MESSAGER
DES SCIENCES HISTORIQUES
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ARCHIVES
DES ARTS ET DE LA BIBLIOGRAPHIE
DE BELGIQUE.
LISTE DES COLLABORATEURS.
MM. D' P. P. M. Alberdiivgk Thijm, prof, à l'Université de Louvain.
Beernaerts, avocat, à Malines.
R. Chalon, membre de l'Académie de Belgique, à Bruxelles.
C'« E. DE Barthélémy, membre du Cens. Gén. de la Marne, à
Courmelois.
Emile de Borchgrave, conseiller de légation, à Berlin,
LAbbé Hyacinthe De Brcyn , à Bruxelles.
Cil"" L. DE BcRBDRE, membre de l'Acad. de Belgique, à Anvers.
Edm. De Bcsscher, membre de l'Académie de Belgique, à Gand.
C'« DE Glymes, procureur du roi, à Gharleroi.
A. Dejardiiv, capitaine du génie, à Liège.
L. Devillers, conservateur des Archives de l'État, à Mons.
Alph. De Vlamiivck, archéologue, à Termonde.
A. Du Bois, avocat et conseiller communal, à Gand.
J. Felsenhart, docteur en philosophie et lettres, à Bruxelles.
L. Galesloot, chef de section aux Archives du royaume, à
Bruxelles.
P. Génard, archiviste de la ville d'Anvers.
H. Helbig, bibliographe, à Liège.
H. Hymans, attaché à la Bibliothèque royale, à Bruxelles.
Baron Kervyn de Lettenhove, membre de l'Académie de Belgi-
que, à Bruxelles.
L'Abbé J. B. Lavact, archiviste de l'évêché, à Gand.
Emm. Neeffs, docteur en sciences pol. et adm., à Malines.
F. Nève, professeur à l'Université de Louvain.
N. NoLLÉE de Nodcwez, à Bruxelles.
Alex. Pinchart, chef de section aux Archives du royaume, à
Bruxelles.
J. J. E. Proost, docteur en sciences pol. et adm., à Bruxelles.
Ce. Rahlenbeek, à Bruxelles.
Max. Rooses, conservateur du Musée Plantin, à Anvers.
A. SiRET, membre de l'Académie de Belgique, à Louvain.
Van Bastelaer, président de la Société archéol., à Gharleroi.
C. Van der Elst, archéologue, à Roux.
Edw. Van Even, archiviste de la ville de Louvain.
MESSAGER
DES
SCIENCES HISTORIQUES
ou
DES ARTS ET DE LA BIBLIOGRAPHIE
DE BELGIQUE
Recueil publié par MM. le Baron Kervyn de Volkaersbeke ,
Membre de la Chambre des Représentants , etc. ; le Comte
DE Limburg-Stirum, Sénateur, Docteur en droit, etc.; Ferdinand
Vanderhaeghen. Bibliothécaire de l'Université, etc.; Bethune-
d'Ydewalle, archéologue.
Emile Varenbergh, Membre de la Commission de statisti-
que, etc., Secrétaire du Comité, à Gand.
ANNEE 1878
GAND
IMPRIMERIE ET LITHOGR. DE EUG. VANDERHAEGHEN
rue des Champs, 6G
1878
J
$/îlIaert éliru. <i ^cul//^
UN SERVICE EN DAMASSÉ DE FLANDRE.
A Messieurs les Directeurs du « Messager des
Sciences historiques. »
Messieurs.
L'une des plus anciennes légendes de la ville de
Gand mentionne le siège que sept rois mirent
devant ses murailles. Celui que le duc de Marl-
borougli renouvela avec plus de succès, non moins
célèbre et placé parmi les souvenirs plus récents
de notre histoire , a été l'objet d'un travail qui a
fixé toute Tattention de vos lecteurs sur cette pé-
riode oii les malheurs des guerres étrangères ne
cessèrent de s'appesantir sur la Flandre'.
Le dessin joint à ma lettre eût bien mieux
figuré à côté de cette notice , et si je vous l'offre
aujourd'hui , c'est afin de rappeler que les expé-
ditions de INIarlborough laissèrent une trace dans
les habiles travaux de notre vieille industrie fla-
mande aussi bien que dans les annales de nos
cités.
' Voyez dans le Messager 1875, p. 425, l'excellente notice de
M. le baron Kervyn de Volkaeesbeke, intitulée : La capitulation
de Gand en 1109.
1
Il s'agit ici d'un service de table en linge da-
massé de Courtrai , d'une élégance remarquable ,
où se trouvent retracés les principaux faits de la
campagne de 1706, c'est-à-dire d'abord l'éclatante
victoire de Ramillies et ensuite la prise de nom-
breuses villes qui ouvrirent , presque aussitôt
après, leurs portes au vainqueur.
Ce fut le 23 mai 1706 que se livra la bataille
de Ramillies. Le lendemain, Marlborough écrivait
au grand-pensionnaire de Hollande : <( J'ai été à
» cheval toute la journée de dimanche et la nuit
)) dernière. Je souffre tant de la tête que je ne
« puis vous écrire tout ce que je devrais vous
)) dire de cette victoire. Je vais me coucher pour
)) prendre un peu de repos; car, à mon avis, il
» convient que nous nous mettions de nouveau
» en marche cette nuit. »
Lorsque les Etats de Flandre reconnurent l'ar-
chiduc d'Autriche sous le nom de Charles III, ils
déclarèrent que c'était dans la confiance qu'il
maintiendrait leurs privilèges , leurs coutumes et
leurs usages , tant ecclésiastiques que séculiers.
Marlborough avait formellement promis , en en-
trant à Bruxelles , qu'il ne troublerait en rien les
habitants dans le libre exercice de leur religion,
et c'était du camp de Roulers qu'il écrivait le
28 juin 1706 à quelques Bénédictines anglaises,
réfugiées dans la principauté de Mindelheim que
lui avait donnée l'empereur , qu'elles trouveraient
toujours en lui un compatriote et un ami prêt à
leur rendre service.
Trois mois plus tard, quand un conseil d'état
— 3 —
fut établi par les gouvernements d'Angleterre et
de Hollande, la Flandre obtint dy être repré-
sentée par trois membres , « attendu qu'elle était
» la province la plus considérable des Pays-Bas ,
M la plus renommée parmi les étrangers et celle
» qui chez eux faisait porter le nom à tout le
» pays. »
Il est vrai que les États de Flandre ne ces-
sèrent de lutter contre les réquisitions et les
exactions qui s'attachaient au passage des armées
belligérantes. Vis-à-vis de Marlborough comme
vis-à-vis de bien d'autres généraux, ils invo-
quaient fièrement leurs privilèges , ce qui faisait
dire à Hop , dans une lettre adressée à Marlbo-
rough : « n y a bien du levain en Flandre \ »
Ce levain , c'était le sentiment patriotique qui se
faisait jour à travers la marche des siècles et à
travers toutes les calamités qui se succédaient
sans interruption.
Mais Marlborough s'efforçait de se montrer
doux et conciliant. Il écrivait aux échevins de
Gand que pour faire droit à leurs plaintes , il dé-
tacherait de l'armée le comte de Nassau : « n'y
)) ayant rien qu'il ne fist avec plaisir pour leur
» témoigner sa considération et son estime '\ » Et
comme il avait appris qu'à Bruxelles les dames
se plaignaient d'être privées par la guerre des
plaisirs qu'elles recherchaient le plus , il mandait
• Lettre du 8 août 1706. Vreede, Corresp. du duc de Marlbo-
rough, p. 81.
* Lettre du 14 juillet 1706. Mueray, Letters ofthe duke of Marl-
borough, t. Il, p. 693.
— 4 —
à M. de Renswoude : « Les dames de Bruxelles
» s'étant adressées à moi afin qu'elles puissent
)) avoir le plaisir de la comédie , j'ai voulu vous
)) en écrire afin que vous puissiez faire votre
» cour à ces belles en vous employant en leur
» faveur '. »
Dans ces avances, dans ces concessions de
Marlborougli il y avait une pensée sérieuse, dictée
par les intérêts de la politique de l'Angleterre. Il
fallait d'abord , sous le vain prétexte d'assurer les
bienfaits de la réciprocité aux dentelles de Flan-
dre , ouvrir librement nos frontières à tous les
produits de l'industrie anglaise. Il s'agissait aussi,
comme l'atteste une lettre du grand-trésorier
Godolplùn , de créer à Ostende un établissement
militaire et commercial qui eût consolé l'Angle-
terre de la perte de Calais.
Marlborougli résida à Harlebeke et à Helcliin
du G juillet au 8 septembre 170G. C'était au mo-
ment où l'empereur voulait l'investir du titre de
gouverneur général des Pays-Bas espagnols , et
nous placerons , sans hésiter, l'exécution du ser-
vice de table dont nous nous occupons, à cette
époque où la ville de Courtrai eut à poursuivre
de nombreuses négociations avec le généralissime
de l'armée confédérée.
La nappe , faite la première , reproduit parmi
les villes conquises : Louvain et Malines. Sur les
serviettes les villes de Malines et de Louvain sont
remplacées par Ath et Termonde. Termonde capi-
' Lettre du 4 octobre 170G. Mueray, t. TU, p. 159.
— 5 —
tula le 5 septembre 1706; Ath le 2 octobre.
Nous pouvons donc déterminer l'époque précise
du travail.
Ce service de table fut-il offert au duc de INIarl-
borougli? Le trouverait-on parmi les précieuses
collections du château de Blenlieim? Nous ne
saurions résoudre cette question ; mais il ne sera
pas difficile d'expliquer comment il s'est conservé,
avec de nombi'eux documents originaux sur les
campagnes de Marlborougli , dans la famille de
ma mère.
Nicolas de Heere, petit-neveu de Jacques de
Heere qui fut l'un des héros de Guinegate et qui
mourut sur Téchafaud avec bien d'autres amis de
Maximilien , avait été pendant deux ans gentil-
homme d'ambassade en Angleterre avec le baron
de Batte ville , et, à ce titre, il avait pris part à la
célèbre affaire des carosses du comte d'Estrades.
En 1665, il s'était attaché au duc de Veragua ,
mestre-de-camp-général aux Pays-Bas et capitaine-
général de la mer Océane , arrière-petit-fils de
Christophe Colomb. Dans toutes ces circonstances
Nicolas de Heere avait montré une intelligence
supérieure et un zèle infatigable. Vers 1690,
l'électeur de Bavière le nomma commissaire au
quartier-général des armées anglaises, et il paraît
avoir été aidé par son fils dans cette tâche difficile.
On comprend aisément l'origine et la transmis-
sion de ce service de table.
Ne serait-ce pas une chose utile que de re-
cueillir, à côté des tapisseries de haute-lisse si
vivement recherchées aujourd'hui , ces produits
— 6 —
jadis non moins célèbres de nos tisserands de
linge damassé , où des événements divers sont
également retracés ? Cela ne serait pas tout-à-fait
indifférent à Thistoire, et assurément cela met-
trait en lumière les progrès atteints par notre
industrie.
Si ma communication pouvait , Messieurs , en-
gager quelques autres de vos lecteurs à entrer
dans cette voie , je vous remercierais une fois de
plus d'avoir bien voulu l'accueillir.
Agréez, Messieurs, l'assurance de mes senti-
ments bien dévoués.
Kekvyn de Lettexhove.
7 —
LUMMENŒUS A MAROA.
Jacques-Corneille de Lummene de Marcke, plus
connu sous son nom latin de Jacobus Lummenœus
à Marcâ, naquit à Gand en 1570. Il fit ses études
dans sa ville natale, entra d'abord chez les Capu-
cins, puis devint moine bénédictin à l'abbaye de
Saint-Pierre au mont Blandin. C'était un savant
humaniste et un bon poète latin ; aussi tous ceux
qui parlent de lui ou de ses ouvrages, sont-ils
d'accord pour le louer sur ce point. En effet, sa
latinité est belle et correcte, sa phrase coulante;
mais, Valère André, croyons-nous, va trop loin,
lorsqu'il déclare que Lummenœus égale, dépasse
même, les meilleurs écrivains du grand siècle de la
latinité. On peut parfaitement, sans rabaisser le
mérite de notre latiniste, se contenter de lui assi-
gner une place plus modeste. Sanderus lui prodigue
également des louanges, mais moins pompeuses
que celles de Valère André.
Ses principales œuvres sont des homélies, dont
quelques-unes furent prononcées dans des cha-
pitres généraux de son ordre, des tragédies sa-
crées en latin, et des poésies.
— 8 —
Il fut lié d'amitié avec toutes les célébrités
littéraires de son temps , Antoine Sanderus ,
Maximilien De Vriendt , Jean Scepperus , Justus
Ryckius , Erycius Puteanus , André Catulle et
autres. Un grand nombre de princes de l'Eglise
se déclarèrent ses amis et ses protecteurs ; citons
parmi eux le cardinal Frédéric Borromée, archevê-
que de Milan, les cardinaux Barberini, Ludovisi.
Lummenœus trouva dans la maison paternelle
d'excellents exemples d'érudition dont il sut pro-
fiter. Son père, Charles de Lummene de Marcke,
connu en latin sous le nom de Carolus à Marcâ,
consacra toute son existence à l'étude des belles
lettres anciennes ; on a de lui une tragédie en
grec : Judith ou la mort dlloloplienie, beaucoup de
poésies légères en latin et une élégie latine im-
prùnées en tête de l'ouvrage d€ dom Jean Garet,
De invocatione sanctorum (Rouen, 1676, in-fol.).
Dans le même ouvrage de Jean Garet, imprimé à
Gand en 1570 chez Manilius, se trouve également
la tragédie de Charles de Lummene.
Une partie des œuvres de Lummenœus a été
imprimée à Louvain en 1613, chez van Dormael,
sous le titre de Jacobi Cornelii a Marcâ opéra
omnia qua poetica, (pxa oratoria, qua historica. Lo-
vanii, typis Phil. Dormalii. L'auteur offre ce recueil
au cardinal Frédéric Borromée, archevêque de
Milan, dans une dédicace imprimée en tête du
volume. « Admitte adfectum Illustrissime Prin-
ceps, dit-il, et lucubrationum mearum hic fructus
sit, oculis tuis legi, manibus revolvi et placere;
omne punctum feram si ita indulseris. ■>•>
— 9 —
La première pièce da recueil est la tragédie
sacrée du mauvais riclie, Dives Epulo, en vers, qui
est précédée d'une pièce de vers d'Antoine San-
derus, et d une autre de Maxœmilianus Vrientius
(De Vriendt), secrétaire de la ville de Gand, mort
en 1614 '. Cette dernière se termine comme suit :
Cor Sophoclis, mens Eiiripidis, geniusque Terenti
Sal Plaiiti, et Seneca grande sonantis epos
Quem capit, a Marcam capiat, qui voce quod audit,
Re probat et suadse vera medulla cluit.
La tragédie du Dives Epulo est en cinq actes,
composé chacun d'une ou de deux scènes ; les per-
sonnages sont : Dives Epulo, Voluptas, Superbia,
Lazarus, Desperatio, Pœnitentia, Mors, Anima
damnata Epulonis, Abraliamus patriarclia, et le
chœur; d'après cela on conçoit quelle doit être
la marche de la pièce. C'est la mise en scène de
la parabole du mauvais riche.
La seconde tragédie de Lummenœus est Carcer
Babijlonius; elle est également précédée d'un cer-
tain nombre de pièces diverses ; la première est une
dédicace, dans laquelle Melpomène est censée
offrir à l'archiduc Albert , gouverneur des Pays-
Bas , l'œuvre de Lummenœus. Viennent ensuite
des anagrammes versifiées sur le nom de Cornélius
à Marcâ, l'une par l'abbé de Vlierbeek, l'autre
par le chanoine et archidiacre de Saint-Bavon,
Georges Chamberlaine , qui devint évêque d' Ypres
en 1627; puis deux pièces de vers sur la tragé-
' V. Biogr. nationale, t. V, p. 870.
— 10 —
die, la première par un prêtre de Gand du nom
de Simon Kerkliovius (de Kerkhove ou van de
Kerckhove) , la seconde de Max. De Yriendt ;
dans toutes deux on trouve l'éloge du talent de
Lummenœus. Ce n"est pas d'aujourd'hui que des
auteurs en guise de réclame joignent à leurs ou-
vrages les comptes-rendus élogieux faits par leurs
amis , et peut-être avec moins de droit que notre
poète. Enfin, avant d'arriver à la tragédie, il y
a encore deux lettres , dont l'une est de Jean
Scepperus , petit-fils de Marcus van Yaernewyck ,
poète et chroniqueur, né à Gand vers 1580 et
mort à Leide en 1620, dont Ryckius composa
l'épitajohe '. Scepperus j dit à notre auteur, qu'il
a présenté la tragédie à son seigneur , le conné-
table de Castille , et que celui-ci a déclaré n'avoir
jamais vu une œuvre aussi bien écrite : « Quod
» simile scriptum vidisse se nunquam diceret, et
)) non œquarem , inquit , antiquis solum scriptis ,
» sed etiam prœferrem. »
Cette œuvre avait déjà eu une première édition
en 1610, chez Manilius, à Gand :
Carcer Babylonius. Tragœd. sacra auctore lacobo
Cornelio a Marca, Rel. sacerd. ad. D. Pétri in monte
Blandinio. Gandavi, ex officina Gualteri Manilij,
Typogr. lurati, ad signiim aïbœ Colimibœ, 1610,
in-i'^, 4 ff. lim., 40 p. Les lim. renferment la dédi-
cace en distiques latins, à l'archiduc Albert, et
quelques petites pièces en vers latins en l'honneur
de l'auteur, par Godefroid Lemmens , abbé de
' Biogr. nationale, t. Y, p. 718.
— U —
Ylierbeek, par Georges Chamberlain, par Simon
Van Kerkhove et Max. De Yriendt '. On voit que
cette tragédie a été reproduite dans le recueil de
Van Doormael, avec toutes les pièces qui raccom-
pagnaient dans l'édition gantoise.
La tragédie de la captivité de Babylone a cinq
actes. Elle est également en vers. Les personnages
sont Nabuchodonosor , Nabuzardan , chef de la
milice, le prophète Jérémie, des Satelhtes , Sede-
cias , les fils de Sedecias , un chœur de Chal-
déens, un chœur d'Israélites.
De même que la tragédie du Dives Epido,
celle-ci est d'une latinité élégante , renferme des
parties excellentes, mais, tout comme les autres,
est j)lutôl bonne pour la lecture , car elle serait
impraticable sur la scène ; les chœurs y sont géné-
ralement d'une longueur démesurée.
Après cette tragédie en vient une troisième
intitulée Jephté ; l'auteur la dédie au palatin
de Kiew :
Accipe Hyanthœo deductum funere lessum,
Indignas miserœ virginis exequias;
Sunt lacrymœ et teneri questus , sunt busta puellaî
Quse Pater invitis condidit ipse focis
Plura dolor prohibe! , fortuna ex ordine disces ,
Si juvat hœc oculos pagina casta tuos.
Ipse ego , si tenuem non dediguare camsenam ,
Sublimi feriam sidéra remigio.
• Bibliographie gantoise, par F. Vanderhaeghen. — Un grand
nombre de détails bibliogi-aphiques que nous donnons dans cette
notice ont été empruntés à la Bibliographie gantoise.
— 12 —
La pièce est précédée d'une longue épître in
JepJithen d'Antoine Sanderus, terminée par ces
deux vers :
Dum stabunt magnse sublimia mœnia Ganclse
Marca, vel invidia judice, magniis eris.
Jephté avait déjà eu une première édition chez
Verdussen, à Anvers, en 1608 :
Jephte. Trag. sacra aiictor. Cornelio à Marcâ
Gandensi, religioso sacerd.^ etc. Aniwerpiœ , apiid
Hieronynium Verdussen, 1608; offert à Max. De
Vriendt, Sur le titre se trouve la dédicace de la
main de l'auteur : Clariss. viro Maximiliano Vrien-
tio , audor. Cet écrit était dédié à l'abbé de Saint-
Pierre, Columban Vrancx.
La tragédie de Jephté a également cinq ac-
tes, mais est plus mouvementée que celles qui
précèdent ; elle renferme plusieurs scènes fort
dramatiques. Nous nous permettrons seulement
de trouver à redire à la manière dont Lumme-
nœus y sacrifie au goût de l'époque, en intro-
duisant dans une tragédie chrétienne trop de ré-
miniscences païennes. Jephté invoquant le Styx,
et parlant de faire descendre sa fille au Tartare,
ne laissent pas que de choquer. Les personnages
sont Jephté, Iris, Hjanthe, un messager, le vieil-
lard Josabas, Cléanthe, et le chœur.
Outre ces tragédies, Lummenœus a composé
en vers des morceaux qu'il intitule Lamentations
sacrées, Lessus sacri, et qu'il dédie au cardinal
Borromée. Une partie seulement se trouve dans
le recueil imprimé par Van Dormael; le reste,
— 13 —
ainsi que le dit le poëte dans son épître dédica-
toire, lui a été volé.
Cette épître est suivie d'abord d'une réponse
extrêmement aimable du cardinal , puis d'une
lettre d'Erycius Puteanus à son ami Lummenœus ,
remplie d'invectives contre le voleur : « Nummos
furari capital est , » dit-il , « quid ergo ingenii
labores? »
Avant les Lamentations se trouve encore une
pièce de vers d'André Catulle *, adressée à l'auteur.
Les Lamentations imprimées sont au nombre
de trois : Lessiis Amaryllidis sponsœ deplorantis
Alexium fugientem ; Lessiis Agarœ deploimnlis
Ismaelem puetnim ^ et Lessus Admni et Evœ,
A la suite des Lamentations le recueil contient
un certain nombre de pièces de vers sur divers
sujets , intitulées : Miscellanea , et que l'auteur
dédie à son frère Yigiius de Marcke, conseiller
syndic du Franc. Une de ces pièces est composée
à l'occasion de la première messe de Philippe Wan-
nemaker, le poly graphe ; une autre est intitulée :
Ode Sapphica siib schemate legis et gratiœ principi
sacro reverendi et eruditi viri Justi Hardiiyni , ou
Juste Harduyn, poète gantois, né en 1582, mort
en 1641 , auquel Blommaert a consacré une
longue notice dans ses Nederduitsche schrijvers van
Gent; une autre est un hymne {Pœa7i) en l'honneur
d'Ignace de Loyola ; l'auteur le dédie à son frère
Louis de Marcke , religieux de la compagnie
de Jésus. Lummenœus adresse plusieurs de ces
' Voir sur ce personnage : Messager des Sciences, 18G1 et 18G2.
— 14 —
pièces à ses amis Sanclerus, Erycius Puteanus,
Yernulœus, Max. deVriendt, Simon Kerkhovius,
David Lindaniis, Justus Rjckius, Johamies Scep-
perus, Jacques van Zevecote. A l'abbé de Saint-
Pierre, Arsène Scbayck, surnommé le Grand, il
dédia un catalogue ou liste cbronologique des ab-
bés de Saint-Pierre , à commencer par saint Flor-
bert, où il consacre à chacun d'eux un distique.
Les homélies ou Orationes sacrœ qui terminent
le volume au nombre de huit , sont :
1. Oratio habita in festo Assumptœ virginis
apiid P. P. Societatis Jesu , in sacello majoris
sodalitatis .
2. Oratio habita in templo P. P. Prœdicatorum
pro encomio sacrœ virginis Catharinœ Senensis, in
festo ejusdem virginis natali.
3. Oratio habita in templo divi Pétri Blandi-
niensis coram prelatis et definitoribus congt^ega-
tionis nostrœ capitula7''is exemptée, cum jubilœo
inauguratus est ampliss. Dominus Cornélius Colum-
banus Vranx, etc.; dédiée à l'abbé Yrancx.
4. Oratio habita in primitiis y^everendi et docti
viri A7itonii Sanderi; dédiée à son père et à son
frère, nommés tous deux Charles de Marcke.
5. Oratio habita in festo conversionis Paidi apud
D. D. Flidei^bacenses Lovanii.
6. Atera oratio habita Lovanii apud Fleder-
bacenses, Dominica 2 post Pascha anno 1612 (de
pastore bono) ; dédiée à Pabbé de Saint-Waast
Philippe de Caverel.
7. Autre homélie prononcée à rabba3^e de
Vlierbeek; dédiée à Godefroi Lemmens, abbé de
Ylierbeak.
- 15 —
8. 0 ratio Encomiastica divo Thomœ Aquinati
Angelico doctori, ord. P. P. Prœdicat. dicta;
dédiée au confesseur de rarcliiduc Albert.
Mais ce ne sont pas là tous les écrits de Lum-
menœus : outre le recueil imprimé à Louvain, d'au-
tres œuvres du moine de Saint-Pierre sortirent des
presses de Corneille Yander Meeren , de Manilius
et de Van Kerkliove, à Gand, ainsi que de Jean de
Fampoux, à Douai; les voici :
1. Bustum Sodomœ. Tragœdia sacra, auctore
Cornelio a Marca. Gandavi, apud Corneliiim Ma-
riimi. CLO. Loc. xv, in-8", 6 fF. lim. et 49 p.; dédié
à Antoine de Winglie, abbé de Liessies. Cette tra-
gédie fut réimprimée plus tard, en 1628, dans le
recueil imprimé à Douai, sous le n° 9; voir plus loin.
2. Pleias sacra sice VII Horniliœ sacrae, auctore
Jacohi Cornelio Lummenœo a Marcâ, Religioso sa-
cerdote ordinis S. Benedicti in monte Blandinio ad
Gandavmn. Gandavi, apud Comelium Marium, ad
inter signe didcissimi nomini Jesu anno 1617 . In-8'^,
94 p. et 1 f. cont. l'approb. du 14 oct. 1616. Aux
pages 3 à 7 sont quelques vers latins à l'adresse de
Lunmienœus, par Josse De Rycke et Jean Hey-
linckus, et la dédicace de l'auteur à la confrérie de
la Sainte-Croix , établie à Gand , dans l'église de
Saint-Michel. Les sept homélies sont dédiées à
divers personnages : Fr. Yander Burch, archevê-
que de Cambrai, Ant. Triest, évêque de Bruges,
Philippe De Caverel, Jean Joncquoy, abbé de Mar-
chiennes, J.-B.-Max. d"Enghien, Jérôme De Win-
ghe, chanoine de Tournai, et Ch. De Bourgogne,
baron de Wackene. Ce recueil se rencontre ra-
rement.
— IG —
3. A^nmon. Tragœdia sacra : auctore R^" Domino
D. lacobo Cornelio Lummenœo à Marcâ. Gandavi,
apud Cornelium MayHiim , ad intersig. dulciss. no-
mini lesu. 1617, petit in-S", 40 p. Tragédie avec
chœurs , dédiée à Denis Villerius , chancelier de
l'église de Tournai. Cette tragédie fut réimprimée
en 1628, chez Fampoux, à Douai, dans le recueil
cité plus loin, sous le n" 9.
4, Corona Virginea, sive stellœ duodecim, id est,
duodecim Ho7niliœ sacra, auctore R. P. Jacobi Cor-
nelio Lu7nme7iœo à Marcâ, religios. sacerd. ord.
S. Benedicti in ynonte Bla7idinio; Gandavi, apud
CorneliuTn Mariimi ad insigne dulcissi7ni 7iomi7ii
Jesu, an7io 1628. In-8° de 182 p. et 1 f. , avec l'ap-
probation, datée de Gand 10 janvier 1618. Au titre,
un médaillon gravé en taille-douce, avec ce vers
d'Horace : « Doctarum ederse prsemia frontium. »
Les neuf premières pages renferment des épîtres
de Lummenœus au cardinal Borghèse et au magis-
trat du Franc de Bruges, ainsi que des lettres adres-
sées à l'auteur par le cardinal Borghèse, par Jean,
évêque d'Anvers , etx3ar Pierre Coton, jésuite. La
l'^'^ homélie fut prêchée à Saint-Michel en 1617;
la 2**, dédiée à Guill. Castilius, prieur de Baude-
loo, le fut à l'abbaye de Saint-Pierre en 1613; la
3®, dédiée à Henri Van der Heyden, prieur du
monastère de Saint-Sauveur, fut prêchée en 1617
chez les jésuites ; la 4'' est dédiée à Gilles Baute-
rius ; la h^ à Mailiardus Vulderius ; la 6"^ ;
la 7^ au conseiller Jean-Jacques de Brabant; la
8^ à J.-B. Lautens ; la 9*" à Jacques De Coninck;
la 10" à François Borluut, seigneur de Boucle ; la
— 17 —
IP à Adrien Le Prévost de Basserode, seigneur
d'Enghien, et la 12" à Josse Van Hiierne. Cette
dernière homélie fut prononcée à l'église des
Dominicains lors des funérailles de Max. De
Vriendt, en 1615. La page chiffrée 182 contient
quelques vers latins en l'iionneur de Lumme-
nœus, par Jacques Van Zevecote et par Georges
Bornaige.
5. Said. Tragœdia sacra autore R. P. lacobo
Cornelio Lummenœo à Marcâ, Religioso sacerd.
ord. S. Benedicti in monte Blandinio. Gandavi ,
apudJoan. Kerkhoviiwi, 1621. Petit in-8°, 4 ff. lim.
et 31 p., car. ital. Au titre manque la marque ty-
pographique. La dédicace, au cardinal Ludovisi,
est suivie de quelques hexamètres latins par Ant.
Sanderus. Cette tragédie fut publiée de nouveau
par Jean de Fampoux, à Douai en 1628, dans le
recueil cité au n° 9.
6. Lanipas Virgmea, sive oratio de Encomio
Virginis , in festo Luminwn dicta. Imprimé.
7. Diarium sanctoriim sive steintnata, et flo-
res, etc. Vers iambes. Duaci, Joannes de Fam-
poux, 1628, in-4°, pp. 118. Tiré à 600 exempl.
8. Hyas sacra. Idem.
9. Sept tragédies réunies dans un recueil inti-
tulé : Musœ lacrymantes seu Pleias Tragica. Duaci,
Joan. de Fampoux, 1628, in-4''. Ce sont : 1. Bus-
tum Sodomse et impurarum illarum civitatum
excidiam. 2. Abimelech. 3. Jeplite (c'est la même
que celle imprimée déjà chez Verdussen, à Anvers
en 1608, et dans le recueil de Van Dormael).
4. Sampson. 5. Saûl. 6. Annnon sive stuprum so-
— 18 —
roris Tliamar, ab Absalone seri ultione percussum.
7. Sedecias.
10, Duces Burgimdiœ iidemque Flandriœ comités
et res ab us gestœ.
Nous connaissons encore de Lnmmenœus les
œuvres suivantes qui ont été imprimées : Une pièce
en vers latins à Antoine Sanderus, imprimée dans :
Antonii Sanderi, Panegyricus B. Mariœ Virgini.
Gand, chez Manilius, 1618. — Une pièce en vers
latins à Justus Harduyn, dans le livre de celui-ci,
intitulé : Goddelicke Lofsanghen , etc. Ghendt , by
Jan Van den Kerckhove, 1620. — Une pièce en vers
latins, à l'éloge de Zevecote, dans : Rosimimda ,
Tragœdia, de Zevecote, imprimée chez Josse Booms,
à Gand en 1621. — Une pièce en vers latins à An-
toine Sanderus, dans : Antonii Sanderi presbyteri
Panegyricus Annunciatœ Virgini. Gand, chez Ma-
nilius, 1621. — Vingt-quatre hexamètres, dans les
quatre ff. liminaires de : Antonii Sanderi Poëmata.
Ganda apud Joannem Lapidanum^ 1621. — Une
pièce en vers latins , dédiée à Charles de Bourgo-
gne, dans : Antonii Sanderi Poëmafum Liber tertius.
Gandav. apud Jean. Lapidanum. 1621.
Il y a encore d'autres écrits qui ne furent jamais
publiés; des tragédies, des homélies, des pièces de
vers que Sanderus dit avoir eues sous les yeux.
Valère André raconte que notre auteur lui pré-
senta une pièce de vers, fort bien faite, en latin,
pour célébrer son doctorat.
Luramenœus ne passa pas toute sa vie dans sa
cellule du mont Blandin. B'après les notes de l'abbé
de Saint-Pierre , Gudwald Seiger, il séjournait à
- 19 —
Rome en 1624, et M. De Bussclier, dans son ou-
vrage intitulé : L'abbaye de Saint-Piey^re à Gand ,
dit, page 58, que Lummenœus fut autorisé à se
rendre à Rome pour le jubilé solennel qui devait
s'y célébrer en 1625. Ces données feraient sup-
poser que notre religieux ne visita pas la ville
éternelle avant 1623, ce qui est une erreur. Une
correspondance relative à son séjour à Rome, qui
se trouve aux archives de l'État à Gand, où non s
l'avons copiée en reclierchant les documents qui
concernent l'abbaye de Saint-Pierre, fait déjà men-
tion de lui le 25 janvier 1615 comme y étant depuis
un certain temps. A cette date le cardinal Bar-
berini écrit à l'abbé de Saint-Pierre, pour lui de-
mander des secours pécuniaires en faveur de
Lummenœus , afin de faciliter à ce religieux le
retour dans son monastère. Il faut donc croire,
d'après cela, qu'il séjournait déjà à Rome depuis
une année ou même deux , mais pas davan-
tage, car le 1 mars 1613 il était encore à Lou-
vain, d'où il écrivait au confesseur de l'archiduc
Albert pour lui offrir son homélie sur saint
Thomas d'Aquin.
Le cardinal obtint sans doute ce qu'il désirait
pour son protégé, et Lummenœus rentra au mont
Blandin. Une lettre que Sanderus écrivit à notre
poëte le 30 avril 1620, prouve que celui-ci était
alors à l'abbaye ; il lui dit qu'il n'a pas eu le temps
d'aller le voir, et lui donne quelques bons conseils,
d'après lesquels nous pouvons supposer que le
cloître n'avait pas beaucoup de charmes pour
Lummenseus , et qu'il avait prié son ami de s'in-
— .20 —
terposer à Bruxelles auprès de certains person-
nages influents pour lui obtenir l'autorisation d'en
sortir. Sanderus l'engage entre autres à prendre
patience, à s'efforcer de se plier aux exigences de
la vie monastique, à supporter les défauts de ses
confrères.
«( Ego sanè, dit-il, plurimos homines egregie
cordatos et eruditos audivi asserere eam vitse
conditionem in qua tu agis , pietati , ingeniis ,
elegantibusque studiis quam maxime conve-
nii'e. Scio paradoxon hoc inclamabis, sed seculi
molestias et labores expertus non es ; » et
plus loin, vers la fin de sa longue épitre : « Itaque
hoc te oro si amicus non essem tam libéra
consilia non suggerem , compendiosa ad pro-
motionem hœc sunt média : capiti tuo inprimis
iuhsere; ut quantum potes place, leges domesti-
cas impie ; regnum cœlorum vim patitur, cum
omnibus benignus esto, asperos et rudes mores
fer, iniurias et sanniculas dissimula et ride
affatim lauda, fer stuporem et inscitiam alio-
rum ; non omnibus œquè pretiosa talenta Deus
dédit, omnia et nos accepinms, expunge passim
vetera débita , a novis abstine , non credas
quantum nomini tuo famœque adhsereant istse
sordes débit orum. Oiouscula ultro non offer,
a re pecuniaria petenda ad typos aliosve pre-
textus tanquam ab angue cave , pluribus non
dedica eadem , et minuta prœsertim , ad te
adventantibus nec vini guttam offer , non ideo
veniunt, si pétant, indigni sunt. Vale; pridie
cal. mai 1620 (30 awil). »
21
n paraîtrait, d'après quelques paroles de cette
lettre , que Lummenœus avait mérité déjà le re-
proche de prodigalité que Tabbé lui adresse plus
tard , lorsque le religieux se plaint , pendant son
voyage en Italie, de se trouver sans ressources.
Sanderus lui conseille aussi de ne pas dédier à
plusieurs la même œuvre. Cet abus de dédicaces
nous avait déjà frappé en lisant le volume im-
primé à Louvain , et nous ne nous étonnons pas
de cette remarque de Fauteur de la Flandria
illustrata. Le poëte comprit-il la justesse de l'ob-
servation de son ami? Cela se peut ; le fait est que
dans un exemplaire de la Corona Virginœa existant
à la bibliothèque de Gand, la plupart des dédicaces
ont été enle"' ées.
Malgré les conseils de Sanderus, Lummenœus
persista dans son désir de quitter le Mont Blandin;
il prétexta Tétat de délabrement de sa santé qui
exigeait le climat de l'Italie , et il obtint que le
cardinal Borromée , qui s'était déjà montré son
protecteur lors de son premier voyage, l'appelât
à Milan pour l'occuper dans sa bibliothèque. Ce
cardinal était Frédéric Borromée , fils de Jules
César et de Véronique Trivulce, successeur de
son cousin "saint Charles Borromée sur le siège
de Milan; c'est lui qui a fondé dans sa ville
archiépiscopale la célèbre bibliothèque ambro-
sienne qu'Antoine Olgati, auquel il en avait confié
le soin , enrichit de neuf mille manuscrits , ainsi
que de la plus grande partie de la bibliothèque de
Vincent Pinelli.
L'abbé de Saint-Pierre donna son consentement
22
au départ de Lummenœus dans une pièce datée
du 1*"" mars 1622 ; il y engage les prélats de son
ordre à lui accorder aide et protection :
« Nos Joachimus Arsenius, Dei et apostolicse sedis per-
missione, Abbas inonasterii S. Pétri iuxta Gaiidavmn,
ordinis S. Benedicti, sedi apostolicse immédiate subiecti, et
exemptorum monasteriorum eiusdem ordinis per Belgium
visitator, concessimus Domino Jacobo Cornelio Lummensco
a Marca, religioso presbytero dicti nostri monasterii, licen-
tiam proficiscendi Mediolanum ad lUustrissimum Domi-
num cardinalem Borromeum a se iam ssepius evocato ac
invitato. Quare universos et singiilos, ac imprimis D. D.
prelatos eiusdem nostri ordinis rogamus , ut si quando ad
eos dictum nostrum religiosum divertere contigerit, ipsi
auxilio et consilio adesse non dedignentur. Idem huma-
nitatis ac cliaritatis ofïicium reciprocè a se commendatis
(quando occasio sese obtulerit), semper prsestare parati
sumus. In cuius confirmationem , bœc propria manu et si-
gillo munivimus.
» Actum in dicto nostro monasterio S. Pétri ipsis calen-
dis martiis 1622. »
Mais ce que l'abbé ne dit pas dans son espèce de
sauf-conduit, et ce qu'il avait sans doute enjoint
et posé comme condition dans un autre écrit à
Lummenœus , c'était de ne pas quitter le cardinal
Borromée, ou de rester consigné dans le mo-
nastère de Saint-Simplicien de Milan. Une lettre
que nous verrons plus loin nous expliquera ce l'ait,
Lummenœus se hâta de profiter de l'autorisa-
tion de son supérieur. Aussitôt en Italie, il donna
de ses nouvelles; le 5 août il était à Milan au
monastère de Saint-Simplicien , d'où il écrivit à
— 2
zo
l'abbé Scliajck , spécialement pour lui dire qu'il
est dépourvu de beaucoup de clioses, « multa
mihi desunt, » et le prier d'envoyer des lettres
de change.
« Amplissime et reverenclissime Prsesul.
» Genua tua amplector, in quibus prassidium me reper-
turum spero. Veni in Italiam (ut iterum atque iterum
scripsisse memini) salvus et incolumis, atque acleo mollis-
simi huius cœli beneficio cotidiè valentior fio, et cum tem-
pore totam \aletudinem recuperare spero. Illustrissimus
cardinalis Borromseus bénigne iuxtà et perhonorificè me
habet; interèa tamen multa mihi desunt, qua) mihi cum
onere famuli (quo omninô carere non possum) hîc degenti ,
tum etiam cotidianis incommodis sublevandis perneces-
saria sunt, neque verô debeo (ut plane existimo) ad sordes
et silignas damnari , qui cum bonâ veniâ R"* Dominât. V.
et valetudinis meœ reparandse caussâ in Italiam secessi , et
fortasse aliquâ substantice portiuncula proxime me contin-
git ex tantâ adfluentia, quœ per Ampl. V. benè et commode
hactenus dispensatur. Et nunquid mihi quoque ly/oyiav
aliquam aut benedictionis symbolam servas Pater ? Imper-
tire aliquid obsecro, et si nihil hactenus de rore cœli me-
reor, de pinguedine terrée aliquid condona, vel in gratiam
Illmorum Cardiualium Patronorum meorum , Ludovisii, Bevi-
lacqufe, Burghesii, Farnesii, Barberini, Cobellutii, qui
mihi Ilomse omnia pollicentur, et adeô scepiusculè et sin-
gulis ferè septimanis , humanissimis suis litteris me inter-
visunt. Nimirum sic me honorant illi Principes et sic
faciunt, quia ita volunt, et fortasse Reverendiss. Amplit. V.
et Monasterio nostro comraodi olim esse poterunt , si occasio
ita ferat. Vale amplis, et Rev. domine, et si omuino digna-
ris , opportune nunc me juva literas cambii dum omnino
— 24 —
eis mittere Ampl. V. dignabitur, Mediolaniim ad S. Sim-
plicium destinabit.
» Mediolani è mon. S. Simpl. non. augusti an. 1622.
» R™'*' Ampl. V. liumillimus filius
» Jacobus Corn. Lummenœus a Maeca , rel. sac. »
Nous sommes tenté de croire que cette lettre,
dans laquelle Liunmenœus expose les difficultés de
sa position , n'eût pas pour lui tout Teffet désiré ,
car il fut obligé d'emprunter quelques sommes à
des compatriotes. C'est ce qu'il raconte à l'abbé le
1 7 août de la même année ; il le remercie de ses
bonnes intentions à son égard, le prie de payer ses
dettes, et dit, sans doute pour se le rendre plus
favorable , qu'il a vanté ses vertus aux cardinaux
avec lesquels il est chaque jour en relation, et l'ap-
pelle l'ornement de son ordre :
« Amplissime et Reverendissime Prsesul. Jucundum mihi
fuit intelligere ex litteris Joannis Schoondonck, lilio suo,
famulo meo missis , Amplit. V. bono erga me animo esse ,
atque adeo promptam, ut mihi paterna solucitudine, in
omni casu necessitatis succurrat dummodo ei constet , quô
litteras suas certô deljeat destinare. Intérim in angustiis
fui (sicut semper necessarium aliquid mihi occurrere potest,
cum onere famuli in alieuo solo degenti) et sic quoque ultra
montes aliquid potui suspirare. Et vero inveni tandem
mercatorem Belgam, ornatissimum virum. D. Adrianum
Peninage, qui mihi in urgenti nécessite nonaginta flore-
nos, valentes viginti assibus Belgicse monetse, numeravit,
et sic mihi , et Reverendissimse Amplit. V. pro me sat agenti
et solicitée, beneficium se commodare existimavit, quos
proinde Révérer'"'* Amplis. V. Generoso huic viro, D. Phi-
25 -
lippo Baersdorp, barum latori restituere dignabitur, et
exiguum hoc nomen expiingere. Ego vero virtutes tuas ,
Amplissime Domine, pra?dicare non desinam apud Illmos
cardinales, patronos nieos, qui mihi plures cotidiè acce-
dunt, et humanissimis litteris suis continuô intervisunt.
Vale Ill°ie et Reverendissime Prsesul, ordinis nostri singu-
lare ornamentum, Mediolani, ad. D. Simpliciani, quô litte-
ras Amplit. Y. destinari rogo. 16° calend. septembris anno
1622. Amplit. V. servus et fil. obed. Jacobus Corn. Lumme-
NŒUS A MARCA , relig. sacerd. »
Pressé par la misère et ne voulant pas Tavouer
à ses protecteurs, Lummenœus se rendit à Rome;
là il ne réussit pas à trouver un asile chez les
religieux bénédictins du mont Cassin, qui, à ce
qu'il dit, ne pouvaient pas en vertu de leurs règles,
héberger leurs confrères d'au-delà des monts. Il
'écrit le 16 décembre 1622 à son abbé, l'implorant
de venir à son aide ; sa lettre ressemble un peu aux
plaintes de l'enfant prodigue : « Traitez-moi, dit-il,
comme un de vos serviteurs ; dans votre maison il
ne manque pas de pain, et les petits chiens mêmes
sont nourris de la table du maître. » Voici cette
épître toute entière :
« Amplissime et Reverendissime mi Pater.
» Ad genua clementise tuse me objicio, et quanquam
nihil dilapidasse aut decoxisse memini , nihilominus tene-
rum illud, atque adèo lacrymis et commiseratione boni
patris familias dignum, exEvangelio opploro : Pater pec-
cavi in cœlum et coram te , et si quidem non sum dignus
porrô vocari filius , fac me sicut unum ex mercenariis tuis ;
nam et illi in domo tuâ abundant panibus , et catelli etiam
- 26 —
comedunt de mensâ Dominorum suorum, Plura sentire
possum, quam scribere, et mihi in Christi visceribus beue-
volentiâ paternâ symbolam condonari rogo. Quare Medio-
lano , post crebras litteras meas ad Amplit. Y. discesserim ,
et qiiomodo alibi hospitium, Tel intercedentibus S. R. T.
cardinalibus , et inter eos S. etiam D. N. timc card. Barbe-
rino et aliis priucipibus apud monachos institiiti nostri
impetrare non potuerini Amplit. T. bis, ter, qiiater et
sœpius per me indicatum fuisse scio , et per proximum ve-
redarium litteras Abbatum huius cougregationis Cassinensis
missurus sum, quibus liquidé constet per me non stetisse,
quo minus ad eos diverterim, cum lioc prseter consuetudi-
nem illorum sit , ultramontanos monachos in contubernium
suum admittere,etc. Plenus doloris et msestitise nihil addere
possum et fortunam meam iterum atque iterum commendo.
» Vale, Amplissime Prcesul, et me bénigne respice.
» Ex Urbe, I70 calend. januarii 1623 (16 x^"-").
» R'"* Amplit.
» Humillimus cliens et filius
» J. C. LUMMENŒUS A MaECA.
» Relig. saccerd. B. B. »
Mais le prélat de l'abbaye de Saint-Pierre était
malcontent de lui, malcontent de ce que Lum-
menœus s'était à peu près de tout temps montré
plus ou moins rebelle à la discipline du cloître,
malcontent parce qu'autorisé à se rendre à Milan,
il avait profité de cette licence pour visiter d'au-
tres villes d'Italie, et s'était ensuite rendu à Rome,
malcontent de ce qu'il n'avait pu trouver moyen
de vivre avec la modique pension qui lui était
faite. Les ennemis du moine n'avaient pas laissé
échapper cette occasion de le desservir auj)rès de
— 27 —
son supérieur, et par des accusations de toute sorte,
aggravant ses torts , avaient augmenté et attisé la
colère du prélat. Celui-ci exhale son courroux dans
une lettre datée du mont Blandin le 1 7 féwier 1623,
et qui pourrait bien être adressée au cardinal
Borromée, cardinal de Sainte-Suzanne, dont il y
est question à la troisième personne. L'abbé y
parle de son religieux dans des termes fort peu
mesurés, et y dit crûment que le cardinal Tayaut
fait venir à Milan, c'était à lui de pourvoir à ses
besoins. Tout en rendant hommage aux talents de
Lummenœus, « praeclari quidam ingenii, » dit-il,
il lui donne des qualifications fort malsonnantes ;
toute la lettre prouve que Fintervention de cer-
taines personnes lui faisait regarder les fautes du
religieux à travers un verre grossissant.
« IlWe Dne.
» Satis mirari nequeo IIl"i D. cardinalem a S'» Susanna
petere uti Patri Cornelio a Marca, uostro Religioso, de rébus
necessariis per me provideatur, postquam illum ad se Me-
diolanum hiuc evocavit, ut in Bibliothecâ suâ eius uteretur
opéra, aut in monasterio S. Simpliciani ibidem collocaret i
quod et factum fuit : quodsi bonus ille dictus Pater neglecto
tanto humanitatis et liberalitatis bénéficie 111"™ D. cardina-
lem deseruerit simul et monasterium S. Simpliciani contra
tenorem litterarum nostrarum dimissorialium (qu£e solum
ipsi Mediolanum usque ])roficiscendi facultatem faciebant) ,
et instar vagabundi profectus sit Yenetias , Patavium et ad
alias ItaUse urbes, ibique prodegerit quidquid ipsi erat num"
morum, ratio non postulat ut no vas ei pecunias suppedi-
tem, quibus ulterius per orbem divagetur, maxime cum
iam didicerim ipsum a quodam uobili liuius patrise pecu-
— 28 —
nias mutuo accepisse, hic restitiiendas, qiiod illi novuDxnon
est, nam iam pridem experientiâ edoctus, quod quoties-
cumqiie diversis in locis illum collocaverim , niinquam nisi
obœratus domum reversas est; hic vero existens, segritudi-
nem simulavit , quo minus cum reliquis confratribus fre-
quentaret commune refectorium ac capitulum ad audiendas
sanctas vespertinas collationes, sic ut ad biennium ali-
quando noluerit neque celebrare, neque choro interesse,
imo in solemnioribus festis \ïx potnerit ad confessionem
compelli , adeô ut pessimum hic prœbuerit suis confratri-
bus exemplum, posueritque Lapidem ad quem religiosi
nostri quotidie pedem offenderent. Intérim tamen ad hoc
valebat optimè ut quotidie ad se incorrigibilem , socios et
congerrones externes in cubicukim suum convocaret, qui-
buscum genio, compotationibus, ac abdomini semper tan-
quam de grege porcorum indulgeret, spernendo monitiones
nostras. Dolebam vehementer me inter cseteros unum tan-
tum habere religiosum ab ordine etiam Capucinorum excu-
cu\\situ.m , prœclari quidem inffenii, sed claustri monastici,
si verum dicere liceat , a multis iam annis impatientem , li-
bertatis appetentem, et ut unico dicam verbo, instituti
nostri omnino fastidientem. Habui hic litteras a quodam
x'' januarii ]\Iediolano scriptas, illum iam in itinere esse
cum proposito hùc redeundi , de quo miramur, et non de-
tineri illum ab 111"^° D. Gard, a S*^ Susanna, cum ut eius
uteretur opéra in bibliothecâ suà , ab eo esset accersitus ,
tune enim non foret necessarium illi provideri de necessa-
riis, cum nemo secuudum Apostolum militare debeat suis
stipendiis, sed ejus potius sumptibus et impensis nutrien-
dus, cuius obsequiis sese dedicavit, prsecipuè cum hiuc
discedens, se nunquam amplius quidquam petiturum a Mo-
nasterio nostro sanctè premiserit, qui si hic nobiscmn vive-
ret secundum regulam S^i P. Benedicti, haberet quoque
ut caeteri, qui hic degunt. Ignoscat itaque quœso 111'""* D. V.
— 29 —
si pecunias hac vice non transmitto , quia si sit in itinere
pecijuiœ ad eura pervenire non possent; si vero manserit
in obsequio Illn>' D. Cardinalis a S''» Susanna, non hinc sibi
pro-\-idendum , sed ab eo cui insérait , ratio et sequitas pos-
tulant, quia uti diximus, nemo suis stipendiis militare
tenetur, neque etiam facultates nobis sufficiunt ob horum
temporum calimitatem , agrorum devastationem et inunda-
tioneni , tam per hostes quam nostros etiam milites illatas ,
ut immorigeros, incorrigibiles ac vagabundos religiosos extra
patriam tam sumptuose alamus. Si alia in re humile ali-
quod obsequium prœstare valuerimus 111°'* D. V. omnem
libentissime impendemus operam, cui me quam possum
humillimè commendo. Ex Abbatiâ nostrâ S. Pétri in monte
Blandinio, iuxta Gandavum 17'* feb. 1623. »
Le 4 mars 1623 Lummenœus adressa à son
abbé une nouvelle demande de secours; cette
lettre fort touchante n'eut pas encore l'effet dé-
sii^é ; le . religieux s'y déclare malade de corps et
d'âme, et réduit à la mendicité.
« Reverendissime Domine. Eomœ nunc sum, verè seger
animi et corporis, et in angustiis rerum omnium, nisi
quod Illmi Cardinales patroni mei bénigne me respiciunt, et
favorem omnem pollicentur. Ego vero (ingénue et candide
dico) mendicare erubesco , neque in œre eorum esse volo ,
quamdiu in Blandinio meo partem et tunicam babere pos-
sum. Pro décrète mihi subsidio aliquo pecuniario (sicut ex
amicoruni litteris intelligo) gi'atias Amplit. T. refero et me
de meliore nota commendo. Illi""^ Carrarius , Palatinus pon-
tificius , amicus et patronus mibi deditissimus , ad S. D. N.
molles aditus nunc mibi pandit , cuius purpuram R'* item
tuse nomine libenter venerabor. Yale Ampliss. et Reve™<^
mi Pater, et me porro magis tuum liabe. Romœ , 4 non. mart.
— 30 —
amio 1623. Niliil hic novi, nisi qiiocl Tiberis insolens et
tumidus violentiam et inundationem minatiir. Révérend™"^
Paternit. T. observantissimus filius. (Signé) Jacobus Corn.
LuiiMENŒUS A Maeca. Relig. sacerd. »
A la fin du mois d'avril, Lummenœns expédie
à son abbé le compte de ses dépenses à Rome,
pendant les mois de séjour qu'il vient d'y faire ;
il dit que sa pension de quatre cent florins est
extrêmement minime , mais que malgré cela il
tâchera de ne pas vivre aux dépens d'autrui , et
de se passer d'un domestique. Les religieux de
son ordre qui n'ont pas l'habitude d'héberger des
étrangers , l'ont congédié après lui avoir donné
pendant quelque temps l'hospitalité, et ses illus-
tres protecteurs bornent leur munificence à louer
ses ou\T7ages , ce qui le force à jeûner; il se plaint
amèrement d'être calomnié sans raison aucune ,
attendu que sa conduite a toujours été irré-
prochable.
« Amplissime Domine. Miror sane in ciijusqiiam animum
et pectus descendere posse, ut tam facile siiorum possit
oblivisci. Annus iam evolutus est, et tôt menses currunt,
ex quibus post tôt litteras meas, ne uno quidem nutu ab
Amplitudine T. mereor recreari. Intérim vivere debui, et
si per bonam veniam et gratiam tuam mihi licet, spirare
porro etiam volo. Esto , Rl'uus Cardinalis Borromœus magis
honorificè , quam liberaliter me habuit ; esto, quod religiosi
mei ordinis (qui hic nullis ultramontanis hospitium com-
modant) post pauculorum mensium charitatem se excusa-
verunt, et hospitalem tesseram mihi subtraxerunt ; esto,
quod Romse quoque (quo post multas cerumnas denique
— ol —
me coiituli, iit meliorem fortiinam mihi pararem) 111"^'
patroui mei (apud quos mendicare neque volo , neqiie
aiideo), nullam munificentise symbolam in me conférant
eximiè aliàs me et studia mea honorantes, an proptereà
ego ieiunare debeo et rerum omnium mendicabulum fieri?
an proptereà ad volutabrum sedeo , et nemo meorum vel
silignas milii sul)ministrat ? non peccavi, et in amaritudi-
nibus moratur ociilus meus, multo tamen magis anima
mea, et quare improbus aliquis Giesi me a vestigiis tuis
depellat ? Et quid , si in sinu S. D. N. , fortunam meam de-
plorare cogar, et totum cordolium excutere? Qui me sane
lœtis oculis et benigno nutu nuper adspexit, et diu et
libenter sermocinantem audivit, et fortassis aliquid in
caussà meà prœstare volet, si ita velim. Ego vero Ampli -
tudinem T. venerari et colère non desinam, et ridere
eorum ineptias, qui apud Amplitudinem T. famse mese
semper aliquid deterunt, inter quos Blanquardum illum
nominare possum, a quo proscindi ineptissimis calumniis,
et quae ne speciem quidem veri habere possunt , laudi im-
primis mihi duco. Mitto nunc computum expensarum , quas
hic Romse feci, quibus statim satis fieri supplico; in quibus
duorum mensium cibarii sumptus graves et insolentes for-
tasse videbuntur, sed nihil hic (ut in tota passim Italiâ)
vili precio venit, et magna est caritas , ut videre poterit in
computu (si ita dignabitur Amplitudo T.) generosi adoles-
centis Caroli Triestii, hic degentis, quem ad patruum
suum, Toparcham de Auweghem misit, qui cum adhuc
adolescens sit, pro tenui satis mensâ, tantundem cum fa-
mulo persolvere débet. Ego propria quadrâ deinceps vivere
constitui, et quantum feret valetudo, sine famulo, cui pro
annuo servitio , et quia querebatur se vestes omnes suas in
obsequiis meis detri visse, quinquaginta florenos numerari ,
curavi a Mercatore, cui (ut spero) in Belgio modo satis-
factum est, et alios, quinquaginta privatis meis expensu-
— 32 —
lis , quas propria mea quadra , viliori omnino precio dein-
ceps facere decrevi. Vale, Amplissime et Révérend™'^ Prsesul,
et benedictionem tuam mihi mitte ut possim hic vivere^
quadringentorum florenorum anniia pensiuncula , vel certè
cum bonesto viatico transacta calida hac sestate, in Bel-
gium reverti. Ad genua Arnplit. T. me advolvo, et omnia
obsequia mea addico. Ex Urbe 3 Calend. Maii 16^3.
» Amplit. V.
» Observantissimus filius,
» (Signé) Jacobus Coen. Lummenœus a Maeca ,
» Relig. sacerdos. »
Dans une lettre écrite à un haut personnage
qui s'intéressait à lui, et dont nous n'avons pu
trouver le nom, Lummenœus se plaint de l'aban-
don où le laisse son abbé et de la gêne, voire
même la misère où il se trouve. Cette pièce est
fortement détériorée , mais ce qu'il en reste nous
a suffi pour rétablir le sens de l'épître toute
entière.
« Amplissime et Perilliistris Domine.
» In angustiis sum, quippe a Prœlato meo desti tutus,
qui sane parum cordate (liceat mihi dicere) et Christiane
id agit, quod sic domesticorum suorum curam gerit. Et
quô tandem me abjicere decrevit, nisi forte ad siliquas et
sordes , et publicum mendicabulum , qui sic patientia mea
abuti vult? Et revero, nisi Deum cœli cum bono illo vate
timerem; — sed motos prœstat componere fluctus. Ego
duxerim et dilapidavorim (quod minime)
ostendet quem apud me secus quare fieri
studioriim meorum, fructus lego, qui totam retatem meam
atque adeo valetudinem (Evpstj ev xpiirot tou-o) honestissimis
— 33 —
studiis et scriptis detrivi et verè, verè, ut vides, dilapidavi.
Intérim quanti mercenarij in domo Patris mei abundant
panibus, et quanti catelli uberis mensse analectis se ingur-
gitant placentse reliquias delinquunt et ego hic famé et
tristitiâ contabesco. Nihil possum amplius quia lacrymse
me impediunt, etc. Vale Amplissime et perillustris Domine,
et si qua potes, tua gratia et patrocinio me juva, Urbe
Domina l^^ maii 1623. Amplit. Humillimus Cliens. (Signé):
Jacobus Corn. Lummenœus a Maeca. Relig. sacerd. »
Peu à peu quelques personnes influentes com-
mencèrent à s'occuper de la position du pau-
vre moine. Gaspard Scioppius, conseiller aulique,
écrivit le 1*''' mai à l'abbé, en lui faisant parvenir
la lettre de Lummenœus du 29 avril avec le
compte de ses dépenses. Il dit à l'abbé qu'au lieu
de laisser un des siens dans la misère , il devrait
au contraire s'enorgueillir de posséder un tel
homme dans son ordre.
« Perill"^ et Rev^e Domine.
» Non lioc ago , ut R. P. Jacobo Cornelio Lummenœo pa-
ternam D'^ V. benevolentiam conciliem, quod id absurde
facere merito existimari possim , quippe cum homo exter-
nus et ignotus patri domesticum vel potius filium commen-
dare studeam. Potius ei gratulor de tali filio qui publi-
candis ingenii ac doctrinse sufe monumentis banc Ecclesise
catholicse navarit operam , ut occlusiorem Hœretici male-
dicentiam suam habere cogantur neque sacerdotes catho-
licos prœcipueque monachos, ut ab omni studiorum hu-
manitate ac politiori literatura remotos, nihilque nisi
allium et cœpe olentes, tanto supercilio prse se postliac
possint contemnere. Itaque non immerito Amplissimi Car-
dinales cum benevolentia singulari complectuntur dignis-
3
— 34 —
simumqiie censent, quem rev™* D. V. liberaliter habeat,
quorum sententiœ cum et ipse meuni subscribam judicium,
non recuso , quin milii feratur expensum , quicquid in euni
impensarum fecerit. Cum autem eveniet occasio , ut in Urbe
j5gymœ j) Y eiusque monasterio aliquid operse nauare
possim, rébus ipsis declaraturum me recipio, ut quantum
ei nomine illo debere ne agnoscam, intelligere possit,
neque eam vel mea causa in P. Lummenœum benigni-
tate maiore usam esse p?eniteat. Deus eam diu servet ac
prosperet. Romœ kal. Mai 1623. Perills et Rev^e D. V. stu-
diosissimus. Gaspar Scioppius Csesarius et regius consi-
liarius. »
Le cardinal Luclovisi s'interposa également et
demanda que l'abbé envoyât du moins la somme
nécessaire au pau^a^e religieux pour se rapatrier.
Tout comme Scioppius, il loue les talents de Lum-
menœus, qui seuls méritaient qu'on le tirât de la
misère, et l'appelle un houmie vertueux et pieux.
Ce cardinal Ludovisi était un parent du pape
Grégoire XV Ludovisi, élu en 1621 . Voici la lettre :
« Rev''^ Pater. Literarum studia, quibus nomini suo cla-
ritudinem peperit pater Jacobus Cornélius Lummenœus à
j\farca , cum ei in Italia ecclesiasticorum principum bene-
volentiam conciliarerint , non vulgaria etiam habeutur
istius monasterii ornamenta. Quare cum illum non satis
commoda valetudine conflictatum clementioris aëris spes in
tas regiones iampridem evocaverit , par esse non videtur
eum Patris Vestrse patrocinio , et istius monasterii beneficio
in prœsentia spoliari perende atque exulem. Placet ergo
S™° D. Nostro virum hune de religiosa ista familia bene
semper mereri studeutem istuc redire , eique longum hoc
iter suscepturo necessarias pecunias a P^e Vestra suppedi-
— 35 —
tari. Id quidem dum prsestabit virtutem pietatemque in eo
erudito sacerdote colet, et voluntatem meam arctissime
sibi atqiie ordini suo obstringet. Quod uberius ex R^'o Do-
mino arcliiepiscopo Patracensi nuntio apostolico cognoscet
P''^ Yestra cui beneficiiim hoc debere cupio , et officia luea
ex animo defero. Romse die 6 maii 1G23. Yestrse Pat" stu-
diosiis. (Signé) Gard. Ludovisius. »
Luinmenœus écrivit ensuite à son abbé le 15;
tout en demandant des secours, il se défend d'avoir
fait des dépenses exagérées et lui recommande sa
position; il expédia cette lettre deux joui's après
par son neveu, auquel il prie Tabbé de faire bon
accueil.
« Reverendme Domine.
» Negocium meiim ex animo commendo , et ut benignum
unum oculum ad me advertas supplice. Certe anima mea in
amaritudine est, et quanquam niliil dilapidaverim, ad vo-
lutabrum et silignas respicio, vel certe in augustiis expiro.
Prorumpunt mihi lacrj^mœ, et calamum implent cum tam
indigne mecum agi , cum animo meo cogito. Vale Piever^e
Prœsul. Romse, 1° id. Maii 1623. Révérend""* Dominât, v.
Humillimus cliens. (Signé) : Jacobus Corx. Lumsiexœus a
Marca. Relig. sacerd. »
^o-
« Amplissime et reverend'"e Domine. Genua tua amplec-
tor, et omnia mea obsequia addico. Generosum hune juve-
nem , Révérend™' nostri nepotem , qui bas defert , bénigne
ab Amplit. T. respici et audiri rogo. Lacrymse me impe-
diunt i^lura scripturientem, et lituras litteris indicunt.
Vale Reverendnie Pater, et pudori meo consule , ego honori
et existimationi tuse. Ex Urbe 1° id. Maij 1623. Amplit. Y.
observantissimus Cliens. (Signé) : Jacobus Corn. Lumme-
KŒUS A Marca. Relig. sacerd. »
— 36 —
C'est à la suite de Tintervention de Scioppius et
de celle du cardinal Ludovisi, que Tabbé Schayck
écrivit une lettre que nous croyons être la ré-
ponse à celle de Scioppius et devoir dater du milieu
de l'été de l'année 1623. Elle ne porte aucune
suscription ni aucune date, c'est une copie faisant
j)artie du dossier, et portant au bas en guise de
« certifié conforme, » la mention « hœc epistola
scripta est ab 111. Dom. Arsenio, abbate Blandi-
niensi. » L'abbé y renouvelle l'expression de son
mécontentement, il accuse de nouveau Lumme-
nœus, répétant à peu près les mêmes griefs que
dans sa lettre du 17 février au cardinal Borromée,
et dit qu'il a envoyé au cardinal Ludovisi cent
pièces d'or pour le viatique de son moine, afin de
l'aider à rentrer en Belgique. Cette espèce d'au-
mône que Tabbé a l'air de considérer comme une
grâce insigne, était bien insuffisante, on le conçoit
facilement ; nous le verrons du reste plus loin.
Voici la lettre de l'abbé :
« Ornatissime Domine.
» Vidi memoriale Dom. Cornelii a Marca oblatum S. D. N.
et a vobis mihi transmissum , cui responderi nomine nostro
poterit, me ab aliquot mensibus per Illustrissimum nun-
cium Belgii , ad Illustrissimum Dominum cardinalem Lu-
dovisium misisse centum aureos pro viatico redeundi in
Belgium, quos, ut intelligo, in res alias impendit, et in-
super magna débita Romse contraxisse, pra3ter alias adhuc
pecunias hic restitutas , quas a diversis Belgis mutuô acce-
perat, adeô ut videatur omnino insatiabilis , ac rerum
omnium prodigus. Prœterea oportetscireillum liinc(extortâ
per importunitatem licentiâ , invitis etiam fratribus et con-
37 -
sanguineis suis) discessisse Mediolaniim ad Ill"i"« D, cardi-
iialem Borromœum , a qiio evocatus aliquoties fiierat , qiia-
tenus eiiis opéra in bibliotlieca sua uteretur, qui cum non
egeret eius subsidio (uti apparuit) eum in monasterio
S. Simpliciani, ordinis nostri, ibidem collocavit, ubi ma-
nere nolens, deseruit dictum monasterium , allegando se
non posse aut velle vivere in monasteriis reformatis, et
cum illinc hùc in patriam redire debuiS'set cum pecuniis ,
quas liberaliter dono accepit a iam dicto III"^ cardinalo
Borroma?o , csepit nihilominus ulterius peregrinari et diva-
gari per Italise civitates , sine tanien nostra obedientia , aut
requisitis de novo dimissorialibus , que solum ipsi Mediola-
num usque proficiscendi facultatem faciebant. Quare cum
prodegerit quidquid ipsi fuerit nummorum, ratio minime
postulat ut de novo ei pecunias suppeditem , quiljus ulte-
rius per orbem divagetur ; sed potins meretur ergastulum
quo ejus corpus castigetur, ne anima eius pereat.
» Jam equidem ssepius experientia edoctus , quod quo-
tiescumque diversis in locis illum collocaverim , nunquam
nisi oberatus domum reversus est ; hic vero existens segri-
tudinem simulavit, quo minus cum reliquis confratribus
frequentaret, commune refectorium ac capitulum ad au-
diendas sanctas vespertinas collationes , sic ut ad biennium
aliquando noluerit neque celebrare , neque choro interesse ,
imo in solemnioribus festis vix potuerit ad confessionem
compelli , adeo ut pessimum hic suis confratribus prsebue-
rit exemplum, posueritque lapidem ad quem religiosi
nostri quotidie pedem oii'enderent. Intérim tamen ad hoc
valebat optime , ut quotidie ad se incorrigibilem , socios et
congerrones in cubiculum suum convocaret, quibuscum
genio, compotationibus ac abdomini semper tanquam de
grege porcorum indulgeret spernendo monitiones nostras.
Dolebam vehementer me inter cœteros unum tantum ha-
bere religiosum ab ordine etiam Capuciuorum excuculla-
— 38 —
tum, prseclari quiclem ingenii , secl claustri monasterii
(si verum dicere liceat) a miiltis iam annis impatientem ,
libertatis appetentem, et ut imico decam verbo, institut!
nostri omnino fastidientem,
» Prœterea non sufficere nobis facultates , ob liorum tem-
porum calamitatem, agrorum devastationem et inundatio-
nem , tam per hostes , quam nostros etiam milites illatas ,
et immorigeros, incorrigibiles ac vagabundos religiosos
extra patriam tam sumptuose alamus ; sed si quid superes-
set, impendendum potius in reœdificatione huius nostri
monasterii, ab hsereticis funditùs eversi, oui rei elapsa
œstate, et superioribus annis toti insudavimus ac omnem
pecuniam impendimus et adhuc impensuri sumus (Deo
adiuvante) nisi hœc calamitos a tempora, et continua in
Flandria acerrima bella, nobis obstaculum prœbeant.
» Deinde quinimo dicet prefatum D. Cornelium a Marca
nobis promississe antequam discederet bine, si nunquam
imposterum petiturum pecunias , aut molestum fore dicto
nostro monasterio, quando quidem abundè sibi in Italia
provisum iri sperabat, ob scientiam poesios, qua (uti ve-
rum omnes fatemur) valdè excellit, utinam ad salutem
anima).
» Expediret denique ut collocaretur in aliquo monasterio
sive Cassinensi , sive alibi , ubi posset confessiones peregri-
nantium excipere, sive Flandrorum aut Francorum. Cau-
sam illam D. V. valdè commendo et Deum opt. Max. rogo
diu servare incolumen. »
Toutes ces accusations étaient pour le moins
exagérées , plusieurs lettres de Lummenœus sont
là pour le prouver ; en outre , si elles avaient été
fondées, les personnages haut placés qui intercédè-
rent en faveur du moine se seraient bien gardés de
s'occuper de lui, et à coup sûr ne lui auraient pas
— 39 —
prodigué les éloges que nous trouvons dans leurs
lettres. Ces éloges sont une preuve des hautes re-
lations que la science du moine de Saint-PieiTe
lui avaient procurées à Rome. Malheureusement,
ainsi qu'il le dit dans une lettre précédente , ses
protecteurs tout en louant ses écrits le laissaient
mourir de faim. Pendant ce temps sa position
devint de plus en plus précaire et sa santé en
souffrit; il s'adressa de nouveau à son abbé le
15 juillet, se plaignant d'être comme abandonné,
bien que pauvre et malade.
« Reverendme Pater. Quod hacteniis nihil paterniim ab
Amplit. T. percipere merear (cum nulliim tamen probi filii
officium erga R™ t. neglexisse meminerim) a^gre admodum
fero, illud imprimis, quod variis passim calumniis et dic-
teriis famam meam apiid ineos laborare intellexi nimirum
inter gyronagos et Sarabaitas, régulée nostrse carcinomata
nunc (ut audio) recenseor, quia Mediolauo sine expressa
venia discessi; igitur, dum Mecliolani vivere id est bibere
et comedere non licuit , et quia bospitii contubernio (reli-
giosis istius cœnobii honeste in speciem se excusantibus ,
projeter frequentiam suorum hospitum) exclusus fui, et
quia Cardinalis alibi, id temporis, providere mihi non
potuit, non potui fortassis alio in loco alimoniam qu£e-
rere et fortunam teutare, in alieno solo, a R* T. plané
destitutus. Atqui non niereor a meis respici, et fortassis
non sum sicut cseteri homiues, et veluti ignavum pecus,
aut fucus , aut fungus (ut clare nuper intellexi) a prœse-
pibus arceor, quia per annos et menses pondus diei et
œstum cum cseteris non toleravi ; ergo morbus dirissimque
et hypocbondriaca valetudo (quse me cotidie fere in ex-
tremis evocat non est pondus, non est œstus, ergo tôt.
— 40 —
vigiliœ et liiciibrationes mese, tôt scripta, et honestissi-
morum stiidiorum exercitia, non sunt pondéra, non sunt
sestus, et sic ingenii sui viriculas intendere, et sic, ad
majorem Dei gloriam totum se expendere et exliaurire
(ciim aliud per valetudinem facere non liceat) non est
laborare, non est sudare, non est sestuare. Ego vero pa-
tientise nieœ supplementum id esse volo , ut ciim nihil non
omiserim pro virili mea servus inutilis liabear et traducar.
Testor illum oculum, qui pernox et perdius speculatur
omnia , et aurem illam zeli , quse omnia attente audit , quia
non mentior et fortassis apud sequum illum judicem caussa
olim cadent , qui nunc innocentiam meam accusant , atque
adeo œruranis meis ludunt. Prsestolabor intérim cum silen-
tio salutare Dei , et fortassis aliquis patronorum meorum
Cardinalium, hoc vacantiarum tempore summum illud
ecclesiee tribunal ascendet, qui me propius intueri volet. Te
amo et observo R'"'' mi pater, et benedictionem tuam im-
ploro. Vale et longum nobis vive. Ex Urbe , domina gen-
tium, quse nunc ut vidua per mortem. S. D. N. Gregorii 15,
suspirat idib. jul. 1623.
» R™'^ Amplit. T. observantissimus filius,
» (Signé) : Jacobus Corn. Lummenœus a Marca.
» Relig. sacerdos. »
Au mois de novembre un certain Jean de Ro-
giers , Français , établi à Rome , fils d'un médecin
de Douai, et à ce qu'il paraît médecin lui-même,
intercède auprès de l'abbé en faveur de Lumme-
nœus, dont il raconte les malheurs et les pérégri-
nations , et dit qu'il l'a hébergé chez lui malade
pendant deux ou trois mois , ce qui a nécessaire-
ment occasionné de grands frais ; ce détail et un
semblable témoignage suffiraient pour prouver
— 41 —
que Lummenœus ne s'était pas livré à de folles
' dépenses, et que Tabbé Scliayck avait été, en
partie du moins, trompé par de faux rapports
sur sa conduite.
« Monseigneur Reverendissime,
» Celle en date du mois de septembre de l'an présent
que V. S. R""^ m'at pieu d'escrire m'a rendu perplex,
attendu que l'assistence que j'ay faict a son R'' reli-
gieux à Marca, l'ay faict tant en regard de ses lettres
d'obedeience , ou dimissoriales non contenantes limitation
d'aulcun lieu d'Italie, ou il s'y devoit mectre et arrester,
qu'aussy pour avoir mon feu père servy aultre fois en
Douay le prédécesseur de V. S. R™'' en qualité de docteur
de médecine. Que sont respectz relevantz par lesquelz,
pour ne laisser vagabonder un tel religieux, j'ay esté
esmeu de le recevoir et assister en ma maison principale-
ment, attendu que par faveurs de plusieurs signaments du
Pape présent lors quil estoit Cardinal et de l'IUm S. Cardi
Ludovisio ayant taché de luy faire avoir place icy au mo-
nastère de St Paule , l'abbé , ny couvent ne l'ont volu ne
pouveu recevoir pour nestre de leur congrégation. Et par-
tant pour avoir procédé de bonne foy ad intention de faire
service a V. S. R™e^ sachant qu'il tiroit provision d'icelle
pour vivre, me confie que non obstant sa resolution prinse
en sadite lettre me destituant de son recours et secours
s'en déportera, me remédiant sur ses futures provisions,
ou aultrement selon sa bénigne libéralité s'extendera, tant
plus au regard que je l'ay tenu deux ou trois mois malade
a grands frais et despens. Et quant au 300 florins derniers
que V. S'^ R""' luy at envoyé pour retourner, j'en ay receu
une partie pour ses alimentz journaliers et continuelz, et
pour en payer aulcuns créditeurs ausquels il devoit. De
— 42 —
manière que les sommes contenues en mes deux lettres de
changes ont demoureez en leur enthier. Pourquoy je supplie
bien humblement V. S. R™^ de me remédier en telle sorte
que je ne perde riens, car ce que j'ay faict l'ay faict pour
causes susdites, et parce qu'en ayant adverti V, S. Ji^^
passe plusieurs mois de Tassistence que je lui faisois icelle
non me respondant me confiois que s'en contentoit. Sur-
quoy me recommandant très humblement à V. S. R™®, je
prie Dieu, Monseigneur, la conserver a son abbaye en
longue vie avecq santé et prospérité. De Rome le xj de no-
vembre 1623. De Y. S. U^^ très humble serviteur. (Signé) :
Jehan de Rogiees. »
A la même date que Jean de Rogiers, le 11 no-
vembre, Lummenœus s'adressa de nouveau à son
abbé; dans sa lettre, qui témoigne d'un profond
découragement , il se disculpe des calomnies dont
il est lobjet; il dit qu'il ne mérite pas les quali-
fications, injurieuses pour un religieux, que son
abbé lui a adressées; il n'a rien fait, dit-il, qu'il
ne se crût autorisé à faire; s'il a quitté le mo-
nastère de Saint-Simplicien, c'est qu'il lui était
impossible d'y rester; il n'est sorti de Milan
qu'après en avoir informé l'abbé jusqu'à cinq
fois, n prend Dieu a témoin qu'il a toujours
agi de bonne foi, et espère qu'il lui pardonnera
le mal qu'il peut avoir commis sans le vouloir.
La fin de sa lettre même témoigne de l'état de
marasme où il était tombé, il signe : « De votre
» Grandeur l'obéissant fils, ou si vous ne le vou-
)) lez pas ainsi, l'humble client, w
- 43 —
« Amplissime Domine.
» Quod Reverentia Tua nescio qua privata îcmuLitione
ne unum quidem verbum liactenus ad me dignatur et nuper
admodiim apud hospitem meum tam enormiter atque adeo
indigue me prosciderit œquo animo ferre non possum.
Vocat me inobedientem, vagum, instabilem, et niliil minus
quam fugitivum et apostatam , et cui forte prseter liabitum
et tonsuram nihil monastici rigoris et disciplinée cordi sit,
et proinde omui victu et alimonia mihi interdicit, et te-
nens me suffocat , ne respirare possim. Bona verba et bona
facta , qua?so et noli me inauditum sic condemnare. Nimi-
rum litterse meae dimissorise Mediolano me includebant, et
ego apud monachos ordinis nostri ad D. Simpliciani à card.
Borromseo commendatus , clausuram istam ferre non potui ,
et non faciebat ad genium meum , sic coerceri , et proinde
per totam Italiam vagus Sarabaïtam et gyronagum egi et
libertatis mese libidini sic insernivi. Calumnise merœ sunt,
et nescio quis Reventia T. id potuerit persuadere. Discessi
ab urbe Mediolano , sed postquam R. T. ter, quater, quinies
per litteras monuissem et itineris mei probam et luculen-
tam rationem reddidissem. Testor Deum , qui solus inno-
centiam meam novit , et probat renés et corda , quod illam
tesseram hospitalem non fregi apud monachos istos , atque
adeo domicilium non mutavi, nisi prius se excusantibus
illis et prementibus et publiée exprobrantibus mihi et fa-
mulo tam longam moram hospitii, quod diutius mihicom-
modare non possent. Discessi itaque sic coactus et prop-
terea instabilis et gyronagus audire mereor, et vel in hac
afflictissima valetudine meâ vel intra podagrœ compedes
Mercurium in pedibus habere. Ignoscat illis Dens, qui hoc
R. T. persuadere conantur, et sic verecundum Joseph
innocentiœ polymitâ exivent, et sic etiam ferinum sangui-
nem et turpes maculas vestimento eius inspergunt. Intérim
— 44 —
qiiid hic milii faciendum sit ignoro , nisi ut me apud S.
D. N. de calumniis milii illatis purgem, et justitiam fla-
gitem, et fortassis aliqua adjiciam, qiise falsa non erunt,
atque adeô mihi linguam et conscientiam verberant assi-
due, ut apud vestigia illa deponam. Nihilominus lente
festinare volo, ne me porrô prœcipitantise pœniteat, et
vero tantisper patienter agam donec jintelligendum, an
aliquis innocentise mese locus apud gratiam tuam relictus
fuerit. Nescio tamen an nécessitas aliud non roget , quid
enim faciam urgente me et increpante hospite meo, qui
litteris R. T. irritatus , publicum ergastulum in horas com-
minatur. Confugiam ad sacrosanctos pedes Opt. Max. Pon-
tificis , et genua illius , veluti aram quandam et ultimam
anchoram amplectar , qui me Mediolani in angustiis ver-
santem , et monasterio illi , auctoritate Gard, veluti intru-
sum, litteris suis consolatus est, et bénigne olim invisit, et
hic Romse, cum in privatâ adhuc purpura ageret, honori-
ficè habuit , et fortassis omnium istorum oblivisci non volet.
» Vale Révérende admodum Pater, et si quid in te pec-
cavi (cuius mihi conscius non sum) Christo et misericordise
eius visceribus condona, atque adeô tandem aliquando me
respice, cui iam me illud quidem decoctoris villici relic-
tum esse video : scio , quid faciam ; neque illud frugiperdse
filii post siliquas et volutabrum : vadam ad patres, Iterum
vale, scriptum Româ. 3° F novembris 1623°.
» Amplit. V. obediens filius vel si non
admittis humilis cliens ,
» Jacobus Corn. Lummenœus a Marca,
» Relig. sacerd. Benedictinus. »
(A continuer).
Emile Vaeenbeegh.
— 45 —
ÉTUDES
SUR
LA FLANDRE IMPÉRIALE,
TROISIÈME ET DERNIÈRE ÉTUDE ^
I.
Dans notre précédente étude nous avons con-
testé, à une partie de la Flandre, la qualité d'allo-
diale, que les savants ont voulu lui attribuer, et
indiqué les causes de l'erreur dans laquelle, d'après
nous, ils sont tombés. Nous nous proposons, dans
ce travail, de soumettre à un nouvel examen cri-
tique les arguments qu'ils ont produits.
A tout seigneur tout lionneur : commençons
donc par l'historiographe de Termonde.
Lindanus, comprenant que l'acte de 1313, par
lequel le comte Kobert de Béthune certifie que la
seigneurie de Termonde est tenue en fief du comté
de Flandre % contredit singulièrement sa thèse,
» Voir Messager des Sciences hîstor., année 1876, pp. 149 et 391.
2 « Dedimus prsedicto patruo nostro supra suam conscientiam ut
veritatem diceret, quomodo et quod in posterum dicta terra de ïen-
— 46 —
s'évertue à nous représenter la déclaration de ce
prince comme une manœuvre adroite ayant pour
but d'assujétir Termonde à la Flandre, et il accuse
Guillaume de Néelle et Jean de Flandre d'en avoir
été les complices conscients '.
Cette explication est plus ingénieuse que con-
cluante, car rien ne prouve que les premiers
seigneurs de Termonde aient aspiré à l'autorité
suprême plus ouvertement que les autres grands
vassaux de la couronne de Flandre. Nous ne con-
naissons pas un seul document dans lequel ils
prennent le titre de possesseurs allodiaux^ ou ap-
pellent leur seigneurie un domaine libre et franc.
Bien loin de se proclamer indépendants et de se
ranger sous la bannière de tel ou tel prince, sui-
vant les exigences de leur politique, on les voit
constamment agir en sujets fidèles, en loyaux
remoude deberet teneri in feudum et hominium comitis Flandriae,
quia certius quam alius quisquam poterat scire, quum valde diu eam
terram de Tenremonde possèdent in suum dominium antequam
dictus noster do minus et pater eam acceperat, et ab ejus manu deve-
nerat in manus prsedicti domini et patris nostri (Guillielmi). Qui
patruus noster prasdictus suscepit dictam veritatem dicere supra
suam conscientiam , et dixit , quod tota terra de Tenremonde , in
omnibus suis locis et partibus, débet teneri in feudum et homagium
a comité Flandriœ, et quod ita ipse accepit quando eam hereditatem
accepit et tenuit ab illustrissimo et potentissimo principe domino
Guidone, bonee mémorise olim comité Flandrire, quem Deus absol-
vat, pâtre suo charissimo et avo nostro, et quod ita semper dixisset,
sensisset et tenuisset, quod cliarissimus et amantissimus dominus
noster et parens debuisset récépissé et tenuisse a se. » Acte du
26 novembre 1313. Lindanxjs, De Tenerœmonda, p. 10. Voir aussi
notre ouvrage : De stad en de heerlijkheid van Dendermonde, t. VI,
p. 124.
• De Tenerœmonda, p. 11,
— 47 —
chevaliers du comte de Flandre ; il les appelle ses
magnats, ses barons et les reçoit à sa cour \
Plus tard, lorsque par suite du mariage de
Matliilde II de Termonde, la seigneurie passa dans
la maison de Dampierre, ces relations ne changè-
rent pas de nature, mais elles devinrent moins
apparentes. Comme fils du comte, comme associés
au gouvernement, Gui et Robert occupaient un
rang qui laissait dans l'ombre leur domination
sur Termonde ; les devoirs du parent primaient les
services du vassal et les rejetaient au second plan.
Il est possible aussi que la situation particulière
de la seigneurie vis-à-vis de l'empire fût un des
motifs de l'hésitation que mit Guillaume I de Ter-
monde à prêter le serment de féauté, réclamé de
lui par son frère.
Faisons remarquer en passant qu'à l'époque dont
il s'agit , les prétentions à Fallodialité n'étaient
pas rares. Contrairement à l'adage reçu en France :
nulle tertre sans seigneur, les esprits portés vers les
idées d'émancipation et d'indépendance suscitées
par les événements politiques des dernières an-
nées, étaient arrivés ici à considérer un grand
nombre de terres comme allodiales. Warnkœnig
estime qu'on y était autorisé jusqu'à un certain
point, en ce qu'il existait une foule de petits
alleux, notamment de ceux que les feudistes ap-
pellent des francs alleux roturiers ^ Beaucoup de
' MiK^US, t. I, p. 151. — Iljidem, t. IV, p. 512. — Cartulaîre de
la ville de Termonde, pp. 5, 10, 22.
» Waenkœnig, trad. Gheldolf, Hist. de la Flandre, t. II, p. 98.
— 48 —
biens d'églises et abbayes ayant été dégrevés de
toute charge onéreuse lors de la cession, — ainsi
que nous en voyons un exemple dans l'acte du
mois de novembre 1230 relatif à une donation faite
par Marguerite de Termonde à l'abbaye de Zwy-
veke ^ — constituaient ce qu'on pourrait nommer
des francs alleux nobles. D'autres, mais c'est le
petit nombre, formaient déjà des alleux avant de
passer aux établissements religieux. Nos sources
indiquent une donation de cette espèce faite par
Wautier I de Termonde à l'abbaye d'Afflighem et
consistant dans la tierce part du franc alleu [libe-
rum allodium) de Belle près d'Esschene ^ Quelle
que soit l'origine des alleux, nous croyons pouvoir
assurer qu'ils n'eurent, en Flandre, qu'une étendue
médiocre; on les trouve communément sous la
forme d'un bien rural, d'un manoir, jamais sous
celui d'un canton comprenant plusieurs villages.
Lindanus se livre à une supposition que nous
considérons comme gratuite. Si Robert de Bé-
tliune, dit-il, y avait songé plus tôt, il n'eût assu-
rément cédé la seigneurie de Termonde à son frère
Guillaume que sous réserve de vassalité. Il nous
est impossible de partager cette manière de voir.
En effet , Guillaume aurait-il toléré qu'on grevât
la part qui lui revenait dans l'héritage paternel
d'une charge nouvelle , inconnue jusqu'alors?
D'ailleurs, on ne perdra pas de vue que la con-
vention relative à la succession paternelle et ma-
* Cartulaire de l'abbaye de Zwyveke lez-Termonde, p. 21.
' Cartulaire de la ville de Termonde, p. 47.
— 49 -
ternelle fut conclue en 1286, par conséquent
longtemps avant Taccession de Robert de Béthune
au trône '.
Nous ne pouvons deviner pour quelles raisons
le seioiieur de Termonde se serait déclaré vassal de
la Flandre ; Lindanus n'en cite pas une seule ; et
dans la supposition que ces raisons existassent,
pourquoi Guillaume II devait-il, dans sa lettre de
1313, les passer sous silence? N'était-il pas libre
d'inféoder sa seigneurie du consentement de son
frère, son plus proche héritier, et de le proclamer
urbi et orhU Pourquoi avoir recours à un misé-
rable subterfuge?
Mais, dit-on, Robert de Béthune ne parle que
de son père et n'affirme pas que ses ancêtres aient
tenu la seigneurie en fief.
Admettons que Robert ait voulu en imposer; ne
pouvait-il pas invoquer aussi bien le témoignage
de ses ancêtres que celui de son père? Evidem-
ment, mais la mention des ancêtres était super-
flue, car si Robert avait reçu la seigneurie en fief
de son père, celui-ci devait l'avoir acceptée au
même titre de son prédécesseur. En pareille ma-
tière la tradition faisait foi. D'autre part, pour-
quoi supposer que le comte Robert, appelé sur son
honneur et sa parole de gentilhomme à dire la
vérité, l'aurait celée? Possède-t-on un seul écrit
qui démente ses assertions? De quel droit donc
prétend-on les infirmer?
• Jtjles de Satnt-Genois, Inventaire analyt. des chartes des com-
tes de Flandre, \iP^ 414 et 415, jj. 125.
4
— 50 —
n.
Nous allons maintenant rencontrer les antres
arguments de nos antagonistes clans la défense de
leur thèse relativement au prétendu franc alleu
de Termonde.
Les comtes de Flandre, dit-on, fiers de la pos-
session d'une seigneurie allodiale, mettaient une
certaine ostentation à se parer du titre de seigneur
de Termonde, comme s'ils eussent voulu par là
marquer que cet apanage était indépendant de
leur monarchie.
Cette assertion est inexacte; il n'existe pas un
seul acte dans lequel un comte de Flandre s'in-
titule seigneur de Termonde. S'il est vrai que
Gui de Dampierre, dans plusieurs diplômes, em-
ploie cette qualification ', on ne doit pas oublier
qu'à cette époque il n'était pas encore parvenu au
comté, et n'était que le remplaçant ou l'associé
de sa mère Marguerite de Constantinople. Le do-
maine de Termonde lui appartenait du chef de sa
femme, à la mort de laquelle (12G4) il passa à
leur fils Kobert. Du reste, il prit aussi le titre
de seigneur de Béthune. Or, personne n'a jamais
prétendu que Béthune fût un franc alleu. Si les
ducs de Bourgogne se nommèrent plus d'une fois
seigneurs de Termonde et du pays de Termonde,
cela tient à des causes particulières, que nous exa-
minerons en temps et lieu.
' Cartulriire de la ville de Termonde, pp. 201, 204, 215.
— 51 —
Les habitants de Termonde, ajoiite-t-on , s'op-
posèrent au paiement de l'amende de 300 li^a'es
qui leur avait été imposée en 1328 par Louis de
Crécy pour l'hospitalité qu'ils avaient accordée
aux bannis lors de l'insurrection de la Flandre i.
Naturellement , puisque la ville ne faisait pas
partie de la Flandre (sous la Couronne) mais bien
de l'Empire. Leur protestation, qui était fon-
dée, eût dû être prise en considération, d'autant
plus que le roi de France, Charles le Bel lui-même,
par ses lettres du 8 juin 1323 , avait reconnu la
justesse de leurs plaintes , lorsqu'il envoya à ses
officiers de justice l'ordre de ne pas molester
ceux de Grammont, d'Alost et de Termonde, à
raison des sommes qui lui étaient dues par les
Flamands , mais de leur accorder au contraire
partout aide et protection ^.
Les Termondois , conjointement avec les habi-
tants de la ville de Grammont % du pays d'Alost,
* Meyer ad ann. 1328. — D'Oudeghekst, édit. Lesbeoussaet,
p. 421. — Le Glay, Inventaire sommaire des archives départetnen-
tales du Nord, t. I, p. 105.
* De stad en de heerlijkheid van Dendermonde, t. VI, p. 127.
3 Dans la protestation des Grammontois , adressée au comte de
Flandre, on lit ce qui suit : « Très chiers et redouté seingneur, nous
vous supplions comme a no droit seiugneur que vous ne voulliés mie
soufi'rir que vostre ville de Grammont et leur appartenans, qui sont
de l'empire, soient kerkiet ne constraint des tailles dou roy dessus
dites, pour les boines services qu'il ont fait à vous prédécesseurs
devant dit, et que vous ne veuilles souiïrir que li empiere soit ajoins
au royaume, kar ce serait encontre Dieu, encontre vous et encontre
raison. » Archives de l'État à Gand; chartes de Rupelmonde,
n^ 1661 .Voir aussi Jules de Saint-Genois, Inventaire anal.^ pp. 465,
467 et 46S.
— 52 —
des Quatre-Métiers , et des autres fiefs allemands ,
ne s'élevèrent pas avec moins de force , en 1331 ,
contre le versement de la quote-part exigée d'eux
dans Tamende de 300,000 li\Tes tournois imposée
à la Flandre , en démontrant que leur pays rele-
vait de l'Empire et était par conséquent complè-
tement étranger à la Flandre sous la Couronne ',
S'ils avaient eu des velléités d'indépendance,
le moment ne pouvait être plus propice pour les
étaler, mais dans leur requête on ne trouve pas la
moindre allusion à cette prétendue allodialité.
Le cas fut tout autre lors de l'amende imposée ,
en 1349, par Louis de Maie. Il résulte des lettres
de ce prince du 8 juillet 1349 , que les Termondois
eux-mêmes l'avaient choisi comme arbitre % et il
s'y nomme ex^^ressément souverain '% ce qui veut
dire suzerain , à l'égard de Termonde , ce qu'il
était en réalité. Il ne devint possesseur immédiat
(seingneur sans moien) , en d'autres termes il
n'obtint le domaine utile de la ville et du pays
qu'en 1355 K
Parlerons-nous de la possession par la ville de
la justice haute et basse, d'une église collégiale,
d'une abbaye , d'un hôpital , d'une franche foire
* De stad en de heerlijkheid van Dendermonde, t. VI, p. 129 et 130.
* Voir notre Inventaire des archives de la ville de Termonde, dans
les Annales du cercle archéologique de la ville et de Vancien pays de
Termonde, année 1866, p. 70.
^ « Ende wie dat op andren mesdade om 't vorseide okisoen, dat
ware moi'daet ende zoendincbrake, correctie derof te doone bi haren
rechten hère ende bi ons uls sovrein. » Diplôme original, aux archi-
ves communales de Termonde, n>^ 14.
* De stad en de heerlijkheid van Dendermonde, t. VI, p. 140.
— 53 —
annuelle, d'un marclié liebclomadaire , d\me en-
ceinte fortifiée , d'un château fort , d'un blason ,
d'un tonlieu , etc. ? Mais la plupart des villes de
Flandre étaient dotées de privilèges ou d'établis-
sements similaires.
Le fait que les seigneurs de Termonde se sont
intitulés pynnces ' et qu'ils ont octroyé une charte
de commune à leur ville , n'a nullement la portée
qu'on lui attribue; car les seigneurs d'Alost, de
Béthune et bien d'autres encore se trouvaient
dans le même cas ^
On peut douter, et avec raison , que le droit
de déclarer la paix ou la guerre appartînt au
seigneur de Termonde ; quant à nous , nous
sommes persuadé du contraire. L'article XXVII
de la keure d'Audegem, stipulant que les cen-
sitaires de l'église de Cambrai, en ce village,
doivent suivre l'armée du seigneur de Termonde
jusqu'aux confins du pays '\ ne rappelle que
l'obligation ordinaire du vassal vis-à-vis de son
seigneur foncier ^ La lettre du mois de jan-
vier 1238 (n. st.) , par laquelle Robert , avoué
» a Ego Walterus, princeps et dominus oppidi Teneremunden-
sis. » Acte de l'année 1176, Cartulaire de la ville de Termonde, p. 47.
^ Du Chesne, Histoire généalogique des maisons de Guines et de
Gand, pr., p. 224. — Le même, Hist. gén. de la maison de Béthune,
pr.,pp. 8G, 95, 105, 132.
^ « Et scieudum quod hospites ecclesise Cameracensis apud Oden-
ghem, debent ire in exercitum domini de Tenremonde, quantum
terra de Tenremonde durabit. » Charte de Tannée 1245. Cartulaire
de la ville de Termonde, p. 173.
* Warnkœnig, Flandrische Staats- und Rechtsgeschichte, t. III,
deuxième partie, p. 55.
— 54 —
d'Arras, seigneur de Bétliune et de Termonde,
promet à saint Louis , roi de France , de prendre
son parti contre Thomas , comte de Flandre ,
au cas où celui-ci n'exécuterait pas ses engage-
ments*, mérite sans doute plus d'attention. Nous
pourrions faire remarquer que durant le moyen
âge les feudataires déclarèrent plus d'une fois la
guerre à leur souverain légal, ou se liguèrent
avec ses ennemis ; les grandes communes fla-
mandes elles-mêmes imitèrent maintes fois cet
exemple , et il n'était pas toujours au pouvoir
du suzerain de les faire rentrer dans le devoir.
Mais nous possédons pour ce dernier cas une
explication toute naturelle. A la suite de la sen-
tence rendue par les pairs de France, le comte
de Flandre Thomas de Savoie, et Jeanne de
Constantinople , sa femme, s'obhgèrent sous ser-
ment à observer fidèlement les conditions du traité
de Melun et à fournir au roi des lettres par les-
quelles les chevaliers, pays et villes de la Flandre,
désignés par lui , s'engageraient à lui obéir en cas
de non-exécution dudit traité. L'acte dont il s'agit
consigne cet engagement "\
Lindanus parle encore du droit qu'avaient les
seigneurs de Termonde de lever des impôts \ Il
dit qu'Enguerrand d'Amboise permit à la ville de
lever des maltôtes ^ ; cependant on se rappellera
' Cartulaire de la ville de Termonde, p. 153.
* Warnkœnig, trad. Gheldolf, Histoire de la Flandre, t. I,
p. 392. Voir aussi Warnkœnig, Flandrische StaaU- und Rechtsge-
schichte, 3* Band, P Abth., Annexes, pp. b'2 et 54.
' De Tenerœnionda, p. 16.
* Inventaire des archives de la ville de Termonde, p. 73,
— 55
que ce même Engiierrand avait donné son appro-
bation aux lettres de Tan 1313, par lesquelles sa
seigneurie est déclarée fief de Flandre , et qu'il en
fit lui-même hommage au comte.
Plusieurs savants ont prétendu que les seigneurs
de Termonde avaient dans leur manoir un atelier
pour la fabrication de la monnaie. A l'appui de
leur opinion ils citent P une lettre de l'année
1108, par laquelle Odon , évêque de Cambrai,
confirme , à la prière d'Adelwide , veuve de Rin-
gaud le Chauve , seigneur de Termonde , Tinsti-
tution du collège des chanoines dans Téglise de
cette ville , sous la condition : « ut eadem eccle-
sia, pro libertatis memoria, très tenersemundensis
monetse solidos decano Bruxellensi , ad usus nos-
tros , singulis annis persolvat ; » 2" quelques
pièces de monnaie sur lesquelles figurent les mots
Moneta deiwemondensis ; 3° une attestation de Lin-
danus , d'où il résulte qu'à l'époque de la démo-
lition du château, en 1599, de nombreux vestiges
de l'ancienne monnaie furent découverts sous les
décombres < .
]\Jj\l. Piot et Wjtsman, le premier dans la
Revue numismatique belge (3'' série, t. I, p. 269),
le second dans les Annales de la Société royale des
beaux-arts et de littérature de G and (t. YIII, 18G0),
se prévalent de ces témoignages pour doter Ter-
monde d'un ancien atelier monétaire seigneuriale
* LiNDAKOS, De Tenerœnionda, p. 3.
* Un atelier monétaire fut établi à Termonde par les administra-
teurs intérimaires du comté de Flandre, durant la captiv-ité de Gui de
Dampierre, mais rien ne prouve que les seigneurs de cette ville aient
jamais fait battre monnaie en leur nom.
— 56 -
En admettant même que toutes les assertions
de ces écrivains soient exactes, pourrait-on en
conclure que Termonde formait un franc alleu?
Point du tout, car certains feudataires, notam-
ment, les seigneurs de Béthune et d'Alost, pos-
sédaient aussi le droit de battre monnaie \ d'au-
tres se l'étaient attribué d'eux-mêmes. On trouve
même des villes à qui les comtes de Flandre
avaient accordé ce privilège , par exemple la
ville de Saint-Omer en Artois '.
Dans quelques villes , comme Gand , Bruges ,
Ypres, Courtrai, Alost, Axel, Lille, Bergues-Saint-
Winoc, Bourbourg, Cassel, etc., on frappait une
monnaie portant le nom ou l'emblème de la loca-
lité. Ce n'était pas , à proprement parler, une
monnaie communale, moins encore une monnaie
seigneuriale; néanmoins on peut admettre que le
comte avait permis à ces villes d'apposer leur
marque en signe de garantie sur le numéraire
qu'elles fabriquaient ^ En tous cas, il n'est pas
exact de dire que les seigneuries allodiales possé-
daient seules un atelier monétaire.
Nos contradicteurs ont voulu trouver un argu-
ment pour leur thèse en ce que les seigneurs de
Béthune, au commencement du XIII'' siècle, aban-
donnèrent l'antique blason de leurs pères qui
consistait en bandes d'or sur chani}! dazur, pour
* Du Chesne, Histoire de la maison de BétJume, p. 71. — Serrure,
Cabinet du prince de Ligne, j"). 194. — Gaillard, Recherches sur les
monnaies des comtes de Flandre, p. 20.
* Waenkœnig, trad. Gheldolf, Hist. de la Flandre, t. II, p. 250.
^ Gaillard, Recherches, p. 57.
— 57 —
adopter Técu di argent à la fasce de gueules. Voici
leur raisonnement : lorsque Robert de Béthune,
fils de Guillaume II, seigneur de Béthune, et de
Matliilde, dame de Termonde, entra en 1224 en
possession de Théritage de sa mère, il se hâta de
répudier les armes de sa famille pour les rempla-
cer par celles de sa seigneurie, qui dès lors devin-
rent le signe héraldique de sa race*. Wytsman
explique comme suit les motifs de cette conduite :
« Comme seigneur de Béthune, Robert était le
vassal du roi de France ; comme seigneur de Ter-
monde, il ne devait hommage à personne. L'un
apanage était un fief, lautre un franc alleu; car
le seigneur de Termonde ne relevait que de Dieu
et du soleil. On s'explique aisément que Robert
ait ]3référé les insignes de la liberté à ceux de la
dépendance ^ »
Ce raisonnement pèche par la base et tombe à
faux. Dabord, Robert VII de Béthune n'a jamais
considéré sa seigneurie de Termonde comme un
franc alleu; ensuite, ce n'est pas à la mort de sa
mère qu'il modifia ses armoiries, mais lorsquil
obtint l'avouerie d'Arras et la seigneurie de Bé-
thune, c'est-à-dii-e à la fin de l'année 1227 ^; enfin,
' LiNDANUS, p. 31. — Du Chesse, Uist. de la maison de Béthune,
p. 40. — Wytsman, Notice sur des monnaies frappées à Termonde,
p. 15. — Le même, Sceaux com,m.unaux et administratifs de la ville
de Termonde, dans les Annales du cercle archéologique de cette ville,
1864, p. 13.
* Sceaux communaux, loc. cit.
^ Du Chesne (p. 198) fixe par erreur la date du décès de Daniel,
avoué d'Arras et seigneur de Béthune, au 2 octobre 1226, c'est 2 oc-
tobre 1227 qu'il faut lire,
— 58 —
rien ne prouve que la famille de Termonde ait
jamais porté à^argent à la fasce de gueules.
En ce qui concerne le droit de juger en dernier
ressort, nous ferons remarquer que les tribunaux
scabinaux de la Flandre exerçaient en général et
d'ancienne date la juridiction suprême, tant civile
que criminelle, sur leurs habitants. Leurs juge-
ments étaient sans appel et ceux qui y contredi-
saient étaient passibles de l'amende comminée par
la keure '. Toutefois, après l'institution du conseil
de Flandre, les villes tolérèrent peu à peu que
leurs sentences fussent déférées à l'appréciation
de cette cour ^
Termonde, sous ce rapport, ne se distingue pas
des autres localités. Jusqu'au règne de Philippe le
Hardi on ne trouve aucune trace de recours intro-
duit contre les sentences de ses échevins, mais à
partir de cette époque on rencontre plusieurs
écrits qui témoignent que ses magistrats, admet-
tant la compétence du conseil de Flandre, permet-
taient à leurs administrés de s'y pourvoir en appel
contre leurs décisions ^
La cour féodale, dont les sentences étaient éga-
lement irrévocables, suivit l'exemple des grandes
villes : elle protesta aussi, se refusant à recon-
naître la supprématie du conseil, mais plus heu-
reuse qu'elles, elle réussit à conserver son auto-
* WiELANT, Antiqidtéz de Flandre, dans le Corpus chronicorum
Flandriœ, t. IV, p. 106.
* WiELANT, p. 111. — Ganser, Le Conseil de Flandre, discours
prononcé le 19 octobre 1846, p. 7.
* LiNDANUS, p. 92.
— 59 —
nomie, qui fut solennellement confirmée par décret
de Jean sans Peur du 3 août 1419 \
11 serait téméraire, on en conviendra, de tirer
de l'existence ou de Tabsence du privilège de juger
en dernier ressort, un argument pour ou contre
l'allodialité dune contrée. La coutmne, cette
grande force organisatrice du moyen-âge, avait
consacré une foule d'abus dont la véritable origine
est difficile à démêler. Nest-il pas étrange, par
exemple, de voir Termonde, Grammont, Born-
hem, etc., subir la prééminence du conseil de
Flandre, c'est-à-dire d'une juridiction étrangère à
l'empire, tandis que le comté d'Alost en reste
affranchi "^? Comment expliquer l'ingérence du
' « Nottre dicte seigneurie de Tenremonde, laquelle n'est en riens
subgiette de Monseigneur le Roy, et pour ce que nostre plaisir et
voulante est de tenir et maintenir nostre dicte terre et seigneurie de
Tenremonde, et noz hommes de fief dudit lieu comme seigneur sou-
verain sans moyen et sans recongnoissance d'autruy et pour ce
franche et exempte de tout ressort en cas d'appel ou de souveraineté,
quand à ce qui regarde et touche les jugemens de noz hommes de
fief dudict lieu, lesquelz nous représentent immédiatement et par
espécial exempte et exempt nosditz hommes de nostre chambre de
Gant et conté de Flandres, veu aussi que nosditz hommes de fief
n'ont point acostumé de ressortir en cas d'appel par devant vous en
nostre dicte chambre, et que de la sentence ou jugement d'iceulx
nos hommes, l'on n'a pas acostumé d'appeller, ne n'y fut oncques
veu aucun ajjpellant. » Acte de 1419. De stad en de heerlijkheid van
JDender monde, t. VI, p. 143.
2 « Selon droict, ressort n'est pas deu par le vassal, s'il n'est pas
expressément conditionné ou introduit par coustume.
» Car ressort n'est pas de la substance du fief, mais peut bien fief
estre sans ressort et ressort sans fief.
» Qu'il soit vray la conté d'Alost est fief impérial sans ressort,
aussy sont les duchez de Brabant , de Limbourg et les contez de
Hollande, etc.
» Et par le contraire Tenremonde, Grandmont et toutes les aul-
— 60 —
parlement de Paris et du roi de France dans les
différends relatifs à la possession des pays de
Waes et de Bornliem*? Ces anomalies, ratifiées
par la coutmne, peuvent, à la vérité, dérouter la
logique de l'historien, mais elles ne sauraient ser-
vir de base à une théorie sérieuse et résistent à
toute déduction positive.
m.
A partir du commencement du XV*" siècle, une
transformation assez importante s'opère dans la
situation politique de Termonde. Cette seigneurie
cesse d'être envisagée par les savants comme un
fief et obtient, de la part des souverains du pays,
des privilèges qui, à certains égards, semblent
légitimer ses prétentions à l'allodialité. L'explica-
tion de ce fait contribuera, nous en avons la con-
viction, à faire triompher notre cause.
