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Full text of "Messager des sciences historiques, ou, Archives des arts et de la bibliographie de Belgique"

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MESSAGER 

DES  SCIENCES  HISTORIQUES 

ou 

ARCHIVES 

DES  ARTS  ET  DE  U  BIBLIOGRAPHIE 
DE  BELGIQUE 


LISTE  DES  COLLABORATEURS. 


MM.  P.  Bergmans,  D""  en  philosophie  et  lettres,  à  Gand. 
B'J"  J.  B.  Béthune-de  Villers,  à  Bruges. 
Bo°  Fr.  Béthune,  professeur  à  TUniversité,  Louvain. 
P.  Claeys,  avocat  à  Gand. 

Emile  de  Borchgrave,  ministre  de  Belgique,  à  Vienne. 
De  Brabander,  attaché  au  Ministère  des  Affaires  Etrangères,  à 

Bruxelles. 
Ch.  Delgobe,  ingénieur,  à  Christiania. 
Wern.  de  Haern'e,  attaché  aux  archives  de  l'Etat,  à  Gand. 
Arm.  d'Herbomez,  archéologue,  à  Orcq-lez-Tournai. 
G'«  de  Marsy,  archéologue,  à  Compiègne. 
J.  Th.  de  Raadt,  secrétaire  et  membre  fondateur  de  la  Société 

d'archéologie,  à  Bruxelles. 
Fr.  De  Potter,  homme  de  lettres,  à  Gand. 
J.  Dëstrée,  conservateur  au  Musée  des  antiquités,  à  Bruxelles. 
L.  de  Villers,  conservateur  des  Archives  de  l'Etat,  à  Mons. 
Alph.  de  Vlaminck,  archéologue,  à  Bruxelles. 
A.  Du  Bois,  avocat  et  conseiller  communal  à  Gand. 
AcH.  Gallet-Miry,  à  Gand. 
P.  Génard,  archiviste  de  la  ville,  à  Anvers. 
M.  Heins,  avocat  à  Gand. 
H.  HosDEY,  attaché  à  la  section  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 

royale,  à  Bruxelles. 
H.  Hymans,  conservateur  à  la  Bibliothèque  royale,  à  Bruxelles. 
Le  chanoine  J.  B.  Lavaut,  à  Buggenhout. 
Pr.  Poullet,  professeur  à  l'Université,  Louvain. 
J.  J.  E.  Proost,  docteur  en  sciences  pol.  et  adm.,  à  Bruxelles. 
Ch.  Rahlenbeek,  à  Bi-uxelles. 

R.  Schoorman,  conserv.  adj.  aux  archives  de  l'Etat,  à  Gand. 
Van  Bastelaer,  président  de  la  Société  archéolog.  de  Charleroi, 

à  Bruxelles. 
D.  van  de  Gasteele,  archiviste  de  l'Etat,  à  Liège. 
R.  Van  den  Berghe,  attaché  à  la  Bibliothèque,  à  Gand. 
V.  Vander  Haeghen,  archiviste  de  la  ville,  à  Gand. 
Edw.  Van  Even,  archiviste  de  la  ville,  à  Louvain. 
Van  Spilbeeck.  D""  à  Soleilmont,  Gilly. 


MESSAGER 


DES 


SCIENCES  HISTORIQUES 


ou 


DES  ARTS  ET  DE  LA  BIBLIOGRAPHIE 

DE  BELGIQUE 

Recueil  publié  par  MM.  le  Comte  de  Limburg-Stirum,  Sénateur, 
Docteur  en  droit,  etc.  ;  Ferdinand  Vander  Haeghen,  Bibliothécaire 
de  l'Université,  etc. 

Emile  Varenbergh  ,  Conseiller  provincial,  Membre  de  la  Commission 
de  statistique,  de  la  Commission  des  Monuments,  etc.,  Secrétaire 
du  Comité,  à  Gand. 


ANNÉE     1896. 


GAND 

IMPRIMERIE  ET  LITHOGR.  EUG.  VANDER  HAEGHEN 
rue  des  ObampB,  60 

1896. 


THEGETTYCENTER 


—   1 


ANALECTES  BELGIQUES'. 


XI. 

JEAN    VAN    DOESBORGH, 

Imprimeur  anversois  du  commencement  du  XVI**  siècle. 


Le  début  du  XVP  siècle  constitue  une  des  époques 
les  plus  importantes  de  l'histoire  littéraire  des  Pays- 
Bas;  il  mériterait  de  faire  l'objet  de  recherches 
approfondies  et  de  trouver  un  bibliographe  spé- 
cial, qui  suive  l'exemple  de  Weller  et  nous  donne 
une  continuation  des  Annales  de  Campbell. 

Anvers  occupait  alors  une  place  prépondérante 
comme  centre  typographique;  elle  comptait  des 
ateliers  de  la  plus  haute  importance,  tels  que  celui 
de  Gérard  Leeu  ^,  dont  les  anciennes  chroniques  et 
les  romans  de  chevalerie,  ornés  de  nombreuses  et 
intéressantes  gravures  sur  bois,  sont  recherchés 


1  Suite.  —  Voir  Message?-  des  Sciences,  P^  livraison  1895,  p.  64. 

2  Cf.  ma  notice  sur  cet  imprimeur  dans  la  Biographie  nationale, 
t.  XI  (Bruxelles,  1890-1891),  col.  642-645. 


—    2    — 

au  même  titre  que  les  Vérard  et  les  Caxton. 
Parmi  les  confrères  de  Leeu,  qui,  comme  lui,  im- 
primèrent des  ouvrages  en  langue  anglaise,  il  faut 
citer  Jean  van  Doesborgh,  dont  la  personnalité, 
peu  connue  jusqu'à  présent,  vient  de  faire  l'objet 
d'une  étude  très  fouillée  de  la  part  d'un  biblio- 
graphe d'outre-Manclie ,  M^  Robert  Proctor  * . 
Comme  cette  luxueuse  monographie  est  éditée  à 
petit  nombre  pour  la  Bihliog^^aphical  Society  de 
Londres,  je  crois  faire  œuvre  utile  en  en  présen- 
tant aux  lecteurs  français  un  résumé,  que  j'ai  pu 
enrichir  de  quelques  données  nouvelles. 

Nous  connaissons  peu  de  choses  au  sujet  de 
Jean  van  Doesborgh,  dit  M*"  Proctor.  Comme  l'in- 
dique son  nom,  il  était  natif  d'une  petite  ville 
néerlandaise,  située  non  loin  d'Arnhem,  au  con- 
fluent de  l'Oude  et  Nieuwe  Yssel.  S'étant  rendu 
à  Anvers  pour  se  livrer  à  la  carrière  typogra- 
phique, il  y  succéda  à  Roland  Vanden  Dorpe,  le 
premier  éditeur  de  la  Cronike  van  Brabant,  qui 
mourut  en  1500,  et  dont  la  veuve  ne  continua 
l'officine  que  pendant  un  laps  de  temps  fort  court. 
Vanden  Dorpe  habitait,  dans  les  derniers  temps 
de  sa  vie,  la  maison  dite  de  la  Balance  de  fer  {aen 
dijseren  ivaghe),  près  de  la  Cammerpoorte,  le  quar- 
tier des  imprimeurs.  C'est  là  que  nous  trouvons 
Jean  van  Doesborgh  établi,  en  1508,  avec  l'outillage 
de  son  prédécesseur. 


*  Jan  van  Doesborgh,  prînter  at  Antwerp.  An  essay  in  bîblio- 
graphy  hy  Robert  Proctor.  Londres,  Chiswick  press  (printed  for  the 
Bibliographical  Society),  décembre  1894.  In-é",  viii-101  pp.;  front., 
XI  pi.  et  1  f.  pour  la  marque  de  la  Chiswick  press. 


—    3    — 

La  même  année,  il  est  inscrit  sur  les  registres 
de  la  gilde  de  Saint-Luc  comme  enlumineur  (ver- 
lichtere).  Quoiqu'en  ait  dit  Campbell,  cette  quali- 
fication n'est  pas  incompatible  avec  la  jjrofession 
d'imprimeur;  d'ailleurs.  M'"  Proctor  le  démontre, 
plusieurs  productions  de  Doesborgh  sont  anté- 
rieures à  1508. 

Jean  van  Doesborgh  a  fait  usage  de  deux  types 
de  caractères  :  le  premier  est  semblable  à  ceux 
qu'employaient  Jacques  de  Breda,  Henri  de  Let- 
tersnider,  Roland  Vanden  Dorpe  et  Henri  Eckert, 
au  XV*"  siècle,  et  presque  tous  les  imprimeurs  du 
commencement  du  XVL  siècle  ;  le  second,  que  l'on 
ne  rencontre  que  dans  deux  volumes,  est  plus  petit. 

Ses  marques  typographiques  sont  au  nombre  de 
trois  :  la  première  n'est  autre  chose  que  celle  de 
Vanden  Dorpe,  représentant  Roland  sonnant  du 
cor;  la  deuxième,  variante  du  même  sujet,  est  la 
vignette  de  la  veuve  de  Vanden  Dorpe  ;  la  troi- 
sième, absolument  propre  à  Jean  van  Doesborgh, 
représente  une  femme,  avec  la  moitié  de  la  figure 
blanche  et  l'autre  noire,  la  Fortune  {Avontueré), 
assise,  les  yeux  bandés,  entre  le  Bonheur  {Gheluck) 
et  le  Malheur  {Ongehic),  figurés  sous  la  forme  de 
ménestrels;  au-dessous  la  devise  grecque  rvâSi 
aaavxôv,  plus  ou  moins  défigurée. 

Par  l'étude  attentive  de  ces  marques  et  de  leur 
variété.  M'  Proctor  est  parvenu  à  fixer  la  chrono- 
logie des  éditions  non  datées  de  Doesborgh.  C'est 
ainsi  que  llie  fifïeen  Tokens,  qui  ont  seuls  la 
marque  n"  I,  sont  probablement  la  première  impres- 
sion de  notre  typographe,  et  semblent  remonter 


—    4    — 

à  1505;  Van  Pajje  Jans  landende,  seul  orné  de  la 
vignette  n°  II,  doit  être  placé  à  sa  suite,  vers  1506, 
et  le  Va7îder  Nieuiver  werelt,  qui  ofîre  déjà  la  men- 
tion du  gnotochyauton  sous  le  dessin,  pourrait 
être  de  1507. 

La  première  des  éditions  datées  est  le  Reyse  van 
Lissehone  de  1508;  la  dernière  est  la  Cronike  van 
Bradant,  imprimée  en  juin  1530.  A  partir  de  ce 
moment,  on  ne  rencontre  plus  le  nom  de  Jean 
van  Doesborgh,  à  Anvers.  Il  est  possible  qu'il  se 
soit  rendu  en  Hollande  :  Ledeboer  le  cite  à  Utrecht, 
en  1540. 

Jean  van  Doesborgh  eut  des  rapports  avec 
Henri  Eckert,  à  qui  il  prêta  les  bois  de  la  chro- 
nique de  Brabant  et  le  saint  Augustin  du  Dieren 
Palleys.  D'autre  part,  Vorsterman  et  Nicolas  de 
Grave  ont  copié  de  ses  illustrations,  du  moins 
pour  autant  qu'elles  lui  appartiennent.  On  ne  peut 
soutenir,  en  effet,  qu'il  fût  scrupuleux  dans  le 
choix  et  l'emploi  de  son  matériel  :  il  acheta  des 
bois  à  Anvers,  en  France  et  probablement  en  Alle- 
magne —  il  est  rarement  possible  d'établir  que 
ses  gravures  ont  été  faites  spécialement  pour 
l'ouvrage  où  elles  se  rencontrent,  —  et  il  ne  se 
gêne  point  pour  mettre  Jonas  et  la  baleine  là  où 
il  s'agit  d'un  navire  dans  le  texte.  Il  ne  faisait  que 
suivre  ainsi  l'exemple  de  ses  contemporains. 

Les  impressions  de  Jean  van  Doesborgh,  au 
nombre  d'une  bonne  trentaine,  présentent  un 
véritable  intérêt,  quoiqu'elles  soient  en  général 
de  peu  d'étendue,  à  part  la  C^'onike  van  Brabant. 
Elles  appartiennent  pour  la  plupart,  à  la  catégorie 


curieuse  des  livres  populaires,  et  plusieurs  offrent 
la  particularité  d'être  des  traductions  anglaises. 
Deux  de  ces  dernières,  celles  du  Dieren  palleys  et 
une  évaluation  des  monnaies  d'or  et  d'argent,  ont 
pour  auteur  Laurent  Andrewe,  de  Calais,  qui  fut, 
après  1527,  imprimeur  et  libraire  à  Londres,  ce 
qui  a  fait  supposer  qu'Andrewe  apprit  son  art 
chez  Doesborgli.  Ce  dernier  traduisit  lai-même  en 
anglais  la  version  flamande  de  VArt  de  bien  nwiirit\ 
mais  cette  œuvre  dénote  une  déplorable  ignorance 
de  la  langue,  de  même  que  la  version  des  Neio 
lands.  Il  reste  encore  à  découvrir  la  personnalité 
du  traducteur  des  autres  ouvrages  anglais  impri- 
més par  notre  typographe,  tels  que  le  Par  son  of 
Kalenborowe,  parfois  attribué,  mais  sans  preuves, 
à  Richard  Arnold. 

Voici  d'ailleurs,  la  liste  complète  des  impres- 
sions de  Jean  vanDoesborgh,  telle  qu'elle  a  été  éta- 
blie par  M''  Proctor,  dont  je  résume  les  conscien- 
cieuses descriptions,  en  y  ajoutant  les  détails  que 
j'ai  pu  trouver  personnellement  : 

1.  The  fifteen  Tokens.  (U.  1505?). 

HEre  beginneth  e  lytel  trea  ||  tyfe  the  whiche  fpeketh  of  || 
the  XV.  tokens  the  whiche  ||  fhiiUen  bee  f hewed  afore  y'  |]  drefull 
daye  of  Jugement.  ||  And  who  that  oure  lorde  j]  f  hall  af  ke  reke- 
nyng  of  eue  ||  ry  body  of  his  wordis  wor  1|  kis  and  thoughtes. 
And  who  oure  lorde  wjdl  f  he  |1  we  vs  other  xv.  tokens.  of  his 
paffion  to  theym  |1  that  been  deyeth  in  dedely  fynne.  ||  (Figure 
sur  bois). 

In-4°,  26  fiF.  signés  A-D4.  Au  bas  du  f.  26  r"  :  C  Emprinted  by 
me  Johan  fro  doefborch  dwellî-||ge  at  Anwerpe  by  the  Jron 


—    6    — 

ballaunce  te.  ||  Au  r°,  la  marque  n"  I.  L'exemplaire  de  la  collec- 
tion Heber  a  été  vendu  £,  3,10. 

[Londres,  British  Muséum  (incomplet);  —  Oxfoi'd, 
bibl.  Bodléienne  (incomplet)]. 

2.  Van  Pape  Jaus  landencles.  (C.  1506?), 

C  Van  die  wonderlichedë  en  coftelicheden  ||  van  Pape  Jans 
landendes.  ||  (Figures  sur  bois). 

In-4'',  10  ff.  signés  A-B4.  Au  bas  du  f.  10  r°  :  C  Gheprint 
Thâtwer-||pë.  Aen  dijferë  wage  ||  by  my  Jan.  van  j]  Doefborch.  || 
Au  v°,  figure  sur  bois  et  marque  n°  II.  Le  libraire  F.  Muller, 
d'Amsterdam,  en  a  fait  faire,  en  1873,  un  fac-similé  photo-litho- 
graphique par  A.  Kroon,  qui  a  été  tiré  à  30  exemplaires.  Cf.  la 
note  intéressante  du  catalogue  Fr.-J.  Olivier  (Bruxelles,  février 
1878),  où  un  exemplaire  est  coté  1250  fr.  (n"  179). 

[Londres,  British  Muséum  (titre  légèrement  endo- 
dommagé)]. 

3.  Vander  Nieuwer  Werelt.  (C.  1507?).      . 

Vander  nieuwer  werelt  oft  landtfcap  ||  nieuwelicx  gheuôdë  vâdë 
doorluch||tighê  con.  va  Portugael  door  de/  ||  aider  beftë  pyloet 
ofte  zeekender  d'  werelt  ||  (Gravure  sur  bois)  ||  Hoe  noyt  meefter 
oft  aftronom»  befcreuë  heeft  dat  ||  daer  een  lâdt  was  bewôet  va 
mëfchë  ofte  beeften.  1| 

In-4°,  8  ff.  signés  A-B4.  Au  bas  du  r°  du  f.  8  :  Gheprent  Thant- 
werpen  aen  ||  Dyferen  waghe.  Bi   ||  Jâ  va  Doefborch  ||  E  celo 
descendit  rbum  quod  gnothochyauton  ||.  Un  fac-similé  a  été  im- 
primé à  25  exemplaires  aux  Etats-Unis,  à  Providence,  en  1874. 
[Providence,  bibliothèque  Carter-Brown]. 

4.  Die  reyse  van  Lissebone.  Décembre  1508. 

Die  reyfe  va  Liffebone  om  te  varëna  dg  eylâdt  ||  Naguaria  in 
groot  Jndien  gheleghen  ||  voor  bi  Callicuten  en  Gutfchi  dair  || 
dye  ftapel  is  vander  fpecerië  ||  Daer  ons  wonderlijcke  di||gë 
wed'uaren  zij.  ëndair  ||  wy  veel  ghefiê  heb||bë/  als  hier  na  ||  ghe- 
fcreuë  ||  ftaet.  ||  Welcke  reyfe  ghefchiede  ||  door  de  wille  en 
ghebode  des  aider ||doorIuchtichftë  Coiîs  va  Portegale  Emanuel  || 
(Figure  eur  bois). 


—     7     — 

In-4°,  12  ff.  signés  (a)-  C4.  Au  v»  du  f.  12  :  Gheprent  Thant- 
werpen  ...  By  my  Jan  van  Doefborch.  Jntiaer  ||  M.  D.  viij.  i  De- 
ceraber  ||  (Marque  n"  III). 

[Londres,  British  Muséum  ;  —  Providence,  biblio- 
thèque Carter-Brown]. 

5.  Longer  Accidence.  (C.  1509?). 

In-4".  Fragment  comprenant  4  ff.  du  cahier  B  :  1,  2,  5  et  6.  Au 

bas  du  r"  du  dernier  f.  :  Hoc  prefens  opusculû  p  me  Johânë  ||  de 

Doefborch  eft  exaratum  ||.  Au  v",  la  marque  n"  III.  Cf.  plus  loin 

le  n"  10. 

[Oxford,  bibl.  du  Corpus  Christi  Collège]. 

6.  Os  faciès  mentum.  (C.  1510?). 

Os  faciès  mëtû.  ||  (Figure  sur  bois). 

In-4'',  4  ff.  non  signés.  Au  bas  du  v"  du  dernier  f.  :  Jmpreff ura 
Antwerpie.  per  me  Jo||hannem  de  Doefborch.  .•.  || 

[Collection  Huth;  —  Britwell]. 

7.  Die  Destructie  van  Troyen.  (C.  1510-1515?). 

Die  deftructie  va  ||  Troyen  die  laetfte  Ende  die  fchoone  amo- 
reus||heyt  van  Troylus  en  der  schoonder  Breseda  ||  Calcas  docht' 
die  een  verrader  was.  1|  (Figure  sur  bois). 

In-fol.,  56  ff.  signés  a-k,  à  2  col.  Au  v°  du  f.  55  :  C  Hier  es 
voleyndet  die  hiftorie  va  ||  d'amoreufyt  van  Troylus  en  Brife||da 
en  ooc  cortelic  ouerlopë  die  deftruc||tie  va  Troyen.  Gheprent 
Thant-||werpen  aen  dijferen  waghe  Bi  mi  ||  Jan  van  Doefborch  1|. 
Un  exemplaire  a  été  vendu  500  ;fr.  à  la  vente  Vander  Linden 
(Bruxelles,  1864,  n"  1306). 

[Bruxelles,  coll.  du  duc  d'Arenberg;  — 
ibid.,  bibliothèque  royale]. 

8.  Robin  Hood.  (C.  1510-1515?). 

C  Hère  begynneth  a  geft  ||  of  Robyn  Hode.  H  (Figure  sur  bois)  || 
Lythe  and  liftin  gëtilmen  ... 

In-4'',  26  ff.  signés  A-e4.  Les    ff.  21-26   manquent  au  seul 

exemplaire  connu. 

[Edimbourg,  bibl.  des  avocats]. 


—     8    — 

9.  Aeneas  Sylvius,  EuryalusandLucretia.  (C.  1515?). 

In-4°.  Fragment  de  4  fF.  dont  la  partie  supérieure  seule  est 
complète. 

[Edimbourg,  bibl.  Signet]. 

10.  Shorteracciclence.  (C.  1515?). 

Accidence  HOw  many  partes  ofreafô  be||  there.  viij.  whyche. 
viij.  now  II  ne/  pnowne/  vloej  adûbe  parti  ||  ciple... 

In-4o,  4  ff.  non  signés.  Au  bas  du  v°  du  dernier  f.  :  Emprynted 
by  me  John  ofF  Doefborch.  ||  Abrégé  du  n"  5. 

[Oxford,  bibl.  Bodléienne]. 

11.  Laet,  Prognostication  for  1516.  (1515-1516). 

C  The  prognofticaciô  of  maifter  Jafpar  late  of  borchloou/  || 
do6lour  in  aftrologie  of  the  yere.  M.  CCCCC.  xvi.  tranf  ||lated 
into  yngliffh  to  the  honorre  of  the  mooft  noble  z  vic-||torious 
kynge  Henry  the.  viij.  by  your  mooft  hûble  fub-||ieél  Nicholas 
longwater  goeuerner  of  our  lady  côception  ||  in  y"  renowmed 
towne  of  Andwarp  in  fente  Jorge  perys  ||... 

ln-4°.  Les  4  premiers  ff.  seuls  sont  connus.  Déjà  attribué  à 
Doesborgh  dans  les  Bibliographische  Adversaria,  t.  V,  n°  4-5, 
p.  101. 

[Londres,  British  Muséum  (f.  1);  —  Cambridge,  Tri- 
nity  Collège,  cahier  a  (c'est  l'exemplaire  coté  £  5 
dans  le  catalogue  Quaritsch  de  mars  1880,  p.  51)]. 

12.  Den  oorspronck  onser  salicheyt.  Mai  1517. 
Den.  oorfpronck  ||  Onfer.  falicheyt  ||  (Figures  sur  bois). 

In-fol.,  190  ff.  chiffrés  A-QQ4,  à  2  col.  Au  r»  du  dernier  f.  : 
C  Geprent  Thantwerpen  in  de  ftat  ||  Bi  Jan  van  doefborch  /  ic 
feg  V  dat  II  Jnt  iaer  alfmen  sceef.  xvij.  en  vijftien  ||  Jnt  lefte  va 
mey/  wient  wwôd't  (hôd't  ||  Js  hier  miffet/  miftelt  wilttet  î;geuen  || 
Op  d3  wi  mogen  comë  int  ewich  leuë  || .  Au  v",  marque  n°  III. 

[Londres,  British  Muséum  ;  —  La  Haye,  bibl.  royale  ; 
—  Anvers,  musée  Plan  tin]. 


—    9    — 

13.  Causes  that  be  proponed.  (Après  le  12  nov.  1517). 

Causes  that  be  proponed  and  traéled  in  a  Confultacyon  of  a 
Journey  to  be  made  with  the  Tokyn  of  the  holy  Croffe/  agaynst 
the  Jnfideles  and  Turkes,  and  fent  to  ail  cryften  princes,  to 
thentente  that  they  thoughte  their  good  oounfell,  and  wyfe  exa- 
minacyon,  fholde  examyne,  yf  any  thynge  therin  be,  that  ont 
ought  to  be  encreafed,  or  mj'nyff  hed  ;  or  yf  ought  to  be  cor- 
reélyd.  This  done  the  xij  daye  of  November. 

ln-4°.  L'original  latin,  imprimé  par  M.  Hillenius,  est  décrit  par 
la  Bïbliotheca  beîgica,  t.  XXI,  p.  14,  au  mot  Proposiia. 

[Cité  dans  le  catalogue  West,  1851,  n°  6J. 

14.  Letter  of  B.  de  Clereville.  (Après  janvier  151  Vs)- 

C  The  Copye  of  the  letter  folowynge  whiche  fpecil|fyeth  of  y® 
greateft  and  meruelous  vifyoned  ||  batayle  that  euer  was  fene 
or  herde  of  ||  And  alfo  of  the  letter  y*  was  sent  fro  ||  me  the 
great  Turke  vnto  our  1|  holy  fad'  y®  pope  of  Rome.  ||  (Figure  sur 
bois). 

In-4°,  4  ff.  non  signés.  Au  bas  du  r°  du  4®  f.  :  Emprented  in  y® 
famous  cite  of  Andwarpe  |]  Be  me/  John  of  Dousborowe  ||  ;  le  v" 
est  blanc . 

[Oxford,  bibl.  Bodléiende  ;  —  Britwell]. 

15.  Cronyke  van  Brabant  *.  1518. 

Die  .  aider  .  excellëfte  il  Cronyke  .  va  .  brabât.  ||  Van  Vlaen- 
derë  Hollant  Zeelant  int  generael  Ende  die  nieuwe  ||  geften  ghe- 
fchiet  zijnde  bi  onfen  prince  en  coninc  Kaerl  die  in  die  ander 
Cronijcken  niet  en  fijn  ||  (Gravure  sur  bois). 

In-foL,  212  ff.  non  chiffrés,  signés  [A]  Aij  —  m  [m  2j,  à  2  col.; 
grav.  sur  bois.  Au  bas  de  la  2^  col.  du  r°  du  dernier  f.  :  Gheprent 
Thantwerpen  bi  mi  Jan  ||  va  Doef borch  Jnt  iaer  M.  v.  C.  xviij  || . 
(Figure  sur  bois).  Au  v°,  le  bois  du  titre,  encadré. 

[Gand,  bibliothèque  de  l'Université; —  Bruxelles, 
bibl.  royale;  —  La  Haye,  bibliothèque  royale]. 

^  Non  décrit  par  M""  Proctor. 


—    10    — 

IG.  The  lyfe  of  Virgilius.  (1518?). 

Virgilius.  1|  C  Tnis  boke  treath  of  the  lyfe  of  Virgilius  ||  and 
of  his  deth  and  many  marua5des  that  ||  he  dyd  in  his  lyfe  tyrae 
by  whychcraft  and  ||  nygramanfy  thorowgh  the  helpe  of  the  de  || 
uyls  of  hell.  ||  (Figure  sur  bois). 

In-4°,  30  ff.,  signés  A-F4.  Au  v°  du  29"=  f.  :  C  Thus  endethe  the 
Lyfe  of  Virgilius  ||  with  many  dyuers  confaytes  that  ||  lie  dyd 
Emprynted  in  the  Cy||tie  of  Amwarpe  By  me  ||  John  Doefborcke  |1 
dwellynge  at  y*  ||  the  caraer  |1  porte.  ||  Le  dernier  f.  contient, 
au  r°,  les  armes  d'Angleterre,  et,  au  v",  la  marque  n°  III.  Cf. 
catal.  Serrure,  1873,  n"  3259. 

[Britwell;  —  Oxford,  bibliothèque  Bodléienne  (inc. 
du  P--  feuillet)]. 

17.  Frederick  of  Jennen.  1518. 

C  This  mater  treateth  of  a  merchaû  ||  tes  wyfe  that  aftex'warde 
went  lyke  1|  a  ma  and  becam  a  great  Lorde  and  |1  was  called 
Frederyke  of  Jennen  af-l|terwarde.  ||  (Figure  sut  bois). 

ln-4°,  26  fF,  signés  A-E6.  Au  f.  24  r°  :  C  Thus  endeth  this 
lyttell  ftorye  of  lorde  frede-||ryke  Jmpryted  ï  Anwarpe  by  me 
John  11  Dufborowghe  dwellynge  befyde  y*  ||  Camerporte  in  the 
yere  of  our  lor  ||  de  god  a  .  M  .  CCCCC  .  and  j]  xviij.  |1  Au  v°, 
marque  n°  III.  Le  f.  25  contient,  au  ro,  une  gravure  sur  bois,  et 
au  v°,  la  marque  n"  III  répétée;  le  26"  f.,  manquant  à  l'exemplaire 
connu,  était  vraisemblablement  blanc. 

[Britwell;  —  Londres,  British  Muséum,  fragm.  du  f.  12]. 

18.  Maryof  Nemmegen.  (1518-1519?). 

C  Hère  begynneth  a  lyttel  ftory  that  was  of  a  1|  trwethe  done 
in  the  lande  of  Gelders  of  a  may  ||  de  that  was  named  Mary  of 
Nêmegen  y'  was  ||  the  dyuels  paramoure  by  the  fpace  of  .  vij  . 
yere  \\  longe.  ||  (Figure  sur  bois). 

In-4»,  20  ff.  signés  A-D4.  Au  bas  du  f.  19  v"  :  C  Thus  endeth 
this  lyttel  treatyfe  Jmprynted  ||  at  Anwarpe  by  me  John  Duif- 
browghe  dwel-jjlynge  befyde  the  camer  porte.  1|  Au  r"  du  f.  20, 
gravures  sur  bois;  au  v",  la  marque  n^III. 

[Britwell]. 


—   11   — 

19.  Tyll  Howleglas.  (C.  1519?). 

ïn-i°.  Fragment  de  10  ff.  signés  J1-K6  d'une  version  anglaise 

de  Tiel  Ulenspiegel. 

[Londres,  British  Muséum]. 

20.  Thuys  der  fortunen^.  1518. 

Thys  der  fortvnen  met  dat  hvys  der  doot. 

In-4°,  64  fF.  non  chiffrés,  signés  [A]B-Pi[Piv]  ;  car.  gotli.,  avec 
nombreuses  et  curieuses  fiofures  sur  bois  dans  le  texte.  Au  v"  du 
dernier  f .  :  C  Bi  mi  Jan  van  Doefborcb  .  Anno  .  M.  CCCCC  || 
ende  .  xviij.  den  vij.  dach  in  Februario.  ||  Cura  priuilegio.  ||  (Gra- 
vure sur  bois  :  Armes  d'Espagne).  L'exemplaire  de  la  collection 
Serrure,  incomplet  du  titre  refait  à  la  plume,  fut  vendu  en  1872, 
pour  44  fr.  (n°  409  du  catalogue). 

Curieux  traité  en  vers  et  en  prose,  renfermant  des  recettes  de 
médecine  populaire,  des  secrets  d'astrologie,  tels  que  l'influence 
des  planètes  sur  le  caractère  de  l'homme,  etc. 

On  cite  des  éditions  postérieures  de  G.  Vorsterman,  à  Anvers, 
en  1522,  et  de  Jean  Berntsz,  à  Utrecht,  en  1531. 

[Anvers,  musée  Plantin]. 

21.  Der  Dieren  Palleys.  5  mai  1520. 

(Grande  figure  en  bois).  Der  dierë  ||  palleys  :  en  ||  Die  vgade- 
ringe  vandê  beeften  d'[|Aerdë.  Vandë  vogelë  d'  lucht.  Và-|ldê 
viffchen  en  monftrë  d'  waterê.  || 

In-fol.,  124  ff.  signés  A-Hh4,  à  2  col.  Au  bas  du  f.  123  r°  :  Ghe- 
prent  bi  my  Jan  van  doefborcb  1|  Thantwerpen,  Jnt  iaer  ons 
heeren  ||  M.  CCCCC.  ende  ,  xx  .  den  vijfsten  ||  dach  in  Meye.  || 
(Figure  sur  bois).  Au  v°  du  f.  124,  marque  n"  III.  Un  exemplaire 
a  été  vendu  380  fr.  à  la  vente  Camberlyn,  1882,  n°  439. 

[Londres,  British  Muséum,  2  exx.;  —  Bruxelles,  bibl. 
royale  (un  ex.  complet  et  un  ex.  inc.  d'un  cahier, 
acquis  100  fr.  à  la  vente  Serrure,  1872,  n°  376)]. 


*  Non  décrit  par  M""  Proctor.  Sa  date  étant  désormais  connue, 
Thuys  der  fortunen  devrait  être  placé  après  le  n"  17  de  la  liste. 


—    12    — 

22.  Of  the  new  Lands.  (C.  1520?). 

C  Of  the  uew  lâdes  and  of  y"^  people  ||  found  by  the  meffengers 
of  the  kyn||ge  of  portygale  named  Emanuel.  \\  Of  the  .  x  .  dyuers 
nacyons  cryftened.  1|  Of  pope  John  and  his  landes  /  and  of  ||  the 
costely  keyes  and  wonders  molo  ||  dyes  that  in  that  lande  is.  || 
(Figure  sur  bois). 

In-4°,  24  if.  signés  A-E4.  Au  r"  du  dernier  f.  :  Emprenteth  by 
me  John  of  Doef borowe  :  .  ||  (figure  sur  bois);  au  v°,  la  marque 
n"  III.  Le  premier  traité  de  ce  recueil  est  le  même  que  le  Reyse 
van  Lissebone  (v.  plus  haut,  n°  4)  ;  le  troisième  est  le  traité  du 
pape  Jean  (n"  2),  mais  la  traduction,  dit  M*^  Proctor,  semble  être 
différente. 

[Londres,  British  Muséum  ;  —  Oxford,  bibl.  Bodléienne 
(fragment  composé  des  ff.  17  et  22)]. 

23.  The  Wonderful  Sliape.  (A])rès  1520). 
(Titre  inconnu). 

t 

In-fol.,  82  ff.  signés  a-u4,  à  2  col.  Au  v"  du  f.  81  :  Tranflated 
be  me  Laurens  Andrewe  1|  of  the  towne  of  Calis  /  in  te  famous  1| 
cite  of  Andwarpe  ||  Empreuted  be  me  John  of  ||  Doefborowe  ||. 
Le  titre  et  le  dernier  f.  manquent  au  seul  exemplaire  connu. 

[Cambridge,  bibliothèque  de  l'Université]. 

24.  Van  Jasoii  en  Hercules.  8  novembre  1521. 

Van  TT        1    '  Il  C  De  wonderlike  vreemde  hiftorien.  Hoe  dat 
Hercules. 

die  edel  vrome  Jafon  ghewan  dat  gul-||den  vlies  En  va  noch  veel 

wond'like  auôtueren  die  Jafon  met  die  fchone  Medea  hadjjde.  En 

voert  vandë  aider  ftercften  Hercules/  die   wond'like  feyten  va 

wapenen  in  orlo-||ghen  dede/  doe  hi  Troyen  twee  reyfen   def- 

trueerde.  En  hoe  hi  vacht  teffens  vreemde  w5-||derlike  beeften  die 

hi  al  verwan.  En  fis   genuechlick  en    vponderlick  om  te  horen 

lefen  ||  (Figures  sur  bois). 

In-fol.,  46  ff.  signés  A-L4,  à  2  col.  Au  r°  du  dernier  f.  :  C  Ghe- 
prent  Tantwerpen  bi  mi  Jan  ||  van  Doef  borch  wonende  op  die  || 
Lorabaerde  Vefte.  Indeu  j]  iare    ons  heeren.   M.  ||  CCCCC.  en 


—    13    — 

XXI.  !|  opten  achftë  ||  in  Nouë||ber.  ||  Un  ex.  figurait,  à  la  vente 
de  Sellières,  à  Paris,  mai  1890,  n"  640. 

[Décrit  dans  le  Bibliophile  belge,  t.  IV,  1869,  pp.  14-16J. 

25.  Die  historié  van  Hercules.  12  décembre  1521. 

Die  hiftorie  ||  Van  den  ftercken  Hercules/  Die  veel  wonderlike 
dinghen  in  fijn  leuen  heeft  ||  ghedaen.  Syn  gheboerte  was  won- 
derlic/  en  fijn  leven  was  auontuerlic/  wât  ||  lii  menicli  vuaerlic 
beeste  verflaghen  heeft.  ghelijc  men  in  die  hiftorie  hier  na  ||  ver- 
claren  sal.  En  fi  is  feer  auontuerlic  en  ghenuechlich  oni  lefen.  1] 
(Gravures  sur  bois). 

In-fol.,  48  ff.  signés  a-m4,  à  2  col.  Au  dernier  f.  :  C  Hier  eyndet 
die  hiftorie  en  dat  leuen  vanden  vromen  Hercules  /  met  die  twee  || 
deftrudtien  van  Troyen  /  die  door  Hercules  gefchieden.  En  iffer 
ye  II  niant  die  de  derde  deftrudtie  van  Troyen  begheert  te  wetë  || 
daer  de  vrome  Hector  vflaghen  was  /  dats  ghe||prent  in  een  and' 
boeck  '  geheten  Die  dejjftruétie  va  Troyen.  En  dit  boeck  ||  is 
Thantwerpë  geprent  bi  ||  mi  Jan  van  Doefborch  ||  wonende  op 
de  II  L5baer||de  ||  vefte  ||  in  den  Aren  ||  van  die  vier  euangeliftë  || 
Jn  den  iare  ons  heere  duyfent  vijf  ||  hondert  en  .  xxi  .  opten 
twalefften  dach  van  Deceraber  ||  (Figures  sur  bois). 

[Décrit  dans  le  Bibliophile  belge,  t.  IV,  1869,  p.  16]. 

20.  The  Parson  of  Kalenborowe.  (Après  1520?). 

In-é",  26  ff.  signés  A-E6.  Les  deux  premiers  et  le  dernier 
feuillets  inconnus. 

[Oxford,  bibliothèque  Bodléienne]. 

27.  Der  IX  qiiaesten.  25  juin  1528  2. 

Dix  quaeften  1|  Warachtighe  hiftorien.  Als  va  Jeroboan 
Achab  II  Joram  ioden.  Caym  Nero  Pylat'  heydë  Ju  ||  das  fcharioth 

1  II  est  assez  curieux  de  trouver,  clans  un  colophon  du  XVI*  siècle, 
l'emploi  d'une  formule  dont  1(3S  feuilletonistes  contemporains  usent 
et  abusent  pour  prolonger  leurs  romans  et  en  faire  acheter  les  suites 
nombreuses. 

2  M""  Proctor  n'ayant  pas  vu  ce  volume,  sa  description  n'est  pas 
tout  à  fait  exacte;  j'ai  pris  la  mienne  sur  l'exemplaire  unique  de  la 
bibliothèque  de  l'Université  de  Grand. 


—    14    — 

Machamet  Juliam  apfto||ta  kerftenen   .  die  aile  eeii  onfalich  |] 
eynde  hadden  ||  (Figures  sur  bois). 

ln-4°,32  fif.  non  chiffrés,  signés  [A]B-G[H4]  ;av.  figures  sur  bois. 
Au  v°  du  dernier  f.  :  C  Gheprt  bi  Jâ  v  â  Doefborch.  Jnt  iaer  || 
van.  xxviij.  den  xxv.  dach  va  Juni'  ||  C  Cum  gracia  et  /juilegio  .  || 
Marque  n°  III.  La  première  ligne  du  titre,  imprimée  en  rouge, 
est  xylographique.  M''  J.  Petit  a  donné  une  spirituelle  analyse  de 
ce  cui'ieux  roman  populaire  des  neuf  méchants  hommes,  dans  le 
Bibliophile  belge,  t.  IV  (Bruxelles,  1869),  pp.  60-65. 

[Gand,  bibUothèque  de  l'Université]. 

28.  Tdal  sonder  wederkeeren.  10  juillet  1528. 

Tdal  fond'  wed'keerë  ||  C  Oft  Tpas  der  Doot.  ||  (Gravure  sur 
bois). 

In-4'',  16  ff.  signés  A-D4.  Au  v°  du  dernier  f.  :  C  Gheprent  bi 
Jan  van  Doefborch  ||  Jnt  Jaer  van  .  xxviij  .  den  x.  ||  dach  van 
Julius  II  C  Cum  gracia  et  /uilegio.  ||  Marque  n°  III.  La  première 
ligne,  imprimée  en  rouge,  est  xylographique.  Cf.  BibUotheca  bel- 
gica,  V^  série,  t.  V,  c.  24.  v"  CoelUn.  Réimpriilié  par  M""  J.  Petit 
dans  les  publications  des  bibliophiles  belges,  à  la  suite  du  Pas  de 
la  mort,  en  1869. 

[Bruxelles,  bibliothèque  royale]. 

29.  Cronike  van  Brabant.  Juin  1530. 

Van  .  brabant  .  die  .  ||  excellente  .  Cronike  .  ||Van  Vlaenderë/ 
HoUât/  Zeelant  int  generael.  Vauden  oorfpronck  des  lants  va 
Ghelre/  ende  ||  ooc  die  afcomfte  der  hertoghen  van  Ghelre.  Va 
dat  fticht  ende  van  die  ftadt  va  Wtrecht/  hoe  fi  ||  comen  fijn 
onder  den  keyfer  Karolo.  Ende  van  die  uieuwe  geften  ghefchiet 
bi  onfen  prince  ei  '  ||  kej^fer  Karolo  /  tottë  iare  .  M.CCCCC. 
en  XXX.  in  Junio  .  Ende  noch  veel  ander  vreemde  geftë  ||  die 
in  ander  Cronijcken  niet  eu  fijn  ||  (Figure  sur  bois).  ||  C  Defe 
boeckeu  vintmen  te  cope  tôt  Henrijck  Peterf  inden  mol  ||  2. 

^  Sic  sur  l'ex.  de  Gand  ;  en,  dit  M""  Proctor. 

^  Cet  ouvrage  ayant  été  imprimé  pour  plusieurs  libraires,  pos- 
sède diverses  adresses;  celle-ci  est  celle  de  l'ex.  de  Gand.  L'ex.  du 
British  Muséum,  décrit  par  M""  Proctor,  porte  :  f  Defe  boecken 
vintmen  te  cope  tôt  Michiel  va  Hoochftraten  in  der  râpe  || . 


—    15    — 

In-fol.,  320  &.  non  chiffrés,  signés  [A]  Aij-X  .  ij  .  [Xiv],  à  2  col.; 
figures  sur  bois.  Au  v"  du  dernier  f.  et  dans  un  encadrement  : 
C  Gheprent  tôt  Antwerpen  op  die  Loiubaerde||vefte  /  bi  mi  Jan 
van  Doef  borch  /  int  iaer  ons  ||  lieren  M  .  CCCCC  .  xxx  .  in  Junio.  || 
(Gravure  sur  bois). 

[Anvers;  musée  Plantin;  —  Bruxelles,  bibliothèque 
royale; —  Gand,  bibliothèque  de  l'Université;  — 
La  Haj^e,  bibliothèque  royale  ;  —  Londres,  British 
Muséum; —  Oxford,  bibliothèque  Bodléienne(titre, 
colophon  et  gravures  découpées  et  collées  en 
album)]. 

ÉDITIONS  DOUTEUSES. 

30.  The  valuation  of  golcl  and  silver. 

C  The  valuatijon  of  golde  and  fyluer  ||  made  ô  y*  yere 
.  M  .  CCCC  .  /  xxxxiv.  Il  holde  î  the  marke  vnce  englice  quar  || 
t'  troye.  dewes  and  aes  The  raaner  ||  for  to  weight  wyth  pênes 
and  gray||nes  and  herein  is  fett  y*  fygures  of  y**  ||  fpaynyfh  and 
Poortyngalyffh  doca||tes  whiche  is  now  ||  C  The  golde  fleys  || 
(Gravure  sur  bois).  ||  The  phûs  gyldon  [J  (Gravure  sur  bois). 

In-8°,  24  ff.  signés  a-c8.  Le  format  du  livre  et  le  bois  de  la 
dernière  page  rendent  douteuse  l'attribution  à  Jean  van  Does- 
borgh  de  ce  volume,  qui  pourrait  avoir  été  imprimé  par  R.  Van- 
den  Dorpe. 

[Londres,  British  Muséum]. 

31.  On  the  Pestilence. 

Un  traité  sur  la  peste,  qui  pourrait  être  imprimé  par  Jean  van 
Doesborgh,  est  signalé  dans  la  bibliothèque  feu  Maurice  Johnsen, 
de  Spalding. 

32.  The  valuation  of  golcl  and  silver, 

The  valuacion  of  golde  and  siluer.  Made  in  the  famous  Citie  of 
Antwarpe,  and  newely  Tranf  lated  into  Englishe  by  me  Laurens 
Andrewe  / 

Emprentyd  in  the  famous  Cite  of  Andwarpe. 

[Cité  par  Herbert  dans  son  édition  des  Typograplùcal 
antiquities  d'Ames,  p.  412]. 


—    16    — 

ÉDITION  INCONNUE  A  M--  PKOCTOK. 

33.  Floris  ende  Blanceflour. 

La  bibliothèque  de  l'Université  de  Gand  possède  (Ace.  23069) 
un  fragment  d'une  édition  non  datée  du  roman  populaix'e  de 
Floris  en  Blanceflour,  imjariraée  in-é"  par  Jean  van  Doesborgh. 
Voici  la  description  de  ce  fragment,  découvert  dans  une  reliure, 
et  qui  comprend  les  ff.  1  et  4  du  dernier  cahier,  signé  E. 

F.  E  r°  :  de  gheweeft  fi  aten  ende  drôcken  tfamë  datter  die  || 

and'  iôcfrouwë  niet  af  en  wiftê (.30  lignes).  Au  bas  du  f.  E  v°  : 

Hoe  de  amirael  Floris  en  blâceflour  wil  ||  de  dodê.  en  hoe  elck 
voor  den  anderen  ||  wilde  fteruë  .  en  hoe  fi  ten  laetften  ||  gracie 
vercreghen.  ||.  F.  [E4]  r"  :  vrouwe  va  Pippijn  die  aen  haer 
ghew^an  den  gro||ten  con.  karel  fo  fommige  hiftorê  fegghen/die 
een  ||  duychdelijck  jjrince  was  en  wreech  naraaels  dat  ||  eewich 
leven.  AMEN.  H  bi  mi  Jan  van  Doef  borch.  1|  (Figure  sur  bois  : 
l'ioris  et  Blanceflor).  F.[E4]  v"  :  marque  typographique  n°  III. 

Réparons  en  terminant  un  oubli  de  M""  Proctor 
et  dressons  la  statistique  des  bibliothèques  qui 
possèdent  des  éditions  certaines  de  Doesborgh  ou 
des  fragments  de  celles-ci,  dans  l'état  actuel  de  mes 
connaissances  à  cet  égard  : 

1.  Londres,  British  Muséum 11 

2.  Oxford,  bibliothèque  Bodléienne 7 

3.  Collections  particulières 6 

4.  Britwell 5 

5.  Bruxelles,  bibliothèque  royale 5 

6.  Gand,  bibliothèque  de  l'Université 4 

7.  Anvers,  musée  Plantin 3 

8.  La  Haye,  bibliothèque  royale 3 

i).  Providence,  bibliothèque  Carter  Brown    ...  2 

10.  Cambridge,  bibliothèque  de  rUniversité  ...  1 

11.  Cambridge,  bibliothèque  du  Trinity  Collège .     .  1 

12.  Edimbourg,  bibliothèque  des  avocats  ....  1 

13.  Oxford,  bibliothèque  du  Corpus  Christi  Collège  1 

Total  des  exemplaires  connus     .     .     50 


—     17    — 

D'après  M'  Proctor,  la  bibliothèque  royale  de 
Bruxelles  et  la  bibliothèque  de  l'Université  de 
Gand  ne  possédaient  chacune  qu'une  édition  de 
J,  Van  Doesborgh;  mes  recherches  m'ont  permis 
de  leur  en  attribuer  respectivement  cinq  et 
quatre,  ce  qui,  avec  les  trois  impressions  conser- 
vées au  musée  Plantin  d'Anvers,  non  signalées 
par  M''  Proctor,  porte  à  douze  le  nombre  des 
exemplaires  d'éditions  de  Doesborgh  connus  en 
Belgique.  Pour  les  Pays-Bas  septentrionaux,  le 
bibliographe  anglais  ne  cite  que  la  bibliothèque 
royale  de  La  Haye  avec  trois  éditions;  je  suis 
convaincu  que  ce  nombre  pourrait  également  être 
augmenté,  et  sans  doute  notablement,  en  étudiant, 
d'une  manière  spéciale,  les  collections  des  biblio- 
thèques néerlandaises. 

Paul  Bekgmans. 


18 


L'ABBAYE  D'EENAEME. 


-.4^ 


Edmond  Beaucarne  < ,  récemment  décédé  à 
Eenaeme,  a  laissé  une  histoire  de  Tabbaye 
d'Eenaeme  dont  une  partie  était  imprimée  au 
moment  de  son  décès,  et  qui  vient  de  paraître  en 
un  volume  in-4''  de  520  pages.  L'œuvre,  composée 
d'après  les  archives  de  l'abbaye  et  '  reproduisant 
le  texte  des  principaux  documents,  est  riche  en 
détails  précieux  pour  l'histoire  générale  de  notre 
Flandre  comme  pour  la  connaissance  de  la  disci- 
pline ecclésiastique.  Nous  la  résumons  dans  les 
pages  qui  suivent. 

C'est  le  comte  Baudouin  de  Lille  qui  fonde 
l'abbaye  et  la  dote.  La  communauté  doit  se  com- 
poser de  douze  religieux  soumis  à  la  règle  de  Saint- 
Benoit.  On  discute  l'authenticité  de  quelques 
chartes  de  ces  premiers  temps. 

«  L'abbaye  n'avait  pas  encore  un  quart  de  siècle 
d'existence,  dit  l'auteur,  lorsque  déjà  un  grand 
relâchement  s'était  introduit  dans  la  discipline. 


*  Sur  E.  Beaucarne,  ancien  rédacteur  du  Catholique  du  Pays-Bas, 
yoir  Messager  des  Sciences,  1895,  p.  181. 


—     19    — 

L'abbé  Tancard  sentit  le  besoin  d'une  réforme;  il 
tenta  de  ramener  la  communauté  à  l'esprit  de  son 
institution,  mais  il  s'aperçut  bientôt  que  tous  ses 
efforts  seraient  impuissants  sans  l'assistance  du 
Souverain  Pontife.  Il  résolut  donc  de  se  rendre  à 
Rome  ;  mais  avant  qu'il  put  mettre  son  projet  à 
exécution,  ses  sujets  rebelles  lui  firent  souffrir 
toutes  espèces  de  vexations  et  d'avanies  ;  ils 
poussèrent  l'oubli  de  leurs  devoirs  jusqu'à  mal- 
traiter leur  supérieur  et  lui  couper  le  bout  de 
Toreille.  Tancard,  vivement  affecté  de  cette  offense, 
alla  porter  ses  plaintes  aux  pieds  du  Saint-Père, 
mais  il  succomba  en  route  :  sed  m  ipso  ilinere,  vel 
in  eundo  vel  redeundo,  nescitur  ;  scitur  enim  quia 
niortuus  est.  » 

Gilbert,  moine  d'Affligliem,  lui  succéda.  «  Ce  fut 
à  sa  prière  que  le  comte  Robert  favorisa  l'établisse- 
ment d'une  église  à  Pamele  en  engageant  l'évêque 
de  Cambrai  à  donner  tous  ses  soins  pour  mener 
cette  affaire  à  bonne  fin,  » 

Un  autre  moine  d'Affligliem ,  Snellard ,  son 
successeur  fait  abattre  l'ancienne  église  et  en 
construit  une  nouvelle  (1132).  La  quatrième  année 
de  son  pontificat,  Eugène  III,  renouvelle  et  con- 
firme (si  sa  bulle  est  authentique)  les  privilèges  et 
immunités  accordées  à  l'abbaye  par  Alexandre  II 
et  Pascal  IL 

En  1150,  Snellard  abdique.  «  Les  annales  nous 
apprennent,  dit  Beaucarne,  que  contraint  par  la 
pauvreté  et  gravement  offensé  par  des  rivaux 
envieux,  il  se  retira  de  l'abbaye.  » 

Un  moine  appelé  Guillaume  fut  ensuite  revêtu 


—    20    — 

de  la  dignité  abbatiale,  et  «  trouva  le  monastère 
dans  l'état  le  plus  déplorable,  tant  sous  le  rapport 
spirituel  que  sous  le  rapport  temporel.  »  Il  partit 
pour  la  Terre-Sainte  avec  Thierry  d'Alsace.  Il  était 
convenu  que  s'il  retournait  dans  l'année,  il  aurait 
repris  ses  fonctions  abbatiales,  mais  que  s'il  n'était 
pas  de  retour,  on  aurait  pourvu  à  son  rempla- 
cement. 

Ce  délai  expiré,  la  communauté  choisit  pour 
prélat,  Arnout,  prieur  d'Afflighem  «  qui  parvint  à 
faire  renaître  le  bon  ordre  et  la  discipline  parmi 
ses  subordonnés.  » 

En  1160,  il  rapporta  de  Renaîx  le  chef  de  saint 
Célestin,  pape  et  martyr.  On  ne  dit  pas  comment 
cette  relique  était  passée  en  Flandre. 

«  La  communauté  ne  trouva  pas  dans  son  sein, 
à  la  mort  d' Arnout,  un  homme  capable  de  présider 
à  ses  destinées...  Ce  fut  de  nouveau  un  moine 
d'Afflighem,  appelé  Gilbert,  qui  vint  remplacer 
Arnout...  Il  contribua  plus  qu'aucun  de  ses  prédé- 
cesseurs à  accroître  les  possessions  de  l'abbaye, 
tanten  terres,  qu'en  dîmes,  autels,  édifices  et  autres 
biens.  « 

Mais  les  richesses  présentent  des  dangers  pour 
la  vie  monastique.  «  La  discipline,  dit  Beaucarne, 
s'étant  fortement  aff"aiblie,  et  ces  moines  conti- 
nuant à  se  relâcher  de  plus  en  plus,  Gilbert  tenta 
d'introduire  à  l'abbaye  la  réforme  de  Citeaux.  Il 
renvoya  les  moines  qui  ne  voulurent  point  quitter 
la  robe  noire  et  les  remplaça  par  des  moines  blancs 
de  l'ordre  de  Citeaux  ;  ces  tentatives  de  réforme  ex- 
citèrent une  vive  lutte  entre  l'abbaye  et  les  moines 


—    21     — 

récalcitrants,   et  à  la  fin  Gilbert  fut   déposé.    » 

Sous  son  successeur  Lambert  IV  (de  bonne  mé- 
moire) le  comte  Philippe  d'Alsace  «  déclare  qu'il 
résulte  d'une  enquête  légale...  que  Tabbaye  était 
de  temps  immémorial  en  paisible  possession  de 
recevoir  sur  tous  les  vins  passant  par  l'Escaut, 
quel  que  fût  le  lieu  de  provenance  ou  de  destina- 
tion, deux  lots  et  demi  de  vin  de  chaque  pièce, 
grande  ou  petite...  »  (1162). 

Son  successeur  Gauthier,  12''  abbé,  «  trouva  le 
monastère  surchargé  de  dettes  ;  son  premier  soin 
fut  d'introduire  de  l'économie  dans  les  dépenses, 
et  en  peu  de  temps  il  parvint  à  libérer  la  maison, 
à  rebâtir  les  édifices  et  à  en  construire  de  nou- 
veaux. » 

Siger,  13®  abbé,  et  Henri  14",  ont  laissé  grand 
nombre  de  chartes  concernant  leur  administration, 
qui  constatent  le  zèle  et  l'activité  qu'ils  déployèrent 
pour  la  prospérité  du  monastère.  Les  habitants 
d'Audenarde  sont  obligés  de  payer  le  tonlieu  sur 
l'Escaut.  «  Le  Pape  Innocent  IV  étend  à  l'abbaye 
d'Eenaeme  la  constitution  qu'il  a  publiée  concer- 
nant les  excommunications  (1247).  » 

En  1249,  deux  bourgeois  d'Audenarde  avaient 
fait  transporter  par  l'Escaut  quatre  pièces  de  vin 
de  Moselle,  et  lorsque  le  bateau  qui  les  contenait, 
était  arrivé  devant  l'abbaye,  à  l'endroit  du  ton- 
lieu,  ils  avaient  passé  avec  tant  de  rapidité  qu'on 
n'avait  pas  pu  percevoir  le  droit.  Ces  bourgeois, 
reconnaissant  qu'ils  avaient  fait  une  grande  injure 
à  l'abbé,  vinrent,  accompagnés  de  quelques  éche- 
vins  et  notables  d'Audenarde,  faire  amende  hono- 


—    22    — 

rable  à  l'abbé  et  solliciter  leur  pardon  en  présence 
de  toute  la  communauté.'  Il  en  fut  dressé  acte. 

Arnould,  15^  abbé  (1250),  «  strict  observateur 
de  la  règle,  mit  beaucoup  de  prudence  et  de  modé- 
ration dans  l'acquisition  des  biens  temporels,  et 
toute  sa  gestion  fut  des  plus  régulières.  Cette 
conduite  louable  ne  laissa  pas  de  lui  susciter  un 
grand  nombre  d'adversaires,  qui  l'accablèrent  de 
persécutions.  Dégoûté  et  affecté  de  ces  injures,  il 
résigna,  à  l'exemple  de  son  prédécesseur,  ses  fonc- 
tions abbatiales.  » 

Baudouin,  IQ"  abbé,  «  se  distingua  par  la  géné- 
reuse hospitalité  qu'il  exerçait  envers  les  étrangers, 
tant  séculiers  qu'ecclésiastiques.  11  traita  les  moines 
et  les  frères  avec  assez  de  douceur,  mais  il  fit 
observer  avec  négligence  la  règle  monastique... 
Il  agrandit  le  patrimoine  de  l'abbaye  par  de  nou- 
velles acquisitions  et  des  constructions;  mais  il 
laissa  de  grandes  dettes.  La  plupart  des  moines 
s'insurgeant  contre  lui,  un  grave  débat  s'éleva 
entre  l'abbé  et  presque  toute  la  communauté,  qui 
lui  fit  subir  de  graves  injures;  mais  il  résista 
vaillamment...  (1261).  » 

Le  17*"  abbé  est  Gérard  de  Strypen.  «  Il  trouva 
le  moyen  de  faire  un  grand  nombre  d'acquisitions 
tant  en  prairies  qu'en  bois,  dîmes  et  rentes... 
Durant  sa  prélature,  il  eut  à  endurer  de  grandes 
et  fréquentes  persécutions  de  la  part  de  ses  adver- 
saires et  de  quelques-uns  de  ses  confrères  qui  lui 
portaient  envie,  mais  il  leur  opposa  une  vigoureuse 
résistance.  Il  fit  arrêter  les  plus  mutins  et  finit  par 
les  vaincre  :  quelques-uns  furent  envoyés  par  voie 


—    23    — 

de  correction  dans  d'autres  monastères  et  les  plus 
récalcitrants  maintenus  dans  une  prison  perpé- 
tuelle «  (1272). 

«  Il  voulut  qu'on  donnât  tous  les  ans,  à  la 
communauté,  le  jour  anniversaire  de  son  décès, 
une  solennelle  pitance,  savoir  :  un  lot  de  vin  dit 
Clareit,  pour  trois  moines.  Pour  que  l'institution 
ne  tombât  point  en  désuétude,  il  y  affecta  des 
revenus  suffisants  et  en  lit  faire  un  acte  public, 
muni  de  son  sceau  et  de  celui  du  couvent.  Dans 
les  six  ou  sept  dernières  années  de  sa  prélature 
(c'est  toujours  notre  auteur  qui  parle  d'après  les 
archives  de  l'abbaye),  il  commença  à  négliger  les 
devoirs  de  son  état  ;  il  prit  en  si  grande  affection 
quelques-uns  de  ses  parents,  que  l'abbaye  en  subit 
un  grand  préjudice.  » 

Jean  de  Mons,  18"  abbé  (1290),  «  était  doux  et 
compatissant  envers  ses  subordonnés,  mais  il 
mettait  trop  de  mollesse  dans  ses  actes...  Il  fit 
observer  exactement  la  discipline  de  l'ordre  et  les 
coutumes  de  la  maison  dont  il  avait  une  connais- 
sance suffisante  ;  mais  les  moines  en  appelèrent 
d'abus  et  le  harcelèrent  si  vivement  de  leurs 
querelles,  qu'il  se  vit  forcé  d'abandonner  son  trou- 
peau et  de  subir  la  mort  temporelle  (sic).  »  A  la  fin 
de  sa  prélature,  il  «  s'était  laissé  circonvenir  par 
un  beau-frère,  à  son  grand  détriment  et  à  celui 
du  monastère...  » 

«  A  cette  époque  (1300)  nous  voyon's,  dit  Beau- 
carne,  l'autorité  morale  et  la  puissance  de  l'abbé 
s'énerver  en  passant  à  des  mains  débiles  et  inca- 
pables de  maintenir  l'ordre  et  la  discipline.  »  A  la 


—    24    — 

mort  de  Jean  de  Mons,  le  choix  du  couvent  tomba 
sur  Egide  de  Schendelbeke.  Le  nouveau  prélat 
était  d'une  telle  insuffisance  qu'il  dut  prendre  des 
coadjuteurs Une  telle  administration  fut  désas- 
treuse, comme  on  le  voit  par  les  ventes  impor- 
tantes faites  du  patrimoine  de  l'abbaye,  c^  Les 
annales  ajoutent  que,  quant  à  la  conduite  de  Fabbé 
avec  les  laïques  et  ses  confrères,  il  vaut  mieux  de 
la  passer  sous  silence  que  d'en  parler.  » 

Les  acquisitions  faites  sous  son  administration 
ne  compensent  plus  les  ventes  opérées. 

Le  20''  abbé,  Gilbert  dit  De  Jonglie,  est  pris  à 
l'abbaye  de  Saint-Pierre.  «  C'était,  dit  Beaucarne, 
un  religieux  aussi  propre  au  Gouvernement  spiri- 
tuel que  temporel  ;  mais  la  tâche  était  ardue  ;  il 
eut  de  fréquents  démêlés  avec  ses  confrères,  et,  à 
la  fin,  la  discorde  alla  si  loin,  qu'il  eut  à  endurer 
de  leur  part  le  traitement  le  plus  cruel  et  le  plus 
inouï.  Quelques-uns  de  ces  moines  dénaturés  pous- 
sèrent la  barbarie  jusqu'à  suspendre  leur  chef  par 
les  cheveux,  à  lui  cracher  à  la  figure  et  à  faire  du 
feu  sous  la  plante  de  ses  pieds.  Quand  ils  l'eurent 
ainsi  maltraité  et  couvert  d'outrages,  ils  le  me- 
nèrent captif  chez  leur  évêque,  qui  résidait  alors  à 
Cambrai.  Gilbert  ne  put  supporter  tant  d'igno- 
minies et  mourut  de  chagrin.  » 

Sous  sa  prélature  fut  réglé  un  différend  avec 
les  chanoines  de  Tournai,  concernant  le  tonlieu 
sur  l'Escaut,  pour  le  vin  qui  leur  était  destiné. 
L'abbaye  ayant  perdu  tout  prestige,  ne  fit  qu'une 
faible  opposition  aux  prétentions  du  chapitre,  et 
il  fut  convenu  qu'on  restituerait  au  chapitre,  par 


—    25    — 

acte  signé  à  Gancl  le  dernier  de  mars  1328,  les 
droits  perçus,  et  qu'à  l'avenir  celui-ci  serait  exempt 
de  touttonlieu.  Le  prix  qu'on  attachait  à  de  telles 
questions  n'est  pas  seulement  un  renseignement 
sur  l'importance  de  la  consommation,  mais  aussi 
sur  la  voie  que  suivaient  les  vins  pour  l'importa- 
tion et  le  transport.  Il  ne  peut  s'agir,  nous  semble- 
t-il,  que  de  vins  introduits  par  mer  et  transportés 
par  bateanx  remontant  l'Escaut. 

Jean  II,  2P  abbé,  originaire  de  Gand,  trouva 
l'abbaye  dans  l'état  le  plus  déplorable.  Son  revenu 
était  réduit  à  1000  livres  parisis.  Il  le  porta  à 
4500.  C'était  un  homme  pieux,  doux  et  affable 
envers  tout  le  monde.  Mais  «  il  trouva  parmi  les 
laïcs  des  adversaires  nombreux,  avec  lesquels  il 
eut  de  fréquents  procès  pour  le  maintien  des 
droits  de  son  église.  »  «  Sanderus  rapporte  qu'en 
1349  les  échevins  de  Gand  firent  relâcher  l'abbé 
d'Eenaeme  qui  était  détenu  dans  les  prisons  de 
l'évêque  de  Cambrai  :  les  annales  ne  font  aucune 
mention  de  cette  circonstance...  »  Sous  son  admi- 
nistration les  habitants  de  Douay  essaient  vaine- 
ment de  se  soustraire  au  tonlieu  sur  le  vin  :  le 
Conseil  du  comte  Louis  décide  qu'ils  y  sont  tenus. 
Les  bourgeois  de  Grammont  veulent  se  soustraire, 
lors  de  la  foire  d'Eenaeme,  à  tous  droits  au  profit 
de  l'abbaye.  Leur  tentative  a  le  même  sort  (1363). 
Des  Gantois  avaient  fait  transporter  du  vin  à 
Tournai  pendant  le  siège  de  cette  ville,  et  ils 
avaient  refusé  de  payer  le  tonlieu.  Ils  sont  égale- 
ment poursuivis  et  condamnés. 

Le  successeur,  Jean   Yserman,  est  le  premier 


—    20     — 

abbé  qui  reçut  la  confirmation  de  la  Cour  de 
Rome.  Urbain  V  lui  donna  la  confirmation  à 
Avignon .  Elegans  stature ,  cum  duplici  iiiento , 
disent  les  annales.  Il  entretint  convenablement 
le  couvent,  fit  réparer  avec  soin  les  fermes. 
«  Il  avait  un  goût  particulier  pour  les  chevaux 
blancs  et  les  petits  chiens.  Il  avait  l'habitude  de 
porter  sur  lui  deux  bourses,  Tune  bien  fournie, 
dont  il  se  servait  envers  les  malheureux  ;  et  une 
autre,  vide,    qu'il  montrait  à   ses   débiteurs...  » 

L'évêque  de  Tournai  intervint  pour  reconcilier 
les  Gantois  avec  leur  comte  ;  à  cette  fin  des 
conférences  eurent  lieu  à  l'abbaye  d'Eenaeme 
(mars  1383). 

Gérard  Ghuisse  fut  son  successeur  (1390).  «  Il 
se  laissa,  dit  l'auteur,  gouverner  entièrement  par 
deux  de  ses  parents  laïques,  dissipa  à  leur  profit 
les  biens  de  son  église.  Sa  table  était  toujours  bien 
servie,  et  il  se  retirait  souvent  à  la  ferme  de  TeWale 
pour  s'y  divertir.  Il  n'avait  aucune  aptitude  pour 
l'administration,  et  pendant  les  quatre  années  qu'il 
gouverna  l'église,  il  en  diminua  considérablement 
les  possessions...  w 

Jean  de  Thourout,  24"  abbé,  «  cumula  la  négli- 
gence avec  la  paresse,  de  sorte  qu'il  fit  faire  peu 
de  réparations  à  la  maison  ;  il  abandonna  les  cha- 
pelles de  la  Sainte- Vierge  et  de  Saint-Liévin,  comme 
des  colombiers  déserts  et  menaçant  ruine.  Il  était 
incapable  de  se  livrer  à  un  travail  suivi  parce  qu'il 
souffrait  fréquemment  de  la  goutte..  On  ne  pouvait 
conserver  son  amitié  qu'en  le  flattant  et  en  lui 
donnant  des  éloges.  On  le  décida  à  renoncer  à  ses 


—    27    — 

fonctions,  moyennant  une  pension  annuelle  de 
200  couronnes.  » 

«  A  cette  époque,  dit  encore  Fauteur,  la  vie 
monastique  avait  perdu  toute  sa  grandeur;  déjà 
les  abbés  se  livraient  aux  plaisirs  du  siècle,  sans 
partager  en  rien  les  austérités  du  cloître.  La  cor- 
ruption se  fit  par  en  haut  et  bientôt  les  moines  se 
laissèrent  entraîner  par  l'exemple  de  leurs  chefs.  » 

Son  successeur  Godefroid  d'Escornaix  «  était 
fort  expert  dans  les  affaires  temporelles,  mais  il 
put  difficilement  se  faire  à  la  vie  monastique.  Il 
mena  un  train  de  vie  comme  les  barons  et  les  plus 
puissants  du  siècle  ;  il  avait  des  chasseurs,  des  fau- 
conniers, un  grand  nombre  de  serviteurs  et  de 
domestiques,  des  chevaux  de  grand  prix,  tenant 
peu  compte  des  réductions  qu'avaient  subies  les 
revenus  de  l'abbaye,  et  ne  voulant  modérer  en 
rien  les  prodigalités  de  sa  maison... 

Guillaume  Fabri,  26-  abbé,  «  gouverna  la  com- 
munauté avec  tant  de  zèle  et  de  succès  qu'il  put  à 
bon  droit  être  considéré  comme  le  restaurateur  et 
le  second  fondateur  de  l'abbaye.  » 

Sur  le  rapport  de  commissaires  envoyés  j)ar 
Sixte  IV  pour  examiner  la  situation  déplorable  de 
l'abbaye,  il  obtint  l'autorisation  de  vendre  quelques 
biens  pour  payer  les  dettes  qui  la  grevaient. 

«  Les  annales  ne  disent  rien  de  l'administration 
de  Gérard,  27"  abbé,  mais  il  paraît  que  cet  abbé... 
n'avait  aucune  aptitude  pour  le  gouvernement 
d'un  monastère,  comme  nous  l'apprend  Henri  de 
Bergue,  évêque  de  Cambrai,  dans  un  protocole 
de  visite  de  1493.  » 


—    28    — 

Sous  le  28*^  abbé,  Godefroid  vanBrakele,  «  l'acte 
le  plus  important  fut  la  réforme  introduite  dans 
le  couvent.  «  L'abbé  Godefroid  voyant  la  grande 
dépravation  de  ses  moines,  résolut  d'introduire 
dans  son  abbaye  de  pieux  religieux  du  monastère 
d'Egmond  en  Hollande,  de  l'union  de  Bursfeld, 
afin  de  ramener  par  leur  exemple  ses  confrères  à 
une  vie  plus  régulière.  » 

Il  obtint  donc  l'autorisation  d'incorporer  son 
abbaye  dans  la  province  Allemande  :  «  Tanquam, 
dit  la  charte  de  Charles-Quint,  bonus  pastor,  vigi- 
lans  super  gregem  sibi  commissum,  monasterium 
suimi  Eenhamense  in  vita  regulari  et  bonis  moribus 
omnino  destitutum,  ad  normam  regularis  vitœ, 
i^educere  volens...  »  La  réforme  ne  fut  pas  du  goût 
de  tous  les  moines  ;  treize  d'entre  eux  refusèrent 
de  s'y  soumettre  et  quittèrent  le  couvent  (1522). 
Sur  les  revenus  du  couvent,  il  leur  fut  attribué  à 
chacun  une  rente  de  cent  livres,  avec  autorisation 
de  l'Empereur. 

Les  abbés  suivants  Vander  Beke,  Cannaert, 
Bighe,  Bacqué  nous  mènent  jusqu'au  temps  où  se 
prêchent  les  nouvelles  doctrines  religieuses  et  où  le 
pays  est  gravement  troublé.  Des  actes  de  brigan- 
dage sont  commis  dans  l'abbaye,  et  les  religieux 
mettent  trois  ans  à  réparer  les  dégâts  causés  :  sed 
quœ  deinceps  dictut^us  sum,  dit  l'abbé  Gabriel, 
multo  siint  majo7^a. 

Le  27  août  1578  Charles  Cabilliau,  porte-en- 
seigne, accompagné  d'un  détachement  de  la  gar- 
nison d'Audenaerde,  descendit  l'Escaut  avec  deux 
bateaux  qu'il  fit   arrêter  en  face  de  l'abbaye.  Il 


—    29    — 

s'empara  du  portier  et  des  chefs,  plaça  six  hommes 
à  l'entrée,  et  alla  présenter  à  l'abbé  la  lettre  sui- 
vante : 

Mynheere.  Anghesien  dat  ick  zekerlic  weet  datter  volck 

gheordonneert  is  om  Ul.  clooster  te  doen    ruymen,  soo 

hebbe  ic  UL  een   scip  ghesonden  met  M'"  Cabilleau,  cap. 

enseigne  van  myn  compagnie,  om  Ul.  goed  metter  haeste 

al  in  te  packen  ende  lieerwaerts  te  comen.  In  Audenaerde 

desen  27  augusti  1578. 

Ul.  Dienstwilligen 

Ch.  Rockelfinger. 

L'abbé  dut  se  résigner.  Tous  les  meubles,  lite- 
ries, linges,  ornements  d'église,  grains,  provisions 
de  cuisine  furent  portés  à  bord  des  deux  bateaux 
et  transportés  à  Audenarde,  dans  le  refuge  de 
l'abbaye  dit  de  Rame.  Rockelfinger  fit  encore  en- 
lever quatre  chevaux  de  prix,  quelques  bœufs  et 
une  cinquantaine  de  moutons.  Le  mobilier  qu'on 
n'avait  pu  mettre  sur  les  deux  bateaux,  fut  plus 
tard,  avec  celui  du  refuge,  transporté,  dit-on,  à 
Gand  et  dirigé  vers  la  Zélande.  L'abbé  dépouillé 
se  retira  dans  le  Hainaut;  les  religieux  vécurent 
dispersés. 

«  Le  10  du  mois  de  septembre  1578,  le  conseil 
des  échevins  et  notables  de  Gand  donna  commis- 
sion à  Messire  Charles  Uutenhove,  de  se  transporter 
à  Audenarde  et  de  se  concerter  avec  Messire  Fran- 
çois Cabilleau,  seigneur  de  Mullem,  afin  de  faire 
raser  le  cloître  d'Eenaeme,  et  d'employer  les  ma- 
tériaux qui  en  proviendraient  aux  fortifications 
d'Audenarde.  » 

Les  commissaires  arrivèrent  à  Audenarde  deux 


—     30    — 

jours  après,  pour  rexécution  de  ces  ordres.  Sollicité 
par  l'abbé  d'intervenir  pour  l'erapêclier,  Jacques 
de  Boussu,  gouverneur  du  pays  d'Alost,  répondit 
qu'il  n'était  pas  assez  puissant.  Il  envoya  cepen- 
dant sur  les  lieux  son  lieutenant  avec  quatre  cava- 
liers, pour  empêcher  la  démolition,  mais  ses 
défenses  ne  furent  pas  respectés. 

L'abbé  obtint,  en  octobre,  de  l'archiduc  Mat- 
thias, l'ordre  de  surseoir  à  toute  exécution  ulté- 
rieure et  le  maintien  de  l'abbaye  dans  ses  droits, 
et  cet  ordre  fut  notifié  aux  marchands  de  vin  de 
Tournai  pour  les  avertir  que  la  perception  des 
droits  de  tonlieu  sur  l'Escaut  n'en  continuerait 
pas  moins,  malgré  la  destruction  du  couvent. 

Mais,  peu  de  temps  après,  le  Grand  Bailli  et 
receveur  de  l'abbaye  fut  arrêté  et  emprisonné  au 
château  d'Audenarde,  pour  avoir  de  vive  force,  à 
la  tête  d'une  bande,  voulu  disperser  les  ouvriers 
démolisseurs. 

Le  17  décembre  1578,  Jean  Beydens  écrit  à 
l'abbé  d'Eenaeme  : 

«  Monseigneur,  aj)rès  longues  disputes  et  argu- 
ments, a  esté  si  avant  arresté,  conclu  et  résolu 
entre  les  trois  membres  de  nostre  ville,  représen- 
tant le  commun  corjos  d'icelle,  que  finalement  ils 
ont  consenty  et  accordé  le  libre  exercice  de  la 
religion  catholique  et  romaine.  » 

L'abbé  espéra  donc  que  les  travaux  de  démoli- 
tion seraient  arrêtés,  et  les  biens  de  l'abbaye 
restitués.  Il  envoya  à  ces  fins  requêtes  sur  requêtes 
à  toutes  les  autorités,  à  tous  les  chefs  qui  se  dispu- 
taient le   pouvoir   en    ces  temps    de   si  profond 


—    31     — 

trouble.  Guillaume  de  Nassau  écrit  au  Gouverneur 
d'Audenarde,  transmettant  une  de  ces  pièces  : 

«  ...Je  vous  prie  de  la  lire  et.  si  est  comme 
disent  les  suppliants,  que  ledict  cloistre  soit  à 
demye  lieu  d'Audenarde  et  par  conséquent  ne 
peut  nuire  à  la  ville,  de  supercéder  et  faire  cesser 
les  démoliments,  et  en  somme  contenter  lesdicts 
suppliants...  » 

Mais  ceux  de  Gand,  se  ressouvenant  des  droits 
de  tonlieu  perçus  par  les  abbés  d'Eenaeme,  consi- 
déraient  la  question   de    démolition    d'un    autre 
point   de    vue.    «    Nous    espérons,   écrivent-ils  à 
l'archiduc  Matthias,  qu'ainsi  qu'il  a  plu  à  V.  A.  de 
prester  les  oreilles  aux  susdicts  moines,  il  plaira 
aussy  à  icelle  entendre  les  justes  remonstrances, 
non  pas  d'une  seule  ville,  de  laquelle  toutefois  les 
requêtes  fondées  en  raison  devraient  être  préfé- 
rées à  la  demande  mal  fondée  de  plusieurs  moines, 
mais  de  plusieurs  villes  et  provinces,  lesquelles, 
par  la  rivière,  l'Escaut,  envoient  et  reçoivent  res- 
pectivement leurs  marchandises  et  autres  choses 
nécessaires...  »  Ils  exposent  que  les  ennemis  de  la 
patrie,  surprenant  ledit  lieu  d'Eenaeme,  «  y  pour- 
raient facilement  interrompre  et  empêcher  le  com- 
merce, et  incommoder  aussi  les  pays  de  Flandre, 
Alost,  Tournesis,  Hainaut  et  autres,  comme  tous 
ingénieurs  et  gens  s'entendant  en  matière  de  for- 
tifications le  jugent  et  démontrent  bien  clairement. 
Et  comme  tant  de  maisons  de  pauvres  bourgeois 
ont  été  et  sont  encore  démolies  pour  la  fortifica- 
tion et  conservation  des  bonnes  villes,   d'autant 
qu'on  a  plus  estimé  l'utilité  publique  que  l'intérêt 


—    32    — 

des  particuliers,  ils  espèrent  que  Son  Altesse  ne 
trouvera  pas  mauvais  que,  pour  prévenir  toutes 
mauvaises  entreprises,  on  passe  outre  à  la  com- 
plète démolition...  »  Il  ne  s'agissait  plus  d'une 
question  de  libre  exercice  de  la  religion,  mais  de 
liberté  commerciale,  de  la  destination  du  fleuve, 
de  l'intérêt  du  pays. 

L'abbé  répond  :  «  ...Si  pour  estre  le  dit  cloistre 
assis  sur  la  rivière  de  l'Escaut,  l'on  voudrait 
inférer  la  démolition  d'iceluy  importer  au  bien 
public,  aussy  par  semblable  raison  on  devrait  en 
faire  autant  de  plusieurs  autres  cloistres  et  maisons 
aussy  assis  au  long  des  rivières...  »  Sur  quoi 
Guillaume  de  Nassau  lui  délivre  des  lettres  de 
sauvegarde  et  le  renvoie  à  l'archiduc  Matthias, 
qui  enfin  arrête  la  démolition. 

Vers  ce  même  temps  on  avait  enlevé  les  plus 
beaux  chênes  et  autres  arbres  de  l'abbaye,  pour 
les  employer  aux  fortifications  d'Audenarde  et  «  à 
étancher  la  rivière.  » 

La  capitulation  d'Audenarde  fut  signée  le 
5  juillet  1582.  L'abbé  Gabriel  Baqué,  après  quatre 
ans  d'absence,  s'étant  mis  en  route  pour  se  rendre 
au  refuge  d'Audenarde ,  mourut  subitement  à 
Etichove,  en  apprenant  la  désolation  de  son 
abbaye. 

Son  successeur,  Warlusel,  se  fait  autoriser  à 
vendre  des  biens  pour  le  payement  des  dettes  et 
la  reconstruction  de  l'abbaye.  Mais,  par  une  pièce 
du  24  septembre  1584,  ses  religieux  se  plaignent 
amèrement  de  ce  que  les  fonds  provenant  de  la 
vente  des  immeubles  n'étaient  pas  employés  confor- 


—    33    — 

mément  aux  conditions  des  lettres  d'octroi  ;  que  les 
fréquents  voyages  de  Tabbé  causaient  de  grandes 
dépenses  à  la  maison,  privée  de  ressources;  que  la 
situation  financière  ne  devait  pas  lui  permettre 
de  tenir  table  à  part  avec  sa  famille  et  ses  amis, 
et  que  les  dépenses  de  ce  chef  dépassaient  ce  que 
coûtait  l'entretien  de  toute  la  communauté,  etc. 

La  même  année,  le  capitaine  Rockelfinger  est 
condamné  à  payer  une  rente  annuelle  à  l'abbaye 
en  réparation  du  dommage  qu'il  lui  avait  cause, 
rente  qui  ne  fût  jamais  acquittée, 

Jacques  de  Lannoy  fut  le  35''  abbé  (1588-1593), 
Il  était  un  des  plus  jeunes  membres  de  la  com- 
munauté, 

«  Depuis  la  dispersion  des  moines  de  1578,  la 
règle  cénobétique  n'avait  plus  été  observée.  Sous 
la  sage  administration  du  nouvel  abbé,  l'ordre  fut 
ramené,  et  la  communauté  rétablie  dans  le  refuge 
la  Rame  d'Audenarde.  .) 

La  nomination  de  son  successeur,  Rodoan,  an- 
cien chanoine  de  Saint-Bavon,  souleva  d'intermi- 
nables contestations.  Il  gouverna  la  communauté 
jusqu'en  1616,  et  lui  rendit  en  partie  sa  prospérité. 

A  la  mort  de  Rodoan,  les  archiducs  Albert  et 
Isabelle  écrivent  : 

«  ...Scavoir  faisons  que  nous  consentons  et  re- 
quérons que,  procédans  à  l'élection  de  votre  futur 
abbé,  vous  élisiez  et  acceptiez  et  receviez  en  icelle 
dignité  Messire  Hughes  d'Enghien  comme  per- 
sonne acceptable  et  à  nous  agréable,  et  permettons 
de  pouvoir  sur  ce  obtenir  de  notre  Saint-Père  le 
Pape,  de  l'Evesque  diocésain  ou  autre  supérieur 

3 


-    34    - 

qu'il  appartiendra,  les  bulles  apostoliques  et  pro- 
visoire de  confirmation  à  ce  requises,  etc.  » 

Le  droit  d'élection  directe  était  supprimé.  On 
se  livra  à  un  simulacre  d'élection  le  1 4  octobre  1616. 
Hughes  d'Enghien  eut  toutes  les  voix. 

En  1637,  le  38"  abbé,  Pierre-Ernest  Garnier,  fut 
désigné  en  la  même  forme,  par  le  roi  Philippe. 
«  A  cette  époque,  dit  Beaucarne,  commença  à  se 
déclarer  la  jalousie  des  évêques  contre  les  immu- 
nités spirituelles  obtenues  par  Torde  de  Saint- 
Benoît,  au  moyen  desquelles  les  moines  de  cet 
ordre  échappaient  à  leur  juridiction  pour  ne  recon- 
naître que  celle  du  Pape.  L'archevêché  de  Malines, 
qui  n'avait  pas  réussi,  à  l'avènement  de  Ch.  de 
Rodoan,  à  incorporer  l'abbaye  d'Eenaeme,  convoi- 
tait toujours  le  riche  patrimoine  de  cet  établisse- 
ment...  » 

u  L'abbé  Garnier  établit  pour  règle  qu'à  l'avenir 
les  novices  paieraient  une  somme  de  1750  florins 
de  Brabant,  pour  frais  de  la  prise  d'habit  et  de  la 
profession,  dont  695  florins  pour  le  costume  et 
l'ameublement,  et  1055  florins  pour  le  dîner  de 
26  couverts  à  donner  aux  parents  et  amis.  Pour 
justifier  ce  dernier  chiffre,  l'abbé  allègue  que  le 
Magistrat  d'Audenarde  avait  offert  à  F.  Warnier, 
hôtelier.  Au  Singe,  une  somme  de  800  florins  pour 
le  banquet  à  donner  aux  commissaires  chargés  de 
renouveler  la  loi,  et  que  Warnier  avait  trouvé 
cette  somme  insuffisante.  » 

Des  désordres  éclatent  au  sujet  de  l'installation 
du  prieur  de  Loose  ;  on  en  vient  aux  violences  et 
aux  menaces.  «  Quelques  heures  après  cette  scène 


-    35    - 

de  désordre,  dit  Beaucarne,  on  aperçut  le  feu 
dans  la  demeure  du  prieur  et  en  peu  d'instants 
l'édifice  fut  consumé  par  les  flammes,  qui  faillirent 
embraser  l'église  et  le  cloitre.  » 

Le  Conseil  de  Flandre  commit  son  Procureur 
général  pour  se  rendre  sur  les  lieux,  et  celui-ci 
installe,  par  les  ordres  du  roi,  le  nouveau  prieur 
(novembre  1656). 

«  Quelques  temps  après,  l'abbé  Garnier  ayant 
demandé  au  roi  l'autorisation  de  faire  un  emprunt 
pour  payer  des  dettes  urgentes,  François  Van  Wer- 
vicke  parvint  à  intercepter  les  lettres  d'octroi  et 
refusa  de  les  rendre.  Il  avait,  avec  quelques-uns  de 
ses  collègues,  organisé  une  conspiration  contre 
son  chef  spirituel.  Celui-ci  se  vit  forcé  de  recourir 
au  Roi  et  de  demander  l'autorisation  de  mettre 
Dom  Wervicke  et  ses  complices  en  arrêts  dans  la 
prison  claustrale,  et  de  requérir  l'intervention  du 
Président  du  Conseil  de  Flandre  pour  faire  rendre 
les  lettres  interceptées.  » 

Le  successeur,  Antoine  de  Loose,  originaire  de 
Bruxelles,  était  d'une  intelligence  supérieure  et 
d'une  rare  ténacité  au  travail.  «  C'est  de  son  ad- 
ministration, dit  l'auteur,  que  date  la  réorgani- 
sation complète  de  l'abbaye;  il  rétablit  la  disci- 
pline intérieure  et  publia  de  nouveaux  règlements. 
Rien  n'échappait  à  sa  vigilance;  il  rédigea  en 
même  temps  des  instructions  pour  l'administra- 
tion temporelle  de  la  maison,  pour  l'exploitation 
des  bois,  des  terres  et  des  prairies.  Il  avait  con- 
stamment à  son  service  des  géomètres,  des 
peintres  et  des  sculpteurs...  » 


—    36     - 

Un  jour  le  religieux  Fr.  Van  Wervicke  lança  à 
l'abbé  de  Loose,  du  haut  d'une  tribune,  une  grosse 
pierre  qui  faillit  le  tuer  :  il  fut  condamné  de  ce 
chef  à  faire  confession  générale  dans  le  couvent 
des  Alexiens  à  Gand,  où  il  avait  été  transporté,  à 
s'y  livrer  pendant  quatre  semaines  à  des  exercices 
spirituels,  selon  les  instructions  de  son  confesseur, 
à  jeûner  au  pain  et  à  l'eau  les  mercredis  et 
vendredis,  et  à  y  rester  détenu  jusqu'à  ce  qu'il 
plairait  à  son  abbé  de  lui  désigner  une  autre 
demeure  (1657). 

Les  sucesseurs  De  Smet  (1682),  Van  Busleyden 
(1703),  Reyngodt  (1707)  ont  fréquemment  à  s'occu- 
per, dans  des  réunions  synodales  ou  autrement, 
des  désordres  qui  éclatent  dans  d'autres  abbayes 
bénédictines,  entre  autres  à  l'abbaye  de  Saint- 
Pierre  à  Gand  (1682)  *,  ou  de  questions  de  compé- 
tence, de  privilèges,  et  d'exemption.  Et  il  en  est 
de  même  sous  Cassina  de  Boulers  (1734). 

L'abbé  Charles  de  Collins  (1745-1780)  favorisa 
la  fondation  d'une  société  pour  la  recherche  et 
l'exploitation  de  la  houille  dans  la  forêt  d'Ee- 
naeme.  L'emplacement  de  la  bure  fut  choisi  à 
l'aide  de  la  baguette  divinatoire  ;  les  travaux  de 
forage  commencés  en  mars  1767  furent  continués 
jusqu'à  la  fin  de  1768  et,  après  une  forte  dépense, 
furent  abandonnés. 

L'abbé  de  Collins  avait  tenu  «  une  maison  ^Drin- 
cière  qui  était  renommée  dans  la  Belgique  entière 


*  Voir  dans  l'Abbaye  de  Saint-Pierre,  par  Ed.  De  Bussclier,  p.  150 
le  décret  du  6  février  1683. 


—    37    — 

pour  la  splendide  hospitalité  qu'on  y  exerçait;  il 
occupa  un  haut  rang  à  la  Cour  et  sièga  dans  les 
conseils  de  l'Impératrice  Marie-Thérèse.  » 

Son  successeur  Philippe  de  Locquenghien  fut 
le  dernier  abbé. 

En  1784  le  procureur  général  des  Flandres 
l'avertit  de  l'intention  de  supprimer  les  tonlieux 
et  autres  droits  privés  pesant  sur  le  commerce  et 
le  transit,  ce,  en  indemnisant  les  propriétaires 
pour  autant  qu'ils  seraient  fondés  en  titre  valable 
et  légitime;  et  il  le  requit  de  produire  endéans 
les  quinze  jours  les  titres  en  vertu  desquels  il 
percevait  des  tonlieux  au  village  d'Eenaeme,  et  de 
fournir  des  relevés  du  produit  de  ces  droits  par 
année  commune. 

Néanmoins  rien  ne  fut  innové.  Les  droits  se 
percevaient  encore  en  1793  et  1794.  Des  bateliers 
d'Ostende,  transportant  de  l'eau  de  vie,  payèrent 
à  l'abbaye,  de  ce  chef,  après  contestation,  en  1794, 
la  somme  de  551  florins  de  Brabant. 

Les  religieux  du  monastère  d'Eenaeme  avaient 
été  expulsés  en  1792,  lors  de  la  première  invasion 
française.  Ils  rentrèrent  au  mois  de  mars  de  l'an- 
née suivante,  après  la  bataille  de  Neerwinde. 
Toutefois,  l'abbé  de  Locquenghien,  ne  se  croyant 
plus  en  sûreté,  était  parti  pour  Cologne.  Il  revint 
en  août  1795  à  Eenaeme,  et  y  mourut  quelques 
jours  après  son  retour. 

Peu  de  temps  après  la  communauté  fut  dispersée 
définitivement. 

Les  biens  immeubles  de  l'abbaye  furent  mis  en 
vente  comme  domaines  nationaux,  le  10  Pluviôse 


—     38     — 

an  V;  l'enclos  de  l'abbaye,  avec  les  terres  et  prai- 
ries qui  avaient  été  exploitées  par  le  couvent,  en- 
semble une  trentaine  d'hectares,  furent  adjugés  à 
M.  Paulée-DervauxàDouay,  au  prix  de  150,000  fr. 
payables  en  assignats.  L'acquéreur  chargea  un 
architecte  d'Audenarde,  Vanden  Hende,  de  dé- 
molir tous  les  bâtiments  du  couvent  et  l'église  ;  il 
ne  laissa  subsister  que  la  maison  prévotale.  Il  y 
eut  par  suite  de  cette  démolition  un  tel  encom- 
brement de  pierres  bleues,  qu'on  construisit  des 
fours  pour  les  convertir  en  chaux,  qui  fut  vendue 
aux  agriculteurs  des  environs. 

D. 


—    39 


LES 

ARTISTES  DU  WURTEMBERG, 

LEUR    VIE    ET    LEURS    ŒUVRES  i. 


M.  Wintterlin,  l'auteur  du  charmant  volume 
que  nous  annonçons  est  conservateur  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Stuttgart.  La  plupart  des  études 
qu'il  réunit  aujourd'hui  ont  paru,  en  leur  forme 
première,  les  unes  dans  V Allgememe  Deutsche  Bio- 
graphie, les  autres  dans  le  Schioàbische  Merkur  ; 
complétées  et  enrichies,  augmentées  d'aperçus  et 
de  renseignements  nouveaux,  elles  composent 
actuellement  un  recueil  où  se  retrouve  le  mouve- 
ment artistique  du  "Wurtemberg  depuis  plus  de 
deux  siècles. 

Ce  qui  constitue  le  principal  intérêt  de  l'œuvre 
et  en  forme  pour  ainsi  dire  le  centre,  c'est  le  spec- 
tacle auquel  nous  fait  assister  l'auteur  à  l'époque 
de  la  rénovation  de  l'art,  qui  s'accomplit  dans  le 
Wurtemberg  comme  dans  toute  l'Europe  occiden- 
tale, vers  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 


1  D'' A.  Wintterlin,  Wurttemhergîsche  Kunstler  inLehenshildern 
(Stuttgart,  1895). 


—    40    — 

Le  Wurtemberg  formait  alors  un  duché  que 
gouvernait  un  prince  éclairé,  le  duc  Charles- 
Eugène,  en  même  temps  comte  de  Montbéliard. 
Le  duc  Charles  fonda  successivement  une  Aca- 
démie des  Beaux-Arts,  qui  fut  absorbée  par  l'Aca- 
démie militaire,  et  finalement  l'institution  qui, 
sous  le  nom  de  Karlschule,  prit  la  direction  de 
l'enseignement  artistique  dans  le  pays.  Des  artistes 
distingués  furent  appelés  de  l'étranger  :  Harper, 
un  berlinois,  Gidbal,  un  lorrain,  qui  fut  l'élève  de 
Raphaël  Mengs,  Le  Jeune,  un  Belge,  né  à  Bruxelles 
en  1721.  L'intelligente  initiative  du  duc  fut  ré- 
compensée :  l'enseignement  porta  ses  fruits,  une 
école  se  forma  et  bientôt  l'on  compta  à  Stuttgart 
un  groupe  d'artistes  de  réelle  valeur,  que  domine 
la  figure  d'un  maître,  le  sculpteur  Bannecker . 

L'époque  et  les  hommes,  Dannecker  surtout, 
sont  faits  pour  inspirer  un  historien  de  l'art,  et 
l'on  conçoit  sans  peine  que  M.  Wintterlin  leur  ait 
appliqué  la  finesse  de  son  esprit  et  sa  curiosité 
d'érudit  et  d'artiste. 

«  Atout  seigneur,  tout  honneur  :  »  parcourons 
immédiatement  les  pages  consacrées  à  Dannecker. 
Son  Ariane  notamment  a  une  renommée  univer- 
selle; plus  peut-être  qu'aucune  autre  œuvre  mo- 
derne, elle  donne  l'idée  de  la  statuaire  antique; 
elle  est  impersonnelle  à  ce  point  et  si  fort  en 
dehors  de  notre  temps,  qu'on  la  croirait  inspirée 
par  une  âme  toute  pénétrée  encore  des  dieux  de 
l'Olympe.  Les  qualités  natives  de  l'artiste  ne 
suflisent  point  à  rendre  compte  du  phénomène; 
incontestablement  ici,  le  milieu  et  le  moment  ont 


—    41    — 

concouru  à  dégager  entièrement  cette  puissante 
individualité.  Grâce  à  M.  Wintterlin,  on  voit  agir 
successivement  toutes  les  influences  sous  l'empire 
desquelles  s'est  épanoui  le  génie  propre  de  Dan- 
necker  :  ses  premières  leçons  à  Stuttgart,  qui  l'en- 
gagent dans  les  voies  ouvertes  par  Winckelman  et 
Lessing;  son  séjour  à  Paris  et  à  Rome,  à  Rome 
surtout,  où  par  Canova  il  reçoit  une  initiation 
nouvelle  ;  ses  relations  avec  Goethe,  avec  Herder, 
avec  Schiller,  qui  précisent  dans  son  esprit  les 
conditions  de  son  art. 

Ce  que  furent  ses  relations  et  l'action  qu'elles 
exercèrent,  un  incident  caractéristique  rapporté 
par  M.  Wintterlin  permet  d'en  juger.  Goethe  vint 
à  Stuttgart  en  1797  ;  il  ne  quitta  point  Dannecker  ; 
ce  séjour  fut  une  fête  pour  les  deux  grands  esprits. 
Une  lettre  de  Dannecker  écrite  immédiatement 
après  le  départ  de  Goethe  témoigne  de  l'impres- 
sion que  cette  visite  a  laissée  en  lui  :  «  Gœthe  m'a 
exprimé  des  pensées  qui  demeurent  en  moi  comme 
des  lois  de  l'art;  que  je  suis  heureux  de  les  avoir 
entendues  dans  sa  bouche;  j'en  avais  vaguement 
conscience,  mais  je  n'en  étais  point  en  état  de  les 
traduire.  »  C'est  ainsi  que  par  son  commerce 
avec  le  grand  païen,  Dannecker  affinait  sa  concep- 
tion de  la  beauté.  Il  faut  ajouter  que  Gœthe  ne  se 
félicita  pas  moins  de  son  séjour  à  Stuttgart  et 
qu'il  adressa  à  Dannecker  un  compliment  dont 
celui-ci  fut  touché  au  dernier  degré  :  «  J'ai  vécu 
auprès  de  vous  des  jours  pareils  à  ceux  que  j'ai 
vécus  à  Rome.  » 

Le  volume  contient  des  détails  non  moins  atta- 


-  il  — 

chants  au  sujet  des  rapports  de  Dannecker  avec 
Schiller  ;  mais  nous  devons  nous  borner  et  nous 
y  renvoyons  le  lecteur. 

Chose  bien  digne  de  remarque,  l'idée  élevée 
que  Dannecker  se  faisait  de  son  art  éclate  à 
chaque  page;  il  faut  lire  celle  où  l'auteur  conte 
l'arrivée  de  Canova  à  Stuttgart  en  1815  pour  se 
figurer  l'exaltation  dont  une  âme  d'artiste  peut  se 
trouver  possédée  devant  les  chefs-d'œuvres  de 
la  statuaire  grecque.  Lord  Elgin  avait  rapporté 
d'Athènes  les  statues  et  les  bas-reliefs  du  Parthé- 
non  et  du  temple  d'Egine  ;  Canova  court  à  Londres, 
il  est  transporté  ;  il  faut  qu'avant  de  reprendre  le 
chemin  de  Rome,  il  communique  son  enthousiasme 
à  son  ami  ;  le  voici  auprès  de  Dannecker  :  «  l'idée 
que  je  me  faisais  de  l'art  grec  s'est  absolument 
confirmée  ;  quiconque  ne  connaît  point  ces  chefs- 
d'œuvre  ne  sait  point  ce  qu'est  l'art  grec  véritable. 
Dans  ces  admirables  statues  qu'Athènes  a  perdues 
et  que  maintenant  possède  l'Angleterre,  tout  est 
la  nature  même,  tout  est  vérité  ;  c'est  de  la  chair  ; 
c'est  de  la  vraie,  vraie  vérité.  »  On  croit  assister 
à  la  scène,  on  entend  à  son  tour  Dannecker  :  une 
biographie  formée  de  pareils  traits  acquiert  un 
singulier  relief. 

Nous  ne  ferons  point  ici  l'énumération  des 
diverses  oeuvres  de  Dannecker;  M.  Wintterlin  les 
passe  en  revue  l'une  après  l'autre,  les  appréciant 
avec  une  admiration  qui  n'exclut  pas  la  mesure, 
exprimant  souvent  l'impression  directe  que  la  vue 
même  de  l'œuvre  suscite  en  lui,  pour  communi- 
quer plus  vivement  sa  pensée  ;  ainsi  nous  montre- 


—    43    — 

t-il  Ariane  arrachée  à  la  douleur  que  lui  cause 
l'abandon  de  Thésée  et  déjà  émue  du  sentiment 
qui  éclate  en  son  divin  fiancé,  mollement  trans- 
portée par  la  panthère  consciente  et  fière  de  son 
précieux  fardeau. 

Ne  l'oublions  point  cependant  :  à  côté  du  Dan- 
necker  tout  pénétré  de  Fart  antique,  il  y  a  un 
Dannecker  qui  s'est  inspiré  d'un  autre  idéal,  mais 
avec  un  moindre  succès,  son  biographe  n'hésite  pas 
à  le  reconnaître  :  c'est  sous  cette  inspiration  notam- 
ment qu'il  exécuta  la  statue  colossale  du  Christ, 
qui  se  trouve  à  Saint-Pétersbourg,  à  laquelle  il 
s'appliqua  avec  l'ardeur  qui  est  sa  caractéristique, 
travaillant,  le  Nouveau  Testament  ouvert  devant 
lui,  et  mettant  huit  années  à  achever  son  œuvre. 
A  cette  phase  particulière  se  rattachent  quelques 
pages  où  M.  Wintterlin  signale  incidemment 
l'influence  qu'exercèrent  pendant  une  certaine 
période  sur  Dannecker  les  frères  Baisser ée,  qui 
vinrent  résider  à  Stuttgart  vers  1829.  CesBoisserée 
possédaient  une  remarquable  collection  de  maîtres 
anciens,  allemands  et  flamands,  aujourd'hui,  si 
nous  ne  nous  trompons,  à  la  pinacothèque  de 
Munich;  bientôt  liés  avec  Dannecker,  ils  le  pous- 
sèrent dans  le  sens  de  leurs  préférences,  attaquant 
avec  intelligence  et  entrain  les  théories  classiques 
du  maître;  mais,  comme  l'observe  M.  Wintterlin, 
les  yeux  de  Dannecker  avaient  été  fixés  trop 
longtemps  sur  la  Grèce  pour  qu'il  put  la  déserter 
jamais;  c'est  avant  tout  aux  inspirations  qu'il  y 
a  puisées  que  Dannecker  doit  la  renommée  qu'il 
a  conquise  :  sa  Psyché,  son  Ariane,  sa  nymphe 


-    44    — 

demeureront  toujours   ses    productions   les  plus 
pures. 

Nous  disions  tantôt  qu'en  vue  d'imprimer  une 
direction  nouvelle  à  l'enseignement  dans  son  école 
des  Beaux- Arts,  le  duc  Charles-Eugène  avait  fait 
appel  à  des  artistes  étrangers  et  que  parmi  ceux-ci 
se  trouvait  un  Belge,  Le  Jeune.  M.  Alphonse 
Wauters,  notre  savant  historien,  a  consacré  à  Le 
Jeune,  dans  la  biographie  nationale,  une  notice 
que  M.  Wintterlin,  dont  les  informations  sont  si 
complètes,  n'a  pas  manqué  d'utiliser.  Le  Jeune 
s'était  fait  connaître  à  Rome  :  il  avait  attiré  sur 
lui  l'attention  par  plusieurs  œuvres  de  mérite, 
notamment  par  l'exécution  du  mausolée  du  car- 
dinal de  laTrémouille  dans  l'église  de  Saint-Louis. 
Recommandé  au  duc  Charles,  il  devint  son  sculp- 
teur en  titre  en  1753  et  fut  chargé  du  cours  de 
sculpture  dès  la  fondation  de  l'école  des  Beaux- 
Arts  en  17G1.  La  destinée  de  cet  artiste  présente 
un  côté  assez  mystérieux  :  fort  en  renom,  jouis- 
sant de  la  faveur  du  prince,  ayant  multiplié  dans 
les  résidences  ducales,  les  œuvres  de  son  ciseau, 
on  le  voit,  après  un  séjour  de  vingt-cinq  ans  à 
Stuttgart,  s'en  retourner  sans  raison  apj)arente 
dans  son  pays  et  s'y  éteindre  presque  dans  le 
dénûment:  «  Le  premier  janvier  1791  a  été  enterré 
dans  notre  cimetière  sous  forme  de  petit  convoi 
sans  inesse  Pierre-François  Le  Jeune,  mort  le 
30  décembre  1790,  à  minuit,  célibataire.  »  Ce 
sont  les  termes  de  son  acte  de  décès,  dressé  à 
Saint-Gilles,  que  M.  Wauters  a  retrouvé.  M.  Wint- 
terlin cite  ses  œuvres  principales  que  l'on  voit 


—    45    — 

encore  au  château  de  Stuttgart  et  au  palais  de 
Louisbourg,  entre  autres  les  statues  colossales 
d'Hercule  et  de  Minerve,  la  statue  d'Apollon,  sans 
compter  la  statue  en  pied  du  duc  Charles  et  le 
buste  de  Voltaire.  M.  Wintterlin  le  considère 
comme  l'un  des  plus  remarquables  précurseurs  de 
la  renaissance  classique  et  il  ajoute  justement  que 
ce  qui  démontre  suffisamment  son  mérite,  ce  sont 
les  élèves  qu'il  a  formés,  au  premier  rang  desquels 
figurent  Scheffauer  et  Dannecker. 

Nous  ne  savons  si  le  fait  a  déjà  été  mis  en 
lumière,  mais  il  est  acquis  aujourd'hui  :  c'est  un 
Belge  qui  a  été  le  premier  maitre  de  Dannecker. 

Circonstance  importante,  ce  fut  précisément 
alors  que  Dannecker  suivait  les  leçons  de  Le  Jeune 
que,  pour  la  première  fois,  il  fit  pressentir  en  lui 
le  grand  artiste.  Le  concours  de  sculpture  de  1777 
est  demeuré  célèbre  ;  le  sujet  proposé  était  celui-ci  : 
Milon  de  Crotone  attaqué  par  un  lion,  alors  qu'il 
a  les  mains  retenues  déjà  entre  les  deux  parties 
de  l'arbre  qu'il  a  voulu  séparer.  L'œuvre  de  Dan- 
necker fut  couronnée.  Les  juges  du  concours 
étaient  Guibal,  alors  directeur  de  l'école,  et  Le 
Jeune;  un  des  concurrents,  qui  s'illustra  égale- 
ment, Scheffauer^  protesta  contre  la  décision;  les 
juges  maintinrent  énergiquement  leur  apprécia- 
tion ;  Guibal  entendit  même  la  défendre  par  écrit 
et  il  en  consigna  la  justification  dans  un  exposé 
que  M.  Wintterlin  reproduit,  sinon  dans  l'original 
français  qui  parait  perdu,  du  moins  dans  la  tra- 
duction qu'en  a  donné  la  Répertoire  de  littérature 
du  Wurtemberg  publié  par  Schiller.  Il  est  inté- 


~    46    — 

ressaut  d'y  constater  avec  quelle  sûreté  de  coup 
d'œil,  Guibal  et  Le  Jeune  ont  discerné  chez  Dan- 
necker,  alors  âgé  de  19  ans,  une  supériorité  que 
l'avenir  devait  consacrer  avec  éclat. 

Les  indications  que  nous  empruntons  à  M.  Wint- 
terlin  au  sujet  de  la  vie  et  des  œuvres  de  Dan- 
necker  permettront  au  lecteur,  nous  l'espérons,  de 
se  former  une  idée  du  volume  lui-même.  Les  autres 
parties  du  recueil  sont  écrites  dans  le  même  esprit 
et  abondent,  comme  la  biographie  de  Dannecker, 
en  aperçus  ingénieux  et  en  détails  faits  pour  cap- 
tiver. L'auteur  a  fouillé  con  amore  dans  le  précieux 
dépôt  dont  il  a  la  garde.  Son  ouvrage  contient 
quarante  études  dont  vingt-deux  concernent  des 
peintres,  sept,  des  sculpteurs,  six,  des  architectes, 
cinq,  des  graveurs;  le  groupe  est  nombreux  et 
témoigne  de  la  vitalité  de  l'art  dans  le  Wurtem- 
berg ;  les  noms  que  nous  avons  cités  suffiraient  à 
la  démontrer,  on  peut  y  ajouter  ceux  de  Wàchter 
et  de  Schick,  de  Louise  Simanowitz,  dont  le  souve- 
nir est  associé  à  celui  de  Schiller,  ceux  de  Wagner, 
le  sculpteur,  et  de  Leins,  l'architecte,  dont  la 
notoriété  à  pris  également  un  large  essor. 

Ces  études,  on  l'a  compris  ne  s'adressent  point 
exclusivement  aux  artistes  ;  tout  esprit  cultivé, 
sensible  aux  choses  de  l'art,  y  trouvera  de  quoi 
faire  sa  moisson;  l'auteur  ne  se  borne  point 
d'ailleurs  à  placer  les  physionomies  qu'il  dessine 
dans  le  milieu  où  elles  ont  pris  leur  caractère  défi- 
nitif, il  suit  ses  modèles  partout  où  leur  éducation 
ou  leurs  voyages  les  mènent  :  sa  fantaisie  d'érudit 
a  pu  ainsi  se  donner  pleine  carrière  et  offrir  du 


—    47    — 

même  coup  des  aspects  variés  à  ses  lecteurs.  Nous 
voici  par  exemple  en  Italie  en  1599  avec  le  duc 
régnant  de  AVurtemberg  et  sa  suite,  où  l'on 
distingue  son  organiste  et  son  architecte  ;  celui-ci, 
Henri  Schickhardt,  a  le  relief  des  hommes  du 
seizième  siècle;  on  le  voit  chevaucher  en  notant 
ses  impressions  et  en  les  illustrant  :  les  monu- 
ments, les  travaux  d'art,  l'agriculture,  le  com- 
merce, l'industrie,  les  mœurs,  les  incidents  de  la 
route,  le  paysage,  tout  l'intéresse  et  il  consigne 
tout  au  crayon  et  à  la  plume  dans  son  album,  si 
bien  que  le  voyage  accompli,  impressions  et 
dessins  sont  publiés  et  parraissent  l'an  1602  à 
Montbéliard  et  l'an  1603  à  Tubingue.  Plus  de 
deux  siècles  après,  nous  suivons  à  son  tour  en 
Italie  le  peintre  Gegenbauer^  l'auteur  des  remar- 
quables fresques  qui  décorent  la  résidence  royale 
à  Stuttgart.  Rome  apparaît  dans  sa  physionomie 
mouvementée  et  sa  vie  cosmopolite  :  les  anglais 
opulents  coudoient  les  artistes  de  tous  pays  ;  lord 
Talbot  s'y  rencontre  avec  ïhorwaldsen  ;  le  car- 
dinal Wealth  court  les  ateliers  et  achète  les 
œuvres  ;  Grégoire  XVI  fait  à  Gegenbauer  l'honneur 
de  prendre  l'une  de  ses  madones  pour  un  Eaphaël  ; 
les  esquisses  de  M.  Wintterlin  sont  en  vérité  des 
sujets  tout  prêts  pour  plus  d'un  joli  tableau. 

L'exécution  matérielle  du  volume  est  excellente  ; 
vingt-et-une  gravures  sur  bois  l'illustrent  très 
élégamment,  sans  compter  que,  sur  la  couverture, 
la  nymphe  de  Dannecker,  en  ses  lignes  pures, 
révèle  la  pensée  qui  domine  le  livre  et  annonce 
l'hommage  qu'y  reçoit  le  maître. 

L. 


—    48 


RENÉE  DE  FRANCE, 


DUCHESSE      DE      EErtRAHEi. 


'^*- 


L'étude  de  l'histoire  est  pleine  de  charmes  pour 
les  hommes  qui  aiment  à  suivre  dans  un  vaste 
horizon  la  marche  et  les  évolutions  de  certains 
événements.  Il  en  est  qui  présentent  un  intérêt 
tout  particulier,  offrant  à  Térudition  une  mine 
inépuisable,  où  en  poursuivant  le  filon  des  fouilles 
historiques,  on  découvre  sans  cesse  de  nouvelles 
et  précieuses  veines.  L'histoire  de  la  Réforme  est 
de  ce  nombre  et  le  remarquable  ouvrage  que 
M.  Rodocanachi  vient  de  consacrer  à  Renée  de 
France  est  encore  une  preuve  de  ce  que  nous 
avançons  ici. 

Renée  de  France,  fille  de  Louis  XII,  roi  de 
France,  et  d'Anne  de  Bretagne,  naquit  à  Blois  le 
25  octobre  1510.  «  Cette  petite  princesse  était 
née  avec  un  esprit  tout  de  feu,  et  parut  sage  et 
spirituelle  à  un  âge  où  les  enfants  ont  peine  à 
écrire.  »  Notre  but  n'est  pas  de  suivre  pas  à  pas 
son  savant  historien,  de  résumer  toutes  les  péri- 


1  Une  protectrice  de  la  réforme  en  Italie  et  en  France.  Renée  de 
France,  duchesse  de  Ferrure,  par  E.  Rodocanachi.  Paris,  Paul  Ollen- 
dorff,  in-8»,  1896,  573  pages. 


—    49     - 

péties  de  cette  existence  si  orageuse  et  si  tour- 
mentée, nous  nous  bornerons  à  mettre  en  relief 
quelques  épisodes  de  nature  à  faire  connaître  et 
apprécier  son  caractère  et  le  rôle  qu'elle  a  joué 
dans  les  luttes  religieuses  du  XVI"  siècle. 

Devenue  la  femme  d'Hercule  II,  duc  de  Ferrare, 
—  alliance  précieuse  aux  yeux  de  François  P%  qui 
croyait  trouver  en  ce  prince  un  auxiliaire  impor- 
tant pour  la  réalisation  de  ses  convoitises  sur  le 
duché  de  Milan,  —  Renée  ne  tarda  pas  à  se 
montrer  favorable  aux  Huguenots  plutôt  par 
diplomatie  d'abord  que  par  sympathie,  convaincue 
qu'elle  servait  ainsi  les  intérêts  de  la  France,  dont 
les  réfugiés  répandaient  au  loin  les  idées  et 
minaient  l'autorité  du  Saint-Siège,  hostile  alors 
à  sa  patrie. 

De  toutes  les  cours  italiennes,  celle  de  Renée 
offrait  aux  réfugiés  français  l'asile  le  plus  sûr, 
c'est  ce  que  comprit  Clément  Marot ,  lorsque 
obligé  de  se  retirer  de  Nérac,  où  l'avait  accueilli 
Marguerite  de  Valois,  il  se  rendit  en  Italie,  emme- 
nant avec  lui  son  fils,  alors  âgé  de  quinze  ans,  et 
plusieurs  autres  Français  bannis  également  pour 
cause  d'hérésie.  Renée  lui  donna  l'hospitalité  et 
ne  tarda  pas  à  subir  son  influence.  Elle  le  prit 
même  à  son  service  en  qualité  de  secrétaire.  Marot 
annonça  aussitôt  à  ses  amis,  dans  un  gracieux  badi- 
nage  sur  le  nom  de  la  princesse, qu'il  avait  changé 
de  dame  : 

Mes  amis,  j'ai  changé  ma  dame, 
Une  autre  a  dessus  moi  puissance, 
Née  deux  fois  de  nom  et  dame, 
Enfant  de  l'oi  par  sa  naissance, 
Enfant  du  ciel  par  connaissance. 


—     50    — 

Selon  son  habitude  il  devint  amoureux  de  toutes 
les  demoiselles  d'honneur  de  Renée  et  le  leur  dit 
à  toutes.  Mais  il  n'en  resta  pas  là  :  son  esprit  de 
critique,  son  zèle  de  néophite,  son  ardeur  de 
sectaire  le  poussèrent  à  transformer  la  Cour  de 
Ferrare  en  un  foyer  de  protestantisme.  Elle  fut 
bientôt  le  rendez-vous  de  ceux  qui  fuyaient  la 
France,  pour  cause  de  religion  et  qu'unissait 
la  haine  de  l'ancien  ordre  des  choses.  Le  Saint- 
Siège  s'en  alarma  et  fit  des  représentations  éner- 
giques au  duc. 

Sur  le  bruit  de  l'accueil  bienveillant  réservé  par 
Renée  à  ses  partisans,  Calvin  résolut  de  se  rendre 
à  Ferrare.  Il  eut  avec  cette  princesse  plusieurs 
entretiens  sur  des  points  de  religion.  Avait -il 
l'intention  d'y  fonder  par  un  coup  de  main  hardi 
le  gouvernement  qu'il  établit  quelques  années 
plus  tard  à  Genève  et  d'entraîner  ensuite  le  reste 
du  pays?  Il  est  impossible  de  rien  préciser  à  cet 
égard. 

Des  tiraillements  continuels,  de  graves  dissen- 
sions existaient  entre  le  duc  et  Renée.  Ils  prove- 
naient en  partie  de  la  divergence  de  leur  manière 
d'agir  en  politique,  en  partie  aussi  en  matière  de 
religion.  Le  duc  était  resté  catholique.  La  visite 
que  fit  à  Ferrare  en  1543,  le  Pape  Paul  III  fut 
un  événement  considérable  qui  eut  beaucoup  de 
retentissement  en  Italie  et  plus  encore  en  France, 
car  on  crut  y  voir  la  confirmation  de  l'alliance  du 
duc  avec  les  ennemis  du  roi  et  la  fin  des  querelles 
qui  avaient  divisé  le  Saint-Siège  et  la  famille 
d'Esté. 


—    51     — 

Cependant  Calvin,  qui  avait  fixé  le  siège  de  son 
gouvernement  à  Genève,  n'avait  perdu  de  vue  ni 
Ferrare,  ni  sa  duchesse.  D'ailleurs  il  était  urgent 
d'après  lui  d'agir  pour  contre-carrer  les  entreprises 
d'un  fort  habile  homme,  qu'Hercule  avait  imposé, 
disait-on, comme  aumônier  à  Renée.  C'était  Richar- 
dot',  qui  plus  tard  devint  évêque  d'Arras  et  devait 
jouer  un  rôle  important  dans  les  affaires  des  Pays- 
Bas.  Mais  les  craintes  de  Calvin  n'étaient  pas 
fondées.  La  duchesse  semblait  plus  que  jamais, 
peut-être  il  est  vrai  à  son  insu ,  entraînée  dans  la 
voie  du  calvinisme.  Le  parti  de  la  réforme  pre- 
nait corps  à  Ferrare  et  l'activité  littéraire  qui  y 
régnait  depuis  le  commencement  du  siècle  en 
favorisait  singulièrement  le  développement.  Il  se 
répandit  à  Modène  et  à  la  Mirandole. 

Chaque  jour  était  allée  en  s'aggravant  la  diver- 
gence entre  les  idées,  les  sentiments,  les  aspira- 
tions d'Hercule  et  de  Renée.  Le  duc  devenait  tou- 
jours davantage  l'instrument  du  Saint-Siège;  sa 
femme  ne  cachait  plus  maintenant  ses  sympathies 
pour  les  hérétiques,  et  ce  qui  était  plus  grave, pour 
l'hérésie.  C'est  alors  qu'on  se  décida  à  user  de 
moyens  extrêmes.  Renée  fut  traduite  devant  le 
tribunal  de  l'Inquisition  et  condamnée  à  être 
enfermée  au  Vieux  château.  Un  lugubre  souvenir 


^  Le  jugement  si  sévère  que  M.  Rodocanachi  porte  sur  ce  prélat, 
nous  semble  empreint  d'uQe  certaine  exagération.  Le  prévôt  Morillon 
affirme  «  qu'il  était,  quoiqu'on  en  ait  voulu  dire, un  grand  et  excellent 
personnage  en  doctrine  et  en  conseil.  Il  est  vrai,  ajoute-t-il,  qu'il 
était  un  peu  mondain  et  pusillanime,  mais  il  était  de  bon  cœur  et 
entier,  » 


—     52    — 

planait  sur  ce  palais.  C'est  dans  une  de  ses  cours 
qu'un  ancêtre  du  duc,  Nicolas  III,  avait  fait  déca- 
piter sa  femme,  la  belle  Parisina,  une  Phèdre 
italienne  dont  Byron  a  chanté  l'infortune.  Mais 
cette  détention  ne  dura  guère.  Renée  fut  bientôt 
rendue  à  la  liberté  et  rétablie  dans  ses  honneurs. 
Elle  n'en  conserva  pas  moins  un  vif  ressentiment 
de  l'affront  qu'elle  avait  subi. 

Les  relations  de  la  duchesse  avec  M.  de  Pons, 
son  confident,  avec  la  poétesse  Vittoria  Colonna, 
avec  Olympia  Morata,  l'institutrice  de  ses  enfants, 
sont  autant  d'épisodes  du  plus  vif  intérêt,  qui 
nous  initient  aux  intrigues  ourdies  dans  les  petites 
cours  d'Italie  au  XVP  siècle  et  dont  le  dénoue- 
ment fut  si  souvent  tragique. 

A  cette  époque,  l'Église  catholique,  sous  la 
main  énergique  de  Paul  IV,  devint  militante. 
L'Italie  fut  la  première  à  ressentir  les  effets  de 
cette  modification  dans  la  conduite  du  Saint- 
Siège.  Les  exécutions  se  multiplièrent  au  Sud 
comme  au  Nord.  Il  y  en  eut  de  terribles.  Aussi 
advint-il  que,  privée  de  ses  chefs,  la  Réforme  en 
Italie  ne  tarda  pas  à  disparaître  sans  laisser  de 
traces. 

Aux  Pays-Bas,  en  France,  sectaires  et  catho- 
liques ne  reculaient  devant  aucun  excès. 

Cependant  l'esprit  se  repose  de  tant  d'horreurs 
en  rencontrant,  au  milieu  des  déchirements  des 
factions,  de  ces  natures  d'élite  qui  par  leurs 
grandes  qualités  relèvent  et  honorent  l'humanité. 
La  duchesse  Renée  conserva  toujours  la  même 
ligne  de   conduite  envers  les  catholiques  et  les 


—     53     — 

protestants,  leur  témoignant  en  apparence  une 
égale  sympathie.  Elle  allait  même  jusqu'à  donner 
des  aumônes  aux  religieux  et  aux  moines  qui  pas- 
saient par  Ferrare  ;  elle  faisait  des  largesses  aux 
prédicateurs  catholiques  et  pourvoyait  aux  dé- 
penses du  culte  ;  son  fils  Alphonse  ayant  échappé 
à  la  mort  dans  un  tournoi,  elle  écrivit  au  cardinal 
de  Mantoue,  lui  demandant  de  faire  célébrer  des 
actions  de  grâces  dans  toutes  les  églises  du  duché. 
Après  la  mort  de  son  mari,  Renée  prit  les  rênes 
du  gouvernement  et  l'exerça  avec  «  un  esprit  tout 
viril  n  jusqu'au  retour  de  son  fils  Alphonse  que  ses 
charges  à  la  cour  de  France  retenaient  à  Paris. 
Dès  lors  elle  n'était  plus  que  duchesse-douairière. 
Fatiguée  des  avanies  qu'elle  avait  dû  subir  et  dont 
elle  pouvait  encore  être  la  victime ,  elle  résolut  de 
retourner  dans  sa  patrie,  bien  que  le  nouveau 
Pape  Pie  IV,  dont  la  mansuétude  était  extrême, 
la  comblât  de  marques  de  bienveillance  '  et  l'enga- 
geât à  rester.  Calvin  était  du  même  avis,  sa  pré- 
sence en  Italie  pouvant  profiter  au  parti  dont  elle 
était  le  seul  soutien  dans  ce  pays.  Mais  Renée  qui 
avait  compris  que  sa  présence  serait  un  embarras 
à  la  cour  de  Ferrare,  mit  son  projet  à  exécution, 
et  après  un  voyage,  pendant  lequel  les  témoignages 
de  sympathie  lui  furent  prodigués,  elle  entra  le 
10  novembre  1560  dans  Orléans.  On  la  logea  au 
palais,  on  la  traita  vraiment  en  fille  de  roi.  Sou- 
veraine dans  sa  seigneurie  de  Montargis,  une 
nouvelle  existence  s'ouvrait  devant  elle. 


1  Nous  nous  souvenons,  lui  disait-il,  dans  un  bref,  de  ta  dévotion 
envers  Nous  et  envers  le  Siège  apostolique. 


