui veulent suivre sa bannière, non seulement
aux bourgeois de la banlieue, mais à tous indislinclement.
(1) 152G, fol. G8 i-o. Itéra ileii vj zelscullers lliurs (te pecril) lliulpeii hareii
cosle van liareii perden den tijt dat sij in de pooit blevcn ende uiel iite en
voercn clken j gr. sdagcs, xxxv daglien lang, ende als sij utc trocken soen en
ad sij niet, omme dal sij adden iiarre pensiocn, dat comt xxxv lib.
— -454 —
Ce système de recrutement était dans les mœurs de l'épo-
que, et c'était uu excellent moyen de débarrasser la ville
d'un tas de gens sans feu ni lieu, auxquels elle servait de
refuge, gens toujours prêts à piller les habitants comme
les étrangers (i); car à cette époque, comme à toutes les
autres, la commune gantoise accordait asile à tous les op-
primés, quelles que fussent leurs opinions politiques ou
religieuses. Cette grande liberté fut plus d'une fois nui-
sible aux intérêts de la ville; mais les corporations et le
peuple le voulaient ainsi, et devant la décision de la mul-
titude, le magistrat n'avait qu'à incliner la tête et qu'à se
soumettre.
Aussi longtemps que l'élite des corporations et de la
bourgeoisie se trouvait sur le champ de bataille, tous les
citoyens, jusqu'à l'âge de soixante ans, étaient astreints
au service à l'intérieur de la ville. Il est curieux de par-
courir les comptes de la ville à l'époque des guerres avec
l'étranger : on ne peut s'empêcher d'admirer la sollicitude
avec laquelle les magistrats veillent à l'ordre intérieur; aux
jours indiqués, chaque corporation doit fournir son con-
tingent d'hommes pour faire le guet, monter la garde,
veiller à la défense des portes de la ville et des fortifica-
tions. De nos jours, une ville en état de siège ne prendrait
point des précautions plus méticuleuses (2) , et c'est un
intéressant sujet d'étude, que de voir comment dans les
villes du moyen-àge le désordre s'allie à l'ordre intérieur;
une fois la révolte apaisée, celui qui était le maître impo-
sait ses lois aux vaincus, et les premières ordonnances
(1) 1477, fol. 115. Dat aile de ghene die soudeyen willen winnen, hem-
lieden zouden doen scriven onder den hoogbailliu.
(2) 1325, fol. 279 r". Itemghaven dontfanghers xix wiken vander volrien,
die ommeghinghen snachts in de port, omnie de port in rusten ende in payse
toudene, doe de grave van Namen voer te Dornicke ward tote skonings rade
van Vrankerickc, van haerre soudeen, xl lib.
— 43o —
publiées avaient toujours pour but le rétablissement com-
plet de l'ordre et la régularité du service : les haines con-
tinuaient à subsister et couvaient sous la cendre, mais l'or-
dre était rétabli, du moins extérieurement.
L'organisation militaire des corporations à Gand fut
portée à son plus haut degré de perfection sous le règne
de Jacques d'Arlevelde; ce fut lui qui, doué d'un des plus
vastes génies qui aient brillé en Flandre, jugea de son coup-
d'œil d'aigle la puissance que pouvait tirer, de ces nom-
breuses phalanges militaires, l'homme assez entreprenant
pour se les asservir; il comprit tout d'abord les ressources
qu'il pouvait attendre de celte bourgeoisie fière et indomp-
table, se battant pour ses intérêts ou son ambition, tou-
jours prête à tirer le glaive à la moindre infraction faite à
ses privilèges; il exploita à merveille ces tendances guer-
rières dans les luttes qui ensanglantèrent son règne, et
l'organisation militaire qu'il sut introduire dans les cor-
porations était si bien appropriée aux besoins de la com-
mune, qu'elle ne s'éteignit que sous le souffle dévastateur
de Charles-Quint, qui renversa les corporations et leur
organisation agonisante.
Le règne des deux Arlevelde fut l'âge d'or des corpora-
tions; à cette époque, la puissance militaire de Gand était
sans rivale. L'artillerie venait de naître, ce n'était plus
l'adresse et la force corporelle qui allaient décider de l'is-
sue du combat; c'était le nombre de pièces que l'on pouvait
présenter sur le champ de bataille. Louis de iMale, à la ba-
taille de Bevershoutsveld, a pu juger le premier de la révo-
lution qui allait se faire dans les combats : la chevalerie,
le courage individuel allaient céder la place à une organi-
sation militaire basée sur le nombre des pièces de campa-
gne. Les Gantois lâchent sur l'armée brugeoise cinq mille
coups de pierriers, ce qui occasionne sa défaite avant que
l'action soit totalement engagée.
— 456 —
Jacques d'Artevelde, le premier, avait su inspirer aux
corporations ce souffle d'indépendance et de liberté, qui l'in-
spira lui-même dans toutes ses entreprises; conduites par un
mobile plus noble que rintérêt — l'amour de la patrie, —
elles marchèrent au combat avec une précision, une régu-
larité et un enthousiasme qui rappellent les temps antiques.
Philippe d'Artevelde, à son tour, monte à cheval : « Mou-
rons, amis, les armes à la main, et que Dieu nous protège! »
— « Nous prierons pour vous le Dieu des combats, et si
vous mourez, nous mettrons le feu à la ville et nous nous
ensevelirons sous ses ruines, «telle est la réponse des mé-
tiers, et comme un torrent qui a rompu ses digues s'irrite
des obstacles, ils ne s'arrêtent que pour abattre ce qui ose
leur résister. L'année 1379 nous offre un remarquable
exemple de la promptitude de leurs opérations : Un corps
de troupes sort de la ville le 10 septembre; le 11, ils s'em-
parent de Deynze, ils prennent Courtrai et s'y reposent
huit jours, donnent l'assaut à Ypres le 21, et malgré la
résistance héroïque des grands métiers joints à la noblesse,
ils s'emparent de la ville. Ypres conquis, ils soumettent
Dixmude, Furnes, Nieuport, et le Lion de Gand flotte sur
les murs de Bruges, qui reconnaît ses lois. Le 14 décem-
bre, le corps expéditionnaire rentre triomphant dans la
capitale de la Flandre.
Tout est prévu : l'ennemi approche-t-il de la ville, Roland
fait entendre sa voix redoutable et le tocsin appelle aux ar-
mes; les trompettes de la ville (i) assemblent le peuple, et
les doyens des métiers et leurs puissantes corporations
(1) 1537, fol. 183 \o. Van huren van ij paerden die der stede garsoene
liebben omme ghereden, onime tvolc ter coutren te doen commene...
1487, fol. 421. Item betaelt Andrics Gliijs, trompet, ende Lieven de Key-
sere, sergant, van dat zy ghepublyert liebben dat aile niannen benedcn dcii
Ixx jaren ende boven den xvij jaren die van buten incommen zijn, hemlitden
gherecdt makcn also zy dlij'f aventuercn willcn, met boghen, cueluuveren
cude pijcken van xviij vocten lanc...
— 437 —
accourent avec leurs bannières pour prendre en mains la
défense de la ville. C'était une véritable garde nationale,
mais avec une organisation toute militaire et si réiiulière
qu'il ne fallait que peu de temps pour en réunir les élé-
ments : la ville de Gand mil souvent en peu d'heures vingt-
cinq à trente mille hommes sous les armes.
Le peuple gantois était à cette époque une sorte d'hydre à
cent têtes, qui renaissaient à mesure qu'on cherchait à dimi-
nuer sa puissance. En 1302, à la bataille de Groeuinghe,
on comptait huit mille trois cents Gantois; en 1345, dans
une de ces émeutes meurtrières du moyen-âge, il périt au
Marché du Vendredi deux mille foulons ou tisserands. En
1348, plus de neuf mille hommes succombèrent à la san-
glante bataille de Roosebeke, tandis que dans le mémo
temps dix mille autres citoyens assiégeaient Audenarde.
Nonobstant ces massacres, la ville de Gand ne cessa de
s'accroître : ce fut l'effet de l'adroite politique de ses ma-
gistrats, qui offrirent un asile, voire même le droit de bour-
geoisie, à tous les mécontents qui n'osaient compter sur la
parole du prince pour retourner dans leur patrie. Ainsi le
délire qui agitait tous les esprits dans ces temps orageux,
l'amour du brigandage, l'espoir de trouver l'impunité au
milieu d'une populace toujours prête à recourir aux armes,
l'avantage d'exercer son industrie au sein d'une ville qui
dominait toutes les autres, et qui, malgré ses agitations,
laissait à l'artisan une sécurité plus grande que des ha-
meaux sans défense ou des villes trop directement soumises
aux rapines du comte ou de ses courtisans : telles étaient
les sources oîi se renouvelait la population de cette grande
cité.
Chaque corporation savait le nombre de soldats qu'elle
avait à fournir, chaque officier avait sa place marquée d'a-
vance, en cas d'émeute ou d'attaque de l'ennemi; l'une des
corporations est chargée de garder les portes de la ville.
— 458 —
une autre garnit les remparts (i); le roi des Ribauds, dé-
ployant son drapeau de toile grossière, image impertinente
de l'étendard souverain, marche à la tète des engins de
guerre, et tout cet attirail se déploie et se place sans dé-
sordre : l'on croirait une garnison de nos villes modernes
prenant les armes, et non une ville composée de mar-
chands et de bourgeois.
Jamais guerre ne fut plus populaire en Flandre que
celle entreprise par Jacques d'Artevelde; d'abord, c'était
contre les Français, ces éternels ennemis du peuple flamand,
et puis c'était pour l'Angleterre, c'était pour Edouard III
qu'on allait combattre : l'Angleterre, c'était le pain quoti-
dien des Gantois, c'était leur vie, leur commerce; Edouard
était le souverain protecteur de leurs privilèges, leur sou-
tien, le représentant de leur liberté, l'ami de leur idole,
Jacques d'Artevelde.
Une guerre entreprise sous de pareils auspices ne pou-
vait manquer de plaire : aux actions d'un peuple, on juge
de ses sympathies; non seulement chaque corporation s'im-
pose des contributions (2), mais la noblesse, la bourgeoisie
(1) 1337, fol. 187 \°. Item was geordinert dal Ixxij cnapen waken souden
ute aile ambachten...
1528, fol. 238 i». Item, den xxv scerewetters die snachls waecten ten
vesten ende quamen smorgins tilike ter caulren ende stonden daer ghe-
wapent...
(2) 1333, p. 79. Oiitfanghen van de wevericn thulpen van den oorloglie
vor xij daghe van den procliie van St-Jans, bi der hand van Jans van Stalle
en Jans van der Hoyen, xxxij lib. gr.
Van den prochle van St-Pieters, by der hand van Lievin van Westvoorde
en Livinus van Waes, xix lib. gr.
Van de prochie van St-Niclaus en bi der hand van Micliiels Wiltere en
Gillis Dieder, iiij lib. gr.
Van de prochie van St-Michiels, bi der hand van Jacop van Wackine, Jans
Groelcn Jans van Lacrne, ut beide costerie, xxxiij lib.
Van St-Jacops et St-Bavo, bi der hand van Joos van Waes en Jans de
Backere, xv 11b. gr.
— 439 —
et les couvents se cotisent, afin de soutenir avec honneur
cette guerre entreprise pour leur commerce et leur liberté.
Dans les comptes de la ville, nous voyous les dames
mêmes, les nobles comme les roturières, payer contribution
pour venir en aide à la commune (i).
Le siège de Tournai nous offre un désintéressement plus
rare encore : les bourgeois renoncent à recevoir la solde
qui leur est due par la ville, et se contentent d'une paie
très-légère, tout au plus suffisante pour leurs besoins jour-
ualiers. « Et sachant que la ville ne peut leur payer la solde
entière, vu le pressant besoin où elle se trouve, ils se con-
tentent de 5 gros chacun «(a). Le chirurgien qui marche
à la suite de nos corporations, refuse de même toute rému-
nération de ses services, et la ville lui alloue une somme
pour le remercier de ce qu'il n'a voulu recevoir d'argent
d'aucun de ses concitoyens, riches ou pauvres, blessés ou
malades (s).
Si la ville prenait grand soin du bien-être des citoyens,
(1) 1514, fol. H r". Onlfaen van dcn ghenen die ulpen daden ter ervard
daer nien was te Curterike ende vor Ricele.
Suivent les noms des contribuables, parmi lesquels figurent 39 femmes.
(2) lo-iO, fol. 231 v». Item gaven den v™ c ende xxxix van den goedcn
lieden uten alien neeringhen die ghenomen waren aise serjante te ligglienc
voer Dornike, dats te wetene uten goeden lieden van den weve ambaclite
xviijc man, ende uten goeden lieden van der volrien vij" man, ende uten
goeden lieden van allen cleenen neeringhen xxj<= en xxxix man, elken v s. gr.
torn. — Ende daermede scolden sy de stede quite van haerre saudeyen die
vêle meer ghedreghen soude hebben, omme dat sy saghen den groeten nood
en commer daer de stede in was, dat sy wilden helpen draghen ende vcrlich-
ten metten haren, nochtan namen sy dit gheerne ende vriendcleke len
tween waerven.
(3) 1540, fol. 231 V». Item gaven sy meesier Aernoude van den Leene, der
stede surgien. over den goedertierleken ghclrouwen dienst die hy jonstelcke
met grooter pinen dede an de ghequetste ende gewondde van onsen poorters
die uten hère brocht waren ghequetst ende ghewondt, beede rike ende aerme,
en over de goeden ghetrouwen dienst die Jan, sijn cnapc, dede in sincn
name in de zelve oflicic, daer hy van nicmcnc noit ghclt af en nam...
— 440 —
les corporations, elles aussi, avaient appelé la sollicitude
du législateur sur le sort des veuves et orphelins que les
malheurs de la guerre eussent laissés sans soutien. Nous
trouvons un témoignage de cette prévoyance paternelle dans
le livre des tisseurs de tapis, de Tan looO :« S'il arrive
qu'un homme du métier, maître ou apprenti, soit tué en
marchant à la suite du comte de Flandre, ou au service
de la ville, ce dont Dieu veuille nous préserver, ses enfants
mâles seront exemptés de l'apprentissage et admis en la
la place du père »(i).
Les corporations étaient exercées aux armes par les
doyens des divers métiers; de plus, l'un des échevins était
spécialement chargé de tout ce qui touchait de près ou de
loin à l'art de la guerre; il avait un pouvoir absolu, et qui-
conque se refusait au service militaire encourait non seule-
ment de fortes amendes, mais, en cas de résistance ou de
rébellion, les échevins avaient le droit de lui reprendre la
bourgeoisie.
Une des principales forces militaires de la ville, c'étaient
les confréries ou gildes; les deux principales étaient celle
de Saint-Georges et celle de Saint-Sébastien; la première
était composée de l'élite des citoyens et avait des préroga-
tives toutes seigneuriales. La gilde de Saint-Georges avait
le pas sur tous les métiers et marchait au même rang que
la bannière du comte et l'étendard de la ville. Voici ce que
nous en dit M. De Vigne, ainsi que des pénalités qu'encou-
raient ceux qui contrevenaient à leurs prérogatives : « Que
personne ne campe, qu'il soit noble ou non, devant la ban-
nière de Saint-Georges, du comte de Flandre ou de la ville
(1) Tapijlwevers boek, aiino 1530. Item voort, waert soe dat eenich maii
van den voorseiden ambochte, ware hy meestere of cnape, ende quamc van
lève 1er doot, om 's heeren orloghe van den lande of mctter stede van Gliend,
dics God verden mode, dat harc kindere van manhoofdcn wareu vrij mids
den doot van harcn vadere, ghelijc dat de vader gliewcyst hadde.
— 441 —
(le Gand; celui qui fera le contraire, quel qu'il soit, sera
exposé pendant un jour devant le logis du capitaine, avec
les poucettes aux doigts. »
La ville de Gand encourageait de toutes façons Texercice
des armes; elle donnait des prix aux rjildcs, les comblait
d'honneurs, mettait à leur disposition ses hôtels, ses places
publiques, s'intéressait à elles et leur allouait des subsides.
En 1330, les échevins de Gand accordèrent aux archers
un subside pour donner plus de solennité à leurs fêles,
ainsi que pour le dîner qu'ils offrirent à la Halle au comte
de Flandre et aux échevins (i).
Ce n'est qu'en 1488 que nous voyons pour la première
fois une société d'arquebusiers régulièrement organisée; la
ville, pour les encourager à s'exercer au tir de la cible,
accorde à chaque confrère trois coups de poudre à tirer (a).
Nous arrivons insensiblement à l'armement, aux engins
de guerre des corporations; chaque métier possédait de
ces machines qui lui appartenaient en propre; mais la plu-
part étaient la propriété de la commune. Au siège d'Alost,
(1) 1330, fol. 16 i">. Hem gbaven donfangers der selscutters van Ghcnt
tulpen liaeiTC feestcn dacrsi ghaveii tetene in dalle te Ghent, Minen hcere
van Vlaendren, beeden sinen bailliuen ende dat daertoe beboord, scepenen,
raet ende die hem toeboeren...
Ibid. En van scakemente die nietden liebard scoet en dat daer toe beboort,
en van de taffelcn en seragen le maken en le gberedene, onder dalle, daer mon
le feeste sat.
(2) Ilem, betaelt len beveelne van scepenen, den guide broeders van dcn
guide van den Culoveriers, onlancx leden opgbeslelt binnen deser slede, le
wetene : den dysenier van dal hy aile sondaglie alst hem niclten zyncn ghc-
bueren zal métier culevere te schietene, ende van dat hy elken van zyneu
ghesellen ghelevert heeft drie schoten busi)Ours, hem daer voeren toeghelegl
xij gr. ende omme naer dat zy ghescholen bebben aile sondaghe, ende den
ghesellen recreaciemet eleandre le bebbene, daer vooren toegbeleyt xviijgr.,
comt ij se. vj d. gr. de wcke, begbinnende den x» dach van ougsle Ixxxix,
onde houdende melten xiiij" van ougsle xc, comt vj lib. xij se. d. gr.
{Compte de la ville de Gand, 1488-90, fol. 191 v«).
- U^2 —
en 1335, nous trouvons pour la première fois une descrip-
tion, très-concise il est vrai, des engins que possédait la
ville : c'étaient des arcs à rouet (i), des arcs simples, des
engins sans description plus ample; une seule exception
est faite cependant pour le grand arc de la ville, qui devait
être d'une dimension énorme, puisqu'il ne fallait pas moins
de six hommes pour le diriger et de trois chevaux pour
le conduire; de plus, il y avait des espringales, sortes de
cuillers en bois, que l'on tendait et qui lançaient des
pierres. Les ingénieurs sont en outre pourvus de fallots
pour monter la garde à leurs machines, qui, comme l'on
voit, n'ont rien d'exceptionnel ni de curieux, et ressemblent
à tous les engins employés à celte époque par les nations
voisines.
Déjà au XIP siècle, les Gantois excellaient dans l'art
des sièges : dans la vie de Charles le Bon, Gualbert, ra-
contant que les Gantois accourent pour venger leur comte,
ajoute : « Ces gens sont admirables par l'art qu'ils ont de
diriger les sièges. » Nous voyons que la célébrité militaire
des Gantois date de loin, et peu de peuples peuvent lutter
d'ancienneté, sous ce rapport, avec nos bourgeois.
Le XIV* siècle venait de luire, l'artillerie de campagne
et de siège allait naître et changer tout d'un coup l'orga-
nisation militaire et la manière de combattre; la ville de
Gand fut, sinon la première, du moins une des premières
qui firent usage de l'artillerie. Nous allons en peu de mots
prouver ce que nous venons d'avancer, appuyé sur des
témoignages irrécusables.
Trois savants ont particulièrement travaillé à rehausser
la gloire militaire de nos anciennes communes : MM. le
(1) 1333, fol. 144 v». Item van iij parden te beslaene ende van coste die
de parde ende waghenccrcn daden, dacr meester Boidin de Bogmakrc de
boglie van der stede mede voerde tAclst...
— 445 —
général Renard, le colonel Guillaume et le chanoine De
Smet. Ce dernier publia, en 1835, une notice sur le grand
canon de Gand; il proOla de cette circonstance pour ex-
ploiter un sujet qui n'avait été effleuré que par de rares
écrivains : l'organisation de l'artillerie au nioyen-àgc. Mal-
heureusement ses nombreuses occupations ne lui laissèrent
point le temps de pénétrer au vif de la question, et il se
contenta de glaner ce qu'il put dans quelques manuscrits,
et n'eut point le loisir de consulter les comptes de la ville,
cette base, ce point de départ obligé de tous les historiens
qui un jour entreprendront d'écrire l'histoire de notre glo-
rieuse patrie. Un savant distingué, M. le professeur Lenz,
avait, lui, consulté les comptes de la ville pour son histoire,
malheureusement inédite, du règne des deux Artevelde, et
nous ne savons pas comment il se fait que l'article de 1341
ait échappé aux savantes recherches et aux investigations
du patient professeur. Depuis lors, nous avons pu puiser
à des sources que ces deux savants n'ont point eues à leur
disposition, et que par conséquent ils n'ont pu connaître :
des registres de corporations nous ont été communiqués;
des comptes particuliers, disparus dans des papiers de
rebut, ont été découverts, et bien que presque tous fussent
de très-peu d'importance, nous nous en sommes servi cha-
que fois que l'occasion favorable s'est présentée, pour rendre
notre travail plus clair et plus complet.