Dans un précédent chapitre nous avons exposé
comment la seigneurie de Termonde, primitive-
tres villes de Flandre (impériale) doibvent ressort en Flandre et
touttesfois ne sont fiefz de Flandre, et ce par coustume. » Wielant,
Antiquités, dans le Corpus chronicoruni Flandriœ, t. IV, p. 104.
« • Dans la contestation intervenue entre le comte de Flandre et la
dame de Saint-Gobain, relativement à la possession du pays de Waes,
le parlement de Paris, par arrêt du 19 février 1323 (n. st.), se pro-
nonça en faveur du comte (Archives départementales du Nord, à
Lille). — Far lettres du 30 juin 1331, le roi de France ordonne au
bailli d'Amiens de citer le comte de Flandre devant le parlement de
Paris, afin de rendre compte de la prise de possession du château
et du pays de Bornhem, qui étaient la propriété de la dame de Cassai
et de ses enfants (Mômes archives).
— 61 —
ment érigée en arrière-fief de Fempire d'Alle-
magne et du royamne de France, se détacha insen-
siblement de tout lien effectif, bien qu'en droit
strict elle restât, comme le pays de Bornhem,
englobée dans l'ensemble des possessions pour
lesquelles les comtes de Flandre rendaient hom-
mage d'abord à l'empereur et au roi, et plus tard
à l'empereur seul. L'autorité suzeraine que les
comtes continuèrent à s'arroger, en leur qualité
de seigneurs féodaux directs, aurait du, dans Tin-
tervalle, donner Téveil aux empereurs et leur re-
mémorer leurs droits antérieurs et supérieurs
imprescriptibles; mais à l'époque où ces monar-
ques songèrent à se rendre compte de l'étendue de
ces droits, beaucoup de particularités historiques
s'étaient effacées, soit par la négligence des chro-
niqueurs et scribes officiels, soit par la perte des
anciennes archives, de façon qu'il leur eût été
bien plus difficile d'étayer leurs réclamations de
preuves suffisantes, qu'aux comtes de Flandre de
justifier de la légitimité de leur domination sur
Termonde; car ceux-ci, à défaut de titres écrits,
pour établir l'origine de leur fief, pouvaient au
moins invoquer la possession réelle, patente, inin-
terrompue. Ajoutons que les empereurs d'Alle-
magne ne suivirent pas en général à Tégard de la
Flandre cette politique d'immixtion tracassière et
envieuse à laquelle les rois de France nous avaient
accoutumés et qui, par suite de la faiblesse de nos
princes et parfois de leur complicité, dégénéra en
véritable tyrannie. En somme , Termonde resta
donc soumis à la vassalité de la Flandre seule.
— 62 —
Lorsque Robert de Béthune, fila de Gui de
Dampierre et de Matliilde de Béthune, ceignit la
couronne comtale en 1305, la seigneurie de Ter-
monde passa à son frère Guillaume, à qui elle
avait déjà été cédée en nue propriété depuis
1286'. Celui-ci vécut jusqu'en 1311. Son fils
Guiillamne dit de Nesle ou de Néelles {Nifjella) lui
succéda et mourut sans enfants en 1319. Jean de
Flandre, frère de ce dernier, entra alors en posses-
sion de la seigneurie ; il fut tué dans une émeute
à Courtrai, en 1325, laissant un fils, aussi appelé
Jean, et deux filles, dont Taînée, Marie de Flandre,
à la mort de son frère, devint dame de Termonde
et de Néelle, et épousa EngTierrand (Ingergier),
seigneur d'Ambqise. Les historiens racontent que
Pliilippe de Valois, roi de France, ayant acheté, en
1347, les ville et pays de Termonde d'Enguerrand
et de Marie, en fit don à Louis de Maie, comte de
Flandre -; toutefois, il paraît résulter d'un acte de
Tannée 1355 et d'autres documents vérifiés par
nous que cette acquisition ne s'effectua qu'à cette
dernière date, non par Philippe de Valois, mais
par son successeur le roi Jean dit le Bon ^ A la
fin de cette même année nous voyons Louis de
Maie dans la possession inmiédiate de la seigneurie \
• Acte du 1 août 1286. De stad en de heerîijkheid van Dendermonde,
t. VI, p. 121.
* E. De Dtnter, Rijmkronijk van Brabant, publiée par De Ram,
t. II, p. 665. — LiNDANus, p. 49.
^ De stad en de heerîijkheid van Dendermonde, t. VT, p. 140.
♦ <' Wij Lodewijc, grave van Vlaenderen, van Nevers, ende van
Rhetel, doen te wetene allen lieden, omme dat wij nu nieuwelinghe
coramen sijn ten heerscepien ende te al den rechte van der poort
— 63 —
Sa réunion au comté de Flandre eut pour con-
séquence nécessaire de modifier profondément la
nature de sa mouvance. Elle cessa d'être arrière-
fief pour redevenir entre les mains du comte un
fief direct de l' Allemagne, avec cette différence
essentielle que la suzeraineté de Tempereur étant
en quelque sorte oblitérée, les comtes pouvaient
se croire les possesseurs allodiaux de leur nou-
veau domaine.
n ne paraît pas toutefois que ni Louis de Maie ,
ni son beau-fils Philippe le Hardi, aient jamais
fait valoir des revendications de ce genre. La
qualification de seigneur sans moyen, dont le
premier se sert et dans laquelle des écrivains
ont cru découvrir une idée d'indépendance, n'a
d'autre signification que celle de seigneur immé-
diat, seigneur direct, et l'on se tromperait fort,
si l'on s'imaginait que le comte usait de ce titre
pour Termonde seuli.
Dès le règne de Jean sans Peur, duc de Bour-
gogne , les aspirations à Tallodialité se font
jour. Le prince prend le titre de seigneur de
Termonde , considère la seigneurie comme étran-
gère à la Flandre , et dans ses lettres patentes
laisse entendre au moins implicitement qu'il la
tient de Dieu seul, en pleine propriété.
Nous allons analyser ici les principaux actes
qui inaugurèrent cette nouvelle phase.
ende van den lande van Denremonde, met al datter toe behoort, als
heere sonder middel. » Acte du 29 décembre 1355, en original aux
archives communales de Termonde. Inventaire, ]). 75.
' Jules de Saint-Genois, Inventaire analytique des chartes des
comtes de Flandre, n"^ 1444 et 1474.
— 64 —
Dans les premières années du XV^ siècle le
conseil de Flandre essaya d'attirer à lui, comme
étant de sa compétence , les causes relatives aux
fiefs qui jusqu'alors avaient été décidées en der-
nier ressort jjar la cour féodale de Termonde ,
mais les magistrats de cette cour virent dans
cette prétention un empiétement sur leurs préro-
gatives et mirent tout en œuvre pour se soustraire
à la sujétion. Ils s'adressèrent au duc de Bour-
gogne, qui ordonna une enquête. La ville, de son
côté, prit la chose à cœur; elle envoya partout
des députés, dans les abbayes et chez les sa-
vants , pour s'informer de l'origine de la seigneu-
rie , spécialement dans ses rapports avec la
Flandre'. Après de nombreuses investigations,
on arriva à cette conclusion, que la seigneurie
de Termonde ne faisait pas partie de la Flandre ,
qu'elle ne se trouvait pas sous l'autorité du roi
de France et partant que la cour féodale ne res-
sortissait pas au conseil de Flandre. Des mé-
moires dans ce sens furent transmis au duc qui ,
après mûre délibération , accorda le 3 août 1419
un octroi , par lequel il est expressément déclaré
1 « Item reden, un" daghe in meye, Pieter Arents en Jan van Hof-
staden te Antwerpen, omme te begronden waer uut Denremonde
ghespruyt ware ; waren uut met mi perden ii daghe. XII sch. gr. »
Compte communal de Termonde, 1402.
« Item reden xis° daghe in meye, Jan de Necker ende Pieter Arents
te Edinghen, omme daer te vernemene of Denremonde uut Vlaen-
deren ghespruyt ware of niet. » Ibid.
« Item reden ,Tan van den Poêle en Jan van der Elst te Ghent te
eint Baefs in 't cloester, omme te vernemene, mits dat in 't land van
Denremonde etaet, waer uute Denremonde ghedescendeert of ghe-
spruyt ware. » Compte communal de 1404.
— 65 —
que la seigneurie de Termonde ne relève pas du
roi; que le duc la tient comme souverain sans
moyen ni intermédiaire et sans reconnaissance
d'autrui , et par conséquent comme libre et
exempte de tout ressort, pour le cas dappel de
souveraineté, en ce qui concerne les sentences
prononcées par les hommes de fief, qui repré-
sentent ici immédiatement le seigneur, et du
jugement desquels il ne fut jamais appelé, ni
près de la cliambre de Gand , ni près des quatre
beers de Flandre \
Il règne dans cette pièce un ton d'acrimonie
si intense , que l'on ne peut s'empêcher de l'at-
tribuer au déplaisir que ressentit le duc de ce
que son fils , le comte de Charolais , avait épousé
la cause du conseil de Flandre et donné des
pleins pouvoirs pour l'arrestation des fonction-
naires termondois.
Ce même comte de Charolais, devenu duc de
Bourgogne, et mieux connu sous le nom de
Philippe le Bon , ratifia à son tour Timmunité de
Termonde. « Avons , dit-il , par bon et meur
advis et délibération , déclaré et déclarons par
■' « Que lesdictes appellacions avoient esté interjectées par icelle
par devant les quatre bers de notre pays de Flandres, en quoy estions
et sommes grandement grevez et nostre dicte seigneurie de Tenre-
monde aussi, pour ce que de nosdiz hommes l'on ne vit oncques
appeler par devant lesdiz quatre bers.... Nous vous mandons, com-
mandons, défendons et signifions que nostre voulenté et playsir n'est
pas ne ne fut oncques de nosdiz hommes de fief faire ressortier ne
estre ressortissans en cas d'appel ou de souveraineté en ce présent
cas ou autres semblables en nostre chambre de Gand. » Acte du
3 août 1419. De stad en de heerlijkheid van Dendermonde, t. YI,
p. 143.
— 66 —
ces présentes nostre dessus dicte ville et seingneu-
rie de Tenremonde non estre ne oncques avoir
esté de nostre conté de Flandres, ne du ténement
d'icelle nostre conté , ne aussi de la chastellenie
de nostre dicte ville de Gandt , mais a tousjours
esté et encoires est icelle nostre ville et seingneu-
rie de Tenremonde pure voisine à nostre dicte
ville et chastellenie de Gandt K »
La pièce la plus importante est une lettre du
même prince datée du 28 février 1462 et traitant
de la mutation des fiefs. Pour en saisir la portée,
il convient de dire que suivant une ordonnance
du 10 novembre 1366, renouvelée par édit du
27 août 1460, toute vente, cession ou aliénation
de fiefs tenus directement du comte ou de Tune
de ses cours féodales en Flandre , devait être
autorisée par lettres patentes d'octroi ^. Cette
décision avait pour but de garantir les intérêts
du fisc quant au paiement du dixième denier,
autrement dit des lods et ventes. Après Tédit de
1460, les officiers du duc voulurent en appliquer
les dispositions aux fiefs mouvant de la cour de
Termonde. De là vives contestations. Les juris-
consultes sont appelés à émettre leur avis, et
après maint renvoi d'une autorité à l'autre, le
duc prend le 28 février 1462 (n. st) une réso-
lution entièrement favorable aux réclamations
des Termondois. Dans leur requête ils avaient
allégué que l'on n'avait jamais payé de dixième
• De stad en de heerlijkheid vati Dendermonde, t. YI, p. 147.
~ Placards de Flandre, t. I, p. 724 et 725.
— G7 —
denier ni autres charges analogues du chef des
fiefs tenus de la maison ou cour féodale de Ter-
monde, mais seulement 10 livres parisis pour
indemnité de relief et 20 deniers au bailli pour
droit de chancellerie , ou la valeur de la meilleure
dépouille des fruits de Tune des trois dernières
années; en outre, que jamais il n'avait été exigé
des lettres d'octroi pour l'aliénation des fiefs ,
« veu que oncques lesdits hommes de Tenre-
monde n'en prindrent aucunes lectres d'octroy,
et sont iceulx hommes de ladicte court de Tenre-
monde d'autre nature et condicion que autres
courts de fiefz, car c'est terre impériale et non
de nostre conté de Flandres , mais la tenons en
franc-alleu, non jubgète d'icelle nostre conté....,
si comme dient les dits exposans. » Reconnais-
sant le fondement des observations qui lui étaient
adressées, le duc confirme les suppliants dans
leurs anciennes coutumes et franchises, quand
bien même elles seraient contraires à ses règle-
ments généraux , « considéré , dit-il , que les
ville et terroir dudit Tenremonde sont séparez
de nostre dit conté de Flandres , et que des fiefz
de ladite court l'on ne paie aucun dixième de-
nier, mais seulement relief et xx s. parisis pour
chambellan ». »
Le principe de l'allodialité, qui trouva sinon
sa source , du moins une espèce de consécration
officielle dans cet acte solennel , semble dès lors
avoir été généralement accepté par l'administra-
• De stad en de heerlijkheid van Dendermonde , t. YI, p. 148.
a
— 68 —
tion, par les jurisconsultes et par les historiens.
Une lettre de Maximilien d'Autriche et de Marie,
son épouse, en date du 14 mars 1477, contient à
cet égard cette plu^ase significative : (( que le
susdit lieu de Termonde est une ville notable,
frontière de notre pays de Flandre , une seigneu-
rie à part, située dans TEmpii'e, tenue de Dieu,
en libre propriété , sans être en quoi que ce soit
du ténement de la Flandre '. »
Lors de l'information à laquelle donna lieu en
1626 rhomologation des coutumes de la cour féo-
dale de Termonde , la question fut de nouveau
exhumée et résolue dans un sens plus radical en-
core -. Nous remarquons que les considérations
invoquées sont précisément celles exposées par
Lindanus dans son ouvrage de Tenerœmonda, ce
qui nous ferait présumer que le savant historio-
graphe n'est pas resté étranger à la rédaction des
mémoires adi'essés au roi.
Était-ce de la part des ducs Jean et Philippe de
Bonrgogne une simple erreur, provenant d'un
examen superficiel de la question, ou bien ces
princes on1>ils, de propos déhbéré, voulu affirmer
» « Dat de vomomde plecke van Denremonde eene notable stede
es, frontière van onsen lande van Ylaenderen, eene lieerlichede iip
haer zelven ligghende, in 't kej'serrjcke, gheliouden van Gode in
vryen eighendomme, zonder in eenigher manieren 't zjTie van den
tenemente van Vlaenderen. » Acte du 14 mars 1-477. De stad en de
heerlijkheid van Dendermonde, t. VI, p. 153.
' « In den eersten, de stadt ende landt van Dendermonde is een
heerlj'cheyt ende eygendom op sjti selven, sonder middel ende van
niemant gehouden. » Art. 1, rubr. I, des coutumes de la cour féo-
dale de Termonde, décrétées le 9 mai 1628.
— 69 -
ralloclialité de Termonde , afin de prévenir dans
la suite tontes revendications éventuelles du côté
des monarques allemands?
L'une et l'autre de ces causes eurent peut-être
leur 2^art d'influence sur la résolution prise.
Nous l'avons constaté , jamais depins son érec-
tion en district particulier , le pays de Termonde
n'avait été nominativement cité dans la formule
de prestation d'hommage pour la Flandre impé-
riale; la faible étendue de son territoire, ainsi
que sa dépendance des pajs d'Alost et de Waas
suffisent pour expliquer ce fait. Depuis longtemps
aussi les empereurs, ayant en quelque sorte laissé
périmer leur suzeraineté , les comtes de Flandre
étaient seuls restés seignem^s féodaux reconnus.
Personne ne soutiendra sans doute que les ducs
de Bourgogne, contrairement aux traditions de
leur politique constante , eussent dû agir autre-
ment qu'ils ne le firent et pousser les recherches
plus loin que leur propre intérêt ne le comman-
dait. Qui leur reprochera d'avoir accepté la situa-
tion telle qu'elle se présentait, avec ses avantages
et bénéfices , sans s'inquiéter de son origine plus
ou moins légale? Et puis, tout bien considéré,
nous n'avons jusqu'ici découvert aucune charte
dans laquelle ils déclarent personnellement et
d'une manière claire et catégorique , que la
seigneurie de Termonde est leur domaine libre
et franc , et qu'ils la tiennent de Dieu seul. Ils
disent bien que cette seigneurie ne ressortit ni à
la châtellenie de Gand , ni au comté de Flandre
sous la Couronne, mais ils reconnaissent en même
— 70 —
temps qu'elle est située en terre d'Empire , et si
les mots franc alleu et tenu de Dieu seul figurent
clans leurs écrits, ils s'empressent d'ajouter : si
comme disent lesdits exposans.
Les changements introduits dans le système
féodal du pays par l'empereur Charles V, à la
suite du concordat conclu, le 26 juin 1548, avec
les États d'Allemagne , à Augsbourg , n'appar-
tiennent pas à notre sujet. Nous avons seulement
voulu démontrer que, aux siècles passés , Ter-
monde ne constituait pas un bien allodial , ainsi
qu'on l'a prétendu à tort, mais un simple arrière-
fief de l'Allemagne.
IV.
La ville de Grammont , célèbre par son antique
charte ou heure, était jadis le chef-lieu d'un dis-
trict ou terroir particulier, comprenant quarante
Adllages, et qui, probablement au début du XlIP
siècle, fut érigé en subdivision du pays d'Alost.
L'origine de la ville est connue. Baudouin VI, dit
de Mons , comte de Flandre , acquit , vers Tan
1068, d'un noble nommé Gérard, un bien patri-
monial (allodium) situé au village de Hunneghem,
y établit une commune , et octroya aux habitants
le privilège d'une loi fondamentale. L'étendue de
ce domaine étant trop restreinte pour y construire
une ville , il conclut avec le seigneur de Boulare
un arrangement aux termes duquel ce gentil-
homme , moyennant l'inféodation à son profit
— 71 —
d'une partie de la contrée , céda plusieurs terres
et prairies aux habitants de la nouvelle commu-
nauté. Cette ville fut nommée Gerardi mons, en
flamand Geeraardshergen, du nom de l'ancien
possesseur du sol et de la montagne sur le ver-
sant de laquelle elle est assise. La translation
dans ses murs, en 1081, de l'antique abbaye
de Dickelvenne contribua beaucoup à favoriser
son développement. Elle resta la propriété des
comtes de Flandre, qui successivement la do-
tèrent de divers beaux privilèges ^ .
Les commencements de Bornliem nous sont
moins bien connus. Ce village, à trois lieues en-
viron de Termonde, près de Tancien bras de
l'Escaut, fut autrefois le chef-lieu d'une petite
châtellenie renfermant les villages de Hingene,
Haesdonck , Ejck , ^Yintham , Mariakerke et Op-
dorp ; érigée d'abord en baronnie par Philippe U.
en faveur de Pierre Coloma, seigneur de Boba-
• Voir pour l'histoire de Grammont : Van "Waesberghe, Gerardi-
7nontîum, Bruxelles, 1627. — Gramaye, Antiquitutes, p. 40. —
Sanderus, Flandria illustrata, t. III, p. 166. — B. JouRET, Grmn-
mont, son origine et son histoire au moyen-âge. — A. de Portemont,
Recherches historiques sur la ville de Grammont, en Flandre, 2 vol.;
Gaud, 1870. Tous ces écrivains prétendent que Grammont était dans
l'origine un franc alleu étranger à la Flandre impériale, mais que
les parcelles de territoire cédées par le baron de Boulare, feudataire
du comte d'Alost, et placées sous la juridiction médiate de celui-ci,
i'ournircut un prétexte aux empereurs pour annexer Grammont aux
terres impériales; enfin, que du temps de Louis de Crécy, cette an-
nexion était devenue un fait accomi^li (De Portemont, t. I, p. 67).
Nous n'avons jjas besoin de faire ressortir la fragilité de cette argu-
mentation, qui ne repose que sur l'interprétation abusive du mot
allodinm.
— 72 —
dilla, elle fut, en 1658, élevée au rang de comté
au profit de Jean-François Coloma ^ .
La dénomination de Bornhem dérive évidem-
ment de horrij source, et de liem ou ghem^ de-
meure, séjour, et signifie par conséquent habi-
tation près de la source. Folcard , châtelain de
Gand, qui vivait de 1046 à 1071, en est le pre-
mier seigneur connu ^. Le château de Bornhem
fut sans doute construit par Folcard ou par le
comte de Flandre , Baudouin de Lille , pour la
défense de cette contrée conquise sur l'empire en
1046. A la mort de Folcard, la seigneurie de
Bornhem passa à ses descendants et fut vendue
en 1250 par l'un d'eux, Hugues II, châtelain de
Gand, à la comtesse Marguerite de Constanti-
nople, moyennant la somme de 4526 livres 12 sous
et 7 deniers , monnaie de Flandre '\ Nous verrons
tout à l'heure comment , au commencement du
XIT*" siècle , elle échut en partage à Eobert de
Cassel et depuis lors se transmit en diverses
familles nobles K
Les liistoriens de la Flandre ont prétendu, sans
* Mm^US, Opéra diplo^natica, t. I, p. 309.
^ Du Chesne, Histoire des maisons de Guines et de Gand.
^ LiNDANUR, p. 237, donne l'acte de vente.
* Pour l'histoire de Bornhem, on peut consulter Lindanus, De
Tenerœmonda, lib. III, chap. 8. — Sanderus, Flandr'ia illustrata,
et E. Best, Bornhem, sa cliàtellenie, son château, ses seigneurs, dans
les Annales du cercle archéologique du pays de Waes, t. VI, p. 299.
Nous avons été heureux de constater que ce dernier écrivain n'est
pas éloigné d'adopter nos vues quant à la non-allodialité de Born-
hem. Il nous est permis d'espérer qu'après avoir lu la présente
étude il se rangera entièrement de notre avis.
70
toutefois apporter aucune preuve à l'appui , que
Grammont et Bornhem, de même que Termonde
étaient des possessions allodiales. Nous avons en
vain tâché de découvrir sur quelle base ils étayent
leur assertion. On connaît seulement un acte , no-
tamment une charte du mois de mai 1263 , qui,
sous certains rapports , semble donner raison aux
partisans du système que nous combattons ; néan-
moins, les circonstances dans lesquelles cet écrit
fut rédigé , sont de nature à inspirer des doutes
sérieux quant à la valeur des termes y employés.
Voici ce document :
« Nous Henris, par la gracie de Deu, éveskes de Liège,
faisons à savoir à tous ke nobles hom nos chiers foiables
Guis , cuens de Flandres , a recuit Gheraumont et les apen-
dances et Bornehem et les appendances , ki estoient si franc
aloet, à tenir de nous et de nos successeurs éveskes dou
Liège en fief ligement, en tel manière, ke il et si succes-
seur conte u contesses de Flandres doivent tenir perpétue-
ment Gheraumont et Bornehem et les apendances devant
dites, de nous et de nos successeurs éveskes dou Liège à un
fief ligement, sauves les féauteis le roi de France, le conte
de Hayuau , le roi de Alemaigne , le roi d'Engleterre et le
éveske de Cambrai, ne ne porra li cuens devant dit, ne si
hoir, ne si successeur conte u contesses de Flandres mètre
hors de lor main ne deseurer ces choses, parquoi il et
si hoir et si successeur conte u contesses de Flandres ne
tiégnent à perpètuitée ces choses de nous et de nos succes-
seurs éveskes dou Liège. Et est à savoir que se cuens u
contesse de Flandres trespasse sans hoir de sa chair, si de-
moerroient ces choses devant dites à son successeur conte u
contesse de Flandres, ne ne les porriens mie nous, ne li
— 74 —
église de Liège, demander ne calengier pour ce ke il seroit
trespasseit sans hoir u pour ce ke il n'i aroit conté malle,
pour estatut u pour coustume , u pour loi , u pour droit , u
pour usage ki contrarie soient à ce en l'éveskiet de Liège,
Et doivent faire li cuens et si hoir et si successeur conte
de Flandres envers nous et envers nos successeurs éveskes
dou Liège de ce fief si comme envers leurs boens seigneurs ,
et nous et no successeur, éveske de Liège, lors devons wa-
randir et deffendre ce fief contre tous homes comme boen
segneur, et nous a li cuens devant dit fait homage de ces
choses et ce fu ajournei et fait de l'assens de no chapitle de
Liège. Et nous li chapitles de Saint Lambert dou Liège à
ceste chose mètons nostre assens et le loons et gréons et
approvons. — A toutes ces choses faire furent mesire Wa-
tiers Bertaus, de Mallines; mesire Godefrois de Piereweis,
sire de Grimberghes; mesire Englebert de Isembrouc,
archedyakes de Liège ; mesire Watiers de le Wege ; mesire
Jehan de Beaufort. En tesmoignage et pour seurté de laquel
chose nous Henris, éveskes dou Liège, avons mis nos seaux
à ces présentes létres, ki furent douées en l'an de l'Incar-
nation nostre Segneur Jhesu Crist mil deus cens soissante
et trois K »
Il semble étrange d'entendre désigner Gui de
Dampierre comme ancien possesseur allodial de
Grammont et de Bornhem, alors que tous les
actes de l'époque, tant antérieurs que postérieurs
à 1263, rangent expressément ces localités parmi
les fiefs impériaux; ou bien les mots franc aloet
doivent-ils être pris dans le sens de ces alleux
dont nous avons parlé au commencement de notre
deuxième étude, c'est-à-dire de ces propres acquis
' De stad en de heerlijkheid van Dendermonde, t. YI, p. 119.
— 75 —
par droit de succession ou par acquisition, et
que le seigneur n'avait cédés ni en fief ni en cen-
sive? Effectivement Grammont et Bornliem se
trouvaient dans ce cas.
Quant à nous, nous ne sommes j)as éloigné de
voir là dedans une tentative de Gui pour s'affran-
chir, au moins partiellement, de la suzeraineté
de l'empire, moyennant de reconnaître, pour quel-
ques-unes de ses possessions, celle de Féglise
de Liège, avec l'espoir d'éviter toute nouvelle
confiscation de la part de l'empereur. En agis-
sant ainsi, il ne faisait que suivre les errements
de sa mère Marguerite de Constantinople, qui, en
1254, ayant prêté hommage au roi de France pour
le pays de AVaes ' , voulut s'appuyer de ce précé-
dent lorsque l'empereur s'empara de la Flandre
impériale pour la donner à Jean d'Avesnes -.
Du reste, la tentative de Gui eut exactement
le même résultat que celle de sa mère : elle lui
imposa, pour un seul et même domaine, des de-
voirs féodaux doubles; il fut tout à la fois le
vassal de l'évêché de Liège et celui de l'empire.
Aussi, lorsque le comte Louis de Nevers, en 1333,
acheta la seigneurie de Malines, les obligations
* Voir l'acte de prestation d'hommage dans Galand, Mémoire
pour servir à l'histoire de Navarre et de Flandre, Preuves, p. 148, et
dans De stad en de heerlijkheid van Dendernionde, t. VI, p. 96.
* On peut voir dans Jules de Saint-Genois, Inventaire analyti-
que, p. 33, l'analyse de la bulle du pape Innocent IV, du 18 octobre
1256. La comtesse de Flandre avait exposé à S. S. qu'elle ne devait
pas hommage au roi des Romains pour les pays de Waes et de Gram-
mont, attendu que ces pays relevaient non de l'empire, mais du roi
de France,
— 76 —
de son arrière-grand-père lui furent rappelées, et
il se vit forcé de prêter entre les mains de l'évê-
que Guillaume de la Marck et en présence du
chapitre de Liège , le serment de féauté, non
seulement pour sa nouvelle possession de Malines,
mais aussi pour Grammont, Bornhem et leurs
appartenances. On lui fit promettre en même
temps, que ni lui ni ses successeurs ne détache-
raient ces seigneuries de leur comté de Flandre
sous l'empire, ralione feudi imperii *.
Son fils Louis de Maie fit hommage — 13 août
1356 — pour les dits fiefs à l'évêché de Liège et
renouvela la promesse imposée ^ ; elle fut encore
confirmée le 24 mars 1359 (n. st.) par les grandes
villes de Flandre, Gand, Bruges et Ypres '\
V.
Si l'acte de 1263 pouvait laisser le moindre
doute quant à la mouvance de Grammont et de
Bornhem comme fiefs de l'empire, les détails qui
vont suivre seront de nature à convaincre les
plus incrédules.
La sentence arbitrale du mois de juin 1246 \
assurant aux enfants du premier lit de Mar-
guerite de Constantinople le comté de Flandre ,
• Acte du 16 octobre 1333, dans Mm^us, t. III, p. 161. Voir aussi
cartulaire de Malines, pièces 17, 8 et 44, aux archives départemen-
tales du Nord, à Lille.
2 Lettres du 13 avril 1356, aux archives départementales du Nord.
' Lettres du 24 mars 1359 (n. st.), ibid.
♦ Martène et Durand, Thésaurus anecdotorum, t. I, p. 1092. —
Kluit, Codex diplomaticus, p. 498.
— 77 ~
et à ceux du second lit celui du Hainaut , donna
lieu , comme on le sait , de la part de Jean
d'Avesues , à une action en revendication de
la Flandre impériale ^ , pour laquelle Marguerite
avait prêté. Tannée précédente, le serment de
féauté. Nous avons raconté plus haut comment
de part et d'autre on courut aux armes , et com-
ment les Hennujers s'emparèrent de Termonde
dont ils saccagèrent tous les environs ^
C'est en parcourant les pièces relatives à ces
célèbres démêlés fraternels qu'on peut le mieux
se faire une idée de ce qu'on entendait alors par
l'expression de Flandre impériale.
Il résulte à l'évidence des documents en
question que la ville de Grammont et son ter-
ritoire en faisaient incontestablement partie. Le
traité de paix du mois de janvier 1249 (n. st.),
entre autres , les y comprend d'une manière
formelle 3. Il est vrai que dans la sentence de
confiscation du 11 juillet 1252 *, ainsi que dans
l'acte d'investiture en faveur de Jean d'Avesnes%
il n'en est plus fait mention ; néamoins on déduit
aisément de la lettre de l'abbé de Fulda , qui
avait été chargé par le pape Innocent IV de
signifier la sentence à la comtesse de Flandre ,
que Grammont ressortissait aux terres coufis-
» Kluit, Codex, p. 503. — Waenkœnig, trad. Gheldolf, t. I,
p. 373.
2 jSIeyer, ad. ann. 1248.
3 J. De Guyse, lib. XX, cap. 123 et 124.
« Ibid., lib. XX, cap. 130 et 131. — Kluit, Codex, p. 624. — Mar-
TÈNE, Thescairus, t. I, p. 1164.
= Kluit, Codex, p. 628.
— 78 —
quéesi. L'accord signé le 26 juillet 1254 par le
roi des Romains stipule du reste que le cardinal
de Saint-Georges, légat du pape, devra exa-
miner à qui, de Jean d'Avesnes ou de Margue-
rite de Constantinople , ladite ville de Grammont
sera remise pendant la susjDension d'armes ^. A
peu près vers la même époque la comtesse adressa
une plainte au roi de France pour lui exposer
que l'empereur, contre toute raison et équité,
avait cédé au comte de Hainaut les jjays d'Alost,
de Grammont , de Waes et des Quatre-Métiers ,
qui lui revenaient de droit ^
La paix, conclue en 1256, laissa Marguerite
en possession de la Flandre impériale et notam-
ment de Grammont. Cette ville figure aussi dans
les lettres des frères d'Avesnes datées de Tannée
suivante, ainsi que dans la bulle papale du 18 oc-
tobre 1256 \ La promesse d'investiture faite par
le roi Richard de Cornouailles « , l'acte d'hom-
mage du 27 juin 1260^, et presque tous les do-
cuments de même nature se bornent à l'indication
globale des fiefs.
A peine Gui de Dampierre avait-il succédé à
sa mère sur le trône comtal de Flandre , qu'il se
vit dépouillé , pour défaut d'hommage endéans
• Kluit, Codex, p. 646.
* Inventaire analyt. des chartes de la chambre des comptes à Lille,
2« partie, p. 444, aux archives de l'État, à Gand.
3 Ibid., p. 450.
< Warnkœnio, trad. Gheldolf, t. I, p. 370. — Jules de Saint-
Genois, Inventaire, p. 33.
'^ Warnkœnig, trad. Gheldolf, t. T, p. 387.
« Ibid., p. 388.
— 79 —
le délai prescrit d'an et jour, de ses fiefs ger-
maniques, qui furent concédés, par l'empereur
Rodolphe de Habsbourg , à Jean II d'Avesnes
(6 novembre 1279 ^). Le cadre de ce travail ne
nous i)ermet pas d'entrer dans les détails de ces
interminables débats. Le seul point que nous
voudrions faire ressortir, c'est que Grammont est
de rechef compté parmi les contrées au sujet
desquelles le conflit vient de surgir. La plupart
des documents citent nominativement cette ville.
Ceux qui la passent sous silence l'identifient avec
le pays d'Alost, par exemple, la sentence de l'em-
pereur Rodolphe du 5 août 1281 2. Ce qui le
prouve, c'est l'ordre intimé le même jour par
le monarque allemand aux habitants du terroir
d'Alost, de la terre de l'Escaut [teri^a juxia
Scaldam), du pays de Grammont, de celui de
Waes et des Quatre-Métiers d'avoir à saluer
Jean d'Avesnes comme leur seigneur légitime \
L'évêque de Cambrai , à qui la mise à exécution
de la sentence avait été confiée ^ , se rendit en
personne à Alost et à Grammont , mais il trouva
les habitants d'humeur peu accomodante , et
quoique prêts à le recevoir en qualité de leur
pasteur spirituel, ils se refusaient carrément à
l'écouter comme mandataire de l'empereur \
« Kluit, Codex, p. 823.
* De Reiffenberg, Monuments pour servir à Vhistoire des pro-
vinces de Namur, de Hainaut et de Luxembourg, t. I, p. 375.
3 lBiD.,p. 376.
* Ibid., p. 377 et 378.
* Ibid., p. 380 et suiv.
— 80 —
Dans une diète tenue à Worms le 15 juin 1282,
les droits de Jean d'Avesnes sur les terres impé-
riales et spécialement sur Grammont, furent donc
de nouveau sanctionnés \ L'évêque de Cambrai
reçut avis de publier la décision dans la partie
de la Flandre impériale dépendante de son dio-
cèse 2. Selon son désir l'acte fut lu au prône
dans toutes les églises des pays d'Alost et de
Grammont ^ mais comme les habitants n'en per-
sistaient pas moins dans leur opposition , Ro-
dolphe les mit au ban de l'empire , prononça la
confiscation de leurs biens et déclara leur pays
en état de rébellion et de siège \ Ces mesures de
rigueur étant insuffisantes, il s'adressa au légat
du pape et en obtint un ordre par lequel Gui
était sommé d'évacuer les terres contestées sous
peine d'interdit ecclésiastique ^ La situation de-
venait critique. Afin de détourner l'orage sus-
pendu sur sa tête , le comte de Flandre prit son
recours au pape lui-même % et fit publier sa pro-
testation dans les principales communes des pays
d'Alost, de Grammont, de Waes, etc. '.
* Kluit, Codex, p. 854. — De Reiffenberg, t. I, p. 387.
« Ibid., p. 859. — Ibid., p. 387.
'De Saint-Genois, Motimnents anciens, p. 259.
* De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 260. — De Reiffen-
berg, pp. 389, 391, 392, 396.
* De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 261. — Martène,
Thésaurus, t. I, p. 1208.
* De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 746. — Jules de Saint-
Genois, Inventaire analytique, pp. 132-133.
' De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 746. — Jules de Saint-
Genois, Inventaire, p. 135.
— 81 —
Martin IV occupait alors le siège de Rome , et
Gui trouva près de lui quelques consolations
dans ses misères; les actes du légat furent an-
nulés *. On essaya encore la voie de l'arbitrage \
Des conférences se tinrent, et le 21 mai 1295
une sentence survint '% à laquelle Jean d'Avesnes
refusa d'apposer son sceau.
Dans l'entretemps l'horizon politique de l'Eu-
rope s'était fort rembruni. Le comte de Hainaut,
attendant peu de l'attitude molle et indécise de
l'empereur Adolphe de Nassau, rechercha l'amitié
du roi de France, dont il espérait un concours
plus efficace \ Il s'ensuivit un rapprochement
entre l'empereur et Gui , et lors de la conclusion
du traité d'alliance contre les Français, signé à
Grammont le 25 décembre 1296, notre comte
prêta le serment de vasselage entre les mains
d'Adolphe ^ Enfin le successeur de celui-ci lui
accorda, 24 août 1298, l'investiture solennelle
des fiefs en litige « et confirma le 25 avril suivant
le prononcé des arbitres '.
Cependant, les dissensions entre les maisons
de Dampierre et d'Avesnes n'en continuèrent pas
* De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 754.
2 Les habitauts de Grammont se portèrent caution pour Gui. Jules
DE Saint-Genois, Inventaire, p. 139.
3 De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 837-838. — Jules de
Saint-Genois, Inventaire, j)p. 222-224.
* De Saint-Genois, Monuments anciens, p. 862.
* J. J. De Smet, Corpus chronicorum Flandriœ, t. I, p. 305.
« Kluit, Codex, p. 999. — Waenkœnig, trad. Gheldolf, t. I,
p. 397.
' Kluit, p. 1006.
6
— 82 —
moins, jusqu'à ce que, de commun accord, les
points suivants furent arrêtés le 17 août 1310 :
le comte de Hainaut et ses successeurs tiendront
en fief de la Flandre les lies de la Zélande ; les
pays de Crèvecœur et d'Arleux lui appartien-
dront ; il renoncera en faveur du comte de
Flandre à ceux d'Alost, de Grammont, de Waes,
des Quatre-Métiers et de Bornliem ; le comte de
Flandre , de son côté , lui payera une somme de
10,000 livres parisis; en cas de non exécution,
lesdites terres seront restituées au comte de
Hainaut 1. Un autre acte, rédigé à cette occasion,
dispose que Jean d'Avesnes remettra de ce chef
au comte de Flandre des lettres de reconnais-
sance confirmées par le roi de Germanie 2.
Tout ne devait pas se terminer là. Le comte
Guillaume de Hainaut, incité par le roi de France
Louis le Hutin, ne tarda pas à ressusciter les
vieilles prétentions de sa famille, et se fit recon-
naître le 1 décembre 1314 à Cologne comme
feudataire pour les villes d'Alost, de Grammont
et pour toute la Flandre impériale ^ Il pénétra
dans le pays de Waes, mais les Flamands l'obli-
gèrent à se retirer. En conséquence le comte de
Flandre, Kobert de Béthune, fut de nouveau reçu
à hommage *.
Enfin, en 1323 (n. st.), le 6 du mois de mars,
1 Archives départementales du Nord, à Lille.
2 Mêmes archives.
3 Archives de Lille.
< Acte du 3 mai 1315. Kluit, t. II, p. 1028.
— 83 —
la paix fut définitivement scellée à Paris. Une des
clauses porte que le comte de Hainaut renoncera
pour l'avenir à toute réclamation quelconque sur
les pays d'Alost, de Grammont, de Waes, des
Quatre-Métiers et sur la gavenne de Cambrai '.
Cet accord fut approuvé le 3 mars 1324 par
lempereur Louis V ^.
Pendant ce temps Robert de Bétliune étant resté
de fait en possession de la Flandre impériale, ses
enfants, Louis comte de Nevers, et Kobert dit
de Cassel, avaient pris, dès le 27 avril 1309, en
vue de sa future succession divers arrangements,
que nous allons analyser brièvement. Le comté
de Flandre appartiendra à Louis ; Robert obtien-
dra pour sa part un revenu annuel de 10,000
livres parisis affecté sur le comté d'Alost, sur
Grammont et attenances, sur le pays de Waes,
sur les Quatre-Métiers et sur Bétbune; les châ-
teaux de Rupelmonde , Bornhem , Béthune , la
Bassière et autres, situés dans ces pays, lui seront
cédés et il les tiendra en fief de son frère '\ Ce
compromis fut revêtu, le 17 février 1315, de
l'approbation du comte de Flandre, et le 9 mars
1317 (n. st.) de celle de l'empereur \ Pour lui
donner plus de solennité , Robert de Béthune
1 Lettres du 4 décembre 1322 , analysées dans Pe. Van Duyse,
Inventaire anal, des chartes et documents de la ville de Gand, t. I,
p. 104. Autres lettres du 6 mars 1333 (n. st.), dans Kluit, t. II,
p. 1042.
2 Kluit, II, p. 1061.
3 Archives de Lille.
* Mêmes archives.
— 84 —
assembla à Gand quarante des principaux vas-
saux de la Flandre impériale et en leur présence
mit son fils Eobert solennellement en possession
desdites terres, qui, dit l'acte, relevaient de l'em-
pire et du roi des Romains '.
Cependant, peu de temps après les deux frères
prirent d'autres dispositions par lesquelles Robert
de Cassel reçut, en échange des pays d'Alost, de
Waes et des Quatre-Métiers, qui lui avaient été
concédés en garantie de son lot, la ville de Dun-
kerque avec ses attenances, la ville et le pays de
Bornhem, les baronnies de Brogny en Cham-
pagne, d'Arleux et de Montmirail en Perche, les
château, ville et châtellenie de Cassel avec les
terres de la Bourre et de Watou, les château et
pays de Meppe, les châteaux, villes et châtelle-
nies de Warnêton et de Pontrohart (Estaires?), la
ville de Gravelines et les ville et châtellenie de
Bourbourg -. Ce nouveau contrat ayant été agréé
par le comte de Flandre, Robert prêta, le 2 juin
1320, entre les mains de ce prince, Thommage
pour tout ce qui relevait de la Flandre % et pro-
mit ultérieurement de respecter le partage inter-
venu ^, Il est pourtant suffisamment connu que
Robert de Béthune était à peine descendu dans
la tombe (17 septembre 1322), que les discussions
* Acte du 25 novembre 1317. Archives de Lille.
* Lettres du mois d'août, des 5 et 6 septembre 1317, aux archives
de Lille.
* Archives de Lille. Imprimé dans Galand, Mémoire pour Vhis-
toire de Navarre et de Flandre, pr. p. 123.
* Archives de Lille.
— 85 —
les plus véliémentes surgirent par rapport à sa
succession.
Après la mort de Robert de Cassel, 26 mai
1331, nous voyons le comte Louis de Nevers, en
dépit des protestations réitérées de la veuve,
s'emparer du château et du pays de Bornhem,
ainsi que du pays de Rodes '. Ce fut seulement
après plusieurs démarches infructueuses que
Jeanne de Bretagne, dame de Cassel, recouvra
ses biens et fut admise à foi au nom de ses enfants
Jean et Yolande de Flandre -.
Jean de Flandre étant décédé jeune, la seigneu-
rie de Bornhem passa à sa sœur, qui, suivant
contrat de mariage du 4 février 1337, épousa
Henri, comte de Bar\ Elle vécut jusqu'en 1395
et fournit cette année encore à Philippe le Hardi,
duc de Bourgogne, le dénombrement des fiefs
qu'elle tenait de lui, notamment des château,
^dlle et châtellenie de Bornhem avec annexes,
dans la Flandre impériale ^. Son fils Robert I,
duc de Bar, lui succéda et dressa à son tour, en
1406, le dénombrement de ses biens en Flandre,
parmi lesquels il cite également Bornhem s.
De la famille de Bar, cette seigneurie passa suc-
cessivement dans celles de Luxembourg comtes
1 Lettres des 27 juillet 1331, 19 et 22 février 1332 (n. st.), 30 juin
1332, etc., aux archives de Lille. — Jules de Saint-Genois, Inven-
taire, p. 465.
* Lettres du 1 mai 1332, datées d'Ypres. Archives de Lille.
■'' Archives de Lille.
* Vredius, Genealogia comitum Flandriœ, prob. p. 228.
^ Vredius, Genealogia coniitmn Flandriœ, p. 231. — Galand,
Mémoire, pr. p. 139.
— 86 —
de Saint-Pol, de Bourbon ducs de Vendôme, de
Clèves ducs de Nevers , de Gonzague princes de
Mantoue , d'Avalos marquis del Vasto et de Pes-
caire. Alphonse-Félix d'Avalos- Aragon y Aquino,
marquis de Pescaire, la vendit, en 1586, à
Pierre Coloma, seigneur de Bobadilla. Sa des-
cendante, Marie-Florence Coloma, la porta dans
la lignée de Corswarem, par suite de son ma-
riage avec Jean-Tliéodore de Corswarem, comte
de Nyle. Nous la retrouvons ensuite dans la mai-
son de Marbais et enfin dans celle des comtes de
Marnix.
L'exposé qui précède, que nous avons tâché de
condenser autant que possible, afin de ne pas
donner à notre travail un développement exa-
géré, mettra, nous en avons lespoir, la situation
antérieure féodale de Grammont et de Bornhem,
comme fiefs de la Flandre et arrière-fiefs de l'em •
pire d'Allemagne, hors de toute contestation.
Originairement englobées dans le pays d'Alost,
c'est-à-dire dans le territoire conquis en lOS-i-
1 049 par les comtes de Flandre sur la Lotharin-
gie, ces contrées, de même que Termonde, res-
tèrent durant des siècles comprises à Tétat latent,
si Ion peut s'exprimer ainsi, dans l'hommage
général prêté par ces princes au roi de Germanie.
Si dès le XIIP siècle le pays de Grammont mérita
l'honneur d'une mention spéciale dans les actes
d'investiture, on doit en attribuer la cause tant à
la préj)ondérance qu'il avait acquise comme dis-
trict administratif propre, qu'à l'importance de
— 87 —
son chef-lieu considéré dès lors comme la seconde
ville de la Flandre impériale.
L'inféodation subséquente de Grammont et de
Bornliem à l'évêclié de Liège ne modifia en rien
cette situation ; elle fut la conséquence d'événe-
ments particuliers que nous avons indiqués et
sur lesquels il serait oiseux de revenir.
Alph. de VlASIEsCK.
— 88 —
LOUVAIN
ET
SES PREMIERS COMTES.
1. « Lorsque les villes doivent leur origine à
un village, elles sont placées ordinairement près
d'une rivière, dit Scliayes, et ces premiers établis-
sements sont ordinairement aussi situés dans les
endroits les moins larges de la vallée qui sert de
bassin à la rivière; là où le passage est le plus aisé. »
Ces conditions se rencontrent à Louvain, qui
pourtant n'est désigné, sous la date de 884, que
par le mot locus^ et non villa. Ce terme semble
indiquer un hameau, sinon une bourgade, une
simple agglomération de demeures écartées d'un
temple, d'une église ou d'un castrum, voisinage
qui eût amené la désignation de villa ou villare.
Des trouvailles de monnaies gauloises sur ce
territoire , et de poteries romaines à Kessel-loo,
Heverlee et Terdonck sous Lovenjoel manifestent
la fréquentation de ces localités voisines dès
l'époque des Césars \
• PiOT, Statistique archéologique , t. III de Schayes. — Van Even,
Louvain monumental.
— 89 —
On se l'explique en remarquant à l'est une
voie ancienne passant à Léau, venant de Tongres,
se poursuivant par Tirlemont connue par ses
tumulus , et se continuant vers la Dyle ; et à
l'ouest les découvertes des substructions de l'épo-
que romaine à Melsbroeck, où cette voie eût
abouti pour de là gagner Peuthy * et Vilvorde -.
En 884, les Normans firent leur place d'armes
de cette localité et s'y retranchèrent '. On croit
que leurs retrancliements avaient Wilsele au nord;
touchait au Setteken et au Château-César, et
avaient au sud la porte de Bruxelles *. Ils en
furent dépossédés en 891, par l'éclatante victoire
que l'empereur Arnulf remporta sur eux. Dès lors,
le nom de Louvain disparaît de l'histoire jusqu'en
948, encore cette date est-elle aujourd'hui vive-
ment contestée, comme nous le dirons plus loin.
Au siècle suivant, Louvain donne son nom à
un comté. Mais l'époque antérieure est celle oii
nous voyons tous les seigneurs occupant des
Châteaux forts, investis en même temps des fonc-
tions subalternes de Vicarii ou Centenarii, s'attri-
buer le titre de Comes ; c'est alors que nous trou-
vons dans les chroniques la mention des comtes
de Hui, de Clermont, de Durbui et de la Roche.
Le territoire du comté de Louvain était constitué
» <i Putian, » Mirœiis, t. I, p. 140.
^ C. Van Dessel, Nouvelles annotations , p. 2. — TopograjMe des
voies romaines de la Belgique, pp. 18 et 19.
' « (Regino Prumensis)... in loco qui dicitur Loven castrametati
sunt in confinio ejusdem regni. »
* C. PiOT, Histoire de Louvain, p. 12.
— 90 —
d'une portion de la Hasbanie, dont les limites
occidentales, identiques à celles du diocèse de
Liège, dépassaient la Dyle sur quelques points
seulement, comme à Corbeek-Dyle, Neer-Yssclie,
Haeght, etc. Au nord le territoire nous paraît
s'être étendu jusques la Grande-Nètlie, englobant
les villages de Testelt, Vorst, Eynthout, Meer-
bout et Olmen; à l'est la frontière se confondait
avec celles de Deurne, Scbaffen, Diest, Haelen et
Beets, tandis que la limite méridionale, s'éten-
dant de Corbeek-Dyle à Beets, longeait le comté
de Brugeron. Si ce territoire formait antérieure-
ment celui d'un des quatre comtés que, selon
l'acte de partage de 870 , renfermait la Has-
banie, il ne portait point le nom de Louvain, qui
n'avait alors aucune importance. Aussi Dewez
pense-t-il qu'il fut connu sous le nom de comté
de Diest '.
La limite nord que nous conjecturons avoir
été celle du comté de Louvain empiète sur la
Taxandrie , mais nous nous sommes basé sur
l'étendue de la juridiction postérieure de Zichen
dans cette direction.
En 884, nous trouvons donc le nom écrit
LovEN ; en 1003, on lit déjà Lovanium, soit:
Loven-bem (Laubenheim). La plupart des auteurs
déduisent ce nom de Loo-ven « marais du Bois ».
Bien que le nom ait deux syllabes, il ne s'exprime
pas pourtant comme un mot composé , la seconde
syllabe étant sourde. Aussi préférons-nous y voir:
» Mm^us, t. I, p. 499.
— 91 —
Love, Loove S en allemand : Laiibe, « enclos, ou
berceau de Verdure », à la limite ouest du Hae-
geland ^
2. Le traité de Verdun de 843, avait attribué
à Lothaire I , un territoire propre servant de bar-
rière entre la Germanie et la Gaule. Ce royaume
fut connu sous le nom de Lotharingie et persista
intact jusqu'en 869 , lorsqu'à la suite du décès
de Lothaire II, Hugues son fils naturel finit par
s'allier aux Normans pour le revendiquer. Leur
roi Godefroid , ainsi que le Comte Tliiebault d'Ar-
dennes étaient beaux frères du prétendant que
soutenaient en outre les Comtes Robert, Wibert,
Albéric et les deux Etienne. C'est là ce que Régi-
non nous apprend sous la date de 883, indications
qui nous dévoilent , en quelque sorte , pourquoi
l'année suivante les Normans se retranchèrent à
Louvain, dans le centre du pays, et comment
sept ans plus tard Arnulf y rencontra un si grand
nombre de combattants. Ils n'étaient pas tous
venus du dehors ; il y avait des insurgés indigènes
parmi ceux"*, que vainquit le roi Arnulf en 891.
Lorsqu'on étudie ces événements et ceux qui
ont suivi, on sent comme un souffle d'indépen-
dance agiter certains esprits ; et « l'on ne sait ,
* La lettre h, qui termine le mot, n'est point la marque du plu-
riel , mais la forme spéciale du dialecte brabançon , comme le fait
observer Louis Toeffs : « Tericijl de Vlaming de woorden zoo
gaarne door eene lisping eindigt , sluit de Brabander liefst oj) eenen
medehlinket^. » Antiverpen^s naamrede, p. 5.
' Conf. Max Wirth, Fondation des états germaniques, t. II, p. 17.
' Geraed , Lettre X, Revue trim., t. XXVII , p. 217,
* Conf. G. Verhoeven, Inleyding, enz., p. 209.
— 92 —
» dit Emile de Borchgrave, quelles aspirations
» vers une existence nationale se font jour dans
» les récits de nos chroniqueurs \ »
Dès cette époque , il y eut ici un royaume sans
roi , dont le trône est toujours vacant , sauf que
les rois de France et de Germanie vinrent alter-
nativement s y asseoir à demi ^ Ces conditions
ambiguës, firent écrire sans doute à des au-
teurs anglais que la couronne de Lotharingie
n'était ni en fer comme celle des Lombards , ni
en or comme celles de France, maisen argent'.
Le vainqueur des Normans dans la plaine de
Louvain, Arnulf était revêtu de la dignité im-
périale. C'est à lui que nos commentateurs at-
tribuent la construction du Castnun Cœsaris de
Louvain (Keizersburg?) et avec la plus grande
vraisemblance quand on tient compte des cir-
constances de la lutte que nous avons précé-
demment indiquées *. En effet, une redoute
dominant la plaine où l'ennemi s'était si long-
temps tenu et recruté, semblait nécessaire; et la
dénomition de château-César que la tradition nous
a léguée nous révèle que cette forteresse de-
meurait attachée à la couronne ; conséquemment
que son châtelain était nommé par elle ; enfin
lorsque la maison de Saxe gouverna les deux
royaumes de Germanie et de Lotharingie , c'est-
• Les précurseurs de la nationalité belge, p. 842. Bulletin de V Aca-
démie archéologique de Belgique, deuxième série.
2 Gérard, Lettre VIT, Revue trim., t. XIV, p. 230.
3 Frankheslie, m. Newspaper, 19 january 1867.
* Grammaye, Lovanium, p. 2.
— 93 —
à-dire à partir de l'an 925, ces châtelains exer-
cèrent les fonctions comtales sur les habitants de
la plaine , auxquels les retranchements construits
par les Normans avaient laissé les éléments d'une
future enceinte.
A partir de l'an 940, quand l'insurrection con-
duite par Giselbert sous la bannière Carlovin-
gienne fut vaincue, la présence de l'armée d'outre-
Rhin sur notre sol se perpétua pendant plusieurs
années; car quatre ans plus tard nous voyons
Herman de Souabe triompher de nouveau de
l'insurrection '. Les troupes allant d'Aix-la-Cha-
pelle où résidait Othon I, vers Gand qu'elles em-
portèrent, ont dû traverser la Dyle à Louvain ,
à différentes reprises. Dans ces circonstances
l'armée royale dut ne point négliger la conserva-
tion du Castriim Cœsaris.
Dej)uis Toccupation normande toutes les clas-
ses de la population du pays étaient fortement
éprouvées, et les moines eux-mêmes essuyaient
de grandes tribulations. La plus sérieuse qui était
leur propre fait provenait du relâchement sinon
de l'abandon de la discipline. Cette situation avait
frappé des esprits sincères et dévoués. Gérard de
Brogne et le Comte Wibert entreprirent la restau-
ration des règles monastiques, non sans opposi-
tion cela se conçoit; mais ce qui s'expliquerait
plus difficilement ce sont les entraves que ces
deux saints, car ils furent béatifiés, rencontrèrent
chez des évêques et leurs chapitres ".
* Conf. A. VoGEL, Eatherius von Verona, pp. 111 à 115.
» Idem, Ibid., pp. 117 à 119.
— 94 —
3. Les préalables à la fondation de l'abbaye
de Gemblûurs par les libéralités du comte Wibert,
ou Guibert , et de ses parents remontent à Tan
922. Selon Mabillon l'établissement de Tabbaje
est postérieur à l'an 933, et Paquot le fixe à l'an
940. Elle eut pour premier abbé, désigné par Wi-
bert et élu par ses collègues, Erluin qui, dit-on,
gouverna rabba3'e jusqu en 987, ou tout au moins
986, soit 46 à 47 ans!
Ce fut sous son abbatiat que le monastère ob-
tint d'Othon I , le diplôme confirmatif de sa fon-
dation, l'an 948, comme nous lapprend Sigebert
de Gemblours \ Par ce titre les moines sont
autorisés à fortifier leur monastère « pour mettre
)) les choses saintes à l'abri des tentatives des
» faux-chrétiens et des payens \ w Le même
paragraphe indique l'adjonction d'un Avoué. Le
roi Othon I , sur la demande du comte Wibert et
de l'abbé Erluin nomma par une charte datée de
Frankfort le 29 juin 948 comme avoué de l'abbaye
de Gemblours, Lambert comte de Louvain.
Ce comte Lambert n'est connu que par cette
seule mention ; aussi des commentateurs ten-
tèrent-ils de l'identifier avec un homonyme connu,
et prétendirent-ils voir en lui le gendre du duc
Charles, tuée à Florennes en 1015. En consé-
» MiB^us, t. I, p. 139.
* (( Quibus concedatur potestas faciendi castellum, a falsis quate-
nus cliristianis vel paganis, pignora sauctoi-um quœ iuibi digna
conditœ sunt honore servantur. » A cette époque il n'était plus
question de Normans et pas encore des Hongrois; ces payens
étaient-ils indigènes?
— 95 —
quence ils prétendaient lire , soit 984, soit 974,
en quel dernier cas Bruxelles et non Frankfort
devenait le lieu de l'expédition du titre '. D'autres
écrivains modernes ne regardent pas seulement
comme altéré le titre en question , mais comme
faux.
Ils se basent sur plusieurs points pour le récu-
ser , savoir : la formule introductive , la recon-
naissance du droit de guerre privée et ses règles
imposées à l'avoué ; mais surtout , sur ce que le
nom du pape alors en fonctions ne concordait pas
avec celui qui en 984 ^ confirma réellement la fon-
dation de l'abbaye de Gemblours.
Voyons la portée de ces récusations :
Des diplômes de Louis le Débonnaire, et
d'Othon II , présentent des formules identiques
sur des titres non contestés '; au surplus, des
titres émanés d'Othon I, présentent plusieurs
exemples de variété à ce sujet ; la rédaction
en était laissée aux chanceliers instrumentant ,
et ce détail n'avait pas alors l'importance qu'il
acquit dans les temps modernes.
Les guerres privées de seigneur à seigneur
étaient des prérogatives encore si généralement
en usage que le roi ne pouvait se dispenser d'y
avoir égard, surtout en ce qui regardait les
charges éventuelles qu'elles auraient pu faire
tomber sur l'abbaye.
* S. Marchal, Nouveaux mémoires de l'Académie, t. VI.
^ Conf. la note de la p. 26. Histoire de Louvain, 1839. PiOT.
3 Conf. Mœ^us, t. I, pp. 17, 18 et 49.
— 9G —
Enfin, Ton objecte qu'un paragraphe final du
diplôme nommant l'avoué porte le nom du pape
Benoît, celui qui rendit le bref de 984, et non
celui d'Agapet qui régnait en 948 '. Ceci surtout
mérite examen.
D'abord, pour l'époque et ses circonstances un
retard de trente six ans pour cette confirmation
n'a rien d'insolite , quand on ne perd pas de vue
la nature des relations qui existèrent entre l'Em-
pire et la curie romaine pendant ce X^ siècle - ce
dont nous n'avons pas à nous occuper ici. Il est
probable que les phrases manquant au bas du
diplôme de fondation étaient primitivement cor-
rectes, et que la finale de la charte constituant
l'avouerie ne fut ajoutée qu'après la confirmation
pontificale. Nous admettons donc comme docu-
ment la charte du 29 juin 948, ainsi que Sigebert
moine de Gemblours le fit lui-même. La variante
nous semble avoir été introduite à la suite du
bref confirmatif, obtenu selon toute apparence
par l'évêque de Liège Notker auquel nous re-
viendrons ^.
La douzième année du règne d'Othon I est
* MiK^us, t. I, p. 42, et idem, p. 507. — On lit p. 42. « Acta
sunt hsec anno incamationis Domini 948. Indictioue XII, anno im-
perii nostri 12, sub pontificato Domni Benedicti, papae, qui rogatus
a nobis huic nostrse auctoritati suam auctoritatem superaddit, etc. »
— Actum in Franconefort mense junio in martyrio Pétri et Pauli.
Féliciter.
* Conf. R. VoGEL, Ratherins, p. 252.
^ Conf. Bouille, Hist. de la ville et principauté de Liège, p. 79,
tome I.
— 97 —
réellement 948; mais où trouver une douzième
année à Otlion II , qui n'en régna que dix , alors
qu'Otlion III , avec un règne de quinze ans , eût
vu sa douzième année coïncider avec 995, et non
984?
La présomption de la constitution de l'avouerie
en 948, se tire encore dun autre acte de 956,
portant la cession à l'abbaye de Gemblours de la
moitié de l'église de Biettine faite à Erluin et à
son avoué \ par un noble homme nommé Lam-
bert en présence de son fils Ansfried. Ce Lambert
est évidemment différent de l'avoué qui ne paraît
autre que celui de la charte , dont la déli\T.'ance
à l'époque assignée rentre tout à fait dans la
marche naturelle des choses. C'était un temps où
des esprits sincèrement religieux entreprenaient
la ré formation des moines sous Finspiration de
Saint-Gérard; son monastère de Brogne et celui
de Gemblours devaient servir de modèle ^; les
deux documents délivrés par le roi étaient des
mesures régulières. Erluin montrant le but qu'il
se proposait fut chargé en 956, de réformer la
discipline dans l'abbaye de Lobbes ; Folcuiu nous
a transmis les épisodes de cette entreprise in-
fructueuse 3.
Nous trouvons donc ici le premier comte de
Louvain connu. « Nous donnons lavouerie de
* « Nam idem Lambertus, advocato eam tradidit. » Paquot, note
en De Vaddere, Origine des di<cs de Brabayit, p. 277.
« A. VoGEL, Ratherius, pp. 118, 219 et 240.
' Gesta, Abhat. Lobiensiimi.
7
— 98 —
cette abbaye de Gemblours et de ses frères, dit
le charte , à Lambert comte de Louvain , bomme
brave et guerrier qui en notre lieu sera leur sou-
tient et défenseur contre les attaques de tous » \
X. De Ram voit dans les termes : brave et
guerrier un hommage rendu aux qualités de
Lambert, gendre du duc Charles. Mais la recon-
r^aissauce de ces qualités était applicable à une
foule de nos guerriers dont le courage et le talent
militaire avaient pu être appréciés par Othon I,
soit dans la guerre qu'il avait soutenue contre les
Czeks 5 ses luttes avec les Danois , ou les expédi-
tions faites en France.
4. j\Iais qui était ce Lambert, comte de Louvain
en 948 ? Ce que nous avons dit touchant la qualité
domaniale du Castriim Cesaris, nous fait voir en
lui un fonctionnaire amovible, nommé par la
couronne. On l'a dit fils de Régnier, duc bénéfi-
ciaire, ou son petit-fils par un autre Lambert.
Mais il a été établi par Ch. Duvivier ' que le troi-
sième fils du duc Régnier se nommait Albert et
qu'il remplit les fonctions de comte sans que l'on
sache en quel lieu. Il ne paraît pas impossible que
l'avoué fût son fils, et conséquemment qu'Adèle,
femme de Régnier III, fût sa fille. Jusqu'ici les
preuves font défaut, bien que les traditions re-
gardent l'avoué Lambert comme appartenant à
la famille des Régnier.
* « Dedimus advocatiam ipsius abbatiœ de Gembloues, Lamberto
coraiti Lovaniensi viro forti et belliooso, qui vice nostra contra
omnium inquietationem adjutor eorum fit ac defensor. » Mir^us,
ibidem.
* Pagus Ilainvensis. Preuves, XXIII.
— 99 —
On connaît les mouvements suscités par Rég-
nier III; on sait qu'à la suite de sa capture ses
biens furent confisqués, et que Tannée suivante
le duc Brunon fit promulguer Tédit portant démo-
lition des châteaux-forts, en même temps que
pour mettre un frein aux guerres privées des
seigneurs il engageait les manants à se donner
aux abbayes. Ces mesures provoquèrent une in-
surrection.
En 958, Régnier III vit échanger sa captivité
contre un exil en Bohême '. Nous nous sommes
demandé si ce personnage dans lequel Mone et
d'autres auteurs allemands veulent reconnaître le
type de Reinhard de Vos^ avait quelques rapports
légendaires avec le comte Reinstein, et la cage
de fer conservée à Quedlinburg, dans laquelle
Othon I lavait renfermé - ?
Le mouvement était conduit par le comte Imon
de Chèvremont et le comte Robert de Namur,
que le duc ne parvint pas à maîtriser \
Robert, comte de Namur, s'était allié person-
nellement dans ces luttes à Herebrand, que Sige-
bert désigne par le titre Cornes Pratiis pantins,
c'est-à-dire comte brabançon. Cette désignation
n'a pu se rapporter à Louvain, dont le territoire
est situé en Hasbanie ; elle n'est applicable qu'à
une population habitant à l'ouest de la Dyle, où
les territoires des cantons actuels de Soignies et
» YoGEL, Rathenus, p. 432.
" On trouve déjà clans Frédégaire une fable sur les ruses de Rein-
hard de Vos. Patrie belgica, t. III, p. 502.
= Conf. VoGEL, lib. cit., p. 247.
— 100 —
Nivelles faisaient partie du Pagus Brachantensis .
Herebrand est peut-être identique à Hildebrand,
repris sur la liste des adhérends de Régnier,
comme Robert', avec lequel il envahit le comté
de Darnau, pour s'y mettre en possession de terres
appartenant à l'abbaye de Gemblours. Robert
s'annexa les territoires des baillages de Fleurus
et de Viesville; Herebrand celui de l'ancienne
mairie de Genappe et le territoire de Gemblours.
Quelle fut dans ces conflits la conduite de
l'avoué Lambert? On l'ignore ; mais rien n'établit
qu'il ait été privé de ses fonctions pour s'être
joint aux insurgés, comme on l'a prétendu; et
l'histoire de l'abbaye pendant le X*" siècle n'est
pas moins confuse que celle des populations de
notre pays. Ces luttes ne se terminèrent qu'en
960 ou même 961, alors qu'Othon I convoqua la
diète à Worms pour lui faire admettre comme roi
son fils Otlion, à peine âgé de sept ans. Cet en-
fant fut sacré à Aix-la-Chapelle par les trois arche-
vêques rhénans, et à la fin de l'été, le roi Othon I
conduisit son armée en Italie où, appelé par
les mécontents, il allait chercher la couronne im-
périale ^ En 963, Godefroid I, notre duc, lui
amena des renforts. On sait que la peste décima
cette armée et que le duc en fut victime en 965.
L'avoué qui, en qualité de feudataire, était tenu de
se rendre sous les drapeaux, les suivit-il en Alle-
magne et en Italie? Cela présente autant d'appa-
• Par/lis Ilainoensis . Preuves, XXIVl^'S-
* A. VoGEL,lib. cit., pp. 252-253.
— 101 —
rences que la prétendue confiscation de son béné-
fice et de ses alleuds.
5 . Le calme relatif s'étant peu à peu rétabli ,
en 968 , la reine Gerberge veuve de Louis d'Ou-
tremer, depuis 954, se trouvant à Eclit j fit un
acte de donation en faveur de l'église de Reims,
des terres de Mersen et des domaines qui en
dépendent, tels que Clemen (près Fauquemont)
Littoy (entre Nymègue et Bois le Duc) Ertrem et
Angleur (près de Liège , à l'entremise de son
avoué , et fidèle Arnulfe , et avec l'agrément de
Gérard évêque de Toul, et des comtes Imon et
Ansfried, plus quelques autres nobles hommes.
Parmi les signataires figurent Charles, fils de la
reine , Arnulfe comte , Imon comte et Ansfried
comte, puis Isaac et Régnier; le tout est reçu par
Hugon , abbé de S*^'' Marie de Chèvremont et par
son avoué % le comte Imon prémentionné.
Charles avait alors 23 à 24 ans et non quinze
comme l'écrit Balderic ; Arnulfe fils d'Isaac qui
figure comme témoin remplissait les fonctions de
comte de A^alenciennes en qualité d'avoué de Ger-
berge à laquelle ce comté avait été attribué comme
partie de son douaire ^ Imon paraît avoir eu pour
femme une fille de Giselbert, dont Gerberge était
par conséquent belle-mère (novercaj % Ansfried
que nous avons vu plus haut avoir un Lambert
' MiRiEus, t. I, p. 48.
* Gérard, Notes pour servir à Vhistoire de la principauté de
Liège, p. 9. [Retue de Belgique, 1869).
* Notre notice : Succession des princes, p. 20.
— 102 —
pour père , est dit neveu de Giselbert ; enfin
Régnier était le fils aîné de Régnier III , réfugié
à la cour de France. Aucun Lambert ne figure
dans cet acte ; l'avoué n'existait plus , son fils
n'était qu'un enfant ; mais à part cette remarque
les liens de parenté l'appelaient-ils à intervenir ?
C'était à Ansfried que la reine Gerberge nous
parait avoir confié une partie de ses intérêts en
Belgique. Elle possédait des alleuds dans le quar-
tier de Bruxelles , où l'on dit que son fils Charles
fut élevé * : et Sigebert titre Ansfried de Cornes
Bratusioantium , sans indiquer à quelle époque il
remplit ces fonctions qui le rendirent distingué
parmi les gallicants ^ Ce titre ne l'attribue point
au comté de Louvain à l'est de la Dyle ; mais il
paraît fort probable que l'administration lui en
fût aussi confiée , car Anselme de Liège qui écri-
vait en 1056, le nomme Cornes Lovaniensis. En
984, il tenait le comté de Hui, ce fut donc plu-
sieurs années auparavant qu'il eût administré
Louvain, peut-être dès 968-970, car l'existence
de Gerberge ne se prolongea guère au-delà.
Des liens de parenté existaient entre ce comte
et les Regniers. Widukind le dit neveu de Gisel-
' P. Div^us, Rcr. Brab. lihri, p. 67. « Feruut puerum Bruxellœ
alitum fuisse. »
- « Clarebat etiam hoc tempore iiiter Gallos Ansfridus, qui cum
fuisset cornes Bratuspantius non minus justicia quam potentia se-
culari fœmosus. « — La coexistence des deux langues usitées en
Belgique est autlientiquement établie comme antérieure à l'an 090.
Patria Belg., t. III, p. 390. — Selon Pertz et Wilmans, Lambert,
père d'Ansfried, était fils d'un Tliierri, issu de Wittekind et frère de
Kuotbert, évêquc de Trêves. B"" Sloet, Oorhondoiboek, etc., p. 92,
— 103 —
bert, mais Fisen nous fait connaître que des
traditions liégeoises le font fils de Simon comte
deHui, et d'une fille dun comte de Louvain \
L'acte concernant l'église de Biettinne nous ap-
prend que son père se nommait Lambert, noble
homme et non comte ; mais sa mère était-elle une
fille d'Albert, une sœur d'Adèle? En ce cas il
eût commandé à Louvain pendant la minorité
d'un cousin? Ou bien, était-elle fille de Sym-
phoriane ' et du comte de Lomme Béranger, dit
le fidèle à cause de son dévouement à la cou-
ronne , qualité que l'on constate également cliez
Ansfried , en tout cas donc petit-neveu de Gisel-
bert? En cette circonstance Loniensis eût été
compris Lovaniensis.
Le fils de l'avoué de Gemblours parait avoir
remplacé son père vers 980, c'est le personnage
qu'indique un passage que nous donnons en note :
filium siii nominis produit par Pierre Van der Hey-
den dit A-Tliymo. Cet écrivain, né en 1383, à Gierle
près Turnhout, fut investi des fonctions d'avocat -
pensionnaire de la ville de Bruxelles ; il mourut à
Scheut en 1473. Contemporain du secrétaire du
duc Antoine, Edmond Dynterus, de Louvain, il
n'envisage pas les événements au même point de
vue que lui, mais il est tout aussi recommandable
pour les données que renferme son œuvre '\ Il
» Hist. Icod., p. 153, ad annum 985.
' Fille du duc Régnier.
' L'original de son Historia est conservé au secrétariat de la ville
de Bruxelles. En 1779, l'Académie impériale et royale en fit pren-
dre une copie afin d'en donner une édition (Rombalt, t. II, p. 79).
— 104 —
nous apprend que Lambert II, étant mort en 1011,
son cousin Lambert à la Barbe recueillit sa suc-
cession, Régnier, son frère aîné, étant mort de-
puis environ neuf ans * .
En 972, un an avant sa mort, Otlion I avait fait
élever au siège épiscopal de Liège Notker ou
Notger, qu'il avait jugé propre à réaliser les vues
de l'archiduc Brunon pour assurer la paix publi-
que du Lothier. Appartenant à la famille de
Souabe, il passait encore pour apparenté à l'em-
pereur, duquel, selon Bouille, il eut été neveu par
sa mère. Notker, après avoir puni les turbulents
de sa résidence, crut nécessaire à la mise en prati-
que des vues de Brunon, d'accroître le pouvoir
politique de son église. Othon II favorisa baute-
nient ces tendances. Ce fut en conséquence du but
poursuivi qu'en 980 Notker s'empara de Chèvre-
mont et de son église, dont il réunit les biens aux
chapitres des églises de Liège ^. Ce fut probable-
ment à la suite de cette conquête que l'évêque alla
Cette publication semble ne jamais avoir eu lieu ; sauf qu'en 1830,
F. DE Eeiffenberg en publia un volume seulement sous le titre de :
Historia Brabantiœ diploniatica, devenu rare.
• « Actum est, Deo disponente, ut Lambertus comes Lovanien-
sis, A. D. 1011, sine liberis moreretur, et quia Reginarius comes
Hanoniensis frater senior Lamberti Bai'bati prius obierat, ipse Lam-
bertus cum barba comes Bruxellensis, tanquam proximior hseres in
comitatu Lovaniensi Lamberto suo consobrino successit. Genitrix
Lamberti comitis Bruxellensis, fuit soror Lamberti comitis Lova-
niensis, cui quondam Otto imperator advocatiam abbatiee Gembla-
censis concessit ; qui post se filium sui nominis reliquit. Lambertus
ergo junior comes Bruxellensis erant consobrini, filii scilicet fratris
et sororis. »
' Bouille, Histoire de la ville et du •pays de Liage, pp. 73 à 77.
— 105 —
visiter les localités ainsi annexées, et parmi les-
quelles nous citerons Hermalle en Hesbaie, Buel
en Campine; Vilvorde en Braband, Villers,
Grandreng, Rignœil sous Rouveroy, Clievennes
sous Sars-la-Buissière, ^Yaudrez et Frasnes en
Hainaut. Une tradition liégeoise avance que la
famille des Regniers réclama par les armes, mais
vainement, contre la conquête de Chèvremont.
Ces événements pourraient bien n'être pas tout
à fait fictifs, mais aj)partenir à une époque posté-
rieure de quatre à cinq ans, c'est-à-dire coïnci-
dant avec celles où le duc Charles, mu par une
sorte d'esprit national , récusait la souverai-
neté du jeune roi Otlion III. Ces hostilités donc,
surgies en 981, se seraient perpétuées jusques
985-86, époque où Ansfried, embrassant l'état
ecclésiastique, céda le comté de Hui à Saint-
Lambert. Dans Tune des rencontres de cette
guerre, le comte de Hainaut, prisonnier de l'évê-
que, n'aurait obtenu sa liberté que moyennant la
cession de la ville de Thuin ^ La conclusion de
tous ces événements qui furent favorables à
Notker, pourrait bien être le fait que Fisen nous
fait connaître '^ : « Le duc Charles^ dit-il, vendit à
Notker, pour douze cents marcs d'argent fin, le
domaine utile du comté de Brugeron, sous la ré-
serve qu'en cas d'extinction de la lignée du titu-
laire, cette utilité passerait à sa fille Ermengarde,
comtesse de Namur. » La captivité de Charles et
* Bouille, t. I, p. 74.
« Fisen, p. 152.
— 106 —
l'accession de son fils au duché n'auraient pas
empêché la reprise de ces hostilités. En 996-998,
disent les annalistes liégeois, le comte de Lou-
vain, assisté de celui de Namur, vint assiéger
Hui; mais il fut repoussé et défait par Waleram
de Waleffe qui commandait les épiscopaux ; Able-
bert, comte de Namur, perdit la vie dans un
combat * , et bientôt Jodoigne et Nivelles furent
occupées par les troupes de Notker. L'accord se
fit enfin au moyen de la restitution à Ermengarde
des alleuds qu'elle réclamait.
Ces luttes, ces combats entre nos comtes et
l'évêque Notker ont certainement toute la vrai-
semblance historique pour appui, mais on ne
saurait jusqu'ici produire aucune preuve de leur
véracité.
Othon II étant mort en 983, son fils âgé de
trois ans lui succéda sous la tutelle d'Agnès
sa mère, assistée d'un conseil de régence
dont Notker était le membre, paraît-il, le plus
influent. Aussi dès l'année suivante voyons-nous
les gratifications à l'église de Liège se multiplier.
Le comté de Brugeron, que plus tard l'évêque
inféoda au comté de Looz, lui fut attribué, et
l'abbaye de Gemblours fut donnée à S' Lambert 2.
Ce fut alors que les moines déférèrent à l'évêque
la qualité effective d'avoué, préférant être sujets
de Tégiise de Liège plutôt que de recourir à lauto-
• De Wez, Ilist. part., t. I, p. 77.
2 ChAPEA VILLE, t. II, p. 44.
— 107 —
rite royale ' . Il nous paraît que c'est comme con-
séquence de ces événements que Notker obtint le
bref pontifical de 984 , confirmant l'institut ion de
Tabbaye de Gemblours ; et , ce qui nous fait pré-
sumer que la demande primitive était demeurée
dans les cartons, c'est que ce bref déclare ré-
pondre à la requête d'Erluin touchant l'appro-
bation de l'abbaye réceimnent (nuper) fondée.
Elle existait depuis environ un demi-siècle !
La date du décès d'Erluin n'est point con-
nue ; mais son frère Herivard , qui fat son suc-
cesseur et mourut en 991 , avait été fait abbé
par Notker ", ce qui pourrait bien être antérieur
à Fan 984, et coïnciderait avec les démarches
de l'évêque pour obtenir Gemblours. L'état péri-
clitant où se trouvait alors l'abbaye nous fait
présumer qu'Erluin était mort bien antérieure-
ment, en même temps que l'avouerie ressaissie
plus tard j)ar les comtes de Louvain , était ré-
duite à néant à l'époque de Notker. Nous pen-
sons en outre que c'est en vue de concorder avec
les termes de Benoit VIT , que les commentateurs
ont prolongé la vie d'Erluin, jusqu'en 983-87.
Les annales monastiques sont aussi obscures pour
r
» « Monachis quoque religioni sufP pacem detitam et laboribus
cousolationem ita diligenter providit, ùt Gemblacensis ecclesia eum
in.j)atrem et dominum prse elegerit, melius sibi judicans Leodiensi
ecclesise subjacere, propter accomodatum praesidium, quam ad re-
giam celsitudinem interpellandum quee majoribus debetur negotiis
se supra extendere. Itaque merito Ep. Notgeri et autoritate impe-
riali, Gemblacensi ecclesiœ, vel abbatise Leodiensi cessit ecclesiee. »
Chape A VILE, t. I, p. 206.
' Gallia Christiana, p. 556. — MlR^US, t. I, p. 507.
— 108 —
cette période que celles rapportant les événe-
ments politiques.
Ansfried , paraît-il avait été investi du comté
de Hui en 980 ; si jusques là il avait tenu celui
de Louvain, ne serait-ce pas alors que Lambert
II y fut appelé ? On serait tenté de voir dans
ces arrangements des mesures transactionnelles
pour écarter toute prétention d'indemnité pour la
perte de Chèvremomt ^ ; mesures parmi lesquel-
les il faudrait ranger la restitution de l'avouerie
à Lambert II.
Le nom de Lambert comte de Louvain men-
tionné dans l'acte d'oblation de Gisèle de l'an
1003, se rapporterait donc à Lambert II, avec
lequel le Castrimi Cœsaris serait devenu allodial,
de bénéficiaire qu'il était auparavant ! C'est au
même comte que nous attribuons les débuts de
la construction de l'église S* Pierre à Louvain,
débuts que Divœus fixe à l'an 1000 2, bien qu'il
reconnaisse l'église S* Michel pour la première
qui fut édifiée dans cette ville '" ; peut-être re-
montait-elle à l'année 976; et sa construction
fut-elle contemporaine de celle des murs du
Castrum Cœsaris \ Ces faits appartiendraient
donc à l'administration d' Ansfried.
* MiE^US, t. I, p. 254. In Notkero.
Legia ditatur per me, Caprimons spoliatur;
Hic ruit, hsec surgit; manet ha?c, nunquam ille resurget.
* Conf. Albeedingk-Thym, La civilisation chrétienne, p. 18.
=» « Templum D. Michaëlis totius urbis vetustissimum. » Rerum
brah., p. 80.
* A. Casterman, Agrandissements et fortifications d'Anvers, p. 16.
— 109 —
Il en est autrement de Tattribution an comte
Lambert de Louvain d'une charte de l'an 1008 '.
qui concède et confirme le droit de chasse à
l'évêque de Liège, Balderic successeur de Notker,
et à un comte Balderic en qui on a voulu voir
Lambert de Louvain gouvernant à cette époque.
Ce droit de chasse est concédé dans le Waver-
wald, entre les Nèthes et la Dyle, dans les lieux
nommés : Heist, Heisten, ac Bacfrido necnon Mach-
linas, c'est-à-dire : à Heist-op-den Berg , Chaetsen,
't hof te Befferen , sous Putte qui porta le nom
de Wavre S*^ Nicolas, et Malines. Comme depuis
980, Malines avait été confirmée à l'église de
Liège par Othon II, ce Balderic pourrait bien être
le comte qui commandait dans cette ville ^
7. Lambert II, eût donc pour successeur son
cousin qu'A-Thymo nomme Cornes B^mxellensis,
ou Lamhertus cum Barba, et P. Divœus Lambertus
Monteiîsis , jetions un regard sur ses antécédents :
En 975, époque rapprochée de la mort du duc
Godefroid II, Othon II pacifia le pays en appelant
Charles de France à la couronne ducale et resti-
tuant leurs honneurs et leurs biens aux frères
hennuj^ers ^ Régnier, l'aine, obtint le comté de
Hainaut , mais nous ne découvrons pas à quel
titre Lambert eût obtenu alors le comté de Lou-
vain comme le veulent nos critiques modernes.
Le Bénéfice du comté de Hainaut , dont l'hérédité
» Mm^us, t. I, pp. 53 et 348.
' MiH^us, ibid., p. 50.
3 « Keginarius et Lambertus in terra patrum suorum relocati
sunt. » Sigeb. Gemblac.
- 110 —
se constituait insensiblement revint à l'aîné,
mais les alleuds furent partagés ; ils étaient situés
principalement en Hainaut , et nous savons que
30 manses , soit 360 bonniers gisant à Buvrin-
nes se trouvaient dans la part de Lambert \ Il
n'y a aucun indice qui fasse admettre Louvain
dans les alleuds de Régnier III.
Cependant , X. De Ptam fait observer que les
antécédents de Lambert à la Barbe permettent
de croire qu'il n'aurait pu consentir à ne pas
recevoir de récompense et encore moins à occu-
per une position dépendante. Mais il nous semble
qu'une position analogue à ses désirs lui était
faite sans y joindre le comté de Louvain.' Il était
gendre du duc Charles , Gerberge sa femme était
beaucoup plus jeune que lui ^; elle lui apporta
en dot des alleuds importants , tandis que lui ne
lui constitua pas de douaire. D'un âge peu in-
férieur à celui de son beau-père qu'il surpassait
en activité il dut exercer une influence marquée
dans la famille ducale. L'ambition d'un cadet de
famille, ruiné comme l'était Lambert en 976, eût
été satisfaite à moins.
Au décès de son beau-frère Otlion 3, qui avait
succédé à son père Charles, Lambert revendiqua
' Conf. Ch. DuviviER, Pagus Hainoensis. Preui:es XXXV, p. 122,
Avant 1005, il en avait opéré l'échange pour une terre d'Assche avec
Herman d'Eenliam.
^ Confr. notre notice : Succession des princes, pp. 32 et 83, dans
le t. IV, Documents et rapports, 1871.
^ La tradition qui le dit enseveli à Ecliternach, nous paraît ré-
sulter de ce qu'il résidait à l'est de la Meuse. On sait que Charles,
son père, fut inhumé à Macstricht.
— 111 -
la fonction ducale, mais Gérard de Florennes,
alors chapelain du roi Henri II, le desservit et lui
fit préférer Godefroid d'Eenham. Lambert forma
une ligue des princes ses parents, auxquels se
joignit le comte de Flandre et la guerre contre
le roi Henri. II et son duc Godefroid éclata dès
1005-1006. Elle n'était pas terminée quand
Lambert succéda au comté de Louvain. Le Duc,
prétendant que ce comté et les alleuds du comte
décédé sans enfants devaient faire retour au fisc ' ,
entra sur son territoire et vint mettre le siège
devant Louvain, d'où le comte et les habitants le
repoussèrent. Appelé au S. E. par une agression,
il parvint à mettre dans ses intérêts, par l'inter-
vention de son frère Herman, l'évêque Balderic,
successeur de Notker. Ce prélat se laissa persua-
der de garnir ses frontières et de fortifier Hou-
gaerde.
Devant cette démonstration, dont il devinait la
portée, Lambert engagea l'évêque à cesser ses
travaux. Mais celui-ci persistant dans son entre-
prise, le comte s'allia à son parent de Namur,
avec lequel il marcha contre les épiscopaux, et em-
porta Hougaerde, où le comte de Namur fit Her-
man prisonnier. Retenu sur le Haut-Rhin, le duc
Godefroid laissa terminer le différend par les
acteurs principaux et la paix fut conclue. Mais si
l'on peut se baser sur certains auteurs, elle fut
sur le point d'être rompue cette même année.
Arnold II, parent de l'évêque Balderic, se trou-
» Anciens, Mém. de V Académie, t. II, pp. 604 à 615. (Deseoches).
— 112 —
vant sans hoirs, venait de faire don à Saint-
Lambert, de son comté de Looz et de la tenure
du comté de Brngeron. Ces biens, originaires en
grande partie dn patrimoine de Eodolphe, frère
de Régnier III, furent revendiqués par son neveu
Lambert, comte de Bruxelles et de Louvain.
Après une première requête, il fit enlever Lut-
garde, femme du comte Arnold, la reçut au châ-
teau de Louvain, où il la traita avec les plus
grands égards et réclama son intervention pour
applanir le différent. Une transaction s'en suivit
d'après laquelle le comté de Looz demeura à
l'église de Liège, mais celui de Brngeron fut in-
féodé au comté de Louvain, moyennant 1200
marcs d'argent que Lambert compta à l'évêque ' .
Cet incident suppose qu'Arnold était mort;
toutefois d'autres chroniques ne le font périr
qu'en 1015, en même temps que Lambert, au
combat de Florennes.
L'année suivante, le duc ayant conduit ses
troupes contre le Hainaut, le comte de Louvain
vola au secours de son neveu, assisté d'Arnold de
Looz et de Robert de Namur, et rencontra l'ar-
mée ducale à Floremies. Celle-ci fut victorieuse,
Arnold et Lambert furent tués le 12 septembre
1015.
8. Lambert à la Barbe, regretté de ses sujets,
est peint sous les coideurs les moins flatteuses
par les chroniques étrangères, de même que ses
ancêtres que nous ne connaissons que par des con-
* Bouille, Hist. de la ville de Liège, 1. 1, p. 83.
— 113 —
temporains français et allemands. Ils n'étaient
mus, disent-ils, que par des pensées d'ambition per-
sonnelle; mais on oublie qu'ils étaient soutenus par
Topinion, et que dès lors le mobile particulier im-
portait peu, la généralité du pays pouvant pro-
fiter de leurs efforts. Ils étaient un obstacle à une
assimilation complète que caressa tantôt la Neus-
trie, tantôt la Germanie. C'était Topinion nationale
qui avait soutenu Régnier III, comme il en avait
été de son oncle Giselbert * , comme il en était de
Lambert, mari de Gerberge la Carlo vingienne.
L'étranger ne ménagea ses reproches à aucun
d'eux. L'annaliste saxon, vivant vers 1150, repré-
sente Lambert comme un guerrier féroce et un
homme cruel ; il termine son portrait en disant
qu'enfin c'est lui qui, assisté de son frère, tua les
comtes Garnier et Renaud.
Or, ces comtes n'eussent pas épargné davan-
tage les frères bennuyers s'ils avaient eu la vic-
toire. Garnier et Renaud étaient les fils du duc
Conrad ^ le même qui avec Herman de Souabe
avait défait Giselbert à Andernacb , qui plus tard,
* H. Van Veldeken, auteur de la légende de Saint-Servais, le
montre sous un aspect bien différent de celui présenté par Richer :
« Het was ejTi hertoghe GLysebrecht
Ghepresen in niengen dingen,
Een lielt van synen ly^-e.
Hi was wellich 't allen goede.
Voyez aussi : Les précurseurs de la natioyiallté belge, p. 845 du
Bulletin de V Académie d^ archéologie, deuxième série.
* A. YoGEL , Ratherius, p. 432.
8
— 114 —
devenu duc de Lothier, avait détruit des châ-
teaux-forts appartenant à Régnier III, qui, enfin,
s'étant lui-même insurgé contre Otlion I, avait
été vaincu par ce même Régnier.
La Fehda existait donc entre les deux familles,
et il est douteux que Tannaliste Saxon eût sou-
ligné le fait si les victimes n'avaient été ses
compatriotes.
D'une autre part les reproches que Balderic,
chantre de Thérouenne, adresse à la conduite
personnelle du comte Lambert, et l'accusation
de duplicité que porte contre lui Gérard de
Florennes , chapelain du roi , et plus tard évêque
de Cambrai, sont vraisemblablement fondés ; mais
reproches et accusations sont applicables à tous
les personnages politiques de ce siècle à des de-
grés d'une différence peu sensible.
A partir de la bataille de Fontenai en 841 ,
l'autorité avait marché en se fractionnant de plus
en plus ; la force centrifuge la commandait. La
réunion qu'opéra Lambert des comtés de Bruxel-
les et de Louvain, l'un en Brabant, l'autre en
Hasbanie, commença pour nous le mouvement en
sens invers. La force centripète mise ainsi en
action préludait à la formation d'un nouveau
germe qui devait produire le Brabant , province
centrale de notre territoire, appelé dès lors à
substituer son influence à celle de Reims ou de
Cologne.
Nous voyons en même temj^s surgir ici la so-
ciété féodale ; quoiqu'elle n'amenât que la liberté
- 115 —
exclusive et privilégiée d'un petit nombre d'indi-
vidus , c'était déjà une liberté '. Aussi cette orga-
nisation fut-elle relativement démocratique, car
tous ses membres étaient égaux ou croyaient
l'être '\ Toutes réserves faites sur les abus de
cet ordre de choses, nous devons reconnaître
qu'il a servi de patron, et comme de stimulant
à l'institution des communes.
C. Van dee Elst.
' J.-B. Blaes, Influence exercée par Charles-Quint. Revue trim.,
t. XVI, p. 77.
' Chateaubriand, Analyse de Vhîstoire de France. Études, III,
p. 287. — PiNKERTON, Etablissements des Scytes. Ann. XII, pp. 218-
221.
- 116
VARIETES.
Inscription a la mémoire de Charles-le-Téméraire,
DUC DE Bourgogne, dans l'église de Saint-Georges
A Nancy.
Carolus hoc busto Burgundsc gloria gentis
Conditur, Eiiropge qui fuit ante timor.
Ganda rebellatrix hoc plebs domitore, crematur
Post patrise leges, perpete pressa jugo est.
Nec minus hune sensit tellus Leodina cruentum
Cum ferro et flammis urbs populata fuit.
Monte sur Heritio Fraucas cum Rege cohortes
Inpavidam valido truserat ante fugam :
Hostibus expulsis Eduardum in régna locavit
Anglica, primsevo restituens solio.
Bella ducum, regnumque, et Cœsaris omnia spernens,
Totus in efi'uso sanguine Itetus erat.
Denique dum solitis fidit temerarius armis
Atque Lotharingo cum duce bella niovet:
Sanguineam vomuit média inter prœlia vitam,
Aureaque hostili vellera liquit humo.
Ergo triumphator longœva in secla renatus
Palmam de tanto principe victor habet.
0 tibi, qui terras quîBsisti Carole, cœlum
Det Deus, et spretas antea pacis opes.
— 117 —
Nunc clic Nanceios cernens ex aethere muros,
A Clémente ferox hoste recondor ibi.
Discite terrenis quicl sit confidere rébus,
Hic totiens victor deniqne victus adest.
Au milieu du cimetière dans lequel étaient enterrés les
victimes de la fatale journée ou fut détruite l'armée de
Charles-le -Téméraire, Renée de Bourbon, femme du duc
Antoine de Lorraine, avait fait élever une chapelle en
1523 ; une inscription en vers français qu'on y avait placée
rappelait le souvenir de cette bataille et de la mort de
l'impétueux duc de Bourgogne:
Mil quatre cent soixante et seize advint
Que Charles duc de Burgongne ici vint,
Accompaigné de soudars et gens d'armes
Guidant Kanci surprendre à force d'armes,
Veille de Roys qu'on départ le gasteau,
Il fust occis en passant un roisseau.
E la pluspart de ses hommes de guerre
Furent occis et semés sur la terre,
Puis recueillis par le commandement
Du preux René, qui vertueusement
Obtint sur eux glorieuse victoire,
Dont le corps sont ici gisant en mémoire
De ce conflict. Renée de Bourbon,
Noble Princesse, ayant vouloir très-bon
Femme du très-illustre Duc Antoine
Fils de René noble Duc de Loraine,
A fait bastir ce cemiterie et croix,
L'an mil cinq cens avecque vingt et trois.
Priés à Dieu, que par sa saincte grâce
Au trespassés pardon et merci face.
L. S.
— 118 —
Passeport donné par l'empereur Charles-Quint tour
TRANSPORTER AU ROYAULME DE NaPELS DES PIÈCES d' AR-
TILLERIE ACHETÉES A Malines. — « Charles.... A touz
noz lieuxtenauts admirai, vis admirai, capitaines routes
et compaignons de gens d'armes et de trait, bailliz, pre-
vostz, majeurs, escoutettes, bourgmaistres, eschevins,
tolnaires, fermiers peagiers, passaigiers et aultres nos
justiciers, officiers et subgetz ausquelz ces présentes
seront monstrees, salut et dilection. Comme notre bien
aime subgect Grégoire de Ayala nous a présentement
remonstre qu'il ayt fait faire et acheter en notre ville
de Malines, de feu Hans Poppenruyter trente sept pieches
d'artillerie, assavoir une serpentine, six demye serpen-
tines, quatre falconnelz, dix hacquebutes, aultres dix
falconnetz et six chambres, le tout pesant ensemble vingte-
huit mille livres ou environ, a intention de les mener et
conduire en notre cite de Naples, pour nostre service et
a la fortification d'icelle cite et aultres villes et places
de nostre royaulme dudit Naples , ce que ledit suppliant
n'oseroit faire, obstant la deffense au contraire, sans
avoir noz lettres de congie et licence a ce pertinent,
dont il nous a instamment requis. Savoir faisons que
nous, ce considère, audit suppliant, inclinans favorable-
ment a sa dite supplication et requeste, avonz octroyé,
consenti et accorde, octroyons consentons et accordons,
en luy donnant congie et licence , de grâce especial , par
ces présentes, qu'il puist et pourra faire charger et mectre
sur telz navieres que bon lui semblera les pieches d'ar-
tillerie cy dessus spécifiées et déclarées, et icelles mener,
conduire, vendre et distribuer en nostre dit royaulme de
Naples, pour nous en servir a la fortiffication de nostre
dite cite et royaulme de Naples et non ailleurs , sanz pour
ce aulcunement envers nous (me faire), en payant toutes-
fois noz droiz de tonlieu et aultres débites et impostz
— 119 —
accoustumez , poiirveu aussy que ledit suppliant sera tenu
bailler caution suffisante de faire mener et distribuer
ladite artillerie en nostre dite cite et royaulme de Naples
et non ailleurs, et de rapporter bonne certification de
nostre vice-roy dudit Naples endedenz place mois prochain
venant d'avoir illec délivre lesdites parties d'artillerie •
pour nostre dit service.
» Si vous mandons et enjoingnons très expressément et
a chacun de vous endroit soy, et se comme a luy appar-
tiendra, que faictes, souffrez et laisser passer, mener et
transporter lesdites parties d'artillerie parmy les lieux de
voz destroitz et jurisdictions, sauvement et paisiblement,
sans audit suppliant ne a ses gens, facteurs, marronniers
et conducteurs des navires, ou les dites parties seront
chargées, faire ne souffrir estre faict, mis ou donne aucun
destourbier ou empeschement , au contraire, car ainsi
nous plaist-il donne.... » L. S.
L'ÉPOQUE DE LA NAISSANCE DE GRÉGOIRE HOLONIUS. —
M. Devillers, l'honorable conservateur des archives à
Mons, a donné, dans le volume 1877 du Messager, p. 455,
un supplément à ma petite notice sur les Holouius ou de
Hologue ^ , qui est à la fois intéressant et utile. Tous les
amateurs de l'histoire littéraire doivent lui en savoir gré.
Il y fait connaître, eutr'autres particularités, la date
précise de la mort de Grégoire Holonius , date qu'aucun
de ses biographes n'avait rapportée, et y communique
deux iusciptions funèbres consacrées à la mémoire de ce
chanoine.
« Messager, 1877, p. 201-210,
— 120 -
La seconde de ces inscriptions, sur une pierre tumu-
laire que l'archevêque Louis de Berlaimont avait élevée,
par reconnaissance, à la mémoire de son ancien maître,
n'existe plus; ce qui est fort regrettable. En effet, cette
inscription, en renseignant l'âge de Holonius, indiquait
la date approximative de sa naissance , que ses biographes
ont également omis de mentionner.
J'avais placé l'époque de cette naissance, par conjec-
ture, vers l'année 1520. D'après l'inscription précitée,
j'aurais été bien loin de compte. On y aurait lu :
OBIIT ANNO DOMINI 1594. ^TATIS 63.
Or, si Grégoire de Hologne mourut en 1594 à l'âge de
63 ans, il serait né en ou vers l'année 1531. Cette date,
cependant, ne me semble pas pouvoir être acceptée.
On peut bien admettre que Grégoire Holonius ait été
précoce dans ses études, son savoir et ses talents, bien
qu'aucun de ses biographes, assez nombreux, n'en ait dit
le moindre mot. Mais ici la précocité serait tellement
extraordinaire qu'il est bien difficile d'y ajouter foi.
En effet, si Grégoire Holonius, décédé en 1594, n'était
âgé que de 63 ans, il en résulte qu'à l'âge de quinze à
seize ans, âge où d'ordinaire, on reçoit, mais où l'on ne
donne pas des leçons, cet adolescent aurait déjà enseigné
et aurait écrit trois tragédies en vers latins, très remar-
quables même pour un homme fait *. Il en résulterait en
outre que le comte de Berlaimont, cet illustre homme
d'État, l'aurait choisi, avant qu'il n'eût atteint l'âge de
* Les trois tragédies de Holonius ont été imprimées en 1556. —
L'auteur assure qu'elles ont été écrites depuis neuf ans (ainsi en
1547), pour servir à l'instruction des élèves de l'école de Saint-Bar-
thélemi à Liège , école oii d'abord il avait étudié , puis oîi il avait
enseigné avant d'être appelé à diriger l'éducation des jeunes comtes
de Berlaimont.
— 121 —
vingt ans, pour lui confier l'éducation de trois de ses fils.
Je le réitère, il est difficile, à moins de preuves ulté-
rieures, d'admettre des faits aussi extraordinaires et je
pense qu'il est permis de supposer qu'une erreur de
chiffre s'est glissée dans la transcription de l'épitaphe en
question.
On y lisait probablement :
^TATis 73 au lieu de setatis 63.
Grégoire de Hologne, dans ce cas, serait né en ou vers
l'année 1521, aurait enseigné et écrit ses tragédies vers
l'âge de 26 ans , et serait devenu , âgé de moins de trente
ans, le précepteur des trois jeunes comtes de Berlaimont.
Peut-être existe-t-il plus d'une copie de l'épitaphe pré-
mentionnée; on pourrait alors, en les confrontant, s'as-
surer peut-être si ma conjecture est, ou n'est point fondée.
H. Helbig.
— 122
CHRONIQUE.
Histoire de la ville d'Enghien '. — L'ouvrage dont nous
rendons compte a obtenu la médaille d'or au concours de la société
des sciences , des arts et des lettres du Hainaut. C'est dire qu'il a
déjà passé par le crible de la critique et que celle-ci lui a reconnu
de la valeur. Cette valeur est réelle tant au point de vue du tra-
vail qu'à celui du sujet. Enghien, mi wallon, mi flamand, dont les
habitants « ne sont jamais si flamands que quand ils parlent le
français , et si français que quand ils parlent flamand » , qui a
successivement appartenu a plusieurs illustres familles, ancienne
pairie du Hainaut , emprunte aux événements dont il a été le théâ-
tre, une assez grande importance et un attrait assez considérable
pour avoir sa monographie.
Cet ouvrage considérable est le résultat de travaux et de recher-
ches sérieuses tant dans les archives de la ville et de diverses
institutions que dans les dépôts de Mons , de Bruxelles et de Lille.
Voici comment l'auteur a divisé son livre : Introduction : cette
partie comprend des données générales , une étude sur le nom
et l'étymologie d'Enghien, la situation de la ville, son sol,
son hydrographie , ses anciennes fortifications et son enceinte , sa
topographie, sa population , etc. — Liv. L Histoire et généalogie.
Dans cette partie, composée de six chapitres, M. Mathieu traite de
l'origine d'Enghien , de l'histoire de ses seigneurs, tant de la maison
d'Enghien que de celles de Luxembourg, Bourbon et Aremberg,
' Histoire de la ville d'Enghien, par Ernest Mathieu, avocat,
docteur en sciences pol. et adm. 804 pp. Mons et Engliien, 1877.
— 123 —
puis du château et du parc , et passe en revue les principaux faits
historiques. — Le livre II, intitulé : Organisation administrative et
judiciaire, est consacré aux anciennes juridictions , à l'organisation
communale, à l'organisation militaire, aux gildes , compagnies
bourgeoises et corps de métiers, au commerce et à l'industrie.
Enghien posséda pendant un certain temps une manufacture de
tapisseries fort renommée. — Dans le livre III , Culte et bienfaisance,
nous trouvons une courte monographie des églises, chapelles et
communautés religieuses, ainsi que des hôpitaux et hospices. —
liQ \\\re W , Institutions scientifiques et littéraires, fêtes, biogra-
phie .nous, entretient des écoles , collège , écoles de dessin, chambres
de rhétorique , sociétés de musique , du théâtre du duc d'Aremberg
et de quelques anciens usages. Un certain nombre de gravures
ornent le volume.
Il nous est impossible de donner ici une analyse détaillée de cet
ouvrage , notons toutefois que nous avons lu avec beaucoup d'intérêt
les deux premiers livres surtout , dont l'importance est plus grande
à cause du sujet qu'ils traitent.
Emile V.
L'Athen.ïium belge. — Nous remplissons un devoir fort agréable
en signalant l'apparition d'un journal bimensuel imprimé à Bruxel-
les, et qui s'occupe spécialement de passer en revue les travaux
littéraires, scientifiques et artistiques. U Athenœum belge en est à
son huitième numéro, dans lequel nous trouvons entre autres une
fort bonne notice, signée T., sur l'ouvrage de M. Wauters : les liber-
tés comynunales. Outre ces comptes-rendus, VAthenœumj sous la
rubrique Notes et études, publie d'excellents articles de revue de
salon, souvenirs de voyages et autres ; et sous le titre Bibliogra-
phie, il groupe les sommaires des revues scientifiques et artistiques^
et les titres des ou^Tages nouvellement parus.
Emile V....
DÉcouvEKTES ARCHÉOLOGIQUES. — Quelques journaux allemands
ont reçu de Naples une note que nous croyons devoir repro-
duire :
o Dans les cercles artistiques de cette ville , une découverte
archéologique fait un bruit qui se comprend. Il s'agit d'une ville
— 124 —
souterraine , d'une autre Pompéï , qui a été trouvée tout-à-fait
inopinément non loin du mont Gargano (dans la Fouille), pendant
qu'on curait un puits.
D'abord, on rencontra une temple antique de Diane, puis un
portique magnifique, long d'environ vingt mètres, avec des colonnes
sans chapiteaux , et enfin une nécropole souterraine d'une super-
ficie d'environ quinze mille mètres carrés.
Un grand nombre d'inscriptions importantes ont été mises au
jour, et quelques unes sont déjà exposées dans le Musée national
de Naples.
La ville découverte est l'antique Sipontum (près d'Ai'pinum),
dont parlent à plusieurs reprises Strabon, Polybe, Tite-Live , etc.
Elle n'a pas été ensevelie sous la cendre, mais elle s'est engloutie
à la suite d'un grand tremblement de terre. Les maisons sont à
peu près à vingt pieds au-dessous du sol cultivé. Le gouvernement
italien a déjà fait les démarches nécessaires pour entreprendre les
fouilles sur une grande échelle. Il est secondé par le gouverneur
de Manfredonia et par l'archevêque de cette ville, laquelle est
bâtie en partie au dessus de l'antique Sipontum.
Chaque jour on fait de nouvelles découvertes ; c'est ainsi qu'on
a trouvé un monument érigé par les citoyens de Sipontum en
l'honneur de Pompée, après la guerre contre les pirates. Des mon-
naies sipontiennes ont également été trouvées. Mais ce qui promet
le plus de découvertes , c'est l'antique nécropole avec son immense
quantité de tombeaux. »
— On a découvert aux Hayettes , hameau d'Etrœung , près
"d'Avesnes, des squelettes et différents objets antiques remontant
selon toute vraisemblance à l'époque de la conquête de la Gaule
Belgique par les Francs. Yoici dans quelles circonstances :
En faisant exécuter des travaux de nivellement dans une pro-
priété en face des ruines du château des Baffes , situé entre la route
d'Etrœung à Féron et l'Helpe Mineure (rive droite) , on trouva,
à une profondeur de 70 à 80 centimètres :
1» Seize squelettes, dont les gros os , crânes , fémurs , sont par-
faitement conservés. Les dents surtout, qui paraissent être celles
d'hommes de 20 à 30 ans, sont d'une force et d'une beauté remar-
quables , la plupart ont encore leur émail ;
— 125 —
2» Deux fers de lance, mesurant en longueur 11 centimètres et
de 2 à 3 centimètres dans leur ijIus grande largeur ;
3'' Un scramasax, dont la lame a plus de 35 centimètres en lon-
gueur et près de 5 à sa base. Ces diverses armes sont recouvertes
d'une couche de rouille si épaisse que le fer disparaît presque
entièrement.
4" Un collier en terre émaillée dont trois grains sont couleurs
jaune paille, les autres rouges bruns ; ces derniers sont ornés de
larges lignes jaunes formant des dessins réguliers ;
5" Des fi'agments de vases en terre couleur gris cendré. Peut-être
pourra-t-onrej)roduire la forme en réunissant les plus gros morceaux.
6» Plusieurs fibules en bronze et une pièce de monnaie romaine
du même métal , trop fruste pour qu'il soit possible d'en préciser
sûrement l'époque.
Tout nous annonce, à n'en pas douter, une sépulture mérovin-
gienne. La pièce romaine ne saurait à elle seule exclure cette con-
clusion , attendu qu'il est avéré que les premiers Francs , conqué-
rants des Gaules, ne dédaignaient nullement ces monnaies romaines.
Chablemagne a Gébone. — La Acade^nia, qui continue active-
ment la publication de ses belles livraisons, donne dans un de ses
derniers numéros, un curieux article intitulé : Charlemagne à Gérone.
