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Full text of "Messager des sciences historiques, ou, Archives des arts et de la bibliographie de Belgique"

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DES  SCIENCES  HISTORIQUES 

ou 

ARCHIVES 

DES  ARTS  ET  DE  LA  BIBLIOGRAPHIE 

DE  BELGIQUE. 


LISTE  DES  COLLABORATEURS. 

M.  Emile  Vakenbergh,  secrétaire  du  Comité  de  Rédaction,  à 
Gand. 


MM.  Pfi.  Dlommaert,  membre  correspondant  de  l'Académie,  à  Gand. 
J.  BoncMET,  arcliiviste  de  l'État  cl  de  la  province,  à  Namur. 
Ul.  Capitaine,  bililiograplie,  à  Liège. 
R.  CiiALON,  président  des  Bibliopiiiles  belges,  à  Bruxelles. 
HvAciNTUE  De  BnuY!v,  à  Bruxelles. 

Chevalier  L.  de  BuRBunc,  niemljre  de  l'Académie  de  Belgique,  à  Anvers. 
Edh.  De  Bussciier,  membre  de  l'Académie  de  Belgique,  à  Gand. 

E.  De  Coussemaker,  correspondant  de  l'Institut  de  France,  à  Lille. 
A.  Dejardin,  commandant  du  génie,  à  Diest. 

Baron  M*'"  de  Ring,  antiquaire,  à  Strasbourg. 

Le  Clian.  J.  J.  De  Smet,  membre  de  la  Comm.  royale  d'hist.,  à  Gand. 

L.  Devillers,  conservatenr-a<ljoinl  des  Archives  de  l'Etat,  à  Mons. 

A.  Du  Bois,  avocat  et  conseiller  communal,  à  Gand. 

B.  C.  Du  Mortier,  membre  de  la  Chambre  des  Représentants,  à  Tournay. 
J.  Felsenuart,  attaché  aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles. 

L.  Galesloot,  clief  de  section  aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles. 

P.  GÉfiARD,  archivisie  de  la  ville  d'Anvers. 

A.  GiiELDOi.F,  membre  de  la  Comm.  p.  la  publ.  des  anciennes  lois,ù  Gand. 

II.  IIklbig,  bibliographe,  à  Liège. 

Fr.  Hennebert,  avocat,  à  Gand. 

H.  IIvJIA^s,  attaché  à  la  Bibliothèque  royale,  à  Bruxelles. 

Ed.  Jolv,  archéologue,  à  Renaix. 

Baron  Kervyn  de  Lettenhove,  membre  de  l'Acad.  de  Belgique,  à  Bruxelles, 

J.  B.  Lavaut,  professeur  au  collège  philologique,  à  Louvain. 

F.  NÈVE,  professeur  à  l'Université  de  Louvain. 

Alex.  Pinchart,  chef  de  section  aux  Archives  du  royaume,  h  Bruxelles. 

J.  J.  E.  Proost,  allaché  aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles. 

Henry  Raepsaet,  juge-de-iiaix,  à  Lokeren. 

Ch.  Rahlenbeck,  consul  de  Saxe-Wcimar,  à  Bruxelles. 

F.  3.  Raymaekers,  chanoine  de  l'abbaye  de  Parc,  près  de  Louvain. 

J.  E.  G.  Roulez,  administrateur-inspecteur  de  l'Université  de  Gand, 

Arn.  ScnAEPKENS,  dcssinalcur,  à  Bruxelles. 

A.  SiRET,  membre  de  l'Académie  de  Belgique,  à  S'-Nicolas. 

GusT.  Van  Coetsesi,  avocat,  à  Gand. 

Pu.  Van  der  IIaegiien,  à  Bruxelles. 

Edm.  Vander  Straeten,  attaché  aux  Archives  du  royaume,  à  Bruxelles. 

J.  Van  de  Velde,  archivisie,  à  Audenarde. 

Edw.  Van  Even,  archiviste  de  la  ville  de  Louvain. 

C.  Vervier,  président  de  la  Commission  des  monuments,  à  Gand. 

W.  H.  James  Weale,  archéologue,  à  Bruges. 


MESSAGER 


DIS  SCIICES  HISTORIQUES 


on 


ARCHIVES 

htB  ^rts  et  àe  la  i3tbU0grapl)ie 

DE  BELGIQUE. 


Recueil  publié  par  MM.  A.  Van  liOKEREiv,  Avocat  et  Archiviste  honoraire 
de  la  ville;  B"  de  Saint-Gekois,  Professeur-Bibliothécaire  à  rUni- 
vcrsité  ;  P.  C.  Van  der  lIlEERScn,  Conservateur  des  Archives  de 
l'État  et  de  la  Flandre  orientale,  et  Kervyn  de  Volkaersdeke; 

ancien  membre  de  la  Chambre  des  Représentants,  à  Gand. 


^nnéc   1867. 


--îS>C>©®<SB- 


GAND , 

IMPRIMERIE  ET  LITHOGRAPHIE  DE  LÉONARD  HEBBELYNCK, 

Rue  des  Baguettes. 


ÎHEGETÎYCENTIR 
liBR^RY 


DE   LA   FIN   DU   XIV^  OU  DU    COMMENCEMENT  DU   XV^   SIÈCLE. 


^  t  * 


C'est  de  la  Grèce  que  paraît  avoir  été  portée  à  Rome  la 
coulumedese  servirde  diplyques(i),  c'est-à-dire  de  tablettes 
réunies  par  une  charnière  au  nombre  de  deux  panneaux, 
pouvant  être  maintenus  l'un  contre  l'autre  par  un  fermoir. 
On  les  appelait  triptyques  ou  polyptyques  (2),  lorsqu'il  y 
avait  trois  panneaux  ou  plusieurs  réunis. 

Ces  tablettes,  d'ivoire,  de  bois,  parfois  même  d'ardoise, 
quelquefois  d'or  ou  d'argent,  étaient  destinées,  dans  l'ori- 
gine, à  recevoir  à  l'intérieur  les  notes  écrites,  comme  au- 
jourd'hui nos  agenda.  Il  était  de  bon  ton  de  les  porter  à 
la  ceinture.  De  là  la  richesse  de  la  matière  dont  on  les 
recouvrait  à  l'extérieur.  On  se  faisait  un  plaisir  de  les 
offrir  pour  élrennes;  et  les  magistrats,  les  consuls,  les 
empereurs  même  ne  dédaignaient  pas  de  les  donner  ou  de 
les  recevoir  à  l'époque  du  renouvellement  de  l'année,  comme 
marques  de  souvenir,  d'amitié  ou  de  déférence.  Dans  quel- 
ques cas,  scellées  et  envoyées  par  un  esclave,  elles  servaient 
à  une  correspondance  intime.  On  y  gravait  les  noms  de 
ceux  auxquels  on  les  offrait.  Souvent  les  motifs  les  plus 
gracieux  de  la  fable  ou  de  la  vie  privée  recouvraient  leurs 
panneaux.  La  matière  et  l'art  étaient  réunis  pour  celles 
qui  ornaient  la  ceinture  de  la  femme  du  monde.  Des  des- 
sins plus  austères,  le  plus  souvent  de  simples  ciselures, 

(1)  Afirtup^a,  d"où  le  latin  Diptychum. 
(2j  TpiKTuya,  TtoX'jitTuya. 

<867.  1 


o    _ 

étaient  empreints  sur  le  diptyque  de  l'homme  d'état  ou  du 
magistral.  Ils  faisaient  eux-mêmes  souvent  inscrire  leurs 
noms  sur  ceux  de  ces  petits  meubles  que  leur  munificence 
faisait  distribuer  dans  le  cirque  à  l'occasion  des  jeux  pu- 
blics. Le  plus  ancien  qui  nous  ait  été  conservé  d'un  per- 
sonnage consulaire,  est  attribué  à  Slilicon,  en  l'an  405  de 
notre  ère. 

Quand  de  l'Orient,  où  il  prit  naissance,  le  Christianisme, 
spiritualisant  l'ancien  culte  de  la  nature  dans  la  personne 
du  Christ,  représenté  par  l'agneau  mystique,  se  fut  ré- 
pandu jusqu'à  Rome,  les  adhérents  au  nouveau  culte,  tout 
en  conservant  l'ancienne  coutume  de  ces  sortes  de  bijoux, 
les  mirent  à  profit  pour  y  consacrer  les  fastes  de  la  religion 
nouvelle.  Dès  que  l'Église  se  fut  formée,  elle  eut  les  dip- 
tyques des  baptisés  qui  contenaient  les  noms  de  ceux  qu'elle 
reconnaissait  pour  ses  enfants,  à  l'imitation  des  fastes  civils 
où  les  noms  des  citoyens  nouveaux  étaient  inscrits.  Elle 
eut  les  diptyques  des  vivants  et  ceux  des  morts;  les  pre- 
miers contenaient  les  noms  des  hauts  personnages  que  la 
nouvelle  initiation  reconnaissait  pour  ses  bienfaiteurs;  les 
seconds  recelaient  ceux  des  anciens  qui  avaient  présidé  l'as- 
semblée, et  dont  ces  tablettes  étaient  consacrées  à  conserver 
la  mémoire.  Ce  sont  ceux  des  morts  qui  ont  plus  tard  donné 
naissance  aux  Nécrologes  ou  Obituaires,  où  les  plus  anciens 
hagiographes  du  V*  et  du  VI*  siècle  ont  souvent  puisé  pour 
écrire  leurs  légendes  sacrées. 

Mais,  indépendamment  de  ces  diptyques,  adaptés,  dès 
les  premiers  temps  du  Christianisme,  au  service  de  l'Eglise, 
et  dont  quelques-uns  sont  parvenus  jusqu'à  nous,  conservés 
à  Fulde,  à  Amiens,  au  monastère  de  Rambona,  à  Trêves, 
à  Arles,  on  en  trouve  dans  les  trésors  de  plusieurs  chapi- 
tres, qui,  ayant  servi  à  d'autres  usages,  ont  conservé  leurs 
bas-reliefs  profanes.  Tels  sont  ceux  qui  se  trouvent  en 
entier  ou  en  partie  à  Liège,  dans  l'église  de  Saint-Lambert 


et  clans  la  basilique  tic  Saiiil-lMarlin;  ceux  de  Bourges,  de 
Lucques,  de  LNovare  et  d'autres  villes.  Quelques-uns  même 
ont  été  enclavés  dans  les  couvertures  des  évangeliaires. 
Tous  sont  des  images  dévotes  qui,  pendant  les  persécu- 
tions que  le  Christianisme  naissant  eut  à  souffrir,  servirent 
aux  fidèles,  qui  les  portaient  avec  eux  comme  de  petits 
oratoires. 

Là,  néanmoins,  ce  ne  sont  encore  la  plupart  du  temps 
que  des  représentations  de  personnages  ou  de  scènes  bibli- 
ques. Car,  ce  n'est  qu'au  VP  siècle  que  la  personne  du 
Christ  sur  la  croix,  que  celle  de  la  Vierge,  telle  que  le 
moyen-âge  nous  en  a  conservé  le  type,  devinrent  les  prin- 
cipaux motifs  de  ces  petits  meubles  mystiques. 

Le  Christ,  d'après  les  Évangiles,  ayant  été  mis  à  mort 
au  phase  ou  passage  du  soleil  aux  régions  supérieures, 
époque  dont  les  Juifs  célébraient  l'anniversaire  en  mémoire 
de  leur  fameux  passage  de  la  mer  Rouge  sous  la  conduite 
de  Moïse,  et  où  se  mangeait  l'agneau  qu'on  immolait  chez 
les  Égyptiens  en  l'honneur  du  dieu  qui  en  prenait  les  attri- 
buts, ce  fut  sous  cette  figure  que  les  premiers  chrétiens 
symbolisèrent  le  Dieu  immolé  pour  leur  salut.  C'est  la  plus 
ancienne  représentation  sous  laquelle  le  rédempteur  est  dé- 
signé dans  les  livres  saints,  et  c'est  la  plus  ancienne  dont 
s'est  servi  l'Église  en  Orient  et  en  Occident.  Comme  le 
nouveau  culte,  tout  en  conservant  les  signes  des  cultes  an- 
tiques, les  spirilualisa,  l'agneau  qui,  d'abord,  était  repré- 
senté seul,  couché,  comme  symbole  de  la  victime  immolée, 
tel  qu'on  le  représente  encore  communément  sur  les  taber- 
nacles de  nos  autels,  fut  par  la  suite,  placé  comme  attribut, 
sur  les  épaules  du  pasteur  spirituel.  Tel,  dans  le  Paga- 
nisme, on  avait  représenté  Apollon  pasteur,  d'après  la 
légende  qui  le  préposait  à  la  garde  des  troupeaux  d'Admète. 
Un  bronze  antique  du  Musée  de  Berlin,  le  figure  ainsi, 
tout  nu,  et  tenant  sur  ses  épaules  le  mouton.  Celle  repré- 


—  4 


senlalion  fut  imitée  par  le  Christianisme  naissant;  seule- 
ment il  y  mit  plus  de  décence  et  donna  au  pasteur  des  âmes 
sa  longue  robe  traditionnelle.  Quelquefois  l'agneau  fut  placé 
à  ses  pieds;  c'était  lui  qui  symbolisait  la  victime.  Ce  ne  fut 
que  lorsque  le  culte  nouveau  fut  enfin  assez  fort  pour  ne 
plus  redouter  la  persécution,  que,  au  VI*  siècle,  l'agneau 
lui-même,  portant  une  croix  haslée,  prépara  la  transition 
de  l'un  à  l'autre  de  ces  deux  symboles.  A  cette  croix,  vers 
la  fin  du  même  siècle,  fut  attaché  l'agneau  qui,  bientôt 
après,  disparaissant  à  son  tour,  n'y  fut  plus  que  rarement 
représenté  au  revers,  tandis  que  sur  la  face  antérieure  fut 
suspendu  le  bon  pasteur,  les  bras  étendus. 

Ce  n'est  pas  qu'avant  cette  époque  la  croix  symbolique 
n'ait  été  d'un  usage  commun,  puisque  déjà  on  trouve  la 
croix  sur  les  petits  bronzes  de  Constantin,  frappés  à  Aqui- 
lée  et  à  Trêves,  et  sur  les  médailles  de  Valentinien  I". 
D'après  les  écrivains  anciens,  la  croix  à  laquelle  le  Christ 
aurait  été  attaché  avait  la  forme  du  tau  (f },  qui,  chez  les 
gentils  était  le  symbole  de  la  vie  éternelle.  C'est  la  croix 
primitive,  la  croix  commissa  ou  patibutata,  différente  de  la 
croix  immissa  (-Y)  qui,  plus  tard,  fut  adoptée  dans  les  re- 
présentations du  Christ  en  Occident,  et  qui,  dès  l'origine 
du  christianisme  en  Orient,  servait  au  monogramme  du 
Christ  (-f),  par  l'affinité  que  ce  signe  offrait  avec  la  croix 
ansée  égyptienne.  Dans  presque  tous  les  monuments  du 
moyen-âge,  c'est  ce  type  qui  fut  adopté. 

Cependant  ce  ne  fut  guère  qu'après  le  concile  quinisexte, 
tenu  en  692,  que  les  représentations  du  Christ  sur  la  croix 
se  multiplièrent,  ce  concile  ayant  ordonné  de  préférer  la 
peinture  historique  aux  emblèmes  jusqu'alors  adoptés. 
C'est,  du  moins,  à  cette  époque  que  les  Grecs  le  reprodui- 
sirent pour  la  première  fois;  et  nous  savons  que  Jean  Vif, 
Grec  de  naissance,  élu  pape  en  705,  consacra  le  premier 
crucifix   dans   l'église   de  Saint-Pierre.    Aussi   est-ce  au 


moyen-âge  qu'appartiennent  ces  nombreux  diptyques  que 
possèdent  nos  collections,  provenant  en  grande  partie  des 
monastères,  et  qui,  pour  motif  principal,  montrent  presque 
toujours  le  Christ  sur  la  croix.  Ils  servaient  d'oraloires,  à 
l'imitation  des  autels  d'églises,  qui,  eux-mêmes,  comme  des 
armoires,  s'ouvraient  et  se  fermaient  à  volonté,  et  dont 
plusieurs  spécimens,  précieux  pour  l'art  et  pour  l'icono- 
graphie, se  voient  encore  dans  quelques-uns  de  nos  tem- 
ples. Ces  diptyques,  quelquefois,  sortent  du  trésor  des 
princes  qui  les  firent  exécuter.  Celui  qui  nous  a  inspiré 
cette  petite  dissertation  faisait  partie  autrefois  de  la  col- 
lection de  Krotzingen,  prévôté  de  la  célèbre  abbaye  de 
Saint-Biaise  dans  la  Forêt-Noire,  dont  sortit  le  bas-relief 
de  Saint-Martin,  que  nous  avons  fait  connaître  par  une 
notice,  insérée  dans  le  Messager  des  Sciences  hisloriques 
de  Belgique,  en  1864.  La  pose  des  personnages,  le  faire 
des  draperies,  les  motifs  de  l'ogive  formant  le  cadre,  accu- 
sent pour  ce  diptyque  la  fju  du  XI V« siècle,  ou  le  commen- 
cement du  XV^  C'est  un  type  que  nous  retrouvons  en 
grand  sur  plusieurs  portails  de  nos  cathédrales.  Les  saintes 
femmes,  au  pied  de  la  croix  basse  où  Jésus  vient  d'expirer, 
expriment  bien,  par  leur  geste,  la  douleur  dont  leur  âme 
est  saisie.  Avant  le  XI*  siècle,  tous  les  monuments  connus, 
exprimant  le  grand  drame  de  la  passion,  montrent  le  Sau- 
veur encore  vivant,  les  yeux  ouverts,  et,  debout  sur  la 
croix,  comme  pour  exprimer  son  immortalité.  Les  artistes 
des  temps  postérieurs  ont  rendu  cette  scène  de  douleur 
plus  palpable,  en  choisissant  le  moment  suprême  où  le 
Christ  s'affaisse  sur  lui-même.  IMarie,  à  la  droite  de  la 
croix,  détourne  la  vue,  en  se  tordant  les  mains;  Marie- 
Madeleine  semble,  par  son  geste,  ne  s'occuper  que  de  la 
douleur  de  la  divine  Mère.  L'artiste  a  placé  dans  sa  main 
gauche  soit  un  livre  fermé,  soit  une  boite  oblongue  à 
parfums. 


—  6  — 

Le  second  panneau  esl  d'une  exquise  délicatesse.  La 
Vierge,  debout  entre  deux  anges,  tenant  chacun  un  flam- 
beau, est  couronnée  par  un  troisième  dont  on  ne  voit  que 
le  haut  du  corps  sortant  de  l'ogive.  Elle  tient  sur  le  bras 
gauche  le  divin  enfant,  et  de  l'autre  main  une  rose  épa- 
nouie, symbole  à  la  fois  de  sa  virginité  et  de  l'immacula- 
lion  de  sa  naissance.  Cette  portion  du  diptyque  est  précieuse 
dans  tous  ses  détails;  elle  respire  cette  naïve  candeur  qui 
forme  l'attribut  le  plus  particulier  des  conceptions  artisti- 
ques de  l'époque  à  laquelle  il  appartient. 

Le  culte  de  la  Vierge  ne  fut  répandu  en  Occident  que 
vers  la  fin  du  V«  siècle.  Ce  culte,  né  à  Ephèse,  où  on  pré- 
tendait posséder  son  tombeau,  fut,  de  cette  ville,  transporté 
à  Constantinople,  et,  de  là,  à  Rome,  où  une  église  lui  fut 
consacrée  pour  la  première  fois  en  440.  La  représentation 
primitive,  fut  celle  de  l'Isis  Égyptienne,  ayant  l'Enfanl- 
Dieu  sur  les  genoux.  A  Constantinople,  consacrée  à  Diane, 
lui  fut  donné  le  croissant  lunaire,  placé  sous  les  pieds,  et 
écrasant  le  dragon  du  pôle,  comme  le  génie  du  mal.  Une 
fois  son  culte  établi  en  Occident,  on  lui  consacra  le  feu 
éternel  et  les  temples  de  Vesta.  Elle  devint  enfin  la  Reine 
du  ciel  et  la  médiatrice  des  hommes  auprès  de  son  fils. 
C'est  sous  cette  figure,  si  souvent  reproduite  au  moyeo- 
àge,  que  nous  la  voyons  sur  l'un  des  panneaux  de  notre 
diptyque  qui,  déployé  devant  son  heureux  possesseur,  lui 
offrait  les  deux  motifs  les  plus  sacrés  de  son  culte,  son 
Dieu,  né  de  la  Vierge  à  laquelle  il  adressait  ses  vœux  et 
ses  prières,  et  son  martyr,  qui  ouvrait  les  portes  du  ciel 
à  l'humanité. 

Tous  ces  diptyques,  aujourd'hui  conservés  dans  les  col- 
lections, ont  eu  un  jour  celte  destination  pieuse,  que  le 
mysticisme  de  l'époque  à  laquelle  ils  appartiennent  avait 
consacrée.  Quel  intérêt  ne  présenterait  pas,  comme  points 
de  comparaison,  la  collection  complète  de  ces  nombreux 


monuments  de  Tari,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  î 
Déjà  le  Messager  des  Sciences  historiques  de  Belgique  a 
publié,  dans  le  volume  de  18G0,  le  superbe  diptyque  du 
XVl^  siècle,  représenUinl  VAdoration  des  Bergers,  qui  ap- 
partient à  la  famille  gantoise  des  Rockelfing  de  Nazareth. 
Nous  avons  cru  devoir  publier  celui  qui  fait  partie  de  notre 
collection,  heureux,  si  cet  exemple  peut  être  suivi  par  ceux 
qui  en  possèdent. 

Max.  de  Ring. 


—  8  — 


CARTES 


DB 


LA  FLANDRE  ANCIENNE   ET   MODERNE, 

PLANS  DE  LA  VILLE  DE  GAND  (i). 


DEUXIEME  PARTIE. 


Plans  et  Vues  gravés. 


Il  n'y  a  pas  lieu  de  partager  les  plans  el  vues  en  plu- 
sieurs catégories  par  rapport  aux  agrandissements  ou  aux 
modiGcations  que  la  ville  a  pu  subir,  car  presque  tous, 
excepté  deux,  représentent  la  ville  telle  qu'elle  se  trouve 
encore  maintenant  avec  l'enceinte  actuelle.  Tous  les  agran- 
dissements successifs  ont  eu  lieu  avant  1299,  et  il  n'y  a 
que  deux  plans  Actifs  qui  représentent  la  ville  avant  cette 
époque  :  ils  ont  paru  dans  la  Belgique  monumenlale. 

Je  me  bornerai  donc  ici  à  faire  une  énumération  des 
plans  et  vues  compris  dans  cette  deuxième  partie,  en  les 
envisageant  sous  le  rapport  de  la  manière  dont  ils  repré- 
sentent la  ville,  soit  à  vol  d'oiseau,  soit  en  vue,  soit  en 
plan,  dans  son  ensemble  ou  par  partie.  Cela  donnera  lieu 
à  cinq  catégories,  qui  sont  les  suivantes  : 

())  Suite.  Voir  année  1865,  pp.  329  el  405,  et  année  I86«,  p.  177. 


—  9  — 

l.  Plans  à  vol  d'oiseau. 

II.  Vues  générales. 

III.  Vues  partielles. 

IV.  Croquis. 

V.  Plans  géométriques  généraux. 
VI.  Plans  géométriques  partiels. 

I.  Plans  a  vol  d'oiseau. 

Dans  les  vues  ou  plans  à  vol  d'oiseau  de  la  ville  entière, 
les  édifices  et  les  maisons  sont  vus  en  élévation  :  on  y  voit 
également  les  rues,  mais  les  proportions  ne  sont  pas  gar- 
dées. Cette  manière  de  représenter  la  ville  fut  la  plus  gé- 
néralement employée  dans  le  commencement.  Il  est  vrai 
que  les  premiers  de  ces  plans  (n"  I  avant  1 100  et  n°  2  en 
1274-)  ne  sont  pas  de  l'époque;  mais  les  suivants  sont 
plus  anciens.  Il  y  en  a  d'abord  deux  qui  sont  des  copies 
d'un  tableau  (n^^  7  et  8  de  1534),  puis  un,  le  n"  12  de 
1550,  qui  est  de  l'époque  et  dont  les  trois  suivants  sont 
des  copies  :  ce  sont  les  n"^  13,  14  et  16  de  1567,  1572 
et  1581.  Le  n"  18  de  1595  est  un  fort  petit  plan.  Les 
n°s  23  et  26  de  1612  et  1635  se  trouvent  dans  deux  édi- 
tions de  GuicHARDiN.  Le  n"  29  de  1637  est  le  plus  beau 
plan  à  vol  d'oiseau  qui  ait  été  fait  de  la  ville  de  Gand  :  il 
est  très-grand  et  très-exact.  Le  n»  32  de  1641  en  est  une 
copie  réduite  pour  l'ouvrage  de  Sanderus  et  de  Blaeu.  Le 
n°  70  de  1725  est  également  une  copie  encore  plus  réduite 
pour  les  Forces  de  fEiirope.  Une  autre  copie  se  trouve 
dans  les  éditions  de  1732  et  1735  de  Sanderus  (n°  73)  et 
une  dernière  a  été  faite  par  Probsl  en  1780  (n"  78).  Enfin 
le  n"  47  de  1652  se  trouve  dans  Guichardin. 

Ces  plans  sont  donc  au  nombre  de  dix-sept. 

II.  Vues  générales. 
Dans  ces  vues  on  ne  voit  plus  le  tracé  des  rues  :  c'est 


—  10  — 

une  perspective  prise  d'un  point  à  rexlérieur  et  représen- 
tant toute  la  ville,  quoique  la  plupart  du  temps  cela  se 
borne  à  une  série  de  clochers,  tellement  mal  représentés, 
qu'il  est  souvent  difficile  de  préciser  l'endroit  où  le  dessi- 
nateur a  dû  se  placer.  Je  vais  en  faire  l'énuméralion  en  les 
distribuant  d'après  l'endroit  d'où  elles  sont  prises  : 

1"  Celles  prises  hors  de  la  porte  d'Anvers,  sont  :  les  n°'  S 
et  6  de  1 524,  le  n»  1 0  de  1 539,  le  n°  53  de  i  678,  le  n°  72 
de  1750  et  le  n"  79  de  1780.  La  première  est  très-curieuse, 
la  seconde  en  est  une  copie  faite  exprès  pour  cette  notice; 
la  troisième  est  la  copie  d'un  ancien  tableau  (t). 

2°  Celles  prises  du  côté  de  Gentbriigghe,  sont  :  le  n°  21 
de  1608,  le  n"  24  de  1613,  le  n"  25  de  1633,  le  n"  45  de 
1649  et  le  n"  71  de  1729. 

3°  Celles  prises  en  avant  du  Rabot,  sont  :  le  n°  22  de 
1608,  le  n"  28  de  1635,  le  n°  31  de  1637  et  le  n"  61  de 
1708. 

4"  Celles  prises  de  la  route  de  Tronchîennes,  sont  :  le 
n°  48  de  1654,  le  n«  84  de  1789,  le  n"  85  de  1792,  le 
n°  88  de  1 799,  le  n"  1 08  de  1 833,  et  le  n°  1 1 1  de  1 836  : 
elles  sont  plus  modernes  que  les  autres. 

5°  Celles  prises  entre  les  portes  de  Cour  irai  et  de  la 
Colline  portent  les  n°'  50  et  51  et  ont  la  date  de  1678. 

6"  Celles  prises  du  rempart  Saint  Liévin  et  qui  portent 
lesn"^  121,  142et  li3sont  de  1837,  1844  et  1845. 

7"  Enfin  d'autres  sont  prises  d'un  point  que  l'on  ne  peut 
pas  bien  déterminer  :  ce  sont  les  n"*  19,  20,  130  et  141 
de  1600,  1607,  1840  et  1844. 

Ces  vues  sont  au  nombre  de  trente. 


(t)  Ces  copies  sont  Irès-fidéles  et  font  honneur  au  talent  de  l'artiste, 
M""  Ch.  Onghena,  à  qui  on  est  redevable  d'un  grand  nombre  d'autres  plans  et 
de  vues  de  la  ville  de  Gand. 


—  11  — 

III.  Vues  partielles. 

Viennent  ensuite  les  vues  de  Tinlérieur  de  la  ville,  dont 
un  grand  notnbre  se  trouve  dans  Sanderus,  pour  lesquelles 
la  collection  de  feu  M.  Goetghebuer  m'a  été  d'un  grand  se- 
cours. Je  n'ai  cependant  pris  dans  celte  collection  que  les 
vues  embrassant  une  assez  grande  agglomération  de  mai- 
sons et  formant  un  quartier.  Elles  comprennent  : 

1°Une  vue  de  l'ancienne  Abbaye  de  Saint-Bavon  avant 
la  construction  du  Château  des  Espagnols,  qui  eut  lieu  en 
1.^)40  :  c'est  une  copie  d'une  partie  du  même  tableau  dont 
les  n"'  6  et  7  sont  une  reproduction  (n»  9  de  1534). 

2°  Après  cela  viennent  deux  vues  de  cette  Citadelle,  de 
1576  et  1641  (n»^  15  et  44). 

3°  Deux  vues  de  la  Place  d'Armes,  en  1615  et  1641 
(n«^  27  et  42). 

4"  Deux  vues  de  la  Cour  du  Prince,  en  1641  et  1732 
(u''^  33  et  75). 

5°  Sept  vues  de  la  Place  Sainte-Pharaïlde  et  de  l'ancien 
Château  des  comtes:  n°^  34  et  35  de  1641,  n°  74  de  1732, 
11°  102  de  1830,  n°  113  de  1836,  n»  140  de  1843,  et 
n"  151  de  1847. 

6°  Deux  vues  du  Marché  du  Vendredi:  n»"  36  et  49  de 
1641  et  1666. 

7°  Deux  vues  du  Quai  des  Dominicains,  en  1641  et 
1715  (no' 38  et  67). 

8°  Deux  vues  de  l'ancienne  Abbaye  de  Saint-Pierre,  en 
1641  et  1690  (n"  39  et  57). 

9°  Une  vue  du  Couvent  des  Chartreux,  en  1641  (n^  40). 

10°  Deux  vues  du  Marché  au  Beurre,  en  1641  et  1847 
(n°^  41  et  150). 

1 1°  Une  vue  du  Marché  aux  Légumes,  en  1641  (n°43). 


—  i^  — 

12"  Six  vues  du  Grand  Béguinage,  moins  anciennes  que 
les  précédentes  :  n»  82  de  1781,  n»  94  de  1825,  nM17 
de  1836,  n°  128  de  1839,  n"  144  de  184o,  el  n°  156  de 
1850. 

13°  Sept  vues  du  Marché  aux  Grains,  presque  toutes 
assez  modernes  :  n°  57  de  1641,  n°  99  de  1829,  n»  104 
de  1830,  n»  115  de  1836,  n°  146  de  1845,  n»  148  de 
1847,  el  n°  160  de  1856. 

14"  Quatre  vues  du  Quai  des  Moines,  en  1823,  1827, 
1836  et  1847  (n°^  90,  92,  118  et  149). 

15"  Une  vue  du  Bas-Escaut,  près  de  la  Pêcherie  :  n»  1 12 
de  1836. 

1 6"  Deux  vues  de  la  Plaine  Saint-Bavon,  où  se  trouve 
Tévèché,  en  1836  et  1843  (n°^  114  et  139). 

17°  Deux  vues  du  Quai  aux  Herbes,  en  1836  et  1838 
(n«  116  et  126). 

18°  Et  enfin  sept  vues  du  Petit  Marché  aux  Grains: 
n°  89  de  1815,  n"  93  de  1825,  n»  98  de  1829,  n"^  101 
et  103  de  1830,  n"  136  de  1841,  et  n°  145  de  1845. 

Ces  vues  sont  au  nombre  de  cinquante-trois. 

IV.  Croquis. 

Après  les  vues  viennent  les  croquis,  qui  ne  donnent 
que  le  périmètre  de  la  ville,  l'enceinte  fortifiée,  quelque- 
fois avec  les  cours  d'eau. 

Ce  sont  :  le  n°  30  de  1637,  le  n»  46  de  1650,  le  n°  52 
de  1678,  le  n"  56  de  1690,  le  n"  58  de  1692,  le  n»  59 
de  1693,  le  n"  66  de  1709,  le  n°  68  de  1716,  le  n»  69 
de  1720,  le  n°  77  de  1750,  le  n"  83  de  1786,  et  le  n"  168 
de  1862. 

lis  sont  au  nombre  de  douze. 


~   13  — 
V.  Plans  géométriques  généraux. 

Les  plans  géométriques  sont  Texpression  la  plus  exacte 
de  la  configuration  de  la  ville;  ils  sont  faits  simplement 
au  trait,  mais  les  rues  y  ont  leur  véritable  direction,  les 
édifices  leur  emplacement  exact,  enfin  toutes  les  dimen- 
sions sont  rapportées  à  la  même  échelle. 

Examinons  d'abord  les  plans  géométriques  de  la  ville 
entière. 

Les  deux  premiers  n''^  3  et  4,  de  1300  et  de  14-00,  sont 
des  plans  fictifs;  il  en  est  de  même  du  n"  17  de  1590. 
Les  n°'  55,  de  1678,  et  60,  de  1697,  sont  fort  petits. 
Ceux  que  l'on  peut  donc  considérer  comme  les  premiers 
plans  géométriques  de  la  ville,  sont  les  u"^  62,  63,  64  el 
65  de  1708,  quoiqu'ils  laissent  encore  à  désirer  sous  le 
rapport  de  l'exactitude.  Le  n°  76  de  1745  est  dans  le  même 
cas.  Les  plans  réellement  exacts  commencent  aux  n"*  86 
el  87  de  1796  el  1799.  Viennent  ensuite  les  n^^  91  de 
1825,  95  de  1826,  97  de  1829,  100  el  105  de  1830,  106 
de  1831,  107  de  1832,  109  de  1854,  110  de  1835,  120 
de  1837,  123,  124  el  125  de  1838,  127  de  1839,  129, 
131,  132,  133  et  134  de  1840,  135  de  1841,  138  de 
1843,  147  et  152  de  1847,  153  de  1849,  154  de  1850, 
157  de  1851,  158  de  1854,  161  de  1857,  162  de  1858, 
163  et  164  de  1859,  165  et  166  de  1860,  167  de  1862, 
169  de  1863,  el  170  de  1864. 

Dans  tous  ces  plans,  il  n'y  a  qu'un  plan  parcellaire, 
c'est  celui  de  1857  (n"  161),  dû  à  M.  Gérard;  il  serait  à 
désirer  que  l'on  en  fit  bientôt  un  nouveau  avec  les  chan- 
gements survenus  depuis  cette  époque. 

Le  nombre  de  plans  géométriques  est  de  quarante-huit, 
dont  seize  seulement  avant  l'invention  de  la  gravure  sur 
pierre,  vers  1830,  el  trente-deux  depuis  lors. 


—   14  — 

VI.   Plans  géométriquks  partiels. 

Ces  plans  ne  comprennent  qu'une  partie  de  la  ville, 
qu'un  quartier.  Les  premiers,  qui  sont  assez  anciens,  sont 
joints  à  des  notices  descriptives  de  la  partie  qu'ils  repré- 
sentent :  ainsi,  il  y  en  a  deux  de  l'ancien  Château  des 
Espagnols  en  1545  et  1678  {n°'  11  et  54)  et  deux  de 
l'ancienne  Abbaye  de  Saint- Pievre,  en  1781  (n°^  80  et  81). 
Les  autres,  qui  sont  plus  modernes,  sont  faits  pour  la  plu- 
part dans  un  but  d'amélioration.  Il  y  en  a  un  des  envi- 
rons du  A^outeoît  Bassin,  en  18^28  (n°  96),  trois  des  envi- 
rons de  la  Place  d'Armes,  en  18Â6,  1838  et  1850  (n°  1 19, 
122  et  155);  un  de  la  Nouvelle  Citadelle  en  1843  (n"  137), 
et  un  des  environs  du  Jardin  Zoologique  en  1854  (n"  159). 

Ces  plans  sont  au  nombre  de  dix. 


—    J5 


PLANS. 


Avant  1100. 

N"  \.  Croquis  de  l'cmplacemenl  entre  la  Lys  et  l'Escaut 
occupé  par  la  ville  tie  Gand,  avant  le  premier  agrandisse- 
ment par  l'addition  du  quartier  Saint-Michel,  opéré  au 
XI«  siècle. 

C'était  la  ville  militaire,  ou  Beerehem,  qui  devint  plus 
lard  le  port  de  Gand. 

On  y  voit  l'abbaye  de  Saint-Pierre  et  celle  de  Sainl- 
Bavon,  ainsi  que  le  Château  des  Comtes  el  celui  de  l'em- 
pereur Olhon. 

Avec  une  légende  de  A  à  L  pour  les  cours  d'eau,  édi- 
fices, etc.,  dans  le  texte. 

Les  rues  ne  sont  pas  indiquées. 

0,095  sur  0,06. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  La  Belgique  monu- 
mentale, historique  et  pittoresque,  par  MM.  H.  G.  Moke,  etc. 
Bruxelles,   1844.  Deux  volumes  in-S",  tome  I",  page  21. 

Après  1274. 

N"  2.  Croquis  de  l'emplacement  occupé  par  la  ville  de 
Gand  après  l'agrandissement  jusqu'au  Quai  au  Bois,  au 
XI^  siècle,  la  cession  du  terrain  entre  le  Haut  et  le  Bas- 
Escaut,  en  1254,  et  l'incorporation  du  Vieux-Bourg,  en 
1274.  La  partie  acquise  en  1254  n'est  pas  encore  fortifiée  : 
elle  ne  le  fut  qu'en  1290.  Les  abbayes  de  Saint-Pierre  et 
de  Saint-Bavon  sont  encore  en  dehors  de  l'enceinte. 

Avec  une  légende  de  A  à  M  pour  les  cours  d'eau,  édi- 


—  16  — 

fices,  elc,  et  une  de  sept  numéros  pour  les  portes,  dans  le 
texte. 

Les  rues  ne  sont  pas  indiquées. 

0,10  sur  0,07. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  La  Belgique  monumen- 
tale, historique  et  pittoresque,  par  MM.  H.  G.  Moke,  elc. 
Bruxelles,  1844.  Deux  volumes  in-8°.  Tome  P',  pag.  42. 

El  dans  celui  intitulé  :  Histoire  de  Belgique  par  Théo- 
dore Juste,  Z"  édition.  Bruxelles,  Jamar,  1850.  Deux  vo- 
lumes in-8°.  Tome  \'',  page  125. 

1300? 

N°  3.  Plan  intitulé  :  Plan  topographique  de  l'ancienne 
ville  ou  port  de  Gand  et  des  terrains  contigus. 
C.  L.  D.  (Diericx)  inv.  P.  J.  Goelghebuer  del. 

Avec  des  lellres  de  A  à  L,  B",  B'",  E",  E'",  et  H"  pour 
indiquer  l'origine  des  divers  agrandissements  de  la  ville, 
et  cent  trente-quatre  numéros  pour  les  ponts,  les  tours,  elc. 
Le  renvoi  à  ces  différentes  indications  est  dans  le  texte. 

On  n'a  indiqué  sur  ce  plan  que  les  cours  d'eau  et 
quelques  rues  principales. 

Il  n'y  a  en  fait  d'inscriptions  que  les  noms  des  quartiers, 
des  porles  et  des  églises  paroissiales. 

0,275  sur  0,215. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Appendice  aux  mé- 
moires sur  la  ville  de  Gand  avec  un  plan  topographique  de 
ladite  ville  et  des  explications  relatives  à  des  objets  particu- 
liers qu'on  y  trouve,  etc.,  par  C.  L.  Diericx.  Gand,  Snoeck- 
Ducaju,  1816.  Un  volume  in-8°. 


—  il  — 

1400. 

N"  4.  Plan  inlilulé  :  Plan  de  la  ville  de  Gand  en  1400 
dressé  par-  A.  M.  Perrot  pour  servir  à  la  lecture  de  lliis- 
toire  des  ducs  de  Bourgogne  par  M' de  Barante.  1826. 
Gravé  par  Pierre  Tardieu. 

Avec  une  rose  des  vents,  une  légende  de  A  à  V  pour 
les  églises  el  les  couvenls,  et  une  de  neuf  numéros  pour 
les  portes. 

Ce  plan  représente  assez  exactement  l'état  de  la  ville  de 
Gand  vers  1400,  à  part  quelques  erreurs.  Ainsi  la  cita- 
delle y  figure,  quoiqu'elle  n'ait  été  construite  qu'en  1540  : 
dans  la  légende,  le  n°  2,  intitulé  :  Porte  de  Bruges,  est  le 
Rabot,  qui  n'a  cependant  été  construit  qu'en  1489,  et  le 
n°  3,  intitulé  :  Waspoort,  est  la  porte  de  Bruges,  qui  por- 
tait alors  le  nom  de  Walpoort. 

0,17  sur  0,20. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Histoire  des  Ducs  de 
Bourgogne  de  la  maison  de  Valois,  1364-1477.  Par  de 
Barante,  3"=  édition.  Paris,  Ladvocat,  1825.  Onze  volumes 
u\-S°  el  un  atlas. 

1524. 

N"  5.  Vue  sans  litre  de  la  ville  de  Gand  :  une  banderole 
traverse  le  haut  de  la  vue  d'un  bout  à  l'autre,  avec  celte 
inscription  :  Nisi  dus  cuslodierit  civitalem  :  frustra  vigilat 
qui  custodit  eam.  Psalmo.  C.XXVI  {\).  Au-dessus  de  cette 
banderole  est  la  figure  de  Dieu  le  Père  à  gaucbe,  de  Dieu 
le  Fils  à  droite,  et  du  Saint-Esprit  au  milieu. 

C'est  une  vue  de  la  ville  prise  en  avant  de  la  porte 
d'Anvers. 

(1)  David. 


—  18  — 

Les  clochers  des  églises  y  ont  des  dimensions  exagérées  : 
les  noms  sont  inscrits  à  côté  dans  Tordre  suivant  :  S.  Pétri, 
Nre  Due,  S.  Quter,  S.  Bavo,  S.  Ch...ophori  {\),  Frm(i), 
S.  Joa.  bap.,  Capitoliu  (Beffroi),  S.  Micliael,  S.  Nicola, 
S.  Jacobi,  Arx  Julii  (Château  des  Comtes),  Auguslini, 
Têplari  (les  Templiers). 

Celte  vue  fait  partie  d'un  grand  tahleau  très-curieux 
ayant  0™,74  de  longueur  sur  O^'.oO  de  hauteur.  En  dessous 
de  la  vue  est  assise  la  pucelle  de  Gand  dans  son  hastion, 
s'appuyant  d'une  main  sur  le  lion  de  Flandre  et  tenant  de 
l'autre  son  étendard. 

Cent  et  un  écussons  des  nobles  bourgeois  de  Gand 
forment  l'encadrement  avec  cette  inscription  :  Dese  voor- 
gaende  wapenen  zyn  die  wapenë  van  den  Edelen  porlers 
van  Ghendt,  alzo  zy  van  hautstydê  in  schepenen  boitck  staen. 

Hier  naer  volghen  die  wapenë  van  den  neeringhë  van 
Ghendt  ende  die  ambachten  (au  nombre  de  cinquante-cinq 
et  quatre  blasons  en  blanc). 

Ce  tableau  a  pour  souscription  : 

Gheprêt  te  Glièdt  by  Pieter  de  Keysere  by  Sinte  Veerhilde 
plaetse  by  der  cranen  anno  MCCCCCXXIIIJ. 

Gravure  sur  bois  en     feuilles. 

0,275  sur  0,095. 

Cet  exemplaire,  probablement  le  seul  qui  existe  encore 
de  cette  gravure,  fait  partie  de  la  collection  de  feu  M"" 
P.-J.  Goelghebuer,  à  Gand.  Il  avait  toujours  appartenu  à 
la  famille  Van  Lede,  dont  le  blason  figure  dans  les  armoi- 
ries du  tableau.  M.  Goelghebuer  en  est  devenu  propriétaire 
quelques  jours  avant  la  mort  du  vénérable  Pierre  Van  Lede, 
archiviste  de  la  province  de  la  Flandre  occidentale  (s). 

(1)  La  chapelle  des  Foulons,  située  vis-à-vis  des  Capucins,  temple  protes- 
tant acluel,  était  dédiée  à  saint  Ciirislophe. 

(2)  Les  Frères  mineurs  ou  Récollets,  où  est  maintenant  le  Palais  de  Justice. 

(3)  Voisin,  Histoire  des  bibliothèques,  1840. 


—  19  — 

1S24. 

N«  6.  Vue  intitulée  :  Gand  en  MDXXIV. 
D'après  une  gravure  de  ta  coll"^  de  P.  Goetghebuer. 
Cil.  Onghena  se. 
C'est  une  copie  de  la  vue  précédente. 

0,27S  sur  0,107. 

Celte  planche  est  jointe  à  la  présente  notice. 

1554. 

N"  7.  Plan  intitulé  :  Ganda  GalUe  Belgice  civitas  maxi- 
ma.  1554. 

Avec  une  légende  de  196  numéros  dans  le  texte,  ayant 
pour  titre  :  Aenwyzings-tafel  der  kerken,  klooslers,  gods- 
huyzen,  openbuere  gebouwen  en  gesliglen,  voornaemste  6e- 
zondere  gebouwen,  poorten,  bruggen  enz.  enz.  begrepen 
in  het  plan  van  Gend,  zoo  als  die  slad  in  heljaer  1554 
beslond,  voor  het  afbreken  der  S.  Baefs-stede. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau,  prise  en  avant  de  l'abbaye 
de  Saint-Bavon. 

Les  objets  placés  au  premier  plan  sont  bien  détaillés, 
tandis  que  ceux  placés  au  dernier  sont  plus  confus.  Ainsi 
les  portes  d'Anvers  (Spitael  of  Anne  poort),  de  Termonde 
(qui  n'existe  plus),  et  de  Bruxelles  {de  l'Empereur)  sont 
représentées  en  détail  et  paraissent  très-importantes.  Toute 
l'abbaye  de  Saint-Bavon,  sur  l'emplacement  de  laquelle 
Charles-Quint  construisit  en  1540  le  Château  des  Espa- 
gnols, est  bien  dessinée  aussi  :  tandis  que  le  quartier 
d'Akkergem,  les  environs  de  la  porte  de  Bruges  et  du 
Rabot  jusqu'à  la  porte  du  Sas  (Muydepoorl)  sont  assez 
mal  indiquées. 

Dans  l'intérieur  de  la  ville,  on  voit  encore  un  grand 


—  20  — 

nombre  de  portes  qui  ont  été  démolies,  entre  autres,  la 
Koeipoorte  (porte  aux  Vaches)  et  la  Steenpoorle  (porte  des 
Pierres),  situées  Tune  sur  le  Quai  aux  Vaches  et  l'autre  à 
Textrémilé  de  la  rue  Digue  de  Brabant,  près  du  temple 
actuel  des  prolestants,  que  Charles-Quint  fit  démolir  en 
1540.  On  y  voit  aussi  la  Tour  Rouge  ei  la  Tour  aux  Cra- 
pauds, qu'il  fit  démolir  en  1541,  ainsi  que  la  poterne  dite 
de  Cunppoorte,  placée  en  face  de  la  rue  de  la  Vallée,  qu'il 
fit  démolir  en  1542  (le  pont  sur  la  Lys,  vis-à-vis  de  celte 
poterne,  n'existe  déjà  plus  sur  ce  plan).  L'écluse  du  Cmip- 
gate  ou  Groolen  spey  y  est  encore;  elle  n'a  été  démolie 
qu'en  1780.  La  Zandpoorte,  la  Beslormpoorte  el  la  Torrc- 
poorte,  situées  toutes  trois  sur  la  Lys  au  bois,  s'y  voient 
encore;  la  première  a  seulement  été  démolie  en  1863,  la 
seconde  l'a  été  en  1842,  et  la  troisième  l'est  depuis  1561. 
On  voit  aussi  la  Braempoorte  sur  le  pont  du  Moulin  à  eau; 
elle  fut  démolie  en  1562. 

L'oratoire  de  Saint-Pierre  est  représenté  tel  qu'il  était 
avant  sa  démolition  par  les  iconoclastes  de  1566  à  1580. 
La  tour  de  l'église  Saint-Nicolas  est  surmontée  d'une 
flèche.  L'hôtel-(le-ville  était  en  construction,  de  sorte  que 
ce  qu'on  en  voit  doit  être  la  tourelle  à  trois  fenêtres  où  est 
maintenant  l'escalier,  et  qui  devait  être  la  seule  partie 
achevée  alors. 

Le  Cailler  (Place  d'Armes)  paraît  être  une  vaste  prairie. 

On  voit  encore  beaucoup  de  maisons  fortifiées,  et,  entre 
autres,  celle  appelée  Château  de  Gérard  le  diable,  sur  le 
Bas-Escaul,  près  du  pont  de  la  Vigne,  et  celle  appelée 
Hoog-huys,  rue  aux  Vaches  :  toutes  deux  existent  encore. 

Les  bâtiments  de  la  Cour  du  Prince,  qui  devaient  en- 
core être  alors  au  complet,  n'y  sont  pas  représentés,  pro- 
bablement à  cause  de  l'éloigiiement. 

L'enceinte  n'est  pas  fortifiée  :  on  n'y  voit  un  mur  avec 


—  21  — 

des  lours  qu'autour  de  la  ville  de  Saint-Bavon  :  de  là  jus- 
qu'à la  porte  du  Sas  et  la  porte  de  Bruges,  il  n'y  a  que 
des  fossés.  De  la  porte  de  Bruges  au  saillant  dit  't  Einde 
Weere,  il  y  a  un  mur  crénelé  avec  tours,  puis  jusqu'à 
la  porte  de  Courtrai  plus  rien.  De  celte  porte  à  celle  de  la 
Colline,  des  palissades.  Puis  la  place  est  encore  tout-à-fait 
sans  défense,  excepté  entre  la  porte  Saint-Liévin  et  la 
porte  de  Bruxelles,  où  il  y  a  aussi  des  palissades. 

Ce  plan  a  été  gravé  eu  1825  par  M""  Ch.  Onghena 
d'après  un  tableau  peint  en  1334,  appartenant  à  M""  P.-J. 
Goetghebuer.  Il  est  gravé  au  trait  et  colorié  à  la  main. 

0,595  sur  0,435. 

Ce  plan  a  d'abord  été  vendu  par  souscription  chez 
P. -F.  de  Goesin-Verhaeghe,  au  prix  de  10  florins  des 
Pays-Bas.  Il  a  ensuite  été  joint  à  l'ouvrage  intitulé  :  De 
historié  van  Belgis,  of  kronyke  der  Nederlandsche  oud- 
heyd,  etc.,  par  Marcus  van  Vaernewyck.  Gand,  D.  J.  Van 
der  Haeghen,  1829.  Deux  volumes  in-8». 

1534. 

N"  8.  Plan  intitulé  :  Kaert  van  het  onde  Gent. 
Naer  eene  schildery  van  1 534  ontworpen  voor  het  iverk 
Jacob  va?i  Artevelde  door  H.  Conscience. 

/.  Hemeleer  scP .  Drukkery  van  J.  E.  Buschmann. 
Avec  une  légende  de  cent  trois  numéros  dans  le  texte. 
C'est  une  copie  du  plan  précédent. 
0,595  sur  0,43. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Jacob  van  Artevelde. 
door  Hendrik  Conscience.  Anvers,  Buschmann,  1849. 
Trois  volumes  in-8''.  Le  plan  est  à  la  fin  du  troisième 
volume. 


—  22  — 


1534. 


N»  9.  Vue  intitulée  :  Abbaye  de  S^-Bavon  à  Gand. 

Fac-similé  du  plan  de  1 534.  Collection  de  3P  P.  J.  Goet- 
ghebiter.  Gand.  Lilh.  de  De  Bussclier  frères. 

C'est  une  copie  d'une  partie  du  tableau  de  M.  Goelghe- 
buer,  à  une  échelle  plus  grande  que  les  pliins  précédents, 
représentant  seulement  l'abbaye  de  Saint-Bavon. 

0,4S  sur  0,20. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Les  ruines  de  r abbaye 
de  Saint-Bavon,  à  Gand,  par  Edmond  De  Bnsscher.  Gand, 
De  Busscher,  18S3,  l'^^  édition.  Un  volume  in-S"  et  2«  édi- 
tion, un  volume  in-4'',  18S4,  3«  édition,  un  volume  in-S*. 

1539. 

N°  10.  Vue  de  la  ville  de  Gand,  sans  titre,  prise  entre 
la  porte  de  Termonde  et  la  porte  d'Anvers. 

Au  premier  plan,  on  voit  la  première  de  ces  portes  à 
gauche,  et  la  seconde  à  l'extrême  droite  :  elles  sont  reliées 
par  un  mur  crénelé  avec  tours,  qui  entoure  également 
toute  la  ville  de  Saint-Bavon.  Au  second  plan,  se  trouve 
l'église  de  Saint-Bavon,  dont  la  représentation  paraît  avoir 
été  le  but  du  tableau.  Au-dessus  coule  le  Bas-Escaut  et  la 
Lys,  sur  lesquels  on  voit  le  pont  de  bois  qui  communiquait 
au  quartier  de  Saint-Bavon,  ainsi  que  les  ponts  de  la  Tour 
Rouge  et  de  Saint-Georges,  avec  les  portes  qui  en  défen- 
daient le  passage. 

Enfin,  au  dernier  plan  s'élèvent  les  clochers  des  églises 
Saint-Pierre  et  Notre-Dame  d'abord,  puis  Saint-Jean  (Saint- 
Bavon),  Saint-Nicolas  et  Saint-Jacques  avec  ses  trois 
flèches. 

Cette  vue  a  été  gravée  par  Constant  Onghena  en  1827, 


—  25  — 

d'après  un  tableau  du  chapitre  de  la  cathédrale  de  Gand, 
peint  par  L.  D'IIeere  en  1564,  ayant  environ  3  m.  de 
largeur  et  2  m.  de  hauteur  (i). 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M""  P.  J.  Goetghebuer, 
à  Gand. 

1545. 

iV**  11.  Plan  sans  titre  des  terrains  situés  entre  la  porte 
du  Sas  et  l'ancienne  porte  de  Sainl-Bavon.  PL  III. 

Avec  une  légende  de  cinquante-sept  numéros. 

Ce  plan  donne  le  Château  des  Espagnols  et  les  terrains 
environnants,  limités  au  canal  du  Sas,  à  la  Lys,  à  l'Escaut 
et  au  Rielgracht. 

Le  plan  du  Château,  construit  par  Charles-Quint  de 
1540  à  1545,  a  été  copié  d'après  un  plan  manuscrit  qui 
se  trouve  aux  archives  de  la  ville. 

0,665  sur  0,265. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Château  des  Espagnols, 
à  Gand,  par  A.  Van  Lokeren.  (Extrait  du  Messager  des 
Sciences  historiques,  Gand,  L.  Hebbelynck,  1848). 

1550-1552. 

N°  12.  Plan  intitulé  :  Topographîa  ac  chorographia  iir- 
bis  Gandensis. 

Avec  les  armes  de  Flandre  à  la  partie  supérieure  à 
gauche  et  celles  de  Gand  à  droite,  et  une  rose  des  vents. 

C'est  un  plan  à  vol  d'oiseau  :  les  maisons  et  les  édifices 
y  sont  vus  en  élévation  et  toutes  les  rues  sont  parfaitement 
indiquées.  Le  Château  des  Espagnols,  construit  en  1540, 


(1)  Il  y  avait  autrefois  trois  copies  d'après  ce  tableau,  dont  une  aux  armes 
de  Viglius  de  Zuichem,  président  du  conseil  d'état,  prévôt  de  Saint-Bavon,  à. 
Gand;  celle-ci  se  trouve  maintenant  à  riiôlel-de-ville  de  Gand. 


—  24   - 

occupe  le  haut  du  plan.  Les  églises  sont  presque  toutes 
entourées  d'un  cimetière.  La  ville  n'est  pas  encore  forti- 
fiée :  on  n'y  voit,  comme  sur  le  plan  de  1534,  qu'un  mur 
avec  des  tours  entre  la  porte  de  Bruges  et  l'endroit  nommé 
U  Einde  Weere,  et  une  espèce  de  rempart  en  terre  entre 
la  porte  de  Courlrai  et  la  porte  de  la  Colline,  entre  la 
porte  Saint-Liévin  et  la  porte  de  Bruxelles,  et  entre  la 
porte  du  Sas  et  une  porte  située  à  l'extrémité  de  la  rue  des 
Meuniers,  qui  a  été  supprimée  dans  la  suite  et  où  il  y  a 
maintenant  un  passage  d'eau.  Sur  ces  remparts  sont  con- 
struites des  petites  tours  ou  des  guérites  en  briques.  On 
voit  aussi  sur  ce  plan,  aux  environs  de  la  ville,  le  hameau 
de  Kerkstraet,  et  le  couvent  des  Chartreux,  qui  n'a  été 
transféré  en  ville  qu'en  1586. 

Ce  plan  a  été  levé  par  Jan  Otho  (i),  par  ordre  des  éche- 
vins  et  a  été  gravé  sur  bois.  Il  a  été  reproduit  plusieurs 
fois  depuis,  en  1567,  1575,  1581. 

0,54  sur  0,245. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M""  P.  J.  Goetghebuer, 
à  Gand. 

1567. 

N"  15.  Plan  intitulé  :  Giianto. 

Avec  une  rose  des  vents,  les  armes  de  Flandre  et  de 
Gand,  et  une  légende  de  59  numéros  en  italien. 
C'est  une  copie  du  plan  de  1550  (N"  12). 

0,54  sur  0,245. 
Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Descrittione  di  M.  Lu- 


(1)  Otho  ou  Oste  (Jean),  né  à  Bruges  el  mort  à  Duisbourgen  1581.  Ulustre 
professeur  de  langues  grecque  el  latine,  auteur  de  plusieurs  ouvrages,  entre 
autres  :  Drevis  descriplio  ecor,  quac  à  S.  P.  Q  Gand,  Philippo  Austri. 
Caro.  V.  Caesar.  Princip.  Flandriar.  filio,  haeredi  et  fuluro  Principi  Flan- 
driar.  exibila  Gandavi,  tertio  Idus,  Jul.  An.  MDXXXXVIUJ.  Gand,  C.  Ma- 
nilius.  Un  volume  in-i». 


o 


lio 


dovico  Guicciardini  patritio  Fiorentino,  di  tiiUi  paesi,  altri- 
menli  detti  Germania  inferiore.  Con  phi  carte  di  geographia 
del  paese,  et  col  rilralo  naturale  di  piit  terre  principaii  al 
gran  re  cattolico  Filippo  d'Aulria  con  amplissimo  indice 
di  lutte  le  cose  pin  memorabili  scrutamini.  In  Anverca. 
1567.  Appresso  Gnlgielmo  Silvio,  stampalore  regio.  Ud 
volume  pelil  iii-folio;  pp.  199  el  200. 

El  dans  l'édition  française  du  même  ouvrage,  ayant  pour 
titre  :  Description  de  tout  le  Païs  Bas  autrement  dict  la 
Germanie  inférieure  ou  Basse- Allemaigne,  par  Messire 
Ludovico  Guicciardini.  Anvers,  Guillaume  Silvius,  1567. 
(Jn  volume  petit  in-folio;  pp.  300  el  301  (i)- 

Ainsi  que  dans  Tédilion  française  de  1568,  qui  a  le 
même  litre. 

1575. 

IV"  14.  Plan  intitulé  :  Gandamim,  amplissima  Flandriae 
urbs,  à  Julio  Caesare  condita,  et  à  suo  nomine  Caio,  ut 

chronici  Brabantini  loquuntur,  etc et  annuos  provitus 

amplissimos.  Carolo  V.  Aug.  vilae  principium  dédit.  Ha- 
dria  :  Barl.  Cum  privilegio. 

Avec  les  armes  de  Flandre  et  de  la  ville  de  Gand  à  la 
partie  supérieure,  el  une  légende  de  103  numéros  pour  les 
églises,  couvents,  etc. 

Ce  plan  a  été  fait  avec  les  mêmes  matériaux  que  celui  de 
1550(n°  12),  mais  il  est  beaucoup  plus  complet.  Il  me  sera 
donc  plus  facile  d'en  donner  la  description,  et  de  noter  les 
particularités  que  l'on  rencontre  dans  l'intérieur  de  la  ville. 

On  y  remarque  d'abord  un  grand  nombre  de  couvents 
qui  n'existent  plus  maintenant.  Le  Château  des  Comtes, 
ainsi  que  la  Cour  du  Prince,  y  sont  fidèlement  représen- 

(1)  Dans  celte  édition  le  litre  est  Gandt,  cl  la  légende  est  en  français. 


—  26  — 

lés  :  à  rentrée  de  celle-ci,  du  côté  de  la  ville,  il  y  a  un 
passage  portant  le  no  90,  intitulé  :  S.  Wide.  L'hôtel-de-ville 
n'est  pas  encore  achevé.  L'église  de  Saint-Sauveur  est  peu 
importante  :  elle  n'a  été  reconstruite  qu'en  1560.  Le  cou- 
vent des  Chartreux  est  encore  hors  de  la  ville  :  il  a  été 
transféré,  en  1584,  dans  son  enceinte.  La  Tour  Rouge, 
démolie  en  1541,  n'y  est  plus,  tandis  que  les  autres  portes 
qui  n'ont  été  démolies  qu'en  1561  et  1562  et  plus  lard, 
telles  que  le  Torrepoorte,  Posterne  et  Zimdpoorle,  sur  la 
Lys  au  Bois,  et  Braempoorle,  y  figurent  encore.  On  y  voit 
cependant  encore  la  Steenpoorte,  qui  doit  avoir  été  démolie 
en  1540.  La  porte  Saint-Georges  existe  encore,  ainsi  que  la 
porte  Grise,  à  côté  de  laquelle  est  l'écluse  {Sluzekin),  où 
est  encore  maintenant  le  pont  des  Écluses  et  la  place  du 
même  nom. 

Le  Marché  au  fil  est  appelé  Tplaetsekin,  la  Place  de  la 
Calandre,  Calandberg,  la  rue  des  Violettes,  Groenhoye,  la 
rue  du  Repentir,  Tberau. 

On  voit  encore  des  restes  de  fortifications  à  l'intérieur 
de  la  ville  entre  le  pont  de  Turnhoul  et  le  pont  de  la  Po- 
terne, et  à  la  hauteur  du  pont  des  Cinq  Vannes.  Le  châ- 
teau appelé  Wandelaertkasteel ,  existe  encore.  On  y  voit 
deux  tirs  à  l'arc,  l'un  sur  le  Cauter  et  l'autre  près  du  pont 
du  Pré  d'Amour. 

Nous  avons  déjà  vu  quel  était  l'étal  des  fortificalions  à 
celle  époque  à  propos  du  plan  de  1550  (n^  12). 

C'est  une  gravure  sur  cuivre,  exécutée  en  1575,  par 
Philippe  Galle,  tellement  bien  exécutée  qu'on  y  aperçoit 
le  groupe  qui  se  trouvait  sur  le  pont  aux  Exécutions, 
ainsi  que  d'autres  petits  détails  très-intéressants. 

0,465  sur  0,32. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Thealrum  urbium  et 
civilatum  orbis  terrarum,  par  Georgius  Braun  et  Francis- 


—  27  ~ 

eus  Hohenbergius  (i).  Cologne,  1572-1  CI 6.  Six  volumes 
in-folio. 

Le  premier  volume,  dans  lequel  se  trouve  ce  plan,  a 
pour  litre  :  Civitates  oi^bis  terrarum.  Liber  primiis.  N»  15. 

Il  se  trouve  aussi  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Urbhtm  tothis 
Belgii  seii  Germaniae  inferioris  nobilioriim  et  illuslriorum 
tabulae  antiquae  et  novae  accuraiissimi  elaborulae.  A  Am- 
stetodami  apiid  Johannem  Janssonitim.  1657.  Trois  vol. 
in-folio.  Première  partie. 

1576. 

N°  15.  Vue  intitulée  :  Gendt. 

C'est  une  scène  de  la  reddition  de  la  citadelle  de  Gand 
qui  eut  lieu  le  1 1  novembre  1576  :  elle  était  défendue  par 
cent  cinquante  hommes  de  troupes  espagnoles,  ayant  à  leur 
télé  IM'"^  Mondragon. 

La  vue  représente  la  citadelle  à  vol  d'oiseau;  le  pont 
est  couvert  de  monde. 

Au  premier  plan,  en  avant  de  la  citadelle,  on  voit  le 
comte  de  Roeulx,  gouverneur  de  Flandre,  et  iM'"^  Mon- 
dragon. 

0,28  sur  0,185. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  De  leone  Belgico, 
ejusq.  topographica  alq.  historica  descrtptione  liber  qiiinq. 

(1)  HoGEMBERG  (Fpaiiçois),  dessinateur  et  gi'aveiir  au  burin,  né  à  Malines 
vers  1533,  travailla  à  Cologne,  où  il  mourut  en  1390.  C'élail  le  frère  puiné 
de  Rémi,  qui  grava  le  premier  au  burin  en  Angleterre.  Ils  sont  probablement 
fils  de  Jean  Nicolas,  peintre  et  graveur,  né  à  Munich  en  1300,  qui  se  fixa 
dans  la  ville  de  Malines,  où  il  mourut  en  1334.  Cliarles  Leblanc  cile  de  lui 
une  suite  de  soixante-deux  gravures  et  dit  qu'il  a  fait  les  cartes  de  France  et 
de  Belgique  de  l'atlas  de  Daxton,  celles  pour  CivUales  orbis  terrarum  de 
G.  Braus,  Cologne,  1572,  et  celles  pour  Theatrum  orbis  terrarum  de  A.  Orte- 
Lius,  Anvers,  1370.  Quant  à  ce  dernier  ouvrage  il  est  dans  l'erreur;  le  Leone 
Belgico,  de  Aïtsinger,  n'est  pas  cité  par  contre.  —  Manuel  de  l'amateur  d'estam- 
pes, t.  I",  p.  369,  et  Notice  sur  François  Hogenberg,  par  Félix  Goethals  [^Mes- 
sager des  Sciences,  1829-1850,  t.  VI,  p.  143). 


—  28  — 

parlibus  giibernalonim  Philippi  régis  Hispaniarum  ordine 
dislmctîts,  insuper  eleganlissimi  illius  artiflcis  Francisci 
Hogeiibergii,  208  figuris  ornatus;  rerumque  in  Belgio 
maxime  gestarum  inde  ab  anno  Chrisli  1 579  iisque  ad  an- 
num  \dS7  perpétua  narralione  continuatus.  Michaele  Ait- 
singero  Auslriaco  auclore .  Cum  privilégia  Caesareo,  Fran- 
cisco Hogenberg.  concesso,  elc.  1587.  Uu  volume  in-i", 
page  195. 

Et  dans  l'édition  allemande  du  même  ouvrage,  qui  a 
pour  titre  :  Eistoria  unnd  ab  contra  feylungh  fiirnemlich 
der  Niderlendischer  geschichten  und  kriegshendelen  mit 
hochstem  fleisz  beshrieben  durch  Merten  von  Mancucl. 
1593.  Un  volume  in-4°.  Page 

1581. 

N"  16.  Plan  intitulé  :  Gandavum.  48. 

Les  armes  de  Flandre  se  trouvent  à  la  partie  supérieure 
à  gauche,  et  celles  de  à  droite. 

On  ne  voit  plus  qu'un  front  de  la  Citadelle  des  Espagnols, 
les  fronts  du  côté  de  la  ville  ayant  été  démolis  par  les 
bourgeois  en  1577.  Celle-ci  occupe  le  haut  du  plan.  Les 
édifices  et  les  maisons  sont  vus  en  élévation. 

L'enceinte  de  la  ville  est  bastionnée  :  ces  fortifications 
ont  été  construites  de  1571  à  1579. 

Le  canal  du  Sas  s'y  trouve;  mais  le  canal  de  Bruges 
creusé  en  1613  n'y  est  pas  encore. 

Ce  plan  est  aussi  une  copie  de  celui  de  1550  (N°  12). 

0,31  sur  0,23. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Descrittione  de  M^  Lu- 
dovico  Guicciardino  patritio  Florentino,  di  tutti  i  Paesi 
Bassi,  altrimenti  detti  Germania  inferiore.  Anvers,  Guil- 
laume Silvius.  1581.  Un  volume  petit  in-folio.  Pages  396 
cl  397. 


—  29  — 

El  dans  rédilion  française  du  même  ouvrage  ayant 
pour  litre  :  Description  de  toiits  les  Païs-Bas,  autrement 
appelés  la  Germanie  inférieure  ou  Basse- Allemagne,  par 
Messire  Louis  Guicciardin,  gentilhomme  Florentin.  Anvers, 
Christophe  Plantin.  1382.  Un  volume  petit  in-folio,  pag.  504. 

Et  dans  l'édition  italienne  du  même  ouvrage  :  Anvers, 
Christophe  Plantin.  1588.  Un  volume  petit  in-folio. 

1390. 

N"  17.  Plan  intitulé  :  Enceinte  fortifiée  de  la  ville  de 
Gand,  en  1590,  par  Jean  de  Buck,  d'après  un  plan  con- 
servé aux  archives  de  la  ville  de  Gand. 

Lilh.  Simonau  et  Toovey. 

Mémoires  couronnés  et  mémoires  des  savants  étrangers. 
Tome  XXV.  Mémoire  de  M.  Van  der  Meersch. 

Avec  une  légende  de  trente  numéros. 

On  ne  voit  sur  ce  plan  que  les  ouvrages  de  fortification 
construits  en  1577  el  1578;  la  Citadelle  des  Espagnols  est 
en  entier  :  elle  avait  été  reconstruite  de  1584  à  1588.  On 
y  voit  aussi  les  cours  d'eau  qui  traversent  la  ville,  c'est-à- 
dire  l'Escaut,  la  Lys  et  la  Lieve  et  une  quantité  de  petits 
embranchements  qui  existent  encore  tous. 

0,47  sur  0,55. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Mémoire  sur  la  ville 
de  Gand,  considérée  comme  place  de  guerre;  par  P.  C.  Van 
der  Meersch,  conservateur  des  archives  de  CÊtat  et  de  la 
Flandre  orientale .  [Présenté  à  la  séance  du  7  mars  1855j. 
Académie  royale  de  Belgique.  {Extrait  du  T.  XXV  des 
mémoires  couronnés  et  mémoires  des  savants  étrangers.) 
Bruxelles,  1855.  Un  volume  in-i". 


—  50  — 

1595. 

N°  18.  Plan  intilulé  :  Gandavum. 

Les  édifices  sont  vus  en  élévation. 

La  Citadelle  des  Espagnols  est  entière  et  occupe  le  haut 
du  plan.  Les  environs  y  sont  aussi  représentés.  Ce  plan 
est  peu  exact. 

Gravure  sur  bois  dans  le  texte. 

0,095  sur  0,07. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  inlilulé  :  Parviim  thealrtim 
urbium  site  urbiiim  praecipiiarum  tolius  orbîs  brevis  et 
melhodica  descriptio.  Aulhore  Adriano  Romano.  E.  A. 
Cum  gralia  et  privilégia  Cesareœ  majestatis  speciuli  ad  de- 
cennium.  Francoforti  ex  ojjîcina  typogruphica  Nicolai  Bas- 
sœi.  Anno  1595.  Un  volume  petit  in-i".  Pag. 

1600. 

N"  19.  Vue  sans  titre  de  la  ville  de  Gand,  prise  d'un 
point  qu'on  ne  peut  pas  bien  définir,  tellement  le  tout  est 
confus. 

Le  devant  de  la  vue  est  occupé  par  deux  figures  de 
fleuves.  Au-dessus  volent  deux  amours  avec  des  bande- 
roles. La  vue  de  la  ville  est  très-insignifiante  en  elle-même 
et  n'occupe  qu'une  très-pelite  partie  de  la  planche. 

Cette  vue  se  trouve  sur  un  frontispice  ayant  l'inscription 
suivante  : 

Descriptio  pompas  et  gratulalionis  publicae,  serenissimis 
paient issi mi sq.  principibus  Alberto  Maxaemyliani  II .  Imp. 
filio,  et  Isabellae  Clarae  Eugeniae  Philippi  II,  catholici 
régis  filiae,  etc. 

0,205  sur  0,08. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  inlilulé  :  Historica  narralio 


—  51   — 

profectionis  et  inauguralionîs  serenissimorum  Belgii  prin- 
cipum  Alberli  et  Isabellae,  Austiiae  archidiiciim . 

1G07. 

N"  20.  Vue  intitulée  :  Ghendt. 

Cette  vue  est  prise  d'un  endroit  que  l'on  ne  peut  pas 
bien  préciser. 

0,047  sur  0,055. 

Se  trouve  sur  la  carte  intitulée  :  Germaniae  inferioris 
omnium  accw^itissima  et  nova  descriplio  auclore  Pelro 
Kaerio.  Pelrus  Kœrius  coelavit  et  excudit  Amstelodami. 
1607. 

Celte  carte  fait  partie  de  la  collection  de  M.  le  chanoine 
Henrolle,  à  Liège. 

1608. 

]V°  21.  Vue  intitulée  :  Ghendt. 

Cette  vue  parait  être  prise  du  côté  de  Genibrugglie  :  ou 
voit  à  gauche  la  porte  Saint-Liévin,  puis  la  porte  de  Bruxel- 
les, et  à  droite  la  porte  d'Anvers  au-delà  de  la  citadelle  des 
Espagnols.  Au-dessus  des  remparts  s'élèvent  les  églises  de 
la  ville.  Au  premier  plan  coule  le  Bas-Escaut  qui  sort  de 
la  ville  près  de  la  porte  de  Bruxelles.  Sur  ses  bords  sont 
des  moulins  à  vent  et  des  potences. 

Les  bords  du  cadre  sont  arrondis.  Cette  vue  a  été  repro- 
duite dans  l'ouvrage  de  Guichardin  (N'^  24  de  1613). 

0,185  sur  0,10. 

Se  trouve  sur  la  carte  intitulée  :  Nova  et  accurata  totius 
XVII  provinciae.  1608. 

Ghedruckt  l" Amsterdam  bij  Willem  Janssoon  op't  water 
in  de  zonnewijser. 

Il  se  trouve  encore  sur  celle  carte  dix-neuf  autres  vues 


—  3^2  — 

formant  rencadremenl  sur  les  deux  côtés  :  elles  sont  ce- 
pendant sur  des  feuilles  séparés. 

1608. 

N°  22.  Vue  intitulée  :  Gandavum. 

Celte  vue  parait  élre  prise  entre  la  porte  du  Sas  et  la 
porte  de  Bruges  :  le  Rabot  serait  au  milieu.  On  y  voit 
I  église  Saint-Jean  (Saint-Bavon),  le  Beffroi,  etc. 

0,08  sur  0,043. 

Se  trouve  sur  la  carte  du  comté  de  Flandre  (N"  14  des 
cartes)  qui  fait  partie  de  l'ouvrage  intitulé  :  Pelri  Kœrii 
Germania  inferior,  etc.  Un  volume  in-folio,  p.  57. 

1612. 

N°  23.  Plan  intitulé  :  Gandavum  67. 

Les  armes  de  Flandre  se  trouvent  à  la  partie  supérieure 
à  gauche  et  celles  de à  droite. 

C'est  une  copie  du  n°  1 6  de  1 58 1 . 
0,31  sur  0,23. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Beschryvinghe  van 
aile  de  Nederlanden  anderssins  ghenoemt  Neder-Duyldandt, 
door  M.  Lowys  Guicciardijn  edelman  van  Florencen  :  etc. 
Amsterdam.  Willem  Jansz.  1612.  Un  volume  in-folio, 
pag.  288. 

El  dans  l'édition  laline  du  même.  Amsterdam,  Jansso- 
nius,  1613.  Un  volume  in-folio,  pag. 

El  dans  l'édition  laline  du  même  :  Amsterdam,  J.  Jans- 
sonhis,  1624.  Un  volume  in-folio,  pag.  253. 

Et  dans  l'édition  française  du  même  :  Amsterdam,  Jean 
Janssonhis,  1625.  Un  volume  in-folio,  pag.  330. 


—    00    — 

El  dans  l'édition  laliiie  du  même  :  Amsterdam,  J.  Jans- 
sonhts,  1646.  Un  volihji^e  in-folio,  pag.  130. 

El  dans  Tédilion  hollandaise  du  même  :  Amsterdam, 
Jean  Janssonius,  1648.  Un  volume  in-folio,  pag.  285. 

1613. 

N"  24.  Vue  inlilulée  :  Ghendt. 

Avec  les  armes  de  Flandre. 

C'esl  une  copie  du  n"  21  de  1608. 

0,20  sur  0,145. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Description  de  touts 
les  Pays-Bas  par  Messire  Loys  Gidcciardin  G.  H.  Floren- 
tin, avec  toutes  les  cartes  géographiques  desdits  pays,  et 
plusieurs  pourtraicts  de  villes  nouvellement  tierez  en  belle 
perspective,  par  M.  Pierre  du  Keere  :  de  rechef  illustrée  de 
plusieurs  additions  remarquables,  par  Pierre  du  Mont. 
L'an  1613.  Arnhemi  apud  Joannem  Janssoni  et  Petrum 
Koerium.  Amslerodamum.  Un  vol.  in-4°  oblong.  pag.  428. 

El  dans  l'édition  latine  du  même  :  Arnhemii,  ex  offîcina 
Joannis  Janszonii,  1616.  Un  volume  in-4°  oblong.  p.  375. 

Et  dans  l'édition  hollandaise  du  même  ;  Amsterdam,  bij 
W.Jantz,  1612;  in-fol.,  fig.  vél.,  pag.  553. 

El  dans  l'édition  française  du  même  :  Réimprimé  à 
Campen  chez  Arnoud  Benier  pour  Henry  Laurenls  liberaire 
demeurant  à  Amsterdam  sur  Veau.  1 641 .  Un  volume  in-4'* 
oblong.  Pag.  428. 

1633. 

N"  25.  Vue  intitulée  :  Ghendt. 

Celte  vue  est  prise  du  même  point  que  le  n"  21  de  1608 
et  en  est  une  copie. 

0,063  sur  0,045. 

3 


—  34  — 

Se  trouve  sur  la  carie  inlilulée  :  Comitatits  Flandrîa,  etc. 
(û"  23  des  caries),  qui  fait  partie  de  l'ouvrage  intitulé  : 
Belgtum  sive  Germania  inferior,  etc.,  par  N.-J.  Piscator, 
1634.  Un  volume  in-folio. 

1635. 

N°  26.  Plan  inlitulé  :  Gent. 

Avec  un  écusson  en  blanc  el  une  légende  de  28  numéros 
pour  les  édlGces  remarquables. 

On  ne  voit  plus  dans  ce  plan  qu'un  front  de  la  citadelle 
des  Espagnols,  qui  occupe  le  haut  du  plan.  Le  canal  de 
Bruges,  construit  en  1613,  n'y  est  pas  encore. 

Les  édifices  et  les  maisons  sont  vus  en  élévation. 

Ce  plan  est  une  copie  réduite  du  n°  16  de  1581. 

0,135  sur  0,11. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Belgîcae,  sîvemferîo- 
ris  Germaniae  descriptio  :  auctore  Liidovico  Guicciardino. 
Amsterdam,  G.  Blaeu,  1635.  Trois  parties  en  deux  volu- 
mes petit  ia-12.  Tom.  I,  pag.  313. 

1635. 

j\o  27.  Vue  intitulée  :  Sur  gère  quae  rulilo  spectas  incen- 
dia coelo  Fernandi  succendit  amor.  41. 

C'est  une  vue  de  la  place  d'Armes  (Cauter)  prise  vis-à- 
vis  de  l'hôtel  Vanden  Hecke  (n°  15  actuel).  On  voit  Tarchi- 
duc  Ferdinand  d'Autriche  au  balcon  de  cet  hôtel;  sur  la 
place  sont  diverses  pièces  d'artifice.  On  aperçoit  au-dessus 
des  maisons  les  clochers  de  l'église  des  Jésuites,  le  Beffroi 
et  l'église  de  Sainl-Bavon. 

0,425  sur  0,30. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Introdus  Ferdinandi. 
Antverpia,  1636.  lin  volume  in-folio,  pag.  61. 


—  35  — 

1655. 

N"  28.  Vue  intitulée  :  Gand.  Capitale  du  comté  de  Flandre. 

Cette  vue  est  prise  en  avant  du  Rabot  et  de  la  porte  de 
Bruges.  On  voit  au  premier  plan  la  Lieve  et  le  canal  de 
Bruges.  Derrière  les  remparts  s'élèvent  les  clochers  des 
églises  de  Saint-Sauveur  à  gauche,  puis  celles  des  Char- 
treux, de  l'abbaye  de  Groenenbril  et  de  Baudeloo;  au 
centre,  l'église  Saint-Jacques,  de  Saint-Bavon,  le  Beffroi, 
l'église  Saint-Nicolas,  de  Saint-Michel,  et  tout-à-fait  à 
droite,  celles  de  Notre-Dame  et  de  Saint-Pierre,  dont  le 
chœur  et  le  clocher  seuls  sont  finis  :  ils  avaient  été  com- 
mencés en  1629;  le  dôme  n'a  été  achevé  qu'eu  1726. 

0,26  sur  0,20. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Histoire  générale  de 
la  guerre  de  Flandre.  Divisée  en  deux  parties,  etc.,  par 
Gabriel  Chappuys.  Paris,  1635.  Deux  volumes  in-folio. 
Tom.  I,  pag. 

1637. 

N"  29.  Plan  intitulé  :  Gandavum  iirbs  antiqua,  potens, 
lotiusq.  Europae  amptissima  ac  amoenissima. 

Avec  une  échelle,  une  légende  de  A  à  Z,  plus  82  nu- 
méros, intitulée  :  Aenwysingen  der  vornamste  gebouwen, 
plaetsen,  kercken,  kloosters,  etc.,  der  stadt  Ghendt;  et  une 
dédicace  ainsi  conçue  :  Prœnobilibus,  Magnificis,  Amplis- 
simis,  Prudenlissimisq.  viris  D.  D.  senatoribus  ac  Magis- 
tratui  inclytœ  reipiiblicœ  Gandavensis.  D.  D.  dedicatq. 
Henricus  Hondius  (i). 


(1)  HoNDiDS  (Henri)  le  vieux,  dessinateur  et  graveur  au  burin,  né  à  Duffel, 
en  IS73,  élève  de  Uans  Vredeman  et  de  Johann  Wiericx,  mourut  en  1610  (il 
y  a  là  erreur),  Charles  Leblanc  fait  élever  son  œuvre  à  27  numéros.  Il  ne 
parle  pas  de  cartes.  —  Manuel  de  l'amalcur,  etc.,  tom.  Il,  pag.  381. 


—  36  — 

Au-dessus  de  la  légende  on  a  représenté  la  pucelle  de 
Gand  de  la  manière  ordinaire,  et  entre  autres  comme  elle 
l'est  sur  le  plan  de  1524,  et  à  ses  deux  côtés,  les  armoiries 
de  Flandre  et  celles  d'Espagne,  tenues  par  des  amours. 

Sur  ce  plan  il  y  a  en  outre,  à  la  partie  supérieure,  une 
vue  de  la  ville,  intitulée  :  Gandaviim,  décrite  au  n°  31,  et 
un  plan  de  la  ville  avec  les  environs,  décrit  au  n°  30. 

Il  est  à  remarquer  qu'il  y  a  eu  deux  dédicaces  sur  le 
même  plan  :  celle  du  grand  plan  au  sénat  et  au  magistrat, 
et  celle  du  plan  des  environs  au  magistral  seul. 

Dans  ce  plan,  les  édifices  et  les  maisons  sont  vus  en  élé- 
vation. Le  château  des  Espagnols  occupe  le  bas  :  il  est  eu 
entier.  Le  canal  de  Bruges,  construit  en  1613,  y  figure. 
Toutes  les  portes  à  l'intérieur  de  la  ville  sont  démolies.  Le 
dôme  de  l'oratoire  de  Saint-Pierre  y  est  représenté,  quoi- 
que n'étant  pas  encore  achevé  :  il  aura  probablement  été 
dessiné  d'après  le  plan  en  relief,  comme  on  en  faisait  ordi- 
nairement à  cette  époque  pour  les  grands  édifices  en  con- 
struction. 

Il  n'y  a  aucune  inscription  sur  ce  plan,  sinon  pour  les 
rivières  et  les  canaux. 

Ce  plan  est  très-détaillé  et  très-bien  fait.  Il  a  été  réduit 
à  une  échelle  moindre  pour  l'ouvrage  de  Sanderus  et  de 
Blaeu  (Voir  n°  52). 

A  ce  plan  est  jointe  une  explication  en  latin,  en  sept 
feuilles,  avec  la  souscription  suivante  :  Compendiaria 
Gandavi  dcscriptio,  auctore  Antonio  Sandero,  Gandavensi, 
Iprensis  ecclesiae  canonico,  ad  nobilissimum  virum  Dom. 
Guil.  Blaserium  equitem  dominnm  de  Hellibm,  Castere,  etc. 
Patrithim  considarem  Gandavensem. 

Le  texte  de  la  note  a  donc  été  fait  par  Sanderus;  mais 
il  paraît  que  c'est  lui  qui  aurait  aussi  fait  les  dépenses  de 
la  publication,  et  qu'il  aurait  ainsi  obtenu  le  droit  de  ré- 


—  37  — 

(luire  ce  plan  pour  sa  Flandria  illustrata.  Le  travail  ma- 
nuel sérail  de  H.  Hondius  (i). 
C'est  une  gravure  sur  cuivre,  en  huit  feuilles. 

1,45  sur  1,05. 

Ce  plan  se  trouve  au  cabinet  des  estampes,  cartes  et  plans 
topographiques  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  dans 
un  volume  in-folio  qui  porte  au  dos  :  1881,  Belgique.  II. 
Flandre  or.  2  ar.  Gand.  V.  C.  Il  fait  aussi  partie  de  la 
collection  de  M,  Bodel  Nyenhuis,  à  Leyde.  J'ai  pu  en  faire 
la  description,  grâce  à  un  calque  pris  par  M.  Goetghebuer, 
en  1838,  sur  le  plan  qui  se  trouve  à  Paris. 

1637. 

N<*30.  Plan  intitulé  :  Gandaviim.  Ghendt. 

Avec  une  dédicace  ainsi  conçue  :  Praenobili  magni/ico 
amplissimoq.  magislratui  inditae  civitatis  Gandavensis 
hanc  terrilorij  ejiisdem  accuratam  tabiilam  dedicat,  dicalq. 
Henricus  Hondius. 

Avec  une  échelle  et  une  rose  des  vents. 

Ce  plan  est  entouré  de  treize  vues  de  maisons  de  cam- 
pagne, situées  dans  les  environs  de  la  ville,  et  en  outre, 
dans  deux  compartiments,  se  trouvent  les  armes  de  Flan- 
dre et  la  pucelle  de  Gand. 

Dans  ce  plan,  la  ville  est  seulement  indiquée  par  son  en- 
ceinte fortifiée  et  par  les  cours  d'eau  qui  se  trouvent  dans 
son  intérieur.  Dans  les  environs  on  a  indiqué  les  routes, 
les  châteaux,  etc. 


(1)  La  description  de  ce  plan  et  les  discussions  sur  son  auteur  se  trouvent 
dans  le  Messager  des  Sciences  historiques,  année  1853,  pag.  498  et  499,  et  an- 
née 1854,  pag.  343. 


—  38  — 

Nous  avons  vu  au  n°  29  que  ce  plan  a  été  gravé  pour  élre 
placé  sur  le  grand  plan  de  la  ville  en  huit  feuilles. 

0,32  sur  0,26. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M.  Goetghebuer,  à 
Gand. 

1637. 

N"  31.  Vue  intitulée  :  Gandavum. 

Cette  vue  est  prise  entre  le  Rabot  et  la  porte  de  Bruges; 
on  voit  la  Lieve  et  le  canal  de  Bruges  au  premier  plan. 
Au-delà  des  fortifications  de  la  ville  s'élèvent  les  clochers 
des  églises,  d'abord  à  gauche,  l'église  Saint-Sauveur,  l'ab- 
baye de  Groenen  briele,  celle  de  Baudeloo,  l'église  Saint- 
Jacques,  celle  de  Saint-Bavon,  le  Beffroi,  les  églises  de 
Saint-Nicolas,  Saint-Michel,  Notre-Dame  et  Saint-Pierre. 

Cette  vue  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  de  1 635  (n''28); 
cependant  sur  celle-ci  le  dôme  de  l'oratoire  de  Saint-Pierre 
est  représenté,  probablement  pour  le  motif  qui  a  été  donné 
dans  la  description  du  plan. 

0,59  sur  0,103. 

Se  trouve  sur  le  grand  plan  de  la  ville  de  Gand  dont  il 
a  été  question  précédemment. 

1641. 

N"  32.  Plan  intitulé  :  Gandavum  vulgo  Gent. 

Avec  les  armes  d'Espagne  à  la  partie  supérieure  à  gauche, 
et  celles  de  Flandre  à  droite  au-dessus  du  titre  :  en  outre 
celle  de  et  de  se  trouvent  à  droite 

et  à  gauche  de  celui-ci.  A  la  partie  inférieure  à  gauche  est 
représentée  la  Pucelle  de  Gand  à  la  manière  ordinaire,  et 
au  centre,  est  une  légende  de  quatre-vingt-un  numéros  pour 
les  églises,  couvents,  ponis,  etc. 


—  39  — 

Ce  plan  est  une  copie  réduite  de  "celui  de  1637  (n°  29). 
La  légende  est  absolument  la  même,  sauf  que  celle  de  ce 
plan  n'a  que  quatre-vingt-un  numéros,  parce  que  sur  le  plan 
même  on  a  inscrit  quelques  indications  qui  se  trouvaient 
dans  la  légende  du  plan  de  1637,  telles  que  les  noms  des 
portes,  des  places,  etc. 

Ce  plan  a  été  gravé  de  nouveau  pour  les  ouvrages  de  San- 
derus,  de  1732  et  1735  (n"  73).  Il  a  aussi  été  reproduit  à 
une  échelle  plus  petite  en  1725  (n°  70)  et  à  la  même  échelle 
en  1780  (n"  78). 

0,54  sur  0,425. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Flandria  illustrala 
sive  descriptio  comîtatus  islius  per  lotum  terrarum  orbem 
celeberrimi.  III  tomis  absolula  ab  Antonio  Sandero  Gan- 
davensi,  eccl.  Iprensis  canonico  grad.  ajfecto.  Cologne, 
C.  d'Egmont  et  O^  (i).  1641.  Deux  volumes  in-folio. 
Tom.  I,  pag.  82  et  83. 

El  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Noviim  ac  magnum  theatrum 
urbium  Belgicœ  regiœ  ad  prœsentis  temporis  faciem  exprès- 
sum  a  Joanne  Blaeii,  Amstelœdamensi.  1649.  Deux  volu- 
mes grand  in-folio.  Tom.  I,  PI.  309  (2). 

Et  dans  l'édition  hollandaise  du  même  ouvrage,  ayant 
pour  titre  ;  Tonneel  der  steden  van  s  konings  Nederlanden, 
met  hare  beschryvingen,  uitgegeven  by  Joan  Blaeu.  Am- 
sterdam, 1649.  Deux  volumes  grand  in-folio. 

1641. 

N°  33.  Vue  intitulée  :  Aulaprîncipis  Gandavi. 
C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  du  palais  appelé  ancienne- 
ment Cour  du  Prince. 


{{)  Gel  ouvrage  a  été  réellement  imprimé  à  Amsterdam,  chez  Blaeu. 

(2)  Cet  ouvrage  fait  partie  du  grand  allas  ou  Cosmographie  Blaviane,  publiée 
de  1G4-9  à  1663  en  douze  volumes  grand  in-folio.  Presque  tous  les  plans  de 
cet  ouvrage  ont  élé  copiés  sur  ceux  du  Théâtre  des  cités  du  monde. 


—   40  — 

Les  bèlimenls  de  ce  palais  étaient  situés  entre  Timpasse 
du  Prince,  qui  est  maintenant  une  rue  aboutissant  à  la  nou- 
velle rue  du  Rabot,  l'impasse  de  la  Cour,  ou  deuxième  im- 
passe du  Prince  et  la  rue  Cour  du  Prince.  Ils  étaient 
entourés  de  fossés  très-larges  et  au-delà  étaient  les  jardins 
et  la  Cour  des  lions  (maisons  n"^  31,  53  et  5o  actuelles  de 
la  rue  Cour  du  Prince).  Sur  le  fossé  étaient  jetés  deux 
ponts. 

On  voit  encore  maintenant  une  des  portes  d'entrée  près 
de  la  maison  n°  57;  l'autre  était  située  entre  les  maisons 
n"^  10  et  11  de  la  rue  Cour  du  Prince. 

Cette  vue  a  été  copiée  à  une  plus  petite  échelle  dans  les 
éditions  suivantes  de  Sanderus.  Voir  n°  75  de  1 732  (i). 

0,23  sur  0,21. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Flandria  ilhislrata,  etc. 
par  A.  Sanderus.  Cologne,  C.  d'Egmondt  et  C'%  1641. 
Trois  volumes  in-folio.  Tom,  I,  pag.  147. 

A.  Dejardin. 
{Pour  être  continué). 


(1)  On  a  d'autres  vues  d'une  partie  delà  Cour  du  Prince,  dans  la  Colleclion 
historique  des  principales  vues  des  Pays-Bas,  publiée  en  1824  à  Tournai  chez 
Dewasme  (6™'=  livraison,  n"  3),  et  dans  le  Messager  des  Sciences  historiques, 
1841,  pag.  36.  Elles  ne  peuvent  pas  figurer  ici,  parce  qu'elles  ne  représentent 
que  des  parties  isolées. 


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—  41   — 


C'ancien  fjotel-be-DiUe  it  iîlae6tncl)t 


Conspiration  de  463S  ;  instruction,  torture  et  exécution. 
Amnistie  accordée  en  1039,  par  les  États  généraux  de 
Hollande,  aux  habitants  émigrés. 


L'ancien  hôlel-de-ville  (i),  tel  que  le  représente  noire  des- 
sin, s'élève  en  face  de  la  rue  du  Grand-État  {Groote  Staet)  et 
forme  l'angle  de  la  rue  dite  des  Juifs.  Sa  façade  principale, 
toute  en  pierres  de  taille,  est  percée  de  neuf  fenêtres,  dis- 
posées sur  trois  rangs,  et  surmontées  chacune  d'un  tympan 
en  plein  cintre,  qui  est  tiercé  par  des  arcatures,  et  ornées 
d'écussons  qui  se  détachent  sur  un  fond  rouge.  11  y  a  quel- 
ques années,  on  a  barbouillé  de  différentes  couleurs  toutes 
ces  sculptures,  sous  la  direction  d'un  piqueur  ou  conduc- 
teur d'ouvriers,  qui  remplissait  alors  les  fonctions  d'archi- 
tecte voyer  des  bâtiments  de  la  ville.  La  petite  porte  carrée 
à  fleur  de  terre,  aujourd'hui  entrée  principale  de  l'édifice, 
était  anciennement  surmontée  d'un  balcon  auquel  on  mon- 
tait par  un  double  escalier  de  pierre.  Quatre  lions  de 
bronze,  qui  avaient  servi  à  décorer  le  perron  liégeois  qui 

(I)  Nous  donnons  en  têle  de  la  description  une  vue  complète  des  deux 
façades  de  rancienne  maison  communale;  elle  est  indispensable  pour  suivre 
le  texte  descriptif  du  monument,  dont  un  croquis  a  paru  dans  le  Messager 
des  Sciences  historiques,  en  1849.  Celte  planche  rappelle  le  monument,  des- 
tiné, comme  tant  de  spécimens  de  Tari  civil  du  moyen  âge,  à  tomber  sous 
le  marteau  des  démolisseurs. 

4 


—  42  — 

s'élevait  sur  la  Place  d'Armes,  el  en  face  duquel  fut  décapité 
le  cruel  et  sanguinaire  Guillaume  de  la  Marck,  ornait  en- 
core, avant  1749,  cette  partie  de  Tancien  hôtel  municipal. 
Herbenus,  qui  a  écrit  sur  les  antiquités  de  la  ville,  a  con- 
servé la  date  de  sa  construction,  qui  eut  lieu  vers  1475. 
La  majeure  partie  de  la  première  construction  existe  donc 
encore  de  nos  jours.  Sa  façade  septentrionale  était  ancien- 
nement en  bois,  et  ses  divers  étages  s'avançaient  en  encor- 
bellement. Cette  partie  fut  démolie  au  commencement  du 
XVII^  siècle  et  remplacée  par  de  la  maçonnerie.  C'est 
en  1749  qu'on  démolit  le  balcon  de  pierre,  qui  dans  la 
façade  principale  donnait  accès  au  premier  étage;  c'est 
dans  la  même  année  qu'on  transféra  l'entrée  principale 
dans  la  partie  donnant  dans  la  rue  des  Juifs. 

La  tourelle  qui  surmonte  le  toit,  renferme  la  cloche  ou 
tocsin  qui  marque  les  heures,  et  une  seconde  clochette 
qu'on  sonnait  anciennement  pour  annoncer  l'arrivée  des 
bateaux  de  service  entre  Liège  et  Maestricht.  La  tourelle, 
construite  sur  un  plan  plus  élevé,  fut  détruite  en  1795, 
ainsi  qu'une  partie  du  toit  par  le  feu  des  assiégeants  fran- 
çais. Sa  reconstruction,  dans  de  moindres  dimensions,  eut 
lieu  quelques  années  plus  tard.  Cette  tourelle  sert  encore  de 
demeure  au  veilleur  qui,  à  chaque  heure  de  la  nuit,  sonne 
de  la  trompette,  ou  signale  les  incendies  en  faisant  retentir 
le  tocsin  (i). 

On  ne  sait  rien  sur  l'origine  de  l'édiOce  ou  sur  sa  desti- 
nation primitive.  Ses  formes  hautes  et  élancées,  dans  le 
style  ogival,  rappellent  encore  les  befïrois  de  nos  vieilles 
cités  flamandes.  Il  est,  comme  nous  le  disons  plus  loin, 
situé  dans  la  partie  ancienne  de  la  ville,  près  de  la  Meuse, 
et  dans  un  endroit  où  se  prélevaient  les  péages  sur  les  ba- 
teaux nombreux  qui  déchargaient  à  l'ancienne  porte  d'Eau, 

(1)  Anciennement  il  y  avait  deux  veilleurs  la  nuit. 


—  43  — 

aujourd'hui  démolie.  Herbeuus,  dans  ses  opuscules,  appelle 
le  monumenl  Praelorhim,  mais  il  était  plus  connu  sous  le 
nom  populaire  de  Ding-Huis,  maison  des  plaids.  Il  paraît 
que  le  nom  de  Praetorium  lui  fut  donné  en  mémoire  du 
tribunal  de  paix  que  Henri  1",  évéque  de  Liège,  institua 
dans  tout  son  diocèse  au  XI«  siècle  et  auquel  il  présidait 
en  personne,  ayant  à  côté  de  lui  un  magistrat  armé  ou 
Praelor  (i). 

Le  monument  est  érigé  en  tête  des  anciennes  maisons  des 
corporations  ou  métiers  de  la  ville,  qui  étaient  dans  les 
deux  rues  appelées  Grand  et  petit  Etat  [Groole  et  kleine 
Staet).  C'est  dans  la  première  de  ces  rues  que  se  trou- 
vaient, entre  autres,  la  chambre  des  bouchers,  qui  était 
au-dessus  de  la  Halle  aux  viandes,  près  de  l'hôtel  de  la 
Couronne  de  la  Patrie  (de  Landskroon),  celle  des  tourneurs 
en  bois,  des  boulangers  et  des  brasseurs,  etc.  La  halle 
des  drapiers,  la  plus  puissante  corporation  de  la  ville, 
était  aussi  presque  au  milieu  de  la  rue  du  Grand-Staet, 
en  face  de  la  chapelle  de  la  Mense  du  Saint-Esprit.  Plu- 
sieurs maisons  dans  ces  deux  rues  ont  encore  conservé 
leurs  anciennes  enseignes.  Sur  celle  de  la  corporation  des 
brasseurs,  on  lisait  l'inscription  suivante,  qui  ne  date  pas 
de  très-loin  (BraXatorUM  in  DIVIso  CoLLegio).  Le  mé- 
tier des  boulangers  avait  pour  enseigne  les  Rois  Mages; 
celui  des  quincailliers,  la  Barbe  d'or;  d'autres  portent  encore 
pour  enseignes  :  la  Montagne  des  aigles  (Àrendberg),  le 
Champ  des  dragons,  la  Toison  d'or,  l'Ange,  le  Cygne,  etc. 
Ces  cor|)s  de  métiers  faisaient  partie  de  la  milice  urbaine 
de  la  cité. 

L'administration  de  la  ville  exigeant  des  locaux  plus 
spacieux,  la  régence  installa  une  partie  des  bureaux  et  le 
dépôt  des  archives  dans  un  hôtel  voisin,  que  nous  avons 

(I)  Messager  des  Sciences  historiques  de  Belgique,  Gaiid,  annce  1849. 


_  44  — 

déjà  mentionné  comme  portant  l'enseigne  de  la  Couronne 
de  la  Patrie,  représentée  par  une  couronne  fermée,  d'où 
sortaient  deux  sceptres,  symbole  de  l'autorité  indivise 
sur  la  ville,  du  prince  évéque  de  Liège  et  du  duc  de  Bra- 
bant  (i).  Dans  cet  hôtel,  qui  était  entre  la  halle  des  bou- 
chers et  la  grande  maison  à  l'enseigne  du  Léopard, 
anciennes  armes  de  l'Angleterre,  se  trouvaient  les  prisons 
de  la  commune.  Dans  l'hôtel  du  Léopard  couronné,  on 
établit  la  justice  inférieure  (2). 

Au  XVP  siècle,  l'hôtel  de  la  Couronne  de  la  Patrie  et 
l'ancien  hôtel-de-ville  furent  les  témoins  d'une  scène  san- 
glante. Le  22  septembre  1559,  lorsque  la  commune  (3)  était 
sur  le  point  de  se  réunir  dans  le  premier  de  ces  édifices, 
le  peuple,  en  armes,  envahit  la  salle  des  séances  et  blessa 
mortellement  le  bourgmestre,  Rémi  Printe.  L'écoulète, 
messire  Gérard  van  Goir,  s'enfuit  et  se  cacha  dans  la  tou- 
relle de  l'ancien  hôtel-de-ville;  il  y  fut  découvert  par  le 
peuple,  qui  le  fit  descendre,  lui  promettant  de  le  protéger; 
mais  dès  qu'il  fut  entre  les  mains  des  émeutiers,  ceux-ci 
le  traînèrent  au  marché,  où  ils  lui  lardèrent  le  corps  à 
coups  d'épées.  L'infortuné  resta  exposé  dans  ce  triste  état 
et  abandonné  jusqu'au  lendemain  à  midi,  lorsqu'on  le 
porta  à  la  Maison  des  Seigneurs  (4),  où  il  succomba  à  ses 
blessures. 


(1)  Il  y  avait  également  dans  le  Limbourg  une  famille  Lanscroen,  qui  por- 
tait pour  blason,  d'or  aux  trois  couronnes  de  sable.  Ces  armes  figurent  dans 
le  Wapenboek  du  roi  d'armes  Henry  Prévost  de  le  Val,  à  la  bibliothèque  de 
Bourgogne,  à  Bruxelles,  sous   le  n»  19,194. 

(2;  Il  parait  que  cet  hôtel  servait  primitivement  de  demeure  ou  résidence 
aux  avoués  ou  gouverneurs  de  la  ville. 

(5)  La  note  manuscrite  dit  gemeynde,  les  choisis,  les  désignés,  pour  signi- 
fier les  membres  du  conseil  communal ,  dont  on  a  fait  plus  lard  gemeen, 
gemeente,  commun,  commune. 

(i)  Op  dcr  Heere  Huys,  à  la  Maison  des  Seigneurs.  Aujourd'hui,  \'élu  par 
le  peuple  de  la  commune  porte  le  titre  de  conseiller,  au  lieu  de  seigneur.  La 
populace  de  la  ville  avait  baptisé  une  rue  du  nom  de  's  Heeren  Grilltn  slraet. 


—  45  — 

Au  moyen  âge,  nos  hôlels-de-ville  avaient  des  décora- 
lions  en  peinture,  destinées  à  inspirer  aux  magistrats  l'hor- 
reur du  crime  et  l'amour  de  l'équité.  C'est  ainsi  qu'au 
salon  doré  de  l'hôlel-de-ville  de  Bruxelles  étaient  suspen- 
dus quatre  tableaux  du  peintre  Rogier  Vander  Weyden  ou 
Rogier  de  la  Pasture,  de  Tournai.  Ces  représentations  des 
châtiments  du  ciel  et  des  sévérités  populaires  qui  atten- 
dent les  mauvais  magistrats,  ne  parvenaient  pas  à  faire 
disparaître  les  sujets  de  mésintelligence,  les  discordes,  les 
émeutes,  ni  la  soif  des  honneurs.  Tous  ces  déplorables 
débats  entre  les  différentes  autorités,  les  droits  de  pré- 
séance, l'arrogance  des  bourgeois,  la  sévérité  des  souve- 
rains, tenaient  le  peuple  dans  une  servitude  dont  il  ne 
sortait  ordinairement  que  pour  servir  les  desseins  de  quel- 
que souverain  ambitieux  qui  les  groupait  sur  le  champ  de 
bataille  pour  les  faire  écraser  sous  le  poids  du  nombre. 

A  Maestricht,  la  souveraineté  indivise,  exercée  par  l'é- 
vêque  de  Liège  et  le  duc  de  Brabant,  rendait  les  différends 
plus  fréquents  encore  que  dans  les  autres  villes  des  Pays- 
Bas.  Les  deux  souverains,  pour  se  concilier  l'affection  des 
bourgeois,  leur  octroyaient  des  privilèges,  chacun  de  son 
côté,  et  ils  se  réfugiaient  dans  les  murs  de  la  ville,  quand 
le  peuple  ou  l'ennemi  les  chassaient  de  leur  capitale.  C'est 
ainsi  que  les  évêques  de  Liège  y  soutinrent  des  sièges 
formidables  contre  leurs  sujets  révoltés,  et  que  Jeanne  et 
Wenceslas,  accompagnés  de  leur  fidèle  Éverard  T'Scerclaes, 
y  trouvèrent  asile  quand  les  Flamands  les  eurent  contraints 
à  quitter  leur  capitale. 

La  devise  arrogante  de  ces  fiers  bourgeois  :  Trajectum 

NEUTRI    DOMLNO,    SED    PARET    UTRIQUE    (i),    CXpliqUC    bicn    la 

la  rue  des  Caprices  des  Seigneurs.  Sur  un  vieux  tableau  de  l'école  ogivale, 
de  1499,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  on  lit  encore  :  Gy  die  sijl  heere, 
Icerl  rechl  verkeeren,  prescription  qui  n'est  pas  toujours  suivie  à  la  lettre. 
(1)  En  flamand  :  Ecn  Heer,  geen  flcer.  —  Tivec  Hecren,  een  Hecr. 


—  46  — 

liberté  dont  ils  jouissaieot  parmi  les  autres  villes;  car  elle 
dit  Irès-clairenient  que  leurs  deux  seigneurs  n'en  font 
qu'un,  qu'ils  considèrent  comme  nul. 

Les  harangues,  les  exemples  en  peinture  des  châtiments 
qui  attendent  les  coupables  et  des  récompenses  que  reçoi- 
vent les  justes,  se  déroulaient  sous  les  yeux  des  magistrats 
municipaux  et  des  justiciers,  grâce  à  celte  puissante  école  de 
peinture  des  XIV*  et  XV*  siècles,  et  le  panneau  qui  décore 
encore  une  des  salles  du  nouvel  hôlel-de-ville  est  un  curieux 
souvenir  du  rôle  que  les  artistes,  par  leurs  productions, 
jouaient  dans  les  affaires  civiles  au  moyen  âge.  Sur  ce 
tableau  d'assez  grande  dimension,  dans  le  sens  de  la  hau- 
teur, le  peintre  a  représenté  les  échevins,  jurés  ou  com- 
missaires brabançons  et  liégeois,  au  nombre  de  huit,  assis 
dans  une  tribune,  et  ayant  le  clerc  ou  secrétaire  debout 
derrière  eux;  un  de  ces  graves  magistrats  a  devant  lui,  sur 
la  table,  un  chapelet  en  corail.  Un  pauvre  diable,  tout 
tremblant,  est  amené  devant  ce  tribunal  par  un  homme  en 
longue  robe  rouge,  portant  un  couteau  poignard  sur  la 
hanche.  Le  contrevenant  a  l'air  des  plus  misérables;  son 
costume  indique  un  homme  du  peuple,  il  porte  sur  l'oreille 
le  petit  feutre  fendu.  Son  introducteur,  l'homme  à  la  robe 
rouge,  le  conduit  devant  les  magistrats  et  prend  la  parole. 
Derrière  le  dossier  de  la  tribune,  dominant  les  magistrats, 
on  voit  l'Esprit  des  ténèbres  sous  l'aspect  le  plus  infernal. 
Il  tient  des  pièces  d'or  avec  lesquelles  il  cherche  à  cor- 
rompre les  juges  qui  sont  devant  lui,  ainsi  que  l'indique 
cette  inscription  railleuse  : 

ffig  Uif  ggi  f}«nc.  Uni  uî^t  fjnSccwn.  v.un^t  %uî  m  g«Iî 
Mit  gg  Iclî  !«gt.  Sw  0gl  Itwgî.  U  ^mn  g«todî 

Le  tableau  est  divisé  en  deux  parties;  le  côté  opposé  à 
celui  que  nous  venons  de  décrire,  représente  les  réprouvés 


—  47  — 

livrés  aux  flammes.  Pour  séparer  ces  deux  scènes  ou  sujets, 
l'artiste  a  placé  au  milieu  de  sa  compositiou  un  génie  ailé 
à  la  chevelure  blonde,  à  la  figure  céleste,  aux  chairs  trans- 
parentes et  colorées;  sa  tunique  blanche,  symbole  de  la 
pureté,  est  recouverte  de  la  chape  verte,  agrafée  sur  la 
poitrine  et  semée  de  fleurs  d'or.  De  la  main  gauche  repous- 
sant les  réprouvés  vers  les  flammes  infernales,  il  lève  la 
droite  et  montre  le  Christ,  qui  trône  au  ciel  comme  juge, 
entouré  de  saints  et  d'anges  qui  embouchent  la  trompette 
pour  ressusciter  les  morts.  Au-dessus  de  cette  figure,  on 
lit  cette  inscription  en  vieux  flamand  : 

©g  ^ic  ^z^t  raient  .m.  oiigc  o^  gïaei  am  ^$M  ifigMW 
Ht  èaiEem  îjn^teieî.  mil  geu^j;  wBtL  hmi  utïjî  ffll  i^mt 
hs^  n^îi  m  Imt  am  gutnigt  off  lacî,  n@t^  om  %^sm  lire 
mmx^  g^2  prt.  Us  vn^U  ^imU  tm  ^ûUt'^sx  tture. 

Ce  tableau  est  un  beau  monument  de  l'art  civil  du  moyen 
âge.  Les  détails,  curieux  pour  l'archéologue,  instructifs 
pour  rhistorieo,  abondent  dans  cette  compositiou,  qui  se 
recommande  par  une  couleur  vigoureuse,  un  dessin  ample, 
libre  et  large,  plus  ou  moins  paralysé  toutefois  par  le  tra- 
vail d'une  brosse  lourde  et  peu  facile.  Dans  le  fond  se  dé- 
roule la  vue  d'une  partie  de  la  ville,  et  dans  l'air  planent 
des  génies  ailés,  qui  emportent  des  âmes  vers  le  ciel;  d'au- 
tres, avant  de  reprendre  leur  vol,  se  reposent  avec  leurs 
précieux  fardeaux  sur  les  crêtes  des  toits  ou  les  pignons 
des  maisons. 

L'ensemble  de  la  composition,  c'est  donc  le  démon  cor- 
rupteur travaillant  à  séduire  les  justiciers,  tandis  que  le 
génie  du  bien  leur  montre  le  Juge  éternel,  qui  les  voit,  et 
en  même  temps  les  tourments  qui  les  attendent  s'ils  dévient 
du  droit  chemin  et  cèdent  aux  séductions. 

Parmi  les  détails  d'architecture  du  tableau,  nous  voyons 
encore  les  armes  de  la  ville,  portées  par  une  jeune  fille,  ou 
vierge,  en  robe  bleue,  aux  cheveux  blonds  tombant  en  li- 


—  48  — 

berlé  sur  les  deux  épaules  et  serrés  au  front  par  le  bandeau 
perlé  ou  diadème.  Des  deux  mains  elle  lient  Técusson  au 
champde  gueules  où  brille  l'étoile  d'argent  à  cinq  pointes(i). 
Cette  peinture  porte  sur  le  cadre  la  date  de  1499,  qu'un 
maladroit  restaurateur  a  changée,  en  en  couvrant  également 
les  plus  belles  parties  sous  des  retouches  d'une  couleur 
fausse  et  criarde. 

A  quel  maître  attribuer  ce  tableau?  Il  lient  de  l'école  de 
Rogier  Vander  Weydcn,  quoiqu'il  n'en  approche  que  par 
les  grandes  lignes  de  la  composition  et  du  dessin.  Il  semble 
que  l'arlisle  qui  l'a  exécuté,  n'a  pas  travaillé  alors  au  centre 
d'une  grande  école,  et  que  son  talent,  formé  sous  un  habile 
maitre,  a  défailli  dans  l'isolement. 

Dans  le  cours  de  nos  études  sur  la  maison  des  plaids 
ou  Dinghuis,  nous  nous  sommes  arrêté  à  faire  la  descrip- 
tion de  celle  peinture  de  l'école  ogivale,  à  cause  de  l'impor- 
tance qu'elle  présente  comme  œuvre  archéologique,  comme 
souvenir  artistique  des  usages  de  nos  ancêtres,  objets  dont 
le  nombre  est  si  réduit  de  nos  jours,  surtout  ceux  qui  re- 
présentent des  scènes  historiques,  des  allégories  se  rappor- 
tant à  notre  histoire  civile.  Encore  est-il  très-probable  que 
ce  tableau,  qui  décorait  l'une  des  salles  de  l'ancien  hôlel- 
de-ville  ou  de  l'hôtel  de  la  Couronne  de  la  Patrie,  faisait 
partie  d'une  série  de  peintures  que  le  temps  ou  la  négli- 
gence de  ceux  auxquels  était  confié  le  soin  de  leur  conser- 


(1)  Bachiene,  dans  sa  Géographie  ou  Nouvel  Élat  présent  ou  actuel  des  Pays- 
Bas, d'il  qu'il  croit  que  les  premières  armes  de  la  ville  ont  été  une  Vierge.  Ceci 
s'explique  par  le  plus  antique  édifice  de  la  ville,  l'église  de  Notre-Dame,  et 
Je  cuite  voué  à  la  Mère  de  Dieu  dès  les  temps  les  plus  reculés.  A  l'endroit  où 
s'élève  l'ancienne  église  des  Augustins,  se  trouvait  sur  le  rivage  une  chapelle 
antique,  nommée  Maria  ad  littus,  Noire-Dame  au  rivage,  où  les  bateliers  et 
les  riverains  allaient  implorer  l'intercession  de  la  sainte  Vierge,  pour  les 
protéger  dans  leurs  voyages.  Plus  lard,  les  armes  de  la  ville  furent  changées, 
et  la  Vierge  fut  remplacée  par  un  génie  ailé,  tenant  l'écu  de  gueules  avec 
l'étoile  d'argent,  comme  elles  figurent  encore  sur  le  cachet  communal  actuel. 


—  49  — 

valion,  ont  laissé  périr,  et  qui  se  complétaient  mutuellement 
par  les  sujets  qu'ils  représentaient. 

L'érection,  au  XVII''  siècle,  du  nouvel  hôlel-de-ville  au 
centre  du  marché,  sur  les  dessins  de  l'architecte  hollandais 
Post,  changea  entièrement  la  destination  de  l'ancien  édiGce, 
profondément  déchu  de  son  rang.  La  maison  des  plaids  ou 
l'ancien  Praelorium  fut  transformé  en  prison,  et  la  plupart 
de  ses  pièces,  divisées  par  des  cloisons,  servirent  de  cachots. 
Le  professeur  Bachiene,  dans  sa  Géographie  ou  Nouvel 
État  présent  ou  actuel  des  Pays-Bas,  dit  que  ces  chambres 
furent  transformées  en  cachots  {hokken),  et  que  du  vestibule 
où  se  trouve  actuellement  le  bureau  pour  l'essayage  des 
métaux  précieux,  on  fit  une  salle  pour  les  réunions  des 
échevins  de  la  ville  et  des  justices  extra  muros  (i),  quand 
ils  avaient  à  traiter  des  affaires  criminelles. 

Les  crimes  étaient  jugés  très-fréquemment,  au  XVIII* 
siècle,  à  l'ancien  hôlel-de-ville,  où  l'on  avait  incarcéré  alors 
les  individus  faisant  partie  de  la  bande  connue  sous  le  nom 
de  Cavaliers  de  Vert  Bouc,  qu'on  avait  arrêtés  sur  le  terri- 
toire de  la  commune  et  dans  les  villages  limitrophes  (2). 


(1)  Parmi  ceux-ci  il  cite  Berg,  Heer,  Bemelen,  Geul,  aussi  Reckheim 
Stein,  etc. 

(2)  On  écrit  Bokryders  ou  Bokkenrydcrs.  Dans  le  courant  des  années  1774 
et  1773,  vingt  habitants  de  Wellen,  dans  le  Linibourg,  furent  mis  à  mort, 
roués  ou  brûlés  vifs,  comme  faisant  partie  de  cette  bande  de  brigands.  Leur 
condamnation  fut  prononcée  au  nom  de  la  justice  seigneuriale  de  l'abbesse 
de  Mûnster-Bilsen.  Nous  faisons  suivre  un  spécimen  des  dépositions  faites 
par  les  personnes  appelées  en  témoignage,  ce  qui  donnera  une  idée  des  cou- 
tumes barbares  de  cette  époque  en  matière  de  justice. 

«  Le  deuxième  jour  de  Noël,  —  c'est  un  témoin  qui  parle,  —  je  me  suis 
»  rendu  avec  mon  voisin  N.  L.,  vers  les  huit  heures  du  soir,  à  la  prairie 
»  nommée  le  Meer,  dans  la  campagne  de  Houtappelteen  sous  Abswelkn,  où 
»  se  trouvait  aussi  L.  J.  N. 

»  A  l'instant  j'entendis  un  sifflement  très-aigu  et  sentis  le  souffle  d'un  vent 
»  qui  semblait  sortir  d'un  nuage  noir.  Aussitôt  apparut  devant  moi  un  animal 
»  ayant  la  forme  d'un  bouc.  Ses  yeux  lançaient  des  éclairs.  L'épouvante 
«s'empara  de  mon  esprit,  mes  jambes  fléchirent,  je  tombai.  Je  vis  alors 


—  50  — 

Les  criminels,  détenus  dans  Thôlel  même,  ayant  subi  leur 
jugement,  furent  conduits  en  charrette  au  lieu  du  supplice, 
et  on  les  exécuta  près  du  faubourg  deVVyck,  dans  un  champ 
encore  connu  de  nos  jours  sous  le  nom  de  Galgenveld  ou 
champ  des  potences.  Beaucoup  de  ces  malheureux  périrent 
par  la  main  du  bourreau,  sur  une  simple  dénonciation  des 
vrais  coupables,  qui  croyaient  sauver  leur  vie  en  signalant 
de  nouveaux  complices.  Les  habitants  des  environs  de  la 
ville  rencontrèrent  souvent  leurs  anciens  camarades,  con- 
damnés et  conduits  en  charrette  au  lieu  du  supplice,  le 
chapelet  à  la  main  et  récitant  leurs  prières;  ces  infortunés 


»  les  quatre  personnes  que  je  viens  de  nommer,  témoins  avec  moi  de  cette 
»  scène,  monter  sur  le  dos  du  bouc.  S.  articula  quelques  mots,  en  latin  je 
»  pense.  Aussitôt  l'animal  prit  son  essor  vers  le  ciel  et  se  perdit  dans  les 
o  airs  (').  » 

C'était  sur  de  semblables  déclarations  que  se  fondaient  les  sentences  de 
mort.  D'après  la  croyance  généralement  répandue,  ces  brigands  étaient  en 
connivence  avec  l'esprit  infernal;  ils  en  obtenaient  le  pouvoir  de  se  trans- 
porter invisibiement  et  avec  la  rapidité  de  l'éclair  vers  l'endroit  où  ils  vou- 
laient commettre  leurs  crimes.  M.  Ecrevisse,  un  des  romanciers  les  plus 
féconds  de  notre  époque,  a  publié  un  ouvrage  flamand  fort  estimé  sur  les 
Vcrls  Boucs.  D'après  lui,  le  siège  principal  de  la  bande  était  dans  les  com- 
munes rurales  voisines  de  Maeseyk  ,  et  il  ne  croit  pas  qu'ils  aient  franchi 
la  rive  gauche  de  la  Meuse.  Un  de  leurs  chefs  fut  pendu  près  de  Rolduc.  Ce 
misérable  s'était  présenté  un  soir,  habillé  en  religieux,  chez  un  curé  de  la 
campagne  et  avait  demandé  l'hospitalité.  Conduit  dans  sa  chambre  à  cou- 
cher, il  en  sortit  pour  intimer  au  curé  l'ordre  de  lui  remettre  tout  ce  qu'il 
possédait  en  métaux  précieux,  sinon,  dit-il  en  tirant  un  pistolet  de  dessous 
ses  vêtements,  il  lui  brûlerait  la  cervelle;  il  ajouta  qu'il  ferait  dévaliser  le 
presbytère  par  sa  bande,  qui  entourait  la  maison.  Ayant  obtenu  ce  qu'il  de- 
mandait, il  ouvrit  une  des  fenêtres  et  tira  un  coup  de  pistolet,  pour  avertir 
ses  complices  qu'ils  pouvaient  se  retirer.  M.  André  Van  Hasselt  a  publié, 
dans  une  des  premières  années  de  l'Émancipalion  belge,  des  détails  histo- 
riques sur  ces  brigands.  Il  existe  également  une  brochure  en  flamand,  qui 
donne  la  liste  de  ceux,  innocents  ou  coupables,  qui  ont  été  exécutés. 

(*)  Nous  empruntons  ces  détails  au  Bulletin  de  la  Sociélé  scicnli/ique  et 
littéraire  du  Limbourg,  publié  à  Tongres,  vol.  V,  p.  380-81,  1862.  M.  Ecre- 
visse pense  que  les  Verts  Boucs,  qui  s'étaient  réunis  à  Wellen  ,  étaient  des 
brigands  de  la  bande  principale. 


—  51  — 

appelaient  par  leur 'nom  leurs  amis  el  connaissances,  en 
leur  disant  un  adieu  éternel. 

Le  dernier  prisonnier  qui  fut  détenu  à  l'ancien  hôtel- 
de-ville,  et  exécuté  en  1807  ou  1808,  était  un  habitant  de 
Val-Pont.  En  marchant  à  Téchafaud,  il  portait  la  che- 
mise rouge  des  parricides,  qui,  par  une  singulière  coïnci- 
dence, avait  été  arborée  comme  drapeau  à  la  tourelle,  sous 
la  République  française,  une  et  indivisible.  Le  bonnet  phry- 
gien, qui  surmontait  la  hampe  du  drapeau,  a  été  aussi  long- 
temps conservé  par  le  veilleur  de  la  tour  du  monument. 

Bruxelles,  décembre  1866. 

Arnaud  Schaepkens. 


CONSPIRATION   DE  1658. 


Au  XVIP  siècle,  l'ancienne  maison  communale  el  l'hôtel 
de  la  Couronne  de  la  Patrie  furent  encore  témoins  des  tour- 
ments atroces  et  des  cruautés  qu'on  exerça  sur  plusieurs 
bourgeois  et  sur  des  religieux  de  JMaestricht  (i),  accusés 
d'avoir  trempé  dans  un  complot  ayant  pour  but  de  livrer  aux 
Espagnols,  la  ville,  qui  à  cette  époque  appartenait  aux  Hol- 
landais. La  principale  victime  de  cette  scène  lyrannique  et 
lugubre,  fut  le  Franciscain  Servatius  Vinck,  de  Maestricht, 

(1)  Les  Récollets  de  Maastricht  prirent  part  à  la  défense  de  la  ville,  pen- 
dant le  siège  de  1G32,  par  Fréderic-Henry  prince  d'Orange-Nassau.  L'auteur 
du  journal  de  ce  siège,  un  Rècollet,  dit  :  «  Nous  avons  élevé  une  demi-lune 
dont  l'ennemi  n'a  jamais  pu  se  rendre  maître.  »  [Publications  de  la  Société 
historique  et  archéologique,  à  Maestricht,  volume  de  1857.] 


—  52  — 

qui,  comme  dit  le  récit,  élail  accusé  d'avoir  reçu,  par  la 
confession,  connaissance  du  projet  des  conspirateurs. 

Une  brocimre  écrite  en  flamand,  par  le  frère  de  Serva- 
tius  Vinck  et  tirée  à  un  petit  nombre  d'exemplaires,  a 
donné  un  grand  retentissement  à  ce  déplorable  fait  et  a 
répandu  à  cette  époque,  surtout  dans  le  Brabant,  toutes 
les  cruaués  dont  les  religieux  ont  été  l'objet  de  la  part  des 
bourreaux  et  des  inquisiteurs  du  temps  (i).  Voici  le  récil 
de  la  découverte  de  la  conspiration  et  des  tortures  qu'on  Gt 
endurer  aux  accusés. 

arrestation,  torture  et  exécution  du  Récollet  Servatiits 

Vinck. 

Le  3  mars  de  l'année  \6ù8  (2),  à  dix  heures  du  matin, 
le  religieux  Servatius  Vinck  se  promenait  avec  son  frère, 
sous  les  portiques  du  cloître,  après  avoir  terminé  son  ser- 
mon, lorsque  le  commandant  de  la  ville,  Golstein,  se  pré- 
senta à  l'entrée  du  couvent  et  demanda  Servatius  Vinck  au 
portier.  Celui-ci  ayant  répondu  que  le  religieux  se  prome- 
nait sous  le  portique  avec  son  frère,  Golstein  se  rendit 
auprès  de  lui  et,  en  le  saluant,  lui  demanda  des  nouvelles 
de  sa  santé;  Servatius  Vinck  lui  répondit  qu'il  était  souf- 
frant, ayant  passé  une  mauvaise  nuit.  Golstein  lui  objecta 
qu'il  étudiait  trop  et  lui  demanda  s'il  avait  des  nouvelles 
du  cardinal.  Puis  il  s'informa  s'il  savait  quelque  chose  de 


(1)  Au  XVIe  siècle  déjà,  les  catholiques  subirent  de  cruelles  tortures  en 
Angleterre,  comme  on  peut  le  voir  dans  l'ouvrage  :  Tliealrum  criidclilalum 
haerclicorum  nostri  temporis,  1587,  avec  des  gravures  où  sont  représentées 
les  scènes  de  tortures  endurées  par  les  catholiques. 

(2)  Le  récit  de  la  conspiration  porte  erronément  la  date  de  1636,  au  lieu 
de  1G38.  Une  planche  gravée  à  l'eau  forte,  représentant  l'exécution  des 
condamnés  et  les  portraits  des  quatre  religieux,  a  été  publiée  en  Hollande; 
mais  elle  n'offre  aucun  intérêt  comme  vérité  historique  :  tout  y  est  de  pure 
fantaisie. 


—   53   - 

particulier  du  Brabanl;  sur  quoi  le  religieux  répliqua  qu'il 
s'occupait  de  ses  offices  et  qu'il  n'avait  pas  de  nouvelles 
du  tout.  Ils  se  rendirent  ensuite  au  jardin,  où  ils  restè- 
rent environ  une  demi-heure.  A  la  porte,  le  commandant 
intima  au  religieux  l'ordre  de  l'accompagner  à  sa  de- 
meure, ce  à  quoi  celui-ci  obtempéra  immédiatement, 
demandant  seulement  le  temps  d'obtenir  du  père  gardien 
l'autorisation  de  sortir  et  de  demander  un  religieux  pour 
l'accompagner. 

Il  se  rendit  ensuite  avec  le  commandant  à  la  maison  de 
celui-ci,  où  était  réuni  le  conseil  de  guerre,  qui  l'interrogea 
jusqu'à  onze  heures  de  la  nuit  sur  la  conspiration  qui  ve- 
nait d'être  découverte;  mais  Servalius  Vinck  se  défendit 
énergiquement  d'y  avoir  trempé. 

Après  celte  première  audition,  on  le  conduisit  sous  bonne 
garde  à  la  maison  du  capitaine  auditeur  [kapitein  geweldi- 
ger),  où  on  l'interrogea  fréquemment  et  presque  toutes  les 
nuits.  Le  capitaine  lui  ayant  demandé  s'il  ne  serait  pas 
permis  de  révéler  un  secret  qui  aurait  été  confié  sous  le 
sceau  de  la  confession  et  qui  aurait  rapport  à  une  conspi- 
ration pouvant  coûter  la  vie  à  quinze  mille  personnes,  le 
religieux  répondit  qu'il  ne  violerait  pas  le  secret  de  la  con- 
fession, dût-il  en  coûter  la  vie  à  deux  fois  plus  de  monde. 
Sur  ce  le  capitaine  lui  cria  :  Brigand,  on  devrait  te  faire 
ecarteler  à  quatre  chevaux.  —  Le  religieux  répliqua 
qu'il  pouvait  en  prendre  un  nombre  double. 

Le  21  mars  1658,  durant  la  nuit  du  dimanche  de  la  Pas- 
sion, Servatius  Vinck  fut  mis  à  la  torture,  dans  l'ancienne 
maison  communale,  de  la  manière  suivante.  Il  y  avait  une 
chaise  en  forme  de  trépied  et  un  collier  en  fer,  garni  de 
pointes  très-aiguës.  Un  capitaine  était  présent,  ainsi  qu'un 
clerc  ou  écrivain,  nommé  Hofmeyer,  secrétaire  du  comte 
de  la  Moterie  et  son  porte-drapeau,  pour  tenir  note  des 
révélations  que  ferait  le  religieux.  On  commença  par  cher- 


54 


cher  à  lui  arracher  des  aveux,  en  lui  montrant  les  instru- 
ments de  torture,  en  le  menaçant,  s'il  s'obstinait  à  garder 
le  silence,  de  l'exposer  devant  un  grand  feu  qui  brûlait 
dans  Tàlre,  en  lui  mettant  le  collier  de  fer  à  pointes  et  en 
le  plaçant  sur  la  chaise  pour  lui  faire  rôtir  les  membres. 
A  ce  moment  Servaiius  Vinck  se  mit  en  prières  devant  ces 
instruments  de  martyre  et  invoqua  Dieu,  en  disant  :  Sei- 
gneur, laissez-moi  aider  à  porter  votre  croix  et  donnez-moi 
force  et  courage  pour  supporter  ces  douleurs.  Puis,  embras- 
sant un  des  instruments,  il  se  livra  à  l'exécuteur,  qui  le 
déshabilla,  lui  banda  les  yeux  et  le  plaça  ensuite  sur  la 
chaise  devant  le  feu. 

Le  capitaine  Iloogendorp  lui  arracha  sa  cordelière  pour 
l'employer,  disait-il,  à  attacher  son  cheval;  l'exécuteur 
s'étant  éloigné  un  instant,  l'écrivain  Hofmeyer  serra  davan- 
tage le  collier  à  pointes  (i)  autour  du  cou,  et  l'exécuteur, 
à  son  retour,  en  fit  l'observation,  disant  qu'il  lui  parais- 
sait n'être  pas  seul  à  exercer  ses  fonctions.  Au  milieu  de 
ses  souffrances,  Servatius  Vinck  ne  cessait  d'implorer  le 
Ciel,  en  disant  :  Seigneur,  pardonnez-leur;  car  ils  ne  savent 
pas  ce  qu'ils  font. 

On  le  détacha  ensuite,  et  on  l'étendit  sur  un  matelas, 
d'où  il  adressa  de  pieuses  exhortations  aux  soldats  chargés 
de  le  garder. 

L'auditeur  (ou  kapitein  geweldiger)  se  rendit  auprès  de 
lui,  le  S  juin  au  soir,  pour  lui  donner  lecture  de  sa  sen- 
tence de  mort,  qu'il  écouta  avec  calme  et  impassibilité;  il 
le  chargea  d'informer  le  commandant  qu'il  se  soumettait 
volontiers  à  sa  condamnation.  Il  lui  rappela  le  conseil 
qu'on  lui  avait  donné,  trois  jours  auparavant,  d'écrire  à  la 


(I)  Un  (le  ces  colliers  de  lorUire  est  encore  conservé  au  musée  de  la  porte 
de  l'ancienne  prison  de  Hal ,  à  Bruxelles.  Mous  en  avons  publié  un  dessin 
dans  le  Trésor  de  l'art  ancien  en  lielgique. 


—  55  — 

duchesse  de  Boulogne  el  d'implorer  sa  proleclion,  ajoutant 
qu'on  lui  en  avait  beaucoup  voulu  et  qu'on  lui  en  voulait 
encore  (i).  Ayant  passé  toute  la  nuit  en  prières  et  en  mé- 
ditations, il  demanda  un  confesseur  au  conseil  de  guerre, 
par  l'intermédiaire  du  pasteur  réformé  qu'on  avait  placé 
près  de  lui;  mais  il  ne  put  l'obtenir.  Il  adressa  ensuite  au 
père  gardien  et  à  ses  confrères  en  religion  une  lettre  d'a- 
dieu, dans  laquelle  il  leur  demandait  pardon  de  ses  fautes, 
les  conjurant  de  regarder  sa  mort  comme  un  sacrifice  ex- 
piatoire. Il  écrivit  ses  dernières  volontés  et  chargea  le  pas- 
teur réformé  de  porter  ses  adieux  à  son  frère,  mission  dont 
celui-ci  s'acquitta. 

Le  jour  de  son  exécution,  Servatius  sortit  de  la  prison 
vers  les  onze  heures  du  malin  (2);  la  femme  du  prévôt 
lui  présenta  un  verre  de  vin,  qu'il  refusa,  préférant  mou- 
rir à  jeun.  Il  réitéra  ses  remercîmenls  à  celte  femme.  A 
sa  sortie  de  la  prison  pour  marcher  à  l'échafaud ,  il  vit 
dans  la  rue  les  Pères  Dominicains  et  pria  l'un  d'entre  eux. 
Chrétien  Valle,  de  lui  donner  l'absolution.  Arrivé  au  mar- 
ché, il  gravit  l'échafaud,  calme  et  courageux,  et  adressa 
trois  fois  la  parole  au  peuple,  comme  s'il  avait  été  en 
chaire.  Après  la  lecture  de  la  sentence,  qu'il  écouta  avec 
sang-froid,  il  protesta  qu'il  était  innocent  du  crime  dans 
lequel  on  l'accusait  d'avoir  trempé.  Soudain  le  bruit  du 
tambour  retentit;  Servatius  s'inclina  devant  le  peuple  et 
rabattit  lui-même  son  capuchon.  Alors  on  lui  banda  les 
yeux,  et  le  bourreau  lui  trancha  la  tête,  qui  fut  plantée 


(1)  Celte  lettre  ne  fut  pas  remise.  La  duchesse  de  Boulogne  était  la  femme 
du  gouverneur  de  la  ville,  qui  était  alors  à  La  Haye. 

(2)Aïtzema  dit:  «Pendant  qu'on  était  occupé  à  lui  lier  les  mains  pour  aller 
à  l'échafaud,  il  prononça  ces  mots  :  Nunc  abjura  et  rcniincio  omnibus  crea- 
luris  quae  Christo  adversanlur.  »  Cet  auteur  ajoute  qu'il  était  très-aimé  et 
Irès-eslimé  des  catholiqnes  romains,  mais  il  l'appelle  à  tort  gardien  des  Rc- 
collels.  Les  catholiques,  dit-il,  le  considèrent  comme  un  martyr. 


—  56  — 

sur  une  pointe  de  fer  et  exposée  sur  le  rempart,  derrière 
le  couvent  de  son  ordre  (i). 

Le  corps  fut  enterré  à  l'église  de  Saint-Hilaire,  rue  Saint- 
Pierre,  qui  appartient  aujourd'hui  au  culte  réformé  wallon 
ou  français.  L'exécution  eut  lieu  le  7  juin  1638,  jour  de 
la  Translation  de  saint  Servais,  patron  de  la  ville  (2). 

Découverte  de  la  conspiration. 

Une  conspiration  ayant  pour  but  de  livrer  la  ville  au  roi 
d'Espagne,  le  \"  mars  1638,  fui  découverte  de  la  manière 
suivante.  Un  bourgeois  de  la  ville  et  un  soldat  bourguignon 
nommé  Lacourt  (3),  en  étaient  les  principaux  instruments. 
Lacourt,  ayant  été  trouvé  au  fort  d'Elven  nanti  d'une  forte 
somme  d'argent,  son  capitaine  Debullrine  fit  part  de  ses 
soupçons  au  commandant  Golslein,  à  Maestrichl;  Lacourt 
fut  arrêté  le  26  février,  conduit  à  Maestrichl  et  traduit  de- 
vant le  conseil  de  guerre,  auquel  il  déclara,  sans  avoir 
subi  la  question  (4),  qu'il  existait  une  conspiration  pour 
livrer  la  ville  à  l'ennemi;  il  croyait  ainsi  sauver  sa  vie.  En 
ce  moment,  tous  les  villages  d'alentour  étaient  occupés  par 
des  troupes  impériales  et  espagnoles,  cavalerie  et  infante- 
rie, avec  un  nombreux  matériel  de  guerre.  Les  habitants 
de  la  ville  et  les  militaires  s'étonnaient  de  ce  mouvement 
inaccoutumé;  mais  dès  que  l'ennemi  se  douta  que  le  com- 
plot était  découvert,  les  troupes  retournèrent  dans  leurs 
campements. 


(1)  L'endroit  sur  le  rempart  ou  bastion  où  furent  hissées  les  (êtes  sur  des 
pointes  de  fer  (op  yzere  pcnncn) ,  s'appelle  encore  de  nos  jours  Aux  cinq 
têtes  {Aen  de  vyf  koppcn). 

(2)  Aïlzema  dit  que  le  corps  a  été  enterré  à  une  place  honorable,  mais 
ignorée,  pour  empêcher  les  catholiques  de  venir  lui  rendre  honneur,  ce  qu'ils 
ont  fait  cependant  à  la  tête. 

(3)  Dans  sa  confession,  on  nomme  le  soldat  bourguignon  Claude  de  la 
Court. 

(4)  Sans  avoir  subi  la  question,  veut  dire  ;  sans  avoir  élé  torturé. 


—  57  — 

Le  soldai  Lacourl  (i)  dénonça  comme  complice  un  riche 
bourgeois  de  la  ville,  le  brasseur  Landsman,  qui  demeurait 
près  de  l'ancien  couvent  des  Franciscains,  à  l'enseigne  du 
Croissant.  Celui-ci  avait  fait  pratiquer  derrière  sa  demeu- 
re, dans  le  mur  d'enceinle  de  la  ville,  une  petite  porte, 
qu'il  avait  ensuite  remplie  avec  des  pierres  calcaires,  dans 
l'intention  de  livrer  par  là  passage  aux  Espagnols,  lorsqu'on 
sonnerait  l'alarme,  et  que  la  garnison  se  serait  rendue  aux 
différents  endroits  de  la  ville,  à  l'approche  de  l'ennemi. 
Landsman  fut  arrêté  le  27  février  1638,  le  lendemain  de 
l'arrestation  de  son  complice  Lacourt,  et  par  conséquent  il 
était  informé  de  la  découverte  de  la  conspiration,  et  il  avait 
tout  le  temps  de  prendre  la  fuite. 

Dans  l'instruction  devant  le  conseil  de  guerre,  qui  dura 
toute  la  nuit,  Landsman,  sans  attendre  qu'on  le  mit  à  la 
question,  déclara  qu'il  aurait  reçu,  en  cas  de  réussite,  une 
pension  de  2,200  florins,  somme  sur  laquelle  il  avait  déjà 
louché  600  florins.  11  dénonça  en  même  temps  le  prédica- 
teur des  Frères  Mineurs,  Servatius  Vinck,  qui  fut  également 
arrêté  le  3  mars,  et  auquel  il  déclara  avoir,  sous  le  sceau 
de  la  confession,  révélé  la  conspiration. 

Le  même  jour,  on  arrêta  le  maçon  Léonard  Calers;  un 
de  ses  compagnons,  Jean  Pompen,  ayant  appris  cette  ar- 
restation, prit  la  fuite.  Ces  deux  ouvriers  avaient  mission 
d'ouvrir  l'entrée  ménagée  derrière  la  maison  du  brasseur 
Landsman,  pour  livrer  la  ville  à  l'ennemi. 

On  arrêta  encore,  le  8  mars,  Henri  Graven,  accusé  de 
complicité  parce  qu'on  l'avait  trouvé  lisant  une  lettre  de 
commerce  de  Landsman.  Ce  dernier  dénonça,  dans  son  in- 


(1)  On  verra  plus  loin  qu'on  écrit  le  nom  du  solilal  bourguignon  :  Claude 
de  la  Court.  Aïlzcma  dit  que  de  la  Court  était  un  noljle  bourguignon,  qui 
avait  quitté  le  service  de  l'Espagne  pour  iiistiguer  la  conspiration  à  Maes- 
triclil. 


—  58  — 

lerrogatoire,  Jean  Boddens  (i),  recleur  des  Jésuites;  Gérard 
Pasman,  religieux  du  même  ordre,  et  le  frère  lai  Philippe 
Nalling,  portier  du  couvent. 

Le  30  mars,  on  arrêta  encore  le  curé  de  Saint-iNicolas, 
Arnold  van  Hulberk;  Joseph  Sylvius  ou  Selvius,  chapelain 
de  Notre-Dame;  Jean  Couwenberg,  ancien  bourgmestre; 
André  van  Slokhem,  éclievin  et  payeur  de  la  ville;  Téchevin 
de  Saint-Pierre  et  de  Maeslricht,  François  Gratie,  et  un 
maçon  qui  fut  dénoncé  par  haine  par  son  confrère  Calers; 
trouvé  innocent,  il  fut  mis  en  liberté  le  9  mai  suivant,  sa 
libération  ayant  cependant  exigé  beaucoup  de  frais. 

Lacourt  fut  torturé  à  l'ancienne  maison-de-ville,  et  le  pré- 
dicateur des  Récollets,  Servatius  Vinck,  à  la  Couronne  de 
la  Patrie  (2). 

Le  29  mars,  on  y  mit  encore  à  la  question  le  Jésuite  Pas- 
man; le  30  mars,  le  frère  lai  Jésuite  Natting,  et  le  1"  avril, 
le  chapelain  de  Notre-Dame,  Sylvius.  Le  7  avril,  on  ap- 
pliqua de  nouveau  à  la  torture  Philippe  Natting,  et  le  9  du 
même  mois,  on  martyrisa  pendant  vingt-quatre  heures  le 
recleur  des  Jésuites,  Jean  Boddens.  L'échevin  de  la  ville, 
François  Gratie,  fut  trouvé  innocent  et  mis  eu  liberté  le 
7  avril. 


Voici  comment  l'auteur  de  la  description  des  églises  el 
des  couvents  des  Récollets,  à  IMaestricht,  rend  compte  dans 
VA7uniaire  du  Limbourg  de  1830,  de  la  découverte  de  la 
conspiration. 

(1)  Le  recleur  Boddens  était  de  Bruges  et  d'une  des  premières  familles  de 
celte  ville. 

(2)  Dans  la  relation,  on  voit  que  ce  religieux  fut  torturé  à  l'ancienne 
maison-de-ville;  peut-être  a-t-il  subi  son  supplice,  à  différentes  reprises, 
dans  ces  deux  édiflces  ?  Nous  avons  déjà  dit  que  l'Iiôtel  de  la  Lancls  Kroone 
ou  Couronne  de  la  Patrie  se  trouvait  entre  la  halle  aux  viandes  et  la  maison 
portant  pour  enseigne  le  Léopard,  occupée  aujourd'hui  par  un  quincaillier. 


—  59  — 

«  En  1G38,  une  accusation  de  tentative  de  trahison  con- 
•  duisit  à  réchafaud  un  moine  de  cet  ordre  (Récollets),  ainsi 
»  que  d'autres  religieux. 

»  Les  Espagnols,  après  la  reddition  de  la  ville  de  iMaes- 
»  tricht  aux  Hollandais,  s'étaient  retirés  eu  partie  au  fort 
»  d'Elve,  près  de  Navaigne,  sur  la  Meuse,  et  tenaient  con- 
»  linuellement  la  ville  en  échec.  N'ayant  pas  réussi  à  la 
»  reprendre  à  la  clarté  du  jour,  par  quelque  coup  de  main 
»  hardi  et  loyal,  ils  eurent  recours  à  un  stratagème  désa- 
»  voué  par  l'honneur.  Un  brasseur,  dont  la  maison  était 
»  située  rue  d'Enfer,  y  répondit.  Il  flt  pratiquer,  sous  le 
»  rempart,  une  issue  par  où  les  ennemis  devaient  être  in- 
»  troduils  dans  la  ville.  Déjà  ceux-ci  s'en  approchaient 
»  à  la  lueur  d'un  fanal,  placé  sur  une  tourelle,  lorsque  le 
»  projet  des  traîtres  fut  déjoué.  Le  gardien  (sic)  des  Ré- 
»  collets,  trois  Jésuites  (sic)  el  un  prélre  séculier  furent 
»  accusés  de  complicité  pour  non-révélation,  traduits  devant 
»  le  conseil  de  guerre  de  la  garnison,  el  condamnés  à  mort. 
»  Ils  furent  décapités  sur  la  place  du  Marché,  et  les  têtes 
»  de  deux  d'entre  eux,  ainsi  que  celles  de  trois  laïcs,  en- 
»  veloppés  dans  la  même  trahison,  furent  exposées  sur  des 
»  piques,  près  du  rempart,  derrière  le  couvent  des  Récollets, 
»  au  haut  d'un  bastion,  qui  a  conservé  jusqu'aujourd'hui 
»  la  dénomination  :  Aen  de  vyf  koppen  (aux  cinq  têtes). 
»  Beaucoup  de  personnes  sensées  ont  eu  de  la  peine  à 
»  ajouter  foi  à  la  culpabilité  (sic)  de  ces  ecclésiastiques.  On 
»  peut  voir  ce  qu'en  ont  pensé  les  auteurs  contemporains, 
»  que  certainement  on  n'accusera  pas  de  partialité.  Voyez 
»  Aïlzema,  à  l'année  1658,  elB\'}nkevs\\oek,Quesiionesjwis 
n privait,  lib.  I,  cap.  15.  —  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  cer- 
»  tain  que,  même  suivant  le  cours  de  la  justice  de  ce  temps- 
»  là,  on  a  usé  de  trop  de  sévérité  à  leur  égard.  » 

Nous  croyons  que  l'auteur  de  cet  article  n'est  pas  seul 
de  celte  opinion  et  qu'il  confond  singulièrement  la  justice 


—  00  — 

de  ce  temps-là  avec  les  torlionnaires  du  conseil  de  guerre 
de  Maeslrichl,  en  1658. 

Louis  XIII,  roi  de  France,  inlercéda  par  écrit  auprès  des 
Élals  en  faveur  des  religieux,  et  son  ambassadeur  appuya 
cette  demande.  V^oici  comment  Aïlzema  mentionne  celle 
demande  et  la  réponse  qu'y  firent  les  Etats  : 

De  Coning  van  Franknjck  schreef  in  faveur  van  de  ge- 
melde  Religieusen,  ende  versocht  dalse  mochten  voorden 
geslelt  voor  PoUlijcque  Rechters  :  sidcx  deszetfs  Ambassa- 
deur alhier  by  monde  ende  by  geschrifte  heeft  gesecundeert, 
verzoeckende  by  provisie  Surseance  van  executie.  De  keur- 
furst  van  Keulen  als  prins  van  Luyck,  ende  lot  Maeslrichl 
de  halve  juridictie  hebbende,  liet  desgelycx  veel  devoir  doen. 
Men  nam  hel  advys  des  Rueds  van  state  :  7  welck  was,  dal 
deselve  niel  en  twyfelde  of  de  Religieusen  souden  groote  de- 
voiren  ende  instantien  in  Vrankryck  hebben  gedaen,  omde 
voorsz.  intercessie  le  verkrygen.  Maer  dal  H  aère  Ho:  Mog: 
wislen  na  haer  wysheyl  te  oordeelen  dal  hel  stuk  vande 
voorschreve  ghevangens  eene  saecke  was,  dewelcke  len 
hooghsten  raeckte,  niel  alleen  hel  welvaren  van  desen  Slaet, 
maer  dat  oock  de  Repntatie  vaii  de  Regeeringe  van  dien,  seer 
veel  daeraen  gelegen  was,  dat  daerinne  goede  justicie  werde 
gheadminislreerl,  waervan,  om  de  Proceduren,  die  daerinne 
gehouden  wierden,  deur  intercessien  niel  te  laten  inlerum- 
peren,  ende  evenwel  wecli  te  nemen,  de  quaede  impressien 
diemen  nemen  wilden,  van  dal  in  de  saecke  onordentelyck 
tegen  de  geestelycke  soude  worden  gheprocedeert;  hadden 
haer  Ho:  Mog:  aenden  gemelden  heer  Ambassadeur  corn- 
municalie  ghegeven  vande  stucken  van  hel  Procès  (i). 

Les  Etats  ajoutèrent  à  cette  réponse  que  le  procès  n'était 


(Ij  Historié  of  vcrhael  van  sakcn  van  stact  en  oorlogh,  door  Liecwe  van 
AïTZEMA,  IV<*«  decl,  IS^''  boek. 


—  6f  — 

Lullemenl  fait  par  haine  de  religion,  mais  seulement  pour 
punir  les  conspirateurs.  Quant  à  la  demande  de  surseoir  à 
l'exécution,  les  États  la  repoussèrent  également  comme  pou- 
vant conduire  à  être  importunés  par  ces  prêtres  et  ensuite 
à  une  demande  de  pardon.  Ils  approuvèrent  la  rigueur  du 
conseil  de  guerre  de  Maestricht,  parce  que  la  conspira- 
tion avait  pour  instigateur  (aenlegger)  un  militaire,  le  sol- 
dat Claude  de  Lacourt.  Les  tortures  infligées  aux  accusés 
sont  pleinement  approuvées  dans  cette  pièce  par  les  mots, 
quil  est  nécessaire  qiiil  soit  fait  bonne  Justice  dans  cette 
affaire. 

Relation  des  tourments  quon  a  fait  subir  au  religieux 
Servatius  Vinck,  au  chapelain  Silvius,  au  frère  lai  Nat- 
ting,  au  Père  Pasman  et  au  recteur  Jean  Boddens. 

On  les  a  d'abord  entièrement  déshabillés,  on  leur  a  bandé 
les  yeux,  puis  assis  sur  un  siège  ou  chaise,  sur  lequel  était 
fixée  une  croix  de  bois.  On  leur  taillada  jusqu'aux  os  les 
chairs  des  membres  inférieurs,  et  on  leur  attacha  les  pouces 
aux  orteils  avec  tant  de  violence  que  les  cordes  leur  cou- 
paient les  chairs.  On  les  exposa  ensuite  devant  un  feu 
ardent.  Autour  du  cou  ils  avaient  un  collier  en  fer,  dont 
les  deux  bords  étaient  garnis  de  soixante-deux  pointes  très- 
aiguës,  et  chaque  pointe  était  longue  d'un  demi-pouce. 
Quatre  cordes,  attachées  au  collier,  étaient  tendues  aux 
quatre  coins  de  la  place,  de  sorte  que  les  accusés  ne  pou- 
vaient faire  le  moindre  mouvement  sans  que  les  pointes 
pénétrassent  plus  profondément  dans  les  chairs.  Ils  ont 
beaucoup  pleuré,  prié  et  invoqué  la  sainte  Vierge  pendant 
leurs  tortures.  Le  capitaine  auditeur,  ainsi  que  les  autres 
militaires  buvaient  et  chantaient,  en  battant  la  mesure  sur 
le  chandelier;  d'autres  sortaient  de  la  chambre,  ne  pouvant 
supporter  la  vue  des  affreux  tourments  qu'on  faisait  endurer 


—  6>2  — 

aux  accusés;  un  aulrc  frappait  sur  les  cordes  qui  élaienl 
attachées  aux  colliers. 

Le  conseil  de  guerre,  ne  pouvant  tirer  aucun  aveu  des 
accusés,  ordonna  au  bourreau  de  couper  avec  des  ciseaux 
les  ampoules  qui  couvraient  leurs  corps,  d'y  verser  du  vinai- 
gre mêlé  de  soufre,  de  sable  et  de  salpêtre,  et  de  les  appro- 
cher davantage  du  feu.  Le  frère  lai  Nalting  ne  prononça 
pas  un  seul  mot.  Le  conseil  de  guerre  lui  demanda  s'il  était 
possédé  du  démon  du  silence,  ajoutant  qu'on  saurait  bien 
l'en  délivrer.  On  lui  fit  subir  les  mêmes  tourments  qu'aux 
autres. 

Alors  vint  un  certain  Jean  Van  Duren,  qui  prenant  le 
frère  lai  par  derrière,  le  souleva  et  le  rejeta  avec  tant  de 
violence  sur  son  siège  qu'il  lui  rompit  l'épine  dorsale.  Tous 
ces  tourments  ne  purent  ébranler  la  foi  et  la  constance  du 
patient,  qui  ne  proféra  aucune  parole,  ne  poussa  aucune 
plainte  et  se  renferma  clans  un  silence  absolu.  Le  conseil  de 
guerre  ordonna  alors  de  déposer  sur  un  matelas  son  corps 
tout  brûlé,  et  on  lui  demanda  de  nouveau  la  cause  de  son 
silence.  Il  déclara  qu'il  était  innocent  du  crime  dont  on  l'ac- 
cusait et  qu'il  souffrait  avec  résignation  toutes  ces  douleurs 
en  invoquant  Dieu. 

Exécution  de  ceux  qui  prirent  part  à  la  conspiration. 

Le  30  avril,  la  femme  du  soldat  Lacourt,  nommée  Agnès 
Bontin,  fut  mise  à  mort  parce  qu'elle  avait  eu  connaissance 
de  la  conspiration.  Le  même  jour,  le  soldat  Lacourt  fut 
écartelé,  et  les  quartiers  de  son  corps  exposés  à  chacune 
des  portes  de  la  ville.  Le  même  jour  encore,  fut  exécuté  le 
maçon  Caters,  dont  le  corps,  avec  celui  de  la  femme  La- 
court, fut  enterré  sous  la  potence.  Le  1"  mai,  on  livra  à 
l'exécuteur  le  brasseur  Jean  Landsman,  qui  sur  l'échafaud 
même,  croyant  ainsi  sauver  sa  vie,  déclara  que  Servatius 


—  G5  — 

Vinck  l'avait  poussé  au  crime.  Ce  malheureux  fut  aussi  tiré 
en  quartiers,  qui  furent  exposés  aux  différentes  portes  de  la 
ville. 

Relation  concernant  les  prêtres  accusés,  et  leur  comparution 

devant  la  justice. 

Le  7  juin,  fut  exécuté,  comme  nous  avons  dit,  le  P.  Ser- 
valius  Vinck.  Le  11,  on  arrêta  André  Gink  et  Guillaume 
Solis,  de  Meersen;  le  vicaire  de  Notre-Dame  et  M.  Jean 
Olieslagers,  curé  de  Saint-Martin,  à  Wyck.  Deux  religieux 
Croissiers  furent  également  arrêtés,  mais  seulement  comme 
soupçonnés.  Les  deux  bourgeois,  après  avoir  subi  l'instruc- 
tion, furent  mis  en  liberté. 

Le  6  juin,  on  mil  le  Jésuite  Pasman  à  la  torture,  et  on 
l'exécuta  le  21;  le  P.  Pasman  était  de  noble  extraction  et, 
avant  d'entrer  dans  l'ordre,  il  avait  servi  comme  capitaine 
d'infanterie.  Il  protesta  de  son  innocence  jusqu'à  son  der- 
nier soupir.  Son  enterrement  eut  lieu  dans  l'église  des 
Jésuites. 

Le  14  du  même  mois,  on  mena  au  supplice  le  frère  lai 
Natling,  qui,  comme  les  autres,  protesta  de  son  innocence 
jusqu'au  dernier  moment,  et  harangua  le  peuple  du  haut 
de  l'échafaud.  Le  corps  et  la  télé  furent  enterrés  sous  la 
potence  (i). 

Le  vicaire  Sylvius  fut  exécuté  le  24  juin.  Après  avoir 
entendu  sur  l'échafaud  la  lecture  de  sa  sentence,  il  prolesta 
de  nouveau  de  son  innocence;  mais  on  l'empêcha  de  con- 
tinuer à  parler,  on  lui  banda  les  yeux,  et  on  lui  ordonna 
de  s'agenouiller.  En  ce  moment,  un  tremblement  nerveux 
agita  ses  membres.  Le  bourreau,  soulevant  alors  le  glaive, 
lui  asséna  un  coup  sur  les  épaules,  puis  dans  le  cou,  et 

(1)  On  se  rappelle  que,  pendant  l'inlerrogaloire,  ce  religieux  avail  gardé  le 
silence  le  plus  absolu. 


—  64  — 

acheva  (le  détacher  la  léie  avec  un  couteau.  Le  corps  et  la 
tête  furent  enterrés  à  l'église  de  Notre-Dame  (i). 

Les  tortionnaires  continuèrent  leur  sanglant  office,  et  le 
16  juin,  ils  exposèrent  devant  le  feu,  durant  vingt-quatre 
heures,  le  recteur  des  Jésuites,  Boddens;  celui-ci  ayant 
demandé  à  boire  pendant  qu'on  le  torturait  ainsi,  on  lui 
offrit  du  vin  mêlé  de  vinaigre.  On  le  força  d'adresser  au 
duc  de  Bouillon  (2)  une  lettre  qu'il  dicta  au  capitaine  rap- 
porteur et  qu'on  rédigea  en  français  (3). 

Le  20  juillet  il  fut  mis  à  mort  :  quatre  frères  Cellites  le 
portèrent  sur  une  petite  chaise  au  lieu  de  l'exécution,  et  là, 
eu  présence  du  peuple,  il  protesta  encore  une  fois  de  son 
innocence,  priant  avec  ferveur  jusqu'au  moment  de  son  exé- 
cution et  engageant  le  bourreau  à  faire  son  devoir.  Son  corps 
fut  porté  à  la  maison  du  capitaine  geweldiger,  d'où  il  fut 
enlevé  pendant  la  nuit,  sans  que  l'on  sache  où  il  fut  enterré. 

L'auteur  de  la  brochure  où  sont  décrits  tous  les  tour- 
ments qu'on  a  fait  subir  aux  accusés,  le  frère  du  Récollet 
Servalius  Vinck,  termine  son  récit  par  la  preuve  suivante, 
qu'il  invoque  pour  établir  que  les  religieux  n'avaient  pas 
trempé  dans  la  conspiration  : 

Lorsqu'on  appliquait  la  question  au  brasseur  Landsman, 
c'est-à-dire  au  moment  où  on  le  torturait,  on  lui  demanda  si 
les  Jésuites  avaient  eu  connaissance  du  complot,  il  répondit 
qu'il  n'avait  rien  à  révéler  contre  ces  religieux;  mais  lors- 
qu'on lui  promit  de  le  mettre  en  liberté  s'il  voulait  déclarer 
quels  étaient  ses  complices,  c'est  alors  seulement  qu'il  dit 

(1)  Aïizema  dit  que  Sylvius  était  très-calme  :  on  ne  put  remarquer  en  lui 
aucune  émotion;  il  avait  la  conviclion  de  mourir  en  martyr. 

(2)  Frédéric  Maurice  de  la  Tour,  duc  de  Bouillon,  prince  souverain  de 
Sedan  et  de  Raucourt,  vicomte  de  Turenne,  en  1638,  gouverneur  de  la  ville 
pour  les  Étals  généraux  des  Provinces-Unies. 

(3)  Le  texte  de  cette  lettre,  en  français  et  en  flamand,  se  trouve  aux  Annexes, 
à  la  fin  de  cette  notice. 


—  65  — 

que  le  recleur,  le  P.  Pasman  et  le  frère  IValling  avaient 
eu  connaissance  du  fait. 

On  commença  aussitôt  rinstruclion  contre  ces  trois  reli- 
gieux; le  recleur  prit  la  parole  pour  réclamer  du  comman- 
dant Golstein  sa  confrontation  avec  Landsman.  Ayant 
demandé  alors  à  ce  dernier  s'il  lui  avait  jamais  parlé  de 
la  conspiration,  Landsman  répondit  affirmativement.  Le 
recteur  lui  demandant  ensuite  s'il  lui  avait  donné  d'avance 
quelque  connaissance  de  la  conspiration,  il  répondit  néga- 
tivement. Le  recteur  lui  demanda  encore  à  quelle  heure  il 
lui  avait  parlé  et  où  avait  eu  lieu  leur  entrevue.  A  la  pre- 
mière porte  dans  le  collège,  sous  le  toit  an  côté  droit,  répon- 
dit Landsman,  ajoutant  que  le  P.  Pasman  et  le  frère  Natting 
parlaient  ensemble  dans  le  collège  près  du  parterre  des 
fleurs  (bloemhof).  Il  disait  encore  qu'il  lui  avait  parlé  le 
soir  dans  la  plus  profonde  obscurité.  Le  recteur  lui  ayant 
démontré  la  fausseté  de  ses  déclarations,  puisqu'il  disait 
avoir  vu  le  frère  lai  et  le  P.  Pasmans  près  du  jardin,  qui 
était  à  quarante  pas  de  l'endroit  où  il  lui  aurait  parlé  dans 
la  plus  grande  obscurité,  Landsman  se  renferma  dans  le 
silence.  Le  commandant  Golstein  ajouta  immédiatement  : 
«Père  recteur,  ces  discussions  sont  inutiles  ici;  il  suffît 
que  Jean  Landsman  ait  déclaré  que  vous  étiez  informé  du 
fait.  »  Puis  on  reconduisit  le  recteur  en  prison. 


annexes. 

Le  pasteur  protestant  Ludovicus,  le  même  qui,  en  1642, 
établit  sa  demeure  et  l'orphelinat  protestant  dans  le  couvent 
des  Récollets,  après  leur  bannissement  de  la  ville,  a  publié 
en  flamand,  sans  nom  d'auteur,  les  pièces  suivantes,  qui 
sont  devenues  très-rares.  Ce  sont  les  aveux  ou  confessions 
des  conspirateurs,  le  soldat  bourguignon  Claude  de  laCourt, 


—  66  — 

sa  femme  Agnès  van  Boury,  le  brasseur  Landsman  el  le 
maçon  Caters.  Celle  pièce  a  été  imprimée  en  1658  (i). 

CONFESSIE    OFTE    DE    LESTE    BEKENTENISSE 

Van  de  vier  conspirateurs,  le  welen  :  Agnes  van  Boury  (2), 
Claude  de  la  Court,  Leenaert  Caters,  Jan  Lantsman, 
dewelck  binnen  Maestricht  gejusticeert  zyn  op  den 
oO  april,  en  den  1    mey   1658  (3). 

De  leste  ende  principaelsle  woorden  ende  discoursen 
van  de  vrouwe  van  den  soldaet  Claude  de  la  Court,  Agnes 
van  Bourry  : 

Nae  dat  de  voorsz.  Vrouwe  de  goede  vermaningë  eiule  ver- 
troostingen  van  den  Heere  Predicant  Ludoviciis  by  t'  aenseggen 
van  de  sententie  des  dools  hadde  aengehoori,  so  heeftse  van 
hem  versocht  te  willen  seggen  wie  hy  was?  Den  Predicant  ant- 
woorde  :  [ck  ben  een  Leeraer  van  de  Gereformeerde  Kercke 
deser  stede.  Waer  op  de  voorsz.  Vrouwe  repliceerde  :  My  is 
verbode  van  onse  Priesteren  niet  te  troden  ineenige  conferentie 
met  de  ministers  van  de  gereformeerde  kercken,  daerom  en  be- 
geere  ik  metU.  L.  in  t'  stuck  van  de  Religie  niet  te  confereren. 
Ick  en  ben  niet  alleen  een  Leeraer,  antwoorde  d'Heer  Ludovicus, 
maer  oock  eenen  Borger  van  Maeniricht;  daerom  en  wilt  ghy  my 
niet  hooren  als  eenen  Leeraer,  soo  laet  my  doch  met  u  spreken 
als  een  Borger  die  uyt  goeder  harten  U.  L.  komt  besoecken, 
ende  tôt  een  saligh  eynde  te  bereyden.  Op  dese  woorden  heeft 
de  voorsz.  vrouwe  beginnë  te  luysteren,  ende  den  Heer  Predi- 
cant is  in  syn  voornemen  voorts  gevaren,  haer  voor  oogen  stei- 


(1)  Les  noms  du  soldai  et  de  sa  femme  sont  indiqués  d'une  manière  toute 
dififérenle  dans  cette  pièce,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer  précé- 
demment. 

(2)  Dans  le  récit  précédent,  on  nomme  la  femme  Agnès  Bonlin,  et  son  mari 
le  soldat  l.acourt. 

(3j  Ghedruckl  ende  te  koop  by  J.  Burchoorn,  Boeck-Dnicker  op  de  wesl-zyde 
van  l'  Speuij  inde  niciiwe  Druckery,  1C38.  Sans  nom  de  la  ville  où  elle  a  été 
imprimée. 


—  67  —  , 

lende  het  abominabele  verracdf,  ende  andere  hare  sonden; 
doch  siende  de  groote  alteratie,  dewclcke  dese  vrouwe  kreegh 
over  dese  voor-stellinge,  soo  heeft  hy  haer  gevraegt,  ofte  haer 
deselve  nevens  hare  andere  sonden  oock  van  harie  leet  warê, 
ende  ofse  oock  begeerde  genade  ende  vergevinghe  van  Godt 
door  Christum?  antwoorde  sy  jae,  soo  heeft  hy  haer  de  Leere 
van  Chrisfo,  ende  van  t'  Gcloove  voorgestelt,  al  het  welcke  sy 
met  een  bysondere  atteniie  heeft  aengehoort,  vragende,  oft  men 
in  aile  Ghercformeerde  Kercken  oock  soo  leerde?  seyde  dacr 
beneffens,  dalse  by  dese  Leere  gheresolveert  was  te  leven  ende 
te  sterven.  Hier  op  wierde  haer  van  de  Predicant  verscheyde 
vragen  voor  ghesteit,  ende  onder  andere,  watse  hieit  van  het 
vaghevyer?  Die  gheene  die  Christi  bloet  niet  en  houden  voor 
haer  vaghevyer,  gafse  (ot  antwoort,  die  soecken  een  ander  va- 
ghevyer, maer  ick  geloove  dat  ick  door  Christi  bloet  gereynigt 
ben  van  aile  myne  sonden,  daeromme  soo  geloove  ick  dat  myn 
ziele,  als  sy  desen  dagh  sal  scheydë  uyt  dit  lichaem,  tersiont  sal 
op-genomen  werden  in  den  Hemel.  Doch  naderhant  doë  sy  ghing 
naer  de  justicie,  versochtse  van  een  vrouwpersoon,  datse  wilde 
sorghe  draghen,  dat  een  Misse  voor  hare  ziele  niochte  gedaen 
worden;  maer  den  Predicant  dede  haer  gedencken  aen  haere 
woorden,  seggende  :  Byaldien  gy  gelooft  dat  nwe  ziele  desen 
dagh  sal  by  Christo  wesen,  waertoe  dan  de  zielmisse?  Ghy  bebt 
ghelyck,  seyde  sy,  ick  en  sal  geen  Misse  van  doen  hebben.  Op 
haer  kamer  vraeghde  haer  d'Heere  Ludovicus  watse  in  de  handen 
hadde?  Sy  seyde  een  Pater  noster.  Wederora  ghevraegt  synde 
waertoe  sy  die  gebruyckte?  gafse  voor  antwoort  :  Ick  bidde  aen 
hetselve  het  Ave  Maria.  Den  Predicant  antwoorde,  dat  sulx  niet 
en  konde  wesen,  om  dat  tusschen  die  twee  dingen,  te  weten 
tusschen  Pater  nosier  ende  Ave  Maria,  een  groote  onderscheyt 
waere;  dat  het  eene  was  een  gebedt  ons  van  Christo  bevolen, 
het  ander  was  een  salutatie  van  den  Enghel,  die  de  H.  RIagci 
Maria  niet  meer  van  noode  en  hadde.  Voorts  seyde  hy  dat  hy 
met  de  paepsche  Pater  Nosiers  wilde  bewysen,  dat  men  anders 
niemant  als  onsen  Vader  die  in  de  Hemelen  is  moeste  aenbidden, 
omdat  de  paepsche  Leeraers  door  de  gantsche  wereit  aen  aile 
hare  Paus-gesinde  tê  hoogsten  recomraanderen  deselve  Pater 
Nosier  :  waer  door  sy  onwetende  moeten  lecrcn  ende  le  kenneu 


—  68  — 

geven,  dat  men  niemant  anders  als  Patrem  noslriim,  dat  is  on- 
sen  Vader  in  den  Hcmel  moet  aen-roepen;  byaldien  sy  (syde 
hy)  konden  bewysen,  dat  Christiis  bevolen  hadde  de  Sancten 
ende  Sanctinnen,  als  Petriim,  Annam,  Marcum,  Franciscum, 
ende  andere  moeste  aen-roepen,  gelyck  hy  bevolê  heeft  dat  men 
Patrem  nostrum  sal  aenroepen,  so  soudense  hare  dévote  catho- 
lyckë  niet  alleen  doen  hebben  Pater  nosters,  maer  oock  Peter 
nosters,  Anna  nosters,  Marca  nosters.  Francisai  nosters,  etc. 

Dit  heeft  de  voorsz.  vrouwe  bevvogen,  dat.se  niet  alleen  haeren 
Pater  noster  niet  meer  en  heeft  gebriiyckt,  maer  sy  heeft  oock 
van  die  uyre  af  hare  gebeden  alleen  tôt  Godt  gedaen,  ende  van 
het  voick  op  straet  versocht  te  willen  voor  haer  bidden,  altyts 
seggende  :  Bidt  Godt  voor  my;  doë  haer  de  oogen  verbonden 
waren,  heeft  se  haere  schult  bekent,  ende  dese  woorden  deu 
Heere  Predicant  naer-ghesproken,  Heere  Jesu  ,  in  uw  handt 
bevele  ick  mynen  geest,  ghy  hebt  my  verlost,  Heere,  ghy  ge- 
trouwe  Godt!  Ende  daer  mede  heeft  sy  haer  leven  besloten. 

De  leste  ende  principaeisle  woorden  van  Claude  de  la 
Court  : 

Heeft  voor  eerst  begeert  eenen  Capucyn  om  te  mogen  biech- 
ten;  doch  soo  haest  hy  de  vertroostinghe  vande  Fransche  Predi- 
cant De  la  Grève,  ende  synen  collega,  heeft  ontfangen,  soo  heeft 
hy  van  geenen  Biechtvader  meer  gesproken,  noch  de  Sancten 
in  syne  gebeden  aengheroepen,  ghelyck  hy  te  vooren  gewoon 
was  te  doen.  Op  het  schavot  heeft  hy  syn  schult  bekendt,  God 
ende  het  gantsche  garnisoen,  neffens  de  présente  spectateurs, 
om  vergiffenisse  gebeden  van  t'  gène  dat  hy  heeft  meenen  te 
doen,  ende  heeft  oock  neffens  den  voorn.  Predicant  syn  ziele 
in  de  handt  van  synen  Zaligmaeker  bevolen. 

De  leste  ende  principaeisle  woorden  van  Leenaert  Calers, 
melselaer. 

Eenige  wekcn  voor  syn  doot  heeft  hy  van  selfs  de  Predi- 
canten  ontboden,  om  van  haer  veriroostingh  t'  ontfangen;  die 
by  hem  gekomen  synde,  sulck  een  bescheyt  van  hem  hebben 
ontfanghen,  datse  haer  ton  hooghsten  daer  over  hebben  verwon- 


—  69  — 

dert.  Naedai  hem  de  sententie  des  dools  vvas  acn-geseyf,  heeft 
hy  in  de  legenwoordigheit  van  don  Predicant  Johan  Brelius  vêle 
schriftuer  plaetsen,  endc  andcre  Iroostelycke  senlentie  uii  an- 
dere  goede  boeckon,  die  hy  gelesen  hadde,  verhaeit,  noyt 
mentie  makende  van  eenig  Priesler,  noch  van  biechten,  noch 
van  ziel  mis,  noch  van  Sancten,  slennende  alleen  op  de  ver- 
diensten  Clirisli,  ende  de  ghenaede  Gods,  seyde  verwondert  te 
zyn,  dat  sulcke  luyden,  gelyck  Pater  Vinck,  Paler  Hector,  ende 
andere  Monicken  soo  groote  sonden  soude  kuiinen  begaen,  ende 
andere  eenvoiidige  Borgerë  te  verieyden,  die  nogians  meer  wys- 
heit  behoorden  te  hebhen  om  andere  wat  goets  te  leeren,  ende 
van  t'  qiiaet  af  te  raden.  Op  t'  schavot  heeft  hy  syn  schult  be- 
kendt,  ende  heeft  syn  leven  met  een  vast  vertrouwen  op  Godes 
barmhertigheyl  in  Chrislo  geeyndigt. 

De  lesle  ciide  principaelsle  woordcn  van  Johan  Lantsman. 

Naer  dai  hem  de  sententie  des  dools  vvas  aen-geseyt,  en  heeft 
hy  anders  niet  begeert,  aïs  dat  syn  doode  lichaem  in  syns  vaders 
graff  mochte  begraven  werden.  Al  eenighe  weken  te  voren  heeft 
hy  versocht  by  hem  te  mogen   hebhen  de  Predicanten  van  de 
gereformeerde  Religie.  Op  de  tvvee  leste  dagen  heeft  hy  conti- 
nuelycken  gedoleert  over  Paler   Vinck  ende  de  geesielyckheyt 
van  de  Panselycke  kerken,  die  hem  so  jamnierlyck  hadden  ver- 
leyt.  Ende  heeft  syne  sonden  menigmael,  ende  met  een  gantsch 
beweeghelycke  stemme   beweent,  Godt  ende  de  Menschcn   om 
vergiffenisse  biddende.  Hy  heeft  cens  eenen  Priester  begeert  om 
te  mogé  biechtë,  maer  doe  hy  de  vertroostinghen  van  de  Pre- 
dicanten ghehoort  hadde,  heeft  daer  in  suick  een  contentement 
gehadt,  dat  hy  geenen  Priester  meer  begeert  heeft.  In  don  tyt 
van  de  dry  leste  dagen  en   heeft  hy  niet  gegheten   noch  ge- 
droncken.  Voor   den    Heere    Predicant  Brelius   heeft   hy  eene 
schoone  belydenisse  des  Geloofs  gedaen  ,  een  iiyre  te  voren  al 
eer  mem  hem  iiyt  de  ghevangenisse  geleyt  heeft.  Op  t'  schavot 
heeft  hem  Ludovicus  al  het  volck,  t'  welck  met  diiyscnden  by  die 
jiisticie  waren  verscheenen,  vcrihoonl,  seggende  :  Siet!  soo  vêle 
duysent  zielen  soudet  ghy  om  den  hais  gebracht  hebbë,  hadde 
Godt  u  qnaet  voornemen  willen  laien  gelucken  :  Wacr  over  hy 


—   70   — 

seer  ghesucht  heefi.  Syue  bekentenisse  wicrcle  liem  voorgelesen, 
en  hy  wierde  tôt  dry  reysen  afgevraeght  oft  hem  eyt  tôt  synen 
laste  was  op-gheleydt,  t'  welck  hy  niet  ghedaen  en  hadde?  Doch 
hy  seyde  altydt  :  Neen.  Naer  het  gebedt  badt  hy  het  volck  om 
vergiffenisse,  syn  schult  bekennendë,  klagende  over  Pater  Vinck, 
dat  hy  hem  soo  schandelycken  bcdroghen  hadde;  ende  hoewel 
hy  door  onderwysinge  va»  de  Predicanten  te  voren  so  verre  ge- 
bracht  was,  dat  hy  alleen  wilde  vertroiiwen  op  Christi  verdien- 
steu  ende  voor-biddinge,  ende  daer  door  syn  saligheytvervvachten, 
so  heeft  hy  nochtans  in  't  knielen  voor  t'  swaert  Godt  biddende 
syne  ziele  te  wille  otitfangen,  oock  aen  de  mocder  Gods  wederom 
gedacht,  moer  uit  gewoonte  van  soo  te  voren  te  bidden,  als  uyt 
meeninge;  daeroni  van  de  Heer  Predicanl  Brelius  vermaent 
zynde  te  willen  gedencken  dat  hy  belooft  hadde  van  Godi  alleen 
door  Christum  genade  te  begeeren,  soo  heeft  hy  daer  op  geant- 
woort  ;  Weldan,  Heere  zyt  my  genadigh  om  Christi  verdieuslen; 
Ende  dat  ivaren  sijne  lesle  woorden. 

Kort  verhael  van  de  jnslîde,  geschiet  binnen  Maeslricht. 

Op  den  50  april  1658  zyn  melien  swaerde  geexecuteert  drie 
conspirateurs;  namenllytk  jufvrouw  Agnea  Bourij,  huys  vrouwe 
van  den  Bourgoignon  Claude  de  la  Court,  welcke  vrouwe  wiert 
onthooft,  en  haer  lichaem  begraven. 

Daer  op  volgde  haeren  Man  Claude  de  la  Court,  dewelcke, 
naer  dat  hy  onthalst  was,  wiert  ghevierendeelt,  ende  de  stucken 
aen  de  vjer  hooft-poorten  op  ghehangen. 

Terstont  daeraen  volgde  Leenaert  Caiers,  metselaer,  dewelcke 
onthalst,  ende  syn  hool't  op  een  siaeck  gesteit  wiert. 

Des  andercn  daeghs,  zynde  den  i  Mey,  wiert  den  Brouvver, 
in  de  Mane,  genaemt  Jan  Lanisman,  mede  onthalst;  ende  syn 
lichaem  gevicrendeelt,  ende  daer  nae  begraven. 


La  pièce  suivante  est  le  pardon  général  accordé  par  les 
Étais  généraux  de  Hollande  à  ceux  qui  ont  pris  part,  soit 
directement  soit  indirectement,  à  la  conspiration  de  1658, 


—  71   — 

el  qui  leur  permet  de  rentrer  en  ville  el  de  recouvrer  leurs 
biens  confisqués,  sous  condition  de  prêter  serment  de  fidé- 
lité à  l'Etat.  Cette  pièce  est  imprimée  à  La  Haye  en  grands 
caractères  gothiques  et  porte  la  date  du  \G  mai  1639. 

ADOLITIE   GENEHAEL 

Van  de  Ho:  Mo:  Heeren  Slaten  Generael  der  vereenighde 

Nederlanden    voor  de  uijlgeweeckene,    oock  gheblevene 

Persoonen,   beticht,    suspect  ende  schuldigh   respective, 

aen  het  verraet  op  de  stad  Maestricht,  hier  bevorens 

ontdeckt. 

1639. 

De  Stateii  Generael  der  vereenighde  Nederlanden,  Doen  te 
ueeien,  aen  allen  den  gheenen  die  dese  sullen  sien  ofte  hooren 
lesen.  Allioewel  liet  veraedt  op  de  goede  stadt  van  Maestricht 
over  eenighen  tydt  ontdeckt,  een  stuck  is  van  sodanigen  gedach- 
tenisse  ende  van  soo  qiiaden  gevolge,  om  niel  lichtelyck  vergeten 
te  worden,  ten  regarde  van  allen  den  gheenen  die  sich  daer  met 
eenichtsins  dierectelyck  of  indierectelyck  hebben  vermenght,  of 
daer  van  wetenschap  of  kennisse  gehadt.  So  hebben  VVy  ons 
nochtans  naer  onse  gewoonlycke  goederiierentheyt  laten  bewc- 
ghen  met  medoogen  tôt  aile  de  gheene  die  over  suspicie  van  het 
voorsz,  verraedt  in  apprehensie  gheweest  ende  ontslaghen  zyn, 
welckers  goederen  om  redenen  geannoteert  zyn,  als  oock  tôt 
diegheene  die  haer  ter  oorsaecke  van  dien  noch  buyten  de  selve 
stadt  zjn  onthoudende  ende  dien  volgens  als  oock  uyt  andere 
goede  redeneu  ende  consideratien  goet-gevonden  te  vergeven 
aen  aile  de  voorsz,  persoonen,  ghelyck  Wy  aen  de  selve  ver- 
geven mits  desen  t'  geene  sy  in  het  stuck  van  het  voorsz.  ver- 
raet metter  daet ,  met  kennisse  of  wetenschap  daer  van  te 
hebben,  of  andersints  soude  moghen  hebben  misdaen,  consen- 
lerende  de  abscnlen  of(e  gevliichlichde  wederom  vryelyck  binnen 
de  voorsz.  siadt  van  Maestricht  te  mochen  komen  ende  aldaer 
gerustelyck  te  woonen,  gelyck  VVy  oock  accorderen  dengeenen 
die  aldaer  woonen  ende  betucht  syn  gheweest,  of  kennisse  van 
bel  voorsz.    verraedt  hebben   gehadt,    te    niiM^hen    verblyven, 


m 


sonder  dat  hiin  respectievelyck  ter  saecke  van  dien  eenich  hin- 
der  in  heure  persoonen  ofte  goederen  sal  aenghedaen  worden, 
mits  dat  sy  heur  sullen  dragen  soo  als  getrouwe  ondersaten  vaa 
desen  staet  belaemt,  doende  tôt  dien  eijnde  den  behoorlycken 
Eedt  van  getrouwicheydt  naer  by  yder  een  van  henluyden 
sweeren  ende  verkiareu  sal  dat  sy  vrywilliclihjck,  ende  sonder 
eenighe  mentale  reserve,  equivocalie  of  andere  exceplie  gehomv  ende 
getrouw  sullen  wesen  aen  desen  staet,  dat  sy  niet  en  sullen  onder- 
nemen  eeniyhe  saecken  die  nadelich  soude  mochen  zyn  aen  de  rustc 
van  desen  staet  ende  goede  stadl  van  Maestriclu,  ende  dat  sy  respec- 
tivelyck  heur  nerghens  anders  en  sullen  inlalen,  als  in  C  gheene 
concerneert  heurlieder  ampt,  oeffeninghe  van  heure  bedieninghe, 
ofte  der  selver  neeringe  ende  hanteringe  respective  een  ijder  nne 
syne  geleggenheidi  ende  beroep,  voorts  dat  sy  oock  sullen  aenbren- 
ghen  ailes  wat  toi  heure  kennisse  in  toekomende  tyde  soude  moghen 
komen  van  eenighe  machinatie  jeghens  de  voorsz.  sladt  of  desen 
Staet,  welcken  Eedt  by  yder  een  vande  voorsz.  respective  per- 
soonen ghedaen  zynde  in  handen  vanden  Heeren  Gedeputeerden 
van  desen  Staet  daer  zynde,  of  by  vertreck  vande  selve,  in 
handen  van  den  Hoogh-Schoudt  van  de  sladt,  die  daer  toe  in  soo- 
danigen  cas  midis  desen  geauihoriseert  wordi.  Ontbieden  ende 
bevelen  Wy  aen  den  Gouverneur,  Commandeur  ende  Officieren 
ende  gemeene  soldaien  van  het  garnisoen  der  voorsz,  sladt 
Maestricht,  ende  aen  aile  anderen  dien  het  aengaen  mach,  de 
vooruoemde  wedergekomene,  als  oock  vcrblyvende  ende  voor 
desen  in  achterdencken  gewesene  personen,  ende  yder  een  vande 
selve  het  voikomen  effect  van  dese  onse  ghenerale  abolitie  te 
doen  ende  laten  gevveten,  sonder  daer  teghen  int  niinste  ijet  te 
doen,  op  pêne  van  daer  over  gecorrigeert  te  worden.  Ende  op 
dat  niemandt  hier  van  eenighe  ignorantie  en  preiendere,  ont- 
bieden ende  bevelen  Wyden  Hoogh-Schoutelten  ende  Magistraet 
onser  sladt  Maesiricht,  dat  sy  dese  abolitie  ende  gratie  doen 
openbaerlyck  verkondighen,  uyiroepen  ende  aenplacken  alomme 
daer  men  gewoon  is  dusdanige  verkondinge,  uytroepinghe  ende 
aenpieckinghe  te  doen  procederende  ende  doende  procederen 
teghens  de  contraventeurs  ende  overireders  van  dese,  sonder 
ooghiuyckinghe,  gunste,  dissimulaiie  ofte  verdracht,  want  Wy 
sullcx  ten  dienste  van  de  Lande  hcbben  gevonden  te  bchooren. 


—    lu  

Gegevcn  iu  S.  Graveu  Hage,  in  onse  Vergaderinge,  onder  ons 
Cachet,  Paiaphiire,  eiule  signature  van  onsen  Griffier,  op  den 
seslliienden  may  sesthien-hondert  negen-en-dertich.  Was  ghe- 
parapheert,  A.  van  Raniwyck  vi.  Onder  stont,  ter  ordonnantie 
van  de  Hoogh-gemelte  Heeren  Siaten  Generael.  Geteeckent, 
Cornélius  Musch.  Zynde  op  l'  spatiuni  gedriickt  het  cachet  der 
selver  Heeren  Staien,  in  rooden  wassche. 


Lettt^e  écrite  au  duc  de  Bouillon  par  le  recteur  Boddens. 

Nous  faisons  suivre  le  texte  français  de  cette  lettre,  ainsi 
que  la  traduction  eu  hollandais  qu'en  donne  AKzema,  qui 
en  diffère  sensiblement. 

Monsieur  ! 

Etant  maintenant  sententié  (jugé)  pour  la  teste  tranchée,  j'ai 
pris  la  hardiesse  de  vous  remercier  très  humblement  de  l'hon- 
neur et  bonne  volonté  que  vous  m'avez  témoigné  pendant  votre 
séjour  à  Maestrichi,  je  vous  ai  à  la  vérité  satisfait  en  serviteur 
très  humble  et  très  fidèle,  et  pour  ma  consolation,  je  vous  prie 
très  humblement  de  croire  chose  véritable,  qu'elle  je  vous  as- 
sure du  salut  de  mon  ame,  et  comme  je  vais  être  sententié  pour 
toute  l'éternité  de  mon  juge  souverain,  devant  la  trahison,  Jean 
Landsman  fait  la  couverture  par  la  prise  de  son  corps.  Je  n'ai 
aucune  connaissance  ni  directe  ni  indirecte,  je  suis  beaucoup 
moins  trompé  par  une  chose,  que  je  vous  ai  toujours  protesté 
d'être  si  éloignée  de  notre  vocation;  sur  ce  je  vous  baise  très 
humblement  les  mains,  je  demeure  comme  juste  innocent,  je  fais 
profession  ouverte,  d'être  avec  tout  respect  et  sincérité 

Monseigneur, 

(le  voire  très  humble,  très  obéissant,  très 
fidèle  et  obligé  serviteur,  Johan.nes  Bap- 
TiSTA  Boddens,  j(fsu/te,  contraint  de  crier 
par  la  main  de  la  violence  de  la  torture. 

Maestricht,  le  20  juillet  1638. 


_  74  — 
Traduction  de  la  lellre  qui  précède. 

Sijnde  nu  ter  doodt  verwesen,  hebbe  my  verstout  dese  wey- 
nigc  letteren  aen  U  Excellentie  te  schryven,  oni  die  te  bedancken 
voor  aile  jonst  eiuie  eere,  die  ick  hier  te  Maestricht  van  haer 
ontfangeii  hebbe.  Ick  verkiaerc  dat  ick  alloos  eenen  seer  getrou- 
wen  ende  seer  onderdanighen  Dienaer  van  U  Excellentie  ge- 
weest  ben,  ende  dioshalve  bidde  deselve  datse  gedient  sij  voor 
eene  gewisse  waerheyt  dese  saecke  te  gelooven,  die  ick  op  myne 
salicheyt,  ende  op  de  genadige  seutentie  Cods  (die  my  binnen 
liittel  uren  te  verwachten  staet)  vastelyck  verseeckere  dat  ick 
voor  d'onldeckitige  van  t  verraet  [t  ivelck  Jan  Lansman  alreerde  met 
de  doodt  belaelt  heeft)  in  't  minste  noch  direclelyck  ijet  daer  af  ge- 
ivelen  hebbe,  veel  minder  dat  icker  mede  soude  genioeyt  geweest 
hebben,  dat  ick  soo  menichwerven  aen  U  Excellentie  niondeling 
verklaert  hebbe  hoe  eijgentlyck  sulcx  met  onseconstitutien  stryt, 
en  van  deselve  vervreemt  is,  hier  op  ga  ick  sterven,  ende  tôt 
oorkonde  der  waerlieyt  kusse  met  aile  rechtsinnigheyt  ende  eer- 
biedinge  de  handen  van  U  Excellentie,  den  aldergetrouwsten 
ende  meest  verbonden  Dienaer  Johatines  Bapiista  Boddens. 

Ick  ben  genooisaack  door  de  handt  van  den  cippier  te  schry- 
ven, nademael  de  myne  door  t'  pijnigen  ongebruickelijck  ge- 
worden  is.  Uit  Maestricht  den  twintichsten  july  sestien-hondert 
acht-en-dertich  ^638j. 


75 


3rfl)toe9  ^C3  3rtô,  ^cs  Sciences  et  its  Cettres. 

^  95.  Ménestrels,  musiciens,  fabricants  d'orgues  et  de 
trompes,  écoles  de  musique,  etc. 

Soîntnaire  :  Écoles  de  musique  aux  Pays-Bas  (Cambrai,  Malines,  Valenciennes 
et  Yprcs)  el  en  Allemagne ,  aux  X\«  et  XVI«  siècles.  —  Faiseurs  de  trom- 
pes, à  Tournai,  aux  XV"^  et  XVIe  siècles.  —  Vers  du  XV<'  siècle,  relatifs 
à  la  musique,  par  M.  Franc.  —  Notes  biographiques  sur  G.  Bincliois  et 
G.  du  Fay.  —  Ménestrels  aveugles  de  la  cour  de  Bourgogne.  —  Harpistes 
célèbres  de  la  cour  de  Philippe  le  Bon  :  P.  Thierry,  —  Jean  d'Arras,  —  et 
Jean  de  la  Court.  —  Harpes  données  à  Charles,  comte  de  Charolais.  — 
Sceaux  de  J.  Van  Helen  et  de  J.  Hanclel,  ménestrels  du  XIV»  et  du  XV« 
siècle.  —  Ad.  Van  Helen,  fabricant  d'orgues.  —  Orgue  dans  la  chapelle 
des  Clercs,  à  Louvain.  —  J.  Van  Sleenren,  dit  Van  Aren  ou  Van  der  Areu, 
fabricant  d'orgues,  à  Arscliot. —  Rob.  Morlon. —  Blaximilien,  archiduc 
d'Autriche,  amateur  de  musique.  —  Notes  sur  divers  musiciens  de  sa  cha- 
pelle :  P.  Bourse,  Q.  de  Crâne,  A.  Busnois,  P.  de  la  Rue,  etc.  —  Musiciens 
de  l'église  de  N.-D  ,  à  Anvers.  —  J.  Barbireau.  —  A.  Van  Hove.  —  Chr. 
(Je  Vos.  —  Adrien  Piètre,  facteur  d'orgues,  à  Tournai.  —  Jér.  de  Clibano. 