Nous ne discuterons point ici la question de savoir quand
et par qui la poudre fut inventée, ni quel est le peuple qui
le premier s'en est servi ; le cadre que nous nous sommes
tracé, celui de l'organisation militaire à Gand, ne comporte
guère une pareille discussion.
Il est généralement admis que ce fut à la bataille de
Crécy, en 1346, que pour la première fois on fit usage de
l'artillerie; nous venons, nous Gantois, nous inscrire en
faux contre la prétention de nos voisins de France. M. le
— 444 —
professeur Lenz cite l'artillerie comme ayant été employée
la première fois à Gaiid en 1347, par un capitaine, nommé
Van Rypegeerste; notre savant concitoyen verse dans une
erreur profonde : nous poussons nos prétentions beaucoup
plus loin encore, car non seulement nous venons réclamer
pour la ville de Gand Thonneur de s'être servie de l'ar-
tillerie en 1341, cinq années avant la bataille de Crécy;
mais, ce qui plus est, nous sommes prêts à prouver que les
corporations faisaient forger à cette époque des armes à
feu, des ribaudequins. « Anno 1541. Payé à ceux du mé-
tier, les ribaudequins qu'ils faisaient faire dans leurs quar-
tiers ))(i).
Froissart a parfaitement décrit les ribaudequins en ces
termes : « Iceux ribaudequins sont trois ou quatre petits
» canons, rangés de front sur de hautes charettes en ma-
» nière de brouettes, devant sur deux ou quatre roues bar-
»dées de fer, atout longues piques de fer devant en la
» pointe. » C'est la description exacte que nous pourrions faire
de ces mêmes armes: c'étaient des charrettes, des brouettes.
En 1411, nous trouvons :« Payé pour les brancards, les
essieux et les roues de six ribaudequins »(2). C'était donc,
si nous comprenons bien ce passage, une brouette ou chariot
avec des brancards, sur lesquels étaient rangés de front
six ribaudequins. En 1479, il est fait mention d'arque-
buses montées sur des roues. En 1455, la ville paie les
roues qu'elle avait fait construire pour les nouveaux ri-
baudequins. En 1565, la ville fait elle-même faire des
canons (s). En 1411, la ville possédait déjà de la grosse
(1) 1341, fol. 321 V". Ilem [betaelt] van haren ribacudekinen die sy in
liarc wike niaken daden.
(2) 1411, fol. 31 G. Item betaelt van trerayen metten assen, ende vvielen te
zesse rybaudekincn.
(3) 13()3, fol. ccix. Van den donderbussen di hi dor stcde maecte.
— 445 —
artillerie (t), et à dater de celle époque, des fonds sont
alloués annuellement, soit pour faire forger des armes à
feu, soit pour en acquérir. La même année 1411, Jac-
ques Van Zèle reçoit une rétribution de la ville pour
avoir transporté de Gand à Douai les ribaudcquins de la
ville et ceux du métier des tisserands, ainsi que la grosse
bombarde et d'autres objets de grand poids (2). En 1381,
on construisait les engins de guerre à l'abbaye de Saint-
Pierre (3); nous avons lieu de croire qu'ici le mol engin
doit s'interpréter par artillerie, car il est fait mention de
l'abbaye de Saint-Pierre comme servant de dépôt en 1415,
année sous laquelle on lit dans les comptes de la ville :
« Payé à Baudouin Van Lokeren pour avoir fait de la
poudre à canon {donderbus poeder), pour l'avoir pesée e(
pour transport d'engins à Saint-Pierre b(4).
(1) 14H, fol. 316 vo. Item van der groeter biissen te voerne ten Stccn-
tlamme ende weder te bringhene doe mense proiifde.
14-11, fol. 517 V". Item se syn ghemaect vj nieuwe rybaudekine, die
costen van haute, van spierschen berdren, van moruwe berdren, van over-
slaghen vau culieren van ysere, van naglen, van hantgliedade ende vort van
dat gheleit es ant Beelfroet.,.
14H, fol. 317 v». Item meester Boudiné van Lake, van iij nieuwen carae-
ren te makene ten iij steenbussen, wegliende c pont, ele pont iiij groten;
van eenen bande an een steenbusse, xxv groten, van Ix haken te vcrmakcne
ende versteelne, iij sch. groten, van yserin dievels van hemers, blaesbal-
ghcn, vierpannen; van donderbusloede te vergliietene ende van andren di-
veerssen cleenen dinghen die hy meer ghelcvert heeft ten cngicnen...
1 435, fol. 40 v. Betaelt van den wielen te makene an de nieuwe rebaudekinc.
1431, fol. 221 v». Den voghelaer met lamoene.
1451, fol. 223 v». Item [betaelt] van menichlen van bussesteenen... glie-
daen maken te Heesseghem...
1479, fol. 127 v». Item xxiiij haecbussen up vvyelen.
(2) 1411, p. 519. Item [betaelt] Jacoppe van Zcle, van vrachtc dat hy
voerde van Ghent te Duway, de rybaudekine van der stede van den neerin-
ghen van der weverien, en van taergen ghescut de grote bombare ende vele
steenen ende ander zwaer dinc.
(3) 1581, fol. 252 V». Item [betaelt] van den engienen die men maecte
sente Pieters, in den cloestre.
(4) 1413, fol. 22 v". Item, betaelt Boudeyn van Lokeren van donderbus
poeder te maken, te wegen en van de engincn te voercn Sl-Pictcrs.
37
— -446 —
Il est assez curieux de remarquer que l'abbaye de Saint-
Pierre, cette maison du Seigneur, servait d'arsenal à la
ville; mais, à celte époque, le peuple et les moines ne fai-
saient qu'un; les maux du peuple, les moines les soula-
geaient; car, si eux aussi partageaient sa gloire ou son
triomphe, ils partageaient de même ses revers et ses dé-
sastres.
La première fois que nous trouvons le mot artillerie em-
ployé en flamand, c'est en l'an 1433 : cette année, la ville
achète de maître Roland Guyson, de Valencienncs, un ca-
non pour lancer des boulets de fer (i); en 1476 et 1482,
subsides pour des balles en plomb, des moules pour les
boulets et les balles (2).
L'époque où l'on a commencé à fabriquer de la poudre
à Gand, nous est inconnue; ce n'est qu'en 1414 que nous
voyons figurer pour la première fois des frais faits pour
acheter du soufre et du salpêtre : « Payé pour 11 tonneaux
de salpêtre mesure de Hambourg et pour une mesure
de bois de tilleul «(sj. Même compte, année 1415 : a Pour
avoir broyé du soufre et du salpêtre pour faire de la
poudre » (4).
(1) 143S, fol. iO. Ghecocht jeghen mecster Coelaerdc Goyson, te Valent-
chine, ecne busse omme yscrin cloeten nieile le schietene.
(2) 1-476, fol. 286 v». Item betaelt Diedcric van don Ilove van vier eeriii
beckenen wcghcnde tsesticli pont,... ende van eenen ketele,... al ghecocht ter
vooi'seyde stede bchouf omine die te orbuerne int maken bussepoedere ende
andersins.
1476, fol. 287. Betaelt voor xxxj steenen loots, daer hy af ghegoten heeft
zeekere nienichte van loode van diversche groote, dienende ter couleuvri-
nen ende bussen.
1482, fol. 161. Betaelt... van eender niotalen vooi-me te makene omme
lood daerinne te gliietene, diennende toot divcerssche cherpentynen.
(3) 1414, fol. 49. Dit syn de coslen die ghedaen syn an de engiene ende
gliescuttc.
Item van ij amborghenen tonncn salpcters, die ghecocht waren te Brugghe,
niettcn costen van haelne, van bringhcne ende up dcn zoldere te doene.
Item, van viij alstcr lindecolen.
(4) 1415, fol. 154 v. Item mcesler Boudyn van Lake van salpêtre,
— 447 —
Au XV'= siècle, l'artillerie gantoise avait fait un pas sur-
prenant : rien ne manque plus à son organisation, elle a
ses chefs artilleurs, ses ofliciers, qui, pour se distinguer
de l'infanterie, portent sur leur habit le signe dislinclif de
leur arme (i). Toujours satiriques, les Gantois avaient
baptisé leurs canons, tantôt d'après les services qu'ils en
avaient tirés, tantôt d'un nom populaire, qui sait, quelque-
fois d'un nom-propre peut-être? Notre grand canon ne
s'appelle-t-il pas Marguerite l'Enragée? Nous trouvons, de
plus, des pièces nommées l'Ours, Pierrot, Leybaert ou le
Léopard, etc. C'est en 1472 que nous trouvons la première
mention du grand canon avec son nom populaire de Mar-
guerite : « Payé pour livraison d'un grand orme, sur lequel
on plaça un canon appelé la grande Marguerite » (2). Il
nous paraît indubitable qu'il est ici mention de notre
fameuse bombarde, l'Enragée; cette pièce était aussi nom-
mée le Diable rouge, parce qu'elle était peinte de cette
couleur (3). Il paraît que ce dernier usage était général
à cette époque, car la ville fait peindre tous ses engins de
guerre (4) : « Payé à Licvin Van den Bossche, peintre, poui'
repeindre les engins de la ville avec de la peinture à l'huile
rouge, à savoir : 220 arquebuses, quelques-unes montées
sulfer, lindecolen ende andrc substancie te stampene, dacr dondcrbuspocdcr
af ghemaect was.
(1) 1451, fol. 212. Betaelt Ghilselbrcclil Moeraert, goudsmct, van dcr
fantsoene van viij zclverin dondeibussen te makenc, omme de viij busmccs-
ters, die zy draghen up liaer liabyten.
(2) 1476, fol. 274 V. Betaelt... van zekere leveiingbe van boule, etc.,
ende van eenen groolcn bollera, daer eene busse gbebcetcn de groote Griete,
ende andre engienen van der stede inné gbelcyt waren.
(3) 1422, fol. 5G. Gcgeven van den busse te vernissyne.
(4) 1479, fol. 127 V. Item betaelt... Lievin Vandenbossebc, scbildcrc, van
den engienen van dezer vorseide stede, te vcrsebildcne met olyveeruwcn rool
te wetene : ijt^ xxv baecbussen rom in bout beslcgben. Item, xv liaecbussen
met landtliicinen, elke bcbbende drie cameren. Item xlj baecbussen up sgra-
gben liggende. Item xxiiij baecbussen up wyclen. Item xix vuegbclcers...
Item XV groote scrpcntynen. Item liij groote basson vucgbeleers ende andere...
— 448 —
en bois; des arquebuses ayant chacune trois chambres;
item, 41 arquebuses reposant sur des étaux; item, 24 ar-
quebuses sur roues; 19 fauconneaux; item, 11 grands ser-
penteaux; 52 grands canons. »
Non seulement la ville avait son artillerie, mais les
métiers possédaient la leur. Le grand métier des tisse-
rands avait un arsenal où il déposait ses engins de guerre,
sa poudre et ses armes de réserve; mais ce grand métier
n'était pas le seul qui possédât en propre des canons : en
14-52, la ville indemnise la corporation des boulangers,
pour la perle qu'elle a faite d'un ribaudequin au siège
d'Audenarde(i); nous voyons de même les couvreurs four-
nir les échelles pour l'assaut d'Audenarde (2). En 1456, la
ville achète de Seger-Jacques Van den Damme, doyen des
teinturiers en bleu, un fauconneau en métal (s).
Nous devons à l'obligeance de noire savant ami, M. Goet-
ghebuer, la planche ci-jointe, extraite de sa précieuse col-
lection. On ignore à quelle époque remonte la construction
du local dit des Bigarden : au commencement du XIV*" siè-
cle, la ville en disposa en faveur d'un ordre religieux,
nommé les Bigarden ou Bogarden. Déjà antérieurement,
la ville s'en était servie comme arsenal, « voor de engienen
in te legghen. » Nous sommes tout-à-fait de l'avis de notre
savant concitoyen, M. V^an Lokeren, que tout fait supposer
que primitivement ces bâtiments avaient appartenu aux tis-
serands, bien que nous n'ayons aucune preuve historique
à l'appui de notre opinion; nous ferons seulement remar-
(1) 1452, fol. 326 v". Hem Jaune Vlieghen, van eenen rebaude cnde Iwee
taergen toebehoorende der neeringlien van de backers, die verloren bleven
in de reyse van Audenaerde...
(2) 1451, fol. 223 V». Ilcm overglicgheven by den dekin van den ticliel-
deekers, van den coste van leeren bleven voor Audenaerde...
(3) 1436, fol. 108. Item ghecochl jcglien Jacop van den Damme, deken van
den blauwers, eenen molalenen vogheleere, weeght iij» Ixiij lib...
— 449 —
quer que presque toutes les révoltes, séditions, prises d'ar-
mes, si elles ne se passaient point au Caiitcr, avaient lieu
aux Bigarden. Une immense plaine, qui s'étendait jusqu'à
l'église de Sainl-iMichel, devait être très-favorable aux ras-
semblements.
Charles-Quint, dans son ordonnance, rappela que a c'était
surtout aux Bogarden que s'étaient rassemblés les séditieux
et les révoltés. » On vendit ensuite tout le local, qui fut
racheté par les tisserands; mais on abattit la tour, selon
l'ordre de l'Empereur.
Si les Gantois étaient turbulents, séditieux, pleins de
mépris même pour leurs souverains, s'ils ne les respec-
taient que pour autant que leurs comtes les traitassent avec
humanité, il faut aussi leur rendre cette justice, qu'ils
furent toujours des premiers à venir à leur secours, mettant
à leur disposition et leurs bras et leurs bourses. Louis
de Nevers est fait prisonnier à Nicopolis; tout aussitôt les
Gantois se taxent eux-mêmes, s'inscrivent pour sa rançon,
et une somme de cinquante mille florins est mise à sa dis-
position : une nouvelle croisade se prêche, les Gantois se
hâtent d'y contribuer pour une large part (i); ce qui fait
(1) Stads rekening, li^i-^G, fol. 96 v". — Item, onse hai'dc geduechte
heere ende prince heeft te diverschen stonden versochl in zinen princelykcn
persoon ende doen versoucken an allen zynen landen, neglicene uuleglieson-
dert, hulpe ende secours te liebbene omnie te lielpen wcderstanc de heydene
Turcken, die met huerer cracht vercreglien liebben diversclie lanscepen van
den kerstenrycke ende die ghedestrueert ende vcle kerstiins bloets doen stur-
ten, dat zeere te claghene es ende noch vêle nieer gheschepcn warcn te docnc
up dat zij by der gracie Gods niet wederstaen en worden, omme vvelker
zaken wille aile de landen van den vornomden onzen harden gheducliten licere
ende elc lant zonderlinghe aensiende de goedc meeuinghc van den vornoeni-
den onzen gheduchten heere bem tocgheleyt bebben groote somnicn van pen-
ninghen, van den welken hy alsnu groote menichte bekeert ende ghesonden
heeft, omme de voorseide Turcken te wederstane, raids dat hy om der reyzo
willevan Utrecht ende anderen zynen grooten noolsinnen, in pcrsone aliuich
daerwacrt uiet en heeft moghen trecken, welc versouc de voornomdc onze
450 —
dire à notre savant historiographe Meyer, que jamais les
Flamands ne refusèrent d'aider leurs souverains, quand il
s'agissait de la gloire et de l'honneur de l'État.
liarde gheduchte heere heeft ooc gliedaen in persone an ziin lanl van Vlaen-
dren te diverschen ij'den, an t'zelve vcrzouckende te hebbene zesse hondcrt
mannen van wapenen ende neghen hondcrt arcliiers Isiaers, also langhc aïs
liij uut wezen zoude, ende want scepcnen meer herlelic begheerendc zijn alst
recht es, dat de zelve onze gheduchte heere haerwaerts overe blyft, ten be-
scudde ende bewaernesse van zinen lande van Vlaendren ieghen de ghuene
die overlast ende scade doen ende draghen zoudeu mogcn den zelvcn zinen
landen in zine absenlie, dan dat liy in persone trocke in de vornomde reyse
van Tnrkyen, ende aensiende dat bij zinen vertrecke de meestendeel van der
moghenteyt ende rycheyt van den zelven zinen lande van Vlaendren ghesce-
pen waren met hem te vertreckene ende van daghe te daghe te volghene, so
hebben scepenen vornomd, omme de \velvaerl van deser stede ende uter name
derzelverten occoysoenc van dien ende omme te vervolghene ende vcrcri-
ghene diversche groote eerlycke, proufl'ytelyke ende zonderlinghe laslelyke
pointen ende zaken de zelver stede aengaende, die alnu gheconsenteert zijn
bij den vornomden onzen gheduchten heere ende daerafdat de brievcn ende
letteren te makene ende expedierne zyn, alsoe dat ghebleken es by zekeren
beslotenen letteren die myn heere de canchellier onlancx ledcn ghescreven
heeft an scepenen, van welken pointen ende zaken dezer vorseide stede
groote welvaert, eere, bâte ende prouffyt afgeschepen es te commene, ghe-
hadt ende ghesustineert heeft groote ende vêle costen, bedraghende, met
tghuent dat onzen vornomden barde gheduchten heere loegheleyt es, ter
causen voorscreven, ende ooc omme vêle andere ende diversche costen ende
lasten, de somme van achtien hondert vive ende twintich ponden groten,
daeraf nu betaelt es vander stede vveghe, v<^ xxv lib. gr.
Cette pièce est trop curieuse pour que nous n'en donnions pas la tra-
duction :
« Notre redouté seigneur et prince a sollicité à diverses reprises et a fait
demander à tous ses pays, sans exception, aide et secours, afin de résister
aux Turcs, qui ont envahi plusieurs pays de la chrétienté et fait couler
des flots de sang chrétien, et, ce qui est encore plus à regretter, c'est que jus-
qu'ici personne n'a pu leur résister. En considération de quoi, tout le pays et
chacun en particulier, et eu égard aux bons motifs allégués par notre re-
douté seigneur, on lui a alloué de fortes sommes d'argent, qui ont été em-
ployées à résister aux Turcs, vu que son voyage d'Utrecht, et divers au-
tres obstacles l'ont empêché de s'y transporter de sa personne, comme il
l'avait promis, avec toute l'élite de la noblesse de Flandre et les autres
souverains de la chrétienté : il avait en plus demandé à la ville un secours
de six cents hommes d'armes et de neuf cents archers, pour tout le temps
— 451 —
Nous terminerons ect article en décrivant Tordre de ba-
taille de nos armées communales au XIV'' siècle, et c'est
à l'ouvrage de M. Lenz que nous en emprunterons les
principaux détails. L'armée flamande était toujours précé-
dée d'un corps d'élite d'archers tirailleurs, qui, une fois les
flèches épuisées, jetaient parfois leurs arcs et mettaient le
sabre au poing, comme nous le voyons à la bataille de Gro-
ninghe; l'armée déployait ses ailes à droite et à gauche et
s'appuyait sur son arrière-garde. Elle marchait à l'attaque
en colonnes formant des cônes tronqués, et se formait en
bataillons circulaires lorsqu'elle devait se mettre sur la dé-
fensive. Les archers et arbaléliers avaient chacun un porte-
targe (cnapc) pour se garantir autant que possible pendant
la bataille. Les machines de guerre occupaient le centre,
en avant du front de bataille, et avaient à droite et à gauche
des corps d'élite d'infanterie légère, qui avançaient et recu-
laient selon les circonstances. Le général disposait en outre
d'une compagnie de sapeurs et de pontonniers, ainsi que
d'une compagnie d'ouvriers. Un tribunal militaire, composé
de sept échevins et de trois grands doyens, suivait l'armée
en campagne et rendait la justice.
La division de nos armées communales en dizainiers et
centeniers date de l'organisation primitive de nos ancêtres,
les Germains; c'est ainsi qu'ils composaient leurs armées.
Chaque pagus, district ou canton, divisait ses hommes en
qu'il resterait en guerre; ce à quoi les échevins lui ont répondu comme
de droit, le priant de tout cœur de vouloir rester dans notre pays, afin de
défendre des États de Flandre contre tout ennemi extérieur, qui n'aurait
point manqué de profiter de son départ pour y exciter des troubles. Eu
égard à toutes ces considérations, les échevins lui ont alloué en diverses
fois la somme de dix-huit cent vingt-cinq livres de gros : en retour de quoi,
il a octroyé à la ville de grands privilèges, desquels sont résultés de grands
bénéfices, et pour la commune tout entière un nouveau lustre. Ces privilèges
ont été expédiés, il y a peu de temps par le chancelier au magistrat de celle
ville : de celte somme la ville a déjà payé v« xxv lib. gr. »
— 452 —
compagnies de cent guerriers chacune (i); à la tète de cha-
que compagnie était un de ces officiers, qui formaient en
temps de paix le conseil du juge ou du magistrat du can-
ton, et qui étaient appelés centetiîers, moins parce qu'ils
étaient au nombre de cent dans chaque district, que parce
que chacun d'eux avait sous sa juridiction cent maisons
ou familles pendant la paix, et commandait à la guerre
autant de citoyens soldats. Cette institution est connue en
Suède sous le nom de Umidari (2). L'Anglo-Saxon Alfred
la transporta en Angleterre, et cette division est trop con-
nue en Flandre et se rapproche trop du flamand honderd
pour que nous insistions davantage sur ce point.
