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Full text of "Messager des sciences historiques, ou, Archives des arts et de la bibliographie de Belgique"

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DES  SCIEIVCES  HISTORIQUES, 


ou 


ARCHIVES 
DES  ARTS  ET  DE  LA  BIBLIOGRAPHIE 

DE  BELGIQUE. 


LISTE  DES  COLLABORATEURS. 


MM.  Pu.  Bloiumaert,  avocat,  à  Gand. 

J.  BoRGNET,  archiviste  de  l'État  et  de  la  province,  à  Namur. 

Ul.  Capitaine,  bibliographe,  à  Liège. 

R.  CuALON,  président  des  Bibliophiles  belges,  à  Bruxelles. 

LÉON  DE  Bdrbure,  compositcur,  à  Anvers. 

Ch.  de  Chênedollé,  bibliographe,  à  Bruxelles. 

E.  De  ConssEMAKER,  correspondant  de  l'Institut  de  France,  à  Dunkerque, 
De  la  Fons-Melicocq,  à  Lille. 

Men  De  Ring,  antiquaire,  à  Strasbourg. 

Le  Chan.  J.  J.  De  Smet,  membre  de  la  Comm.  royale  d'List.,  à  Gand. 

0.  Delepierre,  consul  de  Belgique,  à  Londres. 

L.  Devillers,  à  Mons. 

A.  Do  Bois,  avocat  et  membre  du  Conseil  communal,  à  Gand. 

P.  GÉNARD,  sous-bibliothécaire  de  la  ville  d'Anvers. 

A.  Gheldolf,  juge  au  tribunal  de  l^e  instance,  à  Gand. 

J.  Gielen,  à  Maeseyck. 

H.  Helbig,  à  Seraing-sur-Meuse. 

Ed.  Joly,  archéologue,  à  Renaix. 

J.  Kervyn  de  Lettenhove,  correspondant  de  l'Acad.  royale,  à  Bruxelles. 

F.  Lecouvet,  professeur  à  l'athénée  royal  de  Gand. 

Le  Glay,  archiviste-général  du  département  du  Nord,  à  Lille. 

H.  G.  MoKE,  professeur  à  l'Université  de  Gand. 

F.  NÈVE,  professeur  à  l'Université  de  Louvain. 

J.  Petit-de  Rosen,  à  Tongres. 

Alex.  Pinchart,  second  commis  aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles. 

Henry  Raepsaet,  juge-de-paix,  à  Lokeren. 

Ch.  Rahlenbeck,  consul  de  Saxe,  à  Bruxelles. 

F.  J.  Raymaekers,  prieur  de  l'abbaye  de  Parc,  près  de  Louvain. 

J.  E.  G.  Roulez,  professeur  à  l'Univei-silé  de  Gand. 

Alex.  Schaepkens,  artiste-peintre,  à  Bruxelles. 

Arn.  Schaepkens,  à  Maestricht. 

A.  SiRET,  commissaire  d'arrondissement,  à  S'-Nicolas. 

J.  Stecher,  professeur  à  l'Université  de  Liège. 

Ed.  'Van  Cauwenbergue,  à  Audenarde. 

GusT.  Van  Coetseai,  avocat,  à  Gand. 

Edm.  Van  der  Straeten,  à  Bruxelles. 

Pr.  Van  Duyse,  archiviste  de  la  ville  de  Gand. 

Edw.  Van  Even,  archiviste  de  la  ville  de  Louvain. 

C.  Vervier,  président  de  la  Commission  des  Monuments,  à  Gand. 

L.  A.  Warnkoenig,  ancien  professeur  à  l'Université  dcTubinguc. 

M.  Wolters,  ingénieur  en  chef  de  la  Flandre  orientale,  à  Gand. 


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DIS  mmm  HisioRipis 


ou 


ARCHIVES 

itQ  ^rtsi  et  it  la  fiiblicgraptjie 

DE  BELGIQUE. 

Recueil  publié  par  MM.  A.  Van  liOKEREN,  Avocat  et  Archiviste  honoraire 
de  la  ville;  JB"  de  Saint-Genois ,  Professeur-Bibliothécaire  à  l'Uni- 
versité; P.  C.  Vaw  der  niEERScn,  Conservateur  des  Archives  de 
l'État  et  de  la  Flandre  orientale,   et  Kervviv  de  Tolkaersbeke, 

à  Gand. 


année  1858. 


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GAND, 

IMPRIMERIE  ET  LITHOGRAPHIE  DE  l.   HEBBELYNCK, 

rue  des  Peignes,  6. 


ÏHEGETTYCENTTR 
UBRARY 


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Bcnx  awctcwnts  iHiutoturcô 


DU    HUITIEME    SIECI.K. 


Parmi  les  curiosités  que  nous  ont  léguées  les  siècles 
reculés,  il  en  est  qui  méritent  de  flxer  particulièrement 
l'attention  de  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  de 
l'art.  C'est  des  manuscrits  illustrés  que  je  veux  parler,  de 
ces  monuments  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous  à  travers 
les  révolutions  et  les  vicissitudes  des  temps. 

J'ai  toujours  éprouvé  une  religieuse  émotion  à  feuilleter 
ces  antiques  travaux  de  nos  ancêtres  :  on  est  saisi  d'étonne- 
ment  quand  on  considère  la  richesse  et  surtout  la  patience 
qu'il  a  fallu  pour  écrire  les  pages  de  ces  immenses  in-folio, 
ruisselant  de  mille  couleurs.  Rien  n'est  plus  curieux  à 
contempler  que  ces  gracieuses  arabesques  et  ces  lettres 
tourneures,  enjolivées  par  le  lapis-lazuli,  le  pourpre  d'O- 
rient et  le  carmin  le  plus  pur;  puis  ces  admirables  minia- 
tures oii  l'éclat  de  l'or  et  de  l'argent  le  dispute  à  la  finesse 
microscopique  de  la  peinture. 

Je  ne  sais;  mais  en  présence  de  ces  vieux  livres,  dont  les 
peintures  se  rattachent  si  intimement  au  souvenir  de  nos 
anciens  ducs,  rois  et  souverains,  on  croit  voir  se  dérouler 
vivants  devant  soi,  les  différents  épisodes  de  leur  carrière. 

Ici,  c'est  la  vue  d'une  forteresse  gothique  ou  d'un  donjon 
crénelé,  le  spectacle  d'une  lutte  corps  à  corps  :  une  bataille 
sanglante  s'engage  sous  les  murs,  au  bas  desquels  les  hom- 
mes d'armes,  couverts  de  cottes  de  mailles,  tombent  percés 
de  flèches  aiguës. 

1858.  I 


_  2  — 

Là,  c'est  une  scène  champêtre  ou  bucolique,  où  le 
gentil  damoiseau  et  la  belle  damoiselle  poursuivent  avec 
une  grâce  toute  naïve  une  intrigue  d'amour. 

Plus  loin,  vous  assistez,  sous  les  voûtes  d'une  basilique 
byzantine,  à  une  de  ces  cérémonies  imposantes  et  reli- 
gieuses, où  le  prêtre,  couvert  d'ornements  étincelants, 
donne  la  bénédiction  aux  membres  de  toute  une  cour 
royale  assemblée. 

Les  vieux  manuscrits  ont  leur  langage,  et  je  ne  puis  me 
lasser  d'en  admirer  les  peintures  qui  me  plaisent.  Mais, 
hélas!  combien  est  grand  le  nombre  de  ces  précieux  tré- 
sors littéraires  et  artistiques  qui  n'ont  pu  parvenir  jusqu'à 
nous,  et  sur  lesquels  le  bras  ravageur  et  iconoclaste  d'in- 
nombrables hordes  barbares  a  fait  main  basse,  en  les  livrant 
au  fer  et  à  la  flamme. 

Triste  destruction:  mais  qui  sait?...  ne  serait-ce  pas  là 
un  de  ces  effets  secrets  de  la  Providence,  qui,  elle  aussi, 
pour  stimuler  davantage  les  recherches  des  archéologues  et 
bibliomanes  modernes,  a  voulu  jeter  comme  un  voile  d'ou- 
bli sur  une  grande  partie  des  œuvres  sublimes  auxquelles 
ont  pris  part  nos  premiers  miniaturistes,  dont  l'origine  et 
le  nom  ne  nous  sont  que  très-imparfaitement  connus? 

Pour  quel  motif,  se  demande-t-on  souvent,  les  anciens 
miniaturistes  négligeaient-ils  de  signer  leurs  œuvres?  On 
pourrait  établir  difl'érentes  conjectures  à  cet  égard,  et  plu- 
sieurs personnes  semblent  portées  à  croire,  que  cette  la- 
cune provient  de  leur  ignorance,  voire  même  de  leur  in- 
souciance. Ces  opinions  paraissent  très-peu  probables;  car, 
pour  que  l'arliste  ait  pu  produire  dans  ses  compositions 
jusqu'aux  moindres  détails  historiques,  il  devait  nécessaire- 
ment avoir  acquis  une  profonde  connaissance  des  épisodes 
qu'il  devait  peindre,  et  il  y  mettait,  du  reste,  trop  de  soin 
et  de  goût,  pour  que  l'on  puisse  lui  reprocher  l'un  ou  l'au- 
tre de  ces  défauts. 


Une  aiilre  cause,  à  noire  avis,  parait  avoir  plus  de  vrai- 
semblance quant  à  l'absence  de  la  signature,  c'est  celle  qui 
prend  sa  source  dans  le  caractère  simple,  désintéressé  et 
religieux  même  de  l'artiste,  qui  dans  ces  siècles  du  moyen- 
âge  n'avait  pas  tant  à  cœur  d'établir  la  réputation  de  sa 
vaine  gloire,  que  de  travailler  par  son  génie  et  son  pin- 
ceau à  embellir  le  manuscrit  où  avait  passé  sa  vie,  son 
âme  tout  entière,  et  duquel  il  pouvait  dire  glorieusement 
avec  son  humilité  cénobitique  :  Monumenlum  exegi. 

Mais  laissons  là  ces  digressions  pour  dire  quelques 
mots  sur  un  des  plus  vieux  manuscrits  à  miniatures  que 
possède  la  Belgique,  et  qui  se  conserve  dans  les  archives 
de  l'église  paroissiale  de  Maeseyck.  C'est  un  Évangéliaire, 
qui  est  d'autant  plus  précieux  qu'il  est  le  seul  de  son  épo- 
que dont  on  prétende  connaître  l'origine  et  la  date  précise. 
Il  est  l'œuvre  de  deux  religieuses,  Harlinde  et  Rénilde, 
filles  du  seigneur  Allard  de  Denain,  qui  quittèrent  leur 
pays  natal  vers  l'an  714,  pour  ériger  un  monastère  à  Alden- 
Eick,  joli  petit  hameau,  situé  dans  une  contrée  fertile, 
baignée  par  les  bords  fleuris  de  la  Meuse. 

Selon  l'abbé  Knipenberg,  c'est  saint  Willebrod  qui  a 
converti  ces  deux  héroïnes  au  catholicisme,  en  leur  en- 
seignant par  l'étude  et  la  lecture  de  livres  pieux,  le  pré- 
cepte sacré  d'un  Christ  Rédempteur. 

L'occupation  favorite  de  ces  deux  saintes  filles  semble 
avoir  été  la  transcription  de  livres,  qu'elle  se  plaisaient  à 
orner  de  riches  peintures.  Il  existe  même,  à  propos  de  la 
transcription  du  manuscrit  qui  nous  occupe,  une  légende 
naïve,  et  qui  nous  paraît  assez  intéressante  pour  être 
citée. 

Parmi  les  objets  sacrés  que  possède  l'église  de  la  petite 
ville  de  Maeseyck,  se  trouve  un  reliquaire  contenant  deux 
chandelles  en  cire  noire,  portant  une  inscription  latine,  dans 
laquelle  il  est  dit  :  que  pendant  une  soirée  que  SS.  Fîar- 


—  i  _ 

lindc  et  Rénilde  s'occupaienl  à  peindre  les  pages  de  TEvan- 
géliaire  susdit,  toul-à-coup  une  obscurité  profonde,  un 
nuage  infecté  de  soufre  et  de  bitume  les  environne,  un 
spectre  hideux  et  décharné,  quelque  chose  enfin  comme 
qui  dirait  Belzébulh  en  personne,  s'approche  des  deux 
chandelles,  et  les  éteint  au  bruit  d'un  souffle  strident  et 
satanique...  Mais,  ô  surprise,  ô  miracle!...  les  mêmes 
luminaires  furent  rallumés  de  nouveau  par  un  génie  cé- 
leste, et  ils  brillèrent  d'une  flamme  plus  belle  et  plus 
éclatante  que  jamais.... 

Nous  terminerons  ces  quelques  lignes,  en  disant  que 
plusieurs  pages  de  cet  Evangéliaire  précieux  ont  beaucoup 
souffert,  tant  par  l'humidité  que  par  l'incurie  des  différen- 
tes mains  profanes  par  lesquelles  il  a   passé. 

Le  commencement  du  manuscrit,  petit  in-folio,  contient 
plusieurs  feuillets  qui  représentent  une  colonnade  romane, 
entre  laquelle  se  trouvent  les  chapitres  ou  chiffres  indica- 
teurs, surmontes  d'écussons  et  d'emblèmes  symboliques, 
tels  que  tètes  de  griffons,  de  bœufs,  d'aigles  et  de  dragons 
ailés,  d'une  forme  monstrueuse  et  fantasque.  IVous  donnons 
ci-joint  la  copie  de  la  miniature  qui  se  trouve  au  verso  du 
premier  feuillet,  et  qu'il  nous  a  été  permis  de  calquer  sur 
l'original,  grâce  à  l'obligeance  de  M.  le  curé-doyen  Kerk- 
hofs.  Cette  miniature  est  entourée  d'une  enluminure,  dont 
le  fond  quadrillé  et  à  losanges  est  d'une  grande  variété.  Le 
peintre  a  représenté  dans  ce  cadre,  l'évangéliste  saint  Jean 
assis  dans  un  fauteuil  d'une  forme  antique,  et  tenant  sur 
le  genou  gauche  un  livre,  dans  lequel  il  trace  des  lignes 
avec  un  calamus  qu'il  tient  de  la  main  droite.  La  tête 
du  personnage  est  couronnée  d'un  nimbe  régulier  :  ses 
traits  expriment  l'idéal  d'une  ineffable  douceur  divine, 
et  révèlent  dans  tout  leur  ensemble  ce  cachet  primitif  et 
mystique,  si  particulier  aux  types  conventionnels  des  tra- 
ditions byzantines.  Pour  ce  qui  concerne  les  contours  du 


—  5  — 


dessin,  ils  sont  assez  fortement  accusés;  les  extrémités  des 
pieds  et  des  mains  sont  effilées,  le  mouvement  des  attitudes 
est  sec  et  carré,  et  les  plis  parallèles  des  draperies  surtout, 
sont  lourds  et  massifs  et  dès  lors  sans  grâce  et  sans  légèreté. 
Quant  au  coloris  des  miniatures  que  contient  cet  Évangé- 
liaire,  il  a  conservé  encore  une  certaine  ténuité  de  vigueur 
et  d'éclat,  surtout  dans  les  fonds  bleus,  violets,  verts  et 
rouges,  et  c'est  ce  que  semble  prouver  du  reste  la  descrip- 
tion que  l'historien  de  la  vie  des  saintes  Harlinde  et 
Rénilde  donna  un  siècle  plus  tard,  lorsqu'il  dit,  en  parlant 
de  ces  peintures,  qu'elles  étaient  aussi  fraîches  et  aussi 
vives  de  couleur,  que  si  elles  venaient  d'être  peintes. 
«  Quae  quidem  universa  haclenus  in  eodem  loco  tum  re- 
centia  ac  vibrentia  auro  et  micanlia  margarilis  fulgent,  ut 
crederes  ea  hodie  fuisse  peracta.  »  Nous  faisons  grâce  au 
lecteur  des  détails  éclectiques  que  comporte  la  description 
des  enluminures  et  des  miniatures  de  l'Évangéliaire  d'Eyck, 
notre  but  ayant  été  seulement  de  signaler  à  l'altenliou  des 
archéologues  l'existence  d'un  livre  unique,  auquel  se  rat- 
tache un  intérêt  immense,  puisqu'il  contient  un  des  pre- 
miers spécimens  de  l'art  du  miniaturiste  en  Belgique. 

J.   GlELE.V. 


histoire  littéraire. 


LES    PETITS    POETES    LATINS    DU   HAIi\AlT. 


Les  quelques  notices  qui  suivent,  sont  en  partie  déta- 
chées d'un  travail  accueilli  par  la  Société  des  Sciences, 
des  Arts  et  des  Lettres  du  Hainaut,  et  traitant  du  mérile 
littéraire  des  poètes  latins  nés  dans  cette  province.  Dési- 
rant conserver  à  ce  travail  un  caractère  purement  litté- 
raire, nous  avons  fait  sans  peine  le  sacrifice  de  ces  pages, 
nous  promettant  toutefois  de  les  reproduire  sous  une  au- 
tre forme  et  en  y  donnant  un  caractère  plus  historique. 
Aussi,  ne  nous  sommes-nous  pas  borné  à  copier  purement 
et  simplement  notre  travail  primitif;  nous  y  avons  fait  les 
changements  que  comportait  le  titre  que  nous  leur  donnons 
aujourd'hui.  C'est  ainsi  que  nous  avons  tâché  de  donner 
sur  quelques-uns  de  ces  auteurs  des  détails  peu  connus, 
ou  même  tout-à-fait  ignorés,  aussi  bien  sous  le  rapport 
biographique,  que  sous  le  rapport  bibliographique.  D'un 
autre  côté,  nous  y  avons  trouvé  l'occasion  d'appeler  l'atten- 
tion et  les  recherches  sur  plusieurs  écrivains,  dont  les 
œuvres  sont  aujourd'hui  égarées  ou  extrêmement  rares. 

Une  remarque  que  nous  nous  devons  à  nous-même  de 
faire  ici,  c'est  que  nous  avons  pu  relever  un  assez  grand 
nombre  d'erreurs  accréditées  et  répétées  par  nos  auteurs 


—  7  — 

modernes,  relativement  surtout  à  ceux  de  ces  écrivains 
dont  nous  ne  connaissons  que  peu  de  chose.  Nous  n'avons 
mis  dans  ces  rectifications  ni  aigreur  ni  vanité.  Le  plus 
souvent  même,  nous  n'avons  pas  indiqué  les  auteurs  de  ces 
erreurs.  Mais  nous  avons  cru  devoir  en  dire  un  mot,  afin 
qu'on  ne  nous  condamne  pas  à  première  vue. 

Chacun  sait  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  petits  poètes; 
le  mot  ne  concerne  ni  la  stature,  ni  le  génie.  Tel  de  ces 
poètes  a  peut-être  créé  d'admirables  choses;  mais  sa  mo- 
destie de  son  vivant,  le  hasard  ou  les  malheurs  des  temps 
après  sa  mort,  tout  en  laissant  surnager  son  nom,  ont 
englouti  ses  œuvres  dans  le  gouffre  toujours  béant  de 
l'oubli.  En  rappelant  ce  que  nous  connaissons  d'eux,  nous 
ouvrons  la  porte  à  une  espérance  de  réhabilitation,  et 
nous  provoquons,  comme  nous  venons  de  le  dire,  les  re- 
cherches de  nos  savants.  C'est  là  un  mince  mérite,  nous 
le  savons;  mais  c'est  un  mérite,  et  cela  nous  suffît. 

I.  Baudry  (Pieuue). 

Pierre  Baudry  naquit  à  Mons  le  5  août  1702.  Il  fît  ses 
premières  études  au  collège  de  Houdain,  et  alla  ensuite 
étudier  à  l'université  de  Louvain.  A  l'âge  de  vingt  ans,  il 
prit  l'habit  de  S'-Benolt  à  l'abbaye  de  Saint-Ghislain,  dont 
il  devint  plus  tard  abbé.  Il  mourut  le  l^"^  mai  1752. 

Baudry  est  assez  connu  pour  ses  Annales  de  l'abbaye  de 
Saint-Ghislain,  publiées  par  le  baron  de  Reiffenberg.  Il 
cultiva  aussi,  mais  d'une  manière  accessoire,  la  poésie 
française  et  la  poésie  latine  :  «  On  conservait  à  l'abbaye 
de  Saint-Ghislain,  dit  M.  Pinchart,  quelques  poésies  fran- 
çaises et  latines  manuscrites  de  P.  Baudry,  qui  sont  per- 
dues aujourd'hui,  ou  qui  se  trouvent  on  ne  sait  en  quelles 
mains,   avec    les   précieux  manuscrits   que    possédait  ce 


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monastère.  »  Peul-être  ces  feuilles  volantes  ont-elles  passé 
en  Angleterre  dans  la  collection  de  sir  Thomas  Phillipps, 
bien  que  le  catalogue  du  docteur  Haenel  n'en  fasse  aucune 
mention.  Paquot  et  M.  3Iathieu  ne  nous  apprennent 
absolument  rien  de  plus  au  sujet  des  poésies  latines  de 
P.  Baudry  (i). 

II.  Bourgeois  (Jean). 

Jean  Bourgeois  naquit  à  Mons  vers  le  milieu  du  XV* 
siècle.  Il  alla  étudier  à  l'université  de  Louvain,  où  il  fut 
promu  au  grade  de  docteur  en  théologie,  le  51  juillet  14-71  ; 
il  fut  nommé  professeur  à  la  même  université  en  1474;  et 
remplit  même  à  plusieurs  reprises  les  fonctions  de  recteur 
semestriel.  L'an  1506,  il  renonça  à  sa  prébende  et  au  pro- 
fessorat, et  fut  créé  évéque  de  Cyrène  et  vicaire  ou  suffra- 
gant  de  l'archevêché  de  Cologne.  Jean  Bourgeois,  que 
Delvenne  confond  à  tort  avec  un  autre  Bourgeois  né  dans 
le  Brabant,  a  laissé,  au  dire  de  M.  Mathieu,  quelques  poé- 
sies latines.  Nous  ne  savons  rien  de  plus  de  ses  vers.  Nos 
bibliographes  sont  muets  sur  le  compte  de  Jean  Bourgeois. 
Brasseur,  qui  l'a  placé  dans  ses  Sydera,  ne  le  signale  pas 
comme  poëte  latin  (2). 

III.  BuRGLNDus  (Gilles). 

Gilles  BuRGUNDus,  ou  de  Bourgogne,  frère  du  célèbre 
poëte  et  jurisconsulte  Nicolas  Burgundius,  naquit  à  En- 


(1)  Messager  des  Sciences  historiques,  année  184-9,  p.  79.  —  Paquot, 
Mémoires,  etc.,  l.  IX,  pp.  81  el  suiv.  —  Mathieu,  Biographie  monloise, 
pp.  10-11. 

(2)  Valerii  Andre^î;  Fasti  Acadcmici  Lovanienses.  Lov.,  1G30,  pp.  37,  38, 
el  95.  —  Brasseur,  Sydera  illustrium  Hannoniœ  scriptorum,  p.  152.  — 
Mathieu,  Biographie  monloise,  p.  280. 


—  9  — 

ghien,  et  s'atlacha  comme  son  frère  à  l'élude  de  la  juris- 
prudence. Reçu  licencié  en  droit,  apparemment  à  Lou- 
vain,  il  passa  à  Gand,  où  il  fut  avocat  fiscal  au  Conseil  de 
Flandre.  On  voit  par  ce  qui  nous  reste  de  lui  qu'il  cultivait 
la  poésie  latine.  Il  a  donné  au  public  : 

1"  Ad  Epicheremata  politica,  sive  animantium  homi- 
numque  certamina  lilesque  et  lusus  'Aîrapr/iTtç,  sive  Appen- 
dix  Fani  D.  Bavonis  incendium,  aulhore  ^Egidio  Burgundo 
J.  C.  patrilio  Gandensi.  Gandavi,  apud  Joannem  Kerclio- 
vium,  ad  insigne  Ensis  laureati  anno  1642,  in-4°.  Titre  et 
préliminaires,  8  pages  non  cotées;  texte,  39  pages;  appro- 
bation, 1  page. 

Hàtons-nous  de  le  dire,  ce  petit  ouvrage  n'est  pas  un 
poëme.  Nous  ne  croyons  même  pas  que  le  poëme,  s'il  a 
existé,  ait  jamais  été  publié.  Ce  que  nous  avons  ici,  semble 
n'être  qu'une  espèce  d'analyse  en  prose  d'un  autre  ou- 
vrage, analyse  publiée  par  un  ami  de  l'auteur,  G.  Breydel. 
«  Tu  ne  dois  pas  t'étonner,  cher  Burgundus,  dit  Breydel 
dans  sa  préface,  si  ton  Appendix  des  Epicheremata  poli- 
tica voit  le  jour  à  ton  insu.  Tu  seras  plutôt  reconnaissant 
de  l'obligeance  d'un  ami.  En  donnant  ton  Incendie  au 
public,  j'ai  voulu  satisfaire  tes  admirateurs  et  te  forcer  en 
quelque  sorte  à  mettre  en  lumière  les  trois  parties  que 
j'ai  lues  et  d'autres  ouvrages.  En  attendant,  cet  Incendie 
de  Saint-Bavon  offrira  un  échantillon  du  talent  de  Burgun- 
dus, qui  cultive  les  belles-lettres  au  milieu  des  soucis  du 
barreau,  «  et  ut  TËacides  inter  arma  cytharam  et  fîdes 
interponebat,  sic  noster  ille  Burgundus  : 

Animunjque  vicissim 
Aut  curam  inipendit  populis,  aut  olia  musis.  » 

Nous  n'entreprendrons  pas  de  faire  l'analyse  de  cet 
ouvrage.  Malgré  la  gravité  du  sujet,  le  ton  en  est  parfois 
assez  léger;  on  y  rencontre  même  des  calembours  qui  ne 


—   10  — 

seraient  certes  pas  supportés  en  français.  Le  récit  est 
entrecoupé  par-ci  par-là  de  vers  latins,  empruntés  pour 
la  plupart  à  l'incendie  de  Troie  du  second  livre  de 
l'Enéide.  Ajoutons  que  cet  incendie,  dont  la  cathédrale 
de  Saint-Bavon  eut  beaucoup  à  souffrir,  éclata  le  1"  juin 
1641,  un  jour  de  marché. 

2°  In  nobilissimi  perillvstris  ac  reverendissimi  Domini 
D.  Nicolai  Ilavdion,  Brvgensivm  episcopi  avspicatam  con- 
secrationem  accinebat  .Egidivs  Bvrgvndvs  I.  C.  Anno 
xvj*^  xlij.  Gandavi  :  apud  loannem  Kerchovium.  In-i"  de 
12  pp.,  la  dernière  est  blanche. 

Ce  poëme  se  compose  de  143  vers  héroïques.  Le  style 
en  est  assez  obscur  et  prouve  chez  l'auteur  une  certaine 
inexpérience  du  vers  latin.  Au  reste,  c'est  là  une  de  ces 
pièces  de  circonstance  qui  n'ont  jamais  une  bien  grande 
valeur  et  qui  sont  vite  oubliées.  Ce  petit  poëme  est  aujour- 
d'hui fort  rare  :  nous  n'en  connaissons  qu'un  seul  exem- 
plaire, celui  de  la  bibliothèque  royale  (fonds  Van  Hullhem, 
n"  27,6o8). 

Nous  ajouterons  que  Nicolas  de  Haudion,  d'une  noble 
famille  du  Hainaut,  avait  été  prévôt  de  Saint-Bavon  à 
Gand,  avant  d'être  nommé  à  l'évéché  de  Bruges  (i). 

IV.  Cleuicls  (Hermès). 

Hermès  Le  Clercq  naquit  à  Tournay,  à  la  fin  du  XV* 
siècle,  ou  au  commencement  du  XV1^  Il  entra  dans  l'ordre 
des  Jésuites  et  passa  une  grande  partie  de  sa  vie  en  France; 
il  enseigna  longtemps  au  collège  de  Billom  en  Auvergne, 
où  il  se  distingua  par  sa  piété  et  son  savoir.  Il  mourut  dans 
cette  dernière  ville  à  un  âge  très-avancé.  Nos  bibliographes 


(1)  Valekm  A>DnE£,  Bibl.  belg.,  p.  8o6.  —  Foppe>s,  Bibl.  belg.,  p.  27. 
—  Paquot,  Mémoires,  t.  I,  p,  392.  —  Feller,  Dicl.  Iiisl.,  édition  de  Liège, 
l.  II,  p.  iU. 


—  11  — 

vanleiil  ses  connaissances  en  droit  canonique.  Sanderus 
et  Aubert  le  Mire  le  disent  un  poêle  latin  remarquable 
(e  g  regins). 

Hermès  Le  Clercq  a  laissé  plusieurs  ouvrages  de  poésie 
latine,  qui  se  conservaient  autrefois  chez  les  Jésuites,  au 
témoignage  du  P.  Ribadeneira,  mais  qui  n'ont  jamais  vu 
le  jour,  malgré  le  vœu  du  savant  bibliographe.  Ces  ouvra- 
ges sont  : 

1°  Vita  B.  Ignalii  Loyolœ. 

2"  Fasti  sacri  Sanctorum  Sanctarumque,  en  vers  élégia- 
ques.  —  «  C'est,  dit  Paquot,  un  calendrier  chrétien  imité 
des  Fastes  d'Ovide.  Deux  italiens,  Baptiste  Manlouan,  car- 
me fort  connu,  et  Novidius  Fraccus,  s'étaient  déjà  exercés 
sur  ce  sujet  :  ni  l'un  ni  l'autre  n'y  avaient  réussi.  Le  pre- 
mier ne  connaissait  pas  assez  la  bonne  latinité;  le  second  a 
un  langage  trop  payen.  Tous  les  deux  manquaient  de  criti- 
que. On  ne  nous  dit  pas  si  le  P.  Le  Clercq  avait  fait  mieux.  » 

3°  De  angelis  beatisque  Spiritibus.  —  L'auteur  y  a  mis 
en  vers  le  traité  des  anges  qui  fait  partie  de  la  Somme  de 
saint  Thomas.  Ce  sujet  n'est  pas  heureux,  dit  encore 
Paquot.  On  le  conçoit  :  la  traduction  en  vers  d'un  sujet 
qui  se  prête  aussi  peu  à  la  poésie,  ne  devait  pas  fournir 
matière  à  de  bien  beaux  essors  de  talent.  Ajoutons  que  ce 
choix  ne  prouve  guère  en  faveur  de  la  vocation  poétique 
du  P.  Hermès  Le  Clercq  (i). 

V.  Cleiucus  (Nicolas). 

Nicolas  Le  Clercq  était  fils  de  Jacques,  premier  con- 
seiller-pensionnaire de  la  ville  de  Tournay  en  1566. 
Pendant  un  voyage  qu'il  fit  à  Rome,  il  entra  dans  la  Com- 


(1)   M1R.E1  Bibl.    belg.,   p.   256,  édit.    de    IG-IO.    —   Satidercs,    De   Scripl. 
Flandr.,  p.  76.  —  Paquot,  Mém.,  t.  X,  p.  81-82,  etc.,  elc. 


—  12  — 

pagnie  de  Jésus.  Après  son  retour  d'Italie,  il  séjourna 
quelque  temps  à  Tournay;  de  là,  il  fut  envoyé  successive- 
jnenl  en  France,  en  Lorraine  et  en  Bourgogne.  Il  mourut 
en  1595  à  Dole,  où  il  s'était  fait  connaître  par  ses  talents 
pour  la  chaire. 

C'était,  au  dire  de  MM.  de  Backer,  un  homme  d'une 
profonde  science;  sa  facilité  pour  les  langues  était  extrême. 
Il  était  versé  dans  les  lettres  chaldaïques,  syriaques,  hébraï- 
ques, grecques,  latines,  espagnoles,  italiennes  et  françai- 
ses. Il  a  laissé  divers  ouvrages  manuscrits  : 

I.  De  perfecla  christiani  nominis  idea. 

II.  In  psalmos  aliquot  commentaria,  cum  prolegomenis. 

III.  De  juramenlo  per  corpus  et  sanguinem  Domini. 

IV.  De  ornalu  mulierum. 

V.  Epigrammata  festiva  grseca  et  latina. 

VI.  Dissertationes  dicendumne  sit  Mussipontum  an  Pon- 

timussim. 

Cette  note,  extraite  d'un  manuscrit  de  Du  Fief,  a  été 
communiquée  à  MM.  de  Backer,  par  M.  Barthélemi  Du- 
morlier,  membre  de  la  Chambre  des  Représentants. 

Nous  voyons  par  le  titre  n"  V,  que  le  P.  N.  Le  Clercq 
cultivait  la  poésie  latine  et  même  la  poésie  grecque.  Ce  fait 
est  d'autant  plus  remarquable  que,  jusqu'ici,  nous  n'avons 
rencontré  aucun  autre  auteur  du  Hainaut,  qui  se  soit  oc- 
cupé de  vers  grecs.  Il  est  fâcheux  que  nous  ne  sachions 
pas  même  où  reposent  les  manuscrits  du  P.  Le  Clercq  (i). 

VI.  CoRDiER  (Guillaume). 

Guillaume  Cordier  était  natif  de  Lobbes,  selon  Sweer- 
lius  et  Foppens.  Nous  ne  savons  sur  quelles  données  M.  le 
comte  de  Becdelièvre  en  fait  un  moine  de  l'abbaye  de  Lob- 

(1)  Auc.  et  Aloïs  De  Backer,  Bibl.  des  écrivains  de  la  Compagnie  de  Jcsm, 
t.  m,  p.  248.  —  Sanderus,  De  Script.  Fland.,  p.  76. 


—  lo- 
bes. Peut-être  le  confond-il  avec  son  homonyme  Guillaume 
Cordier,  soixante-quatrième  abbé  de  ce  monastère,  de  Tan 
U9o  à  l'an  1523. 

Le  Guillaume  Cordier  dont  il  est  ici  question,  exerçait 
la  profession  d'imprimeur  à  Binche  en  1544,  conséquem- 
ment  après  la  mort  de  l'abbé  de  Lobbes  du  même  nom. 
C'est  même  le  plus  ancien  imprimeur  connu  du  Hainaut. 
Il  y  édita  cette  même  année  1544,  un  Dialogue  nouveau 
à  trois  personnaiges,  et  en  1545,  La  vie  et  legede  de  ma- 
dame saincte  Lnthgarde. 

Sweertius  et  Foppens  lui  donnent  le  titre  de  poëte,  et  le 
signalent  comme  l'auteur  d'un  ouvrage  imprimé  par  ses 
presses,  à  Binche  en  1544.  Ce  poëme  a  pour  titre: 

«  De  varia  fontium  quorundam  natura,  fluminibus  et 
anni  partibus.  » 

Nous  n'avons  pu  trouver  trace  de  ce  livre.  Le  médecin 
de  Mons,  Eloy,  ne  parle  pas  de  Cordier  dans  son  Diction- 
naire. Brasseur  a  consacré  à  Cordier  les  vers  suivants  de 
ses  Sydera  : 

Guilielmus  Corderus,  Lobiensis,   eximius   sui    temporis  poêla,  ut 

habet  Sweertius. 

Edidit  hic  fontes  adjunctis  partibus  anni, 

Et  sita  diversis  flumina  rara  locis, 
Ambofum  effectus  naturalesque  favores, 

Quae  simul  excuso  protulil  ille  libro. 

M.  Hipp.  Rousselle,  dans  les  Mémoires  et  publications 
de  la  Société  des  Sciences,  etc.,  du  Hainaut,  a  révoqué 
en  doute  l'existence  d'une  imprimerie  à  Binche  en  1544. 
C'est  là,  croyons-nous,  une  thèse  assez  difficile  à  soute- 
nir. Nous  ne  pouvons  d'autre  part  nous  empêcher  de 
faire  remarquer,  que  c'est  sur  la  seule  indication  de 
Sweertius  qu'on  nous  donne  Cordier  comme  un  poëte. 
Sweertius  ne  s'est-il  pas  trompé  en  donnant  le  nom  de 
l'imprimeur  pour  celui  de  l'auteur 'î'  Nous  savons  bien  que 


—  li  — 

nos  premiers  imprimeurs  étaient  loin  d'être  dépourvus  de 
connaissances  littéraires,  et  que  par  conséquent,  il  n'y  a 
rien  d'étonnant  à  voir  un  imprimeur  poêle.  Au  reste,  c'est 
un  simple  doute  que  nous  émettons.  Si  nous  avions  le  litre 
complet  du  livre,  la  question  serait  sans  doute  tranchée  (i). 

VII.  Pespiennes  (Thomas). 

Thomas  Despiennes,  fds  de  Jacques  Despiennes,  éche- 
vin  de  Mons,  et  de  Marie  du  Fay,  était  le  frère  de  Jean 
Despiennes,  l'auteur  des  Opuscula.  Jean  Despiennes,  en 
bon  frère,  a  réservé  dans  son  livre,  quatre  pages  aux 
élucubralions  de  Thomas,  jurisconsulte,  seigneur  de  Ba- 
lingen.  Ces  petites  pièces,  au  nombre  de  28,  sont  dédiées 
à  Jean  de  Croy,  comte  de  Soire,  seigneur  de  Molem- 
bais,  etc.,  chevalier  de  la  Toison  d'or.  Elles  portent  le  titre 
de  Heromn  Analogiœ.  Les  héros  de  la  mythologie,  les  hom- 
mes les  plus  célèbres  de  la  Grèce  et  de  Rome  servent  suc- 
cessivement de  prétexte  à  des  analogies  entre  eux  et  Jean  de 
Croy.  Après  ce  que  nous  avons  dit,  dans  notre  Mémoire, 
des  écrits  de  Jean,  il  n'y  a  rien  à  ajouter  concernant  les 
distiques  de  Thomas,  sinon  qu'ils  sont  en  tous  points  dignes 
des  premiers.  i\ous  placerons  seulement  ici  le  distique  sui- 
vant, que  nous  trouvons  à  la  page  189  des  Opuscula: 

Thomas  Joanni  Despiennes,  Frater  Fratri,   Gallicam   commendat 

suaclam  : 
Suada  lalina  luis  dum  fixa  amplexibus  hreret, 
Vidit  et  invidit  Gallica,  ulramque  colas  (2). 

(1)  Mémoires  et  publications  de  la  Société  des  Sciences,  etc.,  du  Hainant, 
1"  série,  t.  IX,  p.  136.  —  Bull,  du  Bibliophile  belge,  l^e  série,  t.  I,  pp.  30 
et  54.  —  SwEERTii  Alli.  belg.,  p.  305.  —  FoppE^s,  p.  5'J6.  —  Bronet,  Ma- 
nuel du  libraire,  t.  IV,  p.  617.  —  Bibliothèque  dramatique  de  M.  de  Soleinne, 
t.  I,  n"  712.  —  Messager  des  Sciences  historiques,  année  1847,  pp.  63-64. 
—  Brasseur,  Sydcrn,  pp.  20-21.  —  Comte  de  Becdelièvre,  Biographie  lié- 
geoise, t.  I,  p.  203. 

(2j  V.ViNCHANT, /Inn.  du  flainaul,  t.V,  p.  407;  et  G.  de  Boussu,  [fisf.dc  Mons. 


—   i'o  

VII! .  GiLLET  (Jean). 

Jean  Gillet,  personnage  laïque,  mais  docle  et  pieux, 
selon  Vinchant,  naquit  à  Mons  au  XVI*'  siècle.  Il  dut  à  son 
savoir  d'être  nommé  le  premier  recteur  du  collège  de  ïlou- 
dain,  fondé  en  1545.  Il  est  auteur  d'une  grammaire  latine 
à  l'usage  de  ce  collège,  publiée  après  sa  mort,  et  intitulée 
probablement  (t)  : 

Joa.  Gilleliani  elementorum  Erotemata,  in  scholse  mon- 
tensis  usum,  petit  in-S"  de  112  pages.  Gillet  se  mêlait 
aussi  de  poésie  latine  et  même  de  poésie  française.  C'est 
ce  que  nous  apprend  Brasseur: 

Postquam  Gillelius  de  carne  soliilus  abivit, 

Hisloria  eluxil,  mula  syada  fuit, 
Nec  polis  est  musas  gallas  latiasque  per  urbem, 

Aut  orbem  lacrymas  continuisse  suas. 

Les  muses  ont  pleuré  sa  mort,  au  dire  de  Brasseur. 
Nous  le  croyons  sans  peine,  s'il  fut,  comme  l'assure  le 
même  écrivain,  un  second  Virgile  : 

Quin  immo  referunl  omnes  dixisse  secundum 
Perdidit  urbs  Montes  et  schola  Virgilium. 

«  La  licence  poétique  est  grande,  dit  M.  Camille  Wins, 
mais  elle  nous  apprend  du  moins,  que  notre  grammairien 
pouvait  compter  parmi  les  bons  poêles  latins  de  l'époque. 

»  Nous  ne  connaissons  pas  les  poésies  de  ce  nouveau 
cygne;  quatre  distiques,  au  candide  lecteur,  sont  seuls 
en  tête  de  sa  grammaire. 

»  Gillet  n'a  peut-être  pas  eu  le  courage  d'affronter  les 
Saumaises  montois.  »Nous  devons  le  supposer  pour  expli- 
quer sa  réputation  comme  poète. 


(1)  Le  titre  manque  à  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  de  Mons,  le  seul  que 
nous  connaissions. 


—  i6  — 

Gillet  mourut  d'une  maladie  lente,  à  l'âge  de  quarante 
ans,  probablement  en  1554.  Jean  Loquet  lui  succéda,  en 
effet,  cette  même  année  comme  recteur  du  collège  de  lïou- 
dain.  Gillet  fut  inhumé  dans  l'église  des  Frères  Mineurs  de 
Mons.  On  lit  ce  que  suit  sur  son  épitaphe  : 

QUI,    SED  AB    I^•DOMITO   GEMITUS   MIHI   PECTORE    RCMPUNT, 

QUALIBUS   nSIGNIS    BEBUS   ET   ARTE   FUIT 
CL'MQUE   RDDES  FIKXIT   PATRI/i:    STIDIOSUS    EPHEBOS 

PRIMCS  IN    HOCDANA    G1M.>ASIARCHA   DOMO 
QUI   NEQDE    FDCATDM   SUPERIS  MENTITUS    HONOREM 

CONSPICUUS   VERA   RELLIGIONE   FUIT 
IlIC  JACET,    IIIC   LENTA   RESOLUTUS   MORTE   QUIESCIT 

OCTO  CUM  NATCS  LUSTRA  GILETUS  ERAT. 
ET   QUASI   MORS   NON   UNA  FORET   SATIS    EXPIRAVIT 

EXHAUSTIS    LOîiGA  VIRIBUS   ANTE   MORA 
SED    LACHRI.MAS   COAIPESCE    TAMEN   RESPCBLICA   CORPUS 

TERRA   QUIDEM,    AT    MENTEM   COELICUS   ORBIS   HABET. 

IX.  Harchius  (Josse). 

Josse  DE  Harchies,  connu  sous  le  nom  latin  de  Jodocus 
Harchius,  naquit  à  Mons,  au  commencement  du  XVI^ 
siècle.  Il  était  fils  d'Arnould  de  Harchies,  seigneur  de 
Millomez  et  d'Antoinette  des  Polies.  C'est  à  tort  que  M.  le 
comte  de  Becdelièvre  l'appelle  Josse  de  Harchées  et  le 
qualifie  médecin  théologien  liégeois.  Josse  de  Harchies  fît 
ses  premières  éludes  au  collège  de  Houdain,  à  Mons.  Il 
étudia  ensuite  la  médecine  et  exerça  d'abord  sa  profession 
à  Mons  même,  puis  à  Liège;  il  alla  enfin  se  fixer  à  Stras- 
bourg, où  il  s'efforça  de  mettre  d'accord  les  catholiques 


(1)  Éléments  de  la  grammaire  latine,  par  Jean  Gillet,  recteur  du  collège 
de  Houdain,  à  Mons,  Extraits,  etc.,  par  Camille  Wins.  Mons,  1854,  petit 
in-S".  —  Mémoires  de  la  Sociclc  des  Sciences,  etc.,  du  Haînaul,  2«  série,  t.  I, 
pp.  188  et  suiv.  —  Brasseur,  Sydera,  p.  76.  —  Vinchant,  Ann.  du  Hainaul, 
t.  V,  pp.  246-247,  et  t.  VI,  pp.  345-46.  —  G.  De  Boussu,  Hisl.  de  Mons, 
p.  185,  —  Mathieu,  Hiogr.  mont.,  p.  ôOG. 


—  il  — 

romains  et  les  protestants  sur  la  question  du  mystère  de 
l'Eucharistie.  Mais  il  ne  réussit  qu'à  mécontenter  les  uns 
et  les  autres;  Théodore  de  Bèze  se  jeta  même  dans  la  lutte 
et  prit  parti  contre  Josse  de  Harchies.  Les  ouvrages  que 
de  Harchies  publia  à  ce  sujet  ne  sont  point  parvenus  jus- 
qu'à nous.  Du  moins,  M.  Mathieu,  le  biographe  montois, 
déclare  n'avoir  pu  les  rencontrer  nulle  part,  et  nos  re- 
cherches n'ont  guère  été  plus  heureuses  que  les  siennes. 
D'un  autre  côté,  nos  bibliographes  ne  citent  pas  ses  écrits 
hérétiques   et  condamnés.   Sweertius   en  dit  seulement  : 
«  c'est  une  entreprise  pleine  de  dangers  que  de  vouloir 
comprendre  et  enseigner  aux  autres  ce  que  l'on  n'a  pas 
étudié  soi-même.  L'étude  de  la  théologie  est  particulière- 
ment ardue,  et  il  est  malaisé  à  l'homme  habitué  urinam 
et  stercora  tractare  de  toucher  à  un  autre  sujet.  Tractent 
fabrilia  fahri.  » 

Brasseur  s'emparant  de  cette  idée  odorante,  la  traduit 
ainsi  : 

Ârdua  sunt  divina  niniis,  nec  ad  illa  per  artem 
Stercoris  et  lolii  quisque  venire  potest. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  avons  pu  au  moins  découvrir 
les  titres  de  trois  ouvrages  théologiques  de  Josse  de  Har- 
chies. Ce  sont  : 

l»De  Eucharistise  mysterio  ad  sedandas  controversias 
in  CœnaDomini  libri  très.  Basileae,  1573.  —  Cet  ouvrage 
eut  une  autre  édition  à  Worms,  nous  ne  savons  en  quelle 
année.  Théodore  de  Bèze  en  publia  en  1580,  une  réfuta- 
tion sous  le  litre  de  :  De  Cœna  Domini  adversus  Jodoci 
Harchii  Monlensis  dogmata.  Théodore  de  Bèze  dit  que 
l'ouvrage  de  Harchies  était  si  confus,  si  obscur,  si  dé- 
pourvu de  méthode,  qu'on  avait  peine  à  y  découvrir  la 
pensée  de  l'auteur.  Au  reste,  nous  trouvons  dans  celte 
réfutation  la  preuve  que  Josse  de  Harchies  était  mort 
en  1580. 


—  18  — 

2"  De  causis  Hseresis,  proque  ejus  exilio  et  coricordia 
Controversiarum  in  Religione  hserelicorum,  Ponlificiorum 
et  Pœnitenlium,  Oratio  ad  Deum  Palrem,  Basil.  1573, 
in-4°. 

o"  Orlhodoxorum  Palrum  Irenœi,  Cyrilli,  Hilarii,  Au- 
gustini  et  reliquoruin  de  Eucharistia  et  Sacrificio  univer- 
sali  Ecclesise  Fides.  In-8%  1577. 

Les  ouvrages  de  médecine  que  nous  connaissons  de  cet 
écrivain  sont  : 

1"  De  causis  contemplée  medicinse  lib.  I,  aulliore  Jodoco 
AB  Harciiies  Montensi,  apud  Leodienses  medico.  Leodii  per 
G(ualterium)  Morberium  ad  Pontem  Insulœ.  Anno  1567, 
in-lS",  dern.  sign.  Gij.  —  Sweertius,  Foppens  et  G.  de 
Boussu  donnent  erronément  à  ce  livre  la  date  de  1563. 

Cet  ouvrage  est  écrit  en  prose.  Josse  de  Harchies  s'y 
montre  sous  certains  rapports  le  prédécesseur  de  iMolière. 
Il  combat  dans  son  livre  l'opinion  de  ceux  qui  croyaient 
lire  dans  un  pot  de  chambre  le  secret  de  toutes  les  mala- 
dies, comme  le  docteur  Urinai  du  comique  hollandais 
Langendyck.  Il  s'attaque  surtout  à  l'ignorance  et  au  char- 
latanisme des  médecins;  il  blâme  aussi  leur  impertinence. 
Voici  le  portrait  qu'il  trace  des  Esculapes  à  la  mode  de  son 
temps  :  «  Ubi  sunt  hodie  gloriosi  illi  doctores  medici, 
qui  purpura  suffuiti,  bysso  exornati,  annulis  et  catenis 
aureis  decorati,  mulis  et  equis  evecti,  vel  ob  tenuem  elo- 
quentise  famam  quà  tument,  ob  aliquem  grsecismum,  quem 
semper  éructant,  ob  sophismatum  periliam,  ob  quam  mire 
cseteros  contemnunt,  ob  analomes,  herbarum,  astronomiœ, 
denique  medicinse  superGciariam  quandam  cognilionem 
putani,  se  taies,  qui  ne  errare  quidem  in  medendo  possint, 
et  cum  in  singulis  illorum  sit  quod  desit  ad  perfectum 
medicum,  singuli  tamen  seorsim  ipsam  medicinam  se  pos- 
sidere  gloriantur.  » 

Séguier,   dans   sa  Bibliotheca  BoUinica,  et  Éloy  dans 


—  19  — 

sou  Dictionnaire  historique  de  la  médecine  ancienne  et 
moderne,  disent  que  quelques  écrivains  attribuent  le  livre 
de  Caiisis  à  Philippe  de  Ilarchies,  un  autre  médecin  natif 
de  Mons,  et  probablement  de  la  famille  de  Josse;  mais  il  est 
douteux,  ajoutent-ils,  qu'il  en  soit  Fauteur.  M.  Mathieu 
a  confondu  ici  le  de  Causis  avec  VEnchiridion,  au  sujet 
duquel  il  n'y  a  aucun  doute.  Au  reste,  une  note  marginale 
de  Brasseur  indique  Mons,  comme  lieu  d'impression  du 
de  Causis  de  Philippe  de  Harchies,  tandis  qu'il  donne 
Louvain  (lisez  Liège)  pour  lieu  d'impression  du  de  Causis 
de  notre  Josse  de  Harchies.  Il  se  peut  à  la  rigueur  qu'il  y 
ait  là  deux  ouvrages  différents.  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  que  Josse  de  Harchies  est  l'auteur  d'un  de  Causis, 
imprimé  à  Liège  en  1367,  et  nous  doutons  pour  notre 
part  de  l'existence  d'un  second  de  Causis,  œuvre'd'un  autre 
de  Harchies.  Au  reste,  voici  ce  qui  dit  Brasseur  à  l'article 
de  Philippe  : 

Philippus  Harchie,  medicus  insignis. 

Dum  siquidem  temni  sese  videt  ac  medicinani, 

De  causis  plénum  condidit  ille  librura  : 
Idque  preeunte  sibi,  vel  forte  sequente  Judoco, 

Nominis  ejusdem  qui  fuit  atque  styli. 

2°  Enchiridion  Medicum  Simplicium  Pharmacorum,  quse 
in  usu  sunt,  nomenclaturam,  facultates  et  administralionem, 
brevi,  élégante  fldoque  poemate  comprehendens,  Jodoci 
Harchu  studio  et  labore.  Basileœ,  P.  Perna,  1575,  in-S". 

On  aurait  pu  mettre  cet  auteur,  dit  Bayle,  dans  la  liste 
des  médecins  poètes  publiée  par  Bartholin.  Ce  n'est  pas  le 
seul  qui  y  manque.  Au  dire  d'Albert  de  Haller,  cet  ou- 
vrage est  un  dictionnaire  des  plantes  et  d'autres  médica- 
ments simples;  chaque  médicament  a  son  distique  avec 
une  courte  description  et  l'énumération  de  ses  propriétés. 
Il  n'est  pas  très-savant,  ajoute  de  Haller,  puisqu'il  dit  que 
la  balsamile  croit  dans  les  cimetières,  et  qu'il  écrit  xa>>x«t; 


—  20  — 

au  lieu  de  Chalcilis.  —  Ce  dernier  reproche  est  bien  peu 
de  chose  à  nos  yeux.  On  peut  être  excellent  médecin  sans 
connaître  la  langue  d'Hippocrate,  et  qui  ne  sait  toutes  les 
horreurs  dont  sont  capables  les  protes  d'imprimerie,  même 
ceux  de  nos  jours  ? 

Pas  n'est  besoin  de  dire  que  nous  n'avons  pas  eu  l'heur 
de  rencontrer  VEnchiridion.  Nous  devons  avouer  toutefois 
que  le  choix  de  ce  sujet  n'indique  pas  une  vocation  poéti- 
que bien  prononcée.  Le  sujet  du  de  Causis  se  prêtait  bien 
plus  à  la  poésie;  Molière  n'a  pas  été  longtemps  à  le 
prouver. 

Brasseur,  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  a  cru  devoir 
parler  de  Josse  de  Harchies  dans  ses  Sydera.  Voici  encore 
quelques  vers  qu'il  lui  consacre  : 

Si  tibi  penna  flnens,  fuit  liaec  audacior  œquo, 
Dum  sacra  cura  medicis  scribere  rébus  amas. 

Sat  tibi  conlemplœ  medicinœ  scribere  causas, 
El  dare  sat  juslo  pharmaca  cuncla  libro. 

Hinc  tua  scripta  sacris  de  rébus  agentia  censor 
Damnavit,  medicos  non  tamcn  ille  libros. 

Brasseur  appelle  donc  VEnchiridion,  sat  j'ustus  liber. 
Mais  Brasseur  ne  paraît  pas  même  avoir  connu  cet  En- 
chiridion. 

Le  titre  promet  de  la  brièveté,  de  l'exactitude,  même 
de  l'élégance;  mais  on  sait  quelle  foi  il  faut  avoir  en  ces 
titres  menteurs  (i). 


(1)  Jiibliolh.  hotan.  auct.  Jo.  Antomo  Bcmaido.  La  Haye,  1710,  p.  27.  — 
Éloy,  Dictionnaire  de  la  Médecine,  t.  II,  p.  448.  —  Bulletin  du  Bibliophile 
belge,  1"  série,  t.  I,  pp.  226-228,  et  t.  IX,  p.  119.  —  Ségdier,  Bibl.  botan., 
p.  260.  —  Alb.  von  Hailer,  Bibl.  botan.,  t.  I,  pp.  344-45.  —  Bayle,  Dict., 
édil.  1730,  t.  II,  p.  693.  —  David  Van  FIoogstraten  en  M.  Broderids  Van 
NiDEK,  Groot  algemeen  Woordenboek.  —  Brasseur,  Sydera,  pp.  80  et  89.  — 
BoDOLPui  HospiNiANi,  Hisloùœ  sacramentariœ  pars  poslerior,  pp.  591,  606 
et  629,  etc.,  etc. 


—  21  — 

X.  HovYNE  (Maximilien  d). 

Maximilien  d'Hovyne  naquit  à  Tournay,  d'une  famille 
noble,  vers  la  fin  du  XVI^  siècle  ou  dans  la  première  moitié 
du  XVIP.  Il  était  frère  germain  de  Charles  d'Hovyne,  con- 
seiller au  grand  Conseil  de  Malines.  Il  entra  dans  l'ordre 
des  Carmes  déchaussés  de  sainte  Thérèse,  sous  le  nom  de 
frère  Maximilien  de  sainte  Marie-Madeleine.  II  se  distingua 
dans  cet  ordre  par  la  pureté  de  ses  mœurs  et  par  sa  grande 
réputation  de  savoir.  André  Catulle,  qui  l'avait  eu  pour  con- 
disciple, nous  apprend  que  d'Hovyne  mit  en  vers  élégants 
la  Genèse  et  toutes  les  histoires  contenues  dans  l'Ancien 
Testament.  C'est,  dit-il,  un  ouvrage  qui  a  coûté  de  grands 
efforts,  et  qu'aucun  poëte  n'a  encore  essayé.  Aussi  n'y 
a-t-il  rien  d'étonnant  si  nommi  prenialur  in  anmim  avant 
de  voir  le  jour.  Cependant,  ajoute  le  même  auteur,  le  père 
Maximilien  l'a  complètement  achevé;  j'ai  lu  et  examiné  ce 
poëme  à  la  prière  de  l'auteur,  et  j'y  ai  joint  une  pièce  de 
vers  élogieuse. 

Ce  poëme  n'a  jamais  été  livré  à  l'impression;  il  nous 
est  donc  de  toute  impossibilité  de  contrôler  les  assertions 
de  Catulle.  Nous  ne  connaissons  de  Maximilien  d'Hovyne 
que  la  petite  pièce  suivante,  qui  se  lit  parmi  les  prélimi- 
naires de  l'ouvrage  du  même  Catulle,  intitulé  :  Tornaciun 
Nerviorum  civitas  : 

Trietericon  ad  D.  Andream  Catulle,  archidiaconum  et  canonicum 

Tornacenscm, 
Nerviorum  Metropolis  et  cathedrœ  egregium  defensorem. 

Magna,  Catulle,  nioves,  cum  fundamenta  revolvis 

Nervia  :  quod  ncmo  prœstilit  aller  opus. 
Rem  simul  eruderas,  dum  fortior  omnibus  unus, 

Quid  sit  Tornacum  Nervia  prisca,  doces. 
Hinc  Charités,  Musse  :  inde  probata  scienlia  juris. 

Te  scriptis  celebrem  sydera  ad  alla  ferent. 


22  

Celle  pièce  est  signée  :  Frater  Maximîlîanm  à  sancla 
Maria  Magdalena,  carm.  dise.  Tornacœnas  (i). 

XI.  Le  Noir  (Jacques). 

Jacques  Le  Noir,  en  latin  Niger,  naquit  à  Ath  et  vivait 
au  commencement  du  XVIl^  siècle.  Il  étudia  d'abord  au 
collège  d'Ath  et  entra  plus  tard  dans  Tordre  des  Frères 
Mineurs  de  l'Observance.  Wadding  et  Foppens  le  signalent 
comme  un  prédicateur  et  un  théologien  distingué,  et  en 
même  temps  le  disent  poêle  latin  et  français. 

Il  publia  en  français  : 

1°  Le  plaisant  verger  d'amour  spirituel,  parmi  les  par- 
terres duquel,  peut  amasser  la  religieuse  les  fleurs  de 
l'amour  de  Dieu,  de  sa  supérieure,  comme  de  toutes  ses 
consœurs,  par  Jacques  Le  Noir,  nalif  d'Ath.  Liège,  Chris- 
tian Ouwercx,  1621,  iu-8°. 

2°  Des  Reliques  des  saints,  trophée  contre  les  héréti- 
ques. Liège,  1624. 

3°  De  la  vie  et  de  l'invocation  de  saint  Roch,  confes- 
seur, patron  contre  la  peste.  Lille,  1658,  in-8°. 

Jacques  Le  Noir  écrivit  en  latin  deux  dialogues,  restés 
manuscrits.  Ils  sont  intitulés  : 

1"  Thoriis  immaculatus.  —  Dans  cet  ouvrage.  Le  Noir 
recommande  aux  catholiques  de  se  tenir  en  garde  contre 
les  hérétiques  et  de  ne  pas  s'unir  en  mariage  avec  eux. 

2"  Noli  me  tangere.  —  Ce  dialogue  est  une  recomman- 
dation de  ne  pas  lire  les  livres  des  hérétiques,  quels  que 
soient  ces  livres. 

Ces  deux  ouvrages  étaient-ils  en  vers?  Nous  avons  tout 


(1)  CàTUiLii  Tornacum,  pp.  103-104.  —  Lexglet,  ilélh.  pour  étudier  l'hisl. 
t.  III,  p.  413.  —  Biblioth.  Carinelitana,  t.   Il,  col.  427. 


—  23  — 

lieu  d'en  douter,  à  en  juger  par  les  titres  et  les  sujets. 
Brasseur,  qui  parle  de  Le  Noir  dans  ses  Sydera,  ne  le 
signale  pas  comme  poëte  latin.  Vincliant  le  qualifie  reli- 
gieux et  historien.  Quant  à  nous,  nous  n'avons  rencontré 
aucune  trace  des  poésies  latines  de  Jacques  Le  Noir;  et  si 
nous  lui  donnons  place  ici,  c'est  sur  la  foi  de  Wadding  et 
de  Foppens  (i). 

XIL  Paludanus  (Jean). 

Jean  Paludanus,  dont  le  vrai  nom  était  Desmaretz,  était 
laïque.  Il  s'intitule  lui-même  Neuvius  (Tournaisien)  dans 
son  Dktionariolum.  Nous  ignorons  donc  sur  quelles  don- 
nées M.  Mathieu  Ta  placé  dans  sa  Biographie  montoise. 

On  sait  peu  de  chose  de  la  vie  de  Paludanus,  et  il  faut 
bien  se  garder  de  le  confondre  avec  d'autres  qui  se  sont 
donné  le  même  nom.  Celui  dont  nous  avons  à  parler,  fut 
successivement  professeur  à  Gand,  à  Tournay,  puis  à 
Mons  au  collège  de  Houdain,  dont  il  devint  le  recteur 
en  1564,  après  la  mort  de  Jean  Loquet.  M.  Mathieu  a  été 
induit  en  erreur  quand  il  en  a  fait  un  professeur  de  l'uni- 
versité de  Louvain.  Le  Paludanus,  professeur  à  l'université 
de  Louvain,  est  Jean  Van  den  Broeck,  de  Malines,  mort 
eu  1630.  Notre  Jean  Paludanus  enseigna  au  collège  de 
Houdain  pendant  une  trentaine  d'années. 

Jean  Paludanus  est  l'auteur  de  plusieurs  ouvrages  à 
l'usage  de  la  jeunesse.  Ces  ouvrages,  aujourd'hui  rarissi- 
mes ou  introuvables,  sont  : 

Dictionariolvm  rervm  maxime  vvlgarivm,  in  commv- 
uem  pverorvm   vsvm,   ex   optimis   qvibvsque  avtoribvs 


(1)  Waddingi  Script,  ord.  Min.,  p.  184.  —  Foppess,  p.  551.  —  Brasseur, 
Sydera,  p.  lU.  —  De  Bocssu,  Uist.  d'Atli,  p.  202.  —  Vinchant,  Annales  du 
Hainaut,  t.  V,  p.  175. 


24  

congeslvm,  cvm  Flandrica  et  Gallica  interpretalione.  Au- 
tore  loANNE  Paludano  Nervio.  Adjecimus  in  caice  farragi- 
neni  quandam  Verborum,  secundum  ordinem  quatuor 
coniugationum,  cum  eorumdem  Flandrica  et  Gallica  in- 
terpretatione.  Gandavi.  Excudebat  lodocus  Lamberlus, 
typoglyphvs.  MDXLIIII,  cum  privil.  Csesa.  ad  Triennium. 
In-4°,  préliminaires,  2  feuill.  non  chiffrés;  texte  44  fol., 
à  2  colonnes;  dern.  sign.  Lij. 

Celle  édition,  dont  nous  ne  connaissons  qu'un  seul  exem- 
plaire, fait  partie  de  la  bibliothèque  de  feu  M.  Borluul  de 
Noorldonck,  qui  va  bientôt  être  dispersée. 

Au  verso  du  titre,  on  lit  :  Joainnes  Paludanus  Nervius  dis- 
cipidis  suis.  S.  P.  D.  —  Paludanus  déclare  dans  cette  épîlre 
qu'il  a  composé  ce  livre  dans  l'intérêt  de  ses  élèves  et  pour 
combler  une  lacune  regrettable;  il  y  dit  qu'il  est  le  premier 
qui  ait  publié  un  dictionnaire  lalin-français-flamand.  Celte 
épîlre  est  datée  comme  suit  :  Gandaui  è  nostro  musœo, 
an.  M.  D.  XLIIII,  calendis  Maij.  Sur  la  même  page,  le 
privilège  daté  de  Binche,  7  mai  1S48,  et  signé  :  Vtierden. 

Le  premier  feuillet  des  préliminaires  au  recto,  contient 
la  table  des  chapitres,  au  verso  les  cinq  distiques  suivants 
de  Paludanus  : 

10.  PALVDANVS  NERVIVS, 
puero  bonarum  litterarum  studioso. 

Firma  Puer  Latiœ  cupias  fundamina  linguae 

Si  iecisse,  gradum  sisle,  notata  lege. 
Sitque  opus  exiguum  licet  hoc,  est  copia  maior 

Hic,  linguam  poteris  qua  poliisse  rudem  : 
Nam  si  scire  cupis  quid  dictio  quaeque  lalina 

Denotet,  ô  puer  hinc  iam  didicisse  potes. 
Seu  fueris  Flander,  fueris  seu  Gallus,  utranque 

Exiguus  linguam  continet  iste  liber. 
Hue  igitur  vires  animi  modo  dirige,  dices 

Et  me  mox  sludiis  eonsuluisse  tuis. 

Suivent  encore  sur  la  même  page  deux  distiques  de 
Jacobus  Forgius. 


—  25  ~ 

Cet  ouvrage  eut  une  autre  édition  à  Gand  en  15G1;  ce 
qui  semble  prouver  qu'à  cette  époque  Jean  Paludanus 
habitait  encore  cette  dernière  ville.  Il  est  vrai  qu'alors 
Mons  n'avait  pas  encore  d'imprimeur.  Voici  le  titre  de 
cette  édition,  dont  nous  ne  connaissons  non  plus  qu'un 
exemplaire,  celui  de  M.  Ferd.  Van  der  Haeghen,  à  l'obli- 
geance duquel  nous  en  devons  la  communication  : 

Dictionariolum  rerum  maxime  vulgarivm,  in  commvnem 
pverorvm  vsvm,  ex  oplimis  qvibvsqve  avtoribvs  conges- 
tvm,  cvm  Flandrica  etGallica  interprelatione.  AutoreloAN. 
Paludano  Nervio  auclum  etcasligatum.  Adiecimus  in  caice 
farraginem  quandam  Verborum,  secundum  ordinem  qua- 
tuor coniugationum,  cum  eorundem  Flandrica  et  Gallica 
interprelatione. 

Gandavi,  apud  Gerardum  Salenson,  1561,  in-i",  de 
81  pp.,  à  2  colonnes;  la  8i2rpage  est  blanche.  Les  mots 
latins  et  français  en  caractères  romains,  les  mots  flamands 
en  gothiques. 

Le  titre,   outre  l'intitulé  ci-dessus,  renferme  les  cinq 
distiques  déjà  cités  de  Paludanus;  au  v"  du  titre  se  lit  la 
préface  déjà  signalée,  ainsi  que  le  privilège  daté  de  Binche 
le  7  mai  1548.  L'index  des  chapitres,  au  nombre  de  43, 
occupe  un  peu  plus  de  la  moitié  de  la  page  81.  Voici  les 
litres  de  quelques-uns  de  ces  chapitres  : 
Cap.  i.  De  Deo  et  rébus  divinis. 
ij.  De  Temporibus. 
iij.  De  nominib.  12  anni  mensium. 
vij.  De  animalium  generibus. 
xiij.  De  serpentibus. 
xiiij.  De  vermibus. 
xxviij.  De  coloribus. 
xlij.  De  pecuniis. 
xliij.  De  numeris. 
Dans  chacun  de  ces  chapitres,  Paludanus  n'a  pas  suivi 


—  26  — 

l'ordre  alphabétique;  il  semble  plutôt  avoir  consulté  l'ana- 
logie de  signification  des  mots. 

Paludanus  publia  encore  à  Gand  en  1551  : 

Senlentiœ  elegantiores  ex  Isocrate  collectée,  auctore 
JoAN.  Paludano.  Gandavi,  Jod.  Lamberlus,  1551,  in-8°. 
Ce  recueil,  rédigé  par  ordre  alphabétique,  pourrait  bien 
être  en  vers.  Malheureusement,  nous  n'en  connaissons 
aucun  exemplaire. 

On  lit  cinq  distiques  de  Jean  Paludanus  dans  les  préli- 
minaires de  l'ouvrage  suivant,  de  la  collection  de  M.  Goet- 
ghebuer  :  Catonis  Disticha,  D.  Erasmiro  et  Levini  Crvcij 
scholijs  illustrata.  Quibus  adiecimus  Epilomas  in  singula 
ferè  disticha,  autore  Malurino  Corderio,  cum  admonilio- 
nibus  eiusdem.  Gandavi.  Excudebat  lodocus  Lamberlus, 
typoglyphus,  M.  D.  XLVI. 

Paludanus  est  encore  l'auteur  d'un  Donat,  fort  en  vogue 
de  son  temps.  C'est  ce  que  nous  apprend  Jean  Bosquet, 
dans  ses  Êlémens  oit  institutions  de  la  langue  française 
(préface  de  l'édition  de  1586)  :  «  et  M.  Jean  Desmaretz,  à 
l'instigation  duquel  j'ai  esté  meu  de  la  faire  (ma  grammaire 
françoise)  pour  faciliter  à  mes  disciples  allans  lors  chez 
luy  (i)  l'intelligence  de  son  Donat,  que  j'ai  assez  de  près 
suivy,  principalement  en  ce  que  le  françois  a  de  commun 
avec  le  latin.  » 

Ce  Donat  était  vraisemblablement  en  vers. 

Sanderus,  Valère  André,  Sweerlius  disent  notre  Palu- 
danus poëte.  Vinchant  l'appelle  excellent  poëte  et  huma- 
niste, et  G.  De  Boussu,  excellent  poëte  :  M.  Mathieu  dit 
qu'on  a  de  lui  quelques  poésies  latines.  Ph.  Brasseur  le 
nomme  poëte  distingué  de  son  temps,  et  lui  consacre  les 
vers  suivants  : 


(I)  II  semble  résulter  de  ces  mois  que  Paludanus  était  mort  en  158(j. 


—  27  — 

Duni  cupit  Houdan%  percommodus  esse  palestrx, 

Ejusdera  studiis  par  duo  scripta  favet. 
CoUigil  Isocratis  flores,  docilique  juvenlœ 

Explanat  linguis  singula  verba  tribus. 

Nous  croyons  que  Brasseur  se  trompe  en  disant  que 
ces  ouvrages  ont  été  composés  pour  l'usage  des  élèves  du 
collège  de  Houdain.  Au  reste,  les  quelques  vers  que  nous 
connaissons  de  Paludanus,  ne  nous  permettent  pas  d'as- 
seoir un  jugement  sur  son  compte  comme  poète;  et  quant 
aux  assertions  de  Brasseur  et  de  G.  De  Boussu,  l'un  et 
l'autre  sont  peu  faits  pour  servir  de  guider  en  pareille 
matière  (i). 

XIII.  PiLEus  (Louis). 

PiLEus,  qui  vivait  au  commencement  du  XVP  siècle, 
est  qualifié  Tournaisien  par  Sanderus.  Le  même  le  nomme 
un  personnage  savant,  si  l'on  peut,  dit-il,  en  juger  sur  un 
échantillon  :  «  Vir,  si  ex  ungue  leonem  noscimus,  eru- 
ditus  fuit.  »  Il  écrivit  une  lettre  et  un  poème  en  vers 
trochaïques  pour  la  Grisélide  d'Éloi  Houckart  ou  Hoec- 
kaert  (EligiusEucharius),  maître  d'école  à  Gand  au  Sablon 
et  mort  dans  cette  ville  le  4  novembre  1544.  Le  poème  de 
Pileus,  qui  ne  doit  pas  avoir  été  un  auteur  bien  fécond, 
est  sans  aucun  doute  inséré  dans  l'ouvrage  d'Eucharius. 
Malheureusement  les  poésies  de  ce  dernier  sont  d'une  ra- 
reté désespérante  (2). 


(1)  Notes  communiquées  par  MM.  Ferd.  Van  der  Haeghen  et  Léop.  Devil- 
1ers.  —  Sanderus,  De  Script.  Fland.,  p.  102.  —  Val.  Andiié.  —  Sweertius. 
—  FoppENs.  —  Brasseur,  Sydera,  p.  78.  —  G.  De  Boussu,  Hist.  de  Hlons, 
pp.  185  et  432.  —  Vinchant,  Annales  du  Hainaut,  t.  V,  p.  247.  —  Mathieu, 
Biogr.  mont.,  p.  238.  —  Piiblicalions  de  la  Société  des  Sciences,  etc.,  du 
Hainaut,  1I«  série,  t    I,  pp.  194-195. 

(2)  Sanderus,  De  Script.  Flandriœ,  p.  119.  —  Messager  des  Sciences  his- 
toriques, année  1854,  p.  533,  et  1836,  p.  122. 


—  28  — 

XIV.  Poivre  (J.-F.  Le). 

Jacques-François   Le  Poivre  naquit  à    Mons  dans   la 
seconde  moitié  du   XVl^  siècle,  et    mourut  dans  cette 
même  ville,  le  6  décembre  1710.  11  s'est  rendu  célèbre 
par  son  Traité  des  sections  du  cône,  imprimé  à   Paris 
en  1704,  puis  à  Mons  en  1708,  et  réimprimé  en  1855, 
par  les  soins  de  M.  Cam.  Wins,  dans  les  Mémoires  et 
publications  de  la  Société  des  Sciences,  etc.,  du  Hainaut, 
premier  volume  de  la  seconde  série,  pp.  146  à  160.  Selon 
De  Boussu,  Le  Poivre  avait  publié  précédemment  en  1687 
à  Mons,  chez  Gasp.  Migeot,  une  introduction  à  Tarithmé- 
tique.  M-"  H.  Rousselle  croit  que  l'ouvrage  dont  parle  De 
Boussu,  avait  pour  titre  :  Instruction  nouvelle  pour  ap- 
prendre aux  enfants  à  connaître  le  chiffre  et  sommer  avec 
les  gets,  ouvrage  imprimé  à  Mons  à  diverses  reprises. 
Comme  son  compatriote  Charles  Malapert,  Le  Poivre 
savait  faire  marcher  de  front  l'étude  des  lettres  et  celle  des 
sciences.  G.  De  Boussu  dit  que  Le  Poivre  «  était  l'un  des 
plus   beaux  génies  de  sou   temps,   possédant    la    poésie 
française  et  latine,  et  toutes  autres  sciences.  » 

Nous  ne  connaisons  qu'une  seule  pièce  due  à  Le  Poivre. 
Cette  pièce  fut  composée  à  l'occasion  de  l'arrivée  à  Mons  de 
Maximilien-Emmanuel  de  Bavière,  en  qualité  de  gouverneur 
des  Pays-Bas,  au  mois  d'avril  1698;  elle  fut  écrite  en  lettres 
d'or  sur  la  porte  de  Nimy,  et  surmontée  des  armes  du  roi 
c  taillées  en  profil.  »  Nous  donnons  ici  ce  spécimen  : 

Austriadum  felix  soboles,  amor  illius  orbis, 

Carok",  quem  sine  vi,  quem  sine  caede  régis, 
Si  Dominos  alii  bellique  timenda  vocari 

Fulmina,  tu  nomen  mite  parenlis  amas. 
Jure  tuas  igilur  résonant  Montensia  laudes 

Compita,  née  iota  est  tristis  in  urbe  locus. 
Cum  videt  avulsum  reddi  sibi  denique  Regera, 

Verius  amissum  se  reperisse  Patrem. 


—  29  — 

G.  De  Boussu  nous  a  conservé  une  traduction  extrême- 
ment libre  de  cette  pièce  (i). 

XV.  Procureur  (Pierre). 

Pierre  Procureur  était  natif  de  la  ville  d'Alh.  Il  devint 
recteur  du  collège  de  Houdain;  il  mourut  à  Mons  vers  la 
fin  du  XVP  siècle,  et  fut  enterré  au  cimetière  de  Sainte- 
Marguerite.  Avant  d'être  appelé  au  rectorat  du  collège  de 
Houdain,  Procureur  avait  enseigné  en  la  ville  de  Binche, 
et  mis  en  lumière,  selon  Vinchant,  «  une  belle  et  facile 
grammaire  en  vers  poétiques,  doncq  : 

Grammalicam  facili  discendam  carminé  tradit 
Arma  juventutis  ad  linguam  prima  lalinam.  d 

G.  De  Boussu  dit  aussi  de  Procureur  :  «  Il  composa  sa- 
vamment. Estius  approuva  ses  ouvrages.  «Ailleurs  le  même 
De  Boussu  dit  que  Procureur  est  l'auteur  de  la  grammaire 
que  l'on  enseigne  au  collège  de  Houdain.  M.  Mathieu  a  cru 
qu'il  s'agissait  ici  d'une  grammaire  française;  «  c'est  assuré- 
ment une  inadvertance,  dit  M.  Camille  Wins.  Il  n'est  sans 
doute  question  ici  que  de  la  grammaire  latine.  » 

Les  Éléments  de  la  Grammaire  latine  de  P.  Procureur 
furent  publiés  en  trois  livrets  in-12,  en  lo91,  à  Douai, 
chez  Jean  Bogard.  M.  Duthillœul  ne  les  cite  point  dans  sa 
Bibliographie  douaisienne,  et  M.  Emile  Nève,  qui  a  cher- 
ché à  compléter  cette  Bibliographie,  n'en  parle  pas  non 
plus.  Voici  le  titre  de  ces  Éléments  : 

«  Brevis  epitome  totius  grammaticœ,  ex  variorum  gram- 
maticorum  et  probatorum  scriptorum  libris,  inlerpretatio- 


(1)  G.  De  Bodssu,  Uist.  de  Mons,  pp.  315  et  431.  —  Mathieu,  Biographie 
montoise,  p.  221.  —  Publications  de  la  Société  des  Sciences,  etc.,  du  Hainaul, 
!«  série,  t.  VIII,  pp.  27  et  suiv.,  art.  de  M,  Quetelet,  et  2*  série,  l.  I, 
pp.  132  et  suiv.,  art.  de  M.  Camille  Wins,  et  t.  IV,  p.  105. 


—  30  — 

nibus  undè  sensus  à  pueris  facile  elici  possit,  illuslrata 
(libb.  III).  Duaci,  Jo.  Bogard.  1591.  .)In-12. 

La  deuxième  et  la  troisième  partie  de  l'ouvrage  de  Pro- 
cureur se  trouvent  à  la  bibliothèque  de  Mons.  En  voici  les 
litres  : 

Grammaticœ  latinse  liber  secundus,  in  quo  syntaxis, 
seu  apta  verborum  conseculio,  traditur,  Pétri  Procurato- 
Ris  studio  collecta.  Duaci  ex  oiïicina  Joannis  Bogardi, 
typ.  jurati  sub  bibliis  aureis.  1591,  in- 12,  de  89  pp.  et 
index  de  1 1  pages. 

Grammaticse  latinse  liber  tertius,  in  quo  de  Prosodia  et 
arte  melrica  agitur,  Petro  Procuratore  colleclore.  Duaci, 
ex  off.  Joannis  Bogardi,  typ.  jurati  sub  bibliis  aureis, 
anno  1591,  in-12,  de  44  pp.  Estio  censore. 

Nous  donnerons  ici  les  titres  des  éditions  de  cette  gram- 
maire qui  sont  à  notre  connaissance  : 

Lalinse  linguse  rudimenta,  declinationes  nominum,  pro- 
nominum,  et  verborum,  prsesertim  regularium,  figuris 
exprimentia,  etc.  Pétri  Procuratoris  opéra.  Antverpise, 
Arnoldus  Coninx,  1604,  in-8°.  —  Latinse  linguse,...  ex- 
primentia. Item  octo  partes  orationis,  inserla  nonnunquam 
Gallica  interprelatione.  Pétri  Procuratoris  opéra.  Monti- 
bus,  typis  Francisci  VVaudré.  Anno  M.  DC.  XXVIII,  cum 
gratia  et  privilegio  superiorum,  in-S". 

Brevis  epitome  totius  grammaticse  latirise,  ex  variorum 
grammaticorum,  et  probatorum  scriptorum  libris.  Pétri 
Procuratoris  studio  collecta,  interprelationibusque  unde 
sensus  à  pueris  facile  elici  possit,  illuslrata.  Grammaticse 
latinse  liber  primus.  In  quo  Elymologise  vel  potius  analogise 
proponuntur  regulse,  hoc  est  generum,  declinationum,  com- 
parationum,  prseteritorum  et  supinorum.  Montibus,  typis 
Francisci  Waudré,  M.  DC.  XXVIII,  in-8°. 

Declinationes  nominum,  prouominum,  et  verborum 
prsesertim  regularium,  in  figuras  redactœ  studio  et  opéra 


—  51  — 

P.  Procurâtoris.  Octo  parles  oralionis,  iiiserta  nonuun- 
quam  gallica  interprelalione.  Edilio  ullima,  ciii  exlrema 
auctoris  manus  acidila  est,  tyrunculorum  usui  maxime  ac- 
commodala.  Monlibus,  lypis  Francisci  Waudrsel,  sub  bi- 
blijs.  1C55,  cum  gralia  et  privilegio  Regio.  Petit  in-8°, 
32  pp. 

Brevis  epilome Petri  Procurâtoris  studio  collecta. 

Monlibus,  vidua  Gasparis  Migeot,  in-8°  (s.  a.).  Grammalicœ 
lalinse  liber  primus  in  quo  Elymologiœ,  vel  polius  ana- 
logies proponuiilur  regulse,  boc  est  generum,  declinalio- 
num,  comparalionum  et  supinorum.  In  usum  studiosae 
juvenlulis  collegii  Houdaiii  monlensis,  aucta  et  correcte 
bac  ullima  edilione.  Monlibus,  apud  viduam  Gasparis 
Migeot  (s.  a.).  —  Petri  Procurâtoris  rudimenta  sive 
grammalicœ  lalinse  pars  prima  vulgo  figura.  Monlibus, 
1751,  in-12. 

Grammaticse  lalinee,  liber  secundus,  in  quo  syntaxis,  seu 
apla  vocum  conseculio  tradilur,  Petri  Procurâtoris  stu- 
dio collecta.  Anlverpise,  Arnoldus  Coninx,  1598,  In-S". — 
Monlibus,  typis  Francisci  VVaudré.  Anno  M.  DC.  XXVIII, 
cum  gralia  et  privilegio  superiorum.  In-8%  140  pp.,  index 
et  privilège  7  feuill.  non  cbiff.  —  Monlibus,  apud  viduam 
Gasparis  Migeot  (sans  date). 

Grammaticse  lalinse,  liber  terlius.  In  quo  de  Prosodia 
et  arle  melrica  agilur  Petro  Procuratore  colleclore.  Ant- 
verpiae,  Arnoldus  Coninx,  1 604,  in-8°.  —  Edilio  poslrema, 
oui  summa  auctoris  manus  addila.  Monlibus,  typis  Fran- 
cisci De  Waudré,  sub  biblijs.  Anno  M.  DC.  XXVIII,  cum 
gralia  et  privilegio.  In-8%  64  pp.  —  Monlibus,  vid.  Gas- 
paris Migeot.  ^1-8"  (s.  a.). 

Jusqu'au  XVP  siècle,  toute  tentative  de  réforme  dans 
la  grammaire  latine  était  considérée  comme  une  sorte  d'at- 
tentat contre  le  dogme.  Despautère,  qui  devait  jouir  d'une 
vogue  si  grande  et  si  peu  méritée,  ne  parvint  à  s'introniser 


32 


dans  les  écoles  que  très-difficilement.  Mais  son  succès, 
peut-être  plus  encore  que  ses  imperfections,  encouragea  les 
timides.  En  lo21,  Pelrus  Amicus,  principal  du  collège  de 
Tournay,  publiait  une  grammaire  latine  en  prose.  D'autres 
le  suivirent  dans  cette  voie,  sinon  avec  plus  de  talent,  du 
moins  avec  plus  de  succès.  En  1550,  l'université  de  Lou- 
vain  inscrivait  sur  la  liste  des  ouvrages  recommandés,  sept 
grammaires  ou  syntaxes  latines.  La  grammaire  latine  con- 
quérait sa  liberté. 

Venu  après  ces  auteurs.  Procureur  ne  parait  pas  s'être 
assez  librement  écarté  de  leurs  errements.  Sa  grammaire 
est  encore  en  vers,  et  cette  forme  qui  n'admettait  et  ne  pou- 
vait admettre  qu'un  langage  barbare,  devait  être  extrême- 
ment rebutante  pour  les  commençants.  Il  fallait  une  réforme 
radicale;  il  fallait  parler  la  langue  de  ses  auditeurs  et  de 
son  temps.  Procureur  ne  s'en  douta  peut-être  même  pas; 
au  reste  son  époque  était  aussi  coupable  que  lui.  En  1751 
—  nous  l'avons  vu  —  on  réimprimait  encore  à  Mons  la 
grammaire  latine  en  vers  latins,  de  P.  Procureur. 

Voici  deux  échantillons  de  ce  style  barbare.  Pour  les 
genres  : 

Neutra  cadaver,  iter,  ver,  spinter,  tuber  et  uber, 
Et  cicer,  atque  laver,  piper  et  fiser,  atque  papaver. 

Pour  la  quatrième  conjugaison  : 

A  verbis  quartse  deducitur  ivit  et  ilura. 

Vincio  vult  vinxi,  vinctum.  Amicit  dat  amiclum. 

Jean  Rosier,  d'Orchies,  curé  d'Esplechin,  près  de  Tour- 
nay, a  consacré  une  pièce  de  douze  vers  :  Eximio  domino 
D.  ac  M.  Petro  Procuralori  apud  Monteuses  Gymnasiar- 
chae  {Miscellanea,  p.  96).  Cette  pièce  ne  nous  apprend 
qu'une  chose,  c'est  que  Procureur  donnait  des  soins  assidus 
à  la  jeunesse  montoise  : 

Congrua  procurans  proli  alimenta  suœ, 


—  35  — 

v(>rs  qui  l'eiilerme  sans  doule  une  allusion  à  la  grammaire 
de  notre  recteur.  Rosier  ajoute  : 

Procuras  gaudens  proli  alimRnta  liiœ. 
Corpora  sol  curai,  curas  cura  corpore  mentes  (1). 

XVI.  RoMBisE  (A.-J.  LisoN  de). 

André-Jacques  Lison  de  Kombise  naquit  à  Mons,  selon 
M.  Mathieu;  il  est  Tauteur  de  deux  ouvrages  ayant  pour 
titre  : 

i"  Ilinerarium  Germanise; 

2"  Epigrammata  in  Sanctos. 

Maurice  Bourgeois,  dans  son  ouvrage  en  vers  intitulé 
Vallis  Mariana  item  Sylva  Isaacana,  p.  227,  fait  mention 
d'un  Rombise  en  ces  termes  : 

Miissei  fuerat  sagax  Apollo, 
Rombizc  Bincliiaci. 

Il  nous  apprend  de  plus  que  ce  Uombize  quitta  le  bruit 
du  monde  pour  la  retraite,  et  qu'il  entra  au  monastère  de 
Bois-Seigneur-Isaac.  Il  fut  plusieurs  années  à  la  tête  de 
l'école  du  monastère,  puis  nommé  procureur;  il  mourut 
le  25  janvier  1604,  à  l'âge  de  trente  ans.  Bourgeois  ajoute: 

Hue  ingens  onus  attulit  librorum. 

C'est  peut-être  de  ce  Rombise  que  parle  M.  Mathieu. 
D'un  autre  côté,  nous  trouvons  parmi  les  échevins  de  Mons 
en  1681,  un  nommé  André-Jacques  Lison.  Les  ouvrages 
cités  par  le  biographe  montois  ne  sont-ils  pas  plutôt  de  ce 
dernier?  C'est  ce  que  nous  ne  pouvons  décider  (2). 

(1)  Brasseur,  Sydera,  p.  87.  —  De  Boussu,  Ifisl  de  Mons,  pp.  184  et  i'i. 
—  VixcHANT,  Annales  du  Hainaut,  t.  V,  p.  297.  —  Mathieu,  Biogr.  monioise. 
p.  251.  —  Wiris,  Eléments  de  la  grammaire  latine  de  ./.  Gillct,  etc.  —  Puhl. 
de  la  Société  des  Sciences,  etc.,  du  Hainaut,  2«  série,  t.  I,  pp.  191-92;  t.  II, 
pp.  293-94  et  503.  —  Bosqoet,  Oralor  terrœ  sanclœ.  —  Catalogue  de  la  ftibt. 
de  Mons,  n»s  4298  à  4302.  —  Catalogue  Bataille  et  Lengrand,  p.  42. 

(2)  Mathied,  Biogr.  mont.,  p.  255.  —  G.  De  Bocssc,  Hist.  de  Mons,  p.  411. 


—  54  — 

XVII.  Saint-Genois  (Pierre  de). 

Pierre  de  S\int-Genois,  que  Brasseur  et  G.  De  Boussu 
écrivent  Seingenois,  était  seigneur  du  Mesnage  et  vivait 
en  1637,  puisque  Brasseur  dans  ses  Sydera,  publiés  cette 
même  année,  le  dit  son  contemporain.  C'est  le  même, 
croyons-nous,  que  Pierre  de  Saint-Genois,  chevalier,  sei- 
gneur du  Mesnage,  Vertain,  etc.,  mort  le  4  octobre  16S2 
et  inhumé  à  l'église  de  Saint-Piat  de  Tournay.  Sa  mère 
était  une  du  Gardin,  comme  le  prouvent  ses  quatre  quartiers  : 

Saint-Genois.  Varax.  Du  Gardin.  Hauport. 

G.  De  Boussu,  qui  ne  peut  faire  autorité  en  littérature, 
a  dit  de  cet  auteur  :  «  Grand  poëte  français  latin.  Il  donna 
plusieurs  poésies  qu'il  composa  en  l'honneur  de  la  Vierge.  » 
M.  Mathieu,  dans  sa  Biographie  Montoise,  a  reproduit  le 
passage  de  G.  De  Boussu,  sans  nous  apprendre  si  ces  poé- 
sies sont  des  poésies  latines,  ni  si  elles  ont  été  imprimées. 
Ce  qui  semblerait  prouver  qu'elles  ne  l'ont  pas  été,  c'est 
que  Brasseur  qui,  dans  ses  Sydera,  indique  ordinairement 
en  marge  le  lieu  et  la  date  de  l'impression  des  ouvrages 
mentionnés,  est  muet  à  l'article  de  notre  poëte;  il  dit  seu- 
lement de  lui  : 

Hujus  œvi  nostri  poeta  lalinus  et  cjaUicus  : 

Et  galla  et  latia  cultiis  fuit  iste  Camœna, 

Si  geminus  Musis  Phœbus  uterque  foret, 
f.armina  ilum  Mariana  canit,  sibi  reddit  aminini 

Carminibiis  Phœbum,  sed  pielate  Deiiin  (1). 


(1)  De  Boussu,  Hisl.  de  Mons,  p.  ^T•,^^.  —  BtussF.un,  Sydera,  p.  8G.  —  Conile 
Di:  .Saimt-Genois,  Mon,  anc,  t.  I,  p.  1007.  —  Mathieu,  Biogr.  mont.,  p.  265. 


—  35  — 

XVIII.  ScoTus  (Sydp.acus). 

ScoTus,  à  qui  Valère  André  donne  le  prénom  de  Sij- 
drœus,  tandis  que  llevius,  dans  sa  Davenlria  Illustrata,  le 
nomme  Sydracus,  naquit  à  Enghien,  probablement  dans  la 
première  moitié  du  XVI«  siècle.  Il  passa  en  Hollande,  où  il 
occupa  la  place  de  recteur  du  collège  d'Arnbem.  Il  publia  : 

1°  Carmen  Martinianum,  sive  commendatio  divini  limo- 
ris,  scholse  Arnbemiensis,  auctore  Sydraco  Scoto,  ejusdeni 
scbolœ  redore.  Daventrise  (Simon  Steenbergius  sive  Saxi- 
montanus),  ann.  coidlxxvi  (1576). 

2"  Carmen  Martinianum,  sive  Militis  cbristiani  queri- 
monicT,  ad  Deum  0.  M.  scbolse  Arnbemiensis,  eodem  auc- 
tore. Daventrise  (Simon  Sleenberg),  anno  \^n . 

Nos  bibliographes  ne  citent  que  le  litre  incomplet  du 
premier  ouvrege. 

Avant  l'introduction  du  protestantisme,  les  écoliers 
étaient  dans  l'usage  à  Arnhem,  à  certains  jours  de  l'an,  de 
chanter  des  cantilenen  ou  carmina  scholastica.  Ces  jours 
étaient,  entre  autres,  le  jour  de  Saint-Paul  et  celui  de  Saint- 
Martin.  Ces  chants  étaient  composés  par  le  recteur  que  l'on 
payait  en  espèces,  ou  à  qui  l'on  donnait  différentes  choses, 
deux  poulets  rôtis,  un  plat  d'oies  (galigaens),  du  masse- 
pain, un  quart  de  vin,  etc.  Pour  ce  qui  concerne  plus  par- 
ticulièrement le  poëme  de  Saint-Martin,  quand  il  se  chantait 
à  la  cour,  on  le  payait  d'un  daeler  royal  ou  ryxdaeler.  Cet 
usage  fut  aboli  l'an  1G00. 

Ces  ouvrages  de  Scotus  ne  sont  donc  que  des  poèmes  de 
circonstance  :  ce  qui  en  explique  l'extrême  rareté,  et  doit 
affaiblir  les  regrets  de  leur  perte  (i). 


(1)  Valerii  Andre^e  Bihl.  helg.,  éd.  iii-^^",  p.  821.  —  ForpcNs,  Bibl.  belg., 
p.  1113.  —  J.ACOBi  Revu  Daventriœ  illustralœ,  sive  Historiœ  urbis  Daven- 
triensi.1,  libri  sex.  Lugfl.  Bat.,  Pétri  Leffen,  1641,  iii-'i",  p.  325.  —  Kronyh 
van  Arnhem,  bl.  250.  —  G.  Va.\  Hasselt,  Arnliemschc  oudheidcn. 


—  56  — 
XIX.  Stoupy  (François). 

François  Stoupy  naquit  à  Mons  vers  l'an  1G84.  Il  fui 
régent  du  collège  de  Houdain  pendant  cinquante-cinq  ans, 
et  mourut  le  1"  novembre  1759.  Il  fut  inhumé  à  Sainte- 
Waudru  de  Mons;  on  lui  fît  cette  épitaphe  : 

D.   0.   M. 


ICY    REPOSE  LE    CORPS 

DV   SIEUR 

FRANÇOIS   STOUPY 

VENERABLE   PRETRE 

TRES   CELEBRE    POETE 

ET   TRES   Dir.NE    REGENT 

nu  COLLEGE  DE   HOUDAIN 

PENDANT   55    ANS 

MORT   LE    1    DE   NOVEMBRE 

1759   AGE   DE  75    ANS. 

IIEQUIESCAT 

IN    PACE. 


G.  De  Boussn,  contemporain  de  Stoupy,  vante  la  vigi- 
lance du  régent  de  Houdain,  il  ajoute  :  «  Le  théâtre  est  une 
de  ses  occupations.  La  poésie  lui  est  si  familière  qu'il  parle 
en  vers.  »  Ailleurs,  De  Boussu  l'appelle  excellent  poëte. 
«  Il  composa,  dit-il,  plusieurs  tragédies  latines,  et  un  nom- 
bre très-considérable  de  différents  poèmes  sur  différents 
sujets,  qui  ont  été  dédiés  aux  princes,  aux  états,  aux 
magistrats  et  autres  selon  les  occasions  et  fêles  publi- 
ques. »  Ces  pièces  paraissent  avoir  eu  le  sort  de  toutes  les 
pièces  de  ce  genre,  qui  disparaissent  d'ordinaire  avec  la 
circonstance  qui  les  a  fait  nailre.  Nous  n'avons  rencontré 
de  Stoupy  que  les  deux  distiques  suivants,  adressés  au 
poêle  Corneille  Pottier  : 

Ad  Dominum  Cornelium  Pottier,  S.  S.  Panegyristam , 

Gymnusii  vales,  Rlielorque  Rpgpnsque  juventa", 

El  populo  oralor  Dogmala  sancla  dabas. 
.Niinr  sanctos  scribis  lastos;  qiiod  feccrat  ante 

Lingua  pu-,  scmper  Musa  diserta  canet. 

Franciscus  Stoipv,  poeta  Houdancs. 


—  37  — 

Nous  savons  encore  que  Sloupy  fit  des  vers  à  la  louange 
de  G.  De  Boussu.  C'est  ce  que  prouvent  les  vers  suivants 
d'un  certain  Leduc,  vers  qu'on  lit  parmi  les  préliminaires 
de  l'histoire  d'Alli,  de  G.  De  Boussu. 

Docte  vir,  Iloudanœ  te  alias  cecinere  Camœnse; 
Adilere  quiJ  valeam?  Macnus  le  Stoupius  olini 
Laudavit.  Satis  est .-  sunt  vana  encomia  laudis 
Ulteriora  tuœ 

Et  dire  que  nous  ne  connaissons  que  quatre  vers  de  ce 
grand  homme!  (i) 

XX.  Ieuwain  (André). 

André  Ieuwain  naquit  à  Mons  vers  l'an  1506,  et  mourut 
dans  la  même  ville  le  30  mai  1639;  il  fut  inhumé  dans 
l'église  de  Sainte-Waudru,  avec  cette  épilaphe  : 

ICY   CIST    ANDRE    IliWAIN 
EN  SON  VIVANT  THEOl  : 

PlilLOS  :   ET    POETE 

DECEDE   LE   30   MAY 

1639.    REQUIEiCAT 
IN    PACE. 

Ieuwain  était  donc  à  la  fois  théologien,  philosophe  et 
poêle.  On  a  de  lui  en  manuscrit  plus  de  trois  mille  vers 
héroïques  et  élégiaques,  sous  ces  litres  divers  : 

1°  Andrese  lewani  Monlensis  dislicha,  20  pp.  in-f°. 

2"  Andrese  lewani  Monlensis  epigrammala.  24  pp.  in-f". 

ù°  Beati  Rochi  vita  (en  vers).  3  pp.  in-4°. 

4"  Adonium  carmen.  Peccatum.  2  pp.  détachées. 

5"  Poésies  diverses  (en  lalin).  54  pp.  in-f°. 

Une  partie  bien  faible  de  ces  poésies  fut  mise  au  jour. 
Voici  ce  que  M.  Mathieu  nous  apprend  à  ce  sujet  : 

(1)  De  Boussu,  flisl.  de  Mons,  pp.  18G  et  430.  —  Pottier,  Panegyris  sanc- 
lorurn,  etc.  Mons,  1713,  in-S".  —  Matthieu,  IHogr.  mont.  —  Léopold  Devil- 
LERS,  Mémoire  historique  et  descriptif  sur  l'église  de  Sainle-Waxidru,  à  Mons. 
Mons,  1837,  appendice. 


—  58  — 

D'après  une  disposition  testamentaire  de  Tauteur,  les 
poésies  latines  furent  revues  et  corrigées  après  sa  mort, 
par  Jean  Laurent,  prêtre.  L'impression  en  fut  même  com- 
mencée par  les  soins  de  l'avocat  Pierre  Cospeau,  exécu- 
teur testamentaire  d'Ieuwain.  Elles  portaient  pour  litre  : 
Poemata  Z>"'  Andrew  lewani.  iMais  Cospeau  ne  parvint  à 
en  vendre  que  cinq  ou  six  exemplaires  de  six  cents  qu'il 
avait  fait  tirer,  et  il  n'en  parut  que  les  trois  premières 
feuilles  (48  pages  formant  le  l*"-"  livre).  —  A  Mons,  chez 
Fr.  De  Waudré,  1640,  petit  in-S".  Elles  sont  précédées 
d'une  préface  de  Cospeau,  Malevolo  zoïlo.  —  Cette  préface 
est  de  3  pages. 

Nous  ne  connaissons  qu'un  seul  exemplaire  de  cet  ou- 
vrage, celui  de  M.  Hippolyte  Rousselle,  l'auteur  de  la  Bi- 
bliographie  montoise.  Mais  une  circonstance  vient  diminuer 
les  regrets  que  pourrait  inspirer  cette  extrême  rareté.  Lors- 
qu'il s'agit  de  livrer  ces  poésies  à  l'impression,  nous  apprend 
encore  M.  Mathieu,  un  procès  eut  lieu  entre  les  héritiers 
de  l'auteur  et  son  exécuteur  testamentaire;  les  premiers, 
sous  prétexte  que  ces  poésies  laissaient  trop  à  désirer,  re- 
fusaient de  se  conformer  à  la  volonté  du  testateur. 

La  cour  souveraine  du  Hainaut,  saisie  de  l'affaire,  or- 
donna qu'elles  fussent  soumises  à  un  censeur  de  livres, 
pour  juger  si  elles  étaient  dignes  d'être  imprimées. 

La  chose  prohablement  en  resta  là,  car  de  nombreuses 
recherches  n'ont  pu  faire  découvrir  aux  archives  de  la 
cour,  rien  de  postérieur  à  cette  ordonnance. 

On  trouve  des  vers  d'André  leuwain  dans  les  Êlémens 
de  la  langue  françoise  de  Jean  Bosquet.  Mons  1S86  (i). 

F.  F.  J.  Lecouvet. 


(1)  Devillers,  Mémoire  sur  l'église  de  Sainle-Waudru ,  appendice.  — 
Mathieu,  SuppL  à  la  Diogr.  mont.,  t.  Vlll,  p.  74-76,  l'*  série  des  J/eVn.  de 
la  Société  des  Sciences,  etc.,  du  Hainaut.  —  Mêmes  Mémoires,  2"  série,  t.  I. 
p.  6i,  et  l.  Il,  p.  515. 


—  39  - 


Carrousel  en  trûtneau, 

AU    XVl"    SIÈCLE. 


Ainsi  dans  l'hiver  même  on  connaît  l'allégresse. 
Ce  n'est  pUis  ce  dieu  sombre,  amant  de  la  tristesse; 
C'est  un  vieillard  qui,  sous  le  faix  des  ans, 
Connaît  eucor  la  joie,  et  plait  en  cheveux  blancs. 
DrLiLiR,  l'Homme  des  Champs,  chant  I. 


Si  Dous  prenons  aujourd'hui  la  plume,  ce  n'est  point 
pour  communiquer  au  lecteur  d'importantes  découvertes 
faites  dans  le  vaste  et  poudreux  domaine  des  parchemins 
séculaires.  Nos  prétentions  sont  infiniment  plus  modestes. 

Bien  que  l'événement  que  nous  allons  raconter  nous  ait 
été  révélé  par  de  vieux  documents  que  l'imposante  Histoire 
consulte  parfois,  nous  devons  déclarer  qu'il  ne  saurait  pré- 
tendre à  l'honneur  insigne  de  fixer  l'attention  du  plus  hum- 
ble des  savants. 

En  effet,  il  ne  s'agit  pas  d'un  grave  débat  historique, 
palpitant  d'intérêt  et  d'actualité;  ni  des  libertés  communales 
défendues  au  quatorzième  siècle  par  les  Artevelde  et  mena- 
cées au  seizième  par  l'empereur  Charles-Quint.  Il  ne  s'agit 
pas  d'une  longue  et  irritante  controverse  religieuse  entre 
les  sectateurs  de  Calvin,  de  Luther,  de  Zwingle  et  d'autres 
réformateurs;  ni  de  Philippe  II,  ni  de  l'inquisition,  ni  du 
duc  d'Albe,  ni  du  tribunal  des  Troubles,  ni  même  de  la 
réhabilitation  de  quelque  grande  figure  historique,  calom- 
niée selon  les  uns  et  trop  exaltée  selon  les  autres.  Notre 
événement  —  si  toutefois  on  peut  lui  donner  ce  nom  — 


—  40  — 

n  est  point  classé  si  haut.  N'ayant  rien  de  commun  avec  la 
politique  de  son  temps,  il  serait  resté  dans  l'oubli  le  plus 
profond,  si  le  hasard,  ce  révélateur  indiscret,  ne  s'était 
chargé  de  le  produire  au  grand  jour. 

Sans  donner  carrière  à  notre  imagination;  sans  créer  des 
personnages  et  des  situations  invraisembables  pour  noyer 
le  sujet  principal  dans  un  Océan  de  fictions  absurdes,  nous 
dirons  simplement,  en  chroniqueur  fidèle,  comment  les 
bons  bourgeois  de  Gand  se  divertissaient  au  XVI''  siècle, 
lorsque  leur  grande  et  belle  ville  était  couverte  de  neige  et 
que  l'Escaut  et  la  Lys  charriaient  d'épais  glaçons. 


I. 


Avant  de  raconter  les  réjouissances  qui  eurent  lieu  à 
Gand  le  1 4  janvier  1 509,  il  convient  de  dire  quelques  mots 
des  lieux  qui  leur  servirent  de  théâtre. 

A  cette  époque,  le  célèbre  Marché  du  Vendredi  avait  l'as- 
pect le  plus  pittoresque.  D'innombrables  maisons  de  bois 
à  divers  étages  surplombant  les  uns  les  autres,  couronnées 
de  pignons  triangulaires  et  décorées  de  sculptures,  enca- 
draient cette  vaste  place.  De  sombres  édifices  de  granit 
élevaient  majestueusement  leurs  tourelles  crénelées  au- 
dessus  des  coquettes  habitations  bourgeoises  qui  les  envi- 
ronnaient. Tels  étaient  le  Collatie-zolder,  dont  la  tourelle 
unique  existe  encore;  le  Uutenhove-sleen,  gigantesque  con- 
struction féodale,  dont  les  derniers  débris  ont  disparu  au 
commencement  de  ce  siècle;  le  Hoocj-hmjs,  splendide  édifice 
gothique,  où  les  comtes  de  Flandre  recevaient  le  serment 
de  fidélité  des  féaiilx  et  amés  bourgeois  de  Gand;  et  dans 
le  fond,  l'élégante  façade  de  l'église  de  Saint-Jacques,  can- 
tonnée de  ses  deux  tours  romanes. 


—  M  — 

La  neige  qui  couvrait  les  toitures  et  les  saillies  des 
maisons,  faisait  ressortir  les  sombres  contours  de  cette 
architecture  bigarée. 

Au  centre  de  la  place,  on  avait  ménagé  une  spacieuse 
enceinte  destinée  à  servir  d'arène  aux  jouteurs.  A  l'une 
des  extrémités  s'élevait  une  estrade  ou  pour  mieux  un 
théâtre,  où  les  sociétés  de  rhétorique  devaient  représenter 
une  pièce  composée  pour  la  circonstance.  Ce  théâtre,  les 
pignons  des  maisons  et  les  tourelles  des  steenen,  vieux 
manoirs  féodaux  noircis  par  le  temps,  étaient  pavoises  aux 
couleurs  impériales.  Des  centaines  de  drapeaux,  de  bande- 
roles et  de  flammes  flottaient  dans  les  airs  au-dessus  de  la 
foule  bruyante,  qui  se  pressait  contre  les  barrières  de 
l'arène.  Malgré  le  froid,  toutes  les  fenêtres  étaient  ouvertes 
et  garnies  de  spectateurs,  vêtus  de  costumes  à  la  fois  sim- 
ples, riches  et  variés.  Cette  diversité  de  couleurs  et  de 
formes  contribuait  encore  à  donner  à  l'ensemble  du  ta- 
bleau, ce  cachet  d'originalité  que  l'on  chercherait  vaine- 
ment ailleurs  que  dans  les  grandes  fêtes  populaires  où 
toutes  les  conditions,  tous  les  rangs  sont  confondus. 

La  multitude  ne  cessait  de  diriger  ses  regards  vers  le 
Hoofj-huys,  dont  les  hautes  fenêtres  étaient  drapées 
d'étoffes  de  soie  et  de  velours,  frangées  de  crépines  d'or. 
C'était  là  que  les  Echevins  de  Gand  attendaient  l'arrivée 
de  Jacques  de  Luxembourg,  comte  de  Gavre,  seigneur  de 
Fiennes,  gouverneur  de  Flandre,  etc.,  à  qui  la  fête, 
annoncée  au  son  de  trompe  dans  tous  les  quartiers  de 
ville,  allait  être  offerte. 

Un  bourdonnement  continuel  et  toujours  croissant 
régnait  au  sein  de  cette  foule,  impatiente  de  jouir  d'un 
spectacle  eiitièrement  nouveau,  car  c'était  la  première  fois 
qu'un  carrousel  en  traîneau  avait  lieu  dans  la  vieille  cité 
flamande.  Il  est  vrai  qu'un  an  auparavant,  cette  même 
foule  était   accourue  au   Marché  du  Vendredi   pour  as- 


—  42  — 

sister,  avec  non  moins  de  plaisir,  à  un  tournoi  à  outrance 
où  de  nobles  et  valeureux  chevaliers  perdirent  la  vie  (i). 
Dans  la  lutte  qui  va  s'engager,  le  sang  ne  ternira  pas 
réclatante  blancheur  de  la  couche  de  glace  qui  couvre  le 
sol.  Cependant,  la  victoire  sera  chaudement  disputée  par 
d'intrépides  jouteurs,  mais  aucun  d'eux  n'aura  le  regret 
amer  de  l'avoir  obtenue  au  prix  d'un  meurtre. 


II. 


Onze  heures  viennent  de  sonner  au  beffroi.  Le  gros 
bourdon,  Roelant,  fait  entendre  sa  voix  grave  et  puissante 
qu'il  mêle  aux  accords  argentins  du  carillon.  Un  rayon  de 
soleil  perçant  soudain  les  nuages  qui  assombrissaient  le  ciel, 
vient  répandre  sa  bienfaisante  lumière  sur  la  cité  et  ajouter 
encore  à  l'éclat  de  la  solennité. 

Tout-à-coup  la  multitude  s'agite.  Une  exclamation  s'é- 
chappe de  toutes  les  poitrines,  Jacques  de  Luxembourg, 
escorté  de  ses  chevaliers,  arrive  sur  la  place,  et  quelques 
minutes  après  il  paraît  aux  fenêtres  du  Hoog-huys,  accom- 
pagné des  magistrats  de  la  commune.  A  son  aspect,  le  peu- 
ple applaudit  et  fait  entendre  les  cris  mille  fois  répétés  de: 
«  Noël!  Noël!  Vive  le  seigneur  de  Fiennes!  » 

Ce  seigneur  était  un  respectable  vieillard  au  front  large 
et  intelligent,  dont  les  cheveux  blancs  descendaient  en 
boucles  argentées  sur  son  armure  de  Milan,  richement  da- 
masquinée. Sur  sa  poitrine  biillait  le  collier  de  l'ordre  de 
la  Toison  d'or. 


(1)  Voyez  la  descriplion  que  nous  avons  donnée  de  ce  tournoi  dans  un 
ai'licle  intitulé  :  Joyeuse  entrée  de  MaximiUen  I"  à  Gand,  en  1308  {Descrip- 
tion d'un  livre  perdu).  Messager  des  Seicnccs  historiques,  année  1851,  pp.  1 
el  suiv. 


—  43  — 

A  midi,  les  trompettes  et  les  clairons  reteutirenldu  côté 
de  la  rue  Longue  de  la  Monnaie.  Des  cris  de  joie  accueilli- 
rent cette  fanfare  guerrière,  et  bientôt  le  cortège  des  gildes 
et  des  voisinages  qui  allaient  prendre  part  à  la  lutte,  dé- 
boucha sur  le  marché,  aux  acclamations  joyeuses  et  réité- 
rées de  la  foule. 

Certes,  ce  cortège  offrait  un  ensemble  magnifique  bien 
digne  d'exciter  l'admiration.  Les  trompettes  et  les  hérauts 
de  la  ville,  couverts  de  leurs  cottes  armoiriées  aux  armes 
de  Flandre  et  de  Bourgogne,  ouvraient  la  marche.  Ve- 
naient ensuite  les  divers  groupes  de  jouteurs,  enseignes 
déployées.  Chaque  compagnie  avait  choisi  un  costume  à  la 
fois  brillant  et  bizarre,  et  marchait  en  bon  ordre  sous  une 
bannière  symbolique  rehaussée  d'or.  Le  roi  des  Ruitiers, 
suivi  de  ses  suppôts,  fermait  le  cortège  et  maintenait  l'ordre 
dans  les  rues.  Cette  longue  suite  d'hommes  et  de  banniè- 
res, d'ècussons  et  d'emblèmes,  se  déroula  comme  un 
ruban  aux  couleurs  chatoyantes  autour  de  la  lice  exté- 
rieure. Les  bannières  se  rangèrent  des  deux  côtés  du 
théâtre,  où  un  esbattement  devait  être  représenté  après  la 
première  joute. 


III. 


Le  signal  est  donné.  Les  juges  du  camp  prennent  place 
près  du  poteau  aux  bagues.  Les  clairons  sonnent.  La  bar- 
rière s'ouvre  et  livre  passage  à  d'élégants  traîneaux  dont 
les  chevaux  sont  caparaçonnés  aux  couleurs  des  gilcles  et 
des  voisinages.  Chaque  traineau  est  conduit  par  un  jou- 
teur, qui  tâche  d'enlever  dans  sa  course  rapide,  au  moyen 
de  la  lance  qu'il  lient  de  la  main  droite,  le  plus  grand  nom- 
bre de  bagues  possible. 

Ce  spectacle  si  nouveau,  si  éblouissant,  excita  un  véri- 


_  44  — 

table  enthousiasme.  On  applaudissait  les  jouteurs  qui 
maniaient  leurs  chevaux  et  la  lance  avec  adresse.  On  riait 
de  ceux  qui  se  montraient  peu  habiles  et  qui  ne  se  distin- 
guaient que  par   des  chutes  grotesques 

Comme  intermède  à  ces  jeux  chevaleresques,  on  vit  des 
patineurs  s'élancer  dans  la  lice,  se  croiser,  se  poursuivre, 
s'éviter  et  s'atteindre  avec  une  vélocité  surprenante.  Les 
moins  expérimentés  tombaient  lourdement  sur  la  glace  et 
recueillaient,  non  sans  dépit,  les  bravos  ironiques  et  les 
quolibets  de  leurs  malicieux  concitoyens. 

Nous  devons  renoncer  au  désir  de  raconter  jusque  dans 
leurs  moindres  détails,  les  diverses  péripéties  de  cette 
joule  d'un  nouveau  genre.  Les  comptes  de  la  commune  sont 
muets  sur  ce  point;  mais  ils  nous  font  connaître  le  résultat 
de  ce  tournoi  populaire,  qui  dura  deux  jours.  On  y  lit, 
que  le  voisinage  de  la  Kctelpoorte  ayant  remporté  le  plus 
grand  nombre  de  bagues,  obtint  le  premier  prix  et  qu'il 
eut  le  second  prix  réservé  à  la  plus  belle  bannière. 

La  gilde  dite  :  den  Droogen,  se  distingua  également;  elle 
remporta  le  second  prix  dans  la  joule,  le  premier  comme 
ayant  marché  sous  la  plus  belle  bannière  et  le  premier  du 
plus  beau  costume.  Le  voisinage  du  Meerhem  remporta  le 
troisième  prix  dans  la  joule  et  le  troisième  du  costume.  Le 
second  prix  du  costume  fut  décerné  au  voisinage  de  la  Wal- 
poorte.  Le  voisinage  de  la  Zant-poorte  ayant  joûlé  en  der- 
nier lieu  et  tenu  la  lice  ouverte  contre  tout  venant,  reçut 
également  une  récompense  pécuniaire. 

Un  prix  d'encouragement  fut  décerné  aux  habitants  du 
Marché  aux  Grains. 

Celle  fêle  se  termina  comme  toutes  les  fêles,  par  un 
somptueux  banquet  que  les  Échevins  offrirent  au  seigneur 
de  Fiennes. 

Les  comptes  ne  fournissent  aucun  renseignement  sur  ce 
feslin,  qui  eut  lieu  au  Hoorj-hiujs.  Il  était  sans  doute  moins 


—  45  — 

hrillaiil  que  celui  que  la  commune  offrit,  en  I0O8,  à  T em- 
pereur Maximilien  I  et  à  la  famille  impériale;  mais,  il  est 
certain  que  les  vins  du  Rhin,  de  Baune  et  de  Bourgogne  y 
furent  servis  en  abondance;  que  la  table  était  chargée  de 
boîtes  à  dragées;  et  que  des  ménétriers  y  firent  entendre  des 
chants  composés  en  l'honnenr  de  Jacques  de  Luxembourg 
par  quelque  poêle  flamand  appartenant  sans  doute  à  la 
chambre  souveraine  de  rhétorique.  Serait-ce  trop  présumer 
que  d'attribuer  la  poésie  de  cette  allégorie  à  Anna  Byns, 
et  la  musique  à  l'un  des  principaux  disciples  d'Okeghem? 
Si  les  comptes  se  taisent  encore  sur  ce  point,  nous  devons 
admettre  que  le  génie  de  ces  deux  illustrations,  dont  la 
Flandre  est  si  fière,  a  pu  inspirer  la  muse  de  leurs  suc- 
cesseurs. 

Kervyn  de  Volkaersbeke. 


Pièces  jnistificatiTCSi. 


Rekening  vanden  jare  1509-1  SI 0. 

Item,  betaelt  Jacob  De  Rob,  temmerman,  voor  zynen  aerbeit 
ende  occnpacie  die  hy  hadde  int  curten  vanden  lanchen  int 
steecspel  1er  Vriendachmaerct  up  sledeti,  naer  tverclaers  vander 
ordonnaniie  van  scepenen III  s.  IIII  d.  gr. 

Item,  betaelt  Jooris  De  Smet,  de  somme  van  XXV'  s.  gr,, 
ende  dat  ter  causen  van  leverynghe  van  haute  ende  heerssen, 
ende  voor  dienst  ende  moyte  by  hem  by  zynder  huusvrauwe 
ende  boden  ghedaen  gbeduerende  tvoornomde  steecspel  up  sle- 
den  1er  Vriendachmarct,  naer  tverclaers  vander  ordonnantie  van 
scepenen XXV  s.  gr. 


—  46  — 

Item,  betaelt  den  zes  irompeiiers  vunder  stede,  voor  haerlie- 
der  dienst  ende  moyte  van  dat  zylieden  trompten  cnde  spcclden 
steecspele  up  sleden  ter  Vriendachmarct ,  naer  tverclaers  vander 
ordonnantie  van  scepenen X  s.  gr. 

Item,  betaelt  Jan  Vande  Weghe,  trompet,  ende  Augustin 
Baudins,  sergant,  van  dat  zy  condichden  van  vierweeschede  te 
vierweescliede  dberoup  vanden  steecspele  up  sleden  ter  Vriendach- 
marct, ende  dat  de  zelve  noch  ghecondicht  hebben  als  boven, 
dat  aile  de  wyken  hemlieden  zauden  vinden  te  xij  hueren  ter 
Vriendachnarct,  elken  van  ij  daghe  naer  tverclaers  vander  or- 
donnantie vau  scepenen VI  s.  VIII  d.  g. 

Item,  vanden  costen  ghedaen  by  scepenen,  mynen  heere 
den  Hoochbailliii  ende  vêle  goede  mannen  int  festotjeren  van 
mynen  heere  van  Fines,  metgaders  icyn  cnde  Iragyde  verorbnert 
int  Hoochuus,  ten  steecspeele  up  sleden  ter  Vriendachmarct, 
naer  tverclaers  vander  ordonnantie  van  scepenen. 

Vm  1.  XIII  s.  VIII  d.  gr. 

Item,  betaelt  den  goede  lieden  ende  ghebueren  vande  Ketel- 
poorte,  over  den  eersten  prys  van  meest  afcjhesleken  hehbende , 
metgaders  daer  inné  begrepen  XX  grooten  over  den  prys  van 
den  tweesten  scoo7isten  tanneel  teekene,  comt  tzamen  naer  tver- 
claers vander  ordonnantie  van  scepenen.  XXIX  s.  VIII  d.  gr. 

Item,  betaelt  den  ghezelscepe  vanden  Drooghen  ende  den 
fjhebueren  van  Meerem,  tsamen  over  den  ttveesten  ende  derden 
prys  ten  voornoeraden  steecspele,  tzamen    .     XXVIII  s.  gr. 

Item,  den  voornomden  ghezelscepe  vanden  Drooghen,  over 
den  eersten  prys  van  scoonsten  inconimetie  ten  voornomden 
steecspele,  naer  tverclaers  vander  ordonnantie.  XXVI  s.  gr. 

Item,  den  ghebueren  vander  Waelpoorle,  over  den  ij''""  prys 
van  incommene XVI  s.  VIII  d.  gr. 

Item,  den  ghebueren  vanden  wyc  van  Meerem  van  ghelyken, 
over  den  derden  prys IX  s.  IIII  d.  gr. 

Item ,  betaelt  den  ghezelscepe  vanden  Drooghen ,  over  den 
eersten  prys  vanden  scoonsten  tanneelteekene  te  Vriendachmarct 
ghesleghen IIII  s.  gr. 


—  47  — 

Item,  den  goede  lieden  ende  ghebueren  vanden  Coornaeri, 
hemlieden  toegheleil  om  de  neerstichede  ende  de  ghewillicheii 
int  voornomde  steecspel IX  s.  IIII  d.  gr. 

Item,  den  goeden  lieden  ende  ghebueren  vander  Zantpoorle, 
van  dat  zy  lest  slekende  de  bane  ende  tvelt  hehilden  ten  voornom- 
den  steecspele,  naer  tverclaers  vander  ordonnantie  van  sce- 
penen IIII  s.  IIII  d.  gr. 


MEMORIEBOEK    DER    STAD    GHENDT. 

Den  XIIIP"  january  dede  men  het  steeckspel  up  de  Vrindach- 
maert  ten  yse,  ten  versoucke  vanden  auden  heere  van  Finis, 
daer  veel  prysen  te  winnen  waren  met  stekene.  De  Ketelpoorte 
hadde  den  upperprys,  den  IP"  ende  IIP  deelde  't  guide  van- 
den Drooghe,  ende  de  Callanderberch  den  naerprys. 

Op  desen  tijdt  speelde  men  met  ijsblocken  ende  schaverdtjnen 
up  de  Vrindachmaert,  dat  te  vooren  nooit  ghcsien  en  es  ghe- 
weest. 


48 


DE  LA  CULTURE  DE  LA  LANGUE  FLAMANDE 

DANS  LE  NORD   DE  LA  FRANCE. 


Parler  de  la  culture,  que  dis-je?  de  l'usage  de  la  langue 
flamande  en  France,  parailra  bien  extraordinaire  à  ceux 
qui  ne  se  doutent  point  que  celte  vaste  contrée,  agrandie 
successivement  par  les  conquêtes  de  Louis  XIV,  n'est  pas 
encore  parvenue,  après  deux  siècles  de  domination,  à  s'as- 
similer entièrement,  sous  le  rapport  de  l'idiome  parlé,  les 
différentes  annexes  territoriales  dont  elle  s'est  augmentée. 
Nous  voulons  surtout  faire  allusion,  d'une  part,  à  l'ancienne 
Alsace,  restée  entièrement  allemande,  quant  au  langage, 
et  d'autre  part  à  ces  enclaves  du  département  du  Nord  ac- 
tuel que  les  Français  ont  nommées  la  Flandre  flamingante 
à  cause  de  l'usage  du  flamand  qui  s'y  est  maintenu.  Il  est 
intéressant  pour  nous  de  rappeler  ici  que  les  arrondisse- 
ments de  Saint-Omer  (Pas-de-Calais),  de  Dunkerque  et 
d'Hazebrouck  (Nord)  présentent  encore  202  communes  où 
la  langue  flamande  est  plus  ou  moins  restée  la  langue  ma- 
ternelle des  babitants. 

Personne  ne  saurait  le  nier,  il  existe  aujourd'hui  une 
tendance  générale  vers  une  reconstitution  des  différents 
peuples  par  groupes  de  nationalité  d'origine.  Chacun  d'eux 
cherche  à  se  rattacher,  par  l'idiome  parlé,  au  rameau  pri- 
mitif commun.  Les  traités  politiques  ont  eu  beau  démem- 
brer des  nations  homogènes  pour  en  parquer  les  lambeaux 


—  49  — 

selon  les  caprices  et  les  exigences  des  intéressés,  le  lien 
qui  rallachail  les  différents  tronçons  de  ces  groupes  entre 
eux,  à  savoir  une  langue  similaire,  est  denieuré  inaltéré  : 
il  sert  à  refaire,  de  nos  jours,  les  anciennes  nationalités  de 
race,  comme  elles  existaient  dans  le  passé,  sans  qu'il  soit 
nécessaire,  pour  rétablir  cette  unité  ethnographique,  de 
rêver  des  remaniements  impossibles,  ou  de  toucher  aux 
délimitations  des  états  existants.  Dans  le  Nord,  c'est  une 
partie  du  Schleswig  et  le  Holstein  qui  revendiquent  leur 
origine  allemande,  sans  cesser  de  rester  Danois  sous  le 
rapport  politique.  En  Suisse,  dans  le  Piémont,  dans  Tile 
de  Corse,  les  populations  qui  parlent  la  langue  de  Florence 
et  de  Naples  entendent  se  rattacher,  par  ce  trait  d'union 
commun,  au  rameau  italien,  tout  comme  les  habitants  des 
cantons  helvétiques  allemands,  les  Luxembourgeois,  les 
Alsaciens  se  font  honneur  d'appartenir  à  la  race  germani- 
que; comme  les  Suisses  de  Genève,  les  Belges  de  nos  pro- 
vinces wallones  et  les  Savoisiens  de  Chambery  se  procla- 
ment issus  de  la  souche  romane,  dont  ils  ont  conservé 
l'idiome.  C'est  là  un  grand  fait  historique,  qu'il  faut 
accepter  parce  qu'il  est  le  résultat  normal  de  la  nature 
même  des  choses  (i).  Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  ces 
simples  réflexions.  S'attacher  à  la  langue  maternelle,  est 
une  loi  générale;  c'est  la  marche  régulière  de  toute  nation 
qui  se  ressouvient  encore  de  sa  dignité  et  qui  veut  conser- 
ver son  caractère  propre,  en  dépit  des  déchirements  aux- 
quels les  caprices  des  rois  et  de  la  diplomatie  les  soumet- 
tent, souvent  sans  les  entendre. 

Ce  remarquable  mouvement  est  surtout  sensible  en  Bel- 
gique, où  deux  groupes  ethnographiques  de  race  diverse, 


(i)  D'iiitércssanles  considérations  ont  élé  publiées  sur  cet  important  sujet 
par  H.  Van  den  Hove  (Delecourt),  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Le  flamand,  son 
passé  el  son  avenir,  et  par  P.  Lebrocquï,  dans  ses  Analogies  linguistiques. 


—  50  — 

presque  égaux  en  forces  numériques,  se  trouvent  en  pré- 
sence: l'un  (l'origine  germanique,  l'autre  d'origine  romane. 

La  statistique  officielle  décennale  de  la  population  belge, 
dressée  en  184G,  accusait  une  population  indigène  de 
56,000  habitants  pour  qui  la  langue  allemande  est  la 
langue  maternelle;  de  2,500,000  pour  qui  elle  est  le  fla- 
mand, et  de  près  de  1,800,000  qui  parlent  le  français  ou 
le  wallon  de  naissance.  Nous  ne  savons  s'il  y  a  eu  progres- 
sion depuis  cette  époque  pour  le  chiffre  de  l'un  ou  l'autre 
de  ces  groupes,  dans  la  statistique  faite  en  1836;  car  les 
tableaux  qui  ont  été  distribués  à  cette  occasion,  n'offraient 
plus  de  colonnes  destinées  à  recevoir  la  mention  de  la  lan- 
gue parlée  par  les  familles  inscrites. 

Nous  nous  en  tenons  donc  aux  chiffres  officiels,  publiés 
il  y  a  dix  ans.  On  y  voit  que  pour  la  majorité  de  la  popu- 
lation belge,  c'est  le  flamand  qui  reste  la  langue  maternelle. 
Pour  ceux  qui  prétendent  quelquefois  encore  que  cette  lan- 
gue maternelle,  prédominant  ainsi  dans  un  document  aut- 
hentique, n'est  qu'un  patois,  dépourvu  de  culture  littéraire, 
nous  répondrons  par  un  document  péremptoire,  à  savoir 
par  la  Bibliographie  de  tous  les  ouvrages,  publiés  en  langue 
flamande  en  Belgique  de  1850  à  18o5,  —  relevé  détaillé  et 
considérable,  qui  embrasse  toutes  les  connaissances  humai- 
nes, depuis  la  théologie  jusqu'aux  mathématiques,  depuis 
l'histoire  jusqu'à  la  philosophie,  les  belles-lettres,  la  juris- 
prudence et  les  sciences  physiques,  —  vaste  catalogue  où 
plusieurs  milliers  de  livres  attestent  l'activité  intellectuelle 
de  la  population  thioise  de  notre  pays  (i). 

Nous  invoquons  volontiers  ici  le  témoignage  d'un  savant 
compétent  en  fait  de  linguistique,  M.  Arthur  Dinaux,  qui 


(1)  Celle  excellente  noinenclalure  est  due  aux  savantes  et  patientes  investi- 
gations de  M.  le  docteur  Snellaerl;  elle  a  été  publiée  à  Gand  en  ISj?,  par  le 
comité  du  WUlems-Fonds,  n°  26,  in-S",  230  pages. 


—  51  — 

s'exprime  de  la  manière  suivanle  au  sujet  de  la  langue  fla- 
mande :  «  Le  flamand  est  une  langue  naïve  et  riche  qu'on 
«appelait  jadis  le  thiois  et  qui  se  rapproche  tout  autant  de 
»sa  langue  mère,  le  tudesque,  que  le  roman  se  ramène  vers 
»le  latin,  sa  source  maternelle;  on  ne  saurait  considérer 
»le  flamand,  comme  un  patois,  quand  on  remonte  aux  an- 

Bciennes  œuvres  composées  en   cette   langue Les 

«grammaires,  les  lexiques,  toute  une  littérature,  consti- 
»  tuent  parfaitement  un  idiome  »(i). 

D'ailleurs,  le  hollandais,  malgré  de  rares  différences  dans 
l'orthographe  et  dans  la  tournure  des  phrases,  n'est-il  pas 
pour  les  gens  lettrés  la  même  langue?  Écrit,  n'est-il  pas 
compris  indistinctement  par  tous  les  Flamands  de  Bel- 
gique? Or,  dans  le  royaume  des  Pays-Bas  actuel,  il  y  a 
encore  5,500,000  individus  qui  font  usage  du  même 
idiome.  Et  quelle  belle  et  féconde  littérature  ce  pays  n'a- 
t-il  pas  produit  depuis  Vondel  et  Cats  jusqu'à  Bilderdyk, 
que  nous  avons  vu  mourir,  il  y  a  vingt-cinq  ans. 

Il  y  a  donc  là  un  noyau  de  près  de  0,000,000  d'hom- 
mes (non  compris  les  Colonies  néerlandaises)  pour  qui  la 
langue  thioise  est  l'idiome  usuel,  l'organe  de  la  littérature 
et  des  affaires  de  tous  les  jours. 

Tout  ce  qui  tend  à  renforcer  ce  respectable  groupe 
ethnographique,  mérite  toutes  nos  sympathies  et  doit  nous 
intéresser,  en  même  temps  qu'exciter  la  sollicitude  de 
ceux  qui  veulent  le  maintien  de  la  nationalité  flamande. 

C'est  à  ce  titre  que  nous  ne  saurions  rester  indifférents 
aux  efforts  vraiment  remarquables  qu'on  a  tentés,  depuis 
quelques  années,  dans  le  déparlement  du  Nord,  pour  y 
recueillir  les  traditions  de  la  langue  parlée  et  pour  y  ra- 
viver une  littérature,  sœur  de  la  nôtre. 

Nous  trouvons  ces  honorables  tentatives,  résumées  avec 

(1)  Archives  du  Nord  de  la  France,  t.  VI,  p.  86  (Valcnciennes,  1858,  in-S"). 


—  52  — 

I)canconp  de  soin  et  (J'exî)c(iludc  dans  les  publications  du 
Comité  flamand  de  France,  présidé  aujourd'luii  par  son 
fondateur,  M""  Ed.  De  Coussemaeker,  un  des  savants  les 
plus  éminenis  de  ce  pays  et  dont  les  recherches  sur  l'his- 
toire de  la  musique  ancienne  ont  une  réputation  euro- 
péenne et  justement  méritée. 

C'est  le  10  avril  18o5  que  ce  Comité  fut  érigé,  dans  la 
ville  de  Dunkerque  —  centre  de  la  population  flamingante 
de  France  —  par  MM.  De  Coussemaker,  L.  De  Baecker, 
A.  Ricour,  R.  de  Bertrand,  H.  Bernaert  et  P.  Menebo,  tous 
hommes  instruits  et  dévoués,  qui  n'ont  vu  dans  cette  insti- 
tution que  des  litres  de  gloire  à  revendiquer  et  d'honorables 
souvenirs  à  faire  revivre,  sans  y  vouloir  mêler  l'amertume 
des  antagonismes  de  race  ou  des  récriminations  impruden- 
tes et  inutiles  sur  des  faits  accomplis. 

Celte  association,  recrutée  de  lout  ce  qui  était  sympa- 
thique à  sa  patriotique  entreprise,  décida  immédiatement 
de  publier  des  Annales  où  serait  recueilli  tout  ce  qui  inté- 
resse l'histoire,  la  biographie,  les  arls,  la  littérature,  les 
monuments,  la  topographie  de  la  partie  flamande  de  la 
France. 

Loin  de  s'opposer  à  l'existence  de  celle  société,  le  mi- 
nistre de  l'Instruction  publique  de  cette  époque,  M.  For- 
foul,  dont  on  regrettera  longtemps  la  perte  prématurée, 
s'empressa  d'accorder  l'autorisation  nécessaire  pour  l'éta- 
blir, l'encouragea  par  une  souscription  et  lui  offrit  son 
actif  concours. 

Le  Comité  se  mit  ensuite  en  rapport  avec  les  différentes 
sociétés  flamandes  qui  se  livrent  aux  mêmes  travaux,  ainsi 
qu'avec  les  savants  de  notre  pays  qui  s'élaient  signalés  par 
leur  dévouement  éclairé  à  la  cause  de  la  littérature  fla- 
mande. Il  décida  de  former  une  bibliothèque  de  livres 
flamands  et  de  publier  une  bibliographie  des  ouvrages 
parus  en  France  dans  cette  langue.  Enfln  il  s'associa  un 


—  55  — 

grand  nombre  de  membres  honoraires  et  résidants  parmi 
les  hommes  les  plus  recommandables  do  la  France  et  de 
l'étranger. 

Ainsi  constituée,  l'association,  qui  prit  pour  devise  : 
Moedertael  en  vaderland,  se  montra  dès  son  début  forte, 
féconde,  active,  et  au  commencement  de  l'année  1834,  elle 
faisait  déjà  paraître  le  l'^'"  volume  de  ses  Annales,  où,  — 
outre  ses  statuts,  la  liste  des  membres,  les  procès-verbaux 
des  séances,  les  communications  des  sociétaires,  l'extrait 
de  la  correspondance,  —  nous  trouvons  les  monographies 
suivantes,  qui  toutes  sont  d'un  haut  intérêt  pour  notre 
littérature  : 

1"  Lettre  à  M.  De  Coussemaker,  par  M.  Carlier,  de 
Paris  (sur  l'importance  de  Dunkerque  et  de  l'ancienne 
Flandre  maritime). 

2"  't  Kribbetje  ou  la  Nativité  du  Christ,  chez  les  Fla- 
mands de  France,  par  l'abbé  Carnel. 

3"  Dernier  chant  de  N.  Ricour,  traduit  en  vers  français 
par  A.  Ricour,  son  fils. 

4°  Chants  historiques,  par  W  E.  De  Coussemaker. 

5"  Dévotions  populaires  chez  les  Flamands  de  France 
de  l'arrondissement  de  Dunkerque,  par  R.  de  Bertrand. 

6"  Notice  sur  deux  MSS.  flamands,  par  L.  De  Baecker. 

La  première  partie  de  la  Bibliographie  flamande  de 
France,  due  en  grande  partie  à  M,  De  Coussemaker,  y 
Ogure.  Elle  contient  168  titres  d'ouvrages  flamands,  tant 
manuscrits  qu'imprimés. 

Dans  le  deuxième  volume,  imprimé  en  1853,  les  articles 
n'ont  pas  une  importance  moins  grande  ;  nous  y  remar- 
quons les  suivants  : 

1°  Instructions  relatives  aux  dialectes  flamands  et  à  la 
délimitation  du  français  et  du  flamand  dans  le  nord  de  la 
France,  par  E.  De  Coussemaker. 

2°  Noëls  dramatiques  des  Flamands  de  France,  par  l'ab- 
bé Carnel. 


—  54  — 

3"  Des  calendriers  chez  les  Flamands  et  les  peuples  du 
Nord,  par  L.  De  Baecker. 

4-"  Dévolions  populaires  chez  les  Flamands  de  France 
de  l'arrondissement  dllazebrouck,  par  R.  de  Bertrand. 

5°  Les  armoiries  des  anciennes  institutions  religieuses, 
féodales  et  civiles  des  Flamands  de  France,  par  M""  J.  J. 
Carlier. 

6°  Carillon  et  cloches  de  Dunkerque,  par  C.  Thélu. 

On  y  continue  aussi  la  Bibliographie  flamande,  qui  y 
atteint  le  chiffre  de  275. 

Enfin  le  troisième  volume  des  Annales,  publié  il  y  a 
quelques  semaines  et  qui  témoigne  de  la  louable  et  inces- 
sante activité  des  hommes  qui  dirigent  cette  entreprise  lit- 
téraire, renferme  les  notices  qui  suivent  : 

\°  Ypres  et  Saint-Dizier,  par  J.  J.  Carlier. 

2°  Notice  sur  J.  A.  Maquet,  par  R.  de  Bertrand. 

0°  Noms  de  baptême,  avec  leurs  contractifs  et  diminu- 
tifs en  usage  chez  les  Flamands  de  France,  par  C.  Thélu. 

4°  De  l'origine  et  de  l'orthographe  des  noms  de  famille 
des  Flamands  de  France,  par  L.  De  Baecker  (i). 

5°  De  la  pénalité  chez  les  Flamands  de  France,  et  parti- 
culièrement à  Dunkerque,  au  XVP  siècle,  par  V.  De  Rode. 

6"  Délimitation  du  flamand  et  du  français  dans  le  Nord 
de  la  France,  par  M""  E.  De  Coussemaker,  avec  une  carte 
de  M.  Bocave. 

C'est  ce  dernier  travail  que  nous  reproduisons  à  la  suite 
de  cet  article,  avec  l'autorisation  de  l'auteur;  nous  y  joi- 
gnons l'excellente  carte  linguistique  de  M.  Bocave,  qui 
l'accompagne. 

A  partir  de  l'année  dernière,  le  Comité  flamand  a  aussi 
fait  paraître  un  bulletin  bismeusuel,  destiné  à  initier  les 


(1)  Voir  un  travail  du  même  genre,  que  nous  avons  publié  en  1846,  dans 
lu  Tadverbond  d'Anvers. 


—  55  — 

membres  de  celte  association  à  ses  moindres  travaux  inté- 
rieurs, but  que  ne  pouvaient  remplir  assez  promptemenl 
les  Annales,  celles-ci  n'étant  publiées  que  tous  les  ans;  six 
numéros  de  ce  Bulletin,  formant  la  série  de  Tannée  1857, 
résument  toutes  les  communications  reçues  et  les  procès- 
verbaux  des  séances  tenues  pendant  ces  douze  mois.  Cette 
annexe  est  donc  le  complément  indispensable  des  Annales 
du  Comité  flamand  de  France. 

Comme  couronnement  de  celte  œuvre  de  réparation,  le 
Comité  flamand  a  voulu  donner  un  échantillon  des  poésies 
dues  à  des  Flamands  de  France.  A  cet  effet,  il  a  fait  pa- 
raître, en  1855,  le  1"  cahier  d'un  recueil  intitulé  :  Letter- 
vruchten  der  Vlamingen  van  Vranknjk;  nous  y  trouvons  des 
pièces  de  vers  de  Le  Comte,  Michel  De  Swaen,  Baey,  de 
Bcaurepaire  et  A.  Steven,  qui  ne  manquent  ni  de  verve  ni 
d'élégance.  Nous  espérons  que  ce  recueil  n'en  restera  pas 
à  ce  premier  essai. 

Nous  voudrions  pouvoir  nous  étendre  sur  le  mérite  de 
chacune  des  notices,  de  chacune  des  pièces  imprimées  dans 
les  publications  de  la  Société  flamande  de  Dunkerque.  Mais 
l'espace  nous  manque. 

Certes  tous  ces  travaux  qui  se  rapportent  à  la  géogra- 
phie, aux  noms  de  lieux,  à  la  littérature  flamande  propre- 
ment dite,  ne  sont  pas  irréprochables  sous  le  point  de  vue 
de  l'exactitude  et  des  considérations  qui  y  sont  émises. 
Toutefois  il  est  utile  de  noter  que  les  littérateurs  flamin- 
gants de  France  écrivent  au  milieu  d'une  décadence  déjà 
ancienne  de  la  langue  et  des  choses  d'un  petit  groupe  de 
peuple,  qui  s'est  oublié  dans  une  longue  inertie,  qui  a  sou- 
vent perdu  ses  traditions  nationales  et  que,  le  Gouverne- 
ment aidant,  le  puissant  peuple  de  race  romane  qui  l'envi- 
ronne, tend  sans  cesse  à  absorber  et  à  anéantir. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  sommes  saisis  d'un  respectueux 
étonnement  en  présence  de  ces  nobles  efforts,  qui  ont  pour 


—  56  — 

but  la  reconstilution  diiïicile  d'un  glorieux  passé,  oblitéré 
par  deux  siècles  de  dominaliou  intérieure  et  d'indifférence 
individuelle. 

Cinq  ans  à  peine  ont  suffi  pour  poser  les  bases  de  ce 
monument  élevé  à  une  population  que  l'on  croyait  défini- 
tivement détachée  du  rameau  primitif,  et  qui  lout-à-coup 
revit,  pleine  de  sève  et  d'avenir,  sous  l'inspiration  d'hom- 
mes généreux  et  animés  du  patriotisme  le  plus  pur. 

Les  Flamands  de  Belgique  saluent  cette  entreprise  avec 
bonheur,  comme  l'aurore  d'une  résurrection  littéraire  pro- 
chaine; ils  applaudissent  à  ce  retour  à  la  vie  d'une  fraction 
de  la  vieille  nation  flamande,  que  des  démarcations  politi- 
ques n'empêchent  point  de  jeter  un  regard  sympathique 
sur  des  frères  qui  leur  tendent  une  main  amie  par-dessus 
la  frontière,  pour  poursuivre  ensemble  un  but  commun, 
celui  de  la  civilisation  du  peuple  par  la  culture  d'une 
langue  similaire. 

Gaud,  mars  1838.  „„       r,        f^ 

B"  DE  Saint-Genois. 


Délimitation  du  Flamand  et  du  Français  dans  le  No)'d  de 
la  France,  par  E.  De  Coussemaker. 

Tout  le  monde  sait  qu'à  la  suite  des  guerres  entre  la  France 
et  l'Espagne,  sous  Louis  XIV,  une  portion  de  la  Flandre  occi- 
dentale fut  incorporée  dans  le  domaine  de  la  France  et  y  reçut 
le  nom  de  la  Flandre  Flamingante.  A  la  Révolution  de  89,  la 
Flandre  Flamingante  fut  divisée  en  deux  parts  qui  devinrent 
les  arrondissements  actuels  de  Dunkerque  et  d'IIazebrouck, 
Mais  ce  qui  n'est  pas  aussi  généralement  connu,  c'est  que  la 
langue  flamande,  qui  était  la  langue  maternelle  du  territoire 
conquis,  est  demeurée  celle  du  pays,  après  son  annexion  à  la 


—  57  — 

France.  Jusqu'à  ce  jour,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  ailleurs  (i), 
elle  est  restée  debout  et  pleine  de  vigueur,  maigre  le  contact 
incessant  des  habitants  avec  d'autres  mœurs  et  un  autre  idiome, 
malgré  ce  qu'on  a  pu  faire  pour  l'étouffer  ou  l'anéantir;  malgré 
les  ordonnances  de  Juin  1663  et  de  Décembre  1664,  corrobo- 
rées par  le  décret  du  2  Thermidor  an  II  (2). 

Cependant,  il  faut  le  dire,  il  s'est  opéré  certaines  modifica- 
tions, non  dans  l'intérieur  du  pays,  non  sur  les  frontières  du 
Nord  qui  touchent  à  la  Belgique,  mais  sur  les  limites  méridio- 
nales dont  les  habitants  sont  en  contact  direct  et  journalier 
avec  ceux  du  Pas-de-Calais  pour  leurs  besoins  commerciaux, 
industriels  et  agricoles. 

En  1845,  la  commission  historique  du  département  du  Nord 
a  jugé  qu'il  pouvait  être  utile,  au  point  de  vue  de  la  philologie, 
de  rhistoire  et  de  l'ethnographie,  de  constater  par  une  carte  de 
délimitation,  l'état  de  la  langue  flamande  et  l'étendue  qu'elle 
embrassait  sur  le  territoire  français.  Cette  constatation  a  été 
faite  sur  des  documents  officiels  fournis  par  MM.  les  maires  (3). 

Le  Comité  Flamand  de  France,  en  raison  tant  de  son  insti- 
tution que  du  temps  qui  s'est  écoulé  depuis  cette  constatation, 
a  pensé  qu'il  lui  appartenait  de  faire  un  travail  analogue  sur 
des  bases  qui  lui  ont  paru  les  plus  propres  à  obtenir  un  résul- 
tat précis  et  certain.  Dans  des  instructions  relatives  aux  dialec- 
tes flamands  et  à  la  délimitation  du  flamand  et  du  français 
dans  le  Nord  de  la  France,  insérées  dans  les  Annales  du 
Comité,  tome  II,  on  a  indiqué  ces  bases,  en  manifestant  l'in- 
tention de  dresser  une  carte  topographique  d'après  les  ren- 
seignements qui  seraient  donnés.  Ce  projet  est  aujourd'hui 
réalisé;  la  carte  est  exécutée.  Le  Comité  la  doit  au  zèle  et  aux 
soins  d'un  de  ses  membres  résidants,  M.  Bocave,  commandant 
d'artillerie  à  Dunkerque.  Au  moyen  de  cette  carte,  annexée  au 
présent  travail,  il  sera  facile  d'embrasser  d'un  coup-d'œil  l'en- 


(1)  Annales  du  Comité  Flamand  de  France,  t.  I.  p.  1. 

(2)  Lettre  de  M.  Carlier,  ibid.,  p.  103. 

(5)  Bulletin  de  la  Commission  historique  du  département  du  Nord,   l.  III, 
p.  51. 


—  58  — 

semble  de  l'état  actuel  et  respectif  des  deux  langues,  flamande 
et  française,  dans  le  Nord  de  la  France;  c'est-à-dire  d'une  part 
dans  les  arrondissements  de  Dunkerque  et  d'Hazebrouck,  qui 
forment  aujourd'hui  en  grande  partie  la  portion  de  la  Flandre 
incorporée  dons  le  territoire  français  par  Louis  XIV,  ainsi  qu'on 
l'a  dit  plus  haut,  et  de  l'autre,  dans  la  partie  de  l'Artois, 
aujourd'hui  département  du  Pas-de-Calais,  où,  dans  un  temps 
plus  ou  moins  éloigné  de  nous,  la  langue  flamande  était  d'un 
usage  presque  général,  comme  l'a  très-bien  démontré  M.  Cour- 
tois, secrétaire  adjoint  de  la  Société  des  Antiquaires  de  la 
Morinie,  et  membre  du  Comité,  dans  son  remarquable  opuscule 
intitulé  :  L'Ancien  Idiome  Audomarois,  Saint-Omer,  1856. 

Pour  arrivera  une  constatation  uniforme,  certaine  et  officielle 
en  quelque  sorte,  une  commission,  nommée  dans  le  sein  du 
Comité  et  composée  de  MM.  l'abbé  Carnel,  Derode  et  de  Cous- 
semaker,  a  rédigé  un  questionnaire  qui,  par  l'entremise  de 
Messieurs  les  Sous-Préfets  de  Dunkerque,  d'Hazebrouck  et  de 
Saint-Omer,  à  qui  nous  nous  empressons  d'off'rir  ici  l'expression 
des  remercîments  du  Comité,  a  été  envoyé  aux  curés,  aux  in- 
stituteurs et  à  la  plupart  des  maires  des  communes  des  ar- 
rondissements de  Dunkerque  et  d'Hazebrouck;  et  dans  le 
département  du  Pas-de-Calais,  aux  maires,  aux  curés  et  aux 
instituteurs  des  communes  de  Clairmarais,  Saint-Foiquin,  Haut- 
Pont,  Lysel,  Sainte-Mariekerque,  Nouvelle-Église,  Offekerque, 
Saint-Omer,  Saint-Omer-Capel,  Oye,  Rackenghem,  Ruminghem, 
Vieille-Église  et  Wardrèque. 

En  1845,  la  commission  historique  du  département  du  Nord 
s'était  contentée  d'envoyer  son  Questionnaire  aux  maires  seule- 
ment; cela  nous  a  paru  insuffisant.  Le  maire  d'une  commune 
est  ordinairement  choisi  parmi  les  personnes  les  plus  éclairées 
de  la  localité,  cela  n'est  pas  douteux;  pourtant  il  est  souvent 
bien  moins  à  même  que  le  curé  et  l'instituteur  à  constater  tout 
ce  qui  peut  servir  de  base  à  un  travail  comme  celui  dont  il  s'agit 
ici.  Le  curé  et  l'instituteur,  qui  sont  journellement  en  rapport 
direct  avec  toutes  les  classes  de  la  population^de  leur  commune, 
pouvent  donner  des  renseignements  plus  positifs  et  plus  cir- 
constanciés. 


—  59  — 

Voici  le  questionnaire  qui  a  été  envoyé  : 

Dans  la  commune  de — 

d"  Parle-t-on  exclusivement  flamand?  —  2"  Parle-t-on  exclu- 
sivement fiançais?  —  3°  Parle-t-on  les  deux  langues?  — 
4°  Est-ce  le  flamand  qui  domine?  —  5"  Dans  quelle  proportion? 

—  6°  Est-ce  le  français  qui  domine?  —  7°  Dans  quelle  propor- 
tion?^—  8"  Préche-t-on  exclusivement  en  flamand?  —  9°  Prèche- 
t-on  exclusivement  en  français?  —  10"  Préche-t-on  dans  les 
deux  langues?  —  11°  Dans  quelle  proportion?  —  12°  Le  caté- 
chisme pour  la  première  communion  se  fait-il  en  flamand?  - — 
13°  Le  catéchisme  pour  la  première  communion  se  fait-il  en 
français?  —  IA°  Publie-t-on  les  bans  de  mariage  en  flamand? 

—  15°  Les  fidèles  se  servent-ils  de  livres  de  prières  flamands? 

—  16°  Est-ce  le  plus  grand  nombre?  —  17°  Est-ce  le  plus 
petit  nombre?  —  18°  Lil-on  des  livres  flamands?  —  19°  Lit-on 
les  annales  de  la  propagation  de  la  foi  en  flamand?  —  20°  Dans 
quelle  proportion  avec  les  mêmes  annales  en  français  (i)? 

Ce  questionnaire  a  été  conçu  à  un  double  point  de  vue  : 
i°  les  demandes  ont  été  posées  de  telle  façon  que  les  réponses 
pouvaient  se  faire  par  oui  ou  par  non;  ce  qui,  en  évitant  l'em- 
barras, l'équivoque,  la  contradiction  ou  la  confusion,  était  en 
même  temps  de  nature  à  donner  de  l'uniformité  et  de  la  sim- 
plicité aux  réponses;  2°  les  questions  ont  été  combinées  de  ma- 
nière que  les  réponses  faites  aux  demandes  secondaires  devaient 
servir  à  contrôler,  à  préciser  et  à  corroborer  la  question  domi- 
nante, celle  qui  consiste  à  savoir  dans  quelle  proportion  le 
flamand  est  parlé  dans  chaque  commune.  Par  exemple  :  lors- 
qu'il a  été  répondu  que,  dans  telle  commune,  on  parle  flamand 
et  français,  le  flamand  prédominant  dans  une  proportion  déter- 
minée, et  qu'il  y  est  ajouté  que,  dans  cette  même  commune,  on 
prêche  exclusivement  en  flamand,  que  les  instructions  religieu- 
ses pour  la  première  communion  et  les  publications  au  prône 
s'y  font  aussi  exclusivement  en  flamand;  qu'en  outre,  le  plus 


(1)  Ce  questionnaire  était  terminé  par  quelques  demandes  plus  particuliè- 
rement relatives  aux  dialectes  flamands,  qui  feront  l'objet  d"un  travail  spé- 
cial destiné  à  être  publié  dans  un  des  prochains  volumes  des  Annales. 


—  60  — 

grand  nombre  de  ses  habitants  se  servent  de  livres  de  prières 
flamands,  on  peut  dire  avec  une  sorte  de  certitude  que  cette 
commune  est  exclusivement  flamande.  C'est  ainsi  que  nous 
avons  procédé  dans  la  rédaction  du  tableau  qui  est  donné  plus 
loin;  c'est  ainsi  également  qu'a  procédé  M.  Bocave  dans  l'éta- 
tablissement  de  sa  carte  coloriée. 

Mais  dans  l'un  comme  dans  l'autre  de  ces  documents,  il  a 
fallu  s'en  tenir  aux  résultats  généraux,  laissant  de  côté  les 
accessoires  de  peu  d'importance.  11  eût  été  en  effet  impossible 
de  marquer  par  des  teintes  graduées  les  proportions  minimes 
pour  lesquelles  l'élément  français  entre  dans  certaines  com- 
munes. L'auteur  de  la  carte,  pour  rester  dans  des  mesures 
praticables  et  même  pour  éviter  la  confusion,  a  donné  une 
teinte  uniforme  à  chacune  des  communes,  selon  celle  des  quatre 
catégories  à  laquelle  elles  appartiennent;  il  a  fait  abstraction 
des  nuances  modificatives,  abandonnant  à  l'auteur  du  présent 
écrit  le  soin  d'indiquer  ces  nuances.  De  toute  façon  d'ailleurs, 
ce  genre  de  travail  n'est  pas  susceptible  d'une  exactitude 
rigoureuse  et  mathématique.  Malgré  les  précautions  prises  à 
cet  égard,  toutes  les  réponses  ne  sont  ni  assez  précises  ni  assez- 
catégoriques.  II  en  est  qu'il  a  fallu  parfois  interpréter;  d'autres 
même  à  l'insuflisance  desquelles  on  a  dû  suppléer  par  une 
évaluation  dont  les  bases  ont  été  puisées  à  d'autres  sources. 
Mais,  dans  ces  cas  exceptionnels,  on  a  consulté  les  membres 
du  Comité  qui  étaient  le  mieux  à  même  de  donner  des  ren- 
seignements exacts. 

Les  réponses  faites  au  questionnaire  s'élèvent  à  deux  cent 
deux.  Elles  se  répartissent  ainsi  :  quatre-vingt-dix-neuf  éma- 
nent de  l'arrondissement  de  Dunkerque;  quatre-vingt-onze  de 
l'arrondissement  d'Hazebrouck;  seize  de  l'arrondissement  de 
Saint-Omer. 

[M,  De  Coussemaker  fait  suivre  cette  partie  de  son  travail 
d'un  tableau,  divisé  en  un  grand  nombre  de  colonnes  et  rédigé 
en  réponse  du  questionnaire  mentionné  ci-dessus.  Ce  tableau 
n'étant  pas  indispensable  à  l'intelligence  du  sujet,  nous  croyons 
pouvoir  le  supprimer  sans  inconvénient  dans  cette  reproduc- 
tion de  l'article  de  M.  De  Coussemaker]. 


—  6J  — 

Nous  avons  dit  pins  haut  (pril  a  été  impossiblo,  dans  la  carte 
et  dans  le  tableau  qui  précèdent,  de  tenir  compte  dos  propor- 
tions minimes  pour  lesquelles  l'élément  français  entre  dans  telle 
ou  telle  commune.  Il  a  fallu  cependant  s'arrêter  à  un  degré 
quelconque,  et  déterminer  la  fraction  à  négliger.  On  a  pensé 
que  la  limite  pouvait  être  fixée  à  un  dixième,  sauf  à  indiquer 
ici  les  proportions  pour  chaque  commune;  ce  que  nous  allons 
faire.  Ainsi,  dans  l'arrondissement  de  Dunkerque,  on  compte 
onze  communes  où  moins  d'un  dixième  et  plus  d'un  vingtième 
de  la  population  parlent  français,  ce  sont  :  Bierne,  Broucker- 
que,  Bollezeele,  Coudekerque,  Eringhem,  Hoymille,  Leder- 
zeele,  Rexpoede,  Socx,  Spycker  et  Steene.  Il  en  sept  où  soit 
un  vingtième,  soit  moins  d'un  vingtième  seulement  des  habi- 
tanls  parlent  français;  ce  sont  :  Drincham,  Ekelsbeque,  Oost- 
cappel,  Pitgam,  Quadypre,  Watten  et  Wormhout.  Dans  l'arron- 
dissement d'Hazebrouck,  il  y  a  cinq  communes,  savoir:  Berthen, 
Oxelaere,  Pradelles,  Staple  et  Zuydpeene,  où  moins  d'un 
dixième  et  plus  d'un  vingtième  des  habitants  parlent- la  langue 
française.  On  en  compte  quatre,  savoir  :  Cassel,  Merris,  Méte- 
ren  et  Rubrouck,  où  la  proportion  est  inférieure  à  un  vingtième. 

Dans  les  communes  où  l'on  prêche  dans  les  deux  langues,  ce 
n'est  pas  non  plus  partout  dans  des  proportions  égales.  On  prêche 
alternativement  en  français  et  en  flamand  à  Bailleul,  à  Bergues, 
à  Hoymille,  à  Petit-Synlhe  et  à  Pradelles.  A  Cassel,  à  Haze- 
brouck  et  à  I^ysel,  on  prêche  en  flamand  deux  fois  sur  trois;  à 
Lynde,  quatre  fois  sur  cinq;  à  Lederzeele  et  à  Steenbèque, 
trois  fois  sur  quatre;  à  Sercus,  neuf  fois  sur  dix;  au  Haut- 
Pont,  une  fois  sur  trois. 

Là  où  les  instructions  pour  la  première  communion  se  font 
dans  les  deux  langues,  c'est,  par  rapport  aux  enfants,  dans  les 
proportions  suivantes  :  à  Bailleul,  Bergues,  Hoymille,  Pctite- 
Synlhe,  Pitgam,  Sercus,  Steenbèque,  Wulverdinghe  et  Zuyd- 
coote,  il  y  a  proportion  égale.  A  Merris,  les  quatre  cinquièmes, 
à  Spycker,  les  trois  quarts,  à  Lederzeele,  les  deux  tiers  des 
enfants  font  leur  première  communion  en  flamand. 

L'examen  de  la  carte  révèle  aussi  certains  faits  qu'il  nous 
paraît  intéressant  de  signaler  :    1"  toutes  les  communes  Ion- 


—  62  — 

géant  la  frontière  belge,  à  partir  de  Ghyvelde  jusqu'à  Bailleul, 
sont  exclusivement  flamandes;  2°  toutes  les  communes,  au  con- 
traire, qui  sont  en  communication  directe  avec  la  partie  méri- 
dionale du  département  du  Nord  ou  avec  le  département  du 
Pas-de-Calais,  sont  des  localités  où  le  français  règne  seul; 
comme  du  côté  de  la  mer,  Gravelines  et  Saint-Georges,  et  du 
côté  opposé,  Thiennes,  Haverskerque,  Merville,  Neufberquin, 
Estraires,  la  Gorgue,  Steenwerck  et  Nieppe,  ou  bien  des  com- 
munes où  Ton  parle  les  deux  langues,  mais  avec  prédominance 
du  français;  comme  Bourbourg,  Saint-Pierrebrouck,  Rumin- 
ghem,  Holque,  Watten,  Saint-Momelin,  le  Haut-Pont,  Lysel, 
Clairmarais,  Renescure,  Blaringhem  et  Boeseghem;  3°  les  com- 
munes d'Ebblinghem,  Lynde,  Sercus,  Hazebrouck,  Morbeke, 
Steenbèque,  Vieux-Berquin  et  Bailleul,  où  l'on  parle  les  deux 
langues,  avec  prédominance  du  flamand,  servent  d'intermé- 
diaire entre  les  communes  exclusivement  flamandes  et  les 
communes  exclusivement  françaises.  Il  en  résulte  que  le  groupe 
des  communes  où  le  flamand  règne  seul,  se  trouve  bordé  de 
tous  côtés  par  des  communes  où  les  deux  langues  sont  cultivées 
et  qui  servent  ainsi  de  transition  entre  les  deux  extrêmes.  Cet 
état  de  choses  nous  semble  favorable  au  maintien  actuel  des 
choses. 

En  rédigeant  le  questionnaire,  on  avait  pensé  qu'un  des 
modes  de  constater  la  prédominance  du  flamand  ou  du  français 
dans  une  commune  aurait  pu  s'induire  de  la  lecture  des 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  dans  l'une  ou  l'autre  langue. 
Mais  il  a  fallu  renoncer  à  ce  mode  de  constation,  par  la  raison 
que,  dans  un  grand  nombre  de  communes,  dans  celles  mêmes 
où  le  flamand  est  exclusivement  en  usage,  les  Annales  flaman- 
des sont  repoussées  à  cause  de  leur  traduction,  peu  ou  point 
compréhensible  pour  les  habitants  de  notre  Flandre.  Ce  motif 
se  trouve  consigné  dans  plusieurs  réponses  faites  en  regard  de 
la  dix-neuvième  question.  C'est  le  cas  de  répéter  ici  ce  que 
nous  avons  dit  ailleurs  (i),  à  savoir  que  les  Flamands  de 
France  qui  lisent  et  comprennent  très-bien  les  auteurs  belges 

(i)  Chants  populaires  des  Flamands  de  France.  Introduction,  p.  xxii. 


—  63  — 

et  hollandais  des  XVIP  et  XVIII"  siclcs,  ont  la  plus  grande 
peine  à  comprendre  les  livres  modernes  édités  en  Belgique. 
Cela  provient  de  ce  que  la  langue  flamande  est  restée  station- 
naire  dans  notre  Flandre,  tandis  que,  en  Belgique,  depuis 
environ  un  demi  siècle,  elle  a  fait  un  pas  vers  le  hollandais, 
qui  lui-même  s'est  quelquefois  rapproché  de  l'allemand.  Nous 
admettons  volontiers  que  le  flamand  et  le  hollandais  ne  sont 
pas  deux  langues  distinctes,  qu'ils  ne  forment  au  contraire 
qu'une  seule  et  même  langue  ;  mais  on  n'en  est  pas  moins 
arrivé  à  cette  situation  qu'une  portion  de  Flamands,  surtout 
ceux  qui  n'ont  pas  été  à  même  de  suivre  la  marche  de  la 
langue,  comprennent  difficilement  les  ouvrages  composés  dans 
le  style  moderne  des  Belges.  Quant  à  nous,  Flamands  de 
France,  nous  sommes,  comparativement  aux  Belges  et  aux 
Hollandais,  ce  que  sont  les  Saxons  comparativement  aux  Prus- 
siens et  aux  Autrichiens;  les  Saxons  parlent  plat-deutsch,  et  les 
Flamands  de  France  parlent  plat-vlaemsch  (i). 

A  côté  des  réponses  faites  aux  questions  d5,  16  et  47,  rela- 
tives à  l'usage  des  livres  de  prières,  nous  trouvons  deux  obser- 
vatons  qui  méritent  d'être  mentionnées.  On  y  fait  remarquer  : 
1"  que  dans  les  localités  où  l'on  se  sert  de  livres,  partie  fla- 
mands, partie  français,  ce  sont  les  personnes  âgées  qui  font 
principalement  usage  des  premiers,  et  les  jeunes  gens  des 
seconds;  2"  que  la  plupart  de  ceux  qui  se  servent  de  livres 
français  ne  les  comprennent  pas.  Dans  quelques  communes,  on 
attribue  la  préférence  donnée  aux  livres  français  à  la  difficulté 
de  se  procurer  des  livres  flamands,  et  de  se  les  procurer  surtout 
aux  prix  des  livres  français. 

L'examen  de  notre  tableau  et  l'inspection  de  la  carte  démon- 
trent que,  si  le  flamand  a  une  tendance  à  se  retirer  devant  la 
langue  française,  cette  marche  est  très-lente.  Il  n'en  est  pas  de 
même  de  l'état  littéraire  de  la  langue;  sous  ce  rapport  il  y  a 
décadence  complète  en  quelque  sorte.  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'un 
état  littéraire  avancé;  nous  voulons  parler  seulement  de  l'in- 
struction élémentaire.  On  peut  dire  que  la  génération  actuelle, 

(I)  ibiti. 


—  ex- 
celle qui  fréquente  les  écoles,  est  dépourvue,  presque  totale- 
ment, (rinstruction  flamande.  Cela  provient  de  ce  que,  depuis 
quelques  années,  il  n'est  plus  permis  aux  instituteurs,  même 
aux  instituteurs  libres,  d'enseigner  le  flamand.  Cet  état  de 
choses  est  très-fàcheux  à  divers  points  de  vue.  Le  Comité  Fla- 
mand de  France  en  a  signalé  les  inconvénients  (i).  Qu'il  nous 
soit  permis  d'appeler  l'attention  sur  un  des  points  qui  nous  pa- 
raît des  plus  importants.  Du  train  dont  marchent  les  choses,  on 
est  à  la  veille  de  voir  se  produire  cette  situation  que,  dans  un 
temps  donné  et  rapproché  de  nous,  il  ne  se  trouvera  plus  un 
notaire  ni  un  homme  d'aff'aires  capable  de  lire  ou  de  déchiffrer 
les  papiers  ou  titres  qui, dans  toutes  les  familles  du  pays,  sont 
exclusivement  en  flamand.  Qu'arrivera-t-il  de  là?  Qu'il  faudra 
s'adresser  à  des  traducteurs  belges  ou  hollandais.  Ne  sera-ce 
pas  une  houle  pour  nos  descendants  de  devoir  recourir  à  des 
interprètes  pour  des  actes  où  il  s'agit  des  intérêts  les  plus  gra- 
ves et  les  plus  précieux,  ceux  qui  se  rattachent  aux  droits  de 
propriété  et  à  l'existence  des  familles? 

Il  serait  si  facile  cependant  de  parer  à  un  inconvénient  aussi 
sérieux,  en  établissant  dans  nos  écoles  et  dans  nos  collèges,  à 
côté  des  cours  anglais,  d'italien  et  d'allemand,  un  cours  de  fla- 
mand. Certes,  il  serait  au  moins  aussi  utile  aux  habitants  de 
notre  pays  de  pouvoir  lire  et  comprendre  des  titres  intéressant 
les  affaires  de  leur  famille  que  de  lire  et  d'interpréter  Shak- 
speare,  le  Tasse  ou  Schiller.  Mais  disons  plus  :  loin  de  nuire  à 
l'interprétation  des  langues  étrangères,  le  flamand  est  le  véhi- 
cule le  plus  facile  et  le  plus  sûr  pour  apprendre  toutes  les 
langues  du  Nord.  Jusqu'à  présent  on  ne  s'est  guère  aperçu  du 
danger  dont  on  est  menacé;  mais  qu'on  y  prenne  attention,  on 
est  sur  le  point  de  voir  se  produire  l'état  de  choses  que  nous 
venons  de   signaler. 

En  comparant  le  résultat  constaté  par  la  Commission  histori- 
que du  département  du  Nord,  en  1845,  à  celui  que  nous  venons 
de  faire  connaître,  en  voit  qu'à  part  quelques  légères  différen- 
ces,  qui   peuvent   être   attribuées  à  des   renseignements   plus 

M)  Annales  du  Comité  Flamand  de  France. 


—  65  — 

ou  moins  exacts  ou  précis,  il  ne  s'est  guère  opéré  de  modifica- 
tions essentielles  dans  le  groupe  de  communes  teintées  en  vert 
foncé  sur  notre  carte.  Les  changements  qui  se  manifestent  ont 
eu  lieu  dans  les  communes  du  Pas-de-Calais  et  dans  quelques- 
unes  du  département  du  Nord  qui  longent  la  ligne  séparative 
du  département  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais.  Ainsi,  dans  la 
carte  de  la  Commission  historique,  les  communes  du  Pas- 
de-Calais  situées  entre  Gravelines,  Offekerque,  Noordkerque, 
Zuydkerque  et  Saint-Omer,  savoir  :  Clairmarais,  Saint-Foiquin, 
le  Haut-Pont,  Saint-Omer-Cappelle,  Oye,  Ruminghem  et  Vieille- 
Eglise,  étaient,  en  1845,  des  communes  où  l'on  parlait  encore 
flamand,  tandis  qu'aujourd'hui  le  flamand  n'est  en  usage  que 
dans  les  communes  de  Ruminghem,  le  Haut-Pont,  Lysel  et 
Clairmarais  seulement,  et  cela  dans  une  proportion  plus  ou 
moins  faible.  Sur  la  carte  en  1845,  les  communes  de  Morbèque 
et  Steenbèque  sont  indiquées  comme  exclusivement  flamandes; 
aujourd'hui  elles  doivent  être  rangées  parmi  les  communes  où 
les  deux  langues  sont  parlées,  mais  où  le  flamand  domine. 

Tel  est  le  résultat  des  documents  qui  ont  été  rassemblés  par 
le  Comité.  Nous  pensons  qu'un  jour  ils  seront  utiles  aux  philo- 
logues et  aux  historiens.  Ils  pourront  aujourd'hui  même  ne 
pas  être  sans  intérêt  pour  ceux  qui  s'occupent  d'études  statisti- 
ques, soit  au  point  de  vue  administratif,  soit  au  point  de  vue 
ethnographique. 

Faisons  remarquer,  en  terminant,  que  notre  travail  est  un 
travail  d'actualité.  H  n'entrait  pas  et  il  ne  pouvait  entrer  dans 
notre  plan  de  traiter  les  questions  historiques  qui  peuvent  s'y 
rattacher  et  qui  consistent  particulièrement  à  savoir  par  qui  et 
à  quelle  époque  le  flamand  a  été  importé  dans  notre  pays, 
jusqu'où  se  sont  étendues  ses  limites,  de  quelle  manière  il  s'est 
rétiré  des  localités  où  il  était  en  pleine  vigueur  au  XH*^  siècle,  etc. 
Toutes  ces  questions  des  plus  intéressantes  seront  traitées,  il 
faut  l'espérer,  dans  le  sein  du  Comité.  Nous  faisons  des  vœux 
pour  que  ce  soit  le  plus  tôt  possible. 


Cel  arlicle  était  imprimé,  lorsqu'un  professeur  de  notre 


—  66  — 

ville,  M.  Benoit  Cauwel,  parfaileinent  familiarisé  avec  les 
études  linguistiques,  a  bien  voulu  nous  communiquer  quel- 
ques observations  sur  la  carte  de  M.  Bocave.  Nous  croyons 
que  Tappréciation  que  nous  avons  donnée  des  travaux  du 
Comité  flamand  de  France,  serait  incomplète  si  nous  ne 
faisions  suivre  la  notice  de  M.  De  Coussemaker  de  ces  con- 
sidérations critiques  : 

Le  Comité,  en  faisant  dresser  la  carte  ethnographique  des 
cantons  où  la  langue  flamande  s'est  conservée  jusqu'à  nos  jours, 
a  fait  une  œuvre  particulièrement  utile.  Pour  les  Flamands  de 
Belgique,  qui  s'intéressent  au  succès  de  la  tentative  de  régéné- 
ratioa  de  notre  vieille  langue,  elle  est  indispensable.  De  plus, 
c'est  un  document  précieux,  laissé  aux  générations  futures.  En 
effet,  quel  trésor  inestimable  ne  serait-ce  pas,  pour  tous  ceux  qui 
s'adonnent  à  l'étude  de  l'histoire  de  nos  antiquités,  qu'une  série 
de  cartes  au  moyen  desquelles  on  pourrait  suivre  pas  à  pas  les 
différentes  phases  de  la  lutte  séculaire  de  deux  puissants  idio- 
mes ;  au  reste,  les  soins  minutieux  avec  lesquels  l'idée  a  été 
réalisée,  prouve  l'importance  que  le  Comité  y  attachait.  C'est 
en  raison  même  de  cette  importance  que  nous  nous  hasardons 
à  présenter  quelques  observations  sur  les  données  qui  ont  servi 
de  base  à  ce  curieux  travail.  11  nous  a  semblé  que  les  précau- 
tions mêmes  qui  ont  été  prises  pour  arriver  à  une  précision  ma- 
thématique, ont  quelque  peu  écarté  les  auteurs  du  but  qu'ils 
voulaient  atteindre. 

Ainsi,  au  nombre  des  questions  posées  aux  maires  et  aux 
curés  des  différentes  communes,  nous  remarquons  celles-ci  : 
Prêche-t-on  dans  les  deux  langues?  Les  enfants  se  préparent-ils 
à  la  première  communion  en  flamand  ou  en  français?  Les  fi- 
dèles se  servent-ils  de  livres  flamands  ou  français?  Lit-on  les 
livres  français?...  11  nous  a  semblé  que  les  réponses  faites  à  ces 
diverses  questions  devaient  nécessairement  avoir  pour  résultat 
d'embrouiller  la  question  plutôt  que  de  l'éclairer. 

Est-ce  que  l'avantage  d'avoir  reçu  une  certaine  instruction, 
d'être  plus  ou  moins  versé  dans  la  langue  française,  vous  fait 
perdre  la  qualité  de  Flamand?  Depuis  l'annexion  de  la  Flandre 
flamingante,  tous  les  gouvernements  qui  se  sont  succédé  se  sont 


—  67  — 

montrés  ou  indilïérents  ou  hostiles  à  la  culture  de  la  langue 
flamande.  Partout,  depuis  l'essor  donné  à  l'enseignement  pri- 
maire, depuis  la  loi  de  1833,  le  français  a  pris  uue  prédomi- 
nance marquée.  L'école  normale  a  déjà  fourni  un  grand  nombre 
d'instituteurs,  en  général  imbus  de  préjugés  anti-flamingants. 
Qu'y  a-t-il  donc  d'étonnant  à  ce  que  dans  plusieurs  communes, 
grâce  aux  préventions  du  chef  de  l'école,  à  la  tolérance  du 
clergé,  et  un  peu  aussi  à  l'amour-propre  des  parents,  amour- 
propre  très-déplacé,  mais  qui  n'en  est  pas  moins  très-réel,  un 
grand  nombre  d'enfants  apprennent  leur  catéchisme  en  français 
et  lisent  des  livres  français?  Qu'y  a-t-il  encore  d'étonnant  à  ce 
que  dans  certaines  localités  renfermant  quelques  familles  aisées 
et  instruites,  quelques  étrangers  nouvellement  établis,  un  curé 
dont  l'éducation  a  été  presque  exclusivement  française,  prêche 
de  temps  en  temps  en  français?  Au  surplus,  un  examen  attentif 
de  la  carte  nous  a  affermi  dans  notre  opinion.  Il  nous  paraît 
inadmissible  de  ranger  dans  la  catégorie  des  communes  mixtes 
quelques  localités,  telles  que  Bergues,  Hazebrouck,  Morbecque, 
Steenbecque,  Lynde,  Ebblinghem,  etc.,  pas  plus  que  Blaringhem 
et  Boeseghem. 

Et  d'abord,  qu'est-ce  qu'une  commune  mixte? 

Est-ce  une  commune  dont  la  partie-sud  parle  français,  et  la 
partie-nord  parle  flamand?  Au  point  de  vue  administratif,  reli- 
gieux, etc.,  oui;  au  pr)int  de  vue  de  l'ethnographe,  non.  Qu'im- 
porte à  ce  dernier  la  délimitation  souvent  arbitraire  d'agents  du 
gouvernement  qui  n'auront  tenu  aucun  compte  de  l'élément 
linguistique. 

Est-ce  une  commune  où  tout  le  monde  parle  les  deux  lan- 
gues? Cette  commune-là,  l'élément  flamand  la  revendique 
comme  sienne;  on  n'a  pas,  en  effet,  deux  langues  maternelles, 
et  le  fait  même  que  tout  le  monde  parle  le  flamand,  décide  la 
question  en  faveur  de  ce  dernier,  qui  n'est  pas  conquérant  de 
sa  nature, 

Appellerez-vous  commune  mixte  celle  où  les  deux  idiomes 
se  mêlent  sans  se  confondre,  de  façon  à  ce  que  la  ligne  de  dé- 
marcation soit  impossible  à  tracer?  Oui,  sans  doute,  si  une  telle 
commune  existait;  mais,  si  nos  souvenirs  sont  exacts,  la  sépa- 
ration entre  les  deux  idiomes  se  fait  en  général  brusquement  : 


—  68  — 

Si  je  me  dirige  d'Hazebrouck  à  Saiiit-Omer,  à  Ebblinghem  on 
ne  parle  que  le  flamand,  à  Renescure  on  ne  parle  que  le  fran- 
çais. Même  observation  sur  la  route  d'Aire,  Steenbecque  est  un 
village  flamand,  Boeseghem  un  village  français.  Sur  la  route 
d'Hazebrouck  à  Merville,  la  Motte-au-Bois  est  une  aggloméra- 
tion flamande,  le  hameau  du  Préavin  est  français.  Quant  aux 
familles  françaises  qui  s'établissent  sur  le  territoire  flamand  et 
réciproquement,  nous  croyons  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'en  tenir 
compte;  car,  dès  la  seconde  génération,  elles  adoptent  la  langue 
du  milieu  dans  lequel  elles  vivent;  c'est  là  un  fait  constant.  On 
pourra  encore  objecter  que,  si,  dans  les  communes  limitrophes, 
l'aggloméré  se  sert  d'un  idiome  exclusif,  il  n'en  est  pas  de  même 
de  la  campagne.  Ainsi  le  Préavin,  qui  dépend  de  la  commune 
de  Morbecque,  est  français.  La  partie  de  Bailleul  qui  confine  à 
Steenwerck  et  à  Nieppe,  est  française  ;  Boeseghem,  Blaringhe, 
Renescure  ont  certaines  parties  flamandes.  A  cela  nous  répon- 
drons que  le  but  du  Comité  a  été  de  faire  une  carte  ethnogra- 
phique et  non  pas  une  carte  administrative.  Les  limites  des 
communes  ne  sont  ici  d'aucune  importance.  Une  langue  ne  se 
prête  pas  aux  caprices  d'un  ministre  ou  d'un  préfet. 

Nous  dirons  donc,  pour  résumer,  qu'à  notre  avis  il  eût  mieux 
valu  rejeter  la  nuance  mixte,  qui  ne  nous  paraît  pas  avoir  de 
raison  d'être.  Nous  sommes  certain  que  si  on  dressait  la  carte 
de  nos  Flandres  belges  sur  les  mêmes  données,  un  grand  nom- 
bre de  localités,  à  commencer  par  Gand,  la  capitale  de  la 
Flandre,  seraient  rangées  parmi  les  communes  mixtes.  Pour 
être  encore  plus  explicites  ,  nous  aurions  restitué  à  l'élément 
flamand  pur  :  Ebblinghem,  Lynde,  Sercus,  Steenbecque,  Mor- 
becque, Hazebrouck  et  Bailleul,  ainsi  que  Looberghe  et  peut- 
être  Capellebrouck;  nous  aurions  rangé  parmi  les  communes 
d'où  le  flamand  est  depuis  longtemps  exclu  :  Renescure ,  Bla- 
ringhem ,  Boeseghem  et  Vieux-Berquin ,  sauf  bien  entendu  à 
restituer  à  l'élément  contraire  certaines  fractions  du  territoire, 
s'il  y  avait  lieu.  Quant  à  la  base  de  notre  délimitation,  nous  n'en 
aurions  pas  eu  d'autre  que  la  notoriété  publique,  selon  nous  la 
plus  infaillible  de  toutes  en  cette  matière. 


—   GO- 


DES 

RAPPORTS  POLITIQUES   ET  COMMERCIAUX  DES    BELGES 

PENDAMT   l'Époque   mérovingienne. 

Chaque  fois  qu'il  arrive  par  la  volonté  de  Dieu  qu'une 
civilisation  s'éteint,  une  autre  la  remplace,  et  celle-ci 
n'accomplit  sa  mission  providentielle  qu'alors  qu'elle  con- 
serve ce  qu'il  y  a  en  elle  de  primitif  et  par  cela  même 
d'irrésistible.  Or,  le  monde  nouveau  fondé  par  les  Francs 
ne  voulut  pas  se  soumettre  à  ce  programme  immuable; 
marchant  en  dehors  des  voies  prescrites,  il  accueillit  tout 
ce  qu'il  y  avait  de  séduisant  dans  les  derniers  échos  du 
monde  ancien.  Jeux  publics  et  fêtes  religieuses,  folles 
parures  et  somptueux  habits,  langue  de  Virgile  et  vins  de 
Sorrente,  mœurs  dissolues  et  façons  hautaines  :  tout  fut 
prôné,  admiré  et  adopté. 

La  victoire  de  Ziilpich  remportée  par  Clovis  et  la  céré- 
monie du  baptême  de  ce  roi,  nous  montrent  en  effet  l'épo- 
que mérovingienne  sous  un  double  aspect.  Les  Germains 
des  forêts  sont  considérés  comme  des  ennemis  par  leurs 
frères  de  race,  tant  en  Austrasie  qu'en  Bretagne,  tandis  que 
les  Romains,  armés  de  la  crosse  abbatiale  ou  coëffés  de 
la  mitre,  regagnent  pas  à  pas  le  terrain  perdu  (i). 

(1)  RoTH,  Von  dem  Einflmse  der  Geisilichkeil  uiUer  dcn  Merowingern,  p.  G. 


—  70  — 

La  Belgique  d'alors  voit  ses  princes  converlis  transpor- 
ter de  Tournay  leur  résidence  dans  des  villes  gauloises, 
qui  offrent  plus  de  ressources  à  la  soif  des  plaisirs.  Elle 
n'a  plus  que  la  vie  passive  et  incolore,  propre  à  la  province. 
Les  forestiers  remplacent  les  rois.  Les  uns  nient  leur 
existence,  les  autres  en  font,  à  l'aide  d'une  critique  judi- 
cieuse, les  gardiens  des  frontières  et  des  côtes,  ou  pour 
mieux  dire,  les  successeurs  naturels  des  comités  Ulloris 
saxonici.  Leur  tâche  est  au-dessus  de  leurs  forces.  L'Angle- 
terre, livrée  à  une  aussi  grande  confusion  de  races  et  de 
croyances,  qu'au  jour  où,  six  siècles  auparavant,  Jules 
César  y  prit  pied,  paralyse  toutes  leurs  tentatives  visant  à 
l'ordre  et  au  repos.  Les  Angles  et  les  Danois  sont-ils  battus 
par  les  insulaires  ou  ceux-ci  ont-ils  le  dessous?  Une  flotte 
sort  de  la  Tamise  et  se  jette  dans  l'Escaut. 