—     54    — 

La  France  allait  être  livrée  à  toutes  les  horreurs 
de  la  guerre  civile.  Le  pape  Pie  IV  et  Calvin 
avaient  donc  eu  grandement  raison  de  dissuader 
Renée  de  rentrer  dans  sa  patrie.  «  Le  gouverne- 
ment, lui  avait  dit  le  réformateur,  auquel  on  pré- 
tend vous  mêler  est  aujourd'hui  si  confus  que 
tout  le  monde  en  crie  alarme  et  vous  allez  vous 
fourrez  en  telle  confusion,  c'est  manifestement 
tenter  Dieu.  »  Renée  aurait  voulu  s'interposer 
entre  les  partis,  jouer  le  rôle  de  médiatrice,  qui 
convenait  si  bien  à  son  caractère  et  à  son  tempé- 
rament, mais  cette  illusion  fut  de  courte  durée, 
que  pouvait-elle  en  effet  au  milieu  de  tant  de  pas- 
sions? Elle  quitta  la  cour. 

Dès  son  arrivée  à  Montargis,  elle  se  déclara 
protestante  et  fit  de  sa  seigneurie  un  lieu  de 
refuge  et  la  terre  de  prédilection  de  tous  ceux 
qui  suivaient  la  doctrine  de  Calvin.  Encore 
enfant.  Agrippa  d'Aubigné  —  qui  devint  plus  tard 
à  la  fois  le  poète,  le  soldat  et  le  diplomate  de 
l'âge  héroïque  du  protestantisme  —  se  sauva 
auprès  d'elle.  Pris  dans  une  embuscade  de  reîtres 
catholiques,  condamné  à  mort  par  un  inquisiteur, 
délivré  de  prison  par  la  pitié  d'un  de  ses  geôliers, 
il  courut  jusqu'à  Montargis  où  il  vint  tomber 
poudreux,  hors  d'haleine  aux  pieds  de  la  duchesse 
de  Ferrare  '. 
Catherine  de  Médicis  gouvernait  alors  la  France". 


*  Paul  de  Saint-Victor,  Hommes  et  Dieux,  p.  424. 

'  Complètement  éclipsée  par  la  faveur  de  Diane  de  Poitiers,  elle 
n'avait  eu  pendant  le  règne  de  Henri  II  aucune  influence  sur  la  poli- 
tique. A  l'avènement  de  Charles  IX,  les  choses  changèrent  de  face  et 
Catherine  devint  de  fait  la  Souveraine  de  la  France. 


—    55    — 

C'était  la  duplicité  au  pouvoir',  c'était  le  contre- 
pied  de  la  politique,  que  voulaient  faire  préva- 
loir le  chancelier  de  L'hôpital  et  Renée.  Cette 
princesse,  conformément  à  son  système,  ména- 
geait le  parti  catholique  et  ne  se  montrait  pas 
exclusive  dans  ses  faveurs.  Plusieurs  communautés 
religieuses  du  Gatinais  virent  leurs  privilèges 
confirmés  et  accrus  par  elle.  Cette  manière  d'agir 
exaspérait  les  sectaires  de  la  Réforme  et  les 
exaltés  ne  se  faisaient  pas  faute  d'attaquer  violem- 
ment la  duchesse.  Quant  à  elle,  elle  ne  se  souciait 
que  de  faire  régner  la  paix  en  France  et  d'y 
établir  la  liberté  de  conscience,  voire  même  la 
liberté  du  culte.  Le  chancelier  était  imbu  des 
mêmes  idées. 

La  tolérance  de  la  duchesse  de  Ferrare  était 
extrême  :  distribuant  à  la  fois  des  aumônes  aux 
moines  de  la  France  et  aux  pasteurs  de  la  Suisse. 
Aussi  sa  situation  était  si  supérieure  aux  partis, 
qu'il  lui  était  possible  de  faire  ce  que  d'autres 
n'auraient  pas  osé  tenter.  En  pleine  réaction 
contre  les  Huguenots,  elle  établit  à  Montargis  un 
collège  destiné  à  instruire  les  enfants  des  réfugiés. 
Elle  y  appella  des  professeurs  renommés.  Agrippa 
d'Aubigné  fut  au  nombre  des  élèves  et  à  en  juger 

1  Pour  la  réalisation  de  ses  projets,  Catherine  trouvait  dans  ses 
demoiselles  d'honneur  des  auxiliaires  d'une  incomparable  habileté. 
Milice  galante  et  aguerrie,  ces  diplomates  en  jupon  triomphaient  de 
toutes  les  résistances.  «  En  se  servant  de  M"«  de  Rouet,  dit  M.  Hector 
de  la  Ferrière  {Trois  amoureuses  au  XVI^  siècle,  p.  71)  elle  avait 
gouverné  à  son  gré  le  faible  roi  de  Navarre  ;  pour  dominer  Condé  elle 
avait  en  réserve  une  auxiliaire  non  moins  belle  et  d'une  trempe 
encore  plus  forte,  Isabelle  de  Limeuil.  > 


—     56     — 

par  les  livres  dont  ils  se  servaient,   les  études 
devaient  y  être  très  fortes. 

Les  fluctuations  de  la  politique,  si  ondoyante, 
de  Catherine  de  Médicis  produisaient  leurs  désas- 
treux eff'ets  jusque  dans  la  seigneurie  de  Mon- 
targis  : 

«  Néanmoins,  dit  M.  Rodocanachi,  au  milieu  de 
cette  agitation  et  de  ce  déchaînement  de  haines. 
Renée  réussissait  à  maintenir  la  paix  à  Montargis, 
et  ce  n'est  pas  une  médiocre  preuve  de  son  habi- 
leté comme  aussi  du  prestige  dont  l'entourait  le 
souvenir  du  bon  roi  Louis  XII  que  de  la  voir  se 
tirer  de  difficultés  telles  que  les  plus  profonds  et 
les  plus  énergiques  politiques  de  la  cour  se  recon- 
naissaient impuissants  à  en  triompher.  » 

La  situation  de  la  France  s'empirait  de  jour  en 
jour  et  devenait  de  plus  en  plus  tendue. 

Dès  le  début  de  la  guerre  civile  protestants  et 
catholiques,  avaient  rivalisé  d'excès.  Montluc  en 
Guienne,  le  baron  des  Adrets  en  Dauphiné,  ces 
sanglantes  personnifications  du  parti  de  l'ortho- 
doxie et  du  calvinisme,  avaient  prouvé  que  les 
passions  religieuses  sont  aussi  fécondes  en  trahi- 
sons qu'en  cruautés.  C'étaient  là  les  sinistres 
avant  -  coureurs  de  l'horrible  massacre  de  la 
saint  Barthélémy.  La  duchesse  se  trouvait  en  ce 
moment  à  Paris  où  elle  était  venue  avec  ses  de- 
moiselles d'honneur  pour  assister  aux  noces  du 
roi  de  Navarre  et  de  Marguerite  de  Valois.  Quand 
on  se  mit  à  la  recherche  des  Huguenots  par  toute 
la  ville  et  jusque  dans  les  faubourgs,  la  Cour  avait 
eu  le  temps  de  faire  protéger   sa  demeure,  c'est 


—     57    — 

à  cette  intervention  qu'elle  dut  son  salut  (1572). 

Dans  ses  Tragiques,  Agrip])a,  d'Aubigné,  auquel 
comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  Renée  avait 
donné  asile,  stigmatise  et  peint  en  traits  de  sang 
cet  affreux  et  exécrable  attentat.  «  Son  tableau  de 
la  saint  Barthélémy,  dit  Paul  de  Saint- Victor,  a 
l'horreur  de  la  tuerie  qu'il  retrace.  Le  glas  du 
tocsin,  les  cris  des  meurtriers,  le  râle  des  victimes, 
le  pétillement  des  arquebusades,  se  répercutent 
dans  des  vers  haletants,  et  comme  essoufflés  de 
colère.  Le  meurtre  est  partout  dans  l'alcôve 
comme  dans  la  rue,  il  vient  surprendre  la  volupté 
en  flagrant  délit  ' .  » 

Aussitôt  que  les  portes  de  Paris,  qui  avaient  été 
tenues  fermées  pendant  huit  jours  sous  divers 
prétextes,  furent  rouvertes,  Renée  se  hâta  de  fuir 
les  lamentables  scènes,  qui  se  renouvelaient  sans 
cesse  sous  ses  yeux.  Elle  arriva  à  Montargis  le 
31  août.  La  maladie,  les  continuels  soucis,  les 
chagrins  avaient  profondément  miné  sa  santé. Elle 
ne  fit  plus  que  languir,  et  mourut  le  15  juin  1575. 
La  duchesse  à  peine  expirée,  la  possession  de  la 
Seigneurie  de  Montargis  donna  lieu  à  un  conflit 
entre  Alphonse  II,  duc  de  Ferrare,  son  fils,  et  sa 
fille  la  duchesse  Anne  de  Nemours,  qui  en  obtint 
l'usufruit,  sa  vie  durant.  Le  fief  devait  faire  retour 
ensuite  à  la  Couronne. 

Renée  de  France  a-t-elle  été,  ainsi  que  la  repré- 
sentent certains  écrivains,  la  protectrice  des  arts 
et  des  sciences  ?  Il  est  permis  d'en  douter  «  les 

1  Hommes  et  Dieux,  p.  432. 


-     58     — 

artistes,  dit  M.  Rodocanachi,  dont  elle  se  plaisait 
le  plus  à  rémunérer  le  talent,  étaient  les  musiciens. 
Quant  à  ses  nains,  ils  semblent  avoir  été  sa  grande 
préoccupation  en  ces  années  de  vie  triste  et 
retirée,  elle  les  costume  avec  soin  et  magnificence. 
Mais  tandis  qu'elle  prodigue  ses  faveurs  à  des 
bouffons  et  à  des  saltimbanques,  il  n'est  presque 
jamais  fait  mention  dans  ses  registres  soit  d'un 
peintre,  soit  d'un  sculpteur,  soit  d'un  graveur  de 
talent.  » 

Le  duc  Hercule,  son  mari,  sans  se  montrer  un 
Mécène,  favorisait  davantage  les  artistes.  Il  fit 
venir  à  sa  Cour,  entre  autres,  et  y  traita  géné- 
reusement Guillaume  Boides,  de  Malines,  et  Lucas 
Cornelis,  un  autre  Belge.  Il  encouragea  aussi  les 
peintres  et  les  sculpteurs  ferrarais-  assez  nom- 
breux à  cette  époque;  sa  bienveillance  était  la 
même  à  l'égard  des  écrivains  et  des  poètes.  C'est 
ce  prince  qui  fit  l'acquisition  de  la  statue  colossale 
d'Hercule,  modelée  par  Giovanni  Sansovino,  qui 
ornait  une  des  places  de  Ferrare. 

J.  Pboost. 


59     - 


VARIÉTÉS. 


DÉMÊLÉS  ENTRE  LE  GOUVERNEMENT  ET  LA  COLLACE  DE 

Gand.  —  Charles-Quint,  en  modifiant  complètement  les 
attributions  et  la  composition  de  la  Collace  de  Gand,  crut 
avoir  empêché  pour  toujours  l'opposition  que  cette  assem- 
blée aurait  pu  faire  dans  la  suite  aux  propositions  du  gou- 
vernement. Il  n'en  fut  rien  cependant,  ainsi  que  nous  allons 
le  voir  à  Finstant. 

L'ancienne  Collace,  qui  était  la  chambre  populaire  par 
excellence,  «  representerende  tgansche  ghemeente  ende 
tgheheele  lichame  van  de  stede,  »  se  composait,  avant  1 540, 
de  trois  catégories  de  citoyens  :  les  notables  ou  rentiers 
ipoorters),  les  petits  métiers,  et  les  tisserands  avec  les 
métiers  qui  en  dépendaient.  Charles-Quint  supprima  cette 
Collace  (]u'il  remplaça  par  une  assemblée  dont  les  membres, 
d'après  l'article  67  de  la  concession  Caroline  du  30  avril  1540, 
étaient  nommés  par  le  grand-bailli  et  les  vingt-six  échevins 
de  la  ville  de  Gand. 

Cette  nouvelle  assemblée  qui,  comme  l'ancienne,  avait 
principalement  dans  ses  attributions  tout  ce  qui  concernait 
les  finances,  telles  que  les  questions  d'impôts,  de  contribu- 
tions et  de  subsides,  comprenait  les  échevins  sortants  des 
deux  dernières  années  et  quarante-deux  notables,  notabele 
poorters,  pris  dans  les  sept  paroisses  de  la  ville  : 

«  ...de  tivee  laetste  loetien,  mitsgaeders  sesse  notabele 
poorters  van  elche  van  de  seven  parochie   onser  voorseyde 


—     60     — 

stede  te  loetene  Sint-Jans,  Sint-Jacohs,  Sint-Nicolaes,  Sint- 
Michiels,  Onze  Vrouioe,  Eckerghem  ende  t'Heylich  Cryst...  » 

Soit  donc  cinquante-deux  anciens  échevins  et  quarante- 
deux  notables,  faisant  ensemble  nonante-six  membres.  Les 
membres  de  la  Collace  qui,  dûment  convoqués,  négligeaient 
d'assister  aux  séances,  étaient,  d'après  le  même  article  67, 
condamnés  à  une  amende  de  trente  carolus  d'or  et  au  ban- 
nissement du  territoire  de  la  Flandre. 

Ces  bourgeois,  auxquels  certes  on  ne  pouvait  reprocher 
de  professer  des  idées  subversives  ou  contraires  à  l'ordre 
de  choses  établi,  n'entendaient  pas  cependant  se  soumettre 
aveuglément  aux  ordres  du  gouvernement  et  voter,  sans 
discussion  ni  examen,  les  propositions  soumises  aux  délibé- 
rations de  la  Collace. 

Il  arrivait  fréquemment  qu'en  dehors  des  propositions, 
mises  à  l'ordre  du  jour  par  le  gouvernement,  ils  s'occu- 
paient dans  les  séances  d'autres  questions  -qui  leur  parais- 
saient également  être  d'ordre  public .  Parfois  aussi  la 
Collace  émettait  des  vœux  ou  envoyait  au  gouvernement 
des  observations  concernant  tel  ou  tel  objet  intéressant  la 
ville  de  Gand. 

Pour  mettre  lin  à  cette  «  praticque  très  irrégulière,  pré- 
judiciable et  scandaleuse,  »  la  gouvernante  générale  des 
Pays-Bas  publia,  le  27  juillet  1727,  un  décret  ordonnant 
aux  membres  de  la  Collace  de  se  renfermer  strictement, 
lors  des  réunions  de  cette  assemblée,  dans  la  discussion 
des  objets  mis  à  l'ordre  du  jour,  et  leur  défendant  en  outre 
de  «  faire  des  réprésentations  à  sa  Majesté  »  : 

«  Marie-Elisabeth,  par  la  grâce  de  Dieu,  princesse  royale 
de  Hongrie,  etc.,  gouvernante  générale  des  Pays-Bas. 

«  Estant  informée  que  depuis  quelques  années  il  s'est 
introduit  dans  l'assemblée  de  la  Collace  de  la  ville  de  Gand 
une  praticque  non  seulement  très  irrégulière,  mais  aussi 
très  préjudiciable  et  scandaleuse,  en  ce  que,  lorsque  la- 


—    61     — 

dicte  assemblée  est  convoquée  selon  qu'il  est  statué  par  le 
soixante  septiesme  article  de  la  loy  Caroline  édictée  pour 
ladicte  ville,  quelqu'uns  des  notables  bourgeois  qui  en  font 
partie  se  sont  avancés  et  s'avancent  encore  fréquemment 
d'édicter  des  propositions  et  des  raisonnements  longs  et 
vagues,  nullement  concernant  la  matière  proposée,  ce  qui 
ne  peut  tendre  qu'à  troubler  et  détourner  les  impressions 
que  pourraient  faire  les  sentimens  des  biens  intentionnés 
et  à  en  inspirer  d'autres,  contraires  au  service  de  sa 
Majesté,  au  bien  de  ladicte  ville,  ou  de  la  province,  et  à  la 
tranquillité  publicque. 

«  Nous,  pour  remédier  à  cet  abus  et  en  prévenir  les 
pernitieuses  suittes,  avons  ordonné  et  ordonnons  que  ladicte 
assemblée  estant  convocquée  sur  le  pied  et  en  la  manière 
réglée  par  ledict  soixante  septiesme  article  de  la  Caroline, 
ceux  qui  la  composent  se  tiennent  dans  l'attention  requise 
et  que  suivant  la  lettre  et  l'esprit  du  prédict  soixante  sep- 
tiesme article,  ils  résoudent  précisément  sur  la  proposition 
qui  aura  esté  faite,  sans  que  doresennavant  aucune  dicta- 
ture puisse  estre  admise  ni  soufferte  pour,  après,  la  conclu- 
sion estre  prise  à  la  pluralité  des  voix. 

«  Mais  si  quelqu'uns  croient  avoir  des  représentations  à 
faire  concernant  le  service  de  sa  Majesté,  l'avantage  de 
ladicte  ville  ou  de  la  province,  ils  pourront  nous  les  addres- 
ser  et  nous  y  disposerons  selon  qu'il  appartiendra. 

«  Et  afin  que  notre  présente  ordonnance  sorte  son  plein 
et  entier  effet,  nous  ordonnons  qu'elle  soit  lue  à  haute  voix 
à  la  prochaine  assemblée  de  ladicte  Collace,  ensuite  enre- 
gistrée; ordonnons,  en  outre,  au  grand-bailly,  eschevins 
et  conseils  de  la  ville  de  Gand  de  l'observer  et  faire  poun- 
tuellement  observer,  sans  qu'aucuns  y  contreviennent,  sous 
peine  de  punition  selon  l'exigence  des  cas. 
«  Fait  à  Bruxelles,  le  27  juillet  1727. 

«  Makie-Elisabeth. 
«  Gaston  Cuveliee.  » 


—     G2    — 

Ce  décret  est  transcrit  au  folio  276,  Registre  AAA,  des 
archives  communales. 

Malgré  la  sévérité  des  prescriptions  du  décret  du  27  juillet 
1727,  des  difficultés  surgissaient  encore  à  tous  moments 
entre  les  membres  de  laCollace  et  le  gouvernement.  Celui-ci 
rendit  le  26  février  1759  un  nouveau  décret  déclarant  que 
dorénavant  les  échevins  sortants  des  deux  dernières  années 
ne  feraient  jdIus  partie  de  cette  assemblée  qui  se  compose- 
rait uniquement  des  quarante-deux  notables  à  choisir  dans 

les  sept  paroisses  de  la  ville. 

Pkosper  Claets, 


Souscriptions  militaires  pour  la  construction  de 
l'église  des  Jésuites  a  Gand.  —  Dans  la  première 
livraison  de  son  Inventaire  des  Archives  de  la  ville  de  Oand, 
consacrée  aux  «  Etablissements  religieux,  »  M.  Victor 
Vander  Haeghen,  notre  savant  archiviste  communal,  analyse 
toute  une  série  de  documents  relatifs  aux  subsides  et  aux 
faveurs  de  toutes  sortes  accordés  par  les  échevins  de  la 
Keure  aux  Jésuites  qui,  en  1584,  étaient  venus  s'établir 
définitivement  à  Gand  et  y  avaient  fondé  un  couvent. 

Les  premiers  subsides,  tant  ceux  octroyés  par  la  ville 
que  ceux  donnés  libéralement  par  le  gouvernement,  ser- 
virent en  grande  partie  à  acquérir  les  vastes  propriétés 
comprises  entre  la  rue  des  Foulons,  la  rue  longue  du 
Marais,  la  rue  courte  du  Marais  et  la  rue  de  la  Crapaudière. 
C'est  sur  leur  emplacement  que  les  Jésuites  construisirent 
leur  couvent,  leur  collège,  leur  église  et  leur  sodalité. 

Indépendamment  de  ces  subsides,  les  échevins  avaient 
créé  en  faveur  de  l'ordre  des  Jésuites  plusieurs  impositions 
communales  spéciales  qui  étaient  devenues  permanentes  et 
figuraient  par  conséquent  tous  les  ans  au  chapitre  des 
dépenses  de  la  ville.  C'est  ainsi  que  par  délibération  du 


—     63     — 

5  décembre  1605  une  somme  de  6000  livres  tournois,  une 
fois  payée,  est  accordée  aux  Jésuites  pour  la  construction 
de  leur  église,  et  que  par  délibération  du  17  mai  1607  les 
échevins  décident  de  payer  pour  le  même  monument  une 
somme  de  50  florins  par  semaine.  Le  16  novembre  1610,  les 
archiducs  Albert  et  Isabelle  créent  un  impôt  sur  le  grain 
et  sur  le  vin,  et  plus  tard  sur  la  bière,  en  faveur  des  Jésuites, 
aux  fins  de  leur  permettre  d'achever  la  (;onstruction  et 
l'ameublement  de  leur  église. 

Toutes  ces  faveurs  officielles  ne  suffisant  pas  encore,  ces 
religieux  s'adressèrent  également  à  la  bonne  volonté  et  à  la 
générosité  des  particuliers.  La  bourse  même  des  simples 
soldats,  ordinairement  fort  peu  garnie,  fut  mise  à  contri- 
bution par  les  révérends  pères.  Aux  archives  de  l'Etat 
à  Gand  se  trouvent  deux  listes  de  souscription  qui  furent 
mises  en  circulation  dans  des  compagnies  tenant  garnison 
en  Flandre,  au  profit  des  Jésuites  «  pour  ayder  au  basti- 
ment  de  leur  église.  » 

Voici  le  texte  de  ces  deux  pièces  que  nous  transcrivons 
littéralement  : 

«  Nous  soubsignés  soldats  de  la  Compagnie  de  Monsieur 
le  maître  de  camp  de  Aranda,  confessons  et  reconnaissons 
avoir  librement  et  de  notre  france  volonté  donné  aux  pères 
Jésuites  de  la  ville  de  Gant  un  demi  mois  de  nos  gages  à 
rabatre  sur  nostre  décompte  total  qui  nous  est  deu  par  le 
Roy,  sans  que  toutefoys  on  ne  nous  le  doibt  rabatre  des 
mois  de  gage  que  nous  donnerait,  si  non  le  prendre  sur 
nostre  dernier  décompte  lequel  demi  mois  de  gage  donnons 
pour  ayder  au  bastiment  de  leur  église.  » 

«  Fait  à  Damme,  tesmoing  François  Vander  Straeten  et 
Jaspard  Brac,  le  11  de  juing  1607.  » 

Suivent  les  signatures  et  les  marques  de  ceux  qui  ne 
savent  pas  écrire. 

«  Nous  soubsignez  officiers  et  soldats  en  la  compagnie  du 


—    64    — 

capitaine  Josse  de  Malclegliem,  gia(?)  du  terce'  de  mons. 
Varanda,  Item  aucuns  de  la  gia(?)  compagnie  du  capitaine 
Hadrien  Blomme  au  mesme  terce,  certifions  avoir  donné 
comme  (soubs  le  congé  de  leurs  Altesses  sérénissimes) 
donnons  par  ceste,  à  l'avancement  et  fondation  du  temple 
des  Pères  Jésuites  en  Gandt,  chascun  un  demi-mois  de 
gaiges  à  prendre  sur  le  ramat  et  contes  linaulx  de  tous  ce 
que  nous  est  deu  de  sa  Majesté  sur  leurs  Altesses  sérénis- 
simes, à  condition  toutes  fois  qu'on  ne  le  rabate  sinon  au 
bout  de  la  totale  satisfaction  de  nos  gaiges.  » 
«  Fait  à  S'-Donas  ce  29  juin  1G07.  » 
Suivent  également  les  signatures  et  les  marques. 

Presque  tous  les  noms  qui  se  trouvent  au  bas  de  ces  deux 
pièces  sont  des  noms  français  ou  wallons.  Quant  aux 
marques,  ce  n'étaient  pas,  ainsi  qu'on  a  coutume  de  le  faire 
aujourd'hui,  de  simples  croix  placées  à  côté  des  noms  des 
illettrés.  Chaque  marque,  tracée  évidemment  par  une  main 
exercée,  avait  un  aspect  différent  et  représentait  soit  un 
rond,  soit  un  losange,  soit  un  carré  ou  tout  autre  signe. 

La  première  de  ces  deux  listes  de  souscription  portait 
un  plus  grand  nombre  de  signatures  et  de  marques.  Cette 
différence  provenait,  à  n'en  pas  douter,  de  ce  que  les  offi- 
ciers de  l'une  des  deux  compagnies  mettaient  une  plus 
grande  insistance  à  engager  les  hommes  sous  leurs  ordres 
à  abandonner  un  demi-mois  de  leur  solde. 

Pour  ce  qui  est  du  plaisir  qu'éprouvaient  les  soldats  à 
renoncer  ainsi  «  volontairement  et  de  france  volonté,  »  à 
une  partie  de  leurs  maigres  gages,  nous  croyons  qu'il  était 
aussi  grand  et  aussi  sincère  que  celui  des  échevins  de  la 
Keure  lorsque,  malgré  leurs  réclamations  ^,  ils  devaient  sur 

1  Espagnol  Tercio,  bataillon. 

2  Victor  Vander  Haeghen,  Inventaire,  XL;  LIX;  LXI;  CXVIII 
et  s.  CXXVIII  etc.  —  Pages  d'Histoire  locale  gantoise.  Deuxième 
série,  chapitre  VIL 


—    65    — 

l'ordre  du  gouvernement  puiser  dans  la  caisse  communale 
pour  y  preridre  les  fonds  à  remettre,  sous  forme  de  subsides 
ou  sous  forme  d'impositons  locales,  à  la  communauté  des 
Jésuites. 

Quant  à  l'église  des  Jésuites,  elle  fut  loin  de  répondre 
à  l'attente  des  autorités  et  des  particuliers  qui  avaient 
fourni  les  fonds  nécessaires  à  sa  construction.  Dans  un 
rapport  présenté,  le  19  février  1631,  parles  délégués  des 
échevins  de  la  Keure  sur  l'emploi  que  les  Jésuites  avaient 
fait  des  fonds  mis  à  leur  disposition,  on  lit  la  phrase 
suivante  au  sujet  de  l'église  : 

«  Plusieurs  regrettent  que  la  structure  et  architecture 
d'icelle  n'est  si  belle  qui  conviendrait  })our  l'ornement 
d'une  ville  tant  principale  de  Flandres.  » 

L'église  des  Jésuites,  qu'on  commença  à  bâtir  en  1606, 
occupait  l'emplacement  de  l'ancienne  habitation  de  Hem- 
byze,  rue  des  Foulons. Elle  fut  vendue  comme  bien  national, 
le  1  novembre  1798,  à  un  certain  Charles  Manilius  qui  la  fit 
démolir.  La  tour  de  l'église  resta  debout  jusqu'au  mois 
d'octobre  1801. 

Pkospee  Claeys. 


Relation  d'un  voyage  a  Gand  en  1799.  —  En  1799,  un 
fonctionnaire  français,  du  nom  de  Barbault-Royer,  fut 
chargé  par  son  gouvernement  défaire  une  tournée  d'inspec- 
tion dans  les  départements  du  Nord  de  la  république.  Il 
publia  la  relation  de  son  voyage  en  un  volume  ([ui  parut 
l'an  VIII  à  Paris,  sous  le  titre  de  Voyage  dans  les  Dépar- 
temens  du  Nord,  de  la  Lys,  de  V Escaut  etc.  pendant  les 
années  VII  et  VIII,  par  le  citoyen  Barbault-Royer,  ex- 
Haut- Juré  de  Saint  Domingue  ' . 

1  Bibliothèque  de  la  ville  de  Grand.  Acer.  N°  9302, 


—    66     — 

A  la  différence  d'un  grand  nombre  de  ses  compatriotes, 
l'auteur  parle  en  général  de  notre  pays  d'une  façon  fort 
élogieuse.  En  ce  qui  concerne  spécialement  la  ville  de 
Gand,  la  description  qu'il  donne  de  nos  monuments  et  de 
nos  places  publiques,  les  progrès  qu'il  constate  dans  le 
développement  du  commerce  et  de  l'industrie,  tout  dans  ce 
volume  revêt  un  tel  caractère  de  bienveillance  que  le  lecteur 
nous  saura  gré,  croyons-nous,  d'avoir  tiré  de  l'oubli  les 
notes  de  ce  voyageur  qui  visita  notre  ville  il  y  a  près  d'un 
siècle. 

Barbaiilt  arriva  à  Gand,  dont  il  nomme  les  habitants  les 
Gantais,  le  20  thermidor  an  VIII  (7  août  1799).  Il  se 
rendit  le  même  soir  au  grand  théâtre  où  l'on  donnait  les 
Prétendus,  opéra  de  Lemoyne  ;  l'exécution  lui  parut  remar- 
quable. Voici  ce  qu'il  dit  de  la  salle  de  spectacle  dont 
quelques  très  vieux  Gantois  —  ils  deviennent  rares  —  ont 
conservé  le  souvenir  : 

«  La  salle  de  spectacle  n'a  aucune  apparence  au  dehors, 
elle  est  située  dans  un  coin  obscur  de  cette  place  du  hanter, 
et  son  entrée  ressemble  assez  à  celle  d'une  écurie.  Les 
billets  se  paient  en  monnaie  Empire.  Cette  salle  est  petite; 
les  loges  étroites;  la  décoration  générale  est  très  simple, 
mais  agréable  ;  la  couleur  qui  y  domine  est  celle  d'un  jaune 
de  lumière,  sur  laquelle  sont  tracées  des  guirlandes  de 
fleurs.  » 

Cette  salle  de  spectacle,  bâtie  en  1737  par  la  confrérie 
des  archers  de  Saint-Sébastien,  eut  un  siècle  d'existence. 
Elle  fut  démolie  en  1837  et  sur  son  emplacement  on  éleva 
le  grand  théâtre  actuel  qui  fut  inauguré  le  30  août  1840  *. 

En  parcourant  les  rues  et  les  places  publiques  de  Gand, 
Barbault  est  frappé  de  l'architecture  toute  spéciale  des 

1  Histoire  du  Théâtre  à  Gand.  Tome  I  et  tome  III, 


—     67     — 

maisons  particulières  qui  lui  rai^pellent  les  habitations  de 
Madrid,  de  Burgos  et  des  autres  villes  de  l'Espagne.  Il  leur 
trouve  «  la  même  forme,  le  même  extérieur  et  la  même 
distribution.  »  Ce  qui  a  également  frappé  notre  voyageur, 
c'est  Taspect  extérieur  des  maisons  dont  toutes  les  façades, 
à  l'en  croire,  se  distinguent  par  la  variété  des  couleurs  em- 
ployées pour  les  peindre. 

«  Toutes  les  maisons  sont  peintes  de  diverses  couleurs, 
ce  qui  présente  l'aspect  flatteur  d'une  ville  tout  en  décora- 
tion, et  préparée  pour  une  grande  fête.  » 

Il  est  probable  que  ce  sont  les  diverses  nuances  de  blanc 
telles  que  le  jaune,  le  gris,  le  rose,  le  bleu  pâle  qui  cou- 
vraient les  façades  des  maisons,  et  les  couleurs  diverses 
employées  à  peindre  les  portes  et  les  fenêtres,  qui  auront 
frappé  le  fonctionnaire  français  et  l'auront  engagé  à  écrire 
les  lignes  ci-dessus. 

Il  décrit  le  mouvement  que  présentent  les  rues  et  les 
quais  de  la  ville  de  Gand,  dont  le  commerce  ne  peut  (]ue 
s'étendre  grâce  aux  nombreux  cours  d'eau  qui  la  mettent 
en  communication  avec  l'intérieur,  avec  les  pays  voisins  et 
avec  la  mer  : 

«  Le  coup  d'œil  de  cette  activité  est  admirable  et  c'est 
le  long  de  ces  superbes  (]uais  qu'il  faut  surtout  la  consi- 
dérer. 

«  Que  de  sujets  d'orgueil  et  de  splendeur  ;  que  de  moyens 
de  grandeur  et  de  prospérité! 

«  Gand,  par  son  heureuse  situation,  le  disputera  un  jour 
à  toute  la  prospérité  commerciale  que  se  promet  Anvers.  » 

Il  s'occupe  d'une  façon  toute  spéciale  de  la  rue  des 
Champs,  qu'il  appelle  la  rue  S'  Weld,  probablement  du 
mot  Veld,  dont  il  fait  le  nom  d'une  sainte,  de  Veld- 
straat. 


—     68     — 

a  La  rue  S^  Weld  est  la  plus  riche  de  celles  de  Gand 
par  l'exposition  de  tous  les  produits  précieux  de  ses  fa- 
briques ;  elle  n'est  composée  que  de  boutiques  qui  étalent 
tout  ce  que  le  goût  et  le  luxe  ont  pu  inventer  de  plus  somp- 
tueux et  de  plus  élégant.  » 

Après  avoir  écrit  que  «  Gand  est  superbement  bâtie, 
que  toutes  les  rues  y  sont  propres,  larges  et  bien  pavées  et 
que  l'aspect  des  maisons  y  est  magnifique,  »  Barbault  rend 
compte  des  visites  qu'il  a  faites  à  nos  principaux  monu- 
ments tels  que  la  cathédrale  de  Saint-Bavon,  le  Beffroi, 
l'Hôtel  de  Ville,  le  Château  des  Comtes,  le  Jardin  bota- 
nique, l'Ecole  centrale,  etc. 

Sou  appréciation  de  la  distribution  intérieure  de  l'Hôtel 
de  Ville  est  encore  exacte,  en  grande  partie,  malgré  les 
changements  qu'on  y  a  apportés  depuis  lors  : 

«  Différents  passages  assez  étroits  conduisent  aux  di- 
verses parties  de  ce  double  monument,'  et  un  étranger 
s'égarerait  dans  ce  labyrinthe  si  l'on  n'avait  un  guide  ou  si 
l'on  ne  faisait  attention  aux  inscriptions  multipliées  qui 
sont  fixées  sur  le  haut  de  ces  corridors  sans  nombre.  » 

Pour  lui  l'extérieur  du  Château  des  Comtes,  est  : 

«  Un  massif  de  pierres  posées  péniblement  les  unes  sur 
les  autres  sans  goût  et  sans  symétrie,  et  d'un  aspect  sau- 
vage et  repoussant.  » 

Et  plus  loin,  en  parlant  du  même  monument  : 

v(  Ce  palais  des  Comtes  était  autrefois  un  fort  avec  un 
temple  dédié  à  Mercure  que  César  avait  fait  construire. 
L'on  dit  que  ce  château  contient  près  de  trois  cents 
chambres.  Charles-Quint  passa  une  partie  de  sa  jeunesse 
dans  ce  château.  » 

Barbault  confond  ici  le  Château  des  Comtes  avec  la  Cour 
du  Prince,  het  PrinserJiof,  presqu'entièremeut  démolie  ou 


-     69     - 

transformée  à  cette  époque.  L'auteur  n'est  pas  plus  heureux 
clans  ses  appréciations  historiques  quand  il  écrit  : 

«  Dans  les  tems  que  les  villes  de  France  n'étaient  qu'un 
amas  de  boue  et  de  terre,  Gand  était  déjà  en  1007  assez 
vaste,  fort  et  bien  bâti;  et  sa  population,  dès  lors,  si 
respectable  que  sous  le  comte  Louis  de  Maie,  en  1380,  l'on 
trouve  à  enrôler  dans  l'intérieur  seul  de  ses  murailles 
80,000  combattants.  » 

Quelque  flatteuses  que  ces  lignes  soient  pour  notre 
amour-])ropre  national,  il  nous  faut  en  rabattre  cependant 
quel(j[ue  peu  et  ramener  notamment  à  8,000  le  nombre  de 
80,000  combattants  que  la  ville  de  Gand  pouvait  mettre 
en  ligne  au  quatorzième  siècle. 

Pendant  son  séjour  à  Gand,  Barbault  a  rencontré  un  des 
nombreux  cortèges  patriotiques  qui,  à  cette  époque,  cir- 
culaient dans  les  rues  sous  tout  prétexte  '.  Celui  dont  il 
parle  se  dirigeait  vers  l'église  de  Saint-Michel  convertie  en 
temple  de  la  loi  : 

«  Je  rencontrai  le  cortège  considérable  de  tous  les  fonc- 
tionnaires du  Département  de  l'Escaut  qui,  précédé  de 
fanfares,  de  banderolles  et  suivi  d'un  corps  de  cavalerie, 
s'avançait  avec  pompe  vers  le  temple  de  la  loi  pour  célébrer 
les  victoires  remportées  sur  les  Anglais  par  les  Républi- 
cains aux  ordres  de  Brune.  » 

Il  décrit  le  désordre  qui  pendant  la  cérémonie  régnait 
dans  le  temple  de  la  loi,  où  tous  les  citoyens  se  tenaient,  le 
chapeau  sur  la  tête,  criant  et  faisant  du  tapage  à  ne  pas 
s'entendre  : 

«  La  musique  entonna  quelques  airs  civiques.  L'on  fit, 
suivant  l'usage,  de  ces  discours  qui  ne  sont  entendus  de 

*■  Pages  d'Histoire  locale  gantoise.  Tome  I,  chapitre  VI. 


—     70     — 

personne;  et  l'on  revint  à  la  maison  communale  clans  le 
même  ordre  et  au  bruit  de  tous  les  carillons.  » 

Barbault  ne  se  lasse  pas  de  faire  l'éloge  des  nombreux 
établissements  industriels  qui  font  la  richesse  de  la  ville 
de  Gand  :  filatures  de  coton,  blanchisseries,  moulins  à 
papier,  savonneries,  fabrique  de  cartes,  corroyeries,  faïen- 
ceries, fabriques  de  rubans,  de  Casimir,  de  serge,  etc. 

Par  contre  il  critique  fortement  Tabsence  de  goûts  litté- 
raires qu'il  semble  avoir  rencontré  chez  les  Gantois,  trop 
absorbés,  dit-il,  par  les  multiples  besoins  de  leur  commerce 
et  de  leur  industrie. 

Après  avoir  visité  Gand,  l'auteur  des  «  Voyages  dans  les 
Départements  du  Nord  »  se  rendit  à  Bruges  par  le  canal 
qui  relie  ces  deux  villes.  Il  s'occupe  longuement  de  la 
barque,  traînée  par  des  chevaux,  qui  transporte  les  voya- 
geurs d'une  ville  à  l'autre  : 

«  Cette  barque,  d'une  construction  aussi  élégante  qu'elle 
présente  d'aisance  et  d'étendue,  peut  contenir  dans  l'entre- 
pont seul  près  de  cent  personnes.  Il  se  trouve  aux  extré- 
mités de  cette  barque  deux  petits  salions  décorés  avec  une 
sorte  de  magnificence.  » 

Il  se  montre  enchanté  de  la  cuisine  qui,  de  tous  temps, 
a  joui  d'une  excellente  réputation  près  des  gourmets  de 
Gand  et  de  Bruges. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  en  commençant,  nous  avons 
été  frappé  des  phrases  élogieuses  qui  se  rencontrent  à  tous 
moments  sous  la  plume  de  l'auteur.  Mais  quand  il  parle 
du  mouvement  extraordinaire  qui  règne  dans  les  rues  et 
sur  les  quais  de  la  ville  de  Gand,  du  grand  nombre  de 
navires  qui  sillonnent  ses  cours  d'eau,  des  fabriques  et  des 
usines  qui  font  la  richesse  industrielle  de  la  cité,  du  luxe 
et  de  l'élégance  de  ses  magasins,  ne  faut-il  pas  voir  dans 


—     71     - 

cette  description,  évidemment  exagérée,  l'opinion  d'un 
fonctionnaire,  désireux  de  prouver  que  la  Belgique,  loin 
d'avoir  à  se  plaindre  d'être  annexée  à  la  France,  doit  au 
contraire  à  cette  union  forcée  une  ère  nouvelle  de  bien- 
être  et  de  prospérité  ? 

L'ouvrage  de  Barbault  est  un  livre  de  propagande  poli- 
tique plutôt  qu'une  simple  relation  de  voyage  rédigée  par 
un  touriste. 

La  Biographie  nouvelle  des  Contemporains,  qui  parut  à 
Paris  en  1821,  consacre  un  article  à  Barbault-Royer, 
«  homme  de  couleur  qui  figura  dans  l'insurrection  de  Saint- 
Domingue.  »  Il  écrivit  dans  plusieurs  journaux,  mais  fut 
plus  particulièrement  attaché  au  Rédacteur,  journal  offi- 
ciel du  Directoire.  Il  occupa  un  emploi  au  ministère  des 
relations  étrangères. 

C'est  en  cette  dernière  qualité  qu'il  fit  son  voyage  dans 

les  provinces  du  Nord  et  notamment  dans  les  Flandres  et 

dans  une  partie  du  Hainaut. 

PiiOSPER  Claeys. 


Deux  autographes.  —  Rubens  exécuta  pour  les  Pères 
Augustius  à  Malines  un  tableau  représentant  la  sainte 
Vierge,  avec  sainte  Appolline  et  autres  Vierges, 

Voici  la  quittance  qu'il  donna  à  cette  occasion  : 

«  Den  onderscreven  bekent  ontfangen  te  hebben  uyt  de 
handen  van  den  Eerw.  Paeter  der  Augustynen  binnen 
Mechelen  de  somme  van  sesse  hondert  guldens  eens  in  be- 
taelinghe  van  syn  schilderye  verbeeldende  de  H:  Maeget 
Maria,  S:  Apolonia  en  andere  Maegden. 

«  Actum  3  aprilis  a»  1629. 

«  PiETER  Pauolo  Rubens  .  » 

Où  ce  tableau  se  trouve-t-il  aujourd'hui? 


—    72    — 

Voici  un  second  autographe,  il  est  de  Martin  Joseph 
Geeraerts  : 

«  Reçeu  de  Monsieur  Henry  Geelhand  de  Mercxem  pour 
compte  de  Monsieur  Du  Bois  à  Gand,  l'import  de  deux 
tableaux  peint  en  bas-relief  par  le  soussigné  à  quatorze 
Ducats  de  la  pièce  ordres  susdit  monte  ensemble  avec 
l'emballage  cent  cinquante  deux  florins  et  douze  sols 
argent  de  change  ci-dessous  spécifié. 

1755. 

17  juin.    Pour  deux  Bas  reliefs  a  14  ducats  pièce     ...     FI.  141.8 

Ditto.     Pour  l'emballage .      >        1.4 

Total     .    .    FI.  142.12 
£.  23:15:4  de  change. 

«  Cel  ci  est  double  un  seul  pour  acquit. 
«  Anvers  le  4  avril  1755. 

«  Martin  Jos:  Geeraerts.  *  » 

D'après  feu  Siret  dans  la  Biographie  Nationale,  Geeraerts 
naquit  à  Anvers  en  1707  et  y  mourut  en  1791.  Il  était 
élève  d'Abraham  Godyn,  et  acquit  une  très  grande  noto- 
riété dans  la  peinture  des  bas-reliefs  en  camaïeu.  Sa  répu- 
tation fut  telle  que  plusieurs  souverains  lui  firent  dans  ce 
genre,  des  commandes  spéciales.  Le  prince  Charles  de 
Lorraine  et  sa  sœur  Anne  visitèrent  son  atelier  le  22  août 
1750.  En  1742,  il  fut  un  des  six  artistes  qui  s'engagèrent  à 
remplir  gratuitement  les  fonctions  de  directeur  professeur 
de  l'Académie  qui  se  trouvait  dans  une  situation  pré- 
caire. Lors  de  sa  mort,  ses  obsèques  qui  eurent  lieu  le  soir, 
se  firent  avec  beaucoup  de  solennité  ;  plusieurs  de  ses  gri- 
sailles se  trouvent  aux  musées  d'Anvers,  de  Vienne  et  de 
La  Haye.  Geeraerts  ne  paraît  pas  avoir  eu  de  rival  dans  le 
genre  qu'il  avait  adopté.  Emile  V. 

1  Ces  deux  autographes  se  trouvent  parmi  nos  papiers  personnels. 


—     73    — 

La  Reddition  d'Anvers  (1832).  —  Nous  détachons  la 
page  qui  suit,  d'un  récit  du  siège  d'Anvers  donné  par  la 
Revue  de  Paris  d'ai)rès  le  Journal  du  maréchal  de  Castellane. 
Il  y  a  peu  d'années,  l'attention  était  ramenée  sur  ce  siège 
par  la  publication  de  lettres  intéressantes  du  duc  d'Orléans. 
Toutes  ces  pages  sont  flatteuses  pour  le  général  Chassé,  et 
il  y  a  quelque  chose  de  touchant  aussi  dans  celle  que 
nous  reprenons,  et  dans  le  plaisir  qu'avaient  à  se  revoir, 
après  la  reddition  de  la  place,  d'anciens  compagnons 
d'armes  qui  la  veille  se  combattaient  : 

«  J'ai  vu,  dit  Castellane,  le  général  Chassé  dans  sa  petite 
casemate  où,  malgré  les  blindages  qui  remplissaient  l'ou- 
verture de  la  fenêtre,  il  est  tombé  des  éclats  de  bombe.  C'est 
un  vénérable  vieillard  de  soixante-cinq  ans  qui  a  l'air  d'en 
avoir  bien  davantage;  il  a  cinq  pieds  huit  pouces,  est  im- 
potent de  corps,  mais  fort  sain  d'esprit.  Il  m'a  donné  sa 
parole  d'honneur  que,  depuis  deux  ans  (époque  de  sa  prise 
de  commandement  de  la  citadelle),  son  projet  était  de  se 
faire  sauter  avec  les  assiégeants  si  on  y  entrait.  Une  lettre 
de  son  roi,  auquel  il  n'en  avait  rien  dit  mais  qui  l'avait 
su,  l'en  a  empêché.  Je  lui  ai  exprimé  mes  regrets  que  la 
capitulation  m'eût  privé  de  l'honneur  de  monter  à  l'assaut  ; 
il  m'a  répondu  :  «  Ni  vous  ni  moi  ne  serions  ici  :  nous 
aurions  fait  l'un  et  l'autre  un  voyage  vers  l'Etre  suprême  ; 
si  l'on  avait  pénétré  dans  la  place  par  la  brèche,  le  feu 
aurait  été  mis  dans  le  magasin  à  poudre.  »  Il  m'a  demandé 
si  nous  étions  contents  de  ses  carabiniers  ;  je  lui  ai  répondu 
que  ses  fusils  de  rempart  nous  avaient  fait  du  mal.  Il  m'a 
répliqué  :  «  Vous  êtes  dans  l'erreur  ;  les  fusils  de  rempart 
ne  valent  rien.  Je  n'en  avais  pas  ;  on  a  tiré  avec  des  cara- 
bines. »  Il  m'a  parlé  de  sa  reconnaissance  pour  la  manière 
dont  le  maréchal  Gérard  le  traite  après  la  capitulation. 

«  Le  général  Chassé  était  à  table  avec  plusieurs  de  ses 
officiers  ;  il  m'a  offert  du  vin  de  Champagne,  et  j'ai  bu  à  sa 


—    74    — 

santé.  Ce  brave  homme  m'a  raconté  le  coup  hardi  par 
lequel,  étant  dans  l'armée  de  Pichegru,  en  1795,  il  s'est 
emparé  de  la  ville  hollandaise  de  Bommel. 

«  Un  capitaine  du  25"  de  ligne,  de  garde  à  la  citadelle, 
nommé  Lefoy,  qui  a  été  capitaine  des  grenadiers  au  28*  de 
ligne  dans  la  brigade  du  général  Chassé,  de  la  division 
Sébastiani,  en  Espagne,  m'avait  prié  de  le  lui  dire  :  il 
désirait  revoir  cet  homme  de  cœur.  Le  général  Chassé  l'a 
fait  venir  et  l'a  embrassé  ;  son  aide-de-camp,  le  major 
Dehouty,  qui  l'était  également  à  cette  époque,  lui  a  donné 
la  main.  Le  général  Chassé  s'est  plu  à  causer  avec  ce  capi- 
taine de  sa  brigade  d'alors,  de  son  titre  de  «  général  Baïon- 
nette, »  dont  il  est  très  fier,  et  de  ce  qu'un  jour,  dans  un 
bivouac,  en  sommeillant,  il  entendit  dire  aux  soldats  : 
«  Le  général  va  brûler  ses  bottes,  il  faut  éloigner  le  feu.  » 
D'autres,  trouvant  sa  tête  trop  basse,  mirent  leur  sac 
dessous.  Il  ne  couchait  jamais  dans  un  château  quand  sa 
troupe  était  au  bivouac,  mais  près  de  ses  soldats.  Le  capi- 
taine Lefoy  m'a  dit  :  «  C'était  un  brave,  toujours  à  notre 
tête.  »  Je  les  ai  laissés  ensemble  ;  le  général  Chassé  est  en- 
chanté de  cette  rencontre.  Cet  officier  général  m'a  traité 
avec  la  plus  grande  politesse,  et  a  paru  satisfait  de  mes 
compliments  sur  son  héroïque  défense.  J'avais  fait  deman- 
der au  général  Chassé,  par  un  capitaine  de  sa  nation, 
l'agrément  de  me  présenter  à  lui. 

«  Il  a  été  piquant  pour  moi,  en  sortant  de  trinquer  avec 
Chassé,  de  dîner  chez  le  roi  Léopold.  Ce  souverain  aime 
à  causer  et  écoute  bien.  Je  l'ai  connu  beaucoup  autrefois  à 
Paris.  Après  le  festin,  le  roi  des  Belges  s'est  entretenu,  une 
heure  durant,  avec  moi  de  choses  et  d'autres  ;  cela  m'a 
donné  une  considération  singulière  vis-à-vis  des  courti- 
sans, qui  attendaient,  en  cercle,  avec  impatience,  l'instant 
de  parler  à  leur  maître  pour  en  solliciter  quelques  grâces. 

«  A  ce  dîner,  j'étais  placé  entre  le  général  Chasteler, 


—     75    — 

grand  éciiyer,  et  le  colonel  Buisen,  commandant  d'Anvers, 
qui  m'a  dit  :  «  La  plaie  de  la  France,  comme  celle  de  laBel- 
«  gi<iiie,  ce  sont  les  avocats,  avec  cette  différence  (|ue  dans 
«  ce  dernier  pays,  ils  sont  plus  bêtes.  »  Le  roi  Léopold  a  fait 
écrire  au  général  Rapatel  la  lettre  la  plus  flatteuse,  afin  de 
l'engager  à  entrer  à  son  service  comme  général  de  division  ; 
ce  qu'il  a  refusé....  » 


Le  Gras  de  Bercagny.  —  Le  Messager  des  sciences, 
publiait  en  18S4  (p.  117)  une  lettre  de  l'an  XTI  de  Beyts, 
alors  commissaire  du  Gouvernement  près  le  Tribunal  d'ap- 
pel de  Bruxelles  dont  il  devait  plus  tard  devenir  le  prési- 
dent, lettre  où  il  était  question  de  sacrifices  à  faire  pour 
l'obtention  de  concessions  d'endiguement  dans  les  polders 
du  département  de  l'Escaut.  Il  est  question  dans  ce  curieux 
document,  de  L.  G.  stipulant  pour  R.  de  S.  J.  d'A.,  et  une 
autre  lettre  citée  en  note  fait  connaître  que  les  premières 
initiales  désignaient  un  Le  Gras ,  tandis  que  les  autres  ne 
pouvaient  s'appliquer  qu'à  Regnaud  de  Saint- Jean  d'Angely, 
alors  président  de  section  au  Conseil  d'État,  par  le  canal 
duquel  la  concession  devait  être  obtenue.  «  J'ai  fait  écrire 
«  confidentiellement  par  L.  G.  d'ici,  à  son  ami  pour  savoir 
«  bien  authentiquement,  bien  directement  son  intention. 
«  Ce  qiiil  faut?  'pour  qui  il  faut?  combien  il  faut?  —  Ou 
«  même  s'il  faut  quelque  chose.  »  Et  plus  tard,  lorsqu'il 
s'agit  de  l'expédition  des  titres  aux  actionnaires,  «  chacun 
selon  son  droit,  »  Beyts  écrit  encore  :  «  Le  Gras  pour 
R.  de  S.  J.  d'A.  et  pour  lui-même  insistent  [sic)  et  re- 
viennent toujours  là-dessus.  Je  vous  dirai  en  son  temps 
sous  quel  nom  ils  désirent  se  déguiser.  » 

Qu'était  ce  Le  Gras?  L'auteur  de  patientes  recherches 
dans  les  archives,  nous  communique  ce  renseignement. 


—     76     — 

«  Le  Gras  de  Bercagny  était  un  prêtre  défroqué  qui  avait 
épousé  la  femme  divorcée  de  d'Eprémesnil  de  Maréfosse, 
cousin  du  célèbre  parlementaire.  Après  son  passage  à 
Bruxelles,  la  protection  de  Regnaud  de  Saint- Jean  d'Angely 
le  fit  nommer  directeur  de  la  police  du  royaume  de  West- 
phalie.  Il  fut  préfet  de  la  Côte  d'or  pendant  les  Cent  Jours.  » 

D. 


MÉMOIRE  DE  HOVTNNES  SUE  LE  GOUVERNEMENT  DU  PaTS- 

Bas.  — Nous  avons  parlé  dans  ce  recueil,  1895,  p.  340, 
du  «  Brieve  mémoire  de  la  forme  des  ressorts  du  Gouverne- 
«  ment  des  provinces  du  Pays-Bas  soubz  Tobéissance  de 
«  Sa  Majesté,  dressé  par  le  chef  Président  Hovyne  en  1662, 
«  envoyé  au  Roy  »  dont  le  texte  se  trouvait  compris  dans 
un  manuscrit  récemment  acquis  par  la  Bibliothèque  de 
de  l'Université  de  Gand  :  Acten  en  décrète^.  Et  nous  avons 
fait  quelques  rapprochements  entre  ce  texte  et  une  édition 
sans  nom  d'auteur  publiée  à  Leyde,  et  (jui  avait  été  signalée 
déjà  comme  moins  complète  que  l'œuvre  primitive  du  Pré- 
sident Hovinnes  telle  que  nous  la  donnent  les  manuscrits. 

La  bibliothècjue  de  Gand  possède  un  autre  manuscrit 
du  même  écrit,  avec  remarques  ou  annotations  du  conseiller 
Wynants  (Ms.  n°  540;  au  Catalogue  imprimé,  n°  40).  Nous 
y  avons  retrouvé  le  même  texte  que  celui-ci  du  tome  IV, 
des  Acten  en  decreten.  Et  spécialement,  sur  le  passage  que 
nous  avons  transcrit  à  la  p.  341  comme  supprimé  à  l'im- 
pression et  relatif  aux  conditions  que  mettaient  les  États 
de  Brabant  au  vote  des  aides  et  subsides,  nous  avons  lu 
cette  note  intéressante  de  Wynants  : 

«  ...J'ignore  comment  les  choses  allaient  du  temps  du 
chef  Président  Hovinnes,  mais  je  sçai  bien  qu'on  ne  ren- 
contre pas  tant  de  difficultés  quand  les  ministres  sont 
habiles  et  sçavent  par  leurs  conduite  et  manière  engager 


—     77     — 

les  cœurs  et  les  esprits  des  sujets.  D'ordinaire  ils  voudraient 
bien  haut  à  la  main  et  sans  peine  obtenir  les  consentements. 
Cela  est  aisé  et  l'on  se  fait  un  mérite  auprès  du  Prince  à 
bon  marché.  J'ay  vu  le  Marquis  de  Grana,  assurément  le 
Gouverneur  Général  le  plus  capable  que  j'ay  connu,  échouer 
de  cette  manière  et  s'attirer  une  émotion  populaire  en 
chacun  des  trois  chefs  villes  de  Brabant.  J'ay  vu  au  contraire 
le  Marquis  de  Gastanaga  qui  n'avait  que  moitié  de  la  capa- 
cité de  Marquis  de  Grana,  gouverner  près  de  six  ans  en  paix 
sans  émotion,  et  obtenir  tous  les  consentements  demandés 
par  ses  manières  douces  et  gracieuses,  sans  la  moindre 
atteinte  à  l'authorité  et  à  la  décence  de  sa  représenta- 
tion »  (p.  6). 

Un  autre  passage  omis  dans  le  texte  imprimé  est  peu 
flatteur  pour  les  Brabançons  et  se  trouve  assez  durement 
réfuté  par  Wynants.  Hovinnes  y  disait  : 

«  Les  naturels  de  cette  province  de  Brabant  sont  hautains 
et  altiers,  et  sous  prétexte  de  privilèges  ont  une  inclination 
de  caviller  et  de  primer  en  toutes  occasions  les  autorités 
Roïales,  veillant  continuellement  à  les  empiéter,  usurper  ou 
diminuer,  et  pour  ce  ils  affectent  de  traiter  immédiatement 
avec  le  Prince,  post-posant  et  enjambant  le  ministère  ;  ils 
sont  mieux  gouvernés  par  crainte  que  par  amour,  car 
ils  ne  sont  tenus  en  crainte  eux  mêmes,  abusent  facilement 
de  la  bonté  du  Prince,  et  plus  ils  le  voient  faible  et  abaissé 
par  le  mauvais  succès,  plus  ils  s'élèvent.  Pour  obéir  aux- 
quels inconvénients,  il  estconseillableque  le  Prince  évite  de 
traiter  immédiatement,  les  renvoiant  toujours  aux  ministres 
et  Conseils  à  qui  l'affaire  peut  toucher,  aiin  que  par  l'inter- 
position d'iceux,  S.  M.  demeure  à  couvert  de  mépris  et  de 
toute  surprise  »  (p.  39). 

Wynants  écrit  à  la  suite  de  ces  lignes  : 

«  Le  génie  du  chef-Président  Hovinnes  étant  hautain  et 
altier,  il  a  taxé  les  Brabançons  de  son  défaut  et  veut  leur 


—     78     - 

faire  un  crime  de  ce  qu'ils  défendent  et  soutiennent  les  lois 
fondamentales  et  les  privilèges  légitimes  accordés  et  jurés 
par  le  Prince.  Et  on  dit  hardiment  que,  de  toutes  les  pro- 
vinces de  S.  M.,  il  n'y  en  a  aucune  où  le  génie  de  la  nation 
est  plus  traitable  que  dans  celle  de  Brabant.  Mais  Hovinnes 
en  était  étranger  * ,  de  manière  que  (;'est  ane  calomnie  de  dire 
qu'ils  sont  mieux  gouvernés  par  la  crainte  que  par  l'amour. 
Comme  ce  ministre  s'étoit  peu  fait  aimer,  il  préféroit  la 
voye  de  la  crainte,  parce  qu'il  n'auroit  pas  réussi  par  celle 
de  l'amour,  plutôt  successeur  d'Auguste  en  ce  point,  que 
successeur  de  Jules  Csesar.  » 

Le  même  Mémoire  touchant  la  forme  du  gouvernement 
du  Pays-Bas  existe  en  plusieurs  exemplaires  à  la  Biblio- 
thèque royale  (voir  Britz,  Mémoire  sur  V ancien  droit  bel- 
gique,  p.  257  et  302).  D. 


Au  SUJET  d'une  chatee  a  prêcher  de  Poperinghe.  — 
La  collection  de  vues  photographiques  qu'un  éditeur  de 
Paris,  L.  Boulanger,  a  publiée  sous  le  titre  de  Album 
universel^  donne  une  place  importante  et  méritée  aux  villes 
de  Belgique.  Poperinghe  même  y  a  deux  planches,  l'une 
représentant  son  église  Saint-Jean  et  l'autre  une  chaire 
de  vérité  que,  par  une  singulière  erreur,  on  y  a  intitulée  : 
Chaire  de  Saint-Jean,  et  qui  n'appartient  point  à  cette 
église.  Cette  chaire,  sculptée  en  bois  de  chêne,  est  soutenue 
par  quatre  anges.  Sous  la  chaire  figurent,  au  milieu, 
saint  Charles  Borromée  tenant  dans  la  main  gauche  le 
saint  Sacrement;  à  droite,  est  saint  Dominique  incliné  et 
tenant  à  la  main  un  flambeau,  à  gauche  saint  Hyacinthe, 
agenouillé  et  portant  dans  le  bras  gauche  une  statuette  de 

^  Il  était  né  à  Ypres. 


--     79     — 

sainte  Marie  avec  l'Enfant  Jésus.  Cette  belle  pièce  de  sculp- 
ture se  trouve,  non  dans  l'église  de  Saint-Jean,  mais  dans 
celle  de  Saint-Bertin.  Elle  provient  d'une  église  des  Domi- 
nicains de  Bruges,  et  avait  été  vendue  comme  bien  doma- 
nial lors  de  la  Révolution  Française  (voir  Inventaire  des 
objets  d'art  qui  ornent  les  églises  et  les  établissements  'publics 
de  la  Flandre  Occidentale .  Bruges,  1852).  D. 


Noms  estropiés.  —  Un  magistrat  français,  M.  Berlet, 
vient  de  publier  une  étude  :  De  la  réparation  des  erreurs 
judiciaires  (Paris,  Rousseau,  édit.).  Dans  un  chapitre 
consacré  à  la  législation  étrangère,  nous  lisons  les  noms 
de  :  M.  Massus,  conseiller  à  Liège,  pour  Masius,  Louis 
Huymans  pour  L.  Hymans,  et  P.  Holvart  pour  Holvoet. 
C'est  beaucoup  d'erreurs  en  peu  de  lignes. 

En  voici  autant  portant  sur  des  noms  géographiques. 
Dans  trois  lignes  de  V Histoire  d'' Angleterre,  par  Hume, 
continuée  par  Smolett,  réimprimée  à  Bruxelles  en  1845 
(Edit.  du  Trésor  Historique),  on  trouve  (XXIV,  p.  111)  : 
Dael  pour  Doel,  le  pays  (THidat  pour  d'Hulst,  et  Cadsan 
pour  Cadsand. 

Une  erreur  également  curieuse  mais  d'un  autre  ordre,  est 
celle  de  M.  E.  Picard  dans  le  Journal  des  Tribunaux  du 
15  mars  1896,  où  il  parle  de  l'Autrichien  Ihering,  le  juris- 
consulte dont  M.  de  Meulenaere  a  traduit  les  principales 
œuvres.  Il  eût  mieux  fait  de  dire  Aurichien,  von  Ihering 
étant  né  non  en  Autriche,  mais  à  Aurich,  à  proximité  de 

la  mer  du  Nord  et  de  la  frontière  des  Pays-Bas. 

D. 


—    80    — 

Maître  G.,  peintee  tournaisien  au  XIIP  siècle.  — 
Ce  peintre  est  mentionné  dans  une  lettre  adressée  par 
Etienne,  évêque  de  Tournai,  à  Evorède,  abbé  de  Saint- 
Bavon  ^  L'évêque  dans  cette  lettre  prie  l'abbé  de  recevoir 
dans  son  monastère  le  tils  d'un  peintre  de  Tournai  qui 
désirait  y  prendre  l'habit  monastique  et  de  faire  bon  accueil 
à  son  père  Maître  G.,  qu'il  avait  chargé  de  remettre  sa 
missive  à  l'abbé.  Ce  Maître  G.  qu'il  qualifie  son  ami  et  son 
familier  était  un  peintre  renommé  d'après  l'éloge  que 
l'évêque  en  fait;  «  Magister  G.,  ditl'évêque,  cuj us  prêter 
honesfatem  et  mansuetudinem  quihus  preeminet,  non  solum 
apud  nos,  sed  in  locis  plurihus  et  in  ecclesiis  ex  magni/îcis 
operibus  et  insignibus  artificiis  mérita  vigent,  et  in  perpe- 
tuuin  sut  memoriam  derelinqunt.  » 

C'est  de  cette  époque  que  datent,  croit-on,  les  fresques 
découvertes  dans  le  réfectoire  de  l'abbaye  de  Saint-Bavon  ; 
il  y  a  là  une  coïncidence  qui  mérite  d'a4:tirer  l'attention 
des  iconographes.  En  tous  cas,  il  ne  serait  pas  impossible 
que  ce  maître  eut  décoré  la  chapelle  bâtie  sur  le  cimetière 
de  l'abbaye  en  l'honneur  de  la  Vierge,  de  l'apôtre  saint 
Thomas,  de  saint  Etienne  et  des  saintes  Agnès,  Catherine  et 
Marguerite,  qui  fut  consacrée  en  1 195  par  l'évêque  Etienne. 
Cette  chapelle  était  située  à  la  droite  du  chœur  de  l'église 
conventuelle  ;  elle  fut  démolie  lors  de  la  sécularisation  de 
l'abbaye;  à  l'époque  de  la  construction  de  la  chapelle 
l'habitude  de  décorer  de  fresques  les  édifices  religieux, 
était  fort  en  usage,  comme  le  prouvent  les  nombreux  restes 
de  peinture  murale  découverts  à  la  cathédrale  de  Tournai  ^. 

L.  St. 


^  Cet  abbé  est  connu  sous  le  nom  d'Everdée,  d'après  Van  Lokeren, 
il  gouverna  l'abbaye  de  1189  à  1206. 

2  Van  Lokeren,  Histoire  de  l'ahhaye  de  Saint-Bavon,  p.  85.  —  V.  la 
lettre  de  l'évêque  de  Tournai,  dans  la  nouvelle  édition  de  ses  Lettres, 
publiée  par  l'abbé  De  Silve,  p.  351. 


—    81 


CHRONIQUE. 


-c>t.A^X(J^3';>- 


La  peinture  a  Chantilly.  Écoles  étrangères.  —  Tel  est  le  titre 
d'une  œuvre  importante  publiée  par  M.  Gruyer,  membre  de  l'Institut, 
et  où  quelques  artistes  flamands  occupent  une  place  qui  nous  la  fait 
mentionner  ici.  M.  le  duc  d'Aumale  a,  on  le  sait,  réuni  à  Chantilly- 
une  collection  de  tableaux  des  plus  précieux.  La  description  en  est 
donnée  dans  l'ordre  chronologique  par  M.  Gruyer  et  enrichie,  pour  les 
quarante  œuvres  les  plus  importantes,  d'héliogravures  excellentes.' 
Pour  quelques  tableaux  de  la  plus  ancienne  école  flamande,  les  attri- 
butions sont  parfois  sujettes  à  quelque  contestation  malgré  leur 
haut  mérite.  Tel  vm  admirable  portrait  du  Grand  bâtard  de  Bour- 
gogne, attribué  à  Roger  Vanderweyden.  La  collection  du  château 
de  Chantilly  possède  aussi  des  portraits  en  pied  par  Van  Dyck  de 
tout  premier  ordre  :  Gaston  de  France,  duc  d'Orléans,  le  comte  Henri 
de  Berghe,  la  princesse  Marie  de  Barbançon,  un  portrait  du  Grand 
Condé  par  David  Teniers  le  Jeune,  d'autres  par  Juste  d'Egmont,  etc.  ; 
outre  quelques  toiles  de  G.  Vandevelde,  de  Ruysdael,  de  Honde- 
coeter,  etc.,  et  des  vues  de  Chantilly  peintes  au  siècle  dernier  par 
De  Cort.  Parmi  les  artistes  de  ce  siècle,  Leys  se  trouve  représenté 
par  une  toile  donnée  au  duc  d'Aumale  par  la  première  reine  des 
Belges.  D. 

Au  sujet  de  la  mort  de  Bayle.  —  M.  le  professeur  Nys,  de  l'Uni- 
versité de  Bruxelles,  qui  consacre  ses  vacances  à  fouiller  les  collec- 
tions du  British  Muséum,  y  a  trouvé  le  texte,  que  nous  donnons 
ci-dessous,  d'une  lettre  de  Basnage  au  marquis  de  Prié,  annonçant 
la  mort  du  célèbre  auteur  du  Dictionnaire  Historique  : 

«  Il  est  mort  en  philosophe,  écrit-il,  ayant  une  parfaite  indifférence 
pour  la  vie  et  nulle  crainte  apparente  de  la  mort.  Pendant  quatre 
mois  de  phtisie,  on  n'a  pu  l'obliger  à  faire  aucun  remède,  soutenant 


—    82     — 

que  la  vie  ne  valait  pas  la  peine  de  les  avaler;  il  a  travaillé  jusqu'au 
dernier  moment,  et  écrivait  contre  M.  Jacquelot,  son  adversaire,  sur 
la  nature  du  mal.  Il  composa  jusqu'à  minuit,  et  prétendait  reprendre 
son  travail  le  matin  en  se  levant.  On  me  vint  pourtant  avertir  qu'il 
s'affaiblissait;  mais  avant  que  je  pusse  y  arriver  et  que  son  feu  fût 
allumé  (ce  qu'il  attendait  pour  se  lever),  il  mourut  sans  qu'on  s'en 
aperçut.  11  m'a  laissé  la  moitié  de  sa  bibliothèque  et  l'exécution  de 
ses  dernières  volontés.  » 

Le  British  Muséum  possède  également  de  nombreuses  lettres  de 
Barbeyrac,  le  traducteur  de  Pufîendorf,  à  Desmaiseaux,  qui  a  été 
l'ami  de  P.  Bayle,  dont  il  y  est  fréquemment  question.  Barbeyrac  y 
déplore  assez  vivement  son  pyrrhonisme.  M.  Nys  donne  des  extraits 
de  ces  lettres  dans  la  Eevue  de  droit  international  (1895,  p.  474). 

D. 

La  peinture  en  Europe.  —  La  Belgique  *,  par  Georges  Lafenestre, 
membre  de  l'Institut  et  Eug.  Recbtenberger.  —  Tel  est  le  titre  d'un 
beau  volume  consacré  aux  chefs-d'œuvre  de  la  peinture  en  notre 
pays,  qu'ils  soient  conservés  dans  nos  musées,  dans  les  églises,  ou 
dans  des  collections  de  particuliers.  Les  descriptions  et  jugements 
sont  extraits  des  meilleurs  auteurs.  Des  épreuves  photographiques 
excellentes  font  connaître  de  la  manière  plus  précise  une  centaine 
des  meilleures  de  ces  œuvres.  Si  ces  illustrations  sont  d'un  format 
moindre  que  celles  de  la  récente  description  des  musées  de  Bruxelles 
et  d'Anvers  dont  il  a  été  parlé  dans  le  Messager  des  Sciences,  1895, 
p.  118,  elles  sont  la  plupart  d'une  exécution  plus  soignée  et  mieux 
réussie.  Les  clichés  ont  été  choisis  parmi  les  meilleurs  de  MM.  Levy 
de  Paris,  Hermans  d'Anvers,  Hanfstœngl  de  Munich,  pour  les  musées 
de  Bruxelles  et  d'Anvers.  Pour  les  autres  villes,  les  auteurs  ont  puisé 
dans  une  importante  collection  de  photographies  de  M.  Chabrier, 
parmi  lesquelles  on  doit  citer  comme  morceaux  inédits  les  volets  de 
Memling  à  l'hôpital  Saint-Jean,  ceux  des  triptyques  de  Gérard-David 
au  musée  de  Bruges,  le  martyr  de  Saint-Liévin,  le  Memling  nouvelle- 
ment acquis  par  le  musée  d'Anvers,  etc.  «  Si  nous  n'avons  pas  donné 
telle  œuvre  intéressante,  disent  les  auteurs,  comme  par  exemple  le 
Vander  Meire  de  Gand  (de  la  cathédrale  de  Saint-Bavon),  c'est  que 
les  autorisations  nécessaires  nous  ont  été  refusées;  si  d'autres 
planches  comme  celles  du   Camhijse  de  Bruges  sont  un  peu  défec- 

^  Ouvrage  orné  de  cent  x-eproductions  photographiques. 


—    83    — 

tueuses,  c'est  qu'il  n'a  pas  été  permis  de  déplacer  la  peinture  ;  enfin 
pour  des  raisons  matérielles,  bien  des  tableaux  ne  peuvent  être 
reproduits  en  typogravure  malgré  l'habileté  des  artistes...  »  Dans 
les  pages  consacrées  à  Gand,  les  auteurs  n'ont  pas  négligé  les 
peintures  de  l'ancien  réfectoire  de  l'hôpital  de  la  Byloke,  les  plus 
anciennes  peintures  murales  connues  en  Belgique  (voir  Messager  des 
Sciences,  1834,  p.  20  ;  1840,  p.  224  ;  1893,  p.  498).  L'utile  et  intéressante 
publication  de  MM.  Lafenestre  et  Rechtenberger  contribuera  à  faire 
mieux  connaître  nos  richesses  artistiques  des  touristes  et  étrangers, 
et  des  belges  eux-mêmes.  D. 

Musées.  —  Un  amateur  tout  récemment  décédé  à  Paris,  M.  Leroux, 
a  légué  au  musée  du  Louvre  une  grande  tapisserie  flamande,  du 
quinzième  siècle,  reproduisant  presque  trait  pour  trait  le  Vander 
Weyden  de  Munich  :  Saint-Luc  peignant  le  portrait  de  la  Vierge. 
<  On  avait,  dit  le  Journal  des  Débats,  ofi'ert  80,000  francs  de  cette 
tapisserie  à  M.  Leroux,  qui  n'avait  pas  voulu  s'en  défaire  dans  la 
généreuse  pensée  de  la  réserver  au  Louvre.  » 

Académie  Royale  de  Belgique.  —  Classe  des  Lettbes.  —  (Modi- 
Hcation  au  programme.)  —  Prix  Joseph  GuntreUe.  —  1"  «  Préparer 
une  édition  critique  des  «  Vies  des  douze  Césars,  »  par  Suétonne.  » 

2»  «  Étude  sur  l'art  oratoire,  la  langue  et  le  style  d'Hypéride.  » 

3°  «  Étude  sur  l'organisation  de  l'industrie  privée  et  des  travaux 
publics  dans  la  Grèce  ancienne,  au  point  de  vue  juridique,  écono- 
mique et  social.  » 

Un  prix  de  trois  mille  francs  est  attribué  à  la  solution  de  cette 
question. 

Divers.  —  L'on  vient  de  placer  dans  la  salle  des  bijoux,  au  musée 
du  Louvre,  à  Paris,  une  merveille  de  l'orfèvrerie  grecque. 

C'est  un  ornement  de  tête,  en  or  ciselé  et  repoussé,  mesui-ant 
vingt-deux  centimètres  en  hauteur,  sur  quinze  à  dix-huit  centimètres 
de  diamètre.  11  a  la  forme  d'un  pain  de  sucre  et  est  divisé,  à  la  base, 
en  sept  compartiments,  dont  le  principal  possède  une  série  de  sculp- 
tures empruntées  au  poème  épique  :  Colère  d'Achille.  Cette  œuvre 
est  d'une  finesse  et  d'une  pureté  artistique  incroyables,  et  dans  un 
parfait  état  de  conservation. 

—  Valeur  des  tableaux.  —  On  vient  de  vendre,  au  mois  de  mars 
dernier,  a  l'Hôtel  Drouot,  à  Paris,  deux  tableaux  de  Daubigny.  L'un, 
Salon  de  1861,  payé  au  peintre  2,000  fr,,  fut  adjugé  41,000  francs. 


—    84    — 

L'autre,  Salon  de  1869,  pour  lequel  Daubigny  reçut  3,000  francs,  fut 
vendu  16,000  francs. 

—  Précieux  autographe.  —  Une  lettre  de  Charles  Dickens,  à  son 
gendre  Wilkie  Collins,  a  été  vendue  à  Sotheby,  à  Londres,  pour  la 
somme  de  cinquante  livres  sterling. 

—  Le  Sultan  Abdul  vient  de  remettre,  à  l'ambassadeur  de  France, 
à  Constantinople,  un  don  précieux  destiné  au  Musée  du  Louvre.  C'est 
un  vase  en  argent,  de  Tello,  pièce  d'origine  chaldéenne  et  un  des 
premiers  spécimen  de  métal  gravé. 

—  Lors  d'une  vente  d'autographes,  à  Vienne,  un  exemplaire  du 
poème  épique  Titurel,  a  été  adjugé  5,805  florins.  M.  Posony,  qui  pos- 
sède une  belle  collection  d'autographes,  s'en  rendit  acquéreur,  pour 
conserver  cet  exemplaire  unique  à  la  ville  de  Vienne.  Un  livre 
d'heures  du  XV^  siècle  fut  vendu  1.520  florins,  le  manuscrit  culinaire 
de  Charlotte  Buff'  (la  Lotte  du  Werther  de  Gœthe)  100  florins  et  un 
manuscrit  de  Mélanchton  310  florins. 


—  Un  livre  précieux.  —  On  a  vendu,  à  Londres,  le  Livre 
Psaumes,  imprimé  en  1459  par  les  Bénédictins  de  Saint-James,  Ce 
livre  est  coté  5,250  livres  sterl.  (131,2-50  francs).  Il  est  considéré 
comme  le  troisième  sorti  des  presses,  depuis  l'invention  de  l'impri- 
merie, par  Gutenberg. 

Il  l'emporte  de  beaucoup,  en  valeur,  sur  la  Bible  de  Mazarin, 
imprimée  en  1466.  En  1884,  ce  Livre  des  Psaumes  fut  vendu,  à  un 
amateur,  pour  la  somme  de  123,750  francs. 

—  Une  importante  découverte  archéologique  vient  d'être  faite 
dans  la  ville  de  Kertch,  en  Russie. 

Un  terrassier  travaillant  au  pied  d'un  tumulus,  monuments  fort 
nombreux  en  Crimée,  mit  à  découvert  un  lion  de  proportions  colos- 
sales, sculpté  en  marbre  blanc  et  du  plus  pur  style  grec. 

La  statue  qui  a  sept  pieds,  plus  de  deux  mètres  de  longueur,  pèse 
environ  sept  mille  kilogrammes.  Ce  qui  est  remarquable  dans  la 
découverte,  c'est  que  le  lion  est  superbement  conservé  et  n'a  subi 
aucun  dommage.  L'œuvre  d'art  semble  dater  du  VHP  ou  IX®  siècle 
avant  Jésus-Christ. 

On  espère  que  cette  belle  statue  sera  placée  à  l'Emitage,  à  Saint 
Pétersbourg,  dans  la  section  des  antiquités  de  la  ville  de  Kertch. 


—    85 


MANnSCRITS  FLAMANDS  EN  ESPAGNE. 


■***- 


Il  est  peut-être  un  peu  tard  pour  venir  parler 
du  quatrième  centenaire  de  Christophe  Colomb. 
Mais  comme  le  Messager  n'en  a  pas  fait  mention, 
et  qu'à  cette  solennité  se  rattache  un  intérêt  tout 
spécial  pour  notre  pays,  nous  croyons  qu'on  ne 
nous  en  voudra  pas  de  fournir  les  quelques  pages 
qui  vont  suivre. 

La  Bibliothèque  de  V École  des  Chartes,  1893,  ren- 
ferme un  article  de  valeur  de  M.  P.  Durrieux, 
intitulé  :  Matiuscrits  d'Espagne  re7narquables  par 
leurs  peintures  ' . 

L'auteur  y  dit  qu'entr'autres  manifestations,  cet 
anniversaire  a  été  l'occasion  pour  l'Espagne  de 
réunir  à  Madrid,  dans  le  palais  destiné  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  une  exposition  historique  dont 
une  moitié  était  consacrée  à  l'art  rétrospectif 
européen.  Parmi  tous  ces  trésors  une  grande 
place  a  été  réservée  aux  manuscrits.  La  biblio- 
thèque particulière  du  roi,  l'Escurial,  la  biblio- 


*■  Manuscrits  d'Espagne  remarquables  principalement  par  leurs 
jjeintures  et  par  la  beauté  de  leur  exécution,  d'après  des  notes  prises 
à  Madrid  à  l'Exposition  historique  pour  le  quatrième  centenaire  de 
Colomb,  etc. 

6 


—    86    — 

thèque  nationale  de  Madrid,  diverses  académies, 
les  bibliothèques  provinciales  et  universitaires  et 
de  nombreux  particuliers  s'étaient  momentané- 
ment déj^ouillés  en  faveur  de  cette  solennité. 

Il  y  avait  des  manuscrits  d'origine  française, 
d'origine  flamande,  d'origine  espagnole,  d'origine 
italienne,  d'origine  allemande,  d'origine  anglaise 
et  anglo-normande,  tous  actuellement  conservés 
en  Espagne. 

Nous  ne  nous  occuperons  pas  de  toutes  ces 
catégories,  mais  nous  croyons  intéressant  de  repro- 
duire la  partie  du  travail  de  M.  Durrieux  qui 
concerne  les  manuscrits  flamands  : 


MANUSCRITS  d'ORIGINE  FLAMANDE. 

Une  observation  générale  que  nous  avons  faite  pour  les 
manuscrits  venus  de  France  peut  être  répétée  d'une  ma- 
nière plus  accentuée  encore  pour  ceux  d'origine  flamande. 
Cette  catégorie  ne  comprend  presque  exclusivement  que 
des  livres  de  prières.  Je  n'ai  qu'une  unique  exception  à 
signaler.  Encore  s'agit-il  d'un  volume  appartenant  à  la 
Bibliotheca  nacional  qui  n'a  pas  été  envoyé  à  l'exposition, 
quoique  cependant  digne  à  tous  égards  d'un  pareil  hon- 
neur. 

Le  volume  en  question  est  un  in-folio  à  longues  lignes, 
d'une  grosse  et  belle  écriture  gothique  flamande,  renfer- 
mant trois  traités  de  morale  religieuse  :  Saint  Augustin, 
«  Des  deulz  parlers  de  l'ame  à  nostre  sire  Dieu.  »  —  «  Dou- 
loureuse complainte  de  l'homme  en  l'article  de  la  mort.  »  — 
«  Le  Miroir  de  vraie  humilité  »  [XXII].  Son  aspect  matériel 
est  identique  à  celui  de  ces  livres  de  luxe,  exécutés,  prin- 
cipalement à  Bruges,  pour  les  ducs  de  Bourgogne  Philippe- 


—    87    — 

le-Bon  et  Charles-le-Téméraire,  que  se  partagent  aiijour- 
triiui  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles  et,  à  Paris,  la 
Bibliothèque  nationale  de  TArsenal.  Le  travail  de  copie  est 
d'ailleurs  de  la  main  du  calligraphe  le  plus  employé  de  la 
cour  de  Bourgogne,  le  fameux  David  Anbert.  Et  c'est  pour 
un  chambellan  de  Pliilipi)e-le-Bon,  Philippe  de  Croy, 
seigneur  de  Quiévrain,  plus  tard  comte  de  Chimay,  que  le 
volume  a  été  ainsi  transcrit  en  1462.  Le  manuscrit  a  passé 
ensuite  au  fils  du  i)remier  possesseur,  Charles  de  Croy, 
comte  et  prince  de  Chimay,  puis  à  d'autres  seigneurs 
flamands,  connus  en  général,  comme  les  Croy  eux-mêmes, 
pour  leurs  goûts  de  bibliophiles  :  Philippe  de  Bourgogne, 
seigneur  de  Fallais,  Antoine  de  Lannoy  et  Maximilien  de 
Hornes,  seigneur  de  Gaësbeck.  Cette  filiation  pendant  jM'ès 
de  cent  ans  découle  d'une  intéressante  série  de  notes, 
d'écritures  et  d  âges  divers,  qui  se  succèdent  en  ces  termes 
à  la  fin  du  volume  : 

[A  la  suite  du  texte,  et  de  la  même  main  :  ]  Cy  fine  le 
miroir  d'humilité,  escript  et  ordonné  comme  il  appert  par 
le  commandement  de  noble  et  très  preu  en  armes  Monsei- 
gneur Phelippe  de  Croy,  seigneur  de  Kievraing,  conseiller 
et  chambellan  de  Monseigneur  le  duc  Phelippe  de  Bour- 
goingne  et  de  Brabant,  cappitaine  gênerai  et  grant  bailly 
de  son  pays  de  Haynnau.  L'an  de  l'incarnation  Nostre 
Segneur  mil  CCCC  soixante-deux. 

[Signé  :]  Aubekt,  manu  propria. 

[Au-dessous  :]  C'est  le  livre  appelle  le  Mereor  d'humilité 

011  il  y  a  chincq  histores,  lequel  est  à  Monseigneur  Charles 

de  Croy,  comte  de  Chimay  '. 

[Signé  :]  Charles. 

*  Philippe  de  Croj^  seigneur  de  Quiévrain,  ne  prit  le  titre  de  comte 
de  Chimay  qu'à  la  mort  de  son  père  eu  1472.  Chevalier  de  la  Toison 


—    88    — 

[Plus  bas  :}  En  Tan  1542  *,  le  4''  de  janvier,  moy,  Anthoine 
de  Lannoy,  l'ay  achaté  à  la  maison  mortuaire  de  feu  Mons. 
de  Falais-  à  la  vente  publique. 

[Signé  :]  Antoine  de  Lannoy. 

[Plus  bas  encore  :  ]  Ce  livre  appartient  au  s""  de  Gasbeque 
par  le  don  dudit  s""  Anthoine  de  Lannoy,  dernier  acheteur, 
audit  s""  de  Gasbeque,  en  l'an  1565. 

[Signé  ••  ]  M .  de  Hoenes  ', 

L'origine  du  volume  est  également  rappelée  par  la  pré- 
sence, dans  la  décoration,  du  chiffre  et  de  la  devise  :  Mot 
SEUL,  du  premier  propriétaire,  accompagnés  du  grelot, 
emblème  de  la  famille  de  Croy. 

Quant  à  l'illustration,  elle  se  compose,  ainsi  que  le 
constatait  Charles  de  Croy,  de  cinq  «  histoires  »  ou  minia- 
tures. Celle-ci  sont  des  grisailles,  relevées  d'or  et  de 
gouache,  avec  les  carnations  peintes.  Par  le  système  d'exé- 
cution comme  par  le  caractère  de  la  composition  elles  rap- 
pellent beaucoup  de  peintures  d'un  des  plus  beaux  manus- 
crits cà  grisailles  qui  soit  au  monde,  l'exemplaire  de  la 
Bibliothèque  nationale  du  tome  II  des  Miracles  de  la  Vierge, 
composés  par  Miélot  pour  Philippe-le-Bon  *.  Mais  la  valeur 


d'or  en  1473,  il  mourut  en  1482.  Son  fils  Charles,  comte  puis  prince  de 
Chimay,  également  chevalier  de  la  Toison  d'or,  fut  le  parrain  du  futur 
empereur  Charles-Quint,  à  qui  il  donna  son  nom.  A  sa  mort,  en  1527, 
il  ne  laissa  comme  enfants  vivants  que  des  tilles. 

1  C'est-à-dire  1.543  (n.  st.). 

2  Philippe  de  Bourgogne,  seigneur  de  Falais  et  de  Sommerdick, 
conseiller  et  chambellan  de  Charles-Quint,  était  fils  de  Baudouin  de 
Bourgogne,  bâtard  de  Philippe-le-Bon.  Il  mourut  en  1542  sans  avoir 
été  marié.  Comment  le  manuscrit,  aujourd'hui  à  Madrid,  avait-il  passé 
des  héritiers  de  Charles  de  Croy  au  seigneur  de  Falais  ?  C'est  le  seul 
point  que  les  notes  n'indiquent  pas. 

'  Antoine  de  Lannoy.  C'est  probablement  le  seigneur  de  la  Moterie. 
—  Maxillien  de  Hornes,  seigneur  de  Gaesbeek,  vicomte  de  Berg-Saint- 
Winox,  chevalier  de  la  Toison  d'or. 

4  Ms.  franc.  9199. 


—    80     - 

d'art  n'y  atteint  pas  un  aussi  haut  deiçré,  et  les  grisailles 
de  Madrid,  tout  en  étant  d'ailleurs  encore  fort  belles,  ne 
pourraient  soutenir  que  de  loin  le  parallèle  avec  les  déli- 
cieux chefs-d'œuvre  du  manuscrit  de  Paris.  Il  est  vrai  que 
ceux-ci  sont  d'une  classe  tout  à  fait  exceptionnelle  et  dé- 
liant presque  la  comparaison. 

La  série  des  livres  de  prières,  à  laquelle  nous  arrivons 
maintenant,  comprend  deux  ou  trois  pièces  de  tout  premier 
ordre.  Je  commencerai  par  la  plus  importante,  le  Livre 
d'heures,  dit  improprement  de  Jeanne  la  Folle,  ou  même 
parfois  d'Isabelle  la  Catholique,  en  réalité  de  la.  reine 
d'Aragon  Jeanne  Henriquez  appartenant  à  la  bibliothèque 
particulière  de  Sa  Majesté  [XXIII]  (Expos.,  sala  XVI, 
u°  147). 

Ce  volume,  de  format  in-S^,  est  recouvert  d'une  magni- 
fique reliure,  ornée  d'orfèvrerie  ciselée  etémaillée  du  XVP 
siècle,  qui  a  été  attribuée  jadis  sans  aucune  preuve  àBen- 
venuto  Cellini'.  A  l'intérieur,  il  oftVe  l'exemple  de  la  dé- 
coration la  plus  riche,  restée  généralement  dans  toute  sa 
fraîcheur,  toute  éclatante  d'or  et  de  couleurs  vives.  Indé- 
pendamment de  vingt-quatre  petites  miniatures  au  calen- 
drier, Tillustration  comprend  soixante-douze  très  belles 
peintures  à  pleine  page,  se  succédant  à  certains  endroits 
sans  interruption  de  feuillet  en  feuillet.  Dans  trois  d'entre 


*  Cette  reliure  est  reproduite  dans  l'ouvrage  du  baron  Davillier, 
Recherches  sur  l'orfèvrerie  en  Espagne  (Paris,  1879),  p.  73.  Suivant 
une  tradition  en  cours  au  XVIP  siècle,  rapporté  par  le  baron 
Davillier  d'après  une  note  inscrite  sur  le  volume  même,  la  reliure 
aurait  été  exécutée  pour  Ferdinand  et  Isabelle  la  Catholique,  et  dorée 
avec  le  premier  or  venu  d'Amérique.  Comment  les  auteurs  qui  en  ont 
parlé  n'ont-ils  pas  prêté  plus  d'attention  au  grand  écusson  royal  qui 
orne  le  milieu  des  plats?  Le  blason  émaillé  sur  cet  écusson  est 
conforme  à  celui  dont  nous  allons  mentionner  la  présence  à  l'intérieur 
sur  les  pages  du  volume,  c'est-k-dii-e  mi-parti  d'Aragon  et  d'Henriquez. 
Il  ne  peut  donc  se  rapporter  ni  à  Isabelle  la  Catholique  ni  à  sa  fille 
Jeanne  la  Folle. 


—    90    — 

elles,  on  voit  le  portrait  de  la  reine  pour  (]ui  le  manuscrit 
a  été  exécuté.  Celle-ci  est  représentée  couronne  en  tête,  à 
genoux  en  prière,  implorant  la  Vierge'.  Les  oraisons  du 
texte  nous  apprennent  que  cette  souveraine  portait  le  pré- 
nom de  Jeanne.  Les  autres  miniatures  embrassent  la  série 
des  sujets  habituels.  On  peut  y  admirer  surtout  des  fonds 
de  paysage  ravissants. 

Ces  miniatures,  de  même  que  toute  la  partie  décorative 
des  bordures,  sont  du  plus  pur  style  flamand,  du  temps  de 
Philippe-le-Bon  et  de  Charles-le-Téméraire.  Leur  exécution 
doit  se  placer  vers  le  milieu  ou  dans  le  troisième  quart  du 
XV"  siècle.  En  tout  cas,  on  ne  saurait  la  faire  descendre 
plus  bas  que  1480,  dernière  limite.  Cette  date  suffit  pour 
exclure  le  nom  traditionnel  (Tffeures  de  Jeanne  la  Folle, 
donné  au  manuscrit.  En  14S0,  celle  qui  devait  être  appelée 
Jeanne  la  Folle  avait  tout  juste  un  an!  Que  le  volume  lui 
ait  appartenu  ultérieurement,  la  chose  est  possible  et  même 
très  probable.  Mais  la  reine  Jeanne,  qui  a  été  la  première 
à  posséder  le  livre,  est  sa  grand'mère,  Jeanne  Henriquez, 
reine  d'Aragon,  seconde  femme  du  roi  Jean  II,  et  mère 
de  Ferdinand  le  Catholique.  Cette  origine,  en  dehors  de  la 
question  de  date,  qui  serait  déjà  décisive,  est  prouvée  par 
des  armoiries  très  fréquemment  répétées  dans  les  bordures. 
Ces  armoiries,  en  effet,  ne  sont  pas  celles  des  rois  Catho- 
liques et  de  leurs  descendants,  avec  Castille  et  Léon,  mais 
le  seul  blason  royal  d'Aragon,  parti  du  blason  d'Henriquez. 

Les  miniatures  en  elles-mêmes  ont  aussi  donné  lieu  à  la 
discussion.  Le  baron  Davillier  les  croyait  «  exécutées  en 
Espagne,  —  probablement  en  Catalogne^.  »  Mieux  avisés 
ont  été  ceux  qui  ont  songé  à  un  artiste  flamand.  On  peut, 


*  Deux  des  miniatures   en  question  ont   été  photographiées  par 
Laurent. 
2  Recherches  sur  l'orfèvrerie  en  Espagne,  p.  72,  en  note. 


—     01     — 

suivant  nous,  serrer  les  choses  de  bien  plus  près.  Quehjucs 
pages  du  milieu  du  volume  ont  été,  comme  il  arrive  souvent, 
contiées  simplement  à  des  élèves.  Sauf  cette  exception, 
toutes  les  peintures  révèlent  sûrement  la  même  main  que 
les  illustrations  d'un  des  plus  beaux  manuscrits  de  la 
bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne,  le  tome  II  des  Chro- 
niques du  Hainaut^.  Or,  l'auteur  de  ces  dernières  est 
connu.  []\\  texte  d'archives  nomme,  comme  les  ayant 
exécutées  vers  1467-1468,  Guillaume  Vrelant,  Wrelant  ou 
Weylant.  C'est  donc  également  à  Guillaume  Vrelant  qu'il 
faut  rapporter  l'honneur  d'avoir  décoré  les  Heures  de  la 
reine  de  Jeanne  Henriquez. 

Guillaume  Vrelant  est  un  des  grands  noms  de  l'histoire 
de  la  miniature  flamande  au  XV^  siècle.  Il  faisait  déjà 
partie  de  la  gilde  des  enlumineurs  de  Bruges  au  moment 
de  sa  réorganisation,  en  1454-145.5.  Il  cessa  d'y  payer  sa 
cotisation  en  1481,  ce  qui  nous  donne  la  date  approximative 
de  sa  mort.  On  peut  mentionner,  comme  un  des  traits  inté- 
ressants de  sa  vie,  qu'en  1478  il  servit  d'intermédiaire  entre 
la  gilde  et  Memling  pour  la  commande  d'un  tableau  votif. 
A  cette  occasion,  il  eut  la  bonne  fortune  d'avoir  son  por- 
trait exécuté  par  le  grand  peintre. 

Vrelant  fut  à  plusieurs  reprises  employé  par  la  Cour  de 
Bourgogne.  Les  documents  nous  apprennent  que,  en  dehors 
du  tome  II  des  Chroniques  du  Hainaut,  mentionné  plus 
haut,  il  illustra  pour  Philippe  le  Bon,  vers  1469,  une  Vita 
Christi.  Nous  avons  pu  arriver  en  outre,  par  la  méthode  de 
l'étude  comparative,  à  le  reconnaître  aussi  avec  certitude 
pour  l'auteur  de  plusieurs  autres  travaux  importants  d'en- 
luminure, que  certains  historiens  de  l'art  ont  voulu  à  tort 
donner  à  des  maîtres  différents.  Ainsi  c'est  de  lui  que  sont 
les  célèbres  grisailles  de  la  Vie  de  sainte  Catherine,  de 

i  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles,  n"  9243. 


—    92    — 

Miélot,  attribuées  à  Kogiervan  der  Weyden  par  Waagen'. 
De  lui  encore  l'enluminure  du  missel  de  Ferry  de  Clugny, 
cardinal,  évêque  de  Tournai,  ce  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque de  Sienne,  révélé  par  notre  regretté  confrère 
M.  Castan,  devant  lequel  on  a  prononcé  au  hasard  tant  de 
noms  divers,  sauf  précisément  le  seul  bon*. 

Le  fait  de  l'existence  d'un  manuscrit  enluminé  par 
Guillaume  Vrelant  pour  une  reine  d'Aragon  laisse  à  penser. 
D'autre  part,  en  parlant  des  manuscrits  d'origine  espagnole, 
nous  aurons  occasion  de  dire  que,  si  parmi  les  miniatu- 
ristes flamands  du  XV  siècle  il  en  est  un  qui  paraisse  avoir 
exercé  une  influence  plus  particulière  sur  les  enlumineurs 
de  la  péninsule  ibérique,  c'est  précisément  ce  même 
Vrelant. 

Le  maître  brugeois  ne  serait-il  pas  venu  en  personne  tra- 
vailler en  Espagne  ?  On  sait  combien  les  artistes  k  cette 
époque  voyagaient  volontiers.  Ceci  expliquerait  tout.  Les 
archives  de  la  couronne  d'Aragon  donneront  peut-être  un 
jour  le  dernier  mot  sur  la  question.  Si  jamais  on  y  ren- 
contre un  document  attestant  la  présence,  au  sud  des  Pyré- 
nées, sous  le  roi  Jean  II,  d'un  enlumineur  nommé  maître 
Guillaume,  ce  maître  Guillaume  ne  sera  autre  très  vrai- 
semblablement, que  notre  Vrelant. 

Pour  en  revenir  aux  Heures  de  la  reine  Jeanne  Henri- 
quez,  ce  superbe  volume  constitue,  du  moins  dans  l'état  ac- 

1  Bibl.  nat.,  ms.  franc.  6449.  Nous  sommes  heureux  de  nous  être 
rencontré  pour  l'attribution  de  ces  grisailles  k  Guillaume  Vrelant 
avec  le  savant  et  regretté  conservateur  des  manuscrits  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Bruxelles,  M.  Ruelens. 

2  Le  marquis  de  Laborde  s'est  véritablement  montré  sévère  jusqu'à 
l'injustice  dans  sa  critique  des  œuvres  de  Vrelant  {les  Ducs  de  Bour- 
gogne, t.  1,  introduction,  p.  lxxxv-lxxxviii,  en  note).  Assurément 
Vrelant  n'est  pas  un  de  ces  grands  artistes  comme  notre  Jean 
Foucquet.  Mais,  en  somme,  parmi  les  enlumineurs  de  profession, 
travaillant  en  Flandre  au  milieu  du  XV''  siècle,  bien  peu  eussent  été 
capables  de  lui  disputer  la  palme. 


—    93    — 

tuel  dans  nos  connaissances,  le  chef-crœuvre  de  Guillaume 
Vrelant. 

Il  a  cependant  presque  son  rival,  à  l'exposition  même 
de  Madrid,  dans  un  autre  Livre  d'heures  à  peu  près  de 
même  format,  également  peint  par  Vrelant,  également  très 
riche  en  grandes  et  belles  images.  Le  livre  d'heures  appar- 
tient à  la  Bibliotheca  nacional  [XXIV]  (Expos.,  sala 
XVIII,  u"  110). 

Les  possesseurs  d'origine,  un  seigneur  et  une  dame,  sont 
représentés  dans  une  miniature,  au  verso  du  folio  25  du 
volume,  adressant  leurs  prières  à  la  Trinité.  Malheureuse- 
ment, il  ne  se  trouve  aucune  marque  distinctive  permettant 
d'essayer  de  nommer  ces  personnages.  Ce  qu'on  sait,  c'est 
que  le  volume,  avant  d'être  apporté  en  Espagne,  était 
conservé  en  Flandre  et  qu'il  a  passé  par  les  mains  de  Doiia 
Leonor  de  la  Vega. 

Indépendamment  de  sa  luxueuse  ornementation  inté- 
rieure, ce  second  livre  d'heures  de  Vrelant  est  encore  intéres- 
sant par  son  ancienne  reliure,  très  bien  conservée. Celle-ci, 
en  peau,  est  munie  de  deux  fermoirs  de  métal  doré.  Au  milieu 
de  chaque  fermoir  fait  saillie  une  sorte  de  chaton,  dont  le 
centre  est  rempli  par  une  minuscule  peinture  de  forme 
ronde,  de  la  main  de  Vrelant.  Au  revers  des  chatons,  sur 
la  face  intérieure  des  fermoirs,  on  voit,  gravé  dans  un 
cartouche  circulaire,  un  monogramme  enlacé  de  rinceaux 
d'ornement.  La  lettre  principale  (]ui  se  détache  bien  nette- 
ment dans  ce  monogramme  est  un  W.  On  pourrait  être 
tenté  d'y  voir  l'initiale  du  nom  de  l'artiste  lui-même,  écrit 
aussi  souvent  au  moins  Wrelant  que  Vrelant.  L'hypothèse 
a  son  côté  séduisant.  Mais  je  crois  qu'il  est  plus  prudent  de 
songer  d'abord  au  premier  possesseur,  qui  aura  fait  exécuter 
et  relier  pour  lui  le  manuscrit. 

Il  existe  une  catégorie  de  délicieux  volumes  dont  les 
miniatures  sont  très  près  de  celles  de  Vrelant,  si  même 


—    94    — 

elles  ne  doivent  être  considérées  comme  des  œuvres  d'une 
première  manière  du  maître  brugeois.  Ces  manuscrits  sont 
caractérisés  par  l'emploi,  comme  note  dominante  dans  le 
coloris,  d'un  vermillon  clair  et  gai,  d'une  harmonie  char- 
mante. Le  plus  beau  type  peut-être  de  cette  série  nous  est 
fourni  par  un  livre  d'heures  conservé  à  Paris  à  la  biblio- 
thèque de  l'arsenal  '.  Un  Livre  d'heures  tout  à  fait  voisin  de 
celui-ci,  sous  un  format  un  peu  plus  petit,  figure  à  l'expo- 
sition de  Madrid,  dans  la  collection  de  D.  Juan  José  Escan- 
ciano  (Expos.,  sala  XIX,  n°  33)  [XXVJ. 

Après  ces  volumes  de  grand  prix,  il  serait  oiseux  de 
s'arrêter  à  d'autres  livres  de  prières  d'origine  flamande  qui 
n'offrent  véritablement  rien  que  de  très  ordinaire.  Je 
citerai  seulement  un  Bréviaire^  passé  de  l'ancienne  biblio- 
thèque d'Osuna  à  la  Bibliotheca  nacional  [XXVI],  à  cause 
de  cette  souscription  du  copiste,  qui  accompagne  la  date 
de  1455  :  «  per  manum  Johannis,  magistrj  ordinis  fratum 
heremetarum  Sancti  Augustini,  de  Gandavo  in  Flandria, 
completum  Brugis.  »  Cette  note  apporte  une  nouvelle 
preuve  des  rapports  constants  qui  ont  existé,  au  point  de 
vue  de  l'industrie  du  livre  à  la  main,  entre  Bruges  et  Gand, 
copistes  et  enlumineurs  nés  dans  l'une  de  ces  villes  allant, 
comme  on  le  voit  ici,  travailler  dans  l'autre,  et  récipro- 
quement. 

Bien  plus  digne  de  notre  attention  serait  un  Livre 
d'heures  des  bibliothèques  de  l'Université  centrale  de 
Madrid,  Faculté  des  sciences  [XXVII]  (Expos.,  sala  X, 
n"  21).  De  format  petit  in-8°,  ce  livre  d'heures  est  orné  de 
trente-sept  peintures  en  grisaille  annoncées  comme  très 
belles.  Des  circonstances  particulières  indépendantes  de 
l'extrême  bonne  volonté  de  mes  hôtes,  ne  m'ont  pas  permis 
malheureusement  de  le  feuilleter.  La  page  à  laquelle  le 

1  N»  652  (ancien  271,  T.  L.). 


—    95    — 

manuscrit  se  trouvait  ouvert  sous  vitrine  rappelait  sensi- 
blement les  camaïeux  d'Alexandre  Bening  dans  le  livre  de 
la  Vita  Christi,  qui  vient  de  Louis  de  Bruges  *.  Mais  il 
aurait  fallu  un  examen  plus  complet  pour  se  prononcer.  Ce 
que  nous  pouvons  dire,  c'est  que  le  volume  a  une  excellente 
provenance.  Il  porte,  dans  sa  décoration,  les  armes  de  la 
famille  Rollin.  Or,  on  sait  combien  l'amour  des  arts  était 
vif  et  éclairé  chez  les  membres  de  cette  famille  bour- 
guignonne, à  commencer  par  le  chancelier  de  Pliilipi)e-le- 
Bon,  qui  a  la  gloire  d'avoir  commandé  à  Van  Eyck  la 
Vierge  au  donateur  du  Louvre,  et  à  Rogier  van  der  Weyden 
le  Triptyque  de  Beaune. 

Ce  manuscrit,  en  nous  amenant  à  prononcer  le  nom 
d'Alexandre  Bening,  nous  conduit  à  un  nouveau  groupe  de 
manuscrits  flamands  à  miniatures.  Ils  s'agit  des  productions 
de  cette  grande  école  ganto-brugeoise,  qui  naît  dans  les 
dernières  années  du  XV"  siècle  et  jette  un  si  vif  éclat  avec 
les  Bening  et  leurs  rivaux,  les  Horebout,  en  produisant, 
entre  autres  œuvres  capitales,  le  Bréviaire  Grimani. 

De  maître  Alexandre  Bening  lui-même,  en  laissant  de 
côté  la  question  relative  aux  Heures  de  Rollin,  l'exposition 
de  Madrid  ne  nous  a  rien  offert,  pas  plus  que  l'Escurial  ou 
la  Biblioteca  nacional.  Mais  je  puis  signaler,  comme 
existant  à  Madrid,  une  belle  miniature  isolée  du  maître, 
sans  doute  enlevée  à  quelque  grand  livre  de  dévotion,  qui 
fait  partie  des  si  précieuses  collections  de  M.  le  comte 
de  Valencia  [XXVIII].  Cette  miniature  figure  le  triomphe 
de  l'Agneau.  Le  choix  seul  de  ce  sujet  trahit  chez  l'habile 
miniaturiste  ganto-brugeois  Tinfluence  de  l'immortelle 
création  des  Van  Eyck  à  Saint-Bavon. 

1  Ms.  franc.  181  de  la  Bibl.  nat.  —  On  trouvera  la  reproduction 
d'une  des  belles  grisailles  de  ce  manuscrit  dans  notre  travail  sur 
Alexandre  Bc ni lu)  et  les  peintres  du  bréviaire  Grimani.  Paris,  1891, 
gr.  in-8°  (extrait  de  la  Gazette  des  beaux-arts,  n"^  de  mai  et 
juillet  1891). 


-    96    — 

Le  fils  d'Alexandre,  Simon  Bening,  est  au  contraire,  à 
notre  avis  ',  représenté  à  l'exposition,  dans  les  vitrines  de 
la  Biblioteca  nacional  (sala  XVIII,  n»  113),  par  un  délicieux 
bijou,  un  petit  Livre  d'heures  rempli  de  miniatures  de  la 
plus  exquise  tinesse  [XXIX].  Tantôt  ces  peintures  forment 
tableau  principal  au  milieu  de  la  page,  tantôt  elles  se  déve- 
loppent en  bordures  couvrant  les  marges.  Toujours  elles 
se  distinguent  par  des  qualités  de  charme  et  de  délicatesse 
hors  ligne.  Rarement  Simon  Bening  a  été  mieux  inspiré  et 
mieux  servi  par  son  remarquable  talent  d'exécution.  On 
voudrait  pouvoir  connaître  le  premier  possesseur  de  ce 
ravissant  volume.  Son  chiffre,  que  l'on  trouve  sur  les 
feuilles,  consistait  en  deux  I  gothiques;  il  avait  pour 
devise  :  Vostke  demeuee.  C'était  vraisemblablement 
quelque  seigneur  flamand.  Toutes  les  rubriques  du  texte 
sont  en  langue  française,  de  même  au  calendrier  la  liste 
des  saints;  parmi  ceux-ci,  on  doit  noter  copime  trait  local 
la  mention  de  sainte  Aldegonde.  Ces  diverses  indications 
mettront  peut-être  un  jour  sur  la  voie  de  la  solution 
cherchée.  En  dernier  lieu,  le  livre  d'heures  peint  par 
Simon  Bening  est  venu  de  la  Bibliothèque  du  chapitre  de 
Tolède. 

Du  chef  de  la  famille  rivale  des  Bening,  de  Gérard 
Horebout,  l'exposition  de  Madrid  montre,  suivant  nous  ^, 

1  Le  rapprochement  de  ce  livre  d'heures  avec  la  grande  miniature 
du  missel  de  Dixmude,  laquelle  est  authentiquée  par  un  texte 
d'archives,  nous  paraît  ne  laisser  aucun  doute  sur  la  légitimité  de 
notre  attribution  à  Simon  Bening. 

2  L'attribution  découle  de  la  comparaison  avec  les  miniatures  de 
plusieurs  manuscrits,  dont  les  documents  permettent  de  restituer  la 
paternité  à  Gérard  Horebout,  tels  que  VHortiilus  aniniœ  de  Marguerite 
d'Autriche,  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Vienne.  La  provenance 
du  triptyque  de  l'Escurial  n'est  malheureusement  pas  connue.  On 
suppose  qu'il  a  dû  venir  a  Philippe  II,  comme  le  manuscrit  de 
VApocali/psf  figurée,  en  dernier  lieu  de  la  reine  Marie  de  Hongrie,  la 
nièce  de  Marguerite  d'Autriche. 


—    97    — 

une  œuvre  incontestable  et  d'une  importance  rare.  Elle 
consiste  en  trois  miniatures,  ou,  si  l'on  veut,  en  une  triple 
miniature,  de  très  grandes  dimensions  et  de  l'exécution  la 
plus  fine.  Ce  morceau  est  peint  sur  parchemin,  avec  la 
même  technique  et  le  même  caractère  que  les  miniatures 
placées  dans  les  manuscrits.  Mais  l'artiste  ne  l'a  pas 
exécuté  en  vue  d'illustrer  un  volume.  Il  s'est  proposé  de 
faire  un  véritable  tableau  analogue  aux  peintures  sur 
panneau  ou  sur  toile.  Son  œuvre  se  présente  en  consé- 
quence montée  dans  un  cadre  et  formant  triptyque  à 
charnières  (Expos.,  sala  XVI,  no  173)  [XXX].  Ce  triptyque 
est  en  temps  ordinaire  conservé  à  l'Escurial,  dans  la 
chambre  aux  reliques.  La  partie  centrale,  la  plus  grande, 
montre  Saint-Jérôme  en  prières,  dans  un  paysage  d'une 
profondeur  et  d'une  variété  de  détails  inouïes.  Sur  le  volet 
de  gauche  est  le  départ  de  la  Sainte-Famille  pour  l'Egypte  ; 
sur  celui  de  droite,  Saint-Antoine  de  Padoue  debout, 
portant  sur  un  livre  l'enfant  de  Jésus  '.  On  peut  admirer 
également,  dans  ces  deux  volets,  des  fonds  de  paysage 
analogues  à  celui  de  la  composition  centrale. 

L'inspiration,  l'originalité  de  création  et  surtout  l'émo- 
tion communicative  manquent  à  parler  franc  dans  cette 
œuvre  de  Horebout.  Mais,  comme  habileté  de  main,  comme 
fini  et  prodigieuse  patience  du  pinceau,  on  ne  peut  rien 
voir  de  plus  achevé  en  son  genre. 

Cette  manière  de  constituer  de  vrais  tableaux  indépen- 
dants, avec  des  miniatures  sur  parchemin,  fut  plus  d'une 
fois  appliquée  en  Flandre.  Et  généralement  c'est  aux 
enlumineurs  les  plus  habiles  qu'on  s'est  adressé.  A  l'expo- 
sition même  de  Madrid,  on  en  trouve  un  exemple  remar- 
quable dans  un  envoi  de  D.  Luis  du  Ezpeleta.  Il  s'agit 


^  Le  triptique,  mesure  ouvert,  0'"39  de  haut  sur  0'"70  de  large.  Il  a 
été  photographié  par  Laurent,  n»  1540. 


—    98    — 

d'une  grande  miniature  en  hauteur,  cintrée  du  haut, 
exécutée  avec  une  science  consommée  de  métier,  dans  une 
tonalité  très  douce  et  harmonieuse.  Elle  représente 
V Annonciation  (Expos.,  sala  XX,  n"  158)  [XXXI]. 

Ce  qui  est  tout  à  fait  intéressant,  c'est  que  cette  A^itioyi- 
ciation  isolée  est,  pour  la  composition,  exactement  la  même 
(jue  l'on  trouve,  avec  une  échelle  différente,  dans  le  Bré- 
viaire Grimani  ',  Ce  sont  deux  épreuves  d'un  même  modèle. 
En  les  comparant  entre  elles,  l'avantage  reste  à  la  minia- 
ture de  D.  Luis  de  Ezpeleta.  C'est  à  elle,  si  on  voulait  à 
toute  force  prononcer  les  mots  relatifs  d'original  et  de 
copie,  que  reviendrait  le  droit  à  la  première  désignation. 
Mais  à  vrai  dire,  la  miniature  de  l'exposition  ne  me  paraît 
être,  elle  aussi,  tout  comme  limage  du  Bréviaire,  qu'une 
répétition  d'un  type  primordial  restant  encore  à  retrouver. 
Dans  tous  les  cas,  l'existence  de  cette  comi)osition  de 
V Annonciation  sous  forme  de  tahleau  séparé  apporte  un 
élément  précieux  pour  la  discussion  critique  des  peintures 
du  Bréviaire  Grimani  au  point  de  vue  de  leur  réelle  valeur 
esthétique.  On  trouve  là  un  argument  nouveau  à  ajouter  à 
bien  d'autres  pour  avancer  que,  dans  plusieurs  de  ses 
parties,  le  fameux  Bréviaire  n'est  pas  une  création  origi- 
nale, mais  une  sorte  d'album  de  copies,  une  collection 
d'imitations  d'après  des  œuvres  alors  en  vogue,  prises  un 
peu  de  côté  et  d'autre.  Ainsi  s'expliquent  ces  ressemblances 
que  l'on  a  constatées  entre  certaines  pages  du  Bréviaire 
Grimani  et  certains  panneaux  de  l'école  flamande.  De  ces 
ressemblances,  il  ne  faut  nullement  conclure  à  l'identité  de 
main.  Telle  image  du  Bréviaire  peut  dériver,  par  exemple, 
de  tel  tableau  de  Gérard  David  sans  que  pour  cela  ce  soit 
Gérard  David  lui-même  qui  l'ait  tracée  dans  le  volume. 


i  Planche  LXVI  de  la  repoduction  photographique  du  Bréviaire 
Grima  ni,  par  Perini. 


—    99    — 

L'auteur  d'une  copie  n'est  pas  forcément  l'auteur  de 
Torginal.  C'est  même  généralement  bien  plutôt  le  contraire. 
Mais  revenons  à  notre  sujet  en  reprenant  la  série  des 
manuscrits  proprements  dits. 

Parmi  les  maîtres  de  l'école  ganto-brugeoise  autres  que 
les  Bening  et  les  Horebout  dont  la  personalité  s'est  dérobée 
jusiiu'ici  à  toutes  nos  tentatives  de  détermination,  un  des 
plus  anciens  et  ])lus  dignes  d'estime  est  un  miniaturiste 
auquel  on  doit  de  charmants  illustrations  dans  un  Bré- 
viaire de  notre  Bibliothèque  nationale  (ms.  latin  1314), 
et  aussi,  ce  me  semble,  quelques-unes  des  images  de  très 
beau  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Vienne, 
appelé  par  M.  de  Chmelarz  le  «  cousin  du  bréviaire 
Grimani  ' .  »  L'Escurial  possède  de  ce  maître  une  excellente 
série  de  miniatures  dans  un  Livre  d'heures  de  petit  format, 
avec  calendrier  à  l'usage  de  Bruxelles,  passant  pour  avoir 
appartenu  à  Isabelle  la  Catholique  (Escurial,  iii,  E,  2) 
[XXXIII].  Nous  avons  si  peu  d'indications  sur  l'enlumineur 
en  question  que  toute  particularité  pouvant  le  concerner 
devient  intéressante.  Il  n'est  donc  pas  indifférent  de  noter 
dans  le  Livre  d'heures  de  l'Escurial  la  présence  d'une 
date.  Dans  la  bordure  qui  accompagne  la  Résurrection  de 
Lazare,  on  lit,  écrit  sur  une  banderole  :  «  Respice  finem. 
1486.  » 

Dans  le  même  groupe  toujours,  un  Livre  d'heures  envoyé 
à  l'exposition  par  la  Bibliothèque  de  l'Université  centrale 
de  Madrid  (sala  X,  n"  18)  [XXXIII]  n'est  qu'une  production 
ordinaire  dans  le  goût  de  l'atelier  des  Bening.  Mais  trois 
volumes  de  la  bibliothèque  de  l'Escurial  [XXXIV]  doivent 
être  tirés  à  part  pour  la  beauté  de  leurs  miniatures  :  un 

*  Voir,  sur  ce  manuscrit  de  Vienne,  Eduard  von  Chmelarz,  Ein 
Verwandter  des  Brevarium  Grimani  dans  le  Jahrbuch  der  kunst- 
historischen  S(tm>nhmgen  des  AJlerhochsten  Kaiserhauses,  t.  IX, 
p.  429  (Annuaire  des  collections  impériales  d'Autriche). 


—    100    — 

recueil  de  Prières  spéciales  pour  les  navigateurs  (iii,  E,  6), 
manuscrit  composé  et  dédié  à  Charles-Quint,  à  qui  il  a  été 
offert,  par  un  certain  «  Robertus  Gandensis  »  ;  —  un  £re- 
viaire  (iiii.  H,  1)  avec  calendrier  à  l'usage  d'Espagne,  mais 
certainement  fait  en  Flandre,  de  format  petit  in-S», 
singulier  par  son  extraordinaire  épaisseur  '  ;  —  enfin  un 
Livre  d'heures  ayant  été  à  l'usage  du  roi  Philippe  III  *. 
Dans  ces  deux  derniers  manuscrits,  les  miniatures  se  dis- 
tinguent à  la  fois  par  la  douceur  et  l'harmonie  de  leur 
coloris  et  par  le  caractère  très  réaliste  et  souvent  vulgaire 
donné  aux  têtes  des  personnages.  La  réunion  de  ce  double 
caractère  marque  en  général  les  œuvres  des  artistes  qui 
ont  plutôt  vécu  et  travaillé  à  Gand  même. 

D'une  date  plus  récente  que  tous  les  manuscrits  précé- 
dents, mais  toujours  antérieure  à  la  seconde  moitié  du 
XVP  sicle,  est  un  Livre  de  prières  de  Vempereur  Charles- 
Quint,  exposé  par  D.  Martial  Lopez  de  Aragon  (sala  XX) 
[XXXV].  L'admirable  exécution  de  ce  maniiscrit  et  surtout 
la  beauté  de  dessin  et  la  finesse  de  touche  de  ses  miniatures 
en  font  encore  une  pièce  du  plus  grand  prix,  sans  parler 
de  l'intérêt  de  sa  provenance  certaine.  Dans  une  des  pein- 
tures, Charles-Quint  est  représenté  en  grand  costume 
impérial,  priant  à  genoux  sous  la  protection  de  son  bon 
ange.  Par  la  qualité  d'art  de  toute  la  décoration,  aussi  bien 
que  par  son  caractère  où  perce,  sous  la  fidélité  aux  vieilles 
traditions,  la  tendance  vers  le  style  dit  de  la  Renaissance, 
ce  livre  d'heures  est  une  sorte  de  pendant  des  admirables 
Heures  de  t empereur  Ferdinand,  dans  l'ancienne  collection 
d'Ambras,  aujourd'hui  au  Musée  impérial  de  Vienne. 

1  Ce  bréviaire  est  trois  fois  plus  épais  qu'il  n'est  haut.  Ses  feuillets 
sont  au  nombre,  relativement  énorme  pour  im  seule  tome,  de  1645, 
soit  près  de  8,300  pages. 

2  L'une  des  miniatures  des  Heui-es  de  Philippe  III  a  été  photogra- 
phiée par  Laurent,  n"  643. 


—    101     — 

Les  Heures  de  Charles-Quint  sont  dignes  de  clore  la  série 
qui  s'ouvre  par  les  Heures  de  la  reine  Jeanne  Henriquez. 
Nous  nous  arrêterons,  nous  bornant  à  mentionner  pour 
mémoire  un  ])etit  Recueil  de  ^trières,  dans  le  goût  des 
manuscrits  de  Jarry,  copié  à  Bruxelles  en  IGGT  (coll.  de 
M.  Villa-amil,  Expos.,  sala  XXII,  n"  239)  [XXXVI]. 


—     102     — 


L'INVENTAIRE 


DES 


MEUBT.KS    DÉLAISSÉS, 

LORS  DE  SOIN  EMTRÉE  EN  RELIUrON, 


PAR 


Antoine    d'Arenberg,   Comte    de    Seneghem  •. 


(F»  92  r")  —  Seize  Emprintes  des  Villes  que  les  Hollandois  ont 
prins  en  diverses  années  Asscauoir 

La  ville  de  Rimbergh 

Le  fort  St-Andrieu 

La  ville  de  Steenwick 

La  ville  de  Hulst 

La  ville  de  Nimmeghe 

La  ville  de  Geertruydenberghe 

La  ville  de  Deuenter 

La  ville  de  Zutslande 

La  ville  de  Couuorde 

La  ville  de  Meurs 

La  ville  de  Grol 

La  ville  de  Breuort 

*  Suite.  —  Voir  Messager  des  Sciences,  3^  livraison  1895,  p.  237. 


—    103    — 

La  ville  D'Enschede 
La  ville  de  Liughen 
Et  plus  vue  du  siège  de  Bommel, 

(F"  92  V")  —  Instrumena  de  Géométrie  de  Cuiure. 

Premièrement  vue  bossela  auecq  son  encasse  vérins  et 
appertenances  olometralles 

Vn  instrument  a  mesurer  le  pas  ou  itinéraire 

Vn  gadran  solaire  vniuersel  ad  omnes  eleuationes  poli 

Vne  horologe  ad  dignoscendum  horas  ad  stellas  et  lunam 
auecq  sa  boitte  particulière  auecq  l'aiguille  aimantine 

Vne  aulne  ou  mesure  qui  se  diuise  en  plusieurs  pièces 
auecq  ses  punnacides  pour  seruir  de  compas 

Vn  lineal  vertical  et  liorisontal 

Deux  grandes  compas  d'vne  mesme  façon  Tvn  ad  diuiden- 
dum  circulum  in  quasuis  partes  l'autre  ad  diuidendum 
lineas  auecq  leurs  petis  compas  duquel  Ton  prend  lesdites 
partitions  sur  iceulx 

Vn  Compas  auecq  ses  dimensions  arrestées  en  resort 

Vn  compas  auecq  les  trois  poinctes  a  escrire  a  plomb  et 
encre 

Cincq  compas  contenans  chacun  vne  dimention  ligneale 
assauoir  vne  simple,  depuis  vn  double  triple  quintuplicque 
sextuplicque 

Vn  compas  en  ciseau  auecq  son  Arrest  a  vérin 

Vn  compas  contenant  les  dimensions  d'vne  ligne  depuis 
1  jusques  a  noeuf. 

(F"  1)3  r")  —  Vn  Compas  à  mesurer  des  iigures  sphe- 
ricques. 

Deux  grands  compas  l'vn  auecq  ses  dimensions  règles  et 
espicilles  seruant  pour  fortification 

Vn  compas  qui  se  peult  ouurir  et  serer  a  vne  main 

Deux  compas  pour  escrire  auecq  encre 

Vn  compas  pour  escrire  auecq  plomb  de  mine 


—    104    — 

Vn  autre  compas  simple 

Linea  fortificatoria 

Deux  lignes  auecq  leurs  dimensions 

Vue  ligne  auecq  son  esquarre  de  la  mesme  façon 

Sept  plumes  ou  stiles  de  diuerses  façons  a  escrire  a  encre 
plomb  de  mine  et  lignes  sourdes 

Deux  ligne  a  esguiser  le  crion 

Des  ciseaux  lancettes  canniuet 

Vn  instrument  de  cuiure  nommé  lesquarre  Geometricque 
auecq  la  pièce  pour  mectre  au  baston  pour  le  soustenir 

Item  vne  longue  platte  pièce  de  bois  qui  se  plie  en  deux 
aiant  a  chasque  boult  vu  pincel 

Deux  autres  pièces  de  bois  je  ne  scay  a  quel  vsage 

Vne  longue  pièce  qui  se  deffaict  en  deux  aiant  a  Tvn  de- 
bout trois  poinctes  de  fer  et  a  Taultre  vn  vérin  de  cuiure 

Vne  autre  pièce  de  cuiure  pour  mectre  sur  vn  bastcm 

Vne  lampe  de  cuiure  au  boult  d'vn  baston  pour  porter 
contre  le  vent  et  contre  la  pluye 

Treize  fers  pour  presser  du  satin 

(F°  93  v")  —  Les  Instrumens  Mathematicques. 