Ce court aperçu de nos institutions militaires au moyen-
âge est basé sur des documents historiques, la plupart iné-
dits; et, bien qu'ils soient très-concis, peut-être aurons-
nous réussi à donner une idée complète de l'organisation
militaire de la ville de Gand. Si quelquefois nous nous
sommes un peu écarté de notre plan primitif, c'est que des
circonstances impérieuses, utiles pour faire comprendre la
marche des événements, nous y a forcé; et, si nous ne
sommes point parvenu à percer le voile épais qui couvre
encore l'origine et le principe vital des institutions de nos
pères, nous osons nous flatter d'avoir, l'un des premiers,
puisant aux sources mêmes, soulevé un coin de ce voile
qui nous cachait le XIV'= et le XY" siècle.
Jules Huyttens.
(1) « Definitur et numerus : cenlcni ex singulis pagis sunt : idque ipsuni
iuter suos vocanlur; et quod primo numerus fuit, jani nomcn et lionor est. »
Tacite.
(2) Stiernhoer, lib. I, p. ."0.
— 433
Ca Stit-mm
ET
m MYSTÈRE DE LA PASSIOÎV A PRIBOURG,
AU XVI= SIÈCLE,
-^■♦■<P«
Jusque dans la première moitié du XIII" siècle, l'on n'a-
vait jamais songé à célébrer une fêle en l'honneur du divin
corps du Christ, autre que celle de l'institution de l'Eu-
charistie, qui a lieu le vendredi avant Pâques. Ce ne fut
qu'en 1246 que l'évêque de Liège fit cette innovation.
L'événement qui porta ce prélat à cette démarche peut
paraître extraordinaire; il n'en est pas moins vrai.
Dans un couvent de filles de cette ville vivaient deux
nonnes, connues par la sainteté de leurs mœurs et par les
extases qu'elles éprouvaient à la suite de leurs longues veil-
les et de leurs austères pénitences. Un soir qu'après de fer-
ventes prières, elles se promenaient, en méditant, au clair
de la lune, alors pleine, elles furent étonnées de voir à
l'astre une échancrure qu'elles n'y avaient point encore re-
marquée. Persuadées que Dieu voulait par là leur faire con-
naître une lacune dans la liturgie, elles en vinrent, après
de longues conférences ensemble, à se convaincre que le
miracle annonçait qu'une fêle manquait à celles instituées
jusqu'alors par l'Église, et que le Ciel avait voulu faire
choix d'elles pour la provoquer. Que ne peut l'exaltation sur
— 454 —
déjeunes cerveaux, surexcités par l'enthousiasme religieux!
Nos deux nonnes s'adressèrent à leur directeur spirituel, le
provincial des Dominicains, qui prit la chose au sérieux.
L'affaire fît du bruit; et enfin, comme tout ce qui est sur-
naturel frappe l'imagination , il s'éleva à ce sujet tant de
voix de graves personnages, quel'évêque Robert, qui tenait
alors la crosse dans le diocèse de Liège, ne se sentit pas la
force de résistera leurs instances, et consentit à la célébra-
lion d'une fête en l'honneur du divin corps du Christ. Il
fut réglé qu'elle aurait lieu, chaque année dans l'intérieur
de l'église, le jeudi qui suit le dimanche de la Trinité.
Toute innovation trouve des détracteurs. Celle-ci en
rencontra d'autant plus, surtout parmi la congrégation de
Saint-lMartin, que le prélat n'avait point consulté le pape à
ce sujet, et que la cour de Rome n'avait point sanctionné le
bref de l'évêque.
Mais à Liège avait aussi été chanoine, puis archidiacre,
ce fils d'un simple artisan de Troyes en Champagne, Jac-
ques Pantaléon, qui, plus tard, èvèque de Verdun, et en-
suite patriarche de Jérusalem, fut revêtu de la pourpre
pontificale en 1261 sous le nom d'Urbain IV. Il avait as-
sisté à la création de cette fête; il y avait pris part; et il fut
à peine sur le trône de Saint-Pierre, que, se ressouvenant
du rôle qu'il y avait joué, non seulement il en sanctionna
l'observation dans le diocèse de Liège, mais encore en re-
commanda l'introduction dans tous les autres diocèses de
l'Occident. Dans la bulle, qu'il lança à ce sujet dans le
monde chrétien, il appuya principalement sur la révélation
divine qui avait originairement donné lieu à cette fête (i).
Il promit une dispense à quiconque prendrait part à la so-
lennité. Saint-Thomas d'Aquin fut chargé de dresser l'oflice
(1) Fucral quibusJani catholicis divinilus revckUum, etc. — Dullariiim ro-
manmn, t. 1, p. I4l).
— 455 —
de ce jour. Non seulement ce vertueux homme en composa
les paroles, mais encore il les mil en musique. Ce sont ces
mélodies qui, encore aujourd'hui, sont d'usage dans nos
temples au jour de la fête du Saint-Sacrement.
Néanmoins peu d'évéques acquiescèrent aux vœux du
souverain pontife. Aussi Clément V, en 1511, renouvela-
t-il, au concile de Vienne, les dispositions prises antérieure-
ment. Le pape Jean XII, en 151G, ordonna la procession
solennelle. Ce fut alors seulement que la fête devint popu-
laire, et que, dans la plupart des villes, et jusque dans les
campagnes, on s'ingénia à la célébrer de la manière la plus
splendide. En 1318, elle eut lieu pour la première fois en
France, ainsi que le prouvent les actes du synode de Sens
en 1520, et de celui de Paris en 1523. Néanmoins le pape
Martin V, en 1429, et le pape Eugène IV, en 1455, trou-
vèrent encore à propos de lancer deux nouvelles bulles
d'indulgence pour l'entière propagation de celte fêle. Ce ne
fut qu'en 15ol, après que le concile de Trente (i) eut dé-
claré celle solennité liturgique, qu'elle fut enfin universel-
lement adoptée par toutes les églises catholiques de l'Oc-
cident.
Fribourg, au pied de la Forêt-Noire, paraît l'avoir reçue
de bonne heure, quoique le plus ancien document, qui en
fasse mention, ne date que du commencement du XVI'' siècle.
On y lit l'ordre dans lequel, à la procession, devaient
marcher les douze corporations ou tribus, corps politique
de toute la bourgeoisie, dont la corporation des bouchers
devait marcher la septième. Aujourd'hui, celle tribu est
placée en première ligne à celle même procession, en mé-
moire du coup mortel qu'un boucher, en 1299, porta à l'é-
vêquede Strasbourg, Conrad deLichtenberg, beau-frère du
comte de Fribourg, contre lequel celle ville s'était révoltée.
(1) Treizième séance, 11 octobre.
— 456 —
La mort de l'évêque donna la victoire aux Fribourgeois,
qui, pour récompenser la tribu des bouchers, lui cédèrent
unanimement le premier rang. Si, en 1516 et en 1599,
nous la voyons au septième dans la procession et dans le
mystère de la Passion qui la suivait, c'est que, sans doute,
dans cette tragi-comédie religieuse, le rôle principal qu'elle
avait à remplir, exigeait cette place. Elle reprit son rang
d'honneur, qu'elle occupe encore, lorsque la représentation
du mystère fut passée d'usage. La mémoire de l'acte géné-
reux qui lui valut le privilège de marcher la première,
prouve, dans tous les cas, que, bien avant le XVP siècle,
elle jouissait déjà de cette prérogative.
La Société des Meistersaenrjern de Fribourg, don! un do-
cument du 11 mai 1513 contient la confirmation, de la
part du magistrat (i), avait pris pour engagement, dans son
programme, de louer Dieu, de consoler lésâmes attristées,
et, par ses chants, d'écarter des hommes le blasphème, le
jeu et le libertinage. L'esprit de cette société, qui avait son
siège dans le couvent des Dominicains, où elle était tenue
de donner annuellement deux concerts, l'un, le mardi de la
Pentecôte, dans le Réfectoire, l'autre, le jour de la Saint-
Jean-l'Evangéliste, dans la salle de Convocation, était es-
sentiellement religieux. C'était derrière un rideau, autour
d'une table sur laquelle la Bible était ouverte, que ses
membres se plaçaient. Indépendamment des œuvres lyri-
ques, composées et exécutées par elle, sortirent de son
sein plusieurs essais dramatiques connus sous le nom de
Mystères, et qui avaient toujours pour objet des scènes bi-
bliques, telles que la Vie de David, qui fut jouée en 1593,
et la Décollation de Saint-Jean-Baptiste, qui le fut en 1598.
Il est presque hors de doute que ce fut d'elle aussi que
sortit le mystère de la Passion, qui accompagnait en 1599
(I) Dadisclies Arrhiv., publié par Moîve, l. li, p. 193.
— 457 —
la procession de la Fête-Dieu, mais qui déjà, si l'on con-
sulte Tordre de cette procession, décrété par le magistral
de Fribourg en 151 G (i), devait dater, pour le sujet du
moins, d'une époque bien plus reculée.
Il y avait, à proprement parler, double spectacle, l'un
purement représentatif, dans les rues, où les acteurs cos-
tumés suivaient la procession, et attiraient sur eux les re-
gards de la foule ébahie; l'autre, dramatique, où, sur les
tréteaux, élevés au milieu de la place de la cathédrale, ils
venaient réciter leurs rôles. Chaque corporation était tenue
de faire tous les préparatifs pour la scène dont elle était
chargée.
Dès la veille, la ville prenait un aspect de fête. Toutes
les cloches, le matin du jour même, annonçaient la solen-
nité. Toutes les fenêtres se garnissaient de banderolles et
de fleurs; toutes les rues que la procession devait parcourir
étaient tapissées de branches fraîchement coupées ou d'ar-
bustes; partout le sol était jonché de feuilles de roses et
de buis.
Dans la marche des acteurs, en 1516, étaient en tête les
peintres, que guidait leur bannière, et au milieu desquels
Gguraient Adam et Eve, et l'ange qui tenait le glaive flam-
boyant.
Derrière eux marchaient les boulangers, et Ton voyait
les deux prophètes, l'empereur Auguste, et l'ange Gabriel
qui devait annoncer à Marie sa destinée.
Les tailleurs tenaient le troisième rang. On distinguait
dans ce groupe l'astronome avec le cadran où figuraient les
étoiles, et les trois rois, suivis de leurs nombreux serviteurs.
Sous la quatrième bannière marchaient les cordonniers.
Là Joseph et Marie étaient représentés fuyant en Egypte
(1) Ordnung des Vmganges auf unscrs herr Fronleichnamstag , 1316. Ar-
chives lie la cathédrale de Fribourg.
— 458 —
avec le divin Enfant. Derrière suivaient quatre soldats avec
quatre enfants, et le roi Hérode, accompagné de ses valets.
Le mont des Oliviers, avec tous les appareils de la sainte
légende, était traîné par les charpentiers.
On voyait s'avancer ensuite sous la bannière des tonne-
liers le Christ, conduit par Pilate, et Anuas et Caïphe avec
leurs valets.
Les bouchers tenaient le septième rang avec les maitres-
d'école. On voyait, parmi les premiers, le Christ, conduit
par un bourreau, et auquel Simon aidait à porter la croix.
Un second bourreau conduisait les deux larrons. Dans le
groupe des maîtres d'école figuraient Jean et la Vierge, et
les autres Marie qui suivaient la croix en pleurant.
Dans la huitième corporation, composée des drapiers, le
Christ était représenté après sa résurrection, ainsi que les
douze messagers.
Cette bannière était suivie de celle des merciers où se
tordait l'affreux dragon que combattit Saint-George, et que
conduisait la jeune vierge, délivrée de ses atteintes par le
chevalier, et suivie de son père et de sa mère.
Au dixième rang marchaient les tanneurs. Là figurait la
Mort avec sa faulx et l'ange qui tenait les instruments de
la Passion du Christ.
La onzième bannière guidait les forgerons, parmi lesquels
un acteur représentait l'ange, s'emparant de l'àme, et un
autre, le Christ, assis sur l'arc-en-ciel, et ayant à sa droite
Marie, et à sa gauche Saint-Jean.
Les vignerons terminaient cette longue marche avec les
figures du diable et des âmes maudites.
Arrivées sur la place de la cathédrale, toutes les banniè-
res se réunissaient en faisceau sous l'immense estrade, qui
représentait dans le fond la ville de Jérusalem, et devant la-
quelle s'élevaient des hours, richement décorés, où venaient
prendre place le magistrat et le clergé, les cavaliers et les
— 459 —
(lames. Tout le reste de l'immense espace était rempli par
le peuple et par lesliabitaus des campagnes, accourus pour
jouir du spectacle.
D'abord le/)roc/ama?e«r engageait la foule à faire silence,
et expliquait les principaux sujets du mystère qui allait
avoir lieu. Ensuite le prolocutcur rappelait que le Christ,
pour sauver les hommes du péché originel, avait revêtu
leur humanité. Il résumait tous les tourments que le Sau-
veur avait endurés pour eux et de leur main.
C'était par l'origine du péché même que le premier acte
commençait.
Nous ne possédons plus la pièce, telle qu'elle fut jouée
en 1516 par les acteurs dont nous venons de suivre la
marche; mais celle qui fut jouée avec la même pompe et à
la même occasion, en 1599, nous prouve que peu de dé-
tails y avaient été changés (i).
Comme dans la marche, les peintres entrent eu scène les
premiers.
Le diable présente à Adam et à Eve l'arbre qui porte le
fruit défendu. « 0 vous, dit-il, enfants de Dieu dans le Pa-
» radis, pourquoi ne mangez-vous pas de ce fruit qui aus-
» sitôt peut vous donner à vous-même la divinité? Vos yeux
» s'ouvriront à la lumière, et Dieu ne vous en voudra
» point (2). »
Eve ne peut résister à la tentation. Elle avoue naïvement
que, depuis longtemps déjà, ce fruit provoque ses désirs (3).
(1) Le manuscrit original se trouve aux archives de la ville de Fribourg.
(2) 0 ihr Kinder Gottes ini Paradeis,
Warum esset ihr nicht von dieser speis?
Se werdet ihr sehen alsbald,
Der Gottheit Kraft so mannigfall,
Eure Augen (werden) aufgethan;
Golt wird's Euch nicht fur ûbel han.
(3) Fiirwahr ich red' bei meiner Brust,
Der Speis' raich hat gar wohl gelust...
— 460 —
Elle en mange, et en donne à son époux. Mais à peine ce
dernier en a goûté, qu'il reconnaît sa faute, a 0 Eve, s'é-
» crie-t-il, tu m'as séduit; tout l'univers va changer de
» forme; le péché, la mort et l'enfer vont nous pour-
» suivre (i). »
Il veut se cacher; mais déjà l'ange est devant lui avec son
glaive. « Adam, lui dit-il, qui t'a appris que vous étiez tous
» deux nus? (2) » Et, comme dans la Genèse, Adam ré-
pond : « La femme que Dieu m'a donnée pour compagne
» m'a séduit, et aussitôt que j'ai eu goûté la pomme, j'ai
» reconnu le mal (3). »
Alors l'ange lui annonce les décrets de Dieu, la perte
pour lui du Paradis, le travail de la terre auquel il sera
contraint pour se nourrir, et les douleurs qu'éprouvera la
femme dans l'enfantement. Mais, en même temps, il lui an-
nonce le Rédempteur qui doit naître d'une vierge, et qui
sera pour sa race une nouvelle source de consolation (4).
(1) 0 Eva, du hast mich bethôrt,
Und nun die ganze Welt verkehrt.
Sûnd, Tod und Oôlle eilt uns noch, etc.
(2) Adam, wer hat dir gezeigetan,
Dass Hu- beide also nackend stahn ?
(5) Die niir Gott zum Weib hat gcben,
Gab mir die Frucht, dass ich sollt essen,
Sobald ich darin bissen hab,
Von Stund an ward ich sehend darab, etc.
(■4) 0 Vater Adam, Eva Mutter,
Des Paradeises waret Ihr hiiter;
Gott bat Euch darum erschafifen,
Euch ewig zu brauchen aller Sachen.
Ihr aber folgt des Teufels Eingeben,
Damit yerscherzt Ihr EuerLeben.
0 Adam, du solltest weiscrseyn,
Denn dass du folgest dem Weibe dein.
Darum sollt Ihr mich vcrstohn,
Aus dcm Garten-Eden musst Ihr gohn;
— 461 —
A ce premier épisode succède celui d'Abel et de Gain ou
du premier crime. Gain exprime la haine profonde qu'il
porte à son frère, et fait connaître par son discours le des-
sin qu'il a conçu de s'en débarrasser par un meurtre.
Les acteurs du second acte sont les tonneliers.
L'ange, Abraham et Isaac sont sur la scène.
Il s'élève entre ces deux derniers un colloque pathétique,
surtout du côté du fils, qui, avant la mort qui le menace, se
rappelle sa mère, et exhale vers elle son amour filial.
« Lorsque le feu, dit-il, m'aura consumé, rapporte à ma
1) mère, qu'avant de mourir, ma dernière pensée fut à elle,
» et que je l'ai bénite et recommandée à Dieu (i).
L'ange met fin à celte scène , en substituant le bouc au
jeune enfant.
Ensuite Moïse et Aaron, chacun dans un long monologue,
racontent, l'un, l'histoire des Israélites, l'autre, comment
au sacerdoce judaïque a été substitué le sacerdoce chrétien.
A la fin de cet acte Josué et Galèphe traversent la scène,
en portant la grosse grappe de raisins. Ils sont suivis des
deux prophètes qui passent sans parler.
Les boulangers remplissent le troisième acte.
Au fond du théâtre apparaît l'empereur Auguste avec
ses serviteurs, sans doute pour être témoin de la naissance
du Ghrisl (2). Sur l'avant-scène se jouent l'Annonciation et
Denn Ihr habt gebrochen GoUes Gebot,
Darum Euch folgt Jammer und Noth.
Im Schweiss deines Angesichts musst Dich nahrcn,
Mit Schmerzen muss dein Weib gebiihren.
In Flucht musst Du gefangen seyn,
Bis gebiert eine Jungfrau rein,
Den Truster der Barmherzigkeit
Der Euch erlôset von allem Leid, etc.
(1) Wenn mich das Feuer hat verbrennt,
Sag ihr, ich hab' sic vor meinem End
Gesegnet und befohlen Gott, etc.
(2) On sait qu au moycn-àge on croyait, en effet, que la Sibylle de Tibur
avait fait voir à Auguste la Sainte-Vierge et son fils.
— 462 —
la visile de Marie à Elisabeth. La décoration change, et
l'on aperçoit Tétable où est la Sainte Famille, et l'ange qui
annonce de loin aux bergers la naissance du Sauveur. Ces
derniers accourent au milieu des discours les plus joyeux.
Les tailleurs, au quatrième acte, représentent la scène
des trois Rois. Ces derniers sont précédés d'un ange qui
tient l'étoile et que suit un astronome qui communique au
public ses observations sur l'astre et sur sa signification.
Tous les acteurs se jettent à genoux au moment où la Vierge
apparaît transfigurée dans le soleil. « Comme mère du
» Christ, le soleil spirituel, je pare, dit-elle, le brillant so-
» leil du firmament; la lune me sert de marche-pied; les
» douze étoiles qui ceignent mon front sont une image de
» ma splendeur auprès du trône de Dieu (i). » La fin de
l'acte est rempli par l'offrande de Marie dans le temple, et
par les sentences prophétiques que prononcent l'un après
l'autre Siméon et Anna.
Alors, comme dans la marche, que nous avons décrite
plus haut, on voit figurer par la corporation des cordon-
niers la Fuite en Egypte. Après Marie et Joseph viennent
quatre guerriers avec les innocents, suivis d'Hérode, qui se
tient à quelque distance, au milieu des docteurs et de sa
suite.
La confrérie des garçons tailleurs, associée à cette tribu,
représente l'entrée triomphale de Jésus-Christ dans Jéru-
(1) Ich ziere
Die klare Sonn' am Firmament.
Der Mond mir auch zu dieser Frist
Als ein Fussschemel gegeben ist;
Weil Ailes ich verachtet hab,
So wie der Mond geht auf und ab.
Auf meinem Ilaupte bedeulet die Kron'
Meine Herrlichkeit ara llimmelthron;
Dcnn sie gar schôn geflochten ist
Aus Sternen zwôlf, etc.
— 4G5 —
salem. Deux d'entre eux figurent les deux prophètes Jcré-
mie et Zacharie, et, comme tels, prononcent des sentences.
La Sainte-Cène, à laquelle un chant des disciples sert de
prélude, est représentée par la confrérie des polisseurs de
grenats.
Au sixième acte, rempli par les charpentiers, on voit le
Christ au mont des Oliviers, entre ses disciples et des sol-
dats. L'un de ces derniers dit avec une naïve rudesse que,
serviteur dePilate, tout ce qui lui rapporte de l'argent est
bon, et que, puisque Caiphe leur donne un mois de solde
et de l'or, il arrête le Christ, tout innocent qu'il est (i).
Et, en effet, il accomplit l'acte, et l'on assiste à une scène,
jouée par les garçons cordonniers, où Jésus, battu de ver-
ges, est couronné d'épines au milieu des propos les plus
railleurs, et, couvert de sang, est ensuite présenté à Pilate.
Les bouchers alors entrent en scène.
A eux est réservé de conduire le Christ au supplice.
Comme néanmoins cet épisode était celui qui demandait
le plus de préparatifs, ils étaient assistés par les orfèvres
et les maîlres-d'école.
La Vierge apparaît la première sur le théâtre, en faisant
entendre ses gémissements. Elle prend les assistants à té-
moins de sa douleur (2). Les prolocuteurs s'adressent au
public pour le rendre attentif à l'importance de la scène,
(1) !ch biu Pilati bestclller Knccht,
Was mir Geld Iragt, diinckt mich Rcclit.
