\
MESSAGER
DES SCIENCES HISTORIQUES
ou
ARCHIVES
DES ARTS ET DE U BIBLIOGRAPHIE
DE BELGIQUE
LISTE DES COLLABORATEURS.
MM. P. Bergmans, D"" en philosophie et lettres, à Gand.
B'J" J. B. Béthune-de Villers, à Bruges.
Bo° Fr. Béthune, professeur à TUniversité, Louvain.
P. Claeys, avocat à Gand.
Emile de Borchgrave, ministre de Belgique, à Vienne.
De Brabander, attaché au Ministère des Affaires Etrangères, à
Bruxelles.
Ch. Delgobe, ingénieur, à Christiania.
Wern. de Haern'e, attaché aux archives de l'Etat, à Gand.
Arm. d'Herbomez, archéologue, à Orcq-lez-Tournai.
G'« de Marsy, archéologue, à Compiègne.
J. Th. de Raadt, secrétaire et membre fondateur de la Société
d'archéologie, à Bruxelles.
Fr. De Potter, homme de lettres, à Gand.
J. Dëstrée, conservateur au Musée des antiquités, à Bruxelles.
L. de Villers, conservateur des Archives de l'Etat, à Mons.
Alph. de Vlaminck, archéologue, à Bruxelles.
A. Du Bois, avocat et conseiller communal à Gand.
AcH. Gallet-Miry, à Gand.
P. Génard, archiviste de la ville, à Anvers.
M. Heins, avocat à Gand.
H. HosDEY, attaché à la section des manuscrits de la Bibliothèque
royale, à Bruxelles.
H. Hymans, conservateur à la Bibliothèque royale, à Bruxelles.
Le chanoine J. B. Lavaut, à Buggenhout.
Pr. Poullet, professeur à l'Université, Louvain.
J. J. E. Proost, docteur en sciences pol. et adm., à Bruxelles.
Ch. Rahlenbeek, à Bi-uxelles.
R. Schoorman, conserv. adj. aux archives de l'Etat, à Gand.
Van Bastelaer, président de la Société archéolog. de Charleroi,
à Bruxelles.
D. van de Gasteele, archiviste de l'Etat, à Liège.
R. Van den Berghe, attaché à la Bibliothèque, à Gand.
V. Vander Haeghen, archiviste de la ville, à Gand.
Edw. Van Even, archiviste de la ville, à Louvain.
Van Spilbeeck. D"" à Soleilmont, Gilly.
MESSAGER
DES
SCIENCES HISTORIQUES
ou
DES ARTS ET DE LA BIBLIOGRAPHIE
DE BELGIQUE
Recueil publié par MM. le Comte de Limburg-Stirum, Sénateur,
Docteur en droit, etc. ; Ferdinand Vander Haeghen, Bibliothécaire
de l'Université, etc.
Emile Varenbergh , Conseiller provincial, Membre de la Commission
de statistique, de la Commission des Monuments, etc., Secrétaire
du Comité, à Gand.
ANNÉE 1896.
GAND
IMPRIMERIE ET LITHOGR. EUG. VANDER HAEGHEN
rue des ObampB, 60
1896.
THEGETTYCENTER
— 1
ANALECTES BELGIQUES'.
XI.
JEAN VAN DOESBORGH,
Imprimeur anversois du commencement du XVI** siècle.
Le début du XVP siècle constitue une des époques
les plus importantes de l'histoire littéraire des Pays-
Bas; il mériterait de faire l'objet de recherches
approfondies et de trouver un bibliographe spé-
cial, qui suive l'exemple de Weller et nous donne
une continuation des Annales de Campbell.
Anvers occupait alors une place prépondérante
comme centre typographique; elle comptait des
ateliers de la plus haute importance, tels que celui
de Gérard Leeu ^, dont les anciennes chroniques et
les romans de chevalerie, ornés de nombreuses et
intéressantes gravures sur bois, sont recherchés
1 Suite. — Voir Message?- des Sciences, P^ livraison 1895, p. 64.
2 Cf. ma notice sur cet imprimeur dans la Biographie nationale,
t. XI (Bruxelles, 1890-1891), col. 642-645.
— 2 —
au même titre que les Vérard et les Caxton.