—  Ph.  de  Boemingen.  —  J.  de  Gruyier.  —  Hellin  de  la  Croix.  —  Gil. 
Reyngot.  —  P.  Lescornet.  —  P.  de  Paix,  organiste  du  comte  de  Roggen- 
jorfT.  —  A.  Turschaens.  —  Maître  de  chant  de  Max.  de  Bourgogne, 
marquis  de  Terveere.  —  P.  Moseno.  —  Roland  de  Lassus.  —  Rodolphe 
de  Lassus.—  Montano.  —  G.  de  la  Hèle.  —  Jean,  Gér.  et  Dan.  Turnliout. 

—  Dan.  Van  Roy.  —  P.  Ruymonle.  —  Den.   Guissano.  —  G. -A.  Teniers. 

—  Recrutement  de  chanteurs  aux  Pays-Bas,  pour  les  chapelles  du  vice- 
roi  de  Naples,  de  Cliarles-Quint ,  de  Maxiniilien  P"",  roi  de  Bohême,  et 
d'Albert  111,  duc  de  Bavière. 

Écoles  de  musique  aux  Pays-Bas  et  en  Allemagne,  aux 
XIV^  ET  XV"  SIÈCLES.  —  Noire  pays  est  la  patrie  des  trou- 
vères :  on  peut  assurer  que  dans  les  derniers  siècles  du 
moyen  âge  ce  fut  aussi  le  pays  de  production  par  excellence 
des  ménestrels  ou  joueurs  d'instruments  de  toute  espèce. 
On  les  voit  figurer  dans  toutes  les  fêtes  el  cérémonies  pu- 


—   76  — 

bliques,  telles  que  tournois,  concours,  cortèges,  processions, 
noces,  etc.  Les  souverains,  les  grands  seigneurs,  les  évêques, 
et  même  beaucoup  de  nos  villes  en  avaient  à  leurs  gages, 
et  ils  en  portaient  les  couleurs  ou  les  armoiries.  Ils  s'impo- 
saient en  quelque  sorte  à  tout  le  monde,  et  c'est  ainsi  que 
l'on  peut  s'expliquer  pourquoi  la  keure  faite  par  le  magis- 
trat d'Ypres,  le  18  mars  1295  (n.  st.)  (i),  dans  le  but  de 
régler  les  dépenses  des  mariages,  qui  étaient  devenues  trop 
onéreuses,  contient  plusieurs  dispositions  qui  regardent  les 
ménestrels.  En  voici  quelques-unes  :  Les  ménestrels  qui 
veulent  participer  au  repas  de  noces  doivent  payer  leur 
écot.  —  Ils  ne  peuvent  s'avancer  vers  les  gens  de  la  noce 
en  jouant  de  leur  instrument  que  jusqu'à  la  cour  (âtrié). 
—  Les  mariés  ne  doivent  donner  aux  ménestrels  venant  du 
dehors,  à  cheval  que  2  sous,  et  12  deniers  à  ceux  venus 
à  pied.  —  Deux  ménestrels  seulement,  hommes  ou  femmes 
demeurant  dans  le  territoire  de  l'échevinage  d'Ypres,  peu- 
vent assister  au  repas  des  fiançailles.  Chaque  contraven- 
tion était  passible  d'une  amende.  Lors  de  l'arrivée  à  Bruges 
de  la  princesse  Isabelle  de  Portugal,  la  nouvelle  épouse 
de  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  —  c'était  le  8  jan- 
vier 1430,  —  une  relation  contemporaine  s'exprime  en 
ces  termes  (2)  :  «  Aussi  ne  fait  à  demander  s'il  y  avoit  hé- 
»  raulx,  trompettes  et  ménestrelz,  car  tant  y  en  avoit  que 
»  longtemps  avant  n'en  avoient  tant  esté  ensemble,  et  y  ot 
»  trompettes  d'argent  bien  vj""  ou  plus,  et  d'autres  trom- 
»  pettes,  ménestrels,  joueurs  d'orgues,  de  harpes  et  d'aultres 
»  instrumens  sans  nombre,  que  de  force  de  jouer  faisoienl 
»  tel  noise  [bruit]  que  toute  la  ville  en  résonoit.  » 

Des  écoles  s'étaient  formées  ca  et  là  dans  différentes 


(1)  GuEiDOLF,  Histoire  de  la  Flandre  et  de  scx  institutions,  t.  V,  pièces  jus- 
tificatives, p.  il  1. 

(2)  GACHàno,  Collection  de  documents  inédits  concernant  l'histoire  de  la  Bel- 
gique, t.  H,  p.  84. 


—  77  — 

localités  du  Nord  de  la  France  el  des  Pays-Bas,  pour  l'in- 
slruclion  de  ces  ménestrels,  aux  XIV*  el  XV^  siècles  : 
c'étaient  les  conservatoires  de  musique  du  temps.  Nous 
avons  groupé  ici  quelques  notes  concernant  les  écoles  de 
Cambrai,  de  Malines,  de  Valenciennes  et  dTpres,  et  d'au- 
tres qui  prouvent  que  les  ménestrels  du  duc  de  Bourgogne 
s'en  allèrent,  en  1378,  aux  écoles  en  Allemagne. 

On  trouve  dans  le  chapitre  :  Poètes  et  musiciens  de  notre 
notice  ayant  pour  titre:  la  Cour  de  Jeanne  et  de  Wenceslas, 
et  les  arts  à  la  cour  de  Brabant  au  XP  siècle,  des  notes 
constatant  que  ces  princes  el  d'autres  illustres  seigneurs  de 
leur  temps  envoyaient  leurs  ménestrels  aux  écoles. 

Quoique  cette  expression  d'éco/es  semble  assez  positive, 
nous  croyons  devoir  émettre  ici  le  doute  qui  nous  est  venu 
sur  le  véritable  sens  de  ce  mot  dans  les  documents  où  on 
le  rencontre  :  ne  signifierait-il  pas  plutôt  des  réunions  de 
musiciens  qui  se  tenaient  tantôt  dans  une  localité,  tantôt 
dans  une  autre? 

Malines.  —  Les  comptes  de  cette  ville  (i)  font  mention 
d'une  école  de  joueurs  de  viole  qui  y  existait  déjà  en  1528 
el  dont  il  esl  encore  question  en  1363  (2). 

a  Item,  dat  men  den  vedeleren  gaf  te  hulpe  te  liaere  scoele  doen  hi  de 
vedelerscoele  was.  »  (Compte  de  1328-1329.) 

«  llem,  allen  den  vedeleren  in  hovesclieiden  doe  si  te  Mechelen  horc  scole 
quamen  houde    »  (Compte  de  1365-1366.) 

Ypres.  —  Dans  les  comptes  communaux  d' Ypres  de  1 429 
et  de  14-32,  on  trouve  des  présents  de  vins  offerts  par  le  ma- 
gistrat aux  ménestrels  qui  avaient  une  école  dans  cette  ville. 

a  Den  meneslreulen  houdendehare  scole  hier  binnen  derstede  :  viij  kannen.  » 
a  Den  meneslreulen  Lier  blnncn  der  steide  huerlieden  scoole  lioudende  : 
iiij  kannen  (3).  » 

(1)  Archives  communales  de  Malines. 

(2)  Voy.  la  Revue  trimestrielle,  t.  XIII  (1857). 

(3)  Comptes  de  la  ville  d'Ypres,  aux  Archives  du  royaume. 


—  78  — 

Valencietines.  —  D'après  un  compte  de  celle  localilé, 
cité  par  Pierre  Baudry,  dans  ses  Annales  de  Vabbuye  de 
Saint-Ghislain,  il  y  avail  à  Vaienciennes,  en  1452,  une 
école  célèbre  de  ménestrels  (i). 

Cambrai.  —  M.  de  la  Fons-Mélicocq,  dans  son  article 
intitulé:  les  Ménestrels  de  Lille,  etc.,  qui  a  été  imprimé 
dans  les  Archives  du  Nord  de  la  France  (2),  nous  apprend 
qu'en  1436  ou  1437,  le  magistrat  fil  donner  quelque  gra- 
tification «  à  aucuns  ménestrelz  de  Lille,  pour  aider  à  sus- 
»  porter  leurs  despens  en  allant  aux  escolles  à  Cambray, 
»  pour  apprendre  des  nouvelles  cbanchons.  »  Il  a  rappelée 
ce  propos  que  M.  Brun-Lavaine  a  publié  dans  la  Revue  du 
Nord  de  la  France,  t.  III,  un  document  d'où  il  résulte  que 
les  échevins  de  Douai  accordèrent,  en  1390,  40  sous  au 
gardien  du  beffroi  de  cette  ville  «  et  à  plusieurs  autres 
»  compagnons  ménestrels,  »  pour  les  aider  à  supporter  les 
frais  qu'ils  devaient  faire  «  à  aller  à  Beauvais  à  escole.  » 

Écoles  d'Allemagne.  —  Les  extraits  qui  suivent  sont  re- 
latifs à  deux  gratifications,  de  100  francs  chacune,  faite 
par  Philippe  le  Hardi,  duc  de  Bourgogne,  à  ses  ménestrels, 
pour  se  rendre  aux  écoles  en  Allemagne,  en  1578. 

«  Aux  ménestriers  de  Monseigneur,  pour  don  fait  à  eulx  par  Monsei- 
gneur cesle  foiz,  de  grâce  espécial,  pour  aler  de  Gand  en  Allemaine  aux 
escoles,  et  retourner  dever  Monseigneur,  et  pour  supporter  les  frcz  et  mis- 
sions que  il  feront  oudit  voïaige,  par  mandement  de  Monseigneur  donné  à 
Paris,  vj  de  mars  m  ccc  Ixxvij  [1378,  n.  st.]  :  c  frans.  » 

«  Aux  ménestriers  de  Monseigneur,  pour  don  à  eulx  par  Monseigneur 
ceste  foiz,  de  grâce  espécial,  pour  aler  aux  escoles,  par  mandement  de  Mon- 
seigneur, donné  xxv  mars  m  ccc  Ixxvij  [1378,  n.  st  ]  :  c  fr.  (3j.  » 

(1)  De  P.eiffe>berg,  Slonumenis  pour  servir  à  l'histoire  des  provinces  de 
Natnur,  de  Hainaul  et  de  Luxembourg,  t.  VIII,  p.  561. 

(2)  T.  V,  p.  57,  5e  série. 

(3)  Registre  n"  B.  1452,  fol.  Ixv  r»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Ar- 
chives du  département  de  la  Côte-dOr,  à  Dijon. 


—  79  — 

Faiseurs  de  trompes,  a  Tournai  et  a  Bruxelles.  —  Nous 
avons  recueilli  dans  les  archives  communales  cleTournai  les 
noms  suivants  de  personnes  qui  exerçaient  la  profession 
de  faiseurs  de  trompes  (de  vénerie). 

Henri  {Hayne)  Ricque,  cité  dans  des  actes  des  mois  de 
novembre  1459  et  de  septembre  1460. 

Gui  Compains,  cité  dans  un  acte  du  mois  d'avril  1480. 

Jean  Hellebault,  natif  de  Tournai,  fils  de  feu  Adrien, 
admis  à  la  bourgeoisie,  le  24  janvier  1504  (n.  st.). 

Jean  Hellebault,  fils  de  Jean,  admis  à  la  bourgeoisie,  le 
26  avril  1537  (i). 

Dans  un  compte  de  la  recette  générale  des  finances  de 
Tannée  1444  (2)  figure  Jean  de  Thouraine,  facteur  de  trom- 
pes, à  Bruxelles. 

Vers  du  XV''  siècle  relatifs  a  la  musique.  —  Notes  bio- 
graphiques SUR  G.   BiNCHOIS  et  g.   du  FaY.  3IÉNESTRELS 

aveugles  de  la  cour  de  Bourgogne.  —  Les  strophes  qui  sui- 
vent ont  été  bien  des  fois  citées  et  reproduites  en  partie  par 
divers  auteurs  :  elles  l'ont  toujours  été  d'une  manière  in- 
correcte. Nous  les  avons  copiées  sur  l'exemplaire  du  livre 
d'oij  elles  sont  extraites,  lequel  existe  à  la  Bibliothèque 
impériale,  à  Paris,  sous  le  n"  Y.  4388.  Il  fut  imprimé  pour 
la  première  fois  en  France  dans  les  dernières  années  du  XV" 
siècle,  et  a  pour  litre  :  le  Champion  des  Daines.  Martin 
Franc,  qui  en  est  Tauleur,  et  que  l'on  croit  natif  d'Arras, 
l'a  dédié  à  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne  :  il  s'y  qua- 
lifie de  a  indigne  secrétaire  de  nostre-sainct  père  le  pape 
»  Félix  cinquième,  «  c'est-à-dire  d'Amédée  VIH,  duc  de 
Savoie,  élu  au  mois  de  novembre  1439,  et  qui  renonça  au 
pontificat  en  avril  1449.  Il  était  déjà  au  service  de  ce  prince 

(1)  Les  deux  premiers  noms  sont  extraits  des  journaux  des  prévôts,  et  tes 
deux  aulres  des  registres  à  loi. 

(2)  Registre  n"  F.  139,  fol.  ij<:  xiij  r»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Ar- 
eliives  du  département  du  Nord,  à  Lille. 


—  80  - 


en  1436.  Dans  VEstrif  de  fortune,  autre  ouvrage  de  Martin 
P'ranc,  également  dédié  au  duc  de  Bourgogne,  on  lit  qu'il 
était  alors  prévôt  de  Lausanne  et  secrétaire  du  pape  Ni- 
colas V,  mort  en  145S  :  ce  livre  a  été  aussi  publié  en 
France  vers  la  fin  du  XV«  siècle  (i). 

Les  vers  que  nous  imprimons  se  trouvent  dans  le  cha- 
pitre où  «  le  champion  œuvre  et  desclaire  que  la  légiéreté 
»  des  engins  de  maintenant  argue  [démontre]  la  fin  du 
»  monde,  et  sur  ce  parle  de  la  perfection  des  ars  présentes.  » 


«  Pour  le  temps  du  maulvais  Gain 
Quant  lubal  trouva  la  pratique 
En  escoiîtant  Tubalcaïn 
Accorder  les  sons  de  musique, 
L'art  ne  fut  pas  si  auctcntique 
Qu'elle  est  au  temps  de  maintenanl; 
Aussi  ne  fust  la  réthorique 
Ne  le  parler  si  advenant. 

»  Tapissier,  Carmen,  Cesaris, 


»  Des  bas  et  des  haulx  inslrumens 
On  a  joué  le  temps  passé, 
Doubter  n'en  fault  très-doulcement 
Chescun  selon  son  pourpensé; 
Mais  jamais  on  n'a  compassé 
N'en  doulseine  n'en  flajolet. 
Ce  q'ung  naguères  trespassé 
Faisoit,  appelé  Verdelet. 

»  Ne  face-on  mencion  d'Orphée 


N'a  paslongteraps  (si?)  bien  chantèrent     Dont  les  poëtes  tant  descripvent. 


Qu'ilz  esbahirent  tout  Paris 

Et  tous  ceulx  qui  les  fréquentèrent 

Mais  oncques  jour  ne  deschantèrent 

En  mélodie  de  tel  chois 

(Ce  m'ont  dit  qui  les  escoutèrent) 

Que  Guillaume  du  Fay  et  Binchois. 

»  Car  il  ont  nouvelle  pratique 
De  faire  frisque  (2)  concordance 
En  haulte  et  en  basse  musique, 
En  fainte,  en  pause  et  en  muance. 
Et  ont  pris  de  la  contenance 
Angloise,  et  ensuivy  Dunstable; 
Pour  quoy  merveilleuse  plaissance 
Rend  leur  chant  joyeulx  et  notable. 


Ce  n'est  q'une  droicte  fafîée  (3) 
Au  regard  des  harpeurs  qui  vivent, 
Que  si  parfaictement  avivent 
Leurs  accors  et  leurs  armonies. 
Qu'il  semble  de  fait  qu'ilz  escripvent 
Aux  angéliques  mélodies. 

»  Tu  as  bien  les  Anglois  ouy 
Jouer  à  la  court  de  Bourgongne 
N'a  pas?  Certainement  ouy. 
Fu-il  jamais  telle  besongne? 
J'ay  veu  Binchois  avoir  vergongne 
El  soy  taire  emprès  leurs  rebelles  (4-), 
Et  du  Fay  despilé  et  frongne 
Qu'il  n'a  mélodie  si  belle. 


(1)  Brunet,  Manuel  du  libraire,  au  mot  Franc. 

(2)  Agréable.  -  (3)  Bagatelle.  —  (4)  Pour  :  rcbccs. 


—  81  — 

»  Se  lu  parles  d'art  de  painirie,  »  On  a  cronicqué  liaultcment 

D'istoriens,  d'eiilumineurs,  De  prouesse  chevalereuse, 
D'enlailleurs,  par  leur  grant  mestrie      El  lil-on  qu'anciennement 

En  fut-il  oncques  de  meilleurs?  Esloil  chose  moult  merveilleuse, 

Va  veoir  Arras  ou  ailleurs  Mais  par  la  Vierge  glorieuse 

L'ouvrage  de  tapisserie,  Oncques  ne  fut  si  dure  guerre, 

Puis  laisse  parler  les  tailleurs  Si  aspre  ne  si  furieuse 

De  l'ancienne  pèlelerie.  Qu'elle  est  ores  par  loule  terre. 

Voici  les  noms  des  musiciens  cités  dans  les  strophes  qui 
précèdent  :  Tapissier,  Carmen,  Cesaris,  Guillaume  du  Fay, 
Binchois,  Dunstable  et  Verdelet.  Les  trois  premiers  sont 
restés  inconnus,  dit  M""  Fétis,  à  tous  les  historiens  de  la 
musique.  Le  dernier  ne  Test  pas  davantage  très-probable- 
ment, puisqu'il  n'a  pas  d'article  dans  la  Biographie  univer- 
selle des  Musiciens,  qui  parle  longuement  des  trois  autres. 

Si  nous  n'avons  pas  été  assez  heureux  pour  recueillir 
quelques  renseignements  nouveaux  sur  J.  Dunstable,  nos 
recherches  ont  été  couronnées  de  succès  à  l'égard  de  Gilles 
Binchois  et  G.  du  Fay.  Nous  pouvons  ajouter  considérable- 
ment à  ce  que  nous  avions  découvert  sur  le  premier  de  ces 
musiciens  lorsque  M.  Fétis  a  publié,  en  1860,  le  t.  I"  de  la 
nouvelle  édition  de  son  remarquable  ouvrage,  travail  co- 
lossal dont  l'entreprise  effrayerait  bien  des  gens  au  début 
de  la  carrière  et  dans  la  force  de  l'âge.  Dans  la  plupart  des 
pièces  où  figure  le  nom  du  grand  musicien  du  XV^  siècle, 
il  est  appelé  Gilles  de  Bins,  dit  Binchois,  et  cette  double 
appellation  ne  peut  laisser  aucun  doute  sur  la  localité  qui 
lui  a  donné  naissance.  Dans  les  documents  du  XIV^  et  du 
XV^  siècle  on  trouve  le  nom  de  Bins,  au  lieu  de  Binche, 
fréquemment  employé  pour  désigner  cette  petite  ville  du 
Hainaut.  Nous  avons  relevé  dans  les  comptes  les  noms 
de  Galehault  de  Bins,  chevaucheur  d'écurie,  en  1428  (i); 


(!)  Registre  n»  F.  120,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
Icuienl  du  Nord,  à  Lille. 


—  82  — 

Jean  de  Bins,  changeur,  à  Bruges,  en  U41  (i);  Jean  Cla- 
baul,  tlil  Binclioiz,  archer  de  corps  et  artilleur  de  Philippe 
le  Bon,  en  1442  (2),  etc. 

La  plus  ancienne  mention  de  Gilles  Binchois  se  ren- 
contre dans  deux  curieux  documents  qui  viennent  de  voir 
récemment  le  jour  (3),  et  dont  nous  n'avons  pas  à  nous 
occuper  davantage  ici  :  il  suffît  de  dire  qu'ils  existent  en 
original  à  Lille,  et  datent  de  1427.  Nous  sommes  à  l'époque 
de  la  régence  du  duc  de  Bedfort,  alors  que  la  plus  grande 
partie  de  la  France  était  occupée  par  les  Anglais.  On  y 
apprend  que  Guillaume  Poole,  comte  de  Sufîolk,  au  retour 
des  fêles  de  joute  que  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bourgogne, 
avait  données  à  Saint-Pol,  en  Artois,  au  mois  de  novem- 
bre 1424,  fit  une  chute  qui  le  retint  à  Paris,  pendant  quel- 
que temps,  et  que,  pour  le  distraire,  Guillaume  Benoit,  son 
intendant,  lui  lisait  les  œuvres  du  poëte  de  Garencières  et 
autres  dits  amoureux.  «  Pour  alégier  son  dueil,  —  écrit 
»  Benoit,  car  c'est  lui  l'auteur  des  documents  en  question, 
»  —  je  lui  fey  venir  Binchoiz,  qui,  par  son  command,  fist 
»  ce  rondel  :  Ainsi  que  à  la  foiz  m  y  souvient,  et  ot  ledit 
»  Binchoiz,  pour  ce,  ij'=  aunes  d'écarîate  que  je  lui  délivray.  » 
On  lit  ailleurs,  dans  une  pièce  qui  se  rapporte  à  un  évé- 
nement arrivé  vers  le  mois  d'avril  142a,  au  temps  où  le 
comte  de  Suffolk  se  rendait  en  Hainaut,  sous  le  prétexte 
d'arranger  la  querelle  entre  le  duc  de  Glocester  et  sa  femme 
Jacqueline  de  Bavière,  d'une  part,  Philippe  le  Bon  et 
Jean  IV,  duc  de  Brabant,  de  l'autre.  «  Et  en  ce  voyage, 
»  —  dit  Benoit,  —  eurent  des  Normans  nommez  Desquay, 

(1)  Registre  n"  F.  136,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille. 

(2)  Registre  n»  137,  fol.  Ij  v,  ibidem. 

(3)  A.  Desplanque,  Projet  d'assassinat  de  Philippe  le  Bon  par  les  Anglais 
(14.24-U26),  p.  70,  mémoire  qui  est  imprimé  dans  le  t.  XXXIII  des  Mémoires 
couronnés,  etc.,  de  PAcadcmie  royale  de  Belgique,  et  qui  a  paru  à  la  fin  de 
janvier  1867. 


—  85  — 

»  frères,  (rès-grans  débaz  avecquesBinchoiz,  pour  le  fail  de 
»  la  guerre  de  Monseigneur  de  Bourgoingne  el  de  Gloxes- 
')  tre,  car  lesdits  Normans,  serviteurs  dudit  Suiïolk,  par- 
»  loient  contre  monseigneur  de  Bourgoigne,  elBinchoiz  le 
»  porloil,  »  c'est-à-dire  qu'il  soutenait  ce  dernier  prince. 
Celle  révélation  d'un  contemporain  nous  semble  confirmer 
à  la  fois  ce  que  nous  apprend  un  document  découvert  par 
M""  Morelot,  à  la  Bibliothèque  de  Dijon  (i),  que  Binchois 
«  fui  soudart  en  sa  jeunesse,  »  el  entra  ensuite  dans  les 
ordres,  et  qu'il  était  natif  du  Hainaul,  puisqu'à  propos  de 
la  guerre  qui  désolait  ce  pays,  il  prend  la  défense  de  Phi- 
lippe le  Bon,  lequel  s'opposait  à  l'invasion  des  étrangers 
venus  à  la  suite  du  duc  de  Glocester,  et  il  s'emporte  contre 
les  Normands  qui  parlent  mal  du  duc  de  Bourgogne.  Quoi 
qu'il  en  soit  de  notre  interprétation,  une  particularité  im- 
portante pour  la  biographie  de  Gilles  Binchois  resle  néan- 
moins acquise,  c'est  qu'en  1424  el  l42o,  il  était  au  service 
du  comte  de  Suffolk,  peut-être  en  qualité  d'archer  de  corps, 
el  que  ce  célèbre  capitaine  connaissait  le  talent  musical  de 
Binchois. 

D'après  un  état  des  gages  dus  aux  vingt-quatre  person- 
nes qui  faisaient  partie  de  la  chapelle  de  Philippe  le  Bon  à 
la  date  du  1"  mars  1456,  nous  voyons  que  Gilles  Binchois 
y  fîgure  en  cinquième  ligne,  comme  chapelain.  Il  était  le 
quatrième  en  1441;  le  troisième  en  144o  el  le  deuxième 
en  1449.  Si  Binchois  ne  parvint  pas  aux  fonctions  de  con- 
seiller et  de  premier  chapelain,  c'est  que  Nicaise  Dupuis, 
qui  occupait  alors  celte  charge,  lui  survécut.  La  date  du 
décès  de  Binchois  nous  est  maintenant  connue:  il  mourut  à 
la  fin  de  septembre  ou  au  commencement  d'octobre  1400(2). 

H)  De  ta  musique  au  XV^  siècle.  Notice  sur  un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque de  Dijon;  Paris,  185G,  p.  20. 

(2)  «  Ohiit  en  la  fin  de  septembre  ou  au  commencemenl  d'octobre  [mj  ccce 
»  Ix.  »  Annotation  niai'ginale  du  registre  n"  F.  132,  de  la  chambre  des  comp- 
tes, aux  Archives  du  déparlement  du  Nord,  à  Lille. 


—  84  — 

Le  compte  de  la  recette  générale  des  finances  de  Uo8  (i) 
renferme  une  note  relative  aux  travaux  du  célèbre  musi- 
cien; elle  est  ainsi  conçue,  et  en  en  mettant  le  texte  sous  les 
yeux  de  ceux  qui  s'occupent  plus  spécialement  que  nous 
de  l'histoire  de  la  musique,  elle  donnera  peut-être  lieu  à 
quelque  découverte  : 

«  A  Gilles  de  Bins,  dit  Binchois,  chappellaiii  de  la  cliappclle  de  Monsei- 
gneur, la  somme  de  xxiiij  libvres,  de  xl  gros  de  Flandres,  pour  ung  livre 
qu'il  avoit  fait  et  composé  par  l'ordonnance  de  Mondilseigneur,  des  Passions, 
en  nouvelle  manière,  et  icellui  mis  en  ladicte  cliappellc;  pour  ce,  par  man- 
dement de  icellui  seigneur  sur  ce  fait  et  donné  en  sa  ville  de  Douay ,  le 
xxixe  jour  de  may  l'an  mil  iiijc  trente-huit  (1).  » 

C'est,  croyons-nous,  entre  les  années  1438  et  1440,  que 
Binchois  fut  nommé  secrétaire  aux  honneurs,  et  reçut  une 
des  prébendes  qui  étaient  à  la  collation  du  duc  de  Bour- 
gagne  dans  l'église  de  Sainte- Waudru,  à  Mons,  ainsi  que 
le  témoigne  la  pièce  suivante  que  nous  reproduisons  : 

a  Maistre  Jehan  Hiberl  ou  son  clerc,  délivrez  à  Binchois,  nostre  chappe- 
lain,  une  retenue  de  secrétaire  aux  honneurs  et  une  lettre  de  la  prébende  de 
Saincle-Wauldrut  de  Mons,  que  lui  avons  nouvellement  donné,  sanz  de  tout 
ce  prendre  droit  de  séel  (2).  » 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  Binchois  s'en  alla  à  Mons, 
en  1449,  en  compagnie  de  G.  du  Fay  et  autres  chanoines 
non  résidents,  pour  décider  l'emplacement  de  la  nouvelle 
église  de  Sainte-Waudru. 

Passons  à  Guillaume  du  Fay.  La  personnalité  de  cet  ar- 
tiste est  restée  inconnue  jusqu'ici,  malgré  les  recherches  de 
tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  de  la  musique. 
Son  épilaphe  a  été  publiée,  en  1866,  dans  le  Bulletin  de 

(1)  Aux  Archives  du  royaume,  fol.  ij"  xlix  r».  C'est  le  double  du  registre 
n"  F.  130,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  département  du  Nord, 
à  Lille  :  il  provient  de  ce  dernier  dépôt. 

(2)  Collection  des  acquits  des  comptes  du  grand  sceau,  aux  Archives  du 
royaume. 


—  85  — 

la  Commission  historique  du  dêparlement  du  Nord  (i). 
Elle  est  gravée  au  bas  d'une  pierre  lumulaire  mesurant 
quatre-vingts  centimètres  de  hauteur  sur  quatre-vingt-dix 
de  largeur,  et  représentant,  à  droite,  la  Résurrection  du 
Christ,  et,  à  gauche,  le  défunt  agenouillé,  en  costume  de 
chanoine,  avec  l'aumuse  sur  le  bras;  derrière  lui  on  voit 
sainte  Waudru  et  ses  deux  filles.  Aux  angles  de  la  pierre 
sont  quatre  écussons,  sur  lesquels  se  lit  en  rébus  le  nom 
de  G.  du  Fay  (2).  Ce  petit  monument  commémoratif  se 
trouvait  anciennement  placé  dans  la  métropole  de  Cambrai, 
sous  le  portail  de  Saint-Gangulphe,  non  loin  de  la  sépul- 
ture du  défunt  :  il  appartient  aujourd'hui  à  W  V.  Delatlre, 
amateur  cambraisien,  qui  possède  chez  lui  un  véritable 
musée,  dont  il  nous  fit  les  honneurs  avec  la  plus  grande 
courtoisie,  en  1862,  lors  de  notre  voyage  en  compagnie  de 
M.  Alphonse  Wauters.  31.  Delatlre  a  joint  au  dessin  de 
la  pierre  lumulaire  quelques  réflexions  sur  la  biographie 
de  l'artiste  à  laquelle  elle  est  consacrée,  à  l'aide  de  do- 
cuments imprimés  qui  nous  étaient  aussi  connus.  Voici 
les  nôtres. 

Nous  croyons  d'abord  utile  de  reproduire  ici  l'épilaphe  : 

^tc  (itiifeïiu-g  \zuX  lirawaWt^  hït  imgï  gmiilkKinniiijg  ïiiufag 
miyiM£%  ibaicaîariu^  m  ÛMWife  ©Ito  |ii^  ecilegk  cljonali^ 

Imi  milk^imo  qttaldm ii°.  ^w.  sthi\^  mm$ï$  nsÊutmld^. 

L'élat  de  dégradation  du  monument  ne  permet  plus  de 
lire  l'année  de  la  mort.  Il  ressort  de  celle  inscription  que 
le  musicien  G.  du  Fay  était  bachelier  en  droit  canon,  qu'il 
fut  d'abord  enfant  de  chœur  et  devint  ensuite  chanoine  de 
l'église  cathédrale  de  Cambrai,  et  qu'il  jouissait  en  outre 


(1)  T.  IX,  p.  349. 

(2)  Ce  rébus  a  fail  l'objel  d'une  notice  que  M'  Lefebvre  a  insérée  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  d'émutaliou  de  Cambrai,  t.  XXVI,  l^*  partie,  p.  381  • 
Il  se  compose  d'un  ^  dans  lequel  on  lit  :  ÎIIU  (la  note  fa)  et  gi. 


—  86  — 

cFune  prébende  à  réglise  de  Saiule-Waudru,  à  iMons.  Ces 
reuseigiiemeuls  se  complèleiil  par  un  extrait  des  registres 
aux  actes  capituiaires  du  chapitre  de  Notre-Dame,  à  Cam- 
brai, conservés  à  la  bibliothèque  de  cette  ville,  qu'a  publié 
M""  Lefebvre,  en  1859,  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
d'émulation  de  Cambrai  (i),  et  qui  nous  fait  connaître 
que  G.  du  Fay  fut  admis  chanoine  en  remplacement  de 
Jean  Vivien,  évéque  de  Nevers,  le  12  novembre  1456  (2). 
N'ayant  pas  trouvé  son  nom  dans  les  registres  aux  promo- 
tions de  l'université  de  Louvain,  qui  remontent  aux  premiè- 
res années  de  la  fondation  de  cet  établissement  (1428), 
on  peut  supposer  qu'il  alla  achever  ses  études  théologi- 
ques à  Paris. 

JM""  L.  Devillers  a  eu  l'obligeance  de  nous  envoyer  la 
copie  du  passage  inédit  d'un  registre  aux  résolutions  du 
chapitre,  que  nous  reproduisons  plus  bas,  lequel  constate 
qu'à  la  suite  d'une  convocation,  divers  chanoines  non  rési- 
dents et  qui  se  trouvaient  alors  à  Bruxelles,  arrivèrent  à 
Mons,  le  5  mars  1449  (n.  st.),  afin  de  participer  à  la  dé- 
cision que  l'on  devait  prendre  sur  l'emplacement  où  allait 
être  construite  cette  magnifique  église  de  Sainte-Waudru 
que  l'on  voit  aujourd'hui  (3).  Parmi  eux  figurent  Gilles  de 
Binche  ou  Binchois  et  Guillaume  du  Fay,  et  cette  rencontre 
des  deux  noms  ne  peut  laisser  aucun  doute  qu'il  ne  s'agisse 
ici  du  grand  musicien.  Les  vers  de  IMartin  Franc  confirment 
cette  assertion,  puisque  l'époque  de  1449  se  rapproche  de 
celle  où  il  écrivait.  Nous  mettrons  la  note  de  M.  Devillers 
sous  les  yeux  des  lecteurs  : 

«  Premiers,  pour  les  despens  de  messires  tlenry  de  Jauche,  prebu-e,  cl 


(!)  ï.  XXVI,  1«  parlie. 

(2)  u  Recrplus,  \1  novembris  1436,  pcr  resignalionem  Joannis  Viviani, 
M  cpiscopi  Nivernensis.  » 

(5)  Mr  Devillers  avait  déjà  cité  le  fait  dans  son  intéressant  Mémoire  sur 
l'église  de  Saiiile-Waudru;  Mons,  1857,  p.  14. 


—  87  — 

Jehan,  le  niessagier,  envoyez  à  Broussellcz  pour  convocquer  une  grande  partie 
de  chanoinez  d'icelle  églize  lu  estans,  pour  venir  à  Mons  à  visiter  le  place  et 
avoir  advis  de  le  manière  de  réédification,  comme  il  fiscnt.  En  quoi  faisant 
il  misent  depuis  le  xix^  jour  de  febvricr  jusque  au  xxv«  jour  d'icelluy 
mois  [xiiij<;  xiviij],  c'est  pour  le  terme  de  vij  jours,  despendirent  xj  libvres 
vj  solz  vj  deniers. 

»  Le  lundy  enssuivant,  qui  fu  le  iij^  jour  de  mardi,  vinrent  à  ladiclc  convo- 
cation maisire  Franchois  de  Gand,  maistre  Émond  Musiner,  Gilles  de  Binch  et 
maistre  Guillaume  du  Fay,  lesquelz  despendirent  de  bouche  avec  leurs  servi- 
teurs ce  lundy  et  mardy  :  xiiij  libvres.  » 

Nous  avons  en  vain  compulsé  les  comptes  de  la  receUc 
générale  des  flnances  pour  découvrir  la  date  précise  où 
noire  poêle  vint  à  la  cour  de  Bourgogne  et  nous  assurer 
s'il  ne  fut  pas  chargé  d'une  mission  quelconque  auprès  de 
Philippe  le  Bon  par  les  papes  Félix  V  ou  Nicolas  V. 

G.  du  Fay  était  donc  à  Bruxelles  en  1449.  En  quelle 
qualité,  c'est  ce  que  nous  avons  cherché  à  savoir.  Avait-il 
alors  quitté  sa  résidence  de  Cambrai?  Comme  il  n'a  jamais 
fait  partie  de  la  chapelle  ducale,  notre  première  pensée  fut 
de  porter  nos  investigations  dans  les  archives  du  chapitre  de 
Sainle-Gudule,  qui  existent  tant  aux  Archives  du  royaume 
qu'à  l'église  elle-même.  Nous  y  avons  acquis  la  certitude 
qu'il  n'y  occupa  aucune  fonction  et  n'était  attaché  à  aucune 
des  églises  ou  chapelles  de  Bruxelles.  Cette  particularité 
que  du  Fay  était  chanoine  de  Sainle-Waudru  nous  fit  alors 
supposer  qu'il  était  peut-être  au  service  de  Jean  de  Croy, 
seigneur  de  Tour-sur-!Marne  et  de  Chimai  (i),  lequel  occu- 
pait la  charge  de  grand  bailli  de  Hainaut,  et  que  ce  pouvait 
bien  avoir  été  à  l'influence  de  ce  personnage  important  que 
du  Fay  avait  obtenu  un  bénéfice  à  Mons,  d'autant  plus  que 
Chimai  paraît  être  la  patrie  de  notre  musicien  (2).  Cepen- 


(1)  J.  de  Croy  avait  acheté  la  seigneurie  de  Chimai  en  1418.  Voy.  IIagemans, 
Histoire  du  pays  de  CItimay,  t.  l^'',  p.  183. 

(2)  FÉTis,  Biographie  universelle  des  musiciens,  t.  II!,  p.  71. 


—  88  — 

(lanl  en  réfléchissant  qu'il  avait  été  enfant  de  chœur  à 
l'église  calliédrale  de  Cambrai,  et  que  selon  l'usage  adopté 
dans  les  chapitres,  les  choraux  qui  embrassaient  la  pré- 
irise étaient  généralement  élus  de  préférence  aux  prébendes 
vacantes,  et  en  tenant  compte  de  documents  constatant  le 
décès  de  la  mère  de  du  Fay  à  Cambrai  en  1444,  et  sa 
présence  dans  cette  ville  en  1445  (i)  et  14S1,  nous  nous 
sommes  arrêté  à  celle  idée  qu'il  ne  se  trouvait  à  Bruxel- 
les, au  mois  de  mars  1449,  qu'accidentellement,  et  qu'il 
y  avait  été  appelé  par  son  évéque,  Jean  de  Bourgogne.  On 
sait  que  ce  prélat,  au  lieu  de  demeurer  dans  sa  ville  épis- 
copale,  préférait  jouir  des  plaisirs  que  lui  offrait  la  cour  de 
Philippe  le  Bon  (2). 

D'autre  part,  le  nombre  considérable  d'œuvres  musicales 
du  grand  maître  du  XV*  siècle  trouvées  par  M.  de  Cousse- 
maeker  dans  la  Bibliothèque  de  Cambrai  et  provenant  de 
l'église  de  Noire-Dame  (3),  prouve  surabondamment  que  le 
chanoine  du  Fay  y  a  vécu  fort  longtemps  :  son  épilaphe 
apprend  qu'il  y  mourut.  Il  y  a  même  grande  apparence 
qu'il  y  dirigeait  la  musique  de  la  métropole;  c'est  pour  avoir 
doté  l'église  de  ses  compositions,  et,  de  plus,  à  cause  de 
ses  qualités  ainsi  que  de  ses  mérites,  que  ses  confrères  lui 
volèrent  une  gratification  de  60  écus,  le  21  avril  14ol  (4), 
au  lieu  des  revenus  ordinaires  de  sa  prébende,  pour  l'an- 
née suivante. 


(1)  Voy.  la  notice  de  Mr  Lefebvre,  citée. 

(2)  A.  Le  Glay,  Cameracum  christianum,  p.  XLIV. 

(5)  iXolice  sur  les  collections  musicales  de  la  Bibliothèque  de  Cambrai;  1843. 

(4)  «  Uomini  raei,  propter  qualilates  et  mérita  magistri  Guillelnii  du  Fay, 
»  canonici,  qui  nosiram  ecelesiam  canlibus  musicl  decoravit,  dant  sibi  {sic), 
"  loco  frucluum  grossorum  prœbendœ  suae,  pro  anno  futuro,  60  scula  quœ 
>■  acceptavit  idem  magisler  Guillelmus.  »  Voy.  la  notice  de  M--  Lefebvre.  Ce 
texte  est  tiré  des  registres  aux  Acia  capilularia  que  possède  la  Bibliothèque  de 
celte  ville,  comme  nous  Pavons  dit,  et  qui  sont  décrits  par  A.  Le  Glaï  dans 
son  Catalogue  des  manuscrits  de  ce  dépôt,  n»»  944-987. 


—  89  - 

Une  autre  preuve  pour  nous  que  G.  du  Fay  habitait 
Cambrai,  c'est  que  sa  mère  y  décéda  le  23  avril  1444. 
L'épitaphe  de  celle-ci,  qui  se  trouvait  aussi  sous  le  portail 
de  Saint-Gangulphe  à  la  cathédrale,  a  été  conservée;  elle 
est  ainsi  conçue,  et  semble,  par  la  forme  de  sa  rédaction, 
dire  que  son  fils  était  un  enfant  naturel  : 

@ï)i  'Uîhmî  %Ul  îiiemi^dle  J^sïw  Pufag,  mue  ^2  ra*  ®EiI= 
lîimia  Muhv,  tnnm$  Sue  am^,  hqudh  îu$sMu  hu  mÛ  iiil"  ci 

Près  de  cette  inscription,  on  en  voyait  encore  une  où  le 
nom  de  ce  musicien  est  également  cité;  elle  était  consacrée 
au  souvenir  d'Alexandre  Bouillart,  lequel  y  est  qualifié  de 
chapelain  de  Guillaume  du  Fay  (i).  La  voici  : 

@lîi  gi^l  ^ïxs  ^hxaïàxs  lisiuilkïi  fwïu  v.uM  "Ui  WîRnhuii^ 

hx&i  îî  tr?ipa^-ga  hn  rail  aa,  hxiu].  h  x%  loiuï  îiaoïî^t.  Mun  m 

La  forme  du  pluriel  employée  ici  semblerait  indiquer 
que  du  Fay  avait  précédé  dans  la  tombe  son  chapelain, 
c'est-à-dire  le  coadjuleur  qui  lui  aura  été  donné  pour  le 
remplacer  aux  offices,  à  cause  de  son  grand  âge.  Et  ce- 
pendant s'il  faut  se  rapporter  à  une  note  consignée  dans  un 
manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Cambrai  (2),  intitulé  :  In- 
dex copiosits  omnium  cUfjnilarioriim  et  canonicorum  ecclesiœ 
Cameracensis,  Guillaume  du  Fay  serait  mort  le  28  novem- 
bre 1474,  et  aurait  reçu  la  sépulture  dans  la  cha|)elle  de 
Saint-Etienne  (3).  Il  y  a  donc  un  jour  de  différence  avec 
l'épitaphe.  Ceci  est  peu  important,  mais  si  l'on  veut  attacher 

(1)  Ces  deux  inscriptions  funéraires  ont  élé  publiées,  en  1825,  par  A.  Le 
Glay,  dans  ses  Recherches  sur  l'église  métropolitaine  de  Cambrai,  pp.  199  et 
200,  d'après  le  recueil  de  Tabbé  Fr.-D.  Tka>ciunt,  qui  perle  le  n»  941  de  lu 
BiblioUièque  de  Cambrai. 

(2i  I\«  958. 

(5}  ><  Obiit  28  novembris  1474;  jacci  in  capellania  [sic)  saneli  Slepliani.  » 

7 


—  90  — 

quelque  valeur  à  Temploi  du  pluriel  dans  rinvocalion 
finale  de  l'inscription  du  chapelain  Bouillarl  qui  a  été  copiée 
par  l'abbé  Tranchant  au  siècle  dernier,  il  est  évident  qu'il 
y  a  une  erreur  d'un  côlé  ou  de  l'autre.  Faut-il  lire  ici  1475, 
ou  bien  admettre  que  ce  savant  investigateur  a  commis 
quelque  méprise  en  transcrivant  la  date  du  décès  de  du  Fay 
d'après  les  registres  du  chapitre  qu'il  a  eus  à  sa  disposi- 
tion, et  faut-il  changer  le  dernier  chiffre  du  millésime  qu'il 
rapporte?  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  toujours  constaté  que  le 
célèbre  musicien  est  mort  en  1475  ou  1474,  et  qu'il  n'a 
par  conséquent  aucun  rapport  avec  le  chantre  du  nom  de 
du  Fay  qui  fut  attaché  à  la  chapelle  papale  depuis  1580 
jusqu'en  1452. 

Dans  un  autre  endroit  de  son  poëme  du  Champion  des 
Dames,  Martin  Franc  consacre  encore  une  strophe  à  célé- 
brer le  talent  de  certains  instrumentistes  aveugles  qu'il  avait 
entendus  jouer  à  la  cour  de  Bourgogne,  et  qui  y  firent 
grande  sensation.  Le  nom  de  Binchois  est  encore  cité  dans 
ces  vers  que  voici  : 

a  Tu  as  les  aveugles  ouy 
Jouer  à  la  court  de  Bourgogne  ; 
N'a  pas  certainement  ouy 
Qu'il  fust  jamais  telle  besongne. 
J'ay  veu  Binchois  avoir  vergongne 
Et  soy  taire  emprez  leur  rebelle, 
El  du  Fay  despité  et  frongne 
Qu'il  n'a  mélodie  si  belle.  » 

Quels  étaient  ces  aveugles  qui  émerveillèrent  Binchois 
et  du  Fay  à  la  cour  de  Bourgogne?  Nous  sommes  à  même 
de  pouvoir  citer  leurs  noms  :  ils  s'appelaient  Jean  de  Cor- 
donval  et  Jean  Ferrandès.  Les  comptes  les  désignent  tantôt 
comme  joueurs  de  vielles,  tantôt  comme  joueurs  de  «  bas 
»  instrumenis.  »  Ils  étaient  au  service  d'Isabelle  de  Portugal, 
duchesse  de  Bourgogne,  et  Philippe  le  Bon  leur  avait  ac- 
cordé en  cette  qualité,  un  franc,  de  52  gros,  à  chacun,  de 


—  91  — 

gages  journaliers,  par  lettres  patentes  du  3  janvier  1 455  (n. 
st.).  La  forme  de  ces  noms  nous  fait  croire  qu'ils  étaient 
originaires  d'au-delà  des  Pyrénées  (i). 

«  A  Jehan  Ferrandès  pl  Jehan  de  Cordonval,  aveugles,  joueurs  de  vielles, 
lesquelz  Monseigneur,  par  ses  lettres  patentes,  données  en  sa  ville  de  Dijon, 
k  iij"  jour  de  janvier  Tan  mil  iiij"  xxxiiij,  a  retenus  pour  servir  devers  ma- 
dame la  ducesse,  et  par  icelles  lettres  leur  a  ordonné  prendre  et  avoir  de  luy 
ung  franc,  de  xxxij  gros,  de  gaiges  par  jour,  etc.  (2).  » 

«  A  Jehan  de  Cordonval  et  Jehan  Ferrandès  joueurs  de  vielles,  servans 
dMceuIx  instrumens  devers  madame  la  duchesse  de  Bourgoingne,  pour  leurs 
gaiges,  etc.  (3).  » 

Dans  un  autre  article  nous  donnerons  la  liste  des  mé- 
nestrels des  ducs  de  Bourgogne,  c'est-à-dire  de  ces  joueurs 
de  hauts  et  de  bas  instruments,  ainsi  que  les  appelle  Martin 
Franc,  depuis  le  XIV''  siècle  jusqu'à  la  fin  du  XV%  liste 
que  nous  avons  dressée  d'après  une  foule  de  documents 
existant  à  Lille,  à  Dijon  et  à  Bruxelles. 

Nous  consignerons  ici  quelques  renseignements  relatifs 
à  ces  harpeurs  qui  vivaient  au  temps  où  écrivait  notre 
poète  (entre  i440  et  1449),  et  dont  il  fait  un  si  brillant 
éloge.  Voici  les  noms  de  ceux  que  nous  avons  recueillis 
dans  les  comptes  des  ducs  de  Bourgogne  existant  à  Bruxel- 
les, à  Lille  et  à  Dijon,  et  auxquels  l'auteur  du  Champion 
des  Dames  a  pu  faire  allusion. 

Pierre  (Perenet,  Perrin)  Thierry,  harpiste  de  Philippe 
le  Bon,  duc  de  Bourgogne,  et  de  Charles,  son  fils.  Il  est 
mentionné  plusieurs  fois  dans  un  compte  de  l'année  1459, 
d'abord  avec  la  simple  qualification  de  harpeur,  puis  sous 
les  appellations  suivantes  :  varlel  de  chambre  et  joueur  de 


(1)  Voy.  aussi  De  Laborde,  les  Dhc.i  de  Bourgogne,-  prea\es,  t.  I",  p.  33S, 
no  1206,  et  p.  470,  n»'  1819  et  1820. 

(2)  Registre  n»  F.  128,  fol.  Ixxij  ro,  de  la  chamhre  des  comptes,  aux  Ar- 
chives du  département  du  Nord,  à  Lille. 

(3)  Registre  n"  F.  133,  fol.  Ixviij  r",  ibidem. 


—  92  — 

harpe  de  Monseigneur  te  duc  de  Bourgogne,  ou  varlet  de 
chambre  et  harpeur  de  Monseigneur,  à  Toccasion  de  diffé- 
reules  gratifications  qu'il  reçut  de  son  souverain,  l'une  au 
mois  d'août  «  pour  baillier  à  sa  femme  estant  en  Bour- 
»  goingne,  pour  vivre  elle  et  ses  enffans  durant  et  pendant 
»  ce  qu'il  est  au  service  de  monseigneur  de  Charrolois,  » 
l'autre,  au  mois  de  novembre,  «  pour  les  bons  et  agréables 
»  services  qu'il  a  faiz  devers  monseigneur  le  comte  de 
»  Cbarrolois,  par  l'espace  de  sept  mois,  et  pour  luy  aidier 
»  à  porter  ses  fraiz  audit  service,  et  pourveoir  au  vivre  et 
»  nécessité  de  lui,  sa  femme  et  son  mesnaige,  »  etc.  (i). 
Au  mois  de  décembre  de  la  même  année,  Pierre  Tliierry 
reçoit  encore  30  francs  du  duc  :  il  est  alors  qualifié  de 
harpeur  de  monseigneur  de  Charrolois  (-2).  Il  était  donc 
passé  au  service  de  ce  jeune  prince,  qui,  selon  le  témoi- 
gnage d'un  chroniqueur  du  temps,  «  apprit  l'art  de  musique 
»  si  perfectement  qu'il  mectoil  sus  chansons  et  motets,  et 
»  avoit  l'art  perfectement  en  soi  (3).  » 

Jean  {Jehannin)  d'Arras,  harpiste  d'Isabelle  de  Portugal, 
duchesse  de  Bourgogne.  Philippe  le  Bon  lui  donne,  en  1435, 
G  livres  de  Flandre  pour  acheter  une  harpe  (4).  Une  note 
du  mois  de  juin  1437  est  conçue  ainsi  ;  «  A  Jehan  d'Arras, 


(1)  Registres  n»  F.  133,  fol.  ij''  ij  V  et  ij^  xviij  r»,  de  la  chambre  des  comp- 
tes, aux  Arcliives  du  déparlement  du  Nord,  à  Lille.  Voij.  aussi  De  Laborde, 
les  Ducs  de  Bourgogne;  preuves,  t.  I",  p.  358,  n°  1251,  et  p.  561,  n»  1250. 

(2)  Registre  n»  B.  1673,  fol.  xl  v",  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Ar- 
chives du  département  de  la  Côle-d'Or,  à  Dijon. 

Il  est  encore  mentionné  en  la  même  qualité  dans  un  compte  de  liiO  (re- 
gistre n»  F.  135,  fol.  ijc  Iv,  de  la  chambre  des  compics,  aux  Archives  du  dépar- 
tement du  Nord,  à  Lille)  :  «  A  Pcrrenet  Thierry,  harpeur  de  monseigneur  de 
»  Charrolois,  que  Monseigneur  [le  duc]  a  ordonné  luy  estre  baillié  pour  soy 
>>  deffraïer  et  aler  aux  nopces  de  Thiébault  monseigneur  à  Tournay  en  la  com- 
»  paingnie  de  monseigneur  de  Clùves  :  1  s.  » 

(3)  0.  DE  LA  Marcue,  Mémoires,  p.  408;  éd.  de  Bruxelles,  1616. 

(4)  Registre  no  F.  125,  fol.  vjxx  viij  r",  de  la  chambre  des  comptes,  aux 
Archives  du  département  du  Nord,  à  Lille. 


—  93  — 

»  harpeur  de  madame  la  diicesse,  pour  don  à  lui  fait  pai- 
»  Monseigneur  pour  soy  aidier  à  garir  de  cerlaine  maladie 
»  qui  lui  csl  nagaires  survenue  :  Ix  s.  (i)-  »  H  est  encore  cilé 
dans  un  compte  de  l'année  1442,  en  ces  termes  :  «  à  Jehan- 
»  nin,  le  harpeur,  pour  une  petit  harpe  par  luy  vendue  et 
»  délivrée  pour  monseigneur  le  conte  de  Charroloiz  (2).  » 

Jean  (Jehan)  de  la  Court,  harpiste  de  Catherine  de 
France,  comtesse  de  Charolais.  Celte  princesse  lui  acheta, 
en  1441,  une  harpe  qu'elle  donna  à  son  mari  «  pour  soy 
j)  jouer  et  prendre  son  esbalement.  »  L'instrument  coûta 
12  francs,  et  c'est  le  duc  de  Bourgogne  qui  paya  cette 
dépense  (3). 

Ces  deux  mentions  démontrent  que  la  harpe  était  l'in- 
strument favori  du  comte  de  Charolais. 

Nous  devons  borner  nos  citations  aux  contemporains  de 
Martin  Franc  que  l'on  peut  supposer  avoir  acquis  quelque 
célébrité,  puisqu'ils  occupèrent  un  emploi  à  la  cour  de 
Bourgogne  à  la  suite  de  laquelle  ils  voyageaient,  par  con- 
séquent l'écrivain  a  pu  avoir  l'occasion  de  constater  leur 
talent.  A  cette  même  époque  vivait  Jean  Hanelet,  qui  avait 
été  au  service  de  Guillaume  IV,  père  de  Jacqueline  do 
Bavière,  mort  en  1417.  Ce  prince  lui  avait  fait  une  pen- 
sion annuelle  de  SO  couronnes  d'or  de  France,  pour  a  la 
»  sustension  de  son  povre  vivre  en  ses  anciens  jours  durant 
»  le  cours  de  sa  vie.  »  C'est  bien  de  lui,  croyons-nous,  qu'il 
est  question  dans  des  lettres  patentes  de  Jacqueline,  datées 
du  22  février  1421  (n.  st.)  (4),  où  il  est  dit  :  «  Nous  avons 
»  donné  à  noslre  amé  Johannes,  noslre  harpeur,  en  récom- 


(1)  Registre  n»  F.  128,  fol.  vijxx  viij  v»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux 
Archives   du  département  du  Nord,  à  Lille. 

(2)  Registre  n»  F.  137,  fol.  ij«  ix  r",  de  la  chambre  des  comptes,  ibidem. 

(3)  De  Laborde,  les  Dues  de  Bourgogne;  preuves,   t.  I'^.  p.  580,  n"  1344.. 

(4)  Ces  lettres  patentes  ont  été  publiées  dans  les  Bulletins  de  la  Commisnioti 
royale  d  histoire,  2«  série,  t.  VIII,  p.  552. 


94  — 


w  pcnsalion  des  agréablez  services  qu'il  nous  puel  avoir  fait, 
»  la  somme  de  douze  couronnes  d'or,  pour  faire  un  voyage 
»  vers  Sainl-Jaque,  en  Galisse.  »  Jean  Hanelet  se  qualifie, 
dans  une  quillance  de  l'année  1424,  de  roi  des  ménestreux 
don  pays  de  Umjnnau,  et,  dans  une  autre,  postérieure  de 
deux  ans,  de  ménestreux  à  monseicjneur  le  duc  de  Brabant: 
on  sait  que  Jacqueline  était  alors  l'épouse  de  Jean  IV,  sou- 
verain de  ce  dernier  pays.  Lorsque  le  duc  de  Bourgogne 
se  fut  mis  en  possession  du  comté  de  Hainaut,  il  continua 
à  faire  payer  la  pension  de  Hanelet,  qui  mourut  en  1 444  (i). 
Dans  les  comptes,  il  figure  sous  le  nom  de  Jean  Hannelel 
ou  Hannelez,  mais  sur  son  sceau,  qui  est  attaché  à  plu- 
sieurs quittances  existant  aux  Archives  de  l'Étal,  à  Mons, 
on  lit  :  0:  \t^d.u,  laMkL  Le  sceau  représente  trois  canettes 
ou  hanaps,  dont  deux  sans  anse,  et  une  à  deux  anses,  dis- 
posées deux  et  une.  Hanelet  est  probablement  le  diminutif 
de  hanas  ou  hanap  (2). 


Van  Halen  (Jean).  —  A  côté  du  sceau  de  J.  Hanelet  nous 
avons  dessiné  celui  d'un  joueur  de  viole  flamand  du  XIV^" 


(1)  En  marge  du  registre  n°  H.  288,  fol.  liij  r»,  de  la  chambre  des  comptes, 
aux  Archives  du  déparlement  du  Nord,  à  Lille,  on  lit  à  pi-opos  de  la  pension 
de  Hanelet,  cette  annotation  :  «  Ne  soit  plus  mis  en  compte  pour  ce  qu'il  est 
»  depuis  trespassé.  »0n  trouve  les  payements  de  celle  pension  dans  les  comptes 
de  la  recelte  générale  de  Flainaul  qui  sont  conservés  au  dépôt  de  Lille  et  aux 
Archives  du  royaume. 

(2)  Mr  Lacroix  nous  a  communiqué  une  empreinte  originale  de  ce  sceau 
pour  en  faire  le  dessin. 


—  95  — 

siècle,  à  en  juger  par  Tinscriplion  qu'il  porte  :  s.  ian  van 
HALEN  DE  vEDELLEER.  Il  représente  une  viole  et  une  flûte. 
La  matrice  de  ce  sceau  existe  au  Musée  royal  d'antiquités, 
à  Bruxelles. 

Van  IIelen  (Adam).  —  Le  23  février  1446  (n.  st.),  entre 
les  marguilliers  et  proviseurs  de  la  chapelle  des  Clercs,  à 
Louvain,  et  maître  Adam  Van  Helen,  fabricant  d'orgues, 
fut  passé  un  contrat  pour  la  livraison  d'un  nouvel  orgue. 
Le  texte  de  cet  acte  nous  a  été  conservé;  nous  en  rapporte- 
rons les  principales  dispositions. 

Le  tuyau  principal  devait  avoir  quatre  pieds  de  longueur, 
avec  doubles  principaux  derrière  et  devant.  Ces  derniers 
devaient  être  en  élain  fin,  et  non  en  plomb.  Sur  la  première 
clé,  qui  sera  en  bfabemi,  il  y  aura  au  moins  cinq  tuyaux, 
dont  deux  principaux  et  trois  autres  au  milieu.  Le  reste 
sera  réglé  d'après  cela.  Van  Helen  promit  de  livrer  l'orgue 
entièrement  achevé  à  Louvain  avant  le  o1  août  suivant,  et 
s'engagea  à  en  répondre  pendant  douze  ans.  Il  ne  peut 
faire  audit  orgue  plus  de  travaux  qu'il  ne  convient  à  un 
instrument  de  ce  genre  à  trois  soufflets.  Il  prend  l'enga- 
gement, lorsque  le  nouvel  orgue  sera  placé,  de  réparer  et 
d'accorder  l'ancien  qui  se  trouve  dans  l'église.  Si  quelque 
chose  vient  à  manquer  à  l'instrument  qu'il  doit  livrer, 
Van  Helen  promet  d'y  pourvoir  à  ses  frais.  Toutefois, 
dans  le  cas  où  une  détérioration  quelconque  arrive,  et  que 
ce  ne  soit  pas  de  sa  faute,  la  réparation  sera  à  la  charge 
des  marguilliers  et  proviseurs  de  la  chapelle.  Ceux-ci,  de 
leur  côté,  promettent  de  payer  pour  le  nouvel  orgue  à 
Van  Helen  58  florins  du  Rhin,  et  de  le  solder  intégrale- 
ment dès  que  la  livraison  en  aura  été  faite. 

Parmi  les  témoins  de  ce  contrat  figure  Pierre  Ysebeele, 
organiste  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain. 

La  chapelle  des  Clercs,  qui  avait  été  fondée  au  XIV' 


—  96  — 

siècle  par  les  étucliaiils  en  théologie,  fut,  après  la  fonda- 
lion  de  l'université  de  Louvain,  attribuée  à  la  faculté  des 
arts.  L'édifice  actuel  ne  remonte  qu'au  XV^  siècle  :  il  sert 
aujourd'hui  de  chapelle  pour  le  culte  anglican.  En  1559, 
on  lui  donna  le  nom  de  chapelle  de  Saint-Antoine:  la  place 
où  il  est  situé  en  a  retenu  le  nom. 

La  faculté  des  arts  accorda  pour  la  construction  de  l'or- 
gue par  Adrien  Van  Helen  un  subside  de  100  griffons  (i). 

«  In  "l  jaer  der  glieboerten  0ns  Hceren  dusenl  cccc"  vive  ende  vierlich,  den 
xxiijen  dach  in  februario,in  die  sacristie  der  Ciereken  capellen,  le  Lovenne,soe 
hebben  ghemaect  voorwaerden  ende  composicien  [de]  monboers  ende  provi- 
sors  der  voirscbreve  capellen  met  meester  Adam  Van  Helen,  orgelmaker,  ende 
verdinct  een  nyuwe  orgel  te  makene,  in  deser  naevolghendc  nianiren  : 

Item,  in  den  eerslen,  soe  heeft  meester  Adam  aenglienomen  ende  gheloefl  te 
makene  een  neywe  orgele  die  staen  sal  in  die  voorschreve  capeile,  dais  te  we- 
tene  dal  die  prineipael  ende  eerste  pipe  sal  lanc  wesen  iiij  voete,  ende  met 
dobbelen  principalen,  voere  ende  achter,  ende  die  principaien  voere  selen 
wesen  van  finen  tinne  ende  niet  van  loe.  Ende  op  dien  eerstcn  slotel  die  wesen 
sal  bfabcmij  sal  liy  setten  te  minsten  vyf  pipen,  twe  principalen  ende  drie  in 
midden;  ende  alzoe  voopt  opgaende  sal  hyl  ghetrouwelic  wt  maken  na  den 
eysch  van  den  werki?,  ende  lieeft  voort  gheloeft  die  selve  meester  Adam  dat  hi 
dese  voerschreve  orghele  leveren  sal  te  Lovenne  al  volmaect  binnen  den 
laelsten  dach  van  augusto  naesltoecomcnde  ende  als't  volmaect  is,  soe  sal  bise 
houwen  staende  xij  jaer.  Ende  meester  Adam  en  sal  niet  mcer  aen  die  orghele 
maken  dandatdiesubslancien  des  orghelen  toebehoort  met  drie  blaesbalghen, 
ende  als  hi  dese  nyeuwe  orgele  volghemaecl  Iiceft  ende  gheset,  als  daer  toe- 
behoort, soe  sal  hie  die  ouwe  orghele  die  nu  in  die  voerschreve  capeile  slaet 
van  gracien  rcformeren  ende  accorderen  op  siiien  cost,  ende  waer  dat  zake 
nae  dat  die  orghele  volmaect  ware  ende  dat  daer  naemaels  yet  aen  ghebrake 
ende  dat  dan  alzulc  ghebrect  toequame  bi  sculden  of  verswimenisse  meester 
Adams,  soe  lieeft  hi  gheloeft  dal  te  harmakene  op  sinen  cost  :  maer  grebreke 
yet  aen  die  orghele  ende  dal  ghebrect  niet  toe  en  comt  by  meester  Adam  scult, 

(1)  On  lit  sur  un  des  feuillets  où  le  contrat  est  transcrit  l'annotation  sui- 
vante :«  Facullas  subsidium  dédit  eis  centos  grififones  pcncs  rcceplorem 
»  exeuntes  qui  recepli  erant  ex  illis  qui  non  delerminaverant  tempore  debilo, 
»  et  cura  hoc,  tantum  ut  fieret,  medietas  prelii  quod  constarent  dicta  organa.  » 


—  97  — 

soe  sal  liise  iiiake  op  die  cosl  van  der  voorsclirevc  capelleii  ende  die  ca|)elle- 
meesters  seleii  liem  gheven  van  Iwe  daglien  sinon  locn  die  sal  syn  cencn 
nyewen  guUien.  Oc  voort  soe  liebben  dese  voorsclireve  capelle-meesicrs,  pro- 
visoers  ende  monboren  gheloeft  voor  die  orgliele  den  voorsehreven  meesler 
Adam  te  glievenne  xxxviij  rynsclie  guldene  als't  volmaect  is,  behouwelic  dat 
si  binnen  drie  dagen  in  verniindernisse  der  voorsclirevcn  summe  v  rynsche 
gulden  ende  voorl  soe  bebben  si  gheloeft  meesteren  Adam  vorsclireven  ter- 
stont  als  hi  die  orgele  volmaect  heeft,  als't  voorsehreven  is,  syn  gelt  te  glie- 
venne, sonder  sloel  of  kalaenghe.  Ende  waert  dat  meesler  Adam  slorve  eer 
hi  dit  werc  volmake,  soe  heeft  gheloest  Pieler  Ysebecle  dese  vorschreven 
v  rynsche  gulden  weder  te  ghevcnne  den  voorsehreven  capelie-meeslers  dese 
voorwaerden  ende  composicien  waren  ghemaect  aist  voorsehreven  is.  Ende 
daer  waren  over:  meesler  Jan  Van  Hassell,  licenciaet  in  Icgibus,  ende  raeester 
Jan  de  le  Loghe,  van  Berghen,  in  Henegoiiwen,  ende  Pieter  Ysebeele,  orga- 
nist  le  Sinte-Pielers  in  Lovene,  als  ghelughen,  ende  in  preseneien  myii 
meesler  Jan  Van  Wemeldeinghen  als  nolarius  iiierover  gheropen  (1).  » 

Van  Steenren,  tlil  Vain  Aren  ou  Van  der  Aren  (Jean),  — 
élail  maître  des  orgues  de.  Philippe  le  Bon,  duc  de  Bour- 
gogne. Ce  prince  lui  assigna  sur  la  recelle  générale  du 
Brabant,  par  lettres  patentes,  datées  de  Bruges,  le  28 
mars  1458  (n.  st.),  une  pension  annuelle  de  50  florins  du 
Rhin,  qui  lui  fut  payée  jusqu'au  2  avril  1467  (2).  Dans 
ces  lettres  il  est  qualiûé  de  «  maître  des  orgues  qui  se 
»  jouent  d'elles-mêmes.  »  La  pension  lui  fut  accordée  pour 
les  services  qu'il  avait  rendus  au  duc,  et  qu'il  était  appelé 
à  lui  rendre,  avec  cette  restriction  importante  que  s'il  ve- 
nait à  confectionner  quelque  ouvrage,  orgue  ou  autre, 
qui  pût  faire  plaisir  au  prince,  il  devait  lui  en  donner 
connaissance,  afin  que  celui-ci  eût  la  faculté  de  le  garder 
si  bon  lui  semblait. 

«  Janne  Van  Sleenreen,  geheelen  Van  Aren,  meesler  van  orgelen  speleode 
by  henselven,   denwelken  myn   genedige  lieere  die  Iierloge,  oni  die  goede 

(1)  Liber  aelorum  (facultalis  arlîum)a6  anno  1441  ad  annitin  1447,  fol.  98 
\o,  archives  de  Tuniversité  de  Louvain,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  «  Dairom  hier  zyn  peusie  van  ecnengeheele  jaire  cyndende  den  ij*""  dach 
»  van  aprillc  xiiij^  Ixvij  jair,  na  Paesschcn.  «  (Registre  n"  2422,  S^,  ibidem.) 


—  98  — 

cnile  geneme  diensten  die  hy  liera  gedacii  hecfl,  hopcnde  dal  liy  nocli  in  loc- 
comciulen  lyden  doen  sal,  endc  soe  verre  liera  ennige  wcrcken  gebuerden  te 
maken  lict  waeren  orgcle  ofl  andere,  dairynne  myn  voirsclireven  gciiedigeii 
lieere  gennechte  nemcn  raoclite,  dairaf  sal  liy  denselven  mynen  genedigeii 
lieere  d'yersle  kennisse  laten  liebben,  oni  die  te  behouden  also  verre  alsl  liera 
belieft  van  sunderlinger  gracien  gcgeven  ende  verleent  heeft  jairlicx  van  le 
hebbende  die  somme  van  1  Rynssclien  guldcnen,  le  xl  grooten  Vlenis, 
'l  stuck,  etc.,  alst  van  ailes  meer  in  'l  lange  verclairt  staet  in  myns  voir- 
scbreven  gencdichs  heeren  openen  besegelden  brieven  gegeven  in  dcn  slad 
van  Brugge,  xxviij  dage  in  merle  anno  xiiij<:  Ivij,  voere  Paessclien  (1).  » 

Dans  les  comples  suivants,  où  figure  le  payement  de  sa 
pension,  son  nom  est  toujours  écrit  :  Van  Steenren,  dit 
Van  Aren.  Un  compte  d'une  autre  catégorie  de  l'année  1439, 
qui  existe  à  Lille,  l'appelle  Jean  Van  der  Aren,  et  dit  qu'il 
habitait  la  petite  ville  d'Arschot.  En  celle  année,  l'artiste 
fut  envoyé  de  Bruxelles  à  Bruges  pour  surveiller  l'embar- 
quement des  orgues  qu'il  avait  faites  pour  le  duc  de  Bour- 
gogne, et  offertes  en  don  à  son  souverain.  Ces  orgues  fu- 
rent amenées  à  Bruxelles,  et  de  là  conduites  à  Dijon  sous 
la  surveillance  de  Jean  Van  Aren  et  d'un  de  ses  ouvriers. 

"  A  Jehan  Van  der  Aren,  faiseur  d'orgues,  demeurant  à  Arscot,  pour  les 
causes  qui  s'ensuit,  c'est  assavoir  :  pour  xiiij  jours  entiers,  commancnans  le 
viij<^  et  finissans  le  xxje  jour  d'avril  derrainement  passé,  lesquelz  jours  incluz 
il  a  vacqué  estre  aie  de  la  ville  de  Bruxelles  par  le  commandement  et  ordon- 
nance de  monseigneur  le  duc  de  Bourgogne  en  la  ville  de  Bruges,  et  illec  fait 
cbargier  et  amener  par-devers  Monditscigneur  audit  Bruxelles  unes  orgues 
qu'il  a  nagaires  faictes  et  icellcs  présentées  qn  don  à  Mondilseigncur,  qui,  au 
pris  de  xij  solz,  de  ij  gros,  monnoie  de  Flandres,  le  soU,  que  Mondilseigncur 
lui  a  tauxé  et  ordonné  prandre  de  luy  par  jour  pour  ses  salaires  et  despens 
de  bouche,  ensemble  d'un  sien  serviteur  qui  lui  a  aidié  à  conduire  lesdicles 
orgues  par  lesdis  xiiij  jours  entiers,  valent  :  viij  livres  viij  solz,  et  qu'il  a  paie 
pour  faire  mener  lesdicles  orgues  de  l'oslel  de  Mondilseigncur  audit  Bruges, 
où  elles  esloienl  mises  en  garde  jusques  ou  havre  de  ladicle  ville,  pour  illec 


(1)  Regislrc  no2419,  2«,  fol.  lij  r",  dé  la  chambre  des  comples,  aux  Archives 
du  royaume. 


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esire  cliargeez  et  mises  dedeans  le  batteau  pour  les  amener  audil  Bruxelles  • 
X  solz.  Item,  pour  les  avoir  fait  mener  tant  par  eaue  comme  par  (erre  duilit 
havre  jusques  au  havre  de  iadicle  ville  de  Drouxelles  :  vj  livres.  Et  si  a  encore 
payé  pour  faire  deschargier  lesdictes  orgues  hors  du  batteau  de  devant  ledit 
havre  de  Bruxelles,  et  les  mener  jusques  dedeans  l'oslel  d'ung  nommé  Lance- 
ment, demeurant  en  icelle  ville,  pour  par  luy  estre  menées  et  eonduiltes  par 
charroy  jusques  en  la  ville  de  Dijon,  auquel  lieu  Monditseigneur  les  a  or- 
donnée d'estre  mises  et  assises  :  xij  solz.  Toutes  lesquelles  parties  montent  : 
XV  livres  x  solz,  du  pris  de  xl  gros,  monnoie  de  Flandres,  la  livre,  sur  quoy 
lui  fut  fait  paiement  au  commancemeni  de  son  voïaige  de  vj  livres;  restent  icy 
par  sa  quittance  et  affirmation  d'avoir  païées  les  parties  dcssusdictes  du  ij« 
jour  dudit  mois  de  may  oudit  an  lix  :  ix  livres  x  solz,  de  xl  gros.  » 

«  Audit  Jean  Van  der  Aren,  pour,  le  ij«  jour  de  may,  de  Iadicle  ville  de 
Brouxelles  aler  lui  et  ung  sien  serviteur,  ouvrier  de  son  meslier,  jusques  en 
la  ville  de  Dijon,  auquel  lieu  Monditseigneur  a  envoie  les  orgues  dcssusdictes 
attin  de  les  conduire  seurement  et  sans  rompre,  et  pour  son  retour  et  de  sondit 
varlet,  par  quiclance  dudit  jour  :  xxiiij  livres,  de  xl  gros  (1).  » 

MoRTON  (Robert).  —  Les  renseignements  qui  suivent, 
relatifs  à  ce  musicien,  complètent  et  rectifient  ceux  que 
nous  avons  communiqués  à  M.  Fétis,  pour  la  nouvelle 
Biographie  universelle  des  musiciens. 

Un  passage  du  compte  de  la  recelte  générale  des  finances 
de  Tannée  1457  nous  apprend  que  Robert  Morlon  était  un 
chapelain  anglais  :  il  reçut  du  duc  Philippe  le  Bon,  au  ser- 
vice duquel  il  entra  vers  cette  époque,  72  livres  de  Flan- 
dre pour  se  «  monter  et  habillier,  et  pour  soy  entretenir 
»  avec  les  chantres  de  la  chappelle  de  Monseigneur,  » 
somme  qui  lui  fut  payée  entre  les  mois  d'août  et  de  no- 
vembre de  Tannée  citée.  Morton  ne  faisait  pas  encore  cepen- 
dant partie  de  la  chapelle  ducale  à  cette  date,  car  son  nom 
ne  figure  point  dans  le  personnel  de14o7.  Nous  l'avons 
rencontré  pour  la  première  fois  dans  le  compte  du  1"  oc- 
tobre 1460  au  50  septembre  1461  :  il  y  est  mentionné 

(1)  Registre  n»  F.  346,  fol.  vjxxj  v»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  déparlement  du  Nord,  à  Lille. 


—  100  — 

comme  cinquième  clerc.  Nous  dirons,  pour  êlre  compris, 
que  la  chapelle  du  duc  de  Bourgogne  se  composait  de  cha- 
pelains, de  clercs,  de  sommeliers  dont  le  nomhre  a  varié,  et 
d'un  fourrier.  En  1466,  Morton  était  deuxième  clerc,  et  ce 
n'est  que  postérieurement  à  1470  qu'il  fut  élevé  à  la  dignité 
de  chapelain.  Dans  le  tableau  du  personnel  de  1474,  Mor- 
ton occupe  le  sixième  rang  parmi  ceux  qui  étaient  revêtus 
de  ces  dernières  fonctions.  Il  est  certain  que  ce  musicien, 
qui  fut  célèbre  de  son  temps,  vivait  encore  au  mois 
d'août  1474  et  qu'il  n'était  plus  en  charge  au  commence- 
ment d'avril  1475,  ce  qui  nous  porte  à  croire  qu'il  mou- 
rut entre  ces  deux  dates.  Un  document  nous  confirme 
qu'il  décéda  vers  cette  époque,  c'est  l'état  des  dettes  de 
Charles  le  Téméraire,  dans  lequel  on  lit  qu'il  était  dû 
à  Morton  le  quart  environ  de  son  traitement  annuel  de 
l'année   1475. 

Ce  n'est  que  momenlanément,  de  juin  à  novembre  1463, 
que  Philippe  le  Bon  autorisa  Robert  Morton  à  servir  le 
comte  de  Charolais,  son  fils  (i). 

La  nationalité  de  ce  musicien  était  restée  inconnue  jus- 
qu'ici,  voici  le  texte  qui  la  prouve  : 

«  A  Robert  Morlon,  chappellaia  angloix,  la  somme  de  Ixxij  libvres,  pour 
don  à  lui  fait  par  Monseigneur,  pour  soy  aiJier  à  monter  et  habillier  à  son 
dernier  partement  de  ladicte  ville  de  Bruxelles,  et  pour  soy  entretenir  avec 
les  chantres  de  la  cliappelle  de  Mondilseigneur  (2).  « 

Maximilien,  archiduc  d'Autriche,  amateur  de  musique.  — 
Notes  sur  divers  musiciens  de  sa  chapelle  :  P.  Beurse, 
G.  de  Crâne,  A.  Busnois,  P.  de  la  Rue,  etc.  —  J.  Barbi- 
REAU.  —  Les  comptes  de  la  recette  générale  des  finances 


(1)  Registre  n»  1922,  fol.  cxxx  r»,  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives 
du  royaume. 

(2)  Registre  n«  F.  152,  fol.  iijc  lix  v»,  de  la  chambre  des  compics,  aux  Ar- 
chives du  département  du  Nord,  à  Lille. 


—  101   — 

des  années  1480  à  1482  renferment  bon  nombre  de  témoi- 
gnages qui  prouvent  combien  Tarebiduc  Maximilien,  le 
jeune  époux  de  l'héritière  des  ducs  de  Bourgogne,  était 
amateur  de  musique.  Nous  les  avons  réunis  afin  d'établir 
le  fait  d'une  manière  irréfragable. 

Au  printemps  de  l'année  1480,  ce  prince  fut  pendant 
assez  longtemps  malade  à  La  Haye.  Le  personnel  qui  com- 
posait la  chapelle  archiducale  avait  suivi  la  cour  et  se 
trouvait  avec  elle  en  Hollande.  Pour  se  distraire  JMaximi- 
lien  avait  souvent  recours  aux  chantres  qui  en  faisaient 
partie,  parmi  lesquels  nous  citerons  en  première  ligne 
le  célèbre  Antoine  Busnois,  dont  ses  contemporains  font 
l'éloge  (i);  Philippe  du  Passaige,  ténorisle,  selon  l'expres- 
sion du  temps,  auquel  l'archiduc  accorda  de  fréquentes 
gratifications  h);  Jean  Cordier(3)et  Martin  Colin  (4),  autres 
ténoristes;  Pierre  Bazin  (s),  Jean  Sampain  (e),  Pierre 
Duwez  (7),  qui  tous  se  ressentirent  de  la  générosité  de 
leur  souverain.  C'est  ainsi  que  ceux  qui  avaient  le  titre 
de  chapelain  s'en  vinrent,  le  24  du  mois  d'avril,  «par 
»  son  commandement  et  ordonnance,  chanter  devant  lui 
»  à  sa  plaisanche  en  sa  cbambre  (s).  »  Mais  il  aimait  par- 
ticulièrement à  entendre  Pierre  Beurse,  l'organiste  de  la 
chapelle,  déjà  sous  le  règne  de  Charles  le  Téméraire,  au- 
quel M.  Fétis  a  consacré  quelques  lignes  dans  sa  seconde 
édition  de  la  Biographie  universelle  des  musiciens,  d'après 


(1)  Voij.  FÉTIS,   Biographie  universelle  des    musiciens   (nouvelle   édition), 
l.  I[. 

(2)  Registre  n»  F.  3i8  (compte  de  1480),  passirn,  de  la  chambre  des  comp- 
tes, aux  Archives  du  département  du  Nord,  à  Lille. 

(3)  Registre  ii»  F.   348,  cité,   et  registre   n"  F.   172   (compte  de   1482), 
fol.  ijc  xxiij  V»,  ibidem. 

(4)  Registre  n»  F.  348,  cité,  fol.  iijo  iiijxx  xij  r^. 

(5)  Ibidem,  fol.  iij'=  iiijxx  xv   r". 

(6)  Registre  n»  F.  172,  cité. 
(7j  Ibidem. 


—   102  — 

les  noies  que  nous  lui  avons  communiquées.  Les  détails 
qui  suivent  compléleront  les  renseignements  déjà  publiés 
par  cet  éminent  écrivain.  Vers  l'époque  dont  nous  parlons, 
Beurse  apprenait  à  Marie  de  Bourgogne  à  jouer  du  cla- 
vicorde  (i).  Il  avait  un  talent  varié  :  pour  amuser  son 
maître  pendant  sa  maladie,  il  jouait  tantôt  de  l'orgue, 
tantôt  de  la  flûte,  tanlôt  du  lutli,  etc.  (2).  En  US^,  Maxi- 
milien  lui  donna  une  somme  de  24  livres  de  Flandre, 
pour  s'être  désisté  de  sa  charge  de  clerc  de  Ziericzee,  en 
Zélande  (3),  bénéfice  que  le  prince  lui  avait  accordé,  et 
pour  l'oblenlion  duquel  il  figure  déjà  sur  un  rôle  des  digni- 
tés et  bénéfices  à  la  collation  du  duc,  dont  la  rédaction 
nous  paraît  remonter  aux  dernières  années  du  règne  de 
Philippe  le  Bon.  Sur  ce  rôle,  qui  est  des  plus  curieux,  et 
que  nous  publierons  dans  notre  Histoire  de  la  chapelle  mu- 
sicale des  souverains  et  des  gouverneurs  généraux  des  Pays- 
Bas,  se  trouve  en  différents  endroits  le  nom  de  Busnois. 
David  de  Bourgogne,   évéque  d'UtrechI,  qui,   au  dire 

(1)  [Décembre].  «  A  Piètre  Beurse,  organiste  de  la  cliappelle  dommeslicque 
»  de  Monseigneur,  la  somme  de  x  livres  que  icellui  seigneur  lui  a  de  sa  grâce 
»  donnée  pour  une  fois,  à  la  requesie  de  madame  la  duciiesse,  sa  compaigne, 
»  en  faveur  des  grans  et  continuelz  services  qu'il  fait  journèiement  en  appre- 
»  nant  icelle  dame  h  jouer  du  clavicordion  et  ce  oultre  et  par-dessus  la  somme 
»  de  XX  lihvres  que  icellui  seigneur  lui  a  aussi  nagaires  paravant  donné  ou 
n  mois  de  juillet  oudil  an  iiijxx.  »  (Registre  n"  F.  34-8,  cilé,  fol.  iiij''  xxxvij  y»). 

(2)  [.luilictj.  n  A  Picltre  Buerse,  organiste  de  la  chappelle  dommesticque  de 
»  Monseigneur,  la  somme  de  x  livres,  que  icellui  seigneur  lui  a  de  sa  grâce  espé- 
»  cial  donnée  pour  une  fois  en  considération  des  bons  et  aggréables  services 
»  qu'il  lui  a  faiz  quant  durant  sa  maladie  il  a  par  pluiseurs  fois  et  par  son  or- 
>'  doniiance  esté  devers  lui  en  sa  chambre  jouer  tant  des  orglies  comme  des 
•'  fleutes,  du  leul  et  autrement,  à  sa  plaisance.  »  {Ibidem,  iij«  iiijxx  xiij  r».) 

(3)  n  A  maistre  Pierre  Buersse,  organiste  de  la  cliappelle  domesticque  de  Mon- 
»  seigneur,  la  somme  de  xxiiij  livres  que  icellui  seigneur  lui  a  de  sa  grâce 
»  espccial  donnée,  en  considéracion  des  bons  et  agréables  services  qu'il  lui 
»avoit  faiz  et  faisoit  journèiement,  mesmcment  de  ce  qu'il  esloit  désisté  et 
w  déporté  de  la  cousterie  de  Ziericxée  que  icellui  seigneur  lui  avoit  autresfoiz 
»  donnée,  et  affin  qu'il  eust  de  tant  mieulx  de  quoy  s'entretenir  audit  ser- 
»  vice.  »  (Registre  n"  F.  172,  cilé,  foi.  ij^'  xx  V). 


~   H)ù   — 

d'un  chroniqueur,  enlrelcnait  uno  ccnlaine  de  musiciens  à 
ses  gages  (i),  sacliant  le  plaisir  que  l'arcliiduc  d'Autriche 
prenait  à  entendre  de  la  musique,  envoya  à  La  Haye  les 
deux  meilleurs  chantres  de  sa  chapelle  domestique,  Jean 
Keysere  et  Pasquier  Blideman.  Le  prince  les  retint  (\{i  1" 
au  18  mai  (1480),  et  il  les  renvoya  en  les  gratifiant  cha- 
cun de  12  livres  (-2). 

Au  mois  de  mai  de  Tannée  suivante,  Maximilien  tint  un 
chapitre  de  Tordre  de  la  Toison  d'or  dans  l'église  de  Saint- 
Jean  TÉvangelisle,  à  Bois-le-Duc.  A  cette  occasion,  trois 
chantres  de  l'église  de  Notre-Dame,  à  Anvers,  vinrent 
prêter  le  concours  de  leur  talent  musical  aux  chantres  de 
la  chapelle  archiducale  (3).  Trois  musiciens  attachés  à  la 
même  église,  savoir:  Jean  Cappron,  Jean  du  Passaige  el 
Arnould  (Nonlet)  Comilis,  reçurent  1 0  livres  du  prince  ama- 
teur «  en  considéracion  de  ce  que  par  pluiseurs  foiz  ilz  ont 
»  chanté  devant  lui  audit  lieu  [d'Anvers]  pour  sa  plai- 
»  sance  (4).  »  Deux  autres  musiciens  étrangers  à  la  chapelle 
sont  cités  vers  le  même  temps  :  l'un,  Adrien  Van  Flove, 
qualifié  de  «  chantre  de  musique,  »  auquel  l'archiduc  donne 

(1)  Heda,  Hisloria  episcopatus  Trajeclcnsia,  édit.  de  1392,  p.  393. 

(2)  «  A  mcssire  Jehan  Keysere,  prebstre,  et  Piisqnin  Blideman,  chantres  de 
»  la  chappclle  dommesticque  de  révérend  père  en  Dieu  révoque  d'Ulreclit,  la 
«somme  de  xxiiij  livres,  pour  don  que  ieellui  seigneur  leur  en  a  fait  pour 
»  une  foiz,  en  considéracion  de  ce  que  par  Tordonnatice  dudit  évesque  d'U- 
»  trecht,  leur  maistre,  ilz  sont  venuz  par-devers  Mondilseigneur  en  son  lioslel 
.)  à  La  Haye,  pour,  durant  sa  maladie  et  tant  qu'il  lui  plairoil,  séjourner  par- 
«devers  lui;  pour  chanter  de  musique  à  son  plaisir  et  autrement  le  resjoyr, 
»  en  quoy  faisant  ilz  ont  séjourné  devers  lui  xviij  jours  entiers  finissaiis  le 
«  xviij«  jour  du  mois  de  may  [xiiijc  Ixxx].  »  (Registre  n»  F.  348,  cité,  fol.  iijc 
iiijxx  XV  \°.) 

(3)  «  A  trois  chantres  de  l'église  de  Nostre-Dame,  en  Anvers,  la  somme  de 
»  vj  livres,  pour  don  à  culx  fait  par  Monseigneur,  en  considéracion  de  ce 
oqu'llz  ont  chanté  avec  les  autres  ehanlres  de  sa  chappelle  à  la  feste  de  son 
»  ordre  de  la  Thoison  d'or,  tenue  en  sa  ville  de  Bois-le-Duc,  le  vj"  jour  du 
»  mois  de  may  [xiiij-^]  Ixxxj.  »  (Registre  n"  F.  171,  fol.  ij^  vj  r",  de  la  chambre 
des  comptes,  aux  Archives  du  département  du  Nord,  à  Lille.) 

(4)  Registre  n"  F.  172,  cité,  fol.  ij"  xiij  r". 


—    104  — 

6  livres  «  quant,  le  ix'=  jour  du  mois  de  mars  [1481]  il 
»  a  chanté  de  musicque  avec  sa  femme  et  deux  ses  filles 
»  devant  lui  à  son  disner  pour  sa  plaisance  (i);  »  l'autre, 
Chrétien  de  Vos,  ténoriste  de  l'église  de  Notre-Dame,  à 
Louvain,  qui,  par  ordre  du  prince,  en  1482,  «  a  chanté 
»  en  sa  chapelle  domesticque  en  sadicte  ville  de  Louvain, 
»  durant  le  temps  que  Cordier,  thénorisle  d'icelle  cha- 
i>  pelle  a  esté  malade  (2).  » 

Maximilien  prit  grand  soin  de  pourvoir  la  chapelle  de 
bons  musiciens.  En  1480,  il  engage  Quentin  de  Crâne,  qui 
avait  une  position  à  Dunkerque,  à  abandonner  cette  ville 
avec  sa  famille,  pour  entrer  comme  chantre  à  son  service  (0). 
Une  perte  bien  sensible  fut  celle  d'Antoine  Busnois,  qui 
mourut  la  même  année  que  Marie  de  Bourgogne,  et  posté- 
rieurement à  celte  princesse,  attendu  qu'il  en  porta  le 
deuil  (4).  Peu  de  temps  après,  |)uisqu'il  figure  déjà  dans 
un  état  de  la  chapelle  du  2  avril  1485,  fut  admis  Pierre 
de  la  Rue,  qui  fut  aussi  un  des  plus  célèbres  compositeurs 
de  son  temps  (5).  Un  peu  plus  lard,  on  lit  dans  un  compte 
de  l'année  1488,  que  Maximilien,  devenu  roi  des  Ro- 
mains, payait  de  ses  deniers  la  pension  d'un  enfant  naturel 


(1)  Registre  n"  172,  cite,  fol.  c  iiijxx  xvj  r". 

(2)  Ibidem,  fol.  ij"  xxv  v". 

(ô)  «  AQuenliiiCrane,  clinnlre  de  la  chappelle  domcsIicquedcMonscigneup, 
»  la  somme  de  xix  livres  iiij  solz,  pour  el  en  considéracion  de  ce  que  puis 
1)  naguères,  par  son  commandement  et  ordonnance  il  est  venu  par-devers  lui 
"  pour  le  servir  en  sadicle  chappelle  en  liabnndonnantet  délaissant  l'eslal  qu'il 
»  avoit  en  sa  ville  de  Dunkerke,  ensemble  ses  femme  et  enffans,  meismement 
»  afin  qu'il  ail  tant  raieiilx  de  quoy  soy  de  tant  plus  honnestement  entretenir 
»  en  sondict  service.  «  {Registre  n»  F.  548,  cité,  fol.  iijf^  iiijxx  xvij  v.) 

(4)  Registre  n»  F.  172,  cité,  fol,  iij"  xiiij  v».  Nous  avons  trouvé  ce  rensei- 
gnement depuis  la  publication  de  Tarticle  de  Mf  Fétis,  où  l'auteur  de  la 
Dioi/rapliie  universelle  des  musiciens  a  utilisé  les  quelques  notes  que  nous 
avions  pu  recueillir  alors. 

(3)  Foy  FÉTIS,  Biographie  universelle  des  tnusiciens  (2«  édition),  t.  V, 
p    200. 


—   105  — 

(l'un  de  ses  serviteurs  décédés,  qu'il  avait  placé  pour  faire 
son  éducation  musicale  auprès  de  Jacques  Barbireau,  maître 
de  chant  el  des  enfants  de  chœur  de  l'église  de  Notre- 
Dame,  à  Anvers  (i),  et  l'un  des  musiciens  les  plus  renom- 
més du  XV'=  siècle,  lequel  mourut  en  1491  (2). 
Nous  bornerons  là  nos  citations. 

Piètre  (Adrien),  —  facteur  d'orgues,  à  Tournai,  fut 
consulté,  en  1472,  à  propos  de  la  réparation  des  orgues 
de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Lille.  Nous  avons  trouvé  ce 
nom  mentionné  par  Du  Gange,  dans  son  Glossarhini,  au 
mot  orrjanifex. 

Clibano  (Jérôme  de),  —  La  Biographie  universelle  des 
musiciens  (3)  consacre  un  article  à  ce  musicien,  dont  il 
existe  un  motel  dans  un  recueil  publié  à  Venise,  eu  1505. 
Dans  le  compte  communal  de  Bruges  du  2  septembre  1495 
au  2  septembre  1494  (4),  on  trouve  le  nom  de  ce  Jérôme 


(1)  Voici  le  texte  fidèlement  reproduit,  qui  mentionne  cette  curieuse  par- 
ticularité : 

«  A  maistres  Jaques  Barbireau,  maistre  du  chant  el  des  enffiins  de  coir  de 
»  l'église  [sic]  en  la  ville  d'Anvers,  la  somme  de  Ixx  livres,  de  Ix  gros,  que  le 
»  roy,  par  ses  lettres  patentes,  données  le  xxiiij«  jour  de  janvier  [xiiij-^] 
»  iiijxx  et  sept  [1488,  n.  st.],  lui  a  ordonné  prendre  el  avoir  de  lui  pour  une 
»  fois  pour  la  despence,  nourriture,  table,  vivres  et  cnlrelènemenl  de  Guil- 
»lamme  de  Ternay,  filz  naturel  de  feu  Guillamme  de  Ternay,  en  son  vivant 
»  escuïer  d'escuierie  du  roy,  pour  deux  ans  entiers,  coramenclianl  tanlost 
..  après  le  trespns  dudit  feu  Guillamme  de  Ternay,  pendant  lequel  temps  il  a 
Bconlinuèlement  entretenu  et  nourry  en  sa  maison,  cl  endoctriné  comme  les 
«autres  josnes  enfans  qu'il  nourrit  journèlement.  «(Registre  n"  1926, 
fol.  cxviij  v",  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume.) 

Le  scribe,  auquel  M.  Fétis  aura  donné  cette  note  à  transcrire  d'après  notre 
manuscrit,  a  dû  la  tronquer  el  Ta  mal  copiée;  il  a  été  ainsi  cause  des  erreurs 
qui  se  trouvent  dans  Tarticle  que  le  savant  académicien  a  consacré  à  Jacques 
Barbireau.  dans  la  seconde  édition  de  la  Biographie  xiniversclle  des  musiciens, 
t.  1er,  p.  243. 

(2)  Voy.  l'article  de  M'  L    de  Burbure,  dans  la  Biographie  nationale. 

(3)  2>^  édil.,  t.  II,  p.  324. 

(4)  Fol.  clxxj  v«.  Ce  compte  existe  aux  Archives  du  royaume. 

8 


—  106  — 

de  Clibano,  avec  la  qualificalion  de  maître  de  chant  des 
enfants  de  chœur  de  Téglise  de  Saint-Donatien  (meester  van 
der  kynderen  siiccentor).  Il  reçoit  20  livres  de  Flandre 
pour  avoir,  dans  cette  église,  avec  les  enfants  dont  il  avait 
la  direction  et  d'autres  musiciens,  et  cela  par  ordre  du  ma- 
gistrat de  la  ville,  chanté  tous  les  soirs  des  motets  en  l'hon- 
neur de  la  vierge  Marie,  pendant  le  cours  d'une  année 
expirée  le  51  mai  1494.  Les  comptes  antérieurs  et  ceux 
qui  suivent  ne  contiennent  plus  de  pareille  mention. 

J.  de  Clibano  était  prêtre  :  il  figure  au  nombre  des  mu- 
siciens qui  devaient  faire  partie  de  la  chapelle  de  Philippe 
le  Beau,  et  dont  la  liste  fut  dressée  au  mois  de  novembre 
1501,  au  moment  où  ce  prince  se  préparait  à  partir  pour 
l'Espagne  avec  tout  le  personnel  de  sa  cour.  C'est  alors 
qu'il  entra  au  service  de  l'archiduc.  Comme  nous  n'avons 
pas  rencontré  son  nom  dans  d'autres  états  de  la  chapelle 
postérieurs  à  cette  date,  nous  avons  tout  lieu  de  croire  que 
le  magister  Hîeronymus  de  Clybano,  musicus  antverpiensis, 
qui  se  trouve  inscrit  dans  le  registre  des  membres  de  la 
confrérie  de  Notre-Dame  de  Bois-le-Duc,  avec  la  date  de 
1501  (i)»  comme  étant  celle  de  sa  mort,  est  le  même  que 
l'artiste  qui  nous  occupe.  Nous  croyons  devoir  faire  remar- 
quer toutefois  que  la  date  de  1501  doit  s'appliquer  aux 
premiers  mois  de  l'année  suivante,  en  tenant  compte  de  la 
note  citée  plus  haut,  et  de  la  manière  de  commencer  l'année 
à  Bois-le-Duc,  au  jour  des  Pâques. 

Le  véritable  nom  de  Jérôme  de  Clibano  pourrait  bien 
être  Van  den  Hove,  qui  en  est  la  traduction  flamande. 

«  Belaell  Jeronimus  de  Clibano,  meester  van  der  kynderen  succentor  van 
Sinle-Donaes  in  Brugglie,  ter  causen  van  der  love  ende  selve  met  zinen  kyn- 
deren ende  ghezellen  ghezongen  binnen  der  voorsclireven  keerke,  1er  eeren 

(1)  Des  extraits  de  ce  registre  ont  été  publiés  à  Bois-le-Duc,  en  1841,  par 
M""  C.-R.  Hermans,  dans  son  Gcschiedkundig  menr/elwcrk  over  de  provincie 
Noord-Braband,  t.  II. 


—   107  — 

van  der  glorieuser  magliel  Maryen  ,  aile  avonde,  ende  dit  by  ordonnanlie 
cnde  welene  van  niyncn  Iiccren  van  der  wet,  liooflmannen  ende  dekenen  van 
der  slede,  hierin  begrepen  'l  oorghele,  'l  luden  ende  eluniinaris,  ende  dil  van 
't  jaer  gheexpireirdt  ende  glievallen,  den  laelslen  dacli  van  meyc  anno  [xiHj»;] 
xciiij  :  xx  liv.  » 

BoEMiNGEN  (Ph.  de)-  —  Gruyter  (J.  de).  —  Daiis  le  re- 
gistre de  la  confrérie  de  Noire-Dame  de  Bois-Ie-Duc,  dont 
il  vient  d'être  question,  figurent  encore  les  noms  de  deux 
des  organistes  de  celle  association,  savoir  :  Philippe  de 
Boemingen,  mort  en  145S,  et  Jean  de  Gruyter,  décédé  en 
1539.  La  confrérie,  qui  était  fort  importante,  avait  sa 
chapelle  dans  l'église  collégiale  de  Sainl-Jean  rÉvangéliste. 

«  Dominas  Philippus  de  Boemingen,  nolarius  capellœ  el  organisla  confra- 
ternitalis.  » 

De  la  Croix  (Hellin).  —  Charles  de  Lannoy,  qui,  en 
1521,  fut  nommé  vice-roi  de  Naples,  chargea  alors  Hellin 
de  la  Croix,  un  de  ses  chantres,  de  conduire  à  Naples  di- 
vers musiciens  pour  le  service  de  sa  chapelle.  C'est  ce  que 
prouve  la  pièce  suivante  dans  laquelle  H.  de  la  Croix  dé- 
clare avoir  reçu  de  l'argent  de  Charles  de  Clercq,  commis- 
saire général  du  roi  Charles  dans  les  royaumes  de  Naples 
et  de  Sicile. 

«  Le  8  d'aoust  1S2I  je  Hellin  de  la  Croix,  natif  de  la  chastelerie  de  Lille, 
en  Flandres,  et  chantre  du  illustrissime  seigneur  le  vice-roy  de  IVaples,  con- 
fesse avoir  reclieupt  du  très-noble  segneur  messire  Charles  de  Clercq  la  somme 
de  cincquante  ducas  d'or,  lesquelz  m'a  preste  pour  conduire  aulcuns  chantres 
à  Naples,  pour  [sic,  au  lieu  de  :  par]  le  commandement  faict  à  moy  par  ledict 
seigneur  vice-roy;  lesquelz  eincquanleducaspromès  faire  rendre  audit  seigneur 
messire  Charles,  moy  estre  arivé  à  Naples,  ou  à  celuy  qui  me  rendra  ceste 
police;  et  en  mémoire  de  che  ay  faict  cesl  oblige  de  ma  propre  main.  Tesmoing 
mon  signe  manuel  chi-dcssoubz  mys.  Helin  de  la  Croix  (I).  » 


(1)  L'original  de  cette  pièce  nous  a  élé  communiqué  par  M.  le  baron  Jules 

DE  SilNT-GENOIS. 


—  108  — 

Reyngot  (Gilles),  —  musicien,  dont  M.  Félis,  dans  sa 
Biographie  universelle,  signale  une  composition,  imprimée 
en  1505,  fit,  en  1S26  ou  1327,  un  voyage  à  Rome  dont  le 
motif  ne  nous  est  pas  connu  :  il  était  à  cette  époque  chantre 
delà  chapelle  domestique  de  Charles-Quint.  En  1S29  et 
1530,  il  lui  fut  payé  diverses  sommes  pour  avoir  parcouru 
la  Flandre,  l'Artois,  le  Hainaut  et  le  Brabanf,  à  la  re- 
cherche de  chantres  destinés  à  la  chapelle  impériale,  et 
qu'il  envoya  en  Espagne  et  en  Allemagne.  Ces  particularités 
sont  constatées  par  les  extraits  suivants  : 

«  A  maistre  Gilles  Reyngot,  ehanire  de  la  ehappelle  dommeslique  de  l'em- 
pereur, pour  par  l'espace  de  xviij  mois  avoir  sollicité  à  Anvers,  Bruxelles, 
Malines  et  Louvain  les  instructions  servans  sur  ung  voyaige  qu'il  debvoil  faire 
à  Rome  :  Ixxv  livres.  » 

«  A  luy,  en  prest,  pour  le  xxe  de  septembre  (sic)  aller  en  Flandres,  Artois, 
Haynnau  et  Brabant  cherchier  chantres  pour  envoyer  en  Espaigne  :  xxv  livres. 

»  A  luy,  pour  la  parpaye  dudicl  voyage  :  xxv  livres  ij  solz. 

»  A  luy,  pour  la  parpaye  de  plussieurs  voïaiges  par  luy  faiz  pour  les  causes 
dessusdicles  :  xxv  livres. 

»  A  luy,  en  prest,  le  xj«  de  mars  xxix,  pour  aller  cherchier  chantres  pour 
l'empereur j  iiij»x  xix  livres. 

»  A  luy,  en  prest,  pour  envoyer  trois  chantres  vers  l'empereur  en  Allemaigne 
par-dessus  lesdicts  iiijxx  xix  livres  .-  vjsx  livres  (1).  » 

Lescornet  (Pierre).  —  Nous  avons  décrit,  dans  le  |  42, 
un  recueil  de  chansons  publié  à  Anvers,  en  15a6,  par 
Tylman  de  Susato,  et  qui  renferme  un  morceau  de  la  com- 
position de  Pierre  Lescornet.  La  note  suivante  nous  apprend 
que  ce  musicien  était,  en  1526,  maître  de  chant  de  l'église 
collégiale  de  Saint-Amé,  à  Douai. 

«  A  messire  Henry  Brunel,  pour  plusieurs  livres,  x  quaïers  de  rausicque, 
comme  plusieurs  messes  et  motès  :  xij  livres. 

»  A  messire  Sohié  le  Grou,  pour  plusieurs  aullres  livres  de  musicque, 
comme  messes  :  vj  livres. 


(1)  Volume  intitulé  :  Revenus  et  dépenses  de  Charles-Quint,  de  1520  à  1530, 
fol.  iiij«  xxxviij  vo,  et  dans  la  copie,  fol.  ij»  xlj  v,  aux  Archives  du  royaume. 


—  109  — 

»  A  maistre  Pierre  Lescornel,  maistre  de  chant,  pour  avoir  faicl  relier  les- 
dicls  quayers  et  livres  de  musicques,  avecque  ce  pour  avoir  livré  plusieurs 
mains,  x  quayers  de  papier  riglé  :  vj  livres  v  solz  vj  deniers  (1).  « 

Les  deux  noms  mentionnés  dans  les  lexles  qui  précèdent, 
Henri  Brunel  et  Sohier  le  Grou,  ne  peuvent  qu'indiquer 
deux  chanoines  de  la  collégiale  de  Saint-Amé,  ce  que  prouve 
la  qualiûcation  de  messire  employée  dans  ce  sens  au  siècle 
où  ils  vivaient,  et  peut-être  deux  compositeurs  de  musique 
restés  inconnus  jusqu'ici. 

De  Paix  (Pierre),  —  était  l'organiste  de  Christophe, 
comte  de  Roggendorff  et  Gunderstorff,  seigneur  de  Condé, 
Renaix,  etc.,  capitaine  de  la  garde  des  hallebardiers  alle- 
mands de  Charles-Quint,  et  recevait  annuellement  12  du- 
cats de  gages  par  an.  Il  fit  à  la  suite  de  ce  puissant  seigneur 
divers  voyages  en  Allemagne  et  en  Italie,  en  1541  et  an- 
nées suivantes,  notamment  en  1544,  à  Vienne,  Spire,  Nu- 
remberg, Passau,  Gunderstorff,  etc.  Dans  les  papiers  (2) 
dont  nous  avons  extrait  ces  détails,  on  cite  le  nom  d'une 
basse-contre,  du  nom  d'Arnould  Turschaens,  qui  fut,  avant 
l'année  1548,  au  service  du  comte  de  Roggendorff,  et  qui 
était  à  cette  époque  attaché  à  la  chapelle  de  madame  de 
Berghes  (Jacqueline  de  Croy,  veuve  d'Antoine,  marquis  de 
Berg-op-Zoom). 

Ce  Pierre  de  Paix  ne  serait-il  pas  le  même  que  le  Pierre 
Paix,  organiste  de  l'église  de  Sainte-Anne,  à  Augsbourg, 
mort  en  1557,  qui  fut  le  père  de  Jacques,  musicien  distin- 
gué, auquel  M.  Fétis  a  consacré  un  long  article  dans  sa 
Biographie  universelle  des  musiciens  (3)  ? 


(1)  Compte  de  l'église  de  Saint-Amé,  de  la  Saint-Jean-Baplisle  1326-1527, 
aux  Archives  du  département  du  Nord,  à  Lille. 

(2)  Comples  des  deniers  payés  et  reçus  par  la  comtesse  de  Roggendorff, 
pour  les  dettes  de  son  mari,  aux  Archives  du  royaume  (chambre  des  comptes). 

(5)  2e  édil.,  t.  \'I,  p.  426. 


—  110  — 

En  1472,  un  Louis  de  Paix  était  au  service  de  Margue- 
rite d'York,  duchesse  de  Bourgogne,  veuve  de  Charles  le 
Téméraire  (i). 

Maître  de  chant  de  Maximilien  de  Bourgogne,  marquis 
DE  Terveere.  —  Dans  le  codicile  de  ce  seigneur,  qui  est 
daté  du  !"■  juin  1558,  on  lit  le  passage  suivant  dans  lequel 
il  est  question  du  maître  de  chant  de  sa  chapelle  :  «  Item, 
»  Monseigneur  veult  que  madame  la  marquise  gardera  la 
»  chappelle  de  Haudembourg,  si  elle  veult  avoir  la  maison, 
»  et  que  pour  i'entretènementd'icelle,  elle  donnera  à  maistre 
»  Jehan,  maistre  des  chants,  xij  livres  de  gros  par  an  de 
»  pension,  à  condition  que  ledict  maistre  Jehan  n'aban- 
»  donnera  la  maison  (2).  » 

MosENO  (Pierre).  —  En  1553,  Maximilien  I",  roi  de 
Bohême,  chargea  Pierre  Moseno,  son  maître  de  chapelle, 
d'aller  aux  Pays-Bas  à  la  recherche  de  quelques  chantres, 
et  l'adressa  à  sa  sœur  Marie,  reine  douairière  de  Hongrie, 
et  gouvernante  générale  de  nos  provinces.  Ces  faits  nous 
sont  attestés  par  une  lettre  (3)  que  cette  princesse  écrivit, 
le  9  avril,  à  Marie,  femme  de  Maximilien,  son  neveu.  Six 
jours  après,  la  reine  de  Hongrie  annonce  à  ce  prince 
qu'elle  a  envoyé  Pierre  Moseno  dans  les  localités  où  il  y  a 
le  plus  de  chantres,  et  qu'il  a  réussi  à  s'y  procurer  les 
musiciens  nécessaires  pour  monter  une  chapelle  entière. 

1.  «Madame,  ayant  par  ce  porteur  le  maistre  de  la  chapelle  du  roy  mon 
seigneur  et  frère  receu  la  lettre  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre,  je  luy  ay  incon- 
tinent fait  donner  adresse  affin  qu'il  puist  recouvrer  les  chantres  qu'il  sçavoit 
estre  propices  pour  le  service  et  au  désir  dudict  seigneur  roy,  chose  en  quoy 
me  suis  très-voulenliers  employée  pour  l'entière  affection  que  j'ay  de  luy 


(1)  Archives  du  royaume. 

(2)  Archives  du  grand  conseil  de  Malines,  ibidem. 

(3)  La  minute  existe  aux  Archives  du  royaume. 


—  m  — 

povoir  faire  service,  et  à  vous,  Madame,  tout  plesir  et  amylié,  à  quoy  vous 
prie  estre  certaine  que  me  trouverez  tousjours  preste  continuer  en  tout  ce 
dont  il  vous  plaira  m'avertir  et  de  très-bon  cucur,  comme  congnoist  le  Créateur, 
auquel  je  prie.  Madame,  qu'il  vous  doinl  bonne  vie  et  longue.  Cest  de  Bruxel- 
les, le  ixe  d'avril  1S53.  » 

2.  «  Wir  Maria,  etc.  unnser  Lieb  unnd  Freunndischafft  zuvor;  durclileich- 
tige,  liochgebornner  Fursl,  besunder  geliebter  Vetter,  E.  L.  schreiben,  unns 
unianngst  bey  rômisclier  zu  Hungern  unnd  Beliaim  kunigliche  Wirde,  etc., 
unnsers  freundllichen  liebslen  Hcrrn  und  Brueders  Cappelmaislcr  Peiro 
Moseno,  von  wegenBefurderung  ellicher  Singer  zu  Aufrichlung  einer  Cappeln, 
ubergeschicht  haben  wir  inhalts  freundllich  vernomen;  unnd  darauf  E.  L. 
zu  freundilicher  Wilfarung  derselben  Begern  nach  ermelllen  Mosenum  an 
die  Ennde  unnd  Orlte  da  furncmblich  die  Singer  diser  Zeit  zu  bekhunien 
gewest,  mit  beharlichen  bevelichs  Brieven  unnd  sonnst  aller  Nolturfft  der- 
massen  befnrdert  unnd  Anlailtung  geben,  das  er  volgenndt  durch  sein  selbst 
Abhanndiung  unnd  furgewenndten  Vleis  ain  gannze  Cappeln  mit  Personen 
unnd  Stimen  zimblicher  Massen  versehen,  seincm  liabennden  Bevelich  nach 
aufgebrocht,  beslelt  unnd  dieselbigen  albereit  E.  L.  zuegeferltigt;  soliches 
wolllen  wir  E.  L.  zu  freundtlicher  Wideranndtwurt  nicht  verhalllen  mitdeni 
Erbieten  worinnen  wir  E.  L.  sonnst  weilter  angeneme  Freundschaffl  zu  erzai- 
gen  wuslen,  soUen  unss  E.  L.  aller  Gebur  unnd  Muglicheit  ieder  Zeit  zu 
derselben  beslen  berait  unnd  willig  haben.  Geben  zu  Brussel,  in  Brabanndt, 
dem  15"»  Tag  Aprilis  anno  [15]33  (1).  » 

De  Lassus  (Roland).  —  Le  document  qui  suit  est  un  des 
plus  curieux  que  nous  ayons  rencontré  dans  les  archi- 
ves pour  l'histoire  de  la  musique.  C'est  une  lettre  écrite 
par  la  duchesse  de  Parme  à  Roland  de  Lassus,  ou  comme 
le  porte  la  suscription,  «  à  Orlando,  maistre  de  la  chapelle 
»  du  duc  de  Bavière.  »  Ce  prince  avait  chargé  de  Lassus 
d'aller  aux  Pays-Bas  à  la  recherche  de  quelques  chantres 
et  enfants  de  chœur  dont  il  avait  besoin  pour  sa  chapelle. 
La  missive  de  la  gouvernante  des  Pays-Bas,  qui  est  datée 
du  8  avril  1560,  nous  apprend  que  le  grand  artiste  était 


(i)  Volume  de  correspondance  de  15i)0-13o3,  fol    295  v",  de  la  secrétai- 
reric  d'Élat  allemande,  aux  Archives  du  royaume. 


—  112  — 

venu  dans  nos  provinces,  où  il  s'occupail  de  la  mission 
que  le  duc  Albert  III,  son  maître,  lui  avait  confiée.  Margue- 
rite enjoint  à  Roland  de  suspendre  ses  démarches  parce 
qu'on  faisait  à  la  même  époque,  par  ordre  de  Philippe  II, 
des  enrôlements  pour  fournir  de  chanteurs  la  chapelle 
royale  en  Espagne. 

La  date  de  ce  voyage  de  R.  de  Lassus  aux  Pays-Bas  est 
importante  pour  sa  biographie,  en  ce  qu'elle  permet  de  re- 
culer à  l'année  1560,  très-probablement,  l'époque  de  sa 
nomination  comme  maître  de  chapelle  du  duc  de  Bavière, 
que  Samuel  Van  Quickelberg,  le  plus  ancien  biographe  de 
l'artiste,  fixe  à  l'année  1562  (i). 

«  Marguerite,  etc.  Très-chier  et  bien  amé,  nous  avons  entendu  que  mon- 
seigneur le  duc  de  Bavière,  vostre  maistre,  vous  auroit  donné  charge  et  com- 
mission de  lever  es  pays  de  par-deçà  aucuns  chantres  et  enffans  de  coeur  pour 
faire  chapelle.  Et  pour  ce  que  le  roy  mon  seigneur,  a  aussi  naguaires  enchargé 
à  aucuns  de  par-deçà  de,  pour  furnir  la  sienne  en  Espaigne,  chercher  quel- 
ques-ungs  desdis  chantres  et  enffans,  nous  vous  en  avons  bien  voulu  donner 
cestuy  advertissement,  vous  requérant  et  de  par  Sa  Majesté  ordonnant,  que, 
qu'il  est  bien  juste  et  raisonnable  que  Sadicte  Majesté  soit  servye  la  première, 
vous  avez  à  surceoir  vostre  charge  jusques  à  ce  qu'icelle  Sadicte  Majesté  sera 
servye  en  ceste  endroit;  que  lors  vous  serons  volontiers  donné  toute  assis- 
tence,  à  l'effect  de  vostre  commission,  et  n'y  voulez  faire  faulte.  Alant,  etc.  De 
Bruxelles,  le  viij«  de  apvril  1360,  après  Pasques  (2].  » 

Tout  ce  qui  rappelle  un  nom  aussi  célèbre  que  celui  de 
Roland  de  Lassus  nous  semble  devoir  être  recueilli  avec 
soin.  C'est  à  ce  titre  que  nous  publions  des  documents  ori- 
ginaux, tirés  des  archives  de  la  secrétairerie  d'État  alle- 
mande, aux  Archives  du  royaume,  et  relatifs  à  son  fils 
Rodolphe,  qui  servait  alors  Maximilien  I",  duc  de  Bavière, 
en  qualité  de  maître  de  chapelle.  La  première  est  une  lettre 


(!)  Vo\j.  FÉTis,  Biographie  universelle  des  musiciens,  t.  V,  p   209. 

(2j  Collection  des  papiers  d'État  et  de  l'audience,  aux  Archives  du  royaume. 


—  113  — 

de  Rodolphe  de  Lassus  écrite  au  duc,  dans  laquelle  il  lui 
annonce  qu'il  est  décidé  à  envoyer  au  plus  tôt  son  fils 
Maximilien  à  Bruxelles,  pour  lui  faire  acquérir  plus  d'ex- 
périence, et  il  le  prie  de  recommander  le  jeune  homme  par 
une  missive  particulière  à  l'archiduc  Albert,  au  service  du- 
quel il  le  verrait  volontiers  attaché  en  quelque  qualité  que 
ce  lût.  «  Que  Votre  Altesse  daigne  m'accorder  cette  grâce, 
ajoute-il,  au  nom  des  services  que  mon  irès-aimé  père, 
Roland  de  Lasso,  el  moi,  avons  rendus  pendant  tant  d'an- 
nées à  l'illustre  maison  de  Bavière.  »  Le  duc  Maximilien 
accueillit  cette  requête  avec  la  plus  grande  bienveillance, 
et  envoya,  le  29  mars  1612,  peu  de  temps  après  l'avoir 
reçue,  une  lettre  à  l'archiduc  Albert  pour  lui  demander 
d'accorder  sa  protection  au  fils  de  son  musicien  de  cour 
et  organiste  [Hof-Miisico  unnd  Organisten).  «  Nous  n'avons 
pu  lui  refuser  notre  intervention,  —  écrivait-il  au  souverain 
des  Pays-Bas,  —  et  nous  insistons  fortement  auprès  de  vous 
comme  étant  votre  ami  et  votre  bon  cousin.  » 

1.  «  Dui'chleuchtigister  Furst,  genedigisler  Herr,  ich  bin  gentzlich  enl- 
chlossen  meinen  gelieblen  Sohn  Maximilianuni  de  Lasso  elc,  umb  mehrer 
Erfahrnheit  sonnderlich  aber  umbderUrsach  willen  damit  Eur  ertzher  Durch- 
laucht,  etc.,  er  ins  KhenfTig  ein  unndertheinigister  tauglichci"  Dienner  abgeben 
môge  an  frembde  Ort  bervorab  uaher  Prussel  ins  Niderlanndt,  aida  er  sich 
ain  zeiUanng  ufhalten  soUe  eheistens  zu  verschickben  ;  so  ich  aber  vorders 
gern  sehe  das  er  aida  bey  dem  auch  durchleuchtigisten  Fursten  unnd  Heri-, 
Herrn  Albrechten  Erzherzogen  zue  OEssterreich,  Herzogen  zue  Burgiindien, 
meinen  genedigisten  Herrn  mil  solchen  Diennsten,  dar  zue  er  qualificiert, 
genedigisten,  befiirdert,  unnd  angenommen  wurde  :  alsz  gelanngt  an  eur 
ertz.  DU.  mein  ganntz  unnderlhenigistes  Biiten  sie  wollen  mir  umb  meiner 
seibs  unnd  zuvorders  meines  in  Gott  rhiienden  geliebten  Valters  Orlando 
de  Lasso  den  bocbloblichen  Hauss  Bayrn  so  vil  Jahr  unndertheinigisten 
threu  gelaislen  Dienst  willen  die  Gnad  erzaigen  unnd  zue  Erlangung  gedachis 
meines  Sohns  Intent  an  obheclislernannte  Ire  ertz.  DU.  Erzherzog  Albrech- 
ten etc.,  genedigisles  wolmainendes  Intercession  sehreiben  erlhaillen  dass 
will  umb  eur  erlzhertz,  DU.  unnd  aile  dero  angehôrige  ich  die  Zeit  meines 


—   H4  — 

Lebens  unnderthenigist  zuverdiennen  beflissen  sein.   Eur  furstliche  Durch- 
lauclit,  unndertheinigister  unnd  gehorsambister  Dienner, 

»  Rudolplius  DE  Lasso.  » 

2.  «  Unnser  freundilich  willig  Dienst,  auch  was  wir  liebs  und  guets  ver- 
miigen  zuvor;  durclileuchliger  Fùrst,  freundlliclier  lieber  Veltcr,  Aus  dem 
Einschlus  gerhuen  E.  L.  unbeschwerdi  mil  mehrerm  zu  vernemmcn,  welicher 
Gestall  wir  von  unnserm  Hof-Musico  unnd  Organislen,  Rudolphen  de  Lasso, 
umb  unnser  Inlercession  an  E.  L.  undcrthenigist  gebelten  worden.  Wann 
wir  ime  dann  umb  angezogner  Ursachen  willen  gnedigst  wol  vergonnten, 
da  bey  E.  L.  sein  Sohn  mil  solehen  Dienstcn  dauzue  er  qualificirl,  gnedigst 
befiirdert  unnd  angenommen  wurde.  Also  baben  wir  ime  die  gebettne  Fiir- 
sebrifft  nit  miigen  verwaigern,  besynnen  daruf  an  E.  L.  freund-vellerlicli,  sie 
wollten  ine  derselben  auch  von  unnserntwegen,  sovil  sein  iilian  im  Werckb 
selbs  empfùndtlich  geniessen  lassen.  Daran  erweisen  unns  E,  L.  sonderbares 
angenemmes  Gefalien,  unndl  wir  seindl  derselben  bingegen  in  dergleichen 
unnd  anderm  zue  freundl-velleriicher  beliebender  Dienslerzaigung  vorders 
genaigt.  Datum  in  unnser  Stalt  Muncben,  den  29  Marlii  1612  (1). 

»  Maxi.uililn.  » 

Celle  aulre  lettre  de  Rodolphe  de  Lassus  à  l'archiduc 
Albert,  que  nous  reproduisons  également,  ne  porte  pas 
de  date.  11  envoie  à  ce  prince  les  œuvres  posthumes  de  son 
père,  dont  il  lui  fait  hommage  pour  des  motifs  exprimés 
dans  répîlre  dédicatoire.  Il  s'excuse  de  ne  pas  avoir  entre- 
pris, pour  les  lui  offrir  en  personne,  le  voyage  des  Pays- 
Bas,  qui  présente  de  grands  dangers  en  ces  temps  de  guerre. 
Cette  phrase  nous  dit  assez  que  la  date  de  la  lettre  de 
R.  de  Lassus  doit  se  rapprocher  de  celle  des  documents 
qui  précèdent. 

3.  «  Durchleuchtigister  Erlzbertzog,  aliergenedigister  Fûrst,  unnd  Herr, 
was  Ewer  Ilochfursllicben  Durchlaucht  neben  Dero  geliebsten  Fraw  Gemaciicl 
dise  gegenwerlige  Posluma  parenlis  underllienigist  zu  Dedicicren  mich  fiir- 
nemblicli  verui-sacht,  werden,  dieselben  ex  cpislola  dedicalona  allergnedigist 
zu  Genuegen  khonncn  abncmmen  mil  disem  underthenigistem  Remiss,  will 


(i)  Ces  deux  lettres  se  trouvent  dans  le  volume  inlitulé  :  «  Correspondance 
de  Maximilien  /",  duc  de  Bavière,  avec  l'archiduc  Albert,  1596-1GI9. 


—  H5  — 

alcin,  das  bey  E.  H.  D.  ich  mich  mil  discm  wenigem  offcrlo  pcrsolinlicli  nit 
eiiigeslelt,  uniid  dero  durclileucliligisle  Fiicss  gekhust  iiiicli  geliorsaniist  ent- 
scluiUligel  liabcn,  den  E.  H.  D.  allergiicdigist  leiclilicli  zu  cracliten,  dasz  ich 
oliii  soiulere  Leibs,  iind  Lebensgefar,  bey  disen  sctiwercn  Khrùegslaulïen  mir 
nit  getrauet  hinunder  zu  khommen,  langl  dcm  nacli  an  E  H.  D.  wie  auch  dero 
geliebslen  Fraw  Gomacliel,  mein  underlbcnigist  geliorsamisl  Aiilangen  die 
geruehcn  disz  gegcnwerlige  gleich  vvoll  gegeii  der  Grossnieclitiklieil  gering- 
fuegige  Opus,  mit  allcn  Gnaden  an  unnd  auf  zu  nemmen.  E.  H.  D.  sambt  dero 
geliebsten  Fraw  Gemachel  zu  beharliclien  H.  Gn.  mich  unnd  die  meinigen 
underthenigist  bcfelhendt.  E.  H.  FI.  DU.  Underlhenigisl  gehorsamisler 

»  Rudolphus  DE  Lasso.  » 

MoNTANO.  —  Une  lettre  qui  fait  partie  des  archives  de 
la  secrétairerie  d'Etal  ailemaiule,  aux  Archives  du  royaume, 
nous  apprend  qu'un  maître  de  chant,  nommé  Monlano,  fut 
chargé  par  Ferdinand  I"  de  recruter  aux  Pays-Bas  des 
chantres  pour  la  chapelle  impériale,  et  qu'après  en  avoir 
engagé  un  certain  nombre,  ils  furent  dirigés  sur  l'Alle- 
magne. Cette  lettre  est  datée  de  Bruxelles,  le  10  février 
1566  (n.  st.)  :  elle  est  écrite  par  l'hôtelier  du  Casque  ronge, 
où  furent  hébergés  et  nourris  pendant  quelques  jours  ceux 
qui  allaient  s'expatrier  pour  des  années.  A  celte  date,  notre 
aubergiste  n'était  pas  encore  payé  de  son  hospitalité,  malgré 
plusieurs  réclamations  :  il  attribue  ce  retard  en  partie  au 
départ  de  Monlano  pour  l'Espagne,  où  il  était  entré  au  ser- 
vice de  Philippe  II. 

Jusqu'à  ce  jour  nous  ne  savons  rien  de  plus  de  ce  mu- 
sicien. 

De  la  Hèle  (George).  —  (Voy.  |  77.)  —  Ce  célèbre  mu- 
sicien entra  dans  la  chapelle  de  Philippe  II,  en  Espagne, 
en  1560,  en  qualité  d'enfant  de  chœur:  il  y  resta  pendant 
une  dizaine  d'années,  et  revint  aux  Pays-Bas  vers  la  fin 
de  1569  ou  au  commencement  de  janvier  1570. 

G.  de  la  Hèle  demanda,  au  mois  d'octobre  1579,  à  être 
nommé  à  la  place  de  Jean  de  Rosa,  archidiacre  d'Ostrevant 


—  116  — 

et  chanoine  d'Anderleclu,  qui  jouissait  également  du  béné- 
fice de  la  chapelle  caslrale  de  Lens,  en  Artois.  Celle  faveur 
lui  fut  accordée  par  Alexandre  Farnese,  duc  de  Parme,  qui 
aposlilla  sa  requête  le  29  mars  1580.  George  de  la  Hèle 
occupait  alors  les  fonctions  de  maître  de  chant  à  l'église 
cathédrale  de  Tournai.  C'est  à  peu  près  vers  celte  époque 
qu'il  fut  appelé  à  remplir  celles  de  maître  de  chapelle  de 
Philippe  II,  en  Espagne.  Six  ans  plus  tard,  son  tour  de  rôle 
étant  arrivé  pour  la  jouissance  d'une  prébende  de  l'église 
de  Notre-Dame,  à  Courtrai,  il  parvint  à  y  faire  nommer  un 
de  ses  neveux,  le  5  juillet  1586. 

Aux  deux  documents  d'où  sont  extraits  les  détails  qui 
précèdent,  nous  avons  joint  une  lettre  du  duc  de  Parme 
écrite  au  gouverneur  d'Anvers,  pour  lui  donner  l'ordre 
d'exempter  de  logement  militaire  la  maison  qu'habitaient 
dans  celte  ville,  rue  duV^ieux-Lombard,  la  mère  et  les  sœurs 
de  G.  de  la  Hèle,  où  elles  tenaient  une  école  de  jeunes  filles: 
cette  lettre  est  datée  du  5  février  1588.  Une  autre  adressée 
par  Philippe  H  au  duc  de  Parme,  fait  connaître  le  nom  de 
la  mère  du  musicien  qui  nous  occupe,  et  établit  la  date  du 
décès  en  Espagne  de  ce  dernier,  que  l'on  peut  fixer  au  com- 
mencement de  l'année  1589.  Le  roi  recommande  à  son  lieu- 
tenant, dans  les  termes  les  plus  chaleureux,  de  pourvoir 
aux  nécessités  de  la  pauvre  femme,  appelée  Anne  Van  Schut- 
teput,  à  qui  la  mort  de  son  fils  avait  enlevé  tout  soutien. 

1.  «  Au  roy,  reraonslre  en  toulle  humilité  George  de  la  Hèle,  maistre  du 
clianl  de  l'église  cathédrale  de  Tournay,  que  passé  dix-neuf  ou  vint  ans  il 
at  esté  enffant  de  la  chapelle  de  Vostre  Majesté  en  Espaigne  par  l'espace  de 
dix  ans  ou  environ,  en  contemplation  de  quoy  il  auroit  pieu  à  Vostre  Majesté 
le  coUoqner  sur  le  rolle  sur  les  chapelles  d'Artoys  estantz  à  la  disposition  de 
Vostre  Majesté,  et  comme  ainsy  soit  que  la  chapelle  castrale  de  Lens,  en  Ar- 
tois, est  présentement  vacante  par  le  trespas  de  feu  maistre  Jan  de  Rosa,  ar- 
chidiacre d'Oslrevent  et  chanoine  d'Arras,  etc.  (1).  » 

(1)  Collection  des  papiers  d'État  et  de  l'audience,  liasses,  aux  Archives  du 
royaume. 


—   117  — 

2.  «  A  monseigneur  le  président,  etc.,  Michiel  de  Bocq,  pcnsionaire  de  Sa 
Majesté  et  comme  commis  de  maisire  George  de  le  Hèle,  maistre  de  la  chapelle 
de  Sa  Majesté,  remonslre  bien  humblement  qu'estant  ledicl  de  le  Hèle  premier 
en  lour  sur  le  nouveau  roUe  aux  prébendes  de  Pcglise  collégiale  Noslre-Dame, 
en  Courtray,  luy  est  dévolue  par  la  mort  de  feu  maistre  Jean  Codt  la  prébende 
que  ledict  défunctpossessoit  auparavant  en  ladicle  église,  à  laquelle  prébende 
ledict  de  le  Hèle  a  dénommé  Pierre  Bruynseels,  son  nepveu,  ainsy  qu'il  appert 
par  l'inslrument  notarial  aussy  signé  dudict  de  le  Hèle  icy-joint,  etc.  (1).  » 

3.  «  Monsieur  de  Champaigney.  Je  n'ay  peu  laisser  à  l'instance  et  recom- 
mandation que  m'en  a  esté  faite  de  la  part  de  maisire  George  de  la  Hèle, 
maistre  de  la  chappelle  du  roy  en  Espaigne,  de  vous  réquérir  vouloir,  en  fa- 
veur de  l'actuel  service  qu'il  rend  par-delà  à  Sa  Majesté,  faire  affranchir  et 
exempter  de  logcmens  de  soldatz  la  maison  où  demeurent  ses  mère  et  soeur 
tenans  escolle  de  jeusnes  filles  en  la  ville  d'Anvers,  en  la  rue  dite  de  Oude- 
Lombarde  slrale;  si  avant  que  le  temps  et  la  nécessité  le  permet,  et  l'auray 
pour  aggréable,  etc.  De  Bruxelles,  le  v«  de  février  1588  (2).  » 

■4.  «  Mon  bon  nepveu,  je  vous  ay  escript  le  4«  de  mars  passé,  de  poufvueoir 
à  la  pauvreté  et  nécessité  de  Anne  Van  Schutleput,  mère  de  feu  George  de  la 
Hèle,  en  son  vivant  maistre  des  chantres  de  ma  chappelle.  Et  comme  je  suis 
informée  qu'elle  est  réduicte  à  bien  pouvre  estât  par  deffault  de  secours  qu'elle 
avoit  desondict  filz,  je  tiendray  pour  service  pieux  et  de  charité  que  vous  la 
faicles  assister  et  soulaiger  de  quelque  aulmosne,  selon  que  mieulx  trouverez 
convenir,  et  me  sera  aggréable  ce  que  pour  elle  sera  faict  audict  regard. 
Atant,  etc.  De  Saînct-Laurenl,  le  lô^  de  septembre  1589  (3).  » 

De  TuRNHouT  (Jean,  Gérard  el  Daniel).  —  La  parenté 
de  ces  musiciens  est  parfaitement  établie  par  les  trois 
lettres  des  années  1S95  et  1396  que  nous  publions,  et  qui 
concernent  l'augmentation  des  gages  de  Jean  de  Turnhout, 
maître  de  chant  de  la  chapelle  de  la  cour,  à  Bruxelles,  et 
l'entretien  de  Daniel,  son  fils,  pendant  quatre  ans,  aux  frais 
de  Philippe  II,  dans  le  collège  du  roi,  à  Douai.  Deux  de  ces 
lettres  sont  adressées  par  ce  prince  au  cardinal  Albert,  gou- 


(1)  Collection  des  papiers  d'État  et  de  l'audience,  liasses,  aux  Archives  du 
royaume. 

(2)  Ibidem 

(5)  Archives  du  royaume. 


—   H8  — 

verneur  général  des  Pays-Bas;  la  deuxième  est  écrite  par 
celui-ci  au  roi  pour  lui  recommander  le  jeune  Daniel,  en 
considération  des  services  rendus  par  son  père  et  par  Gé- 
rard, son  oncle,  lequel  avait  été  maître  de  la  chapelle  de 
Philippe  II. 

Déjà  à  la  fin  de  l'année  1593,  Jean  deTurnhoul  avait 
adressé  au  comte  de  Mansfeit,  gouverneur  général  des  Pays- 
Bas  intérimaire,  une  requête  dans  laquelle  il  représentait 
combien  son  traitement  était  peu  élevé  (il  ne  touchait  que 
6  patards  par  jour),  et  combien  il  lui  était  difficile  de  vivre 
dans  un  temps  où  tout  était  excessivement  cher,  avec  la 
charge  de  l'entretien  de  six  enfants  de  chœur.  Ce  document 
nous  apprend  que  Jean  de  Turnhout  occupait  alors  les  fonc- 
tions de  maître  de  chapelle  de  la  cour,  à  Bruxelles,  depuis 
huit  ans.  Par  apostille  du  7  janvier  1 594,  le  comte  de  Mans- 
feit lui  accorda  une  gratification  de  100  livres,  de  40  gros, 
la  livre  (i).  Gérard  et  Jean  de  Turnhout  ont  leur  article 
dans  la  Biographie  universelle  des  Musiciens. 

1.  «A  Son  Excellence,  remonslrelrès-liumblement  le  maistre  delà  cliappelle 
de  Vosire  Excellence  Jehan  Turnhout,  comme  desjà  l'espace  de  huict  ans  il  a 
déservyledict  eslal  avecq  la  charge  de  six  enfans  de  chœur,  et  ce  sur  vj  patards 
chascun  par  jour,  qu'est  ung  bien  petit  traictement  au  respect  du  cher  temps 
passé  et  qui  court  encores,  cause  qu'il  se  trouve  fort  engaigé  et  endeblé,  ne  luy 
estant  possible  plus  longuement  se  pouvoir  maintenir  sans  la  faveur  et  assis- 
tence  de  Vosire  Excellence,  par  où  se  relire  vers  icelle,  elc.  » 

Apostille  :  «  Son  Excellence  ayant  oy  rapport  de  cesle  rcqueste  el  désirant 
aulcunement  subvenir  à  l'enlrelènement  des  enfans  cy-menlionnez,  accorde 
en  don  à  l'effecl  que  dessus  la  somme  de  cent  livres,  de  xl  gros,  la  livre,  etc. 
Faicl  à  Bruxelles,  le  vije  de  janvier  xv:  nonanle-qualre.  Mansfelt  (2).  » 

2.  «  Mon  bon  frère,  neveu  el  cousin.  Par  Jehan  de  Turnhout,  maistre  du 

(1)  M'  E.  Vanderstraeten  a  publié,  dans  le  Messager  des  Sciences  hisforiques 
de  186G,  §  XXXVIII  {la  Musique  aux  Pays-Bas  avant  le  XIX«  siècle),  deux 
documents  du  même  genre  qui  se  rapportent  à  une  autre  gralification  accor- 
dée,  en  1596,  à  Jean  de  Turnhoul,  pour  les  mêmes  motifs. 

(2)  Collection  des  papiers  d'État  et  de  l'audience,  liasses,  aux  Archives  du 
royaume. 


—  119  — 

clianl  de  lu  cliappclle  en  ma  court,  ù  Bruxelles,  m'est  faicte  la  suppliealion 
que  contient  sa  requeste  cy-joinctc,  pour  luy  eslre  augmenté  son  traictement 
de  xiiij  pattars  par  jour,  comme  aussy  que  à  son  fils  Daniel  de  Turnhout  soit 
accordé  l'estude  en  mon  collège  à  Douay,  pour  l'espace  de  quatre  années  en 
la  mesme  manière  que  y  sont  entretenuz  les  enfans  et  aultres  de  ma  cliappclle 
par-deçà,  comme  le  tout  est  reprins  par  la  mesme  requeste  que  j'ay  trouvé 
bon  de  vous  remettre  à  ce  que  me  rendez  vostre  advis  sur  les  deux  poinctz,afin 
que,  après  l'avoir  entendu,  je  y  prègne  la  résolution  que  trouveray  convenir. 
Alanl,  etc.  De  Madrid,  le  xxix"  de  décembre  1395.  » 

5.  «  Monseigneur,  Jehan  Turnhout,  maistre  du  chant  en  la  chappelle  de  la 
court  de  Vostre  Majesté  en  cesle  ville,  m'a  exhibé  les  lettres,  lesquelles  icelle 
me  renvoie  sa  requeste  présentée  à  Vostre  Majesté  pour  augmentation  de  son 
traictement  de  xiiij  pattars  par  jour,  et  afin  que  à  son  fils  Daniel  seroil 
accordé  l'estude  en  son  collège  de  Douay  pour  quatre  années;  sur  laquelle 
requeste  aïant  consulté  ceulx  des  finances,  et  entendu  d'iceulx  que  le  traicte- 
ment dudicl  maistre  seroit  à  ma  charge,  j'ay  prins  à  moy  d'y  pourveoir,  mais 
dépendant  le  second  poinct  et  la  nourriture  de  sondicl  filz  aux  estudes  de  la 
libéralité  de  Voslredicte  Majesté,  j'ay  bien  voulu  dire  à  icelle  que  je  tiens  que 
tel  bénéfice  seroit  bien  coliocqué  à  sondicl  filz,  tant  en  respect  des  services 
de  son  père  que  ceulx  de  son  oncle  Gérard  de  Turnhout,  maistre  de  la  chap- 
pelle de  Vostre  Majesté,  et,  renvoïant  partant  à  Vostre  Majesté  la  requeste  du- 
dict  suppliant,  prieray  le  Créateur,  Monseigneur,  octroïer  à  Vostre  Majesté  en 
santé  longue  et  heureuse  vie,  etc.  De  Bruxelles,  le  xxviij*  de  mars  1596.  » 

4,  n  Mon  bon  frère,  nepveu  et  cousin,  comme  suis  adverty  par  une  de  voz 
lettres  du  xxviije  de  mars  que  le  bénéfice  de  faire  nourir  aux  estudes  par-delà 
Daniel  Turnhout,  filz  de  Jehan  Turnhout,  maistre  de  chant  en  ma  chappelle  à 
Bruxelles,  sera  bien  colloque  tant  en  considération  des  services  d'icelluy  que 
de  son  oncle  Gérard  de  Turnhout,  en  son  vivant  maistre  du  chant  de  ma  chap- 
pelle par-deçà,  me  sera  agréable  que  donnez  ordre  que  ledict  Daniel  soit 
receu  et  entretenu  en  mon  collège  à  Douay  pour  le  temps  de  quatre  années, 
comme  faict  a  esté  pour  aultres  enfans,  et  que  ordonnez  à  tel  effect  à  ceulx 
de  mes  finances  de  respondre  de  l'escollaige  dont  sera  convenu,  y  pourvoïant 
de  sorte  que  ledict  enfant  ne  soit  constrainct  de  laisser  l'estude  par  défault  de 
paiement,  comme  est  advenu  aullresfoiz;  et  pour  ce  que  votre  susdlcte  lettre 
contient  que  par  advis  de  ceulx  de  mes  finances  prenez  à  vostre  charge  le  traic- 
tement dudict  maistre  Jehan  Turnhout,  je  n'en  diray  aultre  chose.  Atant,  etc. 
De  Toledo,  le  x*  de  juillet  1396  (1).  » 

(1)  Copies  du  temps,  aux  Archives  du  royaume. 


—   1-20  — 

Van  Roy  (Daniel).  —  Dans  une  requêle  au  duc  île  Parme, 
Daniel  Van  Roy  déclare  qu'il  a  élé  enfant  de  la  cliapelle 
royale,  sans  nous  dire  si  c'est  aux  Pays-Bas  ou  en  Espagne. 
et  demande  que  Henri  Wibaull,  autre  chantre  de  ladite 
chapelle,  soit  pourvu  à  sa  place  de  la  prébende  de  Saint- 
Michel  à  l'église  de  Sainte-Waudru,  à  Mons  :  celui-ci  y  fut 
effectivement  nommé  le  11  octobre  1S86.  Un  acte  notarié 
qui  accompagne  cette  requête,  constate  que  Van  Roy  habi- 
tait alors  cette  ville  (i). 

Un  autre  document,  qui  émane  également  de  Van  Roy, 
fournit  pour  sa  biographie  des  données  précieuses.  C'est 
une  lettre  qu'il  adresse  à  Ferdinand,  archiduc  de  Gralz; 
elle  n'est  pas  datée.  On  y  lit  qu'il  fit  partie  de  la  chapelle 
du  roi  Philippe  II  pendant  sept  ans;  puis  il  se  rendit  eu 
Allemagne,  où  il  fut  admis,  comme  musicien  de  chambre, 
par  l'archiduc  Ferdinand,  comte  de  Tyrol,  qui  mourut  en 
1595.  Il  passa  ensuite  au  service  du  duc  de  Bavière.  Étant 
à  Gralz  et  en  chemin  pour  retourner  en  Flandre,  D.  Van  Roy 
voulut  faire  hommage  à  l'archiduc  d'un  recueil  de  monu- 
ments divers  de  la  ville  de  Rome.  Ayant  appris,  dit-il,  que 
les  Pays-Bas  allaient  être  cédés  en  toute  propriété  à  l'archi- 
duc Albert  et  à  l'infante  Isabelle,  et  dans  l'espoir  de  trouver 
quelque  emploi  à  la  cour,  il  demande  à  l'archiduc  Ferdi- 
nand une  lettre  de  recommandation  pour  son  cousin,  afin 
qu'il  puisse  être  attaché  au  service  de  ce  dernier,  soit 
comme  musicien,  soit  en  toute  autre  qualité,  car  il  sait  les 
langues  espagnole,  italienne,  française  et  allemande,  et  con- 
naît quelques  mots  d'autres  langues.  Van  Roy  fait  en  même 
temps  hommage  au  prince  dont  il  invoque  la  protection, 
d'un  recueil,  accompagné  d'un  texte,  dans  lequel  il  a  réuni 
les  vues  des  temples  et  des  obélisques,  ainsi  que  d'autres 


(1)  Collection  des  papiers  d'Étal  et  de  l'audience,  liasses,  aux  Archives  du 
royaume. 


—  121   — 

moiiumeuls  remar(|ual)lp.s  de  Rome,  avec  les  noms  de  ceux 
qui  les  oui  fait  élever. 

L'arcliiduc  de  Gralz  accueiilil  favorablemcnl  la  requcle 

de  Van  Roy,  et  envoya,  le  8  février  1599,  la  lellre  même 

qu'il  avait  reçue  du  pélilionnaire  avec  quelques  mois  de 

recommandalion.  N'omellons  pas  de  faire  remarquer  que 

.     Van  Roy  se  déclare  natif  de  la  ville  d'Anvers. 

«  Serenissirao  principe.  La  taiila  benignilîi  et  clemenza  che  ho  inleso  régnai- 
in  Voslra  Alteza  Serenissima  mi  lia  dalo  campo  di  ricorrer  alli  piedi  di  Voslra 
Alleza  Serenissima  con  ogni  luimiltà  a  farli  inleuder  qualmente  sono  stalo 
putlo  di  cappella  del  rey  Philippe  buona  raemoria,  per  espalio  di  celte  anni, 
et  poi  parlilo  con  buona  licenlia  e  salisfalione  délia  délia  Mageslà  sono  ve- 
nuto  in  Germania,  dove  fu  ricevulo  del  serenissimo  artciduca  Fcrdinando, 
buona  memoria,  per  musico  di  caméra,  cioè  falcetto,  et  poi  del  duca  di  Baviera. 
corne  ne  saranno  testimonianza  alcuni  musici  di  Voslra  Alteza  Serenissima, 
Et  essendo  quà  di  passagio  per  rilornar  alla  patria  in  Fiandra,  ho  volulo 
far  présente  a  Voslra  Alleza  Serenissima  queslo  libretlo,  insieme  con  queslo 
dialogo,  dove  si  vede  tutti  li  templi  el  guglie,  e  chi  l'a  fatto  fabricare,  insieme 
con  allre  cose  sancte  e  notabile  dell'  aima  ciltà  di  Ronia,  suplicando  che 
Voslra  Alteza  Serenissima  voglia  pigliare  queslo  picciolo  dono  in  buona  parle. 

»  Serenissimo  principe,  vedendo  che  il  serenissimo  artciduca  Alberto  ha  di 

hereditar  con  la  infanta  di  Spagnia,  in  Paes-Basso,  per  patron  absolulo,  el  io 

corne  di  sopra  detto,  havendo  servito  a  Sua  Mageslà  Calholica,  corne  si  sa 

molto  bene  in  quella  corte,  supplico  a  Voslra  Alleza  Serenissima  humilmente 

mi  faccia  tanta  grazia  d'una  litera  buona  di  ricomandacione  al  dello  principe, 

accioch'  io  posso  con  il  favore  et  gralia  di  Voslra  Alteza  Serenissima  rilrovar 

servilio  in  quella  corle,non  per  musico  sinon  per  quelc'  allro  servilio  honesto, 

la  causa  vedendo  che  io  so  la  lengua  spagnuola,  ilaliana,  franceza,  germana 

et  qualche  parole  di  altre  lengue,  assiguralo  dunque  dtlla  grandezza  di  Voslra 

Alteza  Serenissima  starô  aspellando  grala   risposta,  dove  poi  ne  reslarô  io 

obligalissimo,  pregar  Noslro  Signor  Iddio  per  il  suo  fclice  successo,  et  alla 

grandezza  sua  humilmente  faccio  riverenza,  prcgando  il  Signore  Iddio  con- 

servi  a  Voslra  Alleza  Serenissima  in  sanilà  longo  tempo  e  felice.  Di  Voslra 

Alteza  Serenissima  humilissimo  servilor. 

»  Daniel  Van  Roy, 

»  délia  citlà  d'Anversa  (I).  •> 

(1)  Original,  dans  les  archives  de  la   secrélairerie  d'Élat  allemande,  aux 
Archives  du  royaume. 

9 


—  422  — 

RuYMOME  (Pierre).  —  D'après  un  ouvrage  publié  par 
lui  à  Anvers,  eu  1614,  et  dont  le  titre  a  été  donné  par 
M.  Fétis,  ce  musicien  était  espagnol  de  naissance.  Peut- 
être  sera-l-il  venu  aux  Pays-Bas  avec  l'infante  Isabelle, 
en  1398.  On  le  qualifie  de  maître  de  chapelle  dans  des 
lettres  patentes  datées  de  Bruxelles,  le  18  septembre  1G05, 
par  lesquelles  les  archiducs  lui  accordèrent  100  livres  de 
Flandre  de  pension  annuelle,  à  titre  d'indemnité  pour  son 
logement,  pendant  tout  le  temps  qu'il  aurait  occupé  ses 
fonctions.  Les  comptes  où  figurent  cette  dépense  (i),  nous 
apprennent  que  lors  de  l'échéance  de  l'année  commençant 
au  19  juin  1605,  celte  somme  fut  payée  à  Géri  de  Ger- 
sem  (2),  qui  avait  remplacé  P.  Ruymonte  eu  qualité  de 
maître  de  chapelle.  Celui-ci  avait  été  nommé  maître  de  la 
musique  de  chambre  des  archiducs  (maestro  musko  de  ca- 
méra), et  il  figure  avec  ce  titre  dans  l'état  du  personnel  de 
leur  chapelle. 

«  Nous  avons  donné  el  accordé  à  Pedro  Rimonte,  maistre  de  nostre  chap- 
pelle,  c  livres,  du  pris  de  xl  gros,  monncie  de  Flandre,  la  livre,  de  pension, 
par  chascun  an,  à  commencer  avoir  cours  doiz  ce  jour  d"liui,  et  à  en  estre 
payé  de  demy  an  en  demy  an,  par  les  mains  de  Émanuel  Van  den  Hecke,  re- 
ceveur des  biens  annotez  au  quartier  de  ceste  ville,  tant  qu'il  nous  servira  en 
icelle  charge,  afBn  qu'il  aye  tout  meillieur  moyen  pour  louer  maison  conve- 
nable et  proche  de  nostre  palais  pour  luy  et  les  enfans  de  noslredicte  chap- 
pelle,  etc.  Faict  à  Bruxelles,  le  xviije  de  septembre  xvj«  trois  (3).  » 

Ruymonte  obtint  encore  des  archiducs  une  gratification 
de  1,000  livres  de  Flandre,  par  lettres  patentes  du  17  sep- 
tembre 1611,  et  une  somme  de  1,500  livres,  par  d'autres 
lettres  du  18  mars  1614,  «  pour  retourner  à  son  pays.  » 


(i)  Registre  n"  18420,  fol.  iiijxx  ix  r»,  et  n^  18421,  fol.  iiijxx  iiij  r»,  de  la 
cliambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume.  Le  nom  y  est  écrit  :  Remouli 
ou  Rimonti. 

(2)  Registre  n"  18422,  fol.  iiijxï  iiij  r",  ibidem. 

(3)  Collection  des  papiers  d'État  et  de  l'audience,  aux  Archives  du  royaume. 


—   1-23  — 

Voici  l'ordre  donné  à  l'audiencier  de  délivrer  ces  dernières. 
Nous  ferons  suivre  ce  document  d'une  Icllre  du  confesseur 
de  l'infante  à  l'audiencier  Verreyckcn,  qui  s'y  rapporte  et 
dans  laquelle  il  est  question  du  vif  désir  que  Uuymonte 
avait  de  retourner  en  Espagne. 

1.  <■  Audiencier,  nous  avons  par  advis  de  ceulx  de  nez  finances  accordé  et 
accordons  de  grâce  espécialle  par  cesles  à  Pedro  Ruimonte  la  somme  de 
xvc  livres,  du  prix  de  xl  groz,  nostre  monnoye  de  Flandres,  la  livre,  en  don 
et  adjuda  de  cos<a  pour  une  foiz,  mesnies  pour  retourner  à  son  pays,  à  en 
eslre  payé  par  les  mains  de  Cliristophre  Godin,  conseillier  et  receveur  général 
de  nosdictes  finances,  vous  ordonnans  en  dépescher  lettres  patentes.  Faicl  à 
Bruxelles,  le  xvij«  de  mars  xvj<=  xiiij  {!).  » 

2.  «  Ruymonte,  maestro  de  miisica  de  la  câraera  de  Sus  Altezas,  me  ha  dicho 

que  eslo  en  nianos  de  Vmd.  un  negocio  que  tiene,  pidiendome  suplique  à 

Vmd.  le  despaclie  con  brevedad,  por  que  no  querria  dilalar  su  jornada  â  Es- 

pana.  Jo  se  lo  suplico  â  Vmd.  â  quien  Nuestro  Senor  muchos  anos  como 

desseo.  Brusselas,  14  de  marzo. 

»  Fray  Inigo  de  Brisuela.  » 

GuissANO  (Denis).  —  En  1620,  ce  musicien  avait  été 
appelé  de  iMilan  pour  faire  partie  de  la  chapelle  des  archi- 
ducs. Il  fut  pourvu,  par  lettres  patentes  d'Isabelle,  datées 
de  Bruxelles,  le  9  septembre  1624,  d'un  canonicat  dans 
l'église  de  Saint-Vincent,  à  Soignies,  vacant  alors  par  le 
décès  de  Gérard  Alebay,  chapelain  de  l'infante.  Voici  un 
extrait  de  la  requête  qu'il  adressa  à  la  gouvernante  pour 
obtenir  ce  bénéfice. 

«  Serenissima  senora,  Dionisio  Guissano,  musico  de  la  real  eapilla  de 
Vueslra  Alleza  Serenissima,  dice  que  ban  por  quatros  anos,  que  le  llamaron 
de  Milan  por  servir  â  Vucstra  Alteza,  y  en  lodo  esse  tiempo  â  sieuipre  accu- 
dido  con  muclia  pontualidad  en  su  scrvicio,  etc.  » 

Teniers  (G. -A.),  —  adressa  une  requête  au  gouverne- 
ment, le  1"  octobre  1791,  pour  obtenir  une  place  vacante 

(1)  CoUcclion  des  papiers  d'Etat  et  de  l'audience,  ibidem. 


—   124  — 

alors  de  musicien  à  la  cour  (i).  Il  s'exprime  en  ces  termes: 
u  Guillaume-Albert  Teniers,  né  à  Louvain,  arrière-petil-fils 
»  du  célèbre  peintre  David  Teniers  [deuxième  de  ce  nom], 
»  expose  avec  le  plus  profond  respect,  qu'après  avoir  voïagé 
i>  pendant  plusieurs  années  en  Hollande,  en  Angleterre  et 
»  en  France  pour  se  perfectionner  dans  l'art  de  musique,  il 
»  vient  de  se  fixer  dans  sa  patrie,  où  il  est  placé  en  qualité 
»  de  premier  violon,  dirigeant  l'orcheslre  du  théâtre  de 
)>  Bruxelles,  etc.  »  Teniers  n'a  jamais  fait  partie  de  la  cha- 
pelle des  archiducs  gouverneurs,  Marie-Christine,  archi- 
duchesse d'Autriche,  et  Albert-Casimir,  duc  de  Saxe- 
Teschen. 

Alexandre  Pinchart. 


(1)  Archives  du  royaume. 


Ch.OruJhena  Se. 

EECLOO'-lSeS 


—  425  — 


Itlonnincut  funèbre  à  Eecloo. 


Le  Messager  des  Sciences  a  toujours  regardé  comme  un 
devoir  de  mentionner  les  encouragements  accordés  aux 
artistes  et  les  honneurs  rendus  à  leur  mémoire;  c'est  pour- 
quoi nous  donnons  ici  le  dessin  du  monument  funèbre 
élevé  dans  le  cimetière  d'EecIoo,  au  mois  d'avril  18G3, 
aux  mânes  des  hommes  de  lettres  et  des  artistes  que  cette 
ville  a  vus  naître,  ainsi  que  des  célébrités  qui  y  ont  passé 
une  partie  de  leur  vie.  Ce  cénotaphe,  dû  à  la  sollicitude 
de  IVP  Ed.  Van  Damme-Bernier,  ancien  conseiller  provin- 
cial, natif  d'Eecloo,  est  fort  simple  et  ne  pèche  pas  par  une 
surcharge  d'ornements  de  mauvais  goût.  Sur  l'une  des  faces 
figurent  les  noms  de  Ledeganck,  l'auteur  des  De  dryZuster- 
steden,  dont  la  lyre,  trop  tôt  brisée,  fil  entendre  de  si  doux 
et  de  si  majestueux  accords;  de  Geirnaert,  le  gracieux 
peintre  de  genre;  de  De  Vlieger,  lauréat  dans  plusieurs 
grands  concours  de  peinture  à  Bruxelles,  à  Gand  et  à  Gro- 
ningue;  de  Cornelis,  qui  mourut  architecte  de  la  ville 
d'Alost.  La  seconde  face  est  destinée  aux  élèves  de  Geir- 
naert. La  troisième  rappelle  le  souvenir  du  séjour  à  Eecloo 
de  célébrités  littéraires  ou  artistiques,  en  tête  desquelles 
est  inscrit  le  nom  du  regretté  VVillems,  qui  imprima  un  si 
vigoureux  élan  à  la  littérature  flamande  et  auquel  Eecloo 
doit  sa  Société  littéraire.  La  quatrième  face  est  destinée  à 
recevoir  les  noms  d'autres  habitants  d'Eecloo  que  leurs 
mérites  recommandent  au  souvenir  de  leurs  concitoyens. 

Eecloo,  on  le  voit,  a  fourni  son  contingent  à  la  galerie 

des  célébrités  du   pays,  et   l'obole  que  cette  petite  ville 

verse  dans  le  trésor  artistique  et  littéraire  de  la  Belgique, 

est  loin  d'être  l'obole  du  pauvre. 

Emile  V. 


—  126  — 


J|3ubltCûtion5  rccentciî 

DE     QUELQUES     ACADÉMICIENS     BELGES. 


Gachard.  —  Don  Carlos  et  Philippe  11.  —  Des  circon- 
stances plus  ou  moins  fortuites  sont  souvent  pour  beaucoup 
dans  les  destinées  des  hommes  comme  dans  celles  de  leurs 
travaux;  c'est  ainsi  que  le  bel  ouvrage  dont  nous  allons  dire 
quelques  mots  ici,  doit  sa  naissance  à  un  heureux  con- 
cours d'événements  qui  mit  M.  Gachard  à  même  de  décou- 
vrir le  mystère  qui,  jusqu'à  ce  jour,  voilait  les  détails  et  les 
causes  de  la  mort  de  Don  Carlos. 

Il  est  dans  l'histoire  moderne  peu  de  faits  plus  intéres- 
sants que  ceux  qui  se  rattachent  à  l'arrestation  et  à  la  mort 
de  ce  jeune  prince,  petit-fils  de  Charles-Quint,  héritier  de 
la  monarchie  espagnole,  auquel  les  Cortès  avaient  déjà  prêté 
serment,  et  qui,  sur  un  ordre  royal,  se  vil  soudainement 
enfermé  dans  une  tour  du  palais  de  Madrid,  gardé  à  vue 
comme  un  criminel  de  lèse-majesté,  et  qui,  après  une  cap- 
tivité de  six  mois,  mourut  en  quelques  heures  d'une  mort 
quasi-violente,  à  laquelle,  dit-on,  le  roi  son  père  ne  fut 
pas  étranger. 

La  curiosité  dont  cet  événement  a  été  l'objet  dès  le  mo- 
ment où  il  se  produisit,  s'est  soutenue  jusqu'à  nos  jours. 
Pendant  ces  trois  siècles,  on  n'est  pas  parvenu  à  soulever 
le  voile  qui  couvrait  la  vérité  :  d'un  côté,  les  historiens  es- 
pagnols contemporains  qui  parlèrent  de  ce  fait,  en  surent 
peu  de  chose,  ou  n'osèrent  pas  dire  tout  ce  qu'ils  en  sa- 
vaient, leur  plume  étant  enchaînée  par  la  censure;  d'un 


—   127  — 

autre  côlé,  les  historiens  étrangers,  qui  presque  tous  se 
croyaient  obligés  de  lancer  une  pierre  à  la  politique  de  Phi- 
lippe II,  se  firent  l'écho  des  versions  les  plus  absurdes  ou 
se  plurent  à  les  accréditer.  Pour  arriver  à  un  résultat  sa- 
tisfaisant, il  fallait  donc  s'écarter  des  sentiers  battus  et 
aller  puiser  des  renseignements  à  d'autres  sources. 

Telle  était  la  situation  de  la  question  à  l'époque  où 
M.  Gachard,  il  y  a  quelque  vingt  ans,  fut  envoyé  en  Es- 
pagne pour  rechercher  dans  les  archives  et  les  bibliothèques 
de  la  Péninsule  les  actes  relatifs  à  la  domination  espagnole 
dans  les  Pays-Bas. 

Il  commença  ses  investigations  par  la  Bibliothèque  na- 
tionale de  Madrid,  qui  renferme  une  fort  belle  collection 
de  manuscrits  :  c'est  là  qu'un  heureux  hasard  lui  fit  mettre 
la  main  sur  un  manuscrit  contenant  deux  recueils  intitulés: 

El  despacho  gênerai  que  se  hizo  para  el  rey  sobre  el  rc- 
cogimiento  del  principe  Don  Carlos; 

El  despacho  gênerai  que  se  hizo  para  los  perludos  gran- 
des etc..  sobre  lo  de  la  miierle  del  principe  noslro  Senor. 

Le  premier  recueil  renfermait  la  lettre  de  Philippe  II 
aux  autorités  religieuses  et  civiles  de  Castille  sur  l'arres- 
tation de  son  fils;  dans  le  second,  étaient  les  missives  par 
lesquelles  le  monarque  annonçait  aux  mêmes  autorités  la 
mort  de  Don  Carlos;  ainsi  qu'une  lettre  à  ce  sujet  d'Erasso, 
secrétaire  particulier  du  roi. 

La  fin  mystérieuse  et  prématurée  de  Don  Carlos  avait 
excité  en  M.  Gachard  un  intérêt  d'autant  plus  grand  que 
ce  prince  était  soupçonné  d'avoir  eu  des  rapports  avec  les 
Flamands  pendant  la  révolution  des  Pays-Bas,  qui  marqua 
les  derniers  temps  de  sa  vie.  Son  sort  en  était  donc  plus 
intimement  lié  à  l'histoire  de  la  Belgique.  Le  manuscrit 
que  M.  Gachard  venait  de  découvrir,  posait  ainsi  les  pre- 
miers jalons  de  la  route  qui  pouvait  le  conduire  à  des  dé- 
couvertes importantes.  Enhardi  par  ce  premier  succès,  il 


—  128  — 

poursuivit  le  cours  de  ses  invesligalions  et  trouva  dans  un 
autre  manuscrit  la  lettre  de  Philippe  II  à  la  reine  douairière 
de  Portugal  et  au  pape  Pie  V,  et  dans  un  autre  volume  éga- 
lement manuscrit,  la  lettre  de  Tarchevéque  de  Rossano, 
nonce  apostolique  en  Espagne  à  celle  époque,  dans  laquelle 
se  trouve  le  récit  détaillé  de  circonstances  relatives  à  cet 
événement  tragique. 

Plus  lard,  il  fut  autorisé  à  consulter  le  dépôt  des  archives 
du  château  de  Simancas,  dont  l'accès  élait  fort  difficile  à 
obtenir  alors  (1843),  et  où  se  trouvent  les  renseignements 
les  plus  précieux  sur  la  vie  privée  des  rois  d'Espagne. 

Après  avoir  pris  copie  de  toutes  les  pièces  qui  pouvaient 
l'intéresser,  M.  Gachard  revint  en  Belgique,  chargé  d'une 
abondante  moisson.  Il  publia  successivement,  pendant  une 
période  de  dix  années,  la  Correspondance  de  Philippe  IF 
sur  les  affaires  des  Pays-Bas,  en  quatre  volumes,  tirée  des 
dépôts  de  Simancas;  les  actes  des  Etais  généraux  en  1G00; 
les  actes  des  États  généraux  en  1652;  la  correspondance  de 
Guillaume  le  Taciturne;  les  lettres  sur  la  retraite  de  Charles 
Quint  à  Yuste. 

Pendant  tout  ce  temps  il  laissait  reposer  dans  ses  carions 
les  documents  relatifs  à  Don  Carlos,  indécis  sur  l'usage 
qu'il  en  ferait;  s'étant  enfin  arrêté  à  l'idée  d'en  faire  une 
composition  historique  à  part,  il  alla  glaner  de  nouveaux 
matériaux  dans  les  Archives  impériales  de  Paris,  à  la  Bi- 
bliothèque impériale,  aux  Archives  de  cour  et  d'étal  à 
Vienne,  au  State  paper  office  et  au  British  Muséum,  à  Lon- 
dres, ainsi  qu'aux  archives  de  Bruxelles;  il  présenta  enfin 
son  travail  à  la  Commission  d'histoire,  qui  lui  accorda  les 
honneurs  de  l'impression. 

N'était-ce  la  tournure  moderne  du  style,  on  croirait,  en 
le  lisant,  tenir  une  de  ces  vieilles  chroniques  où  l'auteur 
narre  sans  prétention  les  événements  dont  il  a  été  témoin, 
nous  présente  les  princes  avec  leurs  qualités  et  leurs  dé- 


—  129  — 

fauls,  nous  les  montre  agissant  et  parlant,  les  suit  pas  à 
pas,  nous  introduit  dans  les  palais,  nous  dévoile  les  secrets 
des  antichambres,  et  tout  cela,  avec  un  accent  de  vérité  qui 
attache,  et  transporte  pour  un  moment  le  lecteur  et  le  fait 
vivre  dans  le  siècle  dont  il  lit  l'histoire.  Ici  c'est  le  tableau 
de  la  cour  d'Espagne  pendant  une  période  de  vingt  années, 
ce  sont  le  roi  et  les  grands  posant  devant  nous  dépouillés 
de  leur  manteau  de  grandesse;  c'est  Philippe  II,  ce  père  de 
la  dissimulation,  comme  l'appelait  le  diplomate  Antonio 
Tiépolo  en  1567,  dont  le  principe  était  «  que  les  grands 
princes  qui  dient  ouvertement  qu'ils  feroient  quelque  chose 
concernant  leur  service,  que  c'est  en  intention  de  ne  le  faire 
point  (i);  »  c'est  ce  monarque  despote  qui,  en  parlant  à  l'ar- 
chevêque de  Séville,  disait  qu'il  convenait  «  que  ses  peuples 
eussent  les  mains  liées,  puisque  c'était  bien  assez  de  leur 
laisser  la  langue  libre;  »  nous  savons  aujourd'hui  ce  que 
valait  cette  liberté!  C'est  lui  qui,  sous  cette  apparente  vo- 
lonté de  fer,  cachait  la  plus  grande  irrésolution.  «  Quant 
à  notre  maître,  écrivait  Perrenot  au  cardinal  de  Granvelle, 
tout  va  de  demain  à  demain,  et  sa  principale  résolution, 
en  toutes  choses,  est  de  demeurer  perpétuellement  irré- 
solu (2).  »  C'est  Don  Carlos  qui  n'avait  de  force  que  dans 
les  dents,  et  dont  un  des  premiers  actes,  en  entrant  dans 
la  vie,  fut  de  dévorer  le  sein  de  sa  nourrice  (3);  c'est  ce 
jeune  prince  malheureux,  mais  aussi  méchant  et  fantasque, 
allant  ribler  le  pavé  pendant  la  nuit,  selon  l'expression  de 
Brantôme  (4),  ou  s'enfermant  seul  dans  un  de  ses  accès  de 
manie  furieuse,  pour  couper  le  jarret  à  tous  les  chevaux 
de  son  écurie. 

Les  historiens,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  ont  beau- 
coup conjecturé  au  sujet  de  Don  Carlos,  mais  c'est  surtout 
en  ce  qui  regarde  son  procès  qu'ils  se  sont  donné  le  champ 

(1)  Page  264.  —  (2)  Page  225.  —  (5)  Page  d.  —  (4)  Page  1C.4. 


—  130  — 

libre.  Cabrera,  enlre  autres,  raconte  que  Philippe  II  avait 
fait  faire  à  son  fils  un  procès  en  règle,  et  que  tous  les  actes 
en  étaient  déposés  aux  Archives  de  Simancas;  LIorente,  dans 
son  Histoire  de  r Inquisition,  écrite  en  espagnol,  dit  que 
Napoléon  1"  avait  fait  enlever  ces  pièces;  M.  Lafuente  (His- 
toria  gênerai  de  Espana)  avance  que  Napoléon  avait  ordonné 
qu'on  les  lui  remit  :  enfin,  il  y  a  quelques  années,  on  a  forgé 
un  nouveau  conte,  d'après  lequel  ces  pièces,  dont  se  serait 
emparé  un  général  allemand  au  service  de  la  France,  au- 
raient été  censées  exister  dans  un  château  d'Allemagne. 

Écoutons  à  ce  sujet  M.  Gachard  (i)  :  «  Il  y  avait  à  la  vérité 
aux  Archives  de  Simancas,  un  coffre  où,  selon  l'opinion 
généralement  reçue  en  Espagne,  devait  se  garder  le  procès 
de  Don  Carlos.  A  en  croire  la  tradition,  il  était  défendu  à 
l'archiviste  d'y  toucher  sous  peine  de  mort.  Pendant  la 
guerre  de  l'indépendance,  le  général  Kellerman,  (jui  com- 
mandait à  Valladolid,  le  fit  ouvrir,  et  qu'y  trouva-l-on?  le 
procès  de  Don  Rodrigo  Calderon,  l'ancienne  créature  du 
duc  de  Lerme,  un  des  personnages  de  Gil  Blas!  »  «  On  voit 
donc,  ajoule-t-il,  qu'il  faut  reléguer  parmi  les  fables  le  pro- 
cès de  Don  Carlos  et  tout  ce  qui  a  été  brodé  là-dessus.  » 

On  peut  juger,  d'après  ce  qui  précède,  de  l'importancf! 
des  travaux  et  de  la  portée  des  recherches  de  M.  Gachard. 
Peu  d'ouvrages  historiques  ont  exigé  que  l'écrivain  rassem- 
blât autant  et  de  si  notables  documents;  peu  d'ouvrages  non 
plus,  par  conséquent,  n'ont  exigé  un  travail  aussi  long, 
aussi  opiniâtre,  aussi  consciencieux.  M.  Gachard  ne  cite 
pas  un  fait,  ne  raconte  pas  un  événement,  ne  donne  pas  un 
détail  sans  invoquer  un  texte  à  l'appui,  sans  renvoyer  aux 
documents  originaux. 

Cet  ouvrage,  qui  est  un  des  plus  beaux  monuments  his- 
toriques de  notre  époque,  en  est  aussi  un  des  plus  curieux, 

(1)  Page  319. 


—  131   — 

à  un  double  point  de  vue  :  d'abord,  il  nous  fait  connaître 
la  vérité  sur  un  point  fort  obscur  de  Thisloire,  en  nous 
donnant  à  ce  sujet  tous  les  éclaircissements  désirables;  en- 
suite il  nous  fait  connaître,  mieux  que  personne  ne  l'avait 
fait  jusqu'à  ce  jour,  le  caractère  et  la  vie  intime  de  Phi- 
lippe II.  En  publiant  ce  travail,  M.  Gachard  a  immensément 
mérité  du  pays  et  des  sciences  historiques. 

J.  Van  Praet.  —  Essais  sur  rhistoire  politique  des 
derniers  siècles.  —  Composer  un  ouvrage  qui  réponde 
convenablement  à  un  tel  titre,  n'est  pas  chose  facile.  On  a 
beaucoup  écrit  sur  l'histoire  politique,  mais,  à  part  quel- 
ques productions  d'élite,  bien  peu  sont  à  la  hauteur  de 
l'idée  qu'on  est  en  droit  de  se  former  d'une  œuvre  afTubiéo 
de  celte  prétentieuse  suscription.  Faire  l'histoire  politique, 
ce  n'est  pas  ébaucher  froidement  les  faits,  les  parquer  par 
ordre  de  dates,  citer  les  traités  de  paix  ou  d'alliance  et 
broder  sur  le  tout  un  certain  nombre  de  remarques  que 
tout  homme  de  quelque  élude  est  en  état  de  faire.  Non  : 
l'histoire  politique  exige  des  considérations  d'un  ordre  plus 
élevé;  elle  n'est  pas  un  travail  de  mémoire,  mais  une  œuvre 
de  comparaison,  d'appréciation,  de  jugement.  L'histoire 
politique  ne  doit  présenter  dans  son  ensemble  que  le  tableau 
des  variations  dans  les  institutions  du  pays  au  point  de  vue 
duquel  on  écrit,  ainsi  que  celui  de  ses  relations  tant  inté- 
rieures qu'extérieures.  C'est  surtout  à  ce  dernier  point  de 
vue  que  l'ouvrage  de  M.  Van  Praet  présente  un  grand  in- 
térêt et  des  qualités  vraiment  sérieuses;  c'est  surtout  quant 
aux  relations  d'état  à  étal,  relations  qui  traduisent  toute  la 
politique  d'une  époque,  et  ont  pour  conséquence  immédiate 
les  solutions  pacifiques  ou  violentes,  qui  elles-mêmes  amè- 
nent les  changements  territoriaux  ou  même  dynastiques, 
que  l'auteur  a  le  mieux  répondu  au  litre  de  son  livre. 
«Quand  on  raconte  celle  vie  de  tous  les  jours,  dit-il  (i), 

(1)  Pi'élace,  p.  7. 


—  i32  — 

»  qu'on  fail  connaître  les  lois  d'intérêt  général  et  ces  insti- 
»  tulions,  ces  relations  des  peuples  avec  leur  gouvernement, 
»  ces  relations  du  gouvernement  avec  l'étranger,  on  écrit 
»  l'histoire  politique.  » 

Mais  faisons  ici,  en  passant,  une  remarque  qui  nous  est 
propre  :  donner  le  tableau  de  l'histoire  politique  d'un  seul 
pays  est  chose  impossible;  depuis  la  fin  du  moyen  âge  et 
même  dans  les  dernières  années  de  cette  période,  les  des- 
tinées d'une  nation  sont  tellement  rattachées  aux  destinées 
des  autres,  qu'on  ne  peut  s'occuper  de  l'une  sans  parler 
de  l'autre;  l'exposé  des  institutions  demande  une  compa- 
raison; les  rapports  d'un  pays  avec  son  souverain  ne  con- 
stituent pas  à  elles  seules  l'histoire  politique,  et  les  relations 
extérieures  d'un  état  sont  du  domaine  de  l'histoire  géné- 
rale. On  est  donc  fatalement  entraîné,  en  traçant  l'histoire 
politique  d'un  pays,  à  s'occuper  des  pays  voisins,  à  étudier 
leur  situation  intérieure,  leurs  affaires  de  ménage,  à  déve- 
lopper le  mobile  de  leurs  actes;  de  plus,  certains  événe- 
ments dominent  toute  une  époque,  influent  sur  son  carac- 
tère général,  et  certains  hommes  mènent  tous  ces  événe- 
ments; chaque  pays  a  son  tour  dans  cette  distribution  de 
célébrités,  chaque  pays  a  été  à  son  tour  le  théâtre  où  se  sont 
donné  rendez-vous  toutes  les  grandes  figures  du  siècle  pour 
jouer  un  rôle  tantôt  grand,  tantôt  odieux.  Sous  ce  rapport, 
la  Belgique  a  été  malheureusement  le  mieux  partagé  des 
pays.  Heureux,  a-t-on  dit,  les  peuples  qui  n'ont  pas  d'his- 
toire !  la  Belgique  n'est  pas  de  ce  nombre;  sans  cesse  champ 
de  bataille  de  l'Europe,  point  de  mire  d'ambitions  rivales, 
riche  enjeu  de  royales  querelles,  en  racontant  son  histoire 
on  fait  celle  de  la  politique  européenne  pendant  plusieurs 
siècles.  «  On  ne  peut  pas  ranger  les  Pays-Bas  (i)  parmi  les 
»  grands  états  de  l'Europe,  mais  on  peut  dire  qu'ils  ont  été 
»>  en  cause  dans  tous  les  grands  procès.  »  —  «  Il  serait  inté- 

(1)  Van  PiubT,  }).  21. 


—  435  — 

»  ressaiU  (i)  de  voir,  en  iiilerrogeaiU  de  près  les  souverains 
»  de  l'Europe  et  les  actes  de  leurs  gouvernements,  en  quoi, 
»  pourquoi,  dans  quelles  circonstances  et  dans  quelles  me- 
w  sures  l'incertitude  du  sort  de  la  Belgique  intéresse  ou 
»  menace  l'équilibre  européen  dans  ses  conditions  fonda- 
»  mentales,  nécessaires,  éternelles.  » 

Pour  établir  les  démarcations  entre  les  différentes  périodes 
de  l'histoire  politique,  M.  Van  Praet  prend  pour  base  la 
nature  des  relations  extérieures  des  grands  états  de  l'Eu- 
rope occidentale  depuis  la  fin  du  moyen  âge  : 

1°  Période  féodale,  qui  a  pour  signe  distinctif  la  guerre 
de  revendication; 

2°  XV*  siècle,  période  des  guerres  de  famille,  de  la  ligue 
du  Bien  public,  et  de  la  guerre  des  deux  Boses; 

3°  Le  morcellement  du  territoire  ayant  fait  place  à 
l'Unité,  et  les  grands  feudataires  ayant  presque  disparu, 
l'Étal  les  a  remplacés,  et  dans  cette  période,  les  relations 
sont  caractérisées  par  la  guerre  d'État  à  État;  Charles  VIH 
et  Louis  XII  en  Italie,  la  rivalité  entre  la  France  et  l'Es- 
pagne, la  France  et  l'Autriche; 

4°  Guerres  de  suprématie;  depuis  Charles  V  jusqu'à 
Louis  XVI; 

5"  Période  révolutionnaire. 

Ce  tableau  général  n'est  pas  développé  d'une  manière 
complète  dans  ce  premier  volume;  l'auteur  s'est  borné  dans 
les  cinq  chapitres  de  ce  travail  à  mettre  en  relief  les  prin- 
cipaux personnages  qui  se  sont  partagé  l'attention  de 
l'époque  et  sont  en  quelque  sorte  le  pivot  autour  duquel 
se  meut  toute  la  politique. 

Dans  son  introduction,  il  s'occupe  du  XV''  siècle,  «  qui 
»  n'est  ni  du  moyen  âge,  ni  du  monde  moderne,  ni  féodal, 
»  ni  monarchique;  »  ce  siècle  qui  a  vu  la  grandeur  et  la 

(1)  Id.,  p    20. 


—   154  — 

décadence  de  la  puissanle  maison  de  Bourgogne,  ce  siècle 
témoin  de  la  lutte  gigantesque  de  la  force  aveugle  contre 
l'astuce,  où  est  née  la  politique  moderne,  en  commençant 
par  une  exagération.  Voici  comment  M.  V^an  Prael  parle  de 
Louis  XI,  ce  précurseur  de  la  diplomatie,  la  plus  singu- 
lière physionomie  de  roi  de  toute  la  galerie  historique. 

a  Louis  XI  n'était  point  possédé  de  la  passion  des  grandes 
choses,  que  sa  puissance,  ses  facultés  et  les  circonstances 
où  il  se  trouvait,  eussent  autorisées  chez  lui.  Il  n'y  préten- 
dit ni  pour  la  France,  ni  pour  lui-même.  Il  vit  la  maison 
de  Bourgogne  périr  sous  ses  yeux,  sans  chercher  à  tirer  de 

sa  chute  tout  le  profit  qu'elle  pouvait  offrir 

....  De  la  part  de  Louis  XI,  c'était  système.  Il  voulait 
gagner,  à  condition  de  ne  rien  risquer,  conserver  avant 
d'agrandir,  éviter  les  batailles,  non  pas  par  manque  de 
courage,  mais  parce  qu'il  est  insensé,  croyait-il,  de  mettre 
sur  un  coup  de  dés  d'aussi  gros  enjeux  que  sa  fortune  cl 

sa  vie 

.  .  Il  se  rendit  impopulaire  chez  la  noblesse  et  dans  les 
villes,  parce  qu'il  entrait  dans  ses  projets  d'écraser  la  no- 
blesse et  qu'il  ne  prenait  pas  garde  s'il  accablait  les  villes 
d'impôts; enfin  il  pratiqua  une  poli- 
tique qui  ressemblait  à  son  propre  caractère,  une  politique 

éloignée  de  toute  intention  morale 

Ne  croyant  jamais  chez  les  autres  aux  bons  sentiments,  ni 
même  aux  bons  mouvements  qui  n'étaient  pas  en  lui,  il 
prenait  invariablement  les  hommes  par  leurs  côtés  mépri- 
sables, les  menaçant  du  cachot  ou  de  la  torture,  les  mar- 
chandant à  prix  d'argent  ou  leur  promettant  sa  faveur, 
suivant  qu'il  se  figurait  avoir  affaire  à  des  esprits  craintifs, 
avides  ou  orgueilleux,  préférant  toujours  la  force  réelle 
aux  dehors  de  la  grandeur,  ce  qui  sert  à  ce  qui  brille,  la 
substance  à  la  forme  (i).  » 

(1)  rage  81. 


—  155  — 

La  première  notice  est  consacrée  à  Cliarics-Quint.  C'est 
ce  monarque,  portant  majestueusement  le  poids  de  nom- 
breuses couronnes,  qui  clol,  d'après  l'auteur,  le  plus  défî- 
uilivemenl  la  période  longue,  confuse  et  romanesque  du 
moyen  âge,  et  inaugure  la  guerre  et  la  politique  modernes. 
«  Il  fut  (i)  dans  tout  le  cours  de  sa  vie  d'un  tempérament 
où  la  tète  l'emporte  eu  autorité  sur  le  cœur,  et  lui  com- 
munique sa  froideur;  d'une  volonté  forte  mais  tardive, 
d'une  intelligence  plus  profonde  qu'elle  n'est  vive,  où  domi- 
nent la  patience,  la  ténacité,  une  prudence  qui  devient 
parfois  minutieuse,  où  un  grand  empire  sur  soi-même  dans 
la  prospérité,  dans  le  malheur,  dans  le  péril  ne  dément 

que  rarement 

Mais  ce  qui  marque  le  caractère  de  Charles-Quint  comme 
représentant  de  son  époque,  comme  ayant  inauguré  la  po- 
litique de  l'ère  nouvelle,  c'est  que  partout  où  il  fut  vain- 
queur, il  le  fut  pour  comprimer  les  derniers  élans  de  l'es- 
prit du  moyen  âge,  et  de  l'indépendance  des  nations.  En 
Italie,  en  Espagne,  en  Allemagne  et  dans  les  Pays-Bas,  il 
triompha  au  profit  de  la  royauté  absolue,  au  détriment  de 
la  liberté  des  vieilles  sociétés.  Charles-Quint  est  assurément 
un  de  ceux  qui  ont  le  plus  contribué  à  fonder  et  à  conso- 
lider le  régime  des  gouvernements  modernes.  » 

Quant  au  chevaleresque  rival  de  l'empereur,  iM.  Van  Praet 
éprouve  pour  lui  un  certain  penchant,  et  s'il  juge  Charles- 
Quint  avec  justice,  il  juge  François  I"  avec  indulgence, 
surtout  quand  il  s'agit  du  parjure  de  Madrid. 

Nous  n'avons  pas  vu  sans  plaisir  la  manière  dont  l'auteur 
parle  de  Philippe  II  :  au  lieu  de  suivre  l'allure  moutonnière 
de  la  plupart  des  écrivains,  il  se  plait  à  rendre  hommage 
aux  qualités  du  successeur  de  Charles-Quint,  tout  en  dé- 
voilant ses  défauts,  et  nous  montre  ce  monarque  irrésolu 

(1)  Page  189. 


—  156  — 

et  froid  Ici  que  le  dépeignenl  les  récentes  trouvailles  histo- 
riques de  quelques  savants  belges. 

Nous  croyons  avoir  donné  une  idée  suffisante  du  travail 
de  M.  Van  Prael,  et  nous  ne  voulons  pas  nous  arrêter  à 
discuter  des  points  historiques  plus  ou  moins  en  litige,  que 
d'autres  sont  plus  autorisés  que  nous  à  examiner.  L'œuvre 
de  M.  Van  Praet  est  conçue  dans  le  grand  genre  historique; 
elle  est  écrite  avec  la  précision  qu'exige  le  sujet  :  l'auteur 
y  a  revêtu  sa  pensée  d'un  style  souple  et  nerveux,  qui  donne 
de  l'autorité  à  ses  paroles;  les  vues  sur  l'ensemble  des  évé- 
nements y  dénotent  chez  lui  une  grande  sûreté  de  coup- 
d'œil,  une  grande  lucidité  dans  les  idées;  pour  écrire  ces 
exposés  de  situation,  trouver  ces  rapprochements  ingénieux, 
résumer  en  peu  de  mots,  comme  il  le  fait,  de  nombreuses 
complications,  il  faut  avoir  vu  de  près  les  affaires,  avoir 
étudié  par  soi-même  le  mouvement  de  va  et  vient  de  la  di- 
plomatie. Peu  d'hommes  mieux  que  M.  Van  Praet  étaient 
capables  d'aborder  la  lâche  qu'il  a  entreprise:  mêlé  pendant 
un  grand  nombre  d'années  à  la  politique,  et  confident  et  ami 
d'un  monarque  qui  passa  longtemps  pour  l'arbitre  (h  l'Eu- 
rope, il  connaît  les  détours  du  labyrinthe  de  la  diplomatie, 
et  peut  juger  par  la  vie  d'aujourd'hui  de  la  vie  d'autrefois. 

QuETELET.  —  En  publiant  en  1864  V Histoire  des  sciences 
physiques  et  mathématiques  chez  les  Belges,  et  en  1866, 
les  Sciences  mathématiques  et  physiques  chez  les  Belges,  au 
commencement  du  XIX^  siècle,  le  savant  directeur  de  l'Ob- 
servatoire a  commencé  à  mettre  au  jour  une  série  de  tra- 
vaux, fruit  de  longues  années  d'études,  dont  ces  deux 
ouvrages  ne  sont  que  l'introduction;  ils  doivent  être  suivis 
successivement  de  trois  autres,  sur  l'astronomie,  la  météo- 
rologie et  la  physique. 

Autre  chose  est  de  faire  de  Thisloire  proprement  dite, 
c'est-à-dire  la  narration  des  événements  dignes  de  mémoire, 


—   157   — 

el  de  faire  riiisloriquc  des  sciences,  de  donner  un  tableau 
de  la  marche  des  connaissances  humaines  pendant  une 
série  de  siècles.  Celte  dernière  tâche  présente,  ce  me  sem- 
ble, des  difficultés  que  ne  rencontre  pas  l'auteur  de  Thisloire 
politique.  Tout  d'abord  pour  ce  dernier,  les  documents 
sont  beaucoup  plus  nombreux,  les  événements  étant  à  la 
portée  de  plus  de  monde,  les  personnages  sont  nécessaire- 
ment plus  en  vue,  puisqu'ils  mènent  l'époque;  leurs  faits 
el  gestes  sont,  en  général,  plus  connus  el  se  trouvent,  par 
conséquent,  relatés  dans  des  écrits  plus  nombreux;  il  peut, 
du  reste,  puiser  dans  les  dépôts  d'archives,  où,  en  s'aidant 
de  patience,  il  parvient  presque  toujours  à  découvrir  les 
ressorts  cachés  des  gouvernements.  Au  contraire,  les  docu- 
ments où  l'historien  des  sciences  doit  puiser  la  matière  de 
son  ouvrage,  se  bornent  aux  écritsdes  savants,  hommes  par- 
fois choyés  par  le  pouvoir,  mais  souvent  modestes  el  sans 
ambition,  vivant  oubliés  du  monde,  et  dont  les  travaux  ne 
sont  pas  toujours  nombreux.  Beaucoup  d'entre  ces  travaux, 
du  reste,  publiés  à  des  époques  où  l'instruction  était  moins 
répandue  qu'aujourd'hui,  se  sont  égarés  ou  ont  servi  plus 
d'une  fois  à  des  auto-da-fé,  de  ce  que  le  vulgaire  appelle 
de  vieux  bouquins,  de  vieilles  paperasses  el  que  des  savants 
seraient  heureux  de  payer  au  poids  de  l'or,  assurés  qu'ils 
sont  d'y  découvrir  toujours  quelque  point  intéressant. 

Un  autre  écueil  que  présente  celte  matière,  c'est  la  sé- 
cheresse, Taridité  :  l'auteur  est  presque  à  chaque  pas  arrêté, 
d'une  part,  par  l'obligation  d'entrer  dans  des  détails  tech- 
niques, d'une  autre,  par  la  crainte  de  donner  à  son  ouvrage 
une  teinte  scientifique  capable  d'effrayer  tout  lecteur  qui 
n'est  pas  initié  au  secret  de  la  matière  qu'il  traite;  ayant 
en  vue  une  histoire  et  non  un  traité  raisonné,  approfondi, 
des  variations  subies  par  les  connaissances  humaines,  il  se 
trouve  constamment  en  face  de  ces  deux  écueils,  prêt  à 
tomber  de  Charybde  en  Scylla. 

10 


—  138   - 

Pour  composer  ces  deux  volumes,  M.  Quelelel  a  élé 
obligé,  comme  il  le  dit  lui-même,  d'en  recueillir  pénible- 
ment les  documents  dans  des  ouvrages  anciens  et  modernes, 
ainsi  que  dans  de  vieux  manuscrits  dont  plusieurs  appar- 
tenaient à  des  bibliothèques  particulières.  A  force  de  pa- 
tience, de  persistance  opiniâtre,  il  est  parvenu  à  rassembler 
les  matériaux  de  son  ouvrage  et  à  vaincre  ainsi  la  première 
des  deux  difficultés  que  je  viens  de  signaler. 

Après  avoir  rappelé  les  premiers  événements  de  l'his- 
toire de  la  Belgique,  M.  Quetelel,  arrivant  à  l'époque  de 
Charlemagne,  aborde  son  sujet;  il  suit  jusqu'au  XIX^  siècle 
les  diverses  phases  de  la  marche  des  sciences,  en  tenant 
sans  cesse  le  regard  attaché  sur  les  événements  politiques 
inséparables  du  développement  de  la  civilisation,  dont  les 
sciences  conduisent  le  char. 

Afin  de  rendre  sensibles  les  différents  états  par  lesquels 
ont  passé  les  sciences  en  Belgique,  l'auteur  donne  à  la  fin  du 
1"  volume  une  figure  quasi  mathématique,  représentant  ces 
étals  :  c'est  une  courbe,  placée  en  regard  d'une  perpendicu- 
laire censée  représenter  l'ignorance,  dont  elle  s'écarte  da- 
vantage à  mesure  que  les  sciences  firent  des  progrès,  et 
dont  elle  se  rapproche  lorsque  les  connaissances  déclinent. 

La  période  pendant  laquelle  les  sciences  furent  le  plus 
florissantes  en  Belgique,  fut  celle  qui  s'écoula  depuis 
Charles-Quint  jusqu'à  Marie-Thérèse.  C'est  alors  que  pa- 
rurent Vésale,  Mercator,  Romain,  Simon  Slevin,  Philippe 
Lansberg,  Rubens,  Van  Helmont  et  de  tant  d'autres  dont 
M.  Quetelet  passe  successivement  les  travaux  en  revue. 

«  Sous  le  règne  de  Charles-Quint,  dit-il,  la  Belgique 
dans  la  plénitude  de  sa  force,  brillait  parmi  les  nations  les 
plus  avancées.  Sa  prospérité  était  élevée  au  plus  haut  point; 
son  commerce  et  ses  richesses  étaient  immenses  relativement 
à  son  étendue;  ses  fils  se  distinguaient  dans  les  armées; 
ses  intrépides  voyageurs  prenaient  part  aux  recherches  qui 


—  139  — 

se  faisaient  de  toute  part.  Ses  grands  géograplies  décrivaient 
les  pays  nouvellement  découvertes  :  Vésale  posait  les  bases 
de  la  chirurgie  et  de  l'analoniie;  la  musique  et  la  peinture 
étalaient  leurs  merveilles  dans  toutes  les  cours,  qui  tenaient 
à  honneur  de  recevoir  les  artistes  belges;  ses  savants  n'é- 
taient pas  accueillis  avec  moins  d'empressement;  ils  hono- 
raient également  le  pays  qui  les  avait  vus  naître  (i).  » 

Au  sujet  de  Ph.  Van  Lansberg,  le  savant  astronome  gan- 
tois (2),  M.  Quetelet  relève  une  erreur  qui  a  rapport  à 
l'almanach  de  Liège  connu  sous  le  nom  d'Almanach  de 
Mathieu  Lansberg.  Ce  nom,  dit-il,  ne  peut  être  qu'un  pseu- 
donyme, car  il  n'y  eut  jamais  de  savant  qui  portât  celui 
de  Mathieu  Lansberg. 