D'après une vieille tradition, le grand empereur aurait chassé les
Mores de cette ville, et en aurait reconstruit la cathédrale. Cette
tradition eut beau être contestée par la science, Charlemagne resta
populaire à Gérone, et, comme saint, y fut l'objet d'honneurs par-
ticuliers. La canonisation de Charles émanait toutefois de l'antipape
PaulIII; comme telle, elle resta sans valeur réelle, mais pourtant
admise en Allemagne, et en Finance par Louis XL A Gérone, le culte
de Charlemagne dura jusqu'en 1484, époque oii le pape Sixte Vf le
défendit. On voit encore dans cette ville, et la Academia nous en
donne la gravure, une statue de Charlemagne que l'on exposait dans
la cathédrale le jour de sa fête. Au coromencement de ce siècle, le
second dimanche de carême, on prononçait encore à Gérone le
panégjTique de l'illustre empereur.
[Polybiblion).
— 126 —
Vente de ctjeieux autogeaphes. — On vient de faire à Paris
une vente de curieux autographes, au nombre de 199, qui avaient
été collectionnés, par un ancien auteiir dramatique. Cette collection
contenait, entre autres, une lettre de M. Tliiers, adressée à un
diplomate russe et qui prophétisait , pour ainsi dire , les malheurs
qui ont assailli la France, la guerre et ses suites. Cette lettre a
été vendue 190 francs.
Une très curieuse lettre de François I*"' à Charles Quint a été
adjugée 200 francs. Dans cette pièce historique, le roi de France
demande la délivrance de ses enfants que Charles Quint retient en
otages. Il l'engage à considérer combien la paix universelle est
utile à la chrétienté, si affligée par les guerres et les divisions
« quyl nest possible de plus. »
Il ajoute : « Je ne fays nulle doubte que de votre bonté comme
prynce dhonneur, de vertu et très catholycque que je vous estyme
et repute, que vous ne acceptez les dytes offres. » (Cette lettre
était l'ultimatum de François le"". Le 22 janvier 1528, il déclarait
la guerre à l'empereur, de concert avec Henri VIII.)
Une lettre de Guez de Balsac, écrivain du dix septième siècle,
si oublié de nos jours , a été vendue 280 fr. C'est une apologie du
cardinal de Richelieu.
Une lettre du maréchal de Bassompierre au comte de Chavigny
a été vendue 310 fr. Cette lettre est touchante : il prie son ami de
s'employer pour faire cesser la longue détention qu'il subit depuis
douze ans à la Bastille; Richelieu qui l'y avait fait enfermer,
venait de mourir.
Ce long emprisonnement nous rappelle une anecdote, qui montre
que de Bassompierre était aussi bon courtisan que vaillant soldat.
Quand Louis XIII revit le maréchal après sa mise en liberté , il
lui demanda l'âge qu'il avait.
« — Sire, j'ai cinquante ans. »
Et comme le roi , qui savait Bassompierre bien plus âgé, manifes-
tait son étonnement.
« — Sire, je retranche les années passées à la Bastille, parce
que je n'ai pu les employer à vous servir. »
Vente d'Hane-Steenhuyse , A Gand. — La vente de la biblio-
thèque de M. le comte d'Hane-Steenhuyse , qui a eu lieu 12-15
— 127 —
février chez le libraire Vyt de notre ville , avait attiré plusieurs
amateurs étrangers ; les beaux livi-es y ont été vivement disputés ;
nous citerons entre autres , les n«' suivants du catalogue : n« 2 , la
Bible de Marillier , avec les gravures avant la lettre , adjugée 1725 fr . ;
n» 207 , V Herbier général de Vamateur, par Mordant de Launay,
230 fr. ; n» 219, VHerbier de la France, par BuUiard, 330 fr.;
n» 255, Jardins anglais, par Lerouge, 290 fr. ; n« 299, Planches
coloriées d'oiseaux, par Temminck, 480 fr. ; n» 383, Galerie du
Palais Royal, par Couché, 710 fr. ; n« 385, Galerie de Florence,
895 fr. ; n» 750, Grand Théâtre sacré et profane du Brabant , par
Le Eoy, 230 fr. ; n« 763, Flandria illustrata, par Sanderus, éd. de
Cologne, 240 fr.; n° 851, Tableaux de la Révolution Française,
475 fr. ; n° 884, Pertz , monumenta Germaniae historica, 1825 fr. ;
n° 916, Histoire généalog. de la maison royale de France, par le P.
Anselme, 522 fr.; n» 931, V Antiquité expliquée, par Bern. de
Montfaucon , 297 fr. ; n" 932 , Monuments de la monarchie Fran-
çaise, par le même, 362 fr.; n» 934, Buck's antiquities, 280 fr. On
voit par ces chiffres que la bibliophilie compte encore de fervents
adeptes.
Le mobilier et les objets d'art ont été vendus le 4 avril; voici un
aperçu de quelques prix: n^^ 1, 2 vases porphyre et bronze doré,
16,000 fr., M. De Buyser, à Gand; no^ 2 , 3 , 48 et 49 , 4 candélabres
et trépieds, 12,900 fr., M. Cools, à Bruxelles ; n° 4, 2 vases forme
Médicis, 1,225 fr. , M. Van Loo-Bracq , à Gand; n° 7 , 2 candélabres
en bronze, 3,100 fr. , M. Josejîh, à Londres; n° 15, pendule en
marbre, bronze doré , 2,000 fr., au même ; n" 17, pendule marbre et
bronze doré, 1,100 fr., M. Motte, à Roubaix; n» 24, 2 chenets
bronze doré, 310 fr., M. De Buyser, à Gand;no 26, 2 chenets
bronze doré, 1,100 fr., au même; n^ 34, pendule (boule), 8,700 fr.,
M. "Werner Van Pottelsberghe de la Potterie , à Gand ; n" 36 , pen-
dule en vernis de Martin, 1,500 fr., M. V^^^^ de Clerque Wissocq
de Sousberghe , à Gand ; n" 37 , lustre en cristal , 1,850 fr., M. Van
den Hecke de Lembeke , à Gand ; n° 47 , 2 tables consoles , 6,800 fr. ,
la liste civile ; n^^ 54 et 66 , ameublement en damas vert , 4,900 fr.,
M. le baron Van der Bruggen ; no^ 55 et 67 , ameublement en damas
bleu, 1,400 fr., la liste civile; n° 58, lit à Baldaquin, 1,400 fr.,
M. de Salverte, à Paris ; n^^ 62 et 63 , six panneaux et paravants en
tapisserie ancienne, 8,600 fr., M. De Buyser, à Gand; n^ 65, Ten-
— 128 —
ture en tapisserie, 1,300 fr., M. Samson,à Paris; n° 91 et 92,
2 bas reliefs en argent repoussé , 1225 fr., M. Honorez, à Lille ; n° 93,
1 bas relief en argent repoussé, 925 fr., M. Delaunay à Boulogne sur
mer; n" 1, tableau de Breughel de Velours, 5,200 fr., M. Haritoff,
à Bruxelles; n" 2, tableau de Breughel, 3,100 fr., M. Bedessem,
à Bruxelles.
Tableaux. — A la vente de la galerie provenant de M. Schuer-
mans, qui a eu lieu à Anvers au mois de février, sous la direction de
M. Jean Diricks, on a vendu :
N» 16, P. Fourbus, 340 fr, ; n" 24, Vanderweyden , 535 fr. ;
n» 39, J. Patenier, 400 fr. ; n» 41, J. Gossaert, 1600 fr.; n° 43,
J. De Gand, 520 fr. ; n° 64, A. Brauwer, 1050 fr. ; n» 85, Droog-
sloot, 520 fr. ; n» 96, F. Franck, 2100 fr.; n» 103 , Huysmans de
Malines, 3600 fr. ; n" 136, Roetaert, 1500 fr.; n» 137, id., 1500 fr.;
n» 138, id., 1000 fr.;no 139, id., 1000 fr.; n» 157, A. Van Ostade,
550 fr.; n» 158, id., 400 fr.; n" 166, S" Vranck, 500 fr. ; n» 175,
Van Beerstraeten, 2000 fr. ; n» 176, id. , 2000 fr. ; n" 183,
"Weinincx, 440 fr.
PL.Yn.
J.Jo.Xavaut dd!'
'P/llaert ^adj)^
129
QUELQUES SCEAUX
DU DIOCÈSE DE GAND '.
Abbaye de Satnte-Marie a Teokchiennes . —
Fondée vers 630 par saint Amand avec le concours
du pieux Basin, la communauté religieuse de
Tronchiennes forma d'abord un collège de cha-
noines ou clercs réguliers, dispersé par les Nor-
mands en 851, mais rétabli en 884 par Baudouin
le Chauve. A cette époque le supérieur de l'éta-
blissement s'appelait prévôt. Le 6 mai 1138, le
dernier titulaire se démit de ses fonctions et la
maison fut soumise à la réforme de Prémontré
commencée en 1120 iiar saint Norbert, d'après la
règle de saint Augustin. Dès lors le chef de la
communauté prit le titre d'abbé.
Le sceau conventuel, d'une exécution vio-ou-
reuse, nous semble dater du commencement du
XIIP siècle. Le champ est occupé par deux niches
trilobées et superposées. Celle du bas est flanquée
de deux contreforts percés de baies et surmontés
de clochetons. La niche supérieure, à double bor-
(') Suite. — Voir année 1877, p. 257etsuiv.
— 130 —
dure coupée à la naissance des lobes par un tailloir,
est couronnée par un dais fleuronné s'appuyant
sur deux clochetons ajourés. Cette niche abrite la
Vierge-Mère couronnée, assise sur un faldesteuil
sans draperies, à bras fleuronnés. Marie tient de
la main droite un lis, symbole de la virginité, et
de la gauche le divin enfant au nimbe crucifère,
bénissant de la main droite et portant dans la
gauche le globe, insigne de sa toutepuissance. Au
pied du faldesteuil, vers la gauche, se déroule un
feuillage.
Dans la niche inférieure, un vieillard, un homme
fait et un enfant portant le costume rehgieux, à
genoux, les mains jointes et la tête fortement re-
levée, invoquent la protectrice de l'abbaye. La
légende porte en caractères majuscules : sigill'
CONVEN... TEVNGHiNiENSis. Le modulc du sceau est
de 0"\058 sur 0'",038.
L'empreinte que nous reproduisons (PI. VII,
fig. 1), est appendue à deux chartes datant l'une du
mercredi de Pâques 1359 (v. s.), l'autre du 14 août
1493. Dans le premier acte, l'abbé Siger de Hamme
et toute la communauté , après une délibération
mûre et diligente, échangent avec les Chartreux
du Val-Royal lez-Gand, une prairie d'une conte-
nance de 1056 verges, sise à Tronchiennes le long
de l'ancienne Lys ou Auden voerd, au sud de la
Chartreuse, pour une prairie de 918 verges, située
dans la même paroisse à l'endroit dit in de bile
hute7i winkele '.
' Archives de lu cuthédrule, [oiids des (.'harircux , earl. 2, u" 78.
— 131 —
Le second document est un instrument notarial
dressé par le tabellion Léon de Paeu ou Pavonis
et légalisé après sa mort par les notaires Corneille
Voet, doyen de Sainte-Pharaïlde, et Hubert de
Crytsclie, prêtre du diocèse de Tournai. Cette
pièce contient en tête la délibération par laquelle
du consentement de Martin, abbé de Laon et supé-
rieur général des Prémontrés, l'abbé de Tron-
chiennes, Guillaume, le prieur Jean de Gavere, le
sous-prieur Pioland Sanders, frère Florent vander
Gracht, maître N. . . . van Hulsterloe et frère Hector
Tacquon, curé de Hincxdyck, tous prêtres con-
ventuels profès, acceptent des Chartreux la ré-
demption de deux rentes de seigle, grevant deux
biens du Yal-Royal, situés l'un dans VOest garer,
l'autre hors de la Waelpoerte by der sieckelieden .
Cette aliénation a pour causes, les frais imprévus
causés par la promotion de divers prélats de
l'ordre, les longues et diverses guerres de la
Flandre, les pertes et les dégâts occasionnés par
les inondations et la restauration des digues et
des écluses ^ ,
Le scel abbatial diffère essentiellement de tons
les sceaux d'abbés que nous avons décrits jus-
qu'ici. D'abord il n'a pas le caractère personnel
qui distingue généralement les instruments sigil-
laires employés par les dignitaires tant civils
qu'ecclésiastiques. Le nom du titulaire n'est pas
exprhné et le sceau put rester le même pour
différentes personnes. C'est ainsi que nous trou-
' Archives de la catliédrtde, fonds des Chartreucc, cart. 14, n"244.
— 132 ~
vons la même matrice employée de 1359 à 1493.
Elle nous apparaît la première fois à Tacte de
Tabbé Siger cité plus haut. Une empreinte sem-
blable munit une charte par laquelle, le 12 dé-
cembre 1455, l'abbé Jean vidime l'accord que du
consentement de Jean de Bourgogne, évêque de
Cambrai, les Chartreux du Val-Roval conclurent
avec Pierre de Monte, curé de Meire, au sujet des
dîmes de sa paroisse k Enfin, à l'instrument nota-
rial de Léon de Paeu, le même scel abbatial repa-
rait, mais chargé au revers du contre-sceau de
l'abbé Guillaume, portant dans un champ ovale
bordé d'un grénetis , la crosse abatiale en pal
derrière un écu à trois annelets posés 2 et 1 . Ces
armoiries seraient-elles l'expression parlante du
nom patronymique Rings, que jusqu'ici on a con-
fondu avec Hiiys ou Hungs?
Un second détail à signaler est l'emploi du
terme Ecclesia pour désigner la communauté.
Rappelons à ce sujet ce que nous avons observé
au commencement de notre travail. Le mot Con-
ventus, si fréquemment employé dans la souscrip-
tion des chartes dressées au nom des abbayes et
dans la légende des sceaux, signifie assemblée,
réunion, et non couvent ou monastèy^e. Toutefois, le
terme propre Ecclesia , dans ce dernier sens , ap-
paraît bien rarement dans les légendes sigillaires
de notre diocèse.
L'exécution du sceau qui nous occupe accuse
le commencement du XI V" siècle. Sous un dais
' Mètite fonds ^ carton 9, ii" IKJ.
— 133 —
trilobé, flanqué de contreforts à baies géminées,
est représenté Tabbé, la tête nue, en habits ponti-
ficaux, tenant un livre fermé dans la main gauche
et de la droite la crosse à volute tournée à l'exté-
rieur. La console à trois bandes porte dans la
partie supérieure une rangée d'étoiles. La légende,
en caractères majuscules, contient entre deux
filets les mots : s. abbatis ecglesi (beat)b makie
TEONCHiNiEN. Le uiodule est de 0'",058 sur 0'",038 ;
mais le contre-scel ne mesure que 0'",016 sur
0'",014 (Figg. 2 et 3).
(A continuer).
L'abbé J.-B. La vaut.
— 134 —
LUMMENŒUS A MARCA
Mais ni ces prières , ni rintervention des amis
de Lummenœus ne parvenaient à toucher Tabbé ;
peu après le malheureux moine tenta encore un
effort; le 13 novembre il écrivit une nouvelle
lettre, dont malheureusement il ne nous reste
que des fragments; il dit que le viatique envoyé
pour son voyage, a été immédiatement saisi par
son hôte et créancier, qui était Jean de Rogiers,
ainsi que nous l'avons vu plus haut, et n'a pu
payer ce qu'avait coûté sa maladie. 11 parle plus
loin d'un prince, un cardinal sans doute, qui
l'avait consolé dans ses douleurs , et termine en
implorant de nouveau la commisération de son
inflexible supérieur.
« Reverencl»"^ Domine. Quod tara factidiose me abjicis,
atque adeo ad voliitabrum et siliqnas me compellis qui
nihil decoxisse vel dilapidasse memini, pra?ier meritum
meum , et clementiam benigni Patris familias fieri existimo,
et mecum opinantur omnes, qui me norunt, et candorem
meum perspectum habeut. Misisti iiuper viaticum (quod
' Suite. — Voir p. 7.
— 135 —
hospes et creditor meus statim involavit), at uon expensas
sumptuuni, <iuos in morl)o, in vestimentis et victii coti-
fliano cuni onere famuli (quo ex conscientia qiioque am-
plit. T. carere niuKpiani potui) hic juste contraxi, ut me
omnibus impedimentis extricarera. Quin immo sic me R" T.
apud hospitem meum alienis plane coloribus depinxit, ut
me sub illo penicillo non agnoscam et hospes item meus,
nihil mihi porro credere velit , atque adeo publicum ergas-
tulum cotidic mihi commin
amplit. V. (liceat hoc mih
semuhiri mi hi visa est
Evangelio qui ulceroso
et misereri non vellet •
Et.... tandem me
qui.... mi hi suave
vascuhim, radendo ni
directe contra regulœ
objicis mutationem hos (ut scribis) prœ-
sumpserim. ... et justam ratiouem facti ....
habes. Ctinam niterim me . , . . . circumventum ,
accisa omni re . . . . une oculo me erigit, qui nuper
admodum commoda et honores, etiam mihi addixit, ubi
]n-ima opportunitas erit. Amavit me semper bonus ille
princeps, et fortasse brevi mihi benefacere volet, et serum-
nas meas consolari. In intérim vive et vale mi Révérend'"*'
Pater, et si aliquid porro sentis, quod in Christo Jesu et
Divinse misericordiœ visceribus abundat, me alumnum et
tilium tuum, ut volueris etiam prodigum et discolum
(quanquam illa conscientia me non remordet) in morbo,
in sere alieno, in summis angustiis destitutum, si omnino
dignaris, proxime consolare. Ex urbe. l'^ Id. Decemb. 1623.
Amplit. V. Révérend™'^' lilius et cliens. (Signé) : Jacobus
CoEN. LuMMEN^us A Maeca. Relig. sacerd. Benedict. »
— 136 —
Le 23 décembre , Tabbé Schayck répond à la
lettre de Jean de Rogiers, et indique clairement
son intention de ne plus s'occuper de Lummenœus.
« Monsieur,
» Je suis bien ayse d'entendre de la votre que ma der-
nière du mois de 7''''' passe vous a si bien expliqué mes
intentions au regard du faict de notre religieux à j\farca,
auquel me mandez avoir tesmoigné tant de courtoisies
soubs la couleur de ces lettres dimissoriales , qui estoient
sans aucune restriction d'estendue de lieu, aussy pour
pitié qu'aviez de voir un homme de sa sorte ainsy errer
vagabond, pensent par ce moyen me faire service. Je vous
ay en mes dernières amplement discouru sur le premier
point, assavoir que ses lettres d'obédience avoient leur
limites à Milan au logis de Mons'' le cardinal Boromée, et
ne s'estendoient point outre; que s'il vous eût à monstre
(Vautres sans aucunes bornes , ie vous declaire qu'elles sont
supposées et adultérines : davantage si vous l'avez logé
par compassion de voir tel personnage sans retraitte , cela
n'a peu estre pour me faire service , puis qu'un tel bien
faict se termine en la personne de celuy qui le reçoit. Au
reste que vous dites que scaviez qu'il tiroit provision de
moy pour vivre, cest un abus , car je n'ay jamais eu chose
plus à contre cœur que ceste desbordée liberté de rouler
ainsy de ville à ville , et pour l'en retirer ie luy ay envoyé à
l'instance de Monseigi" l'Illustrissime Cardinal Ludovisio, et
de Monseig^' rill'"« Nonce les derniers trois cents florins , à
quoy ie n'estois aucunement tenu par ma bonne volonté,
m'ayant à vive force arraché la licence de se retirer à Milan
sous promesse qu'il m'avait faicte de n'estre oncques plus
importun a nostre maison de manière quelconque , disant
que sa doctrine et poésie luy fourniroient des moyens bastans
- 137 —
pour reutrctenir,ce qu'il m'avoit auss}' sainctemeiit promis,
luy ayant accordé la licence de se retirer à jNIilan sous
condition de n'estre oncques plus importun à nostre maison
en manière quelconque. Que s'il a maintenant resoulu de
faire plus long séjour à Rome, qu'il songe en temps pour son
entretien, ou d'estre colloque par la faveur de N. S. P. en
quelque bon monastère, car je ne trouve point nouveau
que l'abbé de S. Paul l'ayt refusé , puisque vous mêmes m'en
rendez la raison , scavoir qu'il n'est de leur congrégation ,
car eux sont reformez , et luy libertin , il faut premièrement
qu'il retranche son humeur et après on ne fera point de
ditficulté de l'admettre, aussy bien que plusieurs autres
flammans y ont esté receus, mesme faits Abbez, entre autres
un nommé Floribertus Stalins , profes de notre maison de
S. Pierre. Finalement à ce qu'escrivez de m'avoir plusieurs
mois auparavant adverty de l'assistence faicte à l'endroit de
nostre religieux, et que je ne vous ay respondu, j'avois
donné charge à Mons"" Delà Ptivière vous rescrire ladessus et
declairer mes volontez , ce qu'il m'a dit avoir ûiict. Atant
ceste servant pour confirmation de mes resolutions prinses
en ma précédente, je me diray à Rome le 23 décem-
bre 1623.^ »
De grands personnages continuèrent , mais en
vain , à implorer en faveur de notre écrivain la
grâce de l'irascible abbé; le cardinal Barberini
chargea le nonce apostolique à Bruxelles , arche-
vêque de Saint -Pierre, d'écrire à ce sujet. Celui-ci
adressa une lettre à l'abbé le 6 septembre 1624;
Scliayck répondit qu'il aiderait Lummenœus , et
le 30 septembre le nonce lui écrivit pour le remer-
cier.Voici ces deux lettres du nonce :
« Admodum rev. Pater et Domine. Cum D. Cornélius
— 138 —
Liimmena?iis à ]\Iarca istius vostri monasterii religiosiis
professus, modo Romse existons, ob infirmitatem aliasque
miserias, cli versa débita contraxerit, ita ut extrema rerum
necessariarum penuria prematiir. Ill'""^ caixP'^ Barberinus
suis litteris 3 aug* datis. Eumdem D. Jacobum pietati et
beniguitati R''"- P. Vestrœ, per me, quod facio, commen-
dari voluit : Ut tam in exstinctione debitorum quam in
prsesentibus angustiis, R'^» P. Vestra ei succurrere digne-
tur. Ad quem fugiat, nisi ad Patrem filius? Accipiatergo
j^da p^ Vestra preces filii sui cum serumnis conflictantis , et
benignam Dianum ei porrigat. Deus 0. M. servet R''-"" P.
Vestram in multos anuos incolumem. Bruxellse 8 id. sept,
M. DC. XXIV. Admodum R''* P. et D. Vestra3.
)) Stud"»'%
» (Signé) : AKCHiEr.PETRACENS. »
« Admodura R^^^ Pater et Domine. Accepi litteras R'^«-
P. Vestrse 28 sept, ad me datas, (]uibus rationes quasdam
deducjt in negocio P. Corn. Lumminœi quas omnino im-
probare non babeo, quocirca 111""^ cardinali Barberino
eusdem referam. Cseterum, ago grates quod succurrere
niliilominus prsedicto P. Cornelio \oluerit, nomine quidem
ipsius D.Cornelii, sed vel maxime, intuitu litterarum quas
Ill'""« card. Barberinus ad me conscripserat. Vincor iterum
novo beneficio à R* P. Vestra, cuius mihi animus perspectus
probatusque est in hoc nove miinusculo, quod mihi non
potuit non esse gratissimum. Deus. 0. M. servet R. P. V.
in multos annos. Bruxcllœ, Prid. kal. octobris MDCXXIV.
Admodum R. P. et Domine Vestrœ.
» Studiosissimus,
» AiicHiEPisc. Petracens. »
Il faut croire que le secours promis n'arriva
pas, ou bien qu'il fut d'une importance tellement
— 139 —
minime qu'il servit à x^eii de chose. Le cardinal
Barberini, voyant sans doute le peu de résultat
de son intervention personnelle et de celle des per-
sonnes qu'il avait chargées de s'adresser à l'abbé,
écrivit lui-même le 22 janvier 1625. Il s'étonne
que , dans la triste position où se trouve Lumme-
nœus, il soit obligé d'écrire si souvent; il disculpe
le religieux des reproches que l'abbé lui a adres-
sés ; il dit que c'est un homme qu'il aime à cause
de ses vertus et de ses mérites , que les dépenses
qu'il a faites étaient indispensables , et que son
supérieur l'abandonne au moment où il a le plus
besoin de secours , le cardinal termine en deman-
dant à l'abbé de fournir à Lummeuœus le moyen
de retourner à l'abbaye.
« Aclmodum Rev. Pr. Niinquam equidem fore putabam,
iiti de an;2fustiis , quibus Pater Jac. Cornélius Lummeuœus
premitur, toties ad P. V*^" dandsc milii esseut litterœ. Sed
quia nec dum lenito ipsam animo video , nec viro déesse
possum optime de ordine vestro , deque re litteraria me-
rito , prsetermittere id otïicii nequa(piam debui. Haud ecjui-
dem negaverim , patrem liunc a me non mediocriter amari ,
quse virtutum ejus acmeritorum vis est, quas tamen partes
nunc suscepi , nolim P. Y" existimet , gratise me liominis
dare , ac benevolentise ullius ne precibus fuisse compulsum.
Ultro provinciam hanc milii sumpsi , P. V*^ signiticandi ,
segre mihi esse bonisque omnibus quod inclementer adeo
cum Pâtre isto agatur, ut derelictus eo tempore videri
possit quo tempore ope vestra magis indiget, iisque com-
modis quibus vestrum istud monasterium large atHuit. In
diuturno, atque adeo pcrtinaci, quo is vexatur, morbo
oblectabat se olim (quoad poterat) bonarum studiis littera-
— 140 —
rum, nunc vero hoc quoqiie solatio destitutiis est, qiiis enini
operam dare litteris qiieat bine adversa, valetudine afflic-
tatus, illinc mserore confectus, quod se sere oppressiim
alieno, iisque prsesidiis carere videat, quibus reverti istuc
possit? Quœ ille itinera in varia ItaHse loca suscepit non
aliud certe spectarunt, quam sauitatis adeptionem, qui
secus existimat , errât prociil dubio , quos vero fecit sump-
tus, necessary omnio fuerunt, eorumque nobis constat ratio.
P'' etiam V. siquando libuerit , constitura. Hsec cum vera
sint (ut sunt profecto) quamvis satis esse crediderim , illa
a me indicari, ut P. V^ sinum quodammodo pietatis in
nionacbum suum laxet, qui quidem et benevolentia, et pa-
triocinio suo dignus apprime censetur, aperienda tamen
mihi est S"^ D. N. ea in re voluntas ut alacriorem P, V^
in illa exequenda sse prœbeat. Itaque S''^ S. oui penitus
Imjusce causse patet œquitas, ea mens est, uti P. V^'nulla
interposita mora pecunias curet, quibus Pr. Jacobus et
nomina, quse contraxit, omnia expungat, et viatico uti
commodo possit , quo ad suum istud monasterium se reci-
piat. Si pontificiœ voluntati (ut par est) primo quoque tem-
pore P. V'^ morem gessevit, nec locus erit asperiora perqui-
rendi remédia, et mihi in primis rem gratissimam faciet, ut
pote qui cohortationis hujusce meae rationem a se habitam
cognovero. Valeat P. V'' cui bona omnia a Deo precor.
Romœ, die xxn january M. D. CXXV.
» P. V* . » Studiosus
» Gard, Baebeiiinus. »
L'abbé de Saint-Paul hors des murs écrivit le
23 janvier 1625 à l'évoque de Gand, pour le prier
de venir en aide à Lummenœus ; il lui mande que
le religieux est un homme d'une conduite exem-
plaire , que sa moralité et ses vertus lui ont con-
— 141 —
cilié ramitio de tous ses moines , que jamais il n'a
médit du prélat de Saint-Pierre, que même au mi-
lieu de ses peines il n'a cessé de parler de lui d'une
manière tout-à-fait élogieuse. L'abbé de Saint -Paul
l'aurait gardé plus longtemps dans son couvent,
dit-il, si la règle du mont Cassin ne fût opposée à
ce qu'un religieux d'une autre congrégation séjour-
nât dans sa maison, n'importe pour quelle raison.
Copia literarum quas A hbas Sancti Pauli prope et extra
mœnia iirbis dédit ad R"'" D. episcopum Gandavensem
23jan. 1625.
« Ptever'"e et perillustris Domine.
» Christiana et religiosa pietas, quara nobis benigiius
Deus passim commendat calcar mihi addiJit, ut hfec scribe-
rem. Movit milii niiper animum R''"'^ Pater Jacobus Corn.
Lummenœus a Marca : Rêver'»* D. T. [ut intelligo], notus
et cliarus, dum nuper apud me calamitatem suam deplora-
ret; quem ego virum ut plurimi semper feci, ita meliore for-
tuna dignissimum semper esse judicavi : nam ut omittam
varias ejus lucubrationes , quibus universum ordinem nos-
trum non parum illustravit, non potui satis unquam mirari
talem animi requitatem in tantis angustjis, qualem in illo
semper notavi,ut qui tôt molestijs lacessitus, nunquam nisi
bene senserit et locutus fuerit de prœlato suo , et voluerit
semper injuriam sibi hactenus abillo factam mitius inter-
pretari. Quid autem faciunt monasteriorum Patres cum talia
ingénia sic irritant et ludificant? quœ utique tanto magis
injuriam sentiunt, quanto perspicacius viam vident, et sub-
tilius viam apprahendunt. Ego sane taies viros melius liaberi
velim, et non possum excusare religiosorum prassides, qui
secus faciunt , quibus Christi patrimonium sic commissum
est, et sic conceduntur regum Eleemosyna , ut suam quoque
— 142 —
partem subditis servent, ijs prœsertim, qui honestis studijs,
et dignis ingenij sui monumentis , in Ecclesise spécula prœ-
lucent, et sic duplici ferculo supra alios merentur hono-
rari. Yolueram ego semper Kev^"™ Lummenœum nos-
trum apud me fovere nisi décréta congregationis nostrse
Cassinensis obstitissent, quibus exacte cavetur ne religiosi
alterius congregationis diutius apud nos hospitentur, quse
causa fuit, quod idem religiosus longius apud nos Medio-
lani commorari non potuerit , cum omnibus nostris propter
vitse honestatem, et commodos mores, venerabilis juxta, et
carus esset , intérim hic et alibi in Italià ab Abbate suo
destitutus, indigne habetur, qui id suà virtute, etscientise
prœrogativa apud omnes assecutus est, ut plerique in bac
aulà vices ejus doleant, atque adeo S. D. N. Urbanus Octa-
vus, peculiari cura tuendum eum susceperit, qui olim
quoque cum adhuc Cardinalis esset , libentissime semper
eum vidit , et Eomam ad se venientem bénigne complexus
est, et nuper admodum in prœsentià mea, accersito nepote
suo Gard. Barberino vivge vocis oraculo mandavit, ut ad
Abbatem ejus cum omni instantia scriberet, absolutissimam
eam mentem suam esse, ut omnia ejus débita quamprimum
expurgantur, alioquin censuras Apostolicas in foribus esse,
ut qui indignissime accipiat, se ab Abbate immédiate sibi
subjecto, vel tantillum in causa sequissima extorquere non
posse. Viderit sane ille , quisquis est , quomodo se excusare
possit , et an expectare velit tanti principis justam indigna-
tionem, qui post levem adhortationis pluviam, ubi nihil se
promovere intelligit, fulminare etiam potest. Si R™'' et
rerillustris D. T. intérim adlaborare dignabitur , ut R'^"'"
Patrera Lummenœum a Marca cum Abbate suo conciliet
magnara profecto inibit gratiam apud bonos et eruditos
omnes et S. D. N, proculdubio libentissime intelliget, in causa
omnium a?quissimà fuisse sibi obtemperatum , vale R'"« et
Perillustris Domine , et si qua potes Lummenœum nostrum
— 143 —
juva Romœ ex Palatio nostro sancti Callisti 23 januarij
1G25. — Subscriptum erat R"'^ et Perillustris Dominationis
turc omni studio et cultu deditissimus. Subsignatiim D.
Angélus Grillens, Abbas Sancti Paiili prope et extra
mœnia urbis. »
Un dignitaire de l'Eglise du nom de J. B. Laurin,
écrivit également de Eome à Tévêque de Gand;
il invoque dans sa missive Famitié qui les unit et
l'autorité que Févêque peut avoir sur l'abbé de
Saint-Pierre pour engager ce dernier à venir au
secours du pauvre Lummenœus.
« Alia copia Perillustri ac i?™° D. D. Episcopo Gandavensi
Jo. Baptista Laurin servus s. d.
» Qimm iisus mihi cum P. Jacobo Corn. Lummenœo a
Marca, maxiuiiis ac siiavissimus intercedit, tum quod hic
jamdiu percrebiiit de pra?stanti viri doctrina, atque inte-
gritate judicium plane me impellimt, ut de eo ad te, Pra?sul
ornatissime dare litteras non diibitem. Enimvero haud
ignoro quantum ipsi tua apud cœnobiarcham S*' Pétri pro-
futura autlioritas sit, qui nimis sane angustiis Lummenœi
rationibus hacteniis difficilem se prsebuit , cum ex quo de-
seruit patriam, diutissime segrotavit, et de reditu cogitare,
omni preesidio a quo minus par fuerat destitutus , non va-
luerit. Quemadmodum autem 111"^"^ card. Barberinus, non
modo sua sponte, sed etiam S. D. N. jussu, officii sui
Antistitem Benedictinum serio admonere statuit, ita in
patrocinio tuo ipse plurimum Lummenœum ponit egoque
pro nostrse amicitiœ jure facere non possum, quin opem
tuam in id evixe postulem. Rem profecto prœstiteris pietate
atque humanitate tua dignam, pro quà tibi perpetuo de-
biturus sum, et oui immortales gratias bonse habebunt
— 144 —
artes, quas ille pro virili juvare nimquam destitit, et qua-
rum suffragio ad amplissimorum viroriim notitiam féli-
citer adrepsit. Vale Romse. 23 januarii M. D. C. XXV. »
Il est à supposer que lïnexorable prélat se
laissa toucher par les prières de tant de person-
nages haut placés , ou bien que quelques-uns
d'entre eux, en présence des refus réitérés de
l'abbé finirent par faire quelques avancés à Lum-
menœus , pour laider à retourner dans son mo-
nastère, car au commencement de l'année 1628
nous le trouvons en route pour Gand, faisant
imprimer à Douai chez Fampoux son Diarium
sanctorum.
Comme il dit dans une de ses lettres que cet
ouvrage a été imprimé « sub auspiciis » de l'abbé
du mont Blandin , il est à croire que notre reli-
gieux était plus ou moins rentré en grâce. Dans
une lettre datée du 18 mai, il écrit à l'abbé
qu'il lui envoie un exemplaire du Diarium et qu'il
en a envoyé également à un certain nombre de
cardinaux qui lui avaient accordé leur protec-
tion ; il espère aussi que la vente de l'ouvrage en
paiera largement les frais.
« Reverendissime Domine!
» Epliemerides sacras, sive Diarium sanctorum sub aus-
piciis Amplit. T. in lucem datum , ex typographeio Fanpou-
siano transmitto. Misi cum opportunitate oblatâ exem-
plaria Ptomam in primis ad S. D. N. et Cardinales, mei
studiosiores patronos, Barberinura, Borromseum, Farne-
sium, Millinum, Lantes, S. Onufrii, Bentivolum, Burghe-
— 145 —
sium et alios cubicularios pontificios mihi addictos, qui
omnes,utspero, proximis litteris gratias agent Reverend"'«
Amplit. T. Typograplio, ad auspicia tjqjograpliica centum
florenos numeravi , restant ci pro sedecim foliis ad nume-
rum GOO impressis in optimâ cbartâ, ex pacto inito , 188 flo-
reni, quos velim per proximum tabellionem mitti, ut
alacrius pergat , in tragicis meis excudendis , quorum iam
notabilem partem absolvit. Non dubito fore, ut ex distrac-
tione exemplarium (quœ , ut spero , plurimum emptorem
invenient) maxima pars sumptuum , immo intotum omnes
sumptus brevi restituantur.
» Vale, Ampl. et Reverendiss. Domine, et œqui, bonique
adfectum et observantiam meam consule, quâ omnia inge-
nii mei monumenta , R"*® Amplit. T. (ut par est) ex animo
transcribo.
» Duaci, 130 calend. junii 1G28".
» Reverendiss. Amplit. T.
» Observantissimus cliens et filius ,
» J. C. LuMMENŒUS A Makca , Rel. B. »
Le 23 août il écrivit de nouveau à l'abbé, lui
disant que la publication de ses ouvrages va à sa
fin , et qu'il compte bien rentrer en Belgique ,
aussitôt qu'il le pourra ; il s'excuse des retards que
pourrait subir son retour, dit qu'il ne cherche pas
à gagner du temps, et qu'il travaille assidûment;
il se plaint encore à la fin de sa lettre du dénû-
ment dans lequel il se trouve.
« Reverendissime Domine.
» Non possum satis mirari, quod ad binas vel ternas
litteras nullum bactenus responsum mereor, prsesertim in
10
— 146 —
caussa Domiui Heylinc, quem hactenus hic apud me re-
tineo, ne forte destitutus ab omnibus, impatientiâ suadâ,
ad prava consilia defiuat , unde facile revocari non possit.
Conimiinicavi consilium id meum cum Domino Priore Ve-
dastino, bicme,ex parte reverendissimi visitons, inter-
visente, qui illud ut utile et lionestum mecum compro-
bavit. Nam quse circà infirmum fratrem agenda sint, ex
régula item satis docemur. Intérim tragica mea hic fineni
habent, et pathetica, sive homiliâ Christo passo dicta,
coronidem brevi admodum exspectant. Omnia sub auspiciis
Révérend"* Amplit. T. ; ut ad cœlestem illam cincturam ,
vêla mea hactenus dirigo , et volupè mihi est sic velificari.
Unum tamen me mordet, quod litteris Amplit. T., reve-
rendissimo visitatori suggestum fuisse intelligo, me hic
j)rœter voluntatem et indulgentiam Révérend"^* Amplit. T.
diutius hœrere , et moram ex morâ intricare. Certè nihil
de reditu meo mihi imperatum esse scio, nisi forte hoc,
ut maturarem hic negocium , et typographicos labores
(quantum in me esset) expedirem ; quod an ulli mortalium
alteri, quàm mihi, magis in votis sit, testatur assiduus
labor et continuata opéra, quam hactenus apud types infa-
tigabiliter desudavi. Brevi admodum reditum paro , et ex
pistrino isto libenter me emancipabo, ubi viaticum acce-
pero, et pauculas pecunias ad reliquum temporis transi-
gendum quod hic, ad brève intervallum apud opéras
typographicas mihi restât. Centum florenis, ad reliques
sumptus mensales, et viatici expensas, mihi satisfiet, quos
per proximum tabellionem (nam nécessitas premit et loculi
plané exhausti mihi sunt) à paternâ manu Révérend"'*
Amplit. V. expectare certo audebo. Accepta et expensâ pe-
cunifi ab ultimo computu, exactam rationem dabo,cum
Gandavum rediero; nam modo, festinante nuncio, agere
possum, — Vale, Ampliss. et révérend. Domine, et (si
— 147 —
omnino dignaris) sine iiUâ morâ, necessitatem et ponuriam
meam leva.
» Duaci 0 calend. septemb. 1G28 (23 août).
» Ampliss. et reverendissinige paternitatis
observantiss. filius
» Jacobus Corn. Lummenœus a j\Iarca.
» Eelig. sacerdos. »
Cette lettre est la dernière que nous a3^ons trou-
vée de Lummenœus; la misère, le chagrin, les
travaux, avaient considérablement altéré sa santé,
déjà fort chancelante depuis plusieurs années; et
peu après le moment où il annonçait son retour
au mont Blandin, la maladie l'être ignit plus vio-
lemment et remporta au commencement de 1629.
n avait reçu asile à son passage à Douai, chez ses
confrères les Bénédictins anglais, et c'est dans
leur église qu'il fut enterré.
Ainsi, contrairement à ce que l'on a cru jus-
qu'ici, Lummenœus ne se rendit pas à Rome avec
Tautorisation de ses supérieurs pour assister au
jubilé de 1625; il ne représenta pas son ordre à
cette solennité , attendu qu'il était à Rome en
dépit des instructions de son abbé, qui ne lui avait
donné de licence que pour Milan, et qui, poussant
la rigueur à l'extrême , refusa tout secours à ce
pauvre religieux, dont la maladie mina la santé
pendant sept ans.
Le nom de Jacques Corneille de Lummene ne
se rattache pas seulement à l'histoire littéraire de
notre pays par les œuvres latines réellement rc-
— 148 —
inar(}uables qu'il publia, mais aussi à l'histoire de
l'art par la part que, d'après plusieurs écrivains, il
eut dans l'érection de l'oratoire de l'abbaye de
Saint-Pierre. Dans les Remarques inédites (1781)
de l'abbé Gudwald Seiger, nous lisons ceci :
« Il est fort étonnant qu'après bien des recher-
» ches on ignore quel est l'architecte qui composa
» le plan de l'oratoire, et qu'on ne retrouve même
)) nulle part le moindre fragment de ce précieux
» plan
» Quoi qu'il en soit, il est certain que ce fut le
)) grand abbé Schayck qui en forma le projet, et
» qui ne s'avisant point de consulter les archi-
» tectes des Pays-Bas, où le goût gothique était
» alors à la mode, à toute apparence en fit faire
» le plan à Kome par un des meilleurs artistes et
)> par l'intervention de son savant religieux Cor-
)) nelius a Marcâ, qui en 1624 séjournait à Rome
)) et y avait beaucoup de crédit. »
Il s'agirait de s'entendre ici sur la signification
du mot « crédit. » Le fait est Que Lummenœus
JL
avait à Eome les plus belles relations, et il n'est
nullement impossible que l'abbé Seiger n'ait rai-
son dans sa supposition.
Un certain nombre d'auteurs se sont occupé de
la question, et, faute de preuves, ont fini, d'induc-
tion en induction, par s'arrêter à l'idée émise par
Tabbé Seiger, attribuant le plan de l'église à un
architecte italien, ami de Lummenœus.
Nous ne voulons pas faire entendre une voix
discordante dans ce concert, en contestant la con-
ception de cet ouvrage à une célébrité romaine, et
— 149 -
en déniant à l'iiomme dont nous nous occupons
dans cette notice, la part que Ton se plaît à lui
accorder. Mais comme on n'a jusqu'ici pu s'étayer
que de suppositions, nous nous permettrons d'en
faire une à notre tour.
M. De Busscher, dans son ouvrage sur l'abbaye
de Saint-Pierre, p. 73, parle d'un certain maître
Pierre Huyssens, auquel l'abbé Schayck confia la
construction de l'oratoire de 1629 à 1635. Il cite
des extraits de comptes , que nous possédons
également.
Dans ces comptes généraux de l'abbaye à l'an-
née 1627, p. 138 V", nous lisons :
« Item, betaelt aen M^' Pieter Huyssens, ingeniair, over
reysghelt ter cause van dien, met voyagien by hem ghedaen
in de affairen van de voorsc. kercke , blyckende by seven
quitantien , de somme van XL vu Ib. vi s. viii gr. »
Quel était donc ce Pierre Huyssens?
Pierre Huyssens ou Huussens, car c'est ainsi
qu'il écrivait, traduisant par écrit la prononcia-
tion brugeoise de son nom, naquit à Bruges en
1577, et mourut le 6 juin 1637. Son père était
maître maçon. Il entra dans l'ordre des Jésuites
en 1596; ses supérieurs voyant en lui des dispo-
sitions innées pour rarcliitecture, le laissèrent se
livrer entièrement à ses études, et en quelques
années Huyssens prit rang parmi les meilleurs
architectes du pays. Il dut à son talent d'être en-
voyé en Italie par les Archiducs, chargé d'une
mission spéciale et avec le titre de frère coadju-
teur. Il profita de son séjour sur la terre classique
— 150 -
de l'art pour étudier les anciens monuments, et de
retour dans sa patrie mit ses souvenirs à profit
pour élever des églises à Bruxelles, à Maastricht,
à Namur ; la façade de l'église des Jésuites à An-
vers fut construite par lui sur les données de
Rubens ; il avait fait le projet d'une église pour le
couvent des Jésuites à Bruges quand la mort le
surprit.
Dans les comptes de l'abbaye de Saint-Pierre
pour quelques années postérieures nous trouvons :
« Ghetelt aeii Mer Pieter Huyssens, ingeniair, van 't glie-
» bou van de nieuwe keercke, c Ib. gr. om te coopen een
» partye avenue steen. Ontfanglien op clen v" aiigusti 1630.
» Betaelt aen Mci- Pieter Iluyssens over leverynghe van
» iiii" Ivii voeten bimster steen : xc Ib. xix s. iiii gr. ix d. par.
» Betaelt aen lieer Paulus Vilain, proost, over het voyage
» met lieer Pieter Huyssens, ingeniair, naer clen Coecamer
» bosch, vi Ib.
Serait-il impossible que ce Pierre Huyssens, qui
avait fait des études sérieuses en Italie , que les
comptes appellent ingénieur, n'ait pas conçu, et
réalisé ensuite le plan de l'oratoire, au lieu d'avoir
été simplement le directeur des travaux. Nous
sommes d'autant plus porté à le croire que nulle
part il n'est question du nom de l'architecte de
ce monument, sinon dans la note de l'abbé Seiger,
qui formule une supposition, mais que l'on parle
de Huyssens , en le qualifiant de « ingeniair van
't ghebou van de nieuwe keercke ; » a défaut de
toute autre indication, à défaut de tout autre nom,
celui-ci se présente à nous comme celui d'un
— 151 —
homme capable d'avoir conçu le plan d'un édifice
de ce genre , d'une homme qui a fait ses preuves
en d'autres occasions.
Quant au plan dont on n'a pu trouver nulle part
de traces , il se peut que Huyssens l'ait emporté ,
que ce plan soit resté au milieu des pa})iers ap-
partenant aux jésuites , et ait disparu comme
beaucoup d'autres pièces.
Charles de Lummene , outre Jacques-Corneille ,
eut plusieurs enfants : Viglius a Marcâ, qui de-
vint échevin du Franc ; un autre , nommé Charles
comme son père; un troisième, Louis, qui devint
prêtre de la compagnie de Jésus.
La famille de Lummene n'était pas tout à fait
la première venue; outre qu'elle occupait un
rang distingué , les Lummene étant seigneurs de
Marcke et autres lieux. On compte parmi ses
membres , indépendamment de celui qui nous
occupe , des magistats , des écrivains , des ab-
besses , de saints religieux.
Les Lummene étaient originaires d'Audenarde ,
mais il est peu probable que le père de notre écri-
vain naquit dans cette ville plutôt qu'à Gand,
ainsi que certains le croient ; plusieurs Lummene
occupèrent des postes importants dans la magis^
trature audenardaise.
Sanderus, au XYIP siècle, cite les van Marcke
parmi les familles nobles de Gand.
Un Lummene épousa une fille de la maison
d'Escornaix, dont il eut un fils nommé Guillaume,
mort le 28 août 1451 ; ce Guillaume avait épousé
— 152 —
d'abord Agnès Serranen, morte en 1442, et en
secondes noces Claire Vander jNIorten , inhumée à
Audenarde.
Le fils de Guillaume , nonmié Jacques , épousa
une personne du nom de Vander Heyden , dont il
eut un fils également nommé Jacques, et une
fille , Gertrude , qui épousa Guillaume Yander
Meeren, fils de Jean et de Marguerite Cabiliau,
Dans Téglise de Sainte-Walburge à Audenarde
se trouve sur une plaque de cuivre l'épitaphe de
ce Jacques de Lunmiene, mort le 8 juillet 1548 :
« Hier light begraven edele ende werde Jacop van Lum-
» mené fs Jacops , \Yillems zone , die overleet deser werelt
» den 8''" dach van Hoyemaent 1548. Bid voor de ziele. »
Jacques, fils de Jacques, petit-fils de Guillaume,
doit être le père de Charles, par conséquent le
gTand-père de Jacques-Corneille. Herckenrode, il
est vrai, croit que Jacques mourut sans postérité,
mais nous n"avons pas trouvé la preuve de ce fait.
Un Aimold de Lummene, mort en 1429, épousa
Béatrix van Heule , morte le 24 octobre 1428 ;
tous deux furent enterrés dans l'église des Récol-
lets à Audenarde.
Pendant les troubles d' Audenarde en 1539 on
cite deux membres de cette famille, Georges et
Gilles, qui à la tête d'une troupe armée furent
chargés de maintenir l'ordre.
En 1526 un Jacques de Lummene fut choisi
parmi les conseillers pour vérifier les comptes de
la ville.
La famille de Lunmiene de Marcke posséda la
seigneurie de Baveghem sous Moen.
— 153 -
Un de Lummene avait épousé une dame Van
der Meere, fille d'André et de Claire de la Ha-
inaide , dont il eut : Georges , qui épousa une
dame Boccaert. Le fils de Georges, François de
Lummene, seigneur de Gysegem, Wielsbeke, et
capitaine des archers de la gouvernante des Pays-
Bas, Marguerite d'Autriche, mourut sans alliance
le 10 a\T:*il 1537; il fut enterré près du maître-
autel de l'église Sainte-Walburge à Audenarde.
Georges de Lummene, mort le 2 octobre 1553,
avait épousé Catherine Illoris, morte le 23 mai
1523 , fille de Daniel et de Marguerite Yander
Brugghe, petite-fille de Roger et de Catherine de la
Motte. Ils eurent deux enfants : François qui suit,
et Daniel, mort le 13 décembre 1555 sans posté-
rité, après avoir été marié deux fois; la première
à Anne Clessenaere, dame de Bruaen, fille de Jean,
et la seconde à Catherine Yander Meere.
François de Lummene , fils de Georges , écuyer,
seigneur de Hemsrode , Gyseghem , Triest , Ba-
veghem, mourut le 11 décembre 1580 et fut en-
terré à Saint-Bavon à Gand , en face de l'autel de
Saint-Jean-Baptiste , pom* lequel il avait fait don
à l'église d'un tableau de Gaspard De Crayer,
représentant la décollation de saint Jean-Baptiste.
Le monument de François a été depuis transféré
dans la crypte, et figure dans la cinquième cha-
pelle ; le défunt y est représenté à genoux devant
le Christ en croix ; l'inscription porte :
ASPICE MORTALIS , PRO TE DATUR HOSTIA TALIS
CUR NON MIRARIS, MORIOR UT NON MORIARIS :
TESTES SUNT CLAVI, PER QUOS TUA CRIMINA LAVI,
MORTEM MORTE, DOMO , NE MORIATUTi HOMO.
11
— 154 —
Et l'épitaplie
HIER LIGHT BEGRAVEN JONCHEER FRANCHOIS VAN
LUMMENE, GHEZEYT VAN MARCKE, F® JOORIS , SCHILT-
CNAPE , IN ZINEN LEVEN HEERE VAN HEMSRODE ,
GHYSEGHEM, BAVEGHEM , TRIST , ETC., DIE OVERLEET
DESER WEERELT DEN Xl''" DECEMBRIS 1580, ENDE
JONCVRAUWE JOANNE VAN WAERGHEM , F* YDROPS ,
GHESELNEDE VAN JONCHEERE JAN VAN HEMBYZE ,
ZYNE SCHOONMOEDER, DIE OVERLEET DEN XVIII^" JULY
1579. BIDT GODT ALMACHTICH VOOR HAERLIEDER
ENDE ALLE GHELOOVIGHE ZIELEN.
Les quartiers sont : Lummene, Boccaert, Meere,
Bosch , Illoris , Briigghe , Motte , Brade * .
Ce François de Lummene avait épousé en pre-
mières noces Marie de Warigny, dame de Ran-
quières , fille de Jacques et de Marguerite de la
Motte , et en secondes noces Catherine , fille du
fameux démagogue gantois Jean de Hembyze,
surnommé « joncker Jan. » Du chef de sa femme,
Marie de Warigny, François était seigneur de
Crombrugghe sous Merelbeke ; son fils Gérard dé-
membra plus tard cette seigneurie.
Jean , le fils de François , fut grand-bailli du
pays d'Escornaix, seigneur de Baveghem, etc.;
il mourut sans enfants en 1618; il possédait aussi
la seigneurie d'Oudenhove sous Vynckt, du chef
de sa mère Catherine Hembyze.
Gérard , second fils de François , chevalier ,
seigneur de Tressy, mort le 27 mai 1G20, devint
' Kervyn de Volkaersbeke , les Églises de Gand,t. I,pp. 22,
187, 1«8.
- 155 —
seigneur de Baveghem et autres lieux après la
mort de son frère aîné Jean; il avait épousé
Jeanne de Vremde, fille de François, chevalier,
seigneur de Burglit et de Catherine Lecocq , dont
il eut François, décédé sans enfants à Tâge de
vingt-et-un ans le 16 juillet 1621, dernier héritier
mâle de cette branche, et dont Tépitaphe se trouve
dans l'église de Sainte- Walbm^ge à Audenarde.
Outre Jean et Gérard, François eut encore :
François, qui se fit capucin, Jacqueline qui de-
vint chanoinesse à Andenne, Marguerite, abbesse
du Nouveau Bois (Nonnenbossche) , qui mourut
dans son couvent en 1627 et fut enterrée auprès
de son frère Jean.
De 1370 à 1392 Agnès de Lummene de Marche
était à la tête de l'abbaye de Maegdendale ; elle
était la dixième abbesse. La douzième fut Marie
de Lummene de Marche en 1397, jusqu'en 1416 ;
celle qui suivit se nommait Catherine de Lum-
mene de Marche qui gouverna l'abbaye jusqu'en
1423.
Nous lisons dans un registre de Téchevinage de
Gand , qu'un Arnold de Lunmiene de Marche avait
épousé Marguerite de Munte.
Antoine de Bourgogne , troisième du nom ,
mort en 1573, chevalier, seigneur de Wachen ,
Catthem , etc. , vice-amiral de Zélande après
Adolphe son frère, avait épousé Anne de Lum-
mene de Marche, fille de Louis de Luromene de
Marche , seigneur de Wevelgem , et de Jeanne de
Culembourg; il en eut quatre enfants.
Dans la bibliothèque Chigi à Rome se trouve
— 156 —
un manuscrit in-quarto , catalogué comme suit :
« Marca (Petrus de) Gandavi natus vi kal. febr.
« 1594 : de singulari prùnaiu Pétri exercitatio V «
Les Lununene de Marcke portaient de gueules
au lion d'argent couronné et lampassé d'or.
Emile Vaeenbergh.
• Bidl. de la Comm. d'Hist., 3^ série, IX, 269.
\'o7
IJNE EXCURSION A THV-LE-BAUDHUIN
(PROVINCE DE NAMUR).
En l'an de grâce 1875, deux graves person-
nages appartenant à cette société que certains
béotiens de Charleroi ont appelée ; les vieux Cail-
loux, se décidèrent , à quitter leur bonne ville et,
comme des conquérants, à faire une incursion sur
les terrains voisins de celui de leurs recherches
habituelles. Qui dit : voisin, dit : ennemi. Aussi
est-ce bien avec des pensées dignes de la guerre,
que nos amateurs d'antiquités abandonnaient le
sol fertile de Gerpinnes pour passer la frontière
de la province limitrophe. Il espéraient rapporter
du butin ; et , en généraux plus prudents que
certains autres inutiles à nommer, ils avaient un
objectif déterminé ; c'était : T liy-le-Baudhuin .
On sait qu'à Gerpinnes reposent les restes vé-
nérés de sainte Rolende, fille de Didier, roi des
Lombards, qui fut faite prisonnière avec son père
lorsque celui-ci eut déclaré la guerre à Charle-
magne et fut vaincu. Karle voulait une postérité;
— 158 —
Hermingarde, fille de Didier, qu'il avait épousée,
ne lui en donnait point. Aussi, montrant la voie à
son émule dans les temps modernes, Karle répu-
dia-t-il Hermingarde pour confier les destinées de
son vaste empire à un dépôt moins stérile. Didier
ne fut point satisfait; il déclara la guerre à Karle,
et envahit les domaines du pape Etienne qui
n'était pourtant, en bonne justice, pour rien dans
cette affaire. Mal lui en prit ; linfatigable Karle
repasse les Alpes, bat son beau-père, et emmène
toute la famille en captivité. Kolende était au
nombre des captives ; elle fut , ainsi que son père,
internée à Liège et confiée à la garde d'Agilfride,
évêque de cette ville '. Elle était d'une grande
beauté et d'une vertu plus grande encore. Aussi
Oger, prince Écossais, en devint-il éperdùment
amoureux et la poursuivit-il de ses obsessions
pour la décider à Tépouser. Rolende n'y consentit
point, et s'enfuit pour se réfugier à l'abbaye de
Lobbes, dont, en l'an 800, un de ses parents était
abbé "", et pour s'y mettre sous la protection de
* Agilfride, évêque de Liège en 765.
^ En 800 l'abbé de Lobbes était le B. Auson, qui fut en même
temps un hagiographe célèbre et un modèle de vertus. On ignore
son. origine, mais on croit qu'il était Luxembourgeois. Il mourut
dans le cours de cette même année et fut remplacé par le chanoine
Hildéric, usur^jateur de la dignité abbatiale, selon Folcuin et autres
chroniqueurs, légitimement élu selon d'autres. Dans tous les cas, il
fut loin de marcher sur les traces de son prédécesseur, et mourut
en 814 Sous la protection duquel des deux, Rolende voulait-elle se
réfugier? on ne le sait; il est néanmoins proljable que ce fut auprès
d' Auson.
A Hildéric succéda Rcincric, toujours usurpateur, d'après Folcuin
parce que lui-même était abbé-moine eu même temps que clironi-
— 159 —
l'Église. Si tôt sa fuite connue, Oger se lança à sa
poursuite ; mais il l'atteignit trop tard ; il n'arriva
à Villers-Potteries que pour y contempler une
dernière fois celle qu'il aimait , et qui avait rendu
son âme à Dieu. Oger, inconsolable comme on
Tétait en ces temps où vivaient Amadis des Gau-
les, l'amoureux Roland, et tous les Paladins de la
Table ronde, ne voulut point quitter le lieu où
reposait celle dont il vénérait le pur souvenir
autant qu'il en avait aimé la beauté. Il bâtit un
ermitage pour y vivre en solitaire, loin des
pompes et des œuvres de satan. Il choisit à cette
fin un lieu élevé , au territoire d'Hansinnes ; et,
de son ermitage, il pouvait chaque jour, en éle-
vant ses pensées vers le Dieu qui bénit l'union
des âmes, jeter un regard de regret sur la tombe
de celle qu'il avait choisie et que le Seigneur lui
avait reprise. Ces désespoirs sans consolation
étaient alors fréquents. En effet, on sait que,
suivant la tradition, Hildegarde ayant appris par
des pèlerins que Roland, son fiancé , était mort
à Roncevaux, avait pris le voile, et enseveli son
deuil dans le couvent de Nonnenwerth, sur les
bords du Rhin , entre Bonn et Coblence. Roland
qu'on avait dit mort , revint , et sa première
queur, et n'avait pu parvenir à se faire élire; Reineric mourut
en 819.
Il eut pour successeur Fulrade le Pieux, cousin de Charlemagne.
N'est-ce pas là le parent de Rolende ? La mort de celle-ci ne doit-
elle pas être reportée à cette date ?
Nous soumettons ces questions aux PP. Bollandistes.
Voir BoLLAND., Acta Sanctorum Aprilis , Auson. — Voir aussi
Lobbes, son abbaye, son chapitre, jjar l'abljé Vos.
— 160 —
pensée fut de courir revoir celle qu'il aimait. La
trouvant vouée au Seigneur et perdue pour lui,
il s'établit à Rolandseck, vis-à-vis de Nonnen-
wertli où languissait Hildegarde. Un jour le
chant des Nonnes monta jusqu'à son ermitage ;
il reconnut la voix d'Hildegarde. Ces accents
plaintifs le touchèrent tellement que son cœur
se remplit de douleur et qu'il expira. C'est cette
légende que Schiller a chantée sous le nom de
Chevalier de Toggenbourg. *•
Si cette légende récelait un fait historique, con-
trairement au récit d'Éginhard , contrairement
aussi aux poèmes et aux chansons de gestes, Ro-
land n'est pas mort à Roncevaux ; le Paladin est
mort en Allemagne et non en France ; celle- ci
s'enorgueillit à tort de son trépas héroïque; et,
nous même qui écrivons ces lignes, nous avons été
bien naïfs de gravir — mais pas à genoux comme
les pèlerins — les deux cents marches d'un esca-
lier creusé dans le rocher, pour aller contem-
pler, avec respect, dans l'église de Rocamadour
(France, Lot), Diirandal , la grande épée de Ro-
land, et Olifant , son cor d'ivoire \
* La Durnndal est une épée à deux mains qui s'est quel(}ue peu
émoussée, quand Roland tailla dans les Pyrénées la fameuse brèche
qui porte son nom. Cette brèche est une tranchée, laite d'un seul
coup, dans le roc vif du mont Marboré, au-dessus de Gavarnie, à
droite du Cirque. On n'y arrive qu'avec beaucoup de peine et de
fatigue, en traversant les héritages escarpés CCEls Sarradets, esca-
ladant le glacier, puis franchissant la bcrghsrund, une crevasse qui
fait frémir. La brèche elle-même est à 3000 mètres d'altitude; elle
a environ 40 mètres à sa base, 60 mètres au tiers de la hauteur,
700 à 800 mètres de longueur ; les deux murailles de ses parois ont
100 mètres, au moins d'élévation. Un maître coup d'épée comme on
— 161
Revenons en Belgique, où nos promeneurs re-
portèrent leurs pensées sur Oger, Tamoureux
fidèle et inconsolable, qui, suivant la tradition,
mourut, lui aussi, en odeur de sainteté, et fut in-
humé dans la chapelle de son ermitage. C'est
cette chapelle, seul reste de l'ermitage, que nos
antiquaires rencontrèrent en sortant d'Hansinnes
pour prendre le chemin de Thy-le-Baudhuin. Ils
ne purent s'empêcher d observer qu'en ce temps-
#à, comme toujours, les ermites et les moines
choisissaient pour établir leurs demeures, pauvres
ou opulentes, les plus beaux sites des pays où ils
se décidaient à résider. De l'ermitage d'Oger le
paysage est splendide. A droite, Hansinnes, puis
le vallon de la Biesmes, Immiée et les sombres
forêts ; à gauche Tarciennes et les plaines ; vis-à-
vis, Gerpinnes, déjà populeuse bourgage au temps
de l'Ermite, et, derrière elle, Villers-Potteries et
un horison sans limites.
Bien qu'Oger ait été canonisé , dit-on dans le
pays, on ne parle guère de miracles opérés par
son intercession. Cependant la voix publique pré-
tend que, chaque année, quand la procession qui
porte la châsse dans laquelle sont déposées les
reliques de sainte Rolande, passe, le 16 juin, à
Hansinnes, et que la châsse qui renferme celles
de saint Oger se joint au cortège, on entend les
le voit ! La récompense conquise pour avoir pris la peine de grimper
jusque-là, c'est qu'on y est arrivé... et puis c'est tout; sauf qu'il faut
redescendre. C'est toujours ainsi quand on s'élève.
\j Olifant est un huchet d'ivoire, assez semblable à celui qu'on
montre à Saint-Hubert.
— 162 —
ossements du Paladin s'agiter dans la bière. La
chronique le raconte ainsi, et les graves auteurs
du rapport sur la villa belgo-romaine de Ger-
pinnes ont accueilli ce racontar \ L'un de nos
touristes, d'habitude aussi incrédule que saint
Thomas, aurait bien mis la chose en doute ; mais
son compagnon, digne et respectable maycur,
incapable de plaisanter en matières aussi sé-
rieuses, affirma avoir entendu, de ses propres
oreilles, le bruit dont parle le vulgaire et dès lor^
la question était décidée.
En entrant dans la plaine, nos excursionnistes
aperçurent au loin un homme grand , tout de noir
habillé, parcourant à pas lents, comme un fan-
tôme, des décombres fraîchement remués. Ses
yeux étaient fixés vers la terre, et, parfois, il ra-
massait l'une ou l'autre chose et l'examinait avec
soin. Ce n'était pas le génie des ruines, mais bien
un de ces Prêtres qui, relégués dans les com-
munes rurales, pensent, avec raison, qu'il est bon
d'employer à l'étude les loisirs que laisse l'exé-
cution, même la plus dévouée, des devoirs pasto-
raux. Les décombres scrutés par lui provenaient
d'un cimetière romain au lieu dit : Bonncnvaux,
et des ruines d'une villa belgo-romaine, que
fouillaient, en ce moment, des savants de la ca-
pitale. Il espérait y glaner après eux et avoir le
bonheur de leur offrir quelque objet curieux,
échappé à leurs investigations. Le cimetière
» Documents et rapports de la Société archéologique et paléoyitolo-
gique de Charleroi, VU, pag. cxiv et suiv.
-- 163 -
comme la villa étaient admirablement posés au-
dessus d'une colline , et , chose remarquable ,
l'orientation des bâtiments était conforme à celle
de la villa de Gerpinnes. De l'autre côté du ravin,
dans la direction de Thy-le-Château, se trouve le
Berlhauinont, où l'on a exhumé cinq tombes fran-
ques alignées et faisant partie d'un cimetière ^ .
Après une cordiale poignée de mains confra-
ternelles, on se remit en route pour arriver
bientôt à Thy-le-Baudhuin.
On perd à ne pas connaître cette minuscule
commune? Jamais on n'a vu village dont le clo-
cher et le centre soient mieux groupés au fond
d'un entonnoir, et dont les chaumières soient
plus pittoresquement accrochées aux flancs escar-
pés des collines , au milieu desquelles serpente la
Thyria, petite rivière aux eaux cristallines quand
le lavage du minerai de fer ne les salit point.
Seulement, pour arriver en voiture à Thy-le-
Baudhuin, il ne s'agit pas de se faire bercer dans
un huit i'esso?'ts de Jones ou de Bender, il faut se
faire cahotter dans le modeste tapec... des Arden-
nes, et même il en faut un solide: pour le piéton,
il doit être chaussé de gros souliers de chasse.
Il y a réellement à croire qu'on ignore à Thy-le-
* Si cette partie de notre pays rentrait dans le cercle de nos re-
cherches, combien nous aurions de plaisir à retrouver l'origine et
l'étymologie de tous ces noms : la Tlnjria, Thy-le-Bandludn, Thy-le-
Châteaii, Bonnenimux, Berthaïunont et autres. Mais, nous devons
respecter le domaine de nos collègues de Namur, et nous ne pou-
vons qu'émettre le vœu de les voir jeter un regard vers les lieux par-
courus par nous.
— 104 —
Baudliuin ce que c'est que rabattre les aspérités
des pierres d'un cliemin pour y établir une ap-
parence de régularité et pour l'aplanir un peu.
Après tout, puisque les autorités communales et
les habitants sont contents ainsi, de quel droit
serions-nous plus difficiles? A Tliy -le -Baudliuin,
du reste , les naturels sont des plus primitifs , et
l'arrivée d'un étranger produit autant d'émotion
que le débarquement de navigateurs dans une île
de la Polynésie. Mais, comme souvent dans nos
campagnes, on y trouve un Curé instruit, parfai-
tement hospitalier, bon compagnon, bon ami,
excellent prêtre; hors lui, il n'est pas possible de
trouver à qui causer d autre chose que de bétail
et de fumier.
La voix publique racontait quïl existait à Thy-
le-Baudhuin plusieurs restes précieux de l'anti-
quité ; un oppidum , des substructions remontant
à la période de l'occupation romaine , et même
un tneuidr, rara avis sur notre territoire. Voir et
reconnaître tout cela était le but de nos pro-
meneurs.
A l'occasion de ce menhir et tout en chemi-
nant, la conversation avait roulé sur la question
souvent posée de savoir à quel peu2)le, à quelle
période de la civilisation, ces monuments gros-
siers doivent être rapportés. En Europe on en
trouve partout parce qu'ils ont été plus étudiés ;
ainsi en Belgique et en France, et notamment
en Bretagne , dans le Calvados et le Finisterre ;
on en signale en Ecosse, en Irlande, en Russie,
en Suède, dans les Pays-Bas. Alexandre le Grand
— 1G5 —
les regardait avec étouiiement chez les Scythes ,
au-delà de Flaxartes (aujourd'hui Si-liotm ou
Si-Daria) '. Atkinson en retrouve presque aux
mêmes lieux , en Sibérie , au pied des monts
Alas-Tau , dans les steppes parcourrues par les
Kirghiz -. Le général Faidherbe les décrit en
Afrique, et madame Ida Pfeiffer, Tun des rares
voyageurs qui aient visité l'intérieur de Mada-
gascar, mentionne ces rochers isolés , là où le
sol ne se compose partout que de terrains n'of-
rant pas la moindre trace de pierres ^ La célè-
bre voyageuse autrichienne dit expressément :
« Déjà en plusieurs endroits j'avais remarqué
» des grosses pierres tout droites , et toujours
» placées à quelques milles des villages. Les
«unes servent, me dit-on, de monumpnts funé-
» raires , et les autres marquent les lieux où se
)) tiennent aujourd'hui les marchés hebdoma-
» daires K »
» QuixTE CuBCE, VII, 38. — Pline, Hist. nat., VI, 16, 18, en font
des autels consacrés à Hercule et à Bacchus.
* Oriental and Western Siberia. London, 1858. Travels in tlie
région of tlie upper and lover Amoor.
Les monts Alas-Tau ou lyihtou (monts de Dieu) font partie du
groupe du petit Altaï ou Altai russe; ils en sont le point culminant
d'après M. de Humbold.
* Voyage à Madagascar, chap. IX, in fine.
* Voyage à Madagascar, cliap. X.
Il nous a été donné de voir une vue photographique de ces rochers,
rapportée par M. le Comte de C, l'un de nos parents, qui a long-
temps habité Mayotte, et qui a fait des excursions à Madagascar. Il
est évident que ces blocs de rochers, que l'on trouve plantés près
de Marambotre sur le chemin de ïamatave à Tananarive, sont, si pas
un cromlech régulier, tout au moins une série de menhirs.
— 166 —
Un seul peuple a-t-il pu dresser tous ces men-
hirs , poser tous ces dolmens, ranger tous ces
cromlechs ? — Au lieu d'une coutume spéciale à
un peuple déterminé , n'est-ce pas plutôt l'ex-
pression d'une idée générale à l'homme primitif,
rudiment de celle qui a fait, plus tard, élever
les pyramides , tombeau des Pharaons d'Egypte ;
les pagodes qui abritent les restes des rajahs de
l'Inde, ou le tombeau des empereurs de la Chine ;
les mosquées et leur minarets qui recouvrent la
dépouille des sultans ; les églises et leurs tours
majestueuses ou élancées , dans lesquelles les rois
et les grands ont voulu placer le lieu de leur
repos, autour desquelles le pauvre aime à dormir
son dernier sommeil.
Arrivés à Thy-le-Baudhuin , la première visite
fut pour V oppidum , à l'existence duquel nos ex-
cursionnistes ne croyaient pas beaucoup. Et
pourtant , il faut bien reconnaître que tout sem-
ble se réunir pour amener à admettre que , dans
le lieu signalé , les anciennes peuplades qui ha-
bitaient notre pays ont établi un campement. En
effet, après avoir remonté la côte qui forme paroi
à l'entonnoir au fond duquel se trouve Thy-le-
Baudhuin , en amont de la Thyria , on arrive sur
un plateau étroit et pierreux qui, se rétrécissant
rapidement , devient bientôt une véritable arrête
aux flancs escarpés, et se termine brusquement
en pointe arrondie là où les matières en fusion
dans les temps primitifs, ont émergé ou rencon-
tré les eaux et se sont, par le refroidissement,
constituées en roches. Ce lieu porte encore
— 167 —
aujourd'hui le nom de fvhesselet (polit château
fort). Toute cette montagne est abrupte, et il
est évident qu'un petit nombre de défenseurs
pouvait rendre le plateau inaccessible avant Fin-
vention des armes à feu. Les armes de jet , en
effet, lancées du haut de l'escarpement, devaient
être presque infailliblement meurtrières , leur
force d'impulsion étant augmentée par la chute
et par le poids ; tandis que celles parties d'en
bas devaient s'arrêter avant d'avoir atteint la
crête sur laquelle se trouvaient les défenseurs,
ou n'y arrivaient que privées de vigueur, tehnu.
imbelle, sine ictn , comme dit Virgile. Cette for-
teresse naturelle n'avait qu'un côté accessible ,
c'était vers la plaine où l'arrête se développe
et s'élargit ; ce côté avait besoin d'être dé-
fendu ; aussi était-elle protégée par une triple
ligne de fossés creusés 'à vif dans le roc ,
et qu'on reconnaît encore parfaitement de nos
jours. Au pied du point culminant de Voppiduni
verdit une étroite prairie dont le sol , comme il
est aisé de s'en assurer, n'est formé que d'allu-
vions à peine asséchées et qui a dû former , aux
temps anciens, un infranchissable marais dans
lequel s'épendaient les eaux de la Thyria. Ce qui
prouve avec quelle intelligence ce lieu avait été
choisi par nos pères pour y réfugier leurs per-
sonnes, leurs familles et leurs biens, c'est qu'à
mi-côte des flancs de la montagne sourd, cachée
par un rocher, une fontaine dont l'eau, d'une
incomparable limpidité , est tellement abondante
qu'elle peut fournir , sans tarir jamais , à tous les
- 1G8 —
besoins d'une grande agglomération d'hommes et
d'animaux. Un paysan du village surnommé li vi
t'clmf {le vieux chat) a trouvé dans cet oppidum
des fers de lances , des pointes de flèches et des
carreaux de javelots. Nos curieux auraient bien
désiré se procurer quelques échantillons de ces
trouvailles; mais à Thy-le-Baudhuin, le maréchal
du lieu transforme les armes historiques, échan-
gées comme vieux fer, en crampons ou en clous.
C'est tout le cas qu'en fait l'ignorance. On a
aussi trouvé dans l'enceinte fortifiée quelques-
unes de ces pierres travaillées et polies par
l'homme primitif pour servir de haches ou pour
en faire ces couteaux, dont Dieu lui-même, au
témoignage de la Bible, avait indiqué l'emploi ,
en ordonnant à Josuë de s'en servir pour prati-
quer une seconde fois l'opération délicate qui
faisait reconnaître les juifs des Gentils i. Encore
de ces objets qu'on retrouve parmi les vestiges
qu'ont laissés après eux tous les peuples du monde,
et qui sont restés en usage encore aujourd'hui dans
les peuplades demeurées stationnaires qui habi-
* Eo tempore ait Dominus ad Josuë : fac tibi cultros lapideos et
circumcide secundo filios Israël. (Josue, V, II). Conf. p. 584. Bulle-
tin de V Académie d^ archéologie de Belgique, deuxième série).
Les commentateurs de la Bible, qui ont écrit antérieurement aux
découvertes des antiquaires modernes, ont été singulièrement am-
barrassés par ces mots : Cultros lapideos, qui, pour eux, ne repré-
sentaient aucun objet connu. Une figure de rhétorique est venue,
comme le Deus ex machina, les tirer de peine. Ils ont pensé qu'il
s'agissait de couteaux aiguisés sur la pierre ; de là la traduction :
couteaux tranchants. Aujourd'hui, on sait ce (jue sont les couteaux
de pierre, et chaque collection en possède qui sont plus ou moins
bien conservés.
— 109 —
tent les îles de la Polynésie et la Nouvelle-Zélande.
Quel argument en faveur do Tunité d'origine de
la race humaine î et comment expliquer que cer-
tains des singes, nos premiers pères, selon quel-
ques disciples français de Darwin dont ils ont
amplifié la thèse , n'aient pas continué à dresser
des pierres pour marquer la place de leurs tom-
beaux, à tailler, puis polir le silex ou le basalte,
à bâtir des édifices et des. villes, à travailler les
métaux , ainsi que l'ont fait , selon eux , leurs
congénères qui se transformaient peu à peu en
hommes? Pourquoi certains de ces singes auraient-
ils, en cela seulement, oublié Tinstinct d'imitation
qui caractérise leur race ' ?
Revenons encore une fois à Thy-le-Baudhuin,
et signalons qu'aujourd'hui l'attention des indi-
gènes est appelée sur les découvertes que Ion
peut faire sur leur sol. En effet, sur le plateau
qui couronne la berge de la rive gauche de la
Thjn-ia , vis-à-vis de Vop]Mvm , à environ quinze
cents mètres de la chaussée romaine, qui part,
comme embranchement , de Givrj, et passe à
Strée, Chastrès, Laneffe, Morialmé, Florennes,
Flavion , Anthée , pour traverser la Meuse à
Hastières, M. Van Hollebeke a découvert un ci-
* D'après un très-savant étymologiste , un oppidum doit aussi
exister à Gourdinnes, non loin de Thy-le-Baudhuin. En effet, dit-il,
Gourdhines vient de Gor-Dunmn, arx alta, forteresse élevée. Donc
la forteresse doit exister. Le raisonnement est concluant.... pour les
étymologistes. Seulement, nous connaissons Gourdinnes, et nous y
avons, en vain, cherché l'oppidum. Nous conseillons beaucoup aux
amateurs qui voudraient le retrouver, de bien chercher, et nous les
prions de nous en indiquer ensuite l'emplacement.
12
~ 170 -
metière romain qui lui a donné beaucoup d'ob-
jets précieux, et notamment des médailles De-
puis que les paysans ont vu que l'on faisait des
frais de fouilles pour retirer de la terre des vieux
pots gris , pour y ramasser des ferrailles rongées
par la rouille , et des sous oxydés qui n'ont pas
cours au cabaret, ils se sont promis de conserver
tous les objets qu'ils rencontreront pour les re-
vendre aux amateurs , que , dans le fond de leur
conscience , ils estiment comme des échappés de
Glieel. Il y aura donc récolte à faire pour ceux
qui viendront dans l'avenir ; mais il faudra se
méfier des vieux liards de Lwge, qu'on ne man-
quera pas de leur offrir, comme on l'a déjà fait
à nous-mêmes.
En redescendant à Thy-le-Baudlmin et remon-
tant la colline opposée, on rencontre la terre aux
tilias (terre aux tuileaux) , où chaque année la
charrue ramène au jour des monceaux de tessons
ou de morceaux dCimbrices et de fegulœ; où, par-
fois, le soc se brise contre des substructions que
le laboureur se hâte de démolir. Sans nul doute
il y eut encore là une villa dépendant du groupe
d'habitations, dont M. Van Hollebeke a exhumé
l'une , un peu plus loin . au territoire d'Han-
sinnes et que nous avons déjà mentionnée. Cette
dernière a été complètement explorée , et on y
mit au jour une chambre souterraine décorée de
cinq niches. — Serait-ce encore un lararium* ?
• Voir Documents et rapports de la Société archéologique et aléon-
tuloyiquc de Cluo'lcroi, vol. VII, I, p. nxiv et suiv.
— 171 —
Sur cette même colline se trouvait le menhir;
nous disons : se Irouvait, car il n'existe, hélas!
plus. Pour savoir ce qu'il était devenu, et si quel-
que légende ne se rattachait pas à son existence
passée , ou à sa disparition , nos promeneurs
s'adressèrent à bonne source. Ils avaient remisé
leur véhicule chez un cultivateur surnommé : le
notaire, et y avaient rencontré une Grand'mère bien
digne de figurer au sabbat avec les sorcières de
Macbeth. Quatre-vingts ans, la taille courbée, vi-
goureuse ménagère encore, une figure dans la-
quelle un nez en bec de corbin essayait de donner
l'accolade à un menton velu comme celui d'une
vieille chèvre, une épaisse moustache grise, des
yeux pétillants de malice, un type, hac/ied fl\il-
loon face, disent les Anglais. Cette vieille de-
vait savoir quelque chose ; mais , comme tous
les paysans, elle était défiante, et point n'était
facile de la faire causer. L'offre d'un petit verre
lui délia la langue, et elle osa, après s'être nar-
quoisement signée, parler d'el pire iVou diale (de
la pierre du diable), comme on appelait le men-
hir quand il était encore debout.
« Oh! mes fils, dit-elle (en wallon, bien en-
» tendu), c'était une bien grosse pierre, allez!
» aussi haute que le clocher de l'église et aussi
» grosse qu'une meule de grain! Il n'y a pas,
)) dans notre pays, de pierre pareille. Seulement,
» quand nous allons au tribunal à Dinant, on
)) nous mène voir li rolche à Bayau (la roche à
» Bayard), sur laquelle on nous montre encore le
» pas du cheval de ce gendarme du vieux temps.
— 172 —
» Notre pierre était tout aussi droitement plantée
» que celle-là; mais elle n'était pas de la môme
•» couleur. Elle était si dure, qu'il y a bien des an-
» nées, l'an que j'ai été ki'cr Joseph ^, le fils de
» ma fille, on est venu la renverser, et qu'on a
» transporté les morceaux à Cliarleroi. On nous
» a dit que ces morceaux avaient servi à con-
)) struire un fourneau pour fondre le fer, comme
» à Thy-le-Cliâteau ; et ce n'est pas étonnant
» qu'elle put supporter le feu , puisqu'elle venait
» de l'enfer et que c'était le diable qui l'avait
» apportée -. »
— « Il a dû se donner bien de la peine pour
» l'apporter et la planter là ! »
— « Probable qu'il a bouté un rude coup,
» puisque la pierre portait encore la trace de ses
» griffes; et comme il l'avait apportée encore
-» toute chaude, en l'appuyant sur sa tête, on y
» voyait l'empreinte qu'y avait laissée la floche
« de sa harette. »
— « Oh ! oh ! fit l'un de nous , mais est-ce que
» le diable ne hantait pas cette pierre à certains
» jours? et les sorcières du pays ne s'y réunis-
» saient-elles pas le samedi à minuit? »
* Lever un enfant, le conduire au baptême, c'est le levure pue
rum, resté chez nous depuis les Romains. On sait, qu'à Rome, quand
un enfant naissait, on le déposait à terre. Le père devait le relever
pour le déclarer sien, et l'accepter dans la famille. (Séneque de
Benef. III, ch. 2.)
^ Les morceaux du menhir, ou été débités en moellons , et ont
servi au revêtement intérieur du premier fourneau dans lequel on
ait fait usa^e du coke, dans le bassin de Cliarleroi. Ce fourneau était
celui des Ilauchios, à Marciuelle, et avait été étalili, vers 1825, par
M. Iluart-Cliapel. Il est complètement disparu aujoui-d'hui.
— 1 Tr; —
— « Ça,, je lai entendu dire, mais je ne l'ai
» pas vu. Quand j'ai vu le diable, dans ma jeu-
» nesse, ce n était point là! »
— « On devait pourtant avoir peur d aller se
» reposer près de cette pierre venue de l'enfer? »
— (( Ma foi, pas trop; puisque, chaque année,
» en revenant du pèlerinage à Notre-Dame de
» Walcourt, les jeunes hommes et les jeunes filles
» y formaient une ronde et dansaient tout autour ;
» puis »
— Substituons notre récit à celui de la vieille,
que les savants, pudibonds comme Faust avant sa
métamorphose, ne pouraient lire sans rougir sous
leurs lunettes — puis, pour témoigner leur mépris
au diable, ils souillaient la pierre d'une façon si
étrange, que le souvenir de cette scène fit encore
rire notre grave majeur, qui se rappelait avoir,
dans sa jeunesse, fait partie de la bande joyeuse.
Comte DE Glymes.
174
LES BLASONS
DES
CHEVALIERS DE L'ORDRE DE LA TOISON D^OR,
CONSERVES
DANS l'Église de saint-eombaut , a maldsES.
L'église métropolitaine de Saint-Rombaut à Ma-
lines renferme une série de peintures à lliuile,
représentant les blasons des chevaliers de la Toison
d'or, qui figurèrent en personne ou nominative-
ment au cliaj^itre de l'ordre , tenu sous la prési-
dence de Philippe le Beau, le 24 mai 1491, dans
le chœur du temple.
L'exécution de ces panneaux héraldiques, hauts
chacun de 0'",87 sur 0'",55 de large, est si remar-
quable que ceux-ci constituent de vrais tableaux :
le dessin, le coloris, la distribution des clairs et
des ombres , la manière dont les lambrequins et
les décorations sont traités, la finesse de la touche
trahissent la main d'un maître très-habile. — Bien
que nous n'ayons aucun motif, appuyé de preuves,
pour en désigner l'auteur, nous soupçonnons que
— 175 —
ces œuvres poiuTaient être attribuées au pein-
tre Baudouin van Battel, alias vander Wyck, qui
florissait à Malines à la fin du XV'' siècle. Cet ar-
tiste, qui était peintre en titre de la ville, cultivait
avec succès la peinture de chevalet et la peinture
murale aussi bien que la peinture décorative. En
effet, les comptes communaux de Malines rappor-
tent que ce fut lui qui ordonna et qui dirigea les
Ommegang annuels depuis 1466 jusqu'en 1503 —
qu'à diverses reprises il polycliroma des statues — ■
qu'il décora des appartements au Parlement et à
l'hôtel de ville — qu'il exécuta les blasons qui
servirent à la joyeuse entrée de Marie de Bour-
gogne — qu'il acheva un tableau pour l'autel de
la Vierschaer — qu'il peignit dans le salon de la
même chambre la grande scène du jugement der-
nier, et dans le vestibule, conduisant à cette pièce,
une image de la Sainte- Vierge — qu'il orna le
palais d'Autriche de trois tableaux, dont les sujets
nous sont inconnus — enfin qu'il entreprit une
foule d'autres œuvres, moins importantes '.
Malheureusement ces blasons de la Toison d'or,
intéressants spécimens de l'art héraldique du XV-
siècle, sont aujourd'hui dans un état déplorable
de conservation ; en plusieurs endroits se manifes-
tent les soufflures et les écaillures, précurseurs
peu douteux d'une destruction prochaine.
Toutefois s'il est temps encore de porter re-
' Em. Neeffs, Histoire de la peinture et de la sculjiture à Malines ,
t. I, pp. 132 et suiv.
— 176 —
mècle au mal, il conviendrait de ne point tarder,
car les soulèvements de la couleur augmentant,
l'œuvre de la restauration deviendrait d'autant
plus difficile, que les encadrements des tableaux
étant cloués sur les panneaux mêmes, l'on risque-
rait en détachant les cadres de faire tomber la
couleur qui est déjà dans une situation si précaire.
En 1838, par les soins du comte A. de Beauf-
fort , les blasons de la Toison d'or subirent une
première restauration ; mais nous ne pensons pas
que c'est alors que l'on s'est permis de repeindre
quelques parties des tableaux ; les couches de cou-
leurs qui y sont surappliquées paraissent d'une
date plus ancienne.
Les blasons sont au nombre de trente-deux ,
plus trois panneaux de texte dont deux portent
des jugements rendus contre des membres de
l'ordre. La phipart des peintures semblent être de
la même main, cependant quelques-unes d'entre
elles pourraient avoir été exécutées par un ar-
tiste ou par un élève moins exercé que l'auteur
principal.
Actuellement les armoiries sont appendues ,
sans ordre , dans deux chapelles du pourtour ;
mais jusqu'en 1810 elles occupaient dans le chœur
leur place primitive ; après cette époque , elles
disparurent et elles furent reléguées dans les
combles de la cathédrale où elles demeurèrent
jusqu'en 1838.
Chaque tableau porte sur les parties supérieure
et inférieure du panneau la désignation et les
titres du chevalier. Ces inscriptions se détachent
— 177 —
en caractères d'or, fort ornés et fort gracieux, sur
fond noir ; les écussons sont reproduits avec leurs
émaux et leurs métaux respectifs.
Corneille Van Gestel , Ilistoria sacra et profana
arehiepiscopatus Mechliniensis ^ 1725, et l'auteur
de l'ouvrage : Provincie, stadt, ende dislrict van
Mechelen opgeheldert , 1770, rapportent que de
leurs temps les blasons des confrères de l'ordre
de la Toison d'or occupaient encore leurs places
et rano's séculaires dans les stalles du chœur.
D'après ces auteurs , du côté du midi étaient pla-
cées les armoiries suivantes :
Maximilien , roi des Romains — Philippe d'Au-
triche , comte de Charolais — Jean , roi d'Ar-
ragon et de Navarre — Ferdinand , roi de Naples
et de Sicile — Jean de Melun — Louis de Bruges
— Philippe de Savoye — Philippe de Croy —
Pierre de Luxembourg. — L'écusson de Jacques
de Savoye était remplacé par une inscription que
nous citerons plus loin. — Claude de Toulonjon
— Pierre de Hennin — Jean de Ligne — Bau-
douin de Lannoy — Guillaume de la Baume —
Jean de Berghes — Philippe d'Autriche , comte
de Charolais.
Du côté du nord figuraient les blasons por-
tés par :
L'archiduc Philippe — Philippe , comte de Cha-
rolais — Ferdinand , roi de Castille et d'Arragon
— Edouard, roi d'Angleterre — Jean, duc d'Alen-
çon — Jean de Lannoy — Jean, duc de Clèves
— Antoine, bâtard de Bourgogne. — Adolj^he
de Clèves — Engelbert de Nassau — Guillaume
— 178 —
d'Egmond — Philippe de Bourgogne de Bevre —
Josse de Lalaing — Jacques de Luxembourg —
Bertremy de Lichtenstein — Martin de Polheim.
— Les armoiries de Philippe Pot étaient rempla-
cées par une sentence dont le texte suivra.
Ni van Gestel, ni van den Eynde, qui est l'auteur
du livre : Provincie, stadt ende district van Mechelen
oiigeheldert , ni Les inscriptions monumentales et
funéraires de la province d'Anvers , ne rapportant
d'une façon exacte les inscriptions marquées sur
les panneaux blasonnés, nous donnerons ces der-
nières telles que nous les avons levées sur les ori-
ginaux qui existent encore. La premier panneau,
sans armoiries, porte :
L Anno Dni millesim. CCCC" XCI
1491
La ni-e Seigii mil. CCCC<^ XCI.
Sur les autres blasons, on lit :
2. Maxim" par la g. de Dieu duc d'Aus. de Bourgo. de L.
o. Très hault, très puissât Prince môseig. Phë d'Aus-
triche côte de Charoloys.
4. Tr. ht tr. ex Prince don Jeâ roy d'Ar. et de Navâe.
IP du N. (Jean roi d'Arragon et de Navarre. IP du
nom.)
5. Très hault et très excell. don Ferdinand roy de Naples.
6. Jehan de Melhun, seig. d'Anthoing, trespasse.
7. Louis de Bruges, s'" de Gruythuyse , prce.
8. rhô de Savoye, côte de Baugey, s' de Bresse (Philippe
de Savoye, comte de Baugé).
9. Phë de Croy Rent. de Chimay tjjass.
10. Pierre de Luxeml). côte de S. Piiol tî'pass. (Pierre de
Luxembourg, comte de S. Pol).
— 179 —
11. Au lieu et place des insignes de Jacques de
Savoie, comte de Romont, baron de Vaux, lequel,
abandonnant la cause du duc de Bourgogne, s'était
retiré en France « avec très-grande perte de sa
» fortune, honneur et réputation % » se trouve la
sentence :
Pour ce que Mess. Jacques de Savoye, conte de Ramond
adjourné par lettres du très hault, excellent et très puis-
sant Maximilien, par la grâce de Dieu roy des Romains,
touiours auguste. Mons"' Philippe par la mesme grâce
archiduc d'Autriche, duc de Bourgoigne, de Lothier, de
Brabant, etc., chief et souverain dudit ordre, il s'est armé
et de son auctorité privé porté contre le roy et son dit fils,
leur a fait guerre et commis plusieurs aultres cas délicts
reprouchables — dignes de châtiment — et a vengence de
à Dieu. Fait a chapitre gênerai dudit ordre tenu a INIalines
le XXIV jour de May Fan MCCCC quatre-vingts et onze.
Glaude de Toulonion, seign. de la Bastie, d'Aultray, de
Champlite, baron de Bourbonlieux et de Sandrey, Pierre
de Hennin, seign. de Bossu, trépasse, Jehan, baron de
Ligne, seign. de Bailleul, trépasse, Baudouin de Lannoy,
seign. de Molenbos et Solre, Guillaume de Baulme, seign.
d'irlains, Jehan de Berghes, seign. de Walhain, très puis-
sant prince Monseign. Philippe d'Autriche, conte de
Charloys.
Nous ferons observer que le baron de Reiffen-
berg, dans son Histoire de l ordre de la Toison dor,
(p. 198), rapporte le jugement contre Jacques de,
Savoye, d'après Molinet, en cP autres termes que
' Le blason des armoiries de tous les chevaliers de l'ordre de la
Toison d'or, par J. B. Maurice. La Haye, 1667, p. 05.
— ISO —
ceux que nous transcrivons ici. Suivant le même
Molinet, M. de Reiffenbergh fait connaître la sen-
tence prononcée contre Philippe de Crèvecœur,
seigneur d'Esquerdes ; mais celle-ci n'existe pas à
Saint-liombaut ^
12. Glaude de Toulonio de la Bastie, d'Aultray, de
Cliâplite, barô de Bourboulies de Sandrey.
13. Pierre de Hennin, seign"" de Bossa, trespasse.
14. Jeba, barô de Ligue, s' de Bailleul, trespasse.
15. Baudouin de Lannoy, s"" de Mulëboys de Solre.
16. Mess. Guil. de la Baume, s'' d'irlain. Mt. s. S.A. ctm.
17. Jean de Berghes, seig*" de Walhain.
18. Tr. bault et tr ex. tr. puiss. Priée don Fernand roy
d'Aragon, de Castil.
19. Edouard roy d'Angleterre, dlrlande.
20. Jehan, duc d'Alenson, conte du Perches, trespasse.
21. Mess. Jan, seigneur de Lannoy.
22. Jehan duc de Clèves, trespasse.
23. Anthoyne, bastard de Bourgoigne.
24. Adolf de Clèves, seig. de Ravestayn.
25. Engl. cote de Nass. et de Vianden, h. de Breda.
S. U. (Engelbert de Nassau).
26. Guilhiurae, seigneur d'Egmôde, trespasse (Guillaume
d'Egmond).
27. Phë de Bourgoigne, seign. de Bevre.
28. Josse de Lalaing s^" de Montigny, trespasse.
29. Jaques de Luxemb., seig. de Fiennes, trespasse.
2 « Pour ce que vous Messire Philippe de Crèvecœur, soigneur de
Querdcs, ja soit ce qu'il vous ait esté suffisamment signifié que par
sentence de ccstuy très noble ordre le roy, j^ère et chef, monseigneur
son fils, chef et souverain, et messeigneurs de l'ordre vous déclarent
avoir commis crime de parjuremcnt. Fait au ciiapitre gênerai dudict
ordre àMalines le XXIIII jour de May de l'an MCCCC quatre vingts
et onze. »
— 181 —
30. Bertreniy, s. de Lichtestaiii.
31. Martin, seign. de Polliaim.
32. Les armoiries de Philipi^e Pot étaient remiilacées
par le jugement suivant :
« Puisque vous Philippe Pot, seign'" de la Roche, de
Nolay, que jea soit ce qu'il ait esté souffisament signitiae
que par sentence de cettui très nohle ordre de la Thoison
d'or en estes duement privé et pour ce vous ait esté ja par
deux fois express, enjoiuct de renvoyer le collier dudit
ordre que soliez porter 5 intimation que se ne le faisiez
l'on procederoit contre vous selon les statuts dudict ordre
et aultrement comme il appartiendroit et néanmoins en
enfraignent le serment que vous avez à l'ordre, ne l'avez
renvoie comme vous deviez, ne sur ce baillie excuse souf5fi-
saute, le roy V chef M^' son fils et souverain, etc. Messers
les chevaliers dudict ordre vous déclarent avoir commis
crime de perjurement. Fait à chapitre gênerai dudict
ordre tenu k Malines le xxnii jour de may MCCCC quatre
vingts et onze. »
Ce chevalier fut exclu de Tordre parce qu'il
avait embrassé la cause du roi de France, trahis-
sant ainsi la fidélité qu'il devait à la maison de
Bourgogne ' .
Le chapitre de la Toison d'or, tenu à Malines le
24 mai 1491, fut présidé par l'archiduc Philippe
le Beau, âgé alors de treize ans; ce prince rem-
plaça son père qui était retenu en Allemagne.
Le baron de Reiffenberg fournit les renseigne-
ments qui suivent sur la 23""' fête de l'ordre,
célébrée à Malines l'an 1491. Nous détachons de
son récit les faits principaux ^
* J. B. Maurice, ouvrage cité, p. 64.
* Histoire de l'ordre de la Toison d'or, 1S30, p. 198,
— 182 —
Le 22 janvier 1490 (v. s.) :
(( Le roi des Romains écrivit de Linz à Fabbé
de Saint-Bertin , chancelier de l'ordre , que le
chapitre de la Toison d'or se réunirait le 2 mai
prochain soit à Namur , soit dans une autre ville
où le duc Philippe, son fils, serait en sûreté. L'on
préféra la ville de Malines, parce que les envi-
rons de Namur étaient occupés par des troupes
qu'avait attirées la guerre qui désolait le pays de
Liège. Mais Philippe et les chevaliers de l'ordre
décidèrent ensuite que la fête serait remise au
23 mai , lendemain de la Pentecôte , bien que les
convocations eussent été lancées pour le 2 du
même mois. Cette remise fut publiée à Malines
par un officier d'armes.
Tous les prélats du pays furent invités à la
solennité par lettres particulières dépêchées au
nom de l'archiduc Philippe.
Dès le 19 mai arrivèrent à Malines les seigneurs
de Lannoy, de Nassau, de Bevres, de la Bastie,
de Molembaix et de Walhain. — Ces chevaliers,
accompagnés de quatre officiers de l'ordre, allè-
rent le même jour présenter leurs hommages au
jeune Philippe , qui était descendu en son palais
de la rue de l'Empereur.
Dès le lendemain 20 mai , eut lieu une réunion
préparatoire chez M. Jean de Lannoy, qui était
muni dune procuration royale. L'on y entendit
M. de la Gruuthuse, accusé de divers méfaits.
Le 21 mai, veille de la Pentecôte, il n'y eut
point d'assemblée. Le jour de la Pentecôte, l'ar-
chiduc, accompagné des membres et des suppôts
— 183 -
de Tordre, se rendirent à cheval et revêtus de
leurs robes et manteaux de cérémonie à Féglise
de Saint-Rombaut , où furent chantées les vêpres.
Les prélats, en habits pontificaux, et tout le
clergé , en chape , reçurent le cortège au portail
du temple; l'évêque de Salubrie, officiant, pré-
senta Teau bénite au duc. Après les vêpres , les
chevaliers retournèrent à Thôtel du prince.
Le 23 mai, jour de la fête, Philippe le Beau,
les chevaliers et les officiers de l'ordre se ren-
dirent de nouveau dans le même appareil que la
veille à Tégiise de Saint-Rombaut. Ils y assistèrent
à la grand' messe célébrée par l'évêque de Salu-
brie. Après l'office. Ton revint à Thôtel de Bour-
gogne, où était préparé un magnifique festin.
Dans l'après-midi , tous les dignitaires de l'ordre
se rendirent de nouveau à Saint-Rombaut pour y
assister aux vêpres et aux vigiles des morts , et le
lendemain 24 , avec le même cérémonial que pré-
cédemment , ils ouïrent la messe chantée pour le
repos éternel des chevaliers trépassés.
Après l'offrande, Charles Soillot, doyen de Mid-
delbourg, secrétaire du roi et du duc Philij)pe,
fesant les fonctions de greffier à la place de Martin
Steenberch, accablé d'âge et d'infirmités, prononça
une oraison funèbre, qui plut tant aux assistants
qu'ils décidèrent de la transcrire dans les registres
de la Toison d'or. Le même jour, dans l'après-
midi, les chevaliers examinèrent, sous la prési-
dence de Philippe, les lettres d'excuses et les pro-
curations des membres absents , ainsi que la liste
des candidats nouveaux.
— 184 —
Le 25, avant la messe de Notre-Dame, les che-
valiers tinrent chapitre. Pais ils allèrent à la messe
dans l'ordre suivi les jours précédents ; à l'issue de
l'office, ils rentrèrent en séance capitulaire.
Le 26 mai , il y eut , encore à Saint-Rombaut,
une messe solennelle du Saint-Esprit, à laquelle
assistaient, outre l'archiduc, les chevaliers pré-
sents aux cérémonies des jours précédents; après
l'offrande , le roi d'armes se plaçant devant les
écussons de Jacques de Savoye, comte de Romond,
et de Wolffart de Borssele, lut les déclarations en
vertu desquelles lesdits chevaliers étaient tenus
pour morts; les armoiries du comte de Romond
seraient enlevées de l'église et remplacées par une
inscription portant copie de l'acte qui le concer-
nait. Quant à Borssele, l'assemblée se réserva de
disposer ultérieurement de son affaire en atten-
dant que les causes de MM. de Ravenstein et de la
Gruthuse eussent été terminées.
Messieurs de Cordes (Crèvecœur) et de la Roche-
Nolay (Philippe Pot), qui en 1481 avaient été
exclus , n'ayant depuis renvoyé leurs colliers, fu-
rent déclarés parjures et l'on ordonna que cette
sentence fut affichée par écrit aux piliers du chœur
de l'église où la fête avait été célébrée. Dans
l'après-midi de la même journée , il fut procédé à
l'élection de nouveaux chevaliers : treize décès
ayant eu lieu et la place que Philippe avait occupé
en qualité de comte de Charolais, étant devenue
vacante, en outre deux sièges étaient vacants de-
puis plus longtemps.
Le 28, cinq nouveaux chevaliers élus furent
— 135 —
revêtus des insignes de leur nouvelle dignité. Le
lendemain l'assemblée tint une dernière réunion
cliapitrale, puis les chevaliers se séparèrent. »
Telles furent, en résumé, les circonstances de
la vingt-troisième fête de l'ordre de la Toison d'or,
célébrée à Malines. Le détail des choses qui furent
traitées durant ce chapitre ne rentrant point dans
le cadre de cet article, nous croyons pouvoir les
passer sous silence et renvoyer au besoin à Vllis-
toire de Tordre de la Toison dor, du baron de
Reiffenbers:.
&•
Emmanuel Neeffs.
13
186 —
L'ART BELGE EN 1878
SUIVI D UN
APPENDICE LITTERAIRE.
Sommaire : Les sanctuaires de Vart. La maison Le}s à Anvers. Les
fresques de la salle à mang-er. Les cartons du vestibule. L'atelier.
Le salon rouge. — Deux portraits qui ne seront point exposés :
Louise Lateau, la stigmatisée; et Pie IX. — Société royale des
aquarellistes lielges. Exposition de 1878. — Cercle artistique et
littéraire de Braxelles. Septième exposition annuelle (1878). —
Lacunes qui n'en sont point. — Appendice littéraire. Le livre se
meurt , le livre est mort ! — L'idolâtrie de la provenance. — Les
albums. - Y a-t-il une littérature écossaise contemporaine?
L'homme au monde qui reçoit le plus d'autographes.
Les sanctuaires de Vart sont surtout les maisons
des artistes et leurs ateliers. Sous ce titre j'ai
publié autrefois clans une des revues artistiques
de l'Angleterre une série d'articles sur Landseer,
Delaroclie , Vernet, Delacroix, etc., etc...., qui
furent acceuillis avec bienveillance. Il m'a pris
plusiem^s fois l'envie de continuer ! et je me suis
arrêté en me disant que rien n'est capricieux
comme le succès!... presqu'autant qu'une jolie
fennne ! Le public veut qu'on lui serve le mets dont
il s'est épris et pas (Vautre : il traite les auteurs
— 187 -
comme des restaurateurs. Il exige son plat... le
plat du jour. S'il ne retrouve pas le goût particu-
lier que convoite son palais , il renvoyé la por-
tion... brutalement. Heureux les auteurs qui sui-
vent les caprices de la mode, composent en maîtres
la sauce du moment et parviennent à resservir
même les antiquités sous des noms nouveaux. La
fortune appartient aux écrivains qui possèdent
Tart consommé à^ accommoder les restes.
Il y a vingt ans à peine que j'écrivais ces
études sur les célébrités d'alors, et presque toutes
sont descendues dans la tombe.
Un des premiers qui s'en sont allés c'est ce
regretté et channant sir Edwin Landseer , cet
adorable peintre de l'aristocratie des animaux.
Je le vois encore , me paraît-il , cet enfant gâté
des salons de l'Angleterre , drapé dans cette
misanthropie silencieuse qu'il dépouillait brus-
quement parfois pour tirer un feu d'artifice de
bons mots.
Voici une anecdote inédite sur son compte.
Un jour, chez la belle duchesse de D., pendant
qu'on prenait le thé sur la terrasse du château ,
Landseer paria qu'il finirait un grand dessin à
l'encre avant que lord R... eût parcouru douze
fois à cheval la grande avenue (au trot!) : une
affaire d'un quart d'heure environ !
Landseer n'avait matériellement pas le temps
de faille les hachures des ombres. Comment s'y
prit-il pour accomplir son tour de force? Voici.
Il renversa l'encrier sur son large papier, et
travaillant du doigt et de la plume, il arriva à
— 183 —
finir son œuvre avant la minute fatale. La grande
tache noire formait Toreille profilaire d'une tête
d'épagneul. Comme il n'avait pas le temps de
puiser de Fencre dans Tencrier, il trempait sa
plume dans Fencre qui devait former Foreille du
chien.
Vous pouvez vous imaginer les hourrah qui
saluèrent le vainqueur.
L'article si intéressant qu'a publié le Messager
sur la Maison Planiin et qui est dû à la plmne
savante de M. Ferdinand Vanderhaeghen , m'a
donné l'idée de consacrer quelques pages à la
Maison Leys ^ située à Anvers également. C'est
chez lui qu'il faut étudier Fartiste ! On l'y trouve
en robe de chambre comme en habit de gala : la
toile , mais aussi le carton et l'esquisse. C'est au
salon, dans Fateher, dans l'album, qu'on, voit
comme j)oindre le tableau d'abord , puis se déve-
lopper, se compléter et arriver insensiblement à
l'œuvre arrêtée. On refait l'histoire de la pensée
artistique depuis le premier jet jusqu'à la compo-
sition la plus détaillée. Ensuite on trouve de ces
toiles que l'artiste a peint pour lui ou pour les
siens, con amore , à loisir, aux heures d'inspira-
tion et dont il n'a pu se séparer, tant il y avait
mis de son âme elle-même !
La maison Leys, située rue Leys (Anvers a
donné le nom du célèbre peintre à la rue où il
habitait), est occupée par le fils du grand homme.
M. le baron Leys , qui a laissé les plus sympathi-
ques souvenirs dans la diplomatie, a bien voulu
— 189 —
faire les lionneiirs de son liôtel à un ancien col-
lègue, enthousiaste d'art comme lui.
Et maintenant, cher lecteur, comme je ne suis
pas égoïste, je vous prierai d'entrer avec moi, et
nous allons parcourir ensemble cette maison
qu'Anvers achètera un jour inévitablement (aussi
tard peut-être !) comme la maison Plantin,
Le rez-de-chaussée se compose d'un salon,
d'une antichambre, de la salle à manger, d'une
serre, d'un cabinet d'étude et enfin de l'atelier.
La salle à manger contient six panneaux peints
à fresques, savoir :
1" Les invités se rendent à une fête;
2" Ils entrent en ville;
3"' Ils sonnent à la porte;
4 " Ils sont reçus par les maîtres de la maison ;
5 " Le banquet préparé ;
6"" Saint Luc patron des artistes peintres.
Ces six sujets sont traités dans la plus belle
manière du peintre : ils résument l'apogée de son
talent. Impossible de trouver dans l'œuvre de
Leys quelque chose de plus parfait comme con-
ception et exécution. Dans le panneau qui touche
à la serre il y a une jeune femme qui est toute
une révélation par la rare beauté du type et la
grâce et la distinction de l'attitude. La salle à
manger est dans l'œuvre de hejs ce qu'est la cha-
pelle des Médicis pour Michel- Ange. Le grand
maître anversois a consacré six années à l'exécu-
tion de ces six fresques (1857 à 18Go).
Nous trouvons dans Fatelier deux tableaux ; les
derniers qui sont sortis du pinceau de Leys :
— 190 —
1'' Une scène des troubles d'Anvers : Margue-
rite de Parme remettant les clefs de la ville d'An-
vers aux magistrats. Cette peinture est datée 1869.