Parfois  nos  forestiers  repoussent  les  envahisseurs,  parfois 
ils  les  accueillent  :  ce  sont  dans  ce  dernier  cas  des  guer- 
riers désarmés,  découragés  et  vaincus  qui  demandent  à  se 
mêler  au  peuple  ou  à  aller  vivre  dans  les  bois  (i).  Il  en  est 
ainsi  jusqu'à  la  dernière  heure  du  VP  siècle.  On  vit  alors 
Ethelbert,  le  plus  puissant  d'entre  les  rois  anglo-saxons, 
obéir  à  la  voix  de  son  épouse  Berlhe,  fille  de  Karibert,  roi 
des  Francs,  et  demander  le  baptême  (2).  Les  prêtres  et  les 
moines  d'Angleterre,  réfugiés  chez  nous,  s'émurent  à  la 
nouvelle  de  cet  événement,  mais  ils  ne  regagnèrent  pas 
leurs  foyers  sans  avoir  payé  la  dette  de  l'hospitalité.  Les 
premiers  venus  d'entre  eux  avaient  rencontré  le  martyre 
dans  nos  provinces,  parce  que  les  populations,  dans  leur 
profonde  barbarie,  ne  voulaient  comprendre  de  la  religion 


(1)  De  Bast,  Traité  de  Vexislence  chimérique  des  forestiers  de  Flandre, 
imprimé  à  la  suite  d'un  mémoire  sur  rinstilution  des  communes  dans  la 
Belgique.  Gand,  1819.  —  V.  Acla  SS.  lielg.,  I.  I,  p.  4-40,  .seq.  —  Gbégoiri; 
DE  Tours,  liv.  III,  cli.  5. 

(2)  WiLKixs,  Leg.  Anglo-saxon    Éd.  de  1724,  pp.  ll-'2i). 


—  71  — 

nouvelle  que  Tobligalion  de  payer  la  dimc.  Francs  e( 
Saxons  baptisés  avaient  cru  avoir  agir  logiquement  en  re- 
venant peu  à  peu  au  culte  aussi  économique  qu'accomo- 
dant  des  divinités  germaniques.  Des  régionnaires  tels  que 
saint  Amand,  saint  Wilfried,  saint  Lebewyn,  saint  Bavon 
et  saint  Lambert,  empêchèrent  ce  mouvement  de  se  géné- 
raliser (i).  Les  moines  anglo-saxons  les  aidèrent  de  tout 
leur  pouvoir  et  parvinrent,  par  d'autres  moyens  que  la 
prédication,  à  adoucir  les  mœurs  du  peuple.  On  les  vit  sur 
les  terrains  incultes,  quj  leur  avaient  été  abandonnés  par 
les  forestiers,  faire  mûrir  de  riches  moissons  et  élever, 
comme  par  miracle,  des  chapelles,  des  monastères  et  des 
écoles.  Oui,  des  écoles!  Les  premières  sans  doute  qui  sui- 
virent dans  nos  contrées  les  bienfaits  de  TÉvangile.  Elles 
exercèrent  une  si  bénigne  influence  sur  les  coutumes  el 
l'esprit  public,  que  Pépin  le  Bref,  frappé  du  secours  que 
la  seule  intention  du  clergé  pouvait  offrir  à  ses  projets 
ambitieux,  ne  manqua  pas,  à  force  de  donations  et  de  pri- 
vilèges, de  se  concilier  un  puissant  auxiliaire  (2). 

L'Église  primitive  avait  manqué  se  perdre  en  parlant 
latin;  elle  fut  sauvée  par  d'humbles  étrangers,  qui  con- 
naissaient les  idiomes  vulgaires  et  savaient  s'en  servir  avec 
talent.  Grâce  à  eux,  Elnon  et  Luxeul,  ces  deux  cloîtres 
célèbres,  se  germanisèrent,  et  restèrent,  pour  le  nord  de 
la  Gaule,  des  centres  de  lumière.  Jonas  de  Séguse  nous  le 
donne  à  entendre  dans  sa  biographie  du  bienheureux 
Columban,  l'un  de  ces  moines  venus  d'Outre-Manche,  De 
son  côté,  le  vénérable  Bède  affirme  que  saint  Augustin 
n'était  accompagné   que  de   membres  du  clergé   italien, 


(î)  Veriioeven,  Alfjemeyne  inleijding  lot  de  al-oudc  en  middtn-lydsrhc  liil- 
flisclie  historié,  p.   100. 

(2)  DoM  Cellier,  Hisl.  r/cn.  des  aul.  sac,  l.  XVII,  p.  ^t(i2  serf.  —  MiiiiL- 
LON,  Traité  des  éludes  mn)ins.,  fli.   I". 


—  72  — 

lorsqu'il  quitta  Rome  pour  venir  dans  le  nord;  mais  qu'il 
s'adjoignit  en  route  des  moines  francs  ou  saxons  et  qu'il 
dût,  à  celte  excellente  mesure,  une  grande  part  du  succès 
de  sa  mission  (i). 

Pendant  que  Grégoire  de  Tours  compose  ses  annales 
en  son  meilleur  latin,  qu'il  avoue  son  mépris  pour  les  pa- 
tois des  Ripuaires  et  des  Saliens,  et  qu'il  cherche  à  établir 
qu'il  a  le  bonheur  de  pouvoir  compter  un  sénateur  romain 
au  nombre  de  ses  aïeux  (2),  de  pauvres  prêtres,  qui  ne 
savent  pas  le  latin  et  qui  n'ont  pas  d'ancêtres  romains, 
renversent  les  divinités  païennes  et  forcent  les  races  diver- 
ses et  hostiles  qui  sont  en  présence,  à  vivre  en  nouveaux 
chrétiens  et  fraternellement  ensemble.  Sur  ce  point  comme 
sur  la  marche  du  commerce  et  des  relations  de  peuple  à 
peuple  à  celte  époque,  l'itinéraire  de  Willibald,  publié  par 
les  Bollandistes,  donne  peut-être  les  indications  les  plus  cer- 
taines (3). 

Les  monastères  offraient  alors  aux  populations  errantes 
l'exemple  fertile  d'une  vie  sédentaire  et  laborieuse.  Cet 
exemple  fut  généralement  suivi  et  amena  un  ordre  social 
nouveau.  Si  jamais  il  y  eut  une  révolution  légitime, 
exemple  d'excès,  de  perturbations,  de  crimes  et  de  mal- 
heurs, ce  fut  à  coup  sur  celle-là.  Les  opprimés  avaient 
rencontré  le  moyen  de  se  soustraire  pacifiquement  à  la 
domination  de  leurs  maîtres.  Ils  avaient  compris,  en  visi- 
tant les  écoles  ouvertes  à  tous  par  les  moines  anglo-saxons, 
que  leurs  seigneurs  étaient  dominés  par  les  prêtres,  en  dé- 
pit de  leurs  dénégations,  et  qu'en  se  mettant  sous  l'égide 
de  ces  derniers,  ils  devaient  de  beaucoup  améliorer  leur 
sort. 


(1)  Bhdae  Ecd.  Hisl.,  lib.  IV,  c.  6-8. 

(2)  Liv.  IV,  ch.  5. 

(3)  Acta  SS.  Belgii,  t.  II,  p.  503  seq. 


—  73  — 

11  arriva  en  conséquence  qu'avec  une  entente  merveil- 
leuse, les  paysans  nouvellement  convertis  et  toujours  traités 
comme  des  esclaves  ou  des  prisonniers  de  guerre  par  leurs 
frères  de  race,  plantèrent  le  symbole  chrétien  au  milieu  de 
leur  champ,  devant  la  porte  de  leurs  chaumières  et  s'en 
allèrent  invoquer  la  protection  d'un  saint  évéque,  d'une 
chapelle  ou  d'un  monastère.  Les  seigneurs  francs  étaient 
vaincus.  Leur  ambition  s'arrêta  impuissante  devant  cette 
muette  conspiration.  On  dépassa  même,  le  but  que  l'on 
s'était  proposé  dès  l'abord,  puisqu'il  ne  fallut  rien  moins 
que  la  main  de  Charlemagne  pour  empêcher  le  pouvoir 
temporel  d'être  tout-à-fait  débordé. 

La  critique  moderne  parle  avec  raison  des  services  im- 
portants que,  dans  le  principe,  les  monastères  rendirent  à 
la  civilisation.  Cependant  il  ne  faut  pas  se  laisser  aveugler 
par  la  reconnaissance,  et  pousser  les  choses  jusqu'à  vouloir 
donner  à  chacune  de  nos  grandes  cités  un  cloître  pour 
berceau.  Certes,  les  moines  savaient  profiter  des  avantages 
et  tirer  parti  de  tout;  mais  il  paraît  constant  que  les  villes 
naissantes  les  attirèrent  plus  souvent  à  elles,  qu'il  ne  leur 
arriva  de  présider  à  leur  fondation. 

Telle  situation  est  favorable  au  calme  de  la  vie  ascétique 
et  peut  ne  pas  répondre  aux  exigences  multiples  d'une 
grande  agglomération  d'hommes.  Aussi  vit-on,  en  présence 
de  l'impossibilité  de  concilier  des  intérêts  opposés  et  dispa- 
rates, la  plupart  des  maisons  religieuses  attendre  que  le 
temps  de  la  moisson  fût  passé,  pour  mettre  une  certaine 
étendue  de  terrain  à  la  disposition  des  marchands  qui 
voyageaient  par  troupes  nombreuses.  C'était  là  pour  les 
moines  et  leurs  colons  une  occasion  de  se  fournir,  pour 
passer  l'hiver,  de  tous  les  objets  et  de  toutes  les  denrées  né- 
cessaires à  meilleur  compte  qu'ils  n'eussent  pu  le  faire  en  se 
rendant  au  manoir  le  plus  proche,  où  vendeurs  et  acheteurs 
étaient  également  mis  à  contribution,  sous  le  prétexte  de  la 


—  74  — 

protection  qui  leur  était  accordée  par  le  seigneur  du  lieu. 
Les  couvents,  armés  de  leurs  chartes  et  de  leurs  privilèges, 
défendaient  aussi  bien  contre  toute  violence,  ceux  qui 
accouraient  à  leurs  marchés  que  s'ils  eussent  eu  des  hom- 
mes d'armes  à  leurs  ordres,  et  leur  protection  ne  se  payait 
pas.  On  comprend  dès-lors  le  succès  des  marchés  tenus  à 
l'abri  d'une  crosse  abbatiale  et  la  décadence  des  autres. 
Nous  sommes  ici  amenés  à  un  rapprochement  curieux. 
Tandis  qu'en  Belgique  les  cloîtres  encouragent,  règlent  et 
surveillent  le  commerce  des  échanges,  ce  sont  au  contraire 
les  marchés  et  les  foires,  ou  bien,  si  l'on  veut,  les  villes 
provisoires  qui  font,  en  Angleterre,  naître  les  monastè- 
res (i).  Voici  comment  cela  se  passait.  Sous  l'influence  des 
idées  chrétiennes,  les  Bretons  et  les  Anglo-Saxons  avaient 
pris  en  horreur  les  plaisirs  sanglants  du  cirque,  auxquels 
ils  avaient  été  accoutumés  durant  la  domination  romaine. 
On  avait  cherché  et  trouvé  à  les  remplacer.  Tous  les 
dimanches,  au  sortir  de  l'église,  les  habitants  d'un  bourg 
ou  d'un  village  se  donnaient  rendez-vous  sur  les  bords  de 
quelque  ruisseau,  offrant  une  belle  pelouse.  Là  les  jeunes 
gens  luttaient  entre  eux,  et,  de  leur  côté,  les  jeunes  filles 
en  faisaient  autant.  Ces  jeux  populaires  amenaient,  à  cha- 
que jour  de  fêle,  toute  une  population  aux  mêmes  lieux, 
et  la  foule  à  son  tour  attirait  les  débitants  de  boissons  et 
les  marchands.  Après  les  boutiquiers  qui  s'étaient  enrichis, 
des  moines  sans  asile  fixèrent  leur  demeure  sur  les  bords 
du  ruisseau,  et  ils  ne  firent  pas,  en  exploitant  les  joies  po- 
pulaires dans  le  cercle  de  leurs  attributions,  les  moindres 
bénifices.  Le  monastère  de  Barnwell,  entre  autres,  doit  son 
origine  aux  circonstances  que  nous  venons  de  raconter. 
Son  nom  seul  l'apprendrait,  si  ses  annales  ne  le  disaient 
pas. 


(I)  Wright,  Tlic  domcstic  manners  »[  thr  evgliseli  durivr/  llic  viiddlc  offcs 
(Ai-l.  Journal,  1851),  p.  15  seq. 


—  75  — 

Les  premières  années  du  VII''  siècle  virent  un  grand 
nombre  de  moines  anglo-saxons  repasser  le  détroit;  mais, 
en  se  retrouvant  dans  leur  lie,  ils  ne  cessèrent  point  leurs 
relations  avec  ceux  qu'ils  avaient  guidés  et  instruits. 
Ils  appelèrent  auprès  d'eux  des  ouvriers  belges,  pour  rele- 
ver leurs  autels  et  reédifier  leurs  cloîtres  incendiés,  et  cela, 
parce  que  jusqu'alors  leurs  compatriotes  ignoraient  l'art 
de  composer  le  ciment  et  de  tailler  la  pierre  (i). 

L'évèque  Bénédict  raconte,  qu'ayant  été  à  même  d'appré- 
cier les  inconvénients  des  constructions  en  bois,  il  avait 
fait  venir,  en  Tan  674,  des  maçons  de  Belgique  et  des  vi- 
triers de  France,  et  qu'avec  leur  aide  il  s'était  mis  à  bâtir 
la  magnifique  abbaye  de  Warmoulb. 

Wilfried  d'York  avoue  qu'il  eut  recours  aux  mêmes 
moyens  dans  de  semblables  circonstances  (2). 

Celte  ignorance  des  moindres  ressources  de  l'arcbilec- 
ture  s'accorde  jusqu'à  un  certain  point  avec  le  caractère 
nomade  et  aventureux  des  Anglo-Saxons.  Si  l'on  ouvre  le 
poème  de  Beowulf,  récemment  vulgarisé  en  Angleterre  et 
en  Allemagne  par  les  traductions  de  Wackerbarth  et 
d'EttmiilIer,  on  sera  frappé  d'y  voir  combien  était  grande 
la  simplicité  de  la  demeure  des  rois  anglais.  Les  migra- 
lions  étant  à  l'ordre  du  jour,  on  s'arrêtait  au  provisoire. 

Il  avait  fallu  au  peuple  un  laps  de  temps  assez  long 
pour  l'engager  à  échanger  la  feuillée  contre  la  cabane  de 
bois  et  la  cabane  de  bois  contre  la  maison  de  pierre,  ce 
témoignage  de  permanence,  celte  preuve  de  civilisation. 

Sous  le  règne  d'Alfred  le  Grand,  on  était  arrivé  à  celle 
dernière  résolution.  Ce  souverain  éprouva  que,  si  la  cul- 
ture avait  généralement   progressé,  la    langue  nationale 


(1)  Bedae   Hist.  eccL,  1.    I,  c.  34.  —  W.  of  Malmf.sbirv,  Chromclc  of  llie 
kings  of  England.  Ed.  Bohn,  p.  54. 

(2)  Eddi  vilâ  WUfridi,  cap.  16,  17,  22. 


—  76  — 

élait  restée  stalionnaire.  Il  avait  entrepris  une  traduction 
de  l'histoire  ecclésiastique  de  Bède  ;  mais,  arrivé  au  mot 
maçonner,  il  lui  fut  impossible  de  le  rendre  autrement  que 
par  une  circonlocution.  Il  écrivit  donc  :  charpenter  en 
pierre  (i).  Rien  ne  pouvait  par  conséquent  se  faire  chez  les 
conquérants  de  la  Bretagne  insulaire  sans  le  secours  de 
leurs  voisins  du  continent.  Les  révolutions  et  surtout  la  for- 
mation d'une  infinité  de  petits  états  constamment  en  guerre 
les  uns  contre  les  autres,  avaient  amené  cet  état  de  choses. 
La  tyrannie  en  fut  si  prolongée  que  Glanvill,  un  grand 
juge  d'Angleterre  du  XIII'^  siècle,  assure  qu'elle  s'étendait 
de  son  temps  encore  aux  lois,  et  qu'il  y  en  avait  autant 
ayant  force  légale  pour  être  inscrites  dans  la  mémoire  du 
peuple  que  pour  être  couchées  sur  le  papier  et  sanction- 
nées par  le  pouvoir  (2). 

Les  Francs  avaient  conquis,  par  suite  de  leurs  emprunts 
à  la  civilisation  antique,  une  supériorité  bien  marquée  sur 
tous  les  peuples  du  Nord.  Elle  était  reconnue  par  les  Anglo- 
Saxons.  Plusieurs  de  leurs  princes  passèrent  le  détroit;  les 
uns,  pour  chercher  un  asile  à  la  suite  d'une  insurrection, 
les  autres,  pour  connaître  les  ressources  d'un  luxe  dont  ils 
n'avaient  aucune  notion.  Sigebert  et  Eorpwald,  princes  des 
Angles  de  l'est,  Baidred  et  Ina,  rois  saxons  de  Wessex, 
sont  ceux  dont  on  a,  en  Belgique,  conservé  la  mémoire  (3). 

Ina  institua  dans  ses  états  des  marchés  et  des  foires  et 
sut  aussitôt  leur  communiquer  un  certain  éclat,  en  pu- 
bliant des  lois  sévères  contre  l'usure  et  le  vol.  Mais  à  peine 
eut-il  vécu  dans  l'intimité  des  maires  du  palais  et  des  grands 
seigneurs  francs  que,  comparant  leur  faste  avec  la  simpli- 


(1)  Sharon  Turner,  Hist.  of  ihe  Anglo-saxons.  Ed.  of  Paris,  t.  III,  p.  278. 

(2)  Mot  cité  dans  les  Orig.  Juricales  de  Dugdale.  Le  grand  juge  Ranulphe 
de  Glanvill  passe  pour  être  l'auteur  d'un  livre  de  grande  importance,  inti- 
tulé :   Tractalus  de  legibus  et  consuetudinibus  rcgni  Angliac. 

(3)  Old  Chronide  of  England,  by  Stowe,  p.  97. 


—  77  — 

cilé  patriarcale  des  siens,  il  trouva  ses  sujets  tellement 
barbares  qu'il  renonça  de  plein  gré  à  les  gouverner  et  s'en 
alla,  dans  sa  folie,  mourir  à  Rome  pauvre  et  oublié  (i). 

La  race  conquérante  de  nos  contrées  continua,  à  défaut 
d'un  autre  mérite,  à  exercer  celte  fascination  perfide  sur 
les  nombreux  rois  qui  partageaient  le  sol  de  l'Angleterre; 
mais  elle  n'eut  aucune  espèce  d'action  sur  leurs  peuples. 
Ceux-ci  se  préparèrent  à  de  hautes  destinées  en  restant 
fidèles  à  tous  les  instincts  de  leur  nature,  tandis  que  l'expia- 
tion commence  pour  les  Francs  avec  l'ère  carlovingienne. 

Les  pirates  germains  que  l'on  désigne  sous  les  noms 
d'Angles,  de  Danois  et  de  Normands,  font  désormais  une 
guerre  sans  relâche  à  tous  ceux  qui  ont  accepté  un  dégui- 
sement romain.  L'œuvre  d'Arminius  et  de  Claude  Civilis  a 
trouvé  des  continuateurs.  Ils  sont  moins  étrangers  qu'on 
pourrait  le  croire  à  l'activité  des  Lombards  et  à  la  fonda- 
tion des  républiques  marchandes  de  l'Italie,  toutes  établies 
sur  les  rivages  de  la  mer  (-2), 

Les  pirates  eurent  des  succès  dans  leur  propagande  de 
réveil  partout  où  ils  rencontraient  des  éléments  germani- 
ques. Là  il  y  avait  sans  doute  une  colonie,  dirons-nous  en 
voyant  surgir  une  république  marchande  au  midi  de  l'Eu- 
rope, car  l'initiative  de  semblables  progrès  semble  ne  pou- 
voir appartenir  à  une  race  de  longue  main  habituée  au 
despotisme  et  qui  avait  toujours  cru,  avec  le  prince  de  ses 
orateurs,  que  tout  trafic  devait  être  laissé  aux  esclaves. 

Charles  Rahlenbeek. 


(1)  Old  Chronicle  of  England,  by  Stowk,  p.  97. 

(2)  Grégoire   de  Touns,  1.  IV,  c.  43  et  Aô.  —  Audoen,   In  vitâ  S.  Eligii, 
t.  1,  p.  9. 


—  78  — 


'2lxc\)mB  îreô  :2lrt5,  îie^  ôcienceô  et  î»e0  Cettreô  (')• 


1 42.  Copistes  (2)  ef  éditeurs  de  musique.  —  Musiciens. 

Sommaire  .Wau lier  Vranckenzone.  —  Martin  Bourgeois.  —  Pierre  Alamire 
ou  Van  (len  Hove.  —  Missels  divers.  —  Tielman  Susalo.  —  Benoît  d'Ap- 
penzell.  —  Compositeurs  belges  du  XV^  et  du  XV1«  siècle. 

Vranckenzone  (Waulier),  —  maîlre  de  chant  de  la 
chapelle  de  la  cour  de  Philippe  le  Bon,  à  La  Haye,  Il 
reçut,  en  1463  ou  1466,  15  florins  du  Rhin  à  compte  du 
salaire  qui  lui  était  dû  pour  avoir  écrit,  noté  et  relié  cer- 
tain livre  de  chant  à  l'usage  de  cette  chapelle. 

«  Wouter  Vranckenzone,  sangmeester  van  der  capelle  binnen  Myns  ge- 
nadigs  Heeren  hove,  in  den  Hage,  in  mynderinge  van  zyn  sallaris  ende 
aerbeytsloon  van  gescreven,  genoleert  ende  gesloffeert  te  hebben  zekere  dis- 
cant  boucken  tôt  behoef  van  .Myns  genadichs  Heeren  capelle,  binnen  den 
hove  voirscreve  :  xv  Rynsgulden  (3).  » 

Bourgeois  (Martin),  —  prêtre,  chapelain  des  maîtres 
d'hôtel  de  Marguerite  d'Autriche,  travaillait  en  IbOl  à 
l'achèvement  d'un  magnifique  missel  pour  le  lutrin,  orné 
de  riches  enluminures,  que  Philippe  le  Beau  voulait  offrir 
à  son  père. 

«  Je  Martin  Bourgeois,  preslre,  chapellain  des  maistres  d'ostel  de  madame 
l'archiduchesse  d'Autriche,  ducesse  de  Bourgogne,  etc.,  confesse  avoir  receu 
(le  Simon  Longin,  etc.,  la  somme  de  xlvj  livres  xvj  solz,  de  xl  gros,   qu'il 

(1)  Suite.  V.  Messager  des  Sciences  historiques,  année  1854,  pp.  247,  ."fil  et 
U\;  année  1833,  pp.  109  et  589,  et  année  1836,  p.  177. 

(2)  Voy.  aussi  Jean  Van  der  Moerten,  au  §  15. 

(3)  Compte  de  la  recette  générale  de  Hollande,  Zélande  et  Frise,  du  24  mai 
!4G3  au  23  mai  1466,  f»  Ixxxiij  r",  aux  Archives  du  royaume,  à  La  Haye. 


—  79  — 

m'a  baillé  en  prest,  tant  sur  Testoffe  et  vclin  comme  sur  l'escripture,  illii- 
minaire  d'or  et  lyurc  d'un  riche  libre  de  messes  en  discant,  que  monsei- 
gneur l'archiduc  ma  despiéça  ordonné  faire  pour  envoyer  en  don  de  par  lui 
au  roy  son  père,  et  en  oultre  et  par-dessus  vj  livres  que  par  autre  quittance 
j'ai  receu  en  prest  ù  ladicte  cause,  etc.  Le  xxviij*^  jour  de  juing  l'an  mil  cincq 
cent  et  ung  (1).  » 

Alamire  (Pierre),  —  dont  le  véritable  nom  est  V^an  den 
Hove,  nous  apparaît  d'abord  comme  «  escripvain  des  livres 
»  de  la  chambre  domestique  de  l'archiduc  Charles,  »  en 
1511.  Il  avait  un  talent  véritable  et  tout  particulier  pour 
écrire  la  musique,  et  il  fut  employé  à  ce  travail  pendant 
de  longues  années.  A  la  date  que  nous  venons  de  citer, 
il  avait  terminé  deux  gros  volumes  en  parchemin  «  plains 
«  de  messes  de  musique  »  que  l'empereur  Maximilien  lui 
avait  fait  exécuter,  et  dont  l'un  fut  gardé  pour  l'usage  de 
la  chapelle  du  palais  de  Bruxelles,  et  l'autre  donné  à  Mar- 
guerite d'Autriche,  sa  fille,  pour  son  cadeau  de  nouvel  an. 
En  1517,  l'artiste  —  on  ne  peut  refuser  cette  qualification 
à  Pierre  Alamire  —  touchait  9  livres,  de  40  gros,  de  gages 
annuels  (a).  Il  figure  dans  l'état  de  maison  de  Charles- 
Quint,  au  traitement  de  4  sous  de  Flandre  par  jour, 
comme  garde  des  livres  de  la  chapelle  de  l'empereur  (ô). 
En  1525,  on  lui  paie  200  livres  pour  plusieurs  livres  de 
chant  destinés  à  cette  chapelle,  et  il  reçoit  pareille  somme, 
en  1525,  pour  un  autre  «  grand  livre  de  musique  »  remis 
à  Jean  de  Montmorency,  seigneur  de  Courrières,  chargé  de 
l'emporter  en  Espagne,  où  Charles-Quint  se  trouvait  alors. 
Disons  en  passant  que  ce  seigneur  avait  la  mission,  à  la 
même  époque,  d'engager  aux  Pays-Bas  «  aucuns  chantres  et 

(1)  Acquits  des  comptes  de  la  recette  générale  des  flnances,  aux  Archives 
du  royaume. 

(2)  Registre  n»  F.  201  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 

(3)  Volume  intitulé  :  Maison  des  Souveraitix,  t.  Il,  p.  21,  dans  les  archives 
de  l'audience,  aux  .\rchives  du  royaume. 


—  80  — 

»  les  envoyer  en  Espaîgne  »  (i).  Marguerite  d'Autriche  em-  ' 
ploya  aussi  Alamire,  notamment  en  1529.  La  reine  Marie 
de  Hongrie  lui  assura  sur  ses  propres  revenus,  par  lettres 
patentes  du  9  mars  1554  (n,  st.),  et  jusqu'à  ce  que  l'em- 
pereur y  eût  pourvu,  une  pension  journalière  de  4  sous 
pendant  tout  le  cours  de  son  existence,  et  dont  la  moitié, 
après  sa  mort,  devait  être  payée  à  sa  veuve. 

La  Bibliothèque  publique  de  Malines  possède  un  superbe 
volume,  grand  in-folio,  avec  la  notation  musicale,  orné  de 
miniatures  de  la  plus  belle  exécution,  et  dont  nous  ne 
désespérons  point  de  découvrir  un  jour  le  peintre.  Ce 
manuscrit  fut  la  propriété  de  Marguerite  d'Autriche,  et 
d'après  quelques  observations  que  nous  avons  faites  en 
l'examinant  attentivement,  il  semble  être  le  livre  que  son 
père  Maximilien  lui  donna  en  15H.  Cette  supposition  ne 
fût-elle  pas  vraie,  nous  n'hésiterions  pas  encore  à  l'attri- 
buer à  Pierre  Alamire.  L'œuvre  qui  y  est  transcrite  est 
de  Pierre  de  la  Rue,  dont  le  nom  se  lit  sur  un  des  derniers 
feuillets.  C'est  l'estimable  M.  Van  Dooren,  archiviste  com- 
munal de  Malines,  qui  nous  a  communiqué  ce  joyau  d'une 
valeur  inappréciable. 

M.  Léon  de  Burbure,  aujourd'hui  administrateur  de 
l'académie  royale  des  Beaux-Arts  d'Anvers,  qui  a  classé 
avec  un  zèle  et  un  soin  au-dessus  de  tout  éloge  les  archives 
si  riches  de  l'église  cathédrale  de  cette  ville,  et  qui  de 
plus  en  a  fait  le  dépouillement  au  point  de  vue  des  arts, 
nous  a  dit  avoir  rencontré  le  nom  d'Alamire  dans  les  comp- 
tes, à  propos  de  livres  de  chant  qu'il  écrivit  à  l'usage  du 
chapitre. 

«  A  Pierre  Alamire,  escripvain  des  livres  de  la  chambre  domestique  de 
Monseigneur,  la  somme  de  xx  libvres,  sur  et  entantmoins  de  la  somme  de 
vij*''  libvres  que  Messeigneurs  lui  ont  ordonné  prendre  et  avoir  d'eulx,  tant 

(1)  Volume  intitulé  :  Revenus  et  dépenses  de  Charles-Quint,  t.  l"  (1520- 
laôO),  fo  yc  xvj  v",  dans  les  archives  de  l'audience,  ibidem. 


—  81  — 

pour  ses  paines  el  suUaires  iravoir  escript  et  fait,  par  ordre  de  monseigneur 
l'empereur,  ij  gros  livres  de  parchemin,  plains  de  messes  de  musicque,  dont 
ledict  seigneur  en  a  eu  ung,  el  l'autre  il  l'a  donné  ù  madame  de  Savoye,  sa 
fille,  pour  son  nouvel  an  (1).  » 

«  A  Pierre  Alamire,  pour  pluiseurs  livres  qu'il  a  faiz  et  livrez  |)our  en- 
voyer à  l'empereur  pour  sa  chapelle,  par  lettres  du  xv*  d'avril  (xv)  xxiij  : 
ij"  libvres. 

"A  lui,  pour  ung  autre  grand  livre  de  musicque,  délivré  au  seigneur  de 
Courrières,  pour  le  porter  en  Espaigne  :  ij"  lil)vres. 

»  A  lui,  pour  autres  livres  pour  la  chapelle  de  Madame,  en  Tan  (xv)  xxix  : 
XX  libvres  (2).  » 

«  Secrétaire,  nous  vous  ordonnons  despeschier  noz  lettres  patentes  de 
pention  de  iiij  solz,  de  ij  gros,  monnoye  de  Flandres  le  sol,  au  prouflit  de 
Pierre  Van  den  Hove,  dit  Alamire,  que  luy  avons  ordonné  et  accordé  prendre 
et  avoir  de  nous  par  chascun  jour,  jusqucs  ad  ce  qu'il  sera  par  noslre  moyen 
pourveu  de  semblable  pention  de  l'empereur  mon  seigneur  et  frère,  dont  il 
n'est  pourveu  avant  son  Irespas;  voulons  que  ladicte  pention  soit  diminuée 
et  restrainctc  à  ij  solz,  au  prouflit  de  sa  femme,  aussi  sa  vye  durant,  de  la- 
quelle pention  voulions  qu'ilz  soyerit  payez  par  les  mains  de  nostrc  pen- 
ninckmaistre  de  trois  mois  en  trois  mois,  par  égalle  portion,  ladicte  pention 
à  commenchier  à  compter  et  avoir  cours  du  premier  jour  de  janvier  dernier 
passé.  Fait  soubz  nostre  nom,  le  ix''  jour  de  mars  xv^  xxxiij.  (Signé) 
Marie  (3).  » 

SusATO  (Tielman),  —  est  le  nom  d'un  éditeur  de  musi- 
que qui  vivait  à  Anvers  de  1542  à  1556,  el  qui  adressa, 
eu  1549,  au  conseil  privé  une  requête  tendant  à  obtenir  un 
octroi  pour  un  recueil  de  vingt-neuf  chansons  amoureuses 
notées  pour  quatre  instruments,  et  dues  à  la  composition 
de  Thomas  Créquillon,  Jean  Clément  et  autres  maitres  de 
même  mérite  et  nés  probablement  comme  eux  dans  les 
Pays-Bas  (i).  Cette  supplique,  la  voici  : 

(1)  Registre  n"  F.  198  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  i\ord,  à  Lille. 

(2)  Revenus  ei.  dépenses  de  Charles -Quint,  t.  |er,  loc.  cit. 

(3)  Papiers  divers  de  Marie  de  Hongrie,  aux  Archives  du  royaume. 
('<)  loi/.  FÉTis,  Riogropilie  universelle  des  musiciens. 


~  82  — 

«  A  Tempercur  remonstre  en  toutle  humilité  vostre  Irès-hurable  snbgecf 
Tilmiin  Susato,  imprimeur  de  musicque,  résident  en  vostre  ville  d'Anvers, 
comment,  dois  le  mois  de  septembre  dernier,  il  ait  faiet  préparations  pour 
imprimer  vingt  et  neuf  chansons  amoureuses  à  quattre  parties,  propres  à 
tous  instrumens  musicaulx,  avec  deux  prières  et  oraisons  qui  se  peulent 
chanter  devant  et  après  le  repas,  nouvellement  composées  tant  par  maistre 
Thomas  Crecquillon,  maistre  Ja.  Clemens  non  papa,  que  par  aultres  bons 
musiciens,  desquelles  chansons  et  oraisons  les  motz  sont  icy  attachez;  et 
pour  ce  qu'il  les  désire  mectre  en  lumière,  supplie  très-humblement  que  à 
Vostre  Majesté  plaise  luy  octroyer  privilège  de  ce  povoir  faire,  et  afin  qu'il 
se  puist  récompenser  des  despences  pour  ce  soubstenues,  plaise  à  Vostredicle 
Majesté  luy  octroyer  d'adventaige  deffenses  bien  expresses  contre  tous  aultres 
imprimeurs  de  par-deça,  de  non  imprimer  les  niesmes  pièces  par  l'espace  de 
six  ans,  et  fera  icelle  Vostre  Jlajesté  bonne  œvre.  » 

Le  conseil  privé  envoya  cette  requête,  le  10  novembre 
1349,  à  l'avis  de  Benoît  d'Appenzell,  maître  de  chapelle 
de  Marie  de  Hongrie,  que  M.  Fétis  affirme  avoir  été  un  des 
grands  compositeurs  de  son  temps  (0,  et  qui  fit  écrire  en 
marge  les  réflexions  suivantes,  sous  lesquelles  il  apposa  sa 
signature  : 

«  Benedictus  Appezelde,  maistre  de  la  chapelle  de  la  roync  régente,  aïant 

veu  ceste  requeste,  ensemble  l'ordonnance  sur  ce  mise,  et  obéyssant  à  icelle, 

dit  bien  avoir  veu,  oy  et  aussy  autreffois  chanté  les  chanclions  musicallcs  y 

mentionnées  que  luy  semblent  bonnes,  comme  faicles  et  composées  par  bons 

maistres,  et  qu'il  n'y  véoit  ou  ne  cognoit  chose  èsdictes  chanehons  que   par 

raison  pourroit  empescher  la  publication  et  impression  d'icelles,  et  qu'il  n'y 

a  que  honnesteté;  par  quoy  luy  semble  pour  son  simple  advis  (en  parlant  à 

correction)  que  la   Mnjesté  impériale  pour  la  commodité  publicque  porroil 

bien  accorder  au  suppliant  ce  que  requiert  par  sadicle  supplication,  le  re- 

mectant  néanmoins  au  noble  plaisir  de  Sadicte  Majesté.  Fait  à  Bruxelles, 

ce  xxe  iour  du  mois  de  novembre  134-9.  _ 

■■  »  Benedictus.  » 

En  conséquence,  le  conseil  apostilla   favorablement  la 

(1)  Cet  écrivain  dit  qu'on  le  surnommait  YAppezelien,  parce  qu'il  était  né 
à  Appenzell,  en  Suisse.  On  l'appelle  Benedictus  Appezclders,  dans  les  comp- 
tes des  dépenses  de  Marie,  reine  douairière  de  Hongrie,  où  il  figure  comme 
maître  des  enfants  de  la  chapelle  [Voij.  Gachard,  Rapport  sur  les  archives  de 
l'ancienne  chambre  des  comptes  de  Flandre,  à  Lille;  p.  il). 


—  83  — 

demande  de  Susalo,  et  fit  dépécher  le  lendemain  les  lettres 
patentes  d'octroi,  lui  permettant  d'imprimer  lesdiles  chan- 
sons et  de  pouvoir  seul  les  débiter  pendant  dix  années 
consécutives  (i). 

M.  Éd.  Fétis  a  eu  rexlréme  obligeance  de  demander  au 
savant  directeur  du  conservatoire  royal  de  Bruxelles,  son 
père,  des  renseignements  plus  complets  surTielmanSusato. 
Voici  la  note  qu'il  nous  a  remise  : 

«  Tylman  Susato,  compositeur  et  imprimeur  de  musi- 
que, fut  vraisemblablement  le  successeur  d'un  autre  impri- 
meur nommé  Guillielmus  Vissenacus,  qui  n'est  connu  que 
par  un  seul  ouvrage,  publié  à  Anvers,  en  1542,  petit  in-i" 
obi.,  et  intitulé  :  Quatuor  vocum  imisicœ  modulationes  nu- 
méro XX  VI j  ex  optimis  auloribus  diligenler  selectœ  prorsus 
novœ,  atque  typis  hactemis  non  excusœ.  On  y  trouve  des 
motels  de  Susato. 

»  Le  premier  ouvrage  imprimé  par  ce  dernier,  date  de 
1543,  et  a  pour  titre  :  Premier  livre  des  chançons  à  quatre 
parties  auquel  sont  contenues  trente  et  une  nouvelles  chan- 
çons convenables  tout  à  la  fois  comme  aux  instrumentz, 
imprimées  par  Thielman  Susato,  imprimeur  et  correcteur 
de  musicque.  Petit  in-4°  obi.  Le  treizième  livre  porte  le 
millésime  de  1560.  Ensuite  Susato  fit  successivement  pa- 
raître, en  1546  et  1547,  quatre  livres  ou  recueils  de  motets 
de  divers  auteurs  à  quatre  parties,  sous  le  titre  de  Cantiones 
sacrœ  qiias  vulgo  moteta  vocant;  —  de  1 545  à  1 558,  des 
Madrigali  et  Canzoni  Francesia  cinque  voci,  en  cinq  livres; 
—  de  1553  à  1559,  seize  Vwres  d'Ecclesiasticarum  cantio- 
num,  à  quatre,  cinq  et  six  voix;  —  enfin  de  1554  à  1556, 
ses  Evangelia  dominicorum  et  festorum  dierum  miisicis 
numeris  comprehensa,  recueil  grand  in-4'',  qui  contient 
272  compositions  de  soixante-quinze  maîtres,  à  plusieurs 
voix. 

(1)  Liasses  du  conseil  privr,  aux  Arcliives  du  royaume. 


—  84  — 

»  On  trouve  des  ouvrages  imprimés  à  Anvers,  en  1564, 
par  Jacques  Susalo,  fils  de  Thielman,  ce  qui  semble  indi- 
quer qu'il  mourut  entre  1560  et  cette  date.  » 

La  Bibibliollièque  royale  possède  un  volume  imprimé 
chez  Susato,  et  contenant  les  dix  premiers  livres  des  chan- 
sons qu'il  publia  dans  les  années  154-5  et  suivantes.  Il 
s'y  trouve  un  assez  grand  nombre  de  pièces  composées  par 
l'éditeur  même;  en  voici  le  relevé  avec  les  titres  qu'elles 
portent  : 

1"  livre  :  Si  ton  amour.  Amour  a  tort. 

Plus  ne  beuvray.  i""  livre  :  Coingié  m'avez  donné. 

Langeur  liellas.  Plcusist  à  Dieu. 

Si  lu  te  plains.  N'avez  point  veu. 

D'argent  me  plains.  C"-  livre  ;  Contre  raison  vous  m'esles. 

Side  prése/it  peine  i'endure.  Congié  ie  prens. 

Pour  estre  aymé.  Dame  liesse. 

Ne  hiy  monstrant.  Pour  ung  plaisir. 

2=  livre  :  De  mon  malheur.  Si  de  présent. 

Ma  maislresse  ma  bonne  amye. 

La  Bibliothèque  royale  est  encore  riche  d'un  autre  vo- 
lume (i)  édité  par  Tielman  Susato,  en  1556,  in-4°,  qui  est 
intitulé  :  Souter  Liedekens  I.  Het  vierde  miisyck  boexken 
mit  dry  parlhien,  ivaer  inné  begrepen  syn  die  iersle  XLI 
psalmen  van  David,  gecomponeert  by  Jacobiis  Clemens  non 
papa,  etc.  D'après  une  note  de  Willems,  consignée  sur 
l'exemplaire  que  nous  avons  vu,  la  première  édition  de  cet 
ouvrage  a  paru  à  Anvers  chez  Simon  Cock,  avec  la  même 
notation  musicale,  sauf  quelques  petits  changements,  dit-il. 

Le  recueil  des  chansons  dont  nous  parlons,  outre  celles 
de  Susato,  renferme  des  pièces  mises  en  musique  par 
trente-cinq  auteurs  différents,  dont  voici  la  liste  : 

Thomas  Criquillon,  Josquin  Baston,  Cor.  Canis,  Louis 

(1)  N"  2.Ï871  du  fonds  Van  Hullhem. 


—  85  — 

Piéton,  Jean  Lupi,  Rocourt,  Jean  de  Hollande,  Rogier 
(Palhie?),  Pierre  de  Manchicourl,  Jean  Gallus  ou  le  Cocq, 
Nicolas  Gombert,  Sandrin,  Payen,  Pierre  Lescornet,  Phi- 
lippe de  Vuildre,  Goddarl,  An.  Barbe  (i),  Pierre  Cerlon, 
Adrien  Vuillart,  Gerardus,  Glaudin,  Benedictus,  Larchier, 
Josquin  de  Près,  Jo.  Richefort,  Clément  lannequin,  Phi- 
lippe Verdelot,  Noël  Baiilduyn,  Jo.  Courtois,  lo.  Mouton, 
Jérôme  Vinders,  Jo.  le  Brung,  Damien  Havericq,  Clément 
non  Papa,  Cyprien  de  Rore. 

Nous  avons  respecté  l'orthographe  de  ces  noms,  dont 
plusieurs  sont  aujourd'hui  devenus  populaires.  Adr.  Wil- 
laert,  Créquillon,  J.  de  Près,  etc.,  ont  leur  biographie  dans 
l'ouvrage  de  M.  Fétis;  mais  le  nombre  de  ceux  sur  lesquels 
nous  ne  possédons  aucun  renseignement,  est  plus  grand 
encore,  et  c'est  dans  le  but  de  les  signaler  à  l'attention  des 
personnes  qui  s'occupent  de  recherches  historiques  et  bi- 
bliographiques que  nous  les  avons  recueillis  et  consignés  ici. 

Quelques-uns  de  ces  musiciens  sont  aussi  cités  dans  l'in- 
ventaire de  la  mortuaire  de  la  reine  Marie  de  Hongrie, 
dressé  en  1538  (2).  On  y  lit  que  cette  princesse  possédait 


(1)  Ce  musicien  est  très-probablement  un  Belge,  un  Anversois  peut-être, 
car  voici  un  extrait  d'une  chanson  qu'il  a  mise  en  musique  : 

■I  Ung  capitaine  cuidoit  aveucque  ses  paiilars  surprendre  la  ville  d'honneur 
D'Anvers,  mais  à  son  deshonneur 
Se  retira  comme  une  escoufle; 
luslement  monstrant  avoir  peur; 
On  ne  prent  point  tel  chat  sans  mouffle. 

»En  Trancc  emmenit  ses  larrons  en  ses  faicts  villains,  parvers; 
lay  pillet  à  tors  et  travers; 
J'ay  passé  Walhem,  aussi  Doufile, 
Mais  i'ay  failli  à  prendre  Anvers  : 
On  ne  prent  point  tel  chat  sans  mouffle.  » 

(2)  M""  Gachard  nous  a  communiqué  les  parties  de  cet  inventaire  qu'il  a 
fait  copier  aux  Archives  de  Simancas  :  c'est  de  là  que  nous  avons  extrait  la 
liste  des  tableaux  que  possédait  à  sa  mort  l'illustre  gouvernante  des  Pays- 
Bas  {Voy.  la  Revue  universelle  des  Ar(s,  t.  lll). 


—  80  — 


en  grand  nombre  des  œuvres  de  Thomas  Créquillon,  Nico- 
las Gombert,  Jean  Mouton,  Pierre  de  la  Rue,  Oreguen, 
Justruin,  Hubiiiart  (Willaerl?),  Jusquin  (de  Près?),  An- 
toine Hevint,  Aiejandro  ou  Alexandre,  Alimanis,  Agricola 
et  Manchicourt  (i). 


§  45.  Enlumineurs. 


Sonmiaire  :  Robert  de  Valenciennes.  —  Anliphonaires  du  chapitre  de  Sainte- 
Waudru,  à  Mons.  —  Pierre  Bosch.  —  Cartes  des  rivières  du  Brabant.  — 
Jean  Van  der  Wyck  on  Van  Battcl.  —  Manuscrits  de  l'ordre  de  la  Toison 
d'or. 

Robert  de  Valenciennes,  —  est  le  nom  d'un  enlumineur 
qui  travaillait  en  1342  à  des  antiphonaires  pour  le  cha- 
pitre de  Sainte-Waudru,  à  Mons. 

«  A  maistre  Robert  de  Valenchiennes,  pour  Jehan  de  Hautragc,  le  lundi 
après  le  Saint-Mahiu,  pour  partie  de  l'enluminure  des  anlhiffoniers  : 
xxviij  liv.  iij  s.  (2).  » 

BoscH  (Pierre),  —  enlumineur,  reçut  en  1504  ou  1503, 
une  somme  de  14  livres,  pour  avoir  tracé  sur  un  rouleau 
le  cours  des  rivières  du  Brabant,  par  ordre  de  la  chambre 
des  comptes. 

«  Pieteren  Bosch,  geheeten  den  verlichtere,  die  somme  van  xviij  1.,  voor 
eene  roUe  inhoudende  den  loep  van  den  rieveren  van  der  Ilonten  ende  van 
den  Schelt,  met  oie  den  païen  ende  hunten  van  den  rieveren  van  Brabant, 
dewelcke  de  heeren  ende  meesteren  van  der  cameren  van  den  rekenningen 
hadden  doen  maken  ende  aen  hem  verdinght,  ter  conservacien  van  den  rechte 
ons  heeren  des  conincs  als  hertoge  van  Brabant  in  de  voirschreven  rieveren; 
welcke  rolle  geleyt  is  in  de  tresorie  van  Brabant  (3).  » 

(1)  Votj.,  pour  plusieurs  de  ces  noms,  Fétis,  Biographie  universelle  des 
musiciens. 

(2)  Compte  général  du  chapitre  de  Sainte-Waudru,  aux  Archives  de  l'Etat, 
à  Mons.  Cette  note  m'a  été  communiquée  par  mon  ami,  M""  L.  Devillers. 

(5)  Registre  u"  23178,  lO»,  f»  xxiij  v,  de  la  chambre  des  comptes,  aux 
Archives  du  royaume. 


—  87  — 

Van  der  Wyck  ou  Van  Battel  (Jean)  (i),  —  élail  un 
peintre  décorateur  de  Malines,  dont  la  spécialité  consistait 
à  peindre  des  écussons  de  toute  dimension.  Il  orna  des 
manuscrits;  c'est  à  ce  titre  que  nous  le  classons  parmi  les 
enlumineurs.  Pendant  toute  la  première  moitié  du  XVI" 
siècle,  il  eut  avec  un  autre  peintre  du  même  genre,  nommé 
Jean  Van  Latliem,  le  monopole  de  tous  les  travaux  de  dé- 
coration ordonnés  aux  frais  de  la  cour.  Jean  Van  Battel  finit 
par  obtenir  le  titre  de  peintre  de  Charles-Quint  en  154U 
ou  1S50.  La  première  mention  que  nous  avons  trouvé  de 
lui  remonte  à  1504,  à  propos  de  la  décoration  de  l'église 
Sainle-Gudule,  à  Bruxelles,  lors  du  service  qui  fut  célébré 
en  mémoire  d'Isabelle,  reine  de  Castille  et  d'Aragon,  belle- 
mère  de  l'archiduc  Philippe  le  Beau.  Il  fait  des  travaux 
semblables  en  1509,  dans  l'église  de  Saint-Jacques-sur- 
Caudenberg,  à  l'occasion  du  service  célébré  pour  Henri  VII, 
roi  d'Angleterre;  à  l'église  Saint-Pierre,  à  Malines,  en  1520, 
pour  les  obsèques  de  l'empereur  Maximilieu,  et  en  1527, 
pour  celles  du  duc  de  Bourbon,  tué  au  siège  de  Rome. 
En  1509,  il  est  encore  payé  pour  avoir  «  accoustré  et  painct 
»les  armes  de  Monseigneur  (l'archiduc  Charles)  et  d'autres 
«plaisantes  paintures  ung  chariot  pour  mesdames,  ses 
»seurs,  pour  aller  jouer  dessus  à  leur  plaisir  et  passe- 
»  temps  »  (2).  C'est  lui  qui  dessina  le  patron  du  sceau  et 
du  contre-sceau  gravés  (5),  en  1516,  par  Jean  Van  den 
Perre,  orfèvre  de  Bruxelles,  pour  le  roi  Charles  (4);  il  reçut 
de  ce  chef  G  livres. 

Les  œuvres  les  plus  importantes  de  Jean  Van  Battel, 


(1)  Des  quittances  de  ce  peintre  portent  Jean  Van  der  Wijck,  et  J'aulres 
Van  der  Wyckt,  alias  Ballet. 

(2)  Collection  des  acquits  des  comptes  de  la  recette  générale  des  finances. 

(3)  Us  ont  été  publiés  par  Vuedius,  Siyilla  comilum  Flandriœ,  p.  139. 

[i)  Alex.   PiNcuAni,  Recherches  sur  la  biographie  et  les  travaux  des  gra- 
veurs de  médailles,  de  sceaux  et  de  monnaies,  t.  l^^^  p.  .442. 


—  88  — 

celles  surloul  qui  méritent  d'être  consignées  ici,  sont  deux 
grands  livres  en  parchemin  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or, 
qu'il  orna  de  figures  et  d'écussons.  Le  premier  lui  fut  com- 
mandé en  lo5S  et  le  second  en  1549.  Il  travailla  plusieurs 
années  à  ce  dernier,  qui  surpassait  de  beaucoup  l'autre  en 
richesse  d'exécution.  Une  somme  de  85  livres  IG  sous  de 
Flandre  lui  fut  payée  en  1555;  le  volume,  commencé 
en  1549,  coûta  plus  de  1,000  livres.  Ce  fut  un  peintre  de 
Valenciennes  qui  peignit  «  au  vif  les  cincq  représentations 
«des  princes,  «c'est-à-dire  Philippe  le  Bon,  Charles  le 
Téméraire,  Maximilien,  Philippe  le  Beau  et  Charles-Quint. 
Van  Battel  fut  l'auteur  des  armoiries  et  d'autres  détails. 

«  Je  Jehan  Van  Batel,  painire,  deniourant  à  Malines,  confesse  avoir  receu 
de  maistre  Philippe  Hancton,  la  somme  de  vj  livres  de  Flandres,  que  m'es- 
loit  deue  pour,  par  ordonnance  de  messeigncurs  des  finances,  avoir  fail 
aucuns  patrons  des  sceaulx  du  roy.  Le  ix«  jour  de  juing  Tan  xv^  seize  (2).  » 

«  Je  Jehan  Van  Baltele,  painire,  deniourant  à  Malines,  confesse  avoir  receu 
la  somme  de  Ixxvj  livres  iiij  solz,  de  xl  gros,  qui  deue  ra'estoit  pour  les  par- 
ties de  mon  mestier  faictes  pour  l'obsèque  que  le  roy  a  nagaires  fait  faire 
en  l'église  Sainte-Goule,  en  sa  ville  de  Bruxelles,  pour  feue  la  royne  d'Es- 
paigne,  oultres  et  par-dessus  autres  parties  de  painctures  faictes  par  maistre 
Jaques  Van  Lathem,  painire  du  roy.  Premièrement  pour  iij';  grans  blasons 
aux  armes  de  ladicte  feue  royne  de  Caslille,  Ix  blasons  aux  armes  de  Cas- 
tille,  de  Léon  et  de  Grenade,  de  chascun  pays  à  part,  qui  ont  esté  attachez 
tout  à  l'entour  de  la  chapelle  réale,  et  dessus  la  représentation  de  ladicte 
feue  royne,  et  pour  deux  patrons  de  ladicte  chapelle  réale  et  pluisieurs  au- 
tres patrons  des  armes,  telles  que  le  roy  les  porte  présentement  el  des 
armes  qu'il  a  nouvellement  prinses,  lesquelles  il  a  envoyées  aux  roys  des 
Romains  et  d'Arragon,  etc.  Le  xxij«  jour  de  jnnvier  l'an  mil  cincq  cens  et 
quatre  (2).  » 


(1)  Collection  des  acquits  des  comptes  du  grand  sceau,  eux  Archives  du 
royaume. 

(2)  Collection  des  acquits  des  comptes  de  la  rccelte  générale  des  finances; 
ibidem.  —  Registre  n»  F.  U)  I  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du 
département  du  Nord,  à  Li'.lr. 


—  89  — 

«  A  Jean  Van  der  Wyck,  alias  Battele,  painclre,  à  Malines,  la  somme  de 
jiij^''v  livres  xvj  solz,  pour  ung  granl  livre  de  parclieinin,  où  estoient  les 
figures  du  prince  fondateur  et  des  cliefz  de  l'ordre  de  la  Thoison  d'or  du 
eommenchement  qu'il  avoit  esté  nommé  et  institué,  jusques  au  viij<=  de 
mars  1535,  et  ung  grant  escuschon  devant  chascun  cliief,  armoyé  de  leurs 
armes  en  volume  d'or  et  d'argent,  que  estoient  cincq  personnaiges  et  figures, 
et  ciueq  grandz  escuschons,  assavoir  :  le  bon  duc  Plielippe  de  Bourgoingne, 
le  duc  Charles,  l'empereur  Maximilian,  le  roy  don  Plielippe  de  Castille  et 
l'empereur  Charles;  item,  pour  ciiij''''iij  escuschons,  armoïés  des  armes,  aussi 
faicles  d'or  et  d'argent,  de  tous  les  chevaliers  et  confrères  dudict  ordre,  qui 
avoient  esté  du  coranicncheraent  dudict  ordre  à  la  corapaignie  d'icellui  ordre, 
selon  léleclion  qui  en  avoit  esté  faictc  aux  chappitres  tenus  jusques  audicl 
viij«  de  mars  1555  (1).  » 

«  Je  Jehan  Van  Battel,  painctre,  demourant  à  Malines,  confesse  avoir  receu 
la  somme  de  ijc  livres,  sur  ce  qu'il  me  pourra  estre  deu  à  cause  d'ung  nou- 
veau livre  de  l'ordre  de  la  Thoison  d'or,  avecq  la  représentation  des  cincq 
chiefz  dudict  ordre,  ensamble  de  leurs  armes  et  des  aultres  chevaliers  dudict 
ordre,  le  tout  illuminé  d'or  et  d'autre  estofl'e,  que  le  sieur  de  Nyeuwerue  par 
charge  de  l'empereur  m'a  faict  faire.  Le  xxj«  jour  de  mars  xv^  quarante- 
neuf  (2).  ). 

«  Je  Jehan  Battele,  painctre  de  l'empereur,  confesse  avoir  receu  la  somme 
de  ijc  lib.  de  Ix  gros  de  Flandre,  à  bon  compte,  sur  ce  qu'il  me  pourra  estre 
deu  tant  à  cause  de  l'escripture  du  livre  de  la  Thoison  d'or,  que  par  charge 
de  l'empereur  je  fay  présentement  que  pour  la  faclion  et  illuminacion  d'iccel- 
luy  livre,  et  ce  oullre  la  somme  de  iij^  1  livres  par  moy  recuz  pour  la 
mesme  cause.  Le  xxj<=  jour  de  juillet  xv^  cincquante  (5).  » 

«  A  Jehan  Van  Battele,  painctre  de  l'empereur,  iiijc  livres  pour  la  par- 
paye  de  son  sallaire  d'avoir  faict  certain  livre  de  l'ordre  de  la  Thoison  d'or, 
avecq  les  blasons,  personnages,  eseriptures  et  tout  autre  ouvrages  en  dcp- 
pendant,  et  ce  oultre  et  par-dessus  autres  sommes  païez  ou  comptes  précé- 
dents, et  1  livres  païez  à  certain  painctre  de  Valenchiennes,  pour  avoir  faict 
au  vif  les  cincq  représentations  des  princes  (4).  » 

(1)  Registre  no  F.  220  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 

(2  et  ô)  Collection  des  acquits  des  comptes  de  la  recette  générale  des  finan- 
ces, aux  Archives  du  royaume;  —  Registre  n"  F.  230  de  la  chambre  des 
comptes,  aux  Archives  du  département  du  Nord,  à  Lille. 

(i)  Registre  n°  F.  231  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 


—  90  — 
§  44.  Sculpteurs  et  sculptures. 

Sommaire  ■•  Josse,  de  La  Haye.  —  Euslache  de  Cupere.  —  Géry  ou  Gérard,  de 
Délit.  —  Jean  Van  der  Goes,  peintre.  —  Pasquier  Borreman.  —  Jean  Tons, 
peintre.  —  Sculptures  à  Téglise  de  riiôpital  Saint-Pierre,  à  Bruxelles.  — 
David  Ameldonek.  —  Mausolées  de  Jean  II,  de  Philibert  de  Chalon  et  de 
René  de  Nassau,  princes  d'Orange.  —  Conrad  Meyt.  —  Ligier  Ricliier.  — 
Gysken  ?  Van  der  Burch.  —  Bernard  Janssen.  —  Nicolas  Stone.  —  Tombeau 
de  Marcel  Bax,  à  Berg-op-Zoom.  —  Jean  Cardon.  —  Stalles  de  Téglise  de 
Tabbaye  d'Alïlighem.  —  Michel  Mostaert.  —  Marc  de  Vos.  —  Jean  Van 
Delen.  —  Sculptures  de  la  maison  des  Merciers,  dite  le  Renard,  à  Bruxel- 
les. —  Jean  Elsoecht.  —  Charles  Elshoëct.  —  Métiers  des  sculpteurs  et 
des  peintres,  à  Lille.  —  Séraphin-Joseph  Dutoit. 

JossE  (Jorys),  —  sculpteur,  fut  chargé,  en  1440,  pour 
compléter  la  série  des  statues  des  comtes  et  comtesses  de 
Hollande  qui  ornait  la  chapelle  du  palais  de  La  Haye,  de 
l'exéculiou  de  celle  de  Jacqueline  de  Bavière. 

a  In  't  jaer  van  xiiij<^  xl,  betaelt  Jorys,  beeldesnyder,  voir  eene  vorme  van 
enen  wive  te  snyden  na  onser  genediger  vrouwen  zaliger  gedachten,  ende  in 
der  capellen  in  den  Hage  by  den  anderen  graven  ende  gravynen  deser  landcn 
van  Hollant  staen  soude  :  ij  scilde,  ende  van  te  stofl'eren  v  1/2  scilt  (1).  » 

De  Cl'pere  (Jean  et  Eustache),  —  père  et  fils,  sculpteurs 
ou  tailleurs  d'images  {beeldesnydere),  à  Bruxelles.  Le  pre- 
mier était  déjà  mort  à  la  date  du  17  octohre  1454,  ainsi 
que  le  prouve  un  acte  de  constitution  de  cens  au  profit  de 
la  confrérie  de  Sainl-Éloi,  dans  la  même  ville,  faite  par 
Gertrude,  fille,  —  y  est-il  dit,  —  de  Jean  de  Cupere  et  de 
Marguerite  Sletlers.  Eustache  vivait  encore  en  1445  (2). 

Géry  ou  Gérard  (Geryl),  sculpteur,  à  Delft,  livra  pour  le 
compte  de  Philippe  le  Bon,  en  1451,  une  image  de  la  sainte 
Vierge  en  bois,  qui  fut  revêtue  d'or  et  d'azur  par  un  pein- 

(1)  Compte  des  exécuteurs  du  testament  de  Jacqueline  de  Bavière  de  1444, 
aux  Archives  du  royaume,  à  La  Haye.  Cette  note  m'a  été  communiquée  par 
.M'  Bakuuizeîv  ws  den  Bkink,  archiviste  général. 

(2)  Archives  des  hospices  civils  de  Bruxelles. 


—  91  — 

tre  nommé  Jean  Van  der  Goes.  Celle  stalue  était,  parait-il, 
destinée  à  la  chapelle  du  palais  de  La  Haye. 

«  Geryt,  de  beeldesnyder  van  Delf,  van  een  nyeu  beelde  van  Onser  Vrouwen 
gesueden  ende  gemaict  te  hebben  vaa  houte,  liem  dairaf  gegeven  mids  dat 
hy  leverde  in  don  liage,  alsoot  an  liem  verdynct  was,  in  een  somme  van 
V  postulaten  gulden,  tôt  xxviij  s.  gr. 

»  Jan  Van  der  Goes,  scilder,  van  't  voirschreven  Onser  Vrouwen  beelde 
metten  tabernaele  dairtoe  behoorende  gestoffeert  te  hebben  van  goude  ende 
van  azyre  :  xvij  s.  vj  d.  gr.  (1).  » 

Ameldonck  (David),  —  sculpteur  (beeltsnyder),  est  cité 
comme  ayant  obtenu  le  droit  de  bourgeoisie  à  Anvers  en 
1527  ou  1528(2). 

BoRREMAN  (Pasquier)  —  et  Tons  (Jean),  —  travaillaient 
tous  deux  à  la  décoration  des  autels  de  Téglisede  Thôpital 
Saint-Pierre,  à  Bruxelles,  en  1529  et  1550.  Le  premier 
était  scupteur  et  le  second  peintre.  Pasquier  Borreman  est 
peut-être  le  fils  de  Jean  Borreman  qui  fit,  en  1509,  les 
modèles  en  bois  de  plusieurs  statues  destinées  à  être  cou- 
lées en  cuivre  pour  Tornementation  de  la  cour  des  Bailles 
du  palais  de  Bruxelles  (s). 

o  Belaelt  Paesschiere  Borreman,  beeldesnydere,  van  den  Heyligen-Sacra- 
ments  huyse  by  hem  in  der  kercken  gemaect,  de  somme  van  Ix  Rins- 
guldenen.  » 

«  Betaelt  Janne  Tons,  schildere,  van  eender  outaer-taeffelen,  metlen  bcel- 
den  daerinne  staende  te  stofferene  Onser-Liever-Vrouwen  ende  den  ingel 
Gabriel,  met  noch  twee  cleyne  beelden,  in  den  hoogen  choer,  te  stofiferene  : 
X  liv.  XV  s.  gr. 


(1)  Compte  de  la  recette  générale  de  Hollande,  Zélande  et  Frise,  du  8  fé- 
vrier libl  (n.  st.)  au  24.  mai  suivant,  aux  Archives  du  royaume,  à  La  Haye. 

(2)  Registre  n"  4980,  ô",  f"  xxiij  r"  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archi- 
ves du  royaume. 

(5)  A.  Henné  et  A.  Wauiers,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  111,  p.  522. 


—  9^2  — 

»  Denselven,  betaelt  van  Sinle-Annen  lafele  le  stofferene  :  v  s.  gr.  (1).  » 

«  Belaelt  Paesschiere  Borreman,  toi  behoef  vau  der  oulaer-laeffelen  vaii 
Sinte-Pauwels  oulaer,  etc.  (2).   » 

Mausolées  de  Jean  II  et  de  Philibert  de  Chalon,  princes 
d'Orange.  —  Nous  avons  parlé  de  ces  inoiuimeuts  au  §  19  : 
nous  aurions  pu  ajouter  qu'ils  sont  l'œuvre  du  célèbre 
sculpteur  Conrad  Meyt,  le  même  qui  exécuta  les  tom- 
beaux de  l'église  de  Brou,  à  Bourg,  en  Bresse  :  il  y  tra- 
vaillait en  1532. 

«  A  Lons-le-Saulnier,  par  ordonnance  du  conte  de  Lalaing,  à  maistre 
Conrrart  et  ses  serviteurs,  tailleurs  d'ymaiges,  qui  monslrèrent  audict  sei- 
gneur et  sa  compaignie  pluiseurs  belles  pièces  d'ymaigeries  en  pierre,  faicles 
pour  la  sépulture  de  feu  le  prince  d'Orenges,  à  cuy  Dieu  face  paix  : 
xxvij  solz  (3).  » 

Le  tombeau  de  René  de  Nassau,  auquel  écbut  la  prin- 
cipauté d'Orange  après  la  mort  de  Pbilibert  de  Châlon, 
fut  élevé  dans  l'église  de  Saint-Maxe,  à  Bar-le-Duc  :  c'est 
un  cbef-d'œuvre  de  sculpture  fait  par  Ligier  Richier  (4). 

Van  der  Burch  {Gysken?),  —  sculpteur,  eut  différents 
démêlés  avec  la  justice.  Dans  une  lettre  du  10  mars  1548 
(n.  st.),  l'écoulète  d'Amsterdam  donne  son  signalement, 
dit  qu'il  est  âgé  de  quarante  à  cinquante  ans,  et  qu'il  a  été 
marqué  d'un  fer  rouge  sur  la  main  à  Londres,  pour  avoir 
embrassé  le  luthéranisme  {lutersten  secte).  Il  s'était  alors 
réfugié  en  Hollande,  parce  qu'il  était  poursuivi  comme 
faux-monnayeur  (b). 


(1)  Compte  de  l'hôpital  Saint-Pierre  de  1329-1500,  f"  xxiij  v",  aux  Archives 
des  hospices  civils  de  Bruxelles. 

(2)  Compte  de  l'hôpital  Saint-Pierre  de  1530-1331,  f"  xij  v",  ibidem. 

(3)  Registre  n"  1833  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(4)  Arl  de  vérifier  les  dates,  t.  X,  p.  iio. 

(5)  Négociations  d' Angleterre,   t.  Il,  aux  Aivliives  du  i-nyiiiiiiic. 


—  95  — 

Janssen  (Bernard).  —  Les  pièces  suivantes  nous  appren- 
nent que  ce  sculpteur  habitait  Londres  en  1617,  et  qu'il 
était  venu  à  Berg-op-Zooni  au  mois  d'août  de  cette  année; 
il  y  avait  été  mandé  par  Anne-Marie  Berck,  alors  femme 
de  David  Ball'oure,  chevalier,  capitaine  d'un  compagnie 
de  piétons  au  service  des  Provinces-Unies,  pour  traiter  de 
l'exécution  d'un  monument  en  marbre,  avec  statue,  en 
l'honneur  de  Marcel  Bax  (i),  premier  mari  de  cette  dame, 
qui  avait  été  gouverneur  de  Berg-op-Zoom.  Le  prix  con- 
venu fut  2,000  florins  carolus.  La  plupart  des  pièces  qui 
devaient  servir  à  ce  monument  se  trouvaient  prêtes  dans 
l'atelier  de  l'artiste  au  mois  de  mai  1619,  selon  le  témoi- 
gnage de  Mathieu  Benedictus,  tailleur  de  pierres,  un  de 
ses  compatriotes  qui  avait  à  cette  époque  quitté  la  Hollande 
pour  aller  travailler  à  Londres.  Après  quelques  contes- 
tations que  Bernard  Janssen  eut  avec  le  célèbre  sculpteur 
anglais  du  nom  de  Nicolas  Slone  (2),  à  propos  d'une  des 
pierres  du  tombeau,  le  tout  fut  embarqué  pour  Berg-op- 
Zoom,  dans  les  premiers  mois  de  l'année  1620.  Une  fois 
le  monument  dans  l'église,  l'artiste  réclama  le  prix  de  son 
œuvre;  mais  il  éprouva  à  cette  occasion  de  grandes  diflicul- 


(1)  Il  a  élé  publié  sur  ce  seigneur  en  1613,  chez  Isaac  Schilders,  à  Brcda, 
un  petit  volume  in-i",  avec  titre  gravé,  qui  est  très-rare  et  dont  un  bel 
exemplaire  se  trouve  dans  la  bibliothèque  de  M^  Prosper  Cuypers-Vam  Velt- 
uovEN;  en  voici  le  titre  :  Historlsch-vcrhael  inhoudende  sekere  notabele  exploi- 
ten  van  oorloge  in  Nederlanden,  srderl  het  oprechlen  van  de  Companien  der 
heeren  Gouverneurs  ende  liilmeesleren  van  Paulus  ende  Marcelis  Bax,  he- 
schreven  door  lacobum  Baselium. 

(2)  Stone  apprit  la  sculpture  dans  les  Pays-Bas,  et  fut  élève  de  Henri 
De  Keyser,  Tauteur  du  mausolée  de  Guillaume  le  Taciturne,  à  Delfl.  L"artisl6 
anglais  naquit  en  1586  à  Woodbury,  près  d'Excter,  et  devint  sculpteur  et 
premier  architecte  du  roi  Charles  l<"".  Il  mourut  à  Londres  en  1647  {Anec- 
dotes of  painling  in  England,  collected  by  George  Vertue,  and  publislied  by 
//orace  Walpole;  Londres,  1772,  t.  Il,  p.  iO).  Nous  sommes  très-porté  à 
croire  que  Bernard  Janssen  eut  également  De  Keyser  pour  maître,  car  c'était 
alors  le  seul  sculpteur  en  renom  dans  les  Provinces-Unies. 


—  94  — 

tés.  Anne -Marie  Berck  avait  convolé  en  troisièmes  noces 
avec  le  capitaine  Guillaume  de  Livin,  dit  Famars. 

L'église  de  Berg-op-Zoom  fut  en  partie  détruite  lors  du 
bombardement  de  cette  ville,  en  1622,  par  Tarmée  du 
prince  Maurice  de  Nassau;  le  bombardement  de  1743  en 
acheva  la  destruction. 

On  trouve  quelques  détails  sur  ce  sculpteur  dans  l'ou- 
vrage intitulé  :  Anecdotes  ofpaintirig  in  England  (i).  Il  y 
est  cité  comme  architecte  et  auteur  du  tombeau  de  Sutton, 
fondateur  de  la  chartreuse,  et  des  plans  des  châteaux  de 
Northumberland  et  d'Audley-inn  près  de  Walden,  dans  le 
comté  d'Essex. 

1.  «  Compareerdc  voor  my,  Jan  Van  Wesel,  nolaris  openbacr,  etc.,  nielle 
geluygen  naergenoempt,  Matlhys  Benedictus,  sleenhouder  van  synen  style, 
enJc  hecft  Icn  versuecke  aeii  liera  gedaen  by  m^  Bernard  Janssen,  beell- 
snyder,  woonende  binnen  der  stadt  Londen,  in  Engelant,  vereleert,  getuycht 
ende  gealtesleerl,  gclyck,  elc.,  midis  desen  op  zyne  vroniiclieyt  in  plaelsse 
van  solemnelen  eede,  die  liy  (des  noot  ende  daerloe  versocht  zynde)  prcsen- 
teert  te  doene,  waerachlich  le  zyne  dat  hy  comparant,  in  niayo  1619,  uyt 
Hollant  is  verlrocken  naer  Londen  voorschi-even,  omme  aldaer  syn  ambacht 
te  exerceren,  ende  desen  volgende  eommende  by  den  voorschreven  m^  Ber- 
nard Janssen,  heeft  voor  denselven  mf  Bernard  gevroclit,  ter  welcker  tyt 
hy  comparant  gesicn  heefl  dat  aile  bel  werck  dienende  lotie  sépulture  van 
zaliger  niynheer  d'heere  Marcelis  Bax,  in  zynen  leven  gouverneur  deser  stadt 
Bergen,  al  gereet  ende  geprepareert  was,  uytgesundert  dat  daerane  noch 
gebrack  den  toctsteen,  daer  bel  beelt  oppe  moest  liggen,  ende  de  taeffels  aff 
moeslen  gemneckt  M'orden,  welcken  slecn  alsdoen  was  liggende  in  bewae- 
ringe,  ende  te  woonplaelsse  van  Niclaes  Stoon,  mede  beellsnyder  lot  Londen 
voorschreven ,  daeromnie  tussen  denselven  Sloon  ende  den  voorschreven 
m"'  Bernard  Janssen  eenigen  tyt  lanck  questie  ende  geschil  is  geweest,  sulx 
dat  den  voorschreven  m""  Janssen  mellen  redite  den  voorschreven  toetsleen 
oplen  xix«"  augusli  a»  1619  voorschreven,  naer  den  ouden  styl,  van  de 
plaelsse  van  den  voorschreven  Niclaes  Sloon  heeft  gehaell.  Vereleert  voor- 
ders  hy  comparant  dat  nyetlegenslaende  den  voorschreven  toetsleen,  den 

(1)  Edition  cilée,  t.  il,  p.  56. 


—  95  — 

voorschrevcn  mr  Bcrnaerd  Janssen  niettcn  redite  tocgewescn  was,  den  voor- 
schreven  Niclaes  Sloon  ecliterwel  weygeriiige  hecft  geniaeckt,  omme  deii 
siecn  le  lalen  volgen,  ende  dat  soo  wanneer  men  den  voorsclirevcn  sleeii 
soude  halen,  den  voorschrevcn  m"'  Janssen  groote  moeyte  ende  arbeyt  heeft 
moeten  doen,  met  negen  mannen,  omme  den  toelsteen  van  de  plaetsse  van 
den  voornoemden  Niclaes  Stoon  te  lichten  met  groot  perickel,  in  suleker 
vucgiien  datby  soo  verre  een  man  hadde  geslniyckl  dat  aile  de  mannen  naer 
apparcnlie  onder  den  steen  souden  gebleven  hebben,  door  dyen  den  voor ■• 
schrevcn  toelsteen  rontsomme  was  beset  met  andere  sleenen  den  voor- 
noemden Sloon  aencommende,  dewelcke  nyet  en  mochlen  verleght  oit  aen- 
gcroert  wordden.  Voor  redene  van  welenlbeyt  vercleert  liy  comparant  dat 
hy  als  knecht  werekende  by  den  voorschrevcn  m^  Bernard  Janssen ,  den 
voorschrevcn  toelsteen  mce  heeft  helpen  halen  ,  ende  daeraene  heeft  ge- 
vrocht,  oock  daernaer  de  malcrialen  ende  wercken  van  de  voorschreve 
sépulture  binnen  deser  stadt  gebracht,  sulx  dat  hem  't  gène  voorschreve 
genouchsaem  is  bekenl,  sonder  argelist.  Aclum  is«n  juny  1G20.  » 

2.  «  Compareerde  voor  my  Jan  Van  Wesel,  openbaer  notaris,  etc.,  mette 
getuygen  naegenoempt,  m""  Bernard  Janssen,  beellsnyder  van  synen  stj'le> 
woonende  biniicn  der  sladt  Londen,  in  Engelanl,  vercleerende  ende  te 
kennen  gevende  dat  hy  comparant  aengenomen  hebbende  van  mevrouwe 
Anna-Maria  Berck,  weduwe  van  saliger  mynheer  d'heere  Marcelis  Bax,  in 
synen  leven  gouverneur  deser  stadt  ende  fortten  van  Berghen,  te  maecken 
ende  stellen  eene  sépulture  in  der  kercken  alliier,  ter  memorie  van  den  voor- 
schrevcn heer  gouverneur  Bax,  voor  de  somme  van  twee  duysent  carolus 
gulden,  volgende  den  bescheede  ende  accorde  daeraff  zynde  deselve  sépul- 
ture alnu  by  de  drye  weken  geleden  heeft  voltrokken,  ten  volJen  gemaeckt, 
ende  in  der  kercke  alhier  geslell,  lot  welcken  eynde  hy  al  voor  Paesschen 
voorleden  binnen  deser  stad  is  geweesl,  dan  alsoo  hy  comparant  Isederl  het 
voltrecken  van  't  voorschreve  wcrcke  syne  belalinge  loi  verscheyden  reysen 
versocht  hebbende  aen  jonckeere  Guillelme  de  Levin,  dict  Famars,  capileyn, 
jegenwoordich  gealieert  zynde  mette  voorschreve  mevrouwe  Anna-Maria 
Berck,  tôt  noch  loe,  deselve  betalinge  nict  heeft  connen  becommen,  ende 
oversulx  alhier  lot  zynen  groolen  ende  nierckelycken  coste,  schade  ende 
inlerest,  moelen  vaceren,  sonder  dal  hy  comparant  syne  reyse  naer  Lon- 
den (daer  syne  seer  nootelyeke  afl'airen  gelegen  zyn)  heefl  connen  voorderen, 
daertoe  den  winl  eude  gelegenlheyt  niiddelertyt  zeer  wel  heeft  gedient,  ende 
over  eenige  dagen  aldaer  wel  soude  geweesl  hebben,  ten  ware  hy  door  hct 
missen  van  syne  voorschreven  penningen  nyet  en  ware  opgehoudcn  ende 
belet  geworden,  alsoo  hy  comparant  in  Engelanl  voorschreven  seker  werck 


—  96  — 

by  hem  aengenomen  nootsaeckelyck  in  't  der  jcgenwoordich  saisoen  ende 
voor  deii  aenslaendcn  ougst  by  hem  moet  voltrecken  worden,  ende  anders- 
sins  by  gebreke  vaa  dyen  groole  schade  daeraff  slaet  te  verwaclilen;  soo  is 
hy  comparant  gcnootsaeckt  ende  te  raide  gewordden,  tegens  de  voornoemde 
mevrouwe  Anna-Maria  Berck,  ende  den  voorschreven  jonckheer  Guillelme  de 
[^evin,  hare  raan,  wel  ende  expresselyck  te  protesteren,  gclyck  hy  protesteert 
midis  desen,  van  aile  coslen,  scliaden,  verlet  ende  inlercsten  by  bera  desen 
acngaende,  door  het  onlbrcecken  van  den  vooi'schreven  penningen  aireede  ge- 
leden,  ende  die  hy  alnoch  soo  alhier  als  in  Engelant  voorschreven  eenich- 
sinls  sal  commen  te  lyden,  met  uyterlycke  meeninge  ende  intentie  omme 
allen  't  selve  opte  voorsehreve  mevrouwe  ende  jonckheere  Levin,  haren 
man,  te  verseliaden  ende  vcrvolgen,  daer  ende  alsoo  synen  raidt  gedragen 
zal,  ende  naer  redite  bevonden  sal  worden  le  beliooren,  versueckende  by 
comparant  hier  van  wetcn  ende  insinuatie  aen  de  voorsehreve  mevrouwe 
ende  jonckheer  Levin,  haren  man,  gedaen  ende  relaes  overgelevert  te  wor- 
den, omme  hem  comparant  te  valideren  voer  acte,  blyvende  hy  comparant 
van  syne  buytcn  wercken  aen  de  voorsehreve  sépulture  gcmaeckt,  buyten 
bel  accordt,  ende  ander  oncoslen  van  defroyement  ende  diergelycke  op  syn 
geheel,  ailes  sonder  argelist.  Actum  den  xv^n  junii  1620.  » 

5.  «  Compareerde  voer  my  Jan  Van  Wesel,  openbaer  notarius,  mette  ge- 
tuyghen,  m""  Bernaert  Janssen,  beeltsnyder  van  synen  style,  woonende  bin- 
nen  der  sladt  van  Londen,  in  Engelant,  denwclcken ,  te  versueckc  aen 
hem  gedan  by  ser  David  Balfoure,  ridder,  capileyn,  etc.,  beeft  vercleert, 
geluycbt  ende  gealtesteert,  gelyck,  etc.,  op  zyne  vromicheyt  in  plaetsse  van 
solemnele  eede,  die  by  des  noot  ende  daerfoe  versocbt  bereet  is  te  doene, 
waeracbtich  ende  hem  wel  kennelyek  te  zyne,  dat  by  comparant  in  au- 
guslo  1617,  wesende  binnen  deser  stadt,  is  ontboden  geweest  van  wegen 
mevrouwe  Anna-Maria  Berck,  weduwe  van  zaliger  d'Iieere  gouverneur  Mar- 
cclis  Bax  ende  commende  ten  huyse  van  de  voorscbreve  mevrouwe,  is  hem 
comparant  berselve  mevrouwe  in  de  presentie  van  de  voorsehreve  ser 
David  Balfoure,  requirant  ordre  gegeven  omme  eene  modelle  te  maecken 
van  eene  sépulture,  dienende  1er  memorie  van  den  voorsehreve  heere 
Marcellis  Bax,  ende  deselve  modelle  gemaeckt  zynde,  beeft  mevrouwe  selffs, 
in  't  passeren  met  hare  coelsse  voorby  het  logement  van  de  comparant, 
doen  slil  bouden  ende  aengeroepen  oft  die  modelle  gereedt  was,  ende  de- 
selve alsdoen  mede  genomen  lot  beuren  huyse,  omme  daeraff  opten  eysch 
van  de  becostinge  van  dyen  haer  beraedt  te  nemen;  waer  naer  hy  compa- 
rant is  gegaen  by  de  voorsehreve  ser  David  Balfoure,  omme  resolulie  oft 
bescbeel  te  bebben,  op  synen  gedaen  eysch,   daeroppe  de  voorsehreve  ser 


—  97  — 

David  Balfoure  geantwoort  liccft  dat  mcvrouwc  suicke  becoslinge  nyet  en 
wilde  doen,  ende  wel  met  miiider  zoude  gedienl  zyn,  ende  dat  men  oversulx 
hem  comparant  soude  coiitenteren  van  de  modelle  ende  syne  gedan  moeyle, 
waer  over  hy  comparant  dalelyck  is  gegan  by  de  voorsclireve  mevrouwe, 
omme  haer  selffs  te  spreken,  ende  hare  resolutie  te  verstan,  ende  mette 
selve  mevrouwe  desen  aengaende  in  onderliandelinge  zynde,  is  met  haer 
geaccordeert  de  voorschreve  sépulture  te  maecken  voor  de  somme  van 
xviijc  1  carolus  gulden;  waernaer  de  voorschreve  mevrouwe  hem  comparant 
terstont  heeft  gesonden  an  den  voorschreven  ser  David  Balfoure,  omme  hem 
aen  te  dienen  hel  voorschreven  accordt,  ende  hem  an  te  seggen  dat  me- 
vrouwe t's'avonts  tôt  synen  huyse  wilde  commen,  omme  het  accordt  aldaer 
te  besluyten,  gelyck  alsoo  is  geschiet;  ende  heeft  deselve  mevrouwe  tôt 
verbeteringe  van  't  werck,  met  eene  resolutie  de  voorschreve  somme  vcr- 
meerdert  tôt  twee  duysent  carolus  gulden.  Sluyt  hy  comparant  hiermede 
syne  vercleeringe,  sonder  argelist.  Acium  Bergen-oplen-Zoom,  den  xviij''" 
juny  1620  (1).  » 

CoLYNs  DE  NoLE  (Robert).  —  Aux  travaux  de  ce  célèbre 
artiste  (Voij.  |  20),  i!  faut  encore  ajouter  les  sculplures 
qu'il  fut  chargé  d'exécuter  pour  l'église  de  Notre-Dame, 
à  Monlaigu,  par  ordre  de  l'infante  Isabelle,  et  en  vertu  d'un 
contrat  passé  avec  Wenceslas  Cobergher,  l'architecle  de 
l'édiflce,  le  14  avril  16'22.  Signalons  encore  pour  la  bio- 
graphie de  Robert  de  Noie,  l'achat  d'un  crucifix  d'ébène, 
avec  socle  en  noyer,  fait  en  1594,  par  l'archiduc  Ernest 
d'Autriche  (a). 

«  A  Robert  Noie,  tailleur  des  yniaiges,  la  somme  de  iij'"  livres,  sur  et 
entantmoins  de  xiij™  iijc  x  livres,  à  quoy  reviennent  les  pris  des  parties  par 
luy  à  livrer  en  Téglize  de  Notre-Dame,  à  Montagu,  ensuite  de  deux  accordz 
faictz  et  arrestez  avecq   luy  par  rarchitecte  Wenzel  Cobberger  et  par  Son 

(1)  Ces  trois  pièces  se  trouvent  aux  Archives  communales  de  Berg-op-Zoom. 
Elles  m'ont  été  communiquées  par  mon  excellent  ami  M""  Prosper  CcypERS, 
qui  s'occupe  particulièrement  de  l'histoire  du  Brabant  septentrional,  et  qui 
m'a  abandonné  avec  plaisir  tout  ce  qu'il  avait  recueilli  sur  les  aris  et  les  ar- 
lisles  de  ce  pays. 

(2)  Bulletins  de  la  commission  royale  d'histoire,  Kf  série,  t.  XIII,  p.  108. 
Voy.  aussi  p.  104,  ibidem. 

7 


—  98  — 

Allessc  et  les  seigneurs  des  finances,  aggréé  le  xu'i']''-  d'apyril  xv-jf  xxij,  assra- 
voir  :  vij™  ij>=  xx  livres  pour  la  livraison  de  rornemcnt  de  la  painclure  du  grantl 
aullel  selon  le  model  de  pierre  par  luy  faict,  monstre  à  Sadicle  Altesse,  à  en 
estre  payé  en  trois  termes;  et  par  le  second  contraict  vj™  Ixxxx  livres, 
à  livrer  xiij  ymaiges  de  la  façon  et  haulteur  contenu  audict  second  contract, 
aussy  pour  ladicte  églize,  à  en  eslre  payé  aussy  en  trois  termes  (1).  » 

Cardon  (Jean),  —  obtient,  sur  sa  demande,  des  lettres 
patentes  de  légitimation,  au  mois  de  janvier  1651,  pour  son 
fils  âgé  de  six  ans,  dont  la  mère  était  morte  pendant  qu'il 
était  allé  en  France  pour  s'y  perfeetionner  dans  la  sculp- 
ture. Ces  lettres  nous  apprennent  en  outre,  que  J.  Cardon 
est  né  à  Anvers  en  1602,  selon  toute  probabilité,  et  qu'il 
demeurait  alors  à  l'abbaye  d'Alïlighem,  où  il  travaillait  à  ces 
magnifiques  stalles  qui  passaient  pour  les  plus  belles  du 
pays  et  qui  coûtèrent  6, 100  florins  (-2). 

Nous  aurons  plus  d'une  fois  l'occasion  de  parler  de  la 
famille  Cardon,  qui  a  produit  des  sculpteurs,  des  peintres 
et  des  graveurs  estimables. 

«  Philips,  etc.  Allen  dengenen  die  dese  onse  tesenwoordishe  sullen  sien 
oft  liooren  lesen,  saluyt.  Doen  te  wetene  dat  wy  hebben  onîfangen  die  sup- 
plicatie  van  Jan  Cardon,  bclthouwer  van  synen  anibacht,  ende  jongman, 
gebooren  binneu  onser  stadt  van  Antwerpen,  oudt  omtrent  achtenviertich 
jaeren,  tegenwoordich  woonende  binnen  den  godsbuyse  van  Afflighem,  in- 
lioudende  lioedal  hy  van  N.,  jonge  dochler,  hem  niet  bestaende  van  bloede 
oft  anderssints,  geprocreerl  hadde  ecnen  soone  genaempt  Cardon,  oudt  om- 
trent ses  jaeren,  synde  de  moeder  ongeliouwt  commen  te  slerven  terwylen 
by  suppliant  was  geweest  in  Vranckryck  om  syn  ambacht  aldaer  te  leeren, 
met  intentie  deselve  fsynder  wedercompste  te  trouwen,  voor  syne  weltelyke 
biiysvrouwe,  d'welck  hem  was  belet  midis  haere  doot,  ende  op  dat  de  na- 
tiierlyckhcyt  des  voorschreven  synen  soone  naermaels  nyet  en  soude  comen 
l"oi)steren  in  cas  van  successie  ofle  toecomende  houwelyck  oft  anderen  stael, 


Cl)  Registre  n»  F.  304  de  la  cbnmbre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 

(2)  A.  Wautebs,  Histoire  des  envlro)is  de  Rru.velles,  t.  l"^'',  p.  503. 


—  99  — 

kecrde  hem  dacrom  lot  ons  oilmoedelyck,  biddende  oni  onse  oepenc  brievcn 
van  legiltimatie  daertoe  diencnde,  etc.  Gegeven  in  oiiser  stad  van  Bruessele, 
in  den  niacndt  van  janiiarii  xvj''  Ij  (1).  » 

MosTAERT  (Michel)  (2).  —  Nous  avons  vu  chez  le  doc- 
teur Slevens,  à  Anvers,  une  jolie  petite  statuette  en  ivoire, 
provenant  d'une  communauté  religieuse  de  femmes,  dont  les 
armoiries  sont  sculptées  sur  le  socle  qui  est  également 
d'ivoire  :  elle  représente  la  sainte  Vierge.  Au  fond  de  la 
couronne  qu'elle  porte  sur  la  tète,  se  trouve  le  nom  de 
l'artiste  avec  le  millésime  1C71. 

De  Vos  (Marc),  —  et  Van  Delen  (Jean),  —  contribuè- 
rent tous  deux  à  orner  de  leurs  œuvres  la  maison  du 
Renard,  que  la  corporation  des  merciers  de  Bruxelles  fit 
reconstruire  en  1G98  (3).  L'un  fit  des  sculptures  pour  la 
façade,  l'autre  pour  les  salles  de  réunion.  Van  Delen  était 
en  même  temps  architecte. 

«  Item,  betaelt  aen  s""  Marcus  de  Vos,  mcester  beeltsnyder,  voor  syn  belt- 
snydery  op  rekeninge  :  ij"  iiij<=  R.  » 

«  Item,  betaelt  aen  s»"  Peeler  Simon  ende  Guillam  Van  der  Elst,  meester 
steenhouwers,  van  aile  hen  werck  ende  geleverde  witle  steenen  voor  den 
achter-gevel  :  jm  R.  (4).  » 

(28  juin  1699).  <>  Syn  de  dekens  ende  bouwmeeslers  beneffens  Marcus 
de  Vos,  timmerlieden,  steenhauwers  ende  metser,  1er  camer  onlboden  om  te 
consullei-en  over  het  opbouwen  van  den  voor-gevel  (3).  » 

«  Betaelt  aen  s^  Van  Erve,  voor  het  gouverneren  van  den  trap  ende  aile 
de  beltsnyderye  daeraen  synde  :  ]<■  vj  R.  » 


(1)  Registre  n"  664  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Voy.  aussi  le  Catalogue  de  tableaux  et  objets  d'art  exposés  à  Anvers 
en  1834,  2e  partie,  p.  3. 

(3)  A.  Henné  et  A.  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  73. 

(4)  Compte  du  métier  des  merciers  de  Bruxelles  de  1698,  aux  Archives  du 
royaume. 

(3)  Compte  du  même  métier  de  1698-1699,  ibidem. 


—  100  — 

«  Betaeit  aen  s^  Laboureur  (1),  adjoinct  controlleur  van  de  werckcn  van 
S-  C.  M.,  eiide  gesworen  lant-  ende  edificiemeler,  de  somme  van  xxxiij  R., 
voor  syne  debvoiren  in  't  meten  van  voor-  ende  achter-geuvel  van  deseii 
ambachts-huyse,  confronteringe  van  de  modelle  ende  het  assopieren  van 
'l  différent  met  de  annemers  van  den  bouw  (2).  » 

«  Betaeit  aen  s""  Marcus  de  Vos,  meester  belthouwer,  voor  syne  belthou- 
werye  aen  den  voor-geuvel  van  desen  ambachis-huyse  gemaeckt  :  viijc  viij 
guldens  (ô).   » 

«  Betaeit  aen  s^  J.  Van  Delen,  architect  ende  belthouwer  van  het  hoff, 
de  somme  van  ix»  guldens,  soo  in  voldoeninge  van  twee  marbere  schouwen 
le  dienste  van  desen  ambachle  gelevert,  de  beltsnyderye  dienende  tôt  ciraet 
boven  de  deure  ende  schouwe  op  dese  ambachls-camer,  de  modellen  gemaeckt 
lot  het  plecken  van  de  slagie  op  deselve  camer,  als  voor  de  directeur  «"nde 
ingenieuren  van  den  voor-geuvel  (4-).  » 

Elshoecht  (Jean),  —  sculpteur  en  marbre  et  en  bois, 
natif  de  Bruxelles,  s'établit  à  Lille  «n  1762.  Comme  preuve 
(le  ses  capacités  pour  être  inscrit  dans  la  corporation  des 
«  sculpteurs,  tailleurs  de  pierres  bleues  et  piqueurs  ou 
Bcroqueteurs  de  grès  » ,  il  exhiba  un  saint  Jérôme  en  bois, 
où  les  connaisseurs  reconnurent  «  une  correction  de  des- 
»sein  et  une  bonté  des  musqués  [muscles]  » .  Mais  les  règle- 
ments s'opposaient  à  une  admission  pure  et  simple  :  il  lui 
fallut  exécuter  en  bois,  seul  dans  une  salle  de  Thôtel-de- 
ville  qui  lui  servait  d'atelier,  une  statue  de  Laocoon,  haute 
de  3  pieds  et  demi.  Trois  maîtres  peintres,  savoir  :  Etienne 
Borne,  Philippe  V^an  Mine  et  Louis-Jean  Gueret,  furent 


(1)  A  propos  de  ce  nom,  nous  rappellerons  que  le  célèbre  sculpteur 
Laboureur,  à  Rome,  en  remerciant  TAcadémie  royale  des  Sciences,  des 
Lettres  et  des  Beaux-Arts  de  Belgique  de  l'avoir  admis  au  nombi-e  de  ses 
membres  associés,  dit  que  la  Belgique  est  la  patrie  de  ses  ancêtres  {Voy.  le 
Bullelin  de  la  séance  de  la  classe  des  Arts  du  mois  de  mars  1836). 

(2)  Compte  du  métier  des  merciers  de  Bruxelles  de  1698-1699,  aux  Archi- 
ves du  royaume. 

(5)  Compte  du  même  métier  de  1699-1700,  ibidem. 
(4)  Autre  compte  de  1699-1700,  ibidem. 


—  101  — 

désignés  pour  la  juger  :  ils  y  trouvèrent  «  beaucoup  d'ex- 
»  pression  dans  Tart  de  la  sculpture  »  (i). 

La  corporation  dans  laquelle  les  sculpteurs  se  faisaient 
inscrire  à  Lille,  se  composait  au  XVI*  siècle,  des  «  ma- 
»chons,  tailleurs  de  grès,  d'imaiges  et  pierres  blanches.  » 
Ils  obtinrent  divers  règlements  des  échevins,  entre  autres 
le  22  octobre  1577  et  le  29  décembre  1628  (2).  A  cette 
dernière  date,  le  métier  ne  comprenait  plus  que  les  0  tail- 
»  leurs  d'images  et  crocqueteurs  de  grès  ».  En  1789,  les 
«  sculpteurs,  marbriers,  tailleurs  de  pierres  bleues  et 
i»  blanches  et  piqueurs  de  grais,  »  formaient  seuls  la  corpo- 
ration (3).  Les  peintres  et  verriers  de  cette  ville  étaient 
réunis  comme  dans  beaucoup  d'autres  localités;  on  connaît 
pour  eux  des  règlements  scabinaux  datés  du  19  décem- 
bre 1510  et  du  5  octobre  1577  (4). 

Le  25  février  1856,  est  mort  à  Paris  un  sculpteur  dis- 
tingué, du  nom  de  Cari  ou  Charles  Elshoëct,  natif  de  Dun- 
kerque.  Il  avait  d'abord  reçu  les  leçons  de  son  père  qui 
sculptait  sur  bois  pour  la  marine  :  il  fut  ensuite  élève  de 
Bosio.  Son  arrivée  à  Paris  date  de  1822.  Nous  n'hésitons 
pas  à  croire  que  c'est  là  un  descendant  du  modeste  sculp- 
teur bruxellois  (3). 

DuToiT  (Séraphin-Joseph),  —  sculpteur  de  Lille,  admis 
comme  maître  en  1784  :  il  perdit  son  père  en  bas-âge  et  fut 
élevé  à  l'hôpital  général  de  cette  ville  (e). 


(1)  Registre  aux  arts  et  communautés  des  métiers,  n<>  34,  aux  Archives  com- 
munales de  Lille. 

(2)  Registres  aux  lettres  des  slilz  et  mcsliers,  n<>  2,  f»  18  r°,  el  n"  ô,  f"  71  v", 
ibidem. 

(3  et  6)  Registre  n»  54  cité. 

(4)  Registres  aux  lettres  des  slilz  et  mestiers,  n"  1,  f"  110,  el  n"  2,  f»  15  v"i 
aux  Archives  communales  de  Lille. 

(3)  Son  portrait  a  été  publié  par  l'Illustration  française,  dans   le  n"  dii 
8  mars  1836. 


—  102  — 

§  45.  Tombeaux  des  souverains  et  des  membres  de 
leurs  familles  (i). 

Sommaire  :  Tombeau  de  Jean  III,  duc  de  Brabant.  —  Colard  Carnet  et  Colard 
Jacoris,  sculpteurs.  —  Tombeaux  de  Jean  sans  Peur  et  de  Philippe  le  Bon. 
—  Carrières  de  Dinanl.  —  Jean  Van  den  Bershe  et  Jean,  son  fils,  archi- 
tectes.  —  Tombeau  de  François,  archiduc  d'Autriche.  —  Tombeau  de  don 
Diego  de  Chevara,  à  Téglise  du  Sablon,  à  Bruxelles.  —  Louis  Van  Boghem, 
architecte.  —  Cuyot  de  Beaugrant ,  sculpteur.  —  Tombeau  d'Ernest,  ar- 
chiduc d'Autriche. 

Tombeau  de  Jean  III,  duc  de  Bradant.  —  Un  des  monu- 
ments de  sculpture  de  notre  pays  les  plus  remarquables 
du  XIV*  siècle,  est  sans  contredit  le  magnifique  tombeau 
en  pierre  de  touche,  que  la  duchesse  Jeanne  de  Brabant 
fil  élever  à  Jean  III,  son  père,  et  que  Ton  voyait  na- 
guères  encore  dans  le  chœur  de  la  belle  église  de  l'abbaye 
de  Villers,  édifice  dont  il  ne  reste  plus  que  d'importantes 
ruines  (2).  Déjà  le  monument  avait  souffert  pendant  le 
XV^  siècle,  et  des  iconoclastes  avaient  brisé  les  bras  et 
les  jambes  de  la  statue.  Le  duc  était  représenté  de  gran- 
deur naturelle,  couvert  de  son  armure  et  d'une  cotte  de 
mailles  :  la  cuirasse  et  le  bouclier  étaient  ornés  des  ar- 
moiries aux  quatre  lions  de  Brabant  et  de  Limbourg.  Tous 
les  accessoires  avaient  été  autrefois  dorés.  La  tête  était 
nue  :  le  prince  portait  les  moustaches,  la  barbe  et  les  che- 
veux longs,  et  il  avait  le  front  ceint  d'un  cercle  ou  cou- 
ronne d'or,  chargé  de  petits  sautoirs  de  gueules.  Au-dessus 
de  cette  statue,  qui  reposait  sur  une  pierre  carrée,  se 
trouvait,  selon  l'habitude  du  temps,  un  dais  élégamment 

(1)  Voy.  §§  19  et  20. 

(2)  Trois  dififércntes  histoires  de  l'abbaye  de  Villers  ont  paru  depuis  quel- 
ques années  :  la  première,  en  1830,  par  M»"  C.  Rodenbach;  la  deuxième, 
en  1836,  par  M""  J.  Tarlier,  et  la  troisième,  la  même  année,  par  M""  Alpii. 
Wadters.  Cette  dernière  est  un  ouvrage  consciencieux,  comme  tous  ceux  du 
même  auteur,  et  dont  les  détails  sont  puisés  aux  meilleures  sources  connues 
et  inédites. 


—  105  — 

travaillé.  A  la  partie  inférieure  du  tombeau,  l'artiste  avait 
sculpté  trente  petites  niches,  qui  furent  très-probable- 
ment enrichies  de  statuettes  avant  la  'dévastation  de  Tab- 
baye,  qui  eut  lieu  pendant  les  guerres  du  XVI'  siècle  (i). 
Nous  avons  découvert  le  nom  de  l'auteur  de  ce  beau 
monument,  qui  fut  commencé  vers  1363  et  achevé  en  1307  : 
il  portait  le  prénom  de  Colard  ou  Nicolas  dans  la  forme 
d'aujourd'hui.  Ce  sculpteur  est  qualifié  dans  les  comptes 
de  maître  de  la  tombe  du  duc  et  de  faiseur  de  tombes  (lom- 
barius).  Quant  à  son  nom  de  famille,  il  n'est  pas  aisé  de 
l'établir.  Dans  l'un  des  deux  registres  qui  font  mention 
de  lui,  il  est  aussi  question  d'un  bassin  de  pierre,  livré 
pour  la  nouvelle  fontaine  des  jardins  de  l'hôtel  de  Cauden- 
berg  (palais  des  ducs  de  Brabant),  par  un  certain  Colard 
Garnet  :  c'est,  croyons-nous,  le  même  que  l'artiste  employé 
à  sculpter  le  tombeau  de  Jean  III,  à  moins  qu'on  ne  veuille 
attribuer  ce  monument  à  Colard  Jacoris,  tailleur  d'images, 
mort  en  1395,  dans  l'hôpital  des  Grands  IMaladcs,  à  Na- 
mur,  où  il  avait  pris  l'habit  religieux  pour  soigner  les 
lépreux  et  les  pestiférés  (2).  Cette  hypothèse  est  bien 
moins  admissible. 

«  Colardo,  magistro  de  tomba  ducis,  super  opus  ad  bonuni  conipulum, 
xxiij  in  januario  (1364,  n.  st.)  :  v  mocton.  (3)  •> 

«  Colardo,  tombario,  de  diverse  opère  facto  ad  coopcrlorium  tombe  ducis 
jacentis  apud  Villarium,  ultra  omnem  pecuniam  quam  habuit  antea,  concor- 
dato,  xxiiij  in  meyo  (1567)  :  x  mocl.  (4)  » 

.<  Colardo  Garnet,  de  uno  pelve  lapideo  liberando  ad  fonteynam,  iiij  in 
julio  (xiij<=)  Ixvij  :  vij  nioct.  (5)  » 

(1)  On  trouve  dans  les  Trophées  de  Brabant,  t.  I",  par  Bctkeks,  une  gra- 
vure de  ce  monument,  tel  qu'il  existait  en  1637,  date  de  la  première  édition 
de  cet  ouvrage  :  cette  gravure  a  été  copiée  plusieurs  l'ois  depuis. 

(2)  J.  BoRGNET,  Les  Grands  Malades  {Annales  de  lu  Sociélé  archéologique 
de  Namur;  1850).  Le  tombeau  de  l'artiste  y  est  représente. 

(ô)  Registre  n"  2.150  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(4)  Registre  n"  235",  ibidem. 

(5)  Ibidem. 


—  10  i  — 

Tombeau  de  Jean  saks  Peur,  duc  de  Bourgogne,  et  de  sa 
femme.  —  Les  pièces  qui  suivent  établissent  que  les  car- 
rières de  notre  pays  fournirent  les  pierres  de  ces  magnifi- 
ques mausolées  que  Philippe  le  Bon  fit  placer  dans  l'église 
des  chartreux,  à  Dijon;  c'est  aussi  de  Dinant  que  l'on  avait 
tiré  les  pierres  qui  servirent  au  tombeau  de  Philippe  le 
Hardi.  La  première  note  que  nous  rapportons,  prouve  que 
le  duc  Philippe  avait  déjà  commencé  à  mettre  à  exécution,  en 
1435,  le  projet  qu'il  avait  d'élever  un  monument  à  la  mé- 
moire de  son  père  et  de  sa  mère.  Dans  le  second  document, 
on  voit  que  deux  grands  architectes,  Jean  Van  den  Berghe, 
maître  des  ouvrages  en  Brabant,  et  Jean,  son  fils,  s'y  con- 
stituent garants  du  marché  qu'il  renferme  (i).  On  peut 
consulter  sur  les  artistes  qui  travaillèrent  au  tombeau  de 
Jean  sans  Peur  la  table  de  l'ouvrage  de  M.  le  comte  de 
Laborde  intitulé  :  Les  ducs  de  Bourgogne,  t.  1",  Preuves. 

«  A  Jehan  Nonnon,  maclion,  demeurant  à  Dinant,  pour  Tachât  de  xxij 
grandes  pierres  de  noir  marbre  prinses  à  La  Falize  dudict  lieu  de  Dinant, 
que  Monseigneur  y  a  fait  acheter  pour  icelles  envoïer  à  Masières-sur-Meuse, 
et  d'iilec  à'  Dijon,  pour  faire  deux  sépultures;  pour  icelui  achat  :  iij'=  v  piè- 
tres, etc.  » 

Par  lettres  patentes  du  10  décembre  14-53,  il  fut  payé 
426  peters,  à  26  sous  pièce,  ou  555  livres  16  sous,  pour 
les  frais  de  transport  de  ces  pierres  (2). 

«  Le  xxv«  jour  d'avril,  l'an  mil  iiijc  ixj,  après  Pasques,  Gérart  des  Frères 


(1)  On  trouve  dans  Y  Histoire  générale  et  particulière  de  Bourgogne  (Dijon, 
174-8,  t.  III,  p.  204  et  32G),  de  bonnes  gravures  représentant  le  tombeau  de 
Philippe  le  Hardi  et  celui  de  Jean  sans  Peur  et  de  sa  femme.  M^"  GiCHiRO  a 
reproduit  dans  son  Rapport  sur  les  archives  de  Dijon,  p.  236,  une  descrip- 
tion de  ces  deux  monuments,  qui  existent  aujourd'hui  au  Musée  de  cette  ville, 
d'après  la  Notice  des  objets  d'art  qui  y  sont  exposés. 

(2)  Registre  n"  3232,  f»  xxv  r",  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  royaume. 


—  105  — 

Meneurs  (1),  marchant,  demeurant  à  Namur,  comparant  en  la  chambre  des 
comptes  à  Bruxelles,  promist  par  son  serment  de  mener  ou  faire  mener  à 
ses  propres  despens,  périlz  et  fortunes,  les  pierres  de  marbre  qui  sont  de 
présent  en  la  ville  de  Masières-sur-Meuse,  et  lesquelles  mon  très-redoublé 
seigneur  monseigneur  le  duc  de  Bourgogne  et  de  Brabant  a  fait  faire  iilec  me- 
ner pour  en  faire  la  sépulture  de  feu  monseigneur  le  duc  Jehan  de  Bourgogne, 
son  père  (qui  Dieu  absoile),  dès  ladicle  ville  de  Masières-sur-51euse  jusques 
dedens  Thostel  du  monastère  des  chartreux,  à  Dijon ,  dont  il  sera  tenu 
d'avoir  pour  la  voiture  d'icelles  pierres,  pour  chascun  cent  de  pesant,  la 
somme  de  xxxij  groz,  monnoye  de  Flandres,  etc.;  et  pour  plus  grant  sceu- 
reté  il  a  baillié  à  plesge  Jehan  Van  den  Berghe,  maistre  des  œuvres  de  mon 
avant  dit  seigneur  en  Brabant,  et  Jehan,  son  filz,  pour,  ou  cas  que  en  lui 
eusl  faulte  de  parfurnir  et  accomplir  ce  qu'il  a  cy-dessus  promiz,  estre  par 
eulx  parfait  et  amendé  partout  où  faulte  y  auroit,  etc.  (2).  » 

Tombeau  de  François,  archiduc  d'Autriche.  —  {Voy. 
§  20).  —  Voici  le  contrat  passé  devant  les  échevios  de 
Bruxelles  pour  l'érection  de  ce  monument,  le  5  mars  1525 
(n.  st.),  entre  Louis  Van  Boghem,  architecte  de  Margue- 
rite d'Autriche,  et  André  Nonnon,  maître  de  carrières,  à 
Dinant,  et  l'un  des  descendants  de  Jean  Nonnon,  men- 
tionné à  propos  des  livraisons  de  pierres  pour  les  tom- 
beaux de  Michelle  de  France  (s),  de  Jean  sans  Peur,  etc. 
Ce  document  nous  fournit  quelques  détails  nouveaux,  et 
l'on  doit  eu  inférer  que  Van  Boghem  en  traça  les  dessins. 
Il  y  est  en  outre  question  de  la  tombe  d'un  seigneur  du 
nom  de  don  Diego,  qui  existait  à  cette  époque  dans 
l'église  de  Notre-Dame-des-Vicloires,  au  Sablon,  à  Bruxel- 
les. Comme  les  savants  historiens  de  cette  ville  n'en 
parlent  pas,  nous  avons  cherché  à  découvrir  quel  fut  ce 
personnage.  Il  s'agit  de  don  Diego  de  Ghevara,  écuyer,  qui, 


(1)  Nous  avons  cité  au  §  28  un  architecte  du  nom  de  François  des  Frères 
Mineurs,  qui  vivait  à  la  même  époque. 

(2)  Registre  n»  290,  f"  xiij  r»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  royaume. 

(3)  Voy.  §  20. 


—   106  — 

en  1507,  était  conseiller  du  roi  Maximilien  et  de  rarehiduc 
Charles,  et  tout  à  la  fois  niailre  d'hôtel  de  Jeanne,  reine 
de  Castille,  et  le  même  qui  fit  une  fondation,  en  1520,  à 
l'église  du  Sablon  (i).  Nous  avons  dit  ailleurs  (2),  qu'un  des 
membres  de  celle  famille  habitait  déjà  la  Flandre  en  1434, 
et  que  Jean  Van  Eyck  peignit  son  portrait  et  celui  de  sa 
femme.  Nous  supposons  encore  que  si  Van  Boghem  a  pris 
pour  ternie  de  comparaison  la  sépulture  de  don  Diego,  il 
doit  en  être  l'archilecte.  Une  ordonnance  de  payement  du 
2  janvier  1550  (n.  st.)  constate  que  Marguerite  d'Autriche 
fît  don  d'une  somme  de  100  livres  de  Flandre  au  prévôt 
de  l'église  de  Caudenberg,  «  pour  faire  faire  ung  grant 
»  chandellier  de  métal  devant  la  sépulture  de  son  feu  frère 
»  estant  devant  le  grant  autel  d'icellui  esglise  »  (0).  Le  grand 
Théâtre  sacré  du  Brabant,  par  Leroy,  contient,  t.  l*"", 
p.  222,  une  gravure  représentant  le  tombeau  de  Ferdi- 
nand d'Autriche. 

On  voit  par  la  note  qui  suit  que  Marguerite  d'Autriche, 
acheta,  en  1521,  divers  meubles  et  objets  d'art,  provenant 
de  la  mortuaire  de  don  Diego  de  Ghevara  : 

«  Aux  exécuteurs  du  testament  de  feu  don  Diego  de  Gevarra,  la  somme 
de  viijc  Ixx  livres,  de  xl  gros,  par  lettres  patentes  du  dernier  jour  de  sep- 
tembre xvc  xxj,  pour  certaines  parties  de  meubles  délaissées  par  ledict  feu, 
lesquelles  Madame  a  fait  prendre  et  acheter  d'eulx,  assavoir  :  un  lict  de  camp 
de  bois,  bien  doré,  avecq  quatre  mannekins,  des  lappis,  ung  tableau  de 
paincture  de  la  face  de  roy  catholique;  ung  autre  tableau  de  Tenfant  de 
Fortune,  aussi  en  painclure,  etc.  (4).  » 

Nous  avons  à  revenir  aussi  sur  le  compte  de  Guyol 


(1)  A.  HE^NE  et  A.  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  406. 

(2)  Tableaux  et  sculptures  de  Marie  d'Autriche,  reine  douairière  de  Hon- 
grie {Revue  universelle  des  aris,  t.  III,  p.   134). 

(3)  Collection  des  acquits  des  comptes  de  l'hôtel  de  Marguerite  d'Autriche, 
aux  Archives  du  royaume. 

(4)  Registre  n"  17'J7  de  la  chambre  des  comptes,  ibidem. 


—  107  — 

de  Baugrant,  le  sculpteur  de  la  statue  et  des  accessoires 
du  tombeau  de  l'archiduc  François.  Des  documents  authen- 
tiques établissent  que  cet  artiste  était  en  Espagne  en  1555, 
époque  où  il  contracta  avec  la  ville  de  Bilbao,  située  pres- 
qu'aux  frontières  de  France,  pour  l'exécution  d'un  grand 
rétable  destiné  à  l'église  Saint- Jacques.  Ces  mêmes  docu- 
ments nous  apprennent  qu'il  mourut  dans  celle  ville  en 
1551,  et  que  la  somme  qui  lui  restait  due  pour  ses  travaux 
fut  payée,  au  nom  de  sa  veuve,  à  Jean  de  Beaugrant,  son 
frère  et  son  élève.  L'auteur  qui  rapporte  ces  détails  fait 
l'éloge  des  statues  du  monument  dû  au  ciseau  de  notre 
arlisle  (i). 

«  A  tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront  et  orront,  bourgmaislre 
et  échevins  de  la  ville  de  Bruxelles,  en  la  duché  de  Brabant,  saluyt.  Savoir 
faisons  que  aujourd'huy,  date  de  cestes,  par-devant  nous  est  venu  et  com- 
paru en  propre  personne  AnJrieu  Nonnon,  maistre  des  pierres  de  marbres, 
demeurant  à  Dynant,  au  pays  de  Liège,  et  a  recongneu  avoir  vendu  bien 
et  loïalement  à  maistre  Loys  de  Boedeghem,  maistre  ouvrier  de  madame 
Marguerite,  duwagière  de  Savoye,  régente  et  gouvernante,  etc.,  pour  et  au 
prouflit  d'icelle  dame,  une  sépulture  de  pierre  noir  de  marbre  de  la  mesme 
sorte  que  est  la  sépulture  de  don  Diego,  gisant  en  la  chapelle  ou  église  de 
Nostre-Dame-de-Sablon,  en  ceste  ville  de  Bruxelles,  de  la  mesme  molure  et 
ainsi  bonne  pierre  que  celle  de  don  Diego,  dont  la  tombe  de  desurre  d'icelle 
sépulture  sera  de  la  longueur  de  vj  piedz  et  demi  et  large  iij  piedz  et  iij  quar- 
tiers d'ung  pied;  et  les  pierres  estans  entre  le  bassement  et  ladicte  tombe 
seront  trois  pouces  plus  hault  que  ladicte  sépulture  de  don  Diego,  sans  esire 
poly,  et  les  autres  pierres  seront  pollyes  comme  icelle  sépulture  de  don 
Diego;  laquelle  sépulture  ledict  Andrieu  Nonnon  a  promis  et  promect  pur 
ces  présentes  livrer  en  ladicte  ville  de  Bruxelles,  dedans  le  église  de  Couden- 
berge,  en  dedans  le  jour  de  Sainct-Remy  prouchain  venant,  pour  laquelle  sé- 
pulture ledict  maistre  Loys  ou  nom  que  dessus  a  promis  audict  Andrieu 
Nonnon  payer  la  somme  de  cxl  florins,  chascun  florin  à  xx  patars  coniji- 
té,  etc.  Donné  en  l'an  de  grâce  mil  v<=  xxiiij,  le  iij«  jour  de  mars,  stile  de 
Brabant  (2).  » 

(1)  .l.-A.  CÉky  BtRMUDEZ,  Dkcionario  hislorico  de  las  bellas  arles  en  Espana, 
t.  il,  p.  Ui. 

(2)  Collection  des  acquits  des  comptes  de  l'hôtel  de  Marguerite  d'Aulrichc, 
aux  Archives  du  royaume. 


—  108  — 

Tombeau  d'Ernest,  archiduc  d'Autriche.  —  {Voy.  §20). 
—  Dans  les  archives  de  la  secrétairerie  d'Etat  allemaude, 
aux  Archives  du  royaume,  se  trouve  la  minute  d'une  lettre 
de  l'archiduc  Albert  à  l'empereur  Rodolphe  II,  écrite  le 
16  novembre  1398,  pour  lui  demander  de  faire  prendre  des 
mesures  pour  la  translation  du  corps  de  l'archiduc  Ernest, 
leur  frère,  à  Prague,  lieu  de  sépulture  de  leurs  ancêtres,  et 
pour  l'avertir  qu'il  l'avait  provisoirement  fait  enterrer  dans 
le  caveau  des  ducs  de  Brabant,  à  l'église  de  Sainte-Gudule, 
à  Bruxelles.  Il  ne  parait  pas  que  l'empereur  se  soit  grande- 
ment soucié  de  faire  ces  frais,  malgré  le  désir  qu'il  en  avait 
témoigné  à  l'archiduc  Albert  avant  son  départ  pour  les 
Pays-Bas. 

Alex.  Pinchart. 


—  109 


S.  ^ennebert.  tlotifc  nécrologique. 


Jean-BapUste-Joseph-Frédéric  Hennebert,  un  des  hom- 
mes les  plus  laborieux,  les  plus  zélés  pour  les  lettres  à 
Tournai ,  vient  de  mourir  presque  subitement  dans  cette 
ville,  où  son  savoir,  autant  que  sou  caractère  et  ses  qua- 
lités, était  apprécié  de  tous. 

Né  le  25  mars  1800  à  Crèvecœur  (Oise),  il  fit  ses  études 
au  collège  de  Beauvais,  vint  s'établir  à  Tournai  en  1820  et 
y  devint  secrétaire  intime  de  M.  le  baron  Lefebvre,  un  de 
nos  grands  industriels  de  cette  époque.  Adonné  de  bonne 
heure  aux  études  littéraires  qui  faisaient  ses  délices,  il 
fut  successivement  revêtu  de  fonctions  locales,  qui  ren- 
traient toutes  dans  ses  goûts  modestes  et  éclairés;  membre 
dès  1828  de  la  Commission  des  monuments  de  Tournai, 
il  devint,  en  1829,  archiviste  de  la  ville  et  conservateur 
pour  l'État,  des  archives  de  l'ancien  Tournésis.  En  1855, 
il  cumula  ces  fonctions  avec  celles  de  professeur  du  cours 
supérieur  de  français  à  l'athénée  de  Tournai,  et  en  1851, 
il  fut  nommé  professeur  de  Rhétorique  française,  lors  de 
la  réorganisation  de  l'enseignement  moyen. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  connaître  la  carrière  si 
pleine  et  si  utile  de  M.  Hennebert  qu'en  donnant  ici  la 
liste  des  publications  qu'on  lui  doit  et  de  celles  qu'il  édita 
en  collaboration  avec  d'autres  personnes.  Ces  publications 
sont  nombreuses,  et  toutes  témoignent  d'un  esprit  élevé  et 
d'une  culture  épurée  de  la  langue  française.  Sous  ce  der- 
nier rapport,  les  services  qu'il  a  rendus  dans  l'enseigne- 


—  110  — 

menl,  feront  longtemps  vénérer  sa  mémoire  parmi  la  jeu- 
nesse de  Tournai.  L'ars  bene  dkendi  trouvait  en  lui  un 
interprète  aussi  intelligent  que  spirituel. 

I.  VEnseifjnement  lui  doit  : 

Questionnaire  sur  toutes  les  parties  de  la  grammaire  fran- 
çaise de  MM.  Noël  et  Chapsal,  par  un  professeur.  1  vol.  in-12 
de  II  et  56  pages,  Tournay,  J.  Casterman,  aîné,  1836. 

Exercices  élémentaires  principalement  appliqués  à  l'abrégé 
de  la  nouvelle  grammaire  de  Noël  et  Chapsal,  par  un  profes- 
seur. Tournai,  J.  Casterman,  1845.  Vol.  in-12,  de  iv  et  84  pp. 
—  Corrigé  des  mêmes  exercices. 

Histoire  de  Belgique  depuis  les  premiers  temps  jusqu'à  nos 
jours,  à  l'usage  des  maisons  d'éducation.  Vol.  in-18,  de  viii 
et  299  pp.  Tournay,  Casterman,  1843. 

Manuel  du  langage  figuré  d'après  Dumarsais,  Fontanier, 
J.  V.  Leclerc,  etc.,  à  l'usage  des  classes  supérieures  de  langue 
française,  par  un  professeur.  Tournay,  A.  Janssens,  1844;  in-8". 

Cours  élémentaire  de  prononciation,  de  lecture  à  haute  voix 
et  de  récitation,  d'après  les  auteurs  les  plus  estimés;  par  un 
professeur.  Vol.  in-12  de  107  et  v  pp.  Tournay,  Renard 
Dosson  [Six  éditions  successives). 

Moniteur  de  l'Enseignement.  Fondé  en  1849,  sur  le  vœu 
exprimé  par  le  congrès  professoral,  ce  recueil  a  existé  jusqu'en 
1856,  et  a  paru  en  trois  séries,  de  quatre  volumes  chacune, 
chaque  volume  comprenant  452  pages  in-8°.  Il  a  toujours  dé- 
fendu, même  au  péril  de  son  existence,  les  saines  théories  d'in- 
struction, et  les  intérêts  des  membres  du  corps  professoral  nou- 
vellement constitué.  Il  s'est  montré  le  défenseur  le  plus  dévoué 
de  l'enseignement  de  l'État  (i). 

Annuaire  de  l'enseignement  moyen,  publié  sous  le  patronage 
du  congrès  professoral  de  Belgique.  Neuf  années.  Bruxelles, 
Hayez,'l849,  50,  51,  52,  53,  54,  55,  56,  57. 


(I)  Cette  publication,  entreprise  sous  les  auspices  de  la  Société  historique 
et  littéraire  de  Tournai,  se  continue  cliez  MM.  Malo  et  Lcvasseur,  imprimeurs 
à  Tournai. 


—  111  — 

II.  I^a  Bibliographie  : 

Notice  biographique  et  littéraire  sur  II.  Delmotte,  publiée 
par  la  société  des  Bibliophiles  belges;  avec  un  fac-similé  de 
sou  écriture  et  un  portrait  dessiné  par  Madou.  Mons,  Hoyois- 
Derely,  1856,  in-8°  de  4-i  pages. 

Notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  II.  Delmotte,  par 
Fréd.  Hennebert.  2"  édition,  revue  et  augmentée.  Mons,  4842. 
(irand  in-S",  de  xtx  pp.,  avec  encadrements  et  portrait. 

Bibliographie  tournaisienne  —  Des  premières  productions 
de  la  presse  à  Tournai,  ln-8",  de  8  pp.  [Tiré  a  pan  des  Bulle- 
tins de  la  Société  historique  et  littéraire  de  Tournai). 

Une  corbeille  de  rognures  ou  feuillets  arrachés  d'un  livre 
sans  titre,  par  W  Ch.  Nodier.  Tournay  (J.  Casterman),  183(). 
Quelques  mots  de  préface  et  une  table  ont  été  ajoutés  par 
l'éditeur  (Fred.  Hennebert). 

Piitmes  et  refrains  tournésiens,  poésies  couronnées  par  le 
puy  d'escole  de  rhétorique  de  Tournay  (1477-1491),  extraites 
d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  publique  de  Tournay. 
Mons,  Hoyois-Derely,  1857;  1  vol.  in-8'',  de  xx  et  de  160  pages. 

Le  Bibliologue  de  la  Belgique  et  du  Nord  de  la  France.  Jour- 
nal de  bibliologie,  d'histoire  littéraire,  d'imprimerie  et  de 
librairie,  publié  avec  la  coopération  de  plusieurs  hommes  de 
lettres,  par  Fréd.  Hennebert.  Tournai,  1859.  T.  I.  Il  n'a  été 
publié  que  ce  volume. 

m.  Les  Sciences  historiques  et  archéologiques  : 

Essai  historico-philologique  sur  le  nom  de  Tournai.  Tour- 
nai, Ad.  Delmée,  1848  [Tiré  a  part  du  t.  I  des  Mémoires  de  la 
Société  historique  et  littéraire).  Réimprimé  sous  le  titre  de  :  Guerre 
à  l'Y.  Essai  historico-philologique  sur  le  nom  de  Tournai. 
Tournai,  Malo  et  Levasseur.  Bruxelles,  Decq,  1836. 

Madame  Adélaïde  d'Orléans  à  Tournai  (1792-1795).  Extrait 
du  t.  I  des  Bulletins.  In-8°,  avec  un  fac-similé. 

Notice  biographique  sur  Charles-Henri-Joseph  De  Basse , 
maire  de  Tournai  [Extrait  du  t.  III  des  Bulletins),  ln-8'',  de 
17  pp.  avec  portrait. 


—  il2  — 

Ephémérides  tournaisiennes.  In-8°. 

Archives  tournaisiennes  historiques  et  littéraires  —  Recueil 
concernant  Tournai  et  le  Tournaisis.  T.  I,  Tournai  iSi^.  Vol. 
in-8°,  de  250  pp. 

Société  (les  Amis  de  la  Littérature,  des  Sciences  et  des 
Beaux-Arts,  fondée  le  lundi  Xll'  jour  de  mai  d823  —  Règle- 
ment —  vol.  in-52  de  xiv  et  24  pages.  Tournay,  Renard 
Dosson,  4834  (Ce  règlement  est  précédé  d'une  notice  sur  la 
société,  sa  formation,  etc.) 

Mélanges  pour  servir  à  l'histoire  des  hommes  et  des  choses 
de  Tournai  et  du  Tournaisis.  1"  fascicule.  Tournai,  1833,  in- 
8",  de  93  pp.  avec  portr.  2''  fasc,  pp.  93-204,  avec  planch.  de 
médailles,  1837.  5'=  fasc,  1838. 

Numismatique  tournaisienue.  In-8'',  de  3  pp.  [Tiré  à  part  des 
mêmes  Bulletins  (1848). 

Un  Bibliophile  tournaisien  à  la  fin  du  XV''  siècle  (1497), 
1836,  in-8°,  de  32  pp. 

Mémoires  d'eschevin  de  Tournai,  remarquez  et  escrits  par 
Ph.  de  Hurges,  d'Arras.  Publié  avec  notes  et  table  alphabétique 
par  F.  Hennebert.  Bruxelles,  Decq,  1833;  in-S". 

Kalendrier  des  guerres  de  Tournai  (1477-1479),  par  Jehan 
Nicolay,  publié  d'après  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impé- 
riale de  Paris,  suivi  d'appendices,  d'un  index  général  et  de 
notes,  par  Fréd.  Hennebert. 

Notice  sur  l'octroi  communal  de  la  ville  de  Tournai,  avant 
l'occupation  française.  Bruxelles,  Em.  Devroye  et  C'%  1840. 
Crand  in-8'',  de  74  pp. 

M.  Hennebert  était  en  outre  en  correspondance  avec  les 
savants  les  plus  distingués  du  pays  et  de  l'étranger;  de 
nombreuses  sociétés  historiques  et  littéraires  l'avaient  reçu 
pEirmi  ses  membres.  Il  était  secrétaire  de  la  Société  histo- 
rique et  littéraire  de  Tournai,  membre  correspondant  de 
l'Académie  d'archéologie  de  Belgique,  de  la  Société  d'ému- 
lation pour  l'étude  de  l'histoire  de  la  Flandre,  de  la  Société 


—  113  — 

d'êiniilalion  de  Liège,  de  la  Sociélé  royale  des  Beaux-Arls 
et  de  Littérature  de  Gand,  de  la  Société  des  Bibliophiles  de 
Mens,  de  la  Société  des  Sciences,  Arts  et  Lettres  du  Hai- 
naut,  de  la  Sociélé  des  Antiquaires  de  la  Morinie,  de  la 
Société  d'archéologie  du  département  de  la  Somme,  de  la 
Société  des  Antiquaires  de  Picardie,  de  l'Académie  d'en- 
seignement de  Paris,  de  l'Institut  historique  de  France,  de 
la  Société  de  l'histoire  de  France,  de  l'Académie  archéo- 
logique espagnole  de  Madrid. 

Jamais  on  ne  s'adressait  à  lui  en  vain  pour  obtenir  un 
renseignement  sur  l'un  ou  l'autre  point  qui  faisait  l'objet 
de  ses  études  de  prédilection.  On  était  toujours  sur  de  re- 
cevoir une  réponse  aussi  affable  que  satisfaisante.  Sa  com- 
plaisance était  inépuisable. 

M.  Hennebert  avait  été  pendant  longtemps  un  des  colla- 
borateurs les  plus  assidus  du  Messarjer  des  Sciences.  Il  a 
fourni  entre  autres  à  notre  recueil  les  articles  suivants  : 

Année  1837.  Entrée  de  Henri  VIII  à  Tournai. 

B  »        P.  J.  B.  Du  Bois,  professeur  à  l'Athénée  royal 

de  Tournai. 
»  »        Notice  historique  sur  Lecreux,  sculpteur  tour- 

naisien. 

Année  1838.  Une  lettre  de  Jeanne  d'Arc  auxTournaisiens  — 
1429. 

Année  1840.  Notice  sur  l'abbé  Duvivier,  chanoine  de  Tournai. 
Année  1841.  Poutrain  et  son  histoire  de  Tournai. 

Au  moment  de  mourir,  M.  Hennebert  achevait  de  pré- 
parer une  nouvelle  édition  de  Cousin,  Histoire  de  Tournay . 
Sa  bibliothèque,  intéressante  surtout  pour'  l'histoire  de  la 
ville  où  il  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie,  a  été  ven- 
due à  Tournai  le  8  mars  1858.  Il  laisse  aussi  une  précieuse 
coileclion  d'autographes,  qui  sera  vendue  plus  tard. 

J.  D.  S.  G. 


;  i.i  — 


Cl^rouique  beô  ôc'mucs  et  î)C5  3rti3,  et  lïartctéô. 


Lettre  de  Sanderus  a  la  Chamdre  des  Comptes,  a  Lille  (1606).  —  Un  des 
ailleurs  les  plus  recommandables  et  les  plus  féconds  de  la  Flandre,  Antoine 
Sanderus,  le  célèbre  auteur  de  la  Flandria  illuslrala  et  de  tant  d'ouvrages 
historiques,  attend  encore  sa  biographie.  On  ne  sait  guère  de  ce  laborieux 
écrivain  que  ce  qu'en  dit  Paqdot  dans  ses  Mémoires.  De  temps  en  temps  on 
découvre  bien  quelque  document  qui  jette  du  jour  sur  cette  vie  si  bien  rem- 
plie au  service  de  la  science.  Mais  personne  jusqu'ici  ne  s'est  attaché  à  re- 
cueillir les  détails  nécessaires  pour  élever  enfin  à  Sanderus  un  monument 
(ligne  de  lui. 

En  1838,  M.  Jules  Kotele  a  publié  dans  ce  recueil,  pp.  144-133,  trois  let- 
tres du  savant  chanoine  d"Ypres,  adressées  aux  magistrats  d'Audenarde,  pour 
obtenir  de  ce  collège  un  subside  destiné  à  couvrir  les  frais  considérables 
(pi'entraînait  la  publication  de  sa  Chorograpliie. 

Une  requête  du  même  genre  fut  adressée  par  lui,  aux  Etats  de  Flandre, 
vers  la  même  époque. 

M.  le  marquis  de  Godefroy,  le  judicieux  éditeur  de  la  Chronique  de  Lambert 
d'Ardres,  vient  de  communiquer  k  la  Société  des  Sciences  de  Lille  une  lettre 
par  laquelle  Antoine  Sanderus,  à  peine  âgé  de  vingt  ans,  demande  à  la  cham- 
bre des  comptes  un  secours  pour  lui  permettre  de  continuer  ses  études  théo- 
logiques  à  rUniversité  de  Douai. 

Ce  document  nous  a  paru  assez  important  pour  être  reproduit  ici  avec  les 
quelques  mots  d'introduction  dont  M.  de  Godefroy  l'a  fait  précéder  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  impériale  des  Sciences,  de  l'Agriculture  et  des  Arts  de 
Lille,  dont  nous  extrayons  celte  notice. 

A   Messieurs  les  Membres  de  la  Société  des  Sciences,  de  l'Agriculture  et  des 

Arts  de  Lille. 

Messieurs, 

Un  des  noms  les  plus  familiers  et  les  plus  recommandables  à  ceux  qui 
s'occupent  de  l'histoire  de  notre  pays  est  celui  du  chanoine  Sanderus,  qui 


—  115  — 

(liirnnl  une  longue  el  laborieuse  vie,  consacra  des  veilles  niullipliées  et  des 
sommes  considérables  à  l'élude  des  antiquités  de  la  Flandre  et  à  la  reproduc- 
tion de  ses  monuments.  Maintenant  que  le  temps  a  fait  son  œuvre,  que  la 
Révolution  bien  autrement  dévastatrice  que  le  temps,  a  fait  disparaître  tant 
d'édifices  témoignant  de  la  foi,  du  goût  et  de  la  richesse  de  nos  ancêtres,  nous 
pouvons  encore,  en  feuilletant  les  magnifiques  pages  de  la  Flandria  illustrala, 
contempler  les  églises  à  l'ombre  des(juelles  ils  priaient,  les  châteaux,  splen- 
deur et  protection  de  leurs  grasses  campagnes,  les  villes,  foyer  de  leur  puis- 
sante industrie,  les  places  publiques,  théâtre  de  leur  orageuse  liberté,  les 
beffrois,  qui  tant  de  fois  tintèrent  pour  la  protection  des  franchises  et  la 
défense  de  la  cité.  Celui  même  qui  n'a  point  l'attrait  ou  le  loisir  des  lectures 
crudités  saisit  dans  ces  gravures  si  nombreuses,  si  exactes  et  d'un  mérite 
d'exécution  incontestable,  la  physionomie  de  la  Flandre  au  XVII"  siècle,  et 
est  transporté  au  milieu  d'elle  par  les  yeux  en  même  temps  que  par  la  pensée, 
(."est  un  moyen  heureux  de  nous  intéresser  au  passé.  Pour  mon  compte, 
j'avoue  que  ramusenient  qu'y  trouva  ma  première  jeunesse,  éveilla  de  bonne 
heure  chez  moi  le  désir  de  connaître  nos  annales  flamandes. 

Ce  bon  prêtre,  si  dévoué  à  la  gloire  du  pays  qui  l'avait  vu  naître,  eut  d'au- 
tant plus  de  mérite  à  poursuivre  son  œuvre  vaste  et  patriotique,  et  qui  exigeait 
des  dépenses  devant  lesquelles  reculeraient  les  plus  hardis  éditeurs  d'aujour- 
d'hui, qu'entr'aulres  obstacles  il  eut  à  lutter  contre  l'exiguité  de  ses  ressources 
personnelles.  Une  tradition  constante,  que  sur  des  données  peu  concluantes  on 
a  récemment  essayé  de  contester,  nous  apprend  que  ses  dispendieuses  publica- 
tions furent  loin  de  l'enrichir,  et  la  misère  eut  aggravé  pour  lui  les  rigueurs  de 
la  vieillesse,  sans  la  généreuse  hospitalité  des  moines  d'Afllighem  (1). 

Une  pièce  que  j'ai  trouvée  dans  ma  bibliothèque,  révèle  que  sa  jeunesse  ne 
fut  pas  plus  favorisée  de  la  fortune  que  ses  dernières  années.  Elle  nous  le 
montre  à  l'âge  de  vingt  ans,  boursier  d'Anchin,  et  réduit  à  solliciter  pour  se 
procurer  les  vêtements  convenables  à  sa  condition  d'étudiant  en  théologie. 
C'est  une  requête,  peut-être  autographe,  adressée  à  Messieurs  de  la  Chambre 
des  comptes  de  Lille,  implorant  une  apostille  favorable  prés  du  Conseil  des 
finances  de  Bruxelles,  ù  l'effet  d'en  obtenir  une  gratification  destinée  à  fournir 
sa  modeste  garde-robe  ecclésiastique. 


(1)  M.  Ketele  a  déjà  fait  remarquer,  dans  l'article  cité  plus  haut,  que  c'est 
bien  moins  dans  la  misère  que  dans  le  désir  de  trouver  un  asile  paisible 
qui  lui  permît  de  travailler  à  ses  ouvrages  historiques,  qu'il  faut  rechercher 
la  cause  de  la  retraite  de  Sanderus  dans  l'abbaye  d'Alïlighem. 

{Note  lie  la  lîérl.). 


—   IIG  — 

Elle  n'est  point  datée  :  mais  Page  (juil  sy  donne  correspond  ù  Tannée  1C06; 
car  il  était  né   en   1380. 

.l'en  offre  la  transcription  et  la  traduction  à  la  Société,  pensant  que  ce  détail 
sur  un  homme  qui  a  si  bien  mérité  de  nos  contrées,  ne  lui  sera  pas  indifférent, 
et  désirant  lui  apporter  un  faible  tribut  qui  témoigne  au  moins  combien  je  suis 
(latte  d'être  associé   à  ses   doctes   travaux. 

Le  président  de  la  protection  duquel  Sanderus  se  dit  déjà  assuré,  doit  être 
Jean  Destrorapes  que  le  greffier  Deseur,  dans  son  volume  sur  la  Chambre  des 
comptes,  qualifie  «  chevalier,  s^  de  Westhove,  Fresnoy,  Zantervelt.  »  11  était 
de  Bruges,  fut  nommé  auditeur  en  1370,  maître  en  1371,  président  en  1394, 
après  Messire  Paul  de  la  Grange,  et  décéda  en   1617. 

Vous  remarquerez.  Messieurs,  l'emploi  du  latin  dans  une  requête  adressée  à 
des  magistrats  dont  les  attributions  étaient  toutes  financières.  Cette  circon- 
stance indique  combien  la  langue  de  l'Église  et  de  la  science  était  alors  fami- 
lière, combien  les  humanités  étaient  sérieuses. 

Vous  remarquerez  aussi  que  le  nom  du  postulant  conserve  encore  sa  termi- 
naison flamande.  Généralement  les  savants  latinisaient  ou  grécisaient  leur 
nom,  mais  seulement  quand  ils  étaient  entrés  dans  la  carrière  littéraire.  C'est 
donc  plus  tard,  lorsqu'il  commencera  à  publier,  qu'il  se  présentera  sous  le  nom 
de  Sanderus.  Son  grand-père  prit  quelquefois  celui  d'Alexandrins,  qui  est  la 
véritable  traduction  de  Sanders.  Notre  auteur  appartenait  vraisemblablement 
à  la  famille  gantoise  de  Sersanders,  forme  flamande  de  Sire  Alexandre.  De 
même  Serclaes,  sire  Nicolas. 

Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  les  Altesses  Sérénissimes  dont  parle  la 
requête,  sont  l'archiduc  Albert  et  l'Infante  Isabelle,  alors  conjointement  sou- 
verains des  Pays-Bas,  et  qui  y  ont  laissé   une  mémoire  respectée. 

Agréez,  .Messieurs,  l'assurance  de  mes  sentiments  dévoués  et  de  haute  consi- 
dération. 

M'S  DE  GODEFROY  MÉNILGLAISE, 

Membre  correspondant. 

Amplissimis  Dominis  D.  Prwsidi  virisque  Consiliariis  Camerœ  rationum 
SS.  Celsiludinum  in  urbe  Insulcnsi. 

Exponitcum  omni  reverentiâ  Antonius  Sanders  Gandavensis,  aetatis  viginti 
annorum,  ut  abhinc  elapso  aniio  promotionera  adeptus,  deinceps  ad  sacram 
theologiam  sese  conferre  deereverit,  eamque  ob  causam  magnorum  virorum 
consideralione,  bursam  in  seminario  régis  Hispaniarum  Duaci  obtinuerit.  Sed 
cùm  res  domesticae  ejus,  horum  temporum  injuria,  adeo  sunt  tenues  ut  ad 


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veslimenta  theologia'  studioso  convenientia  obtinenda  neuliquain  sulliciaiil, 
iinpioraiis  vestrum  auxiliuni  supplex  ad  pcdcs  aniplissimi  veslri  concilii  scsc 
provolvit.  Obsecratque  ut  ejus  ad  bene  facienduin  paralum  animum  veslro 
subsidio  paulispcr  foveatis;  ne  hactenus  studia  salis  féliciter  inchoata,  et  ad 
finem  penè  producta,  turpiter  et  magno  sui  cura  detrimcnlo  cogatur. 

Eà  aulcm  rationc,  viri  amplissimi,  summum  mihi  auxilium  attuleritis,  si  ea 
vobis,  quic  jam  (laus  Superis)  prudentissimo  vestro  Prœsidi  est  voluntas  et 
consiliura  fuerit,  ut  nempto  uno  alquc  altero  verbo  commendatitio  ad  consilium 
Gnanciai-um  S.  S.  Celsitudinum  Bruxelias  proficiscar.  Quam  mentem  ut  vobis 
Deus  concédât,  apud  eum  asslduis  precibus  contendam.  Simulque  pro  S.  S. 
Celsitudinum,  Diliotuiui  Bclgicarum,  ac  vcslrâ  omnium  salutc  ex  animo 
obsecrabo. 

A   tris-illuslres  3Iessieurs  les   Président  et  Conseillers  de   la  Chambre  des 
comptes  de  leurs  Altesses  Sérénissimes  en  la  ville  de  Lille. 

Expose  en  toute  révérence  Antoine  Sanders,  Gantois,  âgé  de  vingt  ans,  que 
l'an  dernier  il  obtint  la  promotion,  ensuite  il  résolut  de  se  livrer  à  l'étude  de 
la  théologie  sacrée;  pour  quoi,  à  la  recommandation  de  personnes  considéra- 
bles, lui  fut  accordée  une  bourse  dans  le  séminaire  du  rot  d'Espagne  à  Douai. 
Mais  la  misère  des  temps  a  tellement  réduit  ses  moyens  d'existence  qu'il  ne 
peut  se  procurer  la  tenue  convenable  à  un  étudiant  en  théologie.  Il  implore 
donc  votre  assistance,  et  se  prosterne  suppliant  aux  pieds  de  votre  auguste 
assemblée,  vous  priant  de  soutenir  un  peu  par  votre  aide  son  désir  de  bien 
faire  :  afin  qu'il  ne  soit  pas  contraint  d'abandonner  honteusement  et  à  son 
grand  préjudice,  des  études  assez  heureusement  commencées  et  parvenues 
presque  à  leur  terme. 

Ainsi  vous  me  serez,  très-illustres  Messieurs,  d'un  puissant  secours,  si  vous 
voulez  bien  partager  les  dispositions  qui  animent  déjà  (Dieu  soit  loué)  votre 
très-sage  Président,  et  m'accorder  deux  mots  de  recommandation  avec  lesquels 
j'irai  à  Bruxelles  près  du  Conseil  des  finances  de  leurs  Altesses  Sérénissimes. 
Je  prierai  assidûment  Dieu  qu'il  vous  Tinspire,  et  en  même  temps  l'implorerai 
de  toute  mon  âme  pour  la  conservation  de  leurs  Altesses  Sérénissimes,  des 
provinces  Belgiques,  et  de  vos   personnes  à    tous. 

Vente  du  Cabinet  de  feu  M.  Borluut  de  Noortdonck.  —  Le  19  avril  dernier 
et  jours  suivants,  a  eu  lieu  à  Gand  la  vente  de  la  première  partie  du  beau 
cabinet  de  feu  M.  Borluut  de  Noortdonck.  Jamais  vente  n'a  attiré  chez  nous 
un  plus  grand  concours  d'amateurs  distingués  et  de  libraires  de  renom.  De 


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nombreuses  commissions  avaient  été  envoyées  de  Londres,  Paris,  Berlin, 
Leipzig,  Francfort,  Hambourg,  etc.;  de  plus,  la  France  y  était  représentée 
par  MM.  D.-F.  Didol,  Techener,  Porquet,  Baillieu  ,  Claudin,  Giraud,  Gouin, 
Slesinger,  etc.,  de  Paris,  Leleu,  de  Lille;  l'Angleterre,  par  MM.  Boone,  Too- 
vey,  Evans  et  Quaritsch;  la  Hollande,  par  MM.  Van  Baelen,  de  Rotterdam,  et 
Nyhoff,  de  La  Haye  (ce  dernier  était  chargé  d'acheter  pour  compte  de  la 
Bibliothèque  royale  de  La  Haye)  ;  la  Belgique,  par  ses  bibliophiles  les  plus 
distingués  et  par  ses  plus  grands  libraires  :  MM.  Vergauwen,  De  Meyer, 
Pielers-Morel,  Dacl-Van  Goelhem,  Van  der  Hacghen,  Serrure,  Duquesne,  etc., 
de  Gand;  M.M.  Auyls,  le  comte  Legrelle,  Schoof-Van  Slraelen  et  Taye,  d'An- 
vers; Hclbig  et  Witert,  de  Liège;  Heussner,  baron  de  La  Vilestreux,  baron 
deVinck,  de  Walsch,  etc.,  de  Bruxelles;  M.  De  Bruyne,  de  Malines;  De  Moor, 
de  Bruges;  MM.  Vercruyssen  et  Bruyneel,  de  Courtrai,  etc.,  etc.  La  Biblio- 
thèque royale  de  Bruxelles  était  représentée  par  M.M.  Alvin  et  Ruelens, 
attaché;  celle  de  Gand,  par  M.  le  baron  de  Saint-Genois;  le  Musée  de  Bruxel- 
les, par  .MM.  le  vicomte  Du  Bus  et  Stiénon;  celui  d'Anvers,  par  .M.  Rom- 
boufs;  enfin  S.  A.  R.  le  comte  de  Flandre  y  avait  député  M.  Aug.  Scheler, 
bibliothécaire  du  Roi  et  des  princes.  ^ 

11  n'y  a  pas  d'exemple  que  les  livres  aient  été  vendus  en  Belgique  à  des 
prix  plus  élevés  qu'a  la  vente  de  .M.  Borlnut  de  Noortdonck;  ceux  des  ventes 
les  plus  célèbres  de  Paris  et  de  Londres  ont  été  dépassés  de  beaucoup.  Cette 
première  partie  a  produit  une  somme  d'environ  90,000  francs,  Voici  les  prix 
des  principaux  articles  : 

N"  3.  Bibel  mit  horcn  boecken.  Delft,  1477.  1"  édition  de  la  Bible  en  langue 
flamande,  \iO  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres. 

N»  9.  Die  Epislelen  en  Evangelien.  Utrecht ,  Veldener,  1481,  16o  fr.  au 
même. 

No  12.  B.  Pauli  epislolœ.  MS.  sur  peau  de  vélin,  du  X1I«  siècle,  provenant 
de  l'abbaye  de  Saint-Martin  à  Tournai,  155  fr.  à  M.  Didot,  à  Paris. 

N"  32.  Historiarum  vctcris  instrumenti  icônes.  Lugduni,  1358.  Première 
édition  des  planches  du  Vieux  Testament,  gravées  d'après  les  dessins  de  Hol- 
bein,  200  fr.  à  M.  Heussner,  à  Bruxelles. 

N"  4-4.  Historié  des  ouden  en  nieuwen  Testaments.  Amst. ,  1700.  Exempl. 
avant  les  clous,  106  fr.  à  M.  Leleu,  à  Lille. 

N°47.  Chr.  Weigel,  Historiée  vetcris  et  novi  Testamenti.  Norimbergœ  (1708), 
136  fr.  au  même 

N»  49.  Joan.  de  Sancto  Laurenlio  postillœ  Evangeliorum.  Bruxelles,  les 
Frères  de  la  Vie  commune,  1480.  115  fr.  à  la  Bibl.  royale,  à  Bruxelles. 


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N»  53.  Hier.  Xatulis  adnotaliones  et  medilationes  in  Evangelia.  Recueil  de 
gravures  par  Wiericx,  167  fr.  à  M.  Teclioner,  à  l'aris. 

N»  61.  Hug.  de  Sancto  Victore  super  o/pcio  misse.  Louvain,  Conr.  de  Wesl- 
falie.  152  fr.  à  M.  Nyhoff,  à  La  Haye. 

N»  Co.  Horœ  beatœ  Mariœ  Virginis.  Très-beau  MS.  sur  vélin,  orné  de  ma- 
gnifiques miniatures,  provenant  de  la  bibliothèque  des  ducs  de  Bretagne. 
650  fr.  à  M.  Giraud,  à  Paris. 

N»  67.  Heures  à  l'usage  de  Rouen.  Sur  peau  de  vélin.  270  fr.  à  M.  Du- 
quesne,  à  Gand. 

N»  68.  Enehiridion  ecdesiœ  Sai-um.  Paris,  Kerver,  1528,  avec  figures  de 
Geoflfr.  Tory,  de  Bourges,  2G0  fr.  à  M.  Toovey,  à  Londres  (M.  Borluut  avait 
acquis  ce  volume  au  prix  de  fr.  1-30). 

No  71.  Dionijsii  Areopagilœ  de  celesli  hyerarcliia.  Bruges,  Col.  Mansion  (in- 
complet de  2  fif.).  175  fr. 

N»  73.  5.  Auguslini  super  psahtios.  MS.  du  XU  siècle,  provenant  de  lab- 
baye  de  Saint-Martin  de  Tournay,  120  fr.  à  la  Bibl.  royale,  à  Bruxelles. 

N"  87.  Quodlibelica  decisio  de  scpicm  duloribus  Virginis  Mariœ.  Anvers, 
Th.  Martens  (1494).  Exemplaire,  le  seul  connu,  sur  peau  de  vélin,  le  même 
qui,  selon  toute  apparence,  fut  offert  à  Philippe-le-Beau,  536  fr.  à  M.  De 
Meyer,  à  Gand. 

N"  96.  Joan.  Berlaud,  encomium  Irium  Mariarum.  Paris  (1329),  150  fr.  à 
M.  Baillieri,  à  Paris. 

N"  109.  Franc,  de  Retza,  comeslorium  viliorum.  Nuremberg,  1470  (1'^''  livre 
imprimé  à  Nuremberg),  115  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N"  123.  Herm.  de  Pelra  sermones  super  orationem  dominicain.  Audenardc, 
1480  (1"  livre  imprimé  à  Audenarde),  137  fr.  à  M.  De  Meyer,  à  Gand. 

N»  134.  Thomas  à  Kempis,  de  l'imitation  de  Jésus-Christ.  Paris,  1692. 
Exemplaire  de  M"»e  de  Maintenon,  relié  aux  insignes  de  Sainl-Cyr,  142  fr.  à 
M.  Taye,  à  Anvers. 

No  140.  Barlaam  et  Josaphat.  Augsbourg,  Zainer,  150  fr.  à  M.  Van  Bac- 
len,  à  Rotterdam. 

No  131.  Guill.  Van  Branteghem  Aloslani  Pomarium  myslicum.  Anvers,  Vos- 
terman,  1533,  95  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres  (M.  Borluut  avait  acquis  ce 
volume  au  prix  de  20  fr.  à  la  vente  Bignon,  faite  à  Paris  en  1849). 

No  138.  Guiltcrmi  Rhetorica  divina.  Gand,  1483.  («f  livre  imprimé  à  Gand. 
100  fr.  à  M.  De  Meyer,  à  Gand. 

No  220.  Boutillier,  La  somme  rurale.  Bruges,  Colard  Mansion,  1479  Ma- 
gnifique exemplaire,  chef-dœuvre  de  reliure  de  Niedrée,  2630  fr.  à  M.  Teche- 
ner (M.  Borluut  avait  acheté  ce  volume  de  M.  Techener,  au  prix  de  600  fr.). 


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N"  245.  Bonifacius  liber  sexlus  decretcdium.  Maycnce,  Fust  et  Schoifler, 
14G5.  Un  des  neuf  exemplaires  sur  peau  de  vélin,  2000  fr.  à  M.  Didot,  à 
Paris  (M.  Borluut  avait  acheté  cet  exemplaire  au  prix  de  600  fr.,  chez  les 
frères  de  Bure,  à  Paris). 

N»  296.  Le  tfrant  Boece.  Paris,  Ant.  Verard  (1492),  170  fr.  à  M.  Toovey, 
à  Londres. 

N»  299.  Jacq.  Legrant,  Le  livre  des  bonnes  mœurs.  MS.  magnifique,  orné 
d'un  grand  nombre  de  miniatures,  et  provenant  de  la  bibliothèque  des  ducs 
de  Bretagne,  5700  fr.  à  M.  Buyser,  à  Gand. 

N"  329.  Roderici  Zamorensis  spéculum  vilœ  humanœ.  Rome,  1468,  relié 
par  Bozerian,  156  fr.  à  M.  Duquesne,  à  Gand. 

N"  334.  Gio.-Mich.  Bruto,  La  inslilutione  di  una  fanciulla  nala  nobilmente. 
If  livre  imprimé  par  Chr.  Plantin,  390  fr.  à  M.  Nuyts,  à  Anvers  (Ce  raris- 
sime volume  provient  de  la  vente  Libri,  faite  à  Paris,  où  M.  Borluut  Pavait 
acquis  au  prix  de  198  fr.). 

N"  341.  Gabr.  Naudé,  Considérations  sur  les  coups  d'état.  Rome  (Paris), 
1639.  Tiré  à  petit  nombre,  115  fr.  (M.  Borluut  avait  acquis  ce  volume  au 
prix  de  fr.  26-50,  à  la  vente  Fossé  d'Arcosse). 

N»  549.  Il  libro  del  cortegiano  del  conte  Bald.  Castiglione.  Venise,  Aide, 
1353.  Reliure  très-curieuse.  163  fr.  à  M.  Toovey,  à  Londres. 

N"  437.  Knor  et  Walch,  Recueil  de  pétri ficalions.  Nuremberg,  1768-87, 
183  fr.  à  M.  le  comte  d'IIane-de  Potier,  à  Gand. 

N"»  472.  Cuvier,  Le  règne  animal.  Très-bel  exemplaire,  633  fr.  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Université  de  Gand. 

N»  300.    Georg.  Edwards,  Histoire  naturelle  des  oiseaux.  7   vol.   in-4<'. 
Reliure  de  Derome,  200  fr.  à  M.  le  vicomte  Du  Bus,  à  Bruxelles. 
N°  681.  L'Artiste,  680  fr.  à  M.  le  Rq  de  Vinck,  à  Bruxelles. 
No  693.  Seroux  d'Agincourt,  Histoire  de  l'art  par  les  monuments,  390  fr.  à 
.M.  Rombouts  (pour  le  Musée  royal  d'Anvers). 

N»  694.  Du  Sommerard,  Les  arts  au  moyen-âge,  1330  fr.  à  M.  Van  Baele, 
à  Rotterdam. 

N"  737.  Galerie  des  peintres,  par  Chabert  et  Franquinet,  250  fr.  à  la  Bi- 
bliothèque de  l'Université  de  Gand. 

N"  742.  Les  Vierges  de  Raphaël,  100  fr.  à  M.  Ch.  de  Loose,  à  Gand. 
N"  748.  La  grande  galerie  de  Versailles,  par  Le  Brun,  140  fr.  à  M.  Teche- 
ner,  à  Paris. 

N"  730.  La  galerie  des  peintres  flamands,  par  Le  Brun,  560  fr.  à  M.  Du- 
quesne, à  Gand. 

N"  757.  Die  Sammlung  all-nieder  und  oberdeutscher  Gcmâlde,  par  les  frères 
Boisserée,  313  fr.  à  M.  Onghena,  à  Gand. 


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N"  759.  Galerie  de  Florence  et  du  palais  Pilti,  315  fr.  à  M.  de  Waele-de  la 
Potlerie,  à  Garid. 

N»  7C0.  Reala  galleria  di  Flrenze,  243  fr.  à  M.  Sclioof-Van  Straclen,  à 
Anvers. 

N"  761.    Pilttire  del  salone  impériale  del  palazzo  di  Firenze,   100  fr.   à 
M.  Vercruysse,  à  Courlrai. 

N"   762.    Pinacoleca   délia  ponlificia  accademia   in    Bologna,   220    fr.    à 
M.  Quarilscli,  à  Londres. 

Nos  764  et  6S.  le  Musée  français  et  le  Musée  royal,  par  Robillard  et  Lau- 
rent, 3200  fr.  à  M.  Tcchener. 

N»  766.  Filhol,  Galerie  du  Musée  Napoléon,  410  fr.  au  Musée  de  Bruxelles. 

IN'o  769    Galeries  historiques  de  Versailles,  par  Gavard,  800  fr.  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Université  de  Gand. 

N»  771.  Galerie  du  Palais  royal,  par  Couché,  520  fr.  à   la  Bibliothèque 
royale,  à  Bruxelles. 

N"  772.  Valout  et  Quinot,  Galerie  lithographiée  du  duc  d'Orléans,  160  fr.  à 
M.  Leleu,  à  Lille. 

N"  773.  Recueil  d'estampes  du  cabinet  de  Crozat,  403  fr.  à  M.  Techener,  à 
Paris. 

N»  774.  Recueil  d'estampes  du  cabinet  de  Boyer-d' Aguilles,  210  fr.  à  M.  Van 
Baele,  à  Rotterdam. 

N»  775.  Le  cabinet  de  Poidain,  140  fr.  à  M.  Ad.  Van  der  Meersch,  à  Gand. 

N»  776.  Le  cabinet  de  Choiseul,  142  fr.  au  même. 

N»  778.  Dav.  Teniers,  Tliealrum  pictorium,  150  fr.  à  M.  Evans,  à  Londres. 

N»  779.  Le  cabinet  de  Reynst,  295  fr.  à  M.  Porquet,  à  Paris. 

N»  781.  De  Pigage,  La  galerie  de  Dusseldorf,   150  fr.  à  M.  Techener,  à 
Paris. 

N»  782.  La  galerie  de  Dresde,  360  fr.  à  M.  Leleu,  à  Lille. 

N»  784.  La  galerie  de  Munich,  400  fr.  au  Musée  royal  de  Bruxelles. 

N»  78a.  La  même,  publiée  par  Piloty  et  Lœhle,  480  fr.  à  M.  Onghena,  à 
Gand. 

N»  786.  La  galerie  de  Leuchtenberg,  12a  fr.  à  M.  Van  Baele,  à  Rotterdam. 

N"  795.  La  galerie  de  Houghton,  330  fr.  au  même. 

N"  805.  Toiles  peintes  et  tapisseries  de  la  ville  de  Reims,  145  fr.  à  M.  Qua- 
ritsch,  à  Londres. 

N"  850.  Oltley,  The  hislory  of  cngraving,  155  fr.  au  même. 

N"  871.  Barlsch,  Le  peintre  graveur,  253  fr.  à  la  Bibliothèque  de  l'Uni- 
versité de  Gand. 

N»  878.  Heinecken,  Idée  générale  d'une  collection  d'estampes.  Exemplaire 


—  422  — 

illustré  d'un  grand  nombre  d'estampes  anciennes,  240  fi-.  à  M.  NyhofT,  à 
La  Haye. 

N"  949.  Recueil  d'estampes,  pur  Callot,  70  fr.  à  M.  Scheier  (pour  S.  A.  R. 
le  comte  de  Flandre). 

N»  966.  Sketches  in  Belgium  and  Germany,  par  Louis  Ilaghe,  210  fr.  à 
M.  Edm.  d'Hane  de  Steenhuyse. 

IS'o  972.  Les  images  de  la  mort.  Cologne,  13i7,  liO  fr.  à  M.  Quaritsch,  à 
Londres. 

JV»  988.  Portraits  de  Van  Dyck,  250  fr.  à  M.  Heussner,  à  Bruxelles. 

N"  999.  Duflos,  Recueil  d'estampes,  140  fr.  à  la  Bibliothèque  royale  de 
Bruxelles. 

IN'o  1001.  Donnard,  Costumes  du  XlIIe,  XI V^  et  A'V'«  siècles,  125  fr.  à 
M.  Canneel,  à  Gand. 

N"  1054.  Les  églises  principales  de  l'Europe,  110  fr.  à  M.  Welvaert,  curé 
à  Gentbrugge. 

N»  1079.  Les  singuliers  pourtraicls  de  Sederie  de  Vinciolo,  pour  toutes  sor- 
tes d'ouvrages  de  lingerie,  151  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N»  1084.  L'art  de  faire  le  papier  à  la  Chine.  Suite  de  23  beaux  dessins 
chinois,  151  fr.  à  M.  Leleu,  à  Lille. 

N"  1133.  Isidori  Ilispaliensis  libri  etymologiarum.  .MS.  du  XM^  siècle,  pro- 
venant de  l'abbaye  de  Cambron,  380  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres. 

N°  1136.  Joan.  Balbus  de  Janua,  catholicon.  Volume  très-rare,  imprime, 
selon  toute  apparence,  par  Gulemberg,  1130  fr.  à  M.  Didol,  à  Paris. 

N"  1139.  Joan.  Paludani  dictionariolum.  Gand,  Lambrecht,  1544.  Le  seul 
exemplaire  connu,  205  fr.  à  M.  De  Meyer,  à  Gand. 

N»  1203.  Joan.  Campensis  grammatica  hebraica.  Louvain,  Martens,  1528. 
Edition  de  la  plus  grande  rareté,  dont  on  ne  connaît  que  deux  exemplaires, 

132  fr.  à  M.  le  sénateur  Vergauwen,  à  Gand. 

N"  1293.  P.  Virgilii  Bucolica,  Georgica  et  /Eneis.  Birmingham,  Basker- 
ville.  .Magnifique  exemplaire  provenant  de  la  vente  du  comte  de  La  Bédoyère. 
341  fr.  à  M.  Slesinger,  à  Paris. 

N»  1297.  Virgile  de  Heyne.  Exemplaire  relié  par  Bozerian ,  161  fr.  à 
M.  Techener,  à  Paris. 

N»  1316.  L'Ovide  en  belle  humeur,  de  M.  flassoucy.  Très-bel  exemplaire, 

133  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres. 

N"  1323.  Guil.  Borluit,  pguren  uyt  den  poëte  Ovidius.  Volume  rare,  im- 
primé en  flamand,  à  Lyon  en  1537,  104  fr.  à  M.  Serrure,  ù  Gand. 

ÎN'o  1358.  Lucaiii  Pharsulia.  Paris,  1312.  Édition  très-rare,  140  fr.  à 
-M.  Techener,  à  Paris. 


—  123  — 

No  1341).  Sutii  Sylvœ.  Venise,  Aide,  1502.  Très-bel  exemplaire,  relié  yii 
chiffre  Je  Marc  Lauwereyns,  seigneur  de  Walervliet,  200  fr.  à  .M.  Porquet,  à 
Paris. 

N»  1389.  Franc.  Quclain  Pantographia.  Gand,  Ger.  Salenson,  1534.  Volume 
de  la  plus  grande  rareté,  230  fr.  à  M.  De  Meyer,  à  Gand. 

N"  1395.  Pelri  de  Blarrorivo,  de  bello  nanceiano.  A  Saint-Nicolas  du  Porl, 
1518,  100  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres. 

N"  1424.  Marci  Ncviani  Flandri  poemala.  Édition  très-rare,  imprimée  ù 
Gand  en  1573,  150  fr.  à  M.  Ferd.  Van  der  Haeghen,  à  Gand. 

N»  1433.  Anl.  de  Arena,  Meygra  enlreprisa  caloliqiii  imperaloris.  Avignon, 
1537.  Magnifique  exemplaire  de  cette  rare  macaronée,  richement  relié  par 
Bauzonet,  et  provenant  de  la  bibliothèque  de  M.  Nodier,  260  fr.  à  M.  Sle- 
singer,  à  Paris. 

N"  1437.  Joan.  Gcrinanntis,  Historia  bravissima  Caroli  Quinti,  1556.  Autre 
macaronée  d'une  grande  rareté,  reliée  par  Kœhler  et  provenant  de  la  vente 
Nodier,  220  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

No  1446.  fiaijnouard,  Choix  des  poésies  originales  des  Troubadours,  146  fr. 
à  la  Bibliothèque  de  TUniversitë  de  Gand. 

N"  1467.  Le  roman  de  la  Violette,  par  G,  de  Montreuil.  Exempl.  avec  les 
fig.  coloriées  sur  vélin,  151  fr.  à  M.  Leleu,  à  Lille. 

N»  1476.  Chrislicnnc  de  Pisan,  les  cent  hystoires  de  Troije.  Paris,  1322. 
Volume  rare,  relié  par  Derome  et  provenant  de  la  vente  du  baron  Taylor  (où 
M.  Borluut  l'avait  acheté  au  prix  de  64  fr.),   500  fr,  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N»  1478.  Les  faictz  et  dictz  de  maistre  Alain  Cliartrier.  Paris,  1326,  160  fr. 
ù  M.  Duquesne,  à  Gand  (Ce  volume  n'avait  coûté  que  40  fr.  à  M.  Borluut). 

N»  1486.  Le  livre  de  Matheolus,  sans  lieu  ni  date.  Magnifique  exemplaire, 
provenant  de  la  vente  de  Nodier,  207  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N»  1492.  Les  folles  entreprises  par  Gringoire.  Paris,  1303.  Exempl.  de  la 
plus  belle  conservation,  acheté  par  M.  Borluut  au  prix  de  201  fr.  à  la  vente 
Crozet,  400  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N»  1493.  Gringoire,  les  fantaisies  de  la  mère  sote.  Superbe  exempl.,  relié 
par  Thompson,  et  acquis  par  M.  Borluut  au  prix  de  116  francs,  300  fr.  à 
M.  Boone,  à  Londres. 

N"  1497.  Les  actes  du  dernier  supplice  de  Nicolas  le  Borgne,  rédiges  en  rime 
par  Josse  Lambert  et  Robert  de  la  Visseliertje.  Gand,  1343.  Livret  de  la  plus 
grarde  rareté,  dont  on  ne  connaît  que  trois  exemplaires,  335  fr.à  M.  De  Meyer, 
a  Gand. 

N"  1498.  Les  œuvres  de  Clément  M arot.  Lyon,  1543,  290  fr.  à  M.  Techener, 
H  Paris. 


—  124  — 

N»  1309.  Marguerites  de  la  Marguerite  des  princesses  (Marguerite  de  Valois). 
Lyon,  1347,  523  fr.  à  .M.  Techener  (Cet  exemplaire  n'avait  coulé  Sx  M.  Borluul 
que  180  francs). 

N"  1510.  A,e  tombeau  de  Marguerite  de  Valois.  Paris,  1531.  146  francs  à 
M.  Duquesne,  à  Garni. 

No  1337.  OEuvres  de  J.-B.  Bousseau.  Exempl.  relié  par  Thouvenin,  et  en- 
richi d'une  lettre  autographe  de  J.-B.  Rousseau,  110  fr.  à  .M.  Techener,  à 
Paris. 

N"  1616.  OEuvres  complètes  de  Gilbert.  Paris,  1823.  Exemplaire  de  toute 
beauté,  contenant  les  figures  avant  la  lettre,  les  eaux-fortes  et  le  seul  auto- 
graphe connu  de  Gilbert,  320  fr.  à  M.  Dael-Van  Goelhem,   à  Gand. 

N»  1621.  Le  cabinet  satyrique.  1666.  Volume  elzévirien  très-rare,  186  fr.  à 
M.  Porquet,   à  Paris. 

N"  1622.  Le  Parnasse  satyrique.  1660.  Très-bel  exemplaire  d'une  édition 
elzévirienne  très-rare  et  très-recherchée,  140  fr.  à  .M.  Techener,  à  Paris. 

N"  1624.  L'eschole  de  Salerne.  Impr.  par  les  Elseviers  en  1631.  Magnifique 
exemplaire  de  Nodier,  160  fr.  à  M.  Techener. 

N"  1630.  La  comedia  di  Danli  Aligieri.  Venise,  1344,  250  fr.  à  M.  Boone, 
à  Londres. 

N»  1683.  Os  Liisiades  de  Comoens.  Paris,  1817.  Chef-d'œuvre  d'impression 
et  de  reliure,  230  fr.  à  M.  Quaritsch,  à  Londres. 

N"  1693.  Tewrdannck.  Nurnberg,  1317.  Très-bel  exemplaire,  relié  par  Dc- 
rome,  423  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N"  1806.  Le  triomphe  de  Jésus-Christ,  trad.  du  latin  de  Foxus,  par  Jaques 
Bienvenu,  Genève,  1532.  Chef-d'œuvre  de  reliure  de  Thouvenin,  400  francs 
à  M.  Boone,  à  Londres. 

No  1840.  Recueil  de  ynysicres  français.  Précieux  volume,  relié  par  Pade- 
loup,  et  renfermant  un  grand  nombre  de  pièces  non  décrites ,  730  francs  à 
M.  Bopne,  à  Londres. 

No  1842.  Le  triumphant  mystère  des  actes  des  Aposlres.  Paris,  1337,  360  fr. 
à  .M.  Slesinger,  à  Paris. 

No  1837.  OEuvres  de  Jodelle.  Paris,  1383.  Superbe  exemplaire,  relié  par 
Bouzonnet-Trautz,  100  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres. 

No  1838.  OEuvres  du  même.  Paris,  1574,  180  fr.  au  même 

No  1839.  Théâtre  de  Jacques  Grevin.  Paris,  1362.  Magnifique  exemplaire 
Nodier,  150  fr.  à  Techener,  à  Paris. 

No  1866.  Frère  Henry  Buschey ,  le  mystère  de  la  saincte  incarnation  de 
Jésus-Christ,  Anvers,  1587,  250  fr.  à  .M.  Porquet,  à  Paris. 

No  1867.  Théâtre  de  Denys  Coppée,  bourgeois  de  Huy.  Recueil  de  pièces 
devenues  introuvables,  provenant  de  la  vente  Soleinne,  211  fr.  au  même. 


—  125  — 

N»  187G.  Jean  d'Ennetivres,  Sainte- Aldegonde.  Tournay,  1G45.  Opuscule  de 
la  plus  grande  rareté,  133  fr.  à  M.  le  marquis  d'Ennelièrcs,  ù  Bruxelles. 

^»1903.  OEuvres  complètes  de  Racine.  Paris,  1820.  Magnifique  exemplaire 
relié  par  Simier  et  contenant  plusieurs  suites  de  gravures  ajoutées  et  les  eaux- 
fortes,  502  fr.  à  M.  Ch.  de  Loose,  à  Gand. 

N»  2063  et  suiv.  Recueil  de  Mystères  italiens.  730  fr.  ù  iM.  Boone,  à  Londr. 
IS'o  2128.  OEuvres  complètes  de  Shakspeare.   Paris,  1821.  Exemplaire  sur 
grand  papier  vélin  ,  contenant  les  dessins  originaux  et  un  grand  nombre  de 
gravures  ajoutées,  232  fr.  à  M.  Leleu,  à  Lille. 

N"  2136.  Esope  en  belle  humeur.  Brusselles,  1700.  Exemplaire  de  la  plus 
grande  beauté,  revêtu  d'une  riche  reliure ,  dont  les  plats  intérieurs  sont  or- 
nés d'aquarelles;  200  fr,  à  M.  Dael-Van  Goethem,  ù  Gand. 

N»  2143.  Directorium  humanœ  vitœ.  Sans  lieu  ni  date.  Bel  exempl.  d'un 
livre  précieux,  230  fr.  à  M.  Quaritsch,  à  Londres. 

N»  2167.  Le  roman  de  31  er lin.  Paris,  1328.  Exemplaire  provenant  de  la 
bibliothèque  du  duc  de  Roxburghe,  483  fr.  à  M.  Boone,  ù  Londres. 

N»  2168.  L'Histoire  des  quatre  fils  Aymon.  Anvers,  1361.  Anvers,  1361. 
Charmant  exemplaire  relié  par  Thompson,  et  provenant  de  la  vente  du  baron 
Taylor,  152  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N"  2169.  La  Généalogie  avec  les  gestes  et  nobles  faitz  darmes  de  Goddefrôy 
de  Boulion.  Paris,  1311.  Magnifique  exemplaire  d'un  des  livres  les  plus  pré- 
cieux de  la  classe  des  romans  de  chevalerie,  1000  fr.  à  M.  Quaritsch,  Londr. 

K»  2244.  Les  Serées  de  Guil.  Bouchet.  Rouen,  1653.  Exemplaire  provenant 
de  la  vente  Nodier,  150  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

N'o  2248.  Poliphili  Hypnerotomachia.  Venise,  Aide,  1499.  Édition  très-rare, 
133  fr.  à  M.  Duquesne,  à  Gand. 

N»  2348.  Le  remède  damour,par  Eneas  Silvius.  Charmant  exemplaire  pro- 
venant de  la  bibliothèque  IVodier,  170  fr.  à  M.  Slesinger,  ù  Paris. 

IN'o  2431.  Jac.  Lagniet,  Recueil  des  plus  illustres  proverbes.  Collection  très- 
rare  et  qu'on  trouve  diflicilement  complète,  440  fr.  à  M.  Techener,  à  Paris. 

No  2368.  Lucien.  Naples,  Arn.  de  Bruxelles,  140  fr.  à  M.  Boone,  à  Londres. 

No  2626.  OEuvres  de  M'^<=  de  Montesson.  Paris,  1782-83.  Édition  très-rare 
qui  n'a  pas  été  mise  dans  le  commerce,  223  fr.  au  môme. 

La  seconde  partie  du  cabinet  de  M.  Borluut,  contenant  les  ouvrages  d'his- 
toire, sera  vendue  au  mois  de  juillet  prochain.  Quoique  le  catalogue  ne  soit  pas 
encore  mis  à  la  disposition  du  public,  nous  sommes  en  mesure  de  pouvoir 
annoncer  qu'elle  est  tout  aussi  nombreuse  et  non  moins  importante  que  celle 
qui  vient  d'être  mise  aux  enchères.  Nous  citerons  les  principaux  ouvrages 
qu'un  examen  rapide  du  catalogue  nous  a  fait  remarquer. 


—  126  — 

GÉOGRAPiiiË  ET  Voyages.  N"  2G87.  Zeiler  fopographia,  14  volumes  in-folio. 
Colleclion  très-inléressanle,  contenant  un  grand  nombre  de  vues  de  villes. 

N"  2693.  Thevenol,  Relations  de  divers  voyages  curieux.  Paris,  i()9fi,  2  vol. 
in-folio.  Exemplaire  Langlès  d'une  collection  quil  est  très-diflicile  de  trouver 
complète. 

N»  2736.  Voyages  pittoresques  de  l'ancienne  France,  par  Nodier;  in-folio. 

N"  2742.  Alexandre  de  Laborde,  Voyage  pittoresque  en  Espagne;  4  volumes 
in-folio, 

N»  2754.  Fonlani  Viaggio  pittorico  délia  Toscana;  3  vol.  in-folio. 

N»  2757.  Lavallce,  Voyage  historique  de  l'Islrie  et  de  la  Dalmatie;  grand 
in-folio.  Exemplaire  avec  doubles  planches  et  les  eaux-fortes. 

N"  2761.  De  Saint-Non,  Voyage  pittoresque  du  royaume  de  Naples;  5  vol. 
gr.  in-folio. 

N"  'i78i.  Melling,  Voyage  pittoresque  de  Conslanlinoplc;  1  vol.  gr.  in-folio. 

N»  2789.  Choiseul-Gouffîer,  Voyage  pittoresque  de  la  Grèce,-  4  vol.  in-folio. 

No  2797.  Breydenbach,  Voyage  en  Terre-Sainte,-  en  flamand.  Mayence,  1488; 
in-folio. 

N»  2798.  Les  saintes  pérégrinations  de  Jérusalem  de  Bern.  de  Breydenbach. 
Lyon,  1488;  in-folio.  Edition  de  la  plus  grande  rareté,  contenant  les  plus 
anciennes  gravures  sur  cuivre  que  l'on  trouve  dans  les  livres  français.  Exem- 
plaire provenant  de  la  vente  du  prince  d'Essling. 

N"  2802.  Léon  de  Laborde,  Voyage  dans  l'Arabie,-  gr.  in-folio. 

N"  2834.  Denon,  Voyage  dans  la  Haute  et  Basse  Egypte,-  2  vol.  gr.  in-fol. 

N"  2823.  Belzoni,  Voyages  en  Egypte  et  en  Nubie,-  gr.  in-fol. 

Chuonologie.  —  N»  2883.  L'art  de  vérifier  les  dates.  3  vol.  in-fol.  Meilleure 
édition  de  cet  ouvrage  estimé. 

Histoire  uxiverselle.  — N»  2883.  Chronicarum  liber,  par  Harlman  Sehedel. 
Nurenberg,  1493;  in-fol.  max. 

N"  2896.  De  Glen,  des  habits,  mœurs,  etc.  Magnifique  exemplaire,  riclie- 
menl  relié  par  Niedrée. 

Histoire  des  Religions  et  Superstitions  —  N"  2901.  Cérémonies  et  coutumes 
religieuses,  avec  fig.  par  Picart;  11  vol.  in-fol. 

N"  2903.  Eusebii  Hisloria  ecclesiastica.  Utreclit,  Ketelaer  et  Leenipt,  1474. 
Magnifique  exempl.  relié  par  Bozerian,  et  provenant  de  la  vente  de  De  Bure. 

N"  2933.  Guarnacci  vitas  et  rcs  gcstœ  ponlificum  romanorum.  2  vol.  in-fol. 

N»  2962.  Concilium  Buch  zu  Constenz.  Augsbourg,  1483;  in-fol.  Édition  de 
la  plus  grande  rareté,  contenant,  outre  un  grand  nombre  de  figures  en  bois, 
1156  armoiries  coloriées. 

Histoire  moderne.  —  N"  3246.  Historié  van  der  Kruezfahrt  nach  den  hei- 
ligcn  Lande.  Augsbourg,  1482;  in-folio.  Édition  de  la  plus  grande  rareté. 


—  427  — 

lyo  32j3.  Pacificalores  orbis  chrisliaiii;  in-fol.  Suite  de  131  beaux  porirails. 

N"  3231.  Le  mo]jen-ùge  el  la  renaissance;  li  vol.  gr.  in-4" 

N»329I.  MiUin,  Anliquilés  nationales;  li  vol.  iii-4-o. 

N»  3293.  Willemin,  Monuments  français  inédits;  2  vol.  in-fol. 

No  3311.  Dom  liour/ael,  Recueil  des  historiens  des  Gaules;  20  vol.  in-fol. 

N">  3357.  Histoires  toucltanl  les  guerres,  massacres,  etc.  advenus  en  France 
en  ces  dernières  années  (lî)o9-1370j;  in-fol.  Uecueil  d'estampes  des  plus  pré- 
cieux. 

No  3394-,  Les  héros  de  la  Ligue.  Recueil  de  gravures  satj'riques  très-rare. 

N"  3430.  Sauvai,  Galanteries  des  rois  de  France.  Magnifique  exemplaire 
Nodier,  d'un  ouvrage  rare. 

N"  3511.  Pompes  funèbres  de  Charles  III,  duc  de  Lorraine;  in-fol.  Recueil 
de  gravures  très-précieux. 

Histoire  de  Relgique.  —  Outre  les  ouvrages  de  Sanderus,  Le  Roy,  Rutkons, 
Vredius,  De Wassebourg,  Van  iMieris,  Van  Loon,  Mirœus,  Meyer,  etc.,  la  plu- 
pari  en  grand  papier,  on  rencontre  dans  cette  partie  de  la  bibliothèque  de 
M.  lîorluul,  les  ouvrages  suivants  qui  méritent  d'être  signalés  : 

N»  3554.  De  valuaticn  ende  ordinanlien  van  den  gelde.  Anvers,  Marlens, 
in-40.  Livret  de  la  plus  grande  rareté  et  dont  on  ne  connait  que  deux  exem- 
plaires. 

N"  3535.  Tmandemcnt  van  de  valuwacyen  van  der  munie,  in-4o.  Imprimé  à 
Anvers,  vers  1491.  Edition  entièrement  inconnue. 

N"  3556.  Een  nieuwe  evaluacie  boecxken.  Anvers,  1326;  in-4o.  Livret  de  la 
j)lus  grande  rareté,  et  un  des  premiers  imprimés  à  Anvers. 

No  3604.  Die  wonderlyche  oorloghen  van  keijser  Muximiliaen.  Anvers,  1577. 
Volume  très-rare,  dont  on  ne  connait  jusqu'ici  que  deux  exemplaires. 

N'o  3605.  Coronalio  Maximiliani  in  Aquisgrano.  1486.  iii-4o.  Edition  très- 
rare  et  peu  connue. 

Nos  3618-3629.  Plaquettes  très-rares,  relatives  aux  règnes  de  Charles-Quint 
et  de  François  l^"". 

Nos  3630-3631.  Pompe  funèbre  de  Charles-Quint,  célébrée  à  Bruxelles  en 
1558;  in-folio. 

^° 'ôlZ'd.  Sanderî  Chorographia  sacra  Brabantiœ.  Bruxelles,  1639-1669; 
2  vol.  in-folio.  Le  deuxième  volume  de  cette  édition  est  de  la  plus  grande 
rareté,  on  n'en  connait  que  cinq  ou  six  exemplaires. 

No»  5799-3800.  Entrée  de  Philippe  II  à  Gand  en  1349,  el  le  recueil  des  arcs 
de  triomphe  érigés  à  cette  occasion.  Deux  ouvrages  de  la  plus  grande  rai'elé, 
surtout  le  second,  dont  on  ne  connait  que  ce  seul  exemplaii-e. 

No  5801.  Entrée  du  prince  d'Orange  ce  Gand  en  1577;  in-4o. 


—  128  — 

N»  5872.  Malbraiicq  de  morinis  et  moriiioruin  rébus.  3  vol.  in-io.  On  sait 
combien  le  3«  vol.  est  rare. 

Histoire  d'Italie,   Allemagne,  Angletehre  ,  etc.  —   N"  40G6.    L'entrée   et 
l'entrevue  de  l'empereur  Charles-Quint  et  Clément  VUI  à  Bologne;  in-fol. 
N»  4104.  Murphy,  Arabian  antiquities  of  Spain;  gr.  in-fol. 

N"  412G.  Pcrlz,  Monumenla  Germaniœ  historica;  16   vol.  in-fol.   Exempl. 
en  grand  papier  de  cette  collection  estimée. 

No  4183.  Nouveau  théâtre  de  la  Grande-Bretagne;  gr.  in-fol. 

]\05  4231-32.  Opuscules  rares,  écrites  par  Corn,  de  Schcpper  en  faveur  de 
Christiern  II,  roi  de  Danemarck. 

N"  4235.  Suecia  antiqua  et  hodierna;  3  vol.  gr.  in-fol. 

N°  4304.  Langlbs,  Monuments  anciens  et  modernes  de  l' Hindouslan,  2  vol. 
in-fol. 

N"  4503.  Solvijns,  Les  Hindous;  4  vol.  gr.  in-fol. 

N»  4313.  Will.  Marsden,  The  historif  of  Sumatra;  gr.  in-4»  et  atl.  in-fol. 

N"  4525.  Gau,  Antiquités  de  la  Nubie;  gr.  in-fol. 

!\o  4543.  Alex.  Lenoir,  Antiquités  mexicaines;  2  vol.  gr.  in-fol. 

Histoire  de  la  chevalerie  et  de  la  noblesse.  —  N°  4536.  De  Vulson  de 
la  Colombiire,  Le  vrai  théâtre  d'honneur  et  de  chevalerie,  2  vol.  in-fol.,  reliés 
par  Derome. 

N»  4561.  Les  tournois  du  roi  René,  publiés  par  Champollion-Figeac; 
in-fol.  max. 

Nos  4564-65.  Georg.  Ruxeneri  Thurnier  Buch,  1330  et  1566;  in-fol.  Deux 
éditions  très-rares  sur  les  tournois  au  moyen-àge. 

No  4571.  Le  Triumphe  d'Anvers  faicl  pour  la  noble  feste  de  la  Thoison 
d'or;  in-fol.  .MS.  précieux  pour  l'histoire  de  la  Toison  d'or. 