Premièrement  en  vne  casse  y  est  vne  escriptoire  complète 
scauoir,  la  boitte  a  l'encre  et  sablon  d'argent,  les  coutiaux 
ciseaux  et  percelers  d'acier  la  manche  dairain 

Item  il  y  at  vue  aultre  casse  ou  il  y  a  deux  instrumens 
scauoir 

Dioptra  Holometrica 

L'instrument  de  Cranendoncq. 

Item  en  la  mesme  casse  dessus  lesdicts  instrumens  y  at 
huict  pièces 

Deux  Compas  pour  l'art  de  nauiger 

Quattre  Compas  a  partir  quelque  chose  en  2.  3.  5.  7. 
parties 

Instrument  familiair 


—    105    — 

Vil  compas  en  forme  d'vne  efforehe 

Deux  poinçons  l'vn  d'airain  et  laultre  d'acier 

Trois  traciers  d'encre 

Vn  marcq  plomb 

Vne  lime 

Item  vne  autre  casse  aiant  embas  dix  pièces 

Vne  fausse  esquaire 

Vn  niueau 

Vn  instrument  pour  l'artillerie 

Vne  ligne 

Vne  esquarre  commune 

Vn  compas  a  partir  des  lignes. 

(F°  94  r")  —  Vn  demy  cercle  quy  serue  au  dioptra  holo- 
metrica 

Vne  règle  a  partir  les  cercles 

Vne  règle  a  partir  les  lignes 

Vne  règle  pour  faire  des  gadrans  a  soleil 

Item  en  la  mesme  casse  au  dessus  y  a  dix  pièces 

Vn  grand  compas  a  escrire 

Vn  grand  compas 

Vn  autre  grand  compas  a  marcquer  auecq  encre 

Vn  grand  compas  a  marcquer  auecq  du  plomb 

Vn  grand  compas  auquel  serue  vng  demy  cercle 

Vn  grand  compas  à  3.  poinctes 

Vn  grand  compas  pour  prendre  le  diamètre  des  bouUets 

Vn  petit  compas 

Vn  petit  compas  a  escripre 

Vne  ligne  contenante  trois  pièces  quy  seruent  de  Baridus 
Jacobi,  auecq  4.  diuerses  pointes 

Item  une  aultre  casse  ou  il  y  a  des  fiolles  de  cristal. 

Item  deux  autres  casses  pour  y  mettre  ce  qu'on  veult 


—     106    — 

(F"  94  v")  —  Aultres  Instrumens  mathématiques 

Dioptra  lienrica 
Llnstriimeut  de  Cranendoncq 
Vil  grand  niueaii  qui  seruira  desquarre 
Vne  platinne  j^our  des  horologes 
Vn  grand  compas  a  trois  poinctes 
Vn  aultre  compas  en  forme  d'efforclie 
Vne  petite  règle  de  bois  de  rose 
Vn  Ciseau 
Vn  marcq  plomb 

Vn  autre  instrument  pour  marcquer  auecq  de  l'encre 
L'escriptoire 

Vn   instrument  rond   ou  il    y   at  ensemble  des  traces 
plumes  de  plomb,  et  un  canniuet. 

(F«  95  r»)  —  Les  Quadrans  de  mer  et  aultres  Instruments 
mathemathiques . 

Premièrement  vn  guadran  de  mer  en  quarrure  aiant  la 
casse  paincte  et  dorrée 

Vn  autre  guadran  de  mer  en  rondeur  aiant  la  casse  de 
cuiure 

Vn  aultre  instrument  de    1er  aiant  vne  grande  ronde 
platine   de  cuiure  et  14  aultres  pièces  de 
dépendantes 

Vn  autre  instrument  de  cuiure  en  quarrure  aiant  une 
esguille  daimant  au  millieu 

Vn  autre  guadran  de  mer  en  quart  de  cercles  de  cuiure 
aiant  vne  longue  verge  de  cuiure  auecq  des  puneles. 

Vn  casse  de  bois  s'ouurant  de  deux  costez  en  forme 
d'astralialle 

Vne  Sphère  marcquée  sur  vne  boulle 

Vne  aultre  espèce   de  guadran  marqué  sur  du  carton 
painct  et  dorré 


—    107    — 

Vn  aiiltre  instrument  contenant  cincq  longues  pièces  de 
bois  dont  a  l'vne  y  at  une  pièce  de  cuiure  au  milieu  et  a 
chasque  bout  une  punelle  de  cuiure 

Trois  longz  et  larges  lignales  l'un  plus  grand  que  l'aultre 
Vne  aultre  longue  pièce  de  fer  en  forme  de  marteau 
Trois  autres  bastons  qui  sont  défont  auecq  vn  vérin  par 
le  milieu 

(F»  95  v°)  —  De  toutes  sortes  de  Drogues  medecinales. 

Premièrement  vne  petite  fiolle  auecq  du  baulme  de  S.  A. 
De  la  pierre  bizart  de  S.  A.  S, 
Vn  petit  pot  d'eau  de  Canelle 
Vn  papier  auecq  de  la  pierre  bizart 
De  la  terra  sigillata 
De  la  corne  D'Elan 
Trois  pièces  de  licorne 
Du  pain  bénit  de  Saint  Nicolas  pour  la  peste 
Vn  potequin  de  metridat 
Du  rebarbari. 
Aagarici 
Mirchoacum. 
Triade  de  Venize 
Vnguent  verd  pour  la  foulure 
Diaphamconis 
Diacutholicomo 

Electuarium  vite  contre  la  peste 
Electuarium  contre  la  mesme 

Electuarium  vite  pour  le  mesme  aiant  vn  papier  pour 
scauoir  euiter 
Vn  pot  de  syrop  pour  la  grauelle 
Syrop  de  nigibus  en  fiolle 
Syrop  de  roses  laxatiue  en  fiolle 
Syrop  de  roses  laxatiue  en  vn  pot 
De  la  graisse  de  chat  saunage 


—    108    — 

Vne  petite  boitte  auecq  de  la  graise  de  mouton 
De  l'eau  distillé  de  Monsieur  D'Assonuille 
Vne  boitte  de  traganta 
Deux  boittes  de  manna 

(F"  96  r»)  —  Les  Armes  et  Pistollea 

Premièrement  trois  rondaces  besoignez  d'ouurage  des 
indes 

Trois  autres  de  fer  bien  trauaillez  et  dorrez. 

2.  corseletz  auecq  leur  équipage 

Un  Casque  semblable  a  la  grande  rondace 

Deux  aultres  Corseletz  noirs  simples  auecq  les  adve- 
nances. 

Deux  espees  pour  escrimer  et  3.  poignardz 

Deux  lances  pour  courre  la  bague 

Trois  couples  de  pistolles 

Dix  grandes  harquebuses 

Cincq  Casquettes 

(Même  page)  —  Les  Selles  de  Cheuaulx 

Premièrement  vne  selle  de  velour  rouge  brodée  de  cordon 

dor  avecq  des  frange  or  et  soye  incarnate  auecq  sa  couuerte 
Vne  de  velour  noir  passementee  de  grand  passement  dor 

auecq  sa  couuerte 
Vne  de  velour  noir  brodée  de  soye  noir  auec  sa  couuerte 
Vne  selle  D'Armes  jaulne  auecq  des  franges  et  couuerte 
Vne  selle  de  marocquin  noir  d'armes  bordée  de  velour 

noir  a  franges  noires. 
(F»  96  v»)  —  Vn  Coussinet  de  Poste 
Vne  aultre  selle  de  velour  bleu  avecq  vne  piccure  dor  et 

bleu  et  les  franges  de  mesme 
Vne  selle  de  velour  noir  avecq  vn  passement  d'argent 
Vne  aultre  de  marocquin  brodée  de  velour  auecq  des 

franges  noires  tout  allentour 


—    109    — 

Vne  housse    de   velour    noir  auecq    ciiKi   passementz 
d'argent  auecq  vne  frange  d'argent  et  soye  noire 
Vne  housse  de  drap  noir. 

(Même  page)  —  Les  Harnassures 

Vne  harnassure  de  velour  noir  auecq  du  passement 
d'argent 

Diuerses  sortes  de  harnassures  la  genette  de  soye  et 
autres  choses 

Diuerses  harnassures  de  cuir  et  de  velour  pendant  au 
Cabinet  de  deuant  la  Garderobe 

(Fo  97  r»)  —  L'Estain 

Premièrement  2.  douzaines  et  demy  de  platz  de  diuerses 
grandeurs. 
Item  3.  douzaines  et  1.  assiettes 
Vne  canne  de  trois  potz 
Vn  pot  de  lot 
2.  D'vn  lot 
2.  D'vne  pinte 
2.  Sallieres 
2.  Gobletz 

1.  petit  bassin 

2.  potz  de  Chambre 
5.  cuillieres 


(A  suivre.) 


B""  François  Bethune. 


110 


VARIETES. 


Frais  de  l'installation  de  Joseph  II  en  qualité  de 
COMTE  DE  Flandre.  —  Quand  nos  anciens  souverains 
étaient  installés  solennellement  en  qualité  de  comtes  de 
Flandre,  cette  cérémonie  se  faisait  avec  une  pompe  extra- 
ordinaire. Les  frais  de  l'inauguration,  qui  étaient  considé- 
rables, étaient  supportés  par  les  Etats  de  Flandre.  La 
bibliothèque  de  la  ville  de  Gand  possède  le  compte  détaillé 
de  ce  qu'a  coûté  l'inauguration  de  Joseph  II.  Cette  céré- 
monie eut  lieu  le  31  juillet  1781  et  les  États  de  Flandre 
dépensèrent  de  ce  chef  la  somme  de  113,728  florins  soit 
au-delà  de  200,000  francs  de  notre  monnaie  • . 

L'empereur  Joseph  II  était  représenté  par  son  beau- 
frère,  le  duc  de  Saxe-Teschen,  gouverneur  général  des 
Pays-Bas  autrichiens.  Le  duc  et  sa  femme,  l'archiduchesse 
Marie-Christine,  arrivèrent  la  veille  à  Gand  et  descen- 
dirent, selon  l'usage,  à  l'abbaye  de  Saint -Pierre.  Le 
lendemain,  31  juillet  1781,  le  duc,  accompagné  d'un  nom- 
breux cortège,  se  rendit  au  marché  du  Vendredi  où  un 
théâtre,  richement  décoré  et  de  proportions  énormes,  était 
dressé  à  l'extrémité  de  la  place  du  côté  de  l'église  de 
Saint- Jacques. 

C'est  sur  ce  théâtre  que  le  mandataire  de  Joseph  II 


1  Le  florin  vaut  1,80  fr.  Il  se   divisait  en  20  sous,  et  le  sou   en 
12  deniers. 


—  111  — 

devait,  au  nom  de  son  souverain,  jurer  fidélité  aux  lois  et 
aux  privilèges  du  peuple  flamand,  et  recevoir  à  son  tour 
le  serment  des  membres  des  États  de  Flandre. 

Le  cortège  était  d'une  richesse  et  d'une  magnificence 
dont  il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  aujourd'hui. 

En  tête  marchait  un  détachement  de  dragons,  suivi  du 
timbalier  et  des  trompettes  de  la  ville  à  cheval.  Après  eux 
venaient  les  quatre  chefs-confréries  d'armes  de  Saint- 
Georges,  Saint-Sébastien,  Saint-Antoine  et  Saint-Michel, 
précédant  les  bouchers  et  les  poissonniers  tous  à  cheval  et 
revêtus,  les  premiers  d'un  uniforme  vert  avec  brande- 
bourgs en  or,  et  les  seconds  d'un  uniforme  bleu  avec  galons 
en  argent. 

Les  autorités,  en  carrosses  à  deux  chevaux,  venaient 
ensuite.  Parmi  elles  figuraient  :  les  députés  des  villes  et 
des  chatellenies  de  Flandre,  les  nobles  titrés,  les  délégués 
du  clergé,  les  abbés,  les  évêques,  A  côté  des  voitures  mar- 
chaient des  laquais  la  tête  découverte.  Le  marquis  de 
Becelaere,  portant  le  grand  étendard  de  Flandre,  était  à 
cheval  entouré  de  hérauts  d'armes. 

Devant  le  carrosse  du  duc  de  Saxe-Teschen,  traîné  par 
six  chevaux,  marchaient  la  livrée,  les  coureurs  et  les  pages 
de  la  cour.  La  voiture  était  entourée  et  suivie  par  les  halle- 
bardiers  et  par  la  garde  noble  des  archers. 

Les  hauts  dignitaires  de  la  cour  à  cheval  et  un  détache- 
ment de  dragons  fermaient  le  cortège. 

A  leur  arrivée  au  marché  du  Vendredi,  toutes  les  auto- 
rités, qui  avaient  figuré  dans  le  cortège,  prirent  place  sur 
le  théâtre,  au  milieu  duquel  se  trouvait  le  portrait  en  pied 
de  l'empereur.  Après  la  cérémonie  de  l'installation  et  de 
la  prestation  du  serment,  on  se  rendit  à  la  cathédrale  de 
Saint-Bavon  pour  assister  au  Te  Deum,  et  de  là  à  l'hôtel 
de  ville  où  un  banquet  de  180  couverts  était  préparé 
dans  la  Cavalcadehamer .   Le  soir  représentation  de  gala 


—     112     - 

suivie  de  bal  au  grand  théâtre,  illumination  générale,  feu 
d'artifice  au  marché  du  Vendredi ,  concerts  à  la  place 
d'Armes,  etc.,  etc. 

Le  compte,  dont  nous  parlions  plus  haut,  est  intitulé  : 
«  Reheninge  Generael  der  Inauguratie  van  Keyser  Joseph 
als  Graeve  van  Vlaenderen  op  31  July  1 781  ».  Il  est  divisé 
en  19  chapitres  et  transcrit  dans  un  cahier  de  vingt  pages 
in-folio.  Nous  allons  le  parcourir  rapidement  en  relevant 
les  articles  qui,  par  leur  importance  ou  leur  originalité, 
méritent  de  fixer  l'attention. 

Un  article  de  dépenses,  qui  revient  plusieurs  fois,  est 
celui  relatif  à  certains  meubles  intimes  qu'on  plaçait  dans 
tous  les  endroits  oii  leur  usage  pourrait  être  réclamé.  Voici, 
par  exemple,  ce  que  nous  trouvons  pour  la  Cavalcadekamer 
de  l'hôtel  de  ville  : 

«  Betaelt  aen  S''  Cante  over  leveringe  van  vier  chaisen- 
percées 243-9-10 

(■(Betaelt  aen  de  W"  GuersouUle  voorAet  behleeden  van 
chaisen-percées 66-11-00 

Ces  meubles  indispensables  faisaient  partie  intégrante 
des  bagages  des  grands  seigneurs  et  des  personnages  de 
distinction.  C'est  ainsi  qu'au  chapitre  des  dépenses  occa- 
sionnées par  le  voyage  à  Oordeghem  des  députés  des  États 
de  Flandre  qui  allaient  à  la  rencontre  du  duc  et  de  l'archi- 
duchesse,  nous  trouvons  un  article  libellé  comme  suit  : 

«  Betaelt  aen  S''^  Blaere  en  Knockaert  meesters  hehangers 
over  emballage  van  eenige  goederen  naer  Oordeghetn  en  leve- 
ringe van  eenige  loaterpotten,  chaisen-percées,  etc.      39-3-6 

Nous  demandons  pardon  au  lecteur  de  nous  être  arrêtés 
un  moment  à  ces  détails,  quelque  peu  réalistes.  Nous  avons 
cru  devoir  le  faire,  parce  qu'ils  nous  ont  semblé  se  rattacher 
d'une  façon  étroite  à  la  vie  intime  et  aux  mœurs  des  gens 
du  grand  monde  de  cette  époque. 


—    113    — 

Le  théâtre  du  marché  du  Vendredi,  sur  lequel  se  fit  la 
cérémonie  de  Tinauguration,  coûta  37544  florins,  soit  au- 
delà  de  67,500  francs  de  notre  monnaie.  La  charpente  seule 
coûta  5200  florins.  Les  étoffes  et  les  draperies,  qui  garnis- 
saient le  théâtre,  figurent  dans  le  compte  pour  la  somme 
de  17,103  florins  : 

«  Item  aen  Sieur  Cante  over  leveringe  van  stoffen  en 
galonnen  voor  den  theater  de  somme  van  .     .      17163-11-6 

La  peinture  du  théâtre,  exécutée  par  des  artistes  de 
Gand,  de  Bruges  et  de  Bruxelles,  coûta  4223  florins.  Le 
peintre  gantois,  Pierre  van  Reysschoot,  auteur  des  gri- 
sailles qui  ornent  le  chœur  de  la  cathédrale  de  Saint-Bavon, 
reçut  630  florins  pour  un  tableau  placé  sur  le  théâtre  et 
représentant  la  cérémonie  de  l'inauguration  : 

«  Item  aen  P''  van  Reysschoot  over  het  stuch  op  den 
theater  verheeldende  de  hiddinge     ....     630-18-00 

On  consacra  6311  florins  à  l'illumination  de  la  place 
d'Armes.  Dans  cette  somme  nous  trouvons  2500  florins 
pour  la  charpente,  houtwerk^  probablement  les  pyramides, 
les  arcades,  les  mâts,  etc.,  et  2800  florins  pour  les  lampions. 
Il  y  avait  un  orchestre  à  chaque  extrémité  de  la  place. 

Le  banquet,  qui  se  donna  à  l'hôtel  de  ville  dans  la  salle 
de  la  cavalcade,  coûta,  tous  frais  compris,  la  somme 
respectable  de  13,894  florins,  soit  au-delà  de  25,000  francs 
de  notre  monnaie.  C'est  un  joli  denier  ! 

Sur  la  table  parurent  dix-sept  espèces  de  vins,  désignés 
dans  le  compte  sous  les  dénominations  suivantes  que  nous 
copions  textuellement  :  «  Tokai,  Cap  rouge,  Cap  blanc, 
Champagne  blanc  mouseux,  Champagne  roussat  mouseux, 
Malvoisi  de  Madère,  Peccaret,  Cote  rôtie  de  Dauphiné, 
Medoc  flne,  Volenai  P  (jualité,  Hochemer  du  Rhin,  Moselle, 
Moselle  commune,  Sileri  vieux,   Ingrande  ».  Quant  aux 


—     114    — 

liqueurs,  on  en  but  de  neuf  sortes  :  «  Anisette,  marasquin, 
Rosolie  (probablement  huile  de  rose  (Rosoglie),  en  flamand 
roosoUe),  eaux  de  noyaux,  quatre  fruits,  huile  S*  Louis, 
Cedra,  Marasquin  de  Nancy,  Eau  d'or  de  Nancy  ». 

La  représentation  de  gala  et  le  bal  au  théâtre  de  la 
confrérie  de  Saint-Sébastien  coûtèrent  au-delà  de  300U  flo- 
rins. On  paya  GlOO  florins  pour  le  feu  d'artitice  tiré  le  même 
soir  au  marché  du  Vendredi. 

Sous  le  titre  de  gratificatien,  honorairen,  etc.,  est  émargée 
la  somme  de  13,642  florins,  gracieusement  remise  à  diffé- 
rents hauts  personnages  et  fonctionnaires  qui  prirent  part 
aux  cérémonies  de  l'inauguration  :  prélats,  grands-baillis, 
bourgmestres,  conseillers  pensionnaires,  prévôts  ecclé- 
siastiques, etc. 

Un  chapitre  de  dépenses  intitulé  :  Portretten  van  Z.  M. 
den  Keyzer  nous  api^rend  que  neuf  portraits  de  l'empereur 
Joseph  II  furent  peints  à  cette  occasion  et  offerts  à  titre  de 
souvenir.  Le  compte  ne  nous  donne  pas  les  noms  des  per- 
sonnes qui  furent  l'objet  de  cette  haute  faveur,  il  se  borne 
à  dire  :  «  Om  te  distrihueren  aen  dlieeren  van  de  vergade- 
ringe  ».  Ce  travail  fut  confié  aux  peintres  Bailly  et  de 
Maere. 

Dans  notre  Essai  historique  sur  les  Expositions  d'art  à 
Gand  (171)2-1892)  nous  avons  fait  mention  de  deux  peintres 
établis  à  Gand  et  portant  le  nom  de  Bailly,  Joseph  et  Simon, 
qui  ])rirent  part  au  concours  de  peinture  organisé  ])ar 
l'Académie,  à  l'occasion  de  la  première  exposition  d'œuvres 
d'art  ouverte  à  Gand  aux  mois  de  mai  et  juin  1792.  Joseph 
Bailly  fut  proclamé  lauréat  et  obtint  le  prix  consistant 
en  une  médaille  en  or  de  la  valeur  de  6  livres  de  gros,  soit 
environ  65  francs  de  notre  monnaie.  Dans  le  catalogue  de 
l'exposition  de  1792,  Beschryving  der  Pronkzael  geopent 
op  het  stadhuys  van  Gend  den  30  Mey  1792,  nous  voyons 
figurer  un  peintre  de  Saint-Nicolas,  P.  B.  de  Maere,  qui 


—     115    — 

exposa  trois  tableaux  parmi  lesquels  un  portrait  de  TEm- 
pereur  Léopold  II,  successeur  de  Joseph  II. 

Il  est  plus  que  probable  que  les  deux  Bailly  et  de  Maere 
sont  les  auteurs  des  portraits  de  l'empereur  Joseph  II 
offerts  aen  d''heeren  van  de  vergaederinge.  Ces  portraits 
existent-ils  encore?  Et  dans  l'affirmative  où  se  trouvent-ils 
en  ce  moment? 

Ainsi  qu'on  avait  coutume  de  le  faire  en  de  pareilles 
circonstances,  des  médailles  commémoratives  furent  frap- 
pées à  l'effigie  de  l'empereur.  Le  revers  représentait  la  porte 
d'entrée  du  château  des  comtes.  Le  chapitre  intitulé  Zaei- 
penningen  mentionne  qu'on  frappa  à  Bruxelles  259  mé- 
dailles en  or  et  518  médailles  en  argent,  qui  coûtèrent  la 
somme  totale  de  4831  florins.  On  rencontre  des  exemplaires 
de  ces  médailles  dans  les  dépôts  publics  et  dans  beaucoup 
de  collections  particulières. 

On  a  souvent  fait  ressortir  les  fastueuses  habitudes  de 
nos  ancêtres.  Les  détails  que  nous  venons  de  donner  sont 
une  nouvelle  preuve  des  sacrifices  pécuniaires  qu'ils  savaient 
s'imposer  pour  satisfaire  leurs  goûts  luxueux. 

PiiospER  Claeys. 


Conflits  eelatifs  aux  enterrements.  —  Bien  souvent 
des  conflits,  suivis  de  procès,  éclataient  autrefois  entre  les 
curés  des  différentes  paroisses  de  la  ville,  ou  entre  les 
curés  et  les  supérieurs  des  congrégations  religieuses,  sur 
le  point  de  savoir  à  quelle  église  ou  à  quel  couvent  apparte- 
nait le  droit  de  déposer  dans  son  cimetière  la  dépouille 
mortelle  d'une  personne  décédée  à  Gand. 

Faute  de  s'entendre,  les  parties  introduisaient  une  action 
en  justice  et  c'était  finalement  le  Conseil  de  Flandre  qui, 
par  arrêt,  décidait  dans  quel  cimetière  le  corps  litigeux, 


—    116    - 

s'il  nous  est  permis  d'employer  cette  expression,  devait 
être  enterré.  Pendant  la  durée  du  procès,  le  cadavre  était 
provisoirement  déposé  dans  un  cimetière  neutre,  désigné 
par  le  Conseil  de  Flandre. 

Le  Memoriehoek  de  1510  nous  a  conservé  le  récit  d'un 
conflit  de  ce  genre  qui  s'éleva  entre  le  curé  de  la  paroisse 
de  Saint-Sauveur  et  le  supérieur  des  Dominicains  ou 
Jacopyrien,  ainsi  qu'on  désignait  également  ces  religieux. 

Au  mois  de  janvier  1510,  le  curé  de  Saint-Sauveur  fit 
enterrer  dans  le  cimetière  de  son  église  un  habitant  de 
la  rue  des  Remouleurs,  nommé  Jacob  de  Pape.  Le  supé- 
rieur des  Dominicains  protesta  contre  cette  inhumation, 
sous  prétexte  que  le  défunt  faisait  partie  de  la  confrérie  de 
Notre  Dame  «  vander  Hoeykene  »,  et  que  ses  ancêtres 
avaient  toujours  été  inhumés  dans  le  cimetière  du  couvent. 

L'affaire  fut  portée  devant  le  Conseil  de  Flandre  qui, 
avant  de  faire  droit,  ordonna  de  déterrer  le  cadavre  de 
Jacob  de  Pape  et  de  le  déposer  provisoirement  dans  le 
cimetière  du  couvent  des  sœurs  Colettines  de  Bethléem  ou 
de  Sainte-('laire. 

«  Item  luas  gheordonneerty  dit  le  Memoriehoek,  den  zelven 
te  ontgravene  in  eene  niemver  plaetse  f  sente  Claren,  achter 
de  maert  te  Coletten  in  Bethelhem  totten  sententie  definityve 
ende  lach  daer  hegraven  zeven  loeken  ». 

Le  18  février  1510,  le  Conseil  de  Flandre  rendit  un  arrêt 
interlocutoire  longuement  motivé,  par  lequel  il  donnait 
gain  de  cause  au  supérieur  des  Dominicains  et  ordonnait 
que  le  cadavre  de  Jacob  de  Pape  serait  enterré  dans  le 
cimetière  attenant  au  couvent  de  ces  religieux.  Ce  ne  fut 
que  le  10  mars  suivant,  probablement  après  la  signification 
de  l'arrêt,  que  l'inhumation  eut  lieu. 

Cette  macabre  cérémonie  se  fit  avec  beaucoup  de  solen- 
nité. Le  Memoriehoek  nous  apprend  que  les  Dominicains 


—    117    — 

vinrent  chercher  le  cadavre,  et  le  transportèrent  en  pro- 
cession à  leur  couvent  dans  le  cimetière  duquel  il  fut 
inhumé  : 

«  Item,  daernaer  wardt  weder  ontgraven,  midtsden  von- 
nesse  van  den  heeren  van  den  rade,  den  a?""  maerte  op  eenen 
Maendach  naer  de  noene  ten  een  ueren  ende  de  heligJie 
Jacopynen  quaemen  omme  Y  doode  lichaem  tnetter  processie 
ende  drouchden  also  in  haerlieder  clooster,  ghemerct  dat  hy 
hemlieden  haer  versouck  anne  ghewijst  was  ». 

L'arrêt,  statuant  sur  une  autre  réclamation  des  Domini- 
cains, décide  que  tous  les  profits  et  bénéfices  à  provenir 
de  cet  enterrement,  de  vruchten,  haten,  prouffycten  ende 
emolumenten  daeraf  commende,  seront  attribués  à  leur 
couvent. 

Au  chapitre  IV  du  troisième  livre  de  son  Historié  van 
Belgis,  le  chroniqueur   gantois   Marcus  van  Vaernewyck 
s'occupe  également  de  ce  procès  et  des  incidents  auxquels 
il  donna  lieu.  Son  récit  qu'il  intitule   :    «  Man  dry  icerf 
hegraven  »,  se  termine  comme  suit  : 

«  ....iciert  hy  hy  vonnesse  ontgraven  ende  ghehaeldt  met 
processien  hy  den  Predicheeren  ende  iviert  hegraven  int 
zelve  Couvent  :  aldus  tvas  hy  tioeemael  ontgraven  ende  drye 
reysen  hegraven  » . 

Nous  devons  faire  observer  que  la  décision  du  Conseil  de 
Flandre  ne  tranchait  pas  le  fond  du  débat.  L'action  intentée 
par  les  Dominicains  était  ce  qu'en  termes  juridiques  on 
nommait  une  action  possessoire.  Aussi  l'arrêt  rendu  par  le 
Conseil  de  Flandre  n'était-il  qu'un  arrêt  interlocutoire 
maintenant  les  Dominicains  dans  la  paisible  possession 
du  droit  de  faire  enterrer  le  défunt  dans  le  cimetière  de 
leur  couvent. 

Le  curé  de  Saint-Sauveur  pouvait  faire  trancher  la  ques- 

8 


—    118    — 

tion  au  fond,  en  agissant  au  pétitoire,  ainsi  que  l'arrêt  lui 
en  réservait  expressément  la  faculté  : 

«  ....overtfaict  ende  troubel  ghedaen  inde  possessie  ende 
saisine  vanden  voorseiden  prioor,  religiensen  ende  convent 
van  de  predicaren,  reserverende  niet  min  de  voorseiden 
meester  Sytnoen  zyn  redit  ende  acte  ten  pétitoire  ....  '  » 

Si  le  curé,  usant  du  droit  que  lui  reconnaissait  l'arrêt, 
avait  reporté  l'affaire  devant  le  Conseil  de  Flandre  et  si 
celui-ci,  jugeant  au  fond,  lui  avait  donné  gain  de  cause,  les 
habitants  de  Gand  auraient  assisté  à  cet  édifiant  spectacle 
de  voir  ce  cadavre,  après  des  mois  et  peut-être  des  années 
de  procès,  être  déterré  une  troisième  fois  et  transporté, 
avec  le  même  cérémonial,  du  cimetière  des  Dominicains  à 
celui  de  l'église  de  Saint-Sauveur,  Il  n'en  fut  heureusement 
pas  ainsi,  car  Marcus  van  Vaernewijck,  dans  la  première 
édition  de  son  Historié  van  Belgis  parue  en  15G8,  consi- 
dère l'affaire  comme  complètement  temiinée  après  la 
troisième  inhumation,  dry  reyse  begraven. 

Le  couvent  des  sœurs  Colettines  ou  de  Sainte-Claire,  oii 
fut  enterré  provisoirement  le  corps  de  Jacop  de  Pape,  était 
situé  dans  la  rue  d'Or.  Il  fut  supprimé  en  1783. 

Quant  au  couvent  et  à  l'église  des  Dominicains,  ils  occu- 
paient dans  la  rue  de  la  Vallée  toute  la  série  d'immeubles 
touchant  à  la  Lys  et  allant  depuis  l'église  de  Saint-Michel 
jusqu'à  la  rue  appelée  encore  aujourd'hui  rue  des  Domini- 
cains. L'église,  dont  l'entrée  était  dans  la  rue  de  la  Vallée 
et  qui  s'étendait  jusqu'à  la  Lys  sur  toute  la  longueur  de  la 
rue  des  Dominicains,  fut  démolie  en  18G0  par  l'entrepreneur 
van  Mellaert,  un  spécialiste  en  son  genre.  Ce  travail, 
commencé  le  10  avril  18G0,  était  complètement  terminé  à 

*  Registre  des  sentences  interlocutoires  du  Conseil  de  Flandre. 
B,  1510-1513;  folio  52.  Archives  de  l'État  à  Gand. 


—  111)   — 

la  fin  du  mois  de  septembre.  La  tour  de  l'église,  qui  don- 
nait sur  la  rivière,  avait  déjà  été  démolie  dès  Tannée  1855. 

Peosper  Claeys. 


La  Fête  du  1'^''  vendémiaire.  —  La  Déesse  de  la 
Liberté.  —  Pendant  l'annexion  de  notre  pays  à  la  France, 
on  célébrait  tous  les  ans  le  V  vendémiaire  la  fête  anniver- 
saire de  la  fondation  de  la  république.  On  sait  que  le 
P''  vendémiaire  était  le  premier  jour  de  Tannée  d'après  le 
nouveau  calendrier  républicain.  Celui-ci  commença  à 
entrer  en  vigueur  le  22  septembre  1792  (P""  vendémiaire 
an  I*^""). 

A  chacune  de  ces  fêtes,  une  citoyenne,  choisie  par  le 
conseil  municipal,  représentait  la  déesse  de  la  Liberté.  Il 
en  était  de  même  pour  les  autres  solennités  de  ce  genre, 
dans  lesquelles  figuraient  des  citoyennes  personnifiant  la 
Raison,  la  Victoire,  le  Patriotisme,  etc. 

Lors  de  la  fête  du  P''  vendémiaire  an  VIII  (23  sep- 
tembre 1799),  la  jeune  personne,  chargée  de  représenter  la 
Liberté,  s'acquitta  si  bien  de  ses  fonctions  que  la  munici- 
palité décida  de  lui  faire  hommage  d'un  bijou,  dont  le  choix 
fut  laissé  au  bon  goût  du  conseiller  de  Brabander.  Cette 
décision  est  rapportée  de  la  manière  suivante  dans  le 
procès-verbal  de  la  séance  du  5  vendémiaire  : 

«  La  question  est  agitée  s'il  ne  conviendrait  pas  de  faire 
hommage  d'un  don  civique  à  la  citoyenne  qui  a  représenté 
la  Déesse  de  la  Liberté  à  la  dernière  fête  commémorative 
de  la  fondation  de  la  République. 

«  L'assemblée  résout  l'affirmative.  Le  principe  étant 
établi,  la  discussion  s'engage  sur  le  point  de  savoir  s'il 
fallait  faire  consister  ce  don  dans  une  certaine  somme 
d'argent  ou  dans  un  bijou  quelconque.  L'assemblée,  croiant 


—    120    — 

que  ce  serait  blesser  la  délicatesse  de  la  citoyenne  prémen- 
tionnée que  de  recourir  au  i)remier  genre  de  don,  arrête 
qu'il  lui  sera  fait  présent  d'un  bijou  de  la  valeur  de 
240  francs,  et  charge  le  citoyen  de  Brabander  de  son  accep- 
tation, du  choix  et  de  l'achat  de  ce  bijou  ». 

La  déesse  de  la  Liberté  fut  très  sensible  à  l'aimable 
attention  du  conseil  municipal,  et  accepta,  au  lieu  d'une 
somme  d'argent,  le  bijou  que  le  citoyen  de  Brabander  fut 
chargé  de  lui  remettre.  Cela  résulte  du  mandat  de  paiement 
de  la  somme  de  240  francs,  délivré  au  municipal  de  Bra- 
bandere  pour  payer  l'orfèvre  qui  avait  fourni  «  le  don 
civi(iue  ». 

Le  costume  de  la  déesse  coûta  270  francs.  A  cette  époque 
existaient  déjà,  même  à  Gand,  des  couturiers  pour  dames, 
car,  dans  les  pièces  comptables  de  l'an  VIII,  nous  avons 
trouvé  le  mandat  de  j)aiement  de  cette  somme  au  profit  du 
citoyen  Everaert,  tailleur  en  cette  commune,  «  en  acquitte- 
ment de  ce  qui  lui  est  dû.  pour  la  livraison  du  costume  de 
la  déesse  de  la  Liberté  ». 

Nous  ignorons  si  la  déesse  de  la  Liberté  eut  la  délicatesse 
de  restituer  spontanément  le  costume  emblématique  qu'elle 
avait  mis  le  1"  vendémiaire.  Nous  faisons  cette  observation, 
parce  que,  dans  une  autre  solennité  du  même  genre,  il 
fallut  recourir  à  l'intervention  du  commissaire  de  police 
pour  obliger  la  citoyenne  Marie  van  Passche,  qui  avait 
représenté  la  déesse  de  la  Victoire,  à  restituer  «  l'habille- 
ment dont  elle  a  été  ornée  »  lors  de  la  fête  de  la  Renais- 
sance et  de  la  Victoire  célébrée  le  10  prairial  an  IV 
(29  mai  1796)'.  Les  conseillers  municipaux  de  l'an  IV, 
moins  galants  que  leurs  successeurs  de  l'an  VIII,  avaient 
peut-être  négligé  de  remettre  «  un  don  civique  »  à  la 
citoyenne  Marie  van  Passche. 

<  Messager  des  sciences  historiques,  année  1894,  page  470. 


—     121     -^ 

I>e  président  du  Conseil  municipal,  le  citoyen  Jean- 
Louis  van  Melle ,  profita  de  l'occasion  pour  se  faire 
octroyer  un  nouveau  chapeau  à  plumes  qu'il  étrenna  à 
la  fête  du  premier  vendémiaire  an  VIII.  Dont  coût  pour 
la  ville  de  Gand ,  la  somme  de  fr.  98,65 ,  ainsi  qu'il 
résulte  du  mandat  de  paiement  délivré  le  5  vendémiaire 
au  chapelier  P.-J.  vande  Velde  «  en  acquittement  de 
ce  qui  lui  est  du  pour  la  fourniture  d'un  chapeau  avec 
le  panache  destiné  pour  le  président  de  cette  administra- 
tion » . 

La  fête  du  premier  vendémiaire  consistait,  comme 
toutes  les  solennités  officielles  de  cette  époque,  d'abord 
dans  le  cortège  obligé  conduisant  les  autorités  de  l'hôtel 
de  ville  au  temple  de  la  Loi  (église  de  Saint-Michel)  où 
l'on  chantait  des  hymnes  patriotiques  et  où  des  ora- 
teurs prononçaient  des  discours  «  analogues  à  la  circon- 
stance » . 

Dans  le  registre  des  délibérations  du  conseil  municipal 
de  l'an  VIII  se  trouve,  au  folio  1,  la  description  détaillée 
des  festivités  qui  eurent  lieu  le  P""  vendémiaire  de  cette 
année.  On  y  donne  la  liste  complète  de  toutes  les  autorités 
—  et  elles  étaient  nombreuses  —  qui  figurèrent  dans  le 
cortège.  Parmi  les  chars  il  nous  faut  citer  :  «  un  char  à 
l'antique  figurant  la  réunion  des  neuf  départements  à  la 
République;  autour  du  char,  des  grouppes  d'enfants 
portant  des  inscriptions  analogues  à  la  fête  » .  Jeux  popu- 
laires dans  différents  quartiers  de  la  ville,  entre  autres  à 
la  place  d'Armes  «  où  de  jeunes  citoyens  célébrèrent  le  jeu 
de  la  course  à  pied  »,  banquet  civique  à  l'hôtel  de  ville, 
exercices  militaires  par  les  troupes  de  la  garnison,  repré- 
sentation de  gala  au  grand  théâtre,  illumination  générale 
de  la  ville,  etc.  » 

L'obligation  de  participer  à  toutes  ces  fêtes  et  d'illu- 
miner les  façades  des  maisons  était  chaque  fois  rappelée 


—    122    — 

aux  citoyens  par  les  deux  articles  suivants  inscrits  dans 
tous  les  programmes  de  fêtes  : 

«  Il  est  enjoint,  sous  les  peines  de  simple  police,  à  tout 
citoyen  d'éclairer  la  façade  de  sa  maison  pendant  Tillu- 
miuation. 

«  Tous  les  citoyens  s'abstiendront,  sous  la  même  peine, 
d'étaler  des  marchandises  et  de  travailler  pendant  la 
journée.  » 

La  musique  des  hymnes  et  des  chants  de  circonstance, 
qu'on  exécutait  dans  le  temple  de  la  Loi,  étaient  ordinaire- 
ment de  la  composition  de  trois  artistes  gantois  :  Pierre 
Verheyen,  Ch.  Ots  et  Ch.  Hansseus.  Le  V  vendémiaire 
an  VIII  on  exécuta  un  chant  patriotique  intitulé  :  Préseyit 
des  Dieux,  Liberté  chérie,  musique  du  citoyen  Verheyen. 

Le  nombre  des  fêtes  dites  nationales  qu'on  célébrait 
chaque  année  à  Gand,  sous  la  république,  était  considé- 
rable. Il  faut  y  ajouter  les  fêtes  décadaires,  qui  avaient  lieu 
tous  les  dix  jours  et  auxquelles  l'autorité  donnait  égale- 
ment un  certain  cachet  de  solennité.  Toutes  ces  festivités, 
imposées  par  le  gouvernement  français,  (;oûtaient  gros  à 
la  caisse  communale,  et  constituaient  une  véritable  corvée 
pour  ceux  qui  devaient  y  participer;  aussi  leur  supi)ression 
sous  l'Empire,  ne  souleva-t-elle  aucune  protestation. 

Peosper  Claeys. 


Quelques  pièces  relatives  a  l'époque  de  Joseph  IL 
—  Le  règne  de  Joseph  II  en  Belgique  a  été  surtout  marqué 
par  le  mécontentement  que  provoquèrent  les  mesures  im- 
populaires de  l'empereur.  On  était  mécontent  de  tout, 
des  gouverneurs,  des  ministres,  des  fonctionnaires,  de  tous 
ceux  qui  de  près  ou  de  loin  tenaient  à  l'admininistration 


—     123    — 

et  étaient  suspects  de  favoriser  rexécution  de  la  volonté 
impériale. 

Ce  mécontentement  alla  sans  cesse  grandissant  jusqu'à 
ce  qu'il  fit  explosion  dans  la  malheureuse  campagne  qui 
s'appela  la  Révolution  brabançonne,  et  n'hésitait  pas  à  se 
manifester  de  grand  jour.  Les  brochures,  libelles,  publi- 
cations de  toute  espèce  qui  en  sont  l'expression,  sont 
extrêmement  nombreux.  Nous  avons  trouvé  les  pièces 
suivantes  dans  nos  archives  personnelles  et  nous  n'hésitons 
pas  à  les  publier,  non  que  nous  les  considérions  comme  des 
modèles  de  littérature,  mais  parce  que  nous  y  voyons  la 
tournure  d'esprit  de  l'époque. 

Avis  aux  États  de  Flandres. 

Protecteurs  de  nos  droits  nobles  Etats  de  Flandres 

prenez  garde  il  est  tems  l'on  cherche  à  vous  surprendre 

un  ministre  intriguant  avec  d'autres  médians 

trame  pendant  la  nuit  des  projets  allarmans 

méfiez  vous  aussi  des  décrets  de  Christine 

La  princesse  nous  fait  une  assez  bonne  mine 

et  tache  avec  douceur  d'amener  le  sommeil 

mais  garde  cliers  états  et  craignez  le  réveil. 

Le  décret  douceureux  qui  donne  surchéance 

est  un  décret  trompeur  et  farci  de  vengeance 

en  voulez-vous  l'épreuve  écoutez  la  voici 

le  noble  régiment  du  seigneur  Clairfayt 

en  garnison  à  Gand  depuis  nombre  d'années 

a  fait  hier  dans  la  nuit  par  secrettes  menées 

transporter  ses  drapeaux  de  la  garde  au  quartier 

pour  au  premier  signal  être  prêt  à  marcher 

de  plus  ce  qui  est  sur  doit  augmenter  l'alarme 

cette  nuit  la  même  il  faut  dessous  les  armes 

les  aversacs  au  dos  et  le  fusicq  chargé 

ou  pour  se  retirer  ou  pour  nous  écraser 


—    124     — 

ce  qui  se  fait  à  Gand  se  fait  cà  d'autres  places 
et  le  gouvernement  gâtant  ses  propres  grâces 
nous  prépare  la  guerre  au  millieu  de  la  paix 
en  berçant  les  états  par  de  jolis  décrets 
sachez  que  ces  décrets  extoniué  par  la  crainte 
ne  sont  que  faux  fians  et  que  d'insigne  feinte 
oui  peut  être  dans  peu  nous  seront  très  surpris 
de  voir  toute  une  armée  inonder  le  païs 
car  pendant  que  Christine  au  dehors  vous  caresse 
en  son  cœur  elle  atend  de  troupes  vengeresses 
qui  avides  du  vol,  du  meurtre  et  du  sang 
viendrons  pour  se  vautrer  dans  celui  des  flamands 
courage  donc  messieurs  redoublé  de  prudence 
écartez  du  païs  cette  étrange  engeance 
ayez  des  épions  au  milieu  de  la  cour 
tachez  de  pénétrer  dans  ces  obscurs  détours 
observé  constamment  ce  que  fait  notre  Sire 
s'il  ne  fait  point  marcher  de  bourreaux  par  l'empire 
ayez  des  yeux  ouverts  sur  monsieur  l'électeur 
qui  peut  de  son  côté  causer  de  grands  malheurs 
sachez  si  ce  seigneur  préparant  sa  vengeance 
ne  forme  par  chez  lui  des  magasins  immenses 
et  si  par  coup  fouré  les  troupes  de  Fribourg 
ne  peuvent  s'emparer  des  murs  de  Luxembourg 
prenez  donc  garde  à  vous  chers  états  de  Flandres 
songez  à  vous  unir,  songez  à  vous  défendre 
et  pour  mieux  résister  aux  efforts  du  tiran 
unissez  vous  bien  vite  aux  états  de  brabant 
aux  états  du  hainaut  et  des  autres  provinces 
pour  soutenir  nos  droits  contre  un  parjure  prince 
car  si  pour  nos  malheurs  il  peut  nous  désunir 
comme  il  sera  charmé  de  pouvoir  nous  punir 
alors  adieu  nos  loix,  adieu  nos  chères  tètes 
ces  bourreaux  de  tuer  ne  feront  qu'une  fête 


-     125     - 

Ainsi  pour  éviter  la  perte  du  païs 
observez  de  bien  près  Christine  et  son  mari 
et  tous  ces  mouvements  de  nos  troupes  internes 
pour  qu'il  ne  leur  arrive  aucun  renfort  externe 
et  Tempereur  forcé  de  garder  son  serment 
reviendra  bon  prince  en  place  d'un  tiran 
alors  vos  noms  chéris  étincelaus  de  gloire 
brillerons  pour  jamais  au  temple  de  mémoire 
et  vos  portraits  gravés  au  fond  de  tous  nos  cœurs 
seront  pour  le  païs  l'emblème  du  bonheur. 

Parturiunt  montes,  nascetur  ridiculus  mus. 

1. 

Groot  waert  gy,  Macedo,  om  in  de  kloeke  daden, 
groot  waert  gy,  Fabius,  ora  in  de  wyse  raeden, 
groot  noemt  m'u,  Constantin,  als  gy  Godts  kerk  herstelt, 
groot  men  u  Carel  noerat,  groot  noemt  men  menig  held. 

2. 
Waerom  is  Joseph  groot?  ist  om  de  Batavieren 
voor  wie  m'op  waegens  sag  d'onwindbaer  vlote  stieren? 
waerom  is  Joseph  groot  ?  ist  voor  zyn  ryksche  pand 
die  hy  verruijlen  wilt,  ist  voor  syn  nederland? 

3. 

Waerom  is  Joseph  groot?  is  het  om  de  Vestalen 
die  hy  met  zoet  gewelt  deed  uit  liun  cloosters  halen? 
waerom  is  Joseph  groot  ?  ist  om  Balthasards  roof, 
wiens  stappen  hy  volgt  naer,  tôt  smaed  van  ons  geloof ? 

4. 

Waerom  is  Joseph  groot  ?  ist  voor  syn  nieuwe  Avetten, 
waer  aen  sig  met  syn  bloed  sal  kragtig  tegen  setten 
den  ouden  helgen  leemo  die  voor  syn  vryheyd  vecht, 
en  noyt  verliesen  can  syn  megeboren  regtV 


—     126     — 

5. 

Neen,  neen,  maer  hy  is  groot^  by  loopt  naar  de  Tauriden, 
hy  loopt  Catharina  naer,  om  dat  s'hem  hulp  sou  bieden, 
jae  daerom  is  hy  groot,  siet  eens  syii  groote  daed, 
als  hy  voor  groote  Trin  met  synen  scepter  &taet  ! 

Le  vrai  Patriotte. 

Pourquoi  chers  Brabançons,  pourquoi  ces  alégresses 

je  vois  couUer  partout,  des  larmes  de  tendresse 

c'est  une  signée  donné,  par  notre  gouvernante 

à  telle  donc  le  pouvoir,  d'être  si  dominante 

d'assurer  que  Joseph  malgré  ses  deux  diplômes 

consentira  en  tout,  il  n'est  donc  plus  cet  homme 

qui  brise  nos  remparts,  renversoit  tous  nos  loix 

supprimoit  les  couvents,  de  l'église  ses  droits 

Christine  passez  huit  jours,  vous  avoit  fait  connoitre 

que  ces  diplômes  enfin,  permi  de  votre  maître 

nous  doutions  sur  ce  point,  nos  esprits  en  suspends 

troublait  tout  le  Brabant  par  ce  subtil  encens 

Le  masque  est  donc  levé,  Joseph  il  n'est  plus  tems 

Le  lion  ne  dort  plus,  il  attaque  son  tiran 

il  ne  connoit  en  toi,  qu'un  trompeur,  un  faussaire 

ou  sont  donc  les  leçons  de  ton  illustre  mère 

ne  croit  pas  de  calmer,  par  des  faux  superfuges 

tous  l'univers  entier  est  aujourd'hui  ton  juge 

reçoit  donc  la  sentence  le  coup  est  décidé 

qui  manque  à  son  serment  est  indigne  de  régner 

ton  plan  est  découvert,  donne  à  ton  ministre 

de  subjuger  partout  même  par  des  vers  sinistres 

si  le  Brabant  s'oppose,  soit  russe,  italien 

que  Luxembourg  me  reste,  tu  suivra  mes  desseins 

sous  un  dehors  flateur  tu  les  auroit  trompé 

n'importe  par  quel  fait  pour  vous  subjuger 


—     127    — 

les  projets  sont  manques  grâce  à  la  providence 

les  traîtres  sont  connus,  il  s'agit  de  prudence 

chaque  noble  brabançon  est  un  héros  pour  nous 

s'il  faut  le  secourir  nous  le  suivrons  ])artout 

renonce  donc  Joseph,  renonce  à  ce  pays 

les  nobles,  les  bourgeois,  tous  sont  vos  ennemis 

c'est  votre  plan  Joseph,  jadis  à  vous  fidelle 

si  vous  vous  obstinez,  nous  vous  seront  rebelles 

Deux  cent  mille  homme,  ce  sont  autant  des  mouches 

nous  le  feront  parler  sans  canon  ni  cartouches 

nos  alliez  sont  surs,  nos  cœurs  sont  nos  remparts 

nos  droits,  notre  union,  tous  nous  sert  de  boulevard 

prenez  un  bon  conseil  avant  que  d'entreprendre 

laisse  nous  la  Christine,  Brabant  et  Hainaut 

Luxembourg,  Gand,  Namur,  c'est  tout  ce  qu'il  nous  faut, 

c'est  à  toi  Christine  que  les  peuples  s'adressent 

il  vous  consacre  tout  n'ayez  point  de  faiblesse 

vous  êtes  brabançonne  et  Casimir  aussi 

défendez  le  Brabant  et  tous  des  beaux  pays 

nos  coeurs  sont  tous  soumis  tous  le  peuple  et  soldat 

ne  craigner  rien  Christine  vous  approchez  du  tems 

vous  serez  couronné  duchesse  de  Brabant. 


Bruxelles,  9  mai  1785. 

Nous  capons  du  rivage  assemblés  dans  notre  Conseil  de 
première  instance,  nouvellement  établi  par  l'extravaguant 
Martini,  ayant  examiné  les  infractions  faites  à  la  joieuse 
entrée  et  autres  droits  et  privilèges  des  Pays-Bas,  ayant  de 
plus  examiné  les  informations  prises  par  notre  conseiller 
fiscal  :  Item  la  requête  par  lui  présentée  et  autres  pièces 
produites,  le  tout  bien,  et  duement  considéré  avons  résolu 
de  pardonner  à  Marie  Christine,  en  faveur  des  bonnes 
qualités  dont  étoit  doué  sa  respectable  mère  l'impératrice 


—    128    — 

de  heureuse  mémoire  ;  à  A  Ibert  Casimir,  pour  ses  bonnes 
qualités  personnelles  et  parce  (]ue  s'il  pouvoit  régner  seul, 
il  seroit  un  second  Prince  Charles. 

Nous  avons  condamné  comme  nous  condamnons  par  cette 
le  Ministre  Belgiojoso,  à  être  conduit  tout  nus  par  le  maître 
des  hautes  œuvres  par  les  principales  rues  de  Bruxelles  : 
telles  que  la  rue  aux  Chevaux,  celle  aux  fleurs  et  d'Argent, 
pour  être  à  chaque  coin  des  dites  rues  foueté,  et  arrosé  de 
l'urine  de  toutes  ses  coquines. 

Le  chancelier  Crumpipen  sera  pendu  k  une  potence,  et 
le  boureau  lui  tirera  sa  mauvaise  crombe  jambe  tant  qu'elle 
sera  droite. 

Le  conseiller  De  Reus,  le  secrétaire  d'État  et  son  adjoint 
seront  traités  avec  douceur,  on  les  pendra  à  une  potence 
sous  les  aisselles,  mais  on  les  enduira  entièrement  de  miel, 
et  on  placera  quatre  ruches  sous  leurs  pieds. 

Leclerc,  Dufour  et  Feltz,  nous  les  abandonnons  aux  reli- 
gieux et  religieuses  supprimés,  pour  être-traités  selon  leur 
volonté. 

Rohiano  et  Vanvelde  seront  placés  sur  un  autel,  pour  y 
être  honorés  des  faux  saints. 

On  pardonnera  à  Bartenstein  en  faveur  de  sa  grande 
jeunesse,  et  a  condition  que,  quand  il  aura  assez  d'expé- 
rience pour  se  juger  lui-même,  il  pourra  se  présenter  pour 
juger  les  autres. 

Vous  Vingénieur  De  Brou,  grand  bavard  et  'petit  génie, 
ainsi  que  son  frère  V avocat  qui  fait  aussi  tout  par  la  langue 
et  rien  sur  le  papier,  qui  n'étoit  pas  consulté  même  pour 
un  chat;  l'on  vous  a  jugé  par  grâce  spéciale  à  la  galère  pour 
dix  ans,  après  avoir  été  fouetés  et  marqués  de  la  potence 
sur  le  dos  par  les  mains  du  bourreau  ;  le  terme  fini  vous 
recommencerez  les  études  pour  essaier  s'il  est  possible  de 
vous  donner  tous  deux  une  autre  éducation  et  en  cas  de  non 
réussite,  et  que  vous  tombiez  dans  les  mêmes  défauts,  vous 
tirerez  les  batteaux  jusqu'à  mort  s'ensuit. 


—    129    — 

Vexcommis  Dclplanccj  sera  pendue  à  la  porte  de  la 
maison  des  commis  de  la  porte  de  Louvain,  et  le  bossu  de 
Limpens  foueté  et  marqué. 

Quant  à  Martini,  nous  le  condamnons  à  avoir  le  sens 
commun,  c'est-à-dire  à  connoitre  le  génie,  les  mœurs,  loix 
et  coutumes  d'une  nation,  avant  (\ue  d'aviser  de  vouloir  y 
porter  la  réforme. 

Le  gros  bœuf  de  Locquenghien  lâche  par  caractère  et 
traître  par  intérêt,  pour  lui  rafraîchir  le  corps  et  la  mé- 
moire, qu'un  de  ces  ancêtres  eu  part  à  la  constitution  fon- 
damentale du  païs,  qui  s'étend  jusqu'à  l'Écluse  près  de 
l'Escaut,  et  sera  attaché  (la  tête  à  fleur  d'eau)  à  la  poupe 
d'un  batteau  d'excremens  qui  depuis  le  bassin  de  Boue 
cottoyera  jusques  aux  contins  de  notre  juridiction  où  on 
l'abandonnera  aux  flux  de  l'Escaut,  lui  interdisant  d'en 
atteindre  les  rives  d'où  nous  le  bannissons  à  perpétuité. 

Nous  condamnons  tous  les  susdits  ])ersonnages  dans  les 
frais  de  notre  justice. 

Nous  ne  confisquons  pas  leurs  biens,  parce  que  tous 
ensemble  ils  ne  possèdent  pas  un  pouce  de  terre. 

Ainsi  fait  et  donné  en  notre  plein  conseil  ordinaire  le 
9  mai  1787  de  notre  règne  ISS'^  étoit  paraphé  Swarten 
Adam  v"  (signé)  Lamraen  igno,  contresigné  :  Thone  Vlugge 
et  muni  du  cachet  ordinaire  du  conseil,  doré  de  sucre. 


Passion,   Mort,    et    Résurrection    du    Souverain    Conseil   de 

Brabant. 

Le  ministre  Belgiojoso  à  Quid  vultis  mihi  dare  et 

S.  M.  l'Empereur.  ego  vobis  illum  tradam? 

Le  chancelier  Crumpipen  Etiamsi     oportuerit     me 

lorsqu'il  fit  son  serment  en  mori  tecum,  non  te  negabo. 
sa  dite  qualité. 

Le  Souverain  Conseil   de  Tristis    est    anima    mea 


130    — 


Brabant  implorant  le  secours 
des  3  états. 

Le  peuple  de  Brabaut  à 
Tamnian  de  Berg,  les  deux 
Crumpipen,  les  deux  Aguil- 
lards,  deReus,  et  le  ministre. 

Les  devits  répondent  à 
ces  derniers  qui  demandent 
s'ils  protestent  ensemble  avec 
les  trois  états  dont  ils  sont 
membres. 

L.  A.  R.  voulant  satisfaire 
à  la  demande  des  trois  États 
disent  au  Ministre. 

Le  ministre  de  Rcus,  les 
Crumpipen,  les  Aiguillards, 
de  Berg,  s'écrient  à  cette 
proposition. 

Le  Ministre  croiant  déjà 
évanouis  ses  projets,  dit  <à 
son  conseil,  les  capitaines 
de  Cercle  la  nuit  du  27  au 
28  avril  1787. 

Monsieur  de  Martini  se 
lavant  les  mains  dit. 

Le  {procureur  général  du 
conseil  du  Brabant  Lannoy 
s'écriant  avec  joie  ainsi  que 
le  peuple. 


usque  ad  mortem,  sustinete 
hic  et  vigilate  mecum. 

Vœ  autem  liomini  illi  per- 
queum  filius  tradetur,  bonum 
erat  illi  si  non  natus  fuisset 
liomo  ille. 

Neque  scio,  neque  novi 
quœ  dicas. 


Quid  enim  malefecit  ille? 
nuUan  causani  mortis  in- 
venio  in  eo,  corripiam  illum 
et  dimittam. 

Si  hune  dimittis  non  ersi 
amicus  Csesaris,  toile  cruci- 
fige  eum  non  habemus  regem 
nisi  Csesarem. 

Omnes  vos  scandai um  pa- 
tiemini  in  me  in  ista  nocte, 
scriptum  est  enim  percutiam 
pastorem  et  dispergentur 
oves  gregis. 

Linocem  ego  sum  a  san- 
guine justi  hujus  vos  vide- 
ritis. 

Ressurexit  sicut  dixit 
alléluia. 


Courage  brabançons,  courage  peuple  belgique 
bannissez  loin  de  vous  tout  pouvoir  tyrannique 


—     131     — 

bannissez-en  l'auteur,  l'exécrable  Leclcrc 

et  Lepaillarcl  cruel  :  agissez  de  concert 

puis  vous  ferez  partir  Le  Grand  traître  boiteux 

et  l'hypocrite  de  Robe  (v.  d.  Velde)avec  son  confrère  gueux 

[(Robiano). 
N'oubliez  pas  surtout  de  bannir  un  Debroux 

qui  a  toujours  agi  comme  le  plus  grand  des  foux 

sous  l'apui  du  paillard  voulant  parler  des  loix 

remplis  d'injustice,  contraires  à  nos  droits. 

Je  vous  plains  pauvre  conseil  de  Brabant 
Vous  avez  eu  un  mauvais  père  et  de  bons  enfans 

ne  craignez  rien 

un  bon  tuteur  vous  soutient. 

Pauvre  Belgiojoso,  l'Etat  de  Brabant  vous  chassera  avec 

[vos  grisettes 
et  l'Empereur  ton  maître  t'enverra  bientôt  à  la  brouette. 

Par  permission  du  Capitaine  du  Cercle  de  Bruxelles. 

Les  30  3/^  </2  de  toujours  braves  fanfoechinî  a  cheval  commandés  par 
le  général  Jaco,  cotnte  d'Arberg  cuisinier  et  pâtissier  de  la  Cour  de 
L.  A.  R.  donneront  pour  l'ouverture  de  leur  théâtre  le  P'^  du  mois 
de  may 

LA  BRILLANTE  CAMPAGNE  DE  LOUVAIN 

SUIVIE    DE 

LA    CHUTE    D'UN    ARDENNOIS    ET    CONSORS 
Cette  pièce  sera  terminée  par  un  grand  Ballet 

INTITULÉ    : 

LE    DÉLOGEMENT    DU    BOITEUX    DÉGRADÉ. 

La  livrée  entrera  sans  payer 
C'est  au  grand  théâtre  du  Parc. 


—     132    — 

Où  est  ce  monarque  avec  ses  vastes  dessins 
qui  n'a  pu  faire  raser  la  barbe  aux  caj^ucins? 

La  pipe  '  réduite  en  cendres  ^ 
L'éclair  '  a  perdu  son  éclat  ! 
il  ne  reste  plus  qu'une  planche  *  à  fendre 
un  sot  médecin  ^  à  suspendre 
Le  païs  refleurira. 

Réponce  a  l'orate  fratres  des  employés  de  la  jointe  ecclésiastique. 

Suscipiat  imperator  ecclesiastica  spolia  de  manibus  nostris 
ad  augmentum  thesauri  sni,  ad  utilitatem  quoque  nostram 
totiusque  familial  indigentis. 

Dans  la  ville  de  Gand,  trois  monstres  trop  connus 
des  ordres  d'un  barbare  eslaves  assidus, 
Maroux  est  le  premier  ministre  des  grands  crimes 
intendant  d'un  tyran,  qui  nous  fait  ses  victimes 
D'Hoop  en  est  le  second  sous  sa  mine  en  repos 
cache  sous  un  air  modeste  un  cœur  double  et  faux 
sourd  aux  maux  du  pays  et  soumis  à  son  maître 
D'Hoop  trahit  la  province  et  c'est  sans  le  paraître 
Marloop  dans  ses  vieux  jours  de  la  froide  saison 
en  est  le  troisième  monstre  armé  de  trahison. 
Gantois  armez  vos  bras  et  sans  plus  vous  résoudre 
il  est  tems  d'enterrer  ces  monstres  sous  la  foudre 
quiconque  assome  un  d'eux  est  sur  d'être  héros 
le  vengeur  du  publicq  et  l'auteur  du  repos. 


1  Crumpipen. 

2  Van  Assche. 
^  Leclaire. 

*  Delplancq. 

3  Burtin. 


133 


LES  COMÉDIENS  IMPÉRIAUX 

auront  l'honneur  de  donner  le  23  may  1787 
L'EMPEREUR  PARJURE 
tragédie  allemande  en  plusieurs  actes  dans  laquelle  les 
principaux  rolles  seront  joués  par  le  célèbre  Belgiojoso,  le 
subtil  Crumpipen,  le  rusé  Reusse,  le  faux  Marloop,  le 
contrefaiseur  Dhoop  et  le  joli  Maroux  :  ce  dernier  remplira 
le  rôle  de  Tenfant  innocent  et  téméraire. 

Cette  pièce  sera  suivie  par  la  Bataille  du  peuple,  opéra 
tragicomique  de  l'immortel  d'Arembergh. 

Dans  cette  pièce  les  acteurs  prudents  seront  immolés 
comme  les  victimes  pour  le  bien  de  la  patrie,  excepté  l'en- 
fant innocent  qui,  à  cause  de  sa  jeunesse,  assis  dans  une 
chaise  percée,  le  bourlet  sur  la  tête  et  le  joujou  à  la  main, 
sera  exposé  aux  yeux  du  peuple  pour  l'exciter  à  la  pitié. 


Nederlandsche  Vader-Ons  geadresseert  aan   de  K.  door  de  supp. 
K.   R.  van  de  Nederlanden. 

Joseph  gij  waert  onsen  heere 
maer  het  schijnt,  en  gij  sijt 

[meer     Onsen  vader 
maekt  dat  gij  den  heere  vreest 

heijlig  schepper  heijliggeest     die  in  de  hemelen  sijt 
dat  het  cristelijk  verbond 
iiijtgesproken  uijt  den  mond     gheheijligt  zij 
onderhoud  het  krachtelijk 
soo  maekt  gij    ousterfit'elijk     uwen  naeme 
toont  ons  uwe  bermhertig- 

[heijt 
en  dat  uwe  gerechtigheijt.  .      ons  toekome 
dat  wij  biddeii  vroech  en  laet 
op  dat  niet  ten  onder  gaet.  .      uw  Rijk 
is  er  dan  geen  gratie  meer 
dat  als  nu  van  desen  Heer.  .     uwen  wille  geschieden 


—     134    — 

cVonderdaenen  groot  en  kl  eij  n 
moeten  uw  gehoorsaem  sijn     op  de  aerde 
maerten  gaet  op  d'aerde  niet 
gelijk  eeniederwel  siet  .  .  .     als  in  deu  hemel 
het  gonne  wij   liel)l)en   ge- 

[spaert 
en  met  sorgvuldigheyt  be- 

[waert    geeft  ons  heden 
door  uw  toedoen  nu  ontblood 
vraegen  wij  in  dezen  nood.  .     ons  dagelijks  brood 
wilt  ons  in  uw  genade  ontfaen 
hcbben  wij  ergens  misdaen     vergeeft  ons 
waerom  brengt  gij  ons  in  pijn 
gij  weet  wel  dat  het  niet  sijn     onse  scliulden 
voor  denbeelen  Keijsersraed 
wordt  er  niemand  meei'  ver- 

[smaed     gelijk  wij 
hierbij    sijn    wij    nog  meer 
[verstroyt 
k'vrees  den  heere  sal  u  nooyt    vergeeven 
wij   en  hebben  sclioon  ont- 

[blood 
nog  gelaeten  in  den  nood.  .     onse  schuldenaeren 
daerom  in  de  slaevernij 

nog  in  Satans  heerscliappij     en  leijd  ons  niet 
want  de  werelt  altijd  malt 
waerdoor  men  gedurig  valt    in  bekorijnge 
van  den  onrust  en  verdriet 
waer  in  gij,  ons  heden  siet.  .     verlost  ons 
schoon    den   philosoph   uw 

[vleijd 
siet  dat  gij  niet  wordt  verleijt    van  den  quaden. 
opdat  gij  door  uwe  deugd 
het  hemelrijk  genieten  meugt    Amen. 


—    135    — 

Horum  omnium  fortissimi  sunt  Belgœ. 

Ellendig  Vaderland  !  wat  tijd  sien  wij  erleven  ! 
Philip  is  op  (len  troon,  hij  wilt  de  wetten  geven 
door  lieel  sijn  rijk  gemeijn  :  al  op  de  aard  verdeelt 
al  op  verscbeijde  land  de  selve  vruchten  teelt  ! 

Ellendig  Vaderland  !  duc  d'Alb  sien  wij  erleven 
die  door  sijn  dwinglandij  ons  Nederland  deed  beven 
en  uwe  vrijbeid  nam  waer  in  gij  waert  gegrond 
door  wedersijdscbe  trauw,  door  t'heijligste  verbond. 
Ellendig  Vaderland!  suit  gij  nog  langer  swijgen? 
beweegt  u  niet  den  druck,  de  rampen  die  u  drijgen? 
geen  voorrecbt  belpt  u  meer,  men  breekt  den  grooten  band 
die  onverbreeklijk  was,  des  vaders  van  het  land. 

Manaftig  Vaderland!  waer  sijn  uw  vrome  daden? 
waer  is  uw  helden  hert?  waer  sijn  uw  wijse  raden? 
schept  moet,  neenit  wapens  op,  schept  moet  bet  is  nu  tijd, 
trekt  aen  den  ouden  scbilt,  toont  dat  gij  Belgen  sijt  ! 

Manaftig  Vaderland  !  ten  is  nog  niet  verloren 
wij  hebben  d'asschen  nog,  den  fœnix  is  erboren 
daer  sijn  nog  edellien,  die  voor  u  vrijheijd  staen 
daer  sijn  nog  brederoôs,  die  bij  Margreta  gaen. 

Manaftig  Vaderland  !  bet  bloed  komt  weer  geschoten 

in  onse  adren,  dat  eertijds  is  vergoten 

voor  u  ô  Nederland  !  tis  weer  voor  u  bereijd 

de  aerde  te  besproen,  met  d'oude  dapperheijd  ', 

E.  V. 


Première  lithographie  a  Gand.  —  Tout  récemment 
M.  Henri  Bouchot  a  donné  Thistoire  de  la  lithographie. 

1  Extrait  d'archives  personnelles. 


—     13G     — 

Nous  avons  parlé,  sup^-a  1895,  p.  273,  de  ce  volume  intéres- 
sant de  la  Bibliothèque  de  Venseigne^nent  des  Beaux -Arts, 
et  avons  exprimé  un  regret  au  sujet  de  son  insuffisance 
pour  la  Belgique.  Voici  pour  Gand  un  renseignement  bien 
précis  et  curieux  :«  Les  vrais  incunables  de  la  lithographie, 
dit  M.  Bouchot,  s'arrêtent  au  moment  précis  oii  cet  art, 
reconnu  et  lancé,  devient  courant,  c'est  à  dire  au  commen- 
cement de  l'année  1817...  »  A  la  même  date  précisément 
nous  trouvons  parmi  la  correspondance  reçue  par  la 
Société  des  Beaux- Arts  de  Gand,  la  lettre  suivante  : 

«  Messieurs,  j'ai  l'honneur  de  déposer  à  la  Société  royale 
des  Beaux-Arts  et  de  Littérature  de  Gand  un  exemplaire 
lithographie,  qui  est  aussi  un  de  mes  premiers  essais 
dans  ce  genre  et  le  premier  qui  se  soit  publié  dans  cette 
ville.  Je  vous  prie,  Messieurs,  vouloir  accueillir  avec  bonté 
ce  faible  gage  de  ma  grande  reconnaissance,  et  de  mon  ad- 
miration pour  tant  de  vertus  que  vous  exercez  si  géné- 
reusement envers  les  Artistes  étrangers,  les  accueillant 
parmi  vous,  leur  offrant  une  hospitalité  consolante. 

«  Messieurs,  j'ai  l'honneur  d'être  avec  le  plus  profond 
respect  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

«  Candido  d'Almeida. 
«  Gand,  30  août  1817.  » 

La  pièce  jointe  n'est  qu'un  fac-similé  d'une  page  in-8", 
d'un  document  du  XVP siècle,  avec  la  mention  :  d'Almeida 
Lithog.,  Gand  1  aug.  1817. 

A  la  même  date  paraissait  la  première  partie  du  tome  \" 
àe^  Annales  belgiques  des  Sciences,  Arts  et  Littérature,  dont 
le  fondateur  était  le  même  d'Almeida,  et  qui  contenait 
deux  planches  lithographiées  par  lui.  M.  Vander  Haeghen 
donne  sur  l'auteur  les  renseignements  suivants  dans  sa 
Bibliographie  gantoise,  V.  p.  20  : 

«  Candido  d'Almeida  y  Sandoval,  comte  portugais, 
écuyer  de  Charles  VI,  roi  d'Espagne...  devint  rédacteur 


—     137    — 

du  Journal  de  la  Flandre  occidentale,  à  Bruges.  Il  quitta 
Bruges  au  commencement  de  mars  1820,  à  la  suite  d'une 
condamnation  à  500  florins  d'amende  pour  avoir  outragé 
le  roi  d'Esi)agne  dans  un  article  publié  dans  son  journal.  » 
Les  premiers  essais  de  lithographie  d'Almeida  ont  du 
reste  peu  de  mérite  ;  mais  les  progrès  de  cet  art  devaient 
être  rapides,  comme  le  prouvent  les  lithographies  de 
Kierdorff,  dont  on  a  un  bon  spécimen  dans  le  portrait 
é(iuestre  de  Kiekepoost  en  tête  du  livre  :  «  Deyi  ontiverp- 
maeker  van  Oost-  Vlaenderen,  ofte  kasteelen  in  Spagyiien  » 
(Gand,  1824).  D. 


Bourse  des  pauvres  a  Bruges  au  XVP  siècle.  — 
Dans  des  Notes  et  documents  pour  servir  à  la  biographie 
de  Josse  de  Damhoicder,  qu'il  vient  de  publier  dans  les 
Annales  de  la  Société  d'Emulation,  M.  L.  Gilliodts-Van 
Severen  parle  de  cette  réforme  de  la  charité  publique  (jui 
fut,  au  XVIe  siècle,  la  préoccupation  des  administrateurs 
de  toutes  nos  grandes  villes,  et  dont  l'initiative  appartint 
selon  les  uns  à  Lille  {Messager  des  Sciences,  1895,  p.  348) 
et  selon  d'autres  à  Ypres. 

Le  compte  de  la  ville  de  Bruges  de  1525-1526  apprend 
que  le  Magistrat  fit  don  d'une  coupe  en  argent  à  l'espagnol 
Louis  Vives,  qui  avait  longtemps  résidé  dans  cette  ville, 
pour  son  ouvrage  de  Subventione  pauperum,  et  qu'il  paya 
une  somme  de  deux  livres,  douze  escalins,  quatre  deniers 
de  gros,  pour  le  faire  traduire  et  imprimer.  Le  jurisconsulte 
brugeois  J.  Curtius,  dans  la  préface  de  son  livre  sur  les 
Conjectures  de  droit  civil  (inséré  dans  le  Thésaurus  Juris 
romani  d'Otton),  nous  dit  la  grande  admiration  que  L. Vives 
inspirait,  et  l'influence  qu'il  eut  sur  ceux  qui  jouirent  de 
son  intimité  :  Memini  Lud.  Vivem,  Hispani  gêner is,  sed 
uxore  hic  ducta,  sapientiae  et  ceterarum  bonarum  artium 


—     138     — 

clarissimum,  cum  illum  jam  seniorem  adolescentulus  see- 
tarer,  facundia  viri  et  sermonis  dulcedine  adductus,  qua 
ille  non  minore  auctoritate  quam  fama  quicquid  hic  erat 
doctorum,  admiratione  sut  circumagehat...  Et  il  rappelle 
les  promenades  qu'il  faisait  en  compagnie  du  grand  homme, 
encore  supérieur,  dit-il,  dans  les  entretiens  à  ce  qu'il  était 
dans  ses  écrits. 

Tandis  quT|)res  mit  en  vigueur,  eu  1531,  un  règlement 
qui  fut  publié  sous  le  titre  de  :  Forma  siibventionis  Pau- 
perum,  et  réalisait  les  idées  de  Vives,  et  qu'à  Gand  la 
Chambre  des  Pauvres  fut  instituée  en  1534,  à  Bruges  une 
ordonnance  du  Magistrat,  insérée  dans  le  registre  des  Hcd- 
legeboden  du  18  juillet  de  la  même  année  1534,  dispose 
qu'en  conformité  des  Placards  de  Sa  Majesté  il  est  défendu 
de  demander  l'aumône  dans  les  rues,  places  publiques, 
églises  ou  cimetières,  sans  avoir  un  permis  des  échevins  ou 
commis  des  pauvres  (commisen  van  den  aermen)  de  la 
paroisse,  et  en  dehors  de  midi  à  deux  heures,  sous  peine 
de  fustigation,  pilori,  ou  autrement,  à  la  discrétion  des 
échevins,  à  l'exception  des  pèlerins  et  voyageurs  étrangers 
(toandelaers)  et  sauf  encore  les  lépreux  de  la  Madelaine, 
les  fous,  les  enfants  trouvés,  et  ceux  de  l'école  pauvre... 

«  De  C«ette  épocjue  date  sans  doute,  dit  M.  Gilliodts,  la 
création  de  la  bourse  des  pauvres,  et  nous  avons  lieu  de 
soupçonner  que  notre  conseiller  pensionnaire  (de  Dam- 
houder)  ne  fut  pas  étranger  à  cette  installation.  Un  texte 
nous  apprend  que  le  18  août  1538  son  traitement  de  six 
livres  de  gros  fut  porté  au  double  en  considération  des 
bons  services  qu'il  avait  rendus  comme  chargé  de  l'ad- 
ministration de  la  généralité  des  pauvres  :  concernerende 
den  ghemeenen  aermen  deser  stede.  »  I-orsqu'en  1552,  la 
reine  Marie,  Gouvernante  des  Pays-Bas,  l'appela  au  Conseil 
des  Finances,  il  recommanda  chaudement,  pour  lui  suc- 
céder dans  la   place  de  Pensionnaire  de  la  ville,  Gilles 


—     139    — 

Wyts,  qui  fut  nommé  et  qui,  à  la  suite  du  règlement  de 
Bruges  de  15G2  sur  la  suppression  de  la  mendicité,  prit  la 
défense  de  cette  réforme  dans  son  écrit  :  De  continendis  et 
alendis  domi  pauperibus  et  in  ordinem  redigendis  validis 
mendicantibus .  D. 


Encore  la  correspondance  de  Napoléon  P^  —  Le 
Messager  des  Sciences  en  signalait  quelques  lacunes  en 
1895  (p.  160  et  266).  Nous  y  faisons  aujourd'hui  un  em- 
prunt. 

M.  Aulard  a  publié  dans  la  Revue  de  Paris,  un  article 
des  plus  curieux  sur  le  18  Brumaire.  Il  paraît  que  Beyts, 
alors  député  de  la  Lys,  le  même  qui  dans  sa  vieillesse 
siégea  au  Congrès  national  de  Belgique,  exprima  dans  une 
lettre  qui  n'a  pas  été  conservée,  quelque  désapprobation 
de  la  violence  faite  à  l'assemblée  nationale. 

Voici  en  quels  termes  Napoléon  lui  répondit  {Corr.,  VI, 
p.  14)  : 

«  Je  reçois,  citoyen,  votre  lettre  du  27  brumaire.  Pour- 
quoi vous  êtes-vous  trouvé  froissé  dans  une  journée  dont 
les  résultats  sont  tous  à  l'avantage  de  l'ordre,  de  la  liberté 
et  des  lumières? 

«  Mais  enfin  les  premiers  moments  sont  passés  et  je  ne 
doute  pas  que  vous  ne  vous  empressiez  <ie  reprendre  le  rôle 
qui  convient  à  un  savant  distingué,  qui  doit  être  étranger 
à  tout  esprit  de  coterie,  car  la  raison  publique  n'en  admet 
aucun... 

«  Je  me  souviens  d'avoir  lu  un  fort  bon  rapport  pour  la 
ratification  du  traité  de  Campo  Formio  qui  fixa  à  jamais 
les  destinées  de  la  Belgique  votre  patrie... 

«  Ralliez-vous  tous  à  la  masse  du  peuple.  Le  simple 
titre  du  citoyen  français  vaut  bien,  sans  doute,  celui  de 
royaliste,  declichyen,  de  jacobin,  de  feuillant,  et  ces  mille 


—    140    — 

et  une  dénominations  qu'enfante  l'esprit  de  faction  et  qui, 
depuis  dix  ans,  tendent  à  précipiter  la  nation  dans  un 
abîme  d'où  il  est  temps  enfin  qu'elle  soit  tirée  pour  tou- 
jours. » 

Beyts  devint,  peu  de  temps  après,  préfet  de  Loir  et  Cher, 
et  sous  l'Empire  premier  président  de  la  Cour  impériale  de 
Bruxelles. 

Voici  une  autre  lettre  non  moins  intéressante. 

h2i,Philobiblon Society,  qui  eut  comme  secrétaire  M. Octave 
Delepierre,  consul  de  Belgique  à  Londres,  publiait  tous  les 
ans  un  recueil  de  Miscellanées. 

Dans  le  tome  VII,  paru  en  18G2,  figure  une  lettre  de 
Napoléon  l*""  qui  vaut  la  peine  d'être  reproduite.  Elle  date 
de  1805.  Bonaparte  venait  de  prendre  le  titre  d'empereur. 
Il  écrit  à  sa  mère.  Madame  Letitia  : 

«  Madame,  M.  Jérôme  Bonaparte  est  arrivé  à  Lisbonne 
avec  la  femme  avec  laquelle  il  vit.  J'ai  fait  donner  l'ordre 
à  cet  enfant  prodigue  de  se  rendre  à  Milan,  en  passant  par 
Perpignan,  Toulouse,  Grenoble  et  Turin.  Je  lui  ait  fait 
coniuxître  que  s'il  s'éloignait  de  cette  route,  il  serait  arrêté. 
M""  Paterson,  qui  vit  avec  lui,  a  pris  la  précaution  de  se 
faire  accompagner  par  son  frère.  J'ai  donné  l'ordre  qu'elle 
soit  renvoyée  en  Amérique.  Si  elle  se  soustrayait  aux  ordres 
que  j'ai  donnés  et  qu'elle  vînt  à  Bordeaux  ou  à  Paris,  elle 
sera  reconduite  à  Amsterdam  pour  y  être  embar(]uée  par  le 
premier  vaisseau  américain.  Je  traiterai  ce  jeune  homme 
sévèrement,  si  dans  la  seule  entrevue  que  je  lui  accorderai, 
il  ne  se  montre  pas  digne  du  nom  qu'il  porte,  s'il  persiste 
à  vouloir  continuer  sa  liaison,  s'il  n'est  point  disposé  à 
laver  le  déshonneur  qu'il  a  imprimé  à  mon  nom  en  aban- 
donnant ses  drapeaux  et  son  i)avillon  pour  une  misérable 
femme,  je  l'abandonnerai  à  jamais,  et  peut-être  ferai-je 
un  exemple  qui  apprenne  aux  jeunes  militaires  à  quel  point 
leurs  devoirs  sont  sacrés,  etl'énormité  du  crime  qu'ils  com- 


—    141     — 

mettent  lorsqu'ils  abandonnent  leurs  drapeaux  pour  une 
femme.  Dans  la  supposition  qu'il  se  rende  à  Milan,  écrivez- 
lui,  dites-lui  que  j'ai  été  pour  lui  un  père,  que  ses  devoirs 
envers  moi  sont  sacrés  et  qu'il  ne  lui  reste  plus  d'autre 
salut,  que  de  suivre  mon  instruction.  Parlez  à  ses  sœurs, 
pour  qu'elles  lui  écrivent  aussi,  car  quand  j'aurai  prononcé 
sa  sentence,  je  serai  inflexible  et  sa  vie   sera  flétrie  à 

jamais, 

«  Votre  bien  affectionné  fils 

«  Napoléon. 
«  Au  château  de  Stupenis,  le  2  floréal  an  13.  » 


Hugo  Grotius.  —  Au  sujet  de  Y Inleidinge  tôt  de  Hol- 
landsche  rechtsgeleerdheid  de  H.  Grotius,  dont  il  a  été 
question  dans  le  Messager  des  sciences,  1895,  p.  351,  un 
savant  professeur  nous  écrit  :  «  ....Avez-vous  songé  à 
ceci  :  l'une  des  causes  de  la  réimpression  doit  être  le  fait 
que  V Inleidinge  a  véritablement  force  de  loi  :  1"  dans  le 
Transvaal  et  2"  dans  la  colonie  anglaise  du  Cap,  et  que, 
par  ce  dernier  fait,  elle  est  invoquée  en  appel  à  Londres?  » 
—  Le  Regtsgeleerd  Practicaal  en  Koopynans  handhoeh... 
de  J.  Van  der  Linden  (Amsterdam,  1806)  a  longtemps  joui 
du  même  honneur  dans  partie  des  Lides  néerlandaises. 

Nous  avons  i)arlé  de  l'effort  infructueux  de  Grotius  pour 
purger  la  langue  juridique  de  ses  termes  bâtards,  et  l'em- 
ploi qu'il  fait  d'anciens  mots  :  ong ebruikelyke ,  doch  goede 
oude  Duitsche  icoorden,  die  in  de  onde  keuren  en  handvesten 
hevonden  loorden...  A  ce  sujet  il  n'est  pas  sans  intérêt  de 
rappeler  que  déjà  au  siècle  précédent,  le  Brugeois  Simon 
Stevin,  réfugié  en  Hollande,  disait,  en  tête  de  son  petit 
traité  Het  Burgherlick  Leven  imprimé  à  Leyde  en  1590: 
«  Qu'il   eût  été  à  désirer  que  les  mots  de  pur  flamand 


—     142     — 

n'eussent  pas  besoin  d'explication  latine  ou  grecque,  mais 
que  le  flamand  servît  plutôt  à  faire  comprendre  le  latin, 
mais  qu'il  n'en  était  pas  ainsi.  Une  langue  usitée  et  com- 
prise faisant  défaut,  disait-il,  nous  mettons  en  marge  de 
bonnes  expressions  flamandes,  des  traductions  latines  ou 
grecques  moins  bonnes...  »  Pour  monarchie,  il  écrivait 
donc  Eenigvorstheyt^  mais  mettait  en  marge  le  mot  grec 
Monarchia,  pour  bepalinge  il  mettait  le  mot  latin  definitio, 
pour  versoeckbrieven  de  son  texte,  il  mettait  en  marge 
requesten,  etc.  Et  généralement,  malgré  ces  louables  efforts 
de  S.  Stevin,  de  H.  Grotius,  et  d'autres,  ce  sont  les  mots 
bâtards  qui,  dans  la  pratique,  ont  prévalu.  D. 


Une  bibliothèque  américaine.  —  Le  dernier  rapport 
annuel  des  conservateurs  de  la  bibliothèque  publique  de  la 
ville  de  Boston  '  donne  des  renseignements  très  complets 
et  des  plus  intéressants  sur  l'état  actuel  de  ce  dépôt,  qui 
vient  d'être  installé  dans  un  local  grandiose. 

Le  nombre  des  lecteurs  ayant  une  carte  d'admission 
s'élève  à  34842.  Pendant  le  dernier  trimestre  de  1895,  il  a 
été  consulté  100780  volumes.  La  moyenne  quotidienne  des 
lecteurs  est  de  plus  de  700;  on  a  constaté,  en  un  jour,  la 
))résence  de  550  lecteurs  de  livres  et  de  178  lecteurs  de 
périodiques.  Il  est  à  noter  qu'il  existe  un  cabinet  de  lecture 
spécial  pour  les  enfants,  Childrens  room. 

La  bibliothèque  s'est  enrichie  de  30611  volumes,  dont 
15582  sont  entrés  par  voie  de  don.  52744  volumes  ont  été 
inventoriés  et  le  card  catalogue  a  reçu  92993  nouvelles 
flches.  9898  volumes  ont  été  reliés  dans  l'atelier  particulier 
de  la  bibliothèque,  et  7198  au  dehors. 

1  Anmial  report  of  the  trustées  of  the  public  lihrary  of  fhe  city  of 
Boston.  1895.  Boston,  Rockwell  &  Churchill,  1896.  In-8°,  11-158  pp. 


—    143    — 

Pour  rucquisition  des  livres,  il  a  été  dépensé  24918  dol- 
lars, subside  de  la  ville,  et  GG32  dollars  provenant  des 
ressources  de  la  fondation,  soit,  en  tout,  environ  cent 
cinquante-huit  mille  francs.  En  18;34,  le  total  des  dépenses 
de  toute  nature  relatives  à  la  bibliothèque,  était  de  175477 
dollars,  soit  plus  de  huit  cent  soixante-quinze  mille  francs. 
Le  budget  prévu  pour  les  années  prochaines  est  de  230000 
dollars,  soit  plus  d'un  million. 

Le  nombre  actuel  des  livres  est  de  628297,  dont  158423 
sont  déposés  dans  des  succursales.  Comme  le  dit  un  rapport 
précédent,  la  bibliothèque  n'est  pas  spéciale  au  droit,  à  la 
médecine,  ou  à  la  littérature  nationale.  Elle  est  devenue 
universelle,  tant  dans  son  but  que  dans  son  état  réel. 
Aussi  doit-elle  être  considérée  comme  un  des  plus  impor- 
tants dépôts  du  monde,  non  seulement  au  point  de  vue  de 
la  quantité,  mais  encore  à  celui  de  l'utilité  comme  instru- 
ment d'instruction.  Les  conservateurs  estiment  sa  valeur 
pécuniaire,  terrain,  bâtiments,  livres  et  fonds  de  fonda- 
tion, à  trente  millions  de  francs. 

Le  bibliothécaire  en  chef  est  M""  Herbert  Putnam.  La 
central  lihrary  est  ouverte  de  neuf  heures  du  matin  à  dix 
heures  du  soir.  Elle  possède  neuf  succursales  et  treize 
bureaux  de  prêt.  Le  service  journalier  occupe  197  employés 
en  semaine;  il  faut  y  ajouter  51  auxiliaires  pour  les  séances 
du  soir  et  des  dimanches,  sans  compter  environ  vingt-cinq 
concierges. 

Depuis  quelques  années,  la  bibliothèque  publie  un 
Bulletin  trimestriel,  contenant  la  liste  des  récentes  acqui- 
sitions, par  ordre  de  matières,  ainsi  que  des  catalogues 
méthodiques  spéciaux,  tels  qu'un  inventaire  des  romans 
historiques,  classés  par  pays  et  par  période.  Dans  ses 
publications,  la  bibliothèque  de  Boston  ne  fait  pas  usage 
de  la  classification  décimale  de  Dewey, 

A  la  fin  du  rap])ort,  se  trouvent  quelques  documents 
relatifs  aux  dons  faits  à  la  bibliothèque. 


—     144    — 

Voici  une  lettre,  iiotaiiimeiit,  cVuii  des  donateurs  : 

«  4  novembre  1895. 

«  Aux  conservateurs  de  la  bibliothèque  publique  de  la 
ville  de  Boston. 

«  Messieurs  :  Dans  ma  jeunesse,  j'étais  amateur  de 
livres;  un  de  mes  plaisirs  préférés  était  d'assister  à  une 
vente  de  livres,  et  d'acquérir,  avec  mes  économies,  quelque 
humble  volume  qui  pût  enrichir  ma  petite  bibliothèque. 
Plus  tard,  mes  acquisitions  devinrent  plus  importantes. 

«  A  la  joie  de  collectionner  et  de  posséder,  j'ajoutais  celle 
de  montrer  mes  trésors  à  d'autres  bibliophiles  et  d'entendre 
leur  appréciations.  Il  y  a  quelques  jours  j'eus  ce  plaisir 
avec  votre  distingué  bibliothécaire,  ^PPutnam.  Il  exprima 
sa  satisfaction  de  voir  quelques-uns  de  mes  livres  les  plus 
précieux  et  de  mes  manuscrits,  dont  vous  n'avez  pas 
d'exemplaires  dans  votre  bibliothèque  publique.  Comme 
j'avais  déjà  pensé  à  vous  faire  don  un  jour  de  ces  volumes, 
je  priai  M^'  Putnam  de  les  emporter  et  de  les  déposer 
immédiatement  dans  leur  nouvelle  demeure. 

«  Je  n'ai  besoin  de  vous  dire  le  plaisir  que  j'ai  éprouvé 
pendant  plusieurs  années  à  rassembler  et  à  posséder  une 
bibliothèque  instructive  et  intéressante  dans  ma  maison  de 
West-End. 

«  Mais  je  vous  assure  que  je  me  suis  réjoui  plus  que 
jamais  à  la  pensée  que  ces  perles  de  ma  collection  sont 
placées  dans  une  plus  riche  demeure,  et  qu'elles  pourront 
servir  aux  générations  à  venir  dans  votre  nouvel  et  magni- 
fique bâtiment,  qui  est  lui-même  une  perle  de  l'architec- 
ture américaine. 

«  Elles  y  seront  bien  plus  utiles  à  tous  mes  concitoyens, 
jeunes  ou  vieux,  qu'elles  ne  pourraient  l'être  chez  moi. 

«  C'est  pour  ce  motif  que  je  vous  prie,  en  qualité  de 

conservateurs  de  la  bibliothèque  publique,  de  bien  vouloir 

accepter  ce  don. 

«  Thomas  Gaffield.  » 


—     145    — 

Outre  la  générosité  bien  connue  clei5  Américains  à  l'égard 
des  établissements  publics,  cette  lettre  nous  montre  avec 
quelle  délicatesse  ils  savent  faire  leurs  dons.  Je  n'ai  pu 
résister  à  l'envie  de  la  traduire  ici,  en  souhaitant  que 
M'' Thomas  Gaffield  fasse  école  dans  notre  vieille  Europe. 

Paul  Bergmans. 


—    146 


CHRONIQUE. 


— ot-v^xfL»  ^vt>- 


CoNGRÈs  d'Archéologie.  —  Le  2  août  s'ouvrii-a  à  Gand  le 
XI''  Congrès  organisé  par  les  Sociétés  d'Histoire  et  d'Archéologie  de 
Belgique.  Les  adhésions  sont  plus  nombreuses  qu'en  aucun  des 
Congrès  précédents;  environ  750.  Le  Comité  organisateur  est  com- 
posé de  MM.  le  baron  de  Maere,  président;  Claeys  et  Varenbergh, 
vice-présidents  ;  chanoine  Van  den  Gheyn,  secrétaire  général  ;  Berg- 
mans,  secrétaire;  Lacquet,  trésorier;  et  comme  membres:  MM.  le 
comte  de  Limbourg-Stirum,  H.  Van  Duyse,  De  Ceuleneer,  Clocquet, 
Paul  Fredericq,  Pytïeroen. 

Parmi  les  notabilités  qui  participeront  aux  travaux  du  Congrès, 
il  y  a  tout  spécialement  lieu  de  citer  : 

Pour  la  France  :  MM.  Normand,  de  l'Institut;  de  Nadaillac,  de 
Villenoisy,  le  baron  de  Baye,  de  Paris;  de  Hautecloque,  d'Arras;  de 
Marsy,  président  de  la  Société  française  d'archéologie  à  Compiègne  ; 
le  docteur  Faidherbe,  de  Roubaix  ;  Guerlin,  président  de  la  Société 
des  antiquaires  de  Picardie  ;  Lucas,  de  la  Société  des  architectes  de 
France;  Quarré-Reybourbon,  de  Lille;  Sorel,  de  Compiègne,  etc.,  etc. 

Le  gouvernement  de  la  République  française  a  délégué  M.  Cons 
pour  le  représenter  au  Congrès  ;  c'est  la  troisième  fois  que  cet  hon- 
neur échoit  à  M.  Cons. 

Pour  la  Hollande  :  MM.  Jan  Ten  Brink,  Schoffer,  conservateur  du 
musée  d'Amsterdam,  van  Ryckevorsel,  de  Bois-le-Duc,  etc. 

La  Russie  et  le  Portugal  seront  également  représentés. 

Les  congressistes  seront  reçus  par  le  collège  communal  à  l'hôtel- 
de-ville  où  aura  lieu  la  séance  d'ouverture.  Les  autres  séances  se 
tiendront  en  la  salle  de  la  rotonde  à  l'Université. 

Afin  que  les  travaux  des  congressistes  soient  plus  pratiques,  on  a 
introduit  certaines  innovations  à  l'organisation. 


—     147    — 

C'est  ainsi  que  tout  membre  du  Congrès  qui  voudra  traiter  une 
question  est  invité  à  envoyer  au  seci-étaire  un  exposé  du  sujet  qu'il 
traitera,  ou  tout  au  moins  à  déposer  les  conclusions  que  comporte 
son  travail.  On  a  réuni  ainsi  en  un  fascicule  toutes  les  questions  avec 
développement  qui  seront  traitées  au  Congrès  et  ce  questionnaire 
a  été  envoyé  à  tous  les  membres  du  Congrès  de  telle  façon  que  ceux 
qui  voudront  prendre  part  aux  discussions  trouveront  leur  tâche 
considérablement  facilitée. 

Autre  innovation.  11  sera  remis  à  chaque  congressiste,  à  titre  de 
souvenir,  nous  allions  presque  dire  à  titre  de  prime  car,  les  présents 
seuls  le  recevront,  un  petit  guide  de  Gand  dont  le  texte  est  de 
M.  Emile  Varenbergh  et  dont  les  clichés  des  19  phototypies  dont  il 
est  illustré  ont  été  fournies  par  la  Section  gantoise  de  l'Association 
belge  de  Photographie.  Ce  petit  vade-mecum  sera  très  utile  aux 
congressistes  qui  voudront  visiter  isolément  nos  monuments. 

Mais  le  Congrès  ne  va  pas  que  tenir  des  séances,  il  ira  comme  on 
dit,  sur  le  terrain.  C'est  ainsi  que  d'ores  et  déjà  certaines  excursions 
sont  arrêtées  :  on  visitera  Audenaerde,  et  le  tramway  vicinal  trans- 
portera par  train  spécial,  les  congressistes  à  Laerne  oii  ils  visiteront 
l'antique  château  que  la  plupart  de  nos  Gantois  connaissent  et  que 
connaissaient  si  bien  leurs  aïeux  qui  ont  tenté,  eux,  de  l'incendier. 

Quelques  délassements  seront  en  outre  offerts  aux  savants  visiteurs. 
L'administration  communale  organisera  en  l'honneur  des  congres- 
sistes une  fête  de  nuit  à  la  place  d'Armes  ;  et  la  Société  royale  d'hor- 
ticulture et  de  botanique,  autrement  dit  Casino,  donnera  également 
une  fête  à  leur  intention.  Le  banquet  traditionnel  aura  lieu  le 
dimanche  2  août,  jour  de  l'ouverture  du  Congrès,  dans  les  salons  du 
grand  Théâtre. 

De  plus,  le  Comité  organise  un  concert  de  musique  ancienne  qui 
sera  fort  intéressant.  Il  se  composera  de  quatre  parties.  La  première 
consacrée  exclusivement  à  des  Noëls  des  XV®,  XVI^  et  XVIP  siècles, 
pour  voix  d'enfants.  Une  autre  partie  comprendra  des  chansons 
françaises  d'auteurs  belges  des  XV^  et  XVl"  siècles;  la  S"""  partie 
aura  pour  interprètes  l'antique  clavecin  et  un  orchestre  composé 
comme  jadis  l'étaient  les  orchestres,  c'est-à-dire  d'instruments  à 
sonorités  sourdes  à  l'exclusion  des  flûtes,  trompettes,  etc.  Cet 
orchestre  comprendra  vingt-trois  exécutants  violons,  haut-bois,  bas- 
sons et  cors.  Le  clavecin,  à  double  clavier,  fait  partie  de  la  remar- 
quable collection  de  M.  César  Snoeck.  Enfin,  la  quatrième  partie  du 


—     148    — 

programme  comporte  l'exécution  de  chansons  flamandes.  Les  chœurs 
se  composeront  de  12  voix  d'hommes  et  de  12  voix  de  femmes. 
A  certains  moments  les  chœurs  d'hommes  seront  renforcés  ;  ils  com- 
prendront alors  24  exécutants. 

Déjà  antérieurement,  nous  avions  pu  assister  à  une  exécution  de 
musique  ancienne,  au  dernier  Congrès  flamand  ;  pareille  musique  fut 
exécutée  au  grand  Théâtre;  lors  du  dernier  cortège  historique  on 
fit  encore  de  la  musique  ancienne  ;  mais  ici  on  fera  non  seulement 
de  la  musique  ancienne,  mais  la  musique  ancienne  savante. 

Bibliographie  historique.  —  Nous  sommes  heureux  de  signaler 
aux  lecteurs  du  Messager  des  sciences  historiques,  le  premier  volume 
du  Manuel  de  Bibliographie  historique  que  M''  Ch.-V.  Langlois, 
chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  vient  de  publier 
chez  Hachette.  Consacré  aux  «  instruments  bibliographiques  »,  ce 
volume  énumère  les  principaux  répertoires  généraux  et  spéciaux  qui 
intéressent  les  historiens.  Grâce  à  l'ordre  que  l'auteur  a  su  y  mettre, 
aux  excellentes  classifications  qu'il  a  créées,  le  manuel  est  très  aisé 
à  consulter.  D'autre  part,  il  indique  parfaitement  les  terrains  encore 
inexplorés  et  donne  ainsi  une  utile  orientation  à  ceux  qui  veulent  se 
consacrer  à  la  bibliographie  historique.  En  tête  se  trouvent  des 
éléments  de  bibliographie  générale,  où  M''  Langlois  passe  en  revue  et 
critique  sommairement  les  bibliographies  des  bibliographies,  les 
répertoires  de  bibliographie  universelle  et  les  répertoires  de  biblio- 
graphie nationale.  Au  courant  des  travaux  les  plus  récents  et  conçu 
avec  méthode,  le  manuel  de  M''  Langlois  sera  accueilli  avec  faveur 
par  les  historiens  comme  par  les  bibliographes.  11  fait  vivement 
désirer  la  publication  de  la  seconde  partie,  qui  formera  une  histoire 
et  un  tableau  de  l'organisation  comparée  du  travail  historique  dans 
les  divers  pays.  Paul  Beegmans. 

Memling.  —  M.  A.  J.  Wauters  vient  de  donner  dans  la  Biographie 
nationale  une  notice  sur  Memling  qui  rejette  toutes  les  légendes  qu'on 
a  mises  en  circulation  sur  le  célèbre  auteur  de  la  Châsse  de  sainte 
Ursule,  et  résume  tout  ce  que  de  longues  et  patientes  recherches  ont 
réuni  de  renseignements  à  son  égard.  Le  nom  sous  lequel  Memling 
est  connu  dans  l'histoire,  n'est  point  son  nom  de  famille.  On  demeure 
d'accord  aujourd'hui  que  c'est  celui  d'un  petit  village  du  pays  de 
Mayence,  d'où  il  était  originaire.  Dans  le  livre  de  la  Gilde  de  Bruges 
pn  trouve  inscrit  Jan  van  Memmelijnghe.  En  1604  van  Mander  écrit 


—     149    — 

encore  Memmclhick.  M.  Waiiters  pense  que  Memling  fut  élève  de 
Stepbau  Lochner  à  Cologne  d'où  il  serait  passé  à  l'atelier  de  R.  Van 
der  Weyden  à  Bruxelles.  En  1479  il  exécute  pour  l'hôpital  Saint-Jean 
à  Bruges  le  Mariage  mystique  de  sainte  Catherine.  De  1480  date  le 
panneau  Les  sept  joies  de  la  Vierge  qui  a  longtemps  orné  l'église 
Notre-Dame  à  Bruges  et  qui  est  aujourd'hui  conservé  à  la  Pinaco- 
thèque de  Munich.  Des  découvertes  de  M.  J.  Weale  dans  les  archives 
de  Bruges  ont  fait  connaître  qu'en  cette  même  année  1480,  Memling 
achetait  trois  immeubles  situés  à  Bruges.  En  même  temps  avec  deux 
cent  quarante-six  citoyens  notables  de  Bruges  l'artiste  prêtait  de 
l'argent  à  la  ville  pour  aider  aux  frais  de  la  guerre  entreprise  par 
Maximilien  d'Autriche,  contre  le  roi  de  France.  A  cette  époque  la 
légende  montre  Memling  à  l'hôpital,  blessé,  malade  et  misérable. 

Le  chanoine  de  Doppere  inscrit  dans  son  journal  :  «  Le  11  aoiàt 
«  (1424)  est  mort  à  Bruges  Hans  Memmelinck,  réputé  à  cette  époque 
«  le  plus  habile  et  le  meilleur  peintre  de  la  chrétienté.  Il  était  origi- 
«  naire  de  Mayence,  et  est  inhumé  dans  l'église  Saint-Ciilles  à  Bruges.» 

Après  l'énumération  des  principales  œuvres  de  Memling  M.  Wauters 
termine  sa  belle  notice  par  ces  lignes  judicieuses  qui  la  résument  : 
«  Au  pauvre  hère  dépeint  comme  chétif  et  mendiant,  se  substitue  un 
citoyen  indépendant  et  fort,  un  artiste  fier  et  honoré,  un  producteur 
infatigable,  un  des  plus  nobles  artistes  de  l'école.  Car,  bien  que  d'ori- 
gine allemande  et  ayant  vraisemblablement  commencé  à  former  son 
talent  sous  l'influence  des  maîtres  rhénans,  il  n'en  est  pas  moins 
flamand  par  au  moins  trente  années  de  séjour  et  de  production  inces- 
sante en  Flandre,  ainsi  que  par  une  œuvre  marquée  de  tous  les  carac. 
tères  de  l'école  nationale.  »  D. 

Découvertes  archéologiques.  —  La  petite  commune  de  Marie- 
mont,  jadis  Mont-de-Marie,  attire,  en  ce  moment,  une  foule  considé- 
rable de  visiteurs,  parmi  lesquels  nous  signalons  les  archéologues 
carolorégiens,  à  cause  de  la  découverte  des  restes  de  l'abbaye  de 
l'Olive,  un  vieux  monastère  de  femmes  de  l'ordi-e  des  Citeaux, 
construit  par  l'ermite  Jean  Guillaume,  vers  1218. 

Constraste  frappant,  les  charbonnages  de  Mariemont  s'étendent 
tout  autour  de  l'ancien  couvent  et  un  puits  d'extraction  (fosse  Saint- 
Abel),  un  traînage  mécanique,  l'ancien  chemin  de  fer  de  l'Olive  à 
l'Etoile,  le  tir  communal  de  Morlanwelz,  sont  situés  dans  le  bois  qui 
cachait  naguère  le  cloître,  l'église  et  les  tombeaux  de  l'abbaye  de 
l'Olive.   Ce   coin   de   l'antique   forêt   de  Mariemont,   qui  depuis  le 

10 


—     150    — 

XIII*  siècle,  lorsque  les  aboiements  des  meutes  et  les  fanfares  du  cor 
le  laissaient  en  repos,  n'avait  pour  ainsi  dire  entendu  que  les  tinte- 
ments des  cloches  et  les  hymnes  religieuses  des  nonnes,  ne  résonne 
plus  d'ordinaire  que  des  gémissements  des  machines  et  des  ronfle- 
ments d'usines  en  activité. 

Avcint  les  découvertes  actuelles,  il  ne  restait  de  l'abbaye  de  l'Olive, 
désignée  dans  le  principe  sous  le  nom  de  l'Hermitage,  que  quelques 
petits  bâtiments  convertis  en  maisons  ouvrières  enclavées  au  milieu 
de  la  concession  des  mines  des  charbonnages  de  Mariemont. 

Comment  a-t-on  été  amené  découvrir  ces  ruines  ? 

Un  des  locataires  des  maisons  citées  plus  haut  s'étant  plaint  à 
différentes  reprises  à  la  direction  des  charbonnages  qu'il  ne  pouvait 
jamais  rien  récolter  dans  son  jardin,  où  il  découvrait  constamment 
des  pierres,  M.  Peny,  ingénieur  en  chef,  ordonna  des  fouilles,  qui 
mirent  à  nu  les  murs  de  l'église  de  l'abbaye. 

En  procédant  méthodiquement  on  a  exhumé  le  chœur,  le  grand 
autel,  des  fûts  de  colonnes  magnifiques,  etc. 

Dans  le  chœur,  on  a  trouvé  des  caveaux  de  sépultures  très  bien 
conservés  dont  quelques-uns,  construits  en  moellons  bruts,  peuvent 
dater  du  treizième  siècle. 

Les  squelettes  sont  des  mieux  conservés  :  l'un  d'eux  ne  mesure 
pas  moins  de  l'^Ql  de  longueur  sur  O^Sé  entre  épaules;  un  autre 
mesure  l'^Sô,  il  a  les  bras  croisés  et  porte  un  collier;  ce  dernier  pour- 
rait être,  selon  toutes  probabilités,  celui  de  S.  E.  Mgr.  Corbinian, 
premier  ministre  de  S.  A.  Maximilien-Emmanuel  de  Bavière,  ancien 
gouverneur-général  des  Pays-Bas  et  résidant  au  palais  royal  de 
Mariemont,  inhumé  à  l'Olive  en  1707,  ainsi  que  les  registres  de  l'état 
civil  de  Morlanwelz  en  font  mention. 

Le  squelette  se  trouvant  au  milieu  du  chœur  serait  celui  de  Jean 
Guillaume,  fondateur  de  l'abbaye  de  l'Olive. 

A  l'intérieur  de  l'église,  plusieurs  nouveaux  squelettes  ont  été 
retrouvés  dans  les  bas-fonds  des  caveaux  primitivement  fouillés  et 
dans  les  nouveaux  caveaux  récemment  découverts.  Ce  sont  des 
squelettes  de  femme,  notamment  celui  d'une  abbesse  de  petite  taille, 
qui  portait  sur  la  poitrine  une  croix  de  Lorraine  avec  une  inscription 
espagnole.  11  faut  noter  que  l'abbaye  incendiée  en  1554  fut  recon- 
struite en  1566  et  incendiée  de  nouveau  en  1794.  Ces  squelettes  datent 
vraisemblablement  de  la  domination  espagnole. 

Une  médaille  appendue    à   la  croix  représente  un  ermite  et  une 


—    151     — 

chapelle  au-dessus  de  laquelle  des  anges  adorent  la  Vierge  et  l'Enfant 
Jésus.  On  a  trouvé  dans  le  même  tombeau  un  dé  à  coudre  et  une 
paire  do  ciseaux  à  ressorts  d'ancien  modèle.  L'on  suppose  que  ces 
objets  auront  été  laissés  par  oubli  dans  la  poche  de  l'abbesse  défunte. 

Tout  à  côté,  on  a  mis  au  jour  une  dalle  d'une  longueur  de  3  mètres 
sur  1  mètre  de  largeur.  Une  abhesse  y  est  très  bien  dessinée  en  gran- 
deur naturelle  avec  sa  crosse  abbatiale,  coiffure  du  quinzième  siècle, 
robe  avec  rabat  blanc  et  cordelière  avec  grelots  serrant  la  ceinture; 
une  croix  en  marbre  blanc  est  incrustée  sur  sa  poitrine. 

Cette  dalle  recouvrait  la  tombe  d'une  abhesse  inhumée  antérieure- 
ment à  1554,  probablement  celle  de  la  dix-huitième  abhesse  de  l'Olive, 
du  nom  de  Jeanne  11  de  Walusielle  (Warlusel  ?)  ou  de  la  dix-neuvième, 
Eléonore  Bourghoise,  décédée  le  8  avril  1526. 

Les  trouvailles  faites  jusqu'ici  à  la  surface  consistent  en  débris  de 
moulures,  colonettes,  bouts  de  corniches,  chapiteaux  de  colonnes, 
culs-de-lampes,  bénitiers,  fragments  de  pierres  avec  inscriptions, 
morceaux  de  verre,  poteries  de  dimensions  et  formes  divei'ses,  etc. 

On  a  découvert  également,  d'une  façon  tout  à  fait  accidentelle,  en 
creusant  un  trou  de  piquet  de  clôture,  un  paquet  de  pièces  de  mon- 
naies en  argent  collées  pour  ainsi  dire  ensemble  par  la  chaleur  de 
l'incendie,  notamment  deux  gros  patacons  dont  l'un  d'un  duc  de 
Brabant,  l'autre  d'un  seigneur  du  Tournaisis;  une  autre  pièce  du 
règne  de  Philippe  H,  1560,  etc. 

Dans  le  cloître  de  l'église  qu'on  fouille  on  ce  moment,  plusieurs 
pierres  de  dimensions  colossales  ont  été  mises  au  jour.  Sur  l'une 
d'elles,  on  lit  une  inscription  latine  :  «  Ci-git  le  Seigneur  Jean,  chape- 
lain au  château  de  Morlanwelz,  qui  fut  adjoint  au  fi-ère  Guillaume 
dans  la  fondation  de  l'église  de  la  bienheureuse  Marie  de  l'Olive. 
Priez  Dieu.  Année  1259,  3  mai,  décédé,  Jean  Chapelain...  » 

De  ce  qui  précède,  on  peut  conclure  qu'en  1213,  du  temps  de  la 
veuve  d'Eustache  du  Rœulx,  qui  habitait  le  château  de  Morlanwelz 
et  qui  a  donné  le  terrain  nécessaire  pour  bâtir  l'abbaye  de  l'Olive,  ce 
fut  le  seigneur  Jean,  chapelain  du  château,  que  la  donatrice  adjoignit 
à  l'ermite  Jean-Guillaume  pour  fonder  l'abbaye,  ce  dernier  n'étant  pas 
encore  prêtre. 

Les  principaux  objets  retrouvés  ont  été  déposés  provisoirement 
dans  une  salle  d'une  maison  ouvrière  voisine,  transformée  en  musée. 

Les  fouilles  sont  gardées  nuit  et  jour  par  les  gardes-chasse  de 
Mariemont. 


—     152     — 

Les  dimanches  et  jours  de  fête,  c'est  par  milliers  que  les  étrangers 
arrivent.  Le  service  d'ordre  est  des  plus  difficiles,  les  visiteurs  ne 
pouvant  être  admis  que  par  dix  k  la  fois,  à  cause  de  l'exiguïté  des 
chantiers. 

Divers.  —  Les  squelettes  trouvés  près  de  la  barrière  de  Péronnes 
et  Binche,  sont  au  nombre  de  17.  M.  le  bourgmestre  de  Bincho  a 
interdit  les  fouilles  jusqu'à  nouvel  ordre.  Le  terrain  appartient  au 
bureau  de  bienfaisance,  qui  le  loue  à  un  cultivateur  de  Péronnes. 
Les  squelettes  découverts  ont  été  transportés  au  cimetière,  par 
ordre  du  bourgmestre  qui  a  également  réclamé  les  pièces  de  mon- 
naie retrouvées. 

Il  est  presque  certain  que  ces  squelettes  sont  des  victimes  des 
guerres  religieuses  qui  désolèrent  notre  pays  sous  le  règne  de 
Philippe  II,  pendant  le  gouvernement  de  Marguerite  de  Parme.  Cette 
hypothèse  semble  se  confirmer  par  la  découverte  qu'on  a  faite  dans 
les  fouilles  d'une  pièce  de  monnaie  de  1563. 

Dans  les  fondations  du  vélodrome  qu'on  construit  actuellement  on 
vient  de  mettre  au  jour  plusieurs  pièces  romaines.  On  sait  que 
Binche  occupe  l'emplacement  d'un  camp  retranché  de  la  période 
belgo-romane.  D'autres  monnaies,  d'époques  plus  récentes,  sont 
également  découvertes,  parmi  lesquelles  des  Louis  XIV,  XV,  XVI, 
des  Albert  et  Isabelle,  des  hollandaises,  etc. 

—  Une  médaille  comme morative.  —  Lors  de  fouilles  faites  en 
Hollande,  on  a  trouvé  une  pièce  eu  cuivre,  frappée  en  souvenir  de 
l'attentat  manqué  contre  la  vie  de  Guillaume-le-Taciturne.  On  sait 
que  le  coup  fut  porté  le  18  mars  1528,  par  Jean  Jaureguy. 

L'une  des  faces  de  la  pièce  donne  une  représentation  du  fait,  l'autre 
offre  le  portrait  du  roi  d'Espagne  entre  deux  de  ses  conseillers. 

D'après  Van  Loon,  Philippe  II  trépigne  parce  que  le  coup  fut 
manqué;  car  le  prince  ne  reçut  qu'u)ie  légère  blessure  à  la  tête,  dont 
il  guérit. 

Les  inscriptions  sont  en  latin  et  se  traduisent  ainsi  :  «  L'on  agit  par 
trahison,  non  par  les  armes.  »  —  «  Le  traître  expira.  » 

—  Pendant  plusieurs  mois,  les  fouilles  entreprises  à  Delphes 
n'avaient  guère  mis  au  jour  que  des  substructions  d'édifices  plus 
intéressantes  pour  les  savants  que  pour  les  artistes.  Depuis  quelques 
semaines,  au  contraire,  les  travaux  ont  amené  la  découverte  d'un 
certain   nombre  de   sculptures   remarquables  et   d'inscriptions  pré- 


--     153    — 

cieuses.  Nous  avons  déjà  parlé  de  l'importante  statue  d'homme 
conduisant  un  char;  on  a  trouvé,  il  y  a  quelques  jours,  une  nouvelle 
statue  de  bronze  de  petites  dimensions  mais  d'une  extrême  beauté, 
représentant  Apollon  ;  enfin,  on  a  découvert  une  inscription  très 
curieuse  du  quatrième  siècle.  Cette  inscription  qui  porte  sur  le  règle- 
ment de  la  faillite  commerciale  donne  plusieurs  détails  inconnus 
sur  le  taux  de  la  capitalisation  des  intérêts  dans  l'antiquité. 

—  Un  curieux  ensemble  de  sépultures,  remontant  à  la  seconde 
période  de  l'âge  de  la  pierre,  vient  d'être  mis  au  jour  en  Allemagne, 
dans  les  environs  de  Worms,  par  le  docteur  Kœhl,  conservateur  du 
Paulus-Museum. 

On  n'a  encore  ouvert  jusqu'ici  qu'une  partie  des  tombes  retrouvées, 
mais  des  fouilles,  dans  les  soixante-dix  tombes  explorées,  ont  donné 
des  résultats  d'un  haut  intérêt.  On  a  recueilli  plus  de  cent  vases, 
ornés  pour  la  plupart  d'une  décoration  pleine  de  goût,  et  quantité 
d'armes  et  de  bijoux;  —  on  n'a  point  trouvé  trace  de  métal.  Plusieurs 
squelettes  féminins  portaient  à  l'avant- bras  ou  au  bras  des  bracelets 
en  ardoise  bleu  ou  grise.  Près  du  squelette  d'un  homme,  à  la  hauteur 
du  cou,  gisait  un  petit  cône  de  piex-re  polie,  non  percé,  mais  pourvu 
d'une  entaille  qui  devait  servir  à  tenir  l'objet  suspendu  au  moyen 
d'un  cordon. 

Les  autres  ornements  consistent  en  perles,  en  coquilles  de  moules, 
en  défenses  de  sangliers  percées  d'un  trou  et  en  petits  coquillages 
fossiles.  Ces  ornements  étaient  portés  indistinctement  par  l'un  et 
l'autre  sexe.  Les  tombes  contenaient  aussi  des  fragments  d'ocre  rouge 
et  jaune.  On  les  employait  pour  se  tatouer  ou  se  teindre  le  corps. 

Les  tombes  de  femmes,  presque  toutes,  contenaient  des  moulins 
à  écraser  le  grain,  formes  de  petites  meules  de  pierre.  Les  tombes 
d'hommes  renfermaient,  en  même  temps  que  des  armes,  des  outils, 
le  tout  en  silex.  On  y  a  trouvé  des  marteaux  percés  d'un  trou  pour  le 
manche,  des  haches  et  des  congnées  pai-faitement  affilées,  des  ciseaux 
à  froid,  des  couteaux,  des  grattoirs  et  des  pierres  à  aiguiser. 

La  région  devait  être  riche  en  gibier,  à  en  juger  par  la  quantité 
d'os  d'animaux,  de  toutes  les  espèces,  entassés  dans  les  tombes 
près  des  huit  ou  thx  vases  que  chaque  sépultm-e  contenait  en 
moyenne. 

A  l'ouverture  des  tombes,  on  a  photographié  à  plusieurs  reprises 
leur  contenu,  afin  de  déterminer  d'une  façon  précise  l'emplacement 
que  les  armes,  les  ornements  et  les  vases  occupaient  autour  des 

10* 


—    154    — 

squelettes.  La  précaution  n'était  pas  inutile.  Pour  que  des  décou- 
vertes de  ce  genre  conservent  au  point  de  vue  archéologique  leur 
valeur,  il  importe  en  effet  que  rien  ne  soit  changé  à  la  disposition 
primitive. 

—  En  ce  moment  sont  exposés,  dans  la  grande  salle  carrée  du 
Musée  ancien  (Palais  des  Beaux-Arts)  à  Bruxelles,  quelques  tableaux 
nouvellement  acquis  et  qui,  en  attendant  leur  placement  définitif, 
sont  provisoirement  offerts  sur  des  chevalets  à  la  curiosité  du  public. 
La  plus  importante  de  ces  acquisitions  est  un  portrait  de  famille  (de 
la  famille  de  Hemptine)  par  Navez.  C'est  une  œuvre  qui  étonnera 
bien  du  monde,  une  œuvre  ayant  des  qualités  d'un  ordre  vraiment 
supérieur,  et  près  de  laquelle  les  grands  tableaux  du  même  artiste 
que  possède  le  Musée  pâlissent  singulièrement.  Ce  portrait  de  famille 
comprend  trois  personnages  :  le  père  debout,  la  mère  assise  et  tenant 
sur  ses  genoux  une  petite  fille.  L'œuvre  date  de  1816,  elle  est  anté- 
rieure au  voyage  de  Navez  en  Italie.  L'homme  est  superbe;  on  ne 
citerait  peut-être  pas  un  portrait  du  siècle  qui  lui  fût  supérieur.  La 
femme,  bien  que  souriante,  est  d'une  simplicité  charmante.  Chose 
étrange,  l'enfant  seul  manque  de  naturel,  et  c'est  lui  surtout  qui 
devrait  avoir  cette  qualité  ;  il  regarde  son  père  avec  une  affectation 
de  tendresse  conforme  non  pas  certes  à  la  vérité,  mais  aux  idées  de 
sensiblerie  de  l'époque.  Si  les  tableaux  d'histoire  de  Navez  valaient 
ce  portrait  de  famille,  leur  auteur  tiendrait  une  grande  place  dans 
l'histoire  de  la  peinture  contemporaine. 

De  Snyders,  un  superbe  tableau  de  nature  morte  :  des  poissons 
entiers  ou  découpés,  un  homard  non  cuit,  bien  plus  pittoresque  avec 
ses  colorations  naturelles  et  variées  que  sous  la  livrée  rouge  qu'ont 
ses  semblables  métamorphosés  par  l'apprêt  culinaire,  des  tranches 
de  saumon,  un  plat  d'huîtres  ouvertes,  un  chat  maraudeur  aux 
aguets,  épisode  souvent  reproduit  dans  les  sujets  de  ce  genre  ;  sans 
compter  les  gouttes  d'eau  éparses  sur  les  planches  luisantes  de  la 
tables,  qui  sont  la  vérité  même.  Une  page  de  peinture  à  mettre  au 
premier  rang  dans  tous  les  musées  du  monde. 

De  Blés,  le  paysagiste  wallon  (de  Bouvignes,  sur  la  Meuse)  fin  du 
XV^  siècle,  une  vue  d'un  pays  imaginaire  :  des  entassements  de 
rochers  aux  premiers  plans,  et  au  fond  des  plaines  accidentées  où 
l'artiste  a  placé,  suivant  l'usage  du  temps,  quantité  de  petites  choses  : 
maisons,  arbres,  bêtes  et  gens,  à  voir  à  la  loupe  ;  sur  le  devant,  non 
comme  sujet,  mais  comme  prétexte,  une  prédication  de  saint  Jean, 


—    155    — 

n'ayant  pas  d'autre  raison  d'être  que  cette  convention  d'alors  qu'un 
peintre  ne  pouvait  guère  se  mettre  à  l'ouvrage  sans  que  ce  fût  pour 
représenter  un  épisode  biblique  ou  évangélique.  La  signature  s'y 
trouve  sous  la  forme  adoptée  par  l'artiste  d'une  petite  chouette 
placée  dans  un  endroit  peu  apparent,  pour  donner  aux  amateurs  le 
plaisir  de  la  chercher  et  de  la  trouver,  en  établissant  des  paris,  comme 
le  dit  Van  Mander,  à  qui  la  découvrirait. 

Un  autre  joli  paysage  introduit  dans  le  catalogue  du  Musée  un  nom 
nouveau,  celui  de  Lucas  Van  Valckenborcht,  peintre  malinois  de  la 
seconde  moitié  du  X  VI"  siècle,  qui  s'est  expatrié  comme  tant  d'autres 
artistes  de  cette  époque,  qui  a  constamment  résidé  en  Allemagne,  à 
Linz  et  à  Nuremberg  particulièrement,  et  dont  les  œuvres  sont  très 
rares  ailleurs  que  dans  son  pays  d'adoption  où  l'on  en  voit  de  fort 
distinguées  dans  les  galeries  de  Vienne,  de  Francfort  et  de  Brunswick. 
Le  paysage  que  vient  d'acquérir  le  Musée  de  Bruxelles  est  une 
production  très  caractéristique  de  son  pinceau  fin  et  délicat. 