2" La famille Pallavicini demandant le droit de
bourgeoisie à Anvers. Peinture de 1867.
Ces deux toiles sont conformes aux mêmes sujets
traités en fresques à lliôtel-de-ville d'Anvers.
L'atelier contient encore douze études d'après
divers vieux monuments d'Anvers, et notamment
l'antique chapelle de Sainte-Biaise, rue Rouge.
Ce bijou architectural est inachevé : le pinceau
est tombé des mains mourantes de l'immortel
peintre pendant qu'il y travaillait.
L'atelier est resté tel que Leys l'a laissé. On
croirait que le peintre n'est qu'absent et qu'il va
rentrer. Palettes, brosses, pinceaux, couleurs, tout
est encore là. Le fils de M. Leys a le culte de la
mémoire de son père; chez lui le cœur est à la
hauteur de l'intelligence.
Montons au premier étage.
Voici d'abord le vestibule. Sur ses murailles
s'étalent :
1" Le carton de la Toison d'or.
2" Six portraits historiques reproduits à riiôtel-
de- ville. Les figures sont de grandeur naturelle.
Du vestibule on entre directement dans la ofa-
lerie. Notons y deux toiles :
1" La messe avant l'évangile.
2" Une première idée du tableau représentant
la famille Pallavicini recevant le droit de bour-
geoisie.
Le salon rouge qui donne sur la rue Leys, reu-
— 191 -
ferme deux joyaux : les portraits de j\I. et de
Mad. Leys. Le portrait de Leys peint par lui-
même est une merveille. Ce n'est plus de la res-
semblance; c'est la nature même. On retrouve
bien là sur cette toile le penseur austère et pro-
fond qui a mis au monde de si maies cliefs-
d'œuvres. Leys avait une de ces belles têtes
flamandes pleines d'énergie concentrée , dont
Piubens et Van Dyck ont perpétué le souvenir :
grand front , traits régidiers , l'œil à la fois vif
et serein,
La revue des portefeuilles et des dessins sé-
parés me mènerait trop loin aujourd'hui.
Maintenant permettez-moi , cher lecteur , de
vous parler de deux tableaux qui n'ont jamais
été exposés et qui ne le seront peut-être jamais.
L'un est un portrait de Pie IX (le dernier qui ait
été fait), l'autre est un portrait de Louise Lateau,
la stigmatisée. Comme il s'agit d'un personnage
historique, et d'une personne qui a vivement
excité la curiosité publique , j'ai cru ne pas pou-
voir passer sous silence les toiles fort étudiées
qui les représentent. Les deux portraits sont de
M, Thomas.
Le portrait de Pie IX est fait un an avant sa
mort. Le pontife est assis dans son fauteuil légen-
daire : meuble du premier empire d'un style raide
et disgracieux , sur lequel on ne pouvait être à
Taise que... par habitude. L'auguste vieillard a
le coude appuyé sur un des bras du fauteuil :
la figure repose sur la main gauche. Le visage
est de face : souriant , doux , bienveillant , quoi-
— 192 —
que inséparable de cette finesse diplomatique-
ment ironique — qui est un des traits distinc-
tifs de la race italienne. L'œil a perdu ce feu vif
et ardent qui caractérisait encore le comte Mastaï
quelques années auparavant : le corps a pris de
Fobésité , le visage s'est bouf&. La mort qui
s'avance a laissé Tâme sur la face : et cette âme
jette un voile de grandeur sur les affaissements
inséparables de la décrépitude.
C'est cette âme que le grand artiste a saisie
toute entière, et c'est ce qui fait de son œuvre un
des plus purs spécimens de Tart.
M. Thomas a triomphé des blancs nombreux
qui devaient surcharger sa palette, car Pie IX
est revêtu de sa soutane blanche , une calotte
blanche couvre la tête où brillent avec des tons
métalliques des cheveux blancs; et une écharpe
moirée blanche ceint les reins du pontife.
Pie ÎX. n'a />a5 posé dans le vrai sens du mot
pour M. Thomas. Sa santé ne le lui permettait
plus. Mais M. Thomas avait sa toile au Vatican.
Il allait voir le pape le plus souvent possible et
assistait à toutes les audiences, de façon qu'il a
jwssédé son modèle.
Vers la fin de sa vie, Pie IX n'était plus que
l'ombre de ce qu'il avait été pour ceux qui l'avaient
vu à l'œuvre durant les grands jours de la défense
du pouvoir temporel. Alors il y avait du Sixte-
Quint en lui : vigueur et énergie incomparables.
Son indomptable courage avait passé dans les vei-
nes des combattants de Castelfidardo, de Mentana
et de Rome , qui avaient renouvelé sous Lamori-
— 193 —
cière et Pimodan les exploits des compagnons du
héros de Jérusalem. A cette époque le pape avait
sur le visage, éclaii^é par les yeux les plus éclatants
que j'ai connus, toutes les fiertés d'un souverain
qui défend pied à pied son territoire tout-puissam-
ment envahi. J"entends encore, me paraît-il, la
voix brève et puissante de l'ancien souverain des
États-pontificaux.
On venait de signer la convention de septem-
bre 1864, stipulant l'évacuation de Rome par les
troupes françaises.
— Qu "en dites-vous? demanda brusquement le
Saint-Père.
— La descendance de Machiavel n'est pas prête
de finir !
Le Saint-Père secoua la tête, et après une pause
d'un instant, il me dit : <( Machiavel n'était qu'un
enfant à côté des politiques modernes. »
Jusques vers 18(57 Pie IX avait conservé l'allure
vive et la verdeur d'esprit de la plus belle vieillesse.
La pensée illuminait ce noble front qui, s'avançant
un peu au-dessus des yeux, donnait au regard une
profondeiu' particulière. Sa verve était intarissa-
ble et trouvait toujours le mot juste, gai, gra-
cieux... surtout le mot du cœur! De là une mobi-
lité, un mouvement dans le visage qui lui faisaient
une physionomie à part, et désespéraient tous les
pinceaux. Tous les portraits de Pie IX lui ressem-
blent : aucun ne le rend tout-à-fait. C'était irréa-
lisable !
Une grande sensibilité caractérisait le pape
Mastaï. M. Thomas a merveilleusement jeté sur sa
— 194 —
toile ce rayon de bienveillance, de sollicitude, de
tendresse toute paternelle qui éclairait le visage
du saint pontife. Voulez-vous un exemple entre
mille de la pénétrante charité de Pie IX ?
A une audience le Saint-Père vint à passer de-
vant la marquise de R... Celle-ci lui présenta son
enfant. Comme le pape passait outre , la mère
s'écrie : « Saint-Père! il est aveugle. » Pie IX
revint sur ses pas, il bénit l'enfant les larmes aux
yeux et lui dit : « Dieu t'a privé de la lumière du
soleil, c'est ^Ti'ai, et je t'en plains ; mais il a dérobé
à ta vue le spectacle de nos malheurs ! »
M. Thomas a fait le portrait de Louise Lateau
pour Tévêque de Tournay. Ce portrait est intéres-
sant comme œuvre d'art et à cause du modèle qui
a acquis une certaine célébrité, La question de la
stigmatisation n'est pas du ressort de ce recueil,
aussi je n'y toucherai même pas. Je me bornerai à
citer quelques détails que je tiens du peintre lui-
même, et qui sont nécessaires pour expliquer le
tableau.
Louise Lateau est étendue sur un lit recouvert
d'une couverture à carreaux blancs et rouges.
C'est une jeune femme de vingt-six ans , avec de
beaux grands yeux bleus. Ses cheveux chatain-
clair sont en partie enfermés dans un petit bonnet
blanc. Le visage est maigre, pâle, fatigué. Un
châle gris recouvre les épaules de la malade.
Louise tient en main un chapelet et sur cette main
on voit une plaie d'où s'échappe un peu de sang.
M. Thomas n'a voulu faire qu'un portrait :
aussi a-t-il peint avec une vérité photographique.
— 195 —
Lateau est une paysanne et M. Thomas Fa laissée
paysanne. La chambre est une chambre rustique
aux murailles blanches et nues, et n'a d'autre or-
nement qu'un chapelet de Lourdes attaché à un
clou .
Lateau a dit à M. Thomas qu'elle n'avait ni bu
ni mangé depuis la mort de sa mère : deux an-
nées ! M. Thomas cite un fait qui semblerait prou-
ver que la nature a cessé toutes ses fonctions.
Quand il peignait l'oreiller il pria Louise de ne
pas bouger à cause de la disposition des plis du
linQ:e. C'était à huit heures du matin. Quand
M. Thomas quitta la chambre à trois heures de
l'après-midi, Louise avait conservé la plus parfaite
immobilité. Quand je revins le lendemain, me dit
M. Thomas, je remarquai à ma grande stupéfac-
tion que les plis étaient demeurés les mêmes. Je
demandai à Louise comment cela se faisait. Elle
me répondit qu'elle n'avait pas bougé, ne voulant
pas nuire à mon travail. Louise Lateau n'avait
donc pas fait un mouvement depuis vingt-quatre
heurtes.
M. Thomas vante beaucoup la distinction native
de son modèle et surtout sa rare délicatesse de
sentiment. Un jour que M. Thomas partait pour
Bruxelles, Louise prit trois fleurs et le pria de les
remettre à Mesdemoiselles ses filles.
Un jour qu'on parlait de la mort, Louise se
tourna vers M. Thomas et lui dit : « Mourir est la
seule chose au monde que je désire ! »
Lateau a horreur des curieux. Aussi la pauvre
stigmatisée défend-elle sa porte autant qu'elle le
— 196 —
peut. On n'est admis qu'avec des recommandations
spéciales ; quelquefois en insistant beaucoup.
Quand on offre de largent pour entrer, on est
toujours éconduit.
Le tableau de M. Thomas est le seul portrait de
Louise Lateau. Il n'aurait que ce seul mérite qu'il
piquerait déjà vivement la curiosité. Hâtons-nous
d'ajouter que la composition est noble et grande
dans sa simplicité presqu'antique, et que la pein-
ture est de la meilleure manière de M. Thomas.
La Société des aquarellistes belges forme une
petite réunion intime, une aristocratie d'art. Elle
renouvelle peu son personnel. . . comme l'Académie
française! Le mérite de chacun de ses membres
est connu : tous sont des artistes arrivés : la cri-
tique a donc peu de chose à dire pour ne point se
répéter d'une année à l'autre; elle n'a d'autre
champ de glanage que les envois de l'étranger. La
Hollande est représentée par MM. Artz, Blom-
mers. Maris (Willem) et Maris (J.), Mesdag, Neu-
huys qui expose un charmant tableau de genre :
une petite fille jouant des ciseaux; et Ten Kate.
L'Allemagne est royalement représentée par
une œuvre di primo cartello : Tintérieur de l'église
du couvent d'Erthal, par M. Menzel (Adolphe) de
Berlin. C'est un chef-d'œuvre de patience et de
loyale exécution. Cette nature... morte?... est
animée par un sacristain-frère de la plus belle
venue. M. Menzel a un grand succès outre-Rhin,
et pour cause. Un autre berlinois, M. Graeb
expose une bonne vue de Prague.
— 107 —
L'Italie est toujours la reine de la grâce... et
peut-être trop du... cliic (Le mot est français :
voyez Littré!). Fort vivantes les jeunes filles que
M. da Itios (de Venise) place auprès des puits de
San iNIarco.
N oublions pas M. Simeoni et son Ferentino,
ainsi que son éblouissant costume de TEmpire ; ni
M. Martens et sa jolie femme jouant de la prunelle
sur un balcon romain; ni M. Maccari et sa pupille
recevant des conseils d'un grave monsignore :
composition charmante d'esprit, de grâce, de
finesse, d'observation. M. Joris a bien enlevé une
femme assise vue de face. Il Taj^pelle : une grisette!
Soit! Je ne vois pas trop pourquoi?... heureuse-
ment !
Un mot des belges, quoique nous les connais-
sions de longue date et que nous ayons soiwent
parlé d'eux. Mentionnons l'avant le lever du so-
leil de M. Gabriel. M. Clays envoie la plus puis-
sante aquarelle qu'il ait jamais faite : c'est peint
avec des tons enlevés à la nature même,
A Vexposition du Cercle artistique tout se passe
en famille : pas une seule œuvre exotique ! S'il
n'y a pas de toile à sensation, en revanche on n'y
rencontre que peu de tableaux dépourvus d'in-
térêt. Le talent est la règle générale. Toutefois
l'exécution d'un certain nombre d'œuvres a été
trop rapide, semble-t-il : elles sentent trop l'é-
bauche ; on dirait qu'elles ont été arrêtées au mo-
ment où la difficulté commençait, c'est-à-dire à la
minute juste où il fallait préciser la pensée. Le
- 198 —
vague est un signe de faiblesse, soit qu'il pro-
vienne d'études insuffisantes, ou d'une conception
trop précipitée.
N'envoie-t-on pas quelquefois trop légèrement
au cercle? Les toiles, par exemple, qu'on ne juge-
rait pas assez... complètes pour figurer avec hon-
neur à une exposition triennale? N'y-a-t-il pas
par ci par là quelques tableaux... en robes de
chambre? L'artiste ne doit-il point éviter avec le
plus grand soin de se présenter devant le public
dans des conditions défavorables? Une mauvaise
impression reste, même dans les esprits impar-
tiaux. Et puis il y a là une sorte de laisser-aller,
de négligence, qui finit par envelopper tout l'ar-
tiste paresseux. La nonchalance finit par envahir
la composition, le coloris, le dessin, toute l'œuvre
enfin.
Un grand écrivain disait à son fils : n'écris
jamais une ligne avec négligence. Que le moindre
mot(fût-il adressé à un fournisseur !) soit correct,
clair et en excellent français. Je sais bien que les
billets ne vont pas à la postérité, mais ils servent
d'exercice ! Si tu soignes ton style une fois et si
tu ne le soignes pas une autre, ton style sera iné-
gal Qt jamais tiaturel, parce que quand tu voudras
être élégant, tu devras faire un efî'ort, et tu pa-
raîtras endimanché. »
Ce conseil s'applique à la peinture comme à la
littérature.
M. AssELBEEGS. Vuo pleine de lumière dans la
forêt de Fontainebleau. Faire large. Caractère
bien saisi.
- 199 —
M. BiNjÉ. Effet de pluie parfaitement mouillé.
C'est la note juste.
M. CouRTExs. — L'aube sur l'Escaut. — Pro-
fond sentiment de la nature et couleur intéres-
sante. Soleil perçant le brouillard très-réussi. Une
des meilleures peintures du salon.
M. DE Vriendt (Albrecht). L'angelus sonné
par une ravissante religieuse qui est toute à sa
pieuse besogne. Toile de choix achetée par S. M.
M. Hagemaks. Peinture nerveuse, ferme et sûre.
M"*" Heger a fait de très-grands progrès. Sa vue
de Campine est excellente. Elle a trouvé sa voie :
une belle carrière à parcourir !
M. Hbymans. Lever de lune. Demi-obscurité
qui laisse seulement deviner les objets. Consta-
tons le succès mérité de cette toile.
M. Hermans. Il y a beaucoup du Watteau et du
Fraoronard dans la manière de M. Hermans. La
tête de jeune fille est charmante et d'une exécution
des plus séduisantes. Ses accessoires auraient pu
être plus indiqués : ils frisent l'énigme ; Téventail
surtout! Les grands maîtres n'ont jamais fait fi de
l'accessoire : pour s'en persuader il ne faut pas
aller plus loin que le Musée de Bruxelles, qui nous
ofPre un portrait de femme de Rubens — en
grande toilette avec tous les bijoux !
M. Kruseman. Comme M. Hagemans, il est dans
une excellente voie. Sa Cour de ferme contient des
détails parfaitement étudiés. Il y a de Tair. Le
pénombre de la cour est plein de transparence.
— 200 —
M. Mellery. Palette riche ; couleur plantureuse.
M. De Smet nous promène très-agréablement à
Tervueren. Constatons ses progrès constants.
M. RoFFiAN est un des plus habiles interprètes
des lointains helvétiques. On a rarement peint les
glaciers comme lui. Espérons qu'il nous rendra
bientôt une de ces grandes toiles où son talent se
trouve si à l'aise.
M. T'ScHARKER. Poète jusqu'au bout des ongles!
Ses paysages sont autant de méditations, qui nous
entrainent au beau pays des rêves à mille lieux des
exhalaisons malsaines de la réalité. Hugo et La-
martine n'ont pas plus de sentiment dans leurs
chants élégiaques qui ont fait pleurer deux géné-
rations.
M. PiOSSEELS. Nature d'artiste dans la vraie
acception du mot. Ses deux paysages ont la grâce,
la couleur, la délicatesse de la nature prise sur le
fait.
M. Sacré. Jeune femme assez crânement posée
et riant aux éclats. Beaucoup de naturel.
M. Van der HEcnt (H.). Sa Ferme de La Hulpe
est une des meilleures toiles du salon. Dessin
vigoureux et classique ; bonne couleur. Beaucoup
de sûreté d'exécution.
M. Van der Vm. Bon chevaux de halage bien
étudiés, bien peints, bien posés : excellent tableau.
Il sait le cheval.
M. WiLSON. Tête qui a des qualités de modelé
incontestables.
- 201 —
Une réflexion à propos des vues d'Italie. Je
pense que les peintres doivent renoncer à traduire
les mers, les lacs et les ciels du Midi. Le bleu est
lumineux dans la nature : il ne Fest pas sur la
palette. Tous les efibrts que l'art fera dans cette
voie aboutiront à l'impuissance. Inutile donc de
cliercher à rendre Naples, Gênes, Constantinople !
On pourra certes faire de belles vues de ces villes,
fort correctes, fort élégantes — mais quant à les
placer dans leur bleu (leur air et leurs eaux) —
jamais! Je ne vois trop ce que ces reines de la
Méditerrannée et du Bosphore auraient à gagner à
être représentées dans une atmosphère pluvieuse :
leur caractère oriental dispai'aîtrait avec les rayon-
nements qui fascinent le spectateur et font toute
leur gloire.
Un mot pour finir. Cher lecteur, ne m'accusez
pas trop légèrement de lacunes ou d'omissions.
Le cadre de mes articles ne me permet que de
signaler les talents qui pointent à l'horison, et
de ne m'occuper des peintres connus que pour
autant qu'ils ont modifié... avantageusement leur
manière.
La collection Baldwin, de Dalton-in-Furness,
vendue le 19 mai 1878, contenait 89 peintures
modernes. J'en dis deux mots pour prouver que
nos peintres maintiennent bien leurs prix à l'étran-
ger. Ces ventes sont comme des vacations de
Bourse : elles cotent. — Vue du Zuyderzée par
Koekkoek, 1300 francs. — L'Escaut par un calme
plat par P. J. Clays, 6025 francs. — Un marché.
14
— 202 —
Clair de lune, par Van Scliendel, 3275 francs. —
Moutons, par Verboeckhoven, 5000 francs.
La vente des dessins du vieux Cruiksliank a
rapporté 25,000 francs (^ 1010). Son alphabet
comique a été vendu h ^ h. — Huit petits dessins
(illustrations pour Peter Sclilemil), 38 jB'. — Les
dessins originaux pour la vie de sir John Falstaff
ont monté jusque 32 <^.
Le livre se meurt : le li^^e est mort. On ne lit
plus de livres, et Ton en fait plus que jamais.
Chaque auteur se flatte qu'il sera lu et lance son
volume presque malgré les éditeurs! Que de-
viennent ces innombrables tomes qui restent pour
compte? la moitié de l'édition en moyenne? — Ils
retournent au pilon.
On écrit plus que jamais des livres : l'Allemagne
a publié à elle seule 12,000 ouvrages nouveaux en
1877'. Comme la moyenne des tirages est de
2000 exemplaires, il s'en suit que 2,400,000
exemplaires ont vu le jour en ces douze mois.
Pourtant, hélas ! les lecteurs de livres ne comptent
que pour 2 p. cent de la population!
On achète peu de li^^^es, parce que chacun reste
aujourd'hui dans sa spécialité. On ne fait plus de
bibliothèques encyclopédiques comme autrefois,
on n'achète plus que ce qui a rapport à la branche
que l'on cultive. On rencontre des bibliothèques
spéciales en gi^and nombre, et plusieurs sont fort
remarquables.
' Le comité tle Vincorne tax n'accuse que 5095 ouvrages nouveaux
en 1877 pour l'Angleterre.
— 203 —
On ne lit plus guère les livres, parce que la
Revue et le Journal ont remplacé le li^Te. Le
livre vient trop tard! Le XIX" siècle marche
comme un courant électrique. Il lui faut la dé-
couverte du jour même, de l'iieure, de Tinstant.
Le moindre retard l'obsède, Texaspère.
La revue mensuelle ou bi-mensuelle offre un
aliment à cette livreuse, dévorante et insatiable
activité. Elle-même se trouve menacée par le jour-
nal quotidien. Les grandes feuilles anglaises don-
nent aujourd'hui de leading m^tides, qui sont de
véritables traités improvisés sur toutes les ques-
tions à Tordre du jour.
Un peu de statistique viendra appuyer ma thèse.
Je vais la chercher Outre-Rhin , puisqu'elle y est
en pleine floraison. L allemand traite le chiffre avec
le respect qui lui est dû : il ne le dénature jamais,
s'il ne s'en sert pas toujours selon toutes les règles
de l'art.
On compte en Allemagne 1,120 journaux pério-
diques , possédant ensemble 3,560,000 souscrip-
teurs.
Journaux t-t revues. Nombre des sonscript.
50 journaux littéraires 1,400,000
20 — comiques 190,000
25 — critiques 80,000
8 — artistiques 15,000
15 — musicaux 20,000
8 — archéologiques. . . . 8,000
2 — philosophiques. . . . 700
70 — protestants 170,000
60 — cathoHques 350,000
15 — juifs 25,000
80 — juridiques 120,000
— 204 —
Journaiix et revues. Kombre des sonscript.
8 journaux mathématiques . . . 4,800
65 — médecine 85,000
150 — agricoles 220,000
120 — industriels 190,000
50 — ■ commerciaux 110,000
25 — militaires 45,000
3 — maçoniques 3,000
Etc., etc.
La Re\aie hebdomadaire d'Angsbourg (catholi-
que) a 36,000 abonnés; la Semaine catholique de
Mayence, 40,000.
Les journaux périodiques allemands impriment
1,000,000,000 de pages par an. Cela donne une
dépense de papier de 25,600,000 marcs (le marc
à fr. 1-25). Cette somme répartie sur toute la po-
pulation donne un coût de 2 marcs (fr. 2-50) par
tête par an.
Notons en passant un nouveau délire de la
bibliomanie : Y idolâtrie de la provenance. Parce
qu'un ouvrage de dixième ordre aura appartenu
à tel ou tel grand personnage , parce qu'il por-
tera son chiffre ou ses armes, il atteindra à une
valeur fabuleuse. Je comprends que l'on pour-
suive des ouvrages qui ont appartenu à une
bibliothèque de famille ! J'admets que Mgr. le
duc d'Aumale achète à hauts prix des volumes
portant les armes des d'Orléans, mais que MM. de
R..., ou de B..., ou de X... les lui disj)utent, eux
qui n'ont rien à démêler avec les fleurs de lys ,
cela passe les limites du raisonnable ! Qu'est-ce
que cela prouve, si ce n'est que le luxe ne sait
y)lns sur quoi se ]~)orter ! Oh ! parlez-moi d'exem-
— 205 —
plaires munis à' hommages cV auteurs, surtout quand
ces auteurs s'appellent Racine, Montesquieu, Cor-
neille, Massillon , Fénélon, Lacorclaire , Thiers,
Guizot, Lamartine, c'est une autre question!
Payez alors six, sept, huit fois la valeur de
l'exemplaire vierge, personne n'y trouvera à re-
dire ! Toutefois là encore ne faut-il s'avancer
qu'avec les plus grandes précautions, car, comme
le pain et le vin, le XIX- siècle a falsifié auda-
cieusement l'autographe. Tels et tels escrocs sont
passés maîtres dans Fart de reproduire les écri-
tures. (Comme les tableaux ! Rousseau a trouvé
en Allemagne un de ses tableaux qu'il n'avait
jamais peint !)
Plus précieux encore le livre qui porte autre
chose qu'un simple hommage d'auteur : un sou-
hait , une pensée , un sentiment !
Les albums presque seuls possèdent ce pri-
vilège.
L'album Hamilton a été disputé au point d at-
teindre 600 guinées. Il faut dire que toutes les
célébrités de l'Angleterre et du continent s'étaient
exécutées sur ce vélin aux marges illustrées par
les plus grands artistes : Pitt, Fox, Bonaparte,
AVellington, Nelson, Chateaubriand, La Mennais,
Lamartine , Peel , Palmerston , d'Iraëli , Louis-
Philippe, Vernet, Delaroche, Rousseau, etc..
L'acquéreur est un Américain, auteur de quel-
ques relations de voyage.
A une soirée chez Mad. W.... (une des étoiles
de Portland place il y a vingt ans), le spirituel
auteur de Pendennis et des Snobs, M. Thackeray,
— 206 —
voulut bien prendre la plume pour écrire quel-
ques mots sur mon album. Les voici :
« Quand on ne se repent que sept fois par
jour de s'être marié , on a fait un bien bon
parti ! »
Chacun de se récrier ! Moi surtout qui étais
dans cette assemblée le Benjamin.... même pour
Texpérience !
— Qu'est-ce qui vous choque dans cette pen-
sée , me dit Thackeray : elle n'est pas galante ,
c'est possible ! mais si c'est la vérité ?
— Est-ce la vérité ? Ne faites-vous pas retom-
ber sur une situation le vice de l'existence elle-
même ?
— C'est-à-dire que l'on pourrait changer ainsi :
Si Ton ne se repent de vivre que sept fois par jour,
on doit être fier de son existence? Tenez, voici
mes tablettes, donnez-moi votre réponse... en
vers , puisqu'ils vous rongent ! . . . et qu'ils nous
rongeront tous, hélas ! un jour.
J'écrivis les vers suivants :
Eien ne peut ici bas contenter notre envie ,
Et les plus longs bonheurs ne durent qu'un instant!
Ah ! s'il fallait payer pour entrer dans la vie ,
On redemanderait son argent en sortant !
Ij'homme au monde qui reçoit le })lus d'auto-
graphes (?), c'est le Président des États-Unis :
chaque poste lui apporte de grands sacs de lettres
à lui adressées. Elles contiennent des invitations,
des critiques, des théories de gouvernement, des
demandes de secours, des conseils, des demandes
— 207 -
cVemplois, etc., etc. Un des correspondants du
Président est un édimhourgeois qui prie le Prési-
dent de faire punir de la peine de mort ceux qui
maltraitent les oiseaux, les cliiens, même ceux
qui prennent les souris {sic). Un kentuckien en-
voie sa photographie au Président. Dans une se-
conde lettre il redemande sa photographie, an-
nonçant une nouvelle épreuve où les yeux sont
mieux sortis. Un louisianais prie de le loger chez
lui à Washington pendant un petit séjour ; il ne
peut supporter les hôtels, une aversion insur-
montable! Il écrit : je viendrai seul, hélas! mais
dans votre famille je me croirai at home!!!
L'activité littéraire est remarquable en Ecosse,
tant au point de vue des consommateurs que des
producteurs : mais la littérature strictement écos-
saise n'y participe que pour une infime part. La
littérature écossaise est en quelque sorte tombée
dans le domaine de l'histoire passée Les efforts
de quelques bardes contemporains sont rarement
récompensés. Et cependant le succès de l'ancienne
littérature de TÉcosse progresse tous les jours.
Les collections de chants écossais anciens sont
constamment demandées. On fait sans cesse de
nouvelles éditions de Scott et de Burns. Les
poésies de ce dernier sont à leur 400™° édition
depuis 1786. Les œuvres de James Hogg et de
Allan Cunningham restent populaires; et les
noms de Michel Bruce et de James Grahame
circulent encore sur toutes les lèvres. Mais aucun
ouvrage de ce genre ne paraît plus. L"Écosse a
encore ses lois, son église, son art, mais elle n'a
— 208 —
plus sa littérature à elle. La littérature écossaise
de nos jours est tout bonnement de la prose ou
de la poésie anglaises produites par des Écossais.
Chose à noter ; V Encyclopédie Britannique (nou-
velle édition), dont le 8" volume vient de paraître,
est une œuvre écossaise-anglaise. Publiée par
une maison écossaise et éditée par un professeur
écossais, elle récolte ses collaborateurs dans toute
rétendue de Tempire britannique. En somme
donc, pour ce qui regarde la littérature, il n'y a
plus de frontière entre l'Angleterre et TÉcosse.
Edimbourg à présent est le quartier-général de
trois grandes encyclopédies. En tète marche
Y Encyclopédie britannique, qui en est à sa O*' édi-
tion, si remaniée qu'elle devient un nouvel ou-
vrage. Elle comprendra 21 volumes. A côté vient
la Chanibers Encyclop)édie , en 10 volumes, qui
vaut le Conversations-Lexicon des Allemands.
Enfin, il y a la Globe encyclopédie , qui est plus
succinte que celle de Chamber et fort bien faite.
Elle aura 6 volumes : 4 ont paru. Le grand
nombre de matières qu'elle contient la fait fort
rechercher aux États-Unis.
Jules Nollée de Noduwez.
— 209 —
DIPLOME
DE
THIERRY III, ROI DE FRANCE.
(VIP SIÈCLE).
Le diplôme mérovingien, qui fait Tobjet de ces
lignes, est conservé à la Bibliothèque de l'Univer-
sité de Gand, où il a été trouvé récemment, dans
un paquet de vieux imprimés et de pièces diver-
ses, ancien rebut provenant des greniers d'une
imprimerie.
La pièce est en bon état , sauf une très-petite
partie détruite à l'intersection de deux plis, au
milieu du parchemin ; on pourrait supposer ,
d'après d'autres plis, qu'elle a servi de couverture
à l'un de ces cahiers oblongs dont on faisait usage
pour recueillir des annotations de dépenses ou
de recettes journalières.
Le fac-similé, joint à cet article, nous dispense
d'entrer dans une description détaillée de la
charte ; il nous reste cependant à en faire con-
naître quelques caractères matériels : le parche-
210
min, d épaisseur moyenne, est d'une blancheur
terne et mate du côté qui porte l'écriture , quel-
ques traces de poli paraissent çà et là, notam-
ment près des bords de la feuille ; le revers , qui
est jaunâtre , ne porte aucune note , marque ou
indication ; l'encre , uniformément de couleur
brune, parait délayée; on croirait, à l'aspect des
traits de l'écriture, qu'une partie de la matière
colorante de l'encre a été emportée par un lavage ;
quelques parcelles de cire collées au parchemin,
autour d'un petit trou, sur une surface d'un pouce
de diamètre environ , indiquent la place occupée
par le sceau , qui est perdu ; les découpures qui ,
repliées dans la cire, devaient servir d'attache au
sceau , ne sont pas bien nettement accusées ; le
parchemin parait avoir été plutôt troué à la
pointe qu'entaillé.
Le texte de ce diplôme, dont nous avons essayé
de faire la transcription, relate un acte de libéra-
lité, souscrit à Compiègne le 23 octobre 682, par
Thierry III, tils de ClovisII, roi de France, au
profit de l'abbaye de Saint-Bertin ; le roi affran-
chit l'abbaye de toutes redevances et de tous
services publics pour les fonds de terre qu'elle a
acquis ou acquerra à l'avenir dans l'étendue du
domaine royal d'Attigny ', sauf en ce qui concerne
les fermes soumises aux corvées de charroi.
' D'après le Dictionn. géngraph. joint au cartidnire de Saint-
Bertin, publié par Guérard, Attiniacum, Attinium, serait Attin.
(Pas-de-Calais, près de Mou treuil-sur-Seine). C'est, nous senible-t-il,
une opinion peu admissiljle.
— 211 —
« (J. C. S.) Theudericus rex francorum vir iuluster '.
» Si aliquid ad loca sanctorum pro adjuvamen servo-
rum dei concediraus lioc nobis ad laudem vel âeterne ^ retri-
butionis pertinere confidimus, igitur cognoscat magnetudo '
seu utilitas vestra quod nos venerabili s * viro bertiiio
abbati de monasterio sitdiu ^, taie beneticium coiicessimus
ut quod infra mero attiniacense de fisco nostro compara-
tum babebat aut inantea ad comparandum invenire potiie-
rit prœter illos mansos unde opéras carrarias " exeunt lioc
habeant ' concessum et nullo redditu * terrée nec nullas
functiones publicas eisdem ob lioc exigere nec requirere
non debeatur % qua propter per hoc preeceptum spécial! us
decernimus ordinandum quod in perpetuo volumus .... '"
mansuruni ut neque vos neque juniores seu successores
vestri nec quislibet de judiciaria potestate adcinctus de
ipsas terras ^ ' quod infra mero attiniacense infra ipso fisco
nostro memoratus abbas '^ comparatum habet aut dein-
ceps ipse vel successores sui aut pars ipsius monasterii
» GuÉRARD, la suscription n'est pas reproduite.
* Idem, œternœ.
3 GuÉRARD et Mabillon, magnitudo.
* Idem, s. [sacerdoti] a été omis.
5 GuÉRARD, sithiu.
« Opéra carraria, corvées de charroi. Capital., liv. I, chap. 75.
« Et tria carraria opéra licet fieri in die dominico, id est, liostilia
» carra, vel victualia vel si forte necesse erit corpus cujuslibet duci
>. ad sepulchrura. » — « Carrum » est pris ici dans le sens même
d'« opus carrarium. » L'emploi de « carpenta » est identique dans la
deuxième partie de la charte. Il est superflu de dire que « opéras car-
rarias .) « carpentas » sont des barbarismes doublés de solécismes.
' GuÉRARD et Mabillon, habeat.
* GuÉRARD, reddita.
» GuÉRARD et Mabillon, debeatis.
»" Idem, esse.
" GuÉRARD, ijysis terris.
*"^ GuÉRARD et Mabillon, aMa,
- 212 —
comparare potiierint praeter illos mansos imde carpentas '
exeimt nullas ^ redditus terra? nec nuUas f unctiones eisdem
non requiratis nec exactetis, nisi quicquid '' exinde ipse
abba vel pars monasterii fuit ('r') * sitdiu aut successores sui
vel ^ quod fiscus noster percipere potuerit ex iiostro mu-
nere largitatis hoc babeat concessura atque indultum et ut
hœc prfleceptio firmior habeatur et per tempora melius
conservetur manus nostrse subscriptionibus eam decrevi-
mus roborare.
» J, C. N. t Signum gloriosi régis Theudericus rex sub-
scripsi S. (monogramme) **.
» Data sub die X'"'^ kalend. novembris, anno rcgui nos-
tri X, compendio palatio in dei nomine féliciter. »
Ce document ' est inséré dans le Chariularium
Sithiense , composé par le moine Folcuin vers le
milieu du X'' siècle et publié, d'après une copie du
XIP siècle, dans la collection des documents iné-
dits sur l'histoire de France **.
Dans son traité Dé re diplomatica , Mabillon » fait
connaître le texte de cette charte et de plusieurs
autres , qu'il afhrme avoir choisies et copiées sur
« Voy. notée, p. 211.
* GuÉKABD et Mabillon, vidlos.
' Mabillon, quidquid.
* GuÉRARD et Mabillon, sui.
s GuÉRARD, vel est omis.
* GrÉRARD et Mabillon, « Signum gloriosi rrgis Theuderici. «
■^ Voyez pour les ouvrages dans lesquels cette charte a été publiée :
Wauters , Table des chartes et diplômes de Vhistoire de Belgique,
t. I, p. 53.
* Documents inédits sur Vhistoire de France. Collection des cartn-
laires de France. Cartulaire de l'abbaye de Saint-Bertin, publié par
GuÉRARD.
'■• Mabillon, De re diplom., j^ag. 605 et 606.
— 213 —
le manuscrit original de Folcnin ; le célèbre béné-
dictin observe que la souscription « signum glo-
riosi régis Theuderici, » rapportée dans le Car-
tulaire, doit être une transcription fautive de
Folcuin, parce que Thierry III avait adopté, pour
cette formule, un style qui lui était particulier,
en ce qu'il y ajoutait une invocation exprimée en
toutes lettres : « f In Christi nomine Tlieudericus
rex subscripsi ' . » Cependant notre diplôme ne
porte pas Tinvocation écrite en toutes lettres , et
s'il est vrai que l'on découvre les lettres J. C. N.,
qu'il faut lire « in Christi nomine , » dans le
monogramme tracé immédiatement devant la
croix, la souscription, comprenant les mots « si-
gnum gloriosi régis, ^) n'en est pas moins diffé-
rente de celle que l'on a constamment attribuée
à Thierry III et que l'on signalait même comme
exceptionnelle.
Folcuin fixe la date du diplôme en 676, mais,
d'après Mabillon, on ne peut guère compter sur
l'exactitude de la concordance que l'auteur du
ChartulmHum Sithiense avait établie entre les dates
des documents et les années de l'incarnation. Les
auteurs qui ont cité cette charte la placent géné-
ralement au 23 octobre 682; il faudrait toutefois
reculer de trois ans, si l'on suivait l'opinion des
rédacteurs de l'Art de vérifier les dates; d'après
ceux-ci , Thierry III compte les années de son
règne du jour de la mort de son frère Clothaire III,
décédé en 670. La différence de dates résulte d'une
• Mabillon, De re diplo7n., p. 109.
— 214 —
interruption clans le règne de ce roi. Peu de temps
après avoir été élevé sur le trône , Thierry fut
renversé par une faction et enfermé au monastère
de Saint-Denis; on lui rendit la couronne en 673
et c'est en comptant son règne à partir de cette
année que l'on peut placer l'acte en 682.
Nous nous abstenons de discuter ce que le di-
plôme a de caractéristique, car la rareté des char-
tes de cette époque nous a interdit toute étude de
comparaison avec d'autres documents originaux.
Cet article n'a du reste pour but que de signa-
ler aux savants un monument digne de leur
attention.
— 215 —
LES AROHIVES DES ÉTATS DE FEANDRE
SAirV^ÉES EN 1794.
Les anciens États de Flandre représentaient
avant 1794 ce qne nous appelons anjourdliui le
Conseil provincial, à la différence que cette pre-
mière assemblée se composait des députés des
deux Flandres. Les quatre membres, Gand, Bru-
ges, Ypres et le Franc, y étaient représentés; et
il fut un temps oii ces États siégeaient alternati-
vement au clief-lieu de chacun de ces membres.
Outre le président, ce corps avait comme digni-
taire un pensionnaire-actuaire, qui remplissait les-
fonctions de secrétaire ou greffier de rassemblée
et avait la garde des archives. Les États siégeant
à Gand, tenaient leurs séances à Thôtel-de-ville.
Quand les Français envahirent le pays en 1794,
ils bouleversèrent complètement l'ancien ordre
des choses, supprimèrent les États et voulurent
s'emparer de leurs archives. C'est alors que le
dernier pensionnaire-actuaire, François- Antoine
Varenbergh, le gardien par conséquent des ar-
chives, d'accord avec le fils de l'ancien président
des États, le comte Dellafaille d'xlssenede, entre-
— 216 —
prit de sauver ces documents; ils s'entendirent
tous deux avec Du Breucq, directeur des droits
des États, et chargèrent le batelier Bernard
Boone, maître éclusier, de les transporter à
Bruxelles. Les archives, composées d'un grand
nombre de registres et de liasses, furent mises
dans dix-neuf caisses, déposées dans le bateau de
Boone, voguèrent vers Bruxelles, à travers les
circuits des rivières et des canaux, et furent peu
après ramenées à Gand, où Boone les cacha dans
son magasin pendant huit ans et demi. Après ce
laps de temps , François-Antoine Varenbergh
donna ordre à Boone de transporter les caisses
chez le comte Dellafaille, qui demeurait rue de la
Vallée près de l'église de Saint-Michel, dans l'an-
cien hôtel de Ravestein, occupé aujourd'hui par
le comte de Loen d'Enschede; toutefois l'une
d'elles fut portée chez un négociant de la ville
nommé Nuytens. Ce sauvetage fut pour le ci-
devant pensionnaire-actuaire des États la source
d'un grand nombre de tracasseries ; le gouverne-
ment français dirigea des poursuites contre lui.
Quant à Boone, il j perdit peu après sa place
d'éclusier qu'il avait obtenue des États, à l'inter-
vention du pensionnaire-actuaire pour services
antérieurs '. La misère, quelques années plus tard,
étant venue frapper à sa porte, il s'adressa à son
ancien protecteur, devenu président du tribunal
' Boone pei'dit sa place d'énlusior à la Pêcherie en l'an IV.
Après 1830, il eut le privilège du balage sur le canal de Bruges, et
demeurait hors de la ci-devant porte de Bruges.
— 217 - .
civil à Gand , qui se chargea de faire parvenir au
gouverneur de la province, baron de Keverberg,
une pétition pour faire obtenir au batelier le prix
du sauvetage des archives de Flandre. On lui ac-
corda 950 florins.
Tous ces détails étaient ignorés jusqu'ici ; nous
n'en aurions nous même sans doute jamais eu
connaissance, si, en cherchant dans des papiers
qui ont pour nous un intérêt tout particulier,
nous n'eussions découvert la pétition du batelier
Boone, écrite de la main même du ci-devant pen-
sionnaire-actuaire.
D'autres pièces ayant trait à ce sauvetage se
trouvaient jointes à ce document, que nous re-
produisons ici.
« A son Excellence le baron de Keverberg de
Kessel, gouverneur de là Flandre orienlale, che-
valier de V ordre du Lion Belgique.
» Monseigneur,
» Le soussigné Bernard Boone, batelier, de-
meurant a Gand, a l'honneur de vous exposer
qu'il fut chargé dans le temps par Monsieur le
comte Dellafaille, fils aîné du Président des ci-
devant États de Flandre, par Monsieur Yaren-
bergh, pensionnaire, et par Monsieur Du Breucq,
directeur des droits des dits États, de la conser-
vation des principales archives de la province de
Flandre.
» Qu'à cet effet il s'est transporté à Bruxelles
pour chercher à mettre en sûreté les dites ar-
chives et autres objets renfermés dans dix- neuf
— 218 —
caisses qui ont été transportées par ses soins sur
son bateau , et après un grand trajet et des diffi-
cultés presque insurmontables, ramenées à Gand,
où elles ont restées déposées pendant huit ans et
demi dans les magasins du soussigné.
» Dix-huit de ces caisses ont ensuite été re-
mises à M. le comte Dellafaille et la dix-neuvième
a été conduite d'après ses ordres chez M. Nuy-
tens. Ces faits sont constatés par le certificat
ci-joint sous le n° 1 qui a été délivré par MM. le
comte Dellafaille d'Assenede , Varenbergh et
Dubreucq.
» Il revient au pétitionnaire 1" une somme de
sept cent cinquante-trois florins seize sols pour
ses frais de voyage, débours, transport et emma-
gasinage des dits objets ; 2'' celle de cent quatre-
vingt-dix florins, pour dix-neuf jours qu'il a em-
ployé à cette opération délicate, en tout, neuf
cent quarante-trois florins seize sols, suivant le
compte ci-joint sous le n*' 2 , approuvé et certifié
véritable par MM. Dellafaille d'Assenede, Varen-
bergh et Dubreucq.
» Le pétitionnaire étant père de famille avec
huit enfans , et ayant perdu toute sa fortune tant
par l'eftet de la privation de l'emploi d'éclusier
qui lui avait été donnée par les États de Flandre,
que par l'effet des réquisitions dont il fut frappé
sous le gouvernement français, prend la liberté
de recourir à la justice de Votre Excellence pour
obtenir d'elle le payement de la dite somme de
neuf cent quarante-trois florins seize sols qui lui
revient suivîuit son état duement certifié.
— 219 —
» Il prie Votre Excellence d'observer que les
objets qu'il est parvenu à sauver même au dé-
pends de sa vie, appartenaient à la province , et
qui lui ont été restitués , que conséquemment la
dépense faite pour leur conservation paraît de-
voir être acquitée sur les fonds destinés aux dé-
penses imprévues ou d'urgence, ou enfin sur ceux
à qui il plaira à Votre Excellence de les assigner.
» Le suppliant se trouve dans la plus grande
détresse, et il a un besoin urgent de recevoir
promptement la somme qu'il réclame, et qui ne
peut lui être contestée, puisque sa demande est
fondée sur des titres authentiques qui pourraient
lui suffire en justice pour exercer son recours
contre qui de droit.
» Mais le suppliant ayant agi de bonne foi et
en vertu d'ordre de personnes en place dont il
avait mérité la confiance qu'il était jaloux de
justifier, croit devoir s'adresser à Votre Excel-
lence en solicitant la grâce d'obtenir prompte-
ment une décision favorable sur l'objet de sa
réclamation,
» Il prie Votre Excellence de daigner agréer
l'hommage de son profond respect.
» Gand , le 3 novembre 1818.
» B. BOONE. »
Les papiers sauvés n'étaient que les plus pré-
cieux, quant aux autres ils durent être livrés aux
Français pour ne pas tout perdre. C'est ce que
nous apprend une auto-biographie du pension-
naire actuaire Varenbergh , écrite en flamand et
— 220 —
intitulée : Korte verhandelinge van myne stucUen
en van aile de amhten die ik gedurende iiieer dan
vyfiig jaeren heh hedient. » Voici le passage où
il parle des archives et de la façon dont, grâce
à sa position, il put parvenir à les mettre en
sûreté. Ce passage, il est vrai, est peu explicite
et il fallait la découverte de la requête du bate-
lier Boone et de quelques autres papiers pour
nous renseigner complètement :
« Pendant cette triste période (les premiers
temps de l'occupation française), je me tins à
l'écart et refusai tout emploi. Malgré cela, et en
dépit de mon opposition, on m'obligea, en em-
ployant même la force militaire {ben ik door de
magt gedwongen en zelfs militairelyk geexecuteert)
à occuper le poste de secrétaire de la municipa-
lité de la ville de Gand. Dans cette position
j'éprouvai de nombreux désagréments, mais j'eus
aussi l'occasion de faire quelque bien , en défen-
dant le bon droit, et particulièrement en four-
nissant des passeports aux émigrés , auxquels
l'effroi avait fait quitter le pays, et leur permet-
tant ainsi de rentrer dans leurs foyers.
» A la même époque, je fus l'objet de diverses
poursuites, au sujet des archives des États de
Flandre que le gouvernement voulut me forcer
à livrer. Cependant à force de peines et d'adresse,
je parvins à les sauver en cédant celles de peu
de valeur, et en faisant transporter les j^lus pré-
cieuses, renfermées dans des coffres, chez le fils de
M. Dellafaille, président des États de Flandre. »
Lorsque la tranquillité fut rétablie, les archives
— 221 —
furent déposées àl'liôtel-de-ville, et ensuite trans-
férées à Fancien couvent des jésuites, rue des
Foulons, ou se trouvaient les archives du Conseil
de Flandre, depuis que ce corps avait eu 1778
quitté le Vieux-Bourg , ainsi que le chartrier de
Ivupelmonde et d autres documents précieux pour
notre histoire. A la suite d'une visite que YanWyn,
archiviste de la Piépublique batave , chargé d'ex-
plorer les divers dépôts de la ci-devant Belgique,
fit en 1806 aux papiers déposés au local des
jésuites , le préfet Faitpoult fit transporter les
archives de Rupelmonde , autrement dites des
comtes de Flandre, ainsi que celles des États de
Flandre, à Thôtel de la préfecture. Puis, à la
suite de la séparation des archives anciennes
d'avec les modernes, on transféra en 1874 les
premières, place de FÉvêché, au ci-devant orphe-
linat, transformé en dépôt des archives de l'État
à Gand, ♦
Les archives des ci-devants États de Flandre
sont fort nombreuses ; un inventaire en avait été
commencé par Hendrickx; il fut continué par
Van der Meersch, et aujourdliui par le conserva-
teur actuel M. Dhoop. Le relevé est fait pour tous
les registres aux décisions, les rétroactes et une
grande jiartie des comptes.
Emile V...
— 900
VARIETES.
Épitaphes de Belges a Bale , a Cologne , etc. — Un
recueil d'épitaplies , publié à Bâle au Wll'^ siècle sous le
titre de : Basilea sepidta retecta continuata / Basileœ.
Typis et impensis Emanuelis Kônig et Fil. anno M. DC. LXI,
par Jean Grossius et continué par Jean Tonjola, contient
les inscriptions funéraires de quelques Belges morts à
Bâle ; la plupart avaient émigré à la suite des malheureux
événements du XVI^ siècle. L'appendice de ce volume qui
porte le titre de : Selectissimorum orbis monument or um
appendix, contient également les épitaphes de quelques-
uns de nos compatriotes; plusieurs ayant été publiées dans
les recueils de Sweertius et d'autres, sont trop connues
pour être reproduites , mais il y en a d'autres qui le sont
moins et qu'il est intéressant de relever.
Dans la cathédrale de Bâle, on lit l'épitaphe d'un im-
primeur bien connu, auquel M. Lecouvet a consacré, en
1846, un article dans ce recueil.
Viatori S.
Michaeli Isingrino,
Civi Basil, egregio , ac pio ,
Typographo
industrio, doctissimo.
Anno M. D. LVII. Mart. lU. .Etat, suse LVU.
— 223 -
Elizabethœ Linderœ
conjugi lectiss.
Anno M. D. LXXIIX. 7. Cal. Nov. set. LXXV.
Diem functis
Parentibus optimis :
Thomœ Gvariiio
Belgœ,
Tornaco Patria, ob pietatem
profugo ,
marito dilectissimo ,
Mo artis Soceri iinitatori ,
geternœque felicit. illius invido ,
Anno M. D. XCII. 6. Maii setat. suse LXIIL
è teuebris, in liiceni seternam
migrant! ,
Elizabetha Isingrina m. f.
Conjugalis fidei ac sortis
observantiss. mœstiss.
P.C.
En Socerum, Socrum, Generum lapis obtegituum,
Quos vivos Christo junxerat una fides.
Quidnisperemiis, qiiin rursus Christus eosdem
Jungat in setherea luce, simulqiie beet? (P. 17).
Dans l'église paroissiale de Saint-Pierre :
Marco Perezio
Christi causa
exuli :
Qui volente, jubente,
S. P. Q. Ant.
fidem suam in graviss.
Relig. dissidio ,
Deo, Patrise, bonisque
comprobavit omnib.
— 224 —
Ursula Lapezia ^
marito incomparab.
C. an. sal. CD. 13. LXXII.
œtat. XLV. (P. 124)
Dans l'église paroissiale de Saint-Léonard :
Epitaphium
Hier ruhet die Ehren-und Tugendreiche Fraw Anna
Hertsogin, herren Samuel Marschallen, Kayserlichen
Notarii, Musici in der Universiteil und organists in Basel,
gewesene Eheliche Hausfraw. Starb seliglich den 19 Junii
Anno 1627, ilires alters im 70 jahr.
Sous cette inscription on lisait la suivante :
Samuel Marescliallus
Tornacensis Fland. n.
Musicus et organ. Bas. per
Ann. obiit. ann. D.
^t. (P. 200)
(Visitur in area ad latera superioris ambitus).
An. 1564. 26 april, Starb die Edle Fraw Francina von
Bomberg bey Antoff / herren Balthasar Ravalasci von Mey-
land Burgers zu Basel Ehegemahel. (P. 182)
Bans l'église des Dominicains se lisaient deux épitaphes,
qui se rapportent apparemment à des perso unes d'origine
belge :
L'an M. DC. XXXVL le xii de Décembre
le sieur
Gedeon Sarazin
Marchand honorable
ayant hereusement
parachevé sa Course
— 225 —
L'an LXIV. de son aage
a esté appelé au
repos éternel
Suivi de sa femme
Ester Lernou
Le XVI du mesme Moy
desquels les os re^iosent icy,
attendans la bienhereuse
rersurrection. (P. 286)
Dans l'appendice à ce travail intitulée : Selectissimorum
orhis monumentorum appendix, Tonjola a réuni les épi-
taphes d'un grand nombre de personnages belges; il en a
recueilli plusieurs à Anvers, qui ont paru dans la collection
publiée à Anvers, entre autres celles se rapportant à la
famille de WesembeJie; d'autres épitaplies sont reproduites
sans que l'auteur ait indiqué l'endroit où il les a copiées;
celle de Burdingo a sans doute été prise à Copenhague,
dont le nom latin est Hafnia. C'est dans cette ville qu'il
mourut.
D. 0. M. S.
Dn. Jacobo Bordingo , Antverpiano , viro in omni Philo-
logia et Philosophia benè et eleganter versato ; et propterea
Sadoleti quoq. aliorumque exterorum doctiss. monumentis
publicè celebrato, primum Patrise, dein Duce. MegajDp. et
Sereniss. Daniœ Piegg. Christiani III et Frederici II Ar-
chiatro : Academiarum Kostochianaî et Hafniensis orna-
mento : ob verae pietatis, eruditionis, sapientise, et omnium
virtutum laudem, memoriam perennem jam pridem adepto :
gi'ati hoc animi memoraculum Patri optimo, sibique, et
omnibus bonis desideratiss. in beatse reparationis spem,
Jacobus Bordingus F. I. V. Doctor, Professer et Cancella-
rius Megapol. P. C.
Pié obiit Hafnise anno Christi 1560, sept. 5
horâ 4 vesp. anno aîtat. 50. (P. 42.)
— 226 —
Charles Uutenliove, le Gantois bien connu, avait lui-
même composé son épitaphe, qui a été reproduite par
Ryckius et ailleurs; il y a lieu de douter qu'elle ait été
gravée sur son tombeau, car à Cologne, où il mourut, une
pierre tombale due aux soins de G. F. Hildanus, portait
l'inscription suivante :
Gendt
Ohn endt
Bey iederman
Dess lob wirdt han /
Dass sie erst bracht auff dise Welt
Den Utenliovium ausserwohlt
Von Gott / dass er der Christen gmein
Ein Perlin kostlicli wer und rein.
Der Gottes forcht / Holdseligkeit
Ein Spiegel war zu aller zeit.
Wilt / gutig / frey
War auch darbey.
Der Musen Schar
Ein Zierd er war.
Im Hebraisch
Hat kaum seins gleich /
Griechiscli / Latein
War ihm gemein.
Darumb bey Keysern / Fursten / Herren
Gehalten ward im grossen Ehren
Biss an sein End. Sein Fleisch / Gebein
Allliie schlafi't under disem Stein
Sein Seel in frewd Gott bey sich helt.
Sein Nam lebt ewig in der Welt.
Guilh. Fabricius Hildanus.
Cum marmorc et lachrymis L. M. Q. P.
— 227 —
A l'entour de la pierre on lisait l'inscription suivante qui
formait chronogramme :
Vtenlioff gar aLt zV CoLLn stirbt ,
Den Letsten aVgst : ein GVt erVVIrbt /
VVeLChs nlCht VerDIrbt.
Deo reLIglosè VlXIt annos seXaginta qVatVor, Menses
[qVatVor.
(P. 67.)
Dans la cathédrale d'Anvers on lisait l'inscription sui-
vante en mémoire de l'empereur Charles-Quint.
D. 0. M.
D. Carolo V. Imp. Aug. P. P. Qui cum ann. XXXIX summa
cum laude rerum gubernacula tenuisset, tandem
maximis terra, manque partis victoriis, post abdicatum
Imperium setatis anno LVIII , in divos relatus est die
XXI sept. Anno Christi M. D. XXXVIII. S. P. Q. A.
Honorificentiss. heic persolutis justis
bene merito gratitudinis ergô
Die. (P. 58.)
L. St.
Jacques Cats et l'abbaye de Saint-Piekee. — Le
poète populaire Jacob Cats, grand pensionnaire des Etats
de Hollande, était aussi grand propriétaire. Il possédait
avec sa famille de grands biens en Zélande, Il prit aussi
en location de l'abbaye de Saint-Pierre au mont Blandin
à Gand, des dîmes, des terres et spécula sur l'endigue-
ment des polders. Mais qui terre a, guerre a, dit le pro-
verbe, et ce fut bien ici le cas tant pour l'abbaye que pour
— 228 —
Jacob Cats. Nous avons trouvé clans les archives provenant
do l'abbaye de Saint-Pierre de nombreuses pièces qui ont
rapport à ces difficultés , qui survécurent à Cats et ne ces-
sèrent que par la suppression de l'abbaye. Il y aurait de
quoi faire tout un travail, fort curieux sur les nombreuses
contestations entre les parties. Ce travail serait extrême-
ment intéressant au point de vue tant de l'histoire des
polders que de celle de l'abbaye et du poète. Comme le
temps nous fait défaut pour traiter ce sujet, nous nous
contenterons de reproduire quelques-unes des plus an-
ciennes pièces où sont exposées les origines de ces
contestations. t? „ \t
Emile V...
1611 à 1615. Exposé succinct des difficultés intervenues
avec Jacques Cats, au sujet des baux, échanges et alié-
nations passés depuis 1611.
« Eerst wort bevonden dat M^ Jacob Cats, met syne
consoorten , in pachte en amodiatie ghenomen hebben ver-
scheyde thienden , en ghekocht eenige partyen van landen
toebehoorende de selve abdye, ghelyck int corte verliaelt
word in de rekeninge van Joos de Brune van den jaere
IGIG, ghedaen den 12 maerte 1618, fol. 81 et seqq., alwaer
f. 84 staet ontfaen te zyne van den voorn. Cats en consoor-
ten de somme van 3016 ponden 13 schellingen 4 grooten,
in minderynge van de somme van 5000 ponden groote , zoo
veel bedroeg den loop , zoo ghannoteert es in den resolutie-
boeck den 25 october 1612. En is het contract daervan
ghemaect int registre ofte schepenenboeck van S^"^ Pieters
fol. 300.
(En marge) :
» Sy ghesicn d'origincle brieven van permutatie van de voorseyde
landen ende de gone van declaratie daerop ghevolglit waeruyt blyckt
dat de zclvo permutatie maer ghcsimulcert en is gheweest om do
— 229 -
vercoopinghe van rie voorn. landen te bedecken als synde beyde
gheschiet op eenen dach.
» En alzoo men verstaet dat denzelven coop gliemaeckt
is gheweest op conditie dat de penninghen , danof proce-
derende, zoudcn worden gheremployeert in den coop van
andere landen tôt behouf van de voornomde abdye , twelke
niet en beeft connen gheschieden deur faulte van non
betaelinghe , sal in deliberatie gesteit worden of het voor-
nomde clooster niet en is ghefondeert bem te doen rele-
veren van tvoors. contract, ten opsiene dat het selve niet
en is gbeapprobeert by Syne Heylicheyt zoo tgbecondi-
tionneert is gbeweest. Ten minsten of tzelve clooster niet
gberecbt en is wederom te beesscben soo veel tbienden
en landen mette vrucbten van dien, als bedraecbt de
somme, die niet betaelt en is gbeweest, mits den zelven
coop gbescbiet is tenden maete tenden gbelde , et sub spe
paratœ solutionis ita ut dici non possit per illam venditio-
nem translatum fuisse dominium partium non solutarum ,
quando quidem venditor intentionein non hahuerit aliquod
dominium transferendi nisi soluto pretio. Ten lesten sy
ondersoect of daer gbeene materie en is van te rescinderen
tzelve contract. Ex cap. L. 2 C. de rescind. vendit.
{En marge) :
» N^. dat men bevindt dat o]) den 21 october 1612 ghecedeert
te syne ande voornomde Catsen de thiende over de landen bedycken
by myn heere Charles Van der Noot ande noortsyde van de geule
van Nieuwerhaven voor xx s. gr. elck ghemet.
» S^^ Gheertruyt Polder. — Item wort bevonden in den
zelven resolutie bouck op den 24 novembre 1612, de voors.
heeren Cats in pachte eii amodiatie glienomen tbebben
deene belft van de tbiende in S^f* Gheertruyts polder, en
in de andere twee cleyne polderkens voor 20 jaeren, op
conditie dat naer d'expiratie van den trefuis zyl. zouden
betaelen 6 pond, groote sjaers de voornomde 20 jaeren
— 230 —
gheduerende , en alzoo dezelve lanck glieexpireert zyn , zy
ondersoclit of zy verpacht zyn ofte by wie zy aenghe-
trocken worden. — Het contract van desen polder is van
datum 31 augusti 1612.
» Eylayidehen van Biervhet. — De zelve Catsen hebben
(naer de notitie gliestelt 1" martii 1613) ghekocht de
thiende toebehoorende dese abdye int Eylandeken Bier-
vliet, ghelyckt doen was ligghende binnen dycke, synde
ghereserveert tôt proffyte van de zelve abdye den anwas,
welcke men verstaet zeer groot te syn eii werden de
thienden van die aenghetrocken by de zelve Catsen, up
pretext dat die zoiiden toecommen tcapittel van S* Baefs ,
twelke men noclitans meynt daertoe gheen recht te hebben ,
eii dat by sententie van * de zelve aenghewesen
zyn gheweest aen dese abdye , en zyn verpacht gheweest
by de heeren administrateurs aen M' Anths. Copal, eri
heeft hier te Ghendt ghearresteert gheweest Pieter Ramons
tôt betaelinghe van de zelve thiende als groote ghelande
en zelve aenwas. Nemaer zyn de stucken van tproces int
onghereet bedegen zonder te weten wie dat int procès
ghedient heeft als procureur, ende daerom sy devoir ghe-
daen om naer de zelve te zoecken in de comptoiren van
de procureurs Jonckeere ofte Caesemaeckere voor welk
arrest hem zeker ghestelt heeft den heere capitain Beyne.
{En marge) :
» Prima martii 1613 hebben de selven Catsen aenghenomen ter
releveren tappel voor de heeren Stateu generael van de sententie
ghewesen by den ghecommitteerden raed van Zeelandt tôt nadeel
van het recht van de thienden van den Cauwen ende Loven polder
int quaertier van Ter Neusen ende tselve appel te vervolghen thaer-
lieder coste ende pericle op conditie dat indien sylieden daerin
quamen te obtineren dat de zelve thiende haer in eyghendomme
' En blanc dans le manuscrit.
— 231 —
zouJe toecommen voor de somme van v<= Ib. gr. contant binnen
Ghendt.
» N«. dat de hoirs van Jan van Roosl)eeck pretenderen in admo-
diatie ghenomen te hebben dese thiende by contract ghepasseert
voor mannen van leene van S* Pieters, 21 feb. 1614.
» Thienden in Oostburch en Ysendycke amhacht. — Den
IP" van junius 1611 hebben de voorn. lieeren Catsen in
amodiatie ghenomen aile de thienden van der lande be-
vloeyt leggende in Oostburg en Ysendycke ambachten voor
den termyn van dry mael 9 jaren, deerste 9 jaeren voor
4 groote, de tweede 9 jaeren 6 groote, ende de resterende
9 jaeren voor elck ghemet hemelsche breedde 12 grooten,
boven een quarteel ofte oxhooft wyns, op conditie dat
de bedyckinghe van de zelve landen niet voleynt en waere
binnen tjaer 1613, dat de voornomde admodiatie zoude
nul en extinct zyn, eh dat de zelve admodiatie ingang
moeste nemen int jaer 1612 en verschenen 1613, tzy dat
de voor. dycaige eh ververschynghe volbracht wierde
ofte niet.
» Eh alzoo by tzelve contract besproken was dat de
voors. heeren Catsen zouden ghehauden syn te betaelen
aile lasten die men zoude connen heesschen op de voors.
thienden, zoo vande restauratie van de kercke eh andere,
en dat hetzelve uutghelaeten was in de brieven van passe-
ringhe, zoo hebben de voors. Catsen by bysonder hand-
teecken verclaert dat zy dies nietteghenstaende verobli-
geert bîyven tôt betaelynghe van de zelve lasten, zoo
ghenoteert op den IP" van junius 1611.
» Item onder de notitie van den 17 may 1611 staet dat
de voornomde Catsen in admodiatie vercreghen hadden
voor 20 jaeren , 843 gemeten in Oostburch voor 4 schel-
linghen grooten elck ghemet, dat bedyckt zoude syn int
jaer 1612, bly vende de gone die niet bedyckt souden
worden ter vryer dispositie van myn Eerw. Heere den
- 232 —
Prelaet , ende tselve contract nul by zoo verre int voorn.
jaer ir)l"2 gheene bedyckingbe en ghescbiedde.
» In de notitie van den IP" juny 1614 staet tnaer-
volgende : « Den adv* Cats is den 17 april 1614 gheac-
cordeert dat angaende den pacbt van de thienden van
den Joncvrawpolder den termyn eii jaerlicxscbe prestatie
zal wesen ghelyck als den gonen van Passegeulepolder, en
danof teerste jaer vallen zal naer d'eerste note, en voorts
dat bem Cats zal volgben in eygbendom d'actie myn
Eerw. Heere competerende lotte 6 gemeten 216 roeden in
S*^ Annapolder, nu gbepossesseert by Jan Boele, die de
zelve vercregben beeft nefïeus P. Adriaensens Pierman
Van Pr. , Bruno Cornelissens die daeran gbecomen was by
coope van den fisque voor 7 pondt 10 scbell. grooten elck
ghemet eii eenen gulden van tgbemet jaerlyks in cheynse.
Item 4 gbemeten in den Soutten polder op de baven van
Axele, nu gbebruyckt by P. Adriaensens Pierman, die
neffens den voorn. Jan Boele de zelve gbekogt beeft van
wegben den fisque alsvooren voor 5 ponden grooten
tgbemet, eii 1 gulden voor elck gbemet jaerlyckx in
cbeynse, eii daermede zal bet contract van bet tbiendeken
van Biervliet blyven als tzelve is luydende, zonder eenicb
garrant desbalven te mogben pretenderen,
» Lammerthieyiden in Oostburch, en Ysendycke am-
bachtcn. — De zelve Catsen bebben ooc in buere gbeno-
men de Lammertbiende van de scborren in Oostburg en
Ysendycke ambacbten, onder tgbebiedt van de Staeten
van Zeeland gbeduerende den tyd van de trefuis ofte tôt
verversingbe en bedyckingbe van de zelve, midts jaerlicx
betaelende zeker quantiteyt van lammeren , viscb ofte spe-
cerye naer baerl. discretie, waer onder nocbtans niet be-
grepen en waeren de partyen van zekere landen gbenaerat
Elmare. Dese tbiende staet int voornomde contract van
datum lesten aug* 1612.
— 233 —
Polder over de zuytsyde van tcanael. — Insglielycx de
polders gheleghen over de zuytsyde van tcanael, in welck
regard de voorwaerde by de voorn. Catsen ghenomen den
ri*"" juny IGll nioest blyven in vigeur, te weten dat in ghe-
valle de bedyckinghe niet voleynt en waere in het jaer
1012, den voors. pacht zoude extinct zyn indient mynheere
den Prelaet gheliefde , ofte wel dat de bedyckers zouden
ghestaen midts jaerlyckx betaeleude 10 stuyvers, ghelyckt
by voorwaerde besproken was, blyvende de thiende van
den Passegeule op 7 stuyvers tghemet tjaers, en insglielycx
van den Joncvrau-wpolder, voor den termyn van 10 jaren;
achtervolghende de voors. notitie 6 ghemeteu 21 G roeden
landts in Ste Annapolder, en 4 ghemeten in den Soeten
polder op de haven van Axel.
» Op den IP*''" juny 1614 staet ghenoteert dat op den
17'''"' april 1614 was gheaccordeert over de voors. Passe-
geule en Joncvrauw polders, dat .d'een jaer van den paclit
van den adv* Cats zoude vallen naer deerste note ende dan
volghen in eygendomme dactie van 6 ghemeten 216 roeden
conipeterende dese abdye in S^e Annepoldre. Item, 4 ghe-
meten in den Zoetenpolder op de Haven van Axel.
» Twee hondert vyftig ghemeten in Oostburch ambacht.
» Den 16 january 1615 staet gheteekent dat d'heeren
Cornelis en M^r Jacob Cats ghecocht hadden van dese
abdye outrent de 250 ghemeten, schorren in de vleck, die
zy uytghcdyckt hebben, gheleghen in Oostburch ambacht,
zoo in de Waterynghe van de onde yevene, als van den
Groede en in de Prochie van Gaternesse. »
« 1 1 juny 1611. — W Jacob Cats met consoorten in mey-
uinghe zynde te bedycken aile de landen jeghenwoordich
ligghcnde in Oostburg ende Ysendycke ambachten over de
noortsyde vaut canael zyn gheaccordeert aile de thienden
den voorn. clooster toebehoorende den termyn van 27 jaeren
— 234 —
iimegaeiide Kerst 1612, deerste neghen jaeren voor vier
grooten tghemet, de 2^ neghen jaren zes grooten ende de
leste neghen jaeren twaelf grooten vry ghelt boven een
quarteel wyns, wel verstaende dat zoo verre de voors. be-
dyckinglie niet volbracht en sy binnen den jaren 1613, dat
dit accord zal wesen niet ten regarde van de landen alsdan
niet bedyckt wesende imo tsedert gheseyt binnen den jaere
1615. Volgens de briefven ghepasseert in den Raedt op den
17 april 1612. »
(En marge) :
« Beede de C'ats hebben voor Myneheei^en van den Raede in
"Maenderen verkent in pachte glienomen tliebben treclit van de
thienden in Oostburgh ende Yseudycke ambaclit over de noortsyde
van de vaert, den termyn van drymael 9 jaren en dit over de zuyt-
zyde van de zelfde vaert voor eenen termyn van thien jaeren vol-
gliende de voorwaerden danof zynde by beede partj'en onderteekent
ende als heden int hof herkent, ende dat zy heml. verobligeert
hebben de jaerelycksche prestatie daerby beloofd te betaelen vry,
suver ende onbelast van aile commeren ende lasten in de voorn.
voorwaerden ghespecifieert, maer over zlilcke als van weglien de
heeren Staeten ofte imandt anders tôt laste van de voors. thienden
ofte cloostere houden moghen gheheescht ofte ghequierelleert
worden ter causen van de restauratie ende onderhaudt van de kercke
mitsgaeders alimentatie van s'kercken ministers ende dienaers ende
dierghelycke, al ist dat zy by de selve voorwaerde niet expresselyck
verclaert en syn. »
« 13<^ juny 1611. Den voornomde Cats heeft ghepaclit
aile de thienden van de voorn. cloostere in de polders van
de Passegeule , Joncvrauwen ende van S*"^ Catheleyne over
tcanael als nu bevloyende, den termyn van thien jaeren
ingaende Kerss. 1612, tsy de bedyckinghe voleint sy ofte
niet, elck jaer voor 7 stiicks elck bedyckt ghemet wel ver-
staende dat soo verre de bedyckynghen binnen voors. jaer
1613 niet voleyndt en sy, dat dit accord zal wesen nul ende
dat de bedyck(M-s sulloii moglion ghestaen midts betaelende
— 235 —
thien stuyvers van yder ghemet boven eenen kelcler, koffer
ende een pype secqiien, een half quarteel -vvyns ende een
quaerte figuratifve van de bedyckinghe blyvende als dan
de landen onbedyckt Avesende ter libre dispositie van myn
Eerw. heere.
» 7 july 1612, De voornomde Cats hebben ghelmert de
tliieuden van Biervliet neglien jaren, teersten kerss. 1612
omme twee tonnen goeden zoiiten visch ende sekere qunn-
titeyt van specerye ter discretie daer uaer 24 9'"'^ 1612 is
dese liueringbe gbeannuleert.
» 25 S"""* 1612. Alsoo dheer Cornelis Cats Adriaen, aiult
burgemeester van Brauwershaven ende M^^ Jacob Cats
gbepacht hadden ende gbenomen te bedycken aile de
landen van desen cloostere tôt 850 gbemeten int qnartier
van Oostbuggh, Ysendycke ende Groede, emmers zoovele
als sy binnen denjaere 1612 ende 1613 zouden conen be-
verschen met vrydom van tliienden zoo sy van ghelycken
in paclite hadden gbenomen aile de tienden op aile de
landen van den zelven quartiere ende dat nochtans uut
naerder consideratie bequamer ende oirboorelycker bevon-
den is in de selve thienden ende landen emmers eenighe
partyen van dien te veralieren by permutatie jeghens
andere landen in vaste ende verzekerde quartieren , zoo is
bemlieden by nieuweu accorde ghecedeert eerst 300 gbe-
meten bevloeyt landt gbeleghen aen de noortsyde van de
selve van Nieuwerbaven in de Waterjmgbe van de Groede
ende annexen polders met den vryen thienden over deselve
300 gbemeten, bovendien trecht van de thiende over de
zelve 4000 gbemeten landts in de zelve quartieren ooc mede
gbelyck recht van thienden van 800 gbemeten lands in de
jaeren 1609 ende 1610, bedyckt by Bogaert met consoorten
met reserve nochtans dat de zelve Cats int ghebruyck niet
- 23G —
en suUen commen voor clexpiratie van de termyn van den
voornoemden Bogaert.
» Item , nocli de helft van de thienden van Triniteyt.
» Item, ten lesten thuys in Oostburgli waer jegliens de
zelve Cats zullen opdraghen zekere partyen als de meyerie
van Lede ende andere ende dienvolghende is dit accord
alzoo wettelyck gliepasseert voor de weth van S*<^ Pieters
1 7"^" 1612.
» Ende ten naerdere verstaude van den bovenschrevenen
contracte van permutatie is voor de voorn. schepenen zeker
ander contract in datum als boven gliepasseert, daerby de
voornomde Cats in de plaetse van de voornomde partyen
van Lede ende andere belooft liebben te betaelen de somme
van vyf dusent ponden grooten vlaemsch, te betaelen bin-
nen Gbendt, te weten een dusent ponden grooten binnen
een maent ende zelve somme binnen ses weken daernaer,
ende de restercnde penninghen naer tsluyten van de dycaige
nu staende te geschieden , ende naerdien dat men de zelve
zal liebben pertinentelyck afgliemeten beliaudens indien
de landen ofte thienden in de voornomde dycaige begrepen
nieerder ofte minder bevonden wierden dat de vergoe-
dynglie dienaengaende gbedaen sal worden, te weten van
300 ghemeten mutuellyck naer advenant van tliien schel.
elck ghemet ende van 4000 gliemeten thienden ten adve-
nante van twintich schell. elck ghemet.
» Ende indien de partyen van Bogaert by rechte me-
tinghe meerder ofte minder bevonden wort dan 800 ghe-
meten, zo zal de vergoedynghe gheschieden ten 16 guldeus
elck ghemet, ailes hcinclsche breedde, dan in cas die van
tcappittele van Doornicke daeraf eenighe partyen consten
ontvinden zullen zy Cats daeraf moeten scheeden en voor
zoo vêle van dit contract desisteren midts heml. de falsatie
doende van twaelf guidons van elck ghemet.
» Naerder handt van de voorn. contracte is hier in de
— 237 —
verstaen dat de tliienden over de landen bedyckt by dea
heere vander Noot aen de noortsyde van de Guele van
Mieuwerhaven in eyglicndorame zullen volglien de voorn.
Cats, beneffens de voorgaende gliecontracteerde partyen
van tliienden ende landen ende dat ten 20*^" gr. elck glieniet
teynde maete teynde gelde, ende in cas die van S^^Baefs
ofte Doornicke daerinne mochte competeren, zoo zal de
vergoedinghe lialf ghcdeelt worden met ghelycke 20 groot.
elck ghemet. Ende en sullen de zelve Cats dien aengaende
gheen garand ten anderen hebben.
» 24 9''" 1612. Ten lesten de voorn. Cats bebben in pachte
de thienden van Terneusen , te weten deen heift alleene-
lyck in S^^ Geertruyde poblere, ende de gbelieele tbiende
in dander twee cleene polderkens den termyn van 20 jae-
ren midts eene erkentenisse 'den tydt van den tegbenwoor-
diglien trefuis gbeduerende aile jaere eenigbe specerye
tbaerl. discretie ende naer d'expiratie "van den zelven tre-
fuis 6 ponden grooten tjaers totten expireren van den
voors. 20 jaren.
» Den 27 martii 1G14. Corneliss Janssens ende Steven
Jan Symons, gbezworen landnieters, verclaeren dat in de
nieuwe d^ycaige van de Groede glielyck de zelve gbelegben
is tusschen bet gat van den nieuwe liavene ende bet Zwarte
gat beslotcn tusscben de dycken van Cadsant, Breskinssant
ende Bresande, in ailes groot bevonden te bebben over
dusent een bonderd 19 gliemcten 242 roeden hemelscbe
breedde ende gbelick die te dycken gbecontribueert bebben.
» De zelve verstaen gbevonden tbebben te staene up den
naeme van den abt van S^^ Pieters in de onde ommeloopers
van sbeer Gbeeraerds de Moor der Groede Nieukerke
ende oudde gène wateringbe wesende ailes noes in de
nieuwe dyckaige van de Groede 217 gbemeten.
238 —
CHRONIQUE.
Geschiedenis van de gemeenten derprovincie Oostvlaanderen.
— MM. De Potter et Broeckaert viennent d'aborder la troisième
série de leur histoire des communes de Flandre, destinée à l'arron-
dissement de Saint-Nicolas ; les deux volumes qui ont été distribués
récemment contiennent les monographies de Bazel, Belcele, Beve-
ren, Burcht , Dacknam , Doel, Éverzele, Exaarde, Saint-Gilles.
L'importante commune de Beveren occupe 198 pages. Le riche
arrondissement que les auteurs des communes ont commencé à dé-
crire comprend l'ancien pays de Waas, qui formait ci-devant une
circonscription séparée et qui a son histoire à elle, que M. Ad. Siret
avait déjà esquissée il y a quelques années.
Les sources ne leur ont pas manqué : indépendamment des archi-
ves de l'État à Gand, des archives du royaume à Bruxelles, ils ont
consulté celles de l'évêché de Tournai, du département du Nord à
hi\hi, (lu Cercle archéologique du Pays de Waas à Saint-Nicolas, de
la famille Vilain XIIII, du chevalier Schoutheete de Tervarent, du
baron de Neve, de M. de Maere, des paroisses et communes, et de
la ci-devant abbaye de Rozenberg à Waasmunster.
La publication de MM. De Potter et Broeckaert est déjà une
véritable collection. La première série compte huit volumes, la
seconde trois, la troisième en a déjà doux, sans parler de l'histoire
d'Alost en quatre volumes.
L'histoire des communes- est une œuvre de longue haleine et de
patience , aussi félicitons-nous les auteurs de posséder à un si haut
point cette dernière qualité, indispensable dans le travail auquel ils
se livrent.
Emile V...
— 239 —
Fn nouveau Rubens au Musée de Bruxelles. — Rubens était
largement et magnifiquement représenté au Musée de Bruxelles ; à
son riche conlingent vient de s'ajouter un portrait d'homme, qui,
pour la qualité de la peinture, ne le cède à aucune autre de ses
(Tuvres. C'est d'Angleterre que vient ce joyau qui brille d'un vif
éclat dans l'écrin du maître des maîtres. Le personnage n'est pas
esthétiquement beau, mais sa physionomie est pleine de caractère;
ce qui est beau , c'est la finesse et la transparence des chairs , c'est
la vie qui anime les regards , c'est la légèreté des cheveux et la fac-
ture de l'ajustement, d'une collerette surtout, plissée et brossée
avec une maestrie étonnante. On serait tenté de demander son nom
à ce cavalier dont l'eiïigie est si vivante. C'est toujours une satisfac-
tion de connaître le personnage dont la main d'un maître a retracé
l'image; mais quand la valeur d'un portrait s'élève à un tel degré,
la personnalité du peintre absorbe celle du modèle ; on est en pré-
sence d'un tableau. Le nouveau portrait de Rubens dont vient de
s'enrichir le Musée de Bruxelles ne pâlit pas à côté des deux pages
superbes provenant de la famille de Beauffort, et dans lesquelles on
jugeait que le maître s'était surpassé comme portraitiste. Cet éloge
suffît.
{^Athenœuni belge).
I
Portrait de Gœthe. — Un portrait de Gœthe, pris après sa mort
par le peintre paysagiste Fr. Preller, vient d'être publié, après être
resté pendant tout ce temps en possession de l'artiste. Gœthe avait
défendu qu'on reproduisît ses traits par le dessin ou le moulage
après sa mort. Mais Preller aj-ant pu pénétrer dans la chambre
mortuaire, esquissa sur un feuillet de son carnet la figure du grand
poète, telle qu'elle est décrite par Eckerniann. Cette esquisse,
Preller l'a toujours soigneusement gardée, et, d'accord avec la fa-
mille, il a autorisé les photographes Rômmler et Jonas, de Dresde,
à les reproduire. La photographie se vend au profit d'une institution
charitable allemande.
{Ici.).
La Cosoiission royale d'histoire de Belgique. — La Commis-
sion royale d'histoire de Belgique, qui a pour président M. Kervyn
de Lettenhove, et pour secrétaire M. Gachard, a fait paraître,
— 240 —
en 1877, trois volumes m-4°. — I. La bibliotliéque nationale de Paris.
Notices et extraits des mamiscrits qui concernent l'histoire de Belgi-
que, tome II, par M. Gachard. Ce volume, de vi et 612 pages, con-
tient l'analyse de quatre-vingt-six manuscrits, rangés sous trois
sections : Conférences diplomatiques, Tz-aités, Dépêches des ambas-
sadeurs. La dernière forme la plus grande partie du volume. Elle
comprend les correspondances de trois ambassadeurs de France
envoyés à Charles-Quint, de cinq ambassadeurs qui représentèrent
le même pays à la cour de Philippe II, et de trois diplomates que
Charles IX entretint à Bruxelles auprès du duc d'Albe. — II. Table
chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire
de Belgique, tome V, par M. Alphonse Wauteurs. Ce tome n'a pas
moins de x et 817 pages; il s'étend de l'année 1251 à l'année 1279.
L'époque qu'il embrasse est celle de la guerre des d'Avesnes et des
Dampierre; celle qui vit mourir le roi des Romains, Guillaume de
Hollande, le principal protecteur des d'Avesnes, et saint Louis, le
médiateur entre ceux-ci et les Dampierre ; qui vit commencer et
finir l'interrègne dans l'empire d'Allemagne et se terminer , par
l'expédition de Tunis , la période des Croisades. Après Marguerite
de Constautinople , que l'âge condamne enfin au repos ; après le duc
Henri III de Brabant , le protecteur des lettres ; après i'évêque de
de Liège Henri de Gueldre, dont l'influence fut longtemps prépon-
dérante dans la Basse-Lotharingie, apjjaraissent Guy de Dampierre,
son neveu Jean d'Avesnes et Jean 1^', dont la personnalité s'affirme
plus que celle des autres princes de son temps. Le tome V de la
Table contient les analyses d'un nombre énorme de documents qui
se rapportent, soit aux personnages dont nous venons de parler, soit
aux seigneurs, aux ecclésiastiques, aux lettrés ayant été en relation
avec eux, soit aux ^copulations et aux communautés de tout genre
sur lesquelles s'étendait leur autorité. Des tables très-détaillées des
noms des personnes et des lieux y rendent les recherches faciles.
Dans l'introduction, M. Wauters, s'appuyant des faits qui ressorteut
de tous les documents dont il donne l'énumération, montre de quelle
importance est le secours que la diplomatique peut apporter à l'his-
toire. — III. Chronique de Liège de Jean de Prêts, dit d'Outremeuse,
t. IV, éditeur M. Stanislas Bormans. Ce volume de 824 pages com-
prend : le complément du livre II de la chronique commençant à
l'année 873 et finissant à la prise de Jérusalem par l'empereur Bau-
— 241 —
douin, 1207; La Geste de Liège correspondante à ce complément ; Un
glossaire où l'éditeur explique les mots de l'ancien langage wallon
qui ne figurent pas dans les lexiques connus. Une table chronologi-
que des matières.
[PolrjhibUon).
Vente Didot. — La vente d'une faible partie de la bibliothèque
do M. Ambroise Firmin-Didot vient de se terminer. Comprenant
700 numéros seulement, elle a produit 850,000 francs. La dernière
vacation seule a donné 341,000 francs avec 71 articles. C'est la
plus forte vacation de livres ou manuscrits qui ait jamais été faite,
et cette vente est celle qui a produit la somme la plus élevée. La
moyenne des adjudications de toute la vente a été de 1200 francs
par article, celle des 71 numéros du dernier jour est d'environ
5000 francs. Citons entre autres : Firmin Le Ver, Dictionnaire
latin-français, suivi d'un grammaire, Ms. daté de 1440, 9000 fr. —
Guillaxime de Lorri$ et Jean de Meung, le Ro?nan de la Rose, Ms. du
X1V« siècle ayant appartenu à Jean Marot, 9,600 fr. — Etienne
Parchier, les Trois âges, Ms. ayant appartenu à Louis XI, 8000 fr.
— Margicerite reine de Navarre; La coche ou le départ d'' amour ; à
la vente de la bibliothèque du baron Pichon, ce Ms. avait été adjugé
au prix de 8,220 fr. ; cette fois il a atteint 20,000 fr. — Chroniques
abrégées des anciens rois et ducs de Bourgogne, acquis en 1865 j)ar
M. Didot pour 10,000 fr., adjugé 20,000 fr. — Les Funérailles
d'Anne de Bretagne, Ms. ayant appartenu au grand Condé, puis au
chancelier d'Agnesseau, 13,100 fr. ; le même ouvrage, édition un peu
inférieure à la précédente, 10,000 fr. — Le Roman de la Rose, l'édi-
tion connue 5,500 fr. ; un autre exemplaire du même ouvrage, édi-
tion très-rare, a été vendu 8,000 fr. — Martin Franc, Lestrif de
fortune, payé autrefois 7,080 fr., adjugé 21,500 fr. — Saint-Graal,
premier livre de la Table-Ronde, 7,000 fr. — Lancelot du Lac, édi-
tion fort rare, 7,800 fr. — Cleradion et Melindice, exemplaire unique,
acquis en 1867 par M. Didot au prix de 10,000 fr., adjugé 19,100 fr.
— Olivier de Castille, exemplaire unique, 20,000 fr. — Monstrelet,
exemplaire de la seconde édition de ses œuvres, acheté 18,000 fr.
en 1862, adjugé 30,500 fr. — Chronique de Normandie, admirable
manuscrit du XV« siècle, adjugé, aux applaudissements de l'assis-
tance, à un représentant de la ville de Rouen, 51,000 fr.
[Chronique du journal général de Vimprinierie
et de la librairie).
— 242
Vente de livres curieux. — Une curieuse collection de livres,
provenant de M. J.-T. Payne a été vendue à Londres le 10 avril.
Elle contenait des spécimens d'un grand nombre de bibliothèques
fameuses, notamment du XVP siècle, de François P"", Henri III,
Grolier,De Thou, comte Hoym, Longepierre, Lamoignon, Renouard,
Ch. Nodier, etc., des Elzevirs rares ou uniques, des éditions des
Aides, des manuscrits, des reliures de Du Seuil, d'Angerran, De-
rome, Padeloup, Roger Payne. Cette collection choisie comprenait
117 numéros seulement, qui ont atteint des prix très-élevés. Le
Boccace de 1665 (Elzevir) s'est vendu 47 livres ; l'Exposition de la
doctrine de l'Église, de Bossuet, provenant de Longepierre et No-
dier, 127 liv.; les Mémoires de Commiues, 1648 (Elzevir), reliure de
Derome, 48 liv. ; 4 ouvrages de Dibdin, 117 liv. ; un Molière de
Bret, 1773, 56 liv.; Diego de Stella, Méditations, 1586, provenant
de Henri III, 100 liv. ; Virgile, 1626 (Elzevir), reliure de Derome,
50 liv. ; un Office de la Vierge, manuscrit du XV« siècle, 225 liv. ;
une miniature de Girolamo dei Libri, 215 liv. ; deux autres datant
de 1440 environ et exécutées pour le Bâtard d'Orléans, 205 liv.;
une miniatiire italienne, qui représente J. Fichet, docteur de Sor-
Ijonne et fondateur de la typographie parisienne, offrant son livre de
la Rhétorique à Sixte IV, 235 livr. Les 117 numéros se sont vendus
2830 livres.
[Atlienœwm belge).
Vente de tapisseries. — Dernièrement ont été vendues à Paris,
à l'Hôtel Drouot, cinq tapisseries que le catalogue annonçait comme
étant des Gobelins, mais qui doivent avoir été tissées au XVII« siècle
dans les Pays-Bas. Ces tapisseries provenaient du château d'Oiron,
qui a appartenu à M™"^ de Montespan. Elles ont été adjugées à
7,550 francs. Une tapisserie de Flandre, sujet mji>hologique, com-
posé de sept figures dans un parc avec des cascades et monuments,
a été vendue 1,750 francs.
{id.y
Vente de la Bibliothèque de M. Robert S. Turner. — Le
thermomètre de la bibliomanie monte, monte sans cesse ; il a atteint
une hauteur que personne n'aurait osé prévoir ; c'est avec une ardeur
sans exemple que d'opulents amateurs se disputent des livres d'une
extrême rareté, des volumes ayant appartenu à des personnages
— 243 —
célèbres , d'anciennes et somptueuses reliures ; cette faveur ne se
porte d'ailleurs que sur ce qui est d'une rareté exceptionnelle, d'une
beauté parfaite ; les livres ordinaires, en condition médiocre, n'y ont
aucune part.
Un riche Anglais , M. Robert Turner, s'était proposé de réunir
les monuments les plus précieux, les pièces les plus rares des diver-
ses littératures d'Europe ; il s'est trouvé en face de l'encombrement
et il a pris le parti de livrer aux enchères parisiennes ce qu'il pos-
sédait de mieux en livres français, en y joignant quelques ouvrages
latins.
La vente a eu lieu le 12 mars et les quatre jours suivants. Le cata-
logue a été rédigé par un libraire fort instruit, M. Adolphe Labitte,
en possession de procéder à ces ventes ; ce catalogue comprend
774 numéros ; et il renferme quelques notes offrant sur certains
ouvrages rares des détails noviveaux et intéressants [voir n°^ 361,
439, 611, etc.). Plus de 60 articles ont dépassé le prix de 1,000 fr.
Nous allons indiquer les plus remarquables de ces adjudications, en
mentionnant parfois les prix auxquels ces mêmes exemplaires avaient
été cédés dans des ventes précédentes : rien n'atteste mieux la hausse
énorme qui s'est produite sur les livres précieux.
Biblia sacra. Parisiis. 1666, in-4", riche reliure ancienne, 5,600 fr.
— Psautier de David. Paris, 1586, in-4°. Exemplaire, richement re-
lié, d'un de ces livres que Henri III faisait imprimer pour sa cha-
pelle et pour l'usage de sa cour, 6,000 fr. — Le Nouveau Testament.
Mons, 1667, 2 vol. in-S» (impression elzévirienne), 1,430 fr. — Histo-
riarum veteris instrumenti icônes. Lugduni, 1538, in-4° (volume
recherché à cause des 92 gravures d"Holbein), 3,000 fr. — Annota-
tiones Jacobi Lopidis contra Erasmwn. 1519, in-fol. Exempl. de
Grolier, le plus célèbre des bibliophiles du XVI« siècle, 3,000 fr. —
Response au livre publié par l'évesq7ie d'Evreux. Saumur, 1602, in-4°.
Exempl. de l'auteur Duplessis-Mornay, avec huit vers autographes,
2,000 fr. — Dialogues de Bernardin Ochin touchant le purgatoire
(Genève), 1559, in-S^, 1,500 fr. Exempl. adjugé à 16 fr., vente Mac
Carthy, en 1816, et 142 fr. Solar, en 1861. — Essais de Montaigne.
Bourdeaux, 1580. Edition originale, 1,500 fr. — Politique tirée des
propres paroles de V Écriture sainte, par Bossuet. Paris, 1709, in-4.
Très-bel exempl. aux armes du duc du Maine, 2,300 fr. — De gli
habiti antichi et >nuderni... fatti da Cesare Vecellio. Yenetia, 1590,
— 244 —
in-S", 2,480 fr. — Suite d'esta".npes pour serinr à Vliistoire des mœurs
et des costumes des Français. Paris, 1776-1789, in-fol. (38 estampes :
12 par Frendenberg, 26 parMoreau), 3,300 fr. — Horatius. Londini,
1733-1737, 2 vol. m-8°. Très-belle reliure de Derome, 5,000 fr. —
Le Romxin de la Rose, s. l. ni d. (Lyon, vers 1485j. In-fol., 2,800 fr.
Exempl. d'Heber, 8 1. st. en 1836, mais relié depuis; un exempl. de
cette édition n'avait pas dépassé 7 fr. 20 en 1784 ; un autre, relié en
mar., 170 fr., vente Cailhava. — Le Roman de la Rose. Paris, 1529,
pet. in-8°, 1,000 fr. Exempl. Giraud, 299 fr., et Solar, 355 fr. —
Œuvres de Guillaume Coquillart. Paris, 1529. pet. in-8°, 5,450 fr.; ce
même exemp., 18 fr., La Vallière, en 1784, et 510 fr., Renouard, en
1853, prix qui avait alors paru fort élevé. — Le Champion.des daines
(par Martin Franc), s. l. nid. (Lyon, vers 1485), in-fol., 2,900 fr.
(Poëme fort ennuyeux à la louange des femmes). — Le Temple
Jeluin Boccace, de la ruine d'aulcuns nobles malheureux, Paris,
1517, in-fol., 4,000 fr. — Les premières œuvres de Philippe des
Portes. Paris, 1600, in-8°, très-belle reliure. Exempl. de l'auteur et
à son chifire, 3,505 fr. — Fables de la Fontaine. Paris, 1677-1694,
5 vol. in-12 (la sei4e édition complète publiée par l'immortel fabu-
liste). Fort bel exempl., 11,950 fr. [Onze mille neuf cent cinquante!)
— Recueil des plus beaux airs, accompagnés de chansons à danser.
Caen, 1615, pet. in-12. 3,000 fr. Le Manuel dit libraire cite deux
adjudications de ce recueil complet, 70 et 201 fr. — Orlando furioso.
Birmingham, 1778, 4 vol. in-4'^, 2,700 fr. — Oronte gigante. Vinegia,
1531, in-4''. Édition unique de cette épopée chevaleresque. Exempl.
de Henri U et de Diane de Poitiers, 4,400 fr. — Plautus. Lugd.
Batav., 1664, 2 vol. in-8. Exempl. avec la Toison d'or, emblème
adopté par Longepierre, auteur d'une tragédie de Médée, fort ou-
bliée de nos jours, 2,500 fr. — Le Mystère des Actes des Apostres.
Paris, 1537, in-fol., 3,000 fr. — Œuvres de Molière. Paris, 1739.
8 vol. in-12, 5,000 fr. Une jolie reliure de Derome, en maroquin vert,
est le motif de ce prix énorme. Ce même exempl. avait été adjugé
181 fr., vente Duriez, 1826, et 169 fr., Pixerécourt, en 1839. —
Daphnis et Chloé. 1718, pet. in-S", 2,150 fr. — Méliadus de Leon-
noys. Paris, 1539, in-fol., 2,000 fr. (payé 600 fr. à la vente Giraud'.
— Faits et prouesses du noble chevalier Jason (sans lieu ni date),
in-fol., 7,600 fr. (On ne connaît que trois autres exempl. de ce vo-
lume. Voir la note n° 339 du catalogue). — Œuvres de Rabelais.
— 245 —
Paris, 1553, in-16 (la première édition qui comprend les quatre
livres), 3,000 fr. Le Manuel n'indique aucune adjudication. —
Nouvelles récréations de Bonaventure Despériers . Paris, 1558, pet.
)n-4", 3,000 fr. Un exempl. relié en maroquin avait été payé 260 fr.,
Solar, en 1861. — Ciceronis opéra. Amstelodami, apud Elzevirios,
1661, 2 vol. in-é". Très-bel exempl., 3,900 fr. (à cause de la reliure).
— Le Livre appelé Mandeville. Lyon, 1480, in-fol., 6,250 fr. (Voir
la note du catalogue, n» 611). Cet exempl. avait été adjugé à 36 fr.
à la vente du duc de La Vallière, en 1783, mais il avait reçu depnis
une riche reliui-e. — La Mer des histoires. Paris, 1588, in-fol., 2,800
fr. — Discours sur Vhistoire naturelle, par Bossuet, 1680, in-é".
Édition originale; très-bel exempl. aux armes du chancelier Le Tel-
lier, 6,400 fr. — Histoire des variations, par Bossuet, 1688, 2 vol.
in-4", 1,850 fr. — Chroniques de Monstrelet. Paris, s. d.,2 vol. in-fol.,
3,250 fr. Cet exempl. avait deux fois été adjugé à Londi-es, 8 1. st.;
12, Roxburghe en 1812 ; 22 1. st. 10, Heber en 1836. — La Chronique
du roy Louis unziesme. Paris, 1558, in-8", 2,650 fr. (Exempl. du
président de Thou) . — Recueil des portraits et éloges, par M''^ de
Montpensier. Paris, 1659. Exempl. aux armes de Mademoiselle ; an-
cienne reliure, 14,000 fr. [Quatorze mille francs!)
Fouilles a Feanchtmont. — Des fouilles importantes sont faites
à Franchimont depuis le mois d'octobre de l'année dernière.
Franchimont est un petit village du canton de Florennes, que l'on
rencontre à une demi-lieu de Villers-le-Gambon.
La place publique, située à l'entrée du village en venant de
Villers-le-Gambon, est assez remarquable par sa position, et elle
l'est maintenant tout-à-fait par les richesses archéologiques que l'on
y découvre en une abondance extraordinaire.
Cette place, située sur un monticule et escarpée de trois côtés,
présente cette particularité qu'à certains endroits l'herbe y pousse
comme dans une prairie, tandis qu'à d'autres endroits le sol est à
peu près stérile.
L'ouvrier qui, depuis plusieurs années, exécute les fouilles pour
le compte de la Société archéologique de Namur, Godelainé, homme
intelligent, très-observateur, et qui possède de véritables connais-
sances en fait d'antiquités, fut frappé de ces liizarreries de végéta-
tion, et il se dit qu'il devait y avoir là queb^ue chose, d'autant plus
— 24G —
que la place s'appelle les Tombais. Il donna donc un coup de pioche ,
et il eut la chance d'ouvrir une tomlie. C'était à la fin d'octobre ou
au commencement de novembre de l'année dernière. Il se mit
aussitôt à l'œuvre, et il fut bientôt évident qu'il avait découvert un
cimetière franc.
Les fouilles ont continué jusqu'au mois de décembre, et elles ont
repris aussitôt que le temps l'a permis.
Un grand nombre de tombes, situées à 30 et 40 centimètres, et
quelquefois moins bas, ont été ouvertes, et l'on a recueilli un grand
nombre d'objets divers, des vases en verre, des boucles en fer, des
boucles en bronze, des stylets à écrire, des scramasax, des fers de
lance, des grains de collier, des boucles on argent damasquinées,
des boucles en or émaillées de verrotteries, des ossements, etc., etc.
Un objet tout-à-fait remarquable et qui attirera certainement l'at-
tention du monde savant, a été ramassé. C'est une bague portant
un chaton avec monogramme surmonté d'une croix. Cette croix
serait-elle un ornement de hasard, ou bien aurait-on rencontré le
cimetière d'une colonie chrétienne? Peut-être de nouvelles décou-
vertes apporteront-elles de nouveaux éclaircissements. En tous cas,
cette bague est certainement des plus curieuses.
Parmi les tombes que l'on a fouillées, il en est une qui contenait
le squelette d'une petite fille dont la seconde dentition n'était point
faite; les secondes incisives commençaient seulement à pousser.
Ce cimetière de Franchimont est certainement un des j^lus inté-
ressants que l'on ait trouvés dans l'Entre-Sambre et Meuse, si riche
en antiquités romaines et franques.
Société des Sciknces, des Aets et des Lettbes du Hainaut. —
Concours de 1878.
Littérature. — I. — Une pièce de cent vers au moins sur un sujet
puisé dans l'histoire de Belgique.
II. — Une ou plusieurs pièces comprenant au moins cent vers
sur un ou plusieurs sujets laissés au choix de l'auteur.
III. — Une nouvelle en prose.
Biographie. — IV. — Biographie d'un homme remarquable par
ses talents ou par les services qu'il a rendus et appartenant au
Hainaut.
Beaux-Arts. — V- — Étudier l'architecture dans les monuments
— 247 —
et les maisons particulières de la ville de Mous jusqu'à la fin du
XV1II« siècle.
VI. — Une statuette, avec piédestal, pouvant sei'vir de modèle
pour un monument à élever à Jacques Du Bi'œucq, le vieux, né à
Mons.
VII. — Écrire l'histoire des arts du dessin dans le Ilainaut
depuis le règne de Marie-Thérèse jusqu'à nos jours.
Histoire. — VIII. — Établir au moyeu de pi'euves la chronologie
des comtes de Haiuaut.
IX. — Écrire l'histoire d'une des anciennes villes du Hainaut,
excepté Soignies, Péruwelz, Saint-Ghislain, Enghien, Beaumont et
Fontaine-l'Évêque.
X. — Faire l'histoire de l'art typographique dans le Ilainaut.
Enseignenieyit. — XI. — Examen critique de nos lois et de nos
règlements sur l'enseignement primaire.
XII. — Même question en ce qui concerne l'enseignement moyen.
XIII. — Même question en ce qui concerne l'enseignement su-
périeur.
XIV. — De l'opportunité d'établir des crèches et des écoles
gardiennes, et comment elles doivent être organisées en Belgique
pour répondre aux besoins des populations ouvrières.
Sciences. — XV. — Faire la description géologique et paléonto-
logique des terrains tertiaires du Hainaut.
XVI. — Exposer les différentes méthodes de transformation des
figures géométriques.
XVII. — Discuter les différents nombres qui ont été proposés
pour représenter l'équivalent mécanique de la chaleur.
Médecine et hygiène. — XVIII. — Quels sont au point de vue
du traitement des malades, les avantages et les inconvénients des
hôpitaux permanents.
Agynculture et horticulture. — XIX. — Rechercher les causes
naturelles ou physiques de la dégénérescence des graines dans les
végétaux cultivés.
XX. — Faire l'historique de l'agriculture dans la province de
Hainaut, depuis les temps anciens.
Sciences sociales. — XXI. — Rechercher pour le Hainaut , si la
proportion relative des crimes, dans les différents groupes agricoles
et industriels de la province s'est modifiée depuis 1830 jusqu'à nos
jours et, le cas échéant, en indiquer les causes.
— 248 —
Questions proposées : a. Par le Gouvernement.
XXII. — Discuter à fond la question de la translation (descente
et remonte) des ouvriers dans les mines profondes. Dans quelles
conditions doit-elles se faire pour sauvegarder la vie des ouvriers?
XXIII. — Certaines discordances que l'on remarque souvent
dans les plans de mines levés à la boussole, lorsque l'on veut rac-
corder entre eux les plans des différents étages, autorisent à penser
que les instruments magnétiques subissent dans l'intérieur de la
terre, soit des déviations locales, soit des déviations qui sont fonc-
tion de la profondeur.
On demande de décrire un procédé, à la fois pratique et sûr pour
déterminer à un même moment, les directions relatives de l'aiguille
aimantée à la surface de la terre et à une profondeur donnée dans
un puits de mine.
b. Par la Députation permanente du Conseil provincial.
XXIV. — Indiquer et décrire, d'une manière générale, le gise-
ment, les caractères et les traitements des divers minerais de fer
exploités dans la province de Hainaut.
Énumérer les caractères géognostiques qui doivent servir de
guide dans la recherclie des gîtes de minerais de fer qui peuvent
exister dans la province de Hainaut, et discuter leur valeur.
XXV. — Indiquer et décrire les réactifs chimiques les moins
coûteux et les manipulations les plus simples pour précipiter tous
les corps dissous dans les eaux sortant des fabriques de sucre, de
noir animal, des divers produits chimiques et des teintureries, de
manière qu'il suffise de filtrer les eaux ainsi traitées, pour les obte-
nir limpides et ne contenant aucune matière organique ou inorga-
nique en dissolution.
Le prix pour chacun de ces sujets est une médaille d'or.
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Vue uu village de Laeken, en 17(54
249
L'ANCIENNE
IIEPTARCniE DE LAEREN-XOTRE-DAME,
AUJOURD'HUI RÉSIDENCE ROYALE.
NOTICE HISTORIQUE ACCOMPAGNÉE DE PIÈCES JUSTIFICATIVES ET SUIVIE DU TEXTE INÉDIT
D'UNE COUTUME DE CETTE LOCALITÉ K
Septem Larenses vetcri ditione toparchœ
Et sera tltulos posteritate gerunt.
(Eeycius Puteanxs.)
La notice qu'on va lire n'est pas en elle-même
d'une bien grande importance. Mais, envisagée sous
le rapport des institutions si variées et parfois si
bizarres du moyen-âge , elle présentera , je crois ,
quelque intérêt. Elle contribuera à éclaircir l'his-
toire locale de Laeken, à laquelle plus d'un auteur
a consacré ses recherches. Tel est, de nos jours,
M. A. Wauters, le savant archiviste de la ville de
Bruxelles, qui a apprécié et utilisé les travaux de
ses devanciers, en indiquant soigneusement le
titre des publications dues à leur plume respec-
tive. En outre, cet essai jettera du jour sur un point
assez obscur des institutions précitées. Je veux
* Cette coutume a été traduite et annotée par M. Charles Stal-
laert. (Voir l'appendice.)
17
— 250 —
parler de ces justices foncières , représentées par
des cours censales, où siégeaient ordinairement
quatre ou sept tenanciers, que présidait un majeur,
officier de police chargé, en même temps, de veiller
à la tranquillité publique.
Parmi les vieux auteurs auxquels je viens de
faire allusion, il en est qui, songeant, sans doute,
à riieptarcliie Angio- Saxonne fondée dans la
Grande-Bretagne, au V*^ et au VP siècle, ont donné
ce même nom d'heptarchie au village de Laeken-
Notre-Dame ' , parce que l'autorité seigneuriale y
était partagée entre sept personnes.
« L'heptarchie ou les sept seigneuries de Lae-
ken, dit M. Wauters % ont été le sujet de maint
conte ; on a dit que leurs possesseurs descendaient
des anciens maîtres du village, et qu'en passant
de génération en génération, elles s'étaient frac-
tionnées. ))
En effet, Sanderus ^ suppose que le chevalier
• L'origine de cette commune se perd dans la nuit des temps,
puisqu'on a découvert sur son territoire , non loin de l'église , les
substructions d'une villa de l'époque romaine. L'auteur du présent
article les a explorées avec soin et a rendu compte du résultat des
f(juilles dans les Bulletins de l'Académie royale, en 1855 et en 1877.
^ Voy. sa notice sur Laeken dans VHistoire des enviro7is de
Bruxelles, t. II, pp. 343-388. La vue du village de Laeken , placée
au commencement de cette notice et reproduite par la photolitho-
grapliie, est du graveur Ilarrewyn, qui l'exécuta pour en orner l'ou-
vrage du l)aron Le Roy : Le Grand théâtre sacré du duché de Bra-
bant. Harrewyn a copié, à quelques modifications près, la planclie
que J. Troyen grava pour la monographie de Sanderus, publiée en
1G59. {Voy. plus loin.)
3 Chorographia sacra Brabantiœ. Laça parthenia. Cette mono-
graphie est divisée en ti-ente paragraphes. L'auteur a largement
puisé dans une histoire de Laeken par J.-A. Gurnez, curé de la com-
- 251 —
Rembald de Laeken, qui vivait dans la seconde
moitié du XIP siècle et au commencement du
siècle suivant', étant décédé sans postérité, fut
remplacé dans son domaine par sept seigneurs,
soit que tous fassent ses héritiers, ou que, dans
le nombre, il y en eût qui acquirent des fractions
de ce domaine.
Selon Puteanus, que cite le même auteur, l'iiep-
tarcliie de Laeken ne serait autre qu'une imita-
tion des sept lignages institués à Bruxelles.
Voici l'opinion qu'exprime le baron Le Roy.