No  4409.  L'art  du  blason,  4  vol.  in-fol.  MS.  très-précieux,  contenant  un 
nombre  considérable  d'armoiries,  et  des  renseignements  curieux  sur  plu- 
sieurs familles  nobles. 

pjos  4414-13.  Recueil  d'inscriptions  funéraires  qui  se  trouvaient  autrefois 
dans  les  églises  de  Gand;  in-folio.  MS.  également  précieux  pour  l'histoire 
généalogique  des  familles  de  la  Flandre. 

La  place  dont  nous  disposons,  ne  nous  permettant  pas  de  mentionner 
tous  les  ouvrages  qui  méritent  de  fixer  l'attention  des  amateurs,  nous  de- 
vons nous  borner  à  dire  que  les  Antiquités,  la  Diplomatique,  la  Biographie 
et  la  Bibliograph'i.e,  ne  sont  pas  moins  riches  en  ouvrages  remarquables, 
soit  par  leur  rareté,  soit  par  le  luxe  de  leur  exécution  ou  de  leur  reliure. 


—  129  — 


Bu  Bt^M  tomott. 


L'ÉGLISE    DE    SAINT-MARTiN, 


\    SAtNT-TRONI). 


Les  édifices  religieux  en  slyle  roman  peuvent  se  diviser 
en  trois  séries;  dans  la  première  série,  nous  comprendrons 
les  anciennes  abbayes;  dans  la  seconde,  les  églises  monasti- 
ques, et  dans  la  troisième,  les  églises  paroissiales  des  villes, 
les  '^^glises  de  campagne,  les  cbapelles  particulières  des  châ- 
teaux et  les  chapelles  votives. 

C'est  à  la  troisième  série  des  monuments  religieux  qu'ap- 
partient l'église  paroissiale  de  Saint-Martin,  à  Saint-Trond. 
Ce  monument,  aussi  curieux  par  l'âge  que  par  l'art  de  sa 
construction,  doit  remonter  au  commencement  du  XIII"  siè- 
cle. Voici  la  description  architecturale  qu'en  donne  l'ou- 
vrage iniit'dé  :  Anciens  monuments  du  X/'^  au  XIII"  siècle: 

«  Cette  église  est  d'une  forme  très-simple  et  se  compose 
de  trois  nefs,  se  terminant  en  absides  correspondant  entre 
elles  par  des  arcades  en  plein  cintre  (i),  reposant  sur  des 


(1)  Les  deux  absides  correspondant  aux  deux  nefs  latérales  ont  été  renou- 
velées. Plusieurs  églises  du  Limbourg  en  style  roman  ont  trois  absides  à 
l'orient.  Nous  citerons  Notre-Dame  et  Saint-Servais,  à  Maeslricht.  De  cette 
dernière  église,  les  deux  absides  latérales  servent  aujourd'hui  d'entrées  et 
sont  construites  sur  un  plan  de  forme  carrée,  tandis  que  le  plan  de  l'abside 


—  130  — 

piliers  carrés  et  éclairés  par  huit  fenêtres  dans  le  même 
style.  Son  plafond  horizontal  est  en  bois  de  chêne  à  cais- 
sons, décoré  de  peintures  d'armoiries  et  de  dorures  dans 
le  goût  du  XVP  siècle. 

»  La  base  de  la  tour  romane  est  percée  d'un  arc  ogival 
à  voussures,  avec  porte  d'entrée  en  arcade  surbaissée,  dé- 
corée dans  le  haut  d'une  statue  équestre  de  saint  Martin 
en  grand  relief.  A  côté  de  l'ogive  se  trouvent  deux  niches 
en  plein  cintre,  que  surmontent  deux  portiques  figurés  éga- 
lement en  plein  cintre,  ayant  dans  le  milieu  chacun  une 
niche.  Deux  bandes,  dont  une  à  caissons  à  angles  droits, 
terminent  la  décoration  de  cette  partie  de  la  tour,  divisée 
en  plusieurs  zones  par  des  moulures. 

»  La  partie  supérieure  est  percée,  sur  chaque  face,  d'un 
portique  ouvert  en  plein  cintre,  encadré  d'une  arcade  por- 
tant sur  des  pilastres  superposés.  Les  voussures  de  ces 
portiques  sont  à  moulures,  et  leur  base  est  ornée  d'un 
parapet  à  caissons.  Deux  médaillons  ronds,  ayant  un  pan- 
neau carré  dans  leur  milieu,  ornent  la  base  de  celte  partie 
de  la  tour,  terminée  sous  le  toit  par  une  arcature  et  une 
moulure. 

»  Une  flèche  à  huit  pans,  couverte  d'ardoises,  couronne 
la  tour;  elle  est  divisée  en  trois  zones  par  deux  rangs  de 
tympans,  qui  rompent  les  facettes  de  la  pyramide  octo- 
gone. » 

Nous  croyons  rendre  un  service  à  l'art  et  à  l'archéologie, 
en  faisant  connaître  par  \e  Messager  ce  curieux  monument, 


majeure  trace  un  demi-cercle.  L'église  de  Rolduc,  près  d'Aix-la-Cliapelle,  a 
la  même  forme  que  celle  de  Nolre-Damc,  à  Maesiriclit;  sa  partie  orientale 
a  été  rebâtie  au  XV[«  siècle;  elle  se  compose  d'une  abside  dans  le  style  ogival 
de  la  décadence. 

Citons  encore,  pour  le  caractère  particulier  de  sa  construction,  l'église  de 
Sainl-Servais,  à  Liège,  qui  a  son  chœur  au  Nord,  ce  qu'on  rencontre  très-peu 
dans  les  monuments  religieux  de  la  Belgique. 


—  131  — 

dont  la  reproduclion  par  la  gravure  se  trouve  en  tête  de 
ces  lignes. 

Nous  engageons  beaucoup  les  archéologues  et  les  dessi- 
nateurs de  faire  connaître,  par  le  dessin  et  la  gravure,  les 
édificesde  l'époque  romane  etde  transition,  en  tenant  compte 
des  dispositions  de  ces  monuments,  de  leurs  formes  et  de 
leur  décoration.  Les  meubles  en  style  roman  de  nos  an- 
ciennes églises  ^ont  surtout  d'une  grande  importance  pour 
l'art  moderne;  ils  peuvent  servir  de  modèles  aux  artisans 
comme  aux  artistes.  Nous  regrettons  cependant  que  nos 
édiflces  ne  restent  pas  à  l'abri  des  actes  de  vandalisme,  qui 
semblent  plutôt  se  multiplier  que  se  restreindre  depuis  que 
l'attention  des  artistes  et  des  savants  s'est  portée  sur  ces 
vénérables  débris  d'un  autre  âge;  ce  sont  surtout  les  gran- 
des villes  de  la  Belgique  qui  donnent,  sous  ce  rapport,  le 
plus  triste  exemple. 

Arnaud  Schaepkens. 
Bruxelles,  mai  1858. 


152  — 


QUELQUES  RECHERCHES 


SUR 


LA  CARRIERE  DE  GUY  MORILLON, 

SECRÉTAIRE    DE    CHVRLES-QUINT. 


La  famille  des  Morillon,  originaire  de  la  Bourgogne, 
eut  le  privilège  de  donner  à  la  Belgique  trois  noms  qui 
figurent  avec  honneur  dans  l'histoire  du  XVP  siècle  :  Guy 
Morillon,  et  ses  deux  fils,  Miximilien  et  Antoine,  ont  bien 
mérité  de  TÉtat  et  de  l'Église  par  les  services  qu'ils  ren- 
dirent aux  sciences  et  aux  lettres,  par  leur  intervention 
dans  des  affaires  importantes  de  leur  temps. 

C'est  ce  qu'a  fait  ressortir  dernièrement  M""  Edward 
Van  Even  dans  un  rapport  plein  d'intérêt  sur  le  Blausolée 
de  la  famille  Morillon  à  Louvain  :  en  se  livrant  à  des  études 
archéologiques  sur  un  triptyque  de  Michel  Coxie,  de  Ma- 
lines,  provenant  d'un  ancien  tombeau  de  la  collégiale  de 
Saint-Pierre  et  conservé  aujourd'hui  à  l'hôtel-de-ville  de 
Louvaiii,  il  a  non  seulement  reconnu  les  personnages  du 
nom  de  Morillon  peints  sur  les  volets  de  ce  tableau  (dont 
le  panneau  principal  représente,  dit-on,  l'Ascension  du  Sau- 
veur), mais  encore  esquissé  la  biographie  des  principaux 
membres  de  cette  famille  (i). 


(1)  Voir  le  Rapport  dans  le  Messager  des  Sciences  historiques  de  Belgique, 
année  1857,  3«  livraison,  pp.  269-284  (avec  un  dessin  gravé  du  tableau  de 


—  135  — 

De  riches  et  abondants  matériaux  serviront  un  jour  à 
l'aire  l'histoire  des  deux  fils  si  distingués  de  Guy  Morillon, 
de  l'ainé,  Maximilien,  vicaire-général  de  Malines  et  ensuite 
évéque  de  Tournai,  ainsi  que  de  son  frère  Antoine,  litté- 
rateur et  archéologue.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour 
la  personne  de  leur  père  :  quoique  sa  carrière  publique 
coïncide  avec  le  règne  de  Charles-Quint,  on  est  loin  de  pos- 
séder actuellement  des  renseignements  précis  sur  les  épo- 
ques saillantes  de  cette  carrière,  du  genre  de  ceux  que  l'on 
a  conservés  sur  le  compte  de  plusieurs  de  ses  contempo- 
rains, hommes  d'affaires,  hommes  de  loi,  ambassadeurs  et 
diplomates.  Guy  xMorillon,  mort  en  1548  à  Louvain,a  laissé 
dans  son  siècle  la  réputation  d'un  homme  recommandable 
par  ses  vertus,  digne  des  fonctions  de  secrétaire  qu'il  rem- 
plit auprès  de  l'empereur  Charles-Quint,  et  en  même  temps 
d'un  esprit  cultivé,  versé  dans  les  belles-lettres  :  mais  est-on 
autorisé  à  le  considérer  comme  un  helléniste  habile,  qui 
aurait  été  le  premier  professeur  de  grec  au  collège  des 
Trois-Langues,  àLouvain?  Nous  ne  saurions  souscrire  sur 
ce  dernier  point  à  l'assertion  de  M""  Edw.  Van  Even  dans 
le  Rapport  instructif  que  nous  citions  tout  à  l'heure.  Le  seul 
témoignage  de  Goropius  Becanus  sur  lequel  cette  assertion 
est  appuyée  en  définitive,  est-il  suffisant  pour  donner  cré- 
dit à  un  fait  nouveau,  resté  inconnu  à  nos  anciens  érudits 
qui  se  sont  occupés  de  la  célèbre  institution  de  Busieiden? 
Nous  ne  le  pensons  pas.  Afin  de  mettre  le  lecteur  à  même 
de  comprendre  les  doutes  que  nous  avons  à  ce  sujet,  nous 
allons  produire  des  faits  qui  sont  en  désaccord  avec  l'affir- 
mation de^Goropius  Becanus,  des  rapprochements  de  dates 


Michel  Coxie).  —  Malgré  l'opinion  reçue,  on  soutiendrait  avec  vraisemblance 
cl  peut-être  avec  succès,  que  le  sujet  du  dit  tableau  est  la  Résurrection, 
puisque  le  Christ  s'élève  portant  sa  croix  avec  un  étendard,  en  signe  de  son 
Irioraphe.  C'est  une  question  d'iconographie  et  d'archéologie  chrétienne  que 
nous  ne  faisons  qu'énoncer  en  passant. 


—  154  — 

prouvant  au  moins  qu'elle  est  fort  contestable.  Les  investi- 
gations que  nous  dirigerons  de  ce  côté  ne  seront  pas  tout- 
à-fait  inutiles,  nous  l'espérons,  pour  éclaircir  la  carrière 
tout  entière  de  Guy  Morillon,  la  partie  de  sa  vie  qu'il  donna 
à  l'étude,  et  cette  autre  partie  qui  paraît  être  en  tout  cas 
la  plus  importante,  son  appel  et  son  rôle  à  la  cour  du  grand 
empereur. 

Nous  constaterons  d'abord  s'il  y  a  dans  les  écrits  du 
temps  quelque  présomption  en  faveur  du  titre  d'helléniste 
et  de  professeur  qu'on  voudrait  lui  donner.  Ensuite  nous 
verrons  si,  d'après  les  témoignages  conservés,  il  a  pu  se 
trouver  en  Belgique  dans  la  période  où  l'on  devrait  placer 
son  professorat.  Tout  ce  que  nous  dirons  des  efforts  que 
tenta  Morillon  pour  la  cause  des  lettres,  concourra  au  but 
général  de  cette  notice  :  on  aura  un  exemple  de  plus  des 
qualités  de  l'esprit  requises  par  nos  princes  et  nos  ministres, 
au  XVl^  siècle,  chez  ceux  qui  devaient  figurer  avec  hon- 
neur dans  l'entourage  du  souverain  et  assister  quelquefois 
à  ses  conseils. 

SI. 

Erasme  estimait  Guy  Morillon;  il  lui  écrivit  plus  d'une 
fois,  quand  celui-ci  séjournait  encore  en  Belgique  et  quand 
il  résida  en  pays  étranger;  il  s'entretint  de  lui  bien  souvent 
dans  sa  correspondance  avec  ses  amis.  Mais  on  ne  lit  nulle 
part  qu'il  l'ait  considéré  comme  un  des  actifs  promoteurs  de 
la  philologie  ancienne,  qu'il  avait  appris  à  connaître  dans  le 
Brabant,  et  qu'il  se  plaisait  à  recommander  à  l'attention  des 
autres  peuples  :  il  ne  parle  ni  de  son  habileté  dans  la  lan- 
gue grecque,  ni  de  la  charge  qu'il  aurait  prise  d'enseigner 
cette  langue  à  Louvain. 

De  même,  dans  les  autres  écrivains  et  littérateurs  latins 
de  la  première  moitié  du  XVI''  siècle,  il  n'est  fait  nulle  men- 
tion de  Guy  Morillon  à  titre  d'helléniste;  tandis  qu'ils  ont 


—  J35  — 

eu  à  cœur  de  rappeler  les  noms  de  tous  les  humanisles  qui, 
à  la  même  époque,  avaient  coiiUibué  eu  quelque  mesure  à 
ravancement  de  la  philologie  dans  les  Pays-Bas,  ils  n'ont 
point  prononcé  le  nom  de  ce  personnage  sous  ce  rapport  : 
c'est  du  moins  ce  qu'il  nous  est  permis  d'avancer,  à  l'heure 
qu'il  est,  au  point  où  nous  avons  pu  porter  nos  lectures. 
Ainsi  Thierry  Martens,  croyons-nous,  n'a  pas  eu  occasion 
de  citer  Guy  Morillon  parmi  les  jeunes  hommes  qui  se  sont 
faits  généreusement  les  correcteurs  des  épreuves  grecques 
et  latines  dans  son  imprimerie  (i),  ou  qui  ont  surveillé  di- 
rectement la  publication  de  ses  éditions  grecques,  copies 
pour  la  plupart  des  éditions  de  Venise.  Adrien  Barland, 
qui  fut  en  position  de  suivre  attentivement  le  mouvement 
littéraire  des  collèges  de  Louvain  avant  l'ouverture  de  celui 
de  Busieiden,  et  qui  put  voir  encore  les  premiers  résultats 
de  ce  mouvement,  paraît  avoir  gardé  le  même  silence  tou- 
chant l'homme  instruit  dont  nous  nous  occupons.  Enfin,  ni 
Jean  Varennius  dans  ses  livres  de  grammaire,  ni  le  célèbre 
Cleynaerts  dans  ses  divers  écrits,  —  tous  les  deux  hellé- 
nistes formés  à  l'école  de  Rescius,  —  ne  lui  ont  accordé  une 
place  particulière  dans  leurs  souvenirs  d'études  et  d'amitié 
qui  les  reportaient  souvent  parmi  les  humanistes  de  l'école 
de  Louvain. 

Pour  faire  de  Guy  Morillon  un  helléniste  et  un  profes- 
seur de  grec,  on  est  donc  réduit  au  passage  de  Goropius 
Becanus  auquel  nous  faisions  allusion  ci-dessus  (-2),  passage 
que  J.  Molanus  a  reproduit  en  abrégé  dans  son  Historia 
Lovanîensium,  encore  inédite  (3).  Or,  voici  à  quel  pro- 
pos Goropius  Becanus  a  parlé  de  notre  personnage.  Dans 


(1)  Voir  par  exemple  la  Biographie  de  Thierry  Marlens,  par  le  P.  Vah  Isf.- 
GiiEM  (Alost,  18S2). 

(2)  Article  cité  dans  le  Messager,  p.  273  et  277. 

^3)  MS.  de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne,  livre  XII. 


—   156  — 

la  dédicace  du  livre  IV  de  ses  Origines  Antverpienses  au 
cardinal  Granvelle  (i),  il  vante  le  haut  mérite  d'Antoine 
Morillon,  dont  ce  prélat  avait  encouragé  les  travaux  d'éru- 
dition et  les  recherches  archéologiques  sur  le  sol  de  l'Ilalie, 
et  il  rapporte  une  partie  du  savoir  que  le  jeune  antiquaire 
a  montré,  aux  leçons,  à  l'exemple  de  son  père,  Guy,  devenu 
célèbre  par  la  variété  et  par  l'étendue  de  ses  connaissances 
littéraires;  «  c'est  au  point,  ajoute-t-il,  que  l'école  de  Bus- 
leiden  se  félicite  encore  hautement  de  l'avoir  eu  pour  pre- 
mier professeur  de  langue  grecque  (2).  » 

Il  s'agit  maintenant  de  reconnaître,  aussi  exactement 
que  le  permet  l'état  actuel  de  notre  histoire  littéraire,  si 
l'assertion  de  Goropius,  si  formelle  qu'elle  paraisse,  est 
fondée  au  moins  sur  des  indices  probables,  ou  bi:.j  si  elle 
n'est  peut-être  qu'une  de  ces  mé|»rises  ou  plutôt  de  tes 
hallucinations  comme  il  y  en  a  tant,  et  de  plus  étranges 
encore,  dans  sa  fameuse  compilation;  on  s?it  qu'il  remonte 
le  cours  des  âges  mythologiques  pour  donner  une  mjgniû- 
que  introduction  à  son  livre  sur  les  origines  d'Anvers. 

On  objectera,  il  est  vrai,  que  Goropius,  qui  fut  troi- 
sième, en  1559,  à  la  promotion  des  maîtres  ès-arts  à  Lou- 
vain  (3),  et  qui  étudia  dans  cette  ville  les  lettres  lalines, 
grecques  et  hébraïques,  eut  tous  les  moyens  d'être  bien 
renseigné  sur  les  hommes  qui  remplirent  tout  d'abord  les 
chaires  du  collège  de  Busieiden,  érigé  vingt  ans  auparavant. 
On  dira  même  qu'il  a  pu  connaître  à  Louvain  les  deux  fils 
de  Guy  Morillon,  jeunes  gens  de  son  âge  (4),  achevant  en 


(1)  Anlverpiac,  typis  Planlini,  d369,  lib.  IV  (Cronia),  p.  291. 

(2)  «  Hic  plurimum  quidcm  doctrinae  erudilionisque  patri  suo  debebat 
liomini  de  varia  mullipliciquc  literarum  cognilione  ilà  nobili,  ut  Buslidiauae 
in  Lovaniensi  Academia  scholae  plurimum  sibi  gratulentur  se  bunc  prlmum 
habuisse  graecae  linguae  professorem.  » 

(3)  FoppENS,  Bibliolhcca  Belgica,  p.  04-9. 

(4)  Maxirailien,  l'aîné,  était  né  à  Louvain  en  1317;  Goropius  vit  le  jour  en 
juin  1518,  à  Hilvarenbeck,  dans  le  Brabant  septentrional. 


—  137  — 

mèrne  temps  que  lui  leur  cours  d'études.  On  pourrait  même 
alléguer  que  Goropius  eut  occasion  de  connaître  Morillon 
en  personne  ou  d'interroger  ceux  qui  l'avaient  connu,  puis- 
que dans  le  cours  de  ses  voyages,  après  ses  études  de  mé- 
decine, il  fut  attaché  en  qualité  de  médecin  à  Marie  de 
Hongrie  et  à  Eléonore,  reine  de  France,  dont  Guy  avait  été 
le  secrétaire  (i). 

Malgré  les  inductions  que  l'on  tirerait  de  ces  faits  di- 
vers, il  est  assurément  fort  difficile  d'ajouter  foi  au  témoi- 
gnage de  Goropius  touchant  la  position  faite  à  Guy  Morillon 
au  collège  des  Trois-Langues.  Quand  Valère-André  écrivit 
l'histoire  de  ce  collège  en  1614,  un  siècle  environ  après  sa 
fondation,  il  avait  encore  sous  les  yeux  tous  les  documents 
authentiques  qui  pouvaient  servir  à  son  dessein,  et  il  n'a- 
v&it  aucun  motif  d'effacer  le  nom  de  Guy  Morillon  des 
annales  littéraires  de  l'école  si,  en  effet,  ce  nom  y  eût  été 
inscrit  d'ancienne  date.  Molanus,  dira-t-on  peut-être,  a  pu 
contrôler  les  traditions  académiques,  et  cependant  il  a  fait 
bon  accueil  dans  son  livre  à  l'assertion  de  Goropius.  Mais, 
camme  on  le  sait  positivement  (2),  Valère-André  eut  con- 
naissance du  travail  spécial  de  Molanus  sur  Louvain  et  son 
uaiversité  :  sans  aucun  doute,  il  eût  mis  à  proflt  une  donnée 
historique  du  genre  de  celle  que  nous  examinons,  du  mo- 
ment où  il  en  eût  constaté  la  valeur  et  l'authenticité. 

Nos  propres  recherches  sur  l'origine  et  les  commence- 
ments du  collège  des  Trois-Langues,  ne  nous  ont  rien  fait 
découvrir  qui  infirmât  l'exposé  de  Valère-André  sur  la 
nomination  et  la  succession  des  premiers  professeurs  de 
langue  grecque  (3).  Dès  qu'il  s'agit  de  l'ouverture  de  ce 


(1',  FoppENS,  Bibl.  belg.,  ibid. 

(2]  V.  Andr.  Fasti  acadcmici  (éd.  1650),  p.  284.  —  Foppens,  Bibl.  belg., 
pp.  «94-696. 

(5[  Voir  le  chapitre  VII  de  notre  Mémoire  historique  et  littéraire  sur  le 
collé'je  des  Trois-Langues  à  l'Université  de  Louvain,  pp.  200  et  suiv.  [Mém. 
cour,  par  l'Acad.  royale  de  Belg.,  t.  XXVIII;  Bruxelles,  1836;  in-Jo). 


—  138  — 

collège  en  exécution  des  volontés  de  Jérôme  Busleiden, 
Erasme  demanda  à  Jean  Lascaris  d'envoyer  à  Louvain  un 
de  ses  compatriotes  pour  remplir  la  chaire  de  grec;  mais 
ses  tentatives  furent  sans  succès.  Alors  des  humanistes  de 
nos  provinces,  Jacques  Ceratinus,  Robertus  Csesar  et  d'au- 
tres, élevèrent  des  prétentions  à  cette  chaire  et  invoquèrent 
à  cet  effet  la  protection  d'Erasme  :  ce  fut  Rutger  Rescius 
qui  l'obtint  et  qui  en  prit  possession  du  jour  où  les  leçons 
de  langues  se  donnèrent,  en  septembre  1518,  dans  une  au- 
ditoire des  PP.  Auguslins.  C'est  dans  ce  local  provisoire 
qu'il  inaugura  son  enseignement  (Auspicatus  est  professio- 
nem)  :  ainsi  le  veut  un  texte  formel,  passage  désormais 
classique  dans  les  fastes  de  notre  érudition  nationale.  Deux 
ans  après,  le  2o  octobre  1520,  c'est  encore  Rescius  qii, 
comme  professeur  de  grec,  prend  possession  avec  les  pro- 
fesseurs de  latin  et  d'hébreu  du  bâtiment  affecté  à  l'insti- 
tution de  Busleiden.  On  ne  saurait  prouver  que  Rescius 
ait  été  privé  un  seul  instant  de  la  jouissance  de  sa  charge 
jusqu'en  1545,  année  de  sa  mort,  alors  qu'il  eut  pour 
successeur  Adrien  Amerotius.  Ainsi  aurait-on  grande  peiie 
à  revendiquer  pour  Guy  Morillon,  l'honneur  que  lui  attri- 
bue Goropius,  d'avoir  été  le  premier  professeur  de  grec  à 
l'école  des  Trois-Langues. 

Mais  comment  rendrait-on  raison  du  bruit  recueilli  par 
Goropius  sur  le  professorat  de  Guy  Morillon,  si  ce  n'estpas 
une  pure  invention?  Il  n'y  aurait,  ce  nous  semble,  d'autre 
moyen  que  de  mettre  notre  personnage  au  nombre  des 
jeunes  gens  instruits  de  la  faculté  des  Arts  et  d'attres 
facultés,  qui  avaient  donné,  non  sans  succès,  avant  1517, 
des  leçons  privées  de  grec  dans  des  collèges  et  pédagogies 
de  l'université.  Comme  il  y  en  eut  tant  d'exemples  5  :ette 
époque  (i),  nous  inclinerions  volontiers  à  croire  que  Mo- 

(i)  Voir  au  cliapUre  V  de  notre.  Mémoire,  cilé  ci-dessus. 


—  139  — 

rillon,  à  la  fleur  de  Tàge,  montra  du  zèle  à  Louvain  pour 
la  cause  des  bonnes  Icllres,  comme  en  disait  alors  :  il  était 
sur  de  rencontrer  de  ce  côté  les  sympathies  d'Erasme,  et, 
avant  qu'il  fût  engagé  dans  une  autre  carrière,  il  a  peut- 
être  porté  ses  vues  sur  une  des  chaires  de  belles-lettres 
dont  on  réclamait  de  toutes  parts  l'érection.  Qui  sait  même 
si  Morillon  ne  songea  pas  à  faire  valoir  ses  droits  à  la  leçon 
de  grec,  quand  il  la  vit  sollicitée  par  beaucoup  de  jeunes 
hommes  à  la  fois"^  Quoi  qu'il  en  soit,  rien  ne  prouve  qu'il 
occupa  jamais  une  telle  chaire  au  collège  de  Busleiden,  et, 
encore  une  fois,  s'il  eut  la  prétention  d'être  helléniste,  les 
nombreux  écrivains  de  son  temps  ne  disent  pas  un  mot  qui 
la  justifie. 

Maintenant,  qu'on  veuille  rendre  pleine  justice  à  Guy 
Morillon  et  retrouver  les  titres  qui  lui  ont  donné  rang  parmi 
les  hommes  lettrés  de  la  même  époque;  on  doit  mettre  eu 
ligne  de  compte  ses  travaux  en  partie  inédits  de  littérature 
latine.  Un  ancien  annaliste  lui  attribue  des  arguments  ou 
sommaires,  ainsi  que  des  scholies  sur  les  Héroïdes  et  sur 
VIbis  d'Ovide,  imprimés  dans  plusieurs  éditions  du  texte 
de  ces  poèmes  (i).  Ces  courtes  annotations  furent  repro- 
duites avec  les  observations  d'autres  érudits,  dans  une 
période  où  les  imprimeurs  s'emparaient  sans  grande  déli- 
catesse des  travaux  achevés  aux  frais  d'autrui  (2).  On 
trouve  du  moins  le  nom  de  leur  auteur  sur  le  titre  de 


(1)  MS.  de  MoLAMUS,  lib.  9.  —  Art.  cité  du  Messager,  p.  273  :  «  Scripsit 
argumenta  et  scholia  in  epistolas  Heroïdum  et  Ibin  Ovidii  édita  Lugduni  à 
Gryphio  et  Coloniae  à  Gymnico.  » 

(2)  Nous  citerons  d'abord  une  édition  de  Lyon  :  Ovidii  Hcroidum  libri  L.  A . 
Sabini  responsiones ,  cum  Guidonis  Morilloni  argumenlis  et  scholiis  (Lugd., 
Sira.  Vincentius,  1533,  in-S»);  puis  celle  de  Paris,  Simon  ColinBeus,  13Ao; 
ensuite  pluisieurs  éditions  de  Bàle(lo4l,  1343,  13'i<i),  et  une  autre  de  Franc- 
fort 1563,  in-8o).  Voir  Schweiger,  Handbuch  der  class.  Bibliographie,  th.  Il, 
B.  H;  Leipzig,  1854.,  p.  634. 


—  140  — 

quelques  éditions  des  Héroïdes  (i)  :  Guidonis  Morilloni 
argumenta  in  Epistolas. 

Un  témoignage  plus  formel  encore  est  rendu  sous  le  même 
rapport  à  Guy  Morillon  par  Pierre  Nannius,  professeur  de 
latin  (2),  qui  parait  l'avoir  connu  en  personne,  probable- 
ment dans  les  dernières  années  de  sa  vie  que  celui-ci  passa 
à  Louvain,  au  retour  de  ses  voyages.  Dans  les  préliminai- 
res du  livre  V''  de  ses  Miscellanées  (3),  consacré  à  des  études 
sur  Tile-Live,  Nannius  met  Guy  Morillon  au-dessus  de 
tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  l'interprétation  de  cet 
historien,  et  il  regrette  que  sa  modestie  l'ait  empêché  de 
publier  ses  commentaires,  qui  seraient  d'une  haute  utilité 
et  qui  lui  vaudraient  une  réputation  légitime  de  science.  On 
lira  volontiers  les  termes  dont  se  sert  ici  l'écrivain  con- 
temporain : 

«  Nemo  omnium,  quos  vidi,  diligentius  versatus  est  in 
»  Livio,  quàm  Guido  Morillonus,  nec  majori  fide  et  fruge 
»  commenlarios  in  hune  autorem  conscripsit.  Saepèque  ob 
»  id  illi  autor  fui,  ut  sua  in  lucem  ederet,  magno  enim  id 
»  emolumento  studiosis  omnibus  et  sibi  gloriae  futurum. 
»  Caeterùm  nondum  persuadere  potui,  gloria  enim  nihil 
»  capitur,  longa  jam  aetate  omnium  fere  rerum  satur,  prae- 
»  terquam  studii  de  omnibus  bene  merendi....  » 

On  apprend  en  cet  endroit,  par  la  bouche  de  Nannius, 
que  Guy  Morillon,  qui  avait  entre  les  mains  un  commen- 
taire sur  Tite-Live,  avait  résisté  à  toutes  les  instances  que 
celui-ci  lui  avait  faites  pour  le  livrer  à  l'impression.  Le  zélé 
philologue  émet  ensuite  le  vœu  que  cette  œuvre  ne  soit 
pas  perdue,  et  qu'elle  soit  mise  au  jour  plus  tard,  sinon  par 


(1)  Anlv.,  Plantin,  1595;  in-8».  —  Francofurti,  IGOl,  id. 

(2)  Mémoires  sur  le  collège  des  Trois-Langues,  ch.  VI. 

(3)  SuixixtxTUv,  sive  Misccllancorum  decas  una  (Lovanii,  ex  oflficina  Servalii 
Sasseni,  anno  1548,  niciise  junio,  in- 8").  —  Liber  quintus.  Ex  Tito  Livio 
hislorico,  p.  140. 


—  Ul   — 

l'auteur  lui-même,  du  moins  par  ses  doctes  fils.  En  même 
temps,  il  rend  à  son  ami  cet  autre  témoignage,  qu'il  a  re- 
couru aux  lumières  des  autres  en  toute  honnêteté,  avec 
l'intention  de  ne  rien  dissimuler  dans  son  travail  de  ce  qu'il 
leur  devait.  Nous  citerons  encore  la  suite  du  même  passage 
de  Nannius,  si  honorable  pour  la  mémoire  de  notre  per- 
sonnage : 

«  Nunquàm  autem  exislimat  ille,  satis  sua  elaborata  esse, 
»  homo  minime  philautus,  videturque  mihi  ex  praecepto 
»  Horatii  non  nonum  annum,  sed  poslhumum  (ut  sic  dicam) 
»  expectare.  IVec  dubito,  si  ipse  in  vita  sua  non  evulgarit, 
»  quin  fllii  ejus  Juvenes  doctissimi,  sinl  evulgaturi.  Is  ad 
»  eas  elucubraliones,  non  suo  solum  ingenio,  sed  omnium 
»  etiam  amicorum  uti  volet,  saltem  in  pauculis  rébus,  idque 
»  non  sine  nomenclatura,  Candidissimus  enim  est,  et  plagii 
»  summus  detestator.  Yidi  aliquando  rescripta  Budaei  super 
»  quibusdam  locis,  in  quibus  meum  quoque  judicium  con- 
»  suluerat.  Nonnulla  igitur,  quae  tum  cum  illo  meditatus 
»  sum,  et  quae  posterius  deprehendi,  studiosorum  oculis 
»  libenter  offeram,  unde  spero  nonnihil  lucis  in  rébus  obs- 
»  curioribus  nascilurum.  » 

Nannius  publiait  son  volume  de  Mélanges  philologiques 
au  mois  de  juin  1548;  Guy  Morillon  mourut  à  Louvain 
le  9  octobre  de  la  même  année.  Ainsi  se  réalisa  la  prévision 
de  l'écrivain  relativement  au  sort  du  commentaire  sur  Tite- 
Live,  qui  ne  serait  plus  qu'une  œuvre  posthume.  Il  est  dou- 
teux que  ce  commentaire  ait  jamais  vu  le  jour;  mais  JVannius, 
comme  il  nous  l'apprend  lui-même,  a  mis  à  profit,  dans  ses 
notes  détachés  sur  le  texte  de  Tite-Live  (i),  les  observations 
qu'il  avait  recueillies  dans  ses  entretiens  littéraires  avec 


(I)  Miscellanea,  lib.  V,  pp.  lil-lôG,  —  Dans  l'exameii  critique  de  quelques 
passages,  Nannius  consulta  deux  manuscrits  de  Tite-Live,  conservés  à  Lou- 
vain, Tun  au  collège  d'Arras,  l'autre  au  collège  de  Busleiden. 


—  142  — 

Morillon  au  sujet  de  cet  auteur.  Le  désir  d'être  exact 
allait  fort  loin  chez  Morillon,  puisqu'il  soumit  à  Nannius 
les  réponses  qu'il  avait  reçues  de  G.  Budé  sur  le  sens  de 
certains  passages  de  l'historien  latin. 

Dans  sa  première  jeunesse,  Morillon  s'était  occupé  de 
l'étude  d'un  autre  historien  de  Rome,  Suétone,  le  biographe 
des  douze  Césars.  Une  édition  de  Suétone,  donnée  en  1509 
à  Paris,  chez  Gourmont,  porte  son  nom  comme  auteur  de 
notes  marginales  accompagnant  le  texte  (i).  On  la  trouve 
mentionnée  de  la  manière  suivante  :  Suelonius  TranqtiilUis 
de  XII  Caesurum  vilis,  diligentiori  studio  a  mendis  prope 
omnibus  per  Guidonem  Morillonum  nupcrrimè  vindicatus, 
dispersis  in  marginibus  adnotatiunculis  (Paris,  Gourmont, 
1509,  petit  in-8").  La  brillante  introduction  d'Ange  Poli- 
lien  sur  Suétone  fut  réimprimée  en  tête  du  livre. 

Ce  n'est  pas  un  véritable  commentaire  dont  se  chargea 
Morillon,  en  donnant  ses  soins  à  un  auteur  imprimé  en 
France  depuis  peu  d'années  :  cette  lâche  avait  été  remplie 
par  des  humanistes  célèbres,  dans  des  éditions  d'Italie  pu- 
bliées à  la  fin  du  XV*"  siècle  {2).  La  révision  du  texte  sur 
un  manuscrit  de  Paris  a  sans  doute  constitué  le  meilleur 
service  rendu  par  le  nouvel  éditeur.  Les  notes  détachées 
dues  à  Morillon  étaient  le  fruit  de  ses  premières  lectures; 
on  ne  peut  leur  attribuer  grande  importance.  Un  peu  plus 
tard  (3),  Erasme  travailla  sur  le  texte  de  Suétone  à  la  suite 
de  J.-B.  Egnatius,  qui  s'était  chargé  de  sa  révision  pour 

(1)  Guy  Morillon  est  donné  comme  Téditeur  de  ce  volume  (de  204  pages) 
dans  le  Supplément  du  Gelchrten-Lexicon  de  Joecher  (t.  IV,  col.  2123),  d'après 
le  bibliographe  Goetze  (Bibliolh.  Dresd.,  t.  II,  p.  498).  —  Schweiger  le  décrit 
beaucoup  mieux;  mais  admet  que  deux  tirages  en  furent  faits,  le  premier  sans 
date,  et  le  second,  avec  la  date  de  MDIX  et  le  nom  de  Gourmont.  V.  Handb. 
der  class.  Bibliographie  (Lateinische  Schriflstellern),  B.  II,  pp.  973-74). 

(2)  Antoine  Sabellicus  dans  les  éditions  de  Venise  (1490  et  1495),  et  Phi- 
lippe Beroahlus  dans  celle  de  Florence  (1493). 

(3)  Voir  la  Préface  de  ses  observations,  datée  d'Anvers,  année  1517. 


—  445  — 

les  Juntes  de  Florence;  il  ne  s'est  pas  préoccupé  des  notes 
de  Morillon.  Il  en  est  de  même  dans  les  travaux  philo- 
logiques, qui  virent  le  jour  chez  Plantin  avant  la  fin  du 
XVl^  siècle  :  Théodore  Pulmann  et  Laevinus  Torrentius 
ont  eu  en  vue  de  combler  les  lacunes  laissées  dans  la  criti- 
que de  Suétone  par  les  littérateurs  d'Italie,  Beroaldus  et 
Sabellicus  (i). 

Dans  sa  belle  édition  de  Suétone  en  deux  tomes  in-4% 
Pierre  Burmann  a  reproduit,  au  milieu  des  préfaces  et 
préambules  des  principaux  éditeurs,  la  préface  dédicatoire 
mise  par  Guy  Morillon  en  tète  de  l'édition  de  1  o09  (-2).  Cette 
pièce  adressée  à  un  protecteur  de  notre  personnage  (Fran- 
cisco de  Campogirauldo)  montre  bien  quel  but  modeste  il 
se  proposait  en  consacrant  ses  veilles  à  celte  édition;  il  a 
voulu  présenter  à  la  jeunesse  studieuse,  dans  un  format 
portatif,  un  texte  aussi  correct  que  possible,  et  enrichi  de 
courtes  notes,  inscrites  à  la  marge.  Il  offre  à  son  Mécène  ce 
travail,  si  imparfait  qu'il  soit,  comme  un  gage  de  sou  bon 
vouloir  dans  la  carrière  des  lettres,  où  le  bienfait  d'autrui 
l'a  fait  entrer;  il  a  choisi  Suétone  entre  tous  les  bons  au- 
teurs, à  cause  du  sujet  capital  qu'il  traite  et  des  qualités 
particulières  de  son  style  (s).  La  correction   du  livre  de 


(1)  Curâ  Th  Pulmanni,  Antverpiae,  1574,  in-S".  —  Cura  Laevini  Torrentii, 
Antverpiae,  1391,  in-4''.  —  Le  commentaire  de  ce  dernier  a  été  reproduit  en 
entier  dans  les  éditions  vantées  de  J.  Graevius  et  de  P.  Burmann  :  Grœvius  a 
même  pris  la  défense  du  savant  évéque  d'Anvers,  contre  l'accusation  de 
plagiat. 

(2)  Tome  II,  Amsterdam,  1736,  pp.  iiï-iô. 

(5)  Dans  un  long  passage  de  la  dédicace  que  nous  ne  pouvons  reproduire, 
G.  Morillon  s'exprime  avec  justesse  et  fermeté  sur  le  haut  intérêt  des  Vies  des 
Césars,  qu'il  appelle  un  livre  d'or.  Pour  le  fond,  ce  livre  est  précieux  comme 
peinture  fidèle  des  mœurs;  il  transmet  à  la  postérité  de  terribles  exemples 
dans  la  fin  effroyable  des  mauvais  princes,  et  de  sévères  enseignements  sur 
l'efTet  funeste  des  désordres  moraux.  Quant  au  style,  il  est  admirable,  à 
cause  de  sa  parfaite  concision,  de  sa  gravité  constante  et  de  la  propriété  des 
termes. 


—  IM  — 

Suélone,  publié  jusqu'alors  dans  un  état  défectueux,  lui 
fut  rendue  plus  facile  par  la  collation  qu'il  put  faire  des 
textes  imprimés  avec  un  ancien  manuscrit  de  l'abbaye  de 
Saint-Victor  :  après  de  longues  hésitations  sur  le  succès 
d'un  tel  labeur,  il  en  tira  parti,  nous  dit  le  jeune  philo- 
logue, grâce  à  celte  application  opiniâtre  qui  triomphe 
presque  toujours  des  obstacles. 

Pour  qu'on  juge  de  la  difficulté  et  du  mérite  de  l'entre- 
prise, nous  citerons  ici  des  extraits  de  la  dédicace  de  Guy 
Morillon,  datée  de  l'Université  de  Paris,  le  17  août  1508  : 

G.  Morilloni  dedicatio  ante  Editionem  Paris.  MDIX. 

Clarissimo  viro  Francisco  de  Campofjirauldo, 

mérita  sacratissimarum  legum  laurea 

decorato,  miisiscpie  polilioribus  ornatissimo 

Guido  Morilonus  S.  P.  D. 

«  Iniquus  saue  otii  mei  distributor  jure  dici  possira,  nisi 
illius,  Francise!  diu  mei,  rationem  liabeam  :  cujus  solo  benc- 
ficio  nobis  contigit  hoc  in  amoenulo  gratoque  ocio,  in  hoc,  in- 
quam,  suavissimo  literarum  diversorio,  raolliter  conquiescere; 
quo  procul  diibio  neque  dulcius  qnicqiiam,  neqne  expeiibilius  in 

hac  morbili  vita,  aut  fingi,  aut  excogitari  potest 

Ergo  igitur  ut  possem  aère  me  isto  tuo,  vel  tantillum  levare, 
aut  saltem  grati  erga  te  animi  facere  argumentum,  statim  ex 
omni  eruditorura  albo,  Suetonium  Tranquillum,  scriptorum  ni- 
rairura  candidissimura,  tibi  potissiniura  delegi,  quod  illius  te 
lectione,  prout  doctissimum  quemque,  admodum  deleclari  certè 

sciebam 

Verumenimverô  hac  una  tantum  in  re,  seu  temporum  iniqui- 
tate ,  seu  calcographorum  imperitia  Tranquillo  maie  cessit  ; 
tamis  enira  non  dico  mendis,  sed  monstris  monstrabilibus  sca 
tebat,  ut  a  neniine  praeter  a  se  ipso,  vel  Apolline  (quod  dicltur) 
conjectore  in  veram,  id  est  suam  lectionem  reduceretur.  Quare 
ego  homuncio,  et  vir  elementarius  nimis  infeliciter  et  temerario 
quodara  ausu ,  puerilique  audacia ,  hoc  tam  arduum  viderer 
moliturus  negocium,  nisi  in  vêtus  quoddam,  et  ob  id  enienda- 


—  145  — 

tuin,  incidissem  exeoiplar,  quod  ab  antiqua  Sancti  Victoris 
Bibliotheca,  post  multas  tandem  preces  anxiè  extraxiinus,  auc- 
tore  praesertim  nostro  Pylade,  id  est  Jacobo  de  Curia  Gampano 
viro  quidein  liteiatissimo,  liberalioribus  Musis  oruatissinio.  Fuit 
nihilominus  longe  nobis  gravius  atque  acerbius,  quam  vel  bis 
nostris  hunieris,  vel  a  principio  conceperamus  :  ita  nt  rei  diffi- 
cultate  deterritus  terga  pêne  dedeiim.  Vici  tamen  tandem  la- 
boris  constanlia  magis  quam  viribus,  studio  magis  quam  arte, 
quum  scilicet  sit  tani  difficile,  quod  non  assidua  meditatio  fa- 
cillimum  reddat. 

»  Curavimus  ergo  pro  nostra  virili  Suetonium  Tranquillum 
tersum  emunctumque  ad  te  mittere,  et  ut  commodius  gesfare- 
tur,  in  encbiridion  transformare,  dispersis  pro  juvenura  facili- 
tate  in  marginibus,  tanquara  stellulis,  quibusdam  annotatiun- 
culis,  quod  si  non  plané  tibi  nostra  satisfecerit  diligentia, 
voluntas  in  laude  erit,  cum  omnis  (ut  ait  quidam)  sit  conatus 

in  casu  

Suscipe  ergo,  suavissime  patrone,  qua  soles  humanitate,  hune 
Suetonii  libellum,  opinor,  emendatissimum,  nisi  me  lectionis 
insolentia  fefellerit,  et  si  modo  hoc  consequar,  ut  studiosos 
aliquantulum  juvisse  dicar,  tibi  acceplum  référant. 

»Vale,  praesidium  et  dulce  decus  meum,  Guidoneraque  tamen 
quo  semel  coepisti  favore  prosequere.  »  —  Ex  aima  Parrhisio- 
rum  Academia,  XVI  Galendas  Septembris  anno  Virginis  partus. 
M.  D.VIIL 

Un  humaniste  de  l'époque,  ami  de  G.  Morillon,  Jacques 
de  Curia,  composa  pour  la  même  édition  de  Suétone  quel- 
ques distiques,  où  il  apostrophe  l'historien  latin  et  lui 
vante  la  généreuse  hospitalité  qu'il  devra  à  la  muniflcence 
d'un  Mécène  tel  que  François  Bouchet,  intendant  du  pays 
de  Sens  (Senonensîs  Reipb.  moderatori);  il  lui  fait  valoir 
dans  les  termes  suivants  les  services  de  son  nouvel 
éditeur  : 

Jam  laceras  compsit  Gitido  ilforilonus  amiclus, 
Jam  tua  deformi  corpora  labe  carent. 

Ici  s'arrêtent  les  renseignements   littéraires  que  nous 

10 


—  146  — 

avons  pu  découvrir  louchant  Guy  Morillon  :  ce  n'est  pas 
sans  motifs,  dira-l-on,  que  quelques  écrivains  lui  ont  fait 
honneur  d'une  culture  d'esprit  peu  ordinaire,  et  qu'on  in- 
scrivit de  ce  chef  sur  son  tomheau  un  mot  d'éloge  qui 
s'ajoute  bien  aux  louanges  dues  à  ses  vertus  (i).  Mais, 
évidemment,  c'est  à  cause  de  ses  éludes  de  langue  et  de 
philologie  latine  qu'il  eut  le  renom  d'un  homme  de  goût, 
d'un  érudit  estimé.  Cela  suffît  à  sa  gloire,  en  attendant  que 
l'on  prouve,  contre  toute  probabilité,  qu'il  ait  également 
brillé  dans  les  études  grecques. 

S  H. 

La  jeunesse  de  Guy  Morillon  s'élait  écoulée  dans  les 
éludes  qui  servaient  alors  de  préparation  à  une  carrière 
savante  ou  à  des  fonctions  publiques.  Jusque  vers  1517, 
il  songea  peut-être  à  se  vouer,  comme  tant  d'humanistes  de 
nos  provinces,  à  l'enseignement  des  lettres;  mais  alors,  selon 
loute  apparence,  il  tourna  son  activité  du  côté  des  affaires. 
La  correspondance  d'Erasme  nous  donne  sur  sa  personne, 
à  partir  de  ce  moment,  quelques  renseignements  que  l'on 
chercherait  en  vain  ailleurs  (2). 

Que  d'événements  importants  ou  curieux  se  pressent 
dans  notre  histoire  nationale  pendant  la  seule  année  151 7! 
Charles  quille  le  solde  notre  pays  pour  aller  prendre  posses- 
sion du  Irône  d'Espagne;  des  publicisles  et  financiers  des 
conseils  souverains  de  Belgique  vont  le  suivre  eo  ce  pays. 
Le  travail  intellectuel  qui  s'est  fait  depuis  le  commencement 


(1)  «  Viro  pietale,  literis  et  integritale  vilae  conspicuo  Guidoni  Morillono, 
Carolo  V  imp.  Caes.  Aug.  a  secrelis,  etc.  »  —  Rapport,  p.  272. 

(2)  Nous  accepterons  les  dates  de  cliaque  lettre  d'Erasme  ou  de  Blorillon, 
ronime  elles  sont  consignées  dans  la  grande  édition  des  œuvres  complètes 
<rErasme  (Leyde,  1702);  nous  ne  prétendons  point  cependant  qu'il  ne  reste 
des  doutes  plausibles  sur  l'exactilude  de  plusieurs  dates  de  celte  édition,  à  la 
diiïérence  d'une  année. 


~   147  — 

(lu  siècle  daus  nos  villes  el  nos  écoles  va  porter  ses  fruits; 
la  cause  des  lettres  est  prise  à  cœur  par  de  hauts  dignitai- 
res de  rÉglise  et  de  TÉtat.  Le  précepteur  de  Charles-Quint 
favorise  de  loin  par  l'autorité  de  ses  avis  le  nouvel  essor 
des  éludes;  Jérôme  Busieiden  a  confié  ses  plans  généreux 
à  des  amis  dévoués,  avant  de  se  mettre  en  route  pour  l'Es- 
pagne avec  le  chancelier  Jean  de  Sauvaige.  Erasme  excite  ou 
réveille  le  zèle  des  hommes  qui,  à  la  cour  ou  sur  les  bancs 
de  l'université,  ont  mis  la  main  à  l'œuvre. 

Sans  doute,  Guy  xMorillon  avait  eu  connaissance  de  la 
célèbre  publication  de  Morus,  VUlopie,  qui  sortit  des  presses 
de  Martens  au  commencement  de  1517;  il  plaisante  agréa- 
blement, dans  une  lettre  écrite  de  Bruxelles  à  Erasme  (i), 
au  sujet  d'un  théologien  de  sa  connaissance,  qu'il  appelle 
doyen  d'Utopie  (Utopiensem  decanuni),  el  qui,  pendant  une 
absence,  lui  a  conféré  sa  charge;  on  le  salue,  on  le  visite, 
on  l'accable  de  lettres;  mais  l'argent  ne  vient  pas!  Peut- 
être,  se  demande-t-il,  le  peuple  pense  que  les  fonctions  de 
vicaire  en  Utopie  sont  des  fonctions  gratuites.  A  ce  prix,  il 
se  passerait  de  l'honneur  qui  reste  bel  et  bien  une  charge. 

Peu  de  mois  après,  le  5  juin  1317  (2),  Morillon  écrit  à 
Erasme  pour  lui  annoncer  son  mariage  :  «  Helena  suo  ob- 
tigit  Paridi  (ô).  »  Il  l'assure  dans  la  même  lettre  que  le 
chancelier  fait  un  accueil  douteux  à  ses  lettres;  puis  il  lui 


(1)  Guido  Morillonus  Erasmo.  —  Bruxellis,  18  febr.  1317.  —  Epistol.  (0pp., 
t.  III),  col.  1391.  «  In  summa,  ex  Guidone  pragmaticus,  id  est,  Theologus 
factus  sum,  nisi  quod  de  ducatis  mirum  intérim  silenlium  :  nihil  forsan  ad 
Utopiensem  Vicarium  hoc  attinere  putant »  S'agirail-il  de  quelque  béné- 
fice sollicité  pour  Morillon? 

(2)  Epistol.,  col.  1607-8.  —  La  femme  de  Morillon  s'appelait  Elisabeth  de 
Mil;  elle  mourut  à  Louvain,  le  20  décembre  1332,  et  fut  enterrée  comme  son 
mari  à  la  collégiale  de  Saint-Pierre. 

(3)  Cette  comparaison  fut  sans  doute  inspirée  à  Morillon  par  sa  première 
lecture  des  épitres  d'Ovide,  parmi  lesquelles  il  y  a  une  épître  de  Paris  à 
Hélène  et  une  autre  d'Hélène  à  Paris  :  nous  avons  dit  un  mot  plus  haut  de  ses 
annotations  sur  les  Héroides. 


148  — 


donne  le  conseil  de  se  rendre  à  Bruxelles  pour  voir  cet 
homme  d'état  en  personne  avant  sou  prochain  départ.  Or, 
à  cette  époque,  Jean  de  Sauvaige,  chancelier  de  Bourgogne, 
était  sur  le  point  de  se  rendre  en  Espagne.  On  sait  qu'il 
partit  au  mois  d'août,  et  que  c'est  à  Bordeaux  qu'il  perdit  un 
de  ses  compagnons  de  voyage,  le  conseiller  J.  Busleiden. 
Ce  dernier  événement  aussitôt  connu  dans  les  Pays-Bas, 
Erasme  songea  à  la  réalisation  des  vues  de  son  ami  en  fa- 
veur des  études,  et  il  fut  consulté  dans  la  même  intention 
par  la  famille  du  défunt.  Le  2  novembre  1517  (i),  il  s'en- 
tretenait avec  Barbirius  des  moyens  d'ouvrir  sans  tarder  le 
collège  institué  par  le  testament  de  Busleiden,  et  nommait 
le  juif  converti  iMatthseus,  d'origine  espagnole,  comme  dé- 
signé d'avance  pour  la  leçon  d'hébreu  :  il  déclarait  ne  pas 
savoir  ce  que  Guy  Morillon  était  devenu  :  «  Guido  Moril- 
»  lonus  ubi  sit  nescio,  et  tamen  scire  cupio  quid  rerum 


»  gerat.  » 


On  conjecturerait  que  Morillon  avait  passé  de  Brabant 
en  Espagne,  sinon  à  la  suite  du  chancelier  de  Sauvaige  et 
d'Antoine  Sucquet,  du  moins  avant  la  fln  de  l'année  1317. 
Au  commencement  de  l'année  suivante,  Barbirius  adressa 
à  Erasme  deux  lettres,  dont  l'une  était  écrite,  en  son  nom, 
de  la  main  de  Guy  Morillon.  En  le  remerciant,  et  en  le 
priant  de  ne  pas  oublier  ses  amis  au  milieu  des  délices  de 
l'Espagne,  Erasme  demande  ironiquement  des  nouvelles  du 
jeune  Guy,  qu'il  appelle  plus  loin  le  compère  de  Barbi- 
rius (a),  et  s'étonne  qu'il  ait  froid  dans  un  pays  si  chaud. 
C'était  alors  l'époque  où  l'on  discutait  les  titres  de  ceux 
qui  s'étaient  présentés  par  les  nouvelles  chaires  de  l'insti- 


(1)  Lettre  de  Louvain.  Ibid.,  col.  270. 

(2)  Epist.,  col.  30G  (Erasraus  Barbirio),  Louvaiii,  0  mars  1318.  —  «  Sed 
qiiiJ  ais?  frigel  istio  Guido  juvenis  in  regione  tam  calida?  Sallem  adessel  illi 
sna  nvmpha,  ne  loliis  frigorc  pereat.  »—  Ibid.,  col.  507  :  «  Saluta  mco 
nomiue  Guidonem  Moi-iilonein  congerronem  luum,  » 


—  Ud  — 

tiition  de  Busleideu  :  Erasme  parle  de  Borsaliis,  désigné 
pour  la  chaire  de  latin,  qui  échut  à  lîarlandus  lors  de  Tou- 
verlure  du  collège;  mais  il  ne  laisse  point  entendre  qu'on 
avait  des  vues  sur  Morillon.  Il  ne  serait  pas  aisé  de  Irans- 
por'er  celui-ci  de  la  Castille  en  Brabant  au  milieu  de  l'an 
née  1518.  N'avons-nous  pas  dit  assez  pour  établir  son 
alibi? 

On  a  lieu  de  croire  que  Guy  Morillon  fut  de  quelque 
utilité  à  Erasme  dans  ses  rapports  avec  la  cour  de  Charles- 
Quint.  Il  était  lui-même  en  relation  avec  le  chancelier  de 
Sauvaige,  à  qui  Erasme  dut  sa  nomination  au  rang  de  con- 
seiller du  roi  (i).  Mais,  puisque  le  chancelier  mourut  en 
Espagne  dans  l'année  1518,  il  est  probable  que  Morillon 
intervint  auprès  de  lui  pour  obtenir  cette  faveur  à  Erasme. 
Celui-ci,  en  1517,  parlait  de  Jean  de  Sauvaige  comme 
d'un  homme  très-instruit  {vir  eruditissimus),  le  considérait 
comme  son  patron  et  le  donnait  pour  un  protecteur  des 
gens  de  lettres  (2).  Quand  Morillon  devint  lui-même  secré- 
taire de  Charles  élevé  à  l'Empire,  il  fit  en  sorte  d'assurer 
à  Erasme  les  avantages  attachés  à  son  titre  de  conseiller 
royal.  C'est-ce  qui  ressort  de  l'affirmation  de  Nannius  dans 
le  chapitre  de  ses  Miscellanea  où  il  traite  des  études  de 
Morillon  sur  Tite-Live,  comme  nous  l'avons  rapporté  plus 
haut  (5)  :  «  Ut  qui  inter  caeteros  Erasmi  fortunas  illas  pri- 
»  mus  et  sustentavit  et  auxit,  impetrata  ei  à  Carolo  Impe- 
»  ratore  Senatoria  dignitate.  »  On  aurait  peine  à  douter  du 
fait  (4),  quand  on  le  voit  conûrmé  par  la  position  privi- 

(1)  On  lit  dans  l'esquisse  de  sa  propre  vie  tracée  par  Erasme  dans  les  pré- 
liminaires du  t.  I*^""  de  ses  OEuvres  :  «  Invilatus  in  aulam  Caroli  nunc  Cœsa- 
ris  ,  cui  consiliarius  factus  est  opéra  Joannis  Sylvagii.  »  —  Cons.  Burigsi, 
Vie  d'Erasme,  t.  1,  p.  221  et  suiv.,  p.  227. 

(2)  Lettres  du  2  novembre  1517.  Episl.,  col.  2G8  et  270. 

(3)  Misccllaneorum  decas  una,  lib.  V,  p.  liO. 

(4)  FoppENS  {Bibl.  betg.,  biographie  d'Erasme,  p.  232)  s'exprime  ainsi  : 
«  In  aulam  Caroli  V  Cœsaris  adscitus  tilulo  et  salario  Consiliarii,  Guidon.e 
Morillonio  eidem  Caesari  a  secretis  potissimum  agcnic.  » 


—  150  — 

légiée  de  Morillon  auprès  de  Tempereur,  et  par  la  recon- 
naissance qu'Erasme  lui  conserva,  quoiqu'il  n'ait  pas  eu 
chance  peut-être  de  le  revoir  ni  à  Bàle  ni  à  Fribourg. 

En  1522,  Erasme  qui  était  souffrant  à  Bàle,  profita  de 
l'obligeance  de  Guy  iMorillon  pour  informer  P.  Barbirius 
et  ses  autres  amis  de  l'état  précaire  de  sa  santé  (i);  il 
l'appelait,  dans  cette  lettre,  a  véritablement  ami  «(verè  ami- 
cum).  Il  reste  incertain  si  Morillon  eut  l'occasion  de  revoir 
Erasme,  en  passant  par  la  Suisse  et  le  midi  de  l'Allemagne. 

C'est  encore  par  Erasme  que  nous  savons  que  Guy  Mo- 
rillon fît  un  très-long  séjour  en  Espagne,  de  1525  à  1531. 
Le  secrétaire  impérial  avait  écrit  plusieurs  fois  d'Espagne, 
comme  s'il  allait  bientôt  regagner  le  Brabant  :  Erasme  était 
désireux  de  savoir  s'il  y  était  revenu  en  effet  (a).  Morillon 
s'était  toujours  prêté  de  bonne  grâce  à  l'échange  des  cor- 
respondances d'Erasme  avec  des  écrivains  étrangers,  habi- 
tant l'Espagne  ou  quelque  partie  de  l'Empire.  Ayant  reçu 
en  1551  seulement  une  lettre  d'Alphonse  Vervesius,  écrite 
au  mois  d'août  1530,  Erasme  se  rendit  compte  d'un  tel 
retard  en  considérant  combien  longue  était  la  route  de 
l'Espagne  en  Flandre,  et  ensuite  de  la  Flandre  jusqu'à 
Fribourg  (ô);  il  n'accusa  pas  la  négligence  de  Morillon,  à 


(1)  Basileae,  an.  1322  (P.  Barbirio),  Epist.,  col.  740.  —  II  est  encore 
question  de  Morillon  dans  une  lettre  à  Goclenius  (13  oct.  1326.  —  Epist., 
col.  822). 

(2)  Lettre  de  Bàle,  2  juillet  lS2o,  à  Maximilien  Transsylvanus  [Epist., 
col.  876)  :  «  Guido  Morillouus  jani  semel  atque  iteruni  scribit  ex  Hispania 
••  quasi  mox  repeliturus  Brabanliam.  Scire  cupio  an  redierit...  »  —  En  1526, 
Erasme  charge  Nicolaus  Hispanus  de  ses  salutations  pour  le  même  Morillon 
à  qui  il  ne  peut  alors  écrire  [Epist.,  col.  952). 

(5)  Lettre  dErasme  à  Vervesius,  Fribourg  en  Brisgau,  21  août  1351  [Episl  , 
col.  1415).  —  Alpli.  Vervesius,  dit  Ulmetanus,  était  un  Bénédictin  qu'Erasme 
tenait  pour  très-versé  dans  la  philosophie  chrétienne;  il  lui  écrivit  de  Burgos 
en  février  1327,  pour  l'engager  à  mettre  au  jour  une  apologie  générale  qui 
fermât  la  bouche  à  la  masse  de  ses  adversaires  sans  entrer  dans  aucune  que- 
relle parliculièrc  [Episl  ,  col.  17 ID). 


—  151  — 

qui  la  lettre  fut  confiée;  mais  il  rappela  plaisamment,  à 
cette  occasion,  avec  quelle  lenteur  Morillon,  dont  le  nom 
serait  bien  l'équivalent  de  temporiseur  (a  morando),  a 
préparé  son  départ  de  l'Espagne  annoncé  depuis  six  ans  ; 
«  Quanquam  hic  nihil  incusandum  arbilror  Morillonum, 
»  licet  à  morando  cognomen  videatur  sortitus,  et  alioqui 
»  mirus  Callipides  (i),  ut  qui  tolos  sex  annos  adornans  iter, 
»  vix  tandem  Hispaniam  potuerit  relinquere.  Sed  longum 
»  est  iter  ab  Hispaniis  in  Flandriam,  rursus  è  Flandria  Fri- 
»  burgum,  ut  felicitatis  sit,  si  quae  bue  vel  sero  perlé- 
»  rantur.  » 

Guy  Morillon  remplit  pendant  de  longues  années  les 
fonctions  de  secrétaire  auprès  de  Charles-Quint  :  il  est 
très-probable  qu'il  fît  de  fréquents  voyages  dans  les  états 
de  l'empereur  son  maître,  quoiqu'il  ait  résidé  en  Espagne 
pendant  un  terme  de  six  années  sans  interruption,  comme 
on  l'a  vu  plus  haut.  Il  eut  aussi,  nous  dit-on,  les  fonctions 
de  secrétaire  auprès  de  la  sœur  aînée  de  l'empereur,  Eléo- 
nore  d'Autriche,  qui  avait  passé  sa  jeunesse  dans  le  Bra- 
bant,  mais  qui  fut  tour  à  tour  reine  de  Portugal  et  de 
France. 

Les  livres  qu'il  nous  a  été  donné  de  consulter,  ne  nous 
ont  pas  fourni  de  plus  amples  renseignements  sur  la  car- 
rière publique  de  Morillon.  Préoccupé  surtout  dans  cette 
notice  des  faits  d'histoire  littéraire,  nous  laissons  de  bien 
bon  cœur  à  d'autres  l'honneur  de  faire  des  recherches  plus 
spéciales  et  plus  fructueuses  sur  les  faits  d'histoire  politi- 
que et  diplomatique,  auxquels  le  secrétaire  impérial  fut 
mêlé.  Nous  avons  renoncé  de  même  à  porter  nos  investi- 
gations sur  l'origine  de  la  famille  des  Morillon,  étrangère 


(l)  Ce  nom  de  Callipide,  acleur  tragique  du  temps  d'Agésilas,  était  devenu 
l'épilhète  d'un  homme  lent.  Voir  les  Adages  d'Erasme  {CItiliad.,  l.  Cent.,  VI, 
Prov.,  XLHI  et  ses  lettres  fpp.  537  et  878). 


—  152  — 

aux  provinces  belgiques,  et  sur  les  traces  qu'on  en  trouve- 
rait dans  l'histoire  de  l'ancienne  Bourgogne. 

Morillon  rentra  dans  la  vie  privée  avant  son  extrême 
vieillesse;  c'est  à  Louvain,  où  ses  fils  achevaient  leurs  élu- 
des, qu'il  passa  probablement  ses  dernières  années.  Il 
s'occupait  encore  d'études  littéraires,  au  témoignage  de 
Nannius,  dans  l'année  même  où  il  mourut  (lo48).  La  haute 
fortune  de  son  fils  Maximilien  lui  permit  d'ériger  dans  la 
principale  église  de  Louvain  le  monument  funèbre  qui  rap- 
pela pendant  deux  siècles  la  famille  des  Morillon,  dont  Guy 
était  le  chef.  Les  marbres  du  mausolée  ont  été,  sauf  l'in- 
scription, dispersés  en  1807;  les  portraits  se  sont  seuls 
conservés  avec  le  triptique  de  3IicheI  Coxie  (i). 

Sans  doute,  Morillon  conserva  à  la  cour  un  modeste 
emploi  qui  lui  valait  la  confiance  du  prince  et  qui  lui  don- 
nait connaissance  des  relations  de  la  maison  d'Espagne 
avec  toutes  les  couronnes  d'alors  ;  mais  il  ne  semble  pas 
qu'il  soit  allé  au-delà.  On  ne  saurait  lui  attribuer  le  mé- 
rite qui  revient  à  plusieurs  de  nos  diplomates  et  de  nos 
publicisles  dans  les  grands  événements  de  la  jeunesse  et 
du  règne  de  Charles-Quint;  évidemment,  on  ne  peut  lui 
assigner  une  place  à  côté  des  Scepperus  et  des  Busbecq. 
Mais  il  nous  représente  bien  cette  classe  de  serviteurs  uti- 
les au  prince  et  à  l'État,  qui  sortait  à  cette  époque  des 
rangs  de  la  petite  noblesse  ou  de  la  bourgeoisie,  et  à  la- 
quelle l'instruction  puisée  dans  nos  écoles  nationales  frayait 
honorablement  l'entrée  de  carrières  fort  recherchées.  Les 
hommes  du  Midi  n'étaient  pas  en  droit,  assurément,  de 
traiter  de  barbares  des  Cisalpins  de  cette  origine,  qui  ap- 
portaient à  la  pratique  des  affaires  les  lumières  d'un  esprit 
cultivé.  La  fierté  et  la  probité  castillanes  purent  s'émouvoir 


(1)  Notice  citée  de  M«'  Edw.  Van  Even,  pp.  271-72. 


—  loo  — 

des  habitudes  de  vénalilé  que  des  conseillers  du  jeune  Roi 
importèrent  en  Espagne  à  l'époque  de  son  avènement;  on 
voudrait  effacer  de  l'histoire  les  plaintes  qui  furent  diri- 
gées, à  cause  de  la  vente  des  charges  et  offices,  contre  les 
Sauvaige,  les  De  Chièvre  et  bien  d'autres  (i).  Guy  Morillon 
fut  à  l'abri  d'une  tentation  si  funeste  :  s'il  est  permis  de  le 
séparer  de  la  foule  des  maltotiers  qui  déshonorèrent  le  nom 
flamand  en  Caslille,  s'il  est  juste  de  le  louer  d'avoir  servi 
son  Roi  avec  désintéressement  et  loyauté,  qu'on  en  fasse 
honneur  aux  lettres! 

Félix  Nève, 


(1)  Voir  les  pièces  du  temps  analysées  dans  le  IhiUelin  de  la  Cotiivi.  royale 
d'liislmre,\.  X,  p.  1 -,  I.  XI.  p.  125-128. 


15i  — 


^xcljmô  hcô  3rtiî,  hô  ^t'mxas  et  ies  Ccttrcô  (i). 


5  46.  Peintres. 

Sommaire  :  Deux  tableaux  de  Jean  Van  Eyck.  —  Monumeuls  el  vitraux  de 
l'église  de  Jérusalem,  à  Bruges.  —  Epoque  de  la  construclion  de  cet  édi- 
fice. —  Tableau  de  Jean  Van  Memmelinghe.  —  Jérôme  Bosch  ou  Van  Aeken. 

—  Tableaux  à  ajouter  à  la  liste  de  ses  œuvres.  —  Lucas  Van  Nevele.  — 
Balthazar  Kerreman.  —  Jean  et  Pierre  Van  Heymessen.  —  Dominique 
Lampsonius.  —  Raphaël  Van  Cocxie.  —  Gilbert  Van  Vcen.  —  Tableaux 
divers  de  ces  artistes  envoyés  en  Saxe  et  en  Angleterre.  —  Gilles  Claes. 

—  Wenceslas  Cobergher.  —  Portrait  de  l'infante  Isabelle  envoyé  à  Paris. 

—  Bertholet  Flémalle.  —  Histoire  d'un  tableau  représentant  VAssomptiou 
de  la  Sainte-Vierge,  attribué  à  Rubens ,  et  provenant  du  couvent  des 
chartreux  de  Bruxelles,  —  J.  Crokaert.  —  J.  Dansaert.  —  Jean-Baptiste 
Van  Diest.  —  Peinture  sur  porcelaine  aux  Pays-Bas. 

Deux  tableaux  de  Jean  Van  Eyck,  —  C'est  dans  le  tes- 
tament crAnselme  Adornes,  daté  de  10  février  1470  (n.  st.), 
qu'il  est  fait  mention  de  ces  tableaux,  «  Je  donne,  —  dit-il, 
—  à  chacune  de  mes  filles,  Marguerite  et  Louise,  toutes 
deux  religieuses,  l'une  au  couvent  des  chartreuses  (près 
de  Bruges),  et  l'autre  à  Saint-Trond,  un  petit  tableau, 
représentant  saint  François,  dû  au  pinceau  de  Jean  Van 
Eyck,  et  j'ordonne  que  sur  les  volets  soient  peints,  avec 
grand  soin,  mon  portrait  et  celui  de  ma  femme.  » 

Anselme  Adornes,  chevalier,  seigneur  de  Corthuy,  Ron- 
sele,  Ghendbrugge,  etc.,  remplit  diverses  fonctions  impor- 


(1)  Suite.  V.  Messager  des  Sciences  historiques,  année  iSSi,  pp.  24-7,  .~G1  et 
'i\\;  année  185;»,  pp.  109  et  ô89;  année  1856,  p.  177,  et  année  1858,  p.  78. 


oo  — 

tailles  dans  le  magistrat  de  Bruges,  et  fit  plusieurs  voyages 
par  ordre  de  Philippe  le  Bon,  en  qualité  d'ambassadeur  de 
ce  prince,  auprès  du  roi  d'Ecosse  entre  autres,  auquel  il 
déclare  dans  son  testament  que  la  nouvelle  de  sa  mort  soit 
annoncée  par  lettre.  Jacques  II  lui  avait  accordé  le  titre 
de  conseiller.  C'est  en  Ecosse  qu'Anselme  Adornes  périt 
de  mort  violente,  le  25  janvier  1483  (n.  st.).  Il  avait  légué 
son  meilleur  saphir  à  l'évêque  écossais  de  Saint-André,  qui 
lui  avait  promis  d'adopter  un  de  ses  enfants,  et  fit  don  dans 
l'acte  de  ses  dernières  volontés  de  1470  d'une  verrière  à 
ses  armes,  pour  être  placée  dans  la  chapelle  de  Sainte- 
Catherine  au  couvent  des  chartreux-lez-Perlh,  en  Kcosse. 
Anselme  Adornes  avait  épousé  Marguerite  Van  der  Banck, 
qui  mourut  le  51  mars  1465  (n.  st.).  Ils  sont  enterrés  dans 
l'église  de  Jérusalem,  à  Bruges,  sous  une  belle  tombe  sur 
laquelle  ils  sont  représentés  l'un  et  l'autre  avec  leurs  quar- 
tiers. On  n'est  pas  d'accord  sur  les  noms  des  fondateurs 
de  celte  église,  qui  furent,  d'après  quelques  auteurs,  les 
frères  Jacques  et  Pierre  Adornes,  père  d'Anselme.  Celui-ci 
dit  dans  son  testament  qu'il  posa  la  première  pierre  de  l'é- 
difice, dont  M.  Schayes  reporte  la  fondation  à  l'an  1450 
environ  (i).  Cependant,  à  l'époque  où  Anselme  Adornes 
dictait  ses  dernières  volontés,  l'église  de  Jérusalem  ne  res- 
semblait point  au  monument  qui  existe  encore  aujourd'hui, 
car  il  déclare  qu'il  n'y  choisit  sa  sépulture  que  pour  autant 
que  l'église  soit  améliorée  {yerbetert  wordé),  et  qu'il  a  lui- 
même  l'intention  d'y  faire  faire  des  changemenls.  L'église 
n'était  pas  encore  achevée  à  l'époque  de  la  mort  de  Jacques 
Adornes,  qui  date  du  22  avril  1465,  car  celui-ci  fut  enterré 
à  l'église  Saint-Michel-lez-Bruges,  et  Pierre,  son  frère,  qui 
vivait  encore  en  1446,  git  au  couvent  des  jacobins,  dans 
la  même  ville.  Outre  la  tombe  d'Anselme  et  de  sa  femme, 

(t)  Histoire  de  (■  Archilecinre  en  Belgique,  t,  H,  p.  I!)2  (édit.  en  deux  vol.). 


—  156  — 

l'église  de  Jérusalem  est  encore  ornée  de  six  vitraux  repré- 
sentant les  ancêtres  des  fondateurs  et  leurs  descendants, 
et  de  deux  autres  petits  monuments  funéraires.  Tous  sont 
reproduits  dans  l'ouvrage  publié  par  M""  J.  Gailliard  et  in- 
titulé :  Recherches  sur  l'église  de  Jérusalein  à  Bruges;  Bru- 
ges, 1843.  Plusieurs  de  ses  vitraux  sont  très-probablement 
dus  à  la  générosité  d'Anselme.  Dans  un  livre  qui  a  paru 
récemment  sur  ce  personnage  et  sur  le  voyage  qu'il  fit  en 
Palestine,  on  trouve  un  autre  renseignement  artistique  (i)  : 
il  y  est  dit  que  Jean  Van  Memmelinghe  peignit,  en  1499, 
le  portrait  d'Agnès  Adornes,  fille  d'Arnould  et  petite-fille 
d'Anselme. 

Afin  de  retrouver  les  tableaux  de  Jean  Van  Eyck,  sur 
lesquels  nous  appelons  l'attention  des  connaisseurs,  nous 
donnons  ici  les  écussons  d'Anselme  Adornes  et  de  Mar- 
guerite Van  der  Bank,  car  si  les  portraits  ont  été  exécutés 
comme  le  recommandait  le  testament,  il  est  hors  de  doute 
qu'ils  sont  accompagnés  de  leurs  armoiries,  selon  l'usage 
général  de  l'époque. 


«  Item,  10  kieze  ic  luyne  sépulture  by  mervrauwe  Margriele  Vau  der 
»  Banc,  mynder  liever  ghczelnede,  op  dat  zu  voor  my  versleet  ende  blyft  zoe 
»  naer  my  weduwe,  daert  huer  ende  mynen  oudslen  zone  ende  testamenta- 
»  rissen  best  dyacken  zal,  hemlieden  biddende  dat  by  alzo  dat  Jérusalem 
))  verbetert  worde,  of  in  hope  zy  van  verbeteren  daer  onze  sépulture  lievere 
»  te  kiezene  dan  eldere,  mids  dat  't  voorschreven  Jérusalem  ghefondeirl  es 
»  by  mynen  voorders,  ende  ic  zelve  den  eersten  steen  glieleit  hebbe  van  den 
•)  fondamente  ende  in  meeninghe  bcn  't  zelve  te  verbeteren.  » 


(1)  E.  nt;  i.A  CosTE,  Anselme   Adornc,  p.  312;  Bruxelles,  1855. 


—  157  — 

«  ftcin,  zo  gbcve  ic  elcken  van  myn  lievc  dochlers,  die  beghencn  zyii,  te 
»  wetcnc  Margi'iele,  rsaertruesinnen,  ende  Lowyse,  Sint-Truden,  een  tave- 
»  reele,  daerinne  dat  sinte  Franssen  in  portrature  van  meesler  Jans  liandt 
»  Van  Heyck  ghemaect  staet,  ende  dat  mon  in  de  duerkins  die  dezelve  tave- 
»  reelkins  belaucken  doe  roaken  myn  personage  ende  mervrauwe  alzo  wel 
»  als  men  mach,  te  dien  hende  dat  wy  van  hcmlieden  ende  andere  dévote  per- 
»  soonen  moghcn  ghedocht  zyn,  ende  daerloe  elcken  ic  gheve  om  haerlieder 
»  wille  mede  te  doen.  » 

Boscii  (Jérôme,  Joemen,  Joen)  (i),  —  En  1842,  M""  Im- 
merzeel  publia  le  \"  volume  de  son  ouvrage  intitulé  :  De 
levens  en  werkender  knnstschilders,  etc.  A  l'article  qu'il  con- 
sacre à  Jérôme  Bosch,  t.  I'^'',  p.  77,  il  donne  la  date  de  la 
mort  de  ce  peintre  d'après  une  note  extraite  de  la  confrérie 
dite  Illustre  Lieve-Vrouwe  broederschap,  à  Bois-Ie-Duc,  et 
qui  est  ainsi  conçue  :  A"  1518.  Hieronijmiis  Agnen,  alias 
Bosch,  insignis  pictor.  Depuis  lors  et  grâce  au  livre  de 
M""  A.  Michiels,  Histoire  de  la  peinture  flamande,  dont  le 
t.  II  (2)  parut  en  1845,  le  nom  de  J.  Agnen,  dit  Bosch,  fut 
accepté  comme  étant  celui  de  l'artiste  créateur  du  genre 
trivial  ou  burlesque  dans  les  Pays-Bas.  Ensuite  vinrent  le 
Dictionnaire  des  peintres,  de  M''  Siret(i848)  (s),  le  Catalo- 
gue du  Musée  d'Anvers,  de  M""  De  Laet  (1849)  (4),  etc.,  qui 
tous  reproduisirent  la  version,  et  qui  aidèrent  à  sa  propa- 
gande en  France  (3),  en  Italie  (g)  et  en  Allemagne  (7). 

(1)  Une  partie  de  cette  notice  a  paru  dans  les  Bulletins  de  l'Académie, 
2e  série,  t.  IV,  n"  5. 

(2)  P.  383. 

(3)  P.  91. 

(4)  P.  47. 

(3)  Court,  Catalogue  des  tableaux  du  Musée  de  Rouen;  1833;  p.  133;  — 
J.  Renouvieu,  Des  types  et  des  manières  des  maîtres  graveurs,  etc.;  Mont- 
pellier, 1838;  W[<^  siècle,  p.  144-. 

(6)  Vasari,  Le  vite  de'  pià  eccelenti  pittori,  etc.;  éd.  de  Florence;  t.  XIII 
(1837),  p.  131,  note  3. 

(7)  IIeller,  Prahlisches  llandbuch  fïir  Kupferslichsammler;  1830,  p.  78;  — 
R.  Weigel,  Catalogue  de  In  cnllertinn  de  gravures  d'E.-P.  Otto  ,•  F.eipsig, 
1852;  p.  1.  ' 


—  158  — 

Dans  un  registre  des  Archives  du  déparlement  du  INord, 
à  Lille,  qui  porte  le  n"  F.  190  de  la  chambre  des  comp- 
tes (i),  se  trouve  consigné  le  passage  suivant,  lequel  relate 
un  payement  fait  par  ordre  de  Philippe  le  Beau  au  mois  de 
septembre  1504  : 

«  A  Jéroniraus  Van  Aekcn,  dit  Bosch,  painlre,  demourant  au  Bois-le-Duc, 
la  somme  de  xxxvj  livres,  ù  bon  compte  sur  ce  qu'il  pourroit  estre  deu  sur 
ung  granl  tableau  de  paincture,  de  ix  pieds  de  hault  et  xj  pietz  de  long,  où 
doit  estre  le  Jugement  de  Dieu,  assavoir  paradis  et  enfer,  que  Monseigneur 
lui  avoit  ordonné  faire  pour  son  très-noble  plaisir.  » 

En  lisant  ce  passage,  qui  ne  laisse  aucun  doute  sur  l'in- 
dividualité de  l'artiste  dont  nous  parlons,  nous  cherchâmes 
à  le  concilier  avec  la  note  découverte  par  M""  Immerzeel,  et 
nous  conclûmes  qu'il  y  avait  là  une  faute  de  lecture.  Nous 
nous  adressâmes  à  M""  Van  Zuyien,  commis  archiviste  aux 
Archives  de  la  ville  de  Bois-le-Duc,  pour  le  prier  de  véri- 
fier la  mention  du  décès  de  Jérôme  Bosch.  Sa  réponse  fut 
conforme  à  nos  prévisions.  Voici  le  passage  tel  qu'il  se 
trouve  dans  le  registre  (2)  qui  a  pour  titre  :  Nomina  deca- 
norum  et  prepositorum  (1518  à  1658). 

«  Obitus  fralrum  :  A»  I51G.  Hieronimus  Aquen,  als  Bosch,  insignis  pictor.  » 

Tous  les  noms  qui  sont  inscrits  dans  ce  registre  ont  ce- 
pendant été  publiés  avec  exactitude  dans  un  recueil  imprimé 
à  Bois-le-Duc  en  1841  (5),  et  par  conséquent  antérieurement 
à  l'apparition  du  livre  de  "SV  Immerzeel. 

Une  autre  indication  que  nous  a  envoyée  M'"  Van  Zuyien, 
et  qui  est  extraite  d'un  volume  intitulé  :  Regisler  der  namen 
ende  wapenen  der  heeren  beeëdigde  broeders  soo  geestelyke 


(1)  Fo  ijf  XXX  \o. 

(2)  Les  registres  de  la  confrérie  nommée  Vllluslre  Lieve-Vroicwe  broeder- 
scliap,  appartiennent  a  la  société  dite  :  Het  provinciaal  genooiscliap  van  kun- 
sten  en  wetensckappen  in  Noord-Brahand,  à  Bois-le-Duc. 

(3)  Hermans,  Menijelwerk  over  de  provincie  Noord-Braband,  \\«  partie, 
p.  159. 


—  159  — 

(ils  werelllyke  van  de  Illustre  Lieve-Vrouwe  broederschap, 
confirme  et  le  nom  de  Van  Aeken  el  la  date  de  151  G.  Au 
f"  76  on  trouve  le  contour  d'un  écusson  dont  le  champ  est 
vide  avec  ces  mots  au-dessous  :  Hieronimus  Aquens.  alias 
Bosch  seer  vermaerd  sdiilder.  Obiit  1516  (i).  Enfin  le  nom 
de  Jérôme  Van  Aken  {sic)  se  rencontre  encore  dans  un 
compte  de  la  confrérie  de  1498-99. 

L'erreur  de  iM""  Immerzeel  est  donc  évidente,  et  il  est  con- 
staté que  l'artiste  qui  a  été  connu  jusqu'en  1842  sous  le 
nom  de  Jérôme  Bos,  Bosch  ou  Bosche,  s'appelait  Van  Ae- 
ken, et  qu'il  est  mort  en  1516,  au  lieu  de  1518.  Celte 
différence  de  deux  années  est  peu  de  chose,  nous  le  recon- 
naissons volontiers;  mais  une  fausse  date  est  souvent  l'ori- 
gine de  diverses  suppositions  et  par  conséquent  d'erreurs 
nouvelles.  On  voit  en  outre  par  les  expressions  des  notes 
que  nous  avons  rapportées,  que  la  réputation  du  peintre 
était  fort  appréciée  de  ses  concitoyens  et  qu'ils  en  tiraient 
vanité. 

Plusieurs  autres  renseignements  que  nous  devons  égale- 
ment à  l'obligeance  de  M""  Van  Zuylen,  nous  font  rejeter 
entièrement  l'opinion  d'un  séjour  prolongé  de  l'artiste  en 
Espagne  (2),  où  existaient  au  XV^  siècle  (s),  et  où  existent 
encore  un  assez  grand  nombre  de  ses  meilleurs  tableaux  (4). 
Des  documents  établissent  que  J.  Bosch  était  déjà  connu 
comme  peintre  et  qu'il  vivait  à  Bois-le-Duc  en  1488  (s); 


(1)  Hermans,  loc.  cit  ,  p.  129. 

(2)  P.  DE  MiDRAzo,  Calàlogo  de  los  cuadros  del  real  mttseo  de  pintura,  elc.j 
Madrid,  1845;  p.  95;  —  Siret,  loc.  rit.;  —  Catalogue  des  tableaux  du  Musée 
de  Rouen,  loc.  cit, 

(5)  i.  DE  SiGUEKÇA,  IJisloria  de  la  ùrden  de  San  Gerônimo;  Madrid,  1605, 
t.  m,  p.  857  à  84.1. 

(4-J  P.  DE  Madrazo,  loc.  cit.  Consultez  Po^z,  Viaj'e  de  Espana;  Madrid,  1776; 
passim,  et  Céan  Bermi'dez,  Dictionnario  historico  de  las  bellas  artcs  en  Espanat 
t.  I",  p.  172. 

(5)  «  Item,  1er  ierster  vergaderingen  lot  .leronimus,  die  scilder,  voer  xxiiij 


—  160  — 

il  n'a  pas  quitté  cette  ville  jusqu'à  sa  mort,  puisqu'on  le 
retrouve  mentionné  dans  des  comptes  de  1493-1494  (i), 
1498-1499  (2),  1504  (3),  1508-1509  (4)  et  1512.  A  celte 
dernière  date  il  dessine  pour  la  confrérie  le  patron  d'une 
croix  qui  lui  est  payé  20  sous  (5). 

Pour  nous  assurer  si  Jérôme  Van  Aeken  n'était  pas  un 
étranger,  nous  avons  fait  des  recherches  dans  les  comptes 
des  sous-écoutètes  de  Bois-le-Duc,  aux  Archives  du  royau- 
me, où  sont  inscrits  annuellement  les  noms  des  personnes 
qui  ont  obtenu  le  droit  de  bourgeoisie.  L'absence  du  sien 
dans  ces  listes  est  une  preuve  qu'il  est  natif  de  celte  ville, 
dont  il  a  pris  le  nom  pour  signer  ses  œuvres.  On  lit  dans 
un  de  ces  comptes  (c)  qu'un  certain  Laurent  Van  Aken  fut 
reçu  bourgeois  à  Bois-le-Duc  en  1468.  jNous  croyons  inu- 
tile de  relever  ici  une  des  mille  erreurs  commises  par  M"" 
Viardot,  qui  classe  Jérôme  Bosch  parmi  les  peintres  de 
Weslphalie  (7). 


»  pont  runUlees,  't  pont  :  eene  Phllippus  penninck;  item,  voer  iiij  loet  geny- 
»  bers,  ij  loet  pepers,  1/2  loet  soffraens  :  v  st.;  item,  voer  wortelen,  ij  st.; 
»  ilem,  den  weert  een  mengele  wyns,  etc.  »  (Compte  de  la  confrérie  citée  de 
1488-li89). 

(1)  Voy.  plus  loin. 

(2)  «  Item,  ter  v'^""  vergadering,  doe  men  den  swaen  att  tôt  Wouters  Van 
»  der  Rullen  daer  Jlieronimus  Van  Aken,  scilder,  dat  laken  lede,  behalve  den 
»  swaen  gecomen  en  gescenckt  van  den  renlmeester  van  wegeii  ons  genedige 
»heer;  daertoe  noch  gecocht  tegen  Rutger  Van  Erpe  eene  andere  swaen  voir 
»  viij  stuvers,  ende  den  knecht  die  de  swaen  bracht  voer  zyn  drincgelt,  ij  1/2 
»  st.  »  (Compte  de  la  confrérie  citée  de  Hd8-li09.) 

(3)  Registre  n"  F,  190  cité. 

(i)  »  In  de  yersten  tôt  Wouters  Van  der  Rullen,  by  een  deel  gezwoeren 
»  brueders,  omme  Jheromme  ende  meester  Jan  Heyns,  te  willigen  ende  raet 
»  te  nemen  omme  Onser-Lieve-Vrouwen  taefel  le  stofferen,  etc.  »  (Compte  de 
la  confrérie  citée  de  1308-1309.) 

(a)  «  Jeronimo  die  maelder,  want  liy  t  patroen  van  den  cruse  heeft  ge- 
»  maeckt  :  xx  st.  » 

(6)  Registre  n"  13003,  18». 

(7)  Les  Musées  d'Espagne:  Paris,  1832;  p.  79;  —  Les  Musées  d'Allemagne; 
Paris,  1832;  p.  520. 


—   lCr\    — 

Nous  avons  vainement  recherché  quels  élaienl  les  docu- 
ineuls  sur  lesquels  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  l'his- 
toire des  arts  s'appuyaient  pour  déterminer  la  date  de  la 
naissance  de  ce  célèbre  peintre.  Descamps  (i),  qui  a  ac- 
cumulé et  inventé  tant  d'erreurs,  la  fixe  à  l'année  1450. 
D'autres  écrivains  en  grand  nombre  la  reportent  à  1470  (2)  : 
nous  les  croyons  plus  voisins  de  la  vérité.  lïuber  et  Rost  (3), 
M""  Heller  (4)  et  M""  Ch.  Le  Blanc  (s)  vont  même  jusqu'à  la 
rejeter  à  1498.  Van  Mander  (g),  CampoWeyerman  (7),  etc., 
ne  se  prononcent  point.  Quoiqu'il  en  soit,  Bosch  n'a  pu 
peindre  ni  en  1450  (s),  ni  en  1522,  comme  l'ont  avancé  les 
estimables  auteurs  de  l'excellent  Catalogue  du  Musée  cV An- 
vers (9),  d'après  une  gravure  dans  laquelle  ils  veulent  re- 
connaître le  sujet  d'un  tableau  que  possède  cet  établissement 
et  qui  est  signé  :  Jherommus  Bosch  (lo).  La  date  de  cetle 
gravure  avait  cependant  déjà  été  signalée  comme  fausse  par 
M"^  Immerzeel. 

Jérôme  Van  Aeken,  dit  Bosch,  a  gravé  sur  bois.  Heinec- 
ken  (11),  M""  JXagler  (12)  et  d'autres  écrivains  lui  ont  aussi 
attribué  des  gravures  sur  cuivre.  Ces  dernières  sont  toutes 


(1)  La  vie  des  peintres,  éd.  de  17d3;  t.  1",  p.  19;  —  Alexakdre,  Catalogue 
de  tableaux  vendus  à  Bruxelles,  de  1773  à  1803,  p.  61,  roproduit  celle  date, 
et  fixe  la  mort  de  Tartiste  à  l'année  1312. 

(2)  Immerzeel,  loc.  cit. 

(5)  Manuel  des  amateurs  de  l'art;  1801;  I.  V,  p.  TiO. 
(4)  Loc.  cit. 

(a)  Manuel  de  l'amateur  d'estampes,  t.  Ic^  p.  /{-fiS. 

(6)  Hel  leven  der  schilders. 

(7)  De  levens-beschryvingen  der  ncderlandsche  konst-schilders. 

(8)  Annotation  manuscrite  d'une  gravure  de  la  collection  de  la  Bibliotliè- 
que  royale  de  Bruxelles. 

(9)  1857;  no41,  p.  42.  —  Zani,  Enciclopedia  délie  belle  arli,  t.  IV,  l"^*^  par- 
tie, p.   214,  est  tombé  dans  la  même  erreur. 

(10)  Voy.  le  fac-similé  de  la  signature  à  la  fin  des  deux  éditions  du  catalo- 
gue (1849  et  1837). 

(H)  Dictionnaire  des  artistes,  etc.,  t.  III,  p.  184. 
(12)  Neues  aUgemeines  Kunstler-Le.ticon;  Jlunich,  1837;  t.  II,  p.  fi3. 

Il 


—   162  — 

d'Alard  du  llamcel,  contemporain  du  peintre.  Les  auteurs 
qui  ont  décrit  ou  cité  les  gravures  de  celui-ci  n'ont  connu 
aucune  particularité  de  sa  vie.  L'une  de  ces  planches  repré- 
sentant un  tabernacle,  a  fait  croire  qu'il  était  orfèvre;  c'est 
ainsi  que  le  qualifie  Zani  (i).  Du  Hanieel  fut  un  architecte 
très-distingué,  qui  ne  s'occupait  de  graver,  tantôt  d'après 
ses  propres  dessins,  tantôt  d'après  ceux  de  son  concitoyen 
Jérôme  Van  Aeken,  que  dans  ses  moments  de  loisir.  C'est 
lui  qui  fut  chargé  de  la  direction  des  travaux  de  la  magni- 
fique église  de  Saint-Jean,  à  Bois-le-Duc,  une  des  plus 
belles  des  Pays-Bas,  depuis  1478  et  peut-être  antérieure- 
ment à  cette  date,  jusque  vers  149o,  époque  pendant  la- 
quelle fut  achevé  le  transept  méridional  et  commencé  la 
construction  du  vaisseau  de  l'édifice  (2).  Du  Hameel  est 
qualifié  dans  les  documents  de  maître  des  ouvrages  ou  de 
maître  de  la  loge  (0).  On  sait  que  tous  les  architectes  du 
XV'^  et  môme  un  grand  nombre  de  ceux  du  XV^  exercèrent 
le  métier  de  maçon  ou  de  tailleur  de  pierres  :  du  Hameel 
était  à  la  fois  l'un  et  l'autre  (4).  Son  nom  n'est  pas  celui 
d'une  famille  de  Bois-le-Duc  :  il  n'y  acquit  point  le  droit 
de  bourgeoisie.  On  peut  donc  le  considérer  comme  un 
étranger  qui  est  allé  s'établir  dans  cette  ville.  Il  avait  épousé 
Marguerite  Van  Auweninge,  qui  décéda  en  1484,  et  dont 
la  pierre  tumulaire  se  voit  encore  aujourd'hui  enchâssée 
dans  une  muraille  à  l'intérieur  de  l'église  de  Saint-Jean, 
avec  son  effigie  et  une  inscription  (s).  Alard  du  Hameel  est 


{{)  IjOc.  cit.,  l.  X,  Ire  partie,  p.  314.. 

(2j  Hermans,  Geschiedcnis  over  dcn  bouw  der  Sinl-J anskerk  le  's  Herlogen- 
bosch;  La  Haye,  1853;  p.  13. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Ibidem,  p.  18;  —  Dans  les  comptes  de  la  ville  de  Louvain  de  ItiOl, 
fo  47,  aux  Archives  communales,  on  lit  :  «  Meester  Alarl  de  Hamel,  der  stadt 
»  wcrckman  steenhouwer.  «Cette  noie  nous  a  été  communiquée  par  notre  ami 
Mr  E.  Vaiv  Even. 

(3)  Ibidem,  p.   19. 


—  165  — 

mort  entre  les  années  1503  et  1509  (i).  C'est  ce  mémo  ar- 
tiste qui  traça  les  plans  et  les  dessins  de  la  chapelle  de  la 
confrérie  de  IVotre-Dame  dite  lUuslre  Lieve-Vrouive  broe^ 
derschap,  adossée  au  chœur  de  l'église  de  Saint-Jean,  et 
dont  les  travaux  s'exécutèrent  sous  la  direction  particulière 
de  l'architecte  Jean  Heyns,  son  beau- frère,  lequel  mourut 
en  1515  (2).  Jérôme  Van  Aeken  fit,  en  1493  ou  1494,  pour 
celle  même  association  dont  il  faisait  aussi  partie,  les  pa- 
trons de  plusieurs  vitraux  qui  furent  peints  par  les  verriers 
Guillaume  Lombard  et  Henri  Buekinck  ou  Bueken  (3). 


(1)  MrVAN  EvEN  nous  a  écrit  qu'il  était  pour  la  dernière  fois  question  de 
lui  dans  un  compte  de  1303,  et  que  Mathieu  Kelderraans  le  remplace  en  1504, 
en  qualité  de  maître  des  ouvrages  de  la  ville  de  Louvain.  Voici  en  outre  une 
note  extraite  d'un  compte  de  la  confrérie  citée  de  1309-1510  :  «  Van  den 
»  testamcnte  ende  vuyterste  wille  wylen  meeslers  Alarts  du  Hamel,  doen  hy 
»  leefde  lodze-meester  in  den  Bosch,  vj  gulden,  die  men  neemen  sal  van  den 
»  somme  van  xxij  gulden  xv  stuivers,  die  wylen  Jan  Heym,  doen  leefde  on- 
»  derschouth  in  den  Bosch ,  hem  sculdich  was  gebleven  van  huwelicxschc 
»  vorwarde.  » 

(2)  Hermans,  loc.  cit.,  p.  15  et  14. 

(3)  «  Willem  Lombard,  glaesraalder  :  iij  orlen  stuivers  voer  een  Gots-pen_ 
»  ninck  hem  gegeven  by  den  proeslen,  doe  zy  met  hem  over  quamen  van  een 
»  nyeuwen  ghelaese  dat  hy  maken  sal  nae  den  palroen  dat  Joen,  die  maelder, 
»hem  soude  maken,  'l  welk  staen  soude  in  onser  nyeuwe  capelle. 

»  Joemen,  den  maelder,  geschenken  ij  1/2  st.,  tôt  dyen  dat  hy  denselven 
«Willem  Lombart  soude  willen  te  wege  helpen  dat  't  voirschreven  gelas 
»  recht  wael  wesen  gemaeckt. 

»  Voer  een  paer  aider  slaeplakens  daer  Joen,  de  maelder,  op  soude  maken 
»  een  patroen  van  een  glaes,  't  welck  Willem  Lombart  zouden  maecken  in 
»  die  Thoeren-straet  :  xx  st. 

»  Willem  Lombart,  op  't  voorschreven  glas  :  xxx  st.,  die  van  den  brueder- 
»  scappe  gebcurt  hat  van  eene  doodtschuld  van  eenre  gehieten  Margerieltc 
»  Dierickx  Van  den  Hoevel,  etc. 

«Meester  Henricken  Bueken,  ad  computum  ende  op  afcortinge  ende  in 
»  betalinge  van  den  gelaese  by  hem  aengenonien  te  maken,  dewelcke  staen 
»sal  in  ons  nye  choer  :  ij  houde  carolus  guldens,  't  stuck  op  ix  st.  gerekent. 

»  Meester  Henricken  Buekinck,  glaesmeester,  noch  in  betalinge  en  afcor- 
»  tinge  van  den  gelas  aen  hem  verdinckt,  't  welk  staen  sal  in  ons  nyeuwe 
»  rhoer  :  vj  Vuytrechls  gulden,  't  stuck  tôt  xxvij  st.  gerekent,  ende  zyneii 
»  knecht  iij  st.  te  verdrincke.  «(Compte  de  la  de  confrérie  citée  de  1 493-1 4.-94.) 


—   164  — 

Les  gravures  d'Alard  du  Ilanieel  sont  d'une  excessive 
rareté  et  se  vendent  à  des  prix  élevés.  Barlsch  (i)  en  a  dé- 
crit six,  M-"  Nagler  (2)  et  M""  Cli.  Le  Blanc  (3)  sept,  et  M-^ 
J,  Renouvier  (4)  lui  en  attribue  une  huitième,  qui  existe 
au  cabinet  de  Dresde.  Sur  plusieurs  d'entre  elles  on  lit  le 
mot  Bosche  (s)  ou  Shertogenbosche,  formes  flamandes  de 
Bois-le-Duc.  Les  unes  sont  signées  du  nom  de  l'artiste, 
d'autres  d'un  monogramme,  formé  de  la  lettre  A,  accom- 
pagnée d'un  de  ces  signes  étranges  (c.)  que  l'on  retrouve  sur 
les  pierres  des  édifices  du  moyen-âge  ou  qui  sont  joints  à 
des  signatures  de  maçons,  d'architectes,  de  tailleurs  de 
pierres,  etc.  C'est  la  présence  du  mot  Bosche  sur  quelques 
planches  d'Alard  du  Hameel  qui  a  porté  certains  auteurs 
à  croire  qu'elles  étaient  dues  au  burin  de  Jérôme  Van  Aeken, 
dit  Bosch  (7).  Les  gravures  en  taille-douce,  faites  d'après 
les  tableaux  de  ce  dernier,  ont  été  éditées  par  Jérôme  Cock, 
les  Galle  et  Paul  de  la  Houwe. 

Du  Hameel  est  allé  s'établir  à  Louvain  en  1495  (s)  : 


(1)  Le  peintre  graveur,  t.  VI,  p.  354. 

(2)  Loc.  cit  ,  t.  V,  p.  329. 

(3)  Loc.  cil  ,  l.  Il,  p.   340. 
(4;  Loc.  cit.,  p.  143. 

(3)  Bartscii  a  cru  que  les  planches  où  se  trouve  ce  mot,  ont  clé  copiées 
d'après  Jérôme  Bosch. 

(ti)  Bartsch,  loc.  cit.,  t.  XXI,  monogramme  3  et  Hl;  —  Brulliot,  Dic- 
tionnaire des  monogrammes;  Munich,  1832;  \'<^  partie,  n"  2. 

(7)  A.  MiciiiELS,  loc.  cit.,  t.  II,  p.  402.  M''  Ch.  Le  Blanc  attribue  à  Jérôme 
Bosch  trois  gravures  (nos  g^  (j  et  9),  qu'il  restitue  ailleurs  à  Alard  du  Ha- 
meel (nos  2,  5  et  6). 

(S)  «  Hem,  aengcsien  dat  meester  Alart  du  Hamel,  meester  van  den  loed- 
)•  zen,  hem  vertrocken  was,  van  vêle  diensten  der  bruederscap  by  hem  gedaen 
»  zynde,  hier  voertyts  te  weete  zekcren  wercken  dair  liy  nyet  afi"  en  is  geloent, 
»  want  die  voirschreven  meester  Allart  nu  met  zyne  svvager  Jan  Heyns,  oick 
)i  ovcrzien  heefl  den  wendelsteen  in  ons  choir  staende  dair  ons  orgelen  aeii 
»  staen  sullen,  en  dieselve  van  hier  metcr  woene  treckt  tôt  Loeve,  hem  gc- 
»  schcnckt,  by  rade  van  sommige  bruederen,  cen  hoeslake  van  xxx  stuivers.  » 
(Compte  de  la  confrérie  citée  de  1493-1496.) 


—  165  — 

c'est  vers  celle  époque  qu'il  faul  placer  la  mort  de  Malliieu 
de  Layens,  l'archilecle  de  l'hôtel-de-ville  de  celle  cité  (i). 
Du  Hameel  a  quille  Bois-le-Duc  pour  succéder  à  ce  grand 
artiste  dans  la  direction  des  travaux  de  la  ville  de  Louvain, 
et  il  fut  eftectivement  nommé  stadmeesler  le  2o  juin  1495, 
aux  appointements  annuels  de  12  1/2  florins.  Il  travailla 
aussi  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain,  alors  en  con- 
struction (a).  La  date  de  ce  départ  prouve  que  les  gravures 
d'Alard  du  Hameel  qui  portent  le  nom  de  Bosche  ou  Sher- 
togenbosche  ont  été  exécutées  dans  le  temps  que  leur  auteur 
habitait  celte  ville.  A  cette  même  époque  il  existait  un  im- 
primeur à  Bois-le-Duc,  appelé  Gérard  Leempl,  deNimègue  : 
il  y  travailla  de  U84  jusqu'en  1490.  C'est  très-probable- 
ment à  ses  presses  que  Jérôme  Bosch  et  Alard  du  Hameel 
eurent  recours  pour  tirer  les  épreuves  de  leurs  gravures. 
Après  Gérard  Leempl  on  ne  rencontre  plus  d'imprimeur  à 
Bois-le-Duc  qu'en  lyH  (ô). 

Le  nombre  de  tableaux  sortis  du  pinceau  de  Jérôme  Bosch, 
dont  la  touche  et  la  manière  ont  un  cachet  si  étrange,  est  très- 
considérable.  Au  XV1<^  siècle,  c'était  non-seulement  dans 
le  précieux  cabinet  de  Marguerite  d'Autriche,  à  Malines(4), 
que  l'on  pouvait  admirer  toute  l'habilité  et  la  richesse  dima- 


(1)  Van  Evex,  Les  arlisks  de  l'hùlel-de-ville  de  Louvain;  Louvuiii,  1832. 

(2)  Van  Even,  Louvain  monumental. 

(3)  Dans  le  compte  de  la  confrérie  dite  Illuslre  Lieve-Vromve  Bruedcr- 
scltap,  de  1498-1499,  on  voit  qu'à  défaut  d'imprimeur  à  Bois-le-Duc,  elle  fut 
obligée  de  faire  imprimer  à  ZwoUe;  le  compte  de  1303-1506  prouve  qu'elle 
s'adressa  à  cette  époque  à  un  imprimeur  d'Anvers.  Il  existe  à  la  Bibliothè- 
que royale  de  La  Haye  un  volume  sorti,  en  1311,  des  presses  de  Laurent 
Hayen,  établi  à  Bois-le-Duc.  Ces  renseignements  nous  ont  été  communiqués 
par  Mr  Cuvpers-Van  Velthoven. 

(4)  «  Un  moyen  tableau  de  sainct  Anthoine  qui  n'a  couverture  ni  fcullet, 
»  qui  est  de  Jhéronimus  Bosch,  et  a  esté  donné  à  Madame  par  Jhoane,  femme 
»  de  chambre  de  madame  Lyonor.  »  (Le  Glay,  Correspondance  de  l'empereur 
Maximilien  I"  cl  de  Marguerite  d'Autriche,  t.  Il,  p.  480;  —  Cabinet  de  l  ama- 
teur cl  de  C antiquaire,  t.  1",  p.  216;  Paris,  1842.) 


—   i66  — 

ginalion  que  Tarliste  savait  mellre  dans  ses  tentalions  de 
saint  Antoine,  sujet  qu'il  a  traité  un  grand  nombre  de  fois, 
mais  encore  dans  les  hôtels  des  principaux  seigneurs  de  sa 
cour.  Tous  à  l'envi  de  la  gouvernante  des  Pays-Bas,  dont 
l'amour  pour  les  arts  était  si  puissant  qu'à  elle  seule  elle 
eût  sufli  pour  leur  donner  l'impulsion  dont  ils  avaient  be- 
soin afin  de  soutenir  et  de  grandir  la  réputation  des  artistes 
des  Pays-Bas;  tous  à  l'envi,  disons-nous,  se  plaisaient  à 
enrichir  leurs  salons  des  productions  des  peintres ,  des 
sculpteurs,  des  tapissiers  les  plus  en  renom.  L'exemple 
des  princes  a  toujours  été  d'une  grande  influence  en  ma- 
tière de  luxe.  C'est  là  une  de  ces  vérités  incontestables  et 
dont  les  preuves  sont  abondantes  dans  l'histoire  de  toutes 
les  nations.  Nous  citerons,  parmi  les  seigneurs  du  XVP 
siècle  qui  possédaient  des  tableaux  de  J.  Bosch,  Guillaume 
le  Taciturne,  prince  d'Orange,  dans  son  hôtel,  à  Bruxel- 
les (V.  §  30),  et  Jean  de  Casembroot,  seigneur  de  Backer- 
seele,  dans  la  demeure  duquel  se  trouvait  le  sujet  des  Trois 
Mages,  avec  les  armoiries  des  Bronkhorst  et  Bosschuyse 
sur  les  volets  (i),  tableaux  qui  furent,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  (§  50),  saisis  et  confisqués  au  profit  de  Philippe  II 
en  1S68.  Plus  tard,  en  1594  et  1S95,  l'archiduc  Ernest 
achète  un  tableau  du  même  artiste,  représentant  le  Christ 
en  croix  et  les  limbes  au-dessous,  qu'il  paie  plus  de  1 00  fl. , 
et  un  autre  pour  la  moitié  de  cette  somme  (2). 

Malgré  la  découverte  du  vrai  nom  de  l'artiste  dont  nous 
venons  de  nous  occuper,  nous  ferons  observer  néanmoins 


(1)  «  Inventoire  des  biens-meubles  et  ustensilz  de  mesnaige,  trouvez  le 
»  xiiij«  jour  d'apvril  l'an  mil  cincq  cens  soixante-sept,  avant  Pasques,  en  la 
»  maison  du  sieur  de  Backersele,  Jehan  de  Kasenbroot,  située  en  reste  ville  de 
»  Bruxelles,  près  la  porte  de  Couwenbcrghc,  par  Jehan  de  la  Rea,  à  ce  commis 
»  par  Son  Excellence,  »  dans  le  registre  n"  395  de  la  chambre  des  comptes, 
aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Bulletins  de  la  commission  royale  d'histoire,  l'c  série,  t.  Xlll,  p.  Uii 
et  119. 


—  167  — 

qu'il  faut  lui  conserver  le  nom  de  Jérôme  Bosch,  sous  le- 
quel il  était  connu  de  ses  contemporains,  car  c'est  ainsi 
(jue  le  désigne  l'inventaire  des  objets  d'art  de  Marguerite 
d'Autriche,  qui  fut  dressé  en  1S16. 

Rubens  estimait  beaucoup  le  talent  plein  d'originalité  de 
Jérôme  Bosch,  puisque  le  catalogue  des  œuvres  d'art  de 
la  veuve  du  grand  peintre  renseigne  trois  tableaux  dus  à 
son  pinceau,  et  un  autre  peint  et  composé  dans  sa  manière  : 
«  la  Tentation  de  saint  Antoine;  —  deux  peintures  estant 
»  des  testes  des  grandes  flgures  faisant  des  grimazes,  la 
»  grandeur  du  demy  porlraict,  —  et  une  peinture  repré- 
»  sentant  ung  bancquet  de  nopce  à  la  façon  de  Jéronimus 
»  Bos  (i).  » 

Ce  sont  autant  de  tableaux  de  J.  Bosch,  à  ajouter  à  la 
liste  qu'à  publiée  M""  A.  Michiels,  liste  dressée  sans  méthode 
et  sans  critique.  ¥aï  voici  encore  d'autres  : 

On  voyait  autrefois  dans  l'église  Saint-Jean  l'Evangé- 
liste  de  Bois-le-Duc,  plusieurs  tableaux  de  Jérôme  Bosch  : 
la  Création  du  monde,  l'histoire  d'Abigaël,  un  épisode  de 
l'histoire  de  Salomon,  et  VAdoration  des  Trois  Rois  (2), 
Quelques  jours  après  le  premier  bris  des  images  qui  eut 
lieu  à  Bois-le-Duc,  le  22  août  1366,  ce  dernier  fut  des- 
cendu et  porté  à  l'hôtel-de-ville  pour  y  être  mis  en  lieu  de 
sûreté,  comme  le  prouve  la  note  suivante  • 

a  [tem,  2*  seplerabris,  Henrick  Henricxsone  ende  eeneii  anderen  arbeyder, 
dal  zy  bet  taetfereel  van  de  drie  coningeii,  de  dooren  van  0ns  Lieve-Vrouwe 
altaere,  "t  boort  van  den  affneminge  van  der  cruys  op  Gualter  stairs  graft 
hangende,  vuyl  Sint-Jans  kercke  op  't  raethuys  gedragen  hebben  (5).  » 

(1)  Collection  de  manuscrits,  fonds  de  Pape,  aux  Archives  du  royaume. 
Nous  publierons  plus  loin  Tinventaire  des  tableaux  ayant  appartenu  à  la 
veuve  de  Rubens. 

(2j  OïDENHOVEN,  Gescliiedenis  der  stadt  's  Ilerlogenbossche;  1670;  p.  25;  — 
CiRAMAïE,  Taxandria,  p.  G. 

(3)  Compte  de  la  ville  de  Bois-le-Duc  de  1365-1566,  aux  Archives  com- 
munales. 


—  ms  — 

A  la  fin  du  siècle  dernier,  le  1"  avril  1794-,  fut  vendu 
publiquement  à  Bruxelles  le  cabinet  du  chanoine  Wauters, 
dans  lequel  se  trouvaient  deux  petits  tableaux  attribués  à 
Jérôme  Bosch,  et  représentant  la  Tentation  de  saint  An- 
toine (i).  L'un  fut  acheté  2  florins  et  l'autre  4  flor.  \o  sous. 
11  est  nécessaire  d'ajouter  ici  que  l'on  attribue  à  ce  peintre 
tous  les  sujets  de  diableries  en  général,  quelque  mauvais 
qu'ils  soient. 

Un  autre  tableau  de  Jérôme  Bosch  existe  au  Musée  de 
Rouen,  auquel  il  fut  donné  en  1819  par  M'"  de  Gaze  :  il 
i-eprésente  ï Arrivée  d'un  sorcier  au  sabbat  (2). 

Van  Kessel  (Barlhélemi,  Bertel,  Berlelen),  —  peintre, 
à  Louvain,  est  cité  en  1507  comme  créancier  d'un  prêtre 
nommé  Arnould  Boom,  qui  fut  condamné  pour  crime  de 
sodomie,  une  première  fois,  en  1 504,  à  un  emprisonnement, 
et  la  seconde,  à  être  brûlé  vif,  ce  qui  fut  exécuté  en  lo07 
par  la  main  du  bourreau  de  Malines.  Ses  meubles  furent 
confisqués  et  vendus  publiquement  (3).  Parmi  eux  se  trou- 
vaient quatre  représentations  de  la  Sainte  Vierge  en  tapis- 
serie, en  peinture  et  en  sculpture,  désignées  comme  suit  : 

«  D'beelJe  van  Onser-Liever-Vrouwen,  in  een  bert,  metter  naillen  ghe- 
wrachl  :  x  s.  gr. 

»  Een  beelde  van  Onser-Liever-Vrouwen,  in  een  berdeken  gemaelt  :  ij  s. 
vj  d.  gr. 

»  Een  albasten  beelde  van  Onser-Liever-Vrouwen  :  v  s.  gr. 

»  Een  tavereel  van  Ons-Heeren  ende  Liever-Vrouwen  aensichte,  dat  con- 
stelle van  poinleralueren  gemaict  was,  want  't  principael  ende  d'beste  van 
den  voirschrcven  andcrcn  slueken  was,  soe  heeft  dcn  mej'cr  (van  Loeven)  dat 


(1)  Alexandre,  lue.  cit. 

(2)  Court,  loc.  cil. 

(3)  Voy.  sur  celte  affaire  les  registres  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Arclii- 
ves  du  royaume,  n"  12630,  compte  de  1302-1304,  f»  xviij  v»,  —  et  n"  126G0, 
complc  de  1307,  f»  j  r",  xj  r",  xv  r",  xviij  V  à  xx  v°,  xxij  V,  et  ibidem,  complc 
de  1308,  f»  xiiij  v». 


—  169  — 

gelaten  voere  d"alre  hoighste  daller  voere  geboden  was,  meeslercn  Jaune 
Van  Binckem,  licenciaet  ende  advokaet  poslulerende  in  den  raide  van  Bra- 
banl,  te  wetene  voere  xxiiij  gouden  philippus  guldenen.  » 

M""  Van  Even,  archiviste  de  Louvain,  a  publié  dans  la 
revue  intitulée  ;  De  dietsche  warande  (i),  quelques  rensei- 
gnements sur  Bartlîélemi  Van  Kessel,  qui  était  clerc  de 
l'église  de  Saint-Jean  depuis  l'année  1493,  charge  pour 
ainsi  dire  héréditaire  dans  sa  famille.  Il  vivait  encore 
en  1555. 

Van  Nevele  (Lucas),  —  peintre,  à  Bruxelles,  cité  en 
1552,  fît  partie  du  magistrat  de  cette  ville  en  1565  (2). 

«  A  Lucas  Van  Nevele,  painclre,  demouranl  à  Bruxelles,  ix  livres  x  solz, 
pour  avoir  pourtraict  aucunes  eflîgies  de  quelque  Franchois  espies,  dont  n'est 
besoing  d'autre  déclaration  (3).  » 

Kerreman  (Balthazar),  —  peintre,  à  Anvers.  Voici  un 
document  qui  le  concerne,  et  qui  date  du  mois  de  mars 
1565  (n.  st.). 

'■  Ballazar  Kerreman,  painctre  de  son  slil,  et  à  présent  prisonnier  en  la 
ville  d'Anvers,  chargé  de  s'estre  trouvé  en  conventicles  et  secrètes  assembles 
d'aucuns  sectaires  calvinistes,  et  d'avoir  souffert  par  iceulx  baptiser  deux  de 
ses  enffans,  l'ung  en  septembre  et  l'aullre  en  febvrier  es  années  (xv'=)lix  et  Ix, 
dont  il  est  Irès-repenlanl  sur  sa  très-humble  requesle,  pour  grâce  et  misé- 
ricorde Sa  Majesté  a  demandé  les  advis  des  marcgrave  d'Anvers,  inquisiteurs 
de  la  foy  à  Louvain  et  de  ceulx  du  conseil  de  Brabanl;  et  d'aullant  qu'il 
appert  de  la  vraye  répenlance  dudict  suppliant  et  qu'il  ail  suivy  la  doctrine 
desdicls  calvinistes,  et  esté  en  conventicles  plus  par  povrelé  et  misère  que 
autrement,  et  qu'il  a  dénuncé  aucuns  principaulx  sectaires,  il  leur  a  semblé 
que  Sadicte  Majesté  luy  pourroit  bien  donner  sa  grâce,  en  faisant  deue  abju- 
ration et  avec  pénitence  salutaire,  auquel  advis  se  conforment  ceulx  du  privé 
conseil,  moïennant  intérinement  par-devant  ledict  conseil  en  Brabanl  (4).  » 

(1)  4«  année,  p.  28  cl  ô3;  Amsterdam,  1858. 

(2)  A.  Heinne  et  A.  Wadters,  Histoire  de  Bruxelles,  t.  Il,  p.  538. 

(3)  Registre  n»  F.  231  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dé- 
partement du  Nord,  à  Lille. 

(4)  Archives  de  l'audience,  liasses,  aux  Archives  du  royaume. 


—  170  - 

Van  Heymessen  (Jean  et  Pierre).  —  La  pièce  que  nous 
publions  ici  est  l'acte  de  légilimitation,  daté  du  mois  de 
novembre  1579,  de  Jean  Van  Heymessen,  fils  illégitime 
de  Pierre  Van  Ileymessem,  tous  deux  peintres  à  Anvers, 
et  bourgeois  de  cette  ville.  Son  père  était  mort  à  celte  épo- 
que :  il  avait  alors  vingt-quatre  ans. 

«  PuiLiPS,  etc.  Doen  te  wetene,  allen  tegenwoirdigen  ende  toecomende, 
dat  wy  ontfangcn  liebben  die  oitinoedige  supplicatie  van  Peeter  Van  Hey- 
messem,  schildere,  vrye-geselle,  oudtxxiiij  jaeren,  inhoudende  lioedat  wylen 
Jan  Van  Heymesscm,  ooek  schilder  ende  poirier  onser  stadt  van  Anlwer- 
pen,  des  suppliants  vader,  gehouwt  wesende  met  eene  Barbara  de  Fevre, 
desen  suppliant  heeft  gewonnen  ende  geprocreert  aen  eene  jonghe  dochlere 
oft  dienslmeysken  genoempt  Betteken,  ombegrepen  huers  toenaems,  nu  eest 
zoe  dat  de  voirschreven  suppliants  vader  ende  moeder  deser  werelt  zyn 
overleden,  wesende  die  suppliant  nocli  zecr  jonck  in  der  vuegen  dat  liy  zyne 
voirschreve  moeder  nauwelyck  gekent  en  lieeft,  is  ooek  warachtich  dat  hy 
suppliant  van  den  voersclireven  zynen  vader  ende  moeder  noyt  yet  en  lieeft 
geprouffiteert,  ende  en  is  oyck  nyet  anders  verwachlende  dan  'l  ghene  hy 
met  zynen  zueren  arbeyt  ende  industrie  sal  mogen  prospereren,  ende  want 
die  voersclireven  suppliant  die  hem  metten  voersclireven  zynder  ambachte 
ende  anderssins  eerlyck  is  yeverende  ende  groote  affectic  ende  begeertc  heeft 
onder  ons  ende  onse  protectie  te  blyven  woenen,  hem  beduchtende  is  dat 
als  hy  tôt  huwelycken  state  soude  begeren  le  commen,  hem  die  voersehre- 
ven  bastardye  duerinne  grootelyck  soude  geraken  te  obsleren  om  eenige 
contracten  het  waere  huwelycxe  voorweerden,  testamente  ende  anderssins, 
valide  le  moegen  passercn,  nopende  zynen  geconquesteerde  goeden,  etc. 
Gegeven  in  onser  stadt  van  Antwerpcn,  in  de  maent  van  november,  in  't  jaer 
Ons  Heeren  duysent  vyff  hondert  Ixxix  (1).  » 

Lampsonius  (Dominique). —  On  sait  que  cet  artiste,  natif 
de  Bruges,  fut  successivement  secrétaire  intime  de  trois 
évêques  de  Liège.  Il  acheta  à  Anvers,  en  1587,  un  livre 
d'art  d'Albert  Diirer,  pour  Ernest  de  Bavière,  au  prix  de 
54  florins  de  Brabant.  C'est  probablement  grâce  à  ses  con- 

(1)  Registre  n»  fiiO,  f"  187  v",  de  la  chambre  des  comples,  aux  Archives 
du  rovaume. 


—  171  — 

seils  que  le  prélat  favorisa  les  arts  dans  ses  états  pendant 
tout  le  cours  de  son  règne. 

n  Solvi,   21  aprilis  1587,  Dominico  Lampsoiiius,  pro   libro  picturaruiii 
Alberli  le  Dure,  ad  opus  sue  Celsitudinis,  emplo  Anlverpie  (1).  » 

Une  lettre  publiée  dans  le  Carteggio  inedito  d'artistî,  par 
M""  Gaye  (2),  prouve  que  Dominique  Lampsonius  était  en 
correspondance  avecTiziano  Vecelli:elle  est  datée  de  Liège, 
le  13  mars  15G7.  Il  y  est  question  des  gravures  exécutées 
d'après  ce  célèbre  artiste  par  Corneille  Cort,  et  qui  ont  fait 
l'admiration  de  l'évéque  Gérard  de  Groisbeck  et  de  Lamp- 
sonius. Cette  missive  est  intéressante  à  plus  d'un  titre,  et 
notre  compatriote  s'y  plaint  des  embarras  que  la  situation 
politique  du  pays  lui  donne.  Les  événements,  dit-il,  ont 
empêché  le  prélat  son  maître,  d'écrire  lui-même  à  Tiziano 
pour  lui  témoigner  le  plaisir  qu'il  avait  eu  à  examiner 
les  gravures  de  Cort.  Ajoutons  ici  que  la  Bibliothèque 
royale  de  Bruxelles  possède  (3)  un  exemplaire  de  la  pre- 
mière édition  (Florence,  1550)  de  l'ouvrage  de  Vasari,  qui 
a  appartenu  à  D.  Lampsonius,  et  que  ce  peintre  poëte  a 
enrichi  de  vers  latins  en  l'honneur  de  l'artiste  italien. 
Nous  les  croyons  inédits,  et  c'est  ce  qui  nous  engage  à  les 
publier. 

«  Georgio  Vasaro,  pictori  aretino. 

Macle  anirais,  macte  insigni  pietate  Georgi, 

Ingens  picturse  jam  melioris  lionos, 
Cujus  ab  ingenio  multos  defuncta  per  annos 

Tuscorum  poslhac  nescia  fama  mori. 
Surgit  et  excelsum  céleri  petit  œtliera  penna, 

Nec,  velut  ante,  atris  obruitur  tcnebris. 
Vos  nunc,  quis  velerum  prœclara  reperta  parentum 

(1)  Compte  de  la  recette  générale  de  1586-1587,  f"  234  v,  dans  les  archi- 
ves de  la  chambre  des  finances,  aux  Archives  de  l'Etat,  à  Liège. 

(2)  Florence,  1840;  t.  III,  p.  242. 

(3)  Fonds  Van  Hulthcm,  n"  22345. 


—  17-2  — 

Excolere,  el  luci  reddere  cura  fuit. 
Barbara  quœ  gelidis  effusa  aquilonis  ab  oris 

Romulea  passim  gens  tumularat  humo, 
Seu  vobis  œdes  studium  componere,  seu  vos 

Praxitelem  juvit,  Prologenemve  sequi; 
JXocle  caput  fusca  eripite  ei  vos  crédite  cœlo; 

Jam  vobis  melior  vita  priore  venit. 
Ergo  dum  surgent  ad  sidéra  moles  exstruct*, 

Seu  forma  ionia,  sive  Corinthe,  tua, 
Seu  sibi  majori  quam  robore  dorica  fullam, 

Seu  reperit  priscis  tuscia  temporibus, 
Seu  rerum  domini  tandem  finxere  Quirites, 

Dum  placuit  cunctas  composuisse  simul; 
Dumque  manu  ducti  vivent  in  marmore  vultiis 

Seu  Donate  tua,  seu  Bonarote  tua, 
Dumque  suos  tabulée  pictores  mille  loquentur, 

Scripta  nihil  ficta  quos  tua  laude  vehunt, 
Debebunt  vitam  artifices,  Vasare,  secundani, 

Debebunt  tabulée,  signa,  domusque  tibi. 

DoMiMcus  Lampsonius.  » 

Van  Cocxie  (Raphaël).  — Van  Veen  (Gilbert)  (Fo?/.|  50). 
—  Les  notes  qui  suivent  concernent  Raphaël  Van  Cocxie, 
fils  de  Michel,  et  Gilbert  Van  V  een,  peintres  qui  habitaient 
Bruxelles  à  la  fin  du  XV^  siècle,  et  dont  le  talent  sem- 
ble avoir  été  grandement  apprécié  par  Albert  et  Isabelle. 
Le  dernier  était  le  frère  cadet  d'Othon  V^enius,  avec  lequel 
on  Ta  souvent  confondu.  M'  Nagler  le  dit  né  à  Leyden, 
en  1558  (i). 

En  1596,  Raphaël  Van  Cocxie  fait  les  portraits  de  Phi- 
lippe II,  d'Elisabeth  de  France  et  d'Anne-Marie  d'Autri- 
che, femme  de  ce  roi,  de  l'infante  Isabelle,  sa  fille.  Gilbert 
Van  Veen  peint,  la  même  année,  le  portrait  en  pied  du 
cardinal  Albert.  Ces  cinq  tableaux  étaient  destinés  à  Fré- 
déric-Guillaume de  Saxe,   administrateur  de   l'électorat. 

(1)  IVcucs  algcmeine  Kunstlcr-Lcxieon,  etc.,  1.  XIX,  p.  afiS. 


—  173  — 

Deux  autres,  les  porlrails  de  Catherine  d'Autriche,  reine 
de  Portugal,  et  de  Marie  Tudor,  reine  d'Angleterre,  furent 
encore  envoyés  à  ce  prince.  Tannée  suivante  :  ils  étaient 
dus  aux  pinceaux  des  mêmes  artistes.  Au  mois  d'octobre 
1601,  Gilbert  Van  Veen  reçoit  une  somme  de  500  livres 
de  Flandre,  à  compte  sur  les  portraits  des  archiducs,  que 
ceux-ci  lui  avaient  commandés  pour  être  donnés  par  eux 
à  Charles-Philippe  de  Croy,  marquis  d'Havre,  chef  des 
finances.  En  août  1605,  on  lui  paye  150  livres  «  pour  af- 
»  faires  secrelz  concernans  grandement  le  service  de  Leurs 
»  Altèzes  »  (i).  Un  an  plus  tard.  Van  Veen  était  occupé, 
toujours  pour  le  compte  des  archiducs,  aux  portraits  de  Phi- 
lippe III,  roi  d'Espagne,  et  de  Marguerite  d'Autriche,  son 
épouse,  dont  ils  gratifièrent  aussi  le  marquis  d'flavré,  et  à 
deux  autres  portraits  d'Albert  et  d'Isabelle,  que  ces  prin- 
ces ont  fait  offrir  à  Jacques  I",  alors  nouvellement  élu  roi 
d'Angleterre  et  d'Ecosse.  M''  Nagler  attribue  ces  tableaux  à 
Olhon  Venius  (2).  \ous  relèverons  ici  une  autre  erreur  de 
cet  écrivain.  Il  dit  que  ce  dernier  artiste  occupa  les  fonc- 
tions d'intendant  des  monnaies  :  c'est  Gilles  Van  Veen  qui 
occupa  cette  charge. 

(Octobre  1596).  «  A  Raphaël  Cocxie  et  Gisbrechl  Van  Veen,  painclres,  iij« 
xxxij  livres  x  solz,  par  lettres  patentes  d'Anvers  du  xxvj  aoust  xv^  iiij'^  x\j, 
assçavoir  \}<^  liiij  livres  x  solz  audict  Raphaël  Coxie,  sicomrae  les  ij<=  livres 
pour  quatres  painctures  qu'il  avoit  faict  à  l'ordonnance  de  Sa  Majesté,  des 
représentaeions  de  la  personne  d'icelle,  de  feues  les  bonnes  compaignes 
dames  Isabelle  et  Anne-Marie,  filles  de  France  et  d'Austriche,  et  de  sa  fille 
dame  Isabella-Claira-Eugénia,  l'infante  d'Espaigne;  item,  1  livres  pour  ses 
toilles,  et  iiij  livres  x  solz  pour  la  casse  de  bois  pour  transporter  icelles 
painctures;  item,  Ixxviij  livres  à  Gisbrecht  Van  Veen,  pour  avoir  pourtraict 
la  personne  de  monseigneur  le  cardinal,  à  sa  grandeur,  comprins  iij  livres 


(1)  Registre  n»  F.  286,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dé- 
partement du  Nord,  à  Lille. 

(2)  toc.  rit.,  p.  56G. 


—  174  — 

pour  sa  custode  de  fer  blancq,  avecq  le  basion  sur  lequel  ladicte  painctui'c 
esloll  enrollée  et  encloze  :  lesquelles  painclures  avoient  esté  envoyées  en  la 
ville  de  Namur,  à  messire  Joost-Henrich  Van  Witzleben,  visconle  de  Upper- 
guin,  du  conseil  du  duc  Frédericq-Guillaume  de  Saxen,  pour  les  présenter 
de  la  part  de  Sa  Majesté  (1).  » 

«  A  Raphaël  Coxie  et  Gisbrecht  Van  Veen,  painctres  à  Bruxelles,  la  somme 
de  clij  livres  x  solz,  par  lettres  patentes  datées  de  Bruxelles,  le  xvij  aousl 
xve  iiij'^^  xvij,  pour  deux  painctures  qu'il  avoit  faict  à  l'ordonnance  de  Sa 
Majesté,  des  représentations  de  feues  les  roynes  de  Portugal  et  d'Angleterre, 
y  comprins  l'achapt  de  toilles,  et  pour  la  casse  de  bois  pour  transporter 
icelles  painctures  vers  le  ducq  Frédericq-Guillame  de  Saxen,  administrateur 
de  Télectoriat,  pour  les  luy  présenter  de  la  part  de  Sa  Majesté  (2).  » 

(Octobre  1601).  «  A  Ghysbrechl  Van  Vcen,  painctre,  v<^  livres,  entantmoins 
de  ce  que  luy  seroil  deu  pour  les  pourtraitz  des  personnes  de  Leurs  Allèzes, 
qu'il  avoit  faict  à  leurs  ordonnances,  pour  faire  présenter  à  messire  Charles- 
Pliilippes  de  Croy,  marquiz  de  Havrech  (5).  » 

«  A  Gliysbrecht  Van  Veen,  viij«  iij  livres,  par  lettres  patentes  datées  de 
Bruges,  le  xviij  aoust  xvjc  iiij,  dont  v^  xxxvj  livres  pour  ij  painclures  des 
pourtraictz  des  roy  et  royne  d'Espaigne,  desquelles  Leurs  Altèzes  avoient 
faict  présent  au  marquis  de  Havrech,  chef  des  finances;  item,  vij»  1  livres 
pour  ij  aultres  grands  portraits  de  Leurs  Altèzes,  envoyés  au  roy  d'Angle- 
terre en  xvjc  iij  (4).  » 

Clâes,  Claessens  ou  Claeyssens  (Gilles).  —  La  Galerie 
d'Artistes  brugeois,  j)ar  M""  0.  Delepierre,  p.  4.5,  et  la 
Biographie  des  hommes  remarquables  de  la  Flandre  occi- 
dentale, t.  I",  p.  71,  consacrent  quelques  lignes  à  un  pein- 
tre du  nom  de  Gilles  Claessens  ou  Claeyssens,  fils  de  Pierre, 
mort  en  \  605  et  enterré  dans  Téglise  de  Saint-Léonard,  à  Bru- 
ges, et  qui  fut  peintre  d'Alexandre  Farnese,  duc  de  Parme, 
et  des  archiducs  Albert  et  Isabelle.  Nous  avons  trouvé  dans 


(1)  Registre  n"  F.  279  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 

(2)  Registre  n"  F.  281,  ibidem. 

(3)  Registre  n"  F.  284,  ibidem. 
(4.)  Registre  n"  F.  287,  ibidem. 


—   175  — 

un  compte  de  la  recelle  générale  des  finances  de  1607  (0, 
une  noie  relalive  à  un  petit  portrait  de  Tinfante,  peint  à 
riiuile  par  un  certain  Gilles  Claes  ou  Claessens,  de  Bruges, 
avec  le  plus  grand  soin,  et  qui  fut  enfermé  dans  une  su- 
perbe cassette  d'or,  garnie  de  diamants.  Ce  bijou  fut 
remis  à  Pierre  Pecquius,  ambassadeur  des  arcbiducs  près 
de  Henri  IV,  pour  être  ofTert  à  la  fille  aînée  de  ce  prince, 
dont  l'infante  était  la  marraine.  Il  s'agit  évidemment  dans 
celte  note  du  même  artiste,  et  la  date  de  sa  mon  n'est  par 
conséquent  pas  exacte. 

«  Ilem,  xj":  viij  livres  x  solz,  pour  une  cassette  d'or  de  forme  ovale,  garnie 
parmi  la  ehaisnelte  de  Iviij  diamants  de  différente  sorte  et  grandeurs  et 
d'une  grande  perle,  servant  la  même  easetle  à  un  petit  pouriraict  de  la 
sérénissime  infante,  peint  en  huille  sur  une  carie  par  niaistre  Gilles  Claes, 
paintre  de  Bruges;  item,  cxx  livres  pour  la  façon  de  laditte  cassette,  et 
xxij  livres  payez  audict  Gilles  Claes,  pour  avoir  painct  à  Thuile  le  susdit 
pourtrait  de  la  sérénissime  infante;  ensemble  une  custode  couverte  de  cuir 
d'or,  pour  mectre  et  enserrer  icelle  cassette  d'or,  etc.,  le  tout  a  esté  mis 
par  le  garde-joyaulx,  par  charge  expresse  de  Leurs  Allézes,  es  mains  de 
Pierre  Peckius,  ayant  pour  leurs  affaires  vers  le  roy  très-chrélien  de  France, 
pour  estre  au  nom  et  de  la  part  de  la  sérénissime  infante,  présenté  à  la  fille 
aisnée  dudit  roy  que  laditte  sérénissime  infante  avoit  levé  du  fond  de  bap- 
tesme.  » 

CoBERGHER  (Wenceslas).  —  (Voy.  §  41).  —  Dans  une 
lettre  écrite  par  Joachim  d'Enzenbear,  garde-joyaux  des 
archiducs  Albert  et  Isabelle  au  secrétaire  Frais,  et  datée  du 
8  octobre  IGIO,  il  lui  dit  d'envoyer  un  ordre  pour  que 
Wenceslas  Cobergher  puisse  loucher  la  somme  de  42o  flo- 
rins, prix  de  trois  tableaux  religieux,  qu'il  a  peints  et 
qui  ont  été  expédiés  en  Espagne.  En  1618,  ce  célèbre  ar- 
tiste reçoit  560  livres  pour  deux  autres  tableaux,  la  Nais- 
sance de  Jésus  et  la  Visitation  de  sainte  Elisabeth,  destinés 


(1)  Registre  n»  F.  289  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 


—   176  — 

à  l'hermitage  de  xMarimont,  et  20  livres  pour  un  saint 
Hubert  en  habits  pontificaux  (i),  qui  fut  placé  dans  la  cha- 
pelle de  Tervueren.  La  même  année,  W.  Coberglier  obtint, 
par  lettres  patentes  du  9  avril,  un  octroi  pour  pouvoir  seul 
exploiter  aux  Pays-Bas,  la  fabrication  de  la  potasse.  Ce 
privilège  fut  renouvelé,  pour  lui  et  ses  héritiers,  par  lettres 
patentes  du  9  septembre  1G27. 

«  Senor,  Su  Alteza  me  ha  mandado  que  diga  â  Vuestra  Merced,  de  su  parle 
que  V.  M.  manda  liazcr  una  ôrden  sobre  mj'  y  Van  der  Slegen  para  que 
pagemos  170  pbelipes,  que  hazen  423  florines,  à  Venceslao  Couwebergher, 
pintor  y  ingeniero  de  las  obras  de  Sus  Altezas  serenissimas,  por  très  pin- 
turas  de  devocion  que  él  ha  hecho  hazer  para  servicio  de  Su  Alleza,  por  el 
dicho  precio,  las  quales  dichas  très  pinluras  ha  embiado  Su  Alteza  â  Espana, 
y,  después  de  hecho  la  ôrden,  V.  M.  nie  liaga  mereed  de  embiârselo  â  niy 
para  darlo  â  la  parte  y  V.  M.  me  haga  mereed  de  accordarsc  tambien  de 
nuesiras  schorres,  para  que  puediessemos  acabar  àntes  que  Su  Alteza  se 
parte  à  Mariemonl,  que  creo  que  sera  bien  presto  para  la  otra  semana.  Y 
ron  esso  guarde  Nuestro-Senor  à  V,  M.,  con  darle  toda  aquella  salud  y  con- 
Icnto  que  puede  y  V.  M.  dessea,  cuyas  manos  beso  muchas  vezes.  De  palacio, 
à  8  de  oltubre  1610.  Soy  muy  cierto  serbidor  de  V.  M. 

JoACHiM  d'Exze.vhear  (2).  » 

K  A  Wenssel  Cobberguer,  architecte  de  Leurs  Altèzes,  la  somme  de  vij'' 
xlviij  livres,  de  xl  gros,  qui  deue  lui  estoit,  assavoir  :  iij'^  Ix  livres  pour  la 
paincture  de  la  Nativité  de  Nostre  Saulveur  Jésus  el  la  Visitation  de  madame 
saincte  Elisabeth,  au  tableau  mis  en  la  chapelle  ou  hermilage  proche  de 
Marimont;  ilem,  xx  livres  pour  aullre  paincture  de  sainct  Hubert,  mise  à  la 
chappelle  de  Tervueren;  elles  restans  iij"^  Ixiij  par  lui  paie  au  menuisier  qui 
avoil  livré  les  tableaux,  aussy  pour  la  dorure,  etc.  (3).  » 

!<  Albert  et  Isabel,  etc.  Receu  avons  Thumble  supplication  de  nostre  chier 
cl  bien  amé  Wencislaus  de  Coeberger,  nostre  architecte  général,  contenant 
que  passez  tantosl  trois  ans,  il  al  trouvé  des  œuvriers  sachant  faire  potasse 
utile  au  savon,  bleu,  lintures  et  choses  semblables,  et  à  mesme  temps  il 
nous  supplia  qu'il  nous  pleuist  luy  accorder  de  grâce  espécialle  et  en  béné- 

(1)  Voij.  A.  Wauters,  Histoire  des  enviroris  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  388. 

(2)  Archives  de  Taudience,  liasse  n»  586  -",  aux  Archives  du  royaume. 

(3)  Acquits  des  comptes  de  la  recelte  générale  des  finances,  ibidem. 


—  177  — 

fice  lies  services  acluelz  qu'il  nous  rend  journellement  qu';\  l'exclusion  de 
touts  aultres,  luy  et  ses  hoirs  et  ayans  cause  pourroyent  faire  faire  ladicte 
potasse  es  pays  de  nostre  obéj'ssance,  sur  quoy  ayant  esté  prins  Tadvis  tant 
des  officiers  fiscaulx  de  nostre  conseil  ordonné  en  Brabant  que  ceulx  de  nos- 
tre conseil  de  Flandres  et  des  magistratz  de  noz  villes  de  Bruxelles  et  An- 
vers, il  y  seroit  passé  beaucoup  de  temps,  et  cependant  ledict  suppliant 
auroit  retenu  lesdicts  ouvriers  à  grandz  fraiz  et  despens;  en  considération 
de  quoy  y  nous  a  de  rechiefz  très-humblement  supplié  qu'il  nous  pleust  luy 
accorder  et  à  sesdicts  hoirs  et  ayans  cause  ledict  octroy  pour  le  terme  de 
vingt  ans.  Scavoir  faisons,  etc.  Donné  en  nostre  ville  de  Bruxelles,  le  ix"  jour 
d'apvril  l'an  de  grâce  mil  six  cens  dix-huyt  (I).  » 

Dans  le  numéro  du  mois  d'octobre  1857,  du  Journal  de 
la  Société  centrale  d'agriculture  de  Belgique,  M""  Bortier  a 
publié  un  article  intitulé  :  Dessèchement  des  tnoëres  par 
Cobergher  en  1622.  Cet  article  est  accompagné  du  portrait 
de  l'artiste,  d'après  la  belle  eau-forte  de  Van  Dyck,  et  de 
deux  plans,  gravés  sur  pierre,  représentant  les  moeres 
avant  et  après  le  dessèchement.  On  sait  que  les  moeres 
étaient  un  marais  pestilentiel,  situé  entre  Furnes  et  Ber- 
gues-Saint-Winoc.  La  notice  de  U'  Bortier  trace  l'histo- 
rique du  dessèchement  jusqu'en  1857. 

Flémalle  (Bertholet).  —  Voici  une  note  qui  prouve  le 
goût  que  ce  grand  artiste  avait  pour  la  musique,  et  qu'il 
occupait  comme  musicien  quelque  emploi  à  la  cathédrale 
de  Saint-Lambert,  à  Liège,  où  ses  biographes  disent  qu'il 
avait  été  admis  très-jeune  parmi  les  enfants  de  chœur  (2). 

(24  octobre  1632).  «  Messeigneurs  (les  chanoines)  ayant  appris  que  le 
seigneur  Bartholet  Flémale  laisseroit  pour  quelques  raisons  de  se  retrouver 
à  la  musicque  en  leur  église,  ont  commandé  à  leur  secrétaire  dei  Rée,  de  luy 
dire  que  s'il  veult  s'y  retrouver,  qu'il  leur  serat  fort  aggréable,  avec  espoir 
de  quelque  avancement  et  promotion  (ô).  » 

(1)  Registre  n»  144,  f»  xxxvij  v,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  royaume.  L'octroi  du  9  septembre  1627  est  transcrit  au  f»  ij»  xxiiij  r". 

(2)  De  Becdelièvre-Hamal,  Biographie  liégeoise,  t.  Il,  p.  264. 

(5)  Protocole  des  directeurs  de  1649  à  1633,  dans  les  archives  de  la  cathé- 
drale de  Saint-Lambert  (secrétariat),  aux  Archives  de  l'État,  à  Liège. 

12 


—  178  — 

Tableau  attribué  a  Rubens.  — Nous  lisons  dans  riiisloire 
de  Bruxelles  que  les  magnifiques  bâtiments  qui  avaient  été 
élevés  pour  les  chartreux  sur  les  hauteurs  de  Scheut,  fu- 
rent pillés  et  détruits  en  1580.  On  voit  encore  aujourd'hui 
la  chapelle  du  couvent.  C'est  à  la  suite  de  cet  événement 
que  ces  religieux  s'établirent  à  Bruxelles  dans  la  rue  qui 
a  retenu  leur  nom.  Leur  église,  qui  renfermait  beaucoup 
de  richesses  artistiques,  fut  commencée  en  1594  et  consa- 
crée en  1607.  Entre  autres  tableaux  précieux,  on  admirait 
un  Christ  mort  sur  les  genoux  de  sa  Mère,  par  G.  de  Crayer, 
et  une  Sainte  Famille,  par  Jean  Van  Memmelinghe,  envoyés 
à  Vienne  après  la  suppression  de  l'ordre,  en  1783  (i).  La 
pièce  capitale  était  une  Assomption  de  la  Sainte-Vierge, 
attribuée  à  Rubens,  et  qui  ornait  le  maître-autel.  Sande- 
rus  (s),  Mensaert  (3),  Descamps  {4),  Michel  (s)  et  autres 
auteurs  (g),  en  parlent  comme  d'un  tableau  du  plus  grand 
mérite.  «  Cette  petite  pièce,  »  dit  le  dernier  écrivain,  «  mé- 
»  rite  l'attention  particulière  des  amateurs;  elle  est  d'une 
»  composition  très-riche,  doctement  grouppée,  la  distribu- 
»  tion  des  lumières  parfaite,  les  têtes  fines  et  le  coloris 
»  de  la  dernière  fraîcheur;  l'estampe  est  du  burin  de  Wit- 
»  douck.  » 

Entraînés  dans  d'énormes  dépenses  par  la  construction 
de  nouveaux  bâtiments  en  1772,  les  chartreux  se  virent 
dans  la  nécessité  de  vendre  celte  œuvre  d'art  pour  couvrir 
une  partie  des  frais  (7).  François  Pauwels,  maître  brasseur 
de  Bruxelles,  qui  possédait  une  belle  collection  de  tableaux, 


(1)  A.  Hense  et  A.  WAUTEns,  ftisloire  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  495-497. 

(2)  Chorographia  sacra  Brabantiœ;  1727;  t.  Il,  p.  358. 

(3)  Le  peintre  amateur  et  curieux,  t.  l",  p.  110. 

(4)  Voyage  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  Brabant,  éd.  de  1769,  p.  72. 

(5)  Histoire  de  la  vie  de  P. -P.  Rubens;  Bruxelles;  1771,  p.  70. 

(6)  Description  de  la  ville  de  Bruxelles;  1743,  in-S",  p.  156. 

(7)  A.  Henné  et  A.  Wauters,  loc.  cit.,  t.   III,  p.  498. 


—  ild  — 


s'en  rendit  acquéreur  pour  la  somme  de  1,000  ducals  ou 
de  6,000  florins,  argent  courant.  L'achat  fut  conclu  le 
30  décembre  1775,  à  la  condition  que  Pauwels  en  ferait 
faire  une  copie  pour  remplacer  le  vide  du  maitre-aulel. 
Le  5  juin  1774,  le  peintre  J.  Crokaert  reçut  600  florins 
pour  la  copie  et  pour  avoir  retouché  et  nettoyé  l'original. 

La  copie  de  Crokaert  n'es!  pas  la  seule  qui  ait  été  faite 
de  ce  tableau.  Vers  1755,  J.  Dansaert,  directeur  de  l'acadé- 
mie de  Bruxelles,  en  fît  une  copie,  de  grandeur  naturelle, 
et  une  réduction.  Verhaegen  en  a  également  fait  une  copie 
qui  doit  exister  dans  quelque  musée  ou  dans  quelque  édifice 
à  Paris. 

Boucher,  premier  peintre  de  Louis  XV^  avait  offert  pour 
l'original  une  somme  de  14,000  florins  courant  de  Brabant, 
et  quelques  années  après  Tassaert,  artiste  qu'il  était  au 
service  du  même  roi,  proposa  de  l'acquérir  au  prix  de 
12,000  florins  et  une  copie.  Mais  à  cette  époque  les  char- 
treux ne  se  souciaient  pas  de  se  défaire  de  leur  tableau  (i). 

Après  la  mort  de  F.  Pauwels,  sa  collection  fut  vendue; 
VAssoniption  attribuée  à  Rubens,  passa  à  sa  fille  Marie- 
Thérèse,  qui  avait  épousé  François  T'Kint,  brasseur,  à 
Bruxelles  (2).  En  1820,  celui-ci  donna  le  tableau  à  l'église 
de  Sainte-Catherine,  sa  paroisse,  à  la  condition  cependant 
qu'il  se  réservait  pour  lui  et  pour  ses  héritiers  le  droit  de 
le  réclamer,  dans  le  cas  où  l'église  viendrait  à  être  sup- 


(1)  Ces  noies  sont  extraites  du  Regislrum  pastorale  Guiliclmi  Van  den  Neese, 
où  elles  ont  été  consignées  par  le  curé  Klerens.  Ce  volume  repose  dans  les 
archives  de  Téglise  de  Sainte-Catherine,  à  Bruxelles. 

(2)  La  vente  de  la  collection  de  Fr.  Pauwels  eut  lieu  à  Bruxelles  le  22  août 
1803.  Parmi  les  tableaux  les  plus  dignes  d'atlention  qui  en  faisaient  partie, 
il  faut  citer  (n»  1)  :  VAnnonce  aux  Bergers,  par  N.  Berchem,  vendu  3,2G6  flo- 
rins; (no  129),  Un  palais,  par  Thiéri  Van  Delen,  avec  les  figures  de  Ph.  Wau- 
werman,  vendu  830  flor.  13  sous,  et  (n"  98)  la  Guérison  du  Paralytique,  par 
Van  Dyck,  vendu  M, 666  flor.  (Voy.  Catalogue  de  tableaux  vendus  à  Rruxelles 
depuis  l'année  i77ô  jusqu'à  1803.) 


—  180  — 

primée  ou  ne  servirait  plus  au  culte  catholique.  Le  conseil 
de  fabrique  fit  mettre  le  tableau  à  la  place  restée  vide 
qu'avait  occupée  le  chef-d'œuvre  de  G.  de  Crayer  :  le  Mar- 
tyre  des  quatre  Couronnés  {Voy.  §  8).  L'Assomption  de  la 
Sainte-Viercje  n'est  pas  de  Rubens,  mais  de  quelqu'un  de 
ses  élèves,  qui  avait  assez  saisi  sa  manière.  Il  a  pu,  comme 
tant  d'autres,  être  peint  dans  l'atelier  et  sous  les  yeux  de 
l'immortel  artiste,  et  Hubens  y  a  peut-être  donné  çà  et  là 
quelques  coups  de  pinceau  qui  ont  suffi  pour  induire  en 
erreur  tous  ceux  qui  l'ont  vu  au  siècle  dernier. 

Le  Martyre  des  quatre  Couronnés  avait  élé  enlevé  par 
les  Français  et  envoyé  à  Paris  avec  une  autre  pièce  de 
mérite  du  même  peintre,  représentant  Y  Ascension  au  ciel 
de  Sainte-Catherine.  Celui-ci  fut  rapporté  par  les  alliés  à 
la  demande  du  roi  Guillaume  :  le  tableau  avait  été  rentoilé 
à  Paris;  il  fut  replacé  dans  l'église  au  maître-autel  le  15  no- 
vembre 1816. 

Les  autres  tableaux  qui  ornaient  l'église  de  Sainte-Calhe- 
rine,  avaient  été  rendus  sur  la  pétition  du  curé  Van  den 
Weyngaert,  par  arrêté  du  préfet  du  déparlement  de  la  Dyle, 
du  19  prairial  an  IX  (8  juin  1801);  ces  tableaux  étaient  à 
cette  époque  au  Musée  de  Bruxelles.  «  Considérant,  »  dit 
le  préfet  dans  l'arrêté,  «  que  les  tableaux  désignés  dans 
»  la  pétition,  ne  sont  pas  assez  précieux  pour  mériter  d'être 
»  conservés  au  Musseum.  »  Les  tableaux  restitués  alors 
étaient  au  nombre  de  quinze,  parmi  lesquels  on  remarque 
Sainte  Anne  apparaissant  à  des  naufragés,  par  Corneille 
Schut  (i). 

Van  Diest  (Jean-Baptiste),  —  peintre  de  la  cour,  réclama 


(1)  On  lil  dans  le  Catalogue  de  tableaux  vendus  à  Bruxelles,  cité,  article 
Rubens,  p.   242,   que  ce  même  tableau  fut  adjugé  au  prix  de  4,6G6  florins. 

(2)  Voy.  pour  la  description  des  tableaux  qui  ornent   aujourd'hui  l'église 
de  Sainte-Catherine,  l'Histoire  de  Bruxelles  ciléc,  t.  III,  p.  186. 


—  181  — 

en  1702,  une  somme  de  60  écus,  comme  prix  d'un  por- 
trait de  Philippe  V,  roi  d'Espagne,  qu'il  avait  livré  avec 
le  cadre,  par  ordre  de  l'électeur  Maximilieu-Emmanuel  de 
Bavière,  pour  le  conseil  royal  (i).  En  1730,  le  magistrat 
de  Bruxelles  voulut  lui  faire  payer  les  droits  sur  les  quatre 
espèces  de  consommation,  malgré  son  litre  de  peintre  de 
la  cour;  Van  Diest  s'adressa  au  conseil  privé,  qui  lui  donna 
gain  de  cause  (2).  C'est  à  lui  qu'était  confiée  la  peinture 
des  décors  et  armoiries  qui  servaient  lors  de  la  célébration 
des  obsèques  d'éminents  personnages  dans  la  chapelle  du 
palais  de  Bruxelles  (s). 


(1)  Archives  du  conseil  privé,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Registre  n"  261,  f"  176  r»,  de  la  secrétairerie  d'État,  ibidem. 

(3)  «  A  Jean-Baptiste  Van  Diest,  pour  et  à  quoy  portent  les  armoiries  qu'il 
»a  peint  à  l'occasion  des  funérailles  faites  à  la  cour  pour  feue  la  princesse  de 
»Sulzbach  et  autres  :  j"  Ixxx  livres.  »  (Registre  n°  27322  de  la  chambre  des 
comptes,  compte  de  1728,  fo  36  V,  ibidem). 

«  A  lui,  pour  avoir  travaillé  et  peint  au  saint  sépulchre  et  pour  les  armoiries 
»du  mausolée  pour  les  funérailles  de  feue  S.  A.  S.  le  duc  de  Lorraine,  faites  à 
»à  la  cour  :  iij^  viij  livres.  »  [Ibid.,  compte  de  1729,  f"  ii  r».) 

«  A  lui,  pour  avoir  peint  les  armoiries  qui  ont  servi  aux  exèques  de  feue 
"l'électeur  de  Bavière,  et  autres  ouvrages  qu'il  a  faits  :  ij^  xvij  livres  x  sols  ix 
«deniers.  »  {Ibid.,  compte  de  1730,  fo  49  r".) 

«  A  lui,  pour  les  armes  qu'il  a  peint  pour  les  funérailles  de  la  princesse  de 
Brunswick,  de  l'électrice  de  Bavière  et  quelques  figures  aïant  servi  au  saint 
sépulchre  dans  la  chapelle  royale  :  Hj"  vj  livres  x  sous.  »  (Registre  n°  27323, 
compte  de  1731,  f»  50  v",  ibidem.) 

«  A  lui,  pour  les  armoiries  qu'il  a  fait  et  livré  pour  les  exèques  du  prince  de 
«Sulsbach  :  j<:  vj  livres.  »  [Ibid.,  compte  de  1733,  f"  70  v».) 

i<  A  lui,  pour  les  armoiries  qu'il  a  livrées  à  l'occasion  des  exèques  faites 
i>pour  feu  le  duc  de  Modène  :  xc  livres.  »  (Registre  n"  27324,  compte  de  1737, 
fo  66  ro,  ibidem.) 

«  A  lui,  pour  ouvrages  faits  tant  pour  les  exèques  du  prince  Sobieski,  que 
«pour  le  sépulchre  de  la  chapelle  royale  :  cxj  livres.  »  {Ibidem,  f»  66  v"  ) 

«  A  lui,  pour  les  armoiries  qu'il  a  fait  pour  les  funérailles  de  la  reine 
«douairière  d'Espagne  :  cxxix  livres  iiij  sous,  »  {Ibid.,  compte  de  1740, 
f»  107  V.) 

«  A  lui,  pour  ouvrages  faits  à  l'occasion  des  funérailles  de  S.  M.  Impériale 
«Catholique,  vij^^^  Ixv  livres.  »  [Ibid.,  f»  122  V.) 


—  182  — 

Peinture  sur  porcelaine.  —  Au  mois  d'août  1788,  Do- 
minique-Joseph Ris,  natif  de  Bruxelles,  présenta  requête 
au  conseil  du  gouvernement  général  (i),  pour  obtenir  la 
permission  de  fonder  en  cette  ville,  avec  son  associé  J.  Bar, 
artiste,  un  établissement  pour  peindre  et  dorer  la  porce- 
laine à  l'instar  de  celle  de  Sèvres.  Il  s'y  vante  de  pouvoir 
fournir  la  première  qualité  de  porcelaine,  tant  sous  le  rap- 
port de  la  solidité,  de  la  peinture,  de  la  dorure,  etc.,  à  un 
tiers  meilleur  marché  que  les  autres  manufactures  des 
Pays-Bas. 

Alex.  Pinchart. 


(1)  Arcllives  du  conseil  royal,  aux  Archives  du  royaume. 


—  183  — 


riottcesi 


QUELQUES   LIVRES   RARES 


DU    XVr    SIECLE. 


Peu  de  siècles  ont  produit  autant  de  livres  intéressants 
que  le  XVI*  siècle,  époque  de  renaissance  générale,  véri- 
table printemps  pour  les  lettres  et  les  arts.  Bien  des  idées 
ont  été  semées  dès-lors,  qui  n'ont  germé  que  de  nos  jours, 
et  ne  produiront  des  fruits  que  bien  longtemps  après 
nous.  Quelle  abondance  et  en  même  temps  quelle  variété, 
et  combien  de  beaux  génies  ce  siècle  a  vu  naître  ou  se  dé- 
velopper! 

En  étudiant  cette  belle  époque,  on  pourrait  lui  appli- 
quer ce  que  disait  J.-J.  Rousseau  en  parlant  de  la  Suisse, 
sa  patrie  :  «  En  y  voyageant,  le  peintre  trouve  à  chaque 
pas  un  tableau,  le  poëte  une  image  et  le  philosophe  une 
réflexion.  » 

Au  début  du  XVP  siècle,  l'imprimerie,  cette  magnifique 
invention,  était  encore  dans  sa  nouveauté.  Elle  avait  pieu- 
sement offert  ses  prémices,  à  Dieu  d'abord,  à  la  science 
humaine  ensuite,  très-peu  à  l'imagination.  Mais  alors  les 
productions  de  la  presse  se  multiplient  à  l'infini,  et  si  la 
théologie  et  la  philosophie  scolastique,  ainsi  que  les  com- 
mentateurs y  occupent  encore  une  si  large  part,  en  général, 


—  184  — 

le  goût  était  plus  épuré  et  on  savait  déjà  mieux  choisir.  Dans 
la  première  moitié  du  XVI*  siècle,  les  œuvres  si  charman- 
tes et  si  naïves  du  moyen-àge  que  Ton  quittait,  et  la  poésie 
populaire,  furent  reproduites  beaucoup  plus  qu'au  siècle 
précédent. 

Des  livres  de  cette  époque,  ce  qui  méritait  le  plus  d'être 
connu,  de  nombreux  bibliographes  l'ont  fait  connaître  sans 
doute;  mais  dans  une  moisson  aussi  riche  et  aussi  variée,  il 
restera  quelque  chose  à  glaner  longtemps  encore. 

Si  les  quelques  notices  qui  vont  suivre  pouvaient  méri- 
ter l'approbation  des  lecteurs  du  Messager,  elles  seraient 
peut-être  suivies  d'autres  plus  tard. 


I. 


Les  cinq  premiers  livres  des  histoires  de  Polibe  Megapo- 
litain,  avecq  troys  extraitz  du  VI,  un  du  VII,  un  du  VIII 
et  un  du  XVI.  Aultrefois  traduitz  et  mis  en  lumière  par 
Loys  Maigret,  et  depuis  reveuz,  corrigez  et  rendus  plus  en- 
tiers par  luy  sur  l'exemplaire  Grec.  Ensemble  le  dessain 
du  camp  des  Romains  extraict  de  la  description  de  Polibe. 
Avecq  privilège  du  Roy.  A  Paris,  par  Estienne  Groulleau, 
libraire,  demourant  en  la  rue  Nostre  Dame,  à  Venseigne 
Sainct  Jan-Baptiste,  1552;  in-S",  avec  grav.  en  bois,  de 
8  feuillets  prél.  et  540  feuillets. 

Ni  Ebert,  ni  Brunet  ne  font  aucune  mention  de  cette 
édition,  qui  mérite  cependant  d'attirer  l'attention  des 
amateurs,  tant  par  sa  rareté  que  par  sa  belle  exécution 
typographique  et  la  commodité  de  son  format.  Le  père 
Niceron  (Mémoires,  t.  XLI,  p.  159)  est  à  ma  connaissance 
le  seul  bibliographe  qui  cite  l'édition  de  1552,  qu'il  prend 
par  erreur  pour  la  première.  Celle-ci  parut  dix  années  au- 
paravant, à  Paris,  chez  Janot,  1542,  in-folio;  mais  elle  ne 


—  185  — 

contient  que  les  cinq  premiers  livres.  Deux  fragments  du 
sixième  livre  et  un  traité  du  seizième  parurent  ensuite  à 
Paris,  chez  Marnef,  en  1545,  in-S",  dont  un  exemplaire, 
imprimé  sur  vélin,  fut  vendu  fr.  120,  chez  Mac-Carthy. 
Enfin  la  dernière  édition  fut  exécutée  à  Lyon,  chez  de 
Tournes,  en  1558,  in-folio,  et  contient  des  fragments  des 
neuvième,  dixième,  onzième,  douzième,  treizième,  quator- 
zième et  quinzième  livres,  ainsi  que  du  dix-septième. 

Au  verso  du  titre  de  notre  édition  se  trouve  le  privilège 
du  roi  pour  six  ans,  daté  du  22  mars  1551,  et  en-dessous 
on  lit  :  «  Et  fut  achevé  d'imprimer  le  XXII  jour  d'ap- 
vril  1552.  »  Vient  ensuite  la  préface  du  traducteur,  Louis 
Maigret,  qu'il  adresse  à  la  noblesse  de  France,  et  qui  com- 
mence par  ces  mots  :  «  Nous  sommes  tous  (Messieurs  les 
gentilshommes)  par  nature  nez  à  tant  de  povreté,  et  enve- 
lopez  de  tant  de  misère,  qu'il  n'est  œuvre  d'homme  si 
petite,  qui  donnant  ordre  à  la  moindre  de  toutes,  ne  lui 
raporte  occasion  de  quelque  bonne  estime.  »  Cette  préface 
de  Louis  Maigret  ou  Meigret,  envers  lequel  la  langue  fran- 
çaise a  de  grandes  obligations,  occupe  six  feuillets.  Elle 
est  suivie  par  une  ode  adressée  au  traducteur,  par  Marc- 
Antoine  de  Muret.  Celui-ci,  l'un  des  maîtres  de  Montaigne, 
est  célèbre  parmi  les  savants  du  XVP  siècle,  mais  il  n'est 
guère  connu  comme  poète  français.  L'ode  qui  va  suivre, 
assez  remarquable  à  plus  d'un  titre,  n'a  jamais,  je  le  pense, 
été  reproduite;  c'est  une  œuvre  de  circonstance,  et  elle  est 
comme  perdue  dans  une  édition  fort  rare  d'une  traduction 
de  Polybe.  Je  crois  donc  rendre  un  service  aux  nombreux 
amateurs  de  l'ancienne  poésie  française  en  la  reproduisant 
ici  : 


486 


Ode  par  Marc-Antoine  de  Muret,  au  seigneur  Loijs 
Maigret,  Lyonnais. 

Strophe. 

«  Le  cours  des  célestes  corps 
Gouverneurs  de  ce  bas  monde, 
Qui  par  discordans  accords 
Guident  l'air,  la  terre  et  l'onde, 
Voulut  jadis  que  la  Grèce 
De  bien  parler  fust  maistresse. 
Tant  que  les  Grégeoys  esprits 
Emmielans  les  aureilles 
Par  leurs  langues  non  pareilles 
Ravirent  le  premier  pris. 

Antistro. 

Longtemps  Grèce  se  vanta, 
Estans  en  sa  gloire  oultrée; 
Mais  depuis  Rome  enfenla 
Mile  esprits  d'une  ventrée, 
Qui,  bruyans  comme  tempeste, 
Feirent  abaisser  la  teste 
Aux  Grecs  par  trop  glorieux; 
Lors  fut  par  tous  lieux  semée 
L'immortelle  renommée 
Des  Romains  victorieux. 

Epode. 

Ores  voyons  nous  la  France 
Par  un  évident  bon  heur, 
Qui  Grecs  et  Romains  devance, 
Et  leur  arrache  l'honneur. 
Maigret,  ta  langue  sucrée, 
Qui  tous  bons  esprits  recrée, 
En  peut  assez  faire  foiz. 
Si  quelqu'un  encore  en  doute. 
Que  cest  œuvre  tien  il  goutte. 
Il  en  dira  plus  que  moy.  » 

«  Atendant  mieulx.  » 


—  187  — 

Nous  voyons  par  ces  vers,  que  dès  le  milieu  du  XVI" 
siècle,  nos  voisins  du  Midi  avaient  déjà  d'eux-mêmes  une 
excellente  opinion.  Poser  dès-lors  la  France  en  héritière 
directe  des  grands  écrivains  de  la  Grèce  et  de  Rome,  et 
même  comme  les  ayant  surpassé,  cela  semble  d'abord  une 
présomption  un  peu  forte.  A  cette  époque  l'Italie,  avec  sa 
foule  de  beaux  génies,  avait,  il  faut  en  convenir,  un  peu 
plus  de  droit  pour  réclamer  cet  héritage. 

Mais  l'hyperbole  est  permise  en  poésie,  et  un  poëte  in- 
spiré doit  être  quelque  peu  prophète.  Un  peu  plus  d'un 
siècle  après  sa  composition,  cette  ode  n'était  plus  hyper- 
bolique. La  France  avait  alors  recueilli  bien  réellement 
l'héritage  de  la  Grèce  et  de  Rome,  tandis  que  l'Italie,  en 
abandonnant  les  bonnes  traditions  classiques,  s'était  perdue 
dans  les  concetti.  Un  précepteur  de  Montaigne  d'ailleurs, 
pouvait-il  désespérer  de  l'avenir  littéraire  de  la  France? 


II. 


Sette  lihri  de  cathaloghi  a  varie  cose  appartenenti,  non 
solo  antiche,  ma  anche  moderne  :  opéra  utile  molto  alla 
historia,  et  da  cui  prender  si  po  materia  di  favellare  d'ogni 
proposito  che  ci  occoîTa.  Con  Privilegio.  In  Vinegia  ap- 
presso  Giolito  de  Ferrari  e  fratelli  M.D.LII,  petit  in-S", 
567  pp. 

Je  possède  de  ce  livre  bizarre  et  curieux  l'exemplaire 
unique,  imprimé  sur  papier  bleu,  qui  a  appartenu  à  Char- 
les Nodier.  Cet  aimable  bibliophile  lui  a  déjà  consacré  un 
article  dans  ses  Mélanges  tirés  d'une  petite  bibliothèque, 
p.  143-147.  On  sera  donc  peut-être  étonné,  si  j'ose  parler 
du  même  livre,  après  un  si  charmant  esprit.  Mais  je  le 
fais  uniquement  pour  communiquer  un  passage,  le  plus 
étrange  peut-être  de   cette  œuvre  étrange,  passage  qui  a 


—  188  — 

échappé  à  rallention  de  Nodier.  Celui-ci  a  inscrit  et  signé 
sur  l'un  des  feuillets  de  garde,  les  mots  suivants  :  a  Par 
Hortensia  Lanclo,  qui  s'y  peint  d'une  manière  peu  favora- 
ble, pp.  99  et  100.  Très-rare,  même  en  papier  ordinaire. 
V.  David  Clément,  t.  VI,  p.  414.  »  Dans  l'article  que  j'ai 
cité  plus  haut,  Nodier  donne  la  traduction  du  passage  dans 
lequel  Hortensio  Lando  retrace  en  effet,  de  lui-même,  un 
portrait  au  moral  fort  peu  flatté.  Or,  dès  les  pp.  17-18,  cet 
auteur  bizarre  s'était  déjà  maltraité  au  physique  pour  le 
moins  autant.  On  va  pouvoir  en  juger  par  la  traduction 
suivante  : 

Après  avoir  donné  le  catalogue  de  ceux  des  anciens  qui 
eurent  la  réputation  d'être  laids,  se  trouve  la  rubrique  : 

«  Dei  moderni.  » 

«  Ce  serait  une  entreprise  ennuyeuse,  que  celle  de  vou- 
loir enregistrer  les  modernes  qui  présentent  un  aspect 
hideux.  Celui  qui  a  des  yeux  dans  la  tète  peut  les  voir; 
cependant  pour  ne  pas  déranger  l'ordre  que  j'ai  adopté, 
celui  de  joindre  toujours  les  modernes  aux  anciens,  je  me 
bornerai  à  parler  d'un  seul.  » 

«  D'Ortensio  Lando.  » 

«  J'ai  visité  dans  ma  vie  bien  des  pays,  tant  à  l'Orient 
qu'à  l'Occident;  mais  jamais  je  n'ai  réussi  à  voir  un  homme 
plus  difforme  que  celui-ci.  Il  n'y  a  pas  une  seule  partie  de 
son  corps  qui  ne  soit  mal  formée.  Il  est  sourd  (bien  qu'il 
soit  plus  riche  en  oreilles  qu'un  àne),  à  moitié  louche,  petit 
de  stature;  il  a  les  lèvres  d'un  Éthiopien,  le  nez  écrasé,  les 
mains  tortues  et  d'une  couleur  de  cendre;  en  outre  il  porte 
toujours  Saturne  sur  son  front.  » 

Certes,  voilà  un  original  qui  ne  se  ménageait  guère.  Si 
l'on  rencontre  bon  nombre  d'auteurs  qui  ne  s'en  rappor- 
tent qu'à  eux-mêmes  lorsqu'il  s'agit  de  les  louer,  il  en  est 


—     189    —  y 

bien  peu  en  revanche  qui,  comme  Lando,  se  dépeignent  à 
la  fois  comme  ridicules  sous  le  rapport  physique,  et  odieux 
sous  le  rapport  moral. 


m. 


Vita  di  Carolo  Quinto  Imp.  descrilta  da  M.  Ludovico 
Dolce.  In  Vinegia,  appresso  Gabriel  Giolito  de  Ferrarii, 
M.  D.  LXVII,  con  privilegii,  in-4",  de  14  feuillets  prél. 
et  31  o  pp.;  plus  4  feuillets  non  chiffrés  entre  les  pp.  186 
et  187,  frontispice  gravé. 

Voici  un  fort  beau  livre,  d'une  exécution  typographique 
remarquable,  écrit  sur  un  sujet  fort  intéressant,  dont  Tau- 
leur  et  l'imprimeur  ne  manquent  pas  de  célébrité,  et  qui 
cependant  a  été  fort  négligé,  tant  par  les  bibliographes  que 
par  les  amateurs. 

A  toutes  ces  recommandations,  il  faut  ajouter  celle  de  la 
rareté,  qui  suffit  à  elle  seule,  aux  yeux  de  bien  des  gens, 
pour  des  livres  qui  n'ont  aucun  autre  mérite.  C'est  donc 
encore  ici  le  cas  de  répéter  le  vieil  adage  :  Habent  sua  fata 
libelli.  La  destinée  de  l'auteur  fut  encore  plus  triste  que 
celle  de  son  ouvrage  :  Louis  Dolce,  à  la  fois  poêle  lyrique, 
tragique  et  comique,  historien,  romancier  et  traducteur, 
ayant  écrit  avec  talent  dans  ces  genres  divers,  mourut 
en  1568,  dans  la  plus  profonde  misère.  Ses  travaux,  pour 
lui  comme  pour  tant  d'autres,  n'avaient  sans  doute  profilé 
qu'à  son  éditeur. 

Cette  vie  de  Charles-Quint  eut  néanmoins  d'abord  un 
grand  succès;  elle  fut  si  favorablement  accueillie  du  public, 
qu'il  fallut  maintes  fois  la  réimprimer,  dans  le  cours  d'un 
très-petit  nombre  d'années.  L'édition  de  1567,  que  je  crois 
être  la  cinquième,  dédiée  comme  les  précédentes  au  duc 
Philibert  de  Savoie,  doit  être  préférée  aux  autres.  L'impri- 


—  190  ~ 

nieur  Giolito  de  Ferrari  y  a  joint  la  traduction  d'un  ouvrage 
latin  d'Antoine  Desbarres,  Immortalita  deW  invitissimu  et 
gloriossiss.  imperator  Carlo  Qulnto;  ce  traité,  dédié  par 
cet  imprimeur  au  fameux  cardinal  Granvclle  —  la  dédicace 
est  datée  du  20  mars  1567,  —  a  un  titre  à  part,  mais  la 
pagination  du  volume  continue.  C'est  Louis  Dolce  qui  est 
aussi  l'auteur  de  cette  traduction.  Le  volume  a  un  fort 
beau  frontispice,  probablement  gravé  par  i^neas  Vico;  on 
y  voit  un  portrait  de  l'empereur,  les  colonnes  d'Hercule 
avec  la  fameuse  devise  :  Plus  nltra  et  plusieurs  figures 
allégoriques.  Après  la  dédicace  et  la  préface,  on  trouve  un 
sonnet  d'Annibal  Caro  sur  la  rnort  de  Cbarles-Quint,  suivi 
d'un  autre  sonnet  de  Louis  Dolce  sur  les  deux  colonnes 
d'Hercule  et  la  devise  que  je  viens  de  citer. 

Je  crois  que  même  à  Gand,  l'on  rencontrerait  peu 
d'exemplaires  de  ce  livre.  Les  amateurs  de  cette  ville  re- 
cueillent cependant  avec  soin  tout  ce  qui  concerne  leur 
illustre  concitoyen.  Ils  ne  gardent  pas  rancune  à  celui-ci 
pour  le  cruel  cbàliment  qu'il  fit  éprouver  à  sa  ville  natale 
en  1540,  s'en  rapportant  probablement  au  proverbe  qui 
dit  que  celui  qui  aime  bien,  cliàlie  bien. 

Que  de  plumes  plus  ou  moins  savantes  et  ingénieuses 
se  sont  exercées  sur  la  vie  de  Cbarics-Quint,  et  que  de 
jugements  différents  ont  été  portés  sur  son  compte  !  Les 
uns  voient  en  lui  l'un  des  plus  grands  souverains  qui  aient 
jamais  existé,  les  autres  un  despote  égoïste,  qui  est  parvenu 
à  enrayer,  sinon  à  arrêter,  la  roue  du  progrès.  Maintes  fois 
on  a  comparé  Cbarles-Quint  à  Charlemagne;  ces  deux  sou- 
verains se  ressemblaient  certainement  par  le  nom,  le  titre 
et  la  domination  sur  de  vastes  états.  Moins  guerrier  que  le 
vieil  empereur,  Cbarles-Quint  fut  plus  politique.  Comme 
Cbarlemagne ,  ce  dernier  cbercba  à  établir  un  pouvoir 
despotique,  mais  au  lieu  de  le  tenter  au  moyen  de  la  ci- 
vilisation, il  s'efforça  au  contraire,  toute  sa  vie,  à  repous- 


—  191  — 

ser  ces  vagues  du  progrès  qui  menaçaient  son   pouvoir. 

Rien  n'était  moins  romanesque  que  le  caractère  de 
Charles-Quint,  rien  ne  le  fut  plus  que  sa  vie,  aussi  digne 
de  la  plume  du  poêle  épique  que  de  celle  de  riiislorien. 
Fatigué  enfin  de  lutter  contre  les  obstacles  sans  cesse  re- 
naissants qui  s'opposaient  à  ses  projets,  Charles  quitte  le 
pouvoir  et  se  retire  dans  un  monastère,  en  abandonnant 
à  son  fils  des  sujets  mécontents;  à  ces  sujets  il  lègue  le 
sombre  Philippe  II,  et  les  lois  sanguinaires  qui  portent 
son  nom  (la  fameuse  Caroline),  et  une  prochaine  et  terri- 
ble révolution. 

Le  livre  de  Doice,  comme  on  peut  le  présumer,  se  re- 
commande plus  par  le  style  que  par  une  discussion  appro- 
fondie des  événements.  Ceux-ci  étaient  encore  trop  récents 
pour  qu'on  put  établir,  dès  lors,  un  jugement  impartial. 

IV. 

Copie  II  van  het  Placcaet  van  \\  cflnquisitie  ghemaeckt 
ende  ghepubliceert  \\  by  den  nieuwen  Bisschop  van  Liiyck.  || 
Midtgaders  een  christelycke  Waerschouwinghe  ||  aende  In- 
wooners  des  Landts  van  Liiyck,  ende  aile  \\  andere  goedt- 
herlighen.  || 

Rom.  mi. 

15.  Hare  kele  is  als  een  open  graf,  hare  tongen  hebbense  tôt 
bedroch  ghe  f|  bmijckt,  slanghen  femjn  is  onder  haer  lippen  : 

14.  Haren  mondt  is  vol  vloeckens  ende  bitterheijls  : 

15.  Hare  voeten  ztjn  om  bloet  te  storten  : 

16.  In  haere  wegen  is  vernielinghe  ende  ellendichetjt  : 

17.  Den  wech  des  vreedes  en  hebben  sij  niet  ghekent,  de  vreese 
Godts  is  voor  haer  ooghen  niet. 

(Sous  ces  citations  de  la  Bible,  on  voit  un  écusson  sur- 
monté de  la  thiare  papale  et  des  clefs,  et  entourée  d'une 


—  192  — 

guirlande.  Dans  riiitérieur  de  l'écusson,  on  lit  :  D'Inquî- 
sitie  II  van  Lnyck). 

T'Hantwerpen  ||  Ten  huyse  van  Jaspar   Troyens  woo- 
nende  op  de  Cat  ||  te  Veste  in  den  Tennen  pot.  Anno  1  o8!2.  || 
3Iet  consent.  la-i°,  de  4  feuillets  non  chiffrés,  caractères 
gothiques. 

Je  possède  de  cette  rarissime  pièce  un  exemplaire  bro- 
ché, non  rogné  ni  même  découpé,  que  j'ai  obtenu  de  M.  De 
Bruyne,  libraire  à  Malines.  C'est  peut-être  le  seul  qui  soit 
parvenu  jusqu'à  nous,  et  il  est  d'autant  plus  précieux  que 
cet  édit  de  l'évèque  Erneste  de  Bavière  n'a  point  été  re- 
produit dans  le  recueil  de  Louvrex.  On  ne  rencontre  dans 
celui-ci  qu'un  autre  édit  en  langue  latine,  d'une  teneur  à 
peu  près  semblable,  daté  du  21  mars  1589,  tandis  que 
l'ordonnance  présente  est  datée  de  Liège,  le  20  avril  1582. 

Erneste  de  Bavière,  prince-évéque  de  Liège,  est  connu 
par  le  zèle  qu'il  a  toujours  montré  pour  défendre  la  reli- 
gion catholique  contre  les  opinions  de  la  réforme.  Notre 
édit  prouve  qu'il  s'occupa  de  ce  sujet  dès  le  commencement 
de  son  règne.  C'est  une  ordonnance  des  plus  sévères,  lan- 
cée contre  les  opinions  nouvelles,  dans  laquelle  on  s'oc- 
cupe beaucoup  de  livres  dangereux,  libelles  diffamatoires, 
mauvaises  chansons,  voire  même  des  comédies  :  «  Oock 
en  sal  men  niet  mogen  eenige  spelen  doen  van  Rhetorycke, 
Comédien,  Esbatementen  ende  dierghelycke,  ten  sy  dat  sy 
eerst  ende  voor  al  getoocht,  gevisiteert  ende  gcapprobeert 
zyn,  etc.  » 

A  la  fin  de  l'édit  on  lit  :  «  Ende  waren  dese  voorseyde 
opene  brieven  gheseghelt  met  den  middelsten  secreet-seghel 
van  Zyn  Alteze,  ende  daer  onder  ghedriickt  in  forme  va9i 
placcaet. 

»  De  teghenwoordighe  copie  ghedruckt  met  d'originaele 

opene  brieven,  is  gecoUationneert  ende  bevonden  Vaccorde- 

rcn  met  den  selvcn.  »  „  , 

By  my  Lampson. 


—  193  — 

Ces  mots  prouvent  que  cet  étlit  a  été  imprimé  dès  qu'il 
parut;  il  l'aura  été  sans  doute  à  Liège,  par  Morberius,  tant 
en  langue  française  que  thioise;  mais  aucun  exemplaire  de 
cette  édition  liégeoise  n'est  parvenu  jusqu'à  nous. 

Une  grande  partie  de  l'avant-dernière  page,  ainsi  que  la 
dernière,  sont  occupées  par  un  commentaire  fort  violent 
sur  cet  édit,  imprimé  avec  des  caractères  plus  petits  et  plus 
serrés.  On  sait  qu'à  celle  époque  la  ville  d'Anvers,  où 
parut  cette  réimpression,  était  le  foyer  du  calvinisme  en 
Belgique.  Le  commentateur  anonyme  combat  l'ordonnance 
de  l'évêque,  tantôt  avec  les  armes  de  l'indignation,  lanlôt 
avec  celles  de  l'ironie.  Voici  le  résumé  de  cette  diatribe; 
on  y  accuse  «  l'évêque  de  Liège,  d'accord  avec  le  doyen  et 
le  chapitre  de  la  cathédrale,  et  avec  son  chancelier  (qui 
sont  tous  des  créatures  du  pape),  de  chercher  à  établir 
dans  le  pays  de  Liège  la  tyrannie  espagnole  et  une  inqui- 
sition à  l'instar  de  celle  d'Espagne.  C'est  au  moyen  de 
l'anéantissement  de  tous  les  livres  contraires  à  la  religion 
papale,  y  est-il  dit,  que  le  nouvel  évéque  cherche  à  intro- 
duire dans  le  pays  cette  ignorance  barbare  et  cette  tyrannie 
servile  que  ses  prédécesseurs  n'ont  pu  réussir  à  y  établir. 
Aussi  l'évêque  a-t-il  nommé  de  véritables  inquisiteurs  qu'il 
intitule  sournoisement  des  commissaires.  Le  contenu  de 
cette  ordonnance  est  entièrement  contraire,  ajoute  le  com- 
mentateur, aux  libertés  du  pays  de  Liège  et  à  ceux  de  l'em- 
pire d'Allemagne,  dont  ce  pays  fait  partie.  » 

H.  Helbig. 


iU 


détails  \)XBt0Y\q\i(6 


A  SANDERUS   ET    A   SA    CHOROGRAPHIA   SACRA    BRARANTI^. 