JNun gicbt uns Caïphas das Gold,
Jeglichem eineu Monat-Sold,
Dass wir fangcn Jesum-Clirist,
Wiewohl er ganz iinschuicJig ist.
(2) 0 frorame Mensclien, jung und ait,
Selit an die Schmerzen mannigfall,
Die ich in mcincDi Herzen trag.
0 wclch ein jammerlicher Tag,
Don icli cileb' an nieinem Kind ! —
Das Schwcrt durchdringl mir nicinc Scclc — clc.
— 464 —
et surtout pour l'engager au silence. Tandis que les prêtres
juifs expriment leur mécontentement de l'inscription placée
au sommet de la croix, de pauvres frères donnent au sup-
plicié toutes les marques de la plus vive compassion. On se
partage au sort les habits du Christ, au milieu des discours
des larrons, des sarcasmes des soldats, des plaintes et des
gémissements de Marie, et des consolations que Saint-Jean
s'efforce de lui donner. Dès que le Christ s'affaissait et ren-
dait le dernier soupir, le canon tonnait sur le Burghalde,
rocher qui, au-dessus de Fribourg, avait servi de base à
l'ancien château de ce nom.
Mais, sur l'un des côtés de l'estrade, se passait une autre
scène que le peuple surtout attendait toujours avec la plus
grande impatience. C'était le diable qui jetait la corde à
l'inconsolable Judas, et que ce dernier, qui exprimait, en
quelques vers burlesques son contentement (i), saisissait
avec avidité pour se pendre.
Enfin le Christ est mis dans le tombeau au milieu des
pleurs et des plaintes les plus touchantes de Marie. On y
place des gardes. Mais, cependant, un des disciples de
Jésus parcourt la scène et en examine tous les recoins.
Dans un long monologue il exprime les peines qu'il ressent,
mais aussi l'espoir qui le soutient. Et, en effet, le tombeau
s'ouvre de lui-même; les gardes, à moitié endormis, recu-
lent et tombent épouvantés. Les anges viennent chanter en
chœur la gloire de la résurrection, et au milieu des pauses.
(i) Ja walirlieh es muss jetzund seyn,
Der Slrick gehôrt an die Gurgcl raein;
Der kommt mir eben recht in die Hand',
Darum wolhauf, flugs unJ beliend,
Denn bel mir ist wederRuh noch Rast,
Ich henk' mich denn an einen Ast.
Weicht aus und gebt mir l'iatz dazu,
Damit ich komm' zu meiner Ruh.
— 465 —
instruisent les saintes femmes de ce qui vient d'arriver, et
celles-ci le répètent à Pierre et à Jean.
Dans le huitième acte, dont les drapiers sont les acteurs,
on voit le Christ apparaître aux apôtres assemblés, et con-
vaincre de sa résurrection l'incrédule Thomas, Il disparait
après les avoir bénis, et leur avoir enjoint d'aller par tout
le monde annoncer l'Évangile.
A cette scène succède la légende de Saint-Sébastien,
jouée par la confrérie de ce nom. On voit l'empereur turc,
accompagné de sa fille, chercher par tous les moyens et par
toutes les promesses possibles à faire renier le Christ au
jeune homme. Mais Sébastien se montre inflexible; sur l'or-
dre de l'empereur irrité, il est remis aux gardes qui l'at-
tachent à un arbre et décochent sur lui toutes leurs flèches.
La scène, occupée alors par les merciers, est remplie par
la légende de Saint-Christophe, et par celle du dragon, que
conduit la jeune vierge délivrée par Saint-George. La jeune
fdle raconte elle-même comment, dans la Lybie, elle avait
dû être dévorée par la bête, et comment le noble chevalier
l'avait sauvée (i). Saint-George, à son tour, instruit le pu-
blic qu'il n'a dompté le dragon que par la force de sa ban-
nière. Aussi, dit-il, « puisque la vie, sur cette terre, n'est
» qu'une guerre continuelle, ô Dieu, donne nous, à nous
» autres chevaliers, la force, afin que nous puissions vaincre
» tous nos ennemis pour la gloire de ton nom {2). »
(1) Von diesem Drachen, dem grâiilichen Thier,
Das ich jetzt an meincra Giirlel fûhr',
Hab ich soUen, dem Volk zu gut,
Zerrissen werden mit Fleisch nnd BUii,
In Lybia, bei einer Stadt, etc.
(2) Wcil das Leben hie auf Erd'
Nichts ist als ein Krieg, der imraer wahrl;
So mach unz zu Ritter slark, o Gotl !
Verleilie, dass wir zu deincm Lob,
AU' unscrn Feinden siegen ob.
— 4G6 —
Ensuite, les garçons couteliers traînent le vaisseau de
Sainte-Ursule. Dans son trajet le navire touche les Etats de
l'empereur turc, qui, averti par un de ses affidés, en pro-
fite pour arrêter une vierge aussi dangereuse à sa foi. Elle,
ainsi que toutes ses compagnes et le pape sont passés par
les armes. D'autres scènes, non moins populaires, étaient
consacrées aux légendes de Sainte-Apollonie et de Sainte-
Cordule.
Le dernier acte est rempli par les trois corporations des
tanneurs, des forgerons et des vignerons. Après tant de
scènes dramatiques, le poëte a sans doute senti que l'intérêt
diminuait; il a terminé par ce qu'on appelait les quatre
dernières choses {die vier letzten dinrjen), la mort redoutée,
représentée avec sa faulx, les anges qui, avec la trompette,
annoncent le dernier jugement, et le Christ qui vient juger
les hommes. On voit le ciel s'ouvrir pour les bons, et l'en-
fer engloutir les méchants. Mais la Vierge apparaît à la
porte de l'éternité, couverte de son manteau. « Je suis,
» dit-elle, en l'entr'ouvrant, une mère de charité, toujours
» prête à demander miséricorde auprès de mon fils, 0 vous
» donc, vieux ou jeunes, qui voulez être enfants de Dieu,
» venez vous réfugier sous mon manteau. Devenez meil-
» leurs, pendant qu'il en est temps encore, et avant que
» vienne le dernier jour, où ma prière sera inutile (i). »
(1) Weil ich Maria biii bereit,
Eine Mutter der Barmherzigkeit,
Gnad' zu erlangen mannigfalt
Bei meinem Sohn; soll jung und ait —
Die Golles Kinder wollen seyn, —
Laufen unter den Mantel mein.
Ihr leben bessern zu dieser Frist,
Dieweil noch Zeit vorbanden ist;
Ehe da kommt der jùngste Tag.
Und ich nicht mehr belfen mag.
La Vierge au manteau était connue, à Fribourg, sous le nom de Maria mit
dem Munldein.
— 467 —
Celle alloculion à la foule est très-caraelérisliqiic. Elle
termine le mystère qui, d'après ce que nous avons vu pré-
cédemment de la marche de la procession en 151 G, et
par conséquent, quatre-vingt trois ans avant la représen-
tation, telle que nous venons de l'exposer, était, pour le
fond du sujet, traditionnel. Selon les circonstances, on y
ajoutait ou l'on y retranchait. Ainsi, dans la marche de
1516, ne figurait point la scène d'Abel et de Gain, ni celle
d'Abraham et de son fils. La Vierge dans le soleil ne s'y
voyait pas non plus, ainsi que Sainte-Ursule et son vaisseau,
Sainte-Apollonie et Sainte-Cordule. Mais le 6 mai 1555,
le magistrat décréta que le vaisseau de Sainte-Ursule figu-
rerait de nouveau dans la procession, comme aux temps
anciens, ce qui prouve bien la haute date de cette coutume.
C'étaient les garçons couteliers qui toujours étaient char-
gés de cette scène. En 1557, ils demandèrent au magis-
trat d'en être dispensés, vu leur petit nombre et les frais
que cela leur occasionnait. Le magistrat déclara que ce
vaisseau étant toujours l'objet de plus de raillerie que de
dévotion de la part du public, il autorisait qu'il fût re-
tranché du programme. En 1604 au contraire, c'est-à-dire
cinq ans après la représentation du mystère tel que nous
venons de le décrire, non seulement le vaisseau fut repro-
duit, mais les garçons couteliers se cotisèrent pour en
construire un second, plus petit, de la valeur de plus de
huit florins.
A part ces détails, le fond resta le même. La pièce tra-
versa tout le moyen-âge jusqu'à ce qu'enfin on reconnut le
ridicule de ces spectacles burlesques, où l'on jouait Dieu
et les Saints, et que, de toute cette pompe de décoraiion,
il ne resta aux corporations que la bannière et le saint
sous lequel elles étaient engagées.
M'" DE Ring.
468
^ietoire littéraire.
II. LOUIS-FRANCOIS-JOSEPH DE LA BARRE.
Louis-Françofs-Josepfi de la Barre, membre de l'Acadé-
mie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, vit le jour à
Tournay le 9 mars 1688. Il était l'ainé de trois garçons
issus du mariage de Paul-Joseph de la Barre avec Jeanne
Marguerite Hayet, sa première femme.
Paul-Joseph de la Barre était d'abord conseiller réfé-
rendaire en la chancellerie de Flandre; il devint ensuite
Substitut du Procureur-général au Conseil provincial de
Valenciennes. Ayant perdu sa fortune dans des spécula-
tions malheureuses, il se vit dans la nécessité de vendre ses
charges, et dans l'impossibilité de subvenir à l'éducation
de ses enfants.
Il y avait déjà quelques années que Louis-François-
Joseph de la Barre avait été placé dans une pension à
Paris. On assure qu'il s'y était tellement fait aimer que,
quand son père cessa d'y rien payer, le maître de la pen-
sion, loin de le renvoyer dans sa famille, en prit un soin
tout spécial, pourvut à tous ses besoins, le mit eu état de
passer en quatrième, et lui fit obtenir une bourse au
collège de Sainte-Barbe.
De Boze, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscrip-
tions, dans l'Éloge de M. de la Barre inséré au tome XIV''
de l'Histoire de cette Académie, nous a conservé au sujet
— 4G9 —
de ce collège une anecdote curieuse. L'usage de rétablisse-
ment était que « les boursiers fissent la cuisine environ
» une fois le mois, chacun à son tour; celui du petit de la
» Barre étant venu, il se leva de très-grand malin, et cepen-
» daut rien ne se trouva cuit à l'heure du dîner; il en
» parut si affligé que ses camarades ne pouvant eux-mêmes
» le consoler, le Principal lui reprocha durement de pleu-
» rer pour une mauvaise soupe : alors il répondit que ce
» n'était pas aussi de cela qu'il pleurait, mais d'y avoir
» perdu son temps. » Sa réponse fit impression, et voilà
comment le collège de Sainte-Barbe fut redevable au jeune
de la Barre de l'établissement d'une espèce de cuisinier.
Après avoir achevé le cours ordinaire des études du
collège, de la Barre fut recueilli par un pieux et savant
ecclésiastique, qui le garda chez lui près de deux ans, lui
apprit le grec, l'exerça dans la lecture et la collation des
manuscrits, et le forma à cet esprit de discernement et de
critique qui a toujours été depuis le caractère particulier
de ce savant tournaisien. C'est à cette époque que de la
Barre fit la connaissance du bénédictin Dom Anselme
Banduri, qu'il aida puissamment dans la publication de
ses ouvrages. Dom Banduri, au reste, se montra recon-
naissant envers de la Barre, et lui fit obtenir une pension du
grand-duc Cosme III de Médicis, pension dont de la Barre
jouit jusqu'en 1737.
A partir de l'année 1723, nous le voyons se faire l'édi-
teur de collections importantes, que nous passerons tout à
l'heure en revue. En 1727, il fut nommé associé de l'Aca-
démie des Inscriptions, et il déposa, dans la collection des
Mémoires de cette société célèbre, de nombreux témoi-
gnages de l'étendue et de la variété de ses connaissances.
On comprend à peine qu'un homme mort à l'âge de cin-
quante ans ait put suffire à tant de travaux.
De la Barre se maria deux fois; sa première femme était
30
— 470 —
d'une si mauvaise sanlé qu'il fut plutôt sa garde-malade
que son mari, durant les neuf à dix années de leur union.
Il épousa en secondes noces la fille d'un contrôleur des ren-
tes, et il en eut trois enfants.
De la Barre fut attaqué d'une surdité presque complète
vers la fin de sa carrière; il mourut à Paris d'une fluxion
de poitrine le 24 mai 1738.
Les détails qui précèdent ne sont qu'un résumé de l'éloge
de M. de la Barre, lu à l'Académie des Inscriptions, le
14 novembre 1738. Nous allons maintenant énumérer les
ouvrages dont de la Barre fut, soit l'éditeur, soit l'auteur.
I. Spicilegium, sive collectio veterum aliquot scripto-
rum, qui in Galliœ Bibliothecis delituerant : olim editum
operâ ac studio D. Luc£e D'Achery, Presbyteri ac Monachi
Ordinis sancti Benedicti Congregationis S. Mauri. Nova
editio priori accuratior, et infînitis prope mendis ad fidem
MSS. Codicum quorum varias lecliones V. C. Stephanus
Baluze, ac R. P. D. Edmundus Martene collegerunt, expur-
gata, per Ludovicum Franciscum Josepbum de la Barre,
Tornacensem. Parisiis, apud Monlalant, ad Piipam PP. Au-
guslinorum, prope Pontem S. Michaelis. M. DCC. XXIII.
Cum Privilegio Régis. 3 vol. in-folio.
Le premier volume comprend : titre et préliminaires,
27 feuillets non chifl'rés; texte 862 pp.; tables, 24 feuillets
non chiffrés. Le second, 3 feuillets lim., 977 pp. et 25 pp.
de tables, etc. Le troisième : 9 feuillets lim., 835 pp. de
texte, et 57 pp. de tables, etc.
On sait que le Spicilége de d'Achéry parut d'abord à
Paris, en treize volumes in-4'', pendant les années 1655 à
1677. Cet ouvrage était devenu fort rare et avait atteint
un prix excessivement élevé.
Dans ces circonstances, un libraire de Paris, ayant fait
part au père Edmond Martène, de son intention de pu-
blier une seconde édition du Spicilége et de combler les
— 471 —
lacunes qu'il présentait, Martène remit spontanément à ce
libraire toutes les notes ou documents qu'il avait recueillis
à ce sujet, car lui-même avait eu un moment le dessein
d'entreprendre ce travail. Etienne Baluze, de son côté,
avait travaillé dans la même vue; il avait collationné la
version du Spicilége avec tous les manuscrits qu'il avait
pu rencontrer. Le libraire dont il est question plus baut, et
qui n'est autre que Montalant, acbcla, à grand prix, à
Baluze les notes qu'il avait recueillies; et il jugea que son
intérêt parliculier non moins que l'intérêt général qui
pouvait résulter d'une nouvelle édition du Spicilége, lui
faisait un devoir de l'entreprendre. Dès-lors il lui fallait un
savant pour coordonner ces matériaux. De la Barre avait
acquis une certaine notoriété par ses travaux faits en colla-
boration avec Dom Banduri, et ce fut à de la Barre que
s'adressa Montalant.
De la Barre, dans la préface qu'il a jointe à cette nou-
velle édition, nous apprend, avec une grande modestie,
quelle y fut sa part réelle. Son principal mérite, c'est
d'avoir rendu cette collection infiniment plus facile à con-
sulter. Il plaça d'abord dans le premier volume les traités
dogmatiques et polémiques, les traités et sermons moraux,
les statuts ecclésiastiques et monastiques; dans le second,
il rangea ce qui concernait la vie des saints, ainsi que
l'histoire des évêques et les chroniques des monastères;
dans le troisième prirent place les morceaux plus ou moins
étendus relatifs à l'histoire profane de la France, plus les
diplômes, lettres, etc. Dans chacune de ces classes, de la
Barre a suivi l'ordre chronologique autant que le permet-
tait la nature des documents qui devaient y entrer.
De la Barre conféra les anciennes leçons sur divers
manuscrits. Quand la version des manuscrits lui parut
meilleure que celle du texte imprimé, il n'hésita pas à cor-
riger ce dernier. Quant aux leçons moins importantes ou
— 472 —
moins plausibles, il les relégua au bas des pages. De plus,
chacun des volumes renferme un index renim tnemorabi-
liiim et un index chronologiciis, qui en rendent l'usage
beaucoup plus facile.
Enfln de la Barre a cherché à rendre cette édition le
plus correcte possible. Parmi les morceaux oîi il y avait
le plus à faire sous ce rapport, il signale les œuvres de
Rathère, évéque de Vérone.
De la Barre n'a point reproduit, dans leur intégrité, les
préfaces de la première édition; mais il en a extrait, pour
les placer en tète de chacun de ces documents, ce que
D'Achéry avait cru devoir en dire, de manière à ne rien
omettre qui eût quelque importance.
A celte collection, on réunit un autre recueil qui a pour
litre :
II. Vêlera analecta, sive colleclio veterum operum et
opusculorum omnis generis, carminum, epistolarum, diplo-
matum, epitaphlorum, etc. Cum itinere Germanico, ad-
nolalionibus et aliquot disquisitionibus R. P. D. Joannis
Mabillon, Presbyleri ac Monachi ord. Sancli Benedicti è
congregatione S. Mauri. Nova editio cui accessere Mabillo-
nii vita et aliquot opuscula, scilicet Dissertatio de Pane
Eucharistico, Azymo ac Fermentato ad Eminentiss. Cardi-
nalem Bona.Subjungitur opusculum Eldefonsi Hispaniensis
Episcopi de eodem argumento et Eusebii Romani ad Theo-
philum Gallum Epistola, de cullu sanctorum ignotorum.
Parisiis, Montalant, M. DCC. XXIII.
In-folio, de S73 pp., plus 17 pp. intitulées Index rerum
memorabilium. Les liminaires comprennent la vie de Ma-
billon (traduite du français de Dom Thierry Ruinart par
Cl. de Vie), de 45 pp. chiffrées, plus 16 autres pp. non
chiffrées et contenant ; le catalogue des oeuvres de Mabil-
lon, les préfaces de la première édition et diverses tables;
à la fin, le privilège. C'est Mabillon lui-même qui s'est
— 475 —
caché dans le dernier traite sous le nom d'Eusebius Iloma-
nus. Cette Dissertation sur le culte des saints inconmis,
avait été publiée en français avec le nom de Mabillon, dès
Tan 1698. Paris et Brux., in-8°, de G4 pp.
Les Votera analecta de Mabillon avaient paru pour la
première fois de 1675 à 1685, à Paris, eu quatre volumes
in-8", sous ce litre :
Collectio veterum analectorum, complectens varia frag-
menta et epistolia scriplorum eccles., lam prosà quam
métro, hactenus inedita, cum annotât, et aliquot disquisi-
lionibus Jo. Mabillonii et M. Germain è congr. S. Mauri.
— Cat. Vaude Velde, n» 5210.
Cette édition s'est vendue 24 frs. à la vente Abrial.
L'édition des Analectes donnée par de la Barre peut être
considérée comme le quatrième volume du Spicilége. Elle
porte ordinairement, au dos des exemplaires reliés, le litre:
tomus [V.
» Les quatre volumes, dit Brunet, (11, 1), se payaient
dernièrement de 75 à 100 frs. Un exemplaire des trois
premiers en grand papier a même été vendu 122 frs. salle
Silvestre, en 1842.
» Quelques personnes, ajoute le même bibliographe,
préfèrent les éditions originales de ces deux collections à
celles qu'a données de la Barre, à qui l'on reproche d'avoir
tronqué les préfaces de ces deux savants religieux, et
d'avoir fait aux textes des corrections qui ne sont pas tou-
jours heureuses. Voilà pourquoi l'édit. in-4° du D'Achcry
a été vendue 80 frs. Abrial. » Brunet convient cependant
que l'édition de 1723 du Spicilége est rangée dans un
meilleur ordre et a reçu quelques augmentations. On peut
consulter à ce sujet : Vogt, catalogits iibrorum curiosorum,
p. 3; cl Journal des Savants, 1724, II, pp. 99 et suivantes.
lil. Le Grand Dictionnaire historique ou mélange cu-
rieux de l'histoire sacrée et prophane par Moréri, nouvelle
édition augmentée. Paris, 1725, G vol. in-folio.
— 474 —
La première édition de ce dictionnaire parut en 1674 à
Lyon, chez Jean Gyrin, en un volume in-folio. Celle de
Paris, chez les libraires associés, 1759, 10 vol. in-fol., est
la vingtième.
La dernière et conséquemmenl la meilleure édition qu'on
eût du Moréri, quand de la Barre entreprit d'en donner
une nouvelle, était celle de 1718, soignée par Dupin. De
la Barre examina un à un les articles de ce dictionnaire,
surtout ceux qui concernaient la géographie et la chrono-
logie anciennes, ainsi que l'histoire fabuleuse et celle des
temps héroïques. Il vérifia toutes les citations, et refondit
presque tous les articles de celle catégorie. Il en ajouta
bon nombre de nouveaux, de sorte que l'édition de 1723
est d'un quart plus étendue que celle de 1718. Ce travail
ne contribua pas peu à ouvrir à de la Barre les portes de
l'Académie des Inscriptions. Ajoutons que l'édition de 172o
porte une préface reproduite dans celle de 1759.
IV. La clef du cabinet des princes de l'Europe, ou
Journal de Verdun.