« Laken est un des villages qui jouit du droit
de bourgeoisie ; il y a sept seigneuries dans son
territoire , et les sept familles patriciennes sem-
blent avoir tiré leur origine de ces sept seigneu-
ries ^. »
Sanderus , cet écrivain fécond , s'est évidem-
mune. Le greffier Jacques Van Humbeek lui communiqua, de son
côté, des documents. Malgré son étendue, je mets sous les yeux du
lecteur le titre complet de l'écrit de Sandeinis :
Laça parthenia, Mariani cidUis antiquitate et miraculorùm gloria
illustris, quam e inajoribus ejusdem argumenti commentariis nuper
editis Joannis-Antonii à Gurnez , presbyteri oratoriani, hic brevio-
retn, alibi auctant, et imaginibus œneis ornatani, rursus in lucem
educit Antonius Sanderus , presbyter, Iprensis ecclesiœ canonicus,
yiuper et pœnitentiarius. Bruxellœ, apitd Philippum Yleugartiian ,
1659. Ce titre est orné d'une belle gravure représentant l'image de
la Vierge, placée sur un autel. Au pied, le Christ tenant un gou-
pillon et bénissant l'église de Laeken ; derrière lui, sa mère portant
un livre et un petit sceau. Elle est suivie de deux anges. La mono-
graphie de Sanderus, grand in-fol., est dédiée à l'archiduc Léopold,
gouverneur général des Pays-Bas. (Voy. son épître dédicatoire.)
• Il intervint comme témoin dans une charte de donation de
Léon, châtelain de Bruxelles, de l'an 1207. [Ibid.)
» Loc. cit., t. I, p. 323.
- 252 —
ment trompé lorsqu'il avance que le chevalier
Reinhalcl fut le dernier rejeton de son antique
lignée. Ainsi que le fait remarquer M. Wauters, à
cette lignée appartenait Nicolas de Laeken, qui
vivait en 1312. a Les anciens diplômes, lisons-
nous dans son ouvrage, mentionnent une famille
noble de Laeken dont on perd les traces au
XIV® siècle. En 1080, vivait Gilbert de Laça, en
1099, Godescalc de Laça et son frère Walter ; en
1251 et en 1257, le chevalier Lidekin, vassal des
seigneurs de Grimberghe; en 1312, Nicolas, fils de
sire Lidekin, et en 1361, Helewige, fille de Nico-
las, qui épousa Guillaume de Kesterbeke, le jeune,
et Jean Boxhorens. On prétend que l'église dut à
cette lignée sa seigneurie censale... »
D'après Sanderus, qui doit avoir eu des docu-
ments sous les yeux, le chevalier Reinbald dota
généreusement la cure de Laeken et Tabbaye de
Grand-Bigard, et ce fut de ce chef que cette riche
communauté religieuse posséda une des sept
seigneuries du village qui nous occupe. Malgré
d'autres dotations, il resta à Tancienne souche de
Laeken des biens considérables. La coutume, dont
le texte se trouve à l'appendice, fait encore men-
tion de ceux de Nicolas de Laeken * . On y voit
que ces biens passèrent à sa fille, épouse de
Guillaume de Kesterbeke, issu lui-même d'une
très-ancienne famille brabançonne.
Malgré l'assertion de Sanderus, je n'ai pas vu
figurer le chevalier Reinbald parmi les bienfai-
' Probablement le dernier rejeton mâle de sa famille.
— 253 —
teiirs de l'abbaye de Grand-Bigard, dans les deux
cartulaires de ce monastère conservés aux Archives
du royaume ^ Par contre, Nicolas de Laeken y
est inscrit. Ce descendant de Reinbald et fils de
Lidikin prouva ses sympathies pour Tabbaye par
un don de quatre bonniers de terre. La charte de
cession est datée du 8 mai 1287 '\ D'après un acte
des proviseurs des pauvres de Laeken, Helwige,
sa fille, paraît avoir constitué une rente annuelle
de 10 livres au profit des religieuses. Il est daté
du dimanche après l'Assomption, 1362. C'est le
plus ancien que j'aie rencontré où il est question
des Erfheeren, outre qu'il indique le seigneur du
bien hypothéqué, Gossuin de Mol. A ce compte, il
mérite d'être publié '\
Les bienfaiteurs par excellence du monastère
furent les sires de Bigard, dont parlent des diplô-
mes remontant au haut moyen-âge ^. Leurs noms,
liés à l'histoire du duché ^, tiennent une large
place dans les deux cartulau^es. Mais, sans fran-
* Le premier, grand in-4°, fut écrit en 1465, par Henri Cruypelant,
prévôt de l'abbaye, le second, in-fol., fait en 1741-1743, est dû à
Henri Van Eesbeeck, religieux de l'abbaye de Dilighem et receveur
de celle de Graud-Bigard. Ces deux précieux registres ont été dé-
couverts dans les archives du conseil de Brabant, en 1859.
* Annexes, n" VIII.
^ Annexes, n° X.
* Voy. A. Wauters, loc cit., 1. 1, p. 352.
5 Bernard de Bigard reçut l'accolade de chevalier de la main de
Jean I, à la liataille de Woeringen. Il fut inhumé avec sa femme dans
l'église de Tabbaye. Leur testament est transcrit dans les deux car-
tulaii-es ci-dessus. On me saura gré, je pense, d'en faire connaître la
teneur (Annexes, n° VII). 11 en sera de même quant au testament
d'Arnoul de Bigard, autre document fort curieux de l'époque (An-
nexes, n" VI).
— 254 —
cliir les limites de la localité qui nous occupe ', je
me bornerai à signaler Béatrix, fille de sire Walter,
Elle gratifia, d'un trait de plume, l'abbaye de
vingt-cinq bonniers. Six étaient situés à Laeken.
Henri, duc de Brabant, confirma cette importante
donation. Bien plus, elle se fit en sa présence et
devant un grand nombre de ses hommes-liges 2.
Voilà une preuve, et il y en a bien d'autres, de
rintimité qui régnait alors entre le chef de l'Etat
et ses sujets, puisqu'il intervient ici dans un acte
d'un caractère si essentiellement privé. Il est vrai
que la donatrice était d'un rang élevé et que les
ducs de Brabant montrèrent beaucoup de bien-
veillance pour l'abbaye en question \
Guillaume de Bigard, archidiacre de Tournai,
surpassa Béatrix en générosité : il abandonna à
l'abbaye tous les biens quïl avait à Laeken \ sans
' Je ferai une exception en faveur d'un acte de donation de l'ar-
chidiacre Guillaume de Bigard. Cet acte ofl're ceci de remarquable
qu'il fut passé sous un chêne {sub quercu), en 1244, en présence de
plusieurs chevaliers, hommes-liges du duc Henri de Brabant, et
d'hommes-liges d'Helwige, dame de Bigard (Annexes, n" II). Celle-ci
confirma cette donation le même jour (Annexes, n° III). Ce chêne
rappelle celui de Vinceunes, sous lequel, à la même époque, saint
Louis rendait la justice.
* Charte de l'année 1224 (Annexes, n° I).
^ Godefroid le Barbu sanctionna la fondation de l'abbaye par un
diplôme de l'année 1133 et enrichit celle-ci de i:)lusieurs domaines.
Le monastère doit son origine à une dame noble de la Flandre,
nommée Wivine, canonisée depuis. Il était situé tout près de la sta-
tion de Dilbeek, sur la ligne de Bruxelles à Alost. C'est aujourd'hui
une belle maison de campagne (Foy., entre autres, M. A. Wauters,
loc. cit., 1. 1, p. 3G8.
♦ Charte du samedi après la Saint-Nicolas 1244 (Annexes, n° IV).
Je soupçonne fort que, parmi ces biens, se trouvait le livre censal
qui valut à l'abljaye une seigneurie à Laeken. Cette donation fut
confirmée par Henri II, duc de Brabant, en 1248 (Annexes, n° V).
— 255 —
parler de ses autres largesses consignées dans les
deux cartulaires '. Enfin, Ida de Plateâ (Vander
Straeten), béguine, à Bruxelles, se signale égale-
ment par un acte généreux. Elle donne à la com-
munauté un demi-bonnier de prairie. Le document
qui émane d'elle a de Fintérèt pour nous, en
ce qu'il désigne Arnoul, curé de Laeken, comme
seigneur du fonds [dominus fundi). Cet ecclésiasti-
que préside à la donation, assisté de ses quatre
mansiomimni (tenanciers, juges-censaux). Or, les
curés de Laeken ayant fait partie de Flieptarchie,
ne peut-on pas raisonnablement inférer du même
document qu'en ce temps, c'est-à-dire en 1298,
elle était déjà constituée?
Quoi qu'il en soit de son origine, il est cer-
tain que les seigneurs héréditaii'es ou fonciers
dans Laeken^, ainsi qu'ils se qualifiaient, jouis-
saient de ce titre '" et des prérogatives qui y
étaient attachées, du clief de certaines redevances
annuelles qu'ils prélevaient sur des fonds bâtis et
• Arnoul de Bigard, chanoine, à Tournai, fit don de ses biens
situés à Zellick et à Grand-Bigard (charte du mois de mars 1266
(n. st.), confirmée par le duc Jean I, au mois de mars de l'année sui-
vante . Je me reprocherais de passer sous silence Robert, chevalier
de Bigard (R., miles de Bi/gardis], qui légua à l'abbaye une somme
de 50 livres et une rente annuelle de 100 sols (charte du mois de
mars 1266. Voir aux Annexes, n" XIII).
* On trouve l'une et l'autre expression dans les actes passés en
français devant les échevins de Laeken, vers 1780 et années sui-
vantes. Pour désigner le corps entier des échevins, le greffier, chargé
de transcrire les actes, se servait parfois du terme de la loi foncière.
^ Erfheer in Onse-Lieve-Vrotiwe Laken; en latin Domicdlus et
aussi Tûparcha in Laken. Laeken selon l'orthographe du siècle der-
nier et du nôtre.
— 256 —
non bâtis, tels que terres et prairies. Les fonds
grevés de la sorte ^ et sans retour - étaient dissé-
minés dans toute la commune , sauf à son extré-
mité nord-ouest ^ Quant aux redevances ou cens,
' Biens censaux (cheynsgoedeti), -par opposition aux aU.Q([[aux{eygen
goeden), qui étaient exemi:)ts de redevances, et aux féodaux ou fiefs
(leeugoeden), assujettis, à chaque mutation, soit par héritage ou par
achat, aux droits de reliefs [hergeweyde].
^ « De droit commun, le cens est imprescriptible entre le sei-
gneur et le sujet. Telle est la disposition de la coutume de Paris... »
(Traité des fiefs, liv. VI, ch. l", s''" 11, Des cens et rentes, par
M. Claude Pocquet de Livqnière, conseiller au présidial d'An-
gers et ancien professeur du droit français en la même université.
Paris, 1771, in-4'', 5* édition). Ce grand nombre d'éditions montre
l'estime dont cet ouvrage a joui eu son temjjs. L'auteur était un sa-
vant jurisconsulte. Il mourut le 21 mai 1726.
* Là existaient et existent encore, par une rare exception, vu leur
proximité de Bruxelles, deux grandes fermes, aj'ant été jadis des biens
ailodiaux ; l'une s'appelle Osseghem (la Bouverie) ; l'autre, Vereghem,
mot que M. Wauters traduit par celui de PorcheHe. Près de cette
ferme, il y a un tilleul remarquable. Il a été signalé un jour dans
VÊcho du parleme>it par l'un ou l'autre promeneur, qui en parla en
ces termes :
« La tempête du 12 n»ars (1876) n'a pas dit son dernier mot. On
a signalé ses ravages dans les campagnes, où elle a renversé des
milliers d'arbres. Passe jjour la multitude, mais elle a aussi exercé
sa fureur, non loin de la capitale, sur un tilleul aux proportions
extraordinaires et bien connu des excursionistes. Il s'élève sur le
point culminant de la commune de Laeken, contre un large et an-
tique chemin qui sillonne ces hauteurs. On l'appelle vulgairement
Vereghem ou Veregatlinde , du nom d'une belle et grande ferme
située à ses pieds, dans un ravin.
» Il est en vénération dans la contrée , car c'est un de ces arbres
consacrés, tels qu'on en voit souvent aux abords des chemins vi-
cinaux et au milieu des carrefours. A une dizaine de pieds du sol,
son tronc colossal se partageait en trois énormes branches, qui, avant
l'ouragan lui formaient une superbe et vaste couronne.
» L'une d'elle a été littéralement arrachée et le géant n'est j^lus,
hélas! que l'ombre de lui-même. Peu s'en est fallu qu'il ne cédât
— 257 —
ils consistaient surtout en orge ' et en avoine^ en
œufs, en chapons, etc., et en deniers comptants,
monnaie de Louvain ^
Chaque seigneur possédait un rôle (livre cen-
sal) 3, où ses tributaires étaient inscrits, de même
que leurs propriétés soumises aux cens, avec le dé-
tail de ceux-ci et Tindication précise de la situa-
tion, de la contenance (pour les terres et prairies)
et des tenants et aboutissants. Trois de ces regis-
tres se trouvent aux Archives du royaume. Ils
y ont été déposés avec le reste des archives éche-
vinales de la commune \ Comme ils constituaient
tout entier, comme le chêne de la fable, aux éléments déchaînés
qu'il brave depuis des siècles.
» Feu le roi Léopold se promenait souvent dans ces jjarages et
faisait un cas tout particulier de ce tilleul remarquable. Un jour le
fermier de Vereghem en ayant élagué les branches inférieures et le
Roi s'en étant aperçu, il lui fit exjjrimer son mécontentement par le
chasseur qui le suivait : Que dirait-il aujourd'hui ! !
» A une faible distance de là, la tempête a abattu un autre arbre
légendaire, mais de bien moindres dimensions. Il portait le nom de
Bererlinde. »
Ajoutons que tout près du palais royal on voit un tilleul non
moins digne d'attention. Il a été chanté en 1854 par feu le profes-
seur Lebermuth, dans une pièce de vers intitulée : Kayserslinde.
' Meygerst. >
* Un curieux petit livre est celui qui a été réimprimé plusieurs
fois, sous le titre de : Den scliat der cheynsen innelioudende de weerde
ende evaluatie van vêle onde niimteii en cheynseyi die hi de cheyns-
boeken staen, als mede verscheyde heerelyke rechten, keuren, boeten,
diensten en servituten, recognitien, usantien ende soo voorts. « Seer
» noodig, lit-on sous ce titre, ende curieus voor aile de welke eenige
» cheynsen hetiénde ofte geldende zyn, ofte iets dieu aengaende
» trachten te weten. »
^ Chynsboeh.
* Elles se composent, savoir : de douze registres aux actes passés
devant les échevins, de 1491-1795, de six liasses de minutes de ces
actes, 1559-1699 , de deux liasses de conditions de ventes et autres
— 258 -
une propriété purement privée, je ne m'explique
pas trop ce dépôt et je me demande pourquoi ils
ne sont pas demeurés au pouvoir des familles qui
jadis en héritèrent. Mais passons outre.
Le premier de ces registres est intitulé le Grand
livre de mai\ Il provient d"un gentilhomme nommé
Louis van Hamme, qui le renouvela en 1571,
d'après une matricule qui remontait à 1528.
Le second registre dit de Noël - constituait le
titre de François Doelman, gi^ef&er du conseil des
finances. On lit à Tentête quil avait été renouvelé
antérieurement par Henri Hujoel, greffier du
conseil de Brabant, et ses cohéritiers, en vertu
de lettres de terrier de TEmpereur, du mois d'août
1550'.
Le troisième registre, portant la même déno-
mination que le précédent, appartint à Folcard
actes, 1756-1786, de trois livres censaux , de neuf comptes des cens,
1629-1752, d'une liasse d'actes aux saisies, 1665-1795, de quatorze
cahiers du rôle des échevius, 1624-1785, et d'un registre aux sen-
tences, de 1636-1785.
» Grootmeyboek. Les actes mentionnent aussi le Petit livre de mai.
L'un et l'autre étaient, en dernier lieu, la propriété de la famille des
barons d'Olmen de Poederlé.
2 Kersmisboek. Les cens qui y sont annotés échéaient à la Noël.
^ Les lettres patentes de cette espèce autorisaient celui qui les
obtenait à faire un nouveau dénombrement des biens sur lesquels il
était en droit de percevoir un cens, ainsi que des personnes qui en
étaient les propriétaii'es. Elles servaient aussi au dénomljrement des
fiefs relevant d'une seigneurie, et qu'on nommait en Bralmnt arrière-
fiefs (achterleenen). Les lettres citées dans le texte furent publiées à
l'hôtel de ville , à Bruxelles, le 8 août 1550, et le lendemain à l'église
de Laeken. De cette manière elles devenaient des actes publics, et
les rôles dressés avaient un caractère d'incontestable authenticité,
puisque chacun était prévenu de leur formation et pouvait les con-
trôler en ce qui le concernait.
— 259 -
Van Aclielen, conseiller et maître des requêtes au
conseil privé. Ce rôle, renouvelé d'après un plus
ancien, fut dressé par le notaire Jean Van Huni-
beek, résidant à Bruxelles, ensuite de lettres de
terrier du 6 mars 1627.
L'auteur du présent article se souvient d'en
avoir vu un quatrième entre les mains de feu le
baron Ferdinand van Reynegom de Buzet et
d'Herenthout, dont les ancêtres avaient aussi été
seigneurs à Laeken \ où ils possédaient le joli ma-
noir de Coensborch'^, qu'acquit Corneille van Rey-
negom, chevalier, greffier du conseil des finances '.
Rebâti en 1810 par un membre de cette famille,
il vient d'être démoli, par suite de la création d'un
parc public, entreprise des plus considérables et
qui est en bonne voie d'exécution. Seulement, il est
fâcheux pour les amateurs d'antiquités que les im-
menses travaux accomplis, depuis 1830, à Bruxel-
les et aux environs, aient fait disparaître une foule
de vieux édifices auxquels se rattachaient d'inté-
* Le Chynsboeck van Coensborch. Tl ne comportait que treize im-
meubles, dont six, en 1723, n'étaient plus connus. Aussi, ne rappor-
tait-il alors annuellement que 5 florins. Cela n'empêcha pas que,
dans un acte de partage de la famille Van Reynegom, de l'année
susdite , il fut évalué à la valeur de 400 florins, en y comprenant
la cour censale de Coensborch. C'est qu'il ne s'agissait pas ici d'une
question d'argent, mais d'un titre honorifique.
2 II est représenté sur la vignette jointe à cet article, et se trouve
parallèlement au ruiseau qui alimente un moulin à eau. Lût. F de
la légende qui le désigne , avec un autre château , sous le titre de
^des nobilium quoromdam virorum.
3 II fut revêtu de ces fonctions par lettres patentes du roi Phi-
lippe IV, du 4 juin 1658. Charles II, fils de Philippe, le créa cheva-
lier, par lettres patentes du 11 septembre 1068.
— 2G0 -
ressants souvenirs *. Feu Victor Joly, le spirituel
rédacteur du Sancho, disait un jour dans son jour-
nal qu'à dater de cette année mémorable, la capi-
tale avait fait peau neuve. Rien n'est plus vrai.
Je reviens à mon sujet.
Il résulte donc de ce qui précède, et ceci est un
point essentiel à noter, qu'il suffisait de posséder
une des matricules en question pour être seigneur
à Laeken '\ (Je demande pardon au lecteur de
devoir me répéter si souvent.) Ces matricules
se transmettaient par héritage. On pouvait aussi
les acquérir, ce qui arriva fréquemment dans le
cours des siècles ^ L'abbaye de Grand-Bigard,
par exemple, vendit la sienne, en 1585, à Josse
Usselincx, brasseur, à Bruxelles \ Cet industriel
' C'est surtout le cas pour la commune de Laeken.
2 C'était, du reste, la règle générale pour les seigneuries de l'es-
pèce. On remarque fréquemment, lorsqu'on consulte d'anciens
documents, les noms de personnes qualifiées de seigneur dans telle
ou telle terre, ce qui n'avait rien que de légal. Il en eût été auti-e-
ment si on avait pris le titre de seigneur de, lequel était réservé au
possesseur de la terre, à celui qui avait la justice haute, moyenne et
basse, et tout ce qui en dépendait.
3 Lorsque la France supprima nos institutions séculaires (1795),
il n'y avait plus aucun membre de l'heptarcliie qui descendît des
anciens seigneurs, sauf les d'Olmen de Poederlé, héritiers des Van
Achelen. {Voy. plus loin.)
* Un exemple plus ancien que j'ai pu constater, est la vente, à la
chambre échevinale d'Uccle, le 29 novemljre 1564, du rôle annexé à
un manoir a^ipelé ''Tlioffte Droetbeke, et qui appartenait à la famille
des Van Zeebroeck. Il était situé aux environs du pont de Laeken.
{Voy. plus loin la liste chronologique. Il y est fait mention d'une
vente remontant à 1414.)
Sanderus semble blâmer l'aliénation faite par les religieuses de
Grand-Bigard. « Apparet Reinbaldum, militera de Laça, ultimum
et improlem, fundos, feudaque quiedam sua, cum in Bigardias Ma-
j oris sanctimoniales , tum in parochum, elcëmosynse intuitu insigni-
— 261 —
devint donc in illo tempore et de par son achat,
un des membres de Tlieptarchie lakoise. Mais ce
titre honorifique ne lui enleva point la tache de
roture. Tout marchand enrichi avait la faculté
d'acquérir des fiefs, fût-ce même d'miportantes
seigneuries. Néanmoins, cette possession ne lui
conférait en aucune façon la noblesse. Elle auto-
risait seulement à ajouter au nom de famille la
qualification de seigneur de..., et permettait, à la
vérité, de jouir des prérogatives qui y étaient atta-
chées ainsi que des bénéfices réels de la seigneu-
rie \ Cette thèse du non-anoblissement fut con-
stamment soutenue par les hérauts d'armes dans
les procès qu'ils intentaient à ceux qui contreve-
naient aux ordonnances héraldiques. Elle le fut
qne beneficentiâ transfudisse. Quarum illae, ab sevo memoriam
superante , toparchiam iu Laken unam cseteris penè lautiorem in-
demptse, bellorum calamitatibus ac necessitatis gravi telo adactas,
haud ita pridem , id est, ab annis circiter quadraginta alienarunt.
Oblitge sive incuriee hodiè per quem possederint, cum et chartarum
naufiagium. bellico turbine istic acciderit. »
* Cela est si vrai, que la femme d'un roturier, possesseur d'une
seigneurie, pouvait bien se qualifier de Dame de.... [Vrouive van....);
mais non de Madame ou Mevrouw tout court. Cette dernière quali-
fication était réservée aux femmes des nobles. Et encore, les hérauts
d'armes la disputaient aux simples gentilshommes (le mari était
responsable pour l'épouse). Pour pouvoir assumer cette qualifica-
tion, il fallait que le mari fût chevalier, au moins. Dans leur subti-
lité , les hérauts d'armes faisaient une distinction entre heer et
d'heer. Selon eux, le premier mot répondait à celui de messire ; le
second à celui de sieur, permis aux roturiers. Et l'on vit mainte
fois les cours de justice supérieures, qui seules connaissaient des
procès de l'espèce, donner sur ce point gain de cause aux hérauts.
On n'en finirait pas s'il fallait entrer dans le détail de toutes les
singularités auxquelles les procès héraldiques donnèrent lieu. Comme
étude des mœurs, elles ont leur mérite.
— 2G2 —
également par le jurisconsulte J.-B. Christyn,
Tauteur du célèbre traité Jurispi^udentia hey^oica.
Dans le même ordre d'idées, un roturier qui ache-
tait une terre érigée en baronnie, en comté, etc.,
devait bien se garder d'assumer ces titres, je veux
dire ceux de baron, de comte, car les rois d'armes
l'eussent immédiatement poursuivi. On sait que
de pareils titres s'éteignaient avec les familles en
faveur desquelles ils avaient été créés. Mais un
acquéreur d'extraction noble pouvait les faire
revivre en obtenant une nouvelle concession du
souverain, ce qui n'était pas toujours facile. Il
était aussi permis de les relever par le mariage
avec une héritière d'une terre de l'espèce, sauf
toutefois à y être autorisé par lettres patentes du
prince.
Chaque année, au mois de mai, le premier lundi
après la Saint-Servais \ les censitaires étaient
convoqués dans l'église paroissiale, au son de la
grosse cloche, pour y acquitter le montant de
leurs cens ^ La convocation se faisait à huit heures
précises du matin. Le mayeur du village en don-
nait préalablement avis aux seigneurs et aux
échevins, et tous étaient obligés de comparaître,
à part la faculté qu'avaient les premiers de se
faire remplacer \ La première séance était suivie
• D'après le livre censal de Louis Van Hamme. Sanderus varie
Bur ce point. [Voy. à la note suivante.)
' Dans les derniers temps tout se payait en espèces, après taxation
préalable par les échevins.
' « Ne vilescant » fait remarquer Sanderus, qui donne sur cette
coutume les explications que voici :
« Adhcec quotannis, mense maio, die lunse ferias S. Servatij sub-
— 263 —
de deux autres, à quatorze jours d'intervalle entre
chacune * . Le censitaire en retard ou en défaut
payait une amende qui consistait d'abord en un
certain nombre de gâteaux, puis en une légère
somme. On finissait par saisir Timmeuble du cen-
sitaire qui négligeait entièrement d'acquitter ce
qu'il devait. La saisie se faisait en vertu d'un ju-
gement des éclievins ". La dernière séance étant
levée, les seigneurs, à tour de rôle et par année,
offraient un repas aux éclievins. Aucun d'eux ne
pouvait se dispenser de cette petite largesse.
Originairement, les seigneurs avaient chacun
un mayeur par lequel ils se faisaient représenter
quand ils le jugeaient convenable. Ainsi le mayeur
intervenait aux ventes des fonds sur lesquels son
maître avait des cens. Selon la formule ordinaire,
le vendeur et l'acquéreur comparaissaient devant
sequente, pro colligendis toparchorum redditibus, nummis, pullis,
sestimando liordeo, etc., coëunt, insigni vel potiùs solemni lioc usi
prEeludio. A prtetore admoniti, Domini et scabini, ter quidem statis
diebus (sunt hi ferise secundse S. Servatij festo succedentes) in eccle-
siam Lacensem manè conveniunt (toparchis, ne vilescant, alios vice
suâ delegare fas est) ; atqiie liorâ preecisè octavà, manum campanse
majoris funibus admoventes, pulsatione ad vectigalia luenda signum
edunt, accensorum veteri munere, qui, ut Varroni placet, quôd ad
censura soliti essent populum vocare , nomen babuerunt. Quisquis
absens, vel tardé accesserit, olim placentulas, nunc pecuniolam ero-
gare cogitur : tuncque pro opella pra^stita, et triduo in census locato
congerendos, dominorum aliquis, ordine suo, convivium instruit,
hoc onere ad singulos septenniis quibusque récurrente. »
' Ou plutôt à quatorze nuits, selon la manière de compter des an-
ciens Germains.
* Voy. à cet égard les dispositions de la coutume, art. 8. (Ap-
pendice.) Un de ces jugements se trouve aux Annexes, n" XII. Il est
publié à titre de renseignement.
— 264 —
les éclievins, qui transmettaient symboliquement
le fonds entre les mains du mayeur au profit de
l'acquéreur *.
Il y avait sept éclievins à Laeken. Ils étaient
élus par les seigneurs ou par leurs mayeurs. Un
des seigneurs jouissait d'un double suffrage et il
interjDellait les éclievins afin qu'ils prêtassent le
serment auquel ils étaient tenus.
Voici la formule de ce serment, telle qu'elle
figure en tête du registre aux actes scabinaux
commençant à rannée 1491. Je la traduis littéra-
lement du flamand et aussi fidèlement que pos-
sible.
« Je promets fermement et je jure en bon
chrétien que, comme échevin de Notre-Dame-
de Laeken, lez-Bruxelles, charge à laquelle je
viens d'être nommé, j'aiderai à maintenir le
droit de Dieu et de la Sainte-Église, celui de
notre clément seigneur le duc de Brabant, celui
des seigneurs fonciers de Laeken, celui de la
veuve et de l'orphelin, du pauvre et du riche.
Et je ferai à chacun, les parties entendues, droit
et justice, selon mon jugement. Je témoignerai
en faveur de la vérité et je garderai le secret
sur ce qui doit rester secret. Je ferai tout ce
qu'un échevin des seigneurs fonciers de Notre-
Dame de Laeken est tenu de faire selon Dieu et
la justice, sans épargner personne, ni noble, ni
non noble, ni grand, ni petit, ni riche, ni
pauvre, en aucune manière. Ainsi m'aident
Dieu et tous ses saints. «
' Voy., comme exemple, un acte aux Annexes, n" XI.
— 2C5 —
On ne dirait pas mieux dans notre siècle de
lumières.
Les échevins connaissaient des causes civiles
dans l'étendue de leur ressort ' , à l'exception de
celles qui, par leur nature, étaient de la compé-
tence du conseil de Brabant ou d'autres tribunaux.
Les causes étant instruites, ils soumettaient les
dossiers aux échevins de la chambre d'Uccle, la
plupart licenciés en droit, et qui leur dictaient le
dispositif des sentences à prononcer ^ Les causes
criminelles et correctionnelles étaient poursuivies
par Famman de Bruxelles devant le tribunal
échevinal de cette ville, dont Laeken et les autres
faubourgs formaient, sous certains rapports, une
dépendance '\
Les échevins avaient un clerc ou greffier, nommé
anciennement par un des seigneurs. On remarque,
par exemple, que le 9 août 1-493, Simon Vander
Bauwetten obtint cet emploi de Henri de Witthem,
seigneur de Beersel, chevalier de la Toison d'or,
conseiller et chambellan de Philippe le Beau, entre
' Us tinrent, constamment leurs audiences (plaids; dans l'un ou
l'autre estaminet. Ce n'était pas seulement à Laeken que cet usage
existait; il était répandu dans les campagnes.
^ C'est ce qu'on a[ipelait aller à chef de sens [hooftleerhig] , en
d'autres termes, recourir au savoir du juge supérieur. Les éche\nns
de Laeken se contentaient souvent de jirendre l'avis de quelque bon
avocat avant de formuler leurs décisions. Parfois le conseil de Bra-
Lant indiquait les jurisconsultes à consulter.
' En lool, le duc Jean III réunit le village à la ville; ce qui fut
confirmé, le 21 mars 1390-1391, par sa fille, la duchesse Jeanne.
M. Wauters a pidilié en note le texte de cette charte de confirma-
tion. {Ibid., t. II, p. 365.)
18
— 266 —
les mains duquel il prêta serment '. Les autres
seigneurs ratifièrent cette nomination.
Notons, en passant, que celui dont je viens de
parler , le sire de Beersel , alors le principal
membre de l'heptarcliie , j possédait de grands
biens provenus de la famille patricienne bruxelloise
des Clutinck, En 1375, Marie de Stalle, dame de
Beersel, les apporta en mariage à Jean de Wit-
tliem, seigneur d"Yssclie, sénéclial de Brabant,
bisaïeul de Henri. Un vieux château féodal ajoutait
à l'importance de ces biens. Connu sous le nom de
H Groot hof, il était assis au pied du Dommelberg ^,
aujourd'hui route provinciale qui longe le parc
et passe devant le palais royal. « Il formait, dit
M. Wauters, un carré de bâtiments entourés d'eau,
quatre tourelles de forme ronde et une cinquième
un peu plus haute et carrée lui donnaient l'appa-
rence dune forteresse. » Sanderus nous en a
transmis une vue. Elle est de J. Troyen, graveur
assez médiocre ^ Plus de cent bonniers de terre
dépendaient du château. Les habitants de ce
petit domaine étaient non seulement assujettis au
payement de cens, mais ils devaient, au décès des
chefs de famille, le droit de morte-main ou de
meilleur catel \ En 1635, le château faillit être
* En 1518, Charles-Quiut, alors roi de Castille, conféra à Simon
Van der Bauwetten la place de greffier du tribunal de la vénerie du
duché de Brabant (Placards de Brabant, t. 111, p. 504).
2 Ou Bongelberg, aujourd'hui Bonderberg , par corruption. Il ne
tardera pas à être supprimé et incorporé au parc royal.
^ Voir la reproduction ci-contre par le procédé photolithogra-
phique.
* Ce droit est renseigné dans les comptes de recettes et de dé-
ITORIUM OENIEROSI, PRANOBlLlSCiL'F. VrPJ
D. PETRI VAN ACHLEN
TOP/sRCH/ï. IN LAÇA. DE OR/J^'D 1-*ANII. tTC
Pf(/Ç,NOBlLlS(illE, D HEUENA DE WALINEZ
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Le château des sires de Beersel.àLaeken
— 2G7 -
saccagé par des troupes françaises et hollandaises
campées à Laeken. Il fut préservé du pillage par
l'énergique intervention du receveur de la dame
Van Achelen, à qui il appartenait alors et qui s'était
réfugiée à Gand. Jean Van Humbeek, ainsi se
nommait le receveur, courut à plusieurs reprises à
Bruxelles pour obtenir des lettres de sauvegarde.
Il prit avec lui un page de la cour qui avait le
mot d'ordre pour passer à travers les lignes enne-
mies. Bref, il raconte lui-même que ce fut au péril
de sa vie qu'il sauva le château de sa maîtresse.
L'existence de l'édifice devait encore se prolonger
pendant un siècle et demi. En 1781, il était la
propriété de M. Joseph-Antoine de Wautier,
seigneur de Beren, et de dame Thérèse-Sophie
Veranneman, son épouse*, lorsque l'archiduchesse
penses de la clame Van Achelen , propriétaire du cliâteau , pour les
années 1644 et suivantes. L'entête du chapitre qui le concei-ne ,
mérite, me semble-t-il, d'être reproduit : » Anderen ontfanck van de
partyen oft saten van de goeden van Onser-Liever-Vrouv^^en-Lakeu
competerende nievrouwe Van Achelen , over welcke partyen die
proprietarissen naer de doot van den sterffman schuldich syn te
gevene de voors. vrouwe dat beste qtœc dat zy hebben naest den
besten, ende en hel)ben zy egeen quec, hun beste bedde oft cleet, oft
vyffschellingen Lovens, indyen daer egeen quec, noch bedde oft cleet
en is. »
Par qiiec il faut entendre tête de bétail. Les personnes qui de-
vaient acquitter ce droit odieux transigeaient pour une somme d'ar-
gent avec le receveur chargé de le toucher. Une sentence d'une cour
censale à Laeken (elle n'est pas autrement désignée) rendue par
défaut, le 3 avril 1756, autorise le mayeur à saisir un bien (sate) dont
le propriétaire était redevable du droit dont il s'agit ici. Voilà qui
prouve que cette servitude était encore en pleine vigueur alors .
• Ils l'avaient acheté, le 20 mars 1764, à Pierre-Jacques Meulen-
bergh, qui en fit l'acquisition en vente publique, le 7 juillet 1757,
de Philippe-Eugène-Joseph d'Olmen, baron de Poederlé. Celui-ci
l'avait hérité. {Voy. ijIus loin.)
— 2GS —
Marie- Christine et son époux, le duc Albert de
Saxe-Tessclien, gouverneurs généraux des Pays-
Bas, en firent l'acquisition pour la création du
parc du palais de Laeken qu'ils faisaient con-
struire. Le château et toutes les constructions
qui en dépendaient furent alors rasés.
n résulte d'une note écrite au commencement
du registre précité de 1491, que six des seigneurs
se servaient d'un sceau commun pour sceller les
actes ou œuvres de loi qu'on passait devant les
échevins. Le septième, Jacques Hujoel \ avait un
sceau particulier et une cour censale distincte du
banc échevinal. C'était devant elle que les parties
contractantes comparaissaient p)Our la vente de
biens grevés de cens dus à ce seigneur '\
*■ Il était issu d'une ancienne famille de robe, mais noble.
' Voici le texte de la note : « Dese sesse erfheei'en erven ende
gueden met scepenen , onder eenen gemeynen segel. » Parlant
d'Hujoel : « Dese guedt met laten. » Ce qui veut dire que les pre-
miers adbéritaient devant les échevins, et le septième devant des
hommes censaux. « La justice basse avait pour fonctions principales
l'accomplissement des œuvres de loi ou formalités du nantissement
requises jjour opérer le transport des droits réels, ce qui lui avait
fait donner le nom de justice foncière. La magistrature qui n'exerçait
que les prérogatives du seigneur bas-justicier se nommait, suivant
les lieux, cour basse, cour foncière, cour censale, hommes cottiers ,
quelquefois, à Liège, cour des tenants ou co7<r de masicire ; daus les
coutumes flamandes, laethof, lactbanch, laeten ou lathe>i : son pou-
voir allait ordinairement jusqu'à saisir, pour défaut de payement,
les biens chargés de rentes dues au seigneur; mais il était rare
qu'elle possédât une juridiction contentieuse , toujours restreinte
d'ailleurs dans des limites fort étroites. » (Ancien droit Belgique ou
précis analytique des lois et coutumes observées en Belgique avant le
code civil, par feu M. le premier président De Facqz, t. I, p. 42.)
« Quant à la censive (cheynsgoed), que l'on appelait aussi héré-
dité [erfelyck goed), elle n'était ordinairement grevée que d'un cens,
260
Le seigneur foncier avait une place réservée à
l'église paroissiale et aux processions. Il jouissait
qui se payait (loul)le à la mort de l'occupant. Quand un bien de
cette nature passait à une maison religieuse, tombait par conséquent
en mainmorte, on obligeait l'acquéreur à constituer un mandataii'e,
appelé tenancier mourant [sterffelyck late, niortalis mansionnarius
sire hospes) , à la mort duquel on jîrélevait le droit de mutation ,
comme lorsque le bien aj^parteuait à des laïques. Les censitaires
d'une seigneurie , à moins que celle-ci n'eût un tribunal supérieur
des éclievins, étaient seuls compétents jjour décider les contestations
qui s'élevaient au sujet des biens tenus à cens. Ils constituaient
alors, sous la présidence d'un maire [villicus), et se qualifiaient eux-
mêmes de tenanciers héréditaires ou jurés {erffelycke ou gezworene
laeten). » (A. Wauteks, loc. cit., Introduction.)
Disons à ce propos qu'eu 1633 , Marguerite Bogaerts , veuve du
conseiller au conseil privé Folcart Van Acbelen , intenta un procès
devant les échevins de Laeken à Michel de Muylder, chapelain de la
chaf)elleuie de Notre-Dame, fondée dans cette commune, pour le
contraindre à constituer un tenancier mourant {sterffelycken laeth).
Le chapeilain avait une pièce de terre relevant de la cour censale de
cette dame. Celle-ci prétendait qu'au décès de ce tenancier, qui alors
devait être remplacé par un autre, elle avait droit à un demi pond-
penninck, soit le quarantième de la valeur de la terre. Le défendeui-
soutenait que les ecclésiastiques n'étaient pas soumis à cette règle.
Selon lui, la demanderesse cherchait à introduire un usage nouveau.
La dame Van Achelen lui opposa deux jugements : l'un de la cour
censale du chapitre de Saint-Pierre, à Anderlecht, rendu en faveur
du receveur de ce chapitre contre la fondation de Saint-Éloy, à
Bruxelles (15 mars lG21:j; l'autre de la cour censale d'Alexandre de
Longin, seigneur de Grand-Bigard , lui-même en cause contre les
maml)0urs et proviseurs de la Maison-Dieu de Brusseghem, con-
damnés. La partialité des juges ne pouvait guère être à l'abri des
soupçons dans ces deux cas.
Pour les fiefs l'usage du sterftnan existait sans contestation. Par
exemple, si une abbaye tenait un fief de la souveraine cour féodale
de Brabant, elle désignait un religieux, à la mort duquel elle payait
les droits de relief. Chaque fois un autre religieux remplaçait le
défunt.
Pocquet de Livonière, dont j'ai cité l'ouvrage, s'explique claire-
ment au sujet des cens.
0 Le cens , dit-il , emporte et dénote la seigneurie directe ; c'est
— 270 —
du droit de chasse et de pêche '. Quant aux avan-
tages pécuniaires, il touchait sur le montant de
toute vente d'immeubles portés à son rôle et sur
le capital des rentes constituées, soit le vingtième
denier, soit un tantième par lix^re, nommé en ûâ-
rudindi pondgeld Qt pondpenninck , en français droit
de congé ou de lods et ventes. Il était à la fois lucratif
pour le seigneur et fort onéreux pour l'acquéreur.
Qu'on me permette d'en citer un seul exemple :
en 1727, M. J.-D. de Villegas acheta un moulin,
bien censal, pour la somme de 8500 florins. Il paya
celle de 338 florins pour le droit de congé.
A la fin du XV*" siècle et au commencement du
siècle suivant, on ne scellait pas les grosses des
actes au fur et à mesure qu'elles étaient écrites;
une reconnoissance de l'obéissance et de la sujétion du censitaire et
de la supériorité du seigneur. Xotre coutume d'Anjou, en l'art. 179,
et celle du Maine, en l'art. 197, disent en termes formels que le cens
dénote seigneurie de fief.
» Dans la coutume de Paris , il y a deux sortes de seigneuries :
l'une féodale, l'autre foncière, censière ou censive, et deux sortes de
seigneurs. Les uns sont seigneurs féodaux , qui ont sous eux des
vassaux relevant à foi et hommage ; les autres sont seigneurs cen-
siers, qui ont sous eux les sujets ou tenanciers qui en relèvent cen-
sivement. C'est jjourquoi le premier titre de la coutume de Paris est
intitulé Des fiefs, c'est-à-dire des seigneuries féodales, et le second
Des censives, c'est-à-dire des seigneuries censières.
» Dans nos coutumes d'Anjou et du Maine, nous ne reconnoissons
qu'une sorte de seigneurie, qui est la féodale ; mais il j a deux sortes
de mouvance ou de manières de relever les terres et domaines des
seigneurs, car d'un même seigneur, les uns relèvent à foi et hom-
mage, les autres relèvent censivement. « (Liv. Yl, chap. 1, Des
censives.)
* « Hi (les seigneurs) ut paucis omnia dicam, venatus sub cornu
proprio, et aucupii piscatûsque jus commune obtiuent. » (Sande-
RUS, loc. cit.)
— 271 —
on attendait qu'il y en eût un certain nombre.
Cette opération, soumise à une taxe payable par
les intéressés, était suivie d'un repas que le greffier
donnait aux échevins. J'ajouterai, à propos de ces
agapes, qu'outre le repas dû après la recette an-
nuelle des cens, au mois de mai, les seigneurs en
devaient un second le jour des Rois, alors qu'on
acquittait les cens échus à la Xoël. C'était là une
double rémunération pour les éclievins, chargés
de taxer les cens en espèces, notamment l'orge et
l'avoine. Aussi pouvaient-ils refuser leur service à
celui des seigneurs qui ne se serait X5as conformé
à cet usage. En retour, on y gratifiait les derniers
de gâteaux dits pleckoecken. Louis Yan Hamme,
que le lecteur connaît déjà, déclare au prologue
de son livre censal qu'il lui revient quatre de ces
gâteaux et une couple à ses collègues. Au jour
fixé pour le payement des redevances, poursuit-il,
les seigneurs ou leurs mayeurs sont tenus de se
trouver à huit heures du matin, au plus tard,
à l'église, pour y fan^e sonner la cloche, à peine
d'une amende consistant en une douzaine des
mêmes gâteaux.
On conviendra que des coutumes aussi singuliè-
res accusent des mœurs bien primitives et que la
bonne chère tint une place importante dans le
petit ménage de notre heptarchie. Ils banquetaient
volontiers ces gentilshommes campagnards, et tel
grand seigneur, comme le sire de Beersel, qui
joua un rôle remarquable dans les troubles qui
éclatèrent sous la régence de Maximilien, ne dé-
daignait pas de prendre place à côté de convives
d'un rang infiniment moindre que le sien.
272
J'aurais dû dire plus tôt que le sceau communal
était déposé dans un coffre dont deux échevins
avaient chacun une clef. Le sceau ayant été égaré
au décès du greffier Josse Der Weduwe, en 1556, on
en fit confectionner un nouveau. Il portait pour
légende : Segel van den scepenen der erjlieeren in
Laken Onser Lieve Vrouive*. Le jour qu'il fut livré
le greffier le montra au public assemblé sur le ci-
metière, en présence des seigneurs ou de leurs dé-
légués. Il en prit des empreintes et les fit circuler.
Le procès-verbal de cette formalité constate que
François Van Zeebroeck, un des seigneurs, saisit
cette occasion pour remettre au greffier une pro-
testation par écrit. Sans désigner personne, si ce
n'est indirectement Antoine de Witthem, seigneur
d'Yssclie, il contesta à tels de ses collègues leur
qualité de seigneur, faute d'être pourvus de titres
suffisants. Il fit à cet égard ses' réserves, qui por-
tèrent également sur le sceau qu'on venait de pro-
duire à rassemblée.
Quoique sensiblement modifiée dans son organi-
sation primitive, riieptarcliie de Laeken subsista
jusqu'à la chute des institutions du pays, sous la
république française. Un acte du 27 décembre
1794 mentionne encore, avec la qualification de
dame foncière, la demoiselle d'Olmen de Poederlé,
* M. A. Wauters a inséré dans son ouvrage le dessin du sceau
de Laeken, mais d'après une empreinte bien plus ancienne. « Au
XIV* siècle, dit-il, les échevins de Laeken commencèrent à se
qualifier à'échevins des seigneurs censaux de Laeken [scepenen der
erfheeren van Laken, J3G1, 1432). On voyait dans leur sceau, la
Vierge avec l'enfant Jésus et la légende de : s. beat^ mari^ de
LAKEN (t. II, p. 368).
— 273
et les éclievins s'intitulent, comme au moyen-âge,
à'échevins des sept seig^ieurs fonciers clans un acte
du 18 juin suivant, à la veille, conséquemment,
de la nouvelle organisation municipale , dont les
Français dotèrent nos provinces qu'ils venaient de
conquérir.
Je ferai suivre cette notice de la liste chronolo-
gique des seigneurs de Laeken, telle que j'ai pu la
former à Taide des actes éclievinaux. Elle présente
de grandes lacunes, parce que les greffiers, au lieu
de citer régulièrement les seigneurs en vie, se
contentaient de mentionner leurs prédécesseurs,
décédés parfois depuis un grand nombre d'années.
Il arrive très-fréquemment que le nom de familles
depuis longtemps éteintes et oubliées leur revient
sous la plume par pure tradition. Pour qu'un acte
fût en règle, il importait de désigner clairement le
particulier à qui Tacquéreur devait payer les cens
dont le fonds aliéné était chargé. Mais « au bon
vieux temps » on n'y regardait pas de si près.
En tête du registre commençant à Tannée 1491 ,
figurent les noms suivants :
Henri de Witthem , seigneur de Beersel , che-
valier de la Toison d'or, conseiller et chambellan
de l'archiduc d'Autriche.
L'abbaye de Grand Bigard.
Guillaume Van Blitterswyck ^ .
' La famille Van Blitterswyck est une des plus anciennes que
l'on trouve comme ayant fait partie de l'heptarcliie. Le 31 août 1414,
Guillaume Van Blitterswyck, fils d'Henri, acquit le livre censal de
Rutger Boote, échevin de Bruxelles, lequel Boote avait été adopté
— 274 —
Maître Éoide Van Zeebroeck ^
Roland de Weert -.
Guillaume Van Cattenbroeck '.
Jacques Hujoel, secrétaire et greffier du conseil
de Brabant.
1502. Jean Van Cattenbroeck, curé [erfpro-
chiaen) de Laeken, non cité en 1491, préside en
personne, le 13 avril de cette année, à une vente
passée devant les quatre juges-tenanciers jurés
de sa cour censale : Jean de Munteneer, prêtre,
Jean Haeckman, Henri Van Ginderacliter dit
Boschverken * et Pierre de Loose. (Il me paraît
inutile de mentionner les noms des successeurs du
curé Van Cattenbroeck.)
1506. Philippe Van Zeebroeck, avocat au con-
seil de Brabant.
par Henri de Meerbeek, dit Van der Zenne. Guillaume Van Blitters-
wyck avait épousé Marie de Coudenberg, dit T'Serhuygs, du lignage
de ce nom.
' Il descendait d'une famille seigneuriale qui est mentionnée an-
térieurement à celle de Van Blitterswyck. On a vu plus haut qu'elle
possédait le manoir de Droetbeek. Or celui-ci échut, par un acte de
partage du 23 juillet 1407, à Catherine de Leeuw, éx^ouse de Jean
Van Zeebroeck (A. Wauters, loc. cit., t. II, p. 372).
2 Roland de "Weert faisait partie du lignage de Sweerts, à
Bruxelles. Il était propriétaire du manoir de Coensborch et de ses
dépendances. M. Wauters présume que cette demeure fut bâtie par
Jean Van Coensborch, époux de Catherine de Weert. De là le nom
qu'elle portait.
^ Cette famille possédait la maison seigneuriale {]ieerlyck lmy&) de
Couwegom et une dîme qui en dépendait. Elle était située, croyons-
nous, au hameau dit Leest.
* Il était propriétaire d'un petit château qui conserva jusque dans
ces derniers temps le nom de Boschverken, quoiqu'il eût changé bien
de fois de mains. Il était situé dans le village, sur la route provin-
ciale de Bruxelles à Termonde.
— 275 —
1510. Les héritiers de Guillaume Van Blit-
terswj^ck.
1516. Joncher * Philippe de Witthem, dit de
Beersel.
151 G. Nicolas Van Cattenbroeck.
1517. Georges de Witthem, dit de Beersel,
seigneur d'Yssche , fils du précédent.
1525. Guillaume Van Blitterswyck , fils de
Guillamne.
1526. Roland de Weert, fils de Roland.
1526. Henri Hujoel, secrétaire et greffier du
conseil de Brabant.
1526. Barthélémi Van Cattenbroeck.
1535. Antoine de Witthem, seigneur d'Yssche ,
fils de Georges, cité plus haut ^
1544. François Van Zeebroeck, chanoine de
l'église de Saint-Paul, à Liège, fils de Philippe.
1552. Roland de Weert, fils de Pierre.
1553. Madeleine De Deken , veuve de Barthé-
lémi Van Cattenbroeck ^
Par acte du 8 juillet 1558, passé devant les
échevins de Bruxelles , les enfants de Mathieu
Hujoel, sécrétante du conseil de Brabant^ et
' En français damoiseau et non messire, comme on pourrait le
croire.
* Après lui, les de Witthem disparaissent de riieptarchie. Ils furent
remplacés, croyons-nous, par les Hujoel, qui en faisaient déjà partie.
^ Elle était en possession du livre censal de Couwegom et du ma-
noir du même nom.
* Ces enfants étaient Luc Hujoel, avocat au conseil de Brabant,
Gertrude, veuve de Mathieu Strick, secrétaire du conseil privé,
Amelberge, épouse de Jean Blyleven, greffier du conseil de Bra-
bant, et Marie, épouse de Jacques Van Dongelberghe. La famille
des Hujoel, qui appartenait à la petite noblesse, était établie d'an-
— 276 —
seigneur à Laeken, vendirent leur Kvre censal,
ainsi que le château f Groothof, à François Doel-
man, greffier du conseil des finances, et à Ger-
trude Van Hertsbeke , conjoints.
1559. François Doelman, greffier du conseil
des finances. Il était seigneur à double titre, ayant
succédé aux de Witthem et aux Hujoel.
1559. François Van Zeebroeck, fils de Philippe.
1565. Gérard Casens, avocat au conseil de
Brabant ^ .
1567. Louis Van Hamme , jeune, en qualité
d'époux de Gertrude Van Hertsbeke, veuve du
greffier François Doelman , cité plus haut '^
cienne date à Laeken. Nous avons trouvé une sentence du conseil
de Brahant, du 14 mai 1487, en faveur de Jacques Hujoel , cité en
tête de cette liste chronologique. On y voit qu'il était propriétaire
d'un château.
I II possédait le livre censal dépendant du château de Droetbeek.
Il l'acheta le 29 novemljre 1564 à la chambre échevinale d'Uccle, d'un
Van Zeebroeck, si je ne me trompe.
^ Elle fut inhumée dans le chœur de l'église de Laeken. Son
épithaphe, depuis longtemps détruite, est imprimée dans l'ouvrage
du baron Le Roy. Elle était ainsi conçue :
Hier light begraeven jouffer Geertruyt Van Hertsbeke, huysvrouwe
van Louis Van Hamme, in haer levene erfvrouwe in Laken fOnser
Lieve Vrouwe buyten Brussel *.
II se peut fort bien que la famille chevaleureuse des Van den Ileet-
velde ait fait partie, au XIV« siècle, de l'heptarchie, car devant le
grand autel de l'église, sous une large dalle de pierre Ideue, rei^o-
sait... Ida Heetvelde , dochter tvylen W^illems Van den Heetvclde ,
ridder, die sterft int jaer 0ns Heeren m cccc ende iiii, xxx daeghe
in... **.
Cette famille est fréquemment citée dans les vieux actes de la
commune.
Louis Van Hamme épousa en secondes noces Anne Ladron de
Guevara. Il avait un caveau de famille dans la même église.
* Le grand théâtre sacré, etc., t. I, p. 324.
** Ibid.
— 277 —
15G8 (9 octobre). Guillaume Van Blitterswyck
cède à Jean , son fils aîné , son sens seigneurial à
Laeken ^ .
Il résulte dun acte éclievinal du 2 juin 1583,
qu'on comptait alors comme seigneurs ^ :
Louis Van Hamme.
Pierre Doelman, son beau-fils.
L'abbaye de Grand-Bigard.
La veuve de Barthélémi Van Cattenbroeck ■\
Les héritiers de l'avocat Gérard Caesens.
Jean Van Blitterswyck.
Le septième, le curé, sans doute, n'est pas
nommé.
1585. Corneille Wellemans, conseiller au con-
seil de Brabant et avant greffier des états de
Brabant. Son nom est mêlé aux troubles du
XVP siècle. Il avait épousé Catherine Van Cat-
tenbroeck, fille de Barthélémi, je crois, et ce
fut de ce chef qu'il fit partie de l'heptarchie.
1585. Josse Usselincx , brasseur, à Bruxelles ,
succède à Fabbaye de Grand-Bigard.
• « Heerlycken chyns, die hy, comparant, lit-on dans l'acte, als
» een van den erflieeren in Laken lieeft op diversche goeden gele-
» gen in de voers. prochie van Laken ende daer omtreut. »
2 Quelques-uns d'entre eux avaient demandé aux éclievins, selon
l'ancien usage, l'adjudication définitive de biens-fonds qu'ils avaient
saisis pour arrérages de cens qui leur étaient dus. Avant de consen-
tir à cette mesure, les échevins exigèrent la remise d'un état indi-
quant exactement les biens en question, le nom des propriétaires,
les cens dus et les années d'arrérages. Ils demandèrent, de plus, que
chacun leur communiquât son livre censal. C'est ce qui donna lieu
à l'acte cité dans le texte. Nous donnons ce détail comme un ren-
seignement supplémentaire sur l'organisation de l'heptarchie.
^ Citée plus haut.
— 278 —
1594. Jean Richardot, conseiller au conseil
d'État et président du conseil d'Artois. Il succéda
aux héritiers de Tavocat Caesens.
1596. Les héritiers du conseiller Wellemans.
1597. Philippe de Le Samme , seigneur de
Quièverchin, conseiller pensionnaire de la ville
de Mous , du chef d'Hélène Doehnan , fille du
greffier Doelman, son épouse.
Ensuite d'un décret du conseil de Brabant,
du 27 juin 1601, les biens que Louis Van Hamme
avait à Laeken furent judiciairement vendus pour
payer ses créanciers. Le conseiller pensionnaire
de Le Sainme, dont le nom précède , en devint
l'acquéreur.
1601. Balthasar Tax , du chef de sa femme,
Marguerite de Bailly, fille de J*""" Charles de
Bailly et de Democreta Sweerts ou de "Weert , qui
descendait de Roland. A Balthasar Tax , pro-
priétaire de Coensborch , succéda une famille du
nom de Dellafaille.
Par acte du 10 décembre 1604, Philippe de
Le Samme {l'oy. ci-dessus) vendit son château
(7 Groothof) et ses dépendances , ainsi que son
livre censal à Jean Drenckwaert , vicomte de
Dormael , trésorier général des finances , époux
de Marguerite Bogaert , fille de Jacques Bogaert,
président du grand conseil de Malines \
1615. Guillaume Richardot, baron de Lembeek.
• Gertrude Van Hamme, fille de Louis et de Gertrude Van Herts-
beke, et veuve d'Aruoul jMotmans, est mentionnée comme veude-
resse également.
— 279 —
161 G. J"'" Gaspar Roeloffs, membre des ligna-
ges , à Louvain , en qualité d'époux de Margue-
rite Wellemans, fille du conseiller Wellemans.
1623. Jean Yan Blitterswyck , jeune.
1624. Folcart Yan Aclielen, conseiller au con-
seil de Brabant et ensuite au conseil privé, époux
de Marie Bogaert, sœur de Marguerite, citée plus
liant. Il acquit une des deux seigneuries de Phi-
lippe de Le Samnie : celle provenant des sires de
Witthem.
1627. Les héritiers de P"" Gaspar Roeloffs , cité
plus haut.
Un acte du 16 septembre 1629 mentionne
comme ayant succédé à Guillaume Richardot,
baron de Lembeek , l'avocat Hartius. Il s'agit
probablement d'Otton Hartius, avocat au grand
conseil de Malines, fils d'Otton, conseiller audit
conseil. Ce savant magistrat était un parent de
Juste Lipse , avec lequel il entretint une cor-
respondance suivie, qui a été publiée'.
Les actes postérieurs signalent comme succes-
seur du baron de Lembeek , Jean-Paul Guidebon
Pissini , conseiller , maître à la chambre des
comptes, à Lille, auquel, selon M. Wauters, suc-
céda par mariage l'avocat Schrieck ^
1630. WaLrave Meeus, avocat au conseil de
Brabant, successeur de la famille de Dellafaille
dans la possession du manoir de Coensborch.
* Dans les œuvres complètes de Juste Lipse.
* Peut-être Waller au d Van der Schrieck, reçu comme avocat au
conseil de Brabant, le IG septembre 1624.
— 280 —
1631. Guillaume de Wint, greffier de la terre
de Grimberglie , en qualité d'époux de Guillel-
mine Van Blitterswyck , fille de Jean Van Blit-
terswyck , lignée à laquelle il succéda.
1633. Marie Bogaert , veuve du conseiller
Folcard Van Achelen.
1642. Par indivis les enfants du même con-
seiller ' .
1651. Les héritiers de J"*" Gaspar Roeloffs.
1653. Pierre Van Achelen, secrétaire du con-
seil privé , fils du précédent. Pierre Van Achelen
entra successivement en possession de trois
seigneuries , ayant hérité par sa mère de la sœur
de celle-ci Marguerite Bogaert, épouse de Jean
Drenckwaert. De là vient que Sanderus dit que
Pierre Van Achelen avait à Laeken une triarchie.
Elle se composait des trois seigneuries ayant ap-
partenu anciennement et respectivement aux
sires de Witthem, aux Hujoel, auxquels succéda
le greffier Doelman , et à l'abbaye de Grand-
Bigard. Outre ces biens , le secrétaire Van
Achelen était possesseur du château Y Groothof^^
ainsi que du château de Ter Plast, dont Sanderus
a également donné une vue dans son ouvrage ^
1656. Guillaume Van Cattenbroeck.
* C'étaient : Pierre Van Achelen, secrétaire du conseil privé, Clé-
mence, épouse de Charles-François Musaert, chevalier, seigneur
d'Oulteren, Marie, veuve de Philipjie Prats, chevalier, seigneur de
Saint-Albert, secrétaire dudit conseil privé, et Catherine, épouse de
Jean-Jacques de Put, chevalier, conseiller au consail de guerre.
* Voy. ci-dcssus.
^ Pour l'histoire de ce fief, voij. A. Wautees, loc. cit., t. II, p. 373.
— 281 -
1666. Elisabeth A^an Uffel, veuve du docteur
en médecine Jean Thol, lequel avait succédé à
Pissini, mentionné ci-dessus.
1671. Marie de Wint, fille du greffier Guillaume
de Wint, dont le nom figure plus haut.
1675. Corneille Van Reynegom, seigneur de
Buzet et plus tard d'Herenthout , chevalier, gref-
fier du conseil des finances. Il succéda aux héri-
tiers de Walrave Meeus , cité plus haut.
1678. J'"" Joseph- Alexandre Roelofî's , conseiller
communal à Louvain , fils de Gaspar, cité plus
haut, et de Barbe de Zoete.
1679. La veuve et les enfants de Pierre Van
Achelen. Cette veuve était Hélène-Piobertine Van
Maele, dit de Malinez, mariée en premières noces
avec Jean-Aurélien Servais , seigneur de Saintes ,
Liberchies, etc., capitaine de cavalerie, tué de-
vant Valenciennes. Van Achelen en eut deux
filles : Catherine-Philippe, qui épousa Urbain Van
der Borcht , commis des domaines et finances , et
Marie-Françoise, qui devint la femme de Jean-
Érard de Steenhuys, baron de Poederlé.
Par acte du 25 janvier 1683, Jean-WaUerand
Diertins, adjudant-fourrier, major de cavalerie,
vendit, en qualité d'héritier de son père, à Jérôme
Baecken, bourgeois et maître tonnelier, à Bruxel-
les, le livre censal seigneurial nommé la Dîme des
grains de Couweghem % avec faculté, dit l'instru-
» Ailleurs Coitwegom. Cette matricule provenait de l'ancienne
famille Van Catten])roeck. Le manoir de Couwegom, sans le livre
censal, fut vendu en 1689 par Marguerite Van der Glioten, veuve de
J""" Georges de Megliem, capitaine des gardes bourgeoises, à Bruxel-
19
— 282 —
ment , de constituer un majeur et des juges-
tenanciers {laeLen). Le prix de la vente était de
240 florins du Rhin.
1685. Les héritiers du docteur Thol et d'Éhsa-
beth A^an Uffel, sa femme. Ces époux n'eurent
qu'une fille nommée Elisabeth.
1G99. J'"' Thierry-François Van Reynegom re-
présentant sa mère dame Isabelle Maillaerts ,
veuve de messire Corneille Van Reynegom {voy.
plus haut).
1700. Les héritiers de Gaspar Roeloffs.
1701 (7 septembre). Acte de partage passé
entre les héritiers d'Elisabeth Thol. Le château
de Droetbeek avec son livre censal, échut à la
famille Van Uffel, qui vendit ce livre à la famille
Van Turnhout *.
1705. Jacomo- Joseph Sirejacob, conseiller au
Mont-de-Piété, à Bruxelles. Il succéda aux descen-
dants du greffier de AVint {l'oy. plus haut) et
acquit de Balthasar Le Mire, secrétaire du conseil
de Brabant, le manoir de Stuyvenberg , situé non
loin du palais royal, dont il est devenu une dé-
pendance. Au XVP siècle il appartenait à Louis
Van Beughem, architecte de Charles-Quint, Tau-
les, et Claire Van der Gboten, sœurs, à Catherine-Thérèse Auderlan,
héritière d'Anne Van Pede, veuve de J""" Bernard Van der Ghoten,
pour 3200 florins du Rhin.
1 D'après l'acte de partage , le montant du pi-oduit des cens
inscrits dans le registre consistait en 55 rasières d'orge, 20 rasières
d'avoine, 27 escalins et 7 '/j deniers, plus un pain (bt^oot) de Louvain,
7 chapons et 25 œufs. Le registre fut vendu, d'a2:)rès la même éva-
luation, à la chambre éehevinale d'Uccle, le 29 novembre 1564.
— 283 —
teur des plans de divers beaux monuments <. A
Louis Van Beugliem, ou du moins à ses enfants,
succéda Etienne Van Craesbeek, conseiller au
conseil de Brabant, qui acquit, en outre, le châ-
teau de Ter Plast.
1706. J'"' Adrien-Philippe Van Reynegom et ses
cohéritiers .
1708. Jean-Guillaume Robrechts, licencié en
droit, à Louvain, ensuite d'une sentence du con-
seil de Brabant, du 22 mai 1703, prononcée en sa
faveur contre J'"" Joseph- Alexandre Roeloffs,
seigneur de Geest-Gerompont, mayeur de Louvain.
1709. La dame Catherine Van Achelen, veuve
du conseiller et commis Vander Borcht {voy. ci-
dessus).
Par acte du 19 octobre 1715, Jean-Guillaume
Robrechts vendit pour 100 ducats à Antoine-
Boniface Perremans, avocat au conseil de Bra-
bant , à Bruxelles , le livre censal seigneurial qui
lui appartenait en qualité d'héritier de Thérèse
Van Couwegom, sa femme -. Le livre n'est pas au-
trement désigné dans Tacte.
Notons ici, en passant, qu'en 1737 l'avocat Per-
remans fut poursuivi par le roi d'armes Liser,
* Entre autres de l'église de Brou, à Bourg en Bresse, départe-
ment de l'Ain. M. Alexandre Pinchart, chef de section aux Arclii-
ves du royaume, a constaté par la signature que le vrai nom de
Van Beugliem est Van Boghem. La demeure de cet architecte , à
Laeken, se voit sur la première planche qui accompagne cette notice.
C'est celle qu'on remarque, à gauche, sur la hauteur, près de la
chapelle.
" n avait dû en disputer la possession à J.-A. Roeloffs. [Voy. ci-
dessus.)
— 284 —
parce qu'il portait l'épée, prérogative réservée
aux nobles et aux personnes revêtues de hautes
fonctions. Voilà une preuve de plus que la seigneu-
rie à Laeken ne conférait aucune qualité nobi-
liaire. Aussi, en se défendant contre le héraut,
Perremans se prévalut de son extraction, noble,
selon lui. Il produisit une généalogie remontant à
la première moitié du XVP siècle, etc.
1718. Marie Scheltiens, veuve d'Égide Van
Turnhout, lequel avait acquis le livre censal ayant
aj)partenu au docteur Thol.
1721. Marie- Joseph Vander Borcht, douairière
de don Félix d'Acuna, heutenant-colonel au ser-
vice de l'Empereur, dame de Saintes et dans
Laeken.
1721. Catherine-Ferdinande Vander Borcht de
Leenhove, sœur de la précédente. Elle avait eu
en partage le petit registre de mai.
1723. Jacques Van Turnhout, fils du précédent.
1735. Ladite demoiselle Vander Borcht, dame
de Saintes, pour elle-même et comme héritière de
sa sœur précitée.
1753. Les héritiers de cette personne. Ils eurent
trois registres censaux : le grand et le petit regis-
tre de mai et un de Noël.
1757. J°'' Norbert-Philippe-Maxunilien-Joseph
Van Reynegom, seigneur de Coensborch. Il fut le
dernier membre de Theptarchie de sa famille,
étant décédé le 2 avril 1805.
1763. Phili^^pe-Eugène- Joseph d'Olmen, baron
de Poederlé.
1770. Lambert-Martin baron de Renette, sel-
gneur de Logenhage, succéda aux héritiers d'An-
toine Perremans, ayant épousé Jeanne-Catherine
Perremans.
1783. Marie- Anne- Jacqueline Sirejacob, fille
unique de Joachim-Joseph et épouse de Jérôme-
Balthasar, vicomte de Roest d'Alkinade. Nous
avons vu que M. Sirejacob acheta le bien de Stuy-
venberg.
1790. La demoiselle Thérèse d"Ohnen de Poe-
derlé, une des héritières de Catherine-Ferdinande
Vander Borcht, dame de Saintes {v^oy. ci-dessus).
1792. Les héritiers du baron de Eenette '.
1793. La dame douairière vicomtesse de Roest
d'Alkmade.
Ne quittons pas le territoire de la commune de
Laeken , sans ajouter quelques renseignements à
ceux que M. A. Wauters a fournis sur le palais
royal. Il s'agit du beau parc qui Tentoure et que
le Roi, complétant Toeuvre de ses prédécesseurs,
va considérablement agrandir. M. Wauters rap-
pelle que lorsque rarchiduchesse Marie -Christine
et son époux le duc Albert de Saxe-Tesschen ,
gouverneurs généraux de nos provinces, eurent
résolu de se faire construu^e une somptueuse rési-
dence d'été, ils achetèrent à M. de Wautier le
domaine de Schoonenberg , dont la partie princi-
pale consistait en un beau château, une ferme, un
étang, une plaine ou terrasse, un jardin, des fossés
* Les registres de la commune citent Jeanne-Catherine de Eenette.
— 386 —
et des digues, etc. '. Les deux illustres acquéreurs
réunirent à cette propriété presque tous les ter-
rains compris entre la chaussée d'Anvers, la
Petite-Senne et le chemin dit la Rue verte, de ma-
nière à former un immense triangle dont la base
longeait la Petite-Senne et dont le sommet se trou-
vait à l'extrémité supérieure du Dongelberg.
J'ajouterai que, pour parvenir à leur but, les
gouverneurs généraux durent traiter avec plus de
cinquante propriétaires , tant particuliers, qu'ab-
bayes, fabriques d'églises, pauvres et autres fon-
dations. Les gouverneurs étaient représentés pour
faire ces achats par Paul Cantineau, leur secrétaire
d'intendance ^ Les actes de vente furent passés
devant le notaire Pierre- Joseph Vanden Berghe,
à Bruxelles (1781-1784), dont les protocoles sont
conservés aux Archives du royaume ^ D'après un
calcul que j'ai fait, le montant des sommes payées
par M. Cantineau, au nom de ses maîtres, pour
l'acquisition de tous ces terrains, s'éleva à environ
225,000 florins, somme considérable, si l'on tient
compte de la dépréciation que l'argent a subie
depuis.
Un registre aux actes échevinaux remontant à
l'année 1491 et qui m'a été fort utile, renferme,
ad calcem, le texte flamand d'une coutume inédite
' Il s'agit du château dont nous avons parlé ci-dessus.
* Il mourut en 1815; sa dalle funéraire se voit encore au cimetière
de Laeken.
' Voir les protocoles portant les n°s 7393-7396 de l'Inventaire
imprimé du Notariat général de Brabant.
— 287 —
de Laeken. Je crus utile de signaler cette coutume
à M. Charles Stallaert, le traducteur de la Com-
mission royale chargée de publier les ancien-
nes lois et les coutumes du pays. M. Stallaert en
ayant pris connaissance , jugea que le document
méritait à tous égards d'être publié. En consé-
quence , il Ta transcrit et accompagné d'une tra-
duction française, enrichie de ses remarques. On
trouvera l'un et l'autre plus loin, àTappendice.
L. G.
ANNEXES ,
SIVE PARVULUS CODEX DIPLOMATICUS.
I.
Henri, duc de Brabant, déclare que Béatrix, fille de Walter,
chevalier de Bigard, a fait don à l'abbaye de Bigard de
vingt-cinq bonniers de terre.
(La 6e férié avant la Samt-Micliel 1224.)
Henricus, Dei gratia dux Lotharingie, omnibus, tam
presentibus qiiam futuris in perpetuum. Quiim ea que me-
moria digna sunt htteris expedit eternari, ideo presenti
scripto ad noticiam omnium cupimus pervenire quod Bea-
trix, fiha quondam Walteri, militis de Bggardis, in nostra
presentia, sub frequentia bomiuum nostrorum constituta,
viginti quinque bonaria terre ipsam de paterna beredi-
tate, secundum ordinationem amicorum suorum coutin-
gentia,in mauus nostras ad opus cenobii Bygardensis hbere
— 288 —
et absolute, de consensu Arnoldi de Bygardis, sui avun-
culi, resignavit. Hujus autem terre jacent decem bonaria
apud Ymde et sex apud Laken et novem apud Bygardis ,
in silva Berthe, Hanc autem terram prefato cenobio in
elemosinam, tanquam nostrum allodium porreximus et
concessimus.
In hujus facti nostri testimonium dedimus bas litteras,
nostro sigillo et testium nominibus corroboratas.
Testes L.[eo], castellanus Bruxellensis , A. de Walin
G. de Saventem, Gregorius ammaunus, Willelmus, archi-
diaconus, Tbeodericus de Anderlecht, F. Bole, G. de
Overlis, J., notarius, hujus carte conscripto.
Datum Bruxellis, anno Doraini millesimo 00° vicesimo
quarto, feria sexta ante Michaelis ^
II.
Ouillaume de Bigard, archidiacre de Tournai, donne à
Vabbaye de Grand-Bigard quatorze honniers et demi de
terre et de prairies. {Cette donation fut faite à Bigard,
sous un chêne.)
(La 5« férié après la fête de Saint-Nicolas 1244.)
Universis presens scriptum visuris W.[illelraus] de By-
gardis, Tornacensis ecclesie Flandrensis archydyaconus ,
salutem et noscere veritatem.
Noverint, tam présentes quam posteri, quod nos resigna-
vimus in manus domine nostre Heylegundis de Bygardis
quatuordecim bonaria terre et dimidium, tam in pratis,
tam in terris arabilibus, quam in mausuris, quorum sep-
tem bonaria jacent supra Ham, quatuor supra Rochout,
bonarium et dimidium apud Hamieidam, in mansuris,
• La charte existait en original dans les archives de l'abbaye.
— 289 —
bonarium et dimidiuni iu prato apud Bous fort, proximo
jacente, juxta viam et pratum quod habuimus apud
Cobbenghem et in Flotbemt. Que quatuordecim bonaria pre-
dicta et dimidium iu feodum ab eadem domina tenebamus.
Et ipsa domina, de consensu nostro, ad preces nostras,
contulit priorisse et conventui de Bygardis in elemosinam
nostra sepedicta quatuordecim bonaria et dimidium, sub
annuo censu quatuordecim denariorum de quolibet bona-
rio, in festo beati Stephani annuatim jam dicte domine
solvendorum.
Hec autem facta sunt Bygardis, sub Quercu, in presentia,
AValteri de Sottenghem, Walteri de Wemliues ', Walteri
de Cockelberghe ", Gosuini de Erpa, Rasonis de Busco '%
militum ; Rasonis Beier, Franconis de Borchstat, Joliannis
Proidum (V), Arnoldi Chot, Heurici Beier, Joliannis Her-
man, Willelmi, fratris domine de Bygardis *.
In cujus rei testimonium présentes litteras nostro
munimine duximus roborandas. Actum anno Domini
m» ce» quadragesimo quarto, feria quinta post festum
beati Nycholay.
m.
Helicige, dame de Bigard, ratifie la donation qui 'précède.
(Même date.)
Universis présentes litteras visuris, Helwigis, domina de
Bygardis, salutem et noscere veritatem.
Notum facimus universitati vestre quod nos recepimus
de manu magistri Willelmi de B3'gardis, archidiaconi
* De Wemmel, commune limitrophe de celle de Laeken.
* Tous hommes-liges du duc de Brabant.
' Il appartenait à une branche de la maison de Bigard.
* Hommes-liges de cette dame.
— 290 —
Tornacensis in Flaudria, ad opus domus sanctimonialium
de Bygardis, per judicium hominum nostrorum feodalium,
videlicet : Rasonis de Busco, militis, Henrici de Capella,
Franconis de Fonte, Willelmi, fratris nostri, Johannis Her-
man, Henrici Beier, Walteri de Wachnengliem et Abrahe,
quatiiordecini bonaria terre et dimidium, tiim in terra ara-
bili, tum in pratis, tiira in mansuris : que omnia dictus ma-
gister a nobis tytulo feodi detinebat, eandem terram a jure
feodali penitus absolventes, et ad opus dicte domus in
hereditatem commutantes, Quo facto, dictam terram dicte
domui contulimus in hereditatem, sub annuo ceusu qua-
tuor denariorum de quolibet bonario, nobis et successori-
bus nostris, in festo beati Stephani a dicta domo annua-
tim solvendorum. Sepedicte domui donationem dicte
hereditatis per judicium illorum qui tenent hereditatem a
nobis, videlicet : Rasonis Beier, Willelmi, fratris nostri,
Henrici Beier, Arnoldi Coc ', Johannis Proidum, Johannis
Herman et Stephani de Gumpem et aliorum plurium, cou-
fererentes in perpetuum possideude. Predicta vero judicia,
tam hominum feodalium, quam heredum, dicta fuerunt de
concilio hominum domini ducis, videlicet : Walteri de Sot-
teughem, Walteri de Wamblines et Walteri de Cockel-
bergha, militum, et aliorum plurium.
Ne autem dicte collationes et judicia processu temporis
oblivioni tradantur et dicta domus aliquam molestiam
patiatur, presentem paginam dicte domui contulimus tes-
timonialem. Et quia proprium sigillum ad presens non
habemus, sigillum capituli Anderlechtensis postulavimus
presentibus apponi.
Datum anno Domini m" ce» quadragesimo quarto, feria
quinta post festum beati Nycholai.
Plus haut Chot.
291 —
IV.
L'archidiacre Guillaume de Bigard donne tous ses biens,
situés à Laeken, à l'abbaye de Bigard.
(Le samedi après la Saint-Nicolas 12-i4.)
W.fillelmus] cleBygardis, Tornacensis ecclesie Flandreu-
sis archidiaconus, dilectis in Christo scabinis de Laken et
aliis, tam viris, quam mulieribus ejiisdem parochie, salu-
tem in Domino.
Noveritis quod nos totum jus quod habuimus apud
Laken, in terris, pratis, redditibus et aliis rébus quibus-
cumque, contulimus priorisse et conventui de Bygardis, in
puram elemosynam perpetuo possedendam, in presentia
ducis et plurimorum, et ibidem festucavimus omue jus
per nostrum predictum ad opus predictorum.
Inde est quod nos volumus quod quicumque aliquid
tenebat ibidem ex parte nostra, de cetero recipiat et teneat
de priorissa et conventu predictis et ipsis integraliter
respondeat.
Datuni anno Domini m» ce» quadragesimo quarto, sab-
bato post festum beati Nicliolai.
V.
Henri, duc de Brabant, approuve la donation qui précède.
(1248.)
H.[enricus] , Dei gratia dux Lotharingie , uuiversis pre-
sens scriptum visuris, salutem in Domino.
Noverint, tam présentes quam posteri, quod elemosinam
quam dilectus noster, W. de Bygardis, Tornacensis eccle-
sie archidiaconus in Flandria, in pratis, terris arabilibus
et mansis, necnon et redditibus contulit sanctimonialibus
— 292 —
in Bygardis, proiit in litteris ejusdem archicliaconi super
hoc confectis, planius et plenius est expressum, laudamus,
approbamus et sigilli nostri hoc scripto appenso muni-
mine confirmamus.
Datum anno Domini m9 cco xl^' octave.
VI.
Testament cfA rnoul de Bigard, fait du consentement
d'Helwige, sa mère.
(Juillet 1257.;
Universis presens scriptum visuris, He.[lwigis], domina
de Bygardis, salutem et noscere veritatem.
Noverit universitas vestra quod Arnoklus, filius meus, sui
compos mentis et oris, me consentiente et coram me et
aliis pluribus, tam viris, quam mulieribus, taie legavit
testamentum.
Scilicet decem et quinque libras Bruxellenses super uno
bonario terre sito super Béate Buscum {sic), dimidietatem in
anniversario suo conventui Bygardiensi, et aliam dimidie-
tatem dicti bonarii in anniversario meo dicto conventui
in elemosinam contulit, libère in perpetuum possidendas.
Contulit etiam in elemosinam decem et sex libras
Bruxellenses super uno bonario sito sub Longo puteo.
E., filie sue scilicet, et Katerine, filie fratris sui, contulit
in elemosinam decem et octo libras Bruxellenses super
uno bonario terre sito in campo qui dicitur Campus aurets.
Preterea, contulit in elemosinam, ad portam monasterii
Bygardiensis octo libras Bruxellenses ad sotulares * paupe-
ribus distribuendas, super dimidio bonario terre sito juxta
Gudenlenbroc, dummodo dicta porta persolverit Ausilie, so-
rori sue annuatim, quoad vixerit , unum modium siliginis,
» Sotulares, souliers.
- 293 —
qua defuncta, dictum modium siliginis ad dictam portam
libère et absolute remanebit. Item, contulit octo libras
Bruxellenses super dimidio bonario terre, scilicet sito jiixta
Gudenlenbroc , distribuendas in hune modum , videlicet :
fabrice ecclesie parocbialis de Bygardis quadraginta solides
Bruxellenses , ad lampadem ardentem in eadem ecclesia ,
ante corpus Christi, très libras, plebano decem solidos, ca-
pellano quinque solidos, pauperibus vero in eadem parochia
XX solidos, per consilium plebani et capellani predictorum
conferendos; hospitali vero beati Johannis in Bruxella
quinque solidos, fratribus minoribus in Bruxella quinque
solidos, inôrmarie Beginarum in Vinea quinque solidos,
monialibus béate Katerine, juxta Bruxellam, quinque soli-
dos, monialibus apud Bygardis quinque solidos.
Testes qui interfuerunt dicte collationi fuerunt : prio-
rissa de Bygardis, P., presbyter de Bygardis, R., capella-
nus, W., capellanus. G., capellanus Bygardienses.
Ego vero He.[lwigis], domina de Bygardis, cum proprium
sigillum non habeo, utor sigillo decani Christianitatis in
Bruxella.
Datum anno Domini mo ce» 1^ septimo, mense julii.
VII.
Testament conjonetif de Bernard, seigneur de Bigard, et
de Marie, sa femme.
(Le jour de sainte Marie -Madeleine 1283.)
Universis presens scriptum visuris, Bernardus, dominus
de Bygardis, et Maria, ejus uxor, salutem in Domino sem-
piternam.
Quod geritur a modernis débet testimonio litterarum
confirmari, quoniam gesta hominum in statu stabili persé-
vérant, que non erant sine litteris valitura. Notum sit uni-
versis, in nomine Patris et Filii et Spiritus Saucti, quod
— 294 —
nos, Beriiardus et Maria predicti, animarum nostrarum sa-
luti providere cupientes, sane mentis et compotes, nostruni
condimus testaraentum et ordonavimus in hune modum.
Assignavimus , de proborum consilio, in monasterio de
Bygardis ibi ambo nostram eligimus sepulturam, salvo
jure cujuslibet, vin solidos Bruxelleuses in anniversario
cujuslibet persolvendos, Ecclesie vero parochiali in Bygar-
dis ad fabricam, in anniversario cujuslibet ii solidos, pres-
bitero vero curato in cujuslibet anniversario ii solidos ,
capellauo vero ibidem curie in cujuslibet anniversario
xii denarios, custodi vero ibidem vi denarios in cujuslibet
anniversario, pauperibus vero in villa de Bygardis ad sotu-
lares v solidos annuatim pro anima cujuslibet, ita quod
qui post alium vixerit v sol. dabit ad sotulares; quura
vero ambo viam universe caruis sunt ingressi, hères qui
post ipsos remanserit, x solid. dabit ad sotulares, quos
convertet et distribuet pauperibus, in villa predicta, se-
cundum ordiuationem presbiteri curati. Item, apud Bi-
ghem, ad fabricam xii den. annuatim. In anniversario vero
cujuslibet presbitero in Berghem xii den,, et in eorum an-
niversario custodi ibidem iii denar.
Ista vero omnia et singula legavimus et assignavimus
super duo bonaria terre jaceutia apud Berghem, in feodo
quod ego Maria, uxor Bernardi, domini de Bygardis, pre-
dicti, teneo de magna sorore mea. Predicta omnia assignata
secundum prudencium valentia discretionem {sic). Item,
sciendum est quod hec sunt facta de voluntate magne
domine feodi predicti et Nicholai, ejus légitime tutoris.
Et ut hec omnia in perpetuum permaneant et persévè-
rent, présentes litteras cum sigillo Nicholai, predicti tu-
toris magne predicte, que sigillo caret, cum sigillo meo
Bernardi et cum sigillo presbiteri, curati de Bygardis,
fecimus roborari.
Datum anno Domini m» ce» Ixxx tertio, in festo Marie
Magdalene.
— 295 —
YIII.
Nicolas de Lahen fait don à Vabhaye de Grand-Bigard de
quatre bonniers de terre situés à Bever ^
(8 mai 1287.)
Noverint iiniversi quod Nicolaus, filius quondam Lide-
kini de Laken, militis, cum débita renuntiatione contulit
fratri Heurico, ad opus monasterii de Bigarden, quatuor
bonaria terre, parum plus vel minus, prout jacent apud
Beverne, pro allodio, promittendo ei inde rectarn wa-
randiam.
Inde sunt testes Henricus Hemcart et Godefridus
Boyken, scabini Bruxellenses, quorum sigilla presentibus
sunt appensa.
Datum anno Domini m» cqo octogesimo septimo, feria
sexta post luventionem Sancte Crucis.
IX.
Ida de Plat ea {Vander Straeten)^ béguine, donne à l'ab-
baye de Grand-Bigard un demi-bonnier de prairie.
(Eu mai 1298.)
Notum sit universis presens scriptum visuris, quod do-
micella Ida, dicta de Platea, begina in Vinea -, personaliter
constituta, in presentia Domini fundi, videlicet Domini
Arnoldi, curati ecclesie de Lahen, et suorum mansionario-
rum, contulit conventui de Bygardis dimidium bonarium
1 Hameau de la commune de Strombeek, limitrophe de celle de
Laeken.
* A Bruxelles.
— 296 —
prati, prout situm est apud Laken, in loco clicto Bushemt.
Quod pratum dicta Ida supportavit et eflestiicando resigna-
vit. Ipsaque Ida per juris ordinem iude exposita et abjii-
dicata, impositus est jure bereditario Sigerus, clericus
priorisse de Bygardis ad opus dicti conventus de Bygardis,
de consensu domini fundi prefati, et per senteutiam suo-
rum mausionariorum.
Acta sunt hec de consensu virorum discretorum, scili-
cet : elemosinarii de Haffligemo, et Theoderici, receptoris
reddituum Brabantie.
Et quia dictum pratum tenetur ab ecclesia de Laken,
sub annuo censu duorum denariorum, parve monete, con-
dictum est et à prefato clerico, nomine dicti monasterii et
conventus de Bygardis promissum, quod si aliqua bona ad
quanti tatem seu valorem predicti prati ad opus dicte
ecclesie de Laken emerentur vel alias acquirerentur que
similiter à monasterio de Bygardis supradicto bereditario
jure tenerentur, deberet ipsum monasterium seu conventus
de Bjgardis super eo suum adbibere consensum, ut dicta
ecclesia de Laken, in bonis sic emptis vel acquisitis, pote-
rit, secundum juris ordinem, investiri et imponi.
Testes : Henricus dictus Esselen, Ingelbertus Faber,
Henricus dictus Mouwe, Henricus de Decbellstraten, man-
siouarii predicti.
In cujus rei testimonium et munimen sigillum prefati
curati de Laken, domini fundi, litteris presentibus est
appensum. Datum anno Domini m'' ce" nonagesimo octavo,
mense mayo.
Cet acte de donation est suivi de lettres d'Ida, prieure
du monastère en question, du mois de mars 1299 (n. st.),
par lesquelles elle abandonne l'usufruit de ce demi-
bonnier de pré à la donatrice. Celle-ci y manifeste le désir
qu'après sa mort le revenu soit employé à pourvoir aux
nécessités de Catherine, fille de feu Guillaume de Coninck
— 29'
{Régis), chevalier '. Catherine étant décédée, 20 sous seront
employés pour la pitance de vin des religieuses au jour de
l'anniversaire dudit chevalier. Le surplus sera distribué
aux mendiants qui se présenteront k la porte du couvent.
Les -proviseurs des pauvres de Laeken reconnaissent devoir
à Vabbaye de Grand-Bigard une rente annuelle de
10 livres.
(Le dimanche après l'Assomption 1302.)
Dat zy cont allcn den ghenen die dese letteren seleu zien
of hoeren lesen, dat wy, Wouter de Vos ende Mathys Claes
van Osseghem, mombore ende provisuers van den huusar-
men van der prochien van Laken, hebben ontfaen eenen
scepenen brief, beseghelt metten scepenen van Bruessele,
van lier Machiele Van den Vorde, van Scharenbeke,
welke brief hem quam van Joffroiace Heylemceghen van
Laken, lier Claes dochter van Laken wilen was. De welke
brief sprect van tliien ponden tsiaers erfelec, ende die
ghecreghen waren teghen Janne die men heet Henten den
Vleeschouwer : deen heeliclit vallende te sente Jansmesse,
in den somer leyt, ende dander heelicht te Kersavonde,
alsulcs ghelts aise ten voirs. tyden in borse gheet. Ende
daer voer heeft hy bewyst ende beset teenen gerechten
pande eene hofstad, metten huusinghen daer op staeude,
die ghelegheu in den steenwech es, iegen Peter Smords,
dwers over, neven tcleyne streetken, gelyc datse daer gele-
gen es, ende mense houdende es van Goesene den Mol, die
men heet Goely de Mol, aise heer van den gronde. Overmits
welken brief wy bekennen dat wy sculdich zyn den goids-
huyse van den Groeten Bygarden, te petancien den con-
' Il était échevin de Bruxelles en 1285.
20
— 298 —
vente te ghevene twintich schellinglie tsiaers erfelec ende
emmerraeer te ghevene ende te gheldene met alsulcke
paymente aise altoes te voirseiden tyde in borse glieet,
ochte degene die na ons comen selen huusarmeesters te
sine, met alsiilker voerwairden : ware dat zake dat de
voirs. pant yet afname oclite argherde, soe dat men den
voirs. cheys niet wel gliecrigheu en conste, soe souden ende
moesten aile diere op hebben die scade ende dien cost
draglien , elc na sine ghelande dat hire aene heeft. Ende
ten naestvolgende Kersavonde den yersteu cheys, ende
alsoe vortane van jaer tejaer erfelike, ende emmermeer
duerende.
Ende omme dat wy provisuers ende momboren van den
huusarmen van Lakenvoirgh. ghenen gemeynen zeghel en
hebben, soe hebben wy w^sen ende beschedene lieden heer
Michiele den Leu, van Bruessel, ende Adame Van Hingene,
scepene der erfheeren van Laken, dat si dit bezeghelen wil-
len met haren propere zeghelen.
Ende wy her Michiel ende Adaem voirg., overmits beden
wille der goeden liede ende der huusarmeesters vander
prochien van Laken , ende omme dat wy willen ende be-
gheeren dat aile dese voirs. voerweerden wel ende vast
ghehouden bliven, soe hebben wy dit in kennissen ende in
orconscapen der waerheyt beseghelt met onsen properen
zegele. Dit was ghedaen int jaer Ons Heeren alsmen screef
dusentich drie hondert ende twee ende tsestich, tsondachs
na Onze Vrouwen dat men heet Assumptio.
XI.
Formule d'un acte de vente.
(12 juin 1504.)
Wy, scepenen der erfheeren van Onse-Lieve-Vrouwe
Laken buyten Bruessel, gemeynlick doen cont eenyegelikeu
— 299 —
dat opten dach van heden , voer ons ende voere Peeteren
Van Niverssele , rentmeester onser genedigen heeren van
Overzenne ende meyer der iceduioe ende erfgenamen loylen
meester Gielys Van Zeehroeck, erfieeren in Laken voirsc,
comen es in properen persoen joncker Charles Van Poi-
tiers, lieer van Dormans, Oultre, Houchies, etc., soen
wylen heeren Charles Van Poitiers, heeren doen hy leefde
van Dormans, Oultre, Houchies, etc., ridders, dien hyhadde
van wylen vrouwen Dhorotheen van Osy, geheeten Van
Zantberghe, syne geselinnen, eyide heeft opgedragen met
xoettige verthienissen in de handen der voir s. Peter s Van
Niverssele, meyers, ende van iceegen der voirs. iceduioe
ende erfgenamemcylen meester Gielys Van Zeebroeck, hee-
ren van den gronden, daer over staende , tôt behoef Jans
Vander Straten , soen wylen Jans Vander Straeten , een
bunder lants, etc. (suit l'indication de la situation, des te-
nants et aboutissants). L'acte ajoute : op den commer van
vier vaten meygersten ende ticintich 'penningheyi lovens ,
den voirs. heeren van den gronde jaerlicx ende erffelicx
vutgaende ende te betalenen. Bekeuuende, etc. La suite de
lacté, fait d'après la formule usitée, a été abrégé. La date
est de 12 juin 1504.
xn.
Jugement rendu par les échevins et tenanciers de Laeken,
dans une cause pour défaut de payement de cens.
(19 novembre 1785.)
Vonnis in contuniacium.
Joannes-Franciscus Van Cools, in qualiteyt van ontfan-
ger van den Eerw. Heere pastoor van Laken, als erfheer
in 't selve Laken, claegere,
Tegens
François Le Grand, inwoonder van Brussel, als besitter
— 300 —
van het perceel gronds genaemt tien Abeelen hof, etc. (Suit
rindication de la situation.)
Gesien by ons, schepenen ende erflaeten der erfheeren
in Laeken , buyten de stadt Brussele, de acten gehoudeu
ter rolle van den tweeden july 1785 ende volgende genecht
dagen, tôt ende met den gène van den 5"^^" november lestle-
den ; den clieynsboeck overgeleyt ende beroepen ten ver-
baele van den 2'*''" dito julii ; de relaesen van den gereclits-
dienaer, waer by hy relateerde de condbrieven aen den
becondigden te hebben gëinsinueert , respective den 4'*'"',
IS'^*'" july en 8''"" augusti lestleden, met de relative inthi-
matien ende affixie der exploiten op de kerck deure van
Laeken, wy, schepenen ende erflaeten voornoemt, ter ma-
nissen des officiers, loco des meyers, naer voorgaende advies
van rechtsgeleerde , hier toe als adviseurs benoemt by den
seer edelen ende eervreerdigen heere cancelier van Bra-
bant, decreteren de pêne aen den becondigden by appoiu-
tement van den 8''*"" en 22""" october lestleden gecommi-
neert, ende iyi contumacium recht doende, decreteren de
clacMe ofte procédure ten gronde door den claegere gëin-
teuteert, adjudiceren den selven den beclaegden pand, om
by publieke vercoopinge, servatis servandis, daer aen te
verhaelen den achterstel van tliien jaeren cbeyns van eenen
cappuyn en tbien penningen Lovens jaerelycks, item de
pontpenningen vervallen by de leste veralienering , à rato
van het bedrag van 't taxaet van den beclaegden pand door
ons gedaen, op den 30""" der maend julii lestleden, met de
costen t'onser behoorelycke taxatie ende moderatie.
Aldus geprononciëert in gewoonelycke vergaederinge
van ons, schepenen ende erflaeten, J.-B. Vander Borglit,
J.-B. Vanden Branden, J.-B. Vander Hasselt, H. Van Be-
neden ende M. De Vleeschouwer, aldaer présent, den
jgsten november 1785.
— 301
XIII.
Robert^ chevalier de Bigard, donne à l'ahhaye de Bigard
une somme de 50 livres de Louvain et lui fait une rente
annuelle de iOO sols *.
(En mars 1266.)
In nomine Sancte et Individue Trinitatis, amen.
Noverint universi, tam présentes quara posteri, quod
ego, Robertus, miles de Bygardis, contuli in veram elemo-
sinam priorisse et conventui de Bygardis quinquaginta
libras Lovanienses, monete legalis et pagabilis. Pro quibus
quinquaginta libris obligavi, tytulo pignoris, tria bonaria
terre arabilis sita in agro qui dicitur Wardecoutere, prout
tenentur in feodum a domino Johanne de Bygardis, de
consensu domini J... et in presentia hominum suorum,
videlicet: domini Abrahe, militis, dicti de Molendino, Hen-
rici de Asuthert, Joannis de Hameide, Rasonis de Gavera
et aliorum multorum fide dignorum. Ita quod licebit micLi
vel meis successoribus redimere dictam terram in festo
Omnium Sanctorum. Volo eciam quod dicta priorissa et
nominatus conventus fructus dicte terre in suos usus libère
convertant quo adusque prenominata surama pecunie sit
eisdem plenarie persoluta. Quos quidem fructus in puram
elemosinam contuli et legavi. Insuper assignavi dictis
monialibus centum solidos annui reditus super allodio
meo sito in loco qui dicitur Deutelegoem. Quos centum
solidos dicte moniales percipient et habebunt donec de
aliis quinquaginta libris sit sepedictis monialibus satisfac-
tum. Nec licebit miclii dictos redditus redimere, nisi in
festo Omnium Sanctorum.
In cujus rei testimonium présentes litteras ipsis contuli
' Cette pièce aurait dû former la septième annexe.
— 302 —
sigilli mei ac sigillorum virorum venerabilium investiti de
Dielbeke et investiti de Bygardis munimine roboratas.
Datum et actum anno Domini m° cc° lx° vi°, mense
martio.
XIV.
Exemple de la vente publique d'un livre censal.
(20 octobre 1676.)
[Extrait.)
Conditien , ordonnantien ende voorweerden daer op dat
joncker Nicokius-Franciscus Coradin, met vuytganck der
berrender keerse, sal vercoopen de schoone heerleyckheyt
van Steen, haer extenderende onder de Prochie van Uccle,
Droogenhosch, Beersel, Alsembergh, Dioorp (Tourneppe),
Linkenbeek , Stalle, etc., consisterende in een leenhoiï, met
syne achterleenen ende verheffen, daertoe stellende stadt-
hoiider, leenmannen ende greffier. Item, eenen schoonen
chegnsboeck , hestaenàe in haver, cappuynen, hinnen, eye-
ren ende andere specien van scliellingen ende penningen
lovens, etc., behelsende in de negentich items oft posten,
jaerlycx vuytbrengende entrent de tachentich guklens,
met oock ket reckt van te stellen meyer, laeten, greffier
ende pretere, dienende tôt 'terven ende onterven van de
goederen daer onder ckeyns geklende, ende de gront pro-
ceduere van de leengoederen der selver keerlyckkeyt...
Suivent les conditions de la vente. Le procès-verbal
constate que la seigneurie de Steen et le livre censal de-
meurèrent à M. Corneille Van Reynegom, greffier du con-
seil des finances, dernier enckérisseur, pour la somme de
17,400 florins.
— 303 —
APPENDICE,
l'ancienne coutume de laekbn, traduite et annotée par
M. CHARLES STALLAERT.
Dits doude heerhringhen van der vryheyt van Laken ,
by Brussel.
1. In den iersten, soe wat goecle dat binnen Laken gele-
gen es, ende dat glieeft van den dachwande v deniers nuwe
ende een vat gheersten oft een vat evene , dat es pontgelt
sculdiclî, dats te verstaene van elcken ponde, xii d.
2. Item, soe waer inen Ij^ftocht op dit voirscreve goet
vercochte, dat is halff pontgelt sculdich.
3. Item, van dat men verzimct * van dooder liandt, daer
geeftmen aff, vanden dachwande, m deniers borseghelts,
ende alzoe voirt , gelande gelyck , nae dat tsgoets vêle es.
4. Item , van goede dair cleyn scbout ^ op steet ende vet-
glielt ', daer geeftmen af, alst men vercoopt, elck van hen
diet vercoopt ende ontfaet , xxxii d. borseghelts ; ende dit
hoort ten Uckelschen redite.
5. Item , aise hier de scepenen overstaen als ment ver-
wandelt, soe hebben zy Yii d. nuwe, ocht, daerment be-
commert, van alzoe menigher manisseu als daeroppe
gevalt, zoe es men sculdich vu d. nuwe.
6. Item, van dat men verzuyct ^ van dooder haut, van
goede daer cleyne schout ^ ontgheet ' , dair ^ daer gheeft-
men aff xxxn d. borseghelts.
* Nous croyons qu'il faut lire : vercrycht.
* Nous croyons qu'il faut lire : cleyn schot.
' Lisez iiutgheet.
* Le mot dair est ici de trop.
— 304 -
7. Item, soe moet men desen paclit ende chys betalen
altoes tsmaendaigs nae Sinter Servaes dacli, die in den
mey valt; ende dese glieerste ochle evene en macli men
niet verdinghen , en zy datse de scepenen gepresen liebben ,
hoe goet dat zy sy op dien dach.
8. Item, soe wair men dan ierst ' den heere zynen pacht
ende zynen cheyns niet en betaelde ten voirschreven dai-
ghe, soe mach die heer drie genechten doen, dan bem
totten goede - daermen den chys aiï gheeft, ende den laet te
weten doen met oirconscape, oie ende ' by zynen chys be-
talen*; ende en betaelt men bem binnen dien tyde dan
niet, soe sal die heer boeten nemen telcken geneechte , ende
van elcker boeten lu s. nuwe , haltï den heere ende halff
den scepenen. Ende ten vierden genechte , soe sahnen den
heere wysen zyne handen te slane aen dat voirschreve goet ,
ende vroement ende ontvroement, totter tyt dat men hem
zynen principalen pacht ende cheins betaelt hadde , ende
daertoe al zyn costen ende scaden die hy dairop gedaen
hadde. Ende als de heer tenegen goeden doet daighen , soe
moet die heere met twee scepenen, ten minsten, zitten
inde kercke te Laken, ende verbeyden daer totter tyt dat
de clocke geluydt es van der noenen ; ende en quame die
gliene die tgoet ane hoorde daerenbinnen niet, ende dade
den heere genoech van dat hy hem sculdich waer, soe soude
hem die heer met dien twee scepenen doen , nader noenen ,
te dien goede, ende ten anderen genechte desgelycx zoude
hy oick doen, ende met twee andere scepenen, ende ten
derden oie alzoe , ende ten vierden soude men hem wysen
dat hy zyn handen ane dat voirschreve goet slaen soude ,
gelyck dat voirschreve es.
' Au lieu de : soe wair tnen dan ierst, lisez : soe wat men dan.
' Lisez : soe mach die heer, met drie genechten, hem doen doen tot-
ten goede.
* Au lieu de : oie ende, lisez : ten ende.
* Au lieu de : betalen, lisez : betale.
— 305 -
9. Item, soe wie saten heeft binnen Laken, eucle alser
een sterft van dieu die zaten houden , zoe sal die ghene die
de saten heeft liebben de beste beeste die daer bl3'ft , sonder
eene, vuytgescheyden peerden, daer en es meu niet aff
sculdich met reclite. Ende en zyn daer egheen beesten, soe
macii hy nemen het dbeste schoenheyt dat daer blyft , son-
der een; ende wairen zy zoo arm, dat zy beesten nocli
schoenheden en hadden, soe soiiden zy geven v st. bor-
segelts.
10. Yoirts es te wetene : wair eenicli goet versterft , van
dien dat voirg. es , op kinden daer brudren ende zusteren
zyn, daer en hebben de zusteren niet aen, het blyft al op
de broederen; maer men es sculdich altoes, nae bancrecht,
de zusteren te versiene ende te goedene by raide van hae-
ren gemeynen vrienden. Ende waer dbedde scheet ende
daer goet blyft van dien dat hier voer es geseeght, soe sal
de ghene die lancxst leeft, van vader ende moeder, dat
goet halff behouden tôt zynre tocht, ende de kinder dander
heelicht. Ende zoe Avanneer die lanxstlevende dan sterft,
soe gheet dat goet, dat hy t'synre tocht hielt, dair ' scul-
dich es te gaen nae zyn doot.
11. Item, soe waer van desen goeden ygerincx van den
zyden versterft, dat blyft al op de broedere; ende daer zoe
en hebben de zusteren niet daerane, het en waer datter
egheen bruederen en waeren , soe bleeft op de zuster oft op
haere kinderen.
12. Item, waert dat eene sate verstorve op hen ni*^", oft
op hen mr", oft op hoe meneghen dat ware , storven van
dien die de sate hielden, soe soude hebben die heere
daeraff ghelande gelyck nae '^
• Lisez dairt.
" Il faut probablement ajouter ici : dat tsgoets vêle es , comme à
l'art. 3.
— 306 —
13. Item, soe wanneer die heere den sate betimmert be-
geert te hebben , soe moet die gène die de zate houdt ,
bynnen eenen jaer nae dat men hem met orconscapen voer
scepenen verzuect , die sate betymmeren , ende dair mach
hy dan ecn liuys op setten , dat drie pont Loevensche weert
zy; ende daer met moet hem die heer laten genueghen;
ende dat huys moet men metten scepenen ende met tym-
meluden * doen prysen , oft weert es gelyck dat scuhlich is
te zyne; ende betymmert hyt binnen den tyde niet gelyck
dat voirsch. is, soe mach de heere zyne handen slaen aen
tgoet dat de zate scuklich es , ende vroement ende ontvroe-
ment, totter tyt toe dat hy hebbe dat hy scuklich es te
hebbende [hebbene].
14. Item, waer een zate versterft, soe selen die ghene,
daer se op versterft, deylen bruederlyc, susterlyc, even
ghelyck in de zate.
15. Item, de heeren van Laken hebben tsjaers twee gou-
daighen, den eenen sdyssendaighs naest tsmaendaighs nae
sinte Servaesdach, als zy hueren cheins ontfaen hebben,
ende den anderen tsmaendaighs nae dertiendach , ende dan
es men schuldich tsondaighs te voren te gebiedende [te
ghebiedene] in de kercke der scepenen van Laken -, die bin-
nen der prochien van Laken woenen , dat zy te dien daighe
comen, ende den scepenen van Laken ', die buyten der
voirschreve prochien woenen, eest men scuklich te laten
weeten tôt hueren huyse, met oirconscapen ; ende en qua-
men zy daer niet, alst hen ontboden ware, [als] in de
kercke, oft tôt hueren huyse, de weete gedaen waer, soe
soude de gène zyn , die daer niet en quame , op ii st. nuwen ,
den heeren gemeynlyck te deylen.
* Lisez : tymnierluden.
* Nous croyons qu'il faut supprimer ici les mots : der scepenen.
' Au lieu de : den scepenen van Lahen, nous croyons qu'il faut
lire : den laten van Laken.
— 307 —
16. Item , es men sculdicli den scepenen van Laken tsjaers
twee eteutyde te Bruessel te geven ; den eenen es men scul-
dich te geven her Henricli van Wittham , op de goede dat
compt van zynre dochter weghen.
17. Item , den anderen etentyt zyn hen sculdich de andere
heeren van Laken , onder lien gemeyniyck te gevene , den
scepenen elck heere.
18. Item, als de scepenen van Laken dese etentyde ver-
soclit hebben ende mense hen niet en gave , elck nae zyne
gelande gelyck, dan souden de scepenen van Laken dien
heere , daer de faute inné waer , eglieeu vonnisse wysen dat
hun stade doen mochte , totter tyt dat hem daeraff genoech
gedaen ware.
19. Item, tgoet dat men van Clase van Laken hieit ende
dat comen es op Willems wyf van Ketterbeke, ende dat
boven vi d. nuwe gheeft van den dachwande , dat es pont-
gelt sculdich als men [t]vercoopt, dats te verstaene van
elcken ponde xii d. ; ende daermen lyftochte op alsulcken
goet vercoopt, dats sculdich van den ponde vi d., ende
daermen ontfaet van dooder handt, soe gheeft men m d.
borseghelts van den dachwande.
TRADUCTION.
DBOITS ET JURIDICTION DES SEPT SEIGNEURS FONCIERS DE LAKEN-
NOTRE-DAME, PRÈS BRUXELLES.
Anciennes traditions de la franchise de Laken, près Bruxelles.
1 . Premièrement , tout bien situé sous Laken , donnant ,
par journal, 5 deniers nouveaux et un boisseau d'orge, ou
un boisseau d'avoine, doit payer les droits de lods et
ventes, c'est-à-dire douze deniers de chaque livre,
— 308 —
2. Item , lorsqu'on vend une pension viagère sur ledit
bien, on est tenu d'en payer un demi-droit de lods et
ventes.
3. Item , celui qui acquiert un bien mainmortable paie
trois deniers argent courant par journal, et ainsi de suite
à raison de la quantité.
4. Item, lorsqu'on vend un bien qui paie le petit cens,
celui qui le vend et celui qui l'achète paient chacun trente-
deux deniers argent courant. Et ceci est au droit d'Uccle.
5. Item, lorsque les échevins assistent à une mutation
de biens ou à une impignoration, ils reçoivent sept deniers
nouveaux, et de chaque semonce faite au sujet d'un bien
ils ont sept deniers nouveaux.
6. Item, lorsqu'on acquiert un bien mainmortable qui
paie le petit cens, on en donne trente-deux deniers ar-
gent courant.
7. Item, ces fermage et cens doivent toujours être payés
le lundi après la Saint-Servais , au mois de mai , et cette
orge ou ce froment ne peuvent être rachetés sans que
les échevins ne les aient estimés au prix du jour.