--rvA/lA/Wv— 


Parmi  les  hommes  qui  se  sont  fait  un  renom  par  leurs 
travaux  littéraires  et  historiques  sur  notre  pays,  Antoine 
Sanderus  mérite  d'être  cité  en  premier  lieu.  En  effet,  n'est- 
ce  pas  à  lui  que  nous  sommes  redevables  d'une  foule  de 
notions  sur  les  trésors  bibliographiques  enfouis  de  son 
temps  au  fond  des  monastères  et  qui  ont  plus  tard  ou 
péri  ou  été  en  grande  partie  sacrifiés  à  la  cupidité  de 
spéculateurs  étrangers?  N'est-ce  pas  à  lui  qu'indépendam- 
ment de  son  grand  travail  sur  la  Flandre,  nous  devons  des 
notices  historiques  sur  les  principales  maisons  claustrales 
du  Brabant,  accompagnées  de  bonnes  gravures,  qui  ont 
transmis  à  la  postérité  la  vue  de  leurs  splendides  bâti- 
ments? N'est-ce  pas  lui  qui,  après  Gramaye,  a  stimulé  en 
Belgique  le  goût  pour  l'étude  des  antiquités  nationales? 
Aussi  zélé  que  savant,  il  parcourait  lui-même  les  princi- 
pales abbayes  du  Brabant  et  des  Flandres  pour  y  recueillir 
les  matériaux  devant  servir  à  sa  gigantesque  entreprise  et 
entretenait  une  correspondance  suivie  avec  leurs  chefs.  Il 
va  de  soi  qu'il  devait  être  en  relation  avec  l'abbé  de  Parc, 
célèbre  abbaye  située  tout  près  de  Louvain  et  dont  il  inséra 
la  description  historique  dans  sa  Cliorographia  sacra  Bra- 


—  195  — 

bantiœ.  Il  résulte  d'une  lettre  de  l'abbé  Jean  Macs,  publiée 
par  le  professeur  Serrure  dans  le  Bulletin  du  Bibliophile 
belge,  que  déjà  avant  l'année  1655,  l'érudit  chanoine  lui 
avait  demandé  la  communication  du  catalogue  des  princi- 
paux manuscrits  reposant  à  la  bibliothèque  de  son  mo- 
nastère. L'abbé,  en  lui  envoyant  l'inventaire  demandé,  fait 
ses  excuses  sur  le  peu  de  soin  qu'il  avait  pu  mettre  dans 
la  classification  des  volumes,  ce  qu'il  attribue  aux  tristes 
circonstances  dans  lesquelles  il  se  trouvait  (i).  En  effet,  à 
peine  les  habitants  de  celte  maison  claustrale  avaient-ils 
échappé  aux  périls  dont  l'occupation  de  la  ville  de  Louvain 
par  l'armée  franco-batave  les  avait  menacés,  que  la  peste 
fit  de  grands  ravages  dans  toute  cette  contrée. 

La  lettre  de  l'abbé  Macs  est  datée  du  10  janvier  1656. 
Sanderus  y  répondit  par  une  lettre  datée  d'Ypres  le  30  du 
même  mois,  lettre  qui  repose  encore  aux  archives  de  la 
même  abbaye  et  qui  iie  fut  jamais  publiée.  Après  avoir 
gracieusement  remercié  notre  abbé  de  l'envoi  du  catalogue, 
le  savant  chanoine  lui  expose  le  projet  qu'il  avait  conçu 
relativement  à  sa  grande  publication  sur  l'histoire  sacrée 
du  Brabant.  Il  le  prie  en  conséquence  de  vouloir  bien  lui 
prêter  son  concours,  eu  chargeant  un  de  ses  religieux  de 
la  rédaction  d'une  notice  historique  sur  l'abbaye  de  Parc, 
avec  la  liste  biographique  de  ses  abbés,  pour  l'insérer  en- 
suite dans  l'ouvrage  précité,  qu'il  se  proposait  d'éditer  lors 
de  l'apparition  de  sa  Flandre  illustrée.  Il  engage  en  outre 
le  savant  abbé  à  faire  dessiner  exactement  par  quelque  bon 
artiste  les  constructions  de  l'abbaye,  avec  les  paysages  d'a- 
lentour, qu'il  promet  de  faire  reproduire  par  le  burin  à 
ses  propres  frais  et  dont  la  gravure  devait  accompagner  la 
description.  Il  termine  sa  lettre  en  faisant  des  vœux  que 
le  Tout-puissant  lui  accorde  des  jours  plus  heureux  et  qu'il 

(I)  V.  le  Bibliophile  belge,  t.  H,  p.  158. 


—  196  — 

le  conserve  encore  longtemps  pour  le  bonheur  de  ses  sujets. 
Cette  lettre  est  d'autant  plus  curieuse  qu'elle  nous  apprend, 
que  déjà  en  1636  Sanderus  méditait  la  publication  de  sa 
C/iorographia  sacra  Brabanliœ,  et  travaillait  dès  lors  à  en 
réunir  les  matériaux.  Nous  la  faisons  suivre  ci-après  dans 
rintérêt  de  l'histoire  du  pays. 

Admodiim  révérende  et  amplissime  Domine, 

Ago  maximas  grattas  Amplitudhii  vestrœ  pro  catalogo 
mamiscriptorum  ad  me  misso;  inseram  illum  apto  loco  in 
Bibliotheca  illa  manuscripta  Belgica. 

Si  AmpUtudini  vestrœ  per  opportunitatem  placuerit  no- 
bis  procurare  delineationem  aliquarn  a  perilà  manu  totius 
cœnobii  vestri  in  piano,  ut  aiunt,  cum  vicinis  sylvis  et  aliis 
amœnitatibus,  curabo  eam  gratis  et  sine  suniptu  Amplitu- 
dinis  vestrœ  cum  aliis  principalibus  Brabanliœ  cœnobiis 
in  œs  incidi,  et  poslquam  jam  Flandriam  Deo  adspirante, 
brevi  edidero,  cum  topographicâ  Brabanliœ  descriptione 
evulgari.  Oplarem  in  eum  finem  ab  aliquo  erudito  islic  et 
religioso  sacerdote  prœcisam  mihi  suppeditari  fundationem 
et  originem  Parcensis  cœnobii,  cum  série  aliqua  et  prœci- 
puis  factis  abbatum,  et  aliis  quœ  ad  ornamentum  ejusdem 
monasterii  spectant.  Intérim  divina  bonitas  Arnplitudinem 
vestram  cum  totâ  suâ  familiâ,  pulsis  mœroribus  et  calami- 
tatibus  nuperis,  lœtam  et  in  utroque  homine  felicem  quant 
diutissime  custodiat.  Ita  eam  ex  animis  precor. 

Admodum  reverendœ  et  amplissimœ  Dominationis  vestrœ 

humilUmus  servus, 

Antonius  Sanderus,  Can.  Ipris. 
ïpris  XXX  januarii  1656. 

Admodum  reverendo  et  amplissimo  Domino  D.  Joanni  Ma- 
sio,  abbati  Parcensi,  Domino  suo  plurimum  colendo. 


—   197  — 

Bien  des  années  cependant  s'écoulèrent  avant  que  San- 
(lerus  put  songer  à  la. réalisation  de  son  projet  relatif  à  la 
description  sacrée  du  Brabant.  Ceci  s'explique  assez  bien, 
vu  les  circonstances  du  temps  et  les  nombreuses  diflicullés 
que  faisait  surgir  une  entreprise  aussi  vaste,  puisqu'il  ne 
s'agissait  de  rien  moins  que  d'un  examen  sérieux  de  toutes 
les  pièces  enfouies  depuis  des  siècles  dans  les  archives  pou- 
dreuses de  tant  de  monastères,  il  en  résulta  que  l'ouvrage 
projeté  ne  put  paraître  qu'en  1659. 

Ce  fut  le  successeur  de  Jean  Macs,  l'abbé  Liberl  De  Pape, 
qui  se  chargea  de  la  rédaction  de  la  notice  sur  l'abbaye  de 
Parc.  Il  résulte  de  pièces  se  trouvant  encore  dans  ses  ar- 
chives, que  déjà  antérieurement  à  cette  époque,  le  chanoine 
Frumentius  s'en  était  occupé  (i).  Sanderus  a  publié  la  lettre 
qui  lui  fut  adressée  par  le  savant  abbé  à  l'occasion  de  l'en- 
voi du  manuscrit  qu'il  avait  élaboré.  Dans  cette  lettre,  le 
modeste  historien  de  Parc  engage  notre  chanoine  à  y  faire 
tous  les  changements  qu'il  jugera  convenables  par  rapport 
au  style;  toutefois  la  chronique  fut  éditée  telle  que  l'abbé 
De  Pape  l'avait  rédigée,  comme  il  est  prouvé  par  la  copie 
du  manuscrit,  qui  se  trouve  encore  aux  archives  de  ce 
monastère  (2). 


(1;  Frumentius  était  né  en  137».  Admis  à  Parc  en  lo9i>,  il  y  enseigna  la 
philosophie  en  1612.  En  1621,  il  fut  promu  à  la  cure  de  Pont-à-Celles;  de  re- 
tour à  Tabbaye  en  1636,  pour  cause  de  maladie,  il  y  mourut  le  27  août  1641. 
Son  manuscrit  contenant  la  biographie  de  quelques  abbés  de  Parc,  renferme 
des  détails  intéressants  pour  l'histoire  de  cette  maison  religieuse. 

(2)  Cette  lettre  ne  se  trouvant  que  dans  l'édition  infiniment  rare  de  San- 
derus, nous  en  reproduisons  ici  le  texte  : 
«  R.  admodum  Domine! 

»  Mitto  delineationem  monasterii  nostri  simul  et  Heverlëensis  prout  R.  v. 
»  coram  explicui  et  parlim  etiam  monumenta  aliqua  ostendi.  Plurima  de 
»  monasierio  nostro  parva;  et  minulœ  description],  quam  quondam.  R.  v. 
"  Iransmisi  possumus  adjnngere;  sed  consullum  non  videtur  omnia  omnibus 
»  publicare.    Intérim  fini,   R.   v.  satisfaciam  et  locum  quem  oculis  inspexil, 


—  198  — 

Nonobstant  la  promesse  formelle  de  Sanderus,  par  la- 
quelle il  s'était  engagé  de  faire  exécuter  à  ses  propres  frais 
la  gravure  représentant  l'abbaye  de  Parc,  les  religieux  eux- 
mêmes  voulurent  bien  se  charger  et  au  moyen  de  leurs  pro- 
pres deniers  de  la  confection  de  la  gravure,  qui  fut  exécutée 
sur  cuivre,  à  Anvers,  par  Luc  Vorstermans  junior.  Le  mé- 
moire rédigé  par  la  main  de  l'artiste,  que  l'on  possède 
encore  à  Parc,  fait  voir  qu'elle  fut  payée  72  florins.  La 
planche  était  accompagnée  de  cent  exemplaires  de  la  gra- 
vure que  Vorstermans  avait  tirés  lui-même,  et  dont  l'en- 
semble fut  expédié  à  l'abbé,  résidant  alors  à  Bruxelles, 
le  27  juin  1659  (.). 

Il  se  trouvait  à  cette  époque,  à  l'abbaye  de  Parc,  un  re- 
ligieux qui  était  à  la  fois  architecte  et  miniaturiste  et  qui 
s'entendait  même  dans  la  peinture  à  l'huile.  Ce  religieux 
était  Alexandre  Courtmans.  Il  avait  vu  le  jour  à  Bruges 
le  !'=■•  novembre  1607.  Son  père  étant  en  service  à  la  cour 
des  archiducs  Albert  et  Isabelle,  il  est  probable  que  c'était 
à  cette  occasion  qu'il  avait  pris  le  goût  des  Beaux-Arts. 


»  diserta  suà  enarralione  nielius  quam  nos  ipsi  explicabit.  Rogabo  altissi- 
»  mum  ut  conalus  R.  v.  secundet  et  ero  semper  R.  admodum  Domine.  R.  v. 
»  dedilissimus  in  Chrislo  famulus. 

»  LiBERTCJS,  abbas  Parcensis.  » 

(1)  Memorie  voor  den  bode  om  te  leveren  in  de  réfugie  van  de  abtdye  van 
Parcq,  tegen  over  de  cancellerie,  dese  medegaende  plaete  ende  100  exem- 
plaria,  ende  aldaer  te  ontfangene  de  somme  van  vyfentsevenlich  guidons  ende 
sestien  stuyvers,  en  dat  door  orde  van  den  eerweerdichsten  Heere  mynheere 
Lieberlo  Depape,  abt  der  selver  abdye.  In  Antwerpen  desen  27  juny  1G59. 

Lucas  Yobstersiaxs. 

RD'nus  :  Débet  aen  de  plaet Gl.  72 

Aen  4  boecken  pampier 116 

Aen  het  drucken   2 

Somma.     .     .  75  16 

Niclaes  Lemmens  kenne  onlfanghen  te  hebben  de  somme  van  vyfenseven- 
tich  gl.  16  st.,  den  28  juny  1659. 


—  199  — 

D'abord  reçu  à  l'abbaye  de  Parc  en  IGol  comme  simple 
laïc,  et  selon  loule  apparence  en  qualité  de  calligraphe,  il 
s'y  engagea  dans  l'ordre  de  saint  Norbert  par  des  vœux 
solennels,  qu'il  prononça  le  2  octobre  1633.  En  1678,  il 
fut  nommé  cbapelain  au  château  deTervueren.  De  retour  à 
l'abbaye  depuis  1689,  il  y  mourut  d'hydropisie  le  7  fé- 
vrier 1690.  Ses  restes  furent  inhumés  au  pourtour  du 
couvent,  près  du  chapitre  (i). 

Ce  fut  à  ce  religieux  que  l'abbé  confia  le  soin  d'exécuter 
un  dessin  à  vol  d'oiseau,  de  l'abbaye  de  Parc,  et  il  s'acquitta 
de  celte  tâche  avec  beaucoup  de  justesse.  Eu  effet,  on  lit  sur 
la  gravure  :  Fr.  Alexander  Courtmans  relig.  Parc,  delinea- 
vit  anno  1649. 

L'abbé  De  Pape  s'était  entendu  avec  Sanderus  pour  le 
tirage  à  part  d'un  certain  nombre  d'exemplaires  de  la 
chronique  de  Parc  en  petit  format.  D'où  vient-il  que  cette 
chronique  porte  le  nom  de  Sassenus,  imprimeur  à  Lou- 
vain,  tandis  que  la  Chorographia  sacra  abbatiœ  Parcensis 
porte  celui  de  P.  Vleugaerts,  typographe  bruxellois? 

Il  résulte  d'une  quittance  de  Sassenus,  que  le  dernier  ne 
peut  être  regardé  que  comme  l'éditeur  de  la  Chorographia 
abbatiœ  Parcensis,  et  que  l'ouvrage  sortit  des  presses  de 
l'imprimeur  louvaniste,  auquel  il  fut  payé,  le  8  mars  1660, 
la  somme  de  cinquante  florins  (2). 

Le  nombre  des  planches  qu'on  fit  tirer  s'élevait  à  quatre 


(1)  Calhologus  Fratrum  Parchensium  ordine  professionis.  MS. 

(2)  Wy  onderschreven  hebben  belooft  en  beloven  by  desen  aen  S'  Sasse- 
nus, boeckvercooper  ende  druckei-,  woenachlig  tôt  Leuven,  onthier  ende  vier 
naestcomende  maenden  le  betaelen  de  somme  van  vyflich  guldens,  ende  dat 
over  den  arbeyt  ende  salaris  hem  competerende  ende  staende  te  competeren 
voor  liet  drucken  van  eene  chorographique  historié  van  der  abldie  ende 
clooster  van  Parcq,  nefifens  de  voornoemde  stadt  liggende,  gemaect  door  den 
heer  canonick  Sanderus,  ende  in  teeken  der  waerheyt  hebben  wy  dit  onder- 
leekent.  Aclum  tôt  Brussel,  desen  8  maerte  1660. 

LiBERT,  abt  van  Parck. 


—  20U  — 

cents,  outre  les  cent  exemplaires  qu'on  reçut  d'Anvers. 
Ne  pourrait-ou  pas  en  conjecturer  qu'on  fît  préparer 
dès-lors  un  nombre  égal  d'exemplaires  de  l'ouvrage  fai- 
sant partie  de  la  Chorographia  sacra  Brabantiœ  de  San- 
derus  (i). 

Il  parait  par  les  petites  sommes  avancées  de  temps  en 
temps  par  l'abbé  de  Parc  pour  le  compte  de  Sanderus,  que 
celui-ci  devait  se  trouver  dans  un  état  de  gène  pécuniaire, 
état  dont  le  premier  semble  avoir  été  bien  informé  (2);  le 
fait  suivant  va  le  prouver. 

Le  27  du  mois  d'avril  1661,  les  députés  de  Brabant,  à 
l'exemple  des  États  des  Flandres,  voulant  encourager  les 
efforts  de  Sanderus  pour  la  publication  de  son  grand  tra- 
vail sur  l'histoire  sacrée  du  Brabant,  lui  accordèrent  un 
subside  de  cinq  cents  patagons. 

(1)  5  meert.  llem,  voor  200  exeraplaria  van  de  afbeeldinghe  van  Parch. 

9  gl.  12  st. 
9  november.  Betaelt  voor  noch  20  exemplaria  te  drucken  onser  plaet  van 

Parcb 9  gl.   13  st. 

[Comptes  de  l'abbaye  de  1G60). 

li  may.  Aen  M.  Sanderus,  volgens  syne  obligalie C6  gl. 

14  december.  Aen  D.  Sanderus,  voor  BuUarium  magnum,  in  drye  groote 

tome  gebonden,  elc 34-  gl.  16  st. 

[Comptes  de  l'abbaye  de  1639). 

(2)  Wy  onderschreven  hebben  belooft  ende  beloven  by  desen,  dat  soe 
haest  sal  gedruckt  wesen  tôt  Leuven  by  Peler  Sassenus  de  historié  van  de  ab- 
die  van  Parck,  per  dom.  Ant.  Sanderus,  etc.,  betaelen  sullen  de  somme  van 
hondert  guldens  aen  den  voornoemden  Sassenus,  met  conditie  dat  de  voor- 
noemde  somme  met  boecken  van  de  selve  historié  ofte  andersinds  van  voorn. 
heer  Sanderus  daer  naer  sal  worden  gerestitueerd  ofle  gerecompenseerd, 
t'oirconde  toi  Parck,  desen  juny  1660. 

7  July  en  16  aug.  Belaeld  aen  den  drucker  Sassenus  tôt  Loven,  uyt  be- 
geerle  van  Mynheer  Sanderus,  100  gl.,  die  welcke  hy  ons  in  boecken  sal 
goet  docn.  Memorie. 

Item,  betaelt  aen  den  selven  op  rekeninghe,  de  historié  van  Park  te 
drucken  in  cleyn  formaet 106  gl. 

Item,  21  december,  aen  den  beldekensdrukker  Lathouwere,   tôt  Brussel, 

ten  lastc  van  Sanderus 23  gl. 

[Comptes  de  l'abbaye  de  1660). 


—  201  — 

Sandcrus,  dans  le  but  de  faire  couiiallre  l'importance 
de  son  travail,  avait  fait  hommage  à  cette  assemblée  de 
quarante  exemplaires  de  son  livre. 

Dans  la  même  séance,  on  délibéra  sur  la  question  de  lui 
rendre  les  exemplaires  d'un  ouvrage  qui  avait  une  si  grande 
valeur  :  l'abbé  de  Parc  se  déclara  pour  l'affirmative;  mais 
la  majorité  fut  d'un  avis  contraire.  Ce  fait  est  enregistré 
dans  les  notes  qu'il  a  écrites  sur  les  travaux  de  l'assem- 
blée des  députés  du  Brahant,  durant  le  temps  qu'il  en  fil 
partie  (i). 

Les  comptes  de  l'abbaye  de  1 679  nous  font  voir,  que  cette 
année  l'abbé  De  Pape  chargea  de  nouveau  le  religieux  Court- 
mans  de  faire  exécuter  une  nouvelle  gravure,  représentant 
le  couvent  de  Parc.  Courtmans  en  confia  d'abord  le  soin  à 
un  artiste  allemand;  mais,  celui-ci  s'étant  enfui  avec  une 
somme  de  52  florins,  qu'on  lui  avait  payée  sur  son  travail, 
notre  chanoine  chargea  de  l'exécution  un  artiste  d'Anvers, 
qui  reçut  de  ce  chef  la  somme  de  100  florins.  Cette  nou- 
velle gravure  fut  exécutée  d'après  le  tableau  du  peintre 
Wilmaerls,  qui  l'avait  fait  en  lG6o,  œuvre  pour  laquelle 
il  toucha  4-2  florins  de  Brahant.  Il  conste  par  une  annota- 
tion de  l'abbé,  que  celui-ci  avait  ofîert  à  l'artiste  une  somme 
de  50  patagons  pour  la  reproduction  sur  cuivre  de  ce  ta- 
bleau, indépendamment  de  la  planche  en  cuivre,  ce  qui 
prouve  que  l'artiste  en  question  était  également  graveur  (2). 


(1)  27  aprilis  1661.  «  Domino  Sandero  pro  honorario  suœ  Brabanliœ  illus- 
»  tralae  dcderunt  500  patagones;  cuni  aiilem  obtulisset  4-0  exemplaria  et  illa 
«essenl  pretiosa  quœrebalur  an  illa  tencreiilur,  an  redderentur.  PluraJilas 
»  votorum  habuit  ut  tenerenlur  me  renitenle  unde  et  nolui  exemplai-  acci- 
»  père.  » 

(2)  Anno  1679,  door  Frat.  Alexander  en  Baudewyn,  aen  eenen  duytselien 
plaetsneyder,  om  een  copere  plaet  voor  Park  le  graveren,  elc.,  en  te  coopen, 
belaeit 32  gl. 

En  is  daermede  loopcn  gegaen.  Memoric. 

Ilem,  voor    eenc  copere    plaet,  wegendc  17    1/2    pont   (ol   32   st.   t'ponl, 


—  20^2  — 

Quant  à  la  gravure  faite  en  1679,  il  en  fut  tiré  en  mars 
1680  deux  cent  seize  exemplaires,  au  prix  de  25  florins 
16  sous,  outre  la  somme  de  20  florins  5  sous,  payée  pour 
dix-huit  mains  de  papier  de  grand  format.  Ici  l'on  se  de- 
mande, dans  quel  but  cette  gravure  fut-elle  tirée  à  un  nom- 
bre aussi  considérable  d'exemplaires  (i).  Sans  vouloir  rien 
affirmer,  nous  pensons  qu'ils  étaient  destinés  à  accompagner 
le  texte  de  l'ouvrage  de  Sanderus  sur  l'abbaye  de  Parc, 
inséré  dans  le  second  volume  de  la  Chorographia  sacra 
Brabantiœ,  dont  le  fonds  ayant  été  saisi  et  transporté  à 
Tournai,  devint  plus  tard  la  propriété  de  l'imprimeur 
Fricx,  à  Bruxelles,  où  il  périt  dans  le  bombardement 
de  1693  (2). 

Lorsqu'eu  1726  la  Brabantia  de  Sanderus  fut  réimpri- 
mée par  Chrétien  Van  Lom,  de  La  Haye,  l'abbé  de  Parc, 
qui  pour  lors  était  Jérôme  De  Waerseghere,  voulant  favo- 
riser la  nouvelle  publication,  flt  exécuter  à  ses  propres  frais 
la  gravure  représentant  les  bâtiments  de  l'abbaye,  avec  les 
changements  qu'ils  avaient  subis  depuis  le  temps  de  San- 
derus. Ce  fut  l'artiste  J.-B.  Berlerham  qui  fut  chargé  de 
son  exécution,  ainsi  que  de  la  vignette  qui  se  trouve  à  la 


betaelt 28  gl.  2  st. 

Item,  voor  de  vracht  van  Antwerpen  tôt  Brusselle     .      .     .      1  gl.  12  st. 
Item,  voor  het  graveren  met  sterk  waeter,  in  de  selve  plaet  het  clooster 

van  Parck,  betaelt 100  gl. 

{Comptes  de  V abbaye  de  1679). 
1663.  Solvi  pictori  Wilmaerl  per  ccUarium  pro  depingendo  Parcho.  12  gl. 

16G6,  12  aprilis,  adliuc  eidcra  12  ducalones  facit 12  gl. 

Et  addixi  50  patagoncs  ultra  platam  œream. 

{Comptes  de  1665-66), 

(1)  1680,   in  meert,   betaelt  voor   het  drukken   van   216  exemplaria  der 
plate  en  afbeldinghe  van  Parck 23  gl.  16  st. 

Item,  voor  achlleu  boccken,  groot  papier,  dienende  tôt  den  voorn.  druck. 

20  fl.  16  st. 

(2)  V.  Paquot,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  littéraire  des  dix-sept  pro- 
vinces des  Pays-Bas. 


—  205  — 

tèle  de  l'ouvrage.  Le  hasard  nous  a  fait  découvrir  égale- 
ment la  quittance  délivrée  par  Tartiste.  Il  en  résulte  que, 
le  5  mai  1726,  il  lui  fut  payé  la  somme  de  13G  flor.  6  sous, 
y  compris  la  gravure  sur  cuivre  (i). 

F.-J.  Raymaekers,  Pr. 


(i)  Gegraveert  voor  d'abdye  van  Parch  eene  groote  copere  plaele,  waerop 

is  verbeldende  deselve  abdeye.  Item,  voor  arbeyt  en  studie,  twaelf  pistolen. 

Item,  voor  het  vignet,  dry  pistolen;  voor  het  coper,  volgens  liet  billet  van 

den  coperslager,  hier  medegaende IG   1/4. 

Facit  in  guldens.     .     .      173  1H/4.. 
Ontfangen  uyt  lianden  van  Mynhr  den  camerlinck  der  abdeye  van  Pareil, 
de  somme  van  hier  boven  vermeil.  Actum  den  5  may  1726. 

J.-B.  Berterham. 


204 


®l)oma0  ®uavin, 

TOURNAISIEN, 

IMPRIMEUR     A      RALE,      AU      XV^     SIÈCLE. 


Alors  que  la  ville  de  Tournay  était  encore  dépourvue 
d'établissement  typographique,  et  que  le  chapitre  de  celle 
ville  faisait  imprinfier  ses  livres  d'église  à  Anvers,  à  Lou- 
vain,  el  même  à  Paris  et  à  Cologne,  de  courageux  Tournai- 
siens  dressaient  leurs  presses  dans  des  contrées  lointaines 
et  plus  hospitalières. 

Deux  ans  à  peine  après  que  Thierry  Marlens  eut  im- 
porté la  typographie  en  Belgique,  nous  trouvons  un  Jean 
de  Tournay  établi  comme  imprimeur  à  Ferrare;  il  y  avait 
pour  associé  Petrus  de  Arencejjo,  avec  lequel  il  publia  en 
147o  les  Consilia  de  Nie.  de  Tudeschis. 

A  peu  près  un  siècle  plus  lard,  mais  à  une  époque  où, 
selon  toute  probabilité,  il  n'y  avait  pas  encore  d'impri- 
meur à  Tournay,  un  autre  Tournaisien,  dont  la  famille 
n'est  pas  éteinte,  Thomas  Giiarin  (aujourd'hui  écrit  Garin) 
exerçait  celle  même  profession  à  Bàle,  en  Suisse,  alors  le 
centre  d'un  grand  mouvement  typographique.  Que  celle 
famille  soit  originaire  de  la  Lorraine,  ou  bien  qu'elle  soil 
un  rameau  transplanté  dans  le  i\ord  de  la  célèbre  famille 
italienne  des  Guarini,  toujours  est-il  que  Thomas  Guarin 
était  bien  et  duement  Tournaisien.  Les  citations  qui  sui- 
vront le  prouveront  surabondamment. 


—  205  — 

La  première  édilioii  que  nous  connaissions  de  ce  typo- 
graphe est  de  Bàle  1561,  et  le  nom  de  l'imprimeur  y  est 
écrit  Thomas  Guerinus.  Peut-être  que  Guarin  exerça  d'a- 
bord à  Lyon.  Toujours  est-il  que  VEpitome  du  trésor  des 
Antiquilez  de  Jacques  de  Strada,  traduit  par  Jean  Lou- 
veau,  d'Orléans,  parut  à  Lyon  en  1555,  chez  Jacq.  de 
Strada  et  Thomas  Giierin.  Nous  ne  voulons  pas  donner 
à  ce  fait  plus  d'importance  qu'il  n'en  a  réellement.  Nous 
ferons  seulement  remarquer,  mais  à  titre  de  simple  parti- 
cularité, qu'il  existe  encore  aujourd'hui  à  Lyon  un  docteur 
en  médecine  du  nom  de  Garin. 

Toutes  les  autres  éditions  que  nous  avons  rencontrées 
de  ce  typographe  portent  le  nom  de  Guarinus. 

Thomas  Guarin  était  donc  établi  à  Bâle  en  1561.  Il  y 
exerçait  encore  son  état  en  1582.  11  épousa  la  fille  du  célè- 
bre imprimeur  Michel  Isingrin,  et,  selon  toute  apparence, 
il  reprit  l'établissement  de  ce  dernier.  Jusqu'en  1567,  il  fil 
usage  de  la  marque  de  son  beau-père  :  un  palmier  dans 
un  cartouche  de  forme  irrégulière,  avec  la  devise  PALMA 
ISING.  A  partir  de  1569,  il  a  sa  marque  particulière,  qui 
ressemble  assez  à  celle  d'[singrin.  C'est  aussi  un  palmier 
dans  un  cartouche  de  forme  elliptique,  avec  les  mots  : 
PALMA  GVAR. 

Thomas  Guarin  était  fort  instruit.  Sanderus  lui  donne 
l'épithète  de  Doctissimus.  A  l'imitation  des  imprimeurs  de 
son  temps,  il  écrivit  de  nombreuses  épîtres  destinées  à  ac- 
compagner ses  éditions.  Dans  l'une  d'elles,  que  nous  rap- 
portons en  entier,  il  cite  le  250'^  vers  du  quatrième  livre 
de  VOdijssée.  Il  est  même  assez  probable  qu'il  connaissait 
l'hébreu.  Gaspard  Wolph,  médecin  de  Zurich,  l'appelle 
Egregiiis  Basiliensis  typographus.  Charles  Utenhove,  de 
Gand,  lui  a  consacré,  dans  ses  Xenia,  la  pièce  de  vers 
suivante  : 


—  206  — 


Thomas  Guarinus  IServius  Basiliensis  Typoyraphus. 

Fungeris  ofiicio  Medici  quoque  mille  lituris 

Docle  Typographicos  exonerare  libros. 
Patria  cognomen  dédit  hinc  tibi  nempe  Guarini 

Nervia,  sic  Medicam  sueta  vocare  Manum. 
Certè  ego  chalcographos  quoties  contemplor,  et  Ipsum 

Chalcographum  clarium  credo  fuisse  Deum. 
Quis  scit  enim,  Admet!  dum  pascua  forte  pererrat, 

Reppererit  graphicos  primus  an  ille  typos? 
Hinc  eliam  Nopit/iv  nostris  in  versibus  olim 

Chalcograpben  nobis  dicere  cura  fuit. 
Quin  et  OTrwpiviv  de  nomine  diximus  illam 

Compatris,  Aulumno  nomen  habentis  idem. 
Si  quis  Isingriniam  volet  hanc  dixissc,  nec  Aldo 

Illa  suo,  quantum  débet  Isingrinio. 

Bien  que  Thomas  Guarin  ait  quelquefois  prêté  ses  pres- 
ses à  la  reproduction  d'œuvres  calvinistes,  il  ne  parait  pas 
avoir  embrassé  la  religion  réformée.  La  version  espagnole 
de  la  bible  par  Cassiodore  de  Reyna,  que  Paquot  dit  avoir 
été  imprimée  chez  lui,  ne  porte  ni  son  nom  ni  sa  marque. 
Les  poésies  latines  de  Louis  des  Masures,  son  compatriote, 
portent  bien  sa  marque,  mais  non  pas  son  nom.  Placé  au 
milieu  de  populations  attachées,  en  grande  partie,  aux 
nouvelles  croyances,  Thomas  Guarin,  tout  en  imprimant 
des  livres  à  leur  usage,  ne  voulait  pas  les  signer  de  son 
nom. 

Les  éditions  de  cet  imprimeur  sont  fort  soignées  et  d'une 
exécution  supérieure.  Le  caractère  en  est  généralement  fort 
beau,  et  le  papier  d'une  qualité  remarquable.  Au  reste, 
pour  mettre  les  curieux  mieux  à  même  de  s'édifler  sur  ce 
point,  nous  citerons  ici  un  certain  nombre  de  ces  éditions, 
que  nous  avons  vues,  ou  que  nous  avons  trouvées  men- 
tionnées dans  des  catalogues. 


—  207  — 

I.  Linguœ  sanctœ  canones  grammatid.  Aiictore  Wi- 
GANDO  Happelio.  Nuiic  primum  in  luccm  ed'uL  Prœ  cœteris 
omnibus  necessarii  et  utiles  :  His  prœsertim  qui  viva  do- 
centis  institutione  destituti,  suo  marte  illam  addiscere  co- 
nantur.  Basilese,  Thomas  Guerinus  (sic),  1561,  in-8°. 

II.  Plotini  Divini  illius  è  Platonica  familia  Philosophi 
de  rébus  philosophicis  libri  LIIII  in  Enneades  sex  distri- 
buti,  à  Marsilio  Ficino  Florentino  è  Grœca  Lingua  in 
Latinam  versi,  et  ab  eodem  doctissimis  commentariis  illus- 
trati,  omnibus  cum  Grœco  exemplari  collât is  et  dlligenter 
castigatis.  Accessit  Index  rerum  et  verborunt  huius  operis 
memorabilium  perquàm  copiosus.  Basilese,  per  Thomain 
Gvarinvm.  Anno  M.  D.  LXII,  in-fol.  lim.  14  ff.  non  chifl"., 
texte  365  fol.  nuinér.  d'un  seul  eôlé;  plus  un  inckx  de  23 
flf.  non  chilï. 

Parmi  les  lim.  on  lit  une  lettre  à  Cosme  de  Médicis, 
signée  Petriis  Perna  Basil,  tijp.  et  datée  du  1"  mars  1559. 
L'éd.  de  1562  ne  doit  être  qu'une  réimpression  de  celle 
de  Petrus  Perna,  donnée  en  1559  in-fol,  La  trad.  latine 
avait  d'abord  paru  à  Florence  en  1492.  L'édition  princeps 
du  texte  est  de  Bàle,  1580,  in-fol. 

III.  PoLYDORii  Vergilh,  de  rerum  inventoribus.  Basilese, 
Th.  Guarinus,  1563,  in-8». 

Cet  ouvrage  eut  de  nombreuses  éditions. 

IV.  Aristotelis  Pepli  fragmentum,  sive  heroum  home- 
ricorum  epilaphia,  grœce  et  latine,  ex  interpretatione  et 
cum  annotationibus  Guil.  Canteri;  adjecta  sunt  Ausonm 
epitaphia  heroum  qui  bello  trojano  interfuerunt.  Basilese, 
Guarinus,  1566,  in-i". 

Réimpr.  à  Anvers,  Plantin,  1571,  in-8%  avec  quelques 
augmentations. 


208 


V.  Gynœciorvm,  hoc  est,  de  Mvliervm  tvm  aliis,  tvm 
gravidarvm,  parientium  et  piierperarum  affectibus  et  mor- 
bis,  libri  veterum  ac  recenliorum  aliquot,  parlim  nunc 
primùm  editi,  parlim  mulld  quàm  antea  casligatiores. 
Quorum  catatogum  sequcns  pagella  dabit.  Cvm  indicibvs 
capitvm  in  vniversum,  litnlorum,  reruni  ac  verborum 
prœcipuè  in  his  memorabilium,  locuplelissimis,  fidelissi- 
misque.  Basileee,  per  Thomam  Gvarinvm,  M.  D.  LXVI, 
in-4%  titre  et  lim.  10  ff.  non  chiffrés;  texte  434  pp.  à  2 
col.  chiffrées;  index  11  ff.  non  chiff'. 

Les  Uni.  contiennent  :  1°  Une  tahle  des  Traités;  2"  une 
dédicace  de  Gaspard  Wolph,  médecin  de  Zurich,  à  Jean 
Funckius  et  à  Marc  Wolffhart,  médecins  et  patriciens  ; 
o**  Une  épltre  du  même  au  lecteur,  et  4°  une  table  par 
ordre  de  chapitres. 

L'édition  renferme  les  traités  suivants  : 

1°  Harmonica  Gyufeciorum,  sive  de  morbis  muliebrihus 
liber,  ex  Prisciano,  Cleopatra,  Moschione,  libro  Matricis 
dicto,  et  Theodoro  Prisciano  collectus. 

2°  Ex  Albucassis  libro  II. 

3"  Erotis  de  Passionibus  muliebribus. 

4°  Nie.  Rocheus  de  morbis  mulierum  curandis. 

5°  Lud.  Bonaccioli  muliebriiim  libri  II. 

6"  De  mensibus  mulierum  lacobi  Sylvii  commenlarius. 

7°  Ejusdem  de  hominis  generatione. 

La  table  qui  se  trouve  au  verso  du  litre,  indique  que  le 
texte  grec  de  Moschion,  décrit  ci-dessous,  bien  que  por- 
tant une  pagination  séparée,  complète  cette  collection. 

Les  extraits  d'Albucasses  renfermant  plusieurs  figures 
représentant  des  instruments  relatifs  à  Tart  obstétrical. 

VI.  MO£XI£2NOS::£piyLivaix£uov7C(iOwv,  id  est,  MoSCHIOMS  medici 

Grœci  de  morbis  muliebrihus  liber  vnus  :  cimi  Conradi  Ges- 


—  209  — 

NERi  virî  clariss.  scholiis  et  emendationibus,  nunc  primùm 
cditus  opéra  ac  studio  Caspari  Viio/phii  Tigurini  medici. 
Continentur  hoc  libro  quœ  ad  gravidariim  et  puerperarum, 
itemque  infantiiim  curam  pertinent  CLXII  distincta  capi- 
tibiis  tnulta  :  quœdam  etiam  nova  atque  à  veteribus  an- 
tehac  nunquam  tradita  :  prœterea  medica  nonnulla  alia 
autoris  incerti.  Ex  Bibliotheca  Avgvstana.  Basileœ,  per 
Tlîomam  Gvarinvm  M.  D.  LXVI,  in-i"  de  8  ff.  lim.  non 
chiff.  et  65  pp. 

Cet  ouvrage  est  dédié  :  Clarissimo  viro  D.  Johanni  Kent- 
mano  Miseno  medico  nobili  et  excellenti.  Cette  dédicace  est 
datée  de  Zurich,  le  24  juin  1566. 

VU.  Theodorici  a  Niem,  Historiée,  qua  res  stio  tempore 
durante  perniciosissimo  schismate  inter  Urbamim  VI  et 
Clementem  antipapam  eorumqite  successores  gestœ  {ann. 
1378-1410)  exponuntur,  libri  IV.  {edidit  Sni.  Schardius). 
Basilese,  Th.  Guarinus,  1566,  in-folio. 

Cette  histoire  avait  d'abord  paru  en  trois  livres  seule- 
ments,  Norimbergœ,  1532,  in-fol.,  sous  le  titre  de  :  De 
Schismate.  Elle  fut  réimprimée  à  Strasbourg,  en  1609, 
in-8''  (Brunet). 

VIII.  Theod.  a  Niem,  Historiœ,  qua  res  suo  tempore, 
cum  in  Imperio,  aliisque  regnis  sub  Carolo  IV  et  subsé- 
quent. II  Imperator.,  tum  in  Ecclesia  gestœ  exponuntur 
lib.  IV.  Quorum  quartus  nunc  primum  in  lucem  profertur. 
Hisce  JoH.  IMaru,  Belgœ,  liber  de  XXIII  schismalis  in 
Ecclesia  et  concil.  Galliœ.  Eccles.  prœstantia  et  utilit.  nunc 
prim.  e  Gall.  in  lat.  conv.  adjeclus  est.  Basil.,  Thom.  Gua- 
rinus, 1566,  un  vol.  in  fol. 

Ce  dernier  ouvrage  ne  serait-il  pas  une  traduction  de  : 
Le  Promptuaire  des  conciles  de  l'église  catholique,  avec  les 


—  ^210  — 

scismes  et  la  différence  d'iceulx,  faîct  par  J.  Lemaire  (de 
Belges),  Paris,  impr.  de  Deuys  Janot,  pour  Galliol  du 
Pré,  lo45,  in-lC? 

IX.  Clementis  Alexandrini,  vlri  longe  doclissimi,  qui 
Panteni  quidem  martijris  fuit  discipulus,  prœceptor  iiero 
Origenis,  omnia,  qiiœ  qnidetn  extant  opéra,  a  paucis  jam 
annis  inuenla,  et  nunc  denuo  accuratius  excusa,  Gentiano 
Herueto  Aureliano  interprète.  Addita  sunt  in  fine  scholia, 
obscuriora  quœdam  loca  illnstrantia,  cum  rerum  tolo  opère 
memorabilium  Indice  satis  lociiplete.  Librorum  nomencla- 
turam  et  ordinem  sequens  pagella  indicabit.  Basilese,  per 
Thomam  Gvariiivm,  anno  M.  D.  LXVI,  in-fol.  de  564  pp, 
plus  8  fr.  pour  les  scholies  el  l'index. 

L'ouvrage  s'ouvre  par  :  Rodolphe  Carpensi,  Sanctse  Ro- 
manœ  ecclesiœ  lit.  sanctae  Mariée  Translyberinse  aFiiplis- 
simo  cardinali,  Genlianus  Heruelus  S.  D.  P.,  épilre  datée 
de  Rome,  Pridiè  kal.  jan.  1550. 

X.  Pétri  Bembi,  patricii  Veneti  quœcunque  vsqiiam  pro- 
dierunt  opéra  in  vmim  corpus  collecta,  et  nunc  demum  ab 
C.  AuGusTiNO  Curione,  cum  oplimis  exemplaribus  collata, 
et  diligentissimè  casligata,  quorum  catalogum  versa  pagina 
indicabit.  His  accesservnt  Hac  edilione  singulorum  historiée 
librorum  epitoma,  cum  tabula  locorum  prisca  et  noua  no- 
mina  explicante  et  rerum  ac  vocum  memorabilium  Indice. 
Basilese,  per  Thomam  Gvarinvm,  M.  D.  LXVII.  3  vol. 
in-8°. 

Le  premier  volume  contient  16  ff.  lim.  non  cotés,  et 
645  pp.  Il  comprend  :  i"  Ilistorise  venelœ  lib.  XII;  2°  de 
Guido  Ubaldo  et  Elisabelha  Ducibus  Urbini.  Les  lim.  ren- 
ferment :  une  prt'face  adressée  à  François-Donat,  duc  de 
Venise,  une  table  des  noms  de  lieux,  et  six  distiques  de 
Richard  Destresius  au  lecteur. 


—  211  — 

Le  second  volume,  qui  manque  au  n"  15593  du  (omis 
Van  Hulthem,  se  compose  de  47  feuilles,  comme  l'indique 
la  dernière  page  du  troisième  volume.  Il  embrasse  : 
1"  Epislolarum  Leonis  X  nomine  scriplarum  lib.  XVI; 
2°  Epislolarum  familiarium  lib.  VI. 

Le  troisième  volume,  de  250  pp.  plus  11  ff.  de  tables, 
comprend  :  1"  De  imitatione  libellus,  2"  De  Aetna  dialo- 
gus,  5°  de  culice  Virgilii,  etTerenlii  fabulis,  4°  carminum 
libellus. 

Beau  car.  ital. 

XI.  Georgii  Bvchanani  Scott  Poetœ  eximij  Franciscanus 
et  fratres,  quibus  accessere  varia  emsdem  et  aliorum  Poe- 
mata  quorum  et  titulos  et  nomina  XVI  indicabit  pagina. 
Eiusdem  Psalmos  seorsim  non  sine  accessione  excudit 
Basilese  Ravracorvm  Thomas  Gvarinvs  IVervivs. 

Collection  in-S",  sans  date,  mais  1568;  très-beau  carac- 
tère italique.  Elle  se  divise,  sous  le  rapport  de  la  pagina- 
tion, en  trois  parties  : 

1"  Bucbanani  poemata,  8  feuillets  lim.  et  319  pp.;  les 
poèmes  comprennent,  outre  le  Franciscain,  un  livre  d'Élé- 
gies, un  de  Sylves,  un  d'Odes,  une  traduction  de  la  Médée 
et  de  l'Alceste  d'Euripide,  la  tragédie  de  Jephté,  et  une 
traduction  des  iambes  de  Simonide.  On  voit  par  le  titre 
que  Thomas  Guarin  avait  déjà  donné  une  édition  de  la 
traduction  des  psaumes  de  Buchanan.  A  la  page  307,  le 
typographe,  s'adressant  au  lecteur,  dit  qu'il  lui  offre  tout 
ce  qu'il  a  pu  réunir,  original  ou  traduction,  de  cet  auteur, 
et  il  promet  de  donner  le  reste,  que  Buchanan  lui  a  fait 
espérer  de  recevoir  bientôt. 

2°  Adriani  Tornebi  regii  grsecse  philosophie,  dum  vixit, 
Professoris  variorum  poematum  silua  (pp.  1-62).  —  Cla- 
ris, doctissimique  viri,   Mich.  Hospitalis,   magni   Galliœ 


212  

caucellarij,  variorum  poemaluin  silua  (pp.  63-117).  — 
lo.  Avrali  Lemovicis,  Regii  Grsecarum  lilerarum  in  Acade- 
mia  Parisiensi  professons,  Poëmalia  (pp.  119-176).  Ce 
volume  présente  celle  parlicularité  que  les  pages  colées 
pair  de  66  à  80,  ainsi  que  les  pp.  84,  88,  1)2  el  96,  por- 
lenl  en  haut  les  mots  Adr.  Tornebi. 

3"  Caroli  Vlenhouij  F.  patricij  Gandavensis,  Xenia  seu 
Ad  lllustrium  aliquol  Europse  hominum  nomina  Allusio- 
num  (inlerlexlis  alicubi  loacli.  Bellaij  eiusdem  argumenli 
versibus)  Liber  primus.  Ad  Elizabelham  sereniss.  Angl. 
Franc.  Hib.  etc.  Reginam,  de  143  pp. 

Recueil  rare  el  curieux;  la  partie  la  plus  intéressanle  est 
la  dernière;  Charles  Utenhove,  fils  de  Charles,  faisait  à  la 
fois  des  vers  français,  latins,  grecs  et  même  hébreux.  Ses 
vers  émaillenl  toute  la  collection.  Le  morceau  le  plus  cu- 
rieux que  nous  trouvions  dans  ses  allusions,  est  le  billet 
d'Orlando  de  Lassus,  qui  prouve  son  estime  pour  le  bon 
vin  rouge  (p.  1 13). 

XIL  Antonini  Liberâlis  Trans format ioniim  congeries. 
Phlegomis  Tralliani  de  Mirabilibus  et  longœvis.  Eiusdem 
de  Objmpiîs  fragmentum.  Apollonii  historiée  mirabiles. 
Antigom  mirabil.  narrât,  congeries.  ]\L  Antonini  de  vita 
sua.  {Omnia)  Grœcè  latinèque,  Guil.  Xylandro  interprète. 
Cum  annotation.  Basil.,  Th.  Guarinus,   1568,  in-8°. 

Cette  édition,  donnée  par  Guill.  Xylander  (Holzmann), 
est  la  première  d'Antoninus  Liberâlis,  de  Phlégon  de  Tral- 
les,  d'Antigonus  Carystius  et  d'Apollonius  Dyscole. 

XIIL  SEN0*£2NT0S  aTravxa  xà  (Tw^ôjxeva  pi|EXîa.  —  XeNOPHONTIS 

et  imperatoris  et  philosophi  darissinii  omnia  quœ  exstant, 
opéra,  Joan.  Levvenklajo  interprète  :  cum  Annotationibus 
ejusdem  et  indice  copioso.  Basileœ,  per  Thomam  Guari- 


—  213  — 

num  M.  D.  LXIX,  iri-fol.,  litre  et  lim.,  12  pp.  non  cotées; 
texte,  790  pp.  à  deux  col.,  texte  grec  et  latin,  suivi  de  : 
lu  Xenopliontem  iuterpretis  annotaliones,  15  pp.  non 
cotées.  On  lit  à  la  fin  de  ces  annotations  :  Finis  Annota- 
tionum.  Indicem,  quem  hoc  lempore  absolvere  non  licuit, 
proximis  nundinis  dabimus. 

Les  lim,  contiennent  une  épître  à  Jean  Casimir,  conite 
Palatin,  une  préface  aux  œuvres  historiques  de  Xénophon, 
et  une  vie  de  cet  écrivain. 

Cette  édition  parut  sous  le  titre  de  S'»  Editio  chez  le 
même  éditeur  en  1572.  Il  en  est  encore  des  exemplaires 
dont  la  date  est  1593.  Mais  dans  ces  trois  sortes  d'exem- 
plaires, la  page  497  est  également  mal  cotée  597. 

Brunet  dit  que  cette  édition  a  peu  de  valeur  aujourd'hui. 

XIV.  Plutauchi  chœronensis  moralia,  latine,  ex  inter- 
pretatione  Guill.  Xylandri.  Basilese,  Thom.  Guarinus, 
1570,  in-folio. 

XV.  Plutarchi  chœronei  Ethica  sive  moralia,  interprète 
Gruterio,  cum  indkibus.  Basileœ,  apud  Guarinum,  1573, 
in-folio. 

XVI.  La  Biblia,  que  es,  los  sacros  libros  del  Vieio  y  Nvevo 
Testamento,  trasladada  en  EspanoL...  La  Palabro  del  Dios 
nuestro  permanece para  siempre.  Isa.  40.  M.DLXIX,  in-4*', 
de  1 5  fF.  lim.  non  chiffrés  et  de  1 458,  543  et  508  col.  num. 

Les  liminaires  contiennent  :  1°  Prœfatio  Hispan.  sacr. 
Bibl.  Interpretis;  2"  amonestacion  del  interprète  al  Lector. 

A  la  fin  on  lit  :  Anno  del  Senor  M.  D.  LXIX  en  sep- 
liembre.  La  marque  est  un  ours  rampant  contre  un  arbre 
et  s'acharnant  sur  un  essaim  d'abeilles  :  circonstance  qui 
a  fait  surnommer  cette  bible  la  Bible  de  l'Ours. 


—  214  — 

Celle  version  est  de  Cassiodore  de  Reyna,  qui  a  signé 
de  ses  iniliales  C.  R.  la  préface  laline.  Vogt  la  dit  im- 
primée à  Bàle,  et  Paquot  affirme  qu'elle  sort  des  presses 
de  Th.  Guarin.  Il  y  en  a  des  exemplaires  portant  la  date 
(le  1622  avec  la  vignette  de  l'ours,  et  la  même  date  finale; 
mais  on  assure  qu'il  n'y  a  là  d'autre  changement  que  celui 
du  frontispice.  Il  paraît  même  que  cette  version  n'eut 
qu'un  seul  tirage,  qui  se  fit  à  2600  exemplaires.  Celle 
bible,  qui  est  calviniste,  a  longtemps  passé  pour  juive, 
ce  qui  a  élé  cause  que  plusieurs  savants  y  ont  été  trom- 
pés (V.  à  ce  sujet  D.  Clément,  VI,  5o3  suiv.  ;  Vogt,  p.  1 44; 
Catalogue  Girardol  de  Préfond,  introd.  p,  i  et  u;  Catalogue 
Crevenna,  I,  56,  etc.,  etc.) 

XVII.  Stephani  de  Malescot,  de  Nuptiis  Liber  Para- 
doxicus,  nova  et  recenti  methodo  compositus.  Basilese,  per 
Thomam  Guarinum,  1572,  in-8°. 

XVIII.  LvDOvici  Masvrh  Nervii  Poemata  secundo  édita, 
ab  aulhore  ipso  recognita,  et  nouis  aiicta.  Basilese,  M.  D. 
LXXIIII  (Sans  nom  d'imprimeur,  mais  avec  la  marque  de 
Thomas  Guarin).  Très-petit  in-8°,  de  128  folios  numérotés 
d'un  seul  côté.  Le  verso  du  dernier  folio  est  blanc.  Carac- 
tère italique. 

La  table  est  au  verso  du  litre.  Louis  Des  Masures,  Tour- 
naisien,  auteur  de  ces  poésies,  mourut  pendant  l'impres- 
sion du  volume,  comme  le  prouve  la  pièce  finale,  qui  est 
de  Jacques  Pasquier,  Lorrain.  Ceux  qui  l'ont  fait  mourir 
en  1580,  étaient  dans  l'erreur.  Au  reste,  nous  revien- 
drons ailleurs,  et  fort  longuement,  sur  L.  Des  Masures. 

XIX.  Rervm  Bvrgvndionvtn  chronicon  :  in  qvo  etiam 
rerum  Gallicarum  tempora  acciiratè  demonstrantiir  •  per- 


—  215  — 

mutta  autem  pro  vtriiisqite  Historiœ,  necnon  eiiam  Germa- 
nicœ  notifia,  diibia  confirmantur,  obscurci  illustrantur,  et 
ab  aliis  aiit  non  animacUiersa,  aut  non  comperta  enuclecm- 
tur  :  non  paiica  vero  quorum  memoria  penilus  inlerciderat, 
ex  probatissimorum  aulorum  libris  nunquam  antea  editis 
et  veteribus  monimentis  exhibentur.  Ex  Bibliotheca  Histo- 
rica  NicoLAÏ  ViGNERij  Barrensis  ad  Sequanam.  Basilese, 
per  Thomam  Guarinum,  M.  DLXXV.  Petit  in-4.%  titre  et 
lim.  4  ff.  noû  chiff.  Texte  18o  pp.,  plus  12  ff.  pour  les 
index. 

On  lit  à  la  dernière  page  :  Basilese,  per  Thomam  Gva- 
rinvm,  anno  M.  D.  LXXV. 

XX.  Hieroglj/phica,  sive  de  sacris  JEgyptiorvm,  aliarvm- 
qve  gentivm  litteris  commentarij  loannis  Pierii  Valerianj 
BoLZANiJ  Bellunensis,  a  Coelio  Avgvstino  Curione  duobm 
Libris  aucti,  et  mullis  imarjinibus  illuslrati. 

Suit  une  épitre  de  huit  lignes  au  lecteur. 

Basileœ,  per  Thomam  Gvarinvm,  M.  D.  LXXV. 

Avec  le  portrait  de  l'auteur  au  verso  du  litre,  et  de 
nombreuses  Ggures  sur  bois  dans  le  texte. 

In-foL,  de  10  ff.  lim.  non  chiffrés  et  441  fol.  numérotés 
d'un  seul  côté,  à  l'exception  des  15  premières  pages;  plus 
oO  pp.  de  tables.  On  lit  à  la  fin  :•  Basilese  ex  officina  Thomse 
Gvarini  Anno  M.  D.  LXXV.  Mense  Martio. 

Les  lim.  contiennent,  outre  la  dédicace  de  l'auteur  à 
Cosme  de  iMédicis  et  diverses  tables,  une  pièce  de  vers 
grecs  de  Charles  Utenhove,  de  Gand,  à  Arnoldus  Arlu'- 
nius  Peraxylus  et  à  Michel  Isingrin.  Cette  édition  ne  pa- 
rait être  qu'une  réimpression  de  l'édition  princeps  donnée 
par  Isingrin  en  1Sd6.  Mais  dans  cette  dernière,  la  pièce 
d'Utenhove  se  trouve  à  la  fin  du  volume.  L'édition  d'Isin- 
grin   ne  contient  pas  non  plus  les  deux  livres  de  Curion. 


—  216  — 

XXI.  Chronolorjia  hoc  est  svppvtatio  temporvm  ah  initio 
mundi  ex  edipsibus  et  obseruationibus  Astronomicis  et  sacrœ 
scriptiirœ  firmissimis  testimoniis  demonstrata.  Gerardo 
Mercatore  et  MATTHiîO  Beroaldo  aiUhoribus.  Accessit  et 
IsiDORi  Hispalensis  Epi.  chronologia  ex  quinto  et  sexto 
Originum  libris  siimpta.  Basilese,  per  Thomam  Guariuum, 
M.  D.  LXXVII. 

Deux  vol.  in-8%  8  ff.  lim.  non  chiffrés.  Le  premier 
volume,  qui  renferme  la  chronologie  de  Mercalor,  a 
292  pp.  Le  deuxième  eu  a  631,  plus  un  index  de  21  pp. 
Ce  deuxième  volume  n'a  pas  de  titre;  mais  on  lit  à  la  fin 
sur  un  feuillet  séparé  :  Basilese,  Ex  Officina  typographica 
Thomse  Gvarini.  Anno  salutis  humanee  M.  D.  LXXVIL 

Les  prélim.  du  i"  vol.  renferment  les  préfaces  de  Mer- 
cator  et  de  Béroald,  et  une  table  des  chapitres. 

Car.  italique. 

XXIL  LiLH  Grec.  Gyraldi  Ferrariemis  Operum  qiiœ 
extant  omnium  non  minus  Erudilœ  quàm  Elegantis  lite- 
ratnrœ  studiosis  et  expetitorum  hactemis  et  deinceps  expe- 
tendorum  tomi  dvo.  Cum  Elencho  Librorum,  et  locupletis- 
simo  Rerum  atque  Verborum  indice.  Basilese,  per  Thomam 
Guarinum.  M  D  LXXX.  In-fol. 

Le  premier  volume  comprend  8  ff.  lim.  non  cotés,  et 
666  pp.,  plus  12  ff.  de  tables.  La  dédicace  à  Hercule 
d'Esté  est  datée  du  4  mars  1555. 

Le  second  se  compose  de  4  ff.  lim.,  de  634  pp.  de  texte 
et  de  18  ff.  de  table. 

XXIII.  lo.  Bodini  Andegavcnsis  de  Magorum  Dœmono- 
mania  libri  IV.  Basilese,  per  Thomam  Guarinum,  M  D 
LXXXI.  In-4%  16  ff.  lim.  non  chiffrés  et  448  pp.,  y 
compris  Opinionvm  IoannisWieri  coïi/'y^af/o  (pp.  417-488). 


—  217  — 

Les  prél.  contiennent  ;  1"  une  dédicace  à  Christophe  de 
Toul,  premier  président  du  Parlement  de  Paris;  elle  est 
datée  de  Laon,  xx  déc.  lo79;  2°  Typographus  JEqno  et 
erudito  lectori;  3°  loannis  Bodini  in  libros  de  Magorum 
Dsemonomania  Prsefalio;  4°  Determinatio  Parisiis  facta  per 
almam  Facultatem  Theologicam  An.  Domini  M.  CGC. 
XCVIII  super  quibusdam  superstitionibus  noviter  exor- 
tis;  5"  Index  capilum. 

Cette  traduction  du  français  a  pour  auteur,  dit-on,  un 
nommé  Lotharius  Philoponus,  nom  qui  en  cache  évidem- 
ment un  autre.  L'imprimeur  a  cru  devoir  adresser  un  mot 
au  lecteur  au  sujet  de  ce  livre  : 

Typographus  JEqvo  et  erudito  Lectori  S.  D. 

«  Etsi  hune  de  Dsemonomania  commentarium  cum 
ludicij  quadam  acrimonia  legenlibus  non  sine  causa  in 
mentem  venire  possit  illud  velus,  tpdip(i.axa  7:o>vXà  (làvlaeM  iieiu- 
y[ji£va  TToXTvà  ôè  Xuypà  :  tamen  cum  in  eodem  multa  prœclarè 
dicta  adversus  consceleratissimum  illud  et  pijs  omnibus 
detestandum  Lamiarum  et  Magorum  cum  Salana  commer- 
cium  :  mullœ  eliam  hisloriœ  et  cognilione  dignse  aspersse 
sint  :  Censores  noslri  editionem  huius  operis  non  inhi- 
bendam  esse  ô[jLo6u[j.a8iv  decreverunt.  Ea  tamen,  quœ  in 
allegorijs  et  sacro  sanclse  Scripturœ  testimoniorum  allega- 
tionibus  delortis,  in  lib.  arbilrij  hominis  non  renati,  et 
astrologise  diuinalricis  defensione,  et  aliorum  quorumdam 
dogmatum  assertione,  seuerioris  doctrinœ  Theologi  et  Phi- 
losophi  iure  desiderare  possunt,  neutiquam  probantes,  cen- 
surée eruditorum  et  piorum  dexlrè  iudicantium,  omnia  sub- 
jiciunt.  Nam  et  in  hoc  génère  scripli,  omnia  esse  probanda, 
et  bona  retinenda,  rectè  persuasum  habent.  Bene  vale  !  » 

XXIV.  D.  Andr.  Alciati  opéra  omnia  in  quatuor  tornos 
digesta,  indice  locuplete  adaucta.  Basilese,  Th.  Guarinus, 
1582;  in-folio. 


—  218  — 

Les  œuvres  complètes  de  ce  jurisconsulte-poëte,  paru- 
rent à  Bâie,  \o7\,  en  6  vol.  in-folio.  Elles  furent  publiées 
par  les  soins  de  François  Alciat,  parent  de  l'auteur. 

Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  cette  liste  des  éditions 
de  Thomas  Guarin.  Ne  pouvant  espérer  de  la  rendie  com- 
plète, nous  croyons  en  avoir  dit  assez  pour  montrer  toute 
l'importance  de  l'établissement  typographique  de  notre 
concitoyen. 

Nous  avons  dit  que  la  famille  de  cet  imprimeur  existe 
encore  aujourd'hui  à  Tournay.  Au  commencement  du 
XVII''  siècle,  un  Jacques  Garin,  d'Esplechin,  se  mêlait, 
d'une  manière  accessoire  peut-être,  de  poésie  latine.  On 
lit  une  pièce  de  18  vers  phaleuces,  signée  de  lui,  parmi 
les  préliminaires  des  Pla  Poemata  de  Jean  Rosier,  d'Or- 
chies,  curé  d'Esplechin,  ouvrage  publié  à  Tournay  en 
I6U  chez  Ch.  Martin,  in-S".  On  trouve  également  des 
vers  de  lui  dans  les  Miscellanea  du  même  Rosier  publiés  à 
Tournay  en  1012.  Ce  Jacques  Garin,  qui  était  bien  cer- 
tainement de  la  même  famille  que  Thomas,  embrassa  l'étal 
ecclésiastique.  Il  célébra  sa  première  messe  le  1 5  juin  1610. 
En  1613  il  était  chapelain  de  M.  de  Rongy  (le  baron  de 
Roisin). 

Vers  la  fin  du  même  siècle,  en  1694,  N.-Gilbert-J.  Ga- 
rin acheta  la  charge  de  receveur  du  clapet  (c'est  ainsi 
qu'on  appelait  à  Tournay  l'impôt  sur  la  fabrication  de  la 
bierre),  pour  la  somme  de  dix  mille  cinq  cent  soixante  fl. 
Selon  Hoverlant,  il  occupa  celte  charge  jusqu'en  1761. 

N.-G.-J.  Garin,  qui  épousa,  croyons-nous,  une  demoi- 
selle Pels,  laissa  deux  fils  :  Gilbert,  et  Pierre-Amé,  dont 
nous  parlerons  plus  bas. 

Gilbert  Garin  succéda  à  son  père  en  qualité  de  receveur 
de  l'office  du  clapet;  il  fut  nommé  le  8  novembre  1792  l'un 
des  vingt  administrateurs  gratuits  et  provisoires  de  Tour- 


—  219  — 

nay.  Gilbert  Garin,  dont  Hoverlant  fait  un  grand  éloge, 
mourut  en  1795.  Il  eut  pour  successeur  au  bureau  du  cla- 
pet, son  fils  Gilbert,  III''  du  nom.  L'olfice  du  clapet  ayant 
été  supprimé  en  1796  par  les  français,  Gilbert  fut  nommé 
trésorier  de  la  ville  de  Tournay,  fondions  qu'il  occupa 
jusqu'en  1821.  Il  avait  épousé  une  demoiselle  Moncbeur, 
qui  ne  lui  donna  que  des  filles. 

Pierre-Amé  Garin,  chef  de  la  branche  cadette,  laissa 
deux  fils  :  Jacques-Léonard-Joseph  et  Louis-César-Joseph. 

Ce  dernier,  commis-greffier  du  tribunal  de  commerce  de 
Tournay,  décéda  le  6  décembre  1857.  Il  avait  épousé  An- 
gélique-Josèphe  Bernard,  dont  il  eut  une  fille  unique,  Flore- 
Eléonore-Louise-Angélique,  épouse  de  F.  F.  J.  L. 

Son  frère  aîné,  Jacques-Léonard-Joseph,  né  en  juillet 
1774-,  et  conséquemment  âgé  aujourd'hui  de  quatre-vingt- 
quatre  ans,  exerce  la  profession  de  chirurgien  et  accou- 
cheur à  Tournay  depuis  le  commencement  de  ce  siècle. 
On  lui  doit  plusieurs  articles  insérés  dans  diverses  revues 
médicales.  Nous  citerons  les  suivants,  publiés  dans  le  Jour- 
nal de  Médecine,  Chirurgie,  Pharmacie,  etc.,  par  les  C^"^ 
Corvisart,  Leroux  et  Boyer  : 

\°  Observation  sur  l'hydrocéphale  interne,  par  le  cit. 
Garin,  chirurgien  à  Tournay,  département  de  Jemmapes 
(t.  III,  pp.  119-125,  an  X). 

2°  Observation  sur  l'ossification  contre  nature  de  la  face 
utérine  d'un  placenta  (ib.,  pp.  252-255). 

3"  Réflexions  sur  les  fausses  douleurs  de  l'accouchement 
(t.  IV,  pp.  260-267,  an  X). 

4°  Description  d'un  bec-de-lièvre  naturel,  mais  d'une 
figure  particulière  (t.  VI,  pp.  4-25-429,  an  XI), 

5"  Observation  sur  une  hernie  crurale  étranglée  par  im- 
flammalion,  terminée  par  gangrène,  et  suivie  d'un  anus 
contre  nature  guéri  spontanément  (t.  VIII,  pp.  498-501, 
an  XII). 


220  

6°  Observation  sur  une  plaie  de  tète,  suivie  d'un  grand 
abcès  dans  l'un  des  ventricules  du  cerveau,  et  terminée 
par  la  mort,  par  M.  Garin,  chirurgien-accoucheur,  chi- 
rurgien de  l'hospice  des  orphelines  et  membre  du  co- 
mité de  vaccine  de  la  ville  de  Tournay  (t.  XVI,  pp. 
278-281,  1808). 

7°  Réflexions  physiologiques  sur  le  système  sanguin  du 
fœtus  (t.  XIX,  pp.  231-255,  1810). 

M.  Garin  est  encore  l'auteur  de  différentes  notes  sur 
la  vaccine,  dont  il  fut  l'un  des  plus  ardents  et  des  plus 
désintéressés  propagateurs.  M.  Garin  la  pratiqua  toujours 
gratuitement.  Six  médailles  d'or,  deux  du  gouvernement 
des  Pays-Bas,  et  quatre  du  gouvernement  du  roi  Léopold, 
furent  la  récompense  de  son  zèle.  Enfin,  un  arrêté  en  date 
du  24  octobre  1857  le  créa  chevalier  de  l'Ordre  royal  de 
Léopold. 

Un  journal  évaluait  récemment  à  douze  mille  le  nombre 
des  accouchements  pratiqués  par  M.  Garin  durant  cette 
longue  et  si  honorable  carrière.  La  modestie  de  ce  savant 
et  habile  praticien  serait  peut-être  offensée  de  nos  éloges; 
nous  croyons  cependant  être  l'écho  des  sentiments  d'une 
ville  tout  entière  en  proclamant  les  services  qu'il  a  rendus 
et  qu'il  rend  encore  à  la  cause  de  l'humanité  souffrante. 
Dans  une  classe  de  citoyens  qui  ne  compte  que  des  cœurs 
dévoués,  M.  Garin  a  su  se  distinguer  encore;  et  nous  le 
dirons  en  terminant  :  d'autres  ont  fait  plus  de  bruit,  aucun 
n'a  fait  plus  de  bien. 

F.  F.  J.  Lecouvet. 


221 


(tl)r0tttque  ies  0neîtce5  et  îrc5  '2ivt5,  et  haxUtés. 


Dons  et  Courtoisies  de  Philippe-le-Bon  et  de  Charles-le-Téméraire  aux  sa- 
vants, AUX  ARTISTES  ET  AUX  GOUVERNEURS  DES  PRINCES  DE  LA  MAISON  DE  BOURGOGNE. 

—  Dans  un  précédent  article,  nous  avons  fait  connaître  les  diverses  courtoisies 
que  le  duc  de  Bourgogne  accordait  à  ceux  de  ses  chapelains  qui,  sous  le  nom 
bizarre  d'évèques  des  fous  et  des  ânes,  présidaient  aux  jeux  et  aux  ébalte- 
ments  des  fêtes  des  Innocents  et  de  la  Circoncision;  parlons,  aujourd'hui,  des 
chapelains,  des  confesseurs  et  des  religieux  qui,  devenus  d'habiles  calligra- 
phes,  s'empressaient,  connaissant  l'extrême  générosité  du  prince,  de  lui 
faire  hommage  de  splendides  manuscrits,  œuvre  des  longs  jours  de  leur 
solitude,  et  qu'enrichissaient  presque  toujours  de  nombreuses  miniatures. 

En  1426,  le  duc  fait  donner  XXVIII  s.  à  aucuns  religieux  (Dominicains) 
de  l'église  Nostre-Dame  de  Herlem,  pour  avoir  Iranscript  et  copié  ung  livre 
louchant  matere  secrète,  dont  MS.  n'en  vcull  autre  déclaracion  eslre  faicte  (1). 

En  1431,  Jehan  de  Lannoy,  Bernardin,  obtient  VI  1.,  pour  avoir  escript 
et  historié  en  IIII  feullets  de  parchemin  aucunes  oraisons,  pour  mectre  es 
heures  de  JIS.,  et  XI  1.  VIII  s.  sont  remis  à  Pierre  Longue  Joe  (2),  son  valet 
de  chambre,  pour  avoir  fait  escripre  en  parchemin  et  enluminer  ung  livre 
d'argorisme  pour  MS. 

En  1437,  Gilles  de  Vins,  dit  Binchois,  chapelain  du  prince,  reçoit  XXIIII 1., 
pour  ung  livre  qu'il  avoit  fait  et  composé  (pour  la  chapelle),  des  Passions- 
en  nouvelle  manière;  tandis  que,  l'année  suivante,  Xllll  1.  VIII  s.  sont  ac- 
cordés à  M»  Simon  de  Loz,  confesseur  de  la  duchesse,  pour  avoir  translaté 
de  latin  en  françois  ung  livre,  qui  jadis  avoit  appartenu  à  Jehan  de  Bor- 
nes :  il  reçoit  en  outre  XII  1.  X  s.,  pour  avoir  fait  coppier  en  parchemin  la 
proposicion  de  maistre  Jehan  Petit,  qui  contient  grant  escriplure  (5). 


(i)  Arch.  gén.  du  Nord,  ainsi  que  tous  les  documents  de  celte  notice. 

(2)  Voy.  M.  le  comte  de  Laborde,  Les  Ducs  de  Bourgogne,  t.  I,  p.  261. 

(3)  Nous  lisons  dans  la  chronique  que  nos  lecteurs  connaissent  déjà  (Les 
trailiés  du  duc  d'Orliens)  :  «  Après,  led.  maistre  Jehan  (Petit),  en  alégant 


222  ■ • 

Quant  aux  deux  Jacobins,  qui  avaient  apporté  de  Bruges  à  Douai,  deux 
livres  en  parchemin,  des  révélacions  de  Sainlle  Brigitte,  de  la  règle  de  Saint 
Sauveur  (1),  et  des  sermons  des  angles,  XLVIII  s.  leur  étaient  accordés,  et 
leur  prieur,  Me  George  Tanilly,  en  obtenait  L  (2). 

pluiseurs  auctorités  de  la  Bible  et  aultrez  pluiseurs  histoires,  pour  le  vérifi- 
cation et  juslifiance  du  droit  de  son  maislre,  yl  condessendy  à  sa   (blanc), 
en  reraonslrant  les  fais  du  duc  Lois  d'Orliens,  lesquelz  aulcuns  avons  devant 
mis,  lesquelz  avoit  fait  par  le  conseil  de  Pliles  de  Masières  et  du  duc  de 
Melan,  lesquelz  le  mirent  en  volenlé  de  mal  faire  :  comme  de  sorcheries, 
encantemens  et  invocacions  des  diables,  et  dud.  sacrement  de  Tespée  et  de 
Taniel.  Tout  ce  fu  fait  au  castiel  de  Mogny.  Et  de  encore  aultre  sorcerie, 
dont  point  n'avons  parlé  :  car,  au  revenir  de  Mongay,  allèrent  par  Monfau- 
con,  et  prirent  le  corps  d'un  nouvel  mis  à  mort,  et  le  portèrent  tout  coie- 
ment  à  Paris,  à  l'ostel  de  l'un  d'eulx,  pour  faire  leur  carme  et  encantement, 
et  ly  boulèrent  ung  espoy  parmy  le  cuer,  comme  leur  fait  le  requéroit,  dont 
le  roy  en  fu,  en  celle  tempore,  moult  malades,  et  de  lelz  en  y  ot  quy  perdi- 
rent la  vie,  que  point  ne  doy  oublier.   Car  la  dueesse  d'Orliens,  fille  aud. 
Galiace  (duc  de   Milan),   estoit  ung  jour  es  gardins  de  S'  Pol,  où,  à  celle 
heure,   avoit  grant   plenté   de  seigneurs,   dames  et  demoiselles,   et  enfans, 
grans  et  petis  :  or  advint  que  la  dueesse  tenoit  une  pome  vermeille,  et  dist 
à  ung  enfant,  qu'elle  trouva  en  sa  voie:  mon  enfant!  porte  celle  pome  au 
dolfiii  de  Vienne,  quy  ylleuc  s'esbat.  L'enfant  prist  la  pome,  qui  moult  en 
fu  joieulx,  et,  ainsy  comme  yl  s'en  aloil,  rencontra  la  norice  à  la  mesme 
dueesse,  laquelle  avoit  à  son  col  l'enfant  au  duc  Lois  d"Orliens  et  à  la  du- 
eesse. Or,  le  norice  veant  celle   belle  pome,  le  demanda  aud.  petit  enfant, 
et  yl  lui  bailla.  Sitost  qu'elle  le  tint,  l'enfant  le  prist,  quy  moult  le  désiroit, 
et,  osytost  qu'il  le  tint,  yl  le  mis  à  sa  bouce  et  mordy  dedens  :  et,  quant  yl 
en  eut  le  saveur,  sy  s'eslendy  et  tourna  yeulx  tout  tramblant.  Et  la  norice 
le  misl  à  terre,  et  s'cscria  en  hault,  tant  que  pluiseurs  y  afuirent,  et  mesme 
la  dueesse,  laquelle,  quant  perchut  son  enfant,  qui  se  moroit,  et  recongnut 
la  pome,  adont  quey  pausmée,  et,  au  relever,  s'cscria  en  hault  et  dist  :  vray 
Dieu!  coment  tu  sces  bien  tes  gens  payer  de  tel  service  qu'il  ont  desservy; 
car  tel  cuide  aultruy  grever  qu'il  mesme  se  déchoit.  —  Tout  ce  déclara  et 
les   choses  dessusdites  aléga   ledit  maislre  Jehan  Le  Petit  pour  la  mineur, 
devant  tout  le  peuple.  »  (MS.  n"  20  de  la  bibl.  de  Lille,  fol.  CXV  r»  et  v»).  — 
Si  nous  en   croyons  notre  chroniqueur,   la  duchesse  d'Orléans   demandait 
dans  sa  complainte  contre  Jean-sans-Peur,  que  le  duc  Jehan  fuist  amené  en 
la  place,  où  ledit  fait  et  occision  avait  esté  fêle,  et  lui   mis  à  genous,  nut 
chief,   jusqu'à  cel   heure  qu'on  aroit  en  celle  place  canlé  vigilles  et  com- 
mendasses,  et  en  le  fin  fesisl  une  croix  sur  la  terre  de  son  doit,  et  le  bai- 
sast  (Fol.  CXVIII  V»). 

(1)  Ailleurs  :  de  le  règle  de  Nostre  Sauveur  Jhu-Crist. 

(2)  On  lit  à  la  marge  :  Soient  ces  deux  livres  mis  en  l'inventoire  qu'il 


—  223  — 

En  14.39,  X  fr.  sont  accordés  à  Jehan  Crevé,  enlumineur  de  livres,  {» 
Bruges,  pour  ce  qu'on  luy  devoit  de  reste,  d'avoir-  enluminé  (1)  le  livre  aux 
lettres  d'or  de  MS.,  et,  pour  estre  venu  à  Lille  quérir  led.  livre,  à  ses 
despens. 

De  son  côté,  Hoste  de  Fresancourt,  dit  de  le  Mole,  escuyer,  réclame  XX  1., 
pour  les  fraiz  qu'il  a  euz  et  soustenuz  à  avoir  poursuy  certains  livres  que  MS. 
voulait  avoir,  lesrjnelx  csloicnt  à  Cambray. 

En  Uil,  le  receveur  déclare  que  le  parchemin,  jugé  nécessaire,  pour 
escrire  les  accidens  et  autres  livres  de  MS.,  a  coulé  X  s. 

En  IMo,  il  nous  apprend  que,  par  les  ordres  du  prince,  XII  1.  ont  été 
données  à  frère  Anlhoine  Bombardel,  religieux  de  l'ordre  de  saint  Benoit, 
quant  yl  a  apporté  à  MS.  certains  volumes  d'aucuns  livres  qu'il  escript  pour 
lui  en  la  ville  de  Chaalons  sur  la  Soone.  Puis,  il  s'empresse  d'ajouter  que  la 
même  somme  a  été  payée  à  Jehan  Wacquelin,  demourant  à  Mons,  en  Ilay- 
nault,  pour  don  à  luy  fait,  quant  yl  est  venu  devers  MS.,  à  Lille,  pour 
aucunes  affaires  touchant  la  translacion  de  pluseurs  histoires  des  pais  de 
MDS.  (2),  pour  lui  aidier  à  desfrayer  de  ladicle  ville  de  Lille. 

Deux  ans  après  (14.4.7),  M-^  Emond  de  Dinler,  secrétaire  du  duc,  recevait 
Ile  il.  du  Rin,  à  XXXVIII  gros  pièce,  en  considéracion  des  bons  et  agréables 
services  qu'il  lui  avoit  fais,  et,  mesmement,  pour  réeompensacion  de  la 
paine  et  labeur  qu'il  avoit  prins  pour  faire  ung  livre  de  certaines  croniques 
du  pays  et  duchié  de  Brabant,  lequel  livre  yl  a  donné  et  mis  par  devers  MDS. 

L'année  suivante,  XXXVl  1.  sont  accordées  à  M^  Anlhoine  Asterainz  (sic), 
secrétaire  de  MS  d'Orléans,  pour  don  que  MDS.  luy  a  fait,  pour  ce  qu'yl 
luy  a  donné  ou  mois  de  décembre,  en  la  ville  d'Amiens,  ung  livre  qu'il 
escript  touchant  plusieurs  nioralitez  et  ystoires,  et  aussi  pour  luy  deffrayer 
d'icelle  ville. 

«  De  tous  les  érudits  du  comté  d'Asti,  que  Charles  d'Orléans  avait  attirés 
à  sa  cour,  le  plus  éminent,  dit  M^  A.  Champollion-Figeac  (3),  fut  Antoine 


appartient  (V.  Leidmtz,  Essais  de  Théodicée,  p.  136,  éd.  d'Amsterdam,  1720). 
—  11  était  défendu  anciennement  à  ceux  qui  n'avaient  pas  atteint  l'âge  de 
quarante  ans,  de  lire  l'Apocalyse  et  le  dernier  chapitre  du  prophète  Esdras. 
(!)  Il  s'agit  sans  doute  ici  du  livre,  mentionné  par  M.  le  comte  de  La- 
BORDE  {ibid.,  p.  358),  où  il  a  ll«  LXXII  grosses  lettres  et  Xlle  petites. 

(2)  En  1478,  les  échevins  de  Béthune  donnent  X  s.  à  Jacqmart  d'Artois, 
qui  avoit  mis  par  escript  aulcnnes  escriplurcs,  comme  le  siège  de  Béthune  et 
aullres  choses. 

(3)  Louis  et  Charles,  ducs  d'Orléans,  pp.  333-583,  et  pour  Nicolas  Aste- 
san,  pp.  362-389;  consult.  aussi  MM.  le  comte  de  Laborde,  ouv.  cité,  t,  III, 


—  224  — 

»  Astesan,  Lombard  d'origine,  et  que  le  prince  s'attacha  en  qualité  de  se- 
xcrélaire. 

»  En  1461,  il  lui  faisait  hommage  d'un  magnifique  manuscrit  :  c'était  un 
»  volume  de  format  petit  in-folio,  sur  peau  de  vélin,  à  deux  colonnes,  orné 
»  d'arabesques,  et  portant  les  armes  de  Charles  d'Orléans ,  peintes  sur  le 
»  premier  feuillet.  Il  contenait  les  poésies  du  prince  avec  leur  traduction 
»  latine  par  ce  secrétaire.  Celait  le  célèbre  manuscrit  des  poésies  du  duc 
»  Charles,  qui  appartient  aujourd'hui  à  la  bibliothèque  de  Grenoble.  » 

Les  manuscrits,  et  surtout  les  splendides  livres  d'heures,  dans  lesquels  les 
miniaturistes  étaient  devenus  les  dignes  rivaux  des  peintres  les  plus  célè- 
bres, avaient  acquis  une  haute  valeur,  puisque  Philippc-le-Bon  faisait  comp- 
ter (1-449)  III^  écus  d'or  à  la  couronne  au  doyen  de  Liège,  membre  de  son 
conseil,  pour  l'achat  d'toi  bréviaire  (1),  à  l'usaige  de  Romme,  qui  est  très- 
notable  et  bien  enluminé,  lequel  MDS.  donna  à  madame  la  duchesse,  sa  femme. 

Longtemps  auparavant  (1420),  le  duc  avait  fait  remettre  XX  fr.  à  mess. 
Jehan  Guyot,  doyen  de  l'église  collégiale  de  N.-D.  de  Monstreau  ou  fouit 
d'Yonne,  pour  avoir  gardé  et  recouvré  un  très-bel  et  riche  bréviaire,  à  l'usaige 
de  Paris,  qui  estait  à  feu  le  duc  Jehan,  que  Dieu  absoille,  et  qui  fu  perdu  le 
jour  de  son  trespas  oud.  Monslreau,  et  lequel  yl  rendy  lors  à  MDS. 

Auprès  de  ces  précieux  manuscrits  prit  place,  en  1461,  une  cronique  his- 
torié de  la  généalogie  des  rois  de  France,  donnée  à  Philippe-le-Bon  par 
Jacques  Marcliant,  de  Boulogne. 

Le  comptable  de  1443  nous  fournit  des  documents  pleins  d'intérêt  sur  les 
livres  divers  que  la  bonne  duchesse  offrait  à  son  fils  bien-aimé,  le  comte  de 
Charolois,  alors  âgé  de  dix  ans  (2). 


pp.  532,  58,  61,  71,  et  J.  Qcicherat,  Procès  de  Jeanne  d'Arc,  t.  V,  p.  22, 
éd.  de  la  Soc.  de  l'hisl.  de  France.  —  Le  24  juin  14r)2,  le  duc  octroyait 
XXVIII  1.  XVI  s.  à  Anthoine  de  Campbon,  cscuicr  du  pais  d'Auvergne,  qui, 
naguères,  était  venu  lui  apporter,  à  Bruxelles,  des  lettres  closes  du  duc 
d'Orléans  et  de  M^  Arnoul  de  la  Palu,  aslrologien  du  roy,  par  lesquelles  ylz 
lui  escripvoient  aucunes  choses  touchant  matières  et  affaires  secretz.  —  Nous 
lisons  dans  les  négociations  du  Levant  sous  François  l'^''  (M.  E.  Charrière)  : 
«  Gaurico,  astrologue,  a  pronostiqué  (1352)  à  l'empereur  que,  dès  le  i*'' jus- 
qu'au 13  d'octobre,  il  aura  temps  heureux  de  se  combatre  contre  le  Turc, 
principalement  le  5  d'octobre.  >i  (t,  I,  p.  227), 

(1)  A  en  croire  certains  auteurs,  le  bréviaire  n'était  originairement  qu'une 
prière  qui  se  faisait  en  commun  par  tous  les  fidèles,  à  certains  moments  de 
la  journée. 

(2)  Dans  sa  chambre  on  remarquait  (1459)  ung  tappis  paint  de  ras  et  de 


—  225  — 

A  messire  Nicole  Sturgon,  nous  ilit-il,  j'ai  payé  XXII  s.,  pour  avoir  lié, 
doré  et  estoflë  de  parchemin  ung  livre  que  madame  la  duchesse  avoil  donné 
au  conte  de  Charroloiz;  VIII  s.,  pour  ung  Tkeodclel;  IX  salus,  de  X  1.  XVI  s., 
pour  utiff  commune  sanclorum  et  pluseurs  autres  messes,  bénédictions  et 
orisons  qu'il  a  faictes  ou  messel  de  MS.  de  Charoloiz. 

De  son  côté,  Jacquemine  Lapostole,  de  Bruges,  exigeait  XXIIII  s.  pour 
unes  heures  de  Nostre  Dame,  garmjes  de  pluseurs  ysloires  et  croisons,  aussi 
pour  MS.  de  Charroloiz  (1). 

Parmi  les  joujoux  du  prince,  nous  remarquons  (1439)  un  jeu  d'eschez  de 
bois  (2),  tabliez  à  façon  de  personnaiges;  ung  chariot  de  cuivre,  pour  son 
esbatement,  payé  XXIIII  s. 

N'oublions  pas  de  dire  que  celui  qui  lui  fait  hommage  A'ung  lièvre  d'Inde, 
reçoit  XXXVI  s. 

Quant  à  madame  de  Charolois  (Catherine,  fille  de  Charles  VII),  il  faut 
XLVIII  s.,  pour  une  onche  d'orfaverie  doroe,  mise  aux  manches  d'une  de  ses 
poupées,  et  VIII  s.  pour  les  border  (5).  En  14.43,  ung  jeu  de  quartes  pour 
madame  de  Charroloiz  (4),  est  payé  XIIII  s. 

En  1439,  ung  livre  de  papier,  escript  en  latin,  pour  aprendre  à  l'escole, 
livre  donné  au  damoiseau  de  Cléves  et  à  Antoine,  bâtard  du  duc,  avait  coûté 
XII  s.;  alors  même  que  ces  deux  jeunes  princes  recevaient  IIII  s.  pour  aller 
à  confesse. 

Parlons  maintenant  des  gouverneurs  de  ces  jeunes  seigneurs. 

En  1438,  Gillotin,  chevaucheur,  obtenait   XLVIII  s.,   pour  avoir  porté 

chas,  payé  XX  1.  —  Un  autre  historé  de  l'isloire  du  Sacrement,  en  tapisserie 
bien  riche,  avait  été  fourni  par  un  marchand  de  Bruges,  moyennant  III' 
XVI  1.  XVII  s.  VI  d. 

(1)  Pour  cinq  pommes  de  grenade,  prinses  et  achetées  pour  MS  le  conte 
de  Charrolois,  durant  qu'il  a  esté  malade  en  la  ville  de  Hesden,  XL  I. 

(2)  Le  trictrac  était  le  passe-temps  favori  des  plus  graves  Romains.  Ou  le 
nommait  ludus  duodecim  scriplorum,  à  cause  des  scripla  ou  lignes  qui  par- 
tageaient également  Yaveolus,  ou  la  table.  On  plaçait  régulièrement  les  deux 
armées,  l'une  blanche,  et  l'autre  noire,  sur  cette  table,  et  chaque  armée  con- 
sistait en  quinze  soldats  ou  calculi,  que  l'on  remuait  conformément  aux 
règles  du  jeu  et  aux  chances  ou  hasards  des  lesscrœ,  ou  dés. 

(3)  En  1414,  un  mercier  avait  fait  payer  XXXIII  s.  IX  d.  les  espingles  et 
les  deux  canons  d'or  à  faire  bourses,  pour  esbattre  mademoiselle  Katherine, 
durant  sa  maladie  (fille  de  Jean-sans-Peur.  Voy.  VArt  de  vérifier  les  dates, 
f.  XI,  p.  82). 

(4)  Au  sujet  du  ban  du  magistrat  de  Lille  qui,  en  1582,  défend  de  juer  as 
quartes,  voy.  les  Ann.  arch.  de  M.  Didbo\,  t.  XV,  p.  130. 

IS 


—  226  — 

lelires  closes,  de  par  madame,  à  maislrc  Anthoine  Haneron,  maistre  des 
baslards  de  MS.,  afin  qu'il  amenast  les  baslards  à  Lille,  à  cause  de  la  mor- 
talité. 

Dans  la  suite,  l'éducalion  de  l'unique  héritier  de  la  puissante  maison  de 
Bourgogne,  devenu  plus  tard  le  fougueux  Charles-le-Téraéraire,  fut  aussi 
confiée  à  M«  Anthoine,  qui  s'intitule  (1447j,  conscillier  de  MS.,  prévost  de 
Mons,  arcediacre  de  Cambrésis,  maistre  d'escolle  (1)  de  MS.  de  Charrolois 
et  gouverneur  de  Francisque,  filz  de  MS.  le  marquis  de  Ferrare  (2j. 

Cette  place  de  haute  confiance  lui  valait  Ik  1.  de  pension,  chaque  année. 
Hanneron  jouissait,   il  est   vrai,   d'une  grande  considération  à   la   cour, 
puisqu'à  cette  même  époque  le  duc  l'envoyait,  avec  MS.  de  Ternant,  en  am- 
bassade à  Cologne. 

Si  nous  en  croyons  les  registres  aux  comptes  de  Béthune,  l'habile  prévôt 
de  Mons  appartenait  par  sa  naissance  à  celte  cité,  puisque,  en  14-39,  les 
échevins  faisaient  présenter  trois  lots  de  vin  à  maistre  Anthoine  Hanneron, 
estudiant  en  l'université  de  Louvain,  en  faveur  de  ce  que,  naguère,  pour 
l'amour  et  l'honneur  de  Bétluinc,  dont  il  est,  il  avait  visité  et  fait  visiter  par 
pluisseurs  notables  clercs  estudians  ausd.  cscolles,  certains  jus  de  pcrsonna- 
ijes,  que  les  compaignons  jueurs  de  pluisseurs  bonnes  villes  avaient  Joué  aud. 
lieu  de  Béthune,  à  V instance  de  gaignier  les  pris  (3). 

En  1442,  Jean,  bâtard  de  Brabant,  alors  écolier  au  collège  de  Navarre, 
avait  pour  gouverneur  révérend  Père  en  Dieu,  Jean  Millet,  évêque  de  Sois- 
sons  et  conseiller  du  duc;  car  la  somme  de  LXVIII  fr.  XH  s.,  ou  L  escus 
d'or,  lui  était  remise  pour  une  année,  commenchant  le  premier  jour  de 
février  mil  1111':  XLII,  pour  le  régime  et  instrucion  de  Jehan  de  Brabant, 
cscoUier,  demeurant  au  colège  de  Navarre,  à  Paris. 

Il  recevait  en  outre,  par  l'ordre  de  MS.  et  de  madame  la  duchesse,  XVI  1. 
Ils.,  pour  emploier  en  drap  et  penne,  et  pour  façon  d'une  robe  et  chapperon, 
fournis  aud.  bastard,  afpn  qu'il  fust  plus  honnestement  aux  nopces  de  la  soer 
dud.  cvesque  de  Soissons. 

En  1444,  ce  prélat  obtint  encore  C  1.,  pour  le  régime  et  gouvernement  en 
l'estude  de  Jehan,  bastard  de  Brabant,  escolier,  estudiant  en  la  faculté  des 
ars,  en  Vuniversité  de  Paris,  tant  pour  sa  despence  de  bouche,  comme  pour 


(1)  Le  mot  ferula  (férule)  vient  de  ferire,  frapper.  On  corrigeait  les  éco- 
liers avec  la  tige  séchée  de  la  ferula  communis.  Martial  l'appelle  le  sceptre 
des  pédagogues. 

(2)  Ce  prince  ne  figure  pas  dans  YArt  de  vérifier  les  dates,  t.  XVII,  p.  403. 

(3)  Voy.  nos  Artistes,  p.  220. 


—  227  — 

son  vestir  et  chausser,  busclie  et  chandeilles,  encre,  papier,  livres  nécessai- 
res et  aultres  menues  nécessitez  d'une  année,  finissant  le  derrain  jour  de 
décembre,  Tan  mil  CCCC  XLHII. 

En  1430,  le  receveur  porte  en  dépense  III«  IIII'^^  XIIII  1.  XM  s.  pour  une 
demi-année  de  la  pension  de  Loys,  MS.  de  Bourbon,  et  de  ses  gens,  estant 
aux  escolles  à  Louvain. 

Louis  de  Bourbon,  neveu  du  duc,  et  plus  tard  évéque  de  Liège  (i),  avait 
alors  pour  gouverneur  Robert  Desneval,  écuyer. 

On  remarquait  aussi  à  la  cour  de  Philippe-le-Bon,  les  médecins  le  plus  en 
renom,  dont  plusieurs  étaient  en  outre  de  hauts  dignitaires  ecclésiastiques. 
Ainsi,  en  liiS,  le  duc  fait  donner  XXV  écus  d'or,  de  XLVIII  gros  pièce,  à 
Me  Guillaume  de  Roques,  maistre  en  médecine,  et  à  maistre  Jehan  Fromont, 
syurgien,  pour  avoir  ouvert  le  corps  de  feu  Willequin  Jehanzone,  son  varlet 
de  chambre. 

En  liGl,  Yarchidiacre  d'Anvers  et  M^  Jehan  Lamy,  chanoine  de  Noyon, 
médecins,  reçoivent  lettres  closes  par  lesquelles  le  prince  les  prie  de  se  ren- 
dre incontinent  devers  lui,  pour  le  visiter  avec  autres  médecins,  qu'il  a 
pareillement  mandez  (2),  en  certaine  maladie  qui,  despieça,  lui  est  survenue. 

Ces  célèbres  praticiens  ayant  sans  doute  vanté  la  vertu  toute  particulière 


(1)  Consult.  VArl  de  vérifier  les  dates,  t.  XIV,  pp.  224-230.  —  En  1467,  le 
duc  faisait  don  à  l'église  de  Saint-Lambert  de  Liège  de  sept  orfrois,  hysloriés 
tout  au  long  de  ta  vie  dud'-  sainct,  et  achetés  lll^  LX  1.,  au  brodeur  bruxel- 
lois, Jehan  Marchant,  à  mettre  sur  quattre  cappes,  une  casuhle  et  les  habitz 
de  dyacre  et  soubdyacre.  En  1443,  les  abbé,  religieux  et  couvent  de  Saint- 
Bavon,  à  Gand,  réclamoient  la  meilleure  robe  (nommée  la  robe  aux  cardons), 
que  leur  avoil  léguée  madame  Michielle  (de  France,  l«"e  femme  de  Philippe-le- 
Bon,  morte  en  1422),  ainsi  qu'un  drap  d'or  qu'ilz  prestèrent  pour  couvrir 
son  corps,  le  jour  que  l'on  l'amena  pour  enterrer  en  leurd''"  église.  VArt  de 
vérifier  les  dates  (t.  XI,  p.  91),  dit  que  celle  princesse,  morte  à  Sainl-Bavon, 
près  de  Gand,  le  8  juillet  1422,  fut  inhumée  à  la  Chartreuse  de  Dijon.  — 
En  1467,  Charles-le-Téméraire  faisait  placer  sur  la  sépulture  d'Antoine  de 
la  Plalière,  tué  au  siège  de  Saintron,  et  inhumé  à  Louvain,  dans  l'église 
Saint-Pierre,  une  tombe  de  marbre,  couverte  de  latton.  —  En  1508,  Loys 
Ocquin,  pbre,  chanoine  de  Sainte  Goules  (Gudule),  de  Brouzelle,  et  aulmon- 
nier  de  Marguerite  d'Autriche,  ordonne  par  son  testament  que,  ou  mylieu  de 
sa  tombe  soit  imprimé  ung  calice,  et,  en  rondeau  d'ycelluy  escript  :  spes  meu 
in  Deo  es!  il  lègue  deux  draps  bordez  de  drap  d'or,  servans  à  mectre  en  lieu 
de  tableau,  l'un  devant  et  au-dessus  de  l'autel,  et  l'autre  au  bas  et  devant  l'au- 
tel, tous  de  damas  blans. 

(2)  Voy.  M.  le  comte  de  Laborde,  ouvr.  cit.,  t.  I,  p.  477. 


—  228  — 

de  certaine  eau ,  que  préparait  madame  de  Chimay,  Guiron ,  poursuivant 
d'armes,  recevoit  ordre  de  se  rendre  en  toute  hâte  auprès  de  la  bonne  châ- 
telaine, soit  à  Chimay  ou  ailleurs,  quelque  part  qu'elle  fust,  pour  avoir  et 
recouvrer  d'elle  certaine  eau,  nécessaire  pour  faire  médecine  pour  la  personne 
de  MS. 

Près  de  trente  ans  auparavant  (145i),  le  duc  avait  accordé  VI  1.  XVI  s.  à 
plusieurs  phisiciens  de  Paris,  pour  la  collacion  par  eulx  faicle  sur  et  pour  le 
remède  cl  guérison  du  mal  de  dens  (1),  que  madame  de  Bourgoigne  a  eu  aud. 
lieu  de  Paris. 

Ajoutons  que  le  comptable  a  grand  soin  de  porter  en  dépense  les  IIII  s. 
qu'il  a  déboursés  pour  une  fiole  à  mettre  l'eaue  pour  envoler  à  mad'«  dame 
la  boueste  qui  la  contenait,  et  le  cotton. 

Certaines  pierres  précieuses  passaient  aussi  pour  des  spécifiques  merveil- 
leux, telle  celle  que  le  bâtard  de  Chantcmelle,  huissier  d'armes  de  Philippe- 
le-Bon,  allait  hastivement  demander  à  la  dame  de  Ruffroy  (14-20),  pour 
garir  l'œul  de  mess.  Jehan  de  Luxembourg,  qui  avoit  lors  este,  naguaires, 
blecié  (2). 

Philippe-le-Bon  consultait  aussi  ses  habiles  médecins  et  les  savants  de  sa 
cour,  alors  qu'il  voulait  faire  pourtraire  certaines  animaux  rares,  ou  les 
monstres  (3)  qu'on  s'empressait  d'amener  â  sa  cour. 

Nous  voyons,  en  effet,  que  XVHI  s.  sont  accordés  (1457)  au  peintre  Colart 


(1)  Tertuliien  pensait  que  les  dents  des  morts  étaient  des  substances  in- 
corruptibles, que  Dieu  se  réservait  comme  une  espèce  de  graine  ou  de 
semence,  pour  faire  regermer  les  corps,  décomposés  par  la  putréfaction. 
«  Constat  non  tantum  ossa,  verum  et  dentés  incorruptos  perennare,  qui  ut 
semina  retinentur  fructificaturi  corporis  in  resurreelione.  >>(/)c  resur.  earnis). 
—  Ce  préjugé  avait  été  transmis  par  les  payens  aux  chrétiens;  car  les  Ro- 
mains ne  brillaient  pas  les  corps  des  enfants  morts  avant  la  pose  des  dents, 
et  on  les  appelait  pour  cela  minores  igné  rogi. 

(2)  Au  château  d'Alibandière  (Voy.  P.  de  Fenin,  p.  loi,  éd.  M"«  Dupont; 
Monstrelet). 

(5)  En  1314,  Jehan  Annocque  (Voy.  M.  Le  Glay,  Lettres  de  Marguerite, 
t.  H,  p.  159)  envoie  à  Marguerite  la  figure  d'ung  monstre,  né  prez  de  Bo- 
logne, lequel  a  esté  baptisé  à  Bologne,  en  présence  et  à  la  maison  du  légat, 
nommé  le  cardinal  de  Grasses,  lequel  a  fait  portraire  Icd.  monstre,  et  envoyé 
à  Nostre  Saint  Père.  «  De  vous  escripre,  ajoute-t-il,  tout  ce  qu'on  dist.  dud. 
«monstre  et  aultres,  car  toutz  les  ytalez  sont  plain,  ceste  an,  de  semblables 
«monstrez,  je  ne  le  saroye  escripre  en  dix  jours.  » 


239  

Alon  (1),  pour  son  sallaire  d'avoir  paint  XVIIl  pourlraiclures  de  certain 
poisson  (2),  qui  avait  esté  prins  au  port  de  Venise. 

En  1461,  Van  Bergel,  serviteur  d'Englebert  Nyt,  maréchal  du  duché  de 
Gueldres,  se  rendait  à  Bruxelles,  pour  faire  hommage  à  Philippe,  au  nom  de 
son  maître,  d.\ine  eslrange  besle,  laquelle,  dit  le  comptable,  par  la  moictié  et 
devant  de  son  corps,  porte  la  forme  et  figure  d'un  beuf,  et,  par  la  partie  de 
derrière,  forme  de  serf. 

La  dernière  année  de  sa  vie,  le  duc  faisait  donner  IllI  pieters  d'or,  val. 
IIII  1.,  à  certains  compaignons  estraigniers,  qui  avaient  apporté  et  amené 
à  Brouxellez  des  bcstes  bien  estraignes  et  sauvaiges,  qu'ils  menoient  par  le 
pals,  et  ycclles  montré  à  ycellui  seigneur. 

Les  maîtres  de  chapelle  les  plus  estimés  avaient  aussi  une  large  part  aux 
courtoisies  du  duc  et  à  celles  du  comte  de  Charoiois,  puisque,  en  1457,  ce 
dernier  faisait  payer  LXXII  s.,  à  Morisses  de  Haac,  escripvain  de  livres,  à 
Bruges,  pour  avoir  loyé  en  cuir  de  cherf  et  en  parchemin,  deux  livres  de 
chant. 

Il  est  vrai  que  le  comte,  qui  tenait  beaucoup  h  avoir  d'excellents  chantres, 
se  montrait  toujours  généreux  envers  ceux  qui  lui  faisaient  hommage  des 
antiphoniers  qu'ils  avaient  notés.  Ainsi,  cette  même  année,  ung  pourc  pbre 
hollandois,  qui  lui  apporte  des  livres  de  chant,  reçoit  X  fr.,  val.  VIII  I.,  et 
11  fait  donner  IIII  1.  ù  ung  poure  clerc  escochois  qui,  autresfois,  lui  avoit 
aporté  de  la  musique,  et  s'en  aloit  à  Rome. 

Aussi  magnifique  envers  les  musiciens,  le  comte  accordait  (1457;  II  florins 
de  Rin,  de  XL  s.,  à  Jchannin  Le  Blancq,  de  Gand,  aveugle,  jouant  sur  les 
doubles  fleutes,  lequel  estoit  venu  par  aucuns  jours  jouer  devant  lui,  à  la 
feste  de  Bruges. 

Pour  ces  flûtes,  presque  toujours  en  ivoire,  on  s'adressait,  d'ordinaire,  aux 
habiles  ivoiriers  de  Bruges  ou  de  Gand. 

En  1467,  c'est  Rogier  De  Buy,  ménestrel,  que  Philippe-le-Bon,  peu  de 
jours  avant  son  décès,  charge  de  faire  fabriquer,  à  Gand,  par  Jehan  de  Bo- 
schere,  certaines  fleutes  d'ivoire  (5). 


(1)  En  1421,  le  duc  faisait  porter  lettres  closes  de  Gand  à  Courtray  devers 
les  prévosl  et  eschevins  dud'  lieu  et  les  hault  pointres  (sic)  de  la  chastellenie 
de  Courtray. 

(2)  En  1461,  le  duc  faisait  venir  du  Luxembourg  certaines  poissons,  ap- 
pelés moucherons,  lances,  utnbres. 

(ô)  Cette  même  année,  Jehan  Noblet,  tourneur  d'ivoire  brugeois,  fait 
payer  XXVIII  I.  XVI  s.  ung  tablier  dcschez. 


—  230  — 

Bruges  jouissait  depuis  longtemps  d'une  si  haute  réputation  à  cet  égard, 
que  les  souverains  étrangers  eux-mêmes  s'adressaient  à  ses  facteurs  d'in- 
struments. Ainsi,  en  142G,  le  Brugeois  Loys  Willay  recevait  XXXI  1.  illl  s., 
de  XL  gros  la  liv.,  pour  quatre  grans  instrumens  de  ménestrelz,  quatre 
douchaines  et  quatre  fleutes,  tous  garniz  d'estuis  de  cuir  et  de  coffres,  in- 
strumens que  le  duc  vouloit  envoyer  au  marquis  de  Ferrare  (1). 

Anvers  (2)  possédait  aussi  de  célèbres  facteurs  d'orgues;  car,  en  1430,  c'est 
à  Guy,  facteur  d'orgues  de  cette  ville  (3),  que  le  duc  confie  la  restauration 
du  jeu  d'orgues  de  sa  chapelle  de  Hesdin  (4).  Fort  longtemps  après  (1437), 
ce  prince  appelait  à  Bruges  Jehan  de  Sleenken,  dit  de  Aren,  maistre  d'or- 
gues, jouans  par  elles  (5). 

De  la  Fons-Mélicocq. 

Table  chrojîologiqde  des  chartes  lt  diplômes  imprimes  concernant  l'histoire 
DE  la  Belgique.  —  Par  arrêté  royal  du  8  décembre  1857,  le  Gouvernement 
avait  confié  à  la  commission  royale  d'histoire,  le  soin  de  reunir  les  matériaux 
d'une  table  chronologique  des  chartes  et  diplômes  imprimés  concernant  l'his- 
toire de  la  Belgique.  Ce  travail  fut  plusieurs  fois  suspendu  et  repris.  En 
1854,  après  huit  années  d'interruption,  feu  M^  Emile  Gachet,  chef  du  bureau 
paléographique,  fut  chargé,  d'après  une  dépêche  ministérielle,  et  en  confor- 


(1)  Nicolas  ni  [Art  de  vérifier  les  dates,  t.  XVII,  p.  402). 

(2)  Voy.  les  Arcli.  du  Nord  de  la  France,  5e  série,  t.  V,  p.  64. 

(5)  Au  Xllh  siècle,  plusieurs  bulles  et  certaines  lettres  épiscopales  furent 
lancées  pour  régler  les  points  d'orgues,  les  lignes  musicales,  les  accords  à 
trois  voix,  le  chant  organisé  ou  déchant.  —  Jean  XXII  défendit  d'user  dans 
rofiice  d'autre  musique  que  celle  qui  était  composée  sur  le  chant  simple  de 
l'église  {Extra.,  1.  5,  lit.  1).  —  Aëlrede,  abbé  de  Bieval,  qui  vivait  du  temps 
de  saint  Bernard,  se  plaignait  ainsi  qu'il  suit,  de  tous  les  instruments  qu'on 
avait  introduits  dans  le  chant  et  dans  la  musique,  depuis  que  l'église  avait 
été  purifiée  des  figures  et  des  ombres  de  la  synagogue  :  ad  quid  terrihilis  ille 
follium  slalus  toniirui  polius  fragorem  quam  vocis  exprimens  suavilalem;  ad 
quid  illa  vocis  contractio  et  infraclio  ?  Iiin  succinit,  ille  discinil,  aller  super- 
cinit,  alter  mcdias  quasdam  notas  dividil  et  incidil;  nune  vox  stringitur,  nunc 
frangitur,  nunc  impingtlur,  nunc  dijfasiori  sonilu  dilatalur;  aliquando  virili 
vtgorc  deposito,  in  fœminœ  vocis  gracilitate  acuilur  (Lib.  2,  Specul.,  cap.  25). 

(4)  En  1464,  Jehan  Polart  vient  présenter  au  duc,  alors  à  Ilesdin,  ung 
baston  de  plaisance,  qu'il  a  ouvré  de  sa  main  bien  plaisamment,  et  reçoit 
Mil  1.  XVI  s. 

(5)  Louis  XI  avait  fait  faire  par  l'abbé  de  Baigne  un  ingénieux  orgue  de 
pourceaux  de  divers  âges,  qu'on  piquait  comme  des  touches  dun  clavier  (Bou- 
ciiet,  Ann.  d'Aquitaine,  part,  i',  chap.  9;. 


—  251  — 

mité  du  règlement  de  ce  bureau,  de  rassembler  et  mettre  en  ordre  tous  les 
bulletins  rédigés,  et  de  s'assurer  si  les  ouvrages  qui  en  avaient  fourni  la  ma- 
tière se  trouvaient  complètement  dépouillés.  La  commission  lui  demanda  en 
même  temps  un  rapport  qui  lui  permît  d'apprécier  les  résultats  de  ce  dépouil- 
lement. M.  Cachet  constata  la  présence  de  10,131  bulletins.  La  même  année, 
M.  le  Ministre  de  l'intérieur,  sur  la  proposition  de  la  commission,  nomma, 
pour  continuer  la  rédaction  de  la  table,  MM.  Adolphe  Van  Rossum  et  Ernest 
Van  Bruyssel,  attachés  au  bureau  paléographique.  Pendant  les  six  premiers 
mois  de  1853,  MM.  Van  Rossum  et  Van  Bruyssel  firent  4,410  bulletins  M.  Van 
Rossum  seul  en  fit  2,381  pendant  le  deuxième  semestre  de  l'année  1833,  et 
873  en  1836.  Le  nombre  total  des  bulletins  avait  donc  été  porté,  au  commen- 
cement de  1837,  à  plus  de  2i,000.  Le  dépouillement  fut  discontinué  alors, 
parce  qu'on  jugea  nécessaire,  avant  de  le  poursuivre,  d'attendre  que  le  chef 
du  bureau  paléographique  eût  coordonné  cette  masse  énorme  des  bulletins. 
Malheureusement,  la  maladie,  qui  depuis  longtemps  déjà  minait  ce  savant, 
l'emporta  avant  qu'il  eut  pu  mettre  la  main  a  l'œuvre. 

La  commission  ayant  renoncé  de  lui  donner  un  successeur,  a  chargé  M.  Al- 
phonse Wauters,  archiviste  de  la  ville  de  Bruxelles,  de  revoir  les  bulletins, 
de  les  fondre  chronologiquement,  et  ensuite  de  les  livrer  à  l'impression,  sous 
la  surveillance  de  la  commission.  Après  que  celte  première  table  aura  vu  le 
jour,  les  travaux  de  dépouillement  seront  repris,  pour  former  la  matière  d'un 
second  ouvrage  du  môme  genre. 

Nous  félicitons  la  commission  de  la  résolution  qu'elle  vient  de  prendre,  et 
qui  aura  pour  résultat,  nous  l'espérons,  de  mettre  bientôt  à  la  disposition  du 
public,  un  recueil  dont  la  publication  est  attendue  depuis  longtemps  avec 
une  légitime  impatience.  Nous  regrettons  cependant,  et  nos  regrets  seront 
partagés  par  toutes  les  personnes  qui  s'occupent  d'études  historiques,  que  la 
commission  n'ait  pas  jugé  utile  de  faire  faire  à  une  table  chronologique  des 
chartes  et  diplômes  inédits,  qui  existent  en  si  grand  nombre  dans  nos  dépôts 
publics.  Sans  méconnaître  l'importance  et  l'utilité  du  travail  que  la  com- 
mission a  entrepris,  nous  pensons  qu'un  recueil  dans  le  genre  de  celui  dont 
nous  provoquons  la  publication,  serait  accueilli  avec  d'autant  plus  de  faveur, 
que  beaucoup  de  savants  ignorent  les  richesses  que  renferment  nos  dépôts 
de  chartes. 

Inhumation  des  restes  de  Marguerite  d'Autriche.  —  Nous  avons  reproduit 
dans  ce  recueil  (1837,  pp.  .573  et  suiv.),  le  procès-verbal  de  l'ouverture  du 
tombeau  de  Marguerite  d'Autriche,  de  Philibert  le  Beau  et  de  Marguerite  de 
Bourbon,  élevé  dans  l'église  de  Brou.  La  commission  chargée  de  présider  à 


—  252  — 

l'ouverture  de  cette  tombe  avait  décidé  que  les  restes  des  deux  princesses, 
après  avoir  été  soigneusement  recueillies  et  déposées  dans  deux  cercueils  dis- 
tincts, seraient  replacées  dans  le  caveau,  aussitôt  que  celui-ci  aurait  été  re- 
stauré par  les  soins  de  M.  Dupasquier,  architecte  diocésain.  Cette  cérémonie 
vient  d'avoir  lieu.  Nous  lisons  à  ce  sujet  dans  le  Journal  de  l'Ain  du  6  juillet  : 

a  Une  grande  cérémonie  a  eu  lieu  aujourd'hui  dans  la  splendide  église  de 
Brou,  pour  la  fermeture  définitive  des  caveaux  renfermant  les  restes  de  Phi- 
libert le  Beau,  de  Marguerite  de  Bourbon  et  de  Marguerite  d'Autriche. 

«  Le  2  décembre  1856,  on  avait  solennellement  déposé  dans  des  cercueils 
provisoires  les  restes  des  deux  princesses.  Le  cercueil  de  Philibert  le  Beau 
était  resté  intact  avec  ses  belles  inscriptions  gravée  en  relief  sur  la  partie  su- 
périeure. Ces  trois  cercueils  avaient  été  découverts  dans  un  caveau  pratiqué 
sous  le  mausolée  du  prince,  c'était  l'intention  de  la  digne  fondatrice  de  reposer 
dans  un  seul  et  même  caveau,  â  côté  de  ces  êtres  chéris.  Ce  caveau  a  donc  été 
complètement  restauré  sous  la  direction  de  M.  Dupasquier,  architecte  diocé- 
sain, et  il  s'agit  aujourd'hui  de  replacer  les  trois  cercueils  sur  une  solide  table 
de  marbre  préparée  à  cet  effet  et  dans  l'ordre  primitif. 

«  Par  les  soins  du  préfet  de  l'Ain  et  de  la  commission  des  tombes  ducales, 
tout  a  été  accompli  avec  un  respect  religieux.  Les  cercueils  en  bois  des  deux 
princesses  ont  été  placés  dans  des  cercueils  en  plomb  soudés  avec  solidité, 
et  la  cérémonie  d'aujourd'hui  vient  clore  la  série  des  actes  accomplis.  » 

L'Echo  archéologique  de  l'Allemagne,  pcblié  par  M.  A.  Namcr.  —  M.  le 
Dr  A.  Namur,  professeur-bibliothécaire  à  l'Athénée  et  conservateur-secrétaire 
de  la  Société  archéologique  du  grand-duché  du  Luxembourg,  se  propose  de 
faire  paraiire,  aussitôt  que  le  nombre  des  souscripteurs  sera  suffisant  pour  en 
couvrir  les  frais,  un  recueil  périodique,  sous  le  titre  de  :  L'Echo  archéologique 
de  i Allemagne,  destiné  à  faire  mieux  connaître  les  travaux  d'archéologie  qui 
se  publient  en  Allemagne  et  en  France.  L'extrait  suivant  du  prospectus  que 
M.  Namur  vient  de  lancer,  fait  connaître  le  but  de  celle  publication,  elles 
besoins  auxquels  Tédileur  a  en  vue  de  satisfaire. 

«  L'Archéologie  est  une  de  ces  sciences  qui  ont  plus  que  toute  autre  be- 
soin d'une  étude  comparative. 

»  Pour  apprécier  à  sa  juste  valeur,  sous  le  rapport  artistique  et  ethno- 
graphique, l'état  des  Gaules  avant,  pendant  et  immédiatement  après  la 
domination  des  Romains,  il  importe  d'étudier,  en  les  comparant  entr'eux,  les 
monuments  de  tout  genre  que  recèle  le  sol  des  différents  pays  qui  autrefois 
faisaient  partie  de  ce  vaste  empire. 

»  L'Allemagne,  la  France  et  les  pays  limitrophes  produisent  un  nombre  de 


—  233  — 

plus  en  plus  considérable  de  publications,  de  monographies,  dans  lesquelles 
on  essaie  d'interpréter  et  de  faire  connaître  les  souvenirs  de  rantiquilé  que 
Ion  parvient  à  dévoiler;  partout  nous  voyons  se  former  des  associa  lions 
dans  le  but  de  rechercher,  de  conserver  et  dcludier  ces  souvenirs,  pour  les 
utiliser  dans  les  travaux  généraux  dhistoire.  Ces  associations  ont  bien  com- 
pris qu'elles  ne  peuvent  pas  rester  isolées;  qu'il  doit  se  former  entre  elles  des 
relations  qui  leur  permettent  de  travailler  d'un  commun  accord  et  d'après 
les  mêmes  bases  à  une  œuvre  commune. 

»  Certes,  les  congrès  archéologiques  de  l'Allemagne  et  de  la  France  contri- 
buent efficacement  à  consolider  ces  relations  internationales;  mais  maluré 
tous  les  efforts  qui  sont  faits,  nous  voyons  à  regret  que  les  nombreux  sa- 
vants, qui  sont  appelés  à  éclairer  les  différentes  questions  générales  de 
l'archéologie  des  Gaules,  ne  tiennent  pas  assez  compte  de  ce  que  font  leurs 
voisins. 

»  Bien  que  l'archéologie  soit  cosmopolite  et  ne  se  trouve  restreinte  dans 
aucune  autre  limite  que  dans  celle  de  la  science,  nous  voyons  que  bien  des 
productions  intéressantes  de  l'Allemagne  restent  presqu'entièrement  ignorées 
en  France,  et  que  les  publications  françaises  ont  presque  autant  de  peine  à 
passer  les  frontières  de  l'Allemagne.  L'unique  motif  nous  semble  en  être 
l'ignorance  des  langues  respectives. 

»  Pour  aider  à  populariser  les  écrits  de  l'Allemagne  qui  peuvent  intéresser 
les  archéologues  de  la  France,  nous  croyons  rendre  service  à  la  science  et 
à  ses  adeptes,  en  résumant  dans  les  livraisons  périodiques  les  travaux  qui 
concernent  l'Allemagne  aux  époques  celtique,  gallo-romaine  et  gallo-franque. 

L'Echo  archéolof/iqtie  qui  nous  servira  d'organe  comprendra  : 

1»  Des  résumés,  des  traductions  des  travaux  les  plus  importants. 

2°  Une  analyse  plus  ou  moins  détaillée  des  publications  de  sociétés  archéo- 
logiques et  historiques  allemandes. 

5»  Une  notice  sur  les  sociétés  savantes  qui  nous  fourniront  les  matériaux. 

4"  Des  planches  lithographiées  reproduisant  les  principaux  monuments 
dont  il  sera  fait  mention. 

5"  Un  catalogue  des  nouvelles  productions  de  l'Allemagne  dans  les  difl'é- 
rentes  parties  du  domaine  de  l'archéologie,  aux  trois  époques  sus-mention- 
nées. 

L'Echo  archéologique  paraîtra  en  quatre  livraisons  d'un  nombre  indéter- 
miné de  feuilles,  formant  par  an  un  volume  d'au  moins  vingt-quatre  feuilles 
in-8". 

M  commencera  de  paraître  dès  que  les  souscriptions  couvriront  les  frais  de 
publication. 

16 


—  554  — 

Le  prix  de  souscription  par  an  est  de  12  francs  pour  le  Grand-Duché  et 
de  15  francs  pour  l'étranger,  port  compris.  Si  le  nombre  des  souscripteurs 
s'élève  à  150  ou  au  delà,  ce  prix  sera  réduit  à  fr.  10  et  15. 

Pour  s'abonner  on  peut  s'adresser  à  la  rédaction  de  l'Echo  ou  à  M'' 
V.  Bûck,  libraire-imprimeur,  éditeur  de  l'Echo,  et  à  Tétranger,  au  libraire 
de  sa  localité. 

Itinéraire  de  Lille  a  Jérusalem  de  1G12,  par  Jacques  Fauqcemberghe.  — 
Dans  une  des  dernières  séances  de  la  Société  impériale  des  Sciences,  de 
l'Agriculture  et  des  Arts  de  Lille,  M.  Le  Glay  a  entretenu  la  société  d'un 
manuscrit  dont  il  est  possesseur  et  qui  a  pour  litre  .•  Itinéraire  de  Lille  à  Jé- 
rusalem. L'auteur,  Jacques  Fauquemberglie,  né  à  Lille  en  1391,  entra  dans 
l'état  ecclésiastique  et  devint  chapelain-sous-chantre  de  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre.  De  bonne  heure  il  conçut  le  projet  de  faire  le  voyage  de  la  Terre- 
Sainte.  Sa  mère,  à  qui  il  confia  celte  intention,  le  conjura  de  ne  point  partir 
tant  qu'elle  vivrait.  Il  le  promit  et  tint  parole.  Or,  la  bonne  mère  mourut  le 
9  juin  1611.  Après  l'accomplissement  des  devoirs  de  piété  filiale,  Fauquem- 
berglie songea  à  accomplir  son  pèlerinage  tant  différé.  Bientôt  six  autres 
habitants  de  Lille  s'associèrent  ù  lui  et  on  partit  le  12  janvier  ICI 2.  Cette 
grande  excursion  s'accomplit  sans  encombre,  et  le  19  août  il  rentrait  à  Lille, 
au  milieu  des  félicitations  de  ses  concitoyens,  qui  avaient  déjà  rangé  nos 
pèlerins  parmi  les  buveurs  d'cauc  salée. 

Vllincraire  de  Jérusalem  forme  un  volume  pet.  in-i"  de  212  pages.  Il  est 
divisé  en  quatre  livres  ainsi  intitulés  :  Livre  I,  contenant  les  choses  de  remar- 
que depuis  nosire  déparlement  de  Lille  jusques  à  la  susdite  ville  de  Jérusalem. 
Livre  11,  contenant  les  Lieux  Saints  qui  se  voient  tant  au  dedcns  qu  allenviron 
des  saincles  citez  et  bourgades  de  Jérusalem,  Bethléem,  Béthanie  et  montaignes 
de  Judée.  Livre  III,  contenant  ce  qu'avons  veu  et  remarqué  et  qui  s'est  passé 
depuis  nostre  département  de  Jérusalem  jusques  à  la  ville  de  Rome.  Livre  IV, 
contenant  les  remarques  tant  de  la  ville  de  Home  que  de  Lorctle  et  les  autres 
villes  jusques  à  la  ville  de  Lille. 

A  la  fin  du  manuscrit,  on  trouve  une  liste  nominative  de  cinquante  pèlerins 
lillois  qui  ont  accompli  le  voyage  de  Terre-Sainte  depuis  Tannée  1549  jus- 
qu'en 1622,  puis  d'autres  détails  curieux  sur  la  valeur  des  monnaies  usitées 
dans  les  états  et  villes  par  où  notre  voyageur  a  passé,  avec  une  nomencla- 
ture des  distances  de  Heu  à  autre  pour  l'aller  et  le  retour.  Jacques  Fauquem- 
berghe  est  mort  à  Lille,  en  1641,  et  fut  inhumé  dans  le  chœur  même  de 
lèglisc  Saint-Pierre,  devant  l'autel  Saint-Thomas  de  Cantorbery. 


—  255  — 

Réunion  de  la  Société  archéologique  de  France.  —  La  Société  archéolo- 
gique de  France  annonce  que  sa  prochaine  réunion  aura  lieu  dans  le  courant 
du  mois  de  juillet,  à  Cambrai,  et  que  des  facilités  ont  été  accordées  sur  le 
chemin  de  fer  aux  savants  qui  désirent  sy  rendre. 

Vente  du  cabinet  de  feu  M.  Borluut  de  Noortdonck.  —  Le  19  juillet  et 
jours  suivants  a  eu  lieu  à  Gand  la  vente  de  la  deuxième  partie  de  la  riche 
bibliothèque  de  feu  M.  Borluut  de  Noortdonck.  Cette  vente,  comme  la  pre- 
mière, avait  attiré  un  grand  concours  d'amateurs,  parmi  lesquels  on  remar- 
quait les  bibliophiles  les  plus  distingués  du  pays  et  l'élite  des  libraires  de  la 
France,  de  l'Angleterre,  de  la  Hollande,  de  la  Belgique,  etc.  Au  nombre  de 
ces  derniers,  nous  citerons  MM.  Boone  de  Londres,  Potier,  Porquet,  Slesin- 
ger,  Baillicu,  Gouin,  etc.,  de  Paris,  Le  Leu  de  Lille,  Ternas  de  Douai,  Van 
Baalen  de  Rotterdam,  Nyhof  de  La  Haye,  Muller  d'Amsterdam,  Heussner  de 
Bruxelles,  Brias  de  Malines,  etc.  La  Bibliothèque  royale  et  le  Musée  de 
Bruxelles  étaient  respectivement  représentés  par  MM.  Ruelens  et  Stienon, 
celle  de  Gand  par  M.  le  B""  de  Saint-Génois,  et  celle  du  Roi  et  des  Princes 
par  M.  Scheler. 

A  cette  vente,  comme  à  la  première,  les  beaux  livres  ont  été  vivement 
disputés,  et  vendus  à  des  prix  extrêmement  élevés.  Nous  avons  remarqué  avec 
satisfaction  que,  malgré  leurs  hauts  prix,  bon  nombre  d'ouvrages  impor- 
tants ont  été  acquis  par  nos  amateurs,  entre  autres  par  MM.  Pieters-Morel, 
Vergauwen ,  De  Meyer,  Ferd.  Van  der  Haeghen ,  Serrure ,  Goedtghebuer, 
Ch.  de  Loose,  de  Gbellinck  de  Walle,  de  Gand,  Vercruyssen  et  Bruneel  de 
Courtray,  Nuyts  et  Goethals  de  Bruxelles,  etc.,  et  que  nos  dépôts  publics  se 
sont  enrichis,  non  sans  de  grands  sacrifices,  de  quelques  volumes  précieux, 
qui  étaient  ardemment  convoités  par  l'étranger.  C'est  ainsi  que  M.  le  Bon  de 
Saint-Génois  a  acheté,  pour  le  dépôt  confié  à  sa  garde,  au  prix  de  1210  fr. 
la  Grande  Paléographie  universelle  de  Silvestre,  magnifique  publication  en 
quatre  volumes  grand  in-folio,  ornée  d'un  nombre  considérable  de  fac-similé 
d'écritures  de  tous  les  peuples  et  de  tous  les  temps,  tirés  des  plus  authenti- 
ques documents  de  l'art  graphique,  chartes  et  manuscrits  existants  dans  les 
archives  et  les  bibliothèques  de  France,  d'Allemagne  et  d'Angleterre.  La 
Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  possède  également  un  exemplaire  de  cet 
ouvrage  somptueux;  ce  sont,  croyons-nous,  les  seuls  qui  existent  en  Bel- 
gique. 

La  vente  a  produit  au-delà  de  50,000  fr.  Le  chiffre  de  la  première  ayant 
été  d'environ  90,000  fr.,  la  bibliothèque  de  M.  Borluut  a  donc  produit  une 
somme  totale  de  près  de  1  i0,000  fr.  C'est  là  un  résultat  qui  a  dépassé  toutes 


—  23G  — 

les  prévisions,  et  qui  doit  être  attribué  à  la  richesse  de  la  collection  autant 
qu'à  la  réputation  dont  elle  jouissait  dans  le  pays  et  à  l'étranger. 

Nous  regrettons  que  la  place  dont  nous  disposons  ne  nous  permette 
pas  de  donner  les  prix  des  principales  adjudications;  ils  seront  d'ailleurs 
publiés  séparément  dans  une  brochure  destinée  à  faire  suite  au  catalogue. 

Société  libre  d'Emulation  de  Liège  podr  l'ekcouragement  des  Lettres,  des 
Sciences  et  des  Arts.  —  Programme  des  questions  de  Littérature  et  des  Beaux- 
Arts,  mises  au  concours. 

Première  question.  —  Eloge  académique  du  prince  Velbruck,  fondateur  de 
la  Société  libre  d'Emulation  de  Liège.  —  Prix  :  une  médaille  en  or  de  la 
valeur  de  300  francs. 

Deuxième  question.  —  Histoire  de  la  peinture  liégeoise  depuis  les  frères 
Yan  Eyck  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième  siècle.  —  Prix  Dewandre  :  une  mé- 
daille en  or  de  la  valeur  de  300  francs. 

Troisième  question.  —  Tracer  le  tableau  de  la  société  liégeoise  au  dix- 
huitième  siècle.  —  Prix  .-  une  médaille  en  or  de  la  valeur  de  300  francs. 

Quatrième  question.  —  Elude  sur  la  vie  et  les  travaux  de  Frédéric  Rouve- 
roy.  —  Prix  Dewandre  :  une  médaille  en  or  de  la  valeur  de  200  francs. 

Cinquième  question.  —  Une  pièce  de  vers  sur  un  sujet  national.  —  Prix  : 
une  médaille  en  or  de  la  valeur  de  200  francs. 

Sixième  question.  —  Une  nouvelle  en  prose,  —  Prix  :  une  médaille  en  or 
de  la  valeur  de  100  francs. 

Les  mémoires  qui  seront  soumis  au  concours  devront  être  adressés,  franc 
de  port,  au  secrétaire-général  de  la  Société,  avant  le  30  septembre  1839, 
terme  de  rigueur;  ils  porteront  une  épigraphe  ou  devise  répétée  dans  un  bil- 
let qui  indiquera  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  Ce  billet  ue  sera  ouvert  que 
dans  les  cas  où  le  mémoire  aurait  été  jugé  digne  d'un  prix  ou  d'une  mention 
honorable,  sinon  il  sera  brûlé  publiquement,  séance  tenante.  Les  concur- 
rents qui  se  feraient  connaître  à  l'avance  seront  exclus  du  concours. 

La  Société  ne  rendra  aucun  des  manuscrits  qui  lui  seront  adressés  :  toute- 
fois les  auteurs  auront  la  faculté  de  faire  prendre  des  copies  sans  déplacement. 

Académie  royale  de  Belgique.  —  Classe  des  Lettres.  —  Résultat  du  Concours 
de  1858.  —  La  classe  des  Lettres  avait  mis  au  concours  sept  questions  sur 
différents  sujets  littéraires,  et  une  huitième  concernant  le  lieu  de  naissance 
de  Charlemagne.  Les  pièces  suivantes  ont  été  reçues  par  l'Académie. 

Première  question.  —  «  Etablir  la  véritable  origine  du  droit  de  succession. 
Rechercher  si  ce  mode  de  transmission  découle  de  la  nature  des  choses  ou 


—  257  — 

s'il  n'est  qu'un  établissement  créé  dans  un  but  d'utilité  civile.  Exposer  la  doc- 
trine des  principaux  auteurs  qui  ont  traité  cette  question;  proposer  une  so- 
lution motivée.  » 

11  est  arrivé  deux  mémoires,  portant  les  inscriptions  : 

N"  I.  L'esprit  politique  d'une  société  se  peint  dans  sa  loi  successorale. 

(Troplonc). 
N"  2.  Patet  testamenla  esse  j'uris  naluralis. 

(Wolf). 

Les  juges  étaient  MM.  Ch.  Faider,  Grandgagnage  et  Arendt.  D'après  le  ju- 
gement des  commissaires,  adopté  par  la  classe,  une  médaille  d'or  a  été  dé- 
cernée à  l'auteur  du  mémoire  N"  2;  l'ouverture  du  billet  cacheté  a  fait  con- 
naître que  l'auteur  est  M.  François  Gabba,  de  Milan;  une  médaille  d'argent 
a  été  accordée  à  M.  Paul  Voituron,  avocat  à  la  cour  d'appel  de  Gand,  auteur 
du  mémoire  N»  1. 

«  Comme  forme,  comme  style,  dit  M.  Faider,  le  mémoire  N»  1  laisse  peu 
de  chose  à  désirer.  Pour  le  fond,  il  renferme  des  principes  justes,  raisonna- 
bles, pratiques,  à  côté  de  données  inadmissibles  qui  sont  pure  utopie,  qui 
constituent  des  éléments  de  doctrine  que  l'Académie  ne  saurait  ap- 
prouver. » 

Après  avoir  analysé  le  travail  de  M.  Voituron,  et  en  avoir  fait  ressortir  le 
mérite  ainsi  que  les  défauts,  le  rapporteur  conclut  de  la  manière  suivante  : 
«  Au  reste,  je  rends  hommage  à  Télude  consciencieuse  que  l'auteur  a  faite  de 
son  sujet,  à  une  foule  d'idées  justes  sur  la  propriété,  à  l'origine,  à  la  nature, 
au  fondement  de  laquelle  il  a  consacré  de  belles  pages;  il  y  rattache  le  droit 
de  famille  et  les  droits  de  succession,  le  tout  comme  expression,  comme  éma- 
nation du  droit  naturel,  du  droit  antérieur.  —  J'approuve  en  termes  géné- 
raux les  théories  de  l'auteur  à  cet  égard;  mais  on  comprend  que,  comme 
application,  une  foule  d'idées  erronées  ou  de  solutions  fausses  puissent  être 
produites,  et  c'est  sous  ce  dernier  rapport  que  nous  voyons  faillir  l'auteur  : 
nous  sommes  donc  amené  à  ne  lui  assigner  que  le  second  rang.  » 

Deuxième  question.  —  Eloquence  française  :  —  «  De  l'influence  de  la  civi- 
lisation sur  la  poésie.  « 

Trois  mémoires  étaient  envoyées  à  l'Académie.  Les  commissaires  étaient 
MM.  De  Decker,  Devaux  et  Polain.  A  la  suite  d'une  discussion  approfondie, 
la  classe  a  décerné  la  médaille  d'or  à  l'auteur  du  mémoire  n"  I,  en  expri- 
mant le  désir  de  voir  compléter  le  travail. 

L'auteur  du  mémoire  couronné  est  M.  Ferdinand  Loisc,  docteur  en  jjhilo- 
sophie  et  lettres,  professeur  de  poésie  au  collège  de  Tongrcs 

Troisième  question.  —  «  Quelle  a  été  l'influence  littéraire,  morale  et  iiolili- 


—  238  — 

que,  des  sociétés  et  des  chambres  de  rhétorique  dans  les  dix-sept  provinces 
des  Pays-Bas  et  le  pays  de  Liège?  » 

Deux  mémoires  avaient  été  adressés  à  la  classe.  Conformément  aux  con- 
clusions de  ses  commissaires,  MM.  Snellaert,  Bo»  de  Saint-Génois  et  David, 
l'Académie  exprime  le  regret  de  ne  pouvoir  décerner  de  récompense. 

Concours  extraordinaire.  —  «  Cliarlemagne  est-il  né  dans  la  province  de 
Liège?  » 

L'Académie  avait  reçu  deux  mémoires,  dont  Texamen  a  donné  lieu  à  un 
rapport  remarquable  de  M.  Kervyn  de  Letlenhove,  dans  lequel  le  savant  aca- 
démicien discute  avec  sa  sagacité  habituelle  les  témoignages  des  annalistes 
du  moyen-âge,  et  fait  clairement  entrevoir  la  possibilité  de  résoudre  la  ques- 
tion proposée  dans  un  sens  favorable  à  la  Belgique.  Nous  regrettons  que  la 
place  dont  nous  disposons,  ne  nous  permette  pas  de  reproduire  les  pages 
intéressantes  de  M.  Kervyn  de  Lettenhove. 

Les  opinions  des  commissaires,  MM,  De  Ram,  Kervyn  de  Lettenhove  et 
Schayes,  étaient  assez  divergentes.  Après  une  discussion,  à  laquelle  ont  pris 
part  MM.  Polain  et  Arendt,  il  a  été  décidé  qu'aucune  récompense  ne  pouvait 
être  accordée;  seulement  l'auteur  du  travail  portant  pour  épigraphe  :  Enl- 
zwei,  Entzwei,  etc.,  a  été  invité  à  se  faire  connaître. 

AcâDÉMIE   ROYALE   DES   SclENCES,    DES   LETTRES  ET   DES  BeAUX-ArTS   DE  BELGIQUE. 

—  Concours  de  1859.  —  Dans  sa  séance  du  7  juillet  1838,  la  classe  des  Let- 
tres et  des  Sciences  morales  et  politiques  a  arrêté  son  programme  de  concours 
pour  l'année  1859. 

Première  question.  —  <■  Quelle  a  été  l'influence  littéraire,  morale  et  poli- 
tique des  sociétés  et  des  chambres  de  rhétorique  dans  les  dix-sept  provinces 
des  Pays-Bas  et  le  pays  de  Liège?» 

Outre  la  médaille  académique,  le  lauréat  du  concours  recevra  de  la  Société 
royale  de  Wyngaerd,  une  médaille  en  vermeil. 

Seconde  question.  —  «  Faire  l'histoire,  au  choix  des  concurrents,  de  Tun 
de  ces  conseils  :  le  grand  conseil  de  Malines,  le  conseil  de  Brabant,  le  con- 
seil de  Flandre.  » 

Troisième  qtiestion,  —  «  Faire  sommairement  l'histoire  des  doctrines  qui 
ont  influé  sur  l'état  social,  principalement  en  Belgique,  depuis  le  commence- 
ment du  XVI«  siècle,  jusqu'à  nos  jours.  » 

Quatrième  question.  —  «  Quels  ont  été  les  rapports  entre  la  langue  thioise 
(flamande)  et  la  littérature  française  pendant  le  XII^,  le  Xlll^  et  le  XIV''  siè- 
cle, et  quelle  est  l'influence  que  l'une  a  exercée  sur  le  développement  de 
l'autre?  » 


—  259  — 

Cinquième  question.  —  «  Tracer  un  tableau  historique  et  politique  du 
règne  de  Jean  I'^'',  duc  de  Brabant.  » 

L'auteur  devra  surtout  faire  connaître  ce  règne  sous  le  rapport  de  la  lé- 
gislation, du  commerce,  des  lettres  et  des  arts. 

Sixième  question.  —  «  Faire  un  exposé  historique  de  l'ancienne  constitu- 
tion brabançonne,  connue  sous  le  nom  de  Joyeuse-Entrée.  Indiquer  ses  ori- 
gines et  apprécier  les  principes  (jui  y  ont  toujours  été  conservés,  ainsi  que  les 
changements  qui  y  ont  été  apportés.  » 

La  classe  inscrit,  dès  à  présent,  dans  son  programme  de  concours  de  Tan- 
née 1860,  les  questions  suivantes  : 

Première  question.  —  «  Quelles  sont  les  localités  des  dix-sept  provinces 
des  Pays-Bas  et  du  pays  de  Liège,  où  l'on  a  frappé  monnaie,  depuis  l'invasion 
des  Franks  jusqu'à  l'émancipation  des  grands  feudataires.  » 

Décrire  ces  diverses  monnaies  et  en  discuter  l'attribution  au  besoin. 

Deuxième  question.  —  «  Quelles  sont  les  applications  utiles  et  pratiques  du 
principe  de  l'association,  pour  l'amélioration  du  sort  des  classes  ouvrière  et 
indigente?  » 

Troisième  question.  —  «  Faire  l'histoire  de  l'ordre  des  Templiers  en  Bel- 
gique. » 

Quatrième  question.  —  Prix  d'éloquence  flamande.  —  «  L'éloge  de  Cats, 
au  point  de  vue  de  l'influence  exercée  par  cet  écrivain  sur  la  littérature  fla- 
mande. » 

Le  prix,  pour  chacune  de  ces  questions,  sera  une  médaille  d'or  de  la  valeur 
de  six  cents  francs.  Les  mémoires  devront  être  écrits  lisiblement  en  latin, 
en  français  ou  en  flamand,  et  seront  adressés,  francs  de  port,  à  M^  Ad. 
Quetelct,  secrétaire  perpétuel.  Ils  seront  envoyés,  pour  les  six  premières 
questions,  avant  le  l^r  février  1859,  et,  pour  les  deux  dernières,  avant  le 
If  février  1860. 

L'Académie  exige  la  plus  grande  exactitude  dans  les  citations  et  demande, 
à  cet  efl"et,  que  les  auteurs  indiquent  les  éditions  et  les  pages  des  livres  qu'ils 
citeront.  On  n'admettra  que  des  planches  manuscrites. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage,  mais  seulement 
une  devise,  qu'ils  répéteront  sur  un  billet  cacheté,  renfermant  leur  nom  et 
leur  adresse.  Les  ouvrages  remis  après  le  terme  prescrit  ou  ceux  dont  les 
auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  seront  exclus 
du   concours. 

Concours  extraordinaire.  —  La  famille  carlovingienne  est  une  famille  es- 
sentiellement belge  et  même  liégeoise.  Celte  origine  n'est  cependant  pas  suf- 


—  240  — 

fisammenl  constatée  :  français  ou  allemands,  les  historiens  qui  ont  traité 
celle  importante  question  des  annales  du  moyen-àge,  ont  cédé  à  llnfluence 
du  sentiment  national,  et  vu,  dans  la  glorification  de  Charleraagne  et  de  ses 
illustres  ancêtres,  la  glorification  de  l'un  ou  de  l'autre  des  deux  grands  peu- 
ples qui  nous  avoisinenl.  Désireuse  d'obtenir  un  livre  où  les  litres  de  notre 
pays  soient  discutés  avec  impartialité,  et  sous  lequel  les  faits  soient  envisagés 
à  un  point  de  vue  belge,  l'Académie  propose  la  question  suivante  : 

«  Exposer  l'origine  belge  des  Carlovingiens .  Discuter  les  faits  de  leur  his- 
toire qui  se  rattachent  à  la  Belgif/iie.  » 

Le  prix  institué  pour  cette  question,  par  une  personne  qui  désire  garder 
l'anonyme,  se  compose  d'un  capital  de  six  mille  six  cents  francs,  inscrit  au 
nom  de  l'Académie,  au  grand  livre  de  la  dette  publique  belge  à  2  1/2  p.  c., 
et  avec  la  jouissance  des  intérêts  à  partir  du  1  "juillet  1836. 

Les  conditions  du  concours  sont  les  mêmes  que  pour  les  concours  ordi- 
naires de  l'Académie;  les  mémoires  devront  être  rt;mis,  francs  de  port,  avant 
le  1"  février  1859. 


—  Ul  — 


art)ant0   Uturgiquea 

D'ADAM  DE  LA  BASSÉE, 

CHANOINE    1)E    L\     COLLÊCrALE    DE    SMNT-PIERRE,    A    MLLE, 
AU    XIII"'    SIÈCLE. 


On  trouve  à  la  bibliothèque  de  Lille,  sous  le  n"  95,  un 
manuscrit  commençant  par  ces  mots  :  Ludus  Adœ  de 
Basseia,  canonici  insulensis  super  Antidaudlanum.  C'est 
un  petit  in-folio  sur  parchemin  de  46  feuillets,  dont  les 
pages  ont  deux  colonnes.  Bien  que  par  son  écriture  il 
paraisse  appartenir  au  XIV'=  siècle,  la  composition  de 
l'ouvrage,  ainsi  que  nous  le  constaterons  plus  bas,  date 
de  la  seconde  moitié  du  XII^  (i). 

Comme  on  le  voit,  l'auteur  est  un  certain  Adam,  ori- 
ginaire de  la  Bassée  (2),  et  chanoine  de  la  célèbre  collé- 
giale de  Saint-Pierre,  à  Lille.  Ce  nom,  à  notre  avis,  mérite 
certainement  une  place  dans  l'histoire  littéraire  de  son 
époque. 

Quelques  hommes  érudils,  tels  que  MM.  Le  Glay  (3), 


(1)  Cf.  Catalogue   descriptif  des  manuscrits  de  la  ville  de  Lille,  par  M.  le 
docteur  Le  Glay. 

(2)  Chef-lieu  d'arrondissement  et  de  canton  (Nord),  à  23  kil.  S.-O.  de 
Lille. 

(3)  Mémoire  sur  les  Archives  du  chapitre  de  Saint-Pierre   à   Lille,   1856, 
p.  17. 

17 


—  242  — 

(le  Coussemaker  (i)  et  Dupuis  (2),  ont,  tout  récenimenl, 
accordé  un  instant  d'attention  à  l'œuvre  du  chanoine  de 
Saint-Pierre;  et,  nous  avons  hâte  de  le  dire,  ce  sont  leurs 
indications  qui,  au  premier  abord,  ont  motivé  notre  étude. 
Toutefois,  jusqu'à  présent,  le  manuscrit  en  question  n'a 
fourni  aucun  travail  isolé;  aucun  dictionnaire  biographi- 
que n'a  mentionné  le  nom  d'Adam  de  la  Bassée.  Voici  ce 
qu'on  lit  seulement  dans  l'Histoire  littéraire  de  la  France, 
à  l'endroit  où  il  est  question  de  VAntidaiidiamis,  le  célè- 
bre poëme  d'Alain  de  Lille  :  «  Adam  de  la  Bassée  s'est 
exercé  sur  ce  même  poëme,  qu'il  a  abrégé  et  enrichi  de 
digressions  morales,  sous  ce  titre  :  Ludiis  Adœ  de  Bas- 
seyâ,  etc.;  son  écrit  commence  ainsi  :  Solet  dici  :  qui  igné 
indiget  suo  digito  hune  exquirit.  IMais  il  n'a  pas  encore 
été  imprimé  »  (3). 

Il  paraît  hors  de  doute  que  Dom  Brial  n'a  eu  ici,  pour 
tout  renseignement,  que  la  préface  du  P.  Ch.  de  Wisch 
en  tète  de  VAntidaudianus.  Celui-ci  place  vers  l'an  1400 
l'existence  d'Adam  de  la  Bassée,  qu'il  appelle  «  un  homme 
très-illustre  dans  son  temps  par  sa  science;  »  il  signale, 
en  même  temps  deux  exemplaires  manuscrits  de  son  Lu- 
dus  in  Antidaudianiim,  lesquels  se  trouvaient  à  la  biblo- 
thèque  de  Saint-Martin  à  Tournai  (4).  Sanderus  en  fait 


(1)  Notice  sur  les  collections  musicales  de  la  bibliothèque  de  Cambrai  et  des 
autres  villes  du  déparlement  du  Nord.  Paris,  1843,  p.  170.  —  Histoire  de 
l'Harmonie  au  moyen  âge,  p.  i-i  et  96. 

(2)  Notice  sur  la  vie,  les  écrits  et  les  doctrines  d'Alain  de  Lille  (Méra.  de  la 
Société  des  Sciences  de  Lille,  année  1849). 

(3)  Tome  XVI,  article  de  J.  J.  (Dom)  Brial,  sur  Alain  de  Lille. 

(4)  «  Quod  opus  {Anticlaudianum)  proindè  taiiti  fecit  venerabilis  Âdamus 
de  Basseyâ,  canonicus  Insulensis  (vir  suo  tempore  doctrinâ  clarissimus,  qui 
circa  annum  1400  vixisse  creditur),  ul  illud  ipsum  tersis  et  politis  versibus 
in  compendium  redegerit,  et  hinc  indu  digressionibus  moralibus  doctissimis 
diversisque  odis  spiritualibus  illustravit.  Quod  opus  ipseraet  indigitavit  : 
Ludus  Adœ  de  Basseyâ  in  Anliclaudianum  ^l/'""'  Alatii  de  Insulâ.  Exstat  MSS. 
Tornaci,  in  monasterio  Sancti  Martini  in  duobus  exemplaribus,  quorum  al- 
Icrum  habui.  >>  Alani  insulensis  opéra.  Anvers,  1634. 


—  2.43  — 

également  mention  dans  sa  Bibiiolheca  belyica;  mais  nous 
ne  savons  ce  que  ces  deux  manuscrits  sont  devenus  (i). 

Ce  titre  de  Liidus,  donné  par  le  chanoine  de  Saint- 
Pierre  à  son  ouvrage,  pourrait  faire  penser  à  quelque  jeu 
dramatique,  comme  on  en  faisait  beaucoup  à  cette  époque; 
mais  il  n'en  est  rien.  C'est  tout  simplement  une  imitation 
assez  servile  de  l'AnticIaudien  du  Docteur  universel.  Ce 
poëme  était  déjà  devenu  classique  au  XIII*'  siècle;  Alain 
l'avait  composé,  selon  la  conjecture  de  Ch.  de  Wisch  et 
Bartlî,  pour  combattre  les  principes  émis  par  Claudicn, 
dans  ses  deux  livres  m  Rufinum  (2).  C'est  une  composi- 
tion à  la  fois  mystique,  philosophique  et  morale;  divisée 
en  neuf  chants  et  écrite  en  vers  hexamètres.  —  La  Nature, 
voyant  avec  douleur  la  corruption  de  l'Nomme,  se  décide 
à  le  reformer  et  à  produire  un  type  parfait  de  toutes  les 
qualités.  Elle  appelle  les  Vertus  à  son  aide,  et,  sur  leur 
demande,  elle  députe  la  Sagesse  (Phrotiesis,  Prudence) 
vers  Dieu,  pour  lui  demander  une  âme  digne  du  nouvel 
être  perfectionné.  Cette  Vertu  monte  un  char,  à  la  forma- 
lion  duquel  concourent  les  sept  Arts  libéraux,  que  les 
cinq  Sens,  comme  autant  de  chevaux,  entraînent,  et  au- 
quel la  Raison  sert  de  conducteur. 

On  s'élance  vers  le  Ciel;  on  traverse  les  champs  de  l'es- 
pace; enfin  on  touche  au  seuil  de  l'Empyrée,  Là  le  char 
s'arrête;  la  Raison   ne  trouve  plus  de  route   tracée,  les 


(1)  Les  MSS.  de  Saint-Marlin  de  Tournai  ont  été  en  partie  achetés  par 
M.  Arthur  Dinaux,  et  en  partie  par  Sir  Philips,  le  célèbre  amateur  de  Midle- 
hill  (Angleterre).  Leurs  collections  néanmoins  n'offrent  aucune  trace  des 
volumes  en  question;  mais  aussi  Haenel  {Catalogus  cod.  3fSS.,  p.  875),  fait 
observer  que  les  achats  de  Sir  Philips,  déposés  chez  un  libraire  hollandais, 
n'ont  pas  été  fidèlement  gardés.  Le  Ludus  d'Adam  de  la  Bassée  ne  se  trouve 
non  plus  ni  à  la  Bibliothèque  impériale,  ni  à  celle  des  Ducs  de  Bourgogne; 
l'exemplaire  de  Lille  est  donc  probablement  unique. 

(2)  Jourdain  :  Recherches  critiques  sur  l'âge  et  l'origine  des  traductions 
latines  d'Aristote.  Paris,  1819. 


244 


coursiers  ne  veulent  plus  avancer.  En  ce  moment  apparaît 
une  jeune  fille  qui  tire  la  Sagesse  de  sa  perplexité;  la 
Théologie,  car  c'est  elle  dont  il  s'agit,  prend  la  place  de 
la  Raison  et  elle-même  désormais  guide  le  char.  Plus  les 
deux  Vierges  s'élèvent  vers  le  séjour  de  la  divinité,  plus 
elles  sont  éblouies  par  les  merveilles  qui  frappent  leurs 
regards.  La  Sagesse  parvient  enfin  devant  le  trône  de  Dieu; 
le  Tout-Puissant  l'exauce,  lui  accorde  l'âme  qu'elle  de- 
mande et  elle  redescend  vers  la  terre.  La  Nature  alors 
forme  le  corps  nouveau;  la  Concorde  unit  cette  œuvre  au 
souflle  divin,  et  toutes  les  Vertus  se  plaisent  à  la  doter 
chacune  à  son  tour.  Cependant  le  noir  Enfer  est  instruit 
de  cette  nouvelle  création;  dans  sa  fureur,  il  assemble 
tous  les  Vices,  qui  volent  au  combat  pour  détruire  le  chef- 
d'œuvre  ennemi;  mais  l'homme  nouveau  les  met  en  fuite 
et  la  victoire  vient  couronner  ses  efl'orts. 

Voilà,  en  deux  mots,  le  sujet  de  l'Anliclaudien;  sujet 
sur  lequel  Adam  de  la  Bassée  a  travaillé. 

«  C'est  avec  raison,  dit  M.  Dupuis,  que  son  ouvrage  est 
intitulé  Ludus,  délassement;  car  c'est  une  œuvre  de  pur 
caprice.  L'auteur  nous  apprend  que  l'ennui,  l'absence  de 
toute  distraction,  l'ont  porté  à  glaner  dans  le  champ  si  ri- 
che d'Alain Mais  ce  n'est  pas  là  glaner,  c'est  imiter 

textuellement;  même  sujet,  même  cadre;  même  dévelop- 
pement, mêmes  expressions  souvent  transportées  de  vers 
hexamètres  en  prose  rimée,  voilà  l'œuvre  d'Adam.  » 

Les  pièces  que  nous  avons  pris  à  tâche  de  publier,  sont 
destinées  à  montrer  que  la  «  prose  rimée  »  du  chanoine  de 
Saint-Pierre  est  loin  d'être  dépourvue  de  poésie;  eu  égard 
surtout  à  l'époque  où  elle  a  été  faite. 

Déterminons  auparavant  cette  époque. 

Comme  on  vient  de  le  voir,  le  P.  de  Wisch,  et  avec  lui, 
Sanderus,  Leyser  et  autres,  fixent  à  la  fin  du  XIV''  siècle, 
ou  au  commencement  du  XV%  la  date  où  Adam  de  la  Bas- 


—  245  — 

sée  aurait  exécuté  sa  composition  littéraire;  M.  Dupuis  et 
M.  Le  Glay  prouvent  qu'elle  doit  être  reportée  plus  d'un 
siècle  auparavant;  nous  avons  été  assez  heureux  de  trou- 
vei  une  date  précise,  qui  indique  la  mort  de  l'auteur,  ar- 
rivée le  25  février  1286  (i). 

Or  Adam  avait  entrepris  son  ouvrage  pour  faire  diver- 
sion aux  douleurs  de  la  maladie,  dont  la  trop  fréquente 
apparition  usait  son  existence.  Il  raconte  lui-même,  avec 
un  sentiment  de  tristesse  résignée,  que  c'est  là  le  principal 
motif  qui  lui  a  fait  prendre  la  plume.  Nous  aimons  à  citer 
cette  introduction  de  son  poëme  : 

CAUSA  LLDl  EJUSDEM. 
Cum,  vei'is  initio,  Zephiras  algorura 
Proscriplor,  fit  germinum  genilor  et  florum; 
Fréquenter  materies  germinat  morborutn 
Florelque,  dura  pullulât  pravitas  humorum. 

Tune  ego  praecipue  solitus  gravari, 
Quandoque  proposai,  quatenus  levari 
Valerem,  si  saperem  leviler  jocari, 
Intenlus  opusculo  placide  traclari. 

Sic  rithmum  conficere  subditum  temptavi 
De  pulchra  materia  plurimum  sed  gravi, 
Confisus  de  Doruini  munere  suavi. 
Qui  grave  de  gravi  tempérât  sua  vi.. 

(1)  Cette  date  est  fournie  par  la  pièce  suivante  : 

«  1306.  —  Mathieu  le  Wage  et  Béatrice  de  la  Bassée,  sa  femme,  fondèrent, 
»en  1306,  une  autre  chapelle  au  grand  autel  de  la  chapeUe,  juxtâ  aulam. 
■•L'on  régla  néanmoins  que  le  titulaire  sera  du  chœur  et  de  la  jurisdiction 
»  de  Saint-Pierre;  que,  par  quelque  autorité  il  en  soit  pourvu,  il  sera  teuu 
»  d'assister  aux  offices  de  nuit  et  jour.  On  lui  assigna  une  rente  de  vingt  li- 
»vres  sur  le  fief  de  Perenchies,  provenant  d'Adam  de  la  Bassée,  chanoine  de 
»  celle  église,  frère  de  la  fondatrice.  Ce  chanoine,  décédé  le  23  février  1286, 
»  était  connu  dans  la  république  des  lettres  par  quelques  ouvrages  qu'il  a 
»  laissés.  ..  (Extrait  d'un  volume  MSS.  intitulé  :  Annales  de  la  collégiale  de 
Saint-Pierre  de  Lille,  depuis  sa  fondation  jusqu'à  1777.  L'auteur  dit  avoir 
rédigé  ces  annales  sur  des  pièces  authentiques;  il  était  lui-même  chanoine 
de  Saint-Pierre.  —  Ce  volume  existe  à  la  bibliothèque  de  Lille,  mais  il  a  été 
acquis  après  la  publication  du  catalogue. 


—  246  — 

Vos  aulein  iniciuns  dcprecor  lectores, 
Pro  Deo  corrigite  nocuos  errores; 
Nam  incus,  quum  verberum  cruciant  dolores, 
Abhorret  doloribus  anxia  labores  (1). 

Traduction.  —  Au  début  du  printemps,  quand  Zéphyre,  chas- 
sant le  froid,  fait  naître  les  bourgeons  et  les  fleurs;  souvent 
aussi  les  mauvaises  humeurs  du  corps,  mises  en  mouvement, 
font  germer  et  éclore  les  maladies.  —  C'est  surtout  alors  que 
vient  mon  tour  de  souffrir.  Or,  pour  alléger  autant  que  pos- 
sible mes  douleurs,  j'ai  essayé  si  je  ne  pouvais  pas  me  créer 
un  amusement  calme  par  la  composition  d'un  petit  opuscule. 
—  Je  me  suis  donc  efforcé  d'assujetir  au  rhythme  un  sujet  beau 
à  la  vérité,  mais  lourd  pour  mes  forces;  comptant  sur  la  bé- 
nigne assistance  de  Dieu,  qui  tempère  ce  qui  est  dificile.  — 
0  vous  lecteurs!  pour  Dieu,  je  vous  en  prie,  veuillez  corriger 
les  fautes  qui  pourraient  nuire  à  cet  écrit;  vous  rappelant  que 
l'esprit,  affaissé  sous  les  coups  des  souffrances,  subit  avec  peine 
le  joug  du  travail. 

Il  faut  donc  admettre  que  le  Liidus  in  Antklaudianum 
a  été  composé  vers  le  milieu  de  la  dernière  moitié  du 
XIIP  siècle. 

Cela  étant,  nous  renonçons,  quoique  à  regret,  à  pré- 
senter l'œuvre  en  son  entier,  pour  nous  en  tenir  seulement 
à  sa  partie  musicale  et  liturgique.  C'est  par  là,  en  effet, 
que  l'auteur  s'éloigne  spécialement  de  son  modèle,  et  se 
crée  une  position  différente  de  celle  de  simple  imitateur, 

A  l'endroit  du  poëme  de  TAnticlaudien,  où  la  Sagesse 
et  sa  compagne   la  Théologie  {Noys,  rintelligence,  dans 


{{)  Que  ce  soient  là  des  vers  ou  de  la  prose  rimée,  le  nom  n"y  fait  rien. 
Nous  regardons  cependant  cette  forme  comme  digne  d'attention,  d'autant 
plus  qu'elle  se  retrouve  dans  la  poésie  italienne,  castillane  et  portugaise; 
l'accent  est  ici  placé  partout  sur  la  syllabe  pénultième,  comme  dans  les 
vers  eroici  italiens.  Il  en  est  ainsi  dans  toute  l'étendue  du  poëme,  à  l'excep- 
tion toutefois  des  morceaux  notés,  où  les  grands  vers  n'ont  que  dix  syllabes, 
avec  laccent  placé  sur  la  dernière  syllabe;  ce  qui  les  rend  encore  sembla- 
bles au  genre  de  vers  italiens  appelés  Ironci. 


—  247  — 

Adam  de  la  Bassée),  traversent  les  régions  de  TEmpyrée 
pour  arriver  au  trône  de  Dieu;  à  la  vue  des  hiérarchies 
célestes,  des  chœurs  d'anges  et  des  différentes  catégories 
de  bienheureux,  Alain  de  Lille  sent  la  parole  lui  échap- 
per. Comment  chanter  dignement  ce  qui  fait  reculer  Ci- 
céron,  Virgile,  Aristote  et  Plolemée  eux-mêmes? 

Tullius  ipse  silet,  raucessit  lingua  Maronis, 
Languet  Aristoteles,  Ptoloraœi  sensus  aberrat. 

Le  chanoine  de  Saint-Pierre  est  plus  audacieux;  et,  en  sa 
qualité  de  chanoine  apparemment,  il  s'empare  du  langage 
de  l'Eglise.  En  conséquence,  il  met  ici  dans  la  bouche  de 
ses  deux  personnages  allégoriques  une  série  d'Hymnes  et 
de  Séquences,  par  lesquelles  ils  invoquent  et  célèbrent 
successivement  les  Saints,  les  Anges,  la  Vierge  Marie  et  le 
Tout-Puissant  lui-même. 

D'autres  chants  encore  parsèment  l'ouvrage  d'Adam  : 
ainsi,  quand,  dans  le  poënie,  les  sept  Arts  libéraux  s'oc- 
cupent de  former  le  char  qui  doit  emporter  la  Sagesse 
dans  le  Ciel,  il  est  naturel  que  la  Musique  chante  en  fa- 
çonnant sa  roue;  notre  auteur  donc  lui  prête  un  Motet  à 
paroles  fort  graves,  noté  sur  un  air  en  vogue,  dont  il  a 
soin  d'indiquer  lui-même  ce  commencement  :  Quant  voi 
la  flor  paroir  sur  le  ramel,  ke  le  dous  tans  d'estet  se 
redarcist  (i).  Plus  loin,  à  l'endroit  où  les  Vertus  déco- 
rent tour  à  tour  l'homme  nouveau  des  attributs  qui  leur 
sont  propres  à  chacune  d'elles,  nous  rencontrons  des  mo- 
tets du  même  genre;  mais,  il  faut  en  convenir,  ces  motets 
ne  sont  guère  remarquables  que  par  les  mélodies  qui  leur 
sont  appliquées. 

Il  en  est  tout  autrement  des  Hymnes,  Proses  et  Séquen- 


(1)  Celte  chanson  est  de  Sauvage  (ou  Salvage)  de  Béthune  (Voir  A.  Dinaux, 
Trouvères  artésiens,  p.  457). 


—  248  — 

ces  mentionnées  tout-à-l'heure,  qui  sont  le  principal  objet 
de  celte  publication;  évidemment  leurs  formes  littéraires 
l'emportent  de  beaucoup  sur  la  prose  rimée  du  reste  de 
l'ouvrage. 

Chacun  sait  que  l'usage  des  Hymnes  dans  l'Église  est 
aussi  ancien  que  l'Église  même;  que  ces  sortes  de  chants, 
primitivement  asservis  au  mètre  poétique  des  Anciens, 
n'ont  pas  tardé  à  prendre  une  forme  spéciale,  un  rhythme 
suî  generis,  affranchi  des  lois  classiques  de  la  prosodie, 
mais  retenant  encore  de  celle-ci  une  forme  caractéristique, 
qui  se  manifeste  surtout  à  la  chute  de  chaque  vers  (i). 
Plus  tard  cette  Poétique  du  moyen  âge  domina  en  souve- 
raine dans  les  nombreuses  proses  et  séquences,  qu'on  vit 
surtout  devenir  communes  au  XII''  siècle,  à  l'époque 
d'Adam  de  Saint-Victor  (2).  Trois  éléments  la  distin- 
guent :  1°  La  cadence  finale  de  chaque  vers,  grave  ou 
légère,  déterminée  par  la  quantité  de  la  pénultième.  2°  Le 
nombre  fixe  des  syllabes,  où  règne  parfois  la  césure  de 
la  versification  moderne.  3"  La  rime.  Ce  dernier  point 
montre  particulièrement  quelle  influence  les  proses  de 
nos  églises  ont  exercée  sur  la  perfection  successive  de  la 
poésie  française. 

C'est  avec  ces  éléments  que  les  chants  liturgiques 
d'Adam  de  la  Bassée  ont  été  composés.  Quant  à  leur 
style,  il  se  ressent  naturellement  du  goût  de  l'époque  : 
les  jeux  des  mots,  les  oppositions  d'idées  avec  les  asson- 
nances  dans  les  termes,  tout  cela  y  sert  de  cadre  aux 
pensées  les  plus  heureuses  et   les  plus  vraies;  ce  sont 


(1)  Cf.  Dissertation  sur  la  psalmodie,  etc.,  par  l'abbé  Petit.  Paris,  1853, 
ch.  VI,  art,  5. 

(2)  Mort  en  1177  d'après  Ducange,  entre  1175  et  1194.  d'après  Félibien 
et  Lobineau.  On  ne  sait  aucun  détail  sur  sa  vie.  Ses  proses,  au  nombre  de 
trente-sept,  ont  été  recueillies  par  J.  Clichtove,  et  publiées  dans  son  Etuci- 
datnrium  ccclesiasticum.  Bàle,  1369. 


—  249  — 

moius  des  produits  lyriques  que  des  prières;  mais  ces 
prières  liturgiques  respirent  souvent  une  poésie  calme  et 
gracieuse,  qui  vient  de  l'âme  et  non  des  sens.  En  pré- 
sence, par  exemple,  des  pièces  que  nous  donnons  sous 
les  numéros  X,  XII  et  XIII,  on  n'hésitera  pas,  nous  l'es- 
pérons, à  accorder  à  notre  Adam  la  part  qu'il  aura  prise 
à  la  couronne  de  louanges,  tressée  par  son  siècle  si  poé- 
tique en  l'honneur  de  la  Mère  de  Dieu;  il  suffit,  pour 
jusliGer  ce  droit,  de  réfléchir  sur  la  beauté  et  la  tournure 
des  idées  exprimées  dans  les  versets  suivants  : 

Hsec  est  Stella  matutina; 

Hœc  est  rosa  sine  spina; 

Haec  est  cella,  qua  divina 

Latuit  essentia. 

Hsec  est  parens  sine  pare, 
Virgo  carens  exemplarc; 
Quae  concepit  sine  mare 
Maris  prorsus  nescia. 

Les  chants  liturgiques  d'Adam  de  la  Bassée  sont  tous, 
ainsi  que  nous  le  disions,  écrits  selon  un  rhylhme  régu- 
lier. Les  hymnes  adressées  aux  difTérents  saints  du  ciel, 
présentent  en  outre  une  particularité  singulière  :  tandis 
que  les  autres  strophes  sont  mesurées  et  chantées  à  l'in- 
star d'une  hymne  connue  de  l'Eglise,  la  première  strophe 
se  compose  partout  de  vers  décasyllabiques,  ayant  une 
hémistiche  à  la  quatrième  syllabe,  et  elle  reçoit  sa  mélo- 
die d'une  chanson  profane,  du  genre  de  celle  que  nous 
venons  d'indiquer  plus  haut.  Nous  donnons  ici  les  pre- 
mières paroles  de  quelques-unes  de  ces  mélodies,  telles 
que  l'auteur  a  eu  soin  de  nous  les  transmettre  :  Tant  ai 
amors  siervie  longement.  —  Quand  voi  la  g  laie  meure  et 
le  rosier  s'espanir  (i).  —  Tant  ai  d'amours  appris  et  en- 

(1)  Chanson  de  Raoul  de  Soissons  (V.  Poêles  français,  toni.  Il,  p.  43), 


—  250  — 

tendu.  —  De  j'uer  et  de  baler  ne  qiiie  mais  avoir  talent. 
—  Laiitrier  esloie  montés  sor  mon  palefroi  ambiant,  pas- 
torale. —  Et  quant  tou  remir  son  cors  le  gai,  motet.  — 
Qui  grieve  ma  cointise  se  jou  lai  ce  me  font  amouretes 
eau  cuer  ai,  chanson  de  danse.  Deux  ou  trois  de  ces  titres 
ont  été  effacés;  les  autres  n'ont  pas  été  signalés  sur  le 
manuscrit. 

Ceci  nous  amène  à  dire  un  mot  de  l'intérêt  musical 
qu'offre  le  Ludus  in  Anticlaudianum. 

Et  d'abord  tous  les  morceaux  sont  écrits  en  notation 
proportionnelle,  selon  les  règles  qu'avaient  données  prin- 
cipalement Francon  de  Cologne,  Jérôme  de  Moravie  et  le 
nommé  Aristote;  on  y  voit  les  trois  sortes  de  notes  répon- 
dant aux  trois  valeurs  temporaires  alors  admises.  Le  sys- 
tème des  ligatures  s'y  trouve  développé  dans  toutes  ses 
particularités,  et  la  plique  y  représente  constamment  une 
ligature  binaire,  dont  la  seconde  note  (la  note  coulée)  est 
à  un  degré  ou  à  un  demi  degré  de  la  première.  Il  est 
prouvé  d'ailleurs  que  c'est  selon  la  mesure  ternaire  que 
cette  sorte  de  notation  doit  être  traduite  ou  exécutée; 
mais,  ce  qui  est  curieux  ici,  c'est  que  les  hymnes  corres- 
pondantes aux  chants  ordinaires  du  Veni  creator,  de  VIste 
confessor,  etc.,  sont  également  en  musique  mesurée.  Ne 
serait-ce  pas  là  un  indice  de  la  manière  dont  on  chantait 
au  temps  de  notre  auteur  dans  l'église  collégiale  de  Saint- 
Pierre?  Un  autre  fait,  non  moins  curieux,  nous  est  fourni 
par  les  mélodies  profanes,  dont  il  vient  d'être  question  : 
non  seulement  celte  «  musique  vulgaire  »  (i)  se  distingue 
du  chant  ecclésiastique,  par  un  rhythme  plus  vif,  plus  for- 
tement cadencé  {2);  mais  elle  semble  même  s'en  éloigner 

(1)  Vulgaris  musica.  C'est  le  nom  qui  lui  est  donné  par  Ilucbald,  pour  la 
distinguer  du  plain-chant,  Gerbert,  Sn-ipl.,  tom.  I,  p.  271,  passage  cité  par 

M.   DE   COUSSEMAKER. 

(2)  Voir  spécialement  les  morceaux  traduits  sous  les  n»*  4  et  7. 


—  251  — 

par  la  tonalité,  pour  s'approcher  de  la  tonalité  moderne. 
Nous  citerons,  comme  renfermant  le  plus  manifestement 
ce  caractère,  les  mélodies  : 

1°  0  constantiœ  dignitas  (n"  2),  en  ut  majeur. 

2°  0  qîiani  solempnis  (n°  6),  presque  entière  en  ut  ma- 
jeur, sauf  les  dernières  mesures,  où  elle  passe,  au  moyen 
d'un  si  bémol,  par  le  ton  de  la  sous-dominante,  pour  finir 
ensuite  dans  le  ton  de  la  dominante,  sol  majeur. 

5°  Nobiiitas  ornata  (n"  7)  en  ré  mineur.  Cet  air  de 
danse  a  été  cité  par  M.  de  Coussemaker,  pour  appuyer 
les  mêmes  remarques  au  sujet  des  airs  populaires  de  la 
même  époque  (i). 

Que  celte  disposition  mélodique  de  notes,  qui  s'appel- 
lent les  unes  les  autres,  ait  dû  entrer  de  bonne  heure  dans 
les  chants  mondains  et  populaires,  cela  s'explique  assez 
par  l'attrait  qui  devait  résulter  d'une  musique  plus  vive, 
plus  sensuelle.  Nous  croyons  cependant  pouvoir  repro- 
duire ici  une  autre  explication,  que  nous  avons  émise  ail- 
leurs :  c'est  que  l'attraction  vers  un  son  principal  —  signe 
caractéristique  de  la  tonalité  moderne  —  était  naturellement 
préparée  par  la  partie  instrumentale  dont  on  accompagnait 
alors  la  musique  profane.  On  sait,  en  effet,  qu'un  des  in- 
struments les  plus  familiers  aux  trouvères,  jongleurs  ou 
troubadours  des  XIP  et  Xllh  siècles,  était  une  sorte  de 
vielle,  nommée  alors  organistrum,  symphonie  ou  chifo- 
nie  (2);  lequel  instrument  ayant  une  corde  frottée  à  note 
permanente,  devait  instinctivement  ramener  l'idée  de  re- 
pos mélodique  vers  cette  note. 

Maintenant,  une  question  encore  avant  de  terminer  : 
Adam  de  la  Bassée  est-il  l'auteur  de  quelques-unes  des 


(1)  Histoire  de  VHarmonie  au  moyen  âge,  p.  96. 

(2)  Essai  sur  les  inslrumenls  de  musique  au  moyen  âge,  par  M.  de  Coussi;- 
MAKER,  dans  les  Annales  archéologiques  de  M.  Diduon.  T.  VIII,  p.  247. 


—  252  — 

mélodies  dont  il  a  orné  son  «jeu  lilléraire?  »  Nous  n'avons 
aucune  preuve  positive  pour  le  démontrer .  Plusieurs 
chants,  il  est  vrai,  ne  se  trouvent  rapportés  à  aucun  air 
désigné  ou  connu,  et,  conséquemment,  pourraient  être 
attribués,  sans  trop  grande  injustice,  au  poëte  auteur  du 
texte.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  ne  pensons  pas  qu'on 
puisse  refuser  à  notre  chanoine  de  Saint-Pierre  la  qua- 
lité de  musicien;  car,  n'eùt-il  fait  que  noter  les  airs  en 
question  et  les  adapter  à  des  paroles  différentes,  ce  tra- 
vail de  notation  supposait  de  son  temps  une  connaissance 
assez  vaste  de  la  théorie  de  l'art,  pour  lui  mériter  le  litre 
que  nous  lui  revendiquons.  Adam  d'ailleurs,  dans  un 
morceau  que  nous  reproduisons  sous  le  numéro  4,  fait 
lui-même  l'éloge  de  la  musique  et  plaint  avec  tant  de 
compassion  ceux  qui  négligent  cet  art  consolateur,  qu'on 
voit  évidemment  qu'il  est  sur  son  terrain  dans  cette  ques- 
tion :  a  Rien  n'est  capable,  dit-il,  de  tenir  éloignés  les 
tristes  ennuis,  comme  le  son  du  tambourin,  de  la  vielle 
et  du  psalterion,  ainsi  que  les  doux  concerts  de  voix.  » 
Parmi  les  chants  du  manuscrit  d'Adam  de  la  Bassée, 
un  seul  présente  un  déchant  à  deux  parties  :  c'est  le 
Agmis  fili  Virginis;  M.  De  Coussemaker  l'a  donné  dans 
son  Histoire  de  l'harmonie  au  moyen-âge.  Dans  l'impos- 
sibilité où  nous  étions  de  reproduire  tous  les  autres,  nous 
avons  choisi  parmi  ceux  dont  les  mélodies  nous  ont  paru 
les  plus  belles,  et  nous  n'avons  pas  hésité  de  les  traduire 
en  notation  moderne,  grâce  aux  règles  que  nous  ont  lais- 
sées les  théoriciens  de  l'époque,  et  qu'ont  vulgarisées  des 
hommes  compétents  auxquels  nous  nous  plaisons  ici  à 
rendre  un  juste  éloge. 

L'Abbé  D.  Carnel. 


—  255 


CHANTS  LITURGIQUES  D'ADAM  DE  LA  BASSÉE. 

Texte. 

I. 

SoR  :  Tant  ai  amors  siervie  longemenl. 

0  SANCTA  Ave  gemma,  quse  lucis  copia, 

ACNES.  Et  virlute  viiicis  carbunculum. 

Puellarum  gerens  insignia, 
Praeferendo  pudoris  spéculum; 
Ora  Deum,  qui  te  per  annuium 
Subarrlialam  décorât  gloria. 
Ut  lamenta  mutet  in  gaudia 
Et  in  cœlum  prœsens  ergastulum. 

SouR  :  Veni  Creator. 

0  SANCTA  Ave,  quœ  de  Maxenlio 

cATHARiNA  Fidci  forlitudinc 

Triumphans,  icta  gladio 

Lac  dedisti  pro  sanguine. 

0  SANCTA  Ave,  cuius  apostolus 

AGATHA.  Petrus  curavit  vulnera, 

Quae  trux  hostis  et  subdolus 

Fecit  amputans  ubera. 

0  sacer  cœtus  virginum 
Candore  vincens  lilia, 
Exora  pro  me  Dominum 
Quem  fudit  viri  nescia. 


IL 


0  SANCTE  Ave,  prœsul  sancte,  qui  pueros 

NicHOLAE.  Très  insonles  addiclos  funeri 

Perpetrasti  abire  liberos, 
Virginesque  slupro  non  atleri; 


—  254  — 

Ora  Deum,  ut  sic  me  conteri 
Lai'giatur,  et  flere  miseros 
Vitse  lapsus,  quod  tandem  superos 
Videns  possim  his  cornes  fieri. 

Soun  :  Isle  confessor. 

o  SANCTE  Ave,  qui  partem  pallii  scidisti, 

MARTINE.  De  qua  reperlum  pauperem  vestisli; 

Modo  bealus  nites  trabeatus 
Candida  stola. 

0  SANCTE  Ave,  qui  tractans  mores  Job  beati 

cREcoRi.  Vivere  doces  languidos  et  pati, 

Nunc  in  sanclorum  coetu  confessorum 
Jure  refulges. 

0  Confessores  Domini  sacrati, 
Candidis  stolis  rite  decorati; 
Deum  orate,  rei  ut  optatse 
Donet  ascensum. 


III. 

0  SANCTE  Ave  pugil,  qui  in  agonia 

STEPHANE.  Caritatis,  succensus  facibus, 

Pro  illorum  orasti  venia, 
Qui  le  diris  saxorum  ictibus 
Obruebant,  mitis  immitibus. 
Ora  Deum,  cuius  clementia 
Finem  nescit,  ut  de  miseria 
Me  abstractum  iungat  cœlestibus. 


SoDR  ;  Sanclorum  mcritis. 

0  SANCTE  Ave  par  angelis  martir  egregie, 

vmcENTi.  Tu  igncm  torridum  hilari  facie 

Rorasti  sanguine,  gravi  certamine 
Dulcem  adeptus  patriam. 


—  255  — 

o  SA^CTE  Ave  rex  pugilum,  martirquc  fortior, 

liURENTi.  De  fide  Domini  testis  aperlior, 

Tu  salor  munerum  in  sinu  paiiperum, 
^lernam  métis  gloriam. 

0  Christi  matires,  quorum  Victoria 
jEterna  perfrui  meretur  gloria; 
Deum  deposcile,  ut,  pace  comité, 
Det  michi  indulgentiam. 

IV. 

o  SANCTE  Ave  pastor  ovium, 

PËTRE.  Princeps  cœli  civiuni, 

Fidei  fundator; 

Qui  cœlo  prœficeris, 

Fidelis  prae  cœleris, 

Domini  zelator. 

Quem  quum  non  valeo 

Ad  prœsens  ut  debeo 

Congrue  laudare; 

Prosam  saltem  offero 

Hanc,  ut  vells  misero 

Dominum  placare. 

Prosa. 

Christum  Dei  filium, 
Cum  Petrus  asseruit 
Hune  quem  Virgo  gcnuit 
In  templo  fidelium, 
Suramam  basem  posuit 
Quapropter  obtinuil 
Usum  cœli  clavium; 
Quibus  utens  gravium 
Vinclorum  sustinuit 
Nexus,  sed  eripuit 
Vinctum  vis  cœlestium, 
Quae  vincla  comminuit. 
Demum  Nero  rabidus 
Ac  in  fide  perfidus. 


—  256 


0  SAJiCTE 
PAUIE. 


0   SANCTE 
JOHANNES. 


Sitiens  cruorem, 
Coegit  martirium 
Subire  credentium 

Ovium  pastorem. 
0  Petre,  lux  gentium, 

Janitor  cœlorum, 
Fac  michi  propitiuni 

Regem  angelorum. 

Ave  doclor  gentium, 
Sacer  cullor  menlium, 

Fidei  lulator; 
Dum  scripturas  aperis, 
F/Cgem  auges  fœderis 

Domini  zelalor. 

Ave,  mane  comedens 
Prœdam,  sero  dividens 

Spolia  malura; 
Dum  saeviens  priraitus 
Post  conversus  cœlilus 

Explicas  obscura. 

Ave,  qui  peraspera 
Pertulisti  verbera 

Sathani  dampnati; 
Neve  revelatio 
Cordis  inflammatio 

Fieret  elati. 

0!  utinam  Dominus, 
Qui  suorum  eminus 

Providet  profectus, 
Det  hoc  œgros  sapere; 
Ut  lœtentur  luere 

Noxios  defectus. 

Ave  veri  luminis 
Lampas,  sacrœ  virginis 

Humilis  tutela; 
Languoi'i  morlifero 
Mundi  cuius  utero 

Pi'odiit  inedelu. 


—  2o7  — 

Ave,  queni  praesidio 
Dci  fervens  dolio 

Oleum  non  lœsil; 
I.ocus  Pasmos  insula?, 
Te  pro  Christo  exule, 

Fidei  adheesil. 

Ave,  qui  aculius 
In  Dcum  et  purius 

Aciem  fixisti; 
Dnm  naturam  filii 
Dci,  plus  quam  alii 

Lucide  prompsisti. 

Quos,  sœcli  iudices, 
Vobis  preces  supplices 

Offero  precatus; 
Ne  summo  iudicii 
Et  trino  et  simplici 

Morier  ineratus. 


o  sASciA  Ave,  cuius  vera  contritio 

MAGDALE>*.  Et  œtemœ  vitœ  fiducia, 

Pia  quoque  mentis  devotio 
Meruerunt  non  solum  venia 
Te  perfundi,  sed  fovi  gratia. 
Ora  Christum  ad  quem  esurio 
Ut  iinpurse  vitœ  confessio 
Me  conducat  ad  Cœli  gaudia. 

VI. 

o  SANCTA  Ave,  certum  prœsagium 

ïSAïA.  Ferens  de  parlu  Virginis, 

Dicendo  :  ecce  numinis 
Virgo  pariet  filinm. 

0  SAKCTE  Ave  cuius  vox  conterit 

DAMEL.  ludeos  hoc  prœsagio  : 

Cam  sanctorum  advenerit 

Sanctus,  cessabil  unctio.  18 


—  258  — 

0  prophetarum  concio, 
Certo  vigens  prœsagio; 
Exora  voce  sedula 
Pro  me  regentem  ssecula. 

VII. 


Super  canlilenam  quae  incipit  :  Quand  voi  la  glaie  meure  et  le  rosier  espanir. 


DE  SANCTO 

JOANNE 
BAPTISTA. 


0  constantiœ  dignitas, 
Fundamenlum  graciée  ! 
Te  illuminât  clarilas 
Divinœ  iusticiœ, 
Gloriœ,  pacis  et  laeliciae. 
Sic  illos  Dei  largitas 
Prœmiat,  quos  feritas 
Non  vicit  nequicie; 
Sed  de  belli  acie 
Fervens  retulit  caritas 
Trophaeum  victorise, 
Dignum  cœli  requie. 


VIII. 

o  SANCTE  Ave  paler  multarum  gentium, 

ABRAHAM.  Qui,  amorcm  paternum  exuens, 

Immolare  parasti  filium, 
Vera  fide  sequaces  induens. 
Ora  Deum,  qui  votis  annuens 
Est  suorum,  ut  post  hoc  tœdium 
Me  ad  tuum  dignetur  gremium 
Evocare,  locellum  tribuens. 

SouR  :  Mterne  rex  altissime. 


0  SANCTE 
ISAAC. 


Ave,  qui  carens  lumine, 
Benedixisti  filio 
Minori,  pulso  dubio 
Pilosœ  pellis  tegmine. 