Quant  au  deuxième  écueil  dont  j'ai  parlé,  la  sécheresse, 
M.  Quetelet  l'a  évité  avec  beaucoup  de  bonheur;  son  ou- 
vrage est  d'une  lecture  facile,  agréable;  c'est  un  guide  à 
travers  le  dédale  de  l'histoire  des  sciences,  que  tout  le 
monde  est  à  même  de  lire  et  de  comprendre.  Son  second 
volume.  Des  Sciences  mathémaliques  et  physiques  chez  les 
Belges,  au  commencement  da  X/X=  siècle,  a  ajouté  à  l'inlé- 
rêt  du  premier  le  charme  de  l'actualité,  car  il  nous  montre 
des  progrès  dont  nous  sommes  contemporains  et  que  nous 
avons  vu  se  produire  en  quelque  sorte  sous  nos  yeux. 

Après  avoir  énuméré  les  principaux  travaux  scienti- 
fiques de  l'époque  qu'il  traite,  et  esquissé  l'existence  des 
savants  qui  les  ont  publiés,  M.  Quetelet  consacre  une  par- 
tie de  ce  deuxième  volume  à  quelques  notices  sur  des  savants 
qui  ont  cultivé  d'autres  branches  et  sur  quelques  hommes 
de  lettres,  «  car,  dit-il,  dans  nos  provinces,  ils  se  sont 
relevés  en  même  emps  que  les  savants  dont  ils  avaient 
partagé  les  habitudes  et  les  pensées.  Il  eût  été  difficile  de 
séparer  les  uns  des  autres  :  dans  un  pays  qui,  comme  le 

[V]  Page  372,  vol.  I,  1844.  —  (2)  Page  168. 


—  140  — 

nôtre,  recommençait  en  quelque  sorte  sa  vie  intellectuelle, 
ces  rapprociiements  étaient  nécessaires  (i).  » 

Dans  cette  dernière  partie,  M.  Quetelet  s'est  fait  conteur; 
abandonnant  la  gravité  de  Thistorien,  il  a  reproduit  avec 
grâce  quelques  traits  de  la  physionomie  de  ces  hommes, 
qui,  pour  la  plupart,  ont  été  ses  camarades  d'études,  ses 
collègues,  et  qui  tous  ont  été  ou  sont  encore  ses  amis; 
il  a  écrit  celte  partie  avec  cette  fraîcheur  de  souvenir, 
que  tout  homme  parvenu  à  l'âge  mùr  conserve  pour  les 
impressions,  pour  les  moindres  incidents  de  sa  jeunesse, 
dont  il  caresse  avec  amour  toute  réminiscence.  Citons  un 
seul  trait.  Le  baron  de  Reifîenberg  habita  longtemps  porte 
à  porte  avec  l'auteur,  sur  le  même  palier;  c'était  un  esprit 
d'une  facilité  de  travail  surprenante;  à  la  fois  mathémati- 
cien, historien,  philosophe,  poète,  dramaturge,  occupations 
qui  jurent  plus  ou  moins  de  se  trouver  ensemble,  Reiffen- 
berg  était  par-dessus  tout  le  plus  grand  farceur  qu'ait  ja- 
mais compté  dans  son  sein  n'importe  quel  corps  professoral. 
«  En  société,  et  dans  des  circonstances  solennelles  même, 
il  n'était  pas  toujours  maître  de  lui;  il  donnait  carrière  à 
la  gaîlé  la  plus  bruyante,  ou  se  permettait  de  véritables 
tours  d'écolier.  Ainsi,  dans  un  conseil  de  professeurs,  à  la 
suited'une  discussion  assez  longue,  ses  plaisanteries  avaient 
provoqué  une  hilarité  générale;  son  ancien  camarade  d'étu- 
des, le  sévère  Vautier  seul,  ne  riait  pas;  il  lui  adressait  au 
contraire  les  plus  vifs  reproches.  Pendant  sa  mercuriale, 
de  ReifTenberg  se  leva  doucement,  passa  derrière  sa  chaise, 
enleva  l'abat-jour  du  quinquet,  et  en  coifFa  subitement  son 
rigide  censeur.  Vautier,  sans  se  déconcerter,  continua  sa 
harangue,  pendant  qwe  son  collègue,  derrière  lui,  trépignait, 
se  frottait  les  mains  et  pouffait  de  rire.  On  conçoit  l'effet 
que  dut  produire  sur  le  docte  aréopage  cette  scène  impro- 
visée (2).  » 

(1)  Vol.  186G.  Préface.  —  (2)  Pag.  441,  vol.  1866. 


—  141  — 

Baron  de  Saint-Genois.  —  Les  Flamands  d'autrefois^ 
nouvelles  historiqiies :  lel  est  le  litre  du  recueil  que  le  baron 
Jules  de  Saint-Genois,  professeur-bibliothécaire  à  l'Univer- 
sité de  Gand,  a  publié  en  juillet  18G6.  Ce  petit  volume  se 
compose  d'une  série  de  récits  historiques,  tous  tirés  des 
annales  ou  des  chroniques  de  la  Flandre,  et  déjà  publiés 
séparément,  il  y  a  bien  des  années,  dans  les  écrits  périodi- 
ques du  temps.  Ces  récits  sont  au  nombre  de  sept,  qui  se 
rapportent  à  différentes  époques  et  peignent  quelque  fait 
saillant  de  notre  histoire,  depuis  les  premiers  temps  jus- 
qu'à Charles  le  Téméraire.  Dans  le  Missionnaire  Liévin, 
l'auteur   raconte  la    pieuse  légende  du  pali-on  de  Gand, 
assassiné  par  les  païens  à  Haulhem;  M.  de  Saint-Genois  a 
su  donner  à  ce  récit,  avec  un  style  pur  et  coulant,  une 
teinte  de  simplicité,  de  naïveté,  qui  convient  bien  à  l'époque 
primitive  où  se  passe  la  scène.  Dans  Louis  de  Nevers,  une 
liistoire  du  XIV'^  siècle,  alors  que  la  Flandre  était  riche  et 
puissante,  la  narration  s'élève  à  la  hauteur  du  drame.  Les 
Matines  de  Bruges  sont  la  mise  en  scène  de  la  révolte  des 
Flamands  conduits  par  Brcydel  et  deConinck  contre  Phi- 
lippe le  Bel,  et  dont  la  journée  des  Éperons  d'or  fut  l'évé- 
nement le  plus  émouvant  et  le  plus  glorieux.  Jeati  Yoens. 
un  épisode  de  l'histoire  des  Chaperons  blancs,  prouve  une 
fois  de  plus  que  la  faveur  des  princes  capricieux  et  despo- 
tes, ne  s'obtient  et  ne  se  conserve  malheureusement,  qu'en 
pliant  devant  toutes  leurs  exigences,  en  sacrifiant  même 
Phonneur  et  le  devoir.  Louis  de  Maie  et  les  Gantois  est  la 
narration  du   soulèvement  de  ceux-ci  sous  Philippe  van 
Artevelde;  dans  cette  nouvelle,  M.  de  Saint-Genois  a  déve- 
loppé le  récit  de  Froissarl,  d'après  lequel  le  comte,  pour- 
suivi, se  serait  sauvé  chez  une  mendiante  et  caché  dans  tin 
pauvre  literon  où  les  en  fans  de  la  pauvre  femme  gisoient. 
Le  louable  but  que  M.  de  Saint-Genois  s'est  proposé,  en 
publiant  ce  recueil,  a  été  «  de  composer  pour  la  jeunesse 


—  lAît  — 

des  écoles  un  livre  sans  prélenlion,  où  les  notions  histori- 
ques vraies,  présentées  sous  une  forme  aussi  attrayante 
que  possible,  ne  se  trouvassent  pas  mêlées  à  des  aventures 
amoureuses  ou  à  des  scènes  trop  romanesques.  » 

PoLAiN.  —  M.  Polain,  professeur  à  l'université  de  Liège, 
dans  ses  Récits  historiques  de  l' ancien  paijs  de  Liège,  a 
voulu,  comme  M.  de  Sainl-Genois,  rendre  agréable  la 
matière  souvent  aride  de  Thistoire;  comme  lui,  il  a  puisé 
le  fond  de  tous  ses  récils  dans  les  chroniques  et  les  mé- 
moires du  temps.  Cet  ouvrage  curieux  comme  élude  des 
mœurs  de  la  chevalerie  au  pays  de  Liège,  Test  encore  bien 
davantage  au  point  de  vue  des  rapports  qui  existaient  alors 
dans  celle  contrée  entre  la  noblesse  et  le  peuple.  C'esl 
surtout  dans  le  récit  intitulé  :  Henri  de  Dinani  on  la  ré- 
volution communale  de  Liège  de  1252  à  1257,  que  nous 
apprenons  à  connailre  les  détails  de  rexislence  politique 
intérieure  de  la  cité  et  du  |>ays.  Tout  comme  les  peuples 
de  Flandre  et  de  Brabanl,  celui  de  Liège  était  fier  et  jaloux 
de  ses  privilèges  et  de  ses  franchises,  cl  comme  toute  la 
magistrature  de  la  cité  étail  prise  dans  la  noblesse,  ces 
privilèges  et  ces  franchises  étaient  souvent  méconnus; 
c'esl  seulement  à  dater  de  la  révolution  provoquée  par 
Henri  de  Dinani,  que  le  peuple  devint  réellement  un  pou- 
voir dans  Tétat,  après  qu'il  eut  forcé  la  noblesse  à  lui 
reconnaître  le  droit  de  nommer  ses  maîtres  à  temps  (qui 
plus  lard  prirent  le  nom  de  bourgmestres),  en  dehors  du 
corps  échevinal. 

Ijn  autre  récit  fort  intéressant  est  celui  de  la  Joyeuse 
Entrée  de  Ferdinand  de  Bavière,  évèque  de  Liège,  le 
25  janvier  1GI3.  Les  historiens  imprimés,  dit  M.  Polain, 
ont  donné  peu  de  détails  sur  ces  fêtes;  heureusemenl  qu'il 
a  trouvé  dans  un  manuscrit  de  la  IJibliolhè(|ue  de  l'Uni- 
versité de  Liège  la  deicription  qui  paraît  avoir  été  faite  par 


—  145  — 

un  léinoin  oculaire,  et  qui  oflVe  des  détails  qu'on  est  fort 
heureux  de  connaître.  Les  cérémonies  de  la  Joyeuse  En- 
trée des  autres  contrées  de  l'ancienne  Belgique  sont  plus 
connues;  IM.  de  Saint-Génois,  dans  l'ouvrage  cité  plus 
haut,  nous  donne  une  relation  de  celle  de  Charles  le  Té- 
méraire à  Gand,  entrée  qui  n'eut  malheureusement  de 
joyeuse  que  le  nom,  et  qui,  au  lieu  d'être  le  signal  des 
réjouissances,  fut  celui  des  troubles  et  de  la  révolte.  Celle 
de  Ferdinand  de  Bavière  ne  fut  signalée  par  aucun  méfait, 
le  peuple  de  Liège  ne  pensa  qu'à  s'amuser  et  à  fêter  le 
nouvel  élu;  il  est  vrai  que  ce  jour  de  fête  fut  presque  le 
seul  du  règne  de  Ferdinand;  la  concorde  entre  lui  et  ses 
sujets  ne  dura  pas  longtemps;  les  dissensions  recommen- 
cèrent bientôt  sur  le  terrain  des  franchises  communales,  et 
le  bon  droit  ne  fut  pas  toujours  du  côté  du  prince,  témoin 
le  meurtre  de  Sébastien  la  Ruelle. 

A  propos  de  l'histoire  du  pays  de  Liège,  j'espère  analy- 
ser prochainement  l'ouvrage  de  M.  Borgnet,  que  je  n'ai 
pas  encore  eu  l'occasion  d'examiner. 

Edmond  De  Busscher.  —  L'ouvrage  de  M""  Edmond 
De  Busscher,  Recherches  sur  les  peintres  el  sculpteurs  à 
Gand,  aux  XVI%  XVIP  et  XVIH^  siècles,  est  un  travail 
fort  remarquable.  Pour  rassembler  les  matériaux  qui  ont 
fourni  la  matière  de  son  volume,  il  a  dû,  lui  aussi,  se 
livrer  à  de  longues  et  fastidieuses  recherches;  compulser 
les  registres  des  archives  et  de  l'ètal-civil,  revoir  les  comp- 
tes des  villes,  les  registres  des  états  de  biens,  les  minutes 
notariales,  faire  en  un  mol,  ce  qu'on  appelle  un  vrai  travail 
de  Bénédictin.  Il  a  heureusement  triomphé  de  toutes  les 
dilTicullés  et  est  parvenu  à  faire  pour  les  arts  aux  XVI% 
XVII*  elXVIlI"  siècles,  à  Gand,  ce  que  M.  Quetelel  a  fait 
pour  les  sciences  mathématiques  et  physiques. 

M.  De  Busscher  est,  du  reste,  depuis  longtemps  a  van- 


—   144  — 

tagcusemcnt  connu  pour  la  persévérancfi  avec  laquelle  il 
se  livre  aux  recherches  sur  l'hisloire  de  l'art  et  les  artistes 
de  la  Flandre. 

Entre  autres  particularités  intéressantes,  l'auteur  cite 
celles-ci  :  que  dans  presque  tous  les  contrats  que  les  pein- 
tres passaient  soit  avec  les  particuliers,  soit  avec  les  corps 
de  métiers  ou  les  villes,  pour  l'exéculion  d'une  œuvre  d'art, 
ils  stipulaient  certaines  immunités  pour  leurs  femmes,  soit 
un  voile  ou  couvre-téte,  quelque  bijou  ou  quelque  pièce 
d'argenterie. 

Un  autre  point,  est  que  les  plus  grands  artistes  de  ces 
époques  tenaient  boutique  (winkel),  et  ne  dédaignaient  en 
aucune  façon  de  peindre  ou  d'exécuter  les  travaux  les  plus 
modestes,  ainsi  qu'il  ressort  des  comptes  des  villes.  Pierre 
Fourbus,  par  exemple,  livra  des  accessoires  et  des  costu- 
mes pour  une  représentation  de  mystères  lors  de  l'inaugu- 
ration de  Philippe  II;  Hugues  Vander  Goes  peignit  de  petits 
écussons  blasonnés  pour  le  service  funèbre  de  Philippe 
le  Bon. 

Une  particularité  qui  a  une  plus  grande  portée  histori- 
que, est  celle-ci  ;  on  s'est  souvent  demandé  pourquoi  aucun 
artiste  ne  fit  jamais  partie  de  l'échevinage  gantois;  M.  De 
Busscher  a  trouvé  le  clef  de  cette  énigme  dans  une  requête 
présentée  à  Philippe  IV,  par  le  magistrat  de  Gand  en  1653, 
d'après  laquelle  il  est  constaté,  que  d'après  l'usage  établi 
et  consacré,  aucun  boutiquier,  —  et  les  artistes  tenaient 
boutique  de  leurs  œuvres,  —  aucun  avocat,  aucun  procu- 
reur postulant  au  Conseil  de  Flandre  ne  pouvait  être  élu 
aux  fonctions  scabinales,  s'il  n'avait  renoncé  à  son  négoce, 
à  sa  profession,  à  son  office,  au  moins  pour  un  an. 

M.  De  Busscher  rapporte  dans  son  livre  beaucoup  de 
détails  minutieux,  qui  n'ont  pas  en  eux-mêmes  une  portée 
bien  définie,  ou  dont  l'importance  peut  paraître  très-secon- 
daire; mais  en  agissant  ainsi,  il  est  guidé  par  un  mobile 


—  145  — 

qui  n'esl  pas  ù  dédaigiier  :  «  Les  petites  découverles  mènent 
aux  grandes,  dit-il,  et  les  seuls  faits  majeurs  ne  donnent 
pas  assez  exactement  la  physionomie  d'une  époque;  du 
reste,  ce  qui  est  ou  semble  insignifiant  aujourd'hui,  peut 
être  essentiel  demain;  »  et  en  cela  nous  ne  pouvons  que  lui 
donner  raison;  son  œuvre,  en  un  mot,  présente  un  grand 
intérêt  national,  et  nous  souhaitons  qu'il  ne  s'arrête  pas  là. 

GGGG.  —  Avant  de  terminer  cet  article,  je  me  permet- 
trai de  mentionner  un  petit  livre,  qui  certes  ne  peut  trouver 
sa  place  dans  le  cadre  des  travaux  historiques,  mais  dont 
la  portée  philosophique  est  incontestable  :  je  veux  parler 
du  3'=  volume  du  Congrès  de  Spa,  par  Justin***,  dont  les 
trois  étoiles  servent  fort  bien  d'auréole  au  pseudonyme  du 
président  Grandgagnage.  Ce  petit  livre,  sous  une  forme 
badine,  cache  un  fond  éminemment  sérieux;  il  est  d'un 
bout  à  l'autre  la  satire  de  certains  faux  progrès  de  notre 
époque,  de  l'ambition  des  individus  qui  veulent  sortir  de 
leur  sphère,  malgré  leur  ineptie,  et  des  gens  qui,  courant 
après  le  bonheur,  se  laissent  prendre  aux  apparences  bril- 
lantes. Comme  dans  ses  volumes  précédents,  Justin  ***  a 
intercalé  dans  celui-ci  quelques-unes  de  ces  wallonnades 
qu'il  écrit  si  bien,  avec  tant  de  fraîcheur  et  de  simplicité 
dans  le  style,  et  où  un  certain  reflet  de  couleur  locale 
n'empêche  pas  la  pensée  de  s'élever  dans  les  régions  de  la 
haute  poésie.  Ce  volume-ci  est  le  troisième  du  Congrès  de 
Spa;  mais,  comme  l'auteur  ne  nous  dit  pas  qu'il  est  le 
dernier,  nous  attendrons  le  quatrième  avec  impatience. 

D'après  ce  rapide  aperçu  de  quelques  ouvrages  natio- 
naux, on  pourra  se  convaincre  que  la  science  historique  en 
Belgique  fait  constamment  des  progrès  sensibles.  Nos  his- 
toriens belges  sont  des  chercheurs  infatigables;  ils  tiennent 
à  justifier  leur  origine,  moitié  germanique,  moitié  gauloise, 
en  mettant  au  service  de  la  science,  le  calme,  la  patience  de 

•  <i 


—  146  — 

la  race  germanique,  et  Taclivité  incessante  qui  pousse  tou- 
jours en  avant  tout  ce  qui  a  du  sang  gaulois  dans  les  veines. 
Le  champ  qu'ils  se  sont  chargés  de  défricher  est  vaste;  ce 
n'est  pas  trop  de  beaucoup  de  bras  pour  faire  avancer  la 
besogne,  et  on  pourrait  à  ce  sujet  répéter  les  vers  de  La- 
fontaine  : 

Travaillez,  prenez  de  la  peine, 
C'est  le  fonds  qui  manque  le  moins. 

Ce  fonds  est  inépuisable,  chaque  coup  de  pioche  met  au 
jour  de  nouveaux  placers,  souvent  fort  riches,  qui  condui- 
sent infailliblement  à  un  enchaînement  de  découvertes  nou- 
velles. Seulement  toutes  les  sciences,  les  sciences  historiques 
comme  les  autres,  ne  peuvent  trouver  à  se  développer  que 
pendant  les  loisirs  de  la  paix;  c'est  alors  que  les  hommes 
qui  se  vouent  aux  études  difficiles  et  longues  que  nécessite 
le  progrès  des  connaissances  humaines,  peuvent  à  l'aise  se 
livrer  à  leurs  travaux  de  prédilection.  Ce  n'est  pas  au  bruit 
du  canon,  au  roulement  du  tambour,  qu'il  est  possible  de 
fouiller  dans  les  archives,  de  fureter  dans  les  poudreux  in- 
folios, de  déchiffrer  l'écriture  souvent  hiéroglyphique  de 
nos  pères;  il  faut  aux  pionniers  de  la  science  le  repos  et  la 
tranquillité  que,  seule,  la  paix  peut  donner. 

Emile  V. 


147  — 


Cjjrottiquc  Îïcô  5(mu(B  et  îrcB  2lm,  et  t^axUUB. 


Les  engiks  et  l'artillerie  des  croisés  au  siège  de  Je'rusallm,  décrits  par 
UN  ANONYME  DU  xv«  SIÈCLE.  —  1099.  Eii  IcuT  Venir  à  Jhérusalem  les  pèlerins 
prendrenl  toutes  les  barbaquennes,  qui  esloient  contre  eulx  et  rembatirenl 
les  turcs  dedens  les  grans  murs. 

Pour  ce  siège  les  croisés  firent  parières  (pierricrs),  mangonneaux  (1), 
escLielles,  carioz  et  voies  couvertes  à  grant  plenté. 

De  tous  les  barons  n'en  y  avoit  nul  qui  peut  ses  ouvriers  paier,  fors  le  conte 
de  Toulouze;  mais  cil  les  paioit  de  sa  bourse. 

Les  clievalliers  et  le  menu  peuple  alloienl  par  les  buissons  et  par  les  hayes, 
cueiilans  vcTges  pour  faire  cloyes. 

Les  nolonniers  de  Gennes  esloient  bons  charpentiers,  si  aidèrent  aux  engins 
vigoreusement.  Parmi  ces  engins  on  remarquait  trois  chasleaux  de  fust,  qui 
esloient  endroit  la  ville,  qui  esloient  tous  quarrez,  et  esloient  les  costez  d'en- 
vers la  ville  doubles,  si  que  ung  des  pans  qui  estoit  dehors,  povoit  eslre  avalez 
sur  le  mnr,  et  lors  fut  ainsy  comme  un  pont;  mais,  pour  ce,  ne  demoroil  mie 
descioz  de  celle  part,  ains  y  demoroil  le  costé  pour  deffendre  ceulx  qui  ou 
chaste!  esloient  (2). 

Ceulx  de  la  villenefinoientde  traire  grant  plenlèdesaieltes  et  de  quarreaux; 
pierres  gectoient,  les  grosses  à  leurs  engins  et  les  moindres  aux  mains.  Les 
croisés  se  couvroient  de  leurs  larges  et  de  leurs  escuz,  et  feneslres  et  huys 
mecloient  devant  eulx  et  autres  uisses,  pour  eulx  garantir  de  pierres  et  de 

(1)  Au  siège  de  Nicée,  les  chrétiens,  pour  faire  plus  grant  vergoingne  à  ceulx 
de  la  ville,  firent  gecler  grant  plenlé  de  testes  de  turcz  laiens  (dedans)  à  tout 
mangonneaux.  —  Après  la  défaite  des  turcs  devant  Anlioche,  les  chrétiens 
rapportèrent  cincq  cens  testes  de  turcs,  desquelles  ylz  en  gectèrent  à  mangon- 
neaulx,  dedens  la  ville,  deux  cens,  pour  faire  leurs  ennemis  certains  de  la  vic- 
toire, et  trois  cens  en  fichèrent  en  pez  devant  la  porte  (fol.  clxix  r",  lxxvi  v°). 

(2)  Au  siège  du  château  de  Beherval,  un  charpentier  inventa  une  nouvelle 
machine  (1093),  portée  sur  roulettes  (employée  depuis  au  siège  de  Jérusalem) 
pour  jeter  des  quartiers  de  pierres  dans  la  place.  — Voy.  Vllisl.  de  Gcnghis- 
Klian,  p.  392;  —  Roquefort,  Glos.,  bu  mot  arlillement. 


—  148  — 

saieltes.  Les  autres  gectoienl  à  machfôdes  grante  plenté  de  pierres.  —  Il  y 
avoit  ung  granl  fossé  et  parfont  devant  la  barbequenne.  —  Les  cops  des  en- 
gins n'y  faisoient  pas  grammentde  mal;  car  les  turcz  avoientgrans  sacz,  plains 
de  foing,  et  grosses  cueltes  plaines  de  colhon  (1),  lesquelles  choses  ilz  avoient 
pendues  à  grandes  cordes,  conlreval  les  murs,  et,  quant  pierres  des  engins 
attaindoient  ycelles  choses,  les  cops  estoient  tous  perduz,  et  ne  faisoieut  point 
de  dommaige. 

L'assaull  fut  moult  grant  et  moult  périlleux,  depuis  le  matin  jusques  après 
vespre,  et  ne  treuve-on  point  que  plus  espessement  volassent  oneques  pierres, 
ne  saiettes,  qu'à  celle  foiz;  car  souvent,  veoil-on  les  pierres  huerter  les  unes 
contre  les  autres,  tant  qu'elles  débrisoient  et  envoloit  le  feu. 

Ceulx  de  Jhérusalem  gectoient  dans  les  fossez  feu,  à  grant  plenté,  comme 
saiettes  ardans,  tisons  embrasez,  potz,  plains  de  souffre  (2),  d"oille  et  de  har- 
poy,  et  de  toutes  choses  qui  nécessaires  sont  pour  feu  alumer.  Les  pierres  fer- 
roient  souvent  si  grans  cops  parmy  les  chasteaux,  que  les  pièces  voloient 
parmy  les  costez,  et  ne  povoit  estre  que  moult  ne  bleschassenl  de  ceulx  qui  sur 
les  chasieaulx  estoient;  mais  ylz  avoient  cloies  appareillées  pour  esloupper  les 
trous  que  les  engins  faisoient;  vinaygre  et  autres  choses  avoient  pour  estain- 
dre  le  feu  (3). 

Noz  gens  avoient  ung  engin,  qu'on  claime  chaable  (chèvre),  si  forte  et  si 
bien  failequ'elle  gectoil  pierres  moult  grosses  et  moult  faisoit  grantdommaige. 


(1)  Un  pèlerin  du  XV*  siècle  (Jean  de  Tournai)  dit  que  le  colon  croist  en- 
thour  de  Hiérusalem,  et  s'en  font  beaucop  de  fort  fines  toilles,  comme  on 
diroit  une  bien  fine  toille  à  laver,  et  sy  a  beaucop  de  roies,  lesquelles  sont  de 
soye  rouge  et  perse,  noire  et  verde,  lesquelles  servent  en  ce  pays  ychy  es  égli- 
ses cathédralles,  et  aussi  es  monastères,  à  tenir  les  platines,  tant  devant  ce 
qu'on  ayt  levé  Nostre  Seigneur  en  la  messe,  comme  après.  (MS.  n»  4.35,  de  la 
bibliothèque  de  Valenciennes,  fol.  217  r").  —  En  1397,  une  livre  de  coton 
coûtait  iii  s.  monn.  royale.  —  1391.  Pour  demy  livre  de  cotlon  â  ens  (dedans) 
mettre  aucuns  des  privilegez  de  le  ville  (Lille),  iiii  s. 

(2)  Au  chapitre  intitulé  comment  la  bataille  commença  entre  le  due  Godefroy 
de  Buillon,  les  autres  pèlerins  et  le  sarrasin  Corbadas,  il  dit  :  les  turcz  avoient 
appareiilié  feu  grigoiz,  si  le  gectèrent  sur  l'erbe  et  les  pèlerins  se  partirent 
de  là  pour  la  granl  fumière  (fol.  CLXxxim  V).  —  Au  chapitre  intitulé  comment 
Pierre  Lermite  fut  envoyé  en  ambassade  vers  le  sarrasin  Corbadas,  il  avait  dit: 
Quant  Corbadas  eut  entendue  la  parolle  Pierron  par  son  latinlcr,  grant  despit 
en  eust  (fol.  clxxxIii  r"). 

(3)  Consult.  É.^ÉE,  Traité  de  toleranda  obsidione;  —  Ammie^-Mabcei.liîï  et, 
surtout,  FoLARD  dans  Polvbe,  tom.  V,  liv.  IV,  ch.  XH,  p.  83.  —  Voy.  aussi 
BizOT,  Uisl    métallique  de  Hollande,  tom.  III,  p.  2G,  éd.  de  1690. 


—  \Ad  — 

là  où  elle  altaingnoil.  Les  turcz  visrent  qu'ilz  ne  le  povoient  despecliier,  car 
elle  gectoil  de  si  loings,  que  leurs  engins  n'y  povoient  advenir,  pour  ce  flrent- 
ylz  venir  sur  leurs  murs  deux  vielles  enchanleresses,  qui  dévoient  gasler  celle 
chaable,  et  avoient  avec  elles  trois  pucelles.  L'engin  de  la  cliaable  gecla  si 
justement  que  toutes  par  pièces  furent  abattues  les  enchanteresses  juz  du  mur. 

Lors  levèrent  les  pèlerins  ung  moult  grant  cry;  car  ylz  avoient  si  grant 
joyc  que  cliascun  d'eulx  fut  rafrescliy  de  ce  beau  cop.  —  Toutesfois,  les  pèle- 
rins estoicnt  cheuz  en  une  désespérance  de  laissier  le  chaslel  de  fust  qui  esloit 
près  tout  desfroissez  de  pierres  et  de  mangonneaux,  et  vouloient  les  engins 
traire  arrière,  qui  fumoienl  ja  du  feu,  que  les  turcz  y  avoient  gecté,  par  ce 
convint  Tassault  prolongier  jusques  à  lendemain  (c'était  le  second  jour  du 
siège)  et  de  ce  avoient  bonne  voulenlé. 

Lors  les  ennemis  se  perceurent  que  les  pèlerins  estoient  durement  lassez, 
si  en  montèrept  eu  grant  orgueil,  en  cifflnnt  après  eulx  et  disant  laides  pa- 
rolles,  plus  asprement  s'en  deffendoient  vers  eulx  et  dommaigoient  les  engins. 

(Puis,  il  parle  encore  des  trastres  et  cutifz  moult  longs,  que  les  turcz 
avoient  pendu  contreval  les  murs). 

Godefroy  de  Buillon  commanda  à  ses  gens,  qui  estoient  au  pié  du  mnr,  qu'ilz 
boutassent  le  feu  es  quieultes  de  colhon  et  es  sacz,  plains  de  fain,  qui  pen- 
doient  aux  meurs;  ceulx  firent  son  commandement.  Lors  leva  une  fumière  si 
noirre  et  si  espesse,  que  nul  ne  povoit  veoir  goutte.  Bise  ventoit,  qui  boutoit 
la  fumée  sur  ceulx  qui  estoient  aux  deffenses  des  murs,  si  qu'ilz  ne  povoient 
ouvrir  leurs  bouches,  ne  leurs  yeulx,  et  leur  convint  par  force  guerpir  des 
lieux  qu'on  leur  avait  bailliez  pour  deffendre. 

Laissons-le  maintenant  décrire  le  massacre  qui  eut  lieu,  après  la  prise  de 
la  ville  sainte. 

Tant  y  eust  nioi-s  des  turcz  que  les  rieux  de  sang  courroient  parmy  les 
rues,  et  tant  en  gisoienl  de  mors,  que  pitié  en  eust-ou  peut  avoir,  se  n'eussent 
esté  des  ennemis  de  Nostre  Seigneur. 

Parlant  du  massacre  dans  le  temple  (1),  où  Tancré  trouva  grant  avoir  d'or, 
d'argent,  de  pierres  précieuses  et  de  draps  de  soye,  il  dit  :  bien  esloit  droit 
que  les  desloyaux  mcscréans,  qui  le  saincl  temple  Nostre  Seigneur  avaient  or- 
doyé  de  leurs  mahommezies,  le  comparussent  yllec  mesmes,  et  que  leur  sang  fust 
là  espanduz. 

(1)  Salhadins,  qui  avoit  pris  Jhérusalem,  envoia  à  Damas  pour  yaue  rose, 

et  en  fist  porter  quatre  quevaulx  carchiez.  Si  en  fisl  moult   bien  le  temple 

laver;  mais  ains  fisl  oster  une  grant  crois  dorée  qui  estoit  sour  le  temple; 

puis  entra  ens  (dedans)  et  fist  ses  orisons  (Thrésor  des  histoires,  MS.  n"  494, 

Bibliothèque  de  Yalenciennes,  fol.  cxxxv  r"). 

11. 


—  150  — 

On  trouva  que  dedens  la  closlure  du  temple  en  avolt  oceiz  plus  de  dix  mil- 
liers. Les  barrons  avoient  devisé,  aincoiz  que  la  ville  fusl  prinse,  que  chascun 
auroit  la  maison  qu'il  prendroit,  et  seroient  siennes  toutes  les  appendances, 
dont  il  advenoit  que  cliascun  mccloil  son  enseigne  à  celle  qu'il  prendoil  (1). 

De  la  ForiS-iMÉi-icoco. 

Geschiedenis  der  Gemeenten  van  OosT-VLàANDEnEN.  —  MM.  Frans  De  Potier 
et  Jean  Broeckaert  continuent  avec  la  plus  louable  persévérance  la  publica- 
tion de  l'histoire  des  communes  de  la  Flandre  orientale.  Livrés  à  leurs  propres 
ressources,  sans  autre  encouragement  officiel  qu'un  léger  subside  accordé 
par  la  province,  ces  zélés  et  laborieux  jeunes  gens  fouilitnl  les  archives, 
parcourent  à  pied  les  villages  qu'ils  se  proposent  de  décrire,  recueillent  con- 
sciencieusement tous  les  renseiguements  qui  peuvent  éclaircir  des  points  de 
topographie,  d'histoire  ou  de  biographie,  ne  négligent  ni  les  traditions  ni  les 
légendes,  et  édifient,  sans  bruit  et  sans  emphase,  un  véritable  monument 
national.  Le  quatrième  volume  de  cet  ouvrage  que  nous  avons  sous  les  yeux, 
renferme  les  communes  de  Cluyzen,  de  Desteldonck,  d'Erlvelde,  dOoslacker, 
de  Waersehoot  et  de  Zeveneeken.  Fidèles  au  vaste  plan  qu'ils  se  sont  tracé, 
les  auteurs  consacrent  à  chacune  de  ces  communes  une  description  complète, 
qu'on  lit  avec  un  véritable  intérêt.  Nous  faisons  des  vœux  pour  que  ce  vaste 
ouvrage  puisse  se  continuer  pour  tous  les  villages  de  notre  province. 
MM.  De  Potier  et  Broeckaert  sont  jeunes  et  courageux;  ils  méritent  toutes 
les  sympathies  du  public,  pour  avoir  osé  aborder  une  entreprise  d'une  telle 
étendue.  La  Flandre  orientale  n'a  pas  moins  de  94-  communes;  déjà  vingt-six 
d'entre  elles  ont  leur  monographie  détaillée.  On  le  voit,  c'est  une  œuvre 
difficile  et  considérable,  qui  est  bien  digne  d'être  soutenue. 

J.   D.   S.  G. 

Un  tableau  de  Vaîi  Dyck.  —  La  tour  de  l'église  de  Calevoet,  charmant 
petit  village  entre  Uccle  et  Beersel,  se  trouvait  depuis  longtemps  dans  un  état 
de  vétusté  déplorable. 

Le  conseil  de  fabrique,  à  différentes  reprises,  s'était  adressé  ù  la  Commission 
des  monuments,  afin  d'obtenir  un  subside  pour  pouvoir  exécuter  les  restau- 

(1)  Bibl.  de  Yaleneiennes,  no  4.90,  fol.  cxciiii  v»  à  cxcix  r».  —  En  12C0,  in- 
junctum  est  (dans  une  assemblée  tenue  ù  Paris)  quod  non  luderelur  aliis  ludis, 
nisi  quod  homines  exercèrent  se  in  arcubus  et  halhlis  {Chronique  de  Guillaume 
de  Nangis,  édition  de  la  Société  de  l'histoire  de  France,  t.  I,  p.  222).  —  En 
I2G1.  selon  VArlde  vérifier  les  dates,  éd.  in-S»,  t.  III,  p.  183.  —  Pour  le  prix 
des  vaisseaux  à  Venise,  sous  saint  Louis,  voy.  Liber  secretorum  fidelium  crucis. 


—    loi    — 

rations  nécessaires.  Aucune  suite  n'ayant  ('lé  donnée  h  ces  sollicitations  réi- 
térées, le  (ligne  pasteur  qui  dessert  riiumble  pure  de  Calevoct  depuis  plus  de 
trente  ans,  prit  le  parti  de  s'adresser  à  ses  ouailles,  qui  se  cotisèrent  et  réu- 
nirent une  somme  dépassant  même  le  prix  des  réparations. 

Mais  quelle  surprise!...  En  restaurant  une  partie  du  jubé,  on  découvrit, 
entre  deux  planches,  un  magnifique  (alileau  de  Van  Dyc(<.  représentant  une 
sainte  Cécile. 

C'est,  de  l'avis  des  artistes,  une  des  plus  belles  œuvres  de  rillustre  peintre. 
Ce  tableau  est  aussi  bien  conservé  que  s'il  sortait  d'une  galerie.  Plusieurs  per- 
sonnes distinguées,  entre  autres  iM.  le  Ministre  de  l'Intérieur,  se  sont  rendus 
ù  Calevoet  pour  y  admirer  ce  clief-d'œuvre  et  aussi,  dit-on,  pour  l'aequérir; 
mais  le  brave  curé  ne  veut  s'en  dessaisir  à  aucun  prix.  Ce  tableau  est  déposé 
provisoirement  au  presbytère  où  les  amateurs  pourront  le  voir  Ions  les  joars, 
moyennant  une  légère   rétribution,   perçue   au   bénéfice   des   pauvres  de  la 

localité. 

(Extrait  du  Journal  des  Beaux-Arts). 

Origine    des   peuples    de    l/l    Gaule   TnA.vsALPiNR  et   de   leurs    institutions 

POLITIQUES    AVANT    LA    DOMINATION    ROMAINE,    PAR    M.  VaLENTIN   SmITH,   Paris,    186G, 

in-8o.  —  Le  Cosmos,  dans  sa  partie  bibliographique,  publie  un  comple-rendu 
de  M.  Flœfer  sur  cet  ouvrage  qui  intéresse  notre  pays  tout  autant  que  la 
France,  si  pas  davantage.  Pour  point  de  départ  l'auteur  a  pris  le  commence- 
ment des  commentaires  de  César  :  «  Tonte  la  Gaule  est  divisée  en  trois  régions; 
les  Belges  habitent  Tune,  les  Aquitains  l'antre;  la  troisième  est  occupée  par 
ceux  qui  s'appellent  Celles  dans  leur  langue  et  que  nous  appelons  Gaulois.  •> 

L'origine  des  Belges  est  aussi  incertaine  que  celle  des  Aquitains.  Emprun- 
tons ici  un  passage  ù  l'article  du  Cosmos  .•  «  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que 
les  Belges  sont  des  étrangers  qui  ont  envahi  le  i\ord-Est  de  la  Gaule  à  une 
époque  indéterminée,  et  qu'au  temps  de  César  on  les  trouve  tellement  fondus 
avec  les  Gaulois,  qu'ils  en  ont  le  culte  et  l'organisation  politique. 

»  D'où  vient  le  nom  de  Belge?  Cette  question  présente  plus  qn'uu  simple 
intérêt  étymologique.  Les  uns  le  font  dériver  de  la  racine  celtique  hel,  tumulte, 
guerre;  les  autres  de  l'armoricain  belg,  envahisseur.  A  cette  racine  se  rattache 
sans  doute  Belus,  nom  d'une  des  premières  divinités  gauloises.  Adelung 
trouve  l'étymologie  du  mot  belge  dans  les  mots  celtiques  bolg,  marais,  cl  gai, 
forêt.  Quelques  savants  ont  mieux  aimé  le  rapprocher  du  bulg  ou  bolch  (le  fort 
ou  terrible)  des  Irlandais,  et  du  balcon  des  Bretons.  Enfin  il  y  en  a  qui  veulent 
que  Belges  signifie  des  hommes  armés  de  flèches  et  de  carquois. 

»  Si  nous  avions  une  opinion  à  émettre  là-dessus,  nous  dirions  que  belge 
se  retrouve  dans  le  mot  leutonique  welsch,  le  b  et  le  u  ou  tu  étant  confondus 


—  152  — 

dans  toutes  les  langues  indo-européennes.  Or,  welsch  signifie  ordinairement 
étranger  ou  ennemi;  il  a  exaclemenl  la  même  significalion  que  celui  de  hoslis 
ou  pâp6apoî.  Et  aucun  peuple  ne  s'est  jamais  décerné  à  lui-même  un  pareil 
nom;  il  n'a  pu  le  recevoir  que  d'un  peuple  voisin,  plus  sédentaire  ou  plus  ci- 
vilisé. Belge,  c'est-à-dire  Barbare,  est  donc  l'étymologie  d'un  peuple  envahis- 
seur ou  conquérant.  » 

Quant  à  rétymologie  du  nom  de  ces  Gaulois  qui,  d'après  les  paroles  de  César, 
se  donnaient  à  eux-mêmes  le  nom  de  Celles,  elle  est  tout  aussi  controversée. 
Et  d'abord  Celtes  et  Gaulois  serait-il  la  même  chose,  ainsi  que  l'élit  César? 
Sans  s'arrêter  à  l'opinion  déjà  condamnée  de  ceux  qui  font  descendre  les  Celtes 
d'un  Cellus  ou  K;^?/);  ou  à  celle  qui  fait  dériver  Galales  (Gaulois)  d  u  roi  Galalès, 
ou  le  nom  des  Francs  de  Francus,  princes  venus  de  Troie,  ainsi  qu'on  le  trouve 
dans  quelques  anciens  historiens,  Jacques  de  Guyze,  Le  Maire  de  Belges, 
Marcus  Van  Vacrnewyck  et  bien  d'autres,  qui  fondent  leurs  systèmes  sur  les 
fausses  assertions  de  Denis,  de  Diodore  de  Sicile,  etc.,  on  peut  jjoser  en  fait 
pour  les  Celles  comme  pour  les  Belges,  qu'ils  étaient  des  envahisseurs. 

L'ouvrage  de  M.  Valentin  Smilh  doit  être  sans  contredit  considéré  comme 
un  des  beaux  monuments  historiques  de  notre  époque.  Vouloir,  en  remuant 
la  poussière  des  siècles,  découvrir  les  origines  des  peuples  appartenant  à  la 
branche  aryenne  ou  caucasienne,  est  une  œuvre  ardue  qui  exige  la  plus  grande 
érudition  et  un  travail  capable  de  faire  reculer  un  grand  nombre  d'historiens. 

Emile  V. 

Peintures  murales  découvertes  e?(  Hollasde.  —  On  vient  de  découvrir  dans 
deux  petites  villes  de  Hollande,  Groenlo  et  Lochem,  des  restes  de  peintures 
murales  qui  avaient  clé  recouvertes  par  le  badigeon.  Elles  sont,  malheureu- 
sement, fort  détériorées,  mais  ce  qu'on  peut  encore  eu  voir,  témoigne,  qu'en 
partie  du  moins,  elles  sont  dues  à  un  artiste  d'un  mérite  au-dessus  de  l'ordi- 
naire. Celles  de  Groenlo  paraissent  dater  des  environs  de  l'année  1470,  époque 
à  laquelle  un  autel  fut  érigé  à  la  Vierge  dans  cette  église  et  béni  par  l'évéque 
de  .Munster.  C'est  à  M.  Vander  Kellen  Jf,  que  l'on  doit  les  renseignements 
fort  intéressants  que  publie  à  ce  sujet  Te  Nederlandschc  Spectator,  du  l"  et 
(lu  8  décembre  18G6.  Ce  savant,  par  l'élude  des  figures,  pense  que  deux  des 
compositions  représentaient  peut-être  l'Adoration  des  Mages  et  la  Fuite  en 
Egypte.  Les  deux  autres  étaient  la  Résurrection  et  le  Dernier  Jugement.  Le 
procédé  est  le  blanc  d'œuf  mêlé  au  vinaigre.  .M.  Vander  Kellen  ne  pense  pas 
que  rien  d'aussi  complet  ait  encore  été  découvert  en  Hollande. 

A  Lochem,  une  de  ces  peintures  représente  saint  Christophe,  que  l'on  re- 
trouve si  souvent  dans  des  représentations  identiques.  La  figure  colossale  a, 
y  compris  l'Enfant  Jésus,  quinze  pieds  de  haut.  Elle  est  encore  petite  en  com- 


—  153  — 

paraison  du  saint  Christophe  d'Erfurt,  qui  a  trente-cinq  pieds  de  hauteur. 
Les  proportions  sont  bonnes,  le  dessin  n'est  pas  maniéré  cl  le  eoloris  est 
léger;  sans  être  excellente,  cette  peinture  est  au-dessus  du  médiocre.  On  trouve 
encore  un  saint  Sébastien  avec  un  personnage  agenouillé  et  représenté  comme 
donateur.  La  figure  du  saint  est  dépourvue  de  talent.  Ces  peintures  sont  en- 
cadrées de  façon  à  représenter  des  tapisseries  telles  qu'on  en  exposait  autre- 
fois dans  les  églises  les  jours  de  fête,  et  comme  on  le  fait  encore  à  Bruxelles, 
à  la  collégiale  de  Sainte- Gudule,  pour  les  beaux  tapis  représentant  le  miracle 
des   hosties  consacrées.   M.  Vander  Kellen    tire  des  différentes   découvertes 
faites  jusqu'ici  une  conclusion  qui  ne  sourira  guère  aux  adversaires  quand 
même  de  la  peinture  murale,  à  ceux  qui  prétendent  que  ce  genre  est  d'inven- 
tion moderne  pour  nos  contrées  du  Nord.  «  11  n'y  a  pas  encore  longtemps, 
dit  l'honorable   auteur,  qu'une  découverte  de  peintures  murales  dans  notre 
pays  était  considérée  comme  un  objet  d'étonnement.  En  général,  on  croyait, 
aussi  bien  ici  qu'à  l'étranger,  que  l'humidité  de  notre  climat  rendait  la  pein- 
ture dans  ou  sur  la  chaux,  superflue,  sans  but,  et  incapable  de  résister  au 
temps,  ou  que  dans  le  moyen  âge  les  arts  n'étaient  que  peu  ou  point  cultivés 
chez  nous.  De  plus  en  plus,  cependant,   on  est  obligé  de   revenir  de  cette 
croyance  et  d'en   adopter    précisément  une  entièrement  opposée.  Et  qui, 
comme  moi,  faisant  ça  et  là  des  recherches  dans  les  églises,  rencontrera  un 
vieux  sacristain  communicatif,  apprendra  de  lui  lorsqu'il  s'aperçoit  que  vous 
attachez  de  l'importance  à  son  église,  qu'il  se  rappelle  encore  très-bien  com- 
ment, par  telle  ou  telle  circonstance,  des  couleurs  apparurent  sous  le  badi- 
geon   S'il  m'était  donc  jamais  accordé  de  mettre  au  jour  une  histoire  de  l'art 
néerlandais,  j'y  écrirais  avec  une  ferme  conviction  :  Nos  églises  ont  loiUcs 
été  peintes.  » 

Ajoutons  que  nous  pourrions  donner  la  même  assurance  pour  la  Belgique. 

(Extrait  du  Journal  des  Beaux- Arts). 

Les  chefs-d'oeuvre  des  arts  industriels,  par  Ph.  Burty.  —  Tel  est  le 
titre  d'un  volume  qui  vient  de  paraître  à  Paris.  Cet  ouvrage,  du  plus  haut  in- 
térêt au  point  de  vue  de  l'histoire  de  l'art,  est  un  grand  in-S",  imprimé  avec 
luxe  et  illustré  de  deux  cents  gravures  sur  bois,  reproduisant  avec  exactitude 
et  élégance  les  merveilles  de  l'industrie  artistique  de  tous  les  pays  et  de  tous 
les  temps,-  les  beautés  et  les  délicatesses  du  bronze  antique,  des  porcelaines 
de  la  Chine,  de  l'émail  de  Limoges  et  des  tapis  de  Perse,  passent  tour  à  tour 
sous  les  yeux;  le  volume  lui-même  est  un  véritable  objet  d'art.  La  cénamique, 
le  plus  ancien  des  arts,  qui  a  dû  être  l'inspiration  de  la  nécessité,  la  pre- 
mière invention  humaine,  ouvre  le  livre.  C'est  d'abord  l'histoire  des  terres 
cuites  dont  les  plus  beaux  spécimens,  fort   rares,  se   trouvent  au  Louvre 


—   154  — 

dans  la  collection  Canipana,  représentés  par  les  bas-reliefs  qu'on  incruslail 
dans  la  façade  ou  dans  l'intérieur  des  maisons  romaines;  ce  sont  ensuite  ces 
ficurines  grecques  dites  de  la  Cyrénaïque,  naïves  el  folâtres,  qui  représentent 
toutes  les  expressions  du  visage  humain.  Puis  la  faïence  antique  émaillée  dé- 
roule à  nos  yeux  ses  nombreuses  richesses,  ses  beaux  produits  à  dessins  écar- 
lates  sur  fond  noir,  sévères  créations  qu'on  cherche  à  imiter  aujourd'hui.  Le 
moyen  âge  y  trouve  également  sa  place,  les  potiers  maures  d'Espagne,  el  l'Italie 
apportent  tour  à  tour  leur  écot;  puis  la  Chine,  dont  M.  Burly  parait  fort  en- 
thousiaste, le  vieux  Saxe  et  enfin  Sèvres  dont  les  porcelaines  atteignent  par- 
fois des  prix  fabuleux.  M.  Burty  consacre  une  partie  de  son  livre  à  la  verrerie, 
cet  art  délicat,  que  l'antiquité  cultivait  avec  amour,  et  à  laquelle  Murano, 
cette  modeste  lagune  vénitienne,  doit  sa  célébrité.  De  la  verrerie  aux  vitraux, 
cet  accompagnement  nécessaire  du  temple  gothique,  il  n'y  a  qu'un  pas.  Le 
bronze  et  le  fer  occupent  ensuite  l'auteur,  qui  passe  en  revue  les  collections 
d'armes  du  musée  d'artillerie,  les  monnaies  antiques,  et  termine  son  livre  par 
l'orfèvrerie,  la  plus  magnifique  des  magnificences  dont  il  a  entretenu  le  lec- 
teur. Ce  livre,  qui  dénote  une  érudition  profonde,  est  une  œuvre  de  science  en 
même  temps  que  de  goût;  l'auteur  a  écrit  en  homme  convaincu,  en  véritable 
connaisseur,  et  évite  de  donner  à  son  style  et  à  ses  descriptions  le  ton  d'un 

travail  technique. 

Emile  V. 

La  propriété  littéraire  jigée  a  Genève.  —  Les  partisans  de  la  propriété 
littéraire,  dont  le  nombre  augmente  chaque  jour  en  Belgique,  liront  avec  in- 
térêt l'extrait  suivant  que  nous  empruntons  à  la  chronique  du  Journal  des 
économistes,  13  février  1867  : 

«  La  question  de  la  propriété  littéraire  vient  d'être  à  Genève  l'objet  d'uu 
débat  solennel  et  d'un  remarquable  jugement. 

»  Une  action  était  intentée  devant  le  tribunal  civil  par  la  Société  des  gens 
de  lettres  de  Paris  à  l'imprimeur  responsable  de  la  Nation  Suisse  (laquelle  a 
depuis  lors  disparu  comme  journal),  en  raison  de  la  reproduction  par  ce  jour- 
nal d'un  feuilleton  publié  par  M.  Henri  Angu,  et  considéré  par  la  Société  des 
gens  de  lettres  comme  une  violation  des  conventions  intervenues  en  matière 
de  propriété  littéraire  entre  la  Suisse  et  la  France. 

»  Le  jugement  rendu,  sans  s'appuyer  sur  aucun  texte  de  loi  suisse  ou  gene- 
voise, reconnaît  dans  l'œuvre  lillcraire  les  caractères  constitutifs  du  droit  de 
propriété,  et  cela  suffît  pour  qu'il  donne  gain  de  cause  à  ceux  qui  revendiquent 
ce  droit.  Voici  ce  jugement  : 

«  Considérant  que  dans  les  numéros  des  19,  21,  24  et  27  janvier,  et  2  el 
3  février  18G6,   le  journal   la    Psation  Suisse  a  reproduit  un  roman  qui  avait 


—  155  — 

paru  en  feuilleton  dans  le  journal  français  le  Siècle,  sous  le  titre  :  Un  homme 
qui  ne  croit  en  rien,  et  sous  la  signature  de  .M.  Henri  Angu; 

»  Considérant  que  dans  le  numéro  du  Siècle  du  9  octobre  1865,  qui  contient 
le  commencement  du  roman  de  M.  Angu,  une  note  explicite,  mise  au  bas  du 
feuilleton,  déclare  que  celle  nouvelle  ne  peut  être  reproduite  que  par  des 
journaux  ayant  traité  avec  la  Société  des  gens  de  lettres; 

»  Considérant  que  l'auteur  d'une  œuvre  litléraire  a  un  droit  de  propriété 
sur  celle  œuvre; 

»  Que  le  travail  est  la  cause  efficiente  de  ce  di'oil; 

»  Que  la  propriété  est  le  prix  du  travail; 

»  Que  ce  droit  qui  laisse  toute  publicité  à  la  pensée,  assure  à  l'auteur  une 
juste  indemnité  ; 

»  Considérant  que  si  par  la  publication,  le  public  acquiert  un  droit  de 
jouissance  intellectuelle,  l'auteur  n'en  conserve  pas  moins  la  propriété  de 
l'œuvre  qui  est  sa  chose  ; 

»  Que  dans  la  forme  qu'il  lui  a  donnée,  l'œuvre  lui  appartient,  et  qu'il  a 
droit  aux  profils  matériels  que  la  publication  peut  procurer,  profils  qui  sont 
la  juste  rénumération  d'un  travail  personnel; 

»  Considérant  qu'il  est  de  règle  générale,  dans  le  droit  des  gens,  que  chaque 
État  doit  sa  protection  à  toutes  les  choses  qui  se  trouvent  dans  son  territoire, 
qu'elles  soient  la  propriélé  d'un  de  ses  ressortissants,  ou  la  propriété  d'un 
étranger; 

»  Considérant  que  la  réimpression  dans  le  journal  la  Nation  Suisse,  du  ro- 
man de  M.  Angu,  malgré  la  défense  formelle  de  ce  dernier,  constitue  une 
violation  du  droit  de  propriélé  de  l'auteur; 

»  Que  cette  reproduction  que  l'auteur  avait  interdite  rend  le  défendeur  pas- 
sible de  dommages-intérêts; 

»  Considérant  toutefois  que  vu  le  peu  de  gravité  du  préjudice  causé,  il  y  a 
lieu  de  réduire  notablement  les  dommages-intérêls  réclamés; 

»  Par  ces  motiis, 

»  Le  tribunal,  jugeant  en  premier  ressort, 

»  Condamne  le  sieur  Favre,  en  qualilé  d'éditeur  responsable  du  journal  la 
Nation  Suisse,  défendeur,  à  payer  au  demandeur  la  somme  de  cinquante  francs 
à  titre  de  dommages-intérêts, 

»  Condamne  le  défendeur  aux  dépens.  » 

[Economiste  belge). 

Gravures.  —  Il  vient  de  paraître  à  Chàlillon-sur-Marne,  chez  E.  Cornillac, 
un  Paroissien  romain,  genre  moyen  âge,  qui  fait  autant  d'honneur  à  l'impri- 
meur qu'à  l'arliste  charge  des  dessins.  Ces  dessins  sont  dus  à  M.  Jules  Jacque- 


—   156   - 

mard,  aquaforliste  distingué,  qui,  dans  la  composilion  de  ses  planches  est 
parvenu  à  imiter  avec  une  grande  finesse  de  louche  les  naïves  compositions 
qui  enrichissaienl  les  célèbres  livres  d'Heures  fabriqués  à  Lyon  au  X1V«  siècle. 
Ces  planches  témoignent  d'une  étude  approfondie  de  l'art  gothique  dans  ses 
nombreux  détails,  et  leur  facture  toute  entière  les  met  en  rapport  avec 
l'impression  du  texte.  Outre  les  dessins  insérés  dans  le  teste,  M.  Jacquemard 
a  donné  le  plan  des  motifs  qui  couvrent  la  reliure.  L'Illustration,  de  Paris,  a 
publié  deux  gravures  tirées  de  cette  publication  :  V Adoration  des  Mages  et  la 
Résurrection. 

EsiLE   V. 

Vertes  de  tableaux.  —  La  vente  des  tableaux  et  des  dessins  d'Hippolyte 
Bellangé  a  eu  lieu  en  mars  1867,  à  Paris,  à  l'Iiôtel  Drouot.  Le  public  était 
très-nombreux;  mais  les  enchères  n'ont  pas  donné  ce  qu'on  attendait.  La 
plupart  des  toiles  ont  été  adjugées  à  des  sommes  inférieures  à  l'estimation. 
Ainsi,  VEpisode  de  la  retraite  de  Russie,  qui  a  figuré  à  notre  dernière  exposi- 
tion, estimée  à  18,000  francs,  n'a  pas  été  au-delà  de  6000.  Les  fameux 
Cuirassiers  de  Waterloo  sont  restés  à  12,230  fr.,  on  les  avait  estimés  20,000. 
Les  dessins  ont  trouvé  peu  d'amateurs  et  beaucoup  ont  été  laissés  pour  des 
prix  dérisoires.  Cette  indifférence  est  faite  pour  étonner.  Bellangé  était  de  son 
vivant  le  peintre  populaire  par  excellence,  et  on  s'arrachait  ses  productions. 
Le  fait  est  surtout  curieux  à  l'hôtel  Drouot,  la  patrie  des  folles  enchères,  où 
l'on  voit  chaque  semaine  couvrir  d'or  les  croûtes  les  plus  effroyables. 

Nécrologie  :  Domi:<iqce  Dccajc.  —  Cet  excellent  peintre  en  miniature  est 
mort  à  Saint-Josse-ten->'oode .  le  12  mars  1867,  à  l'âge  d'environ  soixante- 
cinq  ans.  —  M.  Ducaju  était  né  à  Melsele,  dans  l'arrondissement  de  Saint- 
Nicolas.  Il  reçut  sa  première  éducation  artistique  à  l'Académie  de  Termonde, 
fondée  en  1802  par  son  aïeul,  professeur  d'algèbre  et  de  géométrie.  Sous  le 
gouvernement  de  Guillaume  I,  M.  Ducaju,  qui  était  alors  établi  à  Gand,  eut 
l'honneur  de  faire  le  portrait  de  la  première  reine  des  Pays-Bas;  celte  sou- 
veraine remit  en  personne  à  l'artiste,  comme  gage  de  sa  vive  galisfaclion, 
une  bague  en  brillants  de  grande  valeur. 

En  1866,  Ducaju  exposa,  à  l'hôtel-de-ville  de  Termonde,  au  profit  des 
pauvres  de  la  commune,  un  beau  portrait  de  LéopolJ  !«'',  qui  lui  valut  les 
suffrages  de  tons  les  amateurs.  L'.^cadémie  de  Termonde  possède  de  lui  un 
saint  Jean  l'Evangeliste,  fort  belle  miniature,  offerte  en  1830  par  l'auteur  à 
cet  établissement  comme  gage  d'un  affectueux  souvenir. 

M.  Ducaju  était  décoré  de  l'ordre  du  Mérite  de  la  branche  Ernestine  de 
Saxe. 


—  157  — 


DU 

DEOIT  D'ASILE  RELIGIEUX  EN  BELGIQUE. 


CHAPITRE  IV. 

Restrictioui^  iiitrodiiiteis  par  l'autorité  ecclcsin<iti4|iie  et  le 
pouvoir  séculier  lians  la  jouissance  du  droit  d'asile,  peu» 
dant  les  XIII<',  IKIVe  et  lK.Ye  siècles. 

Somtnaire  :  Justice  régulière  substituée  à  la  vengeance  individuelle.  —  Les 
principes  du  droit  romain  sont  remis  en  honneur  par  les  princes  de  la 
maison  de  Bourgogne.  —  Leur  influence  sur  le  droit  d'asile.  —  Scan- 
daleux abus.  —  Excès  commis  dans  les  églises  et  sur  les  cimetières  de 
Bruges  et  de  Gand.  —  Ils  sont  réprimés  par  l'ofiicial  de  l'évêque  de 
Tournai.  —  Martin  V  accorde  à  Jean  iV,  duc  de  Brabaut,  et  au  magistrat 
de  Bruxelles,  une  bulle  restrictive  du  droit  d'asile.  —  Le  privilège  de  l'im- 
munité locale  cause  de  grands  embarras  aux  frères  prêcheurs  d'Anvers. 
—  Intervention  de  Philippe  le  Bon.  —  Les  carmes  de  Bruxelles  sont  punis 
pour  avoir  donné  refuge  à  un  aventurier.  —  L'offlcial  de  Cambrai  permet 
au  magistrat  d'Anvers  de  retirer  les  malfaiteurs  du  cimetière  de  l'église  de 


^D 


Notre-Dame.  —  Les  Anversois  obtiennent  du  pape  Pie  II  une  bulle  qui 
apporte  de  nouvelles  restrictions  à  la  jouissance  du  droit  d'asile.  —  Acquies- 
cement de  l'évêque  de  Cambrai.  —  Les  sacrilèges  se  multiplient  à  Anvers. 
—  Acte  curieux  émané  de  Giselbert,  officiai  de  l'évêque  de  Cambrai.  — 
L'autorité  séculière  réserve  sa  juridiction  sur  les  héritages  qu'il  donne  à 
cens  aux  corporations  religieuses.  —  Privilège  des  échevins  de  Douai.  — 
Crimes  privant  de  la  jouissance  du  droit  d'asile.  —  Nombreux  exemples  de 
criminels  arrêtés  sur  les  places  franches.  —  Le  parlement  de  .Malines  in- 
troduit une  nouvelle  restriclion  à  la  jouissance  du  privilège  de  rimmunilé 
locale.  —  Examen  de  la  question  si  Philippe-Auguste,  roi  de  France,  en 
vertu  de  la  charte  de  commune,  a  aboli  le  droit  d'asile  dont  jouissaient  les 
meurtriers  à  Tournai. 

La  protection  du  faible  et  de  ropprimé,  l'humanité  qui 
doit  tempérer  la  répression  du  mal,  ayant  été  les  motifs  prin- 

1867.  12 


—  158  — 

cipaux  que  les  législateurs  s'élaient  proposés  en  élablissanl 
ces  immunités,  les  mêmes  raisons  devaient  déterminer  Pau- 
torité  publique  à  en  diminuer  l'importance  lorsque  l'action 
d'une  justice  régulière  commença  à  se  substituera  la  ven- 
geance individuelle.  Mais  ce  fut  surtout  la  réforme  profonde, 
opérée  dans  la  législation  et  l'administration  de  la  justice 
sous  les  princes  de  la  maison  de  Bourgogne,  qui  exerça  la 
plus  grande  influence  sur  le  droit  d'asile  et  lui  fit  subir 
les  restrictions  introduites  par  le  code  de  Justinien.  En 
eff'et,  les  principes  du  droit  romain,  que  l'opinion  publique 
regardait  comme  un  droit  qui  valait  de  soi-même  et  sans 
autre  conflrmation,  étant  remis  en  honneur,  l'asile  désor- 
mais devait,  d'après  la  novelle  XVII  de  cet  empereur,  pro- 
téger l'innocent  et  non  le  coupable  (i). 

Il  importait,  du  reste,  de  circonscrire  dans  certaines 
limites  un  droit  qui  donnait  lieu  à  de  si  scandaleux  abus, 
que  souvent  le  repos  public  en  était  troublé.  Dans  les  églises 
et  sur  les  cimetières,  les  criminels  se  livraient  aux  baccha- 
nales les  plus  éliontées,  et  l'autorité  ecclésiastique  était  sou- 
vent impuissante  à  les  réprimer,  car  ce  serait  une  erreur 
de  croire  que  les  réfugiés  montraient  toujours  de  la  sou- 
mission ou  simplement  des  égards  envers  les  ministres  de 
la  religion  auprès  desquels  ils  étaient  en  sûreté.  Considé- 
rant les  temples  comme  des  hôtels  publics,  ils  s'y  mettaient 
à  leur  aise  et  se  procuraient  toutes  les  jouissances  de  la  vie. 

En  1318,  plusieurs  individus,  afin  de  se  soustraire  à  la 
punition  due  à  leurs  crimes,  s'étaient  sauvés  dans  quelques 
églises  du  diocèse  de  Tournai,  surtout  à  Bruges,  où  ils  se 
tenaient  sur  les  cimetières,  qu'ils  profanaient  par  une  vie 
déréglée.  Parfois  ils  sortaient  de  leur  refuge  et  après  avoir 
commis  de  nouveaux  délits,  ils  bravaient  les  poursuites  de 


(!)«....  Deinde  lemplorum  caulela  non  nocenlibus  sed  laesis  dalur  à  lege  : 
»  et  non  erit  possibile  lueri  caulela  sacrorum  locorum  et  laedenlem  et 
»  iaesum.  » 


—   159  — 

la  justice  el  se  letiraicnl  en  asile.  Cependant  rofticial  de 
révêque  crut  devoir  mettre  des  bornes  à  leurs  turpitudes, 
el  à  cet  effet  il  prescrivit  au  doyen  de  chrétienté  de  Bruges 
d'ordonner  aux  coupables,  par  trois  sommations  succes- 
sives, de  s'abstenir  de  toute  infraction  aux  lois  el  de 
se  soumettre  à  un  juste  châtiment,  sous  peine  d'excommu- 
nication (t). 

Quelques  années  après,  l'official  de  Tournai,  pour  faire 
droit  aux  plaintes  que  lui  avaient  adressées  les  échevins  de 
Gand,  retira  la  protection  de  l'église  à  tous  ceux  qui  s'en 
seraient  rendus  indignes  par  leur  conduite  et  les  chassa 
des  lieux  saints.  Cette  sévérité  s'explique  quand  on  consi- 
dère le  mauvais  usage  que  les  bannis  de  Flandre  ou  de  la 
ville  de  Gand  faisaient  du  privilège  de  l'immunité  locale; 
en  effet,  ils  ne  craignaient  pas  de  troubler  les  offices  divins 
el  de  recevoir  des  femmes  de  mauvaise  vie  jusqu'au  pied 
du  sanctuaire;  ils  avaient,  d'après  l'énergique  expression 
de  l'official,  converti  les  églises  en  cavernes  de  voleurs  (2). 

Vers  la  même  époque,  des  ordonnances  sévères  furent 
faites  à  Valenciennes  contre  ceux  qui  abusaient  du  droit 
d'asile.  Le  magistrat  défendait  à  leurs  complices  de  leur 
porter  à  manger  (3). 

Au  commencement  du  XV^  siècle,  les  gens  de  sac  el  de 
corde  étaient  devenus  d'une  audace  extrême  à  Bruxelles  et 
dans  les  environs,  grâce  à  l'impunité  qu'ils  obtenaient  par 
les  nombreux  lieux  d'asile.  Ils  y  étaient  à  l'abri  de  toute 

(1)  L  A  DiEGCRicE,  Inventaire  analytique  et  chronologique  des  chartes  cl 
documents  appartenant  atix  archives  de  ta  ville  d'Ypres,  t.  I,  p.  261. 

(2)  DiERicx,  Mémoire  sur  les  lois,  les  coutumes  et  les  privilèges  des  Gantois, 
t.  I,  p.  59. 

(5,1  M  Et  fu  bans  fait  que  nuls  ne  nulle  ne  le  alast  visiter,  ne  compagner,  ni 
>i  porter  à  boire,  ne  à  manger  en  église  ni  en  mouslier,  sûr  y  estre  contre  le 
»  dist  des  jurés  »  (bannissement  de  1369).  —  Cette  disposition,  qui  semble 
être  calquée  sur  le  capilulaire  de  Charleniagne  de  779,  est  citée  par  M.  Caf- 
fiaux  dons  sa  brochure  intitulée  .-  Xicole  de  Dury,  p.  128. 


—  160  — 

poursuite,  car  la  menace  d'excommunication  en  faisait  des 
jardins  des  Hespérides  et,  mieux  que  le  dragon  de  la  fable, 
les  défendait  contre  les  entreprises  des  officiers  du  duc  et 
de  la  ville.  Ces  abus,  il  est  aisé  de  se  le  figurer,  devinrent 
trop  préjudiciables  à  la  sécurité  publique;  aussi  Jean  IV 
et  le  magistrat  de  Bruxelles  demandèrent-ils  au  pape  une 
bulle  restrictive  du  droit  d'asile.  Martin  V,  qui  occupait 
alors  le  siège  de  saint  Pierre,  accueillit  favorablement  leur 
supplique,  et  par  une  bulle  du  3  janvier  1418,  déclara 
indignes  du  privilège  de  l'immunité  locale  : 

1"  Les  voleurs  et  les  larrons  de  grand  chemin; 
2°  Ceux  qui  ravageaient  les  champs; 
3°  Ceux  qui  dressaient  des  embûches  aux  voyageurs; 
4"  Ceux  qui  commettaient  un  vol  dans  une  église; 
S°  Ceux  qui   se  rendaient  coupables   d'homicide   dans 
l'espoir  de  se  réfugier  en  une  église. 

Martin  V  décida  ensuite  que  la  connaissance  de  la  ques- 
tion d'asile  devait  toujours  appartenir  à  l'ordinaire  du 
diocèse,  à  son  vicaire-général  ou  à  son  officiai;  mais  si  ces 
dignitaires  refusaient  de  s'enquérir  de  la  qualité  du  crime, 
ou  s'ils  tardaient  au-delà  de  huit  jours  avant  de  procéder 
à  cet  examen,  le  magistrat  pouvait  s'arroger  le  droit  et 
arrêter  les  malfaiteurs  sur  les  places  privilégiées.  Il  devait 
s'en  saisir  sans  causer  ni  effusion  de  sang,  ni  blessure. 

Le  pape  termine  en  disant  que  les  églises  et  les  cime- 
tières ne  sont  pas  profanés  par  des  arrestations  et  que  le 
magistrat  n'encourt  aucune  censure.  Pour  le  reste,  il  or- 
donne le  maintien  de  ce  qui  existe  et  il  veut  que  les  infrac- 
tions au  droit  d'asile  soient  punies  d'excommunication 
ipso  facto  (i). 

Sous  le  règne  de  Philippe  le  Bon,  les  frères  prêcheurs, 

(1)  MiBAEUS,  Opéra  diplornatica,  l.  IIF,  p,  181. 


—  161  — 

à  Anvers,  fureut  en  bulle  à  toules  sorles  de  vexalions.  Les 
assassins,  les  voleurs,  les  incendiaires  s'élablissaient  sur 
le  lerrain  du  couvent,  d'où  ils  allaienl  piller  le  voisinage  et 
faire  main  basse  sur  tout  ce  qu'ils  rencontraient.  Telle  était 
leur  audace,  qu'ils  introduisaient  des  femmes  de  mauvaise 
vie  au  milieu  des  cloîtres  et  qu'ils  enlevaient  de  force  les 
cellules  des  pauvres  religieux.  Philippe  le  Bon,  par  une 
ordonnance  du  M  juillet  14-35,  mit  un  frein  à  ces  honteu- 
ses bacchanales  et  défendit  aux  fugitifs  de  demeurer  au-delà 
de  trois  jours  dans  le  couvent,  après  quoi  les  officiers  de 
justice  avaient  plein  droit  de  les  y  arrêter  (i). 

Le  même  prince,  qui  cherchait  à  restreindre  un  droit, 
dont  les  gens  d'église  faisaient  abus  en  mainte  occasion, 
punit  sévèrement  la  communauté  des  carmes  de  Bruxelles 
pour  avoir  donné  asile  à  un  aventurier.  Voici  en  quels 
termes  les  auteurs  de  l'histoire  de  Bruxelles  racontent  le 
fait  :  «  Un  prêtre,  nommé  Jean  Bolle,  était  parvenu  à  s'in- 
troduire à  la  cour  de  Bourgogne,  sous  le  nom  de  Louis  de 
Torréant,  chevalier  catalan,  et  parcourait  le  pays  faisant 
grand  train  et  grandes  dépenses.  Sa  fourberie  ayant  été 
découverte,  il  fut  emprisonné  à  la  Vroente,  d'où  il  parvint 
à  s'échapper  au  moyen  d'outils  qu'il  s'était  procurés;  repris 
et  enfermé  à  la  Steenporte,  il  réussit  de  nouveau  à  briser 
ses  fers  et  se  réfugia  dans  le  couvent  des  carmes.  Quand 
\e  Steenwachter,  ou  gardien  de  la  prison,  vint,  accompagné 
de  quelques  sergents  de  l'amman  et  d'autres  personnes,  le 
réclamer,  les  religieux  refusèrent  énergiquement  de  le  livrer 
et  se  portèrent  même  à  des  voies  de  fait.  Le  duc  punit  la 
communauté  en  l'obligeant  à  dire  tous  les  ans,  le  jour  de 
la  Saint-Philippe,  une  messe  du  Saint-Esprit  pour  le  repos 
de  son  âme  (2  janvier  1450,  14SI  n.  s.),  et  exigea  l'expul- 
sion de  deux  religieux,  Jean  Vrancx,  l'organiste,  et  René 

(1)  PArEBROCHics,  Annale:  Aniwerpicnscs,  t.  I,  p.  .'Î79. 


—   162  — 

V^aniler  Linden,  qui  s'élaieiU  montrés  les  plus  violents  dans 
cette  affaire;  toutefois,  après  avoir  posé  cet  acte  d'autorité, 
il  fit  grâce  à  ces  deux  derniers  (i).  » 

Le  18  août  1449,  l'oflicial  de  l'évêque  de  Cambrai  per- 
mit au  magistrat  d'Anvers  de  retirer  les  malfaiteurs  du 
cimetière  de  Notre-Dame,  et  quelques  jours  après,  il  l'au- 
torisa à  faire  saisir  sur  tous  les  cimetières  de  la  ville  les 
coupables  m  alrocibus  delictis  (2). 

En  1459,  Pie  II  accorda  aux  Anversois  une  bulle  ana- 
logue à  celle  que  les  habitants  de  Bruxelles  avaient  obtenue 
de  Martin  V.  En  vertu  de  cette  concession  papale,  ils  pou- 
vaient, pendant  les  foires  de  la  ville,  faire  appréhender,  par 
leur  écoulète,  en  lieu  d'immunité,  les  malfaiteurs  qui  ap- 
partenaient à  une  des  catégories  suivantes  : 

1°  Les  incendiaires; 

2°  Les  voleurs  de  grand  chemin; 

3"  Les  homicides  volontaires; 

4°  Ceux  qui  ravageaient  les  cliamps; 

5°  Ceux  qui  enfreignaient  la  paix; 

6°  Les  conspirateurs  contre  la  liberté  de  l'église  ou  contre 
les  statuts  de  la  ville. 

L'évêque  de  Cambrai  donna  son  acquiescement  à  cette 
bulle,  mais  il  voulut  que  le  pouvoir  d'arrêter  les  coupables 
fut  demandé  au  doyen,  au  pléban,  au  vice-pléban,  aux- 
quels il  ordonnait  de  les  faire  expulser,  endéans  les  vingt- 
quatre  heures,  des  lieux  saints,  chaque  fois  qu'il  y  aurait 
réquisition  de  la  part  du  magistrat. 

Celle  bulle  fut  encore  renouvelée  en  1461,  à  cause  de  la 
fréquence  des  incendies  (3). 

Et  cependant,  quelques  années  plus  lard,  les  violations 

(J)  Henme  et  WAUTEns,  Histoire  delà  ville  de  Bruxelles,  t.  IM.  p.  153. 

(2)  Veraciiter,  Inventaire  des  anciens  eliartes  et  privilèges  d'Anvers. 
i3)  PAPLEROcriMS,  Annules  Anltoerpienses.  l.  Il,  p.  ào  et  ii. 


—  163  — 

et  les  sacrilèges  se  multiplièrent  tellement  à  Anvers,  grâce 
à  l'impunité  acquise  dans  les  asiles,  que  l'autorité  ecclé- 
siastique elle-même  s'en  alarma  et  prit  des  mesures  rigou- 
reuses pour  y  mettre  un  terme.  Ghiselbert,  officiai  de 
j'évéque  de  Cambrai,  loin  d'exiger  en  faveur  des  coupables 
le  bénéfice  de  l'immunité  locale,  ordonna  le  12  septem- 
bre 1472,  au  magistral,  sous  peine  d'excommunication  et 
d'une  amende  de  cent  marcs  d'argent,  de  les  expulser  des 
lieux  sacrés.  Il  laissait  donc  au  juge  séculier  le  pouvoir 
de  sévir  et  déclarait  les  criminels  indignes  de  la  protection 
de  l'église.  Ces  dispositions  prises  par  Gbiselbert  nous 
montrent  quel  était  l'état  de  nos  grandes  villes  au  moyen 
âge  et  combien  les  mœurs  étaient  encore  grossières.  C'est 
ainsi  que  l'offîcial  ordonna  au  magistrat  de  cbasser  des 
cimetières  et  de  l'église  de  la  Vierge  tous  ceux  qui  se  per- 
mettraient d'y  venir  exploiter  des  jeux  illicites,  scandaleux 
et  malhonnêtes,  ou  d'y  lire  des  chansons,  de  s'y  livrer  à 
l'ivrognerie  et  à  d'autres  vices  (i). 

Parfois  le  magistrat  réservait  sa  juridiction  sur  les  ter- 
rains qu'il  donnait  à  cens  à  des  corps  ecclésiastiques. 

Haquinel  Barbieur  dit  Bernet,  condamné  à  un  pèlerinage 
à  Saint-Gilles,  en  Provence,  pour  avoir  blessé  Simonnel 
Miquelet,  s'était  retiré  en  l'église  des  croisiers  de  Tournai 
et  y  réclamait  la  jouissance  du  droit  d'asile.  Mais  les  pré- 
vôts et  jurés  de  cette  ville,  qui  prétendaient  pouvoir  exercer 
«  toute  justice  et  seigneurie  »  dans  le  couvent,  envoyèrent 
plusieurs  sergents  à  la  poursuite  du  coupable.  Celui-ci 
s'étant  blotti  au  sommet  du  clocher,  personne  n'osa  entre- 
prendre de  l'en  retirer  et  on  dut  se  borner  à  le  surveiller. 
Cependant  Haquinet  se  fatigua  bientôt  d'une  situalion  qui 
n'avait  rien  de  récréatif,  et  il  descendit  de  son  refuge  à  la 
prière  d'un  des  prévôts,  du  prieur  et  de  plusieurs  religieux. 

(1)  VEnAciiTER,  [nveiiluire  dis  auciciis  chnrtcs  et  privilèges. 


—   164  — 

Les  sergents  s'emparèrent  aussitôt  de  lui  et  le  conduisirent 
en  prison  (i). 

Les  éclievins  de  Douai  avaient  un  privilège  non  nfioins 
important  :  ils  pouvaient  faire  garder  les  criminels  qui 
s'étaient  sauvés  en  lieu  saint.  Vers  la  fin  du  XV"  siècle,  ce 
droit  leur  fut  contesté  par  l'évéque  d'Arras,  pendant  un 
conflit  dont  nous  allons  raconter  l'origine.  Jacques  et  Phi- 
lippe du  Millon,  aidés  de  Drouet  Ghimatle,  homme  de 
guerre,  après  avoir  guetté  dans  un  cabaret  près  du  Marché 
aux  Bêles,  Simon  Le  Maire,  l'avaient  mortellement  blessé 
et  s'étaient  ensuite  mis  sous  la  protection  de  l'autorité 
ecclésiastique,  à  l'église  de  Notre-Dame.  Par  ordre  des 
échevins,  un  blocus  fut  organisé  autour  de  ce  temple,  de 
manière  à  surveiller  les  coupables;  mais  l'évéque  d'Arras 
ordonna  aussitôt,  sous  peine  d'excommunication,  de  cesser 
toute  poursuite  et  cita  le  magistrat  de  Douai  devant  son 
tribunal.  Les  échevins  furent  cependant  maintenus  dans  la 
jouissance  de  leurs  droits  et  privilèges,  par  sentence  du 
lieutenant  du  bailli  d'Amiens,  prononcée  le  26  mai  1472. 
Cet  officier  déclara  qu'ils  avaient  le  pouvoir  de  garder  les 
églises,  cimetières  et  autres  lieux  d'asile,  pour  que  les  cri- 
minels, accusés  de  guet-à-pens  et  d'assassinat,  ne  pussent 
pas  en  sortir  (a). 

Le  droit  d'asile  n'était  déjà  plus  le  droit  à  l'impunité,  et 
l'autorité  ecclésiastique  savait  concilier  le  maintien  de  ses 
franchises  avec  les  exigences  d'une  juste  répression.  Ainsi, 
quand  les  circonstances  du  crime  révélaient  une  perversité 
peu  commune,  la  cour  spirituelle,  loin  d'exiger  en  faveur 
de  l'accusé  le  bénéfice  de  l'immunité  locale,  laissait,  au 
contraire,  au  juge  séculier  le  pouvoir  de  sévir;  dans  ce  cas, 
elle  déclarait  le  coupable  indigne  de  la  jouissance  du  droit 


(1)  Registre  n»  3513  (U  mars  14-63  [14G4  n.  st  ])  au  11  janvier  U72  [1475 
II.  st.])  des  Archives  de  l'État,  à  Tournai. 

(2)  Layclle  n"  7!  des  Arcliivcs  municipales  de  la  ville  de  Douai. 


—  163  — 

(l'asile.  C'est  ainsi  que  les  principes  émis  plus  haut  trou- 
vaient généralement  leur  application,  et  que  le  clergé  per- 
mettait l'arrestation  îles  malfaiteurs  coupables  de  l'un  des 
crimes  suivants  : 

\°  L'homicide  volontaire  (i); 

2"  Le  vol  de  grand  chemin; 

3°  Le  sacrilège; 

4-°  La  conspiration  contre  Tordre  établi. 

Les  exemples  suivants  viennent  à  l'appui  de  notre  as- 
sertion. 

Homicides  volonlaîres.  —  Un  nommé  Laukin  Spranke, 
de  Saint-Omer,  soutint,  en  1415,  une  lutte  vigoureuse 
contre  les  gens  du  bailli  de  Courtrai,  qui  voulaient  l'enlever 
de  la  tour  de  l'église  de  cette  ville,  et  il  fallut  l'en  arracher 
de  force.  Le  droit  d'asile  ne  le  sauva  donc  pas  de  la  vin- 
dicte de  la  justice.  Il  fut  mis,  par  les  échevins,  à  la  dispo- 
sition du  bailli, qui  le  flt  exécuter  par  l'épée.  Des  débats  qui 
eurent  lieu  devant  le  magistrat,  il  résultait  qu'il  s'était  rendu 
coupable  d'un  homicide  volontaire  en  tuant  Jean  Stogghe. 
La  cause  en  était  des  plus  futiles.  Jean  Stogghe  s'était  per- 
mis, paraît-il,  d'adresser  quelques  mots  à  une  o  fillette  de 
vie  criminelle,  »  avec  laquelle  Laukin  Spranke  se  dirigeait 
vers  un  hôtel  dans  l'intention  d'y  passer  la  nuit. 

L'autorité  ecclésiastique  se  rendit,  en  1420,  au  désir  du 
souverain  bailli  de  Flandre,  qui  demandait  l'autorisation 
d'arrêter  dix  malfaiteurs  en  l'église  Saint-Martin,  à  Cour- 
trai. Ils  étaient  accusés  d'un  homicide  commis  sur  la  per- 
sonne d'un  nommé  Pierre  Nion,  les  autres  de  complicité  dans 
le  même  crime,  et  tous  furent  convaincus,  en  outre,  d'avoir 
tenté  de  mettre  le  trouble  et  le  désordre  parmi  la  population. 

(1)  L'évéque  de  Tournai,  Philippe  d'Arbois,  dans  un  synode,  lenu  en  1368, 
les  priva  de  la  jouissance  du  droit  d'asile.  Hoverlant,  Essai  chronologique 
))our  servir  à  lliistoire  de  Tournai,  t.  XIV,  p.  28!  et  282. 


—  160  — 

C'élail  (Jonc  des  conspiraleurs  qui  ne  méritaienl  aucune 
|)ilié,  et  on  les  (laila  comme  tels.  Après  avoir  été  jelés  en 
prison,  ils  eurent  la  léle  tranchée;  leurs  corps  furent  éten- 
ilus  sur  (les  roues  et  exposés  aux  portes  de  la  ville  de 
Courlrai  (i). 

Jean  Wyls,  triiwand  et  homme  vagabond,  après  avoir 
par  ses  mauvais  traitements  causé  la  mort  d'une  femme  de 
la  paroisse  de  Gremberglie,  s'était  réfugié  dans  l'église  de 
celte  localité.  Dès  que  l'événement  fut  venu  à  la  connais- 
sance du  bailli   de  Termonde,  des  mesures   rigoureuses 
furent  prises  pour  ne  pas  laisser  échapper  le  coupable,  et 
soixante  compagnons,  sous  les  ordres  de  cet  officier,  se 
mirent  à  entourer  le  cimetière.  Mais  Jean  Wyts  n'eut  garde 
de  sortir  de  sa  retraite,  et  en  cela  il  ne  faisait  que  suivre 
le  conseil  du  curé  et  d'autres  personnes  attachées  à  l'église. 
Cette  tactique  lassa  le   bailli.   Il  écrivit  donc  des  lettres 
closes  au  duc  Charles  le  Téméraire,  lettres  dans  lesquelles 
il  exposait  toutes  les  circonstances  qui  avaient  accompagné 
et  suivi  le  crime.  La  réponse  ne  se  fit  pasiongtemps  attendre  : 
Engelbert  de  Valeton,  un  des  écuyers  tranchants  du  prince, 
vint  signifier  au  bailli  qu'il  avait  à  employer  tous  les  moyens 
de  persuasion  pour  prendre  Jean  Wyts,  et  en  cas  de  non 
réussite,  de  s'en  saisir  par  force.  Ou  suivit  ponctuellement 
la  volonté  du  duc.  Cependant  toutes  les  voies  diplomatiques 
devaient  échouer  devant  l'obstination  du  curé,  qui  refusa 
de  livrer  les  clés.  Il  fallut  bien  en  venir  à  l'emploi  de  la 
force  :  des  échelles  furent  dressées  contre  l'église,  et  le 
coupable  ne  tarda  pas  à  tomber  entre  les  mains  du  bailli 
et  de  ses  compagnons.  Le  blocus  du  cimetière  avait  duré 
trois  jours  et  deux  nuits.   Au   milieu  des  tortures  de  la 
question,  Jean  Wyts  avoua  d'autres  méfaits  encore.  Il  se 


(1)  negisli-e  no   13309  (G   mai  au    IG  septembre   1420)  de  la  (■liambie  des 
comptes,  aux  Archives  du  royaume. 


—  167  — 

reconnut  coupable  d'avoir  dressé  des  embûches  aux  «  bonnes 
gens  »  sur  les  chemins  publics  et  de  les  avoir  détroussées,  et 
au  moyen  de  menaces  d'incendie  avoir  extorqué  de  Targenl 
aux  habitants  du  plat  pays.  Trois  jours  après  son  arresta- 
tion, Jean  Wyts  subit  le  dernier  supplice  (i). 

Vers  1474-,  Téglise  du  village  de  Leest,  dans  la  province 
de  Malines,  donna  refuge  à  un  homicide  nommé  Jean  le 
Cupere.  Après  s'être  retiré  sur  la  tour,  il  soutint  un  véri- 
table siège  contre  des  archers  envoyés  par  le  grand  conseil. 


(1)  «Premiers  de  ung  nommé  Jehan  Wyts,  IruwanI  et  liommc  vagabond, 
»  avoit  balii  et  fort  navré  une  femme  en  la  paroiche  de  Grenibcrglie,  ou  ter- 
»  roir  de  Denremonde,  tellement  qu'elle  en  morut.  Lequel  malfaiteur  emprint 
••  la  franchise  et  s'en  ala  rendre  à  l'église  dudit  Gremberghe.  Ledit  bailli,  in- 
>>  continent  ce  venu  à  sa  cognoissance.ala  assiéger  l'église  en  personne  atout 
»  Ix  compaignons,  veu  le  grant  lour  et  compris  du  cymilière,  et  là  guellèrent 
»  le  malfaiteur  pour  le  prendre  prisonnier  ou  cas  qu'il  feusl  venu  hors  ladite 
»  franchise,  mais,  par  informacion  et  conseil  du  curé  et  d'autres  gens  de  l'église, 
»  il  se  lenoit  en  ladite  église.  Ce  considérant  par  ledit  bailli  qu'icellui  malfai- 
"  leur  ne  voulloit  vuyder  ladilte  franchise,  il  envoya  unes  lettres  closes  à  mon 
M  très  redoublé  seigneur  Monseigneur  de  Charollois,  en  lui  escripvant  le  fait 
»  pour  en  ce  faire  par  l'advis  de  monseigneur.  Lequel  fist  savoir  au  bailli  et 
»  manda  de  bouche  par  ung  de  ses  escuiers  Irenchans,  assavoir  par  Ingelbert 
»  de  Valeton,  que  le  bailli  enquerroit  toutes  les  voyes  et  manières  que  mieulx 
»  pourroit  pour  le  appréhender  hors  laditle  franchise  et  lieu  saint,  et  sinon 
»  qu'il  le  prcndroit  à  force  et  puissance  de  l'église.  Et  par  faute  que  le  curé 
»  ne  voulloit  baillier  les  clefs,  après  que  le  bailli  avoit  assayé  tous  les  plus 
»  doulces  voyes  qu'il  povoit  de  le  faire  venir  hors  lieu  saint,  le  malfaiteur 
»  n'en  fist  compte  et  pour  ce  il  fisl  dréchier  eschielles  et  le  fist  prendre  dedens 
»  l'église,  là  où  le  bailli  et  les  compaignons  furent  par  trois  jours  et  deux 
»  nuits.  Despendu  illec  :  xii  l. 

»  Item  à  Adriaen,  boureau  de  Gand,  pour  avoir  examiné  et  géhiné  ung 
n  nommé  Jehan  Wyts,  lequel  confessoit  et  estoit  trouvé  coulpable  d'avoir 
■1  espié  sur  les  chemins  les  bonnes  gens  et  les  avoir  derrobés  du  leur,  et  mc- 
»  nasse  de  brûler  et  ardoir  les  gens  du  plat  pays  quant  ne  lui  voulloienl 
»  bailler  de  l'argent.  Lequel  fut  prins  ou  terroir  de  Tenremonde  dedens 
«  l'église  de  Gremberghe  et  en  prison  par  l'espace  de  trois  jours.  El  au  bout 
»  desdis  trois  jours  ledit  bailli  le  fist  justicier.  De  ce  payet  audit  Adriaen  pour 
»  l'exame,  Ix  sous  parisis,  et  pour  la  justice  double  salaire,  sont  vi  /.  p. 
»  Ainsi  payel  pour  tout  :  ix  l.  p.  »  Registre  n»  liô62  (l"  mai  au  20  sep- 
tembre I  iG7)  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 


—  168  — 

en  leur  jetant  de  grosses  pierres.  Plusieurs  d'entre  eux 
furent  blessés,  ce  qui  refroidit  tellement  le  zèle  de  ces 
pauvres  soldats  qu'ils  retournèrent  à  Malines,  et  déclarè- 
rent ne  plus  vouloir  se  charger  d'une  seuiblable  mission. 
On  ne  pouvait  pas  cependant  laisser  sans  punition  le  crime 
de  Jean  le  Cupere.  Aussi  le  grand  conseil  envoya-t-il  à 
Leesl  l'écoutète  de  Malines,  à  la  tète  de  vingt-quatre  per- 
sonnes, avec  ordre  de  le  tirer  de  son  asile.  Cet  officier  fut 
plus  heureux  que  les  archers;  il  réussit  là  où  ils  avaient 
échoué  et  parvint,  après  deux  jours  de  siège,  à  s'emparer 
du  coupable,  qu'il  incarcéra  dans  la  prison  de  la  ville.  Jean 
le  Cupere  fut  condamné  à  mort  par  le  grand  conseil  et  eut 
la  léte  tranchée  (i). 

Dans  les  dernières  années  du  XV^  siècle,  le  bailli  d'Au- 
denarde  traqua  aussi  des  criminels  sur  une  place  jouissant 
de  l'immunité  locale.  Accompagné  du  sous-bailli,  de  son 
clerc,  d'archers  et  de  sergents,  en  tout  au  nombre  de  vingt- 
cinq  personnes,  il  sortit  de  la  ville  pendant  la  nuit  pour 
aller  investir  l'église  de  Nazareth,  où  se  trouvaient  trois 
homicides,  nommés  Jean  Vanden  Leyen,  André  de  Cucke- 
laer  et  Guillaume  de  Meyere.  Dès  son  arrivée  il  fit  prison- 
nier André  de  Cuckelaer,  mais  Jean  Vanden  Leyen  se  sauva 

(1)  «  Premiers  pour  ledit  escoutète  et  xxiiii  personnes  avec  luy,  la  somme 
»  de  vi  coronnes  pour  avoir  esté,  par  expresse  charge  et  commandement  à 
»  luy  fait  de  bouclie  par  Messirs  les  président  et  gens  de  parlement  de  mon- 
»  seigneur  le  duc  à  Malines,  en  la  paroisse  de  Leesl,  là  où  se  tenoit  sur  la  tour 
»  illec  de  Téglise,  ung  nommé  Jehan  le  Cupere,  qui  cstoil  de  mort  d'homme. 
»  Lequel  le  jour  précédent  avoit  jeclé  de  grosses  pierres  et  navré  certains 
»  archiers,  qui  là  esloient  envoyés  par  mesdits  sirs  de  parlement  pour  le 
»  prendre  et  lever  d'illecq  et  ammener  prisonnier  à  Malines  pour  souffrir 
»  droit.  Lesquels  archiers  s'en  partirent  sans  riens  faire  et  ne  s'en  vouloient 
»  plus  retourner.  Et  a  esté  levé  ledit  Jehan  le  Cupere  par  ledit  escoutète  et 
»  ammené  à  Malines  es  prisons,  là  où  il  a  après  esté  jugé  à  mort  par  mesdits 
»  sirs  et  couppé  la  tête.  Auquel  voyaige  ledit  escoutète  et  lesdits  gens  ont 
»  vacquié  ii  jours  et  despendu  ladicte  somme,  qui  vault  en  monnoie  de  ce 
»  compte  :  xxi  /.  xii  s.  »  Registre  n"  ISfiGa  (31  août  liT/»  au  j1  août  1473) 
de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 


—  169  - 

sur  la  lour.  En  habile  slralégisle,  le  bailli  ne  vouliU  poinl 
l'y  poursuivre;  il  retourna,  avec  sa  capture,  à  Audenarde, 
d'où  il  envoya  aussitôt  de  nouveaux  archers  qui  devaient 
renforcer  ceux  qui  entouraient  déjà  l'église,  de  sorte  qu'ils 
s'y  trouvèrent  réunis  au  nombre  de  trente-deux  personnes. 
Enfin,  après  un  siège  de  deux  jours,  nos  deux  malfaiteurs 
tombèrent  entre  leurs  mains  et  furent  dirigés  sur  Aude- 
narde (t). 

Le  meurtrier  d'Élie  Vander  Erlbruggen  s'était  réfugie 
sur  le  cimetière  de  Termonde;  mais  comme  ses  antécédents 
étaient  déplorables,  le  bailli  l'y  fit  arrêter  sans  la  permis- 
sion du  clergé.  C'était  agir  avec  précipitation  et  s'exposer 
à  l'excommunication  qui,  véritable  épée  de  Damoclès,  res- 
tait toujours  suspendue  à  celte  époque  sur  la  tète  des  viola- 
teurs des  droits  de  l'église.  [Notre  bailli  le  reconnut,  aussi 
voulut-il  mettre  sa  responsabilité  à  couvert,  en  envoyant 
demander  à  la  dame  douairière  de  Termonde,  Marguerite 
d'I'ork,  veuve  de  Charles  le  Téméraire,  ce  qu'il  fallait  faire 
du  prisonnier.  Entre  temps  arrivèrent  le  promoteur  de 
l'évêquede  Cambrai  et  un  autre  commissaire  pour  instruire 
l'affaire  en  litige.  Ils  exigèrent  de  suite  le  rétablissement 
du  coupable  en  lieu  d'immunité,  sous  peine  d'excommu- 
nication. Peu  de  temps  après  la  cour  spirituelle  de  Cambrai 
porta  la  sentence  par  laquelle  il  était  déclaré  déchu  du 
privilège  d'asile,  et  le  livra  au  bras  séculier  (2). 


(1)  Registre  n»  13G07  (12  décembre  1495  au  31  octobre  1496)  de  la 
chambre  des  comptes,  aux  Arcliives  du  royaume. 

(2)  u  Pour  le  prinse  d'uiig  nommé  Hcyne  Coolens,  bannis  de  Gand,  lequel 
»  fut  prins  sur  le  Tàtre  (sic)  de  Tenremonde  pour  rhoraicliide  par  luy  commis 
»  à  la  personne  de  feu  de  Else  Vander  Eertbruggen,  payé  ;  iii  /.  p. 

»  Item,  envoyé  Jacques  de  Wine  incontineul  que  ledit  Fleyne  fut  prins  de- 
»  vers  madame  la  duchesse  douagière  de  Tenremonde  pour  savoir  que  ma- 
»  dame  en  vouldroil  avoir  fait  dudil  prisonnier.  Payé  pour  les  quatre  jours 
1)  qui  fut  dehors  •  iiii  /.  vi  s. 

»  llem,  le  ii«  jour  de  mars  est  venu  en  la  ville  de  Tenremonde  le  promoteur 
»  de  monseigneur  de  Cambray  avec  ung  autre  commissaire  avec  luy  et  ont 


—  170  — 

L'exéciilion  de  Josse  Iii  de  Slene,  réfugié  dans  le  cloître 
d'IIanswyck,  exigea,  delà  part  de  récoiitètede  Malines,deux 
ou  trois  voyages  à  Anvers  et  à  Bruxelles,  afin  d'obtenir  de 
Toffieial  de  Cambrai  la  levée  des  défenses  qu'il  avait  faites  à 
ce  sujet.  Tout  porte  à  croire  cependant  que  l'autorité  ecclé- 
siastique se  laissa  tléchir,  car  le  coupable  eut  la  tète  tran- 
chée, sans  que  rexconiinunication  vint  frapper  les  auteurs 
de  cet  acte  de  justice.  Josse  In  de  Stene  ne  méritait  pas  du 
reste  la  jouissance  du  droit  d'asile.  Il  était  convaincu,  en 
effet,  d'avoir  tué  une  pauvre  vieille  femme,  appelée  Lyne.  Il 
avait  fallu  le  guetter  pendant  un  jour  et  une  nuit,  et  les  dé- 
penses s'élevèrent  de  ce  chef  à  dix-huit  livres,  de  quarante 
grosdeFlandre,  pour  viande  et  vin  distribués  aux  gardes(i). 

Voleurs  de  grand  chemin.  —  Aucune  arrestation  n'occa- 
sionna autant  de  frais  et  de  diffîcullés  que  celle  de  Philippe 
de  Vos,  natif  de  Leysele,  qui  passait  pour  un  voleur  de 
grand  chemin  des  plus  redoutables.  Affilié  à  une  bande  de 
brigands,  soutenu  par  elle,  il  inspirait  partout  un  légitime 
effroi.  Dans  l'intérêt  de  la  sécurité  publique,  le  bailli  de 
Furnes  mit  à  sa  poursuite  plusieurs  compagnons,  qui  le 
traquèrent  tant  et  si  bien  qu'ils  parvinrent  à  découvrir  sa 
retraite.  Cette  retraite,  inaccessible  aux  gens  du  bailli, 


»  chargié  et  ordonné  audit  bailly,  sur  paine  d'eslre  csconiniunié  et  sur  le  ban, 
«  que  il  feisl  mener  ledit  prisonnier  sur  l'àlre,  là  où  il  avoil  esté  prins,  à  quoy 
>)  fut  furny.  Mais  ledit  promoteur  bailla  ledil  Heyne  en  garde  jusques  la  sen- 
»  lence  en  seroit  baillié  entre  monseigneur  de  Cambray  et  madilte  dame  se 
»  l'église  luy  proulliteroit  ou  non,  veu  que  le  cas  estoit  si  mauvais,  où  tant  fut 
u  procédé  que  ledit  lleyne  a  esté  jugié  par  la  court  de  Cambray  en  la  main  de 
u  maditte  dame  pour  en  faire  justice.  Pourquoy  ledit  bailli  a  poursuivi  ladite 
»  sentence  à  la  charge  de  maditte  dame,  comme  il  appert  par  les  lettres  dessus 
»  déclarées.  Ainsy  alant  et  venant  trois  jours  à  quatre  chevaulx,  chacun  che- 
»  vaul  à  xii  patars,  valent  à  livres  parisis  :  ix  /.  xii  s.  p  »  Registre  n"  14364 
(24  juin  1498  —  24  juin  1499)  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du 
royaume. 

(1)  Registre  n»  15666  (14  janvier  1.")0j  [1304  n.  si  ]  au  14  janvier  1504 
[1305  n.  st.])  de  la  chambre  des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 


~  ni  — 

irélail  autre  que  Téglise  de  l.eysele,  prolégée  par  les  fou- 
dres spirituelles.  Ou  se  eonteiila  doue  de  le  faire  garder 
à  vue.  C'est  alors  qu'uu  concert  de  malcdiclious  s'éleva 
contre  le  coupable,  et  l'opinion  publique  semblait  récla- 
mer une  éclatante  justice.  Dès  lors  le  bailli  redoubla  de 
vigilance  et  demanda  par  lettres  closes  l'avis  du  conseil 
à  Ipres,  tandis  qu'il  s'adressait  à  l'official  de  Térouane 
pour  pouvoir  arrêter  ce  dangereux  malfaiteur.  Mais  comme 
il  était  clerc,  l'oflicial  voulut  prendre  connaissance  de 
l'affaire  et  le  fit  amener  devant  son  tribunal.  Il  resta  pri- 
sonnier de  la  cour  ecclésiastique  pendant  un  laps  de  temps 
considérable,  malgré  les  réclamations  réitérées  du  bailli, 
qui  n'obtint  sa  demande  qu'en  payant  les  frais  d'entretien. 
Huit  compagnons  à  cbeval  l'escortèrent  de  Térouane  à 
Furnes,  afin  d'empêcber  toute  tentative  de  délivrance  de 
la  pari  de  ses  amis.  Arrivé  dans  cette  dernière  ville,  il  fut 
soumis  à  une  nouvelle  procédure  et  il  subit  la  torture  de- 
vant le  tribunal  de  la  keure  de  la  cbàtellenie.  Celui-ci  se 
déclara  incompétent  à  cause  de  l'énormité  des  crimes  et 
renvoya  le  procès  aux  hommes  de  fief,  qui  portèrent  une 
sentence  d'acquittement  en  faveur  de  Philippe  de  Vos.  Les 
frais  de  cette  affaire  s'élevèrent  à  la  somme  de  deux  cents 
livres,  dont  le  bailli  n'obtint  que  la  moitié  (i). 

Sacrilèges.  —  Au  mois  de  mars  1312,  un  homme  fut 
trouvé  pendant  la  nuit  en  l'église  Saint-Brice,  à  Tournai, 
ce  qui  donna  lieu  à  soupçonner,  non  sans  motifs,  qu'il 
avait  l'intention  d'y  commettre  un  vol.  Les  paroissiens 
s'en  emparèrent  et  le  retinrent  lié  au  carnier  (2)  durant 
dix  jours.  Pendant  ce  temps  les  consaux  envoyèrent  signi- 


(1)  Registre  n»  liOii  (9  mai  au  18  septembre  I4Î57)  de  la   chambre  ilcs 
comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(2)  Carnier,  cliarnier,  endroit  couvert  auprès    ou  autour  des  églises,  où 
Ton  met  les  os  des  morts.  Dictionnaire  de  Trévoux. 


—   172  — 

fier  l'arieslalion  à  révéque  de  Cambrai  et  le  supplièrent, 
au  nom  de  la  ville,  de  chasser  le  voleur  du  lieu  saint.  Le 
prélat  ne  resta  pas  sourd  à  celle  demande  et  voulut  que  son 
bailli  se  rendit  à  Tournai  pour  prendre  connaissance  de 
l'événement.  Celui-ci  fit  mellre  le  prisonnier  hors  de  Téglise 
et  du  cimetière,  après  quoi  les  sergents  de  la  ville  s'en  sai- 
sirent. Reconnu  coupable,  notre  voleur  d'église  fut  mis  au 
carcan;  il  fut  en  outre  condamné  à  la  perle  d'une  oreille  et 
à  un  bannissement  perpétuel  (i). 

En  1390,  le  curé  et  les  maîtresses  du  béguinage  de  Diesl 
eurent  recours  à  l'olïicial  de  l'évêque  contre  des  malfai- 
teurs qui  étaient  venus  s'élablir  dans  leur  église  avec 
femmes  et  enfants.  Non  contents  de  jouir  du  droit  d'asile, 
ils  avaient  transformé  celle  maison  de  prières  en  une  ta- 
verne, en  se  livrant  à  des  excès  de  tout  genre.  Le  jeu  y 
alternait  avec  les  orgies  les  plus  éboulées  et  telle  était  leur 
audace  qu'ils  y  alimentaient  un  brasier  au  moyen  de  débris 
de  meubles.  La  fumée  abimait  les  livres  et  les  tableaux  et 
troublait  même  le  service  divin.  En  présence  de  ces  profa- 
nations, l'évêque  les  priva  de  l'immunité  locale  et  leur  fit 
intimer  l'ordre  de  quitter  au  plus  tôt  l'église,  sous  peine 
d'en  être  expulsés  {2}. 

Vers  la  fin  du  XV^  siècle,  le  chancelier  de  Brabant  donna 
ordre  à  l'écoutèted'ilérenlhals  d'arrêter  Michel  Van  Heerle, 
accusé  de  complicité  dans  un  vol  d'église  par  Henri  Brème, 
qui  lui-même  avait  été  exécuté  pour  ce  crime.  Mais  Michel 
s'étant  réfugié  à  l'église  d'Hérentals,  l'écoulète  Godefroid 
Van  Doirue,  en  homme  prudent,  le  fit  surveiller  et  se  ren- 
dit à  Bruxelles  afin  de  consulter  le  chancelier.  Celui-ci 
l'envoya  auprès  de  l'évêque  de  Cambrai,   pour  qu'il  lui 


(1)  Vanden  Broeck,  Exirails  analytiques  des  anciens  registres  def  consaux 
de  la  ville  de  Tournai,  l.  I,  p.  277. 

(2)  F.  J.  RiYMACEERS,  Nolice  historique  sur  le  béguinage  de  sainte  Catherine, 
à  Diest. 


—    17Ô  — 

demandai  la  permission  de  mcllre  Micliel  sous  les  venoux. 
Aussitôt  qu'il  l'eut  obtenue,  notre  officier  de  justice  re- 
tourna à  Hérentlials  et  arracha  de  son  asile  l'accusé,  qui 
était  resté  quatre  jours  dans  l'église.  Cependant  l'évéque 
de  Cambrai  ou  son  suffragant,  de  passage  dans  cette  ville, 
exigea  de  l'écoutète  la  remise  de  l'accusé,  sous  prétexte 
qu'il  portait  la  tonsure,  et,  qu'à  ce  titre,  il  ressorlissait  à 
sa  juridiction.  Goilefroid  Van  Doirne  ne  voulut  pas  tran- 
cher cette  nouvelle  difficulté,  aussi  s'empressa-t-il  d'en 
informer  le  conseil  de  Brabant,  qui  lui  prescrivit  immé- 
diatement la  ligne  de  conduite  à  tenir  (i). 

Perturbateurs  de  Cordre  public.  —  En  1420,  les  éche- 
vins  de  iMalines  firent  enlever  d'un  cimetière  et  exécuter 
par  le  glaive  Henri  et  Laukin  Henesins.  Ils  étaient  cou- 
pables d'un  crime  qui  attentait  directement  à  la  sécurité 
publique.  Fervents  adorateurs  de  Bacchus,  nos  héros  par- 
couraient les  rues  après  l'heure  du  couvre-feu,  cherchant 
querelle  au  premier  venu.  Malheureusement  pour  eux,  l'oc- 
casion ne  tarda  pas  à  se  présenter  :  ils  attaquèrent  comme 
des  forcenés  deux  sergents  du  guet,  qui  leur  avaient  sans 
doute  fait  des  représentations  sur  leur  équipée  nocturne, 
et  les  maltraitèrent  si  cruellement  qu'ils  moururent  huit 
jours  après  des  suites  de  celte  rixe.  De  leur  côté,  Henri 
et  Laukin  Henesins  n'étaient  pas  sortis  sains  et  saufs  de 
l'échauffourée  et  avaient  reçu  des  blessures  graves.  Épuisés 
par  la  lulle,  ils  se  traînèrent  jusque  sur  un  cimetière,  qui, 
on  vient  de  le  voir,  ne  leur  servit  pas  d'asile,  car  ils  y 
lurent  arrêtés  le  lendemain  (2). 

Une  bande  de  brigands  jetait,  en  1 457,  la  désolation  dans 


(1)  Registre  n»  12952  (9  juin  1477  au  22  septembre  1478)  de  la  chambre 
des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(-2)  Registre  n"  13662  (6  mai  au  16  septembre  1420)  de  la  chambre  des 
comptes,  aux  Arcliives  du  royaume. 

13 


—  174  — 

la  ehàlellenie  d'Ypres,  par  le  nombre  et  la  hardiesse  de 
leurs  crimes,  et  loule  sécurilé  y  avait  disparu,  à  telle  en- 
seigne qu'on  n'osait  plus  s'approcher  de  la  ville,  dont  les 
abords  étaient  infestés  de  scélérats.  Et  cependant  le  bailli  de 
la  salle  d'Ypres  ne  dormait  pas  sur  les  deux  oreilles;  bien 
au  contraire,  ce  vaillant  officier  payait  de  sa  personne  et 
s'efTorçail  de  tout  son  pouvoir  d'extirper  le  brigandage 
qui  désolait  la  ehàlellenie.  Mais  ce  n'était  pas  une  besogne 
facile,  car  les  malfaiteurs  déjouaient  toutes  les  poursuites 
et  se  réfugiaient  sur  les  places  franches.  Ainsi  agissaient, 
entre  autres,  Charles  et  Hannin  de  Courcelles  qui  se  tenaient 
en  l'église  de  Zellebeke.  Leurs  méfaits  étaient  si  énormes 
que  le  bailli  crut  ne  pas  devoir  respecter  leur  asile  et  qu'il 
les  fit  prendre  sur  le  cimetière  de  ce  village.  Il  en  rendit 
immédiatement  compte  au  duc  Philippe  le  Bon,  qui  lui 
donna  des  lettres  de  créance  pour  les  vicaires  et  l'official 
de  Térouane.  Ceux-ci,  en  présence  des  faits  reprochés  aux 
coupables,  furent  de  bonne  composition  et  renoncèrent  à 
toute  poursuite  du  chef  de  violation  de  l'immunité  ecclé- 
siastique. Comme  Charles  et  Hannin  de  Courcelles  étaient 
bannis  d'Ypres,  on  les  tint  en  prison  en  dehors  de  celte 
ville  jusqu'au  moment  de  leur  supplice  (i). 

L'épisode  suivant  démontre  quelle  était  l'audace  des 
criminels  au  moyen  âge  et  met  en  évidence  l'impunité  dont 
ils  jouissaient  au  milieu  de  nos  cités.  Qu'on  en  juge  : 

Le  bâtard  Jean  de  Torlequenne,  Evrard  l'Escripvant, 
Pierre  Laury  et  un  bâtard  étranger,  se  livraient  aux  plus 
grands  excès  dans  la  ville  de  Douai  en  1461.  Dévaliser  les 
gens  après  les  avoir  maltraités,  fréquenter  les  éluves  (2)  et 
bourdeaux  (3)  et  exploiter  les  pauvres  filles  qui  s'y  trou- 


(1)  Registre  n"  14611  (8  mai  au  18  septembre  lio?)  de  la  ciiambre  des 
comptes,  aux  Arciiives  du  royaume. 

(2)  Etuves,  slovcn,  slnpliae,  établissements  de  bains. 

(5)  BoHvdcaulx,  bords  ou   bordels,  du  mot  saxon   bord,  signifient  petites 


—  173  — 

vaicnl,  menacer  quiconque  osait  s'approclier  d'elles,  afin 
d'en  tirer  de  l'argent,  attaquer  sans  motif  les  bourgeois 
qui  allaient  dans  les  tavernes,  assaillir,  battre  et  injurier 
pendant  la  nuit,  cl  malgré  la  paix  faite,  les  particuliers 
compris  dans  une  alliance  de  paix  :  tels  étaient  leurs  exploits 
de  tous  les  jours,  pour  ne  pas  dire  de  tous  les  instants. 
L'église  des  frères  Mineurs  et  les  autres  églises  de  la  ville 
leur  servaient  de  refuge,  et  cet  asile  ils  le  profanaient  encore 
par  les  violences  qu'ils  y  commettaient.  Douai  subissait  les 
angoisses  d'une  véritable  terreur,  lorsque  le  duc  Pbilippe 
le  Bon  ordonna  d'arrêter  les  coupables  et  d'ouvrir  une  en- 
quête sur  leurs  excès  (i). 

Ceux  qui  se  retiraient  en  asile  pour  y  commettre  des 
crimes  étaient  aussi  inhabiles  à  jouir  de  l'immunité  locale. 
Trois  bourgeois  de  Gand  qui  avaient  fait  des  menaces  de 
mort  contre  des  habitants  de  Malines,  avec  lesquels  ils 
étaient  en  contestation  au  sujet  de  certains  biens,  étant 
venus  dans  cette  dernière  ville  avec  un  nommé  de  Kempe- 
neer,  prirent  leur  refuge  au  cloître  des  Auguslins  pour 
échapper  aux  poursuites  dirigées  contre  eux.  Dès  que  les 
Malinois  s'en  furent  aperçus,  ils  allèrent  trouver  l'écoutète 
et  le  commune-maître,  afin  de  leur  signaler  le  danger 
qu'entraînait  la  présence  de  ces  individus  dans  les  murs  de 
la  cité.  Ces  représentations  ne  restèrent  pas  sans  efïet,  et 
nos  hommes  furent  immédialement  tirés  du  couvent  des 
augustins  et  mis  en  prison.  Cette  violation  de  l'immunité 
n'attira  aucune  censure  sur  le  magistrat,  car  l'église,  en 
couvrant  de  son  égide  le  coupable,  n'a  pas  voulu  leur  assu- 
rer un  repaire,  d'où  il  pourrait  sortir  pour  commettre  des 
excès,  l'asile  était  un  lieu  de  pénilence  et  non  une  caverne 

loges.  Les  femmes  publiques  ne  pouvaient  pas  linbiter  des  maisons  parti- 
culières, elles  devaient  se  relirer  dans  des  endroils  auxquels  on  donna  un 
nom  odieux. 

(1)  Layelle  n»  131  des  Archives  municipales  de  Douai. 


—  176  — 

de  brigands.  Le  tribunal  scabinal  prit  ensuite  connaissance 
des  faits  qu'on  reprochait  aux  Gantois  et  les  condamna 
chacun  à  une  amende  de  deux  livres  de  gros  et  à  se  tenir 
hors  de  la  ville  pendant  l'espace  de  deux  ans,  sous  peine 
de  perdre  la  phalange  du  premier  doigt  (t). 

Le  26  septembre  1460,  le  grand  conseil  deMalines  porta 
une  sentence  qui  introduisait  une  nouvelle  exception  à  la 
jouissance  du  droit  d'asile  :  les  criminels  qui  s'échappaient 
par  force  de  prison,  ne  purent  plus  désormais  invoquer  ce 
privilège  (a). 

M.  Chotin,  en  rapportant  un  conflit  entre  le  chapitre 
de  Notre-Dame  de  Tournai  et  les  prévôts  et  jurés  de  cette 
ville,  raconte  que  ces  derniers  réclamèrent  le  coupable  en 
vertu  d'un  article  de  la  charte  accordée  aux  Tournaisiens 
par  Philippe-Auguste,  roi  de  France.  Cet  article,  qui  porte 
abolition  du  droit  d'asile  en  faveur  des  meurtriers,  est 
évidemment  apocryphe;  il  ne  se  trouve  pas  dans  l'original 
de  la  charte,  mais  bien  dans  le  Recueil  des  ordonnances 
des  rois  de  France.  Ce  serait  déjà  une  présomption  en  fa- 
veur de  notre  opinion,  mais  nous  pouvons  l'étayer  en  outre 
d'une  preuve  que  nul  ne  récusera  et  qui  démontre  que  le 
droit  d'asile  n'a  été  ni  aboli  ni  restreint  par  Philippe- 
Auguste.  Deux  siècles  et  demi  après  le  fait  raconté  par 
M.  Chotin,  l'évêque  et  le  chapitre  de  Tournai  ayant  pris 
leur  recours  au  roi  de  France,  Louis  XI,  contre  les  prévôts 
et  jurés  qui  avaient  de  nouveau  enfreint  l'immunité  ecclé- 
siastique, ce  monarque,  par  une  ordonnance  en  date  du 
16  janvier  1466  (n.  st.),  loin  de  considérer  le  droit  d'asile 
comme  un  abus  d'un  autre  âge,  l'affirme,  au  contraire, 
dans  toute  sa  plénitude.  Qu'on  en  juge  : 


(1)  Registre  n»  13663  (21  septembre  1433  au  11  mai  1434)  de  la  chambre 
des  comptes,  aux  Archives  du  royaume. 

(2j  Do  Laury,  Jurisprudence  des  Pays-Bas  Autrichiens,  l.  I,  p.  181. 


—    177  — 

«  Loys,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  au  pre- 
»  mier  huissier  de  noire  parlement  ou  noire  sergenl  qui  sur 
>•  ce  sera  requis,  salut.  De  la  partie  de  noire  amé  el  féal 
»  conseiller,  Tévesque  de  Tournay  et  de  noz  bien  amés  les 
»  doïen  et  chappilre  de  l'église  dudit  Tournai  nous  a  esté 
»  exposé,  disant  que  les  prévosls  et  jurez  de  ladille  ville, 
»  après  leur  nouvelle  esleclion  ou  création  de  leurs  offices 
"  au  gouvernement  de  la  justice  d'icelle  ville,  sont  tenus  et 
»  onl  acoustume  eulx  présenter  et  faire  serment  solennel 
»  ausdis  exposans,  avant  que  exercer  leursdis  offices,  de 
«garder  fidélité,  seurté  et  loyaullé  ausdis  exposans,  et 
»  qu'ils  garderont  l'immunilé  d'icelle  église  de  Tournay 
»  el  de  toutes  les  églises  d'icelle  ville,  et  ne  les  enfraindront 
»  en  aucune  manière,  ne  ne  prendront  ou  feront  prendre 
»  quelque  personne  que  ce  soit  en  V église  ou  cymetiere  ou  en 
»  sai7it  lieu,  el  ne  extrairont  ne  feront  extraire  par  force 
>•  aucune  personne,  quele  qu'elle  soit,  desdilles  églises,  cy- 
0  melières  ou  saints  lieux,  ne  ne  jugeront  es  dis  lieux  au- 
»  cune  personne  à  mort  ne  à  peine  de  sang.  El  s'il  avenoil 
»  que  lesdis  prévols  et  jurez,  ladille  communaullé  de  Tour- 
»  nay  ou  aucuns  de  ladille  loy  enfraignissent  ladille  ini- 
»  munilé  en  prenant  en  l'église  ou  en  saint  lieu  aucune 
»  personne,  ou  d'iceulx  le  exlraissent  par  force,  lesdis  pré- 
»  vols  el  jurez  et  ladille  communaullé  encherroienl  envers 
»  lesdis  exposans  en  mille  mars  d'argent  et  autres  peines 
B  de  droit.  Et  il  soit  ainsi  que  combien  que  en  ensuivant  le 
»  droit  et  usage  dessusdis,  ung  nommé  Lyon  Hacquarl, 
)>  après  que  nagaires  il  a  esté  esleu  et  créé  second  prévôt  de 
»  ladille  ville  de  Tournay,  ail  fait  ledit  serement  pardevant 
»  lesdis  exposans,  ainsi  que  dessus  est  déclaré,  néanlmoins 
»  icellui  Lyon  au  mois  d'oclobre  derrenier  passé  a  exlrait 
»  et  fait  extraire  par  Jehan  Desprez  et  IMichel  Du  iMolin, 
»  sergens  de  ladille  ville  de  Tournay,  à  force  hors  du  cyme- 
»  lière  et  sainl  lieu  de  l'église  de  la  Magdaleine  en  ladille 


—   178  — 

»  ville  de  Tournay,  un  nommé  Laurens  Poitevin,  parmen- 
»  lier,  qui  se  y  esloit  reirait  et  mis  en  franchise,  en  encou- 
»  rant  par  ce  par  ledit  Lyon  en  ladilte  peine  de  mil  mars 
»  d'argent,  crime  de  parjure  et  autres  peines  de  droit,  en 
»  enfreignant  notre  sauvegarde,  en  laquelle  sont  notoire- 
»  ment  et  de  tonte  ancienneté  lesdis  exposans  et  lesdittes 
»  églises  et  lieux  saints.  El  semblablement  par  le  moien 
»  dudit  délit  et  faulle  dcssusdis,  ainsi  commis  par  ledit 
»  Lyon,  lesdis  prévôts  et  jurez,  leurdis  sergens  et  la  com- 
»  munauUé  d'icelle  ville  sont  aussi  encheus  en  icelle  peine 
»  de  mil  mars  d'argent  et  autres  peines  de  droit.  Pour  avoir 
»  réparation  duquel  cas  et  déclaration  desditles  peines,  en 
»  ensuivant  la  teneur  de  certain  arrest  autrefois  par  iceulx 
»  exposans  obtenu  en  notre  court  dudit  parlement  pour 
»  infraction  à  l'encontre  desdis  prévôts  et  jurez,  est  besoing 
»  ausdis  exposans  faire  adjourner  iceulx  prévôts  et  jurez, 
»  ledit  Lyon  Hacquart  et  sergens  dessusdis,  ce  qu'ils  ne 
>>  pourroient  faire  sans  avoir  iceulx  exposans  mandement 
»  de  nous  sur  ce,  si  comme  ils  dient,  humblement  requérir 
»  icelui.  Pourquoi  nous,  ce  considéré,  voulons  lesdis  expo- 
»  sans  estre  entretenus  et  gardez  en  leurs  drois,  ce  man- 
»  dons  et  commettons,  par  ces  présentes,  que  de  et  sur  l'in- 
»  fraction  de  laditle  immunité  et  excès  dessusdis,  tu  te 
»  informes  bien  et  diligemment;  appelle  avec  toy  sergent, 
»  ung  notaire  ou  tabellion  de  court  laye.  Et  se  par  laditte 
»  information  il  t'en  appert,  adjourne  lesdis  prévôts  et  jurez, 
»  et  lesdis  Lyon  et  sergens  et  autres  coulpables  d'iceulx 
»  excès,  à  certain  et  compétant  jour  ordinaire  ou  extraor- 
»  dinaire  de  notre  présent  parlement  non  obstant  qu'il 
»  sied;  et  que  par  avanture  les  parties  ne  soient  pas  des 
>'  jours  dont  l'en  plaidera,  lors  pour  eulx  veoir  déclarer 
B  estre  encourus  en  laditte  peine  de  mil  mars  d'argent 
»  et  autres  peines  de  droit,  et  aussi  ledit  Lyon  avoir  en- 
»  fraint  sondit  serement,  recevoir  punigcion  de  parjure  et 


—  179  — 

»  réparer  lesditles  enlrepriiises,  à  rordonuance  de  notre 
»  dille  court,  respondre  ausdis  exposons  et  à  notre  procu- 
"  reur  général,  se  partie  se  veult  faire,  chacun  à  telz  tins 
»  qu'ils  vouldronl,  pour  se  prendre  et  eslire  et  procéder  en 
»  oultre  selon  raison,  en  certifiant  sur  ce  souffisamment 
»  audit  jour  noz  amés  et  féaulx  conseillers  les  gens  tenans 
»  noire  parlement  et  en  leur  renvoyant  laditte  information 
»  féablement  close  et  scellée;  ausquels  nous  mandons,  et 
»  pour  ce  qu'il  est  question  de  grant  chose  et  dont  désià  a 
«  esté  discuté  autrefois  par  arrest  de  notre  dite  court,  et 
»  aussi  lesdis  prévôt  et  jurez  ne  sont  tenus  de  plaider  s'il 
»  ne  leur  plaist  ailleurs  que  en  notre  dite  court  et  que  eu 
»  icelle  et  sans  faveur  la  matière  sera  mieulx  traittée  que 
)'  ailleurs,  expressément  enjoignons  que  aux  parties  oyes 
»  facent  bon  et  brief  droit,  car  ainsi  nous  plaist  estre  fait 
»  et  ausdis  exposans  l'avons  oltroyé  et  ottroions,  de  grâce 
»  espéciale,  par  ces  présentes,  non  obstant  quelconques 
»  lettres  surreptices  à  ce  contraires.  Mandons  et  comman- 
»  dons  à  tous  nos  justiciers,  officiers  et  subgez  que  à  toy 
»  eu  ce  faisant  soit  obéy.  Donné  à  Paris  le  xvj«  jour  de 
»  janvier  l'an  de  grâce  mil  iv«  soixante  et  cinq  et  de  notre 
»  règne  le  quint  (i).  » 

J.  J.  E.  Proost. 
{Pour  être  continué). 


(I)  N"  932  lies  archives  de  l'évêclié  de  Tournai,  aux  Archives  du  royaume. 


~  180  — 


notices 


SUR 


DES  LIVRES  RARES  DU  \W  SIÈCLE. 


Secoude  série. 


Les  notices  sur  des  livres  rares  du  XVI^  siècle,  publiées 
dans  le  Messager  (années  1858-1864),  ont  reçu  un  accueil 
très-favorable.  De  divers  côtés  et  à  diflFérenles  reprises, 
des  bibliophiles  m'ont  engagé  à  les  continuer.  Ainsi  en- 
couragé, je  me  décide  à  commencer  une  nouvelle  série, 
espérant  qu'elle  rencontrera  autant  d'indulgence  que  celle 
qui  Ta  précédée.  On  y  trouvera  un  certain  nombre  de  livres 
qui  paraissent  avoir  échappé  à  raltenlion  de  tous  les  biblio- 
graphes et  des  éditions  non  mentionnées  dans  le  Manuel 
de  Brunet,  de  livres  qui  sont  fort  recherchés  des  amateurs; 
éditions  au  moins  aussi  précieuses  que  celles  indiquées, 
soit  par  leur  rareté,  leur  ancienneté,  ou  bien  parce  qu'elles 
sont  plus  amples. 


181  — 


I. 


Le  Liiire  des  /  oemires  et  com/mentaires  de  Juliiis  Cejsar 
sur  le  fait  de  la  conjqaesle  du  pays  de  Gaule  j  f aide  et  mise 
en  langaiqe  j  françoys  et  nomiellement  /  imprimé  à  Paris. 

On  les  vend  rue  neuffiie  noslre-dame  à  l'enseigne  de 
l'es/cu  de  France).  Sans  date  (vers  lo20),  pelit  in-4"  go- 
thique à  longues  lignes,  de  162  ff.  non  chiffrés. 

Ce  litre,  dans  un  encadrement  gravé  représentant  des 
scènes  du  martyre  de  saint  Jean-Baptisie ,  est  imprimé 
alternativement  en  lettres  rouges  et  noires. 

Le  volume  a  des  signatures,  mais  qui  sont  irrégulières, 
a-y  et  A-Q.  Il  n'y  a  pas  de  signatures  n  ni  z,  mais  par 
contre  deux  feuilles  et  demie  ne  sont  pas  signées.  Tune 
après  la  signature  m,  l'autre  après  la  signature  B,  puis  la 
demie-feuille  à  la  fin. 

Au  verso  du  quatrième  feuillet  de  la  signature  P,  avant 
la  table,  se  trouve  cette  souscription  : 

Cy  finist  la  translation  des  oemires  et  commentaires  de 
Julius  César  sur  le  faict  de  la  conqueste  du  pays  de  Gaule, 
faicte  et  mise  en  françoys  et  présentée  au  roy  de  France. 
Imprimé  nomiellement  à  Paris.  Par  Philippe  le  Noir,  lung 
des  deux  relieurs  de  Hures  iurez  en  Vuniversilé  de  Paris, 
demourant  en  la  grant  rue  Jacques  a  renseigne  de  la  Roze 
blanche  couronnée. 

Sous  celte  souscription,  on  lit  les  vers  singuliers  suivants  : 

Lisez  liseurs  attrait  et  entendez 

El  ne  jugez  a  cerveau  esloiirdy, 

Soit  bien,  soit  mal,  que  avant  regard  et 

L'oeuvre  en  latin  dont  ce  livre  est  parly. 

Vous  trouverez  que  je  l'atj  converty 

Selon  le  sens  des  motz  et  de  la  lettre 

Et  mon  françoys  en  latin  assorty, 

Le  plus  au  hrief  que  le  tout  se  peult  faire. 


—   18-2  — 

Pourtant  s'il  est  de  briefve  exposition, 
Retenez  bien,  nobles  hommes  françoys, 
Comment  césar  en  grant  succession, 
Fut  doulx,  becjnin,  humble,  saige  et  courloijs, 
Jamais  ne  (ist  oultraige  aux  gauloxjs. 
Mais  aux  maulvais  fut  tousiours  cordial, 
Leur  pardonnant  tous  h  chascune  fois. 
De  bonne  amour,  comme  ung  prince  royal. 

Le  verso  du  dernier  feuillet  offre  la  marque  de  Denis 
Janot.  C'est  celle  des  deux  marques  de  ce  libraire  que 
Brunet  reproduit  t.  II  de  son  Manuel,  col.  303. 

Au-dessus  de  celle  marque  se  trouvent  les  chiffres 
XXXVIII,  qui  indiquent,  non  pas  le  nombre  des  feuilles, 
mais  seulement  celui  des  feuilles  avec  signatures. 

Ainsi  voilà,  pour  le  même  livre,  trois  adresses  différen- 
tes; d'abord  celle  du  tilre,  rue  Neuve  Notre-Dame,  puis 
celle  de  Lenoir  et  enfin  celle  de  Denis  Janot. 

La  présente  édition,  qui  doit  être  fort  rare,  n'a  jamais 
été  décrite  que  je  sache.  Je  ne  pourrais  même  affirmer 
qu'elle  ait  élé  citée  dans  le  Manuel,  où  M.  Brunet  men- 
tionne, à  la  vérité,  une  édition  sans  date  de  Michel  Lenoir, 
petit  in-4o,  d'après  le  XIX'^  catalogue  de  Tross,  n"  2143, 
où  elle  est  portée  à  50  fr.  —  Mais  il  dit  qu'elle  porte  le 
litre  de  :  Les  oeuvres  et  brefues  expositions,  tandis  que 
celle-ci  offre  un  titre  différent. 

Les  gravures  de  cette  édition,  qui  me  semble  avoir  été 
une  édition  populaire  et  à  bon  marché,  mais  qui  ne  se 
vendrait  pas  à  bas  prix  aujourd'hui,  sont  assez  grossières 
et  n'ont  que  peu  ou  point  de  rapport  avec  les  événements 
racontés  dans  le  livre. 

Sauf  le  tilre,  on  ne  trouve  aucune  lettre  imprimée  en 
rouge  dans  tout  le  volume,  à  l'exception  des  mots  Chapi- 
tre III  et  de  la  lettre  initiale  L  de  ce  troisième  chapitre. 

Celte  édition  ne  mentionne  pas  le  nom  du  traducteur, 


183 


comme  les  autres  le  font.  C'est  Robert  Gagiiiii  qui  est 
l'auteur  de  cette  traduction  et  qui  la  présenta  au  roi 
Charles  VIII. 

J'ai  sous  les  yeux  un  très-bel  exemplaire  de  celte  édition, 
fort  bien  conservé  et  avec  de  nombreux  témoins. 


II. 

Erklerung  des  newen  Instriimenls,  /  durch  Sebastianum 
Moensler  (sic),  ueber  den  j  Mon,  gemacfit  im  Jar  Chrisli  j 
iMDXXIX.  Ce  titre  se  trouve  au-dessus  d'une  jolie  gravure 
sur  bois.  —  Au  recto  du  dernier  feuillet  se  lit  cette  sous- 
cription :  Gedruckl  zu  Wormbs  bei  Peler  Schoeffern,  vnd 
volendet  im  jar  m.  d.  xxix,  am  crsten  tag  Herbstmondes. 
En-dessous  la  marque  de  l'imprimeur,  avec  les  bergers. 
Petit  in-4-°,  de  24  ff.  non  chiffrés,  signât.  :  A  ij —  F  iij, 
avec  figures  sur  bois. 

Le  verso  du  titre  est  occupé  par  un  avis  de  l'auteur 
adressé  à  tous  les  amateurs  du  noble  art  des  mathématiques. 
Les  gravures  sur  bois  dont  ce  livret,  fort  joliment  exécuté, 
est  orné,  sont  très-curieuses. 

Je  possède  un  superbe  exemplaire,  lavé  et  réglé,  et  avec 
de  nombreux  témoins,  de  cet  ouvrage  du  fameux  Sébastien 
Miinsler,  imprimé  par  Pierre  Schoeffer.  Je  ne  l'ai  trouvé 
mentionné  par  aucun  bibliographe.  Sébastien  Munster  avait 
fait  précéder  la  publication  de  cet  ouvrage,  par  un  travail 
semblable  sur  le  soleil,  qui  sert  de  pendant  à  celui  sur  la 
lune,  sous  ce  titre  : 

Erklerung  des  newen  Instriiments  der  Sunnen,  nach 
allenseinen  Schegben  vnd  Circkeln.  —  Item  eijn  vernianiing 
an  aile  liebhaber  der  kuensten,  im  hilff  zu  thun  zu  warer 
vnnd  rechler  beschreybung  Teutscher  nation  (Land).  A  la 
fin  on  lit  :  Gedruckt  durch  Jacob  Kobel,  stalschregber  zu 


—  484  — 

Oppenheim  im  jar  1528,  petit  in-4°  de  16  (T.,  avec  un  plan 
des  environs  de  Heidelberg. 

Ce  livret  est  également  de  la  plus  grande  rareté  et  fort 
curieux,  en  ce  qu'il  prouve  que  l'auteur,  dès  l'année  1528, 
s'occupait  à  recueillir  des  matériaux  pour  sa  célèbre  Cosmo- 
graphie, qui  ne  parut  pour  la  première  fois  en  allemand, 
qu'en  1541,  et  en  latin  qu'en  1550,  et  fut  si  souvent  réim- 
primée et  traduite  en  plusieurs  langues. 

m. 

Mvndvs  I  Ein  schoens  neives  /  kiirtzes  spiel  von  der  / 
Welt  I  art  vnd  natur,  diirch  /  Joachimum  Greff  j  ziisamen 
(jebracht,  nuelziich  /  vnd  fast  kiirtzweilich  /  zu  lesen.  / 

Wiltu  wissn  der  Welt  art  vnd  sin 
Bas  magslu  genlzlich  lernen  hîerin, 
Inn  dicscm  buch,  wiervol  riicht  gros 
Doch  wird  dirs  gfallen  vber  die  mas, 
Kaitffs  nur  vnd  lies  darnach  mit  vleis 
Sol  dich  nicht  rewen  vorivar  ich  iveis. 

Witlenberg,  1557,  pet.  in-8°  de  28  ff.  non  chiffrés,  dont 
le  verso  de  l'avant-dernier  et  le  dernier  en  blanc,  signa- 
tures A  II  —  D  u. 

Le  verso  du  litre  est  en  blanc.  La  dédicace,  en  langue 
latine,  est  adressée  :  Clarissimo  viro  D.  Georgio  Sabino 
juris  utriusque  Doctori,  Poelae  encellentissimo,  domino 
atque  amico  suo  observando.  Elle  occupe  le  second  cl  troi- 
sième feuillet  et  le  haut  du  recto  du  quatrième;  elle  est 
datée  de  Wittemberg,  Anno  Christo  nalo  1537.  En-dessous 
se  trouve  la  liste  des  personnages,  également  en  latin. 

La  comédie  finit  au  verso  du  vingt-quatrième  feuillet. 
Le  recto  du  vingt-cinquième  feuillet  porte  en  gros  carac- 
tères :  Fulgel  ein  schoenes  Lied  von  der  Welt  sitlcn.  Celte 
chanson  est  accompagnée  de  la  musique  gravée. 


—  185  — 

Au  bas  du  reclo  du  viugt-seplième  feuillet  se  trouve 
celle  souscription  :  Gedritckt  zu  Witlcnberg  diirch  Georgen 
Rhaw. 

Celle  comédie,  en  vers  allemands,  est  extrêmement  rare. 
Le  Manuel  de  Brunct  ne  cite  du  même  auteur  que  la  tra- 
gédie de  J«c?<7/i.  Witlcnberg,  G.  Rhaw,  1556,  petit  in-8°, 
vendue  28  fr.  —  Soleinne. 

On  peut  consulter  sur  les  ouvrages  de  Grefî  la  dernière 
édition  de  Gervinus,  Geschic/ite  der  Deiitschen  Dichtung, 
t.  H,  p.  346,  et  t.  III,  p.  79,  89  et  9f. 

Un  très-joli  exemplaire  de  la  Comédie  du  «  Cours  de  ce 
monde  »  fail  partie  de  ma  collection.  Celle  comédie  a  pour 
base  la  fable  :  Le  Meunier,  son  fils  et  Cane,  que  Lafon- 
taine  dit  tenir  de  Malherbe,  mais  qui  est  infiniment  plus 
ancienne, 

iV. 

Le  Calalogve  des  antiqves  érections  des  villes  et  citez, 
assises  es  trois  Gaules,  c'est  à  sçaiioir  Celtique,  Belgique  et 
Aquitaine,  contenant  deux  livres.  Le  premier  fait  par 
Gilles  Corrozet  Parisien.  Le  second  par  Claude  Champier 
Lyonnois.  Plus  vn  petit  traité  des  Fleuves  et  fontaines 
admirables ,  estans  esdictes  Gaules.  Histoire  très  vtile  et 
délectable,  nouuellement  mise  en  lumière.  A  Paris  en  l'im- 
primerie d'Eslienne  Groulleau,  demourant  en  la  rue  neuiie 
nostre  Dame,  à  l'enseigne  saint  Jan-Baptiste,  1551,  in-16, 
de  8  ff.  prélim.,  82  fF.  chiffrés,  plus  4  ff.  de  table,  avec 
gravures  en  bois. 

Parmi  les  nombreuses  éditions  de  ce  petit  livre,  celle-ci 
n'est  pas  citée  par  le  Manuel,  bien  qu'elle  soit  l'une  des 
plus  jolies.  J'en  ai  sous  les  yeux  un  bel  exemplaire. 

Cet  opuscule,  si  souvent  réimprimé,  jouit  depuis  quelque 
temps  d'une  grande  faveur  auprès  des  bibliophiles  français. 


—  180   - 

qui  en  paient  les  exemplaires  qui  se  présentent  en  vente  à 
des  prix  très-élevés.  Quel  peut  être  le  motif  de  la  vogue 
de  ce  petit  livre,  rempli  de  fables  des  plus  naïves?  Serait-ce 
parce  qu'il  semble  appuyer  la  théorie  des  frontières  natu- 
relles de  la  France?  Et  cependant  le  bon  Corrozet  ne  son- 
geait certainement  pas  à  les  revendiquer. 


V. 


//  nvovo  Testamento  di  Giesv  Christo  salvalore  nosiro, 
nuovamente  dal-r original  foule  Greco  in  lingua  Toscana 
tradotlo  (marque  de  l'imprimeur).  In  Lyone,  appresso 
GulielmoRouiUio  MDLIII  (Iboo),  in-16,  de  5o2  et  574  pp. 
et  16  ff.  non  chiffrés  pour  la  souscription  et  la  table,  avec 
nombreuses  gravures  en  bois. 

Au  verso  du  litre  se  trouve  une  petite  table  des  chapi- 
tres et  des  épîlres. 

Celte  version  italienne  est  adressée  par  Guillaume  Rouille 
ou  Roville  au  cardinal  de  Tournon,  archevêque  de  Lyon. 
Dans  celte  dédicace,  qui  occupe  les  pag.  3  et  4,  l'éditeur 
assure  que  c'est  d'après  le  conseil  d'amis  prudents  et  expé- 
rimentés, parmi  lesquels  beaucoup  d'Italiens  savants  et 
prudents,  qu'il  s'est  décidé  à  imprimer  une  nouvelle  version 
du  Nouveau  Testament,  traduit  fidèlement  de  l'original 
grec  en  langue  toscane.  11  ajoute  que  celle  version  vaut 
beaucoup  mieux  que  celles  qui  avaient  été  imprimées  en 
Italie. 

La  pagination  recommence  aux  épitres  de  saint  Paul. 

Avant  la  table  se  trouve,  sur  le  recto  d'un  feuillet  dont 
le  verso  est  en  blanc,  la  souscription  suivante  : 

Il  fine  del  nuovo  testamenlo  di  Giesu  Christo,  nclquale 
liavemo  aggiunto  alli  piccioli  capituli  A,  B,  C,  D,  alli  pin 
grandi  A,  B,  C,  D,  E,  F,  G,  dore  poltrete  piu  facilmenle 


—   187  — 

conoscere  e  trovar  il  principio  e  il  fine  délie  Epistole  e  degli 
Evangeli  signati. 

Stampato  in  Lyone  per  Philiberto  RoUello. 

CeKe  jolie  édition  doil  être  d'une  très-grande  rareté. 
Une  main  du  siècle  dernier  a  inscrit  ces  mots  sur  le  feuillet 
de  garde  :  «  Édition  avec  fig.  en  bois,  inconnue  des  biblio- 
graphes. »  Celte  note  est  encore  exacte  aujourd'hui  ;  ni 
Brunel  ni  d'autres  bibliographes  n'en  font  mention. 

Les  figures  sur  bois  dont  elle  est  ornée  sont  nombreuses, 
assez  belles,  mais  fort  naïves. 

Le  Manuel  indique  deux  autres  éditions  de  Lyon,  de 
deux  versions  italiennes  du  Nouveau  Testament;  l'une  par 
P.  Roletto  et  B.  Freno,  1549,  in-16,  fjg.  sur  bois,  traduc- 
tion d'Anlonio  Brucioli;  l'autre  par  Giov.  Ternes  et  G.  Ga- 
zeio,  1oo6,  in-16,  fjg.  sur  bois,  traduction  de  Massinio 
Theofilo. 

VI. 

Testamenti  novi  editio  vulgata  (marque  de  l'imprimeur). 
Lugdunï  apud  GuUelmum  Rouillium,  sub  scuto  Venelo  1  So7, 
in-16,  de  496  et  336  pp.,  plus  8  If.  non  chiffrés  pour  la 
table,  fig.  en  bois. 

Cette  version  latine  du  Nouveau  Testament,  rare  égale- 
ment, mais  moins  précieuse  que  la  version  italienne  qui 
précède,  est  imprimée  dans  le  même  genre  et  ornée  des 
mêmes  gravures  en  bois.  Je  ne  l'ai  pas  trouvée  indiquée 
par  les  bibliographes.  En  comparant  ces  deux  versions  du 
Nouveau  Testament,  imprimées  avec  les  mêmes  caractères, 
on  peut  remarquer  combien  le  latin  l'emporte  en  concision 
sur  l'italien,  puisque  pour  cette  dernière  version,  il  a  fallu 
près  de  200  pages  de  plus. 


—  188  — 


VII. 


Les  raisons  naturelles,  et  morales,  de  toutes  choses  qui 
tombent  en  deviz  familiers.  Traicté  fort  récréatif  aux  ama- 
teurs de  bonnes  lettres  (marque  de  rimprimeur  avec  Télé- 
phaiU).  A  Paris,  pour  Barbe  Regnault,  demourant  à  la  rue 
S.  Jacques,  à  l'enseiyne  de  f éléphant.  1561,  iii-16,  de 
96  ff.  non  chiffrés,  signatures  A-M. 

Ce  petit  livre  piquant  et  curieux  commence  brusque- 
ment, sans  préface  ni  introduction,  au  recto  du  second 
feuillet,  par  :  Les  Raisons  naturelles,  ou  sont  comprins 
plusieurs  responces  morales. 

Au  feuillet  GUI  commencent  les  :  Raisons  des  choses, 
morales  et  politiques.  Au  verso  du  quatrième  feuillet  celle 
partie  flnit,  et  le  mol  :  Fin  semble  annoncer  celle  du  vo- 
lume. Mais  il  se  trouve  encore  trois  feuillets  «  d'autres 
enseignemens  de  bons  autheurs,  tant  anciens  que  tnodernes 
traictant  d''amitié.  De  Vamitié  et  des  amyz.  »  Puis  enfin  le 
dernier  feuillet,  dont  le  verso  est  en  blanc,  porte  au  reclo 
un  avis  donl  il  va  être  question. 

Brunel,  Manuel,  t.  IV,  col.  1090-91,  ne  connaît  de  ce 
livre  qu'une  réimpression  de  Lyon,  Ben.  Rigaud,  1586, 
in-16,  de  95  ff.  Il  ajoute  :  livre  peu  commun,  vendu 
fr.  21-50  en  1843  et  fr.  12-50  Coste. 

Or,  l'édition  de  Paris  de  156Î,  plus  ancienne  d'un  quart 
de  siècle,  doit  être  beaucoup  plus  rare  encore.  Mais  celle-ci, 
dont  je  possède  un  exemplaire  bien  conservé,  dans  sa  pre- 
mière reliure  en  veau  fauve,  n'est  pas  non  plus  la  première. 
L'avis  au  lecteur,  dont  je  viens  de  parler,  est  en  effet  conçu 
en  ces  termes  : 

«  Amy  lecteur,  tu  as  icy  les  questions  et  responces  des 
choses  et  raisons  naturelles,  recueillies  de  plusieurs  et  divers 
autheurs,  par  un  aulheur  incertain,  lesquelles  néantmoins 
qu'elles  soient  couchées  confusément  et  sans  ordre,  toute- 


I.iH',  "if  î     M'»,'-,:>!f.-r].cJr  .;.    'tin' 


'ÇS^  Anciennes  fsirltu^€S    /^' 


L&s1)u  C fi 0? u R^ . ^i)i:^o"N^ ^ 


C.ThU   dtl. 


—   189  — 

fois  de  lel  friiicl  cl  ulililé,  qu'il  n'y  a  homme  de  bon  juge- 
menl  qui  n'en  puisse  prendre  grande  commodité.  IMais 
|)OUi"  ce  que  ce  dicl  livre  a  par  cy  devant  esté  imprimé, 
lanl  mal  el  incorrect,  il  a  esté  diflicile  de  le  remettre  en 
son  entier,  pourtant  te  prie  l'avoir  pour  agréable  el  ce  que 
lu  trouvera  mal  ordonné,  l'excuser.  Adieu.  » 

Où  et  quand  parut  celle  première  édition  si  mal  impri- 
mée? Mais  il  serait,  ce  me  semble,  plus  intéressant  de  con- 
naître quel  esl  Vautheur  incertain  de  ce  livre.  Bien  qu'au 
milieu  du  XVP  siècle  on  prétendit  l'ignorer,  il  n'est  pas 
peut-être  si  difficile  de  le  découvrir  aujourd'hui. 

Je  n'ai  pas  le  moindre  doute  que  cet  écrivain  bizarre, 
Hortensio  Lando  ou  Landi,  ne  soit  cet  unUieur  incertain. 

En  effet,  l'original  parul  d'abord  en  latin,  sous  le  litre 
de  Miscellaneae  questioncs,  à  Venise,  chez  Gabriel  Gioloto, 
en  IS.^0,  petit  in-8°. 

Il  reparut  ensuite  augmenté  el  en  langue  italienne,  ainsi 
intitulé  :  Quattro  libri  di  dubbj  con  le  soktzioni  a  ciasciin 
diibbio,  Vinerjia,  Giolito  155S,  petit  in-8°.  —  Malgré  le 
litre,  celte  édition  ne  contient  que  trois  livres  :  Dubbj  natii- 
rali,  morali  e  religiosi.  Les  dubbj  amorosi  se  trouvent  pour 
la  première  fois  dans  l'édition  de  Giolito  de  1 536,  pel.  in-S". 

Ce  livre  eut  du  succès,  car  il  fut  traduit  en  diverses 
langues.  V^oici  le  litre  de  la  première  traduction  française  : 
Questions  diverses  et  responses  d'icelles,  divisées  en  trois 
livres,  savoir  questions  dhunour,  naturelles,  morales  et 
politiques,  Lyon,  Gabriel  Cotier,  1558,  in-8°. 

Serait-ce  là  cette  édition  qui  aurait  été  imprimée  tant 
mal  et  incorrecte?  Qiio'\  qu'il  en  soit,  celte  traduction  fut 
réimprimée  assez  souvent. 

Les  Raisons  naturelles  et  morales  sont  donc  une  partie 
des  Questions  diverses.  Comme  on  peut  le  présumer  d'un 
livre  de  ce  genre  el  de  cette  époque,  ces  questions  sont 
souvent  fort  naturelles,  mais  elle  ne  sont  pas  toujours  dos 
plus  morales.  u 


—  -190 


VIII. 


Premier  Iwre  des  procès  tragiques,  conlenanl  cinquante- 
cinq  histoires,  avec  les  accusations,  demandes  et  deffences 
d'icelles.  Ensemble  quelque  poésie  morale.  Le  tout  par 
Alexandre  Vanden  Bussche  Flandrois,  dit  le  Sylvain.  Dé- 
dié au  Duc  de  Lorraine.  A  Anvers,  par  Guillaume  le 
Niergue,  1579,  in-16,  de  8  ff.  non  chiffrés  et  198  ff. 
chiffrés.  —  Les  poésies  commencent  au  verso  du  cent 
soixante-quinzième  feuillet. 

La  première  édition  de  ce  livre  parut  à  Paris,  Bonfons, 
1573,  in-i6.  Quant  à  cette  réimpression  d'Anvers,  tous  les 
bibliographes,  depuis  Du  Verdier  jusqu'à  nos  jours,  la 
citent  sous  la  date  de  1580.  Je  possède,  sous  cette  dernière 
date,  l'exemplaire  de  Méon,  cité  par  le  Manuel,  relié  en 
maroquin  rouge  ancien,  et  qui  avait  passé  de  la  collection 
Coste,  à  Lyon,  dans  celle  de  l'EIzeviriophile  Pielers.  Mais 
j'ai  eu  sous  les  yeux  un  exemplaire  daté  de  1579,  semblable 
en  tout  à  l'autre,  et  avec  la  même  disposition  du  titre,  sauf 
les  deux  chiffres  de  79  au  lieu  de  80.  —  Cette  réimpression, 
extrêmement  rare,  aura  sans  doute  paru  vers  la  fin  de  1579, 
puis  on  aura  rafraîchi  la  date  l'année  suivante. 

IX. 

Cinquante  Aenigmes  francoises,  d'Alexandre  Sylvain, 
avec  les  expositions  d'icelles.  Ensemble  quelques  aenigmes 
Espagnolles  dudict  autheur,  et  d'autres.  Le  tout  dédié  à  la 
Royne  Elisabeth  Douairière  de  France  (Marque  de  l'impri- 
meur). A  Paris,  chez  Gilles  Beys,  rue  S.  Jacques,  au  Lis 
blanc.  M.D.LXXXI  (1581),  avec  privilège  du  Roy,  petit 
in-8°,  de  4  ff.  pour  la  dédicace  et  table,  et  54  ff.  chiffrés 
pour  la  première  partie,  —  puis  4  ff.  non  chiffrés,  26  ff. 
chiffrés,  et  2  ff.  non  chiffrés  pour  la  seconde  partie. 


—  191   — 

Kdiliou  originale,  exlrèmemenl  rare,  île  celle  (lernière 
pnblicalion  de  Sylvain  de  Flandre.  Tons  les  bibliographes 
ne  la  citent  que  sous  la  date  de  1582.  Elle  fut  réimprimée 
à  Rouen  en  lOOl . 

Dans  la  dédicace,  Sylvain  dit  qu'il  avait  composé  ces 
énigmes  pendant  qu'il  était  au  service  de  Charles  IX,  mais 
qu'à  la  mort  de  ce  monarque  il  fut  toujours  employé  à 
voyager,  ce  qui  a  retardé  la  publication. 

La  seconde  partie  porte  ce  titre  : 

Ouarenta  Aenirjmas  en  lengiia  Espannola,  dirùjidas  à  la 
Magestad  délia  Serenissima Régna  Donna  Ysabelde  Auslria, 
liinda  del  rey  de  Francia,  Don  Carlos  Noveno  (Marque  de 
l'imprimeur).  En  Paris,  en  la  casa  de  Giles  Beijs,  calle 
S.  Jur/o,  al  Lirio  blanco  MDLXXXl.  cou  privilégie  del  rey. 
Le  second  feuillet  est  occupé  par  la  dédicace,  signée  :  Miiy 
humilde  Servidor,  Alexandro  Sylvano. 

La  table  occupe  le  troisième  feuillet.  Le  quatrième,  dont 
le  verso  est  en  blanc,  contient  le  privilège  du  roi,  daté  du 
26  août  1581. 

Les  neuf  premières  énigmes  espagnoles  ont  Sylvain  pour 
auteur.  Les  autres  de  varias  aulhores,  commencent  au 
feuillet  10. 

Au  bas  du  verso  du  dernier  feuillet  imprimé  se  trouve 
la  divise  de  Sylvain  :  Fortis  fraenat  forlunam. 

Je  possède  un  bel  exemplaire  de  cette  édition  originale, 
sous  la  date  de  1581.  —  Un  second  exemplaire  sous  cette 
même  date,  relié  en  maroquin  rouge  (Hardy),  est  offert  au 
prix  de  55  fr.,  dans  le  catalogue  de  la  librairie  J.  Miard, 
à  Paris,  n°  2,  p.  6,  n"  183.  C'est  un  assez  beau  prix,  mais 
ce  livre  est  d'une  rareté  extraordinaire. 


—  19^2 


X. 


Le  miroir  de  vertu  et  chemin  de  bien  vivre,  contenant 
plusieurs  belles  histoires,  par  quatrains  et  distiques  moraux, 
le  tout  par  alphabet,  avec  le  stile  de  composer  toutes  sortes 
de  lettres  tnissives,  quittances  et  promesses,  la  ponctuation 
et  accens  de  la  langue  françoyse,  l'instruction  et  secret  de 
fart  d'escriture.  Reveu  et  augmenté  de  nouveau  par  Vau- 
theur  (Pierre  Habert).  A  Rouen,  chez  Romain  de  Beauvais, 
tenant  sa  boutique  prez  le  grand  Portail  noslre  Dame.  Sans 
date  (fin  du  XVI^  siècle),  2  parties  in-12,  de  167  et  96  pp. 

Aux  pages  5  et  S  se  lit  la  dédicace  :  Au  très  chrestien 
roy  de  France  et  de  Poloigne  Henry  III.  L'auteur  y  prend 
les  titres  de  secrétaire  de  la  chambre  de  ses  finances,  maison 
et  couronne  de  France,  baillif  de  son  artillerie  et  garde  du 
scel  d'icelle. 

La  seconde  partie  porte  ce  litre  : 

Le  stile  de  composer  et  dicter  toutes  sortes  de  lettres  mis- 
sives, avec  la  ponctuation  des  accents  de  la  langue  française, 
par  Pierre  Hubert,  conseiller  et  secrétaire  du  roy.  A  Rouen, 
chez  Romain  de  Beauvais  (sans  date). 

La  prose  de  cette  partie  finit  page  63.  A  la  page  64 
commencent  les  vers.  La  page  96  contient  la  table. 

La  première  édition  de  ce  livre  parut  à  Paris,  en  1559, 
in-16.  Le  Manuel  cite  deux  éditions  de  Rouen,  l'une 
de  1574  et  une  autre  sans  date  (vers  1580),  chez  Thomas 
Reinsaut,  petit  in-12  (Vendue  27  fr.  —  Veinant). 

La  présente  édition,  non  citée,  contient  aussi  p.  91-93, 
une  Epistre  de  Francoys  Habert  frère  de  l'autheur,  aux 
lecteurs,  sur  V excellence  et  utilité  de  l'escriture,  et  p.  94-95  : 
La  civilité  quun  chacun  doit  tenir  et  principallement  les 
jeunes  en  fans,  en  prenant  le  repas  des  viandes  crées  de 
Dieu  pour  notre  usage. 


—  195  — 

Celle  dernière  pièce,  où  l'on  voil  ce  que  Ton  exigeait  des 
jeunes  gens  en  fail  de  politesse,  est  passablement  curieuse. 
Elle  fera  sourire  le  lecteur  moderne.  La  voici  intégralement  : 

Avant  manger  et  boire  en  chacnn  lieu, 

Lave  les  mains  et  puis  vien  prier  Dieu, 

Aux  apparens,  vieux,  sages  et  rassis, 

Est  deu  l'honneur  d'estre  premier  assis; 

Et  si,  comme  eux  à  table  te  faut  rendre, 

Tes  bras  ne  faut  eslargir  ny  estendre, 

Ne  te  coucher  :  car  droit  te  faut  tenir 

El  de  fouiller  en  ton  nez  l'abstenir; 

Graller  ton  chef  est  tant  laid  que  merveilles. 

Estant  à  table  et  fouiller  aux  aureilles; 

Salle  est  aussi  les  ongles  longs  avoir 

Et  regarder  ça  et  là  pour  tout  voir. 

Estant  requis  de  parler,  il  te  faut, 

Car  sans  cela,  si  l'enfant  parle,  il  faut. 

Couper  du  pain  auprès  de  la  poictrine 

Répugne  fort  à  la  civille  doctrine. 

Prendre  du  sel  au  eousteau  tellement 

Il  te  convient;  fay-le  donc  sagement; 

Ne  guctle  au  plat  longuement  la  viande, 

Prens  la  plus  près,  sans  choisir  la  friande. 

Si  liberté  et  congé  on  te  donne 

La  prendre  au  plat,  comme  aux  grands  on  l'ordonne; 

Sinon,  reçoy  ce  qu'on  te  donnera, 

Tant  humblement  que  faire  se  pourra. 

De  ton  Cousteau  tes  morceaux  dois  couper 

El  le  mordu  au  plat  ne  faut  tremper. 

Ronger  les  os,  lécher  les  doigts  n'appelé, 

Ains,  torche  les  à  nappe  ou  serviette. 

Ne  mets  jamais  premier  la  main  au  plat. 

Car  lu  serois  dit  gourmand  tout  à  plal; 

Boire  et  manger  tu  dois  honneslement. 

Torche  ta  bouche  aussi  soigneusement. 

Avant  que  boire  et  après  aussi  bien, 

Usant  toujours  d'un  honneste  maintien; 

Ce  lieu  le  soit  entre  autre  place  honneslc. 

N'y  commels  donc  rien  qui  soit  deshonncsic. 


—  iU  — 

(juaiid  Ion  repas  sobrement  pris  auras. 

Les  assistans  saluant,  t'osteras 

En  desservant  ce  qui  est  dessus  table, 

Car  cela  est  lionneste  et  convenable 

Aux  jeunes  gens  csloigncz  de  tout  vice. 

De  s'employer  à  faire  tout  service, 

Si  d'adventurc  il  n'y  a,  pour  ce  faire 

De  serviteurs,  afin  d'y  satisfaire; 

Puis  à  la  fin,  surtout  aye  mémoire 

De  rendre  à  Dieu  honneur  et  toute  gloire. 

Les  vers  île  Pierre  Haherl  senlenl  un  peu  leur  cuistre  et 
on  est  étonné  de  lui  voir  prendre  les  litres  pompeux  de 
conseiller  et  secrétaire  du  roi.  Mais  Pierre  avait  d'abord 
été  tout  simplement  :  «  maislre  écrivain,  »  c'est-à-dire 
maître  d'écriture. 

Pierre  Haberl  s'est  souvenu  de  son  ancien  métier;  il 
consacre  plus  d'un  quatrain  à  la  manière  de  tenir  la  plume, 
de  choisir  son  encre,  etc. 

Son  frère  François  écrivait  mieux  que  Pierre  ;  mais 
Pierre  calligraphiait  mieux  que  François.  Ce  fut  le  calli- 
graphe  et  non  l'écrivain  que  choisit  Sa  Majesté  Henri  IH, 
pour  en  faire  son  secrétaire  et  son  conseiller. 

H.  Helbig. 


—  195 


notice 


SUR 

LES    ANCIENNES    ET    LES    NOUVELLES    PEINTURES    MURALES 

DE    L'ÉGLISE 

DE  NOTRE-DAME,  AU  SABLON, 

A.  BRUXELLES. 


L'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon,  a  toujours  été  l'objet 
des  sympathies  spéciales  de  la  population  bruxelloise.  Con- 
struite avec  les  deniers  provenant  des  offrandes  particulières 
des  fidèles  (i),  elle  a  toujours  rappelé  aux  générations  suc- 
cessives la  piété  et  la  générosité  de  leurs  ancêtres,  et  ce 
souvenir  n'a  cessé  d'inspirer  au  peuple  cette  émulation  de 
contribuer  à  son  ornementation  par  des  libéralités  dont  l'his- 
toire nous  fournit  de  nombreux  exemples.  Mais  ce  fut  sur- 
tout au  puissant  patronage  des  corporations  civiles  que  le 
sanctuaire  de  Notre-Dame  fut  redevable  de  la  sympathie 
populaire  dont  elle  jouit  constamment  depuis  son  origine. 
Tandis  que  les  autres  églises  de  Bruxelles  étaient  admi- 
nistrées par  des  chapitres  ou  des  membres  du  clergé, 
l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon,  n'eu4,  jamais  avant  le 
XIX'^  siècle  d'autres  préposés  que  les  membres  de  la  grande 


(1)  Aile  de  aelmoessen  cnde  offeranJen  tollen  gesliclite  der  voirscrevene 

kerckeii  ochle  capelle  ende  lollen  andereii,  die  liaere  noeldorslicli  zyn 

Extrait  de  l'acte  de  cession  de  1304. 


—  196  — 

gilde  de  l'arbalèle  ou  de  Noire-Dame.  C'était  encore  sous 
les  voûtes  de  ce  temple  que  se  réunissaient  pour  les  divins 
offices  toutes  les  compagnies  de  la  milice  bourgeoise  et  plu- 
sieurs corps  de  métiers  de  la  ville  (i). 

Ainsi  construite,  administrée  par  le  peuple  et  devenue 
l'objet  de  ses  affections,  Téglise  de  Notre-Dame,  au  Sablon, 
ne  pouvait  manquer  de  participer  à  toutes  ses  libéralités. 
Aussi  voyons-nous  la  généralité  des  babilants  de  la  ville 
s'imposer  le  devoir  d'apporter  leur  tribut  pour  l'orner  et 
l'embellir;  et  il  semble  que  l'on  a  toujours  eu  en  vue  de 
lui  procurer  par  la  beauté  et  la  richesse  de  sa  décoration 
la  première  place  parmi  les  édifices  de  la  ville  consacrés  au 
culte.  C'est  ainsi  que  l'on  y  voyait  figurer  avec  profusion 
les  objets  qui  constituent  tant  l'ameublement  que  l'orne- 
mentation d'une  église:  un  grand  nombre  d'autels  formant 
des  cbapellenies  ornaient,  comme  des  lambris,  les  parois  et 
les  piliers,  et  les  cachaient  aux  yeux  des  fidèles  (2).  Des 
figures  du  Christ,  des  statues  de  saints  et  de  saintes,  des 
sculptures  de  tout  genre  y  abondaient.  Un  grand  nombre 
de  tableaux  des  plus  grands  maîtres  y  avaient  trouvé  une 
place.  Toutes  les  fenêtres  étaient  ornées  de  magnifiques 
verrières  (3).  En  un  mot,  il  n'y  avait  pas  un  coin  de  l'église 
où  l'on  ne  trouvait  quelque  trace  de  la  libéralité  des  fidèles 

(1)  La  pclile  gilde  de  l'arbalète,  les  serments  des  archers,  des  arquebusiers 
et  des  escrimeurs,  la  corporation  des  menuisiers,  etc.,  avaient  tous  dans 
Téglise  de  Notre-Dame,  au  Sablon,  leur  autel  particulier,  dédie  respectivement 
à  saint  George,  à  saint  Antoine,  à  saint  Christophe,  à  saint  Michel  et  à  saint 
Joseph.  Toutes  ces  corporations  concourraient  également  à  rehausser  par 
leur  présence  réclal  de  Vommeganok  et  des  autres  solennités  en  usage  dans 
cette  chapelle  de  la  milice  bourgeoise. 

(2)  Au  commencement  du  XV^  siècle,  nous  comptons  déjà  onze  ehapellrnies 
pourvues  de  revenus  qui  y  avaient  été  affectés  pour  rexonéralion  de  certains 
ofTices,  conformément  aux  désirs  de  ceux  qui  les  avaient  fondées.  Archives  de 
Sainte-Gudulc. 

(â)  Notice  nur  les  anciennes  et  les  nouvelles  vcrril^res  de  l'église  de  Nolrc- 
Dame,  au  Sablon,  par  Hv.icrîtTiiE  De  Bruys.  Bruxelles,  1866,  in-4». 


—  197  -- 

et  de  leur  sollicitiitle  pour  rornemonlalion  du  temple  que 
leurs  ancêtres  avaient  déilic  à  la  reine  des  cieux. 

Objet  d'une  si  vive  sympahie,  l'église  de  Noire-Dame, 
au  Sablon,  ne  pouvait  manquer  de  prendre  part  au  mou- 
vement extraordinaire  qui  se  produisit  en  Belgique  eu 
faveur  des  peintures  murales. 

D'un  autre  côté,  la  structure  architccluralp  de  l'église, 
et  principalement  du  chœur,  réclamait  ce  genre  de  déco- 
ration comme  complément  de  rornementation  produite  par 
la  coloration  des  vitraux. 

Le  chœur,  véritable  lanterne  percée  à  jour  de  tous  côtés 
par  des  hautes  fenêtres  lancéolées,  rapprochées  les  unes 
des  autres,  reçoit  la  lumière  avec  une  telle  profusion  et 
offre  des  surfaces  si  favorables  à  l'établissement  de  ver- 
rières, que  dès  son  origine  on  comprit  la  nécessité  d'en 
établir  (i).  Aussi,  dès  la  seconde  moitié  du  XV^  siècle, 
trouvons-nous  toutes  les  fenêtres  du  sanctuaire  ornées  de 
superbes  vitraux  coloriés,  dont  l'éclat  et  la  richesse  de  tons 
devait  contraster  avec  les  tons  clairs  de  l'appareil  lapidaire 
intérieur.  Il  fallait  nécessairement  se  résoudre  à  laisser 
dominer  l'éclat  des  verrières,  ou  à  opposer  à  la  lumière 
tamisée  et  diffuse  produite  intérieurement  par  leur  inter- 
position une  coloration  architecturale  participant  à  l'éclat 
des  vitraux  et  le  complétant  par  l'harmonie  et  l'ensemble 
des  tons.  Le  moyen  âge  avait  déjà  résolu  cette  question  et 
l'usage  avait  prévalu  d'accentuer  nettement,  au  moyen  d'une 

(I)  Ces  verrières  ayant  été  détriiiles  par  les  malheurs  des  temps  et  à  In 
suile  (le  certaines  circonstances,  l'administration  de  l'église  crut  devoir,  au 
siècle  dernier,  diminuer  la  trop  grande  diffusion  de  la  lumière  en  bouchant 
au  moyen  de  briques  d'argile  les  deux  fenêtres  du  milieu  de  l'abside  heptagone 
du  chœur.  La  fenêtre  du  milieu  avait  été  clôturée  de  la  même  manière,  au 
XVII«  siècle,  et  on  y  avait  substitué  à  l'intérieur  la  statue  de  la  Sainte  Vierge, 
placée  sur  un  socle.  Notice  prccitcc  sur  les  anciennes  et  les  nouvelles  verrières 
de  l'église,  et  n»  340  3»  de  la  collection  des  corps  des  métiers  cl  serments  de 
Bruxelles,  ntix  Archives  du  royaume. 


—    198  — 

décoralion  picturale,  les  formes  de  coiislruclion  et  les  dif- 
férentes parties  sculpturales  des  édifices. 

L'aspect  de  dégradation  que  présentait  le  chœur  éveilla, 
en  l'année  1851 ,  la  sollicitude  des  nnembres  préposés  à  l'ad- 
ministration de  l'église.  Voulant  rétablir  cette  partie  dans 
son  caractère  primitif  et  lui  réimprimer  le  cachet  de  lé- 
gèreté et  de  pureté  de  style  qui  le  distinguait  autrefois,  le 
conseil  de  fabrique  prit  la  résolution  de  faire  enlever  d'a- 
bord les  clôtures  en  briques,  qui  masquaient  d'une  manière 
si  regrettable  les  belles  fenêtres  du  sanctuaire,  pour  leur 
substituer  des  verrières.  Mais  ce  dernier  travail  exigeait 
comme  complément  l'exécution  de  peintures  murales.  Les 
membres  du  conseil  comprirent  cette  nécessité,  et  bien 
qu'ils  ignorassent  qu'un  travail  de  ce  genre  eût  déjà  été 
exécuté  par  leurs  prédécesseurs  dans  l'administration  de 
l'église,  ils  en  décidèrent  l'exécution. 

Mais  l'état  de  vétusté  et  de  dégradation  dans  lequel  se 
trouvait  cette  partie  de  l'église,  réclamait  préalablement  une 
restauration  complète,  ce  qui  nécessita  l'ajournement  des 
travaux  d'ornementation. 

Celle  restauration  fut  mise  à  l'étude  et  entamée  en  1859 
sur  le  rapport  de  la  Commission  royale  des  monuments. 

Au  mois  de  mai  de  la  même  année,  en  enlevant  les  dos- 
siers des  stalles  en  bois  qui  déparaient  les  côtés  latéraux 
du  chœur,  tout  en  en  cachant  les  beautés  aux  yeux  des 
fidèles,  on  découvrit  des  traces  de  peintures  murales  cou- 
vertes d'une  couche  épaisse  de  badigeon.  Ces  couches  de 
chaux,  grattées  avec  le  plus  grand  soin,  mirent  à  nu  des 
nombreuses  figures  polychromées  du  XV""  siècle. 

Le  chœur  proprement  dit,  c'est-à-dire  la  partie  qui  s'é- 
tend du  banc  de  communion  jusqu'au  sanctuaire,  dont  il 
est  séparé  par  trois  marches  en  marbre,  se  compose  de 
chaque  côté  de  deux  grandes  travées.  Chacune  de  ces  tra- 
vées est  subdivisée  en  cinq  compartiments  à  ogives   Irilo- 


—   199  — 

bées,  dont  les  divisions  correspondenl  aux  meneaux  des 
fenêtres  qui  les  surnionlenl.  L'abside  qui  termine  le  chœur, 
revêt  une  forme  heptagone  et  se  compose  de  sept  travées 
plus  étroites  que  les  premières,  subdivisées  chacune  en 
deux  compartiments  correspondant  également  aux  divisions 
des  sept  fenêtres  du  sanctuaire. 

C'est  dans  ces  compartiments  et  dans  les  ogives  trilobées 
qui  les  surmontent,  et  qui  mesurent  ensemble  trois  mètres 
de  hauteur  sur  cinquante  centimètres  de  largeur,  que  l'on 
découvrit  les  peintures  que  nous  allons  chercher  à  décrire 
d'une  manière  aussi  complète  qu'il  nous  sera  possible.  Mais 
avant  d'entamer  cette  description,  qu'il  nous  soit  permis 
de  nous  livrer  à  quelques  considérations  générales  sur 
l'ensemble  des  peintures  découvertes  dans  l'église  et  prin- 
cipalement dans  le  chœur  de  l'église  de  Notre-Dame,  au 
Sablon,  à  l'effet  d'en  rechercher  le  caractère,  le  mérite  et 
l'époque. 

En  nous  livrant  à  des  considérations  de  ce  genre,  nous 
marchons  à  l'aventure  comme  le  voyageur  qui  parcourt  un 
chemin  qui  lui  est  inconnu  et  nous  nous  exposons  à  nous 
égarer.  La  question  des  peintures  murales  offre  en  effet 
certaines  difficultés  dont  il  serait  prudent  d'abandonner  la 
solution  à  des  hommes  plus  autorisés  et  plus  compétents 
dans  la  matière;  mais  confiants  dans  l'indulgence  du  lec- 
teur, nous  osons  nous  flatter  qu'il  nous  pardonnera  en  vue 
de  nos  intentions,  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  payer  à  l'art 
un  faible  tribut  et  de  concourir  par  des  essais  à  jeter  quel- 
que lueur  sur  cette  grande  manifestation  du  génie  de 
l'homme. 

Ce  n'est  pas  à  dire  cependant  que  la  peinture  architec- 
turale soit  un  genre  nouveau,  un  sanctuaire  mystérieux, 
dont  l'intelligence  humaine  n'a  pas  encore  pénétré  les  se- 
crets. Non,  car  la  peinture  murale  ou  monumentale,  im- 
proprement appelée  la  peinture  à  fresque,  loin  d'être  une 


—  -200  — 

créalioi)  nouvelle,  une  innovalion  du  XIX'^  siècle,  élait  la 
peinture  primitive  des  peuples.  Elle  élait  le  seul  genre 
connu  dans  Tanliquité,  el  l'on  peut  affirmer  que  ce  genre 
de  décoration  est  aussi  ancien  que  la  statuaire  et  que  l'ar- 
chitecture même  (i). 

En  Belgique  également,  nous  trouvons  des  traces  de  ce 
genre  de  peinture  dès  les  siècles  les  plus  reculés  (2).  Il  est 


(1)  Pour  en  découvrir  l'origine,  il  faudrait  remonter  au  berceau  du  genre 
hnmain.  Dieu  prescrivit  k  Moïse  d"eniluire  l'arche  et  l'autel  de  proposition  de 
l'or  le  plus  pur  (Ex.  XXV,  Il  et  24).  L'Inde  septentrionale,  ce  berceau  de 
l'art,  rÉtrurie  et  l'Asie  >lineure  connurent  la  peinture  murale.  Les  Égyptiens 
et  les  Chaldéens  la  cultivèrent;  les  fouilles  pratiquées  à  Ninive,  à  Pompéï  et 
à  Hercnlanum  nous  en  fournissent  des  exemples.  Déjà  à  l'époque  de  Périclès, 
c'est-à-dire  cinq  siècles  environ  avant  la  venue  du  Messie,  lorsque  Athènes 
étalait  aux  yeux  de  sa  rivale  et  du  monde  entier  les  prodiges  du  génie  de  ses 
enfants,  les  Grecs  ornaient  de  peintures  les  statues  de  leurs  dieux  et  les  mar- 
bres de  leurs  temples.  Bien  plus,  ils  se  servaient  à  cette  fin  de  l'aclion  du  feu, 
c'est-à-dire  du  procédé  de  l'encaustique,  longtemps  perdu  mais  aujourd'hui 
retrouvé.  Ils  connaissaient  également,  au  rapport  du  moine  Theophilus,  le 
procédé  connu  en  Italie  sous  le  nom  de  fresco  secco.  Tous  les  peuples  prati- 
quèrent ce  genre  d'ornementation,  et  il  n'est  pas  jusqu'aux  peuples  les  plus 
barbares  qui  ne  revêlaient  leurs  temples,  leurs  idoles  de  bois  ou  de  pierre,  et 
même  leurs  habitations,  des  peintures  les  plus  variées  et  parfois  les  plus  bril- 
lantes. Et  cet  usage  de  marier  la  peinture  avec  rarcliitecture  pour  se  compléter 
mutuellement,  était  devenu  si  général,  que  c'est  avec  raison  que  l'on  consi- 
dère les  Romains  comme  ayant  les  premiers  opéré,  sous  l'Empire,  une  sépa- 
ration entre  ces  deux  sœurs,  en  conservant  des  statues  de  marbre  et  de  pierre 
sans  les  couvir  d'une  décoration  picturale  quelconque. 

(2)  Les  Celtes,  le  premier  peuple  qui,  au  témoignage  de  César,  occupa  la 
contrée  connue  sous  le  nom  de  Belgique,  et  les  Germains  qui,  par  leur  fusion 
avec  les  premiers,  constituèrent  la  race  germanique,  n'étaient  point,  malgré 
la  rudesse  de  leurs  mœurs,  dépourvus  de  toute  notion  de  la  culture  des  arts. 
Les  quelques  débris  d'urnes  et  de  poteries  qui  nous  ont  été  conservés  de  ces 
deux  époques,  nous  fournissent  des  traces  d'une  décoration  formée  de  l'assem- 
blage incohérent  de  différentes  couleurs.  Au  rapport  de  Tacite,  les  Germano- 
Belges  enduisaient  d'une  terre  pure  et  luisante  un  certain  nombre  de  leurs 
habilalions,  et  cet  enduit  produisait  une  véritable  ornementation.  Après  la 
conquête  des  Gaules  par  les  Romains,  une  nouvelle  ère  s'ouvrit  pour  les  arts 
comme  pour  la  civilisation.  A  celle  époque  déjà,  nous  voyons  naître  la  pein- 
ture murale  proprement  dite.  Le  plus  grand  nombre  des  peintures  que  Ion 
exéculail  alor.«  ne  consistaient   cependant  quVn  de  larges  bandes  verticales, 


—   -201   — 

il  remarquer  toiilcfois  que  ce  ne  lui  qu'après  l'iiilroduclioii 
du  clu'islianisme  dans  nos  conlrces  que  Ton  y  vil  s'ouvrir 
pour  la  peinlure  murale  une  ère  de  progrès,  au  dévelop- 
pement duquel  contribua  puissamment  l'impulsion  impri- 
mée à  celle  branche  de  l'art  sous  le  règne  de  Cliarlomagne. 

INous  n'entrerons  pas  dans  l'élude  approfondie  des  diffé- 
rentes phases  que  subit  la  peinture  monumentale  en  Bel- 
gique. Cependant,  que  le  lecteur  veuille  bien  nous  permettre 
de  les  déterminer  d'une  manière  concise  et  générale,  et  de 
jeter  également  un  coup-d'œil  rapide  sur  certaines  questions 
qui  se  rattachent  à  cette  manifestation  de  l'art. 

Nous  commencerons  par  établir  avant  tout  l'origine  des 
peintures  découvertes  dans  l'église  de  Notre-Dame,  au 
Sablon. 

Il  est  un  fait  eénéralement  admis  de  nos  jours  et  con- 
firme  par  les  découvertes  récentes  :  c'est  que  les  peintres, 
au  moyen  âge,  appliquaient  le  plus  souvent  leur  coloration 
sur  l'appareil  lapidaire  immédiatement  après  l'achèvement 
des  travaux  de  l'architecte  (i).  Cet  usage  provenait  de  ce 
que  la  décoration  picturale  était  considérée  comme  le  com- 
plément indispensable  de  rarchiteclure,  dont  elle  relevait 
le  mérite  en  accentuant  ses  moindres  détails.  Les  pein- 
tures murales  découvertes  dans  l'église  de  Notre-Dame,  au 
Sablon,  viennent  également  corroborer  cette  opinion.  La 
couslruction  du  chœur  de  celle  église  fut  achevée  vers 
l'an  1455  (2).  Or,  c'est  précisément  cette  date  que   nous 


rouges,  jaunes,  bleues  el  blanches,  (racées  sur  un  enduit  dont  on  recouvrait 
les  parties  planes  des  parois.  Tacite,  De  mor.  Gcrm.;  A.  G.  B.  Schayes,  La 
Belgique  avant  et  pendant  la  domination  romaine;  De  Caumom,  Cours  Wanti- 
quités  monumentales. 

(1)  Celte  remarque  s'applique  également  à  la  pose  des  verrières. 

(2j  Les  travaux  de  bâtisse  auxquels  ou  se  livrait  en  l'année  1451,  au  rapport 
de  MM.  Henné  et  VVauters,  se  rapportent  à  la  construction  de  cette  partie  de 
l'église.  Hyaci.vthe  De  Bruvn,  Nottce  sur  l'origine  de  l'église  de  Noire-Dame, 
au  Sablon    Analcctcs,  1867,  3«  livraison. 


—  ^202  ~ 

trouvons  assignée  comme  époque  de  rcxéculion  des  pein- 
tures que  l'on  y  a  découvertes.  Un  des  petits  panneaux 
inférieurs  de  la  première  travée  de  gauche  porte  en  effet 
Tinscription  flamande  qui  suit  : 

Dit  heeft  doen  maken  Willem  Clulinck  inl  jaer  ons  Heercu 

iMCCCCXXXV. 

Nous  trouvons  dans  la  famille  patricienne  des  Clu- 
tinck  (i),  Irois  membres  désignés  par  le  prénom  de  Guillau- 
me. Le  premier  fut  échevin  de  Bruxelles  en  l'année  1332 
et  mourut  en  1348.  Il  ne  peut  en  être  question.  Le  deuxiè- 
me, doyen  de  la  gilde  de  la  draperie,  mourut  en  célibat 
vers  l'année  1459.  Il  fut,  avec  plusieurs  autres  membres 
de  la  même  famille,  un  défenseur  zélé  de  la  caste  féodale 
et  l'un  des  plus  chauds  partisans  du  duc  Jean  IV.  Le  der- 
nier, neveu  du  précédent,  était  fils  d'Henri,  qui  remplit  les 
fonctions  d'échevin  de  la  ville  pendant  les  années  1413  et 
1418.  C'est  à  ce  dernier  que  nous  croyons  devoir  attribuer 
l'exécution  des  peintures  qui  nous  occupent,  ou  plutôt  d'une 
partie  de  ces  peintures  seulement.  En  effet,  l'absence  com- 
plète de  symétrie  dans  la  disposition  des  grandes  figures  el 
principalement  l'existence  de  plusieurs  personnages  diffé- 
rents, représentés  en  prière  dans  les  panneaux  inférieurs 
des  compartiments,  nous  permettent  d'assurer  que  plusieurs 
bienfaiteurs  ont  contribué  à  l'exécution  de  ces  peintures,  et 
même  que  chacune  des  figures  exécutées  a  eu  son  donateur 
particulier.  Cette  assertion  est  encore  confirmée  par  l'exi- 
stence de  plusieurs  écussons  que  l'on  a  retrouvés  dans  les 
retombées  des  ogives  supérieures  des  compartiments  el  qui 

(1)  Plusieurs  membres  de  celte  famille  porlèrenl  un  vif  intérêt  au  bien-être 
de  Tcglise  de  Notre-Dame,  au  Sablon.  Quelques  années  plus  tard,  Égide  Clu- 
tinck,  qui  rempUt  les  fonctions  d'échevin  en  l'année  U44,  fonda  dans  cette 
église  la  seconde  ehapellenie  de  la  Sainte  Vierge,  el  la  dota  d"une  messe  par 
semaine.  Capcllaniarum  fnndatioue.i  et  dulnliones,  cap.  o2.  Archives  de  Saiulc- 
Gudiile. 


—   '203  — 

appartenaient  à  dilïérenles  familles.  Les  maisons  auxquelles 
se  rapportaient  ces  écussons  étaient  celles  des  de  Herloghe 
et  des  Boole,  alliées  Tune  et  l'autre  à  celle  des  Clulinck  et 
dont  plusieurs  membres  furent,  avec  les  van  Gronsfeli  et 
les  Schonvorst,  les  partisans  les  plus  dévoués  de  la  cause 
de  Jean  IV.  Les  blasons  de  ces  deux  familles  figuraient  éga- 
lement dans  les  ogives  supérieures  (i). 

Il  importe  cependantde  faire  remarquer  que  Tannée  145o, 
qui  détermine,  d'après  l'inscription  flamande,  l'époque  de 
l'exécution  des  peintures  qui  nous  occupent,  ne  se  rapporte 
qu'aux  figures  qui  ornaient  les  deux  grandes  travées  au  côté 
gaucbe  du  chœur.  Quant  à  celles  de  droite  et  de  l'abside 
heptagone  du  sanctuaire,  il  est  certain,  et  un  simple  examen 
suffît  pour  s'en  convaincre,  que  non  seulement  elles  ont  été 
exécutées  environ  cinquante  ans  après  les  premières,  mais 
encore  qu'elles  sont  dues  à  un  artiste  différent  et  d'un  mé- 
rite bien  inférieur  à  celui  du  premier. 

Quelles  raisons  ont  pu  motiver  celte  suspension  des  tra- 
vaux de  peinture?  Nous  l'ignorons.  Nous  ferons  cependant 
remarquer  que  les  fers  d'attache  et  les  poutrelles  entaillés 
dans  la  paroi  des  travées  de  droite,  nous  permettent  de  sup- 
poser que  des  stalles,  ou  plutôt  des  bancs  d'œuvre  destinés 
aux  doyens  de  la  grande  gilde  de  l'arbalète,  auront  été  éta- 
blis primitivement  de  ce  côté.  Leur  dossier  enlevant  à  l'ar- 
tiste peintre  une  partie  de  la  surface  destinée  à  ses  travaux, 
il  se  sera  vu  contraint  d'exécuter  des  figures  de  moindre 
dimension  que  celles  qui  existaient  déjà.  C'est  ce  que  nous 
avons  retrouvé.  Les  figures  représentées  à  gauche  du  chœur 
mesuraient  en  moyenne  l"s6o  de  hauteur,  tandis  que  celles 
qui  leur  étaient  opposées  ne  comptaient  que  1™,25.  De  plus, 


(1)  Voir  le  précieux  ouvrage  du  savant  généalogiste  M.  Goethals,  Diction- 
naire généalogiqtte  et  héraldique,  article  consacré  à  la  famille  T'Serciaes,  dans 
lequel  sont  également  décrites  les  ramifications  des  Clutinckci  des  de  Hertoghe. 


—  204  — 

ces  dernières  n'élaient  pas  accompagnées  de  pelils  lableaux 
de  donateurs  placés  sous  les  comparlimeuls. 

Mais  ce  qui  élablil  surtout  une  distinction  essentielle 
entre  ces  deux  genres  de  peinture,  c'est  le  cachet,  le  carac- 
tère particulier  de  chacune  d'elles.  Que  le  lecteur  nous 
permette  de  l'établir,  en  jetant  un  coup-d'œil  rapide  et 
rétrospectif  sur  les  caractères  dislinclifs  des  peintures  des 
époques  antérieures. 

L'art,  comme  l'intelligence  qui  le  crée,  suit  des  voies 
graduées  pour  atteindre  progressivement  un  point  que  nous 
appelons  son  apogée.  Pour  bien  déterminer  les  différentes 
phases  des  peintures  murales,  nous  devons  tenir  compte 
des  influences  qu'elles  subissent  aux  différentes  époques. 

Déjà  dès  le  IV"  siècle,  l'usage  était  généralement  établi 
de  peindre  les  édifices  sur  toutes  leurs  surfaces  tant  inté- 
rieure qu'extérieure  (i).  Mais  ces  décorations  se  bornaient 
ordinairement  au  simple  tracé  de  lignes  et  de  filets  sur  un 
enduit  de  badigeon  de  différentes  nuances,  que  l'on  appli- 
quait sur  les  parois  des  édifices  et  même  sur  les  statues. 
L'impulsion  que  reçut  la  peinture  murale  sous  le  règne  de 
Charlemagne,  dut  nécessairement  opérer  une  influence  sa- 
lutaire sur  celte  branche  de  l'art  {2).  Voici  le  tableau  que 
M.  Waagen  nous  a  fait  des  peintures  de  celte  époque  : 
«  Quoiqu'il  ne  reste  aucun  vestige  de  ces  fresques,  les 
miniatures  exécutées  à  celte  époque,  par  l'ordre  de  l'em- 
pereur, nous  fournissent  une  idée  de  leur  style.  On  retrouve 
dans  les  sujets  religieux  les  types  de  Tari  chrétien  primi- 


(1)  ViOLLET  LE  Duc,  Dictionnaire,  arl.  peinture;  Alfred  Micuiels,  Histoire 
de  la  peinture  flamande  et  liollandaise;  Emeric  David,  Histoire  de  la  peinture 
au  moyen  âge. 

(2)  Ce  prince  eonfirma  par  une  loi  l'usage  établi  de  peindre  tous  les  édifices 
el  prescrivit  des  règlements  pour  en  déterminer  le  mode.  Il  fil  également 
appel  aux  artistes  de  Tllalie  el  de  rOricnl,  pour  concourir  à  Pexéculion  de 
ses  desseins. 


—  2o:i  — 

lif,  mais  la  roideur  du  dessin,  la  gaucherie  de  la  eom|)0- 
silion  el  la  crudilé  de  la  couleur  Iraliisseul  le  travail  d'une 

époque  encore  à  demi  barbare La  façon  d'étendre  la 

lumière  et  les  ombres  à  l'aide  du  pinceau,  en  gros  traits, 
sur  le  même  ton  général,  comme  dans  les  miniatures,  est 
empruntée  à  la  peinture  antique.  Le  type  de  certaines 
physionomies,  les  plis  étriqués  et  maigres  des  draperies, 
les  dorures  descoslumes,  le  ton  vert  des  ombres  el  l'usage 
fréquent  du  vermillon  el  du  bleu  pur  révèlent  l'influence 
de  l'art  byzantin  (i).  » 

Différentes  circonstances,  parmi  lesquelles  nous  citerons 
la  terrible  invasion  des  Normands  à  la  Jin  du  L\«  siècle, 
nous  ont  enlevé  jusqu'aux  traces  des  peintures  architectu- 
rales exécutées  à  celle  époque. 

Nous  n'avons  également  retrouvé  aucun  vestige  de  pein- 
tures murales  exécutées  en  Belgique  pendant  le  cours  des 
deux  siècles  suivants.  Le  peu  de  solidité  qu'offraient  les 
édifices  abrégeait  la  durée  de  leur  existence,  el  avec  eux 
ont  disparu  également  les  spécimens  de  décoration  pictu- 
rale qui  les  ornait.  11  nous  faut  remonter  au  XII'  siècle 
pour  en  retrouver  les  premières  traces.  Ce  n'est  pas  à  dire 
cependant  que  la  peinture  arcinteclurale  ail  perdu  son 
prestige  au  X«  et  au  XI'  siècle.  Comme  pour  toutes  les 
autres  branches  de  l'art,  il  y  aura  eu  pour  la  peinture 
murale  un  moment  de  stagnation  à  la  fin  du  X'  siècle;  mais 
il  est  certain  qu'elle  continua  à  jouir,  pendant  cet  inter- 
valle de  temps,  de  la  considération  qu'elle  s'était  acquise 
pendant  les  siècles  précédents.  Nous  en  avons  du  reste  des 
preuves,  parmi  lesquelles  nous  citerons  les  peintures  que 
firent  exécuter  au  X'  siècle  Kverard  el  Notger,  tous  deux 
évéques  de  Liège  (2). 

(1)  Manuel  de  l'histoire  de  la  peinture,  par  G.  F.  Waagen,  Iraduclion  par 
MM.  Hymaks  el  PtTiT,  l.  I. 

(2)  FioniLLO,    Gcschichte  der   zeirhnenden  Kunsle  in  DculscMand  und  Nic- 
derlanden.  Iî5 


—  206  — 

A  eu  juger  par  quelques  manuscrits  à  miniatures  qui 
nous  ont  été  conservés  de  celle  époque,  nous  voyons  la 
peinture  s'engager  dans  une  voie  de  progrès.  L'influence 
de  l'école  byzantine  se  révèle  encore  dans  toute  sa  force. 
On  y  retrouve  toujours  les  plis  parallèles  et  étriqués  des 
draperies  et  beaucoup  de  roideur  dans  les  poses.  La  com- 
position ou  l'arrangement  général  est  quelquefois  empreint 
d'une  certaine  originalité.  Malgré  la  rudesse  de  l'exécution 
et  l'épaisseur  des  contours,  le  dessin  accuse  au  XI^  siècle 
une  certaine  connaissance  de  la  structure  anatomique  du 
corps  humain.  Les  physionomies  maigres  et  sévères,  les 
cheveux  et  les  mayis  empruntent  toutes  les  couleurs.  Au- 
cune ordonnance  dans  la  variété  des  couleurs.  Les  orne- 
ments portent  le  cachet  du  style  de  l'époque. 