Un  tableau  d'Adotn  et  Eve  sous  l'arbre  du  péché  dont  ils  ont  cueilli 
des  fruits  qu'ils  tiennent  à  la  main,  œuvre  anonyme,  attribuée  à  un 
peintre  flamand  influencé  par  Albert  Durer,  morceau  d'un  grand 
caractère,  qui  n'a  ni  la  naïveté  des  primitifs,  ni  la  technique  habile 
des  maîtres  dont  la  manière  plus  libre  a  trouvé  des  effets  nouveaux. 
Adam  et  Eve  sont,  en  somme,  des  figures  assez  insignifiantes. 

Une  excellente  acquisition  pour  notre  galerie  dites  des  gothiques  : 
les  Noces  de  Cana,  œuvre  anonyme  de  l'école  allemande  du  XV"*  siècle, 
curieuse  par  l'originalité  des  types,  par  le  charme  de  cette  exécution 
où  le  fini  ne  dégénérait  pas  en  préciosité,  et  par  une  conservation 
parfaite. 

Un  tableau  de  nature  morte  de  David  de  Heem,  un  des  maîtres 

hollandais  de  ce  nom  qui  ont  traité  ce  genre  de  peinture  et  celui  dont 

les  œuvres  se  rencontrent  le  plus  rarement. 

(Indépendance.) 

—  Le  cabinet  de  numismatique  de  la  Bibliothèque  royale  de 
Bruxelles  vient  de  s'enrichir  de  cent  cinquante-cinq  monnaies  en 
argent,  mérovingiennes,  carolingiennes,  ou  féodales  françaises,  et  de 
quelques  pièces  de  l'Orient  latin,  dues  à  la  générosité  d'un  de  nos 
compatriotes,  établi  depuis  quinze  ans  à  Paris,  M.  Raymond  Serrure, 
l'expert  numismate  bien  connu. 

Ce  don  vient  compléter  certaines  séries  jusqu'à  ce  jour  peu  repré- 
sentées dans  notre  collection  nationale.  Parmi  les  pièces  les  plus 


—     156    — 

cmùeuses,  sinon  les  plus  rares  qui  la  composent,  nous  citerons 
quelques  monnaies  frappées  dans  l'île  de  Rhodes  par  les  grands- 
maîtres  de  l'Ordre  de  Jérusalem. 

—  Les  travaux  en  cours  d'exécution  à  Bourges,  pour  l'agrandisse- 
ment de  la  Préfecture  du  Cher  et  la  nouvelle  installation  des  archives 
départementales,  ont  mis  tout  récemment  à  découvert,  dans  l'ancien 
palais  du  duc  Jean  de  Berry,  deux  portes  gothiques  de  la  fin  du 
XIV"  siècle  ou  commencement  du  XV^  siècle.  La  conservation  de  ces 
deux  portes  fort  gracieuses  est  parfaite  :  l'une  est  d'un  style  plus 
simple  et  un  peu  plus  archaïque  que  l'autre  ;  leurs  tj^mpans  sont 
ornés  d'un  superbe  écusson  mi-partie  aux  armes  de  France  et 
d'Auvergne  (un  gonfanon).  Ce  sont,  avec  les  deux  immenses  che- 
minées, à  la  décoration  si  riche,  mais  maintenant  si  délabrée,  les 
seuls  vestiges  artistiques  de  la  célèbre  demeure  du  troisième  fils  du 
roi  Jean  le  Bon,  «  très  excellent  et  puissant  prince  monseigneur  le 
duc  de  Berry  et  d'Auvergne,  comte  de  Poictou,  d'Estampes,  de  Bou- 
logne et  d'Auvergne.  »  A  l'exception  de  ces  portes  et  de  ces  che- 
minées, il  ne  reste  plus  guère  du  palais  que  les  énormes  murailles, 
soutenues  p.ir  d'épais  contre-forts,  et  qui  offrent  actuellement  encore, 
vues  du  S.-O.,  un  aspect  féodal  saisissant.  Avant  la  construction  de 
la  résidence  ducale,  il  existait,  au  même  emplacement,  dès  la  monar- 
chie carolingienne,  une  résidence  royale  (palatluni),  oh  séjournèrent 
de  temps  en  temps  les  premiers  Capétiens.  Les  travaux  qui  viennent 
d'être  effectués  établissent  une  fois  de  plus  que  dans  les  fondations 
de  cet  édifice  sont  entrés,  comme  d'ailleurs  dans  la  primitive  enceinte 
de  Bourges,  des  matériaux  de  toute  espèce  ;  on  peut  même  voir  dans 
l'un  des  caveaux  du  palais,  et  encastré  dans  le  mur,  un  petit  monu- 
ment gallo-romain  de  la  tin  de  l'empire;  c'est  une  sculpture  provenant 
sans  doute  d'un  tombeau,  et  représentant  une  tête  humaine  en  assez 
mauvais  état. 

—  La  nouvelle  flèche  de  Sahit-Bénlgne  de  la  Cathédrale  de  Dijon. 
—  Jeudi  28  mai  a  été  solennellement  inaugm'ée  et  bénie  la  nouvelle 
flèche  de  la  cathédrale  Saint-Bénigne  de  Dijon;  cette  flèche  est  le 
travail  le  plus  considérable  en  ce  genre  qui  ait  été  exécuté  en  France 
depuis  le  renouvellement  de  l'architecture  ogivale. 

Saint-Bénigne  est  un  beau  vaisseau  ogival  de  soixante-seize  mètres 
de  longueur  commencé  à  la  fin  du  treizième  siècle,  sur  les  bases  d'un 
édifice  écroulé  du  onzième,  achevé  dans  les  premières  années  du 
quatorzième;  la  façade  occidentale  est  accompagnée  de  deux  tours 


—     157     - 

d'une  belle  masse,  et  une  flèche  en  charpente  revêtue  de  plomb,  petite 
et  simple,  comme  il  était  d'usage  pour  les  flèches  de  transept,  s'éle- 
vait à  l'origine  au  dessus  de  la  croisée. 

Le  22  juin  1506,  elle  fut  frappée  de  la  foudre  et  aussitôt  rétablie, 
mais  plus  haute,  par  l'abbé  Claude  de  Charmes. 

Au  siècle  suivant,  le  dimanche  23  février  1625,  le  tonnerre  l'embrasa 
tout  entière  et  elle  flaml)a  jusqu'au  lendemain  comme  une  torche 
colossale  d'oii  ruisselait  le  plomb  fondu.  On  rétablit,  eu  l'exhaussant 
un  peu  et  dans  le  goût  du  temps,  cette  reine  des  nombreuses  flèches 
en  charpente  qui  faisaient  l'orgueil  des  Dijonnais.  Nouveau  coup  de 
foudre  le  24  juin  1679;  enfin,  le  dimanche  17  août  1738,  un  cyclone 
la  déracina  entièrement;  mais  les  entrepreneurs  Sauvestre  et  Linas- 
sier  firent  si  bien,  qu'en  1742,  une  troisième  flèche  se  dressait 
au-dessus  du  comble  ;  pour  plaire  au  goût  populaire,  on  lui  avait  donné 
une  hauteur  supérieure  à  celle  de  la  précédente. 

Les  Dijonnais  croyaient  que  la  flèche  démolie  il  y  a  dix  ans  était 
celle  de  1742;  c'est  une  erreur,  l'aiguille  avait  été  renversée  dans  les 
premières  années  de  ce  siècle,  puis  refaite  en  mauvais  bois  qui 
jouèrent  et  donnèrent  à  cette  haute  et  grêle  pyramide  ces  formes 
penchantes  et  tordues,  que  l'on  en  était  venu  à  prendre  pour  des 
grâces  de  plus.  La  structure  en  était  d'ailleurs  détestable  ;  ainsi  les 
charpentiers  de  1742  et  de  1808  avaient  posé  leurs  bois  à  même  le 
bahut  de  pierre  formant  cofi're  au-dessus  de  la  croisée.  Qu'arriva-t-il  r* 
C'est  qu'il  y  a  quarante-cinq  ans  il  fallut  d'urgence  consolider  la 
lanterne  et  employer  quatre-vingt-dix  mètres  cubes  de  bois  pour 
éviter  un  effondrement.  Sous  ses  charges  et  surcharges  les  arcs  et 
piles  éclatèrent.  11  a  fallu  reprendre  ces  maçonneries  du  haut  en  bas. 

La  flèche  de  1808  avait  100  mètres  de  hauteur,  dix,  par  conséquent, 
de  plus  que  celle  de  1742;  dans  ces  dernières  années,  elle  penchait 
d'une  façon  de  plus  en  plus  inquiétante,  et  pendant  les  orages  on  la 
voyait  osciller  comme  un  balancier  gigantesque.  Il  fallut  donc  se 
résoudre  à  un  démontage,  et  l'œuvre,  conduite  par  M.  Ch.  Suisse, 
architecte  du  gouvernement  à  Dijon  et  architecte  diocésain,  fut 
achevée  sans  accident  de  personne.  M.  Charles  Suisse  fit  les  plans 
d'une  nouvelle  flèche. 

C'est,  moins  ses  dorures,  celle  de  Claude  de  Charmes,  que  nous  a 
rendue  M.  Suisse;  les  travaux  commencés  à  la  fin  de  1894  étaient 
terminés  dans  les  derniers  jours  de  1895,  et  Dijon  possède  maintenant 
la  plus  haute  flèche   en   charpente   qui   soit   en  France.  Avec  ses 


...      158      - 

93  mètres  50,  elle  a  15  mètres  de  plus  que  celle  du  Xyill"^  siècle, 
6  mètres  50  de  moins  que  celle  de  1808,  différence  peu  ou  point  appré- 
ciable pour  l'œil;  elle  dépasse  donc  les  flèches  du  transept  de  Notre- 
Dame  de  Paris  et  de  Notre-Dame  d'Amiens;  je  ne  parle  pas  de 
l'aiguille  en  fer  de  Rouen. 

Elle  pèse  en  tout  380,000 kilogrammes,  et  il  y  entre  llô  mètres  cubes 
de  bois  de  moins  que  dans  celle  de  1808.  Suivant  la  formule  bour- 
guignonne, M.  Suisse  l'a  composée  d'une  lanterne,  formant  ini  tronc 
de  pyramide,  sur  laquelle  vient  se  placer  une  autre  pyramide  qui  est 
l'aiguille  même;  dans  l'Ile-de-France,  au  contraire,  les  flèches  filent 
d'une  seule  vernie  à  partir  de  leur  base,  mais  nous  sommes  en  Bour- 
gogne et  il  fallait  faire  du  bourguignon,  bien  qu'il  y  ait  une  grande 
difficulté  technique  à  solidariser  l'une  avec  l'autre  ces  deux  pyra- 
mides superposées.  C'est  pour  y  parvenir  que  l'architecte  a  établi 
ces  contreforts  inclinés,  qui  partent  du  pied  même  de  la  souche  et 
viennent,  bien  au-dessus  du  point  de  jonction,  embrasser  et  moiser 
l'aiguille  pyramide. 

Ces  figures  dessinées  par  M.  Suisse,  exécutées  par  M.  Camille 
Lefèvre,  un  hors  concours  aux  Salons  de  Paris,  représentent  sainte 
Paschasie,  une  martyre  bourguignonne  ;  sainte  Grégoire,  évêque  de 
Langres;  le  pape  Eugène  III,  qui  dédia  la  première  basilique;  l'abbé 
Hugues  d'Arc,  le  constructeur  de  l'église  actuelle  ;  la  duchesse 
Alix  de  Vergy,  mère  du  duc  Hugues  IV;  le  duc  Philippe-le-Bon; 
Etienne  Barbisey,  vicomte-maïeur  de  Dijon  au  quinzaine  siècle; 
sainte  Chaptal.  Au  l'ang  supérieur,  les  fausses  gargouilles  figurées  en 
animaux  fantastiques,  mais  construits  selon  toutes  les  règles  de 
l'animalité,  et  les  oiseaux  perchés  sur  les  pinacles  des  seconds 
contreforts  ont  été  exécutés  sur  les  modèles  de  M.  Vassal,  un  des 
plus  habiles  sculpteurs  formés  à  la  solide  école  de  la  Commission  des 
Monuments  historiques. 

Toutes  ces  statues  et  figures  ornementales,  les  moulures,  les  fenes- 
trages,  les  revêtements  des  bois,  etc.,  ont  été  martelés  en  cuivre 
épais  de  9  dixièmes  de  millimètre  dans  les  ateliers  de  la  maison 
Monduit. 

La  flèche  proprement  dite  jaillit  fine  et  droite  de  cette  double 
couronne  de  contreforts  ornementés  ;  elle  donne  en  plan  un  polygone 
étoile  à  seize  faces,  dont  les  creux  et  les  arêtes  modèlent  vivement 
en  clair  et  ombre  cette  haute  aiguille  oii  joue  le  soleil  sur  l'ardoise. 
Les  douze  derniers  mètres  ont  reçu  une  enveloppe  de  cuivre  hérissée 


—     150     — 

de  crochets,  qui  accentuent  ce  qu'il  y  aurait  de  trop  sec  dans  cet 
amincissement  extrême;  eniin,  au  point  oii  toutes  les  lignes  se 
réunissent,  l'architecte  a  placé  une  couronne  en  cuivre  largement  dé- 
coupé qui  fait  la  transition  entre  le  cône  et  la  croix  en  fer  forgé, 
exécutée  en  perfection  par  M.  Chaussenot,  de  Dijon.  Le  paratonnerre 
traverse  le  coq  mobile  qui  remonte  au  XIII<=  siècle;  étincelant  de  sa 
dorure  nouvelle,  il  a  recouvré  sa  queue  déployée,  qu'emporta  un  pro- 
jectile allemand  le  30  octobre  1870. 

Toute  cette  masse  repose  sur  les  quatre  solides  corbeaux  d'angle, 
que  le  moyen-âge  avait  ménagés  dans  le  bahut  de  pierre  assis  sur  les 
quatre  grands  arcs  de  la  croisée.  Un  double  et  puissant  chaînage 
enserre  la  maçonnerie  à  deux  hauteurs  différentes  et  des  vis  do  pres- 
sion permettraient,  au  besoin,  d'arrêter  les  mouvements  s'il  s'en 
produisait. 

(Tiré  par  extraits  du  Journal  des  Arts.) 

—  Une  tiare  en  or.  —  Plusieurs  journaux  nous  ont  raconté  que  les 
collections  du  Louvre  se  sont  récemment  enrichies  d'un  des  plus 
beaux  bijoux  que  nous  ait  légués  l'antiquité  ;  c'est  une  tiare  en  or 
qu'offriront,  dit  une  belle  inscription  grecque,  le  Sénat  et  le  peuple 
d'Olbios  au  roi  Saïtapharnès.  Le  roi  Saïtapharnès  était  Scythe;  le 
Sénat  et  le  peuple  d'Olbios  étaient  une  colonie  grecque  établie  dans 
la  Dacie  tout  près  des  frontières  du  royaume  du  Bosphore. 

On  sait  par  une  autre  inscription  qu'un  citoyen  d'Olbios,  Proto- 
gène, avait  déjà  payé  au  roi  Saïtapharnès  un  tribut  de  sept  cents 
talents  :  il  est  probable  que,  non  content  de  ce  premier  cadeau,  le 
barbare  en  avait  exigé  un  second  ;  c'est  la  tiare  que  M.  Héron  de 
Villefosse  a  eu  le  bonheur  et  l'honneur  de  faire  entrer  au  Louvre,  en 
même  temps  qu'une  parure  d'or,  de  la  plus  grande  beauté,  trouvée 
dans  le  même  tumulus  criméen.  Les  deux  objets  datent  du  lllo  siècle 
et  nous  ne  pensons  pas  qu'aucun  musée  puisse,  dans  les  séries  de  cet 
ordre,  offrir  aucune  pièce  de  cette  valeur  et  de  cette  importance. 

La  tiare  d'or,  merveilleusement  conservée,  se  termine  à  sa  partie 
supérieure  par  un  serpent  enroulé  dont  la  tête  se  redresse.  Au- 
dessous,  un  bandeau  ajouré  de  beau  style  que  surmonte  un  bas-relief 
circulaire  où  l'artiste  a  représenté,  en  suivant  le  texte  avec  une  exac- 
titude littérale,  deux  épisodes  de  rZ/m^É";  Briséis  conduite  à  Achille 
par  Ulysse,  et  le  bûcher  de  Patrocle.  La  tiare  se  termine  par  une  frise 
plus  étroite,  où  sont  représentées  quelques  scènes  de  chasse  d'un 
réalisme  ingénieux. 


—     IGO    — 

L'inscription  —  qui  ajoute  à  la  valeur  d'art  de  ce  monument  un 
mtérét  historique  et  documentaire  de  premier  ordre  —  est  tracée  avec 
infiniment  de  goût  sur  les  remparts  d'une  ville  dont  la  silhouette 
rappelle  ce  que  des  textes  anciens  nous  apprennent  des  remparts 
d'Olljios.  La  parure  est,  pour  l'élégance  et  la  pureté  du  goût,  d'une 
valeur  au  moins  égale.  Elle  se  compose  d'un  collier  et  do  pendeloques, 
avec  pierreries,  verroteries  et  or  hligrané.  Ces  belles  acquisitions 
seront  exposées  dans  la  salle  des  bijoux,  à  côté  du  Trésor  de  Bosco- 
Reale. 

Voici  maintenant  ce  qu'on  lit  à  ce  sujet  dans  le  Journal  des 
Débats  : 

La  fameuse  tiare  du  roi  Saïtapharnès,  récemment  acquise  à  grand 
prix  par  le  musée  du  Louvre,  serait-elle  un  simple  pastiche?  Des 
journaux  ont  reproduit,  à  ce  sujet,  une  lettre  adressée  au  Nouveau 
Temps  par  M.  Vesselovsky,  professeur  à  l'Université  de  Saint-Péters- 
bourg, dont  voici  la  teneur  : 

«  11  est  temps  de  dire  que  cette  tiare  est  incontestablement  une 
falsification  de  la  fabrication  d'Otchakof  de  nos  jours.  La  falsifica- 
cation  d'antiquités  se  produit  à  Otehakof  depuis  déjà  quelques  années 
et  se  perfectionne  tous  les  jours  davantage,  à  tel  point  qu'elle  trompe 
les  archéologues.  La  fameuse  tiare  de  Saïtapharnès  n'est  pas  le  seul 
objet  de  cette  espèce.  A  Kherson  existe,  dans  des  mains  particu- 
lières, une  couronne  de  même  travail,  mais  d'une  autre  forme. 

«  Veuillez  agréer,  etc.  » 

Par  un  heureux  hasard,  la  couronne  de  Kerson  est  actuellement  à 
Paris,  promenée  par  des  marchands  qui  cherchent  à  la  placer  et  qui 
l'ont  même  proposée  au  Louvre,  où  elle  a  été  immédiatement  refusée. 
La  comparaison  qui  en  a  été  faite  avec  la  tiare  de  Saïtapharnès 
prouve,  avec  la  dernière  évidence,  qu'il  n'y  a  entre  les  deux  objets 
aucune  similitude  de  travail  et  de  style,  aucun  lien  de  parenté  et,  par 
conséquent  d'origine.  M.  Héron  de  Villefosse,  conservateur  des 
Antiques,  fait  d'ailleurs  remarquer  que  l'affirmation  du  professeur 
russe  ne  repose  sur  rien  et  qu'il  résulte  des  termes  même  de  sa 
lettre  qu'il  n'a  pas  vu  la  tiare  du  Louvre  :  «  M.  Vesselovsky, 
ajoute-t-il,  se  contente  de  dire  qu'on  fabrique  à  Otchakoft'  des  anti- 
quités :  nous  ne  le  savions  depuis  longtemps.  On  en  fabrique  aussi  à 
Rome  et  à  Naples  ;  mais  il  n'est  jamais  venu  à  l'idée  de  personne  qu'il 
suffisait  qu'un  objet  provînt  des  environs  de  l'une  de  ces  deux  villes 
pour  être  déclai'é  moderne.  » 


—    161    — 


LES 

IMPRIMEURS   BELGES 

A     L'ÉTRANGER. 


Comme  je  l'ai  dit  dans  mes  A^ialectes  helgiques 
(p.  187),  «  c'est  un  fait  remarquable  que  de 
toutes  les  nations  de  l'Europe,  la  Belgique  et  la 
Hollande  soient  peut-être  celles  qui  ont  contribué 
le  plus,  eu  égard  à  leur  étendue  et  à  leur  popu- 
lation, à  la  diffusion  de  l'art  typographique. 
A  peine  l'imprimerie  est-elle  connue  et  com- 
mence-t-elle  à  se  répandre  que  les  Néerlandais 
s'emparent  de  la  merveilleuse  découverte,  la  pro- 
pagent dans  leur  patrie,  la  portent  à  l'étranger. . .  » . 

Dans  les  pages  qui  vont  suivre,  je  ne  m'occu- 
perai que  des  artistes  originaires  des  provinces 
méridionales  des  Pays-Bas,  ou  plus  exactement 
du  territoire  formant  la  Belgique  actuelle. 

Parmi  les  Belges,  donc,  qui  ont  ainsi  contribué 
à  la  régénération  littéraire  de  l'Europe,  mention- 
nons d'abord  Gérard  de  Lisa,  de  Flandre,  qui 
se  rend  en  Italie  et  introduit  l'art  de  Gutenberg 
à  Trévise,  en  1471,  à  Vicence,  en  1476;  il  quitte 


—    162    — 

cette  ville  pour  aller  à  Venise,  où  brillait  alors 
Nicolas  Jenson,  puis  il  revient  terminer  sa  carrière 
à  Trévise,  après  avoir  encore  porté  l'imprimerie 
à  Cividale,  en  1480,  et  à  Udine,  en  1484. 

D'autres  également  s'expatrient  avant  que  l'im- 
primerie soit  connue  dans  leur  pays.  Arnold  de 
Bruxelles,  un  des  premiers  imprimeurs  de  Naples, 
y  arrive  vers  1472  et  y  forme  plusieurs  élèves. 
A  Gênes  et  à  Mondovi,  l'imprimerie  fut  introduite, 
en  1472,  par  Antonius  Mathias  d'Anvers,  ville 
qui  ne  vit  s'ouvrir  un  atelier  typographique  que 
dix  ans  plus  tard. 

Citons  encore,  en  Italie,  le  liégeois  Paul  Leenen, 
que  l'on  trouve  établi  à  Rome,  en  1474;  Jean 
de  Tournai,  qui  se  fixa  à  Ferrare,  en  1475  ;  Daniel 
van  Bomberghen,  qui  monta  à  Venise,  en  1515, 
une  vaste  officine  pour  la  publication  d'ouvrages 
hébraïques  ;  le  poète  gantois  Nicolas  de  Stoop  qui 
aurait,  parait-il,  installé  une  imprimerie  dans 
la  même  ville,  où  il  mourut  en  1568. 

En  Espagne,  nous  rencontrons  un  Mathseus 
Flander  florissant  à  Saragosse,  de  1475  à  1478, 
ainsi  qu'un  Teodorico  aleman,  auquel  Ferdinand 
et  Isabelle  accordent  à  Séville,  en  1477,  des 
privilèges,  et  qu'un  savant  américain,  W.-J. 
Knapp,  a  identifié,  non  sans  vraisemblance,  avec 
Thierry  Martens;  en  Angleterre,  Guillaume  de 
Machlinia,  ou  de  Malines,  qui  imprima  à  Londres, 
de  1482  k  1490. 

La  France  surtout  reçut  beaucoup  de  nos  com- 
patriotes ,  depuis  que  Pierre  de  Keysere  eut 
imprimé  à  Paris,   de  1471   à  1509,  succédant  à 


—     163    — 

Ulric  Gering.  C'est  d'abord  Guillaume  Régis  ou 
Le  Roy,  de  Liège,  qui  est  à  la  tête  d'un  des  plus 
importants  ateliers  lyonnais,  de  1473  à  1493. 
Le  célèbre  Josse  Badins  Ascensius,  que  je  suis 
porté  à  considérer  comme  un  Van  Assche  de  Gand, 
après  avoir  étudié  à  Ferrare  et  à  Lyon,  vint 
exercer  à  Paris,  de  1499  à  1535,  et  ne  jouit  pas 
d'une  réputation  moins  grande  de  savant  philo- 
logue que  d'habile  typographe.  Josse  Horenweghe, 
Jean  Meganc,  Jean  Waterloes,  Georges  Biermant 
de  Bruges,  Louis  Cyaneus  ou  Blaublomme  de  Gand, 
Chrétien  Wechel  de  Lierre,  Jean  Louis  ou  Loys  de 
Thielt,  furent  également  imprimeurs  ou  libraires 
à  Paris  dans  les  premières  années  du  XVP  siècle. 

Comme  on  le  voit,  le  premier  courant  d'émigra- 
tion, aux  débuts  de  l'art  typographique,  conduit 
principalement  nos  compatriotes  dans  le  midi  de 
l'Europe,  en  France,  en  Italie  et  en  Espagne. 

Un  second  mouvement  se  produit  un  siècle 
plus  tard,  à  la  suite  des  édits  de  religion.  Cette 
fois  nous  voyons  ceux  de  nos  compatriotes  qui 
ont  embrassé  les  idées  nouvelles,  chercher  un 
refuge  dans  les  pays  protestants  qui  entourent 
leur  patrie  :  les  Pays-Bas  septentrionaux,  l'Alle- 
magne et  l'Angleterre. 

Etienne  Mierdman  s'enfuit  à  Londres,  en  1551, 
d'où  il  gagne  Emden,  vers  1554,  de  même  que 
Gillen  Vanden  Erven  ou  Gellius  Ctematius,  qui 
imprima  dans  les  mêmes  villes  sous  le  nom  de 
Collinus  Volckwinner.  Le  maître  d'école  gantois 
Pierre-Anastase  de  Zuttere  possédait  une  petite 
imprimerie    particulière    à   Emden ,    et    Nicolas 


—     164    — 

Biestkeiis,  de  Diest,  y  imprima,  en  1562,  la 
première  version  néerlandaise  téléobaptiste  du 
Nouveau  Testament.  Biestkens  alla  se  fixer  plus 
tard  à  Amsterdam  où  exerça  Zacharie  Heyns,  qui 
finit  sa  carrière  à  Zwolle.  Le  liégeois  Augustin 
van  Hasselt  fut  l'imprimeur  des  illuminés  qui 
s'intitulaient  la  Famille  de  charité  àKampen,  puis 
à  Yianen  et  à  Cologne.  N'oublions  point  que  c'est 
à  Louvain  qu'était  né,  en  1540,  Louis  Elzevier  qui 
alla  fonder  à  Leiden,  un  établissement  que  ses 
descendants  devaient  rendre  si  célèbre.  L'anver- 
sois  Félix  van  Sambix  va  à  Rotterdam.  C'est  là 
que  se  rend  également  Jean  van  Waesberghe, 
souche  d'une  importante  famille  d'imprimeurs  qui 
existe  encore  actuellement.  Gilles  Yanden  Rade, 
imprimeur  anversois  né  à  Gand,  fut  de  1586  à 
1611,  imprimeur  de  l'université  de  Franeker  et 
des  États  de  Frise. 

Jean  de  Berg  ou  Montanus,  de  Gand,  s'associe 
vers  1540,  avec  Ulrich  Neuber  à  Nuremberg  et 
fonde,  dans  cette  ville,  un  établissement  considé- 
rable pour  rimpression  de  la  musique.  De  1557  à 
1587,  Materne  Cholinus,  d'Arlon,  fait  rouler  ses 
presses  à  Cologne  ;  il  devient  membre  du  Sénat  de 
la  ville  et  acquiert  une  grande  fortune.  En  1570, 
le  graveur  liégeois  Théodore  de  Bry  ouvre  à 
Francfort  une  librairie  que  rendit  célèbre  sa  col- 
lection des  Grands  et  petits  voyages.  Lié  vin  Hulsius 
ou  Hulse,  de  Gand,  entreprit  une  collection  ana- 
logue à  Nuremberg,  ville  qu'il  quitta  dans  la  suite 
pour  se  fixer  à  Francfort. 

En  Suisse,  un  typographe  appelé  Pierre-Stepha- 


—    165    — 

nus  van  Gendt,  et  dont  le  nom  indique  assez 
Torigine  gantoise,  réimprime  à  Genève,  au  XVP 
siècle,  les  Psaumes  de  David  d'après  l'édition  de 
Baie,  152G.  Nous  trouvons,  de  1561  à  1582,  dans 
cette  dernière  ville,  Thomas  Guarin,  de  Tournai, 
qui  imprima  notamment  la  bible  espagnole,  dite 
de  rOurs. 

A  côté  de  ces  deux  courants  nettement  carac- 
térisés, s'effectuent  encore,  à  des  époques  diverses, 
de  nombreuses  migrations  individuelles  qui  se 
poursuivent  jusqu'à  nos  jours. 

Bornons-nous  à  en  citer  quelques  exemples  : 
Jean  Flamenco,  est  directeur,  en  1610,  de  l'im- 
primerie royale  à  Madrid;  Pierre  Craesbeeck, 
d'Anvers,  fonde  à  Lisbonne  une  officine  qui,  conti- 
nuée par  ses  descendants,  fut  pendant  tout  le 
XVIP  siècle  la  plus  considérable  du  Portugal. 
En  Autriche,  Jean  van  Ghelen,  d'Anvers,  institue 
à  Vienne,  en  1670,  après  avoir  travaillé  dans 
l'atelier  de  son  concitoyen,  J.-B.  Hacque,  une 
imprimerie  qui  devint  la  plus  importante  de  la 
capitale  autrichienne.  Rappelons  la  singulière 
physionomie  de  cet  aventurier,  bouquiniste  et 
homme  de  lettres,  Jean-François  deLos-Rios,  qui 
vécut  longtemps  à  Lyon,  au  XVIIP  siècle,  et  se 
distingua,  entre  autres  bizarreries,  par  la  dédicace 
de  ses  Œuvres  à  son  cheval  ! 

Si  je  ne  m'assignais  volontairement  pour  limite 
les  dernières  années  du  XVIIP  siècle,  je  pourrais 
indiquer  de  nombreuses  et  importantes  officines 
contemporaines  créées  par  des  Belges,  telles  que 
la  librairie  Pion  à  Paris. 


—    166    — 

Ces  quelques  détails  montrent,  je  pense,  quelle 
part  nos  compatriotes  ont  prise  à  la  diffusion  de 
l'art  typographique  en  Europe. 

On  trouvera,  dans  le  présent  travail ,  une  liste 
de  toutes  les  localités  où  des  Belges  ont  exercé, 
avec  une  notice,  volontairement  très  brève,  sur 
chacun  d'eux. 

Malgré  toutes  mes  recherches,  cette  liste,  je 
le  sais,  est  encore  fort  loin  d'être  complète, 
et  certaines  attributions  pourront  être  discutées. 
Je  crois  cependant  qu'elle  a  son  utilité  :  elle 
peut  être  considérée  comme  un  guide  pour  les 
chercheurs,  à  qui  elle  permettra  de  s'attacher  à 
traiter,  isolément,  et  cette  fois  à  fond,  l'histoire 
de  tel  ou  tel  atelier  belge  à  l'étranger. 

Paul  Bekgmans. 

l«r  août  1896. 


167    — 


LISTE  GEOGRAPHIQUE 


DES 


Imprimeurs  et  Libraires  belges  établis  à  l'Etranger. 

ALCALA  DE  HÉNARÉS. 

1552-1553.  JEAN  MEY,  ou  DE  MEY,  Flandro'. 

Il  eut  d'abord  une  officine  à  Valence,  où  il  publia  un 
recueil  de  Fueros.  A  Alcala,  il  imprima  divers  ouvrages 
importants,  tels  que  le  Tractatus  sacerdotalis  de  ecclesias- 
tieis  sacramentis  de  Nicolas  de  Ploue,  divers  traités  de 
saint  Thomas  d'Aquin,  et  de  Christophe  de  Vega,  etc.  Jean 
de  Mey,  qui  se  distingua  surtout  par  la  pureté  de  ses 
caractères  et  la  correction  de  ses  impressions,  fit  usage  de 
trois  marques  typographiques,  dont  deux  sont  reproduites 
dans  la  bibliographie  complutienne  de  J.-C.  Garcia.  Il  se 
peut  qu'il  soit  retourné  en  1515  à  Valence  (voir  ce  nom). 
Il  laissait  deux  fils,  Philippe  et  Pierre-Patrice,  qui  furent 
à  leur  tour  des  imprimeurs  notables  à  Tarragona  et  à 
Valence  (voir  ces  noms);  un  troisième  fils,  Aurèle,  aurait 
également  exercé  l'art  typographique. 

ALTONA. 

1673.  CORNEILLE  VANDER  MEULEN. 

Dans  son  Dictionnaire  de  géographie  ancienne  et  moderne 
à  Vusage  du  libraire,  P.  Deschamps  dit  qu'il  ignore  le  titre 
du  volume  sur  lequel  se  base  le  docteur  Cotton  pour  fixer  à 
l'année  1673  l'introduction  de  l'imprimerie  dans  cette  ville 


1  J.-C.  Garcia,   Ensayo  de  una    t!po[/)-afia  'complutense  (Madrid, 
1889),  n°^  243,  256, 264,  266-269, 271,  272  et  pp.  615-616. 


—    168    — 

du  Holstein.  Il  s'agit  sans  doute  de  l'opuscule  suivant  de  la 
célèbre  femme  philologue  Anne-Marie  à  Schurman  : 

A.  M.  à  SCHURMAN  |1  EvxX?]qicc  \\  SEU  ||  Melioris  Partis  || 
ELECTIO.  Il  Tractatus  |1  Brevem  Vitse  ejus  Delineationem 
exhibens.  \\  ... 

ALTON.î:  ad  Albim.  \\  Ex  Officiua  H  CORNELII  van  der 
MEULEN.  Il  ANNO  clo  loc  lxxiii.  || 

Pet.  in-8»,  207  pp.  cliiffr.  et  1  p.  cV errata. 

[Bibl.  univ.  Gand,  Hist.  1435]. 

Le  nom  de  l'imprimeur  semble  bien  indiijuer  une  origine 
flamande.  Les  biographies  belges  mentionnent  plusieurs 
peintres  et  poètes  du  nom  de  Vander  Meulen,  depuis  le 
XVP  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

AMSTERDAM. 

1578-1 5S8.  NICOLAS  BIESTKENS,  de  Diest,  venant  de 
Emden  (voir  ce  nom). 

La  Bibliotheca  helgica  cite  des  impressions  de  Biestkens 
à  Amsterdam  en  1578,  notamment  une  édition  de  VOffer 
des  Heeren,  et  en  1579.  En  1582-1583,  il  imprime  les  deux 
parties  du  chansonnier  :  Veelderhande  liedehens,  et  doime, 
sur  le  titre,  son  adresse  :  dans  l'étroite  rue  de  l'Église 
(m  de  enge  Kercksteege),  à  l'enseigne  du  lys  entouré 
d'épines,  emblème  que  reproduit  sa  marque  typogra- 
phique. 

Des  impressions  de  NICOLAS  BIESTKENS,  le  jeune, 
apparemment  fils  du  précédent,  sont  citées  en  1590  et  1595, 
également  avec  l'adresse  de  la  maison  au  lys  entre  les 
épines. 

En  161G-1626,  Nicolas  Biestkens  imprime  des  œuvres 
dramatiques  de  Th.  Rodenburgh,  S.  Coster  et  sa  propre 
pièce  :  Claas  Kloet  (1619).  Il  s'agit,  je  pense,  de  Nicolas 


—     169    — 

Biestkens,  le  jeune,  qui  aura  pu  supprimer  cette  qualifica- 
tion par  suite  de  la  mort  de  son  père. 

1.595-1605.  ZACHARIE  HEYNS ',   d'Anvers. 

Né  à  Anvers,  en  1570,  et  fils  du  poète  et  maître  d'école 
Pierre  Heyns,  Zacharie  dut  quitter  la  Belgique  avec  ses 
parents  pour  fuir   la   persécution  religieuse.  Il  s'établit 


comme  imprimeur  à  Amsterdam,  où  il  fit  rouler  ses  presses, 
de  1595  à  1605,  dans  la  rue  aux  Herbes  potagères  [War- 
moesstrate)  à  l'enseigne  des  trois  vertus  cardinales,  tout  en 
se  livrant  à  la  poésie  et  à  la  gravure.  C'est  ainsi  qu'il 
publia  lui-même  sa  géographie  rimée  des  Pays-Bas  :  Den 
nederlandtschen  Landtspiegel  in  ryme  gestelt  (1 599)  et  ses 
deux  pièces  de  théâtre  en  cinq  actes  et  en  vers  :  Vriendts- 
siftieghel  et  Pest-spieghel  (1602).  En  1605,  il  alla  s'établir  à 
ZwoUe  (voir  ce  nom).  La  marque  typographique  de  Zacharie 
Heyns  représente  l'humanité  guidée  par  les  trois  vertus 
cardinales,  avec  la  devise  :  Sic  itiir  ad  astra;  il  en  existe 
plusieurs  variétés. 


1  Biographie  nationale  puhliée par  l'Académie  royale  deBelgigue, 
t.  IX  (Bruxelles,  1886-1887),  col.  360-362.  —  Bibl.  helgica,  v°  Heyns. 


—     170     — 

1606-1622.  PIERRE  KEERIUS,  K^RIUS  ou  VANDEN 
KEERES  deGand. 

Fils  de  l'imprimeur-auteur  gantois,  Henri  Vanden  Keere, 
Pierre  s'établit  à  Amsterdam  comme  graveur  et  éditeur. 
Il  publia,  notamment,  en  1617,  un  bel  atlas  des  Pays-Bas, 
qu'il  fit  reparaître  en  1622.  Il  employa  la  même  marque 
que  son  père,  c'est-à-dire  un  cadran  dont  l'axe  est  une  tête 
de  mort,  et  la  même  enseigne  :  au  temps  incertain  {de  on- 
seecker  tyt). 

XVIIP  siècle.  PIERRE  VAN  DAMME^  de  Gand. 

Né  à  Gand,  le  20  juin  1727,  Pierre-Bernard  van  Damme 
se  rendit,  jeune  encore,  à  Amsterdam,  pour  se  consacrer  à 
la  librairie  et  fut  bientôt  à  la  tête  d'un  établissement  des 
plus  prospères  et  des  plus  importants.  Passionné  biblio- 
phile, il  se  forma  une  collection  particulière  des  plus 
riches;  mais  l'étude  de  la  numismatique,  à  laquelle  il 
s'appliqua  spécialement,  l'absorba  au  point  de  lui  faire 
quitter  son  commerce  dont  il  vendit  le  fonds  en  1767,  après 
s'être  défait,  en  1764,  de  sa  propre  bibliothèque  ^  Il 
écrivit  plusieurs  mémoires  sur  la  numismatique  et  légua, 
en  mourant  (13  janvier  1806),  la  bibliothèque  spéciale  qu'il 
avait  rassemblée  sur  ce  sujet,  ainsi  que  sa  collection  de 
médailles,  à  la  Société  Tôt  Nut  voor  t  Algemeen,  qui  en  fit 
publier  un  inventaire  raisonné  *,  orné  de  son  portrait. 

Parmi  les  ouvrages  qui  portent  l'adresse  de  Pierre  van 
Damme,  citons  la  traduction  du  traité  de  Gérard  Meerman 


1  P.  Bergmans,  Analectes  belgiqiies  (Gand,  1896),  p.  60. 

"  Biographie  nationale  piibliée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  IV  (Bruxelles,  1873),  col.  659-661,  et  les  sources  indiquées  dans 
cette  notice. 

3  Catalogus  van  eene  uytmuniende  bibliotheek...  Catalogue  d'une 
bibliothèque  incomparable.  La  Haye,  1764  ;  in-8o,  3  vol. 

*  W.  Van  Westreenen,  Catalogue  de  la  bibliothèque  et  du  cabinet 
de  médailles  de  Pierre  van  Damme.  La  Haye,  1807  ;  in-8°,  2  vol. 


—     171     - 

sur  rinventioii  de  rimpriraerie,  par  Henri  Gockinga,  avec 
une  liste  des  incunables  néerlandais  par  Jacques  Visser 
(1767). 

ARRAS. 

1591-1634.  GUILLAUME  RIVIÈRE  ou  DE  LA  RI- 
VIÈRE*. 

Né  à  Caen,  Guillaume  de  La  Rivière  n'appartiendrait 
pas  à  cette  étude  s'il  n'avait  fait  son  apprentissage  chez 
Plantin,  qui  épousa  sa  cousine,  Jeanne  Rivière.  Guillaume 
de  La  Rivière  entra  à  l'imprimerie  plantinienne,  comme 
compagnon,  en  1569;  le  6  avril  1576,  il  se  fit  recevoir 
bourgeois  d'Anvers  et  maître  imprimeur  ;  il  travailla  chez 
Plantin  jusqu'au  mois  de  février  1591.  Au  mois  d'avril  de 
la  même  année,  nous  le  trouvons  établi  à  Arras  %  dont 
il  devint  un  des  principaux  typographes  ^  Son  fils  imprima 
quelque  temps  à  Cambrai  (1610-1616),  puis  revint  à  Arras 
où  il  travailla  comme  associé  de  son  père,  à  l'enseigne  du 
bon  pasteur,  de  1629  à  1634;  cette  dernière  date  est  pro- 
bablement celle  de  la  mort  de  Guillaume  de  La  Rivière. 

La  vignette  de  ce  dernier  est  accompagnée  de  sa  devise  : 
Madent  a  flumine  valles,  oii  l'on  reconnaîtra  aisément  un 
jeu  de  mot  sur  son  nom  patronymique.  Il  en  existe  deux 
dessins  différents,  qui  se  rencontrent  chacun  en  plusieurs 
variétés.  Parmi  les  principaux  travaux  de  Guillaume  de 
La  Rivière,  il  faut  citer  la  Somme  de  saint  Thomas  avec 
les  notes  de  Paul  Boudot  (1610),  les  lettres  d'Etienne 
Pasquier  (1598),  les  œuvres  de  Jean  Cassien  avec  le  com- 
mentaire d'AUart  Gazet  (1628),  etc. 

i  A.  De  Deckek,  Eeniye  antwerpsche  druhkers  in  den  vreemde 
(Anvers,  1881),  pp.  64-65. 

2  M.  RoosES,  Ch ristophe  Plantin  {Anvers,  1882),  T^.ld. 

5  A.  DiNAUX,  Bibliographie  cambrésienne  (Douai,  1822),  p.  29.  — 
D'Héricourt  et  Caron,  Recherches  sur  les  livres  imprimés  à  Arras, 
lr«  partie  (Arras,  1851),  pp.  18-19  etpassim. 


—     172 


BALE. 


1 51 6-1 521  (?).  LAMBERT  HOLONIUS  ou  DE  BOLOGNE  ' , 

de  Liège. 

Holonius  travailla  à  Bâle,  comme  prote,  dans  l'impri- 
merie de  Jean  Froben.  S'étant  procuré,  on  ne  sait  comment, 
la  copie  des  Colloques  d'Érasme,  il  la  vendit,  pour  un 
prix  très  élevé,  à  son  maître  qui  publia  ainsi,  en  1518, 
la  première  édition  des  Colloquia.  Holonius  publia  égale- 
ment des  extraits  de  Laurent  Valla,  faits  par  Érasme,  sous 
le  titre  de  Paraphrases  elegantiarum.  Le  grand  humaniste 
fut  loin  d'être  satisfait,  et  sa  correspondance  contient 
plusieurs  passages  des  moins  flatteurs  pour  le  Typographiis 
leodiensis  -. 

1561-1582.  THOMAS  GUARIN',  de  Tournai. 

Après  avoir  peut-être  imprimé  à  Lyon  (voir  ce  nom), 
Thomas  Guarin,  originaire  de  Tournai,  fit  rouler  ses 
presses  de  1561  à  1582,  à  Bâle,  qui  était  alors  encore  un 
centre  typographique  important.  H  épousa  la  fille  de  son 
collègue  Michel  Isengrin  dont  il  continua  vraisemblable- 
ment l'officine,  et  dont  il  employa  la  marque  typographique 
jusqu'en  1567;  à  partir  de  cette  année,  il  eut  sa  marque 
propre*,  d'un  dessin  fort  original  et  représentant  un  ours 
debout  contre  un  arbre,  dans  le  tronc  duquel  des  abeilles 


i  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique,  1843,  pp.  26-29.  — 
Biographie  nationale  publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  IX 
(Bruxelles,  1886-1887),  col.  436. 

2  Trompé  par  cette  appellation.  De  Villenfagne  a  cru  qu'Holonius 
était  le  premier  imprimeur  liégeois  {Mélanges  sur  l'histoire  de  Liège, 
t.  II,  p.  84). 

^  F.-F.-J.  Lecotjvet-Gabin,  Thomas  Guarin,  tournalslen,  impri- 
meur à  Bâle  au  XVP  siècle  (Gand,  1858);  extr.  du  Messager  des 
sciences  historiques  de  Belgique. 

*  Elle  est  reproduite  dans  Imm.  Stokmeyer  et  Balth.  Reber,  Bel- 
tràge  zur  Basler  Buclidruckergeschlchte  (Bâle,  1840),  p.  157. 


—     173    — 

ont  fixé  leur  essaim.  Thomas  Guariu  était  fort  instruit, 
doctissimus,  dit  Sanderus,  et  plusieurs  de  ses  éditions  sont 
accompagnées  d'épîtres  écrites  par  lui  ;  il  connaissait  le 
grec,  et  donna,  notamment,  des  éditions  d'Aristote,  de 
Mosclius  et  de  Xénoplion.  C'est  Guarin  qui  imprima,  en 
1569,  la  bible  espagnole  que  sa  marque  fit  surnommer  la 
Bible  de  r Ours*.  Il  mourut  le  6  mai  1592,  âgé  de  03  ans^. 

BEVERLEY. 

15...  HUGUES  GOES.  Voir  York. 

BOIS-LE-DUC. 

1549-1610.  JEAN  DE  TURNHOUT. 

Deux  imprimeurs  de  ce  nom  ont  travaillé  à  Bois-le-Duc 
dans  la  seconde  moitié  du  XVP  et  au  commencement  du 
XVIP  siècle. 

BORDEAUX. 

1618.  ÉGIDE  ou  GILLES  BEYS  ^  d'Anvers. 

Fils  d'Égide  Beys,  qui  imprima  à  Paris,  et  de  Madeleine 
Plantin,  la  fille  du  grand  imprimeur  anversois.  Égide  II  ou 
Gilles  Beys  fut  baptisé  dans  la  cathédrale  d'Anvers  le 
19  janvier  1574.  Il  suivit  la  carrière  paternelle  et,  après 
avoir  fait  son  apprentissage  chez  ses  oncles  Jean  Moretus, 
à  Anvers,  et  François  van  llaphelinghen,  à  Leyde,  il  s'éta- 
blit comme  libraire  à  Bordeaux,  en  1618. 


i  Aux  24  impressions  de  Griiarin  citées  par  Lecoiivet,  je  puis  ajouter 
une  bible  latine  de  1578  (in-8°,  2  vol.)  et  le  De  re  nautica  de  E.-Er.-M. 
Laetus  (1573  ;  in-8»). 

*  V.  son  épitaphe  dans  le  Messager  des  sciences  historiques  de 
Belgique,  1878,  pp.  222-223. 

3  M.  RoosES,  Christophe  Plantin,  p.  381.  —  A.  De  Decker,  ouvr. 
cité,  p.  36. 


—     174    — 
CAMBRIDGE. 

1525.  NICOLAS  SPERYNG  et   GERARD-GODFROY 
VAN  GRATEN. 
Signalés  par  Mi'  E.  Gordon  Duff. 

CIVIDALE  DEL  FRIULI. 

1480-1481.  GÉRARD  DE  LISA  DE  FLANDRE.  Voir 
Trévise. 

Cest  à  Cividale  del  Friuli  que  l'on  retrouve  Gérard  de 
Lisa  après  son  départ  de  Venise  ;  il  n'y  fit  qu'un  court 
séjour,  et  se  rendit  ensuite  à  Udine,  qui  est  situé  à  dix- 
sept  kilomètres  de  Cividale. 

COLOGNE. 

On  ignore  le  lieu  de  naissance  exact  d'ARNOLD  ÏHER- 
HOERNEN  ou  TER  HOERNEN  ',  qui  fut  le  second  impri- 
meur de  Cologne  (1469-1483)  ;  il  était  originaire  des 
Pays-Bas,  mais  la  forme  de  son  nom  patronymique  ainsi 
que  les  caractères  qu'il  a  employés  me  le  font  considérer 
comme  un  Hollandais  plutôt  qu'un  Belge,  et  je  dois  donc 
l'écarter  de  ces  recherches.  Il  en  est  de  même  pour  Jean  de 
Ruremonde  -  qui  imprima  à  Cologne,  vers  1540,  avec  le 
matériel  de  Martin  de  Keyser,  d'Anvers. 


i  P.-C.  Vandek  Meebsch,  Recherches  sur  la  vie  et  les  travaux  des 
imprimeurs  belges  et  néerlandais  établis  à  l'étranger  (Gand,  1856), 
1. 1  [seul  paru],  pp.  189-272. —  Beschreibeiider  Catalog  desbibllogra- 
pMschen  Muséums  von  H.  Klemnt  (Dresde,  1884),  pp.  164-167. 

Le  Catalogue  des  incunables  de  Versailles,  l'édigé  par  M"®  M.  Felle- 
cliet  (Paris,  1889)  mentionne  erronément  (p.  2,  n°  3  et  à  la  table  des 
imprimeurs)  Adrianus  Ter  Hoernen  ;  c'est  Arnoldus  qu'il  faut  lire, 
comme  le  montre,  d'ailleurs,  le  colophon  de  l'ouvrage  décrit  dans  cet 
inventaire. 

2  Bulletin  du  biblioj)hile,  3^  série,  n"  1  (Paris,  1838),  pp.  5-6. 


—     175    — 

1511.  ANTON  KEYSER^ 
1518.  NICOLAUS  CAESAR  '. 

1519-1523.  CONRADUS  CAESAR  •'. 

Ces  typographes  appartiennent-ils  à  la  famille  belge  des 
De  Keyser  dont  plusieurs  membres  sont  célèbres,  tels 
qu'Arnaud,  le  premier  imprimeur  d'Audenarde  et  de  Gand? 
C'est  à  cette  famille  que  se  rattachent  Pierre  de  Keysere? 
fixé  cà  Paris,  Daniel  de  Keysere,  à  Rome,  et  peut-être 
Bartholomeo  l'Imperadore,  à  Venise. 

1557.  JACQUES  BATHEN.  Voir  Maestrieht. 

1557-1584.MATERNE  CHOLINUS^  ou  COLIN,  d'Arlon. 

Natif  d'Arlon,  Materne  Cholinus  s'établit  à  Cologne,  vers 
le  milieu  du  XVP  siècle.  Ses  talents  et  son  industrie  lui 
firent  acquérir  une  grande  fortune,  et  il  fut  membre 
du  Sénat  de  cette  ville.  Sa  marque  représente  une  main 
sortant  d'un  nuage  et  portant  une  couronne,  avec  la  devise  : 
Benedices  coronae  anni  henignitatis  tuae.  Psal.  64.  Il  se 
consacra  surtout  à  la  publication  d'ouvrages  de  théologie, 
mais  imprima  aussi  d'autres  volumes  d'un  certain  intérêt 
scientifique,  tels  qu'une  édition  grecque,  avec  traduction 
latine,  des  éléments  d'Euclide(1584). 

Son  fils,  GOSWIN  CHOLINUS,  fut  également  impri- 
meur et  libraire  à  Cologne  de  1583  à  1604^  A  cette  der- 
nière date,  sa  marque  porte  la  devise  :  Ex  literarum 
studiis  immort  alitas  acquiritur. 


1  Beschreibender  Catalog  des  hihlîographischen  Muséums  von 
H.  Klemm  (Dresden,  1884),  p.  194. 

2  Id.,  ibid. 

3  Id.,  p.  186. 

4  A.  Neyen,  Biographie  luxembourgeoise  (Luxembourg,  1860), 
pp.  119-120.  —  Annales  de  l'Institut  archéologiriuc  du  Luxembourg, 
t.  XXX  (Arlon,  1895),  pp.  3-7. 

s  V.  la  table  de  la  Bibliotheca  belgica,  où  sont  décrites  sept  de  ses 
publications. 


-     176    — 

(V.  1570)-1591.  AUGUSTIN  VAN  HASSELT.  Voir 
Kani'pen. 

1620.  MICHEL  DALIUS  ou  VAN  DALEN,  d'Anvers. 
Voir  Munster. 

V.  1675.  JEAN-CHRYSOSTOME  MALTE.  Noir  Lille. 

DELFT. 

1615-1634.  FÉLIX  VAN  SAMBIX.  Voir  Rotterdam. 

DOUAI. 

1563-1578.  JACQUES  BOSCARD  %  de  Louvain. 

Né  au  commencement  duXVL"  siècle,  à  Louvain,  Jacques 
Boscard  était  imprimeur  dans  cette  ville  quand  fut  fondée, 
en  1562,  l'université  de  Douai.  Il  accepta  les  offres  favorables 
que  lui  firent  les  magistrats  douaisiens  pour  le  décider  à  se 
mettre  au  service  de  la  nouvelle  institution,  et  ses  presses 
furent  établies  dans  une  maison  située  rue  des  Ecoles, 
L'année  suivante,  un  promoteur  de  l'université,  Loys  de 
Winde,  dont  le  nom  a  une  tournure  bien  flamande,  monta 
une  autre  imprimerie  qui  fut  installée  dans  le  local  même 
de  l'université. 

Jean  Boscard,  dont  les  impressions  sont  correctement 
exécutées,  avait  pour  enseigne  VÉcii  de  Bourgogne  et  pour 
marque  un  bûcheron  abattant  un  chêne,  avec  la  devise  : 
Ardet,  non  combur  [it\  Sa  veuve  continua  ses  affaires  de 
1588  à  1605.  Son  fils  Charles  imprima,  de  1592  à  1610,  à 
l'enseigne  du  Missel  d'or,  puis  il  se  rendit  à  Saint-Omer 
(voir  ce  nom). 


i  H.-R.  DuTHiLLŒUL,  Bibliographie  douaisienne  (Douai,  1842-1854), 
1. 1,  pp.  XX,  1-lÛ,  401-402  et  t.  II,  pp.  xiii,  1-2.  —  Biographie  nationale 
publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  II  (Bruxelles,  1868), 
col.  733-734. 


—     177    — 

1564-1576.  LOYS  ou  LOUIS  DE  WINDE. 

Comme  je  viens  de  le  dire,  il  se  pourrait  que  ce  typo- 
graphe fût  d'origine  flamande.  C'est  un  point  que  je  n'ai 
pu  éclaircir  jusqu'à  présent.  Loys  de  Winde  imprima  les 
premières  publications  douaisiennes  de  Jacques  Bogard 
(voir  plus  loin). 

1575-1579.  LOUIS  ELZEVIER,  de  Louvain,  libraire. 
Voir  Leyde. 

1590-1694.  BALTHAZAR  BELLÈRE  \  d'Anvers. 

Balthazar  Bellère,  fils  de  l'imprimeur  anversois  Jean 
Beelaert,  Bellerus  ou  Bellère,  naquit  en  1564,  et  se  rendit  à 
l'âge  de  vingt-six  ans  à  Douai.  Son  établissement,  situé  rue 
des  Ecoles,  à  l'enseigne  du  Compas  d'or,  devint  rapide- 
ment florissant,  et  ses  impressions  se  chiffrent  par  cen- 
taines. Parmi  les  plus  importantes,  on  cite  sa  Bible,  en  six 
volumes  in-folio  (1617),  la  dernière  édition  du  Spéculum 
quadruplex  de  Vincent  de  Beauvais  (1624),  et  VHistoria 
universa,  sacra  et  profana  d'André  Hoius  (1629). 

On  présume  que  Balthazar  est  mort  vers  le  milieu  du 
XVIIe  siècle  et  que  son  établissement  a  été  continué  jus- 
qu'à 1691  par  un  fils  qui  portait  le  même  prénom.  La  veuve 
de  ce  dernier  imprima  de  1691  à  1713,  et  ses  successeurs 
jusqu'en  1722. 

Balthazar  Bellère  employa  plusieurs  vignettes;  celle  qui 
se  rencontre  le  plus  fréquemment  représente  une  licorne 
plongeant  sa  corne  dans  un  fleuve,  avec  la  devise  :  Veneno 
pello. 


i  H.-R.  DuTHTLLŒUL,  ouvr.  cité,  1. 1,  p.  xxxvi,  69-143,  405-406,  459, 
et  t.  II,  p.  r2-18.  —  Biographie  nationale,  t.  II,  col.  136-138.  — 
A.  De  Deckek,  ouvr.  cité,  pp.  69-72.  —  Fk.  Olthoff,  De  boek- 
dritkkers,  boekverkoopers  en  uitgevers  in  Antiverpen  (Anvers,  1891), 
p.  6. 

12 


—     178    — 

lGOO-1634.  JEAN  BOGARD  ',  BOGAERT,  BOOGAERTS 

ou  VANDENBOOGAERDE,  de  Louvain. 

Né  à  Louvain  vers  le  milieu  du  XVI*  siècle,  Jean  Bogard 
imprima  dans  sa  ville  natale,  à  partir  de  1564.  En  1574,  il 
ouvrit  une  librairie  à  Douai,  où  il  débita  les  livres  sortis 
des  presses  de  Loys  de  Winde.  Enfin  en  1600,  il  transféra 
à  Douai  son  propre  atelier  typographique,  dans  la  rue  des 
Ecoles.  Ses  productions  sont  remarquables  tant  par  leur 
nombre  que  par  le  soin  qu'il  apporta  à  leur  impression. 
Sa  marque  représente  une  bible  placée  au-dessus  d'un 
cœur  ailé  et  entouré  d'arabesques,  avec  cette  devise  :  Cor 
rectum  inquirit  scientiam.  Jean  Bogard  mourut  vers  1634  ; 
son  établissement  fut  continué  par  ses  fils  Pierre  et  Martin. 

1604-1G06.  PIERRE  BORREMANS  \ 

H.-R.  Duthillœul  le  dit  natif  du  Hainaut;  je  le  crois 
plutôt  Bruxellois  d'origine,  son  nom  ayant  été  porté  par 
divers  personnages  connus,  nés  à  Bruxelles  au  XVl"  et  au 
XVIP  siècles.  Il  fut  d'abord  libraire,  puis  imprima  de 
nombreux  ouvrages,  parmi  lesquels  le  curieux  recueil  de 
poésies  de  Jean  Franeau  (1616).  Il  publia  en  1614  son 
catalogue  de  librairie  sous  le  titre  :  Hortulus  hibliotheca- 
rius  \  Son  enseigne  et  sa  marque  étaient  les  apôtres  saints 
Pierre  et  Paul.  Sa  veuve  continua  son  officine  jusqu'en 
1622. 

1640.  DENIS  HUDSEBAUT  *. 

Encore  un  nom  bien  flamand,  mais  dont  l'origine  exacte 

1  H.-R.  Duthillœul,  ouvr.  cité,  t.  I,  p.  xx,  16-69,  403-404,  457-458, 
t.  II,  pp.  3-11.  —  Biographie  nationale,  t.  II,  col.  615-616.  — P.  Bebg- 
MANs,  Notes  hîhliographiques  sur  le  dictionnaire  de  géographie  de 
Deschamps  (Paris,  1894;  extr.  de  la  Bévue  des  bibliothèques),  p.  7. 

2  H.-R.  Duthillœul,  ouvr.  cité,  t.  I,  pp.  186-188,  203,  408  et  t.  II, 
pp.  20-21. 

3  Bulletin  du  bibliophile  belge,  t.  VH  (Bruxelles,  1850),  pp.  438-437. 
*  H.-R.  Duthillœul,  ouvr.  cité,  t.  I,  pp.  237-238  et  412. 


—    179    — 

reste  à  établir.  Denis  Hudsebaut,  qui  imprima  à  renseigne 
des  Parisiens,  paraît  avoir  succédé  à  la  veuve  de  Martin 
Bogard. 

EMDEN. 

1554-1558.  ETIENNE  MIERDMAN  *. 

Etienne  Mierdman  ou  Myerdmann,  imprimeur  à  Anvers, 
dans  le  deuxième  quart  du  XVP  siècle,  publia  des  Bibles 
en  langue  néerlandaise  qui  inquiétèrent  l'autorité  ecclé- 
siastique et  lui  valurent  des  poursuites.  Il  se  réfugia  à 
Londres  où  il  publia  notamment,  en  lb51 ,  le  New  herball 
de  William  Turner.  Après  l'avènement  de  Marie  Tudor, 
Mierdman  quitta  l'Angleterre  et  se  rendit  à  Emden,  où  il 
acquit  droit  de  bourgeoisie  en  1554.  Il  y  imprima,  en  1558, 
la  première  bible  néerlandaise  vraiment  luthérienne  ;  cette 
version  avait  été  faite  par  Mierdman  et  Jean  Gheillyaert 
sur  l'édition  allemande  de  Magdebourg  (1554). 

155G-1.562.  GILLES  VANDER  ERVEN  \ 

En  1556,  Gilles  Vander  Erven,  Gellius  Ctematius  ou  Col- 
lin  us  Volckwinner  imprima  à  Emden  des  œuvres  de  Martin 
Microen  ou  De  Kleyne,  qui  était  ministre  calviniste  à 
Norden,  non  loin  d'Emden.  En  1562,  il  édita,  sous  la  sur- 
veillance de  Godefroid  van  Winghen,  la  confession  de  foi 
des  églises  réformées  des  Pays-Bas  et  une  nouvelle  tra- 
duction néerlandaise  de  la  Bible. 

1562-1570.  NICOLAS  BIESTKENS  %  de  Diest. 
Nicolas  Biestkens  *,  originaire  de  Diest  en  Brabant,  im- 
prima à  Emden,  en  1502,  la  première  version  néerlandaise 


1  De  Decker,  pp.  75-77. 

*  Blhliotheca  belglca,  y°  Microen. 
3  BibJiotheca  belgica,  v°  Offer. 

*  Un  imprimeur  de  ce  nom  travaillait  à  Anvers,  en  1577.  Fr.  Olt- 
HOFF,  ouvr.  cité,  p.  9. 


—     180    — 

téléobaptiste  du  Nouveau  Testament  :  Dat  niemve  Testa- 
ment^. Les  trois  premières  éditions  du  célèbre  martyro- 
loge téléobaptiste  néerlandais  :  Het  offer  des  Heeven, 
datées  de  15G2-15n3,  1567. et  1570,  seraient  également  dues 
aux  presses  de  Nicolas  Biestkens,  d'a])rès  J.  Koning,  dont 
l'attribution  est  admise  par  les  auteurs  de  la  Bihliotheca 
helgica.  Biestkens  alla  ensuite  se  fixer  à  Amsterdam  (voir 
ce  nom). 

1570-1574.  PIERRE-ANATASE  DE  ZUTTERE  S   de 

Gand. 

Le  ministre  réformé,  Pierre-Anastase  de  Zuttere, 
Overdhaye,  en  latin  Huperphragmus,  originaire  de  Gand, 
se  trouvait,  en  1570-1574,  à  Emden;  il  y  possédait  une 


petite  imprimerie  particulière  qui  lui  servit  à  publier 
divers  traités  de  théologie  protestante,  tant  de  lui  même, 
que  de  Séb.  Franck,  H.  Roi,  etc.  D'Emden,  il  se  rendit  à 
Rotterdam,  puis  à  Gand,  oii  nous  le  retrouvons  en  1551. 


'  J.-I.  DoEDES,  Collectie  van  rarîora  (2^  éd.,  Utrecht  [1892]),  p.  25. 

'  Chr.  Sepp,  Drie  evangeliedienaren  tilt  den  Hjd  der  hervorming 
(Leiden,  1879),  pp.  81-122.  —  W".  Moll  et  J.  G.  de  Hoop  Schepfer, 
Stiidiën  en  bijdragen  op  't  gebîed  der  hlstorîsche  théologie,  t.  IV, 
(Amsterdam,  1880),  pp.  329-369. —  Bibliotheca  helgica, passim. 


—    181     — 

Il  desservit  ensuite  différentes  chaires  en  Hollande,  où  il 
est  mort  vraisemblablement  à  la  fin  du  XVP  siècle. 

1605.  FRANS  DE  VLAMINGH. 

Een  loonderliche  nieuioe  prophecye  van  de  Nederlanden... 
door...  Jerassemus  van  Eydenborch^  de  1605  (in-4o,  8  ff.), 
porte  l'adresse  d'Emden,  Frans  de  Vlamingh  (littérale- 
ment François  le  Flamand),  peut-être  imaginaire. 

ESTELLA. 

1564.  ADRIEN  D'ANVERS  ^ 

Deux  rarissimes  romans  de  chevalerie  :  El  septimo  libro  de 
A  madis  en  el  quai  se  trata  de  los  grandes  hechos  en  armas 
de  Lisvarte  de  Grecia  et  Cronica  de  los  muys  notables 
cavalleros  Tablante  de  Recamonte  y  de  Jofre,  hijo  del  conde 
Donason  furent  imprimés  en  1564,  par  Adrien  d'Anvers, 
dans  la  petite  ville  espagnole  d'Estella  sur  l'Ega,  dans  la 
province  de  Pampelune. 

FERRARE. 

1475.  JEAN  DE  TOURNAI  \ 

En  1475,  Pierre  de  Avanceyo  et  Jean  de  Tournai  impri- 
mèrent à  Ferrare  les  Quotidiana  et  aurea  consilia  seu 
allegationes  de  Nicolas  de  Tudeschis,  Cette  édition  est  très 
remarquable,  tant  par  la  pureté  des  caractères  que  par  la 
beauté  du  papier. 

L'abbé  Baruffaldi  suppose,  dans  son  Délia  tipografia 
ferrarese  delVanno  1471-1500  (Ferrare,  1777),  que  l'impri- 
meur Augustin  Carnerius,  qui  publia  en  1474  dans  cette 
ville  une  édition  d'Horace,  est  originaire  de  la  Flandre; 

1  Alph.  De  Decker,  ouvr.  cité,  pp.  10-12. 

2  P.-C.  Vander  Meeesch,  Recherches  sur  la  vîe  et  les  travaux  de 
quelques  imprimeurs  belges  établis  à  l'étranger,  V-VII  (Gand,  1847), 
pp.  188-191. 


—    182    — 

mais  cette  hypothèse  est  dénuée  de  tout  fondement,  comme 
Ta  fait  remarquer  P.-C.  Vander  Meersch'. 

FRANCFORT-SUR-MEIN. 

1571-1593.  THÉODORE  DE  BRY  ^  de  Liège. 

Né  à  Liège,  en  1528,  Théodore  de  Bry  fut  un  graveur 
distingué;  s'étant  rallié  aux  idées  luthériennes,  il  fut  livré 
en  1570  aux  bras  de  la  justice  qui  le  bannit  de  sa  ville 
natale  et  confisqua  ses  biens.  De  Bry  se  rendit  à  Francfort, 
où  il  établit  une  libraire  à  laquelle  était  annexé  un  atelier 
de  gravure.  Pour  faire  prospérer  son  commerce,  il  entreprit 
de  nombreux  voyages,  notamment  en  Angleterre,  et  il 
réussit,  grâce  à  son  activité,  à  se  créer  une  grande  fortune. 
La  principale  publication  de  Théodore  de  Bry  est  sa  collec- 
tion dite  des  Grands  et  petits  voyages,  qui  comprend  treize 
parties  et  qui  parut  simultanément  en  français,  en  latin  et 
en  allemand.  Les  six  premières  parties  parurent  de  1590  à 
1596;  les  sept  autres  furent  achevées  par  ses  fils,  Jean- 
Théodore  (voir  plus  loin)  et  Jean-Israël,  et  le  gendre  de 
Jean-Théodore,  Mathieu  Mérian.  Théodore  de  Bry  mourut 
à  Francfort  le  27  mars  1598.  Son  portrait,  fait  en  1597,  orne 
le  catalogue  officinal  que  ses  fils  publièrent  en  1609  et  qui 
est  reproduit  par  Lempertz;  sa  devise  était  ;  Nul  sans 
soucy ^  de  Bry. 

Son  fils,  JEAN-THÉODORE  DE  BRY  ^  né  à  Liège, 
en  1561,  mort  à  Francfort,  en  1623,  résida  à  Francfort  et  à 
Oppenheim  et  prit  successivement  sur  ses  publications  le 
titre  de  citoyen  de  chacune  de  ces  villes. 

i  P.-C.  Vander  Meeesch,  oiivr.  cité,  pp.  187-188. 

*  H.  Lempertz,  Bilder-Hefte  zur  Geschichte  des  Bilcherhandels 
(Cologne,  1853-1865),  1855,  pi.  III  et  1862,  pi.  IV  et  V.  —  Bioc/raphie 
7iationale  publiée  par  V Académie  royale  de  Belgique,  t.  III  (Bruxelles, 
1872),  col.  125-128. 

3  Biographie  nationale,  t.  III,  col.  128-129. 


—    183    — 

1603-1606.  LIÉVIN  HULSIUS,  ou  HULSE,  de  Gand. 

A  la  suite  de  son  voyage  en  Hollande  et  en  Angleterre 
(1600),  Liévin  Hulsius  se  décida  à  quitter  Nuremberg  (voir 
ce  nom)  pour  venir  s'établir  à  Francfort.  Le  désir  de  se 
rapprocher  des  de  Bry,  avec  lesquels  il  était  en  relations 
d'affaires  et  d'amitié,  ne  fut  sans  doute  pas  étranger  à  cette 
résolution.  Il  réimprima  à  Francfort,  oii  il  arriva  au  com- 
mencement de  1603,  celles  de  ses  publications  qui  étaient 
épuisées,  et  continua  sa  collection  de  voyages  et  de  trai- 
tés de  mathématiques.  Après  sa  mort,  survenue  en  1606, 
sa  veuve  et  ses  fils  continuèrent  son  officine. 

FRANEKER. 

1586-1611.  GILLES  VANDEN  RADE ',  ou  RADIUS, 
de  Gand. 

Né  à  Gand,  Gilles  Vanden  Rade  obtint,  le  P*"  juin  1571, 
droit  de  bourgeoisie  à  Anvers,  et  fut  reçu,  l'année  suivante, 
franc-maître  dans  la  confrérie  de  Saint-Luc.  Il  s'établit 
comme  imprimeur  op  H  vlemincxvelt ^  et  publia  divers 
ouvrages,  tels  que  les  œuvres  poétiques  françaises  de  Jean 
Vander  Noot,  qui  sont  actuellement  fort  recherchés.  Gilles 
Vanden  Rade  quitta  Anvers  en  même  temps  que  Christophe 
Plantin,  à  l'époque  du  siège  de  cette  ville  par  le  prince  de 
Parme,  et  alla  s'établir  à  Franeker,  oii  il  devint  l'impri- 
meur de  l'Université  qui  venait  d'être  établie  dans  cette 
ville,  et  des  États  de  Frise.  Il  avait  deux  fils  qui  embras- 
sèrent sa  carrière  :  Abraham,  à  Leeuwarden,  et  Jean,  à 
Groningue.  Sa  devise  était  :  Consilio  numinis;  sa  marque 
est  reproduite  dans  A.  De  Decker. 


1  A.-M.  Ledeboer,  Alphahetische  lijst  der  boekdrukkers,  boeJc- 
verkoopers  en  uitgevers  in  Noord-Nederland  (Utrecht,  1876),  pp.  138- 
139.  —  Alph.  De  Deckee,  ouvr.  cité,  pp.  79-81.  —  Fk.  Olthoff,  ouvr. 
cité,  pp.  83-84. 


—     184 


GÊNES. 


1471-1474.  ANTOINE  MATHIAS  ',  d'Anvers. 

Au  commencement  de  Tannée  1471,  Antoine  Matliias, 
d'Anvers,  accompagné  de  Lambert  Laurenszoon  ^,  de  Delft, 
arriva  à  Gênes  pour  y  établir  l'imprimerie.  Les  deux  étran- 
gers y  formèrent,  dans  ce  but,  nne  association  avec  trois 
bailleurs  de  fonds,  les  jurisconsultes  Francesco  Marchese, 
Luca  Grimai di  et  Francesco  Pammoleo  (20  février  1471); 
le  20  juin  1472,  Laurenszoon  vendit  sa  part  à  Balthazar 
Cordero,  de  Mondovi,  Des  textes  '  établissent  que  les 
presses  de  Matthias  fonctionnaient  en  1471-1472,  mais  je 
n'ai  pu  retrouver  aucun  des  livres  qui  en  sont  sortis.  Une 
épidémie  força  les  deux  nouveaux  associés  de  se  transporter 
à  Mondovi,  où  ils  publièrent  le  De  institutioyie  confessorum 
sive  summa  confessioniim  de  l'archevêque  de  Florence,  saint 
Antonin,  et  les  satires  de  Juvénal,  suivies  des  héroïdes 
d'Ovide.  Des  difficultés  s'élevèrent  entre  Cordero  et 
Mathias;  ce  dernier  fut  emprisonné,  puis  relâché;  nous  ne 
connaissons,  d'ailleurs,  qu'incomplètement  cette  affaire. 
Quoiqu'il  en  soit,  Cordero  se  rend  à  Turin,  oii  il  imprime  en 
1474,  tandis  que  Mathias,  revenu  à  Gênes,  s'y  associe  avec 
Henri  d'Anvers;  le  25  mai  1474,  il  vend  ses  presses  et 
tout  son  matériel  à  Michel  Scopus  d'Ulra.  On  perd  alors  ses 
traces  à  moins  qu'on  ne  puisse  l'identifier  avec  le  Matthœus 
Flander  établi  à  Saragosse  (voir  ce  nom),  de  1475  à  1478. 


*  P.  Bergmans,  Analectes  helgiques,  pp.  187-205. 

'  Dans  ses  Monmnenta  Germaniœ  et  Italiœ  typographica,  K.  Burger 
reproduit  (1"  liv.,  pi.  10)  une  page  du  Dante  imprimé  à  Florence  en 
1481,  par  Nicholo  de  Lorenzo  ou  Nicolaus  Laurentii,  c'est  à  dire 
Laurenszoon.  Faut-il  rapprocher  ce  dernier  de  notre  Lambert 
Laurenszoon? 

'  ...  reddetur  bona,  vera  et  legalîs  ratio  ...  tam  de  lihris  trans- 
missis  in  Lombardiam  ac  alto,  quam  NapoUm,  ex  lihris  per  eos 
impressis. 


—     185     — 

1473-1471.  HENRI  D'ANVERS  <. 

Associé  d'Antoine  Mathias  (voir  ci-dessus),  il  se  recon- 
naît, le  30  octobre  1473,  solidairement  débiteur  avec  lui, 
pour  une  somme  de  vingt  ducats,  de  Martin  dal  Pozzo,  de 
Milan,  que  les  deux  imprimeurs  ont  eu  à  leur  service. 
L'acte  officiel  donne  à  Henri  d'Anvers  le  titre  de  magister 
impressv.re  litterarum. 

GENÈVE. 

15...  PIERRE  STEPHANUS  [Stevens?],  de  Gand. 

Une  version  flamande  des  Psaumes  de  David,  faite 
d'après  la  traduction  allemande  du  réformateur  Martin 
Bucerus,  fut  imprimée  à  Genève,  au  XVP  siècle,  ^^vPetrus 
Stephanus  vanGendt^c'est-k-dire  Pierre  Stephanus  [=  Ste- 
vens ?J  de  Gand . 

GRONINGUE. 

1606-1613.  JEAN  VANDEN  RADE,  d'Anvers. 
Il  était  le  second  iils  de  Gilles  Vanden  Rade,  imprimeur 
à  Franeker  (voir  ce  nom). 

KAMPEN. 

1562-1564.  AUGUSTIN  VAN  HASSELT  \ 
Né  dans  le  pays  de  Liège,  pi-obablement  dans  la  ville  dont 
il  porte  le  nom,  Augustin  van  Hasselt  embrassa  d'abord  les 
idées  des  anabaptistes  de  Miinster,  puis  s'affilia  à  la  secte 
d'illuminés  créée  par  Henri  Niclaes  sous  le  nom  de  Famille 
de  la  charité,  dont  il  devint  l'imprimeur  en  titre,  à 
Kampen,  dans  l'Overyssel,  vers  1562.  Il  resta  dans  cette 

1  P.  Bergmans,  Analectes  helglques,  p.  203. 

2  Max  Rooses,  Christophe  Plantin,  passim.  —  Biographie  natio- 
nale publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique,  t.  VIII  (Bruxelles, 

1884-1885),  col.  751-753. 


—     186    — 

localité  jusqu'en  1564.  De  1564  à  1566,  il  travailla  clans  les 
ateliers  de  Christophe  Plantin  à  Anvers.  En  1566,  il  se  fixa 
à  Vianen  ' ,  sur  les  domaines  d'Henri  de  Brederode;  le  maté- 
riel et  les  fonds  nécessaires  à  l'impression  des  ouvrages 
hétérodoxes  avaient  été  fournis  par  Plantin.  Après  un  court 
séjour  à  Wesel,  Augustin  van  Hasselt  revint  à  Vianen, 
pour  s'établir  ensuite  à  Cologne  où  résidait  Henri  Niclaes. 
Un  des  disciples  de  ce  dernier,  Henri  Janssen  de  Barrefelt, 
plus  connu  sous  son  pseudonyme  de  Hiel,  ayant  fondé  une 
secte  dissidente,  Van  Hasselt  quitta  Niclaes  et  devint  le 
typographe  de  Barrefelt,  pour  lequel  il  imprima  de  nom- 
breux ouvrages  de  propagande  sur  une  presse  clandestine. 
En  1591,  il  était  encore  à  Cologne. 

LA  HAYE. 

1599-1625.  LOUIS  ELZEVIER^,  deuxième  du  nom. 

Né  à  Anvers,  vers  1566,  il  suivit  son  père  à  Leyde  (voir 
ce  nom)  puis  s'établit  comme  libraire  à  La  Haye,  en  1590; 
il  mourut  dans  cette  ville  vers  1620.  Les  publications  qu'il 
a  fait  paraître  pour  son  compte  personnel  sont  peu  nom- 
breuses et  peu  importantes. 

LEEUWARDEN. 

1603-1621.  ABRAHAM  VANDEN  RADE,  d'Anvers. 
Il  était  le  fils  aîné  de  Gilles  Vanden  Rade  (voir  Franeher). 
Ses  propres  fils,  Jean  et  Pierre,  continuèrent  son  officine 
de  1621  à  1642. 

i  Bulletin  diihihUophile  belge,  t.  VII  (Bruxelles,  1850),  pp.  287-293. 

2  Biographie  nationale  publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  VI  (Bruxelles,  1878),  col.  -569.  —  A.  Willems,  Les  Elzevier 
(Bruxelles,  1880),  pp.  cli-clii.  —  Cf.  sur  les  Elzevier,  Éd.  Rahib,  Cata- 
logue d'une  collection  unique  de  volumes  imprimés  par  les  Elzevier 
(Paris,  1896). 


—     187 


LEYDE. 


1578-1580.  GUILLAUME  SILVIUS»,  ou  SYLVIUS. 

Né  à  Bois-le-Duc,  Guillaume  Silvius  vint  se  fixer  à 
Anvers  où  il  fit  reçu  dans  la  gilde  de  Saint-Luc  en  1651  ; 
son  habileté  lui  valut  le  titre  d'imprimeur  royal.  Zélé 
partisan  du  prince  d'Orange,  il  fut  nommé,  le  8  juin  1 578, 
imprimeur  de  l'Université  de  Leyde,  ville  oii  il  se  fixa  en 
1579  ;  il  y  mourut  vers  le  mois  d'août  1580. 

Guillaume  Silvius  a  employé  une  marque  typographique^ 
dont  il  existe  une  dizaine  de  variétés,  et  avait  pour  devise  : 
Serutamini. 

1580-1582.  VEUVE  DE  GUILL.  SIVIUS  et  CHARLES 
SILVIUS. 

La  veuve  de  Guillaume  Silvius  et  son  fils  Charles  '  conti- 
nèrent  ses  affaires  qu'ils  cédèrent,  en  1582,  à  Christophe 
Plantin. 

1580-1617.  LOUIS  ELZEVIER^  de  Louvain. 

Né  à  Louvain,  vers  1540,  Louis  Elzevier,  le  premier  dont 
il  soit  fait  mention,  fut  successivement  relieur  et  libraire 
à  Anvers  ^,  où  il  fut  au  service  de  Plantin,  à  Wesel  et  à 
Douai. 

En  1580,  il  alla  se  fixer  à  Leyde  où  il  fonda  une  impri- 
merie que  ses  descendants  devaient  rendre  si  célèbre.  Il 
mourut  à  Leyde  au  commencement  de  l'année  1617. 


1  Alph.  De  Deckeb,  ouvr.  cité,  pp.  82-84.  —  Fe.  Olthoff,  ouvr. 
cité,  pp.  97-98.  —  Max  Rooses,  Christophe  Plantin,  pp.  351-352. 

2  G.   Van  Havre,   Marques  typographiques    des   imprimeurs   et 
littéraires  anversois  (Anvers,  1883-1884),  t.  II. 

3  Charles  Silvius  prêta  serment,  le  28  octobre  1580,  comme  impri- 
meur de  l'Université. 

■*  A.  WiLLEMS,  Les  Elzevier,  pp.  cxxvii-cxLVii. 
s  Fr.  Olthoff  ne  le  mentionne  pas. 


—    188    — 

1583-1585.  CHRISTOPHE  PLANTIN  *. 

Le  célèbre  typographe  anversois,  —  car  il  mérite  bien  ce 
nom  quoiqu'il  soit  né  aux  environs  de  Tours,  --  reprit 
comme  on  vient  de  voir  l'établissement  de  Silvius;  il  se 
fixa  à  Leyde  au  commencement  de  1583;  sa  nomina- 
tion, comme  imprimeur  de  l'Université,  ne  date  que  du 
14  mai  1584.  Les  sollicitations  de  Juste  Lipse  ne  furent 
certes  pas  étrangères  à  ce  déplacement  que  Plantin 
expliquait  par  les  pertes  pécuniaires  qu'il  avait  faites  et 
le  délabrement  de  sa  santé.  Les  magistrats  de  Leyde 
promirent  à  Plantin  de  lui  payer  une  pension  et  de  ne 
l'obliger  à  rien  imprimer  qui  fût  contraire  à  la  religion 
catholique.  Les  livres  qu'il  imprima  à  Leyde,  sont  des 
traités  de  Juste  Lipse,  de  Simon  Stevin  et  de  Pierre 
Ramus,  des  auteurs  classiques,  l'histoire  des  comtes  de 
Hollande  d'Adrien  Barlandus,  l'atlas  marin  de  L.-J. 
Waghenaer.  Son  officine  anversoise,  qu'il  avait  laissée  sous 
la  direction  de  ses  gendres,  François  Raplielengien  et  Jean 
Moretus,  ne  chôma  d'ailleurs  pas  pendant  le  séjour  de 
Plantin  à  Leyde.  Après  un  voyage  accidenté  à  Hambourg, 
à  Francfort  et  à  Cologne,  où  il  eut  un  moment  le  dessein 
de  se  fixer,  Christophe  Plantin  revint  à  Anvers  en  novembre 
1585;  il  céda  à  François  Raplielengien  son  officine  de 
Leyde. 

1585-1589.  FRANÇOIS  RAPHELENGIEN  ^ 

François  Raphelenghien  ou  Van  Ravelinghen ,  né  à 
Lannoy  aux  environs  de  Lille,  dans  la  Flandre  française, 
le  27  février  1539,  étudia  à  Gand,  puis  à  Paris;  après  avoir 
été  professeur  de  grec  à  Cambridge,  il  devint  correcteur 
à  Anvers  en  1564,  chez  Plantin  dont  il  épousa  la  fille  aînée, 

i  Max  Rooses,  Christophe  Plantin,  pp.  3.51-360. 
2  Ibid.,  pp.  214-218,  360,  378-379.  —  Alph.  De.  Decker,  ouvr.  cité, 
pp.  56-63. 


—     189    — 

Marguerite,  en  1565.  liaplielengieu  prit  une  grande  part  à 
la  rédaction  et  à  la  correction  de  la  Bible  royale.  En  1585, 
il  reprit  l'officine  de  son  beau-père  à  Leyde.  Il  fut  nommé 
professeur  d'hébreu  à  l'Université  en  1586,  et  mourut  le 
20  juillet  1597,  à  l'âge  de  58  ans,  après  avoir  imprimé  une 
série  d'ouvrages  scientifiques  ou  littéraires  de  valeur.  Deux 
de  ses  fils  :  Christophe,  calviniste,  et  François,  catholique, 
suivirent  la  carrière  paternelle. 

1597-1601.  CHRISTOPHE  RAPHELENGIEN,  d'Anvers 
(t  10  février  1601). 

1597-1601. FRANÇOIS  RAPHELENGIEN,  fils,  d'Anvers. 

Il  avait  fait  son  apprentissage  chez  Plantin,  mais  il  ne 
soigna  guère  ses  affaires  et  dut  fermer  ses  ateliers  en  1619. 
Il  mourut  à  Leyde,  le  22  mars  1643. 

1617-1622.  MATTHIAS  ELZEVIER  \  d'Anvers. 

L'aîné  des  neufs  enfants  de  Louis  Elzevier,  il  était  né  à 
Anvers  et  suivit  ses  parents  dans  leurs  pérégrinations. 
Après  la  mort  de  son  père,  il  s'associa  avec  le  cadet  de  ses 
frères,  Bonaventure,  qui  était  né  à  Leyde,  pour  continuer 
la  boutique  de  cette  ville.  En  1622,  il  céda  sa  part  dans 
l'association  à  son  fils  aîné,  Abraham.  Il  mourut  à  Leyde 
le  6  décembre  1640. 

Les  autres  Elzevier  étant  nés  en  Hollande  n'appar- 
tiennent plus  au  domaine  que  j'explore. 

LILLE. 

1595.  ANTOINE  TACK^ 

Belge  de  naissance,  Antoine  Tack  fut  le  premier  impri- 
meur de  Lille;  son  privilège  est  daté  de  Bruxelles,  le 
19  juillet  1594.  Les  trois  impressions  de  Tack  qui  nous  sont 

i  A.  WiLLEMS,  Les  Elzevier,  pp.  cxlviii-cl. 

2  J.  HouDOY,  Les  imprimeurs  lillois  (Paris,  1879),  pp.  39-47. 


—     190     — 

connues  portent  la  date  de  1595.  Il  avait  pour  marque  un 
lys  couronné  environné  d'épines,  qu'expliquait  sa  devise  : 
Sicut  lilium  inter  spinas. 

1596-1598.  GUILLAUME  STROOBANT'. 

Il  fut  d'abord  libraire  et  imprimeur  à  Anvers,  où  il  fut 
reçu  dans  la  gilde  de  Saint-Luc  en  1593.  En  1595,  il  céda 
son  officine  à  son  frère  Paul  et  alla  s'établir  à  Lille  ^ 

1623-1625.  SIMON  DE  NEUFVILLE^  de  Tournai. 
Nous  ne  connaissons  aucune  production  de  cet  imprimeur 
qui  sollicita,  en  1625,  l'autorisation  d'ouvrir  une  école. 

1677-1710.  JEAN-CHRYSOSTOME  MALTE  \ 
Né  à  Mons,  il  fit  son  apprentissage  dans  cette  ville  chez 
Gilles  Ursmer;  après  avoir  travaillé  à  Bruxelles,  à  Anvers 
et  à  Cologne,  il  se  fixa  à  Lille,  où  il  remplaça  Baltbazar  Le 
Franc  comme  imprimeur  de  la  ville,  en  1691.  Sa  maison 
avait  pour  enseigne  le  Bon  Pasteur,  que  figurait  sa 
marque.  Il  mourut  vers  1710,  et  son  fils  François  continua, 
jusque  vers  1720,  son  établissement. 

LISBONNE. 

1597-1632.  PIERRE  CRAESBEECK^  ou  PIERRE  DE 
CRAESBEECK. 

Suivant  les  généalogistes",  le  premier  membre  connu  de 
la   famille  anversoise   des    Craesbeeck  serait  Guillaume 


1  J.  HouDOY,  ouvr.  cité,  pp.  47-49.  —  Fe.  Olthoff,  ouvr.  cité,  p.  97. 
—  A.  De  Decker,  ouvr.  cité,  pp.  72-74. 

2  Le  petit-fils  de  Christophe  Plantin,  Christophe  Beys,  qui  imprima 
à  Lille  de  1610  à  1645,  est  né  à  Paris. 

'  J.  HouDOY,  ouvr.  cité,  pp.  165-167. 

*  J.  HouDOY,  ouvr.  cité,  pp.  111-113. 

^  A.  De  Decker,  ouvr.  cité,  p.  13. 

^  0  Panorama,  jornal  Utferano  e  instructîvo  da  Sociedade propaga- 
dora  dos  conhecinientos  uteis  (Lisbonne),  1839.  Résumé  communiqué 
par  M""  Abraham  Bensaude,  à  Lisbonne. 


—    191     — 

Craesbeeck,  soldat  valeureux,  qui,  pour  la  bravoure  dont 
il  avait  fait  preuve  ù  la  bataille  de  Pavie,  aurait  été  anobli 
par  Charles-Quint,  à  Anvers,  le  4  avril  1545. 

Son  petit-fils  Pierre  vint  s'établir  au  Portugal  en  1580,  et 
fonda  à  Lisbonne  une  imprimerie  qui  devint  rapidement 
des  plus  importantes,  et  d'où  sortirent  les  œuvres  des 
principaux  auteurs  portugais  et  espagnols  de  son  temps  *. 
En  récompense  de  ses  services,  le  roi  Philippe  lui  accorda 
le  privilège  de  chevalier  de  sa  maison,  par  décret  du 
25  octobre  1617. 

Pierre  Craesbeeck  épousa  à  Lisbonne  Suzanne  Domingues 
de  Beja  qui  lui  donna  deux  fils,  Laurent  et  Paul. 

Laurent,  né  à  Lisbonne  en  1599,  alla  faire  ses  études  dans 
la  ville  natale  de  son  père.  Revenu  à  Lisbonne,  il  y  succéda 
à  celui-ci,  et  continua  l'officine  craesbeeckienne,  tout  en 
cultivant  les  lettres.  On  lui  doit,  notamment:  Silvia  de 
Lysardo,  recopilada  por  Lourenço  Craesbeeck.  Il  signa 
parfois  ses  impressions  du  nom  de  Lourenço  de  Anveres.  La 
Silvia  de  Lysardo  fut  imprimée  en  1651  par  son  frère  Paul. 
Ce  dernier,  qui  se  qualifie  à'impressor  dos  ordens  militares, 
fut  le  père  de  Pierre  (II)  Craesbeeck;  celui-ci  embrassa 
la  carrière  militaire,  servit  dans  la  guerre  de  VAcclamacâo, 
fut  à  la  bataille  de  Montijo  et  devint  successivement  lieu- 
tenant et  capitaine  sous  les  ordres  du  général  François 
de  Brito  Freire  (1655).  Pierre  (II)  Craesbeeck  avait  deux 
demi-frères  :  Antoine  Craesbeeck  de  Mello  et  Diego  Soares 
Craesbeeck,  qui  habita  Porto  ;  le  premier  publia,  en  1672, 
les  Dialogos  de  varia  historia  de  Mariz,  acrecentados  por 
Ant.  Craesbeeck.  Un  autre  frère,  Jean,  fut  abbé  des  béné- 
dictins de  Santarem. 


i  Notons,  à  la  date  de  1626,  une  très  rare  édition  musicale  :  Ant. 
Fernandez.  Arte  de  musica  de  canto  doryans  et  canto  chans,  e pro- 
porcoes  de  musica  dividades  harmonîcamente.  Lisboa,  Pedro  Craes- 
beeck, 1626;  in-4». 


192    — 


LONDRES. 


1482-1490.  WILLIAM  DE  MECHLINIA,  DE  MACH- 
LINIA  ou  MACKLYN,  ou  GUILLAUME  DE  MALINES  '. 

Il  s'associa,  vers  1482,  avec  John  Letton,  le  premier  impri- 
meur de  Londres;  un  des  cinq  ouvrages  sortis  de  cette 
association,  les  Tenores  novelli,  porte  l'adresse  :  juxta 
ecclesiam  omnium  sanciorum.  Vers  1483-1484,  John  Letton 
disparaît  et  Guillaume,  resté  seul,  imprime  une  vingtaine 
de  volumes,  dont  aucun  n'est  daté,  et  dont  quatre  seule- 
ment portent  son  nom.  Son  édition  de  VAlbertus  tnagnus 
de  secretis  donne  son  adresse  :  juxta  pontem  qui  vulgariter 
dicitur  Flete  brigge.  Il  indique  parfois  aussi  l'adresse 
d'Holborn.  Guillaume  de  Malines  paraît  avoir  imprimé 
jusque  vers  1490  ;  le  premier  livre  daté  de  Richard  Pynson, 
qui  semble  avoir  été  sou  successeur,  est  de  1493.  Il  employa 
onze  types  de  caractères,  de  provenance  diverse.  On  trou- 
vera, dans  l'ouvrage  cité  de  E.  Gordon  DufF,  le  fac-similé 
d'une  page  du  Sarum  horœ  de  Guillaume  de  Malines,  avec 
encadrement  gravé  sur  bois  composé  de  motifs  floraux. 

1550-1553.  ETIENNE  MIERDMAN  \  d'Anvers.  Voir 
Emden . 

Sa  première  impression  à  Londres  est  un  opuscule  de 
William  Harrys  sur  l'usure  :  The  market  or  fayre  of 
usurers,  de  1550. 

1554.  GILLES  VANDER  ERVEN. 

Avant  d'aller  à  Emden  (voir  ce  nom),  Gilles  VanderErven 
imprima  à  Londres,  où  il  donna,  en  1554,  sous  le  nom 
de  Collinus  Volckwinner,  un  opuscule  de  M.  Microen, 


1  J.  Ames,  Typographical  antîquities,  publié  par  W.  Herbert 
(Londres,  1785-1790),  t.  1,  p.  112-114  et  t.  III,  p.  1773.  —  E.  Gordon 
DuFF,  Earlij  jn'infed  hoolcs  (Londres,  1893),  pp.  160-165. 

-  J.  Ames,  ouvr.  cité,  t.  II,  pp.  770-771. 


—     193    — 

1566-1584.  HENRI  BYNNEMAN,  ou  BINNEMAN  '. 

Je  ne  sais  jusqu'à  quel  point  on  peut  revendiquer  pour 
la  Belgique  ce  t^'pographe  fécond,  dont  l'officine  fut  un 
des  plus  importants  ateliers  de  Londres  dans  la  seconde 
moitié  du  XVP  siècle  ;  le  nom  semble  déceler  une  origine 
flamande.  Il  en  est  de  même  pour  les  deux  suivants  : 

1568-1590.  HANS  SïELL  ou  JOHN  STILL^. 

En  1568  il  reçoit  la  permission  d'imprimer  avec  Arnold 
van  Gulke  «  an  almanacke  in  Duché  ».  Le  5  septembre 
1580,  il  est  admis  dans  la  corporation  des  imprimeurs  et 
libraires  de  Londres. 

1594-1595.  CHARLES  YETSWEIRT  ^  (littéralement  : 
valant  quelque  chose). 

Ce  typographe  appartenait  vraisemblablement  à  la 
famille  du  poète  Jacques  Yetzweirtius,  qui  écrivit,  notam- 
ment, un  poème  sur  la  prise  d'Audenarde  par  les  Gueux, 
en  1572  :  Aldenardias,  qui  fut  imprimé  à  Anvers,  en  1573, 
par  Gilles  Vanden  Rade  (voir  Franeker)  pour  le  libraire 
gantois  Jean  Vanden  Steene.  Sa  veuve,  Jeanne,  continua 
son  établissement  jusqu'en  1597. 

15...  HUGUES  GOES.  Voir  York. 

15...  NICOLAS  VAN  BERGHEN. 

\J Edictum  de  librorum  prohibitorum  catcdogo  ohservando 
(Anvers,  1570)  mentionne,  p.  82  :  Een  cort  hegryp  ende 
slot  vander  gansser  heyliger  scriftueren  des  oiiden  ende 
nieuice  testamentz,  gedruckt  te  Londen,  hy  Niclaes  van 
Berghen. 


1  J,  Ames,  ouvr.  cité,  t.  Il,  965-993. 

2  Ibid.,  t.  III,  p.  1.344. 

3  Ibid.,  t.  II,  pp.  1130-1132. 


13 


194    — 


LYON. 


U73-1494.GUILLAUME  LE  ROY  ou  REGIS  de  Liège  '. 

Originaire  de  Liège,  d'après  les  découvertes  de  Natalis 
Rondot  ^,  Guillaume  Le  Roy  s'établit  à  Lyon  où  il  s'associa 
avec  Barthélémy  Buyer.  De  ses  presses  sortit,  en  1473,  le 
Compendhim  Lotarii  qui  est  la  première  impression  lyon- 
naise de  date  connue.  M'"  Vingtrinier  conjecture  que  les 
deux  associés  ont  dû  commencer  à  travailler  quelques 
années  auparavant.  Quoi  qu'il  en  soit,  leur  activité  fut  des 
plus  grandes  et  leur  établissement,  dans  le  quartier  des 
Augustins,  fut  un  des  plus  importants  de  France.  Buyer 
était  plutôt  libraire  et  Le  Roy,  imprimeur  ;  le  premier  alla 
même  se  fixer  à  Toulouse  abandonnant  à  Le  Roy  la  direc- 
tion de  la  maison  de  Lyon  :  «  Pendant  que  Le  Roy,  grâce 
à  un  personnel  nombreux  et  bien  conduit,  créait,  sur  son 
fameux  papier  à  la  roue  dentée,  des  éditions  avidement 
reclierchées  aujourd'hui,  Buyer,  sérieusement  établi  à 
Toulouse,  écoulait,  par  lui-même  ou  par  ses  employés,  les 
produits  de  la  maison,  et  disputait  le  marché  delà  France 
méridionale  à  Philippe  de  Rensheim,  à  Perrin  Lathomi,  à 
Maréchal  Husz,  Reinhart,  Du  pré,  à  Trechsel,  surtout,  dont 
les  beaux  produits  attiraient  tous  les  érudits,  et  séduisaient 
tous  les  amateurs.  Malheureusement,  les  deux  associés 


^  A.  Vingtrinier,  Histoire  de  Vimprimerie  à  Lyon  (Lyon,  1894), 
pp.  36-52. 

2  ]y[iie  Pellechet  a  émis  l'hypothèse  que  Guillelmus  Régis  serait 
un  allemand  :  Wilhelm  Konig,  en  rapprochant  ses  caractères  de  ceux 
de  Vindelin  de  Spire,  à  Venise,  et  de  Jean  Koelhoff,  à  Cologne.  Bévue 
des  hibliothèques,  3^  année  (Paris,  1893),  pp.  5-7. 

Natalis  Rondot  a  retrouvé  à  Lyon,  à  la  fin  du  XV'  siècle,  des 
peintres  flamands,  auxquels  les  imprimeurs  auront  recouru,  tels  que 
Roboam  de  Masles  (1490-1499),  Jean,  le  peintre  flamand  (1492-1505)  ; 
Pierre  le  Flamand  (1493-1503),  et  Guillaume  Le  Roy,  peintre  flamand 
(1493-1528),  allié  à  notre  imprimeur.  Bulletins  de  l'Académie  royale 
de  Belgique,  3«  série,  t.  32  (Bruxelles,  1896),  pp.  206-207. 


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négligeaient  le  plus  souvent,  comme  tous  leurs  rivaux,  de 
mettre  leur  nom,  leur  adresse  et  une  date  aux  produits 
précieux  de  leurs  presses  ^  »  Jusqu'en  1476,  Le  Roy  se 
servit  de  caractères  gothiques^.  En  1477,  il  fit  un  voyage  à 
Venise,  d'où  il  rapporta  les  élégants  caractères  ronds 
inventés  par  Jenson  ainsi  qu'un  assortiment  de  papiers 
vénitiens.  Il  profita  même  de  son  séjour  à  Venise  pour  y 
imprimer  VOpusculum  de  baptismo  sancti  spiritus, du  prêtre 
Simon  le  Dalmate,  impressum  Venetiis  per  magistrwn 
Guliehnum  gallum^  du  14  octobre  1477  '.  Buyer  étant  mort 
vers  1492,  Le  Roy  continua  ses  travaux,  qu'il  paraît  avoir 
cessés  vers  1493-1494.  Un  ancien  chroniqueur  rapporte  que 
Louis  XI,  dans  ses  promenades  avec  le  vieux  roi  René, 
se  plaisait  à  aller  visiter  Guillaume  Le  Roy  et  Barthélemi 
Buyer  ^ . 

1494-1498.  JOSSE  BADIUS  ASCENSIUS.  Voir  Paris. 

1553.  THOMAS  GUERIN. 

Un  imprimeur  de  ce  nom  publia  YEpitome  du  trésor  des 
antiquitez  de  Jacques  de  Strada,  traduit  par  Jean  Louveau. 
C'est  peut-être  le  tournaisien  Thomas  Guarin,  qui  imprima 
à  Bâle  (voir  ce  nom)  de  1561  à  1582,  et  dont  la  première 
impression  dans  cette  ville  porte  le  nom  de  Guerinus. 

1766-1794.  JEAN-FRANÇOIS  DE  LOS-RIOS. 

Né  à  Anvers,  en  1727,  ce  libraire  eut  une  vie  des  plus 
accidentées".  Je  me  bornerai  à  rappeler  ici  que,  de  1766  à 
1794,  il  fut  établi  à  Lyon,  oii  il  s'adonna  au  commerce  de 
vieux  livres,  dont  il  publia  de  nombreux  catalogues  à  prix 
marqués.  En  1789,  il  en  comptait  environ  cent  cinquante 

1  A.  ViNGTRiNiEB,  ouvr.  cité,  p.  44. 

2  Le  cliché  ci-contre  m'a  été  obligeamment  prêté  par  M"'  M.  Pelle- 
chet,  ainsi  que  celui  de  Gérard  de  Nova  Civitate,  à  Metz. 

^  Un  ex.  à  la  bibl.  mazarine,  à  Paris,  n°  149  du  cat.  impr. 

*  A.  ViNGTRiNiER,  ouvr.  cité,  p.  52. 

^  p.  Bergmans,  Afiahctes  beJgiques,  pp.  25-48. 


—    197    — 

dans  une  petite  note  autobiographique  qu'il  avait  rédigée 
pour  le  dictionnaire  historique  imprimé  par  les  frères 
Bruyset,  à  Lyon;  il  ajoute  que  ces  catalogues  étaient 
accompagnés  de  «  quelques  notes  remarquables  sur  les 
«  livres  rares  et  souvent  de  préfaces  extravagantes,  d'un 
«  style  baroque,  qui  ont  amusé  quelques  moments  les 
«  apprentis  philosophes,  ou  les  hommes  de  la  petite  litté- 
«  rature,  etc.  »  Los-Rios  fut  également  éditeur,  si  l'on  en 
juge  par  la  souscription  de  l'ouvrage  suivant  :  Lettres  fami- 
lières de  MM.  Boileau- Despréaux  et  Brossette  pour  servir 
de  suite  aux  Œuvres  du  premier,  publiées  par  Cizeron- 
Rival.  Lyon,  François  de  Los-Rios,  1770  ;  pet.  in-12o,  3  vol. 
Vers  la  fin  de  sa  vie,  Los-Rios  se  retira  à  Malines,  oii  il 
mourut  dans  la  misère,  le  24  novembre  1820.  Son  portrait 
ligure  en  tête  de  sa  Bibliographie  instructive  parue  à 
Avignon,  en  1777. 

MADRID. 

1600-1610.  JUAN  FLAMENCO  ou  JOANNES  FLANDER. 

Au  commencement  du  XV IP  siècle,  un  typographe  de  ce 

nom  était  à  la  tête  de  l'imprimerie  royale  de  Madrid.  Juan 

Flamenco  publia,  en  1600,  une  œuvre  musicale  des  plus 

rares,  les  Missœ  de  Thomas-Louis  de  Victoria.  L'année 

suivante,  il  imprima,  notamment,  une  Descripcion  de  las 

Indias  ocidentales,   in-folio,   et  VHistoria  gênerai  de  las 

hechos  de  las  Castellanos  de  Antonio  de  Herrera;  en  1610, 

il  édita  le  Commentarius  rerum  in  Belgio  gestarum  de 

M. -A.  Del  Rio.  Diego  (Jacques)  Flamenco,  parent  de  Juan, 

peut-être  son  fils,  est  cité  comme  imprimeur  madrilène,  à  la 

fin  d'une  gazette  de  Verhoeven  d'Anvers,  n°  11  de  février 

1624. 

MAESTRICHT. 

1552-1554.  JACQUES  BATHEN  «. 

1  Le  BihlioiMle  belge,  1. 1  (Bruxelles,  1867),  pp.  405-407. 


—    198    — 

Après  avoir  imprimé  à  Louvain,  Jacques  Bathen,  fit 
rouler,  de  1552  à  1554,  ses  presses  à  Maestriclit.  VExtraict 
et  recueil  des  ordonnances,  conclusions  et  recès  du  sainct 
Empire  touchant  la  contribution  et  collecte  du  commun 
denier  pour  la  defence  de  la  foy  et  résistence  contre  les 
Turcqz,  in-4",  est  le  premier  ouvrage  imprimé  dans  cette 
ville  ;  il  porte  l'adresse  suivante  :  Imprimé  à  Traict-sur- 
Meuse^  au  mandement  et  ordonnance  du  très-révérend  père 
en  Dieu  Vévesque  de  Liège,  en  la  maison  de  Jacques 
Bathen,  en  1552,  au  moys  de  décembre  '.  Sa  marque  typo- 
graphique, reproduite  dans  le  Bibliophile  belye{l8G7^  p.49G, 
pl.II,no  4),  représente  un  portique  dont  Tentrée  est  occupée 
par  une  couronne  au  centre  de  laquelle  s'élève,  entre  des 
nuages,  un  caducée  surmonté  d'un  liibou  ;  elle  ])orte  la 
devise  :  Prudenter  vigilem  laurea  serta  manent.  En  1577, 
nous  trouvons  Bathen  établi  à  Cologne,  où  il  imprime,  selon 
Maittaire  ^,  les  Ritus  ecclesiœ  romance  in  eligendo  papa. 

1597-1604.  JEAN  (III)  VAN  GHELEN  \ 

Né  à  Anvers,  oii  il  fut  reçu  franc-maître  de  la  gilde  de 
Saint-Luc,  en  1577,  Jean  (III)  Van  Ghelen  imprima  dans  sa 
ville  natale  et  se  rendit,  en  1597,  à  Maestriclit,  où  il  fit 
rouler  ses  presses.  Il  dut  quitter  cette  ville,  en  lfi04,  à  la 
suite  d'un  différend  avec  le  maître  d'école  Hubert  Bouille, 
et  s'établit  alors  à  Rotterdam  (voir  ce  nom). 

METZ. 

1482.  GÉRARD  DE  NOVA  CIVITATE. 


1  X.  DE  Theux,  Bibliographie  liégeoise  (2'  éd.,  Bruges,  1885), 
col.  1312,  où  l'on  trouvera  une  série  d'impressions  maestrichtoises  de 
J.  Bathen. 

«  T.  V,  2«  partie,  p.  118. 

5  A.-A.  VoRSTEBMAN  VAN  Oyen,  Les  Voti  Ghelen,  imprimeurs 
(Gand,  1883;  extr.  du  Messager  des  sciences),  pp.  17-19. 


199 


ncqnttuc  ci  M  p^  p^cc  Cape  trip*  Tiîc  cdà  bn 
;:^ixt?  bc  oi  cuêtu  rcn  cnt .  ncc  tûc  ^  ma§  ktabif 
ncc  <|3  mobico  otnilîshit  6  poît  fc  îtcgrc  'Z  fibu' 
aahè  1  î^o  q  c  cioïa  î  oib?  aii  nicbil  vnq;  \xtit  n^ 
mo:if  6  ota  ci  viuîît  'z  ab  viutû  îdî dané  bcpiimt 
'iVIcnîh?  Tp  fimB  a  qi  pbitû  n  5  rebit  tps  âïitic  fo 
licitubïc  q  biligcna  nfi^.acqrco  vtutca  J£)l  Ki::: 
}3i8  tcpcfccîcipicij  niaU^rê  ^i  âtbebetie  te  ab 
(çruozc  ÏUC1C8  niagnâ  |?a(x  1  fencics  Uuiozc  lài^ 
tozc  ^t'  bel  grâ^  'Z  ^tutf  aniozc-  \bÔ  frtuib?  et 
bi%c8  ab  oia  c parât?.  IVIaiodabczc  rcfiffcre 
vîcri8  'Zpaffiomb?  ^  cozpalib?  ïflibarc  laboii; 
bue  ^ui  patuo0  nô  vttAt  bcird?  paufaam  la:î 
bi*  abmaîozca  •  Gaubcbia  fcmpctbc  tsefpcrefi 
bicm  c;:pêbaa  fructuofc  Vigiia  fiipct  tcipfîutiî 
^%ciî2i  tcipflini .  inionc  tel  pfiim  et  quitq  lUb  bc 
alfjs  fit. non  nccific^as  tcipftmi  Tantuni  piohci 
<s  quantum  tibhpfi  vim  intuktie .  'Zc- 


^E;;pïicmt  amoniccncs  ab  fpt:: 
tituaUm  vicam  vtilc»- 

CCI  "ipîcfTc  m  âtâtc  Mcfcnîî 
pet  ftàtrem  loba^mc  Co'^rti*  O: 
bims  iratniin  Catmclitr»tum. 
6t  gctljarbum  bc  noua  rifcjtc. 
ï\fnio  towini  MWc''-  GGCG* 

Ammonieioncs,  impr.  à  Metz,  en  1482,  par  Jean  et  Gérard  de  Nova  Civitate,  fo  24,  r". 


—    200     — 

Dans  son  Catalogue  des  incunables  de  la  bibliothèque  de 
Metz  (Metz,  1876,  p.  257)  Victor  Jacob  décrit  les  Ammoni- 
ciones  ad  vitam  spiritualem  (livre  I"  de  l'Imitation  de  J.-C.) 
imprimées  à  Metz,  en  1482,  per  fratrem  Johannem  Colini, 
ordinis  fratrum  carmelitariim  et  Gerharduyn  de  Nova 
Civitate. 

M""  M.  Pellechet'  dit  que,  suivant  Lorrain  (Bulletin  de 
l'académie  de  Metz,  1867,  p.  101),  Novacivitas  «  doit  se 
rapporter  à  Laneuveville  ou  même  à  Neufcliâteau,  dont  le 
nom  est  quelquefois  rendu  en  latin  par  Nova-civitas.  »  Si 
Gérard  était  réellement  de  Neufcliâteau,  dans  le  Luxem- 
bourg belge,  Jean  Colini  n'appartiendrait-il  pas  à  la  famille 
arlonnaise  des  Colin,  dont  un  des  membres,  Materne  Choli- 
nus,  fut  imprimeur  à  Cologne  (voir  ce  nom)? 

MONDOVI. 

1472-1473.  ANTONIUS  MATHIAS  2,  d'Anvers.  Voir 
Oênes. 

MUNSTER,  en  Westphalie. 

1610-1 628.  MICHEL  DALIU S  ou  VAN  DALEN,  d'Anvers. 

Il  entra  en  relations  avec  le  principal  imprimeur  de 
Miinster,  Lambert  Rasfeldt,  qui  mourut  en  1618  et  dont  il 
épousa,  vers  1624,1a  veuve,  après  avoir  été  associé  quelque 
temps  avec  Jean  Volmari.  En  1620  il  avait  été  associé  dans 
une  librairie  de  Cologne.  La  dernière  impression  de  Michel 
van  Dalen  paraît  être  la  Clams  regia  sacerdotum  ...  sunip- 
tibus  Mich.  Dalii  et  Bernardi  Rasfeldt.  Ce  dernier,  fils  de 
Lambert,  continua  l'officine. 


1  Revue  des  bibliothèques,  6^  année  (Paris,  1896J,  p.  130.  Je  suppose 
que  la  graphie  constante  Novocivitas  n'est  qu'une  faute  d'impression. 

2  J.-B.  NoRDHOFF,  Denkwilrdighetten  aus  dem  milnsterischen  Huma- 
nismus  (Miinster,  1874),  pp.  152-153. 


201     — 


NAPLES. 


1472-1477.  ARNOLD  DE  BRUXELLES  *. 

Arnoldus  ou  Arnaldus  de  Bruxelles,  aussi  appelé  Fia- 
mengo,  fut  le  second  imprimeur  de  Naples,  le  premier  étant 
Sixtus  Riessinger.  En  1472,  il  publia  dans  cette  ville  la 
Rhétorique  de  Cicéron,  et  il  fit  paraître,  depuis  cette  année 
jusqu'en  1477,  une  série  d'éditions  remarquables  tant  au 
point  de  vue  du  texte  que  de  la  netteté  des  caractères.  Il 
faut  citer  spécialement  son  Horace  (1474)  et  son  Liber  cibalis 
et  medicinalis  deMatthœus  Sylvaticus. 

1631.  MATTEONUCCL 

Ce  typographe  musical  qui  publia  en  1631  le  Specchio 
seconda  di  musica  de  S.  Picerli,  n'appartiendrait-il  pas  à  la 
famille  des  Nutius  qui  fournit  trois  générations  d'impri- 
meurs à  Anvers  ? 

NUREMBERG. 

1542-1563.  JEAN  MONTANUS  ou  VAN  BERG^. 

Originaire  de  Gand,  selon  Fétis^,  Jean  Montanus,  dont  le 
nom  flamand  devait  être  Van  den  Berghe  (de  la  Montagne), 
imprima  à  Nuremberg,  en  société  avec  Ulrich  Neuber.  Il 
se  livra  principalement  à  l'édition  d'œuvres  musicales, 
mais  imprima  aussi  d'autres  ouvrages,  tels  que  le  De  ele- 
mentis  et  orbibus  cœlestibus  de  Messahala  (1549).  Après  sa 
mort  survenue  en  1563,  ses  héritiers  continuèrent  pendant 
quelques  années  l'officine  avec  Neuber;  en  1566,  ce  dernier 
s'associa  avec  Théodore  Gerlach,  qui  continua  bientôt  seul 


1  P.-C.  Vandee  Meeesch,  ouvr.  cité,  2«  éd.,  pp.  367-402.  —  Bio- 
grapJde  nationale,  1. 1,  col.  441-442. 

2  Biographie  universelle  des  musiciens,  2^  éd.,  1. 1,  p.  354. 

5  Ch.-Fe.  Gessner  et  J.-G.  Hahek,  Die  so  nilttig  aïs  niUzliche  Buch- 
drucJcerkunst  (Leipzig,  1740-1745),  t.  II,  p.  88. 


202 


les  affaires  ;  un  recueil  de  Magnificat  de  Roland  de  Lassus 
paru  eu  1567  porte  l'adresse  :  Noribergœ,  apud  Theodo- 


B^atïTS  popialus  qui  fci^  iubdadonart 

ricum   Gerlatzenum  in  officina  Joannis  Montant  piœ  me- 
moriœ. 

1594-1602.  LIÉVIN  HULSIUS  ou  HULSE,  de  Gand  •. 

Né  à  Gand,  vers  1546,  Liévin  Hulse  embrassa  les  idées  de 
la  Réforme,  ce  qui  l'obligea  à  quitter  sa  patrie.  Il  s'établit 
vers  1590  à  Nuremberg,  qui  était  alors  un  centre  typogra- 
phique important  grâce  à  sa  proximité  de  l'université 
d'Altdorf.   Après  avoir  été  maître  d'école,  puis  notaire 


1  Biographie  nationale,  t.  IX,  col.  690-691.  —  A.  Asher,  Bihliogra- 
phical  essai/  on  the  collection  of  voyages  edited  by  Levînus  Hulsîus 
(Londres,  1839). 


—    203     — 

public,  Liévin  Hiilse  devint  libraire,  en  1594,  et  publia 
divers  ouvrages  d'histoire  et  de  géographie,  ainsi  que 
des  dictionnaires  allemand-français  et  allemand-italien. 
Séduit  par  le  succès  des  Voyages  publiés  par  De  Bry  à 
Francfort,  il  entreprit,  en  1598,  de  publier  une  collection 
analogue,  qui  fut  continuée  par  ses  héritiers  et  dont 
26  volumes  parurent  de  1598  h  1650.  Il  forma  également  le 
projet  d'une  encyclopédie  mathématique,  dont  quatre  par- 
ties virent  le  jour.  En  vue  de  rassembler  des  matériaux 
pour  ces  entreprises  et  de  les  faire  connaître,  Hulsius  entre- 
prit, en  janvier  1600,  un  voyage  dans  les  Pays-Bas  et  en 
Angleterre,  à  la  suite  duquel  il  alla  se  fixer  à  Francfort 
(voir  ce  nom). 

OPPENHEIM. 

1614-1617.  JEAN-THÉODORE  DE  BRY,  de  Liège.  Voir 
Francfort. 

PARIS. 

1473-1509.  PIERRE  DE  KEYSERE  '. 

Parent  d'Arnaud  de  Keysere,  qui  fut  le  premier  impri- 
meur d'Audenarde  (1479)  et  de  Gand  (1483),  Pierre  de 
Keysere  était  vraisemblablement  originaire  d'Audenarde 
comme  ce  dernier.  Il  se  rendit  à  Paris  et  s'initia  à  l'art 
typographique  dans  l'atelier  d'Ulrich  Gering,  auquel  il 
succéda  vers  1473,  en  s'associant  avec  Jean  Stol,  d'origine 
allemande. Très  instruit,  comme  la  plupart  de  ses  collègues, 
il  indique  presque  toujours  sa  qualité  de  maître  es  arts. 
De  1474  à  1509,  il  produisit  une  quarantaine  d'ouvrages, 
où  les  classiques  latins  sont  surtout  représentés.  Il  avait 

1  P.-C.  VANDERMEERSCH.ouvr.  cité,2«  éd.,  pp.  ^OZAlh.  — Biographie 
nationale,  t.  V,  col.  239.  —  J.  de  La  Caille,  Histoire  de  V imprimerie 
(Paris,  1689),  p.  61. 


-     204    — 

pour  marque  une  vignette  représentant  l'intérieur  de  son 
imprimerie  :  prelmn  Cœsareum.  Un  personnage  du  même 
nom,  mais  qui  ne  paraît  pas  appartenir  à  la  même  famille 
fut  imprimeur  et  relieur  à  Gand  au  commencement  du 
XVI"  siècle. 

1500-1534.  JOSSE  BADIUS  ASCENSIUS  ou  VAN 
ASSCHE,  de  Gand  ^ 

Egaré  par  la  forme  du  nom  patronymique  de  ce  célèbre 
imprimeur,  on  a  longtemps  cru  que  Josse  Badius  Ascen- 
sius  était  originaire  de  la  petite  localité  brabançonne 
d'Assche.  Pourtant  une  lettre  de  Despautère  à  Georges 
Haloinus,  datée  de  Bergues-Saint-Winoc,  1515,  et  publiée 
dans  ses  Versificatoria,  le  qualifie  de  Flander,  et  Conrad 
Gesner  l'appelle  Gandensls  dans  son  Epitome  hibliothecœ 
(1555,  f.  112  v),  ainsi  que  Bulée  dans  son  Historia  univer- 
sitatis  Parisiensis  et  Trithème,  dans  son  De  scriptoribus 
ecclesiastibus  (p.  393).  Son  origine  gantoise  est  rendue 
encore  plus  probable  *  par  le  fait  qu'il  s'appelle  lui-même 
Gandensis  ou  Gandavensis  dans  diverses  de  ses  œuvres. 
C'est  ainsi  que  l'on  trouve  dans  la  Vita  Christi  de  Ludolplie 
de  Saxe,  imprimée  à  Lyon,  en  1516,  par  Jean  Moylin  pour 
Etienne  Gueynard  sous  la  direction  d'Ascensius  lui-même, 
un  quatrain  de  ce  dernier  intitulé  :  Jodoci  Badii  GAN- 
DENSIS Tetrastichon  de  saneta  Amia. 

Badius  serait  un  surnom,  et  la  signification  —  brun  ou 
châtain  —  de  ce  vocable,  me  fait  supposer  qu'il  fait  allusion 


*  Biographie  nationale  publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  I  (Bruxelles,  1886),  col.  610-616.  —  J.  de  La  Caille,  ouvr.  cité, 
pp.  71-75.  —  Em.  Hoyois,  Notice  sur  Josse  Bade  (extr.  du  t.  III  des 
Mémoires  de  la  Société  des  Sciences,  des  Arts  et  des  Lettres  du  Hai- 
naiit,  à  Mons). 

2  Je  n'ose  pas  dire  certaine,  puisque  Sanderus,  né  à  Anvers,  s'est 
parfois  qualifié  de  Gandavensis, uoiâmmeTut  sur  le  titre  de  la  Flandria 
illustrata. 


205 


—    206     — 

à  la  couleur  de  cheveux  de  Van  Assclie,  pour  lui  restituer 
son  véritable  nom  patronymique  ' . 

11  fit  ses  premières  études  à  l'école  des  Frères  de  la  vie 
commune,  ou  Hiéronymites,  de  sa  ville  natale  puis  se  rendit 
en  Italie.  Il  séjourna  à  Ferrare,  oii  il  eut  pour  maître 
Guarini,  et  se  rendit  ensuite  à  Lyon,  où  il  enseigna  les 
belles-lettres.  Il  s'attacha  également  à  l'imprimeur  Jean 
Trechsel  de  cette  ville,  comme  correcteur.  En  1494,  celui-ci 
lui  donna  en  mariage  sa  fille  Thélife  ou  Thélèse,  et  dès  ce 
moment  Van  Assclie  publia  avec  Trechsel  de  nombreux 
auteurs  classiques.  Sur  les  exhortations  de  l'historien  Robert 
Gaguin,  bibliothécaire  du  Louvre,  il  se  rendit,  en  1499,  à 
Paris,  où  il  établit  dans  la  rue  Saint-Jacques,  à  l'enseigne 
des  Trois  Loups,  son  imprimerie,  qui  devait  devenir  si 
célèbre  sous  le  nom  Prœlum  Ascensianum.  Il  eut  le  mérite 
de  remplacer  les  caractères  gothiques  par  les  caractères 
romains,  plus  lisibles  et  plus  harmonieux  d'aspect.  Lettré 
très  distingué,  il  avait  publié  jusqu'alors  divers  ouvrages, 
tels  qu'une  paraphrase  de  le  Nef  des  folles  de  Sébastien 
Brandt  et  des  Sylvœ  morales^  un  traité  de  l'art  épisto- 
laire,  etc.  Il  renonça  momentanément  à  ses  goûts  litté- 
raires pour  se  consacrer  tout  entier  aux  soins  de  son 
imprimerie  d'où  sortirent  de  nombreuses  et  remarquables 
éditions  des  principaux  classiques  ainsi  que  des  humanistes 
les  plus  distingués  de  son  temps  ;  beaucoup  de  ces  ouvrages 
sont  précédés  de  lettres-préfaces  dans  lesquelles  «  l'on 
trouve  sur  sa  manière  de  vivre,  sur  sa  famille,  sur  ses 
relations  littéraires,  sur  l'exercice  de  son  art,  des  détails, 
pleins  d'intérêt,  qui  dépeignent  à  la  fois  l'homme  et  le 
siècle  de  rénovation  sociale  où  il  vivait -».  Son  premier 

1  Les  comptes  de  la  ville  de  Gand  mentionnent  plusieurs  Van 
Assche  au  XV^  siècle.  C'est  M"'  Ferd.  Vander  Haeglien  qui  a  le 
premier  signalé,  en  1884,  l'origine  gantoise  probable  de  Badins,  dans 
son  liapport  sur  la  bibliothèque  de  la  ville  et  de  l'université  de  Gand. 