—  259 


0   SANCTb: 
JACOB. 


Ave,  qui,  hora  funeris 
Testans,  dedisti  cominus 
Tuis  vocatis  Hberis 
Ventura  illis  eminus. 


O  SANCTE 
CABKIEL. 


0  SANCTE 
MICHADL. 


0  SANCTE 
liAI'HAEL. 


IX. 

Ave  princeps  cœleslis  curiœ, 
Qui,  transmissus  ad  sacram  Virginem, 
Nunciasti  quod  plena  graciae 
Parturiet  Deum  et  hominem; 
Conturbatœ  sedens  formidinem 
Gaudiosa  verborum  série, 
Asserendo  quod  viri  nescise 
Obumbraret  virtus  Altissimi, 
Archam  loci  fecundans  intlmi. 

SoR  :  Beala  nohis  gaudia. 

Ave,  cum  quo  angelica 
Pompa  draconem  domuit, 
Quem  infernus  absorbait 
Cum  sorte  diabolica. 

Ave  Sarrœ  obprobrium  deiciis 
Eiectam  erigens 
Maie  errata  corrigens 
Per  Tobiee  conjujium. 

0  virtutes  angelicae, 
Custodes  jussu  Domini 
Cœlestis  rei  publicœ, 
Me  servare  dignemini. 


X. 


SouR  :  Tant  ai  d'amours  appris  et  entendu. 

DE  BEATA  AvE  rosa  rubens  et  tenera, 

viRGiNB.  Cuius  odor  inœstimabilis. 

Ave  Stella  transcendens  sydera, 
Cuius  fulgor  innenarrabilis. 


—  260  — 

Mirra  fragrans,  ysopus  humilia, 
Per  quem  Deus,  de  Dei  dexlera 
Se  inclinans,  ad  nostra  infera, 
Nostrœ  fuit  naturse  nubilis. 

Ave  virga  Jesse  florigera, 
Flos  hic  inquam  immarcessibilis, 
Ave  dulcis  Virgo  puerpera. 
Puer  cuius  nuUi  consimilis; 
Qui  immensus  interminabilis 
Intra  tua  se  clausit  viscera. 
Lac  de  cœlo  potans  ad  ubera, 
Polus  talis  mire  laudabilis. 

Ave  sponsi  caelestis  caméra 
Cunctœ  genti  desiderabilis. 
Ave,  dicta  confirmans  vetera 
Prophetarum;  Christi  visibilis 
Facta  mater,  qui  et  passibilis 
Mortem  crucis  tulit  post  verbera; 
Quœ  mors,  licet  fuit  aspera 
Et  despecta,  nulla  tam  utilis. 

Ave,  de  qua  narranlur  opéra 
Caritatis  inexiinguibilis, 
Ave,  per  quam  lux  salutifera 
Fulsit  Clara  in  autris  nubilis; 
Quum  Christus  rex  invincibilis 
Signo  crucis  confregil  infera, 
Suos  solvens,  quos  prima  vipera 
Compedivit  insatiabilis. 

Ave,  ferens  ferentem  fœdera 
Pacis,  mundi  lucerna  labilis. 
Ave  pia  piantem  scelera 
Portans,  portus  in  fide  stabilis, 
Tu  egenis  matrona  fertilis; 
Nato  mater  ut  potes  impera, 
Quod  sit  michi  in  vitae  vespera 
Misericors,  plus,  placabilis. 


XI. 

Agnus,  fili  virginis 
Prirai  lapsum  horainis 
Reslaurans  per  sanguinis 
Tui  sancli  pretium; 

Miserere  nobis. 

Qui  resurgens,  miseris 
Exiractis  ab  inferis, 
Dedisti  cum  superis 
Vila;  refrigeriuru; 
Miserere  nobis. 

Agnus  expers  criminis, 
Seda  venlum  turbinis, 
Dans  virlule  numinis 
Verse  lucia  gaudia; 
Doua  nobis  pacem  (1). 

XII. 

Super  sequenciam  quœ  Incipil  :  Zima  vetds.  De  resurreclione  Domini  (2). 

Zima  vêtus  expurgetur, 
Quo  Mariae  commendetur 
Pure  sancta  dignitas. 

(1)  Cet  Agnus  appartient  au  genre  de  chants  liturgiques  appelés  Iropes. 
«  Ce  sont,  dit  Gerbert  [De  canlu  et  musica  sacra.  T.  I,  p.  330),  des  versets 
placés  avant,  entre  ou  après  d'autres  chants  ecclésiastiques.  »  On  leur  don- 
nait aussi  au  moyen-àge  le  nom  de  chants  farcis;  ainsi  Ton  trouve  des  Kyrie, 
des  Gloria  in  excelsis,  des  Sanctus  et  des  Agnus  Dei  farcis.  Cette  sorte  d'in- 
tercalation  de  paroles  étrangères  parmi  les  paroles  liturgiques,  fut  tolérée 
dans  rÉglise  aussi  longtemps  que  ces  paroles  restèrent  convenables,  et  ne 
furent  qu'un  développement,  un  commentaire  du  texte  principal;  mais  en 
plus  d'un  endroit,  les  évoques  furent  obligés  de  sévir  contre  rintroduction  de 
certaines  paroles  en  langue  vulgaire  et  plus  ou  moins  bouffonnes  {scurillibus 
verbis.  V.  Ddcange).  Dans  plusieurs  Églises  on  retrancha  les  paroles,  tout  en 
conservant  les  notes.  —  Les  vers  de  cette  petite  pièce  n'ont,  comme  on  le 
voit,  que  des  chutes  daclyliques;  c'est  le  même  rliylhme  que  celui  de  la  prose 
Vetii  Sancte  Spiritus. 

(2)  Cette  séquence  est  d'Adam  de  Saint-Victor.  V.  J.  Clichtove,  op.  vil. 


—  262  — 

Tanto  namque  plus  accrescit 
Nobis,  quanto  plus  lucescil 
Eius  (ligna  sanctitas. 

Non  est  opus  fermentato 

Frui  pane,  Chrislo  nalo, 

De  tara  digna  Virgine. 

Hœc  est  thronus  Salomonis; 
Hœc  est  vellus  Gedeonis; 
Sacro  madens  numine, 

Hœc  est  scala  eœlica, 
Per  quam  proies  deica 
Nostros  finis  adiit. 

Hœc  est  Jesse  virgula, 

Ex  qua  vcris  primula 

Gloriosa  prodiit. 

Hœc  est  piscina  Siloe; 
Hœc  est  archa  justi  Noe; 
Hœc  est  Yris  fœderis. 

Mundat  enim  inquinalos, 

Necnon  salvat  emundatos 

Fœderalque  superis. 

Hœc  est  stella  matutina; 
Haec  est  rosa  carens  spina, 
Hœc  est  cella,  qua  divina 
Latuit  essentia. 

Hœc  est  parens  sine  pare, 
Virgo  carens  exemplare; 
Quœ  concepit  sine  marc. 
Maris  prorsus  nescia. 

Nam  subivit  rex  de  cœlis 
Cum  salute  Gabrielis 
Porlani,  quam  Ezechielis 
Clausam  si£;nat  visio. 


—  265  — 

Porta  illa  singularis, 
Porla  vere  salutaris. 
Par  vitro,  quod  vis  solaris 
Non  corrumpit  radio. 

0  Maria,  fons  dulcoris  ! 
Reos  lui  rivo  roris, 
Irroratos  de  mœroris 
Laeu  ad  superioris 
Aulœ  transfer  gaudia. 

Advocata  o  facunda  ! 
Tua  prece  nos  emunda, 
Emundatos  nos  fecunda, 
Ul  a  morte  nos  secunda 
Tua  salvet  gracia.  Amen. 

XIII. 

Super  :  Lœlahundus  (1). 

Ad  honorera  Filii 
Matrem  gaudii 
Salutemus. 

Etpiomatre  Filio 
Sine  tœdio 
lubilemus. 

Ave  mater  veniœ 
Fons  misericordise, 
Maris  Stella. 

Ave  fili  Virginis, 
Sedans  pestem  turbinis 
In  procella. 

Ave  mater  inclyta, 
Per  quam  vita  perdita 
Reparatur. 


(1)  Le  «  Lœtabundus  »  est  une  séquence  que  l'on  trouve  dans  tous  les  mis- 
sels romains-français;  elle  a  été  longtemps  attribuée  à  saint  Bernard,  Dom 
Gueranger  l'a  rencontrée  dans  un  manuscrit  du  XI«  siècle. 


—  2G4  — 

Ave  Fili  nobilis, 
Ciiius  morlc  flebilis 
Mors  dampnatur. 

Ave  maler  palriîe 
Cœlestis,  liEticiœ 
Dans  annonam. 

Ave  fili  graciœ, 
Paradisi  gloriœ, 
Dans  coronam. 

Ave  mater  omnium 
Factoris,  quœ  propriuni 
Virgo  Dei  filium 
Peperisti. 

Ave  fili  numinis! 
Verum  corpus  hominis 
In  utero  Virginis 
Assumpsisti. 

0  Mater  !  postula 
Pro  reis  sedula 

Donum  gratiœ, 

Finem  bonum. 

0  Fili  !  preeibus 
Paternis  dulcibus, 

Dona  veniae 

Reis  donum.  Amen. 


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TANT  AI  D'AMOURS  APPRIS  ET  ENTENDU. 


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LAUTRIERESTOIE  MOl^'TÉS  SOR  MON  PALEFROI  AMBLANT. 


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565  — 


^i0t0ire    littéraire. 


I.   LOUIS  DES  MASURES. 


Louis  des  Masures  naquit  à  Tournay,  d'Adrien  des 
Masures  et  de  Catherine  Marcand.  Ces  deux  noms  ne  sont 
pas  encore  oubliés  dans  cette  contrée.  Tournay  possède 
de  nos  jours  bon  nombre  de  Masure;  et  nous  trouvons  des 
Marcand,  sinon  à  Tournay,  du  moins  dans  les  environs 
de  celle  ville,  notamment  à  Hollain. 

On  ignore  la  date  exacte  de  la  naissance  de  Louis  des 
Masures.  MM.  Weiss  et  Delaulnaye,  dans  la  Biographie 
Michaud,  le  disent  né  vers  Tan  1523.  Moréri  dit  :  «  dans 
les  commencements  du  XVl"  siècle.  »  Nous  croyons  la  pre- 
mière date  trop  avancée.  Des  Masures  avoue  lui-même 
qu'il  se  trouva,  soit  à  la  cour  de  François  I",  soit  auprès 
du  cardinal  Jean  de  Lorraine  en  qualité  de  secrétaire,  pen- 
dant l'espace  de  quatorze  ans.  Or,  des  Masures  cessa  ses 
fonctions  auprès  du  cardinal  en  lo47,  peu  de  temps  après 
la  mort  de  François  F^  Il  a  dû  conséquemment  arriver  à 
la  cour  de  ce  prince  vers  l'année  1553.  Il  avait  bien  cer- 
tainement alors  plus  de  dix  ans.  Toutefois  des  Masures 
dit  que  la  France  éleva  sa  tendre  jeunesse.  En  supposant 
qu'il  eût  alors  dix-huit  ans,  nous  arriverions  à  la  date  de 
1515,  comme  époque  probable  de  la  naissance  de  ce  poète. 
Il  est  étonnant  que  des  Masures,  qui  s'étend  si  longue- 
ment sur  certaines  circonstances  de  sa  carrière,  ait  si 

19 


—  266  — 

rarerneiit  donné  un  souvenir  à  sa  patrie.  Nous  ne  savons 
rien  de  ses  éludes.  Il  y  a  beaucoup  de  probabilité  cepen- 
dant qu'il  les  commença  à  Tournay  même,  qui  était  devenu 
vers  1525  un  centre  d'instruction  fort  important. 

Très-jeune  encore,  nous  le  trouvons  attaché  à  la  per- 
sonne du  cardinal  Jean  de  Lorraine.  Quelles  sont  les  cir- 
constances  qui  l'amenèrent  chez  ce  prélat?  c'est  ce  que 
nous  ignorons,  des  Masures  ne  nous  apprenant  rien  à  ce 
sujet. 

Il  y  a  grande  apparence  toutefois  que  des  Masures  com- 
mença par  être  attaché  au  cardinal  de  Lorraine,  et  qu'il 
remplaça  comme  secrétaire  auprès  de  ce  prince  Toussaint 
de  Hocédi,  d'une  famille  noble  de  Valenciennes,  qui,  après 
avoir  été  secrétaire  du  cardinal  Jean  et  maître  des  requêtes 
du  duc  Antoine  de  Lorraine,  embrassa  l'état  ecclésiastique, 
et  devint,  en  1545,  évêque  et  comte  de  Toul.  T.  de  Hocédi 
était  parent  de  des  Masures  par  sa  mère  (matrispatruelem). 
Des  Masures  lui  témoigna  toujours  beaucoup  de  considé- 
ration et  d'amitié.  Dans  une  épîlre  en  vers  latins  adressée 
à  ce  prélat,  il  l'appelle  son  Mécène.  Alors  même  que  des 
Masures  eut  abandonné  la  religion  de  ses  pères,  il  n'oublia 
pas  ce  qu'il  devait  à  son  parent.  L'édition  de  1574  de  ses 
poésies  latines  renferme  une  ode  fort  longue  à  la  louange 
de  ce  prélat,  mort  le  50  juin  1565,  auquel  il  donne  les 
épithètes  de  vir  bonus  et  dodus. 

Ce  fut  le  cardinal  Jean  de  Lorraine  qui  produisit  notre 
jeune  poète  à  la  cour  de  François  I".  Là  des  Masures  coula 
d'heureux  jours.  Il  s'y  trouva  en  effet  avec  les  plus  beaux 
esprits  de  l'époque.  Plus  tard,  après  avoir  plus  d'une  fois 
bu  à  la  coupe  amère  de  l'exil,  il  prenait  plaisir  à  rappeler 
ses  beaux  jours  d'autrefois  : 

France  fertile,  sainle  et  belle 

Ma  tendre  jeunesse  esleva 

Durant  cette  saison  sereine 
En  haut  degré  tu  mavançoij 


—  267  — 
dit-il  en  s'adressant  au  cardinal  Jean  de  Lorraine; 

Lui-mcsnie  le  grand  Roy  François 
D'une  humanité  sonvereine 
Daignoil  bien  quelquefois  eslire 
Plaisir  aux  fredons  de  ma  lyre. 

Que  de  fois  il  a  chanté  près  des  rives  de  la  Loire,  de 
la  Seine  ou  du  Loir,  et  sous  les  chênes  séculaires  de  Fon- 
tainebleau! Là  il  aimait  tant  à 

écouler  la  chalemie 
De  Merlin  chantant  de  s'amie. 

Après  un  souvenir  à  Nicolas  d'Herberay  des  Essarls,  il 
ajoute  : 

Puis  me  desguisoit  Rabelais 
Le  vray,  de  ses  plesantes  feintes 
Qui  de  Gargantua  recite 
Le  sens,  la  force  et  l'exercite. 
Les  erreurs  et  dangers  d'Ulisse 
Discouroit  le  bon  Pelletier, 
Ou  traitoit  par  ordre  et  police 
Des  terres  l'art  et  le  mestier.... 
Mon  Salel  maintenant  aux  ombres 
Chante  la  guerre  d'IHon.... 
Avec  lui  Marot  débonnaire. 
Deux  flambeaux  luisans  de  Querci, 
Ont  d'une  lumière  ordinaire 
Le  nom  du  pays  esclarci. 
L'un  deux  errant  à  la  merci 
De  fortune  dure  et  contraire 
Me  désirant  meilleur  augure 
M'envoya  peinte  sa  figure. 
Ce  pourtrait  me  le  remémore 
A  l'œil  vif,  et  au  col  marbrin  : 
Qui  en  déclinant  sur  le  more 
Ha  le  teint  cler  et  brun  le  crin. 
Qu'ay-je  à  ramentevoir  Macrin 
Sous  un  cyprès  ou  sicomore 
Pleurant  Gelonis,  dont  la  vie 
Par  amere  mort  est  ravie? 


—  208  — 

1.»  flocle  bande  que  je  conte 

J'eiiz  temps  et  plaisir  de  hanlef. 

Caries  et  Colin  n'eurent  honte 

D"y  venir  leurs  carmes  chanter. 

Jan  Martin  s'y  vint  présenter, 

Et  meints  dont  trop  long  est  le  conte. 

Tout  cela  se  passait  du  temps  de  François  1".  Fran- 
çois I"  meurt.  Alors,  ajoute  des  Masures  : 

Le  sort,  l'envie  et  le  malheur, 
Sans  cause  ou  mérite,  en  souffrance 
Me  firent  traverser  grand  erre, 
Meinte  mer,  meinle  estrange  terre. 

Ailleurs  il  s'écrie  encore  : 

Fuyant  la  furieuse  envie 

Des  malins  poursuivant  ma  vie, 

Aux  cœurs  emplis  de  fiel  amer. 

La  source  et  fons  de  ma  souffrance 

Me  vit  premier  partir  de  France, 

Quand  du  bon  Roy  trop  en  effet 

La  Mageslé  fut  indignée  : 

Ce  fut  malheur  ou  destinée. 

Non  sa  rigueur,  ny  mon  forfait. 

Nouvel  Ovide,  des  Masures,  eu  vingt  endroits  différents, 
revient  ainsi  sur  ce  qu'il  appelle  son  indigne  exil.  Pas  une 
seule  fois,  il  ne  nomme  ses  ennemis;  à  peine  dans  quelques 
passages  transparents,  peut-on  entrevoir  quelle  fut  la  cause 
première  de  sa  disgrâce.  Essayons  de  pénétrer  ce  mystère. 

Le  mot  que  semble  le  mieux  résumer  les  motifs  de  celte 
persécution,  c'est  le  mot  envie,  invidia.  Parmi  les  poètes 
qui  florissaient  à  la  cour  de  François  I",  il  est  certain  que 
l'entente  la  plus  cordiale  n'a  pas  toujours  régné.  Rien  n'est 
plus  exposé  à  l'envie  que  la  gloire,  et  c'est  parmi  la  classe 
des  poëlereaux  que  ce  défaut  atteint  sa  plus  haute  puis- 
sance. Qui  ne  se  rappelle  le  mot  d'Horace  : 

Genus  irrilabile  valum? 


—  2G9  — 

Le  passage  allégorique  suivant,  où  Pan  représente  Fran- 
çois I",  et  Sylvain  le  cardinal  Jean  de  Lorraine,  est  celui 
où  notre  poêle  est  le  plus  explicite  au  sujet  de  sa  première 
disgrâce  : 

Morle  seil  en  raptus,  numen  raortale,  cadit  Pau. 
Atque  ego  vanorum  invidia  discedere  vatum, 
Quorum  in  me  simulatus  amor  demulserat  aures, 
Cogor,  et  invito  gratos  (ila  gloria  falso 
Numine  nixa  labat)  Sylvano  linquere  campos. 

François  I"  faisait  un  grand  cas  de  des  Masures.  Ce  prince, 
grand  protecteur  des  lettres,  distribuait  quelquefois  ses 
éloges  avec  une  bienveillance  qui  n'avait  rien  de  Irès- 
éclairé.  Sur  la  recommandation  du  roi  lui-mêFîie  et  du  car- 
dinal Jean  de  Lorraine,  des  Masures  entreprit  la  traduction 
de  l'Enéide,  comme  Jacques  Pelletier  avait  traduit  l'Odys- 
sée, et  Hugues  Salel  l'Iliade.  Des  iMasures  avait  à  peine 
ébaucbé  la  traduction  du  premier  livre,  que  son  intention 
n'était  pas  au  reste  de  publier  seul.  Il  se  proposait  de  le 
revoir  à  loisir,  comme  il  le  dit  dans  son  épitre  au  cardinal 
de  Lorraine.  Mais  le  zèle  précipité  du  cardinal  trompa  ses 
espérances.  Ayant  lu  ce  premier  livre,  le  cardinal  voulut 
le  montrer  au  roi.  François  P""  s'en  amusa  quelques  mo- 
ments; mais  plusieurs  courtisans,  qui  en  avaient  entendu 
la  lecture,  critiquèrent  cette  traduction  avec  aigreur.  Des 
Masures  était  mal  avec  quelques-uns  d'entre  eux.  Leur 
censure  lui  fit  de  la  peine.  Il  reconnaissait  bien  que  ces 
critiques  étaient  fondées;  il  se  plaignait  seulement  de  ce 
qu'elles  étaient  faites  sur  un  ton  de  vivacité  qu'il  ne  méri- 
tait point.  Ces  courtisans  n'ignoraient  pas  en  effet  que  son 
écrit  avait  été  montré  au  roi  contre  son  aveu,  et  que  son 
intention  n'avait  jamais  été  de  le  publier  dans  l'élat  informe 
où  il  était. 

Ces  détails  prouvent  assez  que  des  Masures  avait  des 
envieux  à  la  cour  de  François  I".  Ces  haines  restèrent  à 


—  270  — 

l'état  latent  du  vivant  de  ce  prince.  Elles  éclatèrent  im- 
médiatement après  sa  mort.  Au  moyen  de  Tune  ou  de 
l'autre  accusation ,  on  réussit  à  rendre  des  Masures 
odieux  à  Henri  II,  et  des  Masures  dut  quitter  la  cour. 
Le  26  avril  1547,  il  était  à  l'Ile-Adam  auprès  du  cardinal 
Jean  de  Lorraine. 

On  a  écrit  que  l'attachement  de  des  Masures  au  calvi- 
nisme servit  de  prétexte  à  ces  persécutions.  Nous  ne  pou- 
vons nous  rallier  à  celte  opinion.  Nous  n'ignorons  pas  que, 
parmi  celte  cour  savante,  il  se  trouvait  des  poêles  qui 
ne  voyaient  pas  d'un  trop  mauvais  œil  les  progrès  de  la 
religion  réformée.  Nous  savons  bien  que  M.  Saint-Marc 
Girardin  appelle  l'école  de  Marot  la  première  étape  du  cal- 
vinisme. Mais  si  des  Masures  avait  dès-lors  partagé  les 
opinions  des  novateurs,  s'il  avait  été  persécuté  pour  ce  fait, 
esl-il  probable  qu'il  eût  cherché  un  refuge  à  Rome  même, 
au  centre  de  la  catholicité?  est-il  probable  qu'il  y  eût  été 
choyé  par  un  prince  de  l'Église,  le  cardinal  du  Bellay? 
qu'un  autre  prince  de  l'Église,  le  cardinal  Jean  de  Lor- 
raine, l'eût  pris  de  nouveau  sous  sa  protection,  et  l'eût 
ainsi  ramené  en  France,  se  faisant  fort  d'obtenir  son  par- 
don du  roi?  Cette  opinion  ne  pourrait  se  soutenir  que  si 
l'on  citait  des  preuves  positives.  Or  on  n'en  cite  pas. 

Des  Masures  dit  que  la  mort  de  François  I"  fut  un  deuil 
pour  les  Muses,  et  des  Masures  est  dans  le  vrai.  Mais  les 
Muses  qui  durent  s'expatrier  à  la  suite  de  cet  événement, 
n'étaient  pas  toutes  des  Muses  suspectes.  Le  cardinal  Jean 
du  Bellay  lui-même  se  vit  dans  l'obligation  de  chercher  à 
Rome  des  lieux  plus  hospitaliers. 

Claude  Garnier,  dans  son  commentaire  sur  Ronsard,  dit 
de  des  Masures  :  «  Il  fut  capitaine  de  chevaux  durant  les 
guerres  du  roy  Henri  II  et  de  l'empereur  Charles-Quint, 
et  fut  en  quelque  peine,  ce  disoit-on,  pour  avoir  intelli- 
gence avec  l'ennemi,  dont  il  se  purgea.  »  Nous  croyons  que 


—  271  — 

c'est  là  qu'il  faut  chercher  la  vraie  cause  de  l'exil  de  notre 
auteur.  Après  la  mort  de  François  I",  des  Masures,  selon 
toute  apparence,  entra  au  service  militaire  : 

Tum  férus  ardentem  Mavors  horrentibus  armis 
Delinet 

A  diverses  reprises,  il  nous  dit  qu'il  n'a  suivi  le  parti 
de  l'un  ni  de  l'autre  seigneur.  Dans  une  épître  au  cardinal 
Charles  de  Lorraine,  écrite  en  1532,  alors  que  des  Masures 
se  trouvait  déjà  à  la  cour  du  duc  de  Lorraine,  il  prie  le 
cardinal  d'intercéder  pour  lui  auprès  du  roi  : 

Sit  fas  hic  vivcre  neutra  sequuto 
Arma  ducum,  et  Régis  placatam  agnoscere  nienteni  : 
Cujus  et  assiduus  castris  ego  miles  in  hostes 
Arma  tuli.... 

Plus  loin  dans  la  même  pièce  —  et  c'est  à  peu  près  la 
seule  allusion  qu'il  ait  faite  à  sa  patrie,  —  des  Masures 
vante  la  fidélité  de  la  ville  de  Tournay,  la  cité  royale,  fille 
ainée  des  rois  de  France  : 

Gallieus  aeterno  gaudet  gens  Nervia  sanguis 
Fœdere,  nec  partes  alias,  aut  estera  castra, 
Signave  quœ  signis  Gallorum  adversa  minantur 
Sustinuit  malefida  sequi  :  sed  Regia  gestans 
Arma,  fero  validas  ostendit  peclore  vires. 

La  persistance  avec  laquelle  des  Masures  revient  sur  sa 
fidélité  au  roi  dans  la  guerre,  explique  suffisamment  les 
causes  de  son  exil.  Les  jaloux  qu'il  avait  à  la  cour  avaient 
continué  leurs  intrigues,  et  ces  intrigues  avaient  eu  le  ré- 
sultat qu'ils  en  attendaient.  Des  Masures  fut  donc  forcé  de 
quitter  la  France;  nous  ignorons  toutefois  si  cet  exil  fut  la 
conséquence  d'une  condamnation  formelle. 

Des  Masures  passa  d'abord  en  Suisse,  puis  il  traversa 
les  Alpes  et  les  Apennins,  et  arriva  en  Toscane,  où  il  s'em- 
barqua probablement  pour  Naples  :  de  Naples,  il  alla  en 


272  

Sicile,  d'où  il  revint  à  Rome.  C'est  là  qu'il  flt  la  rencontre 
(lu  cardinal  Jean  du  Bellay,  qui  le  recueillit  avec  bonté 
dans  sa  maison.  Là  s'étaient  réfugiées  les  muses  errantes. 
Auprès  du  cardinal  se  trouvaient  le  poêle  Joachim  du  Bel- 
lay, son  parent,  Olivier  de  Magny,  Panjas,  poêles  aussi, 
et  parmi  eux  Rabelais,  que  le  sort,  selon  l'expression  de 
M.  Saint-Marc  Girardin,  semblait  amener  à  Rome  par  une 
espèce  de  prédestination  satirique.  Que  faisait  à  Rome  cette 
colonie  de  beaux-esprits  français?  Atteints  du  regret  de 
la  patrie,  les  poêles  chantaient  leurs  ennuis... 

Des  Masures  se  trouvait  à  Rome  lorsque  mourut  le  pape 
Paul  III,  le  10  novembre  1549.  La  nomination  de  son 
successeur  appelle  dans  celle  ville  le  cardinal  Jean  de  Lor- 
raine. Jules  III  est  nommé  au  Saint-Siège,  en  place  de 
Paul  III,  le  8  février  1530.  Jean  de  Lorraine  se  propose 
alors  de  retourner  en  France;  il  cherche  à  résoudre  des 
Masures  à  l'accompagner,  en  lui  promettant  de  lui  faire 
obtenir  son  pardon  du  roi.  Malgré  la  conscience  de  son 
innocence,  des  Masures  hésite  d'abord.  Enfin  décidé  par 
les  assurances  du  cardinal,  il  le  suit.  Ils  arrivent  à  Lyon. 
Là  ils  apprennent  la  mort  du  duc  Claude  I"  de  Lorraine, 
frère  du  cardinal  Jean,  et  oncle  du  cardinal  Charles  de 
Lorraine.  Claude  I"  était  mort  le  12  avril  1530.  Jean  de 
Lorraine  ne  tarda  pas  à  le  suivre  dans  la  tombe.  La  mort 
de  son  frère  paraît  avoir  abrégé  ses  jours.  Il  mourut  lui- 
même  le  10  mai  suivant. 

La  mort  du  cardinal  Jean  afTecta  vivement  des  Masures  : 

Et  ce  fut  k  fin  que  j'aprinsse 
Que  de  s'attendre  à  Roy  ou  Prince 
Au  momie  n'est  que  vanilé. 
En  Dieu  seul  la  fiance  est  seure 
De  qui  la  parole  demeure 
Durable  en  toulc  élernilé. 

Cet  événement  privait  des  Masures  de  sa  dernière  es- 


—  275  — 

pérance.  Il  se  recueillit  un  moment  avant  de  prendre  un 
parti,  et  il  n'aperçut  devant  lui  qu'un  nouvel  exil.  «  Quoi- 
que son  âge  ne  fût  trop  avancé,  selon  ses  expressions,  il 
n'eut  plus  en  pensée  qu'un  exil  misérable  et  perpétuel  en 
Asie,  où  il  délibérait  aller  passer  le  reste  de  ses  jours.  » 

C'est  alors  qu'il  repasse  le  Rhin;  il  erre  à  travers  la 
Vindélicie,  la  Norique;  il  visite  ainsi  les  rivages  des  Bata- 
ves,  le  pays  des  Gètes,  des  Suèves  et  des  Sarmales.  Il  ne 
lui  manqua  que  d'aller  pleurer  sur  le  tombeau  d'Ovide. 
Enfin,  à  travers  mille  dangers,  il  arrive  aux  champs  de  la 
Lorraine, 

Oq  je  viz  :  et  y  voy  la  terre  entour  saisie 

Des  armes,  et  du  bruit  des  trompettes  d'airein. 

Christine  de  Danemarck,  duchesse  douairière  de  Lor- 
raine et  mère  du  jeune  duc  Charles,  le  reçut  gracieuse- 
ment à  Nancy.  Des  Masures  se  trouvait  dans  cette  ville  le 
1"  mai  1551.  Christine  de  Danemarck  acheva  d'essuyer 
ses  larmes,  en  lui  donnant  auprès  d'elle  et  de  son  jeune 
fils,  l'emploi  qu'il  avait  tenu  auprès  du  cardinal  Jean, 
Remarquons  en  passant,  qu'une  telle  faveur,  de  la  part 
d'une  cour  si  catholique  que  celle  de  Lorraine,  exclut  l'idée 
même  que  des  Masures  eût  été  déjà  accusé  de  pencher  vers 
la  réforme. 

C'est  pendant  cette  nouvelle  période  de  tranquillité  que 
des  Masures  acheva  sa  traduction  de  l'Enéide,  qui  parut 
en  entier,  au  plus  tard,  en  1560.  C'est  également  dans 
cet  intervalle,  qu'il  publia  ses  poésies  françaises.  En  1557, 
il  donna  aussi  un  recueil  de  poésies  latines. 

Pendant  les  guerres  de  Henri  II  et  de  Charles-Quint,  des 
Masures  fut  chargé,  par  le  duc  de  Lorraine,  de  difl'érenles 
missions  diplomatiques.  Avant  que  les  guerres  civiles  re- 
commençassent en  France,  il  fut  envoyé  eu  Allemagne 
auprès  de  Charles-Quint,  afin  d'obtenir  pour  la  Lorraine 
le   bénéfice  de   la   neutralité.   Ceci   se   passait  en   1552. 


274 


L'empereur  lui  fit  des  promesses,  ce  qui  n'empêcha  pas 
l'armée  impériale  de  venir  assiéger  Toul,  iNîetz,  Trêves, 
Thionville.  Pour  détourner  les  maux  de  la  euerre,  il  fut 
alors  chargé  d'une  nouvelle  mission  diplomatique,  qui  ne 
paraît  pas  avoir  eu  plus  de  succès  que  la  première. 

Voulant  reconnaître  les  services  rendus  par  des  Masu- 
res, le  duc  de  Lorraine  lui  accorda,  le  6  juin  15o3,  des 
lettres  de  noblesse.  Des  Masures  portait  d'azur  à  trois 
griffes  d'aigle  d'or,  posées  2  et  1. 

Ainsi  entouré  de  la  considération  d'un  prince  puissant, 
des  Masures  aurait  pu  se  croire  heureux;  mais  il  manquait 
encore  quelque  chose  à  son  bonheur.  D'abord  cette  position 
même  ne  lui  créait  guère  de  loisirs  à  consacrer  à  la  poésie, 
ou,  s'il  avait  quelques  moments  libres,  le  duc  de  Lorraine 
les  lui  faisait  souvent  dépenser  à  traiter  des  sujets  d'actualité 
qui  n'allaient  toujours  à  la  tournure  de  son  imagination. 
Mais  ce  qu'il  regrettait  de  plus,  c'était  cette  brillante  société 
poétique  où  sa  jeunesse  avait  passé  de  si  beaux  jours.  Voici 
ce  qu'il  écrivait  à  ce  sujet  à  Joachim  du  Bellay  ; 


Mais  le  regret  sur  douleur  toute 


Me  saisit  l'ame,  de  ne  voir 
Ceux  qu'à  présent  la  France  escoulc 
Ravie  au  pris  de  leur  savoir 
Plus  qu'onquemais.  C'est  à  savoir 
Ronsard,  qui  son  chef  lieve  et  boute, 
Couronné  de  fueiiles  flairantes, 
Là  sus  aux  flammes  esclairantes. 
El  que  des  autres  je  me  taise. 

L'an  loo5,  des  Masures  épousa  Diane  Baudoire,  d'une 
famille  noble  de  Lunéville.  Au  bout  de  dix-huit  mois  de 
mariage,  Diane  lui  donna  un  fils,  qu'il  nomma  Claude.  Cet 
enfant  n'avait  que  vingt-deux  jours,  quand  sa  mère  mou- 
rut d'une  fièvre  puerpérale.  Des  Masures  pleura  Diane, 
qu'il  aimait  du  plus  sincère  amour.  Nous  avons  plusieurs 
pièces,  adressées  à  son  fils,  où  il  déplore,  avec  les  senti- 


—  275  — 

menls  les  plus  élevés,  ses  rêves  de  bonheur  si  tôt  évanouis. 

II  se  consola  pourtant  de  cette  perte,  comme  on  se  con- 
sole de  toutes  les  douleurs  humaines;  et  déjà  avant  1S57, 
Claude  des  Masures  avait  une  belle-mère,  Anne  IJrsin,  du 
bourg  de  Saint-Nicolas  du  Port,  à  trois  lieues  de  Nancy. 
Anne  Ursin  fut  véritablement  une  seconde  mère  pour  le 
fils  de  Diane  Baudoire.  Au  reste,  elle  ne  paraît  pas  avoir 
eu  de  postérité. 

Cet  enfant  joua  dès-lors  un  grand  rôle  dans  la  vie  de 
des  Masures,  et  au  risque  de  paraître  tomber  dans  des  dé- 
tails puérils,  nous  avons  besoin  d'être  ici  un  peu  long, 
parce  que  ces  événements,  peu  importants  en  apparence, 
en  amenèrent  d'autres  qui  ne  sont  pas  sans  intérêt. 

Claude  n'avait  pas  encore  quatre  ans  lorsqu'il  fut  atta- 
qué de  la  fièvre.  Souvent  les  médecins  désespérèrent  de  sa 
guérison.  Des  Masures  n'espéra  plus  que  dans  le  secours 
divin.  Contre  toute  attente,  son  fils  se  rétablit.  Des  Masures 
vit  le  doigt  de  Dieu  dans  celle  guérison,  comme  il  le  dit 
lui-même;  et  de  ce  moment  date  son  premier  pas  dans  la 
voie  du  protestantisme  : 

Profuit  liœc  animo  tandem  experientia  segni, 
Quœ  monuit  Sutanœ  linqucrc  caslra  ducis. 

Agnovi  ^lerni  curam  geniloris,  at  ille 

Dulcibus  (ut  placilum)  miscet  amara  favis. 

Certa  sequi  ex  illo  cœpi  vesligia  Christi, 

Et  longœ  inniti  quam  docet  ille,  vise. 

> 

Ici  il  est  nécessaire  de  jeter  un  coup  d'œil  en  arrière. 

En  revenant  de  Rome  avec  le  cardinal  Jean  de  Lorraine, 
des  Masures  s'arrêta  à  Lausanne.  Il  y  rencontra  Théodore 
de  Bèze,  qui  y  occupait  alors  une  chaire  de  langue  grecque. 
Théodore  de  Bèze  le  mit  en  relation  avec  Viret  et  avec  Cal- 
vin. Ce  dernier  exposa  même  à  des  Masures  ses  principes 
religieux.  Mais  —  et  des  Masures  revient  sur  ce  point  à 
plusieurs  reprises,  —  il  ne  prêta  pas  grande  attention  à  la 


—  576  — 

nouvelle  doctrine.  Il  fallut  les  écrits  nombreux  de  Théodore 
de  Bèze  pour  ébranler  ses  convictions  religieuses  : 

Sed  docuit  scriptis  me  Beza  fieqnentibus  error 
Quo  traheret,  memorique  rogans  ea  mente  tenereni 
Quse  mihi  cum  dulci  duclum  pastore  Vireto 
Ipseque  et  ore  bonus  dederat  Calvinus  amico, 
Ferre  in  dlversum  nionuit  vestigia  callem. 
Tardus  at  hœsisset  vili  fixusque  luto  pes, 
Ni  Pater  exceiso  miseratus  ab  œthere  segneuj 

Cunctanlenique  metu,  et  rerum  telluris  amauleni 

■  Traxisset. 

Ce  n'est  qu'en  15o9,  conséquemment  dix  ans  environ 
après  son  entrevue  avec  Théodore  de  Bèze  et  Calvin,  que 
des  Masures  commença  à  pratiquer  la  nouvelle  doctrine. 
La  crainte  de  perdre  sa  position  à  la  cour  de  Lorraine, 
l'attachement  aux  choses  de  la  terre,  pour  nous  servir  de 
ses  expressions,  l'empêchèrent  encore  alors  de  se  déclarer 
ouvertement  pour  le  calvinisme.  Des  Masures  possédait  à 
Saint-Nicolas  du  Port  un  petit  domaine,  qu'il  appelle  5am- 
melianus  ager.  C'était  là  qu'il  allait  passer  les  moments 
qu'il  pouvait  dérober  aux  affaires  publiques.  C'est  là  aussi 
qu'il  composa  la  plupart  de  ses  poésies  françaises. 

A  partir  de  la  guérison  de  son  fils,  des  Masures  se  mit 
à  inspirer  en  secret  ses  erreurs  sur  la  religion  à  ceux  qui 
voulaient  l'entendre.  On  se  réunissait  clandestinement  la 
nuit  dans  une  maison  voisine  de  la  sienne  à  Sainl-JVicolas. 
Le  signal  pour  les  assemblées,  selon  le  P.  Abram  dans  son 
Histoire  manuscrite  de  l'université  de  Pont-à-Mousson, 
était  un  coup  de  fusil  qu'on  tirait  à  certaine  heure.  Après 
être  demeuré  ainsi  caché,  des  Masures  fil  venir  de  Metz 
un  prédicant  nommé  Christophe,  qui  prêcha  pendant  quel- 
que temps  en  secret.  Ensuite,  à  l'occasion  du  baptême  d'un 
enfant,  on  s'assembla  dans  une  maison  nouvellement  bâtie, 
mais  non  encore  habitée,  où  Christophe  prêcha  sa  nou- 
velle doctrine  devant  un  auditoire  assez  nombreux;  après 


—  277  — 

quoi  ou  chanta  des  psaumes.  Le  lendemain,  qui  était  un 
dimanche,  presque  tout  le  bourg  de  Saint-Nicolas  se  rendit 
dans  cette  maison  pour  y  entendre  le  nouveau  prédicateur, 
pendant  que  le  curé  était  presque  seul  dans  son  église. 

Ces  réunions  clandestines  duraient  depuis  plus  de  qua- 
tre ans.  Ce  qui  venait  de  se  passer,  devait  les  produire  au 
grand  jour.  Le  duc  Charles  de  Lorraine  en  a  enfin  con- 
naissance. 

Imprudens  in  me  jubel  arma  parari 
Consilium, 

dit  des  Masures.  Le  duc  envoie  à  Saint-Nicolas  Jean  de 
Savigny,  seigneur  de  Laimont,  bailli  de  Nancy,  avec  la 
compagnie  de  ses  gardes,  pour  arrêter  des  Masures  avec 
les  autres  calvinistes.  Laimont  arrive  à  Saint-Nicolas  pen- 
dant la  nuit.  La  force  armée  cerne  la  maison  de  des  Ma- 
sures, qui  s'échappe  comme  par  miracle;  sa  maison  est 
envahie;  on  trouve  son  fils,  qui  n'avait  pas  encore  neuf 
ans,  profondément  endormi.  Le  bruit  des  armes  l'éveille 
en  sursaut.  On  lui  fait  mille  questions  sur  le  compte  de  son 
père.  L'enfant  ignore  tout.  Laimont  l'épargne,  grâce  à  son 
jeune  âge.  Mais  il  sort  indigné;  on  s'empare  d'un  nommé 
Florentin,  qui  se  trouvait  au  lit  près  de  sa  femme  malade 
et  d'un  enfant  de  quelques  jours.  —  C'était  peut-être  le 
baptême  de  cet  enfant  qui  avait  donné  lieu  à  tout  ce  scan- 
dale. —  Sans  autre  formalité,  Florentin  est  condamné  à  la 
potence,  et  la  sentence  est  immédiatement  exécutée.  Lai- 
mont, en  retournant  à  Nancy,  aperçoit  ce  cadavre  qui  se 
balance  dans  les  airs;  à  cette  vue,  saisi  de  terreur,  il  s'ar- 
rête involontairement;  une  sueur  froide  lui  glace  le  sang 
dans  les  veines,  et  il  meurt  trois  mois  après. 

Il  n'y  eut  qu'une  victime.  —  La  femme  de  des  Masures 
s'était  réfugiée  auprès  de  sa  mère.  —  Ordre  fut  donné  de 
renverser  de  fond  en  comble  la  maison  voisine  de  celle  de 
des  Masures,  et  où  avaient  eu  lieu  les  prêches.  Des  Masures 


—  278  — 

fut  exilé  de  Lorraine;  mais  ses  biens  ne  furent  pas  confis- 
qués; le  duc  lui  permit  de  les  vendre  et  d'en  toucher  le 
prix. 

Des  Masures  se  relira  un  moment  dans  le  duché  de 
Deux-Ponls;  mais  peu  de  temps  après,  il  revint  à  Metz, 
et  celte  fois  il  fit  profession  publique  de  calvinisme.  Il  se 
trouvait  à  Metz  au  commencement  de  l'année  1364.  Les 
réformés  à  Metz  étaient  «  tellement  crus  de  nombre,  dit 
Théodore  de  Bèze,  qu'outre  Pierre  de  Cologne  et  Jean 
Taffin  (aussi  un  Tournaisien),  il  leur  fallut  encore  avoir 
deux  ministres,  qui  furent  Jean  Garnier,  jadis  ministre  de 
l'église  françoise  de  Strasbourg,  et  Louys  des  Masures,  au- 
trefois secrétaire  de  l'ancien  cardinal  de  Lorraine,  mais 
homme  de  bien  et  de  bon  savoir,  lequel,  contraint  pour  la 
religion  de  partir  de  la  ville  de  Saint-Nicolas,  se  retira 
dedans  Mets.  «Ceci  se  passait  un  peu  avant  le  4  juin  1564. 

Ces  renseignements  concordent  de  tous  points  avec  les 
assertions  de  des  Masures,  qui  affirme  s'être  défendu  d'a- 
bord d'accepter  pareille  mission,  et  qui  ajoute  l'avoir  tou- 
jours remplie  gratuitement. 

C'est  en  ce  moment  que  des  Masures  songea  aux  études 
de  son  fils.  Il  l'envoya  étudier  à  Heidelberg.  Là  ensei- 
gnaient Josué  Lagus,  Olivier  Boch ,  délivré  de  ses  fers, 
Pierre  Boquin,  du  Berry,  professeur  de  théologie,  qui  fut 
député  avec  Zacharie  Ursin  en  lo6o  au  colloque  de  Maul- 
brunn  par  l'Élecleur  palatin.  Claude  des  Masures  y  eut 
encore  pour  maîtres  Basile  Zanchi,  et  le  célèbre  hébraïsant 
Emmanuel  Trémellius,  tous  anciens  amis  de  son  père.  La 
maladie  le  força  d'abandonner  momentanément  les  études 
et  de  revenir  à  Metz. 

Après  sa  guérison,  des  Masures  conduisit  son  fils  à  Paris; 
ils  furent  reçus  dans  cette  ville  par  Salignac,  docteur  de 
Sorbonne,  qu'il  avait  connu  longtemps  à  la  cour  de  Fran- 
çois I".  Des  Masures  confia  son  fils  au  célèbre  Ramus, 


—  279  — 

qui  le  prit  sous  sa  proleclion.  Nous  sommes  au  mois 
d'avril  1572.  Quatre  mois  plus  tard  éclale  le  massacre  de 
la  Saint-Barlliélemy.  Ramus  ciierche  dans  la  ville  une  re- 
traite plus  assurée  que  sa  demeure,  et  confie  le  fils  de 
son  ami  au  fameux  musicien  Claude  Goudimel,  le  rival 
d'Orlando  de  Lassus.  Goudimel,  à  travers  les  plus  grands 
dangers  et  en  se  cachant  sous  un  nom  d'emprunt,  arrive  à 
xMelz,  avec  le  dépôt  qu'on  lui  a  confié.  La  guerre  force  des 
Masures  à  fuir  de  iMetz  avec  sa  famille.  Le  temple  messin 
est  détruit.  Ils  se  retirent  dans  la  vallée  de  Sainte-iMarie 
aux  Mines,  où  ils  sont  reçus  avec  empressement  par  Ege- 
nolplie,  seigneur  de  Rappollzstain,  Hohennack,  Wassi- 
chin,  etc.,  qu'il  remercia  de  son  hospitalité  au  nom  de 
l'église  de  France.  C'est  de  là  qu'il  adressa  sa  quatrième 
élégie  à  Claude  de  Rambertvillers,  de  Toul,  pour  l'engager 
à  venir  le  rejoindre. 

A  Sainte-Marie  encore,  on  pria  des  Masures  de  se  faire 
ministre,  et  il  accepta  ces  fonctions.  Les  soldats  d'Aumale 
occupent  le  pays;  des  3Iasures,  obligé  de  fuir  encore,  se 
sauve  à  Strasbourg.  Wolfgang  chasse  d'Aumale  et  délivre 
le  pays.  Des  Masures  retourne  à  Sainte-Marie.  Un  peloton 
de  cavalerie  est  envoyé  de  Metz  avec  mission  de  le  saisir, 
lui  tout  le  premier.  Il  parvient  encore  à  se  sauver.  Son 
fils,  qu'il  avait  renvoyé  à  l'université  d'Heidelberg,  tombe 
de  nouveau  malade.  Il  soupçonne  que  l'air  du  Nekker  lui 
est  funeste;  il  le  fait  ramener  près  de  lui  ;  Claude  guérit 
encore,  mais  il  n'y  a  pas  de  sûreté  pour  le  moment  à  aller 
reprendre  ses  éludes. 

La  quatrième  élégie,  d'où  sont  extraits  tous  ces  détails, 
est  une  des  dernières  pièces  qu'ait  composées  des  Masures. 
Le  24  mai  1574,  des  Masures  se  trouvait  à  Sainte-Marie. 
Dans  une  lettre  de  cette  date,  adressée  à  Paul  de  Mélisse, 
il  lui  dit  qu'il  lui  envoie  un  poëme  français,  le  priant  d'en 
excuser  les  imperfections,  vu  le  peu  de  liberté  que  lui  lais- 


—  280  — 

sent  les  troubles  et  ses  nombreuses  occupations.  Il  lui  en- 
voie le  poëme  avec  la  musique,  afin  qu'on  le  puisse  chanter. 
Il  n'a  pas  encore,  ajoute-t-il,  mis  au  jour  ces  dernières 
poésies;  il  lui  demande  ses  psaumes  en  allemand,  car  il  a 
des  amis  de  celte  nation  qui  {si  minus  ego  lingiiani  calleo) 
seront  enchantés  de  les  lire. 

Des  Masures  mourut  vers  la  fin  de  cette  année  1574, 
pendant  l'impression  de  la  seconde  édition  de  ses  poésies 
latines.  C'est  ce  qui  est  surabondamment  prouvé  par  la 
pièce  qui  termine  ce  recueil;  elle  est  de  Jacques  Pascharius, 
Lorrain,  qui  avait  étudié  la  médecine,  comme  on  le  voit  par 
une  épigramme  de  des  Masures.  Pascharius  faisait  à  la  fois 
des  vers  grecs  et  des  vers  latins.  Voici  la  pièce  finale  du 
recueil  de  1574  : 

Jacobus  Pascharius  Lotharingus  ad  Lihrum. 

Liber  eras  Masurî,  liber,  et  pia  cura  futurus, 

Dignus  in  a;ternum  posse  parente  frui; 
At  libi  vix  nato  dum  nato  dira  parentem 

Mors  rapit,  in  lucem  posthumus  ire  doles. 
Quin  lœtare  :  parens,  quôd  prodis,  vivere  cœpit, 

Poslhumus  et  vivo  desinis  esse  pâtre. 

Tels  sont  les  principaux  traits  d'une  vie  qui  aurait  pu 
être  heureuse,  si  d'un  côté  l'envie  qui  s'attache  d'ordinaire 
aux  réputations  naissantes,  de  l'autre  celte  mens  irreqideta, 
selon  l'expression  de  des  Masures,  qui  fait  à  certaines 
organisations  une  loi  du  changement,  qui  leur  crie  sans 
cesse  comme  au  juif  de  la  légende  :  Marche!  marche!  n'é- 
taient venues  traverser  celte  carrière,  et  faire  succéder  des 
jours  d'épreuve  à  des  jours  de  bonheur.  Peu  d'hommes  res- 
semblent au  philosophe  dont  parle  Horace  : 

Tentantem  majora,  fere  prœsentibus  œquum. 

L'amour  des  lettres  est  peut-être  le  remède  le  plus  efficace 
que  Dieu  ait  donné  à  l'homme  contre  les  amertumes  de  la 
vie.  C'est  là  aussi  que  des  Masures  trouva  constamment 


—  281  — 

un  soulagemcnl  prêt  et  une  douce  consolation,  lorsque  les 
maux  publics,  comme  ceux  qu'il  éprouvait  en  sa  personne, 
semblaient  devoir  l'abattre.  Ni  ses  emplois,  dit  Goujet,  ni 
le  nombre  de  ses  envieux,  dont  il  se  plaint  avec  modération, 
ni  les  traverses  qui  lui  furent  suscitées,  ne  purent  jamais 
le  détourner  de  l'étude. 

Des  iMasures  a  beaucoup  écrit;  les  listes  qu'on  a  don- 
nées jusqu'ici  de  ses  ouvrages  sont  fort  incomplètes,  et 
nous  n'osons  pas  nous  flatter  nous-méme  d'en  avoir  ren- 
contré toutes  les  éditions. 

I.  L'œuvre  capitale  de  des  Masures,  celle  à  laquelle  il 
consacra  ces  années  où  l'homme  jouit  de  toute  la  plénitude 
des  facultés  de  l'intelligence  sans  avoir  perdu  ce  feu  de  la 
jeunesse  si  nécessaire  à  la  poésie,  c'est  sa  traduction  de 
l'Enéide.  Nous  avons  déjà  dit  comment  le  premier  livre  de 
cette  traduction  avait  été  mis  sous  les  yeux  de  François  1*='". 
Des  Masures  paraît  avoir  revu  cette  traduction,  à  peine 
ébauchée,  avant  de  la  donner  au  public.  Les  deux  premiers 
livres  parurent  en  1547  sous  ce  titre  : 

1°  Les  deux  premiers  livres  de  l'Enéide  de  Virgile, 
translatez  en  vers  françois  par  Loys  des  Masures,  Tourni- 
sien.  Paris,  Chrét.  Wechel,  1547,  in-4*'. 

Cette  traduction  est  précédée  d'une  épilre  dédicatoirc 
au  cardinal  Jean  de  Lorraine;  celte  épître  est  datée  de  la 
chambre  de  cette  Éminence  à  l'Ile-Adam,  le  26  avril  1547. 

Nous  n'avons  pas  vu  celte  épître.  Goujet,  qui  a  eu  con- 
naissance de  celle  édition,  en  parle  en  des  termes  que  nous 
croyons  fort  sévères.  «  Des  Masures,  dit-il,  y  a  oublié  à  la 
fin  la  modestie  dont  il  fait  preuve  dans  le  reste.  Après  avoir 
fait  espérer  qu'il  traduirait  toute  l'Enéide,  il  ne  craint  pas 
de  dire  que  la  muse  Euterpe  lui  en  a  donné  l'espérance;  et 
c'est  moins  pour  adoucir  cette  fanfaronnade  que  pour  flat- 
ter le  cardinal,  son  protecteur,  qu'il  ajoute  que  c'est  pour 
Vajfection  que  cette  muse  porte  au  cardinal,  et  que  la  faveur 

•20 


—  2<Si>  — 

qu'Eulerpe  et  les  autres  muses  ont  promis  de  lui  faire,  ne 
peut  être  sans  fruit. 

»  Le  poëte  n'était  pas  fâché  que  l'on  crût  qu'il  avait  lui- 
même  beaucoup  de  part  aux  faveurs  de  celte  muse.  Il  s'en 
explique  très-clairement  dans  son  épitre  en  vers  latins  à 
Toussaint  de  IIoccdi...Dans  cette  épîlre,  il  feint  que,  trans- 
porté en  songe  dans  les  Champs-Élisées,  après  y  avoir 
entendu  la  Renommée  qui  publiait  dans  une  nombreuse 
assemblée  les  actions  glorieuses  du  règne  de  François  1"% 
il  vit  l'ombre  de  Virgile,  et  fut  témoin  des  plaintes  que  le 
poëte  faisait  de  ce  que  l'on  avait  été  plus  soigneux  à  faire 
entendre  Homère  aux  Français  qu'à  leur  faciliter  la  lecture 
de  son  Enéide  et  de  ses  autres  poésies  :  (jue,  lorsqu'il  eut 
cessé  de  se  plaindre,  jetant  les  yeux  sur  lui,  il  le  choisit 
pour  son  interprète.  A  celle  occasion,  des  Masures,  abusant 
de  la  liberté  que  les  poêles  ont  de  feindre,  fait  faire  son 
panégyrique  par  le  poëlc  latin.  Il  ajoute  que  Virgile,  ayant 
ôlé  de  dessus  sa  tête  la  couronne  de  laurier  qu'il  portail, 
la  mit  sur  la  sienne  et  disparut;  et  qu'à  son  réveil  —  car 
après  un  si  beau  rêve  il  ne  pouvait  plus  dormir,  —  il  s'était 
trouvé  saisi  de  la  fureur  poétique  et  de  l'ardeur  la  plus 
vive  de  faire  connaître  les  Rois  et  les  faits  que  Virgile  avait 
chantés.  » 

Cette  épîlre  est  suivie  du  sonnet  suivant,  qui  roule  sur 
le  même  sujet,  et  que  nous  retrouvons  dans  l'édition  des 
Œuvres  poétiques  de  1 557  : 

Au  Roy,  lui  présentant  le  premier  livre  de  l'Enéide  nouvellement 

traduit. 
Ta  rmommee  aux  enfers  descendit. 
Et  là  trouva  Virgile  en  ces  lieux  sombres, 
Errant  parmi  les  infernales  ombres, 

Lors  ton  parler  François  il  entendit. 
Enfin  laissa,  devers  moy  se  rendit. 
Me  commanda  chanter  en  François  nombres 
Les  faits  d'Enee,  et  dangereux  encombres. 
Puis  lair  espais,  en  s"en  voulant  fendit. 


—  285  — 

Si  l'œuvre  iloDq  que  de  inoy  lu  reçois, 
J'ay  osé  rendre  en  langage  François, 
De  son  latin  qu'à  bon  droit  tant  on  prise  : 

Le  tort  en  faut  à  Virgile  donner, 
Et  à  ton  ioz  qu'il  vid  bruire  et  sonner, 
Non  point  à  moy,  ny  à  mon  entreprise. 

Goujet  continue  ainsi  :  «  Un  poêle  choisi  par  Virgile 
même  pour  lui  faire  parler  notre  langue!  un  écrivain  animé 
de  l'esprit  des  Muses  !  Que  ne  devait-on  pas  s'en  promet- 
tre! Mais  la  plume  à  la  main,  des  Masures  ne  se  trouva 
que  ce  qu'il  avait  toujours  été,  poêle  très-médiocre,  et  qui 
n'en  mériterait  pas  même  aujourd'hui  le  nom;  versificateur 
dur  et  prosaïque;  écrivain  peu  délicat.  Il  l'avoue  lui-même, 
au  moins  en  partie,  dans  son  épitre  au  prince  Charles  de 
Lorraine,  où,  parlant  plus  sincèrement  que  dans  le  récit  de 
son  rêve  poétique,  il  se  peint  plus  au  naturel  lorsqu'il  dit  : 

Non  que  j'ignore  et  ne  connaisse  bien 

La  pesanteur  de  ma  plume,  et  eombieri 

Passant  en  l'air,  j'ai  le  vol  peu  agile 

Pour  égaler  la  trace  de  Virgile, 

Non  pas  que  j'aye  une  arrogance  telle 

Que  de  penser  pouvoir  à  tire  d'aîle 

Environner  tout  ce  grand  univers, 

En  y  portant  la  gloire  de  mes  vers.... 

Mais  si  je  sens  trop  débile  ma  force, 

En  ta  grandeur  je  me  fie  et  m'efforce,  etc.  » 

Cette  épître  se  trouve  dans  la  traduction  complète  de 
l'Enéide,  édition  de  1560. 

Continuons  la  revue  des  différentes  éditions  de  cette  tra- 
duction de  l'Enéide. 

2°  La  traduction  des  quatre  premiers  livres  parut  en 
1551,  nous  ne  savons  où.  Cette  édition  est  précédée  d'une 
épitre  en  prose  au  jeune  prince  Charles  de  Lorraine,  alors 
âgé  de  huit  ans.  L'épitre  est  datée  du  palais  de  ce  prince  à 
Nancy,  le  1"  mai  1551. 


—  284  — 

5"  Les  quatre  premiers  livres  furent  réimprimés  en  1352, 
in-4'',  à  Lyon,  chez  Jean  De  Tournes  et  Guillaume  Gazeau, 
avec  des  vignettes  sur  bois,  et 

4°  en  1554,  à  Paris,  chez  Charles  Langelier,  in-8°.  Celle 
dernière  édition,  et  sans  doute  aussi  la  précédente,  porte 
la  dédicace  du  1"  mai  1551.  Celle  de  1554  contient  un 
poëme  de  l'auteur  sur  son  exil  de  France.  Nous  croyons 
que  ce  poëme  est  la  pièce  adressée  au  cardinal  Charles  de 
Lorraine,  qu'on  lit  en  latin  et  en  français  dans  l'édition 
des  Poemata  de  1 557,  pièce  écrite  d'abord  en  latin  en  1 552. 
Elle  pourrait  bien  aussi  se  trouver  dans  l'édition  de  l'Enéide 
de  celte  dernière  dale. 

5"  Une  note  de  B.  de  la  Monnoye,  dans  son  édition  de 
la  Bibliothèque  de  La  Croix  du  Maine,  indique  encore  une 
édition  des  quatre  premiers  livres  donnée  en  1555,  édi- 
tion que  nous  nous  n'avons  trouvée  menlionnée  nulle  part 
ailleurs. 

Pendant  que  des  Masures  travaillait  à  la  suile  de  sa  tra- 
duction, dit  l'abhé  Goujet,  quelques  imprimeurs,  meus 
d'avarice  et  conduits  d'ignorance,  pour  me  servir  des  ter- 
mes que  l'on  prête  à  Henri  II,  ayant  réimprimé  furtive- 
ment les  quatre  premiers  livres  avec  un  grand  nombre  de 
fautes,  des  Masures  s'en  plaignit  au  roi  en  lui  présentant 
les  quatre  livres  suivants,  et  en  obtint  un  privilège  exclu- 
sif pour  faire  imprimer  la  traduction  complète  de  l'Enéide, 
qu'il  était  sur  le  point  d'achever.  Le  privilège,  où  l'on  fait 
tenir  au  roi  un  langage  très-flatteur  pour  le  traducteur,  est 
du  22  juillet  1557,  et  la  traduction  enlière  des  douze  livres 
de  l'Enéide  parut  en  1560,  à  Lyon,  chez  Jean  De  Tournes, 
in-4",  avec  le  texte  de  Virgile  à  la  marge.  » 

6°  Une  chose  certaine,  c'est  que  nous  ne  connaissons 
pas  toutes  les  éditions  partielles  ou  totales  qu'a  eues  cette 
traduction  de  l'Enéide;  nous  ne  pouvons  donc  pas  assurer 
que  celte  réimpression  furlive  soit  celle  de  1554,  ou  celle 


—  285  — 

de  1555  mentionnée  par  De  la  Monnoye.  Toujours  esl-il 
que  les  livres  V-VIII,  parurent  en  li357,  in-4%  à  Lyon, 
chez  Jean  De  Tournes  et  Guillaume  Gazeau,  avec  des 
vignettes  sur  bois.  Voici  ce  que  nous  lisons  dans  le  cata- 
logue du  duc  de  La  Vallière,  n°  14757  : 

«  Les  [",  II,  V,  VI,  VII,  VIII  livres  de  l'Enéide  de  Vir- 
gile, transi,  de  lat.  en  franc,  par  Loys  des  Mazures.  Paris, 
Wechel,  1547,  et  Lyon,  De  Tournes,  1557,  2  vol.  in-4''.  « 

Et  dans  le  catalogue  d'une  venîe  faite  à  Paris  en  1842  : 

«  Les  huit  premiers  livres  de  l'Enéide  de  Virgile,  trans- 
latez en  vers  franc,  par  Loys  des  Mazures,  Tournisien. 
Lyon,  J.  De  Tournes  et  Guillaume  Gazeau,  1652-57  (li- 
sez 1552),  in-4*',  vign.  en  bois  (rare).  » 

D'autre  part,  nous  ne  croyons  pas  que  l'édition  de  1560 
soit  la  première  de  la  traduction  complète.  Dans  la  sylve 
que  des  Masures  adresse  à  Michel  de  l'Hôpital,  nous  lisons  : 

Hos  inter  legit  exactam  populosa  libellos 
Gallia  quam  média  nondum  mihi  parte  legebat 
Versam  olim  relegilque  novis  ^neida  verbis. 

Il  résulte  à  l'évidence  de  ce  passage,  que  les  quatre  li- 
vres qui  suivent  le  quatrième,  ne  parurent  pas  avant  les 
quatre  derniers.  Il  y  a  un  moyen  de  tout  concilier  :  c'est 
de  supposer  que  celte  traduction  parut  en  1557  en  entier, 
mais  disposée  de  manière  à  former  trois  séries  de  quatre 
livres  chacune.  Il  est  probable  aussi  que  le  traducteur, 
jugeant  les  quatre  premiers  livres  assez  répandus  pour  le 
moment,  n'aura  pas  cru  devoir  les  réimprimer  dès  lors 
avec  les  suivants. 

Passons  maintenant  en  revue  les  éditions  que  nous  avons 
rencontrées  de  la  traduction  complète  de  l'Enéide. 

1°  Les  XII  livres  de  l'Enéide  de  Virgile,  traduicts  en 
vers  françois  par  Loys  des  Masures,  Tournisien.  Imprimé 
à  Lyon  par  Jean  de  Tournes,  1560,  in-4%  avec  le  texte  de 
Virgile  à  la  marge.  Cette  édition  est  fort  belle;  on  voit  à 


—  286  — 

chaque  livre  uue  gravure  sur  bois,  qui  en  représente  le 
sujet  principal.  Elle  est  dédiée  au  duc  Charles  de  Lor- 
raine, par  une  épitre  en  vers  de  dix  syllabes  comme  ceux 
de  la  traduction.  Dans  celte  épitre,  au  dire  de  Goujet, 
des  Masures  s'étend  sur  l'origine  de  la  maison  de  Lorraine, 
qu'il  fait  remonter  jusqu'aux  temps  fabuleux,  sur  son 
amour  pour  l'élude  et  sur  les  avantages  qu'il  en  avait  re- 
tirés dans  les  divers  événements  de  sa  vie. 

2"  L'abbé  Goujet  mentionne  une  édition  de  1567,  sans 
indiquer  ni  le  lieu  d'impression  ni  le  nom  de  l'imprimeur. 
Nulle  part  ailleurs  nous  n'en  avons  rencontré  la  mention. 

5"  L'Enéide  de  Virgile,  Prince  des  Poêles  Latins,  trans- 
latée de  Lalin  en  François  par  Louis  des  Masures,  Tourni- 
sien.  Auec  les  Carmes  lalins  correspondans  verset  pour 
verset.  (A  Paris),  chez  .Jean  Borel,  près  la  chancellerye  du 
Palais,  1 572,  in-8%  de  672  pp.  —  Paquol;  Cat.  La  V^allière, 
n"  U750. 

k"  Calmet  et  Goujet  signalent  une  édition  in-16,  à  Paris, 
chez  Claude  Micard,  1574. 

Du  Verdier,  suivi  par  l'abbé  de  Marolles  et  par  Paquol, 
indique  une  édition  de  l'Enéide  avec  les  Bucoliques  et  les 
Géorgiques,  édition  donnée  en  1576,  par  le  même  Claude 
Micard.  Goujet  nie  l'existence  de  cette  édition,  que  nous 
n'avons  au  reste  point  rencontrée. 

5°  Mais  nous  avons  sous  les  yeux  l'édition  de  1578  de 
cette  collection.  Elle  est  intitulée  : 

Les  œvvres  de  Pvblie  Virgile  Maron,  prince  des  poêles 
latins.  Traduits  de  Latin  en  François.  Les  Bucoliques  et 
Géorgiques  par  Cl.  M.  ((élément  Marol),  et  R.  le  Blanc  : 
Et  les  xij  liures  des  Eneides  par  Loys  des  Masures.  Et  de 
nouueau,  oultre  les  précédentes  Impressions,  a  esté  adiousté 
vn  trezième  liure  par  Maphéus.  Ensemble  les  Epigrammes 
sélecte  de  Virgile  :  qui  ont  esté  nouvellement  traduits  de 
Lalin  en  François,  correspondant  l'vn  à  l'autre  par  P.  D. 


—  287  — 

Mouchault.  A  Paris,  chez  Claude  Micard,  au  clos  Bruneau, 
à  la  chaire,  1578,  avec  privilège  dv  roy.  Petit  in-8°,  de 
4o4  folios  sans  les  liin.,  une  vie  de  Virgile  et  un  extrait 
du  privilège. 

La  traduction  de  rÉnéide,  avec  le  latin  en  marge,  oc- 
cupe les  folios  103  à  417.  Elle  est  précédée  de  quatre  dis- 
tiques latins  de  George  de  la  Patrière,  de  la  traduction  de 
ces  distiques,  d'un  sonnet  de  Joachim  du  Bellay  Angevin, 
d'un  distique  anonyme,  traduit  en  français  par  Claude 
Binel  de  Beauvais,  et  d'un  sonnet  du  même,  adressé  au 
seigneur  des  Masures.  Chaque  livre,  sauf  le  premier,  est 
précédé  d'un  sonnet  tenant  lieu  d'argument  terminé  par 
cette  devise  : 

Qiianto  superat  discrimine  virlus? 

La  traduction,  en  vers  de  dix  syllabes,  est  imprimée  en 
caractères  romains;  le  texte  est  en  italique. 

On  lit  au  verso  du  privilège  :  A  Roven,  De  l'Imprime- 
rie de  George  l'Oyselet. 

Claude  Micard,  dans  son  avis  au  lecteur,  lui  dit  :  «  Quant 
aux  douze  livres  des  Enéides,  traduits  par  Loys  des  Masu- 
res, Tournisien,  et  dédiées  au  très-noble  et  très-vertueux 
prince,  monseigneur  le  duc  de  Lorraine,  ie  n'ay  que  faire 
de  vous  en  parler,  ni  de  vous  les  recommander  :  l'autheur 
de  soy  mesme  est  assez  cogneu  d'un  chacun,  et  la  besogne 
assez  recommandée.  » 

6"  Même  collection.  Paris,  Cl.  Micard,  1580,  in-16. 
—  Brunet;  Cat.  La  Vallière,  n"  14734. 

7°  Même  collection.  Anvers,  Grég.  Humbert,  1582, 
in-16.    —  Cat.  Courtois,  n"  840. 

8"  Même  collection.  Paris,  chez  Cl.  Micard,  1588,  in-16 
ou  pet.  in-12.  —Cat.  du  card.  Du  Bois,  III,  n"  824;  La 
Vallière,  n°  14735. 

9°  Les  douze  livres  de  l'Enéide....  Lyon,  Paul  Frelon, 
1606,  selon  l'abbé  de  Marolles. 


—  288  — 

10"  Une  réimpression  de  la  collection  Micard  fut  faite  à 
Cologny,  près  de  Genève,  in-16,  en  1613,  selon  Brunet, 
1616,  selon  la  Bibliographie  de  Virgile,  insérée  dans  l'édi- 
tion Lemaire. 

Nonobstant  ce  grand  nombre  d'éditions,  ce  recueil  est 
peu  commun.  La  bibliothèque  de  l'Université  de  Gand  pos- 
sède l'édiiion  de  1578.  Malgré  cette  rareté,  Brunet  n'évalue 
cette  collection  que  de  5  à  5  francs. 

II.  1°  La  guerre  cruelle  entre  le  Roy  blanc  et  le  Roy 
maure,  traduite  en  vers  par  le  seigneur  des  Masures. 
Paris,  Vincent  Serlenas,  \doQ,  in-4°.  —  Cat.  La  Vallière, 
n"  14900. 

Cette  traduction  du  de  Litdo  Scacchoruni  de  Jérôme 
Vida,  parut  de  nouveau  l'année  suivante,  sous  ce  titre  ; 
2°  Le  lev  des  Eschecz,  translaté  en  François  du  Latin 
de  Hierome  Vida,  par  Lovïs  des  Masvres,  Tournisien, 
avec  celle  épigraphe  :  Qiianlo  sitperat  discrimine  virtiis? 
A  Lion,  par  lan  de  Tovrnes  et  Gvil.  Gazeav.  M.D.LVII. 
Auec  Priuilege  du  Roy.  In-i",  de  43  pp.  y  compris  le  li- 
tre :  Au  verso  du  titre,  un  sonnet  inlilulé  :  A  Monsignevr, 
Monsigneur  de  Vaudemont  (Nicolas  de  Lorraine).  Car. 
ital.  avec  des  notes  marginales.  —  Bibliothèque  royale  à 
Bruxelles. 

Brunet  l'évalue  de  6  à  8  francs. 

Nous  donnerons  ici  ce  que  l'abbé  Goujet  dit  de  cette 
Iraduclion  : 

«  Je  n'ai  vu  qu'une  traduction  du  poëme  des  Echecs; 
c'est  celle  que  Louis  des  Masures  Tournisien  fit  imprimer 
à  Lyon  en  1.357,  in-4%  et  qu'il  adressa  au  comte  de  Vau- 
demont, l'un  de  ses  protecteurs.  Elle  est  fort  bien  impri- 
mée en  caractères  italiques,  et  c'est  à  peu  près  tout  son 
mérite.  Trop  paraphrasée,  elle  devient  diffuse,  languit  et 
ennuie.  Il  faut  huit  vers  à  des  Masures  pour  traduire  les 
quatre  premiers  du  poète  latin,  et  encore  quels  vers!  ju- 
gez-en par  ce  commencement  : 


—  ^289  — 

Je  chante  en  jeu  une  guerre  pourtraile  : 
D'un  fier  combat  la  semblance  je  traite 
Tirée  au  vray,  une  feinte  en  buy  d'armes  : 
Le  jeu  d'un  règne,  et  d'un  camp  de  Gendarmes, 
Comme  deux  Roys  l'un  à  l'autre  s'opposent  : 
Et  pour  l'honneur  au  combat  se  disposent. 
L'un  marche  blanc,  l'autre  noir  sur  les  rangs, 
Ainsi  armés  de  harnois  diflerens. 

»  Vitia  invoque  les  Nymphes  de  son  pays,  et  fait  hon- 
neur à  ritalie  de  l'invenlion  du  jeu  des  échecs.  Des  Ma- 
sures en  donne  l'honneur  à  la  France,  et  demande  l'inspi- 
ration des  Nymphes  du  Touvre,  rivière  d'Angoulême  : 

Declayrès-moi  du  Touvre  Nymphes  gentes 
Ces  durs  efforts  et  rencontres  urgentes, 
Qu'aucun  poète  encore  en  escrivant. 
N'a  onq  osé  loucher  par  cy-devant. 

»  Le  poêle  latin  nomme  plusieurs  fois  la  ville  de  Rome; 
mais  dans  tous  ces  endroits,  le  traducteur  substitue  celle 
de  Paris.  Voilà  à  peu  près  tous  les  changements  qu'il 
m'a  paru  avoir  faits;  ils  ne  sont  pas  essentiels  et  n'allèrent 
en  rien  le  fond  du  poëme  de  V'ida.  Vous  pouvez  remar- 
quer, si  vous  lisez  celle  barbare  traduction,  qu'en  nom- 
mant la  cinquième  pièce  des  échecs,  des  iMasures  relient 
l'ancien  nom  de  Rok;  c'est  la  pièce  qu'on  nomme  aujour- 
d'hui la  Tour.  » 

III.  Vingt  pseavmes  de  David,  traduits  selon  la  vérité 
Hébraïque  :  et  mis  en  rime  Françoise,  par  Lovïs  des  Ma- 
svres  Tournisien.  —  Avec  celte  épigraphe  :  Qiianto  supe- 
rat  discrimine  virtiis? 

A  Lion,  par  lan  de  Tovrnes  et  Gvil.  Gazeav,  M.D.LVII. 
Auec  priuilege  du  Roy.  In-4°,  de  64  pp.  y  compris  le  lilre 
et  les  lim.,  qui  occupent  12  pp.  Caractère  italique. 

Les  lim.  contiennent  :  1°  A  Monsigneur  l'Evesque  et 
Conte  de  Toul,  Prince  du  Saint  Empire,  Messire  Toussain 


—  290  — 

de  Hocedy  (p.  5-9).  —  2°  Au  mesine  Sigiienr  et  Conte  de 
Toul  (p.  10).  —  û^Eideni  ipsi  D.  Panagio  Hocedio,  Leu- 
corum  Anlistiti  dignissimo,  idem  Ludovicus  Masurius  JVer- 
vius,  en  vers  (p.  1 1).  —  4"  Au  lecteur  chrétien  (p.  12). 

Ces  vingt  psaumes  sont  ceux  qui  portent  les  n"^  16,  49, 
81  à  84,  86  à  90,  92  à  97,  106,  117  et  159.  Chacun 
d'eux  est  précédé  d'un  argument  en  prose  française.  Tous 
sont  en  vers  lyriques  d'une  grande  variété  de  coupes. 

Bibliothèque  royale  à  Bruxelles. 

IV.  Oevvres  poétiques  de  Lovis  des  Masvres  Tovrnisien. 
—  Avec  cette  épigraphe  :  Quanto  superat  discrimine  virtus? 
A  Lion,  par  lan  de  Tovrnes  et  Gvil.  Gazeav,  M.D.LVII. 
Auec  priuilege  du  Boy.  In-4%  titre  et  lim.  24  pp.,  texte 
80  pages.  La  pagination  est  plusieurs  fois  défectueuse. 
Car.  ital. 

Au  verso  du  litre  :  «  Extrait  du  Privilège  du  Boy.  » 
Par  grâce  et  privilège  du  Boy  est  permis  à  M.  Louis  des 
Masures,  conseiller  et  secrétaire  de  Monseigneur  le  duc 

de   Lorraine,  de   faire  imprimer Ce   privilège,  donné 

pour  dix  ans,  est  daté  de  Compiègne,  le  22  juillet  1537, 
et  signé  Par  le  Boy  Duthier.  Suit  une  pièce  :  Augeuille  à 
des  Masures;  puis  un  long  poëme  :  ad  car.  Lotharinguni 
cardinalem  ampliss.,  accompagné  en  regard  de  la  traduc- 
tion en  vers  français,  par  des  Masures  lui-même.  Nous  en 
retrouverons  le  texte  latin  au  n"  V.  Ce  poëme  fut  écrit 
en  1552. 

Ce  volume  contient  : 

15  pièces  intitulées  au  haut  des  pages  :  vers  lyriques. 

5  èpigrammes, 

10  épitaphes, 

1  épilre, 

1  élégie,  et 

la  fable  de  Biblis  et  Caunus,  traduite  ou  imitée  du 
I\«  livre  des  Métamorphoses  d'Ovide.  Plusieurs  de  ces  piè- 


—  291  — 

ces  sont  reproduites  dans  le  Parnasse  des  poêles  français. 

Les  vers  lyriques  sont  intitulés  : 

1°  A  Monsigneur  TEvesque  et  Conte  de  Toul,  prince  du 
Saint  Empire,  Messire  Toussaint  de  Hocedy,  Ode  prise  en 
partie  sur  celle  d'Horace  :  Otiiim  Divos.  —  2°  A  Biaise 
d'Everou.  —  5°  A  Maurice  Sceve  Lyonnois.  —  4°  A  loa- 
chim  du  Bellay  Ang.  —  5"  A  Herman  Taffîn.  —  6"  A  sa 
fonteine.  —  7"  Sur  aucuns  de  ses  vers,  mis  en  musique, 
et  présentez  à  Monseigneur  le  Duc  de  Nivernois.  —  8°  La 
mal  traitée  de  son  ami.  —  9"  D'une  dame  belle,  et  bien 
variable.  —  10°  A  Diane,  lui  donnant  une  ceinture  pour 
estreines.  —  11"  De  Diane,  et  de  Selinople,  lieu  de  sa 
naissance.  —  12°  A  Anne.  —  15°  Chant  pastoral,  en  la 
nativité  de  notre  Signeur  Jesuchrist.  —  ii°  Hymne  Chré- 
tien. 15°  Prière  à  Dieu,  prise  du  Latin  de  lan  Picus,  Conle 
de  la  Mirandole. 

Les  épigrammes  portent  pour  titres  : 

1°  Du  Roy  passant  le  Rone.  —  2°  Au  Roy,  lui  présen- 
tant le  premier  livre  de  l'Enéide  nouvellement  traduit.  — 
3"  De  soymesmes.  —  4"  Le  desconforté.  —  S"  D'amour 
ja  presque  veinqueur. 

Les  épitaphes  sont  celles  :  l°de  François  de  Clemery; 
2"  d'Albéric  de  la  Mothe;  3°  du  cœur  de  René  de  Chalon, 
prince  d'Oranges;  4°  à  Monseigneur  Jan,  cardinal  de  Lor- 
reine;  5°  de  luy  encores;  6°  de  Monseigneur  Claude  de 
Lorreine,  duc  de  Guise;  7"  de  3Iadame  de  Jamets,  Heleine 
de  Bissipart;  8°  Épitaphe  de  Diane  Baudoire,  sa  femme; 
9"  A  elle-mesmes;  10"  Épitaphe  de  Pierre  du  Villier,  si- 
gneur de  la  Mabillière,  mort  à  son  retour  de  la  guerre. 

Des  Masures  a  dans  la  suite  imité  en  latin  bon  nombre  de 
ces  petites  pièces,  et  en  a  donné  la  version  dans  ses  poé- 
sies latines  en  1574. 

L'épitre  est  adressée  à  Thierry  de  la  Mothe.  L'élégie  ne 
contient  que  des  sentiments  d'amour. 


292  

Le  dernier  morceau  :  Biblis,  amoureuse  de  son  frère 
Caunus,  prins  du  neuvième  livre  des  Melamorphoses 
d'Ovide,  occupe  les  pp.  67  à  80. 

Cet  ouvrage  est  très-rare.  Brunet  en  dit  :  Autrefois  de 
6  à  9  frs  :  aujourd'iiui  prix  arbitraire.  Un  exemplaire  mar. 
rouge,  ornements,  fil.  (Bauzonnet)  s'est  vendu  53  francs 
à  la  vente  de  Nodier  en  1844,  n"  398  du  catalogue. 

Bibliothèque  royale  à  Bruxelles. 

Catalogue  Baudewyns  n°  2260. 

V.  1"  Lvdovici  Masvrii  Nervii  Carmina.  —  Avec  cette 
épigraphe  :  Quanto  superat  discrimine  virlus? 

Lvgdvni  apvd  loan.  Tornsesivm  et  Gvl.  Gazeivm.  M.  D. 
LVII.  Cum  priuilegio  Régis. 

Car.  ital.,  in-4'',  de  76  pp.  y  compris  le  titre  et  une 
épitre  de  Jean  Salmon,  dit  Macrin,  ancien  valet  de  cham- 
bre de  François  I";  au  verso  d'une  page  blanche  à  la  fin 
on  lit  dans  une  banderole  entrelacée  ces  mots  :  son  art  en 

DIEU. 

Au  verso  du  titre  :  Salmonius  Macrinus  luliodunensis 
Ludovico  Masurio  Nervio.  Sauf  celte  épître,  celte  édition 
est  reproduite  en  entier  dans  les  Deliliœ  C.  Poetariim  Bel- 
gicorum,  colleclore  Ranutio  Ghero  (Grutero).  Franco- 
furli,  typis  Nicolaï  Hoffmanni,  sumplibus  lacobi  Fischeri, 
anno  1614,  t.  III,  à  p.  479  ad  542. 

Bibliothèque  royale  à  Bruxelles.  Catalogue  Courtois, 
n"  1287;  iMulle,  n"  3432;  Baudewyns,  n"  2260. 

2°  Lvdovici  Masvrii  Nervii  Poemata,  secundo  edila,  ab 
aulhore  ipso  recognila,  et  nouis  aucla.  Basilese,  M.  D. 
LXXIIII.  Sans  nom  d'imprimeur,  mais  avec  la  marque  de 
Thomas  Guarin,  aulre  Tournaisien  établi  comme  typogra- 
phe à  Bâie;  in-16  de  128  feuillets  chiffrés,  y  compris  le 
titre,  une  épilre  en  prose  intitulée  :  Lectori  in  Ecclesiam 
Dei  assumpto  S.,  une  autre  en  vers  :  Ad  Theodorum  Be- 
zam,  Florenlium    Chrislianum,   et  Jacobum   Grevinum, 


—  295  — 

Poetas  Christum  amplexos  :  fralres  el  aniicos  curn  primis 
observandos;  el  enfin  la  pièce  de  Macrin,  mentionnée  ci- 
devant.  —  Car.  ital. 

Au  verso  du  litre  on  lit  : 

Qvee  hoc  poemalum  volumine  continentur  : 

Babylon,  sive  de  Babylonis  ruina  carmen  (fol.  4-17); 

Carminum  liber,  quo  tum  canlica  qusedam  e  sacris  libris 
desumpla,  lum  odse  qusedam  alise  canuntur  (f.  17-44); 

Eclogse  duse  (f.  44-49); 

Sylvse  XIII  (f.  49-80); 

Elegiœ  VII  (f.  81-96); 

Epilaphia  (f.  97-108); 

Epigrammala  (f.  108-128). 

Celle  seconde  édition,  faite  postérieurement  à  la  sépa- 
ration de  Tauleur  de  l'Église  catholique,  diffère  considé- 
rablement de  la  première. 

Dans  sa  préface,  des  Masures  déclare  qu'il  a  retranché 
de  ces  poésies  celles  qu'il  avait  autrefois  composées  pour 
plaire  aux  puissances  du  siècle,  alors  qu'il  se  trouvait  au 
milieu  des  ténèbres  des  Égyptiens,  etc.  Cependant  le  nom- 
bre des  pièces  retranchées  n'est  pas  bien  considérable.  Les 
voici  : 

1°  Ad  Carolum  Lotharingium  cardin.  (pp.  3-10  de  l'éd. 
de  lSo7),  pièce  déjà  publiée  plusieurs  fois  en  français 
aussi  bien  qu'en  latin; 

2°  Ad  Janum  Lolhar.  card.  8  dist.  (p.  33  éd.  cit.); 

3°  Carolo  Lolh.  card.  (pp.  43-47); 

4°  De  Marte  el  Venere  Cupidinis  lelo  vulnerati.  —  Ode 
de  vingt  strophes  (pp.  47-50); 

5"  Petro  Ronsardo  et  lo.  Bellaio,  4  dist.; 

6°  De  suo  et  amicse  mutuo  amore,  5  dist.; 

7°  De  Venere  Dianam  mentita,  et  Diana  à  Cupidine  vul- 
nerata,  11  dist.; 

8°  De  femina  quse  generi  amore  capta  filiam  occidit, 
2  dist.; 


—  294  — 

9"  Amphion  fonli  impositus,  1  dist. 

On  le  voit,  sauf  le  premier  morceau,  qui  avait  déjà 
eu  assez  d'éditions,  le  sacrifice  que  fait  ici  des  Masures 
est  de  bien  peu  d'importance.  Il  a  ensuite  omis  quelques 
petites  pièces  par  puritanisme;  quant  à  celle  adressée  à 
Ronsard  et  à  Joachim  du  Bellay,  nous  verrons  plus  loin  le 
motif  de  sa  suppression.  Ronsard  n'avait  pu  cacher  à  des 
Masures,  tout  en  le  traitant  d'ami,  qu'il  désapprouvait  son 
abandon  de  la  religion  de  ses  pères. 

Si  des  Masures  a  peu  retranché,  il  a  en  revanche  beau- 
coup ajouté.  Nous  allons  passer  en  revue  le  contenu  de 
cette  seconde  édition,  en  insistant  principalement  sur  les 
pièces  qui  présentent  un  certain  intérêt  historique;  nous 
avons  ailleurs  traité  la  question  au  point  de  vue  littéraire. 
Nous  dirons  encore  que  c'est  de  ce  recueil,  ainsi  que  des 
Œuvres  poétiques,  que  nous  avons  extrait  presque  tous 
les  détails  biographiques  que  nous  avons  donnés  sur  des 
Masures. 

Le  poëme  de  Babylone  est  une  œuvre  allégorique  qui 
rappelle  l'ouvrage  de  Luther  sur  la  captivité  de  Babylone. 
Il  est  précédé  de  ces  vers  significatifs  : 

En  jacel  eversa  tandem  Babylone,  superbos 
Quœ  domuit  inereirix  (infandum)  fœmina  Reges. 

Ces  deux  vers  sont  suivis  de  trois  distiques  de  Théodore 
de  Bèze,  qui  ne  marchande  pas  les  éloges  à  son  collabo- 
rateur. 

La  seconde  partie  comprend  douze  cantiques  imités  de 
l'ancien  et  du  nouveau  Testament.  Viennent  ensuite  des 
odes  au  nombre  de  dix. 

Les  sept  premières  roulent  sur  des  sujets  religieux. 
Dans  la  VIII%  l'auteur  raconte  au  cardinal  Charles  de 
Lorraine  ce  qu'il  fait  dans  son  petit  domaine  de  Saint- 
Melin.  Sa  muse  est  dans  les  larmes.  Elle  déplore  François 


—  295  — 

I",  Melliii  de  Saint-Gelais,  Macrin,  Clément  Marol.  L'ode 
suivanle  est  adressée  à  Toussaint  de  Hocédi. 

Les  deux  églogues,  conçues  sur  un  ton  allégorique,  rou- 
lent sur  les  motifs  de  sa  séparation  de  Rome, 

Parmi  les  sylves,  nous  signalerons  : 

La  seconde,  dans  laquelle  il  explique  au  chancelier  de 
l'Hôpital  les  causes  qui  l'ont  empêché  jusque-là  de  lui 
écrire.  Il  s'y  étend  longuement  sur  les  circonstances  de  sa 
vie.  Des  Masures  avait  vécu  avec  l'Hôpital  à  la  cour.  Il 
l'avait  même  accompagné  dans  un  de  ses  voyages  en  Auver- 
gne. Il  assure  avoir  beaucoup  appris  dans  la  fréquentalioji 
de  cet  ancien  ami. 

La  troisième  était  destinée  à  servir  de  préface  à  la 
traduction  du  IH''  livre  de  l'Enéide.  Elle  est  adressée  au 
cardinal  Jean  du  Bellay  et  fut  écrite  à  Rome.  Détails  bio- 
graphiques. 

La  suivante  a  pour  sujet  le  retour  en  France  du  même 
cardinal.  Dans  la  cinquième,  il  se  recommande  au  même 
du  Bellay. 

La  septième  est  un  chant  funèbre  sur  le  meurtre  de 
Jean-sans-Peur,  duc  de  Bourgogne.  Dans  la  neuvième,  il 
déplore  la  perte  de  son  épouse  Diane  Baudoire,  et  dans  la 
suivante,  celle  de  François  de  Clémery.  La  onzième  traite 
du  mariage  de  Renée,  sœur  du  duc  de  Lorraine,  avec  le 
prince  de  Bavière.  La  suivante,  adressée  à  Théodore  de 
Bèze,  renferme  des  conseils  sur  des  points  douteux,  et 
la  dernière  est  une  exhortation  à  Anne  Ursin,  de  rester 
fidèle  au  service  de  Dieu,  malgré  toutes  les  épreuves  qui 
peuvent  lui  survenir. 

Les  élégies  sont  adressées  à  François  Perrot,  à  Odoard 
Bizet,  à  son  fils  Claude  enfant,  au  même  adolescent,  à 
(Claude  Rambertvillers  de  Toul,  à  Albéric  de  la  Mothe  et  à 
Philippe  Brun.  Les  deux  morceaux  adressés  à  son  fils  sont 
remplis  de  détails  biographiques  extrêmement  curieux. 


—  296  — 

Dans  les  épilaphes,  nous  trouvons  les  noms  suivants  : 
Antoine  et  François,  ducs  de  Lorraine;  Claude  de  Lor- 
raine, duc  de  Guise;  François  de  Lorraine,  duc  de  Guise; 
Jean,  cardinal  de  Lorraine;  Marguerite  d'Egmont,  épouse 
de  Nicolas  de  Lorraine,  comte  de  Vaudemont;  Claude  Peni- 
cerius,  oncle  de  Diane  Baudoire;  Jacques  Baudoire,  son 
frère;  Diane  Baudoire,  François  et  Jacques  de  Clémery. 
Des  Masures  a  aussi  consacré  deux  pièces  à  son  père  et 
à  sa  mère;  nous  signalerons  encore  l'épitaphe  d'Olivier 
Boch. 

Nous  citerons  aussi  les  principaux  noms  rappelés  dans 
les  épigrammes  et  les  Xenia  qui  terminent  le  recueil.  Les 
voici  :  Paul  de  Mélisse,  Clément  de  Trelles,  Jacques  Pa- 
scharius,  Rabelais,  Jean  Mallot,  Antoine  Le  Pois,  Jean 
Dulliier,  secrétaire  de  Henri  II,  Mellin  de  Saint-Gelais, 
Hugues  Salel,  Georges  de  la  Patrière,  Antoine  Senneton. 
L'avant-dernière  pièce  est  adressée  à  Jean  Taffin  et  Pierre 
de  Cologne,  ministres  calvinistes  à  Metz.  Ce  Jean  Taffîn 
est  un  autre  Tournaisien,  qui  plus  tard  passa  aux  Pays- 
Bas,  où  il  fut  l'un  des  partisans  les  plus  zélés  du  prince 
d'Orange,  Guillaume  le  Taciturne. 

Les  deux  premières  pièces  des  Xenia  sont  adressées  à 
Georges-Jean  comte  palatin  du  Rhin,  et  à  Égenolplie, 
seigneur  de  Rappolslaiu,  auxquels  des  Masures  envoyait 
de  ses  poésies. 

La  Bibliothèque  de  l'Université  de  Gand  et  la  Bibliothè- 
que royale  à  Bruxelles  possèdent  chacune  un  exemplaire 
de  cette  rare  et  curieuse  édition.  On  la  trouve  encore  men- 
tionnée dans  le  Cal.  du  card.  Du  Bois,  III,  n°  814,  avec  la 
fausse  date  de  1573,  et  dans  le  Cat.  Courtois,  n"  1280'''*. 

Paquot  est  tombé  dans  l'erreur,  en  disant  que  la  meil- 
leure édition  des  poésies  latines  est  de  Bàle,  1579,  in-16. 
L'édition  qu'il  donne  comme  la  meilleure  et  dont  il  cite  le 
titre,  n'est  autre  que  celle  de  1574,  que  nous  venons  de 
décrire. 


—  297  — 

VI.  ilymiie  sur  la  Justice  de  Mets.  De  la  Prise  de  Saincl- 
Quenlin,  et  de  la  Conqueste  de  Calais,  au  Roy.  —  Impr.  à 
Tholose  par  G.  Bondeuille,  1558,  in-4°. 

Cité  par  du  Verdier.  Cette  édition  doit  être  excessi- 
vement rare;  nous  ne  Tavons  trouvée  mentionnée  dans 
aucun  catalogue. 

L'imprimeur  Bondeuille  fut  pendu  comme  protestant  à 
Toulouse,  le  20  mai  15G2.  On  sait  que  la  prise  de  Saint- 
Quentin  eut  lieu  en  1557,  et  celle  de  Calais  Tannée  sui- 
vante. 

VII.  Chant  pastoral  sur  le  partement  de  France  et  la 
bien-venue  en  Lorraine  de  monseigneur  Charles,  duc  de 
Lorraine,  et  de  madame  Claude  de  France,  son  espouse. 
Lion,  lan  de  Tournes,  1559,  petit  in-8°. 

Cette  édition  est  citée  par  du  Verdier.  Brunet  en  men- 
tionne un  exemplaire  mar.  v.,  vendu  fr.  22-50  en  1841. 

Claude  de  France  était  fille  de  Henri  II.  Elle  mourut 
en  1575. 

VIII.  Brief  sommaire  touchant  la  doctrine  des  Sacre- 
ments composé  par  Théodore  de  B[èze],  (et  trad.  du  latin 
en  français  par  Louis  des  Masures).  Lyon,  Jean  Doge- 
rolles,  1564. 

Rappelé  par  La  Croix  du  Maine,  éd.  de  1772,  II,  52. 

Meurisse,  dans  son  Histoire  de  Metz,  dit  qu'en  1564, 
des  Masures  s'amusa  à  de  mauvaises  traductions.  C'est  là 
sans  doute  une  allusion  aux  ouvrages  repris  sous  ce  numéro 
et  sous  le  suivant. 

IX.  Dans  la  collection  suivante,  formant  le  u"  4003  du 
Cat.  Méon,  nous  trouvons  encore  une  traduction  faite  par 
des  Masures  : 

Histoire  des  vies  et  Faicts  de  quatre  excellents  Person- 
nages, premiers  Restaurateurs  de  l'Évangile,  assavoir  :  de 
Luther,  par  Melancthon;  d'Oecolampade,  par  Wolfgang, 
Faber  Capilo  et  Symon  Grynée;  de  Zuingle,  par  Osvaldus 


—  298  — 

Myconius;  de  J.  Calvin,  par  Théod.  de  Bèze  (avec  les  por- 
traits). —  Dans  le  même  volume,  Conformité  des  Églises 
réformées  de  France  et  de  la  primitive  Église,  par  du  Pinel. 
— Vraye  et  droite  intelligence  de  ces  paroles  :  ceci  est  mon 
corps,  traduit  du  latin  de  Th.  de  Bèze,  parL.  Desmasures. 
—  Traité  du  péché  contre  le  Saint-Esprit,  par  Aug.  Mario- 
rat. —  Le  tout  en  un  vol.  in-8°,  sans  indication  de  lieu  et 
sans  nom  d'imprimeur,  1564  (très-rare). 

Pour  l'ouvrage  de  du  Pinet  au  moins,  nous  savons  qu'il 
parut  à  Lyon  chez  Jean  Dogerolles. 

Cette  traduction  de  des  Masures  doit  être  d'une  exces- 
sive rareté.  Elle  n'est  pas  même  mentionnée,  non  plus  que 
le  n"  VIII,  par  Rodolphe  Ilospinien  dans  son  Historia  5a- 
cramentaria.  Le  catalogue  Méon  est  à  notre  connaissance 
le  seul  qui  en  fasse  mention. 

X.  1"  David  combattant,  David  fugitif,  David  triom- 
phant, tragédies  sainctes,  par  Louis  des  Masures  Tourni- 
sien.  Paris,  Robert  Estienne,  1563,  in-12.  Celle  édition 
est  accompagnée  de  la  tragédie  de  Jephté,  traduite  du  latin 
de  Buchanan,  par  Florent  Chrétien. 

Ces  trois  tragédies  de  David,  selon  Godard  de  Beau- 
champs  dans  ses  Recherches  sur  les  Théâtres  de  France, 
sont  en  vers  de  plusieurs  mesures  avec  un  prologue,  des 
chœurs  et  un  épilogue,  sans  autre  distinction  d'actes  ni  de 
scènes,  que  par  des  pauses. 

2"  Les  mêmes  tragédies  sans  le  Jephté.  Genève,  François 
Perrin,  1566,  in-4°,  avec  Bergerie  spirituelle,  et  Églogue 
spirituelle,  par  Louis  des  Masures. 

Les  interlocuteurs  de  la  Bergerie  spirituelle  sont  :  Vé- 
rité, Religion,  Erreur,  Providence  divine.  Le  tout  en  vers. 

Cat.  La  Vallière,  n"  17196. 

3°  Tragédies  Sainctes  avec  la  Bergerie  et  l'Églogue. 
Anvers  (Grég.  Humbert?),  1582,  in-8°. 

Cat.  de  la  Bibl.  des  Jésuites  d'Anvers,  I,  345. 


—  299  — 

Cette  édition  s'est  payée  53  francs  à  la  5''  vente  Debure. 

4°  Les  mêmes,  également  avec  la  Bergerie  et  l'Églogue. 
(Genève),  par  Gabriel  Cartier  pour  Claude  d'Augy,  1583, 
in-8°. 

Vendu  en  mar.  bl.  20  fr.  de  la  Leu;  précédemment 
fr.  7,20  Gaignat. 

La  Bergerie  spirituelle  est  accompagnée  de  la  musique. 

S"  Les  mêmes  tragédies,  sans  la  Bergerie  ni  l'Églogue, 
mais  avec  le  Jephté  de  FI.  Chrétien.  Paris,  Mamert  Palis- 
son,  1587,  pet.  in-12. 

Vendu  16  fr.  Labédoyère,  belle  reliure  ancienne;  GO  fr. 
Pixérécourt. 

6"  Les  mêmes  avec  le  Jephté.  Paris,  Mamert  Pâtisson, 
1595,  pet.  in-12. 

Cat.  La  Vallière,  n°  17198. 

7°  Il  existe  encore  des  tragédies  saintes  :  une  édition 
sans  date,  petit  in-12.  Elle  figure  au  catalogue  Courtois 
sous  le  uuméro  2597  avec  le  Jephté,  éd.  de  1587. 

8°  Enfin  le  catalogue  Gérard,  n"  702,  mentionne  une 
autre  édition  sans  date,  in-8'';  elle  se  trouve  dans  le  même 
volume  que  la  Céciliade  de  N.  Sorel,  éd.  de  Paris,  1606. 

XL  Barbier  cite  de  la  Bergerie  spirituelle  une  édition 
de  Paris,  1566,  in-^".  Cette  édition  anonyme  n'est  peut- 
être  pas  autre  que  celle  de  Fr.  Perrin  de  la  même  année. 
La  Bergerie  fut  imprimée  plusieurs  fois  en  même  temps 
que  les  tragédies;  nous  avons  dit  que  l'édition  de  1583 
contient  la  musique.  Ce  qui  est  assez  probable,  c'est  que  la 
Bergerie  n'a  jamais  paru  séparément,  mais  qu'elle  avait  sa 
pagination  distincte. 

XIL  Cette  dernière  remarque,  nous  la  ferons  également 
pour  l'Eglogue  spirituelle,  qui  accompagne  plusieurs  édi- 
tions des  Tragédies. 

XHL  Eclogue  sur  l'enfance  de  Henry,  marquis  du  Pont, 
fils  premier  nay  de  Charles,  duc  de  Lorraine.  Genève, 
François  Perrin,  1566. 


—  300  — 

Du  Verdier,  qui  cite  celte  Eglogue,  n'en  indique  pas  le 
format. 

XIV.  Babylon,  sive  Babylonicse  tyrannidis  Eversio;  ex 
Gallico  in  Latinum  Sermonem  conversa.  Genevse,  1569, 
in-4''. 

Nous  n'avons  trouvée  celte  pièce  mentionnée  comme  ayant 
été  éditée  à  part,  que  dans  Paquol.  Au  reste  le  pôëme  latin 
de  Babylone  est  inséré,  comme  nous  l'avons  vu,  dans  l'é- 
dition de  1574  des  Poemata. 

L'an  1565  avait  paru  in-S"  sans  nom  de  lieu,  un  ouvrage 
intitulé  :  «  La  ruine  de  la  grande  cité  et  du  règne  tyran- 
nique  de  la  grande  paillarde  Babylonienne  composée  en 
ryme  françoise,  »  ouvrage  que  Barbier,  d'après  Fleischer 
Bibliorjr.  franc.,  t.  Il,  attribue  à  Louis  Palercé.  Nous  igno- 
rons ce  qu'était  ce  Louis  Palercé;  et  n'ayant  pas  vu  l'ou- 
vrage français,  nous  ne  pouvons  dire  si  c'est  là  l'original 
de  notre  poëme  latin. 

XV.  Foppens,  dans  l'articulet  qu'il  donne  à  des  Masures, 
s'exprime  ainsi  :  «  Ludovicus  Masurius  Nervius,  Calviuistœ 
sectse  assecla,  Poemata  quœdam  lalina  edidit  Basilese  1579 
in-S",  quorum  hic  titulus  : 

Borboniades,  sive  de  Bello  civili  ob  religionis  causam 
in  Gallia  gesto,  libri  XIV.  Sunt  aulem  vetitœ  lectionis.  » 

Un  manuscrit  de  ce  poëme  est  conservé  dans  la  biblio- 
thèque publique  de  Genève.  Nous  donnerons  ici  l'article 
intéressant  que  Jean  Senebier  y  consacre  dans  son  Catalo- 
gue raisonné  des  Manuscrits  de  la  ville  et  république  de 
Genève.  Genève,  1779,  n"  100,  pp.  245-247: 

»  Ludovici  Masurii  Nervii  Borboniados,  sive  de  bello 
civili  ob  religionis  causam  in  Gallia  gesto,  libri  XII  (sic), 
fol.  Papier. 

»  Ce  poëme  me  paraît  absolument  inconnu  de  même  que 
son  auteur;  je  n'en  trouve  aucune  notice  ni  dans  les  cata- 
logues des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  de  celle 


—  301  — 

de  De  Thou,  le  Tellier,  Coislin,  ni  dans  les  histoires  ou 
mémoires  de  la  Ligue,  ni  même  dans  l'hisloire  latine  de  la 
vie  de  Gaspard  de  Coligni,  imprimée  en  1575,  quoique 
Masurius  dédie  son  ouvrage  à  ce  héros  :  «  Preestantissimo 
«heroi  Gaspari  Collignio  GalliarumThalassiarco,  chrisliani 
«exercitus  Imperatori  fortissimo.  »  Sa  dédicace  est  datée  du 
mois  d'août  1572;  mais  il  apprend  dans  une  note  que 
TAmiral  fut  lâchement  assassiné  «  crudelissima  illa  Pari- 
«sioruni  strage  cecidisse;  »  que,  lorsqu'il  apprit  cette  fatale 
nouvelle,  son  ouvrage  était  fort  avancé;  qu'il  avait  fait  les 
cinq  premiers  livres  de  son  Poëme,  qu'il  voulut  le  conti- 
nuer, et  que,  comme  il  l'avait  commencé  sous  les  auspices 
de  l'Amiral  vivant,  il  voulait  le  faire  servir  à  célébrer  sa 
gloire  après  sa  mort. 

»  Il  apprend  son  but  dans  sa  préface  :  «  Mihi  hoc  opus 
»  conficienli,  qualecunque  erit  sit  ratio  bellorum  istorum 
»  civilium,  quœ  hoc  nostro  sseculo  gesta  sunt,  potissimam 
»  partem  carminé  scribeus  admixtis  intérim  poelicis  quibus- 
»  dam  allusionibus  ac  fictionibus,  quibus  opus  ipsum  illus- 
»  trare  etiam  opportunum  visum  est.  » 

»  Mais  il  assure  que,  quoiqu'il  ne  rapporte  pas  les  pièces 
originales,  il  ne  dit  rien  que  de  conforme  à  la  vérité. 

B  Pour  faciliter  l'intelligence  de  son  ouvrage,  l'auteur 
donne  un  Dictionnaire  latin  et  français  des  noms  d'hom- 
mes et  de  lieux  dont  il  se  sert,  parce  que  sans  cela  il  eût 
été  inintelligible. 

»  Il  commence  son  poëme  en  peignant  les  efforts  de 
Paul  III  (f  1549),  pour  rétablir  la  paix  entre  les  rois 
d'Angleterre  et  de  France;  il  fait  connaître  la  haine  des  mai- 
sons de  Montmorency  et  de  Guise,  il  dessine  les  portraits 
des  hommes  qu'il  va  faire  agir,  et  il  finit  par  la  bataille  de 
Jarnac(1569). 

»  Cet  ouvrage  est  une  gazette  versifiée;  elle  est  sans  cha- 
leur ni  vie,  mais  la  vérité  historique  y  parait  très-bien 
conservée. 


—  30^2  — 

»  Pour  donner  une  idée  de  ses  vers,  je  rapporte  ici  les 
premiers  du  premier  livre  : 

Forlibus  exhaustos  ob  mundi  vasta  labores 
Régna  viris,  et  bella  manu  violenta  potenti 
Orbis  ob  imperium  et  terrae  pereuntis  habenas 
Gesta  canant  vano  qui  gaudent  carminé  vates; 
Arma  ego  pro  Christi  regno  pietatis  in  hostes, 
El  populi  certa  pro  libertate  fidelis, 
Sumpla,  Deique  pias  meditabor  carminé  laudes.  » 

Il  résulte  du  commencement  de  cet  article  que  Senebier 
croyait  cet  ouvrage  inédit.  Jacques  Lelong,  l'auteur  de  la 
Bibliothèque  historique  de  la  France,  avait  déjà  exprimé 
la  même  opinion.  Cependant  Calmet,  sans  doute  d'après 
Foppens,  assure  qu'il  existe  un  recueil  des  poésies  latines 
de  des  Masures  imprimée  à  Bàle,  en  1579,  in-S",  et  dans 
lequel  se  trouve  la  Borboniade.  L'édition  de  Bàle,  1579, 
dit  Brunet,  doit  être  fort  rare,  puisque  nous  ne  la  trouvons 
portée  dans  aucun  bon  catalogue. 

Il  est  permis,  croyons-nous,  de  douter  que  ce  poëme  ait 
été  imprimé.  En  tous  cas,  il  n'aurait  vu  le  jour  qu'après 
la  mort  de  son  auteur. 

Nous  avons  maintenant  à  passer  en  revue  les  ouvrages 
attribués  à  des  Masures,  et  ce  n'est  pas  la  partie  la  moins 
difficile  de  notre  tâche. 

Du  Verdier,  à  l'article  Louis  des  Masures,  cite  comme 
étant  de  cet  auteur  un  Josias,  tragédie,  imprimé  à  Genève, 
et  aux  anonymes  de  la  lettre  J,  il  rapporte  le  titre  suivant  : 
Josias  tragédie  de  Messer  Philone,  traduite  de  l'italien  en 
vers  françois.  Genève,  Fr.  Perrin,  1556,  in-4°.  «  Cepen- 
dant selon  toute  apparence,  dit  Brunet,  il  s'agit  bien  là 
d'une  seule  pièce,  qui  doit  être  la  même  que  le  Josias  im- 
primé en  1583.  L'existence  de  l'édition  de  1556  est  fort 
douteuse;  mais  nous  avons  vu  l'édition  de  Genève  de  l'im- 
primerie de  François  Perrin,  1566,  in-8°,  de  100  pages 
chiffrées.  » 


—  305  — 

Brunel,  après  G.  de  Beauchamps,  regarde  ce  nom  de 
Messer  Philone  comme  un  pseudonyme,  et  il  ajoute  :  «  il 
est  très-probable  que  l'auteur  de  cette  pièce,  écrite  en  fa- 
veur des  Calvinistes,  est  Louis  des  Masures.  » 

D'un  autre  côté,  voici  ce  qu'en  dit  de  Beauchamps  :  «  Ce 
messer  Philone,  qu'on  ne  connaît  point  d'ailleurs,  pourrait 
bien  être  Louis  des  Masures,  qui  se  serait  caché  sous  ce 
nom....  Le  même  imprimeur,  qui  a  imprimé  le  Josias 
de  1556,  a  imprimé  les  œuvres  de  des  Masures  en  1566; 
mais  cela  ne  conclut  rien,  à  moins  que  l'auteur  n'eût  pris 
un  nom  supposé  pour  une  seule  pièce,  après  en  avoir  donné 
trois  sous  son  propre  nom;  ce  qui  résulte  de  ceci,  c'est 
que  l'auteur  du  Josias  de  1566  n'a  pas  voulu  se  faire  con- 
naître. » 

Dom  Calmet  attribue  également  la  tragédie  de  Josias  à 
Louis  des  Masures.  Barbier,  Dict.  des  Anonymes  et  Pseu- 
donymes, assure  que  celle  tragédie  fut,  non  pas  traduite  de 
l'italien,  mais  composée  en  français  par  le  même  auteur. 

La  tragédie  de  Josias  eut  une  autre  édition  en  1583, 
sous  ce  titre  : 

Josias,  Tragédie  en  ryme  françoise  par  le  sieur  Philone, 
huguenot,  en  laquelle  Tragédie  se  trouve  le  vrai  Miroir  des 
choses  advenues  de  nostre  temps  (en  5  actes  et  en  vers). 
Sans  nom  de  lieu  (Genève).  Imprimée  par  Gabriel  Cartier 
pour  Claude  d'Augy  en  1583,  pet.  in-8". 

Il  existe  encore  sous  le  nom  de  Philone: 

Adonias,  tragédie,  vrai  miroir  ou  tableau  et  patron  de 
Testât  des  choses  présentes  etc.,  par  Philone.  Lausanne, 
Jean  Chiquelle,  1586,  in-8°.  —  En  cinq  actes  et  en  vers. 

Nous  avons  peine  à  croire  que  des  Masures  soit  l'auteur 
de  ces  deux  tragédies.  Quand  parut  le  Josias  de  1556,  des 
Masures  vivait  à  la  cour  de  Lorraine,  et  ne  songeait  pas 
encore  à  renier  sa  foi,  qu'il  n'abandonna  qu'en  1559,  et 
encore  pour  n'afficher  ses  nouvelles  opinions  que  quatre 


—  504  — 

ans  plus  tard.  Il  est  vrai  que  l'existence  de  celte  édition 
est  mise  en  doute  par  Brunet. 

D'un  autre  côté  —  en  admettant  qu'elle  n'ait  pas  existé, 
—  quand  parut  le  Josias  de  1366,  des  Masures  n'avait 
plus  rien  à  perdre,  plus  rien  à  ménager;  et  il  serait  pour 
le  moins  étrange  qu'il  eût  signé  de  son  nom  ses  tragédies 
saintes,  imprimées  la  même  année  chez  le  même  typogra- 
phe, et  qu'il  eût  donné  sous  un  pseudonyme  cette  tragédie 
de  Josias.  Pour  ce  qui  concerne  l'Adouias,  la  chose  est 
plus  extraordinaire  encore,  puisqu'il  ne  parut  que  douze 
ans  après  la  mort  de  des  iMasures. 

On  a  encore  attribué  à  notre  auteur  : 

Le  triomphe  de  lésuschrist,  comédie  apocalyptique,  tra- 
duite du  latin  de  lean  P'oxus,  anglois,  en  rilhme  françoise, 
et  augmentée  d'un  petit  discours  de  la  maladie  de  la  Messe, 
par  laques  Bienuenu,  citoyen  de  Genève.  Genève,  par  lean 
Bonnefoy,  pour  laques  Bienuenu,  M.D.LII,  in-4%  de  76  ff. 
en  lettres  rondes  avec  i  ff.  prélim. 

C'est  sur  une  conjecture  de  l'abbé  Mercier  de  Saint-Léger 
que  Barbier  attribue  cette  traduction  à  Louis  des  Masures. 
Nous  croyons  qu'il  y  a  là  erreur  profonde.  M.  Sainte- 
Beuve,  avec  Senebier,  dans  son  Histoire  littéraire  de  Ge- 
nève, et  la  Biographie  Michaud,  regarde  ce  Jacques  Bien- 
venu comme  un  personnage  réel.  Du  reste,  on  a  encore  de 
Jacques  Bienvenu  :  «  la  Comédie  du  monde  malade  et  mal 
pansé  récitée  à  Genève  en  1508,  au  renouvellement  de 
l'alliance  entre  les  nobles  et  illustres  républiques  de  Berne 
et  de  Genève,  1568,  in-8".  »  Cette  satire,  dirigée  contre 
les  difl'érenls  états  de  la  société,  et  surtout  contre  les  mé- 
decins, attira  à  l'auteur  de  nombreux  ennemis  qui  ne  le 
ménagèrent  point. 

Pour  être  conséquent,  il  fallait  aussi  attribuer  la  Comé- 
die du  monde  malade  à  des  Masures.  Malheureusement 
aussi  il  nous  est  prouvé  que  ce  dernier  n'a  jamais  résidé 
à  Genève. 


—  505  — 

Nous  ajouterons  que  l'original  de  la  Comédie  de  Foxus 
avait  d'abord  paru  à  Londres  en  1551.  Il  fut  réimprimé  à 
Bàle  en  155G.  On  cite  aussi  une  édition  de  la  traduction 
donnée  à  Genève  en  15G2,  in-^". 

La  traduction  est  plus  rare  que  Toriginal.  Un  exem- 
plaire, cité  par  Brunet,  fut  adjugé  350  fr.  à  Paris,  dans 
la  vente  Coulon,  faite  en  1829.  Ce  môme  exemplaire  s'est 
vendu  400  fr.  lors  de  la  première  vente  du  cabinet  de 
M.  Borluut  de  LNoortdonck  en  1858. 

Feu  M.  Ilenncberl,  dans  une  note  insérée  au  Bulletin 
de  la  Société  historique  et  littéraire  de  Tournai,  soupçonne 
L.  des  Masures  d'être  l'auteur  de  la  pièce  suivante  : 

Le  dépucelage  de  la  ville  de  Tournay,  avec  les  pleurs  et 
lamentations  obstant  sa  défloration,  par  L.  D.  (sans  lieu 
ni  date),  petit  in-8"  goth.,  de  8  fT. 

Cette  pièce  fut  composée  à  l'occasion  de  la  prise  de 
Tournay  par  Henri  VIII,  roi  d'Angleterre,  en  1513,  et 
elle  doit  être  de  la  même  époque;  le  simple  rapprochement 
des  dates  prouve  que  l'hypothèse  de  M.  Ilenncbert  est 
dénuée  de  fondement.  M.  Ilenncbert  aura  sans  doute  été 
induit  en  erreur  par  l'historien  Jean  Cousin,  qui  parle  de 
L.  des  Masures  sous  l'année  1507. 

Celte  petite  pièce,  devenue  fort  rare,  a  été  réimprimée  à 
Paris  en  1830,  et  à  Valenciennes  en  1838. 

On  trouve  encore  des  vers  de  des  Masures  : 

1"  dans  :  Hodœporicon  sive  itinerum  totius  fere  orbis 
lib.  VII.  Opus  historicum,  Ethicum,  Physicum,  Geogra- 
phicum  à  N.  Reusnero  Leorino  J.  C.  colleclum,  Jeremiœ 
Reusneri  fralris  cura  edilum.  Basileœ  ad  Pcrnam  Lccy- 
thum  MDXXC. 

Cette  collection  renferme  la  troisième  (pp.  G25-630)  et 
la  sixième  (pp.  631-C34)  élégie  des  Poemata  de  1574-. 

2°  Parmi  les  préliminaires  de  :  Austrasi.ic  rcges  et  duces 
epigrammatis,  per  Nicolaum  Trciccum  descripti.  Coloniœ, 


—  306  — 

1590,  in-i".  Et  dans  la  traduction  en  vers  français  du 
même  ouvrage  par  François  Guibaudel.  Coulongne,  1591, 
in-4%  fîg.  Celle  pièce  se  trouve  folio  112  de  l'édition  citée 
des  Poemata  de  des  Masures. 

L'original,  éd.  de  1590,  forme  le  n°  12793  du  Calai. 
La  Vallière. 

On  voit  par  la  préface  de  la  traduction  que  des  Masures 
fut  un  de  ceux  qui  engagèrent  Nie.  Clément,  de  Trelles 
sur  Moselle,  à  entreprendre  cet  ouvrage.  Celte  préface  est 
datée  de  Vizelize,  dans  le  comté  de  Vaudemont,  le  2 
juin  1573. 

3°  Parmi  les  liminaires  de  :  Ant.  Le  Pois,  Discours  sur 
les  Médailles  et  Gravures  antiques,  principalement  romai- 
nes. Paris,  Mamert  Pâtisson,  1579,  in-4",  on  trouve  une 
pièce  latine  et  une  autre  en  français.  La  première  se  lit 
également  dans  les  Poemata  de  des  Masures,  éd.  de  1574, 
fol.  121. 

4°  Les  Schediasmata  poetica  de  Paul  Melissus  Schedius, 
renferment  plusieurs  pièces  de  des  Masures,  pp.  171-172, 
p.  526,  pp.  527-28,  éd.  de  1625.  Ces  pièces  latines  sont 
reproduites  dans  les  Poemata  de  1574. 

P.  528-531,  on  lit  :  Ode  aux  Muse  (sic)  sur  les  poèmes 
et  armoiries  de  Paul  de  Mélisse,  8  strophes  de  10  vers. 

Cette  pièce  ne  se  trouve  dans  aucune  des  éditions  que 
nous  connaissons  de  des  Masures.  Elle  faisait  sans  doute 
partie  des  poëmes  français  qu'il  se  proposait  de  publier 
quand  il  fut  surpris  par  la  mort.  Dans  la  lettre  en  prose 
insérée  dans  \es  Schediasmata  (pp.  610-611),  lettre  que 
nous  avons  déjà  rappelée,  des  Masures  parle  en  effet  de 
poëmes  français  qu'il  a  récemment  écrits  et  non  encore  pu- 
bliés. Godard  de  Beauchamps  cite  bien  une  édition  de  1595 
du  Jephté  de  Florent  Chrétien  avec  des  fragments  de  des 
Masures;  mais  nous  pensons  que  ce  mot  fragments  signiGe 
tragédies  saintes.  Il  n'y  a  aucune  apparence  que  ces  poëmes 
français  aient  jamais  vu  le  jour. 


—  307  — 

Des  Masures  jouissait  d'une  grande  réputation  parmi  ses 
contemporains;  cette  renommée,  il  la  devait  surtout  à  sa 
traduction  de  l'Enéide;  et  les  éloges  ne  lui  furent  pas  mar- 
chandés de  son  temps.  Voici  d'abord  venir  Pontus  de 
Thiard  : 

Des  Masures  soit  loué. 
Qui  au  bien  imité  style 
Par  un  doublement  Virgile 
Des  Muses  est  avoué. 

François  Habert,  dans  son  épître  à  Mellin  de  Saint- 
Gelais  sur  l'immortalité  des  poêles  français,  en  parlant  de 
l'assemblée  des  Muses  où  il  feint  de  s'être  trouvé  en  songe, 
dit  à  son  tour  : 

Puis  fut  parlé  du  gentil  des  Masures 
Sur  l'Enéide  en  ses  graves  mesures. 

La  parole  est  au  chef  de  la  nouvelle  école  poétique,  à 
Pierre  de  Ronsard  : 

A  Loys  des  Masures,   Tournésien,  poète  François. 

Masures,  tu  m'as  veu,  bien  que  la  France  à  l'heure 
Encor'  ne  m'enroloit  entre  les  bons  esprits, 
Et  sans  barbe,  et  barbu  j'ay  releu  tes  écrits. 
Qui  engardent  qu'Enée  en  la  France  ne  meure. 

Ah  !  que  ie  suis  marry  qu'encore  ne  demeure 
A  Paris  ce  troupeau  si  doctement  appris, 
Qui  n'agueres  chantoit  pour  emporter  le  pris, 
Et  sa  chanson  esloit  sur  toute  la  meilleure. 

Pour  une  opinion  de  Beze  est  deslogé, 
Tu  as  pas  faux  rapport  longuement  voyagé, 
Le  sçavant  Peletier  a  vagué  comme  Ulysse. 

Phœbus,  tu  ne  vaux  rien,  et  vous  ne  valez  rien, 
Muses  jouet  à  fols;  puisqu'en  vostre  service 
Vos  servans  n'ont  reçeu  que  du  mal  pour  du  bien. 

Ronsard  a  également  adressé  à  des  Masures  un  de  ses 
Discours  sur  les  misères  du  temps.  Il  paraît  que,  quand  ce 
discours  fut  écrit,  des  Masures  avait  déjà  embrassé  le  cal- 
vinisme. On  sait  que  l'école  de  Ronsard  était  aussi  attachée 


—  508  — 

au  catholicisme  que  l'était  peu  celle  de  ^larot.  Toutefois 
dans  ce  discours,  Ronsard,  tout  en  ayant  Tair  de  blâmer 
des  Masures,  lui  donne  encore  le  nom  d'ami.  Voici  au  reste 
une  analyse  de  ce  discours  : 

Mon  livre  est  ressemblable  à  ces  tables  friandes 
Quun  prince  faict  charger  de  diverses  viandes  : 
Le  mets  qui  plaist  à  l'un,  à  l'autre  est  desplaisant. 

Aussi,  dit-il,  je  ne  contrains  personne  à  me  lire. 

Celuy  qui  bien  content  de  mon  vers  se  tiendra, 
Me  fera  grand  plaisir  :  s'il  advient  au  contraire, 
Masures,  c'est  tout  un,  je  ne  sçaurois  qu'y  faire. 

Je  m'étonne,  ajoute-t-il,  de  ceux  de  la  nouvelle  doctrine 
qui  ne  font  que  répéter  :  Si  Ronsard  cessait  de  parler  tan- 
tôt de  l'amour,  tantôt  de  la  guerre,  et  qu'il  ne  chantât  plus 
que  Jésus-Christ,  Ronsard  serait  parfait.  >'oici  sa  réponse  : 

0  pauvres  abusez  !  que  le  nouveau  sçavoir 
D'un  moyne  défroqué  a  laissé  décevoir  : 
Tenez-vous  en  vos  peanx;  et  ne  jugez  personne.... 

D'où  serait  animé 
In  habitant  du  Rhin  en  un  poésie  enfermé 
A  bien  interpréter  les  sainctes  Escritures 
Entre  les  gobelets,  les  vins,  et  les  injures? 
Y  croye  qui  voudra,  Ami,  je  te  promets 
Par  ton  bel  Amphion  de  n'y  croire  jamais. 

Le  poëte  feint  ensuite  que  du  Bellay  mort  lui  a  apparu 
en  songe,  et  lui  a  dit  : 

Crains  Dieu  sur  toute  chose,  et  le  fard  d'Epicurc 
Ne  te  fasse  jamais  errer  à  l'avanture  : 
Toute  ton  espérance  et  de  corps  et  d'espril 
Soit  fermement  flchée  au  Sauveur  Jésus-Chrisl. 


Entre  Homère  et  Virgile,  ainsi  qu'un  demi  Dieu, 
Environné  d'esprits  j'ay  ma  place  au  milieu, 
El  suis  en  la  façon  que  m'a  descrit  Masures 


—  309  — 

Nous  avons  analysé  cette  pièce,  parce  qu'elle  fait  con- 
naître la  position  de  des  Masures  vis-à-vis  de  la  plus  grande 
illustration  poétique  de  l'époque.  Nous  avons  déjà  cité  le 
passage  dans  lequel  des  Masures  regrette  la  société  de  Ron- 
sard. Dans  ses  poésies  latines  de  1557,  on  lit  une  pièce 
de  4  distiques,  adressée  à  Ronsard  et  à  Joachim  du  Bellay; 
cette  pièce  ne  se  retrouve  plus  dans  la  seconde  édition  de 
ces  poésies.  Celte  suppression,  était-ce  une  réponse  au  dis- 
cours de  Ronsard? 

Un  autre  non  moins  célèbre,  Rabelais,  que  des  Masures 
avait  d'abord  ensencé,  se  brouilla  plus  tard  avec  notre 
poëte;  Rabelais  avait  peu  de  respect  à  coup  sur  pour  le 
papegaut  et  ses  cardingcmx.  Mais  il  en  avait  encore  moins 
pour  les  disciples  de  la  nouvelle  religion.  Il  invectiva  vio- 
lemment contre  Calvin.  Des  Masures  lui  répondit  par  ce 
mauvais  destique  : 

Qui  Rabelœus  eras,  placidus  modo,  jam  quia  fundens 
Verba  furis,  Rabie  tu  niihi  lœsus  eris. 

Il  ne  peut  entrer  dans  nos  intentions  de  passer  ici  en 
revue  tous  les  éloges  que  les  contemporains  ont  adressés  à 
des  Masures.  Laissons  donc  Macrin  l'appeler  la  gloire  des 
poètes  de  la  Nervie;  Paul  de  Mélisse,  l'étoile  des  Nerviens, 
laissons  Th.  de  Bèze  proclamer  Homère  et  Virgile  jaloux 
du  mérite  de  des  Masures.  Ce  ne  sont  là  que  de  simples 
politesses  sans  conséquence;  elles  peuvent  témoigner  de  la 
vogue,  mais  non  du  mérite  d'un  écrivain. 

L'abbé  Goujet  dit  de  des  Masures  :  «  Cet  écrivain  était 
moins  mauvais  poëte  que  Pelletier.  Peut-être  son  érudition 
n'était-elle  pas  plus  étendue,  mais  il  avait  eu  le  goût  meil- 
leur et  le  jugement  plus  solide.  Il  avait  de  l'imagination,  et 
la  langue  latine  et  la  nôtre  lui  étaient  familières.  » 

Joachim  du  Bellay  a  aussi  traduit  le  IV''  et  le  V^  livre 
de  l'Enéide  :  «  Contemporain  de  des  Masures,  dit  encore 


—  310    - 

l'abbé  Goujel,  non  seulement  il  ne  le  surpassa  point,  mais 
on  ne  peut  même  pas  dire  qu'il  l'ait  égalé.  » 

«La  traduction  de  des  Masures,  écrit-il  ailleurs,  est 
assez  fidèle,  littérale  même  autant  que  le  génie  des  deux 
langues  l'a  pu  permettre.  Il  y  a  cependant  des  endroits  où 
elle  aurait  dû  être  resserrée,  et  qui  sentent  trop  la  para- 
phrase.... Mais  les  Muses  ont  dû  blâmer  sa  versification 
plate  et  languissante,  quoiqu'on  apparence  aisée  et  natu- 
relle, ses  bâillements  fréquents,  ses  défauts  de  césure,  ses 
termes  bas  et  rampans,  ses  tours  prosaïques  si  éloignés  du 
sublime  de  Virgile.  Malgré  tant  de  vices,  qui  ne  seraient 
pas  supportables  aujourd'hui,  il  paraît  que  cette  traduction 
a  été  lue  et  recherchée  dans  le  seizième  siècle.  » 

Il  peut  être  intéressant  de  connaître  ce  que  les  tra- 
ducteurs postérieurs  de  l'Enéide  ont  dit  de  celte  version 
de  des  Masures.  Voici  comment  s'exprime  P.  Perrin  dans 
l'avant-propos  de  sa  traduction  de  l'Enéide  en  vers  :  Paris, 
Estienne  Loyson,  1658  :  «  Ceux  qui  ont  traduit  Virgile  en 
vers  ont  manqué  pareillement  par  défaut  d'artifice,  pour 
s'estre  attachez  indiscrettement  à  la  traduction  des  mots  et 
des  phrases  latines,  comme  ont  fait  des  Masures  et  les  frè- 
res Chevalier;  par  malheur  encore,  en  ce  que  la  poésie  de 
leur  temps  rude  et  mal  polie  n'avait  rien  de  comparable 
aux  avantages  de  la  nostre;  et  tous  par  défaut  de  génie, 
puisqu'il  est  vray  qu'aucun  jusqu'icy  ne  s'est  appliqué  à 
cette  entreprise  qui  ait  eu  le  moindre  charactère,  ny  d'ha- 
billé homme,  ny  de  poète,  à  la  réserve  du  cardinal  du  Per- 
ron, que  la  difficulté  du  travail,  véritablement  incroyable, 
a  rebuté  dès  les  premiers  essays.  » 

Les  dix  éditions  de  la  traduction  complète  de  l'Énéide 
prouvent  assez  une  vogue  extraordinaire.  Le  premier  effet 
de  son  apparition,  ce  fut  de  faire  oublier  la  traduction 
d'Octavien  de  Saint-Gelais,  publiée  à  Paris  par  Antoine 
Vérard  en  1S09,  in-folio.  Ceci  résulte  des  termes  mêmes 
de  plusieurs  pièces  rapportées  plus  haut. 


—  3H  — 

Au  reste,  pour  ce  qui  est  du  mérite  de  celle  traduction, 
nous  ne  sommes  pas  éloigné  d'admettre  le  jugement  de 
l'abbé  Goujel.  Nous  ferons  observer  seulement  que  plu- 
sieurs des  défauts  qu'il  reproche  à  des  Masures  doivent 
être  mis  sur  le  compte  de  l'époque,  et  que  tel  de  ces  dé- 
fauts n'en  serait  plus  un  aujourd'hui.  Des  Masures,  au 
moins  pour  la  forme,  est  un  des  ancêtres  de  l'école  roman- 
tique. 

Nous  placerons  ici  la  traduction  de  Texorde  du  discours 
qui  ouvre  le  second  livre  : 

«  Chacun  se  leut,  et  pour  ouïr  ces  choses 
Tous  ententifs  tenoyent  leurs  bouches  closes. 
Le  père  Enee  à  l'heure  s'avança 
Sur  le  haut  lit,  et  ainsi  commença  : 

Tu  me  contrains,  roine  de  grand  valeur, 
Renouveller  une  estrange  douleur, 
Qui  veux  ouïr,  comme  en  ruine  et  proye 
Les  Grecs  ont  mis  les  richesses  de  Troye, 
Et  saccagé  le  règne  lamentable. 
Ce  que  j'ay  veu  (misère  inestimable) 
Et  dont  je  fus  grande  partie  aussi. 

Qui  est  celui  (en  racontant  cecij 
Des  Myrmidons,  Dolopes,  ou  gens  d'armes 
D'Ulysse  Grec  qui  retiendroit  ses  larmes? 
Et  jà  du  ciel  la  nuict  humide  et  sombre 
Se  précipite,  et  l'ordinaire  nombre 
D'astres  mourans,  à  dormir  nous  convie. 

Mais  si  tu  as  une  si  grande  envie 
D'entendre  ici  nos  fortunes  conter, 
Et  les  labeurs  extrêmes  escouter. 
Que  j'ay  en  fin  veu  à  Troye  advenir  : 
Combien  qu'au  cœur  ce  triste  souvenir 
Me  donne  horreur,  et  de  deuil  mon  penser 
Soit  reculé,  je  les  vay  commencer.  » 

Nous  ne  le  dissimulerons  pas,  des  Masures  n'avait  point 
ce  qu'il  faut  pour  un  poëme  de  longue  haleine;  Chaudon 
et  Delandine  reprochent  à  ses  tragédies  saintes  de  manquer 


—  312  — 

de  régularité  dans  le  plan  et  d'élégance  dans  les  détails. 
M.  Sainte-Beuve,  dans  son  Tableau  de  la  Poésie  française 
au  XVI"  siècle,  dit:  «  Louis  des  Masures,  traducteur  de 
Virgile,  donna,  en  1566,  sous  le  nom  de  Bergerie  spiri- 
tuelle, une  véritable  moralité,  et,  sous  celui  de  tragédies 
saintes,  des  pièces  équivoques  qui  rappellent  YAbraham 
de  Théodore  de  Bèze,  et  tiennent  le  milieu  entre  les  mys- 
tères et  la  nouvelle  tragédie.  »  Les  triomphes  de  Jodelle  et 
de  Garuier  allaient  faire  oublier  ce  genre  hybride,  que  peu 
d'écrivains  de  marque  cultivaient  encore. 

Les  tragédies  saintes  font  involontairement  songer  à  la 
trilogie  dramatique  des  Grecs.  Elles  sont  peut-être  un  des 
rares  exemples  de  l'imitation  de  celte  forme  ancienne  dans 
la  littérature  française  du  XVP  siècle. 

Des  Masures  a  peu  chanté  l'amour.  A  l'époque  où  il 
vivait,  il  était  de  mode  que  chaque  poëte  eût  son  amie. 
Macrin  pleurait  Gélonis,  Maurice  Scève  célébrait  sa  Délie, 
Du  Bellay  chantait  son  Olive,  et  Ronsard,  sa  Cassandre  et 
son  Hélène.  Seul  à  peu  près,  des  Masures  n'eut  point  sa 
mie.  Il  chanta  Diane,  il  est  vrai;  mais  Diane  devint  la  mère 
de  son  fils;  sa  seconde  épouse  eut  aussi  quelque  part  aux 
faveurs  de  ses  chants.  Mais  cette  part  est  si  faible;  et  puis, 
dans  la  suite,  des  Masures  semble  avoir  renié  ces  poésies 
en  retranchant  de  ses  œuvres  tout  ce  qui  sentait  l'amour. 
Le  rigorisme  calviniste  avait  soufïlé  là-dessus. 

Une  autre  manie  des  poètes  de  l'époque,  c'était  d'avoir 
chacun  leur  devise;  celle  de  des  Masures  était  une  allusion 
à  ses  jours  de  malheur  : 

Quanto  superat  discrimine  virtus? 

Il  n'y  a  rien  de  particulier  à  dire  des  poésies  latines  de 
notre  auteur,  sinon  qu'elles  sont  de  beaucoup  supérieures 
à  ses  poésies  françaises.  Nous  n'irons  pas  cependant  jus- 
qu'à nous  écrier  avec  de  Paul  de  Mélisse,  son  ami  : 


—  515  — 

Al  Ut  Virgilius,  Masuri,  sis,  aller  llonicrus, 

Ardiia  docte  gravi  bella  sonare  tuba. 
Nemo  nec  invideal  fainœ.  Borbonias  cxstet 

Par  opus  yEncidi,  par  opus  Iliadi 

Vraiment  on  aurait  peine  à  concevoir  que  des  auteurs 
se  soient  dit  de  ces  choses-là  sans  sourire,  si  Ton  ne  savait 
que  c'était  en  quelque  sorte  passé  dans  les  mœurs,  et 
qu'on  n'y  prélait  plus  attention  comme  étant  une  chose  de 
tous  les  jours. 

Voici  encore  le  jugement  que  le  Père  Abram  porte  de 
des  Masures  dans  son  Histoire  de  f  Université  de  Pont-à- 
Mousson  :  «  Homo  litteratus  et  poeta  venustus,  se  diatina 
poesi  quam  Gallica  Virgilii  translatione  felicior.  » 

Ces  poésies  latines  ont  cependant  un  défaut  que  nous 
devons  relever.  Des  Masures  semble  s'y  être  surtout  pro- 
posé Ovide  pour  modèle.  Exilé  comme  le  poêle  de  Sul- 
mone,  il  s'est  en  quelque  sorte  identifié  à  son  sort.  A  chaque 
instant,  il  revient  sur  son  exil;  cependant  il  ne  laisse  pour 
ainsi  dire  jamais  percer  le  découragement  qui  s'était  em- 
paré de  son  àme,  et  alors  même  il  y  a  quelque  chose  qui 
donne  la  vie  à  ses  vers;  ce  quelque  chose,  c'est  la  confiance 
en  Dieu. 

En  résumé,  des  Masures  n'était  pas  plus  mauvais  poète 
que  la  plupart  de  ceux  de  son  époque.  Pasquier,  dans  ses 
Recherches,  l'a  placé  à  la  suite  de  la  brigade  de  Ronsard 
avec  Pontus  de  Thiard,  Rémi  Belleau,  Guillaume  des 
Autels,  Olivier  de  Magny,  Passerai,  etc.,  elc.  Aujourd'hui 
ses  œuvres,  par  leur  excessive  rareté,  ont  acquis  un  autre 
genre  de  mérite.  Elles  sont  devenues  de  ces  reliques  que 
se  disputent  avec  acharnement  les  véritables  bibliophiles. 

F.  F.  J.  Lecouvet. 


iU 


jpartîculûrttcô  tuconnucs 


SUR 


QUELQUES  FOUS  EN  TITRE  D'OFFICE  DU  MOYEN-ACE  (i). 


«  La  coulumc  crenlrelenir  près  de  soi  des  serviteurs 
obligés  d'avoir  de  la  gaieté  et  de  l'esprit  pour  tout  le  monde, 
se  répandit  sous  le  régime  de  la  féodalité.  Il  n'y  a  que  les 
gens  ennuyés  qui  attachent  tant  de  prix  au  talent  d'exciter 
le  rire.  Isolés  dans  leurs  châteaux,  passant  la  journée  sur 
les  grands  chemins  et  dans  les  bois,  rudes,  sauvages,  les 
nobles  paladins,  que  les  romans  nous  décrivent  avec  des 
couleurs  si  brillantes,  étaient  la  plupart  du  temps,  des 
personnages  aussi  maussades  que  redoutés.  Ne  voyant  dans 
leurs  égaux  que  des  ennemis  avec  lesquels  ils  badinaient 
toujours  l'épée  au  côté,  ils  auront  admis  quelques-uns  de 
leurs  vassaux  à  l'honneur  de  les  distraire  un  moment  et 


(1)  Le  chanoine  Heylen,  archiviste  de  l'ahbaye  de  Tongerloo,  a  recueilli  les 
détails  suivants  sur  quelques  fous  du  moyen-âge  :  «  Mniis  domini  Gcrardi  de 
Wacnrode,  flor.  geld.  —  Mimis  domini  de  Wesemale,  12  plecken.  —  Jocula- 
toribus  seu  Faluis  's  Mercks-Greve,  11  plecken.  —  Joculatoribus  domini 
Duxisse  (sici,  1  nuid.  —  Pro  Jlnns  Diesicnsibus  et  Tcncnsibus,  6  st.  —  Pro 
jusore  agente,  2  st.  —  Jacobus  slultus  noster  reccpit  111  st.  —  Morionis 
Rmi  Argentinensi,  6  plecken.  —  Stclto  de  Berne,  pro  nola,  G  plecken.  — 
VosKEN,  Slulto  domini  Coloniensis,  1  gryp.  —  Kieremiere,  mimo  domini 
Leodiensis,  1  il.  —  Lamberto,  régi  mimorum,  1  ren.  »Voy.  IJistorische  ver- 
handeling  over  de  Kcmpen.  Turnhout,  1837,  in-S»  p.  166,  note  XX.  Ces 
parlirulariiés  prouvent  à  l'évidence  que  l'usage  d'entretenir  des  Fous  en  titre 
était  général  au  moyen-âge. 


—  315  — 

de  les  arraclier  à  la  monotonie  de  leur  rustique  grandeur. 
Mais  la  finesse  des  propos,  la  délicatesse  des  pensées, 
n'avaient  guère  de  prise  sur  ces  hommes  hérisses  de  fer. 
Pour  se  frayer  impunément  un  chemin  jusqu'à  eux,  la  plai- 
santerie devait  ressembler  à  l'impertinence,  à  la  licence,  à 
la  liberté.  Or,  il  arrivait  que  l'épigramme  allait  souvent 
plus  loin  que  ne  le  désirait  un  patron  fier  et  irascible. 
Afin  de  conserver  la  dignité  du  maître,  il  fut  réglé  qu'on 
ne  pourrait  lui  dire  de  bonnes  vérités  sans  être  réputé /oh. 
Un  vêtement  particulier,  un  titre  significatif  furent  attri- 
bués aux  diseurs  de  bons  mots,  pour  avertir  que  leurs 
sarcasmes  ne  tiraient  pas  à  conséquence,  et  qu'on  risque- 
rait à  les  imiter.  Les  flatteurs,  ceux  qui  trafiquaient  de 
mensonges,  n'eurent  garde  alors  de  croire  qu'ils  n'étaient 
pas  les  sages,  (i)  » 

Nous  avons  recueilli,  dans  le  cours  de  nos  investigations, 
des  renseignements  sur  quelques  fous  en  titre  d'office,  ainsi 
que  sur  quelques  autres  farceurs  du  moyen-âge.  Comme 
ces  renseignements  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  l'histoire 
des  mœurs  d'une  époque  qui,  malgré  des  travaux  consi- 
dérables, est  loin  de  nous  être  connue  sous  toutes  ses 
faces,  nous  avons  jugé  à  propos  de  les  communiquer  aux 
lecteurs  du  Messager  des  Sciences  historiques. 

Pour  que  les  fous  fussent  dignes  de  remarque,  on  voulait 
qu'ils  eussent  la  double  difformité  de  l'esprit  et  du  corps. 
Un  bouffon  à  grande  bouche,  à  nez  en  abîme,  à  larges 
oreilles,  de  petite  taille  et  bossu  par  dessus  le  marché,  était 
le  plus  recherché  et  le  mieux  soldé.  On  coiffait  la  tête  du 
pauvre  hère  d'un  bonnet  de  folie,  on  lui  donnait  pour  habit 
une  robe  bariolée,  où  dominait  le  vert,  couleur  du  métier, 
ou  bien  un  juste-au-corps  de  buffle  et  boutonné  par  der- 


(1)  Voir  le  baron  de  Reiffenberg,  Histoire  des  fous  en  litre  d'office,  flans 
Le  Lundi.  Bruxelles,  1855,  in-12»,  p.  237. 


~  316   — 

rière;  puis  on  lui  remeltail  une  marolle  à  grelots.  Ainsi 
accoutré,  le  drôle  n'avait  qu'à  paraître  et  à  ouvrir  la  bouche 
pour  faire  éclater  le  rire  des  spectateurs.  On  sait  qu'il  lui 
était  permis  de  tourmenter  tout  le  monde  et  de  tout  dire. 
«  Ces  fous,  c'est  M.  le  comte  Léon  de  Laborde  qui  l'assure, 
étaient  parfois  gens  fort  sérieux  envoyés  en  missions  diffi- 
ciles, (i)  » 

.Jeanne,  duchesse  de  Brabant,  la  vertueuse  épouse  de 
Wenceslas,  ne  pensait  pas  compromettre  sa  gravité  en 
entretenant  à  sa  cour  un  fou  en  litre  d'office.  Son  bouffon 
visita,  en  1364,  la  ville  de  Louvain.  L'administration  com- 
munale lui  fit  offrir,  à  cette  occasion,  un  nouvel  habillement 
en  drap  de  laine.  Elle  fit,  en  outre,  orner  son  chapeau  de 
galons  en  or  fin  ('i).  Ces  détails  semblent  prouver  qu'on 
n'avait  point  alors  l'habitude  de  vêtir  les  fous  gradués 
d'un  jusle-au-corps  mi-parti  et  d'un  chaperon  à  oreilles 
d'âne. 

Philippe-le-Bon,  ce  prince  qui  aimait  les  plaisirs  de 
tout  genre,  entretenait  des  fous,  des  folles,  des  nains  et 
des  grimpeurs.  Son  grimpeur  vint  à  Louvain  le  8  septem- 
bre 1453  et  y  donna,  pendant  deux  jours,  preuve  de  son 
adresse  en  montant  sur  les  maisons  situées  à  la  Grand' 
Place.  Notre  population  trouva  les  exercices  de  ce  drôle 
fort  à  son  goût,  en  sorte  que  l'administration  communale 
lui  alloua  un  pour-boire  de  51  plecken  (3). 

La    folle  graduée  de    Philippe-le-Bon,   qui    s'appelait 


(1)  Voy.  M.  le  comte  de  Laborde,  Les  Ducs  de  Bourgogne,  t.  I,  p.  19  de 
l'Inlroduclion. 

(2)  «  Item,  mcesler  Dieric  Cledermaker  van  Mire  Vrouwen  Sot  van  Bra- 
bant syn  cledercn  te  maken,  en  van  linenlaken,  18  lib.  14  st.  —  Item,  van 
gulden  borde  dat  men  hem  leyde  om  sine  hoyke,  12  lib.  12  st.  »  Comptes  de 
la  ville  de  Louvain  du  mois  de  juillet  1364-. 

(3)  «  Gegeven,  by  bevele  der  slat,  den  Clymmer  Mi/ns  genedigen  Heren  van 
Brabant,  die  clam  opten  huysen  ane  den  Kerciiof,  binnen  2  dagen,  2  wer- 
ven,  8  in  sept.,  31  plecken.  »  Comptes  de  la  ville  de  1435,  f"  15. 


—   ùl  I    

xMadame  d'Or,  assista,  au  dire  de  Saiut-llemy,  aux  fêtes  de 
l'institution  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or,  célébrées  à  Bruges 
en  1429  (i).  Il  paraît  que  le  duc,  qui  était,  ainsi  qu'on  ne 
l'ignore  pas,  grand  amateur  du  beau  sexe,  portait  beau- 
coup de  sympathie  à  sa  «  moult  gracieuse  folle.  »  Lorsque 
Jeannette,  la  mère  de  la  farceuse,  vint,  en  1453,  rendre 
visite  à  sa  fille,  qui  se  trouvait  pour  lors  à  Dijon,  le  prince 
lui  fit  remettre  une  somme  de  10  francs,  monnaie  de  l'épo- 
que, pour  frais  de  voyage  (2).  Madame  d'Or  épousa,  en 
1448,  un  certain  Jean  Vair  ou  Vaer.  Philippe  invita,  à 
cette  occasion,  les  villes  de  ses  étals  à  lui  voter  une  somme 
en  guise  de  cadeau  de  noce.  Le  conseil  communal  de  Lou- 
vain  lui  alloua  deux  écus  d'or  (3). 

M.  le  comte  Léon  de  Laborde  nous  a  fait  connaître,  dans 
les  sources  pour  son  histoire  des  ducs  de  Bourgogne,  plu- 
sieurs fous  en  titre  d'office  de  Philippe-le-Bon.  Nos  recher- 
ches nous  mettent  à  même  d'augmenter  sa  liste  d'un  nom. 
Le  fou  du  grand  duc,  qui  portait  le  prénom  de  Jean,  vint, 
en  1464,  annoncer  à  l'administration  que  son  maître  se 
proposait  de  faire  une  visite  à  sa  bonne  ville  de  Louvain. 
Le  trésorier,  qui  a  annoté  ce  fait,  ne  dit  pas  si  le  farceur 
se  signala  dans  cette  circonstance  par  des  saillies  et  des 


(1)  V.  DE  Reiffenberg,  Histoire  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or,  introduction, 
p  20.  Nous  lisons  ailleurs  :  «  A  Madame  Doii,  Sotte  de  Monseigneur,  pour 
don  à  avoir  espingles,  20  sols.  »  Comptes  de  la  recette  générale,  aux  archives 
de  l'ancienne  Chambre  des  comptes  à  Lille,  de  1432-35.  Voy.  M.  de  Laborde, 
Les  ducs  de  Bourgogne,  t.  I,  p.  266. 

(2)  «  A  Jehnette,  mère  de  Madame  Dor,  que  Monseigneur  luy  a  donné  à 
son  partement  à  Dijon,  où  elle  estoit  venue  veoir  madite  dame  Dor,  sa  fille, 
et  pour  soy  en  retourner  en  son  hostel,  10  francs.  »  Comptes,  ib.,  1433-34.. 
V.  M.  de  Laborde,  op.  cit.,  p.  345. 

(3)  «  Dame  Doir,  Sotlinne  ons  genedegen  IJeren,  die  haer  brulochl  hielt 
met  Janne  Vaer,  haren  bruglioen,  hadde  de  stat  ghegeven,  ter  beden  van 
hem  selven,  7  in  october,  2  scilden, 'tsluk  te  14  stuvers,  val.  84  plecken.  » 
Comptes  de  la  ville  de  Louvain  de  1448,  f"  22. 


—  318  — 


tours  de  son  métier.  Il  nous  apprend  seulement  qu'on  lui 
donna  un  pour-boire  de  deux  sols  (i). 

L'usage  d'encourager  les  farceurs  était  alors  à  l'ordre 
du  jour.  II  y  avait  alors  à  Louvain  un  vieux  drôle  du  nom 
de  Jacques  van  Lare  qui,  après  avoir  dissipé  une  fortune 
assez  considérable,  s'occupait  de  farces,  d'astronomie  et 
de  prognostic.  Le  Conseil  communal  lui  alloua,  en  1434, 
un  subside  de  4  écus  d'or  (2). 

Un  autre  farceur,  qui  se  fit  appeler  le  Chevalier  du  comte 
d'Oestrevant,  se  présenta,  le  27  octobre  1445,  devant 
notre  Conseil  communal  et  lui  débita  un  discours  en  l'hon- 
neur de  la  ville  de  Louvain.  On  lui  accorda  une  gratification 
d'un  florin  d'or  (3). 

Les  prêtres  de  nos  grandes  églises  célébraient  alors 
chaque  année  une  fêle  des  fous.  Celle  fêle  singulière  avait 
habituellement  lieu  vers  la  nouvelle  année,  depuis  la  Noël 
jusqu'à  l'Epiphanie.  La  veille  de  la  fêle,  les  jeunes  prêtres 
faisaient  entre  eux  choix  iWm  Évêqite.  Crosse,  milré,  ganté, 


(1)  ><  Eeiien  gehelen  Meester  J\y,  mrjns  genedig  lîeren  Sot,  die  by  deu 
Borgemeester  de  boedschap  brachte  dat  Myii  genedige  Ileer  te  Loven  co- 
meii  soude,  gegeven  te  drincgelde  2  stuvers,  val.  33  plecken.  »  Comptes  de 
1464.-65,  fo67  v». 

(2)  «  Ghegeven,  by  bevele  der  slat,  Jacob  Van  Lacre,  omme  goetswille, 
omme  dat  een  goede  oude  niaii  es  en  dei-  Ileeren  alloes  na  gevolgt  heeft,  en 
van  groten  goede  te  nienle  eonien  es,  soe  compt  hi  aile  jaren,  t'  onser  Liever 
Vrouwen  daghe  nativilalis  (8  sept.),  voir  den  helfft,  als  men  den  \vyn  snyt, 
en  op  anderen  tyde  van  den  jare,  alsoe  heeft  hem  de  stal  doen  geven  2  scil- 
den,  20  in  junio,  val.  102  plecken.  »  Comptes  de  la  ville  de  1454,  f"  81  v».  — 
Ghegeven,  by  bevele  der  stat,  meestei-  Jacob  Van  Laed,  om  Gode  en  dat  een 
ARM  GiiEK  es,  ter  beden  van  goeden  niannen,  dat  hi  in  de  slerren  sien  can, 
2  scilden,  102  plecken.  »  Ib.  —  Gegeven,  bi  bevele  der  stat,  Meester  Jacob 
Van  der  Lare,  om  Gode,  dat  een  arm  sol  es,  dat  hy  U  sclioen  loeder  pleclit  le 
sien,  5  in  sept.,  2  guld.  val.  78  plecken.  »  Y.  Comptes  de  1435,  f»  19. 

(3)  «  Geggeven,  bi  bevele  vander  stat,  eenen  Sot,  die  hem  heeten  dede 
'.s  Greven  Ridder  van  Oeslervanl,  doen  (hi)  schocn  woirdc  quam  seggen  voir 
lier  stal,  27  in  oclob.,  le  drincgelde,  1  lichten  guiden,  val.  50  plecken.  » 
Y.  Comptes  de  lu  ville  de  1445,  l"  20. 


—  319  — 

somptueusement  costumé,  cet  étrange  prélat  était  mené  en 
tr-iomphe  dans  l'église;  puis  conduit  processionnellement 
par  les  principales  rues  de  la  ville,  il  distribuait  force  bé- 
nédictions (i).  On  nommait  parfois  un  Cardinal  et  même 
un  Pape  des  fous,  et  celte  élection  était  habituellement  con- 
firmée par  des  cérémonies  burlesques.  A  Amiens,  et  dans 
quelques  autres  villes,  ceux  qui  étaient  revêtus  de  cette 
dignité  éphémère  jouissaient  du  privilège  de  battre  mon- 
naie. Leurs  pièces  sont  en  plomb  et  surchargées  de  rébus, 
dont  l'explication  est  fort  diflîcile  aujourd'hui.  Elles  indi- 
quent quelquefois  le  nom  de  l'élu,  sa  paroisse  et  l'année  de 
sa  nomination  (2). 

Les  chapelains  de  Saiule-Gudule,  à  Bruxelles,  avaient 
l'habitude  de  créer  annuellement  un  Abbé  des  fous  et  de 
visiter,  avec  ce  dignitaire  d'un  jour,  les  chapelains  de  Saint- 
Rombaut,  à  Malines  (3),  ou  de  Saint-Pierre,  à  Louvain. 
Les  chapelains  de  Saint-Pierre  élurent  à  leur  tour,  en 
14oo,  un  Cardinal  des  fous  et  visitèrent  avec  son  éminence 
leurs  confrères  de  Sainte-Gudule.  Leur  divertissement  fut 
très-grand.  A  leur  retour,  le  17  janvier,  ils  reçurent,  delà 
part  de  notre  administration  communale,  deux  vases  de  vin 
de  Beaune  et  la  même  quantité  de  vin  du  Rhin  {4). 


(1)  Depuis  1332,  les  élèves  des  écoles  de  Louvain  avaient  l'habitude  d'élire 
annuellement  un  Évêfjue  des  innocents.  Nous  lisons  dans  les  eoniples  de  la 
ville  le  passage  suivant  :  «  Item,  die  de  stad  gaf  den  Scolekiuderen,  le  haren 
Bescop,  5G  stuvers.  »  Comptes  de  1332,  f»  121. 

(2)  Ces  monnaies,  ou  plutôt  ces  médaillons,  ont  été  décrites  par  feu  M.  le 
docteur  Rigollot,  dans  l'ouvrage  intitulé  :  .Monnaies  inconnues  des  évêques 
des  Innocents  et  des  Fous.  Paris,  1833.  M.  de  Marsy  prépare  une  seconde 
édition  de  ce  livre  singulier.  V.  M'  Jules  Corblet,  Manuel  élémentaire  d'Ar- 
chéologie. Paris,  1831,  in-S»,  p.  407. 

(5)  «  Item,  6  stoepen  wyns  ghepresenteert  den  ghemaecten  Abd  van  Brues- 
sele,  die  hier  toten  Bisscop  van  Sint  Rom  gecomen  was,  16  januarii.  »  Comp- 
tes de  la  ville  de  Malines  de  1443.  Voy.  M.  Gtseleers-Tuys,  Additions  et  cor- 
rections à  la  notice  sur  les  archives  de  la  ville  de  Malines,  t.  III,  Impartie, 
p.  43;  MM.  Hes>e  et  Waiters,  Histoire  de  la  ville  de  Bruxelles,  t.  Il,  p.  631. 

(4)  >.  Den  capellauen  van  S'e-Peeler  alhier,  doen  sy  in  din  meeslen  deele 


—  5^0  — 

Antoine  de  Croy,  le  favori  de  Philippe-le-Bon,  avait 
également  un  bouffon  à  gages.  Ce  fou  accompagna,  le  25 
juin  U60,  son  maître  à  Louvain.  Les  bourgmestres,  dans 
le  but  d'être  agréable  au  puissant  seigneur,  allouèrent  au 
farceur  un  pour-boire  de  trois  florins  d'or,  somme  très- 
considérable  pour  l'époque  (i). 

Nos  Bourgmestres  ordonnèrent,  en  14-60,  de  faire  con- 
fectionner une  robe  en  drap,  moitié  blanc  et  moitié  rouge, 
pour  être  donnée  à  Henri  le  Fou  ou  Hennen  de  Sot,  robe 
qui  coûta,  avec  une  paire  de  bas  de  mêmes  couleurs,  5  flo- 
rins, 26  plecken  (a). 

«  Les  évéques  et  les  abbés,  observe  le  baron  de  Reiffen- 
berg,  avaient  adopté  la  coutume  des  seigneurs  laïques.  Le 
Concile  tenu  à  Paris,  en  1212,  défend  aux  prélats  d'avoir 
des  fous  pour  les  faire  rire;  cependant,  en  1624,  Antoine 
Sanderus  reprochait  encore  à  ceux  de  son  temps  d'aimer 
mieux  s'amuser  avec  des  bouffons  (inorionibus)  et  des  filles 
de  joie  que  de  se  délasser  au  sein  de  l'étude  (ô).  » 


een  gennechte  opstelden  met  eeneii  gemaecktes  Cardimel  te  trecken  besoe- 
ken  den  capellanen  vaa  Bruessel,  alsoe  zy  des  jaerà  te  voren  alliier  gedaea 
liadden,  ten  wedercoraene,  17  january  I4o5,  geseinki,  by  der  stad,  in  den 
Yngel,  2  stoepen  beanen,  en  te  Reynkens  2  stoepen  rynswyn,  18  plecken.  « 
Comptes  de  la  ville  de  1433,  fo  51  v». 

(1)  «  Den  Sot  's  ffeeren  van  Croye,  die  alliier  te  Loevene  quara,  30  juny 
1460,  1er  ecren  en  lyefden  "s  Heeren  vau  Croye,  len  bevele  van  den  Burge- 
ineeslers,  te  welene  Jacoppe  Uuten  Lyeraingen  en  Vranken  Willeras,  gegeven 
te  drincgelde,  uuten  register,  3  lichte  gulden,  Hstuck  le  33  plecken,  val.  "t  sa- 
men  99  plecken.  »  Comptes  de  la  ville  de  1439  (v.  s.),  f"  98, 

(2)  «  Ten  bevele  van  Lodewyke  Pynnock  eâ  Quinten  Cokeroul,  Burghe- 
meeslers,  en  andere  van  den  Raide,  gegeven  en  doen  maken  He.we^î  de  Sot, 
om  goidswille,  eeuen  labbart  en  een  paer  cousen,  halff  root,  halflf  wit,  daer 
loe  versneden  syn  "t  samen,  raetlen  voeijerlaken  H  1/2  ellen,  costen  fsamen 
36  sluvers,  3  oristuvers,  die  maken,  in  guldens  te  34  plecken,  3  guld.  8  plec- 
ken, 6  stuvers  payements.  Willeme  de  Munter,  cleermaker,  vanden  voorsc. 
tabbarde  en  cousen  te  makene,  vergouwen  hem  daervoer  tsamen  18  plec- 
ken. »  Comptes  de  1360,  f»  41  v. 

(3;  V.  Le  Lundi,  p.  261.  Philippe-le-Bon  fit  remettre,  en  1439,  une  somme 


—  321    — 

Il  y  avait  alors  à  Louvain  un  plaisant  du  crû,  un  far- 
ceur raffiné.  Il  portait  le  nom  cI'Antoine  Vander  Phaliese.n 
et  était,  en  14G1,  chapelain  et  organiste  de  Saint-Pierre. 
Philippe-le-Bon,  c'est  Érasme,  Tiliustre  panégyriste  de  la 
folie,  qui  nous  l'assure  (i),  aimait  à  s'amuser  avec  lui  (2). 
Jean  Vander  Plialiesen,  curé  de  Saint-Pierre  et  membre  de 
l'administration  de  l'Université,  créa  en  1454,  une  rente 
en  faveur  de  son  Gis  naturel  Antoine,  ainsi  qu'il  résulte 
d'un  acte  que  nous  avons  trouvé  aux  archives  de  la  ville  (3). 


au  fou  de  Jean  de  Heinsberg,  évêque  de  Liège  :  «  A  Maynart  de  Kaiser,  fol 
de  TEvesque  de  Liège,  pour  don  à  luy  fait  par  mds,  pour  luy  aidier  à  des 
fraier  de  la  dite  ville  de  Brouxelles.  »  V.  M.  de  Laborde,  op.  cit.,  t.  I,  p.  357. 

(1)  «  Anto-vius  de  Phalisia,  sacerdos,  capellanus  et  organista  ecclesiee  divi 
Pétri,  in  vita  sua  multas  fatuitates,  quœ  non  solùm  Lovanii.  sed  alibi  in  ore 
hominum  versantur.  Ob  quas  vivus  et  morluus  diclus  est  Paep  Thoeji.  Seri- 
bet  de  eo  Erasmus,  in  Fabuloso  Coiivivio.  »  Joanues  Jlolanus,  Hisloria  Lovan  , 
lib.  13,  c.  31. 

(2)  «  Nunc  tempus  est,  ut  ab  equis,  quod  ajunt,  ad  asinos  descendat  fabula; 
à  regibus  ad  Antonium  sacrificum  Lovaniensem,  qui  Philippo  Cognomenfo 
Bono  fuit  in  deliciis.  IIujus  viri  feruulur  multa  vel  jucunde  dicta,  vel  jocose 
facta,  sed  pleraque  sordidiora.  Nam  plerosque  lusus  suos  condire  solilus  est 
unguento  quodam,  quod  non  admodum  eleganter  sonat  sed  pejus  olet.  » 
D.  Efasmi  Cotloquia,  ctcr.  Corn.  Schrevelio,  Lug.  Bat.,  1664-,  in-S",  p.  282. 

(3)  «  Voir  le  texte  de  ce  document  :  «  Van  lieere  Jamne  van  der  Phalizen 
en  Antiiokyse,  .sijnen  natuerliken  soen.  «  llem,  aise  vanden  gelde  gecomen  en 
dat  comen  sal  van  den  25  vrancer  eronen  erfelike  renten,  die  de  voirsc. 
Anthonis,  natuerlic  soen  des  voirsc.  heeren  Jans  van  der  Phalisen,  procliiaeii 
der  kercken  van  S'«  Peters,  te  Lovene,  vercoclit  heeft  met  consente  des  selfs 
heeren  Jans,  syns  vaders,  de  welke  gelden  G12  1/2  crone,  goet  van  goude 
en  swaer  van  gewichte,  daer  af  dat  vorwerde  is  dat  men  de  300  eronen  glie- 
reet  gheven  sal  en  dander  300  t'Onscr  Vrouwen  daghe  lichtmisse  naeslco- 
mende,  en  dat  de  12  1/2  crone  gaen  selen  tôt  den  heergiiewede,  es  overdragen 
inden  Rade  vander  stat  dat  de  voirsc.  300  eronen  dieuien  ghereet  gheven 
soude  dat  die  de  voirsc.  Prochiaen  en  Anihomjn  ter  slont  heffen  selen  tôt 
hueren  profyte  te  bekeren,  en  aise  vanden  andcren  500  eronen  die  heer 
Henric  van  Diest,  lieere  van  Rivieren,  Jan  Zuetelief,  Gord  Vrancx,  Jan  Cala- 
ber  en  Berlelmeeus  de  Hont  den  voirsc.  heeren  Janne  en  Antlionyse  geloven 
selen  te  belalen  fOnser  Vrouwen  dage  voirsc,  es  voert  overdragen  dat  ten 
voirsc.  daghe  de  voirsc.  personen  de  voirsc.  500  eronen  setlen  selen  inder 
stat  wissel  van  Loven,  tôt  behoef  Anlhonys  voirsc.  om  hem  daer  niede  le 
copen  30  mudde  rox-lyftochten  ten  live  des  voirsc.  Anlhonys  en  ter  quitingcn 


—  522  — 

Celait,  selon  toute  probabilité,  le  farceur  qui  nous  occupe. 
Il  n'était  connu  à  Louvain  que  sous  le  nom  de  Prêtre 
Antoine  ou  Paep-Tlwen. 

Erasme  a  recueilli,  pendant  son  séjour  à  Louvain,  des 
détails  au  sujet  d'une  couple  de  farces  d'Antoine  Vander 
Phaliesen  qu'il  trouva  assez  piquants  pour  être  intercalés 
dans  son  colloque  du  Dîner  plaisant  ou  Convivium  fabiilo- 
sitm.  On  nous  permettra  de  les  indiquer  sommairement. 
Un  jour,  ayant  invité  des  amis  et  n'ayant  ni  mets  ni  ar- 
gent, il  se  rendit  chez  un  usurier  de  la  ville,  qu'il  visitait 
souvent,  s'introduisit  dans  la  cuisine  et  profita  de  l'ab- 
sence de  la  servante  pour  enlever  une  marmite  en  cuivre 
remplie  de  bouillon.  Arrivé  chez  lui,  le  drôle  ordonna  à 
sa  servante  de  vider  la  marmite  dans  un  autre  chaudron 
et  de  la  nettoyer  de  manière  à  la  rendre  méconnaissable 
à  son  propriétaire.  Cela  fait,  il  chargea  un  gamin  de 
porter  la  marmite  chez  l'usurier,  de  l'engager  pour  deux 
escalins  et  de  demander  un  billet  constatant  le  fait,  écrit 
de  la  propre  main  du  maitre.  Le  gamin  réussit  à  souhait. 
L'argent  qu'il  apporta  était  destiné  à  l'achat  de  quelques 
bouteilles  de  vin.  Antoine  reçut  ses  amis  et  les  régala 
sans  bourse  délier.  Mais  lorsque  la  servante  de  l'usurier 
voulut  servir  le  diner  de  son  maitre,  elle  ne  trouva  plus  ni 
marmite,  ni  soupe,  ni  viande.  Tout  avait  disparu.  Sur  sa 
déclaration  que  personne  n'avait  pénétré  dans  la  cuisine 


met  alsulken  vonverden  oft  met  den  voirse.  gelde  lyfloclit  gecoclit  worde  en 
die  weder  afgequydt  uut  dalmen  dat  geld  wederom  aen  lyfloclit  ieggcn  sal, 
op  de  manière  voirse.en  alsoe  voerl  lot  der  tyt  loe  dat  de  voirse.  Anlhonys 
24  jaer  eut  syn  sa!  en  niet  langher.  En  also  dat  de  voirse.  Iieere  Jan  den 
paeht  vander  voirse.  lyfpensioen  heffen  en  buercn  sal,  alsoo  lange  als  de 
voirse.  Anlhonys  met  hem  woenen  sa]  en  des  sal,  de  selve  heer  Jun  den  selven 
Anthonys  lamelic  liouden  van  coste  en  van  elederen.  Dit  is  gedaen  in  pleno 
eonsilio  jul.  2.J,  anno  I4Ô4..  »  Voy.  Groot.  gemeyn  Bocck,  f"  332  v».  Sur  Jean 
Vander  Phaliesen,  voir  noire  Notice  historique  et  archéologique  sur  l'Hôtcl-de- 
ville  (le  Louvain.  Louvain,  1857,  \n-i'\  p.  8,  note  3. 


—  3^25  — 

qu'Antoine,  on  accusa  le  farceur  du  vol  commis.  Il  avoua 
qu'il  avait  emprunté  une  marmite  à  la  cuisine  de  son  ami, 
mais  que  cet  objet  avait  été  remis  immédiatement.  Le  maî- 
tre protesta,  et  sa  servante  aussi.  Mais  au  même  instant  le 
fin  matois  tira  de  sa  poche  la  déclaration  délivrée  au  gamin 
et  confondit  ainsi  un  homme  qui  faisait  métier  de  tromper 
les  autres. 

Une  autre  fois  qu'Antoine  se  trouvait  à  table,  avec  des 
amis,  on  agita  la  question  de  connaître  la  partie  la  plus 
précieuse  du  corps  humain.  L'un  indiqua  les  yeux,  l'autre 
le  cœur,  un  troisième  le  cerveau.  Antoine  vota  pour  la 
bouche.  Un  des  compagnons,  qui  se  croyait  le  plus  malin 
de  tous,  indiqua  la  partie  du  corps  où  le  dos  change  de 
nom,  et  prétendait  que  celui  qui  s'était  assis  le  premier 
n'était  pas  un  imbécile.  Son  opinion  fut  adoptée  et  l'on 
tenait  Antoine  pour  battu.  Mais  le  farceur  n'en  jugea  pas 
ainsi.  Le  lendemain  il  revint  au  milieu  de  ses  amis  et  les 
salua  par  un  pet  retentissant.  «  Hors  d'ici  saligaud!  «s'écria 
son  antagoniste  de  la  veille.  —  «  Pourquoi?  »  répliqua  An- 
toine. «  Si  je  vous  avais  salué  par  la  bouche,  vous  m'auriez 
»  rendu  votre  salut,  et  maintenant  que  je  vous  ai  salué  avec 
»  la  partie  qui,  d'après  votre  avis,  est  la  plus  précieuse  du 
»  corps,  vous  me  traitez  de  saligaud.  »  Des  éclats  de  rire 
suivirent  cette  explication.  Le  malin  resta  court,  ne  sachant 
que  dire,  et  la  réputation  d'Antoine  Vander  Phaliesen  était 
sauvée  (i). 

Le  goût  des  farces  ne  l'abandonna  jamais,  pas  même  à 
son  lit  de  mort.  Molanus  nous  apprend,  dans  son  histoire 
de  Louvain,  qu'il  se  choisit  lui-même  une  sépulture  sous 
une  gouttière  pour  qu'il  n'eût  point  soif  après  son  décès. 
Il  ordonna  en  outre  que  son  cadavre,  au  lieu  d'être  couché 
dans  la  fosse,  fût  placé  debout,  pour  ([u'on  pût  répondre  à 

(l)  Erasmi  CoUoquia,  éd.  cit.,  p.  282. 


—  324  — 

ceux  qui  feraient  la  question  :  «  Où  gît-il?  »  —  «  Nulle  part!  » 
Antoine  Vander  Phaliesen  mourut  à  Louvain,  le  17 
mars  1487,  et  fut  enterré  au  cimetière  de  Péglise  de  Saint- 
Pierre.  On  grava  sur  une  pierre  fixée  dans  le  mur  du 
champ  funèbre  la  phrase  suivante  : 

31  (ôt  mort  en  1487  iîî.  2lntotnc,  ûutrement  |3ac^î- 
%ï)oc\\.  |3rtC2  ^)Our  lut  puisqu'il  a  cô^m  en  Btcu  (i). 

Antoine  louchait  8  Saint-Pierre  d'or  ou  gulden  Pecters 
par  an,  en  qualité  d'organiste  de  notre  collégiale.  Il  paraît 
qu'il  s'occupait  aussi  de  la  confection  d'instruments  de 
musique.  Le  farceur  restaura,  en  1483,  les  trompettes  de 
l'orgue  de  l'abbaye  de  Parc,  et  ce  travail  lui  rapporta  33 
florins  du  Rhin  (2). 

Le  Ptécollet  Jean  de  Brustheim  nous  fait  connaître  que 
les  bons  mots  d'Antoine  passaient  pour  miraculeux  (3). 
Ses  farces,  bien  qu'elles  ne  fussent  pas  toujours  conformes 
aux  règles  de  la  convenance,  restèrent  populaires  longtemps 
après  sa  mort.  Le  baron  de  lleiffenberg,  qui  ne  l'a  connu 


(1)  «  Hic  sacerdos,  cum  Deus  plerumque  homiiies  ea  animaiiversioiic 
puniat,  ut  taies  moriantur  quales  vixerunt,  ne  moriturus  à  fatuitalibus  ab- 
stinuit.  Fertur  enim  in  coemelerio  sepiilturam  elegise  siib  slillicidio  ne  post 
mortem  siliret  :  et  mandasse,  ut  cadaver  suura  non  supinum,  sed  erectum, 
ponerelur;  ut  interrogantibus  ubi  ipse  jaceat,  responderetur  :  nusquam.  Inci- 
suin  est  autem  eo  loco,  in  lapide  mûri  : 

WnX  îï0imnuô  2lntoutu5,  ûltû0  ^^t^  II)oen,U87. 
(iD^rate  ^jro  eo,  quia  Bpcroott  tu  lî>co.  » 

V.  MoLANUs,  op.  cil.  lib.  15,  n»  31. 

(2)  «  Item,  noch  gegeven,  den  10  mcye  l/t83,  mecster  Aniony,  orgalysl 
lot  Sinte  Peters,  te  Loeven,  tôt  reparalie  van  die  trompctlen  in  ons  orgelen, 
35  rlienens.  >>  Comptes  de  l'abbaye  de  Parc. 

(5)  «  Ejus  tempore,  anno  domini  U87,  décima  scplima  martii,  obiit  Lovanii 
dominus  Antlionius,  diclus  Paep-Thoen,  cujus  joei  mirandi  fuerunt.  »  —  Le- 
;'itur  ad  marginem  :  «  Paep-Thoon.  »  V.  Johan.  Bruesthemins,  Calalogus  et 
aciu  episroporum  Leodiemium.  Celle  chronique  a  été  publiée  par  le  baron 
de  Ueiffcnbcrs  à  la  suite  du  \^'  volume  de  son  édition  de  Ph.  Mouskés,  p.  580- 


—  525  — 

que  par  la  courte  mention  de  Jean  de  Bruslliciin,  dit  qu'il 
avait  été  élevé  aux  fonctions  de  fou  gradué.  Mais,  Mola- 
nus,  toujours  si  bien  informé,  ne  dit  rien  de  cette  promo- 
tion. Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  demeure  pas  moins  une  des 
illustrations  des  fastes  de  la  folie. 

«  Il  est  à  croire,  dit  le  baron  de  Reiffenberg,  qu'il  y  eut 
plus  d'un  plaisant  de  ce  nom,  puisque  sous  Charles-Quint 
nous  rencontrons,  encore  à  Louvain,  un  farceur  nommé 
Pape-Theun,  qui  avait  exercé  les  fonctions  de  marguillier 
ou  de  sacristain,  et  dont  l'empereur  s'amusait  beaucoup, 
quoiqu'un  jour  il  l'ait  exilé  pour  ses  impertinences,  exil 
que  Pape-Theun  sut  éluder  par  un  moyen  qu'on  attribue 
également  à  Tiel  Uilenspiegel,  à  Gonella  et  à  Roquelaure. 
K.-F.  Floegel,  Geschichte  der  Hofnaren,  205-6;  Le  nou- 
veau bouffon  de  la  Cour,  Paris  1709,  in-IS",  oG-7;  La  vie 
et  les  actions  héroïques  et  plaisantes  de  Vinvincible  empereur 
Charles-Quint,  Bruxelles,  1699,  II,  218-220;  Archives 
pour  servir  à  lliistoire  civile  et  littéraire  des  Pays-Bas, 
IV,  101-2;  Histoire  des  fous  en  titre  d'office,  à  la  suite  du 
Lundi,  270-71.  Il  y  a  eu  probablement  plusieurs  Pape- 
Theun,  comme  il  y  a  eu  plus  d'un  Jouan  et  d'un  Caillette. 
Il  est  naturel  qu'on  aime  à  perpétuer  la  gloire  (i).  » 

«  De  l'emploi  de  marguillier,  qu'il  avait  longtemps 
exercé  à  Louvain,  observe  le  même  savant,  il  passa  à  celui 
de  bouffon  gradué  en  cour.  Entre  autres  facéties  qu'on  lui 
attribue,  il  en  est  une  qu'on  met  également  sur  le  compte 
de  ce  Gasion-Jean-Bapliste  de  Roquelaure,  surnommé  le 
Momus  français.  Les  folies  de  Pape-Theun  ayant  été  trop 
loin,  il  reçut,  dit-on,  l'ordre  de  quitter  les  terres  de  l'em- 
pereur. Retiré  dans  le  pays  de  Liège,  il  ne  tarda  pas  à  en 
sortir,  et  revint  bravement  à  Bruxelles  dans  un  chariot  rem- 
pli de  terre  de  Liège,  manière  burlesque  d'éluder  la  défense 
du  monarque.  » 

(I)  Op.  cil.,  t.  2,  p.  8l/i. 


—   326  — 

«  Celle  facélie  esl  dans  le  genre  de  celle  de  Tiel  Vilen- 
spîegel,  héros  de  la  bouffonnerie  allemande,  donl  l'exis- 
tence esl  un  problème,  et  sur  lequel  Goerres  a  écrit  un  livre 
remarquable  et  qu'un  jeune  littérateur  belge  M.  0.  Dele- 
pierre,  vient  (  1 855)  de  rappeler  à  ratlention  publique  (i).  » 

Mais  revenons  aux  fous  gradués. 

Charles-le-Téméraire,  ce  prince  qui  ne  rêvait  que  ba- 
taille et  gloire,  avait  plusieurs  bouffons  en  litre.  Son  maître 
fou,  qui  s'appelait  le  GLoaiEux,  était  un  farceur  raffiné,  donl 
les  livres  d'anecdotes  enseignent  les  malices  et  les  repar- 
ties. Le  duc  avait  à  sa  cour  un  autre  fou  qu'on  désignait 
par  le  soubriquel  de  Mennen  ou  petit  Homme,- chconslance 
qui  semble  prouver  qu'il  n'avait  pas  des  proportions  co- 
lossales. L'administration  communale  de  Louvain  lui  fît 
confectionner,  en  1472,  une  robe  en  draps  doublée  de  soie 
et  ornée  de  rubans  et  de  floches  (2). 


(1)  V.  le  Lundi,  p.  270. 

Au  moment  (renvoyer  noire  travail  à  l'imprimerie  nous  retrouvons  dans 
un  registre  aux  comptes  de  la  confrérie  du  Saint-Sacrement  de  Téglise  de 
Saint-Pierre,  à  Louvain,  de  146G  à  1321,  les  détails  suivants  sur  le  farceur 
A.  Vandcr  Phaliesen  : 

1467.  «  Hem,  ghegeven  Gielis  Vandcn  Zande  van  Pape  Tuenis  wcghen, 
24.  st.  .. 

1482.  «  Item,  ghegeven,  fobruary  penultima,  den  Iiecre  Antonius  diclus 
Pape-Thoen,  op  't  gheene  dat  vallen  sal  te  Paessche,  4  1/2  stuvcrs.  »  —  Ilem, 
gegeven  heere  Anlhonius,  organist,  geheelen  Pape-Thonvs,  op  den  2""  dach 
van  oclober,  op  den  toecomenden  vierendecl  jaers  4  1/2  stuvers.  » 

1487.  «  Item,  ontfaen  van  der  Zielemesse  lieeren  Anlhonise 'wylan  Vandcr 
Phalisen,  gelieeten  Pape-Thoen,  20  stuvers.  » 

Il  résulte  de  ces  renseignements  que  Vander  Phaliesen,  qui  était  organiste 
de  la  confrérie  du  Saint-Sacrement,  touchait  assez  souvent  ses  honoraires 
avant  la  fin  du  trimestre,  preuve  certaine  que  sa  position  n'était  pas  fort 
brillante.  Ils  nous  apprennent  également  que  le  drôle  n'était  connu  que  sous 
le  sobriquet  de  Prêtre  Antoine,  et  que  la  confrérie  a  fait  célébrer,  en  1487, 
un  service  funèbre  pour  le  repos  de  son  àme. 

(2)  «  Enen  myns  genedegen  Hceren  t'  's  Ilertogen  Sot,  die  men  hict  Mené, 
ten  beveJe  van  den  Borgemeesters,  gegeven  vander  stad  overbleven  lieeren- 
l:iken,  lot  enen  Tal)barde,  b  ellen  lakens.  En  wanl  d'iaken  met  don  anderen 


—  527  — 

Noire  administration  fil  offrir,  en  1487,  une  robe,  con- 
fectionnée de  drap  rouge  el  blanc,  à  M""  Catherine  la 
Folle  (i).  ISous  ne  possédons  aucun  détail  sur  cette  far- 
ceuse, qui  était  probablement  attacbée  à  la  cour  de  Brabant. 

Maximilien  I"  avait,  comme  les  autres  monarques  de 
son  époque,  un  fou  cbargé  de  le  délasser  du  poids  des 
affaires.  Il  portait  le  prénom  d'ANTOiNE  et  visita,  en  1494, 
la  ville  de  Louvain.  L'administration  communale  lui  fit 
alors  cadeau  d'une  superbe  médaille  en  or,  exécutée  par 
l'orfèvre  Josse  Pauwels,  d'après  un  dessin  du  peintre  Ar- 
nould  Vander  Pbaliescn,  dit  At^t  in  den  Meynaert.  Cette 
médaille  avait  une  valeur  intrinsèque  de  24  florins  du 
Rhin  (2). 

Cousin,  le  fou  de  l'archiduc  Philippe-le-Beau,  reçut,  en 
1495,  de  notre  administration  une  nouvelle  robe  de  céré- 
monie. Cette  robe  était  confectionnée  de  draps  de  diverses 
couleurs  et  coûtait  19  florins  (5). 


in  ander  rckeningen  gerekenl  is,  es  daeromme  Jiier  nict.  —  Philips  in  't  Woul, 
van  19  1/2  ellen  roet  sais  daer  den  Talîbaert  mel  gcvoyert  es,  en  syn  bruer- 
ken  een  clcin  Tabbaerlkcn  heeft,  en  coste  elc  elle  8  plecken,  niaken  IGO 
plecken.  Item,  aen  qucspcl  en  lint  21  plecken.  Hem,  aen  beyde  de  Tabbaeris 
le  maken  33  plecken,  maken  tsamen  214  plecken,  val.  3  guld.  32  plecken.  » 
V.  Comptes  de  la  ville  de  14-72,  f»  101. 

(1)  «  Item,  by  der  vrouwen  van  der  Voeren  gelevert  2  ellen  rocts  en  2  elIen 
wits,  voer  Jouffrouw  Katlvnen  der  Sottijiîie  eenen  Tabbart  afï"  te  maken, 
coste  elck  elle  d'cen  doer  dander  10  stuvers.  »  1487.  V.  Dlcenboech,  i»  171  v». 

(2)  «  Item,  betaelt  Joose  Pauwels,  goudsmel...  van  le  hebben  gemaict 
eenen  gouden  Penninck,  die  byder  stat  gegeven  wert  Toens  den  Nar  van  den 
Coninck,  22  stuvers.  —  Item,  ten  selven  tyt  betaelt  van  den  goude  daer  den 
voirsc.  Penninck  af  geraaeckt  wert,  te  weten  thien  gouden  overlansche  (gul- 
den)  van  gewiclit,  daeraf  't  stuck  coste  23  stuvers,  niaect  24  rynsgulden, 
valent  15  guld.  10  st.  —  Item,  betaelt  Arnde  in  den  Meyacrt  (Vander  Pua- 
liezen)  van  te  belrecken  't  patroen  d'welc  oplen  voirscreven  Penninck  gestec- 
ken  wert  (vacat).  »  V.  Comptes  de  1494,  f»  424. 