Cette collection parut successivement à Luxembourg, à
Verdun et à Paris, de 1704 à 1776, et ne forme pas moins
de 120 volumes in-8°. Dreux du Radier en a publié une
table depuis son origine jusqu'en 1756 inclusivement.
Paris, 1759, 9 vol. in-S".
Ce fut au mois de juillet 1704, que Claude Jordan fit
paraître à Luxembourg le premier numéro de ce recueil
sous le titre : Clef du cabinet des souverains. Ce journal
fut ensuite imprimé à Verdun; d'où lui vint le nom qu'il
a longtemps porté, celui de Journal de Verdun. Vers la fin
de 1716, Claude Jordan prit des arrangements avec Ga-
neau, libraire de Paris, pour l'impression et la distribution
de ce journal, et il le rédigea jusqu'au mois de février
1727, époque où son grand âge et ses infirmités l'empêchè-
rent de continuer ce pénible travail. C'est alors que de la
— 475 —
Barre se chargea de continuer ce journal : le nouveau
rédacteur le soutint sans interruption jusqu'à sa mort,
après laquelle il fut remplacé par C.-Pli. iMontlienaull
d'Égly, aussi membre de l'Académie des Inscriptions.
Barbier, Dict. des Anonymes, n" 2383. idem, Examen
critiques des Dictionnaires hist., art. Jordan, etc.
V. Mémoires pour servir à l'histoire de France et de
Bourgogne, contenant un Journal de Paris, sous les Règnes
de Charles VI et de Charles VII. L'histoire du meurtre
de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, avec les preuves.
Les États des Maisons et Officiers des Ducs de Bourgogne
de la dernière Race, enrichis de notes historiques très-in-
téressantes pour un grand nombre de familles illustres.
Des Lettres de Charles le Hardy, duc de Bourgogne, au
sieur de Neuf-Chastel du Fay, Gouverneur de Luxem-
bourg; et plusieurs autres monumens très utiles pour
l'éclaircissement de l'Histoire du XIV. et XV. siècle. Avec
une table des matières, et des noms des familles les plus
considérables dont il est fait mention dans l'ouvrage.
A Paris chez J.-M. Gaudouiu et P.-F. Giffart. M. DCC.
XXIX. Avec approbation et privilège du Roy, 2 vol. in-4°.
Le premier se compose de 6 feuillets liminaires et de
380 pp.; le second contient 559 pp., y compris la table;
plus deux pp. pour l'approb., le priv. et l'errata.
Ces mémoires avaient été recueillis par Dom Des Salles,
bénédictin. Il y a aussi, selon Barbier, quelques morceaux
de Dom Guillaume Aubry, également religieux de Saint-
Benoît. Dans l'exemplaire qui est à la Bibliothèque du
Roi, dit le même bibliographe, on lit à la tète la note ma-
nuscrite qui suit : « Cet ouvrage est attribué, sur de bon-
nes preuves, à IN. de Bois-Morel, religieux de Saint-Bé-
nigne de Dijon, très-honnéte homme et de bonnes mœurs,
lequel, non par libertinage, mais par égarement d'esprit
sur la religion, passa de France en Hollande, où il se fit
— 476 —
protestant. « La même note se lit en substance dans le cata-
logue Lammens, seconde partie, n" 4759.
De la Barre a mis au-devant de son édition une préface
curieuse de huit pages. Ces mémoires sont d'une grande
importance pour l'histoire de nos provinces. La seconde
partie nous offre les noms de bon nombre de familles, dont
des rameaux ont été transplantés en Belgique, telles que les
Carondelet, les Clugny, les Rolin, les Le Vaillant, etc., etc.
Cette même partie est enrichie d'une foule de notes pré-
cieuses, extraites des archives de la chambre des Comptes
de Dijon.
\L Le nouveau Secrétaire du cabinet contenant des
lettres sur différents sujets, avec la manière de les bien
dresser, les compliments de la langue française, et les
maximes et conseils pour plaire et se conduire dans le
monde. Paris, 1752, in-12.
VIL Le nouveau Secrétaire de la cour ou lettres fami-
lières sur toutes sortes de sujets, avec des réponses, une
instruction pour se former dans le style épistolaire, le
cérémonial des lettres, etc. Paris, 1732, in-12.
Nous trouvons deux éditions du Secrétaire de la Cour,
de 1633 et de 1640. M. De Boze vante les changements
faits par de la Barre à ces deux recueils. L'abbé de Feller
est moins indulgent. Selon lui, « ces éditions prouvent que
de la Barre avait plus d'érudition que de goût. Le discer-
nement qu'il avait acquis pour les vieux manuscrits ne
lui servait pas pour les ouvrages modernes. » Nous ajou-
terons qu'il est pénible de voir des savants comme de la
Barre réduits à la nécessité de relaper des œuvres de si
mince importance.
Vin. Histoire de France, sous le règne de Louis XIV,
qui contient ce qui s'est passé depuis son avènement à la
couronne, jusqu'à l'année 1648, inclusivement, par de
— 477 —
Larrey. Rotterdam, iMichcl Bohm, 1753-58, 9 vol. in-12,
ou 5 vol. 111-4".
Cette histoire, retouchée et augmentée de notes par de
la Barre, et publiée avec permission sous le nom de Rotter-
dam, fut réellement éditée à Paris, chez Clousier.
Elle avait d'abord paru en 1718, simultanément avec
l'indicat., Rotterdam, 5 vol. in-4'', et Amsterdam, 9 vol.
in-12. Cet ouvrage a eu plusieurs éditions, mais est peu
estimé.
IX. Histoire de la ville de Paris, contenant ce qui s'est
passé de remarquable depuis le commencement de la mo-
narchie française, jusqu'à présent. Paris, Desprez, 1753,
5 vol. in-12.
M. De Boze, dans l'éloge de de la Barre, dit que celle
histoire de Paris est un extrait de celle du P. Lobineau, en
5 vol. in-folio. Le Moréri de 1759 assure le même fait, et
ajoute que de la Barre n'est auteur que du cinquième vo-
lume. Barbier, de son côté, dit que ce n'est que l'histoire
de Paris, par l'abbé Desfontaines et d'Auvigny, revue par
de la Barre. Celte histoire s étend jusqu'à l'année 1750.
Barbier, Dict. des Anon., u° 7655.
X. Avis désintéressé sur les derniers écrits publiés par
les cours de Vienne et de Madrid, au sujet de la guerre pré-
sente. (Paris) 1755, in-4°. Ce sont quatre pièces traduites
de l'italien de Fernand Treviguo; les deux premières par
l'abbé le Mascrier, et les deux autres par L. de la Barre.
On attribue encore à de la Barre une part dans la conli-
nuation du Discours sur l'histoire universelle de Bossuet.
Amsterdam, 1758, 4 vol.
Outre ces diverses publications, de la Barre a encore
inséré un certain nombre d'articles dans les Mémoires de
l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres :
1» Explication et correction de quelques endroits de
— 478 —
Pline. 1727, Hist. de TAcad. desinscr., t. VII, pp. 208-
214.
2" Éclaircissements sur l'histoire de Lycurgue par M. de
la Barre. — Lus à la séance du 19 juillet 1729. iMém. de
TAcad. des Insc, VII, 262-272.
0° Remarques sur la route de Sardes à Suses, décrite
par Hérodote, et sur le cours de l'Halys, de TEuphrate, de
TAraxes et du Phase. — Séance du 10 mai 1729. Ibid.,
Vm, 541-562.
4° Dissertation sur la livre romaine, avec des remarques
sur quelques mesures. — Séance du 13 juin 1728. Ibid.,
VIII, 572-402.
5" Mémoires sur les divisions que les Empereurs romains
ont faites des Gaules en plusieurs provinces. — Séances
du 21 février 1727 et du 25 mai 1750. Ibid., VIII,
405-429.
6° Première dissertation sur le Poëme épique, où l'on
examine s'il est nécessaire que l'action de ce poëme ait
rapport à une vérité de morale. — Séance du 22 mai 1751 .
Ibid., IX, 259-256.
7° Seconde dissertation sur le Poëme épique, pour servir
d'éclaircissement à la précédente. — Séance du 4 septem-
bre 1751. Ibid. IX, 237-290.
8° Dissertation sur les places destinées aux jeux publics
dans la Grèce, et sur les courses qu'on faisait dans ces
places. — Séance du 2 mai 1752. Ibid., IX, 576-596.
9° Explication d'une épigramme de Martial avec de nou-
veaux éclaircissemens sur la livre romaine. — 1752. Hist.
de l'Acad. des Inscriptions, IX, 86-91. C'est l'épigramme
24* du X'^ livre; il s'agissait de décider à combien d'années
dévie se bornait le désir de Martial.
10° Nouvelles remarques sur les années de Jésus-Christ.
— 1751. Ibid., IX, 102-110.
— 479 —
H" Sur une couronne trouvée dans l'Ile de Ilhé. Ibid.,
IX, 176-179.
12° Correction de quelques passages d'Hérodole (lib. I,
ch. 131; II, 49; V, 27). — 1734. Ibid., XII, 175-181.
13" Explication et correction de deux passages de Feslus.
— 1754. Ibid., p. 224-230.
14° De la manière dont les Égyptiens comptaient les
années du règne des empereurs, par MM. de la Barre cl le
baron de la Bastie. — 1737. Ibid., XII, pp. 136-ir)2.
Au moment de sa mort, de la Barre travaillait à finir
un ouvrage qu'il avait annoncé à ses confrères de l'Aca-
démie quelques mois auparavant, sous le litre de Mémoires
pour servir à VHistoire de la Religion de la Grèce. Il eu
avait même lu en plusieurs fois les six premiers articles;
mais il avait négligé d'en déposer le manuscrit dans les
Archives de l'Académie. La minute de l'auteur fut toute-
fois heureusement retrouvée dans un des portefeuilles de
M. Fréret, telle qu'elle avait été lue en 1737 et 1738. D'où
l'on peut juger avec assez de vraisemblance que cet ouvrage
n'a pas été poussé plus loin. La première partie, qui peut
être considérée comme terminée, est insérée aux tomes
XVI et XVIII des Mémoires de l'Académie des Inscriptions
sous ce titre :
15° Mémoires pour servir à l'histoire de la religion de
la Grèce. Avant-propos. 1757. — XVI, p. 1-5.
Premier article. De l'auteur de la Théogonie, et des
écrivains qui ont passé pour être plus anciens qu'Homère
et qu'Hésiode. — Ibid., 5-46.
Deuxième article. Des différentes systèmes par lesquels
on a essayé d'expliquer les anciennes fables. 1758. —
Ibid., 46-92.
Troisième article. Texte de la Théogonie d'Hésiode.
1738. —XVIII, 1-11.
— 480 —
Quatrième article. Observations générales sur la Théo-
gonie, où Ton en développe le plan, — XVIII, H -28.
Cinquième article. — DuTartare, de l'Amour, de l'Éther
et du Jour. — XVIII, 28-39.
Sixième article. — De la Nuit et de sa famille. —
XVIII, 59-59.
Ces six articles sont les seuls auxquels de la Barre ait eu
le temps de mettre la dernière main. Le plan de son ou-
vrage embrassait toute l'histoire des Dieux de la Grèce,
conformément à la Théogonie d'Hésiode. 11 laissa dans ses
papiers les minutes de quelques autres articles; « mais
» comme l'ordre que s'est proposé l'auteur ne les amenait
» pas immédiatement après les six premiers, et que d'ail-
» leurs ils semblent composés sur un autre plan, quoique
» dans les mêmes principes, nous avons cru devoir les
» réserver pour la partie historique de quelqu'un de nos
» volumes suivants, où nous en donnerons l'extrait. »
Voir Mém. de l'Acad. des Inscriptions, vol. XVI, p. I,
et XVIII, p. 59.
16° Dans leXIX« vol. de ces mêmes Mémoires, paru en
1755, nous trouvons encore l'ouvrage suivant, dont la lec-
ture avait rempli plusieurs séances de l'Académie:
Essai sur les mesures géographiques des anciens. —
P. 512.
Premier mémoire. — Sur le stade des Grecs, où l'on éta-
blit qu'ils ont employé deux stades différents, P. 514-532,
Deuxième mémoire, — De l'usage que les Grecs ont fait
du petit stade. P. 553-546.
Troisième mémoire. — Du Schène des Égyptiens et du
parasauge des Perses. — P. 547-562.
Quatrième mémoire. — De l'usage du grand stade chez
les Grecs. ~ P. 562-576.
De la Barre avait en outre entrepris un Grand Diction-
— 481 —
naire d'Antiquités grecques et romaines, qui ne devait pas
avoir moins de quatre volumes in-folio, et qu'il comptait
terminer dans l'espace de trois années. Il s'était mis à relire
tous les auteurs anciens dans leur texte original, et il en
avait copié de sa main tous les endroits dont il prévoyait
pouvoir faire usage. Il y travaillait depuis quinze mois,
quand la mort le surprit; et déjà plus de cent articles
étaient terminés. Ce travail réclamait un continuateur, qui
lui fît défaut.
En 1744, on a imprimé à la suite de la préface des Œu-
vres philosophiques et géographiques de J. Pierquin, une
épitre en vers français adressée par L. de la Barre au
même J. Pierquin. C'est le seul morceau de poésie que
nous connaissions de L. de la Barre.
C'est ici le lieu de dire un mot de la part prise par de
la Barre aux ouvrages de Dom Anselme Banduri. Voici
d'abord les litres de ces ouvrages :
1° Imperium Orientale, sive antiquitates Constantino-
politanœ in quatuor partes distributse : quœ ex variis
scriptorum grsecorum operibus et prsesertim ineditis ador-
natse, Commentariis, elGeographicis, Topographicis, aliis-
que quam plurimis monumentorum ac numismatum tabellis
illustrantur, et ad intelligentiam cum sacrœ, tum profanœ
historiaî apprime conducunt. Opéra et studio Domni An-
selmi Banduri Ragusini, Prœsbyteri ac Monachi Benedic-
tini e Congregatione Militensi. Parisiis, Typis ac Sump-
tibus Joannis Baptistse Coignard, 1711, 2 vol. in-folio,
contenant ensemble 214, 1017 et 140 pages.
L'ouvrage est dédié à Cosme IIl de Médicis, grand-duc
de Toscane. La dédicace est suivie d'une préface de 14p.,
et d'une liste chronologique des empereurs et des pa-
triarches de Constantinople, depuis Constantin le Grand.
Le 1" volume est à deux colonnes; le second, à une seule
colonne, renferme les commentaires.
— 482 —
2" Numismata imperatorum romanorum à Trajano Decio
ad Palseologos Auguslos. Accessit Bibliotheca nummaria,
sive auctorum qui de Re nuQimaria scripserunt. Opéra et
studio D. Anselmi Banduri, Monachi Benediclini, regiae
magui Elruriee ducis Bibliothecse prsefecti, et in regia aca-
demia parisiensi inscriplionum ac bonarura litterarurn aca-
demici honorarii. Lutetise Parisiorum. Sumplibus Monta-
lant, 1718. Cum priv. Sacrée Reg. Majestatis, 2 vol.
in-folio, de 544 et 777 pages, sans les lim. et les tables.
A la fin du second vol., ou lit : Ex Typographia Langlois.
Cet ouvrage est dédié à Philippe d'Orléans, régent de
France; la dédicace est suivie d'une préface très-longue et
de la Bibliotheca Nummaria, qui occupe CXXVI pages.
Cette Bibliothèque a été réimprimée avec des notes par
les soins de Jean-Albert Fabricius, à Hambourg, en 1719.
Ces deux importants ouvrages, ornés d'un grand nombre
de gravures représentant des monnaies, des antiquités, etc.,
font partie de la collection byzantine. Jérôme Tanini a pu-
blié un supplément aux Numismata sous ce titre : Numis-
matum Imperatorum Romanorum, ab A.Bandurioeditorum
supplementum, studio H. Taninio. Romœ, 1791, 1 vol.
in-folio.
Les médailles des Numismata sont de trois graveurs :
Ertinger, Ph. Simonneau et Dan. Cochin.
L'exemplaire des Numismata provenant du cabinet de
M. Van Hulthem, porte la note manuscrite suivante : « On
dit que Louis-Fr.-Jos. de la Barre, de l'Académie des
Inscriptions , est le principal auteur de cet ou-
vrage, quoiqu'il soit annoncé être de Dom Banduri. » Cette
note est extraite de l'exemplaire de M. de Milly, dont la
vente s'est faite à Paris le 2 vendémiaire et jours suivants,
an Vin. L'auteur de l'article Banduri, dans la Biographie
Michaud, dit à son tour : « On a écrit assez légèrement que
^\. de la Barre était le véritable auteur des ouvrages de
— 485 —
Dom Banduri. D. Banduri n'a jamais caché les obligations
qu'il avait à son confrcre, ni les services qu'il en avait
reçus pour ses ouvrages. Il est clair qu'il en aurait agi
autrement, s'il avait voulu s'approprier son travail. »
Cette dernière opinion nous paraît la plus près de la
vérité, la part prise par de la Barre à ces deux ouvrages
est une part en quelque sorte matérielle. Quand parut
Vlmperhim Orientale, de la Barre n'avait que vingt-trois
ans. Il est vrai qu'il en avait trente lors de la publication
des Numismata. Ses connaissances avaient grandi dans
l'intervalle, et il est certain qu'il prit une part plus active
au second qu'au premier ouvrage. Sa mission principale
fut de copier, d'extraire et de vérifier, dans les manuscrits
comme dans les imprimés, ce qui lui était indiqué par
Dom Banduri, de veiller sur les impressions et sur les
gravures, et d'en corriger exactement les épreuves : tâche
ingrate sans doute, mais qui devait nécessairement, et par
une pente toute naturelle, amener de la Barre à prendre
rang parmi les premiers savants de l'époque.
Il est étonnant que Foppens n'ait pas dit un mot de de
la Barre, et plus étonnant encore que Paquot ait gardé le
même silence. Hoverlant, au volume XC'= de son Essai, a
voulu venger la mémoire de son compatriote; et, chose
rare chez cet écrivain, son article n'est pas trop mauvais;
il est loin d'être complet, mais on y reconnaît une cer-
taine exactitude.
F. F. J. Lecolvet.
484
Ce Srotssart
DE M. KERVYN DE LETTENHOVE (1).
L'Académie française avait proposé pour sujet de con-
cours en 1836, une étude sur les Chroniques de Froissart,
étude qui devait porter à la fois sur sa vie et sur le carac-
tère de ses œuvres. D'un côté, ce travail exigeait toutes
les recherches historiques nécessaires pour suivre à travers
les grandes luttes de son temps l'existence mobile de cet
écrivain célèbre, qui puisa les matériaux les plus précieux
de son ouvrage dans ses relations personnelles avec des
hommes éminents de différents pays. D'autre part, on
demandait l'appréciation critique de son génie, de sa ma-
nière et de son style. Cette double tâche était peut-être
trop étendue, puisqu'elle supposait chez les concurrents
l'érudition vaste et variée du biographe jointe à des con-
naissances littéraires d'un genre tout spécial. Aussi l'Aca-
démie ne reçut-elle aucun travail qui répondit pleinement
au programme; mais elle distingua et crut devoir récom-
penser par une médaille particulière un mémoire dont la
partie historique était traitée avec autant de savoir que de
justesse d'esprit. Ce mémoire était dû à M. Kervyn de
Lettenhove, l'auteur de la savante Histoire de Flandre, et
c'est après avoir revu avec soin sou manuscrit pour l'enri-
(1) Froissart, Etude Uuéraire sur le A7V'« siècle. Bruxelles, 2 vol. in-18.
— .48o —
richir du fruit de nouvelles reclierclies qu'il Ta livré à
la presse.
Le premier volume contient la biographie de Froissarl
et offre sans comparaison le travail le plus complet et le
plus intéressant que nous possédions sur aucun écrivain de
cette époque. La vie du chroniqueur y est mise en lumière
avec une merveilleuse netteté. Nous apprenons à connaître
sa famille qui était originaire de Beaumont, la condition
sociale de son père, qui n'était point, comme on l'a cru jus-
qu'ici, un simple peintre d'armoiries, son éducation régu-
lière et les compositions poétiques de sa jeunesse dont
M. Kervyn de Lettenhove a retrouvé une partie encore
inédite dans les trésors inconnus de la Bibliothèque de
Bourgogne. L'étude qu'il a faite des ouvrages de Froissart
ne s'est pas bornée à leur analyse; il a comparé les diffé-
rents manuscrits, consulté les variantes des textes, et re-
cueilli par ce travail opiniâtre une foule d'indications, qui
viennent éclaircir d'une manière presqu'inespérée les pha-
ses différentes de la vie de l'auteur. Il a également tiré
parti de toutes les découvertes faites dans les archives,
depuis la mention de quelques moulons d'or payés à
contre-cœur au poète par le trésorier du duc de Brabant,
jusqu'à l'assaut d'un clocher où Jehan Froissart, avec quel-
ques braves compagnons, s'empara de deux clercs homi-
cides, malgré leur vigoureuse défense.