Parmi les confrères de Leeu, qui, comme lui, im-
primèrent des ouvrages en langue anglaise, il faut
citer Jean van Doesborgh, dont la personnalité,
peu connue jusqu'à présent, vient de faire l'objet
d'une étude très fouillée de la part d'un biblio-
graphe d'outre-Manclie , M^ Robert Proctor * .
Comme cette luxueuse monographie est éditée à
petit nombre pour la Bihliog^^aphical Society de
Londres, je crois faire œuvre utile en en présen-
tant aux lecteurs français un résumé, que j'ai pu
enrichir de quelques données nouvelles.
Nous connaissons peu de choses au sujet de
Jean van Doesborgh, dit M*" Proctor. Comme l'in-
dique son nom, il était natif d'une petite ville
néerlandaise, située non loin d'Arnhem, au con-
fluent de l'Oude et Nieuwe Yssel. S'étant rendu
à Anvers pour se livrer à la carrière typogra-
phique, il y succéda à Roland Vanden Dorpe, le
premier éditeur de la Cronike van Brabant, qui
mourut en 1500, et dont la veuve ne continua
l'officine que pendant un laps de temps fort court.
Vanden Dorpe habitait, dans les derniers temps
de sa vie, la maison dite de la Balance de fer {aen
dijseren ivaghe), près de la Cammerpoorte, le quar-
tier des imprimeurs. C'est là que nous trouvons
Jean van Doesborgh établi, en 1508, avec l'outillage
de son prédécesseur.
* Jan van Doesborgh, prînter at Antwerp. An essay in bîblio-
graphy hy Robert Proctor. Londres, Chiswick press (printed for the
Bibliographical Society), décembre 1894. In-é", viii-101 pp.; front.,
XI pi. et 1 f. pour la marque de la Chiswick press.
— 3 —
La même année, il est inscrit sur les registres
de la gilde de Saint-Luc comme enlumineur (ver-
lichtere). Quoiqu'en ait dit Campbell, cette quali-
fication n'est pas incompatible avec la jjrofession
d'imprimeur; d'ailleurs. M'" Proctor le démontre,
plusieurs productions de Doesborgh sont anté-
rieures à 1508.
Jean van Doesborgh a fait usage de deux types
de caractères : le premier est semblable à ceux
qu'employaient Jacques de Breda, Henri de Let-
tersnider, Roland Vanden Dorpe et Henri Eckert,
au XV*" siècle, et presque tous les imprimeurs du
commencement du XVL siècle ; le second, que l'on
ne rencontre que dans deux volumes, est plus petit.
Ses marques typographiques sont au nombre de
trois : la première n'est autre chose que celle de
Vanden Dorpe, représentant Roland sonnant du
cor; la deuxième, variante du même sujet, est la
vignette de la veuve de Vanden Dorpe ; la troi-
sième, absolument propre à Jean van Doesborgh,
représente une femme, avec la moitié de la figure
blanche et l'autre noire, la Fortune {Avontueré),
assise, les yeux bandés, entre le Bonheur {Gheluck)
et le Malheur {Ongehic), figurés sous la forme de
ménestrels; au-dessous la devise grecque rvâSi
aaavxôv, plus ou moins défigurée.
Par l'étude attentive de ces marques et de leur
variété. M' Proctor est parvenu à fixer la chrono-
logie des éditions non datées de Doesborgh. C'est
ainsi que llie fifïeen Tokens, qui ont seuls la
marque n" I, sont probablement la première impres-
sion de notre typographe, et semblent remonter
— 4 —
à 1505; Van Pajje Jans landende, seul orné de la
vignette n° II, doit être placé à sa suite, vers 1506,
et le Va7îder Nieuiver werelt, qui ofîre déjà la men-
tion du gnotochyauton sous le dessin, pourrait
être de 1507.
La première des éditions datées est le Reyse van
Lissehone de 1508; la dernière est la Cronike van
Bradant, imprimée en juin 1530. A partir de ce
moment, on ne rencontre plus le nom de Jean
van Doesborgh, à Anvers. Il est possible qu'il se
soit rendu en Hollande : Ledeboer le cite à Utrecht,
en 1540.