Au  XII«  siècle,  nous  voyons  l'influence  de  l'art  byzantin 
s'effacer  insensiblement  et  faire  place  à  l'ampleur  de  la 
forme,  à  une  certaine  grâce  dans  les  physionomies  et  dans 
les  attitudes.  C'est  à  cette  époque  que  la  peinture  décora- 
tive atteignit  son  apogée.  Harmonie  des  tons  entre  eux,  se 
combinant  avec  les  formes  architecturales.  Cette  harmonie 
était  principalement  produite  par  l'emploi  pour  ainsi  dire 
exclusif  de  terres.  Le  caractère  des  peintures  du  XIP  siècle 
consiste  dans  une  tonalité  claire  et  tranquille.  Le  coloris 
excluant  toutes  les  couleurs  tranchantes,  n'admettait  que  le 
jaune,  le  gris,  le  blanc,  le  brun  rouge,  etc.,  relevés  par  de 
simple  filets  de  même  nuance.  L'emploi  de  ces  tons  ternes, 
conforme  aux  traditions  de  l'époque,  doit  être  évidemment 
attribué  à  l'absence  de  vitraux  colorés.  On  se  contentait 
généralement  alors  d'orner  les  fenêtres  de  nos  édifices  de 
pièces  très-petites  de  verre  blanc.  Les  plombs  qui  en  réu- 
nissait les  difîérentes  parties,  formaient  un  dessin  toujours 
varié.  L'emploi  de  la  grisaille  était  également  adopté  (i). 

(1)  Histoire  de  la  peinture  sur  verre,  par  Tablé  Tcxier,  in-8»,  1847;  lUem, 
par  Levy  et  CArnoNKiEH,  pp.  71  et  suiv. 


—  207  — 

Ce  genre  de  vitraux  incolores  permeltail  l'usage  de  ces 
tons  clairs.  Mais  à  la  fin  du  \II'=  siècle  et  surtout  au  com- 
mencement du  siècle  suivant,  nous  voyons  une  réaction 
complète  s'opérer  dans  l'art  de  la  peinture  monumentale. 
Les  artistes  abandonnent  ce  genre  de  décoration  pour  se 
livrer  à  l'exécution  de  la  peinture  translucide  des  vitraux. 
D'un  autre  côté,  la  métamorphose  qui  se  produisit  dans 
le  style  architectural  inauguré  pour  les  édifices,  contribua 
puissamment  à  faire  entrer  la  peinture  murale  dans  une 
voie  nouvelle.  Les  vastes  surfaces  sur  lesquelles  l'artiste 
peintre  pouvait  autrefois  exercer  son  talent,  n'existent  plus. 
Il  ne  trouve  dans  nos  édifices  que  des  baies  étroites  et 
élancées,  des  colonnes  cylindriques  sveltes  et  effilées,  des 
parois  traversées  dans  toutes  les  directions,  des  arcatures, 
des  faisceaux  de  colonueltes,  des  ornements  à  l'infini,  n'of- 
frant partout  que  des  ouvertures  et  des  reliefs.  Ces  circon- 
stances auraient  suffi  pour  faire  oublier  la  peinture  murale, 
si  elle  n'avait  été  profondément  enracinée  dans  le  goùl  et 
les  usages  de  l'époque.  Aussi,  loin  de  voir  celte  branche 
de  l'art  perdre  son  ancien  prestige,  nous  la  voyons  se  re- 
dresser forte  et  décidée  à  entrer  en  lice  contre  les  obstacles 
qui  menaçaient  d'assurer  sa  ruine. 

Ne  pouvant  arrêter  la  marche  du  style  nouvellement 
inauguré,  les  artistes  peintres  se  plièrent  à  ses  exigences 
et  s'efforcèrent  de  tirer  le  meilleur  parti  possible  de  la 
situation  qui  leur  était  faite.  Les  grandes  compositions  sont 
abandonnées  et  remplacées  par  des  figures  isolées,  s'adap- 
tant  au  caractère  et  à  la  disposition  architecturale  des 
édifices.  Les  ornements  et  les  détails  de  l'architecture  se 
trouvant  multipliés,  les  peintres  cherchèrent  à  retrouver 
dans  leur  décoration  les  avantages  que  leur  avait  enlevé  la 
suppression  des  surfaces  planes.  Plus  encore  qu'autrefois, 
nous  voyons  le  peintre  prêter  le  concours  de  son  art  pour 
compléter  l'œuvre  de  l'architecte.  LIne  décoration  picturale 


—  208  — 

brillaule  fui  appliquée  sur  les  moimlres  motifs  d'arcliitec- 
lure  et  de  sculpture,  sur  les  fleurons,  les  trèfles,  les  feuilles, 
les  crochets  et  jusque  sur  les  plus  légers  lilets  des  profils  et 
des  nervures. 

Pour  vaincre  Téclat  et  la  puissance  des  tons  translucides 
des  vitraux  coloriés,  on  renonça  aux  tons  clairs  et  ternes 
pour  leur  substituer  des  couleurs  franches  et  éclalanles, 
comme  les  laques,  les  oxides  de  plomb,  etc.  L'emploi  de 
ces  procédés  ne  suffisant  pas  pour  contrebalancer  la  puis- 
sante coloration  des  verrières,  on  eut  recours  au  glacis. 
Le  bleu  et  le  rouge  furent  employés  comme  couleurs  do- 
minantes. Le  bleu  appliqué  en  grande  surface  exerçait  par 
sa  vertu  de  rayonnement  une  influence  délétère  sur  les  tons 
qui  lui  étaient  juxtaposés.  Pour  maintenir  l'harmonie  entre 
les  différentes  couleurs,  il  fallut  recourir  à  l'or  qui  par 
ses  reflets  métalliques  tranche  la  vigueur  et  l'intensité  du 
bleu,  tout  en  empêchant  qu'il  n'altère  les  autres  couleurs. 
Nous  croyons  pouvoir  citer  comme  exemple  la  peinture 
découverte  à  l'autel  de  la  Sainte  Vierge,  dans  la  cathédrale 
de  Tournai,  et  représentant  la  Jérusalem  céleste  (i). 

Des  mesures  d'économie  nécessitées  par  le  manque  de 
ressources,  empêchant  bien  souvent  l'emploi  de  l'or  et  con- 
séquemment  celui  du  bleu  d'azur  ou  d'outre-mer,  égale- 
ment rare  et  coûteux,  les  peintres  eurent  recours  à  un 
autre  procédé.  Dans  ces  circonstances,  on  substitua  quel- 
quefois le  jaune  à  l'or;  mais  le  plus  souvent,  les  artistes 
se  contentèrent  d'une  harmonie  plus  simple,  produite  par 
l'emploi  du  rouge,  comme  couleur  dominante,  du  jaune, 
du  noir,  du  blanc  et  de  quelques  dérivés.  Les  peintures 
.découvertes  dans  l'ancienne  chapelle  de  la  Biloque,  à  Gand, 


(1)  Voir  rexeellenle  notice  publiée  pai-  M.  Voisin,  vicaire  général  du  diocèse 
de  Tournai,  el  relative  aux  anciennes  peintures  murales  découvertes  dans  la 
cathédrale  de  celte  ville.  Bulletin  d'art  el  d'archéologie,  t    IV,  année  1865. 


—  209  — 

nous  fournissent  un  exemple  de  l'un  et  de  l'autre  de  ces 
deux  procédés  (i). 

Au  XIV*"  siècle,  l'usage  de  la  peinture  murale  continua 
à  être  généralement  pratiqué  en  Belgique  (2). 

(Pour  être  continué). 

Hyacinthe  De  Bruyn. 


(1)  Voir  rintéressanl  travail  de  M.  Van  Lokeren  sur  ces  peintures.  IHessager 
des  Sciences  et  des  Arts,  t.  II.  Nous  trouvons  également  un  spéciraen  du  der- 
nier de  ces  procédés  dans  les  peintures  récemment  découvertes  dans  l'église 
de  l'ancienne  abbaye  de  Florcffe. 

(2)  Nous  croj'ons  utile  de  citer  les  édifices  du  pays  dans  lesquels  on  a  décou- 
vert (les  traces  de  ce  genre  de  peinture.  Cette  liste,  toute  incomplète  qu'elle 
est,  nous  démontre  que  la  peinture  décorative  a  toujours  été  d'un  usage  gé- 
néral en  Belgique,  et  nous  permet  d'assurer  que  des  découvertes  de  ce  genre 
auraient  lieu  pour  tous  nos  édifices,  si  l'on  enlevait  les  couches  de  badigeon 
qui  les  recouvrent  encore.  Ces  édifices  sont  :  les  anciennes  abbayes  d'Afllighem, 
de  Florcffe  (Xllle  siècle),  de  Saint-Gérard  (XlIIe  siècle),  d'Hastière  (XVI«  siè- 
cle), de  Parc  (1297)  et  de  Villers;  les  églises  de  Sainte-Gudule  (XV«  siècle),  de 
Notre-Dame  de  la  Chapelle  (XV*"  siècle),  de  Notre-Dame,  au  Sablon  {XV<=  siècle), 
à  Bruxelles;  celles  de  Sainte-Croix  (1343),  de  Saint-Jacques  (XVI^  siècle),  de 
Saint-Paul  (1537-1 57 9)  et  de  Saint-Martin,  ù  Liège;  celles  de  Notre-Dame  (XII k 
et  XlVe  siècle),  de  Saint-Jacques  (XV«  siècle)  et  de  Saint-Quentin,  à  Tournai; 
les  églises  de  Notre-Dame,  de  Saint-Martin  et  du  Béguinage  (XVI«  siècle),  à 
Saint-Trond;  celles  de  Saint-Pierre  et  des  Dominicains  (X1V«  siècle),  à  Lou- 
vain;  les  églises  de  Sainte-Gertrude,  à  Nivelles;  de  Noire-Dame,  à  Tongres; 
des  Dominicains,  à  Gand;  de  Saint-Martin,  à  Ypres;  de  Sainl-Sulpice,  à  Dicst; 
de  Saint-Sauveur  (XV^  siècle)  et  de  Notre-Dame  (id.),  à  Bruges;  de  Notre- 
Dame,  à  Tirlemont;  de  Saint-Martin,  à  Meysse;  l'église  primaire  de  Wer- 
vicq  (XYe  siècle);  l'église  cathédrale  d'Anvers;  l'ancienne  église  des  Domini- 
cains {X\\'<^  siècle),  àMaeslricht;  celles  de  Braine-le-Comte,  de  Leau,  de  liai, 
de  Nieuport,  de  Melsele,  de  Ncroeteren  (XVI«  siècle),  de  Harlebeke,  de  Wiers, 
de  Lisseweghe  et  de  Soignics;  les  chapelles  de  Sainte-Catherine,  dite  des 
comtes,  à  Courtrai  (XIV"  ou  XV«  siècle),  de  Notre-Dame  aux  Hirondelles,  des 
saints  Jean  et  Paul,  dite  de  Lcugemecle  (XIII^  siècle),  à  Gand;  l'ancien  oratoire 
des  Carmes  chaussés,  antérieurement  refuge  de  l'abbaye  de  Cambron  (XV« 
siècle),  et  l'hospice  de  la  Biloque  (Xllh  siècle),  tous  deux  à  Gand.  Édifices 
civils  :  Salle  des  magistrats  à  rhôtel-de-ville  d'Ypres,  Chambre  de  commerce 
d'Anvers,  .Monldc  piété  (XVI»  siècle),  à  Malines,  grande  Boucherie,  à  Gand  (XV* 
siècle),  et  l'ancien  Château  de  Nieupoil  'XIII''  siècle). 


—  210  — 


Jpl)tltppe  be  Commincô 

DANS    SES    RAPPOETS     AVEC     LA    MAISON    d'aLBUET. 


Aux  yeux  de  noire  célèbre  chroniqueur  flarnanri,  Charles 
le  Téméraire  ne  valait  pas  le  diable,  Louis  XI  pas  grand 
chose,  et  s'il  passa  en  Tan  1472  du  service  de  Tun  au  ser- 
vice de  l'autre,  ce  fut  tout  simplement  pour  aller  du  pis  au 
mieux.  Eut-il  raison  ou  eul-il  tort?  On  comprendrait,  on 
excuserait  peut-être  sa   conduite  de  nos  jours,  où  Vubi 
bene  ibi  patria  des  anciens  est  passé  au  rang  d'axiome, 
quelle  que  soit  la  langue  vivante  dans  laquelle  on  le. tra- 
duit. Mais  à  l'époque  où  il  nous  restait  quelque  chose  de 
notre  grande  fierté  communale,  on  pensait  autrement.  Com- 
mines  fut  jugé  d'autant  plus  sévèrement  qu'il  était  homme 
de  haute  science  et  de  fort  bon  conseil,  et  qu'il  devait  sa- 
voir mieux  que  personne  de  quel  œil  d'envie  le  souverain 
de  la  France,  son  protecteur  et  son  maître,  guignait  nos 
riches  campagnes  flamandes.    Ses  amis  inventèrent  bien 
l'histoire  de  «  la  tête  bottée  »  pour  le  disculper.  Vaine  ten- 
tative! il  n'en    resta  à  Commines  qu'un  surnom  qui  ne 
prouve  rien.  Le  duc  de  Bourgogne  avait  la  loi  pour  lui, 
et  pouvait  se  tiroire  l'écho  du  sentiment  public,  en  ordon- 
nant la  saisie  et  confiscation  de  tous  les  biens  meubles  et 
immeubles  de  son  ancien  conseiller.  A  cet  acte  de  rigueur, 
Louis  XI  répondit  en  donnant  coup  sur  coup  à  Commines 
la  principauté  de  Talmont,  Bran  et  Brandon,  deux  vilains 
noms,  mais  deux  bonnes  terres  du  Poitou,  et  les  seigneuries 


—  211   — 

de  Curson,  Auloniie,  Château  Gonlhier  et  la  Chèvre.  Maî- 
heureusemeut  le  rusé  prince  a  dit  pourquoi  il  s'est  montré 
si  généreux,  et  ce  pourquoi,  mal  interprété  sans  doute,  gâte 
tout.  Commines,  parait-il,  lui  avait  en  certaine  circon- 
stance sauvé  l'honneur  et  la  vie,  avec  grand  péril  pour 
lui-même.  Les  suppositions  mal  sonnantes  de  tant  d'histo- 
riens et  de  chroniqueurs  restent  donc  debout  et  jetenl  leur 
ombre  sur  une  des  grandes  figures  de  notre  histoire.  IXous 
imiterons  ici  la  réserve  observée  par  Commines,  et  n'en  di- 
rons rien  de  plus,  pour  arriver  d'autant  plus  tôt  à  l'examen 
de  certains  documents  inédits  qui  reposent  aux  archives  du 
département  des  Basses-Pyrénées  (i).  Trois  layettes,  por- 
tant au  dos  Avesnes  ou  Dreux,  les  renferment.  Nous  les 
avons  lus  avec  ce  recueillement  particulier  que  les  vieux 
parchemins  ont  le  pouvoir  d'éveiller  en  nous,  et  nous  n'a- 
vons pas  tardé  à  y  voir  que  Commines  a  poursuivi  à  ses 
risques  et  périls  le  triomphe  de  l'une  des  dernières  idées 
de  Louis  XI  :  sauver  la  Navarre,  c'est-à-dire  étendre  au- 
delà  des  Pyrénées  l'influence  française.  Or  la  Navarre  était 
en  ce  moment-là  menacée  d'un  grand  danger.  Ferdinand 
le  Catholique  la  convoitait  avec  une  ardeur  d'autant  plus 
redoutable  qu'il  avait  hâte  de  donner  les  Pyrénées  pour 
bornes  à  son  empire.  Ce  prince  à  la  recherche  de  ses 
frontières  naturelles  —  mots  nouveaux,  mais  très-vieille 
chose  en  réalité,  —  avait  déjà  pour  lui  le  Pape  et  l'Inqui- 
sition, les  deux  meilleurs  pouvoirs  de  l'époque,  et  cepen- 
dant on  l'accuse  d'avoir  eu  recours  au  poison  !  Ce  qui  est 
certain,  c'est  qu'un  moine  espagnol,  ayant  été  reçu  au  châ- 
teau de  Pau,  avait  fait  hommage  à  Gaston  Phébus  d'une 
flûte  de  marbre  blanc  :  le  roi  voulut  essayer  ce  singulier 
instrument,  tomba  malade  et  mourut  bientôt  après,  sans 


(1)  V.  dans  le  catalogue  dressé  par  M.  Raymond  les  fardes  :  E  120,  E  137  el 
E  158.  Ce  catalogue  est  sous  presse. 


—  212  — 

qu'il  eût  été  possible  de  rcconiiaitre  la  Dature  de  son  mal. 
Sa  sœur  lui  succéda.  Ferdinand  le  Catholique  n'était  pas 
content.  Il  aurait  voulu  une  révolution  ou  tout  autre  pré- 
texte à  intervention  armée.  Ne  voyant  venir  rien  de  pareil, 
il  s'empressa  de  demander  pour  son  fds,  qui  était  en  nour- 
rice, la  main  de  la  jeune  reine  de  Navarre,  Catherine  de 
Foix.  Mais,  quoique  mourant,  Louis  XI  était  encore  là 
pour  dicter  à  la  cour  de  Pau,  en  qualité  de  plus  proche 
parent,  une  réponse  évasive.  Cependant,  comme  il  était 
nécessaire,  pour  assurer  l'indépendance  des  pays  pyrénéens 
vis-à-vis  de  l'Espagne,  de  donner  à  leur  souveraine  un 
époux,  on  convoqua  les  États,  les  priant  de  choisir  devant 
Dieu  et  leur  conscience  parmi  les  quatre  partis  proposés 
par  le  très-puissant  et  très-redouté  roi  de  France  :  Jean 
d'Albrel,  vicomte  de  Tarlas,  obtint  le  plus  grand  nombre 
de  suffrages  (i).  Rien  ne  recommandait  d'une  façon  parti- 
culière ce  candidat  matrimonial,  à  moins  de  prendre  au 
sérieux  sa  qualité  de  Gascon,  son  extrême  jeunesse  et  sa 
bonne  mine.  Son  père  avait  voulu  faire  de  lui  un  roi,  voilà 
tout!  C'était  un  seigneur  magnifique  qu'Alain  d'Albret  dit 
le  Grand.  Le  sang  des  d'Armagnac  et  des  comtes  de  Foix  ne 
coulait  point  pour  rien  dans  ses  veines.  Il  était  venu  à  la 
cour  de  France  et  y  avait  poursuivi  en  personne  le  triomphe 
de  ses  projets  ambitieux.  Ce  fut  sans  doute  à  cette  occasion 
qu'il  se  rencontra  pour  la  première  fois  avec  Philippe  de 
Commines.  Leur  liaison,  au  rebours  des  amitiés  ordinaires, 
débuta  par  une  affaire  d'argent  et  n'eut  point  à  en  souffrir. 
Il  est  vrai  de  dire  que  Commines  donne  toujours,  ne  reçoit 
rien  qui  vaille  en  échange,  s'attire  une  foule  de  désagré- 
ments et  ne  se  plaint  jamais.  Que  voulait  donc  le  plus  fin 
conseiller  du  plus  madré  des  rois?  Joue  t-il  là  de  gaité  de 


(I)  Faget  de  Baure,  Essais  historiques  sur  le  Uéarn.  Paris,  1818,  pp.  ôa7- 
363.  —  (Gabriel  Chapiis),  Histoire  de  la  Navarre.  Paris,  1596,  p.  580. 


—  215  — 

cœur  un  rôle  de  dupe?  Tout  nous  défend  de  le  croire.  Sa 
prudence  était  grande  et  allait  loin.  Il  s'efface  à  tel  point 
dans  ses  mémoires  que  nous  comprenons  parfaitement  que 
Mézerai  ait  pu  s'écrier  :  «  Pourquoi  lui  qui  raisonne  si  bien 
sur  le  compte  d'autrui,  nous  entretient-il  si  peu  de  ses 
propres  affaires?  » 

Nous  avons  aujourd'hui  le  procédé  contraire.  On  fait  des 
mémoires  pour  parler  de  soi.  JMais  au  XV'=  siècle  il  fallait 
savoir  se  taire  à  propos.  Commines,  par  exemple,  après 
avoir  servi  fidèlement  Louis  XI,  tomba  en  disgrâce  sous  le 
règne  de  Charles  VIII,  et  fut  enfermé,  en  1488,  d'abord  au 
château  de  Loches,  puis  à  la  Conciergerie  de  Paris.  Eh  bien, 
de  tout  cela,  de  certaine  cage  de  fer  incommode  à  habiter, 
de  ses  relations  avec  le  duc  d'Orléans,  plus  tard  Louis  XII, 
et  du  dévouement  de  sa  femme,  pas  un  mot;  à  peine  dans 
la  préface  de  ses  Mémoires,  une  allusion  à  l'ingratitude  des 
rois,  «auxquels  pourtant  il  faut  pardonner,  parce  qu'ils  sont 
«autant  que  nous-mêmes,  enclins  au  mal  et  aveuglés  par 
>»  leurs  passions  (i).  »  Cette  philosophie  résignée  n'est  plus 
la  nôtre,  fort  heureusement.  Mais  Commines,  eùt-il  eu  cent 
fois  plus  d'esprit  qu'il  n'en  avait,  ce  qui  n'est  pas  peu  dire, 
il  n'en  serait  pas  moins  resté  l'enfant  de  son  siècle.  L'au- 
teur de  son  article  dans  la  l'^  édition  de  la  Biographie  uni- 
verselle de  Michaud  (1818)  l'a  jugé  mieux  que  personne, 
nous  semblet-il. 

«  Ce  n'est  point  par  vanité,  nous  dit  M.Weiss,  que  Com- 
»  mines  a  écrit  des  mémoires,  ni  par  cette  espèce  de  plaisir 
»  qu'ont  trouvé  beaucoup  de  vieux  narrateurs  à  faire  des 
»  récits  où  ils  étaient  pour  quelque  chose.  En  cela  les  mé- 
»  moires  de  Commines  n'ont  pas  le  caractère  français,  il 
»  avait  la  dextérité  et  la  facilité  aux  affaires  de  notre  na- 


(1)  On  snit  que  la  lacune  qui  existe  entre  le  Vie  et  VII<=  livre  des  Mémoires 
tic  Commines  est  de  onze  années,  qu'elle  va  (le  1483  à  liOi. 


—  214  — 

»  lion,  mais  un  calme  et  une  dignité  qui  s'y  voyenl  rare- 
»  ment;  il  se  plait  moins  à  raconter  qu'à  observer,  et  une 
»  imagination  plus  vive  se  montre  dans  beaucoup  d'histo- 
»  riens  du  vieux  temps.  » 

La  morale,  qu'il  est  peut-être  permis  de  tirer  d'un  por- 
trait tracé  d'une  main  aussi  entendue  qu'impartiale,  n'est- 
elle  point  qu'un  Flamand  peut  abandonner  sa  patrie,  vivre 
de  longues  années  à  l'étranger,  sans  que  l'on  cesse  de  re- 
trouver en  lui  les  traits  distinctifs  de  sa  race —  la  modes- 
tie, la  droiture  et  le  respect  ou,  tout  au  moins,  le  souvenir 
du  sol  natal.  Nous  le  voulons  d'autant  plus  que  Com- 
mines  ne  fit  point  exception  à  cette  règle.  Il  songea  très- 
sérieusement  à  reprendre  son  rang  dans  la  noblesse  des 
Pays-Bas.  Les  événements  qui  suivirent  la  mort  de  Louis  XI 
ne  pouvaient  que  le  confirmer  dans  cette  résolution.  Il  sié- 
geait avec  Alain  d'Albret  au  conseil  d'État  (i).  Ce  que 
celui-ci  raconte  dans  une  charte  de  ses  très-grandes  et 
honorables  dettes,  de  la  poursuite  de  ses  créanciers  et  de 
l'argent  qu'il  lui  faudrait  encore  pour  faire  célébrer  con- 
venablement le  mariage  de  son  fils  avec  la  reine  de  Navarre 
et  reconquérir  sur  l'ennemi  plusieurs  villes,  places  et  châ- 
teaux, notre  compatriote  le  savait  de  reste,  et  s'il  lui  ouvre 
sa  bourse,  ce  n'est  qu'à  bon  escient  (2).  La  cour  était  à 
Amboise;  on  y  fit  venir  de  la  ville  impériale  de  Cambrai  un 
notaire,  M"-'^  Nicolas  Pingret,  et  le  7  avrilUSô  (1484  n.  s.) 
on  passa  devant  lui  un  acte  par  lequel  Alain  d'Albret  ven- 
dait, cédait  et  transportait  à  Philippe  de  Commines,  pour 
une  somme  de  23,000  écus  à  la  couronne,  les  terres  et 
seigneuries  d'Avesnes  et  de  Landrecies,  au  pays  de  Hai- 
naut  (ô). 


(J)  n.  JlAniiN,  Histoire  de  France.  Paris,  1839,  VIII,  passim. 

(2)  (Gabriel  Ciupuisj,  Histoire  de  la  Navarre,  éd.  citée,  p.  bSi-Sli. 

(ô)  V.  pièces  à  l'appui  N»  1 . 


—  215  — 

Avesnes  n'était  rien  moins  qu'une  baronnie,  donnant  la 
qualité  de  pair  du  comté  de  Hainaut.  En  1410,  cette  terre 
avait  passé,  par  testament  de  Guy  de  Chaslilion,  comte  de 
Blois,  dans  la  maison  de  Bretagne,  d'où  elle  vint  aux  d'Al- 
bret,  par  suite  du  mariage  de  Françoise,  fille  de  Guillaume 
de  Bretagne,  comte  de  Penlhièvre  et  de  Périgord,  vicomte 
de  Limoges  et  seigneur  d'Avesnes,  et  d'Isabeau  de  la  Tour, 
dame  d'Orval  et  de  Lespare,  avec  Alain  d'Albret  (t).  Un  an, 
jour  pour  jour  après  la  passation  du  susdit  acte  de  vente 
des  seigneuries  d'Avesnes  et  de  Landrecies,  le  vendeur  était 
tenu  d'en  bailler  à  l'acheteur  la  possession  et  jouissance. 
Cette  clause  ne  put  être  remplie  malgré  les  précautions 
prises  et  les  demandes  les  plus  actives,  faites  dans  ce  but. 
D'oîi  vint  l'obstacle?  Était-il  bien,  comme  nous  le  donne  à 
entendre  le  sire  d'Albret  dans  les  lois  et  coutumes  du  pays 
de  Hainaut?  Nous  croyons  devoir  le  chercher  dans  la  riva- 
lité qui  divise  Alain  d'Albret  et  Maximilien  d'Autriche,  roi 
des  Romains  et  souverain  des  Pays-Bas.  L'un  et  l'autre 
ambitionnent  la  main  d'Anne  de  Bretagne,  âgée  alors  de 
six  ans,  et  mettent  l'épée  à  la  main  contre  le  roi  de  France 
pour  la  conquérir.  L'histoire  de  cette  compétition  vaut  un 
roman  et  encore  un  roman  des  plus  amusants.  Nous  en 


(1)  Nous  avons  clierché  à  rétablir  d'après  les  chartes  des  noms  trop  souvent 
défigurés  dans  les  nobiliaires  et  les  dictionnaires  biographiques.  Les  archives 
départementales  des  Basses-Pyrénées  renferment  beaucoup  de  documents 
qui  ont  rapport  à  Avesnes  et  à  Landrecies.  On  y  voit  qu'en  1493  Gabriel 
d'Albret  invoque  le  traité  de  Senlis,  «par  lequel  avoit  esté  décidé  que  chascun 
rclourneroil  au  sien,  >■  et  veut  tenir  en  fief  et  hommage  de  Maximilien  d'Au- 
triche la  terre  et  seigneurie  d'Avesnes;  mais  déjà  l'année  suivante,  sa  sœur 
Louise  est  devenue  l'épouse  de  Charles  de  Croy,  prince  de  Cliimay,  et  celui-ci 
prèle  serment  de  foi  et  d'hommage  pour  la  terre  d'Avesnes  au  roi  des  Romains. 
L'abandon  de  celle  terre  à  la  maison  de  Chimay  est  confirmée  par  une  charte 
d'Alain,  qui  porte  la  date  du  28  avril  1515.  Cela  nous  explique  pourquoi, 
dès  le  mois  d'août  1494-,  Philippe  de  Commincs,  qui  craint  de  nouveaux  pro- 
cès, demande  à  Alain  d'Albret  d'être  décharge  de  tout  engagement  ou  obliga- 
tion touchant  Avesnes  et  Landrecies. 


—  216  — 

(lirons  seulement  que  la  fillette  si  ardemment  convoitée  se 
moqua  du  sire  d'Albret;  que  Maximilien  d'Auriche  se  laissa 
ballre;  que  son  ambassadeur,  le  prince  d'Orange,  fui  fait 
prisonnier  par  les  Français,  et  que  Philippe  de  Commines, 
qui,  sans  élre  prince,  avait  conspiré  ou  correspondu  avec 
des  princes,  paya  pour  eux.  Les  biographes  de  notre  cé- 
lèbre chroniqueur  n'ont  pas  fait  allenlion  à  ce  fait  que  le 
lendemain  de  la  bataille  de  Saint-Aubin  du  Cormier,  où  la 
ligue  bretonne  fut  écrasée,  il  fut  envoyé  sous  bonne  escorte 
au  château  de  Loches.  La  Bretagne  a  donc  pu  être  pour 
beaucoup  dans  son  malheur,  comme  son  argent  a  été  pour 
beaucoup  dans  les  troubles  de  ce  pays.  Sans  ceux-ci,  il 
nous  semble  qu'Anne  de  Baiijeu,  qui  gouvernail  Charles  VIII 
et  la  France,  n'aurait  point  su  comment  perdre  Commines 
qui  la  détestait,  comme  il  nous  semble  aussi  que,  sans  eux, 
Commines  se  serait  gardé  de  répondre  à  toutes  les  deman- 
des d'argent  que  lui  fait  Alain  d'Albret,  toujours  à  court, 
malgré  les  trente  ou  quarante  seigneuries  qu'il  possède. 
Il  lui  compte  16,000  écus  d'or  le  jour  de  la  signature  de 
l'acte  de  vente  des  terres  d'Avesnes  et  de  Landrecies,  puis 
le  23  août  ÎS85,  étant  à  JMontsoreau  auprès  de  son  beau- 
frère  Jean  de  Chambes,  baron  du  lieu,  4000  écus  d'or, 
enfin  quinze  jours  plus  tard,  1000  autres  écus  d'or;  or  le 
comté  de  Dreux,  que  Commines  avait  reçu  en  garantie  (i), 
ne  valant  en  tout  et  pour  tout  que  20,000  écus  d'or,  «  la 
manifeste  erreur  du  surplus  »  —  c'est  ainsi  que  s'exprime 
Alain  d'Albret  —  ne  lui  fut  point  rendue,   mais  portée 

(1)  Nous  n'avons  point  rencontré  aux  archives  départementales  îles  Basses- 
Pyrénées  l'acte  de  vente  du  comté  de  Dreux,  portant  la  date  du  3  septem- 
bre H85,  mais  on  en  retrouvera  les  dispositions  principales  aux  pièces  à 
l'appui  Nos  11^  V,  VI,  VIII,  XI  et  XII.  Nous  croyons  qu'il  importait  d'autant 
plus  de  publier  ces  documents,  que  le  comté  de  Dreux  joue  un  grand  rôle 
dans  la  vie  de  Commines,  et  qu'ils  n'ont  pas  été  connus  par  les  éditeurs  du 
Dictionnaire  de  la  noblesse  de  la  Chesnai/e  des  Rois,  qui  est  en  voie  de  publi- 
cation   V.  le  vol    VII,  p.  25  à  25. 


—  217   — 

en  compte,  aiusi  qu'une  somme  de  1000  francs,  prêtée  de 
la  main  à  la  main  à  Moulins  le  17  février  1586  (1o8o  v.  s.) 
et  2000  écus  payés  par  complaisance  à  Jacques  de  Beaune,  . 
marchanil  à  Tours,  dont  la  quillance  originale  existe  aux 
archives  de  Pau  et  porte  la  date  du  5  avril  1491  (i). 

Le  procès  de  Commines,  son  emprisonnement  de  près 
de  dix-huit  mois,  et  la  confiscation  du  quart  de  ses  biens, 
le  décidèrent  sans  doute  à  renoncer  à  son  rêve  d'être  un 
jour  baron  d'Avesnes  et  seigneur  de  Landrecies,  car,  étant 
en  1494  à  V^ienne  en  même  temps  que  le  sire  d'Albrel,  il 
se  fit  donner  par  lui  un  acte  par  lequel  il  s'engageait  à  ne 
jamais  le  forcer  ni  le  contraindre  à  prendre  la  terre  d'A- 
vesnes ou  à  rendre  le  comté  de  Dreux.  Jusqu'en  1490, 
Commines  s'appelle  le  sire  d'Argenlon;  mais,  à  partir  de 
celle  date,  Charles  VIII  lui  donne  le  titre  de  comte  de 
Dreux,  et  les  courtisans  sans  doute  suivirent  cet  exem- 
ple (a).  Alain  d'Albrel  s'en  abstient.  Il  n'en  est  pas  moins 
i'ami  intime  de  notre  compatriote.  Il  lui  coulait  ses  petites 
affaires;  ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'il  lui  emprunte  l'argent 
nécessaire  pour  équiper  sou  fils  Gabriel,  qui  veut  aller  en 
Italie  gagner  ses  éperons  (ô);  ce  qui  le  prouve  encore,  c'est 
qu'étant  chez  lui  à  Vienne,  où  Commines  était  descendu 
chez  l'archevêque,  ce  même  prélat  qui  lui  conseilla  d'écrire 
ses  Mémoires,  il  vil  trois  grosses  perles  et  voulut  les  avoir. 
Commines  les  lui  céda  à  raison  de  1000  livres  tournois 
chacune;  mais  le  jour  même,  Alain  les  lui  rapportait,  et 
noire  compatriote,  qui  n'était  point  un  marchand,  les  reprit 
sans  difficulté  et  lui  en  donna  un  conlre-scellé,  qui  porte  la 
dale  du  22  août  1494  (i). 

(1)  V.  aux  pièces  à  l'appui  les  n"^  II,  III,  IV,  V  el  VII. 

(2)  V.  ordonnance  de  Charles    VIII    en  faveur   de  Pli.  de    Commines.  — 
Pièces  à  Tappui  N»  VI. 

(3)  Alain  d'Albrel  el  son  fils  Gabriel  eniprunlenl  de  nouvelles  sommes  de 
deniers  à  Th.  de  Commines.  —  Pièces  à  l'appui  iN»  X. 

(4)  Alain  d'Albrel  achète  trois  perles  à  Philippe  de  Commines.  —  Pièces  à 
l'appui  N"  IX. 


—  218  — 

Ce  sont  là,  si  l'on  veut,  des  minuties;  mais  nous  sommes 
persuadé  qu'elles  intéresseront  les  lecteurs  du  Messager  des 
Sciences  historiques,  et  qu'elles  feront  plaisir  à  M.  Kervyn 
de  Lettenhove,  qui,  par  la  voie  de  V Intermédiaire,  a  de- 
mandé à  tous  les  échos  des  renseignements  sur  notre  célèbre 
chroniqueur. 

Nous  avons  dit  que  Commines  était  et  voulait  rester 
comte  de  Dreux.  11  plaide  en  conséquence  contre  Jacques 
d'Estouleville,  baron  d'Ivry,  en  sa  qualité  de  tuteur  des 
enfants  de  feue  sa  femme,  sœur  d'Alain  d'Albrel,  et  contre 
Jean  d'Albret,  comte  de  Nevers  et  seigneur  d'Orval,  qui 
agissait  autant  pour  son  compte  que  pour  celui  de  sa  sœur, 
Françoise  d'Albret,  duchesse  de  Brabant,  litre  qu'elle  de- 
vait à  son  mariage  avec  Jean  de  Bourgogne.  Le  l^""  avril 
1498  (1497  v.  s.),  Commines  est  obligé  de  céder  contre 
argent  la  moitié  du  comté  de  Dreux  au  comte  de  Nevers; 
mais  le  procès  continue  pour  le  reste  (i).  Dreux  sortait  de 
la  maison  de  Bretagne,  de  cette  branche  ainée  représentée 
par  Jean  de  Brosse,  comte  de  Penthièvre,  et  Nicole  de  Blois, 
sa  femme,  qui  transportèrent  successivement  leurs  droits 
sur  le  duché  de  Bretagne  à  Louis  XI  et  à  Charles  VIII;  or, 
dans  les  instruments  de  cette  cession,  il  n'avait  point  été 
question  de  Dreux,  et  Commines  a  pu  se  dire  qu'en  mettant 
le  comte  de  Penthièvre  dans  ses  intérêts,  il  pouvait  décider 
la  cause  pendante  en  sa  faveur  et  contre  les  prétentions  des 
d'Albret  et  des  Nevers.  Le  mariage  de  Jeanne,  sa  fille  uni- 
que, ne  nous  semble  pas  pouvoir  s'expliquer  autrement. 
Elle  épousa,  le  15  août  1504,  René  de  Brosse,  dit  de  Bre- 
tagne, fils  aîné  du  comte  de  Penthièvre,  et  devint  ainsi  nièce 
de  la  duchesse  Claudine  de  Savoie  et  cousine  d'Anne  de  Bre- 
tagne, femme  de  Louis  XII,  roi  de  France,  et  proche  parente 
d'Alain  d'Albrel,  l'ancien  confident  de  son  père.  Il  n'y  a 

(1)  V.  aux  pièces  à  l'appui  le  K»  XII. 


__  219  — 

rieu  d'étonnant  après  cela  si,  comme  l'a  dit  le  P.  Jacques 
Leiong,  le  sang  de  Philippe  de  Commincs  passa  dans  les 
maisons  souveraines  de  France,  d'Espagne,  de  Portugal  et 
de  Savoie.  Voilà  comment,  par  une  sorte  de  justice,  l'ombre 
d'un  grand  homme  fut  consolée  d'avoir  eu  tant  à  se  plaindre 
des  rois  ! 

Charles  Rahlenbeck. 


ANNEXES. 


N"  1. 


1484.  Alain  d'Albret  vend  à  Philippe  de  Commines  les 
villes,  terres  et  seigneuries  d'Avesnes  et  de  Landrecies. 

Alain  seigneur  d'Albret,  de  Dreux,  de  Gavre,  de  Penthièvre 
et  de  Périgord,  viconie  de  Tartas,  de  Lymoges,  captan  de  Buch, 
à  tous  ceidx  qui  ces  présentes  lettres  verront  ou  oront,  salut. 
Savoir  faisons  et  pour  vérité  recongnoissons  que  pour  le  prouf- 
fit  et  utilité  évident  et  apparent,  tant  de  nous  comme  aussi  de 
nos  très  chiers  et  bien  araez  fils  Jehan,  viconte  de  Tartes,  Ga- 
briel, Pierre  et  Amanieu  (i),  que  avons  euz  de  feue  nostre  très 
chiere  et  très  amée  compaigne  et  espouse,  Francoyse  de  Bre- 
taigne,  en  son  vivant  coniesse,  vicontesse  et  dame  desd.  lieux, 
en  Dieu  absoille,  et  nous  acquiter  et  décharger  de  plusieurs  très 
grandes  et  honnoraibles  debies  et  charges,  en  quoy  nous  et  nos 
dict  enffans  sommes  tenuz,  obligez  et  reddevables  envers  plu- 
sieurs nos  crédicteurs,  qui  très  griefvement  nous  contraignent 
mesmement  pour  subvenir  aux  très  grans  frais,  missions  et  des- 
pens  que  pourter  et  soustenir  nous  convenablement  pour  par- 

(1)  Pierre  el  Amanieu  d'Albret  étaient  voués  à  l'église  par  le  testament  de 
leur  mère. 


2^0  

venir  à  raliencc  tle  mariage,  qui  au  plaisir  de  Dieu  cl  révérence 
de  noslre  mère  saiiicte  Eglise  brief  se  fera  ei  solempnisera  de 
et  entre  nostre  d.  fils  Jehan  et  madame  Katherine,  royne  de 
Navarre  et  principallement  pour  reconquérir,  recouvrer  et  ravoir 
plusieurs  villes,  chasteaux  et  places  substraictes  de  l'obéissance 
d'icelle  dame,  et  les  réduire  en  ses  mains,  afin  que  icelluy 
royaume  de  Navarre,  ensembles  les  antres  seigneuries  par  vraye 
succession  héréditaire  à  lad,  dame  appartenans,  puissent  cy  après 
eschoir  et  appartenir  aux  enffaus  de  noslre  d.  filz  et  de  lad.  dame 
durant  led.  mariage  seront  procréez  et  produits  à  Tonneur  et 
exaltation  de  nous  et  de  nos  successeurs;  à  quoy  mieulx  plus 
commodibiement  ne  à  moindre  dommaige  pour  nous  nosd. 
enffans,  nos  hoirs  et  les  leurs  ne  poyons  pourvoyer  et  eu  sur 
ce  Tadvis,  délibéracion  et  conseil  de  plusieurs  de  nos  seigneurs, 
parens  et  amys,  aussi  de  ceulx  de  nos  enffans  et  entre  autres  de 
Jehan  d'Albret,  seigneur  d'Orval,  et  Gabriel  d'Albret,  seigneur 
de  Lesparre,  oncles  et  plus  propres  parens  maternez  de  nosd. 
enffans,  Nous  avons  vendu,  ceddé  et  transporté  et  par  la  teneur 
de  ces  présentes  lettres  vendons,  ceddons  et  transportons  bien 
justement  et  léaument,  sans  fraude,  à  messire  IMiilippes  de  Co- 
mynes,  chevalier,  seigneur  d'Argenlon,  et  pour  par  luy  ses  hoirs, 
successeurs  et  ayans  cause,  du  jourd'hui  en  avant  tenir,  joyr 
et  posséder  comme  son  bon  et  propre  héritage  perpétuellement 
et  àtousjours  toutes  les  villes,  terres  et  seigneuries,  appendances 
et  appartenances  de  Avennes,  en  Haynault,  et  de  Landrechies, 
ainsi  qu'elles  se  comportent  et  extendent  de  tontes  parts,  tout 
en  justice  et  juridicion  haulto,  moyenne  et  basse,  hommes,  hom- 
maiges,  fiefs  et  arrière-fiefs,  fonrets,  prez,  boys,  cens,  renies, 
loys,  amendes,  collations  de  béneffices,  rachatz  et  eschéances 
de  obanilé,  de  avoirs  et  bâtards,  adventices,  revenues,  domai- 
aes  et  possessions  quelconques,  à  quelque  valeur  et  estimation 
que  elles  soient  ou  puissent  eslre  et  généralement  tout  et  en- 
tièrement, sans  rien  excepter,  retenir  ou  mectre  hors  que  noslre 
d.  très  chière  et  très  amée  compaigne  en  son  vivant  avoit,  et 
nous  à  cause  d'elle  avons  au  pays  et  conté  de  Haynault,  et  qui 
de  sa  subcession  est  advenu  et  escheu  à  nosd.  enffans.  Mesme- 
ment  nostre  droit  du  bail  et  gouvernement  durant  la  mynorité 
d'iceulx,  comment  que  le  tout  soit  et  puist  estre  tenu  du  conte 


—  2^21    — 

de  Ilaynaiill  ou  d'aultruy  en  un  seul  fief,  houiuiaigc  et  tenoment, 
ou  en  plusieurs  avec  les  octrois,  uysines(i),  terres  et  liéritaiges 
(le  main  ferme  que  y  peuvent  estre  se  aucunes  en  y  a,  à  la 
charge  de  mil  livres  touru.  ou  environ,  monnoye  connossable 
audit  pays  de  Haynault,  du  pris  de  vingt  gros  monnoie  de 
Flandres  la  livre,  tant  de  rente  ancienne,  foncière  et  héritière, 
comme  aussy  de  rente  viagère  chascun  an,  que  doivent  et  sont 
sont  tenues  et  chargées  lesd.  villes,  terres  et  seigneuries  de 
Avennes  et  de  Landrechies,  pour  touttes  rentes  et  charges  quel- 
conques une  fois  paier  chascun  an  tout  seulement,  car  se  oultre 
lesd.  mil  livres  tourn.  de  rente  annuelle,  assavoir  héritière  et 
viagère,  icelles  terres  estoient  chargées.  Nous  aud.  cas  de 
loultre  plus  devons  et  sommes  tenuz  recompenser  mond.  seig. 
d'Argentou,  et  aussi  acquitter  et  paier  à  nos  despends  ions  les 
arrérages  et  termes  escheuz  desd.  rentes  et  de  chascune  d'icelles 
jusques  à  ce  joiird'huy  inclusivement,  et  ce  parmy  et  moyen  le 
pris  et  somme  de  vingt-cinq  mil  escuz  d'or,  monnoye  commu- 
nément connossable  au  royaulme  de  Franche,  du  coing  forgé  et 
enseigné  du  Roy  Charles  pénultième,  que  nous  en  avons  eu  et 
receu  dud.  seig.  d'Argenton,  en  dit  espèce  de  escuz  d'or  comp- 
tans,  bien  nombrez  et  dont  nous  nous  sommes  tenuz  et  tenons 
pour  solz  contans  et  bien  paiez,  et  d'icelle  somme  de  vingt-cinq 
mil  escuz  d'or  monnoye  et  du  coing  que  dessus  à  nous  quicte  et 
quictons  led,  seig.  d'Argenton,  ses  hoirs,  successeurs  et  ayans- 
cause,  ensemble  tous  autres  à  qui  ou  ausquelz  quictance  en 
peut  et  doit,  pourra  ou  devra  ores  ou  en  temps  advenir  com- 
pecter  et  appartenir.  Pour  laquelle  vente  conduire  demeurer 
vallable  et  afin  qu'elle  puisse  sortir  son  plain  efîect  au  droit 
et  prouffit  de  mond.  seig.  d'Argenion,  et  de  sesd.  hoirs,  suc- 
cesseurs et  ayans-cause.  Nous,  léaument  et  de  bonne  foy,  nous 
sommes  comprins,  submiz  et  avons  promis  mesme  par  la  teneur 
de  ces  présentes  lectres,  nous  comprenons,  submectons  et  ité- 
rativement  |)romeclons  audict  seig.  d'Argenton,  de  à  nos  cousts, 
frais  et  despens  faire  souffisamment  et  par  telz  devoirs  et  solemp- 
nitez  que  il  appartiendra  pourveoir  nosd.  cnffans  de  tuteurs 
et  curateurs   en   nombre   compectant,   tant   de   nostre  coustel 


(\)  Usines,  pour  ussine  —  bien  de  campagne. 

16 


—  i^2  — 

comme  du  couslé  matartiel.  Aussi  faire  tlioiturcr,  relever  et 
appréhender  lesd.  villes,  terres  et  seigneuries  de  Avennes  et 
Landrechies,  leurs  appendances  et  appartenances,  et  de,  en  tant 
que  de  besoing  seroit,  faire  par  plainte  et  par  loy  préalable- 
ment vériÛîer  le  trépas  de  noslre  compaigne,  advenu  hors  dud. 
pays  de  Haynault,  ainsi  qu'il  appartiendra  selon  la  loy  et 
coustume  d'iceluy  pays,  mesmes  par  lesd.  tuteurs  et  curateurs 
de  nosd.  enffans,  pour  et  au  nom  d'iceulx  nosd.  enffaus  faire 
recongnoistre  et  passer  la  vendicion  dessusd.  et  en  faire  tous 
debvoirs  et  léaulx  commens  en  justice,  à  la  seurté  dud.  seign. 
d'Argenton  et  de  ses  hoirs,  ainsi  qu'il  appartient  selon  lad.  loy 
et  coustume  et  de  raison  jusques  au  los  du  conseil  d'iceluy 
seig.  d'Argentou,  et  de  sur  ce  poursuivre  et  obtenir  le  décret, 
octorisacion  et  consentement  tant  du  Roy,  comme  nostre 
seigneur  souverain,  et  de  nosd.  enffans,  comme  aussi  des  contez, 
viscontez,  terres  et  seigneuries  que  nous  avons  soubz  luy  et 
pour  la  conservacion  desquelles  en  acte  (?)  et  en  ligne,  et 
eschiver  l'aliénnacion  d'icelles  se  est  faicte  ceste  vente,  comme 
aussi  du  conte  de  Haynault  et  de  sa  haulte  court  de  Mons,  qui 
est  la  court  souveraine  d'iceluy  pays  et  conté  de  Haynault  où 
sortissent  lesd,  terres  de  Avennes  et  Landrechies,  tellement  que 
led.  seign.  d'Argenton  ait  desd.  terres  de  Avennes  et  Landre- 
chies et  des  appendances  d'icelles  bons  et  léaulx  convens  et 
seure  adhéritance,  selon  la  loy  et  coustume  d'iceluy  pays,  et  ce 
au  dedans  du  terme  et  espace  de  ung  an  à  compter  de  ce  jour 
duy  d'acte  de  cestes,  sans  quelque  defCault,  opposition,  contre- 
dit ou  empescheraent,  et  au  surplus,  de  par  tous  nosd.  enffans 
et  chascun  d'eulx  promptement  que  il  sera  ou  seront  parvenuz 
à  leur  aige,  faire  louer,  gréer,  ratifier,  approuver  et  d'abondant 
passer  lad.  vente,  ainsi  en  la  manière  et  par  telz  devoirs  que 
besoing  sera  pour  la  seurté  dud.  seig.  d'Argenton,  de  sesd. 
hoirs,  successeurs  et  ayans-cause,  selon  lad.  loy  et  coustume 
d'iceluy  pays  de  Haynault,  sauf  pour  nous,  nosd.  enffans  et 
leurs  successeurs,  que  lesd.  villes,  terres  et  seigneuries  de 
Avennes  et  Landrechies  nous  pourrons  et  pourront  ravoir, 
rachapter  et  ratraire  au  dedans  le  terme  et  espace  de  quinze 
ans,  prochain  venant,  Parmy  rendent,  payant  et  rambourssant 
aud.  seig.   d'Ar^onlon,   sesd.  hoirs  et  ayans-cause,  que  lesd. 


—  ^^5  — 

villes,  leires  et  seigneuries  au  jour  dutl.  racliapl  possesseiont, 
lout  en  une  foiz  et  en  deniers  conlans  lad.  somme  de  viny-ciiiq 
mil  escuz  d'or,  du  coing  que  dessus,  avec  telle  somme  de  deniers, 
à  qtioy  nos  gens  et  dépputez  traicieront  et  appointeront  avec 
le  prince  conte  de  Ilaynault  ou  son  grant  hailly,  pour  le  (juint 
denier  et  droitz  seigneuriaulx  de  cesle  vante,  dont  led.  seig. 
d'Argenton  doit  Taire  payement  à  ma  requeste,  aussi  des  dcspens 
qui  s'en  ensuivront  en  lad.  ville  de  iMons  ou  en  la  ville  de 
Paris,  en  certain  et  sûr  lieu,  assavoir  est  auquel  desd.  lieux 
que  mieulx  plaira  aud.  seign.  d'Argenton,  à  sesd.  hoirs  ou 
ayans-cause,  lors  choisir  et  eslire,  sauf  que  se  au  jour  desd. 
rachapt  et  ratraicte  le  temps  n'estoit  en  paix  et  honne  tran- 
quillité, et  que  à  cause  des  guerres  ou  partis  des  princes,  led. 
seig.  d'Argenton,  sesd,  hoirs  et  ayans-cause  estoient  en  obéis- 
sance là  ou  seurement  à  leur  commodité  ne  se  peussent  à  eulx 
porter  ne  délivrer  lesd.  xxv  mil  escuz  d'or.  Audict  cas  en  ville 
neutre  ou  par  sauf-conduit  oblenu  d'une  part  ou  d'autre,  se 
délivreront  et  payeront  iceulx  deniers  tellement  que  led.  seig. 
d'Argenton  et  sesd.  hoirs  ne  y  auront  intérest  ne  dommaige. 
Et  par  convenance  expresse,  led.  seig.  d'Argenton,  ses  succes- 
seurs et  ayans-cause  ne  pourra  ou  pourront  lesd.  seigneuries 
d'Avenues  et  Laudrechies  mectre  par  vendaige  ou  autre  aliéna- 
cion  en  main  de  prince  qui  soit  duc  de  lîrabant,  conte  de 
Flandres  ou  de  Hayuau,  ne  mesmes  aussi  les  vendre  ne  meclie 
hors  de  ses  mains  au  proulfit  d'aulruy,  autrement  que  sur  la 
dicte  action  de  retraicte,  par  rendant  ladicte  somme  de  xxv  mil 
escuz  d'or,  lesd.  droitz  seigneuriaulx  et  despeus,  avec  quatre 
mil  livres  monnoye  dud.  pays  de  Haynau,  que  led.  seigneur 
d'Argenton  peut,  s'il  luy  plaist,  en)ployer  en  nouvel  édiffice 
auquel  desd.  lieux  d'Avenues  et  de  Laniirechies  que  mieulx  luy 
plaira  pour  la  résidence  dud.  seig.  d'Argenton  et  de  sesd.  suc- 
cesseurs, et  dont  par  expresse  devise  et  condicion  conclute  et 
accordée  en  faisant  ce  présent  marché,  led.  seig.  d'Argenton  si 
avant  que  lad.  somme  employée  y  auroit  doit  esire  franchement 
ramboursée,  aussi  de  tous  les  deniers,  fraiz,  mises,  despens  et 
léaulx  coustends  qu'il  aura  soiistenuz  et  desbourssez  pour  le 
rediflîcacion,  retenue  et  entretiennement  des  moulins,  uysi- 
nes,   halles,   censés,   mesiairies  et  autres   édiffices  nécessaires 


—   2-24   — 

à  entretenir  pour  le  bien  et  commodité  desd.  terres  et  seigneu- 
ries, et  semblableniens  de  tons  les  amendeniens  et  ineillenres 
fâchons  qui  se  pourront  faire  et  auront  esté  faites  avant  et  au 
jour  dud.  rachapt,  pour  accroissement  de  la  revenue,  domaines 
et  possessions  desd.  terres  et  seigneuries,  jusqnes  à  la  somme 
et  monfance  de  huit  mille  livres,  monnoie  dud.  pays  de  Haynau, 
pour  une  foiz  et  au  dessoubz  si  avant  que  led.  seig.  d'Argenton. 
sesd.  hoirs  et  ayant  cause  desboursée,  mise  et  employé  le  y  au- 
roient  léalement,  sans  estre  tenu  aux  retenues  ordinaires  aucunes 
depuis  le  reédifficacion  desquelles  led.  seig.  d'Argen  doit  de  là 
en  avant  entretenir  et  tenir  sans  récompense,  mais  des  despens 
des  procès  soustenuz  pour  deffendre  le  droit,  autorité,  justice 
et  revenus  d'icelles  terres  et  seigneuries  ou  d'aucunes  d'elles  se 
aucuns  en  sourdent  ou  adviennent  avant  led.  rachapt,  ensemble 
des  autres  choses  dessusd.  léalment,  pleinement  et  entièrement 
doit  estre  remboursé  avant  led.  rachapt  ou  en  faisant  iceluy  par 
taxacion,  prisée  et  exlimacion  raisonnable  au  contentement  dud. 
seig.  d'Argenton,  sesd.  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  som- 
merairement  et  amablement  ou  aultrement,  par  justice  et  de 
tout  ce  restitucion,  paiement,  satisffacion  et  ramboursement 
doivent  estre  faiz  avec  lad.  somme  de  ving-cinq  mil  escus  d'or, 
à  quoy  monte  le  pris  de  lad.  vente  conjoincienient  et  à  une 
mesme  foiz,  et  aussy  lors  se  pour  lad.  ratraicte  et  rachapt  es- 
toient  deux  aucuns  droiz  seigneuriaux  ou  s'en  suyvoient  aucuns 
despens.  Nous,  nosd.  enflans  et  leursd.  hoirs  qui  lad.  ratraitle 
et  rachapt  vouidroient  faire  payer,  le  devons  ou  doivent  et  en 
acquitter  et  descharger  du  tout  led.  seig.  d'Argenton,  sesd. 
hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  et  est  assavoir  que  led.  seig. 
d'Argenton,  sesd.  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  durant  le 
temps  lyraité  et  accord  pour  lad.  ratraicte  pourra  pour  tous  les 
ouvrages  nécessaires  pour  reédifficacion  et  entretiennement  des 
loges,  ussines,  mestairies,  censés  et  autres  édifficies  prospisses 
esd.  seigneuries,  mesniement  pour  son  logis  soy  aider  et  faire 
couper  des  chaignes,  des  bois  et  fouretz  desd.  seigneuries,  ce 
dont  il  aura  besoing;  mais  à  condicion  que  durant  led.  temps  et 
terme  d'iceltiy  rachapt,  ne  doit  lesd.  fouretz  et  boys  faire  ne 
laisser  fourtailler  et  frigler,  mais  les  entretenir  et  délaisser  es 
coupes  ordinaires  et  aiusy  que  parcy  devant  a  esté  acconsinmé, 


-r225  — 


toutes  lesquelles  choses  oy  devant  escriptes  et  contenues  et 
chacune  d'icelles,  Nous  Alain  seigneur  d'Alhret,  dessus  nommé, 
pour  nous,  nosd.  enfTans,  noz  hoirs  et  les  leurs,  avons  promis 
et  par  la  teneur  de  cesd.  présentes  lettres  proniectons  léahnent 
par  devant  le  notaire  et  tabellion  publicque  cy  dessoubz  soubz- 
script  et  en  la  présence  des  témoings  cy  après  nommez,  à  ce 
faire  espécialement  par  nous  évocquez  soubz  nostre  honneur  et 
par  la  foy  et  service  de  nostre  propre  corps,  pour  ce  solemp- 
nellement  jurée  la  main  en  sus  en  parolle  de  prince  entretenir, 
fournir,  garantir  et  accomplir  de  point  en  point,  sans  quelque 
dcffaulte,  aussi  à  rendre,  refonder  et  ramplir  tous  coutz,  frais, 
despens,  dommaiges  et  intéretz  qu'à  deffaulte  de  enlretennenient 
des  convens  et  autres  choses  dessusd.  ou  d'aucunes  d'icelles  faiz, 
mis  ou  encourus  seroient,  comment  que  soit  ou  puist  estre  léal- 
ment  et  sans  fraude,  et  ce  sur  à  paiue  de  encourir  aucun  denier 
de  toute  la  deffaulte,  en  quôy  nous  en  charrions  soit  du  four- 
nissement, entretennement,  livraison  et  garantissement  de  la 
vente  et  marché  principal  cy  devant  touchez  ou  de  l'entreten- 
nement  des  devises  et  condicions  cy  dessus  contenues,  et  aussi 
de  tous  dommaiges,  despens  et  intérests  qui  s'en  pourroient  en- 
suyvre,  et  duquel  qnint  led.  seig.  d'Argenton,  ses  hoirs  et  suc- 
cesseurs ou  ayans  cause  ou  le  porteur  de  cesies  pouvront  ou 
pouvra  servir  et  le  donner  sur  nous,  sur  nosd.  enffans,  nosd. 
hoirs  et  successeurs  et  rémanans  et  sur  les  leurs  à  quelque  sei- 
gneur ou  justice  espécialle  ou  temporelle  que  mieux  leur  plaira 
prendre  et  eslire,  car  quant  à  ce  nous  serons  soubgmis  pt 
obligé,  et  par  la  teneur  de  cesd.  présentes  sougmectons  et  obli- 
geons tous  nos  biens  meubles,  immeubles,  capteulx  et  hérilaiges 
quelconques  avecques  ceulx  de  nosd.  hoirs,  successeurs  et  rama- 
nans  présens  et  avenir,  partout  ou  qu'ilz  soient  ou  puissent  estre 
sceuz  ou  trouvez,  lesquels  dès  maintenant  pour  lors  avons  mis 
et  mecioiis  en  droit,  loy  et  abandon  envers  tous  seigneurs  et 
ofïiciers  de  justice,  de  quelque  estât  on  condicion  et  de  quelque 
autorité  qu'ilz  usent  ou  soient  fondez,  tant  aud.  pays  de  Haynau 
que  dehors.  Pour  en  tant  prendre,  vendre,  mesvendre,  exécuter 
et  adenever  réalement  et  de  fait  que  jusques  au  plain  acomplisse- 
ment,  fournissement  et  intimement  de  tous  les  convens  dessusd. 
Ensemble  aud.  quint  de  mer  de  la  faulle  et  do  tous  despens, 


—  2-26  — 

(lom maîtres  et  intéretz  qui  léalment  encourrnz  et  ensuiviz  se- 
ront, (lezqiiels  voulons  et  consentons  que  le  porteur  de  cestcs 
soit  creu  par  son  simple  dire,  sans  autre  preuve,  guerre  ou  taxa- 
cion  de  juge  sur  ce  requérir,  obtenir  ne  avoir  renonçant,  quant 
à  tout  ce  que  dict  est  autrement  par  nostre  foy  et  serment  pour 
nous,  nosd.  hoirs,  successeurs  et  ayans  cause,  à  toutes  excep- 
cions,  décepcions,  fraudes,  baratz,  cautelles  et  caveUacions  et 
toutes  lettres  de  reliefvement,  soit  de  l'Empereur,  du  Roy  nostre 
souverain  seign  ,  du  conte  de  Ilaynau  ou  d'autres  princes  quel- 
ronqries,  à  la  dispensacion  de  notre  serment,  aussi  à  l'excepcion 
de  décepcion,  et  que  l'aydvis  de  lad.  vendicion  desd.  terres  et 
seigneuries  d'Avesnes  et  de  Landrecies  ne  soit  raisonnable  ou 
correspondante  à  sa  valeur,  ensemble  à  l'excepcion  de  monnoie 
non  eue  ou  reçue,  bien  nombrée  ou  quarculée  et  non  toute 
remployée  à  l'évident  proufïit  et  utilité  de  nosd.  enffans,  et 
généralement  et  espéciallement  à  tout  ce  entièrement  qu'à  nous, 
nosd.  enffans,  nosd.  hoirs  et  les  leurs  aider,  servir  et  valoir 
pourront  directement  oti  indirectement  pour  faire  aler  ou  venir 
à  l'enconstre  du  contenu  en  cesd.  présentes  et  qui  pouvroit  estre 
fait,  dit,  escript  et  allégué  à  l'encontre  dud.  seig.  d'Argenton,  de 
sesd.  hoirs  et  ayans  cause  pour  aucunement  contre  la  teneur  et 
effect  de  cesd.  présentes  les  grever,  empescher  ou  nuyre,  Mes- 
niementau  droit  reprochant  générale  renonciation  de  l'espécialle 
ne  procède  et  au  parfait  avons  solempnellement  juré  et  affir.mé 
et  d'abondant  jurons  et  affermons  que  la  vendicion,  obligacion 
et  renonciacion  dessus  dicte  est  bonne,  juste  et  léalle  et  que 
faicte  ne  l'avons  pour  personne  vouloir  frauder,  barater,  ne  de 
son  droit  eslongier.  Et  en  tesmoing  de  ce,  nous  avons  cesd. 
présentes  lectres  signées  de  nostre  seing  manuel  et  à  icelles  fait 
mcctre  et  appendre  nostre  scel,  avec  le  seing  du  notaire  impérial 
à  ce  par  nous  appelé,  et  sa  subscripcion,  où  sont  nommez  les 
tesmoings  à  ce  requis  et  évocquez.  Ce  fut  fait  en  la  ville  de 
Amboise  le  septiesme  jour  du  moys  d'avril  l'an  mil  cccc  quatre 
vings  et  troys  avant  Pasques.  Alain. 

Je  Nicolas  Pingret,  clerc  de  la  cité  de  Cambray,  de  l'auctorité 
du  sanctissime  empire  romain  notaire  juré  et  tabellion  publicque, 
que  les  jour,  mois  et  an  dcssusd.  aux  recognoissance,  contract, 
vcndagc,  cession,  transport,  quittance,  remisses,  convenances, 


227  

subiuccissious ,  consentement,  obligacioiis ,  rendecliiacions  et 
aultres  choses  cy  dessus  en  ces  présentes  lettres  contenues  et 
déclarées,  faire,  ainsy  et  par  le  manière  et  sur  les  devises  et  con- 
d\<ins  et  spécificacions  y  déclarées  par  très  hault  et  très  puissant 
priace  et  mou  très  redoublé  seign.  Monseig.  d'Albret  cy  dessus 
nommé,  a  esté  présent  et  espéciallement  appelé  comme  notaire, 
avec  révérend  père  en  Dieu  Monseign.  Clément  du  Brulat,  éves- 
que  de  Saint-Papoul,  noble  et  honorable  seign.  Charles,  seign. 
de  Monipesac,  vénérable  et  discret  seign.  maistre  V'ande  Calloen 
et  honorable  homme  Anthoine  Mellin,  marchand  florentin,  les- 
moius  à  ce  évoquez  et  qui  ont  esté  icy  receuz  et  mis  en  note. 
Pour  tout  à  ces  préseules  lettres  sur  ce  par  moy  scellées  et 
minutées,  d'autruy  main  féallement  greff"ées,  et  de  plus  scellées 
du  scel  dud.  seigneur  et  saignées  de  son  saing  manuel,  je  ay 
mis  mon  saing  et  ceste  subscription  de  ma  propre  main.  En 
grigneur,  approbation  et  tesmoignage  de  vérité  de  toutes  les 
choses  dessusd.  et  de  chacune  d'icelios,  approuvans  les  entrc- 
lignemens  fais  de  ma  main  cy  dessus  en  visitant  ces  prés,  lettres 
et  les  collacionnant  contre  la  minute,  assavoir  est  entre  les  V  et 
VI  ligues  ces  mots  :  nostre  fils  Jehan  et,  —  et  entre  les  Vil  à 
Vlir  lignes  ce  mot  :  nous.  N.  Pingret. 

N°  II. 

Philippes  de  Comynes,  chevalier,  seigneur  d'Argeuton  et  de 
Tallemont,  conseiller  et  chambellan  du  Roy  nostre  sire,  à  tous 
ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut. 

Comme  ja  pieca  et  dès  le  vij*  jour  d'avril  l'an  mil  cccc  iiijxx 
et  troys  avant  Pasques,  très  hault  et  très  puissant  seigneur 
Alain  d'Allebret,  comme  ayant  le  bail,  gouvernement  et  admi- 
nistration et  curature  donnée  par  justice  de  Jehan  viconte  de 
Tartas,  Gabriel,  Pierre  et  Amenyeu,  ses  enffans  mineurs,  et  de 
feu  dame  Francoyse  de  Bretaigne,  pour  le  bien  et  évident 
prouflît  et  utilité  de  sesdicts  eufTans,  et  pour  leurs  affaires 
reformer  en  mieulx,  nous  eust  vendu  et  transporté  à  tousjours 
les  terres  et  seigneuries  d'Avennes  et  Landresies  et  leurs  ap- 
partenances assises  au  pays  de  Heynault,  pour  certain  pris  et 
somme  de  deniers  à  plain  avccqucs  plusieurs  aultres  choses, 


228  

(loclairées  es  lettres  et  coutractz  quy  sur  ce  furent  passez  et 
célébrez  entre  nous.  Et  pour  ce  que  lors  mondict  seig.  d'Alle- 
brel  ne  nous  peult  faire  joyr  de  ladicte  seig.  d'Avenues,  ne 
nous  eu  bailler  la  joyssance  et  possession  vuide  et  délivre.  Nous 
cnst  pour  seurté  de  ladicte  vendicion  et  sans  icelle  en  aucun 
poinct  ne  article  innover,  mais  en  icelle  approuvant,  louant  et 
confermant,  baillé,  cédé  et  transporté  par  autre  contract  appart, 
la  conté  de  Dreiiz  et  ses  appartenances,  qu'il  nous  promist 
fournir  et  faire  valloir  la  somme  de  xij'  livres  t.,  toutes  charges, 
tant  de  fiefs,  aulmosncs,  gaiges  d'offices  que  autres  en  ce  non 
comprinse,  mais  desduitz  et  rabattuz,  les  premiers  sur  le  re- 
venu de  lad"'  conté  et  certaines  autres  convenances  et  pactions 
au  long  déclairées  par  le  dernier  contract  narratif  et  faisant 
mencion  de  l'autre,  et  en  iceluy  ensuyvant  sans  innovation 
d'autre  ni  nouvel  contract  faict.  Et  depuis  nous  ait  mondict 
seig.  d'Allebret  fait  part,  que  oiiltre  la  somme  de  xv™  escuz 
d'or,  des  escuz  appelez  les  escuz  à  la  couronne  du  coing  du 
Roy  Charles  VIl%  qui  parmy  le  dernier  contract  faisant  luy 
faveur  par  nous  payez,  baillez  et  livrez  contant,  nous  luy 
veuillons  bailler  la  somme  de  iiij  mille  escuz  d'or  de  semblable 
coing,  quoique  soit  les  payer  pour  luy  à  certains  receveurs, 
ausquels  il  en  est  redevable  et  l'en  acquitter  et  rendre  quitte 
envers  eulx.  Sur  quoy  pour  ce  qu'il  nous  a  fait  dire  par  aucun 
de  ses  officiers  il  avoit  nécessairement  et  hastivement  à  besoigner 
en  Perigort,  tellement  qu'il  ne  povoit  avoir  faulte  ne  espace 
de  sur  ce  présentement  traitter,  conclurer  et  mectre  fin.  Luy 
avons  promis  envoyer  devers  luy  à  Montignac  le  conte  audict 
pays  de  Perigort  aucuns  de  par  nous,  pour  sur  ce  conclurer 
avecque  luy  ou  avecq  de  par  luy.  Savoir  faisons  que  nous  ce 
considérer  voulans  entretenir  nos  promesse  et  parolle,  désirans 
à  nos  pouvoir  tant  en  ce  qui  ausdites  choses  ensuit  les  vouloir 
de  mondict  seig.  dAllebret,  et  luy  secorir  en  ses  affaires  selon 
nostre  povoir  et  faculté.  Confians  à  plain  des  sens  et  diligence 
des  personnes  de  nos  bien  amez  maistre  Regnault  du  Noyer, 
procureur  du  Roy  en  Poictou,  et  Olivier  de  Vendel,  escuyer, 
seig.  de  la  Menardière,  lieutenant  du  chastel  de  Poictiers,  que 
présanlement  envoyons  pour  la  cause  que  dessus  audict  lieu 
do  .Montignac.  Icculx  avons  fait,  constitué,  ordonné  et  cstably. 


229  

faisous,  consiitiions,  ordoiiuons  et  establissons  nos  prociireurs 
et  messagiers  espéciaiilx  quant  à  ce  et  chascun  d'enlx  pour  le 
tout  ainsi  que  la  condicion  du  présent  et  occupant  pour  nous 
ne  soit  pas  la  meill%  mais  que  tout  ce  que  Tung  d'enlx  fera 
puisse  par  l'aultre  esire  resous,  poursuivy,  parachevé  et  mis  à 
fin  deue.  El  leur  avons  donné  et  donnons  plain  pouvoir,  man- 
dement et  commission  expresse  et  espécialc  par  lesdictes  pré- 
sentes de  traitter,  promectre  et  convenir  avecques  mond.  seig. 
d'Allebret  ou  ses  desputez,  ayant  sur  ce  de  luy  puissance  et 
faculté  de  l'acquitter  et  faire  quitte  avec  messire  Michel  Gaillart, 
chevalier,  général  conseiller  du  Roy  nostre  sire,  sur  le  faict  et 
gouvernement  de  ses  finances,  de  la  somme  de  iiij"  escuz  diid. 
coing,  en  quoy  il  dict  luy  estre  redevable,  et  de  luy  en  rendre 
et  restituer  dedens  tel  temps  et  en  tel  lieu  qu'ilz  ou  celuy 
d'eulx  deux  quy  à  ce  vacquera,  adviseront  ou  advisera  les  lettres 
ou  cédulles  faisant  menciou  dudit  deu  comme  solves  et  acquit- 
tées. El  avecques  et  oultre  lesd.  iiij'"  escuz,  de  promectre  pour 
nous  à  mondict  seig.  d'Allebret,  de  luy  payer,  bailler  et  livrer 
dedens  tel  temps  que  semblablement  il  advisera  la  somme  d'au- 
tres mille  escuz  dud.  coing,  ou  l'en  acquitter  envers  toutes 
telles  personnes  qu'il  luy  plaira  nommer  et  ordonner.  En  com- 
fessant  toutesvoyes  par  mondict  seig.  d'Allebret  avoir  eu  et 
receu  sur  ce  du  payement  de  lad  vendicion  lad.  somme  de 
cinq  mille  escuz,  oultre  ce  par  dessus  ladicte  somme  de  xv"' escuz 
que  au  moyen  et  en  suyvant  le  contract  de  vendicion  de  la 
terre  d'Avesnes  et  icelluy  faisant  et  célébrant,  quoique  soit  en 
nous  baillant  pour  seurié  d'iceluy  lad.  conté  de  Dreux,  nous 
luy  baillasmcs  et  payasmes  conians  et  nous  en  donner  quittance 
bonne  et  vaillable,  soit  par  contract  à  part  ou  sur  cerlaine 
contrcleltrc  que  mondict  seig.  d'Allebret  a  de  nous  de  la  somme 
de  deux  mille  escuz  d'or  qui  luy  restaient  luy  cslre  par  nous 
payez  du  résidu  du  contract  de  vendicion  d'Avesnes,  nonobslant 
que  par  iceluy  il  ait  confessé  avoir  eu  total  et  final  paiement 
de  la  somme  de  xxv"  escuz  d'or  dudit  coing  pour  lad.  vendi- 
cion d'Avesnes,  et  tout  sans  innovaciou  desd.  contracts  et  de 
sur  ce  autant  que  de  besoing  sera  obligé  nous,  nos  hoirs  et  suc- 
cesseurs et  tous  nos  biens  et  chevance.  Et  générallemeni  de 
faire  sur  ce  que  dict  est   selon    leur  sens  et  diligence...   En 


—  2Ô0  — 

témoignage  de  quoy   nous  avons  signé  ces  présentes  de  nostre 
main  et  à  icelles  fait  niccrre  et  apposé  nostre  scel. 

A  Montsereau ,  en  Anjou,  le  xxv*  jour  d'aonst  l'an  mil 
cccc  iiij^^  cinq.  Pii"  Comynes. 

N"  III. 

1485.   Quiltance  pour  le  seigneur  iVAi^genton. 

Je  Jacques  de  Beaune,  marchant,  demourant  à  Tours,  promets 
randre  et  bailler  à  monseig.  d'Argenton  certains  obligez  de  la 
somme  de  quatre  mille  escuz  d'or,  en  quoy  est  tenu  monseig. 
d'Albret  à  mons.  le  général  Gaillart,  ou  luy  bailler  acquit  suffi- 
sant de  mondict  seig.  d'Albret  de  pareille  somme,  poiirveu  que 
je  recoyve  les  dicts  iiij™  escuz  d'or  de  mons.  du  Bouchage, 
tosmoing  mon  seing  manuel  cy  mis  le  xxix  jour  de  septembre 
mil  iiij"^  iiij^''  et  cinq.  J.v.  de  Beaune  (i). 

N"  IV. 
1483.   Quittance  d'Alain  d'Albret  pour  Commines. 

Alain  sire  d'Albret,  conte  de  Dreuz,  seigneur  de  Périgort,  etc. 
A  tous  ceulx  qui  les  présentes  verront,  salut.  Savoir  faisons  que 
pour  aucun  grant  affaire  en  quoy  nous  sommes,  aujourd'huy 
date  de  ces  présentes,  nostre  très  cher  et  amé  cousin  messire 
Philippes  de  Comynes,  chevalier,  seig.  d'Argenton  et  sénéchal 
du  Poictou,  nous  a  prestez  la  somme  de  mille  livres  tournois, 
laquelle  somme  de  mil  livres  tournois  nous  avons  receue  et  pro- 
mectons  par  la  foy  et  serment  de  nostre  corps  et  soubz  l'obliga- 
tion de  tous  nos  biens  présens  et  advenir,  lui  payer  et  rendre 
lad.  somme  dedens  le  jour  de  Quasimodo  prochain  venant.  En 
tesmoing  de  ce  nous  avons  signées  ces  présentes  de  nostre  main 
et  à  icelles  faict  mectre  le  sceau  de  nos  armes,  le  xviij'  jour  de 
février  mil  cccc  iiij"^  et  cin(|.  Alain. 


(I)  Ce  marcliaiid  toiirangeaii  faisait  la  banque  et  tenait  les  soieries  et  autres 
tissus  riches.  Il  fut  fait  par  Charles  Yill  receveur  géuciMl  des  liuaiiees  et 
trésorier  de  la  Reine. 


—  251  — 

N"  V. 

1 490.  Alain (TAlbrel  dit  pourquoi  les  seigneuries  cl' À  vesnes 
et  de  Landrecies  nont  pu  être  délivrées  à  Philippe  de 
Commines;  il  signale  une  erreur  de  compte,  fait  le  relevé 
des  sommes  de  deniers  reçues  du  susdit  Commines  et  le 
confirme  dans  la  possession  du  comté  de  Dreux  qu'il  lui 
a  vendu  le  5  septembre  1485. 

Alain,  sire  d'Alebret,  conte  de  Gavre,  de  Penthièvre  et  de 
Périgort,  viconte  de  Limoges  et  de  Taiias,  etc.  A  tous  ceulx  qui 
CCS  présentes  lettres  verront,  saint.  Comme  par  certain  contrat 
fait  entre  nous  et  nosire  très  chier  et  amé  cousin  messirc  Phi- 
lippe de  Commines,  chevalier,  seigneur  d'Argenton,  nous  eus- 
sions vendu,  ccddé  et  transporté  audict  seigneur  d'Argenton  les 
terres  d'Avannes  et  Landrecis  et  autres  terres  assises  au  pays 
de  Henault,  lesquelles  appartcnoient  à  nos  enffans,  à  cause  que 
nostre  très  chière  et  très  amée  compaigne  leur  feue  mère,  et 
eussions  fait  ladite  vendue  pour  le  pris  et  somme  de  vingt-cinq 
mille  escuz  d'or  à  la  couronne,  du  coing  du  Roy  nostre  sire, 
que  en  confessâmes  lors  dudict  contract  avoir  enz  et  receuz 
dudict  seig.  d'Argenton  et  dont  nous  nous  fcussions  tenu  pour 
content,  nonobstant  totitesvoyes  que  nous  en  receumes  que 
seize  mille  escuz  d'or.  Et  du  résidu  qui  se  montoit  noeiif  mille 
escuz  d'or,  nous  en  bailla  le  seig.  d'Argenton  son  scellé.  Et 
pour  ce  que  lesdictes  terres  d'Avannes  et  de  Landrecis  et  autres 
dessus  dictes,  appartenant  à  nos  enfTans,  n'avions  pu  bailler  la 
possession  et  joyssance  au  seig.  d'Argenton,  obstant  aucunes 
couslumes  dudict  pays  de  Henault;  Et  pour  oster  toutes  diffîcul- 
tez,  par  nu  autre  contract  fait  entre  nous  et  les  procurez  dudit 
seig.  d'Argenton  à  Montignac  le  conte,  ayons  vendu,  ceddé  et 
transporté  purement  et  absolument  au  seig.  d'Argenton  la  conté 
de  Dreux,  avec  ses  appartenances  et  appendances,  pour  en  joyir 
et  user  par  ce  dict  soig.  d'Argenton  et  les  siens  ou  ayans-cause, 
en  tous  prouffîis,  revenues,  émoluemens,  avec  ce  deux  cens  livres 
tourn.  de  rente  sur  tous  et  chascun  nos  biens  et  une  maison 
assise  à  Paris  près  les  tournelles,  à  certain  temps  de  rivière,  et 
avons  fait  icelle  vendicion  pour  le  pris  et  somme  do  vingt  mille 


esciiz  d'or  à  la  couronne  du  coing  dn  Roy.  C'est  assavoir  ainsi 
que  contient  le  texte  d'icelliij  contract  quinze  mille  esciiz  d'or, 
que  ledict  seig.  d'Argenlon  nous  en  paya,  en  faisant  lediot  con- 
tract d'A vannes,  et  quatre  mille  esciiz  d'or  que  ledict  seig.  d'Ar- 
genton  estoit  tenu  paier  pour  nous  et  en  nostre  acquit  à  Jacques 
de  Beaune,  marchand,  demourant  à  Tours,  et  Michelet  Gaillart, 
général  de  P>ancc,  et  le  résidu  qui  estoit  de  mille  escuz  d'or, 
que  nous  estoit  tenu  paier  à  la  quinzaine  cnsuyvant  ledict  seig. 
d'Argenton,  ce  que  loyaument  pour  luy  a  esté  fait  et  accomply, 
et  nous  a  fait  rendre  nostre  scellé  que  nous  avions  baillé  desdits 
quatre  mille  escuz  ausd.  de  Beaune  et  Gaillart,  et  aussi  que  les 
autres  mille  escuz  que  est  la  somme  et  parpaye  desd.  xx"'  escuz 
dont  fait  mention  led.  traiclé  fait  aud.  Montignac.  Et  pour  ce 
que  en    faisant  icelluy  dernier  contract,  led.  seig.  d'Argenton 
avait  esté  déçu  par  erreur  de  compte  de  la  somme  de  mil  escuz 
d'or,  parce  que,  comme  dessus  est  dit,  il  nous  avoit  payé  léaii - 
ment  la  somme  de  seize  mil  escuz  d'or,  en  faisant  le  premier 
contract  d'Avanncs,   et  avoit  esté  son  scellé  à  nous  baillé  du 
reste,  c'est  assavoir  est  de  neuf  mille  escuz,  et  toutesvoyes  par 
led.  dernier  contract  ne  luy  comptâmes  que  quinze  mille  escuz 
d'or  de  ce  qu'il  avoit  payé  aud.  contract  d'Avannes,  auquel  il 
en  avoit  seize  mille,  et  disions  que  le  scellé  à  nous  baillé  estoit 
de  dix  mille  escuz  d'or,  ainsi  manifeste  erreur  de  mille  escuz 
d'or  sur  led.  seig.  d'Argenton,  dont  sommes  tenuz  de  lui  faire 
restilucinn,  comme  clerement  peut  apparoir  par  led.  contract 
d'Avannes  et  par  led.  scellé  à  nous  baillé,  le(|uel  n'est  que  de 
neuf  mille  escuz  d'or.  Pourquoy  savoir  faisons  que  en  recognois- 
sant  bonne  foy,   lui   confessons  devoir  et  estre  tenuz  à  luy  en 
lad.  somme  de  mille  escuz  d'or,   pour  la  cause  que  dessus  de 
l'erreur  faicte  en  faisant  led.  darenier  contract  de  IMontignac, 
comme  dit  est.   Aussy  lui  confessons   devoir  mille   francs,  qui 
vallent  à  escuz  cinq  cens  soixante  et  unzc  escuz  d'or  à  la  cou- 
ronne et  quinze  sols  tourn.,  qu'il  nous  presta  C()m|Hanl  à  Mou- 
lins, le  xvii"  jour  de  février  mil  cccc  iiii"''  et  cinq,  desquelles 
mille  livres  il  dit  avoir  perdu  la  recognoissance  de  nostre  main, 
en  oiiltrc  confessons  devoir  et  loyaument  estre  tenuz  aud.  seig. 
d'Argonlon  en  la  somme  de  deux  mille  escuz  d'or  à  la  couroiine 
qu'il  nous  a  presicz,  lescjuellcs  sommes,  c'est  assavoir  pour  les 


—   ^2">  — 

raisons  dcssiisd.  avec  v'  cxxi  esciiz  d'or  et  xv  s'  loiirn.  à  nous 
prcstez  à  Moulins,  comme  dict  est.  Et  lesd.  deux  mille  eseuz 
d'or  qu'en  payement  nous  a  presiez  comptaiis,  recongnoissons 
luy  estre  due  loyaument,  que  est  en  somme  toute  trois  mille  cinq 
cens  soixante  et  unze  escuz  d'or  à  la  couronne  et  xv  s.  tourn., 
avons  consenti  et  accordé  aud.  seig.  d'Argenion,  que  quant 
dedans  le  temps  de  terme  apposé  en  faisant  lad.  vcndicion  de 
la  conté  de  Dreux  par  led.  traicté  de  Moutignac,  nous  rachapions 
icelle  conté  et  ses  appartenances  et  autres  choses  dessus  dictes 
et  conienues  audict  contract.  En  icelluy  cas,  led.  seig.  d'Argon- 
ton  pourra  user  de  retenue  de  lad.  conté  de  Dreux,  jiisques  ad 
ce  que  par  nous  ait  esté  remboursé  par  entier  des  parties  dessus 
dictes,  et  pour  ceste  cause  advenant  led.  rachapt,  en  avons 
obligé  et  obligeons  aud.  seig.  d'Argenion  lad.  conté  de  Dreux 
et  tous  et  chascun  nos  biens  et  nos  hoirs,  membres  et  hériiaiges 
présens  et  advenir.  Et  aussi  lui  avons  consenty  bastir  et  réparer 
de  neuf  en  tel  lieu  et  endroit  dud.  Dreux  que  vouidra,  jusques 
à  la  somme  de  trois  cens  livres  tourn.,  et  ce  pour  une  foys 
tout  seulement.  En  tesmoing  des  choses  dessus  dictes  avons 
signé  ceste  présente  lettre  de  nostre  main  et  à  icelle  fait  mectre 
le  scel  de  nos  armes.  Donné  à  Nantes,  le  scgond  jour  d'avril 
l'an  de  grâce  mil  cccc  quatre-vingt  et  dix,  avant  Pasques. 

Alain.     II.  Duiund. 

N"  VI. 

1490.   Ordonnance  du   roi  Charles    VI H  en  faveur  de 
Philippe  de  Commines. 

Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France,  au  bailly  de 
Touraine  ou  à  son  lieuten.  et  au  premier  enquestcur  aud.  pays, 
et  au  premier  huissier  de  nostre  parlement  ou  nostre  sergent 
sur  ce  requis,  et  à  chascun  d'eulx,  salut.  De  la  part  de  nostre 
amé  et  féal  chevalier,  conseiller  et  chambellan  Ph*^  de  Comynes, 
seigneur  d'Argenion,  conte  de  Dreux,  nous  a  esté  exposé  que 
pour  monstrer  du  bon  droit  qu'il  a  en  certaine  cause  meue  ou 
espérée  à  mouvoir,  tant  en  nostre  dicte  court  de  parlement  que 
ailleurs,  entre  luy  et  le  seigneur  d'Allebret,  le  seigneur  d'Esiou- 
leville,  nostre  amé  et  féal  le  roy  de  Navarre  et  autres,  en  plu- 


—  234  — 

sieurs  et  divers  lieux,  luy  est  bcsoing  et  nécessité  de  moustrer 
et  faire  apparoir  de  plusieurs  lettres,  tiltres,  actes  extraicts  de 
registres,    munimens  et    autres   enseignemens ,   lesquels  pour 
doubte  de  les  perdre  ne  les  oseroit  bonnement  envoyer  ou  pro- 
duire par  devers  nostre  d.  court,  et  aussi  doubte  que  ceulx  en 
possession  desquelx  sont  aucunes  desd.  lettres  facent  difiiculté 
de  les  luy  bailler  pour  soy  en  aider,  que  seroit  en  son  très 
grand  préjudice  et  domniaige,  humblement  requérant  sur  ce 
nostre  provision.  Pourquoy  nous,  ces  choses  considérées,  vous 
mandons  et  commectons   par  ces  présentes  que  à  la  requeste 
dudit  exposant,  appeliez  ceulx  que  feront  à  appeller,  vous  faictes 
collation  des  vidimus  extraicts  ou  coppies  de  toutes  les  lettres, 
tiltres  et  autres  enseignemens  dont  de  par  luy  serez  requis,  et 
conlraingnez  ou  faictes  contraindre  toutes  les  personnes  dont 
par  led.  exposant  serez  requis  vous  bailler  et  mecire  en  voz 
mains  toutes  les  lettres,  tiltres  et  autres  enseignements  qu'ilz 
ont  par  devers  eulx  servans  aud.   exposant,  pour  en  faire  ou 
faire  faire  lesd.  vidimus,  extraitz  ou  coppies  et  les  collationner 
aux  originaux,  et  avec  ce  tous  les  notaires,  scribes,  tabellions 
et  personnes   publicques,  à  bailler  et  délivrer  aud.  exposant 
toutes  les  lettres,  tiltres  et  enseignemens  qu'ilz  ont  par  devers 
eulx  servans  aud.  exposant  suivant  les  noctes  et  proihocolles 
d'icelles,  le  tout  à  ses  despcns  raisonnables,  et  en  cas  d'opposi- 
tion, refuz  ou  delay,  adjournez  ou  faictes  adjourner  les  opposaus, 
refusans  ou  delayans,  à  certain  et  compectant  jour  en  nostre  d. 
court  pour  dire  les  causes  de  leurs  oppositions,  refuz  ou  delay 
respondre  et  procéder  que  de  raison,  et  par  ces  mesnies  pré- 
sentes mandons  et  commectons  aud.  huissier  ou  sergent,  que  à 
la  requeste  dud.  exposant,  il  adjourne  tous  ceulx  qui  pour  ce 
seront  à  adjourner  à  certain  et  compectant  jour  ou  autres  jours 
ensuyvans  par  devant  vous  es  villes  et  lieux  que  mestier  sera  et 
où  vous  serez  logez  pour  voir  faire  coUacion  desd.   vidimus, 
extraits    ou  coppies  ausd.   originaulx,   avec  intimacion  que  y 
voysent  ou  non,  et  non  obstaut  leur  absence  vous  procéderez 
en  lad.  besoiigne  ainsy  que  de  raison,  en  vous  justifiant  sur  ce 
souflisammenl  ausd.  jour  ou  jours  par  led.  huissier  ou  sergent. 
De  ce  faire  à  vous  et  à  luy  donnons  povoir,  mandons  et  com- 
mandons à  tous  nos  justiciers,  officiers  et  subgects  que  à  vous 


—  -^.î 


200 


et  ausd.  huissier  ou  sergent  eu  ce  faisant  soit  obéy.  Donné  à 
Paris  le  xviii™*  jour  de  novembre  l'an  de  grâce  mil  cccc  quatre 
vings  et  dix  et  de  nostre  règne  le  huitième. 

Par  le  conseil  :  J.  Daquestre. 

N"  VII. 

1491.  Quittance  pour  le  seigneur  (VArrjenton, 

Je' Jacques  de  Beaune,  marchant,  demourani  à  Tours,  con- 
fesse avoir  eu  et  receu  de  messire  Phiiippes  de  Comynes,  che- 
valier, conseiller  et  chambellan  du  Roy  nostre  sire  et  seigneur 
d'Argenton,  la  somme  de  deux  mil  escuz  d'or  à  la  couronne, 
que  led.  seign.  m'a  payez  pour  et  au  nom  de  mouseig.  d'Al- 
bret,  de  laquelle  somme  de  ii""  escuz  d'or  à  la  couronne  je  me 
tiens  coulent  et  bien  payez,  et  en  quille  mondict  seig.  d'Ar- 
genton, tesmoing  mon  seing  manuel  y  mis  ce  v'=  jour  d'avril 
l'an  mil  iiij"  iiij"  et  unze,  après  Pasques. 

J,\.  UE  Beauxe. 

N"  vm. 

1494.  Alain  d'Albret  autorise  Philippe  de  Commines  d\iser 
à  son  plaisir  du  comté  de  Dreux. 

Alain,  sire  d'Alebret,  conte  de  Périgort,  de  Gavre,  de  Pen- 
thièvre  et  d'Armagnac,  viconle  de  Tartas  et  IJmoges,  seigneur 
d'Avesnes,  etc.  Savoir  faisons  que  nous  avons  accordé  à  nostre 
1res  cher  et  amé  cousin  Phiiippes  de  Comynes,  chevalier,  seig. 
d'Argenton,  conseiller  et  chambellan  du  Roy  nostre  sire,  de 
povoir  bastir  en  la  conté  de  Dreux  à  son  plaisir  jusques  à  la 
somme  de  xii"  livres  tourn.,  soit  aux  meslairies  encommeucées 
ou  au  chasteau  pour  son  logis,  ou  à  repparer  halles,  prinsons 
et  molins,  et  rachapter  terres  labourables,  prez  ou  vignes  qui 
aient  esté  aliénées  par  icy  devant  à  ladicte  conté  de  Dreitx, 
le  tout  à  son  plaisir  et  aussy  qu'il  verra  pour  le  mieulx  esire  à 
faire,  en  rapportant  certiticaciou  des  officiers  de  lad.  conté  de 
ce  qu'il  y  aura  mis  et  employé;  aussi  luy  avons  promis  que 
nous  ne  le  contraindrons  point  à  prendre  noslre  terre  d'Avesnes 
en  Henault  et  nous  rendre  lad.  conté.  De  ces  choses  font  men- 


—  "lôÙ    — 

tiou  certains  coiiiracls  pieça  passés  entre  nous  et  nostre  cousin, 
lesquels  contracts  nous  entendons  demeurer  en  leur  force  et 
vertu  sans  rien  innover  jusques  à  Teure  que  retirerons  lad, 
conté,  et  par  dessus  luy  aurons  paie  et  remboursé  les  aultres 
deniers  que  luy  devons  ou  qu'il  auroit  employé  en  rapport  et 
certificacion  comme  dicl  est,  aulirement  le  seig.  d'Argenton 
pourra  user  de  rétention  de  lad,  conté.  En  tesmoing  de  ce  nous 
avons  signé  ces  présentes  de  nostre  main  et  fait  sceller  de  nostre 
scel,  à  Vienne,  le  ix'  jour  d'aoust  mil  cccc  quatre  vingts  et 
quatorze.  (S'ë*)  •  Alain. 

N°  IX. 

1494.   Alain  d'Albret  achète    trois  perles  à  Philippe  de 

Commines. 

Aloin,  sire  d'Alebret,  conte  de  Périgort,  de  Gavre,  de  Pen- 
thièvre  et  d'Armagnac,  viconte  de  Tartas  et  Limoges,  captai  de 
Buch,  seigneur  d'Avesnes,  etc.,  confessons  d'avoir  et  loyaul- 
nient  estre  tenu  à  nostre  très  cher  et  amé  cousin  messire  Phi- 
lippes  de  Comynes,  chevalier,  seigneur  d'Argenton,  conseiller 
et  chambellan  du  Roy,  la  somme  de  troys  mille  livres  tourn., 
c'est  assavoir  pour  troys  grosses  perles,  poisans  soixante  nnze 
karatz  et  demy  aux  karatz  de  Paris,  poisées  par  Pierre  Davril, 
orfèvre  de  Paris,  que  nous  avons  cejourd'huy  prises  de  luy,  la 
somme  de  quatorze  cens  livres  tourn.  qu'il  a  payez  pour  nous 
en  nostre  acquit,  à  sire  Néry  Chappou,  marchand  florentin, 
demourant  à  I^yon,  dont  nous  tenons  pour  coniens,  montant 
Icsdictes  deux  parties  à  la  somme  de  iii*"  livres  touru.,  laquelle 
luy  promettons  payer  à  l'eure  que  retirerons  et  mettrons  en  nos 
mains  la  conté  de  Dreux,  en  dcffault  de  payement  de  laquelle 
somme  pourra  user  de  restancion  de  lad.  conté,  en  tesmoing 
de  ce  nous  avons  signé  ces  présentes  de  nostre  main  et  fait 
sceller  de  nostre  scel,  à  Vienne,  le  vingt  deuxiesme  jour  d'aoust 
l'an  mil  cccc  quatre  vingts  et  quatorze.  Alain, 

(Plus  bas)  Dupuv. 
(Au  dos  de  la  charte,  on  lit  ces  mots)  : 

Le  seigneur  d'Argenton  certifie  avoir  reprins  les  troys  perles 
et  par  aiusy  ce  scellé  ne  luy  doit  que  mille  livres  tourn.,  b^quel 
fut  donné  à  Vienne,  le  xxii  d'aoust  m  cccc  lili^^iv. 


—  237  — 

N»  X, 

Alain  d'Albret  el  son  fils  Gabriel  empruntent  de  nouvelles 
sommes  à  Philippe  de  Comnrines. 

Nous  Alain  d'Albret,  conte  de  Gavrc,  de  Penihièvre,  de 
Pcrigort  el  de  Castres,  viconte  de  Tartas  et  de  IJmoges,  seigneur 
d'Avesnes;  Informé  bien  et  duement  de  nos  droitz,  confessons 
devoir  et  lojaulnient  estre  tenu  à  noble  et  puissant  seigneur, 
messire  Pbilippes  de  Coinmynes,  chevalier,  seigneur  d'Argemon, 
c'est  assavoir  la  somme  de  six  cens  vingt-cinq  escuz  d'or  au 
soleil,  laquelle  somme  il  a  prestcz  à  nostre  tilz  Gabriel,  seigneur 
d'Avesnes,  en  son  voyage  qu'il  a  fait  dernièrement  avec  le  Roy 
à  Napples  d'une  part,  et  d'autre  |)art,  la  somme  de  mille  escuz 
d'or  à  la  couronne,  et  ce  à  cause  des  mises  qu'il  a  faictes  pour 
la  conlé  de  Dreuz  que  luy  vendismes  l'an  mil  cccc  iiii^^  et  cinq 
et  le  iii"^  septembre  avec  deux  cens  livres  tourn.  de  rente  et 
la  maison  de  Picquemuse,  assise  à  Paris,  près  les  Tournelles, 
desquelles  mises  nous  ne  luy  avons  teuuz  aucun  compte  ne 
fait  payement  jusques  à  présent,  lesquelles  mises  ont  estez 
faicies  par  ledict  mess.  Pbilippes  de  Commynes,  seig  d'Ar- 
genton,  premièrement  en  deux  cens  escuz  ou  environ  qu'il  a 
déboursé  pour  préserver  le  droit  des  offices  royaulx  vaccans 
aud.  conté,  desqiielz  nous  avons  la  nominacion,  desquelz  deux 
cens  escuz  en  furent  baillé,  cent  à  ung  appelé  Tourout,  qui  estoii 
en  l'échansonnerie  du  Roy  et  lequel  avoit  demandé  l'office  de 
grenetier  dud.  lieu  lors  vacant,  duquel  il  avoit  heu  le  don  du 
Roy,  et  pour  éviter  procès  et  préserver  led.  droit  de  nominacion 
luy  donna  lad.  somme,  et  semblablemeni  donna  cinquante  escuz 
au  conlrerollcur  des  chevauchcurs  de  l'escurie  du  Roy,  pour 
l'office  du  contrerole  de  guerre  dud.  lieu,  qui  lors  vaccoit  et 
duquel  il  avoit  eu  le  don  du  Roy,  el  oultre  donna  et  bailla 
cinquante  escuz  d'or,  taut  pour  contenter  les  secrétaires  que 
pour  les  voyaiges  qui  furent  faiz  pour  poursuyvres  lesd.  offices. 
Ilem,  pour  ce  que  luy  eust  peu  valloir  le  voyaige  de  lad.  maison 
appelée  Picquemuse  depuis  dix  ans  en  ça,  laquelle  luy  avons 
vendue  en  luy  vendant  la  conté  de  Dreuz,  et  laquelle  depuis 
donnasmes  à  madame  la  duchesse  de  Bourbon;  Item,  pour  ce 

17 


—  258  — 

que  en  faisant  plusieurs  réparacions,  tant  aud.  chastel  de 
Dreuz  que  ailleurs  aud.  conté,  il  a  fait  faire  des  despens  de 
bouche  à  plusieurs  ouvriers  et  manoeuvres  desqiielx  il  n'a  riens 
mis  es  comptes  qu'il  a  baillé  desd.  réparacions.  hem,  a  fait 
aucuns  voyaiges  à  Paris  pour  soustcnir  le  procès  de  lad.  conté, 
qui  sont  grans,  tant  contre  feu  Monseig.  d'Alençon  que  contre 
mad.  d'Alençon,  qui  est  aujourd'huy  pour  iing  droit  appelé  la 
vitelle,  qu'il  prétend  avoir  en  lad.  conté  de  Dreuz,  quy  doit 
abolir  de  tous  points  la  prévosté  dud.  lieu,  et  aussi  contre 
mad.  de  Boutteville,  nostre  seur,  laquelle  prétendait  avoir 
l'argent  de  son  mari.aige  sur  lad.  conté,  et  laquelle  luy  avons 
promis  garantir,  en  faisant  lad.  vendicion,  et  promectons  de 
nouveau  et  aussy  contre  ceulx  de  la  ville  de  Dreuz,  lesquels 
ont  tousjours  voulu  usurper  sur  les  droitz  de  lad.  seigneurie, 
et  aussi  pour  les  peines  qu'il  a  prises  pour  amender  lad.  conté 
et  deffendre  les  droits  d'icelle,  laquelle  vault  de  présent  troys 
cens  livres  de  revenue  par  an  plus  que  ne  faisoit  au  temps  que 
la  luy  vendismes,  lesquelles  sommes  de  mille  escuz  d'or  à  la 
couronne  d'un  costé,  et  six  cens  vingt  cinq  escuz  au  soleil 
d'autre  part,  à  luy  deus  pour  les  causes  dessus  dictes,  luy  pro- 
mectons paier  à  l'eure  que  nous  retirerons  lad.  conté  de  Dreux 
de  ses  mains,  et  ce  oultre  et  pardessus  toutes  aultres  sommes 
que  luy  pouvons  devoir.  Et  en  cas  que  ne  les  luy  paions,  con- 
sentons qu'il  puisse  user  de  rétention  de  lad.  conté  jusques  à  ce 
que  l'ayons  payé  et  remboursé  desd.  sommes,  et  pour  seurté 
desquelles  choses  desssusdits  et  de  l'accomplissement  de  chas- 
cune  d'icelle,  nous  avons  signé  ces  présentes  de  nostre  main  et 
à  icelles  mis  et  apposé  le  scel  de  nos  armes,  le  xxiii™^  jour  de 
février  l'an  mil  quatre  cens  quatre  vingt  et  quinze. 

Alain. 

N"  XI. 

1496.  Déclaration  de  deux  notaires  au  Châtelet  de  Paris 
en  faveur  de  Philippe  de  Commines. 

A  tous  ceulx  qui  les  présentes  verront.  Jaques  d'EstoiitevilIe, 
chevalier,  seig.  de  Beyne,  baron  d'ivry  et  de  Saint-Andry  en  la 
Marche,  conseiller,  chambellan  du  Roy  nostre  sire  et  garde  de 


-   239  — 

la  prévosté  de  Paris,  salut.  Savoir  faisons  que  pardevant  Michel 
Pileur  et  Loys  Berihclemy,  notaires  du  Roy  nostre  sire,  de  par 
luy  establis  en  son  chastelet  de  Paris,  fut  présent  en  sa  per- 
sonne hault  et  puissant  seigneur  monseigneur  Alain,  seigneur 
d'Allebrel,  conte  de  Penthièvre  et  de  Gavre,  viconte  de  l.y- 
nioges  et  de  Tartas,  lequel  de  sa  pure  et  franche  volonté,  sans 
contraiucte,  recongnut  et  confessa  en  la  présence  desd.  notaires, 
comme  en  jugement  par  devant  nous,  que  le  tiers  jours  de 
septembre  Tan  mil  cccc  quatre  vins  et  cinq,  il  vendit,  céda, 
transporta  et  délaissa  à  toujours,  et  promist  garantir  de  tous 
empeschemens  quelconques  le  noble  et  puissant  seigneur  mes- 
sire  Philippe  de  Comyncs,  chevalier,  seigneur  d'Argenlon,  pour 
luy,  ses  hoirs  et  ayans  cause  :  Entre  autres  choses  la  conté,  terre 
et  seigneurie  de  Dreux  et  ses  appartenances,  pour  le  pris  et 
ainsy  qu'il  est  contenu  es  livres  de  lad.  vendicion  et  transport 
faictes  et  passées  à  Monlignac  le  Conte,  en  Périgort,  depuis 
laquelle  vendicion,  feue  madame  d'Estouteville,  senr  dudit 
seigneur  d'Allebret,  ou  madame  de  Bourbon,  comme  ayant  la 
tutelle  des  enfans  de  lad.  feue  dame  d'Estouteville,  a  mis  en 
procès  et  requestes  du  palais  à  Paris,  led.  seig.  d'Argenton, 
comme  détenteur  de  lad.  conté  de  Dreux  pour  raison  de  la  reste 
de  son  mariage,  sur  quoy  led.  seig.  d'Argenton  a  sommé  à 
garand  iceliuy  seigneur  d'Allebret,  qui  en  prins  la  garantie  pour 
luy,  lequel  seigneur  d'Allebret,  considérant  et  cognoissant  qu'il 
a  fait  lad.  vendicion  aud.  seig.  d'Argenton  d'icelle  conté  de 
Dreux  et  ses  appartenances  sans  lad.  charge,  et  qu'il  a  promis 
icelle  conté  garantir  de  tous  empeschemens  quelconques  aud. 
seig.  d'Argenton,  comme  dit  est,  en  usant  de  bonne  foy  envers 
led.  seig.  d'Argenton,  ainsi  que  raison  est,  a  voulu,  conscnty  et 
accordé,  veuit,  consent  et  accorde  que  au  cas  que  led.  seig. 
d'Argenton  seroit  condampné  envers  les  enfans  et  héritiers  de 
lad.  dame  d'Estouteville,  seur  dud.  seig.  d'Allebret,  ou  lad. 
dame  de  Bourbon,  en  leur  nom  eu  la  demande  que  lad.  feue 
dame  d'Estouteville  faisoit  pour  la  reste  de  sond.  mariage,  pour 
lequel  elle  avoit  mis  en  procès  led.  seigneur  d'Argenlon  à  cause 
d'icelle  conté  de  Dreux,  en  ce  cas  estre  condampné  et  dès 
maintenant  pour  lors  de  fait  passa  et  passe  led.  seigneur  d'Alle- 
bret condampnacion  aud.  seig.  d'Argenton  de  la  garante,  en 


—  240  — 

quoy  il  est  tenu  et  obligé  envers  icelluy  seig.  d'Argenlon  de 
lad.  conté  de  Dreux  et  ses  appartenances.  Promectant  led. 
seigneur  d'Allebret  par  la  foy  et  serment  de  son  corps,  pour  ce 
jurez  es  mains  desd.  notaires,  lad.  condampnacion  et  tous  le 
contenu  en  ces  présentes  avoir  agréable,  tenir  ferme  et  estably 
à  tousjours,  sans  jamais  par  luy  ne  par  aulire  à  les  venir  faire 
ou  dire  contre  en  aucune  manière,  an  cois  a  promis  rendre  et 
paier  à  plain  et  sans  aucun  plait  ou  procès,  tous  coutz,  frais, 
miss,  despends,  dommages,  intérêts  que  fais  et  soustenuz  seroient 
par  défault  de  ce  que  dit  est  non  tenu  et  non  accomply.  Soubz 
l'obligation  de  tous  ses  biens  meubles  et  immeubles,  présens  et 
avenir,  et  de  ses  hoirs  qu'ilz  en  a  soubzmis  et  soubmect  à  la 
juridicion  et  contraincte  de  lad.  prévosté  de  Paris  et  de  tontes 
aullres  justices  et  juridictions  où  trouvez  seront  pour  ces  lettres 
et  leur  contenu  garder,  tenir,  entretenir  et  accomplir,  et  renonça 
en  ce  faict  expressément  par  sesd.  foy  et  serment  à  toutes  lettres, 
grâces,  reliefs,  franchyses,  libertez,  privilèges,  impétracions, 
dispensacions,  absolucions  et  généralement  à  toutes  autres  cho- 
ses quelconques,  que  tant  de  faict  comme  de  droit  pourroient 
estre  dictes  contre  ces  lettres,  leur  effect  et  contenu  et  au  droit 
disant  général  renonciacion  non  valoir.  En  lesmoing  de  ce,  nous 
à  la  relacion  desd.  notaires,  avons  mis  le  scel  de  lad.  prévosté 
de  Paris  à  ces  lettres,  qui  furent  faicles  et  passées  double,  le 
samedi  vint  troisième  jour  de  juillet  l'an  mil  cccc  quatre  vins 
et  seize. 

M.    PiLEUR.  L.    BARTHELEMY. 

N"  XII. 

1498.  Acte  constalanl  le  rachat  du  comté  de  Dreux. 

Je  Kegnault  de  Saint-Chamont,  chevalier,  seig.  de  Lisac, 
conseiller  et  chambellan  du  Roy  et  sénéchal  des  Lannes,  certifie 
que  monseigneur  de  la  Uomagières  a  receu  de  monseign.  le 
conte  de  Nevers  d'Orval  quinze  mille  livres  et  du  trésorier 
Pierre  Morin  et  de  Jehan  Quetier  l'aisné  vingt  mille,  et  de 
manans  et  hubitaus  de  la  ville  de  Dreux  mille  livres,  lesquelles 
parties  se  montent  trenle-six  mille  livres,  sur  laquelle  somme 
en  a  baillé  à  monseig.  d'Argenton,  pour  racheter  la   conté  de 


—  241  — 

Dreux,  trente  et  quatre  mille  huit  cens  huit  livres  quinze  soul)Z. 
Aussi  a  paie  pour  le  change  de  dix  mil  neuf  cens  escuz  soulail 
à  nng  escu  le  cent  montant  la  tare,  neuf  vings  dix  huit  livres 
neuf  soubz  quatre  deniers,  et  pareillement  a  paie  au  trésorier 

Pierre  Morin  six  cens  livres  et  à  moy  deux  cens   livres les 

parties  par  le  même  contenant  vingt  trois  articles  ci-dessus  dé- 
clarés de  despansce  par  le  menu  faicte  montant  Ixxiii^-  neuf 
soubz  dix  deniers,  certifie  comme  dessus  a  esté  mise  et  faicte, 
aussi  certifie  que  le  dict  de  la  Romagière  a  baillé  au  trésorier 
Jehan  Eschynault  nng  scellé  en  parchemin,  signé  de  la  main 
de  monseig.  et  scellé  du  scel  de  ses  armes,  par  lequel  niond, 
seig.  estoit  obligé  aud.  Pierre  Morin  en  la  somme  de  deux 
mille  quatre  vings  six  livres.  Fait  à  Tours,  le  premier  jour 
d'avril  l'an  mil  iiii"  iiii^^et  dix  sept,  avant  Pasques. 

N»  XIII. 

1500.  Pierre  de  Labat,  prévôt  de  Lombrièrt;,  agissant  au  nom 
et  pour  le  compte  d'Alain  d'Albref,  vend,  cède  et  transporte  à 
Philippe  de  Commines  une  rente  de  deux  cents  écus  d'or, 
hypothéquée  sur  la  chàtellenie  de  Montignac.  Cet  acte,  dont  la 
mauvaise  conservation  nous  a  empêché  de  prendre  copie,  porte 
la  date  du  19  février  1499  (v.  s.). 

N"  XIV. 

1502.  Philippe  de  Commines  proroge  le  délai  qu'il  avait 
accordé  à  Alain  d'Albret  pour  le  rachat  de  la  renie  de 
200  écus  d'or  sur  la  terre  de  Montignac. 

Noble  et  puissant  seigneur  monseig.  Phelippes  de  Commynes, 
chevalier,  seigneur  d'Argenion  et  de  Villentras,  lequel  de  sa 
grâce  et  courtoisie  a  prolongé  et  prolonge  à  hault  et  puissant 
prince  monseig.  Alain,  seigneur  d'Albret,  la  faculté  de  réméré 
que  led.  monss.  d'Albret  avoit  de  povoir  racheter  deux  cens 
escuz  d'or  de  rente  que  mond.  seig.  d'Argenton  prant  chascun 
an  sur  la  terre  et  seigneurie  de  Montignac,  et  dont  le  paiement 
s'est  accoustumé  de  faire  chascun  an  en  la  ville  de  Dreux,  aux 
termes  déclarez  au  contract  sur  ce  fait  du  jour  d'huy  en  deux 


—   '242   — 

ans  prouchains  veiians,  pourveii  que  si  niond.  seign.  d'Albret 
deffaiilt  du  paiement  de  lad.  renie  à  chascun  desd.  fermes  ou 
huit  jours  après.  En  ce  cas  sera  tenu  mond.  seig.  d'Albret  de 
paier  pour  chascun  jour  de  deffault,  dix  sols  tournois  pour  le 
sallaire,  vaccacion  et  despence  de  celuy  qui  va  quérir  lad.  rente 
à  chascun  terme.  Et  s'il  est  trouvé  que  mond.  seign.  d'Argenton 
ait  baillé  aucunes  lettres  missives  faisant  mencion  de  lad.  faculté 
de  réméré.  En  ce  cas  lesd.  lettres  missives  et  ces  présentes  ne 
feront,  ne  vaudront  ensemble  que  pour  une  raesme  chose.  Car 
ainsi  a  esté  promis  en  obligation  respective.  Fait  et  passé  double 
le  lundi  xiii=  jour  de  juing  mil  v"^  et  deux. 

J.  Crozon.       h.  Chigandeau. 

N»  XV. 

1 533.  Le  lieutenant  civil  de  Mesmes,  procureur  de  Henri  II, 
roi  de  Navarre  (i),  et  Jean,  comte  de  Penthièvre  (2), 
seigneur  de  l'Aigle  et  de  Boussac,  en  sa  qualité  d'héri- 
tier de  Philippe  de  Commines  et  d' Hélène  de  Chambes, 
sa  femme,  transigent  au  sujet  d'une  rente  de  200  écus 
d'or  assignée  sur  la  seigneurie  de  Monlignac. 

Par  devant  Gabriel  Le  Fevre  et  François  Basfonneau,  clercs 
notaires  du  Roy  nostre  sire  en  son  chastellet  de  Paris,  furent 
présens  en  leurs  personnes  noble  homme  et  saige  maistre  Jehan 
Jacques  de  Mesmes,  conseiller  du  Roy  et  lieutenant  civil  de  la 
prévosté  de  Paris,  au  nom  et  comme  soy  faisant  fort  de  très-hault 
et  très-puissant  prince  Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de 
Navarre,  pour  lequel  il  promect  et  sera  tenu  faire  ratifier  et 
avoir  pour  agréable  le  contenu  en  ces  présentes  dedans  un  mois 
prouchain  venant,  d'une  part,  et  hanh  et  puissant  seigneur  Jehan, 


(1)  Henri  II  de  Navarre  était  le  petit-fils  d'Alain  d'Albret,  qui  l'avait 
institué  son  héritier  universel.  Arcli.  départ,  de  Pau,  série  E,  doc.  n"  112. 

f2)  Jean  IV  de  Brosse,  dit  de  Brelagne,  comte  de  Penthièvre,  était  le  |)ctit- 
fils  de  Philippe  de  Commines.  Celait  un  homme  sans  principes.  Pour  rentrer 
en  possession  de  ses  terres  de  Bretagne,  il  épousa  la  duchesse  d'I^lampes, 
Anne  de  Pisselcu,  la  célèbre  maîtresse  de  Fi-ançois  I".  Son  père  au  moins 
était  mort  à  Pavic,  les  armes  à  la  main. 


-    245  — 

comte  de  Penthièvre,  seigneur  de  Legle  et  de  Boussac,  héritier 
de  fetiz  messire  Philippe  de  Conimiiies,  en  son  vivant  chevalier, 
seigneur  d'Argentoo,  et  de  dame  Ilelayne  de  Chamhes,  aycul 
et  ayeulle  naiurelz  dud.    seigneur  conte,  d'autre  part,   disans 
lesd.  parties,  mesmement  que  led,  seigneur  conte  de  Penthièvre, 
que  dès  le  IP  de  février  1499,  nohie  homme  Pierre  de  Labat, 
pour  et  au   nom  et  comme  procureur  de  très-hault  et  puissant 
prince  nions.  Alain  sire  d'Albret,  conte  de  Dreux,  auroit  vendu 
et  constitué  and.  feu  messire  Philippe  de  Comniines  deux  cens 
escuz  d'or  à  la  couronne,  lors  ayans  cours,  de  rente  annuelle 
et  perpétuelle,  payables  chascun  an  à  deux  termes  par  moitié, 
c'est  assavoir  :  le  ix'  jour  de  juillet  et  de  février,  tant  en  et  sur 
la  terre  de  Monlignac-le-Conte,  appartenant  aud.  sire  d'Albret, 
comme  "énérallement  sur  tous  et  chascuns  les  autres  biens  dud. 
sire  d'Albret,  laquelle  vente  faite  à  la  faculté  du  réméré  à  deux 
ans  ensuyvans  et  oultre  moyennant  et  parmy  troys  mil  escuz 
d'or  à  la  couronue  que  led.  sire  d'Albret  ou  autre  pour  luy  en 
receust,  ainsi  que  ces  choses  et  aultres  plus  à  plain  peuvent 
apparoir  par  les  lettres  de  constitution  de  ce  faictes  et  passées 
les  an  et  jour  dessusditz  sous  les  sceaux  royaix  de  Poicliers, 
par  devant  Rectoor  et  Guervry,  notaires  aud.  lieu  et  en  présence 
de  tesmoings,  lesquelles  lettres  de   constitution,  ainsi   que  le 
disoit  led.  seign.   de  Penthièvre,  depuis  auront  esté  ratiffiées 
par  led.  sire  d'Albret,  Jehan   d'Albret,  en  son  vivant  roy   de 
Navarre,  Amanyon,  cardinal  d'Albret,  et  depuis  par  led.  Henry, 
à  présent  roy  de  Navarre,  et  au  contraire  disoit  led.  de  Mesmes 
aud.  nom  que  lad.  rente  n'estoit  telle  que  pour  raison  d'icelle 
led.  roy  de  Navarre  ne  peult  estre  obligé  pour  plusieurs  causes 
et  raisons,  et  néanimoings  que  là  où  lad.  rente  seroit  deue, 
toutesfoys  depuis  deux  ou   trois  ans,  led.  Henry,  roy  de  Na- 
varre, et  lad.    feue  Helayne  de  Chambes  auroient  accordé  et 
chevy  pour  lad.  rente  et  arréraiges  qui  en  estoient  deubz  à  la 
somme   de   huit  mille    livres  tourn. ,   comme  maintenoit   led. 
Henry,  à  présent  roi  de  Navarre,  et  led.  seign.  conte  disoit  que 
c'estoit  pour  quatre  mille  escuz  soleil,  et  que  depuis  led.  accord, 
qui  n'esioit  que  verbal,  d'icelle  renie  scroient  escheuz  deux  an- 
nées d'arréraiges,  ainsi  que  pour  raison  de  lad.  renie  et  paiement 
des  arréraiges  d'icelle  procès  esioit  pendant  entre  lesd.  parties 


—  244  — 

au  parlement  de  Bordeaux,  et  sur  ce  et  les  déppendaiices,  icelles 
parties  estoient  en  voye  d'entrer  en  grant  involution  de  procès, 
fraiz  et  mises,  finablement  lesd.  parties  comparens  devers  nous 
pour  obvier  à  procès,  nourrir  paix  et  amour  ensemble,  ont  faict 
les  accords,  transactions  et  appoinctemens  que  s'ensuivent,  c'est 
assavoir  que  tant  pour  le  doibt  principal  de  lad.  rente  que 
pour  tous  les  arrérages  qui  en  sont  deus  et  escheuz  depuis  la 
création  d'icelle  jusques  à  présent,  fraiz  et  mises  de  procès 
icelles  parties  en  ont  chevy  à  la  somme  de  viii™  livres  tourn. 
pour  toutes  choses;  surquoy  led.  seigneur  conte  en  confesse 
avoir  eu  et  receu  dud.  roy  de  Navarre  la  somme  de  troys  mille 
liv.  tourn.  et  laquelle  somme  de  iii™  liv.  tourn.  luy  a  esté  payée, 
comptée  et  nombrée,  présents  les  notaires  soubscriptz,  par  les 
mains  de  maistre  Jehan  Bossiguet,  secrétaire  dud.  roy  de  Na- 
varre, en  or  et  monnaye  ayant  à  présent  cours,  dont  et  de 
laquelle  somme  de  iii"  livres  tourn.  icelluy  de  Bretaigne  se 
tient  pour  autant  et  en  quitte  le  roy  de  Navarre,  led.  Bossiguet 
et  tous  autres  qu'il  apparfiendra  et  promect  acquitter  envers  et 
contre  tous,  et  des  v"  liv.  tourn.  qui  restent  à  payer  led.  de 
Mesmes  aud.  nom  sera  tenu,  promect  et  gaige  rendre  et  paier 
aud.  seigneur  conle  de  Penthièvre  ou  au  porteur  en  ceste  ma- 
nière, c'est  assavoir  ii"  livres  tourn.  à  Pasques  et  iii"  livres 
tourn.,  faisant  le  reste,  à  la  Toussaint  prouchainement  venans 
et  entresuyvant,  et  (tartant  lesd.  parties  es  dits  noms  se  désis- 
tent et  déportent  de  tous  procès  meuz  et  à  mouvoir  pour  raison 
de  ce  sans  despens,  dommaiges  et  intérests  d'une  pan  et  d'autre, 
et  eu  faisant  le  dernier  paiement  desdits  viii™  livres  tourn..  le 
seigneur  conte  sera  tenu  et  promet  de  rendre  aud.  de  Navarre 
les  lettres  de  constitution  et  de  ratiilication  cy-dessus,  le  tout 
comme  cassé,  solui  et  acquité,  et  où  led.  roy  de  Navarre  seroit 
déclarant  et  deffaillant  de  paiement  à  chascun  desd.  termes, 
aud.  cas  ces  présentes  seront  et  demeureront  nulles  si  bon 
semble  aud.  seign.  conte,  et  en  icellny  cas  lesd.  parties  revien- 
dront à  leurs  droits  et  led.  seigneur  conte  à  sa  d.  rente  et  arré- 
rages, el  poursuyie  de  procès  recommancé  aud.  parlement  de 
Bordeaux  comme  auparavant  ces  présentes,  sans  ce  que  aud. 
cas  pour  raison  dud.  accord  et  modération  faite  par  lad.  de 
Chambes,  led.  roy  de  Navarre  s'en  puisse  aucunement  ayder  et 


—  245  — 

en  iceHuy  cas  lecl.  seign.  conle  ne  sera  tenu  rendre  and  roy  de 
Navarre  lesd.  iii"'  livres  lourn.  par  liiy  présantenient  recetiz,  ny 
ce  qu'il  en  recevra  par  cy-après  sur  les  viii'"  liv.  foiirn.,  ainsi 
sera  seuilement  tenu  de  déduire  et  rabattre  lesd.  iii'"  liv.  tourn. 
et  ce  qu'il  en  recevray  après,  sur  ce  en  quoy  led.  seign.  roy  de 
Navarre  pourroit  estre  condamné  par  l'issue  dud.  procès  pen- 
dant aud.  parlement  de  Bordeaux,  car  ainsy  a  esté  convenu 
et  accordé  entre  lesd.  parties.  Promesse  oblige  èsd.  noms  icy 
renomés.  Faict  et  passé  double  l'an  MCCCCCXXXII  le  samedy 
onzièsme  jour  de  janvier  (1533  n.  s.), 

Le  FeVRE.  B.VSTOiNINEAU. 


18 


—  54G 


Chronique  Îrc5  0cienrc3  et  îïc5  Tixts,  n  bavïctés. 


Salaires  ou  roi  des  ribaux  de  Lille  pour  expulser  de  la  cité  les  fois  dak- 

CEREUX,  ou   les  CONDUIRE  A  DIVERS  PÈLERINAGES   (XlVe,  XV»   ET  XVIe  SlÈCLES).  — 

Parler  des  pauvres  insensés  que  le  magistrat  des  villes  du  moyen  âge  expulsait 
sans  pitié  delà  cité,  alors  qu'ils  y  troublaient  le  repos  public  ou  y  faisaient 
naître  de  redoutables  dangers,  c'est  plaider  la  cause  de  notre  époque  qui,  tou- 
jours, les  protège  et  les  considère  en  quelque  sorte  comme  les  martyrs  de  la 
pensée. 

Mais  avant  de  parler  des  terribles  fonctions  du  roi  des  ribaux  et  de  ses 
aides,  toujours  chargés  de  mettre  à  exécution  ces  sentences  d'exécrable  mé- 
moire, empruntons  à  quelques  auteurs  du  temps  certains  passages  propres  à 
nous  faire  connaître  le  profond  mépris  qu'inspiraient  alors  ces  infortunés  si 
dignes  toutefois  de  compassion,  nous  allions  dire  si  dignes  d'une  respectueuse 
sympathie. 

Parlant  des  mauvais  traitements  que  firent  endurer  les  juifs  aux  envoyés 
de  Vespasien,  alors  devant  Jérusalem,  un  auteur  du  XIV«  siècle  dit  :  «  Lors 
»  pristrent  les  mesages  Vaspasien  et  leur  firent  rezer  leur  barbes  et  leurs 
»  testes,  et  puis  les  menèrent  par  toute  la  cité,  et  leur  monstrèrenl  leur  ar- 
M  meures,  et  leur  garnisons,  et  leurs  chastians,  et  leur  cliamiex  (chameaux), 
»  et  leurs  destriés,  et  leur  olifans  (éléphants).  Puis  pristrent  xii  grans  bastons, 
»  et  firent  despoullier  les  xii  chevaliers  Vaspasien  tous  nus,  en  braies;  puis 
»  lièrent  à  chascun  les  mains  derrière  le  dos  à  ces  gros  bastons;  puis  les  misl- 
»  rent  hors  de  la  cité  de  Iherlm,  et  leur  norcièrent  les  iex  de  charbon,-  puis 
»  pendirent  à  chascun  i  fromaQe  au  col,  et  leur  distrent  :  aies  à  Vaspasien,  et 
»  li  dites  que  nous  ne  ferons  riens  de  son  quemandement,  et,  pour  ce,  vous 
»  envoion-nous  à  li  mains  liées,  et  atourncs  comme  fol  que  nous  tenons  li,  et 
»  son  conseil  et  tout  son  ost.  —  Ces  xii  chevaliers,  moult  dolens,  passèrent 
»  les  pons  levés  et  les  fausses  barbacanes  de  la  cité,  et  toutes  les  eschangeetcs 
»  des  juifs  et  toutes  les  fauses  poslernes,  puis  entrèrent  en  langarde  «(J). 

(1)  MS.  no  1 1  de  la  Bibliothèque  de  Lille,  fol.  IG  r«.  —  En  Perse,  la  fête  des 
fous  tombait  au  \"  ader,  environ  la  mi-novembre  :  elle  coïncide  avec  les  fêtes 
de  la  vendange  chez  les  Grecs,  rappelle  les  Bacchanales  et  l'àne  de  Silène  (Rel. 
de  l'antiquité  de  Crcuzer,  trad.  Guigniant,  t.  I,  liv.  2,  notes,  p.  71 1). 


—  Ul  ~ 

De  son  côlé,  l'abbé  de  Verlol  dit  que  le  moine  irAiigoulème,  auteur  de  la 
Vie  de  Cliarlemagne,  n'a  point  eu  lionle  de  dire,  pour  faire  sa  cour  à  la  maison 
dominante,  que  les  derniers  rois  du  sang  de  Clovis  étaient  tous  «  folz  et  in- 
»  sensez,  père,  eufuns,  cousins;  »  la  démence,  à  en  croire  cet  historien  pas- 
sionné, était  également  héréditaire  dans  la  ligne  directe  et  dans  la  collaté- 
rale (1). 

Les  argentiers  de  Lille  vont  maintenant  nous  raconter  les  longues 
souffrances  et  les  infâmes  humiliations  subies  par  ces  infortunés. 

En  1359,  Robiert  Agier  reçoit  xxxix  s.,  pour  i  dervé  (2)  warder,  et  le  roi 
des  ribaux  obtient  x  s.  pour  Penfierer  et  pour  autres  objets  fournis. 

En  13i5,  il  reçoit  v  s.  pour  enfierer  Caleline  de  Chisoing,  le  sote  (3). 

Trois  ans  après,  il  mené  une  sole  hors  de  le  ville  par  ii  fois.  Même  mention, 
en  1346. 

En  1357,  on  mentionne  uns  fiers  d'Espaingne  à  enfierer  une  sole  as  frères 
meneurs. 

Longtemps  après  (13G3),  le  roi  des  ribaux  demanda  viii  gros  Val.  v  s., 
pour,  au  command  d'eschevins,  mener  hors  de  le  ville  un  dervet  et  une 
dervée  [i). 

(1)  Mém.  de  TAcad.  des  Inscript.,  t.  VI,  éd.  in-12,  p.  324. 

(2/  Artalus  (*),  le  frère  Emenius,  roy  d'Aise  la  meneure,  quant  son  frère 
fut  mort,  il  saisy  le  royaume  et  fist  moult  de  desloyaullcs  au  pays  et  d'occi- 
sions  et  de  ses  plus  prouchains;  mais  en  la  fin  il  rassola,  si  qu'il  vestit  une 
grosse  veslure  et  alloit  essevelés,  ainsy  comme  ung  dervé,  pourquoy  le  peuple 
disoit  qu'il  souffroit  ceste  paine  pour  les  maux  qu'il  avoit  fais.  Aristonius 
(Aristonicus)  qui  avoit  esté  filz  du  roy  Emenius  d'Aise,  de  la  fille  d'ung  jon- 
gleur d'Ephèse,  quant  il  sceut  que  le  roy  Artalus,  son  oncle,  esloit  ainz  deve- 
nus sotz,  yl  envahy  prestement  le  royaulme  d'Aise,  ainsy  comme  son  liérilaige 
et,  pour  plus  légièrement  acquérir  aulctorilé  entre  les  hommes  simples  et 
ynocens,  yl  faignoit  qu'il  parloit  à  ungne  déesse,  appelée  Cerere,  et  qu'il  avoit 
responce  des  dieulx  sur  les  choses  dont  il  ilemandoit  conseil.  Yl  pourloit  sou- 
ventes  fois  ungne  noix  en  la  bouche  el,  moyennant  ycelle  noix  wuide  el 
percée,  il  sou01oit  du  feu  hors  de  sa  bouche  pour  montrer  qu'il  recevoit  l'in- 
spiratioii  des  dieulx  {le  Trésor  des  histoires,  MS.  n"  493  de  la  bibliothèque  de 
Valencienues,  fol.  cxc  V-cxci  r<>). 

(3)  Voy.  V Annuaire-Bulletin  de  la  Sociélé  de  l'histoire  de  France,  1864, 
p.  89;  —  Fleckv,  Histoire  ccilésiasliqiie,  liv.  146,  §  54. 

(4j  1387.  On  expulse  (après  l'avoir  battu  de  verges  à  deux  reprises  diffé- 
rentes), un  sot  contrefaisant  le  dervé. 

(')  Allale  III,  surnommé  Philométor  (fils  d'Eumènes)  à  cause  de  son  atta- 
chement à  sa  mèi-e  Slralonice,  étant  monté  sur  le  trône  par  l'empoisonnement 
d'Attale,  son  oncle,  rendit  son  règne  mémorable  par  le  meurtre  de  ses  parenis 
et  de  ses  amis  [Art  de  vérifier  les  dates,  t.  III,  p.  60,  éd.  in-S»), 


—  248  — 

En  136a,  il  fait  mener  par  deux  valiés  (1)  une  sotie  en  le  porle  S<  l'ierre. 

A  Jehan  de  Polter,  qui  avait  mené  battant  hors  de  le  ville  (1370)  i  sot, 
nommé  Ami  Gay,  pour  aucuns  inconvéniens  et  excès  pcrilleuz  que  fet  il  avoit, 
on  accorde  xii  gros,  parmi  iii  gros  pour  corde,  dont  il  fu  loyés. 

En  1386,  i  mauvais  sol  qui  faisoit  pluseurs  excès  et  maiscres,  éprouve  le 
même  sort;  aloi's  que,  en  1389,  EngherranI  d'Abeville  mène  hors  de  le  ville 
un  sol  qui  faisoit  pluseurs  excès  et  desrieùtes. 

Deux  ans  après,  Lambert  Oullrezune  se  rend  à  Tiell,  pour  le  cause  d'un 
vallel,  nommé  Jehan  de  Hœbecque,  estant  hors  de  son  sens  et  mémoire  t2)  à 
Lille,  que  on  disoit  estre  de  le  ville  de  Tielt,  adfin  que  si  proisme  et  amy  carnel 
heussent  le  warde  et  querque  de  lui  (3). 

Les  trois  variés  qui  le  wardèrent  durant  vingt  quatre  jours,  reçurent 
xxi  L  xii  s.,  à  raison  de  vi  gros  par  jour. 

Quant  à  la  lettre  que  eschevins  de  Lille  obtinrent  de  nos  seigneurs  du  con- 
seil, adrechans  à  le  loy  de  Tielt,  adfin  que  les  proixmes  et  amis  carnels  de  ce 
malheureux  fussent  constrains  de  luy  warder,  elle  coula  iiii  s. 

L'argentier  ajoute  que  le  louage  de  la  maison,  où  il  fut  gardé,  s'éleva  à 
LX  s.  et  ses  dépens  à  XL  s. 

A  ceux  qui  le  reconduisirent  sur  i  kar  par  devers  ses  proimes  et  ami  car- 
nels, on  accorda  xviii  L.  xvi  s.  (4). 

Cette  même  année,  xii  s.  sont  donnés  as  iiii  valiés  qui,  au  command  d'esche- 
vins,  firent  une  appellée  la  sotte  Sale  vuidier  du  logich  que,  de  jour  et  de  nuit, 
elle  faisoit  près  des  privées  du  rivage,  et  avoit  asdites  privées  fait  grand  et 

(1)  On  réclame  et  on  obtient  l'élargissement  d'un  valet  de  le  raspailte  de 
S'  Lcgier,  que  le  gouverneur  avait  fait  mettre  en  prison.  —  Pour  prévenir  de 
graves  désordres,  le  magistral  avait  envoyé  vers  le  chancelier  de  Bourgliongne, 
pour  Im  remonstrer  certaine  ordenance  faite  et  avisée,  pour  cause  des  cari- 
varis,  adfin  que  par  license  bans  fusl  fais  de  par  le  ville  que,  desoremais,  nuls 
ne  se  entreraist  de  faire  aucuns  carivaris  (Voy.  La  Picardie,  année  1860, 
pp.  315-521), 

(2)  Montaigne  dit  {Essais,  ch.  IX,  des  menteurs,  liv.  l"^"")  :  Si  en  mon  pais 
on  veut  dire  qu'un  homme  n'a  point  de  sens,  ils  disent  qu'il  n'a  point  de  mé- 
moire; et  quant  je  me  plains  du  défaut  de  la  mienne,  ils  me  raescroienl,  comme 
si  je  m'accuse  d'estre  insensé  :  ils  ne  voient  pas  le  choix  entre  mémoire  et  en- 
tendement. —  1510.  On  fait  une  gayoUc  à  ungjesne  homme  furieux  et  hors 
de  sa  mémoire,  pour  garder  qu'il  ne  feist  aucun  mal,  ne  dangier. 

(3)  En  1410,  on  faisait  mener  à  Béthune  Mariette  de  Le  Mazure,  son  père, 
y  demeurant,  elle  fust  gardée.  On  porle  en  dépenses  iii  s.  febles  pour  ses  dé- 
pens et  pour  corde  (une  bougelte  de  corde  xii  d.),  pour  le  loyer  :  à  celui  qui  la 
mené  sur  se  carelle,  on  alloue  xxxii  s.  febles. 

(4)  On  envoya  à  Amiens  pour  avoir  le  conseil  de  auttins  sages. 


—   2-40  — 

Irès-orl  cmpescenicnt  de  fins,  par  quoi  les  communes  gens  ne  si  povicnt  aisier. 
Liqucis  fiens  fu  auilit  commund  oslés. 

En  1398,  Jehan  Mille,  roi  des  ribaux  (1),  assisté  du  sergent  de  la  prévôté, 
pour  le  garandir  de  ineonvéniens  et  de  la  presse,  expulsa  de  la  ville  une  folle 
esraglé,  appellée  Feronnc  d'Eslpaigny,  qui  se  ordonnoll  de  faire  pluiseurs 
excès  en  la  ville,  et  par  laquelle  pluiseurs  ineonvéniens  esloit  apparans  de 
cnsir. 

En  1400,  il  reconduit  ù  Wei'zy  une  autre  solte,  laquelle  faisoil  pluiseurs 
noises  de  niiyt  cl  de  jour,  et  avoec,  se  maintenoit  très-déshonnestement. 

En  1415,  les  sergens  de  la  prévoslé  reçoivent  x  s.  febles,  pour  leur  peine 
et  travail  qu'ilz  heurent  à  prendre  et  mener  prisonnier,  au  command  d'esclie- 
vins,  Leurin  Coutriel,  insensible,  pour  le  punir  de  ses  maléfices.  Le  roi  des 
ribaux  leur  remit  en  outre,  le  6  septembre,  xviii  s.  febles,  de  la  part  du  ma- 
gistrat, pour  mener  hors  de  le  ville,  et  taille  ledit  Leurin  Coutriel,  lequel,  par 
avant,  y  avoiteslé  menés  et  batus,  et  en  ycelle  estoit  retournés. 

RogierCrombet,  roi  des  ribaux,  reçoit  encore  xxvi  s.  febles  pour  son  sallaire 
d'avoir  par  deux  journées,  du  command  d'eschevins  balrc  de  verghes  et  en- 
voyé hors  de  le  ville  ce  malheureux  insensible,  pour  lui  donner  et  baillier 

(1)  Dans  la  Passion  d'Arres  (MS.  n»  625,  XV«  siècle,  de  la  Bibliothèque  de 
celle  ville,  fol.  ce  v"),  le  m»  juif  de  Sidou  dit  à  J  -C,  au  moment  où  il  tombe 
sous  la  croix  : 

Passez  avant,  passez,  ribault! 

11  veult  faire  le  caymant. 

Fol    cLxxx  v°,  Ânnas  dit  aux  soldats  ; 

Il  le  fault  lier  hault  et  bas, 
Sus,  ribaulx,  eslraindiez  le  fort  ; 
Gardez  qu'il  ne  jeune  de  soi't. 

Et  pourvéez-vous  d'cscorics 

Et  qu'elles  soient  affaitiés 

D'aguillons  d'acier  bien  Irenchans. 

Jhus  monta  en  Jlirlm  et  trouva  el  temple  les  vendans  brebis,  bues  et  cou- 
Ions,  et  lescangcurs  cangans.  Et,  quant  il  ol  fait  de  cordelle  une  escorgie,  il 
les  cacha  tous  hors  du  temple,  les  oelles  et  buef,  et  espandi  les  deniers  des 
cangeurs  et  tourna  les  taubles  et  dislàceux  qui  vendoient  les  coulons  :  ôslés 
ces  coses  de  chi  et  ne  voelliés  faire  de  la  maison  mon  père  maison  de  be- 
songnes  (MS.  n»  230,  XV'e  siècle,  Bibliolh.  de  Valenciennes,  fol.  203  r".  — 
Joan  ,  c.  11,  v.  liet  suiv.).  Quant  Ihus  ol  ploré  (sur  Jérusalem),  il  entra  ou 
temple  Dieu  et  en  gela  tous  ceux  quy  y  vendoient  et  acutoieni,  et  tourua  ce 
que  desoubz  deseure,  et  list  tresbuchier  les  tables  des  cangeurs,  et  les  kayèrcs 
de  ceulx  qui  vendoient  les  coulons,  el  leur  disl  :  yl  est  escript  ma  maison  sera 
appellée  maison  d'orison,  cl  vous  l'aves  faille  fosse  à  larons.  Lors  vinrent  à 
lui  cl  temple  li  avcule  etii  clop  (boileux),  et  il  les  sana  (ibid.,  fol.  227  r"). 


—  250  — 

caslor  des  iiKiléfices  qu'il  C-iisoil,  parmi  verghes  el  fordcille,  tlonl  on  le  loya. 

A  celle  même  dale,  Walicr  Descanipuch,  insensible,  de  Sainl-Lienarl  em- 
près  Bruges,  est  battu  de  verges  el  chassé  de  la  cité  (1  ). 

Ces  malheureux  étaient  alors  fort  nombreux,  car  le  comptable  porte  encore 
en  dépenses  xvi  s.,  accordés  au  même  roi  des  ribaux  (2),  pour  avoir  mené 
sur  son  kar  hors  de  le  ville  un  nommé  Jehan  Carelle,  lequel  estoit  hors  de  se 
niémore,  el  faisoit  pluiscurs  excès  en  ledille  ville  (3). 

Les  échevins,  désireux  qu'ils  étaient  de  se  débarrasser  des  fous  (4)  des  villes 
voisines  qui,  incessamment,  venaient  troubler  le  repos  public  et  imposer  à 
la  cité  des  charges  toujours  nouvelles,  ne  manquaient  pas  de  faire  prendre 
toutes  les  informations  jugées  nécessaires  pour  connaître  leur  famille  et  leurs 
moyens  d'existence. 

Ainsi,  en  1450,  le  messager  Ernoul  Despret  porte  et  rapporte  lettres 
closes  touchans  une  femme  insensible,  nommée  Estouvillon,  devers  ses  pa- 
rents et  amis  emprès  Tournay,  pour  ce  que  l'on  maintenoit  ladite  Escouvillon 
avoir  de  patrimoine  aucune  chevanche  pour  vivre. 

En  1441,  ces  magistrats,  qui  venaient  d'envoyer  à  Mons-en-Pewle,  par 
devers  les  parens  et  amis  d'un  homme  damoniaclc  estant  es  prison  de  le  pré- 
vosté,  afin  de  sur  ce  pourveoir,  faisaient  remettre  xii  s.  à  Pierre  Bourlinet, 
Willeaume  de  le  Bove  et  Pasquier  le  Bouk,  sergens  de  le  prévostc,  pour  a\oir 

(1)  En  1447,  on  donne  xii  s.  au  roi  des  ribaux,  pour  avoir  mené  jusques 
à  Commisnes  une  femme  insensée  qui,  de  nouvel,  estoit  venue  en  ceste  ville, 
el  qui  en  icelle  faisoit  moult  de  maulx.  En  1438,  on  faisoit  emmener  jusques 
au  plus  près  de  Carabray,  ung  homme  furieux,  faisant  autour  de  la  ville  maux 
inuumérables  el  on  remcttoit  xx  s.  à  Theryon  Tricquart  pour  aucuns  vesle- 
ments  délivrés  audicl  furieux,  obstanl  ce  qu'il  avoit  desrompu  tous  les  siens. 
—  On  parle  d'un  autre  furieux,  lequel,  à  cause  de  sa  furiosilé,  commeuchoit 
à  tuer  qui  ensavaiil  la  ville. 

(2)  Dans  la  Passion  d'Arras,  le  premier  prince  de  SiJon  dit  au  moment  de 
la  flagellation  : 

Je  te  vuel  mon  hommage  faire; 

Car  envers  toy  me  sens  tenus. 

J'aras  de  par  moy  une  paire 

De  beaux  pinchons  el  de  cacus, 

Tcn  ton  giron  :  les  as-tu  reclius? 

Ne  les  laisse  pas  envoller. 

Avise  du  fol  cocquibus, 

il  les  a  laissiel  eschapper.  (Fol.  clxxxiii  r"). 

(3)  Eu  1451,  le  roi  des  ribaux  de  Valencienncs,  pour  les  insolences  qui  se 
faisoient  en  sa  maison  par  le  jeu  de  delz  et  autrement,  dont  sourdoient  divers 
mouvemens,  est  changé  en  soldat. 

(i)  Parmi  ces  infortunés  nous  voyons  figurer  (1463)  un  artiste,  Georges, 
graveur  de  scaulx,  qui  faisoit  pluiseurs  desrisions  avant  la  ville,  pour  les- 
quelles il  fu  congyé,  ce  qui  valut  aux  sergens  x  s,  de  courloisie. 


-   251  — 

prins,  aiTcsté  et  enfieni;  île  piiis  el  Je  mains  ung  liommu  insensible  et  démo- 
niacle,  lequel  falsoit  moult  de  excès. 

Nous  voyons  ailleurs  que  Pasquier  le  Cat,  fèvre,  avait  fait  à  cet  effet  une 
caisne  de  trois  pies  de  long,  une  couche  et  ung  fort  crampon,  payés  xviii  s., 
pour  un  autre  insensé,  nommé  Madame. 

En  1447,  le  chepier  des  prisons  de  la  prévôté,  qui  avait  gardé  durant 
trois  mois  Guyot  Pasquier,  poure  homme  insensé,  reçoit  viii  s. 

Quant  aux  cliapperon,  cauches,  pourpoint  brodés,  qui  lui  furent  donnés, 
ils  coûtèrent  \i  L  x  s.  Toutefois  la  ville  ne  paya  que  vii  L  viii  s.,  aucunes 
bonnes  personnes  aians  fait  leur  aumoesne  et  donné  iiil  L  ii  s. 

En  1449,  on  solde  les  sommes  suivantes  au  serrurier  qui  avait  fait  les  fers 
de  Guiot  :  xiil  s.  pour  deux  loques  à  fermer  les  fers;  xxviii  s.  pour  unes 
buises  de  6er  atout  une  kaisne  de  deux  pies  et  demi  de  long  pour  l'enferrer; 
xii  s.  pour  ungs  pignes  atout  ung  loquet  pour  fremer  les  mains  (1). 

En  1453,  Me  Jehan  Regnare  (2),  carpenlier  sermcnté  de  la  ville,  fait  une 
gayotle  trailliée  pour  mettre  une  sotie,  appelée  Perolle. 

En  14C4,  J.  Baude,  carpentier,  en  fait  une  autre  pour  la  porte  S'  Pierre  (âj. 

L'année  suivante  on  enfermoit  el  on  enferi'oil  dans  une  quenonnière  près 
de  la  porte  de  Fives  Piètre  de  Perenchies,  homme  furieux,  lequel  usoit  de 
manachier  de  bouler  feux  avant  la  ville  (4). 

Dès  1463,  Piètre  avoit  été  battu  de  verges,  les  aucuns  disant  qu'il  esloit 
furieux  et  les  autres  non,  et  néantmoins  pour  dissipliner  et  veoir  s'il  prenroit 
h  lui  aucuns  amendemens,  il  fut  batu. 

Pour  éviter  tout  danger  on  enlevait  à  ces  malheureux,  ponchons,  coutiaulx 
cl  caillyaux. 

Nous  avons  parlé  ailleurs  (3)  des  divers  pèlerinages  où  ils  étaient  conduits; 
mentionnons  seulement  ici  les  xxxvi  s.  accordés  (1451)  à  Piètre  Le  Vasseur  (6) 

(1)  En  1458,  le  cordier  Thomas  Hanicque  fait  payer  vi  d.  ung  loye  col  pour 
loger  une  femme  insensée. 

(2)  Voy.  la  Revue  universelle  des  arts,  t.  XIX,  p.  298,  ou  mieux  p.  208. 

(3)  Nommée  ailleurs  maison  et  demeure  des  gens  insensés.  —  1359.  Tous- 
sains  Mas.  febvre,  fait,  moyennant  xxx  s.,  une  grande  et  forte  escuelle  de  fer, 
une  chaîne  el  ung  fort  crampon  pour  une  gaiolle  à  le  porte  de  .Mollinel.  —  On 
parle  d'une  autre  gaiolle  en  la  rue  des  prestres  (Voy.  Furetière,  Dicliounaire, 
au  mot  Geôlier). 

(4,  Ou  acheta  pour  vi  s.  d'estrain  (paille).  —  Pour  une  gayolle  il  faut  deux 
aisselles  (planches)  d'ommiel  de  vii  pies  de  long  et  ciiiixx  de  roille. 

(5)  Voy.  ce  Recueil,  année  1858,  p.  561. 

(6)  En  1433,  on  accorda  xvi  s  à.Moterre  le  Vasseur,  sieur  de  Jehan  Vasseur, 
roy  del  amoureuse  vie  (roi  des  ribaux),  pour  ce  qu'elle  faisoitla  solempnité  de 
ses  noches,  et  que  ledict  roy  en  avoit  instamment  prié  csclievins,  ses  maistres. 


—  252  — 

pour  lui   aidier  à  paier  ses  coiUrepoix  et    oflVandes   à    Monseigneur    Saincl 
Acquarre  de  Flaspre  (1). 

Il  fallut  en  outre  donner  viii  s.  à  deux  sergens  et  vi  s.  à  trois  brouleurs 
qui  l'avoicnt  rattrapé,  quand  il  eut  brisé  ses  fers. 

En  1481  et  1490,  deux  autres  fous  sont  conduits  à  S'  Nazaire  près  Lens  (2). 

De  mauvais  garnemens  simulant  la  folie,  pour  commettre  impunément  les 
plus  exécrables  excès,  le  magistrat  se  voyait  contraint  de  les  livrer  au  roi 
des  ribaux.  Ainsi,  en  1433,  il  faisait  donner  xii  s.  en  aumoesne  à  Corageux 
Cuvelier  qui,  pour  ses  démérites,  meismement  qu'il  contrefait  le  fol,  pour 
soubz  umbre  de  ce  commettre  pluiseurs  mesuz,  avoit  esté  batu  de  vergbes. 

Nous  avons  décrit  ailleurs  (3)  le  costume  que  la  ville  de  Bétbune  avait 
adopté  pour  ses  fous,  l'argentier  de  Lille  va  nous  faire  connaître  celui  que 
les  échevins  de  celle  cité  avaient  choisi.  II  nous  dit,  en  effet  (1466)  que  les 
V  aunes  de  drap  moitié  bleu  et  l'autre  moitié  gris,  duquel  on  a  fait  une  robe, 
donnée  pour  Dieu  et  en  aumoesne  à  ung  poure  insensé,  nommé  Hacquin  Le- 
fèvre,  dit  Pavillon,  ont  coûte  Ixv  s.,  en  ce  non  compris  xxxv  s.  pour  v  aunes 
de  doublure. 

Quant  à  la  faction  d'icelle  robe,  comme  pour  le  broudure  d'une  Heur  de  lys 
mise  sur  ieelle  robe  avuec  certaine  quantité  de  pel  de  cheval  dont  on  a  garny 
les  manches,  ils  coûtèrent  xxiiii  s. 

Longtemps  auparavant  (1458),  il  avait  fallu  cinq  aunes  de  gris  et  cinq 
aunes  de  blanquet  pour  revestir  une  appelée  Vieretle,  poure  insensée,  qui 
estoit  à  le  charge  de  la  ville. 

On  lui  accorda  aussi  deux  queraises,  une  houppelande,  ung  chapperon, 
une  paire  de  cauches  et  une  paire  de  solers. 

Celui  qui  la  gardait  reçut  viii  s. 

En  1453,  l'argentier  avait  mentionné  les  dépenses  qu'à  la  requête  de  la 
duchesse  de  Bourgogne  il  avait  faites  pour  une  pauvre  femme  insensée. 

Quant  au  fou  en  tilre  d'office  (4)  il  fal'ait  (1 586)  pour  l'accouslrer  à  la  pro- 
cession de  N.  D.  de  la  Treille  ung  quartier  de  drap  rouge  à  xliiii  s.  et  cincq 
autres  quartiers  de  cxii  s.;  pour  doubler  des  cauches  trois  quartiers  de  quin- 
piernctle  (5)  de  xlv  s.  et  enfin  ung  chappeau  de  xxiiii  s. 

De  la  Foks-Mélicocq 

(I)  En  1488.  parmi  les  dépenses  faites  pour  un  autre,  conduit  à  Renaix,  à 
monseigneur  Saint  Hermès,  nous  remarquons  le  sallerre  des  femmes  qui  le 
paignèrent. 

(2j  Voy.  la  Picardie,  1856,  p.  509,  note,  et  M.  DANCOrsNE,  Commission  his- 
torique du  pays  de  Calais,  1836, 

(3)  Mélanges  i\(i  iM    CiUMPOLiroiv-FiGEAc,  l.  IV,  p.  343. 

(4)  Voy.  Brantôme,  Mhn  ,  t.  II,  p.  126,  éd.  de  1722. 

(5j  Eu  1598,  trois  quui'liers  de  quinpierncllc  blanche  coûtent,  iiii  /.,  x  s. 


—  255   — 

Projet  d'assassinat  de  Philippe  le  Bon  par  les  Anglais (1424- 1-426).— M.  Dcs- 
planqiic,arcliiviste  du  doparlcment  du  Nord,  a  présenic  à  ce  sujet  à  rAcadéinic 
royale  de  Belgique  un  mémoire  que  celle-ci  vient  de  livrer  à  la  publicité. 

M.  Michelet  fut  le  premier  à  attirer  l'attention  sur  le  point  historique  qui 
occupe  l'auteur  de  ce  travail;  mais  dépourvu  qu'il  était,  de  pièces  sur  les- 
quelles il  put  appuyer  son  opinion,  le  savant  professeur  était  obligé  d'en 
rester  aux  suppositions.  A  une  seule  phrase  découverte  dans  VInvcntaire  des 
litres  de  la  Chambre  des  comptes  de  Lille,  par  le  dernier  des  Godefroi,  se 
bornaient  ses  données  à  ce  sujet.  Voici  ce  passage  :  «  Le  duc  de  Bourgogne 
avait  dans  ses  archives  un  gage  touchant  de  l'amitié  anglaise,  savoir  :  les 
lettres  secrètes  de  GJocesler  et  de  Bcdforl,  où  ces  deux  princes  agitaient  en- 
semble le  moyen  de  l'arrêter  ou  de  le  tuer.  » 

Ces  pièces,  considérées  comme  perdues,  furent,  par  le  plus  grand  des  ha- 
sards, trouvées  par  M.  Kervyn  de  Lettenhove  dans  un  cumulus  aux  Archives 
du  département  du  Nord,  où  il  eut  le  bonheur  entre  mille  de  mettre  la  main 
sur  celte  liasse,  la  seule  intéressante  au  milieu  du  tas.  Il  y  a  dans  ces  archives 
six  ou  sept  pièces  se  rapportant  à  la  question;  il  y  en  a  d'autres  à  Dijon. 
S'appuyant  sur  ces  documents,  M.  Uesplanque  s'est  chargé  de  discuter  le  fait 
et  d'examiner  la  valeur  des  pièces.  Voici  comment  il  formule  la  question  : 

("Y  a-t-il  eu  à  l'époque  indiquée,  un  complot  tramé  entre  Glocester,  Suffolk, 
Salisbury  et  autres  adhérents,  dans  le  but  de  perdre  le  duc  de  Bourgogne  en 
l'attirant  dans  un  guel-à-pens? 

2»  Bedfort  a-t-il  trempé  dans  ce  complot? 

Les  conclusions  de  M.  Desplanques  sur  ces  deux  points  sont  affirmatives; 
mais  malheureusement  il  ne  lui  est  permis  de  les  présenter  que  comme  pro- 
visoires, élant  dans  l'impossibilité  de  les  baser  autrement  que  sur  un  calcul 
de  probabilités,  dont  les  premiers  éléments  sont  les  pièces  citées.  Ce  qu'il 
manque  pour  conclure  avec  certitude,  c'est  l'exislence  d'un  document  qui 
pnisse  parler  avec  la  brutale  éloquence  d'un  fait,  et  écarter  jusqu'au  moindre 
doute.  La  découverte  d'une  seule  pièce  peut  jeter  la  lumière  sur  le  débat, 
corroborer  les  conclusions  de  l'auteur  ou  les  réduire  à  néant.  Les  documents 
qu'on  possède  ne  sont  pas  tous  authentiques,  il  en  est  qui  ne  sont  que  des 
copies,  auxquelles  même  il  manque  certaines  parties.  Le  plus  intéressant  et 
aussi  celui  qui  jette  le  plus  de  clarté  sur  le  point  en  discussion,  est  la  déposi- 
tion de  Guillaume  Benoit,  ancien  intendant  du  duc  de  Suffolk,  un  des  agents 
du  complot. 

Le  travail  de  M.  Desplanque  mérite  à  juste  titre  d'attirer  l'attention,  et 
l'Académie  royale,  en  lui  accordant  les  honneurs  de  l'impression,  n'a  fait  que 
rendre  hommage  au  travail  consciencieux  de  noire  savant  voisin  de  France. 

Emile  V... 


—  254  — 

GÉRAiiD  (P.),  Histoire  des  Francs  d'Austrasie.  Bruxelles,  18G5,  2  vol. 
iii-8".  —  Essayer  d'établir  que  roccupation  des  conquérants  romains  et 
rétablissement  du  clirislianisrae,  loin  de  favoriser  la  civilisation  des  Francs 
qui  s'étaient  établis  dans  la  Gaule,  aurait  arrêté  le  développement  moral 
et  matériel  des  peuples  germaniques,  tel  est  le  système  à  la  défense  du- 
quel M.  Gérard  a  consacré  ces  deux  volumes.  D'après  lui,  les  populations 
de  nos  contrées  seraient  parvenues  beaucoup  plus  tôt  à  la  conquête  des 
libertés  poliliques,  consacrées  par  l'ordre  actuel,  si  la  civilisation  romaine  et 
l'Église  catiiolique,  avec  l'esprit  oriental  qui  la  distingue,  n'étaient  venues 
entraver  l'action  de  l'élément  barbare  pour  lui  substituer  le  despotisme  et  la 
féodalité  qui  en  fut  plus  tard  la  conséquence.  «  Je  ne  crois  pas,  dit-il,  dans 
son  prologue,  que  l'héritage  de  Rome  ait  exercé  une  influence  heureuse  sur 
les  destinées  des  peuples  :  je  pense,  au  contraire,  que  si,  après  la  chute  de 
l'empire,  la  civilisation  des  Barbares  avait  pu  se  développer  librement,  en 
prenant  pour  base  les  institutions  des  Francs,  la  société  serait  entrée  depuis 
longtemps  dans  la  voie  du  progrès  qu'elle  parcourt  anjourd'hui.  »  Celte  thèse, 
qui  est  peu  d'accord  avec  les  idées  généralement  admises  en  histoire,  et  peut 
paraître  à  juste  titre  paradoxale,  est  défendue  avec  beaucoup  d'érudition  : 
l'auteur  a  mis  au  service  de  ses  sentiments  personnels  une  grande  science  et 
un  talent  incontestables;  malheureusement,  dans  celte  accumulation  de  plai- 
doyers et  de  pièces  à  l'appui,  on  voit  trop  clairement  percer  les  antipathies 
de  l'écrivain  pour  une  cause  dont  les  ennemis  sont  aujourd'hui  nombreux,  et 
l'on  est  forcé  de  se  dire  que  tout  ce  grand  travail  n'est  qu'un  réquisitoire  de 
jilus  à  charge,  à  la  fois  de  la  civilisation  romaine  et  du  christianisme.  Toute- 
fois, nous  devons  reconnaître  que,  lorsque  l'auleur  abandonne  son  rôle  d'ac- 
cusateur public  pour  redevenir  historien  et  s'effacer,  pour  laisser  parler  les 
événements,  son  ouvrage  présente  des  mérites  incontestables  et  un  grand 
talent  d'exposition.  Ainsi  les  chapitres  du  2«  livre,  consacrés  à  l'examen  de 
l'organisation  sociale,  des  institutions  et  des  mœurs  des  Francs,  sont  traités 
avec  clarté  et  attestent  des  recherches  solides  et  judicieuses,  en  même  temps 
que  des  connaissances  étendues. 

Mais  M.  Gérard  se  dégage  difficilement  de  son  aversion  pour  l'Eglise,  et 
s'écartani  en  cela  de  l'opinion  des  écrivains  les  plus  en  renom,  nie  l'influence 
salutaire  des  premiers  fondateurs  de  monastères  sur  les  populations.  Il  attri- 
bue leur  établissement  exclusivement  à  un  but  de  lucre  et  accuse  le  christia- 
nisme d'avoir  conservé  le  servage  et  maintenu  les  populations  dans  l'ignorance, 
bien  loin  d'avoir  sauvé  l'instruction  et  restauré  les  lettres.  «  Les  Francs,  en 
acceptant  les  croyances  catholiques,  dit-il  (p.  411,  t.  1),  ont  subi  le  joug  ro- 
main. Toutes  les  conquêtes  de  la  religion  ont  élé  exploitées  au  détriment  de 
leurs  inslidilions  nationales.  Sous  prclcxtc  de  détruire  le  culte  des  idoles,  ce 


—  255  — 

sont  les  Iraditioiis  germaniques,  c'est  la  libcrlé  individuelle,  c'est  la  propriété 
libre,  que  les  rois,  d'accord  avec  les  conciles  et  les  synodes,  se  sont  efforcés 
de  mettre  ù  néant.  Ils  ne  se  sont  occupés  de  convertir  les  peuples  barbares 
que  pour  se  rendre  maîtres  de  leur  esprit,  enchaîner  leur  volonté,  étouffer 
leurs  instincts  libéraux.  »  Cette  attaque  eatégoriquenienl  formulée,  caracté- 
rise suflisamment  les  opinions  de  l'auteur,  et  découvre  assez  que  son  école 
est  celle  qui  nie  l'autorité  monarchique  et  l'influence  religieuse.  Les  mis- 
sionnaires ne  sont  pas  épargnes  non  plus;  M.  Gérard  oublie  quels  prodiges 
d'abnégation  il  fallait  alors,  tout  comme  aujourd'hui,  pour  aller  dans  les 
contrées  les  plus  inaccessibles  catéchiser  et  instruire  les  tribus  sauvages. 
Pour  étayer  ses  assertions,  il  prend  dans  les  auteurs  profanes  et  sacrés  des 
premiers  siècles  de  notre  ère.  dans  les  chartes  et  les  pièces  authentiques, 
des  phrases  qui  servent  à  confirmer  sa  thèse,  mais  qui,  isolées  de  leur  cor- 
rectif, n'ont  plus  qu'une  valeur  incomplète. 

La  prépondérance  de  l'Église  dans  nos  contrées  fut,  d'après  lui,  un  em- 
prunt fait  à  la  Gaule  romaine,  et  l'absorption  de  l'élément  barbare  ou  ger- 
manique par  l'élément  gallo-romain,  fut  consommée  par  Charlemagne.  Ces 
deux  causes  réunies  implantèrent  chez  les  Francs  le  despotisme  oriental  qui 
leur  était  inconnu;  ce  n'est  qu'en  1789  que  l'Occident  parvint  à  secouer  ce 
joug,  par  la  résurrection  des  principes  empruntés  à  la  barbarie,  entre  autres 
la  liberté  individuelle  et  la  liberté  des  cultes.  Son  Charlemagne  à  lui,  est 
celui  «  qui,  marchant  sur  les  traces  de  ses  aïeux  (p,  251,  t.  II),  trahit  la  cause 
des  Francs  pour  s'élever  à  l'empire,  celui  qui  dans  ses  actions  de  guerre 
comme  dans  sa  politique  intérieure,  se  fit  l'instrument  de  l'Église  romaine, 
tout  en  ayant  la  prétention  de  la  faire  servir  à  ses  desseins.  »  Bien  que 
M.  Gérard  reconnaisse  ses  qualités,  le  grand  empereur  d'Occident  ne  mérite 
pas,  d'après  lui,  l'hommage  qu'on  rend  à  son  génie;  l'éclat  dont  brille  son 
nom  est  faux  en  grande  partie,  et  son  action  s'est  bornée  à  suivre  les  tradi- 
tions gallo-romaines,  oppressives  des  peuples  autochtones.  On  nous  permettra 
de  dire  que  cette  proposition  est  assez  hasardée  :  les  Capitulaires  sont  là  pour 
l'attester. 

Malgré  tout  ce  que  l'œuvre  de  M.  Gérard  présente  de  remarquable,  tant 
sous  le  rapport  de  la  forme  que  sous  celui  du  fond,  il  faut  reconnaître  qu'à 
cette  grande  érudition  ne  correspondent  ni  l'impartialité,  ni  la  sobriété  qui 
sont  l'apanage  du  véritable  historien.  Il  y  a  là  un  système  trop  complet  d'ex- 
clusivisme, un  espèce  de  parti  pris  de  dénit'i'emenl,  je  dirais  même  de  l'into- 
lérance, si  ce  mot  n'était  usé  par  un  emploi  trop  fréquent  aujourd'hui. 

Nous  n'avons  pas  l'intention  de  discuter  les  opinions  de  M.  Gérard;  cela 
nous  demanderait  trop  de  temps,  et  le  cadre  de  ce  compte  rendu,  du  reste, 
nous  l'interdit.  Toutefois,  nous  nous  pcrnielirous  une  observation,  fort  itn- 


—  236  — 

partiale,  car  notre  position  même  dans  le  Messager  nous  fait  un  devoir  de 
celte  qualité. 

Si  les  Francs  n'avaient  pas  subi  l'influence  romaine,  ils  auraient  conservé 
leurs  institutions,  au  nombre  desquelles  il  y  en  avait,  il  est  vrai,  d'exeel- 
lentes;  mais  qui  peut  nous  assurer,  que  leurs  descendants,  nous,  par  consé- 
quent, serions  arrivés  plus  tôt  au  degré  de  civilisation  auquel  nous  sommes 
parvenus  aujourd'hui?  Ne  serions-nous  peut-être  pas  plutôt  encore,  à  peu 
de  chose  près,  là  où  en  étaient  au  temps  de  Clovis,  les  peuples  dont  la  bar- 
barie fait  l'admiration  de  M.  Gérard?  Et  si  au  lieu  de  cela,  les  Francs  avaient 
fait  dans  la  suite  des  temps  quelques  progrès,  qui  nous  dira  si  c'eut  été  par 
leurs  propres  lumières,  et  non  par  suite  de  l'influence  étrangère?  L'auteur, 
cependant,  tranche  celte  question  :  «  Sans  cette  altération,  dit-il  (t.  I,  p.  168), 
la  féodalité  n'aurait  jamais  vu  le  jour.  L'ordre  social  des  Francs  se  serait 
développé  dans  le  sens  du  progrès  moderne,  et  sous  la  forme  fédéralive,  de 
la  même  manière  à  peu  près  qu'aux  Étals-Unis  d'Amérique.  »  Du  reste,  met- 
tant de  côté  la  discussion  scientifique,  nous  ferons  observer  que  pour  se  don- 
ner le  droit  de  dire  que  si  tel  événement  n'était  pas  survenu,  il  y  a  mille  ans, 
il  s'en  serait  produit  tel  autre  qu'on  indique,  il  faut  préjuger  beaucoup  de 
la  perspicacité  humaine. 

Quant  à  la  féodalité  que  l'auteur  fait  dériver  uniquement  du  système  ro- 
main, un  grand  nombre  d'auteurs  recommandables  sont  d'avis  qu'elle  est 
plutôt  le  fait  de  la  conquête  des  Francs  qui  firent  toutefois  certains  emprunts 
anx  institutions  romaines.  Un  système  politique,  du  reste,  ne  s'établit  pas 
généralement  ex  abrupto,-  il  ne  peut  donc  pas  être  considéré  comme  emprunté 
exclusivement  à  l'un  ou  à  l'autre  peuple;  mais  se  formant  petit  à  petit,  il 
passe  graduellement  par  des  changemenis,  des  transformations,  l'une  fois, 
nées  fatalement  des  circonstances,  d'autres  fois  empruntées  ailleurs,  jusqu'au 
moment  où  il  puisse  être  considéré  comme  réunissant  les  éléments  d'un 
système  complètement  organisé. 

Emile  V... 

PoRTRiiTS  ÉMiiLLÉs  DU  XVl^  SIÈCLE.  —  Dans  une  généalogie  de  la  famille  de 
Brade,  .MS.  reposant  aux  archives  de  la  ville  de  Gand,  on  lit  la  mention  sui- 
vante :  <<  Erasme  de  Brade,  s^  de  Varcmbeke,  etc.,  a  encore  pour  le  jourd'huy, 
»  anno  1369,  les  pourtraitures  de  ce  dit  Jean  de  Brade  et  DamoiscUe  Marga- 
»  rela  de  Vaernewyek,  sa  dite  femme,  faiets  en  argent  à  l'antique  où  que  l'on 
»  voit  leurs  armoyries  et  accoustremens  en  coleurs.  Ce  qui  est  beau  à  veoir 
»  pour  la  dextérité  de  l'antiquité  y  représentée.  » 

Ces  portraits  dataient  vraisemblablement  de  la  fin  du  XIV"^  siècle,  car  Mar- 
guerite de  Vaernewyek  clait  veuve  eu  1402.  Ils  devaient  être  émaillcs  d'après 


la  description  que  Ton  en  donne,  el  il  faut  supposer  qu'ils  étaient  remarqua- 
bles, pour  qu'à  celte  époque  Ton  en  fasse  un  pareil  éloge. 

Le  manuscrit  dont  nous  extrayons  celle  note,  est  du  reste  un  des  plus  inté- 
ressants des  areiiives  communales  de  Gand.  C'est  une  sorte  de  mémorandum 
de  famille  dans  lequel  on  trouve  enire  autres  la  relation  du  voyage  de  J.  de 
Brade,  qui  accompagna  l'ambassadeur  Guillaume  Rym,  seigneur  de  Bellem, 
à  Constanlinople  en  1345,  et  une  nomenclature  liéralilique  de  loules  les  fa- 
milles nobles  qui  existaient  au  XVI«  siècle  en  Flandre,  avec  la  description 
détaillée  de  leurs  armoiries.  C'est  un  document  précieux  rédigé  par  Erasme 
de  Brade  et  au  moyen  duquel  on  peut  blasonner  bien  des  écussons  qu'il  est 

impossible  de  déchiffrer  aujourd'hui. 

Stm. 

Etudes  généalogiques.  —  M.  le  chevalier  Schoutlieete  de  Tervarent,  qui  s'oc- 
cupe spécialement  de  cette  branche  des  études  historiques,  vient  de  mettre 
la  main,  en  quelque  sorte  par  liasard ,  sur  une  découverte  fort  inléres- 
sante.  Jusqu'à  ce  jour  on  n'était  pas  encore  fixé  sur  le  nom  véritable  de 
l'auteur  des  ouvrages  intitulés  :  «  Quartiers  généalogiques  des  familles  nobles 
des  Pays-Bas,  »  et  «  Fragments  généalogiques.  »  On  atlribuait  le  premier  au 
comte  Joseph  de  Saint-Génois,  ou  à  l'oflicial  DumonI;  le  second  élait  généra- 
lement considéré  comme  l'œuvre  de  ce  dernier  el  catalogué  comme  tel.  Les 
initiales  L.  J.  P.  C.  D.  S.  ne  se  rapportaient  cependant  aucunement  à  l'un  ou 
à  l'autre  de  ces  deux  auteurs. 

«  Voici  notre  document  el  le  mot  de  celte  énigme,  dit  M.  de  Schoutlieete  dans 
le  26  vol.  du  Bibliophile  belge.  Ouvrons  un  excellent  manuscrit  d'Emmanuel- 
Marie-Jean  vander  Vynckt,  haut-échevin  du  Pays  deWaes.  »  C'est  dans  ce  MS., 
écrit  de  1770  à  1818,  que  notre  savant  ami  s'occupe  de  publier,  qu'il  a  trouvé 
les  citations  suivantes  à  propos  de  François-Joseph  de  Castro  y  Toledo,  haut 
écbevin  du  Pays  de  Waes  de  1719  à  1763  : 

«  Pendant  ses  loisirs  il  composa  plusieurs  manuscrits  en  matière  héraldique 
et  généalogique,  imprimés  après  sa  mort  par  ses  beaux-fils,  mais  pas  sous  son 
nom.  ■>  Ce  sont  :  «  Quartiers  généalogiques  des  Pays-Bas,  1776;  Généalogie 
de  quelques  familles  des  Pays-Bas,  1774;  Fragments  généalogiques,  1774, 
Genève;  Recueil  généalogique  des  familles  originaires  des  Pays-Ras,  1778.  » 

Voilà  donc  un  état-civil  parfaitement  régularisé,  et  cela  par  un  homme 
que  personne,  à  coup  sûr,  n'osera  taxer  d'imposture.  Nous  nous  hâtons  de 
remercier  M.  le  chevalier  de  Schoulheete  de  son  empressement  à  mettre  le  pu- 
blic dans  la  confidence  de  sa  découverte  et  de  lui  présenter  nos  félicitations. 

Emile  V... 


—  258  — 

CARiCTÉfliSTiQUE  DES  ARMOIRIES.  —  Le  P.  Cailler  et  le  R.  M"-  Husebelh  (!)  ont 
publié,  l'an  en  français,  l'autre  en  anglais,  un  Caractéristique  des  Saints,  c'est- 
à-dire,  le  premier,  une  nomenclature  des  altributs  qui  caractérisent  les  saints, 
le  second,  une  liste  même  de  saints,  groupés  dans  l'ordre  des  attributs  qui  s'y 
rapportent.  Ces  deux  ouvTages  sont  aujourd'hui  indispensables  à  tous  ceux 
qui  entreprennent  des  recherches  sur  les  sujets  d'anciens  tableaux  sacrés,  de 
miniatures,  de  gravures  sur  bois,  de  sculptures  et  de  motifs  d'ornements  de 
toute  espèce. 

Des  recherches  semblables,  mais  dans  un  autre  ordre  d'idées,  ne  seraient 
pas  moins  précieuses  pour  l'art  du  blason.  Que  de  fois  le  savant  a  pu,  à  laide 
de  la  connaissance  des  meubles  d'un  écusson,  préciser  la  date  d'exécution  ou  la 
nationalité  d'une  peinture,  d'un  monument,  d'une  tombe  presque  fruste  ou 
d'un  objet  d'art  quelconque.  M.  le  Baron  Surmont  et  son  fils.  M'  A.  Surmont, 
ont  depuis  longtemps  réuni  des  matériaux  pour  dresser  une  liste  des  pièces 
héraldiques  que  l'on  rencontre,  surtout  aux  Pays-Bas,  dans  la  formation  des 
armoiries.  Tous  ces  mots  techniques,  patiemment  recueillis,  seront  réunis 
dans  l'ordre  alphabétique,  et  à  la  suite  de  chacun  d'eux  seront  placés  les  noms 
des  familles  dont  le  blason  porte  la  pièce  indiquée.  Il  n'est  pas  nécessaire 
d'insister  sur  l'utilité  d'un  pareil  travail.  Aussi  faisons-nous  des  vœux  pour 
que  M.M    Surmont  réalisent  le  plus  tôt  possible  leur  projet  de  publication. 

J.   D.  S.   G. 

Nedvième  Congrès  littéraire  Néerlandais.  —  C'est  en  1849  qu'eut  lieu  le 
premier  Congrès  littéraire  Néerlandais.  Gand  fut  choisi  alors  pour  le  lieu  de 
réunion  de  cette  assemblée  pacifique,  où,  pour  la  première  fois  depuis  1850, 
se  trouvèrent  en  contact  les  représentants  de  la  littérature  des  deux  fractions 
des  Pays-Bas,  pour  lesquelles  la  langue  des  Maerlant,  des  Vondel  et  des  Cats 
est  demeurée  un  puissant  élément  de  nationalité.  C'est  encore  à  Gand  que  vien- 
dront se  rencontrer  cette  année  sur  le  terrain  littéraire  les  hommes  distingués 
de  deux  royaumes  voisins  et  amis.  Le  neuvième  Congrès  tiendra  ses  séances 
les  lundi  19,  mardi  20  et  mercredi  21  août  prochain.  Les  principaux  sujets 
qui  figureront  à  son  programme  se  rapportent  : 

l»  A  la  langue  et  à  la  littérature  néerlandaise; 

2"  A  l'histoire  et  aux  antiquités; 

3"  Au  théâtre  et  au  chant; 

4"  A  la  librairie  et  à  ses  intérêts  divers. 

La  Commission  directrice  est  composée  de  .MM.  De  Maere-Limnander,  pré- 

(1)  Emblèmes  of  Saints,  London,  in-18. 


—  2o9  - 

sidenl,  Heremans  et  Rolin-Jaeqiiemyns,  vicc-présiJciiIs,   Jul.  Vuylslckc  cl 
Max.  Rooses,  secrétaires- 

iNous  engageons  toutes  les  personnes  qni  prennent  intérêt  au  développe- 
ment de  la  liltéraliire  et  de  la  langue  flainaïuie  à  se  faii'e  inscrire  au  nombre 
des  membres  de  ce  Congrès.  Les  adhésions  doivent  être  adressées  à  M  Rooses, 
l'un  des  secrétaires. 

Académie  royale  de  Belgique.  —  La  classe  des  letlrcs  do  rAcadcmie  royale 
de  Belgique  a  tenu  le  9  mai  1867  sa  séance  publique  annuelle  dans  la  grande 
salle  du  Musée. 

La  séance  était  présidée  par  M.  Roulez,  assisté  de  M.  Quelelet,  secrétaire 
perpétuel,  et  de  M.  le  Baron  Kervyn  de  Lettenliove. 

M.  Mathieu  a  lu  une  poésie  inédite  à  S.  A.  R.  le  Comte  de  Flandre  et  M.  Tho- 
nissen  un  travail  intéressant  inlilulé  :  Une  Bibliothèque  belge. 

Après  que  M.  Quelelet  eût  donné  connaissance  des  résultats  des  élections  et 
des  divers  concours,  il  a  été  procédé  à  la  distributioii  des  médailles.  Une  mé- 
daille d'or  a  été  remise  ù  M.  Poulet,  professeur  à  Louvain,  pour  son  mémoire 
sur  VHisloire  du  droit  pénal  dans  Cancien  duché  de  Brabanl.  Une  médaille 
d'argent  a  été  décernée  à  M.  Camille  Picqué,  auteur  du  mémoire  en  réponse 
à  la  question  :  Apprécier  le  lalenl  cl  le  rôle  politique  de  Chastelain;  ce  travail 
n'ayant  pas  été  jugé  digne  de  la  médaille  d'or. 

Quant  au  prix  de  Stassart  et  au  concours  triennal  de  littérature  drama- 
tique, aucun  des  ouvrages  présentés  n'a  mérité  de  remporter  une  distinction. 

CoNcocRS  DE  1867-1868.  —  Dans  sa  séance  du  5  juin,  la  classe  des  lettres 
de  l'Académie  royale  de  Belgique  a  arrêté  comme  suit  son  programme  de 
concours  pour  1868  : 

Première  question.  —  «  Déterminer  rinduence  que  l'élablissement  des  co- 
lonies saxonnes  sur  le  littoral  a  exercée  sur  les  mœurs  et  les  institutions  de 
la  Flaadre.  » 

Deuxième  question.  —  «  Faire  l'histoire  des  relations  politiques  et  admi- 
nistratives qui  *nt  existé  entre  la  Belgique  et  le  comté  de  Bourgogne,  jusqu'à 
la  conquête  de  ce  dernier  pays  par  la  France.  » 

Troisième  question.  —  «  On  demande  un  essai  sur  la  vie  et  le  règne  de 
Septime  Sévère.  » 

Quatrième  question  —  «Jean  Lemaire  (de  Belges)  considéré  comme  poëlc 
et  comme  prosateur.  » 

Cinquième  question.  —  «  Exposer  les  divers  systèmes  électoraux  qui  ont  été 
successivement  iniroduits  chez  les  peuples  anciens  et  modernes.  Faire,  en 
même  temps,  ressortir  l'esprit  dans  lequel  ces  sysièraes  ont  été  conçus  et  en 


—  260  — 

apprécier  les  résultats  pour  la  liberté  civile  et  politique,  pour  Tordre  cl  la 
prospérité  chez  ces  peuples.  » 

Sixième  question  —  «  Faire  le  tableau  de  l'état  de  la  philosophie  au  moment 
où  out  éclaté  les  mouvements  révolutionnaires  qui  ont  agile  l'Europe  en  1848. 
Faire  ressortir  l'influence  qu'elle  a  pu  exercer  sur  ces  mouvements  et  récipro- 
quement. Compléter  ce  tableau  par  l'histoire  de  la  philosophie  depuis  1848 
jusqu'aujourd'hui.  » 

Les  prix  réservés  à  ces  diverses  questions  seront  :  pour  la  première,  de 
mille  francs;  pour  la  cinquième,  de  douze  cenls  francs;  pour  la  sixième,  de 
mille  francs;  et  de  six  cenls  francs  pour  chacune  des  trois  autres. 

Arts,  Sciences  et  Lettres.  —  La  classe  des  lettres  et  des  sciences  morales 
et  politiques  de  l'Académie  royale  de  Belgique  a  inscrit,  dans  son  programme 
de  concours  de  1869,  les  questions  suivantes  : 

Première  question.  —  Faire  l'appréciation  du  talent  de  Chastellain,  de  son 
influence,  de  ses  idées  politiques  et  de  ses  tendances  littéraires. 

Deuxième  question.  —  Faire  l'histoire  du  droit  pénal  dans  le  duché  de 
Brabant,  depuis  l'avènement  de  Charles-Quint  jusqu'à  la  réunion  de  la  Bel- 
gique à  la  France  à  la  fin  du  XVIlle  siècle. 

Troisième  question.  —  Faire  une  description  statistique  d'une  commune  du 
centre  des  Flandres,  de  2,000  habitants  au  moins,  propre  à  faire  apprécier, 
en  les  comparant,  la  condition  piiysique,  morale  et  intellectuelle  des  cultiva- 
teurs flamands,  ainsi  que  l'état  de  l'agriculture  au  siècle  passé  et  même  anté- 
rieurement et  aujourd'hui. 

Quatrième  question.  —  Traiter  de  l'histoire  politique  de  la  Flandre  depuis 
l'an  1305  jusqu'à  l'avénemenl  de  la  maison  de  Bourgogne  (1382),  en  s'atta- 
chant  principalement  aux  modifications  qu'ont  subies,  à  celte  époque,  les 
institutions  générales  du  comté  et  les  institutions  particulières  de  ses  grandes 
communes.  '^ 

Cinquième  question.  —  Quelles  ont  été  les  tendances  politiques  et  sociales 
des  hérésies,  depuis  l'origine  du  christianisme  jusqu'à  la  fin  du  XV«  siècle? 

Le  programme  fait,  au  sujet  de  celle  dernière  question,  la  recommandation 
suivante  : 

«  L'auteur  devra  écarter  la  discussion  des  doctrines  religieuses  des  sectes 
cl  se  borner,  autant  que  possible,  à  signaler  leurs  tendances  sociales  et  po- 
litiques. » 


—  261  — 
MONOGRAPHIE 

DR 

L'ANCIENNE   ÉCOLE   DE    PEINTURE 

DE  LOUVAIN  (I). 


IX. 
Thierry  Dont»».  —  Ses  ociiTpes. 

Au  commencement  du  XIX*  siècle,  les  œuvres  de 
Thierry  Bouts  fuient  tour  à  tour  attribuées  à  Rogier 
vander  Weyden,  Josse  de  Gand,  Memlinc,  Hoibein,  et, 
ce  qui  est  plus  étonnant  sans  doute,  à  Quentin  Metsys. 
En  1853,  un  de  ces  hasards  qui  sont  des  bonnes  fortunes 
pour  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  de  Tart,  permit  de 
faire  connaître,  d'une  manière  certaine,  deux  peintures 
sorties  de  son  pinceau.  M.  Gusiave  Waagen,  le  savant  di- 
recteur du  Musée  de  Berlin,  avait,  en  1824,  appelé  l'atten- 
tion des  amateurs  belges  sur  un  passage  du  livre  de  Karel 
van  Mander  relatif  aux  vieux  peintres  de  Haarlem,  en  les 
engageant  à  faire  de  nouvelles  investigations  sur  l'ancienne 
école  de  cette  commune  hollandaise,  ainsi  que  sur  la  simi- 
litude qui  la  rattache  à  celle  des  van  Eyck.  Depuis  lors 
on  n'épargna  ni  peines  ni  veilles  pour  parvenir  à  trouver 
quelques  détails  sur  ces  artistes.  Or,  feu  M.  le  conseiller 
Cannaert  rencontra,  en  1833,  dans  un  manuscrit  appar- 

{{)  Suite,  voir  année  1866,  pp.  1  cl  241. 

1867.  19 


—  262  — 

tenant  à  M.  Aug.  van  Hoorebeke,  de  Gand,  quelques  ren- 
seignements sur  Thierry  Bouts ,  et  ces  renseignements 
avaient  justement  rapport  aux  deux  tableaux  que  l'artiste 
exécuta  pour  rHôlel-de-ville  de  Louvain,  et  que  le  temps  a 
épargné.  Il  ne  tarda  point  à  communiquer  le  manuscrit  à 
M.  Liévin  de  Bast,  l'investigateur  patient  de  l'histoire  de 
l'art  national.  M.  de  Bast  trouva  les  détails  fort  intéres- 
sants et  s'empressa  de  les  faire  insérer  dans  le  Messager 
des  Sciences  et  des  Arts  de  la  Belgique  (i).  Nous  allons  tra- 
duire du  flamand  le  premier  passage  :  «  En  l'an  1 4G8,  furent 
exécutées  deux  peintures  par  Maître  Thierry  Stuerbolt, 
qui  se  trouvent  dans  la  chambre  du  Conseil,  l'une  où  l'em- 
pereur fait  faire  justice  d'un  comte  de  sa  cour,  accusé  par 
l'impératrice  d'avoir  voulu  attenter  à  son  honneur;  l'autre 
où  l'empereur  fait  faire  justice  par  le  feu,  de  son  impéra- 
trice, parce  que  l'accusation  fut  trouvée  fausse;  ces  deux 
peintures  furent  estimées  2G0  couronnes  de  62  plecken  la 
pièce  (2).  » 

La  découverte  de  M.  Cannaerl  avait  une  valeur  réelle  : 
elle  faisait  connaître  d'une  manière  exacte  deux  produc- 
tions de  ce  Thierry  de  Haarlem,  dont  Karel  van  Mander 
nous  avait  laissé  un  si  grand  éloge,  et  comblait  une  lacune 
considérable  dans  l'histoire   de  la  peinture  aux  Pays-Bas. 

La  notice  de  M.  de  Bast   fut  accueillie   avec  intérêt. 


(1)  Année  1833,  t.  J,  pp.  17  à  22. 

(2)  «  Anno  1468  worden  ii  slucken  scliildereyen  gemaeckt  by  M^  Dierick 
Stierbodt,  die  in  de  Raelcamere  slaen,  d'eene  daer  de  Keysere  juslilie  doel 
doen  over  eenen  Grave  van  hove,  voerl  belichlen  van  de  Keyserinne,  van  dat 
hy  haer  oneerbaerheyl  te  voren  gelecht  hadde;  ende  d'andere  daer  de  Keysere 
over  zyne  Keyserinne  justitie  doel,  metten  brande,  daert  voirseyde  belichlen, 
vaisch  bevonden  wirt;  die  geexstimeert  waeren  op  il"  xxx  (250)  croonen  le 
Ixii  plecken  "t  stuck.  »  Annales  el  antiquités  de  Louvain. 

B  Le  manuscrit  contient  eu  grande  partie,  dit  M.  De  Bast,  des  extraits  des 
comptes  de  la  ville  de  Louvain;  en  plusieurs  endroits  il  cite  la  rubrique  sous 
laquelle  est  porté  l'objet  qu'il  transcrit  et  il  finit  à  l'année  1489.  La  copie' en 
est  faile  vers  le  milieu  du  XV11«  siècle,  »  Messager,  1833,  p.  18. 


—  ^265  — 

Noire  ami  Charles  Piol  en  parla,  en  1839,  dans  une  noie 
de  son  Histoire  de  Louvain  (i).  De  noire  côté,  nous  appe- 
lâmes l'allenlion  de  nos  concitoyens  sur  Thierry  Bouts 
dans  un  écrit  publié  en  1846(2).  Depuis  lors  nous  n'avons 
cessé  de  faire  des  efforts  pour  rétablir,  dans  notre  ville,  la 
mémoire  de  ce  grand  artiste.  C'est  d'après  nos  indications 
que  les  premières  recherches  sur  Bouts  furent  entreprises 
à  Louvain.  A  la  fin  de  1846,  nous  remîmes  à  l'employé, 
alors  chargé  de  nos  archives  communales,  une  note  extraite 
du  travail  de  M.  de  Basl,  en  le  priant  de  vouloir  parcourir 
attentivement  les  comptes  de  la  ville  des  années  mention- 
nées dans  ce  travail.  Il  essaya  quelques  recherches  et  trouva 
des  renseignements  précieux.  M.  Schayes,  en  visitant,  en 
1847,  nos  archives,  s'empara  de  ces  détails  et  s'empressa 
de  les  communiquer  à  la  classe  des  Beaux-Arts  de  l'Aca- 
démie royale  de  Belgique,  qui  en  vota  la  publication  dans 
le  bulletin  de  ses  séances  (s).  En  1849,  nous  publiâmes 
notre  première  notice  sur  Bouts.  Elle  était,  nous  aimons 
à  le  reconnaître,  très-incomplète.  Nous  avions  été  obligé 
de  suppléer,  au  moyen  de  conjectures  plus  ou  moins  heu- 
reuses, plus  ou  moins  hasardées,  à  ce  qui  nous  faisait 
défaut  pour  établir  certains  points  de  cette  biographie  (4). 
Un  passage  concernant  l'artiste  dans  le  manuscrit  de  Mo- 
lanus,  retrouvé,  en  1853,  à  la  Bibliothèque  de  Bourgogne, 
nous  engagea  à  entreprendre  de  nouvelles  recherches,  tant 
dans  les  archives  de  la  ville  que  dans  celles  de  la  collégiale 
de  Saint-Pierre.  Nous  en  publiâmes  le  résultat  en  I808  (rj). 


(1)  Pag   230,  noie  1. 

(2)  Notice  sur  le  peintre  Quentin  Melsys,  Louvain,  1846,  in-S". 
(5)  Bulli'lin  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  XIII,  p.  354. 

(4)  /.es  Artistes  de  l' H ùlel-de-ville  de  /.ouvain,  in-12,  pp    101-193. 

(5)  Nedcrlandsehe  kunslenaars  vermeld  in  de  onuilgegevene  Geschiedcnis 
van  Leuven  van  J.  Molanus,  dans  la  Dielsche  Warunde  de  M""  J.-A.  Albeb- 
DrNCK  Thijm,  Amslerdam,  1858,  t.  IV,  pp.  15-43;  voyez  aussi  noire  Louvain 
monumental,  pp.  139  à  142. 


—  264  — 

M.  Nieuvvenhuys  (0  et  moi  nous  avions  attribué  à  Bouts 
les  deux  admirables  peintures  qui  ornent  l'église  de  Saint- 
Pierre  et  qui  représentent  le  Martyre  de  saint  Érasme  et 
la  Cène.  Mais  les  connaisseurs  les  plus  expérimentés  se 
prononcèrent  contre  notre  opinion.  On. continua  de  recon- 
naître dans  ces  deux  pages  ravissantes  le  pinceau  de 
Memlinc.  Or,  elles  appartiennent  positivement  à  notre  ar- 
tiste. En  compulsant  les  comptes  de  la  confrérie  du  Saint- 
Sacrement,  établie  à  Saint-Pierre,  nous  fumes  assez  heureux 
pour  retrouver  la  quittance  autographe,  délivrée,  en  1468, 
par  Bouts,  lors  du  paiement  du  rétable  qui  représente 
la  Cène.  A  partir  de  ce  moment,  le  doute  n'était  plus  pos- 
sible :  deux  glorieux  chefs-d'œuvre  de  notre  école  primi- 
tive étaient  restitués  à  leur  véritable  auteur.  Ces  diverses 
découvertes  nous  flrent  songer  à  rédiger  une  nouvelle  notice 
sur  Bouts.  Mais  comme  il  était  à  notre  connaissance  que  les 
registres  aux  réalisations  de  l'ancien  échevinage  de  Louvain, 
déposés  au  Greffe  du  tribunal  de  notre  ville,  renfermaient 
des  renseignements  généalogiques  sur  l'artiste,  nous  réso- 
lûmes de  les  compulser  avant  de  publier  notre  nouveau 
travail.  Par  lettre  du  5  février  1861,  nous  nous  adressâmes 
à  l'honorable  M.  Prosper  Poullet,  président  du  tribunal  de 
Louvain,  à  l'effet  d'obtenir  l'autorisation  de  compulser  quel- 
ques-uns des  registres  dont  nous  venons  de  parler.  Ce  ma- 
gistrat nous  fit  connaître,  par  sa  lettre  du  9  du  même  mois, 
que  les  registres  se  trouvaient  à  notre  disposition.  Nous 
en  examinâmes  immédiatement  quelques  volumes;  mais 
chargé  d'autres  travaux,  nous  nous  vîmes,  bien  malgré 
nous,  forcé  de  renoncer  à  cette  tâche.  En  attendant,  nous 
publiâmes  sur  Bouts  une  nouvelle  notice  (a),  qui,  bien  que 
fort  incomplète  au  point  de  vue  généalogique,  fut  accueillie 


(1)  C.-J.  NrEUWENiiuvs,  Description  de  la  galerie  de  tableaux  de  S.  M.  le  roi 
des  Pays-Bas,  Bruxelles,  1843,  in-S",  p.  10. 