(3)  «  Item,  betaelt  vander  falhoen  le  maken  den  Tabbarl  die  gegeven  wert 
CoNsiN,  DEN  Sot  Myns  genadigen  Ileren  't's  Ilertogen,  20  stuvers  1  guld.  2.  » 
Comptes  de  1494,  f"  438.  —  Item  betaelt  Janne  van  Bolle  van  7  1/2  ellen  dam- 
mast  gecocht  tôt  eenen  Tabbaert  voer  Cousvn,  Mijns  r/cnedigen  llecrcn  Sot, 


—  528  — 

En  1497,  Maximilien  d'Autriche  visita  la  ville  de  Lou- 
vain.  Il  était  accompagné  de  son  fils  Philippe-le-Beau  et 
de  plusieurs  seigneurs  de  sa  cour.  Parmi  les  réjouissances 
que  l'administration  communale  avait  organisées  pour  cette 
circonstance,  on  remarquait  des  exercices  gymnasliques 
dans  les  tourelles  aériennes  de  l'hôtel-de-ville.  L'acrobate 
reçut  27  sols  en  récompense  de  son  adresse  (i). 

Marguerite  d'Autriche,  celle  princesse  qui  rencontra 
tant  des  revers  dans  le  chemin  de  la  vie,  entretenait  à  sa 
cour  un  fou  et  une  folle  en  titre.  Le  7  septembre  1509, 
jour  de  la  kermesse,  la  gouvernante  des  Pays-Bas  vint  à 
Louvain,  avec  son  neveu  le  jeune  Charles-Quint,  et  assista 
à  un  banquet  que  lui  élait  offert  à  l'hôtel-de-ville.  Son  fou 
et  sa  folle,  M"'=  Anne,  l'avaient  accompagnée  dans  cette 
excursion.  Notre  administration  usa  de  beaucoup  de  cour- 
toisie à  regard  de  ces  deux  personnages.  M'^'=  Anne  reçut 
une  somme  de  six  livres  (2)  et  le  fou  obtint  une  bague  en 
argent,  qui  devait  avoir  d'énormes  proportions,  attendu 
qu'elle  pesait  deux  onces  et  demi  (3).  L'orfèvre  Georges 
Boba  plaça,  en  outre,  un  anneau  dans  la  chaîne  d'ar- 
gent de  ce  farceur,   ainsi    qu'il  résulte  des  comptes  de 


van  (liversche  verwen  :  wit,  rool,  swert,  daeraf  d'elle  coste  42  stuvers,  en  van 
8  ellen  fustams  om  voederen  le  2  st.  d'elle,  vergouwen  te  saraen  17  Rins- 
gulden,  3  sluvers,  en  van  dal  hy  reet  alsdoen,  omme  te  halen,  12  stuvers, 
t'sanien  19  guld.  13  st.  »  Comptes  de  14.95,  f"  513  v». 

(1)  «  Item,  gesconken  dcn  man  die  opien  torre  van  den  stadthuys  clora, 
xxvij  sluvers...  »  Comptes  de  la  ville,  de  1497,  f»  475  V. 

(2)  «  Aen  de  Solline  van  mynder  genaediger  vrouwen  geheten  Anna,  6  lib.  » 
Comptes  de  1309. 

(3)  «  Item,  betaelt  den  officiers  ende  coken  voer  hueren  arbeyt  van  dat  zy 
bereydt  hadden,  d'bancket,  tôt  Loeven  kanniesse  als  Myn  genedige  Heere 
hertoge  Kaerle  ende  vrouwe  Margriete,  duagiere  van  Savoyen,  tôt  Loevene 
kermisse  opter  Stadthuys  aten,  12  lib....  —  Item,  den  Sot  eenen  rinck  van 
2  1/2  oncen  silvers  meticn  fanchoen,  t'samen  4  lib.  9  stuvers.  »  Comptes 
de  1509,  fo  282  et  V. 


—  329  — 

la  ville  (i).  En  1513,  madame  Marguerile  assista  à  un 
tournoi  qui  eut  lieu  à  Tournai.  Robert  Macquerieau  rap- 
porte que  la  folle  en  titre  suivait  sa  maîtresse  dans  uu 
chariot,  avec  les  anciennes  dames  de  la  cour  (2). 

Le  sévère  Philippe  II,  qui  ne  rit  qu'une  seule  fois  en 
public,  entretenait  à  sa  cour  plusieurs  fous  en  titre  dont 
les  noms  et  les  farces  ont  été  enregistrés.  II  parait  même 
que  ces  personnages  jouissaient  d'une  certaine  influence 
et  qu'on  était  obligé  de  recourir  à  leurs  bons  offices  pour 
obtenir  les  bonnes  grâces  du  monarque.  Lorsqu'en  1576 
les  abbés  de  Parc  et  de  Gembloux  se  rendirent  à  Madrid 
pour  exposer  au  roi,  au  nom  des  États  de  Brabant,  la  si- 
tuation misérable  du  pays,  ils  donnèrent  au  fou,  se  trou- 
vant au  palais  Cusa  del  Catnpo,  une  somme  de  17  livres, 
10  sols  (3). 

Le  goût  des  fous  descendit  alors  dans  les  sociétés  d'agré- 
ment. Chaque  chambre  de  Rhétorique  voulait  avoir  son 
bouffon  en  litre  d'office.  On  n'organisait  presque  plus  de 
concours  de  poésie  sans  qu'il  n'y  eut  un  prix  pour  le  fou 
le  plus  adroit.  La  chambre  la  Rose  de  Louvain  obtint  ce 
prix  au  concours  de  Vilvorde  en  1560  (4).  En  1561  la 
chambre  de  Saint-Luc  ou  des  Violieren  d'Anvers  proposa 
à  l'occasion  du  fameux  concours  qu'elle  ouvrit  entre  toutes 
les  grandes  sociétés  du  pays,  un  prix  pour  celui  qui  pour- 
rait le  plus  innocemment  ou  gaillardement  faire  le  fol, 
sans  injure  ni  dêshonnèteté.  Le  premier  prix  fut  décerné 


(1)  «  Betaelt  Jorys  Boba,  goulsinel,  voer  eene  scakel  aen  een  silveren  kelene 
voer  den  Sot  van  Myndcr  genadiger  vrouwen  Mergrielen,  hertoghiiine  van 
Savoyen,  die  coste  t'samen  mellen  faclioen  4  lib.  10  stuvcrs.  »Ib.,  f"  283. 

(2;  V.  R.  Macquerieau,  Histoire  générale  de  l'Europe.  Louvain,  1764,  in-4'', 
p.  83. 

(3)  «  Kem,  den  Sot  van  den  Coninck  gesehonken  17  lib.  10  sluvers.  »  Voy. 
Comptes  du  voyage,  armoire  aux  fardes,  lit.  S,  n"  95. 

(4)  V.  Nieuwe  Chronycke  van  Brabant  oft  vervolch  van  de  oude.  Antw.,  by 
.lan  Molyn,  l^iGo,  in-fol.  p.  408. 


—  350  — 

au  fou  de  la  chambre  de  Vreugde  Bloeme,  de  Berg-op- 
Zoom,  qui  portail  un  chat  en  disant  :  «  Je  l'ai  trouvé.  >» 
{Ik  heb  se  gevonden).  La  chambre  de  Leliekens  uit  den  Dale, 
de  Léau,  obtint  le  second  prix.  Son  fou  était  placé  dans 
une  voiture  d'enfants  {rollewagen)  et  avait  sous  ses  pieds 
deux  soufflets  qu'il  faisait  fonctionner.  Il  disait  :  «  Je  dois 
y  être  également  »  {Ik  moet  daer  oock  zyn).  Enfin  le  troi- 
sième prix  fut  décerné  à  la  chambre  de  Couwoerde,  de  He- 
renlhals.  Son  fou  se  trouvait  sur  un  cheval  de  bois  et  disait  : 
«  Voulez-vous  m'accompagner?  montez  »  {Wildij  mee,  sit 
op)  (i).  Le  6  août,  le  fou  de  la  chambre  de  Saint-Luc  invita, 
sur  la  scène,  les  fous  des  quatorze  chambres  prenant  part  au 
concours,  à  l'effet  de  boire  le  plus  long  trait.  Ces  farceurs 
s'y  firent  remarquer  par  des  tours  du  métier,  par  des  drô- 
leries étranges,  qui  amusèrent  beaucoup  la  multitude  (2). 

Un  manuscrit  de  notre  bibliothèque  particulière,  écrit 
en  1561,  renferme  un  dessin  représentant  le  fou  de  la 
chambre  de  Saint-Luc,  à  cheval,  escorté  de  deux  autres 
farceurs  à  pied.  Au-dessous  on  lit  les  vers  suivants  : 

3uerken  k  Bfl)tlî)er5  sot  sat  ûlîms  te  peerîre, 
iîlet  tujce  lackcpfn,  ûl500mett  md  stct; 

(En  I)oclî>en  mebe  tnne  k  groot  van  ujeerk. 
't  iUû5  ûl  blpîi5cl)ap,  bûer  en  xoas  geen  uerîinet, 

Onîre  goeg  ^Ijenucljte,  Mt  xod  îrnerujtet. 

Comme  on  n'a  publié  jusqu'ici  aucune  représentation 


(1)  Voy.  Spelcn  van  Sinnc,  vol  scoone  moralisacie,  xuûeggingen  ende  bedie- 
denis-ien  op  aile  loeflycke  Conslen  waerinne  men  claerlyck,  gelyck  in  eenen 
spieghel,  figuerlyck,  poctelyck  ende  reloryckelyck  maeh  aenschouwen  hoe  nood- 
saekelyck  ende  dienstelyck  die  selve  Conslen  aile  menschcn  syn.  Antwerpen  by 
M.  Willem  Silvius,  15G2,  in-i». 

(2)  n  Den  6^"  so  hadde  den  Sot  der  Violieren  voorghenoemt  aile  dandere 
Sotlen  ghenool  opte  Scena  oft  Speelhiiys,  om  te  comen  drincken  de  langste 
toghe,  aldaerde  selve  Sollen  veel  belachlycke  cluchten  bedreven,  ende  voor- 
stelden.  »  Ouvrage  cité,  préface. 


—  331  — 

de  fou  de  nos  chambres  de  Rhétorique,  nous  avons  cru 
faire  plaisir  aux  amis  de  nos  anliquilcs  nationales  en  fai- 
sant reproduire  le  dessin  de  notre  manuscrit,  qui  renferme 
d'autres  images  également  intéressantes  pour  l'histoire  du 
concours  d'Anvers  de  1561  et  que  nous  nous  proposons 
de  faire  connaître  dans  la  suite. 

L'usage  d'entretenir  des  fous  en  titre  d'office  subsista 
jusqu'au  XVII^  siècle. 

Les  archiducs  Albert  et  Isabelle,  dont  la  simplicité  ne 
saurait  être  mise  en  doute,  entretenaient  non  seulement 
un  fou,  mais  aussi  une  naine  en  titre.  Cette  dernière,  qui 
portait  la  dénomination  de  Barbe  Goossens,  mourut  à 
Louvain,  dans  la  paroisse  de  Saint-Pierre,  le  23  septem- 
bre 1671,  et  fut  enterrée,  le  23,  dans  l'église  des  Récol- 
lets, circonstance  qui  semble  prouver  qu'elle  jouissait  d'une 
certaine  aisance  (i).  Elle  avait  survécu  de  bon  nombre 
d'années  à  ses  maîtres. 

Il  nous  serait  aisé  de  multiplier  les  renseignements  qui 
précèdent.  Mais  nous  ne  voulons  point  abuser  de  l'indul- 
gence des  lecteurs  de  ce  recueil.  Tout  ce  que  nous  avons 
voulu,  en  publiant  ces  détails,  c'est  d'indiquer  à  ceux  qui 
ont  assez  de  courage,  car  il  en  faut  beaucoup,  pour  fouiller 
dans  les  vieux  comptes  de  nos  villes,  des  sources  précieu- 
ses pour  la  connaissance  des  mœurs  et  des  coutumes  du 
moyen-âge. 

Louvain,  12  janvier  1858. 

Edward  Van  Even. 


(I)  "  2j  sept.  1671,  domicella  Barbara  Goosens,  nana  serenissimonim  prin- 
cipum  Alberli  et  Isabcllœ,  apud  Minoritas.  »  Registre  des  décès  de  Saint-Pierre, 

foi?. 


—  532  — 


'^ixcïjms  itô  2lrt5,  icô  ^cmuts  et  î»cô  Ccttreô  (i). 


§  47.  Graveurs  sur  cuivre. 

Som»îaiVe  .•  Corneille  Bos  ou  Van  den  Bossche,  libraire  et  graveur,  à  Anvers 
et  à  Rome.  —  Jean  Eeuwoutssone,  libraire  et  graveur,  à  Amsterdam.  — 
Jérôme  Wierincx,  graveur,  à  Anvers.  —  Anecdote  qui  concerne  ce  dernier. 
—  Michel  Faulle,  graveur,  à  Paris.  —  Corneille  Galle,  graveur,  à  Anvers. 

Bos  OU  Van  den  Bossche  (Corneille),  —  imprimeur  et 
graveur  (figuersnyder),  à  Anvers,  eut,  vers  '1344,  ses 
meubles  confisqués,  parce  qu'il  avait  embrassé  la  réforme  : 
il  était  alors  fugitif  (2),  N'est-ce  point  là  l'artiste  du  même 
nom  qui  gravait  à  Rome  de  1546  à  1555,  et  dont  la  pa- 
trie est  toujours  resiée  une  énigme  (3)? 

Eeuwoutsoxe  (Jean),  —  libraire  et  graveur  {figuersny- 
der), à  Amsterdam,  obtint,  par  apostille  mise  à  sa  re- 
quête le  4  octobre  1546,  un  octroi  pour  pouvoir  vendre 
les  livres  permis  par  les  placards  publiés  sur  la  matière. 
Voici  la  requête  dans  laquelle  il  invoque  la  réputation  de 
bon  catbolique  dont  il  jouit. 

a  Aen  den  keyser,  gceft  in  aire  oitmoet  te  kennen  uwe  onderdanigé  Jan 
Eeuwoutssone,   figuersnyder  ende   boeckvercooper,  woonende  binnen  uwer 


(1)  Suite.  V.  Messager,  année  1854,  pp.  247,  3G1  et  441;  année  18dd, 
pp.  109  et  589i  année  1836,  p.  177,  et  année  1838,  pp   78  et  134. 

(2)  Registre  n»  19669  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 
(3j  Bnt'Li.ioT,  Dictionnaire  des  monogrammes,  l^f  partie,  n»  810,  etc. 


OÙO    

stede  van  Amstelredamme,  in  HoUant,  hoedat  liy  suppliant,  sonder  by  jac- 
tantie  te  spreken,  allyt  gestaen  heeft  gocder  famé  ende  name,  ende  van  eer- 
lycker  conversatie  sonder  oy t  suspect  geweest  te  zyne  van  heresye  oft  ketterye, 
in  sulcker  voegen  dat  die  van  uwen  raide  van  HoUant  den  suppliant  gead- 
mitteert  hebben  om  te  mogen  vercoopen  binnen  uwe  voorschreve  stede  van 
Amsterdamme,  de  boucken  by  Uwer  Majesteyt  placcaten  geadmilteert,  des 
nytiemin  en  soude  die  voorschreve  suppliant  deselve  boecken  nyet  dorren 
nocli  willen  printen  overmits  Uwer  Majesteyt  ordonnantien,  ter  contrarien, 
sonder  eerst  ende  al  voren  hierop  van  Uwer  Majesteyt  verworven  te  hebben 
behoorlycke  brieven  van  orlofl",  licentie  ende  consent,  om  deselve  zeer  oit- 
moedelyck  biddende,  behoudelyck  dat  die  suppliant  sal  achtervolgende  ende 
observeren  de  placcaten  van  Uwer  voorschrever  Majesteyt,  presenterende 
daertoe  zynde  belioorlycken  eedt.  D'welck  doende,  etc.  (1)  » 

WiERiNcx  (2)  (Jérôme).  —  Voici  une  anecdote  des  plus 
authentiques  pour  la  biographie  de  Jérôme  Wierincx,  le 
célèbre  graveur.  Le  fait  se  passe  en  lo78  :  l'artiste  avait 
alors  vingt  et  quelques  années  (5).  Un  jour,  c'était  vers 
la  On  du  mois  d'octobre,  après  avoir  pris  une  assez  forte 
dose  de  cervoise  dans  quelque  échope  de  la  tumultueuse 
ville  d'Anvers,  où  ses  parents  avaient  acquis  le  droit  de 
bourgeoisie,  il  entra  avec  un  autre  gai  compagnon  dans 
la  demeure  d'un  tonnelier,  nommé  Frédéric  Van  Hove, 
qui  vendait  à  boire.  Wierincx  tenait  à  la  main  deux  aigle- 
fins, et  s'adressant  à  la  maîtresse  du  logis,  il  la  pria  de 
faire  cuire  les  poissons,  ce  à  quoi  elle  consentit.  Puis  il 
demanda  de  leur  servir  un  pot  de  bière,  mais  Claire,  c'est 
le  nom  de  la  femme  de  l'artisan,  lui  répondit  qu'il  eût  à 


(i)  Archives  du  conseil  privé,  liasses,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  On  trouve  le  nom  de  cet  artisie  écrit  d'une  foule  de  manières  difTc- 
rentes  :  Wierix,  Wierx,  Wiericz,  W'inrinx,  Wyrinex  ou  Wierincx. 

(3)  11  se  dit  âgé  de  vingt-deux  ans  dans  sa  requête  en  grâce,  mais  nous 
croyons  qu'il  s'est  fait  plus  jeune  pour  diminuer  la  gravité  de  son  action; 
car  la  date  de  sa  naissance  ne  concorderait  plus  avec  les  renseignements  sur 
son  âge  puisés  d'après  ses  propres  gravures  (Voy.  IVcnes  Allgcmeines  Kiinsiler- 
Lexicon,  t.  XXI). 


554^ 


payer  d'abord  ses  vieilles  dettes  avant  d'en  créer  de  nou- 
velles. Wierincx  fut  vivement  blessé  de  cette  brusque  sortie, 
faite  sans  ménagement  pour  la  présence  du  camarade  qu'il 
avait  invité  :  il  se  fâcha,  jeta  le  poisson  à  bas  du  fourneau, 
et  prenant  un  boudin  dans  une  armoire,  il  intima  à  l'hô- 
tesse avec  menace  l'ordre  de  le  cuire.  Celle-ci,  vexée  de  tant 
d'effronterie,  s'y  refusa,  l'accabla  d'injures,  auxquelles  le 
jeune  homme  riposta  de  plus  belle.  Poussé  au  paroxysme 
de  la  colère  par  les  invectives  dont  il  était  l'objet,  il  saisit 
une  pinte  et  la  lance  à  la  tête  de  son  antagoniste.  En  voyant 
le  sang  couler  de  la  blessure  que  le  projectile  avait  causé, 
il  a  hâte  de  se  sauver.  Six  semaines  après  cet  événement 
Claire  Van  Hovealla  de  vie  à  trépas.  Wierincx  fut  arrêté  par 
l'écoulète  du  chef  d'homicide,  mais,  par  lettres  patentes 
du  24  mars  1580,  l'archiduc  Matthias  lui  fit  grâce,  con- 
sidérant qu'il  était  en  état  d'ivresse,  et  que  d'ailleurs, 
après  information  prise  à  cet  égard,  le  médecin  qui  avait 
donné  ses  soins  à  la  défunte  avait  déclaré  que  sa  mort 
n'était  point  la  suite  de  cette  blessure.  II  fut  donc  relâché  et 
rendu  à  ses  travaux. 

«  Philips,  etc.  doen  te  wetene,  aile  jeghenwoordighe  ende  toecomende  dat 
>vy  onlfanghen  hebben  die  oitraoedighe  supplicatie  van  Jheronimus  Wyrincx, 
jonckman  onghehoudt,  van  den  ouderdom  van  vierentwintich  jaeren  oft  daer 
omirent,  printsnyder  van  zynder  consten  ende  poirtei"  deser  onser  sladt  van 
Anlwerpen,  alsnu  giievanghen  by  den  schouteth  der  voirschreve  onser  stadt, 
inhoudende  hoedat  hy  suppliant  entrent  den  leslen  dacli  octobri  xv^  Ixxviij 
is  ghecommen  (wesende  wel  by  drancke)  ten  huyse  van  Frederick  Van  Hove, 
cuyper  van  zynder  ambachte,  met  twee  schelvisschen,  begeerende  deselve 
ghesoeden  te  hebben  met  eenen  pot  biers,  waertoe  de  voornoemden  suppliant 
ghenoeyt  hadde  een  van  der  ghebueren.  Waernaer  is  ghcschiel  alsdat  de 
weerdinne  van  de  voirschreven  huyse  (ghenoempt  Clara  Van  den  Hove),  hem 
weygheringhe  maecle  van  te  tappen,segghende  totten  voirschreven  suppliant: 
Belaelt  d'aude  schnll,  soe  wil  ick  u  weder  oppennyeuws  borghen,-  duer  welcke 
woerde  de  voirschreven  suppliant  hem  zeer  was  stoorende  als  ghefoullecrt 
wesende  van  zynder  eeren,  famé  ende  renommée,  als  wesende  van  goeden 
eerlycken   ende  treflelycken  ouders  ende  bergers  descr  onser  voirschreven 


OO'O    — 

stadt,  gheinerckl  dat  deii  persooii  die  hy  gheiioeyl  liadde,  zulcx  moeste  hooren, 
ende  dus  wesende  in  deselve  furie,  ende  wel  by  drancke,  namp  denselven 
vissch  van  den  viere  ende  sloech  desen  ter  eerdcn,  ende  naederhandl  bindende 
eenen  boUinck  in  de  botleireye  heeft  denselven  oick  willen  ghebranden  heb- 
ben,  ende  't  selve  siende  de  voirschreve  Clara  was  haer  seer  stoorende,  seg- 
ghende  den  voirschreven  suppliant  seer  veel  scamper  ende  leelycke  woirdeii 
ghelyck  hy  oick  dede  ter  conlrarien,  ende  dus  wesende  in  dit  gheschil  den 
voirschreven  suppliant,  nyet  langher  connende  verdraeglien  hair  schampcr 
woirden,  heeft  ten  laetsten  in  der  handt  ghenoemen  een  suelleken  van  een 
pinte,  ende  daer  mede  naer  de  voirschreven  vrouwe  gheworpen,  ende  met 
grooten  ongheiucke  deselve  ghcraeckt  op  haer  hooft,  heur  aldaer  makende 
zekere  cleene  solutie  oft  quetsuere,  zulcx  dat  de  voirnoemde  Clara  Van  den 
Hove  daermede  achter  huyse  heeft  haer  dinghen  ghedaen,  ende  is  omirent 
les  weken  daernaer  nyettemin  deser  weerelt  ovcrleden,  al  tôt  bitter  leelwesen 
van  den  voirschreven  suppliant,  als  gheschiet  wesende  doer  den  dranck  ende 
groole  jonckheyt  oft  wulpsheyt,  hebbende  de  voirschreve  Clara  van  den  be- 
ghinnen  aff  doen  cureren  ende  visiteren  by  diversche  meesters  als  doctoeren 
ende  chirurgyns,  dewelcke  hebbende  geafflrmeert  ende  gheattesteerl  by 
huerlieder  certiflîcatie  daeraff  zynde,  alsdat  de  voirnoemde  Clara  van  de- 
selve quetsuere  nyet  en  is  gheslorven,  maer  wel  van  zekere  catarren  ende 
andere  inconvenienten  ende  putrifactien  die  zy  uitlyfTover  lange  heeft  ghe- 
draghen,  ghelyckt  ghebleken  is  naer  d'insisie  van  de  voirschreven  doctoeren 
ghedaen  in  den  persoen  van  de  voirschreve  Clara  naer  haer  doot;  al  desen 
jiyet  jeghenstaende  vreest  de  voirnoemden  suppliant,  dat  den  voirschreven 
officier  jeghens  hem  rigoereuselycken  zoude  moghen  doen  procederen,  ten 
ware  hem  hierop  verleent  wordde  onse  gratie  ende  ghenade,  alsoe  hy  seeght, 
cm  dewelcke  hy  ons  oitmoedelyk  ghebeden  heeft,  etc.  Ghegheven  in  onscr 
stadt  van  Antwerpen,  in  de  maent  van  meerte  h  d  Ixxx  (1)  ». 

»  Van  dat  Jeronimus  Wierincx,  plaetsnyder,  geapprehendeert  was  ter  oir- 
saecken  van  dat  hy  mcde  eender  pinten  suicx  gewont  hadde  in  't  hooft  Clara, 
uxor  Fredericx  Van  Hove,  cuypere,  dat  dezelve  daeraff  deser  wereit  was 
overleden,  is,  vuyt  crachte  van  de  opene  brieven  van  remissie  hen  by  den 
hove  verleent  oplen  xxiiij^n  meerte  a"  xv^  Ixxx,  van  den  voirschreven  gevanc- 
kenisse  gerelaxeert  (2)  ». 


(1)  Registre  n»  649,  f"  218  r»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  royaume. 

(2)  Registre  n»  12908,  compte  de  1381-1582,  f"  1  v,  ibidem. 


—  356  — 

Faulte  (Michel),  —  est  un  graveur  au  burin  qui  tra- 
vaillait à  Paris  dans  la  première  moitié  du  XVIP  siècle. 
On  trouve  onze  planches  très-finement  gravées  par  cet  ar- 
tîsle,  et  signées  de  son  nom  ou  de  son  monogramme,  dans 
un  petit  volume  qui  n'a  pas  encore  été  décrit,  et  qui  est 
intitulé  :  L'office  de  la  Vierge  Marie;  Paris,  Gabriel  Clo- 
peiau  ;  1631.  En  voici  la  liste  :  nous  ferons  remarquer 
que  les  sept  premières  ont  servi  à  un  volume  publié  en 
1615,  et  qui  est  cité  par  M""  Ch.  Le  Blanc  (i). 

La  Visitation  La  Fuite  en  Égyple, 

L'Annonciation.  La  Résurrection  de  Lazare. 

L'Adoration  des  rois.  L'Apothéose  de  Marie. 

L'Adoration  des  bergers.  Le  Christ  en  croix. 

La  Circoncision.  David  en  prière. 
La  Présentation  au  temple. 

Galle  (Corneille).  — ■  Ce  célèbre  graveur  avait  épousé 
Françoise  Nys,  fille  naturelle  de  Jacques  Nys;  elle  fut 
légitimée  sur  sa  requête,  par  lettres  patentes  datées  du  mois 
de  juillet  1657.  La  famille  de  C.  Galle  se  composait  alors 
de  quatre  enfants. 

«  Philips,  etc.  doen  te  wetene  aile  leghenwoordighe  ende  toecomende  dat 
%vy  hebben  ontfanghen  die  ontmoedige  supplicatie  van  Françoise  Nys,  na- 
tuerlycke  dochter  van  wylen  Jacques  Nys,  leghenwoordighe  huysvrouwe  van 
Cornelio  Galle,  plaetsnyder  binuen  onser  sladt  van  Anlwerpen,  versien  met 
vier  witlige  kinderen,  inhoudende  hoedat  sy  suppliante  es  geboren  ex  libero 
et  libéra,  wesende  haeren  voorschreven  vaeder  ende  moeder  beyde  overleden, 
het  es  nu  soo  dat  die  suppliante  geerne  soude  wesen  gelegitinieert,  etc.  Ge- 
geven  in  onser  stadt  van  Bruessele,  in  de  niaendt  van  julius  xvj^  Ivij  »(2}. 


(1)  Mmniel  de  l'amateur  d'eslampcs,  t.  l^r,  p.  221,  nos  4.-10. 

(2)  Registre  n»  667  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 


—  537  — 
§  48.  Fac-similé  de  signatures  écrites. 

Sommaire  :  Architectes,  peintres,  graveurs,  sculpteurs,  musiciens, 

orfèvres,  etc. 

1.  Pierre  Apianus,  malhémalicien  allemand  du  XVI* 
siècle. 

2.  Benoît  d'AppENZELL,  maître  de  chapelle  de  Marie, 
reine  douairière  de  Hongrie. 

3.  Guyot  DE  Beaugrant,  sculpteur,  natif  des  Pays-Bas, 
qui  travailla  à  Bruxelles,  à  Bruges  et  en  Espagne,  sous  le 
règne  de  Charles-Quint. 

4.  Corneille  de  Boxt,  orfèvre  et  graveur  de  sceaux,  qui 
florissait  à  Gand  de  1470  à  1504. 

5.  Henri  Bredeniers,  organiste  de  l'archiduc  Philippe  le 
Beau. 

6.  Jacques  du  Broeucq,  sculpteur  et  architecte,  floris- 
sait à  Mons,  sa  ville  natale,  dans  la  première  moitié  du 
XVI*  siècle. 

7.  Wenceslas  Cobergher,  peintre,  architecte,  ingénieur 
et  graveur,  né  à  Anvers  en  1 5G 1  ;  mort  à  Bruxelles  en  1 6315. 

8.  Pierre  Coustralv,  peintre  décorateur  de  Philippe  le 
Bon  et  de  Charles  le  Téméraire. 

0.  Gaspar  de  Crayer,  peintre,  florissait  à  Anvers  et  à 
Gand,  au  XVII«  siècle. 

10.  Laurent  Delvaux,  sculpteur  belge  du  XVIH''  siècle. 

11.  Laurent  Flascoen,  tapissier  de  haute-lisse,  florissait 
à  Enghien  sous  le  règne  de  Charles-Quint. 

12.  Ballhazar  Gerbier,  peintre,  architecte,  diploma- 
te, etc.,  né  à  Anvers  en  1592;  mort  en  Angleterre  eu  1667. 

13.  Jérôme  Henault,  graveur  des  monnaies  frappées  à 
Mons,  de  1580  à  1589. 


—  358  — 

14.  Bernard  Jansen,  sculpteur  et  architecte,  né  dans  les 
Pays-Bas  septentrionaux,  travaillait  en  Angleterre  dans  le 
XVII«  siècle. 

15.  Jacques  Jonghelinck,  sculpteur  et  graveur  de  mé- 
dailles et  de  sceaux,  né  à  Anvers  en  1550;  mort  en  1606. 

16.  Rombaut  Keldermans  ou  Van  Mansdale,  architecte, 
florissait  à  Bruxelles  dans  la  première  moitié  du  XVP 
siècle. 

17.  Olivier  de  la  Marche,  chroniqueur  du  XVI*  siècle. 

18.  Conrad  Meyt,  sculpteur  suisse,  qui  travailla  aux 
Pays-Bas  et  en  France  dans  la  première  moitié  du  XVI° 
siècle. 

19.  Jean  de  Montfort,  graveur  de  médailles  et  fondeur 
de  métaux,  à  Bruxelles,  de  1593  à  1649. 

20.  Claude  Noirot,  graveur  des  monnaies  de  Hollande, 
de  1554  à  1563. 

21.  Jean  Noirot,  orfèvre  et  graveur  des  monnaies  de 
Flandre,  à  Bruges,  de  1517  à  1545, 

22.  Corneille  Plum,  orfèvre  et  graveur  des  monnaies 
frappées  à  Namur,  de  1497  à  1528. 

23.  Rombaut  de  Rasières,  graveur  de  sceaux  et  de 
monnaies,  à  Anvers,  en  1599. 

24.  Nicolas  (Claes)  Ro.mbouts,  peintre  verrier,  florissait 
à  Bruxelles  sous  les  règnes  de  Philippe  le  Beau  et  de 
Charles,  son  fils. 

25.  Pierre-Paul  Rubens,  peintre,  né  en  1577  et  mort 
en  1640. 

26.  Jacques  de  Surhon,  orfèvre  et  géographe,  florissait 
à  Mons,  de  1548  à  1555. 

27.  Jacques  da  Trezo,  graveur  de  sceaux  et  de  médail- 
les, et  tailleur  de  pierres  fines.  Italien  de  naissance,  qui 
travailla  dans  le  Milanais,  aux  Pays-Bas  et  en  Espagne, 
sous  les  règnes  de  Charles-Quint  et  de  Philippe  II. 


—  559  — 

28.  Louis  Van  Boghem,  architecte,  qui  florissait  à  Bruxel- 
les dans  la  première  moitié  du  XV*  siècle. 

29.  Jean  Van  Coninxlo,  peintre,  qui  florissait  à  Bruxel- 
les au  XVI*  siècle. 

30.  Michel  Van  Coxcyen,  peintre,  né  à  Malines,  florissait 
au  XVP  siècle. 

31.  Jean  Van  den  Perre,  orfèvre  et  graveur  de  sceaux, 
florissait  à  Bruxelles  de  1515  à  1551. 

52.  Gaspar  Van  der  Heyden,  graveur  des  monnaies  frap- 
pées à  Tournai,  sous  les  Archiducs  et  Philippe  IV. 

33.  Jean  Van  der  Wvck,  dit  Van  Battel,  peintre  déco- 
rateur, qui  florissait  à  Malines  de  1504  à  1549. 

34.  Godefroid  Van  Gelre,  orfèvre  et  graveur  de  mé- 
dailles, florissait  à  Bruxelles  de  1585  à  1604. 

35.  Liévin  Van  Lathem,  orfèvre  et  graveur  de  sceaux, 
qui  florissait  à  Anvers  de  1493  à  1515. 

36.  Jean  Van  Nymmegen  ou  Van  Vlierden,  orfèvre  et  gra- 
veur de  sceaux  de  monnaies,  qui  florissait  à  Anvers  de 
1488  à  1521. 

37.  Bernard  Van  Orley,  peintre,  qui  florissait  à  Bruxel- 
les, sa  patrie,  au  XVP  siècle. 

38.  Henri  Van  Pe  ou  Van  Pede,  architecte,  qui  florissait 
à  Bruxelles  dans  la  première  moitié  du  XVI'^  siècle. 

39.  Olhon  Van  Veen,  peintre,  qui  florissait  à  Anvers  au 
XVII«  siècle. 

40.  Denis  Waterloos,  graveur  de  sceaux  et  de  médailles, 
né  à  Bruxelles  en  1627,  mort  en  1715. 

41.  Sigebert  Waterloos,  graveur  de  sceaux  et  en  taille- 
douce,  qui  florissait  à  Bruxelles  de  1600  à  1624. 

42.  Augustin  de  Wynter,  orfèvre  et  graveur  de  sceaux, 
qui  florissait  à  Bruxelles  en  1550. 


—  340 


§  49.  Verriers  et  Verrières. 

Sommaire  :  Antoine  et  Hubert  Wypart.  —  François  Lowichs.  —  Tilman 
Pisset.  —  Guillaume  Smelz.  —  Jean  de  Bastoingne.  —  Thiéri  Leumont. 
—  Godefroid  delà  Molle.  —  Jean  Hardy.  —  Verrières  au  palais  épiscopal, 
au  séminaire,  à  l'église  de  Saint-Servais,  à  la  cour  écljevinale,  aux  églises 
de  Sainl-Servais  et  des  jésuites,  à  Liège.  —  Verrières  à  l'église  de  Reck- 
heim,  aux  abbayes  de  Roberlnionl  et  du  Val-Benoît,  à  Liège.  —  Verrières 
données  par  les  évêques  de  Liège  pour  embellir  la  demeure  de  diverses 
personnes.  —  Verrière  au  couvent  des  Filles-Dieu,  à  Tournai. 

Peinture  sur  verre,  a  Liège.  —  Les  comptes  des  dé- 
penses des  évéques  de  Liège  qui  existent  aux  Archives  de 
rÉtat,  à  Liège,  sont  loin  d'offrir  pour  l'histoire  des  arts  de 
grandes  ressources  :  la  collection  n'embrasse  que  la  seconde 
moitié  du  XVI''  siècle,  et  de  plus  le  rédacteur  a  été  d'un 
laconisme  désespérant. 

Voici  quelques  notes  que  nous  avons  recueillies  sur  les 
vitraux  qui  furent  payés  par  Ernest  de  Bavière,  depuis 
1587  jusqu'à  1596,  tant  pour  l'ornementation  du  magnifi- 
que palais  épiscopal  que  pour  l'embellissement  de  quelques 
églises  ou  communautés  religieuses  de  ses  états.  Nous  avons 
classé  ces  notes  d'après  la  date  des  payements. 

W  janvier  1587.  Verrière  aux  insignes  et  armes  de 
l'évéque  pour  le  palais  :  18  florins  (2). 

19  février  1587.  Verrière  exécutée  par  Antoine  Wypart 
ou  Wypariz  (vitrifex),  et  donnée  à  l'abbaye  de  Robert- 
mont  :  70  florins  de  Brabant  (3). 

Le  même  jour.  Autre  exécutée  par  le  même  artiste,  et 
donnée  à  l'église  de  Saint-Servais  à  Liège  :  120  florins  (4). 

Janvier  1588.  Grande  verrière  exécutée  par  le  même 


(i)  Tous  les  payements  sont  en  florins  de  Brabant. 

(!)  Compte  de  la  recelle  générale  de   1586-1387,  chambre  des  finances, 
aux  Archives  de  l'Etat,  à  Liège. 

(3)  Ibidem,  f»  234,  V. 

(4)  Ibidem. 


—  341  — 

artiste,  et  donnée  à  réglise  de  l'abbaye  du  Val-Benoît  : 
150  florins  (i). 

51  mars  1588.  Verrière  aux  armes  de  i'évèque,  exécu- 
tée par  François  Lowicbs  (vitrifex),  et  placée  dans  la  de- 
meure de  Jacques  de  Hervé  ;  4  florins  (2). 

11  septembre  1588.  Antoine  Wypart  reçoit  14  florins 
pour  quatre  petites  verrières  aux  armes  du  prince,  et  dont 
deux  avaient  été  placées  dans  la  maison  du  doyen  de 
l'église  Saint-Servais,  et  les  deux  autres  dans  la  demeure 
du  chanoine  Pierre  Curtius,  à  Liège  (3). 

15  octobre  1590.  La  femme  du  verrier  Tilman  Pissel 
(vitrifex),  reçoit  6  florins  pour  quatre  fenêtres  armoriées 
qui  ornaient  la  nouvelle  cour  échevinale,  à  Liège  (4). 

30  août  1591.  A  Guillaume  Smelz,  verrier  (vitrifex), 
pour  une  fenêtre,  armoriée,  selon  toute  probabilité,  des- 
tinée à  l'habitation  de  INicolas  Lampsonius,  chanoine  de 
Saint-Denis,  à  Liège  (5). 

8  novembre  1591.  20  florins  sont  payés  à  Tilman  Pisset, 
pour  difl'èrentes  verrières,  dont  deux  avaient  été  placées 
dans  la  maison  de  l'écolàtre  de  Liège,  et  deux  autres,  aux 
armes  des  ducs  de  Bavière,  qui  furent  également  données 
pour  orner  des  demeures  de  particuliers  (c). 

Décembre  1595.  Tilman  Pisset  ou  Pissel  reçoit  encore 
4  florins  pour  une  verrière  posée  dans  la  maison  d'Antoine 
Romarin  (7). 

Même  date.  Deux  verrières,  du  prix  de  8  florins  et  ser- 


(1)  Compte  de  la  recette  générale  de  1587-1588,  f»  235  v",  chambre  des 
finances,  aux  Archives  de  TÉtat,  à  Liège. 

(2)  Ibidem. 

(3)  Ibidem. 

(i)  Compte  de  la  recette  générale  de  1589-1590,  f"  252  r»,  ibidem. 

(5)  Compte  de  la  recelte  générale  de  1591-1592,  f»  97  r»,  ibidem. 

(6)  Ibidem,  f»  97  v°. 

(7)  Compte  de  la  recette  générale  de  1593,  f»  102  r",  ibidem. 


—  34>2  — 

vant  à  rembellissemeul  de  la  maison  du  suffraganl,  sont 
payées  au  verrier  Hubert  Wypart  (vitrifex)  (i). 

S  septembre  1594.  Deux  verrières,  exécutées  par  Jean 
de  Bastoingne  {vitrifex),  et  données  pour  orner  le  séminaire 
fondé  par  le  prince  évéque  :  6  florins  (2). 

27  janvier  lo9o.  Payement  de  16  florins  au  verrier 
{vitrifex)  Thiéri  Leumont,  pour  deux  fenêtres  placées  dans 
la  chambre  écheviuale  vers  la  galerie  du  palais  (3). 

1596.  Antoine  Wypart  reçoit  230  florins  pour  une 
grande  verrière  donnée  par  l'évéque  à  l'église  des  jésuites, 
à  Liège  (4).  Le  prélat  avait  en  outre  payé  les  frais  de  l'ar- 
mature de  fer  de  la  fenêtre  (s). 

10  avril  1397.  60  florins  sont  payés  au  même  artiste 
pour  une  verrière  donnée  à  l'église  de  Reckeim  (g). 

14  juin  1o98.  Godefroid  de  la  Motte  reçoit  4  florins 
pour  une  verrière  (7). 

30  novembre  1398.  Payement  à  Jean  Hardy  de  4  florins 
pour  deux  petites  verrières  (s). 

Verrière  au  couvent  des  Filles-Dieu,  a  Tournai.  —  Au 
mois  d'avril  1383,  le  duc  de  Parme  gratifia  les  religieuses 

(1)  Compte  de  la  recelte  générale  de  1593,  f»  102  v,  chambre  des  finances, 
aux  Archives  de  lÉtat,  à  Liège. 

(2)  Compte  de  la  recelte  générale  de  1394-,  f»  535  r»,  ibidem. 

(3)  Ibidem,  f"  333  y°. 

(i)  Compte  de  la  recette  générale  de  1396,  f»  334-  v,  ibidem. 

(d)  «  Decembri  a»  1393.  Persolvi  Syraoni  Fabri,  ferrario  fabro,  pro  confec- 
»  lione  ferramentorum  fœnestrœ  vitrese  collocatae  seu  donatae  ex  serenissimaî 
«  suœCelsitudinIs  liberalitate  in  ecclesia  patrum  societatis  Jesu  .-  ij'^  xl  fl.  viij  s.  » 

>'  29  maii  1396.  Solvi  pro  1792  libéras  ferri  ad  magnam  fenestram  vitream 
»  datam  in  templo  jesuitarum.  «(Compte  de  la  recette  générale  de  1393-1396, 
{°  366  r"  et  367  r",  ibidem). 

(6)  Compte  cité  de  1396,  f"  33a  r». 

(7j  Compte  delà  recette  générale  de  1597-1398,  f"  341  r»,  ibidem. 

(8;«  Ad  donandum  in  navi  Arnoldi  le  Page.  »  (Compte  de  la  recette  générale 
de  1598,  fo  337  v»,  ibidem). 


343 


du  couvent  de  la  Madelaiue,  vulgairement  appelé  des  Filles- 
Dieu,  à  Tournai,  d'une  somme  de  20  livres  pour  l'achat 
d'une  verrière  aux  armes  de  Philippe  II,  à  placer  dans 
l'église  qu'elles  venaient  de  faire  bàlir  (i). 


§  50.  Collection  de  dessins  et  de  miniatures. 

Sommaire  :  Inventaire  de  la  collection  de  miniatures  et  dessins  de  Philippe  II, 
duc  de  Poméranie  et  de  Stettin,  dans  laquelle  se  trouvaient  des  œuvres  de 
Tob.  Bernhart,  Paul  Bril,  J.  Bullen ,  J.  Fisclier,  Jér.  Gunter,  M.  Kager, 
L.  Kilian,  J.  Kônig,  A.  Mozart  et  J.  Rollenhamer.  —  Il  avait  l'intention 
de  former  une  galerie  de  portraits  de  princes  contemporains  et  s'adressa 
aux  archiducs  dans  ce  but. 

Philippe  II,  duc  de  Stettin  et  de  Poméranie,  succéda 
à  Bogislas  le  Bon,  son  père,  en   1606.  Il  naquit  le  28 
juillet  lo7o  de  Claire  de  Brunswick-Lunebourg,  et  mou- 
rut le  o  février  1619  (n.  st.),  sans  postérité.  Philippe  fut 
un  prince  qui  aima  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts. 
C'est   lui  qui  posa  la   première  pierre   du  palais  ducal 
situé  près  de  l'Oder,  à  Stettin,  et  sous  son  règne,  plusieurs 
belles  églises  de  celte  ville  furent  restaurées  et  embellies. 
Il  se  proposa  d'orner  ce  palais  des  portraits  des  princes 
de  l'empire  contemporains  et  d'autres  avec  lesquels  il  avait 
des  rapports  d'amilié.  Dans  ce  but  il  s'adressa  également 
aux  archiducs  Albert  et  Isabelle,  en  1617.  Le  duc  de  Stet- 
tin les  remercie  chacun  isolément,  dans  la  lettre  qu'il  leur 
écrivit,  de  l'envoi  qu'ils  lui  ont  fait  de  magnifiques  dessins 
pour  son  album,  et  leur  joint  la  grandeur  des  portraits 
peints  qu'il   désire  obtenir.   L'album,  dont   parle  ici   le 
prince,  était  une  collection  précieuse,  composée  en  majo- 

(1)  Registre  n"  F.  268  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dé- 
partement du  Nord,  à  Lille. 


—  OU    - 

rite  de  miniatures  :  il  s'y  trouvait  aussi  quelques  dessins 
à  la  plume.  Chaque  pièce  avait  pour  auteur  un  artiste  en 
renom  de  l'époque.  Nous  avons  eu  le  bonheur  de  décou- 
vrir aux  Archives  du  royaume,  une  liste  des  trente  huit 
dessins  dont  se  composait  l'album  du  duc  de  Stettin  et  de 
Poméranie,  en  1612.  L'inventaire  contient  l'indication  des 
sujets,  lesquels  sont  tous  puisés  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment. Les  noms  du  plus  grand  nombre  des  donateurs  y 
sont  consignés  et  parfois  aussi  ceux  des  artistes,  savoir  : 
Tobie  Bernhart,  Paul  Bril,  Jean  Bullen,  Jean  Fischer, 
Jérémie  Gunter,  Marc  Kager,  Lucas  Kilian,  Jean  Kouig, 
Jean  Rottenhamer  et  Antoine  Mozart. 

Philippe  avait  épousé,  en  1607,  Sophie,  fille  de  Jean  le 
Jeune,  duc  de  Holstein-Sonderbourg,  morte  en  1618,  et 
sœur  cadette  d'Anne,  sa  belle-mère. 

«  Eximium  singularis  cuiusdam  erga  nos  benevolentise  testrmonium'exis- 
limamus,  serenissima  princeps,  cognata  carissima,  quo  Dileclio  Vestra  ad 
pelitionem  nostram  librum  illum  quem  mémorise  omnium  liac  aetate  viven- 
tium  regum  et  principum  consecravimus,  et  manu  sua  et  insigniis,  histo- 
riaque  quadam  biblica  arlifieiossime  depicla  exornare  voluerit.  Debueramus 
equidem  Dileclioni  Vestrœ  eo  nomine  iamdudum  agere  gralias,  sed  occasio 
commoda  nobis  defuit,  quam  bac  vice  nacti  significare  Dilectioni  Vestrae 
voluimus  officium  illud  nobis  fuisse  longe  gratissimum,  certoque  Dilecfio 
Vestra  sibi  persuadeal  mnemosinon  illud  inter  ea  ,  monumenta  quœ  nobis 
carissima  sunt,  diligenter  asservatum  iri. 

»  Cœterum  freti  ea,  quam  hactenus  apud  Dileclionem  Vestram  experli 
sumus,  promlitudine,  unum  adbuc  ab  ea  amanter  petimus.  Palatium  quod- 
dam  novum  hoc  tempore  exstruimus,  idque  effîgiebus  regum  et  principum 
nostri  seculi  ad  vivum  depiclis,  insignire  ornatiusque  rcddere  studemus.  Quia 
vero  Dileclio  Vestra  inler  heroinas  nostrœ  huius  œtalis  prœcipuo  loco  est, 
illiiis  imaginem  prœ  ceeteris  desideramus.  Maiorem  itaque  in  modum  a  Di- 
leelione  Vestra  contendimus  ut  effigiem  suam  artifici  manu  pictam  nobis  per 
Jacobum  de  Soramere  transmillere  velit,  sicuti  eliam  serenissimum  Austriae 
archiducem  Albertum,  Dilectionis  Vestrae  maritum  carissimum,  idem  ofiicium 
nobis  proesliturum  confidimus.  Eril  illud  propensissimi  erga  nos  affectus  iu- 
fliciiim,  facietque  ad  aevilernam  Dilectionis  Vestrae  memoriam,  et  si  qua  in  re 


—  345 


Dilectioni  Vestrœ  rursus  gratiflcari  poterimiis ,  studiura  et  voluntas  nobis 
nunquam  décrit.  HisceDilectionemVestram  féliciter  valere  ex  aninio  optannis. 
Dabantur  ex  arce  nostra  in  veteri  Sletino,  xvii  aprilis  anno  MDCXVII. 

»  Philippus  II, 
»  Diix  Slctinensiuni,  Pomeranorum,  etc.  »(!). 

Voici  l'inventaire  avec  la  traduction  en  regard. 

«  Verzeichnuss  deses  neuen  Stambuechss  welches  der  durchleichtigc  hoch- 
geborne  Furst  und  Ilerr  Herr  Philips,  llertzog  zue  Stettin-Pommern,  etc  , 
a"  1612  angefangen. 

»  Dass  Format  desselben  ist  in  gross  Quarto,  unnd  wirdt  ailes  auf  Perga- 
nient  gemalilet  von  Miniatur  iMahlcrey,  oder  auch  wol  sehônen  Federrissen, 
von  den  allerbesten  unnd  beruembsten  Mahlern  so  hin  unnd  wider  zue 
finden. 

»  Folgen  die  Namen  deren  so  darin  schon  verwilligt  sambt  den  Stucken  so 
sie  mahlen  lassen;  die  Stucklein  aber  sein  mehrentheilss  genommen  ex  vita 
Christi  : 


1.  Die  rômishe  Kayserliche  auch 
zue  Hungern  unnd  Bohaimen  Kônig- 
liche  Mayesteit  Herr  Matthiass,  Erz- 
hertzog  zueOssterreichen,  unser  aller 
gnedigster  Herr,  Jereinias  Gunter 
Ihrer  Mayesteyts  Hofmaller  mahlet 
dass  Stuckhlein,  unbenant  aber  noch 
wass  fur  Historia. 

2.  Herr  Wilhclm,  Hertzog  zue 
Bayrn ,  den  englischen  Gruess ,  von 
Thobiass  Bernhart  gemahlet,  die  In- 
vention aber  ist  von  Hanss  Rotten- 
hamer. 

3.  Wie  die  Junghfrau  Maria  Ihre 
môhnie  Elisabeth  heimbsucht,  von 
Paul  Brill  zue  Rom  gemahlet. 

4.  Ferdinandt ,  Churfurst  unnd 
Erzbischoir    zue    Colin,    die    Geburt 


1.  Miniature,  donnée  par  l'empe- 
reur Matthias.  —  OEuvre  de  Jérémie 
Gunter,  peintre  de  la  cour  de  ce 
prince. 


2.  f,'^nnoneja/iO)j,  miniature,  com- 
posée par  Jean  Rottenharaer  et  peinte 
par  Tobie  Bernhart.  —  Donnée  par 
Guillaume  II,  duc  de  Bavière,  mort 
en  1G26;  il  avait  abdiqué  en  1396  en 
faveur  de  son  fils. 

3.  La  Visitation,  miniature,  exécu- 
tée à  Rome  par  Paul  Bril. 

i.  La  Naissance  de  Jésus,  minia- 
ture, exécutée  à  Rome  par  Jean  Konig. 


(I)  Archives  de  la  secrétaireric  diktat  allemande,  aux  Ai'chives  du  royaume. 

30 


—  546  — 


flhristi,  von  Hannss  Kônig,  zue  Rom 
gemalilel. 


5.  Christian,  Margraf  zue  Bran- 
denburg,  die  heylige  dreye  Kiinige, 
von  Antonie  Motzarl  gemahlet. 


6.  Ferdinandt,  Erlzhertzog  zue  Os- 
terrcich,  die  Flucht  Chrisli  in  Egip- 
len,  von  Paul  Brill  gemahlet. 

7.  Johann- Conradt,  Bislioff  zue 
Eystiilt,  Mie  der  Herr  Christuss  in 
seinem  zwôlften  Jalire  mit  den  Gelahr- 
ten  im  Tempel  disputiret,  von  Tobia 
Bernhardt  gemahlet. 

8.  Maximilian,  Herlzog  zue  Bayrn, 
die  Tauff  Christi,  von  Martz  Kager 
gemahlet. 

9.  Wie  Christuss  in  derWûsten  ver- 
sucht  wirdt,  von  Paull  Brill  gemahlet. 

10.  Frau  Sophia  gebohrne  zue  Hol- 
slein,  Ilertzogin  zue  Stettin-Pom- 
mern,  die  Cananeysche  Hochzeit. 


H.  Augustuss  der  junger  Herlzog 
zue  Braunschwig  unnd  Linnenburg, 
wie  der  Herr  mit  einem  Samarilischen 
Weiblein  Sprach  helt  bei  einem  Bru- 
nen. 

12.  Frau  Clara -Maria  gebohrne 
zue  Stettin-Pommcrn,  Hertzogin  zue 
Braunschweig  unnd  Linnenburg,  die 
Hisloria  wie  die  Martha  so  beschefflig 
ist,  Maria  aber  dass  beste  Thcil  cr- 
welilctcr. 


—  Donnée  par  Ferdinand  de  Bavière, 
archevêque  de  Cologne,  évêque  de 
Liège,  etc.,  fils  du  duc  Guillaume  11, 
mort  en  1650. 

5.  Les  trois  Rois,  miniature  d'An- 
toine Mozart.  —  Donnée  par  Chré- 
tien, fils  de  Jean-George,  margrave 
de  Brandebourg,  auteur  de  la  branche 
des  margraves  de  Bareuth. 

6.  La  Fuite  en  Egypte,  miniature 
de  Paul  Bril.  —  Donnée  par  Ferdi- 
nand, archiduc  d'Autriche. 

7.  Jésus  au  milieu  des  Docteurs, 
miniature  de  Tobie  Bernhart.  — 
Donnée  par  Jean- Conrad  de  Gem- 
mingcn,  évêque  d'Eichstadt,  nommé 
en  1397  et  mort  en  1612. 

8.  Le  Baptême  du  Christ,  miniature, 
exécutée  par  Mathieu  Kager.  —  Don 
de  Maximilien,  électeur  de  Bavière. 

9.  La  Tentation  de  Jésus  dans  le  dé- 
seW,  miniature,  exécutée  par  Paul  Bril. 

10.  Les  Noces  de  Cana.  —  Don  do 
Sophie,  fille  de  Jean  le  Jeune,  duc  de 
Holstein-Sonderbourg,  qui  épousa  Phi- 
lippe II,  duc  de  Poméranie  et  de  Stet- 
tin. 

1 1 .  Jésus  et  la  Samaritaine .  —  Don 
d'Auguste,  duc  de  Brunswick  et  de  Lu- 
nebourg,  fils  de  Guillaume,  et  frère  de 
Christian,  auquel  il  succéda  en  1635. 

12.  Jésus  chez  Marthe  et  Marie.  — 
Don  de  Claire-Marie,  fille  de  Bogislas 
le  Bon,  duc  de  Stettin,  qui  épousa  : 
l"  Sigismond-Augusle,  lue  de  Meckel- 
bourg;  2»,  en  1G07,  Auguste,  duc  de 
Brunswick-Luncbourg;  elle  mourut 
eu  1025. 


347  — 


13.  Ertzherzog  Leopold  zue  Ôster- 
reicli,  Bishoff  zue  Slrasburg  uiind 
Passaw,  wie  die  Kindllein  zuin  Ilerrn 
Cliristo  gebracht  werden,  von  Ilannss 
Kônig  gemahlet. 

li.  Georg,  Hertzog  zue  Stettin- 
Pomraern,  wie  der  Herr  von  den  Jùn- 
gern  im  Schiff  wirdt  erweckhl,  unnd 
deraWindt  unnd  meer  gebeut  dass  es 
slill  wirdt. 

13.  Joachim  Ernst,  Marghraf  zue 
Brandenburg,  wie  Christuss  mit  wenig 
Brotlen  unnd  Fischlein  etliche  tausent 
Mann  speiset,  von  Antonie  Motzardt 
gcmalilet. 

16.  Jobann-Adolph,  Hertzogh  zue 
Scblesewick-Holstein ,  wie  Pelruss 
nach  der  Preedig  Christi  einen  glickh- 
lichen  Fischfang  thuet. 

17.  Philipps,  Hertzog  zue  Holstein, 
wie  der  Gichtbrichtige  durchs  tach 
herunder  gelassen  und  vonn  Chrislo 
gesundt  geniacht  wirdt. 

18  Frau  Elisabeth,  gebohrne  unnd 
verraehlte  Ilertzogin  zue  Braunschweig 
unnd  Linnenburg,  Wittve ,  wie  der 
Herr  Christuss  der  Wiltwen  zue  Nain 
einigen  Sohn  von  Todt  erweckhet. 

19.  Frau  Anna,  gebohrne  zue 
Schlesewick-Holstein,  Hertzogin  zue 
Stettin-Pominern,  Wittve,  wie  dass 
Weiblein  so  12  Jahr  den  Bluetgang 
gehabt  durchs  anrueeren  der  Kleider 
Chrisli  gesundt  wirdt. 

20.  Moritz,  Landtgraf  zue  Hessen, 
die  Werklerung  Christi  aufm  Berge 
Thabor. 


1 3 .  Laisses  venir  à  moi  les  pclils 
enfants,  miniature,  exécutée  par  Jean 
Konig.  —  Don  de  l'archiduc  LéopoId 
d'Autriche,  nommé  évéque  de  Stras- 
bourg et  de  Passau  en  1607,  et  mort 
en  162i>. 

14.  Jésus  apaisant  la  tempête.  — 
Don  de  George,  frère  de  Philippe  II, 
duc  de  Pomcranie  et  de  Stettin,  qui 
mourut  en  1617. 

15.  La  Multiplication  des  pains  et 
des  poissons  dans  le  désert,  miniature, 
exécutée  par  Antoine  Mozart.  —  Don 
de  Joachim-Ernest,  margrave  d'An- 
spach,  fils  de  Jean-George,  margrave 
de  Brandebourg. 

IG.  La  Pêche  miraculeuse.  —  Don 
de  Jean-Adolphe,  duc  de  Holstein- 
Gottorp,  mort  en  1616. 

17.  La  Guérison  du  paralytique.  — 
Don  de  Philippe,  duc  de  Holstein- 
Glucksbourg,  né  en  1384.  et  mort 
en  1665. 

18.  La  Résurrection  du  fils  de  la 
veuve. —  Don  d'Elisabeth,  fille  de  Fré- 
déric II,  roi  de  Danemark,  qui  épousa, 
en  1390,  Henri-Jules,  duc  de  Bruns- 
wick-Wolfenbuttel,  mort  le  20  juillet 
1613;  elle  décéda  en  1626. 

19.  La  Guérison  de  la  femme  ma- 
lade, —  Donné  par  Anne,  fille  de 
Jean  le  Jeune,  due  de  Sleswick-Son- 
derbourg,  seconde  femme  de  Bogislas 
le  Bon ,  duc  de  Poméranie  et  de  Set- 
tin,  morte  en  1616. 

20.  La  Transfiguration.  —  Don  de 
Maurice,  landgrave  de  Hesse,  mort 
eu  16.Ï2. 


348  — 


21.  Ulrich,  Herlzog  zoe  Steltin- 
Pommern,  die  Auferweckhung  Lat- 
zari. 

22.  Philippuss-Juliuss,  Herlzog  zue 
Steltin-Pommern,  die  Historia  vom 
reichen  Mann  unnd  armen  Latzaro. 


23.  Frau  Agniss,  gebohrne  Mar- 
grâfin  zue  Brandenburg,  Hertzogin 
zue  Stettin-Pommern,  etc.,  den  Oel- 
berg. 

24.  Ertzherzog  Maximilian-Ernes- 
tuss  zue  Osslerreich ,  die  Crônung 
Christi  von  Luebass  Kilian  mit  der 
Fedep  gerissen,  Invention  des  Rotlen- 
haimtes  (sic). 


2.').  Ertzherzog  Maxirailian  zue  Oss- 
lerreich, Grossmeister  dess  Teutschen 
Ordenss,  die  Aussfuhrung  Christi. 


26.  Al])recht,  Herlzog  zue  Bayrn, 
die  Chreulzigung  Christi,  von  Hanss 
Fischer  gemahlet. 


27.  Bogisslaf,  Herlzog  zue  Slettin- 
Pomraern,  die  funff  Clugen  unnd  funf 
lliorichten  Jungfrauen  wie  sie  dem 
Breutigam  entgegen  gehn. 


21.  La  Résurrection  de  Lazare.  — 
Don  d'UIric,  frère  de  Philippe  II,  duc 
de  Poméranie  et  de  Stettin,  qui  fut 
nommé  évoque  de  Camin  en  1618. 

22.  La  Parabole  du  Riche  et  du 
Pauvre.  —  Don  de  Philippe- Jules, 
fds  d'Ernest-Louis,  duc  de  Wolgast, 
et  petit-fils  de  Philippe  I",  duc  de 
Poméranie  et  de  Stettin;  il  naquit 
en  1584  et  mourut  en  1623.  Il  hérita 
en  1600  du  duché  de  Stettin  par  la 
mort  de  Jean-Frédéric,  son  oncle. 

23.  Jésus  sur  la  montagne  des  Oli- 
viers. —  Don  d'Agnès,  fille  de  Jean- 
George,  électeur  de  Brandebourg,  qui 
épousa,  en  1604,  Philippe-Jules,  duc 
de  Stettin. 

24.  Le  Couronnement  du  Christ, 
dessin  à  la  plume,  composé  par  J. 
Rottenhaimer(?),  el  exécuté  par  Lucas 
Kilian.  —  Don  de  l'archiduc  Maximi- 
lien-Ernest  d'Autriche,  grand-maître 
de  Tordre  Teutonique,  fils  de  Charles, 
archiduc  de  Gratz;  il  mourut  en  1616. 

23.  La  Rcsurreclion  du  Christ.  — 
Don  de  l'archiduc  iMaximilien  d'Aulri- 
che,  grand-maître  de  l'ordre  Teutoni- 
que, fils  de  l'empereur  Maximilien  H, 
mort  en  1618. 

26.  Le  Crucifiement,  miniature,  exé- 
cutée par  Jean  Fischer.  —  Don  d'Al- 
bert, duc  de  Bavière,  landgrave  de 
Leuchtenberg  et  comte  de  Halle;  il 
avait  épousé,  en  1612,  Malhilde  de 
Leuchtenberg. 

27.  La  Parabole  des  Vierges  sages 
et  des  Vierges  folles.  —  Don  de  Bo- 
gislas,  mort  en  1637,  frère  de  Philip- 
pe II,  duc  de  Poméranie  et  de  Sletlin. 


—  549  — 


28.  Frau  Maria,  gcbohrnes  Fraulein 
il)  Holstein,  Eptisin  zue  Itzehow,  die 
Siindtfluel,  von  Hannss  Bullen  ge- 
mahlct. 

29.  Johannes-Fridcrich,  Hertzog 
zue  Wirttenberg. 

30.  Juliuss-Friderich,  Hertzog  zue 
Wirttenberg. 

51.  Georg-Friderich,  Margraff  zue 
Baden. 

32.  Philipps-Ludtwig,  Pfalzgraf 
bei  Rbein. 

33.  Wolfganng-Wilhelm,  Pfalzgraf 
bey  Rhein. 

34.  Augustuss,  Pfalzgraf  bei  Rhein. 


35.  Johannes-Friderich,    Pfalzgraf 
bei  Rhein. 

36.  Ernst-Ludtwig,    Hertzog    zue 
Sachsen. 

37.  Franz,    Hertzog    zue  Stettin- 
Pommern,  etc.,  Bischof  zue  Caminn. 


38.  Frau  Sophia,  gcbohrne  aus'ni 
Churfiirstlicliem  Stam  zue  Sachsen, 
Hertzogin  zue  Stettiii-Pommern.  » 


28.  Le  Z)eÏM(;c', 'miniature,  exécutée 
par  Jean  Bullen.  —  Don  de  Marie  de 
Holstein,  abbesse  de  Itzehoe,  dans  le 

duché  de  Holstein. 

29.  Don  de  Jean-Frédéric,  duc  de 
Wurtemberg,  mort  en  1628;  il  suc- 
céda à  Frédéric,  son  père,  en  1608. 

30.  Don  de  Jules-Frédéric,  frère 
du  précédent;  il  forma  la  tige  de 
Weitlingen. 

31.  Don  de  George-Frédéric,  mar- 
quis de  Bade-Dourlach,  né  en  1373, 
mort  en  1638. 

32.  Don  de  Philippe-Louis,  duc  de 
Neubourg,  mort  en  1614.. 

33.  Don  de  Wolfgang-Guillaume, 
fils  du  précédent;  mort  en  1633;  il 
succéda  à  son  père. 

34.  Don  d'Auguste,  frère  du  précé- 
dent, mort  en  1631;  il  forma  la  bran- 
che des  ducs  de  Sulzbach. 

33.  Don  de  Jean-Frédéric,  frère  du 
précédent,  comte  de  Hippolstein. 

36.Dond'Ernest-Louis,  néen  1587, 
fils  de  François  II ,  duc  de  Saxe- 
Lauenbourg;  il  mourut  en  1620. 

37.  Don  de  François,  qui  fut  d'a- 
bord évèque  de  Gamin,  et  qui  succéda, 
en  1G19,  à  son  frère  PhiHppe  II,  duc 
de  Poméranie  et  de  Stettin;  il  mourut 
en  1620. 

38.  Don  de  Sophie,  fille  de  Chris- 
tian ler,  électeur  de  Sa.\e;elle  épousa, 
en  1610,  François,  due  de  Poméranie 
et  de  Stellin,  cité  à  l'arlicle  précé- 
dent, et  mourut  en  1635. 


550  — 


§  51.  Inventaire  de  manuscrits. 

Sommaire  :  Inventaire  des  manuscrits  de  liturgie  du  chapitre  de  Saint-Pierre, 
à  Anderlecht,  près  de  Bruxelles,  en  1505. 

L'inventaire  qui  suit  est  celui  des  livres  de  liturgie, 
au  nombre  de  plus  de  cent,  du  chapitre  de  Saint-Pierre,  a 
Anderlecht  :  il  fut  dressé  le  5  juillet  1505,  par  le  chanoine 
Renier  Van  den  Kerchove,  trésorier  de  la  communauté. 
On  remarquera  combien  peu  de  ces  livres  sont  imprimés. 

«  Primo  een  groot  missael  van  aile  den  jaere,  op  ten  hoogen  outaer. 

Een  groot  missael  van  aile  den  jaere,  gelieeten  :  Ad  allare  béate  Elisabeth. 

Een  out  missael  de  loto  anno,  manet  in  allare  sancti  Guidonis. 

Vier  cleyn  halve  missale  :  twee  somer-stucken  ende  twee  wynter-stucken. 

Een  cleyn  missael,  in  franchyne,  dair  niet  dan  de  misse  van  requiem  inné 
en  staet. 

Twee  wynter-stucke  die  al  nieuwe  zyn  tôt  Schuete  gescreven  (1). 

Achte  antliiphoneers,  over  elc  zyde  vier,  te  weetenen  :  twee  zomer-deele 
ende  twee  wynter-deele. 

Vier  graduwale  van  den  jaire,  over  elc  zyde  twee. 

Acht  goede  souters  (2),  over  elc  zyde  viere. 

Twee  brevieren  van  al  den  jaere,  daeraf  den  eenen  is  premonstreyt-orduyn 
ende  den  anderen  Anderlechts. 

Een  canters  voer  de  toto  anno. 

Een  vers-boec  oft  venite-boeck. 

Twee  capiteele-boecken,  over  elc  zyde  eenen. 

Eenen  ouden  capiteel-boec  ende  eenen  souter,  in  berderen  gebonden , 
liggende  in  de  tresorye. 

In  den  choor,  noch  twee  geheel  oude  antiphoneers. 

Een  les-boeck,  in  berderen,  dat  men  in  't  schole  besichl. 

Eenen  vocabulercn  franchyne  voir  den  deecken,  met  eender  kethenen  ge- 
bonden. 

Een  boeck  gehoeten  Summa  Raymundi,  met  eender  kethenc  gebonden. 


(1)  Voy.  §13. 

(2)  Psautier. 


—  351  — 

Twee  matrilogye-boeckeii,  dair  meiid'een  daghelycx  besiclit,ende  d'andercn 
is  ont,  in  berderen   oie  gebonden. 

Een  evangelye-boec  liggende  opten  pulpetruiu. 

Een  epistel-boeck  de  toto  anno,  oie  aldaer. 

Twee  yinraineren  (1)  cura  notis,  dairaf  den  eenen  gebonden  is  met  eenen 
nieuwen  zouter. 

Een  oude  cleyn  souters. 

Eenen  ordinaris,  leyt  in  den  clioor. 

Een  vocabulare  geheeten  Mammelracliis. 

Twee  omelye-boeken,  een  zomer-deel  unde  een  wynter-deei. 

Een  Légende  sanctorum. 

Twee  passionale. 

Een  boeck  De  genesi,  melten  anderen  boecken  el  quatuor  libri  regum, 

Een  boeek  De  proplietis  ende  Apocalipses  Johannis, 

Een  boeck  dMe/us  aposlolorum  ciim  Epislolis  Jacobi,  Pelri,  Johannis,  Jude 
el  Pauli,  et  Parabole  Salomonis,  Ecclesiasles,  Tobtje,  Judil,  Hesler  et  Macha- 
beorum  inné  staen. 

IVoch  vier  boecken  ongekelent,  die  over  beyde  zyde  ghaen,  d'een  geheeten 
nationale  dominorum;  d'anderen  een  vocabulier  geheeten  Calholicon;  't  derde 
boeck  bout  in  principio  Legendas  sanctorum,  Vitas  ponlifieum  et  Librum  sum- 
marum,  in  uuo  volumine;  item  't  vierde  is  Scholastica  hisloria  cum  theologia 
naturali,  in  uno  volumine. 

Glosa  cartliusicnsis  super  psalterio.  "" 

Vita  Jhesu  eiusdem  carlhusiensis,  in  tribus  voluminibus. 

Een  biblia  impressa. 

Een  bible  gescreveu,  in  franchine.  • 

Dcerelale  magnum,  impressum. 

Sexlus  Clémentine  cum  institutionibus. 

Uuo  psalteria  cum  glossis. 

Twee  vigilye-boecken,  over  elc  zyde  eenen. 

Een  cleyn  boexken  dair  men  kinder  medc  doept  dat  eleer  is  ende  oie  die 
voenle  medc  wydt. 

Een  out  cleyn  boexken  dair  't  selve  officie  inné  slaet. 
Een  seven  psalmo  metten  lelanyen  daer  men  mede  olyet  de  syecke. 
Een  boeck  daer  Venite  ende  lessen  van  den  vigilycn  inné  staen. 
Een  alcph-boeck,  métier  noten. 


(I)  Livres  dhymmes. 


—  532  — 

Vive  responsorye-boecken  oft  processye-boeken,  dairaf  de  drie  zyn  gebon- 
den  met  berderen,  ende  de  twee  met  coopertoryen,  van  francliyne. 

Vive  boecken,  in  swerten  ieere  gebonden,  inhoudende  Feslum  béate  Marie 
Virginis. 

Een  van  denselven  oflicien  dair  chorus  op  steet,  in  francliyne,  gebonden. 

Noch  twee  quaternen  van  den  selven  ofQcyen,  papirenen. 

Twee  quaternen  houdende  Ofpcium  sancti  Augiistini,  in  franchyne. 

Drye  quaternen  houdende  Officium  undecim  milium  virginum. 

Noch  twee  quaternen  houdende  Officium  sancte  Elisabeth. 

Noch  twee  quaternen  houdende   Officium  visitationis  béate  Marie  Virginis, 

Een  quaternen  houdende  Officium  transfigurationis  Domini. 

Ecn  passye-boeck,  in  papire,  cum  notulis  (1).  » 


§  52.  Scribes  et  Enlumineurs. 

« 

Sommaire  :  Jacques  Pilavaine,  scribe  et  enlumineur,  à  Mons.  —  Manuscrits 
qu'il  a  exécutés.  —  Manuscrit  de  l'église  de  Saint-Hermès,  à  Renaix.  — 
Corneille  de  Lorimier,  calligraphe.  —  Jérôme  de  Roovere,  clerc,  scribe  et 
enlumineur. 

Pilavaine  (Jacques),  —  calligraphe  et  enlumineur  d'un 
mérite  secondaire,  était  natif  de  Péronne,  en  Vermandois, 
et  exerçait  son  art  à  Mons,  qn  Hainaut.  Il  nous  apprend 
lui-même  ces  particularités.  Quant  à  l'époque  oîi  il  vivait, 
on  peut  affirmer  qu'il  florissait  sous  les  règnes  de  Charles 
le  Téméraire  et  de  Marie,  sa  fille.  Trois  manuscrits  sortis 
de  sa  plume,  sont  parvenus  jusqu'à  nous  :  ils  sont  con- 
servés à  la  Bibliothèque  de  Bourgogne.  Le  plus  beau  (2) 
est  un  exemplaire  grand  in-folio  sur  parchemin,  de  cin- 
quante-deux centimètres  de  hauteur,  des  Histoires  Marli- 
niennes.  Ce  volume  contient  274  feuillets  à  deux  colonnes, 
chacune  de  quarante-deux  lignes.  Il  est  enrichi  de  douze 


(1)  Archives  du  chapitre  d'Anderlecht,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  N»  9069,  p.  240  du  catalogue. 


—  353  — 

grandes  miniatures  qui  sont  entourées  d'encadrements  fleu- 
ronnés,  et  qui  occupent  la  moitié  de  la  page,  et  de  trois 
autres  vignettes  beaucoup  plus  petites  :  toutes  sont  l'œuvre 
de  Jacques  Pilavaine.  Voici  les  sujets  des  grandes  minia- 
tures : 

Création  d'Adam  et  d'Eve;  —  leur  expulsion  du  Paradis  terrestre  (f"  12  v»); 

Passage  de  la  mer  rouge  par  les  Hébreux  et  défaite  des  Égyptiens  (f»  25  y); 

Siège  de  Thèbes  (f»  35  r»); 

Prise  de  Troye  et  mort  du  roi  Priam  (f"  46  v); 

Combat  de  David  contre  Goliath;  —  David  coupant  la  tète  du  géant  (foGO  r»); 

Fondation  de  Rome  par  Romulus  (f»  78  r»); 

Judith  tranchant  la  (été  à  Holopherne  (f»  97  v"); 

Troisième  défaite  de  Darius  par  Alexandre  (f»  138  r<>); 

Défaite  des  Romains  par  Annibal  à  Cannes  (f"  162  r"); 

Autre  bataille  livrée  par  les  Romains  sous  les  murs  de  Numance  (f"  182  r»); 

Défaite  des  Helvètes  par  Jules  César  (f"  216  r»); 

La  défaite  de  Pompée  à  la  bataille  de  Pharsale,  en  Thessalie  (f»  252  v"). 

Quant  aux  trois  petites  miniatures,  l'une  est  placée  en 
tète  du  commencement  de  l'ouvrage  (f"  12  r")  et  repré- 
sente très-probablement  l'artiste  lui-même  occupé  à  la 
transcription  de  son  livre;  les  deux  autres  :  Samson  étouf- 
fant le  lion  et  l'Élection  de  Saiil  se  trouvent  aux  f°'  54  r" 
et  58  v°. 

Les  onze  premiers  feuillets  du  manuscrit  contiennent  la 
table  :  l'ouvrage  est  divisé  en  huit  cent-quatorze  chapitres, 
dont  les  intitulés  sont  écrits  en  rouge.  A  l'intérieur  du 
volume,  il  y  a  un  très-grand  nombre  de  petites  lettrines 
enluminées.  A  la  fin  de  la  première  colonne  du  dernier 
feuillet  on  lit  :  Cxpltctuitt  le^  I)ptotrfô  martintcnncô 
fâfrtpteô  por  Jacquemart  Jptlatiaine  e^criptiain  et 
eiilumitteur  ^emourattt  a  Mono  eu  i^û^nnaut  natif 
îre  jperonne  nt  lîermcnîïob.  Sur  la  seconde  colonne,  une 
main  à  peu  près  contemporaine  a  consigné  l'annotation  sui- 
vante, qui  nous  fait  connaître  le  nom  du  premier  proprié- 


—  554  — 

taire  du  livre  :  Cf  Uore  tôt  appelle  les  iîtarttnifuufô 
traittant  ^f  la  cu'afUin  ou  nu^n^c  ft  îic5  fatiî  et  rnujnc 
ôc  pluiiifur^  empereurs  ou  il  p  a  îto  l)i5toîrf5,  lequel 
est  a  mauâ^  Cliarles?  ^e  Craj:  comte  ^e  Cljimaç.  (Signé) 
Cljrtrles. 

Philippe,  père  de  Charles,  mourut  eu  14-82  ou  1483,  et 
le  titre  de  prince  de  Chimai  fut  octroyé  à  ce  dernier  eu  1486. 
L'annotation  doit  donc  être  placée  entre  ces  deux  dates. 

Les  deux  autres  manusci'its  (i)  de  Jacques  Pilavoine 
sont  réunis  dans  le  même  volume,  et  contiennent  ensemble 
23G  feuillets  en  parchemin,  à  deux  colonnes  de  trente- 
deux  lignes,  avec  capitales  dorées  et  enluminées.  Quoique 
l'un  d'eux  seulement  soit  signé,  l'écriture  est  identiquement 
la  même.  La  première  partie  du  volume  jusqu'au  f"  1  lo  r" 
contient  VÀrbre  des  batailles,  par  Henri  Bonnet;  l'autre 
est  le  traité  intitulé  :  les  Faits  d'armes  de  chevalerie,  dont 
Christine  de  Pisan  est  l'auteur. 

VÀrbre  des  batailles  est  orné  au  commencement  d'une 
miniature,  où  l'on  voit  Henri  Bonnet  présentant  à  genoux 
son  livre  à  Charles  M,  roi  de  France,  qui  est  entouré  de 
cinq  personnages.  Au  feuillet  suivant  se  trouve  une  autre 
miniature,  qui  occupe  la  moitié  de  la  page  et  dont  le  sujet 
est  un  duel  entre  chevaliers. 

Les  Faits  d'armes  de  chevalerie  s'étendent  depuis  le 
fo  \\j  J.0  jusqu'au  f'  226  v";  ce  traité  est  divisé  en  quatre 
parties,  avec  une  table  en  avant  de  chacune  d'elles.  Il  n'est 
enrichi  que  de  deux  grandes  miniatures  (f°^  118  v  et 
181  \°),  encadrées  comme  celles  du  manuscrit  précédent 
de  fleurs  et  d'ornements,  et  qui  représentent  toutes  deux 
Christine  de  Pisan;  elle  est  occupée  à  écrire  dans  la  pre- 
mière vignette.  A  la  (în  du  second  manuscrit,  on  lit  :  (Cr 

(!)  iN«  9009  et  0010. 


DDO    

fine  le  liore  (\vlï  traite  îres  î>rot5  b'armeô  e^cript  por 
mog  3aa]uemart  pUttoatue.  Aubert  le  iMire,  qui  fut 
bibliothécaire  des  archiducs  Albert  et  Isabelle,  a  consigné 
à  la  fin  du  volume,  que  le  cardinal  infaut  Ferdinand 
d'Autriche  eut  ce  livre  en  mains  le  12  décembre  1059. 
Les  derniers  feuillets  du  manuscrit  contiennent  la  copie 
de  lettres  patentes  de  1506,  qui  ne  doivent  pas  nous  occu- 
per ici,  et  qui  forment  dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque 
le  n"  9011. 

De  même  que  le  volume  qui  renferme  les  Histoires  Mar- 
tiniennesM  volume,  où  sont  transcripts  Y  Arbre  des  batailles 
et  les  Faits  d'armes  de  chevalerie,  ont  conservé  la  preuve 
de  leur  origine,  car  on  lit  aussi  sur  un  des  derniers  feuillets 
le  nom  de  Charles  de  Croy,  prince  de  Chimai,  et  les  enca- 
drements des  miniatures  attestent  également  par  les  écus- 
sons  et  la  devise  Moij  seul,  qui  y  est  souvent  repétée,  que 
le  volume  a  été  exécuté  par  Jacques  Pilavaine  pour  cet 
illustre  seigneur  ou  pour  son  père,  qui  avait  épousé  une 
comtesse  de  Meurs.  C'est  du  reste  ce  qu'une  personne  plus 
versée  dans  Tari  héraldique  pourra  établir  d'après  les 
armoiries. 

Pendant  que  ces  feuilles  s'imprimaient,  notre  ami  M.  Léon 
Paulet  faisait  insérer  dans  la  Picardie,  revue  qui  se  publie  à 
Amiens,  un  excellent  article  intitulé  :  Jacmart  Pilavaine, 
miniaturiste  du  XV^  siècle.  Cet  article  a  été  tiré  à  part, 
sous  forme  d'une  brochure  in-8°,  de  53  pages  (Bruxelles, 
Decq,  1838).  M.  Paulet  y  décrit  au  long  les  miniatures 
qui  ornent  le  premier  manuscrit  dont  nous  parlons  ici  :  il 
n'a  pas  eu  connaissance  des  deux  autres. 

De  LoRiMiER  (Corneille).  —  Manuscrit  de  l'église  de 
Saint-Hermès,  a  Renaix.  —  Au  §  13,  nous  avons  fait  la 
description  d'un  volume  écrit  en  1314,  par  Corneille  de 
Lorimier,  et  que  nous  avous  attribué,  en  l'absence  de  toute 


—  556  — 

autre  indication,  à  quelque  église  collégiale  ou  prévôté  du 
pays  de  Liège.  Nous  avons  depuis  reçu  de  M""  E.  Joly,  à 
Renaix,  quelques  observations  à  ce  sujet.  Il  nous  propose, 
et  nous  sommes  entièrement  de  son  avis,  de  reconnaître 
dans  ce  manuscrit  une  autre  origine.  Eu  effet,  deux  des 
noms  qui  se  lisent  dans  les  miniatures,  se  retrouvent  dans 
la  liste  des  chanoines  de  la  collégiale  de  Saint-Hermès,  à 
Renaix;  ce  sont  ceux  de  Jacques  Kickenpois,  mort  vers  1 567, 
et  de  George  de  Rodere,  mort  en  1561.  Il  faut  encore  dire 
qu'en  1535  vivait  un  chanoine  appelé  en  latin  Paul  de  Val- 
le,  ou  Van  den  Daele,  qui  mourut  en  1557,  et  qu'un  certain 
Melchior  le  Lorimier,  chanoine  de  la  cathédrale  de  Cambrai, 
fut  nommé  doyen  à  Renaix,  en  1523,  et  décéda  en  1534. 
C'est  probablement  un  frère  ou  un  parent  de  ce  dernier 
qui  a  exécuté  le  manuscrit. 

Dans  les  registres  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Ar- 
chives du  royaume,  n°  21918,  f"  xlv  v°;  n»  21919,  f"  Ixv  r° 
et  f"  Ixxv  v°;  et  n"  21921,  f"  xxxv  V,  il  est  question  d'un 
personnage  du  nom  de  Corneille  de  Lorimier,  le  Lormier 
ou  le  Lorimier,  «  demeurant  à  Renaix,  »  qui  figure  comme 
«  promoteur  député  au  faict  de  l'inquisition  au  pays  de 
»  Flandres,  »  depuis  le  commencement  de  Tannée  1551  et 
jusqu'à  la  fin  de  janvier  1554,  en  compagnie  du  terrible 
Pierre  Titelmans,  doyen  de  Renaix,  inquisiteur  commis  par 
Charles-Quint.  L'année  1554  est  probablement  celle  de  sa 
mort,  car  son  nom  est  alors  remplacé  par  celui  d'un  certain 
Nicolas  de  Hondt,  qui  occupa  la  même  charge  de  promo- 
teur du  saint  office.  Nous  ne  craignons  pas  d'avancer  que 
c'est  là  notre  calligraphe. 

De  Roovere  (Jérôme),  —  scribe  et  enlumineur,  est 
qualifié  de  clerc.  Au  mois  de  mai  1539,  Philippe  de  Croy, 
duc  d'Arschot,  lui  fait  payer  11  livres  3  sous  «  pour  avoir 
»  escript  et  copié  aulcunes  escriptures.  »  Il  reçoit  encore 


357  — 


(le  ce  seigneur  8  livres,  en  1341,  «  pour  avoir  copié  ung 
»  grant  dénombrement  que  feu  monseigneur  de  Chimay  a 
»  baillé  de  sa  terre  de  Lillers  »  (i). 

Nous  rappellerons  que  nous  avons  mentionné  au  |  3, 
un  enlumineur  du  nom  de  Jean  de  Uoovcre,  qui  vivait 
encore  en  1527. 


S  53.  Inventaire  de  tableaux,  sculptures,  orfèvre- 

ries,  etc. 

Sommaire  :  Inventaire  des  tableaux,  manuscrits  et  objets  d'art  divers  du 
château  de  Belœil,  en  1359,  appartenant  à  Philippe,  comte  de  Ligne  et 
de  Fauquembergue,  baron  de  Wassenaer,  etc. 

Les  Archives  judiciaires,  à  Mons,  possèdent  un  petit 
registre  in-4°,  de  28  feuillets,  intitulé  :  «  Inventoire  de  tous 
»  et  quelconcques  les  biens  meubles  trouvez  ou  chasleau 
»  et  fortresse  de  Bailœl,  faict  à  l'ordonnance  de  mes- 
»  sieurs  les  hommes  féodaulx  de  la  noble  et  souveraine 
»  court,  à  Mons,  suivant  la  requeste  présentée  par  noble 
»  et  puissant  seigneur  messire  Philippes,  comte  de  Ligne 
»  et  de  Faulckemberghe,  chevalier  de  l'ordre  du  roy,  nos- 
»  tre  sire,  affin  de  povoir  entrer  oudict  chasteau  sans  pré- 
»  judice  aux  debtes  de  son  feu  père,  etc.  »  Cet  inventaire 
fut  commencé  le  17  et  terminé  le  20  août  1oo9,  par  An- 
toine Hallot,  lieutenant  prévôt  de  Mons,  et  Quentin  du 
Prêt.  Nous  en  avons  extrait  la  liste  des  tableaux  qui  exis- 
taient au  château  de  Belœil  à  cette  époque,  et  parmi  toutes 
les  autres  curiosités  nous  avons  fait  un  choix  des  pièces 
qui  nous  ont  paru  avoir  quelque  intérêt.  L'inventaire  men- 

(1)  Extraits  d'un  registre  intitulé  :  Parties  desboursées  par  Gaultier  de 
Lyere,  pour  les  extraordinaires  de  monseigneur  le  duc  d'Arscliot,  depuis  le 
premier  jour  de  novembre  1537,  aux  Archives  judiciaires,  à  Mons. 


—  558  — 

lionne  aussi  quelques  tapisseries,  qui  trouveront  leur  place 
ailleurs;  le  sceau  d'argent  de  la  dame  de  Wassenaer,  brisé; 
quatre  cartes  géographiques,  sur  toile,  celles  de  Frise,  de 
Brabant,  de  Gueldre,  de  Hollande,  et  «  le  gardinat  du 
»  Hainaut  »,  c'est-à-dire  le  jardin  ou  tableau  sous  forme 
d'enclos  des  armoiries  des  villes,  abbayes,  pairies,  etc., 
du  comté.  Quant  aux  livres,  voici  comment  sont  décrits 
ceux  que  le  document  renseigne  : 

'  «  Ung  grand  livre  couvert  de  velour  noir,  les  boucles  de  cuivre  dorées, 
armoyé  des  armes  de  Bourgoigne  et  d'Angleterre,  appelle!  le  Livre  des  Anges. 

Deux  heulres,  de  parchemin,  couvertes  de  velour,  les  ymaiges  ouvrez  d'or. 

Ung  missel  couvert  de  velour,  flguré  avecq  les  doux  et  bouclez  d'argent 
doré,  estant  en  une  custode.  » 

Pour  s'expliquer  la  présence  de  certains  portraits  dans 
la  collection  du  château  de  Belœil,  nous  dirons  que  ce 
Philippe,  à  la  demande  duquel  l'inventaire  fut  dressé,  était 
comte  de  Ligne  et  de  Fauquembergue,  baron  de  Wasse- 
naer, de  Belœil,  de  Ville,  etc.,  et  qu'il  avait  épousé  Mar- 
guerite de  Lalaing,  fille  de  Philippe,  comte  de  Hoogstraeten. 
Il  mourut  en  1583  et  fut  enterré  à  Belœil.  Ce  seigneur 
était  fils  de  Jacques,  lequel  eut  deux  femmes  :  Marie, 
héritière  de  Wassenaer,  morte  en  1344,  et  Jeanne  de  Hale- 
wyn,  décédée  le  27  décembre  1557. 

Tableaux  et  Sculptures. 

«  Ung  tableau  de  Téfigie  feu  Anlhoine,  Ung  aullre  de  sainct  Christofflc. 

seigneur  de  Ligne.  Ung  aultre  de  Nostre-Damme. 

Ung  tableau  de  la  Lucrèsc.  Ung  aultre  de  sainct  Bernard. 

Ung  aullre  de  la  généalogie  dos  ducz  L'cfigic  madanirae  de  Savoye. 

deBourgoigne  jusques  à  Tempcreur  Ung  tableau  d'albadc  du  Jugement  de 

Charles  V^.  Paris. 

Un  aultre  tableau  de  la  Lucrèse.  Ung  aultre  tableau  d'albadc  de  Nostre- 
La  Décolation  sainct  Jehan  ou  de  Nos-         Damnie. 

Ire-Seigneur.  Ung  auUrc  tableau  de  l'éfigie  de  qucl- 
l'iig  tableau  de  saint  Anlhoine.  ijuc  marchanl. 


359  — 


Ung  lablcnu  de  réfigic  madamme  la     L'cfigie  madamme  d'Egmonl. 


grande. 


L'efligie  du  duc  Jan. 

L'effigie  du  ducq  de  Bavière. 

Ung  petit  tableau  de  l'éfigie  du  roy 

Loys  de  Hongrie. 
Ung  petit  tableau  à  deux  foeillez. 
Ung  tableau  de  la  représentation  de     Ung  aultre  de  saincte  Katherine. 


L'éfigie  mademoiselle  des  Fossez. 
L'éfigie  du  comte  de   Ligne  estant  cii 

eage  de  cliincq  ans,  qui  est  cesliiy 

de  présent. 
Ung   tableau   de    Nostre-Damme,    île 

broudure. 


la  Vierge  Marie  à  deux  foellez. 
Ung  tableau  de  sainct  Jhérosme. 
L'éfigie  de  la  Magdelaine. 
L'éfigie  de  la  reyne  de  Hongrie. 
L'éfigie  feu  monseigneur  de  Hocstrate. 


Ung   tableau  d'un  enflant  mangeant 

papin. 
Ung  tableau  de  Nostre-Damme. 
L'éfigie  du  seigneur  de  Houl'alize. 
L'éfigie  d'un  vieu  seigneur  d'Aigmond 

avecq  madamme  sa  femme. 
L'éfigie  don  Loys  de  Villa. 
Item  le  seigneur  de  Lumen. 


L'éfigie  mademoiselle  la  sénesclial  de 

Tournay. 
L'éfigie  madamme  de  Bailloel. 
Une  aultre  éfigie  d'une  damme  avecq     L'éfigie  du  seigneur  la  Chau. 

le  pluma  blan. 
L'éfigie  du  prince  de  Saulmona. 
Idem  madamme  de  Lumen. 
L'éfigie  du  seigneur  de  Wassenaire. 
Une  éfigie  ayant  robbe  noir  rickamée 

d'or. 


L'éfigie  madamme  de  Wassenaire. 
Ung  grand  tableau  de  Nostre-Dame. 
L'éfigie  de  l'empereur. 
L'éfigie  d'un  vieu  seigneur  de  Wasse- 
naire. 
L'éfigie  de  la  vièze  damme  de  Wasse- 


Ung  tableau  de  Nostre-Damme. 
Ung  tableau  de  la  Lucrèse. 
Ung  tableau  de  quelque  damme. 
Ung  grand  tableau   de  Jugement  de 

Paris. 
Ung  tableau  d'ivoire  où  y  a  la  Passion 

Nostre-Seigneur. 
Ung  sainct  Franchois  d'albade. 
La  Mort  en  yvoire,  avecq  une  kainelle 

de  cuivre. 
Une   Nostre-Damme  de   bois    painte 

d'or  et  d'azuré.  » 


naire. 


Orfèvreries,  Bijoux,  Médailles,  etc. 


«  Ungtableaud'or  de  la  Nativité,  avecq     Ung  petit  rond  tableau  d'or  avec  une 
des  rubis,  perles  et  ung  dyamanl  à         roze  ou  mitant. 


crochet. 
Ungpety  tableau  d'or  de  sainct  Michiel 

avecq  rubis  et  dyamand. 
Ung  aultre  pety  tableau  d'or  esmaillié 

de  rouge. 


Ung  aultre  pety  tableau  d'or  avecq  la 
leste  sainct  Jan. 

Six  rons  tableaux  d'argent  doret,  si- 
comme  l'un  de  la  Décolation  de 
sainct  Jehan,  avecq  pliriseurs  perles 


—  560  — 

et  piéries;  le  ij"^  de  Nostre-Damme;  Une  médaille  de  fin  or  d'une  dammc 

ung  aultre  aussi  de  Nostre-Damme  ayant  ung  lion  en  son  giron, 

ayant  son  enfifant;  le  iiije  aussi  de  Une  grande  couppe  dorée,  avecq  l'arbe 

sainct  Jehan  ayant  une  ameralle;  le  de  Jessé,  et  la  couvercle  de  meisme, 

v«  pareillement  Nostre-Damme;  et  que  l'on  dist  venir  du  roy  de  Dine- 

le  vje  le  chief  saincte  Catherine.  marcque;  avecq  la  custode  y  ser- 

Item  sainct  Adrien  d'argent  doré.  vante. 

Ung  tableau  avecq  deux  cloans  d'ar-  Une  couppe  dorée,  esmaillié,  avecq  les 

gent  doré,  ouquel  y  a  l'Anonciation  déesses  Vénus,   Juno,  Pallas  et  les 

Nostre-Damme,  de  cockil  de  perle.  chiefz    de    l'empereur   et  aultres, 

Une  médaille  d'or  de  l'empereur  Con-  avecq  la  custode. 

stantin.  Une  couppe  dorée,  au-dessus  Lucresse, 

Quattre  pièces  de  coral  de  l'arbre  de  avecq  la  custode. 

Jessé,    les    personnaiges    d'argent  Une  couppette  dorée,  au-dessus  y  a 

doré.  ung  fol  avecq  la  custode. 

Trente  getz  d'argent  des    armes  de  Une  couppe  dorée,  esmaillée  de  vert 

Bourgoine  et  Angleterre.  et  rouge,  au-dessus  y  a  Cupido;  en 

Le  pied  de  l'arbe  de  Jessé  d'argent  une  custode. 

dore,  la  branche    de  coral   rouge,  Une  couppe  dorée,  gravée  sur  icelle 

avecq  pluisieurs  personnaiges  d'ar-  le  Jugement  de  Salomon;  avecq  la 

gent  doré.  custode.  » 

Avec  si  peu  d'indications  utiles,  il  serait  sans  aucun 
doute  très-difficile  de  reconnaître  les  objets  d'art  men- 
tionnés plus  haut  s'ils  existent  encore;  mais  en  publiant 
dans  notre  recueil  des  inventaires  de  ce  genre,  nous  n'avons 
eu  pour  but  que  de  donner  une  idée  de  l'importance  de 
certaines  collections  et  de  rameublement  des  hôtels  et  châ- 
teaux de  nos  grands  seigneurs  des  temps  passés. 

Alexandre  Pinchart, 


—  561 


Cl)rattt(|îte  hc$  ôcicuccs  et  hcs  :2lrt5,  et  iHomtési. 


PÉIEBINAGES,    ESCONDITS    ET    VOYAGES    EN    BELGIQUE,    E«    HoLLi^DE    ET    SUR    LES 

BORDS  DU  Rhin,  imposés  par  les  échevins  de  Lille  et  de  Béthune  aux  banms  et 
AUTRES  REPRIS  DE  JUSTICE,  ETC.  (XIV«,  XV^  ct  XVI«  sièclcs).  —  Bien  que  nous 
ayons  déjà  parlé  ailleurs  (1)  des  pèlerinages,  imposés  par  l'échevinage  de 
Lille  aux  coupables  condamnés,  soit  au  bannissement,  soit  à  des  amendes, 
nous  avons  pensé  que  les  documents  qui  suivent  pourraient  encore  intéresser 
les  nombreux  lecteurs  du  Messager  des  Sciences  historiques  de  Belgique,  puis- 
qu'ils mentionnent  les  sanctuaires  les  plus  vénérés  des  Pays-Bas. 

En  1366,  parmi  les  pèlerins  que  les  échevins  envoient  en  divers  lieux, 
pour  cause  d'amende,  «  fête  au  cappite  de  Sainl-Piere  de  Lille,  pour  certain 
fet  touchant  le  ville,  »  nous  remarquons  ceux  qui  se  rendent  à  Saint-Liénart 
(Léonard),  de  là  Bruges,  et  à  St-Lambert  dou  Liège.  Au  premier,  ils  allouent 
XLVIII  gros,  val.  XXVIII  s.,  pour  III  joui-s,  à  queval,  à  raison  de  XVI  gros 
par  jour;  au  second,  VI  s.  de  gros,  val.  XLII  s.,  pour  IX  jours,  à  piet,  à 
raison  de  VIII  s.  gros  par  jour. 

C'était,  d'ordinaire,  à  Haspre  et  à  Renaix  que  les  échevins  envoyaient  en 
pèlerinage  les  fous  furieux. 

En  1390,  Jehan  Casenne  reçoit,  pour  Dieu  et  en  aumosne,  XXIIII  s.  fors, 
pour  I  poure  vallet  dervé  (2),  nommé  Ilalet,  de  Lomme,  faire  mener  à  Haspre, 
à  Saint-Akare. 

Quelques  années  après  (1396),  XXX  s.  étaient  accordés  aux  sergens  du 
prévôt  qui,  par  ordre  des  échevins,  avaient  expulsé  de  la  ville  un  fol  dervé. 
En  1421,  on  expulse  encore  de  la  cité  ung  homme  qui  estoit  hors  de  se  mé- 
moire, et  qui  faisoit  pluiseurs  excès. 

En   1456,  celui  qui  conduit  à  Haspes  et  à  Renaix  (3),  son  frère,  inscnsi- 


(1)  Arch.  du  Nord  de  la  France,  3^  série,  t.  IV,  pp.  306-309. 

(2)  Fou  (Voy.  Roquefort,  Gloss.,  t.  I,  p.  367). 

(3)  Saint-Hermes.  Hermès  y  était  particulièrement  invoqué  pour  ces  infor- 
tunés. 

31 


—  5G-2  — 

ble  (1),  à  intcncion  de  alégier  et  eslre  garis  Je  sa  maladie,  reçoit  du  magistral 
XL  s.  En  14.88,  outre  les  X  s.  qui  sont  accordés  à  ung  poure  homme,  que  les 
échevins  avoyent  fait  mener  à  Saint-Hermez,  pour  ce  qu'il  estoil  furieux, 
lequel  esloit  retourné  en  santé,  ils  font  compter  illl  1.  XVI  s.  à  Micquiel  Bar- 
bry  et  à  Guillemot  Le  Hardy,  pour  leurs  sallerres  de  l'avoir  mené  à  Renaix, 
faire  son  offrande  à  monseigneur  Saint-Hermez,  où  il  a  esté  IX  jours,  en  ce 
comprins  aucuns  drois  payez  à  l'église,  tant  pour  le  chambre  où  il  fut  tnis  et 
gardé,  comme  pour  chire  et  le  sallerre  des  femmes  qui  le  baignèrent. 

En  1493,  les  deux  hommes  qui  conduisent  à  Saint-Hues  et  à  Saint-Akare 
«ng  josne  homme  hors  de  se  mémoire,  reçoivent  XXIIII  s. 

Le  passage  suivant,  que  nous  empruntons  au  MS.  N»  H  de  la  Bibliothèque 
de  Lille,  nous  donne  une  idée  des  avanies  qu'au  X1V<^  siècle  on  faisait  subir, 
en  Italie,  à  ces  infortunés.  Il  s'agit  d'un  ermite  qui  contrefaisait  le  fou.  Nous 
y  lisons  :  «  En  toutes  les  villes  où  il  venoif,  il  fesoit  le  fol,  si  que  l'en  li  getoit 
>>  la  boe  et  les  chavates  à  la  teste;  et,  quant  il  entra  à  Rome,  si  le  commen- 
»  ehièrent  le  peuple  à  huer,  et  li  gctoient  la  boe  et  l'ordure,  et  crioient  après  : 
>•  le  vesci  le  fol  !  et  li  enfant  le  huoient  et  poingnoient.  « 

C'était  surtout  à  Cologne  que  les  échevins  de  Lille  envoyaient  ceux  qu'ils 
condamnaient  à  des  amendes.  Ainsi,  en  1480,  un  individu,  qui  avait  injurié 
une  femme  dans  la  boucherie,  paie  XL  s.  pour  s'exempter  d'un  voiaige  des 
trois  Roix,  à  Coulongne. 

En  1321,  George  Cornette,  Bauduin  Laigniel  et  Adrien  Pretot,  qui  avaient 
favorisé  l'évasion  de  l'assassin  du  messager  de  la  ville,  réfugié  aux  Corde- 
liers  (2),  et  qui  lui  avaient  procuré  chevaux  et  épée,  sont  congiez  de  la  ville, 
sur  chescun  ung  pèlerinage  :  assavoir  ledict  George  à  Marie  Magdelaine  des 
desers  (3),  au  rachat  de  six  vcrghes  de  cauchie;  ledict  Bauduin,  à  Trois  Rojjs, 
à  Coullongne,  à  rachat  de  deux  verghes  de  cauchie,  et  ledict  Adrien,  à  Ayx, 
au  rachat  de  deux  verghes  de  cauchie,  le  tout  à  employer  au  marchié  au 
poisson. 


(1)  Roquefort  dit  insensif.  (Ibid  ,  t.  II,  p.   12). 

(2)  En  1526,  un  assassin  est  enferré,  par  ordre  des  échevins,  dans  le  clo- 
cher de  l'église  Saint-Sauveur,  où  il  s'était  réfugié.  On  envoie,  à  Tournai, 
vers  les  procureurs  de  la  cour  spirituelle,  affîn  de  pooir  le  distraire  de  cette 
église. 

(3)  Cette  même  année,  un  brasseur,  condamné  à  faire  le  même  voyage, 
pour  avoir  osté  ung  sacq  de  grain  molu  hors  de  la  masquicre  (voy.  Roquefort, 
suppl.,  p.  212,  aux  mois  masquiers  ghiloires),  après  qu'il  avoit  esté  mis  et 
mesluré  par  les  esgards,  paie  à  la  ville,  pour  s'en  escompter,  le  coust  de  six 
verghes  de  cauchie  de  cailleaux  de  grans  doubles. 


—  ôGô  — 

Les  trois  avocals,  consultés  dans  cette  grave  circonstance,  et  qui  reçurent 
XL  s.  chacun,  appartenaient  aux  premières  familles  de  nos  provinces  du 
Nord  :  c'étaient  MM«s  Jehan  de  Bernicourl  (1),  Florent  du  Mont  Saint-Eloy  et 
Robert  Couronnel. 

En  1523,  celui  qui  a  averti  un  prévenu,  que  la  justice  était  sur  ses  traces, 
fera  le  voyage  aux  Trois  Rois  de  Cologne,  ou  fournira  deux  milliers  de  briques, 
estimés  VI  i.  Même  sentence  (1524)  contre  un  ouvrier  parmenlier  qui,  au 
cabaret,  avait,  sans  cause  ni  occasion, /urc /es  LV  playes  Nostre  Seigneur, 
par  diverses  fois,  et  juré  et  blasphémé  le  nom  de  Dieu  (2). 

En  1551,  les  échevins  de  Béthune  en  condamnent  un  autre  à  tenir  prison 
et  à  une  amende  de  X  s.,  pour  avoir  juré  la  vertu  de  Dieu. 

En  1480,  des  brasseurs,  obligés,  qui,  à  un  voyage  à  Notre-Dame  de  Gra- 
vesande  (3),  en  Hollande  (4);  qui,  à  un  voiaige  et  pélerinaige  à  Nostre-Damc 
du  Bos,  livrent  chacun,  pour  s'en  exempter,  un  millier  de  briques  de  XL  s., 
destiné  aux  fortifications  de  Lille. 

A  ceux  qui  avaient  encouru  des  amendes  plus  fortes,  on  imposait  le  péle- 

(1)  Bernemicourt  (voy.  notre  Artillerie  de  la  ville  de  Lille,  p.  43,  note  1). 
—  Par  une  lettre  du  21  janvier  1507  (v.  s.),  Maximilien  déclare  que  Phle  de 
Bernemicourt,  Robert  de  Nedonchel,  Jehan  Desplancques,  Jehan  de  Wigna- 
court,  Christophe  Bynet  et  Francliois  du  Ploich,  tous  gentilzhommes,  nom- 
més eschevins  de  Béthune,  sont,  néanmoins,  maintenus  en  leurs  droits  et 
preveléges  de  noblesse,  sans  qu'on  puisse,  à  l'avenir,  leur  objecter  celle 
nomination. 

(2)  En  1529,  on  dit  qu'un  individu  a  juré  pluiseurs  grans  sermens  sur 
Dieu,  nostre  créateur,  et,  entre  aultres,  la  saincte  sueur  d'icelluy. 

(3)  Ailleurs  :  Segravesande. 

(4)  1444.  On  parle  d'aucunes  entreprinses  que  ceulx  de  Dieppe  et  les  Hol- 
landois  commencent  faire  les  ungz  alencontre  des  aultres.  —  1450.  A  maistre 
Anthoine  Ilaneron  (yoy.  nos  Artistes,  p.  220  et  le  Messager  des  Sciences  ci- 
dessus,  p.  22G),  IIIIxxXVl  frans,  du  pris  de  XXXII  gros,  raonn.  de  Flandre, 
chascun  franc,  pour  certain  volage  par  lui  fait,  du  commandement  de  MDS., 
en  la  ville  de  Rouan,  où  estoient  aussi  envoiez,  de  par  ycelui  S.,  le  S"-  d'Auxy, 
chevalier,  son  conseillier  et  maistre  de  rcquestes  de  son  hostel,  pour  pour- 
suir  la  réparacion  de  pluiseurs  dommages  fais  par  les  gens  de  guerre  de  la 
ville  de  Dieppe,  sur  aucuns  subgets  de  MDS.,  de  ses  pays  de  Hollande  et 
Zeellende.  —  En  1433,  Jehan,  bastard  de  Roisin,  escuier,  pannelier  de  MS., 
se  rendoit,  par  son  ordre,  vers  le  roi  d'Arragon,  pour  le  fait  de  certain  bale- 
nier,  appartenant  à  MDS..  qui  avoit  esté  destroussez  par  ceulx  de  la  ville  de 
Barsselonne.  —  En  1399,  une  nef  de  haijnne ,  portant  entre  XL  et  XLV  muit 
de  blet,  est  vendue  à  Valenciennes  LXXl  florins  d'or,  nommés  couronnes 
dou  roy. 


—  364  — 

rinage  au  saint  Sang  de  Wilscnacq  (1).  Ainsi,  en  1481,  pour  le  radial  de  ce 
voyage  on  exige,  tantôt  douze  milliers  de  briques,  estimés  XXIIII  I.;  tantôt 
dix  milliers,  payés  XX  1. 

En  1521,  le  brasseur  qui  a  appelé  les  esgards  pour  mettre  grain  en  mas- 
quibre,  sans  avoir  ses  eauwes  chaudes,  ou  qui  le  met  en  leur  absence,  doit 
faire  le  voyage  de  Wissenaecq,  ou  fournir  trois  verges  de  eauchie  pour  le 
marclû'  au  poisson. 

Pour  un  voyage  à  Bos-le-Duc,  on  fournil  une  verge  de  eauchie  (1521),  ou 
un  millier  de  briques,  aussi  bien  que  pour  celui  de  Noslre-Dame  de  Haulx,  et 
celui  de  Saint-Gommart  (sans  doute  Saint-Goar),  a  Liere. 

Collin  de  Boullongne  et  Als  Chouette  étaient  condamnés  à  faire  un  voyage 
à  Haulx  et  ung  escondit,  pour  avoir  de  nuyt  et  hors  heure,  busquié  contre  les 
huys  et  fenestres  de  Jehenne  Petit,  vesve  de  Arnoul,  fournier,  et  bouté  oullre, 
de  ung  esclan  (2)  une  fenestre  :  meismes  déclaré,  sur  ce  qu'il  portail  ledict 
esclan,  qu'il  estait  Dieu  et  portoit  le  bois. 

Cinq  ans  après  (1529),  un  individu  est  banni,  après  avoir  été  mis  au  pi- 
lori (3)  avec  ung  escript  contenant  ses  blasphèmes,  pour  avoir  injurié  plu- 
sieurs hommes  mariez,  les  appellant  wihos  (4),  et  avoir  juré  pluseurs  grans 
sermens  sur  Dieu,  nostre  créateur;  meismes  renonchié  ycelluy  S.  Dieu, 
invocant  le  Dieu  (sic),  disant  qu'il  avoit  plus  grande  compaignie  que  Dieu. 

En  1561,  quatre  jeunes  débauchés  lillois  attaquent  et  blessent  grièvement 
un  joueur  d'orgues  et  son  souffleur,  mettent  en  pièces  l'instrument  et  jettent 
dans  un  puits  l'un  des  soufflets.  Appelés  aussitôt  en  justice,  ils  se  voyent 
condamnés  à  faire  chascun  ung  voiaige  à  Nostre-Dame  de  Haulx,  et  de  ce 
rapporter  léal  ensaingnement,  ung  mois  après  leurs  délivrances,  et  à  payer 
chascun  douze  livres  pour  le  cas  préveliegez,  faisant  XLVIII  1.,  quy  est  pour 
la  moictié  de  la  ville  allencontre  du  roy,  nostre  sire,  XXHII  1. 


(1)  Var.  Willesenach,  Wilsenach,  Willenach. 

(2)  Traîneau.  (Roqdefort,  ibid.,  t.  I,  p.  501). 

(3)  1531.  On  établit  (à  Bétliune)  ting  cept,  pour  y  niecfre  les  yvrognes  scan- 
daleux, les  blasphémateurs  du  nom  de  Dieu,  brimbeurs  et  gens  vacabondz, 
aussy  les  eoppe  bourses  et  larons,  pour  les  monstrer  au  poeuple,  pour  de  eulx 
avoir  congnoissance,  et,  plus  facillement,  instruire  leur  procès  ;  dont  mons.  le 
lieutenant  portera  la  clef. 

(4)  Voy.  notre  Cité  picarde,  p.  125.  —  Le  bénoit  saint  Gengoulfe  se  doub- 
loit  aulcunement  que  sa  femme  ne  le  wihoslast.  (MS.  n»  16  de  la  Bibl.  de 
Lille,  XV<=  siècle).  Parmi  les  injures  que  les  femmes  du  peuple  (de  Bélhune) 
s'adressaient  à  cette  époque,  nous  remarquons  celles-ci  :  curatière,  vesteresse 
de  crapaux,  frigale,  faide,  baude,  G.  vineuse  :  parmi  icelles  qu'elles  adres- 
saient aux  hommes  :  sire  coup  gaihan,  coquin  avolez,  haidel,  cocgnon  — 
vous  lenés  le  plus  mauvais  hoslel  quy  soil  entre  Bruges  et  liâmes. 


—  5G5  — 

Notre-Dame  de  Halle  (1)  était  depuis  longtemps,  il  est  vrai,  un  des  sanc- 
tuaires les  plus  vénérés  de  la  Mère  de  Dieu.  En  IHO,  Philippe-le-Bon  y 
avait  fait  acheter,  moyennant  Xllll  1.  VIII  s.  (non  compris  la  façon,  qui 
coûta  XV  s.),  six  enseignes  d'or  à  l'imaige  Nostre-Datne.  Vingt  ans  aupara- 
vant, s'y  étant  rendu  en  pèlerinage  avec  la  duchesse,  il  avait  fait  dislriliuer 
à  ses  gens  plusieurs  enseignes  de  Nostre-Dame,  qui  coûtèrent  XII  s.  En  145fi, 
douze  enseignes  d'argent,  les  Vf  dorées  et  les  autres  blanches,  de  Nostre-Dame 
de  Hal,  sont  payées  XL  s. 

Le  pénultiesme  jour  de  mars  1547  (v.  s.),  les  échevins  de  Béthune  com- 
muaient la  peine  d'un  an  de  bannissement  en  celle  d'un  voyage  à  N.  D.  de 
Haulx,  en  l'honneur  et  révérence  de  la  mort  et  Passion  de  Nostre-Seigneur 
Jésus-Crist,  considéré  aussi  la  poureté,  anchienneté  et  impotence  des  père 
et  mère  du  coupable. 

Le  pèlerinage  de  N.  D.  d'Anlenbourg  était  aussi  trés-fréquenté.  Ainsi, 
en  14-23,  Fhilippe-Le-Bon  fait  acheter,  au  prix  de  XX  s.,  chandeilles,  en- 
seignes ou  affiches  pour  les  gentilzhorames  qui  devaient,  en  sa  compagnie, 
aller  en  pèlerinage  à  N.  D.  d'Ardembourg. 

En  1524,  les  échevins  de  Lille  condamnent  un  de  leurs  justiciables  à  faire 
ung  voiage  à  Nostre-Dame  d'Ardenbourg.  A  Nostre-Dame  de  Grâce,  lès 
Bruxelles  (2),  MS.  de  Charolois  fait  offrir  (1456,  fév.,  v.  s.;  des  cierges,  et, 
à  trois  reprises  différentes,  dépense  Mil  s.  pour  ijmages  (5). 

Le  comte  de  Charolois  avait,  il  est  vrai,  une  dévotion  toute  particulière 
pour  Noire-Dame  de  Grâce  (4),  puisque,  en  1457,  Jorys  Huguez  (3),  orfèvre 

(1)  Voy.  les  Délices  des  Pays-Bas. 

(2)  1440.  La  Confrarye  du  livre  à  Brouxelles. 

(3)  Celles  achetées  à  Nivelle,  où  le  prince  s'était  rendu  avec  le  Dauphin 
(depuis  Louis  XI),  coûtent  11  s. 

(4)  Le  27  janvier  1313,  Marguerite  d'Autriche  ordonne  de  payer  CL  1.,  de 
XL  gros  la  livre,  à  Claes  Romboulte,  verrier,  à  Bruxelles,  pour  une  verrière 
faite  dans  l'église  de  Nostre-Dame  du  Sablon,  à  Bruxelles. 

(3)  Voici  deux  documents  qui  nous  paraissent  importants  pour  l'hisloire 
commerciale  de  Bruges.  —  1414.  Le  comptable  dit  que  le  doyen  de  Saint- 
Donat,  de  Bruges,  a  fait  assambler  dans  son  hôtel  les  nacions  des  Vénissiens, 
des  Castillans,  des  Genevois,  des  Plaisantins,  des  Alemans  et  autircs  estons  en 
ladicle  ville.  —  1460  (n.  s.).  M»^  Gomlsalvc,  consciUier  et  phiscien  (')  de  MS.  le 
due,  se  rend  de  Bruxelles  à  Bruges,  pour  parler  et  savoir  du  fait  des  mar- 
chans  de  la  nation  d'Espaigne,  qu'ilz  s'esloient  renduz  fugitifz,  pour  ce  qu'ilz 
avoient  esté  faniez  du  péchié  d'éresie.  (Arch.  gèn.  du  Nord). 

(*)  On  lit  dans  une  lettre,  datée  de  Dole  (2  août  1S23)  :  Au  surplus,  pour  ce  que  le 
bailly  de  Dole  est  fort  malade,  et  y  a  cinq  ou  six  jours  qu'il  a  les  médecins  riirc  luy, 
nu  lioH  (le  Poligny,  qui  sont  l'astrologue  et  le  pbre,  médecins  de  ce  heu. 


—  366  — 

bnigeois ,  lui  livrait  un  faucon  d'argent,  arnioyé  de  ses  armes,  dont  il  lui 
faisait  hommage  (1). 

Saint-Adrien,  de  Grantraont,  attirait  aussi  de  nombreux  pèlerins;  car, 
en  1437,  Piiilippe-le-Bon  fait  remettre  à  cette  église  LXXII  s.  pour  une  en- 
seigne d'argent  doré,  d'autres  enseignes  de  plonc  et  ung  chierge  de  cire. 

C'était  aussi  à  Saint-Adrien  (2)  que  Louis  XI,  arrivé  aux  derniers  jours 
d'une  vie  que  l'histoire  ne  pourra  jamais  trop  sévèrement  juger,  envoyait 
de  riches  offrandes,  puisque  les  échevins  lillois  faisaient  remettre  (1482)  ung 
francq  de  XXXII  s.  à  ung  poursieuvant  du  roy  qui,  nagaires,  estoit  arrivez  à 
Lille,  pour  aller  à  Gand  querre  ung  saulf  conduit,  pour  apporter  une  offrande 
de  certaine  grant  somme  de  deniers,  que  le  roy  voulloit  envoyer  à  mon- 
seigneur saint  Adrien. 

A  Béthune  (1575),  un  condamné  doit  faire  un  pèlerinage  à  Saint-Sauveur. 
Un  autre  (1576)  doit  être  mis  en  basse  prison,  au  pain  et  à  l'eauwe,  puis 
faire  un  pèlerinage  à  Nostre-Dame  de  Douai  (3). 

Les  échevins  condamnaient,  parfois,  les  coupables  à  faire  des  escondils 
dans  les  villes  voisines  (4),  car,  en  1485,  ceux  de  Lille  font  compter  XH  s. 
au  messager  de  Gand,  qui  amena  ung  homme  dudict  lieu  de  Gand,  faire  ung 
escondit  par  devers  eschevins. 


(1)  Aux  derniers  jours  de  sa  vie  (1467),  Philippe-le-Bon  faisait  offrir  IX"  I. 
de  cire  (ù  II II  s  VI  d.  la  liv.),  à  l'église  Saint-Esprit  de  Rue;  IX^^  1.  à  Nostre 
Dame  de  Lyesse ,  et  deux  cierges  de  pareil  poids,  l'un  à  Saint-Martin  de 
Tours,  et  l'autre  à  Saint-Hubert,  en  Ardenne.  Douze  ans  auparavant  (1455), 
se  trouvant  à  Vilry  Le-Croisié,  il  avait  fait  présentera  l'offrande  de  la  messe, 
qu'il  y  avait  entendue,  XXIIII  s.,  puis,  pareille  somme  à  celle  qu'il  avait  fait 
célébrer  à  Notre-Dame  de  l'Espine;  tandis  qu'il  faisait  déposer  LXXII  s. 
auprès  des  reliques  de  cette  dernière  église. 

(2)  Au  XV|e  siècle,  lorsqu'un  parent  était  gravement  malade,  on  avait 
l'usage,  à  Béthune,  d'envoyer  en  pèlerinage  à  Saint-Nazaire  (En  1496,  une 
poure  fille  à  marier,  adprésent  vexée  et  travaillée  de  la  maladie  Monseigneur 
saint  Nazaire,  reçoit  XX  s.),  à  Nostre-Dame  des  Cœurs  et  à  Saint-Adrien. 

(3)  A  Béthune  (1612),  Michel  Caudron,  de  Douai,  est  condampné  à  e.ilre 
fustigez  de  verges  par  les  enffans  d'escolle,  en  chambre  esriievinatle.  Ce  hon- 
teux supplice  se  renouvelait  souvent,  car,  en  1599,  Jeiian  Bernard,  natif  de 
Mons,  en  Haynault,  était  condamné  à  un  bannissement  de  cinq  ans,  afirès 
avoir  esté  fusiigié  de  verges  par  les  enffans  de  l'escolle  des  poures  —  A  Lille, 
certains  coupables  étaient  condamnés  à  porter  le  thonneau  autour  du  marcliie. 
Les  sergents  qui  les  conduisaient  (1566-1572)  recevaient  XXIIII  s. 

(4)  1459.  On  dit  qu'un  coupable  fut  pour  ses  démérites  pugny  de  congie- 
ment,  escandis  et  voyages. 


—  367  — 

Malheur  à  celui  qui,  durant  les  maladies  contagieuses,  si  l'réquenles,  hélas  1 
au  raoyen-àge,  contrevenait  aux  ordonnances  du  magistrat,  car  la  justice  se 
montrait  avec  raison  d'une  sévérité  extrême  à  son  égard. 

En  1480,  Cottin  Wulpart  et  Ogier  Dourliel,  ayant  négligé  de  mettre  estrain 
(paille)  à  leurs  maisons  (1),  pourtant  qu'un  individu  y  estoit  mort  de  maladie 
contagieuse,  se  voyaient  condamnés  à  faire  certain  voiaige  ou  pélierinaijje; 
lequel  voiaige,  ajoute  l'argentier,  ilz  ont  racheté,  comme  faire  povoicnt,  ches- 
cun  de  laig  millier  de  bricques. 

Les  ordonnances  ordonnaient,  eu  effet,  de  désigner  ainsi  les  maisons  des 
pestiférés,  puisque,  en  14-84.,  les  quatre  sergcns  reçoivent  VI  1.,  pour  plui- 
seurs  paines  et  labeurs  extraordinaires  par  eulx  faites  cesle  dicte  année,  tant 
en  avoir  esté  par  toutes  les  rues  de  la  ville  de  Lille,  par  pluiseurs  fois, 
enquérir  et  savoir  là  où  on  csloit  mort  de  malladie  contagieuse,  pour  y  faire 
metlre  estrain,  affîn  que  cheseun  en  fuist  adverty. 

Nous  voyons  ailleurs  qu'une  clochette  était  atlachée  (1383)  à  la  bierre  des 
pestiférés,  afin  d'avertir  les  passants,  et  qu'en  1397  l'orfèvre  Anlhoine  Des- 
camps faisait  payer  XIX  1.  X  s.  une  ehibolle  de  cuyvre  dorée,  livrée  aux  ca- 
puchins  s'estans  mis  en  infection. 

On  leur  fournissait  aussi  LVIII  lots  de  vin  de  Madère,  à  XXVI  patars  le  lot. 

En  1375,  Grard  de  Warlaincourt ,  tailleur  d'images,  faisait  payer  XX  1. 
ung  crucifix  par  luy  faict  et  taillié,  pour  mettre  au  riez  de  Canteleux,  au  lieu 
où  sont  les  Infectés  de  la  malladie  contagieuse  (2). 

Des  peines  sévères  étaient  aussi  réservées  aux  hypocrites  qui,  abusant  de 
la  crédulité  du  peuple,  s'attribuaient  le  droit  de  distribuer  des  indulgences, 
toujours  vendues  à  haut  prix,  comme  le  constate  le  châtiment  terrible  in- 
fligé à  maistre  Jehan  du  Crocq.  lequel,  dit  le  comptable  lillois,  fut  eschaf- 
faudé  (1430)  par  III  jours,  puis  banni  à  tous  jours,  pour  pluiseurs  cabuiste- 
ries  par  lui  faites,  en  abuzant  des  pardons  et  indulgences  de  Malines.  (A  son 
départ  on  lui  donne  XII  s.  en  aumosne). 

Cette  grave  affaire  fut,  au  reste,  longuement  discutée  ;  car  nous  voyons 
figurer  parmi  les  frais,  et  les  LXVIII  s.,  dépensés  par  les  échevins,  con- 
seilliers  et  serviteurs  de  la  ville,  quand  Jehan  Ducrocq,  cabuisleur,  fut  prins 

(1)  1319.  Une  bonne,  grosse  et  évidente  marque  d'esfrain.  Elle  devait  rester 
durant  XL  jours,  depuis  le  dernier  décès. 

(2j  1464.  Mal  d'épidume,  sy  comme  de  la  boche  en  laine.  —  On  lit  que  du 
temps  saint  Michiel,  pape,  une  grande  peslillcnce  régnoit  à  Romme,  telle 
que  de  la  boche  en  laine  le  peuple  soudainement  moroit,  pour  laquelle  chose 
saint  Grégore  institua  procession,  que  on  nomme  les  létanies  (MS.  n"  16  de 
la  Bibl.  de  Lille,  XV»  siècle). 


—  368  — 

et  examiné  par  eschevins  présens  ad  ce  maistrc  ISicole  Cotlin ,  le  prieur  des 
Jacoppins,  le  doyen  de  le  Xpienlé  et  autres,  sur  ce  qu'il  se  disoit  estre  se- 
crétaire des  pardons  de  Malines,  et  avoir  pluiseurs  auctorités,  pour  abuzer  le 
peuple. 

A  LXIX  s.  s'élevèrent,  en  outre,  les  frais  de  bouche,  faits  par  messieurs, 
après  ce  qu'ilz  eubrent  receu  e  la  ville  de  Malines,  de  MS.  l'évesque  de 
Salebry  et  autres  pénitanchiers,  lettres  responsoires  à  celles  de  crédence  à 
eux  portées  par  Jehan  Henneron. 

Longtemps  après  (1465),  le  magistrat  congioit  de  la  ville  un  mauvais  gar- 
nement, qui  se  mesloil  de  gtiisandrie,  et  lequel,  autresfois  s'estoit  en  ceste 
ville  mis  en  la  samblance  de  Dieu,  pour  miculx  atraire  pécune. 

Vers  cette  même  époque,  accuser,  sans  preuve,  une  femme  d'aller  au  sab- 
bat, faisait  encourir  la  peine  de  bannissement.  Ainsi,  en  1423,  les  échevins 
de  Bélhune  punissaient  de  cette  peine  un  maçon  qui,  en  pleine  rue,  avait  dit 
à  une  femme,  présent  son  mari,  qu'elle  estoit  fausse  chreslienne,  juize,  incré- 
dule; ajoutant  :  aies  faire  vos  assamblées  de  vos  j'uizans  es  bos,  que  vous  et 
les  diables  avez  auttres  fois  fait.  Pourquoy,  dit  la  sentence,  attendu  que 
ledicîe  femme  est  de  bonne  famé  et  renommée,  sans  quelque  reproche,  et 
que  lesdictes  paroUes  sont  calomnieuses,  et  que  icelles  ont  esté  dictes  à 
ledicte  femme  publicquement,  présent  sondict  mary,  qui  est  un  bon  preu- 
domme,  ledict  procureur  du  bailly,  ostant  que  ledict  est  zimouœux  et  de 
très-mervilleux  gouvernement,  (demande)  que  icelly  soit  pugnis  de  prison  , 
à  vostre  ordonnance,  et,  par  vous  banny  de  la  ville. 

La  même  peine  est  prononcée  contre  une  femme,  qui  avait  dit  :  vous  men- 

gastes  laignel  le  jours  du  blanc  joeudy  (le  jeudi-saint)  avec  pluiseurs  aultres  : 

à  partir  en  dedens  soleil  couchant. 

De  la  Fons-Mélicocq. 

RÉBELLION  DES  LiÉcEois.  —  En  ccl  an  mesme  (Î430),  durant  le  siège  de 
Compiègne  se  rebellèrent  Liégois  et  se  boutèrent  hors  plus  de  cent  mille, 
à  banière  desployée,  et  vinrent  destruire  le  pais  de  Hainau  et  de  Namur,  et 
abatirent  et  boutèrent  le  feu  dedens  le  ville  de  Poillevace,  où  estoit  en  gar- 
nison Monsr.  de  Senlis,  lequel  n'eut  point  conseil  de  eulx  atendre,  et  se 
party,  ancois  que  les  Liégois  y  venissent.  Monsr.  de  Croy  estoit  en  ce  tamps 
à  IS'amur,  en  garnison,  qui  grant  mal  leur  faisoit,  et  leur  livroit  grant  guerre, 
et  ardoit  villes  et  hamiaus  au  pais  de  Liège.  Ung  peu  après  le  commenche- 
ment  de  celle  rébellion  mirent  les  Liégois  siège  devant  le  ville  de  Bouvines, 
et  assalirent  ung  grant  boUeuverc,  duquel  ceulx  de  Bouvines  jettoient  de 
canons  dc^dens  le  ville  de  Dinant;  lequel  bolleuverc  estoit  devant  le  ville,  et 


—  569  — 

avoieni  les  Liégois  fait  ung  engieii  où  bien  avoil  X  roues,  ol  y  pooil  bien 
entrer  II"^  liommes  dedens,  atout  couvert,  qui  ne  doubtoient  piere,  ne  tret. 
et  appelloit-on  ledit  engien  ung  cal,  dedens  lequel  avoicnt  à  manière  d'un 
petit  pont  leviz,  lequel  contendoit  de  avaler  sur  ledit  bolleuverc.  Mais  les 
capitaines  de  le  ville  de  Bouvines,  comis  par  le  duc  Plile,  saichans  apoinlier 
ledit  engien  pour  faire  assaull  audit  bolleverc,  prinrent  pluiseurs  fagos  et 
de  le  poure  de  canon,  et  deus  lonneaulx  doUe ,  et,  quant  les  Liégois  apro- 
chèrent  ledit  bolluverc  alout  leur  engien,  adont  commença  mervilleus  assauls, 
et  Iraioient  mervilleusemcnt,  d'une  part  et  d'aullre,  de  canons  et  d'abales- 
tres,  et  espesiallement  ceulx  de  Bouvines  jelloient  pieres  de  canons  par  IIII 
tours  principalles,  qui  sont  à  quatre  carliers  de  le  ville,  sur  ledit  engien  et 
derière  ;  dont  yl  tuèrent  grant  plenté  du  comun  de  Liège.  Quant  les 
Liégois  vinrent  atout  leur  engien,  tout  au  plus  près  du  bolleuverc,  sur  le 
fossé,  adont  avallèrenl  leur  pont,  pour  enirer  dedens  :  adont  jellèrenl  ceulx 
de  dedens  les  fagos  tout  espris  de  fu,  plain  dolle  et  de  poure  de  canon.  Sy 
fu,  yncontinent,  tout  espris  ledit  engien,  parquoy  yl  fallirent  à  leur  enprinse. 
A  celle  heure  avoit  une  tour  au  lès  de  la  rivière  de  Meuse,  où  estoient  Lié- 
gois, qui  moult  fort  getloienl  d'engiens  à  pour  contre  la  ville  de  Bouvines, 
et  contre  le  bolvercq.  (Les  Chroniques  de  France,  HIS.  n»  2G,  de  la  Bibl.  de 
Lille,  fol    H»  111  vo  _  IJc  IIII  ro). 

Siège  des  Flamexs  devant  Calais.  —  En  lan  M.  1111'=  XXXVI,  le  duc  Pliie 
fist  armer  le  commun  de  Flandres,  à  intencion  de  mettre  Calais  à  son  obéis- 
sance, dont  moult  fist  folle  emprise  pour  le  païs  de  Flandres,  et  furent  le 
commun  de  Flandrcz  très-diligent  de  ce  faire,  et  se  mirent  en  armes,  par 
dissaines,  ainsy  comme  yl  avoient  fait  au  voiage  de  Hem,  et  assemblèrent  de 
chascune  castelerie  ensamble,  et  tirèrent  en  grant  nombre  vers  Calais,  à 
tentes  et  à  pavillons  moult  richement  hourdés,  de  quarroy  chergiés  de  plui- 
seurs engiens  à  poure,  et  avoient  ceulx  de  Gand  chergiés  pluiseurs  baliaiilx 
de  leurz  abillemens  de  guerre  sur  la  rivière  du  Lys,  lesquelz  sievoient  lesdis 
batiaus,  tousjours  logans  le  plus  près  de  la  rivière  qu'il  pooient,  et  furent 
logiés  à  Wervi,  à  Armentières,  à  Biaupré,  Labre  cl  à  Mcureviile.  El  droit  là, 
laissèrent  la  rivière,  et  puis  chergèrenl  leurs  habillcmcns  qu"ilz  avoient  en 
leur  nefz,  sur  cars,  et  s'en  allèrent  droit  à  Graveligncz,  où  yl  trouvèrent 
ceulx  de  Bruges,  du  Franc  et  dipre.  Et,  quant  yl  furent  tous  ensamble,  adont 
mirent  le  siège  à  Oie,  où  yl  y  avoit  fort  caslel,  et  le  prirent,  et  le  démolirent 
et  abatirent,  et  pendirent  tous  ceulx  qui  esloient  dedens  en  garnison.  Et 
après,  mirent  le  siège  devant  le  caslel  de  Marcques,  lequel  fu  pareillement 
deslruit,  et  aulcuns  de  la  garnison  fure  tués,  et  les  aullrez  prisonniers.  El 

32 


—  Ô70  — 

puis  mirent  le  siège  à  Zagat  (Saiigatte)  et  à  Blascnglien  (Balinghem  ),  les- 
quelles fortresses  furent  toutes  ruéez  jus  et  destruiles.  Entrelant  mist  le 
S""  de  Croy  avec  cculx  de  son  estandart,  le  siège  devant  Chines  (Guines),  et 
le  surplus  des  nobles  de  l'armée  du  duc  Phle  tirèrent  droit  à  Calais,  et  y 
mirent  aulcunement  le  siège;  mais  c'estoil  pour  nient,  puisqu'il  n'estoient 
point  asségié  par  mer,  duquel  costé,  par  mer,  croissoient  leur  force,  de 
jour  en  jour,  par  l'aide  qui  leur  venoit  d'Englelerre.  Après  vinrent  les  Gan- 
tois devant  Calais,  et  frumèrent  une  bastille,  où  yl  se  boutèrent  pour  garder 
ie  pas.  Ung  jour  vint  qu'il  faisoit  fort  cault,  se  avoient  tant  but  de  ceute 
que,  à  plain  jour,  yl  s'estoient  endormis,  sans  commettre  quelque  garde; 
mais  les  Englès  qui  ce  veoient,  entrèrent  en  laditte  bastille  et  copèrent  les 
gorges  à  ceulx  qu'il  trouvèrent  dormant,  et  en  y  ot  de  tués  plus  de  LXX. 
Après  celle  tuison  faicte  audit  bastille,  les  Gantois  se  commcnchèrent  à  ten- 
ner,  et  n'eure  plus  cure  de  faire  guerre,  et,  en  le  sepmaine  après,  fu  envoiet 
en  l'armée  du  duc  Phle  ung  hiraull  d'Englelerre,  de  par  le  duc  de  Clocester 
qui,  pour  lors  estoit  régent  de  Engleterre,  lequel  deffia  le  duc  Phle  et  manda 
journée  de  bataille  :  et,  quant  eculx  de  Gant  le  seurent,  sy  se  vorent  partir, 
comme  yl  firent  après  le  prise  de  Hem  (1),  et,  pour  quelque  prière  que  leur 
fesist  le  duc  Phle,  ne  se  vaulrent  oncques  assentir  de  demorer,  ainsy  firent 
sonner  le  deslogement,  ceulx  de  Gand  principalement,  pour  ce  qu'il  voloient 
estre  en  leur  ville  la  nuit  de  l'Assumption  Nostre  Dame,  à  renouveler  le  loy, 
comme  pluiseurs  mentienle  :  Et  fu  prestement  le  siège  levé.  Et,  aiiisy  comme 
les  comunes  de  Gand  et  de  toutes  Flandres  s'en  aloient,  sans  quelque  con- 
roy,  le  duc  Phle  fist  tenir  en  ordonnance  che  qu'il  pot  des  hommes  d'armes 
et  de  guerre,  tant  que  le  caroy  fu  passé  le  rivière  de  Gravelignes,  et,  après 
ce,  s'en  retourna  chascune  des  communes,  le  plus  tost  qu'il  paurent,  es  lieuz 
dont  yl  estoient  partis  (Ibid.,  fol.  11^  IX  r"  et  v»  —  11^  X  r»). 

De  la  Fons-Mélicocq. 

Restai-ration  du  mo.xumlnt  de  Scepperiis,  a  Eecke.  —  Un  mémoire  acadé- 
mique, publié  en  1857,  par  MM.  de  Saint-Génois  et  Yssel  de  Schepper,  a  fait 
connaître  dans  ses  moindres  détails  la  carrière  si  pleine,  si  utile,  de  Corneil 
de  Schepper,  dit  Scepperus,  un  des  diplomates  belges  les  plus  distingués  du 
XVIe  siècle.  Cette  œuvre  de  réhabilitation  vient  d'être  complétée  par  la  res- 
tauration du  monument,  élevé  naguère  dans  l'église  d'Eecke,  à  cet  illustre 
ambassadeur,  monument  qui  avait  été  entièrement  mutilé,  ainsi  que   nous 

(1)  Pour  la  relation  de  ce  siège,  voyez  la  Hevue  de  Picardie  (1857), 
pp.  241-248. 


—  371  — 

l'avons  dil  dans  le  Messager  des  Sciences  historiques,  année  1856,  dans  Tar- 
ticle  que  nous  avons  consacré  à  Scepperus. 

A  roccasioii  de  la  restauration  partielle  de  l'église  de  cette  commune,  la 
partie  de  l'édifice  où  les  débris  de  ce  monument  étaient  conservés,  a  été  en- 
tièrement démolie,  et  ce  qui  restait  de  la  tombe  allait  disparaître  peut-être  à 
jamais,  lorsqu'il  fut  fait  appel  à  la  générosité  de  la  famille  de  Schepper,  qui 
habile  aujourd'hui  la  province  d'Overyssel  (Pays-Bas),  pour  qu'elle  voulût 
bien  contribuer  à  sauver  ces  restes  vénérables  d'une  destruction  définitive. 
Cet  appel  ne  fut  pas  fait  en  vain;  une  somme  convenable  fut  mise  à  la  dispo- 
sition de  celui  qui  écrit  ces  lignes,  et  des  mesures  furent  immédiatement 
prises  de  concert  avec  le  curé  et  la  fabrique  d'église  de  l'endroit,  qui  s'y 
prêtèrent  avec  un  louable  empressement,  pour  restaurer  cette  tombe. 

La  grande  dalle  tumulaire  en  pierre  de  Tournay,  où  Corneil  de  Schepper 
et  son  épouse  Isabelle  Danche  étaient  sculptés  en  haut-relief,  était  la  seule 
partie  de  l'ancien  monument  qui  fut  susceptible  de  restauration.  Quoique 
ayant  souffert  dans  plusieurs  petits  détails,  elle  avait  parfaitement  conservé 
l'efllgie  de  ces  deux  personnages  De  couchée  qu'elle  était  autrefois  sur  la 
tombe,  la  pierre  a  été  placée  droite  et  encastrée  dans  la  muraille  intérieure 
de  l'église,  à  droite  en  entrant,  à  côté  de  la  porte  d'entrée;  elle  y  fait  pendant 
au  baptistère,  qui  occupe  l'autre  côté.  Autour  de  cette  pierre  a  été  placée 
une  bordure  de  granit  bleu,  sur  laquelle  on  a  gravé  linscriplion  suivante  : 

ReSTAURATUM  SUMPTIBUS  NOBILISSIM^.  FAMILI^  ScEPPERlOnUM  NUKC  IN  HOLLAMDIA 
DEGENTIS,  ANNO    SALUTIS   M.  D.  CGC.  LVIII. 

Sur  une  plaque  du  même  granit,  qui  sert  de  soubassement  à  l'ancien  mo- 
nument, a  été  reproduite  en  entier  l'inscription  funéraire  que  nous  avons 
publiée  dans  l'article  susmentionné  du  Messager  des  Sciences  historiques. 

Les  écussons  gravés  et  coloriés  de  Scepper  et  de  Donche  ornent  les  deux 
côtés  de  l'inscription,  et  les  armes  actuelles  de  la  famille  de  Schepper,  de 
Hollande,  occupent  le  milieu  de  la  bordure  supérieure.  Deux  consoles  de  gra- 
nit, soutenant  un  petit  entablement,  complètent  l'ornementation  du  monu- 
ment, qui  a  été  ainsi  restauré  avec  beaucoup  d'intelligence  par  M.  Patcrnotte, 
marbrier  à  Gand,sur  un  dessin deftl'  Félix  DeVigne.  Les  ossements  de  C.  Scep- 
perus et  de  son  épouse,  trouvés  dans  le  caveau  primitif,  ont  été  soigneuse- 
ment recueillis  et  enfermés  dans  un  espace  maçonné ,  derrière  la  grande 
pieri'c  bleue  où  ces  personnages  sont  représentés. 

Il  serait  à  souhaiter  que  le  noble  exemple,  donné  par  une  famille  devenue 
étrangère  ù  nos  contrées,  fût  suivi  plus  souvent  en  Belgique,  où,  à  peu  d'ex- 
ceptions près,  nous  avons  le  regret  de  le  dire,  nos  grandes  familles  laissent 
un  à  un  se  dégrader  et  périr  les  plus  beaux  monuments  funéraires  qui  les 
intéressent,  avec  la  plus  déplorable  incurie.  J    D    S.  G. 


—  572  — 

AMiQUtTÉs  DÉCOUVERTES  k  Maestuicht.  —  Ucpuls  quclqucs  aniiécs,  on  a  fait 
des  découvertes  d'antiquités  à  MaestrichI,  qui  fournissent  de  nouvelles  preu- 
ves à  ajouter  à  celles  qui  sont  connues  et  qui  établissent  Tancienne  origine 
de  cette  ville.  Les  thermes  romains,  trouvés  à  proximité  de  la  porte  de 
Notre-Dame,  monument  militaire  d'une  haute  antiquité,  en  face  duquel  les 
archéologues  placent  l'ancien  pont  romain,  sont  suffisamment  connus  par  l'ou- 
vrage du  professeur  Leemans,  de  Leide,  pour  que  nous  ayons  besoin  de  les 
signaler.  Du  côté  opposé,  un  indice  très-curieux  d'anciens  travaux  a  été  con- 
staté récemment.  Sur  la  rive  droite  de  la  Meuse,  toujours  près  de  l'endroit 
où  se  trouvait  anciennement  le  pont  dont  nous  venons  de  parler,  on  vient 
de  découvrir,  il  y  quelques  mois,  des  restes  de  très-fortes  maçonneries  ro- 
maines avec  tuiles  antiques  et  formant  un  angle  droit  parfait.  Jusqu'à  pré- 
sent, cette  partie  de  la  ville,  qu'on  appelle  Wyck  {Vicus),  n'avait  offert  aucune 
trace,  à  notre  connaissance,  de  débris  ou  de  restes  de  l'époque  romaine.  En- 
core les  fouilles  faites  pour  la  construction  de  la  nouvelle  église  de  Saint- 
Martin,  située  dans  ce  même  faubourg,  ont  mis  au  jour  un  objet  d'art  antique 
très-intéressant.  C'est  un  torse  d'homme  sculpté  en  pierre  de  sable,  de 
grandeur  plus  que  nature,  qui  a  été  trouvé  à  l'endroit  où  s'élevait  l'ancienne 
église  de  Saint-Martin  démolie.  Des  objets  de  toilette  déterrés  à  proximité 
des  églises  de  Saint-Servais  et  de  Saint-Jean,  aux  encloîtres  dans  les  tran- 
chées pratiquées  pour  l'établissement  des  conduits  de  gaz  ,  des  médailles 
romaines  mises  au  jour  par  les  mêmes  travaux,  sont  autant  de  souvenirs 
qui  refont  de  temps  en  temps  l'époque  reculée  d'où  l'ancien  Mosae  Trajectum 
tire  son  origine. 

Si  nous  groupons  ces  découvertes  faites  dans  la  ville,  les  savants  auront 
une  preuve  de  plus  de  l'étendue  qu'occupaient  les  anciennes  constructions 
qui  ont  formé  son  noyau.  Enfin,  les  découvertes  faites,  il  y  a  quelques  an- 
nées, au  faubourg  de  Maestricht  Saint-Pierre,  près  de  la  Meuse,  d'urnes  ci- 
néraires et  autres,  de  lacrymatoires,  d'armes  et  d'objets  de  toilette,  offrent 
la  certitude  qu'il  existait  un  cimetière  païen  presque  sous  les  murs  de  l'an- 
cienne fortresse. 

A.    SCHAEPKENS. 
DÉCOUVERTE    DE    FRAGMENTS    d'uN   MANUSCRIT     DU    XV    SIÈCLE    DE    JeAN    RuVSBROEK 

ET  DE  Jean  van  Leeuwen,  et  d'une  édition  sur  peau  de  vélin  de  l'Entrée  de 
CiiARLEs-QuiNT  i  Bologne,   en   1529.  —  On  se  rappelle  que,   dans  une  vente 


(1)  Cette  église  passe  pour  avoir  remplacé  un  temple  païen,  quoique  jus- 
qu'à présent  on  ait  traité  celle  opinion  de  fable. 


—  373  — 

de  livres  faite  à  Gand,  il  y  a  quelques  années,  il  se  trouvait  un  exemplairr 
d"une  édition  du  XV^  siècle  des  Facecie  morales  de  Laurent  Valia,  sans  lieu 
ni  date,  et  indiquée  comme  ayant  été  imprimée,  scion  toute  apparence,  ù 
Cologne.  Vérification  l'aile,  il  fut  constaté  que  ce  volume,  dont  M.  Koning  a 
donné  un  fac-similé  dans  sou  Histoire  de  l'imprimerie,  était  une  édition  ra- 
rissime, attribuée  aux  presses  de  l'école  primitive  de  Harlem.  A  la  faveur  de 
l'erreur  commise  dans  le  catalogue,  ce  volume  précieux  fut  adjugé  à  un  prix 
relativement  peu  élevé,  et  il  forme  aujourd'hui  un  des  joyaux  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  La  Haye. 

Deux  découvertes  également  importantes  viennent  d'être  faites  dans  des  cir- 
constances à  peu  près  semblables. 

Dans  le  catalogue  de  la  bibliothèque  de  M.  Van  dcr  Elst,  dont  la  vente  a  eu 
lieu  à  Bruxelles  le  7  octobre  1838,  se  trouvaient  indiquées,  sous  le  n"  23  bis, 
six  grandes  et  petites  miniatures  coupées  d'un  manuscrit  bas-allemand  du 
XVI^  siècle.  M.  Serrure,  un  de  nos  amateurs  les  plus  distingués,  qui  assistait 
à  cette  vente,  reconnut  dans  ces  miniatures  des  fragments  d'un  manuscrit 
du  XV«  siècle  de  Jean  Ruysbroek,  prieur  du  couvent  de  Groenendael,  et  de 
Jean  Van  Leeuwen  «  le  boa  cuisinier  »  du  même  couvent,  deux  des  meilleurs 
prosateurs  flamands  du  XIV^  siècle.  Ces  fragments  précieux  furent  adjugés  ii 
M.  Serrure,  au  prix  relativement  insignifiant  de  56  fr. 

La  seconde  découverte  a  été  faite  dans  les  circonstances  suivantes  :  à  la 
suite  d'une  vente  de  meubles  et  de  quelques  livres,  faite  récemment  à  Gand, 
pour  cause  de  départ,  on  découvrit  un  rouleau'de  parchemin,  contenant  une 
suite  d'anciennes  gravures.  Ce  rouleau,  n'ayant  pas  été  porté  au  catalogue, 
soit  qu'il  ne  parut  offrir  que  peu  d'intérêt,  soit  qu'il  n'eût  été  découvert 
«ju'après  l'achèvement  du  catalogue,  fut  abandonné  généreusement  par  le 
propriétaire  à  l'expert  priscur  de  la  vente,  qui  le  céda  à  son  tour,  pour  quel- 
ques francs,  à  un  de  nos  libraires.  Celui-'ci,  en  examinant  le  rouleau,  fut 
très-agréablement  surpris  de  se  trouver  en  possession  d'un  exemplaire  sur 
peau  de  vélin  ou  sur  parchemin,  de  la  suite  d'estampes,  collées  ensemble  en 
forme  de  frise,  de  la  magnifique  et  solennelle  entrée  et  entrevue  de  l'empereur 
Charles-Quint  et  du  pape  Clément  VU  dans  la  ville  de  Bologne,  le  3  novem- 
bre 1329,  dont  il  existe  un  exemplaire  sur  papier  et  de  différents  tirages, 
dans  les  bibliothèques  de  Mgr  le  duc  d'Aremberg,  à  Bruxelles,  de  M.  Goel- 
ghebuer  à  Gand  et  dans  celle  de  M.  Borluut  de  Noortdonck,  vendue  récem- 
ment en  notre  ville.  On  assure  que  l'heureux  libraire  n'a  pas  eu  de  peine  à 
le  placer  immédiatement  au  prix  de  300  fr. 

P.  C.  Y.  D.  .M. 


—  374  — 

DÉCOLVERTE  d'une  ÉDITION   IflCOK>UE  d'dNE  VERSION  LATINE  DC  POÉ.ME  DU  PiENARD. 

—  M.  Campbell,  conservateur-adjoiut  de  la  Bibliothèque  royale  de  La  Haye, 
vient  de  faire  une  découverte  très-importante  pour  Thistoire  de  notre  an- 
cienne littérature  flamande.  Cest  celle  d'une  édition  inconnue,  imprimée  à 
Utrecht,  par  Ketelaer  et  Leempt,  de  1475-14.80,  d'une  version  latine  du  cé- 
li^bre  poëme  du  Renard.  Cette  édition,  qui  avait  échappé  jusqu'ici  aux  in- 
vestigations des  bibliographes  ,  offre  cela  de  curieux  qu'elle  est  précédée, 
paraît-il,  dun  prologue  dans  lequel  le  traducteur  déclare  qu'il  a  fait  sa  ver- 
sion latine  d'après  un  manuscrit  flamand  du  XII1«  siècle,  et  que,  à  cette 
époque,  le  poënie  du  Renard  était  déjà  très-populaire  dans  nos  provinces. 

iVous  aurons  sans  doute  l'occasion  de  revenir  sur  cette  découverte  intéres- 
sante, et  de  rectifier  ou  compléter,  s'il  y  a  lieu,  ce  qui  précède,  M.  Campbell 
ayant  l'intention  de  faire  de  sa  découverte  l'objet  d'un  travail  assez  étendu. 

* 

P.  C.  V.  D.  M. 

DÉCOUVERTE  d'une  PARTIE  DES  ARCHIVES  DE  l'aXCIENSE  CHANCELLERIE  DE  LUXEM- 
BOURG. —  On  a  découvert  récemment  a  Brunn  (Luxembourg)  une  partie  des 
archives  de  l'ancienne  chancellerie  de  Luxembourg,  qui  ont  appartenu  à  Josse, 
marquis  de  Moravie,  comte  de  Luxembourg  et  ensuite  empereur  d'Allemagne 
Ces  documents,  composés  principalement  d'actes  diplomatiques,  paraissent 
d'autant  plus  importants  qu'ils  jettent  un  grand  jour  sur  les  prétentions  des 
<iucs  de  Bourbon  à  une  partie  du  comté  de  Luxembourg,  vendue  par  Josse 
de  Moravie  au  duc  d'Orléans. 


Vente  de  la  collection  de  dessins  et  d'estampes  dépendante  du  cabinet  de 
FEU  M.  BoRLUUT  DE  NooRTDONCK.  —  Lc  13  décembre  prochain  aura  lieu  à  Gand 
la  vente  de  la  troisième  partie  du  cabinet  de  feu  M.  Borluut  de  Noortdonck, 
comprenant  les  dessins  et  les  estampes.  Cette  vente,  qui  formera  le  digne 
pendant  de  celles  des  livres  et  manuscrits,  faites  successivement  pendant  les 
mois  d'avril  et  de  juillet,  est  destinée  à  avoir  un  certain  retentissement,  tant 
par  le  nombre  que  par  le  choix  et  la  parfaite  conservation  des  épreuves  dont 
elle  se  compose. 

Les  dessins  n'y  sont  pas  en  très-grand  nombre,  mais  ils  se  recommandent 
presque  tous  par  leur  incontestable  valeur  artistique.  C'est  ainsi  qu'on  y 
trouve,  entre  autres,  de  beaux  dessins  dus  au  crayon  de  Rubens,  de  Nicolas 
Pou.ssiii,  elc  ,  et  à  la  plume  exercée  de  M"e  Ridderbosch;  une  collection  pré- 
cieuse de  dessins  originaux  de  Cochin,  pour  l'édition  de  la  Gcrusalemmc 
liberala  de  Didot;  les  dessins  originaux,  au  nombre  de  plus  de  1100,  du  re- 


—  375  — 

cucil  des  coslumcs  religieux  et  niililiiires  de  Jacq.-Cli.  Bnr,  ainsi  que  ceux  de 
Fragonard  cl  autres,  copiés  d'api  es  les  tableaux  représentant  la  vie  de  saint 
Brunon,  peints  par  Le  Sueur  pour  le  cloître  des  Chartreux;  plusieurs  suites 
de  dessins  richement  peints  pour  le  roi  Louis-Philippe,  par  Beauvaiet  de 
Saint-Victor,  etc.,  etc. 

La  collection  d'estampes,  composée  de  pins  de  lo,000  pièces,  réparties 
en  2700  n»»,  est  très-remarquable,  et  mérite  de  fixer,  d'une  manière  toule 
spéciale,  l'attention  des  amateurs.  La  plupart  des  pièces,  parfaitement  con- 
servées, proviennent  des  ventes  célèbres  de  Basan,  Mariette,  d'Aigremont, 
Libert  de  Beaumont,   Lousbergs,  le  comte  de  Pries,  Delbecq,  Brisart,  etc. 

L'Ecole  allemande  comprend  environ  SîiO  articles;  les  maîtres  les  plus 
célèbres,  tels  que  Martin  Schtin,  Israël  van  Meckcn,  Albert  Durer,  Lucas  Cra- 
nach,  Aldegrever,  les  Beham,  Hans-Sébald  Griin ,  les  Hopfer,  George  Panez, 
Zingel,  etc.,  y  sont  représentés  par  leurs  estampes  les  plus  estimées. 

Parmi  les  pièces  capitales  appartenant  à  cette  école,  qui  méritent  une 
mention  spéciale,  nous  citerons  d'Albert  Durer  :  Adam  et  Eve,  épreuve  de 
toute  beauté,  la  Vierge  assise  au  pied  d'une  muraille,  saint  Euslaclie,  saint 
Jérôme  en  pénitence  et  le  portrait  de  Joacliim  Patenier,  épreuves  très-vigou- 
reuses ,  provenant  de  la  vente  Brisart  ;  d'Israël  van  Mecken  :  la  Danse 
d'Uérodiade ,  magnifique  épreuve  du  cabinet  du  comte  de  Pries,  les  Douze 
Apôtres,  épi-euves  d'une  grande  beauté,  acquises  à  la  vente  Brisart;  de  Mar- 
tin Schôn  :  le  Portement  de  Croix  et  la  Tentation  de  saint  Antoine,  provenant 
l'une  du  cabinet  du  comte  de  Pries,  l'autre  de  celui  de  Brisart  :  saint  Michel 
terrassant  le  dragon,  etc.;  de  Martin  Zingel  :  le  Christ  en  croix,  épreuve  de  la 
plus  grande  beauté,  provenant  également  de  la  vente  Brisart, 

L'Ecole  italienne  se  compose  d'environ  300  articles,  parmi  lesquels  on 
compte,  outre  de  belles  estampes  modernes  dues  i\  l'habile  burin  de  Gara- 
vaglia,  Jesi,  Toschi,  Raph.  Morghen,  etc.,  bon  nombre  d'eaux-forts  du 
Guide,  de  Ribera,  des  Carrache,  du  Pésarèse,  etc.,  d'estampes  gravées  an 
burin  par  Mare-Anloine,  et  Augustin  Vénitien  et  Marc  de  Ravenue,  ses 
meilleurs  élèves,  des  Ghisi,  de  Mantegna,  de  Robelta,  du  Maître  au  Dé,  de 
Beatrizet,  d'Enée  Vico,  etc.,  et  quelques  clairs-obscurs  de  Hugues  da  Carpi, 
André  Andréani,  Barth.  Coriolano,  etc. 

Parmi  les  pièces  appartenant  à  cette  école,  sur  lesquelles  nous  croyons 
devoir  attirer  l'attention  des  iconophiles,  nous  nous  bornerons  à  citer  : 
la  Flagellation,  la  Sépnllure,  le  Sénat  de  Rome  accompagnant  un  triomphe 
et  les  Soldats  portant  des  trophées,  d'André  Mantegna;  Y  Adoration  des  Rois 
et  la  Vieille  et  les  deux  couples  d'Amoureux,  de  Robetta  ;  saint  Paul  prê- 
chant à  Athènes,  sainte  Cécile  et  le  Parnasse,  de  Marc-Antoine;  le  Massacre 


—  576  — 

des  Innocents  et  V Assemblée  des  Savants,  de  Marc  de  Uavenne;  Iphigénie,  par 
Augusin  Vénilien;  les  Portraits  de  Charlcs-Quinl  et  de  Jean  de  Médicis, 
d'Enée  Vico,  magnifiques  épreuves  provenant  du  cabinet  du  comte  de 
Pries,  etc.,  elc. 

L'Ecole  flamande  et  hollandaise  est  à  la  fois  la  plus  riche  et  la  plus  nom- 
breuse; elle   renferme  plus  de  1200  nos.  Bakhuizen,  Bega,  Bergliem,  Boel , 
îiolh,  Cari    Dujardin,   Corn.   Dusart ,   Everdingen ,  Van   Haeften  ,   Van    den 
llecke,  Oslade,  Bonav.  Peeters,  Sloop,  Van  Swanevelt,  Van  Uden ,  Vander 
Cabel,  Rembrandt,  Lievens ,  Van  Vliet,  etc.,   y  sont  représentés  par  leurs 
meilleures  eaux-fortcs;  mais  ce  sont  les  maîlres,  tels  que  les  Bolswert,  les 
Vorsterman ,  les  Pontius,  les  Visscher,  les  Edelinck,  etc.,  qui  ont  porté  la 
gravure  chez  nous  à  un  si  haut  degré  de  perfection,  et  qui   ont  surtout  re- 
produit les  plus  belles   toiles  de  Rubens  et  de  son  école,  dont  M.  Borluut 
a  complété  les  œuvres  avec  un  soin  jaloux.    La  plupart  des  estampes  gra- 
vés par  ces  maîtres  célèbres,   ont  été  acquises  dans  la   vente  de  la  riche 
collection  de  M.    Lousbcrgs ,  faite  à  Gand   en  1811.  —  Presque  toutes  les 
pièces  provenant  de  cette  vente,   sont  des  premières  épreuves,   remarqua- 
bles autant  par  la  vigueur  et  l'harmonie  de  leur  ton,  que  par  leur  parfaite 
conservation. 

Enfin  les  Ecoles  française  et  anglaise  se  composent  d'environ  600  n"». 
On  y  trouve  quelques  morceaux  du  Maître  à  la  Licorne,  qui  est  regarde 
comme  un  des  plus  anciens  graveurs  français,  et  dont  les  estampes  sont 
rares  et  très-recherchées  ;  ainsi  qu'un  nombre  assez  considérable  d'eaux- 
fortes  décrites  par  M.  Robert-Dumesnil,  de  pièces,  en  premières  épreuves, 
de  Brevet,  des  Audran,  de  Masson ,  de  Morin,  de  Pilau,  de  Nanteuil,  dont 
l'œuvre  compte  près  de  cent  estampes,  toutes  également  belles,  de  Woollett, 
de  Strange,  etc. 

Tout  porte  à  croire  que  la  vente  des  dessins  et  estampes,  formant  le  com- 
plément du  beau  cabinet  de  M.  Borluut  de  Noortdonck,  aura  le  même  succès 
que  celle  des  livres  et  des  manuscrits,  dont  le  souvenir  ne  s'effacera  pas  de 
longtemps  de  la  mémoire  des  amateurs. 

Congrès  artistique  et  arcuéologique  a  Gaîvd.  —  L'une  des  plus  anciennes 
compagnies  savantes  du  pays,  la  Société  royale  des  Beaux-Arts  et  de  Littéra- 
ture, de  Gand,  fondée  en  1808,  vient  de  célébrer  le  cinquantième  anniver- 
saire de  son  existence.  Un  demi-siècle  consacré  à  donner  aux  lettres  et  aux 
arts  une  impulsion  constante,  couronnée  des  plus  beaux  résultats,  telle  est 
en  résumé  l'histoire  de  ce  cercle,  que  M^  Ed.  De  Busscher  nous  a  fait  con- 
naître dans  l'intéressant  rapport  qu'il  a  lu  à  la  séance  du  20  septembre. 


—  377  — 

Peu  de  sociétés  peuvent  se  glorifier  iravoir  fourni  une  carrière  aussi  lon^^no 
et  aussi  bien  remplie.  La  l'êle  jubilaire  a  dignement  répondu  à  ce  brilhmt 
passé. 

Une  cantate  flamande,  due  à  la  muse  d'une  femme  qui  figure  parmi  les 
illustrations  dont  la  Belgique  s'bonore,  à  M™"  Van  Ackere-Doolaeghe,  a  fourni 
à  un  jeune  musicien,  Mr  Frans  Van  Ilerzecle,  roccasion  de  se  signaler.  Le 
poëte  et  le  compositeur  ont  été  couronnés  à  la  séance  solennelle,  qui  a  eu 
lieu  au  palais  de  l'Université,  où  leur  œuvre  a  été  exécutée  en  présence  de 
M.  le  Ministre  de  l'Intérieur,  des  autorités  de  la  province  et  de  la  ville,  et 
des  nombreux  savants  et  artistes  venus  de  loin  pour  prendre  part  au  Congrès 
artistique  et  archéologique.  Rappelons,  en  peu  de  mots,  les  travaux  que  cette 
assemblée  devait  embrasser.  L'iconographie,  l'esthétique,  l'allégorie,  les  mé- 
thodes et  les  procédés  techniques,  etc.,  fhistoire  de  l'art  dans  fantiquité,  au 
moyen-àge  et  à  l'époque  de  la  renaissance,  étaient  autant  de  sujets  sur  les- 
quels le  Congrès  avait  à  se  prononcer.  Quel  vaste  champ  à  parcourir!  que 
de  choses  intéressantes  et  inconnues  à  révéler!  Les  fruits  cueillis  isolément, 
après  de  longues  études  et  des  recherches  laborieuses,  allaient  se  réunir  pour 
les  faire  goûter  à  ceux  qui  ignoraient  leur  existence. 

Ce  fut  le  19  septembre,  à  onze  heures  du  malin,  que  les  membres  du  Con- 
grès s'assemblèrent  pour  la  première  fois  à  rhôtel-de-ville.  Le  bureau  provi- 
soire se  composait  de  M.  de  Kerchove-Delimon,  bourgmestre,  de  M.  RoelandI, 
président  de  la  Sociélé,  et  de  Mr  Ed.  De  Busscher,  secrétaire.  Après  le  dis- 
cours prononcé  par  le  premier  magistrat  de  la  commune,  on  procéda  à  la 
formation  du  bureau  définitif,  composé  de  M.  Quetelet,  président,  MM.  Fétis  et 
Kervyn  de  Lettenhove,  vice-présidents,  MM.  Braemt  et  Casterman,  membres, 
et  MM.  Alberdinghk-Thijm  et  Adolphe  Siret,  secrétaires. 

Le  peu  d'espace  que  nous  avons  à  notre  disposition,  ne  nous  permet  pas 
de  donner  ici  un  compte-rendu  détaillé  des  deux  séances  du  Congrès;  bor- 
nons-nous à  la  reproduction  du  programme. 

PnEJllÈRE    SÉANCE. 

^.  M.  KEnvYN  DE  YoLKAEESBEKE,  de  Gatid,  les  monuments  et  œuvres  d'art  à 
Gand. 

2.  Mr  Ad.  Siret,  commissaire  de  district  à  Saint-l\'icolas,  du  siècle  et  de 
l'influence  des  arts  et  de  la  litléralure  sur  les  mœurs  publiques. 

3.  M""  LÉOPOLD  DE  ViLLERS,  Secrétaire  du  Cercle  archéologique  de  Mous,  les 
monuments  de  Mons  :  l'église  de  Sainte-Waudru. 

4.  M.  Le  Grand  de  Reulandt,  archéologue  à  Oslende,  proposition  de  publier 
nu  inventaire  analytique  de  tous  les  travaux  imprimés  en  Belgique  sur  l'Iiis- 


—  378  — 

toire  nationale  et  rarchéologie  du  pays,  tant  par  les  acadéniies  et  les  sociétés 
provinciales  que  par  des  écrivains.  —  Développement  de  la  proposition. 

5.  M.  Weale,  archéologue,  de  la  nécessité  de  conserver  les  monuments 
anciens  et  notamment  les  dalles  tuniulaires. 

Seconde  sÉA^•CE. 

1.  M""  Loois  ScHEPENS,  de  Gand,  Tart  plastique  appliqué  à  Tinduslrie. 

2.  M'  Adolphe  Siret,  à  Saint-Nicolas,  nécessité  de  réunir  dans  une  publi- 
cation spéciale  tous  les  documents  relatifs  aux  artistes  anciens  et  aux  artistes 
modernes. 

3.  M.  Kervyn  de  Lettenhove,  de  Bruges,  de  l'avenir  des  études  historiques 
en  Flandre. 

4.  M'  L.  DE  Taeye,  professeur  à  l'Académie  d'Anvers,  les  tendances  de  la 
peinture  dans  Técole  flamande  de  1830,  son  but  et  son  avenir. 

5.  M''  H. -G.  MoKE,  professeur  à  l'Université  de  Gand,  de  la  pensée  dans 
l'art. 

Toutes  les  questions  qui  ont  été  discutées  ont  excité  le  plus  vif  intérêt,  et 
nous  sommes  fondés  à  croire  que  les  travaux  du  Congrès  de  Gand  ne  seront 
pas  stériles.  Il  faut  espérer  qu'ils  provoqueront  une  réaction  en  faveur  de 
tant  de  souvenirs  de  ce  passé,  dont  on  dit  tant  de  mal,  mais  qui  a  aussi  du 
bon  qu'il  conviendrait  de  conserver  et  parfois  d'imiter. 

K.   DE  V. 

Congrès  de  la  Propriété  littéraire  et  artistique  a  Bruxelles.  —  A  peine 
le  Congrès  de  Gand  a-t-il  terminé  ses  discussions  sur  l'art  et  l'archéologie, 
qu'il  faut  se  rendre  à  Bruxelles  pour  commencer  l'examen  de  la  grave  ques- 
tion de  la  propriété  littéraire  et  artistique.  C'est  le  24  septembre  que  les 
membres  de  ce  Congrès  se  sont  réunis  dans  la  salle  des  séances  publiques 
de  l'Académie  royale  des  sciences,  des  lettres  et  des  beaux-arts. 

Après  un  discours  d'ouverture,  prononcé  par  le  président,  M""  Charles 
Faider,  les  membres  adhérents  se  sont  rendus  dans  leurs  sections  respec- 
tives chargées  d'arrêter  provisoirement  et  de  proposer  à  l'assemblée  géné- 
rale la  solution  des  questions  insérées  au  programme  : 

Première  section.  —  Questions  relatives  à  la  reconnaissance  internationale 
de  la  propriété  littéraire  et  artistique. 

Deuxième  section.  —  Questions  relatives  à  la  propriété  des  ouvrages  de 
littérature  et  d'art  en  général. 


—  579  — 

Thoisième  section.  —  Questions  relatives  à  la  rcpréscnlatioii  et  à  l'exéeu- 
lioii  des  œuvres  dramatiques  ou  musicales. 

Quatrième  section.  —  Questions  relatives  aux  arts  du  dessin. 

Cinquième  section.  —  Questions  économiques. 

Les  hommes  les  plus  éminents  dans  la  littérature  et  les  arts  de  tous  les 
pays  s'étaient  donné  rendez-vous  à  cette  assemblée  internationale,  où  tous 
les  états  de  l'Europe  avaient  envoyé  des  délégués.  La  France  surtout  y  était 
largement  représentée.  L'Amérique  elle-même  n'avait  pas  voulu  rester  étran- 
gère à  ce  grand  débat.  La  question  principale  était  évidemment  celle  soumise 
à  l'examen  de  la  deuxième  section,  où  il  s'agissait  de  savoir  si  la  propriété 
littéraire  ou  artistique  devait  être  perpétuelle  ou  limitée.  En  d'autres  ter- 
mes, si,  après  la  mort  d'un  auteur,  les  héritiers  ou  ayanis-droit  seront  pro- 
priétaires de  son  œuvre  d'une  manière  absolue,  comme  on  l'est  d'un  champ 
ou  de  tout  autre  immeuble. 

Ce  principe  admis,  il  devait  avoir  pour  conséquence  d'exposer  les  œuvres 
de  l'intelligence  à  se  perdre  par  la  seule  volonté  de  leurs  propriétaires,  qui 
auraient  le  droit  de  les  confisquer  pour  leur  bon  plaisir.  A  cet  argument, 
les  partisans  du  système  de  la  propriété  perpétuelle  opposèrent  l'expro- 
priation pour  cause  d'utilité  publique.  Beau  moyen!  Comment  apprécier  la 
valeur  de  l'œuvre  qu'un  propriétaire  ignorant  ou  malintentionné  veut  faire 
disparaître  du  domaine  public?  Sera-ce  en  raison  du  succès  qu'elle  aura 
obtenu  à  l'époque  où  elle  vit  le  jour?  Dans  ce  cas,  il  n'est  pas  de  drame,  de 
vaudeville  ou  de  chansonnette  d'une  moralité  même  très-contestable,  qui  ne 
puisse  ambitionner  les  honneurs  de  l'expropriation. 

Après  des  débats  très-animés,  qui  ont  duré  quatre  jours,  le  bon  sens  a 

triomphé,  et  le  principe  de  la   propriété  littéraire  et  artistique  limitée  a  été 

adopté  à  une  forte  majorité. 

K.  de  V. 

Institution  d'un  prix  triennal  pour  la  composition  d'une  oeuvre  dramatique 
EN  langue  flamande.  —  Un  arrêté  royal  de  date  récente,  contient  les  dispo- 
sitions suivantes  : 

1»  Il  est  institué  un  prix  triennal  pour  la  composition  d'une  œuvre  dra- 
matique en  langue  flamande,  dont  le  sujet  devra  être  pris,  soit  dans  l'his- 
toire, soit  dans  les  mœurs  nationales; 

2»  Le  prix  qui  sera  décerné  à  l'auteur  de  l'ouvrage  couronné  consistera 
en  une  médaille  d'or  d'une  valeur  de  cent  francs  et  une  somme  de  cinq  cents 
francs  au  moins  et  de  quinze  cents  francs  au  plus,  à  répartir  suivant  les 
mérites  de  la  pièce  dramatique  el  le  nombre  des  actes; 


—  "80  — 

S»  Un  subside  pourra  également  élre  accorde  pour  la  mise  en  scène; 

i»  Le  jugement  se  fera  par  une  commission  de  trois  membres  au  moins, 
choisis  sur  une  liste  double  de  présentation,  dressée  par  la  classe  des  Lettres 
de  l'Académie  royale  de  Belgique; 

H"  La  première  période  triennale  sera  considérée  comme  close  le  !<■"■  jan- 
vier 1839,  de  telle  sorte  que  toutes  les  œuvres  qui  auront  paru  depuis 
le  1""  janvier  1836  pourront  participer  au  prix; 

6»  Notre  Ministre  de  l'Intérieur  prendra  toutes  les  autres  dispositions 
nécessaires  pour  l'exécution  du  présent  arrêté. 

La  Commission  pour  la  littérature  flamande  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  composée  de  MM.  David,  Snellaert,  Bormans,  De  Decker  et 
Carton  (celui-ci  remplacé,  à  sa  demande,  par  M.  le  baron  de  Saint-Génois), 
est  cbargée  de  formuler  un  règlement  destiné  à  assurer  de  la  manière  la 
plus  satisfaisante  l'exécution  de  la  mesure  prise  par  le  gouvernement,  dans 
le  but  de  stimuler  une  branche  importante  de  la  littérature  nationale. 


^n  On^hena. 


—  581  — 


'ZxcljmB  hs  2xtô,  ko  Bc'mms  et  îrcô  Ccttrcô  (i). 


^  54.  Histoire  des  monuments. 

Indication  des  localités  :  Bailleul,  Beveren ,  Binche,  Bois-le-Duc,  Bois-Sei- 
gncur-Isaac,  Bouvignes,  Bruxelles,  abbaye  de  la  Cambre,  Dînant,  Mcrch- 
ten,  Montaigu,  abbaye  de  Moulins,  Nivelles,  abbaye  de  Nizelles  et  Tournai. 
—  Moulin,  sculpteur  à  Écaussines.  —  Carrières  deVilvorde  au  XlVe  siècle. 

Château  de  Beveren.  —  En  i395,  Philippe  le  Hardi 
ordonna  la  reslauralion  complète  du  cliàteau-fort  de  Beve- 
ren, en  Flandre.  Les  travaux  commencèrent  le  16  avril 
sous  la  direction  du  châtelain  Guyot  de  Lompré,  écuyer 
d'écurie  du  duc  de  Bourgogne.  On  reconstruisit  entière- 
ment le  mur  d'enceinte  qui  tombait  en  ruines:  déjà  en 
1370  son  état  de  délabrement  avait  nécessité  tant  en  ma- 
tériaux qu'en  journées  d'ouvriers  une  dépense  de  57  livres 
4  sous  8  deniers  gros  (2).  On  éprouva  des  difficultés  pour 
la  démolition  de  ce  mur  en  1395,  ce  que  la  personne  char- 
gée de  la  gestion  des  deniers  affectés  à  ce  travail  a  eu  soin 
de  consigner  dans  son  compte  de  la  manière  suivante  : 

«  Est  assavoir  que,  pour  le  proufTit  de  l'ouvrage  dessusdil,  fu  advisé  par 
les  commissaires  et  les  ouvriers  que  les  viez  murs  du  circuite  dudit  chastel, 
qui,  pour  ce  que  le  fondement  d'iceulx  n'cstoit  pas  assés  parfont,  esfoicnt  tèle- 
ment  avalés,  fendus,  crevez  et  empirez  qu'ilz  n'estoienl  mais  d'aucune  valeur 
ou  deffense,  l'en  abatroit  du  tout  et  jeltcroit  hors  le  fondement  d'iceulx  et  y 


(1)  Suite.  V.  Messager,  année  1834.,  pp.  247,  361  et  441;  année  1835, 
pp.  109  et  389;  année  1856,  p.  177,  et  année  1838,  pp.  78,  134  et  532. 
(2j  Compte  en  rouleau  n»  2907,  aux  Archives  du  royaume. 


—  582  — 

seroil  mis  j  nouvel  fondement  plus  parfont  que  paravant  n'avoit  esté,  cl  pa- 
reillement seroit  refait  j  mur  nouvel;  lesquelz  vicz  murs  qui  estoient  fondés 
hors  de  l'eaue  on  n'a  peu  abatre  ne  ledit  viez  fondement  jeller  hors  que  un 
peu  au  cop  ainsi  que  de  jour  à  autre  l'en  le  povoit  refaire,  pour  ce  que  la 
terre  de  la  mote  par-dedens  les  murs  estoit  si  haute  et  toute  droite  senz  aucun 
respondant  autre  que  ledit  mur  par-dessus  l'eaue  que  qui  eust  abatu  grans 
pans  et  fait  grans  traux  à  une  fois  audit  mur  ladicte  terre  de  la  mote  s'eust 
toute  cheute  aval  es  fossez  dudit  chastel  pour  ce  qu'elle  n'eust  point  eu  de 
respondant,  et  ainsi  on  n'eust  peu  venir  à  chief  dudit  ouvrage,  et  jà  soit  ce 
que  il  ait  esté  fait  en  cesle  manière  si  a-il  convenu  avoir  charpentiers  et 
autres  ouvriers  pour  faire  eslallages  et  mettre  bailles  et  planées  contre  ladicte 
terre  tant  d'un  eoslé  comme  d'autre.  » 

Nous  avons  rencontré  ailleurs  à  l'oecasion  de  la  démoli- 
tion du  vieux  mur  d'enceinte  une  dépense  de  trois  douzai- 
nes de  «  fors  gens  pour  manier  les  roques  et  pièces  qui 
»  chéoienl  [tombaient]  du  viez  mur  quant  on  le  abatoit,  re- 
»  mettre  à  point  et  chargier  sur  cbivières,  lesquelles  roques 
n  estoient  si  dures  que  les  ouvriers  y  froissoieut  et  gastoient 
»  toutes  leurs  mains,  » 

Henri  Heyien  et  Jean  de  Heyst,  de  Vilvorde,  fournirent 
les  pierres  blancbes  appelées  ordun,  dont  la  verge  d'une 
contenance  de  vingt  pieds  revenait,  livrées  sur  place,  au 
prix  de  23  sous  gros. 

Les  travaux  de  reconstruction  et  de  démolition  furent 
conCés  à  Jean  Ympe  ou  Impin  et  à  Michel  de  iMellebrouc,  qui 
mourut  en  1306.  On  dépensa  du  16  avril  1595  au  24  dé- 
cembre 1398  près  de  1,7o0  livres  de  Flandre.  En  1402 
d'autres  travaux  furent  encore  exécutés;  ils  coûtèrent  la 
somme  de  1,380  livres  6  sous  parisis  (2). 

On  voit  par  les  détails  des  dépenses  faites  au  château 
de  Beveren,  qu'il  se  composait  de  plusieurs  tours,  grosses 
et  petites;  trois  de  ces  tours  furent  élevées  en  139S  et  an- 

(1)  Registres  nos  26343  à  26347  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
(lu  royiiume. 

(2)  Registre  n"  2G348,  ibidem. 


—  385  — 

nées  suivantes  (es  trois  tours  neufves  ditdit  chastel  et  illec 
faictes  de  nouvel  du  costé  de  Noord,  dont  Vane  et  la 
moyenne  tour  est  plus  grande  que  nulle  des  antres  deux 
entre  le  porte  devant  et  le  grosse  tour  derrière  qui  siet  droit 
à  l' opposite  de  ladite  porte). 

Abbaye  de  Moulins,  près  de  Dinant.  — •  Par  lettres  paten- 
tes datées  de  Gaod,  le  G  mai  l/t^ô,  Philippe  le  Bon  donne 
aux  religieux  de  celte  communauté  une  somme  de  100  fr., 
de  33  gros  la  pièce,  «  pour  convertir  es  édiffices  de  leur 
»  égliac  (i).  » 

Tour  de  Crèvecœur,  à  Bouvignes.  — Dans  un  registre  aux 
Archives  du  royaume  (2),  se  trouve  un  chapitre  intitulé  : 

«  Ouvrages  et  réparacions  fais  es  mois  de  juing,  jullet, 
»  aoust  et  septembre  mil  WV]'^  xliiij  (1444)  à  le  tour  de  Crè- 
»  vecœur,  qui,  par  la  derrenière  guerre  de  Liège,  avoit 
»  esté  em  partie  toute  rompue  et  démolie  des  bonbardes  et 
»  canons  dont  ceulx  dudict  pays  de  Liège  le  bâtirent,  eulx 
»  tenant  le  siège  devant  la  ville  de  Bouvigne.  » 

Prieuré  de  Bois-Seigneur-Isaac,  près  de  Hal.  —  Philippe 
le  Bon  donne,  par  lettres  patentes  du  20  décembre  1445, 
aux  religieux  de  celte  maison,  des  bois  pour  réparer  leur 
église  et  leur  couvent  (3). 

Couvent  des  Carmes,  à  Bruxelles.  —  Don,  par  lettres 
patentes  de  Philippe  le  Bon  du  9  septembre  1451,  de  80 
couronnes  d'or  «  pour  les  travaux  que  Ton  y  fait  présen- 
tement (4).  » 

(1)  Registre  n»  18203,  4»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du 
royaume. 

(2)  N»  5241,  ibidem. 

(5)  Registre  n"  2415,  3»,  f»  cxxv  r»,  ibidem. 
(4)  Ibidem. 


—  384  — 

Église  de  Saint-Jacqiies-sur-Coudenberg,  à  Bruxelles. 
—  Par  lettres  patentes  du  28  janvier  14-57  (n.  st.), 
Pliilippe  le  Bon  donne  100  livres,  de  60  gros  la  pièce, 
pour  aider  à  couvrir  les  frais  de  la  charpente  de  l'église  et 
pour  construire  un  escalier  contre  la  grosse  tour  de  cet  édi- 
fice {om  te  helpen  tymmeren  ende  volmaken  eenen  weyn- 
delsteen  neven  den  groolen  torre  van  der  voorschreven 
kercken)  (i). 

Couvent  des  Frères -Mineurs,  à  Bois-le-Duc.  —  Philippe 
le  Bon  accorde  à  ces  religieux,  par  mandement  du  12  mars 
14G5  (n.  st.),  100  écus,  de  48  gros  de  Flandre  la  pièce, 
pour  «  emploïer  en  la  réédificacion  et  réfection  de  leur  cou- 
»  vent,  lequel  nagaires  par  feu  de  meschief  a  esté  ars  et 
«  brûlé  (2).  » 

Ville  de  Dinant.  —  On  conserve  aux  Archives  du 
royaume  un  compte  de  la  démolition  du  château  et  des 
tours,  portes,  murailles  et  fortifications  de  la  ville  de  Dinant, 
faite  par  ordre  du  duc  de  Bourgogne,  démolition  qui  fut 
commencée  le  2  septembre  et  achevée  le  31  octobre  14-66. 
La  direction  de  ce  travail  de  destruction  fut  confiée  à  Pierre 
de  Rommergnotte,  bourgeois  de  Bouvignes,  comme  étant 
le  plus  propre  «  pour  ce  faire  à  moins  de  frais.  »  Dans  ce 
compte  la  dépense  s'élève  à  620  livres  6  sous,  de  4-0  gros. 
Une  autre  partie  de  cette  dépense,  c'est-à-dire  une  somme 
de  917  livres  14  sous,  est  mentionnée  dans  le  compte  du 
produit  de  ce  qui  a  été  vendu  après  le  pillage  de  la  ville. 
Voici  les  noms  de  quelques  constructions  qui  existaient  à 
Dinant  avant  1466,  tels  que  nous  les  avons  copiés  dans  les 


(I)  Registre  n"  2-418,  2",  f»  cxvij  v",  de  la  cliarabre  des  comptes,  aux 
Archives  du  royaume. 

(2;  Collection  des  acquits  de  la  recette  générale  des  finances,  ibidem. 