8. Item, si quelqu'un ne payait pas son fermage et son
cens audit jour, le seigneur peut se faire mettre eu pos-
session du bien dont on paie le cens, par trois plaids, en
faisant l'intimation au tenancier , avec des témoins , pour
qu'il paye le cens; et si on ne le paie pas endéans ce
terme , le seigneur prendra une amende à chaque plaid ,
chacune de trois sous nouveaux, moitié pour le seigneur,
moitié pour les échevins. Au quatrième plaid, on sen-
tenciera que le seigneur peut mettre la main sur ledit
bien et le défructuer jusqu'à ce qu'on lui ait payé son fer-
mage et cens , en principal , avec frais et dommages. Et
lorsque le seigneur exerce des poursuites sur un bien, il
doit siéger dans l'église de Laken avec deux échevins au
moins , et y attendre que la cloche de midi ait sonné.
— 309 —
Et si le propriétaire du bien ne se présentait pas dans
l'entretemps , et ne contentait pas le seigneur de ce qu'il
lui doit, celui-ci pourrp^it, Taprès-midi , se rendre, avec
ces deux éclievins, sur le bien; il ferait de même au
second plaid avec deux autres échevins ; de même encore
au troisième plaid, et au quatrième on sentencierait qu'il
peut mettre la main sur le bien, comme il est dit ci-dessus.
9. Item, quiconque a, dans Laken, des semeures ^ aura,
lorsqu'un de ceux qui tiennent ces semeures vient à mou-
rir, la meilleure bête après la meilleure. Quant aux che-
vaux, on n'est pas obligé d'en rien donner. Et s'il n'y
a pas de bêtes , il peut prendre la plus belle parure qui y
reste , après la meilleure. Et s'ils étaient si pau\Tes qu'ils
n'eussent ni bêtes ni parures, ils donneraient cinq sous
argent courant.
10. Est à savoir ensuite, lorsqu'un des biens susdits
échoit par succession à des enfants, et qu'il y a des
frères et des sœurs, les sœurs n'y ont aucun droit, le
tout reste aux frères; mais on est toujours obligé, d'après
le droit local , à pourvoir et doter les sœurs , avec l'avis
de leur parenté commune.
Lorsque, à la dissolution d'un mariage, il y a des biens
de la nature de ceux susdits , l'époux survivant conservera
la moitié pour son usufruit, et les enfants l'autre moitié.
Et après la mort du survivant le bien qu'il tenait en usu-
fruit ira du côté qu'il doit aller.
11. Item, si un de ces biens échéait par succession en
ligne collatérale , le tout resterait aux frères , et les sœurs
n'y ont aucun droit; à moins qu'il n'y eût pas de frère,
en ce cas le bien écherrait à la sœur ou à ses enfants.
12. Item, si une semeure échéait par décès à eux trois,
ou à eux quatre, ou à quelque nombre [d'enfants] que ce
• Voir les annotations.
— 310 —
fût, et qu'il en mourût de ceux qui tiennent la semeurs,
le seigneur percevrait son droit à l'avenant.
13. Item, lorsque le seigneur requiert qu'il soit construit
une maison sur la semeure , celui qui tient la semeure doit
y construire une maison , endéans l'année qu'il en a été
requis devant éclievins et par témoins; il peut alors y
bâtir une maison qui vaille trois livres louvanois, et le
seigneur doit s'en contenter. Et l'on doit faire priser cette
maison par les éclievins et par des charpentiers, pour
qu'on sache si elle vaut ce qu'elle doit valoir. Et s'il [le
mansionnaire] n'y construit pas de maison endéans le
terme susdit, le seigneur peut mettre la main sur le
bien qui doit la semeure, et l'exploiter jusqu'à ce qu'il
ait son dû.
14. Item, lorsqu'une succession de semeure est ouverte,
ceux à qui elle échoit la partageront fraternellement et
sororialement d'une manière égale,
15. Item, les seigneurs de Laken ont annuellement deux
plaids généraux, l'un le mardi qui suit le lundi après la
Saint-Servais, lorsqu'ils ont perçu leur cens, et l'autre le
lundi après les Rois. On est obligé de publier le dimanche
précédent , en l'église de Laken , que ceux [les mansion-
naires] qui demeurent dans la paroisse de Laken doivent
venir ce jour-là; et à ceux qui demeurent hors de ladite
paroisse, on est obligé de le notifier à leur maison et
avec témoins. Ceux qui ne comparaîtraient pas lorsqu'il
leur a été ordonné à l'église , ou qu'il leur a été notifié à
leur maison , encourraient une amende de deux sous nou-
veaux, à partager en commun par les seigneurs.
16. Item, on est obligé de donner annuellement aux
échevins de Laken deux repas; l'un doit leur être donné
par messire Henri de Witham, sur les biens qui lui
viennent de la part de sa fille.
17. Item, l'autre repas doit leur être donné par les
autres seigneurs de Laken, entre eux en commun.
— 311 —
18. Item, s'il arrivait que les écbevins de Laken avaient
requis le repas et qu'il ne leur fût pas donné [par les
seigneurs], chacun pour sa quote-part, les échevins ne
in'ononceraient plus de sentence qui pût être profitable
à celui qui serait en défaut, jusqu'à ce qu'il eût été
contenté [dudit repas].
19. Item, le bien que l'on tenait de Nicolas de Laken,
qui est échu à la femme de Guillaume Van Kesterbeke , et
qui donne [au-delà de] six deniers nouveaux le journal,
doit payer lods et ventes quand on le vend , c'est-à-dire
douze deniers par livre; et lorsqu'on vend une rente via-
gère sur pareil bien, on en doit payer six deniers par
livre; et lorsqu'on le reçoit de mortemain, on donne
trois deniers argent courant par journal.
ANNOTATIONS.
La coutume de Laken, mise au jour par M. Galesloot, comble une
lacune parmi les publications de la commission royale des anciennes
lois et coutumes ; elle n'a été découverte par lui que postérieurement
à la publication des coutumes du Brabant. Indépendamment de
cette utilité , elle offre un intérêt tout particulier, en révélant des
usages relatifs à la condition des personnes qui remontent à une
époque assez reculée, peut-être très-reculée du moyen-âge. Elle doit
avoir été mise par écrit vers la fin du XIII'' ou au commencement
du XIV« siècle, comme la coutume ancienne d'Uccle, et présente,
par conséquent, un intérêt tout particulier au point de vue du droit,
comme au point de vue de la linguistique. En nous efforçant de tra-
duire cette coutume aussi fidèlement que possible, nous avons saisi
l'occasion d'en relever quelques traits remarquables, en même temps
qu'un terme obscur que nous n'avons rencontré nulle part.
Art. 8. Très-nombreux sont, dans le cours du moj'en-âge, les
exemples d'actes passés dans les églises et sur les cimetières ; mé-
lange curieux du sacré et du profane à une époque où les individus
et les corps n'étaient pas moins jaloux de leurs droits et de leurs
— 312 —
privilèges que nos contemporains ne le sont de leurs droits , voire
parfois encore aussi de leurs privilèges. Ces séances judiciaires
tenues dans l'église de Laken par les seigneurs et les échevins de
l'heptarchie, sont un trait de mœurs et un usage plus accentués
encore, et qui nous semlAent mériter d'être relevés.
Art. 9. C'est la première fois que ce mot se présente à nous dans
cette acception, soit sous la forme prolongée de sate, zate, ou simple
de saet, zaet. De longues recherches nous ont fixé sur sa significa-
tion, et prouvé que nous avons affaire à un dérivé de zaaien, semer
(d'où zaad, semence), et non de zitten, zat, gezeten, être assis, étal)li.
Le Leccicon manuale ad scriptores niediœ et infimœ latinitatis de
Maigne d'Arnis donne les mots : semenatura et seminatio, et expli-
que ainsi le premier : terra arabilis et seminabilis , seu quœ seri
potest, ten^e labourable ou rpii est propre à recevoir la semence;
olim terre semeure (Ch. ap. Steph.) ; le second : terra seminatioiiis,
seminalis, que seri consuevit ; terre que Von ensemence habituelle-
ment, qui est propre à recevoir la setnence, olim semeure (a" 1192).
Nous trouvons le mot sous la forme latine dans le Livre des feuda-
taire^ de Jean III, duc de Brabant , de M. L. Galesloot, page 82 :
GoDEFRiDUS, Nycholaus et Henricus, liberi quondaih Henrici de
Tilia (Van der Lynden), resignaverunt in manus ducis quoddam
feodum situm apud Pellemherch, valens vu solidos , iiii denarios
annuatim. Inde sunt homines féodales : Willelmus, custos de Pellem-
herch, tenens in feodum unam satam continentem unum jornale et
iiii jornalia cuni dimidio terre ; item, idem, 1 jornale prati; Leonius
dictus Amman ; etc. Un grand nombre d'exemples, contenus dans ce
précieux ouvrage, ne laisse aucun doute sur l'équivalence des mots
sate et semeure : page 20 : Arnoldus dictus Tymmerman, de Bladel,
tantum terre arabilis apud Bladel, supra quam seminari possunt an-
nuatim XX lopen seminis (Kiliaen : lupe , lup-saed , loop-saed, lup-
saed, campin.j 50 roeden lands) ; p. 33 : Daniel de Aj'gere... un mo-
diatas terre... ; et en note : lisez, selon le Stootboeck : land iiii mudde
saeds op te sayene ; (page ISG : Johannes, Johannis Spikermans ,
iiii mudssaets terre...) ; page-93 : Henricus de Beyre, terram pro
m modiis seminis... ; page 111 : Heylwigis, filia Reinoldi de Inde,
de Beke, tantum terre supra quam seminatur 1 Lopen siliginis seu
seminis... ; page 117 : Henricus de Broke, de Rixstel, quandam ter-
ram arahilem jacentem apud Rixstel, supra quam seminari possunt
— 313 —
annuatim un modii siliglnis vel circiter; p. 112 : Henhicus Sne-
PAERTS, sone, de Straten, ii agros terre... supra qvios seminantur
Il modii seminis....; unum pratum dictum de Breempt ende de
Breemt, acker lants up te sayene 1 mudde saeds...; page 130 : Ja-
COBUS DE LivE tenet vu modios seminis et rai bonaria prati et man-
sionem apud Oesterwyc; page 178 : Joannes, Jans jonglien sone, de
Heusdenne, tantum terre supra quam seminantur vu modii seminis,
iiii bonaria prati, 1 mansionem, 1 mansionarium apud Oesterwj-c. ..,
et page 184 : Johannes, filius Hereberti; p. 226 : Petrus Poels, et
p. 263 : Theodericus de Valgate, feudataires dont nous pouvons,
brevitatis causa, supprimer les postes. Citons encore, avant de dé-
poser Le livre des feudataires, p. 133, note 4, la forme gesate : Claes
Van der Dussen... Item, M noch syn huis ende syn gesate ter Dussen ,
met II hoven lants daeraen gelegen, etc. — Un petit manuel, espèce
de tarif, intitulé : Den schat der cheynsen, réimprimé à Bruxelles et
augmenté par J.-B. de Leeneer, en 1704, mais qui malheureusement
fourmille de fautes typographiques, renferme, au sujet du mot sate,
un renseignement curieux ; il y est encore écrit zaet, zade, zate et
saet; le mot y est employé dans le sens de redevance, mais le sens
primitif du mot y est assez transparent, vu qu'on ne bâtit pas sur
une redevance, et qui est peut-être bien applicable à l'art. 13 de
notre coutume. Sous la rubrique Binsten ende servituten buyten
Loven , on lit p. 37 : Een zaet dat men treckt op eenen gro7it daer
een huys op staet, 0. 0. 0. 1. 6. Baer geen op en staet, 00. 1.2. 12.
Een zaet onder Lubbeeck, ^ 0. 0. 0. 15. Onder Corbeke over Loy...
— Een zade, 0 0. 1. 0. 0. — Een zate {sic), ^ 0. 0. 0. 15. — Coesa-
tere (sic) oft coysaet, elck is ^ 0. 1. 0. 12. Enfin : Een zaet cappuyn,
op welcken gront dien uytgaet, indien daer geen huys op en staet,
m,oet daervoor jaerlycx geven eenen cappuyn in specie, gelyck een
ander cappuyn ; maer indien den proptrietaris daer een huys op stelt,
soo moet hij het soo hoogh stellen dat den gront-heer ende syn knech-
ten, sittende te peerde met een lancie gericht, can staen ende schnylen,
en is niet gehouden den saet cappuyn noch in specie, noch in gelde te
betaelen; maer indien het huys soo hoogh niet en is , moet hy den
cappuyn in specie blyven betalen , blyvende den gy^ont oltyt sub-
ject, etc. Voici la traduction de ce dernier passage : Le débirentier
d'une redevance (zaet) d'un chapon (il faudrait cappiiyn-zaet?) dont
le fonds est grevé de cette charge et sur lequel il ne se trouve pas de
maison, doit donner annuellement, de ce chef, un chapon en nature,
— 314 —
comme un autre chapon > ; mais si le propriétaire (c'est-à-dire le
délnr entier) construit une maison sur ce fonds, il doit la construire
si haut que le seigneur foncier et ses valets (knechten, écuyers?) assis
à cheval, avec une lance dressée, puissent se tenir sous le toit et s'y
abriter, il ne doit plus servir le chapon, ni en nature ni en argent ;
mais si la maison n'est pas si haute, il doit continuer à donner le
chapon en nature, le fonds restant toujours sujet, etc.
Le mot sate ou saet a une autre origine et une autre signification
dans les mots modernes, onderzaet, sujet, et landzaet, indigène, ainsi
que dans le vieux mot historique kossaet [kot-saet , de kot , casa),
(dans Kiliaen kossate, merssenier [lisez meyssenier\ , vêtus. Cliens
ducis Brabantiee), que l'on a tort, d'autant plus tort de traduire par
H journalier, » dans le vieux langage, que le mot est encore en
pleine vigueur aujourd'hui en Brabant et signifie un cultivateur qui
a deux ou trois vaches ; en bas-allemand Kotsete, der auf einer Kote
sitzt, Bewohner einer Kote, homo casatus. Kossathe (Schiller et
Lùbben). Ici nous avons bien devant nous la racine zitten, sedeo,
resideo, à laquelle se rattachent aussi les landzaten, hovemans, zaten
ou havezaten, dans les Nederduitsche regtsoudheden de Noordewier,
page 87.
Art. 16. Nous lisons dans Le livre des feudataires de Jean III,
p. 117 : Henricus, dictus Braes,... Item, xv solidos...; item, unura
prandium in bonis de Vellinghen. M. Galesloot ajoute, à la note 4 :
JEnde een etentyt, also hi seeght, sjaers, die hem die late gheven, also
men hier voirtyts gedaen heeft ende geplogen. « Et annuellement un
repas, à ce qu'il dit, que lui donnent les mansionnaires, comme de
coutume. » Nos échevins de Laken avaient aussi leur repas annuel,
comme on le voit. Nous croyons pouvoir faire remarquer, à ce sujet,
contrairement à ce qui fut avancé l'an dernier dans un journal sérieux,
à propos des honoraires alloués récemment à des échevins, que les
échevins nos ancêtres n'avaient pas seulement des repas ou des fes-
tins de deux et trois jours, mais que, indépendamment de leur drap
annuel, ils jouissaient des frais de justice, ainsi que des honoraires
des actes aujourd'hui réservés aux notaires, dont on peut voir le
détail dans la plupart des coutumes, et que, par conséquent, leurs
fonctions n'étaient pas aussi gratuites qu'on paraît le croire. Bien
au contraire.
1 C'est-à-dire, sans doute, de grandeur moyenne.
315 -
U CORPORATION DES PEINTRES
DE BRUXELLES ••
1644.
M. Guillaume Van den Schoor (fils d'Etienne), de Bruxel-
les, bourgeois. 16 janvier.
François Mossens (fils aîné de François), de Bruxel-
les, bourgeois. 16 janvier.
Jean Van der Sanden (fils de Jean), de Bruxelles.
18 juin.
André Goteman (fils de Jean), de Bruxelles, bour-
geois. 18 juin.
Simon Lemmens (fils de Jean), de Bruxelles, bour-
geois. 22 août.
Jean Arys (fils de Pierre) , de Bruxelles ; élève d'An-
toine Salaert. 17 novembre.
Jean-Baptiste SALAERTs(fil3 d'Antoine), de Bruxelles;
élève de son père. 22 décembre.
A . François Van Niverseel (fils de Jérôme) , de Bruxelles ,
bourgeois; chez Jean-Baptiste Van Heil. 16 janvier.
Pierre Adriaensens; chez Nicolas Schinkels. 15 juin.
Nicolas Van der Malen (fils d'Antoine); chez Jean
Van Dalen. 18 juin.
» Suite. — Voir année 1877, S^ livr., p. 289.
o
16
Albert Van Loos'vtilden (fils de Moraut) ; chez Pierre
de Backere. 21 juin.
Jacques Wylixgen (fils de Renier) , né à Haren ; chez
Daniel Van Schoor. 22 août.
Simon Lemmexs (fils de Jean) , de Bruxelles , bourgeois.
22 août.
Thomas de Vos; chez Pierre Guset, orfèvre. Il avait
été convenu qu'il apprendrait la peinture. 22 août.
Henri Van Leeu ; chez Antoine Sallaert. 22 août.
Jean Ballais (fils de Gilles), de Bruxelles, bourgeois;
chez Pierre Van der Borcht. 14 novembre.
Gilles Classens (fils de Jacques) , de Bruxelles , bour-
geois; chez Paul Van der Elst. 15 novembre.
1645.
M. Daniel Lentees (fils de Gilles, maître)., de Bruxelles.
12 juin.
Nicolas de Smet (fils de François), de Bruxelles,
élève de Pierre Van de Plassche. 12 juin.
Charles- Alexandre Van Geel (fils de François) , de
Bruxelles; élève de Jean Van Velthove. 12 juin.
Salomon Novelliers (fils de David, maître), de
Bruxelles. 12 juin.
Jacques de Meester (fils de Jacques) , de Bruxelles.
12 juin.
Pierre Van Gindertalen (fils de Jacques) , de Bruxel-
les; élève de David Novelliers. 22 juin.
A . Guillaume Van der Biest (fils de Pierre) , de Meer-
hout , dans la Campine ; chez Guillaume Lesterbos.
24 février.
Jacques de Peutter (fils d'Hubert), de Bruxelles;
cliez Corneille Kerckjans. 11 mars.
— 317 —
Jean de Sanghere (fils de Daniel) , de Bruxelles ,
bourgeois; chez Jacques de Backer. 10 mai.
Jean Van Vollesom (fils de Paul), de Bruxelles; chez
Pierre Van de Plas. 10 mai.
Jean-Coeneille de Ridder (fils de Jacques), de
Bruxelles; chez Jacques Arto.ys. 19 juin.
Georges de Loeys (fils de Georges) , de Bruxelles ; chez
Jean Van Bronckorst. 19 juin.
Jean Van den Daele (fils de Pierre), de Bruxelles;
chez Richard Van Orly. 3 juillet.
1646.
M. Pierre Van den Berghe (fils d'Antoine), d'Anvers,
bourgeois. 29 mai.
A. Jean-Baptiste Fabri (fils de Jean-Baptiste), de
Bruxelles; chez Jacques Artois. 14 mars.
Adam-François Van der Meulen (fils de Pierre), de
Bruxelles; chez Pierre Snaers. 18 mai.
Gilles de Geldo (fils de Martin), de Bruxelles; chez
Daniel Van Heil. 18 mai.
Henri Ingels, alias Inghels (fils de Gérard), de
Bruxelles; chez Nicolas Van der Oost. 18 mai.
Jacques Wauters (fils de feu Jean), de Bruxelles,
bourgeois; chez Antoine Van Bever. 13 novembre.
Jacques Corremans (fils de Jacques), de Bruxelles;
chez Pierre Meert. 13 novembre.
Corneille Goosens (fils de Jean) , de Bruxelles ; chez
Antoine Van Opstal. 1 3 novembre.
Guillaume de Kempeneer, orfèvre; chez Léon Van
Heel. 20 novembre.
JÉRÔME Ballais (fils de Gilles), de Bruxelles; chez
Pierre Van der Borcht. 28 novembre.
318
1647.
M. Henri Finet (fils de Jean), de Bruxelles; élève de
Daniel Van Heel. 18 février.
PiEREE Segees (fils de Dominique), de Bruxelles.
18 février.
Christophe Merlyn, de Bruxelles, bourgeois; élève
de Pierre de Veuster. 2 mai.
Christophe Goffin , de Bruxelles. 2 mai.
Jacques Bosdonck , d'Anvers. 7 décembre.
A . Jean-Baptiste de Carrion (fils de Corneille , procu-
reur et notaire du conseil de Brabant), de Bruxelles;
chez Philippe Van der Elst. 4 janvier.
Charles de Croy (fils de Charles), de Bruxelles, bour-
geois ; chez Gaspar de Crayer. 1 1 février.
Jean-Baptiste Berseer, de Bruxelles; chez Jacques
de Backer. l^r août.
Louis le Ceohar , de Bruxelles ; chez Jacques
Fayd'erbe. 17 novembre.
1G48.
M. PiOBERt Dandelot (fils de Pierre), de Bruxelles,
bourgeois; élève d'Antoine Sallarts. 23 juin.
Adrien Van den Broeck (fils d'Adrien), de Bruxelles,
bourgeois; élève de Gaspar de Crayer. 5 août.
A. GÉRARD DE PtUEL, de Bruxelles; chez Daniel Van
Heil. 20 avril.
Nicolas de Lagrené; chez Jean Van Daelen. 30 juin.
Albert Firens ; chez Pierre Gindertael.
François Dispo; chez Léon Van Heil. 30 juin.
Abraham Van Ayent; chez Nicolas Artois. 5 août.
— 310
1G49.
M. Jean Schoreils (fils d'Antoine) , de Bruxelles , bour-
geois, l*^'' avril,
Philippe Van der Baeen (fils de feu François), de
Bruxelles. 21 avril.
Antoine Britseels (fils de Philippe), de Bruxelles.
21 avril.
Antoine Symons (fils de Michel), de Bruxelles. 21 avril.
A. Martin Laerelinckel; chez Jean Wouters. 15 juin.
Antoine Van den Hecke (fils de François), de
Bruxelles; chez SnaejTs. 10 juillet.
^ Jean Van den Steen (fils de Charles) ; chez Antoine
Sallart. 25 juillet.
Phipippe Bolognino (fils de François) , bourgeois ; chez
Antoine Van Opstal. 27 octobre.
Jacques-Philippe Offhuys (fils de Philippe); chez
Antoine Van Bevere. 16 décembre.
1650.
M. Charles Nore (fils de Gérard), de Bruxelles. 1 5 janvier.
Bauduin Bedet (fils de Pierre), de Bruges, bourgeois.
15 janvier.
François Coppens (fils de Pierre, maître), de Bruxelles.
15 janvier.
François Martinès (fils de François), de Bruxelles.
15 janvier.
Philippe Schallie (fils de Pierre), de Bruxelles.
13 mai.
Jean Van Opstal (fils d'Antoine , maître), de Bruxelles.
26 mai.
Jean de Haese (fils de Jean) , de Bruxelles. 26 mai.
— 320 —
jMartin Van der Venne (fils de Martin, maître),
bourgeois. 15 septembre.
A . Lancelot Voldees (fils de Georges) ; chez Pierre Van
Gindertaelen. 8 avril.
François Brokin, alias Beockin (fils de Valentin), de
Bruxelles; chez Gérard Van Hoogstadt. l^i" mai.
Jean Vranx (fils de François) ; chez Lambert de Plins.
1er mai.
Claude ( Gelaudé) Fige (fils de Claude) ; chez Antoine
Sallart. 4 mai.
Pierre de Werremon (fils de Jacques); chez Gilles
Van Waeyenberck. 30 août.
Florentin le Febure (fils de Jacques); chez Jean
Van Vethove {sic). 30 août.
1651.
M. Pierre Achtschellincx (fils de Jean) , de Bruxelles ,
bourgeois; élève de Philippe Van der Elste. 29 jan-
vier.
Laurent de Wemer (fils de Laurent) , de Bruxelles ,
bourgeois; élève de Gérard Van Hooghstadt. l^^ mars.
Érasme Kroocx, alias Kroockx (fils de Jean), de
Bruxelles , bourgeois ; élève de Léonard Naghels.
l^"^^ mars.
Daniel Valiant (fils de Jean, maître), de Bruxelles,
bourgeois; élève de Gérard Hooghstadt. 5 mars.
Jean-Baptiste Cleysens, alias Clysens (fils de Gilles,
maître) , de Bruxelles , bourgeois. 5 mars.
Louis de Vleeshal^er i^fils de Gaspar), de Bruxelles);
bourgeois; élève de Daniel Van Heil. 5 mars.
François Van der Meulen (fils de Pierre , maître) , de
Bruxelles , bourgeois ; élève de Pierre Snaeyers.
5 mars.
- 321 —
JossE Van Kbaesbeick. Il avait fait son apprentis-
sage à Anvers, devenu bourgeois de Bruxelles.
5 mars K
Jacques Wauters (fils de Jean) , de Bruxelles , bour-
geois; élève d'Antoine Van Bevere. 12 mars.
Wauti , de Mons. Il avait fait son apprentis-
sage hors des Pays-Bas. 14 mars.
Lambert de Blondel , de Bruxelles , bourgeois. 17 dé-
cembre.
A. Guillaume Klaret (fils de Marc); chez Jacques
de Backer. 13 février.
Jean-Baptiste de Deschamps - (fils de Jean-Baptiste),
de Bruxelles; chez Gérard Van Hooghstadt. 29 sep-
tembre.
Jean Marssche , de Bruxelles ; chez Jean-Baptiste
Van Heeil. 3 octobre.
Jacques ]\Iahi (fils de Jean), de Bruxelles; chez Jean-
Baptiste Van Heil. 20 décembre.
1652.
A. Antoine Carpentier; chez Pierre Van Ghendertaele.
18 janvier.
Jean Bastuynne , alias de Bastuyxne (fils de Fran-
çois); chez Michel Benoeyt. 24 janvier.
Gilles Donkerwolck (fils de Jérôme); chez Pierre
Meirt. 25 janvier.
Thomas Cortinck (fils de Jean-Baptiste), bourgeois;
chez Antoine Van Opstal. 5 juin.
' A propos de son inscription comme maître, il est dit qu'il a
fait pour les receveurs de la ville un tableau estimé 200 florins.
* Le scribe a écrit Deschmps, sans a.
322 —
Antoine Daems (fils de Jean) , bourgeois ; chez Alexan-
dre-Charles Van Geeil. 15 juillet.
Ame (Amatis) Billaert (lils de Louis) , de Bruxelles ,
pauvre orphelin ; chez Michel Everenbroeyt.
1653.
M. François Van Nyversel, de Bruxelles. 9 mars.
Alexandre Van Avent, de Bruxelles. 9 mars.
François de Smet, de Bruxelles, bourgeois. 29 juin.
Henri Van Bronkost (fils de feu Jean, maître), de
Bruxelles. 29 juin.
A. Jean Leenaert (fils de feu Jean), de Bruxelles; chez
M^" Kraeer. 5 février.
Adrien Roombauts (fils de feu Martin), de Bruxelles;
chez M"" Kraesebeck. 10 février.
Josse Diericks, de Bruxelles; chez Nicolas Artoos.
10 octobre.
Henri Huysmans; chez Jean-Baptiste Saelaerts.
César Herremans, de Bruxelles; chez Guillaume Van
Schoer. 12 août.
Pierre Van Waetom, de Bruxelles; chez M»' Artoos.
12 août.
Pierre-Philippe Kavelleer, de Bruxelles ; chez Go-
defroid Aalaert [sic). 12 août.
Philippe Boellon, de Bruxelles; chez Pierre de
Backer. 12 août.
Jean Gillet, de Bruxelles; chez Jean Van Opstal.
14 août.
Pierre Van der Meulen, de Bruxelles; chez François
Van der Meulen. 1 5 août.
Philippe Reenters, de Bruxelles; chez Matthias Van
den Steene. 15 août.
— 323 —
Andké {Andries) DE Brauwer (fils d'Antoine), do
Bruxellos; chez Guillaume Van Sclioer ^
Pierre Hellinck (fils de Pierre), de Bruxelles; chez
Daniel Van Heil.
Jérôme de Vadder (fils de feu Hubert), de Bruxelles;
chez Pierre Van Ghindertael.
GÉRARD Mysens (fils do Simon), de Bruxelles; après
avoir travaillé pendant quatre ans chez son frère
Jean, il entre chez Pierre Meert, en 1653.
Luc ViTERS (fils de Jacques), de Bruxelles; chez Josse
Van Craesbeck.
Thomas Monnorino (fils de feu Hubert), de Bruxelles;
chez Charles Wautirs.
Ignace Van den Stock (fils de feu Antoine), de
Bruxelles ; chez Louis de Vadder.
Pierre la Coert, de Bruxelles; chez Jean-Baptiste
Sallarts \
Jean Denens (fils de feu Bernard), de Bruxelles; chez
Pierre Miert.
Louis-Ernest (ffemese) Janvier, de Bruxelles; chez
François Martini.
Jacques PtUBBENS (fils de feu Martin), de Bruxelles;
chez ]\P" Snayers.
Guillaume de Gyn (fils de feu Jean) ; chez Guillaume
Van Schoer.
Antoine Stroobant (fils de Pierre), de Bruxelles;
chez Alexandre Van Avent.
Etienne Gilis (fils de Pierre), de Bruxelles; chez
Antoine Van Opstal '.
* Ce nom et les suivants ne sont accompagnés d'aucune date : plu-
sieurs doivent dater évidemment de 1654.
2 II est dit qu'il n'a payé que le demi-droit en qualité de graveur
{plaets7iyer).
* Il n'a payé que le demi-droit.
— 324
1654.
M. Van den Bemden, devenu bourgeois. Juillet.
Gilles Tilborch, devenu bourgeois. 26 mars.
Pierre Van den Winckel (fils de Josse , maître) , de
Bruxelles , bourgeois.
Guillaume Van Schoer , de Bruxelles , bourgeois.
Jean Van der Vinnen , de Bruxelles , bourgeois.
A. François Van den Beividen (fils de feu Adrien), de
Bruxelles; chez François In den Vyl {sic).
Jean Van der Bussche , de Bruxelles , bourgeois ; chez
Engelbert Van den Bossche.
Jean Van der Bussche, de Bruxelles, bourgeois; chez
Léon Van Heel.
Thomas Laquointe; chez Léon Van Heel K
Jean-Baptiste Rosinoiet; chez Martin
Philippe Van Dapelb, de Bruxelles, bourgeois;
chez Jacques Artoies ^.
1655.
M. Gérard Meyssens , de Bruxelles.
Roland Van der Schempt, de Bruxelles.
A. Jean Volsom; chez Pierre Van Gindertaelen.
1656.
A. François Monna ville (fils d'Ernest); chez Gaspar
de Crayer.
JÉRÔME Zeti (fils d'Adrien), bourgeois; chez Gilles
Tilborch.
' Il n'a payé que le demi-droit.
* Plusieurs des noms qui ne sont accompagnés d'aucune date
peuvent aj^ijarteuir au premier semestre de l'année 1655.
— 325 —
Jean-Baptiste Van den Beugge, bourgeois; chez
Jean de Loes.
Renier Meganck (fils de bourgeois) ; chez Léon Van
Heil.
François Toussaint (fils de bourgeois); chez Pierre
Van Gindertaele.
Jean Vastenavent (fils de bourgeois); chez
Snayers.
1657.
M. Henri de Hemelaer , de Malines. 27 janvier.
Jean Verschueken, de Malines. 27 janvier,
Guillaume Lambillot, bourgeois, l^r mars.
François Van Froenhoeven , bourgeois. 3 mars.
Jean d'Artois (fils de Jacques, maître). 26 avril.
Pierre Hellinck (fils de feu Pierre) , de Bruxelles ;
élève de Daniel Van Heel.
Luc Achtschellincx (fils de feu Jean) , de Bruxelles ;
élève de Pierre Van der Beurght. 1 7 décembre.
Jacques Van den Deies (fils de feu Gérard), de
Bruxelles; élève de Jean Van Dalen. 17 décembre.
Jean Jacop (fils de Jacques).
Lancelot Voldees (fils de feu Georges) , de Bruxelles;
élève de Pierre Van Gindertalen.
Gaspar Van Eycke.
Van Uffel.
Jacques de Potter.
François de Fossé.
A. Jean-Baptiste Borremans (fils de feu Gérard), de
Bruxelles; chez Michel Swerts.
François Paradis (fils de Jean), de Bruxelles; chez
Jean Van Opstal.
— 326 —
Jean la Couet (fils de Guillaume), de Bruxelles; chez
Gilles Tilborcht.
Pierre Viviée (fils de feu Pierre) ; chez Wau-
tiers.
Guillaume Ruto ; chez M^ Duschatel.
1658.
M. Alexandre Van Hersen (fils de feu Alexandre), de
Bruxelles.
Jean Van Pale (fils de feu Pierre) , de Bruxelles.
Dayid Wauweemans (fils de feu Léonard), de Bruxelles.
A . LÉONARD Uytenhoeven (fils de Guillaume) , de Bruxel-
les ; chez M^ de Crayer.
Robert de Longé (fils de feu Martin) , de Bruxelles ;
chez Jacques de Potiers.
Pierre Van Es (fils d'Adrien) , de Bruxelles * ; chez
Pierre Meert.
Pierre Kerckhove (fils de feu Philippe- Jean) , de
Bruxelles ; chez Jean-Baptiste Van Heel.
Jean Vinckx (fils de Louis), de Bruxelles; chez Gilles
Tilborcht.
Guillaume Robyns (fils de Guillaume), de Bruxelles;
chez Pierre de Backer.
1659.
A . Christophe Lotin; chez Luc Achschiellin.
Jacques-François Tacke (fils de Georges); chez Jean
Van Opstal.
1660.
M. Michel Van Nerye, né en Hollande.
» Il était muet.
— 327 —
Jean-Baptiste Deschamps (fils de Jean) , de Bruxelles.
. Ignace Van der Stock , de Bruxelles.
François Yogelsianck.
A. Henri-Exgelbert Lerotjes (fils de feu Charles); chez
François Coppens.
Michel Fortitjen (fils de Jacques) , de BriLxelles ; chez
Jean de Loos.
Gilles Van der Neeuwerstadt (fils de Pierre), de
Bruxelles; chez Pierre Van Gindertalen. 12 mai.
Maxeviilien Van Liewe , de Looz (Loon) ; chez Fran-
çois Coppens.
Adrien Hernandus; chez Loosvelt.
Jean Fraeyenborch (fils de Simon) ; chez Gilles Tiel-
borch.
Gilles Van Auwerkerck (fils de Jean) , de Bruxelles ;
chez Daniel Van Hiel.
Pierre Hykens (fils de Jean), de Bruxelles; chez
Pierre de Backer.
Henri Wavers ; chez Alexandre Van Geel.
Edouard Sanderlin, de Malines; chez M"" Snyders.
13 novembre.
1661.
M. Pierre Van Orley (fils de François , maître). 1 3 février.
Ml" Primo, 20 juin,
Daniel de Beet, bourgeois. 11 octobre.
A. Clalt)E Cannaut (fils de Nicolas); chez Ignace Van
der Stock, 10 janvier.
François Van Elewyck ; chez Pierre Van der Borcht.
Thomas le FÈVERE"(fils de Ptomain); chez Gaspar de
Crayer. 18 juin.
Ambroise ; chez Charles Wautier. 6 juillet.
— 328 —
PiEREE Capuyns (fils de Gaspar); chez Pierre Mert.
6 juillet.
Andbé-Pieree du Bael; chez Luc Achscellinge.
8 juillet.
Thomas Piens (fils de Thomas), de Bruxelles; chez
François Van der Meulen. 3 octobre.
1662.
M. GÉRARD Van Bemel, bourgeois. 13 mars.
Gilles Doncker, bourgeois. 2 juin.
Corneille Van Impel; élève de Jacques Arthois.
13 octobre.
Gilles Donckerwolck, bourgeois. 2 juin.
A. Henri-Charles Van Daele (fils de François); chez
Van der Borcht. 26 mai.
Christophe Huygens (fils de Gilles), bourgeois; chez
]\P Primo. 28 mai.
Charles-Ignace Van Eefberch (fils de Roland) ; chez
Pierre Van Gindertael. 30 mai.
Jean Van der Bruggen (fils de Gérard), bourgeois;
chez Gilles Tilborcht. 5 juin.
Pierre-Balthazae du Bal , de Bruxelles ; chez
M' Ducatel {sic). 18 juin.
1663.
M. Gabriel de Bruyn (fils de maître). 20 mai.
Michel de Prins (fils de maître). Il est inscrit comme
maître à la date du 20 mai , mais n'est pas admis à
prêter serment, n'étant pas encore majeur. Il n'a
prêté serment que le 27 juin 1674.
Jean de Peutter (fils de maître), 17 août.
Jean-Charles Van Brems , devenu bourgeois. Il avait
fait son apprentissage à Anvers. 4 octobre.
— 329 —
A. François Thierlincx (fils de Pierre), bourgeois; chez
Laiicelot Volders. 6 février.
Ignace de Backer; chez Jean-Baptiste Van Heel.
10 février.
ToBiE ScHOONEMAJsrs, né à De venter (fils de Conrad);
chez jNI'" Primo. 1 5 mai.
1664.
31. Balthazar Leshayeer (?). 27 mai.
VoLSOM. Octol)re.
A. Jacques Van der Porten, né à Heyghem; chez Michel
Prins. 1 mars.
François Volsom (fils de Nicolas), bourgeois; chez
Ml' Wautiers. 14 août.
François Lepies, de Bruxelles, bourgeois; chez Gilles
Tilborch.
François Volders, de Bruxelles; chez Luc Acht-
schellinck.
1665.
M. ..... Bonnecroy.
Jean-Baptiste Van den Broeck, né bourgeois;
26 octobre.
Adrien-François Boudewtns, de Bruxelles, bour-
geois; élève dlgnace Van der Stock. 22 novembre.
A. Jean Marines; chez Gilles Tilborch, peintre de la
ville. 8 juillet.
Adrien-François Boudewyns.
1666.
M. Jean Denens, bourgeois. 22 juin.
22
— 330 —
Claude Aber (fils de Claude), bourgeois. 22 septembre.
RiLLAERT , bourgeois. 26 septembre.
Gilles de Backer, bourgeois. 18 octobre.
Fraxçois Eyckens, bourgeois. 15 décembre.
A. Gabriel de Baxst; chez Jean-Baptiste Yan Heel.
25 août.
André-Igxace Cosyns ; chez M"" Volsom. 22 septembre.
François Eydams (fils d'Henri); chez Jean Arys.
10 noYembre.
1667.
M. Michel Fortin; élève de M»" de Loos. 15 février.
Degyn.
1668.
31. Théodore Van Heil (fils de Daniel). 21 juin.
1669.
M. Philippe Van Dapels (fils de Pierre. 12 mai).
Jean-Baptiste Van Geel (fils de maître). 12 mai.
1670.
M. de Champ aigne.
Thomas Pients, de Bruxelles. 28 septembre.
A. JossE Lambert; chez Jean de Loos. 24 octobre.
1671.
M. Jean-Baptiste de Backer (fils de maître).
PlERRE-JoSSE (Jauce) Balt)t.
9 0.
81
1672.
M. Jean de Meiîlin. 17 février.
1673.
M. Martin de la Court, l^i- juillet.
Pierre Herrebos ifils de Jean), de Bruxelles.
Jean Leonardis, de Bruxelles. 19 septembre.
Jean Van den Bruggen, de Bruxelles. 22 septerûbre.
François Toussyn, de Bruxelles. 28 septembre.
A. Ferdinand Collyens; chez Gaspar Van Eyck. 20 jan-
vier.
Jean Van Avent ; chez Pierre Segers.
1674.
M. Mathieu Helmont. 16 septembre.
A. Pierre Bedet, chez Luc Achtschellincx. 16 septembre.
1675.
M HuYSMANS. 13 janvier.
Henri-Charles Van Dale. 16 juin.
David Teniers, le Jeune. 28 juillet.
Jean Van Avont. 18 octobre.
A. Jean-Baptiste Van Dist, chez David Teniers, le
Jeune. 28 juillet.
Salomon Daurecour; chez David Teniers, le Jeune.
28 juillet.
Claude Daurecour ; chez David Teniers , le Jeune.
Victor Janssens ; chez Lancelot Volders. 2 septembre.
— 332 —
1676.
M. Pierre Leremans. 28 avril.
Gilles Van Auwerkercken , de Bruxelles, l^i" juillet.
Abbé. 13 juillet.
Jean-Baptiste Rossinoll , de Bruxelles (fils de bour-
geois). 22 août.
A. Lambert Sangers; chez Jean-Baptiste Van Heil.
22 mai.
Simon Bijean; chez Luc Achtschellincx. 2 juin.
Charles Lottemberch; chez Guillaume Van Schoor.
10 juin.
Charles Van Bakergom, alias Van Baeciœrgom, de
Bruxelles, fils de bourgeois; chez Thomas Pints.
10 juin.
(Pour être C07itinué).
Alex. Pinchaet.
333 -
L'ŒUVRE DE CHARLES ONGHENA.
— —aagoog
Dans les premiers mois de l'année 1824, ^^
direction du Messager des sciences et des arts, alors
publié par la Société royale des beaux-arts et de
littérature, confia à Charles Onghena l'exécution,
à titre d'encouragement, de trois planches au trait.
Cet essai qui surprit vivement la direction , attira
sur l'artiste l'attention et la sympathie des ama-
teurs. D'après les conseils de Liévin De Bast, de
Ch' Van Hulthem et de Norbert Cornelissen , il
fut résolu que la commission directrice s'adresse-
rait désormais au jeune graveur pour la repro-
duction des tableaux , dessins et objets d'art
destinés à figurer dans la Revue. On ne pouvait
faire un meilleur choix. Nul en Belgique, à cette
époque, ne travaillait d'une manière plus sûre,
plus élégante même , et ne rendait plus fidèle-
ment le caractère des œuvres qu'il s'agissait de
reproduire.
A partir de cette année , Onghena n'a cessé de
collaborer au Messager, pour lequel il a gravé au
delà de 300 planches.
— oo4 —
La direction de notre Revue voulant rendre
aujourd'hui un juste homraage à cet excellent et
vaillant artiste, m'a chargé de recueillir ses œuvres
et d'en faire la description. Je m'aquitte de ma
mission,
Charles Onghena, fils de François, orfèvre, et
de dame Isabelle Dierens , est né à Gand le
6 juin 1806. Il a donc 72 ans accomplis.
A peine âgé de 12 ans, il maniait déjà le burin.
Son premier essai date de 1818.
En 1826 il obtint, à l'académie de Gand, le
i^'' prix pour le dessin d'après la figure antique.
Au concours de 1832, à l'occasion de l'exposi-
tion triennale des beaux-arts, le jury lui décerna,
à l'unanimité , la i''^ médaille pour la gravure au
trait et la i""^ médaille pour la gravure sur bois.
Nous nous bornerons à passer rapidement en
revue son œuvre qui est considérable, — il compte
au delà de mille pièces, — notre intention étant
de reprendre plus tard ce travail et d'étudier de
plus près le caractère et la valeur des principales
productions de Ch. Onghena.
1818.
I. Médaille. Emblème de la science. Légende :
p" PRIX d'honneur pour l'arithmétique.
Diam. 0,047 niill.
Premier essai de gravure de Charles Onghena. Il ne s'en
est conservé qu'une seule épreuve, laquelle fait partie de la
collection de l'artiste.
OOÔ
I819.
2. Paysage. Un château fort; fond monta-
gneux; petites ligg. sur l'avant-plan. Inscription :
Par Ch'. Onghena le V Avril m. d. c. c. g. xix.
H. 0,065. L. 0,117.
Exemplaire unique dans la collection de l'auteur.
3. Le sacré cœur. Un cœur entouré d'une cou-
ronne d'épines surmonté d'une croix. Autour du
cœur des rayons et des anges. Forme ovale. Aux
quatre coins un fleuron.
H. 0,104. L. 0,078.
La bibliothèque de l'université de Gand en possède un
exemplaire tiré sur satin. Un autre sur papier se trouve dans
la collection de l'auteur. Nous ne connaissons que ces deux
exemplaires.
4. Encadrement de carte : guirlande entourée
de quarts de cercle.
H. 0,058. L. 0,080.
1820.
5. Saint Paul. Le saint est debout, la main
droite appuyée sur une épée. Inscription en deux
lignes : st. paul Apôtre des Gentils.
H. 0,079. L. 0,056.
(Sans l'inscription).
6. Écu surmonté d'une lyre et de branches de
laurier; à droite et à gauche des arbres, autour
— 33 G —
desquels voltigent des oiseaux; sur l'avant-plan
deux cygnes.
H. o,o6i. L. 0,098.
Nous ne connaissons que deux épreuves de cette pièce et
de la précédente.
7. Un amour déposant une couronne de lau-
rier sur un vase à fleurs; à côté un saule pleureur;
à droite l'emblème du dessin. Inscription : Pré-
senté a ma chère mère la veille de sa fête S^^ Jsabelle,
le 30 août 1820.
H. 0,075. L. 0,106.
Planche tirée à six exemplaires. Un seul a été conservé.
r
8. Buste de guerrier, avec armure. Etude.
H. o,ogi. L. 0,064.
Tiré à six exemplaires. Il en existe encore deux.
g. Lettre de change. Ecusson ovale surmonte
d'un caducée ; au bas deux branches de laurier,
une ancre et des ballots de marchandises.
H. 0,077.
10. Lettre de change. Le commerce représenté
par une femme debout , tenant une ancre et s'ap-
puyant sur des ballots de marchandises ; à ses
pieds un lion couché; navires dans le fond.
1821.
11. Le buveur, buste. D'après un petit tableau
attribué à D. Teniers, appartenant à la collection
de l'avocat L.-F. Lebegue. Etude.
H. 0,110. L. 0,078.
no-T
OOI
12. Enfants traînant leur mère sur un char. A
côté d'elle se trouve assis le plus jeune; elle tient
à la main une branche fleurie. Sur un piédestal
les emblèmes de l'amour. Inscription : Dédié à
Ma Très Chère Mère Reçu a la Veille de sa Fête Par
son Très humble Fils Ch.^ Onghena MDCCCXXI.
H. o,ii6. L. 0,135.
Il n'a été tiré que six épreuves de cette planche. Une seule
a été conservée.
13. Une pensée. Le contour des feuilles forme
le profil de 5 portraits : Louis XVI et sa famille.
Inscription : Ils sont tous dans ma pensée.
H. 0,090.
14. Cartouche : écusson entouré des emblèmes
du commerce.
H. 0,056. L. 0,085.
15. Cartouche, forme écusson. Une ancre et
une corne d'abondance, etc. , emblèmes du com-
merce.
H. 0,056. L. 0,085.
1822.
16. Etiquettes (sept variétés) pour G. Vande
Velde-Van Hencxthoven, pharmacien.
17. Tête de Cérès; médaillon, d'après un des-
sin de F. Braemt, graveur de médailles. Légende:
soc. REG. AGRICULT. ET BOTAN. GAND.
Diam. 0,067.
OOO —
i8. Tête de Cérès, médaillon.
H, 0,086. L. 0,082.
Reproduction de la planche piécédente avec fond à traits
horizontaux. Même légende,
19. Jeune transtévérine assise sur les bords du
Tibre, filant sa quenouille. D'après le tableau de
P. Van Hanselaere.
H. 0,101. L. 0,080.
Ce tableau de Van Hanselaere fut exposé au Salon de
Gand en 1820 (no 437 du catalogue).
20. Eucharis et Télémaque, d'après le tableau
de L. David.
H. o,ogi. L. 0,117.
Ce tableau, exposé à l'hôtel-de-ville de Gand en 1820,
fut acquis par le c'^ de Schoenborn , vice-président de la
chambre des états-généraux de Bavière.
La planche d'Onghena est une copie en contre-partie de
celle de C. Normand , insérée dans les Annales du salon
de Gand de 1820. Gand, 1823, p. 34, planche 14.
N. Cornelissen a publié une notice sur le tableau de
David dans les Annales belgiques, 181 8, I , pp. 383-39, et
II, pp. 23-32, et séparément sous le titre : Eucharis et Télé-
maque par M. David. Gand, J.-N. Houdin, 1818. 8°, 31 pp.
A l'occasion de l'exposition de son tableau , il fut offert à
David, par la société des beaux-arts de Gand , un médaillon
en or sur lequel ledit tableau fut reproduit au trait , par
L. De Bast.
21. Tenants des armes d'Angleterre avec la
devise : Dieu et mon droit. Carte d'adresse de
F. De Smedt Af Chapelier Rue des Champs à Gand.
H. 0,123. L. 0,130.
— 339 —
22. Formule de quittance pour Louis Van
Bosterhout. Deux variétés.
23. Carte d'adresse de F. Onghena : Au Vieux
Balon. (Petit balon entouré de nuages). F. On-
gheua Orfèvre, Bijoutier, et Joaillier à Gand Rue
des Champs N. 14. Trois variétés de dimensions
différentes.
Diam. 0,034, o>045 et 0,058.
24. Idem de forme ovale.
H. 0,070.
1823.
25. Un Mercure volant. Plaque en ovale.
Inscription : onderneming van g.™^ bidart. aalst.
H. 0,063. L. 0,045.
26. Id. contre-partie.
C^s deux pièces ont été gravées sur plaque d'argent pour
Bidart , entrepreneur de messageries.
Il n'en existe qu'une seule épreuve.
27. Saint François de Paule. Buste médaillon.
De la main droite il tient un rouleau portant ces
mots : Door Lie/de; la main gauche est placée
sur sa poitrine. Inscription : h .- franciscus de
PAULA. Instelder van 'torder der Minimen.
H. o,ogo. L. 0,071
(Sans l'inscription).
Pièce gravée pour Gobert , d'apris un dessin à la plume
de Ridderbosch.
- 340 —
28. Cartes de visite pour L. Ryckaert, L. Van
Bosterhout, Bruylant-Van Aerde, etc. 7 pièces.
1824.
29. Le Christ rendant la vue aux aveugles de
Jéricho. D'après le tableau de J. De Cauwer.
H. 0,250. L. 0,118.
Planche gravée pour le Messager des sciences et des arts ,
1824, p. 413.
Le tableau est placé dans l'église Saint-Michel, à Gand.
30. La Vierge et l'enfant Jésus. D'après le
tableau de P. Van Hanselaere peint à Naples
en 1822.
H. 0,122. L. 0,089.
Le tableau appartient à la Société royale des beaux-arts
et de littérature de Gand.
Cette planche a été gravée pour le Messager des sciences
et des arts, 1824, p. 320.
31. Le chrétien réfugié dans une grotte.
D'après le tableau de P. Van Hanselaere peint
à Naples en 1822.
H. 0,123. L. 0,085.
Planche gravée pour le Messager des sciences et des
arts , 1824 , p. 321.
Le tableau appartient à la société royale des beaux-arts
et de littérature de Gand. Il a été exposé au salon de Gand
en 1826 (n° 62 du catalogue).
32. Médailles des empereurs Postumus, Con-
stance et Gordien.
Copie de trois médailles qui appartenaient à l'avocat
- 341 —
L.-F. Lebegue. Essai pour la gravure des médailles desti-
nées à l'ouvrage de Vanden Bogaerde sur le pays de Waes.
33. Médaille. Sarbacanes en sautoir nouées
par une branche de Laurier. Une banderolle
porte l'inscription : honneur.
Diam. 0,036.
34. Médaillon ovale. Le portrait de Napo-
léon I" (la tête). Au bas une étoile avec la lettre N.
Inscription : c. a. van ryckeghem. m. de clercq.
H. 0,024.
35. 6 cartes de visite pour la famille Le Bègue
à Gand. — Id. de Van Bosterhout-Gobert.
1825.
36. Le bienheureux Alphonse Rodriguez, jé-
suite, en prière; dans le fond à droite la Vierge
écrasant la tête du serpent. Inscription : B. Al-
phonsiis Rodriguez Coadjittor temporalis Soc. Jesu.
Pietate in Deitm, et in Virginem sine labe concep-
tam : orandi studio , et miraculis clams. Obiit Majo-
ricae 2,1 Oct. i6iy aetatis siiae 8y . beatificatus. 1825.
H. 0,117. L. 0,093.
Planche gravée pour Gobert et distribuée par lui dans
divers couvents à Gand.
37. Portrait de la béguine Colette De Groote.
Aqua-tinta. Forme ovale. Inscription : coleta de
groote. h. 0,082. L. 0,062.
(Sans l'inscription).
Ce portrait a été gravé en plus grande dimension par le
même artiste, en 1826.
— 342 —
38. Portrait de la femme de Jean Van Eyck.
Buste. Sur le bord supérieur : côivx ms iohës me
OPLEVIT ANO. 143g. II. iVNij. et sur le bord inférieur :
ETAS MEA TRIGINTA TRIV ANORV. AVE. IXH. XAN.
H. 0,160. L. 0,12g.
Gravé pour le Messager des sciences, 1825, p. 115,
d'après un dessin de l'architecte Rudd. Le tableau se trou-
vait autrefois dans la chapelle de Saint-Luc et de Saint-Éloi
de la corporation des peintres et selliers , aujourd'hui la
chapelle des sœurs de Saint-Joseph. Il fait actuellement
partie du musée de l'académie de Bruges, auquel il a été
donné par Pierre Van Lede , ainsi que le prouve l'inscrip-
tion : D. D. PeP. Van Lede. 1808. Voir J. Weale, cat. du
musée de V académie de Bruges, 1861 , pp. 17-18,
39. L'invention de la croix. D'après Justus van
Gent ou Josse de Gand, élève de Hubert Van
Eyck. Les trois croix trouvées à Jérusalem et
mises à l'épreuve en présence de Samte Hélène,
de sa suite et du patriarche de Jérusalem.
H. 0,125. L. 0,107.
Gravé pour le Messager des sciences, 1825, p. 155.
Le tableau de Josse de Gand (haut. 68 centim. et larg.
48 centim.) appartenait à la collection J. D'Huyvetter. Il
porte dans le catal. de la vente de cet amateur le n° 658,
où il a été adjugé 460 fr.
40. Fac-similé de la fin d'une lettre du peintre
Louis David.
Lithographie pour le Messager des sciences, 1825, p. 480.
Par cette lettre datée de Bruxelles, g juin 1818, et adressée
à N, Cornelissen , David remercie chaleureusement la so-
— 343 —
ciété des beaux-arts de Gand au sujet du succès qu'il a
obtenu par l'exposition de son tableau Eucharis et Télé-
maque. >
41. Fac-similé de la fin d'une lettre du sculp-
teur Ant. Canova.
Lithographie pour le Messager des sciences, 1825 ,
p. 484.
Lettre datée de Rome, ig sept. 1814, et adressée au
secrétaire de la société des beaux-arts de Gand , pour la
remercier de sa nomination comme membre honoraire de
cette société.
42. Carte du pays de Waes, par A. Roothaese :
Nieuwe Plaatsbeschrij f hindi ge Kaart van hetDistrikt
S^ Nikolaas voorheen Land van Waas Provincie
Oostvlaandercn Uytgegeven onder toezigt van den
heer A. J. L. V. D. B.... 1825.
H. 0,313. L. 0,430.
Carte gravée pour l'ouvrage : Het distrikt St. Nikolaas,
voorheen land van Waes, door A.-J.-L. Vanden Bogaerde.
St. Nikolaas, 1825, vol. I, p. i.
43. Inauguration de l'archiduc Philippe-le-
Beau , roi d'Espagne , au moment où il fait le
serment, comme seigneur du pays de Waes, de
maintenir les privilèges et coutumes du pays
(7 juin 1497). D'après le tableau de,E.-J. Smeyers
peint en 1739.
H. 0,163. L. 0,230,
Planche gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde : het
distrikt St. Nikolaas voorheen land van Waas. St. Niko-
laas, 1825 , I, p. 345.
— 344 —
Le tableau de Smeyers se trouve à l'hôtel-de-ville de
St. Nicolas. Il a été restauré et presque entièrement repeint
par B. De Loose vers 1835. Cette planche a été reproduite
dans le Messager des sciences , 1825 , p. 436.
44. Médailles et monnaies romaines et gau-
loises , et antiquités trouvées à Moerbeke , Dack-
nam , etc.
H. 0,160. L. 0,104.
Gravées pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde, II, p. 11.
Cette planche , qui a été reproduite dans le Messager des
sciences, 1826, p. 210, comprend 14 sujets. Le vase
marqué XI est déposé au musée de la ville de Gand. Il
appartenait autrefois à Cardo-De Grave, à St. Nicolas.
45. Médailles, monnaies et antiquités trouvées
dans le pays de Waes.
H. 0,160. L. 0,104.
Gravées pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde, II, p. 13.
Comprend 12 sujets.
Planche reproduite dans le Messager des sciences , 1826,
P- 363-
46. Médailles et antiquités trouvées dans le
pays de Waes.
H. 0,15g. L. 0,104.
Planche gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde , II,
p. 15. Comprend 10 sujets. Le vase marqué II et le fer de
lance marqué IV appartiennent au musée de la ville de Gand.
Un nouveau tirage de cette planche fut fait pour le Mes-
sager dess ciences, 1827, p. 88.
47. Médailles, fibules, vases et antiquités trou-
vés dans le pays de Waes.
H. 0,162. L. 0,103.
H;:
1/ '
— 345 -
Planche gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde , II,
p. 17. Comprend 10 sujets.
Les divers objets figurés sur cette planche et les trois pré-
cédentes sont décrits par Vanden Bogaerde, II, pp. 11-33,
et dans le Messager des sciences, 1827, pp. 167-170.
48. Charte de Philippe-le-Hardi. Fac-similé
avec scel et contre-scel.
H. 0,185. L. 0,270.
Gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde, II, p. 95.
Charte du 23 oct. 1397, concernant le payement de 1000
nobles d'or.
49. Façade de l'église paroissiale de Lokeren :
Groote kevk te Lokeren. D'après un dessin de
B. De Loose. Aqua-tinta.
H. 0,140. L. 0,092.
(Sans l'adresse).
Gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde , III , p. So.
50. Jardin du château de Wissekerk, à Basel.
Sur l'avant-plan un pont suspendu. Eau-forte
d'après un dessin de A.-J.-L. Vanden Bogaerde.
H. 0,080, L. 0,133.
Planche gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde ,
III, p. 98; et reproduite dans le Messager des sciences,
1826 , p. 18.
51. Dalle tumulaire d'Adolphe de Bourgogne,
seigneur de Beveren, mort en 1540.
H. 0,102. L. 0,064 Va-
Cette dalle en cuivre se trouve dans le chœur de l'église
23
— 34G —
de Beveren. Gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde ,
III, p. 121. Voir F. De Potter, geschiedenis der gemeenten
der provincie Oost-Vlaanderen. Beveren, p. 119.
52. Dalle tumulaire de Jean Vanden Coutere.
H. 0,100. L. 0,046.
Gravée pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde, III, p. 121.
La dalle de Vanden Coutere se trouvait encore dans l'église
de Beveren (Waes) en 1841. Elle aura probablement été
enlevée lors du placement du nouveau pavement en 1862.
On ignore ce qu'elle est devenue.
53. Tombeau de Roland Lefebvre, chevalier
de la Toison d'or, trésorier de l'empereur Maxi-
milien et seigneur de Tamise.
H. 0,130.. L. o,o8g 72-
Gravé pour l'ouvrage de Vanden Bogaerde, III, p. 295.
La tombe de Roland Lefebvre existe dans l'église de
Tamise.
54. Le grand béguinage à Gand. Vue générale
à vol d'oiseau prise de la plaine Sainte-Elisabeth.
H. 0,246. L. 0,327.
Copie , avec quelques modifications , du plan gravé par
P. Wouters en 1781, pour compte des PP. Dominicains, à
l'occasion de la visite faite à cet établissement par l'empe-
reur Joseph II.
Il existe de la planche d'Onghena trois états :
1° Au trait (essai). Nous n'en connaissons qu'un seul
exemplaire. Il fait partie de l'atlas topographique et histo-
rique de la ville de Gand, déposé à la bibliothèque de l'uni-
versité.
— 347 —
2° A l'aqua-tinta avec l'inscription : Nieuwe Kaart Groot
Beggyn-Hof te Ge\d, Gegunt door Juff. M. C. Dauwe
1825.
3° A l'aqua-tinta. Il a en plus la légende et l'inscription :
Nouveau plan du grand Béguinage à Gand fondé en 1234.
Ce plan a été copié en lithographie en 183g ; des réduc-
tions en ont été faites, aussi en lithographie, par Ed. Manche
en 1836, pour les Vues pittoresques des principaux monu-
ments de Gand, par A. Voisin, et par H. Borremans en
1843. Cette dernière a été publiée par Tessaro, à l'occasion
de la visite de la reine Victoria.
1826.
55. Les litanies de la Vierge.
H. 0,122. L. 0,075.
56. Médaille frappée à l'occasion de l'achève-
ment de la maison centrale de détention à Gand.
Vue à vol d'oiseau de la prison : Légende : son-
TIBUS OPERVM EXERCITIO EMENDANDIS. ExcrgUC :
OPUS COEPTUM A. MDCCLXXII. EXACTUM A. MDCCCXXVI.
BRAEMT F.
H. 0,133. L. 0,131.
Gravée pour le Messager des sciences, 1826, p. 187.
Des huit corps de bâtiment dont devait se composer la
maison de détention fondée en 1772 , il en restait encore ,
en 1825 , trois à construire. L'architecte L. Roelandt fut
chargé par le gouvernement de compléter l'édifice, lequ 1
fut achevé en 1826.
Ch. Onghena grava de nouveau cette planche en 1841,
pour le Mémoire sur les moyens de corriger les malfaiteurs,
par Jean-Ph. Vilain XIIII. Brux., 1841.
— 348 —
57- Maison de détention. Vue à vol d'oiseau :
MAISON CENTRALE DE DÉTENTION A GAND.
H. 0,092 72. L. 0,103,
Un nouveau tirage de cette planche à été fait pour le
Guide des voyageurs dans la ville de Gand , de A. Voisin,
2^ édit., Gand, 1831, p. 254. Elle a été copiée par B. Ber-
naert et lithographiée par Kierdorff, pour la Description de
la maison de force de Gand, imprimée par Stéven, en 1828.
58. Canope égyptienne. La partie supérieure
est une tête d'épervier. Sur la panse une inscrip-
tion en écriture hiéroglyphique.
H. 0,156. L. 0,072.
Gravée ^onv \q Messager des sciences, 1826, p. 12g.
Cette canope avait appartenu à la collection d'antiquités
égyptiennes de De Lescluze de Bruges vendue à Anvers
vers 1826.
5g. Le bon Samaritain, D'après le tableau de
J, Maes. Le Samaritain, un vieillard, relève le
voyageur blessé et le met sur son cheval. Dans
le fond un palmier.
H, 0,143. L, 0,105.
Gravé pour le Messager des sciences, 1826, p. 144.
Ce tableau de Maes a figuré à l'exposition de Gand en
1826, sous le n° 53 du catalogue.
60. La Frascatane. D'après le tableau de
J. Maes. Jeune fille remplissant d'eau un vase
à la fontaine. Figure à mi-corps. Dans le fond le
dôme de l'église de Saint-Pierre de Rome.
H, 0,118, L. 0,090.
Gravée pour le Messager des sciences, 1826 , p. 144.
— 349 —
Ce tableau appartenait en 1826 à la collection Vrancken,
à Lokeren. Il avait été exposé au salon de Gand en 1826,
sous le n° 54 du catalogue.
61. Ornithorhynque de la famille des mono-
trèmes : ornithorhynchus rufus ex dono Dom.
Th. Beale. Macao 1826.
H. 0,114. L. 0,209.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1826,
p. 256.
Sir Thomas Beale, à Macao, fit don de cet ornitho-
rhynque à l'université de Gand, en 1826.
62. Ornithorhynque. Squelette de l'ornitho-
rhynque.
H. 0,114. L. 0,210.
Gravé pour le Messager des sciences , 1826, p. 256.
63. Plan du jardin de la société d'horticulture
à Chiswick. Mars 1826.
H. 0,178. L. 0,205.
Gravé pour le Messager des sciences, 1826, p. 383, (Article
de J.-B. Delbecq).
64. Portrait de Colette De Groote : coleta de
GROOTE Overste van het nieuw Couvent in 't klyn
beggynhof M Gent , Stierf 30 Ongst 1816 ond
2SJaeren en half. Médaillon.
H. 0,120. L. 0,093
(Sans l'inscription).
f ,
65. Ex-libris de P. Versturme. Ecusson : trois
chevaux galopant sur champ d'or. Devise : presto
MA prude, suivie du nom Versturme.
H. 0,066. L. 0,041,
— 350 —
65. Façade du palais de l'université de Gand :
VOORGEVEL VAN HET PALEIS DER HOOGE SCHOOL , TE
GENT. PÉRISTYLE DU PALAIS DE l'uNIVERSITÉ , A
GAND. D'après le plan de L. Roelandt.
H, o,o8g. L. o,ii8
(Sans l'inscription).
Gravée pour la Description historique du palais de V uni-
versité, à Gand , par Amand De Bast. Brux. , 1826.
Cette même planche, avec une nouvelle inscription , en
français seul , fut employée dans le Guide des voyageurs
dans la ville de Gand, par A. Voisin, 2^ édit, Gand, 1831.
67. Coupe du palais de l'université de Gand.
Vestibule, escalier et rotonde. D'après les plans
de L. Roelandt. H. 0,120. L. 0,300.
Gravée pour la Description historique du palais de Vimi-
versité à Gand, par Amand De Bast. Brux., 1826.
Cette planche , avec une nouvelle inscription en lettres
plus petites , se trouve dans le Guide des voyageurs dans
la ville de Gand, par A. Voisin, 2^ édit. Gand, 1831.
La pose de la première pierre de l'université eut lieu le
4 août i8ig.
68. Plans du palais de l'université de Gand.
1° Rez-de-chaussée. 2° Étage. D'après les dessins
de L. Roelandt.
Un nouveau tirage de ces plans à été fait pour le Guide
de Gand de A. Voisin. 1831.
69. Vue générale de la ville de Gand, à vol
d'oiseau : ganda gallie belgice civitas maxima.
1534- H. 0,440, L. 0,604.
La vue est prise du côté de la porte de Termonde et de
— 351 —
la porte de l'hôpital (démolie en 1541). Sur l'avant-plan
l'abbaye de Saint-Bavon. Ce plan fut publié par souscrip-
tion au prix de 10 florins (colorié). La planche servit ensuite
pour la dernière édition de V Historié van Belgis de Marcus
Van Vaernewyck, impr. en 182g. Il en existe une assez
médiocre copie faite par J. Hemeleer, pour le Jacob van Ar-
tevelde de H. Conscience, impr. à Anvers, en 184g.
L'original de ce plan, peint à l'huile (H. i m. 33 c.
L. I m. 71 c), appartenait à l'architecte P.-J. Goetghebuer.
Celui-ci le tenait du prieur du couvent des Augustins à Gand.
En 1876, les héritiers Goetghebuer cédèrent le tableau (avec
deux autres vues de ville) à l'administration communale de
Gand, au prix de 4000 fr.
70. Bataille de Waterloo : le prince d'Orange
blessé. D'après le tableau de J.-W. Pieneman.
H. 0,161. L. 0,230.
Ce tableau a été exposé à l'hôtel-de-ville de Gand, dans
la salle de l'Arsenal, en 1826 ; il figure dans le catalogue de
l'exposition des beaux-arts de Gand, en 1826, sous le n° 367.
Il fut acquis par le roi Guillaume I'^'', au prix de 40,000 flo-
rins (84,656 francs).
1827.
71. Diverses cartes de visite pour les familles
Van Bosterhout, De Smedt, etc.
72. La mort de Phocion , d'après Joseph-
Denis Odevaere.
H. 0,132. L. 0,183.
73. Missolonghi. Les derniers défenseurs de
— 352 ~
Missolonghi préférant la mort à la servitude.
D'après J. Odevaere.
H. 0,142. L. 0,215.
Ce tableau fut d'abord exposé au salon de Gand , en 1826
(n° 48 du catalogue), puis à Bruxelles en 1827 (n° 105 du
catalogue).
74. La dispute du corps de Patrocle. D'après
J. Odevaere.
H. 0,192. L. 0,297.
Joseph-Denis Odevaere, se trouvant à Rome, en 181 1,
fut chargé de l'exécution de diverses fresques pour le palais
du Quirinal. Les événements politiques ne permirent pas de
donner suite à ce projet. Une de ces fresques représente les
Grecs et les Troyens se disputant le corps de Patrocle.
75. Apollon et les muses. D'après J. Odevaere.
Diam. 0,198.
Le peintre Odevaere ayant formé le projet de faire repro-
duire , par la gravure au trait , ses principales œuvres , en
confia l'exécution à Ch. Onghena. Quatre planches seule-
ment furent terminées. (N°^ 72-75).
76. Instrument pour déterminer la résistance
de différents bois.
H. 0,072. L. 0,151.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1827,
p. 12. (Article de Maertens, à Ypres).
77. Le chanoine Triest et Ch.-J. Kervyn de
Volkaersbeke , échevin de la ville de Gand, remet-
tant au roi Guillaume I une requête en faveur des
- 353 —
béguinages, d'après le tableau de Pierre Van
Huffel.
H. 0,134 V^- L. 0,098.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts , 1827,
p. 68. Ce tableau se trouve actuellement dans l'hab'tation de
la grande dame, au nouveau béguinage à Mont-Saint-Amand.
Voir Kervynde Volkaersbeke, les églises de Gand, II, p, 324.
78. Le grand canon dit Marguerite l'enragée
[de didle Griete), placé au Wannekens-aerd.
H. 0,061. L. 0,012 Ys-
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, année
1827, p. loi. A été aussi employé pour le Guide de Gand
de A. Voisin , édit. de 1831.
79. Mausolée élevé à la mémoire de l'anato-
miste Jean Palfyn, d'après le sculpteur C. Van
Poucke.
H. 0,203, L. 0,060.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1827,
p. 131 (Article de A. Voisin sur J. Palfyn). Ce monument
funéraire , placé dans l'église Saint-Jacques près de la chaire
de vérité, contre l'un des piliers qui soutiennent la tour, fut
inauguré en 1784. L'inscription porte : d; o. m. et immor-
TALI PALFINI GENIO CURA COLLEGII MEDICI HUIUS URBIS .ERE
ET MUNIFICENTIA PLURIUM BONARUM ARTIUM RENUMERATORUM
ERECTUM ANNO 1784. Voir Kcrvyn de Volkaersbeke , les
églises de Gand, II, pp. 27-28.
80. Façade d'une maison située rue du Vieux-
bourg , au coin de la rue du Roitelet.
H. 0,107. L. 0,036.
Gravée pour le Messager des sciences et des arts, 1827,
— 354 —
p. 150, Cette maison, portant pour enseigne : den vlie-
GHENDEN HERT , S. été Construite en 1669. La façade est
ornée de six bas-reliefs. Le pignon est surmonté d'un groupe
représentant la Charité ; plus bas les statues de la Foi et de
l'Espérance ; sur le fronton un médaillon contient , en haut-
relief , un joueur de flûte.
Les bas-reliefs , en terre cuite , sont l'œuvre de Van
Hoorebeke.
On a dit , par erreur , que cette maison , dont la façade
est si intéressante , avait autrefois été la demeure de l'ana-
tomiste Palfyn. Au XVIII^ siècle elle était habitée par
l'orfèvre Duprez et après lui par son fils.
Il existe une autre reproduction de cette façade lithogra-
phiée par C. 't Felt pour Het boek der vermaerde uithang-
horden , de Fr. De Potter, publié en 1861, p. 42.
M. J. De Waele a fait, en 1877, un dessin très-exact
de la façade de cette maison , dont il a généreusement fait
don à la bibliothèque de l'université de Gand. Ce dessin
mesure i m. 43 c. de hauteur.
81. Le Christ mort, étendu sur un linceuil.
D'après Philippe de Champagne.
H. 0,059. L. 0,133.
Copie de la gravure au trait de C. Normand qui se trouve
dans les Annales du musée de C.-P. Landon, vol. XI (1806),
pi. 68, p. 141.
82. Structure des tissus des orchidées : bour-
geons, tiges et feuilles. D'après un dessin de
Ch. Morren.
H. 0,284. L. 0,228.
Planche IV des mémoires de Ch.-F.-A. Morren en réponse
à cette Question : Quœriiur Orchidis latifoliae descriptio
— 355 —
botanica et anatomica. Mémoire inséré dans les linnales
academiae Gandavensis , 1826-27.
83. Télescope de Rienks, d'après les dessins
de Ed. Coppens.
Suite de trois planches gravées pour les Annales acade-
miae Gandavensis , 1826-27. {Car. Hauff, oratio de scien-
tiarum amore platonico... Adjecta est telescopii Rienksiani
descriptio).
84. Système cérébro-spinal de l'homme.
H. 0,397. L. 0,152.
Gravé pour les Annales academiae Gandavensis, 1826-27.
(Mémoire de Jos. Mouremans).
85. La porte de Courtrai. — L'église parois-
siale de N.-D. Saint-Pierre.
H. 0,100. L. 0,071.
Ces deux gravures sur une seule planche ont été faites
pour le Guide de Gand d'A. Voisin, Il en existe six épreuves
d'essai au trait.
86. Place Sainte-Ph raïlde à Gand : à droite la
façade du marché aux poissons , dans le fond
l'hospice Saint-Laurent , à gauche l'entrée du
château des comtes de Flandre.
H. 0,062. L. 0,095.
Il existe de cette planche six épreuves d'essai au trait.
Gravé piour le Guide de Gand de Aug. Voisin.
87. L'église Saint-Nicolas. Vue prise à l'en-
— 356 —
trée de la rue de la Catalogne ; dans le fond le
Beffroi et l'église Saint-Bavon.
H. 0,062. L. 0,092 72.
Gravé pour le Guide de Gand de Voisin , édit. de 1831.
Cette planche et les deux précédentes, d'abord destinées
à la i''^ édition du Guide de Gand, n'ayant pas été terminées
en temps utile , n'ont pu figurer que dans la 2^ édition ,
impr, en 1831.
88. Saint-Médard (Saint-Liénard ou Saint-
Léonard). D'après un tableau d'un maître in-
connu de l'école de Cologne. XIIP siècle.
H. 0,142. L. 0,047.
Ce tableau, acquis en 1827, à Cologne, par le chevalier
Florent Van Ertborn , se trouve actuellement au musée
d'Anvers. (Catal. n° 16.)
Gravé pour le Messager des sciences, 1827-28 , p. 344.
Ch^ Onghena avait conçu le projet de dessiner et de re-
produire , par la gravure au trait , tous les tableaux du mu-
sée Van Ertborn. Le peintre G. Wappers usa de toute son
influence peur en empêcher l'exécution. Nous ne sommes
pas parvenu à connaître le motif de cette opposition.
89. La Vierge présente l'enfant Jésus à Sainte
Anne. D'après le tableau de J.-B. Maes.
H. 0,140. L. 0,102.
Gravée pour le Messager des sciences et des arts, 1827-
28, p. 392.
Ce tableau , peint à Rome en 1827, se trouve actuellement
à l'église de Saint-Michel , à la chapelle de Jésus , Marie ,
Anne. Voir Kervyn de Volkaersbeke , les églises de Gand,
II, p. 79.
— 357 —
go. La Sainte Famille : la Vierge, Saint Jean
et l'enfant Jésus. D'après le tableau de J.-B. Maes.
H. 0,98. L. 0,085.
Gravée pour le Messager des sciences et des arts , 1827-
28, p. 393. Ce tableau se trouve à l'église de Saint-Nicolas,
à Gand. (Chapelle des fonts-baptismaux.)
91. La résurrection de Lazare. D'après un ta-
bleau attribué à Otto Vaenius, qui se trouve à
l'église cathédrale de Saint-Bavon.
H. 0,115 72- L- 0,094.
Cette planche exécutée , à titre d'étude , n'a été tirée qu'à
un nombre très-restreint d'exemplaires que l'artiste a distri-
bué à ses amis.
92. Armoiries de la ville de Gand. Ecusson de
sable au lion d'argent armé et lampassé de
gueules, couronné d'or.
H. 0,046. L. 0,048.
Premier essai de gravure sur bois fait par Ch. Onghena.
93. Cartes de visite diverses pour Ch'Morren,
le docteur De Block, la famille Van Boster-
hout, etc.
94. Révolte de Madrid. D'après un dessin de
Jean-Baptiste Madou.
H. 0,493. L. 0,647.
Eau-forte préparée pour l'aqua-tinta. Inscription : révolte
DE Madrid.
95. Vue de Charing-Cross à Londres.
H. 0,501 72. L. 0,773.
Eau-forte. Inscription : vue de charug crosse (sic) à Lon-
— 358 —
dres. Le 30 Janv. 1641 Charles I^ qui ne fut jugé ni par l'ar-
mée, ni par le parlement, ni par la patrie, mais par la faction
de ses ennemis , eut la tête tranchée par la main du bourreau.
La vue a été prise en 1828. Rien dans cette planche ne
rappelle l'exécution de Charies I, qui eut lieu sur cette place.
96. Eglise de Notre-Dame à Paris.
H. 0,494. L. 0,760.
Eau-forte. Inscription : notre dame de paris.
97. La cathédrale de Milan.
H. 0,495. L. 0,763.
Eau-forte.
98. Palais du Lord-Maire à Londres.
H. 0,505. L. 0,775.
Eau-forte.
Cette planche et les quatre précédentes remarquables
eaux-fortes, les plus importantes comme dimension de
l'œuvre d'Onghena , ont été exécutées pour compte de
P.-J. Van Bever. Elles devaient être publiées à l'aqua-tinta ;
mais dans cet état je n'en ai vu aucun exemplaire. Les épreu-
ves de ces eaux-fortes sont d'une excessive rareté. On n'en
connaît guère plus que 3 ou 4. Nous ignorons ce que sont
devenus les cuivres.
99. Formule de quittance pour Van Bosterhout.
1829.
100. Diverses variétés de lombrics terrestres ,
leurs organes , leur anatomie , etc. Série de
31 planches dont la dernière représente l'anato-
mie de la sangsue.
Ces planches ont été gravées de 1826 à 1829 pour l'ou-
— 359 —
vrage de Ch.-F.-A. Morren : De liimhrici terresiris historia
naturalinecnonanatomia tradatus. BruxeUis,Taylier, 182g.
De la 7^ planche : Dissectio generalis seu totius corporis
ut appareat relatio organoruni , il existe deux épreuves ; la
première ne contient que 2 figures, la seconde en con-
tient II.
Les dessins originaux de Morren , en couleur , ont été
donnés par l'auteur à la bibliothèque de l'université de Gand.
loi. Le Sauveur du monde. D'après Jean
Memlinc.
H. 0,192. L. 0,090.
Tableau décrit dans le catalogue du musée d'Anvers ,
1857, p. 33, no 40. Il provient de l'abbaye des Dunes, dont
le dernier abbé, Nie. De Roovere, le céda à Van Ertborn.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
p. 61.
102. Coupe du bassin houiller de St. Gilles,
près de Liège.
H. 0,083. L. 0,173 Va-
Gravée pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
p. 207. (Article de A.-C. Wellekens et C. Davreux.)
103. L'adoration des Mages. D'après Jean Van
Eyck.
H. 0,128. L. 0,103.
Le graveur Ch. Onghena ayant été envoyé par De Bast
chez le docteur Van Rotterdam pour faire le dessin de ce
tableau, afin de le graver ensuite, fut éconduit, sous prétexte
que l'artiste n'aurait pu être capable d'en faire un bon dessin.
Peu de temps après, De Bast se rendit auprès de Van Rot-
terdam pour le détromper, sans parvenir toutefois à le con-
vaincre.
-- 3G0 —
Onghena alla alors de nouveau chez le docteur, qui était
sur le point de quitter la ville. A son retour, dans la soirée
du même jour, le dessin était terminé. Van Rotterdam en
fut émerveillé.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
P- 331-
Ce tableau fut exposé en vente, le 6 juillet 1835 (cata-
logue Van Rotterdam, n° i), et retenu au prix de 10,000 fr.
Il fut cédé en 1848, au prix de 12,000 fr., au musée royal
de Bruxelles. (Catalogue du musée, n° 14.)
104. Le départ de Tobie. D'après J. Maes.
H. 0,128. L. 0,104.
Ce tableau, exposé au salon de Gand de 182g (n° 144 du
catalogue) , se trouve actuellement dans l'église Saint-Jac-
ques, chapelle des âmes du purgatoire.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
P- 334-
Au concours de 1829, Ch. Onghena obtint pour cette
planche le prix pour la gravure.
105. Médaille du canal de Terneuzen. D'après
Braemt. Face et revers.
H. 0,072 72- L- o>i32.
Gravée pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
P- 337-
106. Vue de Tivoli. D'après un tableau de
Paul Surmont.
H. 0,099. L. 0,128.
Gravée pour le Messager des sciences ei des arts, 1829-30,
P- 339-
Un exemplaire avant la lettre est déposé à la bibliothèque
de l'université de Gand.
— 3C1 —
107- Cérès, buste. D'après J. -P. Braemt.
H. 0,070. L. 0,067 72-
Sous forme de médaillon, entouré d'une guirlande de fleurs
et de fruits, d'après un dessin de F. -T. Suys. Inscription :
EX LIBRIS C. VAN HULTHEM SOC. REG. AGRICULT. ET BOTAN.
GAND. PRAESiDis. C'est le quatrième des ex-libris gravé pour
Ch. Van Hulthem. Les autres sont décrits par A. Voisin,
dans sa notice sur Van Hulthem, pp. lxiii-lxiv.
Quelques épreuves ont été tirées sur papier de Chine,
avant la lettre.
108. L'entrevue de Théodose-le-Grand et du
patriarche d'Antioche, l'évêque Flavien. Inscrip-
tion : Zïe nu eene gelegenheid om gestorvenen op te
wekken.
H. 0,141 72. L. 0,099 7^'
(Sans l'inscription).
Gravée pour : het Oproer te Antiochie, door J.-M. Schrant.
Gend, Snoeck, 1829, p. 57.
log. Intérieur de cabaret. Eau-forte.
H. 0,070. L. 0,120.
Gravé sur le couvercle d'une boîte à tabac. De cette gra-
vure il n'a éta tiré que six épreuves.
iio. Façade et jubé de l'église Saint-Sauveur
à Gand, renouvelés en 181 1.
Gravé pour l'architecte Pierre-Jean De Broe.
III. Portrait de dame Cannaert. D'après le
tableau de J. Paelinck.
H. 0,078. L. 0,65 72.
Ce portrait appartient à M^, Év. Cannaert, à Gand.
24
^ 362 —
112. Portrait de Marc Van Vaernewyck.
H. 0,103. L. 0,082 Yz
(Sans l'inscription).
Gravé pour l'Historié van Belgis de Marc Van Vaerne-
wyck, impr. en 1829. Inscription : Marcus Van Vaerne-
ivyck, Geboren den 21 december 15 18. [Armoiries.] Over-
leden den 20 february 1568.
113. Vase en grès, sphéroïde allongée.
H. 0,168.
Reproduction du vase le plus grand et le plus beau de la
splendide collection de J. D'Huyvetter. Il mesurait 73 cen-
timètres en hauteur (n^ 104 du catal.). Bénoni Veihelst
l'acheta au prix de 1900 fr. Il le vendit à son tour au prix
de 3000 fr. à Gambard. Vers 1870, il fut détruit dans un
incendie.
114. Trois cruches (n°' 37, 72 et 73 du cata-
logue J. D'Huyvetter).
Planche II des Zeldzamheden vevzameld en uitgegeven
door Joan. D'Huyvetter, 1829.
115. Trois aiguières (n°' 74, 70 et 71 du cata-
logue D'Huyvetter).
Planche III des Zeldzamheden de J, D'Huyvetter.
116. Buires et cruches (n"'22, 21, 102, 197 et
103 du catalogue D'Huyvetter).
Planche IV des Zeldzamheden.
117. Six aiguières (n°^ 76, 77, 80, 106, 105 et
107 du catalogue D'Huyvetter).
Planche V des Zeldzamheden.
- 363 —
ii8. Buires, aiguières, etc. (n"^g7, 2g, 98, gg,
8g et 100 du catalogue D'Huyvetter).
Planche VI des Zcldzamheden.
iig. Snelles et autres vases (n°^ ig8, igg, 5,
200 et 4 du catalogue D'Huyvetter).
VXdLnchQVll Aes Zeldzamheden , reproduite dans le Mes-
sager des sciences et des arts , 1835, p. 189, avec une no-
tice sur Jean D'Huyvetter et sur les collections rassemblées
par cet archéologue.
120. Neuf cruches (n°' 112, 18, 113, 114, 36,
115, 116, 117 et 118 du catalogue D'Huyvetter).
Planche VIII des Zeldzamheden.
121. Aiguières, snelles et cruches (n°^ g2, 162,
108, 34, 158, 35, i65, iig et 165 du catalogue
D'Huyvetter).
Planche IX des Zeldzamheden.
122. Aiguières, salières, bouquetiers , etc.
(n"' 83, 250, 81, igo, 27, 26, 212, loi, 15 et igi
du catalogue D'Huyvetter).
Planche X des Zeldzamheden.
123. Snelles et buires (n°^ 10, 11, g, ig, 12, 20,
I, 7, 6 et 2 du catalogue D'Huyvetter).
Planche XI des Zeldzamheden.
124. Canettes, aiguières et cruches (n°' 203,
15g, 202, 120, 201, 121, 122, 164 et 123 du cata-
logue D'Huyvetter).
Planche XII des Zeldzamheden.
- 364 —
125- Aiguières, snelles et cruches (n°^ 86, 87,
31, 40, 82, 30, 79 et 78 du catalogue d'Huyvetter.
Les figures I, IV, VIII et XI ne sont pas citées
dans le catalogue D'Huyvetter).
Planche XIII des Zeldzamheden.
126. Cruches, aiguières, buires, etc. (n°' 187,
173, 124, 174, 95, 125, 196, 126, 50, 49 et 186
du catalogue D'Huyvetter. Les figures III, V,
XIV et XV ne sont pas désignées dans le cata-
logue).
Planche XIV des Zeldzamheden.
127. Saucières, plats, corbeilles et plateaux,
faïence de Bernard Palissy (n°' 252, 237, 249,
227, 228, 244, 251, 245, 255, 239 et 260 du cata-
logue D'Huyvetter).
Planche XV des Zeldzamheden.
128. Plats et corbeille, faïence de Bernard
Palissy (n°' 264, 236, 262, 256, 247, 259, 263 et
240 du catalogue D'Huyvetter. Le n° VII n'est
pas désigné).
Planche XVI des Zeldzamheden.
12g. Sonnettes , lampe et mortier (n°^ 703, 704,
705, 710, 706, 707 et 708 du catalogue D'Huy-
vetter. Le mortier n° VII ne se trouvait pas dans la
vente).
Planche XVII des Zeldzamheden.
130. Verres de Venise : buires, gobelets, cor-
— 3G5 —
beille , verres ciaquelés, bouteille et aiguières
(n°^ 385, 406, 401, 367, 463, 482, 396, 512, 360,
348, 489, 506, 376, 295 et 415 du catalogue
D'Huyvetter).
Planche XVIII des Zeldzaniheden.
131. Verres de Venise et autres : gobelets,
calices , verres à Champagne et bouquetiers
(n°^459, 342, 368, 281, 451, 322, 509, 566, 507,
318, 351 > 344» 371 et 454 du catalogue D'Huy-
vetter. La figure n° XIII n'est pas désignée).
Planche XIX des Z eldzamheden .
132. Verres de Venise : calices , clochette , cou-
pes, gobelet et plateau (n°' 513, 287, 370, 405,
481, 486, 478, 285, 503, 326, 282, 284, 333, 397
et 571 du catalogue D'Huyvetter).
Planche XX des Zeldzaniheden.
133. Verres de Venise et autres : coupes, vi-
drecome, flacons, verres à Champagne, gobelets
et calices (n°" 269, 487, 366, 304 (?), 386, 277,
349. 377, 332, 276, 510, 505, 533, 338 et 519 du
catalogue D'Huyvetter).
Planche XXI des Zeldzaniheden,
134. Verrière à six compartiments (n°' 591 à
596 du catalogue D'Huyvetter).
H. 0,231. L. 0,114.
Planche XXII des Zeldzaniheden. Les divers comparti-
ments composant cette verrière furent acquis séparément par
Feid. Lousbergs, Norb. D'Huyvetter et Bénoni Verhelst.
— 36G -
La majeure partie des vitraux montés sur châssis , qui
étaient les plus remarquables de la collection , furent adju-
gés à Ferd, Lousbergs. Ils sont aujourd'hui la propriété du
c'e Jos. De Hemptinne. Les autres vitraux furent achetés
par MMi^s. Eug. Lippens , Minard , Et. Leroi, etc.
Les planches (n°s 1 13-134) ont été gravées, en 1826 et
1827, pour Jean D'Huyvetter, qui voulait donner à ses amis
une idée des collections qu'il avait rassemblées. En 1829, il
en fit faire un recueil, en y ajoutant une préface, qui parut
sous le titre suivant : Zddzaamheden verzameld en ttit-
gegeven door Joan. D'Huyvetter , lid van het hcstuur
der koninktijke académie van teeken- , schilder- en bouw-
kunde... in het koper gesneden door Ch. Onghena. Gent,
P. -F. De Goesin-Verhaeghe , 182g. Quelques exemplaires
de cette publication portent un titre et une préface en fran-
çais : Objets rares recneillis et publiés par Joan. D'Huy-
vetter... gravés sur cuivre par Ch. Onghena de Gand. Ces
recueils , tirés in-4° et in-folio (ceux-ci avec les planches sur
Chine) , ne furent pas mis dans le commerce.
Le musée D'Huyvetter fondé dans d'excellentes condi-
tions au commencement de ce siècle , contenait la plus pré-
cieuse et la plus nombreuse collection de produits cérami-
ques des XVI^ et XVIP siècles et de verres de Venise qui
se soit jamais formée en Belgique. Il renfermait aussi une
admirable série de verres peints et de fai-nces de Bernard
Palissy, quelques émaux , des tableaux et des dessins de
prix. En 185 1 , le 20 octobre, la collection D'Huyvetter fut
vendue en détail et ne rapporta que la modeste somme de
52,257 fr. Un petit nombre d'exemplaires du catalogue de
vente, rédigé par Bénoni Verhelst, a été tiré m-\° avec ce
titre : Description des antiquités et objets d'art , qui compo-
sent le cabinet de feu M^ Joan. D'Huyvetter, à Gand. Pour
ces exemplaires il fut fait un nouveau tirage des 22 planches
d'Onghena.
— 367 —
135- Église cathédrale de Saint-Bavon. Vue
intérieure, d'après un dessin de P.-J. Goetghe-
buer.
H. 0,297. L. 0,391.
Les figg. et ornements de cette planche ont seuls été
gravés par Ch. Onghena. Tout ce qui est architecture est
l'œuvre de P.-J. Goetghebuer.
Les premières épreuves de cette planche sont au trait.
Les autres sont à l'aqua-tinta. Cette planche a été repro-
duite , avec quelques modifications par C. Eckerlin pour
l'ouvrage : Églises principales de l' Europe, publié à Milan
(livr. X, année 183 1).
136. Modèles d'écriture : Verzameling van
fraaije schrifteii, door J. Odeyn, onderwyzer te Gent.
Série de 12 planches in-4° obi., numérotés i, 2, 3, 5, 6,
7> 9. 10. 13» 14» 15 et 19.
Cet ouvrage ne fut point terminé.
137. Une feuille d'orme portant le nom de
Van Lerberghe fils (horticulteur à Courtrai).
H. 0,034. L. 0,075.
138. Carte d'adresse de Bousse-De Cooman,
potier à Gand.
H. o,ogi. L. 0,053.
Bousse, potier à Gand, ayant demeuré rue Saint-Georges,
avait réuni une collection de 32,000 boutons. Cette collec-
tion unique en son genre fut vendue le 15 avril 1S50 et
acquise par le duc d'Arenberg. Sur le catalogue le nom de
Bousse est orthographié par erreur Boiisens.
13g. Plusieurs cartes de visite portant les noms
— SG8 —
de Pilloy, Jacobsen, Van Bosterhout, Haeck,
Versturme, etc.
Ch, Onghena, à partir de 1829 jusque vers 1850, a gravé
un nombre considérable de cartes de visite. Nous ne citerons
désormais que celles qui contiennent autre chose qu'un nom
isolé.
1830.
140. Pierre sépulcrale de Saint Flobert, abbé
de l'abbaye de Saint-Bavon, mort en 661.
H. 0,232. L. 0,182,
La gravure est de la dimension de la dalle. Cette pierre
sépulcrale de Saint Flobert, en marbre blanc, a été conservée
parmi les reliques de la cathédrale de Gand , jusqu'en 1822 ,
époque où elle fut donnée par le chanoine Lebègue à Liévin
De Bast. Aujourd'hui elle appartient à la ville de Gand et
est déposée dans le cabinet de l'université. Une repro-
duction en marbre exécutée par les soins de la Commission
des monuments est incrustée dans le mur de la chapelle de
Saint-Machaire aux ruines de l'abbaye de Saint-Bavon.
Voyez Messager des sciences, 182g, p. i (article de
J. Raepsaet) ; Histoire de l'architecture, par Schayes, I,
p. 281. Ce dernier auteur dit que la pierre sépulcrale de
Saint Flobert est la plus ancienne inscription tumulaire
chrétienne qui existe en Belgique. L'inscription porte :
HIC II REQVIESCIT. FLOR || BERTVS. ABBA...| \\ GANDENSIS.
CM II NOBII ] OBIIT. VllL || ID. OCTB. ||
En tête de la notice de J. Raepsaet se trouve une autre
copie de cette pierre , gravée par Constant Onghena, frère
de Charles. Une copie réduite figure dans l'ouvrage de
Van Lokeren : Histoire de l'abbaye de Saint-Bavon.
o
GO
141. Bactrelle fil. (Vibrion lamellinaire).
H. 0,183. L. 0,137.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
p. 341 (Article de C. Morren).
142. Médaille : une fileuse et son rouet entouré
de deux cornes d'abondance.
Diam. 0,047.
Gravée pour P. Dobbelaere.
143. Sceau : légende en caractères gothiques :
S. Hambochts van de viilders van West Eeclo.
Diam. 0,033.
Gravé en relief sur cuivre.
144. Le calvaire. Le Christ en croix; à droite
la Vierge, à gauche Saint Jean. Inscription :
PEINTURE DU XIV^ SIÈCLE.
H. 0,117. L. 0,096.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts , 1829-30.
Ce tableau, dont l'auteur est inconnu, fait partie du musée
d'Anvers, collection Van Ertborn (Catal. du musée, n° 14).
145. Guillaume Beukels. Peinture sur verre à
Biervliet.
H. 0,159 72. L. 0,093 Va-
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
p. 411. En 1816, J.-J. Raepsaet avait publié : Note sur la
découverte de caquer le hareng, faite par Gnill. Beukels,
pilote de Biervliet en Flandre. Cet opuscule n'a pas été
reproduit dans les œuvres complètes de Raepsaet. En 1826,
J.-B.-G. Camberlyn composa un poëme en l'honneur de
Beukels : Bukelingi genio, réimprimé, avec variantes, dans
ses Miscellanea. Gandae, De Goesin, 1828, pp. 132-139.
o
70
146. Portrait de Théodore-Victor Van Berckel,
célèbre graveur.
H. 0,055 72. L. 0,038.
Gravé pour le Messager des sciences et des arts, 1829-30,
p. 452.
147. Cheval prenant le mors aux dents. Eau-
forte.
H. 0,106. L. 0,060.
Gravé sur le couvercle d'une boîte à tabac. Il n'y a eu
que huit épreuves de cette gravure.
148. Singe sur une branche d'arbre. D'après
une eau-forte de Eug. Verboeckhoven.
H. 0,068 7,. L. 0,056 Va.
14g. Plan de Gand : panorama de la ville de
GAND 1830.
H. 0,13g. L. o,i6g.
Gravé pour le Guide des voyageurs dans la ville de Gand,
par Aug. Voisin. Gand, 1831.
150. Portrait de Tacite.
H. 0,138. L. 0,096.
Gravé pour J.-M. Schrant. Ce portrait n'a été publié qu'en
1855 pour la Germania de Schrant, imprimée à Leiden. Il a
été tiré de cette planche des épreuves, en fort petit nombre,
avant la lettre sur papier de Chine.
151. Médaille de T. Van Berckel. Face et re-
vers; fond à lignes horizontales.
H. 0,063. L. 0,116.
Cette médaille, frappée pendant la révolution de 1787 par
les patriotes d'Utrecht, est la plus rare de l'œuvre de Van
— 371 —
Berckel. Presque tous les exemplaires en ont été détruits
par les Prussiens.
Gravée pour Geelhand, numismate à Anvers, qui possé-
dait cette médaille.
152. Médailles du cabinet de J. De Nayere.
H. 0,253. L. 0,202.
Cette planche reproduit 13 médailles du règne de Napo-
léon I. Inscription : médailles faisant partie du cabinet
DE J. p. DE NAYERE A GAND.
Quatre exemplaires ont été tirés avant la lettre.
153. Scheveningue. Vue prise de la plage.
Titre : bains a scheveningue. D'après un dessin
de P.-J. Goetghebuer.
H, 0,140. L. 0,214.
Il existe de cette planche un i^^"" état au trait, avant la
lettre.
154. Entrepôt à Anvers. D'après un dessin de
L. Roelandt. Inscription : entrepôt de commerce
EN CONSTRUCTION A ANVERS 183O.
H. 0,125. L. 0,213 1/2.
Il existe de cette planche gravée pour L. Roelandt un
premier état au trait, dont on n'a conservé que six épreuves.
155. Le château d'Orange. D'après un tableau
du général hollandais P. Groenia. Sur l'avant-
plan des rochers, un cours d'eau, des arbres, etc.
Une troupe de chevaliers sort du château. Ins-
cription : DEPART DE GUILLAUME dit AU CORNET.
H. 0,102. L. 0,123.
Les épreuves de cette planche n'ont pas été distribuées.
Un seul exemplaire a été tiré avant l'inscription.
ÔIJ,
156. Médailles de la révolution brabançonne
de Van Berckel (2 médailles, face et revers).
H. 0,137 1/2. L. 0,110.
Gravé pour Geelhand, numismate, à Anvers.
157. Le chasseur et ses chiens mis en juge-
ment par les animaux, puis condamnés et exécu-
tés. Inscription : allé te strenge heeren , doen
HAER GUNST IN HAET VERKEEREN.
H. 0,242. L. 0,293.
Gravure faite pour l'abbé Kervyn qui en distribua les
exemplaires à ses amis. Six épreuves furent tirées avant la
lettre.
Les collections de l'abbé Kervyn (livres, gravures, anti-
quités et objets d'histoire naturelle) furent vendues à Gand
en 1857.
158. Lettre d'Eug. Verboeckhoven à Rommel.
Fac-similé.
H. 0,136, L. 0,110.
15g. Carte d'adresse de Ch. Onghena : Ch.^ On-
ghena Dessinât' et Graveur à Gand. Rue des Champs,
N° 14.
H. 0,037. L. 0,072.
(A continuer).
Ferd. Vanderhaeghen.
— 373
VARIÉTÉS.
Les oeigines de l'oefévreeie cloisonîcée. Recheeches
SUE LES DIVEES GEKEES d'iNCEUSTATION , LA JOAILLEEIE
ET l'aET DES MÉTAUX PEÉCIEUX, PAE Ch^^LES DE LiNAS.
T. II, gr. in-S", 510 pp. — Le second volume de ce remar-
quable ouvrage a paru '. M. de Linas est un vrai savant;
un archéologue iafatiguable que l'amour de la science
n'abandonne jamais , qui ne se décourage point même
devant les questions les plus ardues et les moins intéres-
santes en apparence. Son œil investigateur ne laisse rien
dans l'oubli, et quand il a vu, il a bien vu tout ce qu'on
pouvait voir. Il décrit exactement et en détail, trop minu-
tieusement peut-être, l'objet dont il s'est emparé.
On comprendra qu'il n'est guère possible de consacrer à
un travail aussi important le compte-rendu qu'il mérite ;
l'espace et le temps nous manquent; mais, disons de suite
qu'il a sa place marquée dans toute bibliothèque composée
d'ouvrages d'histoire et d'archéologie, entre de Caumont, le
comte de la Borde, Viollet-le-Duc et tant d'autres savants
dont la France s'honore,
A défaut d'une analyse plus étendue, jetons les yeux sur
les chapitres de ce deuxième volume qui sera suivi d'un
troisième sur l'histoire de l'orfèvrerie cloisonnée.
» V. Messager des Sciences, an. 1877, p. 244.
— 374 —
Ce volume commence au chapitre VI qui traite des
barbares, que les écrivains grecs et latins peignent sous
l'aspect de tribus grossières, belliqueuses et farouches,
éloignées de la civilisation de cette époque. M. de Linas
démontre que les fouilles pratiquées en Suède et en Dane-
marck prouvent que ces barbares « avaient une civilisa -
» tion dont les débris accusent des aptitudes artistiques
» très-développées. »
Dans ce chapitre, l'histoire de la métallurgie artistique
des peuples de l'Asie est traitée avec soin et une parfaite
connaissance de la matière. Toutes les peuplades qui com-
posent le vaste empire des Czars y ont leur histoire depuis
la Crimée jusqu'aux contins de la Sibérie. La Russie chré-
tienne termine le livre.
A chaque pas il faudrait s'arrêter aux divers objets que
l'auteur décrit, mais cet examen nous entraînerait bien
au-delà des bornes qui nous sont imposées. Cependant,
signalons à l'attention des lecteurs du Messager^ quelques
pages où il est parlé du trésor de Maëstricht tant de fois
cité dans ce recueil.
Le trésor de Maëstricht renferme une tapisserie d'une
haute valeur archéologique et artistique. « C'est un ad-
» mirable holosericum sigillatiim, fond cramoisi, dit l'au-
» teur, dont les médaillons circulaires encadrent deux
» cavaliers galopant en sens inverse et perçant à coups de
» flèche les lions qui rampent à leurs pieds. La palmette
» d'amortissement, le bouquet feuillu compris entre les
» cercles, la bordure — une guirlande retenue par des ban-
» delettes en hélice — sont jolis, mais lourds et accusant le
» style romain de la décadence. Les personnages, nu-tête,
» ont une chevelure bouclée ; leur tunique étroite, desçen-
» dant jusqu'au genoux, et leur chiamyde flottante, sont
» diaprées ; un cothurne, laissant les orteils à découvert,
» les chausse. L'Orient n'a rien à faire ici, l'Occident y
— 375 —
» domine en maître. Évidemment contemporains de la
» chasLi])le de Saint-Servais (sacrifice aux Dioscures), les
» cavaliers de Maëstricht peuvent dater du IV'' siècle'. »
« Que l'étoife soit une réplique, dit plus loin M. de Linas,
» je veux bien le concéder, mais le carton original date
» certainement du IV" siècle; Fart byzantin n'imprima
» plus aux figures le mouvement énergique qui fait ici
» vivre en quelque sorte les personnages et les animaux
» éclos sous la navette du tisserand -. »
L'auteur termine son excursion sur le domaine de Vars
textrina en s'excusant de s'être écarté de l'orfèvrerie cloi-
sonnée.
Nous n'éprouvons nullement le regret de l'avoir suivi. Sa
dissertation sur l'origine de ces étoffes précieuses nous a
d'autant plus intéressé, que par leur nature elles sont
exposées à une destruction plus rapide. Chaque fois qu'une
vérification du trésor a lieu, l'air en y pénétrant doit accé-
lérer la décomposition des objets textiles qui s'y trouvent.
Quelque temps encore, et il ne restera plus de ces précieux
tissus qu'une poussière qu'un peu de vent fera disparaître.
M. de Linas s'occupe ensuite des bijoux sibériens. Cette
partie est pleine de détails curieux sur la bijouterie et
l'orfèvrerie de ces peuples que l'on qualifie assez prompte-
ment de harhares^ mais qui prouvent par leurs travaux
artistiques que ce terme ne leur est pas plus applicable
qu'aux peuples de l'Europe. « Les monuments antiques de
» la Russie, que nous venons de passer en revue, dit-il, sont
» d'abord grecs, romains, byzantins, perses, orientaux,
» c'est-à-dire étrangers. D'autres, paraissant fabriqués
» dans le pays même, diffèrent entre eux suivant les
* P. 236. Sur le trésor de Maëstricht voj'ez Retjssens, Éléments
(C archéologie chrétienne, t. I, p. 233, et le Beffroi, t. I, p. 353.
* P. 241.
— 376 —
» tribus barbares qui les produisirent : ces derniers, bien
» qu'offrant certains rapports dans leurs caractères géné-
» raux, manquent de Tunité, condition essentielle d'un
» art national. Il appartenait au christianisme, suprême
» fondateur des nationalités modernes, de coordonner les
» éléments épars, venus de points divers, et d'imprimer à
» leur ensemble la tournure particulière, le cachet spécial,
» qui font reconnaître au premier coup-d'œil qu'un objet
» provient de tel ou tel peuple '. »
Ce chapitre n'est pas le moins intéressant de l'ouvrage.
L'auteur y prend résolument la défense de l'art russe éclos
au XIP siècle et dont la marche progressive, constante,
manifeste jusqu'au XVIP siècle a été reconnue, mais plus
souvent méconnue.
L'appendice contient des notes et des dissertations
instructives et des appréciations importantes sur certains
objets traités précédemment. Ainsi, la note qui se rapporte
aux étoffes historiées antiques sera lue avec plaisir par les
archéologues belges. Le trésor de Saint-Servais à Maës-
tricht, en fait en grande partie les frais et Vholosericum
dont nous avons parlé, y est de nouveau mis en lumière.
Il y aurait peut-être des critiques à faire. Peut-être
faudrait-il modifier quelques affirmations trop prompte-
ment acceptées. Mais, pour cela il faudrait étudier l'ouvrage
au lieu de le lire. M. de Linas serait le premier à recon-
naître son erreur si elle lui était démontrée. N'en cherchons
la preuve que dans l'ouvrage qui nous occupe, où il avoue
avec beaucoup de loyauté et de franchise, qu'il a attribué
un jour à un automédon Lybien du cirque les grâces d'une
impératrice de Rome "^
L'ouvrage que nous venons d'analyser curente calamo, et
» P. 207.
« P. 237.
— 377 —
qui demanderait plus d'études pour l'apprécier selon son
im])ortarjce, est sans contredit et malgré certaines lacunes
inévitables, l'un des meilleurs sur cette matière. On ne
doit pas se dissimuler les difficultés qu'un tel travail ren-
contre dans sa marche. Il faut beaucoup de savoir, un
flair que l'archéologue passionné seul possède, et un tact
dans le choix des éléments, qui ne s'acquiert que par une
longue expérience, pour conduire une entreprise délicate
où les erreurs sont faciles à commettre.
En terminant, nous dirons que les gravures sont digues
de l'ouvrage et que les meilleures sont dessinées par M. de
Linas lui-même.
Le troisième et dernier volume est sous presse.
B^" K. DE V.
Le pétrole sue la place d'Anatîes en 1ô47. — Le
savant archiviste M. J. Jos. van den Branden, a eu Tobli-
geance de nous communiquer la pièce suivante qu'il a
trouvée dans les archives de la ville d'Anvers :
Eodem Primo die Sej)tembris 1547.