(2)  Revue  belge  el  étrangère,  t.  XI,  p.  306  et  728. 


—  2G5  — 

avec  faveur.  Ce  ne  fut  qu'en  juin  1 863  que  nous  avons  repris 
nos  recherches  dans  les  registres  de  i'éclievinage  pour  élu- 
cider les  points  encore  obscurs  de  la  vie  de  Bouts  (i).  Nous 
en  avons  publié  les  résultats  dans  le  précédent  paragraphe. 

En  compulsant  les  protocoles  dont  nous  venons  de  par- 
ler, nous  avions  constaté  que  Bouts  dicta  son  testament,  le 
27  avril  1475,  devant  le  notaire  public  Jean  Amelen,  clerc 
du  diocèse  de  Cambrai;  mais  nous  n'étions  pas  parvenu  à 
découvrir  le  texte  de  ce  document,  dans  lequel  nous  espé- 
rions rencontrer  des  renseignements  tout-à-fait  nouveaux 
sur  la  vie  de  l'artiste.  M.  Alphonse  VVauters  a  trouvé  ail- 
leurs une  copie  de  cet  acte,  et  il  vient  de  la  communiquer, 
accompagnée  d'une  notice,  à  l'Académie  royale  de  Belgique, 
classe  des  Beaux-Arts  (séance  du  6  juin  1867).  D'après 
l'analyse  qui  en  a  été  insérée  dans  les  journaux,  cette  pièce 
confirme  les  renseignements  sur  Bouts  que  nous  avons  fait 
connaître  dans  le  paragraphe  précédent.  Le  testament,  ré- 
digé, du  consentement  de  sa  seconde  femme,  dans  son  habi- 
tation, rue  des  Récollets,  ne  mentionne  pas  sa  ville  natale, 
que  nous  connaissions  du  reste.  11  n'y  est  qualifié  que  de 
bourgeois  de  Louvain  ou  oppidanus  Lovaniensis.  L'artiste 
lègue  les  biens  provenant  de  sa  première  femme,  Catherine 
vander  Brugghen,  dite  Mellen  Gelde,  à  ses  deux  fils, 
Thierry  et  Albert,  et  n'assigne  qu'une  redevance  annuelle 
en  grains,  ainsi  que  quelques  meubles,  à  ses  deux  filles, 
Catherine  et  Gertrude,  qui  avaient  pris  le  voile  au  couvent 
de  Dommelen.  Il  laisse,  en  outre,  à  ses  fils  une  lasse  d'ar- 
gent provenant  de  ses  parents,  ses  créances  à  charge  de 
la  viile  de  Louvain,  les  objets  dont  il  se  servait  pour  pein- 
dre et  ses  tableaux  non-achevés.  A  sa  seconde  femme, 
Elisabeth  van  Voshem,  il  donne  ses   autres  créances  et 


(1)   Thierry  Bouls  dit  de  Haarlcm,  peintre  en  titre  de  la  ville  de  Louvain. 
Louvain,  18G4,  iii-S». 


—  266  — 

celles  (le  ses  œuvres  qui  claient  complélement  terminées  (i). 
Celle  pièce,  bien  qu'elle  ne  conlienne,  d'après  ce  qui  pré- 
cède, que  peu  des  renseignements  qui  nous  étaient  restés 
inconnus,  offre  cependant  un  intérêt  réel  pour  l'histoire  de 
l'art,  par  le  motif  qu'elle  se  rapporte  à  l'un  des  plus  grands 
coloristes  du  XV^  siècle. 

JNous  allons  nous  occuper  maintenant  des  travaux  de 
Thierry  Bouts. 

On  ne  connaît  pas  les  œuvres  de  la  première  époque 
de  Bouts.  Nous  pensons  que  ces  peintures  existent  encore, 
au  moins  en  partie;  mais  qu'elles  sont  attribuées  à  d'autres 
coloristes  du  XV*  siècle.  On  parviendra  un  jour  à  les  res- 
tituer à  leur  véritable  auteur,  en  les  confrontant  avec  les 
pages  connues  du  grand  artiste.  C'est  une  recherche  que 
nous  recommandons  vivement  aux  investigateurs  de  l'his- 
toire de  notre  école  primitive.  L'entreprise  est  moins  difficile 
qu'on  ne  le  suppose.  Quand  devant  des  pages  authentiques 
on  s'est  profondément  imbu  des  qualités  et  des  défauts, 
de  la  manière  et  du  caractère  d'un  maître,  on  marche  d'un 
pas  ferme  dans  la  recherche  de  ses  autres  productions,  et 
devant  chaque  nouvelle  œuvre  on  affermit  son  jugement. 
Mais  pour  exécuter  un  pareil  projet,  il  faut  être  en  position 
de  voir  beaucoup.  Peu  de  bojis  tableaux  anciens  ont  été 
détruits;  mais  beaucoup  se  trouvent  hors  du  pays.  Si  nous 
avions  assez  de  fortune  et  de  loisir  pour  visiter  tous  les 
musées  de  l'Europe,  nous  retournerions  assurément  de  ce 
voyage  avec  l'inventaire  complet  des  tableaux  de  Thierry 
Bouts. 

Selon  Pierre  du  iMont,  l'un  des  commentateurs  de 
Guicciardini,  Bouts  avait  exécuté,  pour  le  couvent  des 
Réguliers,  à  Haarlem,  un  tableau  représentant  la  vie  de 

(1)  Écho  du  Parlement,  n»  du  12  juin  1867. 


—  267   - 

mint  Bavon.  Ce  tableau,  qui  était  «  exquis,  labouré  avec 
toute  patience,  »  se  trouvait,  en  1G09,  à  Ilaarlem,  chez  un 
amateur,  T.  Blin.  Depuis  lors  il  n'est  plus  mentionné  dans 
les  publications  sur  l'histoire  de  l'art,  et  notre  collègue  à 
Ilaarlem,  M.  Enschedée,  n'a  pu  nous  donner  des  ren- 
seignements sur  son  sort  ultérieur.  Cependant  cette  pein- 
ture doit  encore  exister.  Une  œuvre  qui  jouissait  d'une 
réputation  aussi  éclatante,  et  qui  se  trouvait  entre  les 
mains  d'un  homme  éclairé,  n'a  pu  se  perdre.  Si  un  accident 
l'eût  détruite,  il  nous  semble  qu'il  en  serait  fait  mention 
dans  l'un  ou  l'autre  écrit. 

En  1462,  Thierry  Bouts  termina,  à  Louvain,  le  trip- 
tyque dont  parle  van  Mander  dans  le  passage  de  son  livre 
que  nous  avons  traduit  plus  haut.  Le  panneau  central 
offrait,  ainsi  qu'il  a  été  dit,  la  Tète  du  Sauveur,  et  les 
volets,  celles  des  apôlres  SS.  Pierre  et  Paul.  En  1607,  ce 
triptyque  se  trouvait  dans  le  cabinet  de  Jean  Buytenweg, 
à  Leiden.  Depuis  lors  on  n'en  trouve  malheureusement 
plus  mention  dans  l'histoire. 

L'église  du  Saint-Sauveur,  à  Bruges,  possède  un  trip- 
tyque, qui  passa  longtemps  pour  une  production  de 
Memlinc  et  qui  appartient  positivement  au  pinceau  de 
Bouts.  Ce  qui  le  prouve  d'une  manière  incontestable,  c'est 
qu'on  y  retrouve  les  types  des  personnages,  les  vêlements 
et  les  fonds  qu'on  observe  dans  le  Martyre  de  saint  Érasme, 
de  notre  artiste.  Ce  triptyque,  qui  appartenait  autrefois  au 
métier  des  porteurs  de  chaux,  se  trouve  dans  le  bas  côté 
sud  de  l'église.  C'est  une  œuvre  d'une  grande  beauté  de 
couleur  et  d'une  extrême  délicatesse  d'exécution.  Le  panneau 
central  représente  le  Martyre  de  saint  Hippolyte  au  mo- 
ment où  on  va  l'écarteler.  Le  saint  est  dépouillé  de  ses 
vêtements  et  se  trouve  étendu  par  terre.  Quatre  chevaux 
sont  attachés  à  ses  membres;  deux  à  ses  mains  et  deux  à 
ses  pieds.  Ces  chevaux  sont  montés,  à  l'exception  de  celui 


—  268  — 

qui  se  trouve  attelé  au  pied  gauche,  et  dont  le  conducteur 
marche  à  côté  de  l'animal  en  le  fouettant.  Trois  juges  sont 
assis  au  second  plan;  un  quatrième  remet  une  branche  d'ar- 
bre à  l'un  des  conducteurs,  pour  exciter  son  cheval.  Le 
saint  est  encore  intact,  mais  il  ressent  les  premières  secous- 
ses. Il  a  le  corps  maigre  et  nerveux,  sa  physionomie  se  con- 
tracte; il  ouvre  la  bouche  et  jette  un  cri  en  regardant  le  ciel. 
Le  fond  offre  une  vue  prise  dans  les  environs  de  Louvain. 

Le  volet  gauche  représente  un  épisode  de  la  vie  de 
saint  Hippolyte.  La  scène  se  passe  au  pied  d'une  montagne 
sur  laquelle  s'élève  un  manoir  féodal,  qui  n'est  autre  que 
le  Château  César,  à  Louvain.  Le  personnage  qui  parle  au 
saint,  se  reproduit,  d'une  manière  identique,  dans  le  mar- 
tyre de  saint  Érasme.  Le  volet  droit  représente  les  dona- 
teurs Hippolyte  de  Berlhoz  et  Elisabeth  de  Kerverwyck, 
sa  femme.  Les  revers  des  vantaux  offrent,  en  grisaille, 
saint  Hippolyte,  sainte  Elisabeth  de  Hongrie,  saint  Char- 
les et  sainte  Marguerite,  patrons  des  donateurs,  leur  fils 
et  sa  femme;  on  y  observe  aussi  leurs  armoiries.  La  sainte 
Marguerite  est  d'un  type  très-grâcieux.  «  Ce  tableau,  dit 
M""  James  Weale,  a  été  restauré  et  retouché,  de  sorte  que 
peut-être  le  ton  et  le  coloris  sont  changés  en  certains  en- 
droits; les  volets  à  l'intérieur  sont  le  mieux  conservés; 
le  volet  droit,  froid  de  tons  par  sjuile  de  l'enlèvement  des 
glacis,  est  tendre  et  délicat  dans  ses  contours;  l'extérieur 
a  beaucoup  souffert  (i).  » 

Le  chapitre  de  Saint-Pierre,  à  Louvain,  céda,  en  1433, 
à  la  Confrérie  alors  nouvellement  instituée  du  Saint-Sacre- 
ment, deux  chapelles  absidales,  au  nord  de  léglise,  pour 
y  ériger  des  autels,  ainsi  qu'un  endroit  sous  une  arcade 
des  piliers  du  chœur,  pour  y  établir  un  tabernacle  (2). 


(I)  M""  W  -H.  James  Weale,  Bruges  et  ses  environs,  Bruges  1862,  p.  67. 
(2j  On  lit  ce  qui  suit  dans  Tacle  du  chapitre  en  date  du  7  janvier  1453  : 
«  De  eersie  en  Iweede  ronde  Capellen  naer  den  noord  kant  van  den  omloop 


—  269  — 

Cette  association  fll  élever  dans  la  première  chapelle,  qui 
était  très-petite,  un  autel  en  Tlionneur  de  saint  Erasme, 
évéque  et  martyr,  et  dans  la  seconde,  qui  était  plus  spa- 
cieuse; un  autel  en  l'honneur  du  Saint  Sacrement.  Au 
Fnilieu  du  XV*  siècle,  la  confrérie,  qui  nous  occupe,  élait 
devenue  Tune  des  associations  pieuses  les  plus  nombreuses 
et  les  plus  importantes  de  la  commune.  C'est  à  cette  époque 
aussi  qu'elle  fil  orner  ses  deux  chapelles  d'une  manière 
splendide.  Bouts  exécuta  deux  rétables  pour  les  oratoires 
de  la  confrérie.  Molanus,  en  parlant,  en  1575,  de  notre 
artiste,  dit  que  ses  travaux  se  trouvaient  à  l'église  de  Saint- 
Pierre,  savoir»  deux  autels  du  Saint-Sacrement  qui  se  re- 
commandent beaucoup  sous  le  rapport  de  l'art  (i).  »  Ces 


van  onze  nieuwe  clioor,  gelegcn  in  het  opgaen  van  de  Capelle  (.sic),  ontrint 
vierkantig  aenraekende  aen  ons  Kapillel-liuys,  naer  don  ooslen,  met  de  plaels 
of  grond  van  den  omloop  van  onze  gezeyde  nieuwe  coor,  op  de  wyse  gelyck 
zy  in 't  lang  en  breede  uylgestrykl  en  beslolen  is,  lusschen  de  uyterste  païen 
van  de  zes  pilaeren,  te  weten  :  van  de  dry  van  de  gezeyde  Iwee  ronde  capellen, 
en  van  de  dry  van  onze  choor,  legens  over  de  voorzeyde  pilaeren,  en  die  mel 
deze  saemen  werken  :  en  ecne  plaetse  in  den  muer,  van  onze  gezeyde  nieuwe 
choor  tegens  over  eene  van  de  gezeyde  Ronde  Capellen,  in  de  welke  ecrbiede- 
lyk  zullen  gestell  worden  de  ciborien  van  dit  Alderweerdigste  en  Alderhey- 
ligsle  Sacrament,  ten  onkosie  des  zelve  Broedersclinp.  »  Voyez  Broederschap 
van  het  Aid.  Sacrament,  opgcregt  in  de  Parochiale  en  Collégiale  kerk  van 
Sle  Peeter,  le  Loven,  in  lieljaer  1433.  Tôt  Lovcn,  1783,  in-12,  p.  12;  Lou- 
vain  monumental,  p.  180. 

(1)  D'après  le  texte  de  Molanus,  édité  par  feu  Jlgr  De  Ram,  ces  deux  tableaux 
seraient  l'œuvre  de  Thierry  Bouts  fils,  ce  qui  est  inexact.  Nous  avons  examiné 
le  passage  dans  le  manuscrit  autographe  du  savant  docteur  de  Louvain.  A  l'ai-- 
licle  Thtodoricus  Bouts  ulerr/ue,  il  y  a  une  longue  phrase  omise,  mais  ajoutée 
après  coup  par  Molanus  lui-même,  qui  annotait  au  fur  et  à  mesure  qu'il  dé- 
couvrait des  renseignements  utiles.  Or,  la  rédaction  primitive  attribue  les  deux 
tableaux  de  la  Confrérie  du  Saint-Sacrement  à  Thierry  Bouts  père.  Voici  la 
disposiliou  du  passage  dans  le  manuscrit  : 

l  Mortuus  anno  a;tatis7S,dominilW0,         Cubiut    isventob    in    descbibi-udo   hiibb 
die  6  niait   Ejus  et  filiorum  ejus  Theodo-     1   opcs  sdst  is    Ecclesia    Divi   Petbi  uuo 
rici  et  Alberti  effigies  extant  apud  Mi-     alt.vbia  Venebabilis  Sacruifuti,  qu«  mui- 
nores,  e  regione  suggestus.  2   Theodorici    tum  ex  akte  co»»eiidai<tdb. 
filii. 

On  sait  que  l'hisloire  de  Louvain  de  Molanus  n'est  pas  un  travail  achevé, 


-   270  — 

deux  Iriplyques  sont  parvenus  jusqu'à  nous.  L'un  repré- 
sente le  Martyre  de  saint  Érasme,  l'autre  la  Cène,  deux 
chefs-d'œuvre  dont  nous  allons  nous  occuper. 

Bouts  exécuta,  avant  1 466,  le  plus  petit  de  ces  deux  trip- 
tyques, celui  dont  le  panneau  central  offre  h  Martyre  de  saint 
Érasme  et  dont  les  volets  représentent  saint  Jérôme  et  saint 
Bernard.  Ce  qui  le  prouve  d'une  manière  incontestable, 
c'est  que  le  registre  aux  comptes  de  la  confrérie  du  Saint- 
Sacrement,  de  cette  année,  le  plus  ancien  qui  soit  parvenu 
jusqu'à  nous,  ne  mentionne  aucune  dépense  pour  le  tableau, 
non  plus  que  pour  l'établissement  de  l'autel  sur  lequel  il  a 
été  placé.  Gérard  de  Smet  ou  Fabri,  maître  des  écoles  de 
Louvain,  qui  avait  sa  demeure  rue  des  V^aches,  près  le  coin 
de  la  rue  des  Augustins  (i),  et  qui  mourut  en  1469,  éri- 
gea à  cet  autel  une  fondation  de  messes  en  l'honneur  des 
55.  Érasme,  Jérôme  et  Bernard,  qui  sont  représentés  dans 

c'est  lin  vnste  recueil  de  notes  distribuées  par  chapitres,  revêtus  quelquefois 
d'un  commencement  de  rédaction,  mais  le  plus  souvent  jetées  sèchement  sur 
le  papier.  Le  savant  auteur  devait  peut-être  ajouter  d'autres  renseignements 
après  les  mots  «  Thcodorici  plii,  ■»  renseignements  qu'il  n'avait  pas  encore 
sous  la  main. 

Nous  pensons  que  le  passage  qui  nous  occupe  peut  se  traduire  comme 
suit  : 

«  Il  excellait  dans  la  peinture  des  paysages.  Ses  œuvres  se  trouvent  à  l'église 
de  Saint-Pierre,  savoir  deux  autels  (de  la  confrérie)  du  Saint-Sacrement,  qui 
se  recommandent  beaucoup  sous  le  rapport  de  l'art.  II  est  mort  la  soixante- 
quinzième  année  de  son  âge,  l'an  du  Seigneur  Hoo,  le  6  mai.  Son  portrait  et 
ceux  de  ses  deux  fils,  Thierry  et  Albert,  se  trouvent  chez  les  Récollets,  près 
de  la  chaire  de  vérité.  Thierry  son  fils....  »  II  est  probable  que  Molanus,  en 
écrivant  ce  passage,  ne  se  rappelait  plus  l'année  exacte  de  la  mort  de  l'artiste, 
et  qu'il  remplaça  provisoirement  les  deux  derniers  chiffres  du  millésime  par 
deux  zéros.  Du  reste.  Bouts  doit  être  né  en  liOO,  et  non  en  lAlO,  ainsi  qu'on 
l'a  prétendu.  Son  portrait  qu'on  voit  dans  la  Cène,  tableau  achevé  en  1468, 
annonce  positivement  un  homme  de  soixante-huit  ans. 

(1)  «  Op  den  hoeck  van  der  Auguslynslrale,  tussehen  den  selven  hoeck  en 
den  goede  Meesters  Gheerts  de  Smet,  scoclmeesler  'l  Sinle-Pelers.  »  Acte  du 
7  wat  1434,  l^e  ch.  éch.  —  «  Magisler  Gerardîjs  Fabri,  niagister  scolarum  in 
Lovanio.  »  Arte  du  2'^  Juin  1458,  l'^  cli.  éch. 


—  271  — 

le  tableau  de  Bouts  (i).  Il  en  fut  peut-être  le  donateur. 
Ce  fut,  à  n'en  pas  douter,  la  beauté  du  triptyque  dont 
nous  venons  de  parler,  qui  engagea  les  maîtres  de  la  con- 
frérie du  Saint-Sacrement  à  confier  à  Bouts  Texéculion  d'une 
œuvre  capitale  destinée  à  être  placée  sur  l'autel  de  leur  cba- 
pelle  principale.  Le  panneau  central  de  ce  triptyque  devait 
représenter  la  Cène,  et  les  quatre  volets  devaient  porter 
quatre  scènes  de  la  Bible,  se  rapportant  symboliquement 
à  l'institution  du  saint  Sacrement.  L'artiste  en  fut  chargé 
avant  1466  et  y  consacra  plusieurs  années.  C'est  avec  un 
touchant  intérêt  que  nous  avons  lu  le  compte  qui  se  rapporte 
à  l'exécution  de  ce  chef-d'œuvre.  Il  prouve  une  fois  de  plus, 
combien  le  goût  de  la  belle  peinture  était  alors  populaire  à 
Louvain.  La  confrérie  n'était  pas  en  mesure  de  payer  à  elle 
seule  le  triptyque;  mais  elle  comptait  sur  le  concours  des 
fidèles,  et,  au  premier  appel,  le  public  lui  vint  en  aide.  On 
vivait  dans  une  atmosphère  artistique.  Si  pauvres  qu'ils 
fussent,  les  gens  du  peuple  avaient  une  obole  à  donner  pour 
encourager  les  artistes.  On  reçut  en  outre  des  dons  spé- 
ciaux. Un  citoyen  donna  un  florin  du  Rhin;  une  bonne 
femme,  qui  ne  déclina  pas  son  nom,  offrit  un  demi-écu  d'or 
pour  l'achèvement  du  tableau  (2).  Bouts  fut  payé  en  à-comp- 
les.  Le  4  juillet  1466,  il  reçut  13  florins  du  Rhin  (3).  L'ar- 


(1)  Le  regislre  aux  comples  de  la  confrérie,  de  14-66  à  1  321,  renferme  l'an- 
notation suivante  :  «  Item,  voer  nicesler  Giiert,  dy  scholcmees/er,  sal  men  aile 
jaer  iij  messen  senglien  :  ilem,  op  Sente- Jhcronimus  ej'n;  item,  op  Sent  Ber- 
nart  dach  eyn;  item,  op  Sent- fier asmus  dach  eyn.  » 

(2)  «  Item,  ontfaen  eenen  rynsguldcn  die  ons  ghegeven  es  loi  onser  Tafelen, 
10  seplember  1466.  —  Item,  ontfaen  8  stuvers  voer  1/2  scilt,  die  een  goede 
vroitw  ghegeven  heefl  toeter  Tacfele.  »  Comples  de  la  confrérie  du  Saint-Sacrc- 
mcnt.  Il  est  à  regretter  que  les  registres  de  14-33  à  1463  sont  perdus.  Celle 
circonslance  nous  empêche  de  recueillir  des  renseignements  sur  les  premières 
dépenses  faites  pour  le  triptyque. 

(3)  «  Item,  betaelt  meester  Diereken  Bouts,  op  'l  werck  van  onser  Taefelen, 
13  rynsguldcn,  sluck  te  20  stuyvers,  4  daghe  in  julio  1466.  —  flem,...  op 
den  6  dach  van  auguslo,  meester  Diereken  Boutss,  op  't  werck  van  onser  Tac- 


27"2  

lisle  acheva  son  œuvre  en  14G8.  On  lui  paya  alors  une 
dernière  somme  de  29  florins  du  Rhin.  Bouts  délivra,  à 
cette  occasion,  une  quittance  que  nous  eûmes  le  bonheur 
de  retrouver.  Elle  est  écrite  de  sa  propre  main  sur  une 
feuille  du  compte  de  la  confrérie  du  Saint-Sacremenl  de 
1468.  Nous  allons  la  traduire  littéralement,  tout  en  re- 
produisant le  texte  original  au  bas  de  celte  page  : 

«  Je  Thierry  Bouts,  me  déclare  satisfait  et  entièrement 

PAYÉ    de    l'oeuvre    QUE    j'aI    EXÉCUTÉE    POUR   LA    CONFRÉRIE    DU 

Saint-Sacrement  (i).  » 

Après  ces  lignes,  que  nous  avons  fait  reproduire  en  fac- 
similé,  au  bas  du  portrait  du  peintre,  dans  notre  Lonvain 
monumental,  on  lit  l'annotation  suivante  :  «  Cette  cédule  est 
la  quittance  écrite  de  la  propre  main  de  Maître  Thierry, 
par  laquelle  il  reconnaît  et  déclare  être  entièrement  payé 
par  les  quatre  directeurs  de  la  confrérie  du  Saint-Sacrement, 
savoir  :  Jean  Audenrogrje,  Gérard  Redemans,  Erasme  van 
Baiissele  et  Piéride  Heykens  (2).  » 

Le  triptyque  de  Bouts  fut  posé  sur  l'autel  du  Saint-Sacre- 
ment. Maître  Josse  Metsys,  père  de  Quentin  Metsys  qui 
devait  se  signaler  d'une  manière  si  éclatante  dans  le  do- 
maine de  l'art,  y  plaça  une  serrure.  Celte  serrure  devait 
être  ouvragée  avec  goût,  attendu  qu'on  la  paya  29  sols  (3). 


fcten  8  rynsgulden,  stock  te  20  st.  —  Belaelt  aen  messier   Diebic  van  der 
Tafelen,  29  rynsgulden,  van  20  sluvers.  »  Comptes  cités. 

(1)  «  le  DiERic  Bouts  KEN^E  mi  vermucht  en  vol  betielt  als  van  den  werc 

DAT  IC   GHEMAECT  BEBBE    DEN    IIeILICUEN   SacRAMENT.  » 

(2)  «  Item,  dit  is  die  sele  van  messter  Dryeric,  kent  en  lyt  dat  hy  es  voel 
'volj  betaelt,  en  selve  gheschreven  met  synder  liant,  van  den  iiij  messiers  van 
den  Scakermenle,  te  Loven,  dat  was  Jan  Ouwe  Rogge,  en  Groet  Relemans, 
en  Raes  van  Bausselle  en  Pieter  Heykens.  »  Voyez  :  Doude  Boeck  van  den 
Mcycrien  van  den  Bruederscap  van  den  hcyligen  Sacraments  van  Ste-Peelers,  te 
Lovcn,  beghinnende  in  denjare  ons  lleren  xiiiJ<=  en  lxvj,  aprilis  xxja  (21  avril 
1466).  La  quitlancese  trouve  folio  H  r»,  après  la  date  du  9  février  1468. 

(3)  «  Item,  betaelt  meester  Joes  van  cncn  sloete  aen  ons  Tacfcle,  20  slu- 
vers. »  Compte  cité,  1468. 


—  275  — 

Eii  1470,  le  triptyque  fut  entouré  d'orncuients  en  cuivre 
coulé  par  Henri  van  Henegauwe,  de  Malines.  C'était  un 
travail  remarquable.  Il  fut  surmonté,  en  1478,  d'une  ni- 
che, couronnée  d'une  tourelle  à  jour,  le  tout  exécuté  d'après 
les  dessins  de  Mathieu  de  l.ayens,  par  les  sculpteurs  André 
et  Antoine  Keldermans,  de  Malines.  La  niche  était  garnie 
d'une  statue  de  la  sainte  Vierge  (i). 

La  confrérie  tenait  les  deux  triptyques  de  Bouts  en 
grande  estime.  Nous  avons  vu  plus  haut,  que  les  h'Is  du 
grand  artiste  enluminèrent,  en  1487,  les  volets  de  la  Cène. 
En  1555,  le  peintre  Pierre  Willems  fut  chargé  de  nettoyer 
le  saint  Erasme  et  d'en  dorer  le  cadre.  On  lui  paya  ce  tra- 
vail 2  florins  du  Rhin  (2).  Pendant  tout  le  XVI''  siècle,  les 
deux  tableaux  furent  l'objet  de  l'admiration  des  connais- 
seurs, ainsi  qu'il  résulte  des  paroles  de  Molanus.  Mais  au 
siècle  suivant,  ils  furent  compris  dans  la  proscription  que 
l'école  de  Rubens  promulga  contre  les  œuvres  de  notre  école 
primitive.  Les  autels,  qui  portaient  les  triptyques,  furent 
démolis.  Celui  de  Saint-Erasme  resta  supprimé,  et  celui 
du  Saint-Sacrement  fut  remplacé  par  un  autel  moderne, 
orné  d'une  toile  représentant  la  Cène,  par  Victor-Honoré 
Janssens,  de  Bruxelles.  Mais,  tout  en  donnant  satisfaction 
au  goùl  du  jour,  les  maîtres  de  la  confrérie  n'aliénèrent 
point  les  deux  chefs-d'œuvre  de  Bouts.  On  les  réunit,  à 
l'exception  des  quatre  volets  de  la  Cène,  dans  un  seul  et 
même  cadre,  et  on  les  plaça  à  la  chapelle  de  Saint-Érasme, 
au-dessus  de  l'entrée  de  la  sacristie  de  la  confrérie  du  Saint- 
Sacrement.  C'est  là  que  Descamps  les  trouva  en  17G0. 
«  Au-dessus  de  la  porte  de  la  sacristie,  dit-il,  est  placé  le 
meilleur  tableau  que  j'ai  vu  de  Quentin  Messis(s?c).  Il  repré- 


(1)  Comptes  cités.  —  Louvain  monumental,  p.  205. 

(2}  o  Belaelt  (aen  Pieter  Willems)  de  Tafele  van  Sinte-Erasmus  au(aer 
schoen  le  maken,  en  liet  Taverncel  le  vergulden,  2  rinsguldens.  »  Compte  de 
1535. 


—  274  — 

sente  la  Cène.  Il  y  a  beaucoup  de  vérilé  dans  les  détails,  les 
têtes  sont  jolies,  mais  toujours  avec  une  sécheresse  aride  (i).  I) 
Ce  passage  prouve  que  Descamps  n'avait  pas  de  notions 
certaines  sur  les  œuvres  de  Tancienne  École  flamande.  Dans 
le  cadre  dont  nous  avons  parlé,  le  saint  Érasme  et  les  volets 
se  trouvaient  au  bas,  la  Cène  au  milieu,  et  Ton  voyait  au  haut 
les  Disciples  d'Emails,  une  composition  du  XVI"  siècle,  et 
deux  petits  panneaux  représenlant  des  portraits  de  famille. 
Nous  les  avons  souvent  admirés  à  cet  endroit  après  1830. 
Ils  étaient  alors  dans  un  état  déplorable.  Des  plaques  de 
couleur  s'en  détachaient  dans  certains  endroits,  et  la  fumée 
des  chandelles  les  avait  fortement  noircis.  Grâce  aux  pres- 
santes démarches  de  notre  regretté  ami  le  sculpteur  Charles 
Geerts,  la  fabrique  résolut  de  les  faire  restaurer.  En  1840, 
les  deux  tableaux  de  Bouts  furent  transposés  sur  de  nou- 
veaux panneaux  par  L.  Morlemard,  et  ils  furent  retouchés, 
en  1843,  par  Charles  de  Cauvver,  de  Gand.  Cette  restau- 
ration occasionna  une  dépense  de  2,249  francs,  supportée 
en  partie  par  l'État,  en  partie  par  la  ville  et  la  fabrique. 

A  celte  époque  les  deux  peintures  passaient  encore  pour 
des  productions  de  Memlinc,  et  la  phrase  :  Opiis  Johannis 
Eemling  fut  inscrite  en  lettres  d'or  sur  le  cadre  de  chacune 
de  ces  œuvres.  On  inscrivit  également  à  la  même  époque 
sur  le  revers  du  volet  représentant  saint  Jérôme  :  «  Hem- 
lingh  picluram  novœ  tabtilœ  ab  L.  Morlemard  inductam. 
3IDCCCXXXX.  »  Et  sur  le  revers  du  volet  représenlant 
saint  Bernard  :  «  Colorîbus  acciirate  inlerpolavit  Carolus 
de  Cauwer.  MDCCCXXXXIII.  » 

Le  tableau  représentant  ta  Cène,  qui  a  1  mètre  79  cen- 
timètres de  hauteur  et  1  mètre  50  centimètres  de  largeur, 
fut  placé  à  la  chapelle  de  la  Sainte-Trinité,  et  le  triptyque 


(1)  DEsciMPS,   Voyage  pittoresque  de  la  Flandre  et  du  BrabanI,  édition  de 
1838,  p.  98. 


—  27o   — 

qui  offre  le  Martyre  de  saint  Érasme  fui  suspendu  dans  la 
chapelle  de  Noire-Dame  des  Douleurs.  Ce  Iriplyque  a 
82  cenlimèlres  de  hauteur  sur  80  cenlimclres  de  largeur; 
chaque  volet  a  82  cenlimèlres  de  haul  et  34  cenlimèlres 
de  large. 

Depuis  leur  restauration,  ces  peintures  sont  continuelle- 
ment couvertes  de  rideaux.  Le  manque  d'air  semhie  cepen- 
dant leur  être  nuisible.  Nous  fûmes  chargé  par  missive 
de  Padminislration  communale,  du  28  août  1865,  de  les 
faire  transporter  dans  la  cour  de  rHôtel-de-ville,  pour 
permettre  à  M""  Ed.  Fierlanis  de  les  photographier.  Celle 
circonstance  nous  mil  à  même  d'examiner  au  grand  jour  les 
deux  pages  ravissantes.  Nous  avons  observé,  avec  peine,  des 
lâches  de  moisissure  dans  plusieurs  endroits  des  tableaux. 
C'est  surtout  dans  les  noirs  que  ces  taches  sont  apparen- 
tes, à  tel  point  que  M.  Fierlants  a  été  dans  l'impossibilité 
de  faire  une  bonne  photographie  du  volet  représentant  saint 
Bernard. 

Nous  avons  également  constaté  que  ces  deux  tableaux 
sont  attachés  outre  mesure.  Il  nous  a  fallu  une  demi-heure 
pour  détacher  la  Cène.  Si  un  incendie  éclatait  dans  l'une 
des  chapelles  qui  les  renferment,  ces  œuvres  inappréciables 
périraient  infailliblement.  Un  grand  nombre  de  chapelles 
de  l'église  de  Saint-Pierre  renferment  des  autels  qui  n'ont 
aucun  rapport  avec  le  style  de  l'édifice.  Il  nous  semble 
qu'on  ferait  chose  utile  en  démolissant  deux  de  ces  autels 
pour  les  remplacer  par  les  deux  peintures  dont  nous  nous 
occupons;  ces  tableaux  ont  été  peints  pour  être  posés  dans 
des  rétables.  Pourquoi  ne  pas  les  rendre  à  leur  destination 
primitive'^  C'est,  du  reste,  le  seul  moyen  de  les  placer  con- 
venablement. Il  serait  également  équitable  qu'on  remplaçât 
le  nom  de  Memlinc  par  celui  de  Bouts.  Dans  l'intérêt  de 
la  gloire  artistique  du  pays,  nous  recommandons  ces  points 
à  la  sollicitude  de  ceux  dont  la  voix  est  plus  écoulée  que 
la  nôtre. 


—  276  — 

Nous  allons  décrire  les  deux  peintures  de  Bouts. 

Le  premier  tableau  forme  un  triptyque.  Le  panneau 
central  offre  aux  regards  le  Martyre  de  saint  Érasme.  Le 
supplice  a  lieu  sur  une  pelouse  située  près  d'un  groupe  de 
rochers.  Un  agréable  paysage  fleurit  et  verdoie  dans  la 
perspective;  une  abondante  lumière  environne  les  divers 
personnages.  Le  saint  évéque,  entièrement  dépouillé  de 
ses  vêtements,  gil  sur  la  planche  d'un  tourniquet;  des 
cordes  retiennent  ses  mains  et  ses  jambes.  Son  corps  est 
remarquable  sous  le  rapport  du  dessin;  il  possède  des 
formes  pleines  de  souplesse.  On  lui  a  ouvert  la  peau  du 
ventre  afin  de  pouvoir  saisir  l'extrémité  du  long  inteslin 
et  de  l'attacher  à  l'axe  de  l'instrument  fatal.  Deux  bour- 
reaux fout  aller  le  tourniquet  et  dévident  de  la  sorte  les 
entrailles  du  martyr.  Ce  sont  des  hommes  de  condition 
vulgaire  :  ils  en  ont  du  moins  l'apparence.  Le  premier, 
celui  à  léte  chauve,  a  pourtant  l'air  d'être  un  brave  homme. 
On  aurait  tort  de  le  prendre  en  haine  pour  la  fonction  qu'il 
exerce,  car  il  ne  montre  aucun  signe  de  rudesse.  Le  second, 
au  contraire,  est  un  vrai  bourreau.  11  annonce  un  carac- 
tère cruel  et  inflexible.  La  nature  lui  a  donné  un  cœur 
glacial.  Il  grince  les  dents  et  se  donne  un  mouvement  ter- 
rible pour  faire  manœuvrer  l'instrument  de  supplice. 
Quatre  spectateurs  assistent  à  l'exécution;  ce  sont  autant 
d'assesseurs  sans  doute.  Les  deux  spectateurs  qui  se  tien- 
nent par  derrière  détournent  la  tête  pour  ne  point  être 
témoins  de  ce  qui  se  passe  près  d'eux,  et  causent  tout  bas. 
Ils  y  assistent  non  par  goût,  mais  par  devoir;  leurs  figures 
douces  et  tranquilles  témoignent  assez  de  leurs  sentiments. 
Les  deux  autres  assesseurs  observent  la  scène  tragique.  Un 
d'eux  semble  commander  aux  bourreaux.  C'est  un  homme 
d'un  âge  mûr;  son  visage  expressif,  d'un  type  fort  remar- 
quable, est  entouré  d'une  chevelure  noire  et  d'une  longue 
barbe.  Ce  juge,  richement  vêtu,  porte  une  longue  robe 


TheodorLcus  Bouts  Piruc 


CK.On^}ijeAa.  3c 


—   277   — 

de  damas  fourrée  de  pelleterie,  qui  lui  sied  à  merveille. 
Sa  Icle  est  couverte  d'une  espèce  de  turban  garni  de  four- 
rure brune.  Ce  n'est  pas  un  bomnie  méchant;  sa  physio- 
nomie le  prouve  assez.  11  possède  à  peine  la  force  de 
maîtriser  son  émotion.  Sa  main  droite  repose  sur  une 
canne;  il  lève  la  gauche  et  en  fait  un  geste  comme  pour 
exprimer  sa  compassion.  Son  collègue  a  également  un  air 
bon  et  tranquille.  Il  est  drapé  avec  grâce  dans  ses  splendi- 
des  vêlements.  La  scène  n'effraie  pas  autant  qu'on  pourrait 
le  supposer  :  l'artiste  a  tâché  d'éloigner  des  regards  toutes 
les  circonstances  tragiques  qui  pourraient  accompagner  un 
aussi  affreux  supplice.  Saint  Érasme  ne  bouge  pas  sur 
la  planche  fatale  :  il  garde  la  tranquillité  d'un  homme  qui 
est  plongé  dans  un  doux  sommeil.  Son  visage  régulier, 
candide  et  impassible,  annonce  un  calme  qui  louche  le 
cœur.  Il  ne  semble  rien  sentir  des  tourments  qu'on  lui 
cause.  Il  respire  la  félicité  d'une  âme  heureuse  de  pou- 
voir mourir  pour  la  gloire  d'une  religion  qu'il  n'a  cessé 
de  prêcher  aux  inGdèles. 

Un  ciel  d'un  bleu  sans  tache  baigne  la  perspective.  On  y 
découvre  d'agréables  campagnes,  soigneusement  cultivées, 
traversées  par  un  ruisseau  et  entrecoupées  de  chemins 
en  zig-zag.  Une  chaîne  de  monts  bleuâtres,  plantés  d'ar- 
bres, domine  l'horizon.  Celle  perspective  est  pleine  de 
vie  :  on  dirait  qu'un  venl  léger  y  souffle  et  tire  des  accords 
doux  et  harmonieux  des  arbres  et  des  plantes. 

L'arlisle  a  voulu  nous  laisser  dans  ce  tableau  un  souvenir 
de  sa  résidence  dans  la  capitale  du  Brabant.  Dans  le  fond 
du  paysage,  il  nous  a  retracé  les  Kessel- Bergen,  collines 
pittoresques  qui  environnent  noire  cité,  et  qu'il  dut  admi- 
rer bien  des  fois  durant  ses  promenades  solitaires,  tantôt 
lorsqu'il  respirait  sur  nos  vieux  remparts  la  fraîcheur 
d'un  air  chargé  de  parfums,  pendant  les  beaux  jours  du 
printemps,  et  qu'un  horizon  serein  lui  permettait  d'en  saisir 

20 


—  278  — 

les  différents  charmes,  tanlùt  lorsqu'il  errait  d'un  pas  in- 
souciant par  les  chemins  tortueux  de  notre  banlieue.  Dans 
le  vallon  on  aperçoit  une  pièce  d'eau,  un  château  féodal  et 
un  homme  monté  sur  un  cheval  blanc.  Les  rochers  qu'on  y 
observe  de  chaque  côté  sont  bien  les  rochers  du  Roessel- 
berg  près  de  Louvain.  Des  corbeaux  voltigent  dans  l'air 
et  se  reposent  sur  les  arbres.  Les  broussailles,  qu'on  ap- 
perçoit  sur  les  hauteurs,  bien  que  fort  petites,  sont  d'une 
finesse  vraiment  admirable. 

Le  volet  de  droite  représente  saint  Jérôme  en  habit  de  car- 
dinal. C'est  une  peinture  d'un  mérite  supérieur,  La  télé  de 
l'anachorète,  qui  est  légèrement  baissée,  annonce  la  médi- 
tation. Son  front  ridé,  ses  traits  mâles  et  expressifs,  ses 
cheveux  que  le  temps  commence  à  blanchir,  lui  donnent 
un  caractère  de  mélancolique  grandeur  en  harmonie  avec 
l'histoire  de  son  existence.  Il  ne  serait  guère  possible  de 
mieux  rendre  la  physionomie  du  grand  penseur.  C'est  bien 
l'homme  qui  a  cherché  le  Seigneur  loin  des  voies  d'un 
monde  frivole,  sur  les  bords  des  lacs,  au  fond  des  forêts, 
sur  les  pentes  des  montagnes  de  la  Palestine  ou  dans  l'âpre 
et  incommensurable  désert  de  la  Syrie.  11  tient  un  livre 
dans  sa  main  gauche  et  en  médite  attentivement  les  paro- 
les; dans  sa  droite  brille  une  crosse  à  manche  de  cristal 
qui  captive  les  regards  par  l'extrême  délicatesse  de  l'exé- 
cution. Cn  vaste  manteau  rouge  l'habille  de  ses  plis  ma- 
jestueux et  ajoute  encore  à  la  gravité  de  son  attitude.  Le 
chapeau  de  cardinal  couvre  sa  tête  intelligente.  Un  lion, 
compagnon  fidèle  de  sa  solitude,  gît  à  ses  pieds.  Le  fond 
du  panneau  offre  un  paysage  agréable  où  on  reconnaît 
au  loin  les  environs  de  Louvain.  Devant  une  forêt  de 
chênes  l'on  voit  une  prairie  au  milieu  de  laquelle  se  trouve 
un  lac.  Une  plante  aquatique,  qui  croît  sur  le  bord,  se  re- 
flète dans  l'eau  avec  une  étonnante  vérité. 

Le  volet  de  gauche  figure  saint  Bernard,  le  grand  pro- 


Theodorlcus  Bouls,  Pinx: 


Ch.On(§hena.Sc- 


—  ^279  — 

pagaleur  du  culle  de  sainl  Érasme.  Il  porte  riiahit  noir  de 
son  ordre.  Sa  lèle,  qui  esl  couverte  d'une  calotte  rouge, 
ne  vaut  pas  celle  de  sainl  Jérôme;  elle  n'est  cependant 
pas  sans  mérite,  La  physionomie  du  moine  respire  une 
dignité  sérieuse  et  une  profonde  tranquillité.  Sa  main 
gauche  est  chargée  d'un  livre,  sa  droite  d'une  crosse  ab- 
batiale, qui  est  un  chef-d'œuvre  d'orfèvrerie.  Le  démon, 
qu'il  a  glorieusement  vaincu,  rampe  à  ses  pieds  sous  les 
formes  d'un  monstre  effroyable.  La  perspective  offre  éga- 
lement un  paysage. 

Le  second  tableau  nous  place  sous  les  yeux  la  Cè7ie. 
L'action  se  passe  dans  une  salle  éclairée  de  deux  grandes 
fenêtres.  Une  mosaïque  remarquable  en  forme  le  sol.  Dans 
le  fond,  au  milieu  de  la  pièce,  on  voit  une  porte  de  chêne 
à  battants.  Par  une  petite  porte  ouverte  à  gauche,  la  vue 
plonge  dans  un  jardin  soigneusement  planté.  Du  même  côté, 
on  observe  une  partie  de  galerie,  séparée  de  l'appartement 
par  des  arcades  ogivales,  qui  reposent  sur  des  colonnetles 
cylindriques.  Un  plafond  de  chêne,  dont  les  poutrelles 
reposent  sur  deux  énormes  poutres  carrées,  couronne  le 
tout;  ce  plafond,  noirci  par  le  temps,  communique  à  la 
salle  un  air  mystérieux.  Un  superbe  lustre  en  cuivre  coulé 
pend  au  milieu  de  la  pièce.  Une  table  de  forme  oblongue 
en  occupe  le  milieu  et  va  servir  à  la  célébration  de  la  der- 
nière Pâque.  Une  nappe  blanche  la  couvre  régulièrement. 
Devant  chaque  convive,  on  voit  un  petit  pain,  un  couteau 
et  un  verre.  Ces  détails  sont  traités  avec  un  soin  admirable. 
Le  Seigneur  est  assis  derrière  la  table  et  au  milieu  de 
quatre  apôtres;  aux  extrémités  de  la  table  se  trouvent  trois 
disciples;  les  deux  autres  se  trouvent  au-devant.  Ils  sont 
assis  sur  des  escabeaux  en  bois  de  chêne  d'une  forme  gra- 
cieuse. Le  groupe  est  sagement  combiné  :  sa  disposition 
laisse  apercevoir  tous  les  personnages,  sans  qu'un  seul  des 
côtés  de  la  table  demeure  vide.  Derrière  le  prince  des  Apôtres 


—  280  — 

se  trouve  un  serviteur  qui  a  une  physionomie  d'une  pieuse 
expression;  il  est  en  costume  du  XV^  siècle.  Un  autre  per- 
sonnage se  tient  debout  dans  le  pourtour.  C'est  un  homme 
d'environ  soixante-dix  ans  :  des  rides  nombreuses  sillonnent 
son  front;  son  visage  est  fort  expressif.  Ce  personnage 
porte  une  longue  robe  ourlée  de  fourrure  brune;  un 
mortier  de  drap  rouge  couvre  sa  tète.  Il  tient  la  main 
droite  à  sa  ceinture,  la  gauche  repose  sur  une  espèce  de 
buffet  de  style  ogival.  C'est  évidemment  le  peintre  du  ta- 
bleau. Une  ouverture,  pratiquée  dans  le  mur  du  fond  et 
destinée  à  passer  les  mets,  nous  laisse  apercevoir  deux 
spectateurs.  Le  premier,  celui  de  gauche,  a  une  physio- 
nomie remarquable  :  une  vive  intelligence  rayonne  sur  sa 
figure.  Il  porte  une  robe  verte;  le  second,  qui  a  égale- 
ment une  physionomie  distinguée,  porte  une  cotte  noire. 
Ils  ont  la  tête  couverte  de  mortiers  rouges.  Ce  sont  sans 
nul  doute  les  portraits  de  deux  maîtres  de  la  confrérie  du 
Saint-Sacrement. 

Le  Christ  excite  une  souveraine  admiration;  c'est  à  coup 
sur  l'homme  décrit  dans  l'épitre  du  consul  Lentulus  :  «  Il 
est  beau  de  corps,  grand  de  taille  et  d'une  telle  apparence 
que  chacun  l'aime  et  le  craint.  Il  a  des  cheveux  bruns 
comme  la  couleur  d'une  aveline  mûre,  lisses  et  foncés  sur 
la  tête,  mais  un  peu  plus  clairs  au  bout  et  légèrement  bou- 
clés sur  les  épaules.  Il  les  porte  séparés  au-dessus  du  front, 
à  la  mode  des  Nazaréens.  Il  a  le  front  ouvert  et  le  visage 
pénétrant  sans  ride  ni  tache,  orné  d'une  légère  rougeur. 
Sou  nez  et  sa  bouche  sont  sans  reproche.  Sa  barbe,  pleine, 
et  pareille  pour  la  couleur  à  sa  chevelure,  n'est  pas  longue 
et  est  partagée  par  le  milieu.  Son  regard  est  plein  de 
fermeté  et  de  sincérité;  ses  yeux  grands  et  vifs  sont  terri- 
bles quand  il  punit,  doux  et  pleins  d'amour  quand  il  en- 
seigne, gais  sans  cesser  d'être  graves...  Sa  figure  est 
distinguée  parmi  toutes  celles  des  enfants  des  hommes.  » 


—  281   — 

Le  peinlre  a  donné  au  Sauveur  une  expression  grave  el 
réflécliie,  qui  captive  et  impressionne.  Il  lient  le  pain  de 
la  vie  dans  la  main  gauche  au-dessus  d'un  calice  gothi- 
que, lève  la  droite  pour  le  bénir  et  semble  articuler  les 
paroles  sacramentelles  :  «  Hoc  est  enim  corpus  meum.  «Ces 
paroles  plongent  les  convives  dans  un  profond  recueille- 
ment. Saint  Pierre  et  saint  Jacques,  qui  se  trouvent  à  la 
droite  de  Jésus,  paraissent  fortement  émus.  Les  autres 
apôtres  ne  le  sont  pas  moins.  Les  uns  pressent  leurs  mains 
sur  leur  poitrine,  les  autres  les  joignent  pour  montrer  leur 
adoration.  Deux  disciples,  qui  sont  assis  à  la  droite  de  la 
table  et  semblent  se  parler,  cessent  soudain  leur  causerie  afin 
de  prêter  leur  attention  aux  paroles  qui  sortent  de  la  bouche 
de  leur  divin  maître.  L'apôlre  saint  Jean  qui  se  trouve  à 
la  gauche  du  Christ,  enchante  les  regards  par  la  majesté 
d'une  céleste  expression.  Rien  n'est  charmant  comme  la 
placide  et  noble  léte  de  ce  disciple.  Une  douce  pâleur,  une 
pâleur  angélique  est  empreinte  sur  son  visage.  Sa  physio- 
nomie noble,  tranquille  et  régulière,  exprime  l'innocence 
et  la  bonté.  De  blonds  cheveux,  crêpés  et  arrangés  en  éven- 
tail avec  une  apparente  négligence,  l'entourent  comme  une 
auréole  sacrée.  Il  baisse  modestement  les  yeux  et  joint  les 
mains  avec  une  profonde  dévotion.  Le  bien-aimé  du  Sau- 
veur porte  un  costume  rouge  par-dessus  lequel  se  déroule 
un  petit  manteau  blanc  doublé  de  vert,  signes  de  chasteté 
et  d'espérance.  Toutes  les  têtes  des  apôtres  se  distinguent 
par  une  expression  attentive,  calme  et  bienveillante.  La 
tête  de  Judas  fait  exception  :  elle  contraste  avec  celles  des 
autres.  L'Iscariote,  qui  est  assis  devant  la  table,  déploie 
une  nonchalance  révoltante.  Sa  tête  très-expressive  est 
couverte  d'une  chevelure  noire,  qui  forme  des  boucles 
naturelles.  L'artiste  s'est  efforcé  d'exposer  son  caractère 
moral  par  son  caractère  physique  :  sa  physionomie  décèle 
bien  un  traître.  Un  sourire  moqueur  (lotte  autour  de  sa 


—  282  — 

bouche.  Il  semble  tramer  son  horrible  forfait,  là,  en  face 
de  son  maître,  au  milieu  de  ses  amis. 

Le  panneau  dont  nous  nous  occupons  a  quelque  chose 
d'enchanteur;  il  prouve  une  fois  de  plus  la  puissance  du 
langage  plastique.  La  candeur,  la  bonté,  peintes  sur  les 
visages  des  apôtres,  la  simplicité  de  leurs  vêtements  et  de 
leurs  attitudes,  la  régularité  et  la  propreté  qui  régnent  dans 
tous  les  endroits  de  l'appartement,  vous  montrent  d'une 
manière  exacte  la  vie  naïve  et  paisible  de  nos  pères  au 
XV^  siècle,  et  vous  remplissent  de  saintes  et  salutaires  émo- 
tions. On  oublie,  à  l'aspect  de  ce  panneau  radieux,  qu'on 
végète  à  une  époque  de  matérialisme  et  de  passions.  Un 
heureux  anachronisme  vous  tourne  un  instant  la  tète  :  on 
se  croit  au  milieu  d'une  autre  génération,  d'une  génération 
droite  et  heureuse.  On  laisse  choir  le  fardeau  de  ses  souve- 
nirs; on  oublie  les  haines,  les  intrigues,  les  perfidies,  en 
un  mot,  les  méchancetés  de  toute  nature  qui  vous  affligent 
journellement,  car  l'on  goûte  les  béatitudes  de  la  paix,  de 
la  paix  avec  les  hommes,  de  la  paix  avec  Dieu. 

Au  point  de  vue  de  l'art,  ce  tableau  est  l'un  des  joyaux 
les  plus  admirables  de  l'école  néerlandaise.  On  dirait  que 
le  génie  de  l'artiste  a  rassemblé  toutes  ses  forces  pour  se 
signaler  par  la  création  de  ce  chef-d'œuvre.  La  plus  fran- 
che imitation  de  la  vie  réelle  s'y  montre  embellie  de  toutes 
les  magnificences  de  la  couleur.  Chaque  tête  est  un  por- 
trait étudié  et  reproduit  avec  une  sollicitude  sans  égaie. 
On  ne  peut  rendre  par  des  paroles  l'expression  du  Sau- 
veur. Avant  de  créer  ce  type,  le  peintre  a  dû  voir  quel- 
que cénobite  consacrant  l'hostie,  et,  tout  entier  à  son 
impression,  librement,  sans  réminiscence  d'école,  il  a 
exprimé  son  sentiment.  Ce  sont  ces  créations  spontanées 
qui  font  d'une  œuvre  d'art  une  chose  éternelle.  Elles  par- 
lent, et  on  les  entend  à  travers  quatre  siècles  aussi  nette- 
ment qu'au  premier  jour,  parce  qu'elles  émanent  d'une  âme 


—  283  — 

indépendanlc  el  complète,  parce  qu'elles  sont  le  produit  du 
génie  ! 

Le  51  aoùl  18G5,  tandis  que  la  Cène  se  trouvait  dans  la 
cour  de  riiôtel-de-ville  pour  être  photographiée,  nous  griffo- 
uâmes  dans  notre  calepin  les  lignes  suivantes  :  «  C'est  seu- 
lement au  grand  jour  qu'il  est  permis  d'apprécier  les  qua- 
lités incomparables  de  ce  glorieux  chef-d'œuvre.  C'est  la 
nature  prise  sur  le  fait,  daguerréotypée,  et  le  grand  artiste 
est  arrivé  sans  efforts  à  ce  résultat.  On  n'y  trouve  rien  de 
tourmenté,  rien  de  léché.  Tout  est  modelé  et  fondu  avec  une 
habileté  telle  qu'on  n'en  aperçoit  pas  l'artifice.  Le  parterre 
de  fleurs  dans  le  petit  jardin  est  admirable;  quoiqu'il  se 
trouve  sur  l'arrière-plan,  on  y  dislingue  facilement  cha- 
que plante,  chaque  fleur,  presque  chaque  brin  d'herbe. 
Comme  tous  les  artistes  vraiment  supérieurs,  Bouts  a  appli- 
qué sou  talent  jusqu'aux  moindres  détails  de  son  œuvre; 
il  avait  alors  soixante-huit  ans!  » 

Le  rétable  aura  été  démonté  vers  1707,  lors  du  dépla- 
cement de  l'autel  du  Saint-Sacrement. 

iM.  C.-J.  INieuwenhuys,  en  parlant,  en  1843,  de  deux 
grandes  peintures  de  notre  artiste  qui  ornent  actuellement 
le  Musée  de  Bruxelles,  disait  :  «  Monuments  de  l'art  natio- 
nal, ils  peuvent  en  même  temps  servir  de  termes  de  com- 
paraison, pour  nous  convaincre  que  les  deux  tableaux  qui 
ornent  l'église  collégiale  de  Saint-Pierre,  à  Louvain,  repré- 
sentant l'un,  la  Cène,  et  l'autre,  à  deux  volets,  le  Supplice 
de  saint  Erasme,  bien  qu'on  les  attribue  à  Hemling,  sont 
réellement  l'œuvre  de  Dirck  de  Haarlem,  surnommé  Sluer- 
boul.  »  Sans  avoir  vu  le  livre  de  ce  connaisseur  dis- 
tingué, nous  arrivions  au  même  résultat.  Notre  opinion  fut 
confirmée,  en  18oo,  par  la  découverte  du  manuscrit  de 
Molanus  et  en  1858,  par  celle  de  la  quittance  délivrée 
par  Bouts,  lors  du  paiement  du  tableau  représentant  la 
Cène. 


—  284  — 

iNous  avons  fail  observer  que  ce  lableau  formait  pri- 
mitivement un  triptyque.  M.  Waagen  en  a  retrouvé  les 
volets  (i).  Ce  sont  des  tableaux  d'un  grand  mérite.  Ils 
sont  divisés  en  deux  parties,  dans  le  sens  de  la  hauteur, 
et  offrent  quatre  épisodes  qui  se  rapportent  symbolique- 
ment au  motif  principal.  Deux  de  ces  vantaux  ornent  le 
Musée  royal  de  Berlin;  les  deux  autres  la  Pinacothèque  de 
Munich.  Les  deux  volets  qui  se  trouvent  à  Berlin,  repré- 
sentent :  \°  Le  prophète  Êlie  éveillé  dans  le  désert  par  l'ange 
du  Seigneur;  2°  Une  famille  juive  célébrant  la  Pâque  avant 
de  fuir  la  servitude  égyptienne.  Les  deux  volets  qui  sont 
à  Munich,  représentent  :  1°  La  récolte  de  la  manne,  et 
2°  Le  grand  prêtre  Melchisédec  apportant  à  Abraham  le 
pain  et  le  vin  consacrés.  Ce  sont  des  peintures  très-remar- 
quables et  qui  offrent  une  analogie  frappante  avec  les  deux 
tableaux  de  Louvain.  Le  prophète  qui  dort  est  le  même 
personnage  que  celui  qui  remplit  le  rôle  d'assesseur  dans 
le  martyre  de  saint  Érasme.  «  La  famille  juive  célébrant  la 
Pàque  a  une  telle  ressemblance,  dit  M.  Michiels,  avec  le 
magnifique  ouvrage  de  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain, 
qu'il  persuaderait  les  plus  incrédules.  Ici  l'on  voit  repa- 
raître le  talent  architectonique  du  grand  tableau.  Six  per- 
sonnages, portant  des  souliers  à  la  poulaine,  sont  debout 
devant  une  table  où  est  placé  l'agneau  pascal.  La  nappe, 
l'ombre  des  convives  qui  s'y  projette,  le  pain,  les  vases  à 
boire,  Texéculion  du  parquet,  les  moindres  détails  rap- 
pellent fidèlement  la  Cène.  Le  ton,  le  caractère,  la  facture 
sont  les  mêmes  (2).  »  Il  est  vivement  à  regretter  que  le 
pays  ait  perdu  ces  quatre  oeuvres  importantes. 

Nous  avons  transcrit  plus  haut  un  passage  du  manus- 


(1}  \ oyez  \e  Kunsthladl,  de  1840,  n»  45. 

(2)  M""  Alfrkd  MiciirELS,  Histoire  de  la  peinture  flamande  depuis  ses  débuts 
jusqu'en  1846.  Bruxelles,  186(5,  I.  111,  p  2o8. 


—  285  - 

dit  trouvé,  en  1853,  par  feu  M.  Canuaert,  concernant  les 
trois  peintures  que  liouls  exécuta  pour  notre  palais  com- 
munal. Le  même  volume  contient  un  second  paragraphe 
qui  résume  les  conditions,  stipulées  par  l'autorité,  pour 
l'exécution  de  ces  tableaux.  On  y  lit  ce  qui  suit  :  «  Le  20  mai 
de  la  même  année  (1468),  la  ville  de  Louvain  fit  un  pacte 
avec  ledit  mailre  Thierry  Stuerbout  (i)  pour  une  peinture 
de  vingt-six  pieds  de  large  sur  douze  de  haut,  et  pour  un 
autre  tableau  figurant  le  Jugement  de  Notre  Seigneur,  de 
six  pieds  de  haut  et  quatre  de  large,  pour  le  prix  de  cinq 
cents  couronnes;  lequel  Jugement  est  suspendu  dans  la 
chambre  des  échevins  à  l'hôtel  de  ville  de  Louvain  (a).  » 
Le  premier  de  ces  tableaux  devait  être  divisé  en  quatre 
compartiments  et  était  destiné  à  être  placé  dans  une  espèce 
de  Musée  de  peintures  que  le  conseil  venait  de  créer  dans 
une  chambre  de  l'Hôlel-de-ville,  au-dessus  du  bureau  de 
comptabilité;  le  second  devait  former  un  triptyque.  L'admi- 
nistration communale,  dans  le  désir  de  doter  le  palais  mu- 
nicipal d'œuvres  durables,  résolut  de  faire  acheter  par  un 
homme  entendu,  les  panneaux  nécessaires  à  ces  peintures. 
Renier  Cocx,  menuisier  de  la  commune,  fut  en  conséquence 
chargé  de  se  rendre  à  la  foire  de  la  Saint-Bavon,  à  Anvers, 
à  l'effet  d'acquérir  le  meilleur  bois  de  chêne  (schrynhont) 
qu'il  y  trouverait  pour  la  confection  des  panneaux.  Cet  ou- 
vrier consacra  trois  jours  à  celte  mission.  Il  acheta  le  bois  au 
prix  de  20  florins  du  Rhin.  Après  avoir  payé  le  marchand, 
il  fit  placer  les  planches  dans  le  bateau   qui   devait   les 


(1)  Lisez  :  B  Thieriy  Bouts,  n 

(2)  «  Annoeodem  xx  may,  lieefl  de  stadt  van  Lovcn  verdinghl,  Icgeii  den 
voirseyden  M^  DiERrcK  Stuerbout,  sekere  lafereel  ofl  schilderye  van  xxvi  voclen 
lanck  en  xii  voclen  hooglie,  met  nog  een  lafereel  van  oris  Heeren  Oordeelc 
van  vi  voeten  hooglie  en  iv  voelen  breet,  cm  endc  voor  V"^  (500)  croonen, 
hetwelcke  Oordeel  lianchl  in  de  schepeiie  Camerc  opl  Stadlliuys  le  Loven.  « 
Messager,  p.  10. 


—  286   — 

Iransporler  à  Louvain  (i).  Les  panneaux  furent  confection- 
nés par  Cocx,  assisté  de  ses  ouvriers  (2).  Le  serrurier  Jean 

(1)  «  Item,  totter  reparacien  van  den  vorsc.  welftelen  en  zalen  te  makene 
gecochl  by  Reyneren  'Skocx,  scrynmakere,  tôt  Antwerpen,  ijc  scrynliouls, 
xvjuny,  costethondertxiiij  1/2  r.,  tstuck  texsst.  val.  xxxij  gulden,  xij  plecken.  » 

«  Den  selven  Reyneren  (Coix)  omme  de  twee  tn/felcn  le  makene  die  de  slad 
verdinet  heeft  tegen  Hi:brechte  Stdebbout  (sic),  schildere,  daeraff  de  meesle 
syn  sal  van  xxvj  voele  breet  en  xij  voete  hoeglie,  liangen  sal  boven  op  de  Zale, 
en  d'ander  van  vj  voelen  viercanl;  geeoclil  aïs  voere,  xlv  groote  knorhoule 
van  xij  voelen  lanck,  daeraff  tstuck  cosle  viij  stuvers,  valent  Isamen  xx  guldens. 

»  Den  selven  Reyneren  van  den  voirsc.  boule  te  sceepene  te  doen  vueren, 
omme  te  Loeven  le  brengliene,  Isamen  daervoer  vergouwen  xxij  4/2  plecken. 

»  Janne  Slryne,  scepman,  en  de  Prince,  oie  scepman,  vanden  voors.  boute 
Isamen  te  Loven  te  brengen,  vanden  liondert  vergouwen  xxxvj  stuvers,  en 
tknorlioul  gescat  oie  voir  een  hondert,  valet  tsamen  de  vracht  van  desen 
scepen,  in  gulden  le  liiij  plecken,  vj  gulden.  Vergouwen  hen  beide  en  vol 
betaelt,  prima  julij  Ixviij  en  quyte. 

»  Den  selven  Reynere  gecocht  totten  vorsc.  wercke  ij<^  lyms,  coste  thonderl 
v  stuvers,  valent  tsamen  xxx  pi. 

»  Den  selven  Reyneren  van  iij  dagen  dat  hy  wt  was  omme  tvorscli.  bout  te 
coepene  en  te  scepe  le  bestellene,  van  elken  dage  ben  vergouwen  vj  stuvers, 
valent  le  samen  liiij  plecken.  »  Voyez  Dboeck  van  nuwen  wercken,  14G8- 
14.88,  fo  4. 

(2)  »  Van  eender  Tafelen  te  maken,  van  scrynhoute,  die  Meesler  Dierick 
verdincht  lieeft  te  maken  van  Porlcraturcn,  en  van  meer  andere  clelnen  re- 
feelien  daer  'l  Regisler  stont. 

»  By  Reyneren  Colx  overbracbl,  liem  selven  daer  aen  gewracht,  1  dage, 
iij  vierendeel  van  i  dage.  Item,  Ilenrick  Versannen,  van  gelyken,  xliiij  dage 
iij  vierendeel  van  j  dage,  die  maken  Isamen  xciiij  dage,  vj  vierendeel  'sdaecbs, 
xij  plecken,  xc<=  xlvj  plecken.  Item,  Ard.  Wellens,  xxj  dage.  iij  vierendeel 
dacbs,  's  daechs  ix  plecken,  maken  cxcv  plecken,  xviij  .<tuyvers  payements, 
gedragen  al  tsamen  xiij^  xl  gulden  xviij  stuvers  payements,  valent  xliiij  gul- 
den, xlv  plecken  xviij  stuvers  p.  Item,  Jan  de  Kempencre,  seegere,  van  scryn- 
houte te  scorpen,  xij  plecken  vj  stuvers  p.  «  Compte  du  \"  mai  au  dernier 
juillet  14G8  (69),   folio  93  v. 

«  Refeclie  vander  Tafelen  te  makene  die  hangen  sal  boven  op  de  Zale,  die 
meesler  Diehicke,  de  schildere,  verdinet  lieefl  te  schildene,  etc. 

»  Ilem,  Reyneren  sKoex,  scrynmakere,  overbraclit  hem  selve  daer  aen 
gewracht.  vj  mai  Ixix,  iiij  dage.  Ilem,  xiij  may  Ixix,  iiij  dagen.  Ilem,  xx  in 
mey,  v  dagen.  Item,  xxvij  in  meye  Ixix,  iij  dagen.  Ilem,  iij  juny —  Item, 
X  juny,  v  dagen.  Ilem,  xvij  v  dagen.  Item,  xxiiij  juny,  v  dagen.  Ilem,  prima 
july,  iij  dagen.  Item,  viij  july,  v  dagen.  Item,  xv  july,  vj  dagen.  Item, 
XX  july,  ij  dagen,  etc.  •>  Voyez  Hoec  vav  vuwe  iverckcn,  I4fi9-I477,  n"  1652, 
Colio  i  v». 


—   287  — 

(le  Jonglie  fournil  quatre  doubles  charnières  pour  attaclier 
les  volets  du  triptyque  (i). 

Bouts  commença  par  le  triptyque  qui  devait  représenter 
le  Jugement  dernier.  A  la  fin  de  1469,  l'œuvre  était  déjà 
très-avancée.  En  janvier  1470,  maître  Mathieu  de  Layens 
fit  poser,  à  la  salle  du  conseil,  l'encadrement  en  pierre 
dans  lequel  on  avait  résolu  de  fixer  la  peinture.  Cet  enca- 
drement devait  être  ornementé,  attendu  que  deux  praticiens, 
les  frères  Olivier  et  François  van  Ilombergen,  y  avaient 
travaillé  pendant  quinze  jours  (2).  Le  conseil  se  montra 
très-satisfait  de  l'œuvre  de  Bouts  et  ordonna  de  la  conserver 
avec  soin.  Pour  que  rien  n'altérât  les  couleurs  brillantes 
du  triptyque,  on  l'enchâssa  dans  une  espèce  d'armoire 
couverte  de  toile  qui  se  fermait  à  clef.  Cette  armoire  devait 
avoir  une  apparence  élégante  :  ses  portes  avaient  été  peintes 
par  Hubert  Stuerbout  et  les  ferrures  en  avaient  été  exécu- 
tées par  Josse  Metsys  (3),  Le  même  ferronnier  y  fixa  une 


(i;«  Janne  de  Jongen,  by  Reyneren  overbrachl,  xiij  october  Ixviij,  gemaect 
aen  een  Taverncel  ilal  Mcester  Dierick  sal  maken  van  Porleraluren,  iiij  dobbel 
leen  en  een  slolken,  coste  xiiij  stiivers.  »  Voyez  Dboeck  van  nuwcn  wercke, 
1468-U88,  folio  5. 

(2)  o  Van  eender  lysten  te  maken  in  de  Raelcamere  onder  een  Taverneel 
van  den  Ordeele,  etc.  By  mecsler  Mallieus  (de  Layens)  overgebragt  Olyvier 
van  Hombergcn,  sleenhouwere,  daer  aen  gewracht,  in  winlerdachucren, 
xvij  dagrn,  's  daeghs  viij  plecken,  maken  cxxxvj  plecken.  liera,  Vranck  van 
Homboi'gcn  van  gelykcn  xv  dagen,  's  daeglis  vij  plecken,  samen  maken  ex  pi. 
Item,  Jan  van  Wildere,  cnape,  van  xiiij  dagen, 'sdaghs  iiij  plecken,  Ivj  plecken; 
valent  tsamen  v  gulden  xxxij  plecken.  »  Compte  du  \"  novembre  au  dernier 
janvier  14-G9,  folio  38  v». 

(5)  «  Van  eender  r^me  te  maken,  die  met  lywaet  gecleel  es,  en  gehangen 
voeretegen  de  Tafcle  van  Portralueren,  by  meester  Dierick  Bodt  gemaect. 

»  By  Reyneren  Coix  overbraclit,  liem  selve  daeraen  gewraclil  vj  dage, 
s<laeglis  xij  pleken,  maken  Ixxij  plecken.  Jan  Ysebeele  iiij  dage,  sdaechs 
X  plecken,  maken  xl  plecken.  Gielen  Reyniers,  cnape,  vj  dage,  's  daeclis 
iij  plecken,  xviij  stiivers  payements,  maken  xxij  1/2  plecken,  maken  tsamen 
de  vorsc.  dachuren  cxxxiiij  1/2  plecken. 

>'  Reyneren  voirscreven  van  xij  voelen  weeck  berts  loller  ramen  geievei-l, 
iiij  1/2  plecken.   Ilcm,  Katrynen  Bollens  van  x  ellen  lynens  lakens  daer  de 


—  288  — 

nouvelle  serrure  en  1481  (i).  Pendant  la  même  année,  le 
conseil  fit  placer  devant  le  triptyque  un  candélabre  en  fer, 
à  branche  mobile.  L'objet  avait  également  été  exécuté  par 
Metsys  (2).  Ces  détails  prouvent  combien  on  estimait  alors 
ce  tableau.  En  lo45,  Jean  Willems,  peintre  de  la  ville,  le 
restaura,  et  loucha  de  ce  chef  2  livres  (3).  Au  XVII"  siècle, 
la  peinture  se  trouvait  encore  à  la  chambre  du  conseil, 
ainsi  que  le  prouve  l'extrait  du  manuscrit  que  nous  avons 
transcrit  plus  haut.  Depuis  lors  elle  n'est  plus  mentionnée 
dans  les  pièces  que  nous  avons  parcourues.  Est-elle  dé- 
truite? Orne-t-elle  quelque  collection  particulière  à  l'étran- 
ger? Nous  l'ignorons  complètement. 

Bouts  aborda  ensuite  l'œuvre  qui  devait  être  divisée 
eu  quatre  compartiments  et  dont  il  n'acheva  malheu- 
reusement que  deux  parties,  lesquelles  sont  parvenues 
jusqu'à  nous.  Les  sujets  lui  en  furent  indiqués,  à  la 
prière  de   l'autorité   communale,    par    maître  Jean    van 


rame  met  gecleel  es,  metten  nagele  Ij  plecken,  maect  tsamen  Iv  1/2  plecken. 
HuDRECHTS  DE  SciiiLDERE  (Sluerbout)  vandcr  selver  ramen  en  't  clect  te  promu- 
nercn,  xij  pi. 

»  JoESE  Metsys  van  iij  erocleeden,  daer  de  rame  met  hanct,  en  een  bussiol 
daerop  le  maken  en  le  leveren,  xviij  pi. 

»  Geerdt  van  Dueringen,  van  ij  houvaslen  en  nagelen  tolten  werke  voîr- 
screven,  xviij  pi.  »  Compte  du  l<"'  mai  au  dernier  juillet  1472  (1473  n.  st  ), 
folio  97  vo. 

(1)  «  Ilem,  JoES  Metsys,  sloelmakere,  van  eender  kerspypen  die  gesleit  sal 
worden  in  de  Raelcamere,  vore  Taverneel,  oni  wt  ende  inné  le  doen,  te  vcr- 
linnen  van  nuws  en  wederom  in  een  te  vuegene  en  t^e  stellene  en  le  bruneren, 
en  desgelycx  eenen  yseren  Iioren  dcr  stadl  tocbehoerende  oick  te  vcriinncn 
en  le  bruynerene,  1  gulden  xxiiij  plecken,  »  Compte  du  !'■'  février  au  dernier 
avril  1481,  fol.  179  v. 

(2)  «  JoESE  Metsys,  sloolmaker,  van  eenen  yzeren  bussloote,  met  synrn 
sleutelen,  crammen  en  yseren  gelieerden,  daer  aen  dienende,  op  de  Ta/fde 
van  den  Oirdcele,  in  de  Ractcatnere,  l'samen  hem  vergouwen,  13  martii  1481, 
Ix  pi.  »  .Manuscrit,  n"  1G3I,  fol.  13. 

(3)  «  Belaell  i\y  Willems,  scliilder,  van  hct  Oordeel,  in  île  Raelcamer,  gc- 
repareert  le  hcbbcti,  by  den  manuale  en  synder  quilanlic,  geteekend  xvii  juiiy 
anno  1543,  2  lib.  •>  Comptes  de  la  ville,  fol    208  v». 


—  280  — 

Haeclit,  professeur  de  théologie  à  l'Universilé.  Le  savant 
docteur  les  puisa  dans  d'anciens  gestes  {mit  ouden  zeesten), 
ainsi  qu'il  résulte  d'un  texte  contemporain.  Les  sujets  de 
deux  compartiments  que  l'artiste  parvint  à  achever,  furent 
empruntés  à  une  légende  qu'on  trouve  dans  la  clironiquc 
de  Godefroid  de  Vilerbe,  et  qui  a  trait  à  l'empereur 
Olhon  III  (i).  C'est  une  légende  à  la  fois  tragique  et  mer- 
veilleuse, qui  a  été  fort  répandue  pendant  le  moyen-âge. 
L'évéque  de  Vilerbe  l'a  rédigée  en  vers  latins;  mais  il  en 
existe  bon  nombre  de  traductions  {2).  Nous  allons  la  résu- 
mer :  Pendant  un  voyage  de  l'empereur  en  Italie,  sa 
femme  s'éprit  d'un  chevalier  de  la  cour  qui,  marié  lui- 
même  à  une  femme  qu'il  aimait,  repoussa  les  avances 
de  rim|)ératrice.  Au  retour  du  monarque,  l'impératrice 
accusa,  pour  se  venger,  le  chevalier  d'avoir  voulu  la  sé- 
duire. L'empereur  crut  sa  femme  et,  dans  sa  colère,  il 
fit  immédiatement  décapiter  ce  gentilhomme.  Mais  sa  veuve 
vint  en  appeler  à  l'empereur  de  sa  propre  sentence.  Elle 
ofTrit  de  démontrer  l'innocence  de  son  époux  par  l'épreuve 
du  feu.  Ayant  été  admise  à  subir  cette  épreuve,  elle  se 
présenta  devant  le  monarque  et  tint  dans  la  main  une 
barre  de  fer  rouge,  sans  en  ressentir  le  moindre  mal.  Con- 
vaincu à  celte  vue,  le  souverain  prononça  un  arrêt  de 
mon  contre  sa  femme  qui  fut  brûlée  vive. 

(1)  Godefroid,  évéque  de  Vilerbe,  mourul  en  1 19i.  11  laissa  une  Chronique 
universelle  depuis  le  commencement  du  monde  jusqu'en  H8G.  Elle  fui  éditée 
par  J.  Hérold,  en  1569.  On  la  retrouve  dans  la  collection  des  Scrjpl07-cs 
Rerum  Germanicarum  de  J.  Pistorius,  éd.  de  Ratisboune,  1726,  in-fol  ,  l.  II. 
Notre  légende  s'y  trouve  pp.  528-550. 

(2)  Le  savant  Pertz  en  fournil  des  preuves  dans  VArchiv  dcr  gcsclschafl  fur 
allcre  ileut.iche  GesehiclUskunde,  t.  VI,  p.  612.  Elle  se  trouvait  aussi  dans  une 
ancienne  clironique  de  Louvain  ayant  pour  litre  Guide  Légende  (Légende 
dorée).  M.  le  bai'on  de  Keverberg  de  Kessel  en  a  publié  des  extraits  dans  son 
Ursula,  princesse  Britannique  (Gand,  1818;  notes,  p.  145).  Ce  fut  peut-être 
dans  ce  manusci-il  que  l'on  puisa  les  sujets  de  nos  tableaux.  Nous  ignorons 
ce  qu'il  est  devenu. 


—  290  — 

Celle  légende,  relracée  par  le  pinceau  de  Bonis,  avait 
pour  bul  (l'inspirer  aussi  bien  aux  membres  du  conseil  de 
la  commune  qu'aux  citoyens,  la  hainp  de  l'injuslice  et 
l'amour  de  l'équilé.  Elle  était  en  effet  de  nature  à  éveiller 
dans  leurs  âmes  des  émotions  salutaires  :  la  conscience  de 
cette  veuve  dans  la  justice,  qu'elle  pense  inflexible  même 
pour  un  monarque,  est  fort  significative  et  l'équité  de 
l'empereur  renferme  un  exemple  d'une  grande  élévation. 
On  souhaiterait  peut-être  que  cet  événement  eût  un  fonde- 
ment réel.  Par  malheur  l'histoire  nous  enseigne  qu'il  est 
apocryphe.  Olhon  III,  dont  il  s'agit  dans  la  légende, 
u'affronta  point  les  périls  de  l'état  matrimonial.  Il  mourut 
célibataire  en  1002  et  n'eut  par  conséquent  jamais  pour 
épouse  une  princesse  qu'il  aurait  condamnée  aux  flammes, 
après  avoir  eu  la  preuve  de  sa  culpabilité. 

Les  panneaux,  après  avoir  été  essayés  à  l'endroit  destiné 
aux  peintures,  furent,  en  1470,  descendus  et  transportés 
chez  l'arlisle,  par  trois  ouvriers  tailleurs  de  pierres.  On 
leur  paya  cette  besogne  9  plccken  (i).  L'année  suivante, 
Fautorité  communale  fit  oflVir  à  maître  Jean  van  Haecht 
une  somme  de  6  florins  pour  l'indication  des  sujets,  ainsi 
que  pour  d'autres  services  rendus  à  la  ville  (2). 

Pendant  que  Bouts  travaillait  à  ces  tableaux,  il  fut 
l'objet  d'une  ovation  à  laquelle  il  dut  être  fort  sensible. 

(i)  «  Item,  Jacoppe  Celle,  sleenhouwere,  raet  ij  gesellen  toi  hem,  van  der 
Taffelen,  die  meesler  Dierick,  de  schildere  der  stad  niaken  sal,  van  der  zalen 
toe  doene  en  lot  meester  Dierix  te  vueren,  te  samen  hem  daer  voer  vergouwcn 
ix  plecken.  »  Compte  du  \<^^  novembre  au  dernier  janvier  14-70,  fol.  39. 

(2j  «  Item,  om  alsulken  dienst  en  arbcidl  als  meester  Jan  van  Haeght,  doc- 
toir  in  llieologien,  Augustyn,  gedaen  en  gehadtheeft  in  'l  vinden  der  malerien 
en  personagien  van  den  Tafelen,  die  de  stad  heeft  doen  maken  Diericke 
Stl'erboudt,  schildere,  en  noch  om  andere  diversche  diensie  die  de  selve 
meester  Jan  dicwile  en  menlcliwerven  gedaen  heeft  der  stad  in  diverse  andere 
zaken  en  noch  doen  moclile,  es  hem  daer  om,  by  overdraglie  van  der  stad, 
wlen  Registere,  ghegeven  eens,  in  gulden  le  54  plecken,  6  gulden.  »  Comptes 
de  la  ville  de  1471,  fol.  79. 


-   291   — 

Le  conseil  communal,  dans  le  dessein  sans  doule  de  lui 
exprimer  l'admiration  qu'il  éprouvait  pour  son  talent,  se 
rendit  en  corps  à  son  atelier  et  lui  fit  oflVir,  au  nom  de  la 
ville,  un  panier  de  vin  d'une  valeur  de  90  plecken;  il  ac- 
corda à  la  même  occasion  un  cadeau  de  vin  au  docteur 
Jean  van  Haeclit  (i).  Celte  démonstration  honorait  l'auto- 
rité autant  que  l'artiste.  Elle  nous  prouve  que  les  manda- 
taires de  la  commune  gardaient  au  milieu  de  la  pompe 
magistrale  une  idée  exacle  de  la  vraie  grandeur  humaine, 
qu'ils  reconnaissaient  que  le  don  du  génie  élève  et  transforme 
l'homme,  qu'il  constitue  une  noblesse  naturelle  éminem- 
ment supérieure  à  l'aristocratie  de  la  race  ou  de  la  politique. 

Le  23  juin  1475,  le  menuisier  Renier  Cocx  monta  l'un 
des  panneaux,  au  moyen  d'une  poulie,  et  le  posa  au  ^lusée. 
Il  descendit,  à  la  même  occasion,  les  panneaux  destinés 
à  recevoir  les  autres  peintures  (2). 

Bouts  était  sur  le  point  de  terminer  le  second  tableau 
de  la  légende  de  l'Épouse  d'Olhon  U\,  lorsqu'il  fut  em- 
porté par  la  mort.  C'était  le  6  mai  1475. 

Nous  avons  vu  que  le  conseil  avait  volé  une  somme  de 
500  couronnes  pour  l'exécution  du  triptyque  représentant 
le  Jugement  dernier  et  pour  la  grande  peinture  à  quatre 
compartiments.  Comme   l'artiste   n'avait   pu  achever  que 


(1)  «  Ileui,  len  lyde  doen  meester  Diebick  (Bouts)  voerscreven  dit  werck 
roacte  ende  de  slad  dat  visenteerde,  tôt  synen  huj's,  wordt  hem  ghescinckl 
tenbevelevanden  Burgeraeester  en  den  Heeren  van  den  Rade,  in  wyne,  lopende 
xc  plecken.  Ende  des  ghelycx  gescinckt  meestere  Ja^ne  van  Haeght,  docloir 
inder  Godheit,  die  der  stad  de  matei-ie  gaff,  wt  ouden  Zeeslen,  diemen  scilden 
soude,  was  liera  gescinct  tôt  synen  liuyse  in  wyne  xcix  plecken,  valent  tsanien 
in  gulden  voerscreven  iij  gulden,  xxvij  plecken.  »  Compte  du  l^r  7nai  au  der- 
nier juillet  1480  (vol.  de  1479),  fol.  I(i0. 

(2)  «  Reineren  Colx,  .scrynnaakere,  etc.,  xxv  juny  Ixxiij.  De  selve,  met 
synen  gesellen,  een  windaes  te  stellene  op  de  zale  boven  daer  nien  de  Tuffelle 
van  schilderien  met  op  want,  en  d'ander  stucken  met  afifwanl,  Isamen  hem 
selven  i  dach  daer  aen  gewracht.  »  Dboec  van  nuwe  werken,  1469-1477, 
fol.  89  vo  (n»  1632  de  Pinv.). 


—  292  — 

deux  comparlirnenls  de  celle  dernière  œuvre,  ses  enfanls 
n'avaient  droit  qu'à  un  paiement  partiel.  H  importait  donc 
de  faire  arbitrer  leurs  droits  par  un  artiste  entendu.  Les 
peintres  ne  manquaient  pas  à  Louvain  ;  mais  raulorilé 
communale,  mue  par  un  sentiment  d'équité  qui  l'honore, 
résolut  de  recourir  à  un  artiste  étranger.  Elle  s'adressa  à 
Hugo  vander  Goes,  qui,  après  avoir  été  regardé  comme  le 
premier  peintre  de  l'Europe  en  deçà  des  Alpes,  vivait  alors 
sous  la  bure  au  prieuré  de  Rouge-Cloîlre,  dans  la  forêt  de 
Soigne.  C'était  un  peintre  de  grand  talent.  Affilié  à  la 
corporation  des  peintres  de  Gand,  sa  ville  natale,  à  partir 
de  1465,  il  en  fui  doyen  pendant  deux  années,  de  1473  à 
la  fin  de  1475.  Il  avait  beaucoup  travaillé  dans  la  grande 
commune  flamande  (i).  Une  de  ses  peintures  les  plus  re- 
marquables se  trouvait  autrefois  sur  le  devant  d'une  che- 
minée dans  une  maison  de  Gand,  entourée  d'eau  et  située 
près  du  pont  nommé  het  Muiderbrugsken.  C'était  l'une  des 
perles  de  la  peinture  néerlandaise.  Elle  figurait  la  rencontre 
d'Abigaïl  et  de  David.  Une  circonstance  de  la  vie  du  colo- 
riste en  augmentait  l'intérêt.  Le  propriétaire  de  cette  mai- 
son, Jacques  Weytens,  avait  une  fille  d'une  rare  beauté, 
dont  vander  Goes  ne  tarda  point  à  s'éprendre.  Pour  cap- 
tiver son  affection,  il  avait  tâché  de  reproduire  l'image  de 
la  gracieuse  personne  sous  les  traits  d'Abigaïl,  et  il  y  avait 
parfaitement  réussi.  L'extrême  délicatesse  de  celle  œuvre 
enchantait  les  artistes  autant  que  les  curieux.  Luc  de  Heere, 
au  XVI''  siècle,  la  trouvait  tellement  remarquable,  qu'il 
écrivit  un  sonnet  pour  la  louer  (2).  Malgré  son  talent,  il 
n'obtint  pas  la  main  de  la  jouvencelle.  Bientôt  le  dégoût 
du  monde  s'empara  de  l'artiste  cl  lui  fil  prendre  la  résolu- 
tion d'embrasser  la  vie  claustrale  dans  cette  communauté 


(1)  M""  En    Di;  Dusschiïr,  Recherches  sur  les  peintres  gaulois  des  XI V^  et 
XV«  siècles.  Giiiul,  18o9,  p.   Hl. 
(2j  Karel  va!«  Mander,  I.  I. 


—  -293  — 

de  Rouge-Cloilre  où  les  lellres  el  les  ails  lurenl  loujours 
eu  honneur.  H  était  frère  couvers  à  ce  couvent  lorsque 
le  magistrat  le  fit  prier  d'arbitrer  les  productions  de  Bouts. 
Le  solitaire  s'empressa  d'accomplir  cette  mission  de  con- 
fiance. Il  se  rendit  à  Louvain,  examina  les  peintures,  tant 
le  Jugement  dernier  que  la  Légende  de  réponse  d'Olhon  III, 
et  fixa  les  droits  des  fils  de  son  glorieux  contemporain  à 
306  florins  (i).  Le  conseil,  satisfait  des  procédés  du  frère 
Hugo,  lui  fit  offrir,  à  l'auberge  l'Ange,  à  la  Grand'Place, 
un  cruchon  de  vin  du  Rhin.  C'était  en  1480  (2).  Deux  ans 
après,  Hugo  vander  Goes  mourut,  atteint  de  folie.  Son 

(1)  «  Ilem,  niecsler  Dierick  Boudts,  scildere,  die  tcgen  iler  slad  verdinglil 
liadde  le  scildcne  viere  slucken  van  eender  grooler  lafelcn,  die  aeii  eeii  dienen 
soudcn,  op  een  Sale  oft  Caiiicre  le  setlen  van  poleraluren  ende  scildcrien,  endc 
noch  eenen  cleinen  Tafdnelktne  niel  synen  dueren  van  den  Ordele  eu  daer 
d'Ocrdel  inné  gheslill  es,  bangende  in  de  Ractcaniere,  daire  aff  de  voirscreveii 
Mcesler  Uiericii,  soe  verre  liy  die  volmackl  Iiadde  gcliadl,  souden  liebben 
vander  slad  de  somme  van  v^  cronen,  dweick  alsoe  niel  gliebuerl  en  es,  want 
by  binnen  middclen  lyde  geslorveu  es,  alsoe  dat  de  selve  binnen  synen  lyde 
niel  meer  volmaect  en  beefl,  van  den  grooten  Tafeien,  dan  een  stuck  ende 
tweesle  bynae  volmaecl,  ende  dat  clein  sluck  van  den  Ordele,  bangende  in  de 
Raeleamere,  volmaecl,  dair  voere  de  slad  bem  ende  synen  kinderen  vergou- 
wen  en  belaeil  lieefl,  1er  csturaacien  ende  seallingen  van  eenen  den  nolabel- 
sten  scildere  diemen  binnen  den  landen  bier  omlrinl  wisle  le  vindene,  die 
geboren  es  van  der  slad  van  Ghent  en  nu  wooneclitieb  es  in  den  Rooden 
Cloeslere,  in  Zuenien,  de  somme  van  guldcn  voerscreven  iij<=  vj  gulden, 
xxxvj  plecken.  «  Compte  du  1'=''  mai  au  dernier  Juillet  1480,  f»  139  (vol.  1479). 

Nous  lisons  dans  le  Nuwe  Leenbocc  (1466-1482),  n»  1636,  fol.  2  v,  ce  qui 
suit  : 

«  Int  boec  van  dyvers,  mellen  roeden  couverluren  van  bare,  stael  van 
Meenter  Dierick  de  Porlratucrdere,  int  blat  geteckent  met  xvj.  »  Les  parlicu- 
larilés  que  conlenail  ce  registre  devaient  se  rapporter  aux  peintures  qui  nous 
occupent  en  ce  moment;  maibeureuscineul  le  volume  n'existe  plus  à  nos  ar- 
chives. 

(2)  «  Den  Cancellier  van  Brabant,  xxv  february  Ixxx,  alhier  1er  dachvaerl 
gescliinkl,  ten  bevele  van  der  slaf,  le  Jaunes,  in  den  Hase,  iiij  slocpe  rynscli... 
Eenen  Monck  vandcn  Roeden  Cloeslere  gescliincl,  als  boven,  die  de  Tafele  van 
porlratueren  visiteerde,  boven  't  Registcre,  en  in  de  Raeleamere  iVOirdeel,  te 
Jaunes  (in  den  Ingel)  vorscreveii,  i  stoep  rynseli.  »  Voyez  Scitincken,  compte 
des  dépenses  résultées  de  dom  et  présents  fails  pai'  la  ville,  1469-1495,  iiiv. 
no  1642,  fol.  128  vo.  21 


—  294  — 

confrère  Gaspard  Ofhuys  lui  a  consacré,  dans  sa  Chronique 
du  Rouge-Cloître  (i),  une  notice  inléressanle,  qui  a  été  tra- 
duite et  publiée  par  M""  Alphonse  Wauters,  archiviste  de  la 
ville  de  Bruxelles.  Comme  le  récit  de  ce  moine  nous  prouve 
de  nouveau  que  l'autorité  communale  de  Louvain  avait 
recouru,  pour  faire  abriter  les  œuvres  de  Bouts,  aux  lumiè- 
res d'un  artiste  d'une  grande  réputation,  nous  allons  trans- 
crire quelques  passages  de  la  traduction  de  M.  Wauters  : 

«  L'an  du  Seigneur  \  482  mourut  le  frère  convers  Hugues, 
qui  avait  fait  ici  profession.  Il  était  si  renommé  dans  l'art 
de  la  peinture,  qu'en  deçà  des  montagnes,  disait-on,  on 
n'aurait  pu  trouver  son  pareil.  Nous  avous  été  novices  en- 
semble, lui,  et  moi  qui  écris  ces  choses.  Lors  de  sa  récep- 
tion et  pendant  son  noviciat,  comme  il  avait  été  bon,  plutôt 
que  grand  dans  le  siècle,  le  Prieur  Thomas  (de  Vessem)  lui 
permit  maints  délassements  se  rapprochant  des  joies  ter- 
restres, plus  propres  à  rappeler  la  pompe  du  monde  qu'à 
exciter  à  la  pénitence  et  à  l'humilité.  Cette  tolérance  plai- 
sait peu  à  quelques  moines,  qui  disaient  :  on  ne  doit  pas 
exalter  les  novices,  mais  les  humilier.  Comme  Hugues 
excellait  à  peindre,  nombre  de  grands  et  d'autres,  et  même 
le  très-illustre  archiduc  Maximilien,  venaient  le  voir,  pous- 
sés par  un  ardent  désir  de  contempler  ses  œuvres.  Les  vi- 
siteurs lui  firent  obtenir  du  prieur  la  permission  de  fré- 
quenter la  chambre  des  hôtes  et  d'y  banqueter  avec  eux. 

»  Quelques  années,  cinq  ou  six  environ,  après  sa  profes- 
sion, notre  frère  convers,  si  je  me  rappelle  bien,  partit  pour 
Cologne,  accompagné  de  son  frère  utérin,  Nicolas,  qui  était 
ici  profès  et  donat,  de  Pierre,  frère  régulier  du  Trône  (2), 


(1)  Ce  manuscrit,  écrit  vers  l'an  1500,  appartient  à  M'  le  chevalier  Cam- 
berlyn,  de  Bruxelles.  11  porte  le  titre  suivant  :  Originale  Cenobii  Rubeœ  Vallis 
in  Zonia  prope  Bruxcllam,  in  Brabantia.  L'auteur  Gaspard  Ofhuys,  qui  était 
natif  de  Tournai,  mourut  le  1er  novembre  1523,  à  l'âge  de  soixante-sept  ans. 

(2)  PlERllE    StORM. 


—  295  — 

demeuranl  alors  à  Jéricho,  à  Bruxelles,  el  de  quel(|ues 
autres.  Ainsi  que  je  l'appris  du  donal  Nicolas,  le  frère 
Hugues,  à  sou  retour,  fut  attaqué  pendant  la  nuit  d'une 
maladie  mentale;  il  se  disait  sans  cesse  damné  el  voué  à  la 
damnation  éternelle,  et  il  se  serait  nui  corporellement  et 
mortellement,  s'il  n'en  avait  été  empêché  de  force,  grâce  à 
l'assistance  des  personnes  présentes.  Cette  infirmité  singu- 
gulière  jeta  une  profonde  tristesse  sur  la  fin  du  voyage. 
Cependant  on  parvint  à  ramener  Hugues  à  Bruxelles,  où 
le  prieur  Thomas  fut  immédiatement  appelé.  Le  prieur, 
après  avoir  tout  vu  el  examiné,  soupçonna  Hugues  d'être 
atteint  de  la  maladie  qui  avait  jadis  frappé  le  roi  Saiil,  et  se 
rappelant  le  soulagement  qu'éprouvait  ce  prince  lorsque 
David  jouait  de  la  cithare,  il  permit  d'exécuter  devant  le 
malade  de  la  musique  et  d'y  joindre  d'autres  spectacles  de 
nature  à  récréer  Hugues  el  à  dissiper  les  ténèbres  de  son 
intelligence. 

»  Tous  ces  efforts  restèrent  impuissants,  et  le  malheu- 
reux, abandonné  à  d'autres  pensées,  se  proclamait  un  fils 
de  perdition.  C'est  dans  cet  état  funeste  qu'il  rentra  au 
couvent.  » 

Ofhuys  fait  encore  observer  ce  qui  suit  :  «  Pour  ce  qui 
concerne  les  passions  de  l'âme,  je  sais  de  source  certaine 
que  ce  frère  leur  était  grandement  livré.  11  se  préoccupait 
à  un  point  excessif  de  savoir  comment  il  terminerait  ce 
qu'il  avait  à  peindre;  car,  à  ce  que  l'on  disait  alors,  il 
n'aurait  pu  que  difficilement  achever  le  tout  en  neuf  années. 
Il  lisait  très-fréquemment  dans  un  livre  flamand (i).  » 

Le  chroniqueur  termine  sa  notice  par  cette  phrase  : 
«Il  (Hugues)  est  enterré  dans  noire  cimetière,  en  plein  air.  » 


(1)  M<"  Alph.  VVauters,  l'Histoire  de  notre  première  école  de  peinture  cherchée 
dans  les  meilleures  sources,  dans  les  liulklins  de  l'Académie  royale  de  Belgique, 
2«  série,  t.  XV,  n»  3. 


—  290  — 

Il  résulle  de  ce  qui  piécède  que  le  conseil  communal 
de  Louvain  s'était  adressé  au  plus  grand  peintre  connu 
dans  le  Brabant  pour  fixer  les  droits  des  fils  de  Bouts. 

Le  second  tableau  de  la  légende  de  l'épouse  d'Olhon  III, 
fut  placé  à  côté  du  premier  en  1481.  On  l'attacha  au 
moyen  de  crampons  scellés  dans  le  mur.  Ces  crampons 
avaient  été  forgés  par  le  ferronnier  Arnould  van  Meche- 
len  (<).  Le  conseil  attachait  un  si  grand  prix  à  ces  tableaux, 
qu'il  les  fit  couvrir  de  toiles  tendues  sur  des  châssis  pour 
les  préserver  autant  que  possible  de  la  poussière.  Le  châssis 
destiné  au  second  tableau  fut  garni  de  toile  et  peint  en 
rouge,  en  1481,  par  Hubert  Stuerbout  (2). 

Les  deux  magnifiques  peintures  furent  pendant  près  de 
quatre  siècles  l'objet  de  l'admiration  de  nos  pères.  Louvain 
montrait   avec  orgueil   ses   tableaux  de   Bouts,   comme 


(1)  «  Meesler  Arndt  van  Mechelen,  smet.  —  Item,  de  selve  noch  gemaect 
twee  houvasten,  die  gegolen  zyn  inden  muer  op  de  Camcre,  boven  den  Regis- 
tere,  daer  de  Iweeste  lafele  van  Porlerattiren  met  vast  gliemaect  es,  hem  daer 
voer  vergouwcn  vj  plccken.  »  Compte  de  1481,  fol.   123. 

(2) .«  Reyneren  Colcx,  der  stad  scrynmakere,  overbracht,  hem  selven  eu  syn 
knapen,  ix«°  february  Ixxxjtich,..  Ende  eene  rame  voere  de  Tafele  slaende  op 
de  camere,  boven  den  regislere,  gemaect  dat  de  scilderie  niet  beslieven  en 
soude,  etc...  xlij  plecken. 

»  Item,  by  Janne  Bocxhoren  aen  de  voersc.  rame  gelevert  Iwee  denen 
sperren,  costen  tsamen  ix  plecken. 

»  Item,  Peeterede  Kempeneere,  en  syn  gheselle,  seghers,  aen  voers.  werck 
ghesaeghl  eenen  dach,  valet  xvj  pleeken. 

«  Item,  Anthonys  Bruynick,  smet  op  de  Groole  Merckt,  aen  voersc.  werck 
gelevert  dyverse  nagelen,  om  xxiij  plecken  (fol.  124  et  verso). 

»  Item,  meesler  Holbrecht  dev  slad  scildcre,  vander  ramen  staende  op  de 
camere,  boven  den  RegUtere,  le  cleedene  met  lynen  lakene,  ende  dat  roet 
gbeprumeert,  dwelck  men  gehangen  heeft  vore  de  Iweeste  Tabernakele  oft 
lafele  van  Poleratueren,  boven  Registre,  om  dat  sy  niet  bederven  en  soude  van 
den  ghesluewe,  dair  loe  gecocht  x^e  ellen  lynes  lakens,  cosle  d'elle  iiij  1/2 
plecken,  syn  tsamen  xlv  plecken.  Item,  van  j  l/2<:  spannagele  vergauwen, 
j  1/2  |)leckeu.  Hem,  vore  't  prumueren  ende  op  te  slane  t  voirsc.  lynen  laken, 
vergouwen  xviij  plecken,  syn  altsamen  Ixiiij  1/2  plecken.»  Compte  du  i^^  fé- 
vrier au  dernier  avril  1481,  foi.  123. 


—  297  — 

Bruxelles  ses  tableaux  de  vander  Weyden  et  Bruges  ceux  de 
David  Gérard,  d'Oudewaler.  Tout  prouve  qu'on  les  tenait 
en  grande  estime  (i).  En  1S78,  le  magistral  chargea  Henri 
de  Muyser,  poêle  en  titre  de  la  chambre  de  rhétorique  la 
Rose,  de  mettre  en  vers  flamands  la  légende  représentée 
par  Bouts  (2).  Ces  vers  furent  ensuite  inscrits  en  lettre  d'or 
sur  deux  panneaux,  qu'on  plaça  à  côté  des  peintures. 
Notre  historien  Guillaume  Boonen  nous  a  conservé  ces 
inscriptions.  Nous  les  transcrivons  de  son  manuscrit, 
achevé  en  1594  : 

Als  men  necjen  hondert  Jaer  gescrcvcn  —  heefl. 

En  LXXXV,  naer  scrifls  oirconden  —  ivaer, 

Men  Otto  den  dcrden  keijser  sien  leven  —  heefl. 

Toi  Roomen  seer  wonderlijck  bevonden  —  daer; 

Het  is  een  spiegel  toi  allen  slanden  —  clacr, 

Voer  aile  richters,  hoort  ivat  hij  bedreven  ■ —  heefl, 

Doer  sijn  vaische  vrouive,  ivilt  dit  doergrotiden  —  swaei\ 


(1)  M""  Alph.  Wauters  a  démontré  d'une  manière  incontestable,  selon  nous, 
que  les  deux  tableaux  représentant  la  Légende  de  l'épouse  d'Othon  III  doivent 
èlre  considérés  comme  deux  parties  de  la  grande  peinture  commandée,  en 
1468,  par  la  ville  de  Louvain  à  Bouts,  peinture  qui  devait  être  divisée  en 
quatre  compartiments  et  avoir  douze  pieds  de  haut  sur  vingt-six  de  large. 
«  ils  ont  en  effet,  dit-il,  3m,23  (1 1  1/2  pieds  plus  une  légère  fraction)  de  haut 
sur  1°>,83  (6  1/2  pieds,  soit  s'il  y  en  avait  quatre,  20  pieds)  de  large.  » 

En  parlant  des  deux  annotations  trouvées  en  1835,  par  M.  Cannaerl,  le 
même  auteur  fait  remarquer  ce  qui  suit  :  «  En  rappelant  les  grandes  com- 
mandes faites  à  Bouts  par  la  ville  de  Louvain,  elles  en  ont  à  tort  doublé  l'im- 
portance par  la  distinction  qui  y  est  établie  entre  les  deux  tableaux  de  la 
Légende  d'Othon,  et  qui  furent  évaluées,  y  est-il  dit,  à  230  couronnes  d'or, 
et  les  deux  compositions  :  le  Jugement  dernier  et  le  grand  quadriplyquc  que 
la  ville  commanda  la  même  année  1408,  le  20  mai,  au  prix  de  300  couronnes 
d'or.  Celte  commande  seule  repose  sur  une  donnée  incontestable;  les  enfants 
de  l'artiste  reçurent  de  ce  chef  306  couronnes,  somme  dont  il  suffît  de  défal- 
quer 76  couronnes,  qui  sera  la  valeur  vénale  du  Jugement  dernier,  pour  re- 
trouver le  chiffre  de  230  couronnes  mentionné  plus  haut.  »  Voyez  Wauters, 
Thierry  Bouts  ou  de  Harlem,  Bruxelles,  1863,  pp.  24-25. 

(2)  «  Betaell  Henrick  de  Muyser,  facteur  van  de  Roose,  voer  't  compo- 
neren  van  sekere  xxii  regulen  om  te  doen  schilderen  ofle  schryven  op  twee 
dorcn  van  den  Taferecle  in  de  Haelcamcre,  nader  blyckende,  by  d'acte  getce- 
kent  :  DE  LA  Hailt,  en  quitantic,  5  in  oct.  1378.  » 


—  298  — 

Hij  't  rccht  mishandelt  ende  seer  doen  sncven  —  hceft, 
Wnnt  hij  haer  te  vêle  geloofs  gegeven  —  heeft, 
Soo  dm  hij  sijn  ivijsheil  heel  cosl  verdooven. 
Een  smeeckende  vrouwe  en  will  niel  gelooven. 

Dese  vrouwe  in  liefde  onlsleken  —  was, 
Op  eenen  Grave  int  Hoff,  vermaert  —  seere, 
Van  Venus  wercken  dat  allen  haer  spreken  —  ivas, 
Segghende  :  U  ionsle  le  mijwaerls  baert  —  heere. 
Hij  refuseerde  haeren  valschen  aerl  —  leere, 
Dinckende  dat  sij  van  quaeden  ireken  —  tvas; 
Dus  heeft  sij  hem  bijden  Keiser  besivaerl  —  meere, 
Van  forisen,  dwelck  scheen  aen  haer  gebleken  —  icas. 
Dus  die  Keiser  haeslich  daer  aent  vreken  —  was, 
Ende  dede  hem  onthoofden  en  slortten  sijn  —  bloet; 
Een  groole  saecke  verhaesl  en  was  noijl  —  goet. 

Doen  die  Keijser  te  redite  geselen  —  ivas, 

Quamp  de  vrouwe  en  bracht  huers  mans  hoot  —  daer, 

En  seide  :  blust  mijn  begeerte  om  welen  —  ras; 

Wal  verbuerl  die  een  ontschuldich  bringhl  1er  dool  —  swaer  ? 

Lijff  en  goet,  sprack  hij,  ofl  hij  cleijn  oft  groot  —  mier  ! 

Ghij  hebt  dat  ghedaen,  en  vreesdij  der  schanden  —  niel, 

Want  ick  sal  hier  maecken  u  quaet  exploot  —  claer; 

Met  een  geloijende  ijser  in  mijn  handen  —  siet, 

Swoer  sij  bij  den  levenden  Godt,  sonder  verbranden,  —  iet; 

Dies  hij  allen  verwondert  waeren  mans  en  vrouwen. 

Wij  salse  beschaemen  die  op  Godt  betroniven  ? 

Den  Keiser  dee  sijn  ivijff  examineren  —  ivel, 

Op  dat  sij  de  waerheijt  le  rechle  belijden  —  sau. 

En  dede  haer  metten  hranl  executeren  —  snel, 

Soo  dat  hij  sijn  eere,  daer  met  bevrijden  —  wau  : 

En  sprack  :  ick  sal  voer  mijn  bruit  noch  verhlijden  —  au; 

Muer  sij  bleeff  in  haers  mans  liefde  constant  vroel. 

Doen  sprack  hij  lot  haer  :  will  mij  caslijden,  nau! 

Sijn  heeren  verbaeden  aen  huer  voer  igeheel  lant  —  goet, 

En  gaven  haer  vîer  sloten  slerck  en  plaisant  —  soet, 

Om  sijn  wijsheijt  wille  vermaert  seer  loffelijck; 

Als  die  wijsc  dolen,  dolen  sij  groffclijck. 


—  ^299  — 

Au  XVII''  siècle,  les  deux  grands  lableaux  de  Bouts 
farciil  déplacés.  On  les  fixa  dans  la  boiserie  du  prétoire 
des  échevins  (i).  A  cette  époque,  les  peintures  commen- 
çaieiU  à  soulFrir  des  ravages  du  temps.  Mais  le  conseil 
communal,  qui  comprenait  la  valeur  de  ces  œuvres,  résolut 
de  les  faire  retoucher  avec  soin.  On  s'adressa  à  cet  eiïet 
à  Daniel  Mobiliers,  de  Bruxelles,  qui  jouissait  d'une  cer- 
taine réputation  conjme  restaurateur.  Il  était  fils  de  Pierre 
Nobiliers,  attaché  au  service  des  archiducs  pour  veiller  à 
la  conservation  des  tableaux  qui  garnissaient  les  palais  de 
Bruxelles  et  de  Tervueren.  Cet  artiste  se  présenta  devant 
le  conseil,  à  la  séance  du  6  novembre  1628,  et  offrit  de 
remettre  à  neuf  tant  les  tableaux  qui  ornaient  la  chambre 
du  conseil  que  ceux  qui  se  trouvaient  au  prétoire  des 
échevins,  moyennant  une  somme  de  600  florins.  Le  con- 
seil, après  mûre  délibération,  lui  proposa  une  somme  de 
450  florins  et  cette  proposition  fut  acceptée  (2). 

(1)  Une  éliquelte  rédigée  au  XVIIle  siècle,  qui  se  Irouve  dans  le  compte  de 
1479,  porte  ce  qui  suit  :  «  Vide  l'ciiciiinge  1479,  f"  159  verso,  meester  Dieuick 
BouDTS,  schilder,  die  de  schilderye  van  de  bougeringhe  gescliilderl  lieeft  voor 
de  somme  van  500  croonen.  « 

(2)  «  Daernaer  is  verliacll  dat  alliier,  binnen  dese  stadi,  by  occasie  was 
gecomen  sekeren  seer  constigen  en  vermaerdcn  schilder,  hy  naeme  Danill 
Nobiliers,  die  welcke  hem  hadde  vermelcn  te  beleren  en  le  versien  die  schil- 
deryendeser  sladl,  slaende  soe  inde  Raedt  caemer  als  in  de  Schepenen  camere, 
en  deselve  te  stellen  in  aisulken  slaet  gelyck  oft  die  nyeuwl  svaren,  Waer  op 
gelet  wesende  en  considerende  de  weerde  der  voorsc.  schilderyen  is  geseght 
den  voorsc.  meester  schilder  te  hooren.  Die  welcke  innegecomen  wesende,  en 
hem  voergehouden  synde  l  gène  voers.  is,  heeft  die  selve  l  synen  lasle  geno- 
men  die  voers.  schilderyen  te  beteren  en  die  in  slaele  te  steilen  en  le  levcreu 
gelyck  oft  die  selvc  nyeuwl  waeren  en  sonder  lelscl,  hebbende  dacr  voer  ge- 
heysl  die  somme  van  sesse  hondert  guiden  cens. 

»  Dan,  ten  leslcn,  en  naer  lange  discourssen  ende  propositien,  is  hem 
finaelycken  van  sladis  wegen  geboden  die  somme  van  vier  hondert  en  vyftich 
guldens  cens,  waer  voer  hy  de  voersc.  belernisse  alsboven  heeft  aenveerl  te 
doene,  binnen  dese  stadt,  ailes  op  visilalie  van  meeslers  hun  des  verstaende 
over  l  voersc.  loffelyck  werck,  enz.  in  forma.  Hebbende  die  selve  Nobiliei's  le 
dyen  eynde,  onder  die  minute  vande  resolulien  dcser  sladt,  daer  over  gehoii- 
den,  geslelt  synen  naeme  en  was  onderleekenl  Damei.  Nobiliers.  »  RnoUtlimi 
(lu  magistral  du  6  novembre  1628,  fol.  171  v". 


—  300  — 

Ail  commencement  lie  noire  siècle,  les  deux  tableaux  de 
Bouts  se  trouvaient  toujours  à  la  salle  des  échevins  «  fixt^ 
dans  une  boiserie;  à  côté  de  cbaque  tableau  étaient  lies 
panneaux  contenant  une  inscription  flamande  explicmrice 
de  chaque  sujet  et  écrite  en  lettres  gothiques  et  dorées.  » 
Cette  place  ayant  été  convertie,  en  1814,  en  salle  de  réu- 
nion de  la  garde  bourgeoise,  on  cloua  souvent  l'ordre  du 
jour  au  bas  de  l'un  de  ces  tableaux.  On  conçoit  que  celte 
circonstance  contribua  à  les  détériorer.  Un  auteur  qui  les 
vit  en  1826  en  parle  en  ces  termes  :  «  Dans  les  derniers 
temps,  l'entretien  de  ces  deux  beaux  morceaux  avait  été 
négligé,  et  ils  menaçaient  de  tomber  en  ruine;  la  couleur 
commençait  à  s'écailler  en  divers  endroits,  et  le  vieux  vernis 
était  décomposé  par  l'humidité  des  murs  contre  lesquels 
ils  étaient  placés;  de  plus,  ils  étaient  couverts  d'une  crasse 
tellement  noirâtre,  qu'on  pouvait  à  peine  distinguer  l'effet 
des  couleurs  (i).  » 

On  sait  que  le  prince  d'Orange,  depuis  Guillaume  II, 
roi  des  Pays-Bas,  avait  un  goût  prononcé  pour  les  beaux- 
arts.  Lorsqu'il  n'était  que  simple  prince  héréditaire,  il  se 
forma  une  collection  de  peintures  sans  pareille  dans  la 
Néerlan(^e.  11  encouragea  nos  de  Keyzer,  nos  Gallaif,  nos 
Geefs,  nos  Geerts,  aussitôt  qu'il  fut  assis  sur  le  trône.  Or, 
le  prince  visita  notre  Hôlel-de-ville  en  1 826.  En  parcourant 
les  différentes  salles  de  l'admirable  monument,  il  s'arrêta 
devant  les  tableaux  de  Bouts.  Il  les  trouva  fort  remarquables 
et  regretta  vivement  qu'on  les  laissât  périr.  En  amateur 
éclairé,  il  résolut  d'essayer  de  les  soustraire  à  une  perte 
presque  certaine  et  d'en  enrichir  sa  collection.  A  la  demande 
du  prince,  le  roi  Guillaume  I"  s'adressa  au  magistrat  avec 
prière  de  vouloir  bien  lui  céder  les  deux  vieux  tableaux. 
Le  monarque  en  offrit  une  somme  assez  ronde.  En  1817 

(1)  )I.  NitiwEMii^s,  ouvriiirc  tilt',  |i.  ii. 


—  501   — 

on  avait  démoli  le  local  de  la  Table-Ronde,  qui  occupait 
le  côlé  méridional  de  la  Grand'  Place.  A  plusieurs  reprises 
déjà  l'adminislralion  communale  avait  essayé  de  vendre 
l'emplacement  qu'avait  occupe  le  vieil  édifice,  à  la  condi- 
tion, pour  l'acquéreur,  d'y  élever  des  habitations  d'après 
un  plan  déterminé;  mais  on  ne  trouvait  pas  d'amateur.  Il 
fallait  cependant  combler  le  vide.  Le  conseil  prit  donc  la 
résolution  de  faire  construire,  aux  frais  de  la  commune,  un 
édifice  monumental  sur  l'emplacement  de  la  Table-Ronde. 
Malheureusement  les  ressources  manquaient.  On  ne  dis- 
posait que  de  18,522  florins.  Dans  le  désir  d'augmenter 
ce  fonds,  le  conseil  résolut,  en  séance  du  9  décembre  1826, 
d'offrir  au  roi  les  deux  tableaux  de  Bouts,  moyennant  la 
somme  de  10,000  florins  des  Pays-Bas.  Le  roi,  avant  de 
statuer  sur  la  demande  de  la  commune,  exprima  le  désir 
de  connaître  l'avis  de  la  commission  locale  pour  la  conser- 
vation des  objets  d'art,  alors  composée  de  Joseph  de  Bare, 
curé  de  Sainl-Quenlin,  Martin  Hensmans,  architecte,  Jean 
van  Dorne,  peintre,  J.-P.  Gecdts,  directeur  de  l'Académie 
des  Beaux-Arts,  J.-B.  Slappaerts,  amateur  de  tableaux,  et 
Ph.  Verheyden,  architecte.  Dans  sa  lettre  à  la  régence,  eu 
date  du  8  février  1827,  la  commission  disait  :  «  Voir  en- 
lever les  deux  tableaux  les  plus  rares  qu'elle  possède,  ne 
pourrait  jamais  avoir  l'assentiment  de  la  commission,  si 
ce  n'était  dans  l'intérêt  même  des  arts;  en  efl'et,  elle  croit 
qu'il  est  impossible  à  la  ville  de  faire  une  collection  de 
tableaux  antiques  qui  puisse  dignement  figurer  à  côlé  des 
deux    tableaux   en  question   qui   certes  peuvent  tenir  le 
premier  rang  dans  le  plus  beau  cabinet  de  ce  genre.  Une 
autre  considération,  qui  ne  lui  permet  pas  de  balancer  sur 
ce  qu'elle  a  à  faire,  c'est  l'emploi  des  fonds  qui  provien- 
draient de  celle  vente;  et  si  la  commission  a  le  vif  regret 
de  ne  plus  pouvoir  admirer  ce  chef-d'œuvre  de  l'art,  elle 
a  la  douce  satisfaction  d'apprendre  que  le  produit  en  sera 


—  302  — 

employé  à  l'éreclioii  d'un  monument  sur  remplacement  de 
l'ancienne  Table-Ronde  et  qui,  elle  ose  l'espérer,  sera  digne 
de  figurer  à  côté  de  noire  superbe  Hôlel-de-ville.  »  Le  roi, 
après  avoir  pris  connaissance  des  pièces,  approuva  l'acquisi- 
tion des  tableaux,  au  prix  de  10,000  florins,  par  son  arrêté 
du  13  avril  1827.  Celte  somme  fut  payée  sur  les  fonds 
votés  pour  la  construction  du  palais  du  prince  d'Orange, 
maintenant  Palais  ducal,  à  Bruxelles  (i).  La  régence  adressa 
une  lettre  de  remerciments  au  souverain,  le  4  mai  1827, 
et  le  4  octobre  suivant  les  deux  admirables  peintures  furent 
déposées  sur  une  charelle,  en  présence  de  M""  C.-J.  JNieu- 
wenhuys,  et  transportées  à  Bruxelles  (2).  Elles  furent  im- 


(1)  M.  NiEL'WENHUYS,  dans  ses  Remarques  sur  quelques  tableaux  historiques  et 
sur  les  circonstances  qui  ont  amené  la  desiruclion  des  uns  et  le  déplacement  des 
autres,  qu'il  a  fait  imprimer  en  18GI,  pense  que  nous  nous  sommes  trompé. 
«  M.  Edward  van  Even.  n'est  pas  exact,  observe-t-il,  lorsqu'il  dît  que  le  paie- 
ment de  ces  tableaux  a  été  fait  sur  les  fonds  votés  par  la  Nation  pour  la  con- 
struction du  palais  du  prince  d'Orange,  maintenant  le  Palais  Ducal.  Ils  ont 
été,  comme  nous  venons  de  le  dire,  acquis  des  propres  deniers  de  S.  M.  Guil- 
laume l"-'',  pour  la  somme  de  10,000  florins  des  Pays-Bas.  Les  membres  de  la 
Famille  royale  étaient  alors  dans  l'usage,  aux  jours  anniversaires  de  la  nais- 
sance de  chacun  d'eux,  de  se  faire  mutuellement  des  présents  de  tableaux,  et 
la  généralité  de  tous  les  objets  d'art  qui  composaient  la  galerie  du  prince 
d'Orange,  depuis  S.  M.  Guillaume  II,  fut  payée  avec  libéralité  de  ses  fonds 
privés.  » 

Les  allégations  de  M.  Nieuwenhuvs,  en  ce  qui  concerne  les  peintures  de 
Louvain,  tombent  devant  l'art.  2  de  l'arrêté  royal  d'acquisition,  en  date  du 
13  avril  1827,  qui  porte  ce  qui  suit  :  <<  Onze  Hlinister  van  binnenlandsclie 
Zaken  le  magtigen,  om  van  liet  Stedelyk  Bestuur  van  Leuven,  voor  eene  som 
van  10,000  guld.,  aan  te  koopen  de  twee  evengemelde  schilderyen  van  Hem- 
meling,  en  zulks  ten  behoeve  van  het  Paleis  van  onzen  beminden  zoon  den 
Prins  van  Oranje,  te  Brussel;  zullende  die  gelden  worden  aangcvoezen  op  de 
fondsen  voor  den  opbouw  van  het  zelvn  paleis  beslemd.  »  11  resulle  du  dossier 
que  l'ordonnance  de  paiement,  mandatée  sur  les  fonds  votés  pour  la  construc- 
tion du  Palais  Ducal,  fut  transmise  ù  la  régence  par  .M.  Ewyck,  administrateur 
du  Walerstaat,  par  dépèche  du  14  novembre  1827,  n»  39,  émargée  «  Gebou- 
wen  te  Brussel,  Paleis  van  den  Prins  van  Oranje.  »  L'iniporl  en  fut  encaissé, 
le  7  décembre  suivant,  par  le  receveur  de  la  ville. 

(1)  Voici  le  texte  de  l'altestalion  délivrée  par  .M.  Nieuwenhuys  lors  du  trans- 
fert des  tableaux  de  Louvain  à  Bruxelles  : 

«  J'ai  reçu  de  .Monsieur  le  Bourgmestre  de  la  ville  de  Louvain  deux  grands 


—  503  — 

médialcment  restaurées  avec  le  plus  grand  soin.  On  les 
plaça  ensuite  dans  la  galerie  du  prince  d'Orange.  Elles  y 
excitèrent  la  plus  vive  admiration  et  attirèrent  une  foule 
d'amateurs.  Les  deux  peintures  y  captivèrent  les  regards 
des  curieux  jusqu'en  1859.  En  1841  elles  furent  placées 
dans  la  galerie  royale  de  La  Haye.  Le  15  août  18150,  lors 
de  la  vente  de  la  colleclion  du  roi  des  Pays-Bas,  les  enchères 
montèrent  à  9,000  florins,  mais  les  tableaux  furent  retenus. 
M' C.-J.  Nieuwenliuys  les  acheta,  en  1 856,  de  la  Reine-Mère 
et  les  garda  pendant  cinq  ans.  Il  les  céda,  en  janvier  1861 , 
moyennant  une  somme  de  28,000  fr.,  au  gouvernement 
belge,  pour  être  placées  au  Musée  royal  de  Bruxelles,  où 
elles  occupent  actuellement  la  place  d'honneur  dans  le  salon 
consacré  aux  peintures  flamandes  du  XV«  siècle. 

Les  deux  tableaux  de  Bouts  ont  une  dimension  extraor- 
dinaire pour  l'époque.  Chaque  panneau  a  3  mètres  23  cen- 
timètres de  hauteur  sur  1  mètre  83  centimètres  de  largueur. 
Les  figures  sont  à  peu  près  de  grandeur  naturelle.  Le  pre- 
mier tableau  représente  le  supplice  du  comte.  Les  scènes 
se  passent  dans  un  beau  paysage.  Sur  le  devant  foisonnent 
des  plantes  et  des  fleurs.  Le  lointain  figure  une  ville  du 
moyen  âge,  au  milieu  de  laquelle  s'élève  une  tour  ogivale 
travaillée  à  jour.  Un  horizon  lumineux  couronne  ce  site 
charmant.  Sur  le  second  plan,  on  remarque  le  patient 
conduit  à  la  mort.  Sa  physionomie  exprime  le  calme  et 
l'innocence.  Il  porte  une  longue  chemise  et  a  les  mains 
liées  de  cordes.  Sa  femme  le  suit  de  près.  Elle  a  les  mains 
jointes  et  semble  profondément  aflligée.  Le  comte  se  tourne 


Jableaux  peints  par  Hemmeling,  que  j'ai  amenés  à  Bruxelles  pour  être  remis  à 

Monseigneur  le  Prince  dOrange,  ayant  été  chargé  de  sa  part  de  les  recevoir  à 

Louvain  et  de  les  lui  faire  parvenir  à  Bruxelles. 

»  Louvain,  le  4  octobre  1827. 

'>  Signée  :  C  -J.  Nieuwenhuys.  » 

Inutile  de  faire  observer  que  ces  tableaux  passaient  alors  pour  des  œuvres 

de  Memlinc. 


—  504  — 

vers  sn  fidèle  compagne  el  lui  recommande  sa  jnslification. 
Un  moine  de  Tordre  de  Saint-François  Texiiorle  à  subir 
d'une  manière  chrétienne  cette  injuste  condamnation.  Sur 
le  premier  plan,  le  sacrifice  est  consommé  :  le  corps  ina- 
nimé du  malheureux  gît  sur  le  sol.  Le  bourreau  qui  a 
tranché  la  télé  du  comte  la  remet  à  sa  veuve.  Celle-ci  la 
reçoit  dans  un  morceau  d'étoffe.  Six  juges  assistent  à  ce 
triste  spectacle.  Un  second  bourreau  complète  le  groupe. 
L'empereur  et  l'impératrice  observent  la  scène  du  haut  de 
la  terrasse  d'un  château  de  style  ogival.  Le  monarque  porte 
les  insignes  impériaux.  Il  se  tient  calme  et  fier.  L'impéra- 
trice lui  adresse  la  parole,  le  sourire  à  la  bouche;  elle  a 
l'air  de  se  réjouir  du  triomphe  de  sa  calomnie. 

Le  second  tableau  figure  la  justification  du  comte.  Elle 
a  lieu  dans  un  appartement  magnifique.  Une  mosaïque  de 
carreaux  en  forme  le  sol;  des  vitres  en  losanges  maintenues 
par  des  châssis  de  plomb  en  ornent  les  fenêtres.  Par  une 
grande  porte  ouverte,  la  vue  plonge  dans  le  lointain  :  on 
y  observe  un  paysage  tranquille;  au  fond  de  ce  paysage  se 
trouve  une  ville  considérable.  L'empereur  est  assis  sur  un 
Irône  modeste,   placé  sous  un  dais  orné  de  riches  étoffes. 
Une  splendide  houppelande  de  damas  l'enveloppe  de  ses  plis; 
la  martre  en  ourle  richement  les  bords.  Sa  tête,  légèrement 
inclinée,  est  ceinte  d'une  couronne  impériale.   Sa    main 
droite  tient  un  sceptre,  sa  gauche  repose  indolemment  sur 
sa  poitrine.  A  ses  pieds  sommeille  un  petit  chien.  La  veuve 
du  comte  est  agenouillée  devant  le  monarque.  Sa  physio- 
nomie est  noble  et  tranquille;  elle  a  la  conviction  de  l'in- 
nocence de  son  mari.   Nous  ne  sommes  pas  éloignés  de 
croire  que  cette  tète  offre  les  traits  d'Elisabeth  van  Vos- 
hem,  la  seconde  épouse  du  coloriste;  elle  est  incontesta- 
blement peinte  d'après  nature.  La  femme  porte  une  robe 
à  larges  manches  ornée  de  petits  gris  et  dont  les  plis  se 
développent  harmonieusement.  Un  bonnet  d'étoffe  épaisse. 


—  305  — 

surmonté  d'une  sorte  de  ruche  brodée,  couvre  sa  télé. 
Dans  la  main  droite,  elle  porte  la  tête  de  son  époux,  envelop- 
pée dans  les  pans  d'une  espèce  de  voile  attaché  à  sa  ruche; 
dans  la  gauche,  elle  lient  un  fer  rouge.  Sur  le  sol  se  trouve 
un  brasier  allumé  monté  sur  des  roulelles  pour  le  pro- 
mener autour  de  l'apparlement  (i).  L'empereur  regarde  la 
détermination  de  la  comtesse  d'un  œil  scrutateur;  ses  traits 
portent  l'empreinte  d'une  vive  émotion.  Six  hommes  de  la 
cour  observent  la  scène  avec  une  profonde  surprise.  Ils 
sont  richement  velus,  les  deux  premiers  surtout.  Ceux-ci 
portent  de  courtes  jaquettes  d'éloiïe  précieuse  à  manches 
bouffantes,  fourrées  de  pelleterie,  des  justaucorps  de  drap 
rouge  et  des  souliers  à  la  poulaine.  Les  quatre  autres  spec- 
tateurs ont  des  robes  longues;  leurs  télés  sont  couvertes 
de  mortiers  rouges.  Le  fond  de  la  perspective  représente 
le  supplice  de  l'impératrice  :  il  a  lieu  sur  une  belle  pelouse 
en  pente  douce.  La  séductrice  est  liée  à  un  poteau  qui 
se  trouve  au  milieu  d'un  bûcher;  les  flammes  la  dévorent 
déjà.  Plusieurs  bourreaux  attisent  l'élément  destructeur. 
Deux  groupes  de  spectateurs  assistent  à  l'exécution.  Ces 
petites  figures  sont  traitées  avec  une  adresse  merveilleuse. 
Dans  le  lointain  on  observe  une  ville  entourée  de  murs  à 
bastions  et  dominée  par  une  tour  de  style  ogival,  qui  rap- 
pelle tant  soit  peu  celle  de  l'église  de  Haarlem. 

Le  grand  artiste  nous  a  révélé  d'une  manière  frappante 
dans  ces  deux  peintures  la  rectitude  de  son  esprit  et  l'in- 
génuité de  son  cœur.  On  y  remarque  aisément  qu'il  n'a 
jamais  aimé  à  reproduire  des  scènes  cruelles,  et  qu'elles 
répugnaient  à  son  âme  candide.  Ce  qui  prouve  qu'il  les  a 


(1)  En  1470,  Tadminislralion  communale  fil  exéciiler  un  brasier  à  lusage 
du  bureau  de  comptabilité.  On  lit  dans  le  compte  communal,  fol.  59,  ce  qui 
suit  :  «  Antlionysse  Bruyninckx,  smit,  van  eenen  cleinen  vierwagen  te  makeu 
vanysere,om  op  'tRegister  teorboren,  hem daervoor vergouwen  36  plecken.» 
C'est  sans  nul  doute  ce  brasier  que  Tartiste  a  reproduit  dans  son  tableau. 


—  506  — 

traitées  non  par  goût,  mais  par  devoir,  c'est  qu'il  a  eu  soin 
d'en  éluder  les  circonstances  les  plus  repoussantes.  L'hon- 
nête homme  avait  peur,  il  faut  bien  le  croire,  d'affliger  ses 
spectateurs  ou  de  leur  inspirer  des  sentiments  ignobles. 
Il  n'a  point  voulu  qu'on  assistât  à  l'exécution  du  comte 
innocent;  c'eût  été  un  spectacle  trop  navrant  pour  les 
âmes  tendres  et  généreuses.  Elle  est  donc  terminée  sur 
l'avant-plan  du  premier  tableau.  Le  second  tableau  offre, 
il  est  vrai,  le  supplice  de  l'impératrice,  mais  dans  le  lointain 
seulement.  Nul  sentiment  odieux  n'anime  les  figures  de  ses 
personnages.  Les  assesseurs  semblent  être  des  hommes 
doux  et  tranquilles;  le  calme  de  l'esprit  et  l'amour  du  bien 
sont  peints  sur  leurs  visages.  Les  bourreaux  eux-mêmes 
n'effrayent  point  :  on  les  prendrait  pour  des  gens  compa- 
tissants, tant  ils  ont  des  physionomies  inoffensives. 

Les  deux  tableaux,  dont  nous  venons  de  parler,  sont 
deux  chefs-d'œuvre.  Les  attitudes,  les  gestes,  les  expres- 
sions et  la  couleur  sont  dignes  des  plus  grands  éloges.  Ce 
qui  étonne  le  plus,  c'est  que  ces  œuvres  sont  sorties  du 
pinceau  d'un  homme  âgé  de  soixante-quinze  ans! 

Bouts  laissa,  on  le  comprend,  d'autres  travaux  à  Louvain. 
Jean  van  den  VVinckele,  notaire  de  notre  Université,  qui 
avait  épousé  une  fille  de  Hubert  Stuerbout,  possédait  plu- 
sieurs tableaux  de  cet  artiste.  Deux  de  ces  peintures  sont 
mentionnées  dans  son  testament,  en  date  du  10  juin  150S. 
L'une  représentait  V Adoration  des  Mages,  l'autre  VEjfîgie 
du  Sauveur  (i).  Son  fils,  Jean  van  den  Winckele,  maître  es 
arts  et  docteur  en  médecine,  possédait  trois  œuvres  de 
Bouts,  ainsi  qu'une  production  de  son  fils  Albert  Bouts. 
Ces  tableaux  représentaient  :  \°  SS.  Jacques  et  Joss€;'2°  la 


(l)  <■  Ileni,  liibella  trium  regiim,  quain  fecil  Magisler  Theouoricus,  piclor. 
Ilem,  fncics  Salvaloris,  quam  fecil  iiieiii  Theodoricus.  »  Testament  du 
10  juin  lîJOi).  V.  Proloroles  du  notaire  Jean  van  Wamel,  t.  I,  f»  206. 


—   307   — 

Sainte  Vierge,  et  3°  le  Sauveur.  Par  son  leslamenl,  du 
11  septembre  1554,  il  K^giia  le  premier  à  Jean  van  der 
Moeren,  abbé  de  Sainte-Gertrude;  le  second  à  maître  Micbel 
Driieux,  officiai  de  révèclié  de  Liège,  à  Louvain,  et  le 
troisième  à  Elisabeth  de  Berges,  ancienne  abbesse  de  la 
Cambre.  Il  disposa  du  tableau  d'Albert  Bouts,  qui  repré- 
sentait la  Sainte  Vierge,  et  qui  était  plus  grand  que  celui 
qui  offrait  le  même  sujet,  par  le  père  Bouts,  en  faveur  de 
maître  Jean  Wouters,  chirurgien,  à  Louvain  (i).  En  men- 


(1)  Nous  transcrivons  du  testament  de  vanden  Winckele,  du  11  septembre 
1354,  tous  les  passages  qui  se  rapporlenl  à  des  objets  d'art  : 

«  Reverendissimo  in  Christo  palri  et  domino  Episcopo  Calcedonensi  ac  suf- 
fraganco  Cameracensi,  D»  Marlino  de  Cupere,  Imagincm  Jesu,  opère  vulgo 
tegwerck,  lego  pro  memoria. 

»  Reverendo  in  Christo  patri  et  domino  abbali  Sancle  Gerlrudis  lego  Ima- 
gities  Sancloriim  Jacobi  cl  Judoci,  dcpictas,  ut  pulo,  opéra  quoiidum  Tiieodo- 
Rici,  quos  habuit  pater  meus  a  quodani  predecessore  cjus. 

»  Item,  domino  et  magistro  noslro  Rewardo  ab  Encliusia  (Tapper),  decano 
ecclesie  collégiale  Saneti  Pétri  Lovaniensis,  patri  meo  spirituali  amatis- 
simo,  lego  Imaginem  SancH  Hicronymi  quam  dono  habui  à  magistro  Egidio 
Busiidio... 

»  Item,  consullissimo  utriusque  juris  doclori  domino  Micliaeli  Drulio,  reve- 
rendissimi  domini  Leodiensis  offîciali,  domino  et  ainico  meo  unico,  lego  Ima- 
ginem  béate  Virginis  dcpictam  />cr  Tueodoricum,  arle  sua  excellrntem,  que  est 
minor  ea  qunm  fecit  Albertus  Bouts,  ejus  filius,  et  duas  lagenas  parvas  ex 
vitro  Venetiano,  varii  coloris,  argento  deaurato  et  aque  rosatici  aplatas. 

»  Item,  nobili  et  generoso  domino  Roberto  de  Bergis,  sancli  sedis  aposto- 
lice  Prolonolario ,  lego  petiam  unam  parvam  ex  filo  aurco  lexlam  opéra 
vulgo  legwerck,  in  qua  sunl  rose  diverse,  miro  artificio  contexte,  et  posset 
aptari  ad  coopertorium  calicis  misse  deservientis. 

»  Item,  nobili  et  generose  domine  Elisabetlie  de  Bergis,  aniiquc  domine  de 
Caméra,  lego  Imaginem  Salvatoris  coroiialam,  quam  habui  legatara  ù  pie  me- 
morie  magistro  nosti-o  Godschalco,  cum  ornatu  illi  per  me  annexo,  et  Imagi- 
nem beale  Virginis,  opéra  vulgo  legwerck  conlextam,  et  duas  lagenas  cristalli- 
nas  cum  suis  custodiis  de  coreo,  prout  illas  habui  ab  execuloribus  quondam 
domini  Nicolai  Coppj'n,  decani  ecclesie  Sancli  Pétri. 

»  Item,  abbalisse  Monasterii  de  Caméra  predicti  lego  Imaginem  Susanne, 
similiter  opéra  legwerck  texta,  pro  memoria. 

»  Ilem,  Marie  Heyms,  malri  et  gubernatriei  liospitalis  magni,  in  Lovanio, 
lego  Imaginem  Salvatoris,  non  coronalam,  quam  dono  habui  ab  antiqua  do- 


—  508  — 

tioiuianl  rime  de  ces  peintures,  le  lestaleur  fait  observer 
que  Thierry  Bouts  était  uu  homme  qui  excellait  dans  son 
art,  circonstance  qui  prouve  que  ses  œuvres  étaient  encore 
appréciées  dans  notre  ville  au  milieu  du  XVI^  siècle. 

Une  autre  particularité  nous  prouve  combien  on  esti- 
mait ailleurs  les  œuvres  de  notre  artiste;  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  la  rapporter  ici.  On  sait  que  Marguerite 
d'Autriche,  gouvernante  des  Pays-Bas,  avait  un  goût  pro- 
noncé pour  les  arts  et  les  lettres.  Cette  princesse  cultivait 
elle-même  la  poésie  et  la  musique  avec  grand  succès.  Elle 
avait  fixé  près  d'elle  des  peintres,  des  sculpteurs,  des  musi- 
ciens et  des  savants.  C'était  au  milieu  de  ces  hommes  d'élite 
qu'elle  se  plaisait  à  passer  les  loisirs  que  lui  laissait  l'admi- 
nistration difficile  de  nos  provinces.  Mais  si  la  gente  demoi- 
selle aimait  passionément  les  arts  et  les  lettres,  elle  avait 
une  prédilection  toute  particulière  pour  la  peinture.  Elle  se 


mina  de  Caméra  suprascripla,  et  est  minor  ea  quam  fecil  Theodobicus,  piclor 
supruiiominatus. 

»  Ilem,  magislri  Johannis  de  Ravescliol,  compatri  et  amico  meo  earissimo, 
Imagincm  Salvaloris  coronalam,  opéra  vulgo  borduerwtrck,  sublili  arle  faetam 
et  annulum  meum  cum  lapide  camaliu  in  quo  sculpta  est  imago  capilis  puei'i. 

»  Ilem,  niagistro  Jolianni  Walteri,  cyrurgico,  compatri  meo  earissimo, 
Itnaginem  beale  Virginis,  quam  fecit  Albertds  Bodts,  pictor,  et  est  major  ea 
quam  supra  legavi  domino  Drucio,  et  filio  suo  Jolianni,  pelrino  meo,  peram 
unam  parvam  auream  cum  diamanle  parvo  et  aliis  iili  annexis,  quam  dono 
habui  a  relicla  quoudam  magistri  Ludovici  Scribaens. 

»  Item,  Danieli  van  Voshem,  amico  meo,  Imaginem  beale  Virginis,  sculp- 
tam  ex  ligno. 

»  Ilem,  Joliauue  Boels,  nepti  mee,  et  uxori  Pauli  de  Cupere,  Mechlinie, 
Imagine!'  Ade  et  Eve,  arlificiosc  ex  ligno  sculpte,  cum  custodia  in  qua  suut, 
pro  memoria. 

•)  Item,  Jolianni  van  Couwenlioven  alias  vander  Goes,  lego  Imaginem  liomi- 
nis  mortuis  salis  arlificiose  sculptam  ex  ligno  buxino,  etc. 

»...  in  Capella  Tabulam  in  qua  depicta  est  conversio  Béate  Marie  Mag- 
dalcne.  » 

Liber  lestamenlortim  codicillorum  el  aliovum  Magistri  Johannis  de  Wamel, 
nolarii  curie  conserriatoris  aime  universilatis  Lovaniensis,  1557-1571,  f"  184- 
185. 


—  309  — 

forma  une  colleclion  de  tableaux  composée  de  ceul  licnte- 
qualre  pièces.  Dans  ce  nombre  figuraient  plusieurs  pro- 
duclions  de  Jean  van  Eyck,  de  Rogier  vander  VVeyden, 
de  Jean  Memlinc,  de  Bernard  van  Orley  elde  Micbel  Coxie. 
Parmi  les  morceaux  les  plus  remarquables  de  sa  colleclion 
se  trouvait  une  œuvre  deThierry  Bouts  :  «  une  petite  nostre- 
Dame,  fait  de  la  main  de  Dirick,  »  comme  le  rapporle  une 
pièce  officielle  (i).  Ce  tableau  devait  être  d'une  éclatante 
beauté,  puisqu'il  inspira  des  vers  en  l'bonneur  de  l'artiste 
à  un  amateur  éclairé  des  beaux-arts  de  cette  époque.  Cet 
amateur  éclairé  était  Jean  Lemaire  de  Belges,  le  poêle  de 
dame  iMarguerite.  La  princesse  avait  su  apprécier  le  goût 
délicat  de  cet  écrivain  :  elle  lui  avait  confié  une  mission 
artistique  près  de  l'habile  sculpteur  iMichel  Colombe,  de 
Tours,  et  l'inspection  de  ses  constructions  magnifiques  à 
Brou  en  Bresse.  Le  travail  de  Bouts  le  captiva  tellement 
qu'il  accorda  à  l'artiste  un  éloge  un  peu  entaché  d'hyper- 
bole. Il  le  rangea  hardiment  à  côté  de  Jean  van  Eyck. 
Voici  ce  qu'il  en  dit  dans  sa  composition  en  vers,  intitulée  : 
la  Couronne  marcjaritique;  il  le  nomme  Dicric  de  Loiivain, 
du  lieu  de  sa  résidence  : 

Hugues  de  Gand  qui  tant  eu  les  Iretz  nclz, 

Y  fut  aussi,  et  DiEnic  de  Louvaiin 

Avec  le  roy  des  peintres  Johannes, 
Duquel  les  faits  parfaits  cl  inignonnelz 
Ne  tomberont  jamais  en  oublj'  vain  (2j. 

Ne  tomberont  jamais  en  oubhj!  Celte  prédiction  ne  s'est 
réalisée  qu'à  moitié  :  tous  les  travaux  du  chef  de  l'école 
néerlandaise  n'existent  plus,  et  plusieurs  de  ceux  de  Bouts 


(1)  Comte  DE  Laborde,  les  Ducs  de  Bourgogne,  t.  I,  p.  44. 

{2)  La  Couronne  niargarilique.  Ce  livre  fut  composé  vers  ISH.  L'édition 
originale  est  fort  rare;  il  en  existe  un  exemplaire  à  la  Bibliothèque  royale, 
fonds  Van  Ilullliera,  n»  11901. 


—  510  — 

sont  également  perdus.  Si  ledeslrucleur  universel  a  épargné 
quelques-uns  de  ceux-ci,  ils  demeurent  sans  nom  de  mailre 
ou  passent  pour  des  œuvres  d'autres  peintres.  Cette  cir- 
constance a  inspiré  à  deux  savants  du  Nord,  MM.  Waagen 
et  Passavant,  le  désir  d'essayer,  sur  l'autorité  de  l'analogie, 
de  lui  restituer  quelques  tableaux. 

Le  triptyque  de  la  collection  Vallardi,  qui  a  été  acheté 
par  le  Musée  du  Louvre,  à  Paris,  et  que  l'on  croyait  de 
Memlinc,  doit,  de  l'avis  de  bons  connaisseurs,  être  resti- 
tué au  talent  de  Bouts. 

Le  gouvernement  belge  a  acquis,  en  même  temps  que  les 
grands  panneaux  de  Bouts,  un  admirable  portrait,  qui 
passe  pour  être  celui  de  Charles  le  Téméraire,  mais  qui, 
selon  nous,  est  celui  d'un  grand  personnage  de  la  seconde 
moitié  du  XV^  siècle.  Il  porte  le  collier  de  la  Toison  d'Or 
et  tient  une  flèche  à  la  main,  pour  indiquer  sans  doute  qu'il 
est  président  ou  Chef  Homme  d'un  Serment  d'Archers.  Ce 
portrait,  qui  figure  au  Musée  de  Bruxelles,  est  attribué  à 
Rogier  vander  Weyden.  JNous  pensons  qu'il  est  postérieur 
à  l'époque  de  ce  grand  coloriste  et  qu'il  appartient  au  pin- 
ceau de  l'homme  remarquable  qui  nous  occupe.  Il  est  assez 
possible  qu'il  représente  un  personnage  de  Louvain  du 
XV«  siècle. 

Ainsi  que  nous  l'avons  fait  observer  plus  haut,  le  temps 
a  dû  respecter  d'autres  travaux  de  Bouts,  et  nous  espérons 
qu'on  les  retrouvera. 

M""  Alfred  Michiels  attribue  à  notre  artiste  un  grand  pan- 
neau représentant  la  Marche  au  Calvaire,  qui  fut  mis  en 
vente  à  Paris,  le  13  mai  18S8,  Le  même  auteur  pense  que 
le  célèbre  tableau  qui  orne  la  Chambre  de  la  Cour  impé- 
riale de  Paris,  appartient  aussi  au  pinceau  de  notre  ar- 
tiste (i). 

(1)  MrcHiELS,  Op.  cit.,  1.  Iir,  p.  282, 


—  511  — 

L'inslitul  Slœdel,  à  Francfort,  possède  un  superbe  ta- 
bleau, qui  passe  pour  une  production  de  Uogier  vander 
Wcyden,  et  que  nous  envisageons,  également  comme  une 
œuvre  de  Thierry  Bouts.  Celle  peinture  représente  la 
Sainte  Vierge  debout.  Elle  porte  l'Enfant  Jésus  et  se  trouve 
sous  un  dais  richement  orné.  A  gauche,  on  voit  saint  Jean- 
Baptiste  et  saint  Pierre;  à  droite,  saints  Cosme  et  Damien, 
patrons  de  la  corporation  des  chirurgiens  de  Louvain.  Au 
bas  se  trouvent  trois  blasons,  dont  l'un  porte  les  armoiries 
de  la  famille  patricienne  Liesensone.  Ce  qui  nous  a  fait 
attribuer  ce  lableau  à  Bouts,  c'est  qu'on  y  retrouve  d'une 
manière  à  peu  près  identique  les  têtes  de  saint  Jean  et  de 
saint  Pierre  de  la  Cène,  de  notre  ville.  Il  provient  peut- 
être  de  l'autel  de  la  corporation  des  chirurgiens  de  Lou- 
vain, laquelle  avait  son  oratoire  à  la  collégiale  de  Saint- 
Pierre  (i). 

M.  Waagen  a  cru  reconnaître  le  pinceau  de  Bouts  dans 
deux  pièces  appartenant  à  un  grand  lableau  d'autel.  «  L'une, 
dit  il,  représente  Judas  et  sa  troupe  arrêtant  le  Seigneur, 
et  figure  à  Munich  (cabinet,  n"  58).  La  composition  en  est 
riche  et  animée,  mais  par  la  maigreur  des  formes,  l'angu- 
leux des  altitudes  et  la  rudesse  du  contour,  elle  appartient 
à  la  première  période  de  la  carrière  de  l'artiste.  On  retrouve 
déjà  dans  cette  œuvre  son  admirable  sentiment  des  physio- 
nomies, la  variété  des  carnations,  ainsi  que  la  puissance  et 
la  profondeur  du  coloris.  L'autre  morceau,  VAscension, 
attribué  erronément  à  Memlinc,  orne  la  chapelle  de  Saint- 
Maurice,  à  INuremberg  (n°  23).  Ce  tableau  plait  encore  par 
l'expression  de  dignité  de  la  tète  du  Sauveur,  mais  il  a  été 
dénaturé  par  trop  de  restaurations  (2).  » 


(1)  Le  Messager  de  1838,  p.  H3,  renferme  une  gravure  de  ce  lableau,  due 
au  burin  de  M^  Cli.  Ongliena. 

(2j  G. -F.  Wa.vcem,  Manuel  de  l'hisluire  de  la  peinlurei  écoles  allemande,  fla- 
mande cl  hollandaise,  Bruxelles,  1865, 1.  I,  p.  122. 


—  31^2   — 

Un  tableau,  observe  M.  Waagen,  qui  a  beaucoup  d'ana- 
logie  avec  celui  dont  il  vient  d'être  parlé,  se  trouve  dans  la 
collection  de  TAcadéniie  des  Beaux-Arts  à  Vienne,  où  il 
figure,  par  erreur,  sous  le  nom  de  iMemlinc.  Il  représente, 
assis  sous  une  construction  de  style  ogival,  Dieu  le  Père, 
sur  son  Irène,  et  Jésus-Chrisl,  couronnant  la  Sainte  Vierge 
comme  reine  des  deux.  Derrière  ces  figures  se  déroule  un 
lapis  de  brocart.  De  chaque  côté,  trois  anges  entonnent  des 
cantiques.  C'est  un  tableau  d'une  grande  beauté. 

Dans  la  collection  de  sir  Charles  Eastlake,  président  de 
l'Académie  des  Beaux-Arts,  à  Londres,  se  trouve  un  tableau 
qu'on  attribue  à  Bouts.  Il  a  trois  pieds  et  denji  de  hauteur 
et  autant  de  largeur.  Ce  tableau  représente  les  Funérailles 
d'un  évêque  dans  la  grande  nef  d'une  église  de  style  ogival. 
«  Au  point  de  vue  de  la  distribution  ingénieuse  de  la  corn-, 
position,  de  la  variété  de  l'expression  des  têtes  et  du  fini  de 
l'exécution,  ce  tableau  doit  être  rangé,  dit  M.  Waagen, 
parmi  les  œuvres  les  plus  remarquables  du  maître  »(i). 

La  chapelle  du  couvent  des  Sœurs-Noires,  à  Bruges, 
renferme  huit  panneaux  que  M.  Waagen  envisage  comme 
des  productions  de  Bouts.  Ils  représentent  des  Scènes  de  la 
vie  de  sainte  Ursule.  Les  revers  sont  ornés  de  grisailles, 
figurant  les  quatre  Évangélistes,  les  quatre  Pères  de  l'Église 
elV Annonciation,  Nous  avons  attentivement  examiné  ces 
intéressants  panneaux,  et  nous  pensons  qu'ils  appartien- 
nent, non  à  Bouts,  mais  à  l'un  de  ses  disciples. 

Bouts  doit  être  considéré  comme  l'un  des  plus  grands 
peintres  des  Pays-Bas  du  XV"  siècle.  Il  laissa  des  œuvres 
qui  ne  pâlissent  ni  devant  celles  de  vander  Weyden,  ni 
même  devant  celles  des  frères  van  Eyck.  C'est  un  artiste 
qui  est  lui-même,  qui  se  place  devant  la  nature  et  qui  ob- 
serve et  reproduit  les  particularités  de  la  vie  réelle  avec 

{))  G. -F.  Waagen,  loco  cil. 


—  315  — 

une  sincérité  de  sentiment  et  une  fécondité  de  génie  que 
notre  érudition  académique  ne  peut  plus  atteindre  aujour- 
d'hui. On  l'a  comparé  à  tort  à  Memlinc.  Il  est  avant  tout 
un  imitateur  de  la  nature.  On  voit  dans  ses  œuvres  que  la 
nature  lui  plait,  que  la  vie  lui  suflil,  que  la  poésie  de  la 
vérité  lui  paraît  assez  grande,  et  qu'il  ne  cherche  pas  au- 
delà.  Memlinc  est  un  esprit  méditatif,  un  rêveur,  qui 
crée  un  monde  idéal  et  abstrait;  Bouts  aime  le  monde 
réel  et  le  reproduit  en  l'embellissant,  sans  le  refondre  ni 
le  changer.  L'artiste  est  vrai  jusque  dans  ses  moindres 
détails.  Dans  ses  productions  tout  est  en  harmonie  comme 
dans  la  nature.  On  n'y  trouve  jamais  de  personnages  créés 
selon  la  fantaisie  du  peintre.  Ce  sont  toujours  des  hommes 
et  des  femmes  étudiés  les  uns  après  les  autres.  Après  avoir 
exprimé  la  physionomie  de  son  modèle,  il  copie  de  point  en 
point  son  chapeau,  sa  redingote,  son  justaucorps,  ses  sou- 
liers. Il  reproduit  la  nature  telle  quelle,  sans  mensonge  et 
sans  ornements.  En  imitant  l'homme  physique,  il  ne  néglige 
pas  l'homme  moral.  Le  dedans  lui  semble  aussi  important 
que  le  dehors.  Ses  personnages  sentent  et  pensent  par  tous 
les  traits  de  leur  visage  et  de  leur  physionomie.  Sa  couleur 
est  toujours  vive,  harmonieuse  et  forte.  Elle  n'est  jamais 
fatiguée  ni  refroidie  par  le  travail.  Tout  est  transparent  et 
fini,  sans  cesser  d'être  vigoureux. 

Molanus  fait  observer  que  Bouts  excellait  dans  les  pay- 
sages, qu'il  y  relevait  un  génie  créateur.  Cette  observation 
est  incontestable.  L'artiste  aime  la  nature  rustique  et  la 
reproduit  avec  bonheur.  Les  fonds  de  ses  œuvres  offrent 
toujours  de  magnifiques  paysages  exécutés  d'après  nature. 
Un  air  léger  et  Iransparanl  y  laisse  apercevoir,  à  une  dis- 
tance parfois  énorme,  les  formes  des  constructions  champê- 
tres et  des  arbres.  Le  soleil  dore  les  chaînes  de  montagnes, 
qui  s  etagent  les  uns  au-dessus  des  autres,  plus  claires, 
plus  éclatantes  à  mesure  qu'elles  s'approchent  de  l'horizon, 


-   514  — 

et  produit  une  illusion  complète.  Le  coloriste  répand  uu 
charme  infini  dans  ses  horizons  bleuâtres,  une  fraîcheur 
éclatante  sur  ses  gazons  vigoureux  et  émaillés  de  fleurs. 
Bouts  a  un  mérite  tout  spécial  pour  nous.  Il  nous  laissa, 
en  caraclères  plastiques,  une  grande  page  de  l'histoire  de 
Louvain.  Dans  ses  œuvres  chaque  personnage  est  un  por^ 
trait.  C'est  Peffigie  d'un  ami,  d'un  voisin  ou  d'un  serviteur. 
Nos  pères  du  XV^  siècle  sont  là  :  les  doyens  des  métiers  et 
les  bons  bourgeois  dans  la  Cène,  les  magistrats  et  les  patri- 
ciens dans  la  Légende  de  l'épouse  d'Otfion  III.  C'est  dans 
les  productions  de  Bouts  qu'il  nous  est  donné  de  voir  la 
physionomie  que  faisaient  nos  aïeux  il  y  a  quatre  siècles. 
Elles  prouvent  de  nouveau  que  les  œuvres  d'art  sont  une 
partie  nécessaire,  indispensable  de  l'histoire  proprement 
dite. 

«  L'influence  de  ce  grand  peintre,  dit  VVaagen,  sans  être 
aussi  générale  que  celle  de  Rogier  vander  Weyden  l'aîné, 
dut  être  considérable.  Elle  se  retrouve  de  la  façon  la  plus 
positive  dans  les  œuvres  de  Hans  Memlinc.  Celui-ci  a  dû  à 
Bouts,  non  seulement  la  profondeur  et  la  clarté  du  coloris, 
mais  encore  cette  douceur,  ce  velouté  par  lequel  il  est  supé- 
rieur à  son  propre  maître,  Rogier  vander  Weyden  l'aîné. 
C'est  pour  cela  que  la  plupart  des  tableaux  de  Bouts  ont 
été  attribués  à  Memlinc  (i).  »  C'est  surtout  à  Louvain,  où 
l'artiste  vivait  et  travaillait,  où  ses  œuvres  étaient  admirées, 
qu'il  exerça  une  action  profonde  sur  le  progrès  de  l'art. 
C'est  lui  qui  enseigna  à  nos  artistes  le  style,  la  perspective, 
la  force,  la  fraîcheur  et  l'harmonie  de  la  couleur.  On 
observe  les  efl'ets  de  son  influence  dans  les  œuvres  de  nos 
peintres  jusqu'à  la  fin  du  XVI'' siècle.  L'école  dont  il  fut  le 
chef  produisit,  outre  un  nombre  assez  considérable  de  pein- 
tres secondaires,  un  artiste  hors  ligne,  Quentin  Metsys.  Les 

(I)  Ibid.,  loco  cil.,  p.  126. 


—  5f5  — 

artistes  secondaires,  dont  nous  venons  de  parler,  peuplè- 
rent nos  monuments  de  tableaux  et  de  verrières.  Malheu- 
reusement le  temps  a  anéanti  ou  déplacé  leurs  œuvres  et 
effacé  leur  souvenir.  Nous  avons  fait  des  recherches  pour 
retrouver  leurs  noms;  mais  on  sait  que  les  archives  de  cette 
période  ressemblent  assez  ces  vieilles  cryptes  où  tout  se 
brouille  et  vacille  sous  un  pâle  rayon  de  jour,  et  où  l'on 
n'entrevoit  souvent  que  des  formes  flottantes  et  vagues. 
Cependant  nos  recherches  ne  sont  pas  restées  sans  résultat. 
Nous  avons  découvert,  outre  des  renseignements  sur  la 
situation  de  l'art  à  Louvain,  à  cette  époque,  les  noms  d'un 
grand  nombre  de  nos  artistes.  Nous  allons  publier  les  dé- 
tails que  nous  avons  réuni  sur  ces  coloristes,  avant  de  nous 
occuper  de  Quentin  Metsys. 

Enw.  Van  Even. 
(Pour  être  continué). 


—  316  — 


CARTES 


DE 


LA   FLANDRE   ANCIENNE   ET   MODERNE, 

PLANS  DE  LA  VILLE  DE  GAND  (t). 


i6i\ 


No  o4.  Vue  inlilulée  :  Ecclesia  collegiala  divi  Phara- 
hildis  Petra  comités  vulcjo  hel  graven  casteeL 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  des  bàJimenls  entourant  la 
place  Sainle-Pharaïlde  :  à  droite  le  Chàleau  des  comtes  de 
Flandre  ('s  Gravensleen)  et  la  Cour  féodale  ou  Vieux-Bourg, 
à  gauche  l'église  de  Sainte-Pharaïlde,  dont  l'emplacement 
est  occupé  actuellement  par  le  marché  aux  Poissons  ;  au 
fond  l'hôpital  de  Weenemaere.  La  rue  de  la  Monnaie  où 
se  trouve  l'hôtel  de  la  Monnaie,  qui  communiquait  avec 
le  château,  occupe  le  premier  plan.  Il  n'existe  plus  guère 
maintenant  du  Château  des  comtes,  construit  en  867  et 
réparé  en  949,  que  la  porte  d'entrée,  construite  en  1180, 
et  quelques  tours. 

0,445  sur  0,24. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Flandria  illmtra- 
ta,  etc.,  par  A.  Sanderus.  Cologne,  C.  d'Egmondt  et  O^, 
1641.  Trois  volumes  in-folio.  T.  I,  pag.  100. 

(1)  Suite.  Voir  année  1863,  pp.  329  et  403;  année  1866,  p.  177,  cl  an- 
née 1867,  p.  8. 


—  317  — 

1641. 

N"  35.  Vue  inlilulée  :  Petra  comills,  vulcjo  het  cjraven 
casleel.  Domus  prœtoria  Caslellaniœ  Auderburgensis.  Ec- 
clesia  collegîala  D.  Pharahildis. 

C'esl  une  copie  réduite  de  la  vue  précédenle  (i). 

0,245  sur  0,123. 

Se  trouve  sur  la  carte  de  la  Châlellenie  du  Vieux-Bourg 
de  G  and  (n"  2  des  cartes). 

1641. 

N»  36.  Vue  intitulée  :  Forum  veneris  vulgo  de  Vrydacli- 
maert,  et  ecclesia  S.  Jucobi. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  des  bâtiments  entourant  le 
marché  du  Vendredi.  Au  premier  plan,  à  droite,  se  trouve 
l'église  Saint-Jacques  :  dans  le  haut  on  voit  le  gros  canon 
et  le  marché  au  Fil.  Au  milieu  de  la  place  est  la  colonne 
supportant  la  statue  de  Charles-Quint,  élevée  en  1600  et 
abattue  en  1792. 

0,225  sur  0,155. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Flandria  illustra- 
ta,  etc.,  par  Sanderus.  Cologne,  C.  d'Egmondt,  1641. 
Deux  volumes  in-folio.  T.  I,  pag.  127; 

Et  dans  l'édition  inlilulée  :  Antonii  Sanderî,  etc.  Flan- 
dria illustrata,  elc,  Lahaye,  C.  Van  Lom,  1752.  Trois 
volumes  in-folio.  T.  I,  pag.  239; 

Ainsi  que  dans  la  troisième  édition  qui  a  le  même  titre. 
Lahaye,  C.  et  J.  B.  De  Vos,  1735.  Trois  volumes  in-folio. 
T.  I,  pag.  239. 


(1)  Il  se  trouve  tians  les  autres  éditions  de  Sanderus  une  vue  du  Giiàtenu 
des  comtes,  qui  est  aussi  une  copie  de  la  précédente,  mais  où  Téglise  de 
Sainte-Pharaïlde  ne  se  trouve  pas  (Voyez  n"  74  de  1732). 


—  518   - 

1641. 

N°  37.  Vue  iiililulée  :  Ecclesia  parochîalis  5"  Nicotai 
jiixta  forum  frumentarium  Gandavi. 

Avec  une  légende  de  A  à  H. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  des  bàliments  entourant  le 
marché  aux  Grains.  L'église  Saint-Nicolas  est  à  droite  au 
premier  plan.  La  tour  est  surmontée  d'une  flèche  pointue, 
qui  a  été  enlevée  par  un  ouragan,  le  1"  octobre  1673. 
L'ancien  cimetière,  où  se  trouvait  la  chapelle  de  la  confré- 
rie de  Saint-Georges,  est  à  droite.  A  gauche,  on  a  la  Lys 
avec  les  ponts  de  la  Boucherie  et  aux  Herbes.  Dans  le 
fond  on  voit  le  Château  des  comtes  et  l'église  Sainle- 
Pharaïlde. 

0,23  sur  0,15. 

Se  trouve  dans  les  trois  éditions  de  Sanderus  citées  pré- 
cédemment. T.  I,  pag.  127,  248  et  248. 

1641. 

N°38.  Vue  intitulée  :  Ecclesia  parochialis  divi  Micluiëiis 
simili  ciim  monast.  Dominicanorum. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  de  la  partie  de  la  ville  com- 
prise entre  l'église  Saint-Michel  et  le  couvent  des  Domini- 
cains. La  première  se  trouve  au  premier  plan  à  droite,  et 
la  seconde  au  dernier  plan  à  gauche.  La  Lys  coule  de  l'une 
à  l'autre,  et  on  y  voit  aussi  les  ponts  qui  portent  le  nom 
de  ces  deux  monuments,  et  qui  sont  vis-à-vis. 

0,23  sur  0,155. 

Se  trouve  dans  les  trois  éditions  de  Sanderus  citées  pré- 
cédemment. T.  I,  pag.  128,  248  et  248. 

1641. 

N"  39.  Vue  intitulée  :  Abbatia  S.  Pétri  in  moule  Blan- 
dinio  ordinis  S.  Benedicli, 


—  519  — 

Avec  une  légende  de  A  à  P  et  les  armes  de  Tabbé 
cl  de  l'abbaye. 

Celle  vue  s'élend  assez  loin  :  on  voil  à  droite  l'Escaut 
et  dans  le  lointain  la  citadelle  des  Espagnols,  l'église  de 
Sainl-Bavon  el  le  Beffroi.  I.es  bâtiments  de  l'abbaye  cou- 
vrent loute  la  plaine  Saint-Pierre  actuelle.  Quoique  l'ora- 
toire y  figure  comme  étant  acbevé,  il  est  certain  cependant 
que  la  construction  de  l'avanl-nef  et  de  la  façade  n'était 
pas  encore  commencée.  Il  est  probable  que  celte  vue  aura 
été  faite  d'après  le  modèle  en  relief.  —  La  partie  de  la 
maison  conventuelle  où  furent  établis  plus  tard  les  parloirs 
et  le  quartier  du  prieur,  n'existe  pas  encore.  L'église  de 
Notre-Dame  et  les  bâtiments  de  l'abbé  ont  été  démolis 
depuis.  11  n'y  a  plus  que  l'oratoire  et  les  cloilres  qui  existent. 
Le  bâtiment  à  droite  dans  la  cour  a  été  construit  après, 
de  1759  à  1789. 

0,41  sur  0,18. 

Se  trouve  dans  1  ouvrage  intitulé  :  Flandria  illus- 
trala.  etc.,  par  A.  Sanderus.  Cologne,  C.  d'Egmondt  elC'«. 
1641.  Trois  volumes  in-folio.  Tom.  I,  pag.  114  et  115. 

Et  dans  la  deuxième  édition  de  cet  ouvrage.  Labaye, 
C.  Van  LoRi,  1752.  Trois  vol.  in-folio.  T.  I,  p.  250  (i). 

1641.      , 

N°  40.  Vue  intitulée  :  Nova  Cartimœ  vallis  regalis  inira 
terniinos  civitatis  Gandavensis  delin. 

Avec  une  légende  de  A  à  K  et  les  armes  de  l'abbaye. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  du  cloître  des  Chartreux  el 
des  jardins. 

Au  premier  plan  est  le  canal  du  Meerhem  (vl/oere /?Mm«s) 
et  la  rue  des  Chartreux,  dont  toutes  les  maisons  étaient 

(i)  La  vue  qui  su  trouve  dans  celle  édilioii  porte  :  R.  nioliliuy.se  fccil. 


—  520  — 

contre  le  couvent.  Sur  le  canal  on  voit  les  ponts  des  Char- 
treux et  le  pont  Saint-Gilles. 

A  gauche  est  un  cours  d'eau  existant  encore,  sur  lequel 
est  jeté  le  pont  du  Râteau.  A  droite  on  voit  la  rue  du 
Repentir,  au  bout  de  laquelle  se  trouve  le  pont  du  Repentir. 

0,      sur  0, 

Se  trouve  dans  les  trois  éditions  de  Sanderus  citées  pré- 
cédemment. Tom.  F,  pp.  192,  313  et  313  (i). 

1641. 

1S°  il.  Vue  intitulée  :  Domus  Gildœ  S.  Georgii  vulgo 
S.  Joris  ho/f. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  des  bâtiments  environnant 
le  marché  au  Beurre.  A  gauche  est  la  maison  de  la  Gilde 
Saint-Georges,  qui  porte  encore  ce  nom  aujourd'hui,  et 
qui  sert  de  salle  de  ventes.  Le  Beffroi  est  dans  le  fond  et 
l'hôlel-de-ville  est  à  droite.  Les  jardins  vont  jusqu'au 
Beffroi. 

0,15  sur  0,11. 

Se  trouve  dans  les  trois  éditions  latines  de  Sanderus 
citées  précédemment.  Tom.  I,  pp.  145,  203  et  203.  Kt 
dans  l'édition  flamande.  Leyde ,  Rotterdam  et  Lahaye. 
Trois  volumes  in-folio.  Tom.  I,  pag.  139. 

1641. 

N"  42.  Vue  intitulée  :  Hippodromtis  Gandavensis  cum 
udjacenlibiis  œdificiis  et  aula  S''  SebastianL 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  des  bâtiments  environnant 
la  place  d'Armes  actuelle  :  l'Escaut  est  à  droite  et  on  y 


(i)  La  vue  qui  se  trouve  dans  les    éditions   de   1732   et  de  1733  porte 
lî.  Blokh.  f. 


—  5-21  — 

voit  le  pont  IMailou.  La  cour  Sainl-Sébastien  est  cuire 
TEseaul  el  la  place,  à  Tendroil  où  sont  aujourd'hui  la 
Graud'garde,  riiôlel  de  la  Posle  cl  les  sociélcs  des  IMélo- 
manes,  elc.  Au  milieu  de  la  place  est  un  mal  avec  un 
oiseau,  entouré  d'un  grand  nombre  de  lireurs. 

0,215  sur  0,15. 

Se  trouve  dans  les  quatre  éditions  de  Sanderus  citées 
plus  haul,  sur  la  même  feuille  que  la  vue  qui  précède. 

1641. 

N°43.  Vue  intitulée  :  Macellum  majuscuinforopîscario. 

C'est  une  vue  du  marché  aux  Légumes  actuel  :  à  droite 
on  voit  la  grande  Boucherie  el  la  Lys,  depuis  le  ponl  de 
la  Boucherie  jusqu'au  ponl  aux  Herbes. 

0,145  sur  0,115. 
Se  trouve  dans  les  mêmes  ouvrages  que  les  vues  précé- 
dentes. Tom.  I,  pp.  97,  200,  200  el  138  (i). 

1641. 

N"  44.  Plan  intitulé  :  Castrum  novimi  Gandavense. 

Avec  une  échelle. 

Ce  plan  ne  donne  absolument  que  la  citadelle  construite 

par  Charles-Quint  en  1540  el  l'ancienne  porte  d'Anvers 

en  dehors.  Les  ponts  n'occupent  plus  l'emplacement  qu'ils 

avaient  primitivement  :  ils  ont  été  changés  en  1586.  Toutes 

les  constructions  à  l'intérieur  de  la  citadelle  sont  figurées 

en  élévation. 

0,21  sur  0,19. 

Se  trouve  dans  les  quatre  éditions  de  Sanderus  cilées 
précédemment.  Tom.  I,  pp.  148,  201,  201  el  128. 

(1)  Dans  les  éditions  de  1732  cl  1735,  les  mots  cum  for  o  pis  car  io  sont 
supprimés. 


—  3^2-2  — 
1649. 

N°45.  Vue  intitulée  :  Ghendt. 

C'est  une  copie  réduite  de  la  vue  de  1615  (No24). 

Les  angles  sont  arrondis. 

0,09o  sur  0,045. 

Se  trouve  sur  la  carte  intitulée  :  Comitatiis  Flandria 
(N"  41). 

1650? 

No  46.  Plan  intitulé  :  Gent. 

Avec  une  rose  des  vents. 

Les  fortifications  seules  sont  représentées. 

Ce  plan  se  trouve  sur  la  même  feuille  que  plusieurs 
autres  plans  avec  le  litre  commun  : 

D'fortresse  der  tien  Spaansche  provintien  of  Belgii  regii, 
{Amsterdam  niemvelyks  uytgegeven  door  Reyriier  en  Jostta 
Ottens,  in  de  Kalverstraat,  in  de  Warelt  kaart. 

0,14  sur  0,8o. 

Se  trouve  à  la  Bibliothèque  royale  à  Bruxelles. 

1652. 

N°  47.  Plan  intitulé  :  Gent. 

Avec  les  armes  de  Flandre  et  une  légende  de  dix-neuf 
numéros  pour  les  édifices  remarquables. 

Le  château  des  Espagnols  y  est  en  entier  et  occupe  le 
bas  du  plan.  Le  canal  de  Bruges,  construit  en  1613,  y 
fii'ure.  Les  édifices  et  les  maisons  sont  vus  en  élévation. 

0,15  sur  0,11. 

Se  trouve  dans  Pouvrage  intitulé  :  Belgiœ,  sive  inferioris 
Germaniœ  descriptio  :  aiictore  Liidovico  Giiicciardino,  no- 
bili  Florenlino.  Amstelodami.  Apiid  Johannem  Jansoniiim 


—  523  — 

juniorem,  lCo2.  Trois  parties  en  deux  volumes  pel,  in-12. 
Tom.  I,  pag.  555. 

El  dans  le  même  ouvrage,  ayanl  le  même  lilre.  Amster- 
dam, Jacob  Meiirsius,  1660.  Deux  volumes  pelil  in-12. 
Tom.  I,  pag.  537. 

1654. 

N"  48.  Vue  intitulée  :  Gent. 

Avec  une  légende  de  six  numéros. 

Celte  vue  parait  être  prise  des  prairies  sur  les  bords  de 
la  Lys,  en  avant  du  rempart  d'Akkerghem.  On  voit  la  Lys 
à  gauche  :  puis  les  fossés  de  la  place,  avec  trois  portes, 
dans  lesquelles  doivent  se  trouver  celles- de  Bruges  et  de 
Courtrai.  Au-dessus  des  remparts  s'élèvent  les  églises  in- 
diquées dans  la  légende  :  Saint-Michel,  Saint-Bavon,  l'Hôtel- 
de-ville,  le  Beffroi,  Notre-Dame  et  Saint-Pierre. 

Ou  voit  des  fourches  patibulaires  à  l'extrême  droite,  au 
premier  plan. 

Il  y  a  d'ailleurs  peu  d'exactitude  dans  celle  vue. 

0,53  sur  0,125. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Topographia  circuU 
Burgundici.  dus  ist  beschreibung  desz  Burgitndisch.  imd 
Niedetiandiscfien  croises,  etc.,  par  Martin  Zeillern.  Franc- 
forl-sur-le-Mein,  Caspar  xMérian,  1654.  Un  volume  in-4°. 
Pag.  196. 

El  dans  celui  intitulé  :  M.  Z.  Topographia  Germaniœ 
inferioris  dasz  ist  beschreibung  und  abbildung  der  vor- 
nehmslen  slàllen  vôstungen  und  ohrler  so  wohl  in  grund 
als  in  prospect  in  den  XVII  Aiederlàndischer  provintien 
liegend  ails  Brabant,  Limburch,  Mechelen,  Geldern,  Z'ùt- 
phen,  Ocerissel,  Fristland,  Groningen,  Rolland,  Utrecht, 
Zeeland,  Flandern,  Artois,  Hennegàw,  Camerich,  Ltitzen- 
burg,  Namur  und  Burgund. 


—  524  — 
Franckfurt  am  Mayn  beij  Caspar  Merian,   1G59.  Un 


volume  in-4°.  Pag.  172. 


1666. 


N"  49.  Vue  inlilulée  :  Inauguration  de  Charles  II,  roi 
d'Espagne,  5o*  comte  de  Flandre,  le  2  mai  1666. 

F.  du  Cliastel  del.  L.   Voslerman  se.  1667. 

C'esl  une  vue  du  marché  du  V^endredi  prise  à  Tenlrée  de 
la  rue  du  Lailage. 

Un  théâtre  est  dressé  sur  la  face  opposée  de  la  place. 
Celle-ci  est  couverte  de  monde  et  on  voit  défiler  le  cortège. 
La  statue  de  Charles-Quint  est  au  milieu  de  la  place.  On 
voit  à  droite  de  Testrade  la  tour  qui  existe  au  coin  de  la 
maison  où  se  rassemhiail  la  collace  tumultueuse  avant  1 540. 
Au-dessus  des  maisons,  on  voit,  à  droite,  l'église  Sainl- 
Bavon  et  celle  du  Nouveau-Bois,  et,  à  gauche,  l'église 
Saint-Nicolas  et  la  Citadelle  des  Espagnols  avec  la  porte 
d'entrée  primitive  démolie  en  1852.  La  campagne  se  dé- 
couvre aussi  au  loin  à  une  grande  distance  (i). 

Gravure  en  six  feuilles. 

0,94  sur  0,525. 
Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M""  P.  J.  Goelghebuer. 

1678. 

N°  50.  Vue  intitulée  :  La  ville  de  Gand.  Pris  par  les 
François  le  9  31art  1678. 

Jan  Lwjken  invcnit  et  fecit. 

Cette  vue  est  prise  entre  la  porte  de  Courtrai  et  la  porte 
de  la  Colline.  Au  premier  plan  on  voit  l'armée  française, 


(1)  Le  tableau  d'après  lequel  a  été  faite  cette  gravure  se  trouve  au  Musée  de 
la  ville  de  Gand.  La  description  et  les  noms  de  tous  les  personnages  du  cor- 
tège sont  donnés  dans  la  Notice  des  tableaux  de  ce  musée,  imprimée  en  1853. 


—  5:>5 


qui  occupe  la  hauteur  où  a  été  plus  tard  construite  la  cita- 
delle moderne  :  les  colonnes  se  forment  pour  rattatjuer, 
les  bombes  pleuvenl  sur  la  ville.  On  ne  voit  de  celle-ci  que 
quelques  clochers  entre  les  nuages  de  luniée. 

0,15b  sur  0,115. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  inlilulé  :  Mercure  hollandais. 
Amsterdam,  1680.  Pag.  99. 

1678. 

N°  51.  Vue  intitulée  :  Garni,  Capitale  du  comté  de 
Flandres  et  la  plus  grande  ville  des  Pais  Bas,  fameuse 
par  les  guerres  qu'elle  a  soustcnues  contre  plusieurs  de  ses 
princes  et  par  les  puissantes  armées  quelle  mettoit  autre- 
fois sur  pié.  Elle  est  située  sur  l'Escaut,  et  sur  la  Lys,  et 
sur  deux  autres  petites  rivières,  sans  conter  le  canal  de 
Bruges,  et  le  canal  du  Sas.  Il  n'y  avoil  dans  cette  grande 
ville  et  dans  la  citadelle  que  sept  cens  hommes  de  garnison^ 
tant  le  Roy  avoit  sceu  tromper  les  ennemis,  et  leur  dérober 
la  connoissance  de  son  dessein.  Il  est  incroyable  combien 
en  deux  Jours  il  fit  dresser  de  ponts  et  de  digues  sur  ces 
rivières,  et  sur  ces  canaux,  et  à  travers  une  inondation 
qui  couvroit  presque  toute  la  campagne.  La  ville  et  la  cita- 
delle n'arreslèrent  le  Roy  que  huict  jours,  et  il  y  entra  le 
douzième  mars  \678.   . 

Ce  litre  est  inscrit  sur  une  banderole,  et  à  côlé  du  titre 
est  un  plan  intitulé  :  Gand,  décrit  au  numéro  suivant. 

La  vue  qui  nous  occupe  est  prise  d'une  hauteur  entre  la 
porte  de  Courtrai  et  la  porte  de  la  Colline  :  on  voit  Louis  XIV 
et  tout  son  élat-major  au  premier  plan.  La  porte  de  la  Col- 
line est  en  avant  :  à  gauche  est  une  poterne  et  puis  la  porte 
de  Courtrai,  vis-à-vis  de  laquelle  on  a  construit  un  ouvrage 
à  cornes;  à  droite,  on  voit  TEscaut  et  le  pont  des  Moines. 
Au-dessus  de  la  porte  de  la  Colline,  on  voit  très-bien  l'église 

23 


—  326  — 

de  Noire-Dame  el  réélise  Sainl-Pierre,  doul  le  dôme  n'est 
pas  encore  construit  :  il  ne  l'a  été  qu'en  1726.  Plus  loin, 
vers  la  droite,  est  la  caihédrale,  puis  le  Beffroi,  Saint- 
Nicolas,  Sainl-iMicliel,  el,  à  l'exlréme  gauche,  Saint-Martin. 
Au-delà  de  la  ville  on  aperçoit  les  environs  à  une  assez 
grande  distance. 

0,325  sur  0,56. 

Setrouvedansl'ouvrage  intitulé  :  Conquêtes  deLoiiisXIV. 
1683.  Vingt-neuf  volumes  in-folio. 

1678. 

N°  52.  Plan  intitulé  :  Gand. 

On  ne  voit  que  le  tracé  des  fortifications  et  les  inonda- 
lions.  Un  ouvrage  à  cornes  est  construit  devant  la  porte  de 
Courlrai  et  un  autre  devant  la  porte  de  Bruges. 

0,13  sur  0,105. 

Se  trouve  dans  le  même  ouvrage  que  le  plan  précédent. 

1678. 

N"  53.  Vue  intitulée  :  Sortie  de  la  garnison  de  Gand. 

Dali  (e. 

Au-dessus  de  celte  vue  est  un  plan  du  Château  des 
Espagnols,  cité  au  numéro  suivant. 

Celle  vue  est  prise  en  avant  de  celte  citadelle.  Au  pre- 
mier plan  on  voit  le  défilé  des  troupes  espagnoles  qui  en 
sortent  et  passent  à  travers  l'armée  française.  Toutes  les 
maisons  de  ce  côté  ont  été  démolies  par  le  canon.  Au-delà 
de  la  citadelle  on  dislingue  parfaitement  toutes  les  églises  : 
à  gauche  celles  de  Saint-Pierre,  sans  dôme,  et  de  Noire- 
Dame;  au  centre  Saint-Bavon,  le  Beffroi,  Saint-Nicolas, 
l'hôiel-de-ville,  les  Chartreux,  Saint-Jacques.  L'enceinte 
fortifiée  est  indiquée  par  une  rangée  d'arbres.  Dans  son 


—  527  — 

iuléi'ieur  il  y  a  encore  de  grands  espaces  non  Itàlis,  entre 
autres  le  pré  des  IMoines  et  Akkergem. 

0,32  sur  0,34. 

Se  trouve  dans  le  même  ouvrage  que  les  deux  numéros 
précédents. 

1678. 

N"  54.  Plan  sans  litre  de  la  citadelle  bâtie  par  Charles- 
Quint  en  1540  et  de  ses  environs  :  les  inondations  y  sont 
indiquées;  on  y  voit  aussi  les  travaux  d'attaque. 

0,09  sur  0,07. 

Se  trouve  dans  le  même  ouvrage  que  les  trois  numéros 
précédents. 

1678. 

JV"  53.  Cent  soo  alst  by  de  Coningh  van  Vranckryck  is 
gewonnen  op  den  9  maerl  1678.  FoL  44. 

Avec  une  rose  des  vents. 

Quelques  édifices  sont  vus  en  élévation. 

Ce  plan  est  d'ailleurs  peu  exact.  Le  canal  de  Bruges, 
creusé  en  1613,  n'y  est  pas  figuré.  La  citadelle  des 
Espagnols  est  dans  le  haut. 

0,12  sur  0,155. 

Se  trouve  dans  l'ouvrase  intitulé  : 

1690. 

N°  56.  Plan  intitulé  :  Gand  ville  des  Païs-Bas  capitale 
du  comté  de  Flandre  l'une  des  plus  grandes  ville  de  l'Eu- 
rope située  au  confiant  du  Lis  dan  C Escaut  a  5 1 .  degrez 
8  minutes  de  latitude  et  a  24  degrez  58  minutes  de  longit. 
au  Roy  d'Espagne. 

A  Paris  chez  le  S^  De  Fer  dans  lisle  du  Palais  à  la 
sphère  avec  privilège  du  Roy.  Inselin  sculps. 


—  328  — 

Avec  une  échelle  el  une  rose  des  vents. 

On  n'a  indiqué  à  rinlérieur  de  la  ville  que  les  cours 
d'eau;  on  ne  voit  que  les  forlificalions  qui  entourent  la 
ville,  et  à  l'extérieur  les  chemins  et  les  roules. 

La  citadelle  des  Espagnols  est  dans  le  bas  du  plan. 

0,22  sur  0,165. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  ;  Les  forces  de  rEii- 
ro/)e,etc.,parDeFer.  Paris,  1090.  Un  volume  in-4°oblong. 
Première  édition. 

Ainsi  que  dans  l'édition  sans  titre  dont  la  table  est  in- 
titulée :  Table  des  forces  de  r Europe,  avec  un  introduction 
à  la  fortification,  composé  de  1 94  plans  des  villes  les  plus 
considérables  du  monde,  augmenté  de  onze  plans  depuis 
l'année  ]  7^20  jusqu'à  1723.  Divisés  selon  l'ordre  qu'on  a 
jugé  le  plus  convenable,  par  N.  de  Fer,  géographe  de  sa 
majesté  catholique. 

A\Paris  chez  I.  F.  Benar  gendre  de  F  auteur  dans  fisle 
du  palais  sur  le  quaij  de  l'orloge  à  la  sphère  royale,  1723. 
Un  volume  in-i"  oblong.  PI.  55. 

1690. 

N"  57.  Plan  intitulé  :  La  plaine  de  S^-Pierre  avant  la 
démolition  de  l'abbaye  et  de  l'église  de  Notre-Dame. 

Lith.  de  G.  Jacqmain,  Gand. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  de  tous  les  bâtiments  de 
l'abbaye,  faite  assez  grossièrement.  Le  cimetière  entoure 
encore  toute  l'église  paroissiale. 

0,235  sur  0,20. 

Ce  plan  est  la  partie  supérieure  d'un  plan  manuscrit  qui 
se  trouve  aux  Archives  de  la  province,  à  Gand,  sous  le 
n°  263,  et  qui  a  pour  titre  :  Kaerte  figurative  van  Sinte 
Pieters  tusschen  Schelde  en  Leye,  gernaekt  door  Gudwalus 
Van  der  Marien,  proosl  van  5'«  Pieters. 


—  329  — 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  inlilulé  :  De  Vandenne  abbaye 
de  Saint-Pierre  à  G  and,  et  des  actes  administratifs  qui  ont 
précédé  sa  démolition,  par  P.  C.  Vander  Meersch.  Gantl, 
L.  Uebbelynck,  1847.  Un  volume  in-S"  (Extrait  du  Mes- 
sager des  Sciences  historiques,  année  1 846,  pag.  503). 

1692. 

N°  58.  Plan  intitulé  :  La  ville  de  Gand. 
Harrewyn  fecit. 
Avec  les  armes  de  Flandre. 

L'enceinte  fortifiée  est  seule  indiquée  dans  ce  plan,  ainsi 
que  les  cours  d'eau  à  l'intérieur  de  la  ville. 

La  Citadelle  des  Espagnols  occupe  le  bas  du  plan. 

0,15  sur  0,12. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  L'atlas  en  abrégé, 
ou  nouvelle  description  du  monde,  tirée  des  meilleurs  aii- 
teiirs  de  ce  siècle,  par  Jaques  Peeters.  A  Anvers,  chez 
l'auteur,  aux  quatre  parties  du  monde.  1692.  Un  volume 
in-12.  Pag. 

Et  dans  celui  intitulé  :  Les  délices  des  Pays-Bas  ou 
description  générale  de  ses  dix-sept  provinces,  de  ses  prin- 
cipales villes,  etc.  Première  édition.  Bruxelles,  1698.  Un 
volume  in-12.  Pag. 

Ainsi  que  dans  la  deuxième  édition  qui  a  le  même  titre. 
Bruxelles,  1700.  Un  volume  in-12.  Pag. 

Et  dans  la  troisième  édition  qui  a  aussi  le  même  titre, 
Bruxelles,  1711.  Trois  volumes  in-12.  T       ,  pag. 

1695. 

N"  59.  Plan  intitulé  :  Gand,  ville  des  Pais  Bas,  capitale 
du  comté  de  Flandre,  l'une  des  plus  grandes  villes  de  l'Eu- 
rope, située  au  confiant  du  Lis  dans  l'Escaut,  a  51  degrcz 
8  minutes  de  latitude  et  a  24  degr.  58  min.  de  longitude, 
au  Roy  d'Espagne. 


—  350  — 

Avec  une  échelle  et  une  rose  des  vents. 

C'est  une  copie  du  n''  5G  à  une  échelle  plus  grande. 

0,28o  sur  0,22. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Les  forces  de  l'Eu- 
rope, ou  description  des  principales  villes;  avec  leurs  forti- 
fications, dessinées  par  les  meilleurs  ingénieurs,  etc.  Recueilli 
par  les  soins  du  S"  de  Fer,  Beaulieu,  etc.,  géographes  du 
Roy.  Pour  l'usage  de  Monseigneur  le  duc  de  Bourgogne. 
A  Paris,  chez  l'auteur,  dans  l'isle  du  Palais,  sur  le  Quay 
de  rOrloge.  1G95.  Un  volume  in-^"  ohlong.  Sixième  par- 
tie. N°  5. 

Et  dans  une  autre  édition  du  même  ouvrage,  qui  a  le 
même  titre,  mais  qui  n'a  que  huit  parties  au  lieu  de  dix. 
1695.  Sixième  partie,  n"  ^. 

Ainsi  que  dans  celui  intitulé  :  Le  théâtre  de  la  guerre 
dans  les  Pays-Bas  ou  représentation  des  principales  villes 
qui  sont  en  Flandre,  Hainaut,  Brabant,  etc.,  avec  leurs 
fortifications,  etc.  Le  tout  recueilli  par  les  soins  du  sieur 
de  Fer,  géographe  du  Roy.  Paris,  1696.  Deux  volumes 
in-V.  PI.  40. 

1695. 

N"  60.  Plan  intitulé  :  Plan  de  la  ville  et  citadelle  de 
Gand. 

Avec  une  légende  de  A  à  L  pour  les  portes  de  la  ville. 
La  Citadelle  des  Espagnols  occupe  le  haut  du  plan. 

0,15  sur  0,105. 
Se  trouve  dans  le  premier  des  ouvrages  cités  précédem- 
ment. Septième  partie,  feuille  A. 

1708. 

N"  61.  Vue  intitulée  :  Gandavuni. 
Uarrewyn  fecit. 


—  331  — 

Celle  vue  esl  prise  en  avant  du  Rabot  cl  de  la  porte  de 
Bruges  :  c'est  une  copie  de  celle  de  1G35  (n"  28). 
Elle  sert  d'enlèle  au  chapitre  sur  Gand, 

0,1 8S  sur  0,07. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  /.  B.  Grammje  Ant- 
verpiensis  antiqnitates  Belgicœ  emcndaliones,  et  anctœ  an- 
tiquitalibns  Bredanis  mine  primum  editis.  Dans  le  volume 
qui  a  pour  litre  :  Joan.  Bapt.  Gratiiaye  anliquilates  illus- 
trissimi  comifatus  Flandrien  in  quibus  singularum  iirbium 
initia,  etc.  Louvain,  vEgidium  Denique.  Bruxelles,  Fralres 
Tserslevens,  1708,  Un  volume  in-folio. 

Et  dans  celui  intitulé  :  De  erlevende  Belgica  onder  hnmie 
ouverwinnelijkste  en  triumpherende  keyserlijcke  ende  ko- 
nincklij'cke  majesteyt  Maria-Tlieresa  ende  Francisciis  denl. 
Roo7ns  keyser,  behelsende  eene  beschryvinge  van  aile  de 
wondere  victorien,  etc.,  par  M.  F.  Vermeren,  1749.  Un 
volume  in-12  oblong.  Pag..  21  (i). 

1708. 

N"  62.  Plan  intitulé  :  Plan  de  la  ville  et  citadelle  de 
Gand  qui  fut  assiégée  par  les  hauts  alliés  le  1 8  Décembre 
1708.  où  l'on  ouvrit  la  tranchée  aux  trois  attaques  le  24 
et  qui  capitula  la  nuit  du  50  au  51  du  même  mois. 

Bruckman.  A  Bruxelles,  chez  E.  H.  Fricx. 

Harrewyn  fecit. 

Avec  une  échelle,  une  rose  des  vents  et  une  légende 
de  82  numéros  pour  les  édifices  remarquables,  places, 
ponts,  etc.,  en  flamand,  et  une  liste  de  renvois  de  A  à  M 
pour  les  trois  attaques,  en  français. 

Les  armes  d'Espagne  se  trouvent  au  centre  de  la  partie 


(\)  FjU  vue  qui  se  trouve  dans  cet  ouvrage  ne  porte  plus  la  mention  : 
Harreivyn  fccil.  On  y  a  ajouté  la  prise  de  la  ville  dans  la  nuit  du  H  juil- 
let 174S. 