2  Biographie  nationale,  1. 1,  col.  613. 


—     207    — 

ouvrage  publié  à  Paris  est  le  Philobihlion  de  Richard  de 
Bury  (1500);  les  deux  derniers  sont  le  traité  d'Alphonse 
de  Castro  contre  les  hérétiques  (1534)  et  le  commentaire  de 
Pierre  Lombard  sur  les  épîtres  de  Saint-Paul.  Parmi  ses 
impressions,  on  peut  citer  ses  Riidimenta  Ascensiana 
(1523-1525)  *.  La  marque  typographique  de  Josse  Van 
Assche  représentait  son  imprimerie  :  PrœlumAscensianum; 
sa  devise  était  : 

Aère  meret  Badius  laudem  auctorum  arte  legentium. 

En  1507,  il  avait  obtenu  le  titre  d'imprimeur  de  l'Univer- 
sité; c'est  en  cette  qualité,  notamment,  qu'il  fut  chargé  en 
1521  de  publier  la  censure  des  hérésies  de  Luther.  Plu- 
sieurs de  ses  éditions  portent,  accolé  à  son  nom,  celui  du 
libraire  Jean  Petit.  Il  mourut  âgé  de  plus  de  soixante- 
douze  ans  et  fut  inhumé  dans  le  cimetière  du  cloître  de 
Saint-Benoît,  Il  eut  de  son  mariage  avec  Thélèse  Trechsel 
deux  fils,  dont  l'aîné  mourut  prématurément  en  1526, 
comme  nous  l'apprend  la  touchante  préface  d'un  traité  de 
saint  Jean  Chrysostome;  l'autre,  Conrad,  né  à  Paris  en  1510, 
suivit  la  carrière  paternelle  et,  ayant  embrassé  la  religion 
luthérienne,  exerça  son  art  à  Genève,  où  il  mourut  en  1568. 
Parmi  les  filles  de  Badius,  Jeanne  épousa  le  libraire  Jean 
de  Roigny,  et  Perrette  le  célèbre  Robert  Estienne.  Michel 
Vascosan  épousa  la  fille  de  Conrad,  Catherine. 

J.  de  La  Caille  ^  mentionne  un  frère  de  Josse  Badius, 
Jean,  qui  exerça  la  librairie  à  Paris  de  1517  à  1533. 

1505.  JOSSE  HORENWEGHE,  Flamand. 

Un  Juvénal  avec  le  commentaire  de  Mancinelli  imprimé 

1  Bibliothèque  de  l'école  des  chartes,  t.  LVII  (Paris,  1896),  pp. 205-216 
[L'imprimeur  parisien  Josse  Bade  et  le  prof esseur  écossais  Jean  Vans, 
par  L.  Delisle).  L'éminent  bibliographe  français  fait  l'éloge  de  l'im- 
pi'imeur,  <  dont  le  savoir  et  l'activité  littéraire  ne  sont  pas  moins 
admirables  que  l'habileté  industrielle  et  commerciale  ». 

2  P.  88. 


—     208     — 

par  Josse  Baclius  van  Assche  à  Paris,  en  1505,  porte  la  sous- 
cription suivante  :  Impressum  est  hoc  opus  rursns  in  edihus 
Ascensianis  apud  Parrhisios  impensis  Joannis  Meganc, 
Joannis  Waterloose.  Et  Jodoci  Horemceghe  flandrorum. 
Anno  salutis  christiane.  M.CCCCC.  V.  ad  Nonas  Martias. 

1505.  JEAN  MEGANC,  Flamand. 

Ce  libraire,  cité  clans  la  souscription  qu'on  vient  de  lire, 
est  probablement  apparenté  au  grammairien  Pierre  Me- 
ganck,  né  à  Ninove  et  qui  vécut  au  XVI®  siècle. 

1505-1519.  JEAN  WATERLOES  '  ou  WATERLOOSE, 

Flamand. 

Ce  libraire,  mentionné  également  dans  la  souscription 
du  Juvénal  de  1505,  fut  associé  depuis  1509  jusqu'en  1519 
avec  l'Allemand  Berthold  Remboldt,  dans  l'ancienne  impri- 
merie d'Ulricli  Gering,  à  l'enseigne  du  Soleil  d'or.  Les  noms 
des  deux  associés  iigurent  sur  deux  éditions  du  Parro- 
chio.le  curatorum  de  Michel  Loclimaier  (1509  et  1511),  le 
De  religione  christiana  de  Marsilius  Ficinus  (1510),  divers 
ouvrages  de  Maplieus  Vegius  (1511),  les  oeuvres  de  saint 
Cyprien  (1512),  etc. 

1511.  GEORGES  BIERMANT,  de  Bruges. 

Il  imprima  en  1511,  pour  Jean  Granjou  le  De  partibus 
œdium  de  Fr.  M.  Grapoldi  ^. 

1512.  ROBERT  DE  KEYSERE,  deGand(?). 

Pierre  de  Keysere  (voir  plus  haut)  semble  avoir  eu  pour 
successeur  à  Paris  Robert  de  Keysere  '"  à  en  juger  par  une 

1  Beschreibende  Catalog  des  bibltographischen  Muséums  von  Hein- 
rich  Klemm,  pp.  396-397. 

2  J.  DE  La  Caille,  ouvr.  cité,  p.  82. 

3  Dans  une  lettre  de  1507,  le  précepteur  de  Charles-Quint  se  plaint 
qu'un  certain  Robert  de  Gand  veut  l'évincer  de  son  emploi.  Le  Glay, 
qui  a  publié  ces  lettres  [Bulletins  de  la  Commission  royale  d'histoire, 
t.  IV,  1841,  pp.  108-112),  se  demande  qui  est  ce  Robert.  Serait-ce  notre 
imprimeur  ? 


—    209    — 

édition  des  Argonautiques  de  Valerius  Flaccus  imprimée, 
en  janvier  1512,  pour  Ascensius  et  Jean  Petit,  in  prelo 
Cesareo.  Dans  une  épître  en  tête  du  volume,  Gervais 
Amoenus  Drucencis  félicite  le  typof^raplie ,  Robert  de 
Keysere,  qui  ad  grœcarum  Utterarum  famam  tanquam  ad 
aureum  vellus  advolans  utriusque  litteraturce  prelum  ma- 
gnis  tuis  impensis  excitasti.  Si  Robert  de  Keysere  a  réelle- 
ment imprimé  cet  ouvrage  à  Paris,  ce  dont  je  ne  suis  pas 
absolument  certain,  il  revint  rapidement  à  Gand;  en  1513, 
son  élève  Éloi  Houckaert  lui  dédie,  en  effet,  une  pièce  de 
vers  ainsi  conçue  : 

Robepto  Caesari  Gandavo  prœceploi'i  colendissimo  Eligitis  Houcarius  S. 

Quod  tua  Gandavos  illustrent  prsela  pénates  : 
Afficis  hoc  gentem  Caesar  honore  tuam. 

Ipse  etenim  piliis  cum  sis  dignissimus  annis 
Das  aliis  nulla  secla  abitura  die. 

Unde  accepta  fero  nostrœ  rudimenta  juventœ 
Atque  Robertinis  nomina  clara  notis. 

Le  recueil  où  ligure  cette  pièce  est  imprimé  à  Gand,  à 
l'enseigne  du  Lynx,  sans  nom  de  typographe,  mais  avec 
des  caractères  identiques  à  ceux  du  Valerius  Flaccus.  En 
1521,  Robert  Empereur  reçoit  de  Cbarles-Quint  une  grati- 
fication de  soixante  livres  pour  son  ouvrage,  intitulé  : 
Officia  Salomonis  '. 

1517-1533.  JEAN  BADIUS  ASCENSIUS,  frère  de  Josse. 
Voir  plus  haut  à  l'article  de  ce  dernier. 

152G-1546.    LOUIS    CYANEUS,    BLAUBLOMME    ou 
PEE11S(?),  deGand. 
II  fit  rouler  ses  presses  à  Paris  de  1526  à  1546.  En  1537 


1  Al.  Henné,  Histoire  du  règne  de  Charles-Quint  en   Belgique, 
t.  V,  p.  45,  note, 

14 


—    210    — 

il  est  associé  avec  J.  Toucher  pour  la  publication  d'un 
opuscule  d'Érasme  :  De  formis  oratoriarum  argumenta- 
tionum  En  154G,  il  imprime  pour  Jacques  Kerver  le  songe 
de  Poliphile'.  Mais  il  imprime  surtout  pour  Simon  de 
Colines,  et  ses  productions  sont  identiques  à  celles  de  ce 
dernier,  au  point  de  vue  des  caractères,  des  ornements*,  etc. 
Je  ne  sais  s'il  faut  l'identifier  avec  le  philologue  Louis 
Blaviflos  de  Gand,  dont  on  possède  une  Threnodia  sur  la 
mort  de  Jean  Dullaert  (Gand,  1513)  et  qui  soigna  une 
édition  des  œuvres  de  saint  Grégoire,  imprimée  à  Paris, 
en  1523,  par  B.  Remboldt  pour  A.  Chevallon. 

En  1559  et  1571  nous  trouvons  un  maître  imprimeur 
parisien  du  nom  de  Claude  Cyaneus  ^  En  1568,  paraît  à 
Paris,  chez  Gilles  Gourbin,  une  traduction  française  de 
l'histoire  ecclésiastique  dite  Histoire  tripartite,  due  à 
Louis  Cyaneus,  selon  la  Croix  du  Maine  *  qui  ne  sait  si  le 
traducteur  est  le  même  personnage  que  l'imprimeur;  De  la 
Monnoye  ajoute  cette  note  :  «  C'est  assurément  le  même 
qui  imprima  le  Traité  de  Sénècjue  de  Clementiâ,  en  1532,  à 
Paris,  in-4".  avec  les  Commentaires  de  Calvin,  âge  seule- 
ment alors  de  vingt-trois  ans,  &  qui  gardoit  encore  l'exté- 
rieur de  Catholique.  Cyaneus  étoit  de  Gand,  &  imprimoit 
pour  Simon  de  Colines.  Son  nom  flamand  étoit  Péers, 
sorte   de  bleu,   (jue  nous  appelons  aussi  Pers,  en  grec 

1528-1550.  CHRÉTIEN  WECHEL,  de  Lierre. 
C'est  à  M"  Henri  Stein  que  nous  devons  de  connaître 
l'origine  belge  de  ce  fécond  typographe  parisien.  Notre 


1  J.  DE  La  Caille,  ouvr.  cité,  p.  103. 

2  Ph.  Renouard,  Simon  de  Colines  (Paris,  1894),  p.  445. 

'  J.  PiGHON  et  G.  Vicaire,  Documents  pour  servir  à  l'histoire  des 
libraires  de  Paris  (Paris,  1895),  pp.  118-119. 
■*  Bibliothèque  française,  t.  II,  p.  47. 


—    211     — 

savant  confrère  et  ami  compte  lui  consacrer  prochainement 
une  notice,  que  nous  espérons  voir  paraître  bientôt. 

Après  la  mort  de  Chrétien  Wechel,  son  fils  lui  succéda  et 
lit  rouler  ses  presses  à  Paris,  jusqu'en  1573;  forcé,  pour 
cause  de  religion,  de  quitter  la  France,  il  alla  établir  son 
oihcine  à  Francfort. 

1535-1547.  JEAN  LOYS  ou  LOUIS,  Tiletanus  ou  de 
Thielt,  en  Flandre  ^. 

Habei  'k  muIi-«  fpjenem 


X 


e  X  formica'  fu/<  bili»  ineft. 

Imprimeur  fécond ,  Jean  Louis  travailla  pour  Jean 
Roigny,  Jean  Petit,  J.  Bouille,  Michel  Vascosan,  Guillaume 
Richard,  les  héritiers  d'Ascensius,  Ch.  Guillard,  Simon 
de  Colines,  etc.  Il  eut,  comme  graveur,  Conrad  Neobarius 


1  Lottin  prétend  qu'il  est  <  de  Thielt  en  Gueldre  >  (lisez  Tiel)  ; 
l'opinion  la  plus  répandue  en  fait  cependant  un  Flamand.  Notons  à  ce 
propos  que  l'on  connaît  trois  poètes  de  ce  nom  nés  à  Douai,  au 
XVl^  siècle,  et  un  poète  flamand  du  XVIIP  siècle,  né  à  Ypres. 


—    212    — 

et,  comme  correcteur,  Guillaume  Morelius.  Lors  de  sa  mort, 
en  1547,  Henri  Estienne  lui  composa  deux  épitaphes; 
Martial  Regerius  avait  déjà  fait  l'éloge  de  Loys  en  tête  de 
son  édition  du  Lœlius  de  Cicéron,  L'imprimeur  parisien 
Thomas  Brumenius,  mort  avant  1588,  avait  épousé  Made- 
leine Louys,  tille  (?)  de  Jean. 

1541-1548.  JACQUES  BOGARD. 

1567-1616.  OFFICINE  PLANTINIENNE'. 

Au  commencement  de  1567,  Christophe  Plantin  ouvrit  à 
Paris,  dans  la  maison  de  Pierre  Porret,  rue  Saint- Jacques, 
au  Compas  d'or,  une  librairie  qui  fut  gérée  jusqu'en  1577 
par  son  gendre,  Égide  Beys,  originaire  de  Breda.  Le 
22  août  de  cette  année,  Plantin  la  vendit  au  libraire  pari- 
sien, Michel  Sonnius.  Égide  Beys  continua  toutefois  à 
habiter  Paris,  où  il  publia  plusieurs  ouvrages  pour  son 
propre  compte;  sa  marque  représentait  un  plant  de  lys 
avec  cette  devise  :  Casta  placent  superis.  Mais  ses  affaires 
périclitèrent  et,  n'ayant  plus  de  quoi  subvenir  aux  besoins 
de  ses  nombreux  enfants,  il  alla,  en  1590,  à  Anvers 
oii  il  s'établit  près  de  l'officine  de  son  beau-frère,  Jean 
Moretus.  Beys  retourna  à  Paris,  vers  1594,  et  y  mourut  le 
19  août  1595.  Parmi  ses  fils,  Christophe,  qui  était  né  à  Paris 
et  qui  eut  une  vie  des  plus  déréglées,  imprima  à  Paris,  à 
Rennes  et  à  Lille,  et  Égide  (II)  à  Bordeaux. 

La  veuve  d'Égide  Beys  se  remaria  en  1596  avec  l'impri- 
meur Adrien  Périer,  et  mourut  le  27  décembre  1599.  Son 
mari  employa  la  marque  plantinienne  jusqu'à  sa  mort 
survenue  en  1616.  Le  père  de  ce  dernier,  Jérémie  Périer, 
qui  fut  également  imprimeur-libraire  à  Paris,  épousa  en 
1596  Madeleine  Beys,  fille  d'Égide. 

1  Max  Rooses,  Chrîstox)he  Plantin,  pp.  256-257,  379-380. 


—    213    — 

1625-1643.  MICHEL  VAN  LOCHEM',  d'Anvers. 

Né  à  Anvers,  en  1601,  Michel  van  Locliem  se  livra  à  la 
gravure  et  alla  chercher  fortune  à  Paris,  où  il  devint 
«  graveur  du  roi  et  imprimeur  pour  ses  tailles-douces.  »  Il 
y  épousa  en  1625  Marguerite  Le  Noir  et  ouvrit,  rue  Saint- 
Jacques,  à  la  Rose  blanche  couronnée,  une  librairie,  qu'il 
céda  en  1643  à  sa  parente  la  veuve  de  Guillaume  Le  Noir; 
il  mourut  à  Paris,  le  23  janvier  1647. 

1789-1807.  PHILIPPE-JOSEPH  DE  NENY^. 

Grand  bailli  et  président  des  Etats  de  Tournai,  il  se 
rendit  à  Paris;  au  moment  où  la  Révolution  française 
éclata,  il  ouvrit  une  librairie,  près  du  palais  de  l'Institut, 
afin  d'échapper  à  la  proscription.  Il  se  trouvait  encore  à 
Paris  en  1807. 

POTTENDORFF. 

1668.  JÉRÔME  VERDUSSEN '. 

Après  avoir  imprimé  avec  Jean-Baptiste  Hacke  à  Vienne 
(voir  ce  nom),  Jérôme  Verdussen,  qui  appartient  à  la  famille 
anversoise  d'imprimeurs  de  ce  nom,  alla  se  fixer  dans  la 
petite  localité  autrichienne  de  Pottendorff,  sur  les  frontières 
hongroises,  où  il  imprima  en  1668  les  deux  ouvrages  sui- 
vants :  Cynosura  juristarum,  loca  decretalia  et  articulas 
novissimarum  constitutionum  inclyti  regni  Hungariœ,  usque 
ad  1659  reprœsantans,  et  Articidi  universormn  statuumet 
ordinum  inclyti  regni  Hungariœ. 


*  Biographie  nationale  publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  XII  (Bruxelles,  1892-1893),  col.  300-303. 

2  P.  Bergmans,  Analectes  belgiques,  pp.  5-24;  j'ai  publié  dans  cet 
ouvrage  un  mémoire  inédit  de  Ph.-J.  de  Neny  sur  les  archives  de 
Flandre. 

5  A.  Mayeb,  Wiens  Buchdrucker-Geschichte  (Vienne  1883-1887), 
1. 1,  p.  286. 


—    214    — 


ROME. 


1474-1476.  PAUL  LEENEN'. 

Paul  Leenen,  qui  se  qualifie  de  clericiis  diœcesis  Leo- 
diensis,  imprima  à  Rome  avec  Tallemand  Jean  Reynhard 
d'Eyningen,  de  1474  à  1476,  les  trois  ouvrages  suivants  : 
Lectnra  Antonii  de  Biitrio  super  quarto  Decretaliutn 
(26  août  1474),  Bartholomœi  Cepollœ  de  servitutihus  (1"  sep- 
tembre 1475)  et  Nicolai  Perotti  rudiment  a  grammatices 
(1476). 

14...  DANIEL  DE  KEYSERE  (?). 

Victor  Gaillard  a  relevé  à  Rome,  dans  Téglise  de  Saint- 
Julien,  répitaphe  de  Daniel  Cœsar  de  Flandria,  mort  le 
.31  décembre  1484;  il  émet  l'hypothèse  assez  fondée  qu'il 
pourrait  appartenir  à  la  famille  des  imprimeurs  deKeysere, 
que  l'on  rencontre  à  Audenarde,  à  Gand  et  à  Paris,  et 
ajoute  cette  conjecture  dont  nous  lui  laissons  la  responsa- 
bilité :  «  nous  sommes  même  tenté  de  croire  que  son  nom 
jDOurrait  être  ajouté  à  la  liste  des  imprimeurs  belges  qui 
s'établirent  à  l'étranger  ^  ». 

ROTTERDAM. 

1585-1.590.  JEAN  VAN  WAESBERGHE  \ 
Né  à  Breyvelde,  dans  le  pays  d'Alost,  vers  1528,  Jean 
van  Waesberghe  vint  se  fixer  à  Anvers,  en  1555,  et  fut  reçu, 
en  1557,  franc-maître  dans  la  gilde  de  Saint-Luc.  Il  épousa 
la  tille  de  l'imprimeur  Jean  Roelants,  chez  lequel  il  avait 
peut-être  fait  son  apprentissage  et    s'établit  à  l'écu   de 


1  P.-C.  Vander  Meersch,  ouvr.  cité,  1'"  édition,  p.  176. 

2  Annales  de  la  Société  rot/aie  des  Beaux  Arts  et  de  Littérature  de 
Gand,  t.  IV  (Gand,  1851-1852),  p.  106. 

3  AiPH.  De  Decker,  ou  vr.  cité,  pp.  78-79.  —  Olthoff,  ouvr.  cité, 
pp.  113-114. 


—     215    — 

Flandre,  au  cimetière  Notre-Dame.  Arrêté  en  janvier  1500, 
avec  plusieurs  de  ses  confrères  suspects  d'hérésie,  et  em- 
prisonné au  Steen,  il  fut  relâché  peu  de  temps  après.  Lors 
delà  reddition  d'Anvers,  en  1585,  il  envoya  son  fils  Jean  à 
Rotterdam,  pour  y  établir  une  imprimerie  et  une  librairie. 
Aussitôt  celles-ci  installées,  il  s'y  rendit  lui-même  avec  sa 
femme  et  exerça  à  Rotterdam,  où  il  eut  le  titre  d'impri- 
meur de  l'amirauté,  jusqu'à  sa  mort,  survenue  le  9  avril 
1590;  la  femme  le  suivit  dans  la  tombe  le  17  septembre 
1595.  Jean  van  Waesberghe  fut  la  souche  d'une  importante 
famille  d'imprimeurs  qui  existe  encore  actuellement*.  Sa 
marque  représentant  un  triton  est  accompagnée  de  la  fière 
devise  :  Litterœ  immort alitatem  parhmt.  Les  familles  Van 
Waesberghe  et  les  Elzevier,  toutes  deux  originaires  de  la 
Belgique,  sont  de  celles  qui  contribuèrent  le  plus  à  assurer 
la  gloire  typographique  des  Pays-Bas  septentrionaux,  ainsi 
que  A. -M.  Ledeboer  le  fait  remarquer  avec  une  louable 
impartialité. 

1.589-1624.  JEAN  (II)  VAN  WAESBERGHE. 

Fils  du  précédent,  il  naquit  à  Anvers,  en  1556,  et  fut 
reçu  dans  la  gilde  de  Saint-Luc,  comme  fils  de  maître, 
en  1577.  Il  succéda  à  son  père  comme  imprimeur  de  l'uni- 
versité, à  Rotterdam,  oii  il  mourut  le  25  mai  1626.  Les 
autres  Van  Waesberghe,  nés  en  Hollande,  n'appartiennent 
pas  à  ces  recherches . 

1606-1610.  JEAN  (III)  VAN  GHELEN  ^ 

Venant  de  Maestricht,  Jean  (III)  Van  Ghelen,  né  à 
Anvers,  s'établit  en  1606  à  Rotterdam,  où  il  exerça  son 
art  jusqu'en  1610,  époque  probable  de  sa  mort.  Sa  veuve. 


i  A.-M.  Ledeboeb,  Het  geslacht  van  Waesberghe  (2*  éd.,  La  Haye, 

1869). 
2  A.-A.  VoRSTERMâ.N  VAN  Oyen,  ouvi'.  cité,  pp.  1921. 


—    216     — 

née    Jeanne   van    Huckelroy,   continua    son   officine    en 
1610-1611. 

1611-1615.  FÉLIX  VAN  SAMBIX. 

Cet  imprimeur,  né  en  1553  à  Anvers,  vint  en  Hollande 
oîi  il  fut  maître  d'école;  il  s'acquit  une  grande  répu- 
tation comme  calligraphe.  Il  épousa,  le  6  septembre 
1608,  Elisabeth  van  Waesberghe  et  s'établit  à  Rotterdam, 
à  l'enseigne  de  la  Bible  comme  imprimeur-libraire.  Il 
édita  diverses  œuvres  espagnoles,  qu'il  traduisit  lui-même 
en  néerlandais.  En  1615,  il  alla  se  fixer  à  Delft,  où  on  le 
trouve  jusqu'en  1634,  date  de  sa  mort.  Sambix  avait  choisi 
pour  marque  un  phénix  avec  cette  devise  :  Rara  avis  in 
terra  phœnix. 

Voici  un  sonnet  de  Félix  van  Sambix  qui  figure  en  tête 
du  Spieghel  der  schrijfkonste,  de  Jean  Vande  Velde 
(Rotterdam,  1605)  : 

A  Irès-exceJlenl  escrivain  M""  Jean  du  Champ,  mon  Irès-clier  compère. 

Approchez,  amateurs,  approchez  hardiment, 
Admirez  les  beaux  traits,  tirez  à  ladvantage. 
Quant  &  quant  l'escriture  en  maint  divers  langage, 
Formez  de  par  du  Champ  d'un  art  nayvement. 

Admirez,  je  vous  pri',  de  quel  grand  jugement 
Les  mots  sont  façonnez,  chasque  à  son  vraye  usage. 
Et  vous  serez  ravis  au  profond  du  courage. 
Voyant  les  raritez  d'escrits  moût  nettement. 

O  Somer,  où  es-tu,  Paret  &  vous  Beau-Chesne  ? 
Agard  ce  doux  sourgeon,  qui  abat  un  gros  chesne 
Par  ses  coups  merveilleux,  tirez  à  la  grandeur. 

Couronnons  de  lauriers  l'admirable  science 

Que  Dieu  semé  en  ce  Champ  par  sa  grande  clémence, 

Et  concluons  qu'il  est  des  escrivains  la  Fleur. 


—    217    — 

Si  la  pièce  ne  prouve  guère  en  faveur  du  talent  poétique 
de  son  auteur,  elle  montre  du  moins  que  Sambix  savait 
rendre  justice  aux  mérites  d'un  confrère. 

SAINT-OMER. 

1602-1609.  FRANÇOIS  BELLET  '. 

Neveu  de  Jean  Moerentorf,  François  Bellet  fit  son  ap- 
prentissage à  l'officine  plantinienne  et  se  rendit  à  Saiut- 
Omer,  en  1602  ;  sur  les  sollicitations  du  Magistrat  d'Ypres, 
il  vint,  en  1609,  se  fixer  dans  cette  ville,  oîi  il  mourut  une 
quinzaine  d'années  plus  tard. 

1610-1619.  CHARLES  BOSCARD^. 

Fils  du  premier  imprimeur  de  Douai,  Charles  Boscard 
imprima  dans  cette  ville  de  1592  à  1610.  A  la  suite  du 
départ  de  François  Bellet  de  Saint-Omer,  Boscard  vint  le 
remplacer  sur  les  instances  du  Magistrat  audomarois. 
Après  sa  mort,  survenu  en  1619,  sa  veuve  continua 
jusqu'en   1652  son  établissement. 

SALAMANQUE. 

1605-1615.  ARTUS  TABERNIEL,  d'Anvers. 

Imprimeur  de  l'Université  de  Salamanque  au  commence- 
ment du  XVIP  siècle,  Artus  Taberniel  prend  soin  de  se 
qualifier  û^Antverpianus  dans  la  souscription  delà  disser- 
tation du  professeur  Jean  de  Solorzano  Pereira  sur  le 
parricide,  qu'il  imprima  en  1605^  L'année  suivante,  il 
publia  Las  antiguedades  de  Salamanca  de  Gil  Gonzalez  de 
Avila.  Sa  marque,  qui  figure  sur  le  titre  de  cette  édition, 
représente  un  cartouche  d'assez  mauvais  goût,  avec  une 


1  A.  De  Decker,  ouvr.  cité,  pp.  65-68. 

2  DuTHiLLŒUL,  BibViogrcqyhie  doxiaisiemu,  t.  I,  p.  407. 
^  A.  De  Decker,  ouvr.  cité,  p.  12. 


—     218     — 

presse  et  un  caducée  soutenant  un  livre;  elle  porte  en 
exergue  la  devise  :  Arte  natus  liber,  anagramme  du  nom 


d'Artus  Taberniel*.  On  peut  vraisemblablement  consi- 
dérer comme  fils  de  ce  dernier,  Hyacinthe  ou  Jacinthe 
Taberniel  qui  imprima  en  1631  les  Scholasticœ  et  morales 
disputationes  de  tribus  virtutibus  theologicis  de  Pierre 
Hurtado  de  Mendoza.  Le  deuxième  volume,  traitant  de 
la  foi,  le  seul  que  j'aie  rencontré  *,  offre  une  particularité 
curieuse  ;  le  titre  est  suivi  d'un  feuillet  d'errata,  au  bas 
duquel  se  trouve  la  signature  du  correcteur  :  His  mendis 
correctis,  convertit  Me  liber  cuin  originali  auctoris,  pro  quo- 
rum fide  meo  nomine  subscripsi,  Salmanticœ,  2  Decembris, 
Anna  1630.  Corrector  M,  Gonzalus  Correa. 

SARAGOSSE. 

1475-1478.  MATH^US  FLANDER. 

Ce  Flamand  imprima  à  Saragosse  le  Manipulus  cura- 


1  Le  Livre,  partie  moderne,  1883,  p.  214,  note. 

2  Bibl.  de  l'Université  de  Gand,  Ace.  9576i. 


—    219     — 

torum  de  Guido  de  Monte  Rocherii  (1475),  et  le  Liber  de 
exposiiione  missœ  de  Benoît  de  Pientinis  (1478).  On  n'a 
aucun  autre  renseignement  sur  lui.  J'ai  émis  l'iiypotlièse 
qu'il  pourrait  être  identifié  avec  Antonius  Mathias,  le  pre- 
mier imprimeur  de  Gênes  (voir  ce  nom)  et  de  Mondovi. 

SE  VILLE. 

1477(9).  THIERRY  MARTENS,  d'Alost  '. 

On  a  cru  longtemps  que  le  premier  imprimeur  belge, 
Thierry  Martens,  après  avoir  imprimé  à  Alost,  alla  s'établir 
à  Anvers  à  la  suite  du  départ  de  Jean  de  Westphalie  pour 
Louvain.  On  citait,  à  l'appui  de  cette  opinion,  un  recueil 
d'opuscules  de  Rodolphe  Agricola,  daté  d'Anvers,  1476,  et 
la  Summa  experimentorum  sive  thésaurus  pauperum  de 
Pierre  Alphonse,  datée  du  22  mai  de  la  même  année;  mais 
on  a  péremptoirement  établi  que  la  première  de  ces  éditions 
peut  être  considérée  comme  inexistante,  et  que  la  seconde 
porte  1476  par  suite  d'une  faute  d'impression;  sa  date 
véritable  est  1497.  On  a  conjecturé  aussi  que  Martens  est 
resté  attaché  à  Jean  de  Westphalie  comme  associé,  ou  peut- 
être  comme  fondeur  de  caractères,  jus(iu'à  ce  que,  environ 
dix  ans  après,  il  ouvrît  pour  son  propre  compte,  une 
officine  dans  sa  ville  natale. 

Or,  un  savant  américain,  W.-J.  Knapp,  a  publié,  en 
1881,  une  reproduction  littérale  d'une  ordonnance  espa- 
gnole de  Ferdinand  et  Isabelle,  datée  de  Séville,  le  25  dé- 
cembre 1477,  et  dont  l'original  est  conservé  aux  archives  de 
Murcie.  L'ordonnance  porte  qu'un  Teodorieo  aleman,  impri- 
meur, ne  sera  ni  molesté  ni  inquiété  par  les  receveurs,  et  ne 
payera  aucun  droit  pour  ses  livres.  Voici  la  traduction  du 
passage  principal,  telle  que  l'a  donnée  M""  J.  Petit  :  «  Sachent 


i  Biographie  nationale  publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  Xlir  (Bruxelles,  1894-1895),  col.  879-893. 


—    220    — 

«  tous  que  Thierry  le  Flamand,  imprimeur  de  livres  de 
«  moule,  se  trouvant  en  nos  États,  nous  a  exposé  dans 
«  sa  requête  qu'il  avait  été  l'un  des  principaux  inven- 
«  teurs  et  artisans  de  livres  de  moule  de  tout  genre  ; 
«  qu'il  avait  résolu  de  s'exposer  aux  multiples  périls  de 
«  la  mer  pour  apporter  en  ce  pays  de  nombreux  et  remar- 
«  quables  ouvrages  de  toute  espèce,  dont  il  a  enrichi  quan- 
«  tité  de  nos  Etats,  d'où  il  ne  rejaillira  pas  moins  d'honneur 
«  que  d'utilité  sur  notre  pays  et  ses  habitants  ;  qu'il  s'est 
«  exposé  à  tous  ces  périls  dans  l'espoir  qu'il  recevrait 
«  parmi  nous  un  bon  accueil,  qu'on  ne  frapperait  pas  ses 
«  livres  d'impôts  trop  lourds  et  que  ceux  qu'il  vendrait 
«  seraient  exemptés  de  tous  droits  d'entrée  et  autres,  ce 
«  que  nous  lui  avons  octroyé.  Qu'il  soit  également  connu 
«  de  tous  que  nous  avons  pris  sous  notre  royale  protection 
«  ledit  Thierry  et  ses  ouvriers  ou  agents...  »  Ce  Thierry, 
dit  Knapp,  est  Thierry  Martens.  Mais  si  de  nombreux 
exemples  contemporains  permettent  de  dire  qii'aleman  cor- 
respond à  Flamand,  il  est  plus  difficile  de  démontrer  que 
ce  Teodorico  est  notre  Martens.  Quelque  ingénieuse  que 
soit  cette  identification,  qui  expli(iue  la  lacune  existant 
dans  la  vie  de  Martens,  ce  n'est  qu'une  conjecture  ;  pour  la 
transformer  en  fait  acquis,  il  faudrait  des  preuves  qu'on 
n'a  pu  découvrir  jusqu'ici. 

Je  dois  ajouter  cependant  que  beaucoup  de  bibliographes 
tendent  actuellement  à  admettre  la  conjecture  de  Knapp. 

TARRAGONE. 

1579-1586.  PHILIPPE  MEY. 

Philippe  Mey,  fils  de  Jean  Mey  ou  De  Mey,  imprimeur 
à  Valence  et  à  Alcala  (voir  ce  nom),  fit  rouler  ses  presses  à 
Tarragone  en  Catalogne.  En  1586,  il  imprima  sa  traduction 
en  vers  espagnols  des  sept  premiers  livres  des  métamor- 
phoses d'Ovide,  accompagnées  d'autres  poésies,  sonnets  et 


—    221     — 

épîtres  amoureuses  dans  le  goût  italien  '  :  yo,  dit-il  dans 
sa  préface,  porque  mi  impresion  no  estuviese  ociosa,fuicasi 
constrenido  a  sacar  esta  parte  a  luz  entre  tantoque  acudia 
obra  de  mas  importancia,  no  ddndome  mi  poca  posibilidad 
y  occupaciones  ordinarias  y  de  obligacias  espacio  para  que 
tan  presto  pudiera  juntar  los  demas  libres. 

TOURS. 

1496.  JEHAN  DE  LIÈGE. 

Matthieu  Lateron  imprime  à  Tours,  le  7  mai  1496,  la 
Vie  et  miracles  de  saint  Martin  «  pour  Jehan  du  Liège, 
marchand  libraire  à  Tours  » . 

TRÉVISE. 

1471-1474  et  1490-1498.  GÉRARD  DE  LISA  DE 
FLANDRE  ^. 

Originaire  de  la  Flandre,  des  bords  de  la  Lys  à  en  juger 
par  son  nom,  de  Harlebeke  près  de  Courtrai,  selon  Vander 
Meersch,  Gérard  de  Lisa  semble  avoir  accompagné,  à  Venise, 
Nicolas  Jenson.  C'est,  en  tous  cas,  avec  les  beaux  caractères 
romains  créés  par  ce  dernier,  qu'il  imprima,  en  1471,  à  Tré- 
vise  \e  De  sainte  sive  de  aspiratione  animœ  ad  Deum  de  saint 
Augustin  ;  en  1474,  il  fait  usage  de  caractères  gothiques 
pour  l'impression  du  Tesoro  de  Brunetto  Latini.  A  la  suite 
de  l'arrivée  d'un  concurrent,  Michel  Manzoli,  de  Parme, 
Gérard  de  Lisa  quitta  Trévise.  Il  n'est  pas  absolument 
certain  qu'il  transporta  ses  presses  à  Vicence  (1476);  mais 
on  le  trouve  établi  à  Venise,  en  1477.  En  1480-1481,  nous 
le  voyons  travailler  à  Cividale  del  Friuli  et  en  1484-1485, 
à  Udine;puis  nous  le  perdons  de  vue  jusqu'en  1489.  Il 


1  B.-J.  Gallabdo,  Ensayo  de  una  hiblioteca  espanola  de  libres  raros 
y  curiosos  (Madrid,  1863-l'889),  t.  III,  col.  803-804,  n»  3065. 

2  P.-C.  Vander  Meersch,  ouvr.  cité,  '2«  éd.,  p.  273. 


—    222    — 

revient  alors  à  Trévise,  où  il  resta  probablement  jusqu'à 

sa  mort;  parmi  les  impressions  de  son  second  séjour  dans 

cette  ville,  on  cite  les  Anterotica  de  Pierre  Hœdus,  véritable 

chef-d'œuvre  typographique,  et  le  rarissime  Terminorum 

musicce  diffinitorium   du    célèbre    musicien   belge ,  Jean 

Tinctoris. 

UDINE. 

1484-1485.  GÉRARD  DE  LISA  DE  FLANDRE.  Voir 
Trévise. 

UPS  AL  A. 

Fin  du  XVIP  siècle.  HENRI  DE  KEYSERE  '. 

VALENCE. 

1545  et  1555-1565.  JEAN  MEY  ou  DE  MEY. 

Ce  typographe  qui  lit  rouler  ses  presses  de  1552  à  1554 
à  Alcala  de  Hénarès  (voir  ce  nom)  avait  imprimé  en  1545, 
à  Valence  ;  il  semble  être  revenu  dans  cette  dernière  ville 
après  son  séjour  à  Alcala,  car  il  y  imprima  en  1555,  El 
verdadero  sucesso  de  la  famosa  hatalla  de  Roncesvalles 
de  Francisco  Garrido  de  Villena^  et,  en  1565,  le  Honra  de 
escrivanos  de  Pedro  de  Madarjaga  Vizcayno.  Son  fils,  Pierre- 
Patrice,  lui  succéda  dans  cette  ville  ;  il  y  imprima  notam- 
ment, en  1604,  la  Coronica  gênerai  de  toda  Espaha. 

VALENCIENNES. 

(1500).  JEHAN  DE  LIÈGE  \ 

Jehan  de  Liège  imprima  à  Valenciennes  vers  1500,  peut- 

1  AuG.  DeReume,  Variétés  hibliographiques  et  littéraires {QxnyieWeB, 
1848),  p.  78. 

2  Le  hibliophih  belge,  t.  III  (Bruxelles,  1846),  p.  258. 

3  A.  Leroy  et  A.  Dinaux.  Archives  historiques  et  littéraires  du 
Nord  de  la  France,  t.  III  (Valenciennes,  1833),  pp.  280-290.  —  H.-R. 
DuTHiLLŒUL,  Bibliographie  douaisienne,  t.  Il,  pp.  XI-XII. 


—     223     — 

être  même  avant,  six  gothiques  français  très  rares;  ce  sont 
des  pièces  de  Jean  Molinet,  Georges  Cliastelain  et  Olivier 
de  La  Marche.  Il  semble  avoir  été  établi  d'abord  devant  le 
couvent  de  sainct-Pol,  puis  entre  le  pont  des  Ronneaux  et 
le  toucqiiet  du  lac  devant  le  soleil. 

1()10-1634.  JEAN  VERVLIET'. 

Fils  de  l'imprimeur  anversois  Daniel  Vervliet,  Jean 
continue  l'officine  paternelle  jusqu'en  1609.  En  1610  il  vint 
s'établir  à  Valenciennes,  à  la  Bible  d'or  ;  ses  affaires  prospé- 
rèrent et  son  établissement  prit  une  certaine  extension. 
J.  Vervliet  imprimait  encore  en  1634. 

VENISE. 
1477.  GUILLAUME  LE  ROY,  de  Liège.  Voir  Lyon. 

1477-1478.  GÉRARD  DE  LISA,  de  Flandre.  Voir  Tré- 
vise. 

1483.  JEAN  DE  LIÈGES 

1517-1549.  DANIEL  BOMBERG  ou  VAN  BOMBER- 
GHEN,  d'Anvers  \ 

Délaissant  le  commerce  auquel  il  s'adonnait  dans  sa 
ville  natale,  Daniel  van  Bomberghen  se  rendit  vers  1515  à 
Venise  et  y  établit  une  imprimerie  hébraïque.  En  1517,  il 
fit  paraître  la  première  édition  de  la  Biblia  hebraïca,  qui 
en  eut  cinq,  de  plus  en  plus  correctes  (1517,  1521,  1525, 
1533,  1544),  ainsi  que  sa  grande  Biblia  Rabbinorum,  qu'il 
réimprima  en  1526  et  en  1547.  En  1520,  il  commença  l'im- 
pression du  Talmud  de  Babylone  qui  comprend  douze 
volumes  in-folio,  et  qu'il  réimprima  trois  fois. 


i  De  Decker,  ouvr.  cité,  p.  74. 

2  C.  Castellani,  La  Stampa  in  Venezia  (Venise,  1889),  p.  xxxix. 
^  Biographie  nationale  pahliée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  II,  col.  666-667.  —  A.  De  Decker,  ouvr.  cité,  pp.  6-8. 


—    224     — 

Nicolas  Clénarcl  ou  Cleynaerds,  rapporte  que  les  livres 
hébreux  de  Bomberg  passaient  en  Afrique,  en  Ethiopie, 
dans  rinde,  partout  oii  les  Juifs  étaient  établis  \ 

Ces  nombreux  et  considérables  travaux  lui  coûtèrent 
beaucoup  d  argent,  et,  d'après  Scaliger,  Daniel  van  Bom- 
berghe  n'y  aurait  pas  employé  moins  de  trois  millions 
d'écus;  le  personnel  de  son  imprimerie  comprenait  deux 
cents  compositeurs  et  cent  correcteurs,  tous  juifs. 

Aussi  mourut-il  ruiné  ;  ses  fils  Corneille  et  Charles 
retournèrent  à  Anvers,  oii  ils  furent  associés  avec  Christophe 
Plantin  en  1563-1567. 

1549.  BARTOLOMEO  L'IMPERADOR. 

D'après  De  Reume  ^,  il  faudrait  identifier  avec  un  De 
Keysere,  le  Bartolomeo  Tlmperador  qui  imprime  à  Venise, 
en  1549,  le  poème  la  Spagna  de  Sostegno  di  Zanobi. 

(c.  1550)-1555.  JACQUES  DE  BUUS  ou  BUYS  \ 

Né  dans  les  Pays-Bas,  vers  1510,  Jacques  de  Buus  fut 

organiste  de  Saint-Marc  à  Venise,  où  il  fonda,  vers  1550, 

une  imprimerie  musicale  et  oii  il  mourut  en  1555. 

Un  certain  Jehan  Buys  obtient,  concurremment  avec 

Henri  Loys,  le  22  août  1540,  un  privilège  de  trois  ans  pour 

l'impression  de  certains  livres  de  musique  *. 

(15..)-1568.  NICOLAS  DE  STOOP  ou  STOPIUS  S  de 
Gand. 

Ce  poète  latin  serait  allé  se  fixer  à  Venise,  où  il  aurait 
été  correcteur,  puis  imprimeur,  d'après  un  biographe  qui 

1  Mercure  belge,  t.  IV  (Bruxelles,  1818),  p.  193. 

2  Variétés  bibliographiques,  p.  78. 

3  Éd.  Grégoir,  Histoire  de  l'orgue  (Bruxelles,  1865),  p.  217. 

*  A.  GoovAERTS,  Histoire  et  bibliographie  de  la  tij2)ographie  musi- 
cale dans  les  Pays-Bas  (Anvers,  1880,  p.  16). 

^  Biographie  nationale  publiée  par  l'Académie  royale  de  Belgique, 
t.  V  (Bruxelles,  1876),  col.  809-810. 


—    225    — 

n'apporte  d'ailleurs  aucune  preuve  à  l'appui  de  ses  affir- 
mations. Il  mourut  à  Venise,  le  8  mai  15G8. 

VIANEN. 
1566-1567.  AUGUSTIN  VAN  HASSELT.  Voir  iTampew. 

VICENCE. 

1476.  GÉRARD  DE  LIS  A,  de  Flandre.  Voir  Trévise. 

VIENNE. 

15.59-1565.    IMPRIMERIE     PARTICULIÈRE     DES 
JÉSUITES  *. 

Le  P.  Jean  de  Victoria,  qui  fut  directeur  du  collège  des 
Jésuites  à  Vienne  en  1559-1562,  fonda,  en  1559,  une  impri- 
merie pour  obvier  aux  dangers  que  couraient  les  catholiques 
par  la  diffusion  des  ouvrages  protestants  et  la  difificulté  de 
se  procurer  des  livres  orthodoxes.  Le  personnel  se  compo- 
sait de  deux  frères  coadjuteurs  comme  compositeurs  et 
d'un  correcteur;  ce  dernier  se  nommait  Antoine  Ghuse. 
Des  deux  premiers  nous  ne  connaissons  que  les  prénoms  : 
Petrus  et  Nicolus,  qui  sont  tous  deux  suivis  de  la  qualifi- 
cation de  Flander. 

1663-1678.  JEAN-BAPTISTE  HACQUE  ^ 

Né  à  Anvers,  il  arriva  à  Vienne  au  commencement  de 
l'année  1660;  sa  première  impression  connue  est  un  épi- 
IhaUime  de  Girolamo  Branchi  imprimé  en  1663.  En  1667, 
Hacque  s'associa  avec  son  concitoyen,  H.  Verdussen  ;  mais 

1  A.  Mayer,  Wiens  Buchdrucker-Geschichte,  t.  I,  pp.  94-96.  — 
C.  SoMMERVOGEL,  Les  Jésuites  de  Rome  et  de  Vienne  en  M.D.LXI 
(Bruxelles,  1892),  pp.  17-18  et  xxi. 

*  A.  Meyer,  ouvr.  cité,  1. 1,  pp.  286-291  et  320. 

15 


—    226     — 

celui-ci  le  quitta  l'année  suivante  pour  aller  s'établir  à  Pot- 
tendorff  (voir  ce  nom).  Le  1 5  janvier  1671 ,  J.-B.Hacque  reçut 
le  privilège  important  de  faire  imprimer  les  nouvelles  étran- 
gères qu'il  recevait  de  Madrid,  Paris,  Londres,  La  Haye, 
Venise  et  Rome  et  de  les  vendre;  c'est  ainsi  qu'il  publiais 
journal,  intitulé  :  Il  coriero  ordinario,  ou  Avisi  italiani 
ordinarii  e  estraordinarii^  dont  on  n'a  pu  retrouver  les 
premières  années  ;  la  collection  de  la  bibliothèque  impériale 
de  Vienne,  qui  comprend  vingt-trois  volumes,  commence 
en  1677.  Il  imprima  en  italien,  en  latin,  en  allemand  et  en 
hongrois,  mais  surtout  dans  les  deux  premières  de  ces 
langues.  Ses  publications  sont  remarquables  par  la  beauté 
des  caractères  et  des  ornements  ;  plusieurs  sont  ornées  de 
gravures  sur  cuivre,  telles  que  la  Servitus  Mariana  d'Au- 
gustin Piomer  (1667)  et  VHistoria  di  Leopoldo  de  Gualdo 
(1670-1674).  Il  se  servait  d'une  marque  typographique 
reproduite  par  A.  Mayer  et  représentant  un  vérin  ou  cric, 
que  fait  manœuvrer  une  main  sortant  d'un  nuage,  avec  la 
devise  :  Ingenio  et  viris.  Après  sa  mort,  survenue  au  com- 
mencement de  juillet  1678,  sa  veuve,  Anne  Hacque,  fille 
aîné  d'un  riche  orfèvre  viennois,  de  La  Fontaine,  continua 
quelques  mois  l'officine,  qu'elle  vendit  ensuite  à  son  beau- 
frère  Jean  van  Ghelen. 

1678-1721.  JEAN  VAN  GHELEN  '. 

Appartenant  à  la  célèbre  famille  anversoise  des  impri- 
meurs Van  Ghelen,  Jean,  quatrième  de  ce  nom,  naquit  à 
Anvers,  où  il  fut  baptisé  dans  l'église  Notre-Dame  le 
23  mai  1645.  Après  de  solides  études  sous  la  direction  des 
Jésuites  et  des  Augustins,  il  exerça  la  carrière  paternelle, 
successivement  à  Anvers,  à  Bruxelles  et  à  Lille.  Décidé  à 
se  fixer  à  l'étranger,  il  arriva  à  Vienne  en  1 670  et  entra 


i  A.  Mayer,  ouvr.  cité,  t.  I,  pp.  320  328,  avec  portrait  et  armoiries 
de  Jean  vau  Gbeleu. 


—     227     — 

dans  l'atelier  de  J.-B,  Hacque,  son  concitoyen  (voir  plus 
haut),  dont  il  épousa,  le  28  février  1C72,  la  belle-sœur  : 
Elisabeth  de  La  Fontaine .  Ses  connaissances  linguis- 
tiques —  il  possédait,  eu  effet,  le  latin,  le  flamand, 
lallemand,  le  hongrois,  le  français, l'italien  et  l'espagnol  — 
furent  très  utiles  à  Hacque  pour  la  publication  de  ses  Avisi 
italiani,  et  valurent  à  Van  Ghelen  l'estime  des  savants 
viennois.  En  1678,  à  la  mort  de  Hacque,  il  acheta  l'officine 
de  ce  dernier,  et  fut  inscrit,  le  23  septembre  de  la  même 
année,  comme  imprimeur  de  l'Université  ;  le  5  novembre 
suivant,  il  obtint  le  privilège  de  vendre  les  journaux 
latins  et  français.  Sous  sa  direction  éclairée,  les  affaires 
prirent  rapidement  un  grand  essor.  Le  17  février  1701,  il 
obtint  le  titre  d'imprimeur  italien  de  la  cour,  qui  lui  fut 
accordé  tant  en  considération  de  ses  publications  que  du 
dévoûment  dont  il  avait  fait  preuve  lors  d'une  épidémie  de 
peste  (1679)  et  du  siège  de  Vienne  (1683);  le  6  novembre 
1720,  il  devint  l'imprimeur  ofhciel  et  effectif  de  la  cour. 
Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  Jean  van  Ghelen 
abandonna  la  direction  de  son  imprimerie,  à  son  fils  Jean- 
Pierre';  après  avoir  fait  un  testament,  le  2  juin  1720,  il 
mourut  le  13  mai  1721,  âgé  de  près  de  soixante-six  ans. 
Son  établissement,  le  plus  important  de  Vienne  avec  celui 
de  Cosmerovius,  comprenait  un  matériel  considérable  com- 
])Osé  de  cinq  presses  et  d'un  fond  important  de  caractères  ; 
une  fonderie  particulière  y  était  annexée.  Ses  publications 
sont  remarquables  par  une  impression  correcte  et  claire 
ainsi  que  par  le  choix  du  papier.  H  faut  remarquer  parmi 
elles  quelques  livres  français  rarissimes  tels  que  le  Por- 
trait d'un  véritable  héros  d'Adrien-Joseph  Willemin  (1684), 
et  les  ouvrages  de  l'ingénieur  Jacques  de  La  Vergne.  En 
1703,  il  fonda,  sous  le  titre  de  Wiener  Diarium,  le  premier 

1  Ce  dernier  fut  anobli  par  Marie-Thérèse. 


—    228    — 

journal  périodique  régulier  de  Vienne,  dont  la  publication 

se  poursuit  encore  actuellement  sous  le  nom  de  Wiener 

Zeitung. 

"WESEL. 

1566.  AUGUSTIN  VAN  HASSELT.  Voir  iCampen. 

1567-1574.  LOUIS  ELZEVIER,  de  Louvain.  Voir  Leic/en. 

YORK. 

1500.  HUGUES  GOES'. 

Hugues  Goes,  originaire  des  Pays-Bas,  imprima  à  York, 
en  1509,  le  Pica  sive  directorium  sacerdotum  de  Téglise 
d'York.  Il  publia  à  Londres,  sans  date,  une  grammaire 
latine.  Enfin,  une  planche,  décrite  par  Ames,  porte  son 
nom  avec  l'adresse  de  Beverley,  dans  le  Yorksliire.  Il  ap- 
partient plus  probablement  aux  Pays-Bas  septentrionaux. 

ZUTPHEN. 

1616-1625.  ANDRÉ  JANSSEN,  d'Alost 

Appartenant  vraisemblablement  à  la  famille  alostoise 
dont  sont  issus  le  graveur  Michel  Janssen,  le  poète  latin 
Gabriel  Janssen  et  le  dominicain  Jean  Janssen  qui  vécurent 
tous  trois  au  commencement  du  XVIP  siècle,  André 
Janssen  fut  libraire  à  Zutphen  de  1616  à  1625. 

ZWOLLE. 

1605-1640.  ZACHAPJE  HEYNS,  d'Anvers. 

Venant  d'Amsterdam  (voir  ce  nom),  Zacharie  Heins 
s'établit,  en  1605,  à  Zwolle  où  il  imprima  jusqu'à  sa  mort, 
en  1640.  C'est  là,  notamment,  qu'il  publia  sa  traduction  en 
vers  néerlandais  des  œuvres  de  Guillaume  de  Saluste, 
seigneur  du  Bartas. 

1  J.  Ames,  ouvr.  cité,  t.  [Il,  pp.  1437-1439. 


229    — 


Table  alphabétique  des  noms  d'imprimeurs. 


Adkien  d'Anvei'S.  Estella. 
Aleman  (Teodorico).  Voir  Mar- 

TENS. 

Anvers  (Adrien  d').  Voir  Adrien. 

—  (Henri  d').  Voir  Henri. 
Arnold  de  Bruxelles.  Naples. 
AscENSius.  Voir  AsscHE  (van). 
AsscHE  (Jean  Badins  van).  Paris. 
AsscHE  (JosseBadiusvan).  Lyon, 

Paris. 
Augustin  van  Hasselt.  Cologne, 

Kampen,  Vianen,  Wesel. 

BADius(Josse).VoirAsscHE  (van). 
Bartolomeo    rimperador.    Voir 

L'Imperador. 
Bathen  (Jacques).  Cologne,  Maes- 

triclit. 
Bellère  (Balthazar).  Douai. 
Bellet  (François).  Saint-Omer. 
Berg  (Jean  van),  ou  Montanus. 

Nuremberg. 
Berghen  (Nicolas  van).  Londres. 
Beys  (Égide  ou  Gilles).  Bordeaux. 
Biermant  (Georges).  Paris. 
Biestkens  (Nicolas).  Amsterdam, 

Emden. 
Binnesian  (Henri),  ouBynneman. 

Londres. 
Blaublomme  (Louis),  Cyaneus  ou 

Peers.  Paris. 
Bogaerts  (Jean).  Voir  Bogaed. 


Bogard  (Jacques).  Paris. 

—  (Jean),   Bogaerts,  Boogaerts 
ou  Vanden  Boogaerde.  Paris. 

BoMBERG  (Daniel),  ou  VanBom- 

berghen.  Venise. 
Boogaerde    (Jean    vanden),  ou 

Boogaerts.  Voir  Bogard. 
BoRREMANS  (Pierre).  Douai. 
Boscard  (Charles).  Saint-Omer. 

—  (Jacques).  Douai. 
Bruxelles    (Arnold    de).    Voir 

Arnold. 
Bry  (Jean-Théodore  de).  Franc- 
fort, Oppenheim. 

—  (Théodore  de).  Francfort. 
Buus    (Jacques    de) ,  ou    Buys. 

Venise. 
Bynneman  (Henri).  Voir  Binne- 

MAN. 

C^SAR  (Conradus).  Cologne. 

—  (Nicolaus).  Cologne. 

—  (Petrus).  Voir  Keysere  (de). 

—  (Robertus)  .Voir  Keysere  (de). 
Cholinus  (Goswin).  Cologne. 

—  (Materne),  ou  Colin.  Cologne. 
CoLiNi  (Jean).  Metz. 
Ceaesbeeck  (Pierre).  Lisbonne. 
Ctematius  (Gellius).  Voir  Erven 

(Vander). 
Cyaneus    (Louis).    Voir   Blau- 
blomme. 


-     230 


Dalen  (Michel  van),  ou  Dalius. 

Cologne,  Munster. 
Damme  (Pierre  van).  Amsterdam. 

Elzevier  (Louis).  Douai,   Leyde, 
Wesel. 

—  (Louis  II).  La  Haye. 

—  (Matthieu).  Leyde. 

Erven  (Gilles  Vander),  Gellius 
Ctematius  ou  Collinus  Volck- 
winner.  Emden,  Londres. 

Flamenco  (Juan).  Voir  Juan. 
FLANDER(Gerardus).Volr  Gérard. 

—  (Joannes).  Voir  Juan. 

—  (Mathœus).  Voir    Math^us. 

—  (Nicolas).  Voir  Nicolus. 

—  (Petrus).  Voir  Petrus. 
Flandre  (Gérard  de)  .Voir  Gérard. 
F'rans  de  Vlamingh.  Voir  Vla- 

MINGH. 

Gérard  de  Lisa  de  Flandre.  Civi- 
dale,  Trévise,  Udine, Venise, 
Vicence. 

—  de  Nova  Civitate.  Metz. 
Ghelen  (Jean  van).  Vienne. 

—  (Jean   III  van).    Maestricht, 

Rotterdam. 
Ghendt  (Pierre  Stephanus  van). 

Voir  Stephanus. 
Ghuse  (Antoine).  Vienne. 
GoES  (Hugues).  Beverley,Londres, 

York. 
Graten    ( Gérard-Godfroy   van). 

Cambridge. 
GuARiN  (Thomas).  Baie. 
GuERiN  (Thomas).  Lyon. 
Guillaume  de  Malines,  ou  Wil- 
liam de  Machlinia,  ou  de  Mack- 

lyn.  Londres. 

Hacque  (Jean-Baptiste).  Vienne. 
Hasselt    (Augustin   van).    Voir 
Augustin. 


Henri  d'Anvers.  Gênes. 

Heyns    (Zacharie).    Amsterdam, 

Zwolle. 
HoLOGNE  (Lambert  de),  ou  Holo- 

nius.  Bâle. 
HoRENAVEGHE  (Josse).  Paris. 
Hudsebaut  (Denis).  Douai. 
HuLSE  (Liévin),  ouHulsius.Franc- 

fort,  Nuremberg. 

Janssen  (André).  Zutphen. 
Jean  de  Liège,  1483.  Venise. 

—  de  Tournai.  Ferrare. 

—  de  Turnhout.  Bois-le-Duc. 
Jehan  de  Liège,  1496.  Tours. 

V.  1500.  Valenciennes. 

JÉsuiTEs(Imprimerie  des).  Vienne. 
Joannes  Flander.  Voir  Juan. 
Juan  Flamenco.  Madrid. 

Keeke    (Pierre  Vanden),  Keerius 

ou  Kserius.  Amsterdam. 
Keyser  (Anton).  Cologne. 
Keysere  (Daniel  de).  Rome. 

—  (Henri  de).  Upsala. 

—  (Pierre  de).  Paris. 

—  (Robert  de).  Paris. 

La  Rivière  (Guillaume  de),  ou 

Rivière.  Arras. 
Leenen  (Paul).  Rome. 
Le   Roy  (Guillaume),   ou  Régis. 

Lyon,  Venise. 
Liège  (Jean  de).  Voir  Jean. 

—  (Jehan  de).  Voir  Jehan. 
LTMPERADOR(Bartolomeo).Venise 
Lisa  (Gérard   de).  Voir  Gérard. 
LocHEM  (Michel  van).  Paris. 
Los-Rios(Jean-François  de).Lyon. 
Louis  (Jean),  ou  Loys.  Paris. 

Malines    (Guillaume    de).    Voir 
Guillaume. 


—    231    — 


Malte  (Jean-Chrysostome).  Co- 
logne, Lille. 

Martens  (Thierry).  Séville. 

Math^us  Flander.  Saragosse. 

Mathias  (Antonius).  Gênes,  Mon- 
dovi. 

Mechlinia  (Guilelmus  ouWilliam 
de).  Voir  Guillaume. 

Meganc  (Jean).Pai-i8. 

Meulen  (Corneille  Vander).  Al- 
tona. 

Me  Y  (Jean),  ou  de  Mey.  Alcala, 
Valence. 

—  (Philippe).  Tarragone. 
MiEKDMAN  (Etienne).  Emden,  Lon- 
dres. 

Montanus  (Jean).  VoirBERO. 

Neny  (Philippe- Joseph  de).  Paris. 
Neufville  (Simon  de).  Lille. 
NicoLUS  Flander.  Vienne. 
Nova  Civitate    (Gérardus  de). 

Voir  Gérard. 
Nucci  (Matteo).  Naples. 

Peers  (Louis).  Voir  Blaublomme. 
Petrus  Flander.  Vienne. 
Plantin  (Christophe).  Leyde. 
Plantjnienne  (Officine).  Paris. 

Rade  (Abraham  Vanden).  Leeu- 
warden. 

—  (Gilles  Vanden),  ou  Radœus. 

Franeker. 

—  (Jean   Vanden).    Groningue. 
Raphelenghien     (  Christophe  ) . 

Leyde. 

—  (François),  ou  Van  Ravelin- 

ghen.  Leyde. 

—  (François  II).  Leyde. 
Régis  (Guillaume).  Voir  Le  Roy. 
Rivière  (Guillaume).  Voir  La  Ri- 
vière (De). 


Sambix  (Félix  van).  Delft,  Rottei-- 

dam. 
Silvius  (Charles).  Leyde. 

—  (Guillaume),     ou     Sylvius. 

Leyde. 

Speryng  (Nicolas).  Cambridge. 

Stell  (Hans),  ou  John  Still.  Lon- 
dres. 

Stephanus  (Pierre).  Genève. 

Still  (John).  Voir  Stell. 

Stoop  (Nicolas  de),  ou  Stopius. 
Venise. 

Stroobant  (Guillaume).  Lille. 

Sylvius  (Guillaume). Voir  Silvius 

Taberniel  (Artus).  Salamanque. 
Tack  (Antoine).  Lille. 
Teodorico   Aleman.  Voir   Mar- 
tens. 
Therhoeknen  (Arnold).  Cologne. 
Tournai  (Jean  de).  Voir  Jean. 
TuRNHOUT  (Jean  de).  Voir  Jean. 

Verdussen     (Jérôme).     Potten- 

dorff. 
Vervliet    (Jean).  Valenciennes. 
Vlamingh  (Frans  de).  Emden. 
Volckwinner    (CoUinus).    Voir 

Erven  (Vander). 

Waesberghe  (Jean  van).  Rotter- 
dam. 

—  (Jean  II  van).  Rotterdam. 
Waterloes    (Jean),    ou  Water- 

loose.  Paris. 

Wechel  (Chrétien).  Paris. 

William  de  Machlinia.  Voir  Guil- 
laume. 

WiNDE  (Louis  de).  Douai. 

Yetsweirt  (Charles).  Londres. 

Zuttere  ( Pierre-Anastase  do). 
Emden. 


—     232 


Table  chronologique  des  imprimeurs  belges 


à^" 


XV«  SIECLE. 

1469.  Arnold    Therhoernen.    Co-  1505. 

logne. 
1471.  Antoine  Mathias.  Gênes. 

1471.  Gérard  de  Lisa  de  Flandre.  1509. 

Trévise.  1511. 

1472.  Arnold  de  Bruxelles.   Na-        — 

pies.  1512. 

1473.  Henri  d'Anvers.  Gênes.  1516. 

—  Pierre  de  Keysere.  Paris.  1517. 

—  Guillaume  Le  Roy.  Lyon. 

1474.  Paul  Leenen.  Rome.  — 

1475.  Jean  de  Tournai.  Ferrare.  1518. 

—  Mathaeus    Flander.     Sara-  1519. 

gosse.  1525. 
1477.  Thierry  Martens.    Séville. 

1482.  Gérard  de  Nova  Civitate  et  1526. 

Jean  Colini.  Metz.  1528. 

—  Guillaume  de  Malines.  Lon-  1535. 

dres.  1541. 

1483.  Jean  de  Liège.  Venise.  1542. 
1494.  Josse  Badius   van  Assche.  1549. 

Lyon. 
1496.  Jehan  de  Liège.  Tours.  — 

14...    Daniel  de  Keysere.  Rome. 

1500.  Jehan    de     Liège.    Valen-  1550. 

ciennes. 


XVP  SIECLE. 

Josse  Horenweghe ,  Jean 
Meganc  et  Jean  Water- 
loes.  Paris. 

Hugues  Goes.  York. 

Georges  Biermant.  Paris. 

Anton  Keyser.  Cologne. 

Robert  de  Keysere.  Paris. 

Lambert  de  Hologne.  Bâle. 

Jean  Badius  van  Assche. 
Paris. 

Daniel  Bomberg.  Venise. 

Nicolaus  Csesar.  Cologne. 

Conradus  Cœsar.  Cologne. 

G.-G.  van  Graten  et  Nicolas 
Speryng.  Cambridge. 

Louis  Blaublomme.   Paris. 

Chrétien  Wechel.  Paris. 

Jean  Louis.  Paris. 

Jacques  Bogard.  Paris. 

Jean  van  Berg.  Nuremberg. 

Jean  de  Turnhout.  Bois-le- 
Duc. 

Bartolomeo  L'Imperador. 
Venise. 

Etienne  Mierdraan.  Lon- 
dres. 


1  Pour    les  imprimeurs   qui  ont  travaillé  dans  plusieurs  villes, 
je  n'ai  tenu  compte  que  de  leur  premier  établissement  à  l'étranger. 


—     233     — 


1550.  Jacques  de  Buus.  Venise. 

—  Nicolas   de  Stoop.  Venise. 
1552.  Jacques  Bathen.Maestricht. 

—  Jean  Mey.  Alcala. 

1558.  Thomas  Guerin.  Lyon. 
1554.  Gilles  Vander  Erven.  Lon- 
dres. 

1557.  Materne  Cholinus.  Cologne. 

1559.  Imprimerie    des    Jésuites. 

Vienne. 

1561.  Thomas  Guarin.  Bâle. 

1562.  Nicolas  Biestkens.  Eraden. 

—  Augustin      van      Hasselt. 

Karapen. 

1563.  Jacques  Boscard.  Douai. 

1564.  Adrien    d'Anvers.  Estella. 

—  Louis  de  Winde.  Douai. 

1566.  Henri  Binneman.  Londres. 

1567.  Louis  Elzevier.  Wezel. 

—  Officine  plantinienne.  Pa- 

ris. 

1568.  Hans  Stell.  Londres. 

1570.  Pierre -An.     de     Zuttere. 

Emden. 

1571.  Théodore  de   Bry.  Franc- 

fort. 
1574.  Jean  Bogard.  Douai. 
1878.  Guillaume  Silvius.   Leyde. 

1579.  Philippe  Mey.   Tarragone. 

1580.  Charles  Silvius.  Leyde. 

—  Jean-Théodore      de     Bry. 

Francfort. 
1583.  Goswin  Cholinus.  Cologne. 

—  Christophe  Plantin.  Leyde. 

1585.  François     Raphelenghien. 

Leyde. 

—  Jean      van     Waesberghe. 

Rotterdam. 

1586.  Gilles  Vanden  Rade.  Frane- 

ker. 

1589.  Jean  (II)  van  Waesberghe. 

Rotterdam. 

1590.  Balthazar  Bellère.  Douai. 


1590.  Louis     (II)    Elzevier.    La 

Haye. 

1591.  Guillaume  de  La  Rivière. 

Arras. 

1594.  Liévin  Hulse.  Nuremberg. 

—  CharlesYetsweirt.  Londres. 

1595.  Zacharie  Heyns.    Amster- 

dam. 

—  Antoine  Tack.  Lille. 

1596.  Guillaume  Stroobant.  Lille. 

1597.  Pierre     Craesbeeck.     Lis- 

bonne. 

—  Jean     (III)     van    Ghelen. 

Maestricht. 

—  Christophe  et  François  (II) 

Raphelenghien.  Leyde. 
15...    Nicolas  van  Berghen.  Lon- 
dres. 

—  Pierre      Stephanus       van 

Ghendt.  Genève. 
1600.  Juan  Flamenco.  Madrid. 

XVII»  SIÈCLE. 

1602.  François     Bellet.      Saint- 

Omer. 

1603.  Abraham     Vanden    Rade. 

Leeuwarden. 

1604.  Pierre  Borremans.  Douai. 

1605.  Artus  Taberniel.  Salaman- 

que. 

—  Frans  deVlamingh.  Emden. 

1606.  Pierre  Vanden  Keere.  Am- 

sterdam. 

—  Jean    Vanden   Rade.  Gro- 

ningue. 

1610.  Charles    Boscard.     Saint- 

Omer. 

—  Michel  van  Dalen.  Munster. 

—  JeanVervliet.Valenciennes. 

1611.  Félix  van  Sambix.  Rotter- 

dam. 
1616.  André  Janssen.  Zutphen. 


—    234 


1617.  Matthieu  Elzevier.  Leyde. 

1618.  Égide  Beys.  Bordeaux. 
1623.  Simon  de  Neufville.  Lille. 
1625.  Michel  van  Lochem.  Paris. 
1631.  Matteo  Nucci.  Naples. 
1640.  Denis  Hudsebaut.  Douai. 
1663.  Jean-Baptiste         Hacque. 

Vienne. 
1668.  Jérôme  Verdussen.  Potten- 

dorff. 
1673.  Corneille  Vander  Meulen. 

Altona. 


(1675)  Jean-Chrysostome  Malte, 

Cologne. 
1678.  Jean  van  Ghelen.  Vienne. 
16...     Henri  de  Keysere.  Upsala. 

XVIIIe  SIÈCLE. 

1750.  Pierre  van  Damme.  Am- 
sterdam. 

1766.  Jean-François  de  Los  Rios. 
Lyon. 

1789.  Philippe-Joseph  de  Neny. 
Paris. 


235 


LA  PRINCESSE  DE  CONDE 

AUX    PAYS-BAS. 
SON     SÊUOUH     A     aAND.      1653. 

14^ 


Les  événements,  dont  les  provinces  méridio- 
nales de  la  France  furent  le  théâtre  aux  mois  de 
juillet  et  d'août  1653,  mirent  un  terme  au  mou- 
vement insurrectionnel  à  la  tête  duquel  se  trou- 
vait Louis  II  de  Bourbon,  x^i'i^ce  de  Condé, 
connu  dans  Thistoire  sous  le  nom  de  «  le  Grand 
Condé.  » 

Le  drapeau  rouge  disparut  des  clochers  et  des 
édifices  publics  pour  faire  place  au  drapeau  blanc. 
Ce  fut  la  fin  des  guerres  de  la  Fronde  qui,  de  1648 
à  1653,  avaient  ensanglanté  la  France  pendant  la 
minorité  du  roi  Louis  XIV. 

Le  3  août  1653,  le  duc  de  Candale  et  le  duc  de 
Vendôme  firent  leur  entrée  à  Bordeaux,  centre  de 
l'insurrection.  Cette  ville  venait  de  se  soumettre 
à  l'autorité  du  roi  et  du  cardinal  Mazarin.  «  Ainsi 


—     236    — 

finit  la  guerre  de  Guyenne,  dit  M.  le  duc  d'Aumale, 
et  s'évanouirent  les  dernières  illusions  de  M.  le 
prince  sur  l'assistance  ou  la  diversion  qu'il  pou- 
vait attendre  du  Midi  '.  » 


La  femme  du  prince  de  Condé,  Claire-Clémence 
de  Maillé,  duchesse  de  Fronsac ,  marquise  de 
Brézé,  nièce  par  sa  mère  du  cardinal  de  Richelieu, 
qu'il  avait  épousée  le  11  février  1641,  se  trouvait 
à  Bordeaux  avec  son  fils,  le  jeune  duc  d'Enghien. 
Le  séjour  de  cette  ville,  où  elle  jouissait  cepen- 
dant d'une  certaine  popularité,  lui  était  devenu 
impossible.  La  princesse  quitta  Bordeaux  et  s'em- 
barqua à  Lesparre  pour  aller  rejoindre  son 
mari  en  Flandre,  Elle  arriva  le  26  août  à  Dun- 
kerque. 

Dès  que  le  roi  d'Espagne,  Philippe  IV,  apprit 
que  la  princesse  se  proposait  de  venir  dans  les 
Pays-Bas  il  envoya  ses  instructions  au  gouverneur- 
général,  l'archiduc  d'Autriche  Léopold- Guillaume. 
Celui-ci  reçut  l'ordre  de  traiter  la  femme  du  grand 
Condé  avec  la  plus  grande  munificence  et  de  lui 
faire  rendre  les  mêmes  honneurs  qu'à  l'archidu- 
chesse gouvernante. 

Il  nous  faut  ajouter  qu'il  n'en  coûta  rien  ni  au 
gouvernement  des  Pays-Bas  espagnols  ni  à  Phi- 
lippe IV  lui-même,  d'user  de  l'hospitalité  la  plus 
large  et  la  plus  somptueuse  à  l'égard  de  la  noble 
exilée.  Toutes  les  dépenses,  en  effet,  occasionnées 

i  Histoire  des  Princes  de  Condé  pendant  les  XVP  et  XVII^  siècles, 
par  le  duc  d'Aumale.  Tome  VI,  page  307. 


—     237    — 

par  son  séjour  dans  les  Pays-Pays,  lurent  suppor- 
tées par  les  villes  où  résida  la  princesse. 

Voici  en  quels  termes  M.  le  duc  d'Aumale  parle, 
dans  l'ouvrage  que  nous  venons  de  citer  (tome  VI, 
page  315),  de  la  réception  faite  à  la  princesse 
pendant  son  séjour  dans  les  Pays-Bas   espagnols  : 

«  Claire-Clémence  reçut  aux  Pays-Bas  le  traitement 
d'une  reine.  Un  des  principaux  personnages  de  la  cour  de 
l'Archiduc,  le  comte  de  la  Motterie,  l'attendait  à  Dun- 
kerque,  oii  elle  débarqua  le  26  août. 

«  Partout  Tordre  avait  été  donné  de  la  loger  avec  magni- 
ficence et  de  pourvoir  sans  compter  à  sa  dépense  et  à  celle 
de  son  train. 

a  Accompagnée  de  son  fils,  elle  s'achemina  lentement 
par  Nieuport,  Bruges,  Gand,  Audenarde  jusqu'à  Valen- 
ciennes  où  elle  établit  sa  résidence  (18  septembre),  lourde 
charge  pourla ville,  bientôt  accrue  par  l'arrivée  de  Madame 
de  Marsin  et  d'une  suite  nombreuse.  » 

Nous  allons  voir  ce  que  coûta,  notamment  à  la 
ville  de  Bruges  et  à  la  ville  de  Gand,  l'honneur 
d'avoir  pu  héberger  pendant  quelques  jours  la 
princesse  de  Condé,  son  escorte  et  les  personnages 
de  sa  suite. 

Le  9  septembre  1653  la  princesse  arriva  à  Nieu- 
port, venant  de  Dunkerque.  Nieuport,  heureuse- 
ment pour  ses  finances,  en  fut  quitte  à  fort  bon 
compte.  La  princesse  ne  s'y  arrêta  pas  et  ne  fit 
que  traverser  la  ville.  Elle  se  dirigea  directement 
vers  Bruges  où  elle  arriva  le  lendemain  10  sep- 
tembre. 


—    238    — 

Nieuport  dut  uniquement  payer  le  vin  consommé 
par  son  auguste  visiteuse  et  par  les  personnes  de 
son  entourage.  La  dépense  s'éleva  à  la  somme  de 
314  livres  parisis  et  12  escalins,  soit  environ 
285  francs  de  notre  monnaie;  ce  qui  est  loin  d'être 
exorbitant. 

Cette  dépense  figure  dans  le  compte  communal 
au  chapitre  des  présent  wijnen.  On  désigne  sous 
cette  expression  les  pièces  ou  les  mesures  de  vin 
que  les  autorités  communales  avaient  l'habitude 
d'offrir  aux  souverains  et  aux  personnages  de  dis- 
tinction qui  visitaient  la  ville.  Le  compte  des 
recettes  et  des  dépenses  de  la  ville  de  Nieuport 
pour  l'année  1653-1654  porte  : 

«  Uytghaven  ende  hetalynghen  ghedaen  van  présent 
roijnen  an  diversche  personen  die  de  stadt  mogen  tveerdigh 
loesen.  » 

«  Ghepresenteert  door  de  tcets  an  de  princesse  de  Condé 
de  wijh  ten  hehoefeyt  van  haer  tafel  alhier  binnen  Nieuport 
ivesende  op  den  xi  september  i653  ende  is  daervoren  be- 
taelt  an  Anth.  Moreel  die  de  leverynghe  ghedaen  heeft  de 
sont  van  iii'^  xiiii  Ib.  xii  sch.  p. 

Le  compte  porte  encore  en  dépense  la  somme  de 
douze  livres  parisis  pour  la  bière  consommée  à  la 
table  de  la  princesse. 

C'est  par  suite  d'une  erreur  de  plume,  croyons- 
nous,  que  l'article  du  compte  cité  plus  haut  porte 
œi  september  1653.  Il  faut  plutôt  lire  ix  september 
1653.  puisque  le  lendemain,  10  septembre,  la  prin- 


—    230    — 

cesse  de  Condé  et  sa  suite  faisaient  déjà  leur 
entrée  dans  la  ville  de  Bruges. 

Si  les  finances  de  la  ville  de  Nieuport  n'eurent 
pas  à  souffrir  du  passage  de  la  princesse  de  Condé, 
il  n'en  fut  pas  de  même  de  celles  de  Bruges  qui 
ne  s'en  tira  pas  à  aussi  bon  marché.  Cette  visite, 
qui  se  prolongea  pendant  quatre  jours,  lui  coûta 
la  somme  de  586  livres  14  escalins  et  4  deniers  de 
gros,  soit  environ  6400  francs  de  notre  monnaie, 
chiffre  considérable  si  on  tient  compte  de  la  valeur 
de  l'argent  à  cette  époque. 

Ce  chiffre  est  presque  identique  à  celui  payé 
par  la  ville  de  Gand,  597  livres  et  11  escalins  de 
gros,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin. 

Le  compte  communal  de  Bruges  du  2  septembre 
1653  au  2  septembre  1654  porte  à  l'article  2  du 
f-^  124  : 

ff  Betaelt  over  aile  (Voncosten  van  het  traictement  ende 
defroy  vande  Princesse  van  Condé  met  den  Prince  haren 
sone  binnen  deser  stede  ghecmmnen  synde  ende  ghelogiert 
stadts  coste  ten  huuse  vanden  marquys  Strossy,  in  de  maent 
van  September  xvi"  dry  en  vichtich,  hy  een  receul  mette  veri- 
ficatien  daer  toe  dienende,  de  somme  van  vyf  honderd 
Ixxxvi  Ib.  xiiii  se.  iii  d.  grote.  » 

On  peut  encore  ajouter  à  cette  somme  celle  de 
17  livres  19  escalins  et  10  deniers  de  gros  (même 
compte,  folio  86,  n"«  3-5),  payée  par  la  ville  de 
Bruges  pour  le  séjour  à  Gand,  pendant  les  journées 
des  14,  15  et  16  septembre  1653  que  la  princesse 
de  Condé  passa  dans  cette  ville,  du  bourgmestre 
Alphonse  de  Gras    de  Bouchoutte,    de    l'échevin 


240    — 


Jacques  Wynkelman,  du  trésorier  Jean  vander 
Lepe,  du  pensionnaire  Nicaise  van  Volden  et  du 
messager  Jean  Stalens. 


Tous  les  détails  relatifs  à  la  réception  et  au 
séjour  de  la  princesse  de  Condé  à  Bruges  sont 
puisés  dans  les  registres  des  Résolutions  secrètes 
du  magistrat  de  cette  ville  (1642-1653,  folio  337  v% 
n°  3)  dont  le  conservateur  des  archives,  M.  Gil- 
liodts-Van  Severen,  a  eu  l'obligeance  de  nous 
donner  une  analyse  et  traduction  sommaires  : 

«  6  septembre.  —  Un  courrier  annonce  au  conseil  l'arri- 
vée pour  le  soir  d'une  partie  de  l'escorte  de  la  princesse  de 
Condé.  Résolu  de  lui  fournir  logement  au  taux  d'un  florin 
par  tête. 

«  7  septembre.  —  Le  greffier  de  la  maison  de  la  prin- 
cesse remet  au  conseil  la  liste  de  l'escorte  arrivée  hier  soir 
en  ville. 

«  8  septembre.  —  L'adjudant  marquis  de  Strossy  annonce 
que  l'abbé  de  Saint-Marc  (?)  est  venu  à  Bruges  pour  «  con- 
gratuler »  la  princesse  et  sollicite  que  la  ville  prenne  à  sa 
charge  le  logement  de  l'abbé  et  de  sa  suite.  Répondu  que 
cet  abbé  ne  figurant  pas  sur  la  liste  remise  par  le  comte  de 
Lamotry,  on  ne  peut  accéder  à  la  demande. 

«  10  septembre.  —  Arrivée  de  la  princesse  et  de  son  fils 
le  duc  d'Enghien,  qui  avait  été  annoncée  par  lettre  de  La- 
motry datée  de  Dunkerque.  Envoyée  à  leur  rencontre  deux 
compagnies  de  mousquetaires,  inusqueUiers ,  de  cent 
hommes  chacune,  sur  la  digue  du  canal  d'Ostende  au-delà 
du  pont  de  Schipdale,  près  du  Tempelhof,  chargés  de  les 
saluer  par  des  salvos  et  de  les  accompagner  à  l'hôtel  de 
Pitthem  ;  de  plus  une  salvo  de  21  coups  de  canon  devait, 
du  haut  des  remparts,  aux  deux  côtés  de  la  porte  d'Ostende, 


—    241     - 

saluer  leur  entrée  en  ville  ;  et  les  deux  bourgmestres,  le 
premier  éclievin  et  le  greffier  civil  devaient  les  compli- 
menter. Elle  arriva  à  cinq  heures  de  Taprès-midi. 

«  13  septembre.  —  Départ  de  la  princesse  pour  Gaud 
par  le  canal.  Mêmes  cérémonies  qu'à  son  arrivée.  » 

La  princesse  était  escortée  par  une  espèce  de 
garde  d'honneur,  fournie  par  le  gouverneur-géné- 
ral des  Pays-Bas,  dont  une  partie  était  déjà  arrivée 
à  Bruges  dans  la  soirée  du  6  septembre,  comme 
nous  l'apprend  le  Resolutiehoeck  du  magistrat  : 

«  ...een  deel  van  den  train  van  het  volch  hy  syn  Hoocheyt 
afgezonden  omme  te  gheinoele  te  commen  de  Princesse  van 
Condé  ....  »  

La  princesse  de  Condé  quitta  Bruges  dans  la 
matinée  du  13  septembre  et  s'embarqua  avec  son 
fils  et  sa  suite  sur  des  bateaux  mis  à  sa  disposition 
par  les  autorités  provinciales,  qui  avaient  la  police 
et  l'entretien  du  canal  à  leur  charge.  Quelques 
personnes  de  la  suite  firent  le  trajet  de  Bruges  à 
Gand  en  voiture  ou  à  cheval,  pour  surveiller  les 
bagages  dont  une  partie  fut  transportée  à  Gand. 
par  chariots. 

La  flotille  —  car  on  pouvait  donner  ce  nom  à 
cette  longue  file  d'embarcations  —  était  escortée 
sur  les  deux  rives  du  canal  par  la  garde  d'honneur 
envoyée  par  le  gouverneur-général. 

Rappelons,  en  passant,  que  le  canal  de  Gand  à 
Bruges,  fut  creusé  en  1613  par  les  soins  et  aux 
frais  des  États  de  Flandre. 

16 


—     242     — 

Dans  les  preDiiers  jours  du  mois  de  septembre 
1653  le  collège  des  éclievins  de  la  Keiire  de  Gand 
reçut  avis  que  la  femme  du  grand  Condé,  en  se 
rendant  à  Yalenciennes,  se  proposait  de  passer 
par  leur  ville  et  d'y  faire  un  court  séjour. 

Vif  émoi  et  non  sans  raison.  Non  pas,  comme 
on  pourrait  le  croire,  que  cette  nouvelle,  si  flat- 
teuse pour  la  ville  de  Gand,  allait  remplir  de  joie 
le  cœur  des  magistrats  communaux.  Bien  au  con- 
traire !  Ce  fut  avec  la  plus  vive  consternation  que 
les  éclievins  prirent  connaissance  du  message  leur 
annonçant  l'arrivée  prochaine  de  la  princesse  de 
Condé. 

L'expérience  leur  avait  malheureusement  appris 
que  les  séjours  des  princes  et  des  grands  seigneurs 
ne  sont  pas  sans  entraîner  avec  eux  quelques 
menues  dépenses,  dont  la  caisse  communale  peut 
finalement  solder  le  montant.  Leurs  craintes 
étaient  d'autant  plus  justifiées  dans  l'occurence 
qu'ils  avaient  reçu  communication  des  instructions 
émanées  du  gouverneur-général,  Léopold  d'Au- 
triche, et  ordonnant  aux  autorités  locales  de 
traiter  la  princesse  et  sa  suite  avec  la  plus  grande 
munificence  et  sans  regarder  à  la  dépense. 


Dès  que  le  comte  de  la  Motterie,  attaché  spécia- 
lement à  la  personne  de  la  princesse  par  le  gou- 
vernement des  Pays-Bas  espagnols,  fut  arrivé  à 
Bruges,  les  éclievins  de  la  Keure  lai  envoyèrent 
une  députation  afin  d'obtenir  que  Son  Altesse  mo- 
difiât son  itinéraire  et    se  rendît  à  Yalenciennes 


—     243    — 

sans  traverser  la  ville  de  Gancl.  Cette  délicate  et 
peu  agréable  mission  fut  confiée  à  l'éclievin  de  la 
Heure  Denis  van  Vaernewijck,  seigneur  de  Die- 
penbroeck,  et  au  conseiller-pensionnaire  du  Laury. 

Ils  passèrent  cinq  jours  à  Bruges.  Toutes  leurs 
démarches  furent  inutiles  et  ils  durent  revenir  à 
Gand  sans  être  parvenus  à  obtenir  du  comte  de  la 
Motterie  que  Fitinéraire  primitivement  fixé  fût 
modifié.  La  ville  pouvait  donc,  sans  plus  tarder, 
se  préparer  h  recevoir  et  à  héberger  la  princesse 
de  Condé  et  les  nombreux  personnages  de  sa  suite. 

Les  frais  de  ce  voyage  à  Bruges  sont  libellés 
dans  les  termes  suivants  au  folio  cxxvi  v"  des 
comptes  de  la  ville  de  Gand  pour  Tannée  1653- 
1654  : 

«  Betaelt  den  heere  Denys  van  Vaernewyck  heere  van 
Diepenbroeck  schepenen  cnde  den  pensionnaris  du  Laury 
de  sotnme  van  derthien  ponden  vi  s.  viii  grooten  over  vyf 
daghen  vacatien  by  hemlicden  ghedaen  binnen  Brugghe  in 
het  negotieren  by  den  Grave  van  Lamotterye  dat  de  prin- 
cesse van  Condé  soude  eenen  anderen  loeg  nemen  als  door 
dese  stede.  » 

La  princesse  de  Condé,  accompagnée  de  son  fils 
le  duc  d'Enghien,  arriva  à  Gand  le  13  septembre 
1653  et  débarqua  au  faubourg  de  la  jjorte  de 
Bruges.  Le  Resolutiehoek  des  échevins  de  la  Keitre 
ne  fait  pas  mention  du  cérémonial  observé  à  cette 
occasion.  Nous  supposons  qu'en  vertu  des  instruc- 
tions reçues  de  Tarchiduc  Léopold,  les  honneurs 
souverains  lui  furent  rendus. 

Voici   le  cérém.onial  observé    ordinairement   à 


—     244     — 

cette  époque,  pour  la  réception  cVun  souverain  ou 
d'un  haut  personnage  rendant  visite  à  la  ville  de 
Gand. 

Les  dix-huit  compagnies  de  la  garde  bourgeoise, 
horgherlycke  loacht,  faisaient  la  haie  sur  tout  le 
parcours  du  cortège  qui  était  ouvert  par  le  timba- 
lier et  les  trompettes  de  la  ville  à  cheval.  A  côté 
des  carrosses,  dans  lesquels  se  trouvaient  le  souve- 
rain, les  personnes  de  sa  suite  et  les  autorités, 
marchaient,  un  flambeau  allumé  à  la  main,  les 
cent  gardes  formant  la  compagnie  d'élite  des 
escrimeurs  de  la  chef- confrérie  de  Saint-Michel  et 
connus  sous  le  nom  de  honderd  keiœlijcke  mannen. 
Selon  l'ancien  usage,  une  escorte  à  cheval  com- 
posée de  membres  aj)partenant  à  la  corporation 
des  bouchers  et  à  celle  des  poissonniers  accom- 
pagnait le  cortège. 

A  l'arrivée  et  au  départ,  des  salves  d'artillerie 
étaient  tirées  à  la  citadelle  et  du  haut  des  rem- 
parts, pendant  que  les  cloches  du  beffroi  sonnaient 
à  toute  volée  et  que  le  carillon  faisait  entendre 
ses  airs  les  i^lus  joyeux. 

L'autorité  communale  offrait  à  la  personne,  qui 
honorait  la  ville  de  sa  présence,  deux  pièces  de 
vin.  Les  deux  pièces,  peintes  et  décorées,  étaient 
placées  sur  un  chariot  pavoisé  que  traînaient 
quatre  chevaux  et  qu'escortaient  les  kraenkinders 
ou  soutireurs  de  vin.  Ce  chariot  venait  ordinaire- 
ment à  la  suite  du  cortège.  Les  deux  pièces  de  vin 
offertes  à  la  princesse  de  Condé  coûtèrent,  d'après 
les  comptes,  chacune  dix  livres  et  quinze  escalins 
de  gros. 


-     245    - 

Le  13  septembre  1653  donc,  la  princesse  de 
Condé  débarqua,  pendant  l'après-midi,  au  fau- 
bourg de  la  porte  de  Bruges  où  l'attendaient  les 
échevins  des  deux  bancs,  de  la  Keure  et  des  Par- 
chons,  revêtus  de  leur  costume  de  cérémonie,  met 
/naine  iabbaerden. 

Après  les  compliments  d'usage,  le  cortège  se 
mit  en  marche  et  conduisit  la  princesse  et  son  fils 
à  riiôtellerie  de  la  Pomme  d'or,  den  gidden  Apjjel, 
que  la  ville  avait  entièrement  retenue  pour  elle. 

Den  gidden  Appel,  situé  près  du  pont  aux 
Pommes,  était  à  cette  époque  l'hôtellerie  la  plus 
importante  de  la  ville  de  Gand.  C'était  là  que  des- 
cendaient principalement  les  voyageurs  apparte- 
nant à  la  classe  aisée  de  la  société.  On  en  a  fait 
deux  habitations  distinctes,  marquées  n"^  7  et  9  et 
appartenant  aujourd'hui  à  la  famille  Hye-Hoys. 


Les  craintes  des  échevins  au  sujet  des  frais  que 
cette  visite  princière  allait  coûter  à  la  ville  de 
Gand  se  réalisèrent  complètement.  Ces  frais, 
com.me  nous  l'avons  déjà  dit,  s'élevèrent  à  la 
somme  considérable  de  597  livres  et  11  escalins 
de  gros,  libellée  comme  suit  aux  comptes  de  la 
ville  pour  l'année  1653-1654,  folio  cl  \°  : 

«  I)en  ontfanghen  bringht  van  ghelycken  in  uutgheven  de 
somme  van  vyf  hondert  seven  entnegentich  pojiden  cet  schel- 
Ihighen  grooten  sxdckx  als  becostigJit  heeft  de  fourieringhe 
van  de  princesse  van  Condé  ende  de  gone  van  hare  suyte 
alhier  binnen  dese  stede  wesende  volghende  den  billette 
inhoudende  speci/îcatie  ende  der  ordonnantie  u°  iiii^^  xvii  Ih. 
xi  se.  grooten.  » 


—     246     — 

Cette  somme  de  597  livres  de  gros  forme  la 
quarante-troisième  partie  des  dépenses  totales  de 
la  ville  de  Gand  qui,  pour  l'année  administrative 
1653-1654,  s'élevèrent  à  la  somme  de  25,522  livres 
de  gros.  Si  nous  appliquons  ce  calcul  au  budget 
actuel  de  la  ville  de  Gand,  voici  l'intéressant  ré- 
sultat auquel  nous  arrivons.  Les  dépenses  pour 
l'exercice  1895  se  sont  élevées  à  la  somme  de 
5,410,419  francs  dont  la  quarante- troisième  partie 
est,  en  chifires  ronds,  126,000  francs. 

Ce  chiffre  de  126,000  francs  représente  donc 
ce  que,  de  nos  jours,  la  caisse  communale  pour- 
rait payer  si  la  ville  se  trouvait  obligée  de  pour- 
voir aux  frais  d'entretien  et  de  logement  d'un 
haut  personnage  quelconque,  venant  passer  deux 
ou  trois  jours  à  Gand  dans  les  mêmes  conditions 
que  la  princesse  de  Condé  le  fit  en  1653.  Nous 
croyons  que,  comme  leurs  prédécesseurs  de  1653, 
nos  édiles  communaux  se  passeraient  volontiers 
de  l'honneur  d'une  pareille  visite. 

La  somme  de  597  livres  n'a  rien  d'étonnant 
quand  on  considère  que  le  nombre  des  personnes, 
hébergées  pendant  trois  jours,  s'élevait  à  plus  de 
deux  cents. 


Dans  la  suite  des  personnes  de  tous  rangs  et  de 
toutes  conditions,  dont  la  princesse  de  Condé  et 
son  fils  étaient  accompagnés,  nous  trouvons,  pour 
ne  citer  que  ceux-là  :  des  pages,  sept  cuisiniers 
et  leurs  aides,  un  lavandier  également  avec  ses 
aides,    deux    postillons,    deux    tailleurs,     quatre 


—     247     — 

toiirnebroches,  deux    trompettes,    deux  porteurs 
de  chaises. 

Tout  ce  monde  était  réparti  entre  le  gulden 
Appel  et  onze  hôtelleries  dont  nous  trouvons  les 
noms  dans  les  pièces  justificatives  des  comptes  du 
trésorier  de  la  ville  pour  Tannée  1G53-1654  : 

«  De  Kroon  hy  Cbelfort,  den  Spiegel  ten  Putte,  de  Fon- 
tcyne,  de  Sicaem,  den  Leeuic  ten  Putte,  t  Gulden  hooft  op 
de  Burgstrate,  de  Ster,  in  Audenarde,  V  Schaek,  de  Draeke, 
't  Hemdryk.  » 

Tous  les  logements  avaient  été  retenus  par  des 
employés  de  la  ville  et  par  un  «  fourrier  »  de  la 
princesse,  arrivé  quelques  jours  à  l'avance  pour 
présider  aux  installations.  Les  écuries  de  ces  hôtel- 
leries ne  suffisant  pas  pour  placer  les  chevaux  et 
les  mulets,  on  avait  été  obligé  d'en  louer  encore 
d'autres  en  ville.  La  location  de  ces  écuries  sup- 
plémentaires coûta  plus  de  trente  livres  de  gros. 


Parmi  les  victuailles,  servies  à  la  princesse  de 
Condé  et  à  ceux,  seigneurs,  dames  et  serviteurs, 
qin  logèrent  avec  elle  à  l'hôtel  du  gidden  Appel, 
plusieurs  furent  fournies  directement  par  la  ville. 
Il  y  a,  entre  autres,  le  compte  d'un  marchand  de 
poissons  sur  lequel  nous  voyons  figurer  quarante- 
trois  carpes,  vingt-quatre  brochets,  et  cent  dix 
soles,  tout  cela  sans  parler  des  saumons,  des 
plies,  des  turbots,  des  anguilles  et  d'autres  pois- 
sons dont  le  nombre  n'est  pas  indiqué  ! 

Les  comptes  de  la  viande,  de  la  volaille  et  du 
gibier,   fournis   aux  frais  de  la  ville,   nous  ren- 


—     248     — 

seignent  que  sur  la  table  de  la  princesse  et  snr 
celles  de  son  entourage  figurèrent  de  la  viande  de 
bœuf,  de  veau  et  de  porc,  des  saucissons  et  de  la 
langue  fumée,  des  ris  et  des  rognons  de  veau,  des 
poulets,  des  chapons,  des  dindes,  des  pigeons,  des 
perdreaux  et  des  bécassines  ! 


La  ville  dut  fournir  une  vingtaine  d'ouvriers 
pour  décharger  les  bagages  arrivés  de  Bruges  par 
bateaux  et  par  chariots.  Il  en  fallut  autant  pour 
recharger  les  bagages  au  moment  du  départ  pour 
Audenarde.  Messieurs  les  laquais  de  la  princesse 
ainsi  que  ceux  des  seigneurs  et  des  dames  de  sa 
suite,  jugeaient,  sans  aucun  doute,  au-dessous  de 
leur  dignité  de  se  livrer  à  une  besogne  aussi  vile 
et  aussi  roturière. 

Pour  donner  une  idée  de  ce  que  devait  être  le 
train  de  bagages  et  d'objets  de  toutes  sortes  qui 
suivait  la  princesse  et  sa  suite  dans  leur  voyage 
en  Flandre,  il  nous  suffira  de  citer  le  compte  d'une 
seule  des  hôtelleries  mentionnées  plus  haut.  Nous 
y  trouvons  que  sept  domestiques  logèrent  et 
prirent  leurs  repas  à  l'hôtellerie  et  qu'on  plaça 
cinq  chevaux  et  trois  chariots  dans  les  écuries  et 
les  remises. 

Plusieurs  chambres  de  l'hôtellerie  du  gulden 
Appel  furent  tapissées  et  meublées  complètement 
à  neuf ,  toujours  aux  frais  de  la  ville.  «  Behangen 
van  camers  met  tapyten,  »  «  versie7Hng  van  seven 
camers,  »  lisons-nous  dans  les  comptes. 


—    249     — 

La  ville  dut  également  faire  racqiiisition  de 
porcelaines,  de  faïences,  de  cristaux,  de  serviettes, 
de  nappes,  de  draps  de  lit,  de  batteries  de  cui- 
sine, etc.  Un  de  ces  comptes,  intitulé  tafelgerief, 
s'élève  à  la  somme  de  dix-neuf  livres  de  gros. 

N'oublions  pas  de  mentionner  les  salaires  extra- 
ordinaires payés  aux  hallebardiers,  aux  sergents 
et  messagers  de  l'hôtel  de  ville,  et  aux  mor^kinderen 
ou  ribauds  qui,  nuit  et  jour,  furent  au  service  de 
la  princesse,  soit  pour  monter  la  garde  devant 
l'hôtel  et  l'escorter  dans  ses  promenades  en  ville, 
soit  pour  veiller  sur  les  bagages  et  les  équipages, 
soit  pour  remplir  d'autres  devoirs  ne  rentrant  pas 
dans  leurs  fonctions  habituelles. 


Tous  les  comptes  détaillés,  avec  les  requêtes  et 
les  pièces  justificatives,  de  ce  que  la  ville  de  Gand 
dut  payer  à  ses  employés,  aux  hôteliers,  aux 
différents  fournisseurs  et  aux  ouvriers  de  toutes 
sortes  forment,  aux  archives  communales,  un 
volumineux  dossier  renfermant  plusieurs  pièces 
d'un  intérêt  réel  (série   IIP"'',  n"  1,  Inhuldi7igen). 

Telle  est  la  requête  adressée  aux  échevins  de  la 
Keu7^e  par  l'hôtelier  du  gulden  Appel,  qui  demande 
à  être  indemnisé  de  la  perte  considérable  -que  le 
séjour  de  la  princesse  de  Condé  lui  a  fait  éprouver. 
Il  dit  que,  sur  l'ordre  du  Magistrat,  il  a  dû  ren- 
voyer tous  ses  clients  dont  plusieurs  ne  descen- 
dront peut-être  plus  dans  son  hôtellerie.  Il  se 
plaint  également  de  ce  qu'un  grand  nombre  d'ob- 
jets lui  ont  été  dérobés. 


—     250     — 

Voici  le  texte  de  cette  requête  et  de  l'ordonnance 
qui  fit  droit  à  la  réclamation  : 

«An  myn  Edele  Heeren  Schepenen  vander  Keure. 

«  Supplierende  vertoont  reverentelyh  Bcdtazar  vande 
Casteele  hostelier  vanden  Gulden  appel  hoe  dat  door  het 
logement  van  zyne  A  Iteze  de  princesse  van  Condé  met  haere 
suyte  boven  de  depjense  tsync  liuyse  ghedaen  heloopende 
volghende  de  gheannexeerde  billetten  speeificatie  ter  somme 
van  42  lib.  18  sch.  10  gr.  den  suppliant  gheleden  heeft 
groot  verlies  ende  excessive  schaede  midts  dat  aile  de  ghone 
die  tsyne  huyse  ghelogiert  ivaeren  hebben  tnoeten  vertrechen 
ende  oock  gheen  andere  en  heeft  connen  ofte  moghen 
logieren  loaerdorre  oock  te  vreesen  is  het  verlies  van  eenyghe 
syne  andere  callanten  boven  tgonne  dat  oock  is  ontvreindt 
al  te  îvel  hy  andermael  niet  en  saude  willen  onderstaen  voor 
de  somme  van  vyf  hondert  guldens  ende  alsoo  al  tselve 
hennelyk  is  an  myne  edele  heeren  keert  hem  totte  selve. 

«  Biddende  de  selve  ghedient  te  syne  an  hem  over  tvoor- 
nomde  logement  ende  verlies  by  te  legghen  de  somme  van 
vier  hondert  guldens  daervan  ende  vande  voornomde  te 
verleenen  ordonnance  van  betaling  op  den  heer  trésorier 
ttcelke  doende...  » 

Ordonnance  de  paiement  : 

«  Schepenen  vander  Keure  hebben  anden  suppliant  byghe- 
legt  over  tlogement  ende  verlies  by  hem  onderstaen  door 
haere  hoocheyt  de  princesse  van  Condé,  als  de  gheene  van 
haere  suyte  de  somme  van  dry  en  dertich  ponden  zes  schel- 
lingen  acht  groote  metsgaders  over  de  dispence  ende  verlies 
van  eenighe  tneubelen  de  somme  van  zes  en  dertich  ponden 
achthien  schellyngen  thien  grooteyi  volghende  den  billiette 
van  speeificatie  ter  dese  annexe  tsamen  uytbrynghende  de 
somme  van  tzeventich  ponden  vyf  schellyngen  zes  groote  die 


—    251     — 

hem  zullen  betaelt  ïcorden  hy  den  secretaris  onderschreven. 
«   Actum  den  26  September  165S. 

«  OVERWAELE.  » 

Parmi  les  autres  pièces  curieuses  à  citer,  se 
trouve  une  requête  adressée  aux  échevins  de  la 
Keure  par  le  personnel  de  l'hôtellerie  du  gidden 
Afrpel^  composé  de  cinq  domestiques  et  de  quatre 
servantes.  Le  texte  de  cette  requête  doit  nous 
faire  supposer  que  la  princesse  de  Condé,  à  qui  le 
gouvernement  permettait  de  voyager  et  de  se  faire 
héberger  gratuitement  par  les  localités  qu'elle 
honorait  de  sa  présence,  oubliait  de  donner  des 
pourboires  aux  gens  qui  l'avaient  servie. 

Les  requérants  énumèrent  longuement  tout  ce 
qu'ils  ont  fait  pour  le  service  de  la  princesse.  Ils 
parlent  entre  autres  de  «  ...maecken  imn  de  bed- 
den,  cwjsschen  van  de  camers,  aile  dinglien  loederom 
op  syne  plaelse  gestelt...  »  Ce  qui,  d'après  eux, 
méritait  un  pourboire  ou  une  gratification  qu'ils 
se  permettent  de  demander  à  l'autorité  commu- 
nale «  ...hen  te  veree?'en  met  eene  courtoisie  ter 
belle  fie  van  myne  edele  Heeren...  » 

Même  requête  de  la  part  des  sergents  et  des 
messagers  de  l'hôtel  de  ville  qui  ont  soigné  pour 
les  logements  et  veillé  nuit  et  jour  sur  les  objets 
d'ameublement  et  sur  les  provisions  fournies  par 
les  échevins  à  la  princesse  de  Condé  : 

«  ...gheemployeert  gheioeest  int  foerieren  van  den  Edel- 
dom  van  der  princesse  van  Condé  mette  gone  van  haer 
swiete  ...Jiebbende  de  selve  drye  daeghen  daermede  besig 
gheioeest  dag  ende  nacht...  » 


-     252     — 

«  ...alsoock  sorge  te  draeghen  over  aile  zahen  soo  van 
speyse,  dranch,  meubelen  ende  catheylen  die  hy  de  stadt 
aldaer  ghelevert  syn  gheioeest  ten  dienste  van  de  princesse 
van  Condé.  » 

Le  15  septembre  1653  la  princesse  de  Condé 
et  sa  suite  prirent  enfin  congé  de  la  ville  de  Gand 
pour  se  diriger  sur  Audenarde. 

Une  requête  de  Jean  van  Léaucourt,  doyen  des 
francs-bateliers,  nous  fait  connaître  que,  comme 
de  Bruges  à  Gand,  le  voyage,  pour  une  partie  de 
la  suite  tout  au  moins,  se  fit  également  par  eau. 
Van  Léaucourt  réclama,  pour  lui  et  ses  com- 
pagnons, la  somme  de  dix- sept  livres  de  gros,  qui 
lui  fut  payée  par  la  ville,  pour  avoir  conduit 
jusqu'à  Audenarde  un  grand  bateau,  eene  groote 
j)leyte,  et  trois  bateaux  de  moindre  dimension,  dry 
hylanders,  avec  quarante  à  cinquante  personnes  de 
la  suite  de  la  princesse  et  leurs  bagages  : 

«  ...eene  groote  pleyte  en  dry  bylanders  met  bagaigen 
mitsgaders  veertich  a  vyftich  persoonen  van  de  suytte  van 
tnyvrauto  de  princesse  van  Condé...  » 

Nous  ne  connaissons  rien  de  la  réception  que  le 
magistrat  d' Audenarde  fit  à  la  princesse  de  Condé. 
Il  n'existe  aux  archives  de  cette  ville  aucun  docu- 
ment concernant  cette  réception.  Quant  aux 
comptes  communaux,  ils  ne  peuvent  fournir  aucun 
renseignement  à  ce  sujet;  ils  présentent  en  effet 
une  lacune  embrassant  précisément  la  période 
allant  du  31  mars  1653  au  21  juillet  1654. 

Tout  ce  que  nous  savons  c'est  que  la  princesse 
ne  fit  que  traverser  Audenarde  car  le  lendemain 


253     — 


de  son  départ  à  Gand  elle  arrivait  déjà  à  Tournai. 
Cette  célérité  doit  nous  faire  admettre  que  depuis 
Gand  la  princesse  et  la  plus  grande  partie  de  sa 
suite  voyagaient  en  voiture  ou  à  cheval. 


*  * 


Le  16  septembre  1653  la  princesse  de  Condé  fit 
son  entrée  solennelle  à  Tournai  où  son  arrivée 
avait  été  annoncée  par  une  missive  du  comte  de  la 
Motterie,  ainsi  que  le  mentionne  le  registre  des 
Consaux  au  n"  213,  page  392  : 

«  A  esté  faicte  lecture  des  lettres  cln  s^'  comte  de  la  Mot- 
terye  en  date  du  14^  de  ce  mois,  escrites  à  Gandt,  adres- 
santes à  voz  seigneuries,  contenantes  que  comme  Madame 
la  Princesse  de  Condé,  debvoit  partir  le  lendemain  dudit 
Gandt  vers  Audenarde  pour  le  jour  ensuivant  venir  logier 
en  cette  ville  ;  il  en  avoit  bien  voulu  advertir  voz  seigneu- 
ries, à  ce  qu'il  leur  plairoit  de  préparer  son  logement  et 
traictement  auquel  effect  il  en  envoyeroit  des  domestiques 
de  S.  A.  pour  y  assister.  » 

Elle  arriva  à  Tournai  par  la  porte  de  Morelle  où 
les  honneurs  militaires  lui  furent  rendus  par  deux 
compagnies  de  160  hommes.  Ces  deux  compagnies, 
commandées  chacune  par  un  capitaine,  escortèrent 
la  princesse  jusqu'à  l'abbaye  de  Saint-Martin  où 
elle  logea  et  où  les  membres  du  Magistrat  com- 
munal tournaisien  vinrent  lui  faire  la  visite  offi- 
cielle et  présenter  les  compliments  d'usage. 


Nous  ignorons  par  suite  de  quelle  heureuse  cir- 
constance la  ville  de  Tournai  n'eut  rien  à  payer 


—    254    ~ 

pour  le  «  logement  et  traictement  »  de  la  princesse 
et  de  sa  suite.  D'après  les  comptes  communaux  le 
tout  se  borna  au  don  d'une  pièce  de  vin  offerte  au 
comte  de  la  Motterie  : 

«  A  ce  massart  compteur  pour  le  rembourser  de  la 
somme  de  ii*"  £  flandres  pour  la  valeur  d'une  pièche  de  vin 
dont  at  esté  fait  présent  au  seigneur  comte  de  la  Motterie 
estant  ens  ceste  ville  avecq  la  dame  princesse  de  Condé  par 
ordonnance  et  quitance  ladite  somme.     .     .     .     ii^^^fl.» 

La  date  du  départ  de  la  princesse  de  Condé 
pour  Valenciennes,  où  elle  arriva  le  18  septembre, 
ne  se  trouve  renseigné  nulle  part. 

Nous  devons  à  la  complaisance  de  M.  l'archi- 
viste communal,  M.  Ad.  Hocquet,  les  renseigne- 
ments qui  précèdent  sur  le  séjour  de  la  princesse 
de  Condé  à  Tournai. 

Le  18  septembre  1653  la  princesse  de  Condé  fit 
son  entrée  solennelle  à  Valenciennes  à  six  heures 
du  soir.  La  princesse  et  les  principaux  personnages 
de  sa  suite  étaient  assis  dans  quatre  carrosses 
attelés  chacun  de  six  chevaux. 

Si  les  plaintes  des  échevins  gantois  au  sujet  des 
frais  qu'occasionna  la  visite  de  la  princesse  de 
Condé  furent  vives,  jugez  de  ce  que  durent  être 
celles  du  Magistrat  de  la  ville  de  Valenciennes  qui 
eut  rhonneur  de  pouvoir  héberger  ses  nobles  hôtes 
pendant  plus  de  quinze  mois.  Les  charges  que  la 
ville  de  Valenciennes  eut  à  supporter  de  ce  chef 
furent  très  considérables  car  la  suite  de  la  prin- 


—    255 


cesse  comportait,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  plus 
haut,  au  delà  de  deux  cents  personnes. 


Cette  petite  cour  manquait  de  distractions.  Le 
gouverneur-général ,  l'archiduc  Léopold ,  s'em- 
pressa de  lui  en  procurer.  Il  envoya  à  Valen- 
ciennes  la  troupe  de  comédiens,  connue  sous  le 
nom  de  comédiens  du  prince  d'Orange,  qui  donnait 
à  ce  moment  des  représentations  à  Bruxelles. 

Dans  les  Recherches  historiques,  bibliographiques, 
critiques  et  littéraires  sur  le  théâtre  deValenciennes\ 
on  cite  le  chroniqueur  Simon  Leboucqqui  rapporte 
la  décision  prise  par  les  autorités  locales  au  sujet 
de  ces  représentations  : 

«  Lues  lettres  de  son  Altesse  Impériale  du  20  de  ce  mois 
escript  de  Tournay  disant  qu'il  envoyoit  en  ceste  ville  des 
Comédiens  (qui  estoient  ceulx  du  Prince  d'Orange)  pour 
représenter  huit  à  dix  actions  par  devant  sa  cousine  la 
Princesse  de  Condé,  nous  ordonnant  de  désigner  place  et 
théâtre  aux  dicts  Comédiens.  » 

Simon  Leboucq  dit  que  ces  représentations  se 
donnèrent  dans  la  «  Chambre  de  Saint-Georges.  » 
La  première  eut  lieu  le  29  novembre  1653,  et  la 
dernière  le  15  décembre  suivant. 

Cette  troupe  avait  déjà  donné  des  représenta- 
tions à  Gand  en  1651.  Elle  se  composait  alors  de 
vingt  acteurs  et  actrices,  accompagnés  de  leurs 
serviteurs-.  De  même  que  pour  les  représentations 


i  Paris,  Hécart,  libraire,  1816.  Bibliothèque  de  la  ville  de  Gand. 
Histoire,  n"  7139. 

-  Histoire  du  Théâtre  à  Gand.  Tome  1,  chapitre  III.  Tome  II, 
chapitre  II. 


—    256    — 

données  à  Gand,  nous  ne  connaissons  pas  les  titres 
des  pièces  jouées  à  Valenciennes. 


Une  notice  historique  sur  le  séjour  de  la  prin- 
cesse de  Condé  dans  cette  ville  en  1653  et  1654, 
due  à  la  plume  de  M.  le  docteur  R.  Lejeal,  a  paru 
en  1865  dans  les  Mémoires  de  la  Société  historique 
de  Valenciennes.  C'est  un  travail  fort  complet  et 
dont  les  détails,  comme  le  dit  fort  bien  l'auteur, 
«  nous  donnent  pour  ainsi  dire  la  photographie 
exacte  d'une  époque.  » 


La  princesse  de  Condé  qui,  comme  nous  venons 
de  le  voir,  résidait  déjà  à  Valenciennes  depuis  le 
18  septembre  1653,  quitta  enfin  cette  ville  le 
30  décembre  1654,  et  alla  s'établir  à  Malines.  Ce 
départ  eut  lieu  à  la  suite  des  réclamations  conti- 
nuelles du  Magistrat  qui  estimait,  et  à  juste  titre, 
que  cette  charge,  dont  la  ville  supportait  une  forte 
partie,  était  trop  lourde  pour  les  finances  commu- 
nales.   

Il  aurait  été  intéressant  de  connaître  la  liste 
complète  des  nobles  et  puissants  seigneurs,  et  des 
gentes  et  honestes  dames  qui  accompagnèrent  la 
princesse  de  Condé  et  qui,  comme  elle,  se  firent 
traiter  et  héberger  gratuitement  pendant  leur  sé- 
jour aux  Pays-Bas.  Malheureusement,  tous  les 
documents  que  nous  avons  eus  à  notre  disposition 
ne  renferment  aucune  indication  à  ce  sujet. 

Dans  les  délibérations  du  Magistrat  de  Bruges 


—     257    — 

il  est  fait  mention  d'une  lyste  van  het  volck,  mais 
le  procès-verbal  de  la  séance,  pendant  laquelle 
cette  liste  fat  déposée  par  le  greffier,  n'entre  dans 
aucun  détail  et  ne  cite  aucun  nom.  La  liste  remise 
par  le  comte  de  Lamotterie  n'est  également 
transcrite  nulle  part. 

Il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  cet  article  de 
suivre  la  princesse  et  son  fils  dans  leurs  nouvelles 
pérégrinations  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'à 
Malines,  sa  nouvelle  résidence,  elle  fut  privée  de 
tout  subside  et  dut  pourvoir  elle-même  à  son  entre- 
tien et  à  celui  des  personnes  qui  l'avaient  accom- 
pagnée. 

Aussi  ses  ressources  furent-elles  bientôt  complè- 
tement épuisées. Elle  en  fut  même  réduite  à  vendre 
successivement  ses  chevaux  et  ses  carrosses,  et 
même  jusqu'à  des  objets  d'habillement.  Plus  de 
crédit  nulle  part  et,  si  l'on  en  croit  les  chroni- 
queurs de  l'époque,  le  pain  manquait  parfois  sur 
la  table  de  son  Altesse.  Il  arriva  même  que  son 
maître  d'hôtel  fut  emprisonné  à  la  requête  des 
fournisseurs,  las  d'attendre  après  le  paiement  de 
leurs  comptes  restés  en  souffrance. 

On  voit  qu'à  Malines  l'ordinaire  de  la  princesse 
était  loin  de  ressembler  aux  menus  qu'on  lui 
servait,  un  an  auparavant,  sur  la  table  de  Thôtel- 
lerie  du  gulden  Ajjpel  à  Gand. 

Combien  cet  état  de  gène  et  de  privations^ 
momentané  il  est  vrai,  contrastait  avec  la  vie 
large  et  facile  que  la  femme  du  grand  Condé  avait 

17 


—    258    — 

menée,  pendant  plus  d'un  an,  au  dépens  de  nos 
bonnes  villes,  depuis  Dunkerque  jusqu'à  Valen- 
ciennes  !^ 

Nous  venons  de  voir  combien  les  magistrats 
communaux  se  montraient  peu  enthousiastes  de 
riionneur  que  la  princesse  de  Condé  leur  faisait 
en  daignant  séjourner  dans  leur  ville. 

Ce  n'était  pas  la  première  fois  que  l'annonce  de 
l'arrivée  d'une  princesse  étrangère  dans  .les  Pays- 
Bas  fut  accueillie  avec  un  vif  déplaisir  par  les 
autorités.  Un  fait  analogue  s'était  déjà  produit  en 
1577  lors  du  voyage  à  Spa  de  la  duchesse  de 
Vendôme,  sœur  du  roi  de  France  Henri  III  et 
belle-sœur  du  roi  d'Espagne  Philippe  IL 

La  duchesse,  qui  venait  de  quitter  Paris  pour  se 
rendre  à  Spa,  devait  nécessairement  traverser  les 
Pays-Bas.  Le  gouverneur -général.  Don  Juan 
d'Autriche,  tout  en  faisant  connaître  qu'il  enver- 
rait le  comte  de  Lalaing  et  le  comte  de  Fromont  à 
Namur  pour  la  recevoir  à  la  frontière,  ne  put 
s'empêcher  de  manifester  le  mécontentement  que 
lui  causait  cette  visite. 

Don  Juan  songeait-il  aux  frais  et  aux  embarras 
de  toutes  sortes  que  le  voyage  et  le  séjour  de  la 
duchesse  de  Vendôme  allaient  probablement  occa- 
sionner au  gouvernement?  Nous  sommes  enclins 
à  le  sujDposer  d'après  les  termes  de  la  lettre  que, 

'  Dunkerque  et  Valenciennes,  avec  plusieurs  autres  villes  impor- 
tantes de  la  France  actuelle,  furent  enlevées  aux  Pays-Bas,  la  pre- 
mière par  le  traité  des  Pyrénées  (1660)  et  la  seconde  par  la  paix  de 
Nimègue  (1678). 


—    259    — 

le  7  juillet  1577,  il  écrivit  de  Malines  aux  dé- 
putés des  États-généraux  réunis  à  ce  moment  à 
Bruxelles. 

Après  avoir  affirmé,  assez  faiblement  d'ailleurs, 
son  intention  de  bien  recevoir  la  duchesse,  il  finit 
sa  lettre  par  la  phrase  suivante  dont  le  sens  est 
des  plus  significatifs  : 

«  ...et  eusse  bien  désiré  que  ceste  venue  ne  se  eust 
offerte  en  ceste  conjoncture.  « 

Cette  lettre  est  transcrite  en  entier  au  fol.  230  v° 
du  registre  Y  de  la  collection  connue  aux  archives 
communales  sous  le  nom  de  a  les  47  Registres.  » 

Prosper  Claeys. 


2G0    — 


UN  FILS  DE  RYHOVE. 


Plusieurs  gentilshommes  flamands  ont  servi 
dans  les  armées  et  sous  les  ordres  du  Prince  Mau- 
rice de  Nassau.  Parmi  ceux  qui  s'illustrèrent  par 
leur  vaillance  et  les  services  éminents  qu'ils  ren- 
dirent à  la  cause  de  l'indépendance  des  Pays-Bas, 
figure  au  premier  rang  Louis  de  la  Kethulle 
seigneur  de  Ryhove. 

Cet  oflicier  distingué  était  le  second  fils  de 
François  de  la  Kethulle  seigneur  de  Ryhove,  le 
partisan  et  champion  dévoué  du  Taciturne,  au 
cours  des  événements  qui  se  déroulèrent  à  Gand 
et  dans  les  Flandres  de  1577  à  1584.  Il  était  issu 
du  mariage  de  son  père  avec  Suzanne  vanden 
Houte,  dame  de  Houte  et  de  Haultcamp,  de  noble 
maison  fixée  à  cette  époque  à  Ypres  '. 

Il  naquit  en  1565  ^,  très  probablement  dans  la 


i  Sa  généalogie  jusqu'au  début  du  XIV®  siècle  est  établie  par  quan- 
tité de  documents  reposant  dans  les  archives  communales  de  Gand, 
Ypres,  Bruges,  dans  les  archives  de  l'État  à  Gand  et  dans  d'autres 
dépôts. 

2  Arch.  de  Gand.  Farde  Ryhovestuks,  série  94bis,  n°  22. 

Arch.  d' Ypres.  Poorterie-Èoeken,  reg.  10,  f"  189. 


—    261     — 

ville  que  nous  venons  de  nommer  ;  car  c'est  là 
qu'il  passa  les  premières  années  de  son  enfance, 
ainsi  qu'on  le  constate  dans  les  «  Poorterie-Boe- 
ken  ))  de  cette  cité  ' . 

Sa  mère  mourut  à  Gand  le   17  octobre  1569  "". 

Il  suivit  les  vicissitudes  des  dernières  années  de 
l'existence  de  son  père,  qui  était  resté  en  Hollande 
après  le  rétablissement  complet  de  la  domination 
espagnole  dans  les  Flandres  (1584),  et  qui  j  finit 
ses  jours  le  15  juin  1585  \ 

Entré  au  service  des  armées  des  Provinces- 
Unies,  Louis  de  la  Ketliulle  ne  tarda  pas  à  s'y 
faire  remarquer  par  sa  valeur. 

Il  était  officier  de  cavalerie  dans  les  troupes 
avec  lesquelles  le  Prince  Maurice  de  Nassau  alla 
assiéger  Deventer  au  mois  de  juin  1591,  et  il 
devait,  déjà  à  cette  époque,  avoir  donné  à  son 
chef  des  preuves  certaines  de  sa  bravoure  et  de 
son  habileté  dans  le  maniement  des  armes.  Le 
Prince  rendit,  en  effet,  un  éclatant  hommage  à 
ses  mérites  en  lui  confiant  l'honneur  d'être  son 
champion  et  celui  de  son  armée  pour  combattre 
en  champ  clos  un  officier  albanais  de  la  garnison 
de  Deventer,  qui,  solennellement,  du  haut  des 
remparts,  avait  fait  défier  le  plus  vaillant  de  toute 
l'armée  assiégeante  d'oser  venir  se  mesurer  avec 
lui.  Cet  Albanais  était  un  guerrier  remarquable 
par  sa  force  et  sa  haute  stature  :  les  chroniqueurs 


*  Arch.  d' Ypres.  Poorterie-Boeken,  loco  citnfo. 

2  Ibid.  Reg.  Quytscheldingen,  n"  29,  f"  58. 

3  Arch.  de  Gand.  Reg.  Keure  1609-1611,  a»  1610,  f»  116. 


—     2(32     — 

du  temps  le  comparent  à  Goliath.  Le  Prince 
défendit  d'abord  aux  siens  d'accepter  ce  cartel. 
Peut-être  craignait-il  l'effet  démoralisant  qu'un 
échec  aurait  pu  produire  sur  sa  jeune  armée. 
Mais  Ryhove  ne  pouvant  supporter  les  bravades 
de  l'Albanais,  insista  tant  qu'il  obtint  de  son  chef 
l'autorisation  de  relever  le  défi.  Ce  combat  renou- 
velé dos  temps  anciens,  eut  lieu  entre  les  deux 
armées  assistant  à  ce  spectacle  émouvant,  l'une 
du  haut  de  ses  remparts,  l'autre  de  ses  retranche- 
ments. Les  deux  champions  montés  sur  leurs 
meilleurs  chevaux  et  parés  de  brillantes  armures 
se  chargèrent  d'abord  à  la  lance  ;  mais  n'obtenant 
pas  de  résultat,  ils  passèrent  aux  autres  armes. 
L'Albanais,  qui  à  Tins  a  de  Ryhove  était  armé 
d'un  pistolet,  le  braqua  traîtreusement  sur  son 
adversaire.  Mais  celui-ci  avec  une  promptitude, 
une  adresse  et  une  force  remarquables,  lui  porta 
sur  le  poignet  un  coup  de  coutelas  si  bien  appli- 
qué, qu'il  lui  trancha  presque  complètement  ce 
membre,  et  fit  tomber  l'arme  de  sa  main  pante- 
lante. L'Albanais  demanda  grâce,  et  s'avouant 
vaincu  passa  lui-même  au  cou  du  vainqueur  la 
chaîne  d'or  qui  ornait  sa  cuirasse.  Ryhove  laissa 
la  vie  à  son  adversaire  mutilé,  et  livra  son  pri- 
sonnier entre  les  mains  du  Prince  Maurice,  qui 
fit  panser  sa  blessure  et  le  renvoya  dans  la  place 
porteur  d'un  message  pour  le  Gouverneur. 