Jean van Doesborgh eut des rapports avec
Henri Eckert, à qui il prêta les bois de la chro-
nique de Brabant et le saint Augustin du Dieren
Palleys. D'autre part, Vorsterman et Nicolas de
Grave ont copié de ses illustrations, du moins
pour autant qu'elles lui appartiennent. On ne peut
soutenir, en effet, qu'il fût scrupuleux dans le
choix et l'emploi de son matériel : il acheta des
bois à Anvers, en France et probablement en Alle-
magne — il est rarement possible d'établir que
ses gravures ont été faites spécialement pour
l'ouvrage où elles se rencontrent, — et il ne se
gêne point pour mettre Jonas et la baleine là où
il s'agit d'un navire dans le texte. Il ne faisait que
suivre ainsi l'exemple de ses contemporains.
Les impressions de Jean van Doesborgh, au
nombre d'une bonne trentaine, présentent un
véritable intérêt, quoiqu'elles soient en général
de peu d'étendue, à part la C^'onike van Brabant.
Elles appartiennent pour la plupart, à la catégorie
curieuse des livres populaires, et plusieurs offrent
la particularité d'être des traductions anglaises.
Deux de ces dernières, celles du Dieren palleys et
une évaluation des monnaies d'or et d'argent, ont
pour auteur Laurent Andrewe, de Calais, qui fut,
après 1527, imprimeur et libraire à Londres, ce
qui a fait supposer qu'Andrewe apprit son art
chez Doesborgli. Ce dernier traduisit lai-même en
anglais la version flamande de VArt de bien nwiirit\
mais cette œuvre dénote une déplorable ignorance
de la langue, de même que la version des Neio
lands. Il reste encore à découvrir la personnalité
du traducteur des autres ouvrages anglais impri-
més par notre typographe, tels que le Par son of
Kalenborowe, parfois attribué, mais sans preuves,
à Richard Arnold.
Voici d'ailleurs, la liste complète des impres-
sions de Jean vanDoesborgh, telle qu'elle a été éta-
blie par M'' Proctor, dont je résume les conscien-
cieuses descriptions, en y ajoutant les détails que
j'ai pu trouver personnellement :
1. The fifteen Tokens. (U. 1505?).
HEre beginneth e lytel trea || tyfe the whiche fpeketh of ||
the XV. tokens the whiche || fhiiUen bee f hewed afore y' |] drefull
daye of Jugement. || And who that oure lorde j] f hall af ke reke-
nyng of eue || ry body of his wordis wor 1| kis and thoughtes.
And who oure lorde wjdl f he |1 we vs other xv. tokens. of his
paffion to theym |1 that been deyeth in dedely fynne. || (Figure
sur bois).
In-4°, 26 fiF. signés A-D4. Au bas du f. 26 r" : C Emprinted by
me Johan fro doefborch dwellî-||ge at Anwerpe by the Jron
— 6 —
ballaunce te. || Au r°, la marque n" I. L'exemplaire de la collec-
tion Heber a été vendu £, 3,10.
[Londres, British Muséum (incomplet); — Oxfoi'd,
bibl. Bodléienne (incomplet)].
2. Van Pape Jaus landencles. (C. 1506?),
C Van die wonderlichedë en coftelicheden || van Pape Jans
landendes. || (Figures sur bois).
In-4'', 10 ff. signés A-B4. Au bas du f. 10 r° : C Gheprint
Thâtwer-||pë. Aen dijferë wage || by my Jan. van j] Doefborch. ||
Au v°, figure sur bois et marque n° II. Le libraire F. Muller,
d'Amsterdam, en a fait faire, en 1873, un fac-similé photo-litho-
graphique par A. Kroon, qui a été tiré à 30 exemplaires. Cf. la
note intéressante du catalogue Fr.-J. Olivier (Bruxelles, février
1878), où un exemplaire est coté 1250 fr. (n" 179).
[Londres, British Muséum (titre légèrement endo-
dommagé)].
3. Vander Nieuwer Werelt. (C. 1507?). .
Vander nieuwer werelt oft landtfcap || nieuwelicx gheuôdë vâdë
doorluch||tighê con. va Portugael door de/ || aider beftë pyloet
ofte zeekender d' werelt || (Gravure sur bois) || Hoe noyt meefter
oft aftronom» befcreuë heeft dat || daer een lâdt was bewôet va
mëfchë ofte beeften. 1|
In-4°, 8 ff. signés A-B4. Au bas du r° du f. 8 : Gheprent Thant-
werpen aen || Dyferen waghe. Bi || Jâ va Doefborch || E celo
descendit rbum quod gnothochyauton ||. Un fac-similé a été im-
primé à 25 exemplaires aux Etats-Unis, à Providence, en 1874.