Gillis Moermeester apoticaire demeurant en la ville Dan-
vers confesse avoir achapté de Francisco Villado marchant
Italien, la quantité de unze casses qui font vingt et deux
flasquons de pietreole, pesantz en tout environ unze ou
douze livres, chescune livre a quinze pattars monnoye de
Flandres. Laquelle quantité de pietreole letlict Villado
pourra livrer audict Moermeester, à toute heure quand il
luy plaira, et ledict Gillis sera tenu de la recepvoir et
estant livré quant a quant sera tenu de payer deus casses
desdicts unze casses lesquelz il luy consignera presente-
25
— 378 —
ment, par tout le mois de jenvier, proucLain venant, et la
reste en dixhuyt mois après ensnyvantz, scavoir de quattre
mois en quattre mois deux casses, et une casse en deux
mois ensnyvantz, qui font ensemble dixhuyt mois, tout
lequel ledit Gillis promect ainsi comme dict est accomplir
et achever, soulz obligation de sa personne et biens pré-
sents et avenir. Et renuntiation de toutes exceptions, et
defences faisantz au contraire de cestes. Consentant et
requérant ledict Gillis de ce estre faictz instrumens pu-
blicque en forme meilleure. Faict an Anvers, présents
Adrien sHertoghen, notaire et Estienne du Faict, tes-
moings, etc.
[Protocolles du notaire Siyer sHertoghen 1544-47).
379
CHRONIQUE.
Cromcque contenant l'estat ancien et moderne du pays et
CONTÉ DE jSTaMUR, LA VIE ET GESTES DES SEIGNEURS, CONTES ET MAR-
QUIS d'icelluy, par Paul de Croonendael, greffier des finances
DU Rot. — Publiée intégralement pour la première fois et annotée
par le comte de Limminghe. — Première partie, comprenant depuis
les origines jusqu'à la mort de Philippe le Noble, 1212. — Un vo-
lume in-â", v-ix avant-propos, xi-xvi introduction, 361 pp. avec
33 blasons ou sceaux coloriés, et 2 en noir. — Bruxelles, chez
Fr.-J. Olivier, libraire, 1878. — Fr. Gobbaerts, imprimeur du Roi,
Bruxelles, 21, rue de la Limite.
Parmi les nombreux objets d'études qui sollicitent et occupent
l'activité intellectuelle de notre époque, les recherches historiques
tiennent sans contredit une place très importante. Je ne sais qui a
dit que le XIX" siècle serait le siècle de l'histoire ; toujours est-il
que les illustres travaux publiés en Allemagne, en Angleterre et en
France, semblent prouver la justesse de cette assertion. Ce qui est
certain, en tout cas, c'est qu'ils ont exercé une influence considé-
rable, non seulement par leur haute valeur scientifique et littéraire,
mais aussi par la nouvelle et féconde direction qu'ils ont imprimée
à l'étude de l'histoire. Le temps n'est plus oîi l'écrivain cherchait
surtout à intéresser son lecteur j)ar les agréments du style, par des
descriptions et des récits souvent plus élégants que fidèles, par de
pompeux et solennels discours qu'il prétait gratuitement à ses
personnages. Ce que l'on veut aujourd'hui, c'est la peinture exacte
des choses, dans l'ensemble et dans les détails, une appréciation
— 3S0 —
saine et éclairée des caractères, l'étude attentive et raisonnée des
causes et des effets ; en un mot, le tableau vivant et harmonique de
l'époque qu'on veut faire revivre. Mais ce besoin d'avoir et de taire
de Vhistoire vraie ne peut être satisfait qu'à la condition de se livrer
à un examen assidu et laborieux des sources, des monuments, des
récits ou des documents contemporains, qui constituent, en quelque
sorte, des témoins vivants des hommes et des choses qui ne sont plus.
Aussi, dans presque tous les pays de l'Europe, on a entrepris avec
passion l'étude des sources et des anciens documents historiques :
légendes des saints, vieilles chroniques, comptes de villes ou de
corporations, livres de fief et de cens, obituaires, tombes et monu-
ments funéraires, lois, ordonnances et règlements, tout est exploré
avec soin par une foule de chercheurs, aussi infatigable que savants,
qui rassemblent patiemment, et souvent au prix de rudes labeurs,
les matériaux épars dont un génie créateur construira quelque jour
un monument durable. Sous ce rapport, notre pays, toute proportion
gardée, n'est pas plus resté en arrière que sur le terrain de l'acti-
vité commerciale et industrielle. L'Académie, la Commission royale
d'histoire, la Commission instituée pour la publication des anciennes
lois et ordonnances de la Belgique, diverses sociétés particulières,
des institutions provinciales ou locales rivalisent de zèle et d'efforts
pour tirer de la poussière des archives et des bibliothèques les
documents qui peuvent jeter quelque jour sur l'histoire et les insti-
tutions du passé; beaucoup de particuliers même consacrent à de
semblables travaux leur temps et leur argent. Le nombre de ceux-ci
augmente tous les jours, et voici M. le comte de Limminghe qui
vient, à son tour, prendre parmi eux une place des plus honora-
bles en publiant la chronique de Paul de Crooneudael, dont il nous
livre la première partie en un magnititiue volume in— 4°, sorti des
ateliers de M. Fr. Gobbaerts, imprimeur du Roi à Bruxelles.
L'ouvrage de Croonendael , bien que resté inédit , n'avait pas
échappé à l'attention des érudits qui se sont occupés de notre his-
toire. Sweertius , Valère'André, Miraeus, Gratnaye, Sanderus, Fop-
pens, Paquot l'ont tour à tour signalé dans leurs ouvrages. M. de
Reiffénberg, qui a tant fait pour la publication de nos anciens écri-
vains nationaux, a imprimé, en tête de ses Monuments pour servir à
Vhistoire des provinces de Naniur, de Luxembourg et de Hainaut,
quelques fragments de notre chroniqueur naraurois. M. Borgnet,
- 381 —
dans la préface de son Histoire de Namur ; M. Bormans, dans son in-
troduction au cartulaire de Namur, ont également fait ressortir les
mérites de Croonendael. M. de Limminghe a donc rempli une vé-
ritable lacune en publiant cette chronique , d'autant plus que le
nombre des ouvrages spéciaux, anciens et modernes, concernant
la province de Xamur est passablement restreint.
Les renseignements n'abondent guère non plus sur la vie et la
carrière de Paul de Croonendael, seigneur de Vlieringhe en Hainaut ;
c'est que, au milieu des événements si agités de l'époque, il ne joua
sans doute qu'un rôle modeste et effacé. Resté fidèle au gouverne-
ment du Roi, il assista en 1568 au sanglant combat de Heyligerlée ;
mais, soit qu'il eût peu de goût pour les hasards sanglants de la
guerre, soit qu'il lui répugnât de combattre des compatriotes, il
quitta bientôt le service militaire et entra au Conseil des finances,
oîi il remplit successivement les places de greffier et de commis ou
conseiller. Il occupa les loisirs que lui laissait son emploi à compo-
ser sa chronique. Sa réputation de lettré devait être assez bien éta-
blie, puisque nous voyons les Archiducs le charger en 1614, con-
jointement avec Philippe Sterckx, de faire un nouvel inventaire de
la bibliothèque de Bourgogne. D'ailleurs Gramaye appelle son livre :
historiam liiculenter et fuse scriptatn.
Il est à croire que si Croonendael avait pu pousser son travail
jusqu'à l'époque même où il vivait, il aurait pu, grâce à ses relations
et à la position qu'il occupait, jeter de nouvelles lumières sur les
hommes et les choses de la révolution des Pays-Bas au XVP siècle.
En tout cas, son livre y eût gagné en intérêt; on n'y trouve pas en
effet ce charme pénétrant qui se dégage de la belle chronique de
Marcus van Vaei'newyck, récemment pultliée par M. le bibliothécaire
Ferd. Vanderhaeghen : livi-e admirable, où l'auteur raconte, avec une
réalité saisissante, les événements dont la ville de Gand et ses envi-
rons étaient alors le théâtre, et où, malgré sa bonhomie naïve et
bourgeoise, il s'élève parfois, à force d'émotion, aux accents d'une
généreuse éloquence. Malheureusement, le chroniqueur namurois
termine son ouvrage au moment où le marquisat passe à la maison
de Bourgogne. Il semble toutefois avoir eu l'intention d'aller plus
loin, et il témoigne en quelque sorte le regret de laisser son livre
inachevé, car il le termine en disant qu' « un jour il fera mieux sans
doute. »
— 3S2 —
Quoi qu'il en soit, la chronique de Croonendael présente un inté-
rêt réel pour l'histoire du paj's de Namur. Le tome premier, le seul
publié aujourd'hui, ne s'étend que jusqu'à la mort de Philippe le
Noble (1212). Après avoir traité, dans un premier article, des ori-
gines anciennes du comté, l'auteur nous donne un exposé assez dé-
taillé de l'état du pays, tel qu'il était à son époque. C'est peut-être
la partie la plus intéressante de la chronique, et M. de Reiffenberg
paraît en avoir jugé ainsi, puisque c'est le seul fragment qu'il ait
jugé utile d'imprimer. Après une description topographique vrai-
ment curieuse, Croonendael énumère soigneusement les richesses
naturelles du comté, et passe ensuite à la population elle-même
avec ses trois grandes divisions d'alors : le clergé, la noblesse et les
« comuns. « Gentilhomme lui-même et fonctionnaire, il revient
alors avec complaisance à son ordre, dont il cite les plus illustres
familles, donnant sur celles-ci des détails généalogiques très-spé-
ciaux et importants pour l'histoire locale. Enfin, il consacre le der-
nier article de son exposé à l'administration de la justice et aux
oiËciers à qui elle incombait.
De la description du pays, Croonendael passe alors à son histoire.
Il la commence « dès le temps que Charlemaigne donna le pays de
Namur au colonel Najone » , non toutefois sans avoir au préalable
rapporté « aucunes choses dignes de mémoire advenues et faictes
" en icelluy avant ledict temps. » Nous ne le suivrons pas dans
tous les développements de son récit. Il raconte, en suivant l'ordre
de succession, les règnes des princes, s'attachant principalement à
leurs faits et gestes militaires, à leurs acquisitions, à leui-s libérali-
tés et fondations religieuses.
Croonendael est un chroniqueur et non un historien. Cependant il
ne manque ni de critique ni de sagacité. Ce qu'il aime surtout, c'est
d'éclaircir les difficultés généalogiques ; il discute les questions con-
troversées et appuie ses assertions sur de longs tableaux de familles,
de nombreux extraits de chartes et des éi^itaplies. Dans le second
volume, nous le verrons aussi utiliser les comptes de la ville de
Namur. Cette manière de procéder accuse chez lui des tendances
sérieuses et un. amour de la vérité, qui lui font le plus grand
honneur.
D'autre part, le chroniqueur namurois, dans tout le cours de son
ouvrage, fait preuve de lectui'es aussi étendues que variées. Le
— 383 — •
nombre d'auteurs, tant anciens que modernes, dont il invoque ou
combat tour à tour l'autorité, est vraiment prodigieux. Il met même
une certaine coquetterie naïve à faire étalage de son érudition ;
comme, par exemple, lorsque, à propos du comte Henri l'Aveugle,
il cite une longue liste d'aveugles qui, à commencer parTiresias»
Polj'phême et Samson, ont, dans tous les pays et dans tous le s
temps, acquis un titre quelconque à la célébrité. C'est là un trait de
caractère qui lui est commun avec van Vaernewyck ; comme celui-ci
encore, il aime à couper parfois son récit de digressions morales et
pliilosopliiques. Tels sont les passages intitulés : « Que tous royaul-
» mes doibvent estre policiez de quelques loix auxquelles le i^rince
» se conforme » (p. 137) ; — « Que la convoitise des biens d'aul-
» truy n'a souvent le succès imaginé >i (p. 236). — « Que l'on ne
» doibt négliger l'antiquité i de son pays » (p. 330). — Passages
charmants de naïveté et de bon sens, qui reposent agréablement
d'une lecture quelque peu fatigante, et qu'on regrette de ne pas
rencontrer plus souvent.
Dans une publication comme celle qui nous occupe ici, la première
préoccupation de l'éditeur doit être de fournir un texte aussi fidèle
et aussi complet que possible. M. de Limminghe n'a pas négligé ce
point, parfois aussi malaisé qu'important. Déjà, en etïet, dans une
lettre adressée en 1767 à l'abbé Micbiels, vice-pléban de l'église Notre-
Dame d'Anvers, Paquot déclarait qu'il considérait l'impression de la
chronique de Croonendael comme une chose utile, mais le prévenait
qu'elle serait difficile à cause des leçons variées, des passages incom-
plets et des documents douteux qui se rencontraient dans le texte.
Dans une introduction placée en tête de l'ouvrage, M. de Limminghe
expose que des deux manuscrits existant à la bibliothèque de Bour-
gogne, il a choisi celui qui provenait de la collecton de Van
Hulthem, comme étant, à ses yeux, le texte original et même auto-
graphe de Croonendael. Il rend également compte des soins qu'il a
pris pour fournir à ses lecteurs le texte intégral du chroniqueur.
Enfin, il a enrichi l'ouvrage de nombreuses mais courtes notes indi-
catives ou explicatives, ces dernières destinées le plus souvent à rec-
tifier des erreurs historiques ainsi que l'ortographe vieillie ou
fautive de noms de lieux et de personnes.
* C'est-à-dire l'histoire.
— 384 —
Il ne nous reste donc, en finissant ce compte-rendu, qu'à féliciter
M. de Limminghe du service qu'il vient de rendre aux lettres et à la
science historique belges. Son œuvre est de celles qui, par leur
nature même, ne comportent guère les suffrages de la foule ; elle
lui assurera du moins l'estime et la considération des hommes
d'étude et de savoir. Ce sera la récompense méritée de ses tra-
vaux. Il est à souhaiter que son exemple trouve de nombreux imita-
teurs, et qu'il serve à propager de plus en plus le goût des patientes
et laborieuses recherches, si éminemment utiles à la connaissance
approfondie de notre histoire nationale.
Ajoutons enfin que l'ouvrage, magnifiquement imprimé sur grand
papier et orné de dessins exécutés et coloriés avec soin, fait hon-
neur à la typographie belge.
P. J. W.
— 385
UNE PIÈCE INEDITE
RELATIVE
A LA RÉVOLTE DES GANTOIS SOUS CHARLES-QUINT.
Peuple , méflez-vous de trilmns factieux
Qui voudraient briser vos entraves :
Bientôt de ces ambitieux,
Si les rois succombaient , vous seriez les esclaves.
Baron de Stisrart. Fables.
I.
L'histoire de la révolte des Gantois vers le mi-
lieu du XVP siècle, dont les conséquences furent si
terribles pour la capitale de la Flandre, la ville
« la plus puissante et ample de la crestienneté ', »
prend sa source dans cette longue suite de luttes
que les Flamands, mais surtout les Gantois, sou-
tinrent pour la défense de leurs privilèges et
de leurs libertés.
Au XIIP siècle ils s'étaient révoltés contre Guy
de Dampierre, qui voulait s'arroger le droit de
s'immiscer dans l'administration de la commune
' Gachabd. Relation des troubles sous Cha7^les-Quint , p. 72.
26
t)
— 386 —
gantoise, que le génie de Jacques van Artevelde
devait élever, un siècle plus tard, au plus haut
degré de puissance et de prospérité qu'une insti-
tution politique puisse atteindre.
Sous les ducs de Bourgogne cette lutte inces-
sante de la liberté contre le pouvoir se renouvela
plusieurs fois. Philippe le Bon eut à combattre
les Gantois dans les plaines de Gavre, sur l'Escaut,
où il leur infligea une sanglante et douloureuse
défaite , dont le récit nous est conservé par
Georges Chastelain et Olivier de la Marche , les
deux célèbres chroniqueurs de ce temps.
Charles le Téméraire, Maximilien et Marie de
Bourgogne eurent aussi de sanglants démêlés
avec leurs indomptables sujets. Il était réservé à
Charles-Qnint de clore cette série de combats du
pouvoir communal contre l'autorité du souverain
légitime.
La puissante organisation de la commune, son
amour de la liberté et surtout la constitution
guerrière des métiers, contribuaient largement à
développer cette tendance à la révolte chez un
peuple turbulent et fier de son glorieux passé.
Nous ne raconterons pas l'histoire du soulève-
ment des Gantois contre Charles-Quint. Des écri-
vains consciencieux l'ont traitée avec toute l'au-
torité qui s'attache à leurs écrits.
Ho3aick van Papendrecht, dans ses Analecta Bel-
gica, ou plutôt l'auteur anonyme dont le chanoine
Jean d'Hollander a pris la place \ en a parlé le
* M. Gachard est d'avis que cet écrit ne doit pas être attribué à
— 387 -
premier dans ses Mémoires sur la révolte des Gan-
thois en Van 1539 contre Charles V empereur des
Romains et Monarche des Espagnes, leur légitime
Seigneur, écrit Tan 1547 .
Vient ensuite M. Charles Steur qui a traité la
question avec beaucoup de talent, dans son remar-
quable mémoire intitulé : Insurrection des Gantois
sous Charles-Quint , et enfin M. Gacbard en pu-
bliant un manuscrit anonyme dans la collection
des chroniques belges inédites, sous le titre de :
Relation des troubles de Gand sous Charles-Quint.
Ces trois sources sont indispensables pour se
rendre compte des faits, pour les apprécier et en
tirer des conclusions exactes et conformes à la
vérité historique.
D'autres documents contemporains ont été pu-
bliés dans divers recueils, et tous jettent un rayon
de lumière sur cette époque si profondément trou-
blée; celui que nous allons communiquer n'inspi-
rera pas moins d'intérêt.
Sans doute après avoir lu ce que Hoynck van
Papendrecht, Steur et Gachard ont dit, il reste
peu de choses à y ajouter. Le procès est suffisam-
ment instruit pour faciliter la tâche de l'historien
et l'autoriser à se prononcer en connaissance de
cause.
Néanmoins, notre document a un cachet du
temps qui lui donne une incontestable valeur
d'HoUander, » personnage assez insignifiant, » mais qu'il doit avoir
été rédigé dans les chancelleries même du gouvernement pour l'in-
formation de l'Empereur. Rel. des troubles^ p. xxxi.
— 388 —
liistorique et Ton nous saura gré de le mettre en
lumière; mais, avant de produire cette pièce iné-
dite, disons un mot de la situation politique des
Gantois en Tan 1539.
Reconnaissons tout d'abord , que l'empereur se
serait montré moins sévère , si la populace sans
cesse excitée par des meneurs intéressés à semer
le désordre et la crainte, ne s'était emparée de la
direction du mouvement. Les excès de toute
espèce, les assassinats juridiques et autres, et les
spoliations qui se pratiquaient sur une grande
échelle, irritèrent le souverain et le disposèrent à
agir avec la dernière rigueur.
La révolte avait pris de vastes proportions. Le
magistrat de 1536 avait été chassé et plusieurs
de ses membres jetés en prison et exécutés après
avoir subi la torture. D'autres avaient pris la
fuite. De ce nombre était Philippe de la Kethulle,
premier échevin de la Keure. La pièce que nous
publions émane de lui et de ceux de ses collègues
qui eurent le bonheur de ne pas tomber entre les
mains des factieux.
Ce n'étaient plus seulement les privilèges qu'on
revendiquait, on en voulait à la vie, et surtout aux
biens des citoyens les plus dévoués à la com-
mune. « Passez oultre! criait-on, passez oultre !
» Le temps viendra de brief que possesserons de
» vos richesses à noster tour, car vous en avez
» assés possessés , et vous possesserés de nos po-
» vretez à vos tours ; si sçaurés que c'est d'icelles,
)) et nous sçaurons que c'est de vos richesses , et
» porterons vos belles robbes, et vous porterez
-- 389 —
» les nostres, qui sont bien laides et de petite
)) valleur ' . »
Ce langage menaçant est de toutes les époques.
Depuis celle des creessers ^ qui s'étaient emparés
du pouvoir communal, et bien longtemps avant
eux, mais surtout après eux, on a entendu ces
sinistres imprécations contre ceux qui possèdent
et dont plusieurs oublient qu'ils ont des devoirs
à remplir. Le prolétaire , comme on l'appelle au-
iourd'hui, creesser ou socialiste, ne cesse de con-
voiter le bien d'autrui et, comme il renie le
Décalogue, il vole et assassine ceux qui sont
favorisés de la fortune. C'est sa raison d'être ; il
n'en a pas d'autre. Les plurases ronilantes dont il
compose ses discours, sont toujours les mêmes et
produisent toujours le même effet sur la foule
aveugle et surexcitée jusqu'au délire.
Les forfaits des creesers étaient tels que lorsque
les bourgeois de Gand « veirent que les affaires se
portoient sy très-mal, et qu'elles estoient venues à
telle fin, ilz se repentoient bien fort d'avoir ainsy
mis ledit peuple et commun en Testât ouquel ilz
étoient lors , et les eussent voullentiers retirez ,
s'ilz eussent sceu , par aucun moyen ; mais pour
riieure il estoit trop tard '\ »
• Gachabd , Relation des troubles, p. 37.
^ Creesser, signifie creyser ou creyscher, j)leureur mutin. M. Steur
donne à la fin de son Mémoire une longue et intéressante note sur
cette dénomination, et le Messager des sciences, t. 1829-1830, p. 153,
contient un important article sur la faction des creessers. Ceux-ci
reçurent ce sobriquet dans une des nombreuses réunions tumultueu-
ses du mois de novembre 1539. V. le Mémorieboek , t. II, p. 161.
^ Gachakd, Rp,lation des troubles, p. 37,
— 390 —
En effet, il était trop tard. Des meneurs déma-
gogues de la pire espèce , « perdus de dettes
et couverts d'infamie ', » étaient au pouvoir. Ils
firent main-basse sur tout ce qu'ils purent attein-
dre. Ils fouillèrent dans l'histoire pour y cher-
cher des motifs de confiscation. Ils poursuivirent
d'une haine implacable les hommes les plus ho-
norables dont ils volèrent les propriétés. Leur
despotisme était tel que plusieurs bourgeois sau-
vèrent « leurs meilleurs biens meubles portatifz
et leurs lettriaiges liores de la ville de Gand ,
au mieulx qu'ilz peurent, mais ce fut a bien
grant peine et dangier de tout perdere , et meis-
mement se mectoient en dangiers de leurs vyes.
Les bourgois démourans hors sur leurs maisons de
plaisance , au villaige , estoient appelles de reve-
nir en la ville, et y rapporter tous leurs biens \ »
Il fallait réagir contre la tyrannie de cette foule
de gens sans aveu, arrivés de toutes les parties
du pays , flibustiers étrangers qui souillaient la
cause de la commune par des crimes et dont le
nombre était si considérable qu'en 1541, nonob-
stant les édits impériaux, le comte de Rœulx s'en
plaignit à la reine-régente. Les nombreux coquins
qui se trouvaient à Gand et au plat pays, man-
dait-il, « lesquelz disent plusieurs propos tendant
à sédition, avec plusieurs blasphèmes, tant de
l'empereur, que de ceulx qui le servent et s'en-
hardissent journellement de plus en plus qu'il est
» Steur, p. 84.
* Gachard , Relation dex troubles, p. 38.
— 891 —
besoing d'y mectre remède ' . » Il fallait repousser
cette foule séditieuse par la force; on ne le fit pas,
et Tagitation devint l'état normal du peuple ; elle
dura jusqu'à l'arrivée de l'empereur.
Avant d'aller plus loin , remontons à Torigine
des troubles et disons en peu de mots comment
la lie du peuple de Gand avait usurpé le pouvoir
et était devenue l'arbitre des destinées de la puis-
sante commune flamande et d'une grande partie
de la Plandre.
IL
Lorsque François F'', au mépris du traité de Cam-
brai, et profitant de l'absence de Cliarles-Quint ,
envahit à la fois l'Italie et les Pays-Bas , la reine
Marie de Hongrie , sans armée et sans ressour-
ces pour repousser l'envahisseur, demanda aux
États des provinces un subside extraordinaire de
1,200,000 Carolus d'or.
Les États de Flandre, composés des quatre
membres , Gand , Bruges , Ypres , et le franc de
Bruges, votèrent les 400,000 Carolus qui leur in-
combaient dans ce subside , mais Gand refusa de
fournir sa quote-part de 56,400 florins d'or.
La bourgeoisie, les cinquante-trois métiers et
la corporation des tisserands , tout en reconnais-
sant la nécessité de venir en aide au souverain
dans cette circonstance critique , rejetèrent la de-
mande de la régente , mais ils reconnurent cepen-
* Gachard, Relation des troubles, p. 449.
— 392 —
dant qu'il fallait repousser vigoureusement les
armées de TagTesseur qui s'était déjà emparé de
plusieurs places-frontières. Pour satisfaire à cette
obligation ils offrirent, par une délibération prise
en Collace le 29 avril 1537, un contingent d'hom-
mes. « Les trois membres de la ville entendoient
M ce faire par le grand estandart et par gens du
» pays comme autrefois. »
La régente refusa d'accepter une proposition
dont elle redoutait avec raison les funestes consé-
quences. De nouvelles négociations s'ou^Tirent.
Les Gantois , se fondant sur leurs privilèges ,
adressèrent un acte cVappel à lempereur, auquel
le Grand- Conseil de Malines fut chargé de ré-
pondre par un manifeste. Les Gantois y étaient
condamnés à joajer leur quote-part dans le sub-
side qui leur était demandé , sans pouvoir j sub-
stituer le contingent d'hommes qu'ils avaient
offert.
Dans ce manifeste on ne tint aucun compte des
prétendus droits de la commune. Les anciens pri-
vilèges garantissant aux Gantois qu'aucun impôt
ne pouvait être levé sans leur consentement , fu-
rent combattus, contestés ou niés. Les plus formels
furent considérés comme ayant été arrachés par la
force aux prédécesseurs de Sa Majesté.
L'imj)ôt fut d'abord perçu avec une rigueur ex-
trême, mais non sans conflits, dans les localités les
plus éloignées de Gand devenu le foyer de l'insur-
rection. Les esprits surexcités par des agents
provocateurs d'émeutes, n'attendaient que le signal
d'une explosion générale. L'horizon politique de
— 393 -
cette grande et belle cité, chargé de nombreux
orages, s'assombrissait de jour en jour. Le peuple
devint de plus en plus menaçant. La misère et
parfois la faim le poussaient à tous les crimes.
Une colère sourde grondait au sein de ces masses
indisciplinées et composées de tant d'éléments
divers.
Le magistrat ne trouvant plus d'appui dans les
corporations qui maintinrent inébranlablement
leur résolution de fournir un contingent en
liommes au lieu d'écus , ne sut à quel parti s'ar-
rêter. Son indécision, toujours mauvaise con-
seillère en pareil cas, lui suggéra l'idée de choisir
celui qui lui convenait le moins, celui qu'il aurait
dû éviter à tout prix. En effet, après une délibé-
ration tumultueuse à Thôtel-de- ville , il prononça
c( rappel au peuple » et se livra du même coup à
la merci de la démagogie la plus effrénée.
Le refus de l'impôt fut décrété sur l'heure, et
pour justifier une mesure aussi violente on revint
sur ce qui avait été contesté ou nié par le Grand
Conseil de Malines.
On était assez embarrassé de produire ces fa-
meux privilèges qu'on demandait à cor et à cri,
et surtout la charte de Vachat de Flandre , lors-
qu'un individu perdu dans la foule, s'écria qu'on
avait peut-être violé le secret de la ville, et enlevé
l'acte authentique qui garantissait aux Flamands
le droit de refuser le paiement de tout impôt
qu'ils n'auraient pas consenti. Il n'en fallut pas
davantage pour exciter la colère du peuple. Son
imagination, exaltée par des récits fantastiques
- 394 —
et absurdes, ne connut plus de bornes. On avait
pénétré nuitamment et avec le plus grand mystère
dans le Beffroi , et on avait enlevé du coffre de fer,
où les précieuses chartes étaient conservées avec
des précautions extraordinaires , celles que Ton
cherchait pour les détruire. Ce redoutable secret,
qui renfermait toutes les libertés de la commune,
avait été violé ! On cria qa'il fallait produire la
charte de rachat de Flandre ou punir ceux qui
l'avaient soustraite. L'exaltation s'emparant des
esprits , on racontait toutes les circonstances de
ce vol sacrilège. Un ancien échevin déclara que
par une nuit sombre et brumeuse passant devant
Tantique tour communale, il avait vu briller une
éclatante lumière dans la chambre du secret et qu'il
avait entendu le bruit sourd des coups de mar-
teau ' . La crainte seule lui avait fermé la bouche
et empêché de dévoiler ce qu'il avait vu pendant
cette horrible nuit. Ces propos excitèrent encore
davantage ce peuple crédule et impressionnable à
l'excès. Le magistrat de 1536 fut accusé d'avoir
perpétré un crime de lèse nation et incontinent on
décida de livrer tous ses membres à la justice de
la commune révolutionnaire.
Tel fut le premier résultat de « l'appel au
peuple. » Le magistrat, qu'on appelait le 7nagis-
trat des creessers, ne pouvant vaincre l'obstination
des corporations , s'était jeté dans les bras d'un
ennemi beaucoup plus dangereux. « Cependant,
dit M. Steur, il ne balança point à s'exposer aux
• Memorieboek der stad Gent, II, p. 130-lGG.
395
plus cruels reproches ; et quelle qu'ait été depuis
sa conduite, il ny a qu'une injuste prévention qui
puisse l'accuser d'avoir manqué à ses devoirs '. )>
Ce jugement nous parait marqué au coin d'une
indulgence excessive. Lorsque l'autorité qui a le
prestige du droit et la force pour le faire respec-
ter, se jette dans les bras d'une populace surexcitée
et égarée, elle y périt. C'est une faute capitale
qui ne peut engendrer que les plus grandes cala-
mités publiques. Quand le pouvoir légal perd
son auréole de respect , il perd aussitôt sa force ,
succombe dans la lutte ou devient le complice des
agitateurs et des meneurs de bas étages que les
sentines du pays et de l'étranger vomissent lorsque
la révolution lève la tête. Le vrai peuple, celui qui
travaille prie et élève sa famille chrétiennement,
ne doit pas être confondu avec cette tourbe que
le pillage allèche et qui ne se montre qu'aux plus
mauvais jours des tempêtes révolutionnaires. Veut-
on connaître la physionomie de la capitale de la
Flandre en 1539 lorsqu'on apprit la prétendue
violation du dépôt des chartes? Écoutons M. Steur.
« Partout où les factions dominent, dit- il, on
» voit la perfidie et la trahison en honneur. Le
» secret fut à peine divulgué que le peuple s'at-
)) troupa, les métiers prirent les armes, on garda
» les portes de la ville, les prisons, les carrefours;
» on fit suspendre les fonctionnaires suspects ,
» surveiller les bourgeois, décréter les saisies,
» l'emprisonnement, la confiscation, et l'on n'en-
' Steur, p. 47.
— 396 —
) tendait retentir partout que ces cris sinistres :
Aux traitres ! à la trahison ! Dès le commence-
ment des discussions , une foule d'étrangers
sans aveu étaient accourus de toutes les parties
de la province. Quelques-uns pour se soustraire
aux poursuites; le plus grand nombre pour
chercher fortune dans les troubles ; ceux qui
avaient quelques ressources les eurent bientôt
épuisées. Assaillis par les besoins, ils mendièrent
d'abord des secours; bientôt, s'affiliant à quelque
club de démagogues et, liés par des serments
solennels, on vit cette troupe d'aventuriers or-
ganiser avec la populace de la ville un système
de terreiu^ tel qu'en offrent tous les États où
régnent les commotions politiques. Aussi long-
temps qu'il y eut quelqu'ordre dans les assem-
blées de la commune , ces agens de troubles
durent rester à l'écart, mais lorsque les passions
eurent enflammé l'esprit du peuple et poussé
loin de leurs devoù's quelques ambitieux, alors
épiant l'instant où leur intervention pouvait
passer inaperçue, ils se glissèrent parmi les
membres de la commune et mêlèrent leurs
suffrages à ceux de la bourgeoisie '. »
On ne saurait mieux dépeindre l'anarchie ré-
gnant à Gand sous la domination des creessers qui
s'étaient emparés de l'hôtel-de-ville où ils avaient
décrété au milieu de la confusion et le tmnulte, le
refus de payer l'impôt dû par le premier membre
politique des États de Flandre.
' Steoi, page 47.
— 397 —
Il est vrai que les fautes commises par les mi-
nistres de la régente , leur faiblesse et parfois
leurs rigueurs contribuèrent pour une large part
à gTandir l'insurrection, dont le flot tumultueux
ne cessait de monter.
Il ne peut nous convenir d'entrer dans de
longs développements sur ce mouvement révolu-
tionnaire, que les circonstances et les excès des
démagogues et de la populace, réunis à quelques
corporations mutinées, grossirent. La bourgeoisie
honnête s'effrayait de la prépondérance que cette
foule en délire avait acquise, répandant la terreur
dans toutes les classes et principalement dans celle
des riches qu'on pillait et dont la vie était con-
stamment menacée. L'industrie, alors si prospère,
était arrêtée dans son essor. Tout travail avait
cessé et la misère montrait ses haillons dans les
rues qu'une foule inquiète et toujours armée par-
courait sans cesse. C'est dans ces circonstances
que l'empereur arriva à Gand.
Charles-Quint fut sévère, dur et cruel envers la
ville qui l'avait vu naître ; aucun historien ne
saurait le nier ; mais , si la punition qu'il lui
infligea fut terrible, faut-il en conclure qu'elle fut
injuste? Assurément non. L'empereur, convaincu
de son droit, usa de sa puissance pour couper
dans lem^s racines ces tendances perpétuelles à la
révolte qui depuis tant de siècles troublaient la
paix publique et compromettaient la sécurité et
rintégrité de ses États. Les documents publiés
attestent que ces craintes n'étaient que trop
fondées et parmi les nombreuses pièces qui en
— 398 —
témoignent celles que notre archiviste général,
j\I. Gacliard, a publiées , ne laissent plus le moin-
dre doute à cet égard. Il ne serait pas difficile
d'en trouver, où le but des chefs de Tinsurrec-
tion est bien clairement déterminé. <( Un fait
d'une haute gravité a été reproché aux Gantois ,
dit cet auteur. On les a accusés d'avoir envoyé
des députés à François P^ pour lui offrir la sou-
veraineté de la Flandre; et ce qui a donné du
poids à cette accusation , c'est qu'elle reposait
sur le témoignage d'historiens contemporains,
ordinairement bien informés ^ » Et parmi ces
témoignages il cite celui de Du Bellay. Hélas !
on en trouverait d'autres qu'il serait peut-être
rûoins facile de récuser.
Malgré les affirmations imposantes de l'histoire,
M. Steur n'admet pas qu'un semblable projet ait
existé. (( Je défie qui que ce soit , dit-il , de trou-
ver dans les volumineuses enquêtes judiciaires
tenues à Gand, et dont les originaux existent
encore dans les archives de la ville, un seul in-
terrogatoii^e , une seule réponse qui se rapporte,
même indirectement, à l'existence d'un aussi
infâme complot. »
Nonobstant cette dénégation formelle pleine de
patriotisme, nous affirmons que cet a infâme com-
plot » a existé. Les documents découverts par
M. Gachard douze ans après la publication du
Mémoire de M. Steur, en font foi.
' Gachard, Introduction à la relation des troubles sous Charles-
Quint, p. xxni.
399 —
Hâtons-lions de tourner cette triste page de
notre histoire et disons bien haut que ceux qui
proposèrent de vendre leur pays à rétranger
furent des hommes tarés , méprisés , et indignes
de porter le nom de citoyen flamand.
m.
Abordons maintenaint le document dont nous
avons parlé.
Plusieurs membres de la magistrature de 1536,
décrétés de prise de coi^ps , avaient réussi à se
soustraire par la fuite au sort qui les attendait.
En eftét, quelques-uns, et parmi eux le grand-
doyen Liévin Pin, hôtelier de l'hôtelerie : la Cloche,
furent mis en état d'arrestation , soumis à la tor-
ture avec une cruauté inouie , et payèrent de leur
vie une confiance trop absolue dans la justice de
leur cause et dans Téquité de leurs juges.
Quand Charles-Quint eut châtié les creessers
et que les têtes de leims chefs, tombées sur l'écha-
faud, furent exposées sur la porte de \di>Muide, et
que la justice impériale fut apaisée, les magistrats
fugitifs s'adressèrent au monarque pour obtenir
la restitution de leurs biens confisqués par la
commune révolutionnaire.
Cette intéressante requête ne se trouve pas
parmi les pièces qui ont été publiées. On y re-
marque une description exacte et sans contredit
plus complète , que celles qu'on a données du
— 400 —
fameux secret de la ville , principale cause de
la révolte et des malheurs qui en furent la suite.
Voici ce document précédé d'un sommaire.
Les suppliants sont accusés d'avoir faussement rapporté à la
reine-régente la mission dont la ville de Gand les avait chargés.
Cette accusation a été reconnue dénuée de fondement. —
D'être entrés secrètement dans le Beffroi et y avoir soustrait
plusieurs privilèges et notamment Vachat de Flandre. — Des-
cription du secret de la ville et du coffre de fer. — Ordre d'ar-
rêter les suppliants est donné au grand-bailly de Gand. — Liévin
Pin , grand-doyen , est saisi , jeté en prison , livré à la torture et
exécuté. — Les suppliants ont pu se sauver. Leurs têtes sont
mises à prix et leurs biens confisqués. — La commune de Gand
a cassé les ordonnances et les édits de l'empereur. — Les sup-
pliants prient Charles-Quint de leur faire restituer leurs biens
et de les recompenser des peiues et des outrages qu'ils ont souffert.
« A l'Empereur,
» Remonstrent en toute humilité et révérence Philippe
de Kethule, Jacques van Melle avecq leurs consors esche-
vins de la Kuere de la ville de Gand pour lannée commen-
chant a my aougst XV'' XXXVI et finissant a my aougst
XXXVII, tant pour eulx comme collège des eschevins de
la Kuere, que deux doyens et pensionnaires servans audict
tamps. Comme iceulx supplians par commission de Vos-
tre Imp. Majesté sont esté commis , esleuz et establis
eschevins et doyens pour administrer la dicte ville et
affaires dicelle pour leclict temps et année ; et lesdicts pen-
sionaires par eulx prins ou continuez pour en ce leur assis-
ter. Lesquels estatz ils et chacun deulx en son endroict,
ont bien loyaulment et deuement exercez sans avoir faict
ou commis chose quelconque contre Vostre Ma^^ leur sou-
verain seigneur, ne aussy contre ne au préjudice des droits,
priveleges ou préhemmence de Vostre ville de Gand ne
communaulté dicelle. Toute fois ladicte communaulté cher-
cant coideur et pretext de povoir effectuer la commotion de
I
— 401 —
longue main, comme il est à craindre, conceue et emprise,
a voulu chercer lesdicts supplians et principallement de
deux poinctz, assavoir, que sur la demande des IIIP M
florins faicte par la Ma*^ de la Roynne douaigiere dHongrie
Régente et Gouvernante en labsence de Vostre Ma*^ des
pays de pardeca, Vostre bonne soeur, pour résister aux
ennemis lors estans aux pays, ils auroient porté et donné
aultre responce que la résolution de la Collace contenoyt,
dont le contraire appert et apperra plus amplement se
besoing soit par la collation et conférence des prétendues
responces de la dicte Collace a celle baillée à la Ma*^ de la
Pioyne fut ung peu plus civillement et reverentement cou-
chée pour la reraonstrer à la princesse, que celle de ladicte
commuuaulté. Et se demonstre bien que par les supplians
en baillant icelle responce riens na esté faict que a bonne
foy et intention et sans malice quelconcque pour ce que
incontinent après la responce et présentation dassister
Vostre Ma*^ de gens de guerre par les députés dudict Gand,
faicte selon la charge et instruction quils en avoient et par
la Ma*^ de la Roynne acceptée, et déclaire quelle feroit
sonner le tambourin pour enroller tous ceulx qui en voul-
droient servir. Iceulx députés retournés et ayans faict bon
et léal rapport de leur besoiugne, lesdicts supplians ont
derechef faict assambler ladicte communaulté et remon-
stré de mot a aultre la susdicte responce et acceptation
de Sa Ma*^ , requerans de vouloir adviser quelque moyen
pour recouvrer argent pour payer les gens de guerre par
eulx présentés au service de Sa Ma'^ , ou à tout le moins
approuver les moyens par lesdicts supplians mis en avant
et proposés. Sur quoy par ladicte communaulté veullant
recuUer comme il sembloit, de leur première présentation,
a esté déclairé quils entendoient avoir faict ledict offre et
présentation avecq le grand estandart, démonstrans par ce
quilz ne cliercoient que commotion, pillaige et gastement
27
— 402 —
dung pays, sans pour lors aucunement chargier lesdicts
suppliants davoir mal ou aultrement quil appartenoit,
versé ou porté là susdicte responce, ce quils eussent faict
sils eussent eu cause ou occasion. Et depuys les supplians
entendans que aulcuns mauvaix esperitz deux ou trois
ans après ladicte responce les vouluerent encoulper de
lavoir aultrement faicte quil appartenoit, se sont trouvez
en leschevinaige finissant à my aougst XXXIX, vers les
eschevins requerans auctorité et povoir de poursuivre ung
Jacques van Quickelberghe ' demourant à Audenarde. Le-
quel ilz entendent avoir esté la source et aucteur de ladicte
contreuvée famé et renommée et tous aultres quils eussent
daulcune chose ou malversation, voulu encoulper adfin de
ce estre purgies. Ce que lesdicts eschevins leur accordèrent
mesmes aux despens de ladicte ville, declairans en oultre
par exprès que les supplians ne furent aulcunement en ce
coulpahles. Et a icelle déclaration depuis esté retirée par
les eschevins modernes et absolvant aulcuns desdicts sup-
plians et eschevins des parsone dicelle année XXXVI.
Lesquels à la cause que dessus sont esté longuement dete-
nuz prisonniers, comme le tout appert par actes sur ce
despeschiés ^.
» Secondement ladicte communaulté a volu chargier
lesdicts supplians davoir esté au Belfroit et secret de
ladicte ville et prins, vendu ou bruslé leurs prétenduz
» Jacques van Quickelberghe était échevin d' Audenarde. Il fut en-
voyé à Bruxelles pour délibérer avec les envoyés des villes de
Flandre sur la demande du subside de 400,000 carolus d'or. Le
Supplément de la Relation des troubles sons Charles-Quhit contient
plusieurs pièces concernant ce personnage et le fait dont il s'agit
* Il est évident que l'on accusait de mauvaise foi les délégués
envoyés par la commune à la régente, qui ne voulait accepter à
aucun prix la proposition dangereuse de fournir le contingent par
le moyen du grand étendard, racolant les gens les plus mal famés ,
indisciplinés, mutins et pillards.
- 403 —
privilèges et mesmes certain achapt de Flandres par eulx
songé et par vraye malice excogité soubz umbre comme les-
dicts supplians présument et audict an XXXVI en certain
procès que ladicte ville avoit pendant au Grand Conseil
de Vostre Ma^^ contre Vostre procureur général avoient k
exhiber copie autenticque de certain privilège du conte
Guy reposant audict secret trouvans par le trespas daul-
cuns doyens ayans en garde les clefz de la salette dedens la
tour de Belfroit où les gens se rassemblent quand on va au
secret desdicts privilèges, aulcunnes desdictes clefz estre
demainez firent par M*'" serrurier et ouvriers jurez de la-
dicte ville ouvrir la serrure, dont les clefz estoient par-
dues, bien saichans que eust esté comme il seroit eucoires
impossible, ils eussent peu ou scheu mal user quand audict
secret ou les privilèges reposent massonnees au mur dudict
Belfroit et cloz par trois divers huys dont le premier est
barré et couvert de fer, le second sont pierres blanches
aussy barrés de fer et le tiers de bois et chacun diceulx
huys serres a plusieurs serrures, dont les clefz reposent en
une traille de fer forte et massive à la maison de la ville de
laquelle traille les eschevins ont les clefz en garde. Et icelle
sallette ou poterne par les ouvriers ouverte sans que par-
sonne du monde y a entré que eulx, comme il appert bien
par leur tesmoingnaige sur ce faicte pardevant lesdicts
eschevins et la serrure refaicte, les supplians allèrent au-
dict secret portans publicquement les clefz et observans
les solempnités danchienneté observez, faisans collationner
par les commissaires ad ce commis ; ce dont ils avoient be-
soing sans plus avant toucher audicts privilèges. Et com-
bien que par les eschevins de lannée finissant XXXIX
publicquement en la ouverture de certaine Collace a esté
dict et déclairé et remonstré, la dessusdicte commuuaulté
que les supplians nestoient aulcunement coulpables des sus-
dicts pointz, mais ils se avoient bien et loyaulment acquic-
— 404 —
téz en leurs estatz et services, et que à tort et sans cause
par aucuns malveullans estoit après eulx semée ladicte
mauvaise famé, bruyt et renommée aussy que les inven-
toires des privilèges reposans tant audict secret que en la
maison de la ville, estoient visités et trouvés fourniz en tous
leurs poincts et articles '. Toutteflois, ladicte communaulté
de ce non contente et continuant en son maulvais propos
seflforcans deffectuer leur emprise, ont dune fureur tyran-
nicque, requis au grand bailly de Vostre ville de Gand"^ de
* Il n'est pas sans intérêt de recueillir les bniits qi;i circulaient
dans le peuple au sujet de la violation du secret de la ville. Voici
d'après une chronique inédite , intitulée Cronycke van Gendt ende
Rupelmonde , ce qtii se disait.: « Op den dysendagh en wilden vau
ghelycken glieen neiringhen verkiesen, maer de deken met hun
gheswoorne vonden liunlieder t'saemen en vergaederde S* Michiels,
daer naer Fimns rander Grcicht, heere van Schardau , hooglibailliu
van Gliendt, met eeniglie scliepenen die by hunlieden quaemen.
Daer was by den deken uyt last van de voornoemde neiringhen den
hooghbailliu gheseyut, dat hy vanghen saude de gène die f lant
belast hadden sonder H consent van de 3 leden , en oock de gone die
int secreet gheiveest hadden by nnghte en by snhtielhede , daer uyt
ghenomen dat hun lieden belieft hadde. Den hooghbailleu hoorende
liun verstoordheyt van t' gemeente , en dorste niet laeten , maer
begherde dat sy heurlieder last schrit'telyck stellen sauden ; t' welck
aldaer ghedaen was. Soo is den voernoemden hooghballeu van daer
vertrocken naer schepenhuys en te Putte comeude , heeft daer
ghevonden Lievin Pin , werdt in d'ostelerye ghenaempt : « de
Clocke, » en heeft hem aldaer ghevanghen ghenomen, en den
selven dagh noch ghevanghen Ja>i van Waesberghe ; en dat hoo-
rende Minier van Huffelghem , tweede schepenen van der Keure ,
Jacob van M elle , Jan De Backer, P Bartho., Lievin Myteenàe Joos
De Graeve , vyfde schepenen van der Keure , hebben hunlieden al
gheabsenteert en s}ti ghevlught uyt de stadt. »
Ce manuscrit inédit nous appartient ; il renferme des détails très-
intéressants qu'on ne trouve pas dans le Memorieboek.
* Ce grand l)ail]i était François vander Gracht, chevalier, seigneur
de Schardau. Il quitta la ville le 18 octobre 1539 et n'y revint que
le 4 février 1540. Ce personnage dit dans une lettre qu'il adresse
au magistrat de Gand et qui fut lue publiquement en séance de la
— 405 —
prendre aux corps et constituer prisonniers tous les esche-
vins de la kuere, pensionnaires et grands doyens aians
servy audict an XXXVI. dont ung nommé Lievin Pien, lors
grand doyen, a esté appréhendé et contre tout ordre de
droit et justice si inhumainement et tyrannicquement
traicté par diverses et itératives torture et que pis est mis
à lextreme supplice que cest ungne horreur de le reciter ' .
Et aulcuns aultres ont esté constitués prisonniers et jehen-
néz, à lappetit du peuple, tellement que ung diceulx est
mort en prison. Et pour ce que les supplians craindans la
fureur dudict peuple sestoient absentés, a par ladicte com-
munaulté esté- advisé et conclu par son de trompet de car-
fours en carfours de ladicte ville, que tous ceulx quy avie-
seroient illecq aucuns lesdicts supplians et absentés au-
roient pour leurs gaiges et salaires cent Karolus dor. Et
depuis apperchevans que par ce moyeu ne sceurent effectuer
leur maulvaise et tirannicque emprise, augmentèrent icelle
somme jusques a six cens florins, ordonnans que les noms
et surnoms diceulx seroieut placquiéz aux portes de toutes
les villes de Flandres et pays circomvoisins, baillans plu-
sieurs bannis et mauvais garnemens povoir et commission
sur le seau de ladicte ville, de prendre au corps et amener
Colace , qu'il a quitté la ville pour se soustraire aux menaces dont il
était l'objet de la part du peuple ou pour mieux dire : des creessers ;
menaces tellement terribles , pa7-aît-il , quïl laissa la responsabilité
de ses fonctions au sous-bailli. L'AppENmcE contient un extrait du
Memorieboek , indiquant sommairement les termes de cette lettre. Il
est certain que le grand-bailli eut mieux fait de rester à son poste.
Son hôtel existe encore Rue basse (Onderstraat). Le Messager des
sciences, année 1855, pp. 304 et 309, a donné deux gravures de
cette construction au XIV" siècle et au XYll". La porte d'entrée en
ogive porte encore l'écu des vander Gracht , qui est d'argent au che-
vron de gueule accompagné de trois merlettes de sable.
' Les chroniques de l'époque et les historiens sont d'accord sur
ce point. Les supplices que Lievin Pin eut à subir dépassent
l'imagination.
— 406 —
lesdicts absentés au nombre de XXV ', dont aulcuns ont esté
pourchassés jusques à la ville de Bruxelles et les aultres
gectés sur les chemins et cherciés es lieux tant ecclesiastic-
ques que prophanes, nonobstant que aulcuns furent ja pier-
cha estes au service de Vostre Ma*^ tant en vostre grand
conseil que en vostre conseil en Flandres et parainsy nulle-
ment pardevant eulx justiciables ; les ainsy blasmans et
scandalisans si avant que en eulx estoit comme sils fussent
esté meurdriers, boutefeus, hereticques ou convaincus
daulcuns grandes exhorbitans délicts. De ce non assouffis,
les appellerent fugitifs, traîtres et larrons, faisans sur et es
maisons daulcuns diceulx forces et violences, concluans en
leur Collace quon mectrait en leurs maisons gardemaneurs
vendroit leurs biens au prouffit de la ville comme sils eus-
sent esté confisqués directement contre le privilège de la-
dicte ville de lexemption de confiscation dont aulcuns
desdicts supplians eulx mesans de negotiacions et mar-
chandises aultres aians quelques estatz, ofiices ou pratic-
que, sont griefvement esté intéressés, adommaigés et des-
truicts. Et par dessus ce que dict est ladicte communaulté
postposant Ihonneur, révérence et obeyssance quilz doivent
à Vostre Ma*^, leur souverain seigneur, se sont avanchés de
casser les actes par Vostre Ma*^ despeschiés non se veullans
régler selon la paix de Cassant statue et ordonne sur les
affaires de Vostre pays des Flandres comme sils fussent
esté supérieurs, comme les supplians espèrent que Vostre
Ma*^ est a plain informée; ce que nest à tollerer ne à
souffrir en ung pays de justice. A raison de quoy lesdicts
supplians comme bons et loiaulx subiects de Vostre Ma*^,
leur naturel et souverain seigneur, fontaine de justice,
prendent leurs recours en toute humilité et révérence vers
» Leurs noms sont cités dans le Memorieboek, t. II, p. 144, et dans
les ouvrages qui traitent de l'histoire de Gand à cette époque.
— 407 —
icelle leur seul refuge. Prians et supplians que le nol)le
plaisir de Vostre Ma*^ soit de les prendre en Vostre pro-
tection et saulvegarde , dy mectre ordre et soumirement
pourveoir que iceulx supplians sans rostre .... désolés,
puissent estre reparrés des injures, blasmes, forces et vio-
lences par eulx inférés et aussi récompensés des pertes,
dommaiges et intérêts par chacun deulx en son regard
soufïertz et pourroient ancoires souffrir comme cy après
en tamps et heure les affaires estans ad ce disposés. De-
claireront et veriffieront comme il appartiendra oîi en tout
le moins les faire ouyr et traicter en justice ordinaire
contre ceulx de Gand pardevant ceulx de Vostre grand
conseil. Et ferez bien. »
Sur le dos était écrit :
« Copie vander supplicatien by schepen vander Keure die
aenquamen talf oigst XV'" XXXVI eyndende XXXVII, mits-
gaders beede dekenen ende pensionnarissen vanden zelven
jaere, als fugitiven der K. Ma*^ overgegeven binnen der
stadt van Bruessele den xi''" february XV' XXXIX. »
La réponse de l'empereur à cette requête fait
défaut.
Cependant, il serait difficile d'admettre que les
magistrats de 1536, qui furent les premières vic-
times de l'insurrection, aient été éconduits. De
nombreuses réhabilitations furent accordées et il
n'est pas probable que Philippe de la KethuUe ,
premier échevin de la Keure , ainsi que ses collè-
gues n'aient pas été entendus. Il faut que le dossier
qui les concerne soit perdu , ou qu'il ait échappé
aux investigations les mieux dirigées \
* Le Memorieboek, t. II, p. 178, rapporte: « Item ten selven
— 408 —
Les conséquences de la j^unition impériale se
firent bientôt sentir. Quand les gens sans aveu
eurent quitté la ville , les gens de bien reprirent
courage. La sécurité publique reparut peu à peu.
Le commerce et l'industrie , si florissants autre-
fois , reçurent une impulsion vigoureuse en re-
prenant un nouvel essor. La population gantoise
active et laborieuse se livra de nouveau avec
ardeur à ses travaux, sous la protection de la
concession Caroline, œuvre remarquable de légis-
lation que Tempeureur venait de lui donner. La
prospérité et la richesse qu'un jour de domina-
tion d'une faction démagogique avait fait dispa-
raître, reparurent à l'horizon politique de l'an-
tique cité flamande , qui avait chassé tous les
creessers et autres brouillons étrangers , fauteurs
de troubles et de désordres.
Huit ans après ce grand drame , Tempereur,
vainqueur à Mulhberg , fit son entrée triomphale
dans sa bonne ville de Gand, qui le reçut avec
des démonstrations d'une sincère allégresse, dont
le souvenir est resté dans la mémoire du peuple ' .
B"° Kervyn de Yolkaersbeke.
rlaghe (24^" sporkele — februaii) was by trompetslaghe gheboden
achter Ghent, van weghe der M., als dat de selve zjiie M. ontlaste
aile de fugitycen van zes hondert keysersguldea, daer op dat se die
van Ghent ghestelt hadden, ende dat elc van den fugitiven binnen
der stede van Ghent commen saude binnen acht daghen naer publi-
catie, ende hemlieden deffenderen van 't ghuent dat men hem-
lieden ansegghen wilde voor eeneghe personagien daer toe ghe-
denomeert, ende daer toe ghecommitteert van weghe der K. M. »
' Nous avons publié cette brillante entrée dans le Messager des
sciences , année 1874, p. 343, sous le titre : la Victoire de MuUiberg.
— 409 —
APPENDICE.
Extraits du Memoeieboeck der stadt Ghent.
« Item, den (xxiiii) in Hoeymaent was 't wederomme
colatie, maer de assysen en wierden niet gbeconsenteert te
verpachten voor dat correxie ghedaen zyn zoude van de
ghene die dloot besicst hadden leyten den sloote van cola-
tien, ende ooc die men ten laste legde van eeneghe 'preve-
legien, die by hemlieden ontvremt zyn zauden, mits dat
eenen Pieter De Voocht, filius meester Andries, der stede
smet, te kennen gaf als dat hy in 't jaer XXXVI uut laste
ende by bevele van meester Philips van de Ketidle, in dien
tyt voorscbepene van der Kuere, een slot ofsecreet van den
secrète in 't Belfroot.
» Item, den xxvni in Hoeymant ginc men wederomme
in V secret^ ende men baelde ute de lote met der A, ende
brachtse op den colatiesoldere, ende men begonste te lesen
ende uut te scryvene de privilegien, ten bysyne altyds
van eenigbe dekenen ende aile andere die 't geliefde te
commene.
» Item, van ghelycken dat men 't goet van de fugityven
toesegbele, ende in de buesdatie wel doe bewaren, ten
minsten in de buus met souffisanten mannen in vorme van
wettebodeu (Id.,p. 130).
» Item, begheeren ooc te zien den coop van den lande
(Id., 131).
» Item, dat men drye sleutels van den secrète gheve drye
Dehens, ende altyds van j are te jare verandere (Id., 131).
» Item , op Sente Luucxdach den xvni october (S*-Luc)
des morgbens, trac de hooghbailliu uut Ghent naer Mecbe-
len, ende liet also de stede van Gbent, "waeromme dat
groote murmuratie quam onder't vole (Id,, 153).
— 410 —
Item, dat de onderhailliu de officie bedienen saude alle-
leens of de lioochbailliu in stede ware, daer toe dat men
hem presenteerde XII hallebaerdiers fsynder assestentie
ter stede coste (Id., 154).
» Item, ten voorseiden daghe was op den Colatiesoldere
eenen brief gbelesen die de lioochbailliu ghescreven hadde
aen scepenenvaii Ghent, inhaiidende als datter lieden bin-
nen Ghent waren die daghelicx in 't scepenhuiis ende ooc
achter straten maecten veel segghinghe van der privilegien,
ende waren nochtaus de gheue die daghelicx ghemeeuscip
maecten met eeneghe fugityven cleser stede, ten anderen
als dat hy hem niet vericonderen en mochte van synen ver-
trecken, want hy seer corts voor syyi vertrechen^ icas van
eenighe persoonen soo toeghesproken als dat hy niet en
saude icillen ont half syn goet noch eens in sulcke vreesen
syn; screef ooc overe als dat hy ter stede van Ghent, in 't
hof synde, meer profyts doen soude dan oft hy binneu der
stede van Ghent bleven ware (Id., p. 155).
» Item, up den vierden dach van sporkele quam binnen
der stede van Ghent minheere van Rues ende minheere de
hoochbailliu van Ghent, îcelke uut Ghent gheioeest hadde
van sinte Lucx-daghe, den xviif^ october lestleden ende
waren inghehaelt met den goeden mannen van der stede
te wetene : de ghedeputeerde die te Valenchiene gheweest
liadden ende andere goetwilleghe, die 't believden te rydene
cm der stede van Ghent eere te doene (Id., 173). »
EXTEAIT DE LA CHEONYCH VAN GhENDT EN RUPELMONDE
{Manuscrit).
« Den 17 septeraber vrough vont hem groote menichte
van elcker neiringhe in de donderstraete ten huyse van den
hoochbailliu en daer was den roup weer ghevanghen t'heb-
ben Jan van Waesberghe en Lieven Lamins ende sommighe
— 411 —
van de scepenen eu terstoudt wirdt glievanglien Lieven
Donaes en Joos Seys d'oude, beede iegliemvoordiglie sche-
penen van der Keure. En Jan van Waesberghe meenende
Lun t'absenteren ghecleet in vrouwe cleederen met een
faille en acliter hem een camenist, weer sy worden by den
polder bekent van de drooghscheirders die welcke hilden in
hunlieder huys. En t' selve vernemende volgliden den voor-
noemden Jan in t'huys van Jacob Parmantier daer hy
vloot en over een muer clom tôt in de byvanck van Symoen
Borluyt daer hy ghevanghen wirdt, soo van ghelycken
ghevanghen wirdt Lieven Lamins. En doe wasser een nieu
vergaederinghe van aile de neiringhen eude de wevers in
huerlieder huysen en hunlieden was ghevraeght van weghen
schepeuen wat men de ghevanghenen doen saude, maer en
hadden gheen antwoorde of ten was wel 12 hueren in den
naght, en sanderdaeghs was Jan van Waesberghe ter exa-
men broght naer noen, présent dekenen en gheswoorne van
de wevers insghelyks eenighe notable van de poorters
vergadert van ten 2 tôt den 6 (p. ccl).
» Den 4 february kwam binnen Ghent den graeve de
Reux en M"" her Frans van der Gracht^ heere van Schardan
en hooghbailliu binnen Ghendt den welcken uyttrock op
S* Lucx en wirdt inghehaelt van sommeghe poorters en
insetene deser stede (cclxii). »
— 412 —
ESQUISSE HISTOEIQUE
DU
COURS ET DES EMBOUCHURES DE L'ESCAUT.
L'Ardenne est rextrémité ouest des monts Her-
cyniens, qui partant de la Bohême atteignent
Boulogne, se poursuivent sous la Manche et re-
paraissent dans le Devonshire, pajs des anciens
Silures <.
Sur le continent les hautes vallées voisines de
la Meuse présentent plusieurs plateaux ombragés
par les forêts ardennaises. On trouve parmi ceux
s'étendant de la rive gauche de cette rivière,
celui voisin de Nouvion, renfermant la source de
la Sambre à Ualtitude d'au moins 200 mètres.
Cette rivière, coulant vers le N.-E., porte à la
Meuse le tribut de ses eaux.
A 25 kilomètres au couchant de cette source,
mais à un niveau qui n'atteint pas 90 mètres
d'altitude, on rencontre près de Bohain l'Escaut,
' C'est en mémoire de ceci que les géologues anglais ont donné
le nom de silurien à ce système de roches.
— 413 —
qui, ijoursuivant sa marche au travers d'une plaine
inclinant O.-N.-O., se rend à la mer.
Les limites de cet ancien Océan ne sont bien
appréciables qu'à partir du Mont-Saint-Aubert,
Mouscron , Mont-Cassel , qui sont autant de té-
moins de la direction de ses côtes. Cette chaîne
de montagnes tertiaires passe à Renaix, à Lae-
ken, à Kessel-loo. Il est évident que la zone
sablonneuse de la Basse-Belgique depuis Bou-
logne, est le produit de soulèvements lents et
successifs de la croûte terrestre *.
L'Escaut, nommé originairement Scai(t = Scalt,
ne signifierait, selon Alting % rien de plus que
leniter declinans, serpentant légèrement à travers
les couches des terrains.
César écrivit ce nom : Scaldis. En thïois il se
dit : Schelde, Schelle, Schel, et vers son embou-
chure : Schouio '% d'où Schouiven , lancien pagus
Scaldensis. En roman le mot Bscaiit se présente
comme issu de Scaut, qui était probablement cel-
tique; r^ préalable est un résultat de la pros-
thèse très-fréquente en wallon, comme dans les
mots épinettes, aspirail ^ Aujourd'hui Ton remar-
que que dans diverses localités du Haut-Escaut,
ce n'est pas VE initial que supprime le vulgaire,
mais bien le s qui le suit; c'est ainsi qu'il pro-
' Confr. Smeysters, Mouvements du sol, p. 18.
* Notitia germaniœ inferioris, in voce, p. 116.
^ Alting, Lib. citât., t. II, p. 155. — Le mot schomv = ponton,
pourrait bien provenir des embarcations anciennement spéciales au
Bas-Escaut.
* D"" SiGAET, Essai d'une phojiétoniie, p. 9.
_ 414 —
nonce Ecaillon, Ecaut-pont, Ecaut-d 'œuvre, etc.
D'abord simple ruisseau, FEscaut prend l'as-
pect d'une rivière après avoir reçu sur sa rive
gauche les eaux de la Sanset, aspect qui s'aggran-
dit par la réception de la Seille et de l'Escaillon
sur sa rive droite, puis de la Rouelle, de la Haine,
et enfin de la Scarpe sur la rive gauche, préludant
à la formation du fleuve qui, parvenu à la hauteur
de Vaux près Tournai, s'est creusé un lit par
l'érosion du calcaire carbonifère, le seul point de
son cours oii il ait rencontré une roche de quelque
résistance.
Parcourant la zone argilo-sablonneuse de la
moyenne Belgique, il dut trouver son terme pri-
mitif à la limite nord de cette zone, où l'Océan
recevait ses eaux, entre quelques îlots qui sem-
blent nous révéler l'existence d'anciennes dunes ' ,
par les noms modernes de Lemberg, Blandyns-
berg, Ledeberg, Desselberg, etc. (Table I).
Semblable à la croissance paisible de l'enfant
grandissant au foyer de» la famille, l'Escaut a
conduit doucement jusques là sa course vers le
Nord ; mais des circonstances nouvelles devaient
imprimer une direction différente à la marche
qu'il allait suivre dans la Basse-Belgique. Les
dunes qui contournent Gand le firent dévier pour
suivre sa voie dans la zone sablonneuse de préfé-
rence à la zone argilo-sablonneuse. Le fleuve se
creusa donc un lit prolongé qui pourrait bien
avoir eu un parcours de 15 kilomètres pour at-
* VI AZNKŒmQ, Histoire de la Flandre, t. II, p. 32.
MOYENNE BELGIQUE,
Cours de T.Escaut,
O C E AN
TABEE E
I
i
oc E AN
DiATMe-
MOYENNE ET BASSE BELGIQUE,
Zone campmienne,
Cours de l'Escaut,
TABLE H,
— 415 -
teindre la mer ' , et y constituer un golfe vers les
lieux voisins du Sas de Gand, là où Kœrius en
1608 dessine celui qu'il nomme Dullaert -, et qu'il
fait communiquer avec l'Océan par le Sloe.
L'Escaut ayant englobé les eaux de la Lys , le
fleuve obéit à cette impulsion venue du Couchant
et, contrarié par le flux, se creusa un lit obli-
quant vers le Levant, serpentant le long de la
limite nord de la zone sablonneuse et se condui-
sant d'après la nature des terrains qu'il baignait.
Rencontrant le Deudre sur la rive droite et
suivant à peu près le cours de cette rivière, de-
puis son confluent, son cours est devenu actuelle-
ment artificiel par suite des endiguements. La
Dendre donnant plus d'ampleur au volume des
eaux fluviales, les force de suivre l'inclinaison
générale qui leur impose la direction du Nord. Le
fleuve la suit après qu'il a reçu le Rupel sur la
rive droite, puis la Durme ou Neder-Senne - sur la
rive gauche, jusqu'à ce qu'au terme de la zone
sablonneuse, il se trouva aussi au terme de sa
course, à la mer. Les limites de cette zone dans
le voisinage du Bas-Escaut nous indiquent où dut
se trouver la plage. Nous signalerons sur la rive
droite Basele, Cruybeke, Burght, Zwyndrecht,
Melsele, Vracene et Saint-Gilles-AYaes (Table II).
* Confr. Des Roches, Hist. ancienne des Pays-Bas, t. I, p. 154.
— ScHAEYS, La Belgique, t. II, p. 176. Depuis que ces lignes sont
écrites, le travail de M. Verstraete redresse et complète notre pen-
sée. {Bulletin géog., 1878, n° 4.)
Germania inferior, pp. 37-38 et 67-68. — D"" J.Van Raemdonck,
Recherches sur la course de VEscajit, p. 104. Bulletin de 1818 de la
Société de géographie.
"^ M. Vaernewyck, Hist. van Belgis, lib. IV, cb. 36.
— 416 —
Il y avait donc là un vrai bras de mer où
l'Escaut venait se jeter et cessait en quelque sorte
d'exister'. Mais plus au couchant, vers Vracene
et Saint-Gilles, la contrée se présentait sillonnée
de cours d'eau étendus, de criques nombreuses
qui même pendant le reflux demeuraient cou-
vertes d'eau. Cette vaste plaine fut nommée :
Huant, Hvant, c'est-à-dire plaine liquide, flaque?.
Ces terres sont aujourd'hui émergées; mais nous
retrouverons plus loin le nom sous lequel cet
espace a été désigné. La limite nord de la région
sablonneuse fut la seconde étappe de notre fleuve.
Aujourd'hui cette région confine à la zone pol-
dérienne qui est un produit des alluvions et du
mouvement des marais. A la suite des grandes
pluies, les rivières attaquent le pied des collines
qu'elles baignent, et emportent quelques débris
sur les terrains bas qu'elles inondent et que
chaque inondation élève peu à la fois. Lorsqu'el-
les parviennent à la mer et que la rapidité qui
entraînait les parcelles de limon vient à cesser
tout-à-fait, ces parcelles sont déposées aux côtés
de l'embouchure et finissent par former des ter-
rains qui prolongent la côte. Les parties du litto-
ral baignées par le flot et découvertes par le reflux
se nomment salines sur les côtes de France, et
schorren en Belgique. On sait que lorsque leur
croissance a amené leur maturité, on les endigue
* KuMMER, Polders du Bas-Escaut, p. 7, et la planche II dans les
Annales des travaux publics, t. Il, p. 844.
* L. JoossENS, Bïdlet'm de la Société géographique, 1877, pp. 24G
et 253. — Voir aussi Van Raemdonck, même publication.
— 417 —
et on les transforme en j^olders , lesquels se cou-
vrent de graminées et deviennent propres au
pâturage '.
Par le mouvement du reflux, l'alluvion se trouve
peu à peu entraînée , sur les hauts-fonds sur les
bancs de sable de la mer, qui finissent par deve-
nir des îles. Car il est reconnu que la mer ramène
une grande partie de ce qu'elle a pris à la terre ;
en d'autres termes, que le flot apporte plus que
le jusant n'enlève ^
C'était donc dans ces alluvions que l'Escaut
avait à se tracer sa voie, mais comme dans cet
estuaire il avait à lutter contre les marées et que
la masse de ses eaux était considérable, il se
divisa en diverses branches et fit suivre à une
partie de ses eaux la limite de la zone sablon-
neuse, la séparant du Huant, qui est devenu la
zone poldérienne. Ainsi, les écoulements de l'est
à l'ouest sous l'action des hautes marées, ren-
voyaient, lors du reflux, une partie des eaux dans
le lit principal du fleuve; et par la suite des
temps, toutes les dérivations furent successive-
ment ensablées et abandonnées parla navigation '".
Mais si une portion notable des eaux rentrait à
la marée basse dans le lit principal du fleuve,
son action propre conservait sa direction géné-
rale vers le nord, serjDentant entre les hauts -fonds
jusqu'à ce que ses eaux se trouvassent en face
» Chaubart, Élémens de géologie, p. 336. — Ch. Cuviee, Eev.
du G.
^ L. Lambot, ses Annotations, 29 avril 1878.
=<?.£.: Tort de Ilulst j et le Zwin.
28
— 418 —
d une surélévation devenue le noyau de l'île de
Schouwen. Là, à l'Océan, la puissance du flux
refoula les eaux de l'Escaut à l'Orient, où, ne
trouvant qu'un fond de vase formée par les allu-
vions de la Meuse, elles le traversèrent et se mê-
lèrent aux eaux de cette rivière. Cette branche
est représentée aujourd'hui par le Keete et le
Yosvliet. La branche nommée Eendragt n'avait
pas l'importance de celle-ci qui dans la suite fut
la limite ouest du diocèse de Tongres * .
La branche qui arrose le midi de l'Ile de
Schouwen est l'artère principale ; c'est l'Escaut,
auquel nous avons accolé l'épithète d'oriental. Tel
est le sentiment de tous les riverains , et comme
me l'affirma mon ami le capitaine Auguste Stes-
sels : « Ce que nous nommons Escaut occidental
ne porte que le nom de Hoxt, et l'importance de
son cours date d'une époque bien postérieure ^ »
(Table III) .
2. Si nous abordons les faits qui constituent
l'iiistoire, nous annoterons que dès l'origine l'Es-
caut servit de limite entre des populations di-
verses : le 2^6ulvan qui s'élève sur sa rive droite
entre Hollain et Rongy semble en porter té-
moignage ^ « Toute la côte de la mer jusqu'au
fleuve Escaut est habitée par des nations germa-
niques, » dit Pline \ Ce fut jusqu'à sa rive droite
* Confr. Barthels , Limites, etc. , dans la Revue et archéologie ,
t. I, p. 380.
* Le 27 août 1867, lors d'une excursion faite sur l'Hydrographe
avec ma fille Emilie, qui mourut dix ans plus tard!
' ScHATES, La Belgique, etc., t. I, p, 103.
* Hist. net., lib. IV, c. 13.
MOYENNE ET BASSE BELGIQUE.
Zones argilo- sablonneuse, campimenne et poldérienne.
Cours de l'Escaut.
TABLE IIL
— 419 —
que les Germains s'étaient d'abord établis; au
midi du confluent du E,upel les Nerviens. au nord
les Éburons. Plus tard, les Ménapiens, d'abord
riverains de la Basse-Meuse, s'étendirent tout le
long de sa rive gauche et s'adossèrent à l'Océan.
Dans la di^^ision des Gaules que fit César-
Auguste, il étendit la Gaule-Belgique de la mer à
la Dyle, mais Chlodion ayant conquis le territoire
nervien, l'Escaut servit de nouveau de limite occi-
dentale de l'Austrasie d abord, de la Lotharingie
ensuite.
La période romaine nous fait connaître plu-
sieurs localités situées sur ses rives. Cambrai,
Escautpont, Tournai, figurent sur la Table de
Peutinger. Valenciennes, mentionnée d'abord en
692, aurait, non donné, mais reçu son nom des
Valentinianses , pour lesquels elle eut été un cas-
trmn vers 395, sous Valentinien II. Condate ,
Condé , dénonce une origine celtique; ce nom
signifie confluent. Audenarde appartient au temps
de l'Empire, comme le révèlent les substructions
découvertes dans ses environs. Il en est de même
de Gand, de Heusden, de Termonde, de Bornhem,
de Tamise et d'Anvers.
Des traces de l'occupation romaine se rencon-
trent en outre le long de la Durme, entre autres
à Thielrode, Hamme, Waesmunster, Lokeren et
Zeveneeken.
Si tous ces faits témoignent que de sa source
jusqu'au-dessous d'Anvers, la vallée de l'Escaut
était habitée il y a près de vingt siècles, on peut
douter qu'il en était de même du territoire en
— 420 -
aval. Cornélius Battus, écrivain du XVP siècle,
n'hésite pas à aifirmer que peu d'années avant
notre ère la multitude d'îlots, qui s'étant peu à
peu agglomérés constituaient la Zélande que nous
connaissons, étaient stériles et inhabités. Cette
assertion est évidemment trop absolue. Jules
César, relatant la dispersion qu'il infligea aux
Éburons en — 53, ajoute qu'une partie des fugitifs
chercha un asile dans les îles que constituait le
flux ' . On peut induire de ces paroles que si ces
îles n'étaient habitées, elles étaient habitables et
fréquentées , et recevaient temporairement des
habitants sur les ierpeii ou élévations naturelles
ou sur les werven , barrages élevés de main
dliomme pour s assurer un refuge. Au surplus,
les plus anciens monuments découverts dans le
Delta de l'Escaut sont les autels votifs de Dom-
burg, qui ne sont guère antérieurs à la fin du IP
siècle, c'est-à-dire qui remonteraient à dix-huit
siècles environ.
A cette époque donc Walcheren était habitée,
et il dut en être de même de Goerée, où à marée
basse Ton a découvert les substructions d'un
établissement important dans lesquelles se trou-
vaient des médailles d'Antonin ^ L'île de Schou-
wen semble avoir eu des habitants à la même
époque; Hamstede, Renesse, Mormont et Zierick-
zee remonteraient aux temps des Romains, selon
les traditions locales.
' « Qui proximi Oceani fuerunt, hi insulis sese occultaverunt quas
œstus efficere consuerunt. » B. Gal, lib. YI, c. 31.
' Des Roches, Mémoires couronnés, 1769.
— 421 —
Tout ce territoire clu Delta de TEscaut était
toutefois bien loin encore d'offrir la consistance
que les derniers temps historiques lui reconnais-
sent. C'est de lui que parle Lucain, vivant Tan 58,
quand il dit dans la Pliarsale :
« Quaqiie jacet littus diibium quod terra, freturaqiie
» Vindicat altemis vicibus. »
et que Pline disait un peu plus tard : « Duhium
terra sit an ^mrs maris. » Enfin Eumène, célé-
brant la campagne qu'en 293 Constance- Chlore
conduisit contre les Franks, dit encore : « Ut
cum verhis pericido loqiiar, terra non est. »
Ptolemée, qui vivait en 134, donne à l'embou-
chure d'une de nos rivières le nom de Tabuda.
S'appuyant sur les distances fournies par ce cos-
mographe, Alting y voit la petite rivière Aa. —
A-mude '. Mais on sait aujourd'hui qu'on ne peut
tirer grand parti des chiffres fournis par l'auteur
égyptiens. En outre, il lui est arrivé de se servir
du nom d'une localité pour désigner une rivière.
C'est ainsi que le nom à' Ober-Rheingau devient
pour lui Obrinca et s'adapte à la Moselle; que
celui de Froise.^ village voisin de l'embouchure de
la Somme, lui a fait donner à cette rivière le
nom de Phrudis, comme l'a remarqué Gosselin.
Peut-être y a-t-il ici quelqu'analogie du même
genre.
D'après Ptolemée, 15' séparent l'embouchure
de la Somme du cap Itius, au nord duquel il place
' Alting, in voce.
' Confr. ]\Ialte-Beun, Géogr. unit-., liv. XIV, t. I, p. 124.
— 422 —
Boulogne à 0,45' et la bouche du Tabuda à
45' plus loin. Le cap Itius se trouve ici transposé,
car il est généralement admis que ce nom repré-
sente le cap Grisnez qui est au nord de Boulogne,
d'où la présomption que cette ville a été placée
par l'égyptien à l'endroit de Vltius portus de
César, de Wissand, d'où à la distance de 45', soit
environ 15 lieues, on trouve le Zwine, bras de
mer qui a dû recevoir une branclie de l'Escaut.
Or, nous apprenons que proche du Zwine, et dans
la banlieue d'Aardenburg, s'est trouvé une loca-
lité du nom de Trabeten, qui fut submergée par
l'inondation de l'an 1477 \ Les antécédents que
nous avons signalés nous permettent de voir ici
encore une analogie.
Tabuda ne fut pas le seul nom étrange que des
anciens donnèrent à l'Escaut, ou au moins à l'une
de ses branches. Comme celle de l'est limitait,
dans sa partie basse, la cité, ensuite le diocèse de
Tongres, Sidoine Apollinaire lui donne ce der-
nier nom.
Tu Tiingrum et Vaclialim , Visurgim , Albim
Francorum et pœnitissimas paludes
Intrares venerantibus Sigambris
Solis moribus inter arma tutus (Carmen, XXIII).
Mais ici il ne faut pas oublier que la licence
poétique a pris son essor ; et rien ne nous montre
que dans le langage officiel ou même populaire,
le Bas-Escaut ait jamais été désigné par le nom
de Tunger.
« M. Vaeknewyck, Hist. van Belgis, liv. IV, cap. 35.
— 423 —
La situation de cette contrée maritime avait
toutefois une grande importance , Carausius
l'avait concédée aux Franks ^ ; et Constance était
venu la leur ravir en transportant en Gaule les
prisonniers qu'il fit sur eux, et les j fixant en
qualité de Lœti. Un siècle plus tard, à l'époque
où les Franks, commandés par Marcomir et
Sunnon , attaquèrent les Romains , les Frisons ,
leurs alliés, attaquèrent l'Empire avec eux, et
s'étendirent le long des rives de l'Escaut, jusqu'à
celle de VOude-Watergang. Les légendes attri-
buent cette extension à leurs rois Dikbald et
Ricliold. La côte de Flandre, et spécialement de
l'Aa à Westende , était occupée par les Saxons ,
leurs congénères et alliés, qui se trouvaient désor-
mais maîtres de la mer % et ne les inquiétèrent
point dans leurs nouvelles possessions. Dès lors
la limite sud de la domination frisonne fut ce
Watergang de l'Escaut partant de Ketenisse, pas-
sant à Hulst qui portait encore le nom de Saxha-
ven au XIIP siècle et se dirigeant sur Biervliet.
Le Zwine, avec lequel cette dérivation commu-
niquait, répond-il au Sincfala mentionné comme
limite dans les loix frisonnes ? Nous ne le croyons
pas. Cette rivière est indiquée comme bornant à
l'occident la juridiction frisonne Azagadom, Azig-
dom, et servant de séparation à celle des capitu-
laires , Schependom , qui était en vigueur dans le
Comté de Frise, nommé plus tard Hollande. Ce
• SiGONitrs, lib. I, p. 12.
* Debo, Westvlaamsch idiotikon. Brugge, 1873.
— 424 —
comté était séparé de Tétat frison du moyen-âge
par la Sena, Sana, aujourd'hui la Zaan. C'est là
le Sincfala selon le D" Van Phelsum. qui rectifie
Alting sur ce point * .
L'expédition du danois Godleik en 515, dont la
flotte vint attaquer l'Austrasie en remontant les
rivières , dut tirer le meilleur parti des voies na-
vigables entre les îles de l'Escaut, dont la confor-
mation subit tant de changements notables dans
les siècles suivants. La population s'était déjà
développée à Walcheren, car nous voyons que
vers 673 , saint Willebrord y aborda et y trouva
un temple de Mercure qu'il renversa ; l'existence
de ce temple est l'indice d'une population relati-
vement importante.
La tradition rapporte que peu de temps après
* Voici cette note que nous reproduisons en entier : <• Non quando
amplissima fuit Frisia, quuni Sincfalse mentio potissime occurrit ubi
Frisiorura nomeu jam non VII Zelandis integris proprium visum
fuit ; ex legilius Frisiorum liquet Frisiam istorum temporum ter-
minatam fuisse inter flumina Wisaram et Sincfalam, et tripartitam
solummodo fluminibus Fleho et Laubaclio. Si vero tune tempori
Frisia amplissima fuisset Scaldis et Egidora, vel ad minimum Albis
Frisife termini adpellandi essent ; neque omissum Rhenum saltem
semel injectum ejus mentionem, suspicari vix possum. Alise preterea
rationes me movent sincfalam pro fluvio Kinemarinum et Marsa-
ciorum agros alluente agnoscere. M. S. »
Alting, citant Melis Stoke. dit :
Die Scheit was dat west en de Sine
Alzo aïs si valt in de zee.
Le Dr remarque : » Miror Altingium hoc tertiam personam pres-
sentis temporis indicativi verbi vallen pro parte nominis proprii
accepisse : Stokius hoc loco de sine, seyne, hodie, het zu-in (Scaldis)
ostia maxima occidentale), cogitasse, minime inde sequitur sine vel
sei/ne Stockii, idem esse liumen cum Sincfala aliorum. » Idem.
5
2
— 425 —
un ouragan terrible, accompagné d'un tremble-
ment de terre, amena des ravages considérables
sur toute la côte de la mer du Nord '. Toutefois,
Walclieren ne cessa de se développer principale-
ment entre les années 820 et 840, époque où une
société de marchands faisait un commerce étendu,
et, sous la protection de l'empereur Louis, au-
quel elle rendait annuellement ses comptes
jouissait de Tusage des navires de la couronne
En 827, le prince danois Hemming, avait reçu lile
en bénéfice de Tempereur qui lui avait adjoint le
comte Eggiliard . Mais dix ans plus tard , des
danois du parti advers y abordèrent et s'empa-
rèrent de Walcheren après avoir tué Hemming
et Eggiliard, et portèrent leurs ravages sur les
rives de l'Escaut jusqu'à Gand et Anvers.
S'il fallait s'en rapporter aux paroles de Louis
le Débonnaire que Ton nous cite , la popula-
tion de cette île vivait dans les dérèglements les
plus barbares qui Tassimilaient aux tribus irlan-
daises ^
Les chroniques signalent des perturbations
atmosphériques qui produisirent de nombreux
désastres en 820, 8-40 et 860. En tenant compte
pour des phénomènes de ce genre de la périodi-
cité qui pourrait résulter au cycle de Méton, à la
différence d'une année, ces chiffres sont accepta-
* L'histoire, pour l'Orient de l'Europe, signale un tremblement
(le terre en 740.
* Velly et les cinq époques du Brabant, p. 28.
' Het oude goudsche Chronykxken, p. 13. — Beka, Hist. ejnscop.
Ultrajectensi. Frederico, octavo episcopo, p. 130.
— 426 —
blés. Ce dut être l'époque où on commença les en-
diguements : c'est entre 840 et 860 que disparut
dans rOcéan VArx hritannica , alors que l'embou-
chure du Rhin à Katwyk fut ensablée : et que dans
la Baltique Vineta s'enfonça dans les flots.
La nature des terres d'alluvion qui constituent
le delta de l'Escaut, conservait toute facilité pour
modifier les formes du territoire sous Faction
des phénomènes météorologiques que nous signa-
lons. En effet, les couches successives de vase que
le fleuve avait déposé sur ses rives et sur les hauts
fonds, étaient douées de pesanteurs et de densité
variables, de telle sorte que les couches inférieu-
res cédant à la pression des eaux courantes , pu-
rent être emportées par le reflux, être ainsi cause
d'effondrements subits et donner lieu à des im-
mersions considérables, faits qui se sont repro-
duits dans les siècles suivants. Nous apercevons
donc ici Télargissement obtenu par d'anciennes
branches du fleuve , au détriment d autres bran-
ches qui, tout en conservant leur, profondeur se
sont rétrécies. Ainsi en fut-il du Huant que des
alluvions et des ensablements successifs avaient
reculé plus au nord, et qui sous le nom connu de
Hond, s'était tracé un cours presque parallèle à
l'ouDE-WATEEGANG. Jusqu'à l'cudroit d'Ossenisse,
ce nom de Hond prévalut, plus bas, on l'appelait
Diepenee (eau profonde) , jusque vers Terneuse ;
puis Kille ou passe entre les hauts-fonds , qui ve-
nait se mêler à ce qui fut plus tard nommé le
Dullaert, au midi de Biervliet, d'où diverses bran-
ches allaient baigner Rodenburg et Bruges, pour
se réunir à l'Océan par le Zwine.
— 427 —
En face de ce dernier estuaire se présentait Tîle
de Scliooneveld , séparée de Walclieren par le
Heijdenzee, c'est-à-dire la mer des payens, dési-
gnation qui rappelle les Normans , dont les pira-
teries infestaient les côtes voisines.
Ce même nom de Heydenzee a été appliqué
aussi, et probablement pour le même motif au
bras de mer qui sépare l'île de Texel de celle de
Wieringen. A propos de la comtesse Ada, Melis
Stocke écrit :
« Willem liaer oem heeft verworven
't Land van by Oesten Keydenzee
Tôt Laveke voert mie. »
Les Normans demeurèrent en possession de
Walcheren, des ilôts voisins et des rives de l'Es-
caut jusqu'au-dessus d'Anvers. Ce fut au début
de leur domination que les endiguements furent
entrepris. On rapporte celui de Walcheren à
Tannée 836 et même à 833 , ainsi que ceux de
Scliouwen et de Borselen ; les autres îles n'ont
été endiguées qu'en 850'. C'est en conséquence
qu'Ejmdius écrit que ce fut entre les années 840
et 850 que Walcheren, Beveland et Schouwen
furent assurés par des digues ^
Le partage de l'an 870, attribuait à Charles le
Chauve, la troisième partie de là Frise, et ce lot
est généralement considéré, avec raison, pensons-
nous, comme composé des îles de l'Escaut et de
la lisière méridionale de l'ancien état frison.
• KuMMER, Polders du Bas-Escaut, p. 10.
* Eyndius, lib. I, cap. 15.
— 428 —
Charles le Chauve concéda au prince norman God-
fried, les emplacements nécessaires aux ancrages
de sa flotte, sur les rives de l'Escaut *. La Zélande
devait présenter bien des lieux propres à des
stations navales, surtout depuis les travaux d'en-
diguements d'une part et de déversements de
l'autre. Il est vraisemblable que tout ce territoire
demeura au pouvoir des Normans durant un
temps relativement long, même après la victoire
que l'empereur Arnoulf remporta sur eux, aux
rives de la Dyle. C'est aux Normans que bien des
familles nobles de la Zélande rapportent leur
origine ".
Enfin, sous la domination des rois saxons de
Germanie et de Lotharingie, nous remarquons
que par acte du 14 août 974 , Othon II con-
céda AYalcheren à sa femme Théophanie, à titre
de douaire ou morgengabe'\ Un diplôme de la
même année fait mention de Schouwen ; un autre
de Beveland, île appartenant à l'abbaye de Saint-
Bavon, d'où lui est venue sa dénomination \
3. Les endiguements opérés dans la seconde
moitié du IX" siècle eurent pour un de leurs
résultats immédiats, le changement de direction
des différentes branches du fleuve, en même
temps que la destination d'un système de barrage
contre les attaques de l'Océan. C'est ce qui res-
< FoLCtriN, De gestis abb. Lobbens, cap. 16.
2 J.-F. Lepetit, Nederlandsche rejuiblyche, 1615, p. 193.
' Alp. De Vlaminck, Études sia^ la Flandre impériale. Messager
des Sciences hisioriques, 1876, p. 189.
< Alting, Lib. citât., p. 197.
— 429 —
sort du dicton traditionel transmis par Melis
Stoke :
« Al Zeeland verdrenck zekerlike
Sonder Walcheren en Wolfaertdike. »
A côté des écoulements formés par les lois
naturelles, il j en eût d'autres qui étaient le fait
du travail de l'homme. Bien que leurs traces
soient effacées en plusieurs endroits, leur exis-
tence probable ressort d'une tradition remontant
au X^ siècle. Elle se rapporte aux travaux exécu-
tés par le roi Otlion.
En 936, Otlion I, dit le Grand, était monté sur
le trône ; il mourut à Memleben le 7 mai 973. Son
fils Otlion II lui succéda, et c'est à lui que la tra-
dition attribue des travaux hydrauliques à l'em-
bouchure du fleuve, tandis que les chroniques
rapportent à son père le creusement d'un canal
ou fossé, Fossatiim, de Gand jusqu'à la mer. Jean
de Thielrode, moine de l'abbaye de Saint- Bavon,
mort vers l'an 1300, écrit dans sa chronique,
après avoir relaté les faits des années 936 et 941,
ce qui va suivre :
« L'empereur Otlion appela de son nom, Ot-
tingue^ un fossé passant devant le pont de Saint
Jacques et s'étendant jusqu'à la mer, par lequel il
fixa les frontières du ro3''aume des Franks et de
l'empire d'Austrasie. Avant Othon, le château qui
est situé sur les rives de la Lys avait été construit,
non par le roi de France, ni par les comtes de
Flandre, mais par les empereurs dans la propriété
— 430 —
libre ^ de Saint-Bavon, près de la séparation du
royaume et de l'empire ; et de ce chef les comtes
ont payé longtemps un cens de 5 sous à Saint-
Bavon. Le commandement de ce château n'appar-
tenait pas à des châtelains , mais à des comtes
auxquels étaient soumis les Quatre-Métiers avec
leurs dépendances, savoir : Assenede, Bouchant,
Axel, Hulst, avec tout le pays de Waes ". »
\jOttogracht à Gand avait en face de lui le
Schipgracht^ se prolongeant au nord de la ville
dans la direction d'Ertvelde, où on le nomme
Burggravestroom. De là jusqu'au territoire de
Caprycke, la limite entre Oost-Eekloo et Lem-
beke est formée d'un fossé qui le continue. Il est
creusé avec soin, dit AYarnkœnig, et comme il est
tracé, même sur les hauteurs sablonneuses, il ne
peut avoir eu la destination de canal de dégorge-
ment, mais il a nécessairement toujours servi de
ligne de démarcation '\ On ne peut le suivre plus
au nord, où il aboutissait à une localité nommée
Vulmonde.
La direction que suit cette limite appelle notre
attention sur un autre genre de travaux publics,
partant du même point pour aboutir au même
terme. C'est la chaussée ancienne relevée par
M. Van der Rit *, conduisant de Gand à Ertvelde
par Oostakker, et de là par Cluysen sur Asse-
' C'était un alleud.
2 Waenkœnig, La Flandre et ses institutions, t. II, p. 23.
^ Waknkœxig, loc. cit., p. 31.
< Chaussée de Vempire, etc., p. 9. — Van Dessel, Top. des voies
romaines, p. 13.
m
nede et Boucliaut, que M. Van der Rit tient pour
le Portus Œpatiaci de la notice *, peut-être à
cause de sa proximité de l'Yvendyk, auquel nous
reviendrons.
A la suite du passage de la chronique que
nous avons cité, Thielrode aborde les événements
de 947, d'où naquit la divergence entre les histo-
riens ultérieurs quant à la date des travaux
d^Othon I, indiquant 936, 941, 94G et même 949.
Une dissertation fort remarquable sur la Flandre
impériale ", due à la plume savante et lumineuse
de M. Alp. de Vlaminck, reporte même ces tra-
vaux à la période de 1208 à 1218, attribuant
lassertion de Thielrode à Othon lY, bien que cet
auteur n'appuie jusqu'ici cette alïïrmation sur
aucun témoignage, ni par aucun document. Il est
vrai que Tobjectif de son travail est d'établir que
le pays de Waes ne fit point originairement par-
tie de la Flandre impériale, et qu'il releva tou-
jours légalement de la couronne de France, but
qu'il nous parait avoir atteint \
La circonstance que Thielrode en se servant du
nom d'Othon sans y joindre d'épithète, entendait
parler d'Othon IV, presque son contemporain,
» La notice porte :
« Sut) dispositione viri spectabilis ducis Belgicse II.
Equités Dalmatœ , Marcis in littore Saxonico ,
Prîefectus classis Sambricae in loco Quartensi et Hornensi
TribuEUS militura Nerviorum, portu jïlpatiaci. »
' Messager des Sciences historiques, 1876, p. 149. — Conférer
E. Varenbergh, La Flandre et V Empire de V Allemagne. Annales
de V Académie d'' archéologie, 1872, p. 676. — Voyez aussi Louis
ToRFFS, Annales, 1869. Anvers au X' siècle, p. 27 et l'Appendice.
3 Ibidem, pp. 170, 171 et 173.
— 432 —
n'est pas concluante, en présence de l'opinion tra-
ditionnelle qui y voit Othon le Graxd, ce que la
place qu occupe le fait dans le texte dn chroni-
queur autorise à admettre. Mais dans ces con-
ditions quelle date convient-il dassigner à ces
travaux de délimitation?
Dewez, comme Meyerus, donne Tannée 949,
parce que, dit-il, c la haine entre l'empereur et
le comte Arnould n'éclata qu'en 946, à la suite
du siège de Rouen «. »
En admettant cette mésintelligence à l'époque
indiquée, nous ne voyons rien dans les circon-
stances parallèles qui puisse appuyer l'expédition
contre Gand en 949 ; époque où elle eût été con-
duite par le duc Conrad. Un rapide coup-d'œil
sur les événements du règne d'Othon I nous
signale une autre époque bien antérieure.
A peine couronné à Aix-la-Chapelle en 936,
ce roi eut à combattre l'insurrection des Lotha-
ringiens, conduits par Henri, son propre frère.
Réunissant des forces considérables, il marcha
contre eux et remporta une victoire signalée à
Burick, près de Xanten, dans le courant de 937.
Le duc Gislebert, l'âme de l'insurrection, avait
cherché un refuge à Chèvremont, où Othon vint
l'assiéger pendant que ses partisans allaient offrir
la couronne à Louis d'Outremer, roi de France,
issu du sang de Charlemagne. Celui-ci, après
quelqu'hésitation, se laissa entraîner. Ce dut être
alors qu'Othon, disposant encore des forces qu'il
* Histoire particulière, t. I, p. 229.
— 433 —
avait amenées d'Outre-Rhin, et instruit des me-
nées des mécontents, dut songer à mettre ses
frontières en sûreté, et en conséquence de neu-
traliser rintervention éventuelle d'Arnould de
Flandre, lun des plus puissants vassaux de Louis.
Dans cette conjoncture il marcha sur Gand et
traça la limite qui nous occupe.
Les auteurs allemands nous apprennent que :
lorsque Louis d"Outremer se rendit en Lotharin-
gie, Othon sut isoler cette exj)édition, en convo-
quant devant sa personne les quatre grands vas-
saux de Louis : Hugues, Heribert, Arnoidd et
Guillaume, et qu'il reçut leurs serments de ne
point prendre part à cette guerre ' . La puissance
d'Arnould, voisin limitrophe des états du roi, lui
commandait surtout de lui ôter les moyens de
soutenii^ Louis ; et il nous semble que l'expédition
préalable contre Gand dut amener le comte à
cette négociation.
En 938, Hugues épousa Edwige, sœur d'Othon,
à la suite de la réunion que nous venons de men-
tionner ; ce serait donc entre la bataille de Burick
et ce mariage qu'il faut placer Texpédition si
controversée, qui aboutit à la délimitation tracée
de Gand à la mer. Louis d'Outremer, désormais
réconcilié avec Othon I et ayant épousé sa sœur
Gerberge en 941, ne protesta pas contre cette
emprise, à laquelle du reste la couronne de France
n'avait pas consenti. Aussi, son fils, le roi Lothaire,
profitant de leloignement d'Othon qui se trou-
* VoGEL, Ratherius von Verona, p. 112.
29
— 434 —
vait en Italie, investit-il en 968 le comte Thierri
du pays de Waes. Forestum Wasda '.
Mais la tradition se rapportant à l'année 980
mérite aussi quelqu'attention. Une vieille carte de
Flandre attribuée à Tannée 1274, porte Tinscrip-
tion suivante entre Walcheren et la Flandre :
(( En l'année 980, l'empereur Othon creusa à tra-
vers les dunes entre la Flandre et la Zélande, ce
que l'on nomme les AYielingen, et ce qui avait
nom Fossé d'Othon ^ » Vaernewyk qui écrivait
en 1563, parle dans le même sens' et explique
Wielingen, tournans, tourbillons, par roues d'éclu-
ses! Cette dénomination du reste est encore en
usage et désigne la passe entre le banc de Kipt
et celui de Scbooneveld ; cette passe n'est nulle-
ment le produit du travail humain.
Cette année 980 nous reporte au règne d'Othon II
qui, six ans auparavant, avait fait don de Walche-
ren à sa femme Théoj^lianie. Dès lors des soins
plus assidus de conservation et d'entretien furent
donnés à cette île. Sans admettre ni le percement
des dunes où il est mentionné, ni l'existence d'une
écluse qui put retenir les eaux du Hont, nous
pensons que certains travaux destinés à l'écoule-
ment ont pu être faits à Walcheren, afin de maî-
• « Datum perintegre Theodorico comiti forestum Wasda , in
eodem comitatu, cum pratis, aquis, terrisque aratoriis, exitibus et
regressibus. » Altins: et Vossius attribuent Wasda à toute la Zé-
lande , à laquelle le mot forestum n'a pu convenir. Mais Douza, et
après lui Scriverius, y voient le pays de Waes. Toetsteen op de goud-
sche Chron., p. 222.
* Warnkœnig, La Flandre, etc., t. II, JJ. 26.
^ Historié van Belgis, liv. IV, cap. 24.
— 435 —
iriser les eaux traversant Tîle même, du nord au
midi'. M. l'ingénieur Masuy m'affirma que pen-
dant le premier. quart du présent siècle ayant dû,
en sa qualité de conducteur, accompagner son chef
de service pour Texécution de travaux réclamés à
Flessingue, on lui montra au fond dune tranchée
conduite sur la plage les substructions d'une an-
cienne écluse, que les traditions du peuple reliaient
à celle d'OthonlI. La confusion entre ces traditions
et le récit de Jean de Thielrode a causé l'erreur
du docte Menso Alting, qui tient pour le Fossé
d'Othon la bouche occidentale actuelle de TEscaut.
4. Rien n'est plus difficile que de fixer les limi-
tes nord du continent de la Flandre à une époque
donnée , les eaux ayant tour à tour laissé et re-
pris leurs alluvions selon la remarque de Warn-
kœnig. C'est ainsi que le déversement de l'Escaut
allant de Gand vers le nord se combla de très-
bonne heure , comme tous les indices nous le ré-
vèlent. Les investigations locales de M. Van der
Rit font connaître, qu'à Bouchant toute la partie
aujourd'hui endiguée avait été couverte par les
eaux ; ce vaste havre pénétrait dans les terres
actuelles à plus de 14 kilomètres. Si la navigation
avait à Torigine utilisé ces voies de transport en
faveur du commerce, celui-ci une fois développé,
était forcé de maintenir ses communications ; c'est
ce que nous laissent entrevoir quelques informa-
tions touchant la période romaine. D'une part
' Voyez la carte de l'ancien Escaut, jointe au travail Le Péage de
l'Escaut, par E. Gkangaignage, 1868.
— 436 —
Domburg et Westcapelle , en Walcheren , étaient
des lieux de débarquement, où l'importante mai-
son Secundiui, de Trêves, entre autres, recevait
des chargements qui destinés à l'intérieur du pays
se dirigeaient vers le havre de Bouchante et de là
vers l'intérieur. Mais l'ensablement de la branche
fluviale ne permettant pas aux navires de remon-
ter jusqu'à la Lys à son embouchure, les Romains
construisirent une chaussée, dont M. Van der Rit
constata l'existence depuis Gand, sur une belle
largeur jusqu'à la digue de Bouchante. Mais si
les ensablements se perpétuent lentement et sans
véritables interruptions, des inondations considé-
rables sont venues à diverses reprises modifier
l'état des lieux , en rompant des digues, il en fut
ainsi en 1014, 1042, 1087, 1100, 1106, 1109,
1129, 1135, 1164, 1170 et 1177. On conçoit sans
peine que dans de pareilles circonstances, on s'oc-
cupa constamment à défendre par des digues
les endroits habités. C'est à l'envahissement des
eaux de 1177 que l'on attribue l'établissement de
la forte digue qui s'étend du Zwine vers Damme,
Biervliet jusqu'à Saftingen et que l'on nomme
Yvendyk.
En 1180, une partie s'en rompit, et des ou-
vriers, au nombre de 1000, dit-on, furent appelés
de la Zélande et de la Hollande pour la recon-
struire et l'affermir. Leurs travaux furent dési-
gnés par le nom de Hontsdam , digue du Hont, et
les cabanes qu'ils occupaient ont été le germe de
1 Les grandes chaussées de l'Empire, R., p. 9.
— 437 —
la ville de Damme , qui ne tarda pas à devenir
prospère par son vaste port aujourd'hui comblé.
Le XIIP siècle amena sept inondations, dont la
dernière, celle de 1288 , fut suivie de TefFondre-
ment de l'île de Scliooneveld , et , dit-on , de la
destruction des travaux d'Othon II. Le XIV'' siècle
eût également sept inondations , mais le XV® et
XVP n'en comptèrent chacun que quatre ; le XVIP
cinq et le XVIIP onze '. Enfin notre XIX® siècle
vit encore les eaux déborder sur nos rivages en
1808, 1820 et 1825.
On peut apprécier par ces péripéties les rava-
ges que la mer a départis à ces contrées pendant
six siècles. « Quel devait être leur état, se de-
mande un écrivain du XVP siècle, alors que la
population y était rare, que les terres n'étaient
pas protégées par des digues, et que la mer pous-
sait ses flots selon son caprice ^ »
Nous avons dit que le flot apporte plus à la
terre que le jusant n en enlève ; les ensablements
perpétués en sont la preuve. Lorsque l'on porte
les yeux sur l'emplacement du port de Damme,
on ne voit que d'immenses prairies qui avaient été
les marais de la Sueghe, comme Tindiquent de
» XIII. — 1212, 1230, 1235, 1245, 1271, 1285, 1288.
XIV. — 1324, 1356, 1357, 1361, 1372, 1376, 1395.
XV. — 1414, 1422, 1468, 1477.
XVI. — 1525, 1530, 1570, 1585.
X'VII. — 1613, 1651, 1662, 1675, 1680.
XVIII. — 1703, 1714, 1717, 1729, 1733, 1737, 1740, 1746,
1750, 1775, 1784, 1794.
* VAEENEii\-YCK, Historié van Belgis, lib. IV, cap. 85. (Th. Schel-
LINCK, II, p. 145.)
— 438 —
vieux documents. En suivant les indications des
légers mouvements du terrain de cette plaine, on
retrouve le contour du port , et l'on reconnaît
qu'un lit assez large et profond faisait communi-
quer ce bassin avec le bras de mer nommé le
Zivine, qui depuis forma le port de l'Écluse. Ce
dernier jDort est aujourd'hui comblé , après qu'il
eût joui longtemps de la célibrité que Damme
avait perdue, et avoir en conséquence, passé aux
yeux de Chifflet pour le Portus Iccius de César * ! »
On ne saurait mieux retracer la direction de ce
canal, dit Des Roches, qu'en montrant que la
nature l'avait creusé entre l'Écluse et Anna-ter-
Muide ; entre les dérivations de Houcke et Lap-
schuere, pour s'approcher de Damme entre Oost-
kerke et Vlienderhage ; ainsi , continue-t-il , le
canal construit postérieurement de Bruges à
l'Écluse en suit la direction -. Il cite à l'appui une
carte appartenant aux archives du Franc et
attribuée à l'an 1188, sur laquelle on voit dis-
tinctement l'entrée de l'ancien canal se dirigeant
vers Damme, et sur l'un et l'autre bord les ensa-
blements qui en avaient déjà envahi les deux
tiers; ensablements qui finirent par combler ce
célèbre port de Damme.
Avant l'inondation de l'an 1324, la branche du
Hont, entre Walcheren et Oostburg, avait été fort
rétrécie par les digues élevées au nord d'Oost-
burg pour dessécher les alluvions qui s'y étaient
* Aurei Velleris Encomium, 1689, in fine.
* Hist. an. des Pays-Bas autrichiens, t. I, p. 152.
- 439 —
formées. Les inondations subséquentes l'ont élar-
gie au point où nous voyons aujourd'hui l'em-
bouchure du Hont dans TOcéan * . Cependant pen-
dant longtemps encore tout ce bras de l'Escaut
n'était pas navigable et le commerce n'en tirait
aucune utilité. La désignation de Diepenee, eau
profonde, et de Kille ou passe, trahissent des con-
ditions que divers documents ont confirmées,
entre autres un acte de l'an 1469, établissant que
la navigation d'Anvers vers la mer s'opérait à
travers des îles de Zélande, les eaux du Hont
n étant pas navigables pour les navires de haut-
bord". C'est depuis le XV® siècle que le vieil
Escaut et ses dérivations se sont toujours resser-
rées davantage sur divers points et que le Hont,
devenu plus large et plus profond, a hérité de
son nom et de ses avantages.
Quelle quait été la configuration topographi-
que de la région que le cours oblique de l'Escaut
partage sur tant de points % les ensablements qui
ont, sans s'arrêter, contrarié la marche d'une
navigation régulière, ont fini par être utilisés
pour s'assurer des moyens de transport plus rapi-
des. Le sol s'étant raffermi, un solide pilotage a
permis qu'un raihvay, traversant l'Escaut en face
deWoensdrecht, touchât Goes, traversât le Sloe, et
atteignit Flessingue en passant par Middelbourg.
Le barrage qu'avait nécessité cette construction
• Warnkœxig, La Flandre et ses institutions, t. II, p. 10.
* Grasgaignage, Le péage de V Escaut, p. 2.
' « Regio qua obliquis meatibus Scaldis interfluit. » (Eumène).
— 440 —
suscita, en 1866 des inquiétudes pour la naviga-
tion qui constatait des envasements nouveaux
dans les passes de l'Escaut en amont. Bien qu'il
fût reconnu que ces travaux n'en étaient pas la
cause , des mesures furent prises de commun
accord entre la Belgique et les Pays-Bas pour
obvier aux inconvénients éventuels qui pourraient
se présenter dans la suite '. »
Si depuis un demi-siècle l'invasion des eaux de
l'Océan ne s'est plus présentée, il en est une
autre qui agit insensiblement et contre laquelle
les riverains de l'Escaut songent à se prémunir,
c'est celle de l'ensablement des voies navigables.
Nous avons signalé plus haut quelques dériva-
tions qui se sont successivement comblées; la
tradition mentionne l'existence d'une communi-
cation de Gand vers le Sas-de-Gand -, qui eut été
un résidu du Huant primitif.
Si son existence est réelle, son ensablement ne
dut guère contrarier les transports vers la mer,
qui depuis 1257 se sont effectués par la Lieve sur
l'Écluse, dite alors Lammensvliet, en touchant à
Kodenburg (Aardenburg). Trois siècles plus tard,
cette voie étant devenue impropre aux navires
de haut bord, les Gantois décidèrent le creuse-
ment d'un canal sur le Sas-de-Gand. Il fut livré à
la navigation au début de l'an 1562; près de six
mois après que celui de Bruxelles à Willebroek
eût porté les premiers vaisseaux venant d'Anvers.
• G. Delcourt, Notice sur Aug. Stessels, p. 9.
» Vaernewyck, Uist., etc., lib. IV, cap. 26. (Th. Schellinck, II,
p. 116.)