—  332  — 

supérieure,  el  les  armes  de  Flandre  à  gauche.  La  citadelle 
des  Espagnols  est  dans  le  bas.  Dans  ce  plan,  les  édifices 
sont  vus  en  élévation.  L'église  Saint-Pierre  a  un  dôme, 
quoiqu'il  ne  doit  avoir  été  achevé  qu'en  1726.  Le  fort 
Monlerey,  construit  en  169.o,  y  figure.  Les  inondations 
sont  indiquées.  Presque  toutes  les  indications  sur  le  plan 
sont  en  français  el  en  flamand. 

0,395  sur  0,46. 

Fait  partie  de  l'atlas  intitulé  :  Table  des  cartes  des  Pays- 
Bas  et  des  frontières  de  France,  avec  un  recueil  des  plans 
des  villes,  sièges  et  battailles  données  entre  les  hauts  alliés  el 
la  France.  A  Bruxelles  ches  Eugène  Henry  Fricx,  impri- 
meur du  Roy,  rue  de  la  Madeleine.  1712. 

Î708. 

N"  65.  Plan  intitulé  :  Plan  du  siège  et  des  attaques  de  la 
ville  et  cittadelle  de  Gand  assiégée  par  l'armée  des  alliez 
le  25  Décembre  1708  sous  la  conduite  du  prince  et  duc  de 
Marlboroug,  etc.,  et  rendue  le  29  du  même  mois  et  an. 

A  La  Haye  chez  Pierre  Husson.  1709.  P.  V.  C.  (Call). 

Avec  une  échelle,  une  rose  des  vents  et  une  légende  de 
A  à  O  pour  les  attaques  devant  la  porte  Saint-Pierre,  la 
porte  de  l'Empereur  et  la  citadelle.  Ce  plan  est  fait  pour 
les  attaques  simplement  :  l'intérieur  de  la  ville,  les  rues, 
monuments,  sont  représentés  assez  inexactement.  Le  fort 
Monlerey  y  figure. 

0,54  sur  0,45. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M'  P.  J.  Goetghebuer. 

1708. 

N"  64.  Plan  intitulé  :  Plan  du  siège  et  des  attaques  de  la 
ville  et  citadelle  de  Gand  assiégée  par  les  armées  des  alliez 
le  22  décem^  1 708  sous  la  conduite  du  prince  et  duc  de 
Marlborough  et  rendue  le  29  du  même  mois. 


—   ooo   


Le  même  litre  est  reproduit  en  hollandais. 

Tom.  If.  N"  40. 

Avec  une  échelle,  une  rose  des  vents  et  une  légende  de 
A  à  Z  pour  les  trois  attaques,  en  français  e(  en  hollandais. 

Les  inondations  sont  indiquées.  Le  fort  iMonlerey  égale- 
ment. 

0, GO  sur  0,485. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Histoire  mililaire  du 
prince  Eugène  de  Savoie,  du  prince  et  duc  de  Marlborough, 
et  du  prince  de  Nassau-Frise,  etc.,  par  Dumont,  augmen- 
tée d'un  supplément  par  Rousset.  La  Haye,  Vander  Kloot, 
17'29.  Trois  volumes  in-folio.  Tom.  H,  pag.  271. 

Et  dans  l'édition  hollandaise  du  même  ouvrage,  qui  a 
pour  titre  :  Oorlogskundige  beschrgving  van  de  veldslagen, 
en  belegeringen,  der  drie  doorluchlige,  eic,  beschreven  door. 
Monsieur  Roussel.  La  Haye,  Vander  Kloot,  1729  à  1747. 
Trois  volumes  in-folio.  Tom.  H,  pag. 

1708. 

N"  65.  Plan  inlilulé  :  Plan  du  siège  et  des  attaques  de  la 
ville  et  citadelle  de  Gand,  assiégée  par  les  armées  des  alliés, 
le  22  Déceni^  1708,  sous  la  conduite  du  prince  et  duc  de 
Marlborough  et  rendue  le  29  du  même  mois. 

J.  Van  den  Daelen  F.  Lith.  Simonau  et  Toovey. 

Mémoire  de  M.  Vander  Meersch. 

Mémoires  couronnés  et  mémoires  des  savants  étrangers. 

Tome  XX  F. 
Avec  une  rose  des  vents  et  une  légende  de  A  à  Z,  pour 

les  trois  attaques. 

Les  inondations  sont  indiquées. 

C'est  une  copie  du  plan  précédent. 
0,43  sur  0,545. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Mémoire  sur  la  ville 
de  Gand  considérée  £omme  place  de  guerre,  -par  P.  C.  Van 
der  Meersch.  Bruxelles,  1855.  Un  volume  in-4". 


—  334  — 

1709. 

N°66.  Pian  inlilulé  :  Gent. 

Avec  l'inscription   suivante  en  dessous  : 

Verradery,  voor  slraf,  bedugl, 

Geefl  zich  hier  anystig  op  de  vingt; 

Terivyl  de  vrees,  voor  dapperheijd, 

Zich  smeeckende  ter  neder  vleyd.  I  :  G. 

Sous  le  pian,  dans  i'intérieur  du  cadre,  on  voit  ia  ville 
de  Gand  qui  remet  les  ciefs  à  deux  guerriers  (le  prince 
Eugène  et  Marlborougli).  Il  n'y  a  aucunes  rues  indiquées 
dans  l'intérieur  de  la  ville  :  on  ne  voit  que  les  cours  d'eau 
et  les  fortifications. 

C'est  une  copie  du  plan  de  1690  (n^  S6). 
0,113  sur  0,15. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Kleijne  en  beknople 
allas,  of  tooneel  des  oorlogs  in  Europa,  etc.  Amsterdam, 
David  Weege,  1753.  Un  volume  in-8°  oblong.  PI.  157. 

1715. 

No  67.  Vue  intitulée  :  Conventus  FF.  Prœdicalonim 
Gandavi.  1715. 

F.  Bern.  de  Joncjhe  ej'ud.  conv.  delin.  in  loco. 

Harrewïjn  fecil. 

Avec  une  légende  de  A  à  X.  La  légende  par  laquelle 
les  anges  apportaient  des  vivres  au  couvent,  est  reproduite 
sur  les  bords  du  cadre  avec  la  date  de  1481. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  du  couvent  des  Dominicains. 
Elle  représente  au  premier  plan  la  façade  qui  longe  la  Lys, 
depuis  l'église  Saint-Micbel,  qui  n'est  pas  représentée, 
Jusqu'au  pont  des  Dominicains. 

0,17  sur  0,135. 

Se  trouve  dans  l'ouvraue  inlitiilé  : 


—  335  — 

1716. 

N°68.  Plan  inlilulé  :  Gent,  in  Vlaandercn,  aau  het  zaa- 
menvloeijen  van  Schclde  en  Lise  :  de  geboorleplaals  van 
keiser  Karel;  behoorende  onder  Spanje. 

Gandnvum,  Flandria,  ad  Scaldis  ac  Lisœ  concursiis^ 
Caroli  Quinli  palria;  Hispanis  subjecla. 

Pet.  Schenck  exe.  Amst.  C.  P. 

Avec  une  rose  des  venls. 

rVe  donne  que  l'enceinle  forlifiée  el  les  cours  d'eau  à 
Tintérieur  de  la  ville. 

0,185  sur  0,145. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Theatrum  belgicum, 
incipiens  a  Carolo  II  Hispaniariim  recje  ad  Carolum  III. 
conlinensqm  noiem  hisloricas  figuras,  in  magna  char  (a 
expressas,  prœcipiiarum,  obsidionum  tam  mari  qnani  terra 
prœcipuorum  nmnimenloriim  nd  Rlienum,  Mosam,  Mosel- 
lam,  uli  et  in  Hispania  et  Ilalia  silorum.  Ktc.  Delineavit  et 
edidit  Petriis  Schenk.  Amstelœdami,  apud  Petruni  Sc/ienk, 
siib  signo  atlantis  Sansonis.  Anno  1716.  Ctim  privilegio 
illustriss.  ordinum  HoUandiœ  et  West-Frisiœ. 

Le  même  litre  en  hollandais  :  Schoiavburg  van  den  oor- 
log,  etc.  Un  volume  in-folio. 

1720. 

N"  69.  Plan  intitulé  :  La  ville  de  Gand. 

Harrewyn  fecit. 

Dans  le  coin  inférieur,  à  gauche,  se  trouvent  représen- 
tés des  attributs  guerriers,  des  canons,  des  drapeaux,  etc. 

Les  ouvrages  de  fortification  sont  seuls  indi(|ués  dans 
ce  plan,  ainsi  que  les  cours  d'eau  à  l'intérieur  de  la  ville. 

0,18  sur  0,155. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Histoire  générale  des 


—  556  — 

Pais-Bas,  contenant  la  description  des  XVII  provinces. 
Quatrième  édition,  Bruxelles,  1720.  Quatre  volumes  in- 
12.  Tom.  II,  pag.  31. 

Et  dans  la  cinquième  édition  qui  a  le  même  litre. 
Bruxelles,  1743.  Quatre  vol.  in-12.  Tom.  II,  pag. 

Ainsi  que  dans  la  sixième  édition  intitulée  :  Les  délices 
des  Pays-Bas  ou  description  historique  et  géographique 
des  17  provinces  belgiques.  Liège.  Bassompierre,  1769, 
Cinq  volumes  in-12.  Tom.  II,  page 

1725? 

N°  70.  Plan  intitulé  :  Gandaviim.  Gent. 

Avec  les  armes  d'Espagne  à  la  partie  supérieure,  à 
gauche,  et,  à  droite,  celles  de  Flandre  au-dessus  d'un 
cartouche  vide  entouré  comme  au  plan  de  1641  (n^  32) 
Il  y  a  en  outre  une  légende  ûe,  a  k  z  pour  les  églises, 
couvents,  etc.,  dans  l'intérieur  du  plan,  et  de  39  numéros 
sur  le  côté.  Les  édifices  publics  seuls  sont  vus  en  élévation. 

La  citadelle  des  Espagnols  occupe  le  bas  du  plan. 

C'est  une  copie  réduite  du  plan  de  1641  (n°  32);  la  lé- 
gende elle-même  est  une  reproduction  de  celle  de  ce  plan, 

0,18  sur  0,14. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Force  d'Europe,  oder 
die  Merchwiïrdigst  und  Fïihrnehmste,  meistentheils  auch 
ihrer  fortification  ivegen  berûhmteste  stœtte,  vestungen,  schœ- 
fen,  passe,  camps  de  bataille,  in  Europa,  etc.,  par  Gabriel 
Bodenehr.  Augsbourg.  Un  volume  in-4"  oblong.  N"  74. 

1729. 

No  71.  Vue  intitulée  :  Gand. 

Celle  vue  est  une  copie  réduite  du  n°  24  de  1613.  Les 
armes  de  Flandre  sont  à  la  partie  supérieure  à  gauche, 

0,065  sur  0,04. 


—    ÙOi     — 


Se  trouve  sur  la  Nouvelle  carte  du  comté  de  Flandre  C^"  11 
des  cartes),  qui  fait  partie  de  l'ouvrage  intitulé  :  Les  ta- 
blettes guerrières,  etc.  Amsterdam.  De  la  F'euille.  Ua 
volume  in-S".  N"  32;  et  de  l'ouvrage  intitulé  :  Kleyne  en 
beknople  atlas,  of  tooneel  des  oorlogs  in  Europa,  etc. 
Amsterdam.  David  Weege.  1755.  Un  volume  in-S"  oblong. 
PI.  142  0). 

1730? 

N°  72.  Vue  intitulée  :  Cent  in  Flandern.  N"  88. 

F.  B.  Werner  Siles.  delin.  Georg.  Balthasar  Probst 
hœres  Jeremiœ  Wolffy  excud.  Aug.  Vind.  Cnm  gratia  et 
privilegio  Sac.  Cœs.  Majestatis, 

Avec  les  armes  de  Flandre  à  la  partie  supérieure,  à 
droite,  entourées  comme  dans  le  plan  de  1641  (n°  32),  et 
une  légende  de  63  numéros  qui  occupe  tout  le  bas  de  la 
planche. 

Celte  vue  est  prise  en  avant  de  la  porte  d'Anvers  :  à 
gauche  on  voit  la  citadelle  des  Espagnols.  Au-delà  des  for- 
tifications s'élèvent  les  clochers  des  églises  et  des  couvents  : 
leurs  dimensions  sont  outrées,  mais  ils  sont  représentés 
assez  exactement.  Le  clocher  de  Saint-Michel  y  figure 
comme  s'il  était  achevé  :  il  aura  probablement  été  repré- 
senté d'après  le  modèle  en  bois  qui  se  trouve  dans  l'église. 

Cette  vue  fait  partie  d'une  collection  de  vues  de  villes, 
publiées  à  Augsbourg.  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  de 
celles  de  Tournai,  de  Liège  et  d'Anvers,  du  même  auteur. 

Gravure  sur  cuivre  en  deux  feuilles. 

1,10  sur  0,31. 
Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M""  P.  J.  Goelghebucr. 


(1)  La  vue  qui  se  trouve  dans  cet  ouvrage  a  en  outre  pour  titre  :  Gcnt. 


—  558  — 

1752. 

N°  73.  Plan  inlilulé  :  Gandavum  vnlgo  Gent. 

Blokiiyseu  fecit. 

Avec  les  armes  el  la  légemle  comme  dans  le  plan  de 
1641  (no  32). 

Il  y  a  en  oulre  sur  celui-ci  une  échelle  et  une  rose  des 
vents. 

Ce  plan  est  une  copie  de  celui  de  1641,  qui  se  trouve 
dans  les  ouvrages  de  Sanderus  et  de  Blaru  (i). 

0,505  sur  0,40. 

Se  tr^ouve  dans  l'ouvrage  inlilulé  :  Antonii Sanderi prea- 
byteri  S.  T.  L.  canonici,  etc.  Flandria  ilhislrala,  sive  pro- 
vinciœ  ac  comitatus  huj'us  descriptio.  Comilum  usque  ad 
Caroluni  VI  Cœsarem  séries  chronologica,  etc.  Lahaye, 
C.  Van  Lom,  1732.  Trois  vol.  in-folio,  tom.  I,  pag.  138. 

Et  dans  l'édition  suivante  qui  a  le  même  titre.  Lahaye, 
C.  et  J.  B.  De  Vos,  1735.  Trois  volumes  in-folio.  Tom.  1, 
pag.  139. 

Ainsi  que  dans  Tédilion  hollandaise  intitulée  :  Verheer- 
lykt  Vlaandere  behelzende  eene  algemeene  en  nauwkeiirige 
bescliryving  van  dat  Graafschap  en  van  zyne  algemeene  en 
byzondere  ivelten;  etc.  Leyden,  J.  Vander  Deister.  Rotter- 
dam, J.  D.  Bcman.  Lahaye,  C.  et  F.  Boucquet,  1735. 
Deux  volumes  in-folio.  Tom.  I,  pag.  124. 

1732. 

N"  74.  Vue  inlilulée  :  Petra  comitis  Gandavî.  Tom.  J, 
page  134. 

J.  Harrewyn  sculp. 


(1)  L'imprimerie  de  Bleau  ayant  été  incendiée  en  IG73  avec  tous  les  exem- 
plaires qui  restaient  de  ces  deux  ouvrages,  les  plans  ont  été  gravés  de  nouveau. 


—  359  — 

Avec  les  armes  d'Espagne  el  celles  de  Flandre  à  la  partie 
supérieure. 

C'est  une  vue  prise  à  vol  d'oiseau  de  l'ancien  château  des 
comtes  (le  Flandre.  La  rue  de  la  Monnaie  est  au  premier 
plan  el  la  place  Sainte-Pharaïlde  est  à  gauche. 

0,20  sur  0,115. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Antonii  Sanderi,  etc. 
Flandria  iUustrala.  Lahaye,  C.  V^an  Lom,  1752.  Trois 
volumes  in-folio.  Tom.  I,  pag.  168. 

Et  dans  la  troisième  édition.  Lahaye.  C.  et  J.  B.  De 
Vos,  1733.  Trois  volumes  in-folio.  Tom.  I,  page  168. 

Et  dans  l'édition  flamande.  Leyde,  Rotterdam  et  La- 
haye, 1753.  Trois  volumes  in-folio.  Tom.  I,  pag.  134. 

1752. 

N**  73.  Vue  intitulée  ;  Palalium  comitis  Flandriœ  Gan~ 
davi. 

J.  Harrewyn  sculp. 

Avec  les  armes  d'Espagne  el  de  Flandre. 

C'est  une  copie  du  N°  33  de  1641.  Seulement  dans 
celle-ci  ou  ne  voit  que  deux  ponts  jetés  sur  les  fossés. 

0,20  sur  0,13. 

Se  trouve  dans  les  mêmes  éditions  de  Sanderus  que  la 
vue  précédente.  Tom.  I,  pp.  168,  168  et  134,  sur  la 
même  feuille. 

1743. 

N°  76.  Plan  intitulé  :  Plan  de  la  ville  de  Gand. 
A  Paris  par  et  chez  le  5''  Le  Rouge,  rue  des  Grands- 
Auguslins.  1743. 

Échelle  de  1  à  10,800. 

Avec  une  échelle  et  une  rose  des  vents. 
Les  inondations  sont  indiquées. 


—  540  — 

La  citadelle  des  Espagnols  est  dans  le  bus  du  plan.  Les 
noms  des  couvents  et  des  églises  sont  écrits  à  côté. 

0,46  sur  0,31. 

Se  trouve  dans  l'atlas  intitulé  :  Recueil  contenant  des 
cartes  nouvelles  dressées  sur  des  morceaux  levés  sur  les  lieux 
et  les  mémoires  les  plus  nouveaux  dédié  à  Monseigneur  le 
comte  d'Argençon  minisire  de  la  guerre.  A  Paris  par  et 
chez  le  s''  Le  Rouge  ingénieur  géographe  du  Roy,  rue  des 
grands  Augustins,  vis-à-vis  le  panier  fleuri.  Avec  appro- 
bation et  privilège  du  Roy.  174-2.  Un  vol.  in-fol.  N"  15. 

1750. 

N"  77.  Plan  intitulé  :  Carte  hydrographique  de  Gand,  de 
Ton  1750. 

Annexée  au  Rapport  du  Collège  des  Bourgmestre  et 
Êchevins.  du  24  décembre  1862,  L'  B. 

Lilh.  C.  Annool- Braeckman. 

Avec  une  échelle. 

Ce  plan  ne  donne  que  Tenceinle  fortifiée  de  la  ville  et  les 
cours  d'eau  dans  son  intérieur.  On  y  voit  le  projet  de  deux 
coupures,  dû  à  l'ingénieur  Spalarl,  en  1750.  La  première 
seule  a  été  exécutée. 

Un  grand  nombre  de  cours  d'eau  qui  existaient  alors 
n'ont  pas  cependant  été  indiqués  sur  ce  plan. 

0,50  sur  0,36. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Établissement  d'un 
barrage  écluse  sur  le  Bas-Escaut  en  aval  de  la  ville  de 
Gand. 

Rapport  du  Collège  des  Bourgmestre  et  Êchevins  concer- 
nant l'établissement  d\m  barrage  écluse  sur  le  Bas-Escaut 
en  aval  de  la  ville  de  Gand,  (signé)  Véchevin  rapporteur, 
De  Maere. 

Gand,  Annoot-Braeckman,  1863.  Un  volume  in-S". 


—  341   — 

1780. 

N"  78.  Plan  inlilulé  :  Nouveau  et  exact  dessein  de  la 
ville  de  G  eut  par  Jean  Michel  Probst,  graveur  à  Augsbourg, 
Van  MDCCLXXX, 

Avec  une  légende  de  81  numéros  et  les  armes  de  Flandre 
au-dessus  du  lilre,  qui  est  entouré  comme  celui  du  plan 
de  1C41  (n"  52).  La  Pucelle  de  Gand  est  représentée  à  la 
partie  inférieure  à  gauche  comme  dans  le  même  plan. 

En  dessous  est  une  vue  de  la  ville  intitulée  :  Gent,  dé- 
crite au  numéro  suivant. 

Ce  plan  est  une  copie  de  celui  de  1641  (n"  32);  la  lé- 
gende est  aussi  la  même. 

0,55  sur  0,58. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M""  P.  J.  Goeighebuer. 

1780. 

N"  79.  Vue  intitulée  :  Gent. 

C'est  une  copie  réduite  de  la  vue  de  1730?  (n"  72). 

0,55  sur  0,125. 

Se  trouve  en  dessous  du  plan  qui  précède. 

1781. 

1\°  80.  Plan  intitulé  :  Plan  général  de  f abbaye  de  5*- 
Pierre  à  Gand. 

Avec  une  rose  des  vents  et  une  légende  de  a  à  p  pour 
les  différents  bâtiments. 

Ce  plan  comprend  tous  les  bâtiments  qui  couvraient  à 
cette  époque  la  plaine  Saint-Pierre  actuelle,  et  va  jusqu'à 

l'Escaut. 

0,12  sur  0,175. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Notice  sur  l'abbaye  de 

34 


—  342  — 

Saint-Pierre,  à  Garni,  par  Edmond  De  Busscher.  Guiul, 
De  Busscher,  1847.  Un  volume  in-S».  Pag.  23. 

1781. 

N°  81 .  Plan  intitulé  :  Plan  du  rez-de-chaussée  des  pavil- 
lons de  fabbé  et  prévôt  de  la  ci-devant  abbaye  de  Saint- 
Pierre,  à  G  and. 

Lilh.  de  G.  Jacqmain,  à  Gand. 

Échelle  de  1  à  666,66. 

Avec  une  échelle. 

Ce  plan  donne  le  détail  d'une  partie  des  bâtiments  du 
plan  précédent,  à  une  plus  grande  échelle. 
0,245  sur  0,195. 

Se  trouve  dans  Pouvrage  intitulé  :  De  Vancienne  abbaye 
de  Saint-Pierre,  à  Gand,  etc.,  par  Vander  Meersch.  Gaud, 
L.  Ilebbelynck,  1846.  Un  volume  in-8°. 

1781. 

N"  82.  Vue  intitulée  :  Begginasium  S.  Elisabethœ  snb 
cura  fratrum  Prœdicatorum.  Gandavi  ab  anno  1234. 

Adm.  Rev.  Patri  F.  Ferdinando  van  Bevere  conv.  Gand. 
priori  dign"^'"  et  Begginasii  direclori,  etc.  Dicabat  F.  Ant. 
de  Meester,  ejusd.  ord. 

P.  Wauters  del.  et  fc.  Gand. 

In  hoc  begginasio  reperiiintur  duœ  ecclesiœ,  octodecim 
conventus,  centum  et  ires  domus  braxatorium  et  iina 
infirmaria. 

C'est  une  vue  à  vol  d'oiseau  du  Grand  Béguinage,  prise 
du  côté  de  la  rue  actuelle  du  Rabot. 

Elle  a  été  faite  à  l'occasion  de  la  visite  de  l'empereur 
Joseph  II  au  Grand  Béguinage,  en  1781. 

Cette  vue  a  été  reproduite  plusieurs  fois  en  1825  (n"  94), 
1856  (n"  117),  1839  01"  128)  et  1845  (n»  144). 

0,305  sur  0,255. 


—  343  — 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  l\r  P.  J.  Goetgliebuer, 
qui  possédait  également  tontes  les  antres  copies  de  la 
même  vue. 

178G. 

N"  83.  Plan  intitulé  :  La  ville  de  Gand.  De  stad  Gent. 
C'est  une  copie  du  plan  de  1720  (n"  69)  avec  la  même 
vignette. 

0,18  sur  0,135. 

Se  trouve  dans  l'ouvrage  intitulé  :  Les  délices  des  Pays 
Bas  ou  description  historicjite  el  géocjraphiqtie  des  XVII 
provinces  belgiques.  Septième  édition.  Anvers,  Spanoghe, 
1786.  Cinq  volumes  in-12.  Tom.  II,  pag.  508. 

Et  dans  l'édition  flamande  qui  a  pour  titre  :  Het  schouw- 
burg  der  Nederlandcn  of  te  gcographische  en  historische 
beschryvinge  der  XVII  Nederlandsche  provintien.  Anvers, 
Spanoghe,  1785.  Tom.  II,  pag.  362. 

1789. 

No  84.  Vue  intitulée  :  Gend. 

Avec  une  légende  de  A  à  G  pour  les  églises  el  de  quatre 
numéros  pour  les  édifices  (abbaye  Saint-Pierre,  hôpital  de 
la  Byloque,  le  Befl"roi  el  la  Maison  de  correction). 

Cette  vue  est  prise  des  bords  de  la  Lys,   entre  Akker- 

ghem  el  la  Byloque. 

0,355  sur  0,07. 

Se  trouve  sur  la  carte  intitulée  :  Niemve  caerle  der  dio- 
cèse des  bisdoms  van  Gend,  etc.  (n"  91  des  caries). 

1792. 

N"  85.  Vue  intitulée  :  Gand,  capitale  de  la  Flandre. 
Avec  une  légende  de  A  à  H  pour  les  églises,  etc. 
C'est  une  copie  réduite  du  numéro  précédent. 

0,145  sur  0,04. 


—  544  — 

Se  trouve  sur  la  Nouvelle  carte  de  la  province  de  Flan- 
dre (N"  9o  des  caries),  par  L.  de  Vrccse. 

1796. 

N"  86.  Plan  intitulé  :  Plan  van  Gend  genieétend  en  ge- 
gravcérd  in  (  jaer  1796.  Door  G.  Goethals.  Te  Gend  by 
P.  F.  De  Goesin-Verhaeghe  op  d' Hoogpoort.  N°229. 

Échelle  de  1  à  6,646, 

Avec  trois  échelles,  une  rose  des  vents,  une  table  alpha- 
bétique des  rues,  une  légende  de  «  à  ^  et  de  aa  à  gg  des 
rues  dont  les  noms  n'ont  pas  pu  être  écrits  dans  le  plan, 
une  légende  de  A  à  Z  et  de  AB  à  AP  des  marchés  et  places, 
une  légende  de  1  à  83  des  églises,  couvents,  hospices,  etc., 
une  de  84  à  127  des  édifices  remarquables,  une  de  128  à 
194  des  ponts  (au  nombre  de  67)  et  une  de  193  à  199  des 
tribunaux,  comptoirs,  etc.:  le  tout  en  flamand. 

Le  plan  est  divisé  en  carrés  avec  des  lettres  et  des  chiffres 
servant  à  y  renvoyer  dans  les  divers  articles  des  légendes. 

Le  titre  du  plan  est  écrit  sur  le  piédestal  d'une  colonne 
qui  forme  probablement  cheminée,  et  à  gauche  dans  le  fond 
on  découvre  l'entrepôt,  situé  au  commencement  de  la  Cou- 
pure, et  la  grue. 

Une  partie  des  fortifications  est  démolie;  le  fort  de 
Monterey,  élevé  en  1695  à  l'emplacement  de  la  citadelle 
actuelle,  ne  s'y  trouve  plus.  Il  a  été  démoli  en  1782  avec 
les  autres  ouvrages  avancés.  La  citadelle  des  Espagnols  est 
encore  en  entier,  quoique  la  face  regardant  la  ville  a  dû 
être  démolie  en  1787, 

L'abbaye  de  Saint-Pierre  est  encore  entière  :  on  y  voit 
encore  la  maison  civile  et  la  prison  de  Saint-Pierre,  qui  for- 
mail  une  juridiction  à  pari.  Ce  n'est  qu'en  1799  que  l'église 
paroissiale  de  Notre-Dame  a  été  démolie. 

L'abbaye  de  Baudeloo  est  convertie  en  école  centrale. 


—  345  — 

avec  la  Bibliollièque  publique  et  les  Musées  d'hisloire  natu- 
relle; le  jardin  est  converti  en  Jardin  botanique. 

L'évèché  est  remplacé  par  Tbôtel  du  gouvernement. 

Le  canal  de  la  Coupure  est  creusé  et  renlrepôl  construit  : 
ils  datent,  la  premier  de  1758  et  le  second  de  1779. 

La  Maison  de  force  est  construite  en  partie  :  elle  avait 
été  commencée  en  1 774  (les  5/8)  et  continuée  en  1 824  (2/8), 
et  achevée  en  1859. 

0,72  sur  0,51. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M-"  P.  J.  Goetghebuer, 
à  Gand,  et  de  M.  le  capitaine  Dejardin,  et  se  trouve  à  la 
Bibliothèque  du  dépôt  de  la  guerre,  à  Bruxelles. 

1799. 

N"  87.  Plan  intitulé  :  Plan  roulier  de  la  ville  et  commune 
de  Gand,  an  8'"%  divisé  en  six  sections  par  L.  de  Vreese, 
géomètre  et  géographe  dans  cette  dite  ville. 

N.  B.  Ce  plan  topographiq''  est  fait  tel  que  la  ville  se 
trouve  maintenant,  les  rues  et  autres  places,  sont  écrites  en 
français  et  en  flamand,  pour  le  rendre  plus  utile,  et  aug- 
menté de  beaucoup  d'objets  qui  ne  sont  dans  aucun  plan 
antéri^. 

Fecit  et  sculp^  en  l'an  7  par  L.  de  Vreese,  géomètre,  etc, 
à  Gand,  rue  d' Hébert....  Schrc\jboom.  N"  159. 
Échelle  de  1  à  5,400. 

Avec  deux  échelles,  une  rose  des  vents  et  un  Renvois 
des  rues  qui  sont  dans  le  plan,  par  ordre  alphabétique; 
une  Nouvelle  dénomination  des  rues,  places,  ponts,  etc., 
conformément  à  l'arrêté  de  l'administration  centrale  et  de 
la  municipalité  de  cette  commune  du  17  Germinal  an  7% 
renfermant  soixante-huit  numéros;  une  liste  des  portes, 
des  églises,  des  abbayes,  des  hospices,  etc.,  des  ponts  de 


—  346   — 

bois  et  de  pierre,  au  nombre  de  68,  des  marchés  et  places 
publiques;  une  des  séminaires  de  69  à  72,  une  des  refuges 
de  73  à  76;  et  une  des  bâtiments  remarquables,  tribunaux, 
bureaux,  de  77  à  111. 

Ce  plan  est  partagé  en  carrés  désignés  par  des  lettres  et 
des  chiffres  et  tous  les  articles  des  légendes  ont  des  renvois 
à  ces  carrés. 

Tous  les  remparis  sont  démolis  et  serveiit  de  promenades. 

Les  lieux  sont  tout-à-fait  dans  le  même  étal  que  dans  le 
plan  de  1796  (n"  86),  mais  celui-ci  est  beaucoup  plus 
complet  (i). 

Sur  la  même  feuille  est  un  Plan  supplémentaire  de  la 
ville  et  commune  de  Gand  (n"  100  des  cartes)  et  une  Per- 
spective de  celle  ville  du  côté  d'ouest,  décrite  au  numéro 
suivant. 

0,83  sur  0,65. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  M""  P.  J.  Goelghebuer 
et  de  M.  le  capitaine  Dejardin,  et  se  trouve  aussi  à  la 
Bibliothèque  du  dépôt  de  la  guerre,  à  Bruxelles. 

1799. 

N"  88.  Vue  intitulée  :  Perspective  de  cette  ville  du  côté 
d'Ouest. 

Avec  une  légende  de  A  à  H  pour  les  églises  qui  y  sont 
représentées. 

Cette  vue  est  prise  de  la  route  de  Tronchiennes. 

0,145  sur  0,042. 
Se  trouve  sur  le  plan  précédent. 


(I)  Il  y  a  quelques  varianles  dans  les  écrilures  de  l'un  à  Taulre  :  sur  Tua 
on  écrit  préries,  sur  d'autres  prairies. 


—  347  — 

18Id. 

1\°  89.  Vue  iiililulée  :  Vne  de  l' cytise  de  5'  Nicolas, 
à  Gand. 

Celte  vue  est  prise  de  l'entrée  de  la  rue  des  Champs  : 
l'église  Saint-Nicolas  est  à  gauche.  La  rue  île  la  Catalogne 
est  vue  dans  sa  longueur  :  elle  était  alors  fort  étroite  à  son 
extrémité;  à  gauche,  contre  l'église  Saint-Nicolas,  près  du 
petit  portail,  était  un  magasin  de  comestibles,  la  sacristie, 
le  dépôt  des  morts  et  la  maison  du  curé;  dans  le  fond  est 
le  Beffroi  et  l'église  Saint-Davon. 

Cette  vue  a  été  gravée  au  trait  par  P.  F.  de  Noter, 
peintre,  en  1815,  et  coloriée.  Elle  a  ensuite  été  ombrée 
à  l'aquatinta,  avec  changement,  par  F.  Aubertin,  gra- 
veur (i),  en  1817. 

Elle  a  été  copiée  un  grand  nombre  de  fois  depuis,  dans 

des  dimensions  réduites,  entre  autres  en  1 825  et  1 829  (n"*  93 

et  98). 

0,455  sur  0,515. 

Fait  partie  de  la  collection  de  feu  iM""  P.  J.  Goeighebuer. 

{Pour  être  conlinué). 

A.  Dejardin. 


(I)  Aubertin   (rrançois),  graveur,    né  à  Melz  en   1773,  niorl  à  Garni,  le 
26  aoùl  1821. 


—  348 


Crotîf  pectorale  îre  IVoèque  '^rteôt. 


Dans  le  domaine  de  l'archéologie,  peu  de  sujets  ont  été 
moins  explorés  que  les  croix  pectorales;  ce  fait  s'explique 
par  la  rareté  relative  des  spécimens  et  par  la  difficulté  des 
problèmes  à  résoudre,  touchant  l'origine  et  le  caractère  de 
cet  ornement.  Sans  prétendre  trancher  la  question,  résu- 
mons quelques  renseignements  généraux,  avant  de  décrire 
le  joyau  précieux  que  nous  annonçons. 

La  croix  pectorale  peut  èlre  considérée  comme  ornement 
et  comme  objet  de  dévotion.  A  ce  double  point  de  vue  cor- 
respondent deux  origines  bien  distinctes.  L'ornement  ne 
remonte  qu'à  l'époque  où,  sans  crainte  des  persécutions, 
les  chrétiens,  laïcs,  prêtres  ou  pontifes,  professaient  à  la 
face  du  soleil  leur  vénération  pour  celle  croix,  si  long- 
temps bafouée  par  le  paganisme  et  enfin  plantée  triom- 
phalement au  sommet  du  Capilole  par  les  Césars  convertis. 
Bientôt  les  Barbares,  maîtres  de  l'empire  romain,  mais  dis- 
ciples du  Christ,  remplacèrent  le  pectorale  à  emblèmes 
païens  par  le  phylactère  cruciforme ,  et  après  quinze 
siècles  de  révolutions  dans  les  modes  et  les  idées,  nous 
voyons  encore  la  croix  pectorale  briller  au  cou  des  bour- 
geoises de  nos  villes  et  des  pieuses  filles  de  nos  campagnes. 

De  tout  temps,  les  hommes  aimèrent  à  porter  sur  eux 
l'image  de  l'objet  de  leur  culte  et  de  leur  amour.  Tous  les 
peuples  et  toutes  les  générations  ont  voulu  vivre  de  souve- 
nirs. Ce  fait  se  constate  chez  les  Egyptiens  et  les  Arabes, 
les  Grecs  et  les  Romains,  les  Juifs,  les  Chrétiens  et  les  Ido- 
lâtres, sans  excepter  les  hommes  du  Nord  au  moyen  âge. 


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—  349  — 

les  Turcs  el  les  Bédouins  d'aujourd'hui.  Dès  l'origine  du 
chrislianisme,  de  petites  custodes,  suspendues  au  cou  des 
fidèles,  contenaient  soit  des  reliques,  soit  le  livre  des  Evan- 
giles, soit  la  sainte  hostie.  Sous  les  formes  diverses  de 
boîtes,  de  tubes  ou  de  croix,  ces  custodes  s'appelaient  phy- 
lactères, nom  commun  aux  amulettes  employées  par  l'enfant 
d'Israël,  comme  par  le  citoyen  de  Rome  ou  d'Athènes.  Leur 
usage  servait  à  extirper  l'emploi  des  talismans  superstitieux 
portés  par  les  Juifs  et  les  Gnosliques,  el  sévèrement  con- 
damnés, dès  le  principe,  par  les  Pères  et  les  Conciles. 

Par  respect  pour  le  trésor  caché,  ces  reliquaires  étaient 
de  matière  très-précieuse,  et  le  plus  souvent  ornés  de  cise- 
lures ou  d'émaux.  En  1571,  lors  des  premières  fouilles  au 
cimetière  antique  du  \'atican,  on  trouva  deux  custodes  en 
or,  de  forme  carrée,  munies  d'une  boucle  et  ornées  sur  la 
face  antérieure,  du  monogramme  du  Christ  accosté  de  Val- 
pha  et  de  Voméga.  Les  savants  explorateurs  des  catacombes, 
Bosio,  Aringhi,  Ciampini,  Botlari,  ont  reproduit  un  de  ces 
reliquaires,  semblant  dater  du  IV«  siècle  (i).  Saint  Grégoire 
de  Nysse  nous  apprend  que  sainte  Macrine,  sa  sœur,  avait 
coutume  de  porter  au  cou  une  croix  reliquaire  renfermant 
un  fragment  du  bois  sacré.  Saint  Jean  Chrysoslôme  men- 
tionne des  objets  semblables  dans  divers  endroits  de  ses 
œuvres  et  spécialement  dans  sa  dix-neuvième  homélie  sur 
les  statues.  Dans  son  traité  des  clous  du  Seigneur  (a),  livre 
curieux  et  rare,  l'Augustin  bruxellois  Curtius  donne  le  des- 
sin d'une  croix  pectorale,  conservée  au  trésor  du  Vatican, 
el  envoyée  en  450  au  pape  saint  Léon  le  Grand  par  Juvé- 
nal,  évéque  de  Jérusalem.  Cette  pièce  vénérable  consistait 
en  un  morceau  de  la  vraie  croix,  taillé  en  crucifix  et  orné 
des  figures  du  Christ  au  Calvaire,  de  Marie  et  des  disciples. 


(1)  V.  Martig:vy,  Dicliomiairc  des  anliquilis  chrétiennes,  p.  255. 

(2)  De  clavis  Domiiiiris.  Anvei-s,  1C70,  A,  Frisii;  p.  51. 


—  350  — 

Le  savant  archéologue  romain,  DeRossi,  publia  dans  son 
Bulletin  d'archéologie  (i),  la  plus  ancienne  croix  pectorale 
que  Ton  connaisse  aujourd'hui.   Elle   est  reproduite  par 
l'abbé  Martigny  dans  son  Dictionnaire.  Les  deux  faces  de 
ce  joyau  portent  une  inscription  en  forme  de  croix.  Sur  la 
première,  on  lit  en  travers  Emanouèl,  et  verticalement  la 
traduction  latine  de  ce  mot  biblique,  Nobiscum  Deiis.  Le 
revers  porte  :  Cruxest  vUa  mi;  mors,  inimice,  tibi:  La  croix 
est  ma  vie;  à  toi,  ennemi,  la  mort.  Ces  inscriptions  s'enca- 
drent dans  des  rinceaux  niellés  d'une  exécution  remarqua- 
ble. La  croix  est  munie  d'une  vis  fermant  une  cavité,  où 
se  trouvaient  jadis  des  reliques.  Comme  cet  objet  fut  déposé 
sur  la  poitrine  d'un  cadavre,  retrouvé  dans  la  basilique  de 
Saint-Laurent  hors  des  murs,  il  est  très-probable  que  par 
respect  on  aura  retiré  les  reliques  au  moment  de  l'inhu- 
ma lion. 

Traitant  de  la  gloire  des  martyrs  (lib.  I,  c.  M),  saint 
Grégoire  de  Tours  raconte  qu'il  portait  suspendue  au  cou, 
une  croix  d'or,  contenant  les  reliques  de  la  sainte  Vierge, 
des  saints  apôtres  et  du  bienheureux  Martin,  son  prédé- 
cesseur. Saint  Grégoire  le  Grand,  dans  ses  lettrés,  fait  sou- 
vent mention  des  phylactères  en  forme  de  croix.  Excellen- 
tissimo  autem  filio  nostro  Adidwaldo  régi  transmittere 
curavimus  Plujlateria,  id  est,  criicem  ciim  ligno  S.  Criicis 
Domini,  écrit-il  à  la  reine  Thcodelinde.  Une  croix  sem- 
blable, envoyée  à  cette  princesse  par  le  même  pontife,  se 
conserve  encore  dans  le  célèbre  trésor  de  Mouza,  et  se  porte 
par  le  prévôt  de  l'antique  église  de  cette  ville,  quand  il  of- 
ficie pontificalement.  Dans  un  autre  passage  de  ses  épltres, 
saint  Grégoire  nous  apprend  qu'il  gratifia  Dinamius,  illustre 
Gaulois,  d'une  petite  croix  contenant  de  la  limaille  des  chaî- 
nes de  saint  Pierre.  Il  avait  envoyé  à  Childeberl,  roi  des 

(1)  Aprik  I86Ô. 


—  351  — 

Francs,  de  semblables  reliques  dans  de  petites  clefs  d'or, 
et  à  Récarède,  roi  des  Visigolhs,  ainsi  qu'au  roi  lombard 
Adulwald,  un  morceau  de  la  vraie  croix  enchâssé  dans  un 
reliquaire  cruciforme.  En  81 1,  saint  iNiccphore,  patriarche 
de  Constantinople,  dans  sa  réfutation  des  Iconoclastes,  as- 
sure que  depuis  longtemps  la  terre  est  pleine  des  croix 
pectorales,  sur  lesquelles  étaient  représentées  la  Passion  et 
la  Résurrection  de  Jésus  Christ.  Anastase  le  Bibliothé- 
caire (i),  qui  assistait  au  huitième  concile  général  en  869, 
attribue  aux  Grecs  la  coutume  de  porter  au  cou  une  croix 
renfermant  des  reliques. 

Le  musée  du  Vatican  possède  une  croix  pectorale  du 
Vll^  ou  1X'=  siècle,  décrite  et  dessinée  par  iM.  Grimouard 
de  Saint-Laurent  dans  la  Revue  de  l'art  chrétien  (2).  Cinq 
médaillons  représentent  sur  Tune  des  faces  le  Christ,  la 
Vierge  et  saint  Jean  aux  côtés,  et  deux  têtes  d'anges  aux 
extrémités  verticales;  au  revers,  le  Sauveur  entre  la  Vierge 
et  saint  Jean,  saint  Pierre  au  sommet  et  saint  Paul  à  l'ex- 
trémité inférieure.  A  l'exception  de  saint  Paul,  remplacé 
par  sainte  Hélène,  les  mêmes  personnages  figurent  sur  la 
face  principale  de  la  croix  de  Velletri,  également  décrite 
par  M.  Grimouard.  Celle-ci  est  émaillée  à  fond  d'or,  et 
contient  une  parcelle  de  la  vraie  croix.  Elle  fut  donnée  par 
le  pape  Alexandre  IV,  évéque  de  Velletri  de  1231  à  1254, 
et  fut  enfermée  dans  une  autre  croix  très-précieuse,  exis- 
tant encore  aujourd'hui.  La  face  postérieure  représente  en 
cinq  médaillons  le  Christ  et  les  quatre  Evangélistes. 

D'autres  croix  pectorales  sont  décrites  par  Arringhi  dans 
sa  Rome  souterraine,  et  par  Borgia  dans  ses  mémoires  sur 
la  croix  de  Velletri,  et  sur  celle  donnée  par  un  empereur 
grec  du  V\^  siècle  à  la  basilique  Vaticane  (0).  Ajoutons 


(1)  Inlerpr.  synodi  Vlll  gcncr.  ex  epislola  Nicolaï  I  ad  Pliotium. 

(2)  Janvier  186C. 

(3)  De  crucc  Valicana.  Rome,  1779. 


—   3o2  — 

qu'une  monnaie  pontificale  d'Anaslase  III  (911  à  915)  re- 
présenle  le  prince  îles  apôtres  avec  la  croix  pectorale. 

Les  savants  ne  sont  nullement  d'accord  pour  préciser 
l'époque  où  la  croix  pectorale  devint  l'insigne  distinctif  de 
l'épiscopat.  Cependant,  d'après  Innocent  Coronius,  au  hui- 
tième concile  général  tenu  en  809,  le  port  de  la  croix  pec- 
torale fit  désigner  les  évéques  sous  le  nom  de  Slaiiropatas. 
D'un  autre  côté,  le  silence  des  sacramentaires  et  des  an- 
ciens livres  liturgiques  semble  confirmer  l'opinion  de  ceux 
qui  ne  font  remonter  qu'au  XIII''  siècle,  l'adoption  générale 
du  reliquaire  cruciforme  comme  attribut  pontifical.  Le  pape 
Innocent  III  (i)  énumère  la  croix  pectorale  parmi  les  orne- 
ments spéciaux  du  souverain  Pontife,  et  prétend  qu'elle  fut 
adoptée  pour  remplacer  h  Rationale  ou  la  lame  d'or  que  le 
grand-prélre  avait  seul  le  droit  de  porter  chez  les  Juifs. 
La  croix,  suspendue  au  cou  par  des  chaînettes,  rappelait 
au  successeur  de  Pierre  que  toute  force  et  toute  dignité  lui 
venaient  par  le  signe  sacré  de  la  Rédemption,  comme  jadis 
la  croix  lumineuse  de  Trêves  fut  un  gage  de  victoire  pour 
Constantin,  Les  ministres  de  l'Église,  bien  plus  que  les 
autres  fidèles,  étaient  appelés  à  porter  la  croix,  ce  joug 
suave  du  Seigneur,  symbole  de  la  charité  et  des  travaux  du 
divin  maître.  Il  était  donc  bien  naturel  que  la  croix  figurât, 
comme  souvenir  de  leurs  obligations,  sur  leur  poitrine  et 
leurs  vêtements.  Aussi  l'ornement  principal  des  pontifes 
était-il  le  pohjslaurion  ou  vêtement  à  nombreuses  croix, 
dont  l'idée  nous  est  rappelée  encore  par  les  croix  du  Pal- 
lium  archiépiscopal.  Voici  en  quels  termes  Durand  exprime 
les  mêmes  idées  (2)  : 

«  Il  (le  pontife  romain)  prend  aussi  une  croix  suspendue 
»  à  une  chaîne  à  petits  anneaux  qu'il  met  à  son  cou  et  se 


(I)  Mysler.  Mlssœ,  lib.  I,  ciip.  .)3. 

(2j  Ralionatc  divi  officii,  lib.  III,  rap.  IX.  Traduction  de  Cii.  BARTiiÉLii.MY . 


ÙHt) 


»  place  (levant  la  poitrine.  Le  pontife  de  Tancienne  loi  aussi 
»  portait  sur  le  front  une  lame  d'or,  au  lieu  de  laquelle  le 
»  pontife  de  la  nouvelle  loi  porte  une  croix  sur  sa  poitrine; 
»  et  ainsi  la  lame  d'or  a  cédé  la  place  au  signe  de  la  croix, 
«  car  le  mystère  que  contenait  en  quatre  lettres  la  lame 
»  d'or,  la  forme  de  la  croix  l'a  expliqué  dans  ses  quatre 
»  parties,  selon  ce  que  dit  l'apôtre  :  A/iii  que  vous  compre- 
»  niez  avec  tous  les  saints  quelle  est  la  largeur  et  la  longueur, 
»  la  hauteur  et  la  profondeur  de  ce  mystère.  Donc  le  mystère 
»  que  l'un  (par  la  lame)  portait  sur  le  front,  l'autre  main- 
»  tenant  le  porte  caché  dans  son  cœur  (par  la  croix);  car, 
n  par  le  cœur  on  a  foi  en  la  justice,  et  par  la  bouche  a  lieu  la 
»  confession  qui  mène  au  salut.  Selon  (saint)  Jérôme  :  le  sang 
»  de  l'Êvans^ile  est  plus  précieux  que  for  de  la  /o?  (ancienne). 
»  Il  place  aussi  la  croix  sur  sa  poitrine  et  devant  lui,  pour 
»  montrer  ce  que  dit  l'apôtre  :  Glorifiez  et  portez  Dieu  sur 
0  votre  corps.  En  se  mettant  et  en  s'ôlanl  la  croix,  il  la  baise 
»  pour  montrer  qu'il  croit  et  qu'il  confesse  la  passion  du 
»  Christ  qu'elle  représente,  et  qu'il  se  prépare  à  retracer 
»  lui-même  en  célébrant  la  messe.  » 

La  croix  pectorale  des  évéques,  appelée  quelquefois  par 
les  Grecs  periapta,  chose  suspendue,  est  désignée  sous  le 
nom  d'Encolpium  par  saint  Nicéphore  de  Constantinople, 
en  811.  VEncolpium,  du  grec  en,  dans,  et  kolpos,  sein, 
s'appelait  ainsi  à  cause  de  la  place  qu'il  occupait.  La  même 
raison  le  fait  appeler  cro/x  pectorale  par  Innocent  IH.  Sous 
le  nom  de  rational,  il  est  cité  parmi  les  ornements  pontifi- 
.caux  par  Honorius  d'Aulun,  au  commencement  du  XIP 
siècle  (i). 

En  dernière  analyse,  il  semble  constaté  que  même  au 
XIII''  siècle,  l'usage  de  la  croix  pectorale  était  facultatif 
pour  les  évêques.  Durand  le  dit  assez  explicitement,  lorsque 

(1)  Gemma  aiiimœ,  lil).   I,  cap.  20î). 


—  354  — 

en  énuméranl  la  croix  parmi  les  insignes  du  pontife  célc- 
Iji'anl,  il  ajoute  :  S'il  veut  l'employer;  crux  pecloralis,  si 
qiiis  ea  nti  velil.  Peut-être  la  croix  pectorale,  d'abord  orne- 
ment exclusif  (lu  souverain  pontife,  passa-t-elle  à  l'usage 
des  évêques,  primitivement  par  privilège,  et  enfin  par  pres- 
cription et  tolérance.  Le  Pontifical  Romain  cite  la  croix 
pectorale  parmi  les  insignes  que  l'évéque  ou  l'abbé  élu  revêt 
avant  la  cérémonie  de  la  consécration.  Aucune  formule  spé- 
ciale n'est  indiquée,  mais  le  Pontifical  donne  la  faculté  d'em- 
ployer pour  la  croix  pectorale  la  même  prière  que  pour  la 
croix  des  croisades  (i). 

Vers  le  milieu  du  XI'=  siècle,  les  abbés  commencèrent  à 
porter  quelques  insignes  pontificaux.  Alexandre  JI  concéda 
le  premier  l'usage  de  la  mitre,  et  sous  ses  successeurs  les 
privilèges  se  multiplièrent,  au  point  que  les  abbés  au  XV® 
siècle  possédaient  tous  les  ornements  épiscopaux.  Dans 
quelques  diocèses,  le  privilège  de  la  croix  pectorale  passe 
aux  chanoines  des  cathédrales;  et  les  membres  du  chapitre 
de  Saint-Bavon  obtinrent  celle  distinction  honorifique  en 
18S3,  au  retour  de  l'évéque  de  Gand  de  sa  visite  au  tom- 
beau des  apôtres. 

L'examen  des  archives  paroissiales  de  Loochristi  nous  fit 
découvrir  un  acte  authentique,  constatant  le  legs  d'une 
croix  pectorale  de  l'évéque  Triest  à  l'église  de  cette  loca- 
lité. Muni  de  cette  pièce,  nous  parvînmes,  après  de  lon- 
gues recherches,  à  découvrir  ce  joyau  enchâssé  dans  une 
autre  croix  en  écaille  rouge,  ornant  jadis  le  maître-autel 
et  exposée  maintenant  à  la  vénération  des  fidèles  dans  les 
solennités  de  la  Sainte-Croix. 

Simple  dans  sa  forme,  mais  remarquable  par  le  fini  et  la 
délicatesse  des  gravures  qui  couvrent  tous  les  côtés,  notre 
croix  présente  sur  la  face  pleine  cinq  médaillons,  figurant 

(1)  Poutipcalv  Uomanum.  Briix  ,  1753,  I,  II,  pp.  436  cl  4(i2. 


—  355  — 

autant  d'épisodes  de  la  passion  du  Sauveur.  L'agonie  au 
jardin  des  Olives,  les  scènes  infâmes  du  Soufflet,  de  la  Fla- 
gellation, du  Couronnement  d'épines  et  de  VEcce  homo,  sont 
reproduites  avec  une  saisissante  vérité  par  l'habile  burin  de 
l'artiste,  dont  le  talent  déploie  toute  sa  souplesse  dans  les 
gracieux  rinceaux  de  la  face  oj)posée.  Celle-ci  renferme 
deux  cases;  la  plus  grande,  au  centre,  contient  le  précieux 
fragment  de  la  sainte  Croix.  La  case  plus  petite  est  vide; 
assurément  elle  aura  enchâssé  une  autre  relique,  peut-être 
celle  de  saint  Antoine,  patron  du  prélat  possesseur.  A  l'ex- 
trémité inférieure,  un  gentil  écureuil  se  blottit  malicieuse- 
ment dans  le  rinceau  et  semble  désigner  énigmatiquemenl 
le  nom  du  graveur.  Les  dix  côtés  latéraux  représentent  les 
instruments  de  la  Passion;  les  trente  deniers  symétrique- 
ment placés  en  deux  files,  la  lanterne  et  le  flambeau  éclai- 
rant la  scène  lugubre  du  jardin  des  Olives,  le  glaive  de 
Pierre  et  le  gantelet  du  valet  pontifical,  le  fouet  et  les  ver- 
ges, la  colonne  d'ignominie  surmontée  du  coq  traditionnel, 
l'aiguière  et  le  bassin  de  Pilale,  la  couronne  d'épines,  l'é- 
chelle, la  lance  et  l'éponge,  les  tenailles  et  le  marteau,  trois 
dés  et  trois  clous. 

L'on  sait  combien  les  savants  disputent  sur  le  nombre 
des  clous  de  la  vraie  croix.  Il  paraît  cependant  certain  que 
toute  l'antiquité  chrétienne  représenta  le  divin  crucifié  avec 
quatre  clous,  chifl"re  réduit  à  trois  par  les  artistes  de  la 
Renaissance,  sans  doute  pour  donner  plus  de  mouvement 
au  torse,  si  souvent  exagéré  dans  les  crucifix  des  temps . 
modernes. 

La  croix  pectorale,  reproduite  ici  en  grandeur  natu- 
relle, est  en  cuivre  doré.  La  longueur  totale  est  de  0,106; 
la  traverse  mesure  5  centimètres;  la  largeur  est  de  0,016, 
l'épaisseur  de  0,008.  Le  côté  présentant  la  relique,  fut 
probablement  couvert  d'une  plaque  s'adaptanl  au  sommet 


—  556  — 

par  deux  volules  formant  cliarnière  avec  les  entailles  per- 
forées qu'on  remarque  dans  la  croix  même. 

Pour  compléter  celle  notice,  nous  transcrivons  le  texte 
de  l'acte  déposé  aux  archives  de  l'église.  Dans  celle  pièce, 
les  vicaires-généraux,  administrateurs  du  siège  vacant,  con- 
statent l'aulhenticité  de  la  relique  et  accordent  à  tous  les 
fidèles  une  indulgence  de  quarante  jours,  sous  condition  de 
vénérer  ce  précieux  souvenir  et  de  prier  pour  les  intérêts 
de  l'Église  et  le  salut  de  la  pairie  affligée.  Ces  sentiments 
patriotiques  font  allusion  aux  malheurs  qui  menaçaient  la 
Flandre,  envahie  par  la  France  et  l'Angleterre  en  consé- 
quence du  traité  du  9  mai  1657.  Noire  acte  date  du  14  sep- 
tembre de  la  même  année. 

«  Vicarii  générales  in  spirilualibus  et  temporalibus  Epis- 
»  copalus  Gandavensis  vacantis. 

«  Omnibus  has  visuris  aut  lecluris,  nolum  facimus  et  les- 
»  tificamur  exhibitam  nobis  fuisse  crucem  quamdam  pecto- 
»  ralem  ex  sere  deauralo  illuslrissimi  ac  reverendissimi 
»  Domini  Triest,  Episcopi  Gandavensis  piœ  mémorise,  in 
»  qua  continebatur  particula  aliqua  ex  vera  cruce  Domini 
»  Nostri  Jesu  Chrisli  quam  prsefalus  illuslrissimus  Dominus 
»  ut  authenticam  habuit  et  venerabatur,  modo  autem  donala 
»  erat  Ecclesise  parochiali  de  Loochrisli,  hujus  diœcesis  per 
»  Paschasium  Adenelle,  prsefati  illuslrissimi  Domini  dum 
»  viverel  cubicularium  :  de  quibus  omnibus  cum  Nobis  suf- 
»  ficienler  conslel  permisimus,  proùt  permillimus  per  prœ- 
»  sentes  ad  requisitionem  Domini  Pastoris  dicti  loci,  ut 
»  preefata  particula  Sanclœ  Crucis  publicœ  veneralioni 
»  exponi  possil;  atque  ad  augendam  erga  Passionem  Domi- 
I)  nicam  cullum  et  devotionem ,  concedimus  omnibus  et 
»  singulis  Chrisli  fidelibus  ulriusque  sexus  quœ  prafalam 
»  sanclœ  Crucis  parliculam  dévote  venerati  fuerint  et  coram 
»  eadem  de  peccalis  suis  conlrili,  prcces  aliquas  fuderint 
i>  pro  paceet  Iranquillitate  Ecclesipe  catholicT,  propagalione 


—  357  — 

»  fidei,  et  afflictœ  palriœ  nostrœ  defensione,  indulgenlias 
»  quadraginla  dierum  in  forma  ordinaria.  In  quorum  om- 
»  nium  fidem,  lias  per  secrelariiim  noslrum  expediri  et 
»  sigillo  nostro  muniri  jussimus,  Gandavi  in  vicarialu. 
»  Anne  Domini  millésime  sexcenlesimo  quinquagesimo  sep- 
»  timo,  mensis  seplembris  die  décima  quarla. 

»  De  mandalo  RR.  Domînorum  Vicariorum  gen., 

»  J.  GrLLEMANS,  secret.  » 

Combien  de  documenis  semblables  ont  été  livrés  aux  ra- 
vages de  rhumidilé  ou  dispersés  par  Tincurie  et  l'ignorance! 
Combien  de  chefs-d'œuvre  vendus  à  vil  prix,  ou  refoulés 
dans  les  greniers,  échappent  aux  patientes  recherches  de 
l'archéologue  et  de  l'archiviste! 

J.  B.  L. 


23 


-   358  — 


notice 


SUR 

LES    ANCIENNES    ET    LES    NOUVELLES    PEINTURES    MURALES 

DE    I/ÉGLISE 

DE  NOTRE-DAME,  AU  SABLON, 

J^   BRUXELLES. 


II. 

Elle  révèle,  pendant  celte  période,  une  tendance  pro- 
gressive qui  ne  se  ralentit  que  vers  le  milieu  du  siècle 
suivant.  La  composition  est  empreinte  d'un  cachet  de  vé- 
rité et  dénote  Tavénement  d'une  ère  nouvelle.  La  forme 
complètement  dégagée  des  principes  de  l'art  byzantin, 
revêt  plus  d'ampleur  que  pendant  les  siècles  précédents. 
Les  types  des  physionomies,  leur  charme,  l'expression  des 
traits,  des  yeux,  du  nez  et  de  la  bouche,  jointe  à  l'élégance 
de  l'ovale,  constituent,  croyons-nous,  le  caractère  distinctif 
des  peintures  de  cette  époque.  Le  dessin  est  plus  correct 
et  accuse  une  plus  grande  connaissance  de  la  structure 
anatomique  du  corps  humain.  Les  contours,  moins  larges 
et  dessinés  avec  plus  de  soin,  contribuent  puissamment  à 
trancher  les  différentes  couleurs  et  à  les  harmoniser  entre 
elles.  Le  coloris  rivalise  toujours  avec  l'éclat  de  la  pein- 
ture sur  verre.  Les  couleurs  franches  continuent  à  dominer 
pour  les  figures,  comme  pour  l'ornementation  des  motifs 
de  l'architecture.  Les  fonds  changent  de  tonalité.  Nous  y 


—  359  — 

voyons  apparaître,  dès  la  seconde  moilié  du  XW"  siècle, 
les  couleurs  les  plus  variées,  le  rouge,  le  bleu,  le  jaune; 
tantôt  ils  représentent  des  mosaïques,  tantôt  des  damas- 
quinages  ou  des  étoffes  de  cette  époque,  très-souvent  des 
fruits  et  des  fleurs.  L'or  continue  également  à  être  employé 
comme  fonds,  mais  moins  généralement  qu'aux  siècles  an- 
térieurs. Presque  toujours  nous  le  trouvons  gauffré.  Il  sert 
encore  à  rehausser  les  draperies  et  les  divers  ornements 
des  figures.  On  a  découvert  un  curieux  spécimen  des  pein- 
tures de  cette  époque,  dans  l'ancienne  église  des  Domini- 
cains, à  Maestricht. 

Ce  sont  ces  mêmes  caractères  que  nous  voyons  encore 
se  développer  dans  le  cours  de  la  première  moitié  du 
XV^  siècle,  et  que  nous  retrouvons  dans  les  peintures  de 
Notre-Dame,  au  Sablon. 

Comme.nous  l'avons  dit  plus  haut,  les  peintures  les  plus 
anciennes,  que  l'on  ait  découvert  dans  cette  église,  sont 
celles  des  deux  grandes  travées,  au  côté  gauche  du  chœur. 
Elles  comprennent  dix  compartiments  ou  arcatures  à  ogives 
trilobées.  Chacun  de  ces  cofnparlimenls  était  orné  d'une 
figure  représentant  un  saint  personnage.  Aucune  symétrie 
n'existait  dans  la  disposition  de  ces  figures.  Comme  com- 
position, ces  peintures  sont  conformes  aux  traditions  de 
l'époque  et  trahissent  les  sentiments  religieux  de  l'artiste 
qui  les  exécuta.  Le  mysticisme  du  moyen  âge  y  apparait  dans 
toute  sa  naïveté.  Les  formes  sont  maintenues  dans  de  justes 
proportions.  Les  attitudes  n'expriment  aucun  mouvement, 
aucune  roideur,  ni  aucune  violence.  Les  physionomies  sont 
caractéristiques  et  expriment  tour  à  tour  la  dignité  virile 
et  la  douceur  féminine.  L'ordonnance  des  draperies  est 
rendue  avec  celte  ampleur,  ce  moelleux  et  cette  souplesse 
qui  distinguent  l'époque.  On  ne  retrouve  aucune  recherche 
dans  l'agencement  des  plis,  qui,  en  se  contournant,  déter- 
minent la  forme  du  corps,  la  rotule  des  genoux,  les  coudes 


—  560  — 

des  bras,  la  poitrine,  les  épaules,  etc.  Les  traits,  qui  re- 
champissent les  contours  et  le  mouvement  des  détails, 
comptent  environ  deux  millimètres  d'épaisseur  et  con- 
courent admirablement  à  produire  un  ensemble  des  plus 
harmonieux  (i).  Quant  au  coloris,  nous  retrouvons  dans 
les  peintures,  qui  nous  occupent,  les  mêmes  caractères  que 
ceux  que  nous  avons  indiqués  pour  l'époque  précédente. 
Elles  ne  nous  offrent  pas  des  combinaisons  très-variées  de 
couleurs.  Le  rouge  et  le  bleu  dominent.  La  prédominance 
de  ces  deux  couleurs,  relevées  par  l'appoint  de  l'or,  employé 
pour  les  nimbes  et  pour  les  fonds,  nous  démontre  que  jus- 
qu'au XV^  siècle  encore,  les  artistes  cherchaient  à  contre- 
balancer, par  leur  décoration  architeclonique,  la  coloration 
puissante  et  translucide  des  vitraux  et  à  maintenir  entre 
ces  deux  sœurs  un  équilibre  harmonieux. 

Les  fonds  des  grandes  figures  étaient  tantôt  dorés  et 
tantôt  rouges.  L'or  employé  comme  fond  était  toujours 
gauffré.  La  même  remarque  s'applique  également  aux  nim- 
bes, qui  étaient  tous  dorés.  Les  gauffrures  des  fonds  repré- 
sentaient alternativement,  en  forme  d'échiquier,  un  écusson 
écartelé  du  lion  de  Brabant  et  deux  oiseaux  de  perche  à  tir. 

Les  faisceaux  de  colonnettes  engagées  et  les  autres  motifs 
d'architecture,  qui  séparaient  les  travées  et  les  arcades  en- 
tre elles,  étaient  ornés  d'une  décoration  à  la  fois  tranchante 
et  harmonieuse,  dans  laquelle  le  rouge,  le  jaune  d'ocre,  le 
brun  et  la  terre  d'ombre  jouaient  le  rôle  principal  (2). 


(1)  Ces  traits  tiennent  lieu  de  ligne  obscure  et  remplacent  dans  la  peinture 
architectonique  la  sertissure  dont  les  peintres  verriers  du  moyen  âge,  mieux 
inspirés  que  ceux  de  nos  jours,  garnissaient  leurs  pièces  de  verre  de  très-petite 
dimension.  L'existence  de  ce  Irait  empêche  les  teintes  vives  et  de  valeur  égale 
d'être  criardes  et  de  produire  par  leur  juxtaposition  un  désaccord,  qui  frappe 
désagréablement  la  vue. 

(2)  A  défaut  de  planche  chromolithographiée,  nous  croyons  utile  de  décrire 
rornementation  de  chacune  des  nervures  et  moulures,  dont  se  composent  les 
faisceaux  des  colonnettes  engagées  du    chœur.  —  Boudin  à  fîlel  d'arête  du 


—  361  — 

Nous  ferons  remarquer,  en  passant,  que  les  artistes  du 
moyen-âge  allachaienl  une  grande  importance  à  ne  pas 
confondre,  par  une  même  ornementation,  différents  motifs 
d'architecture.  Par  contre,  nous  n'avons  jamais  trouvé  sur 
le  même  membre  architectural  deux  motifs  différents  d'or- 
nementation. Cette  remarque  s'applique  généralement  à 
toutes  les  peintures  murales  découvertes  jusqu'à  ce  jour. 
Cet  usage  trouvait  sa  raison  dans  le  but  que  poursuivait 
le  peintre.  Il  ne  cherchait  jamais  à  modifier  l'œuvre  de 
l'architecte,  mais  uniquement  à  le  compléter  pour  en  mieux 
faire  ressortir  l'élégance  et  le  mérite. 

L'importance  que  reçurent  à  partir  du  XIII*  siècle  les 
formes  de  construction  des  édifices,  engagea  les  artistes  dé- 
corateurs à  diriger  tous  leurs  efforts  sur  rornemenlation 
de  ces  formes.  Pour  détacher  les  membres  de  l'architecture 
entre  eux  et  pour  leur  imprimer  un  cachet  de  légèreté,  ils 
consacrèrent  l'usage  de  relever  chaque  motif  architectural, 
par  un  liseré  dans  les  champ-freins  et  les  creux.  Cet  usage 
offrait  encore  l'avantage  de  maintenir  une  douce  harmonie 
dans  la  combinaison  des  couleurs.  On  employait  pour  ces 


milieu,  double  chevroné  noir  surmonlé  de  trois  feuilles  de  IrèBc,  le  tout  sur 
fond  rouge,  l'arête  pourpre  foncé  —  ereux  terre  d'ombre.  —  Boudin  à  filet 
d'arête,  simple  chevroné  d'ocre  brun  foncé  sur  un  fond  jaune  pâle,  filet  d'arête 
pourpre  rouge.  —  Boudin  sans  filet  d'arête  formant  avec  les  deux  motifs  pré- 
cédents la  partie  saillante  du  faisceau,  losange  alternativement  ocre  brun  el 
jaune.  —  Champ-parois  ou  listel  rouge  vif.  Sur  ce  fond  se  détachaient  des  pe- 
tits dessins  varies,  des  figurines  et  des  croix  de  consécration.  —  Ctiamp-frcius, 
terre  d'ombre.  —  Boudin  blanc  à  torsades  rouges.  —  Cavet  ou  gorge  pourpre 
orné  d'ornements  rouges  entrelacés.  —  Petit  boudin  jaune  —  Boudin  à  filet 
d'arêle  double  chevroné  noir  surmonté  de  trois  feuilles  de  trèfle  de  même  cou- 
leur, le  tout  sur  fond  rouge,  larêle  pourpre  foncé.  —  Petit  cavet  ou  gorge 
pourpre.  —  Petit  chanip-lVein  rouge.  —  Petit  boudin  blanc  à  torsades  rouges. 
--  Champ-frein  rechampi  au  milieu  de  noir.  La  moitié  de  ce  dernier  motif  est 
rouge.  L'autre  moitié  se  compose  de  parallélogrammes  allernalivcment  blancs 
et  noirs.  Les  neufs  derniers  membres  d'architecture,  répétés  de  part  et  d'autre, 
forment  la  partie  rentrante  du  faisceau.  Les  colonnelles  engagées  à  bases  oc- 
togones, qui  forment  l'encadrement  des  figures,  étaient  ornées  de  torsades 
allernalivcment  blanches  et  rouges. 


—  362  — 

liserés  le  blanc,  le  jaune  d'ocre,  le  rouge  foncé  el  le  noir. 

L'ornementation  architecturale  du  chœur  de  l'église  de 
Notre-Dame,  au  Sablon,  offrait  un  ensemble  des  plus  har- 
monieux et  d'une  grande  puissance  de  tons;  elle  tranchait 
d'une  manière  admirable  avec  la  décoration  des  flgures. 

A  partir  de  la  seconde  moitié  du  XV^  siècle,  nous  voyons 
une  ère  nouvelle  s'ouvrir  pour  la  peinture  murale,  comme 
aussi  pour  les  verrières  et  pour  toutes  les  branches  de  l'art 
en  général  :  les  anciennes  traditions  de  la  peinture  murale 
commencent  à  se  perdre;  les  principes  d'unité,  qui  avaient 
présidé  jusqu'alors  à  la  décoration  de  nos  édifices,  sont  aban- 
donnés; le  désaccord  s'établit  entre  les  artistes,  qui  ne  sui- 
vent plus  que  leurs  inspirations  particulières,  ou  plutôt 
celles  de  leurs  opulents  ordonnateurs.  Les  peintures  décou- 
vertes dans  l'abside  et  au  côté  droit  du  chœur  de  l'église 
de  Notre-Dame,  au  Sablon,  nous  fournissent  un  spécimen 
des  plus  curieux  des  tendances  de  celte  époque  :  les  couleurs 
composées  ont  envahi  le  terrain  artistique;  la  variété  des 
teintes,  que  l'on  y  retrouve,  offre  l'aspect  le  plus  négligé; 
peu  ou  point  d'harmonie  dans  les  couleurs.  Celte  absence 
d'harmonie  provenait  de  la  difficulté  que  les  artistes  ren- 
contraient pour  la  maintenir  au  milieu  de  l'assemblage  de 
tant  de  couleurs  variées.  Le  vert,  le  noir,  le  rouge,  le  gris, 
le  jaune  et  le  brun  sont  juxtaposés,  sans  tenir  compte  de  la 
valeur  de  leur  tonalité.  Les  fonds  étaient  rouges.  Les  traits 
qui  déterminent  les  contours  et  les  plis  des  draperies  sub- 
sistent toujours,  mais  ils  sont  plus  arrondis  que  dans  les 
deux  travées  de  gauche  et  laissent  parfois  entrevoir  une 
grande  indécision.  Les  figures  n'ont  rien  de  gothique  et 
sont  moins  expressives;  elles  laissent  beaucoup  à  désirer, 
sous  le  rapport  du  dessin;  les  draperies  sont  plus  ou  moins 
étriquées.  Une  des  figures,  représentant  saint  Quentin, 
trahit  une  recherche  du  nu,  que  ne  connaissaient  pas  les 
artistes  du  moyen-âge.  On  ne  retrouve  pas  encore,  il  est 


—  363  — 

vrai,  (les  fonds  de  perspective  aérienne,  mais  déjà  cepen- 
dant on  entrevoit  une  perspective  linéaire,  produisant  une 
apparence  réelle,  sans  arrière-plan.  Un  seul  des  saints  per- 
sonnages, que  nous  y  trouvons  représenté,  porte  un  phylac- 
tère, avec  une  inscription  flamande. 

Il  est  à  remarquer  que  presque  toutes  les  figures  de 
l'abside  et  des  deux  grandes  travées  du  chœur,  au  côté  de 
l'épitre,  laissaient  entrevoir  un  repentir  que  nous  ne  re- 
trouvons pas  dans  les  deux  grandes  travées  opposées  à  ces 
dernières.  L'existence  de  ces  relouches  nous  démontre  que 
l'artiste  s'est  contenté  d'exécuter  ses  peintures  sans  l'auxi- 
liaire de  calques  ou  de  carions. 

A  partir  des  dernières  années  du  XV"^  siècle,  l'art  de  la 
peinture  murale  marche  d'un  pas  rapide  vers  sa  décadence. 

Une  des  principales  causes  de  la  décadence  de  la  pein- 
ture murale  en  Belgique  fut  l'engouement  qui  se  manifesta 
pour  la  peinture  pittoresque,  qui  avait  introduit  le  réalisme 
dans  l'art.  Un  des  caractères  distinctifs  de  la  peinture  ar- 
chilectonique  consiste  à  ne  pas  reproduire  la  nature  telle 
qu'elle  se  présente  à  nos  yeux.  Elle  arrête  les  contours 
par  des  traits.  Or,  l'école  flamande,  basée  sur  l'imitation 
de  la  nature,  sur  le  réalisme,  ignore  l'usage  de  ces  traits, 
qu'elle  ne  retrouve  pas  dans  la  vie  réelle.  Un  autre  carac- 
tère essentiel  de  la  peinture  murale  est  de  n'offrir  toujours 
qu'une  surface  plane  et  solide,  destinée  à  produire  non  des 
successions  de  plans,  des  perspectives  factices,  des  illu- 
sions qui  traversent  l'appareil  lapidaire,  mais  à  conserver 
à  l'archilecture  la  planimétrie  des  parois  et  toutes  ses  pro- 
priétés, sans  en  dérober  aucune  par  le  prestige  et  la  magie 
de  la  peinture.  L'art  pittoresque,  au  contraire,  recherche 
les  perspectives  et  reproduit  la  nature  avec  toutes  ses  suc- 
cessions de  plans  et  d'arrière-plans.  De  plus,  la  peinture 
murale  est  par  sa  nature  même  anlicoloriste.  Elle  ne  souflVe 
pas  l'éclat  des  tons,  elle  ne  recherche  pas  le  luisant  dans 


—  36-i  — 

ses  teintes,  elle  n'aspire  pas  à  des  effets  séduisants.  Desti- 
née à  être  vue  obliquement  et  de  face,  elle  n'admet  pas  les 
effets  de  lumière,  les  ombres,  les  clairs-obscurs.  Elle  n'ad- 
met que  les  tons  mais,  les  teintes  simples,  et  veut  que  le 
moindre  détail  soit  tout  autant  dans  la  lumière  que  le 
sujet  principal.  La  peinture  de  cbevalet,  qui  est  propre- 
ment la  peinture  des  cabinets,  des  musées  et  des  salons, 
trouve  sa  perfection  dans  l'éclat  et  le  prestige  du  modelé, 
dont  elle  relève  encore  la  puissance,  au  moyen  du  glacis. 
L'importance,  qu'obtint  l'art  belge  au  XV''  siècle,  dut  donc 
nécessairement  exercer  une  influence  fatale  sur  la  peinture 
arcbilectonique.  Aussi  voyons-nous,  dès  le  XV*  siècle  et 
surtout  au  siècle  suivant,  la  peinture  de  chevalet  envahir 
nos  églises  et  y  prendre  la  place  qu'avait  si  longtemps 
occupée  la  peinture  murale. 

Une  autre  cause  non  moins  fatale  à  toute  peinture,  mais 
pritKiipalement  à  la  peinture  religieuse,  fut  l'esprit  qui  do- 
minait répo(|ue  :  la  pompe  des  souverains,  la  vanité  des 
grands,  le  caprice  des  riches  et  l'amour-propre  des  autres 
entravèrent  toutes  les  idées  de  liberté,  sans  lesquelles  toute 
œuvre  d'art  devient  impossible.  Il  est  vrai,  qu'à  l'exemple 
de  Charles  le  Téméraire,  Marguerite  d'Autriche  et  Charles- 
Quint  comblèrent  de  faveur  les  arts,  les  belles-lettres  et  les 
sciences;  mais,  par  contre,  nous  voyons  la  foi  simple  et 
fervente  des  époques  antérieures  s'effacer  et  faire  place  à 
des  idées  d'amour-propre  et  de  vanité.  Les  artistes  obéirent 
à  des  tendances  auxquelles  ils  se  sentaient  impuissants  à 
résister.  C'est  alors  que  nous  les  voyons  déserter  les  pré- 
cieuses traditions  et  les  principes  salutaires  de  l'art  au 
moyen  âge,  et  s'empresser  d'aller  demander  leurs  inspi- 
rations aux  divinités  payennes  de  Rome  et  d'Athènes  (i). 


(I)  Les  peintures  exécutées,  dans  le  cours  du  XV!"  siècle,  aux  voiilcs  de 
réglisc  de  Saint-Paul,  à  Liège,  nous  dénionlrcnl  jusqu'à  quel  point  Icspril 
de  l'époque  a  pu  entraîner  les  artistes. 


—  565  — 

C'est  alors  que  nous  voyons  une  hiérarchie  puissante  ex- 
ploiter nos  temples  et  nos  édifices  religieux,  pour  y  élaler 
à  l'envi  les  insignes  de  leur  grandeur,  les  lilres  de  leur 
noblesse  et  la  preuve  de  leur  vaine  opulence  (i). 

Une  troisième  cause  ne  contribua  pas  moins  puissam- 
ment à  provoquer  la  décadence  de  la  peinture  murale.  La 
révolution,  qui  s'opéra  dans  le  style  architectural,  dut  né- 
cessairement exercer  son  influence  sur  celle  branche  de 
l'art,  en  développant  le  goût  pour  l'antiquité  classique  des 
Romains  et  des  Grecs.  Celte  innovation  de  style  produisit, 
en  même  temps,  les  grands  rétables,  les  autels  à  propor- 
tions démesurées,  les  boiseries  et  tous  les  ornements  de 
mauvais  goût,  qui  rendirent  inutiles  et,  de  plus,  impossibles 
les  décorations  architecturales  de  nos  édifices  religieux. 

Ces  causes  provoquèrent  la  décadence  de  la  peinture 
murale,  et  la  réforme  la  consomma.  Le  protestantisme  rom- 
pit avec  toutes  les  traditions  religieuses  et  artistiques.  Ses 
partisans  proscrivirent  les  images  et  les  statues  des  saints 
partout  où  leur  fanatisme  parvenait  à  les  faire  triompher. 
Le  vandalisme  impie,  que  les  sectaires  du  XV!*"  siècle  exer- 
cèrent dans  nos  édifices  religieux,  et  spécialement  les  excès 
sacrilèges,  que  leur  haine  aveugle  pour  la  religion  leur  fit 
commettre  dans  l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon  (2),  nous 
permettent  de  supposer  que  les  peintures  de  cette  église 
en  furent  également  l'objet.  Cette  opinion  est  de  plus  con- 
firmée par  un  passage  d'un  acte,  en  date  du  15  mars  iG08 
et  conservé  aux  Archives  du  royaume  (3).  Il  conste,  en  effet, 
par  celte  pièce,  que  ce  fut  après  les  troubles  religieux,  que 

(1)  On  ne  saurait  douter  que  ce  fut  à  cette  époque  que  furent  peintes  les 
armoiries  que  Ton  a  trouvé  sur  la  belle  peinture  découverte  dans  la  cathé- 
drale de  Tournay.  Cette  peinture  représentait  la  Jérusalem  céleste.  Voir  la 
notice  de  M.  Voisin,  Bulletin  d'art  et  d'archéologie,  t.  IV,  année  18G3. 

(2)  L'église  de  Noire-Dame,  an  Sahlon,  pendant  les  troubles  religieux  du 
XVI^  siècle.  Anatectes  ecclésiastiques,  1867,  3e  livraison,  p.  317. 

(3)  Archives  de  l'audience  Carton  n"  1574. 


—  Ô66  — 

Toi)  couvrit  les  peinlures  d'une  couche  de  badigeon  et  que 
l'on  établit  les  stalles  qui  garnirent  les  côtés  latéraux  du 
chœur  jusqu'en  l'année  1859. 

Les  recherches  auxquelles  nous  nous  sommes  livré,  pour 
découvrir  les  noms  des  artistes,  qui  exécutèrent  les  pein- 
tures découvertes  dans  l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon, 
ne  nous  ont  rien  appris.  Ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est 
qu'elles  portent  toutes  le  cachet  de  l'école  flamande,  et  que 
celles  que  l'on  découvrit  dans  les  deux  travées,  au  côté 
gauche  du  chœur,  révélaient  un  artiste  d'un  mérite  su- 
périeur. 

Quand  nous  étudions  les  anciens  restes  des  peintures 
exécutées,  pendant  le  moyen  âge,  nous  sommes  souvent 
frappés  de  la  grandeur  de  leur  composition,  de  la  perfec- 
tion de  leur  style  et  de  l'harmonie  qui  règne  dans  les  cou- 
leurs. Cela  n'a  rien  cependant  qui  doive  nous  étonner  :  les 
corporations,  qui  existaient  autrefois  dans  notre  pays,  im- 
primaient à  tous  les  travaux  de  ce  genre  un  cachet  d'unité 
et  d'entente,  que  nous  chercherions  en  vain  de  nos  jours. 
Les  puissantes  corporations  de  Saint-Luc,  à  Anvers  et  à 
Bruges,  dont  des  ramifications  existaient  dans  toutes  les 
parties  du  pays,  fournissaient  aux  artistes  des  règles  et  des 
données  communes,  au  moyen  desquelles  ils  ne  pouvaient 
s'égarer.  Les  peintres  du  moyen  âge  connaissaient  parfaite- 
ment la  valeur  et  la  puissance  des  tons  et  savaient  les  mé- 
nager, pour  obtenir,  dans  leur  juxtaposition,  l'harmonie 
indispensable  à  toute  peinture  en  général.  Ils  observaient 
également,  pour  le  dessin,  des  lois  géométriques,  qui  leur 
étaient  transmises  et  qui  se  conservaient  par  esprit  de 
corps  et  même  sous  la  religion  du  serment  (i).  Avec  ces 
données,  l'arlisle  quelque  peu  expérimenté  pouvait  excel- 


(1)  Voira  ce  sujet  le  travail  publié  par  M.  Tabbé  comte  di;  Houia^o  et  iiili- 
lulc  :  Du  principe  scrrcl  des  arlislcs  aulifiues.  Bruxelles,  184(i. 


—  367  — 

1er.  II  pouvait,  en  eflet,  combiner  les  ressources  du  dessin 
el  de  la  couleur,  dans  l'union  desquels  consiste  la  perfection 
de  l'art  de  la  peinture. 

Outre  la  galerie  à  figures  du  lambris  inférieur  du  chœur, 
on  découvrit  encore  dans  l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon, 
des  peintures  aux  clefs  des  voûtes  du  transept,  à  celles  de 
la  nef  centrale  et  aux  chapiteaux  des  colonnes  cylindriques 
de  cette  dernière.  Un  écussoii  polychrome  existait  à  chacune 
des  clefs  des  voûtes  du  transept  (i).  Auloui'  de  chacun  de 
ces  écussons,  entre  les  nervures  qui  viennent  s'y  raccor- 
der, étaient  peints  des  motifs  représentant  des  rinceaux  à 
liges  et  à  feuilles,  dont  les  couleurs  étaient  jaunes,  rouges 
et  bleues.  Les  feuilles  de  choux  frisées  des  chapiteaux  de 
la  nef  principale  étaient  dorées.  La  gorge  et  les  tailloirs 
offraient  des  traces  de  polychromie.  Les  clefs  des  voûtes 
de  cette  partie  étaient  peintes  comme  celles  du  transept, 
mais  on  n'y  découvrit  tout  autour  aucune  trace  de  motif  ou 
de  lambrequin  formant  un  rinceau. 

Il  est  à  remarquer  que  les  peintures  d'ornementation 
dans  l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon,  comme  celles  des 
figures,  s'arrêtaient  à  la  naissance  des  fenêtres.  Les  fais- 
ceaux des  colonneltes  engagées  du  chœur,  malgré  leur 
absence  de  chapiteaux  el  leur  continuité,  jusqu'à  leur  rac- 
cordement aux  clefs  des  voûtes,  n'étaient  peintes  qu'à  la 
hauteur  du  glacis  des  fenêtres.  A  la  partie  supérieure,  au- 
dessus  de  ce  lambris,  on  ne  découvrit  plus  aucune  trace  de 
peinture.  Néanmoins  tous  les  auteurs  sont  unanimes  à  re- 
connaître que  les  artistes  du  moyen  âge,  comme  ceux  de 
l'antiquité,  n'ont  pas  admis  une  coloration  partielle.  Cette 
assertion  ne  saurait  être  révoquée  en  doute;  seulement,  il 
est  à  remarquer  que  presque  toujours  les  peintures  de  nos 


(1)  Hyacinthe  De  Bruyn,  Notice  sur  rorigine  de  l'église  de  Notre-Dame,  au 
Sablon. 


—  368  — 

églises  ne  consislaient,  pour  les  parties  au-dessus  du  lam- 
bris inférieur,  qu'en  une  sorte  de  badigeon  blanc,  ou  plus 
souvent  encore  blanc  jaunâtre,  formé  par  le  mélange  du 
blanc  de  chaux  avec  Tocre  jaune.  Nous  trouvons  que  l'em- 
ploi de  ce  badigeon  était  déjà  en  usage  au  XI«  siècle  (i). 
Jl  faut  toutefois  ajouter  que  ce  badigeon  ne  consistait  pas 
en  un  simple  et  affreux  blanchiment  au  lait  de  chaux, 
comme  on  le  comprend  malheureusement  aujourd'hui;  il 
faisait  toujours  l'objet  d'un  véritable  travail  artistique.  Ce 
badigeon  était,  en  effet,  toujours  relevé  soit  par  des  traits 
imitant  l'appareil  lapidaire,  comme  dans  l'église  de  Notre- 
Dame  de  la  Chapelle,  à  Bruxelles,  dans  la  chapelle  des 
saints  Jean  et  Paul,  à  Gand,  etc.,  soit  par  des  simples 
lisérés,  comme  dans  la  cathédrale  de  Tournay,  soit  enOn 
par  des  motifs  de  différentes  couleurs  rehaussés  de  points, 
de  croix,  de  feuilles,  de  fleurs  ou  d'autres  ornements  variés 
d'une  grande  simplicité,  mais  d'un  effet  d'ensemble  majes- 
tueux. On  ne  saurait  douter  que  l'un  ou  l'autre  de  ces 
systèmes  de  décoration  n'ait  été  également  employé  dans 
l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon. 

Plusieurs  systèmes  furent  également  adoptés,  au  moyen- 
âge,  pour  la  décoration  des  voûtes  des  églises.  Quelques- 
unes,  parmi  lesquelles  nous  citerons  les  églises  de  Saint- 
Paul  et  de  Saint-Jacques,  à  Liège,  etc.,  avaient  les  voûtes 
blanches  pour  le  fond,  et  sur  ce  fond  se  détachait,  tantôt 
une  arabesque  de  feuilles,  de  fleurs  ou  de  fruits  (2),  tantôt 
un  rinceau  formant  un  entrelacement.  Les  peintures  autour 
des  clefs  des  voûtes  du  transept  de  l'église  de  Notre-Dame, 


(1)  Voir  sur  celte  question  les  observations  émises,  le  la  janvier  ISGi, 
dans  rassemblée  des  Commissions  d'art  et  d'archéologie.  Bulletin  des  Commis- 
sions d'art  et  d'archéologie,  l.  III,  pp.  177  et  suiv.  Voir  aussi  la  petite  bro- 
chure inlilulée  :  Du  badigeon  décoratif  des  églises.  Bruxelles,  1860. 

(2)  Le  fruit  appelé  ananas  est  un  molif  que  Pou  rclrouvc  sowveni  diins  li-s 
peintures,  à  partir  du  XVf  siècle. 


—  5(30  — 

au  Sablon,  se  rapporlent  égalemenl  à  ce  genre  de  décora- 
tion. Les  voùles  des  églises  de  Noire-Dame  de  la  Chapelle, 
à  Bruxelles,  de  Noire-Dame,  à  Tirlemonl,  elc,  représen- 
taient un  dessin  d'appareil  lapidaire.  Dans  la  cathédrale  de 
Tournay,  les  voûtes  ont  été  conservées  dans  leur  état  na- 
turel de  pierre,  sans  aucune  décoration  picturale.  A  l'hos- 
pice de  la  Biloque,  à  Gand,  on  avait  conservé  dans  son  état 
naturel  le  bois  dont  sont  formés  les  voûtes.  Les  nervures 
seules  étaient  peintes  en  rouge,  blanc  et  noir.  Nous  avons 
retrouvé  des  voûtes  bleues  dans  les  églises  de  Wervicq, 
de  Neer-Oeteren,  de  Sainte-Croix,  à  Liège  et  dans  quelques 
autres.  Toutefois,  le  système  le  plus  généralement  adopté 
était  de  conserver  les  voûtes  blanches,  et  l'on  se  conten- 
tait, dans  ce  cas,  de  peindre  les  clefs  des  voûtes  et  une 
partie  des  nervures  qui  viennent  s'y  raccorder.  C'est  ce 
système  que  nous  trouvons  avoir  été  adopté  pour  la  nef 
centrale  de  l'église  de  Notre-Dame,  au  Sablon. 

Dans  un  grand  nombre  d'églises,  nous  retrouvons  en- 
dessous  des  peintures  une  couleur  ordinairement  rougeàtre, 
appliquée  directement  sur  l'appareil  lapidaire.  Cet  enduit 
très-adhérent  servait  de  préparation  au  mur.  Une  analyse 
de  cette  couleur  nous  apprend  qu'elle  était  composée  d'un 
mélange  de  plomb,  de  fer,  et  de  terre.  On  y  découvre,  en 
effet,  le  minium  de  plomb,  l'ocre  jaune,  rouge  et  brun  et 
la  terre  d'ombre. 

Comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'art  de  la  peinture 
murale  fut  pratiqué  en  Belgique,  dès  les  siècles  les  plus 
reculés.  Les  découvertes,  faites  récemment  par  M.  Galesloot, 
de  débris  de  deux  habitations  de  l'époque  romaine,  viennent 
encore  corroborer  cette  assertion  (i).  La  peinture  à  cette 
époque  était  appliquée,  tantôt  sur  la  pierre  même,  tantôt 

(1)  Notice  sur  des  débris  de  peintures  antiques  sur  ciment,  etc.,  Bulletin  de 
l'Académie  royale  de  Belgique,  (•  XVIII  et  t.  XXII. 


—  370  — 

sur  un  enduil,  dont  on  la  revêlait.  Cet  enduit  était  formé 
de  terre  ou  de  schiste  argileux  de  différentes  couleurs. 
L'un  des  procédés  employés  par  les  Romains,  pour  la  dé- 
coration de  leurs  constructions,  était  Tencaustique.  Ce 
procédé  consistait  dans  l'emploi  de  la  cire  délayée  avec 
d'autres  matières.  La  couleur  détrempée  dans  ce  mélange 
était  étendue  à  chaud  et  quelquefois  à  froid  sur  les  murs, 
ou  sur  l'enduit  qui  les  recouvrait.  Les  débris  découverts 
par  M.  Galesloot  nous  fournissent  également  la  preuve  de 
l'emploi  de  la  cire,  comme  procédé  des  anciennes  peintures 
romaines.  La  fresque  proprement  dite  paraît  avoir  été 
également  connue  dès  les  siècles  les  plus  reculés.  Ce  pro- 
cédé consiste,  comme  ledit  fort  bien  iM.  Helbig,  à  peindre 
sur  un  enduit  frais,  qui,  absorbant  la  couleur,  la  fixe  en 
se  séchant  (i).  La  fresque  cependant  ne  fut  guère  beaucoup 
pratiquée  dans  notre  pays.  Les  plus  anciens  exemples  que 
nous  connaissions  de  l'application  de  ce  procédé  sont  les  an- 
ciennes peintures  de  l'hospice  de  la  Biloque,  à  Gand,  de  la 
chapelle  des  saints  Jean  et  Paul,  dans  la  même  ville,  et  celles 
de  l'église  de  Sainte-Croix,  à  Liège.  Les  difficultés  que 
présente  cette  méthode  dans  son  application  n'auront  pas 
peu  contribué,  croyons-nous,  à  la  faire  négliger  (2).  Les 
tons  étant  absorbés  par  l'enduit,  avec  lequel  ils  se  fon- 
daient, offraient  toujours  une  harmonie  douce  et  tranquille 
et  très-favorable  au  genre  de  peinture  architectonique. 
Jamais  dans  la  fresque,  on  ne  trouve  de  ces  tons  secs  et 
criards,  ni  de  ces  couleurs  éclatantes  si  peu  en  harmonie 
avec  le  caractère  sombre  de  nos  édifices  religieux.  Un  autre 
procédé  plus  généralement  pratiqué  en  Belgique  pendant 
le  moyen  âge,  était  le  procédé  à  la  détrempe.  C'est  de  ce 


{[)  La  peinture  à  fresque  sur  les  bords  du  Rhin. 

(2)  Voir,   pour  Tcmploi  de  ce    procédé  et  les   diffîcullés   qu'il   présente 
VioLLET  LE  Duc,  Dirliounaire,  c.\c . ,  article  Peinture. 


-    571   — 

dernier  que  parle  le  moine  Tliéopiiile  dans  le  chapitre  XV 
de  son  précieux  travail  intitulé  :  Diversarum  ariium  sche- 
dula.  Ce  procédé  consiste  à  appliquer  des  peintures  sur 
un  enduit  sec,  au  moyen  d'un  liant  adiiérant  à  l'enduit. 
Différents  liants  furent  employés.  Les  plus  communs  étaient 
le  blanc  ou  le  jaune  d'œuf,  le  lait,  la  colle  de  peau,  la 
colle  d'os  et  la  colle  de  parchemin,  le  lait  de  chaux  et 
quelquefois  la  gomme.  Ces  divers  procédés  offraient  tous 
des  garanties  de  solidité  pour  les  édifices  qui  étaient  à  l'abri 
de  l'humidité.  Nous  retrouvons  des  spécimens  de  ces  divers 
procédés  dans  l'ancienne  abbaye  de  Villers  et  dans  les  égli- 
ses de  Lisseweghe,  de  Léau,  de  Sainl-Trond,  de  Liège,  de 
Tournay,  etc.  Au  XII^  siècle,  la  métamorphose  qui  s'in- 
troduisit dans  le  style  architectural,  nécessita  l'adoption 
des  procédés,  qui  pouvaient  se  passer  d'un  enduit  quelcon- 
que, et  permettre  l'application  immédiate  de  la  couleur  sur 
l'appareil  lapidaire.  Plusieurs  des  procédés  que  nous  venons 
d'énumérer,  continuèrent  à  être  employés,  mais  le  procédé 
à  l'encaustique  que  l'on  appelle  encore  procédé  à  la  cire 
et  à  la  résine,  prévalut  :  à  part  les  tons  agréables  qu'il 
produisait  et  la  pureté  qu'il  conservait  à  la  pierre,  il  offrait 
encore,  d'un  côté,  la  solidité  nécessaire  à  la  bonne  conser- 
vation de  la  peinture  et,  de  l'autre,  l'avantage  de  contre- 
balancer, par  la  vigueur  qu'il  conserve  aux  tons,  la  puis- 
sante coloration  des  verrières  (i).  Les  exemples  de  l'emploi 
de  ce  procédé  sont  très-nombreux  en  Belgique.  Nous  nous 
contenterons  de  citer  les  églises  de  Notre-Dame,  à  Tongres, 
du  Béguinage,  à  Saint-Trond,  de  Saint-Martin,  à  Liège,  etc. 
Les  peintures  découvertes  dans  l'église  de  Notre-Dame,  au 
Sablon,  ont  été  également  exécutées  au  moyen  de  ce  pro- 
cédé. La  peinture  à  l'huile  ne  fut  employée  pour  la  déco- 


(1)  Voir,  pour  l'emploi  de  ce  procède,  De  Caumont,  Cours  d'anliquiléi  mo- 
nutneulalcs,  l.  II. 


—  572  — 

ration  de  nos  édifices,  qu'à  la  fin  du  XV*  siècle,  lorsque  déjà 
les  peintres  commençaient  à  abandonner  les  bonnes  tradi- 
tions et  les  principes  de  l'art  de  la  peinture  murale.  Nous 
trouvons  des  spécimens  de  ce  procédé  dans  les  peintures 
découvertes  au  IMont-de-piété,  à  Malines,  et  dans  une  des 
chapelles  latérales  de  Téglise  de  Sainte-Croix,  à  Liège. 
Mais  l'une  et  l'autre  de  ces  peintures  ne  datent  que  du 
XVI'^  siècle.  Les  petits  panneaux  des  donateurs,  dans  les 
travées,  au  côté  gauche  du  chœur  de  l'église  de  Notre- 
Dame,  au  Sablon,  avaient  également  été  retouchés  à  l'huile 
au  commencement  du  XVP  siècle.  Plusieurs  autres  procé- 
dés ont  été  réceinment  découverts  et  employés  par  les 
peintres.  Nous  nous  contenterons  de  mentionner  les  pro- 
cédés au  Wasserglass,  au  schiste  et  au  gulla-percha. 

Hyacinthe  De  Bruyn. 

{Pour  être  continué). 


—  373   — 


VOL  DE   TABLEAUX 

DE   JL,A.   a^LERIE   DE   L'ARCHIDUC   ALBERT, 

AU    CHATEAU    DE   TERVUEREN, 

EN     MARS    1624. 


L'ancien  château  deTervueren,  celle  belle  résidence  des 
ducs  de  Brabant  de  la  maison  de  Louvain,  plus  ou  moins 
négligée  après  l'exlinction  de  leur  race,  renfermait  une 
magnifique  galerie  de  tableaux,  dont  l'époux  de  l'infante 
Isabelle  avait  été  le  créateur.  L  archiduc  Albert,  dit  M.  de 
Reiffenberg  (i),  fut  le  premier  qui  réunit  un  grand  cabinet 
de  tableaux  où  chaque  école  était  classée  avec  ordre.  On  en 
voyait  àTervueren  plus  de  deux  cents,  et  il  en  plaça  d'au- 
tres encore  dans  ses  palais  de  Bruxelles  et  de  Marimont. 
Quentin  Melzys,  Jean  de  Maubeuge,  Jérôme  Bosch,  Albert 
Diirer,  Holbein,  Lucas  de  Leyde,  Franc  Floris  y  figuraient 
à  côté  de  maîtres  plus  récents  :  Otto  Venins,  Rubens,  Coe- 
berger  et  Pierre  Breugel.  Qu'est  devenue  cette  collection 
véritablement  royale?  Elle  a  eu  le  sort  de  toutes  les  galeries 
formées  par  nos  princes  :  l'étranger  s'en  est  enrichi  (2). 

La  galerie  deTervueren  existait  donc  dans  toute  sa  splen- 
deur, lorsque  le  19  mars  1624  et  les  jours  suivants,  elle 
devint  le  théâtre  d'un  vol  des  plus  audacieux,  d'un  acte  de 

[i]  Cilé  par  M^  A.  Wauters,  Hist.  des  environs  de  Bruxelles,  t.  III,  p.  389. 
(2)  M.  Wauters  a  publié  le  catalogue  des  tableaux  qui  se  trouvaient  au  châ- 
teau de  Tervueicn  en  1746.  —  M^  A.  Pincharl  en  possède  un  plus  ancien. 

-m 


—  374  — 

vandalisme  inoui  (i).  Un  des  jardiniers  découvrit  (25  mars) 
dans  un  réservoir  à  sec,  établi  au  milieu  de  l'étang  qui 
baignait  les  épaisses  murailles  du  château  (2),  au-delà  de 
cinquante  toiles  découpées  de  leurs  cadres  et  roulées  les 
unes  dans  les  autres,  apparemment  pour  être  emportées 
en  temps  opportun,  plus  une  superbe  glace  de  l'Infante.  Le 
voleur  ou  les  voleurs  avaient  fait  leur  choix  parmi  les  chefs- 
d'œuvre  de  la  collection. 

Grande  fut  la  stupeur  de  la  cour  et  de  la  ville,  en  pré- 
sence d'un  pareil  coup,  accompli  d'une  manière  à  la  fois 
si  sûre  et  si  mystérieuse.  Mais  on  ne  se  perdit  pas  long- 
temps en  vaines  conjectures  sur  les  auteurs  du  vol.  Des 
soupçons  s'élevèrent  spontanément  contre  l'ancien  châte- 
lain, Frédéric  Vander  Haeghen,  gentilhomme  d'une  bonne 
famille  de  Bruxelles  et  de  plus  licencié  en  droit.  Il  habitait 
le  village. 

Ses  antécédents  étaient  mauvais,  il  faut  le  dire,  et  ils  ne 
justifiaient  que  trop  les  préventions  du  public  à  son  égard. 
Il  avait  détourné  des  meubles  du  château  dont  la  garde  lui 
était  confiée,  un  tableau  entre  autres,  et  les  avait  engagés 
au  mont-de-piété,  à  Bruxelles  et  à  Louvain.  L'Infante  lui 
avait  pardonné  cet  acte  de  mauvaise  foi,  mais  à  la  condition 
qu'il  se  démit  de  sa  charge  (3),  charge  honorable  et  hono- 
rée avant  lui  par  Jean  Vander  Haeghen,  son  père.  Aussi, 


(1)  Les  détails  qu'on  va  lire  sont  tirés  d'un  dossier  de  procédure  faisant 
partie  des  archives  de  l'office  fiscal  ou  parquet  de  l'ancien  conseil  de  Brabant. 
Il  est  inutile  de  rappeler,  à  ce  propos,  qu'autrefois  les  débats  judiciaires  avaient 
lieu  par  écrit. 

(2)  L'étang  était  alors  également  sans  eau. 

(3)  Vander  Haeghen  avait  été  nommé  châtelain  du  château  de  Tervueren 
par  lettres  patentes  des  Archiducs,  du  20  mars  1616.  En  cette  qualité,  il  devait 
garder  le  château  et  ses  dépendances.  Le  châtelain  prêtait  serment  entre  les 
mains  du  chancelier  de  Brabant,  qui  le  mettait  en  possession  de  sa  charge  en 
lui  faisant  délivrer  les  clefs  du  château,  sous  inventaire  des  meubles  qui  s'y 
trouvaient. 


—  375  — 

Isabelle,  indignée,  n'avait  pas  liésilc  à  signer  roidre  d'ar- 
reslalion  que  voici  : 

La  Sérénissime  Infante  a  ordonné  et  ordonne  par  ceste  aux 
majeurs  et  gens  de  la  loy  des  villages  de  Ruysbroeck,  Isque, 
Overes  (i)  et  Tervueren  de  faire  tous  debvoirs  possibles  pour 
descouvrir  tous  ceux  qui  ont  trempé  au  larcin  des  peintures 
enlevées  du  château  dudict  Tervueren,  et  mcsme  d'appréhender 
Frédericq  V'ander  Ilaghen,  son  frère,  Philippe  Vander  Haghen, 
comme  aussy  Abraham  Paris  (2),  ayant  autrefois  servy  ledict 
Frédericq  et  esté  hoste  audict  Tervueren,  en  la  maison  dite  le 
Petit  Renard  onVosken,  et,  au  surplus,  de  donner  tonte  ayde  et 
assistence  requise  à  Jean  Ortis,  ayde  de  la  furrerie  de  Son  Al- 
teze,  qu'icelle  a  trouvé  bon  de  commectre  pour  tenir  la  main 
à  l'exécution  de  ce  que  dessus  et  à  la  recherche  desdictes  pein- 
tures. 

Faict  à  Bruxelles,  le  25  mars  1624. 

ÎSABKL. 

[Original). 

Muni  de  cet  ordre,  l'aide-fourrier  de  la  cour,  Jean  Ortis, 
accompagné  de  plusieurs  alguazils,  se  rendit  promptement 
à  Tervueren,  pénétra  pendant  la  nuit  dans  la  maison  où 
logeait  le  ci-devant  châtelain,  l'arracha  de  son  lit  et  le  fit 
garrotter  d'une  manière  cruelle,  en  attendant  le  jour,  pour 
le  conduire  à  la  prison  la  Vrunte,  à  Bruxelles.  Ce  n'étaient 
là,  pour  ainsi  parler,  que  les  prémices  de  l'infortune  ré- 
servée au  prévenu. 

En  effet,  à  peine  était-il  incarcéré,  que  le  procureur 
général  de  Brabant,  Jean  Van  Craesbeck,  le  poursuivit  cri- 
minellement devant  le  conseil  de  Brabant.  L'affaire  fut  in- 
struite, selon  l'usage,  dans  la  prison  même,  par  un  conseiller 
de  cette  cour  souveraine,  Jean  Maes,  en  qualité  de  juge- 
commissaire,  assisté  d'un  secrétaire. 

Comme  il  s'agit  ici  d'une  cause  remarquable  et  qui  pré- 


(1)  Overyssche. 

(2)  Lise:  :  Par}  s. 


—  576  — 

sente  même  un  inlérèt  dramatique,  je  crois  devoir  l'exposer 
dans  ses  principaux  détails. 

A  la  première  audience  (l*""  avril),  le  procurenr  général 
conclut  à  ce  que  le  prisonnier  fût  puni  selon  la  gravité  du 
délit  qui  lui  était  imputé,  et,  en  cas  de  nécessité,  qu'on 
l'appliquât  à  la  torture  pour  le  faire  entrer  en  aveu,  car 
Vander  Haeghen  protestait  de  son  innocence.  La  cour  ne 
jugea  pas  à  propos  de  consentir  à  l'admission  immédiate 
de  ces  deux  demandes,  dont  la  seconde  était  au  moins  pré- 
maturée. Elle  voulut  d'abord  que  le  ministère  public  épuisât 
toutes  les  autres  ressources  de  la  procédure,  et,  constatons- 
le  en  passant,  elles  étaient  nécessaires,  tant  les  preuves  à 
charge  étaient  faibles  et  incertaines.  D'autre  part,  elle  laissa 
à  l'inculpé  une  latitude  pleine  et  entière  de  se  défendre,  soit 
par  lui-même,  soit  par  l'organe  d'un  conseil,  ce  qui  n'ar- 
rivait pas  toujours  (i). 

Dans  l'acte  d'accusation  (faits  de  charge),  le  procureur 
général  disait  que  le  prisonnier  jouissait  d'une  mauvaise 
réputation;  qu'il  avait  dissipé  ses  biens  et  ceux  de  feu  sa 
femme;  qu'il  avait  détourné  des  meubles  du  château  deTer- 
vueren,  en  1621  et  en  1623,  et  finalement,  chose  grave, 
comme  on  le  conçoit,  qu'il  était  l'auteur  du  fameux  vol  dont 
il  s'agit.  Pour  accomplir  ce  délit,  prétendait  le  procureur 
général,  Vander  Haeghen  était  entré,  le  mardi  matin, 
19  mars,  dans  le  château,  sous  prétexte  d'entendre  la 
messe  qui  se  disait  habituellement  à  la  chapelle  de  Saint- 
Hubert;  puis  il  s'était  laissé  enfermer,  ayant  sur  lui  des 
chandelles,  un  morceau  de  bois  dit  vonckhoul  (2),  un  bri- 
quet et  du  pain,  car  il  prévoyait  bien  que  l'opération  à 
laquelle  il  allait  se  livrer  serait  longue  et  difficile.  Il  devait 
avoir  des  complices. 


(1)  Il  y  avait  des  cas,  tels  que  les  crimes  d'Élal  ou  cas  royaux,  où  les  lois 
perraellaient  de  refuser  un  avocat  à  l'accusé.  L'édil  criminel  de  1370  était 
très-rigoureux  sous  ce  rapport. 

(2;  Bois  consommé,  qui  brûle  comme  de  Tamadou. 


—  377   — 

Inlerrogé  pcde  ligalo  (i)  sur  ces  points,  Vander  Ilaegljen 
se  vantait,  au  contraire,  d'avoir  une  bonne  réputation, 
comme  il  le  prouverait,  disait-il;  il  soutenait  qu'il  n'avait 
pas  pu  dissiper  son  patrimoine,  n'ayant  rien  hérité;  seule- 
ment, il  avait  dû  lever  de  l'argent  sur  les  biens  de  sa  femme, 
pour  établir  ses  enfants  (2);  il  reconnaissait  qu'il  s'était  per- 
mis d'engager  des  meubles  du  château;  mais,  selon  lui,  il  l'a- 
vait fait  pour  payer  les  frais  des  funérailles  de  sadite  épouse; 
il  comptait  dégager  ces  objets  et  les  remettre  à  leur  place; 
du  reste,  il  avait  obtenu  son  pardon  de  l'Infante,  et  il  ne 
pouvait  plus  être  poursuivi  de  ce  chef  (3).  Quant  au  point 
capital  de  l'accusation,  il  le  repoussait  avec  énergie,  et 
ajoutait  dans  sa  réponse  écrite  au  procureur  général,  que 
cela  devait  suffire  pour  faire  tomber  l'action  intentée  contre 
lui,  cum  adore  non  probante  rens  absolvendiis  sit.  Toute- 
fois, Vander  Haeghen  convint  qu'au  jour  indiqué,  19  mars, 
il  s'était  rendu  au  château  de  Tervueren  pour  assister  à  la 
messe,  mais  ayant  aperçu,  disait-il,  des  personnes  à  qui  il 
devait  de  l'argent,  et  craignant  d'en  être  importuné,  il  s'é- 
tait esquivé  et  avait  pris  le  chemin  du  village  de  Hulden- 
berg;  là  il  avait  diné  chez  le  curé,  était  resté  avec  lui 
jusqu'au  soir,  avait  repris  le  chemin  de  Tervueren  et  était 
allé  coucher  chez  un  cabaretier,  nommé  Denis  Despontin. 
Comment  donc  aurait-il  pu  se  trouver  en  même  temps  au 
château?  D'ailleurs,  il  n'en  avait  plus  les  clefs,  et  la  serrure 
de  la  grande  porte  avait  été  changée  depuis  qu'il  les  avait 
restituées;  partant  il  lui  eût  été  impossible  de  sortir  du 
bâtiment.  Et  comme  cette  porte  avait  été  trouvée  fermée  le 
jour  du  vol,  c'était  injustement  qu'on  l'accusait.  En  outre, 
le  mercredi  et  le  jeudi  suivants,  il  avait  de  nouveau  couché 
chez  Despontin, 

(1)  Selon  l'usage,  en  malière  criminelle. 

(2)  Plusieurs  de  ces  enfants  étaient  entrés  dans  des  couvents. 

(3)  Le  procureur  général  répliqua  qu'il  ne  lui  consiait  pas  de  ce  pardon. 


—  578  — 

L'alibi  était  pour  l'accusé  une  chose  de  la  plus  haute 
importance.  Aussi  la  partie  publique  s'efforça-t-elle  de  l'at- 
ténuer. Elle  prétendit  que  Vander  Haeghen  avait  pu  sortir 
pendant  la  nuit  et  rentrer  avant  le  jour.  Dans  ce  cas,  ré- 
pliquait l'accusé,  que  devenait  le  stratagème  dont  on  le 
soupçonnait  d'avoir  fait  usage?  Cette  contradiction  dans 
l'accusation  n'a  pas  laissé  que  de  me  frapper  également. 
De  plus,  Vander  Haeghen  protesta  contre  la  manière  illé- 
gale dont  il  avait  été  arrêté  :  sans  informations  préalables 
et  sans  décret  de  prise  de  corps,  contrairement  au  pacte 
fondamental  du  Brabant  (i).  Il  disait  que  les  présomptions 
ne  suffisaient  pas  pour  mettre  en  état  d'arrestation  des  ha- 
bitants de  ce  pays. 

Un  point  assez  délicat  pour  lui,  ce  fut  la  production,  par 
le  procureur  général,  d'une  paire  de  souliers  trouvée  dans 
l'étable  de  la  maison  où  Vander  Haeghen  avait  logé.  Ces 
souliers  étaient  alors  remplis  de  boue.  Le  magistral  accu- 
sateur prétendit  que  le  prisonnier  les  portait  quand  il  com- 
mit le  vol  des  tableaux,  et  qu'il  les  avait  cachés  pour  ne  pas 
se  trahir;  il  soutenait  que  la  semelle  correspondait  à  l'em- 
preinte des  pas  laissée  dans  la  vase  de  l'étang  et  se  diri- 
geant des  murs  du  château  vers  le  réservoir  en  question. 
L'accusé,  qui  eut  soin  de  faire  remarquer  combien  cette 
expérience,  faite  après  coup,  devait  être  incertaine,  pra- 
tiquée dans  un  fond  boueux,  ne  crut  pas  devoir  reconnaître 
d'abord  ces  chaussures  pour  les  siennes,  car  elles  étaient 
vieilles  et  éculées,  et  d'autres  devaient  avoir  été  faites  sur 
la  même  forme.  Il  les  reconnut  ensuite,  mais  en  soutenant 
avec  raison  qu'il  n'y  avait  rien  d'étonnant  qu'elles  fussent 
couvertes  de  boue,  attendu  qu'il  s'en  était  servi  par  un 
temps  neigeux;  que  la  vase  des  étangs  exhalait  une  odeur 
particulière  (ce  qui  est  vrai),  et  que  si  ces  souliers  avaient 

(1)  On  sait  que  la  Joyeuse-Entrée  garantissait  la  liberté  individuelle. 


—  579  — 

été  irouvés  dans  le  jardin  par  la  femme  ou  la  servante  de 
la  maison  el  portés  dans  retable,  c'est  qu'il  les  avait  jetés 
comme  ne  pouvant  plus  en  faire  usage;  qu'ils  avaient  été 
nettoyés  depuis,  etc.  Bref,  cet  incident,  assez  embrouillé, 
donna  lieu  de  la  part  du  procureur  général  el  du  juge- 
commissaire  à  des  investigations  et  à  des  interpellations 
très-miniiticuses,  et  cependant  on  ne  put  rien  en  tirer  de 
concluant  au  préjudice  de  l'accusé.  Comme  circonstances 
aggravantes,  le  procureur  général  rappelait  encore  que  ce- 
lui-ci avait  gardé  parmi  ses  effets  une  serrure  royale  (sic), 
appartenant  au  château,  el  une  clef  rouillée  du  quartier  de 
rinfante;  qu'il  avait  acheté  un  quarteron  de  chandelles, 
qu'il  était  rentré  un  soir  chez  lui  avec  un  bout  de  chan- 
delle à  la  main;  que  la  veille  du  jour  du  vol,  il  s'était  en- 
tretenu d'une  manière  mystérieuse  avec  son  frère,  dans  un 
cabaret  de  l'endroit;  qu'il  s'était  informé,  à  Bruxelles,  si 
le  nouveau  châtelain,  Louis  Van  Couwenhove,  qui  habitait 
cette  ville,  allait  bientôt  se  fixer  à  Tervueren.  Or,  Vander 
Haeghen  s'expliqua  ici  de  manière  à  laisser  toujours  planer 
la  plus  grande  incertitude  quant  à  sa  culpabilité,  alors  sur- 
tout qu'il  donnait  de  bonnes  raisons  pour  sa  défense.  Ainsi, 
tout  en  insistant  vivement  sur  son  alibi,  qui  en  était  le  point 
capital,  il  disait  que  plusieurs  personnes  à  Tervueren  avaient 
des  clefs  du  château,  entre  autres,  un  certain  Ferdinand 
Poteau,  lequel  devait  se  rendre  deux  fois  par  jour  à  la  vo- 
lière, pour  soigner  les  petits  oiseaux,  traverser  les  salles, 
passer  par  le  quartier  de  l'Infante  el  le  jardin;  qu'on  avait 
surpris  le  valet  de  Poteau,  pendant  qu'il  ouvrait  des  portes 
du  quartier  du  camérier  major,  etc. 

L'affaire  ayant  été  réglée  à  preuves,  comme  on  disait, 
Vander  Haeghen  produisit  divers  témoins,  dont  les  plus 
importants,  sans  contredit,  étaient  l'aubergiste  Despontin 
el  sa  femme.  Ils  ne  purent  disconvenir  que  l'accusé  n'eût 
logé  chez  eux  les  jours  pendant  lesquels,  selon  le  ministère 


—  580  — 

public,  le  vol  avait  été  commis.  En  ce  qui  concernait  les 
souliers,  ils  expliquèrent  le  fait  dans  un  sens  plutôt  favo- 
rable que  défavorable  pour  le  prisonnier.  Ils  ajoutèrent  que 
celui-ci  avait  protesté  avec  vivacité  de  son  innocence,  lors- 
que la  rumeur  publique  l'eut  désigné  comme  étant  le  cou- 
pable, et  qu'il  avait  refusé  de  prendre  la  fuite.  C'est  ce  que 
déclarèrent  aussi  divers  autres  témoins  à  décharge.  Le  vi- 
caire d'Overyssche,  qui  avait  été  longtemps  chapelain  à 
Tervueren,  attesta  que  l'incriminé  s'était  toujours  conduit 
en  homme  d'honneur  et  que  le  dimanche  avant  le  jour  du 
vol  il  avait  diné  au  presbytère.  Un  ancien  valet  de  Van 
der  Haeghen  reconnut  que  celui-ci  avait  remis  toutes  les 
clefs  du  château  au  maïeur  de  Tervueren,  délégué  par  l'In- 
fante pour  les  recevoir  des  mains  de  ce  châtelain  infidèle; 
il  dit  encore  que  la  serrure  de  la  grande  porte  avait  été 
changée  et  qu'il  était  impossible  de  fermer  cette  porte  du 
dehors,  chose  qui  fut  certifiée  par  d'autres  personnes;  que 
Poteau,  déjà  nommé,  avait  l'accès  libre  à  l'intérieur  du 
château,  etc.  L'échevin  du  lieu,  le  sieur  Claes,  déposa  éga- 
lement en  faveur  de  la  moralité  de  Vander  Haeghen.  Il 
expliqua  le  résultat  de  son  examen  des  lieux,  où  il  avait 
dû  se  rendre  en  sa  qualité  susdite;  selon  lui,  les  tableaux 
avaient  été  enlevés  et  descendus  au  milieu  de  la  nuit  par  une 
fenêtre  et  portés  dans  le  réservoir,  ainsi  que  l'attestaient  les 
traces  des  pas  dans  la  vase  de  l'étang,  traces  dont  il  décrivit 
la  direction.  L'échevin  De  Becker  fut  du  même  sentiment. 
La  déposition  du  maïeur  Lilliers,  qui  se  rendit  sur  les  lieux, 
ne  présenta  rien  de  significatif,  du  moins  pour  la  justifica- 
tion de  l'accusé.  Il  parla,  comme  d'autres  témoins,  de  Poteau, 
qui  joua  dans  cette  épineuse  affaire  un  rôle  sinon  suspect, 
tout  au  moins  fort  étrange.  Ainsi  un  jour,  se  trouvant  en 
état  d'ivresse  dans  un  cabaret  du  village,  il  s'était  mis  à 
quereller  les  personnes  présentes,  à  propos  des  tableaux 
volés,  et,  ayant  été  se  munir  précipitamment  d'une  rapière, 


—  381   — 

ii  élall  revenu  en  brandissant  celle  arme,  el  loul  en  voci- 
féranl,  il  avail  défié  quiconque  osait  soutenir  que  Vander 
Haeghen  ne  fût  pas  le  vrai  coupable.  Il  avait  même  lâché 
des  coups  de  mousquet,  autre  arme  que  ce  forcené  s'était 
procurée.  Celle  scène  avait  eu  lieu  devant  la  porte  du  ca- 
baret, en  présence  des  peintres  Quentin  Symon  el  Salomon 
Noveliers,  chargés  par  l'Infante  de  la  restauration  des  pein- 
tures mutilées  et  cités  par  la  défense.  Quel  intérêt  Poteau, 
l'homme  qui  retrouva  ces  peintures,  avait-il  donc  à  accuser 
si  chaudement  Vander  Haeghen?  C'est  là  un  point  resté 
obscur  dans  ce  difficile  procès. 

La  défense  fit  encore  comparaître  quelques  témoins  dont 
je  m'abstiens  de  parler,  attendu  qu'il  ne  ressort  rien  de 
positif  de  leurs  dépositions.  Mais,  chose  digne  de  remarque, 
si  on  se  rappelle  la  destitution  récente  de  Vander  Haeghen 
pour  malversation,  elle  produisit  six  attestations  écrites, 
faisant  foi  de  la  moralité  ou  plutôt  de  l'extrême  dévotion  de 
ce  dernier.  Ces  attestations  étaient  des  curés  de  Tervueren, 
d'Huldenberg  et  de  Duysbourg,  des  vicaires  d'Overyssche  ^ 
et  de  Duysbourg,  des  frères  gardiens  des  capucins,  à  Lou- 
vain  et  à  Bois- le  Duc,  et  enfin  des  bourgmestre  et  échevins 
mêmes  de  Tervueren.  Un  plan  des  lieux  (i)  et  d'autres  pièces 
y  furent  ajoutées. 

Je  n'ai  pas  trouvé  la  déposition  des  témoins  dont  s'aida 
la  partie  publique  (a).  Seulement,  j'ai  pu  constater  que, 
parmi  eux,  plusieurs  avaient  déjà  déposé  pour  l'accusé;  tels 
étaient  le  valet  de  ce  dernier,  le  cabaretier  Despontin  el  sa 
femme,  le  maïeur  Lilliers  et  l'échevin  De  Bccker,  etc.,  ce 
qui  mit  la  défense  dans  la  nécessité  d'user  de  reproches 
envers  eux  comme  envers  les  autres  témoins  du  procureur 
général. 


(1)  Il  manque  au  dossier. 

(2)  Il  y  en  avail  une  vingtaine. 


—  382  — 

La  femme  du  nouveau  châtelain  el  la  sœur  de  cette  dame 
furent  aussi  entendues  au  sujet  des  informations  que  Van 
der  Haeghen,  au  dire  du  procureur  général,  avait  fait 
prendre  chez  elles  touchant  le  départ  de  cet  officier  pour 
sa  destination.  Il  fut  aussi  question  d'une  femme  qui  de- 
meurait en  face  du  mont-de-piété,  à  Bruxelles,  où  elle 
faisait  le  métier  de  mettre  des  objets  en  gage  et  avec  la- 
quelle l'accusé  s'était  mis  en  relation.  A  ce  propos,  il  est 
piquant  de  rappeler  que  le  procureur  général  récusa  le 
témoignage  à  décharge  du  curé  de  Huldenberg  (i),  parce 
que  l'accusé  Abraham  Parys  (2),  sur  le  compte  duquel  je 
serai  obligé  de  revenir,  ayant  engagé  au  lombard,  à  Lou- 
vain,  un  des  tableaux  du  château  et  craignant,  faute  d'ar- 
gent, de  ne  pouvoir  le  restituer,  avant  l'arrivée  de  l'Infante, 
ledit  curé,  pour  venir  en  aide  aux  coupables,  s'était  décidé 
à  lever  de  l'argent  sur  des  ornements  de  son  église.  Voilà 
du  moins  ce  que  déclara  l'accusateur  public. 

Une  phase  également  palpitante  de  cette  cause,  où  il  y 
allait,  je  n'en  doute  pas,  de  la  vie  du  prévenu,  fut  la  des- 
cente sur  les  lieux,  sollicitée  par  l'une  et  l'autre  partie, 
toutes  deux  y  ayant  un  égal  intérêt.  Elle  se  fil  par  le  juge- 
commissaire,  accompagné  d'un  secrétaire.  Je  ne  connais 
que  le  résultat  de  celle  opérée  à  la  demande  de  la  défense, 
car  le  procès-verbal  de  la  visite  contraire  a  disparu  du  dos- 
sier. Or,  dans  celle  que  j'ai  eue  sous  les  yeux,  je  ne  vois 
encore  rien  de  préjudiciable  à  l'incriminé.  L'avocat  de  Van- 
der  Haeghen  désigna  au  juge  le  château  de  Tervuercn  (s), 
ceint  de  hautes  murailles,  entouré  d'eau  et  d'un  accès  tel 


(1)  Il  déclara  que  Vaiidcr  Haeghen  avait  effectivement  dîné  chez  lui,  le  jour 
du  vol. 

(2)  Comme  on  Ta  vu,  il  était  compris  dans  l'ordre  d'arrestation  délivré  au 
nom  de  llnfanle. 

(3)  Il  y  a  des  vues  de  celte  ancienne  résidence  royale  dans  différenls  ouvra- 
ges, entre  autres  dans  la  Chorograpliia  sacra  C»-rt6aii/iœ  de  SA^DER^Js. 


—  Ô83  — 

qu'on  ne  pouvait  y  entrer  ni  en  sortir  ckuulestinement,  sans 
escalade;  il  désigna  aussi  les  différentes  salles  et  chambres 
où  l'on  avait  découpé  les  peintures;  les  grandes  dimensions 
de  quelques-unes  de  ces  toiles;  les  portes  dont  on  avait  en- 
levé les  serrures;  une  porte  forcée  du  quartier  de  feu  l'ar- 
chiduc, etc.,  etc.,  le  tout  pour  démontrer  que  le  vol  avait 
dû  être  une  opération  longue  et  difficile,  trop  difficile  pour 
qu'elle  eût  été  entreprise  par  une  seule  personne.  Ailleurs, 
je  remarque  qu'il  est  question  d'une  corde  qui  aurait  été 
suspendue  à  une  fenêtre  (i)  et  à  propos  de  laquelle  l'accu- 
sation et  la  défense  disputèrent  vivement,  celle-là  soutenant 
qu'elle  était  assez  longue  et  assez  solide  pour  aider  un 
homme  à  se  laisser  choir,  celle-ci  prétendant  le  contraire. 
Telle  était  alors  la  lenteur  habituelle  des  tribunaux  dans 
l'expédition  de  la  justice  criminelle  (2),  bien  que  les  édits 
la  voulussent  prompte  et  sommaire,  que  les  plaidoiries  qui 
nous  occupent  s'étaient  prolongées  du  commencement  du 
mois  d'avril  1624  jusqu'au  mois  de  novembre  1625.  Au 
bout  de  ce  long  terme,  on  était  tout  aussi  avancé  que  le 
premier  jour  et  rien  ne  transpirait  sur  les  véritables  auteurs 
du  vol,  ce  qui  n'empêchait  pas  le  malheureux  inculpé  de  lan- 
guir dans  la  prison  dite  de  Treurenborg,  où  on  l'avait  trans- 
porté. Ne  sachant  plus  à  quels  expédients  recourir  pour 
lui  arracher  un  aveu,  le  procureur  général,  qui,  en  répli- 
quant, persistait  fermement  dans  l'accusation,  telle  qu'il 
l'avait  formulée  et  aggravée,  avait  de  nouveau  demandé 
qu'on  recourût  à  la  torture.  La  défense  lui  avait  objecté 
que  les  indices  à  charge  étaient  loin  d'être  suffisants;  que 


(1)  Il  paraît  qu'elle  avait  été  retrouvée  par  Poteau,  qui  n'en  fit  pas  d'abord 
la  déclaration. 

(2)  Celui  qui  désire  se  faire  une  idée  exacte  de  notre  ancienne  jurispru- 
dence criminelle  et  de  tous  ses  abus,  n'a  qu'à  lire  le  discours  prononcé  par 
M.  le  procureur  général  de  Bavay,  à  l'audience  de  rentrée  de  la  cour  d'appel 
de  Bruxelles,  le  15  octobre  1856.  Cet  opuscule,  pour  être  fort  sonimnii-e, 
n'en  est  pas  moins  intéressant 


—  384  — 

d'ailleurs  Vander  Haeghen,  étant  bourgeois  de  Bruxelles  et 
membre  des  lignages,  il  fallait  des  preuves  accomplies  (i) 
avant  qu'on  put  lui  faire  subir  la  question.  Cependant  les 
préventions  contre  l'accusé  étaient  si  fortes,  je  dirai  si  vé- 
hémentes, que  les  indices  aidant,  les  juges  crurent  devoir 
passer  sur  ces  exigences  de  la  loi,  supposé  qu'elles  fussent 
fondées  à  leurs  yeux  dans  le  cas  dont  il  s'agissait.  De  sorte 
qu'ils  délibérèrent  une  première  fois  sur  le  parti  qu'il  y 
avait  à  prendre  (2).  La  majorité,  le  rapporteur  en  tête, 
opina  pour  la  condamnation  à  la  torture,  et  la  cour  prit 
une  résolution  dans  ce  sens.  Toutefois,  cette  condamnation, 
qui  paraîtra  bien  cruelle  aujourd'hui,  ne  reçut  pas  d'exé- 
cution immédiate,  car  je  vois  que,  le  2  décembre  1625, 
les  juges  la  soumirent  à  un  nouvel  examen  in  recollectione. 
La  majorité,  elle  était  grande,  hélas!  [sept  voix  sur  dix(3)] 
persista,  et  Vander  Haeghen  fut  mis  incontinent  entre  les 
mains  du  bourreau,  le  conseiller-rapporteur  et  le  conseiller 
de  Viron  ayant  été  délégués  par  la  cour  pour  présider  à 
cette  triste  séance  (4).  Vander  Haeghen  fut  torturé  pen- 
dant une  heure  au  moyen  de  la  poulie,  genre  de  supplice 
qui  consistait,  je  crois,  à  suspendre  le  patient  (s).  Il  se  la- 
menta grandement  au  milieu  de  ses  souffrances,  mais  il 
continua  néanmoins  à  protester  de  son  innocence.  Ainsi, 

(1)  Selon  IVdit  criminel  île  Pliilippe  II,  de  11)70,  une  demi-preuve  suflisail 
(Voy.  l'appendice  à  celte  notice). 

(2)  Je  n'ai  pas  trouve  le  procès-verbal  de  cette  première  délibération. 

(3)  Je  ne  me  rends  bas  bien  compte  de  ce  nombre  pair. 

(4)  Le  lecleur  ne  sera  pas  fâché  sans  doute  de  savoir  comment  et  dans 
quelles  circonstances  le  conseil  de  Brabant  faisait  usage  de  la  torture.  Un  de 
ses  membres,  le  conseiller  G.  deWynanls,  a  écrit  sur  ce  sujet  un  petit  commen- 
taire très-curieux,  qui  se  trouve  dans  ses  remarques  sur  le  Code  de  procédure 
dudit  conseil,  homologué  par  les  Archiducs,  le  15  avril  1604  (Voy.  l'appen- 
dice à  celle  noiice). 

(5)  Pour  les  différentes  espèces  de  torture  en  usage  dans  nos  anciens  tri- 
bunaux, voy.  noire  jurisconsulte  Damiiouder,  Praxis  rerum  criminalhim,  avec 
figures,  cliap.  XXXVIII,  De  qmslionc  sive  tortura.  W  me  semble  que  le  genre 
de  sup|>licc  que  subit  Vander  Haeghen  y  cil  représenté. 


—  385  — 

après  celle  terrible  épreuve,  on  en  élail  encore  au  même 
point  el  la  cause  restait  indécise. 

Cependant,  il  fallait  bien  finir  par  lui  donner  une  solu- 
tion. Peu  de  jours  après,  le  conseil  délibéra  sur  la  sentence 
définitive.  Voici  l'opinion  de  chacun  des  juges  présents  (i). 
C'est  un  détail  qui  a,  ce  me  semble,  son  mérite  et  son  côté 
édifiant. 

Le  conseiller  Jean  Macs,  rapporteur.  —  Il  absoudrait 
l'accusé  du  dernier  délit  (vol  de  tableaux),  à  cause  de  la 
torture  qu'il  a  endurée,  mais  le  bannirait  du  chef  des  dé- 
lits précédents  (détournement  et  engagement  de  meubles). 

Le  conseiller  Charles  Ponlanus.  —  Il  ferait  réitérer 
l'épreuve  de  la  torture  ou  appliquerait  la  peine  de  mort, 
tant  pour  les  indices  du  dernier  délit  que  pour  les  délits 
reconnus,  ou  tout  au  moins  bannirait  l'accusé. 

Le  conseiller  Jean  Van  Craesbeck  (2).  —  Il  conviendrait 
avant  tout  d'informer  l'Infante  de  la  résolution  qui  sera 
prise;  il  croit  qu'il  y  a  lieu  de  condamner  l'accusé  à  la 
hart  ou  tout  au  moins  au  bannissement. 

Le  conseiller  Maximilien  de  Viron.  —  Il  informerait 
également  l'Infante  et  bannirait  l'accusé. 

Le  conseiller  Nicolas  de  Weerdt.  —  Il  est  du  même  avis. 

Le  conseiller  Josse  de  Herloghe.  —  Il  ne  trouve  pas  de 
matière  à  condamner  l'accusé  à  la  peine  de  mort,  mais 
bien  à  celle  du  bannissement. 


(1)  Ceux  d'entre  eux  qui  n'oplèrent  pas  pour  la  lorlure  furent  les  conseillers 
De  Herloghe,  Malineus  et  Fannius,  dont  les  noms  suivent.  Il  est  à  remarquer 
que  cinq  autres  conseillers  ne  prirent  pas  part  à  la  condamnation  de  Yander 
Hapghen,  d'où  il  faut  conclure  qu'elle  fut  prononcée  par  une  seule  chambre, 
quoique  le  conseil,  dans  un  rapport  qu'on  trouvera  plus  loin,  dise  en  pleine 
assemblée.  En  1025,  le  conseil  de  Brabant  se  composait  de  quatorze  conseil- 
lers, répartis  en  deux  chambres,  dont  le  chancelier  (ou  président)  réglait  la 
composition. 

(2)  Jean  Van  Craesbeek  était  procureur  général,  et  comme  tel  il  n'avait 
que  voix  consultative  au  conseil.  Je  crois  qu'il  remplissait  en  même  temps  les 
fonctions  de  conseiller  avocat  fiscal,  mais  provisoirement.  Mes  recherches 
pour  vérifier  ce  fait  n'ont  pas  abouti. 


—  386  — 

Le  conseiller  Aurèle-Augusliii  Malineus  ou  Van  Maie.  — 
Il  absoudrait  enlièremenl  le  prisonnier  du  dernier  délit  qui 
lui  est  imputé  (i);  il  ne  peut  souscrire  à  la  peine  du  ban- 
nissement pour  les  délits  précédents.  Selon  lui,  il  convient 
avant  tout  de  consulter  l'Infante. 

Le  conseiller  Jean  P'annius.  —  Il  tient  V^ander  Haeghen 
pour  purgé  du  dernier  délit  et  l'absoudrait  de  ce  chef. 
Quant  aux  délits  précédents,  il  voudrait  savoir  si  l'Infante 
les  a  pardonnes;  dans  le  cas  négatif,  il  bannirait  l'accusé, 
tout  en  informant  S.  A.  que  la  cour  tient  Vander  lîaeghen 
pour  purgé,  comme  dessus. 

Le  conseiller  Georges  Uwens.  —  Il  partage  l'avis  qui 
précède. 

Le  conseiller  Théodore  de  Fourneau  de  Cruykeobourg. 
—  Son  opinion  est  qu'on  informe  l'Infante  du  cas  :  il  ne 
peut  se  résoudre  à  voter  pour  le  bannissement  avant  d'avoir 
reçu  des  éclaircissements  de  celte  princesse  sur  le  pardon 
qu'elle  aurait  accordé  à  l'accusé. 

La  résolution,  prise  ensuite  de  celle  délibération,  fui  de 
bannir  le  prisonnier  et  de  le  condamner  aux  frais  du  procès 
et  de  la  prison.  Cependant  le  conseil  ne  voulut  pas  pro- 
noncer l'arrél  avant  d'en  avoir  référé  à  l'Infante.  En  consé- 
quence il  envoya  à  cette  princesse  l'intéressant  rapport 
que  voici  : 

Madame , 

Nous  avons  en  pleine  assemblée  du  conseil  bien  particulière- 
ment examiné  le  procès  criminel  y  ayant  esté  intenté  par  le 
conseiller  et  procureur  général  de  Brabant  contre  Frédéric  Van 
der  Haghen,  prisonnier,  à  cause  du  grand  miroir  et  peinctures 
couppées  et  emportées  au  mois  de  mars  1624  au  chasteau  de 
Voire  Altesse,  à  Tervuercn,  et  pour  les  grandes  présumptions, 
conjectures  et  indices  qui  de  ce  délict  ont  milité  contre  ledict 
prisonnier,  par  pluralité  de  voix  il  a  esté  condeniné  le  2  de  ce 

(1)  Il  avait  déjà  manifesté  la  même  opinion. 


~  387  — 

mois  de  décembre  à  la  question  et  examen  rigoureux,  comme 
le  mesme  jour  il  y  a  aussi  esté  appiicqué  et  esté  torturé  par  la 
poulie,  environ  une  heure  de  long,  en  la  présence  dudict  pro- 
cureur général  et  de  deux  atiltres  conseillers  de  ce  conseil,  mais 
ce  nonobstant  il  n'a  rien  voulu  confesser.  Au  contraire,  a  con- 
tinuellement soustenu  d'estre  innocent  de  ce  qu'on  lui  voulloit 
imposer  et  qu'on  luy  faisoit  grand  tort,  au  moyen  de  quoy  il  a 
esté  relaxé  de  ladicte  torture.  Et  conviendiait  esire  élargy  (i), 
comme  estant  de  droict  purgé  de  toutes  les  présumptions  et  in- 
dices desquelz  il  a  esté  chargé  par  ledict  procureur  général, 
saulf  qu'avons  trouvé  matière  assez  souffisante  pour  ce  néant- 
moins  le  bannir  des  provinces  de  l'obéissance  de  Sa  Majesté,  à 
cause  de  deux  ou  trois  aultres  mesuz  et  délicis  par  luy  commis, 
au  mesme  chasteau  de  Tervucren,  es  années  1621  et  16':23  par 
la  levée  et  engaigement  de  plusieurs  meubles  de  grande  impor- 
tance, tant  au  monl-de-piété  de  ceste  ville  qu'aultre  part,  dont 
il  est  plainement  convaincu,  du  moins  des  deux  desdits  délicts, 
mais  prétend  en  estre  déchargé  et  avoir  obtenu  pardon  général 
de  Vostre  Altesse  Sérénissime,  ou  bien  qu'elle  auroit  esté  sy 
bénigne  d'avoir  déclaré  qu'on  luy  laisseroit  passer  parmy  dé- 
portement et  privation  de  son  office  de  chastelain  audict  Ter- 
vueren  et  la  cédule  et  obligation  qu'il  dict  avoir  donné  et  livré 
es  mains  du  fourrier  Monfort  à  l'indemnité  de  Votre  Altesse  des 
deniers  qu'il  avait  sur  lesdicts  meubles  faict  lever.  Et  comme 
de  l'ung  ny  de  l'aultre  rien  nous  est  apparu,  n'avons  peu  ny 
voulhi  sur  ce  prendre  aucune  finale  résolution,  sans  première- 
ment en  adviser  à  Vostre  Altesse  Sérénissime  et  la  supplier 
très-humblement  qu'icelle  soit  servie  sur  ce  nous  mander  sa 
royale  volonté  et  sy  elle  entend  que  ledict  prisonnier,  à  cause 
desdicts  mesuz  et  delicts  ne  debvra  estre  recerché  ny  puny  par 
ledict  bannissement  pour  selon  ce,  nous  en  pouvoir  régler. 

Et  sur  ce,  baisant  en   toute  humiliation  les  mains  de  Votre 
Altesse,  prions  le  Créateur,  etc. 

[Minute,  von  datée). 

....  Décembre  1625. 


(1)  Cela  était  prescrit  par  Parlicle  463  du  Code  de  procédure  du  Conseil, 
de  raiinée  1604, 


—  388  — 

Je  n'ai  pas  découvert  la  lettre  que  la  fille  de  Philippe  II 
écrivit  eu  réponse  à  ce  rapport.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
qu'Isabelle,  malgré  sa  piété,  écouta  la  voix  de  la  rigueur 
et  non  celle  de  la  clémence,  car  le  23  janvier  1626,  le  con- 
seil de  Brabanl  rendit  le  jugement  qu'il  tenait  en  surscance 
par  un  sentiment  bien  légitime  d'équité. 

Pour  compléter  les  détails  qui  précèdent,  il  me  reste  à 
mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  le  texte  de  ce  jugement, 
tel  que  je  l'ai  traduit  littéralement  du  flamand,  langue  dans 
laquelle  les  débals  avaient  eu  lieu. 

Le  conseiller  et  procureur  général  de  Brabant,  en  vertu  de 
son  office,  acteur, 

Frédéric  Vander  Haeghen,  prisonnier. 

Vu  au  conseil  du  Roi,  notre  souverain,  ordonné  en  son  pays 
et  duché  de  Brabant,  le  procès  criminel  tel  qu'il  a  été  instruit 
devant  commissaires  dudit  conseil,  par  faits  et  faits  nouveau.\ 
de  charge  et  de  décharge,  preuves,  désignation,  reproches  par 
écrit  et  salvations  (i)  des  parties,  de  même  que  les  solutions  (2) 
du  prisonnier  contre  quelques  pièces  produites  par  l'acteur; 

Vu  également  la  sentence  interlocutoire  du  2  décembre  der- 
nier, par  laquelle,  avant  de  faire  droit  au  définitif,  ledit  pri- 
sonnier a  été  condamné  à  l'examen  rigoureux  sur  quelques 
faits  à  sa  charge  formulés  par  l'acteur,  ensuite  de  laquelle  il  a 
été  effectivement  appliqué  à  la  question,  en  présence  de  com- 
missaires du  conseil; 

Vu,  en  outre,  les  verbaux  de  cet  examen  (3)  : 

La  cour,  le  tout  mûrement  considéré,  et  après  rapport  fait  à 
Son  Altesse,  bannit  le  prisonnier,  à  cause  de  ses  niésus  (4)  et 
excès,  pour  toujours  des  pays  et  provinces  de  l'obéissance  de  Sa 


(1)  Les  salvations  servaient  à  réfuter  les  objections  faites  contre  la  personne 
et  les  dépositions  des  témoins. 

(2)  Par  les  solutions  on  combattait  les  salvations.  Dans  ce  procès  on  les 
employa  contre  des  preuves  écrites  (Voy.  le  texte). 

(5j  Ou  procès-verbal.  Il  est  fâcheux  que  cette  pièce  manque  au  dossier. 

(4)  Mcstiscn. 


—  589  — 

Majesté,  le  coiulamnaiii,  eu  sus,  aux  frais  tant  de  sa  ilcientiou 
que  de  ce  procès. 

Ainsi  fait  au  conseil  de  Brabant  et  prononcé  au  détenu,  dans 
la  prison  de  Treurenberg,  le  23  janvier  1626. 

Qu'on  ne  croie  pas  que  cet  arrêl,  donl  on  appréciera 
(ouïe  la  rigueur,  si  Ton  considère  qu'il  ne  punissait  pas  un 
dclil  avoué  ou  prouvé,  mais  des  fautes  pardonnces,  qu'oti 
ne  croie  pas,  dis-je,  qu'il  procura  immédiatemenl  la  liberté 
au  malheureux  Vander  Haeghen.  Encore  tout  meurtri  des 
tourments  qu'il  avait  endurés,  il  adressa  à  l'Infante  diverses 
requêtes  pour  être  déchargé  des  frais  qu'il  avait  à  payer  et 
qui  s'élevaient  à  la  somme,  très-considérable  pour  le  temps, 
de  1914  florins.  En  cas  de  non-paiement,  le  condamné 
qui,  disait-il,  était  ruiné  et  discrédité,  avait  en  perspective 
une  réclusion  perpétuelle.  Ces  demandes  restèrent  sans  ré- 
ponse. A  la  fin,  son  frère  Philippe  Vander  Haeghen,  qui 
était  au  service  militaire  depuis  trente  ans,  terme  pendant 
lequel  il  n'avait  presque  pas  touché  de  solde,  comme  il  ar- 
rivait souvent  dans  ce  bon  vieux  temps,  lui  céda  le  mon- 
tant de  ses  arrérages  (3,800  florins),  pour  l'aider  à  sortir 
de  prison.  Le  détenu  supplia  l'Infante  d'agréer  cet  arrange- 
ment. Elle  y  donna  son  consentement,  à  condition  qu'il 
sortit  immédiatement  du  pays  (apostille  du  12  avril  1626). 
Cependant,  au  mois  de  décembre,  loin  d'être  sorti  du  pays, 
Vander  Haeghen  n'avait  pas  même  été  élargi.  Il  fallut  que 
le  conseil  de  Brabant,  désireux  de  toucher  ses  honorai- 
res, s'adressât  lui-même  à  l'Infante  pour  la  prier  de  faire 
liquider  cette  dette.  Dès  lors  le  condamné  put  prendre  le 
chemin  de  l'exil.  IMais  une  particularité  qui  m'a  frappé, 
c'est  que  le  1.^  septembre  1627,  il  délivra  au  procureur 
général  un  reçu  des  papiers  saisis  chez  lui  après  son  arres- 
tation, en  mars  1024.  Avait-il  été  gracié?  Avait-on  décou- 
vert le  vrai  coupable?  L'était-il  lui-même  et  avait-il  fait 
des  aveux  et  obtenu  sa  grâce?  C'est  ce  que  je  n'ai  pu 
découvrir,  malgré  des  recherches  suivies.  -27 


—  390  — 

Ou  soupçonnait  à  Valider  Haegheu  des  complices,  entre 
autres  cet  Abraham  Parys  qui  figure  plus  haut.  Cet  homme 
était,  en  effet,  bien  capable  de  tremper  dans  le  vol  qui  nous 
occupe,  puisqu'il  s'était  chargé  de  mettre  en  gage  les  objets 
que  Vander  Haeghen  avait  enlevés  du  château.  Le  procu- 
reur général  le  fit  donc  arrêter  à  Louvain,  où  il  s'était 
réfugié,  et  le  poursuivit  devant  le  conseil  de  Brabant,  mais 
il  ne  recueillit  pas  plus  de  preuves  de  sa  culpabilité  que  de 
celle  de  l'ancien  châtelain,  et  Parys  échappa  à  une  condam- 
nation. Cependant  un  fait  significatif,  c'est  que  le  prévenu 
confessa  qu'il  avait  logé  dans  la  maison  vide  de  ce  dernier 
quand  le  vol  fut  commis.  Je  ne  vois  pas  qu'il  ait  été  puni 
pour  sa  complicité  dans  l'engagement  de  meubles. 

Outre  l'arrestation  d'Abraham  Parys,  suspect  à  si  juste 
litre,  le  procureur  général  jugea  prudent  de  réclamer  celle 
de  Poteau  et  d'un  serrurier,  nommé  Van  Winghe,  qui 
habitait  aussi  le  village  et  qui  travaillait  fréquemment  dans 
le  château.  Mais  ici  encore  cette  mesure  n'eut  aucun  résul- 
tat, attendu  que  les  comptes  relatifs  à  l'entretien  du  domaine 
de  Tervueren  témoignent  que  Poteau  ne  fut  pas  privé  de 
son  emploi,  ni  Van  Winghe  de  son  ouvrage.  Quant  à  Phi- 
lippe Vander  Haeghen,  que  l'Infante  avait  prescrit  d'ar- 
rêter en  même  temps  que  son  fière  et  Parys,  il  ne  lui 
arriva  rien  de  fâcheux. 

Je  terminerai  cette  notice  par  une  réflexion  pénible,  sur- 
tout si  l'on  songe  au  nombre  et  à  la  valeur  des  tableaux 
qui  ornaient  la  résidence  princière  dont  il  a  été  si  souvent 
question  dans  ce  récit  :  c'est  que  la  spoliation  criminelle 
de  1624,  pour  avoir  été  déjouée,  n'a  pas  empêché  ces 
œuvres  de  nos  grands  artistes  d'aller  enrichir  les  collections 
étrangères  au  pays. 

L.  Galesloot, 

chef  de  section  aux  Archives  du  royaume. 


—  591   — 
Appendice. 

Commentaire  du  conseiller  de  Wynanls  sur  l'usage  de  la 
torture  au  conseil  de  Brubant,  à  propos  de  Varl.  404 
du  Code  de  procédure  de  celle  cour  souveraine  (i). 

Art.  464. 

Si  la  matière  est  disposée  pour  procéder  à  la  torture  ou 
examen  extraordinaire,  nous  voulons  que  la  sentence  soit  pro- 
noncée au  prisonnier  et  mise  immédiatement  à  exécution  (s). 

Cet  article  parle  de  la  torture  ou  question  extraordinaire.» 
Comme  cette  matière  est  délicate,  j'en  dirai  quelque  chose  de 
plus  que  l'explication  de  l'article  ne  demande. 

Les  auteurs  en  ont  parlé  diversement.  II  y  en  a  plusieurs 
qui  ont  condamné  un  mojen  aussi  dangereux  et  aussi  incertain 
pour  parvenir  à  la  vérité.  Les  raisons  qu'ils  donnent  pour  sou- 
tenir leur  opinion,  sont  très -fortes  et  l'expérience  a  fait  voir 
plus  d'une  fois  que  les  tourments  ont  obligé  des  misérables  à 
avouer  des  crimes  commis  par  d'autres  et  auxquels  ils  n'avaient 
pris  aucune  part,  et  que  les  juges,  s'attachant  à  telles  confessions, 
les  ont  condamnés  aux  supplices,  malgré  leur  innocence. 

On  peut  voir  cette  matière  plus  amplement  discutée  chez 
plusieurs  de  nos  auteurs,  me  paraissant  qu'il  est  inutile  d'en 
rapporter  les  raisons,  puique  la  torture  étant  reçue  chez  nous 
et  prescrite  par  plusieurs  édits  et  ordonnances,  nous  n'avons 
qu'à  nous  conformer  aux  règles  établies  par  le  prince,  sans 
nous  rompre  la  tète  à  examiner  si  ces  lois  sont  justes  ou  non, 
l'honneur  d'obéir  étant  le  partage  des  sujets  et  des  ministres 


(1)  Les  commentaires  du  conseiller  de  Wynanls  sur  ce  Code  sont  restés 
manuscrits.  Ce  savant  jurisconsuilc,  qui  avait  le  tort  de  partager  les  préjugés 
de  son  temps,  s'est  encore  occupé  de  la  torture  dans  un  ouvrage  imprimé  qui 
porte  pour  titre  :  De publicis  judiciis,  lit.  XVIII,  De  qticcsliombns.  J'y  renvoie 
le  lecteur. 

(2)  Traduit  du  flamand. 


—  392  — 

des  souverains.  Manel  eis  obsequendi  ijloriu,  non  auctorilas  im- 
perandi,  comme  dit  quelque  part  un  pape.  D'ailleurs,  l'usage 
non-seulement  de  tous  les  princes  séculiers,  mais  aussi  celui 
du  prince  suprême  de  l'Eglise,  dans  les  terres  de  sa  souve- 
raineté, doit  mettre  en  repos  l'esprit  des  plus  scrupuleux.  Et 
tout  ce  qu'on  doit  tirer  des  auteurs  de  l'opinion  contraire  et 
de  quelques  exemples  où  ce  moyen  a  mal  réussi,  est  de  s'en 
servir  avec  grande  précaution,  et  de  gouverner  ce  rasoir,  boa 
en  effet,  mais  extrêmemeni  tranchant,  d'une  main  ferme  et  dé- 
licate qui  n'en  mésuse  pas. 

C'est  aux  juges  qui  l'ordonnent  à  peser  mûrement  toutes  les 
circonstances  et  la  force  des  preuves  de  l'acteur,  et  quoique 
le  .  . .  article  de  l'édit  criminel  (i),  ainsi  que  plusieurs  auteurs 
semblent  se  contenter  d'une  demi-preuve,  j'aurais  de  la  peine 
à  acquiescer  à  ce  sentiment,  qui  n'agrée  aussi  à  notre  conseil, 
où  j'ai  vu  en  toutes  rencontres,  qu'on  ne  s'est  pas  contenté  du 
dire  d'un  seul  témoin,  quoique  irréprochable  et  très-digne  de 
foi,  lorsque  son  témoignage  n'était  pas  soutenu  d'autres  preuves 
et  indices  de  poids. 

11  est  vrai  qu'il  y  a  des  crimes  où  l'on  penche  plus  facilement 
pour  la  torture,  et  comme  cette  matière  est  de  si  grande  étendue 
que  plusieurs  auteurs  ont  faits  des  traités  entiers  pour  l'éclair- 
cir,  j'y  renvoie  ceux  qui  en  auront  besoin,  afin  que  je  ne 
m'écarte  pas  trop  de  noire  ordonnance  qui  n'en  parle  qu'en 
passant. 

On  ne  l'ordonne  pas  chez  nous  que  par  rapport,  les  deux 
chambres  assemblées.  Au  grand  conseil  (2)  et  ailleurs  une 
chambre  suffit. 

Dès  qu'elle  est  ordonnée,  on  ajoute  un  second  commissaire 
ou  rapporteur,  au  lieu  du  secrétaire;  le  greffier  intervient,  les 
officiers  fiscaux  (5)  y  sont  présents  et  on  y  appelle  un  médecin 
et  un  chirurgien,  qui  sont  obligés  de  veiller  sur  l'état  du  pri- 
sonnier, pendant  qu'il  est  sur  la  sellette. 


(1)  Arl.  42  du  célèbre  cdit  du  9  juillet  1570  [Plue.   île  Flandre,  liv    IV, 
p.  153). 

(2)  Il  s'agit  du  grand  conseil  de  Malines. 

(3)  C'est-à-dire  le  conseiller  avocat  fiscal  et  le  procureur  général. 


—  393  — 

Régulièrement,  on  commence  vers  les  5  heures  du  soir,  mais 
rien  n'empêche  qu'on  ne  prenne  une  autre  heure,  cela  dépon- 
dant de  la  direction  des  commissaires,  auxquels  les  fiscaux 
peuvent  dire  ce  qu'ils  trouvent  bon  pour  la  préfmition  de  l'heure. 

Etant  arrivés  en  prison,  où  le  maître  des  hautes  œuvres  est 
prêt  avec  son  attirail,  le  greffier,  de  l'ordonnance  des  commis- 
saires, fait  lecture  de  la  sentence  au  prisonnier,  ensuite  de  quoi 
le  premier  commissaire  lui  fait  une  admonition  de  dire  la  vé- 
rité et  d'éviter  par  là  les  tourments  préparés.  S'il  persiste  à 
dénier  les  faits  et  crimes,  on  ordonne  au  maître  des  hautes 
œuvres  d'appliquer  le  prisonnier  à  la  question  rigoureuse  et  on 
en  fait  un  procès-verbal. 

«  Formule, 

i>  Question  rigoureuse. 

»  Le  conseiller  et  procureur  général,  acteur,  impé- 
»  trant, 

»  Jean  Le  Ronx,   prisonnier. 

»  Le  = .  du  mois  de  .  .  .  1713,  sur  la  Steenporte  (i). 

ï  L'impétrant,  ensuite  de  la  sentence  du  . .  de  ce 
»  mois,  dont  lecture  vient  d'être  faite  au  prisonnier, 
»  requiert  que  ledit  prisonnier  soit  appliqué  à  la  ques- 
»  tion  rigoureuse,  pour,  etc. 

î)  Ensuite  de  la  susdite  sentence,  le  prisonnier  a  été 
i>  appliqué  à  ladite  question,  en  notre  présence,  ce  jour- 
B  d'hui,  à  5  et  1/2  heures  et  3  minutes  de  l'après-midi.  » 

Après  quoi  les  commissaires  lui  rafraîchissent  derechef  la 
mémoire  de  dire  la  vérité. 

Si  longtemps  que  le  prisonnier  se  tait,  on  garde  le  silence. 
S'il  dit  quelque  chose  qui  se  rapporte  au  fait,  les  commissaires 
en  tiennent  noie  dans  le  procès-verbal,  comme  suit  ; 

«  A  6  heures  9  minutes,  le  prisonnier  a  dit  ...  .  (Il 
»  faut  ici  insérer  son  dire).  » 

S'il  confesse  le  crime,  on  lui  ordonne  de  le  dire  avec  toutes 
(1)  Une  des  prisons  de  Bruxelles. 


—  594  — 

les  circonstances  et  on  lui   recommande  de  ne  pas  le  déguiser 
par  des  circonstances  fausses. 

On  prend  cette  précaution  atin  de  pouvoir  d'autant  plus 
facilement  discerner  dans  la  suite  si  le  dire  du  prisonnier  se 
rapporte  et  convient  avec  celui  des  témoins,  ou  s'il  y  a  des 
contrariétés  ou  des  contradictions,  car  le  prisonnier  se  sert  sou- 
venj  de  cette  ruse  pour  faire  cesser  la  torture. 

Le  nommé  Snel,  faux  monnayeur,  lâcha  de  m'amuser  ainsi, 
aussi  bien  que  mon  collègue,  le  sieur  de  L'Escornet.  Il  avoua 
le  crime,  mais  il  y  ajouta  tant  de  fausses  circonstances,  que 
nous  le  convainquîmes  sur-le-champ  de  mensonge,  et  ainsi  nous 
laissâmes  continuer  la  torture,  ayant  néanmoins  tenu  note  de 
tout  au  procès-verbal.  Après  quoi,  s'étant  convaincu  que  sa 
ruse  n'avait  porté  coup,  il  persista  en  son  aveu,  et  nous  dit  la 
chose  comme  elle  était,  avec  des  circonstances  qui  se  rappor- 
taient entièrement  au  dire  des  témoins  et  outils  servant  à  la 
preuve.  Mais  ayant  demandé,  après  l'aveu,  qu'on  l'eût  ôfé  de 
la  sellette,  cela  lui  fut  refusé  jusques  à  ce  qu'on  eût  eu  le  loisir 
de  rédiger  ses  réponses  en  écrit,  après  quoi  on  le  fit  ôter. 

On  laisse  après  cela  les  prisonniers  quelque  temps  en  repos; 
on  leur  donne  du  vin  ou  autre  confortatif  qu'ils  demandent, 
on  fait  retirer  le  maître  des  hautes  œuvres  avec  la  sellette  et 
tout  le  reste  de  cet  appareil  désagréable,  et  après  que  le  prison- 
nier a  reposé  quelque  temps  et  assez  pour  avoir  une  entière 
liberté  d'esprit,  on  lui  demande  s'il  persiste.  S'il  répond  qu'oui, 
on  l'interpelle  de  signer,  faisant  mention  de  tous  ces  devoirs 
dans  le  procès-verbal,  et  il  signe  le  tout,  après  quoi  il  est  ra- 
mené dans  son  cachot.  S'il  se  dédit,  le  procureur  général  re- 
quiert qu'il  soit  réappliqué  et  les  commissaires  peuvent  l'ordon- 
ner, sans  nouvel  ordre  de  la  cour,  jusques  à  la  troisième  fois, 
après  laquelle  je  leur  conseille  d'en  faire  rapport,  afin  que  le 
conseil  entier  ordonne  ce  qu'il  y  a  à  faire.  Feu  iM.  d'Ardenne  (i), 
rapporteur  (2)  et  commissaire  du  faux  monnayeur  Moska,  et 
d'un  autre  Italien,  nommé  .  .  .  . ,  en  usèrent  ainsi  à  l'égard  du 

(1)  Guillaume-Joseph    d'Ardenne,  conseiller   au   conseil   de    DiMbanf,    de 
1708  à  17)1. 
^2)  Du  procès. 


—  393  — 

dernier,  non  pour  son  dire  et  dédire,  mais  parce  qu'il  tombait 
toujours  en  faiblesse. 

II  y  a  question  ordinaire  et  extraordinaire.  La  dernière  est 
plus  rude  que  la  première;  mais  je  n'en  ai  vu  qu'une  sorte 
chez  nous.  C'est  un  trépied.  On  asseoit  le  prisonnier  sur  une 
croix  de  Bourgogne  de  fer,  les  mains  liées  sur  le  dos  et  les  pieds 
attachés  à  la  sellette,  qui  est  plus  ou  moins  rude  selon  qu'on 
retire  les  pieds  plus  ou  moins  vers  le  haut  où  on  les  attache. 
Jl  y  a  un  collier  garni  de  pointes  -autour  du  col  du  prisonnier, 
attaché  par  quatre  cordes  tendues  aux  quatre  coins  de  la  cham- 
bre. Ce  collier  oblige  le  prisonnier  à  se  tenir  droit,  et  si  la  force 
dn  mal  le  met  dans  une  espèce  d'assoupissement,  le  maître  des 
hautes  œuvres  a  soin  de  l'en  tirer  par  un  coup  ou  deux  donnés 
sur  les  cordes  tendues,  qui,  par  leur  mouvement,  serrent  le 
collier  et  font  entrer  les  pointes  si  avant  dans  le  col  du  patient, 
que  l'assoupissement  lui  passe  d'abord.  On  le  met  eu  certaine 
distance  d'un  petit  feu  qui  TafTaiblit  et  diminue  la  force  et  le 
courage,  il  n'a  sur  son  corps  que  sa  chemise,  étant  assis  sur  la 
croix,  et  le  maître  des  hautes  œuvres  le  couvre  de  son  manteau. 

Cette  question  semble  n'avoir  rien  de  rude.  Sa  force  et  son 
tourment  consistent  en  la  situation  contrainte  et  difficile  en  la- 
quelle le  prisonnier  se  trouve,  sans  la  pouvoir  changer.  Cette 
situation  n'empêche  pas  la  circulation  du  sang,  mais  l'embar- 
rasse fort,  et  il  faut  que  le  prisonnier  soit  bien  résolu  et  bien 
déterminé  à  souffrir,  pour  ne  pas  confesser. 

L'on  peut  voir  au  code  Louis  (t),  tit.  id,  des  jugements  et 
procès-verbaux  de  question,  des  règles  dont  quelques-unes 
s'accordent  avec  notre  usage,  et  d'autres  qui  s'en  éloignent  en 
tout  ou  en  partie. 


(1)  Édit  lie  Louis  XIV  sur  la  jiislice  criminelle. 


—  396  — 


Cljrouiquc  ics  0cicnccô  et  Uâ  3rtô,  et  iDariétcô. 


Guerre  civile  et  rébellion  des  Pays-Bas  sous  Maximlien  D'AuTRrciiR  et  Phi- 
lippe-le-Beau.  —  H8Ô-1306.  —  Le  magistral  de  Lille  voyait  avec  une  inquié- 
tude extrême  la  nouvelle  révolte  de  ses  voisins,  qui,  cette  fois,  avaient 
l'immense  avantage  d'avoir  en  leur  pouvoir  le  fils  de  Maximilien  (Philippe-le- 
Beau),  alors  âgé  de  cinq  ans. 

Pour  conjurer  autant  que  possible  ce  danger,  le  mayeur  Wallerand  Le 
Prévost,  Jehan  de  Tenremonde,  échevin,  Mathieu  Raimbault,  procureur,  et 
Jehan  le  Bouchicr,  dit  Le  Beghc,  messager  de  la  ville,  vont  en  janvier  avec 
Mons.  de  Berletics,  par  devers  MS.  le  duc  d'Austrice,  qui  estoit  en  chemin 
pour  venir  de  Douay  à  Lille  (1),  afïîn  de  lui  supplier  et  requerre  que  sou 
plaisir  fuist  de  retourner,  sans  venir  dans  la  ville;  car,  veu  les  deffences 
faites  de  par  MS.  le  duc  Phlës,  l'on  ne  lui  laisseroit  point  entrer.  Lequel  S""  de 
Berlettes  et  autres  dessus  nommez  besongnèrent  tellement  par  humbles  re- 
monstrances  el  vrayes  raisons,  que  ycelluy  MS.  d'Austrice  se  contenta  aucu- 
nement et  retourna  à  tout  sa  compaignic,  sans  venir  jusques  à  ycclle  ville. 

En  février,  toutefois,  on  envoie  prévenir  Philippe-le-Beau  que  M.  d'Austrice, 
à  tout  grant  compaignie  de  gens  de  gherre,  estoit  venu  logier  es  fauxbours  de 
la  ville,  du  quartier  de  le  Magdelaine. 

Le  4.  décembre  1484,  nouveau  message,  adressé  à  Philippe,  aux  princes  de 
son  sang,  à  son  grand  conseil  et  aux  membres  de  Flandres  pour  les  avertir 
que  Maximilien  faisoit  amas  de  grant  nombre  de  gens  de  guerre  entour 
Nivelle,  en  Brabant. 

Quelques  mois  après  (avril  1483),  Philippe-le-Beau,  averti  par  les  échevins 
d'aucuns  langaiges  semez  avant  la  ville  el  venant  du  quartier  de  France,  lan- 
gaiges  qui  povoient  causer  grant  murmure  entre  le  peuple,  répondait  à  ce 
sujet  à  ces  magistrats,  pour  leur  apaisement. 

En  mai,  les  liabilans  de  Seclin  reçoivent  ordre  de  fournir  des  vivres  aux 
gens  de  guerre  de  la  compagnie  de  Mons.  Desquerdes,  alors  à  Carvin,  el  l'on 

(1)  Il  coucha  le  ôO  janvier  à  Seclin. 


—  397  — 

apprend  que  MS.  l'archiduc  élail  campé  à  Audenarde,  à  demi  lieue  près  de 
l'armée  des  Franchois. 

Puis,  il  faut  prévenir  MS.  que  Mous.  Despierres,  devenu  suspect  aux  bour- 
geois, a  mis  dans  le  cliâtcau  des  soldats  étrangers,  et  que  Mons.  Desqucrdcs 
est  descendu  à  Béthune  et  environ,  à  tout  grant  nombre  de  gens  de  guerre, 
ce  qui  ferait  craindre  quelque  trahison. 

On  lit  même  garder  dans  le  couvent  des  frères  mineurs  par  cinq  sergens  et 
quatre  archers  Pollet  Cleutrin,  soldoyer  du  château  et  ancien  serviteur  do- 
mesticque  du  S""  Despierre,  qui  avait  accusé  ce  dernier  d'avoir  eu  et  prlns 
gaiges  du  roy  de  France  et  meismes  d'avoir  promis,  au  cas  que  la  gherre  se 
mevisl  entre  le  roy  et  ceulx  de  Flandres,  de  servir  ledict  roy  et  tenir  son 
party. 

La  Flandre  était  en  pleine  révolle,  el,  en  juin  1485,  les  échevins  recevaient 
lettres  des  trois  membres  et  communautés  de  Gand,  qui  lors  estoient  assem- 
blez en  grant  nombre  et  en  armes,  sur  le  marché. 

Désireux  de  mettre  un  terme  aux  rapines  et  aux  courses  des  soldats,  le 
magistral  faisait  partir  pour  Douai  (où  devaient  se  trouver  les  délégués  de 
cette  dernière  ville  et  de  Valenciennes),  Martin  Raimbaut,  que  voulurent  bien 
accompagner  Mons.  d'Avelin  et  Phlë  de  Pontrewart,  lieutenant  du  gouverneur, 
afin  d'y  conférer  avec  l'abbé  d  Hennin-Liétart  sur  aucunes  ouvertures  faites 
par  ce  dernier,  à  l'effect  de  trouver  fachon  que  les  labouriers  du  party  de  par 
decha  et  aussi  du  party  de  Franche,  labourassent  paisiblement,  sans  ce  que 
les  gens  de  guerre  d'un  party  ned'aultre  leur  baillassent  empeschement  (1428. 
Ban  des  pillages  des  gens  de  guerre  non  acalez  à  Lille). 

La  conférence  terminée  (1),  on  envoya  vers  Maximilien,  devenu  roi  des 
Romains. 

Observons  que  Mons.  Duvelin  reçut  de  la  ville  deux  piètres  de  xxxvi  s.  cha- 
que par  jour,  el  les  deux  compagnons  qui  guidèrent  les  délégués  lillois,  xxiiii  s. 
chacun,  par  jour. 

Longtemps  après  (i486),  cette  mesure  parut  compromellante,  puisque,  le 
21  septembre,  on  faisait  remarquer  au  roi  des  Romains  (à  Valenciennes),  les 
graves  inconvénients  qui  pourront  avenir,  se  on  accordoit  aux  gens  des  vil- 
laiges  de  la  chastellenie  la  neutralité  qu'ilz  poursuivoient  d'avoir,  pour  de- 
mourer  paisibles  en  leurs  maisons. 

Grâce  à  ses  espions,  Desquerdes,  dont  on  avait  annoncé  la  mort  (2),  il  y 
avait  plus  d'un  an  (3),  savait  éventer  tous  les  projets  de  l'ennemi.    Ainsi, 

(1)  Le  comptable  nous  en  laisse  ignorer  le  résultat. 

(2)  Il  mourut  en  1494. 

(3)  Fin  mars  1485.  On  envoya  à  Bapaume  à  ce  sujet. 

28 


—  398  — 

quelque  temps  après  l'avis  donné  (19  juin)  par  le  roi  des  Romains,  de  faire 
bon  ghet  et  garde  à  ceste  ville  (Lille),  attendu  la  prinse  de  Tlierewane,  on 
remettait  x  s.  à  une  femme  (1)  qui  avait  apporté  (21  juillet)  du  quartier  d'Ar- 
tois certaines  secrètes  nouvelles  touchant  aucunes  emprinses  qué'le  S""  Des- 
querdes  avoit  soubz  main.  Telle,  peut-être,  que  la  surprise  de  S'-Omer;  car, 
à  cette  date,  les  échevins  de  Lille  faisaient  prévenir  ceux  de  celle  cité  que  Je 
S'  Desquerdes  avoit  aucuns  entendemens  dans  leur  ville. 

Puis,  au  moment  où  le  magistrat  apprend  la  nouvelle  tentative  de  l'ennemi 
sur  Douai,  ses  espions  lui  dénoncent  ung  personnaige,  tjtii  avoil  fait  faire  à 
ung  cordetvcinier  une  paire  de  sollers  à  double  senimelle,  et  y  fait  laissier  l'es- 
pace pour  y  enclore  unes  leltres. 

Le  malheureux  est  à  l'instant  même  constitué  prisonnier.  .Maximilien  par- 
courait alors  la  province  d'Artois  dans  tous  les  sens;  car,  tandis  que  le  mes- 
sager allait  trouver  le  gouverneur  de  Lille  (juillet),  alors  dans  l'ost  du  roi  des 
Romains  (2),  pour  le  advertir  comment  on  pooit  oster  les  eauwes  à  Bélliune; 
à  peine  de  retour,  un  mois  après,  il  allait  trouver  ce  prince  en  son  camp  lez 
Lens,  en  Artois  (2G  août). 

Les  intrigues  de  Desquerdes  inspiraient,  il  est  vrai,  les  plus  vives  inquié- 
tudes, puisque  nous  voyons  que  le  héraut  de  l'Espinette  dut  se  transporter  à 
Yppre,  vers  le  roi  des  Romains,  pour  le  prévenir  que  se  trouvant  dernière- 
ment à  Bétliune,  il  y  avoit  remarqué  un  personnage  de  la  cour  de  France, 
lequel  s'était  rendu  ensuite  à  S'-Omer. 

La  guerre  sévissant  toujours  dans  les  environs  de  Lille,  un  exprès  se  rendait 
à  Arras  (23  oct.),  pour  faire  connaître  au  sénéchal  de  Toulouse  la  course  faite 
par  les  gens  du  party  du  roy  de  France  es  villaiges  de  Santés,  Wavrin  et 
Marquillies  (3). 

On  s'empresse  aussi  de  fournir  un  clievnl  au  ehevauclieur  du  Souverain  de 
Flandre,  qui  se  rendait  en  toute  liàle  à  Valenciennes,  pour  ordonner  à  Mons. 
de  aïontigny  de  baillier  ayde  au  cappitaine  Salazaert,  pour  entrer  dedens 
Thercwane. 

L'argentier  n'oublie  pas  de  porter  en  dépense  les  xïvii  L.  xii  s.,  prix  de 
Ixix  sappins  employés  à  faire  esquclles  pour  le  roy  des  Rommains,  lesquelles 
il  fisl  emmener  avecq  luy,  lorsqu'il  s'en  alla  vers  Saint-Quentin. 

(I)  1483.  On  envoie  des  femmes  en  Artois,  pour  savoir  des  nouvelles. 

(2j  Sans  doute  à  Thcrewane. 

(â)  Longtemps  après,  Baudouin,  bâtard  de  Bourgogne,  capitaine  du  château, 
acceptait  les  viiic  L.  que  lui  faisaient  présenter  les  échevins,  alors  qu'il  venait 
d'obtenir  que  les  gens  d'armes  de  la  garde  du  roi,  devenus  la  terreur  des  vil- 
lages voisins  et  des  faubourgs,  s'éloigneraient. 


—  309   - 

Quelques  mois  après  (mars),  les  liabitanis  de  Terewane  claieiil  averlis  que 
Desqucriles  enlreteniiit  de  nombreux  espions  dans  leur  ville. 

Inimédiatcment  après  le  premier  ravilaillemenl  de  celle  cité,  on  faisait  de- 
mander (fin  octobre)  au  capitaine  Alvaradc,  qui  s'y  trouvait,  s'il  était  vrai 
que  deux  de  ses  gens,  qu'on  venait  d'y  excculer,  avaient  déclaré  avant  leur 
supplice,  que  les  François  avoient  entendement  sur  caste  ville  (Lille)  et  sur  le 
cliaslel,  ainsi  que  l'on  lavoit  escripl  a  aucuns  gens  de  guerre  de  la  compaignie 
de  Mons.  de  Clianlerarae,  estant  en  ccstc  ditlc  ville. 

En  1487  lavril),  le  magisiral  profilait  du  séjour  de  Maxiniilien  à  Bruges, 
pour  le  faire  supplier  de  révoquer  et  de  mettre  au  néant  les  neulralitez  el 
appalissemens  des  villages  de  la  cliatellenie;  demande  déjà  ancienne  qu'ils 
croyenl  devoir  renouveler.  (Les  apperlisscracns  furent  révoqués). 

Les  éelievins  demandèrent  aussi  la  démolition  du  chàleau  de  llulucli  près 
La  Basse,  ouquel  se  Ireuvoit  certain  nombre  de  laquais,  qui  font  journelle- 
ment graut  dommaige  en  la  chastclcnie. 

Les  Français  étaient  aussi  venus  faire  effroy  à  Esquermes  et  à  la  porte  du 
Molliniel,  ainsi  qu'au  pont  de  Canleleu,  puisqu'on  allouait  xviil  s.  à  deux 
compagnons  qui,  dans  ce  dernier  poste,  avaient  alloué  (usé)  une  douzaine  et 
demie  de  flèches,  lorsque  les  Franchois  furent  au  pont  de  Canteleu. 

A  la  fin  de  mai,  le  clievaucheur  se  dirigeait  vers  Yppre,  pour  savoir  la  vrayc 
vérilé  louclianl  la  prinse  de  Saint-Omer,  pourtant  que  nouvelles  esloicnl  que 
cculx  du  commun  s'estoient  receuilliz  en  ung  quartier  de  la  ville,  et  lenoieiil 
contre  les  Franchois. 

Peu  de  temps  après,  Desquerdcs  faisait  subir  aux  troupes  de  Maximilien 
un  nouvel  échec  auprès  de  Béthune(l),  dont  un  espion,  envoyé  par  Desquerdes 
lui-même  au  gouverneur  de  Lille,  avait  fait  envisager  la  prise  comme  des 
plus  faciles. 

Le  magistrat,  qui  comptait  dans  les  troupes  du  prince  plusieurs  Lillois, 
envoie  immédialement  au  quartier  dYppre  (28  juillet)  pour  savoir  des  nou- 
velles de  la  mauvaise  fortune  qui,  ledict  jour,  estoit  tournée  sur  MS.  Phlës  de 
Clèves  et  ceulx  de  sa  compaignie  sur  le  (luarlier  de  Béthune  :  meismes  pour 
savoir  se  Mds.  Phlë  esloit  saulvc. 

A  son  relour  le  messager  fait  connaître  quau  Qucsnoy  il  avait  trouvé 
Mons.  dEstrées,  qui  lui  avait  certifié  que  WS.  de  Clèves  estoit  arrivé  à 
Comisnes. 

La  ville  se  vil  aussi  forcée  de  débourser  xxxvi  L.  pour  el  en  avanchement 
de  la  raenchon  de  Loys  de  Le  Molle  et  de  Jacquemart  Le  Clercq,  cullevriniers 
du  serment  de  Lille,  qui  avoyeni  esté  prius  à  la  journée  qui  advint  auprès  de 

(1)  Ce  combat  est  nommé  rencontre  dHinges,  dans  les  comptes  de  Béthune. 


—  400  — 

Bélhune,  en  considération  à  ce  qu'ilz  csloienl  allez  à  la  requeste  des  esche- 
vins,  pour  complaire  à  Mons.  le  gouverneur  de  Lille. 

Quant  à  Olivier  Segon,  aussi  cullevrenier,  il  reçoit  viii  L.  pour  et  en 
avanchement  de  soy  reveslir.  pour  ce  que,  à  ladilte  journée  de  Bélhune,  il 
avoit  esté  prins  et,  depuis,  escliappez  en  sa  chemise. 

D'autres  cullevriniers,  aussi  prisonniers,  obtiennent,  qui  xii  L.,  qui 
xxiii  L. 

Le  comptable  nomme  même  les  chirurgiens  qui  pansèrent  les  blessés  trans- 
portés f»  l'hôpilal  Comtesse,  car  il  porte  en  dépense  Ix  s.,  accordés  aux  chi- 
rurgiens Jehan  de  Hollande  le  Josne,  Piat  de  le  Renelle,  Jehan  Dassonneville 
et  autres,  pour  avoir  visité,  sané  et  gary  pluiseurs  compaignons,  qui  uvoient 
esté  navrez  au  rencontre  qui  se  fist  auprès  de  Bélhune. 

Comme  jadis,  c'est  à  des  femmes  que  l'on  confie  le  soin  d'aller  observer 
les  mouvements  de  l'ennemi  et  pénétrer  ses  projets. 

Ainsi,  à  celle  qu'on  envoie  à  Carvin,  afin  de  savoir  si  les  Franchois  avoyent 
passé  le  Pont-à-Wendin,  on  accorde  viii  s.,  alors  que  xxi  s.  sont  alloués  aux 
deux  autres  envoyées  à  Berclau  près  La  Bassée. 

On  fait  aussi  vérifier  sur  les  lieux,  s'il  était  vrai  que  l'ennemi  avoit  fait 
deschendre  artillerie  à  Estaires. 

De  son  côté,  le  franciscain  lillois  Micquiel  Le  Bay  allait  par  ordre  du  ma- 
gistrat, à  Bruges,  ponr  y  entendre  Poly  Bullant,  lequel  avoit  escriptà  aucuns 
de  la  loy,  que  on  luy  envoyast  homme  discret,  pour  lui  déclarer  aucunes 
choses  qui,  grandement,  touchoient  le  bien  et  utilité  de  la  ville,  lesquelles  il 
ne  voulloit  escripre. 

Toutefois,  Le  Bay  fit  un  voyage  inutile,  n'ayant  peu  avoir  audience  de  Poly 
Bullant,  qui  esloit  lors  mal  disposé  de  sa  personne. 

Pour  faire  acte  de  bou  voisinage,  les  échevins  d'Yppre  faisaient  partir  pour 
Lille  un  manant  de  leur  cité,  lequel  ayant  été  prisonnier  des  Français  à 
Hesdin,  pourrait  les  avertir  d'aucunes  choses  qu'il  y  avoit  veu  et  oy. 

Satisfaits  de  son  rapport,  messieurs  lui  faisaient  remettre  xxii  s. 

A  un  homme  du  pays  d'Artois,  qui  avoit  apporté  nouvelles  de  la  convenue 
des  Franchois,  on  accordait  une  maille  d'Utrecht  de  Ixii  s.,  afin  qu'il  fuist 
plus  enclin  de  encoires  raporter  autres  nouvelles,  quant  il  les  pourroit  savoir, 
ce  qu'il  promisl  faire. 

Quant  à  Pierre  de  Lobel,  il  obtenait  Ix  s.,  pour,  au  commandement  d'esche- 
vins,  avoir  esté  par  pluiseurs  fois  sur  la  rivière  de  le  Dieusle  et  jusques  à 
IMarquelte,  faire  visitacion  es  navires  venant  à  Lille,  savoir  s'il  n'y  avoit 
aucuns  personnaiges  ou  choses  préiudiciables  à  la  dille  ville,  à  cause  des  nou- 
velles qui  sourvenoient  journcllemeul ,  que  les  Franchois  avoienl  aucun 
entendement. 


—  401   — 

Le  16  février  1488  (n.  s.),  le  magistrat,  voulant  pourvoir  à  la  sûreté  de  la 
ville,  cl  prévoyant  d'ailleurs  les  immenses  dangers  que  les  troubles  des 
Pays-Bas  et  la  prise  de  Courtrai  venaient  de  faire  surgir,  s'empressait  de  re- 
tenir à  Lille  par  une  haute  paye  sept  compaignons,  jueurs  du  traict  à  pouldre, 
bien  expers  (1). 

Durant  ces  troubles,  au  sujet  desquels  les  archives  de  Saint-Bertin  nous 
ont  fourni  de  précieux  documents  (2),  l'échevin  lillois,  Jehan  de  Lattre,  resta 
longtemps  à  Gand  (où  se  trouvaient  les  députés  des  autres  villes)  au  nom  et 
comme  député  de  Lille.  S'étant  enfin  évadé,  il  se  réfugia  à  Audenarde,  où 
Mons.  de  Ligne  le  retint  quelque  temps,  puis  l'envoya  vers  Maximilien,  lequel 
lui  permit  de  retourner  à  Lille. 

Voulant  toujours  être  instruits  à  temps  de  ces  graves  événements,  les  offi- 
ciers municipaux  expédient  de  nombreux  messagers  dans  les  Flandres 

De  la  Fons-Mélicocq. 

HisTORiA  pROviNci-E  Flandbo-Belgicb  societatis  Jesc;  par  le  R.  p.  Waldack. 
—  L'impartialité  nous  fait  un  devoir  de  signaler  à  l'attention  de  nos  lecteurs 
un  ouvrage  sérieux  dont  il  vient  de  paraître  un  spécimen  sous  le  titre  de  : 
«  Historia  provinciae  Flaudro-Belgicae  societatis  Jesu,  quam  e  veleribus  docu- 
mentis  colligit  C.-F.  Waldack,  ejusdem  societatis.  —  Annus  unus  speciminis 
causa  1638"*.  »  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  hautement  au  noble  mobile 
qui  a  engagé  son  autour  à  prendre  la  plume  :  i-echercher  par  des  labeurs 
soutenus  et  réunir  les  documents  épars,  propres  à  mettre  en  évidence  d'une 
manière  incontestable  les  faits  et  gestes  des  hommes,  qui  ont  concouru  à 
établir  une  puissante  institution,  c'est  rendre  un  service  à  l'histoire  d'autant 
plus  signalé,  que  l'auteur  n'hésite  pas  à  déclarer  avec  une  indépendance  de 
caractère,  qui  ne  peut  lui  être  contestée,  qu'il  est  historien  avant  tout  et  non 
panégyriste,  Causidiciis  non  sum,  sed  scriplor.  11  donne  d'ailleurs  une  autre 
preuve  de  son  impartialité  et  de  sa  véracité,  en  annonçant  qu'il  ne  peut  en- 
core s'occuper  de  la  Province  Gallo-Belge,  parce  que  les  documents  lui  font 
défaut.  Ces  déclarations  franches  et  loyales  sont  un  garant,  à  quelque  poiut  de 
vue  qu'on  se  place,  de  la  rigoureuse  et  impartiale  exactitude  de  la  biographie 
des  hommes  de  son  ordre,  qui  se  sont  signalés  par  leur  dévouement,  leur 
savoir  et  leurs  travaux,  dans  les  divers  établissements  qu'ils  ont  aidé  à  fonder. 

L'auteur,  pour  entrer  eu  matière,  fait  un  narré  succint  de  la  défaite  de 

(1)  Le  maître  dût  recevoir  v  patars  par  jour;  les  autres  iiii  patars,  aussi 
par  jour. 

(2)  Ces  documents  ont  été  publiés,  en  1830,  dans  le  Biiilelin  des  Comités 
liistoriques,  pp.  210,  224,  226,  233,  etc. 


—  402  — 

Guillaume  de  Nassau  à  Calloo  et  Verrebrouck,  où  il  s'était  retranché  pour 
menacer  Anvers;  il  raconte  les  services  rendus  par  les  pères  de  son  ordre,  tant 
aux  habitants  de  cette  ville,  soucieux  à  bon  droit  du  résultat  de  celte  collision, 
qu'aux  soldats  espagnols  et  hollandais.  Il  passe  en  revue  tous  les  hommes 
de  la  Société  établis  à  Audenarde,  Alost,  Bréda,  Bruges,  Belœuil,  Bergues, 
Calais,  Bruxelles  et  les  missions  à  Saint-Omer,  Béthune,  Bourbourg,  etc.  Il 
donne  des  détails  curieux  sur  la  conduite  de  Henri  Jamblenne,  ancien  ar- 
tilleur, qui  après  avoir  pris  les  ordres  et  s'être  affilié  à  la  Société,  suivit  l'armée 
espagnole  à  Mons,  Valenciennes,  Douai,  Cliàtelet,  VValines  et  Saint-Omer, 
dont  il  raconte  le  siège  avec  certaines  particularités  peu  connues.  Cet  ecclé- 
siastique rendit  des  services  importants  à  ses  anciens  compagnons  d'armes, 
tant  sur  les  champs  de  bataille  et  dans  les  tranchées,  que  dans  les  villes,  les 
hôpitaux  et  les  ambulances.  Tout  ce  récit  est  puisé  dans  le  journal  même  du 
père  Jamblenne,  déjà  signalé  en  1832,  dans  le  bulletin  des  antiquaires  de 
la  Morinie,  5™<ï  livraison. 

La  narration  la  plus  émouvante  de  l'histoire  qui  nous  occupe,  est  celle  de 
l'horrible  torture  que  des  ecclésiastiques,  jésuites  et  autres,  eurent  à  endurer 
à  Maestrieht,  pour  avoir  trempé  dans  une  conspiration  ourdie  pour  livrer 
cette  ville  aux  Espagnols;  complicité  qui  fut  loin  d'être  prouvée.  Parmi  les 
nombreuses  pièces  que  l'auteur  invoque  à  l'appui  de  cet  épouvantable  procès, 
aucune  n'est  plus  navrante  que  le  procès-verbal  des  médecins  appelés  par 
l'autorité  pour  constater  l'état  physique  des  torturés.  Il  en  résulte  que  deux 
des  inculpés,  Toussaint  Sylvius,  chapelain  de  Notre-Dame,  et  Philippe  Not- 
tyn,  jésuite,  avaient  subi  la  torture  le  31  mai  1638,  de  dix  heures  et  demie 
du  soir  jusqu'au  lendemain  malin  à  dix  heures;  que  pendant  tout  ce  temps 
ces  malheureux  avaient  été  exposés  à  un  feu  ardent,  qui  leur  calcina  les 
chairs  et  les  couvrit  d'horribles  blessures,  dont  les  ampoules  avaient  été 
ouvertes  pour  y  verser  du  vinaigre  et  d'autres  matières  corrosives,  et  aug- 
menter ainsi  leurs  tourments.' 

Après  avoir  narré  toutes  les  phases  horribles,  et  presqu'incroyables,  de 
celte  barbare  poursuite,  l'auteur  continue  Ihistoire  chronologique  des  stations 
en  Hollande  et  en  Zélande,  à  Bois-le-Duc,  Utrecht,  dans  la  Gueldre,  en  Frise 
et  à  Groningue.  Ici,  comme  toujours,  les  documents  ne  lui  font  pas  défaut, 
pour  étayer  les  actes  qu'il  signale;  l'auteur  pousse  même  l'impartialité  au 
point  de  donner  in  cxle7iso  le  décret,  promulgué  par  les  Étals-généraux  de 
Hollande  le  3  novembre  1638,  ordonnant  l'expulsion  des  Jésuites  de  ce  pays. 

H  signale  aussi  les  travaux  de  Pierre  Iluyssens,  frère  coadjuteur  et  archi- 
tecte-construcleur,  qui  eut  la  gloire  d'élever  l'oratoire  de  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre,  a  Gand,  et  de  construire  des  églises  pour  son  ordre  à  Namur,  Bruxelles, 
.Maestrieht  et  Anvers. 


—  403  — 

Nous  aimons  à  le  dire  encore  :  dans  rouvrage  du  Père  Waldack,  aucun  fait 
n'est  cité  à  la  légère,  tout  est  déduit  de  documents  originaux,  qu'il  se  plait 
souvent  à  reproduire  dans  les  annexes.  Nous  ne  pouvons  que  l'engager  vive- 
ment à  continuer  des  recherches  ardues,  mais  dignes  d'un  Bollandisle.  C'est 
un  monument  qu'il  élèvera  à  l'histoire  vraie  des  hommes,  qui  ont  aide  par 
leurs  œuvres  à  l'établissement  d'une  formidable  institution  dans  toutes  les 
parties  de  l'univers,  abattue  parfois,  mais  qui  s'est  toujours  relevée  de  ses 
cendres  plus  puissante  que  jamais. 

A.  V.  L. 

Biographie  de  saint  Servais,  évêque.  —  André  Bouwens  est  l'auteur  d'une 
biographie  de  saint  Servais,  publiée  par  lui,  divisée  en  soixante-deux  chapi- 
tres et  suivie  de  pclils  oflices  du  jour.  C'est  un  petit  in-io,  imprimé  en  ca- 
ractères gothiques  à  Maestricht ,  en  1672,  chez  l'imprimeur  de  la  ville, 
P.  van  Outvcn.  Il  compte  soixante-dix-neuf  pages  de  texte  et  treize  de  sup- 
plément et  porte  le  litre  suivant  :  Cort  begrijp  des  levons  van  den  H.  Ser- 
valius ,  eersien  btsschop  ende  Palroon  van  Maestricht.  Uyt  d'onde  handt- 
geschreven  boccken  der  kcrcke  van  den  sclven  Iwijlighen.  GhetrocUen  ende 
vergaedcrl  door  Andries  Bouwens  ,  Maesirichlenacr.  Der  rechten  Ucentiael, 
ende  oui  schepen  der  selver  stadt.  —  André  Bouwens  s'intitule  licencié  (1) 
et  ancien  échevin  de  sa  ville  natale  de  Maestricht.  Dans  les  soixante-deux 
chapitres  de  son  abrégé  de  la  vie  de  saint  Servais,  il  décrit  ou  relate  nom- 
bre de  miracles  qui  témoignent  de  sa  ferveur  pour  le  culte  du  saint  dont 
il  se  montre  un  zélé  biographe,  chanlrc  et  panégyriste  (2).  A  la  fin  d'une 
des  prières  qu'il  adresse  au  patron  de  Maesiricht,  il  fournit  quelques  lignes 
de  vers  à  sa  louange,  et  termine  son  livre  par  la  dédicace  suivante  en  vers 
flamands  .- 


(1)  Grade  précédant  immédiatement  le  doctorat. 

(2)  Voici  encore  quelques  titres  d'ouvrages  qu'on  peut  consulter  pour  la 
biographie  de  saint  Servais,  quoiqu'ils  aient  déjà  été  mis  à  profit  par  les  au- 
leurs  des  Acta  Sanclorum  : 

Explicil  sanclissimi  Servacij  Tungrensis  ccclesie  prejubis  et  consangvei 
Xprisli  legêda ,  de  novo  slilo  claro  ac  élégante  compilala,  Colonienqz.  im- 
f.ressa  pcr  me  Arnoldnm  ther  Hoijrnen,  finica  anno  Domini  iH<>ececolxxiio, 
die  mercurij  quarta  mensis  marcij. 

Synopsis  vitae  sancti  Servatii,  Trajeclensium  ad  Mosam  Episcopi,  mclrice 
îîi-i",  forte  aulhore  Heymbachio. 

La  Vie  de  sainct  Servais,  évcsque  et  patron  de  Maestrecht.  Liège,  1609. 