[Providence, bibliothèque Carter-Brown].
4. Die reyse van Lissebone. Décembre 1508.
Die reyfe va Liffebone om te varëna dg eylâdt || Naguaria in
groot Jndien gheleghen || voor bi Callicuten en Gutfchi dair ||
dye ftapel is vander fpecerië || Daer ons wonderlijcke di||gë
wed'uaren zij. ëndair || wy veel ghefiê heb||bë/ als hier na || ghe-
fcreuë || ftaet. || Welcke reyfe ghefchiede || door de wille en
ghebode des aider ||doorIuchtichftë Coiîs va Portegale Emanuel ||
(Figure eur bois).
— 7 —
In-4°, 12 ff. signés (a)- C4. Au v» du f. 12 : Gheprent Thant-
werpen ... By my Jan van Doefborch. Jntiaer || M. D. viij. i De-
ceraber || (Marque n" III).
[Londres, British Muséum ; — Providence, biblio-
thèque Carter-Brown].
5. Longer Accidence. (C. 1509?).
In-4". Fragment comprenant 4 ff. du cahier B : 1, 2, 5 et 6. Au
bas du r" du dernier f. : Hoc prefens opusculû p me Johânë || de
Doefborch eft exaratum ||. Au v", la marque n" III. Cf. plus loin
le n" 10.
[Oxford, bibl. du Corpus Christi Collège].
6. Os faciès mentum. (C. 1510?).
Os faciès mëtû. || (Figure sur bois).
In-4'', 4 ff. non signés. Au bas du v" du dernier f. : Jmpreff ura
Antwerpie. per me Jo||hannem de Doefborch. .•. ||
[Collection Huth; — Britwell].
7. Die Destructie van Troyen. (C. 1510-1515?).
Die deftructie va || Troyen die laetfte Ende die fchoone amo-
reus||heyt van Troylus en der schoonder Breseda || Calcas docht'
die een verrader was. 1| (Figure sur bois).
In-fol., 56 ff. signés a-k, à 2 col. Au v° du f. 55 : C Hier es
voleyndet die hiftorie va || d'amoreufyt van Troylus en Brife||da
en ooc cortelic ouerlopë die deftruc||tie va Troyen. Gheprent
Thant-||werpen aen dijferen waghe Bi mi || Jan van Doefborch 1|.
Un exemplaire a été vendu 500 ;fr. à la vente Vander Linden
(Bruxelles, 1864, n" 1306).
[Bruxelles, coll. du duc d'Arenberg; —
ibid., bibliothèque royale].
8. Robin Hood. (C. 1510-1515?).
C Hère begynneth a geft || of Robyn Hode. H (Figure sur bois) ||
Lythe and liftin gëtilmen ...
In-4'', 26 ff. signés A-e4. Les ff. 21-26 manquent au seul
exemplaire connu.
[Edimbourg, bibl. des avocats].
— 8 —
9. Aeneas Sylvius, EuryalusandLucretia. (C. 1515?).
In-4°. Fragment de 4 fF. dont la partie supérieure seule est
complète.
[Edimbourg, bibl. Signet].
10. Shorteracciclence. (C. 1515?).
Accidence HOw many partes ofreafô be|| there. viij. whyche.
viij. now II ne/ pnowne/ vloej adûbe parti || ciple...
In-4o, 4 ff. non signés. Au bas du v° du dernier f. : Emprynted
by me John ofF Doefborch. || Abrégé du n" 5.
[Oxford, bibl. Bodléienne].
11. Laet, Prognostication for 1516. (1515-1516).
C The prognofticaciô of maifter Jafpar late of borchloou/ ||
do6lour in aftrologie of the yere. M. CCCCC. xvi. tranf ||lated
into yngliffh to the honorre of the mooft noble z vic-||torious
kynge Henry the. viij. by your mooft hûble fub-||ieél Nicholas
longwater goeuerner of our lady côception || in y" renowmed
towne of Andwarp in fente Jorge perys ||...
ln-4°. Les 4 premiers ff. seuls sont connus. Déjà attribué à
Doesborgh dans les Bibliographische Adversaria, t. V, n° 4-5,
p. 101.
[Londres, British Muséum (f. 1); — Cambridge, Tri-
nity Collège, cahier a (c'est l'exemplaire coté £ 5
dans le catalogue Quaritsch de mars 1880, p. 51)].