Mais la partie la plus remarquable de cette savante
étude, est celle où le biographe suit le chroniqueur de
contrée en contrée et nous signale ses rapports avec les
mieux informés de ses contemporains. M. Kervyn de Let-
tenhove déploie là une vaste érudition et une sagacité
infinie. Les cours d'Angleterre et de France lui sont aussi
familières que les châteaux des seigneurs belges, et il ne
connait pas moins bien les célébrités littéraires de l'époque,
ChristinedePisan, Geoffroy Chaucer et EustacheDeschamps,
— 486 —
que les grands capitaines et les bons chevaliers, Messires
Dei'trand du Guesclin, Jean Chandos, Gauthier de Mauny,
Espaing de Lyon et cent autres. Son livre est sous ce rap-
port un tableau aussi vivant que varié des hommes et des
usages du quatorzième siècle, et il aurait pu tout aussi
bien l'appeler une étude historique que littéraire de cet âge
héroïque. Si nous avions quelque reproche à lui adresser,
ce ne serait que celui d'une sorte de profusion dans sa
richesse, défaut si rare et si attachant que c'est peut-être
une qualité.
On sait que Froissart, tout en admirant la richesse et
l'énergie des communes de Flandre, est loin d'embrasser
leur parti contre celui des seigneurs. M. Kervyn se montre
plus sobre de détails sur ce point que sur beaucoup d'au-
tres, et l'on comprend qu'il lui en coûterait de tirer des
conséquences trop sévères des réticences et des jugements
hasardés qui ont été souvent reprochés à l'histoire. Mais en
revanche, il extrait des archives de Bruges et d'Ypres des
pièces qui répandent un nouveau jour sur les relations
intimes de ces deux villes avec la commune de Paris, au
moment où la bourgeoisie de cette capitale essaya d'entraî-
ner à une réforme politique les États généraux de France.
Ces pièces consistent en deux lettres du prévôt des mar-
chands, Etienne Marcel, chef du parti qui osa entreprendre
cette grande tentative, et elles contiennent son apologie qui
mérite d'attirer plus d'attention que les récits évidemment
calomnieux qui ont noirci sa mémoire. Ce ne sont pas
seulement les idées de liberté que le réformateur français
empruntait à la Flandre : il avait aussi pour confidents et
pour auxiliaires à Paris même, un certain nombre de mar-
chands flamands, dont l'auteur belge a recueilli les noms
et qui travaillaient à réaliser ce rêve hardi d'une ligue
communale que fît évanouir le désastre de Roosebeke.
Nous aimerions à voir rapprocher de ces documents les
— 487 —
lettres de Philippe cl'Artevelde au jeune roi Charles VI
que contient un manuscrit de la bibliothèque de Gand, et
qui, si leur authenticité est douteuse, prouvent au moins
quel développement avaient pris parmi nous les mêmes
idées à une époque voisine.
Le deuxième volume de Touvrage a pour sujet le carac-
tère des écrits de Froissart et surtout de ses chroniques.
L'auteur commence par rappeler Tesprit chevaleresque
qui animait les princes et les seigneurs en renom pendant
la première moitié du quatorzième siècle, et il trace avec
un extrême éclat l'image de leur qualités héroïques. On
pourrait se demander quelquefois en parcourant ces pages
éblouissantes, si l'enthousiasme qui s'y reflète, ne lui fait
pas un peu oublier les ombres du tableau; mais la noblesse
des figures qu'il dépeint explique et justifie jusqu'à un
certain point cet entraînement que le lecteur le plus calme
est bien près de partager. Une période plus sombre suc-
cède d'ailleurs à cet âge d'or de la chevalerie et M. Kervyn,
tout en gémissant de cette rapide décadence, ne la décrit
pas moins avec fidélité. Il nous fait deviner le décourage-
ment qui s'empare du chroniqueur, à mesure qu'il voit
ainsi dégénérer les fortes races. Mais ce découragement ne
nous paraît pas une excuse sufiisante pour la facilité avec
laquelle Froissart renonce à s'indigner des scènes odieuses
qui se présentent à lui et qu'il finit par raconter trop sou-
vent d'un ton d'indifférence. C'est là une tache que tout le
talent de son biographe ne saurait effacer; nous la croyons
plus grave qu'elle ne semble l'être à ses yeux.
A part ce seul point de dissentiment, nous regardons
comme parfaitement justes les éloges que M. Kervyn donne
aux diverses qualités de Froissart, en s'appuyant sur un
choix heureux d'exemples et de preuves. Il laisse très-peu
de chose à faire à ceux qui essaieront peut-être encore de
revenir sur ce sujet, à moins que, suivant le vœu et l'ex-
— 488 —
pression du rapporteur de l'Académie française, ils n'eu
approfondissent plus spécialement « la partie finement lit-
téraire. «Ce serait là en effet un travail conforme au goût
académique; mais on nous permettra de douter que le plus
grand nombre des lecteurs en fût aussi friand. Quelque
manière de voir qu'on adopte à cet égard, le côté de la
question auquel s'est attaché l'écrivain belge a une impor-
tance incontestable, et la publication de son livre, en lui
assurant un nouveau titre de gloire, rehaussera aux yeux
de l'Europe savante la valeur de la médaille qu'il a obtenue.
Joseph Fuerison.
— 489 —
Cljroutipic bcô $dc\x(Cô et hs 2(rtô, et iDûrictés.
Ancien Hôpital de Roclers. — Un des lecteurs du Messager des Sciences
hisloriqties a demande dans le temps, par la voie du Questionnaire, quel
avait été le sort d'un ancien hôpital que la ville de Roulers possédait encore
au XVI« siècle, et qu'elle n'a plus aujourd'hui (Questionnaire n" 73, ISiiG,
p. 274); et il a été répondu à cette question par ces paroles de Sanderus (II,
p. 381): Fuit et in Hollario xenodochium a sororibus religiosis olim curatum,
ae civilibus turbis mine eversum, qtiod patribus Atigustinis nuper (reclamante
licet brugensium antistite) donavil dux Ncoburgicus, iisque facdltatem impcr-
tiitfundandiin oppido monasleriiel scuolas erigeîvdi ad juventutem vernaculis
laiinisque liUeris imbuendam. » Un volume manuscrit faisant partie de la
collection de la bibliothèque de Gand, et composé de diverses pièces relatives
toutes au couvent des Augustins à Roulers, permet de compléter ce que nous
apprend Sanderus,
La première pièce de ce recueil nous prouve l'existence de l'hôpital en liiOO,
puisqu'elle constate une fondation de messes dans l'hôpital le 28 juin de celle
année. Au XVn<= siècle, l'hôpital partagea le sort de la plupart des institu-
tions de ce genre. La seconde pièce est une requête adressée aux bourgmestre
et échevins de la ville de Roulers, par les Augustins, afin qu'ils soient auto-
rises à y ériger un couvent, avec église et école, en l'honneur de Dieu et pour
l'utilité des habitants : Met expresse conditic dat de voornoemde stede endc
inwoonders daermede geensinls en zullen worden belast nogle eenigzins veru-
bligeert daer loe iet le contribueren, in deele ofte geheele. Ce besoin d'une au-
torisation est contraire à l'idée qu'on se fait communément du régime ancien;
on ignore assez généralement aujourd'hui, dans les provinces bcigiques
comme en France, que l'aulorisalion du gouvernement et le consentement
des habitants étaient requis pour l'établissement de nouveaux couvents. Nous
voyons, le 10 février 1652, le conseil privé de Brabant émettre l'avis qu'il
n'y a pas lieu de permettre aux Carmes déchaussés de s'établir à Malincs,
« parce que ladite ville n'était déjà que trop remplie cl chargée de cloîtres
d'hommes cl de femmes. » (Voir la Belgique judiciaire, t. XIV. p. 274 cl
— 490 —
t. XVI. p. 689. Voir aussi, pour la France, œuvres de Cl. Ilenrys, II, p. 15).
Aussi les Augustins ne purent-ils obtenir Tautorisation de s'établir à Rou-
1ers, qu'en produisant la preuve qu'ils avaient suffisamment de biens pour
ue pas être à charge aux habitants. C'est pourquoi ils exposent, entr'aulres,
(pièce no 3), que donation leur a été faite par le prince de Neubourch, de tous
les biens de l'hôpital de Roulcrs; et finissent par obtenir l'autorisation de
s'établir dans cette ville, à la condition : « dut de voorschrcvene religieusen
zullen houden lalynsche school naer behooren en zondcr loon. » Les pièces
conservées ne nous mettent pas à même de vérifier si cette condition a été
observée.
Un document qui date de 16i4, constate que demande fut faite par les
Augustins, à l'évêque de Bruges, de réduire les messes dont étaient chargés
les biens donnés primitivement à l'hôpital. Cette réduction eut lieu dans la
proportion de trois par semaine, à deux par mois, et lorsque par la suite de
nouvelles fondations au profit des Augustins, eurent de nouveau fait remon-
ter le nombre des messes à un chiffre trop considérable, ils obtinrent des
évéques de Bruges, de nouvelles réductions. Ce couvent exista jusqu'à la na-
tionalisation des biens ecclésiastiques; vendu comme bien national, il est de-
venu depuis le petit séminaire de Roulers.
D.
Abbaye de Villehs. — L'église de l'antique abbaye de Villers, dans le Bra-
bant wallon, ravagée pendant la tourmente révolutionnaire du siècle dernier,
contenait un grand nombre de monuments funéraires et d'inscriptions sépul-
crales. Toutes ont disparu aujourd'hui. On sait cependant qu'un recueil de
ces nombreuses épitaphes a été formé au XVIIIe siècle. On demande ce qu'est
devenu ce manuscrit? Existe-t-il dans quelque dépôt privé ou public? Quel-
qu'un pourrait-il indiquer où il se trouve aujourd'hui?
Mission LiTiÉBAinE de M. Ers. Van Budtssel en Angleterre. — Dans un
mémoire présenté au Gouvernement vers la fin de l'année 1837, M' Er-
nest Van Bruyssel, ancien attaché au bureau paléographique, demeurant
aujourd'hui à Londres, appela l'attention de M. le ministre de l'Intérieur
sur l'utilité qu'il y aurait pour l'histoire de la Belgique, à explorer les dépôts
d'archives et les bibliothèques d'Angleterre, nommément la Tour de Londres,
le Musée britannique, le State paper's office, la collection de sir Thomas
Phillipps à Middlc-Hill, les bibliothèques d'Oxford, de Cambridge, d'Edim-
bourg, les archives de l'Échiquier, etc., et demanda d'être chargé de cette
exploration.
La Commission royale d'histoire, consultée par le Gouvernement, s'étant
— 491 —
montrée favorable au projet de 31. Van Bruyssel, M, le ministre de llntérieiii-
donna à ce jeune savant la mission d'explorer les dépôts littéraires d'Angle-
terre, en se conformant aux instructions que la Commission royale d'histoire
avait été invitée à lui donner, et qui consistent :
En premier lieu, de rédiger un catalogue raisonné des manuscrits concer-
nant riiisloire de la Belgique, qui sont conservés dans la bibliothèque de
sip Thomas Phillips, à Middle-Hill, et de plus, une liste de tous les manu-
scrits, sans exception, de la même bibliothèque qui proviennent des abbayes
ou d'autres établissements belges;
En second lieu, de rechercher, au iMusée britannique et dans les autres
bibliothèques d'Angleterre, les chroniques, mémoires, relations, qui seraient
de nature à entrer dans la Collection des Chroniques belges invdiles, et d'en
dresser de même un catalogue raisonné;
En troisième lieu, de former une liste des lettres, instructions et autres
documents relatifs aux règnes de Charles-Quint et de Philippe II, comme
souverains des Pays-Bas, que renferment le Musée britannique et le State
papers' office.
Dans une de ses dernières séances, la Commission royale d'histoire a pris
communication d'un rapport extrêmement intéressant, dans lequel M. Van
Bruyssel donne un travail complet sur les dépots littéraires d'Angleterre, ainsi
que sur les publications historiques dont ils ont fourni les matériaux. Nous
croyons devoir donner une analyse substantielle de ce travail.
« Chapitre phemier. — Archives de l"Etat. — Les archives du gouverne-
ment anglais sont remarquables par leur nombre, leur richesse et leur im-
portance. Elles se succèdent sans interruption à partir de la conquête, et,
sous le rapport de l'antiquité, elles surpassent les collections françaises, qui
ne présentent de séries bien suivies de documents officiels qu'à partir du
règne de saint Louis. Les archives britanniques sont encore partagées de nos
jours entre différentes administrations, et l'absence d'un dépôt général en
rend l'étude difficile et pénible. Les principaux dépôts actuellement existants
sont établis : au Public record office, à la Chapelle des rôles, « rolls chapcl » ;
au Chapitre de l'abbaye de Westmitislir, « Chaptrc House » (pools corner); à
Carllon Ride; au State paper office; au duché de Laneaslre.
A. « PiBLic RECORD OFFICE (Ancienne collection de la Tour de Londres). Il
renferme des documents concernant toutes les branches de laiiministratioit,
depuis la conquête de lAngleterre par les Normands jusqu'en 1842. Il eu
existe entre autres les catalogues suivants : Répertorie of records in the Ex-
chequer and Tower, bij T. Powell, IGôl, in-i»; Calendar of records in the
Tower of Loiidon {Masvc brit., MS. Harl. 94); Exlracts from registers in the
Tower of London, by D' Ilutton (Musée brit,, MS. Harl, C957 cl C9C5),
— 49^2 —
Les documents dont se compose cette collection, sont classés ainsi qu'il suit :
«§ 1. — Carlœ antiqttœ. » On désigne sous ce nom général les anciens do-
cuments ù la Tour de Londres, et qui ne sont pas postérieurs au commence-
ment du XIll'^ siècle. Sir J. Ajloff en a publié un catalogue sous le titre :
Calcndars oftlie ancien! charters now rema'ining in the Tower of London, 1772,
in-4». Voir encore l'ouvrage de sir Thomas Pliillipps : Cartœ antiquœ in Turre
u'ith référence lo Aijloff"s catalogue, Middle-Hill, 1845, in-fol. — M. Van
Bruyssel indique les manuscrits dans lesquels on trouve des extraits de ces
chartes. — Ou trouve dans celte collection des actes concernant les transac-
tions les plus diverses, à partir du règne d'Edouard 111.
§ 2. — Actes concernant les fiefs, — « Scutage rails. » Le plus ancien de ces
rôles date de la 5^ année du règue d'Edouard 1. — Un inventaire de ces do-
cuments a été imprimé dans les 2", 3*, i^ et j« rapports du « Depiity keeper. »
— « Marshal's rolls, «ou actes du grand maréchal, se rapportant également
à la tenure des fiefs dont ils règlent le service militaire. Il n'en existe que
quelques-uns à lu Tour; ils se rapportent à la 10« année du règne d'Edouard I,
et à la 8"^ du règne d'Edouard III.
« Aid and subsidy rolls. » Ce sont des pièces relatives aux aides et subsides
accordés au roi. La collection qui en existe à la Tour comprend le règne
d'Edouard 111, celui de Henri VI, de Henri VIII et d'Elisabeth.
§ ô. — Documoils provenanl des cours de Juslice. — Le dépôt de la Tour
renferme les papiers de la cour de la chancellerie, à partir de la 17<= année
du règne de Richard II. On eu a publié un catalogue en 3 vol. in-fol., 1827-
1832, au prix de 2 liv. 2 sh.
§ 4. — « Rotuli. >' — Les rôles déposés à la Tour ont été classés de la ma-
nière suivante : ,
a Almain rolls. » — Traités de pais et d'alliance, négociations diverses entre
Edouard I, roi d'Angleterre, Adolphe, roi des Romains, Jean, duc de Bra-
bant, Guy, comte de Flandre, et Jean, comte de Hollande.
a Charter rolls. »— Concessions diverses, privilèges accordés aux maisons
religieuses, aux villes, aux corporations et aux sociétés commerciales, du
règne du roi Jean jusqu'à celui d'Edouard IV. Il en a été publié un catalogue
en 1803, sous ce titre : Calendariiim rolidontin charlarum et inquisitionuni ad
tjuod damnum.
u Close rois. »— Ces rôles, délivrés de 1203 à liSa, renferment une foule
de documents du plus haut intérêt, el se rapportent à toutes les branches de
l'administration et du gouvernement. M. Hardy, conservateur des archives de
la Tour, en a publié une description en 1835. Un catalogue manuscrit des
« Close rolls «existe dans la bibliothèque de Lincoln's Inu, La Commission
des Records a publié les rôles de 1204 à 1227.
— 495 —
« Coronation rolls. »— Ils contiennent tout ce qui se rapporte au couion-
nement d'Edouard II, ainsi que les comptes présentés à l'occasion de Tavè-
nemcnt de Richard H, Henri IV et Henri V.
« Fine rolls. » — Comptes des sommes payées pour obtenir diverses licen-
ces.La Tour renferme les actes de ce genrequi précèdent le règne d'Edouard V.
a Freneh rolls. » — Toutes ces pièces se rapportent à l'administration des
possessions anglaises en France, et s'étendent du règne de Henri III à la
22^ année de ravènemcnt d'Edouard IV.
u Norman rolls. » — Ils comprennent une période de 2u6 ans, et commen-
cent à la 2« année du roi Jean. La Commission des Records a publié ceux
de 1200 à 1203.
« Libcrtate rolls. » — Ce sont des ordonnances d'envoi en possession, de
restitution, des mandats de payement, etc., etc., adressés au trésorier et à
d'autres grands officiers de l'échiquier. Les « Libcrtate rolls » sont du règne
de Jean à celui d'Edouard IV.
« Memoranda rolls. » — Papiers concernant le recouvrement des dettes
dues à la couronne, les confiscations, les saisies, etc. Les plus anciens d'en-
tre ces documents datent de la 2<' année du règne de Henri III.
K Oblata rolls. » — On a imprimé ceux qui se rapportent au règne du
roi Jean.
« Patent rolls. » — Lettres patentes. La collection qui existe à la Tour,
s'étend jusqu'au règne d'Edouard IV (avril 1483). Il en existe plusieurs cata-
logues manuscrits au .Musée britannique.
« Redisseisin rolls. » — Cette collection commence à la 14« année du règne
d'Edouard I, et finit avec la 39« année du règne de Henri VI. Elle contient
des ordonnances adressées aux shérifs et des papiers émanant de ces magis-
trats, relatifs à certaines confiscations de biens.
« Sign manuals and signet bills. » — On donne le nom de« Sign manual »
à certains ordres signés par le prince et contre-signes par un secrétaire ou
l'an des lords de la trésorerie. On a déposé à la Tour les « signet bills, »
octroyés par les rois d'Angleterre, depuis le régne de Richard II jusqu':\
celui de Charles I.
« Privy seuls. » — Avant de rédiger une lettre patente, on faisait une
transcription authentique du « signet bill, » et ce nouvel acte, scellé du
contre-scel, était soumis au lord chancelier et prenait le nom de « privy
seuls. » La Tour renferme les pièces de l'espèce qui se rapportent aux règnes
d'Edouard I et de Richard III.
« Records of attainders. » — « Forfeitures and pardons. » Condamnations
pour crime de félonie ou de haute trahison. Actes de grâce. Les rôles qui
— 49-4 —
sont à la Tour et qui peuvent se placer dans cette catégorie s'étendent
d'Edouard II à Henri IV. Il existe une autre série de pièces au même dépôt,
relative aux poursuites faites au nom du Parlement, de la 29* année du
règne d'Edouard III à la fin du règne d'Edouard IV.
a Roman rolls. » — Correspondance avec le pape et les cardinaux, se rap-
portant en grande partie aux affaires ecclésiastiques en Angleterre.
B. « Chapelle des Rôles {Rolls chapel). — Ce dépôt renferme les documents
suivants :
» Annuités. — Contrats d'annuités, rentes viagères, etc., depuis la 53e an-
née du règne de Georges III.
» Cardinal bundies. — Fardes contenant des enquêtes adressées au cardi-
nal Wolsey, concernant l'état des propriétés ecclésiastiques.
» Chancery, common law side, — Plaidoiries, jugements provenant de cette
cour de justice, à partir du règne de Henri VII.
» Charter rolls. — La chapelle des rôles possède les documents à partir de la
12« année du règne de Jacques I, ceux de 1199 à 1483 se trouvant à la Tour.
» Close rolls. — Ils sont conservés dans la collection dont nous nous occu-
pons, de la fin du XV« siècle à l'année 1784.
» Confirmation rolls. — Ces actes, par lesquels les souverains anglais con-
firment des lettres patentes et des chartes accordées antérieurement, existent
à la chapelle des rôles, de Richard 111 à Jacques l.
» Coronation rolls. — Documents relatifs aux cérémonies du couronnement
des rois d'Angleterre. Ils commencent avec l'avènement de Jacques I, pré-
sentent une lacune sous Charles I et Georges III, et continuent à partir de
cette époque.
» Decree rolls and dockels. — Décisions de la cour de la chancellerie, à
partir de la 25^ année de Henri VIII.
» Dispensation rolls. — Dispenses à propos de divers sujets, accordées par
le monarque.
» Escheat bundies. — Ils conliennent des enquêtes et des comptes relatifs
aux dettes dues à la couronne.
» Fine rolls. — Cette collection commence à partir du règne d'Edouard IV.
» Inquisitions posl morlem et ad quod dumnutn. — Ces enquêtes avaient
pour objet de régler la transmission des propriétés et le payement des droits
de succession.
» Pardon rolls. — Il existe quelques actes de ce genre à la chapelle des
rôles, dans la collection qui porte le nom de « Wiscellaneous rolls. «
» Parliament rolls. — Il s'agit ici des actes du Parlement qui, pour une
raison quelconque, ont été communiqués à la chancellerie.
— 495 —
M Patent rolls. — Nous avons vu que les plus anciennes lettres patentes
sont à la Tour; il faut les chercher à a Rolls chapel, »à partir du règne
d'Edouard IV,
» Privy seuls. — Voir plus haut.