Revins  et  Van  Meteren,  contemporains  de  ces 
événements,  et  après  eux  d'autres  historiens, 
notamment  Corvin-Wierbitzky,  ont  rapporté  les 
détails  de  cet  exploit  mémorable  du  gentilhomme 


-■     26.- 


flamand,  âgé  à  cette   époque  d'environ  vingt-six 
.s'. 
Nous  reproduisons  le  texte  de  Van  Meteren  : 


ans  '. 


«  Het  is  oock  noterens  weert  van  een  duellam  ofte 
campvecht  hier  ghebeurt  van  twee  dappere  lielden,  te 
weten  tusschen  joncher  Lowys  vander  Cathulle,  sone  van 
den  heer  van  Eyhove  van  Gent  ende  eenen  kloecken  stryt- 
baren  ruyter  Albanoys,  die  uyt  de  stadt  Deventer  int  be- 
legh  quam  braveren  ende  trotselyck  beroepen  als  eenen 
Goliad  eenen  jegelycken,  die  liist  hadde  eene  lancie  met 
hem  te  breken  :  Het  welcke  Prince  Mauritz  de  synen  te 
wagen  verbod.  Doch  de  heere  van  Ryhoven  inder  lenghde 
't  zelfde  niet  konnende  lyden  verkreeg  van  den  veldoversten 
verlof,  presenterende  hem  ;  also  renden  tegen  malkande- 
ren  :  Maer  metter  Lancien  niet  afwinnende  quamen  zy 
totten  korten  geweere  :  Den  Albanoys  een  pistolet  noch 
hebbende  sonder  wete  van  Ryhoven  :  Hierop  taste  Ryhoven 
alleen  met  syn  cortelas  onderwaert  de  Albanoys  aen  ;  het 
roer  in  de  vuyst  hebbende,  ende  hieuw  hem  dieselve  vuyst 
bynaer  gansch  af,  dat  het  roer  hem  ontviel  ende  vuyst 
afhinck  :  Ende  werdt  alsoo  van  hem  gevange  :  Dies  de 
Albanoys  sigh  overwonneu  bekennende,  syn  eighen  gouden 
ketene  den  Ryhoven  aen  den  hais  wierp  :  Ende  werdt 
daerna  door  den  Prince  Mauritz  met  eenen  brief  aen  den 
gouverneur  ghesonden  ende  los  gegeven  als  ghenoegh  synen 
hoogmoet  ghestraft  zynde  ...  »  - 


*  Revius,  Deventria  illustrata,  i°  527.  —  Van  Meteren,  Hist.  der 
Nederlanden,  16  B.,  bl.  .317.  —  Corvin-Wierbitzky,  De  tachtigjarigc 
oorlog,  JV,  f"  410.  — Moonen,  Kurte  chromjcke  der  stadt  Dcveiifei:  — 
V.  encore  :  Revius,  Over-i/sselsche  zangcn  en  dichten,  '2®  édit.  Leide, 
1634. 

2  La  famille  de  Meetkerque  paya  également  son  tribut  à  la  cause  de 
l'indépendance  des  Pays-Bas. 

Antoine  de  Meetkerque,  fils  d'Adolphe,  président  du  Conseil  de 


—    264    — 

Les  données  manquent  au  sujet  du  rôle  que 
Louis  de  la  Kethulle  fut  appelé  à  jouer  dans  les 
nombreuses  expéditions  et  les  combats  qui  eurent 
lieu  au  cours  des  années  suivantes.  On  trouve 
seulement  qu'en  mai  1596,  il  tenait  garnison  à 
Breda,  et  que  de  là  il  mena  un  raid  de  cavalerie 
jusqu'à  Echternacli,  dont  il  s'empara  presque 
sans  coup  férir.  Il  ramena  heureusement  ses 
troupes  dans  leurs  quartiers,  avec  le  butin  qu'elles 
avaient  fait,  malgré  quantité  de  rencontres  avec 
les  bandes  ennemies  '. 

Peu  d'années  après,  Ryhove  s'illustra  de  nou- 
veau par  la  prise  de  Wachtendonck.  Cette  place 
forte,  située  dans  la  Gueldre  supérieure,  quartier 
d'outre-Meuse,  sur  la  rivière  Niers,  était  entourée 
de  bons  remparts  et  défendue  par  un  château  : 
elle  se  trouvait  en  plein  pays  ennemi,  au  milieu 
d'autres  places  que  les  Espagnols  tenaient  encore. 
La  possession  de  ce  point  stratégique  était  du 
plus  haut  intérêt  pour  l'armée  des  Provinces-Unies 
parce  qu'elle  devait  permettre  de  retarder  et 
même  d'empêcher  l'exécution  des  plans  de  Men- 
doza  qui  commandait  alors  les  troupes  espagnoles. 
Au  mois  de  janvier  1600,  le  Prince  Maurice  résolut 
de  faire  une  tentative  pour  s'en  emparer  :  il  réu- 

Flandre  institué  par  le  Taciturne,  fut  mortellement  blessé  sur  la 
brèche  de  Deventer  et  mourut  le  lendemain  de  la  prise  de  la  ville,  à 
l'âge  d'envù-on  30  ans.  Son  frère  Nicolas,  alors  âgé  de  19  ans,  avait 
perdu  la  vie  au  siège  de  Zutphen. 

Deux  autres  fils  d'Adolphe  de  Meetkerque  servaient  aussi  parmi 
les  officiers  du  Prince  Maurice. 

V.  Baudart,  Guerres  de  Nassau,  siège  de  Deventer,  a"  1591,  f"  156. 

i  Van  Meteken,  Historié  der  Nederlanden,  1596,  f"  391.  —  Bor, 
Nederlandsche  historié,  a°  1596. 


--    265    — 

nit  dans  ce  but  de  bonnes  troupes  au  cloître  de 
Bebber  près  de  Clèves  sous  les  ordres  supérieurs 
de  son  frère  le  comte  Louis  de  Nassau,  et  confia 
à  Ryhove  le  soin  d'exécuter  l'attaque  ' .  L'assaut 
eut  lieu  dans  la  nuit  du  23  janvier.  La  ville  dont 
les  fossés  étaient  pris  par  la  glace,  tomba  au 
pouvoir  des  assaillants,  qui  s'emparèrent  da  châ- 
teau le  lendemain.  Ce  fut  à  Ryhove  qu'échut  le 
périlleux  honneur  de  maintenir  cette  conquête  au 
milieu  des  garnisons  ennemies  avoisinantes.  Le 
jour  même  de  la  prise  de  la  place,  il  en  fut 
installé  gouverneur  par  le  comte  Louis  \ 

Il  en  conserva  le  commandement  pendant  plu- 
sieurs années.  Mais  peu  à  peu,  suivant  que  les 
besoins  s'en  faisaient  sentir  ailleurs,  on  affaiblit  la 
garnison,  si  bien  qu'au  mois  de  mars  1603, Ryhove 
n'avait  plus  que  très  peu  de  soldats  auprès  de  lui. 

L'ennemi  profita  de  cette  circonstance,  et  le  5 
du  dit  mois  de  mars,  lesgens  du  comte  Henri  van 
den  Berg  réussirent  à  se  rendre  maîtres  du  châ- 
teau grâce  à  la  trahison  d'un  certain  Peelhase  et 
à  un  stratagème  renouvelé  de  la  prise  de  Breda 
en  1589.  Ce  Peelhase  était  un  pêcheur  habitué  à 
fournir  du  poisson  au  gouverneur  et  à  la  garnison. 
Ayant  caché  dans  son  bateau  quelques  soldats 
ennemis  déterminés  qu'il  dissimula  sous  de  la 
paille,  il  arriva  pendant  la  nuit  au  pont  du  châ- 


1  «  Zoo  heeft  Prince  Mauritz  door  den  heere  van  Rylioven  geprac- 
tiseert  eenen  aenslach  op  Wachtendonck  ...  » 

V.  Van  Meteken.  Liv.  22,  f»  469. 

2  Bob.  A"  1600,  f»  569.  —  Baudabt,  Guerres  de  Nassau,  t.  II,  f»  300. 
—  Van  Meteren.  B.  22,  bl.  469. 


—     266     - 

teau.  Il  interpella  la  sentinelle,  qu'il  connaissait 
fort  bien,  et  réclama  son  assistance  pour  amarrer 
sa  barque.  Le  soldat  lui  tendit  la  main  sans  dé- 
fiance; mais  Peelhase,  par  une  brusque  secousse, 
précipita  le  malheureux  dans  la  rivière  et  le  noya. 
Les  Espagnols  pénétrèrent  sans  résistance  dans 
le  château,  et  s'emparèrent  de  la  personne  du 
gouverneur  qu'ils  emmenèrent,  en  toute  hâte, 
prisonnier  à  Venloo.  Cependant  la  ville  même 
résista  à  leurs  attaques.  Des  secours  furent  rapi- 
dement envoyés  à  ses  défenseurs,  et  dès  le  11  du 
mois  le  château  retombait  entre  les  mains  des 
troupes  des  Provinces -Unies.  On  s'empressa 
d'échanger  Ryhove  contre  des  officiers  espagnols 
prisonniers,  et  dès  qu'il  fut  relâché,  il  fut  immé- 
diatement rétabli  comme  gouverneur  de  Wachten- 
donck.  «  ...Geste  prise,  dit  l'historien  Baudart, 
n'estant  advenue  par  sa  faute'.  » 

Les  renseignements  font  défaut  au  sujet  du 
23ersonnage  dont  nous  nous  occupons  jusqu'au 
mois  de  décembre  1618,  époque  à  laquelle  Mau- 
rice de  Nassau  l'appela  au  commandement  de 
Bergen-op-Zoom.  Cette  ville,  avec  les  remparts  et 
les  forts  qui  l'entouraient,  constituait  une  des 
principales  places  fortes  des  Pays-Bas  :  située 
près  de  la  frontière,  elle  était  le  premier  boule- 
vard de  son  indépendance,  parce  qu'elle  était 
exposée  à  toutes  les  attaques  de  l'ennemi  en  cas 
de  reprise  des  hostilités.  Le  choix  que  le  célèbre 
général  néerlandais  fit  de  Ryhove  prouve  en 
quelle  haute  estime  il  tenait  cet  officier. 

i  Baudart.  T.  U,  f»  367. 


—    267     — 

Le  message  du  Prince  informant  le  Magistrat 
de  Bergen  de  la  nomination  de  Ryhove  repose 
aux  archives  de  cette  ville  :  il  est  du  7  décembre 
1618.  On  se  trouvait  alors  encore  en  pleine  trêve, 
et  il  importait  de  mettre  à  la  tête  de  la  garnison 
un  homme  capable  de  maintenir  parmi  les  troupes 
l'ordre  et  la  discipline  qui,  dans  ce  temps-là, 
fléchissaient  si  vite  dans  l'inaction  et  l'oisiveté. 
«  ...ende  dat  van  nood  is,  écrit  le  Prince,  dat 
«  een  bequaem  persoon  aldaer  (te  Bergen)  dient 
«  te  wesen  omme  het  garnisoen  in  goede  ordre 
«  ende  discipline  te  houden ,  soo  hebben  wy 
«  geraedtsaem  gevonden  den  heere  van  Ryhoven 
cf  derwaerts  te  senden  omme  over  het  garnisoen 
c(  aldaer  te  commanderen...  » 

Louis  de  la  Kethulle,  âgé  de  cinquante-trois 
ans,  était,  lors  de  sa  nomination  à  Bergen,  colonel 
de  trois  régiments  de  cavalerie  et  chef  (ritniees- 
ter)  d'une  compagnie  de  cuirassiers'. 

Il  exerçait  encore  le  commandement  à  Bergen 
lorsque  la  trêve  prit  fin,  et  les  hostilités  avaient 
à  peine  recommencé  que  le  marquis  de  Spinola, 
après  une  feinte  destinée  à  tromper  ses  adver- 
saires, dirigea  brusquement  son  armée  sur  cette 
place  (juillet  1622). 

Eyhove  venait  précisément  d'être  appelé  à  Rees 

i  «  ...Edelen  gestrengen  erntfeste  heer  Joncheer  Louys  de  la 
Kethulle,  heere  van  Ryhove,  gouverneur  der  stadt  ende  fortten  van 
Bergen  op  ten  Zoom,  collonel  van  drye  regimenten  cavallerie  ende 
capiteyn  (ritmeester)  over  eene  compagnie  curassiers...  »  V.  Bergen 
op  den  Zoom  beleghert  ende  ontleghert,  cité  plus  loin,  et  différents 
actes  du  notaire  Van  Wezel  aux  archives  du  Brabant  septen- 
trional. 


—    26S     — 

avec  toute  sa  cavalerie  pour  rejoindre  le  Prince 
Maurice  qui  rassemblait  une  puissante  armée 
dans  les  environs  de  cette  ville.  Il  était  déjà  en 
route  quand  un  messager  envoyé  en  toute  hâte 
par  le  Magistrat,  l'informa  de  la  marche  et  des 
desseins  de  Spinola,  le  suppliant  de  venir  au 
secours  de  la  ville  dégarnie  de  troupes.  La  situa- 
tion était  délicate  :  Bergen  risquait  de  tomber 
entre  les  mains  de  l'ennemi,  et  d'autre  part  les 
ordres  formels  du  Prince  lui  prescrivaient  de 
venir  sans  délai  renforcer  son  armée.  Cependant 
arrivé  près  de  Breda,  Ryhove  rencontra  le  Prince 
Justin  de  Nassau,  qui  après  en  avoir  délibéré  avec 
lui  et  ses  principaux  officiers  jugea  qu'il  devait 
retourner  à  Bergen.  Cette  décision  fut  exécutée 
avec  tant  de  rapidité  et  de  vigueur  que  Ryhove 
parvint  à  rentrer  dans  la  ville  menacée  avec  les 
quatre  compagnies  de  cavalerie  qu'il  conduisait, 
avant  que  l'armée  de  Spinola  n'eût  pris  ses 
quartiers  autour  des  remparts.  Outre  la  cavalerie, 
il  n'y  avait  en  ce  moment  dans  Bergen  que  dix 
compagnies  d'infanterie  * .  La  place  fut  investie 
le  18  juillet  1622  :  toute  l'attention  des  Provinces- 
Unies  fut  aussitôt  concentrée  sur  ce  siège. 

Ce  n'était  cependant  pas  sans  jalousie  ni 
défiance  que  quelques  bataves  voyaient  que  la 
défense  de  cette  position  importante  et  le  com- 
mandement suprême   de   toutes   les   troupes   de 


1  V.  notamment  :  Berguen  op  den  Zoom  beleghert  op  18  July  1622 
ende  ontleghert  den  3  Octobrîs  des  zelven  jaers,  door  Lambert  de 
Rycke,  Nathan  Vay  en  Job  Durieu.  —  Mémoires  de  Frédéric  Henri, 
f°29. 


—    269    — 

secours  qu'on  allait  y  envoyer,  étaient  confiés 
à  un  officier  flamand.  Le  commissaire  des  États 
manifesta  même  le  désir  que  le  gouverneur  fût 
remplacé.  Mais  Maurice  de  Nassau  qui,  mieux 
que  le  magistrat  civil,  connaissait  les  qualités 
militaires  et  la  fidélité  de  son  lieutenant,  s'y 
opposa  :  il  consentit  seulement  à  lui  adjoindre  un 
conseil  de  guérite  spécial.  «  ...Wel  had,  écrit 
l'historien  Arend,  de  gecommiteerde  der  staten 
gaarne  gezien  dat  de  gouverneur  de  heer  van 
Ryhoven,  een  vlaming,  door  een  ander  vervangen 
werd;  maar  de  prins  achtte  dit  onraadzaam  : 
slechts  stelde  hy  hem  eenen  byzonderen  Krygs- 
raad  ter  zyde...<  » 

Des  secours  furent  bientôt  envoyés  aux  assié- 
gés, qui  avaient  repoussé  les  premières  attaques. 
La  place  fut  défendue  avec  une  habileté  et  un 
courage  remarquables,  et  elle  résista  à  tous  les 
assauts  jusqu'au  moment  où  le  Prince  Maurice 
vint  la  délivrer  avec  une  armée,  devant  laquelle 
Spinola  se  retira.  Le  siège  fut  levé  le  3  octobre. 
Le  lendemain  le  Prince  partit  de  Roosendael 
avec  sa  cavalerie,  et  entra  dans  Bergen,  où  il 
remercia  le  Gouverneur  et  toute  la  garnison  pour 
les  services  rendus  par  eux  à  la  patrie  et  les 
vertus  militaires  dont  ils  avaient  fait  preuve 
durant  le  sièges. 

Dans  une  réunion  tenue  par  le  Magistrat  de  la 
ville   le   16   octobre,   on  résolut   d'accorder   des 


1  Aeend,  AJgemeene  geschiedenis  des  vaderlands,  3*  deel,  3*  stuk, 
bl.  736. 
*  Mémoires  de  Frédéric  Henri,  f"  16. 


—    270    — 

récompenses  à  ceux  qui  avaient  rendu  les  services 
les  plus  éminents  :  au  Gouverneur  fut  attribué 
un  don  de  la  valeur  de  40  florins  carolus'. 

La  nouvelle  de  la  retraite  de  Spinola  fut  ac- 
cueillie dans  toute  la  Hollande  par  des  transports 
d'allégresse,  et  les  poètes  célébrèrent  dans  leurs 
vers  la  délivrance  de  Bergen- op-Zoom,  Dans 
un  chant  de  triomphe  composé  par  Hofferus,  on 
lit,  au  sujet  de  Louis  de  la  Kethulle,  le  passage 
suivant  dans  lequel  l'auteur  fait  allusion  aux 
exploits  de  son  héros  devant  Deventer  en  1591. 
Après  avoir  cité  les  principaux  chefs  de  l'armée 
assiégeante,  il  passe  à  ceux  des  assiégés  et  s'écrie  : 

«  ...doch  and're  vrome  helden 
Zyn  binnen  U  gestelt  ;  te  veel  om  al  te  melden, 
Hier  siet  ghy  onder  U  Ryhoven,  end'  den  raan 
Die  eertyds  d'Albanois  end'  synen  trots  verwan, 
Wiens  overste  belegd,  end'  moedigheid  wy  mercken, 
End'  binnen  inde  stad,  end'  buyten  in  de  werken, 
Daer  legert  hem  een  held,  daerop  de  vyand  loert, 
Dien  fama  met  syn  eer  op  haren  waghen  voert  ; 
2> 

Du  reste,  le  souvenir  de  cet  épisode  des  guerres 
nationales  est  resté  vivant  parmi  le  peuple  hol- 
landais; et  récemment  encore  il  a  fait  le  sujet 
d'un  splendide  cortège  historique  organisé  à 
Leyde  au  mois  de  juin  1895.  Ce  cortège  était 
divisé  en  deux  parties  :  dans  l'une  on  voyait  les 
plus  célèbres  officiers  de  larmée  de  secours  et  à 
la  tête  de  ceux-ci  était  figuré  le  Prince  Maurice 
de  Nassau.  L'autre  représentait  les  principaux  per- 

'  Archives  de  Bergen-op-Zoom,  Resolutie-Boek  :  à  la  date. 

2  V.  Berghen  op  den  Zoom  heleghert  ende  ontJegheii,  cité  plus  haut. 


—    271     - 

sonnages  qui  se  trouvaient  dans  la  ville  assiégée 
et  parmi  ceux-ci  brillait  au  premier  rang  le 
Gouverneur  messire  Louis  de  la  Kethulle'. 

Il  existe  un  journal  des  événements  du  siège 
de  Bergen-op-Zoom ,  tenu  par  trois  pasteurs 
protestants  de  la  ville  et  publié  sous  le  titre  : 
Bergen  op  den  Zoom  beleghert  clen  18  Juhj  1622 
ende  ontleghert  den  3  Octobris  des  selven  jaers,  édité 
à  Middelbourg  en  1623.  L'historien  Cliappujs 
en  donne  également  un  récit  circonstanciée 

Le  vaillant  officier  qui  s'était  rendu  si  digne 
des  importantes  fonctions  qui  lui  avaient  été 
confiées,  les  conserva  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie. 

Il  mourut  à  Bergen-op-Zoom,  à  l'âge  de  soixante- 
six  ans,  vers  le  31  octobre  1631.  A  cette  date  le 
Magistrat  informa  le  Prince  d'Orange  de  son  dé- 
cès, et  le  pria  de  pourvoir  à  son  remplacement e 

Son  corps  fut  enterré  dans  la  grande  église,  où 
l'on  voit  encore  aujourd'hui  son  mausolée  sur 
lequel  figure  l'épitaphe  suivante  : 

TIBI 

LUDOVICE  DE  KETULLE,  DYNASTA  DE 

RIHOVE,   QUI   PRIMARIIS   IN   EQUESTRI 

MILITIA  DIGNITATIBUS  DEFUNCTUS, 

VITAM  CUM  URBIS  HUJUS  REGIMINE  AMISISTI 

CUJUS 

VIRTUTEM  ADMIRANTUR  SINGULI, 

PRUDENTIAM  OMNES, 

MORTEM   NEMO, 

UXOR  MOESTA  H.  M.  P 

OBIIT   ANNO   Crj.    10.   CXXXI. 


<  V.  Programma  van  de  maskerade  ...op  dinsdag  18  juni  1^95,  édité 
Leyden,  H.  Kleyn.  —  Journal  VaderJand  du  19  juin  1895,  etc. 
-  Chappuys,  Histoire  Je  la  guerre  de  Flandre. 
2  Archives  Bergen-op-Zoom.  Resolutie-Boek,  à  la  date. 


—     272    — 

Louis  de  la  Kethulle  portait  le  titre  de  seigneur 
de  «  Ryhove,  »  nom  d'une  seigneurie  située  en 
Flandre  près  de  Ninove.  Nylioff  lui  donne  aussi 
le  titre  de  seigneur  de  «  Tamers'.  »  La  qualifica- 
tion de  «  Seigneur  de  Ryhove  »  «  den  lieer  van 
Ryhove  i)  ou  simplement  le  nom  de  la  seigneurie 
«  Ryhove  «  sont  indifféremment  employés  pour 
le  désigner  sans  aucune  adjonction  de  nom  patro- 
nymique. Il  signait  :  «  Louys  de  la  Kethulle  » 
ainsi  qu'on  le  voit,  au  bas  de  deux  lettres  auto- 
graphes, datées  de  Delft,  conservées  aux  archives 
de  Gand%  ou  parfois  aussi  «  Louys  de  Ryhove  » 
signature  qu'on  lit  sur  une  procuration  passée 
par  le  notaire  Van  Wezel  de  Bergen-op-Zoom  le 
7  juillet  1621'. 

Il  avait  épousé  à  Delft,  le  26  février  1598, 
dame  Françoise  van  Steelant,  veuve  du  seigneur 
de  Brantwyck  laquelle  mourut  sans  descendance 
en  1617*. 

Il  épousa  en  secondes  noces,  le  15  février  1621, 
dame  Emérence  van  Raves waey,  veuve  de  messire 
Abraham  van  Maie,  de  son  vivant  drossart  de  la 
ville  et  des  pays  de  Steenbergen  etdeCruyskerke% 
Celle-ci  mourut  en  1634.  Suivant  le  désir  exprimé 
dans  son  testament  (reçu  par  le  notaire  Van  Wezel 


i  Nyhopf,   Bjjdraghe   voor   de   vaderlandsche  geschîedenis,  DIV, 
bl.  147, 148. 

2  Archives  de  Gand.  Consignation  480. 

3  Archives  du  Brabant  septentrional. 

4  Genealogische  verzameling  der  waische  bibliotbeek  te  Leyden 
et  autres  documents  généalogiques. 

5  Divers  actes  du  notaire  Van  Wezel  aux  archives  du  Bi'abant  sep- 
tentrional, et  autres  documents  généalogiques. 


—     273     — 

le  20  août  1632),  elle  fut  enterrée  auprès  de  son 
mari  dans  1  église  de  Bergen,  sous  la  même 
pierre  tombale,  qui  porte  aussi  son  épitaplie 
conçue  dans  les  termes  suivants  : 

NOBILISSIMA  DOMINA  AMORENSIA  DE  RAVESWAIJ 

FRAGILITATIS  HUMANT  EXEMPLAR, 

PATIEXTLE  IXVIGT.E  SPECULUM, 

MORBOSUM  VIT^  SU^  GURSUM  GONFEGIT 

ANNO  ^R^  CHRISTIAN^  M  10  GXXXIII 

avec  les  quatre  quartiers  : 

SAINT-OMER-GORTEVILLE-ZUL-VANDEN  BROECK. 

Celte  tombe  est  aussi  ornée  des  blasons  des 
«  la  KetliuUe  »  et  des  «  Raveswaey.  » 

Du   second  mariage  de   Louis   de  la  Kethulle 

naquit  un  seul  enfant,  une  fille  «  Jeanne-Barbe.  » 

Elle    épousa   messire    Thomas -Waleran    d'Arkel 

baron  d'Amelroy,   appartenant  à  l'une  des  plus 

illustres  maisons  des  Pays-Bas*.  Elle  n'eut  point 

d'enfants,  et  décéda  en  1694  au  château  d'Ypelaer, 

iuridiction  de  Breda^ 

A.  K.  R. 


^  Van  Leetjwen,  Batavia  illustrata,  tome  II,  f°  852. 

2  Documents  généalogiques. Consultez  aussi  :  Biographie  nationale 
de  Belgique,  notice  par  M.  P.  Fredericq.  —  Dictionnaire  biographique 
néerlandais,  de  Van  der  Aa. 


18 


—    274 


FR.   VAN    DEN    ENDE^ 

UN     BELGE. 


A  propos  de  l'apparition  à  La  Haye  d'un  livre 
sur  Spinoza  :  «  Spinoza  en  zijn  kring  »  par 
Meinsma,  M.  de  Wjzewa  a  fait  récemment  dans  la 
Revue  des  Deux  Mondes  nn  intéressant  exposé  du 
milieu  dans  lequel  vivait  le  philosophe,  et  il  a  mis 
notamment  en  lumière  la  personnalité  très  curieuse 
d'un  Belge,  François  Van  denEnden,  auquel  revien- 
drait évidemment  une  notice  dans  la  Biographie 
nationale.  Nous  empruntons  à  M.  de  Wyzewa  les 
détails  qui  suivent  : 

«  Franciscus  Affinius  Van  den  Ende  est  né  en 
1600,  à  Anvers,  d'une  vieille  famille  flamande. 
Après  de  fortes  études  faites  à  l'Université  de 
Louvain,  il  entra  dans  Tordre  des  jésuites  ;  mais 
sans  doute  il  n'y  alla  point  au  delà  du  noviciat, 
car  en  1642  on  le  retrouve  à  Anvers  se  mariant  le 
plus  saintement  du  monde  avec  Clara  Maria  Ver- 
meren.  Trois  ans  après  il  s'installe  à  Amsterdam; 
nous  le  voyons  à  plusieurs  reprises  de  1645  à  1651 
signalé  sur  les  registres  de  l'église  catholique  en 
qualité  de  parrain.  C'est  durant  cette  période  qu'on 


—    275    — 

suppose  qu'il  fut  envoyé  à  Madrid,  eu  mission 
diplomatique,  par  les  magistrats  d'Amsterdam. 
Mais  il  n'en  rapporte  point,  semble-t-il,  de  bien 
grands  profits,  car,  en  1650,  il  dut  ouvrir,  sur  le 
Nés,  une  boutique  de  libraire  qu'il  fut  d'ailleurs 
obligé  de  fermer  dès  l'année  suivante,  sur  les 
instances  de  ses  créanciers. 

«  C'est  alors  que  l'idée  lui  vint  d'utiliser  sa 
science  qu'il  n'avait  jamais  cessé  d'entretenir  et 
d'accroitre  depuis  sa  jeunesse.  Des  humanités  clas- 
siques jusqu'au  droit  et  à  la  médecine,  il  n'y  avait 
pas  une  branche  du  savoir  où  il  n'excellât.  Ses 
contemporains  sont  d'accord  pour  reconnaître  que 
personne  en  Hollande  ne  connaissait  et  ne  compre- 
nait aussi  bien  les  doctrines  nouvelles,  celles  de 
Bacon,  de  Hobbes  et  de  Descartes  en  particulier; 
mais  les  doctrines  anciennes  ne  lui  étaient  pas 
moins  familières  à  en  juger  par  ses  traductions  de 
Platon  et  des  Alexandrins.  Il  était  poète  aussi, 
poète  latin,  et  nous  a  laissé  une  comédie  imitée  de 
T évence  ^  Philhédenius  ou  l'Ami  du  Plaisir.  Msàs  tous 
ces  talents  ne  l'empêchaient  point  de  mourir  de 
faim  avec  sa  femme  et  ses  cinq  enfants,  lorsqu'il 
entreprit,  en  1652,  d'ouvrir  à  Amsterdam  une 
école  de  latin,  où  les  enfants  de  la  bourgeoisie 
hollandaise  seraient  instruits  des  langues  d'Athènes 
et  de  Rome.  L'entreprise  devint  bientôt  excellente. 
Les  meilleures  familles  de  la  ville  n'hésitèrent  pas 
à  confier  leurs  enfants  à  ce  catholique  ;  il  lui  vint 
même  des  élèves  d'Allemagne,  d'Angleterre  et  de 
France. 

«  Lorsque  Spinoza  le  rencontra  dans  une  réunion 


—    276     — 

des  mennonites,  son  école  se  trouvait  en  pleine 
prospérité.  Frappé  de  l'intelligence  du  juif,  Van 
den  Enden  lui  offrit  aussitôt  de  compléter  son 
éducation  :  et  jusqu'à  son  départ  pour  Rhynsbourg 
en  1661,  Spinoza  resta  près  de  lui,  occupé  sans 
doute  dans  l'école  en  qualité  de  sous-maître.  Et 
quand  les  dénonciations  de  son  ancien  maître 
Morteira,  en  1661,  lui  firent  interdire  le  séjour 
d'Amsterdam,  non  seulement  le  hollandais  et  le 
latin  lui  étaient  devenus  familiers,  mais  il  avait 
déjà  écrit  son  traité  de  V Amélioration  de  r Esprit  et 
projeté  son  Exposé  géométrique  de  la  philosophie 
Carlésie7ine. 

«  Son  maître  Van  den  Enden,  cependant,  restait 
à  Amsterdam.  Il  avait  trouvé  une  collaboratrice 
incomparable  dans  la  personne  de  sa  fille  aînée, 
Clara-Maria,  dont  la  laideur  était  encore  dépassée 
par  l'étendue  et  la  variété  de  ses  connaissances. 
Latiniste  accomplie,  elle  était  devenue  à  seize  ans 
le  meilleur  latiniste  de  toute  l'école.  Spinoza  eut-il 
vraiment,  comme  Taflirme  Colerus,  l'intention  de 
demander  sa  main?  La  chose,  en  tout  cas,  n'aurait 
pu  avoir  lieu  qu'après  son  départ  d'Amsterdam; 
mais  M.  Meinsma  ne  la  croit  pas  impossible. 

«  Une  bonne  fortune  imprévue  échut  en  1671  au 
vieux  Van  den  Enden  :  il  fut  nommé  médecin  du 
roi  Louis  XIV.  Mais  hélas  !  mieux  eût  valu  pour  lui 
rester  maître  d'école  en  Hollande  !  A  Paris,  où  il 
se  hâta  de  venir  s'installer,  aucune  de  ses  belles 
espérances  ne  se  trouva  réalisée.  Le  roi  ne  parut 
pas  même  se  souvenir  de  son  existence,  et  le 
vieillard  se  vit  forcé  d'ouvrir  à  Picpus  une  école  de 


—    277     — 

latin  pour  gagner  de  quoi  vivre.  Il  l'intitula  pom- 
peusement le  Temple  des  Muses,  mit  tout  en  œuvre 
pour  la  faire  connaître.  Mais  les  élèves  ne  venaient 
toujours  pas.  C'est  alors  qu'avec  quelques  gentils- 
hommes français,  il  forma  le  projet  d'une  grande 
conspiration  ;  il  s'agissait  d'organiser  une  émeute 
en  Normandie  et  d'ouvrir  à  la  flotte  hollandaise  le 
port  de  Quillebœuf. 

«  Le  17  septembre  1674,  Van  den  Enden,  ren- 
trant chez  lui  de  Bruxelles,  où  il  était  allé  régler, 
avec  des  émissaires  hollandais,  les  derniers  détails 
du  complot,  apprit  par  sa  fille  que  ses  complices 
étaient  arrêtés.  Il  reprit  le  chemin  de  Bruxelles. 
Mais  un  de  ses  élèves,  nommé  Du  Caux,  l'avait 
dénoncé.  Arrêté  au  Bourget,  il  fut  conduit  à  la 
Bastille,  condamné  à  mort  et  pendu.  Ainsi  périt  le 
27  novembre  1674,  à  soixante-quatorze  ans,  le  seul 
véritable  maître  de  Benoit  de  Spinoza.  » 

M.  de  Wyzewa  ajoute  : 

«  Franciscus  Van  den  Enden  est  une  étrange  et 
saisissante  figure.  Parmi  ces  braves  hollandais 
altérés  de  la  seule  «  vérité  » ,  il  ax3paraît  comme  un 
dilettante,  un  amant  de  la  beauté  sous  ses  formes 
les  plus  diverses.  Catholique  pratiquant  et  athée 
déclaré,  tour  à  tour  jésuite,  libraire,  diplomate, 
maître  d'école  et  conspirateur,  on  comprend  qu'il 
ait  fait,  toute  sa  vie,  l'étonnement  de  ses  contem- 
porains. A  deux  siècles  de  distance,  il  nous  étonne 
encore  ;  et  nous  ne  saurions  trop  regretter  que  les 
renseignements  nous  soient  parvenus  en  si  petit 
nombre  sur  lui.  »  L. 


278 


UN  PEINTRE  BELGE 

DE     LA.     FIN     DU     DIX-HXJITIÈ^MK     SIÈ;CrjE: 

ANTOINE     CLEVENBERGH, 

DE  L  OU  VAIN". 


Un  artiste  louvaniste  de  nos  amis  visita, 
en  1872,  à  Londres,  une  de  ces  expositions  de 
tableaux  anciens,  comme  on  en  organise  de  temps 
à  autre,  dans  la  métropole  anglaise.  Les  écoles 
flamande  et  hollandaise  y  brillaient  de  tout  leur 
éclat  par  des  productions  des  maîtres  les  plus  en 
renom.  Dans  ce  pêle-mêle  de  belles  peintures  se 
trouvait  un  splendide  tableau  de  gibier,  portant 
le  nom  de  Jean  Weenincx,  le  grand  peintre  hollan- 
dais de  la  fin  du  XVII''  sciècle  <.  Cette  toile  était 
d'un  arrangement  si  agréable,  d'une  facture  si 
ferme  et  d'un  coloris  si  brillant,  qu'elle  faisait  l'ad- 
miration et  l'envie  des  amateurs.  Notre  ami  passa 
et  repassa  devant  le  tableau.  Frappé  de  la  grande 
analogie  qu'il  remarqua  entre  cette  peinture  et  les 
productions  d'un  ancien  peintre  louvaniste,  il 
l'examina  plus  en  détail.   Grand  fut  son  étonne- 

1  Jean  Weenincx,  né  à  Amsterdam,  en  1640,  mort  en  1719. 


—    279    — 

ment,  losqu'il  y  découvrit,  sous  un  empâtement 
maladroit  des  restes  de  la  signature  de  son  compa- 
triote. Ce  beau  tableau  avait  passé  par  les  mains 
d'un  marchand  qui,  dans  le  but  d'en  obtenir  un 
plus  haut  prix,  avait  fait  substituer  à  la  signature 
du  peintre  louvaniste  celle  du  maître  hollandais, 
La  toile,  qui  passait  pour  une  production  de 
Weenincx,  était  tout  bonnement  l'œuvre  du  lou- 
vaniste Antoine  Clevenbergh. 

Clevenbergh  est  un  de  nos  artistes  du  XVIIP 
siècle,  d'un  incontestable  mérite.  Dans  les  collec- 
tions ses  toiles  peuvent  être  suspendues,  sans 
dissonance  à  côté  de  celles  de  Weenincx  et  de  Van 
Utrecht.  Malheureusement,  il  a  été  négligé  par 
les  historiens  de  Fart.  Il  n'a  pas  de  notice  dans 
notre  biographie  nationale,  et  ailleurs  on  ne  trouve 
sur  lui  aucun  renseignement  exact.  Nous  allons 
essayer  de  réparer  cet  oubli.  Il  nous  a  semblé  que 
donner  à  ce  compatriote  une  place  dans  l'histoire 
de  l'art,  c'était  non  seulement  poser  un  acte  de 
patriotisme,  mais  aussi  un  acte  de  justice. 

Clevenbergh  était  le  fils  de  ses  œuvres.  Sa  vie 
fut  une  lutte  non  interrompue  pour  la  conquête 
de  l'art  et  du  pain  quotidien.  Fils  d'un  Bohême, 
il  fut  obligé,  dès  l'âge  de  quatorze  ans,  à  pour- 
voir à  son  existence.  Malgré  cela,  il  parvint 
par  son  travail  et  sa  persévérance  à  réussir  dans 
l'art  et  à  laisser  des  œuvres  qui  honorent  l'école 
flamande. 

Dans  notre  jeunesse  nous  eûmes  de  grands 
rapports  avec  la  famille  de  l'artiste.  Son  fils 
Charles-Antoine  était  un  ami  de  notre  père   et 


-     280     — 

venait  souvent  nous  voir  ;  Joseph  un  autre  de  ses 
fils,  fut  notre  professeur  de  dessin  à  l'Académie 
de  Louvain.  On  comprendra  que  nous  avons  été 
en  situation  de  recueillir  des  renseignements 
exacts  et  complets   sur  la    carrière   de   l'artiste 

distingué. 

Antoine  Clevenbergh  naquit  à  Louvain,  pa- 
roisse de  Saint-Pierre,  le  14  juillet  1755,  de 
Pierre  Clevenbergh  ',  peintre-décorateur,  et  de 
Marie  Thérèse  Van  Dyck,  fille  de  Philippe  Van 
Dyck  et  de  Catherine  van  der  Borch. 

Vers  le  milieu  du  règne  de  Marie-Thérèse  il  y 
avait,  à  Louvain,  un  mouvement  artistique  assez 
notable.  Le  plus  grand  peintre  belge  de  l'époque 
Pierre-Joseph  Verhaghen,  y  exécutait  alors  ses 
toiles  gigantesques.  Autour  du  maître  travaillaient 
plusieurs  coloristes  de  mérite  parmi  lesquels  il 
importe  de  citer  François  Jacquin,  portraitiste 
d'un  sérieux  talent;  Jean -Joseph  Verhaghen, 
frère  de  Pierre-Joseph,  surnommé  Pottekens  Ver- 
haghen, qui  traitait  des  sujets  dans  le  genre  de 
David  Teniers;  Martin  van  Dorne,  peintre  de  la 
Cour  de  Charles  de  Lorraine,  et  François  Huygens, 
qui  reproduisaient  les  fleurs  et  les  fruits  avec  une 
saisissante  vérité;  Laurent  Geets,  qui  peignait 
habilement  le  gibier  mort  appendu  contre  un  mur 
blanc;  enfin  Herman  Gillis  et  Albert  van  Campen 
qui  exécutaient  des  pages  d'histoire.  La  présence 
à  Louvain  de  ces  artistes  exerça  une  incontestable 


1  Ce  Pierre  Clevenbergh  était  fils  d'Antoine,  également  peintre- 
décorateur,  et  de  Marie-Marguerite  de  Kerridder. 


—    281     - 

influence  sur  la  formation  du  peintre  dont  nous 
allons  nous  occuper. 

Pierre  Clevenbergli  exécutait  des  panneaux  de 
salons,  des  dessus  de  portes,  des  trumeaux  de 
glaces,  des  paravents  et  des  armoiries  universi- 
taires. C'était  un  ouvrier  d'une  certaine  habilité, 
mais  un  véritable  Bohême,  vivant  au  jour  le  jour, 
s'occupant  médiocrement  de  son  ménage,  s'attar- 
dant  souvent  jusqu'à,  l'aube  dans  les  tavernes. 
Quand  ce  gai  compère  était  émêché,  ce  qui  lui 
arrivait  parfois,  il  ennuj^ait  tout  le  monde  par  ses 
vanteries  et  ses  propos  incohérents.  Par  dérision 
on  le  qualifiait  de  Rubens  *.  Il  mourut  à  l'hôpital, 
en  1782. 

A  l'âge  de  huit  ans,  le  jeune  Antoine  alla  à 
l'école  paroissiale  et  s'y  fit  remarquer  par  une 
vive  intelligence.  Cependant  il  n'y  fit  pas  grand 
chose,  si  ce  n'est  des  malices  au  maître,  respec- 
table chapelain  de  la  collégiale  de  Saint-Pierre. 
Dès  qu'il  eut  une  plume  à  la  main  ce  fut  pour 
dessiner.  Tout  en  apprenant  la  calligraphie,  il 
faisait  des  croquis  partout  et  à  propos  de  tout. 

Dans  la  maison  paternelle,  l'enfant  n'avait  trouvé 
d'autres  jouets  que  les  pinceaux  de  son  père.  Il 
peignit  donc  dès  sa  plus  tendre  enfance.  Malheu- 
reusement l'enseignement  qu'il  reçut  se  réduisit  à 
fort  peu  de  chose.  Clevenbergh  fut  un  véritable 
autodidacte,   un    artiste   qui    s'était   instruit   et 


1  Dans  une  déposition  devant  le  mayeur  de  Louvain,  le  27  mai  1777, 
Dorothée  Haus,  veuve  de  Charles  de  Vleeschouwer,  hôtesse  de  la 
taverne  Turnhouf,  Vieux  Marché,  qualifie  Pierre  Clevenbergh  <  in 
de  Wandeling  genoemt  Rubens.  > 


-     282     — 

formé  lui  même.  Il  réussit  dans  l'art  presque  sans 
s'en  douter.  En  examinant  ses  œuvres  on  est 
étonné  de  constater  qu'il  savait  tant  de  choses 
sans  avoir  fréquenté  l'atelier  d'un  artiste  de  valeur. 

Pierre  Clevenbergli,  qui  n'avait  pas  tardé  à 
constater  que  son  fils  était  né  peintre,  l'associa 
à  ses  travaux.  De  prime  abord  il  lui  rendit  des 
services.  Malheureusement  les  travaux  dont  il 
était  chargé  ne  pouvaient  aider  à  développer  les 
heureuses  dispositions  du  jeune  Antoine.  Aspirant 
à  devenir  artiste,  l'élève  comprit  qu'il  faisait 
fausse  route  en  s'occupant  de  peintures  décora- 
tives. Un  jour  donc  il  tira  sa  révérence  aux 
dessus  de  portes  et  aux  paravents  de  son  père, 
courut  les  églises  de  Louvain  et  commença  par 
étudier  les  productions  des  anciens  maîtres  fla- 
mands. Après  avoir  étudié  ces  œuvres,  il  se  plaça 
devant  l'œuvre  de  Dieu,  la  nature.  Là  il  trouva 
son  véritable  maître.  Heureux  du  bonheur  que 
donne  le  culte  du  beau,  il  s'en  alla  à  la  campagne, 
comme  quelqu'un  qui  avait  tout  son  temps  à 
perdre.  Il  aimait  les  grands  arbres  avec  leurs 
ramages  chantants;  les  champs  couverts  de  blé, 
les  prairies  émaillées  de  marguerites,  ne  se  sen- 
tant bien  qu'au  milieu  de  la  belle  nature.  Ce  qu'il 
affectionnait  surtout  c'étaient  les  riants  coteaux 
d'Héverléet  de  vieux Héverlé, d'où  l'œil  contemple 
les  frais  amphithéâtres  des  bois  et  les  grasses 
prairies  qu'arrosent  les  eaux  de  la  Dyle. 

Traités  dans  un  ton  clair  et  doux,  ses  premiers 
paysages  eurent  du  succès.  Comme  il  n'en  exigeait 
pas  de  gros  prix,  il  les  vendait  couramment. 


—     283     — 

Clevenbergli  était  alors  un  jenne  homme  d'une 
taille  élancée  :  1  mètre  70  centimètres.  Il  avait 
une  physionomie  expressive,  spirituelle  et  mo- 
queuse, des  yeux  noirs  et  des  cheveux  bruns. 

Il  approchait  alors  de  sa  vingtième  année. 
Pour  Tamour,  on  le  sait,  il  ne  faut  qu'une  appari- 
tion, qu'un  regard,  ce  regard  tendre  de  Juliette  à 
Roméo.  Le  cœur  demande  fort  peu  pour  com- 
mencer le  roman  de  la  vie.  Un  jour,  à  une  fête 
dramatique  donnée  au  local  de  la  Table  Ronde  ^  il 
rencontra  une  jeune  personne  qui  le  captiva  par 
sa  tournure  gracieuse  et  son  regard  entraînant. 
Elle  n'avait  que  quinze  ans  et  se  trouvait,  par 
conséquent,  à  l'époque  où  les  jeunes  filles  passent 
de  Tadolescence  dans  la  jeunesse,  où  elles  ré- 
pandent autour  d'elles  toute  la  fraîcheur  de  l'aube 
matinale.  C'était  une  blonde  d'une  taille  au-dessus 
de  l'ordinaire,  svelte,  aisée  et  souple.  Elle  avait 
une  physionomie  ardente  et  expressive.  Ses  yeux 
d'un  bleu  de  pervenche  étaient  ombragés  par 
des  cils  d'or.  Un  aimable  sourire  voltigeait  sur 
ses  lèvres.  Nulle  autre  ne  pouvait  lutter  avec  elle 
sur  le  terrain  de  la  coquetterie,  par  la  tournure 
qu'elle  savait  prêter  au  moindre  chiffon,  par  le 
chic  qu'elle  mettait  à  tout  ce  qu'elle  portait.  Avec 
l'enthousiasme  de  son  âge,  Clevenbergh  trouva 
dans  la  jeune  fille  —  elle  se  nommait  Anna 
Thielens  —  tant  de  beauté  corporelle,  tant  de 
qualités  morales,  qu'il  finit  par  s'en  amouracher 
follement.  Stimulé  par  l'amour  il  se  livra  sérieuse- 
ment à  l'étude  dans  l'espoir  d'obtenir  la  main 
d'Anna. 


—     2«4     — 

Un  jour  du  mois  de  mai  1775,  Clevenbergh 
s'était  rendu  de  grand  matin  à  la  forêt  de  vieux 
Héverlé  pour  peindre  d'après  nature.  S'étant  assis 
à  l'ombre  d'un  vieux  chêne,  il  esquissait  une  vue 
de  la  belle  vallée  de  Steenbergen.  Lorsqu'il  était 
sur  le  point  de  terminer  son  étude,  il  vit  arriver 
devant  lui  un  cavalier  suivi  d'un  palefrenier. 
C'était  le  duc  Engelbert  d'Arenberg  qui  faisait  sa 
promenade  quotidienne  autour  des  étangs  appelés 
les  Eaux  douces.  Grand  amateur  de  peinture,  le 
prince  s'arrêta  et  examina  attentivement  le  travail 
du  jeune  coloriste.  Il  y  constata  des  qualités  si 
sérieuses  qu'il  invita  Clevenbergh  à  son  château 
d'Héverlé  pour  lui  donner  quelques  conseils. 

Le  jeune  artiste,  qui  n'avait  pas  l'usage  du 
monde,  n'osait  se  présenter  chez  le  duc.  Mais 
enhardi  par  sa  chère  Anna,  il  finit  par  se  rendre 
au  château.  Le  duc,  qui  était  d'une  grande  sim- 
plicité, l'accueillit  avec  bonté  et  lui  parla  avec 
tant  de  douceur  et  de  raison  qu'il  en  fut  ravi. 
Après  une  conversation  de  plus  d'une  heure  le 
prince  lui  remit  deux  Louis  et  une  collection  de 
gravures  d'après  des  maîtres  du  XVIP  siècle. 
Touché  de  la  bonté  du  duc,  Clevenbergh  lui 
montra,  dans  la  suite,  toutes  ses  études.  Malheu- 
reusement, il  n'eut  plus  longtemps  ce  bonheur  : 
dans  une  partie  de  chasse,  au  parc  d'Enghien,  le 
9  septembre  1775,  un  malheureux  coup  de  fusil 
rendit  le  noble  duc  aveugle  pour  toujours.  Malgré 
cette  infirmité  il  continua  à  s'intéresser  au  jeune 
peintre. 

Au  commencement  de  l'hiver  de  chaque  année, 


—     285    — 

le  duc  d'Arenberg  quittait  son  château  d'Héverlé 
pour  se  rendre  dans  sa  principauté  de  Rekling- 
hausen.  Convaincu  qu'un  voyage  ouvrirait  de 
nouveaux  horizons  à  Clevenberg,  il  offrit  de  lui 
faire  voir  les  bords  du  Rhin.  Mais  s'éloigner  de  sa 
chère  Anna  était  chose  pénible  pour  lui.  Cepen- 
dant il  n'osait  pas  refuser  :  il  accepta. 

A  cette  époque  nos  pères  étaient  encore  très 
casaniers.  Un  voyage  à  Bruxelles  était  une  affaire 
considérable  et  celui  qui  se  rendait  à  Paris  était 
l'objet  de  l'étonnement  de  toute  la  ville.  Du 
voyage  de  Clevenbergh  on  parlait  comme  d'un 
événement.  C'était  la  nouvelle  du  jour.  Un  matin 
les  équipages  de  la  maison  d'Arenberg  quittèrent 
le  château  d'Héverlé  et  traversèrent  la  ville  de 
Louvain.  Tous  les  voisins  étaient  sur  le  seuil  de 
leurs  portes  pour  voir  partir  le  jeune  artiste. 
Notre  Clevenbergh,  se  trouvant  dans  l'une  des 
voitures,  saluait  affectueusement  ses  concitoyens. 
Il  portait  un  vêtement  doublé  de  fourrure  et  avait 
l'air  d'un  descendant  de  grande  maison.  L'artiste 
trouva  les  bords  du  Rhin  admirables  ;  cependanjb 
il  n'était  pas  heureux  :  Anna  Thielens  était  restée 
à  Louvain  et  cette  absence  lui  devenait  de  jour  en 
jour  plus  insupportable.  Au  bout  d'un  mois  il  alla 
trouver  le  duc  d'Arenberg  et  en  prit  congé.  Il  va 
sans  dire  qu'il  s'empressa  de  prendre  la  route  de 
son  pays. 

Un  jour  quatre  musiciens  ambulants  entrèrent  à 
Louvain  par  la  porte  de  Namur.  Les  habitants 
coururent  à  leurs  portes  pour  savoir  ce  qui 
se  passait.  A  leur  grand  étonnement,  ils  virent 


—    286    — 

marcher  derrière  les  musiciens,  Clevenberg  tenant 
par  la  main  sa  bien  aimée.  Le  jeune  artiste  venait 
d'arriver  au  château  d'Héverlé  dans  une  voiture 
de  la  maison  d'Arenberg  et  entrait  en  ville  en 
dansant  avec  Anna,  à  la  manière  des  paysans  de 
Teniers. 

Le  14  avril  1777,  Antoine  Clevenbeegh  épousa, 
à  l'église  de  Saint  Pierre,  Anne -Marie  Thielens. 
Elle  était  née  à  Louvain,  le  23  février  1760, et  était 
fille  de  Guillaume  Thielens  et  d'Anne  Catherine 
Lefébure. 

A  partir  de  sou  mariage,  l'artiste  commença 
cette  vie  pénible,  cette  lutte  soutenue  jusqu'à  la 
mort  contre  l'infortune  et  l'obscurité,  sans  décou- 
ragement et  sans  murmure.  Il  travailla  bravement, 
exécutant  tous  les  travaux  qu'on  lui  demandait, 
donnant  dans  toutes  ses  productions  des  preuves 
d'un  sérieux  talent. 

Après  son  retour  d'Italie  (1773),  Pierre-Joseph 
Verhaghen  exécuta  quatre  grandes  compositions 
pour  être  placées  dans  le  chœur  de  l'église  de 
l'abbaye  de  Parc.  Elles  représentent  :  1''  V Adora- 
tion des  Mages,  2''lojjTande  an  Temple,  %°le  baptê7}ie 
du  Sauveur  et  4°  le  Christ  enseignant  les  enfants. 
Ces  toiles,  qui  ornent  encore  l'église  de  Parc, 
faisaient  courir  tous  les  amateurs,  étant  consi- 
dérées comme  des  chefs-d'œuvre.  Avec  l'assenti- 
ment de  l'artiste,  Clevenbergh  entreprit  d'en  faire 
des  copies,  mais  dans  des  proportions  réduites. 
Quoique  la  tâche  fût  extrêmement  difficile,  il  y 
réussit  si  bien  que  plus  d'un  connaisseur  envisagea 
ses  productions  comme  des  toiles  du  peintre  de 


—     287    — 

Marie-Thérèse .  C  e  succès  contraria  M™"  Verliaghen . 
A  partir  de  ce  moment,  il  ne  pouvait  plus  péné- 
trer dans  l'atelier  du  maître.  Dans  sa  simplicité 
la  bonne  femme  croyait  que  Clevenbergli  avait 
fini  par  s'approprier  le  talent  de  son  mari.  On 
comprend  que  Verliaghen,  qui  aimait  beaucoup 
son  jeune  confrère,  en  rit  aux  larmes.  Trois  de 
ces  copies  ornent  actuellement  l'église  de  Saint- 
Pierre,  à  Louvain.  Mais  elles  se  trouvent  en  mau- 
vais état. 

Clevenbergh  possédait  les  qualités  du  vrai 
peintre  :  le  dessin,  la  couleur  et  le  rendu.  Il  avait 
la  fécondité  et  la  facilité.  Tout  ce  qu'il  produisait 
avait  un  côté  original  et  ingénieux.  On  comprend 
que  ses  œuvres  devaient  se  ressentir  de  son  amour 
de  la  nature  champêtre.  La  plupart  de  ses  tableaux 
représentaient  des  vues  prises  dans  les  environs 
de  Louvain.  Les  terrains  et  la  verdure  étaient 
détaillés  avec  soin,  les  bouquets  d'arbres  et  les 
mares  témoignaient  d'une  grande  intelligence  de 
la  nature.  Sur  les  premiers  plans  de  ses  tableaux 
on  observait  des  vaches,  des  moutons  et  des 
chèvres,  surveillés  par  un  pâtre  ou  par  une  ber- 
gère, quelquefois  par  des  enfants.  Ses  tableaux 
se  distinguaient  par  un  dessin  correct  et  une  cou- 
leur agréable. 

Plus  d'une  fois  Clevenbergh  se  tourna  vers  les 
anciens  et  constata  chaque  fois  que  les  morts  en- 
seignent mieux  que  les  vivants.  Un  tableau  de 
Weenincx  —  un  lièvre  mort  attaché  par  une  de  ses 
pattes  à  un  tronc  d'arbre  et  entoura  d'oiseaux 
morts —  lui  révéla  le  genre  dans  lequel  il  devait  se 


-     288    — 

faire  un  nom.  A  partir  de  cette  époque,  il  s'ap- 
pliqua à  reproduire  du  gibier  mort,  grand  comme 
nature,  des  lièvres,  des  renards,   des  faisans,  des 
canards  entourés   de  petits  oiseaux.   D'un  beau 
lièvre  mort  couché  sur  le  gazon  ou  attaché  par 
une  de  ses  pattes  à  une  branche  d'arbre,  Cleven- 
bergh  formait  le  centre  de  son  tableau.  Au  bas 
du  lièvre  il  arrangeait  une  perdrix,  un  ramier, 
un  rouge  gorge,  un  verdier,  un  gros  bec  et  autres 
oiseaux   indigènes.    Il   j    plaça  parfois    un   nid 
rempli  d'œufs  et  quelques  engins  de  chasse,  un 
fusil,  une  carnassière,  un  cor,  etc.  Quand  on  lui 
demandait  un  pendant,  ce  qui  arrivait  parfois,  un 
superbe  renard  prenait  la  place  du  lièvre.   Les 
fonds  de  ses  tableauxoffraient  toujours  d'agréables 
paysages.  Mais,  tout  en  arrangeant  ses  trophées 
de  chasse  dans  le  goût  de  Weenincx,  il  ne  s'en 
montrait  jamais  un  aveugle  disciple.  11  savait  im- 
primer à  ses  compositions  un  cachet  bien  distinct, 
soit  par  l'arrangement,  soit  par  les  fonds,  soit  par 
le  coloris.  Comme  tous  les  artistes  de  valeur,  il 
consultait  la  nature  pour  le  moindre  détail  de  son 
œuvre.  Adroit  chasseur  il  abattait  lui-même  les 
sujets  dont  il  avait  besoin.   Maître  du  pinceau,  il 
savait  exprimer  le  poil  et  les  plumes  d'une  manière 
à  faire  illusion.  Dans  tous  ses  tableaux  de  gibier, 
on  remarque  une  richesse  de  ton,  une  fermeté  de 
touche  et  une  justesse  d'expression   admirables. 
Comme  Weenincx  notre  Clevenbergh  exécutait 
non  seulement  du  gibier  mort,  mais  des  paysages, 
des  animaux  de  toute  espèce,  des  fleurs  et  des 
fruits . 


—     289     — 

Notre  artiste  avait  un  talent  tout  particulier 
pour  peindre  les  fleurs  et  les  fruits. 

Depuis  Juste  Lij^se  jusqu'au  premier  quart  de 
notre  siècle,  Louvain  comptait  des  amateurs  pas- 
sionnés de  tulipes.  Cette  belle  fleur  y  était  culti- 
vée par  plusieurs  membres  de  la  noblesse,  du 
clergé  et  de  l'Université.  Grand  amateur  de  tulipes, 
Clevenbergli  y  consacra  son  pinceau.  Son  tableau, 
qu'il  vendit  au  curé  de  Rare,  dont  nous  parlerons 
plus  loin,  offre  un  vase  en  verre,  d'une  forme  très 
simple,  contenant  huit  tulipes,  à  nuances  variées. 
A  gauche  du  vase,  est  posé  un  nid  contenant  six 
œufs.  C'est  un  véritable  tour  de  force.  Le  rendu 
et  le  fini  y  sont  poussés  aux  dernières  limites,  non 
pour  arriver  à  ce  poli  extrême  qui  charme  le  vul- 
gaire, mais  pour  exprimer  le  vrai  dans  ses  détails 
les  plus  intimement  étudiés.  On  ne  saurait  voir 
rien  de  plus  gracieux,  ni  de  plus  aimable.  Plus 
d'une  fois,  nous  avons  entendu  prononcer  devant 
ce  tableau,  qui  nous  appartient  actuellement,  le 
nom  de  van  Huysum.  L'œuvre  n'est  pas  indigne 
de  cet  artiste  distingué. 

Les  amateurs  commencèrent  à  apprécier  les 
peintures  de  Clevenbergh  et  les  commandes  lui 
arrivèrent  en  grand  nombre.  Il  n'eût  tenu  qu'à  lui 
de  faire  fortune  à  Bruxelles,  à  Anvers  ou  dans  un 
autre  grand  centre.  Mais  à  aucun  prix  il  ne  voulut 
quitter  sa  ville  natale,  où  il  avait  les  relations  les 
plus  agréables  et  oii  il  ne  comptait  que  des  amis. 
C'était  d'ailleurs  un  grand  enfant  naïf  et  indolent, 
comme  Brauwer,  s'amusant  de  tout,  oubliant 
l'heure  et  le  chemin;   une  rêverie  oisive   s'était 

19 


—     290    — 

emparée  de  son  esprit  et  l'égarait  en  mille  détours. 

La  pauvreté  était  sa  véritable  muse  inspiratrice. 
Dès  qu'il  jDOSsédait  un  sou,  il  ne  pouvait  plus  tra- 
vailler. Sa  femme  était  une  personne  très  hon- 
nête et  d'une  conduite  tout  à  fait  irréprochable, 
mais  qui  n'avait  aucune  qualité  pour  conduire  à 
bien  les  affaires  d'un  ménage.  Quand  son  mari 
vendait  un  tableau,  elle  en  dépensait  le  produit 
sans  discernement,  sans  calcul  du  lendemain.  Tant 
qu'il  j  avait  de  l'argent,  tout  allait  bien,  mais 
quand  la  misère  venait  s'asseoir  au  foyer  tout 
allait  au  plus  mal.  Alors  elle  devenait  arrogante 
et  despotique. 

L'avenir  était  pour  le  pauvre  artiste  sans  bon- 
heur et  sans  espérance  ;  mais  il  n'y  songeait  point. 
Des  peines  de  la  vie,  dont  la  part  lui  avait  été  faite 
si  large  et  si  lourde,  il  retranchait  le  souci  et  mar- 
chait toujours  sans  songer  au  moyen  d'en  alléger  le 
poids.  Content  de  peu  il  trouvait  drôle  qu'on  pût 
faire  tant  d'efforts  pour  amasser  de  l'argent  sans 
en  avoir  besoin. 

La  famille  de  l'artiste  augmentait  toujours.  Sou- 
vent on  le  surprenait  ébauchant  un  tableau  au 
milieu  de  cinq  ou  six  enfants  barbouillés,  mal 
peignés  et  déguenillés,  tapageant  et  sautant  de 
toutes  parts.  Il  ne  s'en  jDlaignait  pas.  Mais,  quand 
il  avait  assez  de  leurs  cris  et  de  leurs  gambades, 
il  suspendait  son  travail,  prenait  ses  filets  et  s'en 
allait  à  la  pêche.  On  comprend  que  cette  indolence 
n'était  pas  faite  pour  calmer  l'humeur  despotique 
d'Anna  Thielens,  qui  devenait  de  plus  en  plus 
acariâtre   et  insolente.  Souvent  elle  courait  à  la 


—    291     — 

poursuite  de  son  mari,  ayant  un  marmot  dans  les 
bras  et  trois  ou  quatre  aux  pans  de  sa  robe.  Alors 
une  pluie  de  reproches  et  d'injures  tombait  sur  le 
pauvre  artiste.  Il  ne  s'en  préoccupait  point.  Le 
soir,  il  régalait  sa  famille  du  produit  de  sa  pêche 
et  la  paix  se  rétablissait  immédiatement. 

Clevenbergh  était  né  avec  un  esprit  bouffon  et 
cet  esprit  survécut  à  tous  ses  revers.  Il  colorait 
gaiement  pour  lui  les  images  les  plus  tristes  et  les 
plus  sombres.  Au  milieu  de  la  misère  il  continuait 
à  rire  et  à  faire  rire  autour  de  lui.  Il  prisait  les 
farces  spirituelles  et  en  faisait  souvent  lui-même. 
Nous  allons  en  faire  connaître  une  couple  pour  en 
caractériser  le  genre. 

Un  jour  Pierre  van  Ex,  qui  habitait  la  chaussée 
de  Namur,  à  Héverlé,  vint  trouver  son  ami  Cleven- 
bergh et  le  pria  de  lui  exécuter  une  enseigne  pour 
sa  taverne  Au  Chien.  L'artiste  lui  demanda  si  le 
chien  devait  être  attaché  ou  libre  —  «  libre  »  fut 
la  réponse.  «  Parfait,  »  répliqua  l'artiste.  Il  peignit 
l'animal  à  la  détrempe  et  y  passa  un  léger  vernis. 
Le  toutou  était  superbe  et  faisait  l'admiration  de 
toute  la  commune.  Déjà  un  amateur  avait  offert 
une  jolie  somme  pour  cette  partie  de  lenseigne. 
Mais  une  averse  arriva  et  il  ne  resta  plus  trace  du 
chien.  Furieux  de  colère  van  Ex  arriva  chez 
Clevenbergh  et  l'agonisa  de  la  belle  manière. 
«Votre  colère  m'étonne,  »  observa  Tartiste.  «Selon 
votre  désir,  j'ai  exécuté  un  chien  non  attaché. 
Une  pluie  battante  est  arrivée.  Le  brave  animal 
a  profité  de  sa  liberté  pour  se  mettre  à  l'abri  de 
l'eau.  N'auriez-vous  pas  suivi  son  exemple?»  — Le 


—    292     - 

tavernier  était  désarmé.  Clevenbergh  exécuta 
gratuitement  une  nouvelle  enseigne  pour  van  Ex; 
mais  cette  fois  le  chien  était  attaché. 

Le  baron  de  Woelmont,  prélat  de  l'abbaye 
noble  de  Sainte-Gertrude,  était  un  colombophile 
passionné.  Il  payait  largement  les  pigeons  rares 
qu'on  lui  apportait. Instruit  de  ce  fait, Clevenbergh 
voulut  faire  profiter  des  largesses  du  dignitaire 
un  pauvre  paysan  qui  venait  de  perdre  sa  vache, 
c'est-à-dire  toute  sa  fortune.  Il  se  procura  donc 
deux  pigeons  de  basse-cour  et  simula  sur  leurs 
ailes  des  fleurs  rehaussées  d'un  brin  d'or  et 
d'argent.  Le  travail  avait  si  jmrfaitement  réussi 
que  les  plus  fins  amateurs  s'y  trompaient.  Cleven- 
bergh remit  les  pigeons  au  paysan  pour  les  offrir 
en  vente  au  prélat  en  lui  persuadant  qu'il  pouvait 
en  empocher  le  prix.  Le  dignitaire,  qui  passait 
cej^endant  pour  un  bon  naturaliste,  en  était  émer- 
veillé. Il  s'empressa  de  les  acquérir.  Le  paysan  en 
toucha  trois  Louis.  Tous  les  amateurs  de  la  ville 
allèrent  à  Sainte-Gertrude  pour  admirer  cette 
nouvelle  espèce  de  pigeons.  Mais  la  joie  du  prélat 
ne  dura  point  :  dès  que  les  oiseaux  commencèrent 
à  changer  de  plumes,  on  constata  la  supercherie. 
Toute  la  ville  s'en  amusa.  Quant  au  paysan,  il 
avait  appliqué  ses  trois  Louis  à  l'acquisition  d'une 
nouvelle  vache.  Le  prélat  lui-même  finit  par 
prendre  la  farce  du  bon  côté.  Il  commanda  un 
tableau  à  Clevenbergh. 

Clevenbergh  savait  badiner  d'une  manière  spi- 
rituelle, mais  toujours  avec  cette  allure  bon  enfant 
qui  le   caractérisait.   A  Festaminet  il  amusait  le 


—    293     — 

inonde  avec  ses  gais  propos  et  ses  anecdotes 
saillantes.  Ses  estaminets  favoris  étaient  La  Boule 
de  Fer,  et  Le  Navet,  rue  de  Naraur,  alors  fréquentés 
par  la  bourgeoisie  louvaniste. 

L'artiste  était  aimé  à  cause  de  son  caractère 
jovial,  franc  et  honnête.  Quoique  pauvre,  il  était 
fort  recherché  par  l'aristocratie  et  les  membres  de 
l'Université.  Excellent  veneur,  il  était  de  toutes 
les  parties  de  chasse,  qui  avaient  lieu  dans  les 
environs  de  Louvain. 

Clevenbergh  exécuta,  en  1793,  une  grande  com- 
position représentant  le  Christ  au  jardin  des  Oliviers^ 
pour  être  posée  dans  la  boiserie  de  l'église  des 
pères  Dominicains,  qui  renferme  phisieurs  toiles 
de  Verhaghen.  L'œuvre  décore  encore  le  même 
temple.  En  observant  cette  page  on  est  étonné  de 
constater  qu'un  artiste  qui  n'avait  jamais  exécuté 
un  tableau  d'église,  soit  parvenu  à  produire  une 
œuvre  de  cette  importance.  Le  Christ  est  d'une 
grande  élévation  de  sentiment  et  d'expression; 
l'ange,  qui  présente  la  coupe  au  Sauveur,  est  d'une 
tournure  agréable.  Un  profond  sentiment  reli- 
gieux, règne  dans  cette  toile  qui  est  exécutée 
d'un  pinceau  ferme  et  sûr.  Ce  tableau  portait  la 
signature  de  l'artiste.  En  restaurant  la  peinture  il 
y  a  une  vingtaine  d'années  on  en  a  fait  disparaître 
la  signature. 

Clevenbergh  affectionnait  le  théâtre.  11  s'était 
fait  admettre  à  la  Chambre  de  Rhétorique  la 
Marguerite  (de  Kersouw)  qui  donnait  alors  pério- 
diquement des  représentations  flamandes  dans 
une  salle  du  deuxième  étage  du  local  de  la  Table 


-    294    — 

Ronde.  Après  son  mariage,  il  lui  était  parfois 
difficile  de  payer  les  rétributions  prescrites  par 
le  règlement.  En  1779,  il  offrit  à  la  compagnie  de 
décorer  gratuitement  sa  scène,  si  elle  voulait  le 
libérer  du  payement  de  la  cotisation  mensuelle. 
Cette  offre  fut  acceptée  avec  empressement  (Rés. 
du  4  janvier  1779)  et  l'artiste  continua  à  suivre 
les  fêtes  de  la  Marguerite .  En  1786,  il  travailla  de 
nouveau  au  théâtre  de  la  Marguetnte,  qui  continua 
à  donner  des  représentations  jusqu'en  1802. 

L'invasion  française  lui  enleva  toutes  ses  com- 
mandes. Il  n'avait  plus  rien  à  faire  et,  partant, 
plus  rien  à  gagner.  Cependant,  l'artiste  ne  se  laissa 
pas  entraîner,  comme  tant  d'autres,  dans  les 
désordres  de  l'époque.  Son  nom  ne  se  lit  nulle  part 
dans  les  relations  des  événements  révolutionnaires 
qui  se  produisirent  à  Louvain.  Dans  ces  jours 
néfastes,  personne  ne  songeait  qu'un  homme  de 
valeur,  alors  dans  tout  l'éclat  de  son  talent,  se 
rouillait  dans  l'oisiveté  et  l'indigence.  Malheureux 
de  son  abandon,  Clevenbergh  l'était  plus  encore 
par  la  position  faite  à  sa  famille,  obligée  de  s'en- 
detter. Pendant  trois  ans,  il  vécut  péniblement, 
exécutant  de  temps  en  temps  un  portrait  pour 
vivre.  Par  bonheur  il  trouva  dans  le  respectable 
pasteur  de  sa  paroisse,  Joseph  de  Rare,  curé  de 
Saint-Quentin,  un  ami  et  un  soutien.  C'était  non- 
seulement  un  digne  prêtre,  mais  aussi  un  homme 
d'une  belle  intelligence  et  d'un  grand  cœur. 
A  une  haute  instruction  il  unissait  un  grand 
amour  des  beaux-arts.  Fils  d'un  modeste  maître 
menuisier,  il  s'était  élevé  par  son  propre  mérite  et 


—    295     - 

avait  obtenu,  jeune  encore,  un  canonicat  au  cha- 
pitre de  Mons.  En  s'imposant  les  plus  grands 
sacrifices,  de  Rare  se  forma  une  collection  de 
tableaux  anciens  et  modernes  très  remarquable. 
jSTous  eûmes  le  plaisir  de  la  voir  bien  souvent 
pendant  notre  jeunesse.  Elle  était  visitée  avec 
intérêt  par  les  amateurs  de  l'époque. 

Un  jour,  le  curé,  qui  veillait  sur  l'artiste  avec 
une  sollicitude  vraiment  paternelle,  lui  commanda 
un  lièvre.  Clevenborgh  en  fixa  le  prix  à  40  florins. 
Le  curé  trouva  le  prix  trop  minime.  Il  dit  à  l'ar- 
tiste :  «  Tâchez  de  me  faire  un  bon  tableau,  vous 
en  aurez  50  florins.  »  Clevenbergh  lui  apporta 
un  lièvre  magnifique.  Le  curé  en  était  enchanté. 
Il  montra  avec  orgueil  le  tableau  de  son  paroissien 
et  le  conserva  pendant  toute  sa  vie.  Le  beau  lièvre 
fut  vendu  à  la  vente  de  M.  de  Rare,  en  1842,  et 
passa  malheureusement  en  Angleterre. 

Grâce  aux  recommandations  de  de  Rare,  Cleven- 
bergh travailla  beaucoup  pour  les  particuliers 
de  Louvain,  exécutant  tour  à  tour  des  tableaux 
de  genre,  des  paysages,  des  nature  morte  et  des 
portraits.  Il  peignit  un  lièvre  et  un  renard  pour 
M.  van  Buggenhout,  un  lièvre  pour  le  chirurgien 
vander  Taelen,  des  tableaux  de  genre  pour  le 
notaire  Neeffs,  le  licencié  de  Becker,  le  négociant 
Jacques  Peeters.  Il  exécuta  les  portraits  de  Paul 
Lorengeois,  capitaine  de  Tarmée  patriotique,  de  M. 
et  M'"*'  d'Udekem  d'Acoz,  de  M.  et  M'"*-^  Zerezo,  à 
Diest,  de  Madame  van  Buggenhout,  du  docteur 
Van  Aenvanck,  de  M.  S  mets,  de  M'"''Mascard,  etc. 

A  la  fin  de   sa   trop    courte  carrière,  l'artiste 


—    29fi     — 

exécuta  plusieurs  portraits  d'enfauts  que  leurs 
parents  offrirent  à  Notre-Dame  des  Fièvres,  à 
Louvain.  Ces  portraits  furent  enlevés  de  cette 
chapelle  en  1826. 

Antoine  Clevenbergli  mourut,  à  Louvain,  le 
6  janvier  1810,  dans  une  petite  maison  de  la  rue 
de  Namur,  qui  portait  alors  le  n"  54  et  qui  fait 
actuellement  partie  du  couvent  des  Carmélites. 
L'artiste  s'en  alla  au  champ  de  repos,  pauvre  et 
obscur  comme  il  avait  vécu.  Personne  ne  vint 
saluer  sa  dépouille  mortelle.  Après  les  prières  de 
l'église,  on  l'inhuma  au  cimetière  communal,  hors 
la  ci-devant  porte  de  Tirlemont.  Dans  la  popula- 
tion louvaniste  il  laissa  la  réputation  d'un  brave 
homme  et  d'un  artiste  de  talent,  digne  d'un 
meilleur  sort. 

Le  pauvre  artiste  laissa  une  veuve  avec  sept 
enfants,  dont  quatre  fils,  qui  s'adonnèrent  à  la 
pratique  de  l'art,  savoir  :  L*  Michel,  né  en  1788; 
2°  Charles-Antoine,  né  en  1791  ;  3"  Toussaint- 
Joseph,  né  en  1796,  et  4"  Alexandre- Apollon, 
né  en  1802. 

Après  la  mort  de  leur  père,  ils  furent  guidés 
par  le  portraitiste  Fr.  Jacquin.  Michel  remporta 
au  concours  de  l'Académie,  en  1811,  le  premier 
prix  de  la  classe  de  nature;  Charles  l'obtint  en 
1817,  et  Joseph  en  1818.  Michel  abandonna  l'art 
pour  s'occuper  d'agriculture,  le  premier  des  arts 
au  dire  d'un  sage.  Charles  réussit  assez  bien  dans 
la  nature  morte  ayant  passé  une  année  dans 
l'atelier  de  Verboeckhoven,  et  Joseph,  qui  peignit 
également  le  gibier,  mourut  professeur-adjoint  de 


—    297    — 

dessin  à  l'Académie  des  Beaux-Arts  de  Louvain. 

Comme  son  père,  Joseph  Clevenbergh  aimait 
la  franche  gaieté.  Pour  lui  les  farces  populaires 
avaient  un  puissant  attrait.  C'était  un-vive-la-joie 
qui  avait  de  Fesprit  à  tout  propos.  Ayant  la  langue 
bien  pendue,  il  parlait  agréablement  et  émaillait 
sa  conversation  d'épigrarames  et  de  proverbes 
pleins  de  sel  et  d'à-propos. 

Anne-Marie  Tliielens,  qui  avait  continué  à 
habiter  avec  ses  deux  fils  non  mariés,  Charles  et 
Joseph, mourut  à  Louvain,  dans  une  maison  située 
rue  de  Namur,  n"  210,  en  face  de  l'église  de 
Saint-Quentin,  le  24  juillet  1832. 

Depuis  cinquante  ans,  les  œuvres  de  Cleven- 
bergh ont  été  recherchées  j3ar  les  amateurs  an- 
glais. Il  ne  reste  plus  beaucoup  de  ses  peintures 
en  Belgique. 

Le  musée  communal  de  Louvain  renferme  deux 
petits  tableaux  de  l'artiste.  Le  premier  est  un 
paysage  avec  figures,  offrant  une  vue  de  l'ancien 
château  de  Louvain  dit  Château  César;  le  second 
est  également  un  paysage  avec  figures,  offrant 
une  vue  du  Mont  César,  en  1805.  Ces  deux  tableaux 
ont  été  reproduits  dans  notre  livre  :  Louvain  dans 
le  passé  et  dans  le  présent. 

Clevenbergh  avait  un  talent  d'assimilation  peu 
commun.  Il  savait  pasticher  les  maîtres,  surtout 
Verhaghen  et  Ommeganck,avec  une  rare  habileté. 
Nous  possédons  de  l'artiste  une  importante  com- 
position exécutée  dans  le  goût  et  le  coloris  de 
Verhagen.  Elle  représente  La  vocation  de  saint 
Mathieu,  Vévangéliste,  et  compte  dix  personnages. 


—     298    ■- 

Les  meilleurs  connaisseurs  prennent  la  toile  pour 
une  œuvre  de  Verhagen.  A  cette  époque  les 
paysages  avec  moutons  d'Orameganck  commen- 
çaient à  avoir  du  succès.  Notre  artiste  exécuta 
des  paysages  dans  la  manière  fraîche,  claire  et 
ensoleillée  du  maître  anversois.  Mais,  tout  en 
peignant  les  mêmes  sujets  que  ce  dernier,  il  savait 
leur  donner  un  cachet  personnel,  distinct.  Ce  ne 
sont  ni  les  mêmes  sites,  ni  les  mêmes  arbres, 
ni  surtout  les  mêmes  moutons.  Aujourd'hui  plus 
d'un  tableau  de  Clevenbergh  passe  pour  un 
Ommeganck. 

M.  J.  J.  de  Bruyn,  vice-président  honoraire  du 
tribunal  de  Louvain,  possède  cinq  tableaux  de 
notre  artiste  :  1°  une  toile  de  trumeau  offrant 
une  scène  de  Vhistoire  d Abraham;  2°  un  paysage 
avec  moutons  et  chèvre;  3"  une  étahle,  avec  flgu7^es 
et  animaux;  4"  un  pâturage  avec  figures  et  bestiaux; 
temps  orageux;  5°  pâturage,  également  avec  figures 
et  bestiaux,  temps  calme ^  pendant  du  précédent. 
L'artiste  les  exécuta  pour  un  amateur  louvaniste 
Jacques-Henri  Peeters,  dit  Kobeken  Peeters^  mort 
à  Louvain,  en  1862.  La  toile  de  trumeau  est  de 
1778  et  appartient,  par  conséquent,  au  premier 
temps  du  maître,  alors  qu'il  se  trouvait  sous  l'in- 
fluence de  Verhaghen.  Le  paysage,  où  on  remarque 
un  jeune  homme  gardant  des  moutons,  est  un  ta- 
bleau d'une  harmonie  charmante  et  d'une  touche 
libre  et  légère.  Dans  l'étable  on  observe  un  homme 
et  une  femme  occupés  à  soigner  les  animaux. 
Le  premier  propriétaire  de  ce  tableau,  que  nous 
avons  très  bien  connu,  a  toujours  affirmé  que  ces 


—     290     - 

deux  figures  représentent  l'artiste  et  sa  femme. 
La  peinture  est  pleine  de  vie,  d'esprit  et  de  cou- 
leurs. Les  deux  pâturages  sont  également  des 
peintures  bien  conçues  et  bien  exécutées.  Tous 
ces  tableaux  sont  peints  sur  bois  et  portent  la 
signature  du  maître. 

Nous  possédons  dans  notre  collection  deux  ta- 
bleaux de  Clevenbergh,  genre  Ommeganck.  L'ar- 
tiste les  exécuta,  en  1806,  à  Tabbaye  de  Valduc 
pour  le  notaire  Pierre-Louis  Néefs,  alors  proprié- 
taire de  ce  monastère,  supprimé  par  la  révolution. 
Nous  les  avons  achetés  en  1877  de  l'héritière  du 
fils  de  ce  notaire,  M'^"  Moise,  à  Louvain.  Le  pre- 
mier ■  tableau  représente  un  pâturage,  où  se 
trouvent,  sur  le  premier  plan,  deux  vaches  et 
deux  moutons  ;  ces  bestiaux  sont  gardés  par  un 
petit  garçon,  le  fils  de  l'artiste,  appelé  Joseph. 
Dans  le  lointain,  on  remarque  encore  trois  vaches 
et  une  femme.  Le  pendant  de  ce  tableau  est  un 
paysage,  où  l'on  voit,  au  premier  plan,  deux 
vaches,  un  mouton  et  une  chèvre.  Au  pied  d'un 
vieux  chêne,  à  droite,  deux  enfants,  un  garçon  et 
une  petite  fille,  ont  fait  un  petit  feu  de  braises. 
Le  garçon  est  assis,  la  petite  fille  se  chauffe  les 
mains.  Les  animaux  qu'on  remarque  dans  ces 
deux  tableaux  sont  dignes  d'Ommeganck.  Ils 
sont  peints  sur  bois  et  portent  la  signature  du 
maître  ainsi  que  le   millésime  1806. 

M.  Eugène  Frische,  architecte  de  la  ville  de 
Louvain,  possède  de  Clevenbergh  un  paysage  avec 
figures.  Il  est  peint  sur  bois  et  a  5B  centimètres 
de  largeur  et  43  centimètres  du  hauteur.  Dans  un 


-     300    — 

site  pittoresque  de  la  vallée  de  la  Dyle,  l'artiste  a 
groupé  des  bestiaux  que  garde  une  jeune  et 
agréable  villageoise  à  jupon  rouge.  Elle  est  assise 
dans  l'herbe  et  file  son  chanvre.  Près  d'elle  dort 
son  chien.  D'un  côté,  on  remarque  deux  beaux 
moutons,  de  l'autre  deux  vaches,  dont  l'une  au 
repos.  Sur  l'avant-plan,  à  gauche,  un  chêne  mu- 
tilé j)ar  le  temps.  Au  second  plan,  à  droite,  s'élève 
un  monticule,  couvert  de  broussailles;  au  bas,  un 
cheval  et  une  vache,  à  gauche,  un  campagnard 
conduisant  un  troupeau  de  vaches  et  de  chèvres. 
Le  second  plan  offre  de  gras  pâturages  et  dans  le 
lointain,  on  observe  la  silhouette  du  clocher  de 
Parc.  Le  tableau  est  d'un  coloris  harmonieux  et 
d'une  délicatesse  extrême  de  pinceau. 

Clevenbergh  laissa  bon  nombre  de  toiles  de 
trumeaux,  de  portraits  et  d'armoiries  universi- 
taires. Mais  c'est,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut, 
par  ses  tableaux  de  nature  morte  —  ses  lièvres 
surtout  —  qu'il  mérite  une  page  dans  l'histoire 
de  l'art. 

La  galerie  Vanden  Schrieck,  vendue  à  Louvain, 
en  1861,  renfermait  deux  beaux  tableaux  de 
nature  morte  de  Clevenbergh,  n''^  189  et  190. 
Dans  le  catalogue  de  cette  célèbre  collection  le 
premier  de  ces  numéros  est  renseigné,  comme 
suit  : 

«  Auprès  d'un  vase  sculpté  qui  décore  l'entrée 
d'un  parc,  un  beau  lièvre  est  suspendu  par  l'une 
de  ses  pattes  à  une  branche  d'arbre,  et  son  corps 
retombe  jusque  sur  un  pan  de  mur  où  sa  tête 
vient   reposer.   A   une    longue  cordelette  qui  le 


—    301     — 

retient  à  la  même  brandie  est  attaché  un  cornet 
de  chasse.  Au  pied  du  vase  une  bécasse  est  étendue 
près  d'un  faisan  doré.  Et  sur  le  sol  au-dessous  du 
lièvre  se  trouvent  deux  perdrix  et  un  petit  oiseau. 
Quelques  prunes  et  une  belle  grappe  de  chasselas 
blanc  étalent  à  gauche  leurs  couleurs  brillantes. 
Sur  le  mur  re^iose  un  fusil  que  cache  en  partie  le 
corps  du  lièvre.  Aux  bords  de  l'eau  qui  traverse 
un  paysage  pittoresque  on  distingue  quelques 
figures.  »  Haut  r"25;  large  80  centimètres,  toile. 

Le  second  tableau  est  décrit  comme  suit  : 

«  Suspendu  à  un  arbre,  se  présente  un  lièvre, 
dont  le  corps  retombe  abandonné  sur  un  pan  de 
muraille  au  bas  duquel  des  raisins  noirs,  des 
raisins  blancs ,  des  poires  et  des  pêches  sont 
amoncelés,  non  loin  d'une  perdrix  que  l'on  voit 
tombée  sur  le  sol  à  droite.  Une  bécasse  est  étendue 
auprès  du  lièvre  et  sur  la  pierre,  où  sa  tête  repose. 
Sur  le  mur  et  passant  sous  le  corps  du  lièvre,  on 
ajDerçoit  l'instrument  de  mort.  Deux  pigeons 
vivants  sont  juchés  au-dessus  du  mur,  et  un  large 
iilet  suspendu  à  droite  retombe  jusqu'à  terre. 
Le  paysage  est  fortement  boisé.  »  Haut  l'"ll; 
large  99  centimètres,  toile. 

«  Ces  deux  productions,  dit  le  catalogue  de  la 
galerie  Vanden  Schrieck,  sont  les  meilleures  de  ce 
maître.  »  Elles  furent  adjugées  à  M.  Grietens; 
la  première  à  580  francs,  la  seconde  à  530  francs. 

Clevenbergh  exécuta,  en  1807,  deux  tableaux 
faisant  pendants,  un  lièvre  et  un  renard,  grands 
comme  nature  pour  Jean- Dominique  van  Buggen- 
hout,  de  Louvain.  Il  hs  peignit,  àCorbeek-Loo,  au 


—     302     — 

château  de  cet  amateur,  à  raison  cVune  couronne 
de  Brabant  par  jour,  plus  bouche  à  table.  Mais, 
au  lieu  de  consacrer  tout  son  temps  à  son  œuvre, 
le  doux  Bohême  n'y  travaillait  qu'une  ou  deux 
heures  par  jour,  passant  le  reste  de  la  journée  à 
la  chasse  ou  à  la  pêche.  Il  ne  quitta  Corbeek 
qu'après  un  séjour  de  quatre  mois.  Après  la  mort 
de  van  Buggenhout,  les  deux  tableaux  devinrent 
la  propriété  de  son  gendre  M.  Jacques  Brion, 
notaire,  à  Louvain.  A  la  vente  de  ce  dernier  en 
1875,  ils  furent  acquis  par  M.  Félix  De  Ridder, 
qui  avait  épousé  une  petite  hlle  de  van  Buggen- 
hout. Nous  avons  fait  l'acquisition  de  ces  tableaux 
à  la  vente  de  M.  De  Ridder,  le  26  juin  1889,  au 
prix  de  1000  francs.  Ils  sont  peints  sur  toile. 

Le  premier  tableau  a  pour  fond  un  paysage. 
A  une  branche  de  tronc  de  chêne  est  appendu  par 
la  patte  gauche  un  lièvre,  dont  le  corps  retombe 
jusqu'à  terre,  où  sa  tête  se  repose.  A  sa  patte 
droite  est  attachée  une  perdrix.  Un  rouge  gorge 
git  devant  le  lièvre.  Un  large  filet  est  étendu  sur 
un  monticule  qui  se  trouve  derrière  le  lièvre. 

Le  fond  du  second  tableau  offre  également  un 
paysage.  A  une  branche  de  chêne  est  suspendu, 
par  la  patte  gauche,  un  superbe  renard,  dont  le 
corps  retombe  jusqu'à  terre,  où  se  repose  sa 
tête.  Près  de  cet  animal  sont  étendus  un  pigeon 
et  deux  autres  oiseaux.  A  un  fil,  attaché  à  une 
branche  de  tronc  de  chêne,  sont  suspendus  un 
bouvreuil  et  un  chardonneret. 

Ces  victimes  de  la  chasse  sont  reproduites  avec 
une  rare  habileté.  L'artiste  a  rendu  leurs  poils  et 


—     303     — 

leurs  plumes  à  faire  illusion.  On  y  remarque  une 
ricliesse  de  ton,  une  fierté  de  touche  et  une  finesse 
d'expression  admirables. 

Clevenbergli  exécuta,  en  1808,  un  beau  lièvre 
pour  le  chirurgien  vander  Taelen,  àLouvain.  Le 
tableau  est  haut  de  1  mètre,  large  de  77  centi- 
mètres. A  la  branche  d'un  arbre  au  tronc  noueux 
est  pendu  un  lièvre.  Un  verdier,  un  rouge-gorge 
et  un  gros-bec  sont  pendus  par  un  fil  au  même 
arbre.  A  droite,  un  martin-pêcheur  sur  un  carnier 
posé  par  terre  et  plus  loin  un  nid  contenant 
quatre  œufs.  Un  paysage  montagneux  et  boisé 
forme  le  fond  de  cette  belle  composition.  Après 
la  mort  de  vander  Taelen,  le  tableau  a  fait  partie 
de  la  collection  de  Nicolas  Maes,  de  Louvain,  qui 
fut  vendue  à  Bruxelles,  le  10  novembre  1867.;  il 
y  fut  adjugé  au  prix  de  510  francs. 

M.  Lucien  de  Troostembergh  d'Oplinter,  au 
château  de  Cleerbeek,  à  Hauwaert,  possède  de 
notre  artiste  deux  tableaux  de  nature  morte,  un 
lièvre  et  un  perdreau,  entourés  d'oiseaux.  Dans 
ces  toiles  le  gibier  est  traité  avec  une  finesse  et 
une  précision  incroyables. 

Telles  sont  les  œuvres  de  Clevenbergh  que  nos 
recherches  nous  ont  fait  découvrir.  Ainsi  qu'il 
a  été  dit  plus  haut,  ses  autres  productions  se 
trouvent,  en  grande  partie,  en  Angleterre. 

Edward  Van  Even. 

Louvain,  novembre  1896. 


—     304     — 


AU  SUJET  D'UN 

DICTIONAIRE  FLAMEN-FRANCOIS 

IDU      XVI"     SIÊ]OrjE 

ET    DE 

Quelques  Dicliounaires  Français-Flamands 

DU   MÊME   TEMPS. 


L'étude  du  français  n'a  jamais  été  négligée  chez 
nous,  et  parmi  les  œuvres  qui  y  ont  été  consacrées 
dès  le  XVI"  siècle,  il  en  est  qui  méritent  encore 
notre  attention.  De  ce  nombre  est  le  dictionnaire 
qui  parut  en  1563  sous  le  titre  suivant  : 

«  Dictionaire  flamen-francois,  iiouuellement  mis  en 
lumière,  corrigé  et  augmenté  pour  l'anancement  de  la 
Jeunesse,  par  M.  Henry  du  Tour.  —  A  Gand,  chez  lean  de 
Salenson,  demouraut  sur  le  Haultport,  à  renseigne  de  la 
Byble  d'or.  » 

L'octroi  qui  termine  le  volume  porte  : 

«  Het  is  geconsenteerfc  Henri c  van  den  Keere,  dat  hy  desen 
thegenwoordigen  naembouck  sal  moghen  prenten,  venten 
ende  distribueren  alommo  iu  dese  laiideu  van  lierwaerts 


—    305    — 

ouere,  zoiuler  daeromme  eenighsins  te  misdoene.  Ghedaen 
te  Bruessele  deii  ellefsten  dagh  van  Junio,  an.  xv*"  Ixiii. 

Onderteekendt  :  I.  de  la  Tokee.  » 

A  bien  des  points  de  vue  ce  livre  (décrit  par 
M.  Bergmans  dans  ce  Recueil,  1891,  p.  427),  est 
intéressant  et  instructif.  Et  comme  l'exemplaire 
que  nous  avons  sous  les  yeux  {Bibl.  Gand,  —  G. 
n.  132'')  est  peut-être  unique,  en  tous  cas  des  plus 
rares,  nous  croyons  utile  d'en  signaler,  par  de 
courts  extraits,  toute  l'importance. 

L'auteur  se  borne  à  traduire.  Parfois  il  intercale 
une  phrase,  un  dicton,  un  proverbe.  Sur  les  sources 
où  il  a  puisé,  il  ne  donne  aucun  renseignement.  Il 
semble  avoir  une  grande  répugnance  à  reprendre 
les  mots  bâtards,  et  il  les  omet  la  plupart,  peut- 
être  parce  qu'il  a  cru  superflu  de  les  traduire. 

Prins,  procureur,  profijt,  proi^lieet  en  une  seule 
page,  manquent  à  son  dictionnaire,  tandis  qu'on 
les  trouve  tous  dans  le  vocabulaire  de  Meurier 
dont  il  sera  parlé  plus  loin. 

A  chaque  page  on  peut  relever,  non  pas  seule- 
ment des  mots  qui  depuis  ont  changé  de  forme, 
mais  des  pertes  regrettables  que  la  langue  fran- 
çaise a  faites,  et  d'autres  aussi  subies  par  le 
flamand. 

Blad,  hladynghe  que  nous  n'avons  plus,  signifient 
douaire,  comme  le  mot  tocht. 

Ballast,  notre  lest  d'aujourd'hui,  est  traduit  par 
«  saburre  et  gTOSse  arène  de  quo}^  on  charge  les 
navires  à  fin  d'aller  plus  fermes.  » 

Barguiner  est  donné  comme  traduction  de  hedijn- 

ghen,  marchander;  —  escouiller  pour  châtrer;  — 

20 


—    306    — 

une  jouée  pour  un  soufflet,  muulpeere  ;  —  coignier 
pour  cognassier,  queappelboom;  —  tillet  pour 
tilleul;  —  blaueole  pour  bluet,  coorenblomme;  — • 
suseau  ou  suriau  pour  clierhoom,  sureau  ;  —  fouteau 
ou  fayant,  pour  hêtre,  bouckhoom ;  —  aubeau  pour 
tremble,  abeel;  —  hayon  pour  étal,  craem;  — 
chevir  (de  chef)  pour  diriger,  dompter,  bestier e7i- 
—  un  fouant,  comme  synonyme  de  taupe;  —  un 
palu  ou  marescage,  ^narasch  ;  —  partissement  pour 
distribution;  —  bessons  pour  jumeaux;  —  bribeur 
et  caimand  pour  mendiant,  bedelere. 

Le  mot  flamand  belhamel,  littéralement  le  mou- 
ton qui  ]3orte  la  clochette,  est  traduit  par  :  «  Le 
chef  premier  ou  principal  de  tous.  » 

Des  substantifs  dont  les  équivalents  d'aujour- 
d'hui sont  autrement  formés,  se  rencontrent  fré- 
quemment pour  désigner  diiïérentes  actions  : 
assiègement  pour  siège,  —  preschement  pour  pré- 
dication, —  couvrement  pour  deckynghe,  — 
fendement,  de  fendre,  pour  clievynghe,  —  deman- 
gement  pour  démangeaison,  jokte,  —  fouissement 
pour  creusement,  —  medecinement  pour  médica- 
tion, —  vomition  pour  vomissement,  etc. 

Certaines  mentions  ont,  quant  aux  usages 
d'autrefois,  un  intérêt  historique.  Cabaret  est 
donné  comme  nom  flamand  avec  l'explication  : 
Daer  men  ivaerm  spyse  cookt  oft  vercoopt,  avec  la 
traduction  :  charcuicterie  ou  rôtisserie.  Cabarettier 
est  donné  comme  le  nom  flamand  du  «  charcuictier 
ou  rôtisseur.  «  Herberghe  est  encore  une  «  hostel- 
lerie  »  et  nous  ne  trouvons  pas  encore  de  trace  de 
l'estaminet  qui  en  est  la  traduction  d'aujourd'hui. 


—    307    — 

Tachentig  est  traduit  par  octante,  qu'on  regrette 
de  voir  remplacé  par  notre  laid  et  compliqué 
quatre-vingt. 

Eemoe,  où  l'on  ne  voit  plus  aujourd'hui  que 
siècle,  ce  qui  s'accorde  mal  avec  eeuwig,  j)erpétuel, 
est  traduit  par  :  temps,  saison,  âge  ou  siècle. 

Le  mot  taeljoore  que  nous  employons  encore 
pour  signifier  assiette,  et  que  les  hollandais  n'ont 
pas,  est  bien  la  corruption  du  français  tailloir, 
comme  le  confirme  la  traduction  :  trenchoir. 

L'auteur  donne  bigotie  pour  bigotisme,  qu'il 
traduit  par  la  jolie  expression  pilaerbiterie  ;  il 
donne  aussi  un  bigot  pour  pilae7'biter  que  nous 
avons  encore  ' . 

La  même  année  où  parut  à  Gand  le  Dictionaire 
famen-francois  de  Henry  du  Tour  ou  Van  der 
Keere,  déjà  remarquable  pour  un  premier  essai, 
paraissait  à  Anvers  (chez  lean  Waesberghe)  le 
Dictionaire  flamen- français  nouuellement  mis  en 
lumière  par  Gabriel  Meurier  avec  dédicace  datée 
du  9  septembre  1563.  L'œuvre  était  précédée  d'un 
Vocabulaire  francois-flameng  du  même,  daté  de 
1562\ 

Meurier  et  Yan  der  Keere  avaient  travaillé  vers 
le  même  temps,  probablement  sans  connaître  l'un 
l'œuvre  de  l'autre  et  sans  pouvoir  se  copier,  mais 
d'après    un   plan  qui  est  à  peu  près  le    même. 


1  La  liste  des  proverbes,  parfois  traduits  en  flamand,  que  Van  der 
Keere  intercale  dans  son  dictionnaire,  a  été  donnée  par  M.  Bergmans 
[Messager  des  sciences,  1891,  p.  428). 

2  Sur  les  nombreuses  publications  de  Meurier,  voir  la  BihUotheca 
Belglca. 


—     308    — 

Des  deux,  c'est  Meurier  qui  a  la  nomenclature  la 
moins  complète,  quoiqu'il  admette  le  plus  de  mots 
bâtards  ;  il  traduit  aussi  le  moins  exactement.  Pour 
les  mots  pris  par  corruption  du  français,  nous 
lisons  dès  la  première  colonne  :  ahiectie,  abiect, 
abricocken,  ahsoluer^en,  absoluyt,  absolutie,abstractie, 
accident,  accorxleren,  accoort,  accordatie.  Van  der 
Keere  n'a  pas  ces  mots,  mais  il  donne  par  contre 
abse7it,  absenteren,  abiiys,  abiiijseren  que  n'a  podnt 
Meurier.  Tout  compte  fait,  c'est  Van  der  Keere  qui 
a  la  langue  la  plus  riche  et  la  moins  corrompue, 
comme  si  à  Anvers  la  langue  fût  déjà  plus  mau- 
vaise qu'à  Gand. 

Meurier,  dans  cette  première  édition,  a  aussi  les 
omissions  les  plus  étranges  :  il  n'a  par  exemple  ni 
paus  ni  pape,  ni  cardinaux,  et  il  omet  nombre  de 
mots  que  lui  même  emploie  dans  «  l'épistre  dédi- 
catoire.  » 

Plus  complète  est  l'édition  de  1584  (Anvers, 
lean  Waesberghe)  ayant  pour  titre  :  Dictionaire 
francoys-flanieng  p^^emierement  mis  en  lumière 
par  Gabriel  Meurier  auesnois,  Reueu,  augmetité  et 
enrichy  d''un  très  copieux  nombre  de  vocables  et  oultre 
toutes  aultres  éditions  par  le  mesme  autheur  melioré. 

Meurier  n'est  point  partisan  de  la  simplification 
de  l'orthographe,  «  car  combien,  dit-il  dans  l'aver- 
tissement, que  le  François  escriue  aulcunes  lettres 
et  ne  les  prononce,  sujuant  toutes  fois  l'Orthogra- 
phye,  Prosodye  et  l'Ethimologye,  il  a  mestier 
de  toutes  ses  lettres  et  n'en  a  pas  une  seule  super- 
flue. » 

Néanmoins  Meurier  écrit  fantaisie  que  d'autres 


—    309    — 

en  ce  temps  écrivaient  phantaisie,  et  utensiles  qui 
vaut  mieux  que  notre  mot  ustensiles,  bisarrie  pour 
bizarrerie,  dictionaire  meilleur  que  dictionnaire, 
oblier  pour  oublier,  mecredi  pour  mercredi,  fron- 
de pour  furoncle,  haran  pour  hareng,  etc.,  c'est-à- 
dire  que  jouissant  d'une  liberté  qui  n'existe  plus 
pour  nous,  il  écrivait  mieux  que  son  avertissement 
ne  semblait  annoncer. 

Meurier  a  du  reste  pu  faire  son  profit  d'une 
œuvre  de  grand  mérite  et  beaucoup  plus  complète 
que  la  première  édition  de  la  sienne,  à  savoir,  du 
Dictionaire  francois-f.mnen  autrement  clict,  les  mots 
français  tourniez  en  fianien,  avec  plusieurs  phrases 
ou  manières  de  parler  fort  propres  pour  apprendre 
rusage  dHceidœ.  Recueilli  et  mis  en  lumière  par  lean 
Taye,  maistre  d'escole  française  (Gand,  chez  lean 
Salenson,  1582). 

Des  exemplaires,  qui  ne  diffèrent  que  par  les 
deux  premières  pages  et  les  quatre  dernières,  ont 
paru  sous  le  nom  de  Gilles  Verniers,  également 
(c  maistre  d'escole  à  Gand  »  [Biblioth.  de  Gand,  G. 
n^«  570  et  571). 

Dans  sa  dédicace  aux  «  Grand  bailly,  Eschevins 
et  doyens  de  la  ville  de  Gand  »  lean  Taye  dit  très 
sensément  : 

«  ...Entre  les  choses  esquelles  la  Jeunesse  se 
doibt  appliquer,  il  est  certain  que  la  cognoissance 
des  langues  n'est  pas  des  dernières,  car  sans  icelles 
tant  s'en  fault  qu'ayons  accès  aux  arts,  que  mes- 
mes  sommes  forclos  de  toute  communication  des 
uns  avec  les  autres,  de  toute  hantise  et  trafique 
mutuelle  :  comme  l'expérience  le  monstre   assez 


—    310    — 

journellement  au  très  grand  regret  de  plusieurs. 
Et  pource  que  la  cognoissance  de  la  langue  Fran- 
çoise est  aujourd'huy  aux  Flamens  de  quelque 
estât  qualité  ou  condition  qu'ilz  soient,  autant 
nécessaire  que  nulle  autre,  pour  ceste  cause,  et 
pour  en  partie  satisfaire  au  désir  que  j'ay  d'ayder 
selon  mon  petit  pouvoir  à  ce  que  la  Jeunesse 
soit  bien  enseignée  et  instruicte,  en  partie  pour 
m'acquiter  du  debvoir  qui  m'oblige  à  ma  nation ,  il 
m'a  semblé  bon  et  expédient  pour  le  soulagement 
et  le  profit  de  la  dicte  Jeunesse,  de  translater  de 
François  en  nostre  langue  vulgaire,  les  dictions  et 
mots  compris  au  grand  Dictionaire  de  feu  Robert 
Estienne  :  et  pour  meilleure  et  plus  claire  intelli- 
gence de  la  propriété  d'iceulx,  y  adjouster  et 
approprier  quelque-fois  une  ou  deux  des  plus 
notables  sentences  et  manières  de  parler,  le  plus 
élégamment  qu'il  m'a  esté  possible...  » 

Avec  un  guide  tel  que  R.  Estienne,  on  comprend 
que  l'œuvre  de  I.  Taye  nous  donne  sans  trop  de 
lacunes  considérables,  la  langue  française  du 
temps;  et  comme  Fauteur  y  ajoute  des  traductions 
très  exactes,  par  périphrases  au  besoin  s'il  ne 
trouve  pas  de  mot  flamand  équivalent,  son  diction- 
naire est,  en  somme,  excellent  et  paraît  avoir  été 
mis  à  contribution  par  tous  ses  successeurs.  Meu- 
rier  le  premier  y  a  largement  puisé  pour  son  édition 
augmentée  de  1584.  On  le  voit  surtout  là  où, 
pour  traduire,  Taye  recourt  à  une  périphrase  : 
souvent  celle-ci  a  passé  dans  la  nouvelle  édition 
de  Meurier. 

Néanmoins  préoccupé,  semble-t-il,  de  ces  ques- 


—    311     — 

tions  d'antériorité,  Meunier  écrit  dans  un  dernier 
avis  au  lecteur  : 

«  ...Si  les  ravasseurs  et  brouillons  se  deuoient 
distiller  le  cerveau  à  contrefaire  et  saccager  noz 
lucubrations,  ils  ne  trouueront  pas,  et  ne  pour- 
ront avec  vérité  nijer  que  Meurier  n'ait  été  le 
premier  en  tous  ces  pays-bas  qui  a  mis  en  lumière 
le  Dictionaire  P'rançois-Flameng  et  vice  verse- 
ment le  Flamend-François.  » 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  brevet  que  Meurier  se 
décerne  à  lui-même,  on  aura  remarqué  que  son 
orthographe  a  peu  de  fixité  puisqu'il  écrit  ici 
Flameng  et  Flamend,  à  quoi  il  faut  ajouter  qu'au 
titre  môme  le  dictionnaire  dont  il  parle,  portait 
flamen,  comme  le  titre  d'un  autre  de  ses  ouvrages 
portait  :  coniugaisons  flamen- françaises . 

Très  supérieure  à  l'œuvre  de  Meurier  est  le 
«  Dictionaiae  françois-flameng  très  ample  et  copieux, 
auquel  on  trouvera  un  nombre  presque  i^ifmi  de 
termes  et  dictions,  plus  qu'en  ceux  qui  jusques  à 
présent  sont  sortiz  en  lumière,  auec plusieurs  formes 
et  manières  de  parler  tres-ele gantes  —  recueilli  des 
plus  accomplis  dictionaires  dernièrement  imprimez 
en  France,  par  Mathias  Sasbout  »  (Anvers,  chez 
lean  Waesberghe,  1579). 

L'auteur  nous  apprend,  dans  sa  dédicace  aux 
seigneurs  députés  du  Conseil  d'État  de  Hollande, 
datée  de  Dordrecht,  qu'après  avoir  bon  espace  de 
temps  travaillé  à  la  composition  d'un  «  Dictionaire 
Flamen- Françoy s  n  qui  (ni  imprimé  en  son  absence, 
il  s'employa  «  plus  ardemment  qu'au  parauant  à 
translater  de  Françoys  en  bas  Aleman  le  grand 


—    312    — 

Dictionaire  Françoys-Latin  de  R.  Estienne,  de 
nagLières  augmenté  par  Jacques  du  Puis.  »  Sans 
parler  ni  de  Vander  Keere,  ni  de  Meurier,  il  ajoute 
«  D'iceluy  amplifié  auons  suiuy  et  interprété  les 
termes  et  dictions  le  plus  naiuement  qu'il  nous  a 
esté  possible  en  y  adioustant  quelques  foys  une 
ou  deux  sentences  et  manières  de  parler,  pour  plus 
ample  déclaration  et  pour  mieux  démons trer  la 
diversité  des  significations  des  vocables...  » 

Le  travail  de  Sasbout  a  donc  été  celui  d'un 
copiste  pour  le  français,  et  d'un  traducteur  en  son 
texte  flamand.  Ses  traductions  paraissent  d'ailleurs 
soignées,  exactes  et  d'une  bonne  langue.  Bas- 
allemand  et  Flamand  étaient  alors  deux  noms  de 
la  même  langue,  plus  tard  appelée  thioise,  qui  se 
parlait  en  Hollande  comme  en  Flandre. 

L'important  pour  nous,  dans  les  œuvres  dont  il 
vient  d'être  parlé,  c'est,  nous  semble- t-il,  la 
preuve  du  soin  qu'on  mettait  chez  nous ,  jus- 
qu'aux temps  les  plus  troublés  du  seizième  siècle, 
à  l'étude  de  la  langue  française,  et  le  mérite 
sérieux  des  œuvres  qu'on  y  consacrait. 

Ad.  D. 


—    313 


ICONOGRAPHIE  NORBERTINE. 


m. 


séries  de   gravures  représentant  la  vie  de 
saint  Norbert. 


An  dix-sej)tième  siècle,  les  abbayes  et  les 
monastères  contribuèrent,  pour  une  large  part, 
au  remarquable  essor  que  prirent  les  beaux-arts, 
dans  les  Pays-Bas  surtout.  Les  chefs-d'œuvres  qui, 
de  nos  jours,  ayant  échappé  heureusement  à  la 
tourmente  révolutionnaire,  ornent  nos  églises  et 
nos  musées,  attestent  hautement  ces  faits  bien 
dignes  d'attention. 

Désirant  faire  connaître  aux  foules,  afin  de  la 
rendre  populaire,  la  physionomie  des  Saints  qui 
ont  illustré  leurs  Ordres,  les  supérieurs  des  commu- 
nautés religieuses  eurent  recours  au  pinceau  des 
artistes,  au  burin  des  graveurs,  pour  reproduire 
les  images,  les  traits  les  plus  marquants  de  la  vie 
de  ces  Bienheureux. 

De  là,  cette  nombreuse  collection  si  recherchée 


—     314    — 

de  nos  jours,  de  gravures  placées  en  séries  et 
retraçant  les  principaux  événements  de  la  vie  des 
Saints  fondateurs  d'ordres  religieux.  La  troisième 
livraison  de  l'Iconographie  Norbertine  contient  la 
description  des  vies  illustrées  de  saint  Norbert, 
fondateur  de  l'Ordre  de  Prémontré  '. 

Nous  connaissons  actuellement  trois  séries  de 
ce  genre  :  la  première,  gravée  par  Théodore  Galle 
(1622);  celle  de  Pfeffel  (1756)  et  celle  de  Klauber 
(1789),  auxquelles  nous  croyons  devoir  ajouter 
une  quatrième,  ne  se  composant,  il  est  vrai,  que 
d'une  planche  :  le  portrait  de  saint  Norbert, 
entouré  de  médaillons ,  exposant  les  principales 
scènes  de  la  vie  du  glorieux  Saint. 

I. 

La    Vie    de    saint    Norbert, 
Par  THÉODORE  GALLE. 

La  série  de  gravures  due  au  burin  de  Th.  Galle  réclame 
la  première  place  à  titre  d'ancienneté  ;  on  pourrait  même 
dire  et  à  titre  de  supériorité,  car  elle  a  puissamment  guidé 
et  inspiré  tous  les  artistes  qui  depuis  lors,  ont  traité  le 
même  sujet.  Ces  gravures  se  distinguent  par  une  rare 
finesse  d'expression,  une  extrême  délicatesse  dans  les 
moindres  détails. 

De  format  in-S»  m.,  elle  se  compose  :  a)  d'un  magnifique 
frontispice  gravé;  &)  d'une  dédicace  de  quatre  pages  non 
paginées  suivies  de  deux  autres  pages,  relatant  les  éloges 
décernés  à  l'Ordre  de  Prémontré  et  à  son  chef  illustre,  et 

1  Saint  Norbert  naquit  vers  1092,  et  mourut  en  1134. 


—    315    — 

enfin  l'approbation  ecclésiastique;  c)  un  portrait  de  saint 
Norbert  précède  les  34  gravures  représentant  les  princi- 
pales scènes  de  la  vie  du  Saint. 

Les  exemplaires  complets  contiennent,  à  la  suite  des 
susdites  gravures,  l'abrégé  en  trois  langues  :  espagnole, 
flamande  et  française,  de  la  vie  du  Bienheureux;  abrégé 
qui  consiste  dans  la  traduction  des  notes  biographiques 
écrites  en  latin  au  bas  de  chaque  gravure.  Le  texte  espagnol 
compte  sept  pages  :  le  flamand,  en  caractères  gothiques,  en 
a  huit,  et  le  texte  français,  huit,  non  paginées.  Il  existe 
plusieurs  tirages  de  cette  vie  de  saint  Norbert.  La  première 
édition,  avec  la  dédicace  et  le  sommaire  biographique  en 
trois  langues,  est  très  rare.  Il  est,  de  nos  jours  extrême- 
ment difficile  d'en  rencontrer  des  exemplaires,  tirés  sur 
vélin  ou  coloriés.  Les  tirages  ultérieurs  ont  été  très  nom- 
breux, et  ont  fini  par  user  les  planches,  c'est  pourquoi 
l'on  recherche  surtout  les  premières  éditions  qui  ornent 
souvent  aussi  la  vie  de  saint  Norbert,  écrite  en  langue 
flamande  par  Chrysostôme  Van  der  Sterre^ 

Il  nous  a  été  donné  de  composer  cette  étude,  d'après 
l'exemplaire  provenant  de  la  bibliothèque  de  ce  savant 
abbé  de  Saint-Michel,  co-auteur  de  la  vie  gravée  par 
Th.  Galle.  Cet  exemplaire,  qui  se  distingue  par  la  beauté 
des  épreuves,  se  conserve  à  l'abbaye  du  Parc  lez-Louvain. 
Le  Révérendissime  Prélat  de  ce  monastère,  Monseigneur 
F.  Versteylen,  a  daigné  nous  le  communiquer,  avec  une 
bienveillance  rare,  et  nous  sommes  heureux  de  pouvoir 
lui  renouveler  ici  l'expression  de  notre  vive  et  profonde 
gratitude. 

Au  sommet  de  chaque  gravure  est  imprimé  un  texte 
de  l'Écriture  Sainte,  se  rapportant  à  la  scène  représentée, 

«  Chr.  Van  der  Sterre,  né  à  Bois-le-Duc  en  1591,  élu  abbé  de  Saint- 
Michel  en  1629,  mourut  en  1652. 


—     316     — 

dont  l'explication  historique  est  donnée  sommairement  au 
bas  de  l'image. 

Ces  sommaires  encadrés  d'un  double  filet  noir,  sont 
l'œuvre  du  R.  Ghrysostôme  Van  der  Sterre.  Les  gravures, 
texte  compris,  mesurent  :  0,15  sur  0,07. 

Frontispice.  —  Le  frontispice  présente  le  titre  suivant, 
entouré  d'un  gracieux  ovale  :  «  Vita  S.  Norberti,  canoni- 
'  corum  Prsemonstratensium  Patriarchge  Antverpise  apos- 
'  toli  Archiepisc.  Magdeburg.  ac  totius  Germanise  pri- 
'  matis,  Goncinnabat  et  Elogiis  illustrabat  R.  P.  F.  lo. 
'  Ghrysostomus  Van  der  Sterre  S.  T.  B.  FOR.  in  S. 
'  Michaele  Prior  Antverpise.  » 

Aux  chapiteaux  annelés  de  deux  piliers,  unis  entre  eux 
par  une  corniche  enrichie  d'ornements,  est  suspendue  une 
tapisserie  frangée,  gracieusement  relevée  par  une  tète 
d'ange  aux  ailes  déployées.  Sur  un  fond  blanc,  de  forme 
ovale,  se  détache  le  titre  susdit.  Au-dessus  de  la  corniche 
le  Divin  Sauveur,  apparaît  entouré  de  rayons  et  de  nuages, 
la  tête  nue,  et  les  cheveux  frisés,  la  main  droite  étendue, 
et  tenant,  de  la  gauche,  un  globe  surmonté  d'une  croix. 
Sur  le  chapiteau  du  pilier  de  droite,  un  médaillon  encadré 
et  enguirlandé  présente  l'effigie  du  pape  Gélase  II;  sur  le 
piédestal  du  même  pilier,  se  dresse  un  ange  ailé,  symboli- 
sant la  vie  contemplative;  il  est  richement  vêtu  d'une 
tunique  et  d'un  pourpoint  à  lambrequins  et  chaussé  de 
brodequins;  sa  tête,  où  ondule  une  chevelure  abondante, 
est  entourée  d'un  cercle  flamboyant.  De  la  main  droite,  il 
soutient  un  livre,  surmonté  d'un  calice  d'où  s'élève  une 
sainte  hostie;  dans  la  main  gauche,  il  porte  un  cœur  ailé 
surmonté  d'une  flamme;  ses  regards  se  dirigent  vers  le 
divin  Sauveur.  Sur  le  socle  du  même  piher  est  gravée  cette 
inscription  :  vita  contemp.,  et,  plus  bas,  un  médaillon 
encadré,  à  l'eflîgie  du  pape  Honorius  II. 


—    317    — 

Au-dessus  de  la  corniche  du  pilier  gauche,  est  placé  un 
médaillon  en  guirlande  à  l'efligie  du  pape  Gallixte  II.  Au 
pilier  gauche  est  adossé  un  ange  ailé  figurant  la  Tie  active, 
sous  la  figure  d'un  pèlerin.  Il  est  vêtu  simplement  d'une 
courte  tunique  avec  pèlerine,  et  chaussé  de  larges  brode- 
quins. Sa  tète,  couverte  d'un  chapeau,  est  entourée  de 
rayons;  de  la  main  droite,  il  porte  un  flambeau  allumé, 
une  gourde,  un  livre  et  une  discipline;  sa  main  gauche 
soutient  un  bâton  de  pèlerin,  et  un  panier  est  attaché  à  son 
bras  gauche.  Sur  le  socle,  on  lit  ces  mots  :  vita  activa,  et 
plus  bas,  est  représentée  l'effigie  du  pape  Innocent  II,  dans 
un  médaillon  encadré;  une  riche  guirlande  de  fruits  se 
rattache  par  des  anneaux  au  socle  de  chaque  pilier.  Puis, 
à  la  base  de  ces  socles,  un  cartouche  avec  enroulements  et 
arabesques,  porte  la  dédicace  suivante  : 

«  Admodum  Reverendo  Patri  ac  Domino. 

«  D.  Matthseo  lersselio 

««  Ecclesise  S.  Michselis  Antverp.  Ord.  Praem. 

«*  Abbati  Amphssimo.         Th.  Gallseus.  L.  M.  D.  G.  Q.  » 

Un  écu  aux  armoiries  de  l'abbé  Van  lersel',  s'élève  sur  le 
cartel  de  la  dédicace,  et  est  surmonté  d'une  mitre  accostée 
d'une  crosse  de  chaque  côté. 

Sous  le  chapiteau  du  pilier,  à  droite,  est  gravée  cette 
inscription  :  «  Inspice  et  fac.  »  Sous  celui  de  gauche  : 
«  Secundum  exemplar.  »  Le  texte  suivant  est  inscrit  au 
haut  de  la  gravure  :  «  Sentite  de  domino  in  bonitate. 
Sap.  1,  1.  »  Puis,  au  bas  :  «  Antverpiae  Theodorus  Gallseus 
excudit.  Cum  Licentia  Luperiorum.  » 

Dédicace.  —  Dans  la  dédicace  adressée  à  l'abbé  Matthieu 
Van  lersel,  Révérendissime  Prélat  de  Saint-Michel,  le  Père 


1  D'argent  à  la  fasce  d'or,  surmontée  d'une  rose  de  gueules,  et  trois 
bandes  d'azur  en  pointe. 


—    318    — 

Chrysostûme  Van  der  Sterre  rappelle  brièvement  les  éloges 
décernés  à  saint  Norbert  par  plusieurs  Souverains  Pontifes, 
et  les  faveurs  éclatantes  qu'ils  daignèrent  accorder  à  son 
Ordre  en  considération  de  ses  mérites  et  de  sa  sainteté  : 
'■  Ces  témoignages  éclatants  du  profond  respect  des  Papes, 
ajoute-t-il,  ont  engagé  le  célèbre  graveur  Théodore  Galle, 
à  publier  en  images  la  vie  apostolique  de  saint  Norbert, 
sachant  bien  que  l'exemple  est  la  meilleure  de  toutes  les 
leçons.  Afin  que  cette  publication,  complétée  par  des  expli- 
cations qui  lui  paraissaient  nécessaires,  pût  décider  les 
lecteurs  à  marcher  sur  les  traces  d'un  si  glorieux  Saint,  il 
me  pria  d'y  ajouter,  soit  des  éloges  concis,  soit  des  récits 
historiques  parfaitement  exacts,  rédigés  d'après  les  vies 
plus  détaillées  que  déjà  nous  avons  publiées.  Théodore 
Galle,  par  cette  publication,  a  bien  mérité  de  la  ville 
d'Anvers,  en  reproduisant,  cinq  cents  ans  après  sa  mémo- 
rable arrivée  dans  notre  ville,  la  sainte  et  glorieuse  image 
de  l'apôtre  de  la  cité.  Et  de  plus  il  a  bien  mérité  de  l'Ordre 
de  Prémontré,  en  rappelant  à  tous  les  membres  de  la 
famille  Norbertine,  les  vertus  éclatantes  que  leur  illustre 
fondateur  leur  a  laissées  à  imiter.  » 

De  la  part  de  l'auteur  du  texte  explicatif,  la  dédicace  de 
cette  œuvre  était  due  au  RR™^  Prélat  de  Saint-Michel. 
Diverses  raisons  engageaient  le  graveur.  Th.  Galle,  à 
suivre  l'exemple  de  l'écrivain. 

Cette  dédicace,  datée  du  23  septembre  1622,  se  termine 
par  des  vœux  de  bonheur  adressés  au  R.  Prélat  Matthieu 
Van  lersel,  par  son  très  humble  et  tout  dévoué  frère  Jean 
Ghrysostôme  Van  der  Sterre. 

Les  deux  pages  suivantes  contiennent  les  éloges  décernés 
à  l'Ordre  de  Prémontré  et  à  son  glorieux  fondateur  par 
saint  Bernard,  et  par  les  papes  Adrien  IV,  Innocent  IV, 
Boniface  VIII,  Clément  VIII  et  Grégoire  XV. 


—    319    — 

L'approbation  du  censeur  ecclésiastique  d'Anvers, 
datée  du  26  septembre  1622,  est  signée  :  Cornélius  de 
Witte  S.  T.  L.,  archidiacre  de  la  Cathédrale. 

Portrait  de  saint  Norbert.  —  D'abord,  au  haut  de  la 
gravure,  se  lit  cette  inscription  :  <•  In  Fide  et  lenitate  ipsius 
«  Sanctum  fecit  illum.  Ecclici  45,  4.  » 

Le  portrait  du  Saint  est  placé  au  milieu  d'un  ovale 
encadré  d'arabesques  et  d'enroulements,  orné  de  branches 
de  laurier  et  surmonté  de  deux  anges  ailés,  ayant  la  tête 
frisée  et  des  écharpes  flottantes;  portant  d'une  main,  une 
branche  de  lis,  de  l'autre  soutenant  une  couronne  de 
lauriers  qui  s'élève  au-dessus  du  cadre.  Saint  Norbert  est 
représenté  à  mi-corps,  la  tète  nimbée  et  couverte  d'une 
mitre  richement  décorée.  Par  dessus  les  habits  de  l'Ordre, 
il  porte  une  chape  parsemée  d'étoiles  et  ornée  du  pallium; 
de  la  main  droite,  il  soutient  l'ostensoir  du  Saint  Sacrement 
et  de  la  main  gauche,  il  présente  une  palme  et  une  croix. 