12. Den oorspronck onser salicheyt. Mai 1517.
Den. oorfpronck || Onfer. falicheyt || (Figures sur bois).
In-fol., 190 ff. chiffrés A-QQ4, à 2 col. Au r» du dernier f. :
C Geprent Thantwerpen in de ftat || Bi Jan van doefborch / ic
feg V dat II Jnt iaer alfmen sceef. xvij. en vijftien || Jnt lefte va
mey/ wient wwôd't (hôd't || Js hier miffet/ miftelt wilttet î;geuen ||
Op d3 wi mogen comë int ewich leuë || . Au v", marque n° III.
[Londres, British Muséum ; — La Haye, bibl. royale ;
— Anvers, musée Plan tin].
— 9 —
13. Causes that be proponed. (Après le 12 nov. 1517).
Causes that be proponed and traéled in a Confultacyon of a
Journey to be made with the Tokyn of the holy Croffe/ agaynst
the Jnfideles and Turkes, and fent to ail cryften princes, to
thentente that they thoughte their good oounfell, and wyfe exa-
minacyon, fholde examyne, yf any thynge therin be, that ont
ought to be encreafed, or mj'nyff hed ; or yf ought to be cor-
reélyd. This done the xij daye of November.
ln-4°. L'original latin, imprimé par M. Hillenius, est décrit par
la Bïbliotheca beîgica, t. XXI, p. 14, au mot Proposiia.
[Cité dans le catalogue West, 1851, n° 6J.
14. Letter of B. de Clereville. (Après janvier 151 Vs)-
C The Copye of the letter folowynge whiche fpecil|fyeth of y®
greateft and meruelous vifyoned || batayle that euer was fene
or herde of || And alfo of the letter y* was sent fro || me the
great Turke vnto our 1| holy fad' y® pope of Rome. || (Figure sur
bois).
In-4°, 4 ff. non signés. Au bas du r° du 4® f. : Emprented in y®
famous cite of Andwarpe |] Be me/ John of Dousborowe || ; le v"
est blanc .
[Oxford, bibl. Bodléiende ; — Britwell].
15. Cronyke van Brabant *. 1518.
Die . aider . excellëfte il Cronyke . va . brabât. || Van Vlaen-
derë Hollant Zeelant int generael Ende die nieuwe || geften ghe-
fchiet zijnde bi onfen prince en coninc Kaerl die in die ander
Cronijcken niet en fijn || (Gravure sur bois).
In-foL, 212 ff. non chiffrés, signés [A] Aij — m [m 2j, à 2 col.;
grav. sur bois. Au bas de la 2^ col. du r° du dernier f. : Gheprent
Thantwerpen bi mi Jan || va Doef borch Jnt iaer M. v. C. xviij || .
(Figure sur bois). Au v°, le bois du titre, encadré.
[Gand, bibliothèque de l'Université; — Bruxelles,
bibl. royale; — La Haye, bibliothèque royale].
^ Non décrit par M"" Proctor.
— 10 —
IG. The lyfe of Virgilius. (1518?).
Virgilius. 1| C Tnis boke treath of the lyfe of Virgilius || and
of his deth and many marua5des that || he dyd in his lyfe tyrae
by whychcraft and || nygramanfy thorowgh the helpe of the de ||
uyls of hell. || (Figure sur bois).
In-4°, 30 ff., signés A-F4. Au v° du 29"= f. : C Thus endethe the
Lyfe of Virgilius || with many dyuers confaytes that || lie dyd
Emprynted in the Cy||tie of Amwarpe By me || John Doefborcke |1
dwellynge at y* || the caraer |1 porte. || Le dernier f. contient,
au r°, les armes d'Angleterre, et, au v", la marque n° III. Cf.
catal. Serrure, 1873, n" 3259.
[Britwell; — Oxford, bibliothèque Bodléienne (inc.
du P-- feuillet)].
17. Frederick of Jennen. 1518.
C This mater treateth of a merchaû || tes wyfe that aftex'warde
went lyke 1| a ma and becam a great Lorde and |1 was called
Frederyke of Jennen af-l|terwarde. || (Figure sut bois).
ln-4°, 26 fF, signés A-E6. Au f. 24 r° : C Thus endeth this
lyttell ftorye of lorde frede-||ryke Jmpryted ï Anwarpe by me
John 11 Dufborowghe dwellynge befyde y* || Camerporte in the
yere of our lor || de god a . M . CCCCC . and j] xviij. |1 Au v°,
marque n° III. Le f. 25 contient, au ro, une gravure sur bois, et
au v°, la marque n" III répétée; le 26" f., manquant à l'exemplaire
connu, était vraisemblablement blanc.