» Proclamations. — Elles sont mêlées aux « privy seals and signet bilts. «
» Spccificalions and surrcnder rolls. — Papiers divers, brevets concernant
le droit d'exploiter certaines inventions. La collection commence au règne
de Charles II,
» Trealy or foreirjn rolls. — La eoUeetion qui existe encore s'arrête à la
restauration des Stuaris; elle se compose de : Rôles français, commençant
sous Edouard III et allant jusqu'à Charles II; Rôles italiens, de la oie année
du règne d'Edouard I à la iae année d'Edouard III; rôles écossais, de la
i9e année d'Edouard I à la 7e année de Henri VIII; rôles gallois, de la li" an-
née du règne d'Edouard I à la 23e du gouvernement du mémo souverain;
rôles irlandais, de la l^e à la oOe année du règne d'Edouard IH.
C. — a Chapteu Hodse. — Les documents qui, à diverses époques, ont été
placés à Chapter Ilouse, présentent un ensemble très-varié. On y trouve une
partie des archives des cours de justice, dont les noms suivent : Slar cham-
bcr. Court of requcsis, Court of wards and liveries, Court of chivalry, ainsi
qu'un grand nombre de pièces relatives aux assises, placita foresta, curia
régis, etc., qui toutes sont classées séparément.
» Parmi les monuments historiques qui existent à Chapter House, on peut
citer le fameux Domesday Book, qui forme, comme on le sait, avec l'Evon
Domesday, l'Inquisitio Eliensis, le Weuton Domesday et le Boldon Book,
les premières annales de la propriété foncière en Angleterre.
D. » Carlton Ride. — Il existait autrefois un dépôt d'archives dans King's
Mews. Le bâtiment qui le renfermait ayant été démoli lors de la fondation
de la galerie nationale en 1833, tous les documents qu'on y avait accumules
furent transportés dans un nouveau bureau, à Carlton Ride, Carlton Ter-
race, Waterloo Place.
» Exehequer records (King's remembranccr's). — Le King's rcmembran-
cer {rememorator régis) était un officier de l'Échiquier chargé de recevoir les
consignations. Les archives qui proviennent de cette administration compo-
sent la plus grande partie delà collection de Carlton Ride,
» First fruits. — Documents relatifs à la perception de certaines dîmes. On
conserve aussi à Carlton Ride une foule de papiers judiciaires provenant de
l'Échiquier, du Banc de la reine, de la Cour des Plaids communs, etc. Cette
collection, qui renferme une partie des « curia rolls », n"a pas encore été
examinée, et fournirait probablement sur les relations commerciales entre
les provinces belges et l'Angleterre de curieux renseignements.
— 496 —
E. » State paper office. — Les papiers d'État que contient ce bureau pro-
viennent (le trois grandes sources, et se rapportent aux départements des
affaires étrangères, des colonies et de Tinlérieur. Ce dépôt renferme une
énorme quantité de documents concernant la Belgique. On y trouve plus de
quatre cent quarante volumes de pièces, pour ne citer qu'un exemple, sur
la Flandre et sur la Hollande. La plupart de ces papiers n'ont pas été classés.
F. » DucuÉ DE Lancastre. — Le siège de cette administration était situé dans
« Gray's Inn, »en 1732. Quelques-unes de ses archives ayant été détruites
vers cette époque dans un incendie, le reste fut transféré à l'hôtel Somerset,
pour voyager encore quelques années après, et être établies définitivement
dans un bâtiment nouvellement construit, Lancastcr Place, près de Water-
loo Bridge.
» On trouve, dans le dépôt dit de Lancastre, des chartes, des concessions,
privilèges, etc., accordés par les rois d'Angleterre, à partir du Xlle siècle;
des livres d'enregistrement commençant à la fin du règne d'Edouard III et
allant jusqu'au règne de la reine Anne; des documents concernant la no-
blesse, les fiefs, etc., remontant à Edouard I jusqu'à nos jours; des enquêtes
pour régler la succession des domaines concédés par la couronne, de l'épo-
que de Henri VIII à celle de Charles I. La Commission des Records en a
publié un catalogue en 3 vol. in-fol.
«Chapitre H. — Bibliothèques publiques, — Le département des manu-
scrits au Musée britannique se compose actuellement de onze divisions, savoir :
Collection Sloane 4-100 volumes, Cottonian 900, Harleian 7639, Royal 1930,
Lansdowne 124-5, Hargrave 499, Burney 524, King's 458, Egerlon 5000,
Arundel 530, Additional 22,000, formant un total de 42,843 ouvrages, sans
compter les manuscrits orientaux, etc. Il en a été publié plusieurs catalo-
gues, ènumérés par M. Yan Bruyssel. »
Parmi ces collections, la bibliothèque Lansdownienne paraît surtout ren-
fermer un grand nombre de documents relatifs à l'histoire de nos provinces.
On y trouve en effet : l» Cent vingt-un volumes in-fol., renfermant les pa-
piers d'État rassemblés par lord Burleigh et la correspondance de ce ministre;
2o les lettres de sir Julius Cœsar, juge de l'amirauté sous le règne de la reine
Elisabeth, chancelier de l'Échiquier et maître des rôles sous Jacques 1 et
Charles I (30 vol.); 3» lettres et papiers d'État concernant le règne de Henri IV
et celui de Georges III; 4" les collections parlementaires de Pelyt, un traité
sur la Chambre étoilée, quinze volumes de lettres patentes, etc.
Les manuscrits additionnels nouvellement acquis, et dont il n'existe encore
que des catalogues manuscrits, contiennent également de véritables trésors.
«Chapitre IM. — Collections appartenant aux universités, aux collèges,
— 497 —
AUX ÉGLISES, ADX cORPonATiONS. — Cambridge. La Bibliollièquc de rUnivcrsilé
de Cambridge, dont il existe un catalogue publié en 18i>t), renferme, coninic
tous les grands dépôts d'Angleterre, beaucoup de documents concernant la
Belgique. On y trouve entr'autrcs : un vol. in-i", du XV* et XVI« siècles, sur
parchemin, contenant : D. d. III, 55. — N" 24-3. Un ordre adresse aux ofli-
ciers de l'amirauté, leur enjoignant de fournir un passage, de Douvres ù
Calais, à Jeffrey de Stiwedc, envoyé en Flandre par le roi.
» N» 243. Une note sur le même, avec le compte de ses dépenses.
«N0 419. Lettre au comte de Flandre, par laquelle le gouvernement an-
glais réclame la restitution de certaines marciiandiscs, placées à bord d'un
navire qui échoua près du port de l'Écluse.
» N" 42G. Lettre au duc de Luxembourg et de Brabant, en faveur de sir
Walter Voskyn, qui avait été pris, sur l'ordre des magistrats de Bruxelles.
»N°429. Lettres de créance pour John Cadeford, adressées au comte de
Flandre, au duc de Brabant et au duc Albert de Bavière.
» N" 447-448. Lettres au duc et à la duchesse de Luxembourg, concernant
une ambassade en Allemagne.
» 463. Major et aldermanni civitatis London. « Litera excusatoria » burgo-
magistro, scabino et consulibus villse Brugensis, « de debito » in civitate Lon-
don. u soluto » et post solutionem injuste « apud Bruges repetito. »
»D. d. IV, 49. Un vol. pet. format, sur papier, de 41 pp., écriture du
XVI« siècle, renfermant plusieurs chansons politiques des plus curieuses se
rapportant ù Guillaume de Nassau.
» D. d. IX, 13. — No 6 Considérations sur ung traité de paix avec l'Es-
pagnol, 1587.
»D. d. XI, 44. — Un vol. in-4", sur papier, 118 pp., écriture de la se-
conde moitié du XVl'' siècle. Un album contenant un grand nombre de petits
poèmes français, composés en partie par Jacob Marnix de Sainte-Aldegonde,
fils de Phil. de Marnix.
» E. c. I, 29. — Relatione di Fiandra. Le texte de ce MS. diffère de celui
qui a été imprimé dans les Opère storiche del cardinal Bentivoglio.
» E. e. Il, 12. N» 10, fol. 83. — Copie des instructions données par l'arciii-
duchesse d'Autriche, douairière de Savoie, à Thomas Gramaye, directeur
de la monnaie de Flandre à Bruges, et Jean de VVaesbicouke, essayeur, en-
voyés par ladite princesse à la cour d'Angleterre.
»No23. Résumé de quelques lettres relatives à dilTérenlcs affaires, suivi
des noms des officiers de l'armée du prince de Parme, et de quelques pièces
relatives à Marie, reine d'Angleterre, et à Thilippe, roi d'Espagne.
.. E. f. I, 31. — Un MS. sur parchemin, des XI1I« etXIV-: siècles, conte-
nant une copie de la chronique de Sigebert de Gembloux.
— 498 —
i>F. f. V. li. — N° 10. The effecle of the artycles agreed upon by llie
prince of Orenge and magistrales of Anlwarpe with theym of tlie Regyon.
» No 10. The kyng Phyllip's campe at Sanct Quyntyns in august 1557.
K Canterbury . — Bibliothèque de la cathédrale. — 11 existe un catalogue
de cette bibliothèque, publié en 1802. Parmi les MSS., on trouve un vol.
in-fol., contenant le nom et les armoiries des officiers et seigneurs qui ac-
compagnèrent Edouard III au siège de Calais, en 1546; des détails sur ce
siège, un dénombrement de l'armée de terre et de mer, les comptes des
dépenses, etc.
M Dublin. — La ville de Dublin possède cinq bibliothèques principales :
Trinity collège, March library, Dublin Spciety libr., Royal irish Academy,
King's Inns library. Elles renferment ensemble 174,634 imprimés et
2340 manuscrits. 11 existe un catalogue de celle du Trinity collège, imprimé
en 1801.
» Durham, — La bibliothèque de l'église cathédrale contient 520 MSS.
environ. Il en a paru un catalogue en 1823.
» Edimbourg. — La bibliothèque des avocats de cette ville est très-riche.
» Ely. — Il a été publié un catalogue de la bibliothèque de l'église de cette
ville en 1815.
» Exeter. — La bibliothèque de l'église de cette ville est surtout remar-
quable par le nombre et l'antiquité des MSS. anglo-saxons qu'elle renferme.
» Glasgow. — La bibliothèque de cette ville renferme plus de 500 MSS.
Il en a été publié un catalogue en 1846.
» Hcreford. — La bibliothèque de l'ancienne cathédrale de Hereford pré-
sente encore, de nos jours, un excellent spécimen d'une ancienne librairie
monastique. Les livres sont placés sur des rayons auxquels ils sont attachés
par des chaînes.
» Londres. — I. Bibliothèque de l'évêehé. Le département des manuscrits y
est classé en sept grandes divisions : a. Codiccs Lambethani; b. Codices Whar-
toniani; c. Codiccs Carewani; d. Codices Tenisoniani; e. Codices Gibsoniani;
f. Codiccs misceUanei; g. Codices Manners SuUoniani. Ces neuf sections ren-
ferment ensemble 1209 manuscrits, dont il a été publié un catalogue en 1812.
On trouve dans cette bibliothèque une partie de la correspondance de Shrews-
bury, de Leicester, des lettres de Juste-Lipse, et un volume très-intéressant
contenant une foule de lettres échangées entre Charles II et la princesse
d'Orange, la reine douairière Henriette-Marie, la duchesse d'Orléans, etc.
» 2. Collège des hérauts. — Elle renferme de nombreux manuscrits.
» 3. Mansion House.
» Manchester. — Il a été publié un catalogue de la bibliothèque de cette
ville, en 1791 cl 1826, en 5 vol. in-8o.
— 499 -
» NoRwicii. — Bibliollièque de la catliéilralc. Il en existe égalemenl un ca-
lalogue publié en 1819.
«OxFono. — a. La bibliothèque Bodlcenne, ù Oxford, jouit d'une répula-
tien méritée. Elle renferme 21,000 manuscrits, qui proviennent des collec-
tions de Bodley, de Dodesworlb, de Rawlinson, de Gough, de Tonner et de
Douce.
» 6. La bibliothèque Asmolcennc est également fort belle; elle renferme près
de 2,000 manuscrits. 11 en a paru plusieurs catalogues.
» Petersborougii. — La bibliothèque de l'église était autrefois très-impor-
tante; elle ne renferme plus aujourd'hui qu'un petit nombre de manuscrits.
«Saint-Andrew. — Bibliothèque de l'Université. »
P. C. V. D. M.
Les Eglises de Gand. — Sous ce titre a paru à Gand, un ouvrage considé-
rable en deux volumes, qui contient la description détaillée de toutes les
richesses artistiques, disséminées dans les différentes églises et oratoires de
notre ville. Cet inventaire, étayé de pièces authentiques qui ont été tirées des
ai'chives des églises mêmes, présente un vaste ensemble des tableaux,
sculptures, ciselures, objets du culte, ornements, orgues, manuscrits, ar-
chives, etc., de tous nos édifices religieux avec des notices étendues sur les
artistes et les donateurs. Chaque notice est précédée de renseignements sur
l'architecture et les dates de construction des édifices, ainsi que sur les vicis-
situdes diverses qu'ils ont subies. Le premier volume, qui se compose de
350 pages, renferme la description de la cathédrale de Saint-Bavon, avec dix
planches; le deuxième volume, composé de 4-00 pages et de vingt-deux plan-
ches, est consacré aux églises paroissiales et aux divers oratoires de Gand.
L'auteur de cet ouvrage, le plus complet qui ait paru sur la matière, est
M. Kervyn de Volkaersbeke, l'un des directeurs du Messager des Sciences his-
toriques, circonstance qui ne nous permet point de faire de ce livre l'éloge
détaillé qu'il comporte. Contentons-nous de dire qu'une série de monogra-
phies entreprises dans tout le pays sur cette échelle, offrirait le tableau le
plus éloquent de ce que nos peintres, nos architectes, nos sculpteurs, nos
ciseleurs, ont produit de remarquable, dans le passé, pour contribuer à l'or-
nementation des temples catholiques, vrais musées qui ont conservé intactes
à travers les siècles, les véritables traditions de l'art chrétien. Nous nous
permettrons en passant, une petite observation au sujet du tableau représen-
tant le Martyre de saint Biaise, par De Crayer. M. Kervyn n'est pas d'accord
avec M. Alfred Miehiels, qui considère ce tableau comme un des meilleurs
de ce maître, tandis qu'il est plus que médiocre. De Crayer aurait-il peint deux
fois le même sujet, alors qu'il était devenu octogénaire? Nous ne pouvons le
— 500 —
supposer. Si la toile appartenant au Musée de Bruxelles, possède les qualités
que M. Miehiels signale, De Crayer doit l'avoir exécuté à une autre époque
de sa vie, et non lorsqu'il avait atteint sa quatre-vingt-sixième année, comme
l'indique le catalogue du Musée de Bruxelles.
L'impression de l'ouvrage de M. Kervyn, due aux soins de M. Léonard
Hcbbelynck, de notre ville, prouve une fois de plus que Gand s'est placé au
premier rang sous le rapport typographique.
J. D. S. G.
Bibliographie gantoise. — Un bibliographe aussi instruit que laborieux
de notre ville, M. Ferdinand Vander Ilaeghen, vient de faire paraître le premier
volume d'un ouvrage qui présente l'histoire complète et détaillée de l'impri-
merie à Gand. Il est intitulé : Bibliographie gantoise : Recherches sur la vie
et les travaux des imprimeurs de Gand (1485-1830); première partie (XV« et
XVI« siècles), Gand, E. Vander Haeghen, 1858. Le livre s'ouvre par la biogra-
phie d'Arnaud de Keysere, l'introducteur des caractères mobiles dans cette
ville en 1483. Viennent ensuite les imprimeurs Simon Cock et Josse-Pierrc
de Halle (1515), Pierre de Keysere (1516-1547), Godefroid de Rode (1532),
Josse Lambrccht (1536-1533), Victor de Dayn (1340-1352), Martin Snouc-
kaert(1545), Erasme Vereecke (1546), Corneille Manilius (1348-1558), Jean
lerVanden Steene (1552-1372), Jean Cauweel (1334-1556), Gérard Van Sa-
lenson (1372-1578), Henri Vanden Keere (1536-13G7), Gislain Manilius
(1339-1573), Gautier Manilius (1574-1626), Pierre de Clerck (1577-1579),
Jean II Vanden Steene (1376-1625), Jean Van Salenson (1381-1388), Cor-
neille de Rekenare (1381-1584).
Chacune de ces biographies d'imprimeurs est suivie de la nomenclature
exacte et détaillée de toutes les productions sorties de leurs presses. Cette
description, faite avec le soin le plus minutieux, est enrichie de la vignette,
du monogramme ou du cartouche dont usait chaque imprimeur. Quelques
biographies, celle de Josse Lambrccht, entre autres, font parfaitement res-
sortir les mérites littéraires de ceux qui se livraient alors dans notre ville à
l'art typographique. Les notes qui suivent la description des titres de tous
ces livres, devenus rares aujourd'hui, prouvent que M. Vander Haeghen s'est
livré aux plus consciencieuses recherches pour accomplir" dignement son
œuvre. Aussi l'accueil le plus sympathique lui est il réservé, et l'on attend
avec impatience les deux autres parties de la Bibliographie gantoise. Disons
en finissant que, sous le rapport typographique, le volume est irréprochable
et fait le plus grand honneur aux presses de M. Eugène Vander Haeghen.
J. D. S. G.
— 501 —
Annales des Elzevier. — Dus Tannée 1843, un savant cl consciencieux iii-
bliographe de notre ville, RK Ch. Pielers, prcludait au grand travail qu'il ;i
achevé depuis sur les Elzevier, par une monograjjliie, intitulée, Analyse des
malêriaux les plus utiles pour de futures Annales de l'imprimerie des Elzevier.
Huit ans après l'apparition de ce premier essai, M. Pieters qui, soit dit en
passant, possède une riche collection Elzevirienne et bien d'autres curiosités
bibliographiques, fit paraître en 1831, la première édition des Annales de
l'imprimerie des Elzevier, qu'on pouvait déjà considérer comme une œuvre
très-complète, et qu'aucun travail de ce genre n'égalait, sur les impressions
de ces célèbres typographes hollandais.
Depuis celte époque, comme il arrive toujours en pareil cas, de nouvelles
recherches ont amené la découverte de nouvelles productions sorties des
ateliers des Elzevier. En outre, aidé d'obligeantes communications, M. Pieters
a pu ajouter d'intéressants détails aux renseignements recueillis antérieure-
ment sur les membres de cette illustre famille, qui a porté si haut en Europe
le renom de l'art typographique,- il a rectifié les erreurs inséparables d'une
semblable monographie, il a senti le besoin de compléter les descriptions
d'une quantité de livres devenus rares. Consciencieux el diflicile pour lui-
même, il a eu le courage de refaire la première édition de 1831, et il vient
d'en publier une nouvelle, revue et avgmenlée, que, malgré tant et de si
patientes recherches, il n'a pas encore osé appeler complète. Ce beau volume,
imprimé avec soin dans les ateliers de M. Aiinoot, à Gand, n'est plus une
simple bibliographie, mais un véritable monument élevé à Ihisloire littéraire
des Pays-Bas, où les Elzevier portèrent pendant près de cent ans le sceptre
de l'art typographique. M. Pieters est désormais l'historien le plus complet,
le plus exact de ces imprimeurs, dont les productions seront toujours recher-
chées par ceux qui aiment les bons et beaux livres.
J. D. S. G
Publications du Willems-Fonds. — Parmi les associations littéraires que le
mouvement flamand a fait surgir dans les différentes provinces flamandes de
la Belgique, aucune n'est restée plus fidèle à sa mission que la Société du
Willems-Fonds, créée à Gand en 1831. Présidée aujourd'hui par le docteur
Sncllaert, membre de l'Académie royale, elle a su échapper aux influences
des partis et aux divers tiraillements politiques qui ont faussé l'esprit de
plusieurs de ces associations. Se renfermant dans le rôle modeste, mais émi-
nemment civilisateur qu'elle s'est attribué, celui de publier des livres utiles et
de développer par des moyens honnêtes et pratiques l'étude de la langue fla-
mande, elle poursuit son œuvre avec une persévérance au-dessus de tout
éloge et continue à tendre la main à tous ceux qui favorisent le progrès de
41
— 502 —
ce puissant élénienl de notre nationalité. Ses publications sont aujourd'hui
au nombre de trente-deux, parmi lesquelles quelques-unes sont d'une incon-
testable importance. Parmi les dernières parues, nous citerons : î» Un traité
de perspective, parM. A. Suunaert; 2" Réflexions sur l'École de peinture belge,
par E. Zetternam; o» Un traité de botanique, par M. le docteur Fredericq;
i-o L'histoire naturelle dans les Ecoles populaires, par M. E. Campens;
5" Un traité de civilité, par Madame Gautier; 6» Une bibliographie de tous les
livres flamands qui ont paru en Belgique de 1850 à 1833, par M. Snellaert,
et enfin 7° un Recueil d'extraits poétiques des meilleurs écrivains des Pays-
Bas, depuis les temps les plus reculés jusqu'aujourd'hui. Ce dernier ouvrage,
dû au choix judicieux et éclairé de M. Ileremans, professeur à l'Athénée de
Gand, comble une lacune regrettable dans la littérature flamande. Ceux qui
nient l'importance et la valeur de cette littérature, y verront que nos poètes
ne méritent point le dédain qu'on affecte à leur endroit et que notre langue
si riche, si flexible, avait déjà produit d'excellentes poésies à une époque où
les autres idiomes de l'Europe étaient encore dans l'enfance.