Au  bas  du  cadre,  une  tète  d'ange  ailé  surmonte  un  car- 
touche encadré  et  enguirlandé,  où  se  lit  l'inscription 
suivante  : 

«  Sanctus  Norbertus,  Gandidi  Prœmonstratensium  Gano- 
«  nicorum  Ordinis  Antesignanus  et  Parens,  Antverpise 
«  Apostolus  Archiepus  Magdeburgensis,totiusque  Germanise 
«  Primas.  » 

A  droite  du  Saint  se  tient  debout,  sur  la  base  évasée  du 
cartouche,  une  femme  d'un  âge  avancé,  vêtue  d'une  robe 
longue  avec  tunicelle,  et  la  tête  couverte  d'un  voile.  Elle  a, 
dans  sa  main  droite,  un  livre  rehé  surmonté  d'une  tiare; 
au  petit  doigt  de  la  même  main,  sont  suspendues  deux  clefs. 
De  la  main  gauche,  elle  montre  un  calice  surmonté  d'une 
hostie  sainte.  Au-dessus  de  la  tiare  plane,  les  ailes  étendues 
une  colombe  entourée  de  rayons.  Sous  les  pieds,  chaussés 


—    320    — 

de  brodequins,  de  cette  figure  symbolique  se  lit  ce  seul 
mot  :  Fides. 

A  gauche  du  portrait  du  Saint,  apparaît  une  jeune 
femme,  debout,  vêtue  d'une  robe  longue  et  d'une  tunique 
aux  manches  garnies  en  biais,  rattachée  par  une  ceinture, 
la  tête  couverte  d'un  ample  voile,  le  front  ceint  d'une 
couronne  d'épines.  De  la  main  droite  elle  tient,  pressé 
contre  elle,  un  crucifix  qu'elle  contemple  avec  amour;  la 
main  gauche  soulève  un  pli  de  la  tunique  supérieure,  et 
sous  ses  pieds  nus,  se  lit  cette  brève  inscription  :  Patientia. 
Au  bas  de  la  gravure,  est  inscrit  ce  texte  de  l'Écriture 
Sainte  :  «'  Qui  docti  fuerint  fulgebunt  quasi  splendor  firma- 
'-  menti,  et  qui  ad  juslitiam  erudiunt  multos,  tamquam 
«  stellse  in  perpétuas  seternitates.  Dan.  12.  3.  " 

Les  traits  du  Saint  sont  énergiques  et  dénotent  une 
grande  fermeté  tempérée  par  la  douceur.  La  physionomie 
diffère,  sous  plus  d'un  rapport,  du  type  traditionnel. 

Série  de  34  gravures  représentant  la  Vie  de  saint  Norbert. 

Planche  I""». 
Naissance  de  saint  Norbert. 

Dans  une  chambre  bien  meublée,  le  jour  pénètre  par 
deux  fenêtres  vitrées,  à  volets  et  avec  encadrements.  Une 
glace  est  suspendue  au  mur.  A  gauche,  sur  un  lit  à  baldaquin 
avec  colonnettes  sculptées,  et  orné  de  rideaux  à  franges, 
repose  Hadwige,  mère  de  Norbert.  Un  rayon  lumineux  sur 
lesquels  se  lisent  ces  mots  «  yEquo  animo  esto  Hadwigis 
«  quoniam  magnus  apud  Deum  futurus  est  etc.,  »  semble 
passer  à  travers  les  vitraux,  et  descend  vers  l'heureuse 
mère. 

Vis-à-vis,  sur  l'avant-plan,  auprès  d'un  lavabo  à  pieds 
contournés,  deux  femmes  à  genoux  donnent  leurs  soins  à 


—    321    — 

l'enfant  qui  vient  de  naître.  Deux  autres  femmes,  dont 
l'une  porte  une  aiguière,  sont  debout,  à  droite  de  la  salle, 
et  regardent  le  nouveau  né  avec  une  visible  attention.  Au 
fond  est  dressée  une  table  couverte  d'un  riche  tapis  brodé 
et  entourée  de  sièges. 

Au  haut  de  la  gravure,  on  lit  :  «  Erit  magnus  coram 
«  Domino.  Luc.  1,  15.  »  Au  bas,  est  gravé  ce  sommaire  : 
"  Nascitur  Sanctis  in  Glivia  Norbertus  loco  multorum 
«  martyrum  sanguine  olim  nobilitato,  genus  trahens  ex 
«  illustri  Francorum  et  Germanorum  illorum  prosapia  qui 
«  Salici  vocati  sunt,  parentibus  nobilissimis  Heriberto  et 
«•  Hadwige,  quse  ante  ejus  ortum  cœlesti  oraculo  de  futura 
««  infantis  dignitate  divinitus  edocetur.  ■> 

Planche  II. 
Norbert  à  la  cour  de  l'Empereur. 

Sur  un  trône  que  domine  un  baldaquin  à  lambrequins, 
orné  de  riches  draperies,  se  voit  l'empereur  Henri,  assis 
dans  un  fauteuil  surmonté  d'un  aigle  à  deux  tètes,  blason 
impérial  des  souverains  de  l'Allemagne.  L'empereur  portant 
la  couronne  du  Saint  Empire,  revêtu  du  manteau  impérial, 
le  glaive  nu  dans  la  main  droite,  appuie  sa  main  gauche 
sur  un  globe  surmonté  d'une  croix.  Ses  regards  se  dirigent 
vers  Norbert  qui  se  tient  debout  devant  lui,  à  gauche.  A 
droite  du  trône  est  placé  le  chancelier  de  la  cour,  vêtu  d'un 
manteau  avec  camail  en  hermine,  la  tête  couverte  d'une 
toque,  tenant  en  main  une  charte  ;  près  de  lui  le  comman- 
dant des  gardes  impériaux,  dont  on  aperçoit  les  lances,  les 
hallebardes  et  les  casques.  Norbert,  la  tête  nue  et  les 
cheveux  flottants,  ceint  de  l'épée  de  chevalier,  portant  le 
riche  costume  des  gentilshommes,  et  les  bottes  à  éperons, 
tient  dans  la  main  gauche  son  chaperon  orné  de  plumes,  et 

21 


—    322     — 

étend  la  main  droite,  comme  pour  attester  la  vérité  des 
paroles  qu'il  adresse  à  son  souverain.  Il  est  suivi  de  deux 
pages,  dont  l'un  tient  en  laisse  un  lévrier.  Dans  l'angle 
gauche,  la  draperie  soulevée  laisse  apercevoir  à  travers 
une  fenêtre  ouverte,  ce  qui  se  passe  à  l'extérieur.  Là, 
auprès  d'une  porte,  se  voient  deux  dames  richement  vêtues, 
Norbert  s'incline  devant  elles,  et  leur  offre  des  hommages. 

En  haut  de  la  gravure  est  gravé  le  texte  :  «  Factus  est 
«  Ephraim  quasi  coluraba  seducta,  non  habens  cor. 
«  Osée  7,  11.  » 

Au  bas,  le  sommaire  :  «•  Blandientis  mundi  Norbertus 
«  captus  illecebris,  viam  spatiosam  ingreditur  sinistri 
«  lateris,  et  aeternae  salutis  immemor  primum  inventas 
«  florem  in  Aulis  tum  Friderici  Goloniensis.  Archiepiscopi. 
«  tum  Henrici  IIII  Imperatoris,  qui  et  ipse  de  Salicorum 
«  stirpe  fuit,  lasciviendo  dissipât.  » 

Planche  III. 
Norbert  terrassé. 

Près  d'un  rocher  d'où  s'élance  un  arbre  aux  branches 
étendues,  Norbert,  somptueusement  vêtu,  est  étendu  à 
terre,  à  côté  de  son  cheval  caparaçonné  et  renversé  égale- 
ment. Au  haut  du  ciel,  couvert  de  nuages  épais,  les  éclairs 
fulgurants  projettent  sur  le  malheureux  chevaher,  leurs 
rayons  que  perce  la  foudre.  Un  autre  rayon  plus  faible,  qui 
sort  de  la  bouche  du  cavalier,  semble  remonter  vers  le  ciel 
portant  gravés  ces  mots  :  «  Domine,  quid  me  vis  facere?  » 

A  droite,  le  serviteur  de  Norbert,  debout,  terrifié,  étend 
les  mains  pour  marquer  sa  frayeur  et  pour  relever  son 
maître.  A  gauche,  à  l'arrière  plan,  on  aperçoit  la  ville  de 
Freden  entourée  de  coUines. 

En  haut  de  la  gravure  se  lit  cette  inscription  :  «  Vas 


—     323    — 

«  electionis  est  m  ihi  iste,  ut  portet  nomen  meum  coram 
«  gentibus.  Act.  9.  15.  » 

En  bas  :  «  Dum  phalerato  equo  in  Freden  tendit,  horridà 
«  abortà  tempestate,  per  fulmen  equo  excutitur  :  exanimis- 
«  que  propemodum  in  terram  delapsus,  post  liorse  circiter 
««  spatium  sibi  redditus,  iam  prsepotenti  Dei  manu  conver- 
«  sus,  melioris  vitse  suspirat  novitatem.  » 

Planche  IV, 
Norbert  au  Couvent  de  Siegburg. 

Dans  une  salle  entourée  de  colonnes  sont  assis  —  auprès 
d'une  table  couverte  d'un  tapis,  où  sont  étalés  un  manteau, 
une  tète  de  mort,  deux  disciplines  et  plusieurs  livres 
ouverts  —  Norbert  placé  à  droite,  sur  un  siège  à  dossier,  et 
le  R.  Gonon,  abbé  de  Siegburg. 

Norbert,  richement  vêtu,  la  tête  couverte  de  la  toque  des 
nobles,  le  collier  de  chevalier  au  cou,  s'entretient  avec 
l'abbé  qui,  revêtu  des  habits  monastiques,  la  tête  nue,  et 
tenant  la  crosse  de  la  main  gauche,  étend  la  droite  vers  le 
noble  pénitent,  comme  pour  le  convaincre  de  la  nécessité 
où  il  se  trouve  de  chercher  à  connaître  la  volonté  de  Dieu, 
afin  d'y  conforme)'  ses  actions  et  sa  vie.  Le  pieux  prélat  est 
entouré  de  six  religieux,  en  habits  de  chœur,  qui  écoutent 
les  avis  de  leur  père;  le  plus  jeune  d'entr'eux  paraît  inat- 
tentif et  s'occupe  à  examiner  l'un  des  livres  ouverts  étendus 
sur  la  table. 

Au  fond  de  la  salle,  à  droite,  dans  une  niche  entourée 
d'un  encadrement,  se  voit  la  statue  du  Sauveur  du  monde, 
la  main  droite  étendue,  tenant  un  globe  dans  la  main 
gauche;  du  côté  opposé,  s'élève  dans  une  niche  toute 
pareille,  l'image  de  la  Très  Sainte  Vierge  portant  l'Enfant 
Jésus, 


—     324    — 

Au  milieu  du  mur  du  fond  entre  les  deux  colonnes,  une 
espèce  de  porte,  ou  de  passage  ouvert,  montre  au  loin  des 
bâtiments  d'apparence  imposante. 

Au  haut  de  la  planche  est  gravé  ce  texte  de  l'Écriture  : 
«  Relinquite  civitates,  et  habitate  in  petra  habitatores 
«  Moab.  lerem.  48,  28.  » 

Au  bas  :  «  Relictis  aulse  vanitatibus,  et  mundi  nauseans 
«'  delicias,  ad  sacrum  se  confert  Sigebergense  Divi  Bene- 
«  dicti  Cœnobium,  ubi  sub  pollice  B.  m.  Gononis  Abbatis, 
«  inter  sanctos  illos  religiosos,  prima  pietatis  tyrocinia 
«  ponit,  et  spiritualibus  exercitiis  Dei  super  se  beneplaci- 
«'  tum  exquirit.  » 

Planche  V. 
Norbert  renonce  au  monde  et  est  ordonné  prêtre. 

A  l'avant-plan,  Norbert,  entouré  de  divers  personnages, 
la  tête  nue  et  ceinte  d'un  rayon  lumineux,  nu-pieds,  vêtu 
d'une  grossière  tunique  de  peaux  d'agneau,  ayant  une 
simple  corde  pour  ceinture  lève  sa  main  gauche  vers  le  ciel. 
De  la  main  droite,  il  montre,  délaissés  et  jetés  à  terre,  son 
collier,  son  casque,  son  épée,  sa  cuirasse,  sa  toque  et  ses 
jambières  de  chevalier.  Les  divers  personnages  qui  l'en- 
tourent expriment  leur  étonnement. 

Au  second  plan,  on  voit  le  chœur  d'une  église  romane, 
dont  les  voûtes  sont  soutenues  par  des  colonnes  et  les 
fenêtres  ornées  de  vitraux. 

Au  pied  de  l'autel  est  agenouillé  Norbert,  vêtu  d'une 
chasuble,  la  tête  nue  et  entourée  de  rayons.  Près  de  lui, 
l'évêque  assis  est  entouré  de  quatre  assistants,  dont  l'un 
porte  la  crosse,  un  autre  tient  ouvert  le  missel,  le  troisième 
est  debout,  faisant  l'office  de  diacre,  et  le  quatrième  est  à 
genoux.  La  table  de  l'autel  est  couverte  d'un  tapis;  sur 
l'autel  se  dressent  autour  du  cahce,  le  missel  et  deux  chan- 


—    325    — 

deliers,  avec  les  cierges  allumés.  Au-dessus  de  l'autel,  est 
suspendu  un  tableau  qui  représente  Saint-Michel  armé  du 
glaive,  terrassant  le  serpent.  Sur  les  volets,  à  droite  est 
figurée  l'image  d'un  Saint;  à  gauche,  celle  de  la  Très 
Sainte  Vierge  avec  le  divin  Enfant. 

De  l'autre  côté  de  la  balustrade  qui  entoure  le  sanctuaire, 
une  foule  recueillie  assiste  à  la  cérémonie  de  l'ordination 
sacerdotale. 

Au  haut  de  la  gravure,  se  lit  ce  texte  de  saint  Paul  : 
«  Renovamini  spiritu  mentis  vestrse,  et  induite  novum 
«  hominem.  Ephes.  4.  23.  24.  » 

Au  bas  :  «  Depositis  publice  pretiosis  illis  vestibus  quibus 
«  hactenus  mundo  sub  vanitatis  Labaro  militaverat,  as- 
«  sumpto  ad  carnem  horrido  cilicio,  desuper  contexto  ex 
«  pellibus  agninis  habitu  se  induit,  quo  deperditse  inno- 
«  centisB  assiduo  admoneretur  :  atque  ita  sacro  Presbyterii 
«  honore  insignitur,  » 

Planche  VI. 
Norbert  est  insulté  au  moment  où  il  prêche  la  parole  de  Dieu. 

Au  milieu  d'une  place  publique,  Norbert  nu-pieds,  la  tête 
nue  et  nimbée,  vêtu  d'une  tunique  de  peaux  ceinte  d'une 
corde,  tenant  un  crucifix  dans  la  main  gauche,  la  main 
droite  étendue,  prêche  l'Évangile  à  la  foule  qui  l'entoure. 
Aux  pieds  du  missionnaire  sont  assises  des  femmes  avec 
leurs  enfants  ;  en  face  d'elles  se  tiennent  deux  chanoines,  la 
tête  couverte  du  biretum  et  revêtus  de  leurs  aumusses  ;  ils 
étendent  les  mains  pour  manifester  leur  étonnement,  un 
homme  aux  traits  farouches  et  irrités  s'approche  brusque- 
ment du  Saint  et  lui  crache  au  visage. 

Au  fond  du  tableau,  une  porte  monumentale,  ouverte 
toute  grande,  laisse  voir  dans  le  lointain  une  sorte  de 
pyramide . 


—    326    — 

L'inscription  suivante  se  lit  en  haut  de  la  gravure  : 
«  Argue,  obsecra  in  omni  patientia  et  doctrina.  2  Timoth. 
«  4.  2.  " 

Au  bas  :  «  Incalescente  in  prœcordiis  ejus  igné  Spiritus 
«  sancti,  prsedicationi  Evangelicse  se  accingit,  quà  devios 
«'  ab  errore  retrahat,  et  peccati  veterno  sepultos  ad  novam 
"  vitam  excitet,  unde  graves  patitur  calumnias,  et  ab  igno- 
«  bili  clerico  ignominiose  conspuitur,  sed  detersa  facie 
«  lacrymis  injuriam  ultus  est.  » 

Planche  VIT. 
Norbert  célébrant  la  messe  à  Rolduc. 

Dans  une  crypte  soutenue  par  des  colonnes,  Norbert  la 
tête  couronnée  de  rayons  lumineux,  revêtu  d'une  riche 
chasuble,  célèbre  la  sainte  messe  à  un  autel  recouvert  d'un 
tapis  avec  bordures  à  franges.  Sur  cet  autel,  surmonté  d'un 
dais  avec  tentures  relevées,  un  crucifix  est  placé  entre 
deux  chandeliers  portant  des  cierges  allumés;  il  s'y  trouve 
aussi  un  missel,  un  canon  ou  tableau  et  un  corporal  déployé. 

A  côté  de  l'autel  les  burettes  sont  placées  sur  un  petit 
coffre  carré  recouvert  d'une  nappe.  Le  Saint,  soulevant  le 
calice  de  la  main  droite  et  tenant  la  patène  de  la  main 
gauche,  consomme  le  précieux  sang.  Au-dessus  du  Bien- 
heureux, on  voit  pendre  à  la  voûte  une  toile  d'araignée, 
pour  rappeler  le  fait  arrivé  en  cette  circonstance.  Une 
araignée  énorme  étant  tombée  dans  le  calice  déjà  consacré, 
le  Saint  n'hésite  pas  à  avaler  l'insecte,  avec  le  sang  de 
Jésus-Christ.  Au  pied  de  l'autel,  se  tient  agenouillé  l'acolyte 
dans  son  large  surplis;  puis  une  dame  pieuse,  vêtue  modes- 
tement, portant  suspendues  à  sa  ceinture  une  clef  et  une 
aumônière,  et  enfin  quatre  personnages  qui,  les  mains 
jointes,   assistent  respectueusement   à    la   célébration  du 


—    327    — 

Saint  Sacrifice.  Deux  lampes  suspendues  au  centre  de  la 
voûte  éclairent  cette  scène. 

En  haut  de  la  gravure,  on  lit  :  «  Si  mortiferum  quid 
»  biberint,  non  eis  nocebit.  Marci  16.  18.  » 

Au  bas  :  «  Gelebranti  in  crypta  Sancto  Norberto  grandis 
«  aranea  in  calicem  consecratuin  delabitur,  quam  magna  in 
«  Deum  fide  (in  quâ  miriflce  semper  excelluit)  cum  sanguine 
«  dominico  illsesus  sorbuit,  quod  vires  suas  venenum, 
«  salutifero  hoc  antidoto  crederet  amisisse.  » 

Planche  VUI. 
Norbert  assistant  auprès  du  Cardinal  légat,  au  concile  de  Fritzlar. 

Dans  une  vaste  salle  voûtée  en  plein  cintre  et  éclairée 
par  des  fenêtres  à  vitraux,  le  Cardinal  légat,  vêtu  du  rochet 
et  de  la  mozette,  et  la  tète  couverte  du  chapeau  de  car- 
dinal, est  assis  sur  un  trône  à  deux  marches,  surmonté 
d'un  dais  avec  draperies  relevées.  Il  est  entouré  d'évèques 
mitres,  de  chanoines  et  de  religieux,  assis  sur  des  fauteuils 
ou  sur  des  bancs. 

Deux  chanoines,  coiffes  du  biretum,  et  trois  autres  per- 
sonnages laïques,  sont  placés  sur  un  banc  adossé  au  mur 
latéral. 

Norbert,  nu-pieds,  la  tète  entourée  de  rayons,  vêtu  d'une 
tunique  grossière,  tenant  un  livre  dans  la  main  gauche, 
étendant  la  main  droite  dans  la  chaleur  de  son  discours, 
adresse  la  parole  au  Cardinal  légat,  président  de  l'assem- 
blée. Un  rayon  d'en  haut  vient  tomber  sur  le  courageux 
orateur,  dont  l'ardente  éloquence  confond  ses  adversaires. 
L'attitude  des  assistants  indique  leur  admiration. 

A  l'entrée  de  la  salle,  dans  le  vestibule  se  tiennent  des 
soldats  armés  de  hallebardes,  qui  gardent  l'entrée  de  la 
porte  largement  ouverte. 


—    328    — 

On  lit  ces  mots,  en  haut  de  la  gravure  :  <•  Dabo  vobis  os, 
«  et  sapientiam,  cui  non  poterunt  résistera.  Luc.  21.  15.  » 

En  bas  :  <•  Ut  niliil  Norberto  deesset  ad  exercitium 
"  patientiae,  prseter  complures  tam  publicas  quam  privatas, 
«  quod  Dei  gloriam  zelaret,  et  peccata  acriter  perstrin- 
«  geret,  sibi  factas  molestias;  in  Goncilio  Friteslariensi 
««  corain  Gonone  Cardinale  Prsenestino  causam  dicere 
«  jussus,  Spiritu  Sancto  patrocinante  de  adversariis  trium- 
"  phat.  » 

Planche  IX. 
Norbert  distribue  ses  biens  aux  pauvres. 

Dans  une  salle  ouverte,  soutenue  par  des  colonnes, 
éclairée  par  deux  fenêtres  à  vitraux  losanges,  ornée  de 
bancs  de  bois  à  dossiers  sculptés  et  d'un  buffet  armorié 
dont  les  battants  sont  décorés  de  ciselures,  Norbert  dis- 
tribue ses  biens  aux  pauvres.  Devant  une  table  couverte 
de  sacs  d'argent,  il  se  tient  les  pieds  nus,  la  tête  entourée 
de  rayons,  vêtu  d'une  tunique  de  peau  ceinte  d'une  corde, 
et  remet  des  pièces  d'argent  aux  pauvres  qui  lui  tendent 
leur  escarcelle.  Parmi  ces  malheureux  se  voit  un  pauvre 
estropié,  aux  pieds  nus,  qui  s'appuie  sur  une  courte 
béquille;  des  enfants  ramassent  les  pièces  tombées  à  terre, 
et  tendent  leurs  bras  vers  le  Saint  ;  à  côté  de  Norbert,  des 
serviteurs  distribuent  des  vêtements  aux  misérables.  Des 
portefaix  avec  leurs  fardeaux  s'éloignent  par  la  porte 
d'entrée.  Les  traits  de  Norbert  expriment  la  douceur  et  le 
contentement.  Près  de  la  table  se  voit  un  coffre  fortement 
cerclé  de  fer. 

En  haut  de  la  gravure,  on  lit  :  «  Dispersit,  dédit  paupe- 
«  ribus,  justitia  ejus  manet  in  sseculum  sseculi.  Psalm. 
«  111.  9.  » 

Au  bas  :  «  Ut  expeditius  cœlum  peteret,  quidquid  ipsi 


—    329    — 

«  hactenus  vel  ex  patrimonils  (quse  amplissima  liabuit)  vel 
"  aliimde  obvenerat  bonorum;  per  manus  pauperum  raro 
«  liberalitatis  exemple,  ad  cœlos  prœmittit,  Deum  posthac 
"  in  hîereditatem  habiturus.  » 

Planche  X. 
Norbert  aux  pieds  de  Gélase  IL 

Le  pape  Gélase  est  assis  sur  un  trône  à  baldaquin,  avec 
lambrequins  et  tentures  relevées.  Revêtu  d'une  étole  et 
d'une  mozette,  la  tète  couverte  d'une  calotte,  il  présente  de 
la  main  gauche  un  diplôme,  muni  du  sceau  pontifical,  à 
Norbert  qui  se  tient  à  genoux  devant  lui,  et  qu'il  bénit  de 
la  main  droite.  A  droite  du  pape,  sont  assis  deux  évèques 
mitres,  et  se  tiennent  deux  jeunes  clercs-camériers  ;  à 
gauche  du  Souverain  Pontife  siège  un  haut  dignitaire  ecclé- 
siastique, coiffé  d'un  biretum  et  vêtu  d'un  rochet  avec 
caniail.  Norbert,  pieds  nus,  la  tête  tonsurée  et  cerclée  de 
rayons,  vêtu  d'une  tunique  en  laine  et  d'un  manteau  sur 
lequel  est  attaché  un  large  chapeau  rond,  reçoit  du  pape 
Gélase  l'autorisation  de  prêcher  dans  toutes  les  contrées  de 
la  terre.  Le  fidèle  compagnon  du  courageux  apôtre,  et 
deux  autres  personnages,  sont  à  genoux  auprès  de  lui. 

Au-delà  de  la  balustrade  qui  coupe  l'avant-plan,  se  dresse 
l'église  St-Pierre  avec  son  dôme  et  sa  coupole. 

En  haut  de  la  gravure,  on  lit  :  «  Opus  fac  Evangelistae, 
«  ministerium  tuum  impie.  2  Timoth.  4.  5.  » 

En  bas  :  «  Nuda  nudi  Jesu  vestigia  toto  mentis  annisu 
«  sequi  affectans,  tunica  lanea  et  paupere  pallio  supra 
«  cilicium  suum  amictus,  nudis  ut  jam  triennio  fecerat 
'•  pedibus  in  Galhas  ad  Gelasium  PP.  IL  contendit  :  a  quo 
«  per  totum  mundum  prsedicandi  potestatem  accipit,  recu- 
«  satis  humiliter  quos  offerebat  amplissimis  honoribus.  » 


—     330     — 

Planche  XI. 
Norbert  rend  visite  à  Burchard,  évêque  de  Cambrai. 

Une  salle,  dont  la  porte  est  ouverte,  laisse  entrevoir  au- 
delà  de  vastes  bâtiments.  Deux  fenêtres  encadrées  et  vitrées 
y  donnent  accès  à  la  lumière.  L'ameublement  se  compose, 
au  fond,  de  trois  chaises  à  dossier  placées  près  d'une 
grande  table  couverte  d'un  tapis,  sur  laquelle  se  trouvent 
un  pupitre  et  un  sablier.  Sur  une  tablette  sont  rangés  quel- 
ques volumes  reliés,  avec  fermoirs,  une  brosse  et  un  vase 
à  encre  s'y  trouvent  suspendus.  Au  centre  de  la  salle,  sur 
une  petite  table  couverte  d'un  tapis,  se  voit  un  encrier  avec 
sa  plume  et  aussi  deux  manuscrits.  Un  fauteuil  à  bras 
garni  d'un  coussin,  est  placé  tout  auprès.  Burchard,  la  tète 
couverte  du  biretum,  vêtu  du  rocliet  et  du  camail  avec 
croix  pectorale,  reçoit  entre  ses  bras  Norbert,  qui  s'incline 
vers  lui  en  étendant  les  mains.  Le  Bienheureux,  nu-pieds,  la 
tête  tonsurée,  et  entourée  de  rayons,  est  vêtu  d'une  tunique 
et  d'un  pauvre  manteau  auquel,  au  moyen  d'une  corde,  est 
attaché  le  chapeau  de  pèlerin.  Près  de  Burchard  se  tient 
debout,  pleurant  et  essuyant  ses  larmes,  Hugues,  chapelain 
de  l'évêque  ;  il  est  vêtu  de  l'habit  ecclésiastique  et  sa  tête  nue 
est  également  entourée  de  rayons.  Le  plafond  est  à  pou- 
trelles en  bois, des  dalles  carrées  recouvrent  le  sol  de  la  salle. 

En  haut  de  la  planche,  on  lit  :  «  Fidelis  Deus,  per  quem 
«  vocati  estis  in  societatem  fllii  ejus.  I  Cor.  1,9.  » 

Au  bas  :  «  Gum  Valencenis  Burchardum  inviseret  Game- 
"  racensem  Episcopum,  qui  cum  in  Imperatoris  palatio 
"  nutritus  erat,  stuperetque  Episcopus  ob  tantam  Norbert! 
«  mutationem,  lacrymansque  irrueret  in  collum  ejus;  in 
«  propositi  sui  Socium  B.  Hugonem  acquirit,  qui  Sancti 
»  Patris  spiritualibus  excultus  monitis,  in  magnam  adole- 
«  vit  Sancti tatis  perfectionem.  » 


—    331     — 

Planche  XII. 
Norbert  partant  en  mission. 

Norbert,  nu-pieds,  la  tête  couverte  d'un  large  chapeau  et 
entourée  de  rayons,  vêtu  d'un  manteau  et  d'une  tunique  en 
laine,  étendant  la  main  droite  et  appuyant  sur  un  bâton 
sa  main  gauche,  qui  tient  une  branche  d'olivier,  prêche  la 
parole  de  Dieu  à  la  foule  accourue  pour  l'entendre.  A  côté  du 
Saint  se  tient  son  compagnon,  Hugues,  vêtu  d'une  tunique 
et  d'un  manteau,  la  tête  couverte  d'un  large  chapeau  et 
surmontée  d'un  cercle  ou  nimbe;  il  porte  de  la  main  droite  un 
gros  livre  relié,  appuyant  la  main  gauche  sur  son  bâton; il 
regarde  le  missionnaire  qui  lui  montre  la  foule.  Près  d'eux, 
deux  femmes  assises  avec  un  enfant,  et  plusieurs  autres 
personnages,  attachent  sur  le  prédicateur  des  regards  où 
l'étonnement  se  mêle  à  l'admiration.  A  gauche  du  Saint, 
un  âne  harnaché  est  bridé  par  son  guide  qui  le  menace  du 
bâton.  Au  fond,  quelques  bâtiments  surmontés  d'une  tour. 
De  la  porte  de  la  ville  sortent  des  pèlerins  qui  accourent 
vers  le  missionnaire.  Au  loin  s'étend  un  joli  paysage  que  le 
soleil  levant  colore  de  ses  ardents  rayons,  et  où  paraît  un 
bâtiment  servant  d'étable  aux  brebis  que  garde  un  berger 
assis  sous  un  arbre. 

En  haut  de  la  gravure,  on  lit  :  «  Quasi  tuba  exaita 
«  vocem  tuam,  et  annuncia  populo  meo  scelera  eorum.  Isa. 
«  59,  1.  » 

En  bas  :  «  Norbertus  incredibili  flagrans  pereuntium 
«  animarum  zelo,  Urbes,  pagos,  Gastella  perambulabat, 
«  Apostolicse  vitse  exercitiis  ad  meliorem  frugem  plurimos 
«  convertendo  :  quem  turmatim  excipiunt  populi  :  nec 
'<■  ulla  unquam  cœli  inclementia  vel  hiemis  asperitate  ab 
«  incepto  retardari  potuit,  quod  nobiliore  intus  divinse 
«  charitatis  flamma  caleret.  » 


—     332    — 

Planche  XIII. 
Norbert  réconcilie  deux  ennemis. 

Sur  une  place  publique  s'élève  une  église  surmontée  d'un 
clocher;  un  mur  crénelé  sépare  les  personnages  des  habi- 
tations qu'on  aperçoit  alignées  dans  le  fond  du  tableau.  Sur 
un  brancard  recouvert  d'un  tapis,  est  posée  une  châsse  avec 
couvercle  à  deux  versants;  la  façade  et  les  parois  latéraux 
sont  ornés  de  pilastres  et  d'ouvertures  ornementées,  et  au 
milieu  de  la  façade  se  dresse  la  statue  d'un  Saint. 

A  droite  et  à  gauche  de  cette  châsse,  deux  seigneurs 
richement  vêtus  la  tête  couverte  d'une  toque  à  panache,  se 
donnent  la  main  droite  en  signe  de  reconciliation;  ils  sont 
accompagnés  de  plusieurs  bourgeois  qui  assistent,  comme 
témoins,  à  cette  scène  édifiante. 

Devant  les  deux  seigneurs,  Norbert,  pieds  nus,  la  tête 
rasée  et  entoui'ée  de  rayons,  le  chapeau  attaché  sur  le  dos, 
tenant  de  la  main  gauche  une  branche  d'olivier,  pose  douce- 
ment sa  main  droite  sur  la  main  de  l'un  des  deux  ennemis 
qu'il  a  réconciliés.  A  la  gauche  du  Saint,  on  voit,  debout,  son 
compagnon  de  voyage,  ayant  la  tête  auréolée  et  couverte 
d'un  large  chapeau,  les  pieds  nus  et  tenant  un  bâton  dans  la 
main  gauche.  De  gros  nuages  roulent  dans  un  ciel  orageux. 

En  haut  de  la  gravure,  on  lit  :  <•  Quam  pulchri  super 
'  montes  pedes  annunciantis  et  prsedicantis  pacem  !  Isa. 
'  52.  7.  r> 

En  bas  :   «  Cupiens  quam  maxime  amplificare  regnum 

•  Ghristi,  quem  sciret  Principem  pacis;  indefesso  studio 
«  circumferens  velut  altéra  Noë  columba   ramum  olivse; 

•  sese  exhibuit  (quoad  vixit)  Angelum  pacis  :  qui  invete- 
'  rata  ubique  odia  restingueret,  et  capitalibus  ab  invicem 
»  inimicitiis  dissidentes,  Sanctorum  reliquiis  in  medio 
'  positis,  reduceret  ad  pacem.  » 


—    333    — 

Planche  XIV. 
Norbert  auprès  du  pape  Calltxte  II. 

Devant  un  édifice  imposant  que  précède  une  galerie 
à  colonnes,  le  pape  Gélase,  revêtu  d'une  étole  et  d'un 
camail,  la  tète  couverte  de  la  calotte  pontificale,  se  tient 
debout,  accompagné  de  plusieurs  dignitaires  ecclésiasti- 
ques. Norbert  est  prosterné  devant  lui,  pieds  nus,  la  tête 
tonsurée,  cerclée  d'un  nimbe  rayonnant,  portant  de  la 
main  gauche  une  branche  d'olivier  et  baisant  la  mule  du 
pape;  le  chapeau  du  pèlerin  est  attaché  sur  le  manteau  qui 
couvre  le  missionnaire.  A  droite  du  Souverain  Pontife,  on 
voit  debout,  Barthélemi,  évêque  de  Laon,  la  tête  nue,  le 
bonnet  à  la  main,  vêtu  du  camail  avec  croix  pectorale; 
à  gauche,  un  légat  pontifical,  la  tête  couverte  d'un  cha- 
peau rond.  Une  escouade  de  hallebardiers  richement  vêtus 
occupe  la  gauche  du  tableau. 

En  haut  de  la  gravure  :  <•  Labora  sicut  bonus  miles 
«  Ghristi  Jesu.  2.  Timoth  2,  3.  » 

En  bas  :  »  S.  Norbertus  a  Patribus  Rhemensis  Goncilii 
«  anno  1119  celebrati,  honorifice  habitus,  collatam  sibi  per 
•  totum  mundum  concionandi  facultatem,  a  Papa  Gallisto  II 
'  renovari  supplex  petiit  :  qui  non  solum  postulatis  ipsius 
'  bénigne  annuit;  sed  Bartholoma30  insuper  Laudunensi 

Episcopo  illum  impense  commendat,  qui  conatus  ipsius 

cum  divinae  glorise  incremento  proveheret.  » 

Planche  XV. 
Norbert  reçoit  la  robe  blanche  des   mains  de  la   T,  Sainte-Vierge. 

Dans  une  chapelle  soutenue  par  des  colonnes  enguir- 
landées, la  Mère  de  Dieu  offre  à  Norbert  la  robe  blanche 
qu'elle  lui  destine.  Norbert  est  à  genoux,  nu-pieds,  la  tète 


—    334    — 

découverte  entourée  de  rayons,  vêtu  de  la  tunique  et  du 
manteau  de  l'Ordre.  Ses  mains  étendues  et  son  visage 
radieux  expriment  son  ravissement;  il  élève  ses  regards 
vers  la  divine  Mère  qui  daigne  se  montrer  à  lui.  La  Vierge 
Marie,  dont  la  tête  voilée  est  entourée  de  rayons,  vêtue 
d'un  large  manteau,  désigne  de  la  main  droite,  à  Norbert, 
l'habit  blanc,  avec  le  capuchon  et  le  scapulaire  que  lui 
présentent  de  sa  part  deux  anges  ailés  ceints  d'une 
écharpe.  Marie  porte  sur  son  bras  gauche  l'Enfant- Jésus, 
couvert  d'une  tunique  blanche,  et  le  front  ceint  d'une 
auréole.  De  sa  petite  main  levée  dans  un  geste  naïf, 
l'Enfant  divin  bénit  son  serviteur  Norbert.  Des  anges 
groupés  au  milieu  des  nuages  qui  entourent  la  Vierge  Mère, 
expriment  leur  joie  et  leur  vénération,  en  répandant  des 
fleurs  qui  jonchent  le  pavé.  Aux  pieds  de  Norbert,  on 
voit,  étendus  sur  les  dalles,  un  livre  ouvert,  une  branche 
d'olivier,  un  chapeau  et  des  roses.  A  droite  du  Saint  au 
second  plan,  se  tient  son  compagnon,  la  tête  nue  et 
auréolée,  les  pieds  nus,  vêtu  du  manteau  des  religieux. 
Agenouillé  devant  un  petit  autel,  ou  prie-Dieu,  couvert 
d'un  tapis  et  éclairé  par  une  lampe,  il  prie  en  regardant 
un  livre  qu'il  tient  entre  ses  mains;  son  chapeau  de  pèlerin 
est  posé  à  terre,  près  de  l'autel. 

En  haut,  on  lit  ces  mots  :  «  Omni  tempore  sint  vesti- 
«  menta  tua  candida.  Eccles.  9,  8.  » 

Au  bas  :  «  Gloriosa  cœlorum  Regina  S.  Norberto 
«  apparet  in  Capella  S.  Joannis  Baptistse  Prsemonstrati 
«  pernoctanti  quse  :  preces  ipsius  exauditas  denunciat, 
«  locumque  ubi  primum  Ordinis  sui  Gœnobium  extrueret 
«  praemonstrat  :  candidumque  similiter  habitum  exhibet, 
«  his  additis  verbis  :  Fili  accipe  Candidam  vestem,  atque 
«'  ita  Norbertus  eodem  ipso  anno  1120  in  vere,  sub  Candido 
«  SUD  vexillo  Socios  conscribere  incipit.  » 


—    335    — 

Planche  XVI. 
Norbert  découvre  les  reliques  de  Saint  Géréon,  etc. 

Dans  une  église  romane  à  colonnes  cylindriques,  éclai- 
rée par  des  fenêtres  à  plein  cintre,  Norbert,  vêtu  de 
l'habit  blanc,  la  tête  rasée  et  cerclée  de  rayons,  ayant  la 
main  droite  posée  sur  la  poitrine,  et  tenant  dans  la  main 
gauche  une  branche  d'olivier,  est  agenouillé  devant  un 
autel  recouvert  d'un  tapis.  Ses  yeux  levés  au  ciel,  se 
fixent  sur  le  bienheureux  Géréon,  qui  lui  apparaît  et  lui 
indique  de  la  main  droite  le  lieu  de  sa  sépulture  resté 
inconnue  depuis  800  ans.  Un  livre  ouvert  et  un  biretum 
sont  déposés  à  terre,  devant  le  serviteur  de  Dieu.  Le  Saint 
martyr,  entouré  de  nuages  et  de  rayons,  est  revêtu  de  son 
costume  de  guerre  :  cuirasse,  casque,  bouclier;  il  tient  de 
la  main  gauche  une  branche  d'olivier.  Au  second  plan, 
deux  religieux,  que  dirige  un  évêque  mitre  et  revêtu  d'une 
chape  richement  ornementée,  indiquant  du  doigt  la  place 
où  ils  doivent  fouiller,  creusent  diligemment  le  sol,  au 
moyen  d'une  pelle.  Auprès  d'eux,  deux  prélats  en  chape, 
portant  la  crosse  et  le  bonnet,  deux  acolytes  tenant  chacun 
un  cierge  allumé,  un  clerc  avec  la  croix  épiscopale,  et 
divers  autres  religieux,  sont  témoins  de  la  précieuse  décou- 
verte. Autour  des  membres  du  clergé,  se  presse  la  foule 
des  curieux  qui  remplit  toute  l'église. 

En  haut  se  lit  l'inscription  suivante  :  «  Gustodit  Domi- 
«  nus  omnia  ossa  eorum  :  unum  ex  his  non  conteretur. 
«  Ps.  33.  21.  » 

En  bas  :  «  Intelligens  Norbertus  quantum  novo  quod 
«  meditabatur  Gœnobio  prœsidii  accederet,  si  Sacris  Divo- 
«  rum  rehquiis  bene  foret  instructum  ;  Goloniam  conten- 
«  dit,  ubi  inter  csetera  S.  Martyris  Gereonis,  ex  ejusdem 
«  Sancti  (qui  Norberto  apparuerat)  designatione,  tumulum 


—    336    — 

«  per  800  annos  ignoratiim,  anno  1121  mirabiliter  detegit  : 
«  cui  ex  variis  SS.  ossibus  duo  ibidem  Goloniae  feretra 
«  instruuntur.  » 

Planche  XVII. 
Saint  Augustin  offre  sa  règle  à  Norbert. 

Saint  Augustin,  la  tête  mitrée  et  ceinte  d'une  auréole, 
la  barbe  longue,  tenant  dans  la  main  gauche  la  crosse 
épiscopale  avec  un  cœur  percé  de  deux  flèches  et  surmonté 
de  flammes,  offre  de  la  main  droite  un  livre  ouvert  au 
digne  serviteur  de  Dieu.  Celui-ci  humblement  agenouillé, 
contemple  avec  admiration  le  saint  évêque  qui  lui  appa- 
raît, porté  sur  des  nuages.  Une  banderole  sur  laquelle  on 
lit  ces  mots  :  Aiigustinus  ego  sum,  habes  regiilam  etc., 
va,  avec  de  gracieuses  ondulations,  de  la  bouche  de  saint 
Augustin,  s'étendre  jusqu'au  front  de  Norbert.  Celui-ci,  la 
tête  tonsurée,  entourée  de  rayons,  vêtu  d'un  long  manteau 
avec  capuchon,  tenant  de  la  main  gauche  une  palme  et  la 
crosse  abbatiale,  reçoit  le  livre  ouvert  qui  lui  est  présenté 
et  où  se  lit  cette  inscription  :  SU  vobis  atiinia  una  et  cor 
unum  in  Deo,  et  non  dicatis  aliquid  propriwn. 

Devant  Norbert,  un  livre  ouvert  est  étendu  à  terre,  près 
d'un  bonnet  carré  et  d'une  disciphne.  Dans  l'angle  gauche 
du  tableau,  sur  une  table  couverte  d'un  tapis,  se  trouvent 
placés  :  un  crucifix,  des  volumes  reliés  :  sermones,  anno- 
tationes,  etc.,  une  tête  de  mort,  un  sablier,  un  vase.  Au- 
dessus  de  la  table,  est  suspendu  au  mur  un  tryptique  à 
volets  représentant  la  Vierge  Mère  qui  tient  le  Divin 
Enfant  ;  une  lampe  brûle  devant  cette  image. 

En  haut  se  lisent  ces  mots  :  «  Quicumque  hanc  regulam 
«  secuti  fuerint;  pax  super  illos.  Galat.  6,  16.  » 

En  bas  :  «  S.  Norbertus.  Gum  pro  régula  anxius  fluc- 


—    337    — 

«  tuaret  Norbertus  fratribusque  preces  indixisset  ;  Beatus 
"  illi  visus  est  Augustinus,  qui  a  latere  dextro  prolalam 
«  auream  regulam  suain,  sub  quâ  deinceps  militaret,  cum 
'•  luculentis  promissis  porrexit  :  atque  Ita  in  festo  Nativi- 
'•  tatis  Ghristi,  anno  U21,  cum  nova  sua  Societate  in  obse- 
««  quium  perpetuum  parvulo  Jesu  nato,  solenni  professione 
«  sese  devovendo,  sub  eadein  régula  se  victurum  spo- 
«  pondit.  » 

Planche  XVIII. 
Vision  du  Divin  Sauveur  attaché  à  la  croix. 

Aux  pieds  du  Christ  attaché  à  la  croix,  la  tête  couronnée 
d'épines  et  entourée  d'un  cercle  lumineux  d'où  s'élancent 
sept  rayons,  plusieurs  pèlerins  sont  prosternés  ou  étendus 
à  terre.  Tous  ont  revêtu  la  pèlerine;  ils  ont  le  chapeau  sur 
le  dos,  la  gourde  à  la  ceinture,  le  bâton  à  la  main  ;  quel- 
ques-uns sont  pieds  nus;  plusieurs  d'entr'eux,  étreignant 
l'arbre  de  la  croix,  baisent  les  pieds  du  Divin  Sauveur, 
Dans  les  angles  du  tableau,  d'autres  pèlerins,  debout,  fixent 
leurs  regards  sur  le  divin  supplicié  et  étendent  vers  lui 
leurs  mains  suppliantes. 

Au  second  plan  s'étend  un  riant  paysage;  à  gauche,  on 
voit  une  petite  église,  et  à  droite,  un  rehgieux,  à  genoux,  en 
prières. 

En  haut,  on  ht  :  «-Levabit  signum  in  nationes,  et  congre- 
gabit  profugos  Israël.  Is.  11,  12.  » 

En  bas  :  «  Ghristus  in  Gruce  septem  solaribus  radiis 
«  conspicuus,  visus  est  extruendse  Pra^monstrati  Ecclesise 
'•  locum  designare,  ad  quem  magna  peregrinorum  multi- 
«  tudo  visa  est  accessisse  :  Ex  quo  S.  Norbertus  varias 
«  ordini  suo  intellexit  imminere  procellas  :  verum  suffectu- 
«  rum  semper  Deum  novos  commilitones,  qui  sub  sangui- 

22 


—    338    — 

«  nolento  Grucis  Labaro,  in  Gandidâ  sua  Societate  ad  flnem 
«  usque  decertarent.  » 

Planche  XIX. 

Norbert  exorcisant  des  possédés. 

Cette  gravure  représente  une  église  romane  soutenue 
par  des  colonnes  et  éclairée  par  deux  fenêtres  ;  à  droite  un 
autel  surmonté  d'un  tableau,  où  est  peint  le  Christ  en  croix, 
avec  des  draperies  relevées;  sur  l'autel,  on  voit  un  calice, 
un  livre  ouvert,  un  chandelier  portant  un  cierge  allumé; 
devant  l'autel ,  plusieurs  religieux ,  debout ,  sont  en 
prières. 

Norbert,  debout,  vêtu  du  costume  de  l'Ordre,  la  tête 
couverte  du  biretum  et  ceinte  d'une  auréole  tenant  de  la 
main  gauche  une  palme  et  un  livre,  bénit  de  la  main  droite 
un  enfant  possédé  que  soutient  un  religieux,  dont  la  tête 
est  entourée  d'un  nimbe.  Deux  possédés  sont  debout  près 
du  Saint.  Ils  lèvent  le  poing,  des  flammes  jaillissent  de 
leur  bouche;  leurs  traits  convulsés  expriment  une  vive 
souffrance;  au-dessus  d'eux  s'envolent  des  démons. 

Aux  pieds  de  Norbert,  à  droite,  est  couché  un  monstre 
hideux  armé  d'une  fourche,  ayant  devant  lui  une  marmite 
d'où  sort  un  horrible  crapaud.  Il  jette  sur  le  Saint  des 
regards  furieux.  Dans  l'angle  droit,  près  de  l'autel,  on  voit, 
assis  à  terre,  un  possédé  aux  traits  hagards,  à  peine  vêtu, 
secoué  par  de  fortes  convulsions. 

En  haut  :  «  Super  aspidem  et  basilicum  ambulabis,  et 
"  conculcabis  leonem  et  draconem.  Ps.  90,  13.  » 

Au  bas  de  la  gravure  :  «  Apostolicae  vitee  Norbertus 
«:  munia  prosequens,  cui  ex  divinâ  inspiratione  jam  dudum 
>'  sese  devoverat  :  quà  prœdicando,  qua  devios  ab  errore 
«  reducendo,   discordesque  paciflcando  ;   augenda?  divinee 


—    339    — 

«  glorise,  et  animarum  saluti  impense  studet  :  doctrinam 
«'  suam  signis  et  virtutibus  confirmât,  atque  in  expellendis 
<•  e  coi'poribus  obsessorum  Daemonibus,  mira  Dei  virtute 
«'  pollet.  » 

Planche  XX. 
Norbert  se  défend  contre  un  ours. 

Au-dessus  d'un  autel  à  pilastres  est  posé  un  tableau 
représentant  saint  Jean  portant  une  croix,  à  genoux  aux 
pieds  de  la  Sainte  Famille.  Les  tentures  de  l'autel  sont 
relevées;  une  lampe  à  deux  bras  fixée  en  haut  de  la  voûte, 
éclaire  la  scène.  Sur  l'autel  couvert  d'un  tapis,  on  voit,  à 
droite,  un  coussin,  à  gauche  un  livre,  dans  l'angle  gauche, 
une  crédence  où  flotte  une  riche  draperie,  est  dressée  près 
de  l'autel.  Sur  les  marches  de  l'autel  est  posé  le  biretum 
du  Saint  qui  se  tient  debout,  la  tête  nue  et  cerclée  de 
rayons,  revêtu  de  ses  habits  religieux.  Dans  sa  main 
gauche,  il  porte  la  crosse,  et  étend  la  main  droite,  pour  le 
calmer,  vers  un  ours  colossal  qui  le  menace  de  ses  griffes, 
et  dont  la  gueule  lance  des  tourbillons  de  flammes.  Aux 
pieds  de  Norbert,  une  discipHne  est  étendue  à  terre. 

En  haut  ce  texte  :  «  Guircuit  quEerens  quem  devoret,  cui 
resistite  fortes  in  fide.  I  Petr.  5,  8,  9.  » 

En  bas  :  '•  Praesagus  immensi  quod  regno  suo  per 
«'  S.  Norbertum  et  Praemonstratensem  Ordinem  immineret 
»  damni  Diabolus  ;  incredibili  odio  nascentis  hujus  militise 
«  initia  subvertere  tentavit  :  mirabilibus  prsestigiis, 
«•  arinatâ  nonnumquain  manu  Prsemonstratum  invadere 
»  visus;  qui  etiam  in  specie  horribilis  ursi  Norberto  in 
«»  precibus  excubanti  apparuit,  quem  tainen  continuo  ma- 
«  gniflca  suâ  in  Deum  fide  abegit.  » 


—    340    — 

Planche  XXI. 
Norbert  combat  à  Anvers  l'hérésie  de  Tanchelîn. 

Sur  une  place  publique  de  la  ville  d'Anvers,  Norbert 
debout,  vêtu  du  costume  religieux,  la  tète  couverte  du 
biretum  et  ornée  d'un  cercle  lumineux,  une  palme  dans  la 
main  gauche,  levant  la  main  droite  vers  le  ciel,  prêche  la 
parole  de. Dieu  à  un  auditoire  composé  de  chanoines,  de 
bourgeois,  de  femmes,  qui,  par  leurs  gestes  et  leur  attitude, 
témoignent  leur  admiration.  Près  du  missionnaire,  se 
trouvent  trois  religieux  de  son  Ordre;  dans  l'angle  gauche 
une  femme  assise  tient  un  enfant  qui  joint  ses  petites 
mains.  Aux  pieds  de  Norbert,  une  femme  est  étendue  à  terre 
sur  une  crosse;  dans  la  main  gauche,  elle  tient  une  hostie; 
dans  la  droite  un  calice  avec  un  livre  ouvert  sur  lequel 
sont  écrits  ces  mots  :  Adamitica  et  SacramUaria  Tan- 
chelini  hœresis .  Auprès  d'elle  se  voient,  à  terre,  une  mitre, 
un  calice,  une  tête  d'homme.  Le  pied  droit  du  Saint  semble 
écraser  ces  créatures  qui  symbolisent  l'hérésie,  l'orgueil,  la 
rébellion,  etc.  A  gauche  du  tableau,  au  second  plan,  s'élève 
une  chapelle  ouverte,  dont  la  porte  ou  façade  est  soutenue 
par  deux  colonnes  enguirlandées  avec  chapitaux  ornés  de 
feuillages  sculptés.  Sur  les  marches  de  l'entrée  sont 
agenouillés  deux  religieux  tenant  dans  leurs  mains  une 
nappe  étendue;  devant  eux  se  présente  un  prêtre  vêtu  d'un 
surplis  et  d'une  étole,  avec  l'aumusse  sur  le  bras  gauche, 
qui  porte  dans  ses  mains  la  sainte  Eucharistie.  A  l'intérieur 
se  dresse  un  autel,  surmonté  d'un  dais  et  d'un  tableau, 
représentant  saint  Michel  terrassant  Lucifer.  Au  fond  du 
tableau,  s'élèvent  des  constructions  gothiques  qui  rap- 
pellent l'abbaye  de  Saint-Michel,  la  tour  de  la  cathé- 
drale, etc.  Au  dessus  de  la  gravure  se  dessine  un  écusson, 
entouré  d'une  couronne  de  feuilles  et  encadré  d'une  guir- 


—    341    — 

lande  de  fleurs,  portant  les  armoiries  de  la  ville  d'Anvers*. 

En  haut  de  la  gravure  :  «  Signa  Apostolatus  mei  facta 
«  sunt  super  vos  in  omni  patientia,  in  signis  et  prodigiis, 
«  II,  Cor.  12.  " 

En  bas  :  «  Gum  Haeresiarchae  Tanchelini  venenosus 
«  sermo  Gatliolicam  fldem  in  Antverpiensi  Ecclesia  pessum- 
«  dedisset;  dominico  actus  Spiritu  S.  Norbertus,  12  Soda- 
«  libus  comitatus,  anno  1112.  Antverpiam  venit  :  de  Ada- 
«  mitica  et  Sacramentaria  Hseresi  gloriose  triumphat,verus 
«  Antverpiensium  Apostolus;  ubi  ex  variis  piorum  tum 
«  Ducis,  quâ  Cleri,  ac  populi  donariis  Antverpiense  suum 
«'  Gœnobium  auspicatur,  cui  B.  M.  Waltmannum  primum 
"  Abbateman.  1123  prseficit.  » 

Planche  XXII. 

Norbert  rencontre  Godefroid,  coitite  de  Cappenherg. 

Godefroid,  comte  de  Cappenberg,  la  tète  nue  et  entourée 
de  rayons,  avec  de  longs  cheveux  flottants,  richement  vêtu 
et  chaussé  de  brodequins,  pose  sa  main  sur  l'épaule  de 
Norbert  qui  salue  le  noble  chevalier.  Le  Saint,  dont  la  tète 
entourée  de  rayons  est  couverte  du  biretum,  et  qui  porte  le 
manteau  blanc  relevé  de  la  main  gauche,  tient  la  main 
droite  appuyée  sur  son  cœur. 

Aux  pieds  du  comte  Godefroid  est  agenouillée  son  épouse, 
élégamment  vêtue,  les  cheveux  tressés  et  roulés  sous  un 
panache;  tendant  les  mains  vers  Norbert,  elle  le  contemple 
avec  une  profonde  admiration.  Une  jeune  suivante  est 
debout  près  de  la  comtesse.  A  gauche  du  Saint  est 
agenouillé  le  comte  Otton,  frère  de  Godefroid,  très  riche- 

1  Forteresse  à  trois  tours,  surmontée  de  deux  mains  ;  en  chef,  un 
aigle  à  deux  têtes  éployé.  La  gravure  n'indique  pas  les  émaux. 


—     342     — 

ment  vêtu,  ayant  l'épée  au  côté,  et,  sur  ses  cheveux 
bouclés,  une  toque  à  panache.  Auprès  de  lui  se  tient  un 
écuyer,  vers  lequel  il  étend  la  main.  Près  de  Godefroid,  se 
voient  groupés,  debout,  des  pages  ou  chevaliers,  la  tète 
également  couverte  d'une  toque  à  panache;  l'un  d'eux 
porte  un  écu  aux  armes  du  comte,  que  surmonte  la  cou- 
ronne comtale.  A  gauche  de  Norbert  et  du  comte  Otton,  se 
tiennent  trois  rehgieux  debout,  la  tète  couverte,  l'un  d'eux 
ayant  l'auréole  des  Saints. Tous  les  personnages  sont  assem- 
blés devant  une  église  ou  chapelle,  surmontée  d'un  clocher 
en  forme  de  dôme.  Au  fond  du  tableau,  à  droite,  une  autre 
église  en  construction,  avec  mur  crénelé,  etc. 

En  haut  est  gravé  le  texte  :  '•  Adducam  eos  in  monte 
««  Sanctum  meû,  et,  et  Isetificabo  eos  in  domo  orationis 
«•  mese.  Is.  56,  T.  » 

Au  bas  :  «  B.  Godefridus  Comes  Gappenbergensis  cum 
«  conjuge  suâ  nobilissimâ  et  Ottone  fratre,  cœlesti  elo- 
««  quentià  S.  Norberti  permotus,  collatis  in  erectionem 
>'  triû  Gœnobiorum  amphssimis  bonis  suis  :  Candidu  Prse- 
«  raonstrati  Ordinis  institutura  amplexatur  :  quorum 
«  exemple  complures  postmodum  Magnâtes  et  Principes, 
«  abdicatis  honorum  titulis,  et  fallacis  mundi  spretis  illece- 
"  bris,  nuda  nudi  lesu  vestigia  in  Gandida  hac  militia  et 
«  Schola  Grucis,  magnanimiter  tenuerunt.  » 

Planche  XXIII. 
Le  pape  Norbert  II  confirme  V Ordre  de  Prémontré. 

Dans  une  salle  soutenue  par  des  colonnes  et  séparée  par 
des  balustrades  de  la  cour  extérieure,  est  assis  sur  un 
trône,  avec  dais,  tentures  et  lambrequins  relevés,  le  pape 
Honorius,  portant  la  barbe  longue,  coiffé  de  la  tiare  ponti- 
ficale, revêtu  d'une  chape  couverte  d'ornements.  Il  bénit 


—    343    — 

le  Saint  de  la  main  droite,  et,  de  la  main  gauche,  lui  pré- 
sente une  bulle  munie  du  sceau  pontifical.  Norbert  est 
agenouillé  aux  pieds  du  Souverain  Pontife,  vêtu  du  man- 
teau de  l'Ordre,  la  tête  nue  et  raj-onnée.  Il  reçoit  de  la 
main  droite,  la  bulle  pontificale  et,  de  la  gauche,  il  tient 
son  biretum;  ses  regards,  humbles  et  attendris,  sont  fixés 
sur  le  saint  Père.  Auprès  de  lui  se  voient  trois  religieux, 
debout,  la  tête  nue;  l'un  d'eux  a  la  tête  entourée  d'une 
auréole,  et  pose  sa  main  droite  sur  sa  poitrine.  Dans 
l'angle  droit  du  tableau,  devant  une  petite  table,  sur 
laquelle  est  placé  un  livre,  est  assis,  dans  un  fauteuil,  un 
cardinal,  la  tête  couverte  du  biretum.  Près  du  pape,  à 
droite,  un  clerc  en  surplis,  tête  nue,  porte  la  croix  ponti- 
ficale; à  gauche,  se  voient,  debout,  un  cardinal  portant 
le  chapeau  rond  à  cordelières,  et  un  évêque  coiffe  de  la 
mitre.  Au  second  plan,  derrière  la  balustrade  à  droite, 
quatre  gardes  pontificaux,  armés  de  hallebardes,  veillent 
à  l'entrée  de  la  salle.  A  gauche,  dans  un  oratoire  éclairé  par 
des  rayons  lumineux,  trois  religieux  agenouillés  sur  des 
prie-Dieu,  tiennent  en  mains  leur  bréviaire.  La  lumière 
qui  vient  d'en  haut  entoure,  comme  d'une  auréole,  la  tète 
d'un  de  ces  religieux.  Ce  fut  en  effet  lorsque  Norbert  était 
à  l'église,  plongé  dans  la  méditation  et  la  prière,  qu'il 
entendit  une  voix  du  ciel,  lui  annonçant  qu'il  serait  évêque 
de  Magdebourg. 

En  haut  est  gravé  le  texte  :  «•  Grescas  in  mille  millia, 
«  et  possideat  semen  tuum  portas  inimicorum  suorum. 
«  Gènes.  24,  60.  » 

En  bas  :  «  Honorius  II.  Pontifex  Maximus  Candidum 
«  Institutum  Ganonicorum  Prasmonstratensium,  jam  ante 
«  Gallisto  II.  probatum,  ad  supplicationem  S.  Norbert! 
«  confirmât;  quem  Romam  profcctum  Papa  honorifice 
«  excepit,  votorumque  suorum  compotem  effécit  :  quin  et 


—    344    — 

««  ibidem  pro  more,  Norberto  cum  Sodalibus  rerum  divina- 
«  rum  meditationi  intento,  vox  qusedam  cselitus  ab  iisdem 
«  manifeste  auditur;  Partlienopolis  Norbertum  futurum 
«  Episcopum.  '» 

Planche  XXIV. 

Norbert  rend  la  vue  à  une  femme  aveugle. 

La  gravure  qui  suit  représente  l'église  romane  de 
Wijrtzbourg,  dont  les  voûtes  élevées  sont  soutenues  par  des 
colonnes.  Près  de  l'autel  se  groupe  une  foule  nombreuse, 
stationnant  des  deux  côtés  de  la  balustrade  qui  ferme 
l'entrée  du  chœur.  Devant  l'autel,  entre  les  colonnes  duquel 
un  retable  à  volets  représente  la  résurrection  du  divin 
Sauveur,  et  qui  porte  avec  la  croix  un  missel,  un  calice 
et  quatre  chandeliers  ayant  leurs  cierges  allumés,  Norbert, 
la  tête  nue,  ceinte  de  l'auréole,  vêtue  d'une  riche  cha- 
suble, se  tourne  vers  la  femme  aveugle  qui,  accompagnée 
de  sa  suivante,  s'est  agenouillée  sur  la  marche  de  l'autel 
couverte  d'un  tapis  à  franges.  Le  diacre  et  le  sous-diacre, 
revêtus  de  dalmatiques,  assistants  du  saint  prélat,  joignant 
les  mains,  se  tiennent  à  ses  côtés.  Norbert,  levant  sa  main 
droite,  en  signe  de  bénédiction,  soulève  de  la  main  gauche, 
le  bandeau  de  l'aveugle,  qui  relève  la  tête,  joint  les  mains 
et  semble  regarder  son  puissant  bienfaiteur. 

La  mise  des  deux  femmes  est  d'une  grande  simplicité  ; 
l'une  et  l'autre  sont  vêtues  d'une  jaquette,  avec  un  petit 
bonnet  couvre-chef. 

Au  pied  de  l'autel,  à  droite,  sont  agenouillées  quatre 
personnes,  dont  une  dame  richement  vêtue,  paraissant 
exprimer  une  profonde  admiration  ;  à  gauche,  trois  religieux 
à  genoux,  la  tête  nue,  le  bonnet  à  la  main,  sont  en  prières- 

En  haut,  on  lit  :  «  Scitote  quoniam  mirificavit  Dominus 
"  Sanctum  suum.  »  Psalm  44. 


—    345    — 

En  bas  :  «  Quam  sibi  grata  foret  vita  illa  Apostolica 
«  Norberti,Deus  mundo  testatum  volens  ;  variis  illum  mira- 
«  culis  illustravit  ;  adeo  ut  etiam  verbo  usus  imperii  inorbos 
«  fugaret  :  atque  inter  caetera  Herbipoli  oblatam  sibi  inter 
«  celebrandum  in  Paschate  csecam  mulierem,  insufflando 
••  illuminât,  populo  stupente,  et  divinam  in  Norberto  vir- 
«  tutem  coUaudante.  qui  Sanctitatis  radiis,  et  miraculorum 
««  splendore  longe  lateque  coruscabat ,  eximium  divinae 
«•  potentise  instrumentum.  » 

Planche  XXV. 
Norbert  sacré  évêque. 

Au  centre  d'une  église  romane,  éclairée  par  des  fenêtres 
à  vitraux  losanges,  et  dont  la  nef  latérale  est  remplie  par 
la  foule,  est  dressé  un  autel  surmonté  d'un  baldaquin,  por- 
tant l'écu  pontifical  ^  avec  la  tiare  et  les  deux  clefs, 
qu'accompagnent,  à  droite  et  à  gauche,  les  armoiries  de 
Norbert 2,  et  celles  de  l'évèque^  consécrateur.  Le  tableau 
qui  orne  l'autel  représente  un  guerrier,  debout,  tenant  une 
palme  de  la  main  gauche.  Sur  la  table  de  l'autel,  on  voit 
un  crucifix,  deux  chandeliers  avec  leurs  cierges  allumés  et 
un  livre  fermé. 

Devant  l'autel  est  assis  l'évèque  consécrateur,  la  mitre  en 
tète,  vêtu  d'une  riche  chasuble  avec  le  pallium.  Aidé  d'un 
évêque  assistant,  également  mitre  et  vêtu  d'une  chape 
ornementée,  il  dépose  la  mitre  épiscopale  sur  la  tête  de 
Norbert.  Celui-ci,  les  mains  jointes,  à  genoux  sur  un 
coussin,  a  la  tète  entourée  de  rayons,  et  est  revêtu  d'une 


1  Une  fasce. 

2  Voir  la  planche  33. 

3  Au  1""^  et  au  4™*  on  aperçoit  vaguement  une  croix;  au  2™«et  au  3"* 
un  chevron. 


—    34G    — 

chasuble.  Près  de  l'évèque  officiant,  un  chanoine  en  sur- 
phs,  l'aumusse  sur  le  bras,  est  à  genoux  et  tient  un  missel 
ouvert.  Un  dignitaire  ecclésiastique,  vêtu  d'un  camail,  la 
tète  couverte  du  bonnet  carré  est  assis  sur  un  fauteuil  qui 
occupe  l'angle  de  droite.  Derrière  l'évèque  de  Spire,  un 
diacre  en  dalmatique,  ayant  la  tète  nue,  est  debout,  tenant 
la  crosse  épiscopale  de  la  main  gauche,  et  indique  de  la 
main  droite,  les  cérémonies  prescrites  dans  le  pontifical. 
Dans  l'angle  gauche  sont  placés,  sur  une  petite  table 
couverte  d'un  tapis,  les  tonnelets  et  les  pains  prescrits 
par  la  liturgie;  les  pains  sont  couverts  d'une  écharpe, 
les  tonnelets  portent  des  armoiries.  De  l'autre  côté  de  la 
table,  se  groupent  plusieurs  religieux  dont  l'un  qui  a  la 
tète  nue,  tient  un  flambeau  allumé  ;  puis  quelques  prêtres 
et  un  évèque,  vêtu  de  la  chape  et  de  la  mitre,  qu'accom- 
pagne son  acolyte.  On  remarque  encore  le  siège,  ou 
fauteuil  épiscopal,  adossé  à  l'un  des  piliers  de  la  nef  prin- 
cipale. 

En  haut  est  gravé  le  texte  :  «  Dédit  illi  sacerdo- 
«  tium  gentis,  et  beatiflcavit  illum  in  gloria.  Ecclici. 
«  45.  8.  " 

En  bas  :  «  S.  Norbertus,  vir  potens  in  sermone  et  opère, 
«  cum  Spiram  forte  venisset,  invitus  ad  Archiepiscopatû 
«  rapitur  Magdeburgensem,  et  tanquam  lucerna  ardens  et 
«  lucens,  super  Gandelabrum  ponitur  nobilissimae  Ecclesise, 
«  exeunte  anno  1125  :  qui  nudis  pedibus  et  paupere  cul  tu 
««  Magdeburgum  ingressus;  quo  sublimius  extollebatur,  eo 
«  se  altius  ad  ima  humilitatis  deprimebat  :  adeo  ut  etiam  a 
«  Pontiflealis  palatii  janitore  non  agnitus;  ab  ingressu 
«  repulsam  tulerit.  » 


347    — 


Planche  XXVI. 


Norbert  prédit,   à  un  injuste  détenteur  des  biens  de  l'Eglise,  le 
châtiment  que  Dieu  lui  réserve. 

Devant  un  iDortique  à  colonnes,  un  seigneur  richement 
vêtu,  portant  l'épée  au  côté  et  la  tète  couverte  d'un  chapeau 
à  panache,  accompagné  d'un  page  qui  tient  un  lévrier  par 
son  anneau,  en  appuyant  la  main  gauche  sur  la  hanche, 
étend  fièrement  la  main  droite  vers  Norbert,  en  levant 
devant  lui  la  main  gauche.  Le  saint  prélat  lui  prédit  le 
châtiment  dont  la  justice  divine  ne  tardera  pas  à  le  frapper. 
Norbert  est  vêtu  du  rochet  et  du  camail  avec  la  croix 
pectorale;  sa  tète,  couverte  du  biretum,  est  entourée  de 
rayons  ;  de  sa  bouche  s'élance  vers  la  voûte  une  banderole 
contournée  sur  laquelle  sont  gravés  ces  mots  :  «  Hoc  anno 
ah  hac  prœdatione  Dei  repellet^is  judicio.  »  Près  de  lui 
se  voient  deux  religieux  vêtus  du  costume  blanc  de  l'ordre, 
la  tête  couverte  du  biretum;  celui  de  droite  tient  un  livre 
de  la  main  gauche;  celui  de  gauche  appuie  sa  main  gauche 
sur  sa  poitrine,  et,  de  la  main  droite,  soulève  un  pli  de  sa 
robe.  Deux  personnages,  à  tête  nue,  se  tiennent  derrière 
d'eux.  Près  du  portique,  on  voit  un  édifice  dont  la  façade 
est  surmontée  d'un  globe  d'où  s'élève  une  croix.  Au  fond 
du  tableau  s'étend  un  paysage  très  accidenté,  au  milieu 
duquel  est  une  église.  A  quelque  distance  de  l'église,  est 
étendu  à  terre  un  individu,  que  deux  agresseurs  arrêtent 
et  menacent  du  glaive.  Le  ciel  est  couvert  de  nuages,  au 
milieu  desquels  se  dessine  un  cercle  de  rayons  lumineux. 

En  haut  est  gravé  ce  texte  :  «  Fidelis  dispensator,  et 
«  prudens,  quem  constituit  Dominus  super  famiham  suam. 
«  Luc.  12.  42.  " 

En  bas  :  «  Gonscius  Norbertus,  quid  a  se  muneris  impo- 
«  siti  magnitudo  exigeret;    cum  Ecclesiae  suse  proventus 


—    348    — 

"  amplissiinos  propemodum  dilapidatos  esse,  et  ab  injustis 
«  possessoribusdetineri  intelligeret;  sese  patrimonii  Ghristi 
«  vindicem  strenuissimum,  magna  licet  multorum  contra- 
«  dictione  exbibet  :  atque  inter  csetera,  violento  cuidam 
«.  Prsedoni  de  injusta  sua  possessione  decedere  nolenti, 
«  Spiritu  propbetico  (quo  etiam  alias  ssepius  illustratus 
««  fuit)  adventuram  brevi  Dei  vindictam  prsedixit.  » 


Planche  XXVII. 

Des  conjurés  forment  le  projet  d'assassiner  Norbert. 

Dans  une  salle  ornée  de  tentures,  dont  la  porte  encadrée 
est  entr'ouverte,  Norbert  est  assis  dans  un  fauteuil  artiste- 
ment  sculpté,  à  dossier  en  forme  de  coquille,  surmonté 
d'une  tète  d'ange  ailé  ;  les  accoudoirs  décrivant  une  courbe 
gracieuse  se  terminent  en  tète  d'aigles,  et  reposent  sur  des 
pieds  simulant  des  griffes  d'animaux;  des  draperies 
élégamment  ornées  et  relevées  flottent  au-dessus  de  ce 
trône.  L'évèque,  vêtu  du  surplis  et  du  camail  avec  croix 
pectorale,  la  tête  couverte  du  bonnet  et  entourée  de  rayons, 
appuie  sa  main  gauche  sur  le  bras  du  fauteuil,  et  étend 
sa  main  droite  vers  les  misérables  qui  s'avancent  pour 
l'assassiner.  Devant  le  prélat,  se  tient  agenouillé,  la  tête 
nue,  un  faux  pénitent,  qu'accompagnent  deux  hommes  à 
figures  sinistres,  coiffes  de  chapeaux  à  grands  bords, 
armés  :  l'un  d'un  couteau  énorme,  et  l'autre  d'une  épée. 
Un  troisième  personnage,  de  figure  moins  sinistre,  assiste 
à  cette  scène.  Au  fond  du  tableau,  près  de  la  porte,  un 
homme  misérablement  vêtu  semble  regarder  attentivement 
le  prélat  et  les  conjurés.  A  côté  de  Norbert,  est  posée  une 
petite  table  couverte  d'un  tapis,  sur  laquelle  se  trouvent 
un  sablier  et  un  livre  ouvert.  Au  milieu  de  la  salle  se  voit 


—    349    — 

une  autre  table  couverte  d'un  tapis  ;  puis  deux  chaises  au 
dossier  armorié,  avec  têtes  de  lions  aux  supports. 

En  haut,  est  gravé  ce  texte  :  «^  Quoniam  in  me  speravit, 
«  liberabo  eum  :  protegam  eum,  quoniam  cognovit  nomen 
«  meum.  Ps.  90.  14.  » 

En  bas  :  «  Cum  S.  Norbertus  collapsam  Ecclesiasticam 
«  disciplinam,et  corruptos  Gleri  et  populi  sui  mores,  arden- 
«'  tissimo  quo  flagrabat  amplificandse  divinae  glorise  zelo 
«  restituere  ac  reformare  conaretur;  ingens  iniquorum 
'-  odium  incurrit  :  qui  in  Sancti  Pontificis  necem  aliquoties 
«'  conjurati;  in  Gœna  Domini  virum  S.  excipiendis  suorum 
«  confessionibus  intentum,  submisso  sub  habitu  psenitentis 
«  Sicario,  crudeliter  trucidassent,  si  non  divina  inspiratione 
«  edoctus,  rem  hanc  cselitus  cognovisset  :  qui  tamen  pro 
«  sua  mansuetudine,  scelesto  huic  conceptum  hoc  énorme 
«  parricidium  bénigne  ignovit. 

Planche  XXVIII. 
Le  divin  Sauveur  apparaît  à  Norbert  et  à  Hugues. 

A  côté  d'une  porte  ouverte  soutenue  par  une  colonne 
dorique  au  chapiteau  orné  de  feuillage,  le  divin  Sauveur 
apparaît  au  B.  Hugues,  qui  lui  est  présenté  par  saint 
Norbert.  Le  Christ,  debout,  la  tête  nue,  entourée  de 
rayons  flamboyants  et  d'un  cercle  d'anges  ailés,  vêtu  d'un 
large  manteau  flottant  sur  ses  épaules,  tient  élevée,  de  la 
main  gauche,  une  croix  sur  laquelle  se  déploie  une  bannière 
ou  banderole  portant  également  une  croix,  et  off're  sa  main 
droite  au  B.  Hugues  qui  la  reçoit  dans  sa  main  droite. 
Hugues,  revêtu  du  manteau  de  l'Ordre,  la  tête  nue  et 
nimbée,  est  à  genoux  devant  le  Sauveur.  Norbert  la  tête 
mitrée  et  rayonnée,  vêtu  d'une  chape  richement  ornée, 
tenant  la  crosse  dans  la  main  gauche,  la  droite  posée  sur 


—    350    — 

l'épaule  du  B.  Hugues,  le  présente  au  divin  Sauveur  à 
qui  il  adresse  ces  paroles  inscrites  sur  une  banderole,  qui 
sort  de  sa  bouche  et  se  déroule  en  spirales  montant  vers 
les  nuages  :  «  Hune  a  te  Domine  mihi  commissum  tuse 
«  SS.  Majestati  reprsesento.  » 

En  haut  de  la  gravure  :  "  Benedictus  Dominus,  qui  non 
«  est passus, ut deflceret  Successor  familise tuse. Ruth. 4. 14." 

En  bas  :  «  S.  P.  Norbertus,  quo  Ordini  suo  adhuc 
"  tenello  prospiceret,  qui  ademptum  sibi  optimum  Parentem 
«  dolebat  :  suum  in  Prsemonstratensi  Archicœnobio  succes- 
«•  sorem,ettotiusOrdinis  Secundum  GeneralemB.Hugonem 
'^  constituit  :  qui  hanc  de  se  factam  electionem  divinitus 
'■  edoctus  est,  dum  a  S.  P.  Norberto  se  Ghristo  praesentari, 
«•  in  visione  cognovit  :  atque  paternarum  virtutum  hseres, 
«  Ordinem  mirifice  amplificavit,  adeo  ut  primis  80  annis 
«  supra  1800  Cœnobia  numerarentur,  in  quibus  varii 
«  magna  Sanctitate  ac  miraculis  floruerunt.  " 

Planche    XXIX. 
Tentative  d'assassinat. 

Cette  gravure  représente  une  salle  de  l'église  de  Saint- 
Maurice,  tapissée  de  riches  tentures  et  éclairée  par  une 
lampe  double  suspendue  au  plafond.  Norbert,  la  tête  mitrée 
et  entourée  de  rayons,  revêtu  de  la  chape  épiscopale,  la 
crosse  dans  la  main  gauche,  la  main  droite  posée  sur  la 
poitrine,  se  présente  intrépidement  aux  assassins,  qui 
s'avancent  vers  lui  levant  leurs  glaives.  L'un  d'eux  menace 
le  saint  prélat  de  la  pointe  de  son  épée,  tandis  qu'un  autre 
le  saisit  par  l'épaule,  et  lève  son  épée  pour  l'assommer. 
Aux  pieds  de  l'archevêque,  un  des  assasins,  les  bras  éten- 
dus, est  renversé  à  terre.  Au  fond  de  la  salle  se  trouvent 
debout  deux  évêques,  portant  la  mitre,  revêtus  d'habits 


—    351    — 

pontificaux  et  entourés  d'une  foule  nombreuse.  Les  assas- 
sins, richement  vêtus,  ont  la  tête  couverte  d'une  toque  à 
panaclie;  leurs  traits  expriment  l'angoisse  et  la  fureur. 

En  liaut  de  la  gravure  :  «  Bonus  pastor  animam  suam 
«  dat  pro  ovibus  suis.  Luc.  10.  11.  " 

En  bas  :  Gum  pollutam  S.Mauritii  Ecclesiam  ex  Canonum 
«'  prsescripto  Norbertus  expurgat:  tota  inillum  Magdebur- 
««  gensis  civitas  commovetur  :  quem  divinis  laudibus  una 
«i  cum  duobus  aliis  Episcopis  et  clericis  quamplurimis 
'•  intentum,  cum  districtis  gladiis  irrumpentes  trucidare 
«  vellent  ;  ne  cuiquam  suorum  nocerent,  Sanctus  occurrens 
«  Archiepiscopus  obvium  pectus  magnanimiter  protulit  : 
«  qui  etiam  ingenti  gladii  ictu  super  humerum  percussus, 
«  adinstar  Adamantis,  divinitus  permansit  illsesus.  » 

Planche  XXX. 
Innocent  II  rentre  à  Rome. 

Au  fond  du  tableau  se  dessinent  les  murs  d'enceinte  et 
une  des  portes  de  la  ville  de  Rome.  Hauts  murs  crénelés, 
porte  monumentale  à  colonnes  surmontée  d'un  fronton.  Au- 
dessus  de  la  porte  sont  gravées  ces  initiales  :  S.  P.  Q.  R. 
Derrière  les  murs,  on  aperçoit  des  arbres  et  une  église. 

Précédé  des  cardinaux,  des  évêques  et  des  clercs  portant 
des  bannières  et  des  flambeaux  allumés  le  pape  Innocent, 
vêtu  d'une  somptueuse  chape  ornée  de  pierreries,  la  tiare 
en  tête,  la  croix  papale  dans  la  main  gauche,  étend  et  lève 
sa  main  droite  pour  donner  sa  bénédiction.  Derrière  lui, 
l'empereur  Lothaire,  couronne  impériale  en  tête,  vêtu  du 
manteau  impérial,  portant  le  sceptre  dans  la  main  gauche, 
s'entretient  avec  saint  Norbert,  qui  est  placé  à  sa  droite. 
Norbert,  la  tète  couverte  d'un  long  chapeau  et  entourée  de 
rayons,  étend  sa  main  droite  vers  Lothaire.  A  gauche  de 


—    352    — 

l'empereur  paraît,  la  tête  nue  et  auréolée,  saint  Bernard, 
qui  semble  plongé  dans  une  méditation  profonde.  Viennent 
ensuite  sept  évêques  mitres,  portant  la  chape,  escortés 
d'une  troupe  de  cavaliers  armés  de  lances  et  de  bannières. 
Dans  l'angle  gauche,  non  loin  du  pape,  un  garde  pontifical 
armé  d'une  épée,  la  hallebarde  sur  l'épaule,  étend  la  main 
gauche  vers  la  foule. 

En  haut,  se  lit  ce  texte  :  «  Dabit  imperium  Régi  suo  et 
«  sublimabit  cornu  Ghristi  sui.  2  Reg.  2.  16.  " 

En  bas  :  «  Superatis  mira  orationis  suae  virtute  inimicis- 
«  suis,  quorum  furori  cedens  extra  urbem  sese  receperat; 
«  magna  gloria  in  Thronum  restituitur  :  ac  deinceps  in  pace 
«  ministerium  suum  honoriflcans,  sese  (ut  semper  fecerat) 
«  persequendis  Ecclesise  hostibus  accinxit  :  quare  etiam 
«  Innocentium  II.  in  Sedem  Apostolicam,  quam  Antipapa 
«  Anacletus  invaserat,  cum  rege  Lothario,  et  S.  Bernardo 
«  ac  pluribus  aliis,  Romse  restituit  :  ubi  Papa  de  Ecclesia 
«  optime  meritos,  Lotharium  in  Romanorum  Imperatorem, 
«  S.  Norbertum  in  totius  Germanise  Primatem  confirmât.  »> 

Planche  XXXI. 
Entrevue  de  l'Empereur  Lothaire  avec  saint  Norbert  et  saint  Bernard. 

Dans  une  salle  soutenue  par  des  colonnes,  ayant  à  droite 
une  fenêtre  qui  laisse  voir,  à  l'extérieur,  un  édifice  avec 
une  galerie  ouverte,  surmontée  d'une  balustrade,  se  dresse 
un  trône  a  colonnes  taillées  en  bosse  et  richement  ornées, 
et  au-dessus  duquel  est  tendu  un  dais  à  longues  franges. 
Le  degré  de  ce  trône  est  couvert  d'un  tapis,  le  siège  du 
fauteuil  a  un  dossier  en  forme  d'éventail.  Lothaire,  la  tête 
couronnée,  ayant  une  barbe  épaisse  qui  descend  sur  la 
poitrine,  est  vêtu  d'un  riche  manteau  relevé  sur  ses  genoux. 
Il  tient  un  glaive  nu  dans  sa  main  droite  ;  la  main  gauche 


—    353    — 

s'appuie  sur  un  globe  surmonté  d'une  croix.  Devant  l'Em- 
pereur sont  assis  :  à  droite  saint  Norbert  ;  à  gauche  saint 
Bernard.  Celui-ci  vêtu  de  la  robe  monastique,  ayant  la  tête 
nue  et  entourée  de  rayons,  étend  devant  lui  sa  main  droite, 
et  appuie  la  main  gauche  sur  le  bras  de  son  fauteuil.  Saint 
Norbert,  la  tête  couverte  du  biretum  et  entourée  de  rayons, 
vêtu  du  camail  épiscopal,  fixe  ses  regards  vers  l'empereur 
vers  lequel  il  tend  ses  deux  mains.  Le  fauteuil  qu'il  occupe 
est  à  haut  dossier  ornementé,  avec  les  aigles  impériales 
ciselées  sur  le  dos,  et  une  rosace  sur  le  côté. 

En  haut  est  gravé,  ce  texte  :  «  Ipse  tamquam  imbres 
«  emittet  eloquia  Sapientise  suse.  Ecclici  39.  9.  « 

En  bas  :  «  Lotharius  Imperator  jam  olim  sibi  familiaris- 
«  simi  Pontiflcis  Norberti  (cujus  ipsi  eximia  Sanctitas  et 
»  Sapientia  optime  nota  erant)  prudentibus  assiduo  consiliis 
«  utitur,  quod  ab  eo  cselestis  dulcedinis  potum  hauriret,  et 
'•  pane  divinse  refectionis  quotidie  reficeretur  :  quin  et 
'■  mellifluus  Bernardus  (qui  S.  Norberto  plurimum  semper 
«  detulit)  aliquando  sibi  gratulatus  est,  quod  verba  vitse 
«  haurire  potuerit,  ex  illa  (ut  scribit)  cœlesti  fistulâ,  ore 
«  S.  Norberti.  » 

Planche  XXXII. 
Mort  de  saint  Norbert. 

Sur  un  lit  surmonté  d'un  dais  à  lambrequins,  dont  les 
rideaux  sont  relevés,  est  étendu  le  saint  évêque  de  Magde- 
bourg,  la  tête  nue  et  entourée  de  rayons.  Ses  traits  sem- 
blent indiquer  un  grand  calme,  il  tient  entre  ses  mains  un 
crucifix  qui  repose  sur  sa  poitrine.  De  sa  bouche  s'élance  un 
rayon,  sur  lequel  s'envole  un  petit  corps  au  naturel,  montant 
dans  la  clarté  vers  le  ciel.  Là,  dans  le  haut  de  la  gravure, 
porté  sur  des  nuages  d'où  sortent  des  rayons,  apparaît  le 

23 


—    354    — 

Père  céleste  sous  la  forme  d'un  vieillard,  la  tête  nue  et 
rayonnante,  vêtu  d'une  chape  de  prêtre ,  de  la  main  droite 
bénissant  le  mourant,  et  soutenant  un  globe  dans  la  main 
gauche.  On  lit  ces  mots  sur  un  rayon,  qui  descend  vers 
l'agonisant  :  «  Ve7ii,  soror  mea,  requiesce.  » 

A  gauche  du  moribond,  se  dresse  la  croix  épiscopale; 
puis  une  table  couverte  d'un  tapis,  sur  laquelle  sont  posés 
un  crucifix,  le  pallium  avec  la  mitre  et  un  bonnet  carré. 
Debout  dans  l'angle,  près  de  la  table,  un  religieux  tête  nue, 
ayant  à  ses  pieds  un  livre  relié,  récite  des  prières  qu'il  lit 
dans  un  bréviaire  tenu  entre  ses  mains.  Au  pied  du  lit,  cinq 
religieux,  à  genoux,  tête  nue,  sont  en  prières;  devant  la 
table,  près  du  lit,  un  religieux  est  agenouillé,  les  mains 
jointes,  la  tête  nimbée,  ayant  posé  son  bonnet  près  de  lui, 
à  terre.  Dans  l'angle  droit  du  tableau  au-dessous  du  Père 
éternel,  porté  sur  des  nuages  qui  remplissent  une  fenêtre 
ouverte,  saint  Norbert,  la  tête  couronnée  de  rayons  et  cou- 
verte du  biretum,  vêtu  du  manteau  de  l'Ordre,  tenant  une 
branche  d'olivier  dans  la  main  droite,  tend  sa  main  gauche 
à  un  religieux  agenouillé  devant  lui. 

En  haut  de  la  gravure  on  lit  :  «  Euge  serve  bone  et 
«  fidelis  intrain  gaudium  Domini  tui.  Matt.  25.  21. 

Au  bas  :  "  Gupiens  Deus  Labores  per  S.  Norbertum  cum 
«•  tanto  divinae  suae  glorise  incremento,  exantlatos,  seternse 
«'  salutis  bravio  remunerari;  lento  eum  permisit  4.  men- 
«  sium  morbo  pulsari,  quo  ad  extrema  perductus,  die 
"  sexta  Junii  anno  1134  plenus  Spiritu  S.  placidissime 
«'  beatam  suam  animam  in  manus  sui  Greatoris  resignavit. 
«  Excepta  est  illa  a  Sponso  suo  mellifluis  hisce  verbis  : 
«'  Veni  Soror  mea  requiesce  :  atque  eodem  momento  cum 
«  ramo  olivœ  sanctus  Norbertus  cuidam  apparuit.  » 


—    355    — 

Planche  XXXIII. 
Le  corps  de  saint  Norbert  exposé  à  la  vénération  des  fidèles. 

Le  saint  archevêque  est  étendu  sur  un  catafalque,  cou- 
vert d'un  tapis  funéraire,  portant  un  écu  aux  armes  sym- 
boliques du  défunt  ',  entouré  de  la  croix  à  deux  branches 
et  du  chapeau  d'archevêque,  avec  la  devise  <•  Fide  et 
patientia,  »  sur  une  banderole.  Six  cierges  allumés,  posés 
sur  des  chandeliers,  entourent  l'estrade  funèbre.  Le  Saint, 
revêtu  du  pallium,  et  d'une  riche  chasuble,  tient,  de  la 
main  droite,  la  crosse  épiscopale  et  une  branche  d'olivier  ; 
dans  la  main  gauche,  un  crucifix.  Sa  tête  qui  repose  sur 
un  coussin  roulé  dont  les  coins  sont  ornés  de  glands,  est 
couverte  d'une  mitre  enrichie  de  pierreries,  et  entourée  de 
rayons  ;  ses  mains  gantées  portent  plusieurs  bagues,  et  à 
ses  souliers  se  voient  des  boucles  en  forme  de  croisettes. 
Devant  l'estrade  sont  agenouillés,  en  prières,  trois  reli- 
gieux, la  tête  nue,  vêtus  du  manteau  de  l'ordre;  au  pied 
du  catafalque,  se  tient  un  malheureux  estropié  s'appuyant 
sur  des  béquilles;  il  élève  la  main  droite  pour  invoquer  la 
protection  du  Saint.  Sa  petite  fille  est  aussi  debout  près  de 
lui.  De  l'autre  côté  de  l'estrade,  la  foule  immense  qui  paraît 
remplir  la  salle,  vient  vénérer  les  restes  mortels  du  saint 
prélat.  On  y  voit  des  rehgieux,  qui  prient  en  joignant  les 
mains;  des  seigneurs,  des  bourgeois,  des  femmes.  Au  fond 
de  la  salle  tendue  de  noir,  deux  fenêtres  sont  ouvertes.  Dans 
celle  de  l'angle  gauche,  paraissent  deux  personnages  entourés 
de  rayons,  assis  sur  les  nuages  :  un  évêque,  mitre  et  vêtu 


1  Écu  chargé  d'une  croix:  sur  le  tout  :  un  calice  avec  hostie, 
accompagné  d'une  branche  de  palmier  à  dextre,  d'une  branche  d'oli- 
vier à  senestre.  La  croix  à  deux  branches,  posée  derrière  l'écu  et 
surmontée  d'un  chapeau  épiscopal,  à  trois  rangées  de  glands.  En  bas 
sur  une  banderole,  la  devise  fide  et  patientia. 


—    356    — 

d'une  chape,  tenant  une  croix  à  deux  bras,  étend  les  mains 
vers  un  religieux,  qui,  la  tête  couverte  du  biretum,  ayant 
une  crosse  dans  la  main  gauche,  présente  la  main  droite  à 
son  interlocuteur. 

Tout  en  haut  du  tableau,  sur  des  nuages  que  traversent 
des  rayons  lumineux,  deux  anges,  vêtus  et  ailés,  les  che- 
veux bouclés,  s'envolent,  la  main  gauche  étendue;  delà 
main  droite,  ils  tiennent  et  présentent  un  bouquet  de  fleurs 
de  lis. 

En  haut,  ce  texte  :  «  Pretiosa  in  conspectu  Domini 
«  mors  Sanctorum  ejus.  Psalm.  115.  » 

En  bas  :  Gorpore  soluta  Anima  S.  Norberti  ad  portum 
'  beatse  immortalitatis  appulit  :  quse  adinstar  Lilii  visa  est 
'  per  Angelos  in  cœlum  deferri;  quin  et  B.  Hugoni  in 
'  magna  luce  apparuit.  Corpus  vero,  nullis  quidem  aroma- 
«  tibus,  sed  virtutibus  quamplurimis  heroicis  conditum, 
'  etsi  pluribus  diebus  insepultum,  in  summo  sestu,  nulla 
'  tamen  corruptionis  indicia  prsebet  :  quod  juxta,  S.  Patris 
'  desiderium,  qui  hoc  B.  Evermodo  commendarat,  in 
'  Gœnobio  S.  Mariée  sepelitur  :  cujus  praesidium  et  azylum 
'  in  multis  hactenus  necessitatibus  Magdeburgum  exper- 
»  tum  est.  » 

Planche  XXXIV. 
Apothéose  de  saint  Norbert. 

La  partie  supérieure  du  tableau  représente,  dans  des 
nuages,  saint  Norbert,  dont  la  tête  mitrée  est  entourée  de 
rayons.  Le  Saint  est  vêtu  d'un  rochet  avec  camail,  du 
pallium  avec  la  croix  pectorale.  Il  tient  une  palme  dans  la 
main  gauche,  et  lève  la  droite  pour  bénir.  A  gauche  un 
ange  ailé  porte  une  croix  épiscopale.  Aux  côtés  du  Saint, 
sur  les  nuages,  se  trouvent  les  uns  debout,  les  autres  assis, 


—    357    — 

les  Saints  et  les  Bienheureux  de  l'Ordre  de  Prémontré  : 
parmi  eux  on  distingue  des  évêques  portant  la  mitre  et  la 
crosse,  des  martyrs  tenant  une  palme,  des  prélats,  des 
religieux,  coiffés  du  biretum,  une  religieuse,  la  tête  ceinte 
d'une  couronne.  Au-dessus  de  la  gravure  du  Saint,  un  demi- 
cercle  de  nuages  doubles  de  rayons,  à  tètes  d'anges  ailés, 
encadre  le  nom  hébreu  de  lehova.  Au-dessus  des  autres  per- 
sonnages, dans  l'angle  gauche  de  la  gravure,  deux  anges 
ailés,  aux  cheveux  bouclés,  proclament,  au  son  de  la  trom- 
pette, avec  de  joyeux  transports,  la  gloire  et  les  vertus  des 
fils  de  saint  Norbert  ;  à  droite  deux  autres  anges  chantent 
des  hymnes  à  la  louange  des  saints.  Au-dessous  de  saint 
Norbert,  l'artiste  a  représenté  une  assemblée  d'abbés 
rangés  en  cercle,  tous  à  genoux,  revêtus  du  manteau  de 
l'Ordre,  et  portant  la  mitre  et  la  crosse.  Ils  ont  tous  les 
mains  jointes,  sauf  celui  du  milieu,  qui  étend  sa  main 
droite;  presque  tous  dirigent  leurs  regards  vers  leur  père 
et  leurs  frères  qui  régnent  au  ciel.  Derrière  les  prélats, 
plusieurs  cercles  de  simples  religieux,  tête  nue. 

A  l'avant-plan,  à  droite,  un  prélat  aux  traits  vénérables 
est  agenouillé  sur  un  coussin,  devant  un  prie-Dieu  orné 
d'un  écusson  surmonté  d'une  mitre  et  de  deux  crosses,  aux 
armoiries  du  RR'"''  Pierre  Gosset,  général  de  l'Ordre.  Au 
milieu,  près  de  l'abbé  général,  deux  anges  ailés,  aux  che- 
veux bouclés,  soutiennent  un  écusson  encadré,  aux  armes 
de  l'Ordre  de  Prémontré  \  surmonté  d'une  mitre  et  de  deux 
crosses  en  sautoir,  avec  la  devise  :  Candore  et  fide. 
En  haut  est  gravé  ce  texte  :  «  Potens  in  terra  erit  semen 

«•  ejus,  generatio  rectorum  benedicetur.  Psalm.  111.  2.  » 
Au  bas  :  "  S.  Norbertus;  inter  Gonscriptos  Gœli  Patres 

«  a  temporibus  Innocentii  III  adlectus,  et  in  Tabulas  Eccle- 

^  Semées  de  lis. 


—    358    — 

«  siasticas  relatus;  collecto  secum  in  Gœlo,  magno  numéro 
«  ex  Ordine  suo  Beatorum  Pontiflcum,  Prselatorum  Mar- 
«  tyrum  Gonfessorum  atque  Virginum  ;  setei'na  gloria  frui- 
«'  tur,  fidelissiraus  totius  Gatholicse  Ecclesise  atque  Ordinis 
«'  sui  in  terris  militantes  Patronus  :  cujus  lisec  sunt  ad 
«  Parentem  Sanctissimum  vota  : 

«  Ordinis  una  tui  Cœlo  Norberte  triumphat, 

<  Altéra  pars  luget  mœsta  relicta  Solo  : 
«  Vivere  dimidii  sine  te  Norberte  nequimus  : 

«  Nos  infer  Gœlis  ergo,  vel  ipse  redi.  » 


II. 

La    Vie    de    saint    Norbert, 
Par  J.   A.  PFEFFEL  i. 

La  collection  de  gravures  de  Pfeffel,  représentant  la  vie 
de  saint  Norbert,  se  compose  d'un  frontispice  et  d'une  suite 
de  35  planches  numérotées,  mesurant  0,107  mill.  de  hauteur 
sur  0,062  mill.  de  largeur. 

Ghaque  planche  est  surmontée  d'un  texte  de  l'Écriture- 
Sainte  et  au  bas  est  inscrit  un  distique  latin,  suivi  d'un 
distique  allemand.  Ces  inscriptions,  remarquables  par  leur 
concision  et  leur  élégance,  résument  le  sujet  représenté 
par  le  tableau.  Les  gravures  à  l'exception  du  frontispice  et 
des  planches  21,  25  et  35,  sont  la  reproduction  réduite,  et 
parfois  modifiée,  des  scènes  de  la  vie  de  saint  Norbert 
composée  par  Galle,   d'après  les    indications    du    savant 


*  Jean  Adrien  Pfeffel,  né  à  Bisschoflingen,  en  1674,  mort  en  1750, 
fit  d'abord  ses  études  à  l'Académie  de  Vienne,  et  vint  ensuite  se  fixer 
à  Augsbourg. 


—    359    — 

Glirysostôme  Van  der  Sterre,  prieur  de  l'abbaye  de  Saint- 
Michel. 

Nous  aurons  soin  d'indiquer,  en  décrivant  chaque 
planche,  ces  diverses  modifications.  Gomme  exécution,  les 
gravures  de  Pfeffel  sont  inférieures  à  l'œuvre  de  Th.  Galle. 
Le  burin  de  l'artiste  allemand  n'a  ni  la  finesse  et  la  netteté, 
ni  la  fermeté  et  la  délicatesse,  par  lesquelles  se  distingue 
l'œuvre  du  graveur  flamand. 

L'auteur  des  inscriptions  latines  et  allemandes  nous  est 
inconnu. 

Les  textes  de  l'Écriture-Sainte  sont  identiques  à  ceux  de 
la  vie  de  saint  Norbert  par  Galle  et  Van  der  Sterre. 

Toutes  les  planches  \  entourées  d'un  filet  noir  encadrant 
le  texte  biblique,  le  tableau  et  les  inscriptions  poé- 
tiques, portent  la  signature  suivante  :  G.  P.  S.  G.  M. 
—  L  A.  P.  exe.  A.  V. 

Frontispice.  —  Le  frontispice  porte  ce  titre  :  «'  Vita 
«  S.  Norberti  Ordinis  Ganonicorum  Prsemonstratensium 
«  Fundatoris,  Magdeburgensis  Archiepiscopi,  Antverpise 
«•  Apostoli ,  Totiusque  Germanise  Primatis ,  per  icônes 
«  XXXV  reprsesentata.  » 

En  haut  est  gi'avé  le  texte  :  «  In  fide  et  lenitate  ipsius 
«'  Sanctum  fecit  illum.  Eccli.  45.  v.  4.  » 

Au  bas  de  la  gravure  : 

«  En  Norbertinse  sunt  haec  compendia  Vitae 

«  Hic  quod  mireris,  quodque  sequaris,  habes. 
«  Norberti  Leben  hier  wird  allen  vorgestellt, 
«  Dasselb  vil  Wunder-Ding,  vil  zur  Nachfolg  enthàlt.  » 

Le  frontispice  se  compose  d'une  pierre  monumentale 
concave,   échancrée    des  deux   côtés,    et  portée  sur  un 

1  La  plupart  de  ses  planches  sont  traitées  à  la  manière  noire.  — 
Cfr.  Nagler,  Neues  Allgenu  Kunster-Lexicon. 


—    360    — 

soubassement,  ayant  le  titre  inscrit  au  centre.  Le  sommet, 
en  anse  de  panier,  est  orné  de  trois  têtes  d'anges  ailés, 
reliées  entre  elles  par  deux  festons.  Des  deux  côtés  du 
monument,  on  aperçoit,  debout  sur  des  bases  carrées 
réunies  au  soubassement, deux  figures  allégoriques  :  la  Foi 
et  la  Patience.  La  foi  est  représentée,  à  droite,  sous  les 
traits  d'une  jeune  femme,  la  tète  couverte  d'un  voile,  vêtue 
d'une  robe  longue  et  d'un  corsage  étroit,  les  pieds  nus  dans 
des  cothurnes.  De  la  main  gauche,  elle  tient  un  calice  d'où 
s'élève  une  hostie,  et,  de  la  main  droite,  un  livre  relié 
(la  S.  Bible)  surmonté  d'une  tiare,  et  orné  de  deux  clefs. 

L'autre  figure,  la  Patience,  nous  montre  une  femme 
penchée  vers  le  crucifix  qu'elle  serre  de  la  main  droite  sur 
son  cœur,  de  la  main  gauche,  elle  tient  une  discipline;  elle 
est  vêtue  d'une  robe  longue  et  d'un  manteau  en  écharpe  ;  sa 
tête  est  couronnée  d'épines. 

Au  miheu  du  soubassement,  sous  une  tête  d'ange  ailé, 
se  voient  les  armoiries  symboliques  de  saint  Norbert  :  la 
croix,  avec  le  calice,  accostée  d'une  branche  de  vigne  et 
d'un  épi  de  froment,  surmontée  d'un  chapeau  d'archevêque, 
d'où  pendent  des  glands.  Au  dessus  des  armoiries,  on  lit  : 
«  Insignia  S.  Patris  Norberti  ;  »  en  bas,  ce  texte  de  l'Écri- 
ture Sainte  :  «  Frumento  et  vino  stabilivi  eum.  Gen.  27, 37.» 

Le  monument  est  surmonté  d'un  médaillon  enguirlandé 
contenant  le  buste  de  saint  Norbert,  que  soutiennent  et 
couronnent  de  roses  deux  anges  vêtus,  ailés,  ayant  les 
cheveux  bouclés,  portant  l'un  une  palme,  l'autre  une 
branche  de  lis.  Saint  Norbert,  la  tête  couverte  de  la  mitre 
et  entourée  de  rayons,  tient  de  la  main  droite  un  ostensoir, 
de  la  main  gauche,  une  croix  et  une  palme  ;  il  est  revêtu  de 
l'habit  religieux,  avec  camail,  pallium  et  croix  pectorale. 


—     361     — 

Planche  I. 

Naissance  de  Norbert. 

I.  Poue  metum  Hadwigis  :  sic  vox  monet  aetliere  lapsa  : 

«  Tara  mundo  Illustrera  gignere  digna  Virura. 
«  Hadwig  ira  schlaff  von  Gott  deutlich  berichtet  wird 
«  das  ihr  kind  werden  sollt  eiri  grosser  Seelen  Hirt.  » 

La  planche  est  absolument  pareille  à  celle  de  Galle. 
Seulement  Pfeffel  a  ajouté,  près  du  lavabo  à  terre,  un  drap 
ou  une  couverture  qui  ne  se  trouve  pas  sur  l'original. 

Planche  II. 

Norbert  à  la  cour  de  l'Empereur. 

»  Csesaris  hinc  juvenem  favor  allicit,  inde  Voluptas 

»  Addictura  studiis  dura  tenet  aula  suis. 
«  Ara  kayserlichen  Hoff  in  grosser  Ehr  und  Precht 
«  Sein  lugend  hat  Norbert  sehr  uppig  zugebracht.  » 

Planche   ITI. 

Norbert  renversé  de  cheval. 

«  Ardeatut  Superis  intusraens  arduaflammis, 

«  Corpus  salvifico  fulrainis  igné  cadit. 
«  Norbertus  wird  von  Pferd  gesturzt  durch  Donner  Knall, 
«  Steht  auf,  bekehret  sich  :  0  gluckseliger  Fall.  » 

Planche  IV. 

Norbert  en  retraite  à  Sigeberg. 

«  Protinus  ad  sacras  Tyro  volât  impiger  aedes, 

«  Deserit  et  lubricum,  quod  maie  trivit,  iter. 
«  Norbertus,  ausz  der  Welt  ins  Closter  fiieht  behend, 
i.  Wo  erzurHeiligkeit  gelegt  dasFundameut.  » 


—    362     — 

Planche    V. 

Norbert  ordonné  prêtre. 

«  Pellibus  agninis  gemmis  auror[ue  nitentem 

«  Permutât  populo  Mysta  stupente  togam. 
«  Zuni  Hoheu  Priester-stand  Norbertus  wird  geweyht 
«  an  statt  des  eitlen  prachts,  mit  schaaf-fell  sich  bekleidt.  « 

Planche   VI. 

Norbert  est  insulté  pendant  sa  prédication. 

«  Verbis  ssepe  tonat  sacras  Orator  ad  aras, 

«  Forti  Sputa  animo»  probraque  mille  ferens. 
«  Norbertus  predigt  Buss,  und  straffet  ohngescheut 
«  die  Laster,  wird  darum  ins  augesicht  verspeyt.   » 

Planche  VII. 

Saint  Norbert  célèbre  la  Sainte  Messe  dans  une  crypte  à  Rolduc. 

o  Labitur  in  Calicem  dura  grandis  aranea  sacrum 

«  Toxica  Magnanimus  nil  nocitura  bibit. 
«  Eine  spin  herab  in  Kelch  des  heilgen  Blutes  sinckt, 
«  durch  glaubens  starck  Norbert  sie  ohne  schaden  trinckt. 

Planche  VIII. 

Saint  Norbert  défend  sa  cause  devant  le  Cardinal-légat  à  Frîtzlar. 

K  Quid  mirura.  Tua  si  causa  hic  Norberte  triuraphat, 

«  Spreta  Reum  raundi  gloria  quando  facit. 
k'Zu  Frideslar  man  hait  ein  grossen  Kirchen-rath, 
«  der  selbst  Norberti  Lehr  gantz  gut  geheissen  gat.  » 

Planche  IX. 

Saint  Norbert  distribue  ses  biens  aux  pauvres. 

«  Argent!  vilescithonos,  nimiumque  cupitas 
«  Prodiga  Norberti  dextera  spargit  opes. 
«  Reichtum  Norberto  seynd  nur  schade,  wust  und  koth  ; 
n  drum  Ers  den  armen  gibt  hilfft  ihnen  aus  der  Noth.  » 


—    363    — 

Planche   X. 

Saint  Norbert  aux  pieds  du  pape  Gelasse  11. 

«  I  Prfeco  totum,  Gelasius  inquit,  in  orbem  ; 
«  Fac,  caleant  flammis  omnia  régna  tuis. 
«  Der  Papst  Norberto  gibt  gewalt  in  aile  orth, 
«  Zu  predigendie  Buss,  nach  wahrem  Gottes  wort.  « 

Planche  XI. 

Saint  Norbert  rencontre  l'évêque  Burchard  à   Valenciennes. 

«  Hic  vitee  Comitem  recipit  Norbertus  Hugonem  ; 

«  Burckardi  hinc  lacrymis  Praesulis  ora  madent. 
«  Sein  ersten  gesellen  hier  Norbert  Hugonem  findt. 
«  dem  Bisschof  zu  Camrich  das  Hertz  aucli  abgewinnt.  » 

Planche  XII. 

Saint  Norbert  prêche  au  peuple  la  parole  de  Dieu. 

«  Certatim  populi  accurrunt  facunda  videre 
«  Ora  Viri,  cunctos  nam  trahit  eloquio. 
«  Das  einfaltige  Volck  Norbertus  eiffrig  lehrt, 
0  Zein  wolberedte  Zung  jeder  mit  lust  anhort.  » 

Planche   XIH. 

Saint  Norbert  réconcilie  des  ennemis. 

«  Saepius  armatae  coeunt  in  fœdera  dextrse, 
u  Norberto  hostiles  paeificante  globos. 
«  De  Ohl-Zweig  trkgt  Norbert,  wie  Noë  Taub  im  mund  ; 
«  Zwischen  Todts-Feinden  stifft  Er  Frid  und   Freundschaffts 

[Bund.  » 

Planche  XIV. 

Norbert,  à  Reims,  est  accueilli  par  le  pape  Callixte. 

«  Norberti  pia  vota  probat  sacer  ipse  Senatus  ; 

«  Callistus  cœptis  annuit  atque  favet. 
«  Zu  Rhems  derkirchen  Rath  Norberti  institut 
«  mit  Papst  Callisto  selbst,  hier  approbiren  thut.  » 


—    364    — 

Planche   XV. 

La  sainte  Vierge  présente  l'habit  blanc  à  Norbert. 

«  Norberto  ni veas  vestes,  ceu  Signa  pudoris, 

«  Offert  Angelioa  Virgo  Maria  manu. 
«  Das  weisse  Ordens  kleid  Norberto  zum  Liebs-Pfand. 
«  Maria  reichet  dar,  mit  Miitterlicher  Hand.  » 

Planche  XVI. 

Découverte  des  ossements  de  saint  Géréon,  etc. 

«  Exuvias  Ubise  genti  Gereone  docente 

«  Sacras  Norbertus  detegit,  atque  levât. 
t<  Sanct  Gereonis  Leib  zu  Côilen  in  der  Stadt 
«  mit  andrer  heilgen  gbein  Norbert  erfunden  bat.  » 

Planche  XVII. 

Saint  Augustin  offre  sa  règle  à  Norbert. 

«  Dans  legera  Aurelius  vitee  morumque  Magistrara, 

«  Morigeros  maneant  praemia  quanta  docet. 
«  Norbert  von  Augustin  ein  Regul  auch  empfangt, 
«  der  sie  recht  hait,  kein  forcht  im  Tod  Bett  den  bedraugt.  « 

Planche  XVIII. 

Vision  du  Crucifix. 

«  Prsemonstratensem  radiis  Crux  fulgida  monstrat, 

«  Et  peregrinorum  plurima  turba  locum. 
«  Den  orth  zu  Prsemonstrat  Christus  Norberto  zeigt, 
«  Umgeben  mit  Pilgram,  mit  strahleu  hell  beleucht.  » 

Planche   XIX. 

Saint  Norbert  exorcise  des  possédés   du  démon. 

«  Obsesso  stygias  e  Cor^iore  ssepe  Cohortes, 
«  Orci  Norbertus  Cseca  sub  antra  fugat. 
0  Norbertus  durchs  Gebett  die  Teuffel  treibet  auss, 
«  Zu  weichen  Er  sie  zwingt  aus  dem  besessnen  haus.  » 


—    365    — 

Planche  XX. 

Saint  Norbert  calme  un  animal  furieux. 

«  Immanem  Deemoii  fingit  dum  Callidus  ursura. 

«  Cogitur  imbellem  mox  celerare  fugam. 
u  Der  Satan  sucht  revancli,  Norberto  sich  darstelt, 
«  in  Bahrn-gestalt,  doch  nicht  erschrickt  der  tapter  held.  » 

Planche   XXI. 

Saint  Norbert  trionijihe  de  l'hérésie  de  Tanchelin. 

«  lam  Tanchelini  per  Te  Norberte  nefandam 

«  Conversa  ejurat  Belgica  terra  luem. 
«.  Durch  Ketzeren  Antorff  von  Tanchelin  verblendt 
«  das  wahre  glaubens  Licht  durch  Norbertum  erkennt.  » 

Cette  planche  diffère  notablement  de  celle  qui,  dans  la 
Vie  de  saint  Norbert  par  Galle,  représente  la  même  scène. 

Sur  une  place  publique  de  la  ville  d'Anvers,  Norbert 
debout,  la  tête  nue  et  nimbée,  vêtu  d'un  long  surplis  bordé 
de  dentelles,  portant,  sur  son  camail,  la  croix  pectorale  et 
le  cordon,  tient  dans  la  main  droite  un  ostensoir,  et  de  la 
main  gauche  une  branche  d'olivier  ;  il  est  suivi  de  deux 
serviteurs  portant  un  baldaquin  incliné  vers  le  Saint 
Sacrement.  A  la  gauche  du  prélat,  un  clerc  la  tête  nue, 
vêtu  d'un  ample  surplis  avec  étole  fléchit  le  genou  et  agite 
des  deux  mains  un  encensoir  fumant;  à  droite,  un  autre 
clerc,  debout;  la  tête  nue,  vêtu  d'un  ample  rochet  avec 
étole,  tient  de  la  main  droite  un  flambeau  allumé,  et  de  la 
main  gauche  un  biretum.  Aux  pieds  du  Saint  sont  groupés 
trois  hérétiques,  la  tête  nue,  et  vêtus  richement  :  l'un  d'eux 
renversé  à  terre  sur  un  livre,  la  main  droite  étendue,  la 
main  gauche  s'accrochant  aux  vêtements  du  Saint;  le 
second,  également  couché  à  terre,  la  main  droite  posée  sur 


—    366    — 

la  tête,  vient  de  renverser  un  calice;  le  troisième,  debout, 
dans  une  attitude  indiquant  l'audace  et  la  fierté,  tient  en 
main  une  hostie,  et  regarde  le  Saint  avec  un  mépris  évident. 

A  droite  du  tableau,  se  trouvent  debout,  près  de  Norbert, 
des  chanoines,  la  tète  couverte  du  biretum,  des  femmes 
assises,  et  une  foule  de  curieux.  Dans  le  fond  du  tableau, 
au  centre,  se  voient  divers  bâtiments  et  une  tour  assez 
haute.  Dans  l'angle  droit  s'élève  une  église  ouverte  dont 
l'entrée  est  soutenue  par  des  colonnes  enguirlandées; 
devant  un  autel  orné  d'un  tableau  représentant  saint 
Michel,  un  prêtre  distribue  la  sainte  communion  à  deux 
religieux  agenouillés. 

L'artiste,  dans  la  composition  de  son  tableau,  a  modifié 
la  planche  gravée  par  Galle,  en  empruntant  à  la  gravure  : 
Triomphe  de  saint  Norbert,  publiée  par  Lommelin*,  les 
détails  de  l'ostension  du  Saint  Sacrement  par  saint  Norbert, 
avec  deux  acolytes  et  deux  porteurs  du  dais  pour  protéger 
la  sainte  Eucharistie. 

Au-dessus  de  la  planche  de  Pfeffel,  est  gravé  ce  texte  : 
«  Signa  Apostolatus  mei  facta  sunt  super  vos  in  domni 
«  patientia,  in  signis,  et  prodigiis.  IL  Cor.  12.  » 

Planche   XXII. 

Norbert  reçoit  la  visite  du  comte  Godefroid  de  Cappenherg. 

«  Godfridus  Cornes  hic,  comitis  cum  conjuge  Frate"" 

«  Nomina  Militise  dant  pretiosanovfe. 
«  Von  Cappenlierg  Gottfried  Graff  von  Norbert  bewegt 
«  sammbt  gemahlin  und  Brudern  das  Ordens  Kleid  anlegt.  » 

*  Né  à  Anvers,  en  1637. 


—    367    — 

Planche  XXIII. 

Le  pape  Honorius  confirme  l'Ordre  de  Prémontré. 

«  Approliat  Honorius,  multisque  favoriluis  ornât 
«  Prœmonstrateiisis  germina  prima  domus. 
«  Honorius  der  Zweht  Norberti  Ordeu  Ziert 
«  mit  privilegien,  und  selben  confirmirt.  » 

Planche  XXIV. 

Saint  Norbert  rend  la  vue  à  une  femme  aveugle. 

«  Herbipoli  gemino  Matronae  luraine  cassée. 

«  Afflatis  tenebras  jussit  abire  genis. 
«  Zu  Wurtzburg  ein  blind  Weib  die  Hostiam  empfangt 
«  von  Norbert,  und  zugleich  das  Augenliecht  erlangt.  » 

Planche  XXV. 

Saint  Norbert   repoussé,  à  Magdebourg,  par  le  portier  du  palais. 

•'  Nudipes  ignare  fert  a  Custode  repulsam, 

«  Ad  Magdeburgensem  dum  trahitur  Cathedram. 
«  Zum  Ertz-Bistumb  erwehit,  gefuhrt  in  deu  Pallast, 
«  Weil  Er  baarfuessig,  arm,  die  Wacht  Ihn  nicht  einlasst.  » 

Dans  l'avant-cour  du  palais  épiscopal  de  Magdebourg, 
entre  les  deux  portes,  saint  Norbert  se  tient  debout,  la  tète 
nue  et  nimbée,  pieds  nus,  revêtu  de  l'habit  de  l'Ordre,  et 
accompagné  d'un  jeune  religieux.  Les  gardes  du  palais,  le 
casque  en  tête,  vêtus  d'une  cuirasse,  et  armés  d'une  halle- 
barde, arrêtent  le  Saint  sur  le  seuil.  Des  hommes  armés,  à 
cheval,  qui  se  tiennent  de  chaque  côté,  expriment  leur 
étonnement  en  indiquant  du  doigt  le  saint  évêque. 

On  aperçoit,  dans  le  fond,  une  riante  campagne,  à  tra- 
vers le  cintre  que  décrit  la  portre  d'entrée. 

En  haut  de  la  gravure,  est  inscrit  ce  texte  ;  «  Sapientia 


—    368    — 

«  lîumilitate  exaltabit  Gaput  illius,   et  in  medio  Magnatum 
«  consedere  eum  faciet.  Eccl.  11,  2.  « 

Galle,  dans  sa  Vie  du  saint  fondateur  de  l'Ordre  de 
Prémontré,  n'a  pas  représenté  cet  épisode  si  mouvementé, 
d'où  il  résulte  que  les  numéros  suivants  des  gravures  de 
Pfeffel  ne  correspondent  plus  aux  numéros  des  planches  du 
graveur  flamand. 

Planche   XXVI. 

Saint  Norbert  consacré  évêque. 

o  Tetnpora  Norberti  nunc  Magdeburgica  cingit 

«  Inter  Tentonicas  Infula  prima  Mitras 
a  ZumErtz-Bisschoff  Norbert  zu  Magdeburg  geweyht 
«  die  Inful  hat  verdient  durch  Lebens-heiligkeit.  » 

Planche  XXVII. 

Saint  Norbert  prédit  la  mort  d'un  injuste  détenteur  des  biens 

de  l'Église. 

«  Raptori  injustis  renuit  dum  cedere  praedis 
«  prsesago  instantem  nuntiat  ore  necem. 
«  Norbert  schutzt  seinerKirch  recht  guter  undFreyheit, 
«  dem  Rauber  trolit  den  Tod  ungluck  Ihm  prophezeyt.  « 

Cette  gravure  se  distingue  de  celle  de  Galle  par  le 
pallium,  que  Norbert  porte  sur  ses  habits  religieux. 

Planche    XXVTII. 

Saint  Norbert  échappe  aux  coups  de  ses  meurtriers. 

«  Norberto  insidians  latro,  sed  proditus,  Ipsum 

(•  Patronum  Causse  gaudet  habere  suée. 
«  Unter  den  schein  der  Beicht  sucht  mann  Norberti  Tod, 
Il  an  statt  der  racli  Er  hilfft  dem  Thàter  aus  der  Noth.  » 


—    369    — 

Planche  XXIX. 

Le  divin  Sauveur  apparaît  à  saint  Norbert  et  au  B,  Htigties. 

«  Orbatte  domui  statuit  Norbertus  Hugoiiem, 

«  Abbatem,  Cliristo  hune  suscipiente  Patrem. 
«  Zum  Ordens  HauptHugo  zu  Preemonstrat  erwehlt, 
«  Wird  Christo  Jesu  selbst  von  Norbert  vorgestellt.  » 

Planche  XXX. 

Saint  Norbert  attaqué  par  ses  ennemis. 

«  Cœlitus  illtesus,  stricto  licet  ense  petitus, 

«  pectoradat  proprio,  non  violanda,  Gregi. 
«  Ein  schwerd-streich  auf  Norbert  grimmig  gefùhret  wird. 
«  Sein  eigne  heerd  verfolgt  den  treûen  Seelen  Hirt.  « 

Planche   XXXI. 

Saint  Norbert  assiste  à  la  rentrée,  à  Borne,  du  pape  Innocent. 

«  Norbert!  studiis  Anarleti  schismate  presso, 

«  Legitimo  Capiti  Roma  quieta  subes. 
«  Norbert  den  Affter-Papst  mit  andem  hier  vertreibt, 
«  Dem  Innocentio  der  Romisch-Stubl  verbleibt. 

Planche    XXXII. 

Saint  No}'be}'t  avec   saint  Bernard,  auprès  de  l'empereur 

Lothaire. 

«  Lotharium  eloquii  mira  dulcedine  tractum, 

«  Mellifluumque  sibijungit  amore  Patrem. 
«  Kayser  Lotharius  Norberti  guten  rath, 


«  seine  wohlredenheit  Bernard  gerùhmet  hat.  » 


24 


—    370    — 

Planche   XXXIII. 

Mort  de  saint  Norbert. 

«  Finis  adest  vitee,  finis  Norberte  laborum, 

«  Ad  sua  Te  Cliristus  régna  beata  vocat. 
«  Dûrch  saiifft  und  heilgen  Tod  der  Miih  und  arbeit  Lolm, 
«  Endlich  emfangt  Norbert  die  ewig  Himmels  Cron.  » 

A  cette  planche,  le  graveur  PfefFel  a  remplacé,  par  une 
fenêtre  à  losanges,  la  petite  scène  :  "  saint  Norbert  appa- 
raissant après  sa  mort  à  l'un  de  ses  religieux  »  qui  orne 
l'angle  droit  supérieur  de  la  pi.  32  de  la  Vie  de  saint 
Norbert  par  Galle. 

Planche  XXXIV. 

Funérailles  de  saint  Norbert. 

«  iEmula  dum  sacro  certant  de  pignore  Templa, 

«  Cœlesti  semper  Corpus  odore  fragrat. 
"  In  Somers  Hitz  der  Leib  Norberti  vile  Tag, 
«  mit  lieblichen  gerucli  gantz  unversehret  lag.  » 

PfefFel  a  modifié  la  planche  33  de  la  Vie  de  saint  Norbert 
par  Galle  en  supprimant  la  croix  épiscopale  qui  se  trouve 
à  la  tête  du  catafalque,  et  les  anges,  avec  le  lis,  entourés 
de  rayons.  La  petite  scène  représentant  l'entretien  du  saint 
évêque  avec  le  B.  Hugues  se  trouve  remplacée  par  une 
fenêtre  à  barreaux;  au  miheu  du  mur  du  fond,  à  l'endroit 
où  Galle  avait  placé  deux  anges,  se  voit  une  petite  fenêtre, 
ou  ouverture  circulaire  grillée,  en  œil  de  bœuf. 


—    371    — 

Planche  XXXV. 

Saint  Norbert  apparaît  à  l'un  des  frères  de  Prémontré. 