'^ — 441 —
Les désastres postérieurs, ayant ou des causes
naturelles ou des causes intentionnelles, consé-
quences de la guerre, qui exigeaient le percement
des digues, amenèrent l'encombrement du canal
du Sas, qui dut être approfondi sous le régime
autricliien. « Le nouveau canal, écrivait Des
Roches en 1787, parlant de celui de Gand au Sas,
dans lequel les bateaux touchent au fond pendant
les mois les plus secs, ne prouvent que trop en
quelle quantité les sables se charrient ^ » On dut
y travailler souvent depuis lors. En 1825 on l'ap-
profondit de nouveau, mais en même temps on le
poursuivit jusqu'à Terneuzen, d'où le 2 décembre
1827, un navire, parti de Bordeaux, était arrivé
à Gand. Cette voie était acquise à la navigation.
Cependant, l'envasement s'est représenté, et
aujourd'hui l'ensablement, rappelant celui de
1787, réclame de nouveaux travaux.
Ce n'est pas seulement contre Tinondation des
flots de la mer, qui pourrait se reproduire "", que
l'industrie humaine doit rester en éveil, mais
encore contre l'envasement des voies navigables ;
tâche qui réclame peut-être des études toutes
nouvelles. Ces obstacles vaincus, il nous sera
permis de dire avec Corn. Graphaeus ^ : « Gloire
à ScALDis, qui depuis sa source jusqu'à son embou-
chure nous apporte toutes sortes de biens. »
C. Van dee Elst.
* Histoire ancienne des Pays-Bas, t. I, p. 155.
' « Daer komt wel water daer water gewsest is. » J, Cats.
^ Le triumphe d'Anvers, p. 26 verso.
— 442 —
UNE LEGENDE
DU
DIABLE AU PAYS DE CHIMAY.
LA PIERRE-QUl-TOURNE,
ENTRE FROIDCHÂPELLE ET SIYEY.
Le pays de Chimay a conservé sa réputation de
pays des loups ; mais , comme toute contrée aux
grandes forêts , aux grands terrains déserts , aux
immenses campagnes peu habitées , c'est la patrie
des superstitions , des légendes et du merveilleux.
Ces localités ont conservé un arrière goût du
moyen-âge et de ses croyances naïves. Certains
taillis sont hantés , certaines forêts sont maudites ,
certaines côtes sont des escaliers du diable , cer-
taines prairies entourées de bois servent au sahbat,
certaines ruines cachent la gâde d'or, ou des cof-
fres de richesses enchantées qui s'évanouissent
aussitôt que la pioche touche la cassette.
Les roches d'aspect un peu extraordinaire n'ont
pas manqué d'attirer Tattention et on y a attaché
une part de sorcellerie.
— 443 —
Il y a dans cette contrée plus d'un point de res-
semblance avec les Ardennes. Comme ces der-
nières le pays de Chimay fut habité depuis les
temps les plus anciens.
Aussi , comme toujours du reste , ces supersti-
tions , ces croyances locales se rapportent-elles
souvent à une vague réminiscence archéologique ,
travestie par le peuple pendant la succession des
siècles. Ici l'emplacement dune sépulture, d'un
cimetière antique , est nommé le pàchy des morts ;
là les restes d'une villa romaine, cachées sous les
arbres de la forêt , sont devenus les villes de l'ab-
bye ; là un crime, commis dans un passage écarté
et dangereux livré aux agissements des malfai-
teurs, en a fait un heu hanté par le diable; plus
loin enfin des roches, des monohthes, des amas de
pierres ayant servi à un culte oublié sont attri-
bués à un travail diabolique.
Ainsi jnet^re-qui-toume , pierre-qiù-bique ^ pierre
qui-branle, voilà toutes appellations qui sentent
d'une lieue le culte druidique et ses monuments ,
ou mieux encore l'époque mégalithique ou cel-
tique pour employer une expression plus juste,
quoique non moins obscure.
Ces derniers monuments sont très-rares chez
nous. On en citait deux en Belgique, d'abord la
Pierre-du-diable à Jambes près de Namur ; mais il
est prouvé aujourd'hui qu'on en avait parlé sans la
connaître, et que ce n'était pas une pierre-bran-
lante , mais seulement un dolmen » .
• V. Mémoires de la Société des Sciences du Hainaut. Série 2,
tome X, p. XXV.
— 444 —
Ensuite la Pierre-qui-tourne , dans un bois à
Spy , village de la même province de Namur ,
pierre ronde , de nature sablonneuse , paraissant
être le produit naturel et non travaillé du sol ,
mesurant environ six j)ieds de diamètre et trois
ou quatre de haut , qui tournait à midi , préten-
dait-on, et qui fut détruite sous Tempire français
pour réparer la chaussée de Bruxelles \
Nous pensons qu'il est urgent de tirer de Foubli
tout ce qui se rapporte à ces époques peu connues
et dont les souvenirs et les traditions sont aujour-
d'hui si rares, si vagues, si éteints.
C'est ce devoir d'un archéologue désirant mettre
sa pierre à l'œuvre commune , que je viens rem-
plir en parlant d'un monument mégalithique
aujourd'hui passé à l'état de légende et qui se
trouvait dans un bois de Froidchapelle ^ , près de
Chimay. Il avait nom : Pierre-qui-tourne . C'était
encore dans le premier tiers de ce siècle, le centre
où convergeait l'intérêt et l'action de toutes les
légendes , de toutes les sorcelleries , de tous les
fait surnaturels des environs.
Pour aller à minuit, seul, par un ciel sombre,
au carrefour où se dressait la Pierre-qui-tourne,
il fallait avoir du courage et de la volonté, car on
risquait son salut. On y pouvait gagner la for-
tune , mais il fallait vendre son âme au démon ,
après l'avoir évoqué à trois reprises différentes et
à haute voix et Tavoir vu surgir du milieu du
* V. Annales de la Société archéologique de Namur, t. IX, p. 427.
* Ce nom vient de Froaldi ca^nlla, chapelle de Froalde,
— 445 —
bois avec d'affreuses grimaces, une figure rouge
et des pieds fourchus ! Brrr ! Ça faisait froid au
cœur, rien que d'y penser, et chacun frémissait à
l'idée de cette apparition, de la conversation et
du marché qui s'ensuivait. Aussi en passant sur le
chemin qui longeait le bois , se signait-on de
frayeur, en détournant la tête et pressant le pas.
Maints esprits forts, qui avaient voulu tenter
l'aventure , s'en étaient raccouru haletants et
tremblants au moment de consommer la céré-
monie de l'évocation , avec les gestes et les signes
cabalistiques qui leur avaient été indiqués par
l'une ou l'autre vieille sorcière initiée aux mystè-
res du carrefour de la Pierre-qui-tourne.
A peine en citait-on un ou deux qui eussent la
réputation d'avoir conversé avec satan. Encore
s'étaient-ils montrés moins malins que ce voleur
des âmes, disait-on, et avaient-ils perdu leur
salut éternel sans avoir pu forcer Lucifer à lâcher
son trésor et à leur donner la fortune en retour.
Ils s'étaient enfui du village en but à la réproba-
tion générale.
Vers 1835 la Pierre-qiii-toume conservait encore
l'amas de richesses qu'elle recouvrait et sur lequel
le démon l'avait déposée, après l'avoir été cher-
cher en pays étranger au prix des plus grands
efforts et des plus grandes fatigues.
C'était en effet une pierre étrangère , un bloc
énorme de grès fin gris-jaunâtre, tandis que la
roche des terrains d'alentour est du calcaire bleu.
Personne donc, jusqu'en 1835 , n'était parvenu
à forcer le diable à lâcher son trésor, ni à ren-
— 446 —
verser la pierre pour s'en emparer; elle conser-
vait ses richesses cachées. Le monolithe majes-
tueux et puissant restait dressé immobile sur sa
base oscillante. Seulement une fois par jour, au
lever de l'aurore, au moment où le coq chantait,
la pierre faisait un tour sur elle-même et tout
était fini jusqu'au lendemain à pareille heure.
Cependant on était au XIX*" siècle , époque
éminemment sceptique, oii l'autorité et la force
publique doivent avoir raison de tout obstacle,
qu'il vienne de Dieu ou du diable. La commune
de Froidchapelle avait besoin d'argent, les admi-
nistrateurs étaient des esprits forts , convaincus
de leur puissance et de leur droit ; ils prirent une
grande résolution et décidèrent de vaincre le
Malin et de lui enlever son trésor au profit de la
commune ; de méchantes langues disent même à
leur profit personnel. On arma une compagnie
d'ouvriers de tous les outils nécessaires à l'expé-
dition, tous suèrent sang et eau pendant plusieurs
jours, et enfin l'imposante autorité eut raison de
la pierre enchantée ; celle-ci s'abattit avec fracas
et vint se briser sur le sol. Le charme fut rompu
et l'on entendit au même moment dans l'atmos-
phère le bruit formidable de puissantes ailes qui
battaient avec vigueur l'air du voisinage. Les uns
y virent la preuve de la fuite des démons chassés
de leur gite favori ; mais en conscience , nous
devons ajouter que jusqu'à sa mort, arrivée quel-
ques années après, le garde-champêtre, ancien
soldat de Napoléon , prétendit avoir vu distincte-
ment une nuée de corbeaux chassés au loin par le
— 417 —
fracas du rocher renversé. Quoiqu'il en soit les
puissances infernales et les sorcières du bois fu-
rent vaincus. Quant au trésor, il s'était évanoui,
le diable l'avait sans doute emporté avec lui.
Un hôtelier philosophe de Chimay, chez qui
nous logeâmes le soir de notre excursion, nous
dit en ricanant : le seul trésor qu'il y avait sous
la Pierre-qui-tourne et qu'y avaient cherché et
trouvé les gardiens de la caisse communale, obé-
rée par le budget des chemins vicinaux , était la
pierre elle-même, qui fut distribuée en pavés uti-
lisés ensuite pour le service de la voierie. Cette
catégorie d'industriels est le sceptisme et le maté-
rialisme personnifiés ; ils ne croyent pas au diable !
Il y a un mois que nous avons vu les restes du
colosse gisant le long de la route de Beaumont à
Froidchapelle, non loin du cabaret enseigné : A la
Pierre-qui-tourne .
Ce que nous avons écrit , nous a été dicté par
la bonne vieille grand'mère du cabaretier actuel ;
personnification assez intéressante qui appela no-
tre attention , et qui placée dans le cadre où nous
l'avons rencontrée et étudiée, dans les dispositions
d'esprit où nous nous trouvions, se prêtait mer-
veilleusement à être gratifiée par notre imagina-
tion d'une auréole de puissance occulte.
Nous laissons à cette vieille toute la responsa-
bilité de notre narration. Nous devons même
avertir nos lecteurs que nous croyons avoir re-
marqué qu'elle y mettait une pointe de malice à
l'adresse des vandales qu'elle accusait. Mais nous
n'avons pu démêler s'il s'agissait d'un mélanco-
— 448 —
lique regret de la puissance de sorcellerie chassée
de la forêt et d'une rancune contre l'autorité vic-
torieuse; ou s'il s'agissait seulement d'une mo-
querie et d'une ironie mordante à l'adresse des
destructeurs d'un souvenir populaire et des stupi-
des et crédules chercheurs de trésors surnaturels.
La figure intelligente et malicieuse de la vieille
pouvait en effet laisser du doute sur l'intention
qui l'animait et sur le point de savoir si elle dé-
fendait le siècle passé et la sorcellerie ou le siècle
moderne et l'archéologie.
Nous croyons utile en finissant de faire remar-
quer au lecteur que, malgré la forme un peu
légendaire de cet article en ce qui regarde la pré-
sentation du sujet, tout ce qui est de fait et tout
ce qui touche à l'archéologie est scrupuleuse-
ment vrai et doit entrer dans le cadre des obser-
vations relatives à l'histoire de l'arrondissement
de Charleroi.
Charleroi, ce 10 février 1878.
D. A. Van Bastelaee,
Président de la Société archéologique de
l'arrondissement de Charleroi.
— 449 —
UNE LETTRE
DE
HENRI DU TOUR, LE JEUNE.
A M. Ferdinand Vanderhaeghen , bibliothécaire de
V Université de Gand.
« Mon très cher Collègue,
)) Lors de votre dernière visite au Musée
Plantin-Moretus, je Vous fis voir les lettres de
Henri du Tour le jeune, que nos archives renfer-
ment. Une d'elles excita plus spécialement votre
attention et Vous me fîtes Thonneur de nie de-
mander de la publier dans le Messager des Sciences
historiques. Je Vous promis de le faire et remplis
aujourd'hui cette promesse, en ajoutant au docu-
ment en question quelques éclaircissements, tirés
également de nos archives.
)) Voici donc la lettre et ses commentaires.
» Votre tout dévoué,
» Max. Rooses,
» Couservateiu- du Musée Plantin-Moretus. »
30
— 450 —
« Au sieur Christoffle Plantin, chef imprimeur du Roy
en son imjprimerye derrière le marché de Vendredy,
à Anvers.
» Trèsclier compère.
» J'ay receu voz lectres avec les chartes et figures des
villes et provinces du Pais-Bas , desquelles je feray mon
debvoir pour avoir aussi le pourtraict de la ville de Gand,
au plustost qu'il me sera possible. Car je m'ay blessé en
ma jambe {dans la marge : op de scbene) que je ne puis
encore aller par les rues , qu'il me fauldra par ce moyen
attendre encore quelque 3 ou 4 jours que la jambe soit
reguarye, s'il plaict à Dieu. Et me semble sans besoin d'en-
voyer vostre copie originele de vostre privilège , mais qu'il
suffira d'en envoyer une copie signée par quelque notaire ,
et j'en feray mon debvoir selon mon pouvoir pour en avoir
le congié ou absolute responce et resolution.
» Sy le prince de Condé est arrivé en Anvers le vendredi
au soir, il a faict bon voyage , car il estoit icy jusques aux
10 heures du matin, à cause de la seconde foulle et trouble
de mauvais bruict des malconteuts, car comme il estoit
sorty la porte d'Anvers et oyoit l'alarme des tambourins ,
il est retourné en la ville, jusques à ce que les troubles
cessèrent, lesquelles commencoyent d'un mauvais bruict
de villageois lesquelz s'enfuyoyeut en la ville en apportant
le bruict que les malcontents estoyent derrière eulx , dond
il n'en estoit rien ou bien peu. Mais il nous fault bien
confesser et doner la gloire à Dieu que s'il n'eust veillé
pour nous le jour précédent, et leur envoyé sur le col une
pluye sy excessive qu'ilz ne pouvoyent tenir feu eu leur
mesches, que nous fussions trestouts perduz et massacrez.
Car ils ont esté jusques au dessus des remparts, et
n'avoyent nulle eaue à passer, et n'y estoyent que 7 soldats
— 451 —
des nostres sur le rampart , donc! les 4 n'avoyent point de
pouldre et s'enfuyoyent et il estoit bien long temps devant
que les bourgeois estoyent prests , oultre tout cecy, avec la
venue et entrée du prince de Condé par la mesrae porte,
on avoit descbargé et tiré toutes les pièces d'artillerye
dudict costé , lesquelles estoyent encore vuydes , et n'y
avoyent ny boulles, ny pouldre tellement que pour le pre-
mier coup de canon les bourgeois versoyent leur pouldre
en un chapeau , dond ils tiroyeut un coup avec le tappon.
Et cependant l'ennemy n'osoit entreprendre l'assault,
voyant le nombre des bourgeois accroistre et par ainsy ilz
se reculèrent eu pillant et chassant devant eulx touts les
chevaulx, vaches et brebis qu'ils pouvoyent rencontrer
jusques à Courtray.
» Nous fondons les imperfections de l'Augustine alle-
mande, lesquelles, corne il me semble, montent sy hault
qu'il ne me semble besoin d'en fondre la seconde foute ,
puisque je pense que vous avez délibéré de faire parfournir
la première fonte avec les imperfections. S'il ne vous dis-
commode et que ne l'oubliez , je vouldi'oy bien veoir une
espreuve de l'Herbaire,
» Je me trouve en telle charge avec la maison mortuaire
de mon père que je ne voy moyen de me pouvoir mectre en
ma besoigne et soigner de mes affaires , encore en dedans
4 ou 5 sepmaines, et ne scay aussy après toute la ruse et
travail si je prouficteray chose d'importance ou non , telle-
ment qu'il m'ennuye grandement et ne fust la compassion
des 5 petits enfants du dernier lict, je feroy peu de compte
de quicter le tout.
» Et sur ce me recommandant a vostre bonne grâce, de
la dame de voz biens et le reste de vostre famille , je prye
Dieu estre vostre garde.
» De Gand, ce 11 juillet 1580.
» Vostre compère et serviteur à commandement,
» Heney du Touk. »
— 452 —
En reprenant successivement chaque alinéa de
cette lettre, nous voyons par le premier que Plantin
avait demandé à Henri du Tour de s'entremettre
pour faire dresser le plan de la ville de Gand.
L'ouvrage dans lequel ce plan devait figurer et
dont Plantin proposait de lui envoyer le privilège,
est évidemment la Description des Pays-Bas , par
Guichardin.
Nous savions par l'excellente étude bibliogra-
phique de M. Boele van Hensbroeck, que Guillaume
Silvius, qui avait fourni la première édition de
Guicciardini en 1567, préparait, vers 1580, une
seconde édition de cet important ouvrage. Déjà il
s'était adressé à quelques villes pour obtenir des
subsides, qui le missent à même de faire dresser
de nouveaux plans, et celle d'Utrecht lui avait
accordé de ce chef une somme de 30 livres.
Cependant ce ne fut pas lui, mais Plantin qui,
comme on sait, publia l'édition de 1581. L'archi-
typographe anversois s'adressa également , en
1580, aux différentes communes du pays et, comme
il l'atteste dans la préface du livre de Guichardin,
il fit tailler les cartes des provinces et des villes
(( selon les patrons qu'il a pieu à quelques ungs
des magistrats, d'aucunes d'icelles villes nous en-
voyer libéralement. » La ville de Leiden paya le
22 août 1580 « aan Jan Liefrinx 40 gl., van
» 40 gr. 't stuck, voor het teekenen van de stadt
» op platte forme en op 't perspectief, om naer
n Antwerpen gesonden te worden aen Christoffel
)) Plantijn, eertijdts drucker, ende gestelt te wor-
)) den in het boeck van Guiardyn, volgens be-
— 453 —
» lofte van de stadtswegen aen Plantijn gedaen ' . »
La demande de Aantin à Henri du Tour a donc
probablement pour objet de faire dresser par l'in-
tervention et aux frais de la commune un plan de
la ville de Gand. Il serait intéressant de savoir si
la démarche du fondeur gantois a été couronné
de quelque succès. Peut-être sa mort, arrivée peu
de temps après, Ta-t-elle empêché de servir effi-
cacement son compère, et Plantin a-t-il été obligé
de faire dresser à ses frais, par un dessinateur
envoyé d'Anvers, le plan qu'il avait demandé à
du Tour.
Notons en passant que la carte de Gand de 1581
diflère sensiblement de celle de 1567; et que la
plus récente comj^rend, entre autres changements,
ceux qui , dans Tintervalle , furent apportés aux
fortifications de la ville.
Par les comptes de l'imprimerie Plantinienne,
conservés au Musée Plantin-Moretus, nous appre-
nons que l'éditeur fit dessiner à ses frais et sur les
lieux le plan d'une des villes figurant dans la Des-
cription des Pays-Bas. Le 4 décembre 1581, Plantin
paya à Pierre le Mesureur 4 livres « pour le pro-
taict de Cab., » ou comme il dit plus explicite-
ment ailleurs : « pour la ville de Cabray qu'il a
baillé et portraicturé pr le livre de Guicciardin. »
Mais celui qui fit le gros de l'ouvrage fut,
comme Plantin nous l'apprend dans l'importante
* Voir la bibliographie de L. Guicciardini, Descrittione di tutte i
paesi bassi, par P. A. M. Boele van Hensbroeck. Utrecht, Bijdra-
gen en tnededeelingen van hct Historisch Genootschap.
- 454 -
lettre que nous faisons suivre ici, le grand géo-
graphe Abraham Ortélius.
En date du 16 févTier 1580, Plantin écrit à
Guillaume Sylvius, demeurant à Leide :
« A u signeur M' Guillaume Silvius.
» Mon compère. Geste est pour accompagner la lectre
du seigneur Louis Guichardin, par laquelle il vous adver-
tist comment à l'instance de plusieurs personnages tant de
la part de Sou Altesse que de Messeigneurs des Estats et
Conseil Privé et de Brabaut, j'ay accordé suivant le pri-
vilège qu'ils m'en ont envoyé en toutes langues , de faire
pourtraire et tailler les cartes générale et particulières de
ces Pais-Bas et les villes principales d'iceux en platte forme,
le tout en cuivre , a quoy le signeur Ortélius avec quelques
excellents painctres et quatre tailleurs sont en besougne
passé jà quelque temps , et advancent fort ledict ouvrage
pour incontinent les imprimer au livre dudict signeur
Guichardin contenant la description desdicts Païs-Bas ,
qu'il a augmenté grandement tant de son industrie que
de plusieurs particularités, qui en l'honneur desdicts pais
et nostre faveur luy ont este suppéditées par (juelques
ungs d'entre les plus doctes et accords ' desdicts seigneurs,
qui m'ont solicité de vouloir entreprendre lesdicts ouvrages
et impression. Et d'autant que c'est chose arrestée et réso-
lue qu'il me convient poursuivre eu diligence les choses
susdictes, je n'ay voulu pour l'ancienneté, cognoissance et
familiarité de vous en advertir et offrir le payement de
telles figures que pouvés avoir soit en bois , soit en cuivre
(encores que je ne m'en veuille servir veu que je fays faire
le tout en cuivre en autres grandeurs que les vostres), et
• Accort : (Ital. accorto.) Ingeniosus.
— 455 —
pareillement de tous pourtraicts , versions et autres des-
penses que voudrés présentement délivrer. Lequel paye-
ment de ce qu'aurés déboursé j'offre pour milleure com-
modité vostre de faire en argent comptant, ou bien en
autant d'exemplaires dudict livre au prix du coust de
l'impression que pourra monter vostredict déboursement
par cy devant faict, ainsi que de bouche je l'ay déclaré au
sign"" André Verscliaut , porteur de la présente et donné
commission d'en traicter et parler plus amplement avec
vous, et de m'envoyer incontinent vostre response absolue,
devant que je commence à imprimer l'œuvre eu italian (ce
que j'espère faire devant 15 jours) et à la faire traduire eu
latin, frauçois, flameng, allemand et autres langues que
trouverons propre. Cependant je me rec"^* à vostre bonne
grâce et de ma commère vostre partie et reste de vostre
famille. D'Anvers, ce W jour de febvrier 1580. »
Nous ne connaissons point la réponse de Si! vins
à cette lettre; mais il faut bien qu'il se soit mis
craccord avec Plantin pour céder les planches que
celui-ci désirait acquérir , puisque nous avons
trouvé les bois et les cuivres du Guicliardin de
Silvius dans la collection des planches de la mai-
son Plantin-Moretus.
Quant aux quatre tailleurs qui ont exécuté les
cartes de Guichardin, les comptes de Plantin ne
les nomment point, mais il est permis de croire
que ce furent les Hogenberch, de Cologne, et leurs
aides. En effet, de nombreux paiements furent
faits en 1579 et 1580 par Plantin à Ortélius pour
fourniture d'Atlas et pour un contrat conclu avec
lui, contrat se rapportant probablement à Touvrage
de Guichardin. Mais, en dehors de ces sommes,
— 456 —
nous en trouvons mentionné d'autres qui furent
payées « à Ortelius pour Hogenbercli de Cologne
et fils. )) Le 24 mars 1580 cent florins furent ainsi
déboursés ; le 3 septembre de la même année
90 florins furent portés en compte du même chef.
En nous rappelant que François Hogenberch,
Ferdinand et Ambroise Arsenius furent les gra-
veurs des Atlas d'Ortélius, et que la taille des
planches de la Description des Pays-Bas et de
celles du Théâtre du moîide présente de frappantes
analogies, il est permis de croire que ce furent
encore François Hogenbercli et son fils, assistés
de ses deux compagnons, qui gravèrent les cartes
du Hvre de Guichardin.
Nous pouvons être bref dans nos observations
touchant le second alinéa de la lettre de Henri du
Tour. L'événement dont il y est question peut se
résumer, d'après les annotations de de Kempe-
naere, de la façon suivante.
Le 5 juillet le prince de Condé, fils du prince
de Condé tué à Cognac, pendant la guerre qu'il
faisait à Charles IX, comme chef des Huguenots,
fit son entrée solennelle à Gand. Ryhove avec ses
cavaliers et d'autres bourgeois notables allèrent à
sa rencontre ; il logea chez l'amman Joos Stalins.
Le jour suivant il inspecta les fortifications; le
lendemain il y eut une alarme causée par les mal-
contents , qui s'étaient avancés jusqu'auprès des
portes de Bruges et de Muide et furent repoussés
par les bourgeois. Le surlendemain, 8 juillet, il y
eut une seconde panique causée par le bruit d'une
nouvelle attaque des Wallons. « Le .prince de
— 457 —
Condé, qui était sur le point de partir pour Ter-
monde, parcourut à cheval les remparts, l'épée au
clair, et encouragea les bourgeois à bien défendre
la ville contre Tennemi. Mais s'étant aperçu que
l'alarme était fausse, il partit. Pendant ce temps
les boutiques restèrent fermées et tout le monde
était à son poste. »
Ce dernier accident est raconté plus au long
dans la lettre de Henri du Tour.
Il sera nécessaire d'être un peu plus explicite
quant au dernier alinéa de la lettre.
La famille de van den Keere, ou du Tour, ou
Chaerius s'occupait des choses de l'imprimerie au
moins depuis 1556, date que portent les plus
anciennes publications de Henri van den Keere
Taîné. Le père de celui-ci, Pierre van den Keere,
acheta en 1553 la maison et le matériel de Josse
Lambrecht, mais ne paraît point avoir publié
d'omT:-age sous son nom \ Le fils de Henri van
den Keere l'aîné fut notre Henri le jeune, qui
s'adonna à la fonderie de caractères.
M. Ferd. Vanderhaeghen ne décrit aucun ou-
vrage portant son nom, et comme nous le verrons
plus loin, sa mort suivit de si près celle de son
père, qu'en supposant même qu'il eût eu l'intention
de continuer l'imprimerie de celui-ci, le temps lui
manqua pour mettre ce dessein à exécution.
Les archives du Musée Plantin-Moretus ont
conservé des comptes nombreux et importants du
» Voir sur les van den Keere F. Vanderhaeghen, Bibliographie
gantoise, I, p. 153.
— 45S —
matériel fourni par Henri du Tour à Plantin. Le
premier en date commence le 29 juillet 1570. Le
dernier, écrit après la mort de Henri du Tour le
jeune, va jusqu'au 27 juin 1581.
Pour donner une idée de l'importance de la
fourniture de ce poinsons, matrices et lectres fon-
dues, » annotons que le compte du 10 juin 1571
jusqu'au 19 décembre suivant, monte à fl. 592
pat. 3; celui du 3 mai 1572 jusqu'à Pâques 1573,
est de fl. 1018 pat. 14; celui de Pâques 1573 jus-
qu'au 27 septembre de la même année est de
fl. 503 pat. 9; celui du 11 septembre 1574 jus-
qu'au 16 avril 1575, est de fl. 1480 et 14 patars.
Nous voyons par la lettre de Henri du Tour que
son père vient de mourir et que les soins de la
mortuaire l'absorbent entièrement ; nous y voyons
également que lui-même était souffrant par suite
d'une blessure à la jambe. Son mal doit avoir
gravement et rapidement empiré, car un autre
document que nous allons transcrire prouve que
trois mois après avoir expédié sa lettre à Plantin
il n'était plus.
Sa veuve écrit le 4 octobre 1580 à l'imprimeur
anversois pour lui proposer d'acheter les poin-
çons, matrices et instruments de feu son mari.
Voici cette lettre :
« Eersamen, discreten S' Cliristoffle Plantin, mynen
lieven ende seer goetjonstiglien compère. UL. sal believen
te weten onser aller gesontlieyt, God sy lof; so ic hope
dat met UL. ooc is. Ic sende UL. defecten vande cleen
augustyne ende vande hoochduytsche ende spacikens van
thebreus.
— 459 —
» Voorts, beminden compère, ic sende UL. hier mede een
register van al myn smans, saleger memorie, poinsoenen
ende matrysen ende instrumenteu. Maer ic bid UL., com-
père, ofte UL. goedt dunct, dat ic UL. sende aile de
proefven van de letteren daer proefven op ghemaect syn ,
want hier syn veel afslaghen onghejusteert daer af en can
men gheen proefven ghetooghen. Daerom bid ic u, lieve
compère , schrift my daer van UL. advis. Groet my seere
UL. huusvrauwe. Niet meer op dit pas, dan blyft den
almachtigen God bevolen, welcken God ende Heere UL.
gheve een lancksaligh leven. Amen.
» Uut Ghendt, den 4" octob. 1580.
» By my U dienaresse ende ghevaerkev ,
» Elysabet vaîî Keeee. »
Le marclié proposé par la veuve de Henri du
Tour fut conclu. Nous trouvons en effet dans les
minutes de lettres de Plantin les annotations sui-
vantes :
« Je Christophle Plantin cognois et confesse debvoir
aux héritiers de feu Henrick vanden Keere , en son vivant
demeurant à Gand, tailleur et fondeur de lectres pour
Timprimerie, la somme de treze cents florins et ce pour
vingt sortes diverses de poinsons , de lectres et notes et
douze diverses sortes de matrices de lectres que j'ay
achaptés d'eux. Laquelle somme de treze cents florins je
leur promects payer ou au porteur de la présente en deux
termes esgaux , à scavoir six cents et cinquante florins de
ce jourdhui en six mois et les autres six cents cinquante
florins de ce jourdhuy en an. A condition toutesfois qu'au
cas qu'il ne me vint à commodité de payer les dictes
sommes audict terme que je leur en payeray la rente à six
— 460 —
et ung quart pour cent par chaicun an, jusques au jour
que je leur feray ledict payement.
» En temoing de quoy j'ai escrit et soussigné la présente
de ma propre main et signe manuel. Cy faict en Anvers le
15" jour de febvrier 15S1. »
Et immédiatement après vient Tannotation sui-
vante :
« Je Christopble Plantin promects à ma commère Ely-
sabeth, veufve de feu Henrick vanden Keere, que en cas que
l'un de ses enfants et de sond. défunct mari, ou bien leur
serviteur Tbomas vande Yecbter et non autres voulussent
cy après racbapter pour s'en servir, mais non livrer à autre
quique se fust , les poinsons et matrices que j'ay acbaptées
ce jourdbuy d'elle, soubs le nom des héritiers dudict dé-
funct vanden Keere, que les ayant alors sans les avoir
aliénés je les delivreray au mesmes prix quïl m'auront
cousté , sans quelque augmentation de prix par dessus le-
dict coust et payements, alors faicts pour lesdicts poinsons
et matrices. En tesmoins de quoy j'ay escrit et soussigné la
présente de ma propre main et signe manuel cy mis le
quinziesme jour de febvrier 1531.
La reconnaissance, signée par Plantin et cance-
lée après Tacquittement, se trouve également dans
ses papiers. La première moitié de la somme fut
payée le dernier février 1582.
Nous avons vu que le dernier compte de du
Tour à Plantin va jusqu'au 27 juin 1581. Nous
trouvons ensuite des factures de Thomas de Yech-
ter, prouvant que Tancien serviteur des du Tour
avait continué, pour son propre compte, la fonde-
rie de son maître.
— 461 —
Nous possédons de lui une lettre adressée à
Plantin, sous la date du 4 janvier 1581, par la-
quelle il annonce à celui-ci l'envoi des poinçons
et matrices , appartenant depuis longtemps en
propre à Plantin et se trouvant à cette époque
dans la fonderie gantoise. Il finit cette lettre par
la recommandation suivante :
« Voorts, beminden vriendt, ic recommandeere my
altyt in uwe goede gratie, UL. biddende om UL. dienaar
te wesen so langhe UL. de gieterye van doene hebt, ghelyc
ic hope dat UL. ooc my niet ontsegghen en suit. »
Le premier compte de Thomas de Vechter à
Plantin porte en tête les mots :
« Dit is het weerck dat ic gbegoten heb voor s^ Chris-
toffle Plantin, sichteut den 10° septemb. 1581, tôt Ghendt. »
Le compte court jusqu'au 14 décembre suivant
et monte à 44 fl. 6 sols.
Le second compte porte comme en-tête :
« Dit navolgbende is al het weerck, dat ic gedaen hebbe
voor s^Christoffle Plantin, sichtent den 5*° januarius 1582,
in Antwerpen. »
Ce second compte est important, il s'étend jus-
qu'au 14 avril 1583 et monte à 526 fl. 19 '/s sols.
L'entête nous montre que le fondeur gantois avait
transporté son atelier à Anvers.
Ce fait est confirmé par une troisième pièce
intitulée :
« Dit is den ontfanck van haude letteren, ende het loot,
— 462 —
ende de stoffen die ic ghelevert hebbe om te verghieten,
siclitent den 5° january 1582, binnen Antwerpen. »
Thomas de Vechter changea une seconde fois
de domicile. En effet le Musée Plantin-Moretus
possède de lui deux lettres , datées du 3 novem-
bre et du 10 décembre 1592, écrites toutes deux
de Leiden. La seconde porte l'adresse exacte du
fondeur :
« Thomas de Vecliter, lettergieter, in de Vrouwestege
aen de Breestraet. In Leyden. »
Par ces lettres nous voyons que Jean Moretus I
faisait encore fondre chez de Vechter, après le
départ de celui-ci pour sa nouvelle patrie.
Max. Kooses.
— 4G3 —
LES TROIS PREMIERS TYPOGRAPHES
DE STRASBOURG.
Il nous manque encore un bon travail sur les
premiers temps de la typographie strasbour-
geoise. Cela est d'autant plus regrettable que,
depuis le funeste bombardement de 1870 , la
riche bibliothèque de la capitale de l'Alsace et
ses archives tout aussi riches, ont péri. Depuis
lors, un semblable travail est devenu presque
impossible.
Ce n'est pas que l'Alsace en général et la ville
de Strasbourg en particulier, aient jamais manqué
d'hommes savants. Mais, par malheur, les per-
sonnes qui se sont occupées de ITiistoire de l'im-
primerie de cette ville , mues par l'esprit de clo-
cher, ont moins cherché à découvrir la vérité
qu'à inventer des fables qui pouvaient flatter cet
esprit de clocher. Et à ces nombreuses fables
qu'elles nous ont débitées , on ne peut même pas
appliquer le proverbe italien si connu : Se non e
vero, e ben trovato.
Je n'ai aucunement la prétention de remplir la
— 464 —
lacune que je viens de signaler. Je veux seule-
ment offrir aux amateurs de la vieille typographie
le résultat de quelques petites recherches sur les
premiers temps de l'imprimerie à Strasbourg et
sur ses trois plus anciens typographes.
Il ne sera pas question ici des premières tenta-
tives de Gutenberg à Strasbourg. Ces tentatives ,
on le sait, ont d'ailleurs été contestées. En tout
cas, il est certain qu'elles n'ont pas abouti en
cette ville et que rien n'y a été produit alors en
fait d'impressions.
Nous savons par contre , que Strasbourg fut
l'une des premières villes de l'Europe à recevoir
les bienfaits de l'imprimerie. Suivant le récit
consigné par l'abbé Trithème dans ses Annales
dHirschau , c'est d'abord à Strasbourg que les
ouvriers mayençais importèrent l'art typogra-
phique. Selon la chronique de Cologne, c'est
cette ville qui eut la priorité et Strasbourg vint
ensuite. Il est connu maintenant que Bamberg
devança ces deux villes. C'est certainement la
seule cité , à l'exception de Mayence , qui puisse
fournir des preuves qu'on y a imprimé avant
1462. Si ce fait a été si longtemps ignoré, s'il l'a
même été des contemporains , c'est que Bamberg
n'a produit que pendant un très-petit nombre
d'années quelques impressions assez insigni-
fiantes. Si la célèbre Bible de 36 lignes y eut été
imprimée, comme on l'a cru longtemps, et comme
quelques-uns semblent le croire encore ^ , cette
1 Entre autres, et je m'en étonne, le savant bibliothécaire de
— 465 —
ignorance n eut été rien moins que merveilleuse.
Tout le monde sait que Cologne reçut l'impri-
merie, un peu après 1462, par le fameux Ulric
Zell. Elle semble avoir été importée à Strasbourg
vers la même époque, mais par qui?
On a cru longtemps que Jean Mentel, ou
plutôt , comme il écrivait lui-même son nom,
Mentelin, devait être considérée comme le plus
ancien typographe de Strasbourg. Or, ceci est
loin d être prouvé , et il serait difficile d'assigner
le premier rang à l'un de ces trois hommes qui
vont suivre ; c'est-à-dire à :
Henri Eggestein ou plutôt Eckstein ,
Jean Mentelin et
Adolphe Rausch ou de Rauschenburg , d'Ing-
weiler.
Il est non seulement possible , mais il est même
fort probable que ces trois typographes , après la
catastrophe qui frappa Mayence en octobre 1462,
quittèrent cette ville pour s'établir à Strasbourg
vers la même époque. Certains bibliographes ont
bien dit ou répété que les caractères employés
anciennement à Strasbourg , n'avaient aucune
ressemblance avec ceux mis en œuvre à Mayence.
Mais cette assertion n'est pas exacte. On n'aura
pas bien examiné et pas remarqué par consé-
quent , que les types des trois plus anciens t}^o-
rUniversité de Gancl, M. Ferdinand Vanderliaeghen ; voir le Messa-
ger, année 1875 , p. 285. -^ Je me propose d'essayer bientôt de
démontrer que cette Bible célèbre n'a rien de commun avec Albert
Pfister.
31
— 466 —
graphes de Strasbourg indiquent l'influence exer-
cée par leur maître à tous trois, qui n'est autre ,
selon moi, que Gutenberg. On y voit, en effet,
une imitation, non pas bien stricte, mais évidente
cependant, des caractères du fameux Catholicon
de 1460. Cette circonstance, réunie à d'autres
inductions, favorise l'opinion que Mentelin, Egge-
stein et Rauscli étaient trois élèves de Gutenberg
et vinrent s'établir à Strasbourg après la publica-
tion du Catholicon, et sans doute aussi après le
sac de Mayence en 1462. Des trois typographes
cités, deux au moins étaient de noble extrac-
tion, et devaient préférer faire leur apprentis-
sage chez Gutenberg , plutôt que dans les ateliers
de Faust et Schœffer. Ils avaient d'ailleurs peut-
être connu Gutenberg lors de son long séjour à
Strasbourg.
Plusieurs auteurs, depuis quelque temps, croient
à deux émigrations successives des ouvriers typo-
graphes de Mayence , la première après le procès
de 1455 , la seconde après la surprise et le sac de
la ville en 1462. Mais, sauf pour Bamberg, nous
n'avons pas la moindre preuve de la jjremière
émigration à laquelle je n'ai jamais pu ajouter foi.
Ce n'est pas que le fait ne soit possible , ni même
assez probable. Mais l'histoire doit s'appuyer, non
pas sur des possibilités , mais sur des faits , sur
des preuves.
On n'a commencé à dater les impressions à
Strasbourg qu'en 1471. On a toutefois un grand
nombre d'anciens imprimés qui portent des dates
manuscrites que l'on peut regarder comme au-
— 467 —
thentiques et probantes, surtout parce qu'elles se
contrôlent lune par Tautre. Eh bien, de ces nom-
breuses souscriptions manuscrites , aucune ne re-
monte au-delà de l'année 1466 ', et je pense que
pour Strasbourg comme pour Cologne, on doit
fixer répoque des premières impressions vers 1463
ou plutôt vers 1464.
Je vais maintenant dire quelques mots des trois
premiers typographes Strasbourgeois , en com-
mençant par
Henri Ecksteix ou Eggestein.
Je ne prétends pas que celui-ci devança ses
deux concurrents , mais il est celui des trois qui
peut s'appuyer sur les plus anciens documents
authentiques. Ce fut lui aussi qui data le premier
ses impressions, ce qui eut lieu en 1471. Quant
aux souscriptions manuscrites , il partage avec
Mentelin la date de 1466.
11 existe cependant sur Eggestein un autre do-
cument très-intéressant , mais fort peu connu
encore, bien qu'il ait été reproduit à différentes
reprises dans des publications en langue alle-
» Je crois cependant me rappeler que, il y a quelques années de
cela, M. Olivier, libraire bien connu à Bruxelles, m'assura avoir vu
une Bible latine de Mentelin, qui aurait porté la date manuscrite
de 1459. Je ne mets pas en doute, le moins du monde, l'assertion de
l'honorable libraire ; mais aura-t-il bien lu cette date, ou bien cette
date, comme tant d'autres, n'était-elle pas erronée? En tout cas il
y aurait certainement à appliquer l'adage juridique : « Un témoin,
point de témoins. » L'annoteur aura écrit 1459 au lieu de 1469.
D'autres exemplaires de cette Bible portent les dates manuscrites
de UGG et 1468.
— 468 —
mande. Il s'agit d'un passeport ou sauf-conduit,
daté de Heidelberg le lundi après la fête des Ra-
meaux (30 avril) 1466, par Frédéric I, comte pala-
tin du Rliin et duc de Bavière, accordé à Henri
Eckstein, imprimeur, et à ses ouvriers. Cette pièce
constate que le même j)rince lui avait déjà déli-
vré des sauf-conduits semblables depuis nombre
d'années '. — Est-ce en qualité de typographe que
ces passeports antérieurs avaient été délivrés à
Eckstein? — Cest possible; toutefois, le docu-
ment n'est pas explicite sur ce point. Dès 1471
d'ailleurs, Eckstein assure dans Tune de ses sous-
criptions, qu'il avait déjà imprimé d'innombrables
volumes, innumerata volumiiia.
Henri Eggestein était de famille noble; il por-
tait dans ses armoiries un chevron sous lequel se
trouve une rose à cinq feuilles. Un sceau à ces
armoiries se conservait encore naguère à Stras-
bourg. Il acquit en cette ville le droit de citoyen
dès l'an 1442. Il portait le titre de maître es arts
et es philosophie , et devint chancelier épiscopal
de la cour de Strasbourg. Plusieurs chartes qui
ont été publiées ou simplement mentionnées, prou-
vent assez qu'il jouissait de beaucoup de crédit et
de considération. Je ne parlerai pas de ses nom-
breuses et importantes impressions, qui sont assez
connues, me bornant à rappeler qu'il vivait et
* On peut lire ce document dans Touvrage intitulé : Zum Ge-
duchtniss der vierten Sàcularfeier der Erfiad^mg der Buchdrucker-
kunst. Heidelberg, 1840, in-8°, p. 76, et dans Umrreit, Die Erfin-
dung der BucMruckerkunst , etc. Leipzig, 1843, in-S", pp. 136-137.
— 469 —
imprimait encore en 1478. L'époque de sa mort
n est point connue. D'après Gebweiler, Eckstein se
serait associé , à une époque indéterminée , avec
Mentelin. Rien ne confirme cette assertion, qui
me parait erronée. Gebweiler d'ailleurs, est un au-
teur qui, en fait d'erreur, est coutumier du fait.
Passons donc à
Jean Mentelin.
On s'est assez et même trop occupé de ce typo-
graplie célèbre, pour qu'il soit nécessaire de
s'étendre sur son compte. Je rappellerai seulement
que, né à Schlestadt, d'une famille consulaire, il
fio-ure à Strasbouro^ comme écrivain en or, dès
1447, et y acquit les droits de bourgeoisie la même
année. Ce ne fut qu'en 1473 qu'il se nomma et
qu'il pourvut d'une date l'une de ses impres-
sions '. Il est constaté qu'il fit fortune comme
typographe, à l'aide de publications importantes,
parfaitement appropriées à l'esprit du temps.
Mentelin mourut le 12 décembre 1478.
Jean Mentelin fat un typographe habile et labo-
rieux, rien de plus. On a trouvé bon de lui donner
une importance beaucoup plus grande que celle
qui lui revient. On a débité sur son compte les
fables les plus absurdes ; on lui a même attribué
l'invention de l'imprimerie, et il compte encore,
' Et uon en 1469, comme le dit par erreur feu Ambeoise Fiemin
DiDOT, Essai sur la typographie , dans {'Encyclopédie moderne,
t. XXVI, col. 628. Il a pris pour une souscription imprimée, ce qui
n'est qu'une souscription manuscrite.
— 470 —
sous ce rapport, des partisans en Alsace. Tout
cela a déjà été suffisamment refuté; je ne m'en
occuperai donc plus. Ce serait vouloir perdre mon
temps et celui du lecteur.
Mais les bibliographes ont encore trouvé bon
de l'avantager au détriment de son concurrent
qui va suivre, en lui attribuant toutes les nom-
breuses et importantes impressions de celui-ci.
C'était induement doubler le nombre déjà consi-
dérable de celles qu^il a réellement produit.
Le nom de ce concurrent est
Adolphe Rausch.
Ce typographe ancien, fort habile et très-fécond,
était resté presqu'inconnu. Il appartient plutôt
à la légende qu'à Thistoire. — C'est que son nom
ne paraît sur aucun des très-nombreux livres qu'il
a imprhné. L'histoire de Timprimerie était à peu
près muette sur son compte ; une légende alsa-
cienne , par contre , rapporte que Timprimerie
aurait été inventée dans le château de Rauschen-
burg, près d'Ingweiler, lieu de sa naissance et
dont il était seigneur.
Dans le Messager de 1868, pp. 367-373, j'ai
essayé de faire connaître Adolphe Rausch , ce ty-
pographe si remarquable, et sur lequel on n'avait
que quelques données, presque toutes inexactes.
— Cet article a reçu partout un accueil très-
bienveillant. Il fut traduit immédiatement en
allemand par feu le docteur F.-L. Hoffmann , de
regrettée mémoire, et inséré dans le Serapeurd. En
— 471 —
France aussi ma dissertation fut très-bien accueil-
lie et mon essai de démonstration que Rauscli
n était autre que le fameux im^Drimeur à la lettre
R fut adopté sans aucune contestation. Je ne
répéterai point ce que j'ai dit dans cette notice, à
laquelle je me réfère. Mais , par suite d'études
ultérieures, j'ai différentes choses à y ajouter.
Je n'ai pu voir et examiner qu'un très-petit
nombre des impressions qui appartiennent à Adol-
phe Rausch et que l'on a toutes ou presque toutes
attribuées induement à Jean Mentelin. Ainsi je
n'ai pu parvenir à voir ni l'édition célèbre de
Yalère-Maxime, ni celle de Térence; mais j'ai lu
et comparé soigneusement les descriptions de
ces impressions faites par divers bibliographes.
Cet examen m'a donné la conviction qu'il faut
retii^er à Mentehn un très-grand nombre d'édi-
tions très-importantes et précieuses, — souvent
des éditions originales des classiques et des Pères
de l'Église dont on Tavait gratifié bien à tort.
Les caractères du texte des éditions qu'Adolphe
Rausch a fait paraître jusque vers 1480, offrent
sans doute une certaine ressemblance avec ceux
de Jean Mentelin. Mais il n'en est pas ainsi des
lettres majuscules ou initiales que d'ailleurs
Rausch semble avoir renouvelées à diverses re-
prises, et qui chez lui étaient assez variées. Les
caractères du texte sont d'ailleurs sensiblement
plus forts chez Mentel , et leur forme est un peu
moins gothique ou un peu plus romaine. Quant à
la fameuse initiale R, je crois, d'après les obser-
vations que j'ai faites , que Rausch ne l'a pas
— 472 —
employée dans ses éditions les plus anciennes ,
mais seulement à partir de 1470 au plus tôt.
On peut comparer les caractères de Mentelin et
ceux de Eauscli en ouvrant le catalogue du doc-
teur Kloss (Londres, 1835), vis-à-vis de la page 281 ,
où se trouve un très-bon fac-similé de ces carac-
tères , tant des initiales que des textes.
Adolphe Rauscli, bien qu'il ne mît jamais son
nom à ses productions, était déjà un typographe
célèbre dès 1470. On peut donc admettre qu'il
commença à exercer son art à Strasbourg , à peu
près en même temps que ses deux concurrents,
Eckstein et Mentelin.
Il est a regretter que Ton ne possède que fort
peu de renseignements sur la vie de cet homme
remarquable. Adolphe Eausch, issu de l'une des
plus nobles et des plus anciennes familles de
l'Alsace , était seigneur et possesseur du château
de Rauschenburg ; il est donc à supposer que c'est
par goût pour les lettres , bien plus que par
Famour du gain, qu'il se voua, pendant une car-
rière assez longue, à la profession de typographe.
On ne peut lui refuser une grande habileté dans
l'exercice de son art, et il faut admirer l'excellent
choix qui présida à la plupart de ses publications.
Ce n'est pas Mentelin , c'est lui qui précéda , non
seulement l'Italie, mais le monde entier par les
éditions princeps de plusieurs des principaux
Pères de l'Église et d'un certain nombre des clas-
siques latins les plus célèbres.
C'est encore à Rausch , et non à Mentelin , qu'il
faut attribuer le premier catalogue imprimé qui
— 473 —
soit connu , et dont un exemjilaire est conservé
à la bibliothèque nationale à Paris ' .
On avait uniquement attribué ce catalogue à
Mentelin , parce que l'on avait déjà accordé
erronément à ce typographe les ouvrages qui j
sont dénommés. Mais, de même que le catalogue,
les impressions y désignées , appartiennent à
Rausch. Elles valent certes la peine d'être reven-
diquées. Ce sont :
*S. Aurelii Augustini , epistolœ.
Ejusdem , confessiones .
Fortalicium fidei.
Beati Hieronimi epistolœ.
Josephus , de Antiquitatibus et Bello Judaieo.
Scrutinimn Scripturarum .
Terentius.
Valerius Maximùs.
Virgilius.
Toutes ces éditions sont sans lieu ni date et de
format in-folio , toutes ou presque toutes passent
pour être les éditions originales de ces oeuvres
importantes ; toutes encore paraissent être impri-
mées avant 1470, date que l'on suppose être
celle du Catalogue ; peut-être même faudrait-il lui
assigner celle de 1469. — Ce Catalogue est en-
core appuyé par le sauf-conduit accordé en 1466
* Voir Bernard, Be l'origine de V im primer ie , t. II, pp. 85-86.
Feu Brcnet, l'auteur du Manuel, a déjà émis quelques doutes au
sujet de l'attribution de ce catalogue, attribution qui avait cepen-
dant été faite par la plupart des bibliographes. Dibolin a donné le
fac-similé de ce catalogue dans ses JSdes Althorp., t. II, p. 131.
— 474 —
à Raiiscli et à ses ouvriers , qui faisaient de fré-
quents voyages pour placer leurs productions
typographiques .
Une liste, aussi complète que possible, des
nombreuses impressions que Ton doit attribuer
et restituer à Rausch, tant celles sans la lettre
R que celles qui ont cette initiale caractéristique,
serait sans doute utile, et même d'un haut in-
térêt. Mais ce n'est pas ici le lieu de l'entrepren-
dre; il serait d'ailleurs bon, sinon indispensable,
que la personne compétente qui voudrait se char-
ger de cette nomenclature passablement longue
et difficile , ait soigneusement examiné , non pas
tout, ce serait trop exiger, mais du moins les pro-
ductions les plus importantes d'Adolphe Rausch
dlngweiler, seigneur de Rauschenburg *.
H. Helbig.
• Il faut compter, parmi ces impressions, une ou même plusieurs
éditions fort anciennes de la Bible latine, ainsi qu'une Bible latine
vers 1480, la première do toutes avec commentaires.
475 —
L4 CORPORATION DES PEINTRES
DE BRUXELLES •
1677.
M. Michel Allaert (fils de maître) , de Bruxelles. 29 mai.
A . Jean de Reyff (fils de bourgeois) , de Bruxelles ; chez
Lancelot Volders. 1 6 août.
Henei de Vos (fils de Marc), de Bruxelles; chez Lan-
celot Volders. 22 septembre.
1678.
M. Louis Van Schooe (fils de maître) , de Bruxelles. 1 1 fé-
vrier.
Nicolas Van Geel , de Bruxelles. 1 5 mai.
DuBAL. 24 août.
Jean-François Coppens (fils de maître), l^r septembre.
LAjyiBERT DE HoNDT, de ^lalines. 15 novembre.
A. André Broeckman (fils de Jean), de Bruxelles; chez
Thomas Pins. 5 mai.
Jacques Neys; chez Bombant Cortkens.
Lottenbercht ; chez Louis Van Schoor.
« Suite. — Voir 3« livr., p. 315.
— 476
1679.
M. Jacques Van der Hyden , crArnhem. 10 mars.
JossE Mo3EMs(?) (fils de maître). 14 juin.
1680.
M. François Tielens.
Josse-Lambert Tudesem. 1 1 février.
SÉBASTIEN Mottemont. 26 mars.
Gérard-Antoine Van Reykel , bourgeois.
(Gore?/n) Van NuTEL, bourgeois. 17 juillet.
1681.
31. Jean-Baptiste de Mediena.
JÉRôîHE Galle.
Jacqlt:s Huysmans '.
Jacques de Bruits (fils de maître). 10 août.
A. Pierre Hendrickx; chez Luc Achtscbellinckx. 4 mai.
1682.
M. François Reps. 1 5 mars.
Jacques Van Waegherbergh. 2 mai.
Jean-François Lefils. 4 mai.
Thomas Van Geuils (?). 13 juillet.
de Vocht. 13 juillet.
A. Jean-Baptiste Tel; chez Charles Wateer. 15 février.
Pierre Van der Bellen; chez Waeter. 15 fé-
vrier.
» L'inscription de ces trois noms est faite à titre d'autorisation de
pouvoir peindre {om te mogen schilderen). Ces personnes n'ont pas
dû prêter serment.
— 477 —
André Meulebeck; chez Adrien BauJuin. 28 mai.
Mathieu Schoevaet {sic) ; chez Adrien Bauduin.
25 juin.
1683.
A . Jacques Van der Meeken ; chez Jacques Yan der
Haeyden. 20 juin.
Gaspard Yan Haettem ; chez Luc Achtschelincks.
12 juillet.
1684.
A. JossE DU Prenne; chez Yan der Hy de. 16 juin.
LÉON Van Kerckhoye ; chez Jean-Baptiste Van Heil.
Jean de Willer; chez ..... AUart. 17 septembre.
1685.
M. André Van der Plancken , de Bruxelles.
1686".
A. Thibaud Micheau; chez Luc Achtschellincx. 29 juin.
Pierre ; chez Adrien Bauduin. 13 juillet ^
Jean-Baptiste Van Bochaudt; chez Jean-Baptiste
Van Heil. 16 juillet.
Gilles-François Capiae; chez Lacoerdt.
18 juillet.
Liévin-IllewardYan Achter; chez Van der
Heyden.
Gilles Wauters ; chez Wautiers.
Antoine de Vorster, de Bruxelles, bourgeois; chez
Leremans.
' Ce nom a été bifîë.
— 478 —
Cotina; chez Lacourt.
Van dek Borcht; chez de Hondt^
1688.
A. Antoike de Vuster, de Bruxelles; chez
Lermans ^
Adrien Franckien , de Bruxelles ; chez Her-
rebos.
1689.
M. Ferdinand Coleyns.
Victor Janssens, bourgeois. 12 août.
1690.
M. Jean Mareen, de Bruxelles. 7 juin.
LÉON Van Heul (fils de maître) , de Bruxelles , bour-
geois. 3 juillet.
Henri Heretibaudt, de Bruxelles, bourgeois. 3 juillet.
Mathieu Schouyaerts , de Bruxelles , bourgeois.
28 septembre.
Gilles Numants, de Bruxelles, bourgeois. 28 sep-
tembre.
A HoRiCK;chez Vander Heyden. 3juin.
1691.
M. Willemoth.
A. Joseph Labureur; chez Van der Heyden.
5 janvier.
' Plusieurs de ces noms peuvent appartenir à l'année 1687.
* Ce nom doit être le même que celui qui est inscrit sous
l'année 168G.
— 479
1692.
M. Jean Pletinx, de Bruxelles, bourgeois.
François de Bargas. 8 octobre.
A. Jacques Marchant (fils de bourgeois); chez Pierre
Van Orley. 9 novembre.
1693.
M. Jacques Huysmans. 14 janvier.
Gilles Basavechia. 2 novembre.
A. Antoine Podevin; chez j\Iathieu Schoevaerts. 23 avril.
Gaspard Van Noy ; chez Pierre Van Orley. 4 août.
1694.
M. Mathieu Rombauts. 26 février.
Jean-Baptiste Van Dist. 10 avril.
A. Adrien Van de Wyns (fils de François); chez Adrien
Baudewyns. 10 mars.
Thomas Van der Schilde; chez Lamberti.
1695.
M. Charles Van Gelé.
Lefelz '.
JÉRÔME Beughel {sic). Il ne prêta serment que le
18 octobre 1718.
A . Jean Vale , aliàs Vaelen ; chez Janssens *.
» Comme il n'y a pas de date, ils peuvent avoir été admis en 1694.
* On trouve le même nom inscrit une seconde fois comme apprenti
chez le même maître sous l'année 1698.
— 480 —
1696.
M. Adrien de Bie. Il prêta serment en juin 1703.
Ignace de Bie. Il ne prêta serment que le 19 octo-
bre 1718.
A. Jean- Joseph Rottenbuech; chez ...... Collyns.
Guillaume Blommart ; chez Pierre Van Orley.
1698.
M. Augustin Kooppens.
Pierre Bettens.
Thibaud jMichu.
Pierre Lacort.
Pierre Lebron.
François Van Bremt (?).
Boelie.
Roemart.
LiÉviN Van Achter.
Jean Foarge.
A. Jean Vaele, bourgeois; chez Janssens '.
1699.
M. de Nef, d'Anvers.
jMichel Van Couchoem.
Paul Bruyghel.
Jacques Van der Bought {sic).
Antoine-Wenceslas Raymon ^
Jacques Happrons.
' Il est déjà inscrit sous l'année 1G95.
^ Dans le registre on l'avait inscrit sous le nom à'Hutonue Rai-
mer ; c'est probablement lui-même qui a écrit au-dessous : Anthonus
Wenseslaus Raymon.
— 481 —
Henri Van den Houten.
Innocent {Innocies) de Oudt.
MiESCOE.
A. JossE Groenins (?); chez Tielborgh.
1700.
M. Jacques Van der Heyden,
François Van Schoer,
André Van der Elst.
François Jacqmin.
Jean-Baptiste Morel.
A . Jean Van der Heyden ; chez Van Oerley.
1701.
M. Adam Van Divoet.
David de Konningh.
Jean-Charles Van Dynen.
Van der Cappen.
Pierre Janssens. Il ne prêta serment que le 19 octo-
bre 1718.
A . Luc Stock ; chez Lamberty.
Snagels; chez Collyns.
1702.
M. Herman Pilemans.
François Quebaut.
Van der Marcken.
Elisabeth Celdrin.
Catherine Van Stichel.
32
— 482 —
1703.
M. Antoine Baebiers.
Reysbracht.
A. Adrien Pouwels; chez Van Orly,
1704.
M. François Scoevaerts. 8 décembre.
1705.
M. Denis Lemoen. 9 juin.
Jean Van Helmont. 29 septembre.
Pierre Snyers. 29 septembre.
Pierre Eickens. 8 octobre.
Verheul.
..... Laboreu.
1706.
M. Charles Jacops.
Daniel-Louis Planchon.
1707.
M. Bernard Van Hamme.
Corneille-Antoine Cortens.
JossE de Silva.
Nicolas Simon. Il ne prêta serment que le 14 fé-
vrier 1738.
Philippe jMaillaert.
François Maillaert.
A. Corneille Carluy; chez Victor Janssens.
1708.
M. Philippe de Hont.
— 483 —
A. Jean-Feaxçois Van der Borcht; chez Van
Orley '.
1710.
M. Jean Van Orley (fils de maître). 24 juin.
Honoré Lacordt. 25 juin.
Jean-Baptiste Van Gheel (fils de maître). 25 juin.
GÉRARD Werys.
Henri Moors.
1711.
31. Corneille Corllt. 15 juillet.
Pierre Eyeraert.
Albert Pirée.
Luc Sterckx. 2 octobre.
A. JossE Colboeet; chez Adrien Caron.
1712.
M. Michel Van Cutsem.
Jean Van der Eyden. 4 février.
Siger-Jacques Van Elmont.
A. Pierre Proest; chez Jansens.
Jean-Baptiste Sadelee ; chez Ertibaoudt.
François-Luc Caus^tlle; chez Van Orley.
Jean Van der Velden; chez Jansens.
Jacques Van Nattom; chez Jean \an der Eyden.
David Basavecia; chez Gilles Basavecia.
» Il ne paya que la moitié du droit, parce qu'il exerçait l'état de
tapissier.
— 484 —
1713.
M. Jean-Baptiste de Sadelere. 12 janvier.
David Basavechia. 2 juin,
Henri Van Wel. 10 juin.
Philippe-Joseph Terinau.
Jean- Joseph Rodenberch. 21 octobre.
CORTENS.
1715.
M. Louis Grange. 21 octobre.
Pierre Van Attom. 21 octobre.
Gaspard Van Turrenhoudt. 21 octobre.
Duplesci.
A. Jean-Baptiste Mille; chez Philippe de Hont.
François Corluy; chez Jean Van Orley.
1716.
M. Luc Van der Stock. 29 mai.
François Reps. 29 mai.
1717.
M, Jean-Baptiste de Neille.
Pierre Horto.
Pierre Duval.
A . André-Joseph Zelhorst ; chez Jacques Helmont.
François Mossens; chez Corneille Corluy.
Alexandre Collart; chez Henri Van Welle.
Nicolas DE H AEN ; chez Jacques Helmont.
1718.
M. Antoine Wereneer. 19 octobre.
Pierre-Ferdinand Collyns.
485
1719.
M. Pierre Herdibout (fils de maître). 25 février.
Jean de Potter. 28 février.
Jean-Baptiste-Guellaume Van Diest. 18 février.
Charles Eyckens.
François Rèctem.
Théodore Winckeleer.
Jean Sinckeleer.
Barthélemi de Wit.
A. François Pickery; chez Adrien de Carron.
Georges- Joseph Van der Steen; chez Corneille
Corluy.
Jean Tibout; chez Charles Eyckens.
1720.
M. François Baudewyxs (fils de maître). 27 novembre.
1721.
M. François Van Auwerckercke. 12 août.
André de Martien.
Van der j\Iyn.
Dominique Allar. 12 août.
Antoine de Donckers. 26 décembre.
Mathieu Collar. 26 décembre.
A. Roland Peemans; chez Jacques Van Helmont.
Barthélemi Conincksloy; chez Henri Van Wel.
Jacques François ; chez Adrien de Caron.
Jean Au^tenhoye; chez Luc Stercke.
Lambert Straeti^ians ; chez Henri Van Wel.
— 486 —
1722.
M. Andeé Zelhoest. 4 octobre.
1724.
M. GÉRARD Sevin. 3 mars.
Jean-Charles le Trotteur. 23 juin.
Barthélemi Conkcxloy. 19 juillet.
Nicolas Billet. 12 octobre.
A . Sébastien Losché; cliez Louis Grange.
Jérôme Bruneau; chez Jérôme Breugel.
1725.
M. Pierre Hofmans. 26 avril.
Jacques Yan Hattem. 26 avril.
Charles Baillieu. 15 octobre.
Louis Geron. 16 octobre.
Ignace-Robert Tummermans. 16 octobre.
Nicolas de Haen. 17 octobre.
Henri Bascour. 19 octobre.
A. Gérard Rascqen; chez Jérôme Breugel.
Jacques Van dee Velden; chez Barthélemi Yan Con-
nincxloo.
Jean Blondel ; chez Pierre Hofmans.
François Moiserol ; chez Jacques Yan Helmont.
1726.
M. P. HuLSBOSCH. 19 juillet.
Roland Peemans. 25 juillet.
A. Louis Yan den Beande; chez N. Geron.
François Jacobs ; chez Henri Yan Wel.
Maximiliende Haes; chez de Honclt.
— 487 —
1727.
M. Jean Audenhage. 5 juin.
Corneille Breughel.
1728.
M. André I\Ieulebeeck.
A . Joseph Labignau ; chez Louis Grange.
1729.
M. Martin Hullet. Il ne prêta serment que le 23 juin
1733.
1730.
M. Louis Van den Branden. 9 octobre.
A. Nicolas de Péri.
1731.
M. Jean Mille. Il ne prêta serment que le 12 juin 1734.
Michel Breugel. 22 juin.
Pierre Schoevaerts. 8 octobre.
Jean-Bernard Thibaut. 8 octobre.
A. Benoît de Noose; chez Philippe de Hondt.
1732.
M. Guillaume-Joseph Bigé.
A. Jean-Baptiste Van KERCHO^^;N; chez Elle-
mondt.
Guillaume-Pierre Mensaert; chez Victor Jansens.
— 488 —
1733.
M. François-Louis Greyner, Il ne prêta serment que le
20 juin 1739.
François Schalck.
Frédéric Dumesnil,
A. Gilles Wageîians; chez Michel Breugel.
1734.
M. Julien Disbecq.
François Eisen.
- Pierre Lacourt ; né muet.
Jean le Brou.
Lambert Straetmans.
A. François Deltombre; chez Henri Yan Wel.
Julien Disbecq ; chez Jacques Van Helmont.
Horace Sneps ; chez Jean le Brou.
1735.
M. Charles de Witte.
Jean-Baptiste Château.
Nicolas-Emmanuel de Pery.
A. Thomas de Jongh; chez Yan Wel.
Michel Erie ; chez Troteur.
1737.
M. Sauvage.
Anne-Marie Blendeff,
Antoine Leclercq. Il ne prêta serment que le 12 juin
1751.
— 489 —
A. Charles de Reux; chez Frédéric Diimesnil.
GÉRARD Vadder ; chez Philippe de Hondt.
Jean Jacobs ; chez François Schalck.
Marie-Catherine Juppin ; chez Louis Grange.
Charles de Backer ; chez Lambert Straetmans.
Jacques- Albert Fairon; chez Jean-Joseph Rotten-
burgh.
Antoine Matthieu ; chez Charles Baillieu.
François-Joseph Delmot.
Guillaume de Broe ; chez Jean- Baptiste Château.
Pierre Van der Haeghen ; chez Philippe de Hondt.
Charles -Joseph Pigace; chez Nicolas-Emmanuel
Pery.
Jacques Bisback; chez Julien Disbeck.
Gérard de Vadder; chez Louis Van den Brande.
1738.
M. Jean- Albert Rottenbourg. 18 mars.
Joseph Lamberti. 10 décembre,
1739.
M. Thomas Duion. 29 juin
Lambert Panne, l^i- juillet.
Pierre Van der Haeghen.
Chrétien Baillieu. Il prête serment le 25 janvier 1741.
Georges-Charles de Witte.
A . Nicolas Kerckheer ; chez Lambert Straetmans.
Nicolas Hansems ; chez Van Diest.
1740.
M. Charles de Backer. 7 février.
— 490 —
G.-P. Mensaert. 23 juin.
Gilles Allart, 23 juin.
JossE DE Mulder; chez Antoine Barbiers.
Pierre Van der Haege; chez Pliilippe de Hondt.
Pierre Engelbert ; chez Hulet.
Pierre Prié; chez Louis Greyner.
Pierre Luygens ; chez Lambert Panne.
(Pour être continué).
Alex. Pinchakt.
491 —
VARIÉTÉS.
Yperiana. — Notices, études, notes et documents
SUR Ypres, par Alphonse Vandenpeereboom , t. I, les
Halles d' Ypres, pp. xn et 402, pi. — Cet ouvrage, imprimé
avec soin et enrichi de nombreuses gravures à Teau forte ,
est , comme l'auteur le dit lui-même dans la préface , un
« recueil » de notices, de faits, de documents et de détails
laborieusement réunis, analysés et classés à l'usage du
futur historien de la ville d' Ypres, qui les utilisera ou les
négligera selon son bon plaisir.
11 est certain que lorsque M. Vandenpeereboom aura
complété son travail et que toutes les parties qu'il se pro-
pose de traiter y auront été exposées avec le soin qu'il a
mis à ce premier volume, il aura mérité les éloges que l'on
décernerait à l'historien.
Celui qui a couronné une vie bien remplie , par de lon-
gues, patientes et pénibles investigations dans le domaine
du passé , qui en a coordonné les fruits avec méthode , a
certainement bien mérité des sciences historiques. L'ar-
chéologie doit avoir sa part d'éloges aussi large que possi-
ble , car elle est la source principale où l'histoire puise ses
meilleurs renseignements.
Les Yperiana où les événements sont minutieusement
rapportés, disons même avec une certaine bonhomie qui
ne manque pas de charme dans quelques endroits, les
Yperiana seront lues avec bonheur par les citoyens de
l'antique cité flamande qui en garderont le plus précieux
— 492 —
souvenir. Ils y trouveront leur histoire narrée à la manière
de Sanderus et de Marc de Vaernewyck , les plus populai-
res de nos écrivains d'autrefois.
M. Vandenpeereboom a suivi le même procédé. Il com-
mence son livre par la description des Halles et du Beifroi
de sa ville natale. C'était en effet pour l'histoire de cette
vieille tour communale, dont la cloche à la voix puissante
appelait nos aïeux au combat pour la défense de leurs
libertés publiques , qu'il fallait commencer un livre où le
patriotisme et l'amour du home se reflètent depuis la pre-
mière page jusqu'à la dernière.
Ce volume est donc consacré aux Halles , c'est-à-dire à
la commune , à son ancienne splendeur et à sa décadence.
Il renferme des chapitres intéressants sur Ypres, sur sa
richesse , et la puissance de ses corporations commerciales
au moyen-âge. Toute cette partie est bien faite, mais il
n'en est pas de même d'autres où l'auteur n'a pas suffisam-
ment étudié son sujet. Ainsi dans le chapitre VIII, où il
s'occupe des cloches et du carillon, il nous dit que les tra-
vaux de restauration exécutés l'année dernière au campa-
nile, et les échafaudages qu'on a élevés, ont permis d'exa-
miner les cloches de près, d'en faire copier les inscriptions,
d'en mesurer la circonférence et d'en surmouler les orne-
ments. Puis, il ajoute que plusieurs parties de ces orne-
ments sont remarquables, notamment celles de la cloche
no VIL Or , la gravure qu'il en donne représente une danse
macabre que nous connaissons depuis très-longtemps. Elle
figure dans nos Églises de Gand ^ et a été moulée 'poior la
'première fois sur la grande cloche du carillon qui couron-
nait l'une des belles tours de l'église de Saint-Jacques à
Gand , pour servir à un rapport que nous avons présenté à
la Commission des monuments et publié dans le Messager ^.
* Églises de Gand, t. II, p. 30.
* Messager des Sciences, 1851, p. 464.
— 493 —
La description du sujet par Tauteur des Yperiana n'est
pas tout-à-fait exacte. Ces sortes de dessins expriment pres-
que toujours une pensée religieuse sous une forme allégo-
rique. Ainsi, le bas-relief d'Ypres, exécuté évidemment
d'après celui de Gand , puisqu'une différence d'âge , qu'on
nous passe cette expression, le démontre par un écart de
quarante-cinq années, le bas-relief d'Ypres, disons-nous,
comme « son aîné » de Gand , signifie qu'à toute heure la
mort frappe indistinctement les jeunes et les vieux.
Cependant, M. Vandenpeereboom se demande si cette
« espèce de danse macabre, » représentant « un magis-
trat en robe ou parure, peut-être un prêtre et un noble
homme en justaucorps, » se tenant par la main, « un
squelette armé d'une longue pique qui semble entraîner
doucement ces grands personnages , » ne rappellerait pas
aux « grands et puissants, menant bonne vie ici bas,
qu'eux aussi, entraînés par la mort, devront quitter un
jour leur ville, comme les étrangers quittaient la cité
quand sonnait la cloche des portes. »
Cette interprétation , un peu trop empreinte de l'amour du
clocher, ne nous paraît pas exacte, surtout quand on sait
que le bas-relief n'a pas été fait pour Ypres. L'artiste qui
l'a conçu n'a pas voulu désigner les hautes classes de la
société à l'arrêt inexorable de la ]\Iort, mais l'humanité
tout entière , jeunes et vieux, riches et pauvres. Cette pen-
sée est infiniment plus large , plus digne et plus conforme
à l'esprit chrétien inspiré par la charité, l'une des trois
vertus théologales.
Si ce livre ne s'occupe que des Halles, en décrit l'archi-
tecture et rappelle la richesse des siècles passés , ainsi que
les noms des artistes, architectes, sculpteurs et peintres
qui les ont élevées et embellies , d'autres parties non moins
précieuses de l'histoire d'Ypres ont droit aux mêmes études
et aux mêmes honneurs.
— 494 —
Les monuments religieux , ceux que la charité a fondés ,
que les corporations si puissantes et si guerrières au
moyen-âge nous ont laissés , réclament leur place dans ces
Yperiana, où tout ce qui intéresse l'histoire de l'antique et
opulente ville flamande a été réuni avec soin, con amore
par l'un de ses meilleurs et de ses plus dévoués citoyens.
B°° K. DE V.
Lettke de SrBRECHT Waterloos, graveur des sceaux
DU Conseil de Flandre, en 1617.
« Myne heeren,
» Ik heb uwe eerw. groote obligatie van de courtoisie
van xxxm gulden die de selve belieft heeft my te schenken
voor een grativiteyt ende myn reyse ende costen vant over-
brengen van den nieuwe zegelen, daeraff ick nochtans
noch niet en heb ontfangen van de explociten van uwe
eerw. raede, op myn quitantie, dy ick voir goet houde; dan
en heb die tôt noch toe niet willen presenteren, deur de
swaericheyt die my gemaeckt wordt deur het scryven van
uwe eerw. greffier, die alhier gescreven heeft aen den heere
greffier Kinschot my van ailes satisfactie gegeveu te hebben,
daer over my obstaeckel gedaen wordt int betaelen, zœ van
myn fatsoen als zilver in vuegen, zœ ick verstaen dat myn
heeren van de finantien daerover hebben doen scryven aen
uwe Eerw.; dan zœ ick vreese dat tselve allenlyck sal
geschiedt zyn aen den voorn. greffier , die ick twyfele myn
onwetens de faulte heeft gedaen heb goettgevonden u
Eerw. daerover te scryven, zeer oitmoedelyck biddende dat
de selve gelieven de heeren van den finantien soe informe-
ren, dat de mercede my by uwe Eerw. geschiet niet en
— 495 —
streckt tôt nacleel , want ick anders van den voirs, heeren
van finantien eglieene vacatien en pretendere voir myn
reyse. Waerop my betrouwende sal uwe Eerw. den lieere-
bevelen gebiedende my zeer oitmoedelyck aen der selver
goede gratie bly vende,
» ]\Iyne Heeren, » Eerw.
» Seer oitmoedick dienaer;
» Sybeecht Waterloos.
» Uuyt Brussel den xvi december 1617. »
« Messeigneurs. — Maître Sibrecht Waterloos , tailleur
des seaulx et coings de Son Altesse, ayant achevé les seaulx,
tant grands que petits, pour le conseil de Flandres , a désire
venir par delà avecq permission de Messeigneurs des finan-
ces, pour les délivrer en vos mains. Auquel effect il a
requis d'estre accompagne de ce mot de lettre. Il vous
plaira délivrer en ses mains les vieulx et usez pour les
remettre en finances et estre cassez.
» Sur ce me recommandant bien humblement a voz
bonnes grâces, je demeure
» Monsieur , votre très affectionne serviteur,
» KiNSCHOT. »
{Correspondance du conseil de Flandre, n^ 85).
RUBENS DIPLOMATE ET HOMME POLITIQUE \ — Tout le
monde connaît le grand artiste qui a donné son nom à une
école justement célèbre et dont les tableaux font l'envie et
la gloire des amateurs. Nous n'avons point à parler ici de
Ptubens peintre. Mais nos lecteurs éprouveront-ils quelque
♦ Histoire politique et diplomatique de Pierre-Paul Ruhens, par
M. Gachaed, 1 vol. in-8°. Bruxelles, O^ce de publicité, 1877.
— 49G —
surprise en apprenant que Rubens a été aussi un homme
politique de valeur et un diplomate distingué. Il apparte-
nait à un historien , dont la Belgique est fière à bon droit ,
de faire connaître ce côté à peu près ignoré de l'existence
de rhomme qui est certainement une de ses plus grandes
illustrations. C'est à M. Gachard que revient en grande
partie cette importante découverte : il y a une quaran-
taine d'années, en parcourant, aux archives des affaires
étrangères de France, la correspondance des envoyés de
Louis XIII à Bruxelles, à la Haye, à Londres, il y trouva
la trace positive des missions diplomatiques de Rubens, puis
en poursuivant ses recherches, des renseignements authen-
tiques et détaillés. M. Gachard publia immédiatement ces
documents, et depuis cette époque il n'a pas cessé ses
investigations et c'est à elles que nous devons le volume
récemment paru et qui ne laisse plus rien à apprendre. Ce
travail démontre que Rubens avait une véritable aptitude
pour la politique et pour la diplomatie. M. Noël Sanisburg,
qui a puissamment aidé M. Gachard , dit : « Les lettres de
Rubens fournissent la plus vivante peinture de son carac-
tère. Un ton élevé et noble , de la dignité et de la fermeté ,
de la finesse unie d'une manière exquise à la politesse
la plus délicate , une composition élégante , un sentiment
élevé, tout montre à la fois l'éducation d'un gentleman
et le génie de l'homme. »
C'est vers 1621 que Rubens commença sa carrière poli-
tique, car les lettres de noblesse qu'il obtint en 1624,
constatent que cette faveur lui fut accordée à cause de
« services rendus au roi » avant cette époque. Nous ne
prétendons pas raconter ici, après i\I. Gachard, l'historique
des négociations auxquelles le grand peintre fut active-
ment mêlé. Il fut envoyé en Angleterre pour ménager un
rapprochement entre l'Angleterre et l'Espagne en 1626 : il
déploya une activité infatigable, ne se rebutant jamais,
— 497 —
poursuivant avec habileté et finesse le but qui lui était
imposé. Il se rendit ensuite en France et vint même jus-
qu'à la Rochelle pendant le célèl)re siège de cette ville,
^lais il ne fit que passer et gagna rapidement Ma-
drid, où il acquit une grande influence auprès du roi, qui
avait commencé par blâmer l'emploi d'un peinti'e dans une
mission diplomatique; il le nomma même secrétaire du
conseil privé. De là il revint en Angleterre et reprit plus
vivement que jamais la poursuite de l'arrangement qu'il
souhaitait. Sa conduite mérita une complète approbation :
les ministres anglais et l'ambassadeur d'Espagne à Paris
insistèrent sur les services rendus par Rubeus; la Junte
d'Espagne fit publiquement son éloge et Olivarès lui adressa
de chaleureux remerciements. Quant à l'Infante Isabelle,
elle triomphait du succès de celui qu'elle avait constam-
ment protégé et qui avait su lui inspirer une constante
confiance. La paix fut conclue à la satisfaction des deux
paj^s et Rubens fut créé chevalier par le roi Charles , qui
ajouta à ses armoiries des pièces empruntées à son propre
blason. Plus tard, Rubens fut envoyé auprès de Marie de
Médicis après sa fuite , pour servir d'intermédiaire entre la
reine et les ministres espagnols. L'Infante le chargea encore
de négocier avec les Hollandais, quand la guerre éclata
entre l'Espagne et les Provinces-Unies. Mais les envoyés
de France et de Venise s'opposèrent à sa réception. Ce fut
la fin de sa carrière diplomatique. Rubens y fait allusion
en écrivant le 16 mars 1636, à son ami Peirose : « Je suis
demain contre mon goût quelques jours à Bruxelles pour
quelque affaire me concernant. Ne croyez pas que ce sera
pour cet emploi que vous soupçonnez (je parle de bonne
foi et vous pouvez me croire entièrement). J'avoue, il est
vrai, que dans le principe je fus invité à m'employer dans
cette affaire; mais, comme à mon goût, elle ne me fournis-
sait pas suffisamment de matière, mon passeport m'ayant
33
— 498 -
fait éprouver quelques difficultés, ayant de mon côté fait
naître quelque retard volontaire , et comme il ne manquait
de gens extrêmement avides de tel emploi, je me suis con-
servé le repos domestique, et, avec la grâce de Dieu, je
suis demeuré tranquille dans ma maison. » Et il ajoutait,
faut-il le croire? — « J'ai en horreur le séjour des cours. »
Un mois après, le cardinal-infant conféra à Rubens le
titre de peintre de son hôtel , en le gratifiant de la même
pension dont il avait joui du vivant des archiducs Albert
et Isabelle. Lorsqu'au mois de mai de l'année précédente
il avait, comme gouverneur-général, fait sa première visite
en la ville d'Anvers, il était allé voir le grand artiste, que
la goutte retenait au lit en ce moment, lui donnant pu-
bliquement toutes les marques d'estime et de considération
qui étaient dues à son génie et à ses travaux. Eubens mou-
rut le 30 mai 1640, succombant à une de ces fréquentes
attaques de goutte.
0*6 DE Baethélemt.
-- 499
CHRONIQUE.
Des Yiglitts van Zuichem Tagebuch des Schmalkalldischen
DOKAUKKIEGS. NaCH DEN AuTOGRAPH DES BrÛSSELER StAATSARCHIVS
HERAtîSGEGEBEN UND ERLAUTEET VON AtTGUST VON DrTJFFEL. 272 pp.
Jamais on n'a publié plus de documents historiques que de nos
jours, et aucune époque n'a été mieux étudiée que le XVI^ siècle.
Mais, aussi, quelle abondance de richesses il a léguées aux historiens
de notre temps ! Si les investigateurs sont nombreux et répandus
dans tous les Etats de l'Europe, leurs publications attestent qu'ils
travaillent assidûment à répandre la lumière par leurs publications
sur toutes les parties de l'histoire.
L'auteur de l'ouvrage que nous venons ,de citer, M. August von
Druffel, mérite à juste titre d'être classé parmi les plus dévoués.
Son livre inspire d'autant plus d'intérêt, qu'il éclaire l'une des
figures les plus considérables du siècle de Charles-Quint, le Prési-
dent Viglius ab Aytta de Zwichem, dont le Messager des sciences
s'est occupé à diverses reprises '.
M. von Druffel a pris son sujet dans les archives de l'État à
Bruxelles. Il y a trouvé le journal où Yiglius annotait succintement,
jour par jour, les événements dont il était témoin et parfois l'un des
acteurs, et qui se passaient en 1546, pendant la guerre de la ligue
protestante de Smalcalde contre la puissance impériale.
Dans ce journal, Viglius observe soigneusement tout ce qui se
passe dans le camp de son maître; mais il se contente d'indiquer
très-brièvement , par quelques mots seulement , le fait dont il veut
* Messager. Pensions et émoluments de Viglius, année 1877, p. 28,
- 500 —
conserver le souvenir. Le manuscrit, écrit de sa main, doit être
considéié comme un ensemble de jalons et de points de repère
destinés à le guider plus tard dans la rédaction d'une relation
complète de la guerre et de la dissolution de la ligue de Smalcalde.
On comprendra que nous ne pouvons analyser ce volume dans
toutes ses parties et en détail. D'ailleurs, les annotations sommaires
faites par Viglius seraient trop peu intéressantes si l'auteur n'y
avait joint des notes pleines d'érudition, et s'il ne les avait fait pré-
céder d'une introduction qui leur donne une incontestable valeur
historique.
Le journal de Viglius finit au 8 janvier 1547, c'est-à-dire à l'épo-
que oh. la fameuse ligue des princes protestants allemands de Smal-
calde fut dispersée par les armées victorieuses de Charles-Quint.
« Cette ligue, dit un auteur protestant, dont la puissance mena-
çait d'ébranler le trône impérial même, fut dispersée et détruite en
peu de semaines. Presque aucun des confédérés ne resta sous les
armes, excepté l'électeur et le landgrave, que l'empereur ne se mit
pas eu peine de ramener, les ayant dès le commencement dévoués à
ses vengeances. Mais ceux mêmes qui se soumirent n'obtinrent pas
un pardon généreux et sans conditions. Charles abusa de sa supério-
rité pour les traiter avec hauteur et sans ménagement. Tous les
princes et les députés des villes se virent forcés d'implorer sa clé-
mence dans la posture humiliante de suppliants K ,;> C'est-à-dire
qu'ils furent tenus de se jeter à genoux devant l'empereur, sans être
assurés que sa clémence les relèverait.
L'année suivante Charles-Quint porta le dernier coup aux princes
protestants de l'Allemagne par la célèbre bataille de Muhlberg dont
ce recueil a publié la relation ^.
A la fin du volume l'auteur a réuni quelques pièces justificatives,
parmi lesquelles « l'ordre de bataille » de l'armée impériale.
L'ouvrage est imprimé avec soin et prendra la place qui lui ap-
partient dans les collections déjà si volumineuses, des documents
historiques que les savants ont rendus à la lumière.
B"" K. DE V.
' ROBERTSON.
* Messager, année 1874, p. 348.
— 501 —
Donations aux établissements scientifiques et littéraihe.
— Dans la chronique du Librar y -Journal, de New-York, nous
relevons les renseignements suivants sur des donations faites ré-
cemment à des établissements scientifiques ou littéraires aux
États-Unis. L'honorable M. Asa Packer a donné à l'Université de
Bethléem (Penss) sa collection de livres, estimée 100,000 dollars ou
500,000 francs.
En même temps un citoyen de Philadelphie a fait cadeau aux
habitants de Long-P.ranch d'un édifice pour y loger la bibliothèque
publique et le musée.
A Chicago, l'administration municipale sera bientôt en possession
d'un legs qui lui a été fait par feu Newberry, legs se montant à
2,000,000 de dollars ou 10,000,000 de francs.
Cette dernière somme doit être consacrée à l'érection et à l'entre-
tien d'une bibliothèque publique pour la ville. Des contestations
judiciaires ont seules empêché jusqu'ici que la municipalité fût
mise en possession de ce legs, qui permettra de créer 1 une des
plus belles et des plus riches bibliothèques municipales d'Amérique.
Le même journal nous apprend que les femmes aux États-Unis
remplissent les fonctions de bibliothécaires. Ainsi la bibliothèciue
administrative de l'État d'Iowa a pour bibliothécaire une femme.
Celle-ci ayant résigné ses fonctions, vient d'être remplacée par une
autre personne du même sexe.
La première avait une si grande habitude et une si longue expé-
rience des livres et publications de jurisprudence, qu'elle est con-
servée pour faire, à l'occasion, les recherches qu'auraient à faire des
personnes appartenant à l'Etat d'Iowa, mais qui, n'étant pas de la
ville, ne peuvent les j^oui-suivre par elles-mêmes. En effet, quelques
bibliothèques des États-Unis ont à présent des agents attitrés qui,
moyennant une certaine rétribution, se chargent des recherches
pour les personnes qui ne sont pas sur les lieux : ce qui est une
grande facilité et commodité offerte aux gens habitant loin des
villes et des centres, ou, comme on dirait en Europe, habitant la
province.
Les Archives de la ville de Thielt. — Il n'y a pas beaucoup
de villes de troisième rang en Belgique qui possèdent tant de docu-
ments remarquables que la petite ville de Thielt. Nous voulons en
— 502 ~
donner une idée en publia7it la notice suivante sur ce dépôt, digne
de l'attention de tous ceux qui s'occupent de l'étude de notre his-
toire nationale. Cette liste n'est pas méthodique, pour le simple
motif qu'il n'existe pas encore d'inventaire, et que le classement
de ces archives est encore à faire.
1. Une grande quantité de chartes (privilèges, octrois, etc.), dont
la plus ancienne date de 1275).
2. Collection de keuren , « ordonnances politiques » [voorghebo-
den) et statuts, depuis l'année 1415.
3. Les comptes de la ville. Le plus ancien n'est que de 1431 ; il
y a, malheureusement, quelques lacunes aux XV«, XVI« et XVII"
siècles '. La collection est cependant très-intéressante pour l'his-
toire de la ville et des beaux-arts. M. Alphonse De Vlaminck y a
beaucoup puisé pour son histoire de la chambre de rhétorique de
Thielt.
4. Registres d'impositions, comptes des pointmghen, etc., depuis
1635.
5. Livre terrier de Thielt-binnen, copie faite en 1635, par De Mol,
avec cartes; copie du terrier de 1732, sans cartes.
6. Deux copies du terrier Thielt-buiten , l'une de 1651 et l'autre
de 1729 (cette dernière en deux volumes).
7. Registre des dîmes (affermage, etc.), de 1644, 1650 et 1655.
8. Livres manuels de Jean van Zantvoorde, relatifs aux députa-
tions de la commune, frais de guerre, etc. (1620-1640).
9. Registres des bourgeois (poorteiy) de Thielt, commençant en
1558 et renouvelés en 1700 et 1745.
10. Registres aux résolutions du magistrat, depuis 1671. — Re-
gistres aux ordonnances, de 1693 jusqu'à la fin du XVIII<' siècle.
11. Registres de la cour féodale de Thielt, depuis 1700. — Ferie
de la cour féodale, de 1760.
12. Registre aux sentences criminelles, de 1620 à 1685. — En-
quêtes et informations criminelles, faites par les hommes de fief de
la cour féodale de Thielt.
* Aux archives de l'État, à Bruxelles, on conserve, si nous avons
bonne mémoire, quelques comptes de la ville de Thielt de la fin du
XIV" et du commencement du XV" siècle.
— 503 —
13. Lettres missives du conseil de Flandre aux magistrats de la
ville.
14. Lettres missives des hauts-échevins de la châtellenie de
Courtrai (XVII» et XVIII« siècles).
15. Collection d'édits, décrets, etc. (XVII» etXVIIP siècles).
16. Lettres de plusieurs villes et autres administrations pu-
bliques.
17. Lettres particulières touchant les affaires de la ville de
Thielt.
18. Documents relatifs au passage des gens de guerre, loge-
ments militaires, etc.
19. Papiers concernant les chaussées aux environs de Thielt.
20. Actes et autres documents touchant les affaires administrati-
ves de la ville, parmi lesquels on rencontre beaucoup de pièces
concernant la halle, le carillon, la prison, les écoles, etc.
21. Accoorden van issuioe; dixième denier sur les propriétés ven-
dues, etc. (Registres et liasses.)
22. Affermage des accises de la ville, depuis 1540 (Registres et
fardes).
23. Procédures devant la vierschare des échevins, depuis l'an-
née 1658.
24. Enquêtes, plaidoiries, avis et autres pièces de procédure.
25. Procès intentés par ou contre la ville devant le conseil de
Flandre.
26. Documents relatifs au projet de canalisation de la petite
rivière, dite C alêne ou Pouquesbeke.
27. Comptes de l'église paroissiale de Thielt, depuis 1572. (Ce
sont les doubles des comptes déposés aux archives de l'église).
28. Compte de l'administration des biens des pauvres. 1580 et
années suivantes.
29. Registres aux états de biens, i)assés devant les échevins de la
ville ; idem des curatelles. Le plus ancien registre de cette série date
de 1472.
30. États des mortuaires ; comptes des biens des mineurs, depuis
le commencement du XVIe siècle.
31. Registres aux œuvres de loi, depuis 1620.
32. Actes de vente des maisons, terres, prairies, etc., de la ville
de Thielt (XVJe, XVII« et XVIII" siècles).
— 504 —
33. CËuvres de loi passés devant les éclievins des seigneuries de
Willecomme, Gruuthuuse, Hulswalle, 'i Roosebeeksche , Tomme,
Haghe des Hauwcelsche et autres, enclavées dans la ville de Thielt.
34. Pièces justificatives pour les comptes communaux. (XVIP et
XVIIP siècles).
35. Actes et contrats (sur parchemin) passés devant les éclievins
de la ville et des seigneuries susnommées. Du XIV« jusqu'au XVII*
siècle.
36. Documents relatifs à l'église, le cimetière, les cloches, etc.
37. Registres aux résolutions des Pointers et Zettcrs de Tliielt-
Buiten (XVIP et XVIIP siècle).
38. Comptes de la cliâtellenie de Courtrai, depuis 1682.
39. Documents relatifs à la cliâtellenie de Courtrai.
40. Résolutions prises par les députés de la commune composant
la Verge de Thielt (Roecle van Thielt). XVII« et XVIII« siècles.
41. Comptes des messagers de la ville.
42. Comptes de la recette des marchands étrangers à Thielt,
depuis 1705.
43. Affermage du moulin de la ville de 1588 à 1769.
44. Sentences relatives aux privilèges de la ville (XVP, XVII» et
XVIIIe siècles).
45. Livres de recette des trésoriers de la ville.
46. Documents relatifs au couvent des Récollets, la maison des
orphelins, au Collège latin, les bourses d'études, etc., etc.
Comme on le voit, le dépôt des archives de Thielt est important.
Il est à regretter toutefois que pendant de longues années il ait été
laissé dans un abandon complet, ce qui est cause que beaucoup de
documents intéressants sont devenus introuvables
Nous avons indiqué les lacunes dans la série des comptes commu-
naux ; n'est-il pas à regretter aussi que les registres aux œuvres de
loi, avant l'année 16 iO, manquent également?
Plusieurs registres du dépôt de Thielt portent un titre particulier,
donné par les anciens greffiers pour la facilité des recherches. C'est
ainsi qu'on y voit les registres intitulés : de Dry Sleuters, de Leeuw,
de Zandlooper, de Slnper, de Nieuwe Slaper, de Ligger, de Nieaive
Ligger, de Gulden Spatie, de Polyver, etc.
Nous avons dit plus haut qu'il n'e.xiste pas encore de classement
des archives de Thielt; cependant l'administration communale a
— 505 —
décidé, il y a quelques mois, de faire mettre en ordre et inventorier
les chartes, registres et liasses, formant le dépôt. Elle a chargé de ce
travail M. D. de Soneviele, littérateur flamand, qui, nous en avons la
conviction, s'acquittera de cette tâche avec beaucoup de zèle et
d'intelligence.
Fe. de Potier,
Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-
Arts DE Belgique. — Classe des Lettres et des Sciences morales et
politiques — Programme de concours pour 1880.
Première question. — « Esquisser à grands traits l'histoire litté-
raire de l'ancien comté de Hainaut. »
Les concurrents s'attacheront spécialement aux écrivains de pre-
mier ordre ; ils apprécieront leur influence sur le développement de
la langue française, et feront ressortir le caractère et le mérite de
leurs travaux.
Deuxième question. — « On demande une étude sur l'organisation
des institutions charitables en Belgique, au moyen âge, jusqu'au
commencement du XVI'> siècle. On adoptera pour point de départ
les modifications introduites dans la société à l'époque de l'abolition
presque générale du servage, au XII^ et au XlIIe siècle. »
Les auteurs des mémoires feront précéder leur travail d'une in-
troduction traitant sommairement l'organisation de la charité dans
les temps antérieurs.
Troisième question. — « Faire connaître les règles de la poétique
et de la versification suivies par les Rederykers au XV« et au
XVP siècle. »
Quatrième question. — « Ecrire l'histoire de la réunion aux Pays-
Bas des provinces de Gueldre, d'Utrecht, de Frise et de Groningue. »
Cinquième question. — « Faire l'histoire des classes rurales en
Belgique jusqu'à la fin du XVIII« siècle.
« Etudier leur manière de vivre et déterminer quelle était, dans
les campagnes, la constitution de la famille et de la propriété. »
Le prix de \?i preinière et \?i deuxième question sera une médaille
d'or de la valeur de 600 francs; ce prix est porté à 1000 francs pour
la troisième, la quatrième et la cinquièm.e question.
Les mémoires devront être écrits lisiblement et pourront être
rédigés en français, en flamand ou en latin ; ils devront être adressés,
— 506 —
francs de port, avant le 1 février 1880, à M. J. Liagre, secrétaire
perpétuel, au Palais des Académies.
L'Académie exige la plus grande exactitude dans les citations, et
demande, à cet effet, que les auteurs indiquent les éditions et les
pages des livres qu'ils citeront.
On n'admettra que des planches manuscrites.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage; ils y
inscriront seulement une devise, qu'ils reproduiront dans un billet
cacheté renfermant leur nom et leur adresse. Faute par eux de sa-
tisfaire à cette formalité, le prix ne pourra leur être accordé.
— 507
NÉCROLOGIE.
Charles Gkandgagnage , sénateur, président de la Société lié-
geoise de littérature wallonne et de l'Institut archéologique liégeois,
est décédé le 7 janvier à Liège. Il naquit en 1812 et était le neveu
du président Grandgagnage qui a écrit sous le pseudonyme d'Alfred
Nicolas. Ses principaux travaux sont : Dictionnaire étymologique de
la langue wallonne ; — Mémoire sur les anciens noms de lieux de la
Belgique orientale ; — Vocabulaire des noms wallons d'anim,aux , de
plantes, et de ininéraux ; — Vocabulaire des anciens noms de lieux
de la Belgique orientale; — De V origine des Wallons.
Joseph-Emmanuel-Ghislain Roulez , né à Nivelles le 6 fé-
vrier 1806, est mort à Gand le 16 mars. En 1825 il devint profes-
seur au collège de Mons , puis professeur de littérature grecque à
l'athénée de Gand en 1832, professeur d'archéologie et d'antiquités
romaines à l'université de Gand de 1831 à 1873; il fut nommé deux
fois recteur de l'université, de 1846 à 1847, de 1857 à 1864, et de-
vint administrateur-inspecteur de la même université en 1863 et
conserva ce poste jusqu'en 1873. Il fut élu en 1837 membre de
l'Académie royale de Belgique , fut nommé correspondant de
l'Institut de France en 1850, et était membre d'un grand nombre
d'académies et de sociétés scientifiques. En 1834 il publia à Leipzig
une édition de Ptolémée Hepliarition , mythographe grec, qu'il
dédia à son maître et ami le professeur Bekker ; on a encore de lui
un Cours d'antiqidtés rom.aines , publié à Bruxelles en 1849 ; Choix
de vases peints du musée d'antiquités de Leyde, Gand , 1854, in-folio
avec planches en couleur ; il a donné une traduction des Manuels dg
— 50S —
Vhistoire de la littérature greccpie et de la littérature latine de
Schoell, le premier en 1837 à Bruxelles, le second à Louvain en
1838, et publié un grand nombre d'articles sur l'archéologie, la
géograj)liie ancienne, l'épigrapliie, dans les Mémoires de l'Académie
royale, dans les Bulletins , ainsi que dans les Mémoires de l'Institut
archéologique de Rome. Il collabora au Messager des sciences.
Thomas Wright, antiquaire et archéologue anglais, est mort au
mois de décembre 1877, à l'âge de soixante-sept ans. Il est surtout
connu comme éditeur d'ouvrages anglais anciens , bien qu'il écrivît
aussi des ouvrages originaux; il est le fondateur de la Ca^nden
Society.
Chaeles-Ernest Vinet , bibliothécaire de l'École des beaux-arts
de Paris , est mort le 10 féviner. Il se fit surtout connaître par ses
critiques sur l'art et l'archéologie. Il collabora activement à la Revue
archéologique , à la Revue numismatique de France, à la Revue des
Deux-Mondes , à la Revue européenne et à la Revue nationale.
Henri Léo, historien allemand, né à Rudolstadt en 1799, est
mort au mois de mai. Successivement professeur à léna , employé à
la bibliothèque de Berlin, puis professeur à Halle , il fut nommé en
1863 membre de la Chambre des seigneurs. Il a consacré plusieurs
ouvrages à l'histoire des États italiens et des villes lombardes , ainsi
qu'à l'histoire de l'Allemagne au moyen-âge.
L'abbé Louis Bourgeois , savant archéologue et géologue , né en
1819 , est mort le 20 juin à Pontlevoy ; il a publié de nombreux tra-
vaux, spécialement sur les départements de Loir et Cher et des
Charcutes.
Le président Taillard (Eugène-François-Joseph), né à Douai
en 1803 , est mort dans la même ville le 6 juillet. Ses ouvrages
historiques sur les origines communales , la féodalité et l'histoire
des Gaules lui ont fait un nom parmi les savants.
Garcin de Tassy, président de la Société asiatique de France,
très-savant orientaliste, né en 1794, est mort dans le courant
de l'été.
— 509 —
Auguste Renouard , sénateur, membre de l'Institut de France ,
président de la Société d'économie politique , né à Paris le 22 octo-
bre 1794, est mort au château de Stors près de Paris le 17 août.
Après avoir débuté par l'enseignement , il aborda le barreau , devint
conseiller d'État , secrétaire général du Ministère de la justice ,
député , conseiller à la Cour de cassation, pair de France, procureur
général près la Cour de cassation, et en 1877 sénateur inamovible.
Outre les ouvrages qu'il a publiés , il a collaboré à la Revue ency-
clopédique, au Globe, à la Revue de législation, au Journal des
économistes , etc.
Joseph Naudet, né Paris en 1786, est mort au mois d'août.
Historien et humaniste, membre de l'Institut de France , il a écrit
entre autres : Histoire de rétablissement, des progrès et de la déca-
dence de la monarchie des Gotlis en Italie (1811); — Bes change-
gements opérés dans l administration de Vempire romain depuis
Dioclétien jusqu'à Julien (1817) ; — plusieurs mémoires remarqua-
l;les imprimés dans les recueils de l'Académie, des éditions de
Tacite et de Catulle , des traductions d'Horace et de Plante.
Le géographe Jules-Henri Petermann, né en 1822 à Breiderod,
est mort le 26 septembre à Gotha. Il fit ses études à l'institut géo-
graphique de Potsdam, fondé par Berghaus ; il aida à Londres
Milner à publier V Atlas de géographie physique, collabora à la nou-
velle édition de V Encyclopédie britannique, et fonda la célèbre
revue géographique les Mittheilungen , éditée chez Justus Perthes
à Gotha.
M. DuPANLOUP, évêque d'Orléans et sénateur français, né en
Savoie en 1802 , est mort à Lancey près de Grenoble. Orateur et
écrivain, il laisse un grand nombre d'ouvrages et de brochures
politiques et religieuses.
510 —
TABLE DES MATIÈRES.
ANNEE 1878.
NOTICES ET DISSERTATIONS.
Un service en damassé de Flandre. Par le B°° Keevyn de Let-
TENHOVE 1
Lummenœus à Marcâ. Par Emile Varenbergh .... 7, 134
Études sur la Flandre impériale. — Ti'oisième et dernière
étude. Par Alph. de Vlaminck 45
Louvain et ses premiers comtes. Par C. Van dek Elst ... 88
Quelques sceaux du diocèse de Gand. Par l'abbé J.-B. Lavaux. 129
Une excursion à Thy-le-Baudliuin (province de Namur). Par
le Comte de Glymes 157
Les blasons des chevaliers de l'Ordre de la Toison d'Or, con-
servés dans l'église de Saint-Rombaut, à Malines. Par Emma-
nuel Neeffs • 174
L'art belge en 1878, suivi d'un appendice littéraire. Par Jules
NoLLÉE de Noduwez 186
Diplôme de Thierry III, roi de France. (VIP siècle). Par V. . 209
Les Archives des États de Flandi-e sauvées en 1794. Par ÉmileV. . . 215
L'ancienne heptarchie de Laeken-Notre-Dame , aujourd'hui
résidence royale. Notice historique accompagnée de pièces
justificatives et suivie du texte inédit d'une coutume de cette
localité. Par L. G 249
La corporation des peintres de Bruxelles. Par A. Pinchart. 315, 475
L'œuvre de Charles Onghena. Par Ferd. Vanderhaeghen. . 333
Une pièce inédite relative à la révolte des Gantois sous Charles-
Quint. Par le B"" Kervyn de Volkaersbeke 385
Esquisse historique du cours et des embouchures de l'Escaut.
Par C. Van der Elst 412
Une légende du diable au pays de Chimay. La Pierre-qui-tourne,
entre Froidchapelle et Sivry. Par D. A. Van Bastelaer. . 442
Une lettre de Henri du Tour, le Jeune. Par Max. Kooses . . 449
Les trois premiers typographes de Strasbourg. Par H. Helbig. 463
511 —
VARIETES.
Inscription à la mémoire de Charles-le-Téméraire, duc de
Bourgogne, dans l'église de Saint-Georges à Nancy. Par L. S. 116
Passeport donné par l'empereur Charles-Quint pour transpor-
ter au roj'aume de Naples des pièces d'artillerie achetées à
Malines.ParL. S 118
L'éj^oque de la naissance de Grégoire Holonius. Par H. Helbig. 119
Épitaphes de Belges à Bâle, à Cologne, etc. Par L. St. . . 222
Jacques Cats et l'abbaye de Saint-Pierre Par Emile V 227
Les origines de l'orfèvrerie cloisonnée. Recherches sur les di-
vers genres d'incrustation, la joaillerie et l'art des métaux
précieux, par Charles de Linas. Par le B»" K. de V. . . 373
Le pétrole sur la place d'Anvers en 1547 377
Yperiana. Notices, études, notes et documents sur Ypres, par
Alphonse Vandenpeereboom. Par le B°" K. de V. . . . 491
Lettre de Sibrecht Waterloos, graveur des sceaux du Conseil
de Flandre, en 1617 494
Rubens diplomate et homme politique. Par le C*'^ de Baethé-
LEBIY 495
CHRONIQUE.
Histoire de la ville d'Enghien. — Emile V 122
L'Athenseum belge. — Idem 123
Découvertes archéologiques 123
Charlemagne à Gérone. — Polybiblion 125
Vente de curieux autographes 126
Vente d'Hane-Steenhuyse, à Gand. . 126
Tableaux 128
Geschiedenis van de gemeenten der provincie Oost-Vlaanderen.
— Emile V 238
Un nouveau Rubens au Musée de Bruxelles. — Athenœum
belge 239
Portrait de Gœthe. — Idem 239
La Commission royale d'histoire de Belgique. — Polybiblion . 239
Vente Didot 241
Vente de livres curieux 242
Vente de tapisseries 242
Vente de la Bibliothèque de M. Robert S. Turner 242
Fouilles à Franchimont 245
Cronicque contenant l'estat ancien et moderne du pays et conté
de Namur, la vie et gestes des seigneurs, contes et marquis
d'icelluy, par Paul de Croonendael, greffier des finances du
Roy. — P.J. W 379
— 512 —
Des Viglius von Zuiclaem Tagebuch des Schmalkalldischen
Donaukriegs. Nacli den Autograpli des Brûsseler Staatsar-
chivs herausgegeben und erlâutert von August von Druffel.
— B°" K. DE V 499
Donations aux établissements scientifiques et littéraires . . 501
Les Archives de la ville de Thielt. — Fe.DePotter. . . . 504
Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut. —
Concours de 1878 246
Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts
de Belgique. — Classe des Lettres et des Sciences morales et
j)olitiques. — Programme de concours pour 1880 .... 505
NÉCKOLOGIE.
Charles Grandgagnage 507
Joseph-Emmanuel-Ghislain Roulez 507
Thomas Wright 508
Charles-Ernest Vinet ' 508
Henri Léo 508
Louis Bourgeois 508
Eugène-François-Joseph Taillard 508
Garcin de Tassy 508
Auguste Renouard 509
Joseph Naudet 509
Jules-Henri Petermann 509
M. Dupanloup 509
Flanelles.
1. Un service en damassé de Flandre 1
2. Sceaux du diocèse de Gand. —PI. VH 129
3. Diplôme de Thierry HI, roi de Finance 209
4. Armoiries de Philippe d'Autriche 174^*3*^^
5. Portrait du peintre Leys IBd' 2 W
G. Vue du village de Laeken, en 1734 249
7. Le château des sires de Beersel, à Laeken 266
8. Moyenne Belgique. Cours de l'Escaut. Table I . . . . 414
9. Moyenne et liasse Belgique. Zone campinienne. Cours de
l'Escaut. Taljle H 415
10. Moyenne et basse Belgique. Zones argilo-sablonneuse ,
campinienne et poldérienne. Cours de l'Escaut. Table HL 418
ETTY CFNTER LINRARY