Hamerstede,  pasteur  réformé,  a  publié  une  vie  de  saint  Servais  en  flamand; 
clic  est  sans  mérite. 


_  404  — 

Op-draginge. 

Siet  wij  schrijven 

en  bedrijven 

Vreughd,  en  singen  t'uwer  eer» 

Siet  wij  cieren 

u  en  vieren, 

Bidt  ghij  voor  ons  ail'  den  Heer. 

2. 

Conit  in  lijden 

Ons  verblijden, 
Comt,  versoet  ons  sniert  en  piju, 

Toont  genaeden 

en  lier  daeden 
Acn  air  die  uw  dienaers  siju. 

5. 

Bidt  den  Heere 
dat  liij  keere 
Tôt  ons  sijn  genaede  oogli, 
Bidt  hem  mede 
Om  slel  viede, 
Bidt  dat  hij  ons  traenen  droogh. 

La  dédicace  est  faite  au  doyen  du  chapitre  de  S'- Servais,  Guillaume  Lipsen. 

Bouwens  est  l'auteur  d'un  nombre  assez  considérable  d'autres  ouvrages, 
dont  nous  n'avons  pu  nous  procurer  les  titres  jusqu'à  présent,  et  ce  nest 
pas  sans  regret  que  nous  nous  trouvons  réduit  à  ne  mentionner  de  cet  au- 
teur qu'un  petit  opuscule  qui  ne  donne  pas  une  haute  idée  de  son  érudition, 
mais  plutôt  une  preuve  de  sa  foi  ardente  et  de  son  zèle  pour  le  culte  de  saint 
Servais  (I). 

AnN.   ScHAEPKENS. 


{■[)  Bouwens  appartient  à  ce  grand  nombre  d'auteurs  modestes  restés  dans 
l'oubli  et  que  l'on  ferait  bien  de  tirer  de  leur  obscurité,  au  lieu  de  confisquer 
toutes  les  louanges  et  les  recherches  biographiques  au  profit  de  quelques 
individualités.  Cela  vaudrait  mieux,  que  denlourer  quelques  fronts  d'une 
auréole  éblouissante,  aux  dépens  de  ceux  qui  ont  mis  leur  intelligence  au 
service  de  la  nation  pour  produire  quelques  travaux  utiles,  mais  ù  la  gloire 
desquels  il  a  manqué,  au  gré  de  certaines  gens,  d'être  des  politiques  haineux 
et  vindicatifs  ou  des  assommeurs,  bons  seulement  à  soulever  les  populations 
les  unes  contre  les  autres  pour  les  faire  s'enlr'égorger. 


--  405  — 

La  Musique  aux  Pays-Bas  avast  le  xix^  stÊciE,  pau  Edmond  Vajioer  Straeten. 
—  Ce  travail,  qui  a  paru  par  fragments  dans  le  Mesnager  des  Sciences,  de 
1863  à  1SG7,  vient  d'être  réuni  en  volume.  ■<  On  rééilific  de  fond  en  comble 
riiistoire  de  la  peinture,  de  la  sculpture,  de  l'arcliitecture,  dit  M  Vander 
Slraelen;  pourquoi  la  musique  serait-elle  laissée  à  l'écart?»  Guidé  par  cette 
considération,  l'auteur  qui  possède  les  connaissances  pratiques  indispensa- 
bles à  qui  veut  traiter  un  sujet  spécial,  s'est  mis  à  rechercher  avec  une 
patience  digne  d'éloges,  tous  les  documents,  toutes  les  pièces  inédites  qui  se 
rattachent  aux  compositeurs,  aux  virtuoses,  aux  théoriciens,  aux  opéras,  aux 
airs  nationaux,  aux  académies,  aux  maîtrises  des  Pays-Bas  avant  le  XIX«  siè- 
cle. Un  premier  essai  intitulé  :  Recherches  sur  la  musique  à  Audenarde  avant 
le  XIX^  siècle,  fut  par  lui  publié  il  y  a  quelques  dix  ans  Attaché  en  1862 
aux  Archives  générales  du  royaume  à  Bruxelles,  il  comprit  aussitôt  combien 
ce  précieux  dépôt  pouvait  lui  être  utile,  et  élargissant  le  cercle  de  son  tra- 
vail, il  retendit  à  l'histoire  musicale  des  Pays-Bas  tout  entiers.  Le  zèle  qu'il 
avait  commencé  ù  mettre  au  service  de  son  œuvre,  s'accrut  à  la  vue  de  la 
grandeur  de  la  tâche  qu'il  s'était  imposée  volontairement. 

Dans  le  volume  qui  vient  de  paraître,  l'auteur  ne  s'en  lient  pas  aux  bio- 
graphies; il  présente  surtout  des  renseignements  précieux  sur  les  institu- 
tions musicales,  telles  que  maîtrises,  académies,  associations  de  Sainte- 
Cécile,  Saint-Job,  etc.,  dont  l'histoire  est  le  complément  nécessaire  de  celle 
des  institutions  analogues  entre  les  littérateurs  et  les  artistes  des  autres 
catégories.  Ce  serait  une  élude  intéressante  à  faire  que  celle  de  cet  esprit 
d'association,  de  corporation,  s'étendant  dans  les  contrées  germaniques  à 
tout  ce  qui  louche  aux  travaux  de  l'esprit  et  du  corps.  En  somme,  l'ouvrage 
de  M.  Vander  Slraelen  qui  a  cela  de  commun  avec  tous  les  travaux  composés 
d'une  combinaison  de  documents,  de  n'être  pas  d'une  lecture  allrayante  pour 
tous,  renferme  des  documents  de  grand  intérêt  pour  les  spccialilés  auxquelles 

nous  le  recommandons  vivement. 

Emile  V... 

OosTERLiNCEN.  —  Vcrklarendc  lijst  der  Nederlandsehe  woorden  die  uit  het 
Arabisch,  Hebreeuwseh,  Chaldeeuwsch,  Perzisch  en  Turksch  afkomslig  zijn, 
door  K.  Dozv,  hoogleeraar  te  Leiden. 

Ou  sait  que  les  différentes  langues  de  l'Europe  renferment  un  certain 
nombre  de  mois  empruntés  aux  langues  orientales.  Ce  sont  principalement 
les  nations  de  race  latine  qui,  en  raison  de  leurs  relations  plus  fréquentes 
avec  les  peuples  de  l'Asie  occidentale,  et  de  la  domination  arabe  en  Espagne, 
ont  reçu  dans  leurs  idiomes  une  quantité  assez  considérable  de  mots  arabes, 
persans  et  turcs.  Nous  possédons  plusieurs  ouvrages  dans  lesquels  on  a  dressé 


—  40G  — 

lies  listes  plus  ou  moins  exactes  de  ces  mois.  Quant  aux  langues  germaniques, 
les  quelques  mois  orientaux  qu'elles  renferment,  y  sont  presque  tous  entrés 
par  linlermédiaire  des  langues  romanes,  et  le  hollandais  spécialement  n'en 
a  point  qui  ne  se  trouvent  aussi  dans  d'autres  langues  européennes.  Néan- 
moins, ce  petit  travail  de  M.  Dozy  n'est  pas  sans  apporter  quelques  faits 
nouveaux  à  la  science,  en  établissant  l'étymologie  de  plusieurs  mots  et  en 
signalant  les  erreurs  des  lexicographes  antérieurs. 

(Extrait  de  la  Revue  critique  d'histoire  el  de  lillérature). 

DrcTiONNAiRE  CRITIQUE  DE  BIOGRAPHIE  ET  d'histoire.  —  C'est  appès  «  plus  de 
quinze  années  de  patientes  recherelies  et  de  rudes  fatigues,  »  que  M,  Jal, 
croyant  «  qu'on  ne  saurait  trop  purger  les  biographies  des  erreurs  qui  les 
déshonorent,  »a  fait  pour  beaucoup  de  gens,  hommes  d'église,  artistes,  liom- 
mes  de  lettres,  hommes  de  guerre,  hommes  du  monde  et  femmes  célèbres, 
mal  connus  jusqu'à  ce  jour,  ce  que  Bayle,  d'après  le  Menagiana,  avait  eu  le 
projet  de  faire  pour  les  savants,  au  sujet  desquels  tant  de  fautes  ont  été  com- 
mises par  les  biographes. 

Grâce  à  son  admirable  patience,  secondée  par  une  rare  sagacité,  nous  pos- 
sédons des  milliers  de  renseignements  nouveaux,  souvent  Irès-imporlants, 
soit  sur  des  personnages  célèbres,  soit  sur  des  hommes  qui  ne  méritaient  pas 
tous  d'être  les  victimes  de  l'oubli.  .le  ne  crois  pas  aller  trop  loin  en  déclarant 
que  Mf  J  ,  par  la  publication  de  son  Dictionnaire  critique,  «  qui  porte  à  toutes 
les  pages  la  marque  du  soin  le  plus  minutieux,  »  comme  il  le  dit  avec  vérité, 
a  rendu  à  l'érudition  un  des  plus  grands  services  qu'on  put  attendre  d'un 
clierclieur  habile  et  zélé. 

L'encyclopédique  recueil  de  M^  J.  est  presque  entièrement  formé  d'extraits 
do  manuscrits  conservés  aux  archives  de  l'Empire,  des  affaires  étrangères, 
de  la  guerre,  de  la  marine,  de  la  ville  de  Paris,  de  la  préfecture  de  police,  de 
la  Comédie  française,  de  la  Bibliothèque  impériale  et  aux  autres  bibliothè- 
ques de  Paris,  à  quelques  bibliothèques  de  province,  notamment  à  la  biblio- 
thèquede Rouen,  ainsi  qued'extraits  appartenant  ùdes  collections  particulières 
et  surtout  de  vieilles  minutes  des  notaires  de  Paris.  Cette  dernière  source, 
pour  la  première  fois  mise  à  profil,  est  celle  qui  a  fourni  les  plus  nombreux 
renseignements  à  l'intrépide  chercheur.  Espérons  que  M^  J.  vivra  assez  long- 
temps et  que  son  livre  aura  un  assez  grand  succès,  pour  que,  dans  la  seconde 
édition  qu'il  nous  laisse  entrevoir,  viennent  se  ranger  de  nouvelles  indications 
empruntées,  soit  à  ces  documents,  soit  aux  documents  qui  lui  seront  encore 

signalés  par  d'autres  lecteurs  reconnaissants. 

{fd.). 


—   -407    — 

Van  STEEnBKECK,  François,  AncniTECTE.  —  L'illustre  bolanislc  belge,  l'auleiir 
du  Thealrum  fungorum  cl  de  la  Cihictiltura,  étail  né  Ji  Anvers  et  avait  uii  ea- 
nonicat  dans  l'église  de  lloogstraelen;  on  lui  a  souvent  attribué  la  qualilé 
d'orchilecle,  sans  qu'on  ail  pu  ciler  des  ])lans  arcliilccloniiiucs  qui  lui  seraient 
dus.  II  ne  sera  donc  pas  sans  intérêt  de  citer  une  j)reuve  à  l'appui  de  celle 
assertion.  Sous  les  ornements  du  niaître-aulel  de  l'église  de  Saint-Paul,  ù  An- 
vers, en  1G70,  on  trouva  Pinscriplion  suivante  :  in  wrc  incl.suin  ad  protoltjpum 
R.  D.  Francisci  Sicrbeeck,  AnciiiTrxTE  M. 

Tableau  de  Van  Ori-f.y.  —  Le  gouvernement  vient  de  faire,  pour  le  Musée 
royal  de  peinture,  une  acquisition  importante,  tant  sous  le  rapport  histori- 
que qu'au  point  de  vue  de  l'art;  elle  se  compose  de  cinq  tableaux ,  représentant 
l'histoire  de  Job,  et  qui  ont  toujours  passé  pour  l'œuvre  capitale  de  Van  Orley. 
L'artiste  lui-même,  du  reste,  s'était  chargé  de  témoigner  du  cas  qu'il  faisait 
de  cette  production,  en  la  signant,  jusqu'à  quatre  fois,  de  son  monogramme, 
de  sou  nom,  de  sa  devise  et  enfin  de  son  portrait,  qui  (igure  dans  un  des 
cinq  panneaux.  Celte  peinture  est  la  seule  qui  présente  ces  particularités 
réunies.  L'aullienlicilé  peut  tlouc  en  éli'e  considérée  comme  iuconleslable. 
Elles  sorlenl  de  la  célèbre  galerie  du  roi  des  Pays-Bas  Guillaume  III,  où  elles 
étaient  cataloguées  au  nombre  des  chefs-d'œuvre. 

Les  cinq  tableaux  qui  composent  cette  peinture  formaient  précédemment 
un  triptyque.  Les  deux  volets  qui  se  reployaienl  sur  le  panneau  du  milieu, 
étaient,  comme  toujours,  peints  des  deux  cotés,  ce  qui  empêchait  de  jouir 
d'un  seul  coup  d'œil  Je  l'ensemble  de  l'œuvre.  Pour  obvier  à  cet  inconvé- 
nient, le  dernier  propriétaire  de  l'histoire  de  Job  a  fait  scier  ces  panneaux 
dans  le  sens  de  l'épaisseur.  Celle  opération,  qui  a  enlevé  au  triptyque  son 
caractère,  a  toutefois  l'avantage  de   permettre   de   |ilacer  la  peinture  toute 

entière  sur  un  même  plan. 

Emile  V 

Société  royale  des  Beaix-Arts  et  de  Littératdre  de  Ga>d.  —  Concours  de 
1867-1808.  —  |o  Écrire  l'histoire  de  la  littérature  flamande  et  française  au 
comté  de  Flandre  depuis  la  fin  du  XV«  siècle  (époque  où  se  tern)iue  le  mé- 
moire couronné  par  la  Société  en  1853)  jusqu'au  XVI  l«. 

En  présentant  la  marche  complète  de  cette  double  littérature,  l'auteur  pas- 
sera en  revue,  s'il  y  a  lieu,  et  en  y  joignant  ses  propres  appréciations,  les 
jugements  contemporains  émis  sur  les  ouvrages  cités  dans  son  œuvre;  il  don- 
nera des  notions  biographiques  sur  les  écrivains.  —  Prix,  une  médaille  d'or 
de  quatre  cents  francs. 

2»  Donner  l'historique  et  la  description   des   fêtes   urbaines  en    Flandre, 


—  408  — 

nommément  décolles  où  figurèrent  des  cortèges,  des  cavalcades,  des  exercices 
el  des  entrées  solennelles  de  confréries,  des  concours  et  des  représentations 
de  sociétés  de  rhétorique.  —  Prix,  une  médaille  d'or  de  deux  cents  francs. 

30  Faire  l'Iiisloire  de  l'orfèverie  el  de  la  ciselure  dans  les  anciens  Pays-Bas 
(provinces  hollandaises  et  belges),  jusqu'à  la  fin  du  XYIII*  siècle  Le  mé- 
moire sera  accompagné  d'au  moins  dix  dessins.  —  Prix,  une  médaille  d'or 
de  quatre  cents  francs. 

4.0  Tracer  un  aperçu  de  l'origine,  de  la  marche  et  des  progrès  de  la  gravure 
sur  bois,  dans  les  Pays-Bas  et  la  Belgique,  jusqu'aujourd'hui.  —  Prix,  une 
médaille  d'or  de  deux  cents  francs. 

Les  ouvrages  doivent  être  rédigés  en  français  ou  en  flamand. 

Les  concurrents  mentionneront  en  note  les  auleurs  et  les  documents  qu'ils 
auront  consultés  ou  suivis.  Les  citations  devront  être  soigneusement  indiquées, 

Les  ouvrages  couronnés  deviennent  la  propriété  de  la  Société;  lorsqu'ils 
seront  imprimés  dans  ses  Annales,  les  auteurs  en  recevront  50  exemplaires 
tirés  à  part. 

Les  manuscrits  envoyés  au  concours  restent  à  la  Sociélé;  les  concurrents 
peuvent  en  faire  prendre  des  copies,  à  leurs  frais. 

Si  aucun  des  ouvrages  reçus  n'est  jugé  digne  de  la  médaille,  le  jury  sta- 
tuera sur  l'encouragement  à  donner  à  celui  qu'il  pourrait  avoir  distingué. 

Chaque  concurrent  doit  joindre  à  son  manuscrit  une  devise,  qu'il  répétera 
sur  un  billet  cacheté  contenant  son  nom  et  son  adresse. 

L'auteur  qui  se  fera  connaître  de  toute  autre  manière,  ou  qui  aura  envoyé 
son  travail  après  le  terme  prescrit,  sera  exclu  du  concours.  —  Le  billet  de 
l'ouvrage  couronné  n'est  ouvert  qu'en  séance  de  la  Sociélé;  les  autres  billets 
sont  brûlés,  sans  avoir  été  décachetés. 

L'envoi  des  mémoires  destinés  au  concours  devra  avoir  lieu  avant  le 
15  juillet  1868,  au  secrétaire  de  la  Société  et  franc  de  port. 

NÉCROLOGIE  :  M.  DE  LA  Fo>s-MÉLicocQ.  —  Le  âîessoger  des  Sciences  a  perdu 
en  lui  un  des  plus  zélés  collaborateurs.  François-Joseph  de  la  Fons,  baron 
de  Mélicocq,  est  mort  à  Raismes,  près  de  Valenciennes,  le  l^  juin  dernier,  à 
l'âge  de  soixante-quatre  ans.  Il  était  un  de  ces  chercheurs  infatigables  pour 
lesquels  les  coins  les  plus  obscurs  et  les  plus  poudreux  des  archives  cherchent 
en  vain  à  cacher  leurs  précieux  secrets.  Depuis  de  longues  années  il  s'occu- 
pait avec  succès  à  rechercher  les  vieux  documents  relatifs  à  l'histoire  de  l'an- 
cienne Flandre,   et  l'absence  de  ses  intéressantes  communications  laissera 

dans  le  Messager  une  lacune  bien  diflicile  à  combler. 

Emile  V.... 


^^ 


L\ftv.Fiiïc\vnotià  ^înVno.ùiTVii.. 


LE  BARON  DE  SAINT-GENOIS. 


Roué  d'une  grande  activité,  d'un  espi  it  proni|it, 
d'une  conception  facile,  il  a  laissé  un  grand  nombre 
d'écrits  où  dominent  toujours  un  inaltérable  respect 
et  un  profond  amour  pour  le  pays. 

15""  oB  S.u^T-GENOls,  Notice  biographique  sur 
Auguste  Voisin. 


I. 

Ce  D'est  pas  sans  éprouver  un  serrement  de  cœur  que 
nous  traçons  le  nom  de  cet  homme  de  bien.  Que  de  sou- 
venirs u'évoque-t-il  pas  pour  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur 
de  vivre  dans  son  intimité  pendant  de  longues  années,  et 
d'apprécier  l'inépuisable  bonté  de  celle  âme  d'élite  qui  ne 
pouvait  contempler  la  douleur  d'autrui  sans  se  sentir  émue 
et  attristée?  Le  vide  que  le  baron  de  Saint-Génois  laisse 
dans  le  monde  savant  et  dans  le  cœur  de  ses  nombreux 
amis,  et  personne  n'en  avait  plus  que  lui,  ne  sera  comblé 
que  lorsque  le  temps,  qui  calme  toutes  les  douleurs,  aura 
aussi  calmé  les  nôtres.  Nos  regrets  sont  profonds  et  amers, 
mais  les  larmes  qu'ils  font  verser  se  sécheront  à  la  pensée 
que  celui  que  nous  pleurons  jouit  peut-être  déjà  de  la  féli- 
cité éternelle.  Pensée  consolante  et  sublime,  qui  permet  au 
chrétien  d'entrevoir  au  travers  des  ténèbres  du  tombeau,  les 
splendeurs  célestes  de  la  vie  future.  C'est  l'espérance  d'être 
uni  un  jour  dans  le  sein  de  Dieu,  à  ceux  qu'on  a  aimé  ici- 

1807.  29 


—  ilO  —, 

bas  qui  cicatrise  les  plaies  de  l'âme.  «  La  grandeur  de  la  foi 
éclale  —  a  dit  Pascal  —  lorsque  l'on  tend  à  l'immortalité 
par  les  ombres  de  la  mort.  »  Tels  étaient  aussi  les  sentiments 
de  celui  qui  nous  a  été  trop  promptement  ravi,  mais  dont 
nous  lionorerons  la  mémoire,  en  «  retrempant  dans  les  sou- 
»  venirs  et  les  exemples  qu'il  nous  laisse,  notre  dévouement 
»)  aux  intérêts  sacrés  de  la  famille  et  de  la  patrie  (i).  » 

Jules -LuDGER- Dominique -Ghislain,  baron  de  SAINT- 
GENOIS  DES  MOTTES  (2),  chevalier  des  ordres  de  Léopold 
et  du  Lion  néerlandais,  naquit  à  Lennick-S^-Quenlin  (Bra- 
bant),  le  22  mars  1813,  mourut  à  sa  résidence  d'été  à 
Royghem  (Gand),  le  10  septembre  1867,  et  est  inhumé  au 
cimetière  de  Saint-Amand  dans  le  caveau  de  sa  famille.  Il 
était  fils  d'Édouard-Jean-NicoIas,  baron  de  Saint-Génois 
(ks  flottes,  et  de  Jeanne-Françoise-Ghislaine  van  der  Gole 


(1)  Taroles  prononcées  par  M.  De  Decker,  ancien  ministre  de  l'Inlérieur, 
sur  la  tombe  du  baron  de  Saint-Génois.  L'inhumation  cul  lieu  le  13  septem- 
bre I8G7,  au  cimetière  de  Sainl-Amand.  Huit  discours  ont  été  prononcés  dans 
cette  circonstance:  1»  par  M.  Haus,  recteur  de  TUniversilé,  au  nom  de  cet 
établissement;  2»  M--  P.  De  Decker,  ancien  ministre  de  l'Intérieur,  au  nom  de 
l'Académie  royale  de  Belgique;  5°  M.  le  docteur  Snellaert,  au  nom  du  mou- 
vement flamand  ;  4»  M.  le  chevalier  de  Schoutheete  de  Tervarent,  au  nom 
de  l'Académie  d'arciiéologie;  3o  Mr  J.  Bernard,  au  nom  du  personnel  de  la 
Bibliothèque;  6»  M^  Ed.  De  Bussciier,  au  nom  de  la  Société  des  Beaux-Arts 
et  de  Littérature  de  Gand;  7»  M.  REivs,au  nom  de  la  Société  de  Taal  is  gansch 
hel  volIc;  8»  M.  De  Laet,  en  son  nom  personnel. 

Ces  discours  seront  publiés  par  Ak  É.'uile  Schoorsun,  neveu  du  défunt. 
Les  coins  du  poële  étaient  tenus  par  MM.  Haus,  De  Decker,  A.  Yan  Loke- 
BEN,  archiviste  honoraire  de  la  ville,  et  Skellaert,  homme  de  lettres. 

(2)  DE  SAIM-GEAOIS  porte  :  de  gueules  au  sautoir  d'azur,  bordé  d'argent, 
chargé  de  cinq  quiitlcfettillcs  de  mùme,  boulonnées  d'or.  L'écu  timbré  d'une  cou- 
ronne surmontée  d'un  heaume  assorli  de  ses  lambrequins,  à  dcxtre  d'or  et 
d'azur,  à  senestre  d'argent  cl  de  gueules.  Cimier  :  H«e  quintefeuillc  de  l'écu 
feudlée  de  deux  feuilles  de  sinople  entre  un  vol  d'azur  et  de  gueules. 

Supports  :  Deux  griffons  d'or,  les  têtes  contournées,  lampassés  de  gueules, 
celui  à  dcxtre  portant  une  bannière  armoriée  aux  armes  de  l'écu  el  celui  à 
senestre  une  bannière  à  celles  de  Bcrnernicourt.  Devise  :  moribus  avitis. 


—  411   — 

de  Melz-Blanc-Blois,  et  avait  épousé  à  Wieisbeke  (Flandre 
occidentale),  le  2G  avril  1857,  Albine-IIenriclte  van  der 
Bruggcn,  fille  de  Charles-Jean-Élienne  et  de  .Marie-Jose- 
pliine-Colelte  van  Pottelsberglie  de  la  Pollerie.  De  ce  mariage 
sont  issus  plusieurs  enfants. 

Le  baron  de  Saint-Génois  était,  depuis  1843,  professeur 
bibliothécaire  de  TUnivcrsilé  de  Gand  lorsque  la  mort  vint 
le  surprendre,  et  nous  savons  tous  quels  services  il  a  ren- 
dus pendant  les  vingt-quatre  années  qu'il  a  vécu  dans  ce 
sanctuaire  de  la  science.  Jetons  un  coup-d'œil  sur  cette 
existence  si  tôt  moissonnée,  mais  si  complètement,  si  no- 
blement remplie. 

En  1856,  peu  de  temps  après  avoir  terminé  de  brillantes 
études,  de  Saint-Génois  fut  nommé  archiviste  de  la  Flandre 
orientale.  Dans  ce  vaste  dépôt,  dont  toutes  les  richesses 
n'ont  pas  encore  été  explorées,  il  se  livra  avec  non  moins 
d'ardeur  que  d'amour  aux  investigations  les  plus  persis- 
tantes, et  un  an  après  son  entrée  en  fonctions,  il  livrait  à 
la  presse,  VHisloire  des  avoueries  en  Belgique  (i).  Ce  mé- 
moire, plein  d'érudition,  fut  couronné  par  l'Académie 
royale,  qui  décerna  à  son  auteur  la  médaille  d'argent. 
Mais  ce  travail  n'était  que  le  prélude  d'une  œuvre  plus 
imj)ortante  :  V Inventaire  analytique  des  chartes  des  comtes 
de  Flandre,  avant  r avènement  des  princes  de  la  maison  de 
Bourgogne,  depuis  l'année  1086  jusqu'en  1580.  Cet  ou- 
vrage, précédé  d'une  notice  historique  sur  l'ancienne  tréso- 
rerie des  chartes  de  Rupelmonde,  est  justement  apprécié 
par  les  écrivains  qui  se  font  un  devoir  de  chercher  la 
vérité  aux  sources  authentiques  de  l'histoire. 

En  1 843,  la  place  de  bibliothécaire  étant  devenue  vacante 
par  la  mort  d'Auguste  Voisin,  de  Saint-Génois  fut  designé 

(1)  Bruxelles,  1837,  chez  Hauman. 


—  412  — 

pour  succéder  à  ce  savant,  dont  il  devint  aussi  le  bio- 
graphe (0- 

Dans  celte  position  il  voulut  suivre  les  traces  de  son 
prédécesseur,  en  maintenant  la  réputation  d'hospitalité 
que  la  Bibliothèque  s'était  acquise  à  l'étranger.  Aujour- 
d'hui on  peut  dire  que  la  courtoisie,  l'affabilité  et  l'em- 
pressemeul  à  venir  en  aide  aux  visiteurs,  sont  des  qualités 
devenues  héréditaires  chez  les  conservateurs  de  la  Biblio- 
thèque de  Gand. 

Voisin  avait  commencé  le  triage  des  livres  et  la  publi- 
cation des  catalogues,  de  Saint-Génois  acheva  cette  difficile 
entreprise.  En  1852,  il  fit  paraître  le  Catalogue  méthodique 
et  raisonné  des  manuscrits  (2),  collection  nombreuse  formée 
des  dépouilles  des  anciennes  maisons  religieuses  de  la 
Belgique,  supprimées  à  l'époque  de  la  Révolution  française 
du  siècle  dernier.  La  partie  classée  sous  la  rubrique,  Vies 
de  Saints,  n'est  pas  la  moins  intéressante  du  volume. 

Il  agrandit  considérablement  les  locaux  et  construisit, 
en  18o6,  le  beau  cabinet  affecté  à  la  conservation  des 
manuscrits  et  des  incunables  (3). 

Laborieux  et  fécond,  il  collabora  à  un  grand  nombre  de 


(1)  Messager  des  Sciences  historiques,  1843,  p.  443. 

(2)  Gand,  1849-1832. 

(3)  Les  belles  boiseries  en  chêne  qui  couvrent  les  trois  panneaux  de  ce 
cabinet  proviennent  de  l'ancienne  bibliothèque  des  Jésuites,  affectée  plus 
tard  au  grefïe  du  Conseil  de  Flandre.  Sur  la  frise  qui  règne  au-dessus  de  ces 
armoires,  on  lit  .- 

VTI-    ItVIVS     BiELI0TIlEC:E-   âCADEMIC*-    LIBRI-   MiNVSCniPTI.   NECKON- 

ET-    INCVMBVLA-   TVTIVS.    ADSEn VARK^TVR. 

S-   J-    DELEHAYE-   BVnCI MAGISTER- 

E  :  VAN   POTTELSBERGHE   DE    LA   POTTERIE 

JACOBVS    DVBOIS 

SCABIKIS- 
JVL:    DE    SAlJiT-GENOIS-    BARO. 

PH      KERVYN    DE   VOIKAERSBEKE 

C     WAELBROECK-    COLLEGII-    A.    SECRETIS. 

HOC     COXCLAVE-   LIGXEIS-  ARMARIIS-  ELEGAMirORIBVS.  INSTRVENDVM     CVRAVEEVM. 

ASNO     M-    DCCC-   LVl. 


—  415  — 

Revues  nationales  et  étrangères,  mais  aucune  ne  lui  était 
aussi  chère  que  le  Messager  des  Sciences,  dont  Torigine 
remonte  à  l'année  1823.  Ce  fut  en  1856  que  de  Saint- 
Génois  remplaça  M.  Warnkœnig,  appelé  à  l'Université  de 
Fribourg  (Bade),  dans  la  direction  de  la  plus  ancienne  des 
revues  périodiques  de  la  Belgique.  Son  infatigable  activité, 
jointe  à  des  relations  étendues  avec  tous  les  savants  de  TEu- 
rope,  lui  permirent  non  seulement  de  maintenir  le  Messager 
au  rang  où  il  s'était  placé,  mais  d'augmenter  encore  le  nom- 
bre de  ses  collaborateurs.  Laissons  ce  regretté  collègue  nous 
dire  ce  qu'il  pensait  de  la  mission  de  ce  journal  scientifique, 
qui  compte  aujourd'hui  presqu'un  demi-siècle  d'existence. 
«  Défenseurs  réfléchis  des  deux  langues  nationales  parlées 
»  aujourd'hui  en  Belgique  —  écrit-il  —  nous  avons  saisi 
»  toutes  les  occasions  pour  démontrer  à  nos  frères  des  pro- 
»  vinces  wallonnes,  que  la  langue  flamande  est  chez  nous  à 
»  la  fois  un  élément  de  nationalité  politique  et  un  instrument 
»  utile  pour  nous  approprier  la  connaissance  de  langues 
»  congénères.  Jamais  nous  n'avons  souffert  que  l'étranger 
»  se  glorifiât  de  noms  qui  appartiennent  au  sol  belge;  leur 
D  acte  de  naissance  en  main,  nous  avons  réclamé  comme 
»  Belges  des  hommes  de  talent  dont  la  mère-patrie  avait 
')  perdu  la  trace.  Gi;andes  et  petites  choses,  quand  elles 
»  avaient  pour  but  d'honorer  le  pays  qui  nous  a  vu  naître, 
»  nous  les  avons  enregistrées  avec  zèle  et  empressement. 
»  Critiques  impartiaux  et  sans  fiel,  nous  avons  tendu  une 
»  main  amie  à  tous  les  hommes  de  lettres,  flamands  ou  wal- 
»  Ions,  qui  depuis  trente  ans  ont  surgi  sur  la  scène.  Les  ar- 
»  tistesde  mérite  ont  toujours  trouvé  en  nous  des  défenseurs 
»  bienveillants  et  éclairés;  ceux  qui  parcoureront  notre  re- 
»  cueil,  y  trouveront  plus  lard  de  précieux  renseignements 
»  pour  l'histoire  des  lettres  et  des  arts  de  nos  provinces  (i).  » 


(1)  Tables  générales  du  Messager.  —  Quelques  mois  sur  le  Messager  des 
Sciences  historiques  en  Belgique,  p.  2.  Gand,  ISb-i. 


—  414  — 

Dans  ces  lignes,  empreintes  de  palriolisme,  le  baron  de 
Sainl-Genois  trace  la  voie  que  le  Messager  doit  suivre  pour 
rester  fidèle  à  son  passé.  Depuis  cette  époque  (1854)  ce 
programme  a  été  scrupuleusement  exécuté  et,  avec  l'aide 
de  Dieu,  il  en  sera  encore  ainsi  à  l'avenir.  C'est  le  meilleur 
moyen  de  rendre  hommage  à  la  mémoire  de  l'éminent 
écrivain  que  nous  avons  perdu. 

Le  Messager  des  Sciences  était  pour  lui  l'objet  d'une 
sollicitude  constante.  Il  lui  confiait  les  meilleurs  produits 
de  sa  plume,  et  personne  n'a  jamais  payé  dans  ce  recueil 
un  plus  large  tribut  à  l'histoire,  aux  arts,  à  l'archéologie, 
à  la  philologie,  à  la  biographie,  à  la  bibliographie,  à  la 
littérature  et  à  la  linguistique.  Soumettre  à  l'analyse  tous 
ces  travaux,  embrassant  une  période  de  trente  et  un  ans, 
serait  une  tâche  très-longue  à  remplir  (i). 

Les  nombreux  services  que  de  Saint-Génois  ne  cessait 
de  rendre  aux  sciences  et  à  la  littérature,  lui  ouvrirent 
bientôt  les  portes  du  premier  corps  savant  du  pays.  Le 
7  mai  1838,  il  fut  élu  membre  correspondant,  et  le  10  jan- 
vier 1846,  membre  eiïoclif  de  l'Académie  royale  de  Bel- 
gique. Là  encore  il  se  distingua  par  sa  prodigieuse  fécondité. 
Indépendamment  des  mémoires,  des  notices  et  des  rapports, 
dont  il  enrichit  les  publications  académiques,  il  fut  le  pro- 
moteur de  la  Biographie  nationale,  «  œuvre  de  science  et 
»  de  patriotisme  à  peine  commencée,  dont  il  sera  malheu- 
»  reusement  impossible  de  détacher  désormais  le  souvenir 
»  du  décès  prématuré  de  son  fondateur  (-2).  » 


(1)  Voyez  à  la  suite  de  celle  notice  la  table  par  ordre  chronologique  de 
tous  les  articles  publiés  par  le  baron  de  Saint-Génois,  dans  le  Messager  des 
Sciences  historiques,  depuis  1854  jusqu'en  1867.  Cette  liste  fait  suite  à  celle 
qui  se  trouve  dans  les  Tables  générales  du  Messager  des  Sciences  histori- 
ques, p.  158.  On  sait  que  ces  Tables  sonl  dues  à  M''  Léonard  Ilebbclynek,  et 
nous  aimons  ù  lui  témoigner  ici  notre  gratitude  pour  le  service  qu'il  a  rendu 
aux  sciences,  eu  facilitant  les  recherches  dans  une  collection  aussi  nombreuse. 

(2)  Discours  de  M.  De  Decklr. 


—  415  — 

En  effet,  une  Biographie  nationale,  largement  conçue, 
répondait  admirablement  à  ce  désir  ardent  de  glorifier  la 
patrie,  qui  se  manifestait  dans  toutes  les  œuvres  auxquelles 
le  baron  de  Saint-Génois  accordait  son  concours. 

Cependant,  gardons- nous  de  croire  que  toutes  ces  fon- 
dations se  soient  maintenues  dans  les  bornes  qui  leur  étaient 
primitivement  assignées.  Parfois  elles  les  ont  francbies  pour 
se  lancer  dans  des  voies  où  leurs  fondateurs  ne  devaient 
plus  les  suivre.  Le  baron  de  Saint-Génois  le  déplorait,  mais 
il  ne  regrettait  pas  d'avoir  participé  à  l'établissement  de 
ces  associations,  o  car  —  nous  écrivait-il  de  Blankenberglie, 
»  le  18  août  1867  —  nous  ne  pouvons  nous  dissimuler  qu'en 
»  somme  de  compte,  il  en  est  résulté,  après  bien  des  années 
»  de  lutte,  la  reconnaissance  officielle  des  droits  légitimes 
»  de  la  littérature  flamande  et  un  attachement  plus  vif  à 
»  notre  nationalité.  L'élément  flamand  a  conquis  sa  place 
»  dans  la  vie  de  la  Belgique  actuelle;  c'est  le  but  auquel 
»  nous  aspirons  tous,  pour  faire  contrepoids  aux  idées 
»  françaises.  Si  tout  cela  est  devenu,  au  second  plan,  un 
»  instrument  dans  les  mains  de  nos  adversaires,  un  jour 
»  viendra  où  nous  aurons  notre  revanche,  tout  choit  bien  à 
»  qui  sait  attendre,  comme  nous  le  disons  souvent.  » 

Cette  lettre,  écrite  peu  de  temps  avant  sa  mort,  reflète 
bien  la  pensée  dominante  de  son  auteur,  pensée  qui  le 
préoccupait  sans  cesse  :  la  revendication  des  droits  des 
Flamands,  dans  la  littérature,  dans  l'administralion  civile 
et  devant  la  justice.  Sa  foi  dans  l'avenir  était  inébranlable, 
parce  qu'elle  était  basée  sur  une  cause  juste,  et  qu'il 
savait  qu'au  moment  du  danger  les  Flamands  se  montre- 
raient, comme  leurs  aïeux,  les  défenseurs  intrépides  de 
cette  cause  sacrée,  si  intimement  liée  à  l'indépendance  de 
la  pairie.  De  Saint-Génois  jouissait  d'une  grande  influence 
sur  cette  phalange  connue  sous  le  nom  de  «  mouvement 


—  416  — 

flamand,  »  et  ce  n'est  pas  sans  raison  qu'un  poëte  a  dil  sur 
sa  tombe  : 

Alweêr  een  graf,  de  rustplaats  voor  't  gebeente 
Eens  strijders,  roem  der  Vlaamsehe  Taalgemeente, 
Een  schrijvers,  groot  in  geest  en  werkzaamheid. 


Treur!  Vlaandren,  treur  !  een  Hoofdmau  is  bezweken 
Van  'l  dapper  heir  dat  slout  de  lans  durft  Lreken; 
Een  steunpilaar  der  Vaderlandsche  zaak; 
Met  woord  en  schrift  streed  liij  voor  uwe  rechten, 
Mocht  aan  de  spils  de  zegepraal  bevechten, 
Terwijl  zijn  geest  ons  liclUlc  als  heldre  baak. 


En  nu,  eilaas  !  nu  hij  de  vrueht  mocht  plukken, 

Komt,  onverwachts,  de  dood  Iiem  ons  ontrukken  ; 

Als  Willems,  vall  liij  kloek  op  't  veld  van  eer; 

Gewapend  nog,  de  strijdpen  opgelieven, 

Voôr  op  de  bres,  doet  een  beroert'  hem  sneven.... 

En  Ylaanderen  weent  :  «  Onz'  Hoofdman  is  niet  meer  !  » 

G  JuLius  !  ons  dierbre  Letterbroeder  ! 
Uw  ziel  ontvangt  reeds  't  loon  bij  d'Albehoeder, 
Den  palm  voor  deugd  en  chrislenmin  bereid; 
Van  daàr  ziet  ge  ook  onz'  zilte  (rancn  vlieten; 
Daàr  zullen  we  eens  met  U  de  rust  genieten  : 
Vaarwèl,  o  Vriend  !  toi  ginds  in  de  eeuvvigheid  !  (1). 


(1)  C.  H.  Van  Boi:kll,  Bcurzencoiiranl,  n°  236,  18G7. 


—  4J7  — 


II. 


Jetons  un  regard  sur  les  principaux  écrits  qni  ont  valu 
au  baron  de  Saint-Génois  le  rang  distingué  qu'il  occupe 
parmi  les  écrivains  belges. 

Le  premier  ouvrage  qui  se  présente  à  nos  souvenirs  est 
un  roman  historique,  Uembyse,  histoire  gantoise  de  la  fin 
du  XF/«  siècle  (i). 

A  l'époque  où  ce  livre  parut,  l'école  romantique  exerçait 
une  influence  universelle,  mais  funeste,  sur  la  littérature 
française.  Les  grands  écrivains  classiques  n'avaient  plus  le 
don  de  plaire  à  une  société  infectée  de  sensualisme  et  avide 
d'émotions.  Le  roman  et  le  théâtre  s'étaient  mis  à  la  tête 
de  ce  mouvement  désordonné,  qui  entraînait  insensiblement 
la  société  vers  l'abîme.  Nonobstant  ce  danger  imminent,  le 
public,  ce  corps  sans  àme,  capricieux  et  versatile,  persistait 
à  n'accorder  ses  faveurs  qu'aux  ouvrages  qui  répondaient 
le  mieux  à  ses  goûts.  Les  auteurs,  avides  d'une  fausse  gloire 
et  de  faux  lauriers,  choisirent  dans  l'histoire  les  pages  les 
plus  hideuses,  tachées  de  sang  et  de  boue,  et  couvertes  d'in- 
famie, pour  les  offrir  à  leurs  admirateurs  sous  la  forme  de 
romans  ou  de  drames,  dans  lesquels  la  morale  était  géné- 
ralement outragée.  Cette  littérature  malsaine  ne  règne  plus 
en  reine  absolue.  De  nobles  accents,  inspirés  par  un  esprit 
plus  chrétien,  plus  catholique,  se  sont  fait  entendre,  et  on  a 
osé  les  applaudir.  C'est  un  progrès  dont  il  faut  se  féliciter. 
Hàtons-nous  de  dire,  que  si  l'auteur  A'Hembijse  adopta  la 
forme  romantique,  à  laquelle  il  eût  été  difficile  de  se  sous- 

(i)  Bruxelles,  1833,  5  vol.  in-18. 


—  418  — 

traire;  s'il  se  servit  du  vieux  français  parlé  au  XVP  siècle, 
à  l'imitalioti  des  auteurs  en  vogue,  il  ne  subit  cependant 
pas  riiifluence  délétère  que  l'école  romantique  exerçait  sur 
la  jeunesse.  Dans  Hembyse,  de  Saint-Génois  se  montre 
plulôt  historien  et  même  historien  consciencieux,  que  ro- 
mancier. Les  portraits  qu'il  trace  d'Hembyse,  de  Ryhove, 
de  Dathenus,  de  Mieghem  et  d'autres  ambitieux,  fauteurs 
de  troubles,  de  meurtre  et  de  pillage,  ennemis  de  leur  pa- 
trie autant  que  de  l'Eglise,  sont  d'une  ressemblance  parfaite, 
que  les  documents  contemporains  découverts  depuis,  n'ont 
point  démentie.  Les  diverses  scènes  sont  agencées  avec 
art  et  soigneusement  décrites;  elles  dénotent  une  habileté 
qu'on  ne  rencontre  que  rarement  dans  une  première  œu- 
vre. L'aclion  est  bien  conduite,  quoique  certaines  parties, 
que  l'on  pourrait  appeler  des  hors-d'œuvres,  embarrassent 
parfois  sa  marche. 

Malheureusement  pour  leurs  auteurs,  les  romans  et 
même  ceux  qu'on  qualifie  é" historiques,  ne  vivent  dans 
notre  pays  que  l'espace...  de  quelques  mois,  et  il  est  dou- 
teux que  les  meilleurs  aient  contribué  à  faire  la  fortune  de 
leurs  éditeurs  (i). 

La  Cour  du  duc  Jean  IV,  chronique  brabançonne,  1418- 
1421  (-2),  parut  deux  ans  après  Hembijse.  Ce  roman,  ou 
plulôt  cette  chronique  comme  l'auteur  l'intitule  lui-même, 
est  le  fidèle  tableau  des  mœurs  et  des  intrigues  de  la  cour 
de  ce  prince  jeune,  valétudinaire  et  débauché,  qui  avait 
épousé  la  trop  célèbre  Jacqueline  de  Bavière,  dont  les 
amours  ont  servi  de  canevas  aux  élucubrations  des  poêles 
et  des  dramaturges.  Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  le  choix 
d'un  pareil  sujet;  mais  le  temps,  l'espace  et  le  désir  de  ne 


(1)  Voyez  l'analyse  critique  de  cet  ouvrage  dans  le  Messager  des  Sciences 
lilsloriqiics,  année  1836,  p.  2G8. 

(2)  Bruxelles,  1857. 


—  410  — 

pas  être  sévère,  ne  le  permcllent  pas.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  Cour  du  duc  Jean  IV  esl  écrite  clans  un  style  coloré  et 
les  situations  sont  naturellement  amenées. 

Le  faux  Baudouin  (Flandre  et  Hainuut),  1225  (i),  suivit 
de  près  les  deux  ouvrages  précédents.  Nous  avons  dit  que 
le  baron  de  Saint-Génois  était  plutôt  historien  que  roman- 
cier. Il  l'atteste  lui-même  dans  la  préface  de  ce  livre,  dont 
le  sujet  est  tiré  de  la  légende  de  Baudouin  IX,  empereur  de 
Constantinople.  A  ceux  qui  prétendent  que  le  romancier  est 
tenu  de  s'écarter  de  la  vérité  historique  pour  émouvoir  ses 
lecteurs,  de  Saint-Génois  répond  :  «  Que  devraient  penser 
»  de  tant  de  légèreté,  nos  bons  et  vénérables  ancêtres  qui  se 
»  trouvent  ainsi  vêtus  en  arlequins  méconnaissables  par  la 
«postérité?  Quel  jugement  pourraient-ils  porter  sur  une 
»  génération  qui  traite  si  cavalièrement  la  vérité?  Ne  fau- 
»  dra-l-il  pas  s'attendre  à  voir  sortir,  l'un  de  ces  malins, 
»  d'un  tombeau  violé,  la  main  décharnée  d'un  preux  che- 
»  valier  ou  d'une  belle  châtelaine  d'autrefois,  qui  viendra 
«briser  la  plume  entre  les  doigts  des  impudents  menteurs 
»  du  XIX"  siècle?  On  voit  bien  que  nous  ne  croyons  plus 
»  aux  revenants.  ■» 

Il  ne  reste  rien  à  ajouter  à  ces  réflexions.  L'écrivain  qui 
emprunte  les  noms  de  personnages  appartenant  à  l'histoire, 
pour  les  travestir  à  sa  guise  et  leur  faire  jouer  des  rôles 
qu'ils  n'ont  point  rempli,  méconnaît  sa  mission  et  donne 
à  la  critique  le  droit  de  lui  en  demander  compte.  Le  faux 
Baudouin  esl  écrit  avec  verve.  Le  dialogue  est  vif  et  naturel 
et  la  composition  entière  atteste  que  l'auteur  a  su  éviter  les 
défauts  qui  déparent  Hembijse  et  la  Cour  du  duc  Jean  IV. 

Désireux  de  prendre  place  parmi  les  écrivains  flamands, 
le  baron  de  Saint-Génois  publia,  en  1844,  Anna,  liistorisch 

(1)  Bruxelles,  1840. 


—  420  — 

tafcreel  uit  de  vlaemsche  geschiedenis,  tydens  Maria  van 
Bourrjonje,  \A77  (i).  Ici  encore,  les  annales  de  la  Flandre 
ont  fourni  le  sujet  :  la  mort  des  conseillers  de  Marie  de 
Bourgogne,  le  chancelier  Hugonet  et  le  sire  d'Himber- 
courf,  décapités  à  Gand  en  1477,  sujet  connu,  que  les 
poètes,  les  romanciers,  les  peintres  et  les  graveurs  ont 
traité  à  satiété. 

La  Bibliothèque  nationale  fit  paraître  à  son  tour  un  ou- 
vrage d'un  incontestable  mérite  :  les  Voyageurs  belges,  dû 
également  à  la  plume  du  baron  de  Sainl-Genois.  On  y 
trouve  sous  une  forme  élégante,  les  relations  les  plus  cu- 
rieuses sur  les  voyages  entrepris  au  moyen  âge,  par  nos 
compatriotes,  dans  les  pays  lointains,  en  Asie,  en  Afrique, 
mais  surtout  en  Terre-Sainte,  où  k  plus  d'un  courageux 
»  pèlerin  parti  des  Pays-Bas,  de  la  France,  de  l'Angleterre 
»  et  de  l'Allemagne  était  allé  pieusement  visiter  le  tombeau 
»  du  Sauveur  du  monde,  le  Saint-Sé|)ulcre,  cette  ville  sainte, 
»  en  un  mot,  où  toutes  les  traditions  de  la  Passion  de  Jésus- 
»  Christ  étaient  restées  intactes,  imposantes,  sans  altération, 
n  comme  un  témoignage  vivant  des  hautes  vérités  d'une  re- 
»  ligion  vraiment  divine  «(a). 

La  lecture  de  ces  relations  de  voyages  est  aussi  instruc- 
tive qu'attachante;  et  après  l'avoir  terminée,  on  demeure 
convaincu  que  notre  pays  a  fourni  sa  part  d'explorateurs 
aventureux  et  surtout  de  pèlerins  illustres. 

Le  Château  de  Wildenborg,  ou  les  Mutinés  du  siège  d'Os- 
tende,  Î(J04  (3).  Dans  ce  roman,  l'auteur  a  voulu  peindre 
trois  faits  principaux  :  les  derniers  événements  du  fameux 
siège  d'Ostende,  qui  dura  de  1601  à  1604;  les  excès  d'une 


(1)  Gand-Rolterdam,  1844. 

(2)  Les  Voyageurs  belges,  t.  F,  p.    13. 

(3)  Bruxelles,  1846. 


—  421   — 

troupe  de  rebelles,  qui,  sous  le  nom  de  Mulinés,  désolèrent 
une  partie  de  nos  provinces;  la  vie  et  les  mœurs  d'une  po- 
pulation presque  barbare,  dont  les  derniers  vestiges  n'ont 
pas  encore  disparu.  Ou  doit  reconnailre  qu'il  a  parfaite- 
ment réussi.  Les  scènes  qu'il  décrit  intéressent  cl  ne  man- 
quent ni  d'originalité,  ni  de  grâce,  ni  de  couleur  locale; 
mais  on  regrette  d'y  rencontrer  des  longueurs  et  des  hors- 
d'œuvres,  qui  nuisent  à  l'ensemble  et  gênent  la  lecture. 
Telle  est  la  nomenclature  des  ouvrages  qui  composaient  la 
bibliotbèque  de  l'Archiduc.  Ce  catalogue,  très-intéressant 
pour  un  bibliophile,  arrête  le  lecteur  ordinaire,  qui  ne  lit 
l'histoire  qu'a  condition  qu'elle  lui  soit  racontée  sous  une 
forme  agréable  et  dramatique.  Celle  fois  encore,  l'auteur 
du  Château  de  Wildenborg  n'a  eu  d'autre  but  que  «  d'attirer 
l'attention  de  ses  lecteurs  sur  l'importance  de  notre  propre 
histoire,  )>  comme  il  le  dit  lui-même  dans  la  lellre  d'envoi 
qu'il  adresse  à  son  ami  M.  Pierre  De  Decker,  imprimée  à 
la  suite  du  roman.  Puis,  développant  celle  idée,  il  continue 
de  la  sorte  :  «  Tâcher  de  peindre  ce  qui  est  en  nous,  ce  qui 
»  est  sous  nos  yeux,  ce  qui  appartient  à  notre  sol;  mon- 
»  trer  que  nous  pouvons  aimer  notre  ciel,  quoiqu'il  soit 
»  gris  et  brumeux;  prouver  que  nous  devons  nous  atta- 
«  cher  à  celte  terre  natale,  où  il  y  a  tant  de  beaux  souvenirs 
»  à  recueillir;  raviver  par  le  récit  des  choses  d'autrefois 
»  l'amour  d'une  patrie  commune;  essayer  de  secouer  dans 
»  leur  indifférence  moqueuse  ces  hommes  qui  s'obstinent 
n  à  ne  point  comprendre  que  nous  avons  une  nalionalilé 
9  à  nous;  établir  par  des  faits  la  nécessité  de  rattacher  le 
»  passé  au  présent,  si  nous  voulons  asseoir  sur  des  bases 
y>  solides  les  éléments  de  noire  existence  de  peuple;  voilà  la 

»  pensée-mère  de  tout  ce  que  j'ai  écrit  jusqu'ici Non, 

»  la  patrie  n'est  pas  un  mot  vide  de  sens  pour  la  Belgique; 
»  s'il  en  élait  ainsi,  il  faudrait  se  voiler  la  face  et  déchirer  ses 
»  vêlements  en  signe  de  deuil,  car  alors  nous  aurions  perdu 


—  422  — 

»  le  droit  de  prendre  rang  parmi  les  nations  civilisées.  » 
Que  ces  paroles  expriment  bien  tout  Tamour  que  ce  grand 
cœur  éprouvait  pour  son  pays!  Dans  ces  lignes  le  patrio- 
tisme déborde.  On  sent  que  le  sincère  et  loyal  défenseur 
des  droits  des  Flamands  a  foi  dans  l'avenir.  Il  faudrait  citer 
la  pièce  tout  entière,  ce  qui  n'est  guère  possible,  pour  se 
rendre  compte  de  l'intensité  de  ce  noble  sentiment.  Cepen- 
dant comment  résister  au  plaisir  de  reproduire  encore  un 
dernier  passage  de  cette  lettre,  qui  ne  manque  pas  d'ac- 
tualité? «  Je  sais  bien  qu'avec  des  idées  Immanitaires  — 
»  ajoute-t-il — dont  quelques  beaux  génies  se  plaisent  à  faire 
»  parade,  tout  semble  tendre  à  faire  disparaître  les  barrières 
0  qui  ont  longtemps  séparé  les  peuples;  que  l'humanité, 
»  dans  sa  course  progressive  et  providentielle,  marche  vers 
»  l'unité;  qu'à  une  époque  plus  ou  moins  éloignée,  elle  est 
»  destinée  à  ne  plus  former  qu'une  seule  et  même  famille, 
»  dont  un  amour  immense  doit  cimenter  l'union.  Des  vues 
»  aussi  grandes  se  réaliseront  peut-être  pour  les  idées;  mais 
»  je  ne  saurais  me  convaincre  que  le  saint  nom  de  patrie, 
»  ce  levier  des  grandes  choses  dans  tous  les  temps,  dans  tous 
1'  les  lieux,  puisse  finir  par  ne  plus  être  un  jour  que  le  mot 
"  d'ordre  d'une  pâle  et  ridicule  utopie,  digne  des  temps 
»  barbares.  » 

Qu'on  veuille  bien  remarquer  que  cette  leltre  d'envoi  est 
datée  du  1'^'  janvier  1846.  Les  événements  qui  se  sont 
passés  depuis,  ne  justifient  que  trop  les  tristes  pressenti- 
ments de  l'honorable  défunt. 

Passons  aux  autres  productions  que  cet  écrivain  a 
léguées  à  la  postérité.  Les  Feuillets  détachés  parurent 
en  1832.  Sous  ce  litre  se  trouvent  réunies  sept  nouvelles  : 
Duveke  Willems,  histoire  danoise  du  XVP  siècle;  Comment 
Pierre  de  Pipenpoy  devint  frère  de  charité;  La  Perruque  de 
mon  oncle;  Un  grand  écrivain;  Le  manuscrit  providentiel; 


—  42Ô  — 

Kleudde,  conte  fantastique;  cl  Vue  conspirallon  en  15G8. 
Une  préface  tlialoguée  accompagne  ces  récits,  et  il  faut 
reconnaître  que  ce  n'est  pas  la  j)ièce  la  moins  réussie  du 
recueil. 

Missions  diplomatiques  de  Corneille  Duplicius  de  Schep- 
per,  dit  Scepperus,  ambassadeur  de  Christiern  II,  de  Char- 
les V,  de  Ferdinand  /"  et  de  Marie,  reine  de  Uonrjrie, 
gouvernante  des  Pays-Bas,  de  1522  à  1555  (i).  Ce  titre  dit 
assez  que  nous  sommes  en  présence  d'un  ouvrage  impor- 
tant, qu'on  ne  peut  analyser  dans  un  cadre  restreint.  Le 
Messager  des  Sciences,  année  1856,  contient  un  article 
sur  Schepperus,  dû  également  au  baron  de  Saint-Génois. 
L'édition  in-4°  dont  il  est  question  ici,  a  été  publiée  par 
l'Académie  royale,  avec  la  collaboration  de  M-"  G.  A.  Yssel 
de  Schepper  d'Overyssel. 

Profils  et  Portraits  (2)  forme  un  joli  volume  contenant 
douze  nouvelles.  Si  elles  ne  sont  pas  exemptes  de  défauts, 
elles  dénotent  chez  l'auteur  un  esprit  d'observation  très- 
remarquable.  L'Anneau  de  l'archevêque  est  une  pièce  d'une 
morale  bien  douce,  bien  consolante.  Ce  que  Dieu  fait  est 
bien  fait,  est  le  tableau  gracieux  de  la  vie  de  famille.  Cette 
pièce  nous  paraît  supérieure  aux  autres,  peut-être  à  cause 
de  sa  grande  simplicité.  On  se  sent  heureux  au  milieu  de 
ces  honnêtes  gens,  qui  ne  remplissent  pas  le  monde  du  bruit 
de  leurs  faits  et  gestes. 

Antoine  Sanderus  et  ses  écrits.  Une  page  de  notre  histoire 
littéraire  au  XVII^  siècle  (3).  C'est  la  vie  de  «  l'historio- 
»  graphe  le  plus  fécond ,  le  plus  savant  que  notre  pays 
»ait  produit,  il  appartint  par  ses  nombreux  écrits,  à  cette 


(1)  Bruxelles,  18^6. 
(2]  Paris,  1860. 
(3)  Gand,  1861. 


—  424  — 

»  pléiade  d'auleurs  néo-lalins  qui,  après  la  renaissance  des 
»  lettres,  se  distinguèrent  chez  nous  à  la  fois  dans  la  prose 
«  et  dans  la  poésie.  Contemporain  ou  à  peu  près  du  jésuite 
')  Meyer,  d'Herman  Hugo,  de  Rycquius,  de  Sidronius  Hos- 
')  schius  et  de  tant  d'autres  qui,  dans  nos  provinces,  ma- 
»  niaient  habilement  la  langue  de  Cicéron  et  de  Virgile, 
»  Sanderus  ne  leur  cède  ni  en  élégance,  ni  en  richesse  de 
»  style  (i).  »  Tels  sont  les  titres  que  le  baron  de  Saiut- 
Genois  invoque  en  faveur  de  Sanderus,  mais  il  a  soin  de 
prévenir  le  lecteur  que  le  chanoine,  auteur  de  la  Flandria 
ilhistrata,  «  se  plaisait  à  louer  outre  mesure,  pour  se  con- 
»  cilier  les  bonnes  grâces  du  public  et  vendre  ses  écrits,  ce 
»  qui  explique  l'exagération  de  ses  panégyriques.  »  D'où  il 
résulte  qu'il  convient  «  de  se  défier  un  peu  de  la  véracité 
»  de  ses  pièces  détachées,  »  attendu  que  a  son  encens  avait 
»  souvent  un  but  intéressé  (2).  » 

Personne,  que  nous  sachions,  n'a  mis  plus  complètement 
en  lumière  la  vie  de  l'un  des  plus  grands  écrivains  dont  la 
Belgique  s'honore. 

La  Bataille  de  Roosebcke,  1582,  que  de  Saint-Génois 
écrivit  et  fît  imprimer  pour  l'exposition  industrielle  des 
Flandres,  qui  s'ouvrit  à  Gand,  en  1849,  est  la  description 
consciencieuse  d'un  des  plus  grands  désastres  dont  les 
annales  de  la  Flandre  fassent  mention,  mais  où  nos  aïeux 
firent  des  prodiges  de  valeur,  sous  la  conduite  de  l'illustre 
Philippe  d'Arlevelde,  qui  trouva  une  mort  glorieuse  sur  le 
champ  de  bataille. 

Ce  livre,  plein  d'érudition,  sobrement  écrit,  est  une 
rareté  bibliographique  tirée  à  vingt-cinq  exemplaires  nu- 
mérotés à  la  presse  (s). 


(1)  De  Saint-Genois,  Antoine  Sanderus,  p.  6.  Gand,  18G1. 

(2)  Ibid.,  p.  33. 

(3)  Sur  le  verso  du  faux  tilre  sonl  désignes  les  possesseurs  des  six  exem- 
plaires sur  papier  fort  de  Ilollunde,  ce  soûl  : 


—  -i25  — 

Terminons  celte  revue  bibliograpliique  par  un  coup-d'œil 
sur  les  Flamands  if  autrefois  (i).  Ce  recueil  de  nouvelles 
historiques  fut  en  quelque  sorte  le  clianl  du  cygne  de  l'écri- 
vain qui  nous  occupe,  et  nous  laissons  bien  volontiers  la 
parole  à  ^I""  Emile  Varenbergh,  notre  collaborateur,  pour 
nous  dire  tout  le  bien  qu'il  pense  de  ce  tableau  de  mœurs 
si  correctement  dessiné.  «  Ce  petit  volume  —  dit  M.  Varen- 
'■>  bergh  —  se  compose  d'une  série  de  récits  historiques,  tous 
»  tirés  des  annales  ou  des  chroniques  de  la  Flandre,  et  déjà 
»  publiés  séparément,  il  y  a  bien  des  années,  dans  les  écrits 
»  périodiques  du  temps.  Ces  récits  sont  au  nombre  de  sept, 
»  qui  se  rapportent  à  différentes  époques  et  peignent  quelque 
»  fait  saillant  de  notre  histoire,  depuis  les  premiers  temps 
"jusqu'à  Charles  le  Téméraire.  Dans  le  Missionnaire  Lié- 
»  vin,  l'auteur  raconte  la  pieuse  légende  du  patron  de  Gand, 
»  assassiné  par  les  païens  à  Hauthem.  M.  de  Sainl-Genois 
t'  a  su  donner  à  ce  récit,  avec  un  style  pur  et  coulant,  une 
»  teinte  de  simplicité,  de  naïveté,  qui  convient  bien  à  l'épo- 
»  que  primitive  où  se  passe  la  scène.  Dans  Louis  de  Nevers, 
»  une  histoire  du  XIV*^  siècle,  alors  que  la  Flandre  était 
))  riche  et  puissante,  la  narration  s'élève  à  la  hauteur  du 
»  drame.  Les  Matines  de  Bruges  sont  la  mise  en  scène  de 
»  la  révolte  des  Flamands  conduits  par  Breydel  et  de  Coninck 
»  contre  Philippe  le  Bel,  et  dont  la  journée  des  Éperons  d'or 
»  fut  l'événement  le  plus  émouvant  et  le  plus  glorieux. 
»  Jean  Yoens,  un  épisode  de  l'histoire  des  Chaperons  blancs, 
»  prouve  une  fois  de  plus  que  la  faveur  des  princes  capri- 


N»  1.  L'exposition  induslricUe  des  Flandres. 

N"  2.  Sa  Grandeur  Mgr  Tévêque  de  Gand. 

N»  3.  L'auteur. 

N»  i.  M.  De  Decker. 

N"  5.  M.  Kervyn  de  Voliiaersbeke. 

N"  6.   La  Bibliothèque  de  la  ville  de  Gand. 

(1)  Gand,  18G6. 

SO 


—  426  — 

»  cieux  et  despotes,  ne  s'oblient  et  ne  se  conserve  malheu- 
»  reusemenl,  qu'en  pliant  devant  toutes  leurs  exigences,  en 
»  sacrifiant  même  l'honneur  et  le  devoir.  Louis  de  Maie  et 
»  les  Gantois  est  la  narration  du  soulèvement  de  ceux-ci 
»  sous  Philippe  van  Artevcide;  dans  cette  nouvelle,  M.  de 
..  Saint-Génois  a  développé  le  récit  de  Froissarl,  d'après 
»  lequel  le  comte,  poursuivi,  se  serait  5auvé  chez  une  men- 
»  diante  et  caché  dans  %m  pauvre  liieron  où  les  enfans  de 
»  la  pauvre  femme  gisoient. 

»  Le  louable  but  que  M.  de  Saint-Génois  s'est  proposé, 
»  en  publiant  ce  recueil,  a  été  de  composer  pour  la  jeu- 
»  nesse  des  écoles  un  livre  sans  prétention,  où  les  notions 
»  historiques  vraies,  présentées  sous  une  forme  aussi  at- 
»  trayante  que  possible,  ne  se  trouvassent  pas  mêlées  à 
»  des  aventures  amoureuses  ou  à  des  scènes  trop  romanes- 
»  ques  (i).  » 

On  ne  peut  mentionner  tous  les  ouvrages  dus  à  la  plume 
intarissable  de  l'auteur  de  tant  d'écrits  divers,  mais  qui 
affectionnait  particulièrement  la  forme  romantique  comme 
la  mieux  appropriée,  selon  lui,  à  l'enseignement  popu- 
laire. C'est  là  une  erreur.  Pourquoi  recourir  à  une  forme 
dont  le  moindre  défaut  est  de  tronquer  la  vérité?  Le  roman 
historique  n'a  pas  produit  d'heureux  résultats.  Au  con- 
traire, il  a  presque  toujours  faussé  l'histoire.  Au  lieu  de 
servir  d'enseignement,  il  n'a  que  trop  réussi  à  confondre 
des  faits,  à  travestir  les  personnages  ou  à  les  calomnier. 
Au  point  de  vue  moral,  il  n'a  produit  que  peu  de  bien, 
tandis  qu'il  a  merveilleusement  servi  ceux  qui  s'évertuent 
à  propager  le  mal. 

Le  baron  de  Saint-Génois  était  un  bibliophile  distingué. 
Il  avait  une  connaissance  parfaite  des  livres  et  se  trompait 

(J)  Mcsnager  des  Sciences  historiques,  1867,  p.  141. 


—  427  — 

rarement  sur  leur  valeur  bibliographique.  Il  savait  les 
choisir  avec  un  tact  exquis.  Il  les  aimait  non  en  biblio- 
mane  pour  leur  rareté,  leurs  fautes  typographiques  ou 
leurs  marges  plus  ou  moins  rognées,  mais  pour  eux-mêmes, 
pour  leurs  qualités  essentielles,  pour  les  choses  utiles  qu'ils 
renferment,  comme  l'attestent  les  deux  devises  qu'il  avait 
prises  pour  sa  bibliothèque  personnelle  : 

CUM    LIDRIS   LIDER, 

et 

BON  LIVRE  d'ennui  DÉLIVRE  (l). 


III. 


Nous  avons  suivi  le  baron  de  Saint-Genois  dans  sa  vie 
d'écrivain,  aux  Archives,  à  la  Bibliothèque  et  dans  le  mou- 
vement flamand.  Nous  avons  examiné,  très-rapidement,  il 
est  vrai,  mais  avec  toute  l'impartialité  due  à  un  homme  de 
cette  valeur,  les  principaux  ouvrages  qu'il  a  publiés.  Il  ne 
nous  reste  plus  qu'à  le  dépeindre  tel  qu'il  était  dans  les 
relations  ordinaires  de  la  vie.  Les  liens  de  parenté,  mais 
surtout  ceux  d'une  longue  et  constante  amitié  qui  m'unis- 
saient à  lui,  faciliteront  cette  dernière  tâche.  Ce  sera  surtout 
à  son  Mémorandum  qu'il  laisse,  et  que  son  fils,  le  baron 
Georges  de  Saint-Genois  nous  a  gracieusement  commu- 
niqué, que  nous  emprunterons  les  traits  les  plus  saillants 
qui  caractérisaient  le  savant  Bibliothécaire  de  l'Université. 

De  Saint-Genois  avait  la  physionomie  agréable,  ouverte 
et  d'une  douceur  où  se  reflétait  la  bonté  de  son  àme  :  ceux 


(1)  Désirant  reproduire  un  fac-similé  de  récriture  ilu  Itiiroii  de  Saint- 
Genois,  je  joins  à  sa  biographie  un  billet  qu'il  m'adressa  et  qui  acconi[)agnail 
un  album  conicnani  des  vignelle?  de  lijldiotbrqiies  renomiiices. 


—  4^28  — 

qui  le  connaissaient  seulement  d'après  le  portrait  exécuté 
par  M.  BilloiUjily  a  quelques  années,  se  disaient  en  conlem- 
plant  ce  visage  souriant,  plein  de  bonhomie  et  de  finesse  : 
«Voilà  une  figure  qui  me  plait,  elle  respire  la  bienveillance 
cl  l'on  doit  se  sentir  à  l'aise  dans  la  compagnie  de  cet  hom- 
me. »  Et  l'on  disait  vrai.  Celle  bienveillance  ne  se  peignait 
pas  seulement  sur  ses  traits,  elle  lui  était  naturelle,  et  son 
ijonheur  consistait  à  la  mettre  en  pratique.  11  aimait  à  faire 
le  bien,  parce  que  la  douce  quiétude  qu'il  éprouvait  après 
l'avoir  fait,  était  sa  récompense;  mais,  selon  les  préceptes 
de  l'Évangile,  il  le  faisait  en  secret.  Il  jouissait  du  bonheur 
des  autres;  car  jamais  l'Envie  à  l'œil  louche  ne  glissa  son 
venin  dans  ce  cœur  droit,  généreux,  compatissant  et  ac- 
cessible à  tous  les  bons  sentiments.  De  Saint-Génois  était 
sincèrement  modeste,  et  nous  ne  croyons  pas  que  personne 
l'ait  jamais  vu  tirer  vanité  de  ses  mérites.  Il  confirme  la 
justesse  de  la  définition  que  La  Bruyère  donne  de  celte 
belle  et  rare  qualité  :  «  La  modestie  est  au  mérite  ce  que 
»  les  ombres  sont  aux  figures  dans  un  tableau:  elle  lui  donne 
»  de  la  force  et  du  relief.  » 

Esclave  du  devoir,  le  baron  de  Saint-Génois  n'acceptait 
pas  légèrement  les  charges  les  plus  honorables.  Il  réflé- 
chissait sérieusement  et  longuement  aux  obligations  qu'elles 
imposaient,  en  mesurait  l'importance  et  n'en  assumait  la 
responsabilité  qu'après  un  mùr  et  conscienceux  examen. 
Aussi  a-l-il  consigné  dans  son  Mémorandum  celle  pensée 
pleine  de  sagesse  :  «  Ne  soyez  rien  plutôt  que  d'avoir  à  re- 
»  grelter  un  jour  d'avoir  été  quelque  chose.  »  D'après  celle 
maxime,  il  faudrait  croire  que  le  baron  de  Saint-Génois 
resta  étranger  aux  luîtes  politiques.  Ses  goùls  studieux 
semblaient  devoir  lui  interdire  ce  terrain  brûlant,  où  les 
mécomptes,  les  soucis  et  les  chagrins  sont  presque  toujours 
le  prix  du  dévouement  et  de  l'abnégation  de  soi-même. 

Eh  bien!  malgré  celte  perspective  chargée  de  sombres 


—  /r29  — 

nuages,  ii  se  laissa  élire  conseiller  communal  en  1848,  el 
six  ans  après,  le  26  décembre  1854,  il  fut  nommé  éclicvin 
de  la  ville  de  Gand. 

Telle  élail  la  haine  des  partis,  que  de  Sainl-Genois,  si 
universellement  aimé,  tomba  dans  Téleclion  qui  eut  lieu 
le  10  décembre  1857.  Il  succomba  en  laissant  des  regrets 
même  parmi  ses  adversaires,  qui  ne  lui  ont  jamais  refusé 
leur  estime.  Sa  carrière  politique  fut  courte,  mais  elle  fut 
exempte  de  défaillances.  Fidèle  à  ses  convictions,  il  ne  les 
sacrilia  jamais  pour  s'élever  sur  leurs  ruines.  Il  savait  con- 
templer le  soleil  levant  des  faveurs,  sans  se  laisser  éblouir 
par  ses  rayons;  mais  il  n'ignorait  pas  non  plus  que  si  on 
respecte  les  vaincus  qui  tombent  honorablement,  on  mé- 
prise toujours  les  traîtres. 

Rendu  à  lui-même,  de  Saint-Génois  se  consacra  tout  en- 
tier et  avec  une  nouvelle  ardeur  à  ses  études  favorites,  à  ses 
labeurs  d'autrefois.  Hélas!  ce  besoin  d'occuper  sans  cesse 
son  esprit,  qu'il  croyait  infatigable,  le  conduisit  au  tom- 
beau, à  l'àge  où  sa  belle  intelligence  semblait  devoir  jeter 
le  plus  d'éclat.  Ses  forces  physiques  l'abandonnaient  et  il 
ne  s'en  doutait  pas!  «  J'irai  passer  samedi  et  dimanche 
»  prochains  au  sein  de  ma  famille  qui  est  à  Blankenberghe 
»  —  nous  écrivit-il  de  Bruxelles,  le  7  août  1867  —  Puis, 
»  je  reprendrai  mes  pérégrinations  pour  le  jury  d'examen. 
»  Vous  voyez  que  la  vie  paisible  et  exempte  de  préoccupa- 
»  tions  étrangères  au  foyer  domestique,  n'est  réalisable 
»  que  pour  ceux  qui  ont  renoncé  à  se  rendre  utiles  à  leurs 
»  semblables.  J'avoue  qu'il  est  plus  agréable  d'échapper  aux 
»  obligations  du  dehors;  mais  celui  qui  aime  le  travail  el 
»  qui  l'a  pratiqué  depuis  sa  jeunesse,  ne  saurait  raisonner 
»  ainsi.  Heureusement  la  santé  me  revient  de  plus  en  plus, 
»  et  j'espère,  Dieu  aidant,  pouvoir  encore  satisfaire  long- 
»  temps  à  mes  trop  laborieux  penchants,  sans  excès  toule- 
»  fois,  car  j'ai  eu  une  rude  leçon  cette  année,  et  j'en  ressens 
»  encore  tous  les  effets.  » 


—  450  — 

On  le  voit,  il  ne  se  croyait  pas  si  près  de  la  tombe  où 
quelques  jours  plus  tard  il  allait  descendre. 

L'élude,  qui  primail  tous  ses  autres  plaisirs, 

]\e  lui  laissait  de  temps  que  pour  ces  doux  loisirs; 

Le  reste  de  sa  vie,  hélas!  si  tôt  passée, 

Il  reprenait  sa  tâche  en  naissant  commencée, 

Etudiait  sans  cesse  et  sans  cesse  écrivait  (1). 

Combien  ne  devons-nous  pas  regretter  «  qu'un  homme 
»  doué  de  tant  d'initiative  et  de  persévérance  —  comme  l'a 
»  dit  un  honorable  orateur  —  ait  gaspillé  ainsi  des  trésors 
»  de  savoir  et  d'érudition,  sans  qu'il  ait  songé,  dans  l'inté- 
»  rét  de  la  nation  plus  encore  que  dans  le  sien,  à  élever  un 
»  monument  historique  ou  littérairedigne  d'elle  etde  lui  (a)?» 

Cependant  de  Saint-Gcnois  avait  formé  le  projet  de  doter 
son  pays  d'une  œuvre  capitale.  Depuis  plusieurs  années  il 
réunissait  les  matériaux  d'une  Histoire  de  Gand.  S'il  tar- 
dait de  mettre  la  première  main  à  ce  vaste  travail,  on  doit 
l'attribuer  au  désir  qu'il  avait  de  s'entourer  de  toutes  les 
lumières  qu'une  telle  entreprise  réclame.  Il  est  à  remarquer 
que  de  Saint-Génois  éprouva  les  mêmes  regrets  à  l'égard 
du  célèbre  polygraphe  VVillems,  qui  rendit  le  dernier  sou- 
pir sans  avoir  donné  le  jour  à  un  travail  de  longue  haleine 
qui  ei^it  immortalisé  son  nom.  «  Il  est  à  jamais  à  regretter 
» —  disait-il  —  que  ce  savant  n'ait  pas  exécuté  son  plan 
»  d'écrire  en  flamand  une  grande  histoire  de  son  pays  (3).  » 

Le  nom  de  Wiilems  nous  rappelle  que  son  biographe, 
dont  nous  esquissons  le  portrait,  après  avoir  énuméré  les 
éminentes  qualités  du  cœur  et  de  l'esprit  de  ce  père  de  la 
littérature  flamande,  s'exprime  ainsi  :  «  Doué  d'une  exquise 
»  sensibilité,  il  (Wiilems)  était  quelque  peu  sensualiste, 

(1)  Adolphe  Mathieu,  Sur  la  tombe  du  baron  de  Reiffenbcrg. 

(2)  Discours  de  Jl.  De  Decker. 

(5)  Messager  des  Sciences  hlslorifjuc.s,  auuce  184G,  p.  419. 


—  431   — 

')  aimait  la  bonne  chère,  le  bon  vin,  les  coinmoililés  de  la 
»  vie  et  loutes  les  jouissances  inlelicctucllcs  qui  émeuvcnl 
»  agréablement;  une  bonne  musique  le  faisait  pleurer,  un 
»  beau  morceau  de  poésie,  un  tableau  remarquable  le  rem- 
»  plissait  d'émolion.  Religieux  par  conviction,  il  savait 
»  remplir  tous  les  devoirs  que  la  religion  impose,  sans  être 
»  ni  bigot  ni  intolérant.  Sa  piété  était  douce  comme  l'âme 
»  d'un  homme  vertueux.  » 

Ne  dirait-on  pas  que  de  Saint-Génois  semblable  à  ces 
artistes  des  anciennes  écoles  qui  donnaient  leurs  propres 
traits  à  certains  personnages  de  leurs  compositions,  s'est 
peint  lui-même  dans  ces  lignes? Comme  Willems  il  aimait 
à  savourer  les  jouissances  d'une  vie  paisible,  s'écoulant 
sans  bruit  au  sein  d'une  nombreuse  et  charmante  famille 
qu'il  aimait  tendrement  et  qui  lui  rendait  sou  amour  avec 
usure.  Comme  il  était  heureux  lorsqu'il  recevait  ses  vieux 
amis,  avec  lesquels  il  devisait  des  choses  passées!  Dans  ces 
entretiens  on  retrouvait  encore  ce  ton  de  bonne  compagnie, 
celte  politesse  bienveillante,  qui  faisait  le  charme  de  la 
société  d'autrefois.  On  y  était  poli  sans  affectation  et  spi- 
rituel sans  méchanceté.  On  n'y  cultivait  pas  l'art  de  lancer 
des  traits  dont  les  pointes  acérées  par  la  malignité,  pou- 
vaient blesser  le  cœur.  L'ironie  y  était  peu  goûtée,  mais 
seulement  tolérée.  La  médisance  et  le  sarcasme  étaient 
naturellement  écartés  de  ces  joyeux  entretiens  présidés  par 
l'amitié.  On  s'y  souvenait  de  ces  vers  de  Gresset  : 

De  la  joie  et  du  eœur  on  perd  l'heureux  langage, 
Pour  l'absurde  talent  d'un  Irisle  persiflage. 

Puis  on  se  quittait  le  cœur  léger,  satisfaits  les  uns  des 
autres. 

De  Saint-Génois  était  profondément  religieux.  Il  obser- 
vait ses  devoirs  de  chrétien  avec  une  exactitude  qui  ne 
s'est  jamais  démentie,  et  nous  éprouvons  un  véritable  bon- 


—  432  — 

heur  de  pouvoir  en  fournir  la  preuve  dans  le  morceau 
suivant  extrait  de  son  Mémorandum.  Écoulons  ces  accents 
d'une  âme  qui  cherche  son  Créateur  : 

Foi.  —  «  J'éprouve  depuis  quelque  temps  un  grand  désir 
1)  de  m'inslruire  dans  ma  religion,  dans  tout  ce  qui  touche 
»  à  l'existence  de  mon  âme.  Je  lis  avec  avidité  ce  qui  peut 
»  m'expliquer  les  dogmes  auxquels  j'ai  cru  jusqu'ici  par 
»  une  foi  plus  maciiinale  que  raisonnée.  Dieu  et  ses  mys- 
»  tères  préoccupent  mon  esprit;  j'ai  soif  de  vérités  et  de 
»  convictions  fermes.  Malgré  mon  éducation  toute  chré- 
9  tienne,  je  sens  que  cette  partie  de  mon  éducation  intel- 
»  lecluclle  est  à  faire  et  que  j'ai  encore  bien  des  choses  à 
»  apprendre.  Les  moralistes  m'ont  toujours  plu.  J'ai  lu 
»  Montaigne,  La  Bruyère  et  le  colonel  Weiss.  IMais  qu'est-ce 
»  que  ces  philosophes  rationalistes  en  présence  des  plus 
»  simples  vérités  de  la  foi.  La  lecture  des  Pensées  du  Chris- 
»  tianisme,  par  Droz,  m'ont  beaucoup  plus  satisfait  que 
»  tous  les  raisonnements  de  ces  penseurs  modernes.  Je  veux 
»  aujourd'hui  réunir  sur  un  seul  rayon  de  ma  bibliothèque, 
»  tous  les  livres  que  je  possède  dans  celte  partie;  je  m'aper- 
»  cois  avec  tristesse  que,  sauf  Vlmilaiion  de  Jésus-Christ 
»  et  une  dizaine  d'autres  volumes,  je  ne  possède  rien  sur 
»  cette  branche  essentielle. 

»  Je  ne  veux  pas  de  polémique,  rien  qui  détourne  mes 
»  convictions  religieuses  du  chemin  qu'elles  ont  suivi  de- 
»  puis  mon  enfance.  Ce  qu'il  me  faut,  ce  sont  des  livres 
»  qui  fortifient  ma  foi,  qui  me  permettent  de  rendre  compte 
»  de  ce  que  je  crois.  »  —  Gand,  17  juin  1850. 

Ces  dernières  paroles  sont  véritablement  un  acte  de  foi. 
De  Saint-Génois  avait  «  soif  de  vérité;  »  il  avait  encore  tant 
de  «  choses  à  apprendre,  malgré  son  éducation  toute  chré- 
tienne. »  Il  voulait  s'affermir  dans  sa  foi,  cl  pour  atteindre 


453 


ce  but,  il  eut  recours  aux  moralistes  les  plus  renommes. 
Que  ne  choisit-il  tout  d'abord  le  plus  éclairé,  le  plus  sur, 
le  plus  célèbre  de  tous,  le  comte  Joseph  de  Maistre?  il  lui 
aurait  dit  :  «  Ne  vous  laissez  point  séduire  par  les  théories 
»  modernes  sur  l'immensité  de  Dieu,  sur  noire  petitesse  et 
»  sur  la  folie  que  nous  commettons  en  voulant  le  juger 
»  d'après  nous-mêmes,  belles  phrases  qui  ne  tendent  point 
»  à  exaller  Dieu,  mais  à  dégrader  Thomme...  Ne  craignons 
«jamais  de  nous  élever  trop,  et  d'affaiblir  les  idées  que 
»  nous  devions  avoir  de  l'immensité  divine.  Pour  mettre 
»  l'infini  entre  deux  termes,  il  n'est  pas  nécessaire  d'en 
»  abaisser  un;  il  sufïit  d'élever  l'autre  sans  limites.  Images 
»  de  Dieu  sur  la  terre,  tout  ce  que  nous  avons  de  beau  lui 
»  ressemble  ;  et  vous  ne  sauriez  croire  combien  cette 
»  sublime  ressemblance  est  propre  à  éclaircir  une  foule  de 
»  questions  (i).  » 

Depuis  quelques  années,  le  baron  de  Sainl-Genois  médi- 
tait profondément  sur  les  grandes  vérités  du  Christianisme. 
Ces  méditations  consolaient  son  âme,  en  même  temps 
qu'elles  l'afTermissaient  dans  la  foi. 

Il  cherchait  à  s'expliquer  la  puissance  que  certains  mois 
exercent,  de  nos  jours,  sur  les  masses,  et  au  moyen  des- 
quels on  croit  résoudre  toutes  les  questions,  dont  ils  pa- 
raissent être  Vnltima  ralîo.  C'est  ainsi  qu'il  médita  sur  : 
LE  PROGRÈS,  et  voici  ce  qu'il  en  pensait  : 

Le  Progrès.  —  «  Pour  démontrer  que  l'homme,  quoi- 
»  qu'il  fasse,  revient  fatalement  au  point  d'où  il  est  parti, 
»  le  paganisme  avait  deux  symboles  également  frappants  de 
»  vérité  :  le  Rocher  de  Sisyphe  et  le  Tonneau  des  Danaï- 
»  des.  La  perfection  indéfinie  de  l'humanité  est  une  utopie 
»  dangereuse,   qui,    poussée   dans  ses  dernières  limites, 

(1)  Comte  DE  MAisTP.r:,  Les  soirées  de  Saint-Pelerxhourg. 


»  aboutit  à  la  négation  de  Dieu,  ou  tout  au  moins  à  l'assi- 
»  milalion  de  l'homme  à  l'Être  suprême. 

»  Le  monde,  depuis  dix-huit  siècles,  possède  la  formule 
»  la  plus  complète,  la  plus  imprégnée  du  caractère  divin  : 
»  LE  CHRISTIANISME.  Tous  Ics  progrès  moraux  dont  l'espèce 
»  mortelle  est  susceptible,  se  trouvent  dans  VÉvangile,  et 
»  le  Christ,  en  donnant  sa  grande  loi  au  monde,  a  seul 
»  réalisé  ce  qui  est  possible  à  l'homme  en  face  de  Dieu.  » 
—  Gand,  1865. 

Dans  ce  peu  de  mots  que  de  vérités!  La  clef  de  voûte 
de  notre  édifice  social,  c'est  l'Évangile;  s'en  éloigner,  c'est 
s'exposer  à  une  ruine  certaine  et  terrible,  qui  rejetterait  le 
monde  dans  les  horreurs  du  paganisme  et  de  la  barbarie. 
C'est  la  loi  des  lois,  donnée  à  l'homme  par  Dieu  lui-même. 

JVe  laissons  pas  échapper  cette  occasion  de  citer  encore 
une  charmante  pièce  inscrite  dans  ce  Mémorandum,  où  de 
Saint-Génois  consignait  ses  pensées  intimes.  En  les  inscri- 
vant, il  leur  donnait  une  forme  gracieuse,  qui  en  doublait 
le  prix.  Qu'on  en  juge  par  cette  apologue  : 

Les  trois  Souhaits.  —  «  Il  y  a  trois  rêves  que  je  ne 
»  cesse  de  faire  depuis  de  longues  années,  trois  souhaits 
»  que  je  désire  voir  se  réaliser,  mais  hélas!  jusqu'ici  en 
»  vain.  Je  voudrais  posséder  : 

»  1°  Une  horloge  sur  ma  maison  de  campagne; 

»  2"  Un  arpent  de  terre  baigné  par  la  mer; 

»  3"  Un  grand  et  vieux  chêne  croissant  sur  mes  pro- 
»  priétés. 

»  Ce  sont  là  certainement  des  vœux  bien  modestes. 

»  1"  Une  horloge,  c'est  la  vie  qui  s'écoule  minute  par 
»  minute,  enseignement  toujours  vivant  à  nos  yeux;  tan- 
»  tôt  allant  juste  et  représentant  la  régularité  de  notre 
«existence,  tantôt  avançant  foilemenl  et  vous  montrant 
»  alors  l'homme  anticipant  sur  l'avenir  par  la  vivacité  de 


—    4ùO 


»  ses  désirs,  tantôt  enfin  retardant,  en  offrant  ainsi  le  la- 
»  bleaii  de  ces  mouvements  de  recul  qui  signalent  qnelque- 
»  fois  les  phases  de  notre  vie  et  contre  lesquels  on  lutterait 
»  en  vain. 

»  2°  Un  arpent  de  terre  baigne  par  la  mer,  voilà  un 
»  souhait  moins  explicable.  L'Océan  a  toujours  eu  pour 
»  moi  un  attrait  irrésistible;  impossible  de  rester  inditfé- 
»  rent  à  l'aspect  de  ces  flots  qui  monlenl  cl  descendent  sans 
»  cesse  comme  le  flot  de  Texistence.  C'est  bien  l'image  de 
»  la  vie. 

»  3"  Un  grand  et  vieux  chêne  est  pour  moi  l'emblème 
»  de  ce  que  Dieu  a  créé  de  plus  majestueux  dans  la  nature. 
»  Je  n'ai  jamais  vu  un  arbre  séculaire  sans  me  sentir  ému. 
«  Quand  je  vois  un  géant  des  forêts  avec  son  tronc  moussu, 
»  ses  branches  dont  chacune  égale  un  arbre  ordinaire,  son 
»  feuillage  vert  sombre  qui  atteste  la  force  et  la  vigueur, 
»  je  m'incline  comme  devant  une  puissance  supérieure.  » 
—  Gand,  1849. 

Ici  se  termine  notre  tâche.  Nous  avons  laissé  au  baron 
de  Saint-Génois,  aussi  souvent  que  nous  l'avons  pu  faire, 
le  soin  de  se  peindre  lui-même.  Cette  biographie  est  sans 
doute  bien  incomplète,  bien  insuflisante,  mais  nous  espé- 
rons que  ceux  qui  daigneront  la  lire  y  verront  néanmoins 
un  hommage  rendu  à  la  mémoire  d'un  citoyen  vertueux, 
qui  a  conquis  des  droits  à  la  reconnaissance  de  sa  patrie. 

Sa  belle  àme  est  entrée  dans  l'éternité;  que  Dieu,  dans 
sa  bonté  infinie,  lui  accorde  la  récompense  réservée  aux 
justes! 

Kervyn  de  Volkaersbeke. 


—  450  — 

Table  des  articles  et  notices  publiés  da7is  le  iMessager  des 
Sciences  par  le  6°"  de  Saint-Génois  depuis  1854;  pour 
faire  suite  à  celle  des  années  précédentes  dressée  par 
3P  L.  Bebbebjnck. 


An.  1834,  p.  169.   Hospice  de  Wenemaer,  dit  de  Saint-Laurent,  à  Gand. 
»        p.  341.   Travaux  de  la  Commission  royale  d'iiistoire. 
»        p.  401.   Ciironique  bibliograpliique. 
»       p.  4-08.   Cheminée  de  riiôlel-de-ville  de  Courtrai,  etc. 
An.  1833,  p.    93.   Monument  de  Godefroid  de  Bouillon  à  Baisy. 
»        p.  103.   Nécrologie.  Philippe  Lesbroussart. 
»       p.  231.   OEuvres  d'art  de  l'église  de  Saint-Jacques,  à  Anvers. 
>>        p.  238.   Concours  historiques  académiques. 

p.  244.  Nécrologie.  L.  Van  de  Walle. 
»        p.  381.   Thomas  à  Kenipis  mentionné  dans  les  comptes  de  la  ville 

d'Eecloo. 
»        p.  382.   Sur  la  description  des  tombeaux  de  Godefroid  de  Bouillon 

et  des  rois  latins,  à  Jérusalem,  du  baron  Ilody. 
»        p.  460.   Jean  van  Berchera,  voyageur  brabançon  au  XV<=  siècle. 
An.  1836,  p.       1.  Recherches  sur  le  véritable  nom,  le  lieu  de  naissance,  la 

famille,  les  armoiries,  la  sépulture  et  les  écrits  de  Cor- 

nille  de  Schepper,  dit  Sceppcrus. 
»        p.  132.   Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Bavon,  de  A  Van  Lokeren. 
>'        p.  133.   Nouvelle  édition  des  œuvres  complètes  de  Bilderdyck. 
»        p.  134.  Nécrologie.  Th.  de  Valcnzi. 

»        p.  283.   Sur  le  guidedes  voyageurs  en  Ardennes,  de  J.  Pirapurniaux. 
'  "        p.  286.   Nécrologie.  Jules  Kelele. 

»        p.  597.   Mémoire  sur  Froissart  de  Kervyn  de  Lettenhove  (couronné). 
»        p.  402.   Nécrologie.  Victor  Gaillard. 
An.  1837,  p.    93.   De  l'union  des  arts  et  de  l'industrie,  de  Ch.  de  Laborde. 

(Comple-rcndu). 
>•        p.  130.    Sur  la  Revue  de  l'art  chrétien. 
»        p.  139.   Nécrologie.  Emile  Cachet. 
"       p.  233.   Cuivre  ciselé  de  la  tombe  de  Marguerite  Suanders,  femme 

de  Gérard  Horenbout,  peintre  gantois. 
»        p.  506.  Tombe  de  la  famille  de  Lichlervelde,  à  Coolscamp. 

p.  307.   Archives  de  Courtray,  de  .Musely. 
"        p.    >>        Histoire  du  pays  de  Liège,  de  Henaux. 
')       p.  508.  Vie  et  travaux  des  artistes  hollandais  et   fla.mands,   de 

Kramm. 


—  457  — 

An.  1838,  p.    48.  De  la  culture  de  la  langue  flamamie  dans  le  Nord  de  la 
France. 

»        p.  170.   Rcstauralion  du  monument  de  Sceppcrus,  à  Eecke. 

»       p.  490.   Les  Églises  de  G;ind,  de  Pli    Kervyn  de  Volkaersbeke. 

•>        p.  500.   Bibliograpliie  gantoise,  de  Vander  H.ieglien. 

»        p    501.   .4nnales  des  Eizevirs,  de  Cil.  Piclers. 

»       p.    »       Publications  du  Willcms-Fonds. 

»        p.  502.  Journal  des  Beaux-Aris,  fondé  en  1858. 

»        p.  303.   Dictionnaire  universel  des  conl<;m[)orains,  de  Vapcreau. 
An.  1839,  p.  588.   Notice  nécrologique  sur  .M.  NVoltcrs. 

>>       p.  396.   Tapisserie  représentant   la   balaille    de  Nieuporl   (Musée 
royal). 

»        p.  398.   Histoire  d'Eecloo,  de  Nelemans. 

»        p.  405.  Notice  sjir  Luc-Joseph  Vander  Vynckt. 
An.  1860.  p.  161.  Deuxième  volume  delà  Bibliographie  gantoise,  de  Vander 
Haegben. 

»       p.  164.  Nécrologie.  Aug.  Van  Hoorebeke. 

»        p.  165.  Nécrologie.  Jo>epli  Guislain. 

»        p.  282.   Vêtements  sacerdotaux. 

»        p.  285.   Brabanlscli  Muséum,  de  Van  Even. 

»        p.  579.   Rapport  sur  les  moyens  de  mettre  à  exécution  l'arrèlé 
de  1843,  concernant  une  Biographie  nationale. 
An.   1861,  p.  121.    Société  historique  et  archéologique  fomlée  à  Ypres. 

»        p.  262.   Histoire  du  commerce  et  de  la  marine,  de  Van  Brussel. 

»        p.  295.  Essai  d'un  catalogue  méthodique  de  livres  relatifs  à  l'his- 

t.. 

toire  nationale. 

»        p.  582.  Les  drapeaux  de  voisinage. 

»        p.    >.       Tombes  celtiques  en  .Alsace,  par  .Max.  De  Ring. 

»        p.  383.   Annales  de  la  Société  archéologique  d'Ypres. 
An.  1862,  p.  110.    La  Belgique  bibliographiquement  annexée  à  la  France  par 
la  Bibliotlièque'*liéraldique. 

»       p.  114.  Erreurs  sur  le  compte  de  J.  Van  Eyck,  redressées  par 
J.  Weale. 

»        p.  117.   Nécrologie.  Van  Alslein. 

M        p.  165.   Les  peintures  murales  de  M.  Canneel  en  Téglise  de  Saint- 
Sauveur,  à  Gand. 

»        p.  285.   Histoire  de  Wetleren,  de  J.  Broeckaert. 

»        p.    »       Les  commentaires  de  Cliarles-Quint. 

•>       p.  287.   Comptes  de  la  ville  de  Bois-le-Duc,  publiés  par  .M.  Van 
Zuylen. 

»        p.  327.   Bibliolheca  historiœ  medii  aevi,  de  Polhast. 
An.  1863,  p.    75.   .Mémoires  sur  les  troubles  de  Gand,  par  llalewyn,  publiés 
par  Kervyn  de  Volkaersbeke. 

»       p.  101.  Geschiedenis  van  hertog  Jan  den  Eerslen,  de  Stallaert. 

•■        p.  104.  Carlulaire  de  Bouvines. 


->  458  — 

Ali.   1863,  p.  ni.  Nécrologie.  Le  Dr  Le  Glay. 

«       p.  251.   Inventaire  de  la  Chambre  des  comptes  de  Lille, 

»        p.  2-35.   Les  frères  Pierre  et  Jean  de  Launoy,  faussaires  diploma- 
tiques au  XVII I"  siècle. 

>i        p.  393.   Histoire  des  Etats-Généraux,  de  Th.  Juste. 

»        p.  399.  Inventaire  des  actes  du  Parlement  de  Paris. 

«        p.  407.   Léopold-Auguste  Warnkœnig. 

»       p   300.   Mémoires  et  notices  de  J.  J.  De  Smet. 

'■        p.  301.   Revue  continentale. 
An.  1804-,  p.  304.  Anonymes  et  pseudonymes,  de  Jules  Delecourt, 

»       p.  303.   Geschiedcnis   der  gemeenten    van   Oosl-Vlaenderen,  de 
De  Polter  et  Broeckarl. 
p.  508.  Les  poètes  belges,  de  Van  Hollebeke, 

•>        p.  400.   Histoire  d'Ypres  dans  Gheldoff  (traduction  de  Warkœnig). 

»        p.  302.   Cartulaircs  et  chartiers  du  Ilainaut,  de  De  Villers. 

»       p.  303.  Bibliographie  de  l'histoire  du  Hainaut,  de  Jul.  Delecourt. 

n       p.  504.  Belgian  Episodes,  de  Alice  W'ilmere. 

»       p.  503.  Histoire  de  la  ville  et  du  duché  de  Bouillon,  par  Ozeray. 
An    1865,  p.  506.  Le  livre  des  feudataires  de  Jean  III,  duc  de  Brabant,  de 
Galesloot. 

»       p.    »       Geschiedcnis  van  Deynse,  de  Van  den  Abeele. 

»       p.  507.   La  révolution  liégeoise,  de  Borgnet. 

»       p.    »       Nécrologe  liégeois,  de  Ulysse  Capitaine. 
An.  18CG,  p.  237.   La  langue  flamande  en  France,  de  Coussemaker. 

»        p.  413.   Correspondance  du  Taciturne,  de  Gachard. 

i>        p.  414.   Les  frontières  de  la  Belgique,  de  Th.  JustêT 

»        p.    »       Table  chronologique  des  chartes,  de  Wauters. 
An.  1867,  p.  loO.  Geschiedcnis   der   gemeenten    van   Oost-Vlaenderen,    de 
De  Potier  et  Broeckart. 

»       p.  258.   Caractéristique  des  armoiries. 


/ 


./^J^. 


—  439  — 


MONOGRAPHIE 

DE 

L'ANCIENNE   ÉCOLE   DE    PEINTURE 

DE  LOUVAIN  (1). 


X. 

Les  peintres»  secondnirei»  de  la  fin  dn  \y  isiècle. 

Za  confrérie  de  Saint-Luc.  —  Louis  Boriten.  —  Arnonld 
vaucler  Phalizen,  dit  In  den  Meynaert.  —  Arnoîdd  vander 
Waeyere.  —  Henri  van  Mansdale,  dit  Keldermans.  — 
Jea7i  van  Poddegkem.  —  Jean  Stevens.  —  Antoine  vander 
Wolfshaghen,  dit  Pasteyken.  —  Pierre  van  Daelheni.  — 
Edmond  Leemans.  —  Jean  van  Vorsjjoele.  —  Josej^h 
Valx.  — Rodolphe  van  Vel])en.  —  Barthélémy  van  Kessel. 

—  Arnoîdd  Crauwel.  —  Conrard  Slenack.  —  Romhaut  van 
Neylen.  —  Jean  llaes.  —  Jean  Ackermans.  —  Jean 
Motion.  —  Erasme  de  G  ans.  —  Ronihaut  van  Berlair. 

—  Godefroid  de  Cuypere.  —  Jean  Somers.  —  Jean  Dillen. 

—  Égide  Thni/s.  —  Godefroid  Henrion.  —  Jean  van  den 
Berghe,  père.  —  Jean  van  den  Berghe,  fils.  —  Thierry  de 
Eemstede.  —  Jean  ItomMuts,  dit  Scaeldeken,  père.  — 
Jean  B-omhauts,  fils.  —  Jean  JFillems,  père.  —  Pierre 
et  Jean  Willems,  fils. 

Nous  avons  vu  qu'au  milieu  du  règne  prospère  de  Philippe 
le  Bon  les  Louvanisles,  fiers  de  leurs  ancélres,  entassèrent 
des  pierres  pour  symboliser  leurs  franchises  communales  et 

(1)  Suite,  voir  année  1860,  pp.  1  el  Vi\;  année  1867,  p.  261. 


—  440  — 

que  ces  pierres  devinrent  un  chef-d'œuvre,  le  plus  pur 
rayon  de  la  gloire  ariislique  de  la  cilé.  Lorsque  THôtel-de- 
ville  fut  complélemenl  achevé,  les  trois  grands  artistes  qui 
avaient  contribué  à  son  édification,  s'endormirent  dans  la 
paix  d'une  sainte  obscurité.  Les  cendres  du  peintre  Bouts 
disparurent,  en  1475,  sous  une  dalle  aujourd'hui  détruite 
de  l'église  des  Ilécollets,  et  huit  ans  après,  le  clergé  de 
Saint-Jacques  priait  autour  des  restes  inanimés  de  l'archi- 
tecte de  Layens;  le  sculpteur  Josse  Beyaert  mourut  vers  la 
même  époque.  Nul  annaliste,  ainsi  que  nous  l'avons  vu, 
n'enregistra  les  noms  de  ces  maîtres,  dont  la  mort  effaça  la 
réputation.  Mais  ils  laissèrent  mieux  qu'une  renommée  que 
le  vent,  au  dire  du  poêle,  emporte  comme  un  peu  de  fumée; 
après  eux,  les  monuments  de  leur  génie  et  de  leur  art,  ainsi 
qu'une  nombreuse  postérité  d'artistes,  continuèrent  la  mis- 
sion civilisatrice  qu'ils  avaient  si  noblement  inaugurée. 

Dans  les  arts,  de  même  que  dans  les  lettres,  les  jeunes 
talents  ne  se  manifestent,  ne  se  développent  et  ne  se  perfec- 
tionnent qu'au  moyen  d'observations,  d'inductions  et  de 
comparaisons  sur  les  œuvres  des  grands  maîtres.  Là  est 
la  source,  non  seulement  du  goût,  mais  aussi  de  la  pratique, 
la  première  et  principale  condition  pour  réussir  dans  les 
arts  plastiques. 

Nous  avons  constaté  qu'à  l'époque  où  Thierry  Bouts  se 
fixa  à  Louvain,  la  peinture  y  était  cultivée  avec  éclat;  mais 
c'était  encore  la  peinture  qui  dérivait  par  tradition  de 
l'Orient  :  l'art  de  l'esprit  et  non  l'art  des  yeux.  En  dotant 
la  ville  d'une  série  d'œuvres  magistrales,  le  grand  artiste 
donna  à  notre  école  une  direction  nouvelle.  Ses  pages  ravis- 
santes engagèrent  nos  peintres  à  renoncer  aux  figures  tra- 
ditionnelles, à  la  routine,  pour  recourir  au  modèle  vivant. 
L'art  s'émancipa  et  s'éleva  par  le  progrès  du  dessin,  de  la 
couleur  et  du  modelé.  Les  figures  qu'on  reproduisait  n'étaient 
plus  des  modèles  conventionnels;  c'étaient  des  êtres  pen- 


iA  A'kiYBuu.iu 


iiri-iMit-^  JbaAt^' 


—  4il    - 

san(s  el  agissants  par  rimilalion  exacle  de  la  nature,  par 
la  vivacité,  la  force  el  riianiioiiie  du  coloris. 

Les  circonstances  étaient  d'ailleurs  très-favorables  à  Tari. 
Les  patriciens  louvanistes,  enrichis  par  l'agriculture,  l'in- 
dustrie et  le  commerce,  étaient  alors  puissants  el  nombreux. 
Heymbach  affirme  qu'en  1470  on  comptait  dans  noire 
ville  sept  cents  gentilhommcs  et  quatre  cenls  chevaliers  (i). 
Des  faits  nombreux  prouvent  que  ces  hommes  recher- 
chaient le  faste  en  tout,  qu'ils  aimaient  à  jouir  noblement, 
grandement,  par  l'esprit,  par  tous  les  sens,  par  les  yeux 
surtout.  On  comprendra  facilement  qu'ils  faisaient  bâtir, 
sculpter  el  peindre.  Lear  exemple  était  suivi  par  la  bour- 
geoisie, les  artisans,  les  gens  du  peuple,  si  bien  que  les 
familles  d'artistes,  si  variées  et  si  fécondes,  étaient  entourées 
d'une  multitude  de  protecteurs  el  d'acheteurs,  el  que  la  cité 
tout  entière  contribuait  par  sa  sympathie  el  son  intelligence 
à  la  production  des  œuvres  de  nos  maîtres. 

Les  travaux  de  Bouts,  en  répandant  dans  toutes  les 
classes  de  la  population  le  goût  de  la  belle  peinture,  pro- 
filèrent de  la  manière  la  plus  immédiate  à  tous  ceux  qui 
maniaient  le  pinceau.  L'art  devint  de  plus  en  plus  en  hon- 
neur. Le  peintre  n'était  plus  un  simple  travailleur  en  figures. 
On  l'envisageait  comme  un  homme  remplissant  une  haule 
mission  sociale,  ayant  une  large  pari  à  l'inslrulion  des  mas- 
ses. Ce  qui  le  prouve  d'une  manière  incontestable,  c'est 
que  plus  d'une  fille  de  patricien,  oubliant  le  blason  de  sa 
famille,  donna  sa  main  au  jeune  homme  dont  le  talent  d'ar- 
tiste était  la  seule  recommandation. 

Par  malheur,  les  circonstances  politiques  contrarièrent 
ce  beau  mouvement.  Au  pacifique  Philippe  le  Bon  succéda, 
en  1467,  le  belliqueux  Charles  le  Téméraire.  Le  règne  de 
ce  prince  ne  fut  qu'une  suite  de  guerres  et  de  malheurs. 


(1)  V.  B.  Heymbachii  Divn  Lovaniensis.  Lovanii,  1665,  in-4",  p.  2. 

51 


—  442  — 

L'insurrection  des  Louvanistes  à  la  mort  du  duc  (1477), 
leur  soumission  forcée  à  son  gendre  Maximilien  d'Autriche 
el  la  guerre  de  Liège,  en  1482,  furent  très-funestes  à  notre 
cité.  Pendant  plusieurs  années  il  ne  s'exécuta  aux  frais  de 
la  commune  aucune  œuvre  artistique  digne  de  remarque. 
L'érection  du  local  de  la  Table  Ronde,  commencée  en 
1484,  ranima  le  goùl  des  arts.  Bientôt  la  construction  d'au- 
tres monuments  se  poursuivit  avec  activité.  On  travailla  de 
nouveau  à  Saint-Pierre,  à  Sainte-Gertrude,  à  Parc;  on 
éleva  le  magnifique  couvent  des  Chartreux,  où  l'art  eut 
une  part  si  large.  C'est  à  celte  époque  aussi  que  les  pein- 
tres louvanistes  se  réunirent  de  nouveau  en  association, 
sous  la  dénomination  de  Confrérie  de  Saint-Luc.  La  nou- 
velle confrérie  rencontra  la  sympathie  de  l'autorité  com- 
munale el  du  clergé.  Le  conseil  de  fabrique  de  l'église  de 
Saint-Pierre  lui  abandonna,  dans  le  pourtour  du  chœur, 
une  chapelle  qu'on  plaça  sous  l'invocation  du  patron  de  la 
Gilde.  Quant  au  magistrat,  il  lui  accorda  des  statuts  en 
séance  du  23  octobre  1494.  Nous  avons  retrouvé  une  copie 
de  ces  statuts  dans  un  registre  de  nos  archives.  C'est  une 
pièce  fort  intéressante.  On  y  voit  que  la  confrérie  était 
administrée  par  quatre  commissaires  (JMeesters)  élus  par 
les  membres;  que  nul  ne  pouvait  pratiquer  l'art  de  la  pein- 
ture sans  être  admis  dans  la  confrérie  et  avoir  payé  préa- 
lablement une  somme  de  12  sous;  que  personne  ne  pouvait 
introduire  en  ville  une  œuvre  de  peinture,  sans  avoir  payé 
deux  florins  du  Rhin;  que  chaque  élève  devait  donner 
à  l'autel  de  Saint-Luc  une  livre  de  cire,  et  qu'il  devait 
rester  pendant  l'espace  de  trois  ans  sous  la  direction  de 
son  maître,  avant  de  pouvoir  exercer  son  art  et  être  admis 
comme  membre  de  la  confrérie,  etc.;  que  chaque  confrère 
devait  assister  à  la  messe  solennelle  de  la  confrérie,  le 
jour  de  Saint-Luc  (18  octobre),  sous  peine  d'une  amende 
de  deux  plecken;  que  chaque  membre  était  tenu  d'assister 


—  445  — 

aux  funérailles  d'un  confrère  décédé,  sous  une  amende 
d'une  pleck  (i). 


(1)  Voici  le  Icxte  des  statuts  : 

«  Nae  dien  comen  zyn  byden  Raide  vande  sladl  ciiige  goede  mannrn  lion 
generende  metlcii  scildci'icn,  indcii  name  der  sclver  persocne,  liiur  byniici) 
woenende,  te  kennen  glieven,  lioe  dal  zy  de  selve  geselscap  gherne  in  ereii 
houden  souden,  ende  maniercu  vinden  dal  die  vermeerdert  werdde,  1er  cren 
ende  welvaerl  vande  sladt,  ende  oni  die  alsoc  te  bat  te  gadere  te  houden,  be- 
geeden  zy  consent  een  Bruerscap  alliier  te  mogen  opstellen,  geheelen  de 
Brticrscap  van  Sinte-l.ucas,  als  palroon  der  zelver;  ende  dat  hen  alsoe  enige 
manieren,  ordinanlicn  ende  stalulen  werdden  verlecnt  ende  geconsenteerl, 
dair  nae  zy,  ende  de  regeerders  der  selver  ende  die  daer  inné  souden  inoegen 
comen,  hen  souden  liebben  te  vuegen,  soc  syn  overdragen  ende  geconsentecrt, 
den  selven  suppllanten,  inden  name  als  boven,  byden  voirscreven  Raide,  de 
poenten  navolgende,  behalven  altyl  der  stadt  huer  meerderenendcmynderen  : 

»  I.  Ende  eerst  dat  de  voirscreven  scliildcrs,  hier  bynnen  woenende,  een 
Bruerscap  zulien  moegen  hcbben  ende  onderlioudcn  ter  eren  van  Sinte  Lucas, 
cm  den  selven  huercn  patroon,  inder  kerken  van  Si'n/c-Pe/er*  alliier,  jairlycx 
te  eren  ende  den  outair  aldair,  in  allen  tameliken  syrate  van  dicnsie,  van 
messen,  liechte  ende  anderssins  te  niogcn  onderlioudcn,  op  den  dacli  van 
den  selven  hueren  patroon  ende  anderssins,  als  huer  devotie  gedragen  sal 
moegen,  soe  zy  bevindeu  zulien  moegen  belioerende. 

M  11.  Uem,  dat  aile  de  ghcne  die  nu  eglieen  schilders  en  zyn  noch  lien  dair- 
mede  beholpen  en  hebben,  ende  van  nyeuws  dese  hanteringe  willen  beghinnen 
ende  hen  dairmede  geneeren  alhier  inder  stadt,  zy  waeren  van  bynnen  oft 
van  buten,  inde  vorscreve  Bruerscap  zulien  moeten  comen,  eer  zy  hen  dair- 
mede suUen  moegen  geneeren,  ende  bclalen  der  sclver  Bruerscap  lotlcn  on- 
derhouden  der  selver  ende  hueren  lasten,  ele  van  hen  twaelf  stuvers  cens, 
hier  inné  uutgenomen  goede  mannen  vandcn  geslcchten  van  descr  sladt  ge- 
comen  oft  andersins  vanden  scilde  gcbuerlich,  die  uul  recrealien  oft  synlic- 
heyden  tselve  souden  moegen  hanleren  oft  neeringe  dairmede  docn,  opdat 
hen  niet  en  belicflde  voirscreve  Bruerscap  t'aenvcerden,  nid  bcdwongcn  nocli 
begrepen  en  sullen  wescn,  noch  in  eniger  manieren  gecalengeei'l  moegen 
werden. 

»  111.  Item,  oft  hier  ycmant  van  buten  quame  eenich  werc  verdingcn,  ende 
tselve  werc  alsoe  verdingt  zynde  uuler  sladt  dragen  woude,  ende  buten 
wercken  ende  dan  hier  bynnen  neder  setten,  dat  alsulke  persoenen  seuldich 
zulien  zyn  der  selver  Bruerscap,  tôt  onderhouden  als  boven,  te  betalen  Iwee 
Rinsgulden,  te  twinlich  stuvers  tsuck,  locpender  munlen,  alsoe  dicwille  yls 
dat  in  diversen  wercke  soude  moegen  gebueren.  Eude  de  ghene  die  van  buten 
hier  bynnen  alsoe  zulien  comen  wercken,  sonder  hucre  werk  buten  le  dragen, 
dat  die  seuldich  zulien  zyn  te  belalenen  eenen  Rinsgulden,  inder  weerven  als 
boven,  toi  beliorfl'dcr  selver  Bruerscap,  zonder  meer,  ende  dairmede  gcsiaen, 


—  444  — 


On  concevra  facilement  que  la  confrérie  de  Sainl-Luc, 
dont  les  statuts  furent  renouvelés  le  17  octobre  15G5,  dut 
exercer,  au  profil  de  l'art,  une  certaine  influence. 


endealsdan  los  ende  vry  Iselve  werk  moegcn  werken  ende  volraaken,  zonder 
begrip  der  selver  Braerscap  ofl  hueren  regeerders. 

»  IV.  Item,  dat  ghene  die  nu  voirtane  sullen  willen  leren  scildcren  aen 
eenige  deselve  neeringe  hier  bynne  doeiide,  dat  die  sullen  mo'.en  glievcn  toi 
hueren  nyeuwen  aencomenen  ende  entreen  Sinte  Lucas  te  bâte  ende  synen 
Bruerscap  ecn  pont  was.  Ende  dat  sal  de  meesler  van  dien  IcerKinde  nioleu 
veranlwerden  ende  die  jonghe  oft  wie  dat  zy,  sal  drie  jair  moeten  lecren  eer 
hy  deselve  neeringe  op  liera  selvcn  als  brueder,  oft  genoech  in  dien  geleert 
wesende,  sal  moegen  doen,  belialven  de  kinders  van  den  ghenen  die  in  de 
selve  Bruerscap  zullen  wesen,  diet  vry  ende  los  zuUen  moegen  doen,  ende  oie 
inde  voirscreven  Bruerscap  comen,  om  een  pont  was. 

»  V.  Item,  oft  gebuerde,  dat  eenich  leerkinl  synen  meester  onlginglie  eer 
zynen  tyt  voldaen  waer,  ende  niet  voldoen  en  quame  bynnen  sesse  weken  tyts, 
des  vermaent  zynde,  dat  die  sal  moten  gheven  des  Bruerscaps  tôt  behoeff,  al- 
tyt  als  voer  gebuerde,  dat  binuen  den  ierstcn  jaer,  twee  Rinsguldens,  ende 
binnen  den  tweesten  jaer,  op  dat  int  selve  gebuerde,  vier  Rinsguldens,  ende 
daerenboven  zyns  meesters  moet  moelen  hebben,  eer  hy  ergens  sal  moegen 
wercken. 

u  VI.  Ilem,  dat  nyemant  in  knaepscape  en  sal  moegen  wercken  bynnen 
der  selver  stat,  hy  en  sal  moeten  gheven  's  iaers  Sinte  Lucas  een  pont  was, 
ende  dair  moet  de  meesler  voer  spreken. 

»  VII.  Item,  om  de  voirscreven  Bruerscap  ende  geselscap  te  bat  te  rcgeren 
ende  in  state  ende  goeden  wesen  tamelic  tonderliouden,  soe  es  geordineert 
byder  selver  stadt,  dat  vuter  selver  Bruerscap  viere  persoenen  alsnu  gecoren 
ende  genoraen  zullen  wordden ,  byder  meester  eendrechticheyt,  diemen 
heelen  sal  Mceslers  van  Sinte  Lucas  Bruerscap,  om  deselve  Bruerscap  in  al 
le  regeren,  op  goede  rekeninghe  van  jaer  te  jaer  denselven  te  doene.  Ende 
dat  de  twee  dairaff  jaerlycx  afgaen  zullen,  ende  dandcr  twee  aenbliven,  alsoe 
dat  lotten  twee  nyeuwen,  die  van  jaer  te  jaer  gecoren  sullen  wordden,  de  twee 
leslen  aengecomen  metten  selven  regerende  zullen  bliven.  Ende  dat  die  Re- 
geerders als  dat  behoeft  ende  van  noede  es  de  Bruerscap  zullen  moegen 
daghen  op  ynkel  boete  ,  te  wetene  een  plecke  oft  op  dobbel  boete,  van  twee 
plecken,  soe  lien  dat  sal  dincken  van  noode  wesende,  nae  gelegenllieyt  der 
saken.  Ende  wie  ter  uer  geset,  niet  en  quame  ende  hem  dair  en  vondc,  dat 
die  sal  vallen  inde  gesette  baete  dairt  op  gedaiglit  zal  wesen  by  den  selven 
Regeerders.  Ende  op  Sinte  Lucasdach  sal  elc  ter  messen  moten  comen,  op 
dobbel  boete,  ende  in  tyls  dair  zyn.  Ende  insgelycx  ter  maellyl,  op  alsulcken 
kuer  oft  boete  inder  maten  de  brueders  van  den  heyligen  Sacramente  van 
Sincle  Peters  alhier  dat  lioudende  zyn. 

»  Item,  als  eenich  bruer  sterft  sullen  de  voirscreven  meesters  moegen  doen 


—  445  — 

La  peinlure  avait  repris  dans  les  goùls  et  les  liabiUides 
la  place  qui  lui  revenait.  On  trouvait  des  tableaux  non 
seulement  dans  les  églises,  les  chapelles  et  les  couvents, 
mais  jusque  dans  les  rues.  Nous  avons  constaté,  en  parlant 
de  Hubert  Sluerboul,  que  la  commune  avait  fait  placer 
des  panneaux  historiés  dans  les  portes  urbaines.  On  en 
remarquait  également  aux  coins  des  rues.  Chaque  homme 
de  métier  avait  au-dessus  de  la  porte  de  son  habitation 
une  enseigne  peinte  ou  sculptée;  chaque  artiste  indiquait 
sa  demeure  en  faisant  placer  sur  sa  façade  un  morceau 
de  peinture  ou  de  sculpture. 

Les  appartements  des  dignitaires  ecclésiastiques,  des 
professeurs  de  l'Université,  des  patriciens  et  des  bourgeois 
aisés  étaient  généralement  ornés  de  peintures.  On  en  ren- 
contrait jusque  dans  les  auberges.  En  1489,  on  dressa 
l'inventaire  du  mobilier  de  l'auberge  VHomme  sauvage, 
qui  s'élevait  alors  à  la  Place  Marguerite.  Or,  le  document 
mentionne,  dans  la  salle  à  manger,  un  autel  orné  d'un 
triptyque.  Dans  la  Willemscamere,  on  observait  un  tableau 
couvert  d'un  rideau  de  soie,  représentant  la  sainte  Vierge. 
La  chambre  de  Floreffe  renfermait  un  tableau.  Dans  la 
chambre  haute,  le  ciel  du  lit  était  orné  de  personnages;  il 
s'y  trouvait  également  un  triptyque.  La  chambre  du  IVIayeur 


dagen  de  bruers  om  1er  vulvart  fe  comen,  vanden  gheiien  die  alsoe  allivicli 
sal  moegen  weseii,  op  ynkel  boete  lot  belioefi'  de  selve  boete  als  voer. 

»  Ftem,  ende  voer  de  boetcii  sullen  de  selve  meeslers  treclit  versuckende 
op  de  gebrekelike,  by  consente  vanden  Borgemeester,  by  pandingen,  nioegcn 
procederen  oft  anderssins,  inder  maten  aïs  boven  de  voirscreven  Bruerscap 
vanden  beyligen  Sacramenle  dat  in  gelyckcn  stucken  userende  ende  onder- 
houdende  es.  —  Dit  gesciedde  inden  Raide  vande  sladt,  ten  bysyne  van  Joose 
Uuterhcllichl  ende  Lodewycke  Baels,  Borgcmeesters;  Goirde  vanden  Berghe, 
Henricke  vander  Borcht,  scepcnen;  Roelove  Lombart,  Goirde  vanden  Bcrglie 
Peterssone,  Jannc  vanden  Vekene,  Janne  van  Bulsele,  gesworenen;  ende  meer 
anderen  vanden  Raide.  Int  jair  ons  Heren  duysenl  vierhonderl  vive  en  negen- 
tich,  opten  drientwintiebsten  dach  der  miieiil  van  Octobri.  »  Archives  de  la 
ville,  farde  lill.  L,  n"  îiO. 


—  446   — 

était  ornée  d'un  tableau  représentant  saint  Christophe.  Huit 
autres  peintures  étaient  dispersées  dans  les  autres  pièces 
de  Tauherge.  Elles  représentaient  la  sainte  Vierge,  sainte 
Véronique,  V Annonciation,  sainte  Marguerite,  etc.  (i). 

En  1509  mourut  à  Louvain,  rue  du  Mayeur,  Amélie 
Cockeroels,  épouse  d'Arnould  Hankart;  elle  était  fille  de 
Quentin  Cockeroels,  jadis  bourgmestre  de  Louvain.  L'in- 
ventaire du  mobilier  de  cette  mortuaire  renseigne,  dans  la 
chambre  verte,  un  triptyque  représentant  la  sainte  Trinité, 
sainte  Anne  et  la  sainte  Vierge,  orné  des  armoiries  de  la 
famille.  Dans  la  chambre  basse,  de  la  maison  de  derrière, 
contre  la  rue  des  Chats,  se  trouvait  une  sainte  Amelberge 
et  une  Adoration  à  Bethléem,  en  sculpture  polychromée(2). 

On  exécuta,  en  1507,  à  Louvain,  pour  crime  de  sodomie, 
un  prêtre  nommé  Arnould  Boom,  et  on  confisqua  ses  biens 
au  profit  de  TÉtat.  Parmi  les  meubles  de  ce  malheureux, 
se  trouvaient  quatre  représentations  de  la  sainte  Vierge, 
deux  peintures,  les  autres  en  sculpture  et  en  tapisserie.  La 


(1)  «...  In  (le  eelcamere  . .  .  een  laefferncd,  met  2  doren,  staende  op  den 
oulaer  aldair.  —  Op  Willems  camere  1  Tacffcrneel  van  Onser  Vronwen,  met 
1  sangwynnen  cledeken  staende  opt  tristsoer.  —  ftem,  in  de  Florefcamere 
1  laverneel.  —  Ileni,  op  de  lioglie  camere  3  rode  rycleedercn  en  ronde  omlope, 
1  hemcl  daerboven  met  gcscildcrde  personagicn,  1  gescliilt  cleel  0ns  Iheren 
int  graff,  aenden  want  neven  dbedde,  i  scrynhoulten  trilsoer  open,  daerop 
1  taeverncel  met  2  doren  staende  op  1  banxken.  —  In  's  Mcyers  camerken 
1  rondt  trilsoer  geslool  daerop  i  tavcrnecl  van  Sinle  Christoffel.  —  Item,  int 
donckerkeemerken ...  1  taverneel  van  onser  Vrouwen,  1  Veronica,  l  gescilt 
berdekcn  met  ous  Hceren  acnschyne ...  1  taverneelkcn  vander  Doetscap',  met 
zyne  gordynkens.  —  6  taverneelen  —  l  laverneel  vander  Hoetscap  onzer 
Vrouwen,  1  taverneelken  van  Sinle  Margrieten,  elc.  »  Acte  du  23  c/e'c.  1489, 
5«  eh.  éch. 

(2)  «  .  .  Op  de  vorsle  camere  gclieeten  de  Groencamere . . .  een  taftct  van- 
der Drievtildicheit,  Sinte  Annen  en  Onser  Vrouwen  mellen  wapenen;  noch  een 
half  dozyn  ctissen  mellen  wapenen  van  Quinlcn  Cokerocls;  een  balf  dozyn 
cussenen  mellen  duyven  mellen  ryskcn  in  de-i  beek.  —  In  de  nedercamere 
aen  de  strate...  een  Sinte  Amelbcrghc ,  een  Beddelccm,  gestolTeert  van 
sneede,  etc.  »  Acte  du  28  juin  1309,  2e  cb.  éch.  —  Arnould  Hanckart  avait 
déjà  épousé  Amelberge  Cockeroels,  le  i  juillet  1486,  l^e  cb.  éch. 


—  447  — 

plus  importante  des  deux  peintures  fut  adjugée,  au  prix  de 
24  florins  d'or,  à  maître  Jean  van  Binckem,  avocat  au  con- 
seil de  Brabant.  Elle  représentait  les  tètes  du  Sauveur  et 
de  la  sainte  Vierge  (i).  La  somme  relativement  élevée  à  la- 
quelle elle  fut  adjugée,  prouve  qu'elle  était  duc  au  pinceau 
de  l'un  de  nos  bons  artistes. 

Un  fait  digne  de  remarque,  c'est  que  nos  peintres  ne 
travaillaient  pas  seulement  pour  la  ville,  mais  aussi  pour 
l'extérieur.  Le  commerce  de  tableaux  prenait  de  jour  en 
jour  plus  d'importance,  comme  le  prouvent  plusieurs  docu- 
ments de  l'époque.  On  n'ignore  pas,  qu'en  Espagne  et  en 
Portugal,  l'art  fut  pendant  le  XV*  siècle  et  presque  tout  le 
XVI%  exclusivement  entre  les  mains  des  artistes  flamands. 
Dès  1460,  l'influence  flamande  est  si  prononcée,  si  exclu- 
sive dans  toute  la  Péninsule,  et  se  continue  pendant  toute 
la  première  moitié  du  XVI*  siècle  avec  une  telle  persistance, 
qu'il  faut  admettre  une  émigration  incessante  des  œuvres 
et  des  artistes  des  Pays-Bas  en  Espagne  et  en  Portugal, 
favorisée  par  les  relations  politiques  de  ces  pays  (2). 

L'archiduc  Philippe  le  Beau  épousa,  en  149G,  l'infante 
Jeanne,  fille  d'Isabelle,  reine  de  Castille,  et  de  Ferdinand, 
roi  d'Aragon.  Sous  le  règne  prospère  de  ce  prince  (1494- 
IS06),  plusieurs  artistes  flamands  se  fixèrent  dans  la  Pé- 
ninsule. Un  peintre  louvanisle,  Rodolphe  van  Velpen,  par- 


(1)  «...  D'bcelde  van  onser  licver  Vrouwen,  in  cen  bert,  nieller  nuillen 
gliewraclit  :  10  st.  gr.  —  Een  beelde  van  Onscr  lievcr  Vrouwoi,  in  een  ber- 
deken  gemaeit  :  2  st.  6  den.  gr.  —  Een  albaslen  beelde  van  Onser  Liever 
Vrouwen  :  5  st.  gr.  —  Een  tavcrneel  van  ons  Ilecren  endc  Liever  Vrouwen 
acnsichtc,  dal  conslelie  van  poinleraturen  geniaict  was;  want  'l  principael 
ende  d'besle  van  den  voirschreven  anderen  slucken  was,  soe  heeft  den  Meyer 
(van  Loeven)  dat  gelalcn  voere  d'alrelioigbslen  daller  voere  geboden  was, 
meesteren  Janne  van  Binckem,  liceneiael  ende  advocact  postulerende  in  den 
raide  van  Braband,  te  welenc  voer  24  gouden  Pliilippus  guldenen.  »  Acte 
cité  par  M""  Pinciiart,  Archives  des  arts,  t.  I,  p.  278. 

(2)  M.  RAczYNSKt,  Les  arts  en  Portugal,  Paris,  *84G,  in-S";  M.  le  conile 
Léon  de  Laborde,  Les  ducs  de  Bourgogne,  t.  I,  p.  120. 


—  448   - 

lit  pour  le  Portugal  avec  plusieurs  compagnons,  ainsi  que 
nous  le  verrons  plus  loin. 

La  peinture,  qui  déployait  alors  à  Louvain  une  activité 
vraiment  extraordinaire,  trouva  une  ressource  nouvelle 
dans  la  sculpture.  C'est  à  la  un  du  XV^  siècle  qu'on  com- 
mença à  exécuter,  dans  notre  ville,  ces  magnifiques  contre- 
rétables  d'autel,  dont  le  temps  en  a  respecté  quelques-uns. 
Au  commencement  du  siècle  suivant,  la  cité  comptait  plu- 
sieurs artistes  qui  s'occupaient  presqu'exclusivemenl  de 
celte  spécialité  de  la  sculpture  religieuse;  c'étaient  Jean 
van  Kessele,  Henri  iMouwe,  Jean  et  Lancelot  Beyaert, 
Henri  Rose,  Guillaume  Hessels,  Ghilain  Lenaert,  etc.  Ces 
rétables,  toujours  exécutés  en  bois  de  chêne,  avaient  or- 
dinairement la  forme  d'une  arcade  trilobée,  chargée  d'une 
profusion  d'ornements.  L'arcade  était  divisée  en  trois  com- 
partiments encadrant  des  groupes  en  haut-relief,  disposés 
sur  plusieurs  rangs  superposés.  La  riche  fantaisie  ogivale 
s'épanouissait  dans  les  fleurons  et  les  rosaces  des  dais  qui 
abritaient  ces  groupes,  dont  les  plus  grands  artistes  four- 
nissaient les  dessins-modèles.  Or,  le  sculpteur  avait  com- 
pris qu'il  ne  pouvait  trouver  dans  le  bois  la  mollesse  des 
chairs,  l'élasticité  des  muscles,  la  légèreté  des  formes,  les 
sentiments  de  l'âme.  Pour  éclairer  son  œuvre,  il  recourut 
au  talent  du  coloriste.  Le  peintre  y  donna  l'aspect  de  la 
réalité,  l'activité  de  la  vie.  L'union  de  la  couleur  et  du 
relief  produisait  les  effets  les  plus  heureux.  Par  l'abon- 
dance des  personnages,  par  l'intérêt  des  scènes,  par  la 
variété  des  plans,  ces  rétables  étaient  des  tableaux  dont 
l'efïet  total  était  admirable.  Nos  meilleurs  artistes  s'occu- 
paient à  polychromer  ces  sculptures. 

Lfn  fait  qui  nous  a  frappé  en  compulsant  nos  archives, 
et  qui  n'est  pas  des  moins  intéressants  à  observer,  c'est 
le  respect,  la  vénération,  dont  les  œuvres  d'art  étaient 
entourées.  Alors  la  garde  des  édifices  religieux  n'était  pas 


—  -419  — 

confiée,  comme  cela  n'arrive  que  trop  souvent  de  nos  jours, 
à  des  sacristains  ignares,  mais  à  des  hommes  ayant  reçu 
une  éducation  artistique,  et  là  où  il  n'y  avait  pas  de  gardien 
artiste,  l'on  était  sur  de  trouver  un  peintre  ou  un  sculpteur 
dans  l'administration.  Le  peintre  Barthélémy  van  Kessele 
était  sacristain  à  Saint-Pierre,  Arnould  vander  Phalizen, 
mayeur  de  la  chapelle  de  Saiiite-Bari)e,  François  Stuerbout 
gardien  de  la  chapelle  des  Clercs,  Albert  Bouts  de  celle  de 
i\otre-Dame-hors-ville,  ÉgideSluerbout  marguiller  àSainte- 
Gerlrude;  Jean  Rombouts  était  échevin  de  la  commune. 

Nous  avons  déjà  constaté  que  Thierry  Bouts  avait  large- 
ment contribué  au  mouvement  artistique  dont  nous  venons 
de  parler.  Une  école  féconde  s'était  formée  autour  de  lui, 
et  on  conçoit  que  tout  ce  qu'il  y  avait  alors  de  peintres  dans 
notre  ville  emprunta  un  rayon  à  l'auréole  de  ce  magnifique 
et  robuste  génie.  i\ous  allons  faire  connaître  les  renseigne- 
ments que  nous  avons  tirés  des  archives  sur  nos  coloristes 
secondaires  de  cette  époque. 

Un  peintre  louvaniste,  du  nom  de  Louis  Bomen,  est 
désigné  comme  mai l re  d-dns  un  acte  de  14o0,  qui  repose 
aux  archives  de  l'abbaye  de  Parc  (i).  La  qualification  de 
maître  dans  un  document  de  cette  époque,  prouve  qu'il  s'a- 
git d'un  artiste  de  talent.  Vasari,  dans  la  première  édition 
de  sa  biographie  des  peintres,  qui  parut,  en  looO,  chez 
Lorenzo  Torrentino,  imprimeur  flamand  établi  à  Florence, 
mentionne,  parmi  les  successeurs  de  Van  Eyck,  un  Louis  de 
Louvain,  qu'il  classe  entre  Memlinc  et  Pierre  Christen,  de 
Gand.  C'est  peut-être  Louis  Bonten.  On  a  pensé  que  l'au- 
teur italien  s'est  trompé  de  prénom,  qu'il  a  écrit  Litclovico 
pour  Diderico,  et  qu'il  ne  s'agit  de  personne  autre  que  de 


(1)  «  Magisler  Lldovicus  ^oisTfs,  piclor  «  Ac'p  dctaclié  de  1430,  aux  Arcliivcs 
de  l"abbaye  de  Parc. 


—  450  — 

Thierry  Bouts.  Mais  cela  n'est  point.  Guicciardini,  dans 
la  nomenclature  d'anciens  peintres  flamands  qu'il  publia, 
en  îo67,  dans  sa  Deslritlione  di  tutti  i  Paesi  Bassi,  men- 
tionne d'abord  «  Ludovico  da  Lovanio,  »  et  puis  «  Dirick 
DA  Lovanio  (Bouts),  grandissimo  artifice.  »  Or,  ce  passage 
a  été  maintenu  dans  toutes  les  éditions  de  ce  livre  «  revues, 
corrigées  et  augmentées  par  l'auteur.  »  Un  Louvaniste,  du 
prénom  de  Louis,  fut  donc  grand  peintre  dans  la  seconde 
moitié  du  XV^  siècle.  Il  est  à  regretter  que  les  renseigne- 
ments de  toute  nature  nous  manquent  sur  cet  artiste  qui 
a  dû  jouir  jadis  d'une  brillante  réputation. 

Nous  avons  parlé  plus  haut  d'AaNOULo  vander  Phalizen, 
dit  Aert  in  den  Meynaert,  qualifié  de  peintre  de  figures 
dans  un  acte  du  23  décembre  1476.  Révoqué  de  ses  fonc- 
tions de  directeur  du  matériel  de  VOmgang,  il  vécut  long- 
temps en  mésintelligence  avec  l'administration  urbaine. 
Ses  appointements  pour  l'année  1500  ne  lui  furent  payés 
qu'en  1503  (i).  Cet  artiste,  qui  exécuta  beaucoup  de  pein- 
tures décoratives,  était,  en  1500,  l'un  des  administrateurs 
de  la  confrérie  de  Saint-Luc  (2).  En  1510  il  était  mayeur 
de  la  chapelle  de  Sainte-Barbe,  au  Wiering  (3).  Nous  avons 
dit  qu'il  appartenait  à  une  famille  honorable.  Il  était  fils 
de  Jean  vander  Phalizen  et  d'Agnès  Laps  (4).  L'artiste 
avait  trois  sœurs,  Ide,  Mathilde  et  Marguerite.  Mathilde 
épousa  Guillaume  de  Weert,  dont  elle  eut  un  fils  Louis  de 
Weert,  qui  était,  en    14-99,   religieux   au   monastère  de 


(1)  «  Belaell  Aert  Meynart,  1er  cause  van  IG  rinsgiilden  en  i  sluvers,  die 
men  hem  scbuldicli  bleven  was  a"  xv^,  doen  hy  der  Sladi  schildcre  was,  van 
synen  arbeyl,  ende  van  sekere  stoffen  by  hera  der  selve  stadi  geleverdt, 
15  july  a»  xv^xiij,  12  lib.  »  Compte  de  la  ville  de  1513,  f"  242  v». 

(2)  Acie  du  2  septembre  1300,  3^  cli.  écli. 

(3)  «  Arî(t  VA^DER  I'halisen,  aïs  meyerc,  Jan  van  Ovcrbeke,  Jan  Yden  en 
Henrick  Rose,  als  regeerders  van  Sinte  Bcrbelen  Capellc.  »  Acte  du  16  juilkl 
1510,  Ire  ch.  éch. 

(4)  Acte  du  l"  mam  1481,  2"  ch.  cch. 


—  451   — 

Bethléem,  près  de  Louvain  (i).  Arnould  vandcr  Plializen 
mourut  en  1515.  De  sa  femme  Catherine  IIombouts,  il 
laissa  trois  filles  :  Catherine,  Claire  et  Elisabeth.  Les  deux 
dernières  étaient  mineures  à  la  mort  de  leur  père.  Le 
\\  juillet  1515,  le  conseil  communal  leur  accorda  Taulo- 
risation  de  vendre  la  maison  de  leurs  parents,  située  rue 
Sainte-Barbe  (2). 

Nous  avons  peu  de  renseignements  sur  Arnould  vander 
Waeyere  ou  vander  Wydere,  qualifié  de  peintre  dans  un 
document  de  1469.  En  14-71  il  se  prit  de  querelle  avec  son 
frère  Michel  vander  Wydere,  qu'il  roua  de  coups.  Traduit 
de  ce  fait  devant  la  justice  échevinale,  il  fut  condamné, 
le  23  novembre  de  la  même  année,  à  faire  un  pèlerinage  à 
Strasbourg  (3).  L'artiste  était  marié.  Le  oO  décembre  1486 


(1)  o  Arnoldus  VANDER  PuALYSEN,  filius  quondiim  Johannis,  Kalherina  Rom- 
bouls,  ejus  uxor,  Margareta  vander  Phalisen,  soror  dicti  Arnoldi,  ac  frater 
Ludovicus  de  Wcert,  filius  quondani  Willelmi,  quem  habuil  à  Hlaclitelde  quon- 
dam  vander  Phalisen,  ejus  uxorc,  sorore  dum  vixit  dicti  Arnoldi,  commorans 
in  monasterio  de  Bethléem.  »  Acte  du  5  nov.  1499,  l''e  ch.  éch. 

(2)  «  Nae  dien  Claere  vander  Phalisen,  dochter  wylen  Arnts  vander  Pha- 
lisen, die  hy  hadde  van  Kallijne  Rombouls,  met  Katlynen  vander  Phalisen, 
huer  zuster,  den  Raide  der  stadt  van  Loeven  le  kynnen  gegeven  hadde  hoc  dal 
zy  Cleere  en  Lysken  vander  Phalisen,  huere  zuesler,  waren  onmondige  en  on- 
bejaerdc  kinderen,  en  hadden  een  huys  gelegen  in  de  Clcynslrale,  te  Loeven, 
dwelck  zy  geerne  vercoepen  soude,  etc.  »  Acte  du  il  juillet  1515,  l^e  ch.  éch. 

(3)  o  Item,  vander  aenspraken  die  de  Meyere  van  Loven,  Hughe  van  Udekem, 
gedaen  heeft,  tôt  Arnde  vander  Wyden,  scildere,  van  dat  de  selve  Arnt  met 
meesler  Mychiele  vander  Wyden,  zynen  brueder,  zekere  ombehoirlike  hante- 
ringen  ghehadl  heeft,  en  den  selven  met  quaden  woirden  bynnen  Loven  over- 
vallen,  boven  dien  dat  de  selve  Arnt  vanden  voirsc.  zynen  brucdcr  te  redite 
cm  zyn  kynsgedeelte  te  cryghen  beirokken  was,  gelyc  die  waerheit  gedragen 
héeft,  die  by  scepenen  van  Loeven  gehoert  wert,  was  gewyst  byden  heeren 
scepenen  van  Loven,  1er  manesse  van  's  Meycrs,  dat  de  voirsc.  Arnt  vander 
Wydere  den  vorsc.  Meyere  van  Loven,  in  den  name  van  mynen  gcncdigen 
Heeren  en  der  stadt,  van  desen  ter  beternisse  doen  sal  een  bedevaert  le  Straes- 
borch,  derweert  te  porren.  bynnen  iOdagen  naesicomendc,  en  goede  waerheit 
daer  afte  bringen,  na  der  sladt  rechl.  lu  scampvo.  ■■■■  Acte  dn  23  »ioi>  14-71, 
Ire  ch.  éch. 


—   452  — 

il  émancipa  ses  fils  Louis  cl  Jean  (i).  Nous  n'avons  pas  dé- 
couvert d'autres  détails  sur  lui. 

Henri  van  Mansdale,  dit  Keldermans,  appartenait  à  la 
famille  artistique  de  ce  nom.  Il  était  fils  de  Mathieu  Kel- 
dermans, architecte  et  sculpteur  à  Louvain  {2).  L'artiste 
tenait  atelier.  Le  13  octobre  1483,  il  accepta  comme  élève 
un  jeune  homme  du  nom  de  Jean  van  Oudreghem,  frère  de 
Denis  de  Walsche,  dit  van  Oudrec/hem.  Selon  le  contrat, 
rédigé  devant  les  échevins,  il  était  tenu  d'enseigner  au 
disciple,  pendant  trois  années,  toutes  les  parties  de  l'art  de 
peindre,  moyennant  une  rénumération  de  9  florins  du 
Rhin  (5).  L'artiste  figure  comme  peintre  dans  un  acte  du 
9  février  1484.  En  1486  il  s'était  enfui  de  Louvain,  sans 
que  nous  sachions  pour  quel  motif  (4).  Un  Henri  Kelder- 
mans fut,  en  1490,  inscrit  dans  la  corporation  de  Sainl- 

(1)  «  Arxoldus  de  WiEYERE,  pielor,  in  presencia  emancipavit  Ludovicum  et 
Johannem  à  pane  suo,  modo  debito  et  consueto.  »  Acte  du  50  décembre  i486, 
Ire  eli,  éch'. 

(2)  Il  Hexricus  Keloerha^s,  filius  quondain  Malliei,  scildere.  »  Acte  du 
9  février  1483,  3e  cli.  éeh. 

(3)«  He?îrick  van  Mansdale  geheelen  Kelderman,  ter  eenre,  Desys  de  Walsche 
geheeten  va:^  Oldreghem,  1er  andere  zydeii,  zyn  met  malcanderen  overcomen 
aise  van  Janne  van  Ondreghem,  brueder  des  voirsc.  Denys,  die  de  voirsc. 
Henrick  aengenomen  hecft  zyn  ambachl  van  schilderien  le  leercn.  lerst,  dal 
de  vorsc.  Henrick  deselve  Janne  zyn  ambacht  van  schilderien  wel  en  getrou- 
welic  leeren  sal,  van  aile  wercke  toi  schilderien  belioerende,  eenen  termyn  van 
iij  j'iren  duerende,  ingaende  en  uutgaende  Sinte  Denysdage,  en  dal  hy  daghe- 
licx  le  wercke  comen  sa)  en  altoos  le  maellyde  thays  eeten  gaen,  des  sulien 
de  voirsc.  moeder  ende  huer  kinderen  den  selven  Henricke  dair  voer  gheven 
neghen  rynsguklen  le  60  pi.  'Isluc  cens,  de  drie  rinsch  gulden  daeraf  gereel, 
twee  dairaf  van  desen  daghe  voir!  over  een  jair  en  alsoe  lotlcn  3  jaren  loe... 
behalve  oft.ecn  van  lien  beide  aflivich  worde  bynnen  middelen  tyde,  elc.  >• 
Acte  du  13  octobre  1483,  2»  eh.  éeh. 

(4)  «  !Vae  dien  dal  Jaoop  van  Musene  voir  sekcre  sciilt  van  30  stuvers  ende 
eenen  halven  met  behoirlyken  rastemente  gevolchl  heefl,op  sekere  penningen 
wesende  onder  Merlen  Gielijs,  toebehoirende  Henrix Kelderman,  die  den  selven 
Jacoppe  de  voirs.  scliull  wcltichlyc  sculdich  was  . . . .  desscifs  Jacope  die  le 
kynnen  galT  dat  de  voirsc.  Henrick  Kelderman  vlnclilicli  was  ende  niel  le 
vindcn,  etc.  »  Acte  du  23  janvier  1486  (87),  1"  ch.  éch. 


—  455  — 

Luc,  à  Anvers  (i).  C'était  peut-être  notre  compalriole. 
Henri  Keldermans,  peintre,  devint,  en  loOo,  propriétaire 
d'une  maison  située  à  Malines,  marché  au  Bétail,  entre 
la  chapelle  de  Saint-Éloi  et  l'auhcrge  la  Tèle  d'or.  Il  se 
fixa  dans  cette  demeure  et  y  héhergoa ,  en  1521,  Albert 
Durer  (2).  L'artiste  allemand  l'appelle  dans  son  journal  de 
voyage  :  «  Maister  Ileinrich,  maler.  i>  Nous  ignorons  si  ce 
maître  Henri  était  notre  Keldermans,  celte  famille  ayant 
produit  un  nombre  considérable  d'artistes. 

Jean  van  Poddeghcm  est  mentionné  dans  un  acte  du 
18  mars  147G(3).  Il  épousa  Catherine  van  den  Dale,  fille 
de  feu  Arnould  van  den  Dale  et  de  Marguerite  vander 
Leeps,  ainsi  qu'il  résulte  d'un  acte  du  11  janvier  1486, 
dans  lequel  il  est  qualifié  de  peintre  de  figures  (4).  Nous 
n'avons  pas  trouvé  d'autres  détails  sur  cet  artiste. 

Jean  Stevens,  fils  de  Denis  Stevens,  travailla  à  Louvain 
en  1477  (0).  Il  avait  épousé  Catherine  yan  Berthem,  fille 
de  Hubert  van  Berthem  et  de  Catherine  vander  Nat.  Cette 
femme  appartenait  à  une  famille  aisée,  ainsi  qu'il  conste 
d'un  acte  de  partage  du  io  décembre  1481.  Elle  avait  une 
sœur,  Gertrude,  religieuse  au  couvent  de  Sainte-Agnès,  à 
Tirlemont,  et  une  autre  sœur,  Ide,  qui  avait  épousé  le 
peintre  Antoine  vander  Wolfshagen,  dit  Pasteijken  (e). 

Stevens  est  mentionné,  comme  peintre  de  figures,  dans 


(1)  Les  liggcrcn  de  la  confrérie  de  Saint-Luc,  à  Anvers,  publiés  par  MM.  Pu. 
RoMBAUTs  et  Th.  Van  Lerius,  p.  42. 

(2j  Mf  Alex.  Pincbart,  Additions  à  Croive,  p.  290. 

(3)  «Janne  vam  Poddegiiem,  scitderc.  »  Acte  du  J8  mars  1476,  Irccli.  éch. 

(4)  «  JoHANiVES  DE  PoDDEGUEM,  piclor  ymaginuni,  el  Katherina  vanden  Dale, 
ejus  uxor,  filia  quondain  Ariioldi,  quem  retiiiuit  à  Margareta  quondam  van- 
der Leeps,  ejus  uxore.  »  Acte  du  1 1  janvier  1485,  5«  cli.  écli. 

(5)  «  Jan  Stevens,  schilUere,  en  Kallynvn  van  Bcrlhem,  syn  wyve.  »  Acte  du 
9  tnars  1477,  5«  eh.  éch. 

(6)  Acte  du  IS  décembre  1481,  2«  ch.  éch. 


—  454  — 

un  acte  du  10  septembre  1481  (i).  Par  contrai,  passé  le 
29  mars  1481,  il  s'engagea  à  exécuter  un  retable  pour 
rëglise  d'Avernas-le-Baudouin,  moyennant  une  somme  de 
26  1/2  florins  du  Rhin.  La  livraison  de  ce  travail  eut  lieu 
pendant  la  même  année ,  et  le  paiement  en  fut  eff"ectué 
en  1484(2). 

Il  paraît  que  Stevens  était  également  marchand  de  ta- 
bleaux. Ce  qui  semble  le  prouver,  c'est  qu'il  promit,  le 
14  juillet  1481,  devant  les  échevins  de  Louvain,  de  payer 
à  Laurent  de  NVitte,  fils  de  Gérard,  à  Anvers,  71  1/2  florins 
du  Rhin,  dès  que  celui-ci  aurait  fait  livraison  des  tableaux 
que  notre  concitoyen  lui  avait  achetés.  Cette  afl'aire  devait 
avoir  une  certaine  importance,  attendu  que  les  époux  Sle- 
vens  s'engagèrent,  par  contrat,  à  ne  vendre  ou  grever  aucune 
de  leurs  propriétés,  à  l'exception  du  taillis  d'une  forél  à 
Blanden,  tant  que  la  somme  stipulée  n'aurait  pas  été  liqui- 
dée (3).  Laurent  de  Witte  avait  été  reçu  franc-maître  à  la 


(1)  «  JoHANNES  Stevens,  piclor  ymaginum.  >•  Acte  du  10  septembre  liSI, 
2e  ch.  éch. 

(2)  o  Godfroit  van  Avernas,  woenenJe  't  Evernas  le  Baudewin,  die  mel 
zekeren  zynen  ruedeplegers  verdinght  hebben  tegen  Janne  Stevens,  schilUcre, 
te  stofferene  ende  le  scliilderen  een  lafele,  gelyc  hem  die  bewesen  es,  lieeft  ge- 
looft,  inden  name  van  iiem  selven  en  in  den  name  Gheerds  van  Avernas,  zyns 
broeders,  den  voirsc.  Janne  Slevens  xxvi  1/2  rinsch  gulden,  te  Ix  plecken  tstucii, 
tvierendeel  daerafif  Sl-Jansniesse  naistcomende,  't  vicrendeei  xiiij  nacht  na 
St-Reymymisse  daernae,  't  vierendeel  te  Kersmisse  daernae,  en  't  vierendeel  te 
Vasteiavonde  daernae  volgende  te  betalen.  De  voirsc.  Jan  Stevens  heeft  ge- 
looft  'l  voirsc.  werck  wel  eiide  loflick  le  maken  en  le  voldoene,  nae  iniioudt 
den  verdinghe  voirsc.  zonder  argelist. 

Arnoul  de  Buele,  woenende  l'Evernas  voirsc.,  die  een  vanden  verdingliers 
der  voirsc  lafelen  es,  heeft  gelooft  den  voirsc.  Janne  Slevens,  wl  saken  van 
den  voirsc.  \vercke,aclit  rinsch  gulden  en  xv  stuvers,  te  Ix  plecken  den  gulden, 
ten  voirsc,  termyne  te  belalen.  Jan  heeft  gelooft  'l  voirsc.  werck  wel  en  loflic 
te  maken  en  le  voldoen,  nae  inhoudt  van  den  verdinghe.  »  Acte  du  29  mars 
U8I,  2e  ch.  éch. 

(5)  n  Item,  Jan  Slevens,  schildere,  soen  wilen  Denys,  ende  Katlïne  van 
Bertiie.m,  zyn  wyf,  docbler  Ilubrechls  wilen  van  Berihera,  hebben  gelooft,  in- 
divisuni,  Laurcyse  de  Witte,  socn  wilen  Glieerds,  woenende  t'Antwerpcn, 
eeneutseventicli  ende  ecncn  halven  rinschgulden,  le  Iwinlich  stuvers  'Isluek, 


—    4oo  — 

confrérie  de  Sainl-Luc,  à  Anvers,  en  1464.  Nos  époux  sont 
encore  mentionnés  dans  un  acte  du  8  mars  1485  (i). 

Le  peintre  Antol-se  vander  Wolfshagen,  dit  Pasteyken, 
travailla  à  Louvain  en  1483  (2).  11  avait  épousé  Ide  van 
Berthem,  sœur  de  la  femme  du  peintre  Stevens,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu  plus  haut  (3).  L'artiste,  qui  s'occupait 
beaucoup  de  peinture  décorative,  avait  un  frère,  Jean 
vander  Wolfshagen,  qui  était  propriétaire  d'une  maison 
appelée  de  Vyf-boeken,  rue  de  Malines,  près  de  la  Grand'- 
Place  (4). 

Pierre  van  Daelhem  paraît  avoir  été  un  artiste  de  talent. 


iij  plecken  den  stuver,  le  weten  aclit  rinsche  giildens  ter  stont,  20  wanneer 
de  voersc.  Laureys  den  vorsc.  Jaune  leveringe  gedaen  sali  heblien  van  al- 
sulker  schilderien  aise  de  voirsc.  Jan  tegeu  den  voirsc.  Laureyse  gecoclit 
heeft,  dairaffdese  schout  spruyiende  compt,  en  dairaf  zy  der  slucken  en  per- 
clieelen  cens  zyn,  thien  rinsch  guldens  te  Bamisse  naistcomendc,  xij  rinsch 
guldens  in  de  Sinxen  meerl  van  Antwerpen,  dair  nae  xij  rinsch  gulden  inde 
Bamisse  merci  van  Anlwerpen,  dairnae  vervolgcnde,  ende  alsoe  voert  l'allen 
merclen  van  Anlwerpen  xij  rinsch  guldens  le  betalen,  toi  ail  belaelt  sali 
zyn,  elc.  Julij  xiiij. 

»  Item,  loi  des  voirsc.  es  Iiebben  de  voors.  gehuyschen  den  voirsc.  Lau- 
reysen  in  eedslat  en  op  heuren  beider  Irouwe  geloofl  ende  toegeseeght,  dat 
zy  bynnen  den  voirsc.  termynen  gheene  van  heuren  goeden  beruerlike  noch 
omberuerlike,  hel  zy  tsysgoede,  egghen  of  leengoede,  wair  die  gelegen  zyn, 
vercopen,  verlhieren  noch  belasten  en  selen,  wtgescheiden  tscaerhoul  van- 
den  bossche  gehelen  Schillelbercit,  te  Belanden  gelegen,  dair  mede  zy  hen  be- 
hulpen  selen  moeghen,  ende  oie  mel  'Isgheens  des  hueren  ambachte  aengaet, 
nieltegenstaende  der  geluften  voirsc.  »  Acle  du  14  juillet  1481,  2<=  ch.  éch. 

(1)  «  Kathelynen,  huysvrouwe  van  Jan  Stevens,  scilUere.  »  Aclc  du  8  mars 
1483,  l«ch.  éeh. 

(2)  «  Item,  Antonys  vander  Wolfiiagen,  die  men  lieet  Paslcyken,  scildcre.  » 
1483.   Dleenboeck,  n»  1657,  f»  73.  —  Acle  du  oO  juillet  1483,  2*  ch.  éch. 

(3)  «  Janne  Stevens  ende  Anthonise  vander  Wolfshaghen,  inden  name  en 
van  weghen  en  ten  bysyne  ende  mel  consente  Katlïnens  en  Ydens  van  Bert- 
BEM,  huerer  beyder  werdynnen,  wellighe  dochleren  des  voirsc.  wilen  Hu- 
brechts.  »  Acte  du  Ib  décembre  1481,  2^  ch.  éch. 

(4j  «  Johannes  vander  Wolfshagen,  diclus  Pusleyken,  filius  quondam  Wil- 
lelmi,  supporlavil  domum  nuncipatam  de  Vijf-boecken,  sitam  juxla  cymeterium 
ecclesie  beali  Pelri  Lovauiensis,  inler  domum  dictam  Fonleyne  et  domum 
den  Heim.  »  Acte  du  i  janvier  1481,  l^e  ch.  éch. 


—  456  — 

Il  épousa  Marguerite  yan  den  Eynde,  qui  apparteuail  à  une 
famille  honorable.  Sa  lanle,  Catherine  van  Meenssele,  élait 
béguine  au  grand  Béguinage,  et  sa  tante  Madeleine  van 
Meenssele  avait  épousé  Hugues  d'Udekem  (i). 

En  1483,  van  Daelhem  fut  chargé  de  copier  pour  l'église 
du  village  de  Binkeni ,  un  tableau  à  cinq  personnages,  qui 
ornait  alors  Téglise  de  Saint-Michel,  à  Louvain.  Le  prix 
de  ce  travail  avait  été  fixé  à  10  florins  du  Rhin.  Mais 
lorsque  le  tableau  fut  achevé,  l'artiste  sollicita  un  supplé- 
ment de  solde,  alléguant  que  l'œuvre  avait  exigé  un  travail 
beaucoup  plus  important  qu'il  ne  l'avait  prévu.  Comme  les 
marguilliers  n'accédaient  pas  à  sa  demande,  l'afTaire  fut 
portée  devant  le  conseil  communal,  qui,  par  sentence  du 
15  juin  1484,  fixa  les  honoraires  du  peintre  à  14  florins 
du  Rhin  (2).   Pierre  van  Daelhem  exécuta,  en  1498,  les 

(1)  «  Peeter  van  Daelhem  cnde  mel  hem  jouffrouw  Kalljne  van  Meenssele, 
moeye  van  MaryrieUn  van  den  Eynde,  liuysvrouwe  des  voirsc.  Pelers,  1er 
eendere,  en  Huyghe  van  Udekem,  als  man  van  jouflfrouwe  Jlagdaleene  van 
Meenssele,  zynder  huysvi'ouwen,  susler  der  voirsc.  Jouffrouwe  Kallyne^  ■> 
Acte  du  29  août  1488,  Ire  ch.  écii. 

(2)  «  Na  dieu  diverse  questien,  voere  den  Raids  vandcr  stadt  geweest  syn 
tussciien  de  kerckmeeslers  van  Dynckem,  die  aen  Peti.ren  van  Daelhem  beslaedt 
liadden  te  scliilderen  en  le  slofferen  eene  Tafcle  vun  vyf  beelden,  nae  de  Tafele 
van  S'e-Machlels,  te  Loven,  1er  eender,  en  den  selven  Peeteren,  ter  andere, 
om  den  solaris  die  Peler  daeraf  meyiule  le  hebben,  1er  laxacien  van  den  mees- 
ters  van  den  ambaclite  ofl  ncringen  dies  lien  verslonden,  dair  van  de  kerck- 
meeslers hem  presenteerden  xij  rinsguldens,  seggende  dal  d'iersle  verdinge 
van  deser  lafele  geschiedde  voir  x  rinsgulden,  ende  als  den  dach  quam  dal  die 
volniaect  soude  hebben  geweest,  navolgende  der  vorwierden  dair  niels  nict 
afgedaen  en  was,  en  dat  zy  dacrom  Peleren  onboden  bydcn  Borgemeeslere  ende 
datdair,  by  lussclienspreken  van  goeden  mannen,  want  Peler  hem  beclaechde 
vanden  soberen  looiie,  de  selve  Peler  yesch  le  hebben  ij  rinsgulden  meer  en 
liy  soudl  daerop  maken  van  allen  den  welken  zy  hem  den  eedl  deylen,  ende 
oie  dat  daeraff  glieene  andere  vorweerde  gemaict  eu  wairi,  zoe  verre  dat  zy 
dien  aengenomen  hebben,  en  gestaefi  wesen  by  tusschenspreken  van  den 
Borgemeeslere  en  eenige  van  den  Rade,  geappointeerl  en  vutgespreken  es,  by 
middele,  om  den  eedt  te  schauwen,  dat  de  kercmeesters  hem  dair  voer  betalen 
xiiij  rinsgulden  ende  dair  mede  gcstaen,  ende  dat  dair  op  hen  de  Tafele  volgen 
soude  behoirlyck  gemaict.   In  consilio  oppidi    »  Acte  du  13  Janvier  1484, 

l"   fil.   Cl'll. 


—  457    — 

armoiries  de  Louvain  sur  les  pièces  de  vin  que  hi  com- 
mune offrit  alors  à  l'empereur  Maximilien  (i).  Il  retraça 
aussi  les  armoiries  de  la  ville  sur  les  trois  pièces  de  vin 
qui  furent  présentées  à  IMargucrile  d'Autriche,  le  9  octo- 
bre loOO  (i).  L'artiste  laissa  une  fille,  Barbe  van  Daelhem, 
qui  épousa  le  sculpteur  Georges  van  Schutlepultc,  ainsi 
qu'il  résulte  d'un  acte  du  11  juin  1534  (s). 

Edmond  Leemans  est  mentionné  comme  peintre  de  figures 
dans  un  acte  du  20  novembre  14-86.  Il  s'était  marié  avec 
Catherine  van  Bollenborne  ,  et  était  propriélaire  d'une 
maison  située  rue  de  Malines,  à  côté  de  la  brasserie  le  Per- 
roquet (4). 

Jean  van  Vorspoele,  fils  de  Guillaume,  apparaît  comme 
peintre  de  figures  dans  un  acte  de  l'échevinage.  Il  avait 
épousé  Catherine  van  Belle,  fille  de  feu  Jacques  van  Belle, 
de  Lille,  et  veuve  de  Jean  Zoetmans,  ainsi  qu'il  résulte  d'un 
acte  du  9  février  1485  (5).  Nous  ignorons  s'il  était  parent 
d'Arnould  van  V'orspoele  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 

Un  peintre  du  nom  de  Josse  V^alcx,  fils  d'un  peintre  de 
Haarlem,  fut  assasiné,  en  1487,  par  Henri  van  den  Voerde, 


(!)  «  Belaelt  Peteren  van  Daelhem  van  drie  oft  vier  schildekens  te  malien 
vander  wapenen  dep  sladt  van  Loven,  omnie  te  worden  geset  op  die  valen 
vanden  wyne  die  geschonken  waert  den  Roemsch  Coninck,  en  hem  nagevoert 
ter  Vueren,  27  ocl.  a"  li98,  de  somme  van  ij  stuvers.  »  Compte  de  la  ville  de 
1498,  fo43l  v». 

(2)  Comptes  de  la  ville  de  1500,  f»  274. 

(3)  Acte  inscrit  au  13  mars  1357,  3<;  cli.  écli. 

(i)  «  Ejiondus  Leemans,  piclor  ymaginum,  et  Kalherina  de  Bollenborne,  cjus 
uxor,  supportavil  domum  el  curtem  sila  in  Castristrata  inter  domum  reliete 
Ilenrici  quondam  Lorijs  et  cammam  dictam  Papegay.  »  Acte  du  20  novem- 
bre i486,  2e  ch.  éch. 

(3)  a  JoHASNES  DE  VoRSPOEiE,  piclor  ymaginum,  filius  quondam  Willelmi  et 
Katherina  de  Belle,  ejus  uxop,  lîlia  quondam  Jacobi  de  Belle,  de  Lille,  ex 
Campana,  relicla  Joliannis  quondam  Zoclmans.  <>  Acte  du  9  février  1483, 
5e  ch.  écli. 

32 


—  458  — 

dit  Scepmun,  de  Louvaiii.  Nous  ignorons  s'il  lutbilait  noire 
ville.  Mais  il  résuite  d'un  acte  éclievinal  que  l'assasin 
composa  avec  les  parents  de  la  victime  en  s'engageanl  : 
1"  à  injplorer  immédiatement  le  pardon  du  crime  commis; 
2"  à  solliciter  des  prières  dans  250  couvents;  5"  à  payer 
une  amende  de  18  florins  du  Rhin;  i°  à  visiter  le  jour  du 
Vendredi-Saint,  en  chemise  et  pieds  nus,  nos  cinq  églises 
paroissiales,  ainsi  que  les  chapelles  du  Mont-César  et  de 
Sainte-Catherine,  et  5°  à  jeûner  tous  les  vendredis  de  celle 
année.  Nous  publions  en  note  le  texte  original  de  cetîe 
pièce  intéressante  (i). 

Au  g  V,  nous  avons  parlé  de  Rodolphe  van  Velpen,  qui 

(1)  «  Dm  te  comen  loller  zoene  vanden  doolslage  die  Hemiick  vanden  Voerde 

geheeten  Scepman,  gedaen  heefl  in  den  persoen  Joes  wiieii  Valcx  geheelen, 

Scildere,  sone  wilen  Valex,  scildere,  van  Haerlem,  zyn  de  voirsc.  Henrick  en 

Arndt  Syraoens,  sone  wilen  Symoens  Arnts,  die  hy  hadde  van  Claren  Valcx, 

susler  des  voirsc.  wilen  Joes,  als  naiste  oir  van  manspersone  nu  Icrlyl  Icvende 

des  voirsc.  wilen  Joes,  hoe  wel  hy  van  vrouwen  persocnen  was,  ende  alsoe 

van  dier  zyde  bestont,  want  alsoe  hy  verduerde  niemant  van  des  zweeris  zyden 

livich  of  levende  waren,  in  wederzyden   overcomen,  overmils  den  conditien 

hier  nae  volgende  :  Inden  yersten  sal  de  voirsc.  Henrick,  terstont  den  voelval 

gedaen  zynde,  doen   doen  't  gebet  van  250  cloosteren.   Item,  sal  de  voirsc. 

Henrick  oick,  terslont  de  soene  gedaen  zynde,    den    voirsc.   Arnde  geven 

18  rinschgulden,  te  60  plecken  tsiuck.  Item,  sal  de  voirsc.  Henrick,  In  goedcn 

Vrydagh  naistcomende  besoeken  de  7  naebescrevene  kercken,  inder  stadt  van 

Loven  slacnde,  wullen  en  bervoet,  ter  salieheit  en  voir  de  ziele  van  den  aflivi- 

gen,  te  weten  de  5   Procliie  Kercken,  de  Borch  en  Sle-Katline,  en  dat  doen 

bliken  met  gocder  waerheit,  alst  gedaen  sal  zyn.  Item,  sal  hy  noch  des  yersten 

vrydaichs,  nae  de  zoene,  vasten  en  soe  voirtaen  alsoe  menigen  vrydach  als  dair 

inl  jair  comen,  en  soe  verre  hy  dat  bynnen  jairs  niet  voldoen  en  can,  sal  hy 

dat  nae  djair  moegen   verhalen,  ende    voir  de  gracie  van  dien  dat  hy  dat 

bynnen  jairs  niet  voldaen,  en  des  sal  hy  wullen  en  bervoet  gaen  in  Sacra- 

ments  daghe  naistcomende,  soe  'Iheylich  Sacraraenl  gaet,  en  voir  't  voldoen 

van  dien  sal  hy  hem  selven  daeraf  cleeren  met  eede.   Item,  heeft  geloeft  de 

voirsc.   Arndl   rekeninge  den   voirsc.    Henrick  soe    verre   hy    naemaels  van 

yemande  anders  gepraeratoft  bescadicht  wordde,  vuyt  sakcn  van  desen  onge- 

valle,  dat  liy  hem  den  voirsc.  penningen  sal  weder  restitueren  en  den  voirsc. 

Henrick  van  aile  lasten  oft  scaden,   die  hy  vuyt  saken   van  desen  ongcvalle 

soude  moegen  lyden,  etc.  »  Acte  du  8  déc.  1487,  2e  ch.  éch. 


—  -45U  — 

avail  épousé  Catfierine  Clarissen.  Ccl  artiste  fut  cliurgé, 
en  1478,  d'exécuter  un  tableau  destiné  à  élre  placé  sur  la 
cheminée  de  la  chambre  à  côlé  du  prétoire  des  échevins,  à 
i'ilôlel-de-villc.  Le  peintre  mourut  pendant  la  même  an- 
née. Sa  veuve  reçut  le  dernier  [)aiemenl  du  tableau,  dont 
nous  venons  de  parler,  le  19  avril  1489  (i). 

Son  fils,  également  appelé  Rodolphe  van  Velpen,  est  cité 
comme  peintre  de  figures  dans  un  acte  du  7  juillet  1487  (a). 
il  épousa  Anne  Cops,  fille  de  Jean  Cops,  musicien  (s),  et 
sœur  de  Jean  Cops,  qui  habitait  Anvers  (4).  En  1488,  il 
occupait  une  maison  appartenant  au  peintre  Conrard  Sle- 
nack  (s);  mais  en  1489  il  habitait,  rue  de  Namur,  une 
maison  qu'il  tenait  en  location  de  Thierry  Ileye,  prêtre, 
moyennant  un  loyer  annuel  de  10  florins  du  Rhin.  Selon 
le  contrat,  cette  somme  devait  cire  payée  moitié  en  espèces, 


(1)  <i  RoELOVE  VAN  Velpe,  6'ci7rferf ,  gclendl  op  ecii  sliick  wercks  dal  hy  oiidur 
lianden  heeft,  dwelck  slaen  sal  voer  de  scouwe,  neven  de  dingîibanck,  ô  ja- 
nuary  1478,  2  assys  gulden.  —  Item,  6  february,  2  ass.  guld.  —  llcm, 
13  feb.  sinen  wivc,  3  ass.  guld.  llem,  7  marlii  gegeven  HENnicH  van  Sconen- 
DERGHE,  gelaesmakere,  loi  Roeloofs  beliocf,  o  ass.  guld.  llem,  der  weduwe  vcr- 
gouwen  4  aprilis,  3  ass.  guld.  llem,  der  weduwe  vergouwen  19  aprilis  14-79, 
3  ass.  guld.  •)  Leenboec,  f»  2.ï0 

(2)  «  RoDDLPHi'S  DE  Velpe,  filius  quoiidaii)  Rodulplii,  Piclor  ymaghnim.  •> 
Acte  du  7  juillet  1487,  2-  ch.  éch. 

(3)  o  RoELOVE  VAN  Velpe,  scildere ,  en  Anna,  zynder  luiysvrouwe,  docliler 
meester  Jan  de  lAiytslaghere.  »  Acle  du  l"  décembre  1301,  If  cii.  écli.  — 
«  Roelove  van  Velpe,  als  man  van  Annen  Cops,  syiider  liuysvrouwe.  »  Acle  du 
20  janvier  1301,  2e  ch.  éch. 

(4)  «  Tusselien  Roelove  van  Velpe,  schildcre,  die  voir  den  Raide  vandcr 
stadt  liadde  doen  onlbieden  eenen  gcheelen  Hacquel,  dienere  myiis  hcercn 
van  Cliantraine,  en  Coenrarde .  . .  scliildere,  oni  de  liaeffelyken  goedcn  «ille 
Hanssen  Cops,  sweer  des  voirsc.  Roelof. . .  dien  woenaclilich  was  en  zyne  resi- 
dentie  hielt  lot  Anlwerpen,  etc  »  Acte  du  17  fcv.  1487,  2«  ch  éch. 

{3j  «  RoELOF  VAN  Velpe,  schildere,  heeft  geloeft  Conrarde  de  Schildere 
(Slenacli)  drie  rinsgulden  te  GO  plecken  . . .  als  van  zekeren  liuysluieren  » 
Acle  du   17  février  1488,  Ir^cli.  rcli. 


—  400  — 

moitié  en  livraison  de  tableaux  (i).  Rodolphe  van  VYdpen 
parait  avoir  été  un  homme  de  peu  d'ordre.  Les  actes  de 
réchevinage  nous  le  montrent  criblé  de  dettes.  Son  beau- 
frère  Jean  Oege,  maitre  maçon,  qui  avait  épousé  sa  sœur 
Elisabeth  van  Velpen,se  porta,  en  1490,  caution  pour  le 
loyer  de  sa  maison,  alors  fixé  à  8  florins  du  Rhin  (a),  et 
se  vit  plus  lard  obligé  de  le  payer.  Vers  cette  époque, 
l'artiste,  d'accord  avec  plusieurs  autres  peintres  louvanis- 
les,  résolut  de  se  rendre  en  Portugal,  où  les  artistes  fla- 
mands, ainsi  que  nous  l'avons  constaté,  commençaient  à 
avoir  du  succès.  Mais,  comme  il  avait  à  rembourser  à  Jean 
van  Lier,  bourgeois  de  Louvain,  une  rente  d'un  cavalier  et 
demi  d'or,  ce  créancier,  ayant  appris  que  le  coloriste  était 
sur  le  point  de  s'expatrier,  jugea  prudent  de  le  faire  arrê- 
ter. Van  Velpen  paya  une  grande  partie  de  cette  créance. 


(1)  <i  Ilcm,  RoELOF  VAN  Velpe,  scildere,  heefl  bekinl  scuhlicli  te  syne  Heercn 
Diercke  Ueye,  priestere,  vanden  Iiueren  van  zynen  liuyse  in  Sinte  Quintens 
strate,  onbelaelt  uutslaende  ende  gevallen  des  nu  onilrint  drie  weken  geleden 
syn,  de  somme  van  thien  rinsguldenen  zwairs  ghells,  die  hy  geloeft  heefl  le 
betalen  lialf  1er  manissen  heeren  Diericx  voirsc,  ende  voir  d'ander  helliclit 
sal  hy  heercn  Diericke  werck  leveren  van  scilderien,  soe  vêle  werl  synde  als 
de  gène  die  hen  des  verstaen  sullen  taxeren,  binnen  vyf  weken  ten  lancxlen 
twee  slueken,  suie  als  hem  heer  Dierick  sal  last  geven  te  maken,  ende  al 
d'ander  lusschen  dan  ende  Alderheyligemisse  dair  nae,  ende  heefl  Roelant 
bekinl  dal  syn  hueringe  aende  voirsc.  goede  noch  duerl  noch  twee  jair  lanck, 
inné  gacnde  des  nu  drie  weken  ledcn,  mach  syn  oft  dair  omtrinl  elcx  jaii's 
om  achl  rinsguldens,  zwaers  ghelts,  t'allen  halven  jare,  half  le  betalen, 
behalven  daeraen  le  corllen  jaerlycx  half  en  half  twee  rinsgulden,  dair  voer 
hem  Roclaat  oie  gelyc  vore  wcre  van  scilderien  dal  hem  heer  Dierick  sal 
doen  maken,  leveren  sal  mocten,  ten  pryse  als  voere,  dair  voere  veroblige- 
rende  hem  selven  ende  aile  syn  goede  hoedanieh  die  syn,  wair  die  gelegen 
syn  oft  bevonden  sullen  moegen  wordden.  Coram  Rerghe,  Hove,  junii  21 
1489.  »  1"  eh.  éch. 

(2)  o  Item  .lan  Ocghe,  metsere,  heefl  geloeft  Heeren  Diericke  Hey,  priestere, 
inné  te  slane  van  der  hueren  van  desselfs  heeren  Diericx  huyse,  in  Sinle 
Quintens  Strate  gelegen,  dwelck  Roelof  van  Velpe,  de  voirsc.  Jans  zwagers, 
tcgen  den  sclven  heeren  Diericke  gehuert  heefl,  't  sjaers  om  achl  rinssche 
guldenen.  »  Acte  du  25  aoiit  1490,  l"  ch.  éch. 


—  461  — 

fut  élargi  et  partit  pour  le  Portugal  (i).  De  retour  dans  le 
pays  en  loOl,  van  Lier  le  (il  de  nouveau  incarcérer  pour 
obtenir  le  paiement  de  la  somme  restante  (2).  L'alTaire  fut 
portée  devant  le  conseil  communal,  qui  décida,  le  9  juil- 
let loOl,  que  l'artiste  serait  élargi  moyennant  un  caution- 
nement de  G  Pelers  et  2  sols.  Mais  à  peine  eut-il  quitté  la 
Vroente,  qu'à  la  l'équisilion  d'un  autre  créancier,  son  beau- 
frère  Jean  Oege,  il  fut  arrêté  de  nouveau.  Pendant  qu'il  se 
trouvait  en  prison,  sa  sœur,  l'épouse  Oege,  lança  une  ca- 
lomnie atroce  sur  le  coqipte  de  sa  femme,  l'accusant  d'adul- 
tère avec  le  procureur  Corneille  van  Schoenvorst,  défenseur 
du  mari.  Aussitôt  que  l'artiste  eût  reconquis  sa  liberté, 
il  intenta  à  sa  sœur  une  action  civile,  exigeant  d'elle  un 
pèlerinage  à  Saint-Jacques,  en  Galice,  ou  à  Saint-Pierre, 
à  Rome.  Traduite  devant  les  échevins,  elle  fut  condamnée 
à  un  pèlerinage  à  Notre-Dame  d'Aix-la-Chapelle  (0).  Oege 


(1)  «  Inder  sukcii  gecomcn  byden  Rade  vander  sladt  lusschcii  Roelovc  van 
Velpe,  le  wetene  by  nicestercn  Conelyse  Scoeiivorst,  zynen  procureur,  1er 
eenre,  en  Janne  van  Lyere,  ter  anderc,  aldaer  de  voirsc.  procureur  des  vorsc. 
Roelofs,  alliier  in  hachten  ziltende,  ten  versuecke  des  vorsc.  Jans,  en  dat  voer 
't  gebreck  der  lossingen  mellen  verlopene  paclitcn  van  1  1/2  Ryder  lyfpensien, 
dair  voer  deselve  Rocloff,  le  welene  uutcn  voirsc.  apart  des  voirsc.  Jans  in 
hacliten  was  comen,  te  kynnea  gaff  dat  liy  woude  thoenen  dal  de  vorsc.  Roe- 
loff  in  dese  sladt  van  Loven,  a\s  schildere  coincn  was,  om  met  meer  anderrn 
Consleneers  eeneti  tyt  ovcrlcdcii  le  Ireckcn  in  Portegale,  en  dat  de  voirsc.  Jan 
hem  hadde  doen  houden  ende  vangen  om  vanden  vorsc.  1  1/2  Ryder,  anno 
1487bekant,  gclost  te  zyne,  by  eenen  dieiieer  gciieeten  Joes  Pcysman,  dan 
wesende,  aiso  dal  de  vorsc.  Roeloff  den  vorsc.  Janne  le  vreden  slelle  moisle, 
en  den  selven  1  l/'2  Ryder  moisle  lossen  en  quyten,  eer  hy  vanden  gevanke- 
nissen  ontsiaen  soude  syn  geweesl,  om  mellen  andei'en  te  Porlegale  te  reysen, 
en  dat  hy  hem  soe  vêle  penuingen  gafl'  dat  hy  vanden  vorsc.  onderhalvcn 
ryder  le  vreden  was,  en  dal  hy  den  selven  Roelove  onlsloech  en  le  Porlegale 
liel  reysen,  etc.  »  Acte  du  dernier  juin  liiOl,  !■■«  eh.  écli. 

(2)  «  Fn  der  sakcn  gccomen  byden  Raide  van  der  slad  tusschen  Janne  van 
Lyere,  ter  eenre,  en  Uoelove  van  Velpe,  in  hachlcn  wesende,  ter  andere.  » 
Acte  dit  9  juillet  1501,  l'»  ch.  éch. 

(3;  «  Vanden  gedingc  dat  geweest  is  inde  banek,  voer  Meyerc  en  Sccpenen 
van  Loven,  lusschen  Roelove  van  Velpe,  als  nian  en  momboir  Anncn  Copa, 


—  46i>   — 

usa  de  représailles.  Nous  avons  fait  observer  que  le  colo- 
riste était  son  débiteur.  Il  avait  payé  le  loyer  de  sa  maison 
et  lui  avait,  en  outre,  avancé  une  somme  de  20  Peiers  d'or. 
En  partant  pour  le  Portugal,  Tarlisle  avait  placé  sa  femme 
chez  son  beau-frère  et  y  avait  déposé  plusieurs  meubles 
comme  gage  de  l'argent  prêté.  Un  beau  matin,  pendant  que 
Jean  Ocge  et  sa  femme  s'amusaient  à  la  kermesse  de  Mali- 
nes,  l'épouse  van  Velpen  fit  enlever  ses  meubles  et  alla 
rejoindre  son  mari,  qui  s'était  fixé  à  Anvers  (i).  Oege,  irrité 


synder  liuysvrouwe,  aenleggere,  ter  eenre  zyde,  ende  Janne  Ooge,  als  man  en 
momboir  Lysbcllen  van  Vclpe,  synder  huysvronwen,  verweerdere,  ter  andere, 
aldair  de  voirsc.  Roclof  dede  seggen,  met  zynen  geleverden  voirsprake,  dat 
hy  ontrint  Sinxen  leslleden  in  liachlen  was  ten  versuecke  des  voirsc.  Jans 
Ooghe,  ende  alsoo  inder  hachlen  zynde,  de  huysvrouwe  desselfs  Jans  Ooglie 
zeyde  loi  Janne  van  Leyre  :  «  Jan  van  Lyere,  myne  swagerinne,  meynende 
de  huysvrouwe  des  vors.  Roelofs,  sait  nu  goet  te  dinghen  liebben,  waut  zy 
heeft  meesleren  Cornelyse  Scboonvorst  lot  hueren  procureur,  en  dien  en 
derven  zy  gheen  gelt  geven,  want  hy  zeerlse  en  betaell  hcni  melten  warcn 
die  achter  huyse  gaet,  »  zeggende  dat  zy  die  woirden  sprack  in  fellcn  en 
graninien  nioede,  ende  afnemingen  vander  eercn  vander  huysvrouwe  des 
voirsc.  Roelofs,  die,  soe  seyde,  altyt  gestaen  heeft  ende  alnoch  stonde  lot 
goeder  namen  en  famen,  aile  dwelck  de  voirs.  Roelof  presenieerde  te  thoonen, 
soe  verre  de  voirsc.  Jan  dat  ontkinde,  sustinerende  voir  zyne  conclusie  dat 
by  de  selve  Janne  bekint  ofle  by  zynen  selven  Roelove  gethoont,  de  voirsc. 
huysvrouwe  des  voirsc  Jans  den  voirsc.  Roelove  en  synder  huysvrouwcn,  ter 
beternisse  en  reparalien  van  hueren  eeren,  scbuldicb  sal  syn  le  doenc  eene 
bedevaert  St-Jacops,  in  Galissien,  St-Pecters,  te  Roome,  of  alsulken  beternisse 
als  de  lieercn  scepenen  van  Loven  wysen  souden;  daerop  de  voirsc.  Jan,  als 
momboir  van  synder  huysvrouwcn,  hem  anlwoerden  onlkende  geheelic  d'aen- 
sprake  des  voirsc  Roelofs,  en  dcde  seggen  dat  de  voirsc.  Roelof,  die  over  hem 
of  zyner  huysvrouwcn  nemniermeer  en  soude  connen  gheloonen,  soe  hy  die 
by  geleet  liadde,  sustinerende  mits  dien  vandcn  selven  acnspraken  ongehou- 
den  te  zyne,  daerop,  enz.  es  gewesen  by  Scepenen  van  Loven,  1er  manisse 
's  Meyers,  dat  de  huysvrouwe  des  vorsc.  Jans  sculdich  sal  zyn  den  aenleggere 
ende  synder  huysvrouwcn,  ter  belernesse,  le  doen  eene  bedevaert  tonser  lie- 
ver  Vrouwen  l'Akcn,  le  porren  bynncn  iO  dagen  naislcomende  ofle  daeraf 
le  hebben  hueren  goeden  moel;  iu  Scarapno.  »  Acte  du  2^  Janvier  lîiOl, 
2=  ch.  ceh. 

(1)  «...  Jan  Oeghe  seyde  dal  hy  borglie  ware  des  voirsc.  Roelofs,  voer 
.»(ekere  lyfriulen,  dal  de  selve  Roelof  hem  oie  schuldich  was  van  een  huyshuren 
en  dat  de  selve  Roelof  lieni  bewesen  liadde  l"Antwerpcn  20  gouden  gulden, 


—  403  — 

d'une  (elle  coiiduile,  l'y  suivit  iinmédialcmenl  pour  nicllre 
la  main  sur  une  somme  de  20  florins  que  l'arlisle  avait  à 
toucher.  Mais  il  ne  réussit  pas  dans  son  projet.  Rappelé 
devant  les  échevins,  vanVelpcn  fut  simplement  condamné 
à  payer  la  somme  qu'il  devait  à  son  beau-frère. 

Nous  ignorons  si  cet  artiste  passa  le  reste  de  sa  vie  à 
Anvers  ou  ailleurs. 

Molanus  nous  a  conservé  le  nom  d'un  peintre  louvaniste 
de  cette  époque,  Barthélémy  van  Kessel  (i),  connusous  la 
dénomination  de  Barthélémy  le  Sacristain  ou  Berlel  de  Cos- 
ter,  en  souvenir  de  ce  qu'il  avait  été  appelé,  en  1495,  aux 
fonctions  de  sacristain  de  la  collégiale  de  Saint-Pierre,  poste 
qui  fut  desservi  par  des  membres  de  sa  famille  pendant  plus 
d'un  siècle  (2).  Ce  n'était  pas  un  artiste  d'un  grand  mérite. 


ende  dal  de  huysvrouwe  van  Roelove,  bynnen  den  tyde  dat  hy  te  Porlegale 
was,  omtrinf  drie  vierendeel  jairs  was,  ten  liuyse  des  voirsc.  Jans,  le  welen 
van  inganck  oigst  toi  Paessclien  dair  nae,  en  gelach  aldair  bynnen  middelen 
lyde  van  kinde,  die  liy  en  syn  huysvrouwe  suecoereerde  van  penningen  en 
glielt  te  leenen,  lot  liueren  nootdorst.  Ende  ten  voirsc.  Paesschen  den  voirsc. 
Janne  en  synder  huysvrouwe,  loi  Mechelen,  ter  kermlsse  wcsende,  dal  de 
huysvrouwe  des  voirsc.  Roelofs  daer  bynnen,  en  niel  boven  drie  weken  out 
zynde  van  kinde,  es  heymelyck  gegaen  vuyten  liuyse  des  voirsc.  Jans  en 
vuyter  sladl  gelogen,  en  heeft  vuyt  zynen  huyse  gedaen,  sonder  zynen  welen, 
bynae  aile  de  goedcn  die  de  voirsc.  Roelof  l'zynen  huyse  gelaten  hadde  . .  ende 
de  voirsc.  Roelof,  van  Porlingale  gecomen,  toech  hy  l'Antwerpen,  aldair  zyne 
huysvrouwe  was,  etc.  »  Acte  du  27  avril  1501,  2«  ch.  éch. 

(1)  «  Rerti;l  vas  Kessele,  ondcrkosler  dcr  kercke  van  Sinte-Peelers,  le 
Loevcn  »  Acte  du  {9  janvier  1510,  t^e  ch.  éch.  —  «  BartuolomjEUs  de  Kessele, 
vice-cuslos  ecclesiœ  S.  Pelri  Lovaniensis.  »  Arle  du  19  fcv.  1521,  Ire  ch.  éch. 
—  «  BART1I0L0.MEUS  VAN  Kesslle,  costcr  van  Sinte  Peeters.  »  Acte  du  10  juillet 
1523,  Ire  ch.  éch. 

(2)  a  Bartiiolom.eus  VAN  Kessei.,  vulgo  Berlel  die  Costcr,  supr.n  inoduin  ada- 
mavit  Ecclesiam  divi  Pelri  quo  ad  ornaluni  et  pias  cœremonias.  El  in  ea  ccclc- 
sià  cum  parenlibus  suis  ultra  centum  annos  cuslos  fuit.  Ipse  enim  suà  manu 
annolavit  anno  1535,  Joliannetn  van  Kessele,  caJicarium,  seniorern,  factum 
esse  custodcni  anno  1432,  Joannem  van  Kessele,  juniorem,  anno  1458  Iriduo 
ante  exustionem  ecclesiœ,  qui  anno  U84  faclus  est  sacerdos,  eique  morienli 
se  Barlholomceum,  Pictorcm,  anno  i4n5  successisse.  »  Molanks,  Hist.  Lov  , 
t.  Il,  p.  727. 


—  464  — 

Ses  œuvres,  d'après  ce  que  Molanus  donne  à  entendre, 
témoignaient  plus  en  faveur  de  sa  piété  que  de  son  talent. 
li  s'occupait  aussi  de  sculpture,  moulant  sur  des  corps 
morts  des  statues  en  plâtre,  qu'il  faisait  servir  d'images 
du  Christ  au  tombeau.  On  en  voyait  jadis  de  sa  façon  à  la 
chapelle  du  Mont  Calvaire,  hors  la  porte  de  Bruxelles,  et 
dans  plusieurs  autres  églises  de  Louvain  (i).  Au  rapport  de 
Molanus,  van  Kessel  savait  orner  l'église  de  Saint-Pierre 
avec  un  goùl  parfait.  Il  prenait  annuellement  part  à  l'orga- 
nisation de  VOmgang,  ainsi  qu'il  résulte  des  comptes  de 
la  ville.  Souvent  il  dirigeait  à  cheval  les  groupes  des  corps 
de  métiers,  conjointement  avec  le  prieur  des  Carmes 
chaussés. 

Barthélémy  van  Kessel,  qui  épousa  Marie  vander  Haghen, 
fille  de  François  vander  Haghen  (2),  laissa  à  l'église  de 
Saint-Pierre  un  registre  renfermant  des  annotations  histo- 
riques d'un  grand  intérêt.  Molanus  le  cite  souvent  sous  la 
dénomination  de  Dlarhim  Barlholomœi  Cuslodis.  Il  était 
encore  en  fonctions  à  la  date  du  11  septembre  1557  (3). 

Arnouf.d  Crauwel  est  un  peintre  louvaniste  de  la  même 
époque.  Il  est  mentionné  dans  un  acte  de  1490.  En  149G, 
il  enlumina  le  chœur  de  la  Sainte-Vierge,  à  l'église  de  l'ab- 
baye de  Parc.  Ce  travail  ne  pouvait  être  fort  important, 
attendu  qu'il  ne  toucha  de  ce  fait  que  4  florins  du  Rhin  (4). 


(1)  «  Bartholom.eus  van  Kessel,  pictor  et  ecclesiœ  Divi  Pelri  cusios,  fudit 
super  mortuis  hominibus  corpus  Cbrisll  mortuum,  proul  cernitur  in  sepulcro 
Montis  Calvariœ,  et  in  variis  urbis  noslrre  ecclesiÎE.  Funclcbat  eliam  formas 
viventium  liominum,  dans  eis  aliquid  in  ore  ad  respirandum.  Hujas  nientio- 
nem  ingero,  non  ob  arlificium,  sed  ob  pietatem.  Sepulcra  eim  liaec  a  niullis 
religiose  invisuntur.  »  Moia^cs,  t.  I,  p.  611. 

(2)  «  Bartholomeus  vax  Kessele  en  Marie  va.\der  Hagucn,  zyne  huysvi-ouwe, 
dochler  wylen  Vranckx  vander  llaglien.  »  Acte  du  1"  oct.  1532,  2'"  cli.  coll. 

(3)  «  Bartholomeus  va«  Kessele,  cosler  der  kercke  van  S.  Peelers,  te  Loven.  >> 
Acte  du  1 1  sept.  1Î537,  3"  eh.  éch . 

(4)  «  llcru,  Ar\oldo  Crauwel,  pro  piclura  in  clioro  béate  Marie  Virginis 
ac  aliis  per  euindem  faclis,  iv  renenses.  >;  Compte  de  l'abbaye  de  Parc,  de  1496. 


—  465  — 

Un  peintre  du  prénom  de  Conrard  a})pai'ail  dans  un  acte 
éclievinal  du  17  février  1488  (i).  L'arlislc  ainsi  désigné 
n'est  autre,  sans  doute,  que  Conrard  Slrnack,  qui  devint, 
en  1497,  propriétaire  d'une  maison  avec  jardin,  rue  de 
Tirlemont,  près  de  l'église  Saint-Michel  (2). 

RoMBÂDT  VAN  Nyelen,  peintre,  habitait,  en  1488,  une 
maison  située  près  la  chapelle  de  Sainte-lMarguerite,  rue 
des  Brasseurs.  Cette  demeure  était  la  propriété  de  l'artiste. 
Un  certain  Jean  M kES,  peintre,  demeurait,  en  1496,  dans 
une  maison  située  rue  de  Paris,  qui  appartenait  à  l'abbaye 
de  Parc;  il  l'habitait  encore  en  1512.  Jean  Ackermans, 
peintre,  demeurait,  en  1496,  rue  Kraekhoven,  dans  une 
maison  qui  appartenait  également  à  l'abbaye  de  Parc  (3). 
Jean  Motton,  peintre,  est  mentionné  dans  un  acte  du  20  no- 
vembre 1499  (4).  Erasme  ou  Rase  de  Gans  dans  un  autre 
du  19  janvier  1500  (s). 