«  Lilia  Canclorem,  l'ructum  dant  pacis  Olivae, 

«  Has  Nor])ertus  ovans,  Angélus  illa  tulit. 
«  Mit  griinein  Ohl-Zweig  hier  Norbert  sich  zeiget  bald, 
«  In  liimniel  getragen  wird  in  weisserEilgen  gestallt.  » 

Un  religieux,  la  tète  nue,  revêtu  d'un  large  rochet  et 
d'une  aumusse  en  forme  de  camail,  est  agenouillé  devant 
un  prie-Dieu,  sur  lequel  est  déposé  un  livre  ouvert.  Le 
chanoine  Norbertin,  les  mains  étendues,  dirige  ses  regards 
vers  le  saint  fondateur  qui,  la  tête  nue  et  rayonnée,  revêtu 
du  manteau  de  l'Ordre  avec  le  pallium  et  la  croix  pectorale, 
s'élève  devant  lui,  porté  sur  des  nuages,  tenant  dans  la 
main  droite  une  tige  de  lis  en  fleurs,  et  étendant  la  main 
gauche,  comme  en  signe  d'adieu.  Au-dessus  de  la  gravure, 
deux  anges  ailés,  vêtus  d'une  tunique,  les  cheveux  bouclés, 
entourés  de  nuages  et  de  rayons  lumineux,  tiennent  une 
fleur  de  lis.  Le  prie-Dieu,  en  forme  de  piédestal,  est  orné 
d'une  tête  d'ange  avec  ornements  en  festons,  et  joint  à  un 
petit  banc  sur  lequel  se  trouvent  des  livres,  et  un  biretum. 
Au  fond  du  tableau,  à  droite,  une  fenêtre  à  vitrail  losange; 
à  gauche,  est  suspendue  une  draperie  relevée  par  des 
glands.  Au  dessus  de  la  planche,  est  gravé  ce  texte  sacré  : 
«  Germinabit  sicut  lilium,  et  erit  quasi  Oliva  gloria  ejus. 
"  Osée.  14,  6  et  7.  » 

Th.  Galle  a  représenté  cette  même  scène  dans  l'angle 
droit  supérieur  de  la  planche  32  de  la  Vie  de  saint 
Norbert. 


—    372    — 

III. 

La     Vie     de     saint     Norbert, 
Illustrée  par  les  Frères  KLAUBER. 

La  Vie  de  saint  Norbert,  reproduite  en  gravures  par  les 
frères  Klauber,  diffère  complètement  de  celles  qu'ont  gra- 
vées Galle  et  Pfeffel. 

Elle  se  distingue  d'abord  par  la  manière  dont  les  sujets 
sont  traités,  et  surtout  par  le  style,  genre  rococo,  propre 
à  la  dernière  moitié  du  dix-huitième  siècle.  Ce  stj^le,  on  le 
sait,  est  caractérisé  par  la  profusion  des  ornements,  par  la 
quantité  de  draperies,  d'enroulements,  de  guirlandes  de 
fleurs  et  de  fruits,  enlacées  d'une  manière  plus  ou  moins 
naturelle,  par  des  courbes  brisées,  etc.,  par  des  cartouches 
à  rinceaux,  à  formes  contournées,  et  empruntés  au  règne 
végétal.  Les  vêtements  de  plusieurs  personnages  rappellent 
les  costumes  portés  du  temps  de  Louis  XV. 

La  Vie  de  saint  Norbert,  en  gravures,  attribuée  aux 
frères  Klauber,  se  compose  d'un  frontispice,  et  de  19 
planches  mesurant  0,15  sur  0,10.  Le  titre  gravé  sur  le 
frontispice  nous  apprend  que  le  chanoine  Sébastien  Sailer, 
religieux  de  l'abbaye  Norbertine  de  Marchtal,  en  est 
l'auteur,  ce  qui  signifie  sans  doute  qu'il  a,  non  seule- 
ment composé  les  inscriptions  latines  qui  surmontent  les 
planches,  et  les  quatrains  latins  gravés  sur  les  cartouches 
d'en  bas,  mais  qu'il  a  également  dirigé  la  composition  des 
dessins,  comme  le  fit,  pour  la  Vie  illustrée  par  Galle,  le 
savant  Ghrysostôme  Van  der  Sterre,  prieur,  et  plus  tard, 
abbé  de  Saint-Michel  à  Anvers. 

A  en  croire  le  titre,  les  gravures  seraient  dues  au  burin 
des  frères,  Klauber,  tandis  que  les  19  planches  de  la  Vie 


—    373    — 

du  saint  fondateur  de  l'Oi'dre  de  Prémontré,  portent  la 
signature  de  Gatliarina  Klauber,  sœur  des  frères  susdits. 
Gomme  nous  l'avons  fait  observer,  chacune  des  planches, 
y  compris  le  frontispice,  est  surmontée  d'un  titre  ou  texte, 
résumant  la  scène  représentée  par  la  gravure,  qui,  au  bas, 
est  ornée  d'un  cartouche  servant  de  base  au  tableau.  Le 
cartouche  du  frontispice  donne  un  texte  de  l'Écriture- 
Sainte;  les  cartouches  des  19  planches  suivantes  con- 
tiennent un  quatrain  latin,  se  rapportant  au  sujet  ou  à 
l'épisode  de  la  Vie  du  saint . 

Frontispice.  —  Le  titre  :  Yita  S.  Norbe?ii  Prœm. 
Fund.  se  trouve  au-dessus  du  frontispice,  et  est  complété 
par  ces  mots  gravés  sur  la  base  du  cartouche  inférieur  : 
Aiiih.  P.  Sailer  C.  M. 

La  table  du  cartouche  porte  ce  texte  sacré  :  «  Quis  est 
«  hic,  et  laudabimus  eum.  Fecit  enim  mirabilia  in  vita  sua. 
«  Eccl.  31,  V.  9.  " 

Au  bas  de  la  planche  est  gravé  ce  qui  suit  : 

Ftrês  Klauber  Catli.  Ser.  et  Rev.  Archiep.  et  Elect.  Trev.  et  Ep. 

[Aug.  ac 

Princ.  Prœpos.  Elvac.  uti  et  Ser.  Elect.  et  com.  Palat.  nec  non  Cels. 

[Princ. 
Kampidun.  Chalc.  Aulici,  Sculps.  Aug.  V.  A»  1779. 

Le  frontispice  représente  saint  Norbert,  la  tète  nue  et 
entourée  d'un  cercle  lumineux,  vêtu  d'un  rochet  garni  de 
dentelle  avec  camail-pallium.  Il  est  agenouillé  près  d'un 
piédestal,  la  main  gauche  sur  le  cœur,  la  main  droite 
étendue;  devant  lui,  posées  à  terre,  se  trouvent  la  mitre  et 
la  crosse;  il  adore  le  Saint  Sacrement  exposé,  à  gauche  du 
tableau,  dans  un  ostensoir  porté  sur  des  nuages  et  envi- 
ronné de  rayons  lumineux  ;  un  rayon  partant  de  la  Sainte 
Hostie,  vient  éclairer  le  front  du  Saint.  A   l'entour  des 


—    374    — 

rayons  et  dans  les  nuages  qui  avoisinent  l'ostensoir,  se 
voient  des  têtes  d'anges  ailés.  Un  ange  ailé,  ceint  d'une 
écliarpe,  écarte  une  ample  draperie  à  franges  qui  est  sus- 
pendue dans  l'angle  gauche  supérieur,  et  descend  jusqu'au 
bas  du  cartouche;  dans  l'angle  gauche  inférieur,  vis-à-vis 
de  saint  Norbert,  un  médaillon,  encadré  de  feuillage  et  de 
fleurs,  représente  les  armes  symboliques  de  la  sainte 
Eucharistie  :  un  calice  surmonté  d'une  hostie,  accosté  d'une 
branche  de  vigne  et  d'un  épi  de  froment. 

Au-dessus  du  Saint,  à  droite,  est  assise,  entourée  de 
rayons,  une  femme  vêtue  d'une  ample  chape,  la  tête  sur- 
montée de  la  tiare,  ayant  une  large  croix  posée  sur  le  bras 
gauche  ;  elle  tient  de  la  main  droite,  trois  chartes  ou  bulles 
munies  de  sceaux,  sur  lesquelles  on  lit  les  noms  des  papes  : 
Gelasius,  Honorius,  Calliœtus;  dans  la  main  gauche,  elle 
a  également  une  bulle  avec  l'inscription  :  Bened.  XIV 
Oneroso.  Auprès  d'elle,  un  ange  ailé  indique  une  bulle  qui 
porte  inscrit  le  nom  du  pape  Innocentius  ;  un  peu  plus 
haut,  une  colombe  entourée  de  rayons  lumineux  figure  le 
Saint  Esprit  qui  se  dirige  vers  l'église. 

Le  cartouche   est   surmonté   de   guirlandes  enroulées, 
recourbées,  avec  des  branchages. 

Planche  I". 

Le  titre  suivant,  qui  accompagne  la  première  planche, 
en  indique  le  sujet  : 

«  B.  Hedwigis  Comitissa  mater  prsegnans 
«  S.  Norberti  per  Somnium  de  Filio 
«  Archipra;sule  Futui-o  monetur. 

La  mère  de  saint  Norbert  est  étendue  sur  un  lit  que 
recouvre  une  étoffe  dont  le  bord  est  tuyauté,  et  qui  est 


—    375    — 

surmonté  de  rideaux  formant  baldaquin.  En  haut  du  lit,  un 
ange  ailé,  revêtu  d'une  légère  draperie,  tenant  de  la  main 
gauche,  le  caducée,  symbole  de  la  paix,  étend  sa  main 
droite  vers  Hadwige,  mère  de  Norbert.  La  draperie  flot- 
tante autour  du  corps  de  l'ange  est  parsemée  d'étoiles,  de 
même  que  le  ciel  qui  l'entoure. 

Près  d'Hadwige,  à  droite,  un  petit  enfant  vêtu  d'une 
courte  écharpe  et  d'un  pallium,  ayant  une  mitre  sur  la  tête, 
et  une  crosse  dans  la  main  gauche,  soulève,  de  la  main 
droite,  le  rideau  du  lit  où  repose  sa  mère,  les  bras  posés  sur 
les  couvertures.  A  droite  faisant  pendant  à  l'ange  ailé,  est 
assise  sur  des  nuages  et  soutenue  par  deux  autres  anges, 
une  femme  ayant  la  tête  voilée,  vêtue  d'une  large  draperie, 
portant  de  la  main  droite  un  sceptre  surmonté  d'un  triangle 
avec  l'œil  divin  au  milieu  ;  elle  étend  la  main  gauche  vers 
Hadwige,  et  semble  symboliser  la  sagesse  divine  qui  dirige 
toutes  choses  et  d'avance  ht  dans  l'avenir.  A  gauche  du  lit, 
une  console  enguirlandée. 

Joli  cartouche,  orné  de  branches  contournées  aux  extré- 
mités. 

«  Quse  Sobolem  maneant  sortes,  quse  fata,  Parentem, 
«  Dum  Somno  opprimitur,  Somuia  Sacra  docent. 

«  Non  semper  fingis  Morplieu.  Te  ver  a  locutum, 
«  Et  Pueri,  et  magni  Praesulis  acta  probant.  » 

Planche    II. 
Fulminis  ictii  dejectus  de  Sonîpede  altiora  nieditari  incipit. 

Au  milieu  d'une  plaine  entourée  d'arbres  verdoyants, 
Norbert,  vêtu  avec  élégance,  est  étendu  à  terre  près  de  son 
cheval  renversé;  il  élève  une  main  vers  le  ciel,  et,  de 
l'autre,  s'appuie  sur  le  sol.  Le  valet  qui  l'accompagne  à 
cheval,  lève  les  mains,  exprimant  son  étonnement  et  sa 


—     376     — 

frayeur.  Dans  les  branches  de  l'arbre,  on  distingue  les 
sillons.de  la  foudre;  en  haut,  des  rayons,  jaillissant  des 
nuages,  viennent  se  poser  sur  Norbert.  Au  fond  du  paysage, 
une  rotonde  surmontée  d'un  dôme.  Joh  cartouche  enguir- 
landé. 

«  Sternitur  in  terram  Norbertus  Fulminis  ictu, 

«  Et  sapit  inclamans  percutientis  opem. 
<i  Mirum  !  prosternant  cum  Fulmina  qusequas  deorsum, 

«  Hune  Sursura  contra  Fulminis  ictus  agit.  » 

Planche  III. 
Abjedis  splendîdîs  vestihus  pelle  ovina,  seu  melofe,  induit ur. 

Devant  une  galerie  à  colonnes,  Norbert,  la  tète  nue  et 
entourée  d'un  cercle  lumineux,  nu-pieds,  revêtu  d'une  robe 
de  peaux  d'agneau,  a  les  mains  jointes,  et  dirige  ses 
regards  vers  le  ciel  d'où  descend  un  rayon  qui  illumine  son 
visage.  Devant  lui,  est  posé  à  terre  un  coffre  ouvert  renfer- 
mant des  monnaies  et  un  collier  avec  médaillon,  qu'il  foule 
dédaigneusement  du  pied.  Près  de  Norbert,  à  droite,  sont 
assis  et  appuyés  sur  une  console,  un  homme  et  une  femme 
qui  étendent  les  bras;  à  gauche,  des  femmes  agenouillées  et 
des  hommes  debout  expriment,  par  leurs  gestes,  leur  éton- 
nement  et  leur  admiration.  Au  fond  du  tableau  se  voient 
d'autres  personnages  dans  la  même  attitude.  En  haut,  se 
groupent  des  nuages.  Cartouche  orné  d'une  guirlande  de 
fruits  et  de  fleurs. 

«  Ite  procul  vanse,  tegumenta  superflua,  vestes, 
«  Non  ego  vos  posthac  ....  Pellis  ovina  veni  ! 

»  Agnos  ut  pascam  per  meque,  meosque  deinceps, 
«  0  !  Domini  Salve  Caula  !  sed  Aula  Vale  ! 


—    377     — 

Planche  IV. 

Mores  pravos  cleri  Suffillans  a  malo  clerico  publlce  conspiiitur. 

Devant  des  bâtiments  somptueux,  d'une  architecture 
grandiose,  Norbert  nu-pieds,  vêtu  simplement,  la  tète  nue 
et  auréolée,  un  livre  ouvert  posé  sur  le  bras  gauche, 
élevant  de  la  main  droite  un  crucifix,  rappelle  aux  cha- 
noines et  aux  clercs  leurs  devoirs  envers  Dieu.  L'un  d'eux, 
la  tète  nue,  portant  le  costume  d'un  abbé  de  cour  du  temps 
de  Louis  XV,  le  rabat  au  cou,  le  poing  sur  le  côté,  lance  un 
crachat  à  la  figure  du  Saint.  Autour  d'eux,  est  groupée  une 
foule  de  curieux  qui  expriment  :  les  uns,  leur  mécontente- 
ment, les  autres,  leur  admiration  profonde.  Aux  pieds  du 
Saint,  à  gauche,  est  agenouillée  une  femme,  les  mains 
jointes,  ayant  près  d'elle  deux  petits  enfants  qui  s'ébattent 
et  jouent  avec  l'insouciance  de  leur  âge.  De  chaque  côté  de 
la  scène,  des  arbustes  couverts  de  feuillage.  Cartouche 
enroulé  où  se  noue  im  ruban  enlacé. 

«  P^xcreat  in  Faciem  Spurcae  tetra  phlegmata  linguEe 

«  Sacri  oratoris  quem  pia  liugua  monet. 
a  Nil  hinc  turbaris,  Norberte  !  sed  Excremenla 

«  Incrementa  tibi  mentis  amantis  erant.  » 

Planche   V. 
Cum  Sanguine  Evcharîstico  Magnarn  Araneam  Innoxîe  sumît. 

Dans  une  crypte,  ou  église  souterraine,  soutenue  par  des 
colonnes,  éclairée  par  une  lampe  suspendue  à  la  voûte, 
Norbert  célèbre  la  Sainte  Messe.  Le  Saint,  la  tète  entourée 
d'un  cercle  lumineux,  revêtu  d'une  chasuble  avec  la  croix, 
est  au  moment  de  boire  le  Saint  Sang  du  calice  qu'il  tient 
levé  dans  la  main  droite,  en  l'approchant  de  ses  lèvres,  et 
tient  la  patène  de  la  main  gauche.  Dans  le  calice  on  aper(^oit 


—    378    — 

une  araignée,  dont  le  fil  remonte  jusqu'à  la  voûte  où  s'étend 
son  immense  toile.  Dans  l'angle  gauche  du  tableau,  se 
dresse  l'autel,  couvert  d'une  nappe  bordée  de  dentelles, 
surmonté  d'un  baldaquin  avec  draperies  relevées,  et  orné 
d'un  crucifix,  de  deux  chandeliers  avec  leurs  cierges 
allumés,  d'un  missel  et  d'un  canon  liturgique.  A  côté  de 
l'autel  est  placée  une  petite  crédence  soutenant  deux 
burettes.  Derrière  le  célébrant,  un  clerc  à  genoux,  revêtu 
d'un  large  surplis,  lève  les  deux  mains  vers  le  ciel;  plu- 
sieurs personnes  assistent  pieusement  au  Saint  Sacrifice. 
Près  de  l'autel  et  de  la  crédence,  se  voit  agenouillé,  la  tète 
tournée  vers  Norbert,  un  jeune  gentilhomme  vêtu  avec 
élégance,  son  chapeau  à  panache  déposé  à  ses  pieds;  il 
étend  ses  mains,  en  signe  d'admiration.  Au  fond  de  la 
crypte,  se  groupe,  près  des  marches  de  l'escalier,  une  foule 
de  pieux  assistants.  Une  draperie  relevée  se  dessine  au  haut 
de  la  gravure  et  descend  gracieusement  de  chaque  côté, 
en  forme  de  rideau.  Cartouche  avec  guirlande  et  branches 
contournées. 

<t  Intrepidus  Sacro  cura  Sanguine  Sumis  arachnen  : 

«  Nempe  bibens  vitam  toxica  nuUa  times. 
«  Mox,  ubi  sternutas,  innoxius  exilit  hostis  ; 

«  Hincfuit,  et  merito,  tune  Tibi  dicta  Salus.  » 

Planche  VI. 

A  Cruciftxo  Septein  radiis  illustrato  edocfus  în  prato  nionstrato 
ordinis  Siù  Canonici  primordia  struit. 

Dans  une  plaine  accidentée,  on  voit  le  Christ  attaché  à 
la  croix  d'où  s'étendent  sept  rayons  lumineux;  devant  lui, 
saint  Norbert  est  à  genoux  nu-pieds,  la  tête  nue  et  auréolée, 
vêtu  de  sa  tunique  de  peaux,  les  mains  étendues  et  regar- 
dant le  Christ.  A  gauche  de  la  croix,  se  tient  un  pèlerin, 


—    379    — 

tête  nue  et  nu-pieds,  vêtu  du  collet  rabattu  (pèlerine)  orné 
de  coquilles,  la  gourde  au  côté,  le  chapeau  attaché  sur 
l'épaule,  tenant  de  la  main  droite,  outre  le  bâton  de  voyage, 
une  fleur  de  lis  qu'il  dépose  aux  pieds  du  Christ,  et  levant 
un  doigt  de  la  main  gauche.  A  droite,  près  de  Norbert,  un 
pèlerin  debout,  vêtu  comme  son  compagnon,  le  bâton  dans 
la  main  droite,  lève  sa  main  gauche  vers  le  Christ,  qu'il 
regarde  attentivement.  Au  fond  du  tableau,  à  droite,  s'élève 
un  rocher  près  d'une  église  surmontée  d'une  tour  carrée. 
Dans  le  haut  des  nuages,  des  arbustes  effeuillés  encadrent 
le  tableau  ;  à  droite,  deux  serpents  enroulés  se  tordent  aux 
parois  du  rocher  et  se  lancent  dans  le  vide,  hors  du  cadre. 
Cartouche  gracieusement  recourbé  en  ovale,  et  doublé  de 
guirlandes  mêlées  de  feuillages. 

«  Ecce  !  crucifixi  Norberto  apparet  Imago, 

«  a  Septem  radiis  Splendida,  clara  Suis. 
«  Pratum  monstratum  Septena  luce  corust-utn 

«  ordinis  esse  caput  coepit  ut  octo  boni.  » 

Planche  VII. 

Emanïbus  Beatisslmœ  Virgînis  Delparœ  candidum  ordinis  hahitum 
in  Signuin  Immaculatœ  Ejusdem  conceptionîs  acctjjit. 

La  Très  sainte  Vierge,  vêtue  d'une  large  robe  flottante,  la 
tête  couverte  d'un  voile  et  entourée  de  rayons  lumineux, 
portée  sur  des  nuages  que  soutiennent  des  têtes  d'anges 
ailés,  apparaît  à  Norbert.  Le  saint  nu-pieds,  vêtu  d'une 
robe  grossière,  la  tête  nue  ceinte  d'une  auréole,  est  à 
genoux,  et  reçoit  des  deux  mains  la  robe  blanche  que  lui 
présente  de  la  main  gauche,  la  Vierge  Immaculée,  tout  en 
étendant  la  main  droite.  A  gauche  de  la  Mère  de  Dieu,  un 
ange  ailé,  vêtu  d'une  draperie,  tient  des  deux  mains  le 
biretum  et  une  ceinture  flottante.  A  droite,  dans  l'angle 


—    380    — 

supérieur,  un  ange  ailé,  soutenu  par  deux  petits  anges 
vêtus  d'une  simple  écharpe,  porte  le  manteau  de  chœur.  En 
haut,  au  milieu  des  nuages,  on  aperçoit  deux  têtes  d'anges 
ailés,  dont  les  traits  expriment  la  joie.  Aux  angles  du 
cartouche,  se  dressent  des  branches  de  lis,  autour  des- 
quelles sont  enroulés  des  serpents  qui  vomissent  des 
flammes. 

»  De  uive  cœligenum  Virgo  Immaculata  ministrat 
«  Vestem,  quae  postliac  ieque,  tuosque  tegat. 

«  Et  decuit  bene  conceptam  sine  labe  parentem, 
«  Ut  Natis  vestem  det  sine  labe  suis.  » 


Planche  VIII. 

A  S.  Aurelio  Augnstlno  in  visione  Canonicam  et  Auream  Regulam 

Sortitur. 

Sous  une  draperie  bordée  de  franges,  et  relevée  gracieu- 
sement par  trois  anges  ailés,  vêtus  d'écharpes,  on  voit 
saint  Norbert  à  genoux,  la  tête  nue  et  auréolée,  vêtu  de 
l'habit  de  l'Ordre,  et  recevant  des  deux  mains  le  livre  de  la 
règle  que  lui  offre  saint  Augustin.  L'évêque  d'Hippone, 
porté  sur  des  nuages,  vêtu  d'une  large  chape,  ayant  la 
mitre  épiscopale  sur  sa  tête  ceinte  d'une  auréole,  avec  la 
barbe  bien  fournie,  un  cœur  surmonté  de  flammes  posé  sur 
la  poitrine,  lui  présente  de  la  main  gauche  un  livre  ouvert 
sur  lequel  on  lit  ces  mots  :  Ante  omnia  diligatur  Deus. 
Il  tient  la  main  droite  étendue.  A  gauche  d'Augustin  se 
voient  deux  anges  ailés,  dont  l'un  porte  la  crosse  d'une 
main,  tandis  que  l'autre  ange  relève  tant  soit  peu  la  chape 
du  pontife.  A  gauche,  au-dessus  de  Norbert,  trois  anges 
ailés,  ceints  d'une  écharpe,  soulèvent  dans  leur  vol,  les 
plis  d'une  draperie  qui  descend  jusqu'au  bas  du  tableau. 
Entre  le  saint  évèque  et  Norbert,  deux  têtes  d'anges  ailés 


—    381    — 

semblent  regarder  avec  complaisance  le  fondateur  de 
Prémontré.  Aux  pieds  de  Norbert  est  posé  à  terre  un 
bonnet  carré,  et  devant  lui  gisent  sur  le  sol  un  compas,  et 
un  plan  déroulé  sur  un  mètre.  Cartouche  enguirlandé,  sur- 
monté de  branches  de  feuillages  aux  angles  supérieurs. 

«  Aurea  de  Sursum  [:  dédit  hanc  Aurelius  ipse  :] 

«  Régula,  proque  tuis  ter  pretiosa  venit. 
«  Aureus  Author  erat,  sed  et  Aurea  dogmata.  Numquid 

«  Ordo  tuus  dici  hinc  Aureus  ordo  potest? 

Planche   IX. 

Nivigellœ  in  Brahantia  puellam  Energumenam  a  dœmone  libérât 
a  quo  Sarcastice  alhus  canis  vocatur. 

Devant  une  porte  monumentale,  entourée  de  murs  épais, 
où  s'élève  un  donjon,  Norbert  apparaît,  debout,  la  tète 
nue  et  nimbée,  vêtu  de  l'habit  de  l'Ordre,  accompagné  de 
deux  religieux  également  tète  nue.  Il  élève  la  main  gauclie 
et  étend  la  main  droite  vers  une  femme  possédée,  dont  les 
traits  sont  convulsés,  le  visage  effrayant,  soutenue  dans  les 
bras  d'une  femme,  accompagnée  d'un  enfant  et  d'un  homme 
qui  tient  ses  mains  jointes.  De  la  bouche  de  la  possédée, 
jaillit  et  s'élève  une  traînée  flamboyante,  surmontée  d'un 
petit  diable  en  forme  de  chauve-souris.  Aux  pieds  de  la 
malheureuse,  un  loup  étendu  à  terre  et  mordu  par  un 
boule-dogue.  Près  du  Saint,  un  caniche  aboie,  visiblement 
irrité  contre  la  misérable  possédée.  Au  second  ijlan  der- 
rière l'esplanade  où  se  dressent  les  murs,  un  homme  et 
une  femme,  témoins  de  cette  scène,  joignent  les  mains  et 
paraissent  prier.  Au  fond  du  tableau,  près  du  donjon,  un 
homme,  la  tête  nue,  accompagné  d'un  enfant,  étend  les 
bras,  en  signe  d'admiration  et  de  respect.  Cartouche  en- 
touré de  fleurs  très  gracieusement  disposées. 


—    382    — 

«  Quum  Nivigellae  Sathanam  de  corde  puellse 

«  Propulsas,  album  te  vocat  illecanem, 
«  Tartareum  dum  nempe  lupum  mordesquefugasque 

«  Ipse  l'uga  Domini  Te  probat  esse  canem.  » 

Planche  X. 
Herhipoli post  Sacrum  HaJitu  cœcmn  multerem,  ut  videret,  illuminât. 

Devant  un  autel  accosté  d'une  colonne  que  surmonte  une 
draperie  à  franges,  relevée  vers  la  voûte  de  l'édifice,  puis 
retombant  du  côté  gauche,  saint  Norbert  se  tient  debout, 
revêtu  d'un  long  surplis  et  d'une  chape  richement  ornée,  la 
tête  couverte  de  la  mitre  et  ceinte  d'une  auréole.  A  sa  droite, 
se  tient  un  diacre  vêtu  d'une  dalmatique  ;  à  gauche,  plu- 
sieurs clercs,  dont  l'un  présente  le  missel;  le  sous-diacre 
portant  la  crosse.  Le  Saint  se  tourne  vers  une  femme 
aveugle  agenouillée  devant  lui,  les  mains  jointes,  un  bâton 
appuyé  au  bras  droit  ;  elle  est  accompagnée  d'une  jeune 
femme  et  d'un  page  également  à  genoux.  Le  Saint  bénit 
l'aveugle  de  la  main  droite,  pose  la  main  gauche  sur  sa 
tête,  et  lui  souffle  au  visage.  L'autel,  orné  d'une  garniture 
de  dentelles,  porte  un  crucifix  entre  deux  chandeliers  avec 
leurs  cierges  allumés,  et  un  petit  cadre  au  milieu.  Au  fond 
de  la  chapelle,  derrière  une  balustrade,  on  voit,  assis  sur 
un  tertre,  un  malheureux  à  peine  couvert;  le  Père  Éternel, 
au  nimbe  triangulaire,  ayant  la  tête  nue  et  une  longue 
barbe,  lui  souffle  également  au  visage.  Cartouche  encadré 
et  surmonté  de  fleurs. 

«  Dum  Sacris  operatus  eras  de  luraine  plenus 

«  Cœlesti,  mulier  cseca  recepit  opem. 
«  In  csecam  Exsufflans  lumen  de  himine  confers. 

«  Hactenus  Exsufflans  luminaNemo  dédit.  » 


—    383    — 

Planche  XI. 

Daenion  sub  Specie  Ursi  apparentem  Signo  crucis  deturhat. 

Près  d'une  double  colonnade  surmontée  d'une  galerie 
ajourée  et  comme  encadrée  de  feuillages,  Norbert,  debout, 
la  tète  nue,  ceinte  d'une  auréole,  paraît,  vêtu  de  l'habit 
blanc  avec  la  croix  pectorale,  suivi  de  deux  religieux  qui 
élèvent  les  mains.  Le  Saint  étend  vers  le  ciel  sa  main  droite 
retournée,  et  tient,  dans  la  main  gauche,  une  croix  qu'il 
dirige  vers  un  ours  furieux.  L'animal  posté  au  pied  d'un 
arbre,  sur  un  tertre  au  pied  duquel  serpente  une  petite 
rivière,  se  tourne,  menaçant,  vers  Norbert,  et  de  sa  gueule 
lance  des  flammes.  A  l'horizon,  une  colline,  deux  bar- 
rières de  lattes  treillagées,  et  des  nuages  dans  le  fond  du 
tableau.  Cartouche  rustique  avec  fleurs  et  feuillages. 

«  E  Styge  terrifici  Specie  dum  prosilit  ursi 

«  Dsemon,  nil  trépidas,  nil  et  alj  hoste  times. 

«  Mox  cruce  Signata,  rétro  ut  Saltaret,  ageLas, 
«  Sic  regredi  jussus  nunquid  et  ursus  erat?  » 

Planche  XII. 
Lupiini  ovtcuîœ  raptorem  ad  greg'is  custodîam  députât. 

Dans  une  campagne  coupée  de  collines  et  encadrée  de 
groupes  d'arbres,  saint  Norbert,  debout,  la  tète  nue  et 
auréolée,  vêtu  de  l'habit  religieux  avec  la  croix  pectorale, 
et  accompagné  de  trois  religieux  élève  la  main  gauche 
vers  le  ciel  et  étend  la  main  droite  vers  un  loup  qui,  à  ses 
pieds,  terrasse  une  brebis.  L'un  des  religieux  élève  la  main 
et  un  autre  l'étend  en  signe  d'admiration.  Au  second  plan, 
à  droite  sous  une  touffe  d'arbustes,  sont  assis  deux  bergers 
jouant  de  la  musette,  ayant,  couchés  à  leurs  pieds  un  chien 
et  un  agneau,  à  côté  de  quelques  instruments  de  musique. 
Près  d'eux,  un  autre  pasteur  qui  se  tient  debout,  lève  sa 


—    384    — 

houlette  pour  mettre  un  loup   en  fuite.   Joli   cartouche 
enroulé,  décoré  de  guirlandes. 

«  De  grege  dum  Ssevus  tenerum  Lupus  abstulit  agnum, 
«  Raptor  cum  prœda,  Te  revocante,  redit. 

«  Ut  pascat,  non  mactet  oves,  Lupus  Ergo  juhetur, 
«  Discite  pastores,  quod  Lupus  iste  facit.  » 

Planche  XIII. 

Hostes,  înterposîtîs   S.S.  Reliquiis,   inter  se  mire  conciliât  optimus 
pacis  Christianœ  Fecialis. 

Dans  une  plaine  entourée  de  collines  et  encadrée  de 
deux  magnifiques  palmiers,  Norbert,  la  tête  nue  et  auréolée, 
vêtu  de  l'habit  religieux  portant  de  la  main  droite  une 
branche  d'ohvier,  étend  la  main  gauche  vers  deux  seigneurs, 
ennemis  invétérés,  qu'il  réconcilie,  en  présence  des  saintes 
reliques  dont  la  châsse  est  déposée  près  d'eux  à  terre.  Ces 
deux  seigneurs,  suivis  de  deux  témoins,  sont  richement 
vêtus,  portant  des  toques  à  panaches;  ils  se  donnent  la 
main  et  jurent  une  éternelle  paix,  leurs  épées  nues  sont 
déposées  près  d'eux,  à  terre.  Deux  religieux  accompagnent 
le  saint  pacificateur,  et,  par  leurs  gestes,  expriment  toute 
leur  admiration.  Dans  les  arbres  on  voit,  à  droite,  voltiger 
un  ange  ailé  vêtu  d'une  draperie,  tenant,  dans  chaque  main 
une  branche  de  palmier;  à  gauche,  deux  autres  anges  ailés, 
vêtus  de  même,  présentent  également  des  palmes.  Au-dessus 
des  personnages  du  tableau,  vole  dans  l'air  une  colombe, 
portant  dans  son  bec  une  branche  d'olivier.  Cartouche  élé- 
gamment encadré  et  enroulé. 

«  In  manibus  gestans  oleam,  dum  Foedera  suadet, 
(I  Ossa  super  Divum  hsec  consolidare  Solet. 

«  Et  bene  !  cum  Divi  nunc  Sancta  in  pace  quiescant, 
w  Yivis,  ut  Divis  non  sit  arnica  quiee?  » 


—    385    — 

Planche  XIV. 
Antverpiœ  Sacramentariam  Tanchelini  Hœresîn  funditus  Extirpât. 

La  gravure  représente  une  place  s'étendant  devant  une 
des  portes  de  la  ville  d'Anvers,  dont  on  voit,  par  de  là  le 
mur  d'enceinte,  deux  des  églises  avec  dômes  et  tours.  Une 
procession,  précédée  de  la  croix,  composée  de  plusieurs 
clercs,  se  dirige  vers  la  porte  de  la  cité,  escortant  le  Saint 
Sacrement  de  l'Eucharistie,  porté  par  saint  Norbert.  Le 
Saint,  la  tête  nue  et  auréolée,  revêtu  d'une  ample  chape, 
dont  le  bord  est  tenu  et  relevé  par  un  jeune  page,  porte  des 
deux  mains  l'ostensoir  à  rayons;  il  est  suivi  de  deux  por- 
teurs du  dais  qui  protège  le  Saint  Sacrement;  devant  lui, 
un  prêtre  vêtu  d'une  étole,  tient  un  flambeau,  et  un  acolyte 
à  genoux  balance  un  encensoir.  Près  du  jeune  page,  une 
femme  à  genoux  tient  en  mains  une  toque;  au  fond,  à 
gauche,  se  groupe  une  foule  d'assistants.  En  haut,  dans 
l'air,  au-dessus  de  la  porte,  l'Eglise  du  Christ  apparaît, 
représentée  par  une  femme  assise  sur  des  nuages,  la  tête 
surmontée  de  la  tiare,  tenant  de  la  main  gauche  une  croix, 
et  posant  de  la  main  droite  un  cahce  eucharistique  sur  le 
dôme  d'un  édifice  octogone,  autour  duquel  on  lit  :  Confrat. 
S.  S.  Sacramenti  in  ord.  Prœ^n.  Au-dessus  du  dais  qui 
abrite  le  Saint  Sacrement,  voltigent  deux  anges  ailés, 
dont  l'un  a  les  mains  jointes  et  l'autre  balance  un  encen- 
soir. Dans  l'angle  droit,  au  premier  plan,  s'appuyant 
contre  une  borne  ou  un  piédestal  encadré,  on  voit,  debout, 
deux  personnages,  la  tête  nue,  à  la  figure  sinistre,  aux 
gestes  effarés,  qui  s'empressent  de  prendre  la  fuite  et 
regardent  le  Saint  d'un  air  farouche.  Sous  leurs  pieds 
gisent  à  terre  deux  livres  ouverts,  sur  l'un  desquels  est 
renversé  un  calice  d'où  s'élève  une  flamme;  l'autre  ouvert 

aussi,  et  foulé  par  les  fuyards.  L'un  des  deux  hérétiques 

25 


—    386    — 

porte  au  cou  un  médaillon  suspendu  à  une  chaîne.  Adroite 
et  à  gauche,  des  massifs  d'arbustes  chargés  de  feuillages. 
Cartouche  surmonté  d'arabesques. 

«  In  corpus  Domini  quod  Tankeline  1  nefandum 

«  Peccas,  Norbert!  Zelus  ah  urbe  fugat. 
«  Norbertina  cohors  manet  hinc  Prsetoria  semper, 

«  Quse  corpus  Domini  mente,  manuque  tegat.  » 

Planclie  XV. 

Parthenopolîm  ArM-Episcopus  nudipes  Ingreditur,  et  Janitorem 
sïbl  contrarium  amplectitur. 

Sous  une  porte  monumentale,  dont  le  centre  est  orné 
d'un  cartel  blasoné  et  d'une  statue  de  la  Renommée,  on  voit 
Norbert,  nu  pieds,  la  tète  auréolée,  revêtu  de  l'habit  reli- 
gieux, attirant  vers  lui  un  homme  armé  d'une  épée  et  d'une 
hallebarde,  qui,  l'air  triste  et  embarrassé,  posant  la  main 
droite  sur  la  poitrine,  paraît  faire  des  excuses  au  Saint, 
pour  lui  avoir  refusé  l'entrée  du  palais  épiscopal.  Le  saint 
prélat  est  suivi  de  trois  religieux.  Aux  deux  angles  de  la 
gravure  se  voient,  debout,  la  tête  couverte  d'une  toque 
à  panaches,  deux  personnages  vêtus  en  bourgeois,  qui 
tiennent  leurs  mains  étendues,  exprimant  leur  étonnement. 
Au  pieds  du  gardien  de  l'évêché,  un  chien  couché  à  terre, 
aboie  contre  le  Saint.  Dans  le  fond  du  tableau,  trois  femmes 
regardent  cette  scène;  plus  loin,  dans  la  perpective,  se 
dessinent  les  murs  d'une  forteresse,  et  une  église  surmontée 
de  tours.  Une  draperie  à  franges  tombe  du  haut  de  la 
gravure  sur  les  deux  côtés  du  cadre,  dessiné,  à  droite  et  à 
gauche,  par  des  hallebardes.  Joli  cartouche  enroulé  et 
orné  de  fleurs. 

«  Ad  proprias  PrEesul  dum  pergis  nudipes  eedes, 
"  Mendicum  reputans  Janitor  inde  movet. 

(1  Quis  sis,  dum  novit,  mctuentem  pessima  mulces; 
H  Quisque  Futurus  et  in  Limine  nonne  probae  ?  » 


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Planche  XVI. 

Pro  Jurium  Ecclesiœ  suce  defensione  Persecutiones  diras  patîtur. 

Au  centre  d'une  salle  soutenue  par  des  colonnes  et 
éclairée  par  une  couronne  de  lumières,  suspendue  à  la 
voûte,  Norbert,  la  tète  mitrée  et  ceinte  d'une  auréole, 
revêtu  d'une  chape  somptueuse  avec  croix  pectorale,  tenant 
de  la  main  gauche  la  croix  épiscopale,  tend  la  main  droite 
vers  l'un  des  misérables  qui  viennent  pour  l'assassiner. 
Aux  pieds  du  Saint,  à  gauche,  un  clerc,  vêtu  d'un  rochet, 
s'agenouille,  les  bras  étendus;  à  droite,  un  religieux  est 
également  à  genoux,  les  mains  jointes,  tandis  qu'un  autre, 
debout,  étend  le  bras  pour  protéger  l'évêque  contre  les 
coups  de  ses  ennemis.  Dans  l'angle  droit,  un  des  assassins, 
homme  à  figure  sinistre,  tenant  de  la  main  droite  un  glaive 
nu,  lève  la  main  gauche  et  menace  le  saint  prélat;  un  autre 
meurtrier,  prenant  le  Saint  de  la  main  gauche,  brandit  de 
la  main  droite  son  épée  pour  le  frapper  ;  un  troisième  con- 
juré, levant  aussi  le  bras,  est  suivi  d'une  troupe  d'hommes 
armés  de  piques.  Au  fond  du  tableau  deux  femmes  se 
lamentent  entourées  d'un  groupe  de  curieux.  Une  draperie 
à  lambrequins  encadre  le  haut  du  tableau,  et  déroule  de 
chaque  côté  ses  bords  garnis  de  franges.  Joli  cartouche, 
orné  de  fleurs  et  d'arabesques. 

«  Vix  Canonum  Sacra  jura  Foves,  ï'ervensque  tueris, 

«  Mox  Enses,  Hastas  effera  turba  movet. 
«  Stas  taraen  Impavidus  ;  turbaeque,  Hostesque  recedunt. 

a  In  Sacra  jus  gladii  nilque  valere  docent.  « 

Planche  XVII. 

Innocentium  IL  contra  Anacletum  Antipapam  cum  sancto  Bernardo 
Clarœvallensî  Strenue  tiietur. 

Devant  une  des  portes  de  Rome,  largement  ouverte,  au 


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milieu  des  murs  d'enceinte  derrière  lesquels  s'élèvent  des 
églises  surmontées  d'un  vaste  dôme,  saint  Norbert  et  saint 
Bernard  paraissent,  suivant  immédiatement  le  Pape  Inno- 
cent qui  rentre  dans  sa  capitale.  Le  Pape,  revêtu  d'une 
chape  somptueusement  ornée,  portant  la  tiare,  étend  la 
main  droite  pour  bénir,  et,  de  la  main  gauche,  tient  la 
croix  papale;  il  est  précédé  de  deux  bannières,  de  clercs 
portant  des  flambeaux,  de  cardinaux  et  d'évèques.  Norbert, 
la  tète  mitrée  et  entourée  de  rayons,  vêtu  de  riches  habits 
pontificaux,  lève  la  main  droite,  et  tient  de  la  main  gauche 
une  branche  d'olivier.  Il  s'entretient  avec  saint  Bernard  qui, 
la  tête  nue,  cerclée  d'une  auréole,  vêtu  du  froc  monastique, 
tenant  le  bras  gauche  élevé,  regarde  son  compagnon.  Les 
deux  Saints  sont  suivis  de  prélats  mitres,  de  clercs,  etc. 
Dans  l'angle  gauche,  près  du  Pape,  figure  un  garde  ponti- 
fical armé  d'un  glaive  et  d'une  hallebarde.  A  droite,  on 
aperçoit,  au  second  plan  un  personnage  vêtu  d'une  chape, 
la  tiare  en  tête,  qui  s'éloigne  de  Rome  en  tenant  les  bras 
étendus.  Devant  lui,  une  colombe  emporte  dans  son  bec 
les  deux  clefs  pontificales;  à  côté  de  lui,  court  un  chien 
aboyant.  Cartouche  garni  de  feuilles  et  de  fleurs,  surmonté, 
à  droite,  d'un  joli  arbuste  formant  encadrement. 

«  Schisma  Anacleti  quando  Norberte  !  coerces, 

«  Clara  tibi  comitem  vallis  arnica  dédit, 
(I  Innocui  papee  partes  meliusne  tueri 

«  lu  mundo  quis,  quam  Lilium,  apisque,  queat?  » 

Planche  XVIII. 
Sancte  moritur,  et  suh  Lilii  specîe  Coelo  ah  angelis  înferrî  conspîcîtur. 

Saint  Norbert,  la  tête  nue,  ceinte  d'une  auréole,  couvert 
de  ses  habits  religieux  avec  le  pallium,  expire,  les  mains 
jointes,  étendu  sur  son  lit.  Un  religieux  le  soutient  dans 


—    389    — 

ses  bras;  un  autre  religieux,  debout,  la  tète  nue,  son 
bonnet  à  ses  pieds,  récite,  le  livre  à  la  main,  les  prières  des 
agonisants;  à  gauche  du  Saint,  près  d'une  petite  table  cou- 
verte d'un  tapis,  sur  laquelle  se  trouve  une  mitre,  on  voit 
un  religieux  tète  nue,  à  genoux,  tenant  un  livre  de  la  main 
gauche,  et  la  main  droite  élevée.  Un  autre  religieux,  ac- 
compagné de  deux  clercs,  se  trouve  un  peu  plus  loin  et, 
levant  les  bras  au  ciel,  exprime  son  admiration.  Sur  des 
rayons  lumineux  accompagnés  de  quatre  têtes  d'anges 
ailés,  un  superbe  lis  parait  s'envoler  vers  le  ciel.  La  croix 
épiscopale  est  posée,  au  fond  de  l'angle  gauche,  sur  l'oreiller 
de  l'agonisant.  Des  deux  côtés  du  tableau  s'élèvent  des 
branches  de  lis  qui  au  sommet,  s'unissent  aux  draperies 
flottantes.  Plus  haut  sont  groupés  des  nuages.  Cartel 
enroulé,  au  milieu  duquel  figure  un  bouquet  de  fleurs. 

«I  Liligeri  Fueras  qui  tu  Pater  ordinis,  Euge  I 

«  In  cœlum  moriens  Lilii  adinstar  aliis. 
«  Optima  nempe  tuEe  Fuerant  htec  Symbola  vitae, 

«  Hinc  fuit  ex  horto  Flosculus  iste  tuo.  » 

Planche  XIX. 

Non  sine  slngularl  Nuininis  providentia  Ossa  S.  Norberti  Patroni 
Bohemiœ  adlecti  ParthenopoU  Pragam  deferuntur. 

Devant  la  porte  et  l'enceinte  de  la  ville  de  Prague,  dont 
on  aperçoit  au  loin  les  châteaux,  les  églises  et  les  tours,  se 
déroule  une  procession,  bannières  et  flambeaux  en  tète.  La 
châsse  contenant  les  reliques  de  saint  Norbert,  est  portée 
par  quatre  clercs,  sur  un  brancard  orné  de  draperies.  Les 
porteurs,  tète  nue,  vêtus  de  longs  rochets,  sont  suivis  de 
deux  prélats  mitres,  la  crosse  en  main,  et  vêtus  de  riches 
chapes. 

A  droite,  un  prélat,  la  mitre  en  tète,  la  crosse  en  main, 


—    390    — 

élève  ses  bras  vers  la  châsse  ;  il  est  accompagné  d'un  cha- 
noine en  surplis.  Deux  femmes  sont  à  genoux,  à  l'avant- 
plan,  et  invoquent  le  Saint;  l'une  accompagnée  de  son 
enfant,  a  les  mains  jointes,  et  l'autre  les  bras  étendus.  Au 
milieu  du  ciel,  où  se  sont  amassés  des  nuages,  brille  l'œil 
triangulaire  de  Dieu  le  Père,  d'où  jaillissent  des  rayons 
lumineux.  Cartouche  encadré,  ayant  une  guirlande  au 
centre  et  portant  des  branches  fleuries,  qui  remontent  de 
chaque  côté  en  guise  d'ornement. 

«  Divorum  cineres  clum  Islebica  turba  profanât, 

«  Tu  procul  antiqua  de  Statione  fugis, 
«  Inter  Virgineos  recipit  ïe  Praga  pénates  : 

«  Lilia  Stare  loco  num  meliore  queant?  » 


IV. 

Aux  vies  de  saint  Norbert,  illustrées  par  le  burin  de 
Galle,  Pfeffel  et  Klauber,  nous  ajoutons  la  description  d'une 
planche  représentant  saint  Norbert  entouré  de  douze  mé- 
daillons figurant  autant  de  scènes  de  la  vie  du  Saint. 

Le  portrait  du  Bienheureux,  qui  est  le  même  que  celui 
qui  orne  la  vie  dessinée  par  Galle,  occupe  le  centre  de  la 
planche. 

Le  portrait  en  ovale,  est  entouré  de  quatre  coins  formant 
le  carré  de  l'encadrement,  au  bas  duquel  on  lit  :  «  Ipse  est 
«  directus  divinitus  in  pœnitentia  gentis  et  tulit  abomina- 
«  tiones  iniquitatis.  Eccl.  49.  » 

Les  douze  médaillons  sont  reliés  entr'eux  par  des  guir- 
landes et  des  draperies  flottantes  très  légères,  ceux  du 
miheu,  par  une  tête  d'ange  ailé  et  par  des  ornements  en 
forme  de  glands.  Dans  les  angles  des  médaillons,   sont 


—    391    — 

gravés  des  fleurs  et  des  bouquets.  Sous  chaque  médaillon 
est  placé  un  cartel,  ou  bande,  dont  l'inscription  en  latin 
indique  le  sujet  représenté.  Chaque  médaillon  mesure  0"'05 
sur  0™05,  l'ovale  du  portrait  O'^OO  sur  0"UOG,  la  planche 
entière  0^25  de  haut  sur  0™20  de  large. 

Premier  Médaillon. 
Nascitur  Sanctus  in  CUvia  Norbertus. 

La  mère  de  Norbert  est  étendue  sur  un  lit  à  baldaquin 
avec  rideaux  entr'ouverts.  Devant  elle,  se  trouve  une  ser- 
vante tenant  un  verre  à  la  main.  En  haut,  un  ange,  vêtu 
et  ailé,  entouré  de  nuages,  fait  descendre  sur  Hadwige  un 
raj^on  lumineux.  En  bas,  deux  femmes  assises  :  l'une 
porte  un  vase,  l'autre  un  petit  enfant  dont  la  tête  est  ceinte 
d'une  auréole,  et  à  qui  elles  donnent  leurs  soins.  Au  fond, 
à  gauche,  près  d'une  cheminée,  une  servante  sèche  des 
hnges. 

Deuxième  Médaillon. 
Fulmine  ex  equo  dejectus  convertitur. 

Norbert,  étendu  à  terre  à  côté  de  son  cheval  également 
renversé,  pose  sa  main  droite  sur  son  cœur.  Son  serviteur, 
tête  nue,  l'épée  au  côté,  est  debout  près  de  lui  et  le  regarde 
avec  émotion,  en  étendant  la  main.  Des  éclairs  sillonnent 
les  nuages.  Au  fond,  une  plaine,  des  bâtiments,  des  arbres. 

Troisième  MédaiUon. 
Ahjectis  vestihus  pretiosis,  agnlnîs  se  pelUbus  induit. 

Dans  une  salle  voûtée,  soutenue  par  des  colonnes,  Nor- 
bert, la  tète  nue,  entourée  de  rayons,  nu-pieds  et  revêtu 
d'un  habit  de  peau  d'agneau,  ayant  une  corde  pour  ceinture, 


—    392    — 

tenant  dans  la  main  gauche  une  croix,  de  la  main  droite, 
indique  ses  vêtements  de  chevalier  étendus  devant  lui  à 
terre.  A  sa  droite  et  à  sa  gauche,  de  nobles  seigneurs, 
groupés  dans  diverses  attitudes,  manifestent  leur  étonne- 
mentet  leur  expression. 

Quatrième  MédaiUon. 
Omnia  sua  païqierihus  distribuif. 

Près  d'un  riche  portique,  devant  un  table  couverte  de 
tapis,  sont  étendus  les  riches  vêtements  que  Norbert,  la 
tête  nue,  ceinte  d'une  auréole,  distribue  aux  indigents. 
Derrière  le  Saint,  un  serviteur.  Au  fond  la  campagne. 

Cinquième  Médaillon. 
Mira  gratta  poUet  pacîficandî  discordes. 

Dans  une  salle  voûtée,  soutenue  par  des  colonnes,  le 
Saint,  la  tête  nue  et  nimbée,  nu-pieds,  tenant  dans  sa  main 
droite  une  branche  d'olivier,  réconcilie  deux  seigneurs 
ennemis;  à  gauche,  trois  rehgieux,  à  droite  trois  bourgeois, 
sont  témoins  de  cette  réconciliation  faite  devant  un  autel 
sur  lequel  se  voit  un  chandelier  avec  cierge  allumé. 

Sixième   Médaillon. 
Habitum  candidum  a  Beatissima  Deipara  stiscijrit. 

Dans  une  église  à  colonnes,  au  pied  d'un  autel  sur  lequel 
se  trouve  un  crucifix,  Norbert,  à  genoux,  la  tête  nue  et 
auréolée,  lève  les  deux  bras  vers  le  ciel.  Il  est  accompagné 
de  deux  religieux  dont  l'un,  la  tête  ceinte  d'une  auréole, 
est  agenouillé  près  du  Saint,  auquel  un  ange  vêtu  et  ailé 
présente  un  robe  monastique.  Au-dessus  de  la  voûte,  sur  des 


—    393     — 

nuages,  la  Très  Sainte  Vierge  apparaît  avec  le  Divin 
Enfant,  entourée,  à  droite,  d'un  ange  qui  joue  du  violon;  à 
gauche,  d'un  autre  ange  qui  sonne  de  la  trompette. 

Septième  MédaiUon. 
S.  Augusfînus  Norberto  Clericorum  regiilam  porrîgit. 

Dans  une  modeste  chapelle,  dont  la  porte  est  entr'ou- 
verte,  apparaît  sur  des  nuages,  entouré  de  rayons,  saint 
Augustin  à  mi-corps,  la  tête  mitrée,  la  barbe  longue,  la 
main  droite  étendue,  offrant  de  la  main  gauche  à  Norbert, 
un  livre  ouvert.  Celui-ci,  la  tète  nue  et  auréolée,  vêtu  de 
l'habit  religieux,  est  agenouillé  devant  un  autel  sur  lequel 
sont  placés  un  crucifix,  un  livre,  un  sablier,  une  tète  de 
mort  et  une  discipline. 

Huitième  MédaiUon. 
Honorius  PP  II  confirmât  Ordineni  Prœmonstratensem. 

Dans  une  salle  tendue  de  riches  tapisseries,  le  pape 
Honorius,  assis  sur  un  trône  surmonté  d'un  dôme  à  balda- 
quin, et  ayant  à  droite  et  à  gauche  deux  dignitaires  ecclé- 
siastiques, offre  à  Norbert  la  Bulle  de  confirmation  de 
l'Ordre  de  Prémontré.  Le  Saint,  vêtu  du  manteau  monas- 
tique, la  tète  nue  et  auréolée,  est  accompagné  de  deux  reli- 
gieux à  genoux.  Le  pape  est  revêtu  d'une  large  chape  et 
porte  la  tiare.  Au  fond,  une  fenêtre  ouverte  laisse  entrer 
le  jour  dans  la  salle. 

Neuvième  MédaiUon. 
Inter  cœtera  mlracula  exîmia  claret  virtute  pellendi  dcemones. 

Dans  une  vaste  salle,  devant  une  table  sur  laquelle  brûle 
un  cierge,  Norbert,  vêtu  de  la  tunique  blanche,  coiffé  d'un 


—    894    — 

bonnet  et  la  tète  entourée  d'un  nimbe,  une  palme  dans  la 
main  gauclie,  bénit  de  la  main  droite  trois  possédés  pros- 
ternés à  ses  pieds.  Trois  esprits  diaboliques  prennent  la 
fuite  devant  lui.  A  côté  du  Saint  est  couchée  une  petite 
brebis. 

Dixième  Médaillon. 
Consecratur  Archiepiscopus  Magdehurgensis, 

Dans  une  église  soutenue  par  des  colonnes,  Norbert,  la 
tète  nue  et  auréolée,  à  genoux,  les  mains  jointes,  revêtu 
des  habits  sacerdotaux,  est  consacré  évèque.  Devant  lui, 
l'évêque  consécrateur,  portant  la  mitre,  étend  la  main;  un 
religieux  l'assiste  et  tient  la  croix;  un  clerc  à  genoux, 
présente  le  missel;  un  haut  dignitaire,  la  tète  couverte  du 
bonnet  est  assis  dans  un  fauteuil.  Derrière  le  Saint,  deux 
évèques,  la  tète  mitrée,  assistent  à  la  cérémonie;  l'un 
d'eux  dépose,  avec  l'évêque  consécrateur,  la  mitre  sur  la 
tête  du  Saint.  Au  fond  à  gauche,  un  reUgieux  et  divers 
curieux,  une  petite  table  couverte  d'un  tapis,  sur  laquelle 
sont  posés  deux  tonnelets  couverts  par  une  toile.  A  droite, 
le  trône  épiscopal. 

Onzième  MédaiUon. 
B.  Hugonem  in  Prœmonstrato  suum  suceessorem  Chrîsto  prœsentat. 

Devant  le  divin  Sauveur,  revêtu  d'un  manteau,  la  tète 
nimbée  et  entourée  de  nuages,  le  B.  Hugues,  à  genoux,  la 
tête  nue  et  entourée  d'un  cercle  lumineux,  tend  la  main 
droite  au  Sauveur,  auquel  il  est  présenté  par  saint  Norbert. 
Celui-ci,  vêtu  d'une  chape  et  la  tète  mitrée,  pose  sa  main 
droite  sur  l'épaule  du  Bienheureux,  et  tient  la  crosse  de  la 
main  gauche.  Une  bande  enroulée  monte  de  la  bouche  du 
Saint  jusqu'aux  nues.  Le  divin  Sauveur,  de  la  main  gauche, 
indique  une  banderole  flottante. 


—    395    — 

Douzième  Médaillon. 
Multîs  miracuUs  et  meritis  gloriosuf)  ad  cœlos  migrât. 

Norbert,  revêtu  de  ses  habits  pontificaux,  la  tète  mitrée 
et  auréolée,  les  bras  étendus,  un  crucifix  et  une  crosse  dans 
les  mains,  est  placé  sur  un  lit  de  parade  entouré  de  quatre 
chandeliers  avec  des  cierges  allumés.  Près  de  lui  six  per- 
sonnages sont  à  genoux,  en  prières;  un  septième,  debout 
aux  pieds  du  Saint,  étend  la  main  droite  et  serre  son 
chapeau  contre  sa  poitrine.  En  haut,  des  rayons  et,  sur  des 
nuages,  deux  anges  vêtus  et  ailés  portant  une  branche  de  hs. 

Au  bas  de  la  planche,  qui  ne  porte  aucune  signature? 
on  lit  :  "  S.  Norbertus  Canonicorum  Prsemonstratensium 
«  Princeps,  Antverpiensium  Apostolus,  Archiepiscopus 
«  Magdeburgensis,  &  totius  Germanise  Primas,  ad  cœlos 
«  migravit  anno  1134.  Festum  celebratur  11.  Iulii.  » 


Une  jolie  gravure  d'Abraham  Van  Merlen  représente 
quatre  épisodes  de  la  vie  de  saint  Norbert  :  1"  sa  naissance; 
2°  la  vision  du  Crucifix  ;  3^*  la  sainte  Vierge  lui  offrant  de 
ses  mains  la  robe  blanche  ;  4°  saint  Augustin  lui  donnant  sa 
règle.  Planche  remarquable  par  la  finesse  d'exécution. 

Dans  un  ovale  de  0'"094  sur  0'"068  encadré  d'enroule- 
ments en  guise  de  cartouche,  saint  Norbert  est  représenté 
debout,  la  tête  mitrée  et  nimbée;  il  est  revêtu  d'un  long 
surplis  avec  franges,  et  d'une  chape  dont  l'agrafe  a  la 
forme  d'une  feuille  de  trèfle  ;  de  la  main  droite,  il  soutient 
l'ostensoir  du  Très  Saint-Sacrement,  et  tient,  de  la  main 
gauche,  la  croix  épiscopale  et  une  branche  d'olivier.  Les 


-    396    — 

pieds  du  Saint  foulent  un  personnage  étendu  à  terre,  dont 
le  buste  se  voit  à  droite;  il  est  vêtu  à  l'espagnole,  et  appuie 
la  main  droite  sur  son  cœur,  tenant  dans  son  autre  main 
une  hostie  qu'il  élève.  A  gauche  du  Saint,  se  voit,  égale- 
ment renversé  à  terre,  un  monstre  ailé,  ayant  un  dard 
dans  la  gueule,  et  levant  sa  griffe  droite  crochue.  Au  fond 
du  tableau,  l'Escaut,  où  naviguent  des  vaisseaux  et  des 
barques,  baigne  les  quais  de  la  ville  d'Anvers,  dont  l'église 
Notre-Dame  s'élève  à  droite  avec  ses  tours;  à  gauche,  se 
profile  l'abbaye  Norbertine  de  Saint-Michel. 

Dans  les  coins  de  la  planche,  restés  vides  autour  de 
l'ovale,  se  voient  quatre  petits  médaillons,  de  0™025  sur 
O'^OIO,  dont  une  inscription  latine,  imprimée  dans  l'en- 
cadrement, indique  le  sujet. 

Dans  l'angle  droit,  en  haut  de  la  planche,  est  placé  un 
médaillon  dont  le  sujet  est  indiqué  à  l'intérieur  du  cadre. 
1.  S.  Norbertus  cœlesti  voce  matri  prœmonstratus. 

Dans  une  chambre  éclairée  par  une  fenêtre,  et  dont  la 
porte  est  ouverte,  la  mère  de  Norbert  est  étendue  sur  un  lit 
à  rideaux.  Un  nuage,  planant  en  haut,  lance  vers  elle  un 
rayon  sur  lequel  on  lit  ces  mots  :  jEquo  animo  esto 
Hadw.  Au  pied  du  lit,  sur  une  petite  table,  un  bougeoir 
avec  un  flambeau. 

Le  deuxième  médaillon,  en  haut,  dans  l'angle  gauche, 
porte  cette  inscription  :  2.  Locus  j)rœmonstratensis  a 
eruciflxo  prœmonstratus.  Aux  pieds  du  Christ,  attaché 
à  une  croix  que  surmontent  sept  rayons  entourés  de 
nuages,  sont  agenouillés  dix  pèlerins,  la  tète  nue,  les  mains 
jointes,  munis  du  bâton  et  de  la  gourde.  Au  bas  de  la  croix, 
on  lit  :  Prœmonstratum. 

Le  troisième  médaillon,  dans  l'angle  droit,  au  bas  de 
l'ovale,  porte  inscrits  dans  l'encadrement,  ces  mots  : 
3.  Habitiis  candidus  ah  virginepi^œmonstratus.  Devant 


—    397    — 

un  autel  sur  lequel  sont  posés  deux  chandeliers  avec  des 
cierges  allumés,  Norbert,  la  tête  nue  et  nimbée,  couvert 
du  manteau  de  pèlerin,  est  agenouillé,  les  mains  jointes. 
La  très  sainte  Vierge,  couronnée,  portant  l'Enfant  Jésus 
sur  son  bras  droit,  et  tenant  un  sceptre  de  la  main  gauche, 
apparaît  sur  des  nuages;  elle  est  entourée  de  tètes  d'anges, 
et  aussi  de  deux  anges  vêtus  qui  déploient  une  robe 
blanche.  Sur  un  rayon  émané  d'Elle  et  se  dirigeant  vers 
Norbert,  est  gravée  cette  inscription  :  Fili  accipe  candid. 
vest.  Au  fond,  une  porte  ouverte. 

Le  quatrième  médaillon,  en  bas,  dans  l'angle  gauche, 
porte  dans  l'encadrement  :  4.  Régula  Norberio  a  S.  Au- 
gustino  Prœmonstrata .  Devant  une  table,  Norbert,  vêtu 
du  manteau  de  l'Ordre,  tête  nue  et  nimbée,  tenant  un  cha- 
pelet de  la  main  gauche,  reçoit  de  la  main  droite  le  volume 
que  lui  offre  saint  Augustin.  Ce  dernier,  la  tête  mitrée, 
revêtu  d'une  chape,  tenant  de  la  main  gauche  un  cœur  percé 
d'une  flèche  et  surmonté  de  flammes,  apparaît,  porté  sur 
des  nuages  entourés  de  rayons.  Sur  un  de  ces  rayons  qui 
vient  rencontrer  saint  Norbert,  on  lit  :  Hahes  regulam 
quam.  Au  fond,  une  fenêtre  ouverte  laisse  entrevoir  la 
campagne. 

Dans  l'encadrement  de  l'ovale,  on  lit  :  S.  Norbertus 
Prœmonstr.  ordinis  princeps  archiepiscopius  magde- 
burgensis  Antcerpiœ  apostolus.  Au  bas  de  la  planche  qui 
mesure  0,13  sur  0,085  est  gravé  le  quatrain  suivant  : 

a  4.  Aurelius  dat  aui'eam  Legem  !  '  Ordinis 
«  Spondetui"  author  cœlitus.  ^  dat  Caudidam 
«  Maria  vestem.  ^  Crux  locum  sedis  prsenotat  : 
«  Et  esse  Prsemonstratus  ordonisi  hicpotest?  » 

avec  la  signature  de  l'auteur  :  Abraham  van  Merlen 
fecit  et  eœcudit. 


—    398    — 


VI. 


Nous  ajoutons  encore  comme  curieux  spécimen  de  gra- 
vure Norbertine  historiée,  une  carte  de  communication  ou 
de  participation  aux  sacrifices  et  aux  bonnes  œuvres  qui  se 
font  dans  l'Ordre,  faveur  accordée  aux  bienfaiteurs  par  le 
supérieur  général  de  la  Congrégation  Norbertine  d'Es- 
pagne. 

L'encadrement  de  cette  carte,  chargé  de  consoles  ornées 
de  fleurs,  de  vases  d'encens,  d'arabesques,  et  surmonté  de 
trois  petits  médaillons  où  sont  retracés  trois  épisodes  de  la 
Vie  de  saint  Norbert.  Celui  du  milieu  représente  :  Norbert 
à  genoux  devant  le  crucifix  d'où  sortent  sept  rayons.  En 
haut  une  banderole  porte  cette  inscription  :  Prœmonstrat 
Christus  œdem  Norberto  parenti.  Dans  le  médaillon  de 
droite,  soutenu  par  deux  anges  ailés  se  voit  saint  Norbert  à 
genoux  devant  la  Très  sainte  Vierge  qui,  assise  sur  des 
nuages,  lui  présente  la  robe  blanche.  Une  banderole,  en 
haut  du  médaillon,  porte  ces  mots  :  Prœmonstrat  Virgo 
vestem  candore  nitentem.  Le  médaillon  à  gauche, 
soutenu  par  deux  anges  ailés,  représente  saint  Augustin 
assis  sur  des  nuages,  offrant  sa  règle  à  saint  Norbert  à 
genoux  devant  lui.  La  banderole  porte  ce  texte  :  Prœmon- 
strat vitœ  amussim  Aurelius  almœ. 

Au  bas  de  cette  carte,  un  médaillon  porte,  au  centre,  les 
armes  de  saint  Norbert,  et  est  surmonté  d'un  chapeau 
d'archevêque  avec  glands,  accosté  d'une  crosse  et  d'une 
croix  archiépiscopale.  Sur  une  banderole  se  lisent  ces 
mots  :  Norbe7'tina  stemmata.  Une  main  présente  une 
branche  de  vigne  sur  laquelle  repose  l'ostensoir  du  Très 
Saint  Sacrement,  et  une  branche  de  fleurs  de  lis  sur 
laquelle  se  tient  la  Vierge  Immaculée,  A  droite  se  dessine 


—    399    — 

un  médaillon  ouvert;  à  gauclie,  un  médaillon  aux  armes  du 
Vicaire  général  de  l'Ordre  en  Espagne.  Au-dessous  de 
cet  écu  armorié,  on  lit  :  Joseph  GonzaP  f*  M^'  ano  1753. 


VII. 

On  nous  signale,  au  moment  où  nous  allions 
terminer  cet  article,  une  planche  gravée,  égale- 
ment destinée  à  illustrer  la  Vie  de  saint  Norbert, 
et  conservée  au  Cabinet  d'Estampes  de  la  Biblio- 
thèque Koyale.  Nous  nous  sommes  immédiatement 
adressé  à  Bruxelles  au  Conservateur,  chargé  de 
la  direction  de  ce  département.  M.  L.  Hymans, 
avec  une  très  gracieuse  obligeance,  a  bien  voulu 
nous  adresser  une  photographie  de  la  planche 
susdite.  En  voici  la  description  : 

Cette  gravure,  qui  mesure  0'"285  sur  0'"45  représente 
saint  Norbert  qu'entourent,  en  guise  de  cadre,  dix  com- 
partiments carrés,  parmi  lesquels  ceux  qui  se  trouvent 
placés  en  haut,  de  même  que  ceux  du  bas,  figurent  des 
scènes  diverses  de  la  Vie  de  saint  Norbert.  Les  six  carrés 
latéraux  offrent  des  sujets  variés,  avec  différents  person- 
nages. Une  tète  d'ange  ailé,  à  laquelle  se  rattache  un 
bouquet  de  fruits  suspendu  par  des  nœuds  de  rubans, 
semble  planer  au-dessus  des  groupes  supérieurs. 

Entre  les  deux  médaillons  inférieurs,  contenus  dans  le 
même  cadre,  sont  gravées  les  armes  de  l'abbaye  d'Ursperg, 
surmontées  d'une  mitre  et  d'une  crosse  abbatiale,  d'où 
pendent  des  rubans,  et  sur  lesquelles  semble  planer  une 
gerbe  de  rayons.   Des   guirlandes  de  fruits,   flottant  en 


—    400    — 

courbes  gracieuses,  se  rattachent  aux  deux  côtés  de  ce 
cartel;  tout  au  bas  de  la  planche,  une  bande  encadrée, 
ayant  à  ses  extrémités  deux  têtes  d'anges,  porte  cette 
inscription  :  «  Révérend.  Admod.  Ghristo.  P.  ac  Dno.  D. 
««  Joanni  Celeberrimi  ad  Mindulam  Urspergens.Monasterii 
«  Abbati  nec  non  Gandidi  ordin.  Praemonstraten.  per  Sue- 
«  viam  Visitatori  Vigilantiss.  etc.  strense  loco  submisse. 
«î  Opfert.  Dominic.  Gustos  A.  V.  Anne  V.  P.  cIo.  Id.  cV.  » 
Dans  le  compartiment  du  milieu,  qui  représente  l'inté- 
rieur d'une  église,  saint  Norbert  debout,  la  tète  nue  et 
tonsurée,  revêtu  du  costume  de  l'Ordre  :  froc,  scapulaire, 
corde  et  manteau  avec  capuchon,  porte  dans  sa  main 
droite,  un  calice  plein  de  fruits,  et  tient,  de  la  main  gauche, 
une  crosse  où  flotte  un  long  voile.  Un  piédestal,  recouvert 
d'un  tapis  à  franges,  se  dresse  au  milieu  de  la  nef  et  sert 
de  support  à  une  mitre  abbatiale.  Précisément  au-dessus, 
un  retable  fixé  au  mur  représente  le  Ghrist  attaché  à  la 
croix,  ayant  à  ses  pieds  sa  Divine  Mère,  avec  saint  Jean  et 
une  des  saintes  femmes.  Sur  l'un  des  volets  de  ce  tableau, 
est  figuré  le  mystère  de  l'Incarnation  :  l'ange  Gabriel, 
porté  sur  des  nuages,  apparaissant  à  la  Bienheureuse 
Vierge  Marie  pieusement  agenouillée.  L'autre  volet  repré- 
sente le  Martyre  de  Saint-Sébastien  ;  on  y  voit  le  Saint 
attaché  à  un  arbre  et  percé  de  flèches.  L'inscription  sui- 
vante se  lit  au  bas  de  ce  compartiment  :  «  S.  Norbertus, 
«  Ordinis  Ganonicor.  Prsemonstratens.  fundat  et  Archiepis- 
«♦  copus  Magdeburg.  » 

«  lam-nunc.  corpus,  erant.  ceréalia.  munera.  facta. 
o  lam  nunc.  dona.  sacer.  Bacchica.  facta.  cruor. 
o  De.  trabe.  suLlimis.  cum.  lapsus,  abaneus.  alta. 

«  In.  calicem.  reprobo.  toxica.  certa.  viro. 
«  Tu-Norberte.  tamen.  lethalia.  pocula.  sumis. 

((  Et,  quod.  mors,  aliis.  id.  tibi,  vita.  fuit.  » 


—    401    — 

Dans  le  premier  médaillon  placé  en  haut  de  la  gravure, 
saint  Norbert  revêtu  de  son  costume  de  chevalier,  est 
tombé  de  son  cheval  et  étendu  à  terre,  ayant  près  de  lui 
sa  toque  empanachée  ;  deux  autres  cavaliers  se  trouvent  à 
côté.  Dans  le  fond,  à  gauche,  apparaît,  au  milieu  des 
nuages,  et  entouré  d'une  écharpe  flottante,  le  Père  Éternel, 
qui  adresse  à  Norbert  ces  mots  tracés  sur  une  bande- 
role :  «  JSorberte  quo  vadis?  »  Dans  le  fond,  un  gracieux 
paysage,  que  traverse  une  rivière.  Le  médaillon  de  droite 
de  ce  même  cadre  représente  saint  Augustin  donnant  sa 
règle  à  saint  Norbert.  L'évèque  d'Hippone,  sortant  du  milieu 
d'un  nuage,  apparaît  à  mi-corps,  vêtu  de  la  chape  épisco- 
pale,  la  tête  nue  et  nimbée;  des  deux  mains,  il  tient  ouvert 
un  livre  portant  inscrits  ces  mots  :  «  Accipe  regulam.  » 
Plus  à  gauche,  auprès  d'un  portique,  Norbert  présente 
cette  règle  à  cinq  de  ses  religieux.  Diverses  constructions 
s'élèvent  dans  le  fond,  sur  le  rivage  même  de  la  mer,  où 
flotte  un  navire  tendant  ses  voiles. 

Dans  le  compartiment  de  la  gauche,  au  bas  de  la  gra- 
vure, se  voit  saint  Norbert  à  genoux,  la  tête  nue,  revêtu 
du  scapulaire,  du  capuce  et  du  froc  monacal.  Deux  anges 
ailés,  aux  cheveux  bouclés,  les  pieds  nus,  ayant  sur  leur 
robe  flottante  une  courte  tunicelle,  présentent  au  Bienheu- 
reux l'ample  manteau  de  chœur.  Auprès  d'eux  rayonnent 
deux  flambeaux  allumés.  Une  banderole  avec  cette  inscrip- 
tion :  «•  Accipe  candidam  vestem  »  se  déroule  au-dessus 
du  groupe. 

Le  compartiment  de  droite  représente  la  vision  du  cru- 
cifix :  saint  Norbert,  nue-tête,  les  mains  jointes,  portant 
l'habit  monacal,  suivi  de  six  religieux  en  costume  de 
l'Ordre,  est  en  prières  au  milieu  d'une  plaine  plantée  de 
quelques  arbres  et  légèrement  ondulée.  Le  Christ  attaché  à 
la  croix  lui  apparaît  dans  un  nuage.  Un  large  rayon  par- 

26 


—    402    — 

tant  du  crucifix  et  allant  toucher  le  front  du  Saint,  porte 
gravés  ces  mots  :  "  Hic  œdifica.  » 

Le  premier  compartiment  latéral  placé  à  gauche  nous 
montre  la  Vierge  Marie  vêtue  d'une  robe  flottante,  ayant 
au  front  une  couronne,  entourée  partout  de  rayons,  et  dont 
les  pieds  s'appuient  sur  un  croissant.  De  la  main  gauche, 
elle  tient  un  sceptre  et  porte  l'Enfant-Jésus  sur  le  bras  droit. 
Le  cadre  circulaire  est  orné  d'une  tète  d'ange;  au  bas,  se 
lit  cette  inscription:  «  Patron.  Or  cl.  cancUdi.  S.  Maria.  » 

Dans  le  second  compartiment  se  voit  saint  Jean-Baptiste 
retiré  au  désert.  Vêtu  d'un  large  manteau,  le  Saint,  nu- 
pieds,  la  tête  nue  et  nimbée,  tient  dans  la  main  gauche  un 
petit  agneau  reposant  sur  un  livre.  Une  nacelle  flotte  sur 
les  eaux  du  Jourdain,  qu'on  aperçoit  tout  près  de  là,  et  au- 
dessous  de  la  gravure,  sont  inscrits  ces  mots  :  «  S.  Joan. 
Paptista.  » 

Enfin  le  compartiment  inférieur  représente  saint  Au- 
gustin, debout,  portant  la  mitre,  vêtu  d'une  chape  avec  la 
tunicelle,  tenant  dans  la  main  gauche,  la  croix  archiépis- 
copale, et  ayant  un  livre  dans  la  main  droite.  Dans  le  fond, 
un  paysage  où  divers  édifices  se  détachent  au  miheu  des 
collines,  et  au  bas  l'inscription  :  «  S.  Augustinus.  » 

Trois  compartiments  égaux  sont  placés  de  même  à  droite. 
D'abord,  dans  un  cadre  gracieusement  décoré,  que  sur- 
monte une  tète  d'ange,  est  représentée  la  scène  de  la 
Transfiguration,  sur  le  Thabor,  le  Divin  Sauveur  apparaît 
au  milieu  des  nuages;  à  sa  droite  Moïse,  deux  cornes 
au  front,  présente  les  tables  de  la  loi;  à  gauche,  on  voit 
Elie,  la  tête  nue  et  les  mains  jointes,  avec  une  longue  barbe 
flottante.  Au  bas  de  la  montagne,  les  trois  apôtres,  à  demi 
couchés,  sont  en  extase,  et  lèvent  les  mains  pour  prier.  On 
lit  l'inscription  suivante  :  «  Dies  festi  solemmo7^es. 
Transftgiiratio.  ^> 


—    403    — 

Le  second  compartiment  nous  montre  saint  Jean  l'Évan- 
geliste,  vêtu  d'an  long  manteau,  la  tête  nue  et  entourée 
d'un  nimbe.  Il  tient  dans  la  main  droite  une  coupe  d'où 
s'échappe  un  petit  serpent.  Au  fond,  se  voit  un  riant 
paysage.  L'inscription  "  5.  Joan.  Eocmgelista  •■■>  se  lit 
au-dessous  de  l'image.  Enfin,  dans  le  troisième  cadre, 
paraît  saint  Nicolas,  debout,  vêtu  d'une  chasuble  et  la  tète 
mitrée.  Il  porte  dans  la  main  droite,  sa  crosse  épiscopale, 
et,  de  la  main  gauche  semble  présenter  un  livre  où  sont 
posés  trois  pains.  C'est  également  un  gracieux  paj^sage  qui 
forme  l'arrière  plan  de  cette  gravure. 

L'auteur  de  cette  planche,  Dominique  Gustos,  né  à 
Anvers,  travailla  à  Augsbourg  et  mourut  en  1612. 

Van  Spilbeeck. 


TABLE. 


Introduction 313 

I.  Vie  de  saint  Norbert,  par  Th.  Galle 314 

IL  Vie  de  saint  Norbert,  par  J.  A.  Pfeffel 358 

in.  Vie  de  saint  Norbert,  par  Klauber 372 

IV.  Portrait  de  saint  Norbert,  entouré  de  12  médaillons.     .     .  390 
V.  Image  de  saint  Norbert,  avec  4  médaillons,  par  A.  Van 

Merlen 395 

VI.  Carte  espagnole  ornée  de  4  médaillons 398 

VII.  Image  de  saint  Norbert,  gravée  par  Dom.  Custos    .     .     .  399 


—    404    — 


VARIÉTÉS, 


-^*- 


PlÈCE    DE    VERS    EN    l'hONNEUE    DU    GÉNÉEAL    VaNDEE 

Mersch.  —  Dans  une  lettre  datée  de  Gand  le  19  avril  1790, 
mais  dont  malheureusement  la  signature  est  raturée,  se 
trouve  insérée  une  pièce  de  vers  en  l'honneur  du  général 
belge  Jean-André  Vander  Mersch,  à  ce  moment  emprisonné 
dans  la  citadelle  d'Anvers  sur  les  ordres  du  Congrès  souve- 
rain des  États  Belgiques  Unis. 

On  connaît  la  part  active  prise  par  le  général  Vander 
Mersch  à  la  révolution  brabançonne  dont  il  fut,  à  l'origine, 
le  chef  militaire.  Ce  furent,  en  grande  partie,  ses  brillants 
faits  d'armes  et  principalement  la  victoire  décisive  qu'il 
remporta  le  27  octobre  1789  à  Turnhout  sur  les  troupes 
autrichiennes,  qui  forcèrent  l'empereur  Léopold  II,  succes- 
seur de  Joseph  II,  à  renoncer  momentanément  au  gouver- 
nement des  Pays-Bas  méridionaux.  Nous  disons  momenta- 
nément, car  un  an  après  les  États  Belgiques  Unis  avaient 
cessé  de  vivre,  et  l'armée  autrichienne  reprenait  possession 
de  nos  contrées. 

Soupçonné  de  vouloir,  d'accord  avec  l'avocat  Vonck  et  le 
duc  d'Ursel,  porter  atteinte  aux  privilèges  du  clergé  et 
de  la  noblesse,  Vander  Mersch  fut  accusé  de  trahison. 
Il  se  présenta  volontairement,  le  8  avril  1790,  devant  les 
membres  du  congrès  qui  refusèrent  d'entendre  sa  défense 
et  le  tirent  incarcérer,  sans  jugement,  dans  le  donjon  de  la 


—    405    — 

porte  de  Hal  à  Bruxelles.  Le  14  avril  suivant  il  fut  trans- 
féré rà  la  citadelle  d'Anvers  et  delà  à  Louvain  et  à  Tournai. 
C'est  pendant  la  détention  de  Vander  Mersch  h  la  cita- 
delle d'Anvers  qu'un  de  ses  partisans  de  Gand,  où  il  était 
très  populaire,  composa  les  vers  suivants  insérés  dans  sa 

lettre  du  19  avril  1790  : 

«  Gand,  ce  19  avril  1790. 

«  Monsieur, 

«  Voici  quelques  vers  faits  àThonneur  du  général  Vander 
Mersch  qui  ne  peuvent  que  faire  plaisir  à  tout  ami  du 
peuple  : 

Vander  Mersch  de  nos  cœurs  interprête  fidèle, 
Bravant  de  Vander  Noot  les  plus  affreux  complots, 
A  l'univers  entier  servira  de  modèle. 
Les  Gantois  trouveront  remède  à  tous  ses  maux. 

Carthage  en  Annibal  eut  un  chef  héroïque, 
Rome  eut  dans  Fabius  un  guerrier  politique, 
Washington  surpassa  ces  deux  chefs  à  la  fois 
Et  Vander  Mersch  ici  nous  les  offre  tous  trois. 

Au  sein  des  ennemis  le  seul  honneur  le  guide; 
La  candeur  de  son  front  les  terrasse  à  jamais. 
Cette  noble  fierté  lui  servira  d'égide 
Contre  les  vains  efforts  de  leurs  perfides  traits. 

Qui  pourrait  refuser  des  pleurs  à  Bélisaire? 
Qui  peut  à  Vander  Mersch  refuser  son  amour  ? 
Payés  d'ingratitude  et  noircis  tour-à-tour. 
Leur  front  tient  des  vertus  l'auguste  caractère. 

Dans  ce  Club  national  oîi  la  vertu  préside. 
Où  des  cœurs  réunis  Vander  Mersch  est  le  guide. 
Nous  ne  souffrirons  pas  qu'un  lâche  accusateur 
Du  père  des  Flamands  veuille  ternir  l'honneur. 

«  Le  Marquis  de  la  Fayette  a  écrit  une  lettre  au  Congrès 
pour  avoir  les  griefs  contre  M.  Vander  Mersch  atin  de 


-     406     — 

pouvoir  juger  s'il  est  indigne  de  porter  plus  longtemps  la 
Croix  de  Saint-Louis  avec  intimation  de  ménager  l'honneur 
d'un  si  grand  guerrier. 

«  Son  procès  donc  va  aussi  être  instruit  en  France  ; 
fussions-nous  aussi  éclairés  que  les  Français  !  il  ne  serait 
point  à  la  citadelle  d'Anvers. 

«  J'apprends  en  ce  moment  que  les  États  de  West-Flandre 
vont  se  soustraire  à  l'union  en  cas  que  le  général  ne  soit 
rendu  à  la  Flandre.  Ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  le  refus  des 
subsides  de  leur  part. 

«  En  attendant  le  triomphe  du  plus  intrépide  comme  du 
plus  juste  défenseur  de  la  Patrie,  je  suis,  avec  les  senti- 
ments inviolables  de  l'amitié 

«  de  Monsieur 

«  le  dévoué  serviteur  et  ami.  » 

(  Signature  ratui'ée.) 

L'approche  des  troupes  autrichiennes,  qui  reprirent  pos- 
session delà  Belgique  au  mois  de  novembre  1790,  mit  fin  à 
la  captivité  de  Vander  Merscli.  Il  se  retira  à  Lille.  Peu  de 
temps  après  il  rentra  en  Belgique  et  mourut  le  14  sep- 
tembre 1792  à  sa  maison  de  campagne  de  Dadizeele,  près 
de  Menin. 

Vander  Mersch,  qui  avant  la  révolution  brabançonne 
avait  été  au  service  de  la  France  pendant  la  guerre  de  sept 
ans  avec  le  grade  de  lieutenant-colonel,  était  décoré  de  la 
croix  de  Saint-Louis.  C'est  ce  qui  explique  l'intervention 
du  général  Lafayette  dont  parle  la  lettre  du  19  avril  1790. 
Le  général  Vander  Mersch  jouissait  d'une  grande  popu- 
larité dans  la  Flandre  et  notamment  à  Gand  où,  le  25  fé- 
vrier 1790,  il  fit  une  véritable  entrée  triomphale.  Les 
autorités  allèrent  à  sa  rencontre  à  la  porte  de  Bruxelles  où 
se  trouvaient  rangés  les  différents  corps  de  volontaires  en 
uniformes  et  en  armes,  et  avec  leurs  musiques.  Ce  fut  au 
bruit  du  canon  de  la  citadelle  et  pendant  que  les  cloches 


—    407    — 

du  beffroi  et  celles  de  tous  les  couvents  et  églises  de  la 
ville  sonnaient  à  toute  volée,  que  Vander  Mersch  se  rendit 
à  l'hôtel  de  ville  où  il  fut  complimenté  par  les  États  de 
Flandre.  Le  cortège,  qui  le  conduisit  à  travers  les  rues 
pavoisées  et  ornées  de  verdure,  se  composait  des  volon- 
taires que  suivait  une  longue  file  de  carrosses  dans  les- 
quels avaient  pris  place  les  autorités  et  les  principaux 
personnages  de  la  ville  de  Gand. 

Après  sa  réception  à  la  maison  communale  Vander 
Mersch,  escorté  par  les  volontaires  à  cheval,  se  rendit  à 
l'abbaye  de  Saint-Pierre  oii,  ainsi  qu'on  le  faisait  pour  les 
souverains,  des  appartements  lui  avaient  été  réservés. 

Le  soir  une  grande  fête  lui  fut  offerte  par  la  famille  de 
Nockere  dans  son  hôtel  de  la  place  du  Marais  ^  On  y 
récita  des  pièces  de  vers  et  Ton  y  chanta  des  couplets  de 
circonstance. 

L'une  de  ces  pièces  de  vers,  imprimée  chez  P.  F.  de 
Goesin,  est  intitulée  : 

«  A  Monsieur  le  général  Vander  Mersch  en  le  décorant 
de  la  Couronne  civique  au  souper  chez  Monsieur  de 
Nockere  le  25  février  1790.  » 

Parmi  les  couplets  de  circonstance  il  eu  est  un  qui  se 
chantait  sur  l'air  de  «  Marlborough.  » 

Le  lendemain  matin  le  général  Vander  Mersch,  escorté 
par  les  volontaires  à  cheval,  quitta  la  ville  de  Gand  pour 
se  rendre  à  Courtrai  et  de  là  à  Menin,  sa  ville  natale. 

Prosper  Claeys. 


Les  annonces  de  journaux  en  1803  et  1804.  —  En 
parcourant  le  Journal  du  Commerce,  des  Annonces  et  Avis 
du  département  de  t Escaut  de  1803  et  1804,  nous  avons 

1  Depuis  1876,  local  du  Cercle  catholique. 


—    408    — 

rencontré  plusieurs  annonces  dont  le  caractère  original 
autant  que  la  rédaction  fantaisiste  avaient  attiré  notre 
attention.  Nous  en  avons  choisi  quelques-unes  qui,  à  ce 
double  titre,  nous  ont  paru  tout  particulièrement  mérité 
d'être  tirées  de  l'oubli  dans  lequel  elles  étaient  plongées 
depuis  près  d'un  siècle. 

Nous  allons  d'abord  en  donner  une  qui  nous  montre  que 
les  annonces  matrimoniales  ne  sont  pas  d'invention  mo- 
derne. Elles  servaient  déjà  en  ce  temps  «  à  rapprocher 
deux  êtres  appelés  à  s'aimer  et  à  se  compléter  mutuelle- 
ment, »  ainsi  que  le  portent  ordinairement  les  prospectus 
des  agences  modernes,  s'occupant  spécialement  de  ce  genre 

de  «  rapprochement.  » 

«  30  novembre  1803. 

«  Un  particulier,  âgé  de  63  ans,  d'une  bonne  constitution 
et  dont  la  moralité  ne  laissera  rien  à  désirer,  étant  parfai- 
tement connu  depuis  plus  de  40  ans  par  beaucoup  d'hon- 
nêtes gens,  ayant  des  fonds  pour  achever  de  se  faire  13  à 
1400  fr.  de  rente,  indépendamment  d'un  bon  mobilier, 
désirerait  connaître  une  dame  sans  enfants,  de  bonnes 
mœurs,  d'une  caractère  doux  et  qui  eut  un  avoir  à  peu  près 
équivalent  au  sien,  à  laquelle  il  offrirait  sa  main  si,  après 
s'être  fréquentés  un  temps  convenable,  leur  moralité  res- 
pective leur  laissait  espérer  de  couler  des  jours  heureux. 

«  Ou  si  elle  le  préférait  de  réunir  seulement  leurs  intérêts 
pour  vivre  avec  beaucoup  plus  d'aisance  soit  en  ville  ou  à 
la  campagne  sans  d'antres  liens  que  ceux  de  l'amitié  et  de 
l'attachement  sur  lesquels  elle  pourrait  compter  de  sa  part. 

«  S'adresser  par  écrit  en  affranchissant  les  lettres  aux 
éditeurs  de  ce  journal.  » 

On  pourrait  appeler  cette  annonce  une  demande  de 
mariage  ad  libitum  :  union  des  cœurs  ou  union  des  intérêts. 
Il  est  probable  que  vu  l'âge  du  prétendant  on  s'en  sera 
tenu  au  second  genre  d'union. 


—    409    — 

On  connaissait  déjà  flans  ce  temps  cette  variété  de  la 
réclame,  qui  consiste  à  se  rappeler  au  souvenir  du  public, 
en  démentant  le  bruit  (pi^on  allait  quitter  la  ville  ou  cesser 
les  affaires.  En  voici  un  exemple  que  nous  trouvons  dans 
le  numéro  du  28  mai  1803  : 

«Le  sieur  Pascal,  coiffeur  de  Paris,  apprenant  que  le 
bruit  s'est  répandu  qu'il  allait  quitter  cette  ville,  a  l'hon- 
neur de  prévenir  le  public  qu'il  continuera  son  art,  connu 
par  la  belle  tournure  qu'il  donne  à  la  coupe  des  cheveux. 
La  perfection  (ju'il  met  aux  perruques  à  la  Titus  et  au 
nouveau  genre  de  Lantinus  détruit  par  leurs  agréments, 
toutes  celles  qui  ont  paru  jusqu'à  ce  jour. 

«  Il  fait  particulièrement,  dans  le  dernier  goût,  tout  ce 
qui  a  rapport  à  la  coiffure  des  dames.  L  reçoit  journelle- 
ment, des  meilleurs  coiffeurs  de  Paris,  les  changements 
dont  cet  art  est  susceptible,  ainsi  que  des  faux  toupets  à 
jour  et  autres  qu'il  fait  tenir  sans  les  coller. 

«  Il  est  logé  chez  la  veuve  Renard,  vis-à-vis  la  petite 
Boucherie,  N°  62,  à  Gand.  » 


Un  marchand  d'estampes,  de  musique,  etc.,  annonce  en 
ces  termes,  dans  le  numéro  du  21  novembre  1803,  qu'il  vient 
de  s'établir  pour  quinze  jours  à  Gand  : 

«   AVIS   AUX   AMATKUES. 

«  p.  Godefroy,  marchand  d'estampes  et  de  musiques, 
principes  de  dessin  et  d'écriture,  cartes  géographiques  du 
théâtre  de  la  guerre  et  autres,  est  déplié  au  Boeren-Hol, 
sur  le  Contre,  pour  quinze  jours.  » 

Le  Boeren-Hol  était  le  nom  donné  par  les  Gantois  à 
l'hôtellerie  de  Wapens  van  Engeland,  située  à  la  place 
d'Armes  à  côté  de  la  maison  formant  le  coin  de  la  rue  du 


—    410    — 

Soleil.  C'était  de  là  que  partaient  les  diligences  se  rendant 
à  Courtrai,  Lille,  Paris,  Bruxelles,  Liège,  etc. 

Au  siècle  dernier,  et  jusque  dans  les  premières  années 
du  siècle  actuel,  existait  au  hameau  de  Royghem-lez-Gand 
un  pensionnat  pour  jeunes  gens.  Ce  pensionnat,  momen- 
tanément fermé,  fut  réouvert  en  1803.  Le  nouveau  direc- 
teur, qui  avait  déjà  tenu  une  école  à  Gand,  fit  connaître 
la  réouverture  de  l'établissement  au  moyen  de  l'annonce 
suivante,  insérée  dans  le  Journal  du  Commerce  du  16  plu- 
viôse an  XI  (5  février  1803)  : 

«  Le  nouveau  directeur  et  propriétaire  de  l'ancien  et 
renommé  pensionnat  à  Royghem-lez-Gand  par  la  porte  de 
Bruges,  François-Jean  Claes,  ci-devant  instituteur  parti- 
culier dans  la  rue  de  l'Etrille  à  Gand,  a  l'honneur  d'annoncer 
au  public  que  cette  maison  d'éducation  a  repris  son  activité 
du  premier  janvier  1803  (11  nivôse  an  XI). 

«  On  y  enseigne  par  principe  la  belle  écriture,  les 
langues  flamande  et  française,  l'arithmétique,  l'histoire, 
la  géographie,  le  style  épistolaire  et  le  commerce  avec 
toutes  ses  branches,  mais  principalement  la  doctrine  chré- 
tienne et  la  civilité. 

«  La  situation  spacieuse,  saine  et  tranquille,  et  le  local 
vaste  et  aéré  à  un  quart  de  lieu  de  la  ville,  joint  au  sou- 
venir des  instructions  données  par  le  directeur  dans  son 
ancien  domicile,  ainsi  que  les  soins,  zèle  et  attention  in- 
fatigables qu'il  destine  encore  à  la  perfection  de  ses  élèves, 
laissent  tout  espoir  de  recommandation  favorable. 

«  Ceux  qui  veulent  y  confier  des  jeunes  gens,  ou  qui 
désirent  faire  d'autres  informations  sont  priés  de  s'adresser 
verbalement  ou  par  lettres  affranchies  au  dit  pensionnat.  » 

Si  c'est  un  modèle  de  rédaction  française  que  le  nouveau 
directeur  du  pensionnat  de  Royghem  a  voulu,  en  publiant 


—    411     — 

cette  annonce,  offrir  aux  parents  dont  les  enfants  devaient 
lui  être  confiés,  il  faut  avouer  qu'il  avait  réussi  complète- 
ment. Au  point  de  vue  du  style  épistolaire,  notamment,  il 
est  certain  que  les  lettres  écrites  par  le  professeur  Claes 
n'avaient  rien  à  redouter  d'une  comparaison  avec  les 
épitres  de  Madame  de  Sévigné. 

Un  négociant  a  besoin  d'une  demoiselle  de  magasin  au 
courant  du  commerce  d'étoffes  et  de  lingeries.  Voici  en 
quels  ternies  il  annonce  au  public  qu'une  place  de  ce  genre 
est  ouverte  dans  sa  maison  : 

<  8  Germinal  an  XII  (29  mars  1804). 

«  On  désire  une  personne  de  27  à  32  ans,  demoiselle  ou 
veuve,  sans  suite,  qui  ait  été  élevée  dans  le  commerce  de 
lingerie  ou  étoffes,  et  non  dans  ceux  de  bouche,  pour  entrer 
chez  un  homme  seul  et  s'y  occuper  des  magasins  qui  exigent 
intelligence,  vivacité  et  beaucoup  d'assiduité. 

«  On  veut  quelqu'un  de  recommandable  car  on  tiendra 
aux  plus  scrupuleux  renseignements. 

«  On  ne  communiquera  qu'avec  la  personne  même. 

«  S'adresser  au  bureau  du  journal.  » 

L'expression  «  sans  suite,  »  employée  pour  faire  com- 
prendre discrètement  que  la  personne,  demoiselle  ou  veuve, 
ne  peut  avoir  de  famille,  et  cette  autre  «  et  non  dans  ceux 
débouche  »  par  laquelle  on  prévient  les  postulantes  qu'elles 
ne  peuvent  avoir  été  élevées  ni  dans  la  boucherie,  ni  dans  la 
charcuterie, ni  dans  la  boulangerie,  ni  dans  l'épicerie,  etc., 
ces  expressions  font  le  plus  grand  honneur  cà  l'imagination 
du  rédacteur  de  l'annonce. 

L'ouverture  des  cours  de  chirurgie,  d'anatomie  et  d'ac- 
couchements  (]ui  se  donnaient    dans   une   des  salles  du 


—    412    — 

Pakhuis  au  marché  aux  Grains ,  est  annoncée  dans  le 
numéro  du  28  vendémiaire  an  XI  (20  octobre  1803).  Le 
cours  d'accouchements  se  donnait  par  le  docteur  de  Breucq, 
d'après  ce  que  nous  apprend  l'annonce  : 

«  Il  explique  dans  ses  leçons  la  partie  théorique  et 
pratique  de  cette  science ,  ainsi  (jue  les  maladies  des 
femmes  en  couches. 

«  Chaque  cours  est  terminé  par  l'exercice  sur  le  fantôme, 
afin  d'habituer  les  élèves  aux  manœuvres  qui  ont  rapport 
à  cette  branche  importante.  » 

C'était  donc  à  l'aide  d'un  mannequin,  designé  sous  le 
nom  de  fantôme,  que  le  professeur  enseignait  à  ses  élèves 
«  les  manœuvres  »  des  accouchements. 


Nous  pourrions  multiplier  ces  exemples  à  l'infini.  Ceux 
que  nous  venons  de  transcrire  suffisent  amplement  à 
donner  une  idée  de  la  façon  ultra -fantaisiste  dont  étaient 
rédigées  les  annonces  publiées  dans  les  journaux  de  ce 
temps. 

Pour  finir,  voici  une  annonce,  plus  récente  il  est  vrai, 
mais  qui  au  point  de  vue  de  l'originalité  ne  le  cède  en  rien 
à  celles  de  1803  et  de  1801.  Nous  la  trouvons  dans  le  Mes- 
sager de  Gand  et  des  Pays-Bas^  du  30  septembre  183S  : 

«  Le  sieur  F.  Lerois-Schiellemans  a  l'honneur  d'infor- 
mer le  public  que  depuis  4  mois,  il  a  pris  en  location 
Y  Estaminet  Saint -Jacques,  vis-à-vis  la  bibliothèque  en  cette 
ville;  que  pendant  cet  intervalle  il  a  fait  peindre,  d'après 
le  goût  le  plus  moderne,  la  salle  de  son  établissement.  Un 
billard  et  un  buffet  en  bois  d'acajou  y  charment  la  vue,  une 
glace  d'une  belle  dimension,  ainsi  qu'une  pendule,  placée 
en  face  de  la  cheminée,  y  produisent  un  coup  d'œil  char- 
mant. 


—    413    — 

«  Il  ose  espérer  que  l'ensemble  de  son  Estaminet- 
Café,  plaira  aux  plus  difficiles.  MM.  les  amateurs  y  trou- 
veront à  toute  heure  des  beefsteak  succulents,  une  bière 
exquise,  etc.  » 

Le  2  vendémiaire  an  XI  (24  septembre  1802)  parut  à 
Gand  le  premier  numéro  du  journal,  intitulé  :  Annonces  et 
avis  divers  du  département  de  V Escaut.  Le  5  juin  1804 
il  prit  le  titre  de  Journal  du  commerce.,  de  politique  et  de 
littérature  du  département  de  VEscaut,  qu'il  conserva  jus- 
qu'au 31  décembre  1814.  Le  1"  janvier  1815  il  parut  sous  le 
titre  de  Journal  de  Gand  qu'il  changea  le  10  décembre  1830 
en  celui  de  Messager  de  Oand  et  le  25  décembre  1836 
en  Messager  de  Gand  et  des  Pays-Bas.  Le  l*""  janvier  1857 
il  reprit  celui  de  Journal  de  Gand  qu'il  conserve  encore 
aujourd'hui. 

Pkosper  Claeys. 


L'Hôpital  de  Gand  en  1796.  —  Le  régime,  auquel  on 
soumettait  autrefois  les  malades  et  les  blessés  admis  en 
traitement  à  l'hôpital  de  la  Bijloke,  souleva  de  tous  temps 
les  protestations  les  plus  vives  de  la  part  des  médecins 
attachés  à  cet  établissement.  Dans  une  précédente  notice*, 
nous  avons,  notamment,  fait  connaître  les  plaintes  adres- 
sées par  ces  médecins,  en  1757,  aux  échevins  de  la  Keure. 

Ces  plaintes  et  ces  protestations,  qui  se  renouvelèrent 
souvent,  eurent  pour  effet  de  faire  disparaître  momen- 
tanément les  abus  les  plus  flagrants,  sans  toutefois  donner 
satisfaction  complète  à  ceux  qui  désiraient  voir  introduire 
des  réformes  sérieuses  et  durables  dans  l'administration 


i  Mélanges    historiques   et    anecdotiques    sur    la  ville    de   Gand, 
Tome  I;  chapitre  XLIX. 


—    414    — 

de  l'hôpital.  La  pièce,  dont  nous  allons  donner  quelques 
extraits,  nous  montre  ce  qu'était  encore  le  régime  de  la 
Bijlohe  à  la  fin  du  siècle  dernier. 

Le  L5  vendémiaire  an  VI  (6  octobre  1797)  fut  nommée  la 
première  Commission  chargée  d'administrer  les  hospices 
civils  en  vertu  de  la  loi  du  16  vendémiaire  an  V,  publiée 
par  arrêté  du  directoire  du  24  vendémiaire  suivant. 

Cette  Commission,  qui  tenait  ses  séances  et  dont  les 
bureaux  étaient  situés  au  Pakhuis\  marché  aux  Grains, 
se  composait  comme  suit  : 

B.  Coppens,  médecin, 

J.  J.  Papejans. 

J.  Cleramen-Tricot. 

Ph.  Mertens. 

Philippe  de  Hertogs,  secrétaire. 

Bernard  Loridon,  receveur, 

A  peine  installés  dans  leurs  nouvelles  fonctions,  les  mem- 
bres de  la  Commission  des  hospices  reçurent  une  requête 
des  médecins  de  l'hôpital  réclamant  un  changement  com- 
plet dans  l'organisation  du  service  médical  de  la  Bijlohe. 
Ce  document  est  intitulé  : 

«  Mémoire  des  officiers  de  santé  de  l'hôpital  civil  adressé 
à  la  Commission  des  hospices  civils  sur  la  nécessité  de 
changer  l'hôpital  actuel  et  de  l'avantage  qu'offre  à  ce  sujet 
la  ci-devant  abbaye.  » 

Nous  y  lisons  entre  autres  : 

«  C'est  un  ancien  bâtiment  qui  a  plutôt  été  construit 
pour  une  église  que  pour  un  hôpital.  Il  ne  présente  qu'une 
salle,  les  malades  y  sont  couchés  pêlemêle,  les  femmes  ne 

1  Le  Pakhnis,  construit  en  1719  sur  l'emplacement  de  l'ancienne 
prison,  a  été  démoli  au  mois  de  février  1897.  Voir  Pages  d'histoire 
locale;  série  3,  chapitre  XVII. 


—    415    — 

sont  guères  séparées  des  hommes,  les  blessés  des  malades, 
et  ceux  aliectés  de  maladies  aiguës  et  contagieuses  sont 
couchés  parmi  les  maladies  chroniques  et  les  convales- 
cents. » 

«  Il  arrive  souvent  et  nous  ne  pouvons  l'empêcher  qu'une 
personne  accablée  d'une  légère  maladie  ne  soit  couchée  à 
côté  d'un  moribond,  à  côté  d'une  maladie  contagieuse  et 
qu'il  n'absorbe  le  même  germe  de  destruction.  » 

«  Les  lits  sont  comme  autant  de  bacs  dans  lesquels  l'air 
méphitique  et  contagieux  est  retenu.  Le  mélange  de  toute 
espèce  de  maladies  dans  une  même  salle  ne  peut  manquer 
d'être  le  foyer  de  toutes  sortes  de  contagion.  » 

«  La  mauvaise  construction  du  local  fait  que  dans  l'hiver, 
ayant  aucun  poêle  ni  aucun  feu,  le  froid  y  est  insuppor- 
table, les  médicaments  y  gèlent  et  perdent  toutes  leurs 
vertus.  » 

«  Le  moindre  bruit  se  fait  entendre  dans  toute  la  salle, 
la  sonnette  de  la  porte  est  suspendue  au  milieu  des  malades 
et  toutes  les  fois  que  l'on  sonne  leur  repos  est  interrompu. 
S'il  y  a  un  blessé  à  qui  l'on  fait  une  opération,  ses  cris 
pénètrent  dans  toute  la  salle  et  inspirent  la  consternation 
la  plus  sinistre  à  tous  ceux  qui  habitent  ce  lieu.  » 

«  Les  latrines  sont  au  nombre  de  deux  seulement  pour 
un  nombre  quelquefois  de  200  malades.  » 

«  Trois  petites  chambres  de  six  pieds  quarrés  sans  che- 
minées et  sans  air  est  tout  ce  qui  environne  ce  local,  et  si 
par  la  plus  grande  puanteur  on  est  obligé  d'y  mettre  un 
malade,  il  y  est  isolé,  mal  soigné  et  quelquefois  oublié.  » 

«  Nous  nous  résumons  à  dire  que  le  local  de  l'hôpital 
actuel  ressemble  plus  à  un  caveau  funèbre  qu'à  un  azyle  de 


—    416    — 

santé.  Nous  le  répétons,  un  lieu  qui  n'offre  qu'une  salle 
non  aérée  dans  laquelle  les  malades  sont  renfermés, 
couchés  pêlemêle,  où  la  contagion  se  communique  de  l'un 
à  l'autre,  oii  de  petites  blessures,  des  maladies  légères  sont 
changées  en  plaies  graves  et  en  maladies  mortelles.  Un  tel 
lieu  ne  peut  mériter  le  nom  d'hôpital,  l'indigent  entre  ses 
quatre  murailles  nues  recule  d'horreur  à  la  vue  de  cet 
azyle.  » 

Les  médecins  finissent  leur  requête  en  engageant  l'admi- 
nistration des  hospices  à  convertir  en  hôpital  l'abbaye  de 
la  Bijloke  dont  la  grande  salle  n'était  qu'une  dépendance  et 
qui  avait  toujours  été  occupée  par  l'abbesse,  les  religieuses 
et  les  sœurs.  Voici  ce  qu'ils  en  disent  : 

«  L'abbaye  présente  toutes  les  commodités  d'un  hôpital. 
Il  y  a  une  douzaine  de  salles  très  vastes  et  élevées  et  par- 
faitement bien  aérées,  propres  à  séparer  toutes  les  classes 
de  malades  tant  d'hommes  que  de  femmes.  Les  malades 
convalescens  et  blessés  y  ont  des  promenades  à  couvert  et 
des  cours  particulières  à  l'air  libre...  » 

«  Enfin  les  salles  et  autres  accessoires  nécessaires  à  un 
hôpital  se  trouvent  si  bien  distribués  dans  l'abbbaye  que 
nous  avons  lieu  de  douter  que  dans  un  hôpital  construit 
expressément  à  cet  effet,  il  y  ait  plus  de  commodité  et  plus 
d'utilité.  » 

Toutes  ces  réclamations,  pas  plus  que  les  précédentes 
n'eurent  aucun  effet  réellement  sérieux.  Les  mêmes  abus, 
légèrement  mitigés  il  est  vrai,  continuèrent  de  subsister. 
Ils  ne  disparurent  qu'en  1869  avec  l'ouverture  du  nouvel 
hôpital  actuel  dont  le  conseil  communal  décida  en  principe 
la  constri^ction  en  1862. 

Pkosper  Claeys. 


—    417 


NÉCROLOGIE. 


Baeckelmans  (François),  l'architecte  bien  connu  d'Anvers,  est 
décédé  le  30  janvier  1896,  à  l'âge  de  69  ans.  Baeckelmans  était  pro- 
fesseur à  l'Institut  supérieur  des  Beaux-Arts  d'Anvers,  membre  de 
la  Commission  royale  des  monuments;  on  lui  doit  la  construction 
de  plusieurs  édifices  publics. 

Leroy  (Alphonse),  professeur  émérite  de  l'Université  de  Liège, 
décédé  en  cette  ville  le  4  mars  1896,  à  l'âge  de  74  ans.  Il  s'occupa 
surtout  de  littérature  walonne,  sous  le  pseudonyme  de  Alcide  Priar. 

Wagener  (Auguste),  né  à  Ruremonde  le  2  juin  1829,  mort  à  Gand 
le  14  mai  1896.  Docteur  en  philosophie  et  lettres  de  l'Université  de 
Bonn,  en  1850  chargé  de  cours  et  en  1858  professeur  à  l'Université 
de  Gand,  dont  il  fut  administrateur-inspecteur  de  1878  à  1895. 
Conseiller  communal,  puis  échevin  de  l'instruction  publique  (1863- 
1877)  de  la  ville  de  Gand,  et  membre  de  la  Chambre  des  représentants 
(1882-1886).  Comme  savant,  ses  études  étaient  dirigées  vers  l'histoire 
et  la  philologie  classiques.  Parmi  ses  principaux  travaux  scienti- 
fiques, citons  :  Essai  sur  les  rapports  qui  existent  entre  les  apologues 
de  l'Inde  et  les  apologues  de  la  Grèce  (1852)  et  son  Mémoire  sur  la 
symphonie  des  anciens  (1861),  etc.  Depuis  1871,  Wagener  faisait  partie 
de  l'Académie  royale  de  Belgique.  Il  était  commandeur  de  l'ordre 
de  Léopold,  et  décoré  de  plusieurs  ordres  étrangers. 

CooMANS  (J.-B.),  littérateur,  historien,  romancier,  journaliste, 
député  au  Parlement  belge  depuis  1848;  décédé  à  Bruxelles  le 
27  juillet  1896,  à  l'âge  de  83  ans.  11  publia  une  trentaine  de  volumes 
d'histoire,  de  philosophie,  des  romans,  des  brochures  de  polémique. 
Ses  principaux  ouvrages  furent  :  Histoire  de  la  Belgique,  Bichilde, 

27 


—    418    — 

Baudouin  Bras  de  Fer,  Ejnsodes  de  la  Révolution  hrahançonne,  les 
Communes  belges;  Jeanne  Goetgehuer,  Jean  le  victorieux,  comédie 
historique  en  trois  actes;  la  Bourse  et  le  Chapeau  de  Forfunatus, 
Etudes  sur  des  questions  d'intérêt  matériel  (1848),  Une  académie  de 
fous{cet  ouvrage  a  eu  un  énorme  succès);  le  Portefeuille  d'un  flâneur; 
le  Duel,  etc. 

De  Gock  (Pierre-Xavier),  paysagiste,  animalier  bien  connu,  est 
mort  à  Deurle  le  11  août,  à  l'âge  de  78  ans.  11  était  né  à  Gand  et  avait 
longtemps  travaillé  à  Paris,  où  en  1867  il  fut  médaillé  pour  ses  Vaches 
enj^rairie  et  ses  Vaches  à  l'abreuvoir. 

Lagye  (Victor),  peintre,  né  à  Gand  et  établi  à  Anvers  oii  il  est  mort 
à  l'âge  de  72  ans.  Il  était  professeur  à  l'Institut  supérieur  des  Beaux- 
Arts  à  Anvers,  et  recteur  de  cette  institution  ;  son  dernier  travail 
important  est  la  décoration  de  la  salle  des  mariages  à  l'Hôtel  de  ville 
d'Anvers.  Elève  d'Henri  Leys,  il  excellait  dans  la  reproduction  des 
scènes  d'intérieur. 

Verras  (Jean),  peintre,  décédé  le  30  octobre  à  Schaerbeek,  dans  sa 
63™®  année.  11  était  né  à  Termonde.  Citons  parmi  ses  principales 
oeuvres  :  Maître  peintre,  au  musée  de  Gand;  Revue  des  écoles  de 
Bruxelles,  au  musée  de  Bruxelles;  la  Plage  d'Heyst,  l'Estacade,  les 
Martyrs  de  la  plage,  etc. 

Henrabd  (Paul),  lieutenant-général,  membre  de  l'Académie  royale 
de  Belgique,  mort  le  14  novembre  à  l'âge  de  70  ans.  11  laisse  des 
travaux  historiques  de  valeur,  insérés  spécialement  dans  les  Annales 
de  l'Académie  d'Archéologie,  et  de  l'Académie  royale,  hwy  Jules  César, 
Charles-le-Té méraire ,  la  Maison  Plantin,  le  Siège  d'Ostende,  les 
Guerres  du  XVIP  siècle,  Henri  IV  et  la  Princesse  de  Condé. 

Leighton  (Lord),  le  célèbre  peintre  anglais,  plus  connu  sous  le 
nom  de  sir  Frederick  Leighton,  décédé  le  27  janvier  1896,  à  sa  rési- 
dence de  Holland-Park-Road,  Kensington,  à  l'âge  de  66  ans. 

Lord  Leighton  était  président  de  la  Royal  Academy. 

De  Backer  (Louis),  né  à  Saint-Omer  le  16  avril  1814  est  mort  à 
Paris,  le  4  février  ;  c'était  un  érudit  distingué,  et  professa  pendant 
quelques  années  sous  l'Empire  à  la  salle  Gerson  dépendante  de  la 
faculté  des  lettres.  Ses  travaux  historiques  sont  nombreux. 


—    419    — 

Thomas  (Ambroise),  célèbre  compositeur  de  musique,  né  a  Metz  en 
1811,  décédé  à  Paris  le  5  février  1896.  En  1871  il  remplaça  Auber, 
comme  directeur  du  Conservatoire  de  Paris,  poste  qu'il  occupa  pen- 
dant vingt-cinq  ans.  Citons  parmi  ses  plus  belles  œuvres  :  le 
Caïd  (1849),  Mignon  (1866),  HanUet  1868).  Avec  Ambroise  Thomas 
disparaît  la  vieille  école  de  musique  française.  Ses  obsèques 
ont  été  célébrées  aux  frais  de  l'Etat. 

WiNKELMANN  (Edouard),  un  des  historiens  les  plus  connus  de  l'Alle- 
magne, décédé  à  Heidelberg,  le  15  février  1896.  Après  avoir  enseigné 
à  Riga  et  à  Berne,  il  fut  nommé  en  1873,  professeur  à  la  grande 
Université  badoise  et  y  occupa  jusqu'à  sa  mort  la  chaire  d'histoire 
du  moyen-âge.  On  lui  doit  un  Mémoire  sur  l'Histoire  de  l'Empereur 
Frédéric  II  (le  dernier  des  Hohenstaufen)  et  le  tome  P""  de  l'Histoire 
définitive  de  Frédéric  II  et  de  son  temps. 

HoussAYE  (Arsène),  de  son  vrai  nom  Housset,  né  à  Bruyères  dans 
l'Aisne  en  1815,  décédé  à  Paris  le  26  février.  Outre  ses  romans,  il 
laisse  des  travaux  plus  sérieux  comme  critique  d'art  et  historien 
artistique. 

Say  (Léon),  membre  de  l'académie  française,  économiste,  né  le 
6  luin  1826,  décédé  le  22  avril  1896.  Ses  principaux  ouvrages  sont  : 
Les  finances  de  la  France,  Le  socialisme  d'Etat,  Les  solutions  démo- 
cratiques de  la  question  des  impôts  et  un  Dictionnaire  des  Finances. 

Simon  (Jules),  académicien,  économiste  et  homme  d'Etat  français, 
décédé  le  8  juin  1896.  Il  était  né  à  Lorient  le  27  décembre  1814.  Il  se 
nommait  de  son  véritable  nom  Jules-François-Simon  Suisse;  mais, 
dès  son  enfance,  il  avait  porté  comme  nom  de  famille  le  prénom  de 
son  père. 

Son  activité  dans  la  presse  a  été  considérable.  Comme  économiste 
et  comme  philosophe,  son  œuvre  est  également  des  plus  vastes  et 
l'énumération  des  livres  qu'il  a  publiés  prendrait  une  colonne  entière 
de  journal. 

CouRAJOD  (Louis),  conservateur  des  Musées  de  sculpture  du 
Louvre,  est  mort  à  Paris.  Il  était  professeur  d'histoire  de  la  sculpture 
à  l'École  du  Louvre  et  membre  de  la  Commission  des  monuments. 
Ses  travaux  sur  l'archéologie  sont  fort  nombreux  et  très  appréciée. 


—    420    — 

MiLLAis  (John),  peintre  anglais,  décédé  à  Londres  le  16  août  1896; 
âgé  de  67  ans.  Depuis  la  mort  récente  de  Leighton  il  était  président 
de  la  Royal  Academy.  Sa  célébrité  date  de  la  formation  par  lui,  avec 
Rosetti  et  Madox  Brown,  du  célèbre  groupe  des  Préraphaélites  qui 
en  1850,  régénéra  la  peinture  anglaise  et  organisa  le  mouvement 
réaliste  prêché  par  Ruskin  et  si  dénaturé  depuis. 

Challemel-Lacour  (Paul),  académicien,  sénateur,  né  à  Avranches, 
le  19  mai  1827  est  mort  à  Paris  le  26  octobre.  Il  s'est  acquis  par  ses 
écrits  une  réputation  de  philosophe  et  d'écrivain  de  talent.  Il  fut 
attaché  au  Temps,  collaborateur  de  la  Bévue  des  Deux  Mondes,  de  la 
Revue  moderne,  de  la  Revue  Germanique,  etc. 

d'Hulst  (Mgr  Maurice  Lesage  d'Hauteroche),  député  du  Finistère, 
recteur  de  l'Université  catholique  de  Paris,  né  en  cette  ville  en  1841, 
décédé  le  8  novembre  1896.  Mgr  d'Hulst  a  publié  plusieurs  ouvrages 
parmi  lesquels  on  remarque  surtout  Les  Conférences  de  Notre-Dame, 
Renan,  L'Abbé  de  Broglie,  en  outre  de  nombreux  articles  dans  Le 
Correspondant  et  dans  La  Revue  du  Clergé  français. 

Du  Bois  (Reymond),  physiologiste,  décédé  à  Berlin  le  27  dé- 
cembre 1896.  Du  Bois  a  figuré  avec  T.  Mommsen  au  premier  rang  des 
savants  allemands.  Il  laisse  un  grand  nombre  d'écrits  parmi  lesquels 
nous  citerons  :  Voltaire  et  la  science  de  la  nature,  Sur  V Enseignement 
des  Universités,  Les  Idées  de  Leibnitz  et  les  Sciences  naturelles 
modernes.  Les  Limites  de  la  connaissance  de  la  Nature,  Civilisation 
et  Science  de  la  nature,  etc.,  deux  séries  de  Discours  sur  la  littéra- 
ture, la  philosophie,  l'histoire,  la  biographie  et  la  science. 


—    421     — 


TABLE     DES     MATIÈRES, 


ANNEE     1896. 


NOTICES  ET  DISSERTATIONS. 

Analectes  belgiques.  —  XI.  Jean  Van  Doesborgh,  imprimeur 
anversois  du  commencement  du  XVI®  siècle.  —  Par  Paul 

Bebgmans  1 

L'abbaye  d'Eename.  —  Par  D 18 

Les  artistes  du  Wurtemberg,  leur  vie  et  leurs  œuvres.  —  Par  L.      39 
Renée  de  France,  duchesse  de  Ferrare.  —  Par  J.  Proost   ...      48 

Manuscrits  flamands  en  Espagne 85 

L'inventaire  des  meubles  délaissés,  lors  de  son  entrée  en  reli- 
gion, par  Antoine  d'Arenberg,  comte  de  Seneghem.  —  Par 

B°"  François  Béthune 102 

Les  imprimeurs  belges  à  l'étranger.  —  Par  Paul  Bergmans  .     .     161 
La  Princesse  de  Condé  aux  Pays-Bas.  Son  séjour  à  Gand.  1653. 

—  Par  Prosper  Claeys 235 

Un  fils  de  Ryhove.  —  Par  A.  K.  R 260 

Fr.  Van  den  Ende,  un  Belge.  —  Par  L 274 

Un  peintre  belge  de  la  fin  du  dix-huitième  siècle,  Antoine  Cle- 
venbergh,  de  Louvain.  —  Par  Edward  Van  Even 278 


—    422     — 

Au  sujet  d'un  «  Dictionnaire  iiamen-fi-ancois  »  du  XVP  siècle  et 
de  quelques  dictionnaires  français-flamands  du  même  auteur. 
—  Par  Ad.  D 304 

Iconographie  Norbertine.  —  111.  Séries  de  gravures  représentant 
la  vie  de  saint  Norbert.  —  Par  Van  Spilbeeck 313 


VARIETES. 

Démêlés  entre  le  Gouvernement  et  la  Collace  de  Gand.  —  Par 

Prospeb  Claeys 59 

Sousci'iptions  militaires  pour  la  construction  de   l'église  des 

Jésuites  à  Gand.  —  Par  Prosper  Claeys 62 

Relation  d'un  voyage  à  Gand  en  1799.  —  Par  Prosper  Claeys  65 

Deux  autographes.  —  Par  Emile  V 71 

La  reddition  d'Anvers  (1832) 73 

Le  Gras  de  Bercagny.  —  Par  D 75 

Mémoire  de  Hovinnes  sur  le  Gouvernement  du  Pays-Bas.  — 

ParD 76 

Au  sujet  d'une  chaire  à  prêcher  de  Poperinghe.  —  Par  D.     .     .  78 

Noms  estropiés.  —  Par  D 79 

Maître  G.,  peintre  tournaisien  au  XlIP  siècle.  —  Par  L.  St.  .  80 
Frais  de  l'installation  de  Joseph  II  en  qualité  de  comte  de 

Flandre.  —  Par  Prosper  Claeys 110 

Conflits  relatifs  aux  enterrements.  —  Par  Prosper  Claeys  .  .  115 
La  Fête  du  1"  vendémiaire.  —  La  Déesse  de  la  Liberté.  —  Par 

Prosper  Claeys Hg 

Quelques  pièces  relatives  à  l'époque  de  Joseph  II.  —  Par  Ém.  V.  122 

Première  lithographie  à  Gand.  —  Par  D I35 

Bourse  des  pauvres  à  Bruges  au  XV1«  siècle.  —  Par  D.     ,     .    .  137 

Encore  la  correspondance  de  Napoléon  I".  —  Par  D 139 

Hugo  Grotius.  —  Par  D 141 

Une  bibliothèque  américaine.  —  Par  Paul  Bergmans  ....  142 
Pièce  de  vers  en  l'honneur  du  général  Vander  Mersch.  —  Par 

Prosper  Claeys 4O4 

Les  annonces  de  journaux   en    1803  et  1804.  —  Par  Prosper 

Claeys 407 

L'Hôpital  de  Gand  en  1796.  —  Par  Prosper  Claeys 413 


—    423     — 


CHRONIQUE. 

La  peinture  à  Chantilly.  Ecoles  étrangèi'es.  —  Pai-  D 81 

Au  sujet  de  la  mort  de  Bayle.  —  Par  D.  .     . 81 

La  peinture  en  Europe.  —  La  Belgique.  —  Par  D 82 

Musées 83 

Académie  royale  de  Belgique.  —  Classe  des  Lettres 83 

Divers 83,152 

Congrès  d'archéologie 146 

Bibliographie  historique 148 

Memling 148 

Découvertes  archéologiques 149 


NECROLOGIE. 

Baeckelmans  (François) 417 

Leroy  (Alphonse) 417 

Wagener  (Auguste) ; 417 

Coomans  (J.-B.) 417 

De  Cock  (Pierre-Xavier) 418 

Lagye  (Victor) 418 

Verhas  (Jean) 418 

Henrard  (Paul) 418 

Leighton  (Lord) 418 

De  Backer  (Louis) 418 

Thomas  (Ambroise) 419 

Winckelmann  (Edouard) 419 

Houssaye  (Arsène) 419 

Say  (Léon) 419 

Simon  (Jules) 419 

Courajod  (Louis) 419 

Millais  (John) 420 

Challemel-Lacour  (Paul) 420 

d'Hulst  (Mgr  Maurice  Lesage  d'Hauteroche) 420 

Du  Bois  (Reymond) 420 


—    424    — 

Flanelles. 

Carte  des  établissements  des  imprimeurs  belges  à  l'étranger    .    161 


Table  des  matières  du  Messager  des  Sciences  historiques  de 
Belgique  pour  les  années  1875  à  1894.  —  Par  J.  Proost    121  à  200 


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