—  385  — 

documents  dont  nous  parlons  :  «  la  porte  vers  le  pas  Baïarl; 
»  —  deux  tours  eslans  entre  le  chastel  et  la  porte  nommée 
..  la  porte  de  le  Val  ;  —  une  grosse  tour  eslans  au-dessus  de 
»  la  ville,  nommée  la  tour  Saint-Jehan;  —  une  tour  estant 
»  entre  le  molin  à  l'iaue  de  la  ville  et  la  porte  du  pas  Baïarl; 
»  —  une  tour  eslans  entre  le  pont  de  Mœuse  et  le  tour  Cor- 
»  nière  estant  sur  ledicle  rivière  de  Mœuse,  du  coslé  envers 
»  Bouvignes.  » 

Couvent  des  religieuses  de  Bailleul.  —  Le  1 1  mars 
1494  (n.  st.),  les  religieuses  de  Bailleul  déclarent  avoir 
reçu  une  somme  de  12  livres,  de  40  gros  la  pièce,  que  le 
receveur  général  des  finances  leur  a  payée  par  ordre  de 
Philippe  le  Beau,  «  pour  les  aidier  à  réédiffîer  leur  cloistre 
»  que  pendant  les  dernières  guerres  a  esté  tout  destruit  el 
»  bruslé  (i).  » 

Abbaye  de  Nizelles,  en  Brabant.  —  Dans  une  chronique 
manuscrite  de  cette  abbaye  qui  existe  aux  Archives  du 
royaume,  on  lit  que  le  couvent  et  l'église  furent  détruits 
par  le  feu,  au  commencement  de  l'année  1502,  el  que  le 
30  mai  de  la  même  date  on  commença  à  rebâtir  le  temple 
qui  fut  consacré  en  1508.  L'église  fui  de  nouveau  brûlée  en 
1577  par  une  bande  de  soldats.  On  ne  commença  à  la  res- 
taurer qu'en  IGOl.  La  même  chronique  nous  apprend  qu'en 
1776,  on  entreprit  la  restauration  de  tous  les  bâtiments  de 
l'abbaye,  et  qu'à  celte  époque  on  changea  le  maître-autel 
sur  lequel  fut  placé  un  tabernacle  de  cristal  provenant  de 
l'église  Saint-Jacques,  à  Nivelles,  ainsi  que  deux  adorateurs 
faits  à  Ecaussines,  par  un  sieur  Moulin,  sculpteur. 

Couvent  des  Sœiirs-Noiï^es,  à  Binche.  —  Don  de  200  li- 


(1)  Colleclioii  (les  acqtiils  de  la  rccelle  i^cncralf  des  finances,  aux  Archives 
du  royaume. 


—  386  — 

vres,  fait  au  nom  de  Charles-Quint,  en  1555,  «  pour  les 
«aidier  à  rédiflier  et  construire  leur  esglize  et  cloistre  brus- 
»lée  et  ruynée  par  les  Franchois  en  l'an  xv^  liiij  (i).  » 

Abbaye  de  la  Cambre,  près  de  Bruxelles.  —  Don  de 
3,000  livres,  en  1597,  au  nom  du  roi  Philippe  II,  pour  la 
reconstruction  de  l'église  de  cette  abbaye. 

«  Payé  aux  abbesse  et  religieuses  de  l'abbaye  de  la  Chambre,  situé  lez 
Bruxelles,  iij™  livres  que  Sa  Majesté,  par  lettres  patentes  données  audict 
Bruxelles,  le  l"  d'aougst  xv":  iiijxx  xvij,  leur  at  accordé  une  fois  en  considéra- 
tion que  durant  les  derniers  troubles  depuis  l'an  xv  Ixxviij,  elles  sont  esté  con- 
strainctes  d'abandonner  ledict  cloistre  et  se  retirer  avecq  loutle  leur  religieuse 
congrégation  en  nombre  d'environ  cent  personnes  en  ladicte  ville,  où  elles 
sont  tenues  bien  estroictement  et  aussy  esté  enserrées  et  retenues  de  force 
par  les  rebelles  ayants  occupé  icelle  ville  jusques  l'an  xv"  iiijxx  v;  durant 
lequel  temps  elles  ont  enduré  et  souffert  beaucoup  d'oppressions  et  extorsions 
tiranicques  des  hériticques;  à  condition  que  lesdicts  iij"  livres  ne  seront 
employées  ny  déverties  en  aultre  usaige  que  à  la  l'édiflication  de  leur  églize 
ayant  esté  destruicle  par  lesdicts  rebelles,  du  tamps  qu'ilz  occupoient  ladicte 
ville  (2).  » 

Commune  de  Merchlen.  —  Par  diverses  lettres  patentes 
de  1562,  1563  et  1566,  Marguerite  de  Parme  accorda  au 
nom  du  roi  des  subsides  pour  aider  le  magistrat  de  la  fran- 
chise de  Merchten,  à  faire  rebâtir  les  maisons  détruites 
par  suite  d'un  grand  incendie.  On  y  lit  que  les  habitants  de 
cette  localité  ne  pouvaient  payer  leur  quote-part  dans  les 
aides,  et  «  comment  furent  par  feu  y  bouté  de  fait  par  au- 
»  cuns  malfaicteurs  boute-feux,  comme  l'en  dit,  arses  et 
»  brûlées  toutes  les  meilleurs  et  les  plus  puissans  et  nota- 
»  blés  maisons  et  manoirs  de  toute  la  ville  et  franchise(3).  » 

(1)  Registre  n"  F.  234  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
lement du  Nord,  à  Lille. 

(2)  Registre  n»  25569,  f°  132  v,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  royaume. 

(3)  Collection  des  acquits  de  la  recette  générale  des  finances,  ibidem. 


—  587  — 

Château  de  Coiivin.  —  Permission  de  réédifier  le  clià- 
leau  de  Couvin,  en  1572  (i). 

Église  du  Béguinage,  à  Bruxelles.  —  Don  de  500  livres 
fait,  par  lellres  patentes  du  20  août  1597,  au  recteur  du 
Béguinage,  «  pour  achever  l'érection  de  l'église  »  (2). 

Église  de  lliùpital  Saint-Pierre,  à  Bruxelles.  —  Voici 
une  note  de  l'année  1597  qui  concerne  cet  édifice  : 

><  Aux  religieuses  du  couvent  de  Saint-Pierre,  dit  Zieckeliedcn,  à  Bruxelles, 
ij«  livres,  en  considération  que  durant  la  rébellion  de  la  ville  de  Bruvelles, 
ilz  (sic)  estoient  constrainctes,  par  la  rage  et  furie  des  ennemiz  et  héréticques, 
eulx  réfugier  en  certaine  maison  particulière,  pendant  lequel  temps  leur 
église  (qui  estoit  ung  bien  beau  et  ample  vaisseau)  avoil  esté  ruynée  de  piet 
en  comble  et  les  ornemens  et  meubles  d'icelle  spoliez  (3).  » 

Église  de  Sainte- G ertrude,  à  Nivelles.  —  (  Voy.  |  57).  — 
D'après  des  documents  du  siècle  dernier,  on  voit  que  la 
eliàsse  de  Sainte-Gertrude  pesait  alors  570  livres  de  Bra- 
bant,  et  que  le  coffre  avait  6  pieds  2  pouces  de  longueur 
sur  2  1/2  de  hauteur  et  1  1/2  de  largeur  (4).  Ces  documents 
nous  ont  également  fourni  quelques  dates  relatives  à  l'enlè- 
vement ou  au  replacement  du  corps  de  sainte  Gertrude 
dans  l'église ,  quand  les  événements  faisaient  craindre 
quelque  invasion  militaire.  Ces  reliques  que  les  chanoines- 
ses  conservaient  avec  tant  de  soin  furent  réintégrées  avec 
la  châsse  le  24  septembre  1574,  le  17  septembre  1585; 
le  30  novembre  1C22,  le  50  septembre  1G55,  le  50  décem- 
bre 1789,  le  3  janvier  1791,  le  26  septembre  1792  et  en 


(1)  Archives  du  conseil  privé,  registre  aux  dépêches  de  1571-1574,  f"  12i, 
aux  Archives  de  TÉtat,  à  Liège. 

(2)  Registre  n»  F.  281  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 

(3)  Ibidem. 

(4)  Archives  du  chapitre  de  Sainle-Gerlrude,  aux  Archives  du  royaume. 


—  588  — 

septembre  1793.  On  les  sauva  pour  les  soustraire  au  pillage 
et  à  la  destruction,  notamment  pendant  les  guerres  du  XVI'' 
siècle,  le  28  août  1622,  en  1744,  le  7  octobre  1789, 
le  23  novembre  1790,  le  31  mai  1792. 

Couvent  des  Clarisses,  à  Saînt-Omer.  —  A  la  suite  des 
guerres  de  religion  du  XVI'  siècle  ,  les  clarisses  de 
Veere,  en  Zélande,  avaient  dû  se  réfugier  à  Saint-Omer. 
Par  ordonnance  du  5  octobre  1606,  les  archiducs  leur  ac- 
cordèrent 300  livres  de  Flandre  «  en  subvention  des  frais 
»  des  bastimens  et  ouvraiges  à  faire  à  leur  couvent  (i).  » 

Église  de  Saint-Nicolas,  à  Bruxelles.  —  En  novembre 
1621,  Tinfante  Isabelle  fait  don  de  500  livres  de  Flandre 
aux  marguilliers  de  cette  paroisse  pour  les  aider  à  faire  les 
frais  d'un  nouvel  autel  dans  le  grand  chœur  et  l'achat  d'un 
tableau  de  prix  {iing  signalé  tableau)  (2). 

Église  de  Notre-Dame,  à  Montaigu,  —  En  mars  1640, 
payement  d'une  somme  de  27,600  livres  de  Flandre,  qui 
restait  à  solder  pour  les  travaux  de  construction  et  d'ameu- 
blement de  cet  édifice  bâti  aux  frais  de  l'infante  Isabelle (3). 

Abbarje  de  Saint-Martin,  à  Tournai.  —  Dans  une  chro- 
nique manuscrite  du  XVII'=  siècle  de  cette  abbaye  que  pos- 
sèdent les  Archivesdu  royaume,  on  lit  que  le  3  juillet  1671 
a  été  posée  la  première  pierre  de  la  nouvelle  église,  qui  fut 
entièrement  achevée  en  1680. 


(1)  Registres  n"  18308,  f»  xlvj  v",  et  n"  18310,  f»  Ixviij  r»,  de  la  chambre 
des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Registre  n"  F.  503  de  la  chambre  des  compfes,  aux  Archives  du  dé- 
partement du  Nord,  à  Lille. 

(5)  Registre  n»  F.  317,  ibidem. 


—  389  — 
S  55.  Relieurs  et  Reliures. 

Sommaire:  Phelipprarl,  scribe  et  relieur,  à  Mons.  —  Jean  de  Tournay, 
moine  de  l'abbaye  de  Moulins,  scribe  et  relieur.  —  Volume  avec  notation 
musicale  et  bréviaires  de  l'église  de  Bioux.  —  Relieurs,  calligraplics  et 
enlumineurs,  à  Lille,  au  XY«  et  au  XVIc  siècle.  —  Ateliers  de  reliure 
établis  au  couvent  des  augustins,  à  Louvain.  —  Ateliers  de  reliure  établis 
au  couvent  des  frères  de  la  vie  commune,  à  Bruxelles.  —  Ateliers  de  re- 
liure, de  calligraphie  et  d'enluminure  établis  au  couvent  de  Notre-Dame 
de  Sion,  à  Audenarde.  —  Bernard  Buillot,  garde  des  orgues  et  chapelain 
de  la  chapelle  du  château  de  Mons.  —  Arnould  Courtois  et  Corneille  Oli- 
viers, relieurs,  à  Bruxelles.  —  Reliures  allemandes  de  1558  et  de  1567.  — 
SW,  graveur  des  fers  de  Tune  de  ces  reliures. 

Phelipprart.  —  Au  I  10  nous  avons  déjà  parlé  de  ce 
scribe  de  Mons,  qui  fui  aussi  relieur.  Voici  encore  une 
noie  relalive  à  un  payement  qui  lui  fut  fait  par  le  receveur 
général  de  Hainaul,  en  1424,  pour  la  reliure  d'un  volume. 

«  A  Phelipprart,  l'escripvent,  pour  sen  sollaire  de  avoir  couviert  et  loyet 
le  grant  cartulaire  ouquel  sont  les  rentes,  droitures,  signouries  et  revenues 
appartenans  à  Monseigneur  (Philippe  le  Bon),  ad  cause  de  son  pays  de  Hayn- 
nau  :  viij  lib.  tournois  (1).  » 

De  Tournay  (Jean).  —  Nous  avons  établi  au  §  10  que 
les  croisiers  de  Namur  s'occupaient  de  reliure  vers  le  milieu 
du  XV*  siècle  :  nous  possédons  aujourd'hui  la  preuve  qu'à 
la  même  époque  environ  on  s'occupait  de  transcriptions  de 
manuscrits  et  de  reliure  de  livres  à  l'abbaye  de  Moulins, 
qui  était  également  située  dans  le  comté  de  Namur.  Jean 
de  Tournay,  religieux  du  monastère,  écrivit  et  fit  la  no- 
tation musicale,  en  1451  ou  1452,  d'un  beau  volume  en 
vélin,  contenant  les  offices  de  la  Visitation  et  de  la  Concep- 
tion de  Notre-Dame,  pour  le  curé  de  Bioux,  village  situé 
non  loin  de  l'abbaye.  En  1452  ou  1453,  le  même  moine 
relia  pour  l'église  de  Bioux  deux  grands  bréviaires  et  re- 

(1)  Registre  n»  3194  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 


—  590    - 

copia  plusieurs  feuillets  que  le  temps  et  l'usage  avaient 
altérés.  Il  reçut  5  livres  8  sous  pour  le  premier  travail  et 
4  livres  10  sous  pour  le  second. 

«  A  Danp  (1)  Jehan  de  Touriiay,  religieux  et  moisne  professe  en  réglise 
Noslre-Dame  de  Molin,  pour  avoir  fait,  escript  et  notiez  à  quairée  nolte  les 
offices  des  Visitation  et  Conception  de  Nostre-Dame,  sur  beal  vellin,  à  la 
requesle  des  cureit  et  personne  de  Bioul;  à  lui  marchandé,  par  le  conseil 
d'aucuns  des  religieu  d'icelle  église  et  dcsdit  cureit  et  personne,  à  la  somme 
de  iiij  couronne  qui  monte  vj  ob.,  vallent  cviij  s.  (2)  » 

«  A  Dan  Jehan  de  Tournay,  religieu  et  moisne  professe  en  l'église  Noslre- 
Dame  de  Molin,  pour  avoir  reloyé  tout  noef  les  deux  grans  brefviaires  de 
l'église  de  Biou,  assavoir  l'un  du  temps,  et  l'autre  des  sains,  et  y  remis, 
eseript  et  nottés  aucun  quayl  aval  et  amont  (5),  qui  esloient  tellement  dé- 
rompu que  on  ne  s'en  povoil  aidier  ny  servir;  à  lui  marchandé,  par  le  conseil 
des  cureit  et  personne  de  Biou,  à  la  somme  de  v  ob.  qui  vallent  iiij  lib.x  s.  [i)  » 

Relieurs,  calligrapiies  et  enlumineurrs,  a  Lille,  au  XV^ 
ET  AU  XV^  siècle.  —  M""  le  baron  de  la  Fons-Mélicocq, 
qui  depuis  quelques  années  s'occupe  avec  tant  d'ardeur 
du  dépouillement  des  archives  départementales  et  commu- 
nales du  Nord  de  la  France  à  un  point  de  vue  semblable  au 
nôtre,  vient  de  publier  dans  le  40"^  numéro  (15  avril  1858) 
du  Bulletin  du  Bouquiniste,  imprimé  à  Paris,  un  article 
des  plus  intéressants,  intitulé  :  Les  manuscrits  de  la  collé- 
giale de  Saint-Pierre  de  Lille;  prix  des  relieurs,  salaires 
des  callifjraphes;  XF«  et  XVI''  siècle. \o\c\  les  noms  de  plu- 
sieurs relieurs,  calligrapiies  et  enlumineurs  cités  par  M''  de 
la  Fons-Mélicocq,  et  que  nous  reproduisons  parce  qu'ils 
intéressent  notre  pays  ; 

Relieurs  :  Jean  le  Per(1401);  Guillaume  Moieau  ou 
Morel  (1456-14G2);  Denis  Glorieux  (150I-I559)  ;  et 
maître  Siger  (1306). 


(1)  Don. 

(2)  Quelques  caliiers  au  commencement  et  à  la  fin. 

(3)  Registre  n»  10912  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(4)  Registre  n»  10913,  ibidem. 


—  591  ~ 

Calligraphes  :  Jacques  Bernard  (1445);  Jean  Ca- 
sier (1447);  Jacques  Rousée  (1525);  Jean  Laller  et  Gérard 
le  Luicl  (1555). 

Enlumineurs  :  Un  peintre  du  nom  d'Antoine  (1506); 
Nicolas  (1508-1519),  et  Colard  ou  Nicolas  de  Saint-Léger 
(1512-1518);  ces  deux  derniers  étaient  aussi  calligraphes. 

Courtois  (Arnould,  Aert),  —  et  Oliviers  (Corneille), 
sont  deux  relieurs  qui  étaient  établis  à  Bruxelles  :  le  pre- 
mier est  cité  dans  un  compte  de  1548-1549,  et  le  second 
dans  un  compte  de  1550-1551  (i). 

Ateliers  de  reliure  établis  au  couvent  des  Augustins,  a 
LouvAiN.  —  On  s'occupait  de  reliure  au  commencement  du 
XV*"  siècle  dans  le  couvent  des  augustins,  à  Louvain,  car 
un  religieux  de  ce  monastère  nommé  en  flamand  bruederen 
Jaune  den  custere  (frère  Jean  le  clerc),  reçut,  en  1420  ou 
1421,  4  sous  4  deniers  gros  pour  la  restauration  du  mis- 
sel de  la  chapelle  du  château  ducal. 

o  Bruederen  Janne  den  custere,  augustyn,  te  Loeven,  van  dat  lii  d'nies- 
boeck  dat  behoert  ter  cappelle  opte  borcli  herbonden  heeft  ende  van  nuws 
gesloct,  ende  oec  dat  ter  somraiger  slat  daert  behocfde  vercleert  heeft,  coste 
iij  s.  iiij  d.  g.  (2).  .. 

Ateliers  de  reliure  établis  au  couvent  des  Frères  de  la 
vie  commune,  a  Bruxelles.  —  Les  frères  de  la  vie  com- 
mune de  Nazareth  s'établirent  à  Bruxelles  en  1422  :  ce 
sont  eux  qui  ont  introduit  l'art  de  l'imprimerie  dans  cette 
ville,  en  1476.  Avant  celte  époque  ils  s'occupaient  de  la 
transcription  des  manuscrits.  A  la  fin  du  XV""  siècle  ils  ob- 
tinrent de  pouvoir  enseigner  la  jeunesse  (3).  Plusieurs  de 

(1)  Registre  n»  21720  de  la  chambre  des  comptes  ,  aux  Archives  du 
royaume. 

(2)  Registre  n»  3791,  2",  ibidem. 

(3)  A.  Henné  et  A.  Wauters,  Histoire  de  Bruxelles,  l.  lII,  p.  154  et  168. 


—  59^2  — 

ces  religieux  travaillaient  à  relier  des  livres  vers  le  milieu 
du  siècle  suivant,  et  nous  citerons  entre  autres  le  nom  de 
frère  Jean  de  Bruynen,  qui  répara  plusieurs  volumes,  en 
1552,  pour  l'église  de  Saint-Jacques-sur-Coudenberg,  à 
Bruxelles. 

«  Betaeit  bruer  Jan  de  Bruynen,  religieulx  te  fralers,  voer  reparatien  van 
diversche  boecken  :  xxxvij  st.  vj  deii.  (1).  » 

Ateliers  de  beliure,    de  calligraphie  et  d'enluminure, 

ÉTABLIS  AU    COUVENT    DES   SOEURS    DE    NoTRE-DaME  DE   SlON,   A 

Audenarde.  —  C'est  dans  l'ouvrage  que  M""  Edmond 
Vanderstraeten  vient  de  publier  sous  le  titre  de  Recher- 
ches sur  les  communautés  religieuses  d' Audenarde,  que  nous 
trouvons  des  détails  sur  les  ateliers  de  reliure,  de  calli- 
graphie et  d'enluminure,  établis  en  cette  ville  au  couvent 
des  Sœurs  de  Notre-Dame  de  Sion.  Ils  étaient  dirigés  par 
un  religieux  et  deux  frères  laïcs  du  couvent  des  augustins, 
à  Gand.  Sur  les  plats  des  reliures  sorties  du  couvent  des 
religieuses  d'Audenarde  on  lit  le  nom  de  Sion,  et  les  mono- 
grammes ordinaires  de  Jésus  et  de  Marie.  AP  Vanderstrae- 
ten cite  les  noms  de  quelques  religieux  artistes  qu'il  a 
recueillis,  ce  sont  :  George  Canlinis  et  Michel  Pycke, 
en  1499;  Jean  Van  Maldeghem,  en  1513;  Guillaume 
Van  der  Vurst  et  George  Van  der  Meere,  en  1522. 

BuiLLOT  (Bernard),  —  «  garde  d'orghe  de  la  cappelle  do- 
»  mestique  de  mon  très-redoublé  Seigneur,  et  chappellain 
»  de  la  cappelle  Saint-Silvestre,  scituée  au  chastcau  de 
»  Mons  »,  reçoit  une  somme  de  15  livres,  de  20  gros  de 
Flandre  la  pièce,  pour  avoir,  en  1481  ou  1482,  «  réparer 
»  le  missal  de  ladicte  cappelle  du  chasleau  (2).  » 

(!)  Compte  de  l'église  de  Sl-Jacques  de  1552-1553,  aux  Archives  du 
royaume. 

(2)  Registre  n"  9570,  2»,  (°  iiijxxxvj  r»,  de  la  chambre  des  comptes,  ibidem. 


—  395  — 

Reliures  allemandes  de  1558  et  de  1567.  —  S.  W. 
GRAVEUR  DES  FERS.  —  M"^  Cuypers-Vaii  Veilhoven  possède 
dans  sa  riche  bibliothèque  un  exemphiire  du  livre  inliUilé: 
New-Munz-Buech,  imprime  à  Munich,  chez  Adam  Berg, 
en  1597.  Ce  volume  in-folio  conlient  environ  80  fcuillels 
de  monnaies  de  toute  espèce  gravées  sur  bois.  L'exemplaire 
dont  nous  parlons  est  enrichi  d'une  magnifique  reliure  gau- 
frée en  parchemin,  représentant  sur  chaque  plat  deux 
êvangélisles  d'un  travail  artistique  très-remarquable,  comme 
on  peut  en  juger  par  la  planche  ci-jointe.  Ces  figures  sont 
doublement  encadrées  :  dans  la  première  bordure  on  voit 
le  Sauveur,  saints  Pierre,  Paul  et  Jean,  et  dans  la  seconde 
des  sujets  d'une  dimension  un  peu  plus  grande  :  l'Annon- 
ciation, le  Baptême  du  Christ,  la  Résurrection  et  le  Christ 
en  croix.  Sur  le  siège  d'un  personnage  assistant  à  celte  der- 
nière scène  on  lit  la  date  de  1558,  qui  doit  être  celle  de 
l'exécution  des  fers  de  la  reliure  ;  un  monogramme  formé 
des  lettres  SW  se  voit  derrière  saint  Marc:  c'est  très-pro- 
bablement celui  de  l'artiste  qui  les  a  gravés. 

Chose  assez  étrange,  nous  avons  retrouvé  les  fers  des  sujets 
du  second  encadrement  que  nous  venons  de  décriresur  des 
couvertures  en  parchemin  provenant  d'un  volume  in-folio, 
et  appartenant  àM''Thiry,  marchand  d'antiquités,  à  Bruxel- 
les. Chaque  plat  de  ces  couvertures  représente  la  figure  de 
la  Justice  en  costume  de  grande  dame  de  l'époque,  et  tenant 
le  glaive  de  la  main  droite  et  la  balance  de  la  gauche,  avec 
un  cartouche  au-dessous  renfermant  l'inscription  suivante  : 

IVSTICLV  QVISQVIS   PICTVRAM  LVMINE    CENMS   DIC  DEVS  EST    IVSTVM 

ivsTAQVE  FACTA.  Autour  du  sujct  Central  existe  un  premier 
encadrement  composé  de  quatre  petites  figures,  la  Foi, 
l'Espérance,  la  Charité  et  la  Force;  sous  le  nom  de  cette 
dernière  se  trouve  la  date  de  1567. 


—  394  — 
§  56.  Cfironiqueiirs,  Écrivains,  Historiographes,  etc. 

Sommaire  :  0 .  de  la  Marche.  —  Érasme.  —  Nie.  Laidara.    —  Et.   Morel.  — 
Jean  Oudegherst.  —  B.  Désirant, 

De  la  Marche  (Olivier).  —  Voici  une  pièce  autogriiphe 
de  ce  chroniqueur  qui  constate  le  payement  d'une  somme 
de  40  écus,  de  24  sous  de  Flandre,  la  pièce,  qu'il  reçut  le 
15  février  1482  (n.  st.),  par  ordre  de  Tarchiduc  Maximi- 
lien  d'Autriche,  pour  le  rembourser  des  pertes  qu'il  avait 
essuyées  au  service  de  ce  prince. 

Je  Olivier  de  la  Marche,  chevalier,  conseiller  et  premier  maistre  d'ostel  de 
monseigneur  le  duc  dWuslriche  et  de  Bourgoingne,  etc.,  confisse  avoir  eu  et 
receu  de  Clays  de  Mol,  huissier  d'armes  de  Mondictseigneur ,  la  somme 
de  xl  escus  de  xxiiij  patars,  pièce,  monnoie  de  Flandre;  lesquelz  xl  escus 
estoient  en  ses  mains  des  biens  des  François  et  tenant  party  contraire  à  Mon- 
dictseigneur. Et  les  m'a  Mondictseigneur  donné  en  récompensse  d'aultres 
mes  perles,  comme  il  appert  par  la  céduUe  de  Mondictseigneur,  laquelle 
somme  de  xl  escus  je  confesse  avoir  receu  et  en  quicte  ledict  Ciays  de  Mol  et 
tous  aultres.  Tesmoing  mon  saing  manuel  cy  mis  le  XV«  jour  de  février  mil 
iiijo  quatre-vings  et  ung.  0.  de  la  Marche  (1).  » 

Erasme.  —  Ce  célèbre  écrivain,  auquel  Charles-Quint 
avait  fait  une  pension  annuelle,  ne  pouvait,  en  1523,  en  ob- 
tenir le  payement;  aussi,  voyant  que  ses  réclamations  auprès 
des  officiers  comptables  n'étaient  pas  accueillies,  s'adressa-t-il 
à  l'empereur  qui  était  alors  en  Espagne.  Celui-ci  qui  tenait 
Erasme  en  grande  estime  et  désirait  le  garder  à  son  ser- 
vice, enjoignit,  par  lettre  datée  de  Valladolid,le  22  août,  et 
écrite  à  Marguerite  d'Autriche  et  aux  membres  du  conseil 
des  finances  aux  Pays-Bas,  de  payer  sans  retard  au  savant 
ce  qui  lui  était  dû  jusqu'à  ce  jour. 

«  De  par  l'empereur.  Madame,  ma  bonne  tante.  Chiers  et  féaulx.  De  la  part 
de  noslre  bien  amé  maistre  Erasme  de  Rolerdame,  nous  a  esté  remonstré 

(I)  Collection  d'autographes,  aux  Archives  du  royaume. 


—  395  — 

que  de  la  pension  que  par  ci-devant  luy  avons  ordonné  prendre  cl  avoir  de 
nous  par  cliascun  an  il  ne  pcult  avoir  ne  consuyr  solucion  ne  payement, 
quelque  dilligence  qu'il  ait  de  ce  fait  faire,  nous  supliant  vous  en  eseripre  ; 
parquoy  et  que  désirons  icelui  Érasnne  estre  favorablement  traiclié  par  raison 
de  ses  grandes  doctrines  et  littératures,  vous  requérons  et  ordonnons  le 
faire  payer  et  satisfaire  de  ce  que  jusques  oircs  luy  pcult  eslrc  deu  de  sadicle 
pension,  afïin  que  à  faulle  d'icelui  payement  il  n'ail  occasion  de  laisser  nostre 
service.  Donné  en  nostre  ville  de  Validoly,  le  xxijc  jour  d'aoust  xv^  xxiii. 
ClIAIlLES  (1).  » 

Laidam  (Nicaise).  —  Nous  avons  déjà  parlé  de  ce  chro- 
niqueur au  I  17,  et  nous  avons  dit  que  le  baron  de  Reif- 
fenberg  a  publié  divers  détails  pour  sa  biographie  (2).  En 
1526,  Charles-Quint,  qui  affectionnait  ce  serviteur,  écrivit 
d'Espagne,  une  lettre  à  Marguerite  d'Autriche,  gouvernante 
des  Pays-Bas,  et  aux  membres  du  conseil  des  finances, 
pour  recommander  à  cette  princesse  la  demande  que  Ni- 
caise  Laidam  avait  faite  relativement  à  l'obtention  de  la 
prévôté  de  Bapaume  à  ferme. 

€1  De  par  Tempereur.  Madame  ma  bonne  tante,  chiers  et  féaulx.  De  la 
part  de  Nycase  de  Ladam,  nostre  roy  d'armes,  intitulé  :  Grenade,  nous  a  esté 
exposé  comm'  il  a  esté  la  plus  grand  partie  de  son  temps  résidant  en  nostre 
ville  de  Beaulpalme,  et  illec,  par  moyen  des  guerres,  a  perdu  ses  maisons  et 
pluiseurs  biens,  et  à  cause  qu'il  désiroity  finer  ses  jours  en  estât  honnorable, 
se  seroit  retirer  vers  vous,  requérant  d'avoir  la  prévosté  dudit  Beaulpalme  à 
ferme,  pour  tel  pris  que  de  raison;  sur  ce  a  esté  renvoyé  vers  les  président  et 
gens  de  nostre  chambre  des  comptes,  à  Lille,  afTin  d'avoir  leur  advis,  lequel 
pour  vous  veu,  fut  dit  que  ledit  exposant  seroit  préférer  selon  le  contenu 
d'icellui  advis  ;  et  attendu  que  en  son  absence,  luy  estant  en  nostre  service 
es  royaulmes  de  par-deçà,  vous  pourriez  avoir  pourveu  en  ladite  prévosté  et 
ferme,  nous  a  très-instamment  supplié  et  requis  vous  en  vouloir  eseripre  à 
sa  faveur,  et  pour  ce  que  désirons  le  bien  et  avancement  de  noz  anciens  ser- 
viteurs et  officiers,  et  les  pourveoir  avant  autres,  nous  vous  requérons  et 
néantmoings  ordonnons  bien  acertes,   que  sans  préiudice  de  nostre  ferme. 


(1)  Archives  de  l'audience,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Nous  avons  omis  de  mentionner  V Annuaire  de  la  bibliothèque  royale  de 
Belgique,  1842,  p.  83. 


—  596  — 

usant  d'icelle  à  la  manière  accoustumée  et  à  nostre  plus  grand  proufTil,  vous 
ayez  ledit  Grenade  pour  recommandé  en  ladite  ferme  et  prévosté,  le  préfé- 
rant à  autres  que  n'en  bailleroient  plus  grand  pris  que  luy.  Atanl,  Madame 
ma  bonne  tante,  cliiers  et  féaulx,Nostre-Seigneur  soit  garde  de  vous.  Donné 
en  nostre  cité  de  Grenade,  le  xvij"^  jour  de  septembre  a«  (xv^)  xxvi. 
CUÂRLES  (1).  » 

MoREL  (Etienne)  —  fuJ,  de  même  que  Nicaise  Laidam, 
héraut  d'armes  de  Charles-Quiut  :  on  le  surnommait  Uai- 
naut.  Il  avait  obtenu  de  son  souverain,  au  commencement 
de  l'année  1548  (n.  st.),  une  lettre  missive  pour  le  prési- 
dent du  conseil  privé,  aux  Pays-Bas,  a6n  qu'il  fût  délivré 
au  porteur  un  octroi  qui  lui  permît  de  publier  un  ouvrage 
relatif  au  campement  de  l'empereur  près  de  la  ville  d'In- 
golstadt.  Les  lettres  patentes  qui  furent  dépêchées  à  Morel, 
ne  le  satisfirent  point,  car  immédiatement  il  réclama  non- 
seulement  pour  que  le  terme  du  privilège  qui  lui  avait  été 
accordé  fût  étendu,  à  cause  du  temps  nécessaire  à  la  gra- 
vure des  planches,  mais  encore  contre  la  désignation  in- 
complète de  l'œuvre  même.  Un  nouvel  octroi  lui  fut  dé- 
livré pour  quatre  ans,  ensuite  d'apostille  favorable  mise 
à  sa  requête,  le  7  avril  1 548. 

«L'empereur  et  roy.  Très-chier  et  féal.  Nous  envoyons  par-delà  l'hérault 
Haynnau  pour  pourtraire  certaines  choses  que  luy  avons  enchargé,  et  luy 
avons  accordé  de  faire  imprimer  la  siluacion  du  camp  que  eusmes  l'année 
passée  devant  Ingbelslal,  et  le  povoir  vendre  sans  que  autre  le  puisse  impri- 
mer ne  faire  imprimer,  dont  vous  advertissons  pour  luy  ordonner  le  dépêche 
sur  ce  nécessaire.  Alant,  très-chier  et  féal,  Noslre-Seigneur  vous  ait  en  sa 
sainete  garde.  D'Ausbourg,  le  xixc  de  janvier  1547.  Charles  (2).  » 

«  A  monseigneur  le  président,  remonstre  Etienne  Morel,  surnommé  Hayn- 
nau, hcraull  d'armes  de  l'empereur,  comme  depuis  environ  deux  mois  ençà 


(1)  Archives  de  l'audience,  cartons,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Nous  croyons  cette  pièce  de  l'année  1348  (n.  st.),  car  l'apostille  de  la 
rcquéle  de  Morel  est  datée  du  7  avril  1348,  après  Pâques. 


—  597  — 

il  ait  appourté  lettres  de  l'empereur  à  Vostre  Seigneurie  afin  de  luy  faire 
expédier  lettres  de  privilège  de  povoir  imprimer  ou  faire  imprimer  pai'  au- 
tres en  sou  nom  le  camp  de  Sa  Majesté  devant  Inglestadl  en  la  Germanye,  et 
aussi  la  venue  de  monsieur  de  Bueren  audict  camp,  ce  que  de  Vostre  Grâce 
avez  fait  dépescher;  mais  lesdictes  lettres  ne  font  mention  sinon  pour  le 
camp  devant  ledict  Inglestadt,  pour  ung  an  seuUemenl,  sans  y  avoir  narré 
ladicle  venue  de  monseigneur  de  Bueren  audict  camp,  et  pour  ce,  monsei- 
gneur, que  ce  sont  deux  pièces  différantes  et  qu'il  fauldra  quasi  un  an  à  les 
faire  tailler  et  plastrer  comme  il  sera  de  besoing,  parce  qu'il  y  a  beaucop 
d'ouvraiges  fort  pesant;  à  ceste  cause  ledict  remonstrant  supplie  Vostredicle 
Seigneurie  que  son  plaisir  soit  luy  faire  renouveller  lesdictes  lettres  de  pri- 
vilège pour  le  temps  et  terme  de  sept  ou  huit  ans,  aflin  qu'il  puist  recouvrer 
la  despense  qu'il  luy  conviendra  supporter  pour  mectre  à  effect  lesdiets  ou- 
vraiges,  en  deft'endant  à  tous  imprimeurs,  paintres  et  autres  que  pendant 
ledict  temps  ilz  n'ayent  à  faire  imprimer,  paindre  ou  contrefaire  lesdictes 
pièces,  sur  grosses  paines  et  amendes  à  applicquer  à  Sadicte  Majesté.  Si 
ferez  bien  (1).  » 

OuDEGiiERST  (Jean),  —  C'est  en  1571,  que  sortit  des 
presses  de  Christophe  Piantin,  le  premier  volume  des 
Annales  de  Flandre,  sous  le  nom  de  Pierre  Oudeghersl; 
l'ouvrage  complet  n'a  paru  qu'en  1789,  avec  des  notes  de 
Lesbroussart.  Nous  avons  découvert  des  documents  qui 
établissent  que  Pierre  Oudegherst  n'est  qu'un  plagiaire 
ou  plutôt  qu'il  s'est  approprié  l'œuvre  de  son  père.  Au 
XVP  siècle  le  fait  était  déjà  connu,  et  depuis  lors  aucun 
biographe  ne  s'est  douté  de  la  fraude.  Valère  André  (2), 
Paquot  (3),  Lesbroussart,  etc.,  ont  commis  les  mêmes  er- 
reurs. Voici  ce  qui  ressort  des  pièces  que  nous  avons  eues 
sous  les  yeux. 

Pierre  Oudegherst,  fils  de  l'annaliste,  fut  assez  impu- 
dent pour  oser,  en  1572,  se  présenter  à  Vienne  à  Maximi- 

(1)  Les  deux  pièces  existent  dans  les  archives  du  conseil  privé,  liasses,  aux 
Archives  du  royaume. 

(2)  BibUolheca  belgica,  p.  732. 
(5)  Mémoires,  t.  III,  p.  269, 

54 


—  598  — 

lieu  II,  comme  étant  l'auteur  des  Annales  de  Flandre, 
qu'il  avait  dédiées  à  ce  prince,  et  pour  s'en  faire  un  titre 
afin  d'obtenir  quelque  emploi.  L'empereur  désirant  d'abord 
avoir  sur  lui  quelques  renseignements,  fît  écrire  dans  ce 
but,  deux  lettres,  le  28  février,  Tune  au  duc  d'Albe,  — 
c'est  celle  dont  la  teneur  suit  ici,  —  l'autre  à  Viglius.  La 
réponse  du  duc  est  datée  du  10  mai.  Il  s'y  excuse  d'avoir 
lardé  si  longtemps,  mais  il  n'a  pu  se  procurer  des  indica- 
tions satisfaisantes  ;  il  prie  l'empereur  de  vouloir  s'adres- 
ser au  comte  de  Monte-Aguda,  ambassadeur  du  roi  d'Es- 
pagne, auquel  il  a  fait  communiquer  ce  qu'il  a  pu  recueillir 
de  renseignements  sur  le  personnage  en  question.  En 
même  temps  il  envoya  au  résident  du  roi  à  Vienne,  une 
note  d'où  il  résulte  que  Pierre  Oudegherst  était  retiré  en 
Autriche  à  cause  de  ses  dettes,  qu'il  était  tout  simplement 
l'éditeur  du  manuscrit  de  son  père,  homme  honorable  à 
juste  titre,  et  qu'aux  Pays-Bas  il  n'avait  pas  même  été 
trouvé  apte  à  remplir  une  charge  à  la  chambre  des  comp- 
tes, à  Lille,  qu'il  avait  demandée  sous  le  gouvernement  de 
la  duchesse  de  Parme.  Il  est  plus  que  probable  que  l'empe- 
reur fit  éconduire  le  solliciteur. 

Une  fois  mis  sur  la  voie,  nous  avons  trouvé  que  Jean 
Oudegherst,  fils  de  Bauduin  (i),  était  licencié  en  lois  et 
exerçait  en  1530  et  1531  (2)  les  fonctions  de  lieutenant- 
général  du  bailli  de  Tournai  et  Tournaisis,  charge  qu'oc- 
cupait avant  lui  Jacques  Bacheler,  licencié  en  lois,  seigneur 
de  Roissart  (3),  et  qui  fut  remplie  après  lui  par  Pierre 
d'Ennelières  (4).  Il  fut  ensuite  nommé  pensionnaire  du 
Franc  de  Bruges,   et  prêta   serment  en  cette  qualité  le 

(1)  Registre  n»  2729,  f»  ciiijxx  iiij  r"  (annotation  marginale),  de  la  cham- 
bre des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Registres  n»  41804,  f"  xxxv  r»,  et  n"  41803,  f"  xxxij  v»,  ibidem. 
(5)  Registre  n"  41 803,  f»  xxxv  v»,  ibidem. 

(4)  Registre  n»  41800,  f"  47  v",  ibidem. 


—  399  — 

16  octobre  1551  (i);  il  jouissait  à  ce  litre  de  800  livres 
parisis  de  gages  par  an,  qui  lui  furent  payés  jusqu'au 
9  juillet  1558,  jour  où  il  donna  sa  démission  (a),  pour 
aller  prendre  possession  de  la  place  de  conseiller  et  procu- 
reur général  du  grand  conseil  de  Malines,  que  des  lettres 
patentes  de  Philippe  II,  en  date  du  11)  juin,  venaient  de  lui 
conférer  en  remplacement  de  Bauduin  le  Cocq  (5)  :  Oudc- 
glierst  prêta  serment  le  16  juillet,  mais  il  ne  jouit  pas 
longtemps  de  son  nouvel  emploi,  car  il  mourut  le  21  avril 
1559  (4).  Les  lettres  patentes  de  François  Verlysen,  son 
successeur,  sont  datées  du  28  juillet  suivant  (s). 

«  Maximilian  der  Aander,  etc.,  Hocligeborner  lieber  Ohaim  unnd  Ftirst. 
Deiner  Lieb  geben  wir  genedigclicb  zu  vernenien,  das  unlangsl  ainer  mil 
Namen  Peter  Oudegherste,  der  Recblen  Leerer,  aUieer  an  unnsern  kaiser- 
liclien  Hof  konimen,  unnd  unns  ein  Historii,  so  er  in  Drueck  ausgeen  lassen, 
underllienigelieli  presentiert.Wie  unns  nun  derselb  von  ellichen  die  Gcschick- 
lichait  unnd  Erfarnus  berûembt  worden,  das  wir  mit  ilime  dahin  handien 
zu  lassen,  damit  er  sich  in  unnsern  Diensl  begeben  welle,  genedigclich  wol 
gcnaigt  und  bedacht  weren,  so  haben  wir  doeb  unns  darin  one  Deiner  Lieb 
Vorwissen  unnd  mehrere  Erekundigung  seins  Thuens  und  Lassens  nicbt  ent- 
licbt  resolviern  wôlien,  unnd  ersuecben  demnach  Dein  Lieb  freundllich  und 
genedigclich  gesinnend,  Dieselb  wolle  unns,  wie  es  mit  vorgenanten  Oude- 
gherste ein   Gestalt  unnd  Gelegenhait,  was  auch  hievor  sein  Thuen  unnd 


(1)  «  Meester  Jan  Oudegherste  onlancx  annegheeommen  ten  pensioene  van 
»  den  land  omme  de  groote  ende  zware  zaken  die  den  landen  daghelicx  over- 
»  comraen,  ende  dat  den  meesten  tyd  altyts  eenighe  van  den  pcnsionnarisscn 
»  absent  moeten  zyn  omme  te  reysene  in  diversche  plaetse ,  zo  te  bove  als 
»  olders,  omme  d'affairen  van  den  landen,  te  gaigien  van  viij<:  ponden  pari- 
»  sis  Isiaers,  ende  dat  van  den  xvjf"  october  xv<^  Ij  dat  hy  zynen  eedt  dede 
»als  pensionnaris,  etc.  »  (Registre  n»  52810,  f»  cl  r»,  de  la  chambre  des 
comptes,  aux  Archives  du  royaume). 

(2)  «  Tôt  ende  met  den  ix«n  van  hoymaent  Iviijdat  by  orlof  ghenomen  ende 
xvertrocken  es.  »  (Registre  n»  52816,  f»  clxxv  r",  ibidem.) 

(3)  BuTKENS,  Trophées  de  Drabanl,  t.  IV,  p.  '51.5. 

(4)  Registre  n»  2729,  cité,  et  acquits  de  la  recette  générale  d'Oost-Flandre, 
aux  Archives  du  royaume. 

(;))  BuTRENS,  loe,  cil. 


—  400  — 

Lassen  gcwesen,  dessen  ailes  dann  Dein  Lieb  sich  Zweifels  one  wol  wirdel 
zu  erkundigen  wissen;  inasonderhait  auch,  ob  Dein  Lieb  anslat  des  durch- 
leuchtigisten  unnsers  freûntlichen  lieben  Vettern,  Schwagern  und  Brueders 
des  Kiinigs  zu  Hispanien,  etc.,  leiden  môge,  das  wir  ihne  berùrler  massen  in 
unnsern  dienst  annemen,  Deiner  Lieb  berichl  mit  eliisten  zuckoramen  las- 
sen, damit  wir  unns  volgends  nach  Gelegenhait  zu  entscliliessen  liaben. 
Das  raicht  unns  von  Deiner  Lieb  zu  sonnderm  angenemen  Gefallen,  inn 
Freunischafft,  Gnaden  unnd  allem  Guetem,  damit  wir  Deiner  Lieb  one  das 
gantz  wolgewogen,  zu  erkennen.  Gcben  in  unnser  Stall  Wienn,  den  xxiijen  fe- 
bruarii  a»  1572.» 

«  Que  assez  mal  Son  Excellence  sçauroit  informer  Sa  Majesté  Impériale  des 
qualitez  ou  suffisance  d'Oudegerst,  pour  ne  le  cognoistre  fort  bien,  néant- 
moins  icelle  vœult  bien  advertir  Sadicle  Majesté  que  Ton  lient  qu'il  s'est  retiré 
d'icy  pour  raison  de  ses  debtes,  dont  il  est  grandement  cliergc,  ayant,  passé 
quelques  années,  du  temps  de  la  dueesse  de  Parme,  poursuivy  icy  ung  estât 
de  maistre  des  comptes  à  Lille,  à  quoy  il  ne  sceut  parvenir  ne  le  trouvant 
avoir  les  qualilez  ad  ce  requises,  ayant  entendu  que  le  recueil  des  histoires 
de  Flandres  qu'il  a  faict  imprimer  et  dédier  à  Sadicte  Majesté,  n'a  esté  faict 
par  luy,  mais  par  son  père  quy  esloit  homme  studieux,  ayant  esté  long- 
temps pensionnaire  du  Franc  à  Bruges,  et  depuis  à  sen  trespas  faict  procu- 
reur général  du  roy  en  son  grand  conseil,  ayant  icelluy  procureur  déleissé 
pluissieurs  enffans;  quy  est  ce  que  Sadicte  Excellence  en  sçauroit  pour  le  pré- 
sent advertir  à  Sadicte  Majesté  (1).  » 

Désirant  (Bernard).  —  Cel  infatigable  adversaire  des 
jansénistes,  qui  appartenait  à  Tordre  de  Saint-Augustin, 
fut  nommé  historiographe  du  roi  Charles  II,  et  prêta  ser- 
ment en  cette  qualité  le  22  avril  1689  (a).  Il  obtint  de 
Joseph  I",  le  13  septembre  1710,  le  titre  particulier  de 
théologien  de  l'empereur.  Les  lettres  qui  le  lui  confèrent 
contiennent  des  détails  curieux  pour  la  biographie  de  cet 
écrivain;  nous  les  transcrivons  ici. 

«  JosEPHts,  divina  favore  clemenlia  electus  Romanorum  imperator,  seraper 
Augustus.  Fide  dignis  itaque  testimoniis  edocti  honorabilem  religiosum  de- 


(1)  Archives  de  la  secrétairerie  d'Etat  allemande,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Volume  intitule  :  Serments,  ibidem. 


—  401  — 

volum  nobis  dilecluni  patrem  Bernarduin  Désirant,  ordinis  eremitarum  sancli 
Augustini,  naluiu  el  professum  in  civitate  Brugensi,  in  Flandria,  annis  abhinc 
viginti  quinqiie  sacra;  theologia;  doclorem  in  universitate  Lovaniensi  creatum, 
deinde  pro  mercede  variorum  scriptoruni  a  se  tara  pro  fide  catholica  contra 
lullieranos,  calvinistas  et  janscnistas,  quant  contra  quatuor  proposilioncs 
galiicanas  editorum  anno  1689  a  serenissimoqiiodamUispaniarum  regeCarolo 
secundo  piissimœ  mémorise,  non  tantum  historiographum  regium  et  profes- 
sorem  publicum  historiarum,  quibus  plures  Germaniœ  principes  ac  nobiles 
imbuit,    factura,    sed  ctiam,    niediante    consueta  eleclione  sanclœ  facultatis 
theologicae  Lovaniensis,  régentera  renuncialum,  ac  insuper,  accedenle  eiusdem 
serenissimi  régis  iussu,  ab  episcopis  Belgii,  necnon  a  majori  et  saniori  parte 
prœdiclœ  universitatis  Lovaniensis  ad  sedem  apostolicara  contra  janscnistas 
missum,  ibideraque  munere  suo  tara  prœclare    functum  fuisse,  ut   in  illius 
causas  fulcimenlum  duo  brevia  apostolica  ad  praefatos  Belgii  episcopos  directa, 
et  unum  sibi  inscriptum  a  sumrao  pontifice  Innocentio  duodecimo  felicissima; 
recordationis  obtinuerit.  Ac  prœterea  bénigne  perpendentes,  praedictum  pa- 
trem Bernarduni  anno  1G97  in  Belgiura  reversum  jansenistis  magis  magisque 
in  odium  venisse,  necnon  allaborante  eorumdem  invidia  anno  1701  tamquam 
nimis  impense  Austriacum  a  minislris  gallicis  inaudilumTrudonopolimrelega- 
tum,  détecta  vero  insidiarum  fallacia,  post  quinque  menses  honorifice  resti- 
lutum  fuisse,  facere  non  poluimus ,  quin  tara  sublimium  merilorum  intuilu 
cidem  gratiœ  nosirœ  cœsareae  propensionem  lestatam  redderemus.  Ac  proinde 
motu  proprio  ex  certa  scienlia,  animoque  bene  deliberato  praidiclum  patrem 
Bernardum  Désirant,  in  theologum  nostrum  cesareum  bénigne  assumpsimus 
et  recepimus,  prout  per  prœsentes  assumimus  et  recipimus,  aliorumque  nos- 
trorum  theologorum  numéro  ac  latui  clcmenter  adscribimus  et  adjungimus: 
decernenles  ac  expresse  volentes  quod  anle  nominatus  Bernardus  Désirant, 
noster  theologus,  omnibus  et  singulis  honoribus,  prœrogalivis,  immunilatibus, 
prœeminentiis,  privilegiis  et  gratiis  utatur,  fruatur  et  gaudeat,  quibus  ceeteri 
theologi  noslri  utuntur,  fruuntur  et  gaudent,  quomodolibct  de  consuetudinc 
vel  de  jure,  etc.  Quae  dabantur  in  civitate  nostra  Vicnna;,  die  quinta  septem- 
bris,  anno  1710  (1).   » 


(1)  Archives  du  royaume. 


—  402  — 
^  57.  Arcliitecles. 

Sommaire  :  Architectes  français  :  J.  Fourcy  et  J.  le  Noir.  —  Le  cliàleau  de 
Château-Thierry.  —  Architectes  bourguignons  des  ducs  de  Bourgogne  de 
la  2«  race.  —  Architectes  ou  maîtres  des  ouvrages  de  maçonnerie  du  comté 
de  Hainaut  depuis  Philippe  le  Bon  jusqu'à  Charles  II.  —  Amand  NuUon. 
—  La  Maison  du  roi,  à  Bruxelles.  —  D.  de  Wagemakere.  —  R.  Van  Mans- 
dale,  dit  Keldermans.  —  Pierre  de  Mendicaval,  architecte  espagnol.  — 
Paul  du  Collé,  dominicain.  —  M.  Van  Hulst.  —  Abbaye  de  Rolthem. 

Fourcy  (Jean).  —  Le  Noir  (Jean).  —  Au  mois  de  mai 
1855,  on  vendit  pubiiqueinenl  chez  le  libraire  Heussner,  à 
Bruxelles,  une  grande  quantité  d'archives  qui  appartenaient 
à  un  amateur  belge,  disait-on,  et  qui  provenait  en  majeure 
partie  de  la  collection  du  baron  de  Joursanvault,  vendue  à 
Paris  en  1838.  Un  des  lots  concernant  la  Champagne  fut 
acquis  par  M""  le  comte  de  Villermont,  qui  nous  a  permis 
à  cette  époque  de  prendre  note  de  quelques  pièces  intéres- 
santes pour  rhistoire  des  Beaux-Arts. 

Dans  les  dernières  années  du  XIV*=  siècle,  Louis,  duc 
d'Orléans,  fît  commencer  la  reconstruction  du  château  de 
la  petite  ville  de  Château-Thierry,  sur  la  Marne,  et  confia, 
par  lettres  patentes  du  21  mai  1400,  la  direction  des  tra- 
vaux à  maître  Jean  Fourcy,  qui  dans  un  acte  du  24  sep- 
tembre de  la  même  année  est  aussi  qualifié  de  «  maislre 
»  des  euvres  de  massonnerie  du  roy  ou  bailliage  de  Vitry.» 
Jean  Fourcy  devait  recevoir  3  sous  G  deniers  de  gages  par 
jour.  Il  est  encore  cité  dans  un  acte  du  24  novembre  1407. 
A  cette  époque,  Pierre  le  Beuf  était  le  charpentier  «  des 
»  euvres  de  charpenterie  de  monseigneur  d'Orliens  en  son 
»  chasteau  et  chaslellerie  de  Chasteau -Thierry.  »  Le  Cata- 
logue analytique  des  archives  de  M.  le  baron  de  Joursan- 
vault, 1. 1*=%  p.  364,  renseigne  encore  d'autres  pièces  rela- 
tives aux  travaux  du  château  de  Château-Thierry.  Au 
nombre  des  documents  achetés  par  W  le  comte  de  Viller- 


—  405  — 

mont  se  trouve  aussi  une  commission  du  duc  d'Orléans, 
en  date  du  9  décembre  1598,  donnée  à  Gilles  Ciiaslelain, 
clerc  des  offices  de  son  hôtel  et  payeur  des  œuvres  du  châ- 
teau de  Pierre  P'ons,  en  qualité  de  payeur  des  œuvres  du 
château  de  La  Ferté-Milon  :  on  y  lit  qu'il  ne  doit  rien  payer 
sans  certificat  du  maître  Jean  le  Noir,  maçon  de  Charles  VI, 
roi  de  France,  au  bailliage  de  Senlis. 

«  Loïs,  fils  de  roy  de  France,  duc  dOrlieiis,  comte  de  Valom,  de  Bloiz  el 
de  Beaumont,  et  seigneur  de  Chasteau-Tliierry,  à  tous  ceulx  qui  ces  lettres 
verront,  salut.  Savoir  faisons  que  pour  le  bon  rapport  qui  fait  nous  a  esté  du 
sens,  loyauté  et  diligence  de  inaistre  Jehan  Fourcy,  maistre  maçon  juré  ou 
bailliage  de  Vitry,  nous  icellui  avons  commis,  député  et  ordonné,  et  par  ces 
présentes  commettons,  ordonnons  et  depputons  pour  gouverner  les  ouvrages 
de  maçonnerie  de  nostre  chastel  du  Chasteau-Thierry,  de  nostre  maison  de 
Jangonne  et  des  autres  lieux  où  nous  ferons  ouvrer  en  nostre  chaslellerie  de 
Chasteau-Thierry,  aux  gages  de  iij  soûls  vj  deniers  tournois  pour  chascun 
jour  qu'il  vacquera  ou  fait  desdis  ouvrages,  et  aux  autres  droiz,  proufifiz  et 
émolumens  accousiumez  tant  comme  il  nous  plaira.  Si  donnons  en  mande- 
ment à  nostre  bailly  du  Chasteau-Thierry  ou  à  son  lieutenant  que  dudit 
maistre  Jehan  il  reçoive  le  sérement  accoustumé  en  tel  cas,  et  le  mette  en 
possession  et  saisine  dudit  office,  et  à  nostre  receveur  et  païeur  des  euvres 
dudit  lieu  que  les  gages  de  iij  soûls  vj  deniers  par  jour  dessus  dis  il  paie  et 
délivre  audit  maistre  Jehan,  pour  tant  de  jours  que  par  certiffîcation  du  clerc 
ordené  pour  recevoir  et  enregistrer  les  matières  desdiz  ouvrages  lui  appa- 
rera  icellui  maistre  Jehan  avoir  vacquié  ou  fait  d'iceulx  ouvrages  ,  et  par, 
rapportant  ces  présentes  ou  vidimus  d'icelles  fait  soubs  séel  authentique  col- 
lationné  à  la  chambre  de  nos  comptes,  la  certiffîcation  dessusdicte  et  quittance 
sur  ce  nous  voulons  lesdis  gaiges  estre  allouez  es  comptes  dudit  receveur  el 
païeur  par  noz  amez  et  féaulx  gens  de  noz  comptes,  à  Paris,  sans  contredit, 
Donobstans  quelxconques  ordonnances,  mandemens  ou  défences  à  ce  contrai- 
res. En  lesmoing  de  ce  nous  avons  fait  mettre  nostre  séel  à  ces  présentes. 

onné  à  Chasteau-Thierry,  le  xxje  jour  de  raay  l'an  de  grâce  mil  quatre  cens.» 

Architfxtes  bourguignons  des  ducs  de  Bourgogne.  —  Le 
volume  de  1855  du  Bulletin  monumental,  publié  à  Caen 
par  M'^de  Gaumont,  contient  un  article  sur  lequel  nous  vou- 
lons appeler  l'attention  des  personnes  qui   s'intéressent  à 


—  404  — 

rhisloire  des  arts  dans  notre  pays  et  dans  les  contrées  qui 
furent  soumises  à  la  domination  de  nos  souverains,  cause 
fréquente  des  émigrations  de  nos  meilleurs  ouvriers  et  ar- 
tistes, surtout  au  moyen-àge.  C'est  une  Note  sur  les  maîtres 
des  œuvres  des  ducs  de  Bourgogne,  suivie  d'une  note  sur 
Joseph  Colare,  fondeur  et  canonnier,  par  M"  Marcel  Canat. 
Nous  croyons  donc  faire  chose  utile  en  signalant  ici  les 
noms  des  architectes  ou  maîtres  des  ouvrages  de  maçonnerie 
recueillis  par  l'honorable  président  de  la  Société  d'histoire 
et  d'archéologie  de  Chàlons-sur-Saône;  sa  notice  est  de  plus 
enrichie  de  gravures  de  sceaux  de  deux  de  ces  architectes 
et  de  sceaux  de  maîtres-maçons  et  de  maîtres-charpentiers 
du  XV^  siècle. 

Jacques  de  Nuilley,  Nuilly  ou  NuUey,  1576-1396.  11  est 
qualifié  d'ouvrier  des  œuvres  de  massonnerie  de  monsei- 
gneur le  duc  dans  plusieurs  actes. 

Drouetde  Dampmarlln,  1383-1396. 

Jean  Bourgeois,  nommé  par  lettres  patentes  du  9  décem- 
bre 1404,  exerçait  la  profession  de  maçon  à  Dijon  en  1387. 

Pierre  Herendel,  qui  est  cité  dans  l'état  de  maison  de 
Philippe  le  Bon,  et  auquel  succéda 

Philippe  Mideau,  déjà  en  charge  en  1429. 

Jean  de  Monsteret,  cité  en  1450. 

M""  Canat  a  consigné  aussi  les  noms  des  maîtres  des  ou- 
vrages de  charpenterie  du  duc  de  Bourgogne,  et  parmi  eux 
il  cite  Gautier  Menestrier  ou  Ménestrel,  auquel  il  croit 
pouvoir  attribuer  la  bâtisse  du  couvent  des  cordeliers, 
fondé  par  Philippe  le  Bon,  en  14S4,  «  car  ce  couvent,  — 
»  dit  l'écrivain  français,  —  tout  construit  en  bois,  était  un 
»  ouvrage  magnifique  de  charpenterie,  et  dénotait  un  ar- 
»  chitecte  charpentier.  »  Il  rapporte,  d'après  M""  le  comte  de 


{{)  Mémoires  pour   servira   l'histoire   de   France  et  de  Bourgogne,  in-4»; 
Paris,  1729;  p.  241. 


—  405  — 

Laborde,  (i)  que  ce  maître  flt  des  patrons  d'ouvrages  de 
charpenterie  que  le  duc  voulait  faire  exécuter  à  Bruges  et  à 
Dijon. 

Nous  devons  consigner  ici  une  observation  sur  le  travail 
très-consciencieux  d'ailleurs  de  M"^  Canat.  Il  donne  à  l'ar- 
tiste qui  jeta  eu  fonte  en  1587,  pour  le  maitre-aulel  de  l'é- 
glise des  chartreux  de  Dijon,  les  colonnes  surmontées  d'an- 
ges et  aussi  l'aigle  du  grand  pupitre,  le  nom  de  Joseph 
Colare,  canonnier  de  Philippe  le  Hardi,  tandis  que  dans  les 
documents  dont  il  s'est  servi  il  est  appelé  Colars  Joseph. 
M""  Canat  a  pris  Colars  pour  un  nom  de  famille,  taudis  que 
c'est  la  forme  usitée  depuis  le  XII^  siècle  jusqu'au  XVl^ 
pour  signifier  Nicolas. 

Architectes  ou  maîtres  des  ouvrages  de  maçonnerie  du 
COMTÉ  de  Hainaut.  —  Nous  avons  dressé  d'après  les  comp- 
tes des  domaines  de  Mons  qui  existent  aux  Archives  du 
royaume  (2),  la  liste  des  maîtres  des  ouvrages  de  maçon- 
nerie du  Hainaut,  c'est-à-dire  des  architectes,  depuis  le  mi- 
lieu du  règne  de  Philippe  le  Bon  jusqu'à  la  fin  du  XVII'' 
siècle. 

Jean  Huelin,  ou  Huwellin,  déjà  cité  en  1442,  était  en- 
core en  fonctions  en  1464;  n'habitait  pas  Mons.  Il  recevait 
50  livres  blancs  de  gages  annuels. 

Antoine  le  Vel,cité  de  1463  à  1501;  n'habitait  pas  Mons. 

Jean  Henrart,  cité  de  1501  à  lo07. 

Laurent  Colmie  ou  Colmye,  cité  en  1S07;  mort  en 
juin  1557;  n'habitait  pas  Mons. 

Jean  Anseau,  Anceau  ou  Ansseau,  à  Mous,  cité  de 
1557  à  1557. 

Jean  Repu,  à  Mons,  cité  de  1558  à  1568. 

(1)  Les  Ducs  de  Bourgogne,  t.  l",  Preuves,  n»  1390,  p.  391. 

(2)  Registres  nos  9733  à  9896  delà  chambre  des  comptes  ,  aux  Archives  du 
royaume. 


—  400  — 

George  de  Harmegtiies,  à  Mons,  cité  de  lo68  à  1384. 
Mathieu  de  le  Place,  à  Mons,  cité  en  1583. 
André  Villain,  au  Quesnoy,  cité  de  1586  à  1593. 
Etienne  Gauchie,  cité  de  1595  à  1603. 
Bon  Thiéry,  cité  de  1604  à  1620. 
Nicolas  du  Chasleau,  cité  de  1621  à  1636. 
Charles  du  Chasteau,  cité  de  1637  à  1668. 
Antoine  Gallemart,  cité  de  1668  à  1694. 

NuLLON  (Amand),  —  était  maître  des  ouvrages  de  ma- 
çonnerie de  Philippe  le  Bon  au  pays  d'Artois,  en  1463  (i). 

De  Wagemakere  (Dominique).  —  Van  Mansdale  ou 
Keldermans  (Rombaut).  —  M""  Alph.  Wauters  a  publié 
dans  le  Messarjer  des  sciences  historiques,  1842,  une  ex- 
cellente notice  sur  la  Maison  du  roi  ou  Maison  du  pain, 
sur  la  Grand'Place,  à  Bruxelles.  Les  plans  de  Tédifice  que 
nous  voyons  aujourd'hui  sont  dus  à  Antoine  Keldermans, 
qui  mourut  peu  de  temps  après  les  avoir  tracés.  La  direc- 
tion de  l'œuvre  fut  confiée  à  l'architecte  Louis  Van  Boghem 
qui  l'avait  remplacé  dans  ses  fonctions  de  maître  des  ou- 
vrages de  maçonnerie  en  Brabant  en  1516.  Les  fréquentes 
absences  de  ce  dernier  artiste  que  Marguerite  d'Autriche 
avait  chargé  de  l'exécution  de  la  belle  église  de  Notre-Dame 
de  Brou,  à  Bourg,  en  Bresse,  nécessitèrent  la  nomination 
de  deux  architectes  d'Anvers,  Dominique  de  Wagemakere, 
et  Rombaut  Van  Mansdale,  dit  Keldermans,  pour  surveil- 
ler les  travaux  et  faire  les  dessins  d'exécution  et  des  dé- 
tails du  nouvel  édifice.  La  pièce  que  nous  publions  ici  est 
relative  à  l'augmentation  de  salaire  de  ces  deux  artistes 
que  la  chambre  des  comptes  leur  accorda  par  acte  du 
21  novembre  1517. 


(1)  Registre  n"  9148  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  duroyaume. 


—  407  — 

Opten  xxj'ndach  der  maent  van  novembri  anno  xv^  xvij  is  incn,  by  gebickc 
van  den  meester  werckman  van  melselrye  ons  heeren  des  coninex  Lcni  hou- 
dende  den  meesten  deel  van  den  jaere  besundere  in  den  somerbuyten  lanls 
in  Savoyen,  overcomen,  in  presentie  ender  by  advyse  van  Janne  Van  den  Nu- 
wenhove,  rentmeester  van  Brabant  in  't  quartier  van  Bruessel,  Janne  Brome, 
rentmeesler  derselver  sladt  van  Brussel  ende  conteroUeur  van  den  wercke 
van  'tshertoglien-huyse,  mit  meesteren  Doniinico  de  Wagemakere  ende  Rom- 
bout  Van  Mansdale,  alias  Kelderman,  meesters  werclude  van  melseiryen  in 
der  sladt  van  Antwerpen,  als  dat  elck  van  lien  van  den  arbeyl,  nioyte  ende 
onleden  die  zy  gedaen  ende  gehadt  hebben  binnen  den  twee  jairen  overleden, 
in 't  maken  van  der  ordinanlien,  patronen  ende  berderen  van  der  ediiTicien, 
d'welck  nien  maict  opte  Merct,in  doser  stadt  van  Bruessel,  opte  plaitse  dacrop 
plach  te  stane  een  huys  geheete  't  Brootimys,  aldus  genaempl  des  Herlogen- 
huys,  hehben  sal  die  somme  van  xx  philippus  guldenen,  boven  huere  vacacien, 
ende  van  Bamisse  lestleden  voirtans,  ende  alsoe  lange  als  men  aen  't  voir- 
schreven  Hertogen-hurjs  wercken  sal,  ende  zy  die  ordinanlien  ende  patronen 
dairaf  maken  zolen,  elc  van  hen  jairlycx  hebben  sal,  die  somme  van  xxx  der 
voirschreven  philippus  guldenen,  vallende  allyt  te  Bamisse,  boven  huere  vaca- 
cien aïs  voere;  behoudelyck  dat  zy  sculdich  zelen  zyn  te  doene  ende  t'ach- 
tervolgeue  't  gheene  des  hiernae  volght  :  lerst,  dat  zy  t'allen  tyden,  als'l 
behoeren  sal,  patroonen,  ordinanlien  ofl  berderen  le  maken,  dat  zy  dairloe 
selen  verslaen,  ten  versueke  van  den  luden  van  deser  cameren  goidslyls 
voere  den  vyinler,  aleer  men  die  leveringe  van  den  steenen  endestoffen  dairop 
sal  besladen;  item,  dat  zy  oie  t'allon  tyden,  als  zy  beschreven  zelen  word- 
den,  by  brieven  van  deser  cameren,  om  1er  causen  van  den  voirschreven 
wercke  alhier  in  deser  stadt  te  comen,  dat  zy,  ofl  emmer  d'een  van  bon, 
sculdich  zal  zyn  alhier  te  comen,  op  huere  gewoenlick  dachuers  van  eenen 
philippus  guklen  voere  elcken  van  hen  's  daigs.  Aelum  in  der  eamere  van  der 
rekenningen,  le  Bruessel,  ten  dage  ende  in  't  jaer  vorschreven(l).  » 

De  Mendicâval  (Pierre),  —  figure  en  qualité  de  maître 
général  des  ouvrages  du  roi  d'Espagne  (niastro  mayor  de 
las  obras  de  edificios),  dans  Tétat  de  maison  de  Charles- 
Quint  qui  fut  dressé  en  1520  {-2). 


(1)  Archives  de    la  chambre   des    comptes,   cartons  ,   aux   Archives    du 
royaume. 

(2)  Volume  intitulé:   Regislro    de   los  officialcs    de  la  casa  real  d'Araijun, 
archives  de  l'audience,   ibidem. 


—  408  — 

Le  nom  de  cet  artiste  n'est  cité  dans  aucun  des  ouvrages 
suivants,  et  il  n'est  pas  probable  qu'il  le  soit  dans  d'autres  : 
Cean  Berinudez,  Diccionario  hislôrico  de  las  bellas  artes; 
Zani,  Enciclopedia  délie  belle  artî,  et  IVagler,  ^eues  allge- 
meines  Kûnstler-Lexkon . 

Du  Collé  ou  Collet  (Paul).  —  Chalon  (Pierre).  —  Le 
30  avril  1641  fut  incendié  par  la  foudre  le  clocher  de  la 
vieille  et  curieuse  église  collégiale  de  Sainle-Gertrude,  à 
Nivelles.  Le  carillon,  qui  se  composait  d'un  jeu  de  cloches, 
fut  fondu.  On  évalua  la  perte  à  80,000  livres  environ.  Le 
12  août  de  l'année  même  du  désastre,  d'Andelot,  prévôt  de 
l'église,  convint  «  avec  maistre  Pierre  Chalon,  maistre 
j>  charpentier  de  Landreichy,  à  présent  demeurant  à  Mons, 
»  en  Haynault,  pour  l'ouvrage  de  la  flesche  et  beauffroy  de 
»  la  tour  de  l'église  de  ÎVivelles,  qu'iceluy  maistre  Pierre 
»  fera  ledict  ouvrage  suivant  le  plan  et  dessin  du  frère 
»  Paul  Collet,  dominiquain,  bien  et  léallement.  » 

Frère  Paul  Collet,  ou  du  Collé,  selon  sa  signature,  était 
religieux  au  couvent  de  Braine-le-Comte  (i). 

Le  nouveau  carillon  coûta  23,748  livres. 

Van  Hulst  (Martin),  —  architecte  (bouwmeester)  de 
l'abbaye  de  Rotthem  dans  la  mairie  de  Haelen,  en  Brabant, 
mourut  le  l'='"  mai  1636,  des  suites  d'une  blessure  que  lui 
avait  faite  dans  une  querelle  un  ouvrier  (dienaer),  nommé 
Guillaume  Van  Geertruyden,  auquel  furent  accordées  pour 
ce  fait  des  lettres  patentes  de  rémission  d'homicide,  le 
4  mai  1645  (2). 


(1)  Archives    de   l'église  de  Saiiite-Gertrudc  de  Nivelles,  aux  Archives  du 
royaume. 

(2)  Registre  n"  (501  de  la  chambre  des  comptes,  ibidem. 


409 


I  58.  Batteurs  de  cuivre,  fondeurs  de  cloches  et  de 

métaux. 

Sommaire  :  Jacob  ou  Jacques.  —  Albert  et  Jean,  fondeurs  de  cloches,  à  Lou. 
vain  et  à  Dinant.  —  Renier  Van  Thicnen.  —  Lutrin  pour  lY-gliso  de  Sl- 
Jacques-sur-Caudenberg,à  Bruxelles.  —  Pierre  deBackere.—  Jacques  Jou- 
ghelinck.  —  Jean  de  Montfort.  —  Fonte  des  objets  de  sculpture  en  bronze 
reconnue  art  libéral. 

Jacob  ou  Jacques.  —  JVP  le  lieulenanl-colonel  du  génie 
Meyers  possède  parmi  grand  nombre  d'autres  curiosités  un 
mortier  en  bronze  à  deux  anses,  de  :22  centimètres  de 
diamètre  sur  17  i/a  de  hauteur,  dont  les  caractères  per- 
mettent d'attribuer  au  XII''  siècle.  On  y  voit  représentées  des 
colonnes  surmontées  d'une  tête  nue  et  alternées  de  fleurs 
de  lis.  On  y  lit  le  nom  du  fondeur  :  iacob  me  fecit,  et  un 
autre  nom  Simon,  celui  du  propriétaire  probablement,  suivi 
de  cinq  lettres  qui  n'offrent  entr'elles  aucun  sens. 

Albert,  —  fondeur  de  cloches  {pusor  campanariim),  est 
cité  en  1340,  comme  habitant  dans  le  Hoelstraet  ou  rue 
de  Tirlemont,  à  Louvain,  hors  la  porte  Saint-Michel  (i). 

Jean,  —  fondeur  de  cloches,  à  Dinant,  refondit  celle  de 
la  chapelle  du  château  de  Montaigle,  dans  la  province  de 
îVamur,  en  1457. 

«  A  Jehan,  le  fondeur  de  clocques  demorant  à  Dynant,  pour  avoir  ref- 
fondu  le  clocque  de  la  chapelle  du  chastel  de  Monlaigle  qui  estoit  rompue,  et 
pour  le  métal  qu'il  y  a  mis  pour  faire  ladicte  clocque  plus  pesante,  par  mar- 
chié  à  luy  fait,  présent  le  chastellain  et  aullrez  gens  de  la  fortresse,  à  la 
somme  de  v  ob.  de  Rin  xij  aidans,  qui  vallent  vij  ob.(2).  » 

(1)  Acte  échevinal,  aux  Archives  communales  de  Louvain.  Cette  noie  m'a 
été  communiquée  par  M'  Ed.  Van  Even. 

(2)  Registre  n»  10916  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du 
royaume. 


—  410  — 

Van  Thienen  (Renier).  —  j\P  Ch.  Piot  a  publié,  en 
1855,  dans  la  Revue  universelle  des  arts,  t.  I",  p.  280,  une 
notice  sur  Tiiabile  fondeur  (gheelgietere)  de  ce  nom  qui 
florissait  à  Bruxelles  de  1464  à  1509.  A  cette  époque  nous 
n'avons  pu  retrouver  la  note  relative  aux  travaux  qu'il 
exécuta  en  1465  pour  l'église  de  Saint-Jacques-sur-Cou- 
denberg.  Nous  avons  été  plus  heureux  depuis.  Il  s'agit 
d'un  lutrin  pour  placer  dans  le  chœur  et  représentant 
un  pélican,  que  les  marguilliers  achetèrent  à  Renier  Van 
Thienen  pour  le  prix  de  13  livres  de  gros  de  Flandre,  et 
aux  piliers  duquel  il  fut  convenu  que  l'artiste  ajouterait 
quatre  petites  figures  de  métal. 

«  Cont  zy  allen  licdcn  die  dese  yegliewoirdige  cyrograpliie  selen  sien  ofle 
hoiren  lesen  dat  Andries  Van  den  Horicke  ende  Jan  Juwacs,  geheeten  Van 
Parys,  kercraeesters  nu  terlyt  der  kerken  van  Coudenberghe,  hebben  ghe- 
cocht  jeghen  Reyneren  Van  Thienen,  gbeelghietere,  in  den  name  van  der 
kerken  voirschreve,  eenen  lattoenen  pellicaen  tôt  eenen  lessenere  :  te  sine 
in  den  choir  van  der  voirschreve  kerken,  in  aider  manieren  alsmen  daer 
sien  mach  nu  terlyt  om  xiij  liv.  gr.  Vleems,  elc  liv.  te  xxx  s.  gr.  Brab.  ge- 
rekent;  uylghenomcn  dat  Reyneren  voirschreven  noch  vier  lattoennen  bel- 
dyen  aen  de  vier  pilaren  van  denselven  pellicaen  noch  setten  sal  ende  leveren 
na  huerer  behoirten  met  voirwaerden  hierinne  onder  sproeken,  etc.  In  den 
jaere  0ns  Heeren  doen  men  screef  m  iiij»  ende  Ixv,  den  Mij^^'i^"  dach  in 
decembri  (1).  » 

De  Beckere  (Pierre),  —  fut  tout  à  la  fois  orfèvre,  gra- 
veur de  sceaux  et  fondeur  de  métaux.  11  habitait  Bruxelles 
et  nous  avons  trouvé  mention  de  lui  en  1495.  Sa  mort  ar- 
riva le  5  janvier  1527.  Pierre  de  Beckere  est  l'auteur  du 
magnifique  mausolée  de  Marie,  duchesse  de  Bourgogne, 
qui  fut  élevé  par  ordre  de  Philippe  le  Beau  dans  l'église  de 
Notre-Dame,  à  Bruges.  Le  tombeau  est  en  marbre  noir,  et 
la  statue  de  la  princesse  ainsi  que  tout  les  ornements  sont 


(1)  Cartulaire  de  la  prévôté  de  Saint-.Iacques-sur-Coudenberg,  f"  75  v», 
aux  Archives  du  royaume. 


—  Ui  — 

en  cuivre  doré.  C'est  un  des  plus  beaux  monumenis  qui 
existent  encore  dans  le  pays.  Nous  en  avons  donné  une 
description  détaillée  dans  la  notice  consacrée  à  P.  de  Bcc- 
kere  qui  est  insérée  dans  les  Bulletins  de  l'Académie, 
t.  XVIII  (1). 

JoNGHELiNCK  (Jacqucs).  —  Daiis  nos  Recherches  sur  la 
vie  et  les  travaux  des  graveurs  de  médailles,  de  sceaux  et  de 
monnaies  des  Pays-Bas  (2),  nous  avons  publié  une  bio- 
graphie assez  étendue  de  cet  artiste,  qui  fut  sculpteur, 
fondeur  de  métaux  et  graveur  de  sceaux  et  de  médailles. 
Jacques  Jonghelinck  naquit  à  Anvers,  le  21  octobre  1550 
et  y  mourut  le  51  mai  1606.  Les  statues  qu'il  fit  en  métal 
sont  nombreuses,  et  l'on  trouvera  dans  l'ouvrage  auquel 
nous  nous  permettons  de  renvoyer  beaucoup  de  détails, 
et  entre  autres  sur  le  monument  que  le  duc  d'Albe  se  fit 
ériger  dans  la  citadelle  d'Anvers  en  1571. 

De  Montfort  (Jean),  —  est  un  des  meilleurs  graveurs 
de  médailles  du  XVIl^  siècle.  Nous  avons  décrit  ses  œuvres 
dans  l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer  (5).  11  vécut  à 
Bruxelles  de  1595  à  1649.  On  voit  encore  dans  l'église 
de  Sainte-Gudule,  à  Bruxelles,  un  lion  de  cuivre  doré,  qui 
orne  le  mausolée  des  ducs  de  Brabant  Jean  II  et  Antoine 
de  Bourgogne,  et  qui  fut  coulé  par  Jean  de  Montfort 
en  1610. 

Fonte  des  objets  de  sculpture  en  bronze  reconnue  art 


(1)  Voy.  aussi  la  notice  sur  P.  de  Beckere  que  nous  avons  publiée  dans 
la  Revue  de  la  Numismatique  belge,  t.  Il,  5e  série,  et  qui  se  trouve  à  la  p.  iCî.S, 
du  t.  !<='■  de  nos  Recherches  sur  la  vie  et  les  travaux  des  graveurs  de  médailles, 
de  sceaux  et  de  monnaies  des  Pays-Bas;  Bruxelles,  1858. 

(2)  T.  I"  p.  312-Ô42.  Cette  notice  a  été  tirée  à  part  à  un  petit  nombre 
d'exemplaires. 

(3)  T.  Ie^  p.  H3-125. 


—  412 


LIBÉRAL.  —  Le  8  juillet  1776  seulement,  la  fonte  des  ob- 
jets de  sculptures  en  bronze  fut  mise  au  rang  des  arts  li- 
béraux, et  il  fut  déclaré  qu'aucun  métier  ne  pouvait  en 
empêcher  l'exercice  (i). 

Alexandre  Pinchart. 


(1)  Archives  du  conseil  privé,  cartons,  aux  Archives  du  royaume. 


—  415 


Becl)ercl)e0 


SUR 


L'ORGAMSATION  MILITAIRE  DE  LA  VILLE  DE  GAND, 

AU    MOYEN-AGE. 


Il  sera  toujours  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible, 
de  tracer  un  tableau  exact  des  corporations  militaires 
gantoises  au  moyen-âge.  Le  peu  de  renseignements  qui 
nous  sont  restés  à  ce  sujet,  se  trouvent  dispersés  dans  les 
comptes  de  la  ville  ou  éparpillés  dans  les  rares  règlements 
auxquels  étaient  soumis  les  métiers. 

Charles-Quint  et  le  temps,  ces  deux  grands  ennemis  de 
nos  privilèges  communaux,  ont  si  bien  anéanti  les  diverses 
preuves  de  notre  puissance  militaire  et  industrielle,  que 
bien  peu  d'entre  elles  ont  échappé,  soit  au  feu  de  l'inquisi- 
tion impériale,  soit  à  la  négligence  de  nos  magistrats;  et 
les  restes  de  ces  précieux  témoignages  ne  nous  sont  par- 
venus que  cancellés  de  la  main  du  bourreau,  ou  rongés  par 
la  vermine;  car  nos  édiles,  soit  insouciance,  soit  flatterie 
à  l'adresse  du  souverain,  voyant  d'ailleurs  les  corporations 
éteintes,  ont  traité  ces  intéressantes  dépouilles  tout  aussi 
rudement  que  les  avait  traitées  le  maître,  les  ont  aban- 
données à  leur  triste  sort,  et  entassées  péle-méle  dans  ce 
goufi're  qu'on  appelle  l'hôtel-de-ville,  où  tous  les  jours,  grâce 
au  zèle  national  qui  s'est  réveillé  depuis  peu,  on  en  décou- 
vre les  précieux  débris. 


3S 


—  414  — 

Les  détails  relatifs  aux  corporations  que  nous  lisons  dans 
les  écrivains  de  Fépoque ,  ou  que  nous  avons  pu  trou- 
ver dans  les  manuscrits  que  possèdent  la  ville,  la  province 
ou  la  bibliothèque  publique,  sont  si  concis,  si  obscurs  par- 
fois, qu'ils  ne  fournissent  que  de  bien  légers  indices,  pour 
guider  l'historien  au  milieu  de  ce  dédale  si  obscur,  de  ces 
nomenclatures  indigestes  qui  se  contentent  d'indiquer  les 
faits,  sans  parler  ni  des  causes  qui  les  ont  suscités,  ni  des 
conséquences  qu'ils  ont  traînées  à  leur  suite.  Les  comptes 
de  la  ville  sont  donc  pour  ainsi  dire  les  seuls  guides  pro- 
pres a  éclairer  l'investigateur;  eux  seuls,  de  temps  à  autre, 
viennent  jeter  sur  la  partie  vitale  des  corporations  du 
moyen  âge  quelques  faibles  rayons,  auxquels  leur  rareté 
donne  encore  plus  de  prix. 

Si  avant  tout  une  corporation  était  une  réunion  de  mar- 
chands que  rapprochait  un  même  intérêt,  celui  de  leur 
commerce,  on  concevra  facilement  que,  de  cette  commu- 
nauté même  d'idées,  devait  nécessairement  résulter  la  dé- 
fense mutuelle,  le  soutien  réciproque,  sous  un  ou  plusieurs 
chefs  possédant  la  confiance  de  tous;  l'organisation  mili- 
taire des  corporations  est  donc  aussi  ancienne  que  la  cor- 
poration elle-même. 

Dans  les  corporations,  chacun  était  soldai,  chacun  était 
tenu  de  répondre  au  premier  appel  fait  à  son  courage  pour 
la  défense  de  tous  et  celle  de  ses  enfants  :  la  bannière  dé- 
ployée, chacun  marchait  au  combat  aveuglément,  à  la  suite 
du  chef  qui  avait  su  captiver  la  confiance  générale.  Le 
doyen  du  métier  lirait  le  glaive  :  Dieu  et  la  bonne  cause  ! 
tous  le  suivaient  au  combat;  trop  fiers  pour  reculer,  ils 
préférèrent  souvent  la  mort  à  la  honte  d'une  défaite. 

A  toutes  les  époques,  la  ville  de  Gand  s'est  distinguée  par 
ses  idées  belliqueuses;  de  là  ces  nombreuses  séditions,  ces 
fréquents  appels  aux  armes,  ces  combats  qui  si  souvent  en- 
sanglantèrent la   capitale  de  la   Flandre.   Bien   avant  la 


—  415  — 

bataille  de  Courtrai,  celte  lutte  de  géants  où  la  noblesse 
française  vint  chercher  la  mort  sur  la  pointe  des  lances 
démocratiques  des  corporations,  les  Flamands  s'étaient  fait 
connaître  à  l'Europe  entière  :  «  L'organisation  militaire  de 
B  la  Flandre  était  arrivée,  au  point  de  vue  militaire,  au 
»  même  degré  où  en  était  arrivée  notre  industrie,  sans  ri- 
»  vaux;  et  ces  mêmes  hommes  qui  avaient  poussé  noire 
•>  industrie  nationale  à  ce  point  de  splendeur,  formaient  les 
B  troupes  les  mieux  organisées  et  les  mieux  disciplinées  du 
5  moyen-âge  »(i). 

Une  des  choses  les  plus  curieuses  à  remarquer  dans  l'or- 
ganisation militaire  de  l'époque,  c'est  que  l'industrie, 
cette  fille  de  la  paix,  marche  de  pair  avec  la  guerre,  cette 
fille  du  désordre.  Dans  aucun  pays,  nous  ne  voyons  ces 
deux  éléments  réunis  concourir  au  même  but  et  arriver  au 
même  résultat;  car  si  les  Flamands  firent  si  souvent  la 
guerre,  quelque  injuste  qu'elle  fût,  au  fond  ils  avaient  tou- 
jours la  même  préoccupation:  leur  industrie  et  leur  com- 
merce. 

De  tout  temps,  cet  amour  de  la  guerre  et  des  aventures 
semble  avoir  possédé  toutes  les  classes,  les  plus  riches  aussi 
bien  que  les  plus  pauvres.  Guillaume  de  Loo  se  rend  au 
secours  d'Etienne  :  les  Flamands,  dit  Gervasius,  quittant 
leur  terre  et  renonçant  à  leurs  métiers  de  tisserands,  affluent 
par  troupes  en  Angleterre  et  s'y  répandent  comme  des 
loups  affamés  (2). 

Il  parait  que  ce  caractère  d'aménité  se  conserva  long- 
temps chez  nos  ancêtres  :  tous  les  écrivains  de  cette  époque 
dépeignent  les  Flamands  comme  des  hom.mes  violents,  ba- 

(1)  GiNTKEL,  Mémoire  sur  la  part  que  les  Flamands  ont  prise  à  la  con- 
quête de  l'Angleterre. 

(2)  <i  Deposiloque  quod  illi  populo  familiare  et  quasi  proprium  est  lexentli 
ofïïeio,  catervalim  in  Angliam  confluant  (Flandrenses)  et  famelicorum  more 
luporum.  »  Gervasii  Chron.,  1139. 


—  416  — 

tailleurs,  livrés  à  toutes  les  passions.  Avec  des  penchants 
aussi  déréglés  et  aussi  féroces,  on  ne  doit  point  s'étonner 
de  la  terreur  qu'ils  inspiraient  au  moyen-àge,  et  des  ta- 
bleaux affreux  qu'en  font  tous  les  auteurs  (i).  Malheur  aux 
pays  où  la  guerre  voulait  qu'ils  portassent  leurs  pas!  c'é- 
taient les  fléaux  des  peuples  voisins;  nouveaux  Normands, 
on  pouvait  suivre  leurs  traces  aux  incendies  qui  éclairaient 
leur  marche  funèbre  et  triomphale. 

Cet  esprit  de  haine  et  de  vengeance  semblait  avoir  pris 
racine  dans  tous  les  cœurs  et  enveloppé  la  Flandre  en- 
tière d'un  sanglant  linceuil  :  on  paraissait  s'être  donné 
le  mot  pour  guerroyer  jusqu'à  la  mort  du  dernier  citoyen. 
En  vain,  pour  faire  cesser  ces  combats  scandaleux,  l'Église 
interpose-t-elle  sa  toute  puissante  autorité;  ses  prières  et 
ses  menaces  n'ont  pas  plus  de  succès  que  les  ordonnances 
comtales  :  on  dirait  un  peuple  en  délire. 

La  ville  de  Gand  jouait  au  milieu  de  tous  ces  troubles, 
de  toutes  ces  querelles,  le  rôle  qui  lui  échut  à  chaque  époque 
de  guerre  nationale  ou  intestine  :  sa  population,  déjà  assez 
belliqueuse  d'elle-même,  s'enrichissait  de  tout  ce  que  la 
Flandre  possédait  de  pillards  et  d'aventuriers;  braves  guer- 
riers, résolus  au  combat,  mais  parfois  aussi  à  craindre 
pour  la  paix  publique  que  l'ennemi  lui-même.  Meyer  nous 
a  laissé  le  sombre  et  effrayant  tableau  de  toutes  ces  extra- 
vagances, qui  ne  finirent  que  lorsqu'on  ne  trouva  plus  de 
victimes  à  immoler. 


(1)  Voici  un  passage  de  Philippe,  abbé  de  Bonne-Espérance,  qui  suffît  pour 
prouver  combien  les  mœurs  des  Flamands  étaient  grossières  au  XII^  siècle  : 
«  Pro  utilitate  ecclesise  missi  (IVorbertini)  in  quasdam  partes  Flandriœ  aesta- 
tis  tempore...  viderunt  plerosque  viros,  non  solum  feminalibus,  sed  omni 
vestium  génère  refrigerii  gratia  denudatos  per  vicos  passim  et  plateas  ince- 
dere,  propriis  operibus  nudos  insistere ,  nec  ullos  occurrentium  aspectus 
revereri —  Quos  cum  fratres  nostri  arguèrent,  cur  incederent  tam  bes- 
tialiter  dciiudati  :  non  est  vestrum,  responderunt,  nostrœ  leges  imponere 
voluntati.  » 


_  417  — 

A  cette  époque,  Gand  représentait  une  immense  forte- 
resse; on  aurait  dit  qu'elle  était  sans  cesse  en  guerre  ou 
à  la  veille  d'un  assaut  :  chacun  se  fortifiait,  se  barricadait; 
tout  bourgeois  riche  faisait  de  sa  maison  un  fort  capable 
de  résister  aux  attaques  de  ses  ennemis.  Philippe  d'Al- 
sace, à  son  retour  de  la  Palestine  en  1178,  trouva  les 
principaux  rebelles  dans  leurs  maisons  fortifiées,  où  ils 
lui  opposèrent  une  résistance  qui  ne  servit  qu'à  les  rendre 
plus  coupables  et  qu'à  attirer  sur  eux  la  juste  sévérité  des 
lois.  Nous  voyons  dans  la  charte  de  la  comtesse  Méhault, 
que,  parmi  les  privilèges  que  cette  princesse  accorde  aux 
Gantois,  elle  leur  permet  de  fortifier  non  seulement  la 
ville,  mais  aussi  leurs  maisons  (i). 

L'humeur  vindicative,  cruelle,  querelleuse  des  Flamands 
en  général,  et  des  Gantois  en  particulier,  nous  est  attestée 
par  les  nombreuses  ordonnances  que  publièrent  tour  à  tour 
l'Eglise  et  le  souverain.  Etienne,  évéque  de  Tournai,  écrit 
à  l'archevêque  de  Reims  pour  lui  conseiller  de  lever  l'in- 
terdit qui  pèse  sur  la  Flandre  :  o  Ce  n'est  point  avec  la 
rigueur  et  les  menaces  que  vous  parviendrez  à  soumettre 
ce  peuple  au  caractère  allier,  car  les  effets  des  menaces 
des  Flamands  ne  se  font  guère  attendre,  et  elles  sont  aus- 
sitôt suivies  de  coups  »  (2). 

C'est  de  la  Flandre  que  partirent  ces  troupes  connues 
sous  le  noms  de  Brabançons  et  qui  se  composaient  d'aven- 
turiers de  toutes  sortes  :  gens  de  bas-étage,  sans  feu  ni  lieu; 
hommes  attachés  à  la  glèbe,  voulant  se  soustraire  à  l'op- 
pression de  leurs  seigneurs;  nobles,  cadets  de  famille, 
trop  fiers  pour  travailler,  impuissants  à  piller  seuls  els'ad- 


(1)  «  Art.  IV.  Spécial  etiam  ad  liberlatem  eorura,  oppidum  suum  mûris  et 
vallis,  et  quacumque  volueiinl  munitione  ad  libitum  suum  firmare,  sic  et 
proprios  domos.  » 

(2)«  Minas  Flandrensium  sequuntur  ictus  percussionum.  «  Epist.  Stepiiam 
Tornac.  episc.  —  Recueil  des  Hisl.  de  France,  t.  XIX. 


—  418  — 

joignant  à  celte  fin  la  lie  du  peuple,  et  finissant  par  s'en- 
treluer  pour  partager  le  butin  dont  ils  venaient  de  dé- 
pouiller les  infortunés  conduits  sur  leur  route  par  leur 
mauvais  sort.  Du  reste,  ces  troupes,  braves  et  décidées, 
se  battaient  avec  un  courage  héroïque  et  formaient  la  pre- 
mière infanterie  de  l'Europe;  leurs  armes  consistaient  en 
de  longues  piques,  en  forme  de  hallebardes,  dont  le  fer 
bien  aiguisé  avait  au  milieu  un  crochet,  à  l'aide  duquel 
ils  démontaient  les  meilleurs  cavaliers  :  la  bataille  de  Bou- 
vines  nous  en  offre  un  curieux  exemple. 

On  comprendra  sans  peine  comment  les  Flamands,  avec 
ces  idées  guerroyantes,  furent  en  état  de  tenir  si  souvent 
en  échec  et  les  rois  de  France,  leurs  ennemis  de  prédilec- 
tion (i),  et  les  comtes  de  Flandre,  leurs  souverains  légiti- 
mes; car  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  comtes,  bien 
que  gouvernant  le  pays,  n'avaient  de  puissance  militaire 
qu'en  raison  du  bon  vouloir  ou  du  loisir  des  villes  et  des 
corporations  :  les  souverains  avaient  beau  promettre  ou  me- 
nacer; les  bourgeois  se  riaient  de  leurs  menaces,  comme  ils 
méprisaient  leurs  caresses;  et  ils  ne  se  rendaient  jamais 
au  bon  plaisir  de  leur  prince,  sans  avoir  obtenu  de  sûres 
garanties  de  la  sincérité  de  ses  promesses.  Les  corporations 
refusaient-elles  de  prendre  les  armes,  le  comte  était  obligé 
de  se  soumettre  aux  caprices  souvent  insolents  de  la  mul- 
titude. Quelle  différence  avec  ce  beau  pays  de  France,  où 
Philippe  le  Bel  est  obligé  de  désarmer  sa  bourgeoisie;  les 
malheureux  vendent  leurs  armes  pour  se  nourrir,  au  lieu 
de  se  lever  comme  les  puissantes  corporations  de  la  Flan- 
dre et  de  revendiquer,  les  armes  à  la  main,  le  droit  inhé- 
rent à  la  nature  humaine  :  celui  d'exister. 


(1)  Dès  qu'il  s'agit  de  combattre  les  Français,  ils  laissent  là  leurs  anciens 
démêlés  intérieurs  : 

Francigenasque 

Dura  pugnant,  vetercs  juvat  intermittcre  pugnas. 


—  419  — 

Malgré  toutes  nos  recherches,  ce  n'est  qu'à  partir  de  la 
hatailie  de  Groninghe,  cette  lutte  de  l'élément  démocratique, 
contre  la  nohiesse,  que  nous  commençons  à  voir  luire  quel- 
ques rayons,  hien  faibles  encore,  il  est  vrai,  sur  l'organi- 
sation militaire  des  corporations  :  o  Que  n'a-t-on  pas  dit  de 
cette  bataille  (i)  !  quels  subterfuges!  quelle  mauvaise  foi 
pour  diminuer  la  gloire  de  ces  vaillants  artisans  !  des  fossés 
creusés,  puits,  trappes  couvertes  d'herbages,  que  sais-je? 
Mais  la  chevalerie  française  était  donc  aveugle?  Ses  chefs, 
qui  brillaient  parmi  les  guerriers  les  plus  illustres,  n'a- 
vaient donc  jamais  assisté  à  un  combat?  L'histoire  a  fait 
justice  de  tous  ces  mensonges,  accumulés  pour  amoindrir 
ce  triomphe;  ce  sont  les  goedendags  et  les  piques  flaman- 
des, et  le  courage  indomptable  qui  les  animait,  qui  seuls 
décidèrent  de  cette  journée,  une  des  plus  sanglantes  dont 
fasse  mention  l'histoire.  Veut-on  un  fait  d'héroïsme,  un 
sacrifice  à  la  patrie,  de  cet  amas  de  canailles,  de  ces  arti- 
sans, de  ces  tisserands,  de  ces  foulons,  plus  propres  au 
travail  qu'à  la  guerre,  gens  de  sac  et  de  corde?  » 

L'armée  française,  malgré  son  orgueilleux  dédain  pour 
la  plèbe  qu'elle  combat,  n'a  jamais  olîert  un  aussi  bel 
exemple  de  dévouement  à  la  patrie  que  celui  que  nous 
allons  citer  :  c'est  un  trait  digne  de  la  plume  de  PIu- 
tarque.  Guillaume  de  Juliers,  à  la  bataille  de  Mons-en- 
Puelle,  vaincu,  accablé  par  ses  ennemis,  succombe;  plus 
d'espoir  de  vaincre.  Il  pourrait  cependant  se  sauver,  lui  et 
ses  troupes;  mais  plutôt  la  mort  :  Mourons,  amis,  en  bra- 
ves, et  montrons  que  les  Flamands  préfèrent  la  mort  à  l'es- 
clavage :  la  terre  que  nous  foulons  est  sainte,  c'est  la  terre 
de  la  patrie;  et  tous,  ôtant  leurs  chaussures,  embrassent  la 
croix  de  leurs  glaives  et  attendent  la  mort  en  combattant  : 
ils  savent  mourir,  mais  non  pas  se  rendre  (2). 


(1)  Lenz,  Artcveldn. 

(2)  Llkz,  Traité  d'iniquité. 


—  420  — 

De  tout  temps,  cette  énergie  frénétique  a  caractérisé  les 
Flamands;  tous  les  auteurs  s'accordent  à  reconnaître  la 
ténacité  avec  laquelle  ce  petit  peuple  a  toujours  lutté  pour 
se  dérober  à  l'esclavage  :  ce  fut  cette  même  énergie  qui 
força  Philippe  le  Bel,  après  la  bataille  de  Mons-cn-Puelle, 
à  faire  la  paix  malgré  lui;  car  les  Flamands,  voyant  les 
troupes  françaises  immobiles,  fortement  retranchées  der- 
rière leurs  remparts,  voulaient  en  finir  quand  même,  et 
ils  avaient  résolu  d'aller  débusquer  l'ennemi,  quelque  part 
qu'il  fût,  en  l'attaquant  de  nuit.  Effrayé  de  tant  d'audace 
et  craignant  l'issue  d'un  assaut  oîi  sa  cavalerie  aurait  été 
inutile,  Philippe  se  hâta  de  souscrire  à  leurs  propositions, 
tout  humiliantes  qu'elles  étaient  pour  sa  popularité. 

V^eut-on  un  témoignage  non  équivoque  de  la  bravoure 
des  corporations  flamandes  :  qu'on  recoure  à  l'histoire  des 
peuples  étrangers,  car  la  nouvelle  de  la  victoire  de  Gro- 
uiughe  eut  du  retentissement  dans  tous  les  pays;  plus  loin 
que  la  Flandre  se  répandit  la  renommée  de  cette  bourgeoisie 
méprisée,  de  ces  vilains  sortant  de  leur  sommeil,  de  cette 
plèbe  luttant  contre  la  première  chevalerie  du  monde,  n'ayant 
à  opposer  aux  glaives  des  chevaliers  que  leurs  poitrines  à 
demi-nues,  mais  où  battait  un  cœur  patriotique  et  toujours 
prêt  à  se  sacrifier  pour  la  liberté  de  la  patrie,  n'ayant  d'au- 
tres cuirasses  à  opposer  aux  lances  ennemies  que  leur  jusle- 
au-corps  de  travail,  et  à  leur  dédain,  qu'un  courage  in- 
domptable qui,  méprisant  le  danger,  les  menait  presque 
toujours  à  la  victoire. 

Partout,  de  la  cour  des  rois  au  simple  caslel  de  l'écuyer, 
du  manoir  du  haut  baron  au  donjon  du  chevalier,  on  se 
demandait  :  Quelle  est  donc  celte  bourgeoisie  qui  vient  d'a- 
battre en  un  jour  le  prestige  de  la  noblesse?  Qui  donc  sont 
ces  braves?  La  bataille  est  perdue,  messire;  trois  mille  épe- 
rons d'or  jonchent  la  plaine,  toute  la  France  est  en  deuil. 
«  Personne,  dit  un  gentilhomme  de  Styrie,  n'a  pu  m'en- 


—  421  — 

»  seigner  la  tactique  des  Flamands;  un  chevalier  qui  a  as- 
»  sisté  à  cette  journée,  m'a  dit  que  les  bourgeois  ne  lui 
»  avaient  guère  laissé  le  temps  d'observer  leur  manière  de 
»  combattre  ni  leur  ordre  de  bataille.  » 

Réunis  à  Bruxelles,  les  princes  d'au-delà  du  Rhin  rendent 
une  justice  tout  aussi  éclatante  à  la  valeur  de  ces  soldats 
citoyens;  ils  conseillent  à  leur  allié,  Edouard  III,  de  pren- 
dre à  son  service  et  de  se  concilier  l'infanterie  flamande, 
la  première  du  monde,  et  la  seule  qui  puisse  l'aider  à 
vaincre. 

Après  tant  de  témoignages,  devons-nous  admettre  aveu- 
glément et  sans  contrôle  ce  que  les  écrivains  français  nous 
disent  des  redoutables  bataillons  communaux?  Quand  on 
voit  les  hauts  faits  de  ces  corporations,  peut-on  s'imaginer 
qu'aucune  organisation  militaire  ne  présidât  à  leur  forma- 
tion? C'est  cependant  ce  que  l'on  a  voulu  faire  accroire  à 
l'Europe  entière  :  il  serait  plus  que  surprenant,  il  serait 
incompréhensible,  qu'un  tas  de  canailles,  comme  dans  son 
superbe  dédain  féodal  les  traitait  le  comte  d'Artois,  eût 
réussi  à  vaincre  la  chevalerie  française,  si  un  accord  par- 
fait n'eût  existé  entre  eux  et  s'ils  n'eussent  été  soumis  à 
une  organisation  militaire  bien  entendue. 

Trente  ans  après  la  bataille  de  Groninghe,  les  corpora- 
tions présentent  une  organisation  militaire  portée  à  un  tel 
point  de  perfection,  qu'elles  ne  laissent  rien  à  envier  à  celle 
de  l'époque  actuelle.  Une  escarmouche,  l'assaut  d'une  ville, 
la  prise  d'une  forteresse,  d'un  camp,  peuvent  être  opérés 
avec  succès  par  une  populace  en  désordre,  qui  a  pour  elle 
le  cœur  et  l'énergie;  mais  nos  corporations,  nos  armées 
communales  demandaient  aux  rois  de  France  autre  chose 
que  des  combats  partiels  :  elles  demandaient  bataille;  elles 
ne  s'enfermaient  point  dans  des  retranchements,  elles  mar- 
chaient fièrement,  bannières  déployées,  en  rase  campagne 
et  venaient  jeter  un  défi  à  la  chevalerie  et  à  la  noblesse. 


42b2  

Dans  la  guerre  avec  Philippe  le  Bel,  nos  bourgeois  lui  en- 
voient un  carfel  ;  ils  brûlent  du  désir  de  livrer  bataille,  et 
ils  demandent  le  combat  :  le  roi  de  France  refuse,  il  n'ose 
affronter  ces  redoutables  milices  flamandes.  «  Les  Flamands 
«brûlent  de  livrer  bataille  ;  ils  sont  impatients  de  com- 
»  battre,  ils  désirent  tant  avoir  la  guerre.  Décrivait  l'àme 
damnée  de  Philippe,  Enguerrand  de  Marigny,  à  son  con- 
fident, Simon  de  Pise  (1313),  «  mais  ils  ne  l'auront  pas.  » 

Cultivé  au  plus  haut  point,  l'art  de  la  guerre  avait 
fait  des  progrès  notables  parmi  cette  bourgeoisie  remuante 
et  batailleuse  du  moyen-âge,  dans  ces  tourbillons  de  luttes 
continuelles,  incessantes,  des  corporations  des  diverses 
villes  contre  leurs  souverains  (ou  contre  les  rois  de 
France,  leur  ennemis  naturels),  toujours  prêts  à  biffer  de 
la  pointe  de  leurs  glaives  les  privilèges  qu'ils  venaient 
d'accorder  à  leurs  sujets,  au  prix  de  l'or  ou  de  leur  sang. 
Ceux-ci,  à  leur  tour,  exploitaient  les  vices  ou  les  pro- 
digalités de  leurs  comtes  et  leur  faisaient  payer,  souvent 
au  prix  de  leur  honneur,  le  sang  qu'ils  versaient  sur  le 
champ  de  bataille  pour  satisfaire  leur  insatiable  ambi- 
tion; car  il  est  à  remarquer  que  la  plupart  des  guerres 
des  comtes  de  Flandre  avec  leurs  sujets  eurent  pour  point 
de  départ  la  même  cause  :  d'une  part,  le  manque  d'argent 
obligeait  les  comtes  à  emprunter  de  leurs  sujets,  qu'ils 
payaient  en  privilèges;  d'autre  part,  une  bourgeoisie  fière 
et  hautaine,  rendue  insolente  par  un  pouvoir  fruit  de  ses 
propres  efforts,  revendiquait  à  main  armée  l'exécution  et 
le  maintien  de  ce  que  le  souverain  avait  promis;  mais 
celui-ci,  une  fois  que  la  somme  consacrée  à  payer  ses  fo- 
lies était  épuisée,  voulait  déchirer  de  force  la  charte  qui 
portait  sa  signature  et  à  laquelle  appendait  le  sceau  du 
comté. 

Si  l'organisation  militaire  des  corporations  était  favo- 
rable au  maintien  de  Tordre  et  de  la  paix  (car  il  est  à 


—  425  — 

remarquer  que,  dans  les  luttes  communales,  la  bour- 
geoisie ne  tenait  à  détruire  ni  l'aristocratie,  qui  presque 
toujours  partageait  ses  luttes,  ni  le  pouvoir  du  comte,  au- 
quel en  sujets  soumis  les  bourgeois  concédaient  la  supé- 
riorité), elles  ne  souffraient  point  non  plus  qu'on  louchât  à 
leurs  prérogatives;  et  si  le  peuple  voulait  être  libre,  ce 
n'était  qu'à  l'ombre  du  trône  de  ses  souverains  :  d'un  autre 
côté,  cette  organisation  portait  en  elle-même  tous  les  élé- 
ments de  la  désunion  et  du  désordre;  car  elle  donnait  trop 
de  pouvoir  et  de  force  au  peuple,  à  une  classe  nombreuse 
de  citoyens,  pour  ne  pas  manquer  le  but  de  sa  constitution. 
Elle  produisit  bientôt  des  résultats  funestes,  qui  amenèrent 
rapidement  sa  dissolution;  la  haine  et  la  jalousie  divisèrent 
les  chefs  de  ces  compagnies  d'artisans  qui  voulaient  gou- 
verner la  cité;  l'arrogance  s'empara  des  suppôts,  l'esprit  de 
domination  s'introduisit  dans  les  différents  corps  de  mé- 
tiers :  chacun  voulut  être  maître  et  commander,  personne 
ne  se  soumit  à  l'obéissance,  et  quand  par  hasard  on  s'en- 
tendait, c'était  pour  se  révolter  contre  le  prince  ou  contre 
le  magistrat.  Lorsque  l'anarchie  et  le  désordre  furent  par- 
venus à  leur  plus  haut  période,  ces  corporations  unirent, 
comme  finissent  toutes  les  démagogies,  par  le  meurtre 
et  l'assassinat.  Nous  parlerons  ailleurs  des  combats  san- 
glants que  se  livrèrent  les  divers  métiers  pour  conserver 
la  suprématie  (i). 

Ce  fut  à  l'infanterie  que  les  communes  flamandes  furent 
redevables  de  leurs  succès  au  XIII"^  siècle;  à  cette  époque 
elle  n'étaitguère  connue  qu'en  Italie,  où  l'on  désignait  ceux 
qui  faisaient  partie  de  ce  corps  sous  le  nom  de  Condottieri, 
assemblage  de  gens  de  toute  espèce,  mais  aussi  braves  dans 
le  combat  qu'avides  au  pillage,  une  fois  la  victoire  rem- 
portée.   Philippe    le  Bel,    après   ses  revers    contre    les 

(1)  Lenz,  Artevelde. 


—  424  — 

communes  flamandes,  voyant  la  supériorité  de  l'infan- 
terie sur  la  cavalerie,  se  hâta  de  prendre  pour  modèle  ce 
ramassis  de  canailles  qui  avait  si  bien  humilié  son  orgueil, 
et  il  fît  venir  d'Italie  et  d'Espagne  de  nombreuses  bandes, 
qu'il  joignit  à  sa  cavalerie  :  ce  qui  constitua  ainsi  la  pre- 
mière infanterie  française. 

Dans  la  plupart  de  nos  communes,  le  corps  échevinal, 
comme  aussi  les  doyens  des  corporations,  était  pris  parmi 
tout  ce  que  la  ville  olfrait  de  plus  noble,  de  plus  distingué 
ou  de  plus  audacieux.  Les  attributions  des  échevins  étaient 
tout  autres  que  celles  que  leur  laisse  la  pâle  organisation 
d'aujourd'hui;  ils  avaient  un  pouvoir  réel,  géraient  la  com- 
mune pour  le  plus  grand  bien  des  citoyens,  et  si  parfois 
ils  firent  de  l'autocratie,  leur  règne  fut  de  courte  durée  et 
n'exista  tout  juste  que  le  temps  nécessaire  pour  faire  sentir 
au  peuple  combien  est  lourd  l'esclavage. 

Une  responsabilité  sévère  pesait  sur  chacun  des  membres 
de  ces  corps,  et  il  n'était  point  sans  danger  de  se  jouer  de 
l'honneur  et  des  droits  des  corporations  et  de  la  bourgeoisie: 
à  eux  de  prévoir  les  dangers,  de  prévenir  les  calamités,  à 
eux  de  pourvoir  à  la  défense  de  la  ville  (i);  tout  en  un  mot, 
guerre,  finances,  politique,  était  du  ressort  du  banc  éche- 
vinal et  des  doyens  des  métiers.  Un  revers,  une  déception, 
un  combat  malheureux,  coulait  souvent  la  vie  à  son  au- 
teur; les  corporations  s'assemblaient  en  armes,  on  brûlait 
la  maison  du  malheureux  ou  du  coupable,  et  son  sang  ve- 
nait souvent  assouvir  la  rage  de  la  multitude. 

(1)  1526,  fol.  Ixxvij.  Item,  gaven  d'ontfangers  de  iiij  scepenen  van  de  keurr 
en  van  ghedeele  van  hare  soudeyen  van  xxx  weken  dat  sy  lagen  s'nachts  ter 
iiij  porten. 

155j,  fol.  XX.  Ilem,  gaven  d'ontfangers  Janne  van  Zomerghem,  sceppenc, 
die  ghequest  was  in  t'occassien  van  der  stede. 

134.."),  fol.  m"  xxviij.  Item,  trocken  naer  hemlieden  (de  corporatien)  ute 
cm  hem  te  volgene  doe  nicn  de  gliemeen  poort  ute  gheboodt  scepenen  Jan 
Wiiladc,  Glas  van  den  Hende. 


—  425  — 

Non  seulement,  en  temps  de  guerre,  l'armée  menait  avec 
elle  rélile  des  citoyens,  non  seulement  presque  tout  le 
banc  échevinal  marchait  à  sa  suite;  mais,  ce  qui  plus 
est,  là  où  se  trouvait  l'armée,  là  était  censée  être  la  par- 
lie  vitale  de  la  commune,  ses  magistrats  et  ses  lois.  Pen- 
dant la  guerre  de  Brabant,  les  corporations  furent  appelées, 
à  la  mi-août,  à  procéder  au  renouvellement  annuel  du 
magistrat,  et  ce  fut  sur  le  champ  de  bataille  que  se  Crenl 
les  élections  (i). 

Chaque  corporation  avait,  outre  son  doyen,  un  chef  mi- 
litaire nommé  Beleedere,  c'était  le  dux  des  anciens;  il  était 
choisi  parmi  les  capitaines  les  plus  hardis  et  les  plus  au- 
dacieux du  métier.  Ordinairement,  c'était  le  doyen  qui 
conduisait  les  milices  au  combat;  mais,  ne  pouvant  se  trou- 
ver partout  oîi  sa  présence  était  nécessaire,  il  nommait  un 
officier  qui  avait  sa  confiance  et  celle  du  métier,  et  il  lui 
déléguait  ses  pouvoirs.  Nous  n'avons  pas  trouvé  qu'un 
autre  chef  ou  beleedere  fût  nommé  lorsque  le  doyen  était 
présent;  mais  celui-ci  ajoutait  parfois  à  son  titre  de  doyen, 
celui  de  beleedere  (2). 

Au  XIP  siècle,  le  châtelain  avait  le  commandement 
de  tous  les  hommes  astreints  au  service  et  convoqués 
pour  l'arrière-han  dans  toutes  les  terres  du  ressort  de  son 
château  et  qui  comprenaient  non  seulement  les  vassaux  de 
la  chàtellenie,  mais  encore  les  milices.  Ce  ne  fut  que  plus 
tard  que  la  ville  de  Gand  choisit  elle-même  ses  capitaines. 

11  est  à  remarquer  que  la  ville  était  obligée  au  service 


(1)  1556,  f»  clxxj.  Item,  scepenen  die  doe  op  onse  vrauwe  avond  ghecoren 
waren  up  tvcll  bulen  Lenneke,  en  ontfingen  last  van  den  beleeders  van  der 
stede  aïs  scepenen. 

(2)  1344,  fol.  cxxxiij.  Ghegeven  den  Her  Gheeraerde  van  Denyse,  deken 
en  beleedere  van  de  weve  ambachle.  —  Gbieldolf,  Histoire  de  Flandre,  t.  Il, 
p.  24. 


—  426  — 

militaire  envers  le  comte.  Diericx  (i)  suppose,  d'après  le 
traité  de  1101,  imprimé  dans  Rymer,  et  d'après  les  privi- 
lèges commerciaux  accordés  à  la  ville  par  les  rois  d'An- 
gleterre durant  le  XII^  siècle,  que  dès  celle  époque,  les 
troupes  de  la  ville  faisaient  partie  de  l'armée  du  comle. 
Cette  obligation  au  service  militaire  était  pour  les  hommes 
libres  une  suite  de  l'ancien  Heribanmim  :  de  là  le  erand 
nombre  de  chevaliers  que  l'on  rencontre  dans  les  villes, 
à  mesure  de  l'émancipation  de  leurs  anciens  sujets.  Une 
des  preuves  les  plus  convaincantes  de  l'obligation  de  la 
ville  au  service  militaire  résulte  de  cette  circonstance 
que  les  rois  de  France  lui  firent  jurer  l'observation  de  la 
paix  de  Melun,  et  que  les  Gantois  promirent  de  ne  pas 
assister  le  comle  à  l'encontre  du  roi,  en  cas  d'infraction  à 
la  paix.  Une  autre  preuve  nous  est  fournie  par  l'acte  de 
garantie  que  donna  la  ville  de  Gand  en  mars  1257  (2). 

Les  milices  flamandes  avaient  divers  devoirs  à  remplir 
à  l'égard  du  comle  :  d'abord,  il  y  avait  la  landwere.  Lors- 
que le  comle  de  Flandre  avait  à  défendre  ses  prérogatives 
ou  se  trouvait  dans  la  nécessité  de  soutenir  une  guerre 
soit  contre  le  roi  de  France,  soit  contre  un  souverain  quel- 
conque, les  bourgeois  n'étaient  tenus  vis-à-vis  du  comte 
qu'à  défendre  et  à  garder  les  frontières.  De  là  l'expression 
de  landwere,  composée  de  land,  pays,  et^^?ere,  défense  (s). 

Une  guerre  était-elle  déclarée  aux  possessions  du  comte 
en  Zélande,  les  Gantois  étaient  seulement  obligés  de  four- 
nir les  moyens  de  transport  nécessaires.  On  lit  à  cet  égard 
dans  la  charte  de  la  princesse  Méhault  :  «  Les  Gantois  ne 
sont  astreints  à  aucun  service  autre  que  celui  du  transport. 

(1)  Diericx,  Mémoires  sur  la  ville  de  Gand,  t    I,  p.  146. 

(2)  Geldolp,  [nlr.  de  Warnkœ7iig,  vol.  III. 

(3)  Dit  swerdi  onsen  ghedeclilen  heere  goet  ende  geirouw  te  sine  sine 
erfachtighede  ende  seigneurie,  van  der  païen  van  der  lande  van  Vlanderen  te 
houdene  ende  helpen  houde,  enz.  {Witte7i  regisler).  Hôtel-de-ville. 


—  427  — 

Quand  le  prince  aura  besoin  de  leur  coopération,  il  en  pré- 
viendra les  bourgeois  quinze  jours  d'avance,  afin  qu'on  ail 
le  temps  nécessaire  pour  préparer  le  bateau.  Arrivé  dans 
la  ville  même,  les  bourgeois  l'escorteront  et  le  mèneronl 
aussi  loin  qu'on  peut  naviguer  au-delà  d'Anvers  durant  trois 
marées  hautes  et  basses.  A  celte  distance,  ils  attendront  à 
l'ancre  que  le  prince  les  rejoigne,  et  ils  le  reconduiront  par 
le  même  bateau  jusque  dans  la  ville  de  Gand  »  (i). 

La  ville  de  Gand  semble  avoir  été  primitivement  divisée 
en  paroisses;  en  1514,  nous  la  trouvons  organisée  par 
quartiers  (2).  Deux  corporations  dominaient  à  cette  épo- 
que :  les  tisserands  et  les  foulons:  il  n'est  nullement  fait 
mention  des  petits  métiers,  qui  ne  datent  que  du  temps 
où  Jacques  d'Artevelde  divisa  la  ville  en  trois  catégories 
distinctes.  Ces  quartiers  avaient  chacun  un  chef  particu- 
lier et  marchaient  sous  le  commandement  direct  de  cinq 
capitaines,  nommés  par  la  commune,  et  agissant  en  son 
nom  (3).  Les  tisserands  occupaient  dans  la  ville  vingt- 
trois  quartiers,  et  les  foulons,  dix-huit;  le  reste  du  peuple 
marchait  à  leur  suite.  Chaque  quartier  possédait  une  ban- 
nière en  propre  (4),  et  toutes  ces  bannières  portaient  pro- 


(1)  «  Gandenses  principi  suo  nullam  debent  expedilionem  nisi  navalem  : 
quà  si  forte  indiguerit,  prœsignificabit  eis  quindecira  diebus  ante,  ut  pra;pa- 
relur  ei  Gandavinavissua,  ab  eis  qui  eam  dejure  prœparare  tenentur  :  prin- 
cepsque  Gandavi  navem  intrabit,  et  cum  burgensibus  navigabit,  et  ipsi  cum 
eo,  ultra  fines  Antverpiœ,  quantum  pep  très  maris  tractus  et  retraclus  po- 
terunt  navigare.  Iliic  redilum  principis  exspectabunt,  et  princeps  cum  eis, 
et  ei  cum  principe  Gandavum  usque  remeabunt.  » 

(2)  Ik  Ketele,  den  onderbailliu,  ende  Pieler  den  Smcd,  sinen  cnape,  en 
van  xxiij  wiken  van  wevers,  ute  elken  wike  eenen  man,  en  van  xviij  wiken 
van  volres,  ute  elken  wike  eenen  man,  ende  de  deken  van  de  scerres  en  sine 
ghezellen  die  ute  voeren  naer  Sint  Dionysiusdag.  1515,  fol.  xviij  v». 

(3)  1326,  fol.  clxiij.  Item,  belaelt  van  lange  blauwen  laken,  daer  men  de 
V  hooftmanen  en  haren  cnapen  talibard  af  adden  te  wintere. 

(4-)  1514.,  fol.  ccxxxvj  vo.  Item,  van  1  bannieren  te  maken  te  volres  bouf, 
bachten  sGeerards  duivels  steen. 

Van  eeu  bannieren  die  de  volres  adden  in  de  nieuwe  slraele. 


—  428  — 

bablemeiit  les  armoiries  ou  insignes  du  métier  auquel  elles 
appartenaient. 

A  Bruges,  une  ordonnance  de  l'an  1296,  relative  aux 
corporations,  porte  :  Chaque  individu  qui  possède  moins  de 
trois  cents  livres,  n'a  pas  le  droit  de  faire  la  guerre  comme 
poorlere,  mais  est  le  serf  de  la  corporation  à  laquelle  il 
appartient  (i). 

A  Gand,  quand  tous  les  métiers  étaient  réunis,  ils  mar- 
chaient sous  la  conduite  d'un  seul  chef,  désigné  par  la  ville 
et  que  Ton  nommait  le  capitaine  des  Gantois.  Pour  obtenir 
ce  grade  ambitionné,  il  fallait  avoir  su  captiver  par  quel- 
que exploit  ou  le  zèle  ardent  du  patriotisme  la  bienveillance 
ombrageuse  des  membres  les  plus  influents  des  divers  mé- 
tiers. Ces  élus  appartenaient  toujours  à  l'une  ou  à  l'autre 
corporation.  — Parmi  les  capitaines  les  plus  illustres,  nous 
citerons  Gilles  Rypegeerste,  les  Artevelde  et  Ackerman. 

Il  était  du  devoir  de  chaque  homme  de  courir  aux 
armes  au  premier  appel  du  magistrat  :  ce  privilège  de  se 
défendre  eux-mêmes,  si  précieux  pour  nos  ancêtres,  était 
surveillé  d'un  œil  jaloux  par  les  diverses  corporations  qui 
composaient  la  cité.  Au  premier  son  du  tocsin,  chacun  était 
non  seulement  invité  à  venir  prêter  la  force  de  son  bras, 
mais  on  prononçait  les  peines  les  plus  sévères  contre  qui- 
conque ne  répondait  point  à  l'appel.  Ces  appels  aux  armes 
se  faisaient  quelquefois  au  son  de  la  trompette,  et  c'était 
le  signal  ordinairement  en  usage,  la  cloche  ne  servait 
qu'en  cas  de  surprise  ou  de  danger  pressant  (2).  Dans  le 
règlement  des  ceinturonniers,  on  trouve  :  «  Quiconque, 
lorsqu'il  sera  fait  appel  aux  armes,  soit  au  marché  soit 
ailleurs,  ne  se  rendra  pas  sous  sa  bannière  au  premier 
signal  donné,  encourra  une  amende  de  20  escal.  paris.  » 

(1)  Gaillaud,  Les  corporations  de  Bruges,  p.  3. 

(2)  1472.  Item,  bctaelt  Matheus  Meys,  van  dat  hy  reed  achlei-  de  stede 
mette  trompette,  dat  hem  clc  van  wapenen  vorsien  zoude. 


—  429  — 

Dans  une  ville  aussi  militairement  organisée  que  la  ville 
de  Gand,  chacun  était  tenu  de  posséder  des  armes  (i),  bien 
qu'il  fût  sévèrement  défendu  de  sortir  armé,  sauf  pour  les 
besoins  du  service.  On  voit  par  le  règlement  des  charpen- 
tiers, que  le  guet  qu'on  faisait  en  ville  était  commandé  à 
lourde  rôle;  en  voici  un  extrait  :  Les  charpentiers  de  Gand 
se  réuniront  à  la  mi-carême  pour  faire  le  guet;  chacun  des 
membres  du  métier  viendra  un  soir,  hormis  les  six  jurés, 
qui  se  présenteront  trois  fois  de  suite.  Quiconque  désire 
ne  point  venir  au  soir  indiqué  par  le  doyen  ou  les  jurés, 
peut  envoyer  en  son  lieu  et  place,  n'importe  qui,  pourvu 
que  le  remplaçant  soit  franc  charpentier.  Tous  seront  armés 
d'un  casque  blanc,  avec  une  cuirasse  ou  cotte,  d'un  plas- 
tron ou  d'une  jaquette  à  deux  housses  de  mailles,  et  de 
gants  blancs  (2).  En  outre,  chacun  fera  en  sorte,  pour 
l'honneur  du  métier  et  pour  sa  propre  considération,  d'être 
armé  uniformément;  et  quiconque  ne  viendra  pas  armé 
comme  il  a  été  dit,  encourra,  pour  chaque  soir  qu'il  man- 
quera à  l'appel,  une  amende  de  douze  gros,  sauf  le  cas  de 
maladie  grave,  de  blessure  ou  d'absence  prouvée  pour  les 
trois  soirs,  ou  bien  encore  par  suite  de  permission  accordée 
par  le  doyen  ou  les  jurés. 

Si  par  hasard  une  question  épineuse  se  présente,  le 
doyen  et  les  jurés  décideront  en  dernier  ressort. 


(1)  1487,  loi.  i24  r».  Item  elc  van  de  ghcscllen  die  ghecoren  sijn  officier 
voor  hem  van  eender  hooflwapene,  zwerdl,  langhe  messe  of  dagglie,  die 
gheslert  zijn  te  hai-en  costen  en  die  niet  te  costen  van  hunen  gheburen. 

(2)  1487,  fol.  424  r".  Hem  ghepublyert  dat  aile  de  officiers  van  butcn,  dal 
zyliedcn  doen  maken  elc  die  ghecoren  zijn  cen  v.ittc  scabbe  van  kenincts?  of 
andre  lijnwaedc,  en  metten  eender  bende  gheluwe  ende  persch. 

1487,  fol.  420  r".  item  betaelt  Roelant  Gliijs,  trompet,  ende  Licven  de 
Joncheere,  bode,  van  dat  zy  ghepublyert  bebben  dat  aile  manncn,  aiso  wcl 
van  buten  als  van  binnen,  bcneden  den  Ixx  jaren  en  boven  den  xvij  jarcn 
lienilieden  terslond  bereed  maken,  ghewapenl  met  boghcn,  colveneren  ende 
pijcken,  omnie  monstre  te  docne,  terslond  als  zy  vermaend  sullcn  wordcii... 

ÔG 


—  450  — 

Quiconque  aura  encouru  Tamende,  ne  pourra  travailler 
avant  de  l'avoir  payée;  et  ceux  qui  travailleront  sans  l'a- 
voir soldée,  ne  pourront  ni  voter  à  la  mi-août,  ni  être  élus 
jurés,  ni  faire  partie  du  serment. 

Les  amendes  provenant  de  ce  chef  serviront  à  l'achat 
d'armes  et  d'armures ,  qui  seront  mises  à  la  disposition 
des  membres  de  la  corporation. 

Ceux  qui  ne  seront  point  présents,  lorsqu'on  sortira  de 
la  maison  de  la  corporation  pour  faire  le  guet,  ou  ceux  qui 
s'écarteront  ou  partiront  et  ne  resteront  point  auprès  du 
doyen,  ou  qui  ne  rentreront  point  avec  le  guet  à  ladite 
maison,  seront  passibles  de  la  même  amende  (année  141 4). 

En  temps  de  guerre,  la  ville  habillait  tous  les  membres 
des  métiers  qui  marchaient  sous  ses  bannières;  de  plus,  les 
principaux  de  chaque  métier  recevaient  des  équipements 
complets.  Ces  dépenses  montaient  quelquefois  à  des  som- 
mes énormes,  et  plus  d'une  fois  il  arriva  que,  par  suite 
de  la  stagnation  des  affaires,  occasionnée  par  les  guerres 
continuelles  qu'elle  avait  à  soutenir,  la  ville  n'était  point  en 
état  d'équiper  ses  troupes;  alors  elle  leur  remettait  plus 
tard  l'équivalent  en  argent  (i). 

L'uniforme  était  de  rigueur  dans  les  corporations  ;  les 
couleurs  généralement  adoptées  par  les  métiers  de  Gand 
étaient  le  rouge  et  le  blanc,  excepté  pour  les  bouchers,  qui 
portaient  jaune  et  rouge. 

Dans  son  savant  ouvrage,  mon  ami,  M.  Félix  de  Vigne, 


(1)  Ann.  1345,  fol.  239.  Teerslen  ghaven  sy  dcn  xlij«  niannen  vandcr  we- 
verien  ende  die  dcr  wevcrlen  toebehooren  die  gheen  lakcn  en  adden  :  dat 
zijn  de  scercs,  vauders,  huutslaghers,  slrikcrs,  geredcrs,  tikewevers,  linine- 
wevers,  tapijtwevers 

Item  ghaven  sy  den  cleenen  neringhen  die  gheen  laken  en  adden  lote 
xxvij<=  personen,  etc. 

Fol.  274  v».  Ilem  gavcn  dontfanghcrs  vj™  ix''  xcvj  niannen  uten  weve 
anibachte,  ende  die  licm  toebelioorcn,  cnde  nie  allen  cleenen  neeringhen  die 
gheen  laken  te  frocken  en  hadden  veijare,  clken  xxx  groele  tornois. 


—  431  — 

nous  a  dépeint  les  différentes  confréries,  ainsi  que  leurs 
costumes;  voici  la  note  curieuse  qu'il  ajoute  :  «  A  Bruges, 
les  costumes  de  l'armée  communale  étaient  de  couleur  jau- 
ne, grise,  bleue,  blanche,  noire,  et  blanche  à  croix  rouges. 
A  Ypres,  on  avait  généralement  adopté  le  vert.  Sanderus 
nous  dit  que,  vers  le  milieu  du  mois  de  mars  de  l'an  1302, 
Guillaume  Jobs,  d'Ypres,  rassembla  une  armée  composée 
d'Yprois  et  de  Furnois  pour  s'opposer  aux  troupes  royales, 
campées  près  du  canal  de  Saint-Omer;  le  Jeudi  saint,  les 
Yprois,  tous  habillés  de  drap  vert,  se  rendent  à  Arck, 
qu'ils  incendient  »(i). 

Plus  d'une  fois,  nous  voyons  les  corporations  adopter 
des  signes  distinctifs,  des  marques  de  ralliement.  Ainsi, 
en  1566,  la  ville  indemnise  le  métier  des  tisserands  pour 
des  habits  qu'elle  n'a  pu  livrer  à  temps  et  qui  étaient  mar- 
quées de  griffes  (2).  C'était  à  l'époque  où  la  ville  était  di- 
visée en  parti  national,  Clauwaerts,  et  parti  français,  Le- 
liaerts.  Cet  article  nous  démontre  clairement  de  quel  côté 
penchait  le  magistrat  :  c'était  celui  du  peuple,  celui  de  la 
force  active,  celui  de  l'intérêt  de  son  industrie  et  de  son 
commerce. 

Un  article  des  plus  curieux  est  le  compte-rendu  d'une 
expédition  militaire,  qui  se  trouve  dans  les  archives  de 


(1)  La  planche  que  nous  donnons  ici,  est  tirée  de  l'ouvrage  de  M.  De 
Vigne.  Elle  représente  les  corporations  des  boulangers,  des  poissonniers  et 
des  tondeurs  de  drap,  d'après  une  peinture  murale  du  X1II«  siècle,  trouvée 
à  Gand  en  1846. 

(2)  1386.  Item,  betaelt  aen  de  goede  lieden  van  de  weverien,  van  achter- 
stellen  van  frocken  mette  clauwe. 

Item  ghaven  donlfanghers  den  goeden  lieden  uter  weverien,  Heinric  Goet- 
halse,  Heinricke  vandcn  Viereweghesceden  ende  Lieven  Rogghemulen;  cnde 
uter  volrien,  Heinric  vanden  Bossce,  Macs  van  Wcstveide  ende  Rase  Ilaec, 
ende  uten  clenen  neringhen,  Jan  van  Dronghine,  Symoen  de  Necker,  Jan 
Colinszone,  quamen  van  Berghine  ghesent  vanden  serjantcn  vanJer  slcde 
die  daer  laglien,  omme  hier  te  volghenc  cnde  te  hebbcne  soudcyc  cndc  frocke, 
over  hare  costc  ende  pine,  Ixxij  lib. 


—  432  — 

Bruges.  On  sait  que  toutes  les  fois  qu'une  armée  rentrait 
dans  ses  foyers,  elle  recevait  de  la  ville  un  vêtement  neuf 
complet  (i)  :  c'est  ce  qu'on  nommait  la  bien-venue  (de  wel- 
comst).  Au  départ,  si  la  ville  n'équipait  pas  entièrement  ses 
troupes,  elle  les  vêlait  cependant  de  manière  à  ce  qu'elles 
pussent  se  présenter  convenablement.  Dans  un  des  registres 
de  la  ville  de  Bruges,  fol.  21  V,  à  l'année  1258,  le  froc, 
ou  tunique  de  guerre,  est  désigné  :  Pro  tunicas  ad  expedi- 
lionem;  à  l'année  1292,  folio  21  ,  pro  sagos  ad  tunicas 
probabilari  (2).  Dans  un  compte  flamand  de  1300  (3),  on 
trouve  cités  des  soudoyés  à  cottes  blancbes,  jaunes,  bleues, 
grises  et  noires;  ces  coites  étaient  en  drap  pour  les  chefs 
et  les  magistrats,  et  garnies  d'orfroi,  avec  des  franges  en 
or  ou  en  argent  (4). 

En  cas  de  guerre,  les  comtes  de  Flandre  envoyaient 
ordre  de  rassembler  les  milices  des  diverses  villes  dépen- 
dantes du  comté;  les  communes  en  agissaient  de  même 
à  l'égard  de  leurs  subordonnés.  Voici  la  proclamation  pro- 
mulguée à  son  de  trompe,  dans  la  ville  de  Gand,  pour 
porter  aide  et  secours  au  duc  Jean  de  Bourgogne  (1408, 
MSS.  de  feu  M.  Lammens)  :  «  Wij  schepenen,  etc.  Ordon- 
»  neren  dat  aile  de  ghene  die  hun  rechts  vermeten  an  de 
»  vrijhede  ende  poorterie  van  der  stede  van  Ghent,  die 
»  buuten  sijn,  t'sij  edele  of  andere,  uutghedaen  die  nu  je- 
»  ghenwerdelic  bi  onsen  gheduchten  heere  ende  prince  syn, 
»  commen  binnen  Gend,  binnen  derden  daghe  voer  schepe- 
»  nen,  ende  doen  hun  teekeneu  bi  naemen  en  toenaemen. 


(1)  CooMANS,  Les  Communes  belges,  p.  123. 

(2)  C'est  une  preuve  non  équivoque  que  dès  Tan  1238,  les  Flamlres  avaient 
adopté  l'uniformité  de  costumes,  du  moins  pour  les  cottes  d'armes  {wapen 
frocken) . 

(3)  Comptes  de  Bruges,  année  lôOO,  fol.  35.  Ilem,  betaelt  van  de  soude- 
niers  metten  witten,  ghcluwc,  blauwe,  grise  en  zwarte  frocken. 

(4)  De  VicNE,  Recherches  historiques,  t.  I,  p.  ô6. 


iOÙ 


»  Die  de  contrarie  detle,  schepcnen  soiiden  se  daer  of  cor- 
»  rigeren  bi  tijden  ende  wijieii  aiso  daer  toe  ghehoercii 
»  soude. 

»Iteni,  dat  aile  de  giiene  die  oinmesaeten  syn  ende  in  de 
»  casselerije  sijn  der  slede  van  Gend  als  stappens  ghcrcel- 
»  scap  maken,  ende  iuin  voorzien  van  engienen,  harnaschen 
«  ende  vvaepenen  omme  le  Irekene  melter  stede  van  Gend  in 
»  iiulpen  ende  sccoursen  vau  onsen  ghediichten  heere  ende 
9  prinse  so  wanneer  lii  le  doen  Iieefl,  ende  ment  hun  laet 
»  vvelen.  » 

L'article  suivant  nous  offre  la  preuve  que  chacun  était 
obligé  de  se  munir  d'armes  à  ses  frais  : 

«  Item,  dat  aile  edele  ruddere  ende  cnapen  die  poorteren 
»  sijn  binnen  der  stede  van  Gend  commen  binnen  den  ler- 
»  mijn  voorseyl,  utghedaen  die  nu  bi  onsen  gheduchten 
»  heere  ende  prince  syn ,  ende  haer  gereetscepe  maken 
»  omme  met  den  goeden  lieden  vau  der  stede  te  Irecken  in 
»  hulpe  van  onsen  voorseyde  heere.  » 

La  première  fois  que  nous  trouvions  mention  de  troupes 
auxiliaires  étrangères,  c'est  vers  l'an  lo2G.  Les  premiers 
soudoyés  que  la  ville  ait  pris  à  son  service,  furent  des  An- 
glais; c'étaient  des  archers  à  cheval,  qui  ne  recevaient 
point  de  paie  régulière,  mais  qui  étaient  loués  à  l'année. 
En  temps  de  paix,  la  commune  se  contentait  de  fournir  la 
nourriture  à  leurs  chevaux,  une  fois  hors  de  la  ville,  ils 
avaient  à  pourvoir  eux-mêmes  à  tout  ce  qui  regardait  leur 
entrelien  (i). 

Plus  tard,  en  14-64,  nous  voyons  la  ville  faire  appel  à 
tous  ceux  qui  veulent  suivre  sa  bannière,  non  seulement 
aux  bourgeois  de  la  banlieue,  mais  à  tous  indislinclement. 

(1)  152G,  fol.  G8  i-o.  Itéra  ileii  vj  zelscullers  lliurs  (te  pecril)  lliulpeii  hareii 
cosle  van  liareii  perden  den  tijt  dat  sij  in  de  pooit  blevcn  ende  uiel  iite  en 
voercn  clken  j  gr.  sdagcs,  xxxv  daglien  lang,  ende  als  sij  utc  trocken  soen  en 
ad  sij  niet,  omme  dal  sij  adden  iiarre  pensiocn,  dat  comt  xxxv  lib. 


—  -454  — 

Ce  système  de  recrutement  était  dans  les  mœurs  de  l'épo- 
que, et  c'était  uu  excellent  moyen  de  débarrasser  la  ville 
d'un  tas  de  gens  sans  feu  ni  lieu,  auxquels  elle  servait  de 
refuge,  gens  toujours  prêts  à  piller  les  habitants  comme 
les  étrangers  (i);  car  à  cette  époque,  comme  à  toutes  les 
autres,  la  commune  gantoise  accordait  asile  à  tous  les  op- 
primés, quelles  que  fussent  leurs  opinions  politiques  ou 
religieuses.  Cette  grande  liberté  fut  plus  d'une  fois  nui- 
sible aux  intérêts  de  la  ville;  mais  les  corporations  et  le 
peuple  le  voulaient  ainsi,  et  devant  la  décision  de  la  mul- 
titude, le  magistrat  n'avait  qu'à  incliner  la  tête  et  qu'à  se 
soumettre. 

Aussi  longtemps  que  l'élite  des  corporations  et  de  la 
bourgeoisie  se  trouvait  sur  le  champ  de  bataille,  tous  les 
citoyens,  jusqu'à  l'âge  de  soixante  ans,  étaient  astreints 
au  service  à  l'intérieur  de  la  ville.  Il  est  curieux  de  par- 
courir les  comptes  de  la  ville  à  l'époque  des  guerres  avec 
l'étranger  :  on  ne  peut  s'empêcher  d'admirer  la  sollicitude 
avec  laquelle  les  magistrats  veillent  à  l'ordre  intérieur;  aux 
jours  indiqués,  chaque  corporation  doit  fournir  son  con- 
tingent d'hommes  pour  faire  le  guet,  monter  la  garde, 
veiller  à  la  défense  des  portes  de  la  ville  et  des  fortifica- 
tions. De  nos  jours,  une  ville  en  état  de  siège  ne  prendrait 
point  des  précautions  plus  méticuleuses  (2) ,  et  c'est  un 
intéressant  sujet  d'étude,  que  de  voir  comment  dans  les 
villes  du  moyen-àge  le  désordre  s'allie  à  l'ordre  intérieur; 
une  fois  la  révolte  apaisée,  celui  qui  était  le  maître  impo- 
sait ses  lois  aux  vaincus,  et  les  premières  ordonnances 

(1)  1477,  fol.  115.  Dat  aile  de  ghene  die  soudeyen  willen  winnen,  hem- 
lieden  zouden  doen  scriven  onder  den  hoogbailliu. 

(2)  1325,  fol.  279  r".  Itemghaven  dontfanghers  xix  wiken  vander  volrien, 
die  ommeghinghen  snachts  in  de  port,  omnie  de  port  in  rusten  ende  in  payse 
toudene,  doe  de  grave  van  Namen  voer  te  Dornicke  ward  tote  skonings  rade 
van  Vrankerickc,  van  haerre  soudeen,  xl  lib. 


—  43o  — 

publiées  avaient  toujours  pour  but  le  rétablissement  com- 
plet de  l'ordre  et  la  régularité  du  service  :  les  haines  con- 
tinuaient à  subsister  et  couvaient  sous  la  cendre,  mais  l'or- 
dre était  rétabli,  du  moins  extérieurement. 

L'organisation  militaire  des  corporations  à  Gand  fut 
portée  à  son  plus  haut  degré  de  perfection  sous  le  règne 
de  Jacques  d'Arlevelde;  ce  fut  lui  qui,  doué  d'un  des  plus 
vastes  génies  qui  aient  brillé  en  Flandre,  jugea  de  son  coup- 
d'œil  d'aigle  la  puissance  que  pouvait  tirer,  de  ces  nom- 
breuses phalanges  militaires,  l'homme  assez  entreprenant 
pour  se  les  asservir;  il  comprit  tout  d'abord  les  ressources 
qu'il  pouvait  attendre  de  celte  bourgeoisie  fière  et  indomp- 
table, se  battant  pour  ses  intérêts  ou  son  ambition,  tou- 
jours prête  à  tirer  le  glaive  à  la  moindre  infraction  faite  à 
ses  privilèges;  il  exploita  à  merveille  ces  tendances  guer- 
rières dans  les  luttes  qui  ensanglantèrent  son  règne,  et 
l'organisation  militaire  qu'il  sut  introduire  dans  les  cor- 
porations était  si  bien  appropriée  aux  besoins  de  la  com- 
mune, qu'elle  ne  s'éteignit  que  sous  le  souffle  dévastateur 
de  Charles-Quint,  qui  renversa  les  corporations  et  leur 
organisation  agonisante. 

Le  règne  des  deux  Arlevelde  fut  l'âge  d'or  des  corpora- 
tions; à  cette  époque,  la  puissance  militaire  de  Gand  était 
sans  rivale.  L'artillerie  venait  de  naître,  ce  n'était  plus 
l'adresse  et  la  force  corporelle  qui  allaient  décider  de  l'is- 
sue du  combat;  c'était  le  nombre  de  pièces  que  l'on  pouvait 
présenter  sur  le  champ  de  bataille.  Louis  de  iMale,  à  la  ba- 
taille de  Bevershoutsveld,  a  pu  juger  le  premier  de  la  révo- 
lution qui  allait  se  faire  dans  les  combats  :  la  chevalerie, 
le  courage  individuel  allaient  céder  la  place  à  une  organi- 
sation militaire  basée  sur  le  nombre  des  pièces  de  campa- 
gne. Les  Gantois  lâchent  sur  l'armée  brugeoise  cinq  mille 
coups  de  pierriers,  ce  qui  occasionne  sa  défaite  avant  que 
l'action  soit  totalement  engagée. 


—  456  — 

Jacques  d'Artevelde,  le  premier,  avait  su  inspirer  aux 
corporations  ce  souffle  d'indépendance  et  de  liberté,  qui  l'in- 
spira lui-même  dans  toutes  ses  entreprises;  conduites  par  un 
mobile  plus  noble  que  rintérêt  —  l'amour  de  la  patrie,  — 
elles  marchèrent  au  combat  avec  une  précision,  une  régu- 
larité et  un  enthousiasme  qui  rappellent  les  temps  antiques. 

Philippe  d'Artevelde,  à  son  tour,  monte  à  cheval  :  «  Mou- 
rons, amis,  les  armes  à  la  main,  et  que  Dieu  nous  protège!  » 
—  «  Nous  prierons  pour  vous  le  Dieu  des  combats,  et  si 
vous  mourez,  nous  mettrons  le  feu  à  la  ville  et  nous  nous 
ensevelirons  sous  ses  ruines,  «telle  est  la  réponse  des  mé- 
tiers, et  comme  un  torrent  qui  a  rompu  ses  digues  s'irrite 
des  obstacles,  ils  ne  s'arrêtent  que  pour  abattre  ce  qui  ose 
leur  résister.  L'année  1379  nous  offre  un  remarquable 
exemple  de  la  promptitude  de  leurs  opérations  :  Un  corps 
de  troupes  sort  de  la  ville  le  10  septembre;  le  11,  ils  s'em- 
parent de  Deynze,  ils  prennent  Courtrai  et  s'y  reposent 
huit  jours,  donnent  l'assaut  à  Ypres  le  21,  et  malgré  la 
résistance  héroïque  des  grands  métiers  joints  à  la  noblesse, 
ils  s'emparent  de  la  ville.  Ypres  conquis,  ils  soumettent 
Dixmude,  Furnes,  Nieuport,  et  le  Lion  de  Gand  flotte  sur 
les  murs  de  Bruges,  qui  reconnaît  ses  lois.  Le  14  décem- 
bre, le  corps  expéditionnaire  rentre  triomphant  dans  la 
capitale  de  la  Flandre. 

Tout  est  prévu  :  l'ennemi  approche-t-il  de  la  ville,  Roland 
fait  entendre  sa  voix  redoutable  et  le  tocsin  appelle  aux  ar- 
mes; les  trompettes  de  la  ville  (i)  assemblent  le  peuple,  et 
les  doyens  des  métiers  et  leurs  puissantes  corporations 


(1)  1537,  fol.  183  \o.  Van  huren  van  ij  paerden  die  der  stede  garsoene 
liebben  omme  ghereden,  onime  tvolc  ter  coutren  te  doen  commene... 

1487,  fol.  421.  Item  betaelt  Andrics  Gliijs,  trompet,  ende  Lieven  de  Key- 
sere,  sergant,  van  dat  zy  ghepublyert  liebben  dat  aile  niannen  benedcn  dcii 
Ixx  jaren  ende  boven  den  xvij  jaren  die  van  buten  incommen  zijn,  hemlitden 
gherecdt  makcn  also  zy  dlij'f  aventuercn  willcn,  met  boghen,  cueluuveren 
cude  pijcken  van  xviij  vocten  lanc... 


—  437  — 

accourent  avec  leurs  bannières  pour  prendre  en  mains  la 
défense  de  la  ville.  C'était  une  véritable  garde  nationale, 
mais  avec  une  organisation  toute  militaire  et  si  réiiulière 
qu'il  ne  fallait  que  peu  de  temps  pour  en  réunir  les  élé- 
ments :  la  ville  de  Gand  mil  souvent  en  peu  d'heures  vingt- 
cinq  à  trente  mille  hommes  sous  les  armes. 

Le  peuple  gantois  était  à  cette  époque  une  sorte  d'hydre  à 
cent  têtes,  qui  renaissaient  à  mesure  qu'on  cherchait  à  dimi- 
nuer sa  puissance.  En  1302,  à  la  bataille  de  Groeuinghe, 
on  comptait  huit  mille  trois  cents  Gantois;  en  1345,  dans 
une  de  ces  émeutes  meurtrières  du  moyen-âge,  il  périt  au 
Marché  du  Vendredi  deux  mille  foulons  ou  tisserands.  En 
1348,  plus  de  neuf  mille  hommes  succombèrent  à  la  san- 
glante bataille  de  Roosebeke,  tandis  que  dans  le  mémo 
temps  dix  mille  autres  citoyens  assiégeaient  Audenarde. 

Nonobstant  ces  massacres,  la  ville  de  Gand  ne  cessa  de 
s'accroître  :  ce  fut  l'effet  de  l'adroite  politique  de  ses  ma- 
gistrats, qui  offrirent  un  asile,  voire  même  le  droit  de  bour- 
geoisie, à  tous  les  mécontents  qui  n'osaient  compter  sur  la 
parole  du  prince  pour  retourner  dans  leur  patrie.  Ainsi  le 
délire  qui  agitait  tous  les  esprits  dans  ces  temps  orageux, 
l'amour  du  brigandage,  l'espoir  de  trouver  l'impunité  au 
milieu  d'une  populace  toujours  prête  à  recourir  aux  armes, 
l'avantage  d'exercer  son  industrie  au  sein  d'une  ville  qui 
dominait  toutes  les  autres,  et  qui,  malgré  ses  agitations, 
laissait  à  l'artisan  une  sécurité  plus  grande  que  des  ha- 
meaux sans  défense  ou  des  villes  trop  directement  soumises 
aux  rapines  du  comte  ou  de  ses  courtisans  :  telles  étaient 
les  sources  oîi  se  renouvelait  la  population  de  cette  grande 
cité. 

Chaque  corporation  savait  le  nombre  de  soldats  qu'elle 
avait  à  fournir,  chaque  officier  avait  sa  place  marquée  d'a- 
vance, en  cas  d'émeute  ou  d'attaque  de  l'ennemi;  l'une  des 
corporations  est  chargée  de  garder  les  portes  de  la  ville. 


—  458  — 

une  autre  garnit  les  remparts  (i);  le  roi  des  Ribauds,  dé- 
ployant son  drapeau  de  toile  grossière,  image  impertinente 
de  l'étendard  souverain,  marche  à  la  tète  des  engins  de 
guerre,  et  tout  cet  attirail  se  déploie  et  se  place  sans  dé- 
sordre :  l'on  croirait  une  garnison  de  nos  villes  modernes 
prenant  les  armes,  et  non  une  ville  composée  de  mar- 
chands et  de  bourgeois. 

Jamais  guerre  ne  fut  plus  populaire  en  Flandre  que 
celle  entreprise  par  Jacques  d'Artevelde;  d'abord,  c'était 
contre  les  Français,  ces  éternels  ennemis  du  peuple  flamand, 
et  puis  c'était  pour  l'Angleterre,  c'était  pour  Edouard  III 
qu'on  allait  combattre  :  l'Angleterre,  c'était  le  pain  quoti- 
dien des  Gantois,  c'était  leur  vie,  leur  commerce;  Edouard 
était  le  souverain  protecteur  de  leurs  privilèges,  leur  sou- 
tien, le  représentant  de  leur  liberté,  l'ami  de  leur  idole, 
Jacques  d'Artevelde. 

Une  guerre  entreprise  sous  de  pareils  auspices  ne  pou- 
vait manquer  de  plaire  :  aux  actions  d'un  peuple,  on  juge 
de  ses  sympathies;  non  seulement  chaque  corporation  s'im- 
pose des  contributions  (2),  mais  la  noblesse,  la  bourgeoisie 


(1)  1337,  fol.  187  \°.  Item  was  geordinert  dal  Ixxij  cnapen  waken  souden 
ute  aile  ambachten... 

1528,  fol.  238  i».  Item,  den  xxv  scerewetters  die  snachls  waecten  ten 
vesten  ende  quamen  smorgins  tilike  ter  caulren  ende  stonden  daer  ghe- 
wapent... 

(2)  1333,  p.  79.  Oiitfanghen  van  de  wevericn  thulpen  van  den  oorloglie 
vor  xij  daghe  van  den  procliie  van  St-Jans,  bi  der  hand  van  Jans  van  Stalle 
en  Jans  van  der  Hoyen,  xxxij  lib.  gr. 

Van  den  prochle  van  St-Pieters,  by  der  hand  van  Lievin  van  Westvoorde 
en  Livinus  van  Waes,  xix  lib.  gr. 

Van  de  prochie  van  St-Niclaus  en  bi  der  hand  van  Micliiels  Wiltere  en 
Gillis  Dieder,  iiij  lib.  gr. 

Van  de  prochie  van  St-Michiels,  bi  der  hand  van  Jacop  van  Wackine,  Jans 
Groelcn  Jans  van  Lacrne,  ut  beide  costerie,  xxxiij  lib. 

Van  St-Jacops  et  St-Bavo,  bi  der  hand  van  Joos  van  Waes  en  Jans  de 
Backere,  xv  11b.  gr. 


—  439  — 

et  les  couvents  se  cotisent,  afin  de  soutenir  avec  honneur 
cette  guerre  entreprise  pour  leur  commerce  et  leur  liberté. 

Dans  les  comptes  de  la  ville,  nous  voyous  les  dames 
mêmes,  les  nobles  comme  les  roturières,  payer  contribution 
pour  venir  en  aide  à  la  commune  (i). 

Le  siège  de  Tournai  nous  offre  un  désintéressement  plus 
rare  encore  :  les  bourgeois  renoncent  à  recevoir  la  solde 
qui  leur  est  due  par  la  ville,  et  se  contentent  d'une  paie 
très-légère,  tout  au  plus  suffisante  pour  leurs  besoins  jour- 
ualiers.  «  Et  sachant  que  la  ville  ne  peut  leur  payer  la  solde 
entière,  vu  le  pressant  besoin  où  elle  se  trouve,  ils  se  con- 
tentent de  5  gros  chacun  «(a).  Le  chirurgien  qui  marche 
à  la  suite  de  nos  corporations,  refuse  de  même  toute  rému- 
nération de  ses  services,  et  la  ville  lui  alloue  une  somme 
pour  le  remercier  de  ce  qu'il  n'a  voulu  recevoir  d'argent 
d'aucun  de  ses  concitoyens,  riches  ou  pauvres,  blessés  ou 
malades  (s). 

Si  la  ville  prenait  grand  soin  du  bien-être  des  citoyens, 


(1)  1514,  fol.  H  r".  Onlfaen  van  dcn  ghenen  die  ulpen  daden  ter  ervard 
daer  nien  was  te  Curterike  ende  vor  Ricele. 

Suivent  les  noms  des  contribuables,  parmi  lesquels  figurent  39  femmes. 

(2)  lo-iO,  fol.  231  v».  Item  gaven  den  v™  c  ende  xxxix  van  den  goedcn 
lieden  uten  alien  neeringhen  die  ghenomen  waren  aise  serjante  te  ligglienc 
voer  Dornike,  dats  te  wetene  uten  goeden  lieden  van  den  weve  ambaclite 
xviijc  man,  ende  uten  goeden  lieden  van  der  volrien  vij"  man,  ende  uten 
goeden  lieden  van  allen  cleenen  neeringhen  xxj<=  en  xxxix  man,  elken  v  s.  gr. 
torn.  —  Ende  daermede  scolden  sy  de  stede  quite  van  haerre  saudeyen  die 
vêle  meer  ghedreghen  soude  hebben,  omme  dat  sy  saghen  den  groeten  nood 
en  commer  daer  de  stede  in  was,  dat  sy  wilden  helpen  draghen  ende  vcrlich- 
ten  metten  haren,  nochtan  namen  sy  dit  gheerne  ende  vriendcleke  len 
tween  waerven. 

(3)  1540,  fol.  231  V».  Item  gaven  sy  meesier  Aernoude  van  den  Leene,  der 
stede  surgien.  over  den  goedertierleken  ghclrouwen  dienst  die  hy  jonstelcke 
met  grooter  pinen  dede  an  de  ghequetste  ende  gewondde  van  onsen  poorters 
die  uten  hère  brocht  waren  ghequetst  ende  ghewondt,  beede  rike  ende  aerme, 
en  over  de  goeden  ghetrouwen  dienst  die  Jan,  sijn  cnapc,  dede  in  sincn 
name  in  de  zelve  oflicic,  daer  hy  van  nicmcnc  noit  ghclt  af  en  nam... 


—  440  — 

les  corporations,  elles  aussi,  avaient  appelé  la  sollicitude 
du  législateur  sur  le  sort  des  veuves  et  orphelins  que  les 
malheurs  de  la  guerre  eussent  laissés  sans  soutien.  Nous 
trouvons  un  témoignage  de  cette  prévoyance  paternelle  dans 
le  livre  des  tisseurs  de  tapis,  de  Tan  looO  :«  S'il  arrive 
qu'un  homme  du  métier,  maître  ou  apprenti,  soit  tué  en 
marchant  à  la  suite  du  comte  de  Flandre,  ou  au  service 
de  la  ville,  ce  dont  Dieu  veuille  nous  préserver,  ses  enfants 
mâles  seront  exemptés  de  l'apprentissage  et  admis  en  la 
la  place  du  père  »(i). 

Les  corporations  étaient  exercées  aux  armes  par  les 
doyens  des  divers  métiers;  de  plus,  l'un  des  échevins  était 
spécialement  chargé  de  tout  ce  qui  touchait  de  près  ou  de 
loin  à  l'art  de  la  guerre;  il  avait  un  pouvoir  absolu,  et  qui- 
conque se  refusait  au  service  militaire  encourait  non  seule- 
ment de  fortes  amendes,  mais,  en  cas  de  résistance  ou  de 
rébellion,  les  échevins  avaient  le  droit  de  lui  reprendre  la 
bourgeoisie. 

Une  des  principales  forces  militaires  de  la  ville,  c'étaient 
les  confréries  ou  gildes;  les  deux  principales  étaient  celle 
de  Saint-Georges  et  celle  de  Saint-Sébastien;  la  première 
était  composée  de  l'élite  des  citoyens  et  avait  des  préroga- 
tives toutes  seigneuriales.  La  gilde  de  Saint-Georges  avait 
le  pas  sur  tous  les  métiers  et  marchait  au  même  rang  que 
la  bannière  du  comte  et  l'étendard  de  la  ville.  Voici  ce  que 
nous  en  dit  M.  De  Vigne,  ainsi  que  des  pénalités  qu'encou- 
raient ceux  qui  contrevenaient  à  leurs  prérogatives  :  «  Que 
personne  ne  campe,  qu'il  soit  noble  ou  non,  devant  la  ban- 
nière de  Saint-Georges,  du  comte  de  Flandre  ou  de  la  ville 

(1)  Tapijlwevers  boek,  aiino  1530.  Item  voort,  waert  soe  dat  eenich  maii 
van  den  voorseiden  ambochte,  ware  hy  meestere  of  cnape,  ende  quamc  van 
lève  1er  doot,  om  's  heeren  orloghe  van  den  lande  of  mctter  stede  van  Gliend, 
dics  God  verden  mode,  dat  harc  kindere  van  manhoofdcn  wareu  vrij  mids 
den  doot  van  harcn  vadere,  ghelijc  dat  de  vader  gliewcyst  hadde. 


—  441  — 

(le  Gand;  celui  qui  fera  le  contraire,  quel  qu'il  soit,  sera 
exposé  pendant  un  jour  devant  le  logis  du  capitaine,  avec 
les  poucettes  aux  doigts.  » 

La  ville  de  Gand  encourageait  de  toutes  façons  Texercice 
des  armes;  elle  donnait  des  prix  aux  rjildcs,  les  comblait 
d'honneurs,  mettait  à  leur  disposition  ses  hôtels,  ses  places 
publiques,  s'intéressait  à  elles  et  leur  allouait  des  subsides. 
En  1330,  les  échevins  de  Gand  accordèrent  aux  archers 
un  subside  pour  donner  plus  de  solennité  à  leurs  fêles, 
ainsi  que  pour  le  dîner  qu'ils  offrirent  à  la  Halle  au  comte 
de  Flandre  et  aux  échevins  (i). 

Ce  n'est  qu'en  1488  que  nous  voyons  pour  la  première 
fois  une  société  d'arquebusiers  régulièrement  organisée;  la 
ville,  pour  les  encourager  à  s'exercer  au  tir  de  la  cible, 
accorde  à  chaque  confrère  trois  coups  de  poudre  à  tirer  (a). 

Nous  arrivons  insensiblement  à  l'armement,  aux  engins 
de  guerre  des  corporations;  chaque  métier  possédait  de 
ces  machines  qui  lui  appartenaient  en  propre;  mais  la  plu- 
part étaient  la  propriété  de  la  commune.  Au  siège  d'Alost, 


(1)  1330,  fol.  16  i">.  Hem  gbaven  donfangers  der  selscutters  van  Ghcnt 
tulpen  liaeiTC  feestcn  dacrsi  ghaveii  tetene  in  dalle  te  Ghent,  Minen  hcere 
van  Vlaendren,  beeden  sinen  bailliuen  ende  dat  daertoe  beboord,  scepenen, 
raet  ende  die  hem  toeboeren... 

Ibid.  En  van  scakemente  die  nietden  liebard  scoet  en  dat  daer  toe  beboort, 
en  van  de  taffelcn  en  seragen  le  maken  en  le  gberedene,  onder  dalle,  daer  mon 
le  feeste  sat. 

(2)  Ilem,  betaelt  len  beveelne  van  scepenen,  den  guide  broeders  van  dcn 
guide  van  den  Culoveriers,  onlancx  leden  opgbeslelt  binnen  deser  slede,  le 
wetene  :  den  dysenier  van  dal  hy  aile  sondaglie  alst  hem  niclten  zyncn  ghc- 
bueren  zal  métier  culevere  te  schietene,  ende  van  dat  hy  elken  van  zyneu 
ghesellen  ghelevert  heeft  drie  schoten  busi)Ours,  hem  daer  voeren  toeghelegl 
xij  gr.  ende  omme  naer  dat  zy  ghescholen  bebben  aile  sondaghe,  ende  den 
ghesellen  recreaciemet  eleandre  le  bebbene,  daer  vooren  toegbeleyt  xviijgr., 
comt  ij  se.  vj  d.  gr.  de  wcke,  begbinnende  den  x»  dach  van  ougsle  Ixxxix, 
onde  houdende  melten  xiiij"  van  ougsle  xc,  comt  vj  lib.  xij  se.  d.  gr. 

{Compte  de  la  ville  de  Gand,  1488-90,  fol.  191  v«). 


-  U^2  — 

en  1335,  nous  trouvons  pour  la  première  fois  une  descrip- 
tion, très-concise  il  est  vrai,  des  engins  que  possédait  la 
ville  :  c'étaient  des  arcs  à  rouet  (i),  des  arcs  simples,  des 
engins  sans  description  plus  ample;  une  seule  exception 
est  faite  cependant  pour  le  grand  arc  de  la  ville,  qui  devait 
être  d'une  dimension  énorme,  puisqu'il  ne  fallait  pas  moins 
de  six  hommes  pour  le  diriger  et  de  trois  chevaux  pour 
le  conduire;  de  plus,  il  y  avait  des  espringales,  sortes  de 
cuillers  en  bois,  que  l'on  tendait  et  qui  lançaient  des 
pierres.  Les  ingénieurs  sont  en  outre  pourvus  de  fallots 
pour  monter  la  garde  à  leurs  machines,  qui,  comme  l'on 
voit,  n'ont  rien  d'exceptionnel  ni  de  curieux,  et  ressemblent 
à  tous  les  engins  employés  à  celte  époque  par  les  nations 
voisines. 

Déjà  au  XIP  siècle,  les  Gantois  excellaient  dans  l'art 
des  sièges  :  dans  la  vie  de  Charles  le  Bon,  Gualbert,  ra- 
contant que  les  Gantois  accourent  pour  venger  leur  comte, 
ajoute  :  «  Ces  gens  sont  admirables  par  l'art  qu'ils  ont  de 
diriger  les  sièges.  »  Nous  voyons  que  la  célébrité  militaire 
des  Gantois  date  de  loin,  et  peu  de  peuples  peuvent  lutter 
d'ancienneté,  sous  ce  rapport,  avec  nos  bourgeois. 

Le  XIV*  siècle  venait  de  luire,  l'artillerie  de  campagne 
et  de  siège  allait  naître  et  changer  tout  d'un  coup  l'orga- 
nisation militaire  et  la  manière  de  combattre;  la  ville  de 
Gand  fut,  sinon  la  première,  du  moins  une  des  premières 
qui  firent  usage  de  l'artillerie.  Nous  allons  en  peu  de  mots 
prouver  ce  que  nous  venons  d'avancer,  appuyé  sur  des 
témoignages  irrécusables. 

Trois  savants  ont  particulièrement  travaillé  à  rehausser 
la  gloire  militaire  de  nos  anciennes  communes  :  MM.  le 


(1)  1333,  fol.  144  v».  Item  van  iij  parden  te  beslaene  ende  van  coste  die 
de  parde  ende  waghenccrcn  daden,  dacr  meester  Boidin  de  Bogmakrc  de 
boglie  van  der  stede  mede  voerde  tAclst... 


—  445  — 

général  Renard,  le  colonel  Guillaume  et  le  chanoine  De 
Smet.  Ce  dernier  publia,  en  1835,  une  notice  sur  le  grand 
canon  de  Gand;  il  proOla  de  cette  circonstance  pour  ex- 
ploiter un  sujet  qui  n'avait  été  effleuré  que  par  de  rares 
écrivains  :  l'organisation  de  l'artillerie  au  nioyen-àgc.  Mal- 
heureusement ses  nombreuses  occupations  ne  lui  laissèrent 
point  le  temps  de  pénétrer  au  vif  de  la  question,  et  il  se 
contenta  de  glaner  ce  qu'il  put  dans  quelques  manuscrits, 
et  n'eut  point  le  loisir  de  consulter  les  comptes  de  la  ville, 
cette  base,  ce  point  de  départ  obligé  de  tous  les  historiens 
qui  un  jour  entreprendront  d'écrire  l'histoire  de  notre  glo- 
rieuse patrie.  Un  savant  distingué,  M.  le  professeur  Lenz, 
avait,  lui,  consulté  les  comptes  de  la  ville  pour  son  histoire, 
malheureusement  inédite,  du  règne  des  deux  Artevelde,  et 
nous  ne  savons  pas  comment  il  se  fait  que  l'article  de  1341 
ait  échappé  aux  savantes  recherches  et  aux  investigations 
du  patient  professeur.  Depuis  lors,  nous  avons  pu  puiser 
à  des  sources  que  ces  deux  savants  n'ont  point  eues  à  leur 
disposition,  et  que  par  conséquent  ils  n'ont  pu  connaître  : 
des  registres  de  corporations  nous  ont  été  communiqués; 
des  comptes  particuliers,  disparus  dans  des  papiers  de 
rebut,  ont  été  découverts,  et  bien  que  presque  tous  fussent 
de  très-peu  d'importance,  nous  nous  en  sommes  servi  cha- 
que fois  que  l'occasion  favorable  s'est  présentée,  pour  rendre 
notre  travail  plus  clair  et  plus  complet. 

Nous  ne  discuterons  point  ici  la  question  de  savoir  quand 
et  par  qui  la  poudre  fut  inventée,  ni  quel  est  le  peuple  qui 
le  premier  s'en  est  servi  ;  le  cadre  que  nous  nous  sommes 
tracé,  celui  de  l'organisation  militaire  à  Gand,  ne  comporte 
guère  une  pareille  discussion. 

Il  est  généralement  admis  que  ce  fut  à  la  bataille  de 
Crécy,  en  1346,  que  pour  la  première  fois  on  fit  usage  de 
l'artillerie;  nous  venons,  nous  Gantois,  nous  inscrire  en 
faux  contre  la  prétention  de  nos  voisins  de  France.  M.  le 


—  444   — 

professeur  Lenz  cite  l'artillerie  comme  ayant  été  employée 
la  première  fois  à  Gaiid  en  1347,  par  un  capitaine,  nommé 
Van  Rypegeerste;  notre  savant  concitoyen  verse  dans  une 
erreur  profonde  :  nous  poussons  nos  prétentions  beaucoup 
plus  loin  encore,  car  non  seulement  nous  venons  réclamer 
pour  la  ville  de  Gand  Thonneur  de  s'être  servie  de  l'ar- 
tillerie en  1341,  cinq  années  avant  la  bataille  de  Crécy; 
mais,  ce  qui  plus  est,  nous  sommes  prêts  à  prouver  que  les 
corporations  faisaient  forger  à  cette  époque  des  armes  à 
feu,  des  ribaudequins.  «  Anno  1541.  Payé  à  ceux  du  mé- 
tier, les  ribaudequins  qu'ils  faisaient  faire  dans  leurs  quar- 
tiers ))(i). 

Froissart  a  parfaitement  décrit  les  ribaudequins  en  ces 
termes  :  «  Iceux  ribaudequins  sont  trois  ou  quatre  petits 
»  canons,  rangés  de  front  sur  de  hautes  charettes  en  ma- 
»  nière  de  brouettes,  devant  sur  deux  ou  quatre  roues  bar- 
»dées  de  fer,  atout  longues  piques  de  fer  devant  en  la 
»  pointe.  »  C'est  la  description  exacte  que  nous  pourrions  faire 
de  ces  mêmes  armes: c'étaient  des  charrettes,  des  brouettes. 
En  1411,  nous  trouvons  :«  Payé  pour  les  brancards,  les 
essieux  et  les  roues  de  six  ribaudequins  »(2).  C'était  donc, 
si  nous  comprenons  bien  ce  passage,  une  brouette  ou  chariot 
avec  des  brancards,  sur  lesquels  étaient  rangés  de  front 
six  ribaudequins.  En  1479,  il  est  fait  mention  d'arque- 
buses montées  sur  des  roues.  En  1455,  la  ville  paie  les 
roues  qu'elle  avait  fait  construire  pour  les  nouveaux  ri- 
baudequins. En  1565,  la  ville  fait  elle-même  faire  des 
canons  (s).  En  1411,  la  ville  possédait  déjà  de  la  grosse 


(1)  1341,  fol.  321  V".  Ilem  [betaelt]  van  haren  ribacudekinen  die  sy  in 
liarc  wike  niaken  daden. 

(2)  1411,  fol.  31  G.  Item  betaelt  van  trerayen  metten  assen,  ende  vvielen  te 
zesse  rybaudekincn. 

(3)  13()3,  fol.  ccix.  Van  den  donderbussen  di  hi  dor  stcde  maecte. 


—  445  — 

artillerie  (t),  et  à  dater  de  celle  époque,  des  fonds  sont 
alloués  annuellement,  soit  pour  faire  forger  des  armes  à 
feu,  soit  pour  en  acquérir.  La  même  année  1411,  Jac- 
ques Van  Zèle  reçoit  une  rétribution  de  la  ville  pour 
avoir  transporté  de  Gand  à  Douai  les  ribaudcquins  de  la 
ville  et  ceux  du  métier  des  tisserands,  ainsi  que  la  grosse 
bombarde  et  d'autres  objets  de  grand  poids  (2).  En  1381, 
on  construisait  les  engins  de  guerre  à  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre  (3);  nous  avons  lieu  de  croire  qu'ici  le  mol  engin 
doit  s'interpréter  par  artillerie,  car  il  est  fait  mention  de 
l'abbaye  de  Saint-Pierre  comme  servant  de  dépôt  en  1415, 
année  sous  laquelle  on  lit  dans  les  comptes  de  la  ville  : 
«  Payé  à  Baudouin  Van  Lokeren  pour  avoir  fait  de  la 
poudre  à  canon  {donderbus  poeder),  pour  l'avoir  pesée  e( 
pour  transport  d'engins  à  Saint-Pierre  b(4). 


(1)  14H,  fol.  316  vo.  Item  van  der  groeter  biissen  te  voerne  ten  Stccn- 
tlamme  ende  weder  te  bringhene  doe  mense  proiifde. 

14-11,  fol.  517  V".  Item  se  syn  ghemaect  vj  nieuwe  rybaudekine,  die 
costen  van  haute,  van  spierschen  berdren,  van  moruwe  berdren,  van  over- 
slaghen  vau  culieren  van  ysere,  van  naglen,  van  hantgliedade  ende  vort  van 
dat  gheleit  es  ant  Beelfroet.,. 

14H,  fol.  317  v».  Item  meester  Boudiné  van  Lake,  van  iij  nieuwen  carae- 
ren  te  makene  ten  iij  steenbussen,  wegliende  c  pont,  ele  pont  iiij  groten; 
van  eenen  bande  an  een  steenbusse,  xxv  groten,  van  Ix  haken  te  vcrmakcne 
ende  versteelne,  iij  sch.  groten,  van  yserin  dievels  van  hemers,  blaesbal- 
ghcn,  vierpannen;  van  donderbusloede  te  vergliietene  ende  van  andren  di- 
veerssen  cleenen  dinghen  die  hy  meer  ghelcvert  heeft  ten  cngicnen... 

1 435,  fol.  40  v.  Betaelt  van  den  wielen  te  makene  an  de  nieuwe  rebaudekinc. 

1431,  fol.  221  v».  Den  voghelaer  met  lamoene. 

1451,  fol.  223  v».  Item  [betaelt]  van  menichlen  van  bussesteenen...  glie- 
daen  maken  te  Heesseghem... 

1479,  fol.  127  v».  Item  xxiiij  haecbussen  up  vvyelen. 

(2)  1411,  p.  519.  Item  [betaelt]  Jacoppe  van  Zcle,  van  vrachtc  dat  hy 
voerde  van  Ghent  te  Duway,  de  rybaudekine  van  der  stede  van  den  neerin- 
ghen  van  der  weverien,  en  van  taergen  ghescut  de  grote  bombare  ende  vele 
steenen  ende  ander  zwaer  dinc. 

(3)  1581,  fol.  252  V».  Item  [betaelt]  van  den  engienen  die  men  maecte 
sente  Pieters,  in  den  cloestre. 

(4)  1413,  fol.  22  v".  Item,  betaelt  Boudeyn  van  Lokeren  van  donderbus 
poeder  te  maken,  te  wegen  en  van  de  engincn  te  voercn  Sl-Pictcrs. 

37 


—  -446  — 

Il  est  assez  curieux  de  remarquer  que  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre,  cette  maison  du  Seigneur,  servait  d'arsenal  à  la 
ville;  mais,  à  celte  époque,  le  peuple  et  les  moines  ne  fai- 
saient qu'un;  les  maux  du  peuple,  les  moines  les  soula- 
geaient; car,  si  eux  aussi  partageaient  sa  gloire  ou  son 
triomphe,  ils  partageaient  de  même  ses  revers  et  ses  dé- 
sastres. 

La  première  fois  que  nous  trouvons  le  mot  artillerie  em- 
ployé en  flamand,  c'est  en  l'an  1433  :  cette  année,  la  ville 
achète  de  maître  Roland  Guyson,  de  Valencienncs,  un  ca- 
non pour  lancer  des  boulets  de  fer  (i);  en  1476  et  1482, 
subsides  pour  des  balles  en  plomb,  des  moules  pour  les 
boulets  et  les  balles  (2). 

L'époque  où  l'on  a  commencé  à  fabriquer  de  la  poudre 
à  Gand,  nous  est  inconnue;  ce  n'est  qu'en  1414  que  nous 
voyons  figurer  pour  la  première  fois  des  frais  faits  pour 
acheter  du  soufre  et  du  salpêtre  :  «  Payé  pour  11  tonneaux 
de  salpêtre  mesure  de  Hambourg  et  pour  une  mesure 
de  bois  de  tilleul  «(sj.  Même  compte,  année  1415  :  a  Pour 
avoir  broyé  du  soufre  et  du  salpêtre  pour  faire  de  la 
poudre  »  (4). 


(1)  143S,  fol.  iO.  Ghecocht  jeghen  mecster  Coelaerdc  Goyson,  te  Valent- 
chine,  ecne  busse  omme  yscrin  cloeten  nieile  le  schietene. 

(2)  1-476,  fol.  286  v».  Item  betaelt  Diedcric  van  don  Ilove  van  vier  eeriii 
beckenen  wcghcnde  tsesticli  pont,...  ende  van  eenen  ketele,...  al  ghecocht  ter 
vooi'seyde  stede  bchouf  omine  die  te  orbuerne  int  maken  bussepoedere  ende 
andersins. 

1476,  fol.  287.  Betaelt  voor  xxxj  steenen  loots,  daer  hy  af  ghegoten  heeft 
zeekere  nienichte  van  loode  van  diversche  groote,  dienende  ter  couleuvri- 
nen  ende  bussen. 

1482,  fol.  161.  Betaelt...  van  eender  niotalen  vooi-me  te  makene  omme 
lood  daerinne  te  gliietene,  diennende  toot  divcerssche  cherpentynen. 

(3)  1414,  fol.  49.  Dit  syn  de  coslen  die  ghedaen  syn  an  de  engiene  ende 
gliescuttc. 

Item  van  ij  amborghenen  tonncn  salpcters,  die  ghecocht  waren  te  Brugghe, 
niettcn  costen  van  haelne,  van  bringhcne  ende  up  dcn  zoldere  te  doene. 
Item,  van  viij  alstcr  lindecolen. 

(4)  1415,  fol.  154  v.  Item  mcesler  Boudyn  van  Lake van  salpêtre, 


—  447  — 

Au  XV'=  siècle,  l'artillerie  gantoise  avait  fait  un  pas  sur- 
prenant :  rien  ne  manque  plus  à  son  organisation,  elle  a 
ses  chefs  artilleurs,  ses  ofliciers,  qui,  pour  se  distinguer 
de  l'infanterie,  portent  sur  leur  habit  le  signe  dislinclif  de 
leur  arme  (i).  Toujours  satiriques,  les  Gantois  avaient 
baptisé  leurs  canons,  tantôt  d'après  les  services  qu'ils  en 
avaient  tirés,  tantôt  d'un  nom  populaire,  qui  sait,  quelque- 
fois d'un  nom-propre  peut-être?  Notre  grand  canon  ne 
s'appelle-t-il  pas  Marguerite  l'Enragée?  Nous  trouvons,  de 
plus,  des  pièces  nommées  l'Ours,  Pierrot,  Leybaert  ou  le 
Léopard,  etc.  C'est  en  1472  que  nous  trouvons  la  première 
mention  du  grand  canon  avec  son  nom  populaire  de  Mar- 
guerite :  «  Payé  pour  livraison  d'un  grand  orme,  sur  lequel 
on  plaça  un  canon  appelé  la  grande  Marguerite  »  (2).  Il 
nous  paraît  indubitable  qu'il  est  ici  mention  de  notre 
fameuse  bombarde,  l'Enragée;  cette  pièce  était  aussi  nom- 
mée le  Diable  rouge,  parce  qu'elle  était  peinte  de  cette 
couleur  (3).  Il  paraît  que  ce  dernier  usage  était  général 
à  cette  époque,  car  la  ville  fait  peindre  tous  ses  engins  de 
guerre  (4)  :  «  Payé  à  Licvin  Van  den  Bossche,  peintre,  poui' 
repeindre  les  engins  de  la  ville  avec  de  la  peinture  à  l'huile 
rouge,  à  savoir  :  220  arquebuses,  quelques-unes  montées 

sulfer,  lindecolen  ende  andrc  substancie  te  stampene,  dacr  dondcrbuspocdcr 
af  ghemaect  was. 

(1)  1451,  fol.  212.  Betaelt  Ghilselbrcclil  Moeraert,  goudsmct,  van  dcr 
fantsoene  van  viij  zclverin  dondeibussen  te  makenc,  omme  de  viij  busmccs- 
ters,  die  zy  draghen  up  liaer  liabyten. 

(2)  1476,  fol.  274  V.  Betaelt...  van  zekere  leveiingbe  van  boule,  etc., 
ende  van  eenen  groolcn  bollera,  daer  eene  busse  gbebcetcn  de  groote  Griete, 
ende  andre  engienen  van  der  stede  inné  gbelcyt  waren. 

(3)  1422,  fol.  5G.  Gcgeven  van  den  busse  te  vernissyne. 

(4)  1479,  fol.  127  V.  Item  betaelt...  Lievin  Vandenbossebc,  scbildcrc,  van 
den  engienen  van  dezer  vorseide  stede,  te  vcrsebildcne  met  olyveeruwcn  rool 
te  wetene  :  ijt^  xxv  baecbussen  rom  in  bout  beslcgben.  Item,  xv  liaecbussen 
met  landtliicinen,  elke  bcbbende  drie  cameren.  Item  xlj  baecbussen  up  sgra- 
gben  liggende.  Item  xxiiij  baecbussen  up  wyclen.  Item  xix  vuegbclcers... 
Item  XV  groote  scrpcntynen.  Item  liij  groote  basson  vucgbeleers  ende  andere... 


—  448  — 

en  bois;  des  arquebuses  ayant  chacune  trois  chambres; 
item,  41  arquebuses  reposant  sur  des  étaux;  item,  24  ar- 
quebuses sur  roues;  19  fauconneaux;  item,  11  grands  ser- 
penteaux; 52  grands  canons.  » 

Non  seulement  la  ville  avait  son  artillerie,  mais  les 
métiers  possédaient  la  leur.  Le  grand  métier  des  tisse- 
rands avait  un  arsenal  où  il  déposait  ses  engins  de  guerre, 
sa  poudre  et  ses  armes  de  réserve;  mais  ce  grand  métier 
n'était  pas  le  seul  qui  possédât  en  propre  des  canons  :  en 
14-52,  la  ville  indemnise  la  corporation  des  boulangers, 
pour  la  perle  qu'elle  a  faite  d'un  ribaudequin  au  siège 
d'Audenarde(i);  nous  voyons  de  même  les  couvreurs  four- 
nir les  échelles  pour  l'assaut  d'Audenarde  (2).  En  1456,  la 
ville  achète  de  Seger-Jacques  Van  den  Damme,  doyen  des 
teinturiers  en  bleu,  un  fauconneau  en  métal  (s). 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  noire  savant  ami,  M.  Goet- 
ghebuer,  la  planche  ci-jointe,  extraite  de  sa  précieuse  col- 
lection. On  ignore  à  quelle  époque  remonte  la  construction 
du  local  dit  des  Bigarden  :  au  commencement  du  XIV*"  siè- 
cle, la  ville  en  disposa  en  faveur  d'un  ordre  religieux, 
nommé  les  Bigarden  ou  Bogarden.  Déjà  antérieurement, 
la  ville  s'en  était  servie  comme  arsenal,  «  voor  de  engienen 
in  te  legghen.  »  Nous  sommes  tout-à-fait  de  l'avis  de  notre 
savant  concitoyen,  M.  V^an  Lokeren,  que  tout  fait  supposer 
que  primitivement  ces  bâtiments  avaient  appartenu  aux  tis- 
serands, bien  que  nous  n'ayons  aucune  preuve  historique 
à  l'appui  de  notre  opinion;  nous  ferons  seulement  remar- 


(1)  1452,  fol.  326  v".  Hem  Jaune  Vlieghen,  van  eenen  rebaude  cnde  Iwee 
taergen  toebehoorende  der  neeringlien  van  de  backers,  die  verloren  bleven 
in  de  reyse  van  Audenaerde... 

(2)  1451,  fol.  223  V».  Ilcm  overglicgheven  by  den  dekin  van  den  ticliel- 
deekers,  van  den  coste  van  leeren  bleven  voor  Audenaerde... 

(3)  1436,  fol.  108.  Item  ghecochl  jcglien  Jacop  van  den  Damme,  deken  van 
den  blauwers,  eenen  molalenen  vogheleere,  weeght  iij»  Ixiij  lib... 


—  449  — 

quer  que  presque  toutes  les  révoltes,  séditions,  prises  d'ar- 
mes, si  elles  ne  se  passaient  point  au  Caiitcr,  avaient  lieu 
aux  Bigarden.  Une  immense  plaine,  qui  s'étendait  jusqu'à 
l'église  de  Sainl-iMichel,  devait  être  très-favorable  aux  ras- 
semblements. 

Charles-Quint,  dans  son  ordonnance,  rappela  que  a  c'était 
surtout  aux  Bogarden  que  s'étaient  rassemblés  les  séditieux 
et  les  révoltés.  »  On  vendit  ensuite  tout  le  local,  qui  fut 
racheté  par  les  tisserands;  mais  on  abattit  la  tour,  selon 
l'ordre  de  l'Empereur. 