Nous  avons  à  entrenir  nos  lecteur  d'un  peintre  louvaniste 
de  cette  époque  qui  jouissait  d'une  certaine  réputation.  Il 
portait  le  nom  de  Rombaut  van  Berlair,  et  était  fils  de 
lîombaut  et  d'Adélaïde  van  Binckem.  Sa  sœur  du  pre- 
mier lit,  Marguerite  van  Berlair,  avait  épousé  Thierry 
Bouts  jeune  (e).   Son   père  vivait   encore  à    la   date   du 


(1)  Acte  du  17  février  1488,  l'e  cli.  éch. 

(2)  «  CoNRAnous  Slenack,  piclor.  «  Acte  du  2  août  14.97,  \re  eh.  éch. 

(3)  Renseignements  puisés  dans  les  archives  de  l'abbaye  du  Parc. 

(4)  «  JAJi  Motton,  seildere.  «  Acte  du  20  nov.  1499,  l^e  eh    éch. 

(5)  n  Rase  de  Gans,  schildere.  »  Acte  du  19  janv    1300,  l^e  ch.  cch. 

(6)  «  llem,  RoMBOLDus  de  Berlair,  filius  quondam  Romboldi,  el  Aleydis  de 
Bynckem,  ejus  secundaria  uxor,  Franco  de  Berlair,  filins  dic!i  Romboldi;  Rom- 
boldusWilleniair,  junior,  el  Elisabeth  de  Rerlair,  ejus  uxor,  soror  dicii  Fran- 
conis,  ac  filia  dieti  Romboldi,  Theodortccs  Bouts,  Marcareta  de  Berlair,  ejus 
uxor,  similiter  soror  diclornm  Franronis  et  Elisabethe,  filia  dicti  Romboldi, 
de  primo  thoro,  Romboldus  et  Katherina  de  Berlair,  liberi  dicti  Romboldi,  de 

secundo  thoro,  prius  emancipati conlnlerunl  duas  domos  conliguas  cum 

curlibus  in  vico  dicio  Petercelstralc.  »  Acte  du  22  février  1478,  2c  ch.  éch. 


—  4G6  — 

7  août  U81  (i).  L'arlisle  esl  qualifié  de  peintre  de  figures 
dans  un  acle  du  12  décembre  14-85  (2).  Il  épousa  Catherine 
VAN  ThieiNen,  fille  de  Jean  van  Thienen  et  de  x\Iarguerite 
Beicx  (3).  En  1496,  il  remplaça  Gilles  Stuerbout  en  qualité 
de  peintre  de  la  ville  et  de  directeur  du  matériel  de  VOm- 
gang.  iVous  avons  vu  plus  baut  qu'il  fut  révoqué,  en  1497, 
et  remplacé  par  Arnould  vander  Phalizen,  mais  qu'il  fut 
rétabli  dans  ses  fondions  en  1500  (4).  Il  conserva  ce  poste 


(1)  «  Franco  van  Berlair,  filius  légitimas  Romboldi  de  Berlair,  prius  eman- 
cipatus;  supporlavit  quinque  solidos  et  quinque  caponos  supra  domum  et 
curlem  relicle  Henrici  quondara  's  Briiynen,  sila  in  Percksirata,  inlev  slratw 
lam  versus  lombam,  ah  una,  et  bona  hereditum  Everardi  quondam  de  Wynghe, 
imposito  Tlwodoricus  Bouts,  filius  quondam  Theodorici,  etc.  »  Acte  du 
7  août  1/^81,  2e  ch.  éch. 

(2)  «  RoMiîOLDus  DE  Berlair,  piclor  ymaginum,  filius  quondam  Romboldi, 
et  Kallierina  de  Berlair,  ejus  soror.  »  Acle  du  12  décembre  U83,  ôe  ch.  écb. 

(3)  «  Katlyke  van  Thienen,  liuysvrouwe  meesler  Rombouts  van  Berlair; 
Margriete  van  Thienen,  huysvrouwe  van  Joris  Lobbe,  dochleren  wylen  Jans 
van  Tliiencn  en  van  .Vargrieten  wylen  Belcx.  »  Acte  du  2  avril  1318,  2e  ch.  éch. 

(i)  «  Na  dien  by  den  Raide  vander  stadl  van  Loeven  hier  voirmaels  zyn  ge- 
comparecrl  Rombout  van  Berlair,  1er  eendero,  en  Arndt  inden  Weynart,  ter 
andere,  qucstie  en  dilTercntie  underlinghe  hebbende  acngaende  der  ofTicie  die 
de  stadt  te  geven  heeft,  te  weten  vander  schildcrien  van  den  proecssien  van 
deserstadt  en  des  dien  acncleeft,  pretenderendedeselve  Romboul  onbehoirlyck, 
huyien  redenen  en  reclit  vuyt  zynder  possessien  hem,  byden  Raide  geondt, 
inden  jaere  14-96,  by  den  wethoudcren  doen  ter  tyt  zynde,  gesedt  te  zyne,  nae 
de  doot  en  aflivicheit  raeesfer  Gielis  wylen  Sluerboul,  doen  ter  tyt  de  selve 
offîeie  vaccrende,  seggende  als  voere  dat  d'ombehoirlyke  possessie  en  ghifle 
der  selver  oflicien  Arnde  voirsc.  verleent,  nae  gebuert  by  de  wethoudcren 
anni  U99  niet  schuldich  en  ware  te  gripen,  maer  1er  contrarien  hy  Romboul 
sculdich  ware  gestelt  te  wordden  vry  en  pasibelyc  om  die  te  profiteren  en  te 
gebruycken  navolgende  zynder  voirsc.  ghiften,  hem  des  gedragende  totten 
heeren  en  rechte.  Dair  tegen  de  voirsc.  Arndt  gesnstineerl  heeft,  met  zynen 
vrienden,  de  contrarie,  hopende  in  zyn  possessie  en  gebruycke  in  dien  te 
bliven,  le  voirdere,  soe  hy  seydl,  hoewel  de  voirsc.  Romboul  de  voirsc.  ghifle 
gehadt  mocht  hebben,  3  jaren  oft  daeromtrint,  nae  daflivicheit  des  voirsc. 
meester  Gielis,  doenlerlyt  byde  wet  loegeseet  geweest,  soe  verre  die  vaceerdc, 
dalmen  hem  in  dien  alsdan  versien  soude,  als  dal  de  wethouderen  voirsc.  siende 
de  voirsc.  altercalie  en  in  dien  diverse  bricven  en  bevelen  Myns  Genedigen 
Heeren  hebben  gehadt,  om  den  voirsc.  Roniboule  in  zyn  possessie  len  vorsie 
ghifle  eu  gebruycke  te  liouden,  daer  inné  le  slcllen  ende  oie  niundeliuge  bevel 


—  407   — 

jusqu'en  1327.  L'arlis(e  est  cité  dans  les  actes  de  Téelie- 
vinage  sous  ia  qualification  de  maîlre  peintre  juré  de  la  ville 
de  Louvain  (i). 

Notre  van  Berlair  était  un  artiste  habile.  Il  coloriait  des 
statues,  brossait  des  ornements  et  des  blasons,  enluminait 
des  retables,  produisait  des  tableaux.  Les  registres  de 
comptabilité  que  nois  avons  compulsés  le  mentionnent  très- 
fréquemment  pour  ce  genre  de  travaux. 

L'artiste  se  trouvait  dans  une  position  aisée.  Le  2  avril 
lois  eut  lieu,  devant  les  échevins  de  Louvain,  le  partage 
des  biens  délaissés  par  les  parents  de  sa  femme.  Il  eut  pour 
sa  part  une  maison  au  Corlen-Bruel  et  neuf  rentes  hypo- 
théquées sur  des  propriétés  sises  en  ville  (2).  En  1.320,  il 
recueillit  l'héritage  de  son  beau-frère  Guillaume  van  Thie- 
nen,  qui  avait  épousé  Adélaïde  van  Langrode  (3).  Une  sœur 
de  sa  femme,  Marguerite  van  Thienen,  avait  épousé  Georges 
Lobbe,  brasseur;  une  autre  sœur,  Elisabelh  van  Thienen, 
était  frappée  d'aliénation  mentale.  A  la  prière  de  l'artiste, 
le  conseil  la  plaça  sous  curatelle,  le  12  mars  1317  (4). 


liebben  de  selve  welhoiideren,  op  al  int  lange  geledi,  des  in  desen  van  voere 
totaehter  gebuerl  mochl  zyn,  vuyigesproken  en  getermineert  ilat  de  vorsc. 
officie  seuldicli  soude  zj-n  den  voirsc.Romboule  pe.vsselyc  en  vredelyctevolgen, 
en  dal  hy  daerinne  wederom  soude  wordden  gestell  en  geinlegreert,  endc  de 
voirs.  Arndt  hem  in  dien  le  verdragen,  verclairende  alsoe  genoecli  de  voirsc. 
vorsie  ghifte  Romboulc  gebuert  van  weerden  te  zyne,  in  desen  den  selven 
Romboule  raerckelyck  bevolcn  en  gelast  dal  hy  die  officie  liebben  sal  endc 
exerceren  op  de  maniercn  soe  de  voirsc  Arndl,  navolgende  den  slaet  en  wesen 
van  den  Register,  hem  die  gelast  es  le  doenc  In  consilio  oppidi,  etc.  »  Acte 
du  16  septembre  1500,  Ire  eh.  éch. 

(1)  «  RoMBO'JT  VAN  BERLAin,  gesworeii  meesicr  werchnan  vande  sladl.  »  Acte 
du  17  nov.  1518,  2"  ch  éch.  —  «  Rumboldus  van  BEniAiiî,  magister  Juratus 
oppidi  Lovaiiiensis.  »  Acte  du  5  oct.  131!),  ^'=  cii.  éch.  —  «  Rombalt  van  Ber- 
LAr«,  schddere,  deser  stadl  geswortn  mecslcre  »  Acte  du  G  judlel  1520, 
2e  ch.  éch. 

(2)  Acte  du  2  avril  1518,  2^  ch.  éch. 
(5)  Arle  du  G  Juillet  1520,  2e  ch.  éch. 

(4)  «  !Vae  dien,  op  heden,  byden  Raide  van  drr  sladt  gecomparecri  meesler 
RoMBOiT  YAK  BenLAiR,  meesler  scildere,  van  dcscr  stadl,  den  sclvcn   Raide  le 


—  4G8  ~ 

Le  peintre  élail,  en  1517,  propriétaire  d'une  maison 
située  rue  de  Bruxelles,  au-delà  du  premier  pont.  Le 
jardin  touchait  à  la  Dyle  (i).  Il  habitait  cette  demeure 
en  1521  (2). 

Notre  artiste  eut  de  sa  femme,  Catherine  van  Thienen, 
neuf  enfants,  savoir  :  1°  Jean,  2°  François,  ô°  Rombaut, 
4.0  Georges,  5°  Pierre,  6°  Grégoire,  7°  Adrien,  8°  Elza, 
9° Égide.  Ces  enfants  furent  émancipés  le  2  octobre  1 508  (3). 
Son  fils  Egide,  entra  comme  élève,  dans  l'atelier  du  sculp- 
teur Guillaume  Hessels;  il  devait  y  passer  cinq  années 
d'apprentissage,  ainsi  qu'il  conste  du  contrat  rédigé  de- 
vant les  échevins,  le  II  mars  1519(4). 

Rombout  van  Berlair  vivait  encore  le  3  juin  1550  (k). 


kynnen  gegeven  hoe  dat  Lysbelli  van  Thienen,  zynilcr  liuysvrouwen  ziisler, 
onTiOsel,  sympel,  cleyn  ende  ydel  van  synnen  gewordden  was,  soe  dal  zy 
liueren  selven,  noch  liuercn  goeden  niel  geregeren  en  soude  connen,  etc.  » 
Acte  du  12  mars  1517,  l'ecli.  éeli. 

(1)  «  RoMBOLDUs  DE  Beriair,  fïlius  quondam  Romboldi,  et  Katherina  de 
Tlienis,  ejus  uxor,  in  presenlia  contulerunt .  . .  domum  unam  in  Lapidea- 
slrattt,  inlei-  bona  Egidii  de  Netlienis,  ab  una,  el  bona  Anioldi  Corbeels,  ab 
alia  partibus,  extendens  retrorsum  usque  ad  Diliam  ibidem  labentem.  »  Acte 
du  \"  février  1317,  Ue  ch.  ccli. 

(2)  «  RoMBOLDUs  DE  Berlair,  filius  quondam  Romboldi,  piclor  ymaginum,  et 
Katherina  van  Thienen,  ejus  uxor,  commoranles  Lovanii,  in  Lupideaslrala.  k 
Acte  du  14  décembre  1321,  l^e  ch.  éch. 

(3)  a  RoMBOLDUs  DE  Berlair,  pictor  ijmaginum,  in  presenlia,  cmancipavil 
Johannem,  Francisrum,  Uomboldnm,  Gcorr/ium,  Pclrum,  Gregorium,  Adria- 
num,  Elzam  el  Egidium  de  Berlair,  suos  liberos,  à  pane.  »  Acte  du  2  oclo- 
bre  1308,  3e  ch.  éch. 

(4.)  «  Nae  dien  Willem  Hessele,  beelsnydere,  comeii  es  bydcn  Raide  vander 
sladt  tegen  Romboule  van  Berlair,  scildere,  te  kynnen  gevende  hoe  dat  Rom- 
bout van  Berlair  aen  hem  bestaet  hadde  Gielyse  van  Berlair,  zynen  sone,  om 
le  leeren  d'ambacht  van  Bcelsnijdcn,  eenen  tyl  van  vyf  jaren,  daeraf  nu,  tderde 
jair  loepende  was,  op  sckeron  vorwerdcn  en  couditicn  indcr  ccdullcn  vanden 
bcstaden  dair  aff  lusschen  hcni  Romboule  ende  Willem  in  presencien  van 
goeden  mannen  gehanleekent.  »  Acte  du  1 1  mars  1522,  l>-«  cli.  éch 

(5)  «  Romboldus  van  Berlair,  filius  quondam  Romboldi,  cl  Kallirriiia  de 
Thenis,  ejus  uxor.  »  Acte  du  ô  juin  1530,  2«-  ch.  éch. 


—  409  — 

Il  mourut  le  13  novembre  1531  (i).  Quant  à  son  épouse, 
elle  vivait  encore  à  la  date  du  13  mars  1554  {i), 

GoDEFROiD  ou  Gt'ool  DE  CuvPKRE  était  à  la  fois  architecte 
et  peintre  de  figures  (s).  Il  élail  (ils  de  Paul  de  Cuypere  et 
neveu  de  Grégoire  de  Cuypere,  architecte  (4).  En  1500  il 
était  l'un  des  administrateurs  de  la  confrérie  de  Saint- 
Luc  (5),  A  la  date  du  18  octobre  1504,  il  demeurait  rue 
de  Paris  (g);  mais  le  4  juillet  1505,  il  habitait  rue  de  Parc, 
coin  de  la  rue  de  Notre-Dame  des  Frères. 

Un  certain  Jean  Zomers,  fds  de  Gautier,  est  qualifié  de 
peintre  de  figures  dans  un  acte  du  3  janvier  1508  (7),  Nous 
n'avons  pas  trouvé  d'autres  renseignements  sur  lui. 

Jean  Dillen  est  mentionné  comme  peintre,  dans  un  acte 
du  21  août  1504  (s).  Il  est  encore  cité  dans  un  acte  du 
21  janvier  1508,  par  lequel  un  fils  naturel  du  patricien 


(1)  «  Allen,  dat  Kallynen  vanTliienen,\veiluwe  Rombouls  wylenvan  Berlair, 
cum  tutore,  heeft  geconsliliieerl  Jeroemen  en  Franssen  vaii  Berlair,  hueren 
kinderen,  bruederen  Jorys  Nuyts,  pater  der  Cellebruederen,  te  Ludick,  cnz  , 
om  aile  huere  saken.  »  Acte  du  13  nov.  1531,  2»  ch.  éch. 

(2)  «  Cmherina  van  Tuienen,  relicla  Romboloi  quondam  de  BEniAin.  »  Acte 
du  13  mars  1334,  2'-cl].  éch. 

(3)  »  GoDEFRiDus  Cdypere,  lalhomus  el  piclor  ymaginum,  in  vieo  Parcliensi, 
supra  conum  vici  Vlaminckslrale.  »  Acte  du  i  juillet  1303,  3^  eh.  éch.  — 
«  GoERT  DE  Cuypere,  scilderc.  »  Acte  du  10  février  1301,  2e  ch.  éch. 

(4)  «Godefridus  de  Cdypere,  filius  quondam  Pauli,  piclor  ymuginum,  et 
Gregorius  Cuypere,  ejus  aviinculus,  lathomus,  ambo  coramorantes  Lovanii.  » 
Acte  du  28  sept.  1302,  cité  dans  une  pièce  du  19  février  1311,  2c  ch.  éch. 

(6)  Acte  du  2  septembre  1300,  5e  ch.  éch. 

(3)  o  GooRT  de  Cdypere,  schildere,  woenende  in  de  Ledigeslrale.  »  Acte  du 
18  octobre  1304,  3e  ch.  éch. 

(7)  «Johannes  Zomers,  piclor  ymaginum,  filius  quondam  Walteri.  »  i4c/e 
du  Z  janvier  1308,  3^  ch.  éch. 

(8)  «  Jan  Dillen,  scildere,  heeft  geloeft  Heeren  Anlhoenisse  Coeninxloe, 
prieslere,  een  en  vicrtich  sluvers.  »  Adc  du'i\  noûl  1504,  2»  ch,  éch. 


—  470  — 

Jean  Blanckail  réclame  de  lui  une  somme  de  7  florins  du 
Rhin,  pour  livraison  de  tableaux  (i). 

Égide  Thuys,  peintre,  était,  en  1507,  gardien  de  la 
chapelle  de  Nolre-Dame-hors-Ville.  En  1508,  il  accepta 
comme  élève  Pierre  Zeyssemakers,  fils  d'une  veuve.  L'élève 
devait  servir  le  maître  pendant  cinq  années.  Celui-ci  s'o- 
bligeait à  l'instruire  et  à  le  nourrir  gratuitement;  mais  si 
Pierre  abandonnait  son  atelier  avant  l'expiration  du  terme 
stipulé  dans  le  contrat,  l'artiste  avait  droit  à  une  rénuméra- 
lion  à  dire  d'experts  (a).  Il  semble  qu'il  eut  une  femme  d'un 
caractère  violent.  En  1507,  elle  fui  incarcérée  pour  avoir 
blessé,  au  moyen  d'une  pierre,  Henri  Steeckmans,  suppôt 
de  l'Université  (5). 

GoDEFROiD  Henrion  était  un  peintre  louvaniste  qui  tra- 
vaillait à  la  même  époque.  En  1510,  il  demeurait  momen- 


(1)  «  Tiisschen  Janne  Blanckart,  naluerlyck,  die  eysschende  was  Janne 
DiLLEN,  scitildere,  ter  saken  van  waren  van  scliilderien,  die  liy  tegen  hem  ge- 
eoclit  hadile,  de  somme  van  zevcn  rinsgulden,  die  de  selve  Jan  Dillen  liera 
bekende  scliuldich  te  wesen,  es  getermineert  dal  hy  hem  die  sal  betalen  half 
te  Liciilemisse  en  half  te  Paessclien.  »  Acte  du  21  Janvier  1508,  2e  eh.  éch. 

(2j  «  Item,  GiELis  Tuuvs,  Scitildere,  woeneiide  in  de  Capelle  van  onscr  liever 
Vrouwen  Ghinderbuyten,  heeft  aengenomen  Pelerken.  zone  der  weduwen 
Zeyssemakers,  eenen  termynvan  vylTjaren,  beginnende  teKersmesse  leslleden, 
om  hem  te  leeren  de  consle  van  scitderen;  dies  moel  Ghielis  vorsc.  hem  den 
cost  geven  tamelyck  soe  dat  behoirt,  cnde  oft  gebuerde  dat  de  voirsc.  Peler- 
ken hem  onigink  voir  d'uytganek  vanden  voirsc.  termyne  oft  dat  hy  hem  oick 
eenigiie  onrecht  dede,  genoech  blyckende,  soe  hebben  de  moeder  des  vorsc. 
Peterkens,  ende  met  haer  Everart  Leysens  en  Lyebrecht  van  Dyon,  gcloeft 
indivisum,  den  voirsc.  Gielyse  daeraffte  voldoen,  ten  seggen  van  den  ghenen 
hen  des  verstaende,  nae  gelegentheyd  vander  saken,  etc.  »  Acte  du  17  août 
1508,  Ire  ch.  éch. 

(3}  «  Item,  belaelt  Willeme  van  Assche,  luetenant  's  Meyers  van  Loven, 
van  te  hebben  gedaeri  diligcntie,  omme  in  hachten  ende  gevangen  te  cryghen 
de  huysvrousve  van  Gielys  de  Sciiildere,  woonende  in  de  Cappclie  van  Onscr 
liever  Vrouwen  gkinder  bmjten,  die  met  eenen  sieene  geworpen  en  gequetst 
hadde  llenriciim  Steeckmans,  supposl  dcr  Universiteyt  11  martii  1507.  « 
Compte  de  lu  ville,  f"  ô-iO  V. 


471   — 


tanémenl  à  Parc  (i).  Il  est  probable  qu'il  exécuta  alors  des 
peintures  à  l'abbaye  qui  existe  dans  cette  localité. 

Nous  avons  recueilli  des  renseignements  sur  un  peintre 
de  cette  époque,  qui  appartenait  à  l'une  des  familles  les 
plus  opulentes  des  lignages  de  Louvain.  Il  portait  le  nom  de 
Jean  van  den  Berghe  et  était  fils  de  Mariin  van  den  Berghe 
et  d'Elisabeth  van  Hoboken  {2).  L'artiste  avait  trois  frères, 
Gautier,  Josse  et  Gaspard.  Ses  parents  se  trouvaient  dans 
une  position  aisée.  Son  père  avait  bérité  de  dame  Jeanne 
van  Grave,  première  femme  de  Libert,  sire  de  Melderl  (3). 
Martin  van  den  Bergbe  vivait  encore  le  25  mars  1494;  mais 
il  mourut  quelque  temps  après,  car  sa  veuve  épousa  en 
secondes  noces,  avant  le  6  juillet  1490,  Jeaii  van  Wesen- 
hagen,  dont  elle  eut  des  enfants  (4). 


(1)  «  GoiRDT  Henriok,  Scliildcre,  nu  1er  lyl  woencnde  te  Percke.  »  Acte  clic 
l'2juin  1510,  Ir^  ch.  écli. 

(2)  «  Ja>ne  van  DEM  Berche,  sone  wylen  Merlcns,  Scliildere.  »  Acte  dit 
27  juin  1498,  2e  ch.  éch.  —  «  Johannes  vaîi  den  Beugue,  picior,  filius  quondam 
Martini,  comniorans  Lovanii.  »  Acte  du  12  février  1518,  i""ecli.  éch. 

(3)  «...  vanden  goeden  die  Merten  w)len  van  den  Berghe,  hueren  vader, 
in  deyliijgen  vielen  legen  d'andere  niede  erfgcnamen,  wylen  jouflVouwe 
Jannen  van  Graven,  yerstemedegeselline  wylen  Lyebrcchts,  heere  loi  Melderl.  » 
Acle  du  6  juillet  1496,  2«  ch.  éch. 

(4)  «  JoufTrouweLïsntTU  Hoeboken,  weduwe  Mertens  wylen  van  den  Berghe, 
nu  h uysvrouwe /ans  uan  Wesenhagen,  met  consente,  wille  en  oversiane  des- 
selfs Jans,  huers  mans,  Jan  en  Wocier  van  den  Berghe,  hueren  kinderen,  die 
zy  behouden  heeft  vanden  vorsc.  wylen  Merten,  hueren  yersten  man,  met 
consente  der  selver  moeder  en  huers  mans  en  met  consente  Goirts  vanden 
Berghe,  Peeters  sone,  maechs  der  selver  kinderen,  van  huers  vadcrs  wegen, 
hebben  gekint  en  gelyt  dal  hen  jouÉfrouwe  Katlyne  tan  den  Berghe,  weduwe 
Lodewycx  wylen  van  Schore,  en  heer  Jan  Peyders,  priestere,  huere  neve,  vol- 
coraelyck  gelost  en  afgekweten  hebben  vyf  rynsgulden  .  . .  die  de  voersc.  we- 
duwe en  hueren  kinderen  hebben  en  nae  de  doot  Wouters  wylen  vanden 
Berghe,  huers  ooms,  aencomen  ende  verslorven  syn,  aen  ende  op  diverse 
goeden  en  onderpanden  bynncn  Loeven,  te  Rou.vmiroir  en  elswair. . .  en  voirts 
hier  in  te  vervangen,  ende  in  dien  te  hebben/oese  en  Jasperen  van  den  Berghe, 
oie  kinderen  der  voirse.  wylen  Merlcns  en  jouITrouw  Lysbell),  ondcr  hueren 
dagen  zynde,  elc.  »  Avlc  du  6  juillet  1490,  S*"  cli.  cch.  —  «  De  kinderen  der 


—  472  — 

Jean  van  den  Berghe,  qui  élait  propriétaire  d'une  de- 
meure avec  jardin,  situés  rue  de  Bruxelles  ou  Bicststrale  (i), 
est  qualifié  de  peintre  dans  un  acte  du  27  juin  1498. 
Dans  un  acte  du  1o  novembre  1531,  il  est  désigné  comme 
peintre  de  figures  (2).  En  1529,  il  remplissait  les  fonc- 
tions de  maître  de  la  confrérie  de  Saint-Luc  (0).  L'artiste 
avait  épousé  Pétronille  Mommaerts  ,  dont  il  eut  cinq 
enfants. 

Le  temps,  ainsi  que  nous  allons  le  voir,  nous  a  épargné 
quelques  productions  de  Jean  van  den  Berghe. 

Louvain  comptait  alors  parmi  ses  artistes  un  sculpteur 
tout-à-fait  distingué.  Il  portail  le  nom  de  Guillaume  Hessels 
et  élait  fils  de  Gisbert  Ilessels,  maître  es  arts,  chirurgien 
en  titre  de  la  ville.  Sa  sœur  Marie  avait  épousé,  avant  le 
23  décembre  1490,  le  menuisier  .Jean  Petercels  (4),  et  son 
frère  était  chirurgien  juré  de  la  ville  d'Anvers  (s).  L'artiste 
avait  épousé  Marthe  's  Conlncx,  dont  il  eut  trois  fils,  Martin, 
Jean  et  Augustin.  Guillaume  Ilessels,  qui  demeurait  rue 


voirsc.  Jans  van  Wesenliagen,  die  liy  nu  heeft  of  namaels  vercrigen  sal  moegen 
vander  voirsc.  jouffrouwe  Lysdetten  IIoboken  ...»  Acte  du  6  juillet  1496, 
Ire  ch.  éch. 

(1)  «  Een  huys,  mettcn  liove  ende  andere  zynen  toebehoirten,  gelegen  in 
de  Bieslslrale,  tusschen  de  goede  Jans  de  Moldere,  ter  eenre,  en  de  goeden 
der  weduwe  Gielis  van  Giieele,  1er  andere  zyden.  »  Acle  du  29  mai  1532, 
Ire  ch.  éch.,  à  la  fin  du  volume. 

(2)  «  JoHiKMES  VAN  DEN  Berche,  fiiius  quoudam  Martini,  piclor  ymaginum.  » 
Acle  du  l."}  nov.  loôl,  3e  ch.  éch. 

(3)  Acle  du  20  nov.  1529,  2»  ch.  éch. 

(4)  «  Domus  cum  coquinia,  caméra  bassa  et  suis  pertinentiis,  nuncupata 
Creeft  sita  juxla  Sccpslralam,  inler  vicum  dictum  de  Juedeslrate,  ab  una,  et 
domum  liberorum  Pétri  quondam  de  Bexhem,  ab  alia  partibus..  Exposito, 
imposito  JoHANNES  Petercels,  scrinifcx,  et  Maria  Hessels,  cjus  uxor.  »  Acle 
du  23  déc.  1490,  2c  ch.  écli.  —  «  Johannes  Peetercels,  fiiius  quondam  Gode- 
fridi,  scrinifcx,  Maria  Ilessels,  cjus  uxor,  et  Magisler  Ghiselberlus  Hessels, 
artium  magisler.  »  Acle  du  7  juin  1491,  2e  ch.  éch. 

(5)  MoLANi's,  Hist.  Lov.,  t,  2,  p   723. 


—  473  — 


des  Écrenicrs,  mourul  jeune.  11  était  décédé  à  la  date  du 
20  novembre  1 531 .  Les  tuteurs  de  ses  enfants  furent  Pierre 
de  Voclit,  artiste  peintre,  Vincent  de  Costre,  Pierre  van 
Sinte-Marienberglie  et  Etienne  de  Coninck  (i).  Sa  veuve 
épousa  en  secondes  noces,  avant  le  3  octobre  1533,  Jérôme 
van  Raveschot,  de  Louvain  (a).  Son  fils  Jean  Hessels,  après 
avoir  été  proclamé  premier  au  concours  annuel  de  la  faculté 
des  arts,  en  1540,  embrassa  l'étal  ecclésiastique  et  enseigna 
pendant  huit  ans  la  théologie  à  Tabbaye  de  Parc.  Proclamé 
docteur  en  théologie,  en  1556,  l'Université  l'envoya  en  qua- 
lité de  député  au  concile  de  Trente,  où  il  se  fil  remarquer  par 
sa  vaste  érudition.  Ce  savant,  qui  laissa  des"  travaux  remar- 
quables, mourul  à  l'âge  de  quarante-quatre  ans,  en  1561, 


(1;  «  Item,  Petrus  de  Vocht,  piclor  ymaginum,  commoraiis  Lovanii,  Vin- 
centius  de  Costere,  Petrus  van  Sinle  Maiicnberghe,  ncc  non  Stephanus  de 
Coninck,  omnes  très  tamquam  tulores  et  nioniburni  Martini  Jobannis  et  Accus- 
TiNi  Hessels,  filiorum  quondara  Willelmi,  qiios  procreavit  ex  corpore  Marthe 
's  Conincx,  ejus  diim  vixit  uxore,  per  consilium  Liijus  oppidi  Lovaniensis,  uti 
asserunt  deputati,  in  presentia,  contulerunt  et  se  contulisse  recognoverunl 
predictus  Pelrus  de  Voecht,  nominc  et  aulorilale  procuralionis  et  speciali 
mandati  irrevocabilis  sibi  per  magislruni  MART1^UM  Hessels,  cirurgum  jura- 
tum  oppidi  Antiverpiensis,  fratrein  predicti  quondani  Wilklmi. . .  dati  a»  1531  , 
octobris  26,  ex  parle  predicti  magisiri  Martini  et  predictos  tulores  et  niom- 
burni  nomine  et  ex  parle  prediclorum  liberorum  .  . .  Gregorio  Crabbe,  vinca- 
tori,  et  Katherine  vander  Heyden,  ejus  uxori,  unam  peliam  vinee  conlinenleiii 
18  virgas,  sitam  extra  Portam  Bruxcllense,  ad  locuni  dictum  Bultcslaglic, 
inter  bona  .lacobi  van  den  Calsleren,  ab  una,  et  bona  monasierii  de  Parco 
dominarum  ab  altéra  parlibus,  etc.  »  Acte  du  20  nov.  1331,  5e  eh.  écb. 

(2)  «  Nae  dien  Martha  's  Coenincx,  voerlyden  weduwe  Willems  wylen  Hes- 
sels, metJerocni  van  Ravescliot,  nu  1er  tyl  man  endc  niomboir,  ende  met  lieni 
Sleven  de  Coninck,  als  niomboir  voerlyden  geordoniieert  vander  welliglien 
kinderen  der  voirsc.  Marthen,  die  zy  van  des  voirse.  wylen  Willem  Hessels, 
beliouden  liadde. . .  te  kynnen  gaven  lioe  zy  vocr  den  raide  deser  stadt  te 
recble  belrokkcn  liadde  der  weduwen  M.  Gysbrechts  wylen  Hessels,  dervoirs. 
kinderen  (7»-oo/»ioerfc»c,  ter  zaken'van  den  parle  ende  partie  der  voirsc.  kin- 
deren compelerende  inde  vliegende  erve  by  den  vorsc.  wylen  Meesicr  Gys- 
brechteachtergelaten  .  . .  d"anderemomboirs  als  Vincent  de  Costere  en  Peetcre 
van  Sinte-Marienberglie,  wczende  d'een  de  zwagere  en  d'andere  de  bruedere 
der  voirsc.  weduwen..  .  •  Acle  du  3   octobre  (."iSo,  ôecli.  éth. 


—  Ali  — 

el  fui  cnlerré  à  réglise  de  Saint-Pierre,  devant  la  chapelle 
du  Saint-Sacrement  (i). 

Guillaume  IIessels  taillait  le  chêne  avec  une  habileté 
parfaite.  Il  exécuta  un  magnifique  rélahle  d'autel  pour  la 
chapelle  que  le  Serment  des  arquebusiers  deSaint-Christophe 
avait  jadis  à  l'église  de  Saint-Pierre,  à  Louvain.  C'était  un 
travail  en  chêne,  orné  de  bas-reliefs  et  de  volets  portant  des 
peintures.  De  chaque  côté  du  retable  se  trouvait  une  statue 
d'une  élévation  de  5  pieds.  Ces  statues  représentaient  saint 
Jérôme  et  saint  Guidon.  L'artiste  livra  ce  rétable  à  raison 
de  50  1/2  florins  du  Rhin  (a).  Il  exécuta,  en  outre,  pour 

(1)  Val.  Andréas,  Fasli  acadonici,  p.  1  14. 

(2)  «  Item,  Willem  Hessels,  sone  meester  Ghyshrechls  Hcssels,  in  presentia, 
lieeft  genomen  en  bekinl  genomen  le  hebben  v.in  Jaune  Ynylen  Hove,  geheelen 
Zcdetere,  in  den  name  en  van  wegcn  en  als  ileken  van  der  Gulden  der  Coleu- 
veiiers,  bynnen  deser  stadt,  te  maken,  op  den  oulair  der  voirse.  Coleuveriers, 
slaende  in  de  kercke  van  S'<=  Peelers,  te  Loven,  een  Taferneel,  mellen  voetc, 
Iwee  doercn  mellen  creslcn,  reprysen  en  twee  beelden,  le  weten  :  d'een  van 
S'^  Jeronhnus  en  d'anderc  van  S^"  Wijdcn,  boven  'Iselve  Taferneel;  nae  in- 
lioudt  en  vuytwysens  despalroens,  byden  voirs.  Janne  Vuyten  Hove  den  voirse. 
Wlllemme  gelevert,  en  gelekent  mellerhand  van  liem  Willeme  en  Janne  voirs., 
soe  de  voirse.  partyeu  bekenden,  opde  conditien  en  voirwcrdcn  naebescreven, 
te  welen  :  dal  de  voirs.  Willem  geliouden  sal  zyn  'tvoirs.  Taferneel  te  maken 
van  droogen  scrynhoute,  inder  hooghden  van  acht  voeten,  en  den  voet,  onder 
bel  Taferneel,  onderhalven  voet  breet  den  selvcn  voet  innctrecken,  nae  't  con- 
cept van  den  wercke,  en  de  lysten  van  den  selven  Taferneel  drie  duymen  dicke 
en  eenen  lialven  voet  breet,  en  Iselve  taferneel  le  maken  inder  breydden  van 
zcsse  voeleii,  en  de  doeren  van  den  selven  taferneele,  vervolgende  opde  selve 
dicte,  breydde,  langlide  en  Iiooghde  van  den  selven  Taferneele  en  voirts  liet 
rugglieberl  van  den  selven  Taferneele  le  maken  eenen  duym  dicke;  cnde  dit  al 
van  drooglien  scrynlioule,  ende  de  voirse.  creslcn  en  reprysen,  en  beyde  de 
beelden  voirs.  van  goeden  eycken  lioute,  nyet  ryschellich,  speck  oft  vouw,  en 
deselve  creslcn  maken  onverscbielcnde  aen  elcke  zyde  eenen  balven  voet,  en 
elcke  van  den  voirs.  beelden  le  maken  inder  langbden  van  vyf  voelen,  ende 
dat  de  voirs.  Willem  't  voirs.  werck  geliouden  sal  wesen  wel  en  wcrckclyck  le 
maken  en  te  wereken  soe  't  beboirl  en  't  selve  werck  vol  gelevert  en  geslelt  le 
hebben  S'e  ChristoiTeisdach,  naistcomcnde,  op  de  pêne  van  eenen  Angelot, 
behalven  dal  de  voirs.  Willem  eglieensinls  geliouden  en  sal  wesen  inl  yser- 
werck  ofl  lool  dwclck  behoerende  sal  wesen  in  't  slellen  van  den  voirs.  wercke, 


—  475  — 

noire  collégiale  le  retable  de  raiitcl  de  Saiiite-\\  igeloile, 
cil  flamand  Shile  Omcommere.  ainsi  que  nous  l'apprend 
Molanus  (i).  Par  malheur,  ces  deux  œuvres  d'clile  onl 
disparu. 

En  1524,  on  confia  à  Hessels  rexécution  d'un  réiable 
d'autel  desliné  à  l'église  de  l'abbaye  de  Maagdendalc,  à 
Opiinler,  à  une  lieue  de  Tirlemonl.  Ce  travail  devait  ren- 
fermer, dans  une  arcade  en  chêne,  quatre  grands  sujets  en 
haut-relief:  \°  la  Naissance  du  Sauveur,  2°  le  Portement 
de  la  Croix,  5°  le  Calvaire  et  4°  la  Descente  de  Croix.  Il 
devait  contenir,  en  outre,  huit  groupes  de  moindre  dimen- 
sion, et  les  montants  devaient  être  ornés  de  quinze  sujets 


mair  dat  't  selve  yserwerck,  de  voirs,  Jan  golioudcn  sal  wesen  den  voirsc. 
Willeme  te  leveren,  en  'Isclve  yserwerck  in  den  muer  lolîelyck  te  docn 
hecliten,  lyts  genoech  soe  dal  hy  Willem  dair  Ly  aen  zyn  werck  nyel  belet  en 
wordde;  ende  dil  om  en  voer  de  somme  van  derlicli  ende  eenen  halveii  ryns- 
gulden,  te  xx  st.  'Isliick,  wair  af  de  voirsc.  Willem  bckendc  de  lliien  rins- 
gulden  gereet  van  de  voirs.  Janne  Zedeleere  ontfangen  le  liebben,  ent  surplus 
sal  devoirs.  Jan  Vuyicn  Ilove  gehouden  wesen  den  voirs.  Willeme  vol  te  be- 
talen  't  voirs.  werck  geslelt  wesende;  met  conditien  soe  verre  tvoirs.  werck 
ten  lyde  voirs.,  by  gebreke  der  voirs.  Willems,  nyet  gestelt  en  ware,  dat,  in 
dien  gcvalle,  de  voirs.  Jan  Zedelere  den  voirs.  Willeme  aen  de  voirs.  somme 
en  surplus,  alnoch  onbetaelt  vuytslaende,  sal  raocgen  corlen  eenen  gouden 
Angelot  en  soe  verre  oick  de  voirs.  Jan  Vuyten  Hove  in  gebreke  ware  van 
belalen,  oft  hem  Willeme  'l  voirs.  yserwerck  metten  loole  in  tyls  le  leveren 
en  Iselve  yserwerck  tyls  genoech  in  den  muer,  dair't  voirsc.  werck  slaen  sal, 
te  hecliten,  dat  in  dien  gevalle,  de  voirs  Jan  Zedelere  den  voirs.  Willeme, 
boven  de  voirsc.  somme,  gehouden  sal  wesen,  te  geven  eenen  Angelot;  ende 
es  oick  tussclien  de  voirs.  parlyen  bevoirwert  dal,  in  soe  verre  de  voirs 
beelden,  by  den  voirs.  Willeme  gelevert  wesende,  splcten  gecregen,  dat  de 
voirsc.  Willeme  die  gehouden  sal  wesen,  wederomme  'l  synen  cosie  le  slop- 
pen;  ende  aile  dese  condilien  geloven  Adriaen  vander  RoosI,  conncsiable, 
Bernaerdt  Clacs,  de  Scheymakere,  en  Jacop  van  Zassen,  scliullers  van  der 
voirs.  Gulden,  den  voirs.  Janne  Zedelere  te  lalen  volgen,  aile  Ighene  des 
S'e  Chrisloffels  oulaer  voirsc.  toebehoirt  en  dal  lolter  lyl  loe  'l  voirs.  werck 
betaell  sal  wesen.  Coram  Duffele.  .Mcys,  januarii  \.  «  Acte  du  10  jauvicr 
1524.(23),  2e  ch.  éch. 

(1)  "  Willelmus  llcssels,  ejus  paler  (Joli.  Hessels)  ïncidit  allare  Sanclœ  Wil- 
gcll'optis  sive  Oaicommerœ,  quod  est  in  navi  pcclosi»  S.  Pelri.  ■>  .MoL.i.Nrs, 
t    II,  p.  72j. 


—  476   — 

accessoires.  Hessels  termina  ce  travail  en  152o.  Lorsque 
le  rétable  fut  achevé,  il  fallait  un  artiste  capable  de  l'enlu- 
miner. Jean  van  den  Berghe  était  cousin  subgermain  d'Éli- 
sabelh  van  den  Derghe,  abbesse  de  Maagdendale,  et  l'une 
de  ses  fliles  y  avait  pris  le  voile  (i).  C'est  à  lui  qu'on 
s'adressa  pour  polychromer  l'œuvre  du  sculpteur  louva- 
niste  et,  par  bonheur,  il  était  à  la  hauteur  de  cette  mis- 
sion. Le  10  septembre  1525,  Henri  vander  Beken,  prêtre, 
trésorier  de  l'abbaye,  conclut,  devant  les  échevins  de  Lou- 
vain,  avec  Jean  van  den  Berghe  un  marché  pour  enluminer 
le  retable.  Selon  le  contrat,  les  physionomies  des  person- 
nages devaient  être  en  couleurs  naturelles,  les  vêtements 
en  or  bruni  et  les  revers  en  azur  ou  en  autre  couleur  fine. 
Les  parties  qu'il  était  difficile  de  brunir,  pouvaient  rester  en 
or  mat.  Les  ornements  et  accessoires  devaient  également 
être  enluminés  en  or.  L'or  à  employer  à  ce  travail  devait 
être  de  première  qualité.  Quant  aux  volets,  ils  devaient 
être  préparés  pour  recevoir  des  peintures.  Jean  van  den 
Berghe  s'engagea  à  livrer  le  rétable  à  la  Saint-Jean  1526, 
moyennant  une  somme  de  120  florins  du  Rhin.  I^e  jour  de 
la  réception  de  l'acte,  Henri  vander  Beken  lui  donna  un 
à-compte  de  21  florins  du  Rhin.  Nous  publions  en  note  le 
texte  de  ce  contrat.  Il  prouve  les  grandes  précautions  que 
prenaient  nos  pères  lorsqu'il  s'agissait  d'une  œuvre  desti- 
née à  passer  à  la  postérité  (2). 


(1)  Elle  fat  nommée,  en  1322,  à  la  mort  de  Jeanne  van  Baussele,  et  tré- 
passa en  1359.  —  Le  coloriste  comptait  deux  cousines  à  Maegdendale  : 
«  Domicelle  Kathertna  et  Machtildis  van  des  Berghe,  sorores,  filii  Pelri  vaii 
den  Berghe,  moniales  Monaslerii  Vallis  Virginum  d"0plynlere.  »  Acte  du 
11  mars  1473,  Ire  ch.  éeh.  Ces  religieuses  étaient  filles  de  Pierre  van  den 
Berghe  et  de  Warie  vander  Brugghen.  Voy.  Généalogie  imprimée  de  la  famille 
van  don  Berghe.  Voir  aussi  acte  du  29  t?iai  1332,   Ire  ch.  éch. 

(2)  M  Condt  zy  allen  liedcn  dat  Jan  van  den  Beiighe;  scildere,  in  prcsenlien 
lieeft  aengenomen  ende  verdinct  tegen  heeren  Henricx  vander  Beken,  pries- 
tere,  rinlmeeslere  des  Godsliuys  van  Meeghdendale,  by  Opiyntherc,  le  sloflfe- 
ren  een  Oulaer  Tafet,  sluende  int  voirsc.  Godshuys,  en  die  volmaicl  (e  zyne 


—  477  — 

Une  étoile  heureuse  a  plané  sur  l'œuvre  qui  nous  occupe. 
Lors  de  la  suppression  de  l'abbaye  de  Maagdendale,  en  1 783, 

SinlJansmesse  naistcomende  of  onbegrepen  le  Loevcnkerinesse  naislvolgenile, 
om  en  voer...  »  Commencement  d'un  projet  de  conlracl  inscrit  au  17  amit 
1525,  Ire  ch.  écli. 

«  Hem,  Jan  van  den  Bergue,  scildcrc,  iii  prescntia,  lieefl  aengcnomen  eu 
verdinct  tegen  hecren  Hcnricx  vander  Bckeii,  priestere,  procureur  van 
't  Godshuys  van  Meeghdendale,  by  Oplynlhere,  le  stofl'eren  een  Tafel,  breel 
zynde  elf  voeten  en  negen  voeten  hoege  oft  dair  omlrint,  slaende  in't  voirsc. 
Godsliuys,  omme  en  voere  de  somme  van  hondert  en  twinlich  rinsguldcn,  le 
20  sluvers  "tstuck,  en  die  le  leveren  en  volmaict  le  zync  Sinl  Jansmisse  naist- 
comende, oft  onbegrepen  te  Loevenkermesse  daer  nae  volgende,  op  condi- 
cien  en  voirwcrden  nae  volgende,  te  welen  :  eerst  dat  de  voirsc.  Jan  sculdicli 
sa]  zyn  de  vier  principael  poenlen  le  welen,  dair  0ns  lief  Heere  het  cruys 
draegh,  \  andere  in  de  middel  dair  Hy  aen  'î  Cruys  hanghl,  V  derde  dair  men 
Ilern  vanden  Cruyse  doet,  'tvierde  dair  ans  Heeren  gehoren  wordt. . .  item, 
vier  andere  poenlen  die  onder  inde  voet  vander  lafelen  slaen.. .  » 

«  Van  den  verdingcn  vander  scliilderien  van  eender  lafele,  by  Janne  van  den 
Berghe  aengenoiuen  tegen  den  procureur  's  Godshuys  van  Oplynlhere.  » 
Projet  de  contrat  inscrit  au  2  septembre  id. 

n  Opter  vueghen,  manière  ende  conditien  navolgende  sal  men 
scilderen  eener  Tafelen,  ghesneden  ende  gemaeckt  by  mecsler 
Willem  Hessels,  in  die  Schrynsirule,  broet  synde  xj  voeten  oft 
daer  omirent,  en  ix  voeten  liooghe  ofl  dair  ontrent. 

»  Item,  Jan  van  den  Bekche,  sone  wylen  Mertens,  Schildere,  heeft  aengc- 
nomen te  scilderen,  eene  Tafcle,  by  Willem  Hessele  bereel  zynde,  van  heeren 
Henricken  vander  Beken,  priestere,  procureur  des  Goidshuysen  van  .Mcecli- 
deudale,  by  Oplynlhere,  die  aen  hem  Janne  verdinct  heeft,  inden  name 
voirsc,  de  selve  te  scilderen,  op  de  manieren,  conditien,  vorwerden  nae- 
bescreven  ; 

»  Inden  iersten,  dat  de  voirsc.  Jan  dair  in  sculdich  sal  zyn  iiij  principael 
poenlen,  dats  te  wetene  :  daer  0ns  Heere  nyn  Cruys  draechl,  d'andere  en 
middel  poent  daer  0ns  Heere  aenden  Cruyse  hanct,  derde  daer  men  Hem  van- 
den Cruysche  doet,  dat  vierde  daer  0ns  Heere  geboren  iverdl. 

»  Item,  noch  iiij  poinlen  die  soe  groot  niet  en  syn,  die  onder  in  die  voet 
vander  tafelen  staen. 

»  Item,  noch  synder  iiij  cleynen  parcke,  die  welcke  staen  in  die  melselrye. 

»  Item,  noch  synder  xv  parcskens,  met  haren  labernakele  daer  toc  die- 
nende,  ronls  ora  die  crosen. 

»  Item,  noch  es  daer  een  creste  met  loveren  ronls  omme  den  baick  en 
voerls  aire  melselrye,  van  crose  tôt  crose,  gelyck  een  yegiielyck  dat  besien 
mach. 

1)  Item,  yersten  dcse  voirsc.  acht  poinlen,  die  suUcn  behooreu  le  syuc  gc- 


—  4T8   — 


il  fut  Iraiisporté  à  l'église  paroissiale  de  Sainte-Geneviève 
d'Opiinler.  Placé  dans  la  chapelle  latérale  à  gauche  du 


sloffeert  van  fynen  gebruyneerden  goude,  rechien  ende  oick  averechten,  die 
rechten  lysiercn  en  die  avereclilen  aflialen  van  soender  asuren  oft  andei- 
schoen  verwe  daer  toe  dienende,  naer  den  eysch  op  dat  goût. 

»  Ilem,  die  sommcge  onderrocken  en  manlels  van  fynen  gebruyneerden 
goude  daer  guiden  laken  melter  liant,  mel  olie  verwen,  daei-  opgelrocken, 
elck  naer  syn  werck  eysschende. 

»  Ilem,  aile  brisiele,  bel  sy  schoen,  cousen,  mutsen,  die  't  eyschende  syn, 
die  sal  men  gelalseren  met  fynen  lacken  op  ghebruyneert  goudl. 

»  Ilem,  die  paniseren  sal  men  maken  die  borden  goul  en  d'ander  silver. 

»  Ilem,  die  yngbclen  dwalen  oft  d'oexkens  sullen  syn  al  van  fynen  goude 
ende  afgehacll  mel  diversche  eoloren,  dat  daer  wit  blyvcn  sal,  dat  moet  syn 
Veneets  wit  afgebaell  op  't  goût. 

»  Item,  ende  al  dat  niel  mogelyc  en  es  le  bruynen,  van  fynen  goude,  dat 
sal  men  maken  van  fynen  malien  goude. 

»  Ilem,  aile  liaren,  diet  eysscbcnde  syn,  van  fynen  goutle  en  anderc  co- 
lueren. 

»  Item,  aile  nacckten  gestoffecrl  soe  sy  behoeren,  wcrekelyc. 

»  Ilem,  aile  andere  eleyne  poenlen  stacnde  in  die  metselrye,  oick  geslof- 
feert  in  aider  manieren  gbelyck  die  groote. 

»  liera,  aile  die  metselrye  fyn  goul,  ende  die  cleyn  croeskens  fyii  azuere. 

«  Ilem,  aile  die  eerlrycke  fyn  goul  en  daer  op  gclaxeerl  mel  groene,  dat 
niel  en  vcrsterft. 

M  Item,  die  lyste  ronlomme  metlen  croese  en  bolseelen  tabernakelkens  en 
capeleelen,  in  die  croesen  liangende,  sullen  wesen  al  fyn  goût,  ende  die 
pontkens  dair  inné  slaende,  gesloffeert  als  vore  gelyc  die  groote  pointen. 

»  Item,  den  platlen  cant  van  den  lysten  buylen  sal  wcsen  swart  van  colore. 

»  Item,  die  locvereu  buylen  der  lafele  stacnde  sullen  oick  weseu  fyn  goul. 

»  Item,  allen  die  verwe,  die  in  dit  werck  verwracht  sullen  weerden,  sullen 
nioeten  goel  en  fyn  syn,  als  dat  sy  niel  en  verslerven,  weel  gewreven  en 
reynlyck  geleet,  soe  dal  behoiri,  en  al  werckelyck. 

»  Ilem,  in  dit  werck  en  mach  gheen  parlyl  goul  in  gewrocht  werden,  allyt 
lot  mecslers  pryse,  sonder  fraude  en  argelist. 

»  Ilem,  die  doren  sullen  nioelcn  gheplaesleerl  syn  om  daer  op  bovcn  le 
schilderen  en  die  canlen  ronsomme  vergull,  mel  fynen  goude,  binnen  en 
buylen. 

■>  Item,  onder  den  voel  vander  tafelen  moet  syn  merbel. 

»  Dus  sal  de  voirse.  heer  Ilcnric  vander  Bckeu,  procureur  voirsc  ,  scul- 
dich  zyn  den  voirsc.  Janne,  voer  'tvoldoen  van  desen  geven  bondert  twinlieh 
rinschgulden,  de  hclliclit  te  Paessclien  naisicomende,  en  't  surplus  als  de 
vorsc.  Jan  H  voirsc.  werck  volmaicl  en  gclevert  sal  hcbben,  dwelck  by  Jan 
sculdicb  sal  syn  te  lovcreu  volmaecl  tussclien  dil  en  Sint  Jansmisse  naest- 


—  479  — 

maitre-aulel,  il  y  traversa  inaperçu  la  lourmente  révolu- 
lioimaire  qui  marqua  la  fin  du  siècle  dernier,  el  arriva 
jusqu'à  nous  dans  un  élat  relalivement  satisfaisant. 

Le  retable  d'Opiinler  se  compose  d'une  arcade  trilobée, 
divisée  en  trois  compartiments.  Ces  compartiments  renfer- 
ment, sur  trois  rangs  superposés,  les  groupes  en  baut-relief 
suivants  :  premier  rang  au  bas  :  1"  hNaissaiice  du  Seigneur, 
2°  la  Circoncision,  ù°  VAdoration;  deuxième  rang  :  4°  le 
Couronnement  d'épines,  5"  VEcce  liomo,  G"  Pilate  renvoie 
le  Chrisl;  troisième  rang  :  7°  le  Portement  de  la  Croix, 
8"  le  Calvaire  (en  deux  groupes  superposés),  9°  la  Descente 
de  Croix.  Le  rétable  a  subi  des  modifications  graves.  On 
y  a  introduit,  à  la  fin  du  XVP  siècle,  une  cornicbe  en  style 
de  la  Renaissance.  C'est  à  la  même  époque  qu'on  y  a  placé 
quatre  petits  volets,  ornés  de  peintures  médiocres,  qui 
couvrent  les  groupes  du  bas.  Ces  peintures  furent  exécutées 
sur  le  revers  des  tableaux,  qu'on  a  lacérés  à  cette  fin  et  dont 
les  parties  qui  restent  font  vivement  regretter  cet  acte  de 
vandalisme.  Les  volets  proprement  dits  du  rétable  plient  en 
deux  et  ofTrentdes  peintures  que  nous  allons  faire  connaître. 
Le  volet  à  gaucbe  du  spectateur  porte,  à  l'intérieur  : 
1»  V Entrée  du  Christ  à  Jérusalem,  2"  Judas  et  le  rjrand- 
prètre,  3"  le  Jardin  des  Olives,  4"  Pilate  se  lavant  les  mains; 
à  l'extérieur  :  5"  Lazare  ressuscité,  G°  la  Multiplication  des 


comemle  oft  onbegrepcn  te  Loeven  kermesse,  a»  xv<:  xxvj  naisteomende,  en 
aile  dese  vorwenlcn  en  condllieii  voerscreven  hebbeii  de  volrsc.  pcriien  mal- 
candei-en  gelodt  le  voldoen.  Corain  Doxhorcn,  Hermeys  seplembris  x.  « 
1323,  Ire  cli.  éch. 

En  marge  se  liouve  :  «  Jan  van  den  Berglie  heeft  op  dese  commerscap  van 
IFeeien  lleniicke  vander  Beken  bekent  onlfangen  le  licbben  de  somme  van 
xxj  rynsgulden,  seplembris  x  a»  xv  xxv.  » 

Les  conditions  stipulées  dans  ce  contrai  sont  de  Ja  main  d'une  personne 
élrangère  à  l'adminislration  communale;  le  premier  article  cl  la  lin  sonl  de 
la  main  de  l'un  des  greffiers  de  l'échevinage.  la  pièce  a  souffert  dans  sa 
|)arlic  supérieure. 


-  480  — 

pains.  Le  volet  gauclie  porte  à  l'intérieur  :  1°  La  Descente 
de  Croix,  2°  VIncrèdulilé  de  saint  Thomas,  o"  Vlnhiuna- 
tion,  4."  la  Résurrection;  à  rextérieur  :  o°  les  Douze  cor- 
beilles des  restes  de  pain,  G°  la  Piscine  miraculeuse.  Les 
deux  dernières  peintures  sont  les  plus  remarquables  de 
toute  l'œuvre,  tant  sous  le  rapport  de  la  composition  que 
sous  celui  de  la  facture. 

Guillaume  Hessels  nous  a  laissé  dans  le  rétable  d'Oplinter 
une  œuvre  tout-à-fait  remarquable.  Nous  connaissons  peu 
d'exemples  d'une  telle  réussite  d'invention.  Devant  ce  tra- 
vail, on  sent  qu'il  est  le  produit  d'un  élan  sur  et  soudain, 
qui  aboutit  sans  préoccupation  des  règles,  qui  crée  comme 
l'oiseau  vole  et  le  cbeval  court.  Ce  qui  étonne,  c'est  la 
facilité  et  la  bardiesse  avec  lesquelles  les  groupes  sont 
composés.  On  doit  y  admirer  la  disposition  des  ligures, 
la  simplicité  des  draperies  et  l'énergie  des  mouvements. 
Rien  d'aussi  finement  naturel  que  ces  pbysionomies.  Elles 
sont  aussi  diversifiées  et  aussi  originales  que  dans  la  nature. 
L'artiste  les  a  senties  et  exprimées  avec  sincérité  :  c'est  la 
vie  qui  a  produit  la  vie.  Les  groupes  se  trouvent  sous  des 
dais  ornés  d'une  broderie  aux  formes  élancées  et  entre- 
croisées, qui  s'enclievètrent  comme  une  œuvre  de  fée. 

Le  travail  de  van  den  Berche  contribue  largement  à 
augmenter  la  valeur  artistique  de  l'œuvre  de  Hessels.  Il 
atteste  que  noire  artiste  avait  un  talent  remarquable  comme 
enlumineur,  et  a  beureusemeut  peu  souffert,  grâce  aux 
excellents  matériaux  qui  ont  été  employés.  Là  où  le  bois 
est  intact,  son  or  et  ses  couleurs  le  sont  également.  L'or 
est  appliqué  sur  ces  statuettes  avec  une  adresse  et  une  unité 
vraiment  étonnantes.  Les  ornements  ciselés  sur  certains 
vêtements  témoignent  d'une  fantaisie  de  bon  goût. 

L'exécution  des  peintures  qui  ornent  les  volets  du  retable 
n'était  pas  comprise  dans  le  contrat  du  10  septembre  1.j2.d. 
r"(''tnif  ini  IrnvMÏI  a>soz  rniiv'Kh'piiMe  pour  on  f;iire  l'objet 


—  481   — 

d'un  second  accord,  dont  malheureusemcnl  nous  n'avons 
pas  relrouvé  le  texte.  Mais  les  deux  petites  scènes  que 
van  den  Berglie  retraça  sur  le  retable  même,  indiquent  sufii- 
samment  que  les  peintures  des  volets  sont  également  sorties 
de  son  pinceau. 

Les  vantaux  qui  nous  occupent  attestent  que  Jean  van 
deu  Berghe  était  un  artiste  d'une  imagination  vive  et  qu'il 
savait  grouper  avec  adresse.  Mais  c'était  un  peintre  qui 
avait  un  pied  dans  le  moyen  âge  et  un  autre  dans  la  renais- 
sance. Tout  prouve  que  dans  sa  jeunesse  il  avait  étudié  les 
œuvres  de  Bouts;  on  rencontre  ça  et  là  dans  les  volets  du 
retable  d'Oplinler  un  type  créé  par  le  cbef  de  noire  école. 
Mais  van  den  Bergbe  avait  marché  avec  le  temps.  Il  a  connu 
et  consulté  les  œuvres  des  artistes  qui  sont  allés  en  Italie 
secouer  les  traditions  de  l'école  maternelle  et  perdre  le 
génie  flamand.  Un  grand  nombre  de  ses  costumes  et  tous 
ses  édiûces  sont  de  style  moderne.  Ses  travaux  montrent 
aussi  qu'il  allait  vite  en  besogne.  Sa  peinture  est  d'une 
largeur  que  ne  comporte  pas  la  dimension  de  ses  figures. 
Sa  touche  est  assourdie  et  son  coloris  manque  de  fran- 
chise, de  force  et  de  fermeté.  Malgré  ces  défauts,  il  s'élève, 
comme  conception,  au-dessus  des  artistes  secondaires  de 
son  temps,  qui  ne  vivaient  que  par  l'imitation  des  Italiens, 
et  mérite  une  place  dans  l'histoire  de  l'art. 

Le  temps  a  lézardé  le  rétable  d'Oplinter  dans  ses  détails; 
plusieurs  statuettes  en  ont  été  enlevées;  des  ornementa- 
tions en  ont  disparu.  Mais  l'esprit  refait  facilement  ce  qui 
n'existe  plus  pour  l'œil,  et  revoit  le  magnifique  travail  tel 
qu'il  y  a  trois  siècles  il  s'étala  pour  la  première  fois  de- 
vant les  regards  étonnés  des  religieuses  cistertiennes  de 
Maagdendale. 

Le  musée  de  l'Ilôlel-de-vilie  de  Louvain  possède  une 
œuvre  de  Jean  van  den  Berghe.  C'est  un  panneau  à  double 
face  qui  servait  jadis  de  volet  à  un  retable  d'autel,  à  Saint- 


—  482  — 

Pierre.  Il  offre  d'un  côlé  la  MulUplicalîon  des  pains  et  de 
l'autre  le  Christ  chez  la  Madeleine,  Cette  dernière  compo- 
sition n'est  pas  sans  mérite. 

Jean  van  den  Berghe  eut  de  son  épouse  Petromlle  Mom- 
MAERTS  cinq  enfants,  savoir  :  Jean,  Jeanne,  Anne,  Josine  et 
Barbe.  Il  vivait  encore  le  13  novembre  1531  (i).  Nos  époux 
étaient  morts  à  la  date  du  29  mai  lo53.  Anne  van  den 
Berghe  épousa  Jacques  Bodden  ,  Josine  fut  religieuse  à 
Oplinter,  et  Barbe  entra  en  religion  au  couvent  de  Notre- 
Dame  de  la  Vignette,  dit  sous  le  Château,  à  Louvain.  Quant 
au  fils,  il  suivit  la  carrière  paternelle. 

Nous  possédons  peu  de  renseignements  sur  Jean  van  den 
Berghe  fils.  Il  travaillait  à  Louvain  en  même  temps  que 
son  père  (2).  En  1529,  l'artiste  se  mit  en  opposition  avec 
les  administrateurs  de  la  confrérie  de  Saint-Luc.  On  sait 
que  la  Gilde  avait  l'habitude  de  faire  figurer  annuellement, 
dans  le  cortège  historique  de  la  kermesse,  un  groupe  d'adul- 
tes, représentant  Susanne  et  Anne,  l'épouse  du  vieux  Tobie. 
Chaque  confrère  était  tenu  de  payer  deux  blancs  pour  aider 
à  couvrir  les  frais  de  cette  représentation.  Comme  van  den 
Berghe  refusait  de  payer  sa  quote-part,  les  administrateurs 
de  la  confrérie,  Barthélémy  van  Kessel,  Pierre  de  Voeght, 
Laurent  van  Valkenborch  et  Josse  van  der  Baict,  le  firent 
comparaître  devant  le  conseil  communal.  L'artiste  se  pré- 
senta au  jour  indiqué  et  déclara  qu'il  ne  pensait  pas  être 
tenu  de  payer  la  rétribution,  attendu  qu'il  appartenait 
aux  lignages  et  que  les  patriciens  qui  pratiquaient  la  pein- 

(1)  "  JonA^^ES  vAJi  DE.\-  Berghe,  filiiis  quondam  Martini,  piilor  ymaginum,  et 
Petronell*  MoMituERTS,  cjus  uxoT,  commoi'antcs  Lovanii,  recognoveriinl  se 
debcre  indivisiim  soi'ori  Barbare  van  den  Derf/hc,  corum  fille,  professe  in 
moiiaslerio  Nostre  Domine,  djclo  len  Wyngacrdcn,  siiblus  castruni  Lovanii, 
duos  (lorcnos  renenses  pcnsionuui  ad  vitam  dicte  sororis  Barbare.  »  Acte  du 
13  nov.  1331,  5e  cli.  ecli. 

(2)  «  Ja.-v.xe  v,vn  DEiv  Bekoiie,  deii  joiiglie,  sono  Jaiis.  "  Adc  du  10  uuv.  l.'iill 
2c  cil.  éch. 


—  485 


lure  par  agrément,  étaient  exempts  des  obligations  de  la 
Gilde  (i).  Mais,  les  administrateurs  ayant  démontré  qu'il 


(1)  «  Nae  dicn  op  hcJcn  byilen  Raule  iler  staiU  van  Loevcn  conun  eiule 
gecomparccrl  zyn  I3AiiTiiELE»iEi;us  van  Kussemî,  Peter  pe  Voeght,  Lauhevs  van 
Valckenborch  en  Joes  vander  Balct,  regeerders  van  dcn  Bruederscap  van  Sinle 
Lucas  der  neringcn  vander  svhildcrien,  binncii  dcscr  stadt,  1er  eendcre,  cnde 
Jan  van  den  Berche,  de  jonglie,  ler  andere  zyden,  aldair  de  voirsc.  van  dcn 
Bruederscap  seyde  Iioe  dat  zy,  vuyt  overdrage  ende  ordinanlien  vander  sladi, 
fer  eeren  vander  proccssien  van  Loeven  ,  jairlycx  moelen  becostigen  ende 
vuylslcllcn  twee  personagien  en  figueren  le  wetcn,  van  Zuzanna  en  van  Anna, 
hmjswonioc  vanden  ouden  Tobias,  om  welcke  lasten  te  vervoUen,  zy  eglieenen 
vei'vallen  en  haddcn  van  den  glienen  die  hen  métier  voirsc.  neringcn  van  den 
sciblerien  geneerden,  dan  allcene  dat  elck  van  den  glicnen  hem  generendc 
métier  selver  neringen  jairlycx,  lot  bebulp  van  den  vuyislellen  van  den  voirsc. 
Iwee  personaigcn,  gbevendc  was  twee  blancken,  die  de  voirie.  Jan  oick  ge- 
geven  liadde,  gelyck  aile  d'andere  lien  daer  mede  generendc  gevende  warcn, 
ende  wantde  voirsc  Jan  van  den  Berglia  nu  lolter  lester  processien,  in  d'uyt- 
stelle  vander  voirsc.  personaigen,  hen  weygeringe  gedaen  liadde  die  voirsc, 
twee  blancken  te  belalen,  hoc  wcl  iiy  openbairlyck  neringe  doendc  was  meltcr 
voirsc.  scilderien,  cenicQcbjrke  gcrievendc,  en  nu  tcgen  de  lesle  processie  ge- 
slofTeert  hadde  de  kersse  van  den  ambachie  van  den.  ..  (deesl)  binnen  deser 
sladi,  soe  hadden  zy  den  selven  Janne  vanden  Berghe  oniboden  voer  den 
Borgemeester  vander  stadt;  aise  de  Borgemeesler  lien  gelioirt  hebbende  legcn 
den  voirsc.  Janne  van  den  Berghe  overdroech  en  ordineerde,  nielten  goeden 
niannen  vander  stadt  raide,  by  hem  wesendc,  dat  de  voirsc  Jan  van  den  Berghe 
sculdich  soude  syn  de  voirsc.  twee  blancken  te  belalen,  en  wanl  hy  Jan 
'Iselve  weygerde  te  doene,  soe  hadde  de  voirsc.  Borgemeester  den  selven 
vander  Bruederscap  voirsc.  geconsenlecrt  dat  zy  dcn  selven  Janne  dair  voere 
soude  mocgen  docn  slellen  inder  Yrocuten,  welcken  niet  legenstaende  de 
voirsc.  Jan  hem  oniboden  hadde  voir  den  raide  voirsc.  om  desen  saken  wille, 
sustinerende  ende  persisterende  dat  hy  achlei'volgcnde  den  overdrage  en  ap- 
pointementen  voirsc.  lien  sculdicli  soude  zyn  te  voldoen,  van  den  voirsc.  twee 
blancken  met  allen  coslen  dacrommc  gedaen,  dair  op  ende  legen  de  voirsc. 
Jan,  nae  dien  hy  hem  beclaeghde  van  dat  de  Borgemeesler  hem  eglieenen 
voirspreke  en  hadde  willen  laten  hebben,  dics  liem  de  voirsc.  Borgemeesler 
niet  en  gestoni,  seyde,  met  zynen  voirspreke,  dat  die  vander  voirsc.  Brueiier- 
scap  hadde  een  relie,  hen  byden  Raide  vander  stadt  t'anderen  tyde  geconsen- 
leert,  inhoudende  inden  ijte  articule  der  selver  rollen,  onder  anderen,  dat  de 
goeden  mannen  vanden  geslechlen  van  Loevcn,  die  vuyt  recrcatien  ofl  synlyc- 
licyl  de  voirsc.  neringe  soudcn  moegen  lianteren  ofl  ncringc  daer  mede  doet:, 
op  dat  hen  niet  en  bcliefde  inde  voirsc.  Bruederscap  l'aenveerden,  niel  be- 
dwongen  nocli  begrepen  en  souden  wcscn,  noeh  in  eeniger  manieren  moegen 
geniolesleerl  woi-dden,  en  gemerct  hy  Jan  van  den  Berghe   wus  van  dcn  go- 


—  484  — 

gagnait  sa  vie  au  moyen  de  son  pinceau,  le  conseil  lui 
enjoignit,  par  sentence  du  24  septembre  1S29,  de  payer 
les  deux  blancs  ainsi  que  les  frais  de  Tinslance.  Le  10  no- 
vembre de  la  même  année,  les  administrateurs  lui  inten- 
tèrent une  action  pour  le  paiement  d'un  demi-sou  pour 
l'entretien  de  l'autel  de  Saint-Luc,  et  obtinrent  également 
gain  de  cause  (i). 

slechlen  van  Loeven,  dwelck,  in  gevalle  van  onlkynnen,  wel  tboencn  soude, 
soe  susteneerde  hy  dat  zy  met  hueren  voiriiemen  op  licm  verdoell  waren;  op 
d'welck  die  voirsc.  van  den  Bruederscap  genoecli  bckynnen  dat  hy  van  den 
gesleclite  van  Loeven  was,  sustineerende  nochtans,  mils  den  reden  voirsc.  en 
oick  wanl  hy  voirbert  vicrjlghinck  en  hem  dagelycx  métier  scilderien  geneerde 
en  een  egelyck  beriefde,  en  hy  oick  de  Ivvee  blancken  t'andcren  tyden  bctaell 
hadde,  gelyck  zy  voir  gesustineert  hadde,  den  voirsc.  Janne  1er  contrarien 
persisterende  en  seyde  al  mociit  Iiy  de  twce  blancken  cens  belaelt  hebben, 
dat  hy  d"inhoudt  van  den  rollen  doen  niel  en  wiste,  versueckende  de  voirsc. 
pertien  daerop  recbt  en  lerminatie.  Soe  heeft  den  Raidt  vander  stadt,  ierst 
op  des  voirs.  es  behoirlyck  gelel  hebbende,  bemerkende  dat  de  voirsc.  Jan 
voirt  vynstcr  vuylhanght  en  hem  dagelycx  geneert  melter  voirsc.  neringen 
den  voirsc.  pertien  getermineert  ende  vuytgcsproken  voer  recht,  dat  de  voirsc. 
Jan  van  den  Berghe,  achlervolgende  den  voirs.  appointemcntcn,  sciildich  sal 
zyne  de  voirsc.  Iwee  blancken  te  belalen,  met  allen  den  costen  daer  onime 
gebucrt.  In  consilio  oppidi,  Septembris  24.  »  1S29,  l^e  eh.  éch. 

(1)  «  Van  des  différente  en  gescilie  gebuert  voir  den  raide  vander  sladl 
tusschen  den  oulairmecslcrs  van  Sinle  Lucas,  inder  kcrcken  van  Sinle  Peters, 
te  Loeven,  1er  eendere,  ende  Janne  van  den  Beiigiiu,  denjonghe,  sone  Jans,  ter 
andere  zyden,  aldair  de  voirsc.  oulairmecslcrs  le  kynnen  gaven  hoc  datmen 
van  outs  onderhouden  hadde,  dat  aile  die  ghenc  hanterende  tpinseel  als  van 
scilders  ende  glacsmakers  binnen  deser  stadt  en  sunderlinge  hcn  dair  mede 
generende,  liadden  van  ouïs  over  20,  50,  40,  60  jaren  en  meer  en  van  soe 
langen  lyde  dat  nyemand  die  contrarie  dairaff  en  gcdachie,  jairlycx  gegeveii 
elck,  van  hen  lotler  messen,  die  men  jairlycx  dade  op  Sinle  Lucas  dach, 
1/2  sluver,  ende  hoe  wel  zy  outairmeesters  den  voirsc.  Janne  van  den  Berghe 
geeyscht  hadde,  gemercl  hy  hem  melter  piiiceel  geneerde  en  neringe  daer 
mede  dede,  gelyck  eenen  yegelycke  kinlyck  was,  soe  en  hadde  hy  den  voirsc. 
i/2  sluver  nu  niet  willen  betalen,  mair  dien  geweygerl  le  belalen,  contrarie 
der  ou<ler  gewocnle  en  onderhouden  indien,  wair  omme  zy  oulairmceslers 
hem  Janne  alliier  voei'c  den  raide  vander  sladl  onlboden  hadde,  suslinerende 
en  concluderende  des  voirsc.  es  byden  voirsc.  Janne  bekint  oft  mils  zynen 
onlkynnen  by  hem  gelhocnl,  dal  de  voirs.  Jan  met  uwer  hccrcn  terminalien 
gcduempt  soude  wordden  den  voirsc.  halven  sluver  te  belalen,  gelyck  aile 
andere  hen  nieller  penseel    alhier,  binnen  Loeven,  generende,  en  't  selve 


—   485 


Nous  sommes  sans  rcnseigiiemciils  sur  le  sort  ulléricur 


de  Jean  van  den  Dcrgiie  fils. 


Vers  la  même  époque  vivait  an  couvent  des  Chartreux, 
à  Louvain,  un  cénobite  qui  excellait  dans  la  peinture  et  la 
calligraphie.  On  le  désignait  indinéreninient  sous  le  nom  de 
Thierry  de  Haarlem  et  de  Thieruv  de  Eemstede,  parce  qu'il 
avait  reçu  le  jour  au  hameau  de  Eemslede,  près  de  Ilaai- 


lianteei-ende,  dair  op  ende  tegen  de  voirsc.  Jan  van  don  Bcrglic,  de  jonglic, 

aniwoerdende,  seyde  dat  wel  zyn  moclile  dat  do  glione  die  lien  métier  pinseel 

gencerde,  ende  oick  van  don  gesleclile  van  Loevon  niel  en  \varen,dcn  l/2sliivcr 

belaeldcn;  niair  seyde  dalmen  nictbevindcn  en  soude  dat  die  glicne  die  van- 

den  geslechten  wareii  en  'tpinsoel  iiantecrden  dat  die  den  voirsc.  1/2  stuver 

sculdich  waren,  want  aclitervolgens  den  rollcn  van  den  scilders  moehten  die 

goede  lieden  van  den  gesleclite  van  deser  sladt  'l  pinseel  lianleren,  sonder  in 

de  Bruederscap  van  Sinte  Lucas  le  comen  oft  in  eeniglie  lasten  verbonden  te 

zyn,  seggende  alsoc  wairt  soc  dat  by 't  pinseel  van  te  scilderen  hanleerde  dal 

by  nochtans  was  van  den  gocdcn  mannen  van  den  geslecble  van  Loeveii,  dwelck 

in  gevalle  van  onlkynnen,  by  presenleerde  le  Iboenen,  ontkynnende  dal  men 

dlcn  balven  stuver  van  redits  wegen  sculdich  «as  jaiilycx  te  geven,  suslinee- 

rende  ende  concludercnde  't  selve  bekint  ofl  glieloent  dat  de  voirsc.  outair- 

meeslers,  met  bueren  voirnenien  op  hem,  verdoclt  waren;  dair  op  de  voirsc. 

oulairmeeslers  repliccreiule,  seyde  dat  zy  persisteerdeii  in  bueren  feytcn,  be- 

kynnende  genoech  dat  by  Jan  was  van  de  gesleehle  van  Loeven,  mair  susli- 

neerden,  als  voerc,  want  hy  hem  melter  penseel  geneerde,  dal  by  achtervol- 

gende  bueren  ouden  coslumen  ende  onderhouden  in  dien  den  voirsc.  1/2  stuver 

soude  zyne  te  betalen,  te  vordere,  want  Jan  van  de.n  Bliighe,  zxjnen  vadcr,  den 

selven  1/2  stuver  jairlycx  betalende,  gelyck  by  selve  oick  betaeit  badde,  dair 

op  de  voirsc.  Jan  van  den  Berghe  duplicerende  seyde  persislcerde  als  voerc, 

en  al  mocht  syn  vader  den  balven  stuver  andertydcn  gegeven  bebben,  dat 

tselve  was  van  gralien   en  niel  dal  by  dien  sculdich  was,   gelyck  by  Jan 

verwerdere  oick  es  versueckende,  de  voirsc.  pcriion  in  wedcrsyden  redit  en 

lerminatie  aïs  dal  den  voirsc.  raidi  den  voii'sc.  pertien  termineerde,  want  de 

voirsc.  outairnieesters  hen  Ihoenisse  vermalen  dal  zy  dien  begeerde  l'aen- 

boercn,  welker  achlervolgende  de  voirsc.  outairnieesters  geproduccerl  ende 

gelcydt  bebben  bueren  tlioen,  zyn  perlien  voirls  in  den  saken  geconcludeert, 

elck  buerer  lenderende  tôt  zynder  conclusien  voirsc.    soe  heefl  den  Raidi 

vander  stadi,  ierst  den  Ihocn  by  den  outairmceslei'S  geleydt  hebbcnde,   en 

oick  op  den  bekynne  des  voirsc.  Jans  den  voirsc.  perlien  geterinineerl  ende 

vuytgesproken  dat  de  voirsc.  Jan  sculdich  sal  zyn  den  voirsc.  outairnieesters 

den  voirsc.  halven   sluver  le  betalen,   niet  tegenslaende   dcr  calangicn.    In 

consilio  oppidi,  iiovcmbris  10.  »  1529,   l>o  eli.  cch. 


—  486  - 

lem.  Il  clait  étiidianl  en  droit  lorsqu'il  entra  au  couvent 
des  Chartreux.  Le  jeune  liomme  fut  admis  à  Taccolade  fra- 
ternelle, le  17  janvier  1505.  L'anonyme,  qui  nous  laissa 
des  renseignements  sur  les  premières  années  de  la  Char- 
treuse de  Louvain,  nous  apprend  qu'il  était  bon  peintre  et 
bon  professeur  (i).  Théodore  de  Eemstede  devint  d'abord 
vicaire,  puis  professeur  des  novices  et  mérita  par  ses 
nobles  qualités  l'aflection  de  ses  confrères.  Elu  quatrième 
prieur  de  sa  communauté,  il  mourut  dans  celte  dignité,  le 
5  avril  1542.  En  1529  avait  été  reçu  à  la  Chartreuse  sou 
frère  Jean  Simons,  de  Eemstede,  maître  es  arts,  qui  fut 
plus  tard  économe  du  couvent  (a). 

Jean  Rombauts,  dit  Scaeldeken,  est  un  peintre  louvaniste 
de  la  même  époque.  Il  était  fils  de  Jean  Rombaut,  frère  de 
Nicolas  Rombauts,  peintre  sur  verre,  dont  nous  parlerons 
plus  loin.  L'artiste,  qui  apparaît  pour  la  première  fois  dans 
un  acte  du  26  juillet  1485  (ô),  épousa  Barbe  Roelants, 
autrement  van  Compenrode  (4).  Il  était  propriétaire  de 
la  maison  La  Main  bleue,  rue  de  Diest,  qu'il  habitait 
en  1523  (s).  En  1509,  il  était  l'un  des  administrateurs  de 


(1)  M  Hic  etiani  fuit  bonus  pictor  et  diUgens  formater  lillerarura  indusU'ius 
vaille.  »  Manuscrit  n»  1S043  de  la  Bibliothèque  de  Bourgogne;  M.  NVautehs, 
Thierri  Boicls,  p    53. 

(2)  «  Tiir.oDORicus  de  Emstede,  nalus  in  Emstede,  viculô  prope  Harlemum, 
Studiosus  juris,  anno  1303  ad  stalum  monaclii  et  ad  osculum  receplus  est. 
Fuit  indiistrins  Piiior  et  Scriplor,  nuillo  tcmpore  vicarius  Domus  et  novitio- 
rum  inslilutor  omnibus  obsequiosissimus,  et  vcrus  pacis  amator  :  ac  tandem 
quartus  Prior  obiit  1342,  3  aprilis.  Accessit,  anno  1329,  fraler  ejus  Joannes 
SiMONis  DE  Emstede,  arlium  niagisler,  qui  fuit  hujus  domus  Procurator.  » 
MOLANUS,  t.  I,  p.  502. 

(3)  Acte  du  "26  juillet  1483,  2e  ch.  éch. 

(4)  «  Jan  Rombauts,  geheeten  Scitaille,  en  Barbelé  Roelants  alias  van  Com- 
penrode, zyn  huysvrouwe.  »  Acte  du  3  oet.  1526,  If"  ch.  éch. 

(5)  «  JouANNES  Rombauts,  alias  Scaille,  et  Barbera  van  Compenrode,  ejus 
uxor,  in  Dorpsirala.  »  Acte  du  l'ijanv.  1523,  l^e  ch.  éch. 


—   487   — 

la  chapelle  des  Clercs,  place  SaiiU-Aiiloiiie.  L'un  de  ses 
collègues  était  le  peintre  Albert  Bouts  (i).  Le  conseil  com- 
munal le  nomma,  en  loi  1,  tuteur  des  enfants  de  feu  Jean 
Iloelofs,  dit  Blaiiwe  Jan  (2).  Dans  un  acte  du  1G  mars 
1518,  il  est  qualilié  de  peintre  de  figures  ou  pictor  yma- 
ghium  (3). 

L'artiste  jouissait  d'une  certaine  réputation.  Il  travaillait 
pour  les  églises,  les  couvents  et  les  particuliers.  Il  semble 
que  ses  œuvres  étaient  très-estimées.  Un  patricien,  Antoine 
vander  Beken,  légua  à  son  fils,  par  testament,  un  petit  ta- 
bleau de  notre  coloriste,  représentant  un  épisode  de  la  vie 
de  saint  Antoine  (4). 

Rombauts  doit  être  considéré  comme  élève  de  Thierry 
Bouts  père.  Le  seul  panneau  que  nous  connaissons  de  lui 
le  prouve  suffisamment.  L'artiste  avait  exécuté  les  peintu- 
res des  volets  de  l'ancien  autel  de  Saint-Pierre,  à  notre 
collégiale,  ainsi  qu'il  résulte  d'un  acte  du  7  mars  155.'), 
que  nous  publions  plus  loin  en  note.  Détérioré  par  le 
temps,  le  vieux  rétable  fut  démoli,  en  1740,  et  remplacé 
par  un  autel  en  style  moderne,  qui  existe  encore.  Les 
volets,  après  avoir  occupé  plusieurs  endroits,  furent  alié- 
nés, en  1802,  avec  une  partie  d'objets  de  rebut.  L'un  de 
ces  vantaux  tomba  entre  les  mains  de  l'un  des  rares  ama- 


(1)  Acte  du  10  Janvier  1311,  i^c  cli.  éch. 

(2)  «  Allen  dat  Macliiel  van  Espent,  geheelen  Berix,  ende  Jan  Rombauts, 
schildere,  als  momboircn  van  de  weltige  kinderen  Jans  wylen  Roelofs,  ge- 
heeten  Blatiw  Jan.  »  Acle  du  lijuiltel  1311,  2t  eh.  éch 

(3)  «  Item,  JoiiANKES  Rombauts  diclus  Scaeldvken,  pictor  ymaginum,  filins 
quondam  Johannis,  nomine  siio  proprio,  item  Johannes  Rombauts,  Jlychacl 
Berincx  et  Judociis  Zcdelere,  laraquam  tulores  et  mamburni  Yngelberti,  Ju- 
doei,  iMargarete,  Marie  Roelof,  libei-oruin  legilimonini  Johannis  quondum 
Roelofs,  dicti  Blau-Jan.  »  Acte  du  16  mars  13!8,  Ire  eh.  éch. 

(4)  «...  Item,  maict  Anthonyse  vander  Beken  /ynen  sone  een  lavernecl' 
ken  van  Sinl  Anlhonys ,  by  Janive  wylen  Rombouts  gemaiet.  »  Acte  du 
17  juillet  1333,  2c  ch    éch. 


—  488  — 

leurs  que  complail  alors  noire  ville.  Malheureusement  cel 
amateur  possédait  un  cadre,  style  Louis  XV,  qui  avait  tout 
juste  la  largeur  du  volet,  mais  qui  n'en  avait  pas  Téléva- 
lion.  Dans  le  désir  de  pouvoir  y  placer  la  vieille  peinture, 
il  en  fit  enlever  le  ciel  et  commit  ainsi  un  acte  de  vanda- 
lisme que  nous  déplorons  vivement.  Ce  volet,  après  avoir 
fait  partie  de  plusieurs  collections,  nous  appartient  actuel- 
lement et  nous  permet  de  dire  un  mot  sur  le  talent  de 
Jean  Uombauls.  Il  figure  deux  scènes  de  l'Évangile  de  la 
Pèche  miraculeuse.  Dans  le  lointain  l'on  voit  le  Christ,  sur 
les  bords  de  la  mer  de  Tihériadc,  regardant  la  barque  des 
pécheurs.  La  suite  de  l'épisode  se  déroule  sur  le  premier 
plan.  A  droite  du  spectateur,  l'on  remarque  la  nacelle 
dans  laquelle  se  trouvent  Thomas  et  Nathanaël,  les  fils  de 
Zébédée  et  les  autres  disciples.  Le  Sauveur,  portant  les 
stigmates  de  la  passion,  se  trouve  à  gauche.  A  ses  pieds 
on  observe  un  pain  blanc  et  de  la  braise,  sur  laquelle  se 
trouve  un  poisson.  Saint  Pierre,  ayant  encore  les  pieds 
dans  la  mer,  s'avance  vers  le  Seigneur  et  l'écoute  avec  une 
profonde  vénération.  C'est  le  moment  où  le  Christ  disait 
,  aux  disciples  :  «  V^enez  et  mangez.  »  (Saint  Jean,  XXI,  12). 
L'artiste  a  conçu  et  exprimé  ce  sujet  d'une  manière  tout-à- 
fait  remarquable.  On  y  voit  qu'il  n'a  consulté  que  la  nature 
de  son  pays;  mais  il  l'a  animée  d'un  rayon  biblique.  Les 
disciples  qui  se  trouvent  dans  la  nacelle,  sont  groupés  avec 
adresse.  La  tète  du  Christ  est  pleine  d'élévation  et  de  bonté, 
et  celle  de  saint  Pierre  est  digne  du  pinceau  de  Bouts.  Les 
draperies  ne  manquent  pas  de  caractère,  et  les  rochers, 
les  piaules  et  les  fleurs  sont  rendus  avec  une  vive  sollici- 
tude. Le  coloris  a  de  la  vigueur  et  de  l'éclat.  Il  reflète  une 
nuance  verdàtre  qui  illumine  poétiquement  l'œuvre  qui 
nous  occupe. 

Rombauls  venait  de  terminer  le  carton  d'un  rétable  des- 
tiné à  l'autel  que  possédait,  à  Saint-Pierre,  le  grand  Métier 


—  489  — 

des  tisserands,  lorsqu'il  fut  enlevé  par  la  inorl.  C'élail 
en  1534  (<).  La  maison  qu'il  avait  occupée  appartenait 
encore  à  ses  enfants  en  1557  (2). 

3ïarie  Rombauls,  sa  fille,  épousa  le  peintre  Jean  VVillenis, 
et  son  fils  suivit  la  carrière  palernelle. 

Jean  Ro.mbauts,  fils,  épousa,  en  1526,  Elisabeth  van 
MoNTENAKEN,  autrement  Coels,  fille  mineure  d'Eustache 
Coels  (5).  Il  était  peintre  à  Thuile  en  même  temps  que 
peintre  sur  verre.  En  1534,  il  réclama  du  verrier  Josse 
vander  Balct  une  somme  de  10  florins  du  Rhin,  pour 
Texécution  de  peintures  sur  verre  (4).  L'artiste  se  trouvait 
dans  une  position   favorable.  En   1543,   il  occupait   les 


(1)  Acte  du  7  mars  1535,  Ire  ch.  cch. 

(2)  «  Condt  zy  allen  lieden  dat  Jan  Rombauts,  sone  wylen  Jans,  en  Marie 
Rombouls,  zuster  des  voirsc.  Jans,  liuysvrouwe  Jans  Willems,  scildere,  als 
possesseurs  en  erflieden  van  eenen  huyse  metter  scaelgien  en  allen  underen 
zynen  loebelioirten,  gelegen  le  Loeven,  in  de  Dorpsîrale. . .  comende  acliter 
aenden  goeden  Heeren  en  meesteren  Claes  Coppyn,  dekens,  als  liy  leefde, 
der  kercken  van  Sinte  Peelers,  le  Loeven,  etc.  »  Acte  du  9  novembre  ISôfi, 
Ire  eh.  éch. 

(5)  «  Jam  Rombouts,  gelieefen  Schaillc,  ende  Barbelé  Roelants,  alias  van 
Conipenrode,  zyn  huysvrouwe,  en  Jan  Rombouts,  liueren  sone,  met  zekeren 
liueren  vrienden,  in  d'cen  zyde,  en  Golyn  van  Cavcrciion,  meester  Willem 
van  Kessele  met  Lysbetten  van  Montenaken,  alias  Coels,  dochter  wylen  Eusias 
van  Montenaken,  geheeten  Coels,  met  zekeren  hiieren  vrienden...  huwelycke 
te  gescliien  tusschen  de  voirsc.  Janne  Rojibacts,  den  jonghe,  en  Lysbellen  van 
Slonlenalicn,  etc.  >•  Acte  du  5  ocl.  1526,  Ire  eh.  éch  —  <■  Jan  Romboits,  soene 
Jans,  scildere,  en  Lysbeth  van  Montenaken  alias  Coels,  dochter  Eustas,  zyn 
huysvrouwe,  woonende  te  Loeven,  meester  Willem  van  Caverson,  Eustaesse 
Swillen  en  Barlliolomees  van  Kessele,  nioraboeren  der  voirsc.  Lysbetten.  » 
Acte  du  4  avril  1526  (27),  3e  ch.  éch. 

(4)  «  Nae  dyen  Jan  Rombadts,  de  jonghe,  voer  Raese  vander  Linden  en 
Claese  vander  Heyden,  beyde  borgemeesters  der  stadt  van  Loeven,  oniboden 
hadde  Joosen  vander  Balct,  gelaesmakere,  dyen  hy  Jan  eysschende  was,  Ihien 
rynsgulden,  te  20  stuvers  'tstuck,  en  tliien  gelyeke  stuvers,  ter  causen  van 
pyne  en  arbeyde  en  scriven  op  gelas,  die  hy  Jan  RoMbauts  hem  Joesen  ge- 
daen  en  gewroclit  hadde,  elc    »  A<le  du  '28  <'.eptctnbre  i55i,  3c  ch.  éch. 

54 


—  490  — 

fonctions  d'échevin  de  Louvain  (i).  Jean  Rombauls  tnourut 
en  15o9  (2). 

Jean  Willems,  fils  d'Arnoidd  Willems,  était,  en  1500, 
l'un  des  maîtres  de  la  confrérie  de  Saint-Luc.  11  est  qualifié 
de  peintre  de  figures  dans  un  acte  du  25  août  1512.  L'ar- 
tiste épousa  Gertrude  vander  Heyden,  dont  il  eut  trois 
enfants.  Il  occupait  une  maison  qui  lui  appartenait  et  qui 
se  trouvait  rue  de  l'Abreuvoir,  à  côté  de  la  brasserie  le 
Tamis  (ô).  Sa  fille,  Marie  Willems,  épousa  Henri  Bouwens, 
mort  avant  le  28  janvier  1529  (4).  Ses  fils,  Pierre  et  Jean 
Willems,  s'adonnèrent  également  à  la  peinture. 

Pierre  Willems,  qui  continuait  d'habiter  la  maison  de 
son  père,  paraît  avoir  été  un  artiste  de  talent.  Il  résulte 
d'une  pièce,  du  12  octobre  1524,  qu'il  comptait  parfois 
douze  élèves  (s).  Le  peintre  s'occupait  également  de  la  gra- 


(1)  «  JoHANNES  Willems,  filius  quonJam  Johannis,  et  Maria  Ronibouls,  ejus 
uxor,  et  JodANNES  RoMBOurs.  fi-aler  dicle  Marie,  ac  pronune  Srabinus  Lova- 
niensis.  »  Acte  du  'i%  ju'dlel  1343,  2e  cli.  éch. 

(2)  «  Meester  Jeronimus  van  Winglie  eiide  Aert  Willems,  beyde  als  exé- 
cuteurs van  den  lestamenle  JA^s  wylen  Rombolts.  »  Aclc  du  20  janv.  1539, 

2e  ch.  éch. 

(31  «  Henricus  Carbeel,  filius  quondam  Johannis,  pronune  comraorans 
Bruxelle,  supportavit  domum  unam  cum  stabulo,  planilie,  curie  et  suis  per- 
linenllis  universis  . . .  prout  dicta  bona  sita  sunt  in  vice  diclo  Langenwicrinck, 
inter  bona  Peti-i  vander  Contheren,  barbitonsoris,  et  Petronelle  Coslei-e, 
ejus  uxoris,  ab  una,  et  bona  Amelrici  van  den  Velde,  ab  alia  partibus,  exposito, 
iraposito  est  Johannes  Willems,  senior,  pictor  ymaginum,  filius  Arnoldi  Wil- 
lems, nomine  et  ad  opus  sui  et  ad  opus  Gertrudis  vander  Heyden,  ejus  uxo- 
ris, etc.  »  Acte  du  23  aoùl  1312,  3e  ch.  éch. 

(4)  «  Jan  en  Peeter  Willems,  Sclnlderen,  momboren  van  de  onbejairde 
kynderen  Marien  Willems,  behouden  van  Henrick  wylen  Bocwens.-  »  Acte  du 
^Sj'anv.  1329,  2e  ch    éch. 

(5)  «  Item,  die  nieesters  van  den  Bruederscap  van  Sinte  Lucas  allaer,  in 
der  kercken  van  Sinte  Peelers,  le  Loeven,  hebben  dach  van  thoone  genomen, 
op  vrydage  naeslcomende,  tegen  Pceteren  de  Scliildere,  in  den  Wyerinck,  en 
dal  om  le  bewysen  dat  eick  knape  werkende  in  de  schitderye  geven  moet, 


—  191   — 

vure  sur  bois,  comme  l'atlesle  une  pièce  du  9  noul  l.jôl  (i). 

Jean  Willems  épousa  Marie  Kombalts  ,  (ille  de  Jean 
Rombauls,  peinire,  ainsi  que  nous  l'avons  dil  (->)  Ccl 
arlisle  remplaça,  en  1527,  llomboul  van  lierlair  en 
qualité  de  peinire  de  la  ville,  chargé  du  matériel  de 
VOmrjang  (5).  C'était  un  homme  d'un  certain  talent.  Le 
7  mars  1555,  il  s'engagea,  devant   les  échcvins,  conjoin- 


lot  belioefî  van  Sinlc  Lucas,  een  pont  was  ...  en  dut  dicn  aclilt'rvol"cn(le 
bynnen  synen  lyde  hy  13  knapen  gehadl  lieefl,  die  elck  van  lien  "t  vocrsc. 
ponl  was  sculdich  zyn  geweest.  »  Acte  du  12  août  1524,  ôe  ch.  écli. 

(1)  «  Inder  questie  gewcesl  tusselien  de  geswoiren  van  den  di-ugors,  scryn- 
makers  en  cuypcrs  anibachte,  die  acngesprokcn  hadde  Peetf.hi.v  Wille.ws, 
schitdere,  van  zekeren  prinlen,  die  hy  gemaict  liadde,  waer  aen  zy  meyndcn 
dal  liy  hucren  ambaclite  le  nae  gegaen  hadde,  mils  dien  de  selve  geschaiff 
warcn  geweest,  en  hy  de  selve  gebruyet  hadde  in  zyn  ambachte,  ter  eenren,  en 
den  voirsc.  Peeleren  die  geseet  hadde,  dat  hy  de  selve  nyet  gemaict  en  hadde 
om  te  vercoopen,  mair  om  selve  te  gcbruycken,  en  oick  selve  nyet  geschailt 
en  hadde  mair  doen  schavcn,  meynende  dal  hem  't  selve  wel  geoirloeft  was  le 
doene,  en  dat  de  geswoiren  op  hem  verdoilt  waren,  ter  andere  zyden,  suslu- 
neerende  nu  de  selve  Peeter  gemerct,  26  july  leslleden,  hy  Peelere  hem  de 
selve  geswoirenen  gepresenteert  hadde,  en  zy  alsdoen  nyet  en  waren  gecom- 
pareert,  soe  dat  hem  alsdoen  geordineert  was  zyne  composilie  te  doen  lekenen, 
en  zy  de  sake  alsoe  lieten  leggen  en  alnoch  nyet  en  compareerden,  dat  hy  be- 
hoirde  van  liueren  eyssche  onlslagen  te  zyne  om  zynen  costen  te  mogen  ge- 
crygen,  en  dair  tegen  Jooris  Moons,  die  de  voii'sc.  geswoiren  gedienl  hadde, 
seyde  dat  de  geswoiren  de  saken  lieten  liggen,  meynende  dair  omme  dat 
Peeter  dair  mede  wel  behoirde  te  vrede  te  zyn,  es  byden  Raide  op  des  voir.-c. 
es,  geledt  zynde,  gelermineert  achtervolgende  den  voirs.  aclen,  dat  mils  dcr 
non  comparilien  vanden  selven  geswoiren,  de  selve  Peeter  vander  aenspraken 
die  zy  te  hemwaerts  gedaen  hebben,  sal  ongeliouden  zyn,  en  dat  hy  zyne 
costen  sal  raoegen  in  gescrifte  overgeven,  om  dair  al'  gedaen  le  wei-di.cn  soe 
behoiren  sal.  In  consilio  oppidi.  »  Acte  du  9  aoùl  1531,  2e  ch.  cch. 

(2)  «  Jou.ix.NEs  RojjBOL'TS,  alias  Scaille,  Joh.4>nes  Willems,  picior,  .Muni 
R0.MBOUTS,  ejus  uxor.  »  Acte  du  1 1  mai  1535,  lie  ch.  éch.  —  «  Joiia>sls  Rom- 
bouts,  filius  quondam  Johannis,  et  Maria  Rombouts,  soror  dicli  Johannis, 
uxor  légitima  Jouanms  Willems,  filii  quondam  Johannis,  omncs  commorunles 
Lovanii.  Acte  du  9  nov.  153G,  li-c  ch.  éch. 

(3)  L'Omgang  de  Louvain,  p.  51.  —  «  Mcester  Ja.\  Wille.ms,  staJlmeeslcrc, 
Erasmus  Willems  en  Peeleren  Willems,  zyn  bruederc.  »  Adc  du  Ifi  sejtivmbre 
1530,  Ire  ch.  éch. 


—  492  — 

temeut  avec  son  betui-frère  Jean  Piombauls,  à  exéculer, 
au  prix  de  165  florins  du  Hliin,  le  rétable  destiné  à  l'autel 
du  grand  Métier,  à  l'église  de  Saint-Pierre,  et  dont  son 
beau-père  avait  laissé  le  carton.  C'était  une  entreprise 
considérable.  Le  triptyque  devait  offrir  la  légende  de  saint 
Séverin,et  les  revers  des  volets  devaient  représenter  SS.  Sé- 
verin  et  Gomare,  au  milieu  de  paysages.  Les  deux  artistes 
entamèrent  le  travail  et  le  terminèrent  à  l'époque  flxée 
dans  le  contrat,  dont  nous  publions  le  texte  en  noie  (i). 


(1)  n  Conilt  zy  allen  lieden  dal  Jan  Wiliems  ende  Jan  Rojibocts  aenveert  en 
vei'dingt  hebben  ende  aengcngenomen  tegcn  de  gesworenen  raelten  gemeyneii 
geselleii  van  den  grooten  anibaclite,  binnen  Loevcn,  nietten  Oulairmeesters, 
te  welen  :  Pauwelscn  Roegiers,  Peteren  Marions,  Peleren  van  Brcsem  ende 
Clase  vander  Slock,  als  geswoirenen  desselfs  anibachls,  le  werckenen  hen 
Tafele,  mellcn  dueren  en  niellen  voete,en  oick  die  creslere  nielle  nolen  le  ver- 
guldene  van  fynen  gouwe,  soe  dat  behoirt,  slaende  opden  oalaer  van  Sinle 
Severyn,  in  Sinte  Pelers  kerck,  binnen  Loven,  en  dair  inné  le  maken  die 
légende  van  Sinle  Severyn,  nae  diiylwyscn  van  cenen  patroon  ofl  vidimus 
gemaect  en  gelalen  by  M'ylcn  Jan  Rombouts,  saliger  gedachlen,  ende  buyien 
op  de  dueren  Iwee  personaigien  le  wclen  :  Siitle  Scverns  en  Sinle  Gommaer, 
soe  goet  ofl  bcter  ende  niel  arger  van  ordonnancien,  melselrien,  persouaigen 
en  lantscapen,  alsoe  men  dat  werckende  werckelycxst  ordineren  sal,  ende 
onsen  patroen  binnen  der  tafelen  (sic),  dair  aen  te  wercken  met  goeden 
blauwen  lasueren  daer  die  behoeren  sal,  le  welen  dat  in  dese  lafele  verwraclit 
sal  wordden  op  bueren  eedt,  alsoe  verre  dat  noot  waren,  allet  lasure  dat  zy 
vonden  hebben  int  sterfhuys  van  Jan  Rombouts,  saliger  gedachlen,  ende 
voiris  van  goeder  olieverwen,  senopele,  lacken  ende  aile  andere  verwen,  die 
men  behoirt  lot  goeder  ecrlyck  lafelen  te  nemene  en  te  verwerkene,  en  die 
te  permuerene  te  grondene  alsoe  dat  behoirt,  gelycker  wys  dat  die  dueren 
van  den  oulair  van  Sinte  Pelers,  binnen  der  selver  kercken,  gewrocht  zyn, 
die  welcke  dat  Jan  Rombouts  d'oude  gemaict  hecft,  niel  arger  maer  bêler  be- 
lialven  dat  die  voirsc-  aenemers  niet  gehouden  en  sullen  zyn  inde  gelycheyt 
vander  liant  van  Jan  Rombouts,  saliger  gedachlen,  vvani  Iselve  niel  moegelycx 
en  es,  ende  voiris  dal  die  lysten  van  den  tafelen  niellen  dueren  binnen  zullen 
zyn  verguld  met  fynen  gouwen,  en  dat  selve  goût  wel  ende  werckelyck  le 
wercken,  nae  hueren  conscienlien  en  nae  hun  besie  maken  sullen,  en  hen 
eêre  dair  inné  le  bewaren,  en  als  dat  werck  gemaict  es,  ende  den  ambachle 
dochte  dat  hen  niel  genoech  gedaen  en  waren,  soe  sal  men  mogen  halen  twee 
meeslers  die  den  ambachle  believen  sal,  ende  desgelyck  oick  die  anenemers 
twee  meeslers  die  hun  believen  sal,  cm  al  alsulcken  werck  te  visileren,  ende 


_  41)3  — 

Le  triptyque  se  trouvait  placé  à  la  date  du  20  scplcn»- 
bre  1537  (i).  Malheureusement  il  n'existe  plus  à  Saint- 
Pierre. 

Jean  Willenis  travailla  beaucoup  pour  la  ville  et  pour  les 
églises  et  monastères  de  Louvain.  En  1354,  Tabbaye  de 
Parc  lui  paya  le  reste  d'une  somme  due  pour  l'exécution 
de  plusieurs  tableaux.  Il  exécuta  également  les  blasons  pour 
les  funérailles  d'Ambroise  van  Engelen,  abbé  de  Parc,  mort 
le  16  mars  lo43  (i). 

En  1338,  les  membres  de  la  confrérie  de  Saint-Quentin, 
qui  existait  alors  à  l'église  dédiée  à  ce  saint  martyr,  con- 
fièrent à  maître  Georges  Asselyns,  sculpteur  à  Bruxelles, 


wal  die  meesters  seggen  dat  miii  verdienl  es  dan  hondert  en  65  karolus 
guldens,  dat  salmen  liun  corttcn  le  20  s.  sluck,  en  dat  met  termynen  hiernae 
volgende,  te  weten  datd'anibachtcden  voirsc.  aenncniers  allejaren  geveii  zullen 
vyflhien  karolus  gulden  totten  ynde  vander  betalingen,  dairaffdal  nu  Sinte 
Jansraisse  naislconiendc  a»  1336  vallen  sal  den  iersten  lermyn,  en  alsoe  voirl 
totten  ynde  dat  de  voirsc.  somme  belaelt  sal  zyn,  aen  welke  somme  dat  die 
voirsc.  aennemers  cortten  en  afslaen  zuUen,  inde  leste  paya,  twinticli  rinsgul- 
d^n,  die  Jan  Ronibouls,  hun  vader,  op  't  voirsc.  werck  ontfangen  iiadde, 
ende  nocli  zullen  die  aennemers  den  ambaclil  korlten,  ten  eynde  vande  beta- 
lingen, drie  rinschgulden ,  ais  voere,  den  weerdere  van  deser  comerschap 
van  welcken  dingen  en  vorwerden  de  voirsc.  parlicn,  soe  ter  eendere  oft  1er 
andere  zyden,  aldus  maleanderen  gelooft  liadden  allessins  te  voldoene, 
sonder  argelist.  Ende  wairt  dat  sake  dat  dese  tafele  van  nu  Sint  Severyns 
dacli  naistcomeiide,  over  een  Jair  niet  voldacn  en  ware  op  eencn  buuduyn 
van  thien  karolus  guldens,  die  te  verbueren  lot  bebocff,  te  weten  :  terden- 
deel  daeraff  onsen  genadegen  lleere,  lerdendeel  Sinle  Peters  kercke,  le  Loe- 
ven,  en  d'ander  derdendeel  lot  behoef  van  den  voirsc.  outair,  gelovende  de 
voirsc.  partien  liun  inde  de  voirsc.  conditien  t'onderhouden  ende  te  voldocn, 
te  welen  de  voirsc.  gesworenen  inden  name  van  den  voirsc,  ambachlc  en  de 
voirsc.  Jan  en  Jan  in  den  name  van  hen  selven..  . .  Corani  llcrmeys,  Lom- 
barls.  »  Acte  du  7  mars  1333,  Ire  cli.  écli. 

(1)  «  Pauwel  Rogiers,  Jan  Baten,  Peeter  .Marien  en  Claes  vander  Stock,  als 
gesworenen  van  den  wulienwevers,  hebben  vercieert,  inden  name  van  den 
ambachte,  dat  Jan  Willems  en  Jan  Rombouts  d'werek,  in  dczcn  coniracle  be- 
grepen,  in  lyts  en  ure  voldaen  bebbcn,  le  vrcde  zynde  inden  name  voirsc. 
daeraf  eglieen  visitalie  doen  doen.  Acluni  20  sept.  1337.  »  Acte  inucrii  m 
marge  de  l'acte  du  7  mars  1553,  \'«  cli.  éi'ii. 

(2)  .M.  Riv.MAEKEns,  op.  cit.,  p.  32. 


—  494  — 

l'exécution  d'un  rélable  destiné  à  être  placé  dans  leur  cha- 
pelle particulière.  Ce  retable,  qui  déroulait,  en  bas-reliefs, 
la  légende  du  patron  de  l'association,  occasionna  une  dé- 
pense de  200  florins  du  Rhin,  ainsi  qu'il  résulte  de  la 
quittance  du  sculpteur,  datée  du  dernier  février  1559. 
Trois  ans  après,  les  confrères  s'adressèrent  à  Jean  Wil- 
lems  pour  faire  poiychromer  leur  rélable  et  pour  en  faire 
orner  les  volets  de  peintures,  dont  les  sujets  devaient 
également  être  puisés  dans  la  légende  de  saint  Quentin. 
Le  20  mars  1542,  notre  peintre  s'engagea  envers  la  con- 
frérie louvaniste  à  exécuter  ce  double  travail,  moyennant 
une  somme  de  125  florins  Carolus.  Dans  ce  marché  était 
également  compris  l'exécution  d'un  an(e-penclium,  qui  de- 
vait offrir  les  effigies  de  saint  Quentin  et  des  frères  et  sœurs 
de  la  confrérie.  Nous  venons  de  trouver  dans  un  registre 
de  l'église  de  Saint-Quentin,  le  contrat  de  celte  entreprise, 
entièrement  écrit  de  la  propre  main  de  l'artiste.  Celle  pièce, 
dont  nous  publions  le  texte  en  noie,  prouve  que  Willems 
avait  reçu  une  bonne  éducation  littéraire.  Le  travail  était 
entièrement  terminé,  le  9  mars  1545  (i).  Par  malheur, 
l'église  de  Saint-Quentin  n'en  renferme  plus  le  moindre 
fragment. 

(I)«  Dil  is  die  ordinancien  na  den  welcken  ick  Jam  Willems,  schUdcrc  en 
werrinnan  dcr  slaclt  van  Loeven,  maken  en  stoerfferen  en  vergulden  sal,  van 
fynen  gotide,  die  Creosie  en  die  Iwee  ducren,  malien  voel,  van  der  taffelcn 
van  den  oiitaer  van  Sinle  Quinlens,  binnen  Loeven. 

»  Hem,  in  den  eerstcn  sal  men  vergulden,  van  fynen  goiide,  die  groole 
Creesle,  Loven  die  taffele  van  Sinle  Quinlen;  te  welen  dat  cappeteelen  daer 
Sinle  Qiiinten  en  die  twee  preraulen  op  slacn,  sal  men  vergulden  van  fynen 
goude,  gebruyneerl,  en  die  croosen  schocn  fyn  blaw  en  voort  die  gliehecl 
Creesle  sal  men  vergulden,  tôt  op  den  back  ofl  leyste  van  den  taffelen,  en  dat 
groole  croes  sal  men  maken  van  fyn  blaw  en  die  looffkens,  die  daer  in  liggen, 
sal  nicn  vergulden  van  fyne  goude,  alsoe  dat  behoorl,  en  die  twee  preraulkcns 
sal  men  stoerfl'eren  alsoe  dat  zyn  behoorte  is. 

»  En  voort  sal  men  die  dueren  van  der  selver  taffelen  maken  van  poulcr- 
tueren  in  fynen  olye  verve  :  in  de  ieeste  duere  binnen  sal  men  bcgliinnen  de 
leegende  van  Sintc  Quinlru;  puenlen  icesten  :  daer  liy  preckte  en  daer  hy 


-   495  — 

Jean  Willems  dicta  son  leslament  le  2  décembre  \lj'^7, 
el  le  1G  février  1548  il  avait  cessé  de  vivre.  Il  laissa  un  fils 


voer  den  rechter  glicbraclil  en  gelcyl  wert,  en  ilacr  liy  iii  den  kerckcre  gcdacn 
wert;  voert  soe  dat  belioert. 

»  En  op  d'ander  iluei-e  sal  men  maken  daer  dallycliaem  van  Sintc  Quinlen 
vonden  wert  van  Sinle  Loy,  Biisscliop,  en  voort  daer  liy  vcrschcenen  is,  in 
een  casse  ofl  ffeertere,  en  daer  by  den  coninck  Lodevvycus,  en  daer  die  siecken 
en  crucpelen  gesont  ghenesen  gemaeckt  werden,  alsoe  men  dat  werckelycks 
noch  ordinercn  sal. 

»  En  bouten  (builen)  op  die  dueren,  sal  men  maken,  doer  een,  daer  Sinle 
Quinlen  ter  doot  geleyt  wert,  met  die  treckers  en  richter,  nae  volghende,  en 
daer  een  vrouwken  comt  by  Sinte  Quinlen,  met  een  hemdc  voer  liaren  man, 
die  sieck  was,  alsoe  dat  men  besle  maken  macli. 

»  En  dese  poenten  voorsclireven  sal  men  maken  van  olye  verven,  alsoe  men 
scliuldich  is  al  siilcke  goeden  eerlycke  le  maken,  te  gronden  te  prumueren  en 
te  dootverven  en  oock  te  vernissen  en  al  le  docne  als  een  meeslere  van  eere 
scliuldicii  is  te  doen;  en  die  lyslen  vander  binnen  dueren  sal  men  vergulden 
met  fynen  malien  gouden,  in  d'oiye  en  d'ander  merbelle,  in  olye,  verniesl, 

»  En  buyien  die  duere  sal  men  dat  muesken  vergulden  van  gouden  en  voort 
merbelle,  alsoe  dat  behoort,  te  maken. 

»  En  voort  sal  men  maken  en  stoerffeeren  den  voet  van  der  taffele;  die 
loeffkens  sal  men  vergulden  van  olye  verve,  en  den  snede  sal  men  maken  op 
syn  sliens  manière,  en  die  croesen  van  blaw,  en  d'andere  van  root,  groen  en 
anders,  soe  dat  behoert,  met  die  kindekens  die  daer  in  slaen. 

»  En  voort  sal  men  maken  van  olye  verve  dat  bert  dat  voer  den  outaer  slact, 
voer  Sinte-Quintcn,  te  weelen  Sinte  Quinten,  in  middele  staende,  en  die  broe- 
ders  op  d'een  syde,  en  die  suslers  op  d'ander  syden. 

»  En  nocli  sal  men  sloorfferen  die  twee  ingliels,  die  op  die  poenten  staen 
sullen,  die  weleke  noch  le  sniden  syn;  die  haer  sal  men  verven  en  die  borden 
vergulden  en  zoo  eerlyck  maken  alsoe  men  dat  behoort,  als  men  dat  beste  sien 
sal  als  sy  gesneden  syn  sullen. 

»  En  die  Crées len  moet  gedaen  syn  teeghen  den  Omgaen  van  Sinle  Quinlen 
kermecsse. 

»  En  die  dueren  en  d'ander  tegen  Passchen  over  jaer,  ofl  eer  is  moeghelyck, 
soe  sal  men  cer  doen  sonder  foute. 

»  Item,  op  lieden  x  martii  a»  xv":  Iwee  en  vecrlicb,  slilo  van  Ludick,  soe 
hebben  vvy  het  voors.  werck  aen  Jan  Willems  vcrdingl,  op  homierl  cnde  vyf 
en  Iwinlich  Karolus  guldens,  die  brurs  van  Sinle  Quinlens  waren  doen  ter  tyl 
Lenart  Lips,  als  meyer,  Gert  Eerpeynen,  als  lutenant,  ende  Jan  de  Wyeerl, 
smet,  ende  mcestcr  Fransen  vander  Hulst,  barbier,  als  die  onde  bruers,  en 
voert  Ilubrechl  de  Langhe,  Dierick  Caemuckx,  Peetcr  van  Baescroy  en  Jan 
Zegers,  als  dit  jaer  bruers  aengecoraen. 

»  Item,  es  condilie  dat  die  voorschreve  schildere  dit  werck  moel  volinaccLl 


—  49G  — 

qui  portait  également  le  nom  de  Jean,  Le  16  février  1548, 
Marie  Rombauts  transporta  à  Anne  van  Caverson,  veuve  du 
peintre  sur  verre  Gérard  Boels,  la  maison  des  Willems, 
rue  de  l'Abreuvoir  (i).  Celte  femme  mourut  avant  le  20  dé- 
cembre 1530  (â). 


Iiebben  van  nu  te  Paessclien  eer  een  jaer,  te  welen  le  Paesschen,  a»  xv«  dry 
en  viertich  en  eer  est  mogelyck.  « 

Sur  le  revers  du  feuillet,  se  trouve  ce  qui  suit,  de  la  main  de  Willems  : 

"  Item,  iek  Jam  Willems,  schildere,  kenne  mils  desen  ontfangen  le  liebben 
op  dat  werck,  op  affcortingen,  die  somme  van  seven  en  twinlich  Karolus  gul- 
den,  op  den  xx'"»  marlii,  a»  xvc  xlij,  slllo  Leodiensis.  In  leecken  der  waerheyt 
heb  ick  Jan  Willems  m\  n  lianteeken  hier  op  gestelt.  » 

Signé  :  n  Ja.\  Willems.  » 

«  Item,  ick  Jan  Willems,  schildere,  kenne  onlfanghcn  te  hebben  en  voile 
betaelt  te  zyn  van  die  heele  somme,  te  vveeten  liondert  en  viventwintich  Karo- 
lus guldens,  van  der  comerscap  die  ick  ghedaen  hebbe,  te  welen  van  die  ducren 
en  creeste  en  voet  en  bert,  onder  de  selve,  onder  welcke  die  twee  ingliele, 
die  welcke  ick  als  voere  in  de  condicile  ghesclireven  hebbe;  en  in  leecken  der 
waerheyt  dat  ick,  Jan  Willems,  kenne  betaelt  le  syne,  soe  hebbe  ick  dit  selve 
gheschreven,  in  bysyn  der  broeders  Sinte  Quintens  oft  meesters,  te  welen 
Dierick  Coninck,  Peeler  van  Roest,  Jan  vander  Dylen,  Ywaen  Rampaert, 
Huybrecht  die  Langlie,  Jan  Poparl,  Laureyse  die  Weert,  den  xix  marlii 
anno  xv»  xliij  slilo  Leod.  » 

Signé  :  «  Jan  Willems.  » 

Reifisircs  des  archives  de  l'église  de  Saint-Quentin,  à  Louvain,  t.  II,  f"  93, 

(1)  n  Marie  Rombouts,  weduwe  Jans  wylen  Willems,  cum  tulore,  vuyt 
crachte  van  den  lestamente  en  machle  haer  byden  selven  Janne  gegeven,  soe 
zy  vercleerde,  gcpasseerl  voer  meester  Lambrechie  Joirdens,  als  notaris,  eu 
sekere  getuygen,  op  den  2  decembris  a»  1347,  heeft  opgedragen  een  huys 
gelcgen  op  den  hoeck  van  den  Wierinck,  tusschen  den  selven  Wierinck,  1er 
eenre,  de  Legcstrale,  1er  andere,  Elias  Palme,  1er  derdere,  en  de  goeden  van 
den  Cammen  geheelen  den  Teemps,  1er  vierdere  zyden,  exposilo  et  imposilo 
Anna  van  Caverson,  weduwe  Gerarts  wylen  Boels.  »  Acte  du  16  fév.  134-8, 
2e  ch.  écli. 

(2)  «  Jan  Rombouts,  sone  wylen  Jans,  woenende  le  Loeven,  ende  meesler 
Jeroem  van  Wynghe  als  exécuteurs  van  den  testamenle  Marien  Rombouts,  we- 
duwe Jans  wylen  Willems,  hebben  gekent  dat  Anna  Willems,  hen  betaelt  ende 
overgeleverl  heeft  lot  behoef  van  Jan  Willems,  sone  van  den  voirsc.  gehuys- 
sehen,  tvierdendeel  van  den  vliegender  erfifven  by  wylen  Janne  van  Belle  en 
Lucien  vander  Heyden,  gehuyschen,  aclilcrgelalen.  »  Acte  du  20  déc.  1330, 
3c  ch.  éch. 


—  497  — 

Te!s  sont  les  renseignements  que  nous  avons  réunis  sur 
peintres  louvanistes  de  celte  époque.  Leur  présence  prouve 
que  Part  déployait  alors,  dans  notre  ville,  une  grande  acti- 
vité. Ce  fut  au  milieu  de  ces  circonstances  favorables  que 
naquit  à  Louvain  l'artiste  célèbre,  qui  était  appelé  à  jeter 
les  bases  de  l'école  d'Anvers.  Nous  avons  recueilli  des 
particularités  intéressantes  sur  Quentin  Melsys  et  sur  sa 
famille.  Mais  avant  de  les  faire  connaître  à  nos  lecteurs, 
nous  allons  leur  communiquer  les  renseignements  que  nous 
avons  trouvés  concernant  nos  peintres  sur  verre  de  la  même 
époque. 

(Pour  êlre  continué). 

Edw.  Van  Even. 


—  498  — 


CHATEAU  DU  FEANC-ALLEU  OU  DE  NEIGENE, 

A    MEERBEEK. 


Sur  les  confins  de  la  Flandre,  à  l'exlrémité  méridionale 
de  la  commune  de  IMeerbeek,  un  antique  manoir  domine 
le  gracieux  vallon  qu'arrosent  trois  ruisseaux,  venant  de 
Goyck,  de  Liefferinge  et  de  Dendervvindeke,  mêler  leurs 
eaux  limpides  au  pied  des  hauteurs  boisées  de  Ncirjenibosc/i 
et  de  Vriesenbosch.  Au  XIV  siècle,  ce  castel  formait  avec  le 
territoire  de  la  commune  actuelle  de  Neigem,  le  plus  pré- 
cieux apanage  des  puissants  avoués  de  Meerbeek,  seigneurs 
de  Wedergrate  (i). 

Comme  le  nom  l'indique,  Eirjene,  par  euphonie  Neigene, 
était  un  franc-alleu,  un  bien  de  souche,  dont  la  possession 
remontait  probablement  au  VI^  siècle,  alors  que  l'illustre 
Odelard,  père  de  sainte  Berlende,  enclavait  dans  sa  villa  de 
iMeerbeek,  la  majeure  partie  de  cette  commune.  En  1189, 
nous  trouvons  la  dénomination  actuelle  en  usage  (2),  et  une 
charte  de  1  193  en  détermine  le  véritable  sens,  par  le  mot 
Allodium,  servant  de  litre  foncier  à  la  fille  de  Herbrand, 
avoué  de  Meerbeek  et  seigneur  de  Wedergrate.  Dans  cet 
acte,  Machleldis  de  AUodio  confirme  la  donation  de  plusieurs 


(1)  Le  château  de  Wedergrate  ou  Contrecœur  s'élevait  sur  la  rive  droite  de 
la  vieille  Dendre,  en  aval  de  Pollare.  Les  fondations  ont  disparu  dans  le 
tracé  du  nouveau  lit  de  la  rivière,  en  1866. 

(2)  «  Qui  doininus  fuit  caslri  illius  quod  dicilur  Eiglien.  »  (J.  J.  (>e  Smet, 
Corpus  chron.  Fland.,  IF,  801). 


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—  409  — 

bonniers  de  bois,  faite  à  l'abbnye  de  Niiiove  par  Gérard  de 
Grimberge,  au  nom  de  Guillaume  de  Ledeberg  (i). 

Tel  qu'il  existe  encore  aujourd'hui,  le  Frauc-allou  nous 
fournil  toutes  les  données  arehéologiques  des  premiers  do- 
maines féodaux.  Sur  une  motte  ou  hauteur  artilicieile  en- 
tourée de  larges  fossés,  s'élève  le  castruin  ou  sale,  dont  les 
plus  anciennes  parties  consistent  en  une  tour  carrée  en 
pierres,  surmontée  à  la  naissance  des  toits  par  une  tourelle 
cylindrique  à  toit  aigu  et  à  rares  embrasures,  parfaitement 
disposée  pour  observer  les  mouvements  militaires  du  côté 
de  l'ancienne  Flandre.  Deux  soubassements  en  saillie  sont 
les  seuls  vestiges  de  l'ancienne  porte  d'entrée  {poorle  van 
der  sale),  située  au  sud  et  commandant  un  pont  en  briques 
à  deux  arches.  Ce  pont  conduit  à  la  seconde  enceiiUe  ou 
Bayle  intérieur  (voorliof),  borné  au  nord  et  à  l'est  par  un 
large  fossé,  longeant  les  diverses  dépendances  de  la  basse 
cour  proprement  dite,   qui  forme  la  première  partie  de 
cette  enceinte.  La  première  partie  comprend  le  boomrjaerd- 
lanl  de  nos  anciens   feudistes,  c'est-à-dire  le  verger,   le 
potager  et  une  ferme  entourée  de  murailles.  La  porte  exté- 
rieure était  flanquée  de  deux  tours,  remplacées  maintenant 
par  des  pavillons  carrés,  et  donne  sur  le  chemin  de  Neigem 
à  Goyck.  Devant  cette  entrée,  s'étendait  la  première  en- 
ceinte ou  Bayle  extérieur,  comprenant  le  centre  du  village 
actuel.  Car  n'oublions  pas,  que  d'après  les  usages  féodaux, 
une  petite  église  s'élevait  sur  le  terrain  seigneurial,  au  ser- 
vice du   propriétaire  et   de  ses  vassaux  groupés  dans  la 
première  enceinte.  Celte  remarque  nous  explique  facile- 
ment la  translation  du   titre  paroissial  de  l'antique  sanc- 
tuaire de  Bevingen  (2)  à  Vecdésiole  du  Franc-alleu  ou  de 


(1)  J.  J.  De  Ssiet,  ouvrage  cilé,  II,  807. 

(2)  Celle  translation  se  fit  en  1263,  par  raiilorité  de  Nicolas,  évêque  de 
Cambrai.  L'église  de  Bevingen,  converlie  en  chapelle,  devint  nne  annexe  de 
Neigem  et  s'élève  à  Penlrée  de  iNcigemboseh  ,   vers  Meerbcek.   Agrandie  et 


—  500  — 

Neigene,  située  seulement  à  quelques  pas  tle  l'église  pri- 
mitive, mais  dans  une  position  plus  commode  pour  les 
seigneurs  et  au  milieu  de  leur  domaine. 

On  ne  saurait,  ce  semble,  dénier  au  Franc-alleu  une  cer- 
taine importance  stratégique.  Défendu  par  une  double 
ligne  de  larges  fossés,  et  par  le  confluent  de  trois  ruis- 
seaux, il  dominait  la  vallée  de  Meerbeek  et  la  grande  route 
de  Ninove  à  Hal,  serpentant  à  l'ouest  dans  la  direction  du 
nord  au  sud  et  présentant  le  flanc  incliné  aux  défenseurs 
du  château. 

Passons  maintenant  à  une  revue  plus  détaillée,  que  faci- 
literont les  plans  ci-joints.  Les  bâtiments  de  la  basse  cour 
sont  au  nombre  de  six.  Celui  qui  fait  angle  droit  à  l'étang 
extérieur  comprend  les  remises,  une  écurie  et  la  prison. 
Celle-ci  s'ouvre  dans  l'écurie  et  consiste  en  une  cellule 
spacieuse  de  5  mètres  20  c.  sur  3  mètres  10  c.  Elle  reçoit 
la  lumière  au  moyen  de  deux  fenéires  grillées,  pratiquées 
l'une  au  nord  à  hauteur  d'appui,  l'autre  au  sud  et  à  une 
grande  élévation,  comme  donnant  sur  le  jardin.  Par  un 
guichet  en  fer  avec  verrou  et  serrure,  on  passait  la  nour- 
riture au  prisonnier.  Ce  cachot  était  destiné  aux  personnes 
coupables  de  délits  peu  graves  et  soumises  à  la  justice 
basse  ou  moyenne.  Les  condamnés  à  mort  étaient  enfermés 
en  un  lieu  plus  sur,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

A  l'est,  le  long  du  fossé  extérieur,  se  trouve  une  double 
écurie  joignant  la  première  à  angle  droit.  Ces  bâtiments, 
voûtés  à  poutrelles,  sont  remarquables  par  la  solidité  et 
l'étendue.  Ils  peuvent  facilement  loger  une  trentaine  de 
chevaux.  Un  bâtiment  semblable,  comprenant  trois  com- 


modifiée  au  siècle  dernier,  elle  a  conservé  une  partie  du  chevet  et  des  murs 
latéraux,  construits  en  moellons  bruis  noyés  dans  le  mortier.  Le  patronat 
de  Bevingen  appartenait  primitivement  aux  seigneurs  de  Wedergratc,  et  fut 
cédé  en  l'iSS  à  la  prévôté  de  Saint-Jacques  sur  Caudenberg,  à  Bruxelles  (Vaiv 
Gestel,  Hisl.  nrch.  Mecld  ,  II,  p    210). 


—  501   — 

parlimenls,  vacheries  el  bergerie,  occupe  sur  la  même  ligne 
rexlrémilé  de  la  basse-cour.  Entre  les  écuries  cl  les  cla- 
bles,  s'élève  Tancien  donjon,  tour  carrée  à  loil  raballu, 
reliée  aux  dépendances  voisines  par  des  courtines  avec 
poterne  ou  sortie  particulière  donnant  sur  le  fossé  exté- 
rieur. Dégarni  de  ses  créneaux  el  de  ses  meurtrières,  le 
donjon  loge  mainlenanl  de  paisibles  colombes  au  lieu  de 
guerriers  sanguinaires.  L'étage  sert  de  magasin  el  le  rez- 
de-cljaussée  fournissait  naguères  de  spacieuses  élables  aux 
compagnons  légendaires  de  saint  Antoine.  Remarquons  en 
passant,  que  dès  le  X^  siècle,  surtout  dans  le  système  des 
constructeurs  du  Nord,  le  donjon  était  posté  près  de  l'en- 
ceinte, avec  poterne  extérieure  el  défendait  l'endroit  le  plus 
faible.  Alors  déjà,  la  basse  cour  était  généralement  protégée 
par  le  donjon  («).  M.  De  Caumonl  (2)  rapporte  les  donjons 
du  moyen  âge  à  deux  types  principaux.  Dans  l'un  on  voit 
le  donjon  se  lier  aux  fortifications  du  pourtour  de  l'en- 
ceinte, dans  l'autre  il  se  compose  d'une  tour  carrée  distante 
des  autres  bâtiments  de  la  place.  Au  XIIl''  siècle,  le  donjon 
carré,  dit-il,  est  plutôt  une  tour  d'observation  qu'un  bàli- 
menl  d'habitation.  Ce  dernier  détail  s'applique  parfaitement 
au  donjon  de  JXeigene. 

Au  nord  de  la  basse-cour,  se  trouve  la  grange,  bâtiment 
spacieux  à  double  sortie,  destiné  à  l'entassement  des  dîmes 
seigneuriales  el  appelé  de  ce  chef,  encore  aujourd'hui,  la 
grange  aux  dîmes,  de  thiencle  schiiur.  Plus  loin,  vers  l'angle 
formé  par  les  fossés  du  châleau  el  l'étang  extérieur,  s'élèse 
un  pelil  édidce  servant  de  laverie  el  de  four. 

Tournons  nos  pas  vers  le  manoir.  La  motte  forme  un 
carré  d'environ  42  mètres  de  côté,  occupé  au  nord  el  à 
l'est  par  deux  corps-de-logis  se  joignant  à  angle  droit.  A 

(1)  ViOLLET  LE  Duc,  Dict.  rais.  de  rarclilleclure,  III,  p.  65. 

(2)  Abécédaire  d'archéologie,  341  et  4l8. 


—  502  — 

l'ouest  et  au  sud,  des  murs  à  hauteur  d'appui,  flanqués  de 
simples  contreforts,  descendent  jusqu'au  bord  des  fossés, 
larges  de  9  mètres.  Comme  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
des  souches  en  briques  flanquent  la  tète  du  pont  faisant 
saillie  au  tertre.  Entre  ces  deux  soubassements,  est  con- 
struit le  cachot  des  condamnés  à  mort.  On  y  descend  par 
une  ouverture  pratiquée  dans  la  voûte.  Une  corde  ou  une 
échelle  y  donnait  accès,  à  une  profondeur  de  2  met.  20  c. 
C'est  bien  là  un  cliartre  avec  toutes  ses  horreurs,  ou,  comme 
on  l'appelait  jadis,  un  paradis,  un  vade  in  pace  (i).  Un 
soupirail,  pratiqué  dans  la  paroi  nord  de  l'arche  du  pont, 
donne  le  jour  et  l'air.  Haute  de  32  centim.  et  large  de 
22  centim.,  celte  ouverture  est  munie  d'une  grosse  barre 
de  fer,  armée  de  quatre  doubles  crochets  superposés.  Le 
pavement  consiste  en  larges  dalles  de  pierre  de  taille.  Deux 
barres  de  fer,  adaptées  horizontalement  à  la  muraille  de 
l'étang  et  garnies  de  chevilles,  servaient  à  attacher  les  pieds 
et  les  mains  du  détenu.  Celui-ci  n'était  ni  vu  ni  entendu  de 
l'extérieur.  Le  cachot  mesure  2  mètres  2(3  c.  de  largeur 
sur  3  mètres  32  c.  de  longueur.  Il  est  voûté  en  berceau  et 
entièrement  construit  en  briques.  Un  siège  en  pierre  se 
remarque  au-dessous  de  l'entrée.  Celle-ci,  large  de  oo  cent, 
et  longue  de  9.5  cent.,  se  ferme  au  moyen  d'une  dalle  à 
double  anneau,  couchée  de  niveau  avec  le  sol.  D'après  la 
tradition  locale,  on  enfermait  dans  cette  prison  les  condam- 
nés à  mort,  qui  d'ordinaire  ne  passaient  qu'une  nuit  dans 
ce  lugubre  réduit.  On  conserve  encore  dans  le  château  les 
ceps  avec  chaines  et  boulets  en  fer,  ainsi  que  les  débris 
rouilles  d'un  carcan. 


(1)  Ces  sortes  de  prisons  sont  désignées,  pendant  les  XII^  et  XlIIe  siècles, 
sous  le  nom  de  Carlre. 

Or  fil  Ogier  en  la  granl  carlre  obscure 
Où  il  csloit  et  en  fers  et  en  huis. 

(Ocjierl'Ar demis,  v.  10281). 


—  503    - 

L'entrée  des  corps-de-logis  est  praliquée  dans  le  bùli- 
inent  de  l'esl,  le  moins  spacieux,  mais  le  plus  inlérossanl 
des  deux  édifices.  Sept  marches  en  pierres  de  faille  descen- 
dent du  seuil  à  la  cour.  Les  souterrains  du  premier  corps- 
de-logis  s'étendent  seulement  aux  deux  tiers  de  l'édifice  et 
se  composent  de  sept  compartiments,  dont  trois  forment 
couloir  à  l'est.  On  y  remarque  deux  colonnes  en  pierre, 
parfaitement  conservées  et  appartenant  au  \V«  siècle.  Des 
trous  pratiqués  dans  la  paroi  nord  font  supposer  l'existence 
d'autres  caves  entre  les  deux  bâtiments.  Ces  souterrains 
communiquaient  avec  le  fossé  par  une  poterne  actuellement 
murée.  Naguères,  en  nettoyant  les  étangs  de  ce  côté,  on 
découvrit  deux  boyaux  ou  conduites  parallèles  en  maçon- 
nerie, l'une  amenant  les  eaux  de  source  des  hauteurs  de 
Neigembosch,  l'autre  servant  de  galerie  souterraine  en  com- 
munication, sinon  avec  le  donjon  du  moins  avec  l'extérieur, 
sous  l'aire  de  la  basse-cour. 

Au  rez-de-chaussée,  un  grand  vestibule  occupe  plus  du 
tiers  de  la  surface  totale.  En  face  de  l'entrée  se  trouvent  le 
grand  escalier,  la  chapelle  et  l'ancienne  tour;  à  gauche,  un 
salon  et  l'entrée  du  second  bâtiment;  à  droite,  deux  salles 
et  un  cabinet.  A  l'étage,  au-dessus  du  vestibule,  est  l'an- 
cienne salle  d'armes,  convertie  depuis  en  salon  italien,  orné 
de  paysages  le  long  des  murailles  et  de  médaillons  d'empe- 
reurs romains  dans  les  trumeaux.  Au-dessus  du  salon  de 
réception,  était  la  chambre  à  coucher,  avec  alcôve  flanquée 
de  deux  enfoncements  ou  armoires  vitrées.  Dans  le  fond 
opposé,  mais  au  nord  du  grand  bâtiment,  s'ouvre  le  bou- 
doir. Chaque  étage  du  second  édifice  est  percé  de  huit 
fenêtres,  dont  une  murée.  Ce  nombre  se  réduit  à  trois  pour 
la  façade  d'entrée.  A  l'extérieur,  les  ouvertures  sont  plus 
rares  et  distribuées  très-irrégulièrement  dans  l'intérêt  de 
la  défense. 

Comme  il  est  aisé  de  le  remarquer,  chacun  des  deux 


—  504  — 

corps-de-logis  avait  sa  disposilion  particulière;  le  plus  petit 
servait  à  la  vie  publique,  à  l'étalage  de  la  puissance  seigneu- 
riale. On  y  traitait  les  affaires  d'intérêt  général.  C'est  là 
que  siégeait  le  tribunal,  que  la  triple  justice  rendait  ses 
arrêts  (i),  que  le  baron  convoquait  ses  vassaux  et  ses  hom- 
mes d'armes.  S'agissait-il  d'un  crime  capital?  Le  coupable 
était  soumis  à  la  question  dans  l'un  des  souterrains  (2), 
convaincu  et  jugé  par  les  hommes  de  loi  dans  la  grande  salle 
ou  vestibule,  traduit  au  tribunal  de  son  confesseur  dans  la 
chapelle  attenante,  jeté  à  dix  pas  de  là  dans  le  cachot  de 
l'entrée  et  traîné  le  lendemain  aux  fourches  patibulaires  de 
la  première  enceinte.  Ces  fourches  sont  clairement  indi- 
quées sur  la  carte  du  comté  d'Alost,  dans  la  Flandria  illus- 
trata,  de  Sanderus  (3).  Les  registres  de  décès  à  Neigem 
nous  citent  en  165G  un  cas  d'exécution  capitale.  Pierre 
Bueter  fut  décapité  le  2  septembre  ante  gallas  pour  un 
homicide,  commis  à  Denderwindeke,  dans  le  ressort  du 
seigneur  de  Neigem. 

Dans  le  second  bâtiment,  plus  riant  et  plus  spacieux,  le 
seigneur  jouissait  de  toute  l'intimité  de  ses  relations  de 
famille.  De  nombreux  salons  ornés  de  gracieuses  et  splen- 
dides  tentures,  rehaussées  par  des  tableaux  religieux  ou 
des  portraits  de  famille;  des  chambres  commodes,  com- 
muniquant d'un  étage  à  l'autre  par  un  escalier  privé,  des 
souterrains  bien  aérés  renfermant  des  caves  à  vins  et  à  pro- 
visions, une  laverie  avec  deux  pompes,  une  vaste  cuisine, 
une  salle  pour  les  domestiques,  eu  un  mot  toutes  les  res- 


(1)  Les  serfs  et  le  peuple  étaient  jugés  en  plein  air,  sous  un  arbre  appelé 
Schouwboom.  On  remarque  en  effet,  à  l'entrée  du  préau,  deux  arbres  parfai- 
tement disposés  pour  une  séauce  en  plein  air.  Les  vassaux  ou  familiers, 
huisgenoten,  ne  pouvaient  élre  jugés  que  dans  la  grande  salle,  en  latin  de 
cet  âge  sala  (Raepsaet,  OEuvres  complètes,  V,  220  et  221). 

(2)  On  y  remarque  encore  des  anneaux  en  fer,  attachés  aux  voûtes. 
(.-j  m,  p.  KiO. 


—  505  — 

sources  désirables  concouraient  à  l'agrémciil  du  séjour  cl 
à  la  facilité  du  service.  Deux  issues  mciiaicnl  Tune  au 
préau,  l'autre,  en  guise  de  poterne,  aux  fossés  extérieurs. 
Dans  la  salle  des  domestiques,  on  remarque  la  belle  che- 
minée à  large  manteau,  avec  supports  en  pierre  à  bases 
octogones  amorties  en  carrés.  Dans  la  cuisine,  la  poutre 
maîtresse  du  manteau  porte  d'un  côté  sur  une  colonne 
engagée  dans  le  mur  extérieur.  Le  chapiteau,  formé  d'un 
triple  bandeau  en  retraite  sortant  d'un  tailloir  rectangu- 
laire, accuse  le  XV*  siècle.  La  base  consiste  en  un  socle 
carré  à  simple  tore. 

Les  privés  sont  étages  dans  l'angle  ouest  de  chaque  palier 
du  grand  escalier.  A  celui  du  rez-de-chaussée  on  remarque 
une  porte  en  chêne  à  neuf  panneaux,  ouvragés  en  guise  de 
parchemin  plissé,  ornementation  fort  en  vogue  au  XV"  siè- 
cle. Par  leur  situation  au  nord,  à  l'angle  rentrant  des  deux 
corps-de-logis,  ces  cabinets  ne  présentaient  aucun  incon- 
vénient pour  les  habitants  du  château.  Les  domestiques 
avaient  -un  lieu  d'aisances  à  l'extérieur.  A  l'exception  de 
quelques  parties  de  la  tour  et  des  soubassements,  construi- 
tes en  pierres,  les  bâtiments  sont  édifiés  en  briques  et 
dénotent  par  conséquent  le  XV'=  siècle.  Les  fenêtres  du 
pignon  occidental  ont  conservé  leurs  montants  et  leurs  tra- 
verses en  pierre.  Toutes  les  ouvertures  sont  bordées  alter- 
nativement de  pierres  de  taille  et  de  claveaux  en  briques. 
Quelques  fenêtres  se  terminent  en  guise  d'anse  à  panier, 
la  majeure  partie  est  de  forme  rectangulaire.  Le  grand 
bâtiment  est  couvert  d'un  toit  en  mansarde,  formant  un 
second  étage,  mais  moins  élevé  que  la  couverture  à  pente 
raide  de  l'autre  édifice.  La  tourelle  cylindrique  est  reliée  à 
sa  base  carrée  par  des  pans  couverts  d'ardoises  cl  formant 
avec  les  arêtes  des  angles  des  saillies  à  double  égout.  L'es- 
calier de  la  tour  carrée  est  en  pierre,  celui  de  la  tourelle 
est  en  bois.  Une  clochette,  maintenant  démontée,  pendait 
sous  la  toiture  conique.  ss 


—  5J}0  — 

Passoui  a  la  chapelle.  Cel  éJieule  esl  éclairé  par  Irois 
feoélres,  luue  daus  le  clievel,  les  autres  dans  la  muraille 
nord.  La  plus  grande  de  celles-ci  est  ogivale;  l'autre  carrée 
douue  sur  le  palier  du  graud  escalier  et  rappelle  par  sa 
garuiture  en  plomb  les  formes  du  \V11=  siècle.  Le  rétable 
de  l'autel  forme  cloi^ou  pour  séparer  la  sacristie  du  sauc- 
tuaire  proprement  dit.  Il  est  orné  de  trois  reliquaires  en 
bois  doré,  surmontés  de  bustes,  dont  lun  représente  uu 
évéque,  le  second  un  prêtre,  le  troisième  uu  Franciscain, 
tenant  de  la  main  droite  un  livre  et  de  la  gauche  un  flam- 
beau allumé.  Dans  cette  dernière  chasse,  nous  avons  trouvé 
une  custode  en  argent  avec  deux  parcelles  de  reliques,  et 
eu  outie  un  fragment  de  crâne  et  quelques  osselets.  Uu 
papier  rongé  par  Ihumidité,  nous  apprend  que  ces  reliques 
proviennent  des  compagnes  de  sainte  Lrsule,  qu'elles  ap- 
partenaient à  l'église  d'Eswilderen,  détruite  par  les  Gueux 
au  \V1^  siècle,  et  qu'elles  furent  transmises  le  18  février 
1388,  par  Jean  Rayns,  provincial  des  Récollets,  au  couvent 
du  même  ordre  à  Maliues.  Leur  autheulicilé  est  reconnue 
par  Alexandre  Vamler  Laeu,  chanoine  de  Malines,  par  acte 
du  21  mars  lo'24.  Voici  le  texte  de  ce  document  : 

Parlem  reliquiarum  huic  capsae  imposilam  et  antepositam  habui 
a  minoritis  convenlus  Mechliniensis  qui  eamdem  acceperant  a  quo- 
dam  iuo  proriticiali,  paire  Joanne  Rayns,  a'  1588,  18^  februarii, 
juita  tcitimonium  cum  eisdem  reliquiis  reservalum  et  mihi  txhibi- 
tum  manu  propria  ejusdem  P.  prorincialis  scriptum,  signalum  et 
sigillo  munilum,  habebalurque  in  eodem  lestimonio  reliquias  ha$ 
sanclissimaé  el  indubilatas  esse  undicim  millium  viryinum  ex  eccle- 
sia  deslrucla  ab  herelicis  prope  Brûlas  nomine  Esuildere,  dioecesis 
Coloniensis,  ad  nos  allatas  anno  Dni  158-4,  mensis  marlii  die  4', 
quas  auclorilate  apostolica  conluli  Ecclesiae  contentus  nostri  in 
Méchlinia  a"  1588,  die  18^  februarii.  Daiutn  mea  manu  et  sigillo 
officii  mei  et  hic  lenor  ustimonii  in  cujus  fidem  et  futuri  lemporis 
memorium  his  subscripsi  hac  21*  marlii  1617. 

Alexasdek  Va>der  Lae.n, 
Canon ic us  Mechliniensis. 


—  507   — 

Deux  autres  reliquaires,  de  forme  pyramidale,  orueiil  le 
gradin  de  laulel  et  contiennent,  lun,  des  reliriufs  des  saints 
Biaise,  Léonard,  Anne,  Marc  évangéliste,  Maurice  et  Eus- 
tache,  Ursule,  Augustin,  Apollinaire,  des  martyrs deTrèves 
el  des  Trois  Rois;  lautrc,  des  reliques  des  saints  Paul  er- 
mite, André  apôtre,  Agnès,  Boniface,  Noidburge,  Déodard, 
Goramaire,  Anne,  des  martyrs  de  la  légion  Thébaine  el  des 
onze  mille  Vierges. 

Le  tableau  d'autel  est  une  mauvaise  copie  sur  bois  d'une 
belle  œuvre  du  XV""  siècle.  Il  représente  VEnfant  Jésus 
caressant  sa  sainte  Mère,  assise  et  revêtue  dun  manteau 
rojal  à  riches  bordures  gothiques.  Par  une  attention  sin- 
gulière, le  copiste  a  modifié  le  fond  de  manière  à  repré- 
senter sur  Tarrière-plan  un  village  avec  église  et  maisons, 
rappelant  vaguement  \' Allodium  ou  Neigem  (i).  On  lit  en 
caractères  d'or  : 

1"  A  Tenlour  sur  le  cadre  : 

Recordare,  maler  misericordiae,  dum  steteris  in 
Conspeclu  Dei,  ut  loquaris  pro  nobis 
Bona,  et  avertas  indiguationem  suam  à  notyis. 
El  vivat  anima  noslra  oh  grnliam  lui. 

2"  Au  bas  du  panneau  : 

Loeva  ejus  sub  capite  meo 

et  dextera  illius  amplexabitur  me. 

Piemarquous,  en  sortant  du  sanctuaire,  un  bénitier  en 
cuivre,  en  forme  de  seau,  haut  de  16  centimètres  et  rap- 
pelant le  XV^  siècle.  C'est  le  seul  reste  de  l'ameublement 
primitif.  Dans   le  vestibule,  à  côté  de  la  chapelle,  pend 

(1)  Par  un  singulier  hasard,  nous  venions  d  acquérir  Toriginal  de  celte 
œuvre  chez  de  pauvres  gens,  à  deux  lieues  de  là.  Le  panneau,  brisé  en  quatre 
pièces,  était  cloué  sur  une  porte  intérieure  de  la  chaumière.  Il  vient  d'être 
resUuré  avec  beaucoup  dinlelligenee  par  M.  Roegiers,  à  Gand.  Au  lieu  du 
village,  le  second  plan  représente  un  paysage  très-accidenté.  Le  tableau  ap- 
partient à  l'École  fl.imande  du  XV«  siècle. 


—  508  — 

l'écusson  mortuaire  du  baron  Antoine  van  Cauteren  de 
Wedcrgrale,  dernier  de  ce  nom,  décédé  le  15  avril  1744. 

La  chapeilenie  castraie,  du  litre  de  Notre-Dame,  était 
grevée  de  cinq  messes  par  quinzaine  de  jours.  Les  vête- 
ments sacerdotaux  sont  déposés  dans  une  armoire  du  grand 
bâtiment;  le  calice  en  argent  est  conservé  à  l'église  de 
Neigem. 

Nous  compléterons  ces  détails  par  quelques  notes  tirées 
des  archives  de  Meerbeek.  Le  château,  tel  qu'il  s'étendait 
sur  le  territoire  de  cette  commune,  était  d'une  contenance 
de  1573  verges,  soit  4  hectares  85  ares  et  69  centiares. 

Un  status  animarum,  dressé  le  10  mars  1655  par  le  curé 
Guillaume  Van  Bossuyt,  donne  au  château  le  personnel 
suivant  :  le  propriétaire  François  de  la  Pierre,  son  épouse 
et  sa  sœur,  le  secrétaire,  un  page  (ephebus),  neuf  domes- 
tiques mâles,  trois  servantes,  une  femme  de  chambre,  une 
nourrice,  une  cuisinière,  deux  vachères,  un  porcher,  une 
portière.  Nous  verrons  plus  loin  qu'en  temps  de  guerre 
des  soldats  à  la  solde  du  châtelain  occupaient  le  Franc-alleu. 

Nous  avons  découvert  deux  anciens  dessins  du  château 
sur  des  cartes,  datant  l'une  de  1698,  l'autre  de  1728.  Ces 
pièces  seraient  fort  intéressantes  si  la  fantaisie  n'avait 
dirigé  le  crayon  de  l'artiste.  L'inexactitude  du  travail  ne 
nous  permet  pas  de  le  reproduire;  nous  avons  préféré  figu- 
rer le  castel  tel  qu'il  est  encore  debout.  L'inspection  des 
lieux  prouve  à  l'évidence  qu'une  tour  carrée  à  l'angle  inté- 
rieur des  bâtiments  n'a  jamais  existé  que  dans  l'imagination 
du  dessinateur,  dressant  la  carte  de  Neigem  en  1728. 

{Povr  être  continué). 

L'abbé  .1.  B,  Lavalt. 


—  oO'J  — 


€l}xon\(\vi(ô  îre  0dfncc3  et  îrcs  ^rts,  et  Uariftéô. 


■^  >  ^ 


Au  SDJF.T  DU  PORTHUT  DU  FnÈnE  Fn.  Romain,  du  Musée  de  Gahd.  —  Le  Messager 
des  Sciences,  1850,  p.  2G0,  a  donné  le  portrail  du  frère  Fr.  Romain,  d'après 
un  tableau  du  Musée  de  Gand,  attribué  par  les  uns,  dit  l'auteur  de  la  notice, 
AI.  Moulaert,  à  Jean-Baptiste  Champagne,  par  d'autres  à  Subleyras. 

Aucune  de  ces  deux  suppositions  ne  parait  fondée.  —  Fr.  Romain  est  né 
en  1646  ou  1647,  et  Jcan-Baptisle  de  Champagne,  neveu  du  grand  peintre 
Philippe  de  Champagne,  est  mort  en  1681.  II  est  bien  vrai  que  d'après  M.  le 
baron  de  Slassart  {flelges  illustres,  2,  p.  243)  et  la  plupart  des  biographes, 
il  ne  serait  mort  qu'en  1G88,  et  même  d'après  M.  Viilot  {Notice  des  tableaux 
du  Musée  impérial  du  Louvre,  2"  partie,  p.  59,  8»  édition),  seulement  en  1693. 
Mais  ces  deux  dernières  dates  sont  erronées.  Nous  avons  pour  celle  de  1681, 
d'ailleurs  admise  par  M.  Félis  {Catalogue  du  Musée  royal  de  Belgique,  2*  éd., 
p.  267),  le  témoignage  irrécusable  d'un  contemporain,    Guillet  de  Saint- 
Georges,  historiographe  de  l'Académie  de  peinture  et  de  sculpture  de  Paris, 
qui  recueillit,  dans  les  dernières  années  du  XVI1«  siècle,  des  matériaux  des- 
tinés à  l'histoire  de  ses  membres,  et  consacra  à  quelques-uns,  des  notices 
publiées  pour  la  première  fois  il  y  a  peu  d'années  (Mémoires  inédits  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  des  membres  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculp- 
ture, Paris,  1854,  2  vol.  in-8o).  Dans  la  notice  sur  J.-B.  Champagne»  nommé 
ordinairement  te  neveu,  »  Guillet  de  Saint-Georges    assigne  à   son  décès  la 
date  du  27  oclobre  1681,  et  celte  date  inscrite  dans  un  travail  lu  à  l'Académie 
à  une  époque  voisine  de  celte  mort,  ne  paraît  pas  pouvoir  èlre  révoquée  en 
doute.  Or,  le  portrait  conservé  dans  notre  Musée  nous  représente  une  per- 
sonne qui   a   certainement  dépassé  l'âge  que   Fr.    Romain  avait  atteint  au 
moment  de  la  mort  de  Jean-Baptiste  de  Champagne.  —  Encore  moins  pcul-il 
s'agir  d'une  erreur  qui  aurait  fait  attribuer  à  J.-B.  de  Champagne,  une  œuvre 
de  son  oncle  Philippe,  celui-ci  étant  mort  en  1677. 

Des  difficultés  d'un  ordre  tout  contraire  s'opposent,  mais  moins  complète- 
ment peut-être,  à  l'attribution  de  ce  tableau  à  Subleyras.  Né  cinquante-trois 
ans  après  Fr.  Romain,  en  1699,  dans  le  midi  de  la  France,  Subleyras  ne  vint 
à  Paris,  concourir  pour  le  prix  de  peinture,  que  vers  1726,  près  de  quarante 


—  510  — 

ans  après  raclièvement  du  Poul-Royal,  dont  Fr.  Romain,  dans  le  portrail 
dont  question,  tient  le  plan  enlre  les  mains,  et  à  une  époque  où  le  célèbre 
dominicain  avait  atteint  Tàge  de  quatre-vingts  ans.  Or,  celui-ci  n'avait  cer- 
tainement point,  à  beaucoup  près,  cet  âge  lorsqu'il  posa  devant  le  peintre. 
L'œuvre  dont  s'agit  ne  pourrait  donc  être  attribuée  à  Subleyras,  qu'à  la 
condition  d'être  une  copie  d'un  tableau  plus  ancien  d'un  autre  maître. 

Mais  ces  diverses  suppositions  paraissent  écartées  par  le  fait  suivant,  ignoré 
de  l'auteur  de  la  notice  publiée  dans  le  Messager  de  1830.  La  reproduction 
sxacte  du  tableau  de  Gand  se  trouve  au  Musée  départemental  de  Caen,  sous  le 
n"  177,  et  est  attribuée  par  M.  le  bibliothécaire  G.  .Mancel,  l'auteur  du  catalogue 
imprimé  du  Musée,  sans  aucune  indication  de  provenance,  à  François  Jou- 
venel,  dit  le  Jeune,  ainsi  appelé  pour  le  distinguer  de  son  oncle  plus  célèbre, 
Jean  Jouvenet.  Or,  François  Jouvenet  était,  d'après  M.  Villot  {JVolice  sur  les 
tableaux  du  Louvre,  3e  partie,  5^  éd.,  p.  184),  né  à  Rouen  en  1668  et  il  fut 
reçu  à  l'Académie,  comme  peintre  de  portraits,  en  1701.  .iucune  de  ces  dates, 
rapprochées  de  celles  de  la  vie  du  frère  Romain  et  de  la  construction  par  lui 
du  Pont-Royal,  ne  contrarie  l'indication  donnée  par  le  catalogue  de  Caen. 

Pour  ce  qui  est  des  preuves  à  tirer  de  la  manière  du  peintre,  les  moyens 
de  comparaison  nous  manquent.  Les  deux  toiles  de  Caen  et  de  Gand  sont,  au 
reste,  de  la  même  école,  du  même  style,  et,  pour  autant  qu'on  peut  en  juger 
h  distance,  en  se  confiant  à  ses  souvenirs,  paraissent  l'œuvre  de  la  même  main, 
à  cela  près,  cependant,  que  le  portrait  du  Musée  de  Caen  parait  avoir  plus  de 
vigueur,  ce  qui  ne  doit  peut-être  s'attribuer  qu'à  une  meilleure  conservation. 
Il  reproduit,  du  reste,  tous  les  mêmes  détails  du  portrait  de  Gand,  jusqu'à 
cette  ride  très-profonde  qui  divise  perpendiculairement  le  front,  ride  qu'on 
serait  tenté  de  prendre  pour  l'effet  d'une  mauvaise  relouche  dans  le  tableau 
de  Gand,  et  que  le  portrait  lithographie  du  Messager  des  Sciences  a  atténuée. 

Ad.    D. 

Vie  et  oeuvres  dc  R.  P.  Chaules  Louis  Richard,  de  l'obdre  des  Frères  Prê- 
CBLURS,  PAR  LE  P.  .MouLAERT,  DU  MÊME  ORDRE.  —  Lc  Père  .Moulacrt,  rcligieux 
de  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs,  continue  de  consacrer,  avec  la  plus  louable 
persévérance,  les  rares  loisirs  que  lui  laissent  les  devoirs  de  son  ministère, 
à  des  travaux  qui  ont  principalement  pour  objet  les  hommes  et  les  choses 
de  son  ordre.  Après  avoir  publié  successivement  l'hisioire  du  Grand  Bégui- 
nage de  Gand,  ainsi  que  d'intéressantes  notices  biographiques  sur  le  frère 
Romain,  les  Pères  Dujardin  et  Druwé,  religieux  de  l'ordre  de  Saint-Domi- 
nique, il  vient  de  faire  paraître,  sons  le  titre  A'Un  confesseur  de  la  foi  au 
XVIlh  siècle,  une  notice  pleine  d'intérêt  sur  la  vie  et  les  écrits  du  R.  P. 
Charles  Louis  Richard,  religieux  de  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs. 


—  oll  — 

Le  Père  Richard,  issu  d'une  ancienne  cl  noble  famille  de  la  Lorraine,  na- 
quit le  17  avril  1710  à  Blainville-sur-Eau,  petite  ville  sur  la  Mearthc,  à  cinq 
lienes  de  Nancy.  Dès  sa  plas  tendre  jeunesse  il  montra  an  goût  trés-pronoocé 
pour  la  vie  monastiqae.  A  l'âge  de  seize  ans,  il  entra  dans  l'ordre  de  Saint- 
Dominique  et  fit  son  noviciat  au  coa%'ent  de  Nancy.  Désireux  de  perfection- 
ner ses  études  théologiques,  il  obtint  de  ses  supérieurs  la  permission  de  se 
retirer  dans  le  couvent  du  noviciat  général  des  Frères  Prêcheurs  à  Paris,  où 
il  se  prépara  avec  ardeur  à  Tobtention  du  grade  de  docteur  de  Sorbonne. 

Ses  supérieurs  appréciant  les  goûts  studieux  et  les  vastes  connaissances 
théologiqnes  du  jeune  docteur,  lui  confièrent  la  chaire  de  théologie  au  cou- 
vent du  noviciat  général.  Non  seulement  il  s'aquitta  de  celle  charge  avec 
distinction,  mais  au  milieu  des  fatigues  de  l'enseignement,  il  sut  trouver  le 
temps  de  se  livrer  à  de  grands  travaux  d'érudition  ecclésiastique.  Pendant 
les  années  1760  à  1763,  il  publia,  avec  le  concours  dn  Père  Bérenger,  bi- 
bliothécaire de  l'Annonciation  et  d'antres  religieux,  une  Bibliothèque  sarrte, 
ou  dtclionnatre  universel,  dogmatique,  canonique,  historique,  etc.,  des  sciences 
eeelésiasliques,  en  6  vol.  in-fol.,  qui  consolida  sa  réputation  de  théologien 
el  d'érndit. 

Les  événements  donnèrent  bientôt  une  antre  direction  à  la  prodigieuse 
activité  de  son  esprit.  On  sait  avec  quel  acharnement  la  nouvelle  école  phi- 
losophique française  du  XVllIî  siècle  s'altaqua  aux  dogmes,  à  la  morale  el  à 
la  discipline  de  l'Eglise  chrétienne.  Le  nombre  des  écrits  de  controverse 
religieuse  qui  parurent  pendant  les  cinquante  années  qui  préeédèrenl  la 
révolution  française,  est  immense.  Le  Père  Richard  s'imposa  la  mission  de 
n'en  laisser  aucun  sans  réponse. 

Polémiste  vigoureux,  incisif,  plein  d'audace  et  de  verve,  on  le  voyait  tou- 
jours au  premier  rang  lorsqu'il  s'agissait  de  combattre  l'erreur  ou  de  venger 
les  droits  de  l'Église  et  de  la  morale  chrétienne. 

Cette  vie  d'agression  et  de  lutte  qu'il  mena  pendant  un  grand  nombre 
d'années,  attira  au  Père  Richard  de  nombreux  désagréments  et  rendit  son 
séjour  à  Paris  très-difiBcile  et  même  dangereux,  surtout  après  qu'il  se  fui 
permis  de  censurer  le  Parlement  de  Paris ,  à  l'occasion  dn  célèbre  arrêt 
rendn  dans  l'affaire  du  mariage  du  juif  Barach-Lévi.  Il  le  sentit,  se  relira  en 
Belgique  et  vini  se  fixer  d'abord  au  couvent  de  son  ordre  à  Bruxelles,  ensuite 
dans  celui  de  Lille  et  enfin  au  séminaire  de  Tournay. 

Le  Père  Richard  était  à  peine  installé  dans  sa  nouvelle  résidence,  qu'au 
milieu  d'autres  travaux  importants,  il  reprit  la  plume  non  seulement  pour 
continuer  l'œuvre  de  réfutation  des  écrits  philosophiques  qui  paraissaient  en 
France,  mais  aussi  pour  défendre  les  droits  de  l'Église,  méconnus  par  le 
gouvernement  de  Joseph  11. 


—  512  — 

Lors  de  l'enlrée  des  Françuis  en  Belgique,  en  1702,  le  Père  Richard  se 
réfugia  à  Liège  et  puis  à  Maeslricht.  Ce  fut  pendant  son  séjour  dans  cette  der- 
nière ville,  qu'il  publia  son  Parallèle  des  Juifs  qui  ont  crucifié  Jésus-Christ, 
leur  iHessie,  et  les  Français  qui  ont  guillotiné  Louis  XVI,  leur  roi,  ouvrage  qui 
produisit  une  sensation  immense  et  dont  la  justice  lui  demanda  un  compte 
sévère.  Arrêté  le  10  août  1793,  dans  son  couvent  de  Mons,  où  il  s'était  caché, 
il  fut  traduit  devant  le  tribunal  criminel  de  Jemmapes,  et  condamné  à  la  peine 
de  mort,  pour  publication  d'écrits  injurieux  contre  le  peuple  français.  La 
sentence  fût  exécutée  le  Ib  messidor  an  II,  sur  la  place  de  l'Hôlel-de-ville  de 
Mons.  Richard,  qui  n'avait  pas  moins  de  quatre-vingt-trois  ans,  montra  en 
ce  moment  suprême  un  courage  qui  ne  se  démentit  pas  un  seul  instant  (I). 

Tel  est  l'homme  dont  le  P.  Moulaert  a  retracé  la  vie  à  la  fois  si  laborieuse 
el  si  accidentée.  Tous  ceux  qui  voudront  étudier  le  mouvement  philosophique 
en  France  au  XVIIIe  siècle,  et  les  événements  politiques  qui  amenèrent  la 
chute  du  gouvernement  autrichien  en  Belgique,  liront  avec  intérêt  le  travail 
si  consciencieux  et  si  plein  de  faits,  publié  par  le  savant  dominicain. 

V. 

Les  FOiVDATEURS  DE  LA  ."(ÎONARCHiE  BELGE,  PAR  Tu.  JusTE.  —  Il  appartenait  à 
l'éminent  historien  du  Congrès  national,  cette  assemblée  patriotique  qui  fonda 
la  monarchie  belge,  de  retracer  également  la  vie  et  les  travaux  des  hommes 
qui  ont  le  plus  contribué  à  amener  les  trois  résultats  qu'il  indique  dans  la 
préface  de  l'ouvrage  dont  nous  venons  de  citer  le  litre.  «  Trois  faits  princi- 
paux, dit-il,  dominent  et  caractérisent  l'histoire  du  Congrès  :  la  reconstitution 
de  la  nationalité  belge;  l'avènement  d'une  dynastie,  gardienne  de  l'indépen- 
dance reconquise;  l'établissement  d'une  monarchie  démocratique  sans  pré- 
cédents, en  Europe,  o  Les  biographies  du  Régent,  de  Joseph  Lebcau,  du 
comte  Le  Hon  et  de  Charles  de  Brouckere  ont  déjà  paru. 

C'est  une  œuvre  délicate  que  d'écrire  la  vie  d'hommes  dont  les  cendres 
sont  encore  chaudes,  et  il  faut  être  bien  sûr  de  sa  plume,  pour  rester,  comme 
l'auteur,  fidèle  à  sa  devise  et  raconter  sine  ira  et  studio.  M.  Juste,  du  reste, 
n'a  travaillé  qu'à  bonnes  enseignes;  il  s'est  basé  sur  des  documents  qui  ont 
le  double  avantage  d'être  authentiques  et  inédits.  Ainsi  qu'il  nous  faisait 
l'honneur  de  nous  l'écrire  dernièrement,  il  lui  a  été  permis  d'utiliser  tous  les 
papiers  qui  ont  appartenu  au  Régent,  ainsi  que  ceux  du  comte  Le  Hon.  Ces 

M)  Voyez,  pour  plus  amples  détails,  dans  le  Messager  des  Sciences  histo- 
riques, année  1S42,  p.  293,  la  curieuse  notice  de  .Mr  R.  Chalo.v,  intitulée: 
«  Une  exécution  révolutionnaire,  à  Mons,  en  1794.  » 

{.Yole  de  la  Rédaction). 


—  513  — 

deux  biographies  sont,  à  notre  avis,  les  plus  intéressantes  des  quatre  qui 
ont  paru,  à  cause  de  la  position  de  ces  deux  liomraes  d'État.  Le  Régent, 
chargé  de  guider  une  barque  dont  la  construction  récente  et  liAléc  n'avait 
pas  permis  de  calfeutrer  tous  les  joints,  se  trouvait  dans  une  situation 
fort  dillicile;  mais  s'il  était  obligé  de  faire  face  à  bien  des  dangers,  de  lou- 
voyer entre  de  nombreux  écueils,  la  position  du  comte  Le  Hon,  plénipoten- 
tiaire à  Paris,  dont  la  mission  épineuse  est  moins  appréciée,  parce  que  les 
épines  en  sont  moins  visibles,  le  mit  souvent  en  présence  de  situations  fort 
critiques.  Grâce  à  son  habileté,  grâce  aux  sacrifices  qu'une  grande  fortune 
lui  permettait  de  faire,  il  parvint  à  se  tirer  de  bien  des  mauvais  pas.  Repré- 
senter un  état  reconnu,  constitué  sur  des  bases  solides,  dont  les  relations 
avec  le  gouvernement  auprès  duquel  on  se  trouve  accrédité,  ont  la  sérénité 
d'un  beau  ciel  où  les  rares  nuages  ne  font  que  mieux  ressortir  l'azur,  n'est 
que  le  beau  côté  de  la  vie  diplomatique;  mais  de  là,  à  se  trouver  chargé  des 
intérêts  d'une  puissance  née  d'hier,  qui  n'a  pas  encore  obtenu  droit  de  cité, 
et  dont  l'état  civil  est  à  peine  en  règle,  le  pas  est  grand.  Et  puis  être  l'homme 
d'une  puissance  sortie  de  l'insurrection,  qu'il  faut  faire  reconnaître  sans 
froisser  des  susceptibilités  haineuses,  rivales  ou  jalouses,  d'une  puissance  à 
laquelle  il  faut  faire  une  place  au  soleil  au  détriment  d'une  autie,  tout  en 
s'efforçant  de  prouver  qu'elle  troublera  le  repos  du  coq  ou  du  léopard  bien 
moins  que  le  pli  d'une  feuille  de  rose  ne  troublait  celui  des  sybarites;  voilà 
le  revers.  Avec  cela,  il  faut  savoir  se  montrer  digne  toujours,  et  calme  au 
milieu  des  contrariétés,  comme  dans  le  triomphe.  Telles  furent  les  exigen- 
ces de  la  carrière  du  comte  Le  Hon.  Par  le  tact  exquis  dont  il  fit  preuve,  et 
les  influences  qu'il  parvint  à  se  ménager  jusque  dans  la  famille  régnante  de 
France,  il  vint  à  bout  de  sa  tâche. 

L'acte  qu'on  peut  considérer  comme  un  des  plus  importants  de  la  carrière 
diplomatique  du  comte  Le  Hon,  et  auquel  lui-même  donnait  une  portée  très- 
grande,  est  l'intervention  française  sollicitée  par  lui  sponlancment,  et  sous 
sa  propre  responsabilité.  Ce  fait,  que  beaucoup  peut-être  ignorent,  .M.  Juste 
l'a  parfaitement  fait  ressortir;  il  cite  à  l'appui,  un  fragment  de  lettre  que 
l'ambassadeur  belge  écrivait  à  l'ancien  Régent,  après  la  délivrance  du  terri- 
toire :  «  .Mon  ambassade,  dit-il,  n'a  pas  été  sans  tribulations,  au  milieu  des 
événements  qui  se  sont  succédé,  et  la  demande  de  l'intervention  ai-mée  de 
la  France,  sous  ma  responsabilité  personnelle ,  n'est  pas  l'acle  de  ma  vie 
politique  qui  m'ait  le  moins  fait  réfléchir.  Je  ne  sais  ce  qui  en  serait  résulté 
si  l'armée  belge  avait  été  victorieuse  elle  seule,  et  que  les  Français  eussent 
persisté  à  pénétrer  sur  notre  territoire.  » 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  parler  plus  longuement  de  ces  Biographies; 


—  51i  — 

nous  avons  dû  nous  borner  à  ébaucher  à  grands  traits  une  carrière  dont 
M.  Juste  a  dessiné  tous  les  détails.  Nous  ajouterons  peu  de  chose  :  la  manière 
d'écrire  de  l'honorable  académicien  est  assez  connue,  son  style  grave  et  cor- 
rect réunit  ces  deux  belles  qualités  de  la  concision  et  de  la  précision,  si  rares 
et  si  précieuses  dans  le  grand  style  historique.  Ici,  comme  dans  ses  autres 
ouvrages,  M  Juste  s'est  montré  bon  appréciateur  des  faits,  partisan  avant 
tout  de  l'impartialité  et  de  l'exactitude,  dans  la  tâche  délicate  que  lui  impo- 
saient la  composition  de  ces  ouvrages. 

En  terminant,  nous  nous  permettons  de  féliciter  M.  Juste  de  la  distinction 
que  vient  de  lui  accorder  l'Académie,  en  le  désignant  pour  occuper  dans  la 
commission  de  la  Biographie  nationale  la  place  laissée  vide  par  la  mort  de 
l'excellent  et  regretté  baron  de  Saint-Génois. 


"o 


Emile  V,.. 


Een  ocd  vlaamsch  Liederboek.  —  M""  J.  Broeckart  raconte  dans  VEcndracht, 

numéro  du  13  octobre  dernier,  une  trouvaille  fort  intéressante  pour  l'histoire 

littéraire  de  la  Flandre.  En  fouillant  dans  les  archives  de  la   seigneurie  de 

Sombeke,  sous  Waasmunster,  il  mit  par  hasard  la  main  sur  un  imprimé  de 

la  plus  grande  rareté  :  c'était  un  recueil  de  chansons  en  flamand  avec  musique, 

dont  voici  le  titre  :  Ballellen  met  dry  slemmen,  door  Gio   Giacomo   Gastoi.di. 

Ghestelt  op  I taliaensche  rijmen  :  Nu  lot  vermaek  van  de  ncderlandlsche  jeugdt 

met  nederdwjtsche  woorden  vercicrt.  Scer  lieffclyrk,  vcrmaeckelyck,  ende  gtich- 

telijck  om  singen,  ende  op  aile  sonrten  van  inslrumcnlen  te  spelen.  Noyt  voor 

desen  gedruckt    t'Anlwcrpen,  by  de  erfgenamen  van  Pietcr  Phalesius,  in  den 

Coninck  David.  1641.  —  Ce  recueil  renferme  seize  chansons,  à  boire,  critiques 

et  autres,  dont   aucune    ne  se  trouve   dans   les   Oad-Vlaetnsche  liederen  de 

VVillems;  ce  qui  prouve  qu'il  est  resté  inconnu  à  ce  savant,  ainsi  qu'au  docteur 

Snellacrt.  Il  est  vrai  que  dans  le  catalogue  des  chansonniers  se  trouve  cité 

un  ouvrage  intitulé  :  G.  G.  Gastoldi,  Balletten,  histigh  om  te  zingen  en  spee- 

ten,  etc.,  mais  d'après  M.  Brocckaert,  celui-ci  n'a  rien  de  commun  avec  le 

recueil  qu'il  vient  de  découvrir  et  où  l'auteur  signe  à  la  suite  de  la  première 

pièce  de  vers  :  Vanden  Bossche  in  'l  veld,  nom  qui  est  également  resté  dans 

l'oubli. 

Emile  V  ... 

Arcifives  d'Angleterre.  —  Documents  relatifs  aux  Van  Artevelde.  —  On 
sait  qu'il  est  de  tradition  que,  à  la  suite  de  la  réac'ion  qui  suivit  la  chute  de 
Jacques  Van  Artevelde,  tous  les  documents  concernant  l'administration  de 
ce  grand  homme  furent  enlevés  de  nos  archives  pour  être  détruits  ou  lacé- 
rés. On   avait  conservé  l'espoir  de  retrouver  un  jour  dans    les  ilépôls  de 


O  I  o    

titres  de  rAngleterre,  et  notanimcnl  dans  les  archives  de  la  Tour  de  Lon- 
dres, les  aeles  relutifs  aux  relalions  politiques  des  deux  Van  Arlevelde  avec 
Edouard  III  et  Richard  II;  mais  le  défaut  de  classement  des  documents  con- 
servés à  la  Tour  de  Londres  avait  rendu  infructueuses  toutes  les  recherches 
faites  jusqu'à  ce  jour  dans  ce  vaste  dépôt  d'arcliives. 

Le  Record  office,  contenant  toutes  les  colleclions  conservées  jadis  au  Slale 
paper  office,  ;\  la  Tour  de  Londres,  à  la  chapelle  des  rôles,  à  Chapterliousc 
et  à  Carlton  Ride,  ayant  été  récemment  réorganisé,  M""  Ei-n.  Van  Druyssel, 
chef  du  bureau  paléographique,  a  profité  d'un  séjour  qu'il  vient  de  faire  en 
Angleterre  pour  s'y  livrer  à  nouvelles  recherches  parmi  les  lettres  patentes  et 
les  papiers  d'État  datant  des  règnes  d'Edouard  III  et  de  Richard  II.  Il  résulte 
d'une  lettre  adressée  récemment  à  la  Commission  royale  d'histoire  par  ce 
savant  paléographe,  que  les  nouvelles  investigations  qu"il  a  entreprises 
n'ont  pas  abouti  et  «  n'ont  eu  pour  résultat  que  de  lui  apprendre  qu'il  doit 
exister  aux  archives  britanniques  une  collcelion  spéciale,  sous  le  nom  de 
Patenles  rvgem  et  univcrsos  magnalcs  Germaniœ,  dont  le  dépouillement  four- 
nirait probablement  un  grand  nombre  de  faits  nouveaux,  mais  sur  laquelle 
les  employés  du  Record  office  n'ont  pu  le  renseigner    » 

Les  nouvelles  investigations  de  M""  Van  Bruyssel  n'ont  toutefois  pas  été 
entièrement  stériles  :  il  a  découvert  au  Record  office  quelques  actes  encore 
inédits,  et  dont  une  partie  offre  un  certain  intérêt,  en  ce  qui  concerne  notre 
histoire  commerciale  et  industrielle.  Ces  documents,  de  1328-1383,  au  nom- 
bre de  vingl-sept,  sont  imprimés  dans  le  Bulletin  de  la  Commission  royale 

d'histoire,  ô""  série,  t.  IX,  pp.  SOI  et  suiv. 

P.  C.  V    D.  M. 

AcQCISITION    F.VITE    PAR    LE    GODVERNEMEM     BELGE    d'uN     DES    CHEFS-d'oEUVRE   BE 

Teniers.  —  Le  Gouvernement  belge  vient  de  faire  l'acquisition,  pour  le 
Musée  de  Bruxelles,  au  prix  de  125,000  fr. ,  d'une  des  œuvres  capitales  de 
Teniers,  œuvre  connue,  appréciée  et  convoitée  depuis  longtemps  par  les 
grands  amateurs  de  l'Europe. 

Cette  magnifique  toile,  conservée  religieusement  de  père  en  (ils  dans  la 
famille  Bosschaert,  d'Anvers,  et  dont  celle-ci,  malgré  les  offres  les  plus 
séduisantes,  n'avait  jamais  voulu  de  dessaisir,  représente,  comme  la  plupart 
des  créations  du  maître,  une  kermesse  flamande,  mais,  offrant  cela  de  par- 
ticulier, qu'au  milieu  de  son  animation,  la  kermesse  est  visitée  par  le  seigneur 
du  village,  qui  n'est  autre  que  Teniers  lui-même,  accompagné  de  sa  famille. 
Au  fond  à  gauche,  on  voit  le  château  aux  dry  torens,  résidence  habituelle  du 
peintre. 

Ce  morceau  capital,  qui  n'a  pas  moins  de  2  mètres  2  cenlimèlres  de  largeur 


—  316  — 

sur  l  nièlre  52  centimètres  de  hauteur,  et  dont  on  ne  trouve  le  pareil  que 
dans  les  seules  galeries  de  Saint-Pétersbourg  et  de  Vienne,  a  été  peint  par 
le  maître  en  1632,  c'est-à-dire  à  l'âge  de  quarante-deux  ans,  lorsqu'il  était 
dans  toute  la  force  de  son  talent. 

Nous  félicitons  vivement  M.  Van  den  Peereboom  d'avoir  autorisé  cette 
acquisition  importante,  qui  formera  un  des  plus  beaux  joyaux  du  Musée  de 
Bruxelles,  et  de  n'avoir  pas  reculé  devant  l'élévation  du  prix,  pour  conser- 
ver au  pays  une  œuvre  hors  ligne,  dont  la  possession  nous  sera  enviée  par 
toutes  les  galeries  de  l'Europe. 

P.  C.  V.  D.  M. 

Société  libre  d'émulation  de  Liège.  —  Concours  de  1867.  —  Première 
question  :  Histoire  nationale  racontée  aux  enfants. 

Deuxième  question  :  Exposer  l'état  des  établissements  d'instruction  publi- 
que à  Liège  depuis  Charlemagne  jusqu'à  nos  jours. 

Troisième  question  :  Histoire  administrative  de  la  province  de  Liège  depuis 
la  première  invasion  franç:iise. 

Quatrième  question  :  De  l'état  des  routes  dans  le  pays  de  Liège  depuis  les 
temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours. 

Sixième  question  :  Histoire  de  la  musique  au  pays  de  Liège  depuis  les 
temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  création  du  Conservatoire  royal. 

Septième  question  :  Histoire  de  la  peinture  au  pays  de  Liège  depuis  les 
temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  fin  du  XVlIle  siècle. 

Huitième  question  :  Inventaire  raisonné  des  objets  d'art  que  renferment  les 
monuments  tant  civils  que  religieux  compris  dans  l'enceinte  de  la  ville  de 
Liège. 

Onzième  question  :  Histoire  de  l'industrie  drapière  au  pays  de  Liège  et 
particulièrement  dans  l'arrondissement  de  Verviers  depuis  le  moyen-âge  jus- 
qu'à nos  jours. 

Quatorzième  question  :  Éloge  académique  du  prince  Charles  de  Velbrucli, 
fondateur  de  la  Société  d'Émulation. 

Dix-septième  question  :  Frédéric  Rouveroy.  Sa  vie  et  ses  travaux. 

Les  mémoires  soumis  au  concours  devront  être  adressés,  francs  de  port,  au 
secrétaire-général  delà  Société,  M.  Ulysse  Capitaine,  avant  le  l^janvier  1870, 
terme  de  rigueur.  Ils  porteront  une  épigraphe  ou  devise  répétée  dans  un  billet 
cacheté,  qui  indiquera  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur.  On  n'ouvrira  ce  billet 
que  dans  le  cas  où  le  mémoire  aurait  été  jugé  digne  d'un  prix  ou  d'une  men- 
tion honorable;  sinon  il  sera  brûlé  publiquement  séance  tenante. 

Les  mémoires  couronnés  resteront  la  propriété  des  auteurs,  sauf  l'impres- 


—  517  _ 

sion,  qui  pourra  en  être  ordonnée  dans  les  Annales  de  la  Sociëlé.  Les  ma- 
nuscrits envoyés  au  concours  ne  seront  point  rendus;  toutefois  les  auteurs 
auront  la  faculté  d'en  faire  prendre  des  copies. 

Académie  d'Archéologie  de  Belgique.  —  Concours  de  I8C8.  —  Première 
question.  Prix  oOO  francs.  —  Faire  l'histoire  de  rorfcvrerie  dans  les  anciens 
Pays-Bas  et  la  principauté  de  Liège,  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusque 
et  y  compris  l'époque  de  la  Renaissance.  On  désire  que  Taulcur  produise, 
autant  que  possible,  des  photographies  ou  des  dessins  raanuscrils  réduits, 
des  objets  d'orfèvrerie  caractérisant  chaque  époque  ou  chaque  école. 

Deuxième  question.  Prix  300  francs.  —  Faire  riiistoire  de  la  gravure  sur 
bois  en  Belgique  et  dans  les  Pays-Bas,  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jus- 
qu'à la  fin  du  XVlIle  siècle. 

On  désire  que  l'auteur  produise,  autant  que  possible,  des  spécimens  de 
gravures  caractérisant  chaque  époque  ou  chaque  école,  il  suffira  d'indiquer 
celles  qui  ne  pourraient  être  reproduiles. 

Classe  des  Beacx-.4rts  de  l'Académie  iiotale  de  Belgiqie.  —  Concours.  — 
Première  question  :  «  Exposer  l'origine  et  l'organisation  des  maîtrises  des 
églises  dans  les  Pays-Bas  et  dans  le  pays  de  Liège.  Dii-e  quelle  fut  la  part  de 
ces  maîtrises  dans  les  progrès  de  larl  musical.  Déterminer  quelles  furent  les 
causes  de  leur  prospérité  et  de  leur  décadence.  » 

Deuxième  question  :  «  Apprécier  Quentin  Mcisys  comme  peintre,  et  déter- 
miner l'influence  qu'il  a  exercée.  » 

Troisième  question  :  «  Faire  l'histoire  de  la  gravure  des  médailles,  en  Bel- 
gique, depuis  le  XVI*  siècle  jusqu'en  1794. 

»  Cette  histoire  doit  embrasser  les  territoires  qui  forment  la  Belgique  ac- 
tuelle, et  comprendre,  à  la  fois,  la  biographie  des  artistes  et  uneapprécialion 
de  leurs  travaux.  » 

Quatrième  question  .-  «  Rechercher  l'époque  à  laquelle  l'architecture  a  subi, 
dans  les  Pays-Bas,  l'influence  italienne.  Indiquer  les  personnages  auxquels 
on  doit  attribuer  cette  influence  et  citer  les  œuvres  des  artistes.  » 

Le  prix  pour  la  première  et  la  deuxième  questions  sera  de  Imil  cents  francs; 
il  sera  de  mille  francs  pour  la  troisième  et  la  quatrième. 

Les  mémoires  destinés  au  concours  doivent  être  adressés,  francs  de  port, 
au  secrétaire  perpétuel  avant  le  i"  juin  1868. 


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TABLE   DES   MATIÈRES. 


ANNEE  i867. 


tloîtccô  et  Biôôtviaimxs. 

Un  Diptyque  de  la  fin  du  XIV^  ou  du  conimcemenl  du  XVI*  siècle;  par 
le  Bon  ^on  De  Ring 1 

Cartes  de  la  Flandre  ancienne  et  moderne,  plans  de  la  ville  de  Gand; 
par  A.  Dejardin 8  et  516 

Ancien  Hôtel-de-ville  de  Maeslriclit.  —  Conspiration  de  1638;  instruc- 
tion, torture  et  exécution.  Amnistie  accordée  en  1639,  par  les  Etats 
généraux  de  Hollande,  aux  habitants  émigrés;  par  Aim.  Scuaepkens.       il 

Arciiives  des  Arts,  des  Sciences  et  des  Lettres;  par  Alex.  Pinchart  .     .  75 

Monument  funéraire  à  Eecloo;  par  Emile  V 125 

Publications  récentes  de  quelques  Académiciens  belges;  par  Emile  V.     .  126 

Histoire  du  droit  d'asile  religieux  en  Belgique;  par  J.  J.  E.  Proost  .     .  137 

Notices  sur  quelques  livres  rares  du  XVI^  siècle;  par  H.  Helbig.     .     .  180 

Notice  sur  les  anciennes  et  les  nouvelles  peintures  murales  de  l'église 
de  Notre-Dame,  au  Sablon,  à  Bruxelles:  par  l'abbé  H.  De  Briiyn,   193  et  358 

Philippe  de  Commines  dans  ses  rapports  avec  la  maison  d'Albret;  par 
Cu.  Raulekbeck 210 

Monographie  de  l'ancienne  École  de  peinture  de  Louvain  ;  par  Edw. 
Van  EvEN 261  et  439 

Croix  pectorale  de  Tevêque  Triesl;  par  l'abbé  J.  B.  Lavadt  ....     348 

Vol  de  tableaux  de  la  galerie  de  l'archiduc  Albert,  au  château  de  Ter- 
vueren,  en  mars  1624;  par  L.  Galesloot 373 

Le  baron  de  Saint-Genois.  Notice  biographique,  par  Reuvyiv  de  Vol- 
kaersbeee 409 

Château  du  Franc-Alleu  oudcNeigene,àMeerbeck;  par  l'abbé  J.  B.  Lavaut.     498 


—  519   — 

Chronique  &C6  Scicucca  et  hcs  2lrt3. 

Les  engins  et  l'arlillprie  des  croisés  au  siège  île  Jérusalem,  décrits  par 

un  anonyme  du  XVe  siècle.  —  Dii  LA  FoKs-MÉLicocQ H7 

Geschiedenis  der  gemeenlen  van  Oosl-Vlaandercn,  de  l'r.  De  i'olter  cl 

J.  Broeckaert.  —  J.  D.  S.  G liiO 

Un  tableau  de  Van  Dyck,  à  Calevoet.  —  Journal  des  Beaux-Arts.  .  .  150 
Origine  des  peuples  de  la  Gaule  transalpine  et  de  leurs  institutions  po- 
litiques avant  la  domination  romaine,  parYulentin  Smilh.  —  EmilkV.  lui 
Peintures  murales  découvertes  en  Hollande.  —  Journal  des  Eeaux-Aris  152 
Les  chefs-dœuvre  des  arts  industriels,  par  Pli.  Burty.  —  Emile  V.  .  155 
La  propriété  littérature  jugée  à  Genève.  —  Economisic  belge     .     .     .  154 

Gravures  du  Paroissien  romain.  —  Emile  V 153 

Vente  de  tableaux,  à  Paris ; 156 

Salaires  du  roi  des  Ribauds  de  Lille  pour  expulser  de  la  cité  les  fous 
dangereux,  ou  les  conduire  à  divers  pèlerinages  (XlVe,  XV*  el  XVI" 

siècles).  —  De  la  Fons-Mélicocq 240 

Projet  d'assassinat  de  Philippe  le  Bon  par  les  Anglais  (1424-1426).  — 

Emile  V 253 

Gérard  (P.),  Histoire  des  Francs  d'Austrasie.  —  Emile  V 254 

Portraits  émaillés  du  XVle  siècle.  —  Stm 236 

Etudes  généalogiques.  —  Emile  V 257 

Caractéristique  des  armoiries.  —  J.  U.  S.  G •  238 

Neuvième  Congrès  littéraire  Néerlandais 238 

Guerre  civile  et  rébellion  aux  Pays-Bas  sous   .Maximilien  d'Aulrielie  et 

Philippe-le-Beau.  —  De  la  Fos-.Mélicocq 596 

Historia  provinciœ  Flandio-Belgicae  societatis  Jesu;  par  le  R.  P.  VVal- 

dack.  —  A.V.  L 401 

Biographie  de  saint  Servais,  évcque.  —  Arn.  Scuaepkexs 405 

La  Musique  aux  Pays-Bas,  par  Edm.  Yandcr  Straclen.  —  Emile  V.      .  405 

Ooslerlingen.  Verklarende  lijsl  der  iNederlandsche  woordcn,  etc.     .      .  403 

Dictionnaire  critique  de  biographie  et  d'histoire 406 

Van  Steenbeeck,  François,  architecte.  —  M 407 

Tableau  de  Van  Orley.  —  Emile  V 407 

Au  sujet  du  portrait  du  frère  Fr.  Romain,  du  Musée  do  Gand.  —  Ad.  D.  30!) 
Vie  et  œuvres  dn  R.  P.  Charles  Louis  Richard,  de  l'ordre  des  Frères 

Prêcheurs,  par  le  P.  Moulaert,  du  même  ordre.  —  V 510 

Les  Fondateurs  de  la  Monarchie  belge,  par  Th.  Juste.  —  Emile  V.     .     .  512 

Ecn  oud  Vlaamsch  Liederboek.  —  Emile  V 314 

Archives  d'Angleterre.  —  Docuracnts  relatifs  aux  Van   Artevelde.    — 

P.  C.  V.  D.  M ;H4 


—  520  — 

Acquisition  par  le  Gouvernement  belge  d'un  des  chefs-d'œuvre  de  Te- 

niers.  —  P.  C.  V.  D.  M 515 

Académie  royale  de  Belgique  :  séance  annuelle  de  la  classe  des  lettres.  259 

Concours  de  la  même  classe  pour  1867-1868 259 

Concours  de  la  classe  des  arts  et  lettres  pour  1869  ....  260 

Classe  des  Beaux-Arts  :  Concours  pour  1868 517 

Académie  d'archéologie  de  Belgique  :  Concours  de  1868 517 

Société  royale  des  Beaux-Arls  et  de  Littérature  de  Gand  :  Concours 

pour  1867-1868 407 

Société  d'émulation  de  Liège:  Concours  de  1867 516 

Nécrologie:  Dominique  Ducaju 156 

»           de  la  Fons-Mélicocq. — Emile  V 408 


Planchci». 

1.  Un  Diptyque  du  cabinet  de  M.   De  Bing i 

2.  Ancien  Hôlel-de-vilie  de  Maestricht il 

3.  xMonument  funéraire  à  Eecloo 125 

4.  Anciennes  peintures  murales  du  chœur  de  l'église  de  ISotre-Dame, 

au  Sablon,  à  Bruxelles 195 

5.  Martyre  de  saint  Érasme,  par  Th.  Bouts 276 

6.  Volets  du  même  tableau 278 

7.  Croix  pectorale  de  l'évêque  Triest 348 

8.  Portrait  du  baron  de  Sainl-Genois 409 

9.  P'ac-simile  d'une  lettre  du  même 438 

10.  Portrait  de  Thierry  Bouts 441 

i  1 .  Château  de  Neigene,  à  Meerbeek 498 

12.  Plans  du  même  château 500 


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