La première livraison de la Nederlandsche Dichlerhalle ou Bloemlezing iiit
de Nederlansche dichlers (Gent, 1 838, in-8<>, 2 colonnes), contient des spéci-
mens de chansons religieuses et mondaines. Nous espérons que cet utile
Cours de liltvratiire deviendra bientôt classique et sera admis dans tous les
établissements d'où l'enseignement de la littérature flamande n'est point
banni.
J. D. S. G.
Journal des Beadx-Arts. — Un homme que ses connaissances spéciales
dans la partie des Beaux-Arts, recommande à la sympathie du public,
M"" Ad. Siret, membre de l'Académie royale de Belgique, vient d'entreprendre
la publication d'une revue nouvelle qui, sous le titre de Journal des Beaux-
Arts et de la Littérature, est destinée à s'occuper d'une manière toute particu-
lière de la marche et des progrès des arts en Belgique. Le premier numéro,
portant la date du 1 5 janvier, de ce recueil, éminemment utile, vient de paraî-
tre; il contient d'abord un programme auquel se rallieront volontiers tous
ceux qui s'intéressent à la réputation de l'Ecole belge si bien établie, surtout
à l'étranger, un programme où aux sentiments élevés en fait d'art s'allie un
patriotisme large et de bon aloi, un amour sincère de la vérité.
Dans l'article Revendications nationales, on se plaît à restituer à Van Dyck,
Adrien Brauwer et Nicolas Vleughels les titres de gloire qui leur appartien-
nent, tandis que sous les rubriques Mémoires et Documents et les Graveurs
belges, on donne sur Gaspard de Cracyer, Mathieu Van Brce et Henri Leys
des renseignements biographiques qui serviront un jour à compléter l'his-
— 505 —
toire de ces artistes célèbres. Enfin les Nouvelles d'Alelicrs nous initient iiii
mouvement de la peinture et de la sculpture belge actuelles, et Parlielc
Étranger nous fait connaître ce qui se produit eu France, en Allemagne, en
Russie, dans le domaine des Beaux-Arts.
Cette revue qui manquait à la Belgique, est appelée à un grand succès. Nous
appelons sur son contenu l'attention de tous ceux qui s'occupent chez nous
du mouvement artistique et littéraire (1).
J. 1). S. G.
DicTiONNAinE UNIVERSEL DES CoNTEMPORâms, l'AuE. Vapeueau. Paris, 18-!)8. —
Voici une entreprise bien hardie, je dirai presque bien risquée, si ce mot
pouvait s'appliquer à une publication aussi honnête qu'une biographie.
Rien n'est plus diflicile que d'écrire la vie d'un homme mort; bien plus ardue
encore est la tâche de celui qui entreprend de biographier ses contempo-
rains. Comment satisfaire tous les appétits de ceux qui se croient le droit
de figurer dans une galerie d'hommes célèbres, distingués, utiles; où cesse
la notoriété, où commence la nullité? Comment le biographe fera-t-il taire
l'envie, comment contentera-t-il les individus de mince valeur, qui, en raison
de leur médiocrité, aspirent nécessairement à un plus grand luxe de détails
biographiques ? Enfin, quels moyens emploiera-t-il pour être complet, pour
oublier le moins de noms possibles? Voilà toutes les questions que M. Vape-
reau a dû se poser, en se chargeant de rédiger uu Dictionnaire universel des
Contemporains. Il faut le reconnaître à sa louange , il est parvenu à les ré-
soudre d'une manière très-satisfaisante. Malgré les lacunes et les inexactitudes
inséparables d'une pareille œuvre, M. Vapereau a composé un livre qui pré-
sente l'ensemble de tout ce que le génie humain a produit de plus remarqua-
bles dans ses manifestations si variées, si multiples, depuis le commencement
de ce siècle (date à laquelle appartiennent les faits et gestes les plus anciens
de nos vieux contemporains) jusqu'à nos jours. La France y a nécessairement
la plus belle part; mais, hâtons-nous de le proclamer, des appréciations justes,
une grande sobriété de détails, jointe à beaucoupd'impartialité, distinguent les
articles qu'il a consacrés à ses compatriotes. A côté de ces biographies natio-
nales, figurent celles des pays étrangers, parmi lesquelles un grand nom-
bre sont rédigées avec un soin qui prouve que l'auteur a eu le bon esprit
d'aller puiser aux sources locales. Nous en jugeoiis ainsi par les particularités
qu'il a réunies sur les noms belges que nous voyons cette fois figurer d'un.-
manière beaucoup plus complète que de coutume, dans une biographie écrik-
(1) Deux fois par mois, Anvcr-, S fr. par un.
— 504 —
par un Français. Nos hommes politiques, nos artistes, nos musiciens, nos
hommes de lettres, nos savants y occupent un rang convenable. Si quelques
jugements qui les concernent sont sujets à révision, si certaines notices pèchent
par des inexactitudes de détail, si enfin tous les hommes dignes de figurer
dans une biographie, ne s'y trouvent pas, l'auteur fait loyalement appel à
ceux qui voudraient rectifier ses erreurs ou combler les lacunes de son livre.
On ne peut pas manifester d'une manière plus honorable l'intention de faire
le mieux possible. Disons-le donc sans détours, cet immense volume de
1802 pages grand in-S», à deux colonnes, doit devenir le vade-mecum de
toutes les bibliothèques publiques; dans notre siècle de publicité où on s'inté-
resse aux actes de tout ce qui est ou fait quelque chose dans le monde, on est
heureux de pouvoir aller puiser dans un seul corps d'ouvrage des rensei-
gnements biographiques qu'il serait impossible de se procurer ailleurs.
Félicitons donc le patient auteur d'avoir conduit sa tâche à bonne fin et
engageons toutes les personnes intéressées à lui adresser les observations cri-
tiques qu'il ne rougit pas de solliciter. M. Vapereau a fait une œuvre belle
et difficile, oublions ses défauts pour ne songer qu'à l'utilité et à l'importance
de son vaste Dictionnaire.
J. D. S. G.
NÉCROLOGIE. — Mr A. G. B. ScuAYES. — La Belgique vient de perdre un de
ses savants les plus distingués : le 8 du mois de janvier 1839 est décédé à
Ixelles-lez-Bruxelles, à la suite d'une attaque d'apoplexie foudroyante, à la-
quelle il n'a survécu que peu de jours, M. Schayes, membre de l'Académie
royale de Belgique, conservateur du Musée royal d'armures, d'antiquités et
d'artillerie, chevalier de l'Ordre de Léopold, etc., etc. Par sa profonde éru-
dition, autant que par les excellentes qualités de son cœur, M. Schayes avait
su se concilier l'estime et l'affection de tous ceux qui l'ont connu; aussi sa
mort prématurée a-t-elle excité des regrets universels.
Antoine-Guillaume-Bernard Schayes naquit à Louvain le 4 janvier 1808.
Il avait à peine terminé ses études, que son compatriote, M. Van Gobbel-
schroy, alors ministre de l'Intérieur du royaume des Pays-Bas, qui avait su
apprécier ses heureuses dispositions pour les travaux d'érudition, l'attacha à
la Bibliothèque royale de La Haye, où il fut spécialement chargé de la rédac-
tion du Catalogue des manuscrits de Gérard, dont le roi Guillaume venait de
faire l'acquisition.
Ce fut pendant son séjour à La Haye, de 18.50 à 1833, que M. Schayes
composa une partie de son ouvrage sur les Pays-Bas avant et pendant la
domination romaine, qu'il fit imprimer à Bruxelles en 1836, et dont il i)ré-
parait une nouvelle édition, revue et augmentée, au moment où la mort vint
— 505 —
l'arracher à ses travaux. Ce livre, remarquable par la variété el la profondeur
des recherches, consolida la réputation de M. Schayes, qui sY-tait déjà fait
connaître par quelques écrits rccominandablcs, insérés dans les Archives
historiques el liltéraires de M. le baron de Reiffenberg, dans le Bulletin des
Sciences historiques, publié à Paris par Férussae, et dans la Bibliothique des
antiquités helgiqiies.
M. Schayes rentra en Belgique en 1833, et fut attaché de 183Î) à ISi?,
aux Archives générales du royaume, en qualité d'employé de première
classe. En 1847, il fut appelé aux fonctions de conservateur du Musée royal
d'armures, d'antiquités et d'artillerie. Nommé correspondant de IWcadémie
royale en 1838, il fut élevé au litulariat le 11 janvier 1847, après avoir
remporté successivement trois médailles dans les concours ouverts par cette
compagnie.
M. Schayes est auteur d'un nombre considérable d'excellents travaux his-
toriques et archéologiques, qui sont énumérés dans la Bibliographie acadé-
mique. Dès l'année 1833, il prit part à la rédaction du Messager des Sciences
et des Arts, dont quelques amis des études historiques venaient de reprendre
la publication , interrompue momentanément à la suite des événements
de 1830. Depuis cette époque jusqu'en 1852, le Messager ne cessa de le
compter au nombre de ses collaborateurs les plus actifs et les plus dé-
voués. Nous donnons ici l'indication des articles qu'il a publiés dans notre
recueil.
1833. Population du Brabant, en 1427 et 1480, comparée à celle d'aujour-
d'hui. — Sur la culture de la vigne en Belgique. — Notice sur L. B. Dcwcz,
architecte.
1835. Sur l'abbaye et l'église paroissiale de Lobbes.
183G. Notice sur le voyage de Van Ghislele.
1838 et 1841. L'église de Saint-Pierre, à Louvain. — Description des ob-
sèques de Louis de Maie, comte de Flandre, en 1383. — Description histori-
que et topographique de Louvain, par A. Ferrier. — Notice historique sur la
commune de Saint-Josse-ten-Noode, près de Bruxelles.
1839. Variétés historiques sur la domination française en Belgique. —
Fonts baptismaux de Saint-Germain, à Tirlemont. — Galerie vitrée à Bruxel-
les. — Musée d'antiquités, à Bruxelles. — Slalne de bronze de Rubens.
1840. Miscellanées architectoniqucs. — Quelques détails sur les anciens
cloîtres, — sur les églises de Saint-Jacques et de la Sainte-Croix, ù Liège, —
sur l'église de Saint-Pierre, à Louvain, — sur la petite église de Cincy, près
de Dinant; — et sur une nouvelle maison communale à Duffel (Brabant).
1841. Tombeau de Charles-Eugène de Croy à Reval, en Eslhonie. - Cartel-
— 506 —
lum Menapiorum. — Nolice historique sur l'origine et l'étymologie du nom
de Bruxelles et de Brabant, par Spinnael. — Miscellanées architectoniques :
Bruxelles, Malines et Gand. — Sur linvention de limprimerie. — Sur les
antiquités de Tongres.
1842. Travaux publics, à Bruxelles.
1845. Sur Tancienne culture de la vigne en Belgique. — Miscellanées ar-
chitectoniques : Bruxelles, Louvain, Malines, Anvers, Gand, Liège et Verviers.
1844. Publication du plan de l'église de Sainte-Waudru, à Mons.
1845. Uber die Belgen des Julius Caesar, ein geographisch kritischerVer-
such, par Von Leutsch. — Histoire des Belges à la fin du XV1I1« siècle, par
Ad. Borgnet. — Restauration de la tour de l'hôtel-de-ville, à Bruxelles. —
Baudouin de Gand, grand-maitre des Templiers dans l'Occident.
1846. Restauration de Téglise d'Anderlechl. — Création d'un Musée royal
d'antiquités, d'armures et d'artillerie, à Bruxelles.
1847. L'architecture et les monuments du moyen-âge, à Liège, par Ch. Del-
saux. — Histoire politique et militaire de la Belgique, par D. Renard, l^e par-
tie, l^e étude.
1849. Ancien hôtel de Ravenstein, à Bruxelles. — Restauration d'anciens
édifices publics, à Bruxelles. — Chœur et transept de l'église de Notre-Dame
de la Chapelle à Bruxelles.
1852. Histoire politique et militaire de la Belgique, par D. Renard, 1" par-
lie, 2^ étude.
1832. L'abbaye de Villers.
P. C. V. D. M.
Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beacx-Arts de Belgiqce.
— Classe des Beaux-Arts. — Concours de 1839. — La classe propose pour le
concours de 1839, les questions suivantes :
Première question. — Faire l'histoire de l'origine et des progrès de la gra-
vure dans les Pays-Bas jusqu'à la fin du XY« siècle.
Deuxième question. — Quels sont, en divers pays, les rapports du chant
populaire avec les origines du chant religieux, depuis l'établissement du
christianisme ? Démontrer ces rapports par des monuments dont l'authcnli-
cité ne puisse être conlestée.
Troisiètne question. — Faire l'histoire de la gravure des sceaux, des mé-
dailles et des monnaies en Belgique jusqu'à la fin du XYIII^ siècle.
Quatrième question. — Faire l'histoire de la tapisserie de haute lisse dans
les Pays-Bas.
Le prix, pour chacune des questions, sera une médaille de la valeur de six
cents fraucs. Les mémoires devront être écrits lisiblement en latin, en fran-
— 507 —
çiiis ou en flamand, cl seront adressés, francs de port, avant le l^"' juin J859,
à M. Queteict, sccriMairc perpétuel.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations; à cet elVel,
ïes auteurs auront soin d'indiquer les éditions et les pages des livres qu'ils
citeront. On n'admettra que les planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom ù leur ouvrage, mais sciilcnirni
nne devise qu'ils répèleront sur un billet cacheté, renfermant leur nom et
leur adresse. Les ouvrages remis après le terme prescrit, ou ceux donl les
auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du
concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que, dès que les mémoi-
res ont été soumis à son jugement, ils seront déposés dans ses archives comme
étant devenus sa propriété. Toutefois, les intéressés peuvent en faire tirer
des copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel.
La classe adopte pour le concours de 18G0 les questions suivantes :
Première r/uestion. — Quelle a été au moyen-àge en Belgique, l'inlluencc
des corporations civiles sur l'étal de la peinture et sur la direction imprimée
aux travaux des artistes?
Deuxième question. — Déterminer et analyser, au triple point de vue de
la composition, du dessin et de la couleur, les caractères constitutifs de
l'originalité de l'École flamande de peinture, eu distinguant ce qui est essen-
tiellement national de ce qui est individuel.
Troisième question. — Faire l'éloge de Grétry : déterminer ce qui carac-
térise son talent dans les cinq genres de musique dramatique, à savoir : la
comédie sérieuse, la comédie bouffone, la pastorale, le grand opéra de demi-
caractère et la tragédie lyrique.
Les conditions sont les mêmes que pour le concours de 1839.
Concours EXTRAonniNAiRE. — Classe des Lettres et des Sciences morales et
politiques. — Sur la proposition d'une personne qui désire garder l'anonyme,
la classe des Lettres ouvre un concours de poésie, à l'occasion du SO^ anniver-
saire de la loi du l«r mai 183i, décrétant lexéculion des chemins de fer
belges.
Les poëmes destinés à célébrer ce grand événement national, devroul
contenir de deux à quatre cents vers cl être adressés, francs de port, avaiil
le 1" avril prochain, au domicile du secrétaire perpétuel.
Deux médailles, de mille francs chacune, seront décernées aux auteurs des
meilleurs poëmes du concours, simultanément ouvert à la poésie française
et à la poésie flamande.
— 508 —
Les concurrents ne metlront point leur nom à leur ouvrage, mais seule-
ment une devise, qu'ils répéteront sur un billet cacheté renfermant leur nom
et leur adresse. Les ouvrages remis après le terme prescrit, ou ceux dont les
auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce soit, seront exclus du
concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que dès que les manu-
scrits ont été soumis à son jugement, ils sont déposés dans ses archives comme
étant devenus sa propriété. Toutefois les intéressés peuvent en faire faire des
copies à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au secrétaire perpétuel.
509 —
TABLE DES MATIÈRES.
ANNÉE 1858.
tîottceô et Btôôcrtattottô.
Deux anciennes miniatures du huitième siècle. Par J. Gielen ... 1
Histoire littéraire. — Les petits poètes latins du Hainaut. Par F.-F.-J.
Lecouvet 6
I. Louis des Masures. Par le même 2G5
II. Louis-François-Joseph de la Barre. Par le même. . . . 4G8
Carrousel en traîneau, au XVJe siècle. Par Kervyn de Volkaersbeke . 39
De la culture de la Langue flamande dans le Nord de la France. Par
le B° de Saint-Génois ^^
Des rapports politiques et commerciaux des Belges avec l'Angleterre,
pendant l'époque mérovingienne. Par Ch. Rahlonbeck. . .■ . . 69
Archives des Arts, des Sciences et des Lettres. Par A. Pinehart . . 78
Suite 1^^
Suite 332
Suite 581
F. Hennebert. Notice nécrologique. Par J. D. S. G 109
Du slyle roman. — L'église de Saint-Martin, à Saint-Trond. Par Ar-
naud Schaepkens 129
Quelques recherches sur la carrière de Guy Morillon, secrétaire de
Charles-Quint. Par Félix Nève 132
Notices sur quelques livres rares du XVI» siècle. Par H. Helbig. . . 183
Détails historiques relatifs à Sanderus et à sa Chorographia sacra Bra-
bantiœ. Par F.-J. Raymackers, Pr 194
42
— 510 —
Thomas Guarin, Tournaisien, imprimeur à Bâle, au XVIe siècle. Par
F.-F.-J. Lecouvet 204
Chants liturgiques d'Adam de la Bassée, chanoine de la collégiale de
Saint-Pierre, à Lille, au XIII^ siècle. Par l'abbé D. Carnel . . . 241
Particularités inconnues sur quelques fous en titre d'office du moyen-
âge. Par Edward Van Even 514
Recherches sur l'organisation militaire de la ville de Gand, au moyen-
âge. Par Jules Huyltens 413
La Fêle-Dieu et un Mystère de la Passion à Fribourg, au XVI« siècle.
Par Men De Ring 433
Le Froissart de M. Kervyn de Lettenhove. Par Joseph Fuerison . . 484
Cl)roni(iue ^cs ôcumes et its '2ixts.
Lettre de Sanderus à la Chambre des Comptes, à Lille (1G06) . . 114
Vente du Cabinet de feu M. Borluut de Noortdonck, à Gand. 117, 253 et 574
Dons et Courtoisies de Philippe-le-Bon et de Charles-le-Téméraire aux
savants, aux artistes et aux gouverneurs des princes de la maison
de Bourgogne 221
Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant
l'histoire de la Belgique 230
Inhumation des restes de Marguerite d'Autriche 231
L'Écho archéologique de l'Allemagne, publié par M' A. Namur. . . 232
Itinéraire de Lille à Jérusalem de 1612, par Jacques Fauquemberghe. 234
Réunion de la Société archéologique de France 235
Pèlerinages, escondits et voyages en Belgique, en Hollande et sur les
bords du Rhin, imposés par les échevins de Lille et de Bélhune aux
bannis et autres repris de justice, etc. (XIV*, XV« et XVJe siècles). 361
Rébellion des Liégeois 368
Siège des Flamens devant Calais 369
Restauration du monument de Scepperus, à Eecke 370
Antiquités découvertes à Maestricht 372
Découverte de fragments d'un manuscrit du XV^ siècle de Jean Ruys-
broek et de Jean van Leeuwen, et d'une édition sur peau de vélin de
l'Entrée de Charles-Quint, à Bologne, en 1329 Ib.
d'une édition inconnue d'une version latine du poëme du Renard. 574
— 511 —
Découverte d'une partie des archives de rancienne cliancellcrie de
Luxembourg 374
Congrès artistique et archéologique à Gand 37C
Congrès de la propriété littéraire et artistique à Bruxelles .... 378
Institution d'un prix triennal pour la composition d'une œuvre drama-
tique en langue flamande 379
Ancien Hôpital de Roulers 489
Abbaye de Yillers 490
Mission littéraire de M. Ern. Van Bruyssel en Angleterre Ib.
Les Églises de Gand 499
Bibliographie gantoise 300
Annales des Elzevier SOI
Publications du Willems-Fonds Ib.
Journal des Beaux-Arts 502
Dictionnaire universel des Contemporains, par E, Vapereau. Paris,
183S 503
Société libre d'Émulation de Liège pour l'encouragement des Lettres,
des Sciences et des Arts. — Programme des questions de Littérature
et des Beaux-Arts, mises au concours 236
Académie royale de Belgique. — Classe des Lettres. — Résultat du
concours de 1838 '''•
Concours de 1839 258
Concours extraordinaire 239
Classe des Beaux-Arts. — Concours de 1859 506
Concours extraordinaire ^"^
Nécrologie : iM^ A. G. B. Schayes ^^*
— 512 —
Gi*aTiii*es et Lithographies.
Anciennes Miniatures du huitième siècle 1 et 4
Carte de la délimitation du Flamand et du Français dans le Nord de la
France 36 4^)
L'église de Saint-Martin, à Saint-Trond 129
Fac-similé et musique des Chants liturgiques d'Adaiù de la Bassée. . %&i
^ Fous en titre d'office du moyen-âge 530
Fac-similé de signatures écrites 357
Fac-similé dune reliure allemande de 1558 381
Peinture murale du XIII* siècle, représentant les corporations des bou-
langers, des poissonniers et des tondeurs de draps 450
Maison des Bigarden ou Bogarden, à Gand 448
GETTY CENTER LINRARY
3 3125 00676 5685