Si  les  Gantois  étaient  turbulents,  séditieux,  pleins  de 
mépris  même  pour  leurs  souverains,  s'ils  ne  les  respec- 
taient que  pour  autant  que  leurs  comtes  les  traitassent  avec 
humanité,  il  faut  aussi  leur  rendre  cette  justice,  qu'ils 
furent  toujours  des  premiers  à  venir  à  leur  secours,  mettant 
à  leur  disposition  et  leurs  bras  et  leurs  bourses.  Louis 
de  Nevers  est  fait  prisonnier  à  Nicopolis;  tout  aussitôt  les 
Gantois  se  taxent  eux-mêmes,  s'inscrivent  pour  sa  rançon, 
et  une  somme  de  cinquante  mille  florins  est  mise  à  sa  dis- 
position :  une  nouvelle  croisade  se  prêche,  les  Gantois  se 
hâtent  d'y  contribuer  pour  une  large  part  (i);  ce  qui  fait 


(1)  Stads  rekening,  li^i-^G,  fol.  96  v".  —  Item,  onse  hai'dc  geduechte 
heere  ende  prince  heeft  te  diverschen  stonden  versochl  in  zinen  princelykcn 
persoon  ende  doen  versoucken  an  allen  zynen  landen,  neglicene  uuleglieson- 
dert,  hulpe  ende  secours  te  liebbene  omnie  te  lielpen  wcderstanc  de  heydene 
Turcken,  die  met  huerer  cracht  vercreglien  liebben  diversclie  lanscepen  van 
den  kerstenrycke  ende  die  ghedestrueert  ende  vcle  kerstiins  bloets  doen  stur- 
ten,  dat  zeere  te  claghene  es  ende  noch  vêle  nieer  gheschepcn  warcn  te  docnc 
up  dat  zij  by  der  gracie  Gods  niet  wederstaen  en  worden,  omme  vvelker 
zaken  wille  aile  de  landen  van  den  vornomden  onzen  harden  gheducliten  licere 
ende  elc  lant  zonderlinghe  aensiende  de  goedc  meeuinghc  van  den  vornoeni- 
den  onzen  gheduchten  heere  bem  tocgheleyt  bebben  groote  somnicn  van  pen- 
ninghen,  van  den  welken  hy  alsnu  groote  menichte  bekeert  ende  ghesonden 
heeft,  omme  de  voorseide  Turcken  te  wederstane,  raids  dat  hy  om  der  reyzo 
willevan  Utrecht  ende  anderen  zynen  grooten  noolsinnen,  in  pcrsone  aliuich 
daerwacrt  uiet  en  heeft  moghen  trecken,  welc  versouc  de  voornomdc  onze 


450  — 


dire  à  notre  savant  historiographe  Meyer,  que  jamais  les 
Flamands  ne  refusèrent  d'aider  leurs  souverains,  quand  il 
s'agissait  de  la  gloire  et  de  l'honneur  de  l'État. 


liarde  gheduchte  heere  heeft  ooc  gliedaen  in  persone  an  ziin  lanl  van  Vlaen- 
dren  te  diverschen  ij'den,  an  t'zelve  vcrzouckende  te  hebbene  zesse  hondcrt 
mannen  van  wapenen  ende  neghen  hondcrt  arcliiers  Isiaers,  also  langhc  aïs 
liij  uut  wezen  zoude,  ende  want  scepcnen  meer  herlelic  begheerendc  zijn  alst 
recht  es,  dat  de  zelve  onze  gheduchte  heere  haerwaerts  overe  blyft,  ten  be- 
scudde  ende  bewaernesse  van  zinen  lande  van  Vlaendren  ieghen  de  ghuene 
die  overlast  ende  scade  doen  ende  draghen  zoudeu  mogcn  den  zelvcn  zinen 
landen  in  zine  absenlie,  dan  dat  liy  in  persone  trocke  in  de  vornomde  reyse 
van  Tnrkyen,  ende  aensiende  dat  bij  zinen  vertrecke  de  meestendeel  van  der 
moghenteyt  ende  rycheyt  van  den  zelven  zinen  lande  van  Vlaendren  ghesce- 
pen  waren  met  hem  te  vertreckene  ende  van  daghe  te  daghe  te  volghene,  so 
hebben  scepenen  vornomd,  omme  de  \velvaerl  van  deser  stede  ende  uter  name 
derzelverten  occoysoenc  van  dien  ende  omme  te  vervolghene  ende  vcrcri- 
ghene  diversche  groote  eerlycke,  proufl'ytelyke  ende  zonderlinghe  laslelyke 
pointen  ende  zaken  de  zelver  stede  aengaende,  die  alnu  gheconsenteert  zijn 
bij  den  vornomden  onzen  gheduchten  heere  ende  daerafdat  de  brievcn  ende 
letteren  te  makene  ende  expedierne  zyn,  alsoe  dat  ghebleken  es  by  zekeren 
beslotenen  letteren  die  myn  heere  de  canchellier  onlancx  ledcn  ghescreven 
heeft  an  scepenen,  van  welken  pointen  ende  zaken  dezer  vorseide  stede 
groote  welvaert,  eere,  bâte  ende  prouffyt  afgeschepen  es  te  commene,  ghe- 
hadt  ende  ghesustineert  heeft  groote  ende  vêle  costen,  bedraghende,  met 
tghuent  dat  onzen  vornomden  barde  gheduchten  heere  loegheleyt  es,  ter 
causen  voorscreven,  ende  ooc  omme  vêle  andere  ende  diversche  costen  ende 
lasten,  de  somme  van  achtien  hondert  vive  ende  twintich  ponden  groten, 
daeraf  nu  betaelt  es  vander  stede  vveghe,  v<^  xxv  lib.  gr. 

Cette  pièce  est  trop  curieuse  pour  que  nous  n'en  donnions  pas  la  tra- 
duction : 

«  Notre  redouté  seigneur  et  prince  a  sollicité  à  diverses  reprises  et  a  fait 
demander  à  tous  ses  pays,  sans  exception,  aide  et  secours,  afin  de  résister 
aux  Turcs,  qui  ont  envahi  plusieurs  pays  de  la  chrétienté  et  fait  couler 
des  flots  de  sang  chrétien,  et,  ce  qui  est  encore  plus  à  regretter,  c'est  que  jus- 
qu'ici personne  n'a  pu  leur  résister.  En  considération  de  quoi,  tout  le  pays  et 
chacun  en  particulier,  et  eu  égard  aux  bons  motifs  allégués  par  notre  re- 
douté seigneur,  on  lui  a  alloué  de  fortes  sommes  d'argent,  qui  ont  été  em- 
ployées à  résister  aux  Turcs,  vu  que  son  voyage  d'Utrecht,  et  divers  au- 
tres obstacles  l'ont  empêché  de  s'y  transporter  de  sa  personne,  comme  il 
l'avait  promis,  avec  toute  l'élite  de  la  noblesse  de  Flandre  et  les  autres 
souverains  de  la  chrétienté  :  il  avait  en  plus  demandé  à  la  ville  un  secours 
de  six  cents  hommes  d'armes  et  de  neuf  cents  archers,  pour  tout  le  temps 


—  451  — 

Nous  terminerons  ect  article  en  décrivant  Tordre  de  ba- 
taille de  nos  armées  communales  au  XIV''  siècle,  et  c'est 
à  l'ouvrage  de  M.  Lenz  que  nous  en  emprunterons  les 
principaux  détails.  L'armée  flamande  était  toujours  précé- 
dée d'un  corps  d'élite  d'archers  tirailleurs,  qui,  une  fois  les 
flèches  épuisées,  jetaient  parfois  leurs  arcs  et  mettaient  le 
sabre  au  poing,  comme  nous  le  voyons  à  la  bataille  de  Gro- 
ninghe;  l'armée  déployait  ses  ailes  à  droite  et  à  gauche  et 
s'appuyait  sur  son  arrière-garde.  Elle  marchait  à  l'attaque 
en  colonnes  formant  des  cônes  tronqués,  et  se  formait  en 
bataillons  circulaires  lorsqu'elle  devait  se  mettre  sur  la  dé- 
fensive. Les  archers  et  arbaléliers  avaient  chacun  un  porte- 
targe  (cnapc)  pour  se  garantir  autant  que  possible  pendant 
la  bataille.  Les  machines  de  guerre  occupaient  le  centre, 
en  avant  du  front  de  bataille,  et  avaient  à  droite  et  à  gauche 
des  corps  d'élite  d'infanterie  légère,  qui  avançaient  et  recu- 
laient selon  les  circonstances.  Le  général  disposait  en  outre 
d'une  compagnie  de  sapeurs  et  de  pontonniers,  ainsi  que 
d'une  compagnie  d'ouvriers.  Un  tribunal  militaire,  composé 
de  sept  échevins  et  de  trois  grands  doyens,  suivait  l'armée 
en  campagne  et  rendait  la  justice. 

La  division  de  nos  armées  communales  en  dizainiers  et 
centeniers  date  de  l'organisation  primitive  de  nos  ancêtres, 
les  Germains;  c'est  ainsi  qu'ils  composaient  leurs  armées. 
Chaque  pagus,  district  ou  canton,  divisait  ses  hommes  en 


qu'il  resterait  en  guerre;  ce  à  quoi  les  échevins  lui  ont  répondu  comme 
de  droit,  le  priant  de  tout  cœur  de  vouloir  rester  dans  notre  pays,  afin  de 
défendre  des  États  de  Flandre  contre  tout  ennemi  extérieur,  qui  n'aurait 
point  manqué  de  profiter  de  son  départ  pour  y  exciter  des  troubles.  Eu 
égard  à  toutes  ces  considérations,  les  échevins  lui  ont  alloué  en  diverses 
fois  la  somme  de  dix-huit  cent  vingt-cinq  livres  de  gros  :  en  retour  de  quoi, 
il  a  octroyé  à  la  ville  de  grands  privilèges,  desquels  sont  résultés  de  grands 
bénéfices,  et  pour  la  commune  tout  entière  un  nouveau  lustre.  Ces  privilèges 
ont  été  expédiés,  il  y  a  peu  de  temps  par  le  chancelier  au  magistrat  de  celle 
ville  :  de  celte  somme  la  ville  a  déjà  payé  v«  xxv  lib.  gr.  » 


—  452  — 

compagnies  de  cent  guerriers  chacune  (i);  à  la  tète  de  cha- 
que compagnie  était  un  de  ces  officiers,  qui  formaient  en 
temps  de  paix  le  conseil  du  juge  ou  du  magistrat  du  can- 
ton, et  qui  étaient  appelés  centetiîers,  moins  parce  qu'ils 
étaient  au  nombre  de  cent  dans  chaque  district,  que  parce 
que  chacun  d'eux  avait  sous  sa  juridiction  cent  maisons 
ou  familles  pendant  la  paix,  et  commandait  à  la  guerre 
autant  de  citoyens  soldats.  Cette  institution  est  connue  en 
Suède  sous  le  nom  de  Umidari  (2).  L'Anglo-Saxon  Alfred 
la  transporta  en  Angleterre,  et  cette  division  est  trop  con- 
nue en  Flandre  et  se  rapproche  trop  du  flamand  honderd 
pour  que  nous  insistions  davantage  sur  ce  point. 

Ce  court  aperçu  de  nos  institutions  militaires  au  moyen- 
âge  est  basé  sur  des  documents  historiques,  la  plupart  iné- 
dits; et,  bien  qu'ils  soient  très-concis,  peut-être  aurons- 
nous  réussi  à  donner  une  idée  complète  de  l'organisation 
militaire  de  la  ville  de  Gand.  Si  quelquefois  nous  nous 
sommes  un  peu  écarté  de  notre  plan  primitif,  c'est  que  des 
circonstances  impérieuses,  utiles  pour  faire  comprendre  la 
marche  des  événements,  nous  y  a  forcé;  et,  si  nous  ne 
sommes  point  parvenu  à  percer  le  voile  épais  qui  couvre 
encore  l'origine  et  le  principe  vital  des  institutions  de  nos 
pères,  nous  osons  nous  flatter  d'avoir,  l'un  des  premiers, 
puisant  aux  sources  mêmes,  soulevé  un  coin  de  ce  voile 
qui  nous  cachait  le  XIV'=  et  le  XY"  siècle. 

Jules  Huyttens. 


(1)  «  Definitur  et  numerus  :  cenlcni  ex  singulis  pagis  sunt  :  idque  ipsuni 
iuter  suos  vocanlur;  et  quod  primo  numerus  fuit,  jani  nomcn  et  lionor  est.  » 
Tacite. 

(2)  Stiernhoer,  lib.  I,  p.  ."0. 


—  433 


Ca  Stit-mm 


ET 


m    MYSTÈRE    DE   LA   PASSIOÎV  A   PRIBOURG, 

AU    XVI=    SIÈCLE, 


-^■♦■<P« 


Jusque  dans  la  première  moitié  du  XIII"  siècle,  l'on  n'a- 
vait jamais  songé  à  célébrer  une  fêle  en  l'honneur  du  divin 
corps  du  Christ,  autre  que  celle  de  l'institution  de  l'Eu- 
charistie, qui  a  lieu  le  vendredi  avant  Pâques.  Ce  ne  fut 
qu'en  1246  que  l'évêque  de  Liège  fit  cette  innovation. 

L'événement  qui  porta  ce  prélat  à  cette  démarche  peut 
paraître  extraordinaire;  il  n'en  est  pas  moins  vrai. 

Dans  un  couvent  de  filles  de  cette  ville  vivaient  deux 
nonnes,  connues  par  la  sainteté  de  leurs  mœurs  et  par  les 
extases  qu'elles  éprouvaient  à  la  suite  de  leurs  longues  veil- 
les et  de  leurs  austères  pénitences.  Un  soir  qu'après  de  fer- 
ventes prières,  elles  se  promenaient,  en  méditant,  au  clair 
de  la  lune,  alors  pleine,  elles  furent  étonnées  de  voir  à 
l'astre  une  échancrure  qu'elles  n'y  avaient  point  encore  re- 
marquée. Persuadées  que  Dieu  voulait  par  là  leur  faire  con- 
naître une  lacune  dans  la  liturgie,  elles  en  vinrent,  après 
de  longues  conférences  ensemble,  à  se  convaincre  que  le 
miracle  annonçait  qu'une  fêle  manquait  à  celles  instituées 
jusqu'alors  par  l'Église,  et  que  le  Ciel  avait  voulu  faire 
choix  d'elles  pour  la  provoquer.  Que  ne  peut  l'exaltation  sur 


—  454  — 

déjeunes  cerveaux,  surexcités  par  l'enthousiasme  religieux! 
Nos  deux  nonnes  s'adressèrent  à  leur  directeur  spirituel,  le 
provincial  des  Dominicains,  qui  prit  la  chose  au  sérieux. 
L'affaire  fît  du  bruit;  et  enfin,  comme  tout  ce  qui  est  sur- 
naturel frappe  l'imagination ,  il  s'éleva  à  ce  sujet  tant  de 
voix  de  graves  personnages,  quel'évêque  Robert,  qui  tenait 
alors  la  crosse  dans  le  diocèse  de  Liège,  ne  se  sentit  pas  la 
force  de  résistera  leurs  instances,  et  consentit  à  la  célébra- 
lion  d'une  fête  en  l'honneur  du  divin  corps  du  Christ.  Il 
fut  réglé  qu'elle  aurait  lieu,  chaque  année  dans  l'intérieur 
de  l'église,  le  jeudi  qui  suit  le  dimanche  de  la  Trinité. 

Toute  innovation  trouve  des  détracteurs.  Celle-ci  en 
rencontra  d'autant  plus,  surtout  parmi  la  congrégation  de 
Saint-lMartin,  que  le  prélat  n'avait  point  consulté  le  pape  à 
ce  sujet,  et  que  la  cour  de  Rome  n'avait  point  sanctionné  le 
bref  de  l'évêque. 

Mais  à  Liège  avait  aussi  été  chanoine,  puis  archidiacre, 
ce  fils  d'un  simple  artisan  de  Troyes  en  Champagne,  Jac- 
ques Pantaléon,  qui,  plus  tard,  èvèque  de  Verdun,  et  en- 
suite patriarche  de  Jérusalem,  fut  revêtu  de  la  pourpre 
pontificale  en  1261  sous  le  nom  d'Urbain  IV.  Il  avait  as- 
sisté à  la  création  de  cette  fête;  il  y  avait  pris  part;  et  il  fut 
à  peine  sur  le  trône  de  Saint-Pierre,  que,  se  ressouvenant 
du  rôle  qu'il  y  avait  joué,  non  seulement  il  en  sanctionna 
l'observation  dans  le  diocèse  de  Liège,  mais  encore  en  re- 
commanda l'introduction  dans  tous  les  autres  diocèses  de 
l'Occident.  Dans  la  bulle,  qu'il  lança  à  ce  sujet  dans  le 
monde  chrétien,  il  appuya  principalement  sur  la  révélation 
divine  qui  avait  originairement  donné  lieu  à  cette  fête  (i). 
Il  promit  une  dispense  à  quiconque  prendrait  part  à  la  so- 
lennité. Saint-Thomas  d'Aquin  fut  chargé  de  dresser  l'oflice 


(1)  Fucral  quibusJani  catholicis  divinilus  revckUum,  etc.  —  Dullariiim  ro- 
manmn,  t.  1,  p.  I4l). 


—  455  — 

de  ce  jour.  Non  seulement  ce  vertueux  homme  en  composa 
les  paroles,  mais  encore  il  les  mil  en  musique.  Ce  sont  ces 
mélodies  qui,  encore  aujourd'hui,  sont  d'usage  dans  nos 
temples  au  jour  de  la  fête  du  Saint-Sacrement. 

Néanmoins  peu  d'évéques  acquiescèrent  aux  vœux  du 
souverain  pontife.  Aussi  Clément  V,  en  1511,  renouvela- 
t-il,  au  concile  de  Vienne,  les  dispositions  prises  antérieure- 
ment. Le  pape  Jean  XII,  en  151G,  ordonna  la  procession 
solennelle.  Ce  fut  alors  seulement  que  la  fête  devint  popu- 
laire, et  que,  dans  la  plupart  des  villes,  et  jusque  dans  les 
campagnes,  on  s'ingénia  à  la  célébrer  de  la  manière  la  plus 
splendide.  En  1318,  elle  eut  lieu  pour  la  première  fois  en 
France,  ainsi  que  le  prouvent  les  actes  du  synode  de  Sens 
en  1520,  et  de  celui  de  Paris  en  1523.  Néanmoins  le  pape 
Martin  V,  en  1429,  et  le  pape  Eugène  IV,  en  1455,  trou- 
vèrent encore  à  propos  de  lancer  deux  nouvelles  bulles 
d'indulgence  pour  l'entière  propagation  de  celte  fêle.  Ce  ne 
fut  qu'en  15ol,  après  que  le  concile  de  Trente  (i)  eut  dé- 
claré celle  solennité  liturgique,  qu'elle  fut  enfin  universel- 
lement adoptée  par  toutes  les  églises  catholiques  de  l'Oc- 
cident. 

Fribourg,  au  pied  de  la  Forêt-Noire,  paraît  l'avoir  reçue 
de  bonne  heure,  quoique  le  plus  ancien  document,  qui  en 
fasse  mention,  ne  date  que  du  commencement  du  XVI''  siècle. 
On  y  lit  l'ordre  dans  lequel,  à  la  procession,  devaient 
marcher  les  douze  corporations  ou  tribus,  corps  politique 
de  toute  la  bourgeoisie,  dont  la  corporation  des  bouchers 
devait  marcher  la  septième.  Aujourd'hui,  celle  tribu  est 
placée  en  première  ligne  à  celle  même  procession,  en  mé- 
moire du  coup  mortel  qu'un  boucher,  en  1299,  porta  à  l'é- 
vêquede  Strasbourg,  Conrad  deLichtenberg,  beau-frère  du 
comte  de  Fribourg,  contre  lequel  celle  ville  s'était  révoltée. 

(1)  Treizième  séance,  11  octobre. 


—  456  — 

La  mort  de  l'évêque  donna  la  victoire  aux  Fribourgeois, 
qui,  pour  récompenser  la  tribu  des  bouchers,  lui  cédèrent 
unanimement  le  premier  rang.  Si,  en  1516  et  en  1599, 
nous  la  voyons  au  septième  dans  la  procession  et  dans  le 
mystère  de  la  Passion  qui  la  suivait,  c'est  que,  sans  doute, 
dans  cette  tragi-comédie  religieuse,  le  rôle  principal  qu'elle 
avait  à  remplir,  exigeait  cette  place.  Elle  reprit  son  rang 
d'honneur,  qu'elle  occupe  encore,  lorsque  la  représentation 
du  mystère  fut  passée  d'usage.  La  mémoire  de  l'acte  géné- 
reux qui  lui  valut  le  privilège  de  marcher  la  première, 
prouve,  dans  tous  les  cas,  que,  bien  avant  le  XVP  siècle, 
elle  jouissait  déjà  de  cette  prérogative. 

La  Société  des  Meistersaenrjern  de  Fribourg,  don!  un  do- 
cument du  11  mai  1513  contient  la  confirmation,  de  la 
part  du  magistrat  (i),  avait  pris  pour  engagement,  dans  son 
programme,  de  louer  Dieu,  de  consoler  lésâmes  attristées, 
et,  par  ses  chants,  d'écarter  des  hommes  le  blasphème,  le 
jeu  et  le  libertinage.  L'esprit  de  cette  société,  qui  avait  son 
siège  dans  le  couvent  des  Dominicains,  où  elle  était  tenue 
de  donner  annuellement  deux  concerts,  l'un,  le  mardi  de  la 
Pentecôte,  dans  le  Réfectoire,  l'autre,  le  jour  de  la  Saint- 
Jean-l'Evangéliste,  dans  la  salle  de  Convocation,  était  es- 
sentiellement religieux.  C'était  derrière  un  rideau,  autour 
d'une  table  sur  laquelle  la  Bible  était  ouverte,  que  ses 
membres  se  plaçaient.  Indépendamment  des  œuvres  lyri- 
ques, composées  et  exécutées  par  elle,  sortirent  de  son 
sein  plusieurs  essais  dramatiques  connus  sous  le  nom  de 
Mystères,  et  qui  avaient  toujours  pour  objet  des  scènes  bi- 
bliques, telles  que  la  Vie  de  David,  qui  fut  jouée  en  1593, 
et  la  Décollation  de  Saint-Jean-Baptiste,  qui  le  fut  en  1598. 
Il  est  presque  hors  de  doute  que  ce  fut  d'elle  aussi  que 
sortit  le  mystère  de  la  Passion,  qui  accompagnait  en  1599 

(I)  Dadisclies  Arrhiv.,  publié  par  Moîve,  l.  li,  p.  193. 


—  457  — 

la  procession  de  la  Fête-Dieu,  mais  qui  déjà,  si  l'on  con- 
sulte Tordre  de  cette  procession,  décrété  par  le  magistral 
de  Fribourg  en  151 G  (i),  devait  dater,  pour  le  sujet  du 
moins,  d'une  époque  bien  plus  reculée. 

Il  y  avait,  à  proprement  parler,  double  spectacle,  l'un 
purement  représentatif,  dans  les  rues,  où  les  acteurs  cos- 
tumés suivaient  la  procession,  et  attiraient  sur  eux  les  re- 
gards de  la  foule  ébahie;  l'autre,  dramatique,  où,  sur  les 
tréteaux,  élevés  au  milieu  de  la  place  de  la  cathédrale,  ils 
venaient  réciter  leurs  rôles.  Chaque  corporation  était  tenue 
de  faire  tous  les  préparatifs  pour  la  scène  dont  elle  était 
chargée. 

Dès  la  veille,  la  ville  prenait  un  aspect  de  fête.  Toutes 
les  cloches,  le  matin  du  jour  même,  annonçaient  la  solen- 
nité. Toutes  les  fenêtres  se  garnissaient  de  banderolles  et 
de  fleurs;  toutes  les  rues  que  la  procession  devait  parcourir 
étaient  tapissées  de  branches  fraîchement  coupées  ou  d'ar- 
bustes; partout  le  sol  était  jonché  de  feuilles  de  roses  et 
de  buis. 

Dans  la  marche  des  acteurs,  en  1516,  étaient  en  tête  les 
peintres,  que  guidait  leur  bannière,  et  au  milieu  desquels 
Gguraient  Adam  et  Eve,  et  l'ange  qui  tenait  le  glaive  flam- 
boyant. 

Derrière  eux  marchaient  les  boulangers,  et  Ton  voyait 
les  deux  prophètes,  l'empereur  Auguste,  et  l'ange  Gabriel 
qui  devait  annoncer  à  Marie  sa  destinée. 

Les  tailleurs  tenaient  le  troisième  rang.  On  distinguait 
dans  ce  groupe  l'astronome  avec  le  cadran  où  figuraient  les 
étoiles,  et  les  trois  rois,  suivis  de  leurs  nombreux  serviteurs. 

Sous  la  quatrième  bannière  marchaient  les  cordonniers. 
Là  Joseph  et  Marie  étaient  représentés  fuyant  en  Egypte 


(1)  Ordnung  des  Vmganges  auf  unscrs  herr  Fronleichnamstag ,  1316.  Ar- 
chives lie  la  cathédrale  de  Fribourg. 


—  458  — 

avec  le  divin  Enfant.  Derrière  suivaient  quatre  soldats  avec 
quatre  enfants,  et  le  roi  Hérode,  accompagné  de  ses  valets. 
Le  mont  des  Oliviers,  avec  tous  les  appareils  de  la  sainte 
légende,  était  traîné  par  les  charpentiers. 

On  voyait  s'avancer  ensuite  sous  la  bannière  des  tonne- 
liers le  Christ,  conduit  par  Pilate,  et  Anuas  et  Caïphe  avec 
leurs  valets. 

Les  bouchers  tenaient  le  septième  rang  avec  les  maitres- 
d'école.  On  voyait,  parmi  les  premiers,  le  Christ,  conduit 
par  un  bourreau,  et  auquel  Simon  aidait  à  porter  la  croix. 
Un  second  bourreau  conduisait  les  deux  larrons.  Dans  le 
groupe  des  maîtres  d'école  figuraient  Jean  et  la  Vierge,  et 
les  autres  Marie  qui  suivaient  la  croix  en  pleurant. 

Dans  la  huitième  corporation,  composée  des  drapiers,  le 
Christ  était  représenté  après  sa  résurrection,  ainsi  que  les 
douze  messagers. 

Cette  bannière  était  suivie  de  celle  des  merciers  où  se 
tordait  l'affreux  dragon  que  combattit  Saint-George,  et  que 
conduisait  la  jeune  vierge,  délivrée  de  ses  atteintes  par  le 
chevalier,  et  suivie  de  son  père  et  de  sa  mère. 

Au  dixième  rang  marchaient  les  tanneurs.  Là  figurait  la 
Mort  avec  sa  faulx  et  l'ange  qui  tenait  les  instruments  de 
la  Passion  du  Christ. 

La  onzième  bannière  guidait  les  forgerons,  parmi  lesquels 
un  acteur  représentait  l'ange,  s'emparant  de  l'àme,  et  un 
autre,  le  Christ,  assis  sur  l'arc-en-ciel,  et  ayant  à  sa  droite 
Marie,  et  à  sa  gauche  Saint-Jean. 

Les  vignerons  terminaient  cette  longue  marche  avec  les 
figures  du  diable  et  des  âmes  maudites. 

Arrivées  sur  la  place  de  la  cathédrale,  toutes  les  banniè- 
res se  réunissaient  en  faisceau  sous  l'immense  estrade,  qui 
représentait  dans  le  fond  la  ville  de  Jérusalem,  et  devant  la- 
quelle s'élevaient  des  hours,  richement  décorés,  où  venaient 
prendre  place  le  magistrat  et  le  clergé,  les  cavaliers  et  les 


—  459  — 

(lames.  Tout  le  reste  de  l'immense  espace  était  rempli  par 
le  peuple  et  par  lesliabitaus  des  campagnes,  accourus  pour 
jouir  du  spectacle. 

D'abord  le/)roc/ama?e«r  engageait  la  foule  à  faire  silence, 
et  expliquait  les  principaux  sujets  du  mystère  qui  allait 
avoir  lieu.  Ensuite  le  prolocutcur  rappelait  que  le  Christ, 
pour  sauver  les  hommes  du  péché  originel,  avait  revêtu 
leur  humanité.  Il  résumait  tous  les  tourments  que  le  Sau- 
veur avait  endurés  pour  eux  et  de  leur  main. 

C'était  par  l'origine  du  péché  même  que  le  premier  acte 
commençait. 

Nous  ne  possédons  plus  la  pièce,  telle  qu'elle  fut  jouée 
en  1516  par  les  acteurs  dont  nous  venons  de  suivre  la 
marche;  mais  celle  qui  fut  jouée  avec  la  même  pompe  et  à 
la  même  occasion,  en  1599,  nous  prouve  que  peu  de  dé- 
tails y  avaient  été  changés  (i). 

Comme  dans  la  marche,  les  peintres  entrent  eu  scène  les 
premiers. 

Le  diable  présente  à  Adam  et  à  Eve  l'arbre  qui  porte  le 
fruit  défendu.  «  0  vous,  dit-il,  enfants  de  Dieu  dans  le  Pa- 
»  radis,  pourquoi  ne  mangez-vous  pas  de  ce  fruit  qui  aus- 
»  sitôt  peut  vous  donner  à  vous-même  la  divinité?  Vos  yeux 
»  s'ouvriront  à  la  lumière,  et  Dieu  ne  vous  en  voudra 
»  point  (2).  » 

Eve  ne  peut  résister  à  la  tentation.  Elle  avoue  naïvement 
que,  depuis  longtemps  déjà,  ce  fruit  provoque  ses  désirs  (3). 


(1)  Le  manuscrit  original  se  trouve  aux  archives  de  la  ville  de  Fribourg. 

(2)  0  ihr  Kinder  Gottes  ini  Paradeis, 
Warum  esset  ihr  nicht  von  dieser  speis? 
Se  werdet  ihr  sehen  alsbald, 

Der  Gottheit  Kraft  so  mannigfall, 
Eure  Augen  (werden)  aufgethan; 
Golt  wird's  Euch  nicht  fur  ûbel  han. 

(3)  Fiirwahr  ich  red'  bei  meiner  Brust, 
Der  Speis'  raich  hat  gar  wohl  gelust... 


—  460  — 

Elle  en  mange,  et  en  donne  à  son  époux.  Mais  à  peine  ce 
dernier  en  a  goûté,  qu'il  reconnaît  sa  faute,  a  0  Eve,  s'é- 
»  crie-t-il,  tu  m'as  séduit;  tout  l'univers  va  changer  de 
»  forme;  le  péché,  la  mort  et  l'enfer  vont  nous  pour- 
»  suivre  (i).  » 

Il  veut  se  cacher;  mais  déjà  l'ange  est  devant  lui  avec  son 
glaive.  «  Adam,  lui  dit-il,  qui  t'a  appris  que  vous  étiez  tous 
»  deux  nus?  (2)  »  Et,  comme  dans  la  Genèse,  Adam  ré- 
pond :  «  La  femme  que  Dieu  m'a  donnée  pour  compagne 
»  m'a  séduit,  et  aussitôt  que  j'ai  eu  goûté  la  pomme,  j'ai 
»  reconnu  le  mal  (3).  » 

Alors  l'ange  lui  annonce  les  décrets  de  Dieu,  la  perte 
pour  lui  du  Paradis,  le  travail  de  la  terre  auquel  il  sera 
contraint  pour  se  nourrir,  et  les  douleurs  qu'éprouvera  la 
femme  dans  l'enfantement.  Mais,  en  même  temps,  il  lui  an- 
nonce le  Rédempteur  qui  doit  naître  d'une  vierge,  et  qui 
sera  pour  sa  race  une  nouvelle  source  de  consolation  (4). 


(1)  0  Eva,  du  hast  mich  bethôrt, 

Und  nun  die  ganze  Welt  verkehrt. 


Sûnd,  Tod  und  Oôlle  eilt  uns  noch,  etc. 
(2)  Adam,  wer  hat  dir  gezeigetan, 

Dass  Hu-  beide  also  nackend  stahn  ? 
(5)  Die  niir  Gott  zum  Weib  hat  gcben, 

Gab  mir  die  Frucht,  dass  ich  sollt  essen, 


Sobald  ich  darin  bissen  hab, 
Von  Stund  an  ward  ich  sehend  darab,  etc. 
(■4)  0  Vater  Adam,  Eva  Mutter, 

Des  Paradeises  waret  Ihr  hiiter; 
Gott  bat  Euch  darum  erschafifen, 
Euch  ewig  zu  brauchen  aller  Sachen. 
Ihr  aber  folgt  des  Teufels  Eingeben, 
Damit  yerscherzt  Ihr  EuerLeben. 
0  Adam,  du  solltest  weiscrseyn, 
Denn  dass  du  folgest  dem  Weibe  dein. 
Darum  sollt  Ihr  mich  vcrstohn, 
Aus  dcm  Garten-Eden  musst  Ihr  gohn; 


—  461  — 

A  ce  premier  épisode  succède  celui  d'Abel  et  de  Gain  ou 
du  premier  crime.  Gain  exprime  la  haine  profonde  qu'il 
porte  à  son  frère,  et  fait  connaître  par  son  discours  le  des- 
sin qu'il  a  conçu  de  s'en  débarrasser  par  un  meurtre. 

Les  acteurs  du  second  acte  sont  les  tonneliers. 

L'ange,  Abraham  et  Isaac  sont  sur  la  scène. 

Il  s'élève  entre  ces  deux  derniers  un  colloque  pathétique, 
surtout  du  côté  du  fils,  qui,  avant  la  mort  qui  le  menace,  se 
rappelle  sa  mère,  et  exhale  vers  elle  son  amour  filial. 
«  Lorsque  le  feu,  dit-il,  m'aura  consumé,  rapporte  à  ma 
1)  mère,  qu'avant  de  mourir,  ma  dernière  pensée  fut  à  elle, 
»  et  que  je  l'ai  bénite  et  recommandée  à  Dieu  (i). 

L'ange  met  fin  à  celte  scène ,  en  substituant  le  bouc  au 
jeune  enfant. 

Ensuite  Moïse  et  Aaron,  chacun  dans  un  long  monologue, 
racontent,  l'un,  l'histoire  des  Israélites,  l'autre,  comment 
au  sacerdoce  judaïque  a  été  substitué  le  sacerdoce  chrétien. 
A  la  fin  de  cet  acte  Josué  et  Galèphe  traversent  la  scène, 
en  portant  la  grosse  grappe  de  raisins.  Ils  sont  suivis  des 
deux  prophètes  qui  passent  sans  parler. 

Les  boulangers  remplissent  le  troisième  acte. 

Au  fond  du  théâtre  apparaît  l'empereur  Auguste  avec 
ses  serviteurs,  sans  doute  pour  être  témoin  de  la  naissance 
du  Ghrisl  (2).  Sur  l'avant-scène  se  jouent  l'Annonciation  et 

Denn  Ihr  habt  gebrochen  GoUes  Gebot, 

Darum  Euch  folgt  Jammer  und  Noth. 

Im  Schweiss  deines  Angesichts  musst  Dich  nahrcn, 

Mit  Schmerzen  muss  dein  Weib  gebiihren. 

In  Flucht  musst  Du  gefangen  seyn, 

Bis  gebiert  eine  Jungfrau  rein, 

Den  Truster  der  Barmherzigkeit 

Der  Euch  erlôset  von  allem  Leid,  etc. 

(1)  Wenn  mich  das  Feuer  hat  verbrennt, 
Sag  ihr,  ich  hab'  sic  vor  meinem  End 
Gesegnet  und  befohlen  Gott,  etc. 

(2)  On  sait  qu  au  moycn-àge  on  croyait,  en  effet,  que  la  Sibylle  de  Tibur 
avait  fait  voir  à  Auguste  la  Sainte-Vierge  et  son  fils. 


—  462  — 

la  visile  de  Marie  à  Elisabeth.  La  décoration  change,  et 
l'on  aperçoit  Tétable  où  est  la  Sainte  Famille,  et  l'ange  qui 
annonce  de  loin  aux  bergers  la  naissance  du  Sauveur.  Ces 
derniers  accourent  au  milieu  des  discours  les  plus  joyeux. 

Les  tailleurs,  au  quatrième  acte,  représentent  la  scène 
des  trois  Rois.  Ces  derniers  sont  précédés  d'un  ange  qui 
tient  l'étoile  et  que  suit  un  astronome  qui  communique  au 
public  ses  observations  sur  l'astre  et  sur  sa  signification. 
Tous  les  acteurs  se  jettent  à  genoux  au  moment  où  la  Vierge 
apparaît  transfigurée  dans  le  soleil.  «  Comme  mère  du 
»  Christ,  le  soleil  spirituel,  je  pare,  dit-elle,  le  brillant  so- 
»  leil  du  firmament;  la  lune  me  sert  de  marche-pied;  les 
»  douze  étoiles  qui  ceignent  mon  front  sont  une  image  de 
»  ma  splendeur  auprès  du  trône  de  Dieu  (i).  »  La  fin  de 
l'acte  est  rempli  par  l'offrande  de  Marie  dans  le  temple,  et 
par  les  sentences  prophétiques  que  prononcent  l'un  après 
l'autre  Siméon  et  Anna. 

Alors,  comme  dans  la  marche,  que  nous  avons  décrite 
plus  haut,  on  voit  figurer  par  la  corporation  des  cordon- 
niers la  Fuite  en  Egypte.  Après  Marie  et  Joseph  viennent 
quatre  guerriers  avec  les  innocents,  suivis  d'Hérode,  qui  se 
tient  à  quelque  distance,  au  milieu  des  docteurs  et  de  sa 
suite. 

La  confrérie  des  garçons  tailleurs,  associée  à  cette  tribu, 
représente  l'entrée  triomphale  de  Jésus-Christ  dans  Jéru- 


(1)  Ich  ziere 

Die  klare  Sonn'  am  Firmament. 
Der  Mond  mir  auch  zu  dieser  Frist 

Als  ein  Fussschemel  gegeben  ist; 
Weil  Ailes  ich  verachtet  hab, 
So  wie  der  Mond  geht  auf  und  ab. 
Auf  meinem  Ilaupte  bedeulet  die  Kron' 
Meine  Herrlichkeit  ara  llimmelthron; 
Dcnn  sie  gar  schôn  geflochten  ist 
Aus  Sternen  zwôlf,  etc. 


—  4G5  — 

salem.  Deux  d'entre  eux  figurent  les  deux  prophètes  Jcré- 
mie  et  Zacharie,  et,  comme  tels,  prononcent  des  sentences. 
La  Sainte-Cène,  à  laquelle  un  chant  des  disciples  sert  de 
prélude,  est  représentée  par  la  confrérie  des  polisseurs  de 
grenats. 

Au  sixième  acte,  rempli  par  les  charpentiers,  on  voit  le 
Christ  au  mont  des  Oliviers,  entre  ses  disciples  et  des  sol- 
dats. L'un  de  ces  derniers  dit  avec  une  naïve  rudesse  que, 
serviteur  dePilate,  tout  ce  qui  lui  rapporte  de  l'argent  est 
bon,  et  que,  puisque  Caiphe  leur  donne  un  mois  de  solde 
et  de  l'or,  il  arrête  le  Christ,  tout  innocent  qu'il  est  (i). 
Et,  en  effet,  il  accomplit  l'acte,  et  l'on  assiste  à  une  scène, 
jouée  par  les  garçons  cordonniers,  où  Jésus,  battu  de  ver- 
ges, est  couronné  d'épines  au  milieu  des  propos  les  plus 
railleurs,  et,  couvert  de  sang,  est  ensuite  présenté  à  Pilate. 

Les  bouchers  alors  entrent  en  scène. 

A  eux  est  réservé  de  conduire  le  Christ  au  supplice. 

Comme  néanmoins  cet  épisode  était  celui  qui  demandait 
le  plus  de  préparatifs,  ils  étaient  assistés  par  les  orfèvres 
et  les  maîlres-d'école. 

La  Vierge  apparaît  la  première  sur  le  théâtre,  en  faisant 
entendre  ses  gémissements.  Elle  prend  les  assistants  à  té- 
moins de  sa  douleur  (2).  Les  prolocuteurs  s'adressent  au 
public  pour  le  rendre  attentif  à  l'importance  de  la  scène, 


(1)  !ch  biu  Pilati  bestclller  Knccht, 

Was  mir  Geld  Iragt,  diinckt  mich  Rcclit. 
JNun  gicbt  uns  Caïphas  das  Gold, 
Jeglichem  eineu  Monat-Sold, 
Dass  wir  fangcn  Jesum-Clirist, 
Wiewohl  er  ganz  iinschuicJig  ist. 

(2)  0  frorame  Mensclien,  jung  und  ait, 
Selit  an  die  Schmerzen  mannigfall, 
Die  ich  in  mcincDi  Herzen  trag. 

0  wclch  ein  jammerlicher  Tag, 

Don  icli  cileb'  an  nieinem  Kind  !   — 

Das  Schwcrt  durchdringl  mir  nicinc  Scclc  —  clc. 


—  464  — 

et  surtout  pour  l'engager  au  silence.  Tandis  que  les  prêtres 
juifs  expriment  leur  mécontentement  de  l'inscription  placée 
au  sommet  de  la  croix,  de  pauvres  frères  donnent  au  sup- 
plicié toutes  les  marques  de  la  plus  vive  compassion.  On  se 
partage  au  sort  les  habits  du  Christ,  au  milieu  des  discours 
des  larrons,  des  sarcasmes  des  soldats,  des  plaintes  et  des 
gémissements  de  Marie,  et  des  consolations  que  Saint-Jean 
s'efforce  de  lui  donner.  Dès  que  le  Christ  s'affaissait  et  ren- 
dait le  dernier  soupir,  le  canon  tonnait  sur  le  Burghalde, 
rocher  qui,  au-dessus  de  Fribourg,  avait  servi  de  base  à 
l'ancien  château  de  ce  nom. 

Mais,  sur  l'un  des  côtés  de  l'estrade,  se  passait  une  autre 
scène  que  le  peuple  surtout  attendait  toujours  avec  la  plus 
grande  impatience.  C'était  le  diable  qui  jetait  la  corde  à 
l'inconsolable  Judas,  et  que  ce  dernier,  qui  exprimait,  en 
quelques  vers  burlesques  son  contentement  (i),  saisissait 
avec  avidité  pour  se  pendre. 

Enfin  le  Christ  est  mis  dans  le  tombeau  au  milieu  des 
pleurs  et  des  plaintes  les  plus  touchantes  de  Marie.  On  y 
place  des  gardes.  Mais,  cependant,  un  des  disciples  de 
Jésus  parcourt  la  scène  et  en  examine  tous  les  recoins. 
Dans  un  long  monologue  il  exprime  les  peines  qu'il  ressent, 
mais  aussi  l'espoir  qui  le  soutient.  Et,  en  effet,  le  tombeau 
s'ouvre  de  lui-même;  les  gardes,  à  moitié  endormis,  recu- 
lent et  tombent  épouvantés.  Les  anges  viennent  chanter  en 
chœur  la  gloire  de  la  résurrection,  et  au  milieu  des  pauses. 


(i)  Ja  walirlieh  es  muss  jetzund  seyn, 

Der  Slrick  gehôrt  an  die  Gurgcl  raein; 
Der  kommt  mir  eben  recht  in  die  Hand', 
Darum  wolhauf,  flugs  unJ  beliend, 
Denn  bel  mir  ist  wederRuh  noch  Rast, 
Ich  henk'  mich  denn  an  einen  Ast. 
Weicht  aus  und  gebt  mir  l'iatz  dazu, 
Damit  ich  komm'  zu  meiner  Ruh. 


—  465  — 

instruisent  les  saintes  femmes  de  ce  qui  vient  d'arriver,  et 
celles-ci  le  répètent  à  Pierre  et  à  Jean. 

Dans  le  huitième  acte,  dont  les  drapiers  sont  les  acteurs, 
on  voit  le  Christ  apparaître  aux  apôtres  assemblés,  et  con- 
vaincre de  sa  résurrection  l'incrédule  Thomas,  Il  disparait 
après  les  avoir  bénis,  et  leur  avoir  enjoint  d'aller  par  tout 
le  monde  annoncer  l'Évangile. 

A  cette  scène  succède  la  légende  de  Saint-Sébastien, 
jouée  par  la  confrérie  de  ce  nom.  On  voit  l'empereur  turc, 
accompagné  de  sa  fille,  chercher  par  tous  les  moyens  et  par 
toutes  les  promesses  possibles  à  faire  renier  le  Christ  au 
jeune  homme.  Mais  Sébastien  se  montre  inflexible;  sur  l'or- 
dre de  l'empereur  irrité,  il  est  remis  aux  gardes  qui  l'at- 
tachent à  un  arbre  et  décochent  sur  lui  toutes  leurs  flèches. 

La  scène,  occupée  alors  par  les  merciers,  est  remplie  par 
la  légende  de  Saint-Christophe,  et  par  celle  du  dragon,  que 
conduit  la  jeune  vierge  délivrée  par  Saint-George.  La  jeune 
fdle  raconte  elle-même  comment,  dans  la  Lybie,  elle  avait 
dû  être  dévorée  par  la  bête,  et  comment  le  noble  chevalier 
l'avait  sauvée  (i).  Saint-George,  à  son  tour,  instruit  le  pu- 
blic qu'il  n'a  dompté  le  dragon  que  par  la  force  de  sa  ban- 
nière. Aussi,  dit-il,  «  puisque  la  vie,  sur  cette  terre,  n'est 
»  qu'une  guerre  continuelle,  ô  Dieu,  donne  nous,  à  nous 
»  autres  chevaliers,  la  force,  afin  que  nous  puissions  vaincre 
»  tous  nos  ennemis  pour  la  gloire  de  ton  nom  {2).  » 


(1)  Von  diesem  Drachen,  dem  grâiilichen  Thier, 
Das  ich  jetzt  an  meincra  Giirlel  fûhr', 

Hab  ich  soUen,  dem  Volk  zu  gut, 
Zerrissen  werden  mit  Fleisch  nnd  BUii, 
In  Lybia,  bei  einer  Stadt,  etc. 

(2)  Wcil  das  Leben  hie  auf  Erd' 

Nichts  ist  als  ein  Krieg,  der  imraer  wahrl; 
So  mach  unz  zu  Ritter  slark,  o  Gotl  ! 
Verleilie,  dass  wir  zu  deincm  Lob, 
AU'  unscrn  Feinden  siegen  ob. 


—  4G6  — 

Ensuite,  les  garçons  couteliers  traînent  le  vaisseau  de 
Sainte-Ursule.  Dans  son  trajet  le  navire  touche  les  Etats  de 
l'empereur  turc,  qui,  averti  par  un  de  ses  affidés,  en  pro- 
fite pour  arrêter  une  vierge  aussi  dangereuse  à  sa  foi.  Elle, 
ainsi  que  toutes  ses  compagnes  et  le  pape  sont  passés  par 
les  armes.  D'autres  scènes,  non  moins  populaires,  étaient 
consacrées  aux  légendes  de  Sainte-Apollonie  et  de  Sainte- 
Cordule. 

Le  dernier  acte  est  rempli  par  les  trois  corporations  des 
tanneurs,  des  forgerons  et  des  vignerons.  Après  tant  de 
scènes  dramatiques,  le  poëte  a  sans  doute  senti  que  l'intérêt 
diminuait;  il  a  terminé  par  ce  qu'on  appelait  les  quatre 
dernières  choses  {die  vier  letzten  dinrjen),  la  mort  redoutée, 
représentée  avec  sa  faulx,  les  anges  qui,  avec  la  trompette, 
annoncent  le  dernier  jugement,  et  le  Christ  qui  vient  juger 
les  hommes.  On  voit  le  ciel  s'ouvrir  pour  les  bons,  et  l'en- 
fer engloutir  les  méchants.  Mais  la  Vierge  apparaît  à  la 
porte  de  l'éternité,  couverte  de  son  manteau.  «  Je  suis, 
»  dit-elle,  en  l'entr'ouvrant,  une  mère  de  charité,  toujours 
»  prête  à  demander  miséricorde  auprès  de  mon  fils,  0  vous 
»  donc,  vieux  ou  jeunes,  qui  voulez  être  enfants  de  Dieu, 
»  venez  vous  réfugier  sous  mon  manteau.  Devenez  meil- 
»  leurs,  pendant  qu'il  en  est  temps  encore,  et  avant  que 
»  vienne  le  dernier  jour,  où  ma  prière  sera  inutile  (i).  » 


(1)  Weil  ich  Maria  biii  bereit, 

Eine  Mutter  der  Barmherzigkeit, 

Gnad'  zu  erlangen  mannigfalt 

Bei  meinem  Sohn;  soll  jung  und  ait  — 

Die  Golles  Kinder  wollen  seyn,  — 

Laufen  unter  den  Mantel  mein. 

Ihr  leben  bessern  zu  dieser  Frist, 

Dieweil  noch  Zeit  vorbanden  ist; 

Ehe  da  kommt  der  jùngste  Tag. 

Und  ich  nicht  mehr  belfen  mag. 
La  Vierge  au  manteau  était  connue,  à  Fribourg,  sous  le  nom  de  Maria  mit 
dem  Munldein. 


—  467  — 

Celle  alloculion  à  la  foule  est  très-caraelérisliqiic.  Elle 
termine  le  mystère  qui,  d'après  ce  que  nous  avons  vu  pré- 
cédemment de  la   marche  de  la   procession  en  151  G,  et 
par  conséquent,  quatre-vingt  trois  ans  avant  la  représen- 
tation, telle  que  nous  venons  de  l'exposer,  était,  pour  le 
fond  du  sujet,  traditionnel.  Selon  les  circonstances,  on  y 
ajoutait  ou  l'on  y  retranchait.  Ainsi,  dans  la  marche  de 
1516,  ne  figurait  point  la  scène  d'Abel  et  de  Gain,  ni  celle 
d'Abraham  et  de  son  fils.   La  Vierge  dans  le  soleil  ne  s'y 
voyait  pas  non  plus,  ainsi  que  Sainte-Ursule  et  son  vaisseau, 
Sainte-Apollonie  et  Sainte-Cordule.  Mais  le  6  mai  1555, 
le  magistrat  décréta  que  le  vaisseau  de  Sainte-Ursule  figu- 
rerait de  nouveau  dans  la  procession,  comme  aux  temps 
anciens,  ce  qui  prouve  bien  la  haute  date  de  cette  coutume. 
C'étaient  les  garçons  couteliers  qui  toujours  étaient  char- 
gés de  cette  scène.  En  1557,  ils  demandèrent  au  magis- 
trat d'en  être  dispensés,  vu  leur  petit  nombre  et  les  frais 
que  cela  leur  occasionnait.  Le  magistrat  déclara  que  ce 
vaisseau  étant  toujours  l'objet  de  plus  de  raillerie  que  de 
dévotion  de  la  part  du  public,  il  autorisait  qu'il  fût  re- 
tranché du  programme.  En  1604  au  contraire,  c'est-à-dire 
cinq  ans  après  la  représentation  du  mystère  tel  que  nous 
venons  de  le  décrire,  non  seulement  le  vaisseau  fut  repro- 
duit,  mais   les  garçons  couteliers  se  cotisèrent  pour  en 
construire  un  second,  plus  petit,  de  la  valeur  de  plus  de 
huit  florins. 

A  part  ces  détails,  le  fond  resta  le  même.  La  pièce  tra- 
versa tout  le  moyen-âge  jusqu'à  ce  qu'enfin  on  reconnut  le 
ridicule  de  ces  spectacles  burlesques,  où  l'on  jouait  Dieu 
et  les  Saints,  et  que,  de  toute  cette  pompe  de  décoraiion, 
il  ne  resta  aux  corporations  que  la  bannière  et  le  saint 

sous  lequel  elles  étaient  engagées. 

M'"  DE  Ring. 


468 


^ietoire  littéraire. 


II.   LOUIS-FRANCOIS-JOSEPH   DE   LA  BARRE. 


Louis-Françofs-Josepfi  de  la  Barre,  membre  de  l'Acadé- 
mie royale  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  vit  le  jour  à 
Tournay  le  9  mars  1688.  Il  était  l'ainé  de  trois  garçons 
issus  du  mariage  de  Paul-Joseph  de  la  Barre  avec  Jeanne 
Marguerite  Hayet,  sa  première  femme. 

Paul-Joseph  de  la  Barre  était  d'abord  conseiller  réfé- 
rendaire en  la  chancellerie  de  Flandre;  il  devint  ensuite 
Substitut  du  Procureur-général  au  Conseil  provincial  de 
Valenciennes.  Ayant  perdu  sa  fortune  dans  des  spécula- 
tions malheureuses,  il  se  vit  dans  la  nécessité  de  vendre  ses 
charges,  et  dans  l'impossibilité  de  subvenir  à  l'éducation 
de  ses  enfants. 

Il  y  avait  déjà  quelques  années  que  Louis-François- 
Joseph  de  la  Barre  avait  été  placé  dans  une  pension  à 
Paris.  On  assure  qu'il  s'y  était  tellement  fait  aimer  que, 
quand  son  père  cessa  d'y  rien  payer,  le  maître  de  la  pen- 
sion, loin  de  le  renvoyer  dans  sa  famille,  en  prit  un  soin 
tout  spécial,  pourvut  à  tous  ses  besoins,  le  mit  eu  état  de 
passer  en  quatrième,  et  lui  fit  obtenir  une  bourse  au 
collège  de  Sainte-Barbe. 

De  Boze,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions, dans  l'Éloge  de  M.  de  la  Barre  inséré  au  tome  XIV'' 
de  l'Histoire  de  cette  Académie,  nous  a  conservé  au  sujet 


—  4G9  — 

de  ce  collège  une  anecdote  curieuse.  L'usage  de  rétablisse- 
ment était  que  «  les  boursiers  fissent  la  cuisine  environ 
»  une  fois  le  mois,  chacun  à  son  tour;  celui  du  petit  de  la 
»  Barre  étant  venu,  il  se  leva  de  très-grand  malin,  et  cepen- 
»  daut  rien  ne  se  trouva  cuit  à  l'heure  du  dîner;  il  en 
»  parut  si  affligé  que  ses  camarades  ne  pouvant  eux-mêmes 
»  le  consoler,  le  Principal  lui  reprocha  durement  de  pleu- 
»  rer  pour  une  mauvaise  soupe  :  alors  il  répondit  que  ce 
»  n'était  pas  aussi  de  cela  qu'il  pleurait,  mais  d'y  avoir 
»  perdu  son  temps.  »  Sa  réponse  fit  impression,  et  voilà 
comment  le  collège  de  Sainte-Barbe  fut  redevable  au  jeune 
de  la  Barre  de  l'établissement  d'une  espèce  de  cuisinier. 

Après  avoir  achevé  le  cours  ordinaire  des  études  du 
collège,  de  la  Barre  fut  recueilli  par  un  pieux  et  savant 
ecclésiastique,  qui  le  garda  chez  lui  près  de  deux  ans,  lui 
apprit  le  grec,  l'exerça  dans  la  lecture  et  la  collation  des 
manuscrits,  et  le  forma  à  cet  esprit  de  discernement  et  de 
critique  qui  a  toujours  été  depuis  le  caractère  particulier 
de  ce  savant  tournaisien.  C'est  à  cette  époque  que  de  la 
Barre  fit  la  connaissance  du  bénédictin  Dom  Anselme 
Banduri,  qu'il  aida  puissamment  dans  la  publication  de 
ses  ouvrages.  Dom  Banduri,  au  reste,  se  montra  recon- 
naissant envers  de  la  Barre,  et  lui  fit  obtenir  une  pension  du 
grand-duc  Cosme  III  de  Médicis,  pension  dont  de  la  Barre 
jouit  jusqu'en  1737. 

A  partir  de  l'année  1723,  nous  le  voyons  se  faire  l'édi- 
teur de  collections  importantes,  que  nous  passerons  tout  à 
l'heure  en  revue.  En  1727,  il  fut  nommé  associé  de  l'Aca- 
démie des  Inscriptions,  et  il  déposa,  dans  la  collection  des 
Mémoires  de  cette  société  célèbre,  de  nombreux  témoi- 
gnages de  l'étendue  et  de  la  variété  de  ses  connaissances. 
On  comprend  à  peine  qu'un  homme  mort  à  l'âge  de  cin- 
quante ans  ait  put  suffire  à  tant  de  travaux. 

De  la  Barre  se  maria  deux  fois;  sa  première  femme  était 

30 


—  470  — 

d'une  si  mauvaise  sanlé  qu'il  fut  plutôt  sa  garde-malade 
que  son  mari,  durant  les  neuf  à  dix  années  de  leur  union. 
Il  épousa  en  secondes  noces  la  fille  d'un  contrôleur  des  ren- 
tes, et  il  en  eut  trois  enfants. 

De  la  Barre  fut  attaqué  d'une  surdité  presque  complète 
vers  la  fin  de  sa  carrière;  il  mourut  à  Paris  d'une  fluxion 
de  poitrine  le  24  mai  1738. 

Les  détails  qui  précèdent  ne  sont  qu'un  résumé  de  l'éloge 
de  M.  de  la  Barre,  lu  à  l'Académie  des  Inscriptions,  le 
14  novembre  1738.  Nous  allons  maintenant  énumérer  les 
ouvrages  dont  de  la  Barre  fut,  soit  l'éditeur,  soit  l'auteur. 

I.  Spicilegium,  sive  collectio  veterum  aliquot  scripto- 
rum,  qui  in  Galliœ  Bibliothecis  delituerant  :  olim  editum 
operâ  ac  studio  D.  Luc£e  D'Achery,  Presbyteri  ac  Monachi 
Ordinis  sancti  Benedicti  Congregationis  S.  Mauri.  Nova 
editio  priori  accuratior,  et  infînitis  prope  mendis  ad  fidem 
MSS.  Codicum  quorum  varias  lecliones  V.  C.  Stephanus 
Baluze,  ac  R.  P.  D.  Edmundus  Martene  collegerunt,  expur- 
gata,  per  Ludovicum  Franciscum  Josepbum  de  la  Barre, 
Tornacensem.  Parisiis,  apud  Monlalant,  ad  Piipam  PP.  Au- 
guslinorum,  prope  Pontem  S.  Michaelis.  M.  DCC.  XXIII. 
Cum  Privilegio  Régis.  3  vol.  in-folio. 

Le  premier  volume  comprend  :  titre  et  préliminaires, 
27  feuillets  non  chifl'rés;  texte  862  pp.;  tables,  24  feuillets 
non  chiffrés.  Le  second,  3  feuillets  lim.,  977  pp.  et  25  pp. 
de  tables,  etc.  Le  troisième  :  9  feuillets  lim.,  835  pp.  de 
texte,  et  57  pp.  de  tables,  etc. 

On  sait  que  le  Spicilége  de  d'Achéry  parut  d'abord  à 
Paris,  en  treize  volumes  in-4'',  pendant  les  années  1655  à 
1677.  Cet  ouvrage  était  devenu  fort  rare  et  avait  atteint 
un  prix  excessivement  élevé. 

Dans  ces  circonstances,  un  libraire  de  Paris,  ayant  fait 
part  au  père  Edmond  Martène,  de  son  intention  de  pu- 
blier une  seconde  édition  du  Spicilége  et  de  combler  les 


—  471  — 

lacunes  qu'il  présentait,  Martène  remit  spontanément  à  ce 
libraire  toutes  les  notes  ou  documents  qu'il  avait  recueillis 
à  ce  sujet,  car  lui-même  avait  eu  un  moment  le  dessein 
d'entreprendre  ce  travail.  Etienne  Baluze,  de  son  côté, 
avait  travaillé  dans  la  même  vue;  il  avait  collationné  la 
version  du  Spicilége  avec  tous  les  manuscrits  qu'il  avait 
pu  rencontrer.  Le  libraire  dont  il  est  question  plus  baut,  et 
qui  n'est  autre  que  Montalant,  acbcla,  à  grand  prix,  à 
Baluze  les  notes  qu'il  avait  recueillies;  et  il  jugea  que  son 
intérêt  parliculier  non  moins  que  l'intérêt  général  qui 
pouvait  résulter  d'une  nouvelle  édition  du  Spicilége,  lui 
faisait  un  devoir  de  l'entreprendre.  Dès-lors  il  lui  fallait  un 
savant  pour  coordonner  ces  matériaux.  De  la  Barre  avait 
acquis  une  certaine  notoriété  par  ses  travaux  faits  en  colla- 
boration avec  Dom  Banduri,  et  ce  fut  à  de  la  Barre  que 
s'adressa  Montalant. 

De  la  Barre,  dans  la  préface  qu'il  a  jointe  à  cette  nou- 
velle édition,  nous  apprend,  avec  une  grande  modestie, 
quelle  y  fut  sa  part  réelle.  Son  principal  mérite,  c'est 
d'avoir  rendu  cette  collection  infiniment  plus  facile  à  con- 
sulter. Il  plaça  d'abord  dans  le  premier  volume  les  traités 
dogmatiques  et  polémiques,  les  traités  et  sermons  moraux, 
les  statuts  ecclésiastiques  et  monastiques;  dans  le  second, 
il  rangea  ce  qui  concernait  la  vie  des  saints,  ainsi  que 
l'histoire  des  évêques  et  les  chroniques  des  monastères; 
dans  le  troisième  prirent  place  les  morceaux  plus  ou  moins 
étendus  relatifs  à  l'histoire  profane  de  la  France,  plus  les 
diplômes,  lettres,  etc.  Dans  chacune  de  ces  classes,  de  la 
Barre  a  suivi  l'ordre  chronologique  autant  que  le  permet- 
tait la  nature  des  documents  qui  devaient  y  entrer. 

De  la  Barre  conféra  les  anciennes  leçons  sur  divers 
manuscrits.  Quand  la  version  des  manuscrits  lui  parut 
meilleure  que  celle  du  texte  imprimé,  il  n'hésita  pas  à  cor- 
riger ce  dernier.  Quant  aux  leçons  moins  importantes  ou 


—  472  — 

moins  plausibles,  il  les  relégua  au  bas  des  pages.  De  plus, 
chacun  des  volumes  renferme  un  index  renim  tnemorabi- 
liiim  et  un  index  chronologiciis,  qui  en  rendent  l'usage 
beaucoup  plus  facile. 

Enfln  de  la  Barre  a  cherché  à  rendre  cette  édition  le 
plus  correcte  possible.  Parmi  les  morceaux  oîi  il  y  avait 
le  plus  à  faire  sous  ce  rapport,  il  signale  les  œuvres  de 
Rathère,  évéque  de  Vérone. 

De  la  Barre  n'a  point  reproduit,  dans  leur  intégrité,  les 
préfaces  de  la  première  édition;  mais  il  en  a  extrait,  pour 
les  placer  en  tète  de  chacun  de  ces  documents,  ce  que 
D'Achéry  avait  cru  devoir  en  dire,  de  manière  à  ne  rien 
omettre  qui  eût  quelque  importance. 

A  celte  collection,  on  réunit  un  autre  recueil  qui  a  pour 
litre  : 

II.  Vêlera  analecta,  sive  colleclio  veterum  operum  et 
opusculorum  omnis  generis,  carminum,  epistolarum,  diplo- 
matum,  epitaphlorum,  etc.  Cum  itinere  Germanico,  ad- 
nolalionibus  et  aliquot  disquisitionibus  R.  P.  D.  Joannis 
Mabillon,  Presbyleri  ac  Monachi  ord.  Sancli  Benedicti  è 
congregatione  S.  Mauri.  Nova  editio  cui  accessere  Mabillo- 
nii  vita  et  aliquot  opuscula,  scilicet  Dissertatio  de  Pane 
Eucharistico,  Azymo  ac  Fermentato  ad  Eminentiss.  Cardi- 
nalem  Bona.Subjungitur  opusculum  Eldefonsi  Hispaniensis 
Episcopi  de  eodem  argumento  et  Eusebii  Romani  ad  Theo- 
philum  Gallum  Epistola,  de  cullu  sanctorum  ignotorum. 
Parisiis,  Montalant,  M.  DCC.  XXIII. 

In-folio,  de  S73  pp.,  plus  17  pp.  intitulées  Index  rerum 
memorabilium.  Les  liminaires  comprennent  la  vie  de  Ma- 
billon (traduite  du  français  de  Dom  Thierry  Ruinart  par 
Cl.  de  Vie),  de  45  pp.  chiffrées,  plus  16  autres  pp.  non 
chiffrées  et  contenant  ;  le  catalogue  des  oeuvres  de  Mabil- 
lon, les  préfaces  de  la  première  édition  et  diverses  tables; 
à  la  fin,  le  privilège.  C'est  Mabillon  lui-même  qui  s'est 


—  475  — 

caché  dans  le  dernier  traite  sous  le  nom  d'Eusebius  Iloma- 
nus.  Cette  Dissertation  sur  le  culte  des  saints  inconmis, 
avait  été  publiée  en  français  avec  le  nom  de  Mabillon,  dès 
Tan  1698.  Paris  et  Brux.,  in-8°,  de  G4  pp. 

Les  Votera  analecta  de  Mabillon  avaient  paru  pour  la 
première  fois  de  1675  à  1685,  à  Paris,  eu  quatre  volumes 
in-8",  sous  ce  litre  : 

Collectio  veterum  analectorum,  complectens  varia  frag- 
menta et  epistolia  scriplorum  eccles.,  lam  prosà  quam 
métro,  hactenus  inedita,  cum  annotât,  et  aliquot  disquisi- 
lionibus  Jo.  Mabillonii  et  M.  Germain  è  congr.  S.  Mauri. 
—  Cat.  Vaude  Velde,  n»  5210. 

Cette  édition  s'est  vendue  24  frs.  à  la  vente  Abrial. 

L'édition  des  Analectes  donnée  par  de  la  Barre  peut  être 
considérée  comme  le  quatrième  volume  du  Spicilége.  Elle 
porte  ordinairement, au  dos  des  exemplaires  reliés,  le  litre: 
tomus  [V. 

»  Les  quatre  volumes,  dit  Brunet,  (11,  1),  se  payaient 
dernièrement  de  75  à  100  frs.  Un  exemplaire  des  trois 
premiers  en  grand  papier  a  même  été  vendu  122  frs.  salle 
Silvestre,  en  1842. 

»  Quelques  personnes,  ajoute  le  même  bibliographe, 
préfèrent  les  éditions  originales  de  ces  deux  collections  à 
celles  qu'a  données  de  la  Barre,  à  qui  l'on  reproche  d'avoir 
tronqué  les  préfaces  de  ces  deux  savants  religieux,  et 
d'avoir  fait  aux  textes  des  corrections  qui  ne  sont  pas  tou- 
jours heureuses.  Voilà  pourquoi  l'édit.  in-4°  du  D'Achcry 
a  été  vendue  80  frs.  Abrial.  »  Brunet  convient  cependant 
que  l'édition  de  1723  du  Spicilége  est  rangée  dans  un 
meilleur  ordre  et  a  reçu  quelques  augmentations.  On  peut 
consulter  à  ce  sujet  :  Vogt,  catalogits  iibrorum  curiosorum, 
p.  3;  cl  Journal  des  Savants,  1724,  II,  pp.  99  et  suivantes. 

lil.  Le  Grand  Dictionnaire  historique  ou  mélange  cu- 
rieux de  l'histoire  sacrée  et  prophane  par  Moréri,  nouvelle 
édition  augmentée.  Paris,  1725,  G  vol.  in-folio. 


—  474  — 

La  première  édition  de  ce  dictionnaire  parut  en  1674  à 
Lyon,  chez  Jean  Gyrin,  en  un  volume  in-folio.  Celle  de 
Paris,  chez  les  libraires  associés,  1759,  10  vol.  in-fol.,  est 
la  vingtième. 

La  dernière  et  conséquemmenl  la  meilleure  édition  qu'on 
eût  du  Moréri,  quand  de  la  Barre  entreprit  d'en  donner 
une  nouvelle,  était  celle  de  1718,  soignée  par  Dupin.  De 
la  Barre  examina  un  à  un  les  articles  de  ce  dictionnaire, 
surtout  ceux  qui  concernaient  la  géographie  et  la  chrono- 
logie anciennes,  ainsi  que  l'histoire  fabuleuse  et  celle  des 
temps  héroïques.  Il  vérifia  toutes  les  citations,  et  refondit 
presque  tous  les  articles  de  celle  catégorie.  Il  en  ajouta 
bon  nombre  de  nouveaux,  de  sorte  que  l'édition  de  1723 
est  d'un  quart  plus  étendue  que  celle  de  1718.  Ce  travail 
ne  contribua  pas  peu  à  ouvrir  à  de  la  Barre  les  portes  de 
l'Académie  des  Inscriptions.  Ajoutons  que  l'édition  de  172o 
porte  une  préface  reproduite  dans  celle  de  1759. 

IV.  La  clef  du  cabinet  des  princes  de  l'Europe,  ou 
Journal  de  Verdun. 

Cette  collection  parut  successivement  à  Luxembourg,  à 
Verdun  et  à  Paris,  de  1704  à  1776,  et  ne  forme  pas  moins 
de  120  volumes  in-8°.  Dreux  du  Radier  en  a  publié  une 
table  depuis  son  origine  jusqu'en  1756  inclusivement. 
Paris,  1759,  9  vol.  in-S". 

Ce  fut  au  mois  de  juillet  1704,  que  Claude  Jordan  fit 
paraître  à  Luxembourg  le  premier  numéro  de  ce  recueil 
sous  le  titre  :  Clef  du  cabinet  des  souverains.  Ce  journal 
fut  ensuite  imprimé  à  Verdun;  d'où  lui  vint  le  nom  qu'il 
a  longtemps  porté,  celui  de  Journal  de  Verdun.  Vers  la  fin 
de  1716,  Claude  Jordan  prit  des  arrangements  avec  Ga- 
neau,  libraire  de  Paris,  pour  l'impression  et  la  distribution 
de  ce  journal,  et  il  le  rédigea  jusqu'au  mois  de  février 
1727,  époque  où  son  grand  âge  et  ses  infirmités  l'empêchè- 
rent de  continuer  ce  pénible  travail.  C'est  alors  que  de  la 


—  475  — 

Barre  se  chargea  de  continuer  ce  journal  :  le  nouveau 
rédacteur  le  soutint  sans  interruption  jusqu'à  sa  mort, 
après  laquelle  il  fut  remplacé  par  C.-Pli.  iMontlienaull 
d'Égly,  aussi  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions. 

Barbier,  Dict.  des  Anonymes,  n"  2383.  idem,  Examen 
critiques  des  Dictionnaires  hist.,  art.  Jordan,  etc. 

V.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  France  et  de 
Bourgogne,  contenant  un  Journal  de  Paris,  sous  les  Règnes 
de  Charles  VI  et  de  Charles  VII.  L'histoire  du  meurtre 
de  Jean  sans  Peur,  duc  de  Bourgogne,  avec  les  preuves. 
Les  États  des  Maisons  et  Officiers  des  Ducs  de  Bourgogne 
de  la  dernière  Race,  enrichis  de  notes  historiques  très-in- 
téressantes pour  un  grand  nombre  de  familles  illustres. 
Des  Lettres  de  Charles  le  Hardy,  duc  de  Bourgogne,  au 
sieur  de  Neuf-Chastel  du  Fay,  Gouverneur  de  Luxem- 
bourg; et  plusieurs  autres  monumens  très  utiles  pour 
l'éclaircissement  de  l'Histoire  du  XIV.  et  XV.  siècle.  Avec 
une  table  des  matières,  et  des  noms  des  familles  les  plus 
considérables  dont  il  est  fait  mention  dans  l'ouvrage. 

A  Paris  chez  J.-M.  Gaudouiu  et  P.-F.  Giffart.  M.  DCC. 
XXIX.  Avec  approbation  et  privilège  du  Roy,  2  vol.  in-4°. 

Le  premier  se  compose  de  6  feuillets  liminaires  et  de 
380  pp.;  le  second  contient  559  pp.,  y  compris  la  table; 
plus  deux  pp.  pour  l'approb.,  le  priv.  et  l'errata. 

Ces  mémoires  avaient  été  recueillis  par  Dom  Des  Salles, 
bénédictin.  Il  y  a  aussi,  selon  Barbier,  quelques  morceaux 
de  Dom  Guillaume  Aubry,  également  religieux  de  Saint- 
Benoît.  Dans  l'exemplaire  qui  est  à  la  Bibliothèque  du 
Roi,  dit  le  même  bibliographe,  on  lit  à  la  tète  la  note  ma- 
nuscrite qui  suit  :  «  Cet  ouvrage  est  attribué,  sur  de  bon- 
nes preuves,  à  IN.  de  Bois-Morel,  religieux  de  Saint-Bé- 
nigne de  Dijon,  très-honnéte  homme  et  de  bonnes  mœurs, 
lequel,  non  par  libertinage,  mais  par  égarement  d'esprit 
sur  la  religion,  passa  de  France  en  Hollande,  où  il  se  fit 


—  476  — 

protestant.  «  La  même  note  se  lit  en  substance  dans  le  cata- 
logue Lammens,  seconde  partie,  n"  4759. 

De  la  Barre  a  mis  au-devant  de  son  édition  une  préface 
curieuse  de  huit  pages.  Ces  mémoires  sont  d'une  grande 
importance  pour  l'histoire  de  nos  provinces.  La  seconde 
partie  nous  offre  les  noms  de  bon  nombre  de  familles,  dont 
des  rameaux  ont  été  transplantés  en  Belgique,  telles  que  les 
Carondelet,  les  Clugny,  les  Rolin,  les  Le  Vaillant,  etc.,  etc. 
Cette  même  partie  est  enrichie  d'une  foule  de  notes  pré- 
cieuses, extraites  des  archives  de  la  chambre  des  Comptes 
de  Dijon. 

\L  Le  nouveau  Secrétaire  du  cabinet  contenant  des 
lettres  sur  différents  sujets,  avec  la  manière  de  les  bien 
dresser,  les  compliments  de  la  langue  française,  et  les 
maximes  et  conseils  pour  plaire  et  se  conduire  dans  le 
monde.  Paris,  1752,  in-12. 

VIL  Le  nouveau  Secrétaire  de  la  cour  ou  lettres  fami- 
lières sur  toutes  sortes  de  sujets,  avec  des  réponses,  une 
instruction  pour  se  former  dans  le  style  épistolaire,  le 
cérémonial  des  lettres,  etc.  Paris,  1732,  in-12. 

Nous  trouvons  deux  éditions  du  Secrétaire  de  la  Cour, 
de  1633  et  de  1640.  M.  De  Boze  vante  les  changements 
faits  par  de  la  Barre  à  ces  deux  recueils.  L'abbé  de  Feller 
est  moins  indulgent.  Selon  lui,  «  ces  éditions  prouvent  que 
de  la  Barre  avait  plus  d'érudition  que  de  goût.  Le  discer- 
nement qu'il  avait  acquis  pour  les  vieux  manuscrits  ne 
lui  servait  pas  pour  les  ouvrages  modernes.  »  Nous  ajou- 
terons qu'il  est  pénible  de  voir  des  savants  comme  de  la 
Barre  réduits  à  la  nécessité  de  relaper  des  œuvres  de  si 
mince  importance. 

Vin.  Histoire  de  France,  sous  le  règne  de  Louis  XIV, 
qui  contient  ce  qui  s'est  passé  depuis  son  avènement  à  la 
couronne,  jusqu'à  l'année  1648,  inclusivement,    par  de 


—  477  — 

Larrey.  Rotterdam,  iMichcl  Bohm,  1753-58,  9  vol.  in-12, 
ou  5  vol.  111-4". 

Cette  histoire,  retouchée  et  augmentée  de  notes  par  de 
la  Barre,  et  publiée  avec  permission  sous  le  nom  de  Rotter- 
dam, fut  réellement  éditée  à  Paris,  chez  Clousier. 

Elle  avait  d'abord  paru  en  1718,  simultanément  avec 
l'indicat.,  Rotterdam,  5  vol.  in-4'',  et  Amsterdam,  9  vol. 
in-12.  Cet  ouvrage  a  eu  plusieurs  éditions,  mais  est  peu 
estimé. 

IX.  Histoire  de  la  ville  de  Paris,  contenant  ce  qui  s'est 
passé  de  remarquable  depuis  le  commencement  de  la  mo- 
narchie française,  jusqu'à  présent.  Paris,  Desprez,  1753, 
5  vol.  in-12. 

M.  De  Boze,  dans  l'éloge  de  de  la  Barre,  dit  que  celle 
histoire  de  Paris  est  un  extrait  de  celle  du  P.  Lobineau,  en 
5  vol.  in-folio.  Le  Moréri  de  1759  assure  le  même  fait,  et 
ajoute  que  de  la  Barre  n'est  auteur  que  du  cinquième  vo- 
lume. Barbier,  de  son  côté,  dit  que  ce  n'est  que  l'histoire 
de  Paris,  par  l'abbé  Desfontaines  et  d'Auvigny,  revue  par 
de  la  Barre.  Celte  histoire  s  étend  jusqu'à  l'année  1750. 

Barbier,  Dict.  des  Anon.,  u°  7655. 

X.  Avis  désintéressé  sur  les  derniers  écrits  publiés  par 
les  cours  de  Vienne  et  de  Madrid,  au  sujet  de  la  guerre  pré- 
sente. (Paris)  1755,  in-4°.  Ce  sont  quatre  pièces  traduites 
de  l'italien  de  Fernand  Treviguo;  les  deux  premières  par 
l'abbé  le  Mascrier,  et  les  deux  autres  par  L.  de  la  Barre. 

On  attribue  encore  à  de  la  Barre  une  part  dans  la  conli- 
nuation  du  Discours  sur  l'histoire  universelle  de  Bossuet. 
Amsterdam,  1758,  4  vol. 

Outre  ces  diverses  publications,  de  la  Barre  a  encore 
inséré  un  certain  nombre  d'articles  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  royale  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  : 

1»  Explication  et  correction  de  quelques  endroits  de 


—  478  — 

Pline.  1727,  Hist.  de  TAcad.  desinscr.,  t.  VII,  pp.  208- 
214. 

2"  Éclaircissements  sur  l'histoire  de  Lycurgue  par  M.  de 
la  Barre.  —  Lus  à  la  séance  du  19  juillet  1729.  iMém.  de 
TAcad.  des  Insc,  VII,  262-272. 

0°  Remarques  sur  la  route  de  Sardes  à  Suses,  décrite 
par  Hérodote,  et  sur  le  cours  de  l'Halys,  de  TEuphrate,  de 
TAraxes  et  du  Phase.  —  Séance  du  10  mai  1729.  Ibid., 
Vm,  541-562. 

4°  Dissertation  sur  la  livre  romaine,  avec  des  remarques 
sur  quelques  mesures.  —  Séance  du  13  juin  1728.  Ibid., 
VIII,  572-402. 

5"  Mémoires  sur  les  divisions  que  les  Empereurs  romains 
ont  faites  des  Gaules  en  plusieurs  provinces.  —  Séances 
du  21  février  1727  et  du  25  mai  1750.  Ibid.,  VIII, 
405-429. 

6°  Première  dissertation  sur  le  Poëme  épique,  où  l'on 
examine  s'il  est  nécessaire  que  l'action  de  ce  poëme  ait 
rapport  à  une  vérité  de  morale.  — Séance  du  22  mai  1751 . 
Ibid.,  IX,  259-256. 

7°  Seconde  dissertation  sur  le  Poëme  épique,  pour  servir 
d'éclaircissement  à  la  précédente.  —  Séance  du  4  septem- 
bre 1751.  Ibid.  IX,  237-290. 

8°  Dissertation  sur  les  places  destinées  aux  jeux  publics 
dans  la  Grèce,  et  sur  les  courses  qu'on  faisait  dans  ces 
places.  — Séance  du  2  mai  1752.  Ibid.,  IX,  576-596. 

9°  Explication  d'une  épigramme  de  Martial  avec  de  nou- 
veaux éclaircissemens  sur  la  livre  romaine.  —  1752.  Hist. 
de  l'Acad.  des  Inscriptions,  IX,  86-91.  C'est  l'épigramme 
24*  du  X'^  livre;  il  s'agissait  de  décider  à  combien  d'années 
dévie  se  bornait  le  désir  de  Martial. 

10°  Nouvelles  remarques  sur  les  années  de  Jésus-Christ. 
—  1751.  Ibid.,  IX,  102-110. 


—  479  — 

H"  Sur  une  couronne  trouvée  dans  l'Ile  de  Ilhé.  Ibid., 
IX,  176-179. 

12°  Correction  de  quelques  passages  d'Hérodole  (lib.  I, 
ch.  131;  II,  49;  V,  27).  —  1734.  Ibid.,  XII,  175-181. 

13"  Explication  et  correction  de  deux  passages  de  Feslus. 
—  1754.  Ibid.,  p.  224-230. 

14°  De  la  manière  dont  les  Égyptiens  comptaient  les 
années  du  règne  des  empereurs,  par  MM.  de  la  Barre  cl  le 
baron  de  la  Bastie.  —  1737.  Ibid.,  XII,  pp.  136-ir)2. 

Au  moment  de  sa  mort,  de  la  Barre  travaillait  à  finir 
un  ouvrage  qu'il  avait  annoncé  à  ses  confrères  de  l'Aca- 
démie quelques  mois  auparavant,  sous  le  litre  de  Mémoires 
pour  servir  à  VHistoire  de  la  Religion  de  la  Grèce.  Il  eu 
avait  même  lu  en  plusieurs  fois  les  six  premiers  articles; 
mais  il  avait  négligé  d'en  déposer  le  manuscrit  dans  les 
Archives  de  l'Académie.  La  minute  de  l'auteur  fut  toute- 
fois heureusement  retrouvée  dans  un  des  portefeuilles  de 
M.  Fréret,  telle  qu'elle  avait  été  lue  en  1737  et  1738.  D'où 
l'on  peut  juger  avec  assez  de  vraisemblance  que  cet  ouvrage 
n'a  pas  été  poussé  plus  loin.  La  première  partie,  qui  peut 
être  considérée  comme  terminée,  est  insérée  aux  tomes 
XVI  et  XVIII  des  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions 
sous  ce  titre  : 

15°  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  la  religion  de 
la  Grèce.  Avant-propos.  1757.  —  XVI,  p.  1-5. 

Premier  article.  De  l'auteur  de  la  Théogonie,  et  des 
écrivains  qui  ont  passé  pour  être  plus  anciens  qu'Homère 
et  qu'Hésiode.  —  Ibid.,  5-46. 

Deuxième  article.  Des  différentes  systèmes  par  lesquels 
on  a  essayé  d'expliquer  les  anciennes  fables.  1758.  — 
Ibid.,  46-92. 

Troisième  article.  Texte  de  la  Théogonie  d'Hésiode. 
1738.  —XVIII,  1-11. 


—  480  — 

Quatrième  article.  Observations  générales  sur  la  Théo- 
gonie, où  Ton  en  développe  le  plan,  —  XVIII,  H -28. 

Cinquième  article.  — DuTartare,  de  l'Amour,  de  l'Éther 
et  du  Jour.  —  XVIII,  28-39. 

Sixième  article.  —  De  la  Nuit  et  de  sa  famille.  — 
XVIII,  59-59. 

Ces  six  articles  sont  les  seuls  auxquels  de  la  Barre  ait  eu 
le  temps  de  mettre  la  dernière  main.  Le  plan  de  son  ou- 
vrage embrassait  toute  l'histoire  des  Dieux  de  la  Grèce, 
conformément  à  la  Théogonie  d'Hésiode.  11  laissa  dans  ses 
papiers  les  minutes  de  quelques  autres  articles;  «  mais 
»  comme  l'ordre  que  s'est  proposé  l'auteur  ne  les  amenait 
»  pas  immédiatement  après  les  six  premiers,  et  que  d'ail- 
»  leurs  ils  semblent  composés  sur  un  autre  plan,  quoique 
»  dans  les  mêmes  principes,  nous  avons  cru  devoir  les 
»  réserver  pour  la  partie  historique  de  quelqu'un  de  nos 
»  volumes  suivants,  où  nous  en  donnerons  l'extrait.  » 

Voir  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscriptions,  vol.  XVI,  p.  I, 
et  XVIII,  p.  59. 

16°  Dans  leXIX«  vol.  de  ces  mêmes  Mémoires,  paru  en 
1755,  nous  trouvons  encore  l'ouvrage  suivant,  dont  la  lec- 
ture avait  rempli  plusieurs  séances  de  l'Académie: 

Essai  sur  les  mesures  géographiques  des  anciens.  — 
P.  512. 

Premier  mémoire.  —  Sur  le  stade  des  Grecs,  où  l'on  éta- 
blit qu'ils  ont  employé  deux  stades  différents,  P.  514-532, 

Deuxième  mémoire,  —  De  l'usage  que  les  Grecs  ont  fait 
du  petit  stade.  P.  553-546. 

Troisième  mémoire.  —  Du  Schène  des  Égyptiens  et  du 
parasauge  des  Perses.  —  P.  547-562. 

Quatrième  mémoire.  —  De  l'usage  du  grand  stade  chez 
les  Grecs.  ~  P.  562-576. 

De  la  Barre  avait  en  outre  entrepris  un  Grand  Diction- 


—  481  — 

naire  d'Antiquités  grecques  et  romaines,  qui  ne  devait  pas 
avoir  moins  de  quatre  volumes  in-folio,  et  qu'il  comptait 
terminer  dans  l'espace  de  trois  années.  Il  s'était  mis  à  relire 
tous  les  auteurs  anciens  dans  leur  texte  original,  et  il  en 
avait  copié  de  sa  main  tous  les  endroits  dont  il  prévoyait 
pouvoir  faire  usage.  Il  y  travaillait  depuis  quinze  mois, 
quand  la  mort  le  surprit;  et  déjà  plus  de  cent  articles 
étaient  terminés.  Ce  travail  réclamait  un  continuateur,  qui 
lui  fît  défaut. 

En  1744,  on  a  imprimé  à  la  suite  de  la  préface  des  Œu- 
vres philosophiques  et  géographiques  de  J.  Pierquin,  une 
épitre  en  vers  français  adressée  par  L.  de  la  Barre  au 
même  J.  Pierquin.  C'est  le  seul  morceau  de  poésie  que 
nous  connaissions  de  L.  de  la  Barre. 

C'est  ici  le  lieu  de  dire  un  mot  de  la  part  prise  par  de 
la  Barre  aux  ouvrages  de  Dom  Anselme  Banduri.  Voici 
d'abord  les  litres  de  ces  ouvrages  : 

1°  Imperium  Orientale,  sive  antiquitates  Constantino- 
politanœ  in  quatuor  partes  distributse  :  quœ  ex  variis 
scriptorum  grsecorum  operibus  et  prsesertim  ineditis  ador- 
natse,  Commentariis,  elGeographicis,  Topographicis,  aliis- 
que  quam  plurimis  monumentorum  ac  numismatum  tabellis 
illustrantur,  et  ad  intelligentiam  cum  sacrœ,  tum  profanœ 
historiaî  apprime  conducunt.  Opéra  et  studio  Domni  An- 
selmi  Banduri  Ragusini,  Prœsbyteri  ac  Monachi  Benedic- 
tini  e  Congregatione  Militensi.  Parisiis,  Typis  ac  Sump- 
tibus  Joannis  Baptistse  Coignard,  1711,  2  vol.  in-folio, 
contenant  ensemble  214,  1017  et  140  pages. 

L'ouvrage  est  dédié  à  Cosme  IIl  de  Médicis,  grand-duc 
de  Toscane.  La  dédicace  est  suivie  d'une  préface  de  14p., 
et  d'une  liste  chronologique  des  empereurs  et  des  pa- 
triarches de  Constantinople,  depuis  Constantin  le  Grand. 
Le  1"  volume  est  à  deux  colonnes;  le  second,  à  une  seule 
colonne,  renferme  les  commentaires. 


—  482  — 

2"  Numismata  imperatorum  romanorum  à  Trajano  Decio 
ad  Palseologos  Auguslos.  Accessit  Bibliotheca  nummaria, 
sive  auctorum  qui  de  Re  nuQimaria  scripserunt.  Opéra  et 
studio  D.  Anselmi  Banduri,  Monachi  Benediclini,  regiae 
magui  Elruriee  ducis  Bibliothecse  prsefecti,  et  in  regia  aca- 
demia  parisiensi  inscriplionum  ac  bonarura  litterarurn  aca- 
demici  honorarii.  Lutetise  Parisiorum.  Sumplibus  Monta- 
lant,  1718.  Cum  priv.  Sacrée  Reg.  Majestatis,  2  vol. 
in-folio,  de  544  et  777  pages,  sans  les  lim.  et  les  tables. 
A  la  fin  du  second  vol.,  ou  lit  :  Ex  Typographia  Langlois. 

Cet  ouvrage  est  dédié  à  Philippe  d'Orléans,  régent  de 
France;  la  dédicace  est  suivie  d'une  préface  très-longue  et 
de  la  Bibliotheca  Nummaria,  qui  occupe  CXXVI  pages. 
Cette  Bibliothèque  a  été  réimprimée  avec  des  notes  par 
les  soins  de  Jean-Albert  Fabricius,  à  Hambourg,  en  1719. 

Ces  deux  importants  ouvrages,  ornés  d'un  grand  nombre 
de  gravures  représentant  des  monnaies,  des  antiquités,  etc., 
font  partie  de  la  collection  byzantine.  Jérôme  Tanini  a  pu- 
blié un  supplément  aux  Numismata  sous  ce  titre  :  Numis- 
matum Imperatorum  Romanorum,  ab  A.Bandurioeditorum 
supplementum,  studio  H.  Taninio.  Romœ,  1791,  1  vol. 
in-folio. 

Les  médailles  des  Numismata  sont  de  trois  graveurs  : 
Ertinger,  Ph.  Simonneau  et  Dan.  Cochin. 

L'exemplaire  des  Numismata  provenant  du  cabinet  de 
M.  Van  Hulthem,  porte  la  note  manuscrite  suivante  :  «  On 
dit  que  Louis-Fr.-Jos.  de  la  Barre,  de  l'Académie  des 
Inscriptions ,  est  le  principal  auteur  de  cet  ou- 
vrage, quoiqu'il  soit  annoncé  être  de  Dom  Banduri.  »  Cette 
note  est  extraite  de  l'exemplaire  de  M.  de  Milly,  dont  la 
vente  s'est  faite  à  Paris  le  2  vendémiaire  et  jours  suivants, 
an  Vin.  L'auteur  de  l'article  Banduri,  dans  la  Biographie 
Michaud,  dit  à  son  tour  :  «  On  a  écrit  assez  légèrement  que 
^\.  de  la  Barre  était  le  véritable  auteur  des  ouvrages  de 


—  485  — 

Dom  Banduri.  D.  Banduri  n'a  jamais  caché  les  obligations 
qu'il  avait  à  son  confrcre,  ni  les  services  qu'il  en  avait 
reçus  pour  ses  ouvrages.  Il  est  clair  qu'il  en  aurait  agi 
autrement,  s'il  avait  voulu  s'approprier  son  travail.  » 

Cette  dernière  opinion  nous  paraît  la  plus  près  de  la 
vérité,  la  part  prise  par  de  la  Barre  à  ces  deux  ouvrages 
est  une  part  en  quelque  sorte  matérielle.  Quand  parut 
Vlmperhim  Orientale,  de  la  Barre  n'avait  que  vingt-trois 
ans.  Il  est  vrai  qu'il  en  avait  trente  lors  de  la  publication 
des  Numismata.  Ses  connaissances  avaient  grandi  dans 
l'intervalle,  et  il  est  certain  qu'il  prit  une  part  plus  active 
au  second  qu'au  premier  ouvrage.  Sa  mission  principale 
fut  de  copier,  d'extraire  et  de  vérifier,  dans  les  manuscrits 
comme  dans  les  imprimés,  ce  qui  lui  était  indiqué  par 
Dom  Banduri,  de  veiller  sur  les  impressions  et  sur  les 
gravures,  et  d'en  corriger  exactement  les  épreuves  :  tâche 
ingrate  sans  doute,  mais  qui  devait  nécessairement,  et  par 
une  pente  toute  naturelle,  amener  de  la  Barre  à  prendre 
rang  parmi  les  premiers  savants  de  l'époque. 

Il  est  étonnant  que  Foppens  n'ait  pas  dit  un  mot  de  de 
la  Barre,  et  plus  étonnant  encore  que  Paquot  ait  gardé  le 
même  silence.  Hoverlant,  au  volume  XC'=  de  son  Essai,  a 
voulu  venger  la  mémoire  de  son  compatriote;  et,  chose 
rare  chez  cet  écrivain,  son  article  n'est  pas  trop  mauvais; 
il  est  loin  d'être  complet,  mais  on  y  reconnaît  une  cer- 
taine exactitude. 

F.  F.  J.  Lecolvet. 


484 


Ce  Srotssart 

DE    M.    KERVYN    DE    LETTENHOVE    (1). 

L'Académie  française  avait  proposé  pour  sujet  de  con- 
cours en  1836,  une  étude  sur  les  Chroniques  de  Froissart, 
étude  qui  devait  porter  à  la  fois  sur  sa  vie  et  sur  le  carac- 
tère de  ses  œuvres.  D'un  côté,  ce  travail  exigeait  toutes 
les  recherches  historiques  nécessaires  pour  suivre  à  travers 
les  grandes  luttes  de  son  temps  l'existence  mobile  de  cet 
écrivain  célèbre,  qui  puisa  les  matériaux  les  plus  précieux 
de  son  ouvrage  dans  ses  relations  personnelles  avec  des 
hommes  éminents  de  différents  pays.  D'autre  part,  on 
demandait  l'appréciation  critique  de  son  génie,  de  sa  ma- 
nière et  de  son  style.  Cette  double  tâche  était  peut-être 
trop  étendue,  puisqu'elle  supposait  chez  les  concurrents 
l'érudition  vaste  et  variée  du  biographe  jointe  à  des  con- 
naissances littéraires  d'un  genre  tout  spécial.  Aussi  l'Aca- 
démie ne  reçut-elle  aucun  travail  qui  répondit  pleinement 
au  programme;  mais  elle  distingua  et  crut  devoir  récom- 
penser par  une  médaille  particulière  un  mémoire  dont  la 
partie  historique  était  traitée  avec  autant  de  savoir  que  de 
justesse  d'esprit.  Ce  mémoire  était  dû  à  M.  Kervyn  de 
Lettenhove,  l'auteur  de  la  savante  Histoire  de  Flandre,  et 
c'est  après  avoir  revu  avec  soin  sou  manuscrit  pour  l'enri- 

(1)  Froissart,  Etude  Uuéraire  sur  le  A7V'«  siècle.  Bruxelles,  2  vol.  in-18. 


—  .48o  — 

richir  du  fruit  de  nouvelles  reclierclies  qu'il  Ta  livré  à 
la  presse. 

Le  premier  volume  contient  la  biographie  de  Froissarl 
et  offre  sans  comparaison  le  travail  le  plus  complet  et  le 
plus  intéressant  que  nous  possédions  sur  aucun  écrivain  de 
cette  époque.  La  vie  du  chroniqueur  y  est  mise  en  lumière 
avec  une  merveilleuse  netteté.  Nous  apprenons  à  connaître 
sa  famille  qui  était  originaire  de  Beaumont,  la  condition 
sociale  de  son  père,  qui  n'était  point,  comme  on  l'a  cru  jus- 
qu'ici, un  simple  peintre  d'armoiries,  son  éducation  régu- 
lière et  les  compositions  poétiques  de  sa  jeunesse  dont 
M.  Kervyn  de  Lettenhove  a  retrouvé  une  partie  encore 
inédite  dans  les  trésors  inconnus  de  la  Bibliothèque  de 
Bourgogne.  L'étude  qu'il  a  faite  des  ouvrages  de  Froissart 
ne  s'est  pas  bornée  à  leur  analyse;  il  a  comparé  les  diffé- 
rents manuscrits,  consulté  les  variantes  des  textes,  et  re- 
cueilli par  ce  travail  opiniâtre  une  foule  d'indications,  qui 
viennent  éclaircir  d'une  manière  presqu'inespérée  les  pha- 
ses différentes  de  la  vie  de  l'auteur.  Il  a  également  tiré 
parti  de  toutes  les  découvertes  faites  dans  les  archives, 
depuis  la  mention  de  quelques  moulons  d'or  payés  à 
contre-cœur  au  poète  par  le  trésorier  du  duc  de  Brabant, 
jusqu'à  l'assaut  d'un  clocher  où  Jehan  Froissart,  avec  quel- 
ques braves  compagnons,  s'empara  de  deux  clercs  homi- 
cides, malgré  leur  vigoureuse  défense. 

Mais  la  partie  la  plus  remarquable  de  cette  savante 
étude,  est  celle  où  le  biographe  suit  le  chroniqueur  de 
contrée  en  contrée  et  nous  signale  ses  rapports  avec  les 
mieux  informés  de  ses  contemporains.  M.  Kervyn  de  Let- 
tenhove déploie  là  une  vaste  érudition  et  une  sagacité 
infinie.  Les  cours  d'Angleterre  et  de  France  lui  sont  aussi 
familières  que  les  châteaux  des  seigneurs  belges,  et  il  ne 
connait  pas  moins  bien  les  célébrités  littéraires  de  l'époque, 
ChristinedePisan,  Geoffroy  Chaucer  et  EustacheDeschamps, 


—  486  — 

que  les  grands  capitaines  et  les  bons  chevaliers,  Messires 
Dei'trand  du  Guesclin,  Jean  Chandos,  Gauthier  de  Mauny, 
Espaing  de  Lyon  et  cent  autres.  Son  livre  est  sous  ce  rap- 
port un  tableau  aussi  vivant  que  varié  des  hommes  et  des 
usages  du  quatorzième  siècle,  et  il  aurait  pu  tout  aussi 
bien  l'appeler  une  étude  historique  que  littéraire  de  cet  âge 
héroïque.  Si  nous  avions  quelque  reproche  à  lui  adresser, 
ce  ne  serait  que  celui  d'une  sorte  de  profusion  dans  sa 
richesse,  défaut  si  rare  et  si  attachant  que  c'est  peut-être 
une  qualité. 

On  sait  que  Froissart,  tout  en  admirant  la  richesse  et 
l'énergie  des  communes  de  Flandre,  est  loin  d'embrasser 
leur  parti  contre  celui  des  seigneurs.  M.  Kervyn  se  montre 
plus  sobre  de  détails  sur  ce  point  que  sur  beaucoup  d'au- 
tres, et  l'on  comprend  qu'il  lui  en  coûterait  de  tirer  des 
conséquences  trop  sévères  des  réticences  et  des  jugements 
hasardés  qui  ont  été  souvent  reprochés  à  l'histoire.  Mais  en 
revanche,  il  extrait  des  archives  de  Bruges  et  d'Ypres  des 
pièces  qui  répandent  un  nouveau  jour  sur  les  relations 
intimes  de  ces  deux  villes  avec  la  commune  de  Paris,  au 
moment  où  la  bourgeoisie  de  cette  capitale  essaya  d'entraî- 
ner à  une  réforme  politique  les  États  généraux  de  France. 
Ces  pièces  consistent  en  deux  lettres  du  prévôt  des  mar- 
chands, Etienne  Marcel,  chef  du  parti  qui  osa  entreprendre 
cette  grande  tentative,  et  elles  contiennent  son  apologie  qui 
mérite  d'attirer  plus  d'attention  que  les  récits  évidemment 
calomnieux  qui  ont  noirci  sa  mémoire.  Ce  ne  sont  pas 
seulement  les  idées  de  liberté  que  le  réformateur  français 
empruntait  à  la  Flandre  :  il  avait  aussi  pour  confidents  et 
pour  auxiliaires  à  Paris  même,  un  certain  nombre  de  mar- 
chands flamands,  dont  l'auteur  belge  a  recueilli  les  noms 
et  qui  travaillaient  à  réaliser  ce  rêve  hardi  d'une  ligue 
communale  que  fît  évanouir  le  désastre  de  Roosebeke. 
Nous  aimerions  à  voir  rapprocher  de  ces  documents   les 


—  487  — 

lettres  de  Philippe  cl'Artevelde  au  jeune  roi  Charles  VI 
que  contient  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Gand,  et 
qui,  si  leur  authenticité  est  douteuse,  prouvent  au  moins 
quel  développement  avaient  pris  parmi  nous  les  mêmes 
idées  à  une  époque  voisine. 

Le  deuxième  volume  de  Touvrage  a  pour  sujet  le  carac- 
tère des  écrits  de  Froissart  et  surtout  de  ses  chroniques. 

L'auteur  commence  par  rappeler  Tesprit  chevaleresque 
qui  animait  les  princes  et  les  seigneurs  en  renom  pendant 
la  première  moitié  du  quatorzième  siècle,  et  il  trace  avec 
un  extrême  éclat  l'image  de  leur  qualités  héroïques.  On 
pourrait  se  demander  quelquefois  en  parcourant  ces  pages 
éblouissantes,  si  l'enthousiasme  qui  s'y  reflète,  ne  lui  fait 
pas  un  peu  oublier  les  ombres  du  tableau;  mais  la  noblesse 
des  figures  qu'il  dépeint  explique  et  justifie  jusqu'à  un 
certain  point  cet  entraînement  que  le  lecteur  le  plus  calme 
est  bien  près  de  partager.  Une  période  plus  sombre  suc- 
cède d'ailleurs  à  cet  âge  d'or  de  la  chevalerie  et  M.  Kervyn, 
tout  en  gémissant  de  cette  rapide  décadence,  ne  la  décrit 
pas  moins  avec  fidélité.  Il  nous  fait  deviner  le  décourage- 
ment qui  s'empare  du  chroniqueur,  à  mesure  qu'il  voit 
ainsi  dégénérer  les  fortes  races.  Mais  ce  découragement  ne 
nous  paraît  pas  une  excuse  sufiisante  pour  la  facilité  avec 
laquelle  Froissart  renonce  à  s'indigner  des  scènes  odieuses 
qui  se  présentent  à  lui  et  qu'il  finit  par  raconter  trop  sou- 
vent d'un  ton  d'indifférence.  C'est  là  une  tache  que  tout  le 
talent  de  son  biographe  ne  saurait  effacer;  nous  la  croyons 
plus  grave  qu'elle  ne  semble  l'être  à  ses  yeux. 

A  part  ce  seul  point  de  dissentiment,  nous  regardons 
comme  parfaitement  justes  les  éloges  que  M.  Kervyn  donne 
aux  diverses  qualités  de  Froissart,  en  s'appuyant  sur  un 
choix  heureux  d'exemples  et  de  preuves.  Il  laisse  très-peu 
de  chose  à  faire  à  ceux  qui  essaieront  peut-être  encore  de 
revenir  sur  ce  sujet,  à  moins  que,  suivant  le  vœu  et  l'ex- 


—  488  — 

pression  du  rapporteur  de  l'Académie  française,  ils  n'eu 
approfondissent  plus  spécialement  «  la  partie  finement  lit- 
téraire. «Ce  serait  là  en  effet  un  travail  conforme  au  goût 
académique;  mais  on  nous  permettra  de  douter  que  le  plus 
grand  nombre  des  lecteurs  en  fût  aussi  friand.  Quelque 
manière  de  voir  qu'on  adopte  à  cet  égard,  le  côté  de  la 
question  auquel  s'est  attaché  l'écrivain  belge  a  une  impor- 
tance incontestable,  et  la  publication  de  son  livre,  en  lui 
assurant  un  nouveau  titre  de  gloire,  rehaussera  aux  yeux 
de  l'Europe  savante  la  valeur  de  la  médaille  qu'il  a  obtenue. 

Joseph  Fuerison. 


—  489  — 


Cljroutipic  bcô  $dc\x(Cô  et  hs  2(rtô,  et  iDûrictés. 


Ancien  Hôpital  de  Roclers.  —  Un  des  lecteurs  du  Messager  des  Sciences 
hisloriqties  a  demande  dans  le  temps,  par  la  voie  du  Questionnaire,  quel 
avait  été  le  sort  d'un  ancien  hôpital  que  la  ville  de  Roulers  possédait  encore 
au  XVI«  siècle,  et  qu'elle  n'a  plus  aujourd'hui  (Questionnaire  n"  73,  ISiiG, 
p.  274);  et  il  a  été  répondu  à  cette  question  par  ces  paroles  de  Sanderus  (II, 
p.  381):  Fuit  et  in  Hollario  xenodochium  a  sororibus  religiosis  olim  curatum, 
ae  civilibus  turbis  mine  eversum,  qtiod  patribus  Atigustinis  nuper  (reclamante 
licet  brugensium  antistite)  donavil  dux  Ncoburgicus,  iisque  facdltatem  impcr- 
tiitfundandiin  oppido  monasleriiel  scuolas  erigeîvdi  ad  juventutem  vernaculis 
laiinisque  liUeris  imbuendam.  »  Un  volume  manuscrit  faisant  partie  de  la 
collection  de  la  bibliothèque  de  Gand,  et  composé  de  diverses  pièces  relatives 
toutes  au  couvent  des  Augustins  à  Roulers,  permet  de  compléter  ce  que  nous 
apprend  Sanderus, 

La  première  pièce  de  ce  recueil  nous  prouve  l'existence  de  l'hôpital  en  liiOO, 
puisqu'elle  constate  une  fondation  de  messes  dans  l'hôpital  le  28  juin  de  celle 
année.  Au  XVn<=  siècle,  l'hôpital  partagea  le  sort  de  la  plupart  des  institu- 
tions de  ce  genre.  La  seconde  pièce  est  une  requête  adressée  aux  bourgmestre 
et  échevins  de  la  ville  de  Roulers,  par  les  Augustins,  afin  qu'ils  soient  auto- 
rises à  y  ériger  un  couvent,  avec  église  et  école,  en  l'honneur  de  Dieu  et  pour 
l'utilité  des  habitants  :  Met  expresse  conditic  dat  de  voornoemde  stede  endc 
inwoonders  daermede  geensinls  en  zullen  worden  belast  nogle  eenigzins  veru- 
bligeert  daer  loe  iet  le  contribueren,  in  deele  ofte  geheele.  Ce  besoin  d'une  au- 
torisation est  contraire  à  l'idée  qu'on  se  fait  communément  du  régime  ancien; 
on  ignore  assez  généralement  aujourd'hui,  dans  les  provinces  bcigiques 
comme  en  France,  que  l'aulorisalion  du  gouvernement  et  le  consentement 
des  habitants  étaient  requis  pour  l'établissement  de  nouveaux  couvents.  Nous 
voyons,  le  10  février  1652,  le  conseil  privé  de  Brabant  émettre  l'avis  qu'il 
n'y  a  pas  lieu  de  permettre  aux  Carmes  déchaussés  de  s'établir  à  Malincs, 
«  parce  que  ladite  ville  n'était  déjà  que  trop  remplie  cl  chargée  de  cloîtres 
d'hommes  cl  de  femmes.  »  (Voir  la  Belgique  judiciaire,  t.  XIV.  p.  274  cl 


—  490  — 

t.  XVI.  p.  689.  Voir  aussi,  pour  la  France,  œuvres  de  Cl.  Ilenrys,  II,  p.  15). 

Aussi  les  Augustins  ne  purent-ils  obtenir  Tautorisation  de  s'établir  à  Rou- 
1ers,  qu'en  produisant  la  preuve  qu'ils  avaient  suffisamment  de  biens  pour 
ue  pas  être  à  charge  aux  habitants.  C'est  pourquoi  ils  exposent,  entr'aulres, 
(pièce  no  3),  que  donation  leur  a  été  faite  par  le  prince  de  Neubourch,  de  tous 
les  biens  de  l'hôpital  de  Roulcrs;  et  finissent  par  obtenir  l'autorisation  de 
s'établir  dans  cette  ville,  à  la  condition  :  «  dut  de  voorschrcvene  religieusen 
zullen  houden  lalynsche  school  naer  behooren  en  zondcr  loon.  »  Les  pièces 
conservées  ne  nous  mettent  pas  à  même  de  vérifier  si  cette  condition  a  été 
observée. 

Un  document  qui  date  de  16i4,  constate  que  demande  fut  faite  par  les 
Augustins,  à  l'évêque  de  Bruges,  de  réduire  les  messes  dont  étaient  chargés 
les  biens  donnés  primitivement  à  l'hôpital.  Cette  réduction  eut  lieu  dans  la 
proportion  de  trois  par  semaine,  à  deux  par  mois,  et  lorsque  par  la  suite  de 
nouvelles  fondations  au  profit  des  Augustins,  eurent  de  nouveau  fait  remon- 
ter le  nombre  des  messes  à  un  chiffre  trop  considérable,  ils  obtinrent  des 
évéques  de  Bruges,  de  nouvelles  réductions.  Ce  couvent  exista  jusqu'à  la  na- 
tionalisation des  biens  ecclésiastiques;  vendu  comme  bien  national,  il  est  de- 
venu depuis  le  petit  séminaire  de  Roulers. 

D. 

Abbaye  de  Villehs.  —  L'église  de  l'antique  abbaye  de  Villers,  dans  le  Bra- 
bant  wallon,  ravagée  pendant  la  tourmente  révolutionnaire  du  siècle  dernier, 
contenait  un  grand  nombre  de  monuments  funéraires  et  d'inscriptions  sépul- 
crales. Toutes  ont  disparu  aujourd'hui.  On  sait  cependant  qu'un  recueil  de 
ces  nombreuses  épitaphes  a  été  formé  au  XVIIIe  siècle.  On  demande  ce  qu'est 
devenu  ce  manuscrit?  Existe-t-il  dans  quelque  dépôt  privé  ou  public?  Quel- 
qu'un pourrait-il  indiquer  où  il  se  trouve  aujourd'hui? 

Mission  LiTiÉBAinE  de  M.  Ers.  Van  Budtssel  en  Angleterre.  —  Dans  un 
mémoire  présenté  au  Gouvernement  vers  la  fin  de  l'année  1837,  M'  Er- 
nest Van  Bruyssel,  ancien  attaché  au  bureau  paléographique,  demeurant 
aujourd'hui  à  Londres,  appela  l'attention  de  M.  le  ministre  de  l'Intérieur 
sur  l'utilité  qu'il  y  aurait  pour  l'histoire  de  la  Belgique,  à  explorer  les  dépôts 
d'archives  et  les  bibliothèques  d'Angleterre,  nommément  la  Tour  de  Londres, 
le  Musée  britannique,  le  State  paper's  office,  la  collection  de  sir  Thomas 
Phillipps  à  Middlc-Hill,  les  bibliothèques  d'Oxford,  de  Cambridge,  d'Edim- 
bourg, les  archives  de  l'Échiquier,  etc.,  et  demanda  d'être  chargé  de  cette 
exploration. 

La  Commission  royale  d'histoire,  consultée  par  le  Gouvernement,  s'étant 


—  491  — 

montrée  favorable  au  projet  de  31.  Van  Bruyssel,  M,  le  ministre  de  llntérieiii- 
donna  à  ce  jeune  savant  la  mission  d'explorer  les  dépôts  littéraires  d'Angle- 
terre, en  se  conformant  aux  instructions  que  la  Commission  royale  d'histoire 
avait  été  invitée  à  lui  donner,  et  qui  consistent  : 

En  premier  lieu,  de  rédiger  un  catalogue  raisonné  des  manuscrits  concer- 
nant riiisloire  de  la  Belgique,  qui  sont  conservés  dans  la  bibliothèque  de 
sip  Thomas  Phillips,  à  Middle-Hill,  et  de  plus,  une  liste  de  tous  les  manu- 
scrits, sans  exception,  de  la  même  bibliothèque  qui  proviennent  des  abbayes 
ou  d'autres  établissements  belges; 

En  second  lieu,  de  rechercher,  au  iMusée  britannique  et  dans  les  autres 
bibliothèques  d'Angleterre,  les  chroniques,  mémoires,  relations,  qui  seraient 
de  nature  à  entrer  dans  la  Collection  des  Chroniques  belges  invdiles,  et  d'en 
dresser  de  même  un  catalogue  raisonné; 

En  troisième  lieu,  de  former  une  liste  des  lettres,  instructions  et  autres 
documents  relatifs  aux  règnes  de  Charles-Quint  et  de  Philippe  II,  comme 
souverains  des  Pays-Bas,  que  renferment  le  Musée  britannique  et  le  State 
papers'  office. 

Dans  une  de  ses  dernières  séances,  la  Commission  royale  d'histoire  a  pris 
communication  d'un  rapport  extrêmement  intéressant,  dans  lequel  M.  Van 
Bruyssel  donne  un  travail  complet  sur  les  dépots  littéraires  d'Angleterre,  ainsi 
que  sur  les  publications  historiques  dont  ils  ont  fourni  les  matériaux.  Nous 
croyons  devoir  donner  une  analyse  substantielle  de  ce  travail. 

«  Chapitre  phemier.  —  Archives  de  l"Etat.  —  Les  archives  du  gouverne- 
ment anglais  sont  remarquables  par  leur  nombre,  leur  richesse  et  leur  im- 
portance. Elles  se  succèdent  sans  interruption  à  partir  de  la  conquête,  et, 
sous  le  rapport  de  l'antiquité,  elles  surpassent  les  collections  françaises,  qui 
ne  présentent  de  séries  bien  suivies  de  documents  officiels  qu'à  partir  du 
règne  de  saint  Louis.  Les  archives  britanniques  sont  encore  partagées  de  nos 
jours  entre  différentes  administrations,  et  l'absence  d'un  dépôt  général  en 
rend  l'étude  difficile  et  pénible.  Les  principaux  dépôts  actuellement  existants 
sont  établis  :  au  Public  record  office,  à  la  Chapelle  des  rôles,  «  rolls  chapcl  »  ; 
au  Chapitre  de  l'abbaye  de  Westmitislir,  «  Chaptrc  House  »  (pools  corner);  à 
Carllon  Ride;  au  State  paper  office;  au  duché  de  Laneaslre. 

A.  «  PiBLic  RECORD  OFFICE  (Ancienne  collection  de  la  Tour  de  Londres).  Il 
renferme  des  documents  concernant  toutes  les  branches  de  laiiministratioit, 
depuis  la  conquête  de  lAngleterre  par  les  Normands  jusqu'en  1842.  Il  eu 
existe  entre  autres  les  catalogues  suivants  :  Répertorie  of  records  in  the  Ex- 
chequer  and  Tower,  bij  T.  Powell,  IGôl,  in-i»;  Calendar  of  records  in  the 
Tower  of  Loiidon  {Masvc  brit.,  MS.  Harl.  94);  Exlracts  from  registers  in  the 
Tower  of  London,  by  D' Ilutton  (Musée  brit,,  MS.  Harl,  C957  cl  C9C5), 


—  49^2  — 

Les  documents  dont  se  compose  cette  collection,  sont  classés  ainsi  qu'il  suit  : 
«§  1.  —  Carlœ  antiqttœ.  »  On  désigne  sous  ce  nom  général  les  anciens  do- 
cuments ù  la  Tour  de  Londres,  et  qui  ne  sont  pas  postérieurs  au  commence- 
ment du  XIll'^  siècle.  Sir  J.  Ajloff  en  a  publié  un  catalogue  sous  le  titre  : 
Calcndars  oftlie  ancien!  charters  now  rema'ining  in  the  Tower  of  London,  1772, 
in-4».  Voir  encore  l'ouvrage  de  sir  Thomas  Pliillipps  :  Cartœ  antiquœ  in  Turre 
u'ith  référence  lo  Aijloff"s  catalogue,  Middle-Hill,  1845,  in-fol.  —  M.  Van 
Bruyssel  indique  les  manuscrits  dans  lesquels  on  trouve  des  extraits  de  ces 
chartes.  —  Ou  trouve  dans  celte  collection  des  actes  concernant  les  transac- 
tions les  plus  diverses,  à  partir  du  règne  d'Edouard  111. 

§  2.  —  Actes  concernant  les  fiefs,  —  «  Scutage  rails.  »  Le  plus  ancien  de  ces 
rôles  date  de  la  5^  année  du  règue  d'Edouard  1.  —  Un  inventaire  de  ces  do- 
cuments a  été  imprimé  dans  les  2",  3*,  i^  et  j«  rapports  du  «  Depiity  keeper.  » 
—  «  Marshal's  rolls,  «ou  actes  du  grand  maréchal,  se  rapportant  également 
à  la  tenure  des  fiefs  dont  ils  règlent  le  service  militaire.  Il  n'en  existe  que 
quelques-uns  à  lu  Tour;  ils  se  rapportent  à  la  10«  année  du  règne  d'Edouard  I, 
et  à  la  8"^  du  règne  d'Edouard  III. 

«  Aid  and  subsidy  rolls.  »  Ce  sont  des  pièces  relatives  aux  aides  et  subsides 
accordés  au  roi.  La  collection  qui  en  existe  à  la  Tour  comprend  le  règne 
d'Edouard  111,  celui  de  Henri  VI,  de  Henri  VIII  et  d'Elisabeth. 

§  ô.  —  Documoils  provenanl  des  cours  de  Juslice.  —  Le  dépôt  de  la  Tour 
renferme  les  papiers  de  la  cour  de  la  chancellerie,  à  partir  de  la  17<=  année 
du  règne  de  Richard  II.  On  eu  a  publié  un  catalogue  en  3  vol.  in-fol.,  1827- 
1832,  au  prix  de  2  liv.  2  sh. 

§  4.  — «  Rotuli.  >' —  Les  rôles  déposés  à  la  Tour  ont  été  classés  de  la  ma- 
nière suivante  :  , 

a  Almain  rolls.  »  —  Traités  de  pais  et  d'alliance,  négociations  diverses  entre 
Edouard  I,  roi  d'Angleterre,  Adolphe,  roi  des  Romains,  Jean,  duc  de  Bra- 
bant,  Guy,  comte  de  Flandre,  et  Jean,  comte  de  Hollande. 

a  Charter  rolls.  »—  Concessions  diverses,  privilèges  accordés  aux  maisons 
religieuses,  aux  villes,  aux  corporations  et  aux  sociétés  commerciales,  du 
règne  du  roi  Jean  jusqu'à  celui  d'Edouard  IV.  Il  en  a  été  publié  un  catalogue 
en  1803,  sous  ce  titre  :  Calendariiim  rolidontin  charlarum  et  inquisitionuni  ad 
tjuod  damnum. 

u  Close  rois.  »—  Ces  rôles,  délivrés  de  1203  à  liSa,  renferment  une  foule 
de  documents  du  plus  haut  intérêt,  el  se  rapportent  à  toutes  les  branches  de 
l'administration  et  du  gouvernement.  M.  Hardy,  conservateur  des  archives  de 
la  Tour,  en  a  publié  une  description  en  1835.  Un  catalogue  manuscrit  des 
«  Close  rolls  «existe  dans  la  bibliothèque  de  Lincoln's  Inu,  La  Commission 
des  Records  a  publié  les  rôles  de  1204  à  1227. 


—  495  — 

«  Coronation  rolls.  »—  Ils  contiennent  tout  ce  qui  se  rapporte  au  couion- 
nement  d'Edouard  II,  ainsi  que  les  comptes  présentés  à  l'occasion  de  Tavè- 
nemcnt  de  Richard  H,  Henri  IV  et  Henri  V. 

«  Fine  rolls.  » —  Comptes  des  sommes  payées  pour  obtenir  diverses  licen- 
ces.La  Tour  renferme  les  actes  de  ce  genrequi  précèdent  le  règne  d'Edouard  V. 
a  Freneh  rolls.  » —  Toutes  ces  pièces  se  rapportent  à  l'administration  des 
possessions  anglaises  en  France,  et  s'étendent  du  règne  de  Henri  III  à  la 
22^  année  de  ravènemcnt  d'Edouard  IV. 

u  Norman  rolls.  » —  Ils  comprennent  une  période  de  2u6  ans,  et  commen- 
cent à  la  2«  année  du  roi  Jean.  La  Commission  des  Records  a  publié  ceux 
de  1200  à  1203. 

«  Libcrtate  rolls.  » —  Ce  sont  des  ordonnances  d'envoi  en  possession,  de 
restitution,  des  mandats  de  payement,  etc.,  etc.,  adressés  au  trésorier  et  à 
d'autres  grands  officiers  de  l'échiquier.  Les  «  Libcrtate  rolls  »  sont  du  règne 
de  Jean  à  celui  d'Edouard  IV. 

«  Memoranda  rolls.  »  —  Papiers  concernant  le  recouvrement  des  dettes 
dues  à  la  couronne,  les  confiscations,  les  saisies,  etc.  Les  plus  anciens  d'en- 
tre ces  documents  datent  de  la  2<'  année  du  règne  de  Henri  III. 

K  Oblata  rolls.  »  —  On  a  imprimé  ceux  qui  se  rapportent  au  règne  du 
roi  Jean. 

«  Patent  rolls.  »  —  Lettres  patentes.  La  collection  qui  existe  à  la  Tour, 
s'étend  jusqu'au  règne  d'Edouard  IV  (avril  1483).  Il  en  existe  plusieurs  cata- 
logues manuscrits  au  .Musée  britannique. 

«  Redisseisin  rolls.  »  —  Cette  collection  commence  à  la  14«  année  du  règne 
d'Edouard  I,  et  finit  avec  la  39«  année  du  règne  de  Henri  VI.  Elle  contient 
des  ordonnances  adressées  aux  shérifs  et  des  papiers  émanant  de  ces  magis- 
trats, relatifs  à  certaines  confiscations  de  biens. 

«  Sign  manuals  and  signet  bills.  »  —  On  donne  le  nom  de«  Sign  manual  » 
à  certains  ordres  signés  par  le  prince  et  contre-signes  par  un  secrétaire  ou 
l'an  des  lords  de  la  trésorerie.  On  a  déposé  à  la  Tour  les  «  signet  bills,  » 
octroyés  par  les  rois  d'Angleterre,  depuis  le  régne  de  Richard  II  jusqu':\ 
celui  de  Charles  I. 

«  Privy  seuls.  »  —  Avant  de  rédiger  une  lettre  patente,  on  faisait  une 
transcription  authentique  du  «  signet  bill,  »  et  ce  nouvel  acte,  scellé  du 
contre-scel,  était  soumis  au  lord  chancelier  et  prenait  le  nom  de  «  privy 
seuls.  »  La  Tour  renferme  les  pièces  de  l'espèce  qui  se  rapportent  aux  règnes 
d'Edouard  I  et  de  Richard  III. 

«  Records  of  attainders.  »  —  «  Forfeitures  and  pardons.  »  Condamnations 
pour  crime  de  félonie  ou  de  haute  trahison.  Actes  de  grâce.  Les  rôles  qui 


—  49-4  — 

sont  à  la  Tour  et  qui  peuvent  se  placer  dans  cette  catégorie  s'étendent 
d'Edouard  II  à  Henri  IV.  Il  existe  une  autre  série  de  pièces  au  même  dépôt, 
relative  aux  poursuites  faites  au  nom  du  Parlement,  de  la  29*  année  du 
règne  d'Edouard  III  à  la  fin  du  règne  d'Edouard  IV. 

a  Roman  rolls.  »  —  Correspondance  avec  le  pape  et  les  cardinaux,  se  rap- 
portant en  grande  partie  aux  affaires  ecclésiastiques  en  Angleterre. 

B.  «  Chapelle  des  Rôles  {Rolls  chapel).  —  Ce  dépôt  renferme  les  documents 
suivants  : 

»  Annuités.  —  Contrats  d'annuités,  rentes  viagères,  etc.,  depuis  la  53e  an- 
née du  règne  de  Georges  III. 

»  Cardinal  bundies.  —  Fardes  contenant  des  enquêtes  adressées  au  cardi- 
nal Wolsey,  concernant  l'état  des  propriétés  ecclésiastiques. 

»  Chancery,  common  law  side,  —  Plaidoiries,  jugements  provenant  de  cette 
cour  de  justice,  à  partir  du  règne  de  Henri  VII. 

»  Charter  rolls.  —  La  chapelle  des  rôles  possède  les  documents  à  partir  de  la 
12«  année  du  règne  de  Jacques  I,  ceux  de  1199  à  1483  se  trouvant  à  la  Tour. 

»  Close  rolls.  —  Ils  sont  conservés  dans  la  collection  dont  nous  nous  occu- 
pons, de  la  fin  du  XV«  siècle  à  l'année  1784. 

»  Confirmation  rolls.  —  Ces  actes,  par  lesquels  les  souverains  anglais  con- 
firment des  lettres  patentes  et  des  chartes  accordées  antérieurement,  existent 
à  la  chapelle  des  rôles,  de  Richard  111  à  Jacques  l. 

»  Coronation  rolls.  —  Documents  relatifs  aux  cérémonies  du  couronnement 
des  rois  d'Angleterre.  Ils  commencent  avec  l'avènement  de  Jacques  I,  pré- 
sentent une  lacune  sous  Charles  I  et  Georges  III,  et  continuent  à  partir  de 
cette  époque. 

»  Decree  rolls  and  dockels.  —  Décisions  de  la  cour  de  la  chancellerie,  à 
partir  de  la  25^  année  de  Henri  VIII. 

»  Dispensation  rolls.  —  Dispenses  à  propos  de  divers  sujets,  accordées  par 
le  monarque. 

»  Escheat  bundies.  —  Ils  conliennent  des  enquêtes  et  des  comptes  relatifs 
aux  dettes  dues  à  la  couronne. 

»  Fine  rolls.  —  Cette  collection  commence  à  partir  du  règne  d'Edouard  IV. 

»  Inquisitions  posl  morlem  et  ad  quod  dumnutn.  —  Ces  enquêtes  avaient 
pour  objet  de  régler  la  transmission  des  propriétés  et  le  payement  des  droits 
de  succession. 

»  Pardon  rolls.  —  Il  existe  quelques  actes  de  ce  genre  à  la  chapelle  des 
rôles,  dans  la  collection  qui  porte  le  nom  de  «  Wiscellaneous  rolls.  « 

»  Parliament  rolls.  —  Il  s'agit  ici  des  actes  du  Parlement  qui,  pour  une 
raison  quelconque,  ont  été  communiqués  à  la  chancellerie. 


—  495  — 

M  Patent  rolls.  —  Nous  avons  vu  que  les  plus  anciennes  lettres  patentes 
sont  à  la  Tour;  il  faut  les  chercher  à  a  Rolls  chapel,  »à  partir  du  règne 
d'Edouard  IV, 

»  Privy  seuls.  —  Voir  plus  haut. 

»  Proclamations.  —  Elles  sont  mêlées  aux  «  privy  seals  and  signet  bilts.  « 

»  Spccificalions  and  surrcnder  rolls.  —  Papiers  divers,  brevets  concernant 
le  droit  d'exploiter  certaines  inventions.  La  collection  commence  au  règne 
de  Charles  II, 

»  Trealy  or  foreirjn  rolls.  —  La  eoUeetion  qui  existe  encore  s'arrête  à  la 
restauration  des  Stuaris;  elle  se  compose  de  :  Rôles  français,  commençant 
sous  Edouard  III  et  allant  jusqu'à  Charles  II;  Rôles  italiens,  de  la  oie  année 
du  règne  d'Edouard  I  à  la  iae  année  d'Edouard  III;  rôles  écossais,  de  la 
i9e  année  d'Edouard  I  à  la  7e  année  de  Henri  VIII;  rôles  gallois,  de  la  li"  an- 
née du  règne  d'Edouard  I  à  la  23e  du  gouvernement  du  mémo  souverain; 
rôles  irlandais,  de  la  l^e  à  la  oOe  année  du  règne  d'Edouard  IH. 

C.  —  a  Chapteu  Hodse.  —  Les  documents  qui,  à  diverses  époques,  ont  été 
placés  à  Chapter  Ilouse,  présentent  un  ensemble  très-varié.  On  y  trouve  une 
partie  des  archives  des  cours  de  justice,  dont  les  noms  suivent  :  Slar  cham- 
bcr.  Court  of  requcsis,  Court  of  wards  and  liveries,  Court  of  chivalry,  ainsi 
qu'un  grand  nombre  de  pièces  relatives  aux  assises,  placita  foresta,  curia 
régis,  etc.,  qui  toutes  sont  classées  séparément. 

»  Parmi  les  monuments  historiques  qui  existent  à  Chapter  House,  on  peut 
citer  le  fameux  Domesday  Book,  qui  forme,  comme  on  le  sait,  avec  l'Evon 
Domesday,  l'Inquisitio  Eliensis,  le  Weuton  Domesday  et  le  Boldon  Book, 
les  premières  annales  de  la  propriété  foncière  en  Angleterre. 

D.  »  Carlton  Ride.  —  Il  existait  autrefois  un  dépôt  d'archives  dans  King's 
Mews.  Le  bâtiment  qui  le  renfermait  ayant  été  démoli  lors  de  la  fondation 
de  la  galerie  nationale  en  1833,  tous  les  documents  qu'on  y  avait  accumules 
furent  transportés  dans  un  nouveau  bureau,  à  Carlton  Ride,  Carlton  Ter- 
race,  Waterloo  Place. 

»  Exehequer  records  (King's  remembranccr's).  —  Le  King's  rcmembran- 
cer  {rememorator  régis)  était  un  officier  de  l'Échiquier  chargé  de  recevoir  les 
consignations.  Les  archives  qui  proviennent  de  cette  administration  compo- 
sent la  plus  grande  partie  delà  collection  de  Carlton  Ride, 

»  First  fruits.  —  Documents  relatifs  à  la  perception  de  certaines  dîmes.  On 
conserve  aussi  à  Carlton  Ride  une  foule  de  papiers  judiciaires  provenant  de 
l'Échiquier,  du  Banc  de  la  reine,  de  la  Cour  des  Plaids  communs,  etc.  Cette 
collection,  qui  renferme  une  partie  des  «  curia  rolls  »,  n"a  pas  encore  été 
examinée,  et  fournirait  probablement  sur  les  relations  commerciales  entre 
les  provinces  belges  et  l'Angleterre  de  curieux  renseignements. 


—  496  — 

E.  »  State  paper  office.  —  Les  papiers  d'État  que  contient  ce  bureau  pro- 
viennent (le  trois  grandes  sources,  et  se  rapportent  aux  départements  des 
affaires  étrangères,  des  colonies  et  de  Tinlérieur.  Ce  dépôt  renferme  une 
énorme  quantité  de  documents  concernant  la  Belgique.  On  y  trouve  plus  de 
quatre  cent  quarante  volumes  de  pièces,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  sur 
la  Flandre  et  sur  la  Hollande.  La  plupart  de  ces  papiers  n'ont  pas  été  classés. 

F.  »  DucuÉ  DE  Lancastre.  —  Le  siège  de  cette  administration  était  situé  dans 
«  Gray's  Inn,  »en  1732.  Quelques-unes  de  ses  archives  ayant  été  détruites 
vers  cette  époque  dans  un  incendie,  le  reste  fut  transféré  à  l'hôtel  Somerset, 
pour  voyager  encore  quelques  années  après,  et  être  établies  définitivement 
dans  un  bâtiment  nouvellement  construit,  Lancastcr  Place,  près  de  Water- 
loo Bridge. 

»  On  trouve,  dans  le  dépôt  dit  de  Lancastre,  des  chartes,  des  concessions, 
privilèges,  etc.,  accordés  par  les  rois  d'Angleterre,  à  partir  du  Xlle  siècle; 
des  livres  d'enregistrement  commençant  à  la  fin  du  règne  d'Edouard  III  et 
allant  jusqu'au  règne  de  la  reine  Anne;  des  documents  concernant  la  no- 
blesse, les  fiefs,  etc.,  remontant  à  Edouard  I  jusqu'à  nos  jours;  des  enquêtes 
pour  régler  la  succession  des  domaines  concédés  par  la  couronne,  de  l'épo- 
que de  Henri  VIII  à  celle  de  Charles  I.  La  Commission  des  Records  en  a 
publié  un  catalogue  en  3  vol.  in-fol. 

«Chapitre  H.  —  Bibliothèques  publiques,  —  Le  département  des  manu- 
scrits au  Musée  britannique  se  compose  actuellement  de  onze  divisions,  savoir  : 
Collection  Sloane  4-100  volumes,  Cottonian  900,  Harleian  7639,  Royal  1930, 
Lansdowne  124-5,  Hargrave  499,  Burney  524,  King's  458,  Egerlon  5000, 
Arundel  530,  Additional  22,000,  formant  un  total  de  42,843  ouvrages,  sans 
compter  les  manuscrits  orientaux,  etc.  Il  en  a  été  publié  plusieurs  catalo- 
gues, ènumérés  par  M.  Yan  Bruyssel.  » 

Parmi  ces  collections,  la  bibliothèque  Lansdownienne  paraît  surtout  ren- 
fermer un  grand  nombre  de  documents  relatifs  à  l'histoire  de  nos  provinces. 
On  y  trouve  en  effet  :  l»  Cent  vingt-un  volumes  in-fol.,  renfermant  les  pa- 
piers d'État  rassemblés  par  lord  Burleigh  et  la  correspondance  de  ce  ministre; 
2o  les  lettres  de  sir  Julius  Cœsar,  juge  de  l'amirauté  sous  le  règne  de  la  reine 
Elisabeth,  chancelier  de  l'Échiquier  et  maître  des  rôles  sous  Jacques  1  et 
Charles  I  (30  vol.);  3»  lettres  et  papiers  d'État  concernant  le  règne  de  Henri  IV 
et  celui  de  Georges  III;  4"  les  collections  parlementaires  de  Pelyt,  un  traité 
sur  la  Chambre  étoilée,  quinze  volumes  de  lettres  patentes,  etc. 

Les  manuscrits  additionnels  nouvellement  acquis,  et  dont  il  n'existe  encore 
que  des  catalogues  manuscrits,  contiennent  également  de  véritables  trésors. 

«Chapitre  IM.  —  Collections  appartenant  aux  universités,  aux   collèges, 


—  497  — 

AUX  ÉGLISES,  ADX  cORPonATiONS.  —  Cambridge.  La  Bibliollièquc  de  rUnivcrsilé 
de  Cambridge,  dont  il  existe  un  catalogue  publié  en  18i>t),  renferme,  coninic 
tous  les  grands  dépôts  d'Angleterre,  beaucoup  de  documents  concernant  la 
Belgique.  On  y  trouve  entr'autrcs  :  un  vol.  in-i",  du  XV*  et  XVI«  siècles,  sur 
parchemin,  contenant  :  D.  d.  III,  55.  —  N"  24-3.  Un  ordre  adresse  aux  ofli- 
ciers  de  l'amirauté,  leur  enjoignant  de  fournir  un  passage,  de  Douvres  ù 
Calais,  à  Jeffrey  de  Stiwedc,  envoyé  en  Flandre  par  le  roi. 

»  N»  243.  Une  note  sur  le  même,  avec  le  compte  de  ses  dépenses. 

«N0  419.  Lettre  au  comte  de  Flandre,  par  laquelle  le  gouvernement  an- 
glais réclame  la  restitution  de  certaines  marciiandiscs,  placées  à  bord  d'un 
navire  qui  échoua  près  du  port  de  l'Écluse. 

»  N"  42G.  Lettre  au  duc  de  Luxembourg  et  de  Brabant,  en  faveur  de  sir 
Walter  Voskyn,  qui  avait  été  pris,  sur  l'ordre  des  magistrats  de  Bruxelles. 

»N°429.  Lettres  de  créance  pour  John  Cadeford,  adressées  au  comte  de 
Flandre,  au  duc  de  Brabant  et  au  duc  Albert  de  Bavière. 

»  N"  447-448.  Lettres  au  duc  et  à  la  duchesse  de  Luxembourg,  concernant 
une  ambassade  en  Allemagne. 

»  463.  Major  et  aldermanni  civitatis  London.  «  Litera  excusatoria  »  burgo- 
magistro,  scabino  et  consulibus  villse  Brugensis,  «  de  debito  »  in  civitate  Lon- 
don. u  soluto  »  et  post  solutionem  injuste  «  apud  Bruges  repetito.  » 

»D.  d.  IV,  49.  Un  vol.  pet.  format,  sur  papier,  de  41  pp.,  écriture  du 
XVI«  siècle,  renfermant  plusieurs  chansons  politiques  des  plus  curieuses  se 
rapportant  ù  Guillaume  de  Nassau. 

»  D.  d.  IX,  13.  —  No  6  Considérations  sur  ung  traité  de  paix  avec  l'Es- 
pagnol, 1587. 

»D.  d.  XI,  44.  —  Un  vol.  in-4",  sur  papier,  118  pp.,  écriture  de  la  se- 
conde moitié  du  XVl''  siècle.  Un  album  contenant  un  grand  nombre  de  petits 
poèmes  français,  composés  en  partie  par  Jacob  Marnix  de  Sainte-Aldegonde, 
fils  de  Phil.  de  Marnix. 

»  E.  c.  I,  29.  —  Relatione  di  Fiandra.  Le  texte  de  ce  MS.  diffère  de  celui 
qui  a  été  imprimé  dans  les  Opère  storiche  del  cardinal  Bentivoglio. 

»  E.  e.  Il,  12.  N»  10,  fol.  83.  —  Copie  des  instructions  données  par  l'arciii- 
duchesse  d'Autriche,  douairière  de  Savoie,  à  Thomas  Gramaye,  directeur 
de  la  monnaie  de  Flandre  à  Bruges,  et  Jean  de  VVaesbicouke,  essayeur,  en- 
voyés par  ladite  princesse  à  la  cour  d'Angleterre. 

»No23.  Résumé  de  quelques  lettres  relatives  à  dilTérenlcs  affaires,  suivi 
des  noms  des  officiers  de  l'armée  du  prince  de  Parme,  et  de  quelques  pièces 
relatives  à  Marie,  reine  d'Angleterre,  et  à  Thilippe,  roi  d'Espagne. 

..  E.  f.  I,  31.  —  Un  MS.  sur  parchemin,  des  XI1I«  etXIV-:  siècles,  conte- 
nant une  copie  de  la  chronique  de  Sigebert  de  Gembloux. 


—  498  — 

i>F.  f.  V.  li.  —  N°  10.  The  effecle  of  the  artycles  agreed  upon  by  llie 
prince  of  Orenge  and  magistrales  of  Anlwarpe  with  theym  of  tlie  Regyon. 

»  No  10.  The  kyng  Phyllip's  campe  at  Sanct  Quyntyns  in  august  1557. 

K  Canterbury .  —  Bibliothèque  de  la  cathédrale.  —  11  existe  un  catalogue 
de  cette  bibliothèque,  publié  en  1802.  Parmi  les  MSS.,  on  trouve  un  vol. 
in-fol.,  contenant  le  nom  et  les  armoiries  des  officiers  et  seigneurs  qui  ac- 
compagnèrent Edouard  III  au  siège  de  Calais,  en  1546;  des  détails  sur  ce 
siège,  un  dénombrement  de  l'armée  de  terre  et  de  mer,  les  comptes  des 
dépenses,  etc. 

M  Dublin.  —  La  ville  de  Dublin  possède  cinq  bibliothèques  principales  : 
Trinity  collège,  March  library,  Dublin  Spciety  libr.,  Royal  irish  Academy, 
King's  Inns  library.  Elles  renferment  ensemble  174,634  imprimés  et 
2340  manuscrits.  11  existe  un  catalogue  de  celle  du  Trinity  collège,  imprimé 
en  1801. 

»  Durham,  —  La  bibliothèque  de  l'église  cathédrale  contient  520  MSS. 
environ.  Il  en  a  paru  un  catalogue  en  1823. 

»  Edimbourg.  —  La  bibliothèque  des  avocats  de  cette  ville  est  très-riche. 

»  Ely.  —  Il  a  été  publié  un  catalogue  de  la  bibliothèque  de  l'église  de  cette 
ville  en  1815. 

»  Exeter.  —  La  bibliothèque  de  l'église  de  cette  ville  est  surtout  remar- 
quable par  le  nombre  et  l'antiquité  des  MSS.  anglo-saxons  qu'elle  renferme. 

»  Glasgow.  —  La  bibliothèque  de  cette  ville  renferme  plus  de  500  MSS. 
Il  en  a  été  publié  un  catalogue  en  1846. 

»  Hcreford.  —  La  bibliothèque  de  l'ancienne  cathédrale  de  Hereford  pré- 
sente encore,  de  nos  jours,  un  excellent  spécimen  d'une  ancienne  librairie 
monastique.  Les  livres  sont  placés  sur  des  rayons  auxquels  ils  sont  attachés 
par  des  chaînes. 

»  Londres.  —  I.  Bibliothèque  de  l'évêehé.  Le  département  des  manuscrits  y 
est  classé  en  sept  grandes  divisions  :  a.  Codiccs  Lambethani;  b.  Codices  Whar- 
toniani;  c.  Codiccs  Carewani;  d.  Codices  Tenisoniani;  e.  Codices  Gibsoniani; 
f.  Codiccs  misceUanei;  g.  Codices  Manners  SuUoniani.  Ces  neuf  sections  ren- 
ferment ensemble  1209  manuscrits,  dont  il  a  été  publié  un  catalogue  en  1812. 
On  trouve  dans  cette  bibliothèque  une  partie  de  la  correspondance  de  Shrews- 
bury,  de  Leicester,  des  lettres  de  Juste-Lipse,  et  un  volume  très-intéressant 
contenant  une  foule  de  lettres  échangées  entre  Charles  II  et  la  princesse 
d'Orange,  la  reine  douairière  Henriette-Marie,  la  duchesse  d'Orléans,  etc. 

»  2.  Collège  des  hérauts.  —  Elle  renferme  de  nombreux  manuscrits. 

»  3.  Mansion  House. 

»  Manchester.  —  Il  a  été  publié  un  catalogue  de  la  bibliothèque  de  cette 
ville,  en  1791  cl  1826,  en  5  vol.  in-8o. 


—  499  - 

»  NoRwicii.  —  Bibliollièque  de  la  catliéilralc.  Il  en  existe  égalemenl  un  ca- 
lalogue  publié  en  1819. 

«OxFono.  —  a.  La  bibliothèque  Bodlcenne,  ù  Oxford,  jouit  d'une  répula- 
tien  méritée.  Elle  renferme  21,000  manuscrits,  qui  proviennent  des  collec- 
tions de  Bodley,  de  Dodesworlb,  de  Rawlinson,  de  Gough,  de  Tonner  et  de 
Douce. 

»  6.  La  bibliothèque  Asmolcennc  est  également  fort  belle;  elle  renferme  près 
de  2,000  manuscrits.  11  en  a  paru  plusieurs  catalogues. 

»  Petersborougii.  —  La  bibliothèque  de  l'église  était  autrefois  très-impor- 
tante; elle  ne  renferme  plus  aujourd'hui  qu'un  petit  nombre  de  manuscrits. 

«Saint-Andrew.  —  Bibliothèque  de  l'Université.  » 

P.  C.  V.  D.  M. 

Les  Eglises  de  Gand.  —  Sous  ce  titre  a  paru  à  Gand,  un  ouvrage  considé- 
rable en  deux  volumes,  qui  contient  la  description  détaillée  de  toutes  les 
richesses  artistiques,  disséminées  dans  les  différentes  églises  et  oratoires  de 
notre  ville.  Cet  inventaire,  étayé  de  pièces  authentiques  qui  ont  été  tirées  des 
ai'chives  des  églises  mêmes,  présente  un  vaste  ensemble  des  tableaux, 
sculptures,  ciselures,  objets  du  culte,  ornements,  orgues,  manuscrits,  ar- 
chives, etc.,  de  tous  nos  édifices  religieux  avec  des  notices  étendues  sur  les 
artistes  et  les  donateurs.  Chaque  notice  est  précédée  de  renseignements  sur 
l'architecture  et  les  dates  de  construction  des  édifices,  ainsi  que  sur  les  vicis- 
situdes diverses  qu'ils  ont  subies.  Le  premier  volume,  qui  se  compose  de 
350  pages,  renferme  la  description  de  la  cathédrale  de  Saint-Bavon,  avec  dix 
planches;  le  deuxième  volume,  composé  de  4-00  pages  et  de  vingt-deux  plan- 
ches, est  consacré  aux  églises  paroissiales  et  aux  divers  oratoires  de  Gand. 
L'auteur  de  cet  ouvrage,  le  plus  complet  qui  ait  paru  sur  la  matière,  est 
M.  Kervyn  de  Volkaersbeke,  l'un  des  directeurs  du  Messager  des  Sciences  his- 
toriques, circonstance  qui  ne  nous  permet  point  de  faire  de  ce  livre  l'éloge 
détaillé  qu'il  comporte.  Contentons-nous  de  dire  qu'une  série  de  monogra- 
phies entreprises  dans  tout  le  pays  sur  cette  échelle,  offrirait  le  tableau  le 
plus  éloquent  de  ce  que  nos  peintres,  nos  architectes,  nos  sculpteurs,  nos 
ciseleurs,  ont  produit  de  remarquable,  dans  le  passé,  pour  contribuer  à  l'or- 
nementation des  temples  catholiques,  vrais  musées  qui  ont  conservé  intactes 
à  travers  les  siècles,  les  véritables  traditions  de  l'art  chrétien.  Nous  nous 
permettrons  en  passant,  une  petite  observation  au  sujet  du  tableau  représen- 
tant le  Martyre  de  saint  Biaise,  par  De  Crayer.  M.  Kervyn  n'est  pas  d'accord 
avec  M.  Alfred  Miehiels,  qui  considère  ce  tableau  comme  un  des  meilleurs 
de  ce  maître,  tandis  qu'il  est  plus  que  médiocre.  De  Crayer  aurait-il  peint  deux 
fois  le  même  sujet,  alors  qu'il  était  devenu  octogénaire?  Nous  ne  pouvons  le 


—  500  — 

supposer.  Si  la  toile  appartenant  au  Musée  de  Bruxelles,  possède  les  qualités 

que  M.  Miehiels  signale,  De  Crayer  doit  l'avoir  exécuté  à  une  autre  époque 

de  sa  vie,  et  non  lorsqu'il  avait  atteint  sa  quatre-vingt-sixième  année,  comme 

l'indique  le  catalogue  du  Musée  de  Bruxelles. 

L'impression  de  l'ouvrage  de  M.  Kervyn,  due  aux  soins  de  M.  Léonard 

Hcbbelynck,  de  notre  ville,  prouve  une  fois  de  plus  que  Gand  s'est  placé  au 

premier  rang  sous  le  rapport  typographique. 

J.  D.  S.  G. 

Bibliographie  gantoise.  —  Un  bibliographe  aussi  instruit  que  laborieux 
de  notre  ville,  M.  Ferdinand  Vander  Ilaeghen,  vient  de  faire  paraître  le  premier 
volume  d'un  ouvrage  qui  présente  l'histoire  complète  et  détaillée  de  l'impri- 
merie à  Gand.  Il  est  intitulé  :  Bibliographie  gantoise  :  Recherches  sur  la  vie 
et  les  travaux  des  imprimeurs  de  Gand  (1485-1830);  première  partie  (XV«  et 
XVI«  siècles),  Gand,  E.  Vander  Haeghen,  1858.  Le  livre  s'ouvre  par  la  biogra- 
phie d'Arnaud  de  Keysere,  l'introducteur  des  caractères  mobiles  dans  cette 
ville  en  1483.  Viennent  ensuite  les  imprimeurs  Simon  Cock  et  Josse-Pierrc 
de  Halle  (1515),  Pierre  de  Keysere  (1516-1547),  Godefroid  de  Rode  (1532), 
Josse  Lambrccht  (1536-1533),  Victor  de  Dayn  (1340-1352),  Martin  Snouc- 
kaert(1545),  Erasme  Vereecke  (1546),  Corneille  Manilius  (1348-1558),  Jean 
lerVanden  Steene  (1552-1372),  Jean  Cauweel  (1334-1556),  Gérard  Van  Sa- 
lenson  (1372-1578),  Henri  Vanden  Keere  (1536-13G7),  Gislain  Manilius 
(1339-1573),  Gautier  Manilius  (1574-1626),  Pierre  de  Clerck  (1577-1579), 
Jean  II  Vanden  Steene  (1376-1625),  Jean  Van  Salenson  (1381-1388),  Cor- 
neille de  Rekenare  (1381-1584). 

Chacune  de  ces  biographies  d'imprimeurs  est  suivie  de  la  nomenclature 
exacte  et  détaillée  de  toutes  les  productions  sorties  de  leurs  presses.  Cette 
description,  faite  avec  le  soin  le  plus  minutieux,  est  enrichie  de  la  vignette, 
du  monogramme  ou  du  cartouche  dont  usait  chaque  imprimeur.  Quelques 
biographies,  celle  de  Josse  Lambrccht,  entre  autres,  font  parfaitement  res- 
sortir les  mérites  littéraires  de  ceux  qui  se  livraient  alors  dans  notre  ville  à 
l'art  typographique.  Les  notes  qui  suivent  la  description  des  titres  de  tous 
ces  livres,  devenus  rares  aujourd'hui,  prouvent  que  M.  Vander  Haeghen  s'est 
livré  aux  plus  consciencieuses  recherches  pour  accomplir"  dignement  son 
œuvre.  Aussi  l'accueil  le  plus  sympathique  lui  est  il  réservé,  et  l'on  attend 
avec  impatience  les  deux  autres  parties  de  la  Bibliographie  gantoise.  Disons 
en  finissant  que,  sous  le  rapport  typographique,  le  volume  est  irréprochable 
et  fait  le  plus  grand  honneur  aux  presses  de  M.  Eugène  Vander  Haeghen. 

J.  D.  S.  G. 


—  501   — 

Annales  des  Elzevier.  —  Dus  Tannée  1843,  un  savant  cl  consciencieux  iii- 
bliographe  de  notre  ville,  RK  Ch.  Pielers,  prcludait  au  grand  travail  qu'il  ;i 
achevé  depuis  sur  les  Elzevier,  par  une  monograjjliie,  intitulée,  Analyse  des 
malêriaux  les  plus  utiles  pour  de  futures  Annales  de  l'imprimerie  des  Elzevier. 
Huit  ans  après  l'apparition  de  ce  premier  essai,  M.  Pieters  qui,  soit  dit  en 
passant,  possède  une  riche  collection  Elzevirienne  et  bien  d'autres  curiosités 
bibliographiques,  fit  paraître  en  1831,  la  première  édition  des  Annales  de 
l'imprimerie  des  Elzevier,  qu'on  pouvait  déjà  considérer  comme  une  œuvre 
très-complète,  et  qu'aucun  travail  de  ce  genre  n'égalait,  sur  les  impressions 
de  ces  célèbres  typographes  hollandais. 

Depuis  celte  époque,  comme  il  arrive  toujours  en  pareil  cas,  de  nouvelles 
recherches  ont  amené  la  découverte  de  nouvelles  productions  sorties  des 
ateliers  des  Elzevier.  En  outre,  aidé  d'obligeantes  communications,  M.  Pieters 
a  pu  ajouter  d'intéressants  détails  aux  renseignements  recueillis  antérieure- 
ment sur  les  membres  de  cette  illustre  famille,  qui  a  porté  si  haut  en  Europe 
le  renom  de  l'art  typographique,-  il  a  rectifié  les  erreurs  inséparables  d'une 
semblable  monographie,  il  a  senti  le  besoin  de  compléter  les  descriptions 
d'une  quantité  de  livres  devenus  rares.  Consciencieux  el  diflicile  pour  lui- 
même,  il  a  eu  le  courage  de  refaire  la  première  édition  de  1831,  et  il  vient 
d'en  publier  une  nouvelle,  revue  et  avgmenlée,  que,  malgré  tant  et  de  si 
patientes  recherches,  il  n'a  pas  encore  osé  appeler  complète.  Ce  beau  volume, 
imprimé  avec  soin  dans  les  ateliers  de  M.  Aiinoot,  à  Gand,  n'est  plus  une 
simple  bibliographie,  mais  un  véritable  monument  élevé  à  Ihisloire  littéraire 
des  Pays-Bas,  où  les  Elzevier  portèrent  pendant  près  de  cent  ans  le  sceptre 
de  l'art  typographique.  M.  Pieters  est  désormais  l'historien  le  plus  complet, 
le  plus  exact  de  ces  imprimeurs,  dont  les  productions  seront  toujours  recher- 
chées par  ceux  qui  aiment  les  bons  et  beaux  livres. 

J.   D.  S.   G 

Publications  du  Willems-Fonds.  —  Parmi  les  associations  littéraires  que  le 
mouvement  flamand  a  fait  surgir  dans  les  différentes  provinces  flamandes  de 
la  Belgique,  aucune  n'est  restée  plus  fidèle  à  sa  mission  que  la  Société  du 
Willems-Fonds,  créée  à  Gand  en  1831.  Présidée  aujourd'hui  par  le  docteur 
Sncllaert,  membre  de  l'Académie  royale,  elle  a  su  échapper  aux  influences 
des  partis  et  aux  divers  tiraillements  politiques  qui  ont  faussé  l'esprit  de 
plusieurs  de  ces  associations.  Se  renfermant  dans  le  rôle  modeste,  mais  émi- 
nemment civilisateur  qu'elle  s'est  attribué,  celui  de  publier  des  livres  utiles  et 
de  développer  par  des  moyens  honnêtes  et  pratiques  l'étude  de  la  langue  fla- 
mande, elle  poursuit  son  œuvre  avec  une  persévérance  au-dessus  de  tout 
éloge  et  continue  à  tendre  la  main  à  tous  ceux  qui  favorisent  le  progrès  de 

41 


—  502  — 

ce  puissant  élénienl  de  notre  nationalité.  Ses  publications  sont  aujourd'hui 
au  nombre  de  trente-deux,  parmi  lesquelles  quelques-unes  sont  d'une  incon- 
testable importance.  Parmi  les  dernières  parues,  nous  citerons  :  î»  Un  traité 
de  perspective,  parM.  A.  Suunaert;  2"  Réflexions  sur  l'École  de  peinture  belge, 
par  E.  Zetternam;  o»  Un  traité  de  botanique,  par  M.  le  docteur  Fredericq; 
i-o  L'histoire  naturelle  dans  les  Ecoles  populaires,  par  M.  E.  Campens; 
5"  Un  traité  de  civilité,  par  Madame  Gautier;  6»  Une  bibliographie  de  tous  les 
livres  flamands  qui  ont  paru  en  Belgique  de  1850  à  1833,  par  M.  Snellaert, 
et  enfin  7°  un  Recueil  d'extraits  poétiques  des  meilleurs  écrivains  des  Pays- 
Bas,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'aujourd'hui.  Ce  dernier  ouvrage, 
dû  au  choix  judicieux  et  éclairé  de  M.  Ileremans,  professeur  à  l'Athénée  de 
Gand,  comble  une  lacune  regrettable  dans  la  littérature  flamande.  Ceux  qui 
nient  l'importance  et  la  valeur  de  cette  littérature,  y  verront  que  nos  poètes 
ne  méritent  point  le  dédain  qu'on  affecte  à  leur  endroit  et  que  notre  langue 
si  riche,  si  flexible,  avait  déjà  produit  d'excellentes  poésies  à  une  époque  où 
les  autres  idiomes  de  l'Europe  étaient  encore  dans  l'enfance. 

La  première  livraison  de  la  Nederlandsche  Dichlerhalle  ou  Bloemlezing  iiit 
de  Nederlansche  dichlers  (Gent,  1 838,  in-8<>,  2  colonnes),  contient  des  spéci- 
mens de  chansons  religieuses  et  mondaines.  Nous  espérons  que  cet  utile 
Cours  de  liltvratiire  deviendra  bientôt  classique  et  sera  admis  dans  tous  les 
établissements   d'où  l'enseignement  de    la  littérature   flamande   n'est  point 

banni. 

J.  D.  S.  G. 

Journal  des  Beadx-Arts.  —  Un  homme  que  ses  connaissances  spéciales 
dans  la  partie  des  Beaux-Arts,  recommande  à  la  sympathie  du  public, 
M""  Ad.  Siret,  membre  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  vient  d'entreprendre 
la  publication  d'une  revue  nouvelle  qui,  sous  le  titre  de  Journal  des  Beaux- 
Arts  et  de  la  Littérature,  est  destinée  à  s'occuper  d'une  manière  toute  particu- 
lière de  la  marche  et  des  progrès  des  arts  en  Belgique.  Le  premier  numéro, 
portant  la  date  du  1 5  janvier,  de  ce  recueil,  éminemment  utile,  vient  de  paraî- 
tre; il  contient  d'abord  un  programme  auquel  se  rallieront  volontiers  tous 
ceux  qui  s'intéressent  à  la  réputation  de  l'Ecole  belge  si  bien  établie,  surtout 
à  l'étranger,  un  programme  où  aux  sentiments  élevés  en  fait  d'art  s'allie  un 
patriotisme  large  et  de  bon  aloi,  un  amour  sincère  de  la  vérité. 

Dans  l'article  Revendications  nationales,  on  se  plaît  à  restituer  à  Van  Dyck, 
Adrien  Brauwer  et  Nicolas  Vleughels  les  titres  de  gloire  qui  leur  appartien- 
nent, tandis  que  sous  les  rubriques  Mémoires  et  Documents  et  les  Graveurs 
belges,  on  donne  sur  Gaspard  de  Cracyer,  Mathieu  Van  Brce  et  Henri  Leys 
des  renseignements  biographiques  qui  serviront  un  jour  à  compléter  l'his- 


—  505  — 

toire  de  ces  artistes  célèbres.  Enfin  les  Nouvelles  d'Alelicrs  nous  initient  iiii 

mouvement  de  la   peinture  et  de   la  sculpture   belge    actuelles,  et  Parlielc 

Étranger  nous  fait  connaître  ce  qui  se  produit  eu  France,  en  Allemagne,  en 

Russie,  dans  le  domaine  des  Beaux-Arts. 

Cette  revue  qui  manquait  à  la  Belgique,  est  appelée  à  un  grand  succès.  Nous 

appelons  sur  son  contenu  l'attention  de  tous  ceux  qui  s'occupent  chez  nous 

du  mouvement  artistique  et  littéraire  (1). 

J.   1).   S.  G. 

DicTiONNAinE  UNIVERSEL  DES  CoNTEMPORâms,  l'AuE.  Vapeueau.  Paris,  18-!)8.  — 
Voici  une  entreprise  bien  hardie,  je  dirai  presque  bien  risquée,  si  ce  mot 
pouvait  s'appliquer  à  une  publication  aussi  honnête  qu'une  biographie. 
Rien  n'est  plus  diflicile  que  d'écrire  la  vie  d'un  homme  mort;  bien  plus  ardue 
encore  est  la  tâche  de  celui  qui  entreprend  de  biographier  ses  contempo- 
rains. Comment  satisfaire  tous  les  appétits  de  ceux  qui  se  croient  le  droit 
de  figurer  dans  une  galerie  d'hommes  célèbres,  distingués,  utiles;  où  cesse 
la  notoriété,  où  commence  la  nullité?  Comment  le  biographe  fera-t-il  taire 
l'envie,  comment  contentera-t-il  les  individus  de  mince  valeur,  qui,  en  raison 
de  leur  médiocrité,  aspirent  nécessairement  à  un  plus  grand  luxe  de  détails 
biographiques  ?  Enfin,  quels  moyens  emploiera-t-il  pour  être  complet,  pour 
oublier  le  moins  de  noms  possibles?  Voilà  toutes  les  questions  que  M.  Vape- 
reau  a  dû  se  poser,  en  se  chargeant  de  rédiger  uu  Dictionnaire  universel  des 
Contemporains.  Il  faut  le  reconnaître  à  sa  louange ,  il  est  parvenu  à  les  ré- 
soudre d'une  manière  très-satisfaisante.  Malgré  les  lacunes  et  les  inexactitudes 
inséparables  d'une  pareille  œuvre,  M.  Vapereau  a  composé  un  livre  qui  pré- 
sente l'ensemble  de  tout  ce  que  le  génie  humain  a  produit  de  plus  remarqua- 
bles dans  ses  manifestations  si  variées,  si  multiples,  depuis  le  commencement 
de  ce  siècle  (date  à  laquelle  appartiennent  les  faits  et  gestes  les  plus  anciens 
de  nos  vieux  contemporains)  jusqu'à  nos  jours.  La  France  y  a  nécessairement 
la  plus  belle  part;  mais,  hâtons-nous  de  le  proclamer,  des  appréciations  justes, 
une  grande  sobriété  de  détails,  jointe  à  beaucoupd'impartialité,  distinguent  les 
articles  qu'il  a  consacrés  à  ses  compatriotes.  A  côté  de  ces  biographies  natio- 
nales, figurent  celles  des  pays  étrangers,  parmi  lesquelles  un  grand  nom- 
bre sont  rédigées  avec  un  soin  qui  prouve  que  l'auteur  a  eu  le  bon  esprit 
d'aller  puiser  aux  sources  locales.  Nous  en  jugeoiis  ainsi  par  les  particularités 
qu'il  a  réunies  sur  les  noms  belges  que  nous  voyons  cette  fois  figurer  d'un.- 
manière  beaucoup  plus  complète  que  de  coutume,  dans  une  biographie  écrik- 


(1)  Deux  fois  par  mois,  Anvcr-,  S  fr.   par  un. 


—  504  — 

par  un  Français.  Nos  hommes  politiques,  nos  artistes,  nos  musiciens,  nos 
hommes  de  lettres,  nos  savants  y  occupent  un  rang  convenable.  Si  quelques 
jugements  qui  les  concernent  sont  sujets  à  révision,  si  certaines  notices  pèchent 
par  des  inexactitudes  de  détail,  si  enfin  tous  les  hommes  dignes  de  figurer 
dans  une  biographie,  ne  s'y  trouvent  pas,  l'auteur  fait  loyalement  appel  à 
ceux  qui  voudraient  rectifier  ses  erreurs  ou  combler  les  lacunes  de  son  livre. 
On  ne  peut  pas  manifester  d'une  manière  plus  honorable  l'intention  de  faire 
le  mieux  possible.  Disons-le  donc  sans  détours,  cet  immense  volume  de 
1802  pages  grand  in-S»,  à  deux  colonnes,  doit  devenir  le  vade-mecum  de 
toutes  les  bibliothèques  publiques;  dans  notre  siècle  de  publicité  où  on  s'inté- 
resse aux  actes  de  tout  ce  qui  est  ou  fait  quelque  chose  dans  le  monde,  on  est 
heureux  de  pouvoir  aller  puiser  dans  un  seul  corps  d'ouvrage  des  rensei- 
gnements biographiques  qu'il  serait  impossible  de  se  procurer  ailleurs. 
Félicitons  donc  le  patient  auteur  d'avoir  conduit  sa  tâche  à  bonne  fin  et 
engageons  toutes  les  personnes  intéressées  à  lui  adresser  les  observations  cri- 
tiques qu'il  ne  rougit  pas  de  solliciter.  M.  Vapereau  a  fait  une  œuvre  belle 
et  difficile,  oublions  ses  défauts  pour  ne  songer  qu'à  l'utilité  et  à  l'importance 

de  son  vaste  Dictionnaire. 

J.  D.  S.  G. 

NÉCROLOGIE.  —  Mr  A.  G.  B.  ScuAYES.  —  La  Belgique  vient  de  perdre  un  de 
ses  savants  les  plus  distingués  :  le  8  du  mois  de  janvier  1839  est  décédé  à 
Ixelles-lez-Bruxelles,  à  la  suite  d'une  attaque  d'apoplexie  foudroyante,  à  la- 
quelle il  n'a  survécu  que  peu  de  jours,  M.  Schayes,  membre  de  l'Académie 
royale  de  Belgique,  conservateur  du  Musée  royal  d'armures,  d'antiquités  et 
d'artillerie,  chevalier  de  l'Ordre  de  Léopold,  etc.,  etc.  Par  sa  profonde  éru- 
dition, autant  que  par  les  excellentes  qualités  de  son  cœur,  M.  Schayes  avait 
su  se  concilier  l'estime  et  l'affection  de  tous  ceux  qui  l'ont  connu;  aussi  sa 
mort  prématurée  a-t-elle  excité  des  regrets  universels. 

Antoine-Guillaume-Bernard  Schayes  naquit  à  Louvain  le  4  janvier  1808. 
Il  avait  à  peine  terminé  ses  études,  que  son  compatriote,  M.  Van  Gobbel- 
schroy,  alors  ministre  de  l'Intérieur  du  royaume  des  Pays-Bas,  qui  avait  su 
apprécier  ses  heureuses  dispositions  pour  les  travaux  d'érudition,  l'attacha  à 
la  Bibliothèque  royale  de  La  Haye,  où  il  fut  spécialement  chargé  de  la  rédac- 
tion du  Catalogue  des  manuscrits  de  Gérard,  dont  le  roi  Guillaume  venait  de 
faire  l'acquisition. 

Ce  fut  pendant  son  séjour  à  La  Haye,  de  18.50  à  1833,  que  M.  Schayes 
composa  une  partie  de  son  ouvrage  sur  les  Pays-Bas  avant  et  pendant  la 
domination  romaine,  qu'il  fit  imprimer  à  Bruxelles  en  1836,  et  dont  il  i)ré- 
parait  une  nouvelle  édition,  revue  et  augmentée,  au  moment  où  la  mort  vint 


—  505  — 

l'arracher  à  ses  travaux.  Ce  livre,  remarquable  par  la  variété  el  la  profondeur 
des  recherches,  consolida  la  réputation  de  M.  Schayes,  qui  sY-tait  déjà  fait 
connaître  par  quelques  écrits  rccominandablcs,  insérés  dans  les  Archives 
historiques  el  liltéraires  de  M.  le  baron  de  Reiffenberg,  dans  le  Bulletin  des 
Sciences  historiques,  publié  à  Paris  par  Férussae,  et  dans  la  Bibliothique  des 
antiquités  helgiqiies. 

M.  Schayes  rentra  en  Belgique  en  1833,  et  fut  attaché  de  183Î)  à  ISi?, 
aux  Archives  générales  du  royaume,  en  qualité  d'employé  de  première 
classe.  En  1847,  il  fut  appelé  aux  fonctions  de  conservateur  du  Musée  royal 
d'armures,  d'antiquités  et  d'artillerie.  Nommé  correspondant  de  IWcadémie 
royale  en  1838,  il  fut  élevé  au  litulariat  le  11  janvier  1847,  après  avoir 
remporté  successivement  trois  médailles  dans  les  concours  ouverts  par  cette 
compagnie. 

M.  Schayes  est  auteur  d'un  nombre  considérable  d'excellents  travaux  his- 
toriques et  archéologiques,  qui  sont  énumérés  dans  la  Bibliographie  acadé- 
mique. Dès  l'année  1833,  il  prit  part  à  la  rédaction  du  Messager  des  Sciences 
et  des  Arts,  dont  quelques  amis  des  études  historiques  venaient  de  reprendre 
la  publication ,  interrompue  momentanément  à  la  suite  des  événements 
de  1830.  Depuis  cette  époque  jusqu'en  1852,  le  Messager  ne  cessa  de  le 
compter  au  nombre  de  ses  collaborateurs  les  plus  actifs  et  les  plus  dé- 
voués. Nous  donnons  ici  l'indication  des  articles  qu'il  a  publiés  dans  notre 
recueil. 

1833.  Population  du  Brabant,  en  1427  et  1480,  comparée  à  celle  d'aujour- 
d'hui. —  Sur  la  culture  de  la  vigne  en  Belgique.  —  Notice  sur  L.  B.  Dcwcz, 
architecte. 

1835.  Sur  l'abbaye  et  l'église  paroissiale  de  Lobbes. 

183G.  Notice  sur  le  voyage  de  Van  Ghislele. 

1838  et  1841.  L'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain.  —  Description  des  ob- 
sèques de  Louis  de  Maie,  comte  de  Flandre,  en  1383.  —  Description  histori- 
que et  topographique  de  Louvain,  par  A.  Ferrier.  —  Notice  historique  sur  la 
commune  de  Saint-Josse-ten-Noode,  près  de  Bruxelles. 

1839.  Variétés  historiques  sur  la  domination  française  en  Belgique.  — 
Fonts  baptismaux  de  Saint-Germain,  à  Tirlemont.  —  Galerie  vitrée  à  Bruxel- 
les. —  Musée  d'antiquités,  à  Bruxelles.  —  Slalne  de  bronze  de  Rubens. 

1840.  Miscellanées  architectoniqucs.  —  Quelques  détails  sur  les  anciens 
cloîtres,  —  sur  les  églises  de  Saint-Jacques  et  de  la  Sainte-Croix,  ù  Liège,  — 
sur  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain,  —  sur  la  petite  église  de  Cincy,  près 
de  Dinant;  —  et  sur  une  nouvelle  maison  communale  à  Duffel  (Brabant). 

1841.  Tombeau  de  Charles-Eugène  de  Croy  à  Reval,  en  Eslhonie.  -  Cartel- 


—  506  — 

lum  Menapiorum.  —  Nolice  historique  sur  l'origine  et  l'étymologie  du  nom 
de  Bruxelles  et  de  Brabant,  par  Spinnael.  —  Miscellanées  architectoniques  : 
Bruxelles,  Malines  et  Gand.  —  Sur  linvention  de  limprimerie.  —  Sur  les 
antiquités  de  Tongres. 

1842.  Travaux  publics,  à  Bruxelles. 

1845.  Sur  Tancienne  culture  de  la  vigne  en  Belgique.  —  Miscellanées  ar- 
chitectoniques :  Bruxelles,  Louvain,  Malines,  Anvers,  Gand,  Liège  et  Verviers. 

1844.  Publication  du  plan  de  l'église  de  Sainte-Waudru,  à  Mons. 

1845.  Uber  die  Belgen  des  Julius  Caesar,  ein  geographisch  kritischerVer- 
such,  par  Von  Leutsch.  —  Histoire  des  Belges  à  la  fin  du  XV1I1«  siècle,  par 
Ad.  Borgnet.  —  Restauration  de  la  tour  de  l'hôtel-de-ville,  à  Bruxelles.  — 
Baudouin  de  Gand,  grand-maitre  des  Templiers  dans  l'Occident. 

1846.  Restauration  de  Téglise  d'Anderlechl.  —  Création  d'un  Musée  royal 
d'antiquités,  d'armures  et  d'artillerie,  à  Bruxelles. 

1847.  L'architecture  et  les  monuments  du  moyen-âge,  à  Liège,  par  Ch.  Del- 
saux.  —  Histoire  politique  et  militaire  de  la  Belgique,  par  D.  Renard,  l^e  par- 
tie, l^e  étude. 

1849.  Ancien  hôtel  de  Ravenstein,  à  Bruxelles.  —  Restauration  d'anciens 
édifices  publics,  à  Bruxelles.  —  Chœur  et  transept  de  l'église  de  Notre-Dame 
de  la  Chapelle  à  Bruxelles. 

1852.  Histoire  politique  et  militaire  de  la  Belgique,  par  D.  Renard,  1"  par- 
lie,  2^  étude. 

1832.  L'abbaye  de  Villers. 

P.  C.  V.  D.  M. 

Académie  royale  des  Sciences,  des  Lettres  et  des  Beacx-Arts  de  Belgiqce. 
—  Classe  des  Beaux-Arts.  —  Concours  de  1839.  —  La  classe  propose  pour  le 
concours  de  1839,  les  questions  suivantes  : 

Première  question.  —  Faire  l'histoire  de  l'origine  et  des  progrès  de  la  gra- 
vure dans  les  Pays-Bas  jusqu'à  la  fin  du  XY«  siècle. 

Deuxième  question.  —  Quels  sont,  en  divers  pays,  les  rapports  du  chant 
populaire  avec  les  origines  du  chant  religieux,  depuis  l'établissement  du 
christianisme  ?  Démontrer  ces  rapports  par  des  monuments  dont  l'authcnli- 
cité  ne  puisse  être  conlestée. 

Troisiètne  question.  —  Faire  l'histoire  de  la  gravure  des  sceaux,  des  mé- 
dailles et  des  monnaies  en  Belgique  jusqu'à  la  fin  du  XYIII^  siècle. 

Quatrième  question.  —  Faire  l'histoire  de  la  tapisserie  de  haute  lisse  dans 
les  Pays-Bas. 

Le  prix,  pour  chacune  des  questions,  sera  une  médaille  de  la  valeur  de  six 
cents  fraucs.  Les  mémoires  devront  être  écrits  lisiblement  en  latin,  en  fran- 


—  507  — 

çiiis  ou  en  flamand,  cl  seront  adressés,  francs  de  port,  avant  le  l^"' juin  J859, 
à  M.  Queteict,  sccriMairc  perpétuel. 

L'Académie  exige  la  plus  grande  exactitude  dans  les  citations;  à  cet  elVel, 
ïes  auteurs  auront  soin  d'indiquer  les  éditions  et  les  pages  des  livres  qu'ils 
citeront.  On  n'admettra  que  les  planches  manuscrites. 

Les  auteurs  ne  mettront  point  leur  nom  ù  leur  ouvrage,  mais  sciilcnirni 
nne  devise  qu'ils  répèleront  sur  un  billet  cacheté,  renfermant  leur  nom  et 
leur  adresse.  Les  ouvrages  remis  après  le  terme  prescrit,  ou  ceux  donl  les 
auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  seront  exclus  du 
concours. 

L'Académie  croit  devoir  rappeler  aux  concurrents  que,  dès  que  les  mémoi- 
res ont  été  soumis  à  son  jugement,  ils  seront  déposés  dans  ses  archives  comme 
étant  devenus  sa  propriété.  Toutefois,  les  intéressés  peuvent  en  faire  tirer 
des  copies  à  leurs  frais,  en  s'adressant,  à  cet  effet,  au  secrétaire  perpétuel. 

La  classe  adopte  pour  le  concours  de  18G0  les  questions  suivantes  : 

Première  r/uestion.  —  Quelle  a  été  au  moyen-àge  en  Belgique,  l'inlluencc 
des  corporations  civiles  sur  l'étal  de  la  peinture  et  sur  la  direction  imprimée 
aux  travaux  des  artistes? 

Deuxième  question.  —  Déterminer  et  analyser,  au  triple  point  de  vue  de 
la  composition,  du  dessin  et  de  la  couleur,  les  caractères  constitutifs  de 
l'originalité  de  l'École  flamande  de  peinture,  eu  distinguant  ce  qui  est  essen- 
tiellement national  de  ce  qui  est  individuel. 

Troisième  question.  —  Faire  l'éloge  de  Grétry  :  déterminer  ce  qui  carac- 
térise son  talent  dans  les  cinq  genres  de  musique  dramatique,  à  savoir  :  la 
comédie  sérieuse,  la  comédie  bouffone,  la  pastorale,  le  grand  opéra  de  demi- 
caractère  et  la  tragédie  lyrique. 

Les  conditions  sont  les  mêmes  que  pour  le  concours  de  1839. 

Concours  EXTRAonniNAiRE.  —  Classe  des  Lettres  et  des  Sciences  morales  et 
politiques.  —  Sur  la  proposition  d'une  personne  qui  désire  garder  l'anonyme, 
la  classe  des  Lettres  ouvre  un  concours  de  poésie,  à  l'occasion  du  SO^  anniver- 
saire de  la  loi  du   l«r  mai  183i,  décrétant  lexéculion  des  chemins  de  fer 

belges. 

Les  poëmes  destinés  à  célébrer  ce  grand  événement  national,  devroul 
contenir  de  deux  à  quatre  cents  vers  cl  être  adressés,  francs  de  port,  avaiil 
le  1"  avril  prochain,  au  domicile  du  secrétaire  perpétuel. 

Deux  médailles,  de  mille  francs  chacune,  seront  décernées  aux  auteurs  des 
meilleurs  poëmes  du  concours,  simultanément  ouvert  à  la  poésie  française 
et  à  la  poésie  flamande. 


—  508  — 

Les  concurrents  ne  metlront  point  leur  nom  à  leur  ouvrage,  mais  seule- 
ment une  devise,  qu'ils  répéteront  sur  un  billet  cacheté  renfermant  leur  nom 
et  leur  adresse.  Les  ouvrages  remis  après  le  terme  prescrit,  ou  ceux  dont  les 
auteurs  se  feront  connaître,  de  quelque  manière  que  ce  soit,  seront  exclus  du 
concours. 

L'Académie  croit  devoir  rappeler  aux  concurrents  que  dès  que  les  manu- 
scrits ont  été  soumis  à  son  jugement,  ils  sont  déposés  dans  ses  archives  comme 
étant  devenus  sa  propriété.  Toutefois  les  intéressés  peuvent  en  faire  faire  des 
copies  à  leurs  frais,  en  s'adressant,  à  cet  effet,  au  secrétaire  perpétuel. 


509  — 


TABLE    DES    MATIÈRES. 


ANNÉE  1858. 


tîottceô  et  Btôôcrtattottô. 

Deux  anciennes  miniatures  du  huitième  siècle.  Par  J.  Gielen  ...  1 
Histoire  littéraire.  —  Les  petits  poètes  latins  du  Hainaut.  Par  F.-F.-J. 

Lecouvet 6 

I.  Louis  des  Masures.  Par  le  même 2G5 

II.  Louis-François-Joseph  de  la  Barre.  Par  le  même.     .     .     .  4G8 

Carrousel  en  traîneau,  au  XVJe  siècle.  Par  Kervyn  de  Volkaersbeke     .  39 
De  la  culture  de  la  Langue  flamande  dans  le  Nord  de  la  France.  Par 

le  B°  de  Saint-Génois ^^ 

Des  rapports  politiques  et  commerciaux  des  Belges  avec  l'Angleterre, 

pendant  l'époque  mérovingienne.  Par  Ch.  Rahlonbeck.     .     .■    .     .  69 

Archives  des  Arts,  des  Sciences  et  des  Lettres.  Par  A.  Pinehart      .     .  78 

Suite 1^^ 

Suite 332 

Suite 581 

F.  Hennebert.  Notice  nécrologique.  Par  J.  D.  S.  G 109 

Du  slyle  roman.  —  L'église  de  Saint-Martin,  à  Saint-Trond.  Par  Ar- 
naud Schaepkens 129 

Quelques  recherches  sur  la  carrière  de  Guy  Morillon,  secrétaire  de 

Charles-Quint.  Par  Félix  Nève 132 

Notices  sur  quelques  livres  rares  du  XVI»  siècle.  Par  H.  Helbig.     .     .  183 
Détails  historiques  relatifs  à  Sanderus  et  à  sa  Chorographia  sacra  Bra- 

bantiœ.  Par  F.-J.  Raymackers,  Pr 194 

42 


—  510  — 

Thomas  Guarin,  Tournaisien,  imprimeur  à  Bâle,  au  XVIe  siècle.  Par 
F.-F.-J.  Lecouvet 204 

Chants  liturgiques  d'Adam  de  la  Bassée,  chanoine  de  la  collégiale  de 
Saint-Pierre,  à  Lille,  au  XIII^  siècle.  Par  l'abbé  D.  Carnel     .     .     .     241 

Particularités  inconnues  sur  quelques  fous  en  titre  d'office  du  moyen- 
âge.  Par  Edward  Van  Even 514 

Recherches  sur  l'organisation  militaire  de  la  ville  de  Gand,  au  moyen- 
âge.  Par  Jules  Huyltens 413 

La  Fêle-Dieu  et  un  Mystère  de  la  Passion  à  Fribourg,  au  XVI«  siècle. 
Par  Men  De  Ring 433 

Le  Froissart  de  M.  Kervyn  de  Lettenhove.  Par  Joseph  Fuerison     .     .     484 

Cl)roni(iue  ^cs  ôcumes  et  its  '2ixts. 

Lettre  de  Sanderus  à  la  Chambre  des  Comptes,  à  Lille  (1G06)  .           .     114 
Vente  du  Cabinet  de  feu  M.  Borluut  de  Noortdonck,  à  Gand.  117,  253  et  574 
Dons  et  Courtoisies  de  Philippe-le-Bon  et  de  Charles-le-Téméraire  aux 
savants,  aux  artistes  et  aux  gouverneurs  des  princes  de  la  maison 
de  Bourgogne  221 

Table  chronologique  des  chartes   et  diplômes  imprimés  concernant 

l'histoire  de  la  Belgique 230 

Inhumation  des  restes  de  Marguerite  d'Autriche 231 

L'Écho  archéologique  de  l'Allemagne,  publié  par  M'  A.  Namur.     .     .  232 

Itinéraire  de  Lille  à  Jérusalem  de  1612,  par  Jacques  Fauquemberghe.  234 

Réunion  de  la  Société  archéologique  de  France 235 

Pèlerinages,  escondits  et  voyages  en  Belgique,  en  Hollande  et  sur  les 
bords  du  Rhin,  imposés  par  les  échevins  de  Lille  et  de  Bélhune  aux 

bannis  et  autres  repris  de  justice,  etc.  (XIV*,  XV«  et  XVJe  siècles).  361 

Rébellion  des  Liégeois 368 

Siège  des  Flamens  devant  Calais 369 

Restauration  du  monument  de  Scepperus,  à  Eecke 370 

Antiquités  découvertes  à  Maestricht 372 

Découverte  de  fragments  d'un  manuscrit  du  XV^  siècle  de  Jean  Ruys- 
broek  et  de  Jean  van  Leeuwen,  et  d'une  édition  sur  peau  de  vélin  de 

l'Entrée  de  Charles-Quint,  à  Bologne,  en  1329 Ib. 

d'une  édition  inconnue  d'une  version  latine  du  poëme  du  Renard.  574 


—  511  — 

Découverte   d'une    partie   des  archives  de  rancienne  cliancellcrie  de 

Luxembourg 374 

Congrès  artistique  et  archéologique  à  Gand 37C 

Congrès  de  la  propriété  littéraire  et  artistique  à  Bruxelles     ....  378 
Institution  d'un  prix  triennal  pour  la  composition  d'une  œuvre  drama- 
tique en  langue  flamande 379 

Ancien  Hôpital  de  Roulers 489 

Abbaye  de  Yillers 490 

Mission  littéraire  de  M.  Ern.  Van  Bruyssel  en  Angleterre Ib. 

Les  Églises  de  Gand 499 

Bibliographie  gantoise 300 

Annales  des  Elzevier SOI 

Publications  du  Willems-Fonds Ib. 

Journal  des  Beaux-Arts 502 

Dictionnaire  universel  des   Contemporains,  par  E,  Vapereau.    Paris, 

183S 503 

Société  libre  d'Émulation  de  Liège  pour  l'encouragement  des  Lettres, 
des  Sciences  et  des  Arts.  —  Programme  des  questions  de  Littérature 

et  des  Beaux-Arts,  mises  au  concours 236 

Académie  royale  de  Belgique.  —  Classe  des  Lettres.  —  Résultat  du 

concours  de  1838 '''• 

Concours  de  1839 258 

Concours  extraordinaire 239 

Classe  des  Beaux-Arts.  —  Concours  de  1859 506 

Concours  extraordinaire ^"^ 

Nécrologie  :  iM^  A.  G.  B.  Schayes ^^* 


—  512  — 


Gi*aTiii*es  et  Lithographies. 

Anciennes  Miniatures  du  huitième  siècle 1  et  4 

Carte  de  la  délimitation  du  Flamand  et  du  Français  dans  le  Nord  de  la 

France 36  4^) 

L'église  de  Saint-Martin,  à  Saint-Trond 129 

Fac-similé  et  musique  des  Chants  liturgiques  d'Adaiù  de  la  Bassée.     .  %&i 

^    Fous  en  titre  d'office  du  moyen-âge 530 

Fac-similé  de  signatures  écrites 357 

Fac-similé  dune  reliure  allemande  de  1558 381 

Peinture  murale  du  XIII*  siècle,  représentant  les  corporations  des  bou- 
langers, des  poissonniers  et  des  tondeurs  de  draps 450 

Maison  des  Bigarden  ou  Bogarden,  à  Gand 448 


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