[Britwell; — Londres, British Muséum, fragm. du f. 12].
18. Maryof Nemmegen. (1518-1519?).
C Hère begynneth a lyttel ftory that was of a 1| trwethe done
in the lande of Gelders of a may || de that was named Mary of
Nêmegen y' was || the dyuels paramoure by the fpace of . vij .
yere \\ longe. || (Figure sur bois).
In-4», 20 ff. signés A-D4. Au bas du f. 19 v" : C Thus endeth
this lyttel treatyfe Jmprynted || at Anwarpe by me John Duif-
browghe dwel-jjlynge befyde the camer porte. 1| Au r" du f. 20,
gravures sur bois; au v", la marque n^III.
[Britwell].
— 11 —
19. Tyll Howleglas. (C. 1519?).
ïn-i°. Fragment de 10 ff. signés J1-K6 d'une version anglaise
de Tiel Ulenspiegel.
[Londres, British Muséum].
20. Thuys der fortunen^. 1518.
Thys der fortvnen met dat hvys der doot.
In-4°, 64 fF. non chiffrés, signés [A]B-Pi[Piv] ; car. gotli., avec
nombreuses et curieuses fiofures sur bois dans le texte. Au v" du
dernier f . : C Bi mi Jan van Doefborcb . Anno . M. CCCCC ||
ende . xviij. den vij. dach in Februario. || Cura priuilegio. || (Gra-
vure sur bois : Armes d'Espagne). L'exemplaire de la collection
Serrure, incomplet du titre refait à la plume, fut vendu en 1872,
pour 44 fr. (n° 409 du catalogue).
Curieux traité en vers et en prose, renfermant des recettes de
médecine populaire, des secrets d'astrologie, tels que l'influence
des planètes sur le caractère de l'homme, etc.
On cite des éditions postérieures de G. Vorsterman, à Anvers,
en 1522, et de Jean Berntsz, à Utrecht, en 1531.
[Anvers, musée Plantin].
21. Der Dieren Palleys. 5 mai 1520.
(Grande figure en bois). Der dierë || palleys : en || Die vgade-
ringe vandê beeften d'[|Aerdë. Vandë vogelë d' lucht. Và-|ldê
viffchen en monftrë d' waterê. ||
In-fol., 124 ff. signés A-Hh4, à 2 col. Au bas du f. 123 r° : Ghe-
prent bi my Jan van doefborcb 1| Thantwerpen, Jnt iaer ons
heeren || M. CCCCC. ende , xx . den vijfsten || dach in Meye. ||
(Figure sur bois). Au v° du f. 124, marque n" III. Un exemplaire
a été vendu 380 fr. à la vente Camberlyn, 1882, n° 439.
[Londres, British Muséum, 2 exx.; — Bruxelles, bibl.
royale (un ex. complet et un ex. inc. d'un cahier,
acquis 100 fr. à la vente Serrure, 1872, n° 376)].
* Non décrit par M"" Proctor. Sa date étant désormais connue,
Thuys der fortunen devrait être placé après le n" 17 de la liste.
— 12 —
22. Of the new Lands. (C. 1520?).
C Of the uew lâdes and of y"^ people || found by the meffengers
of the kyn||ge of portygale named Emanuel. \\ Of the . x . dyuers
nacyons cryftened. 1| Of pope John and his landes / and of || the
costely keyes and wonders molo || dyes that in that lande is. ||
(Figure sur bois).
In-4°, 24 if. signés A-E4. Au r" du dernier f. : Emprenteth by
me John of Doef borowe : . || (figure sur bois); au v°, la marque
n" III. Le premier traité de ce recueil est le même que le Reyse
van Lissebone (v. plus haut, n° 4) ; le troisième est le traité du
pape Jean (n" 2), mais la traduction, dit M*^ Proctor, semble être
différente.
[Londres, British Muséum ; — Oxford, bibl. Bodléienne
(fragment composé des ff. 17 et 22)].
23. The Wonderful Sliape. (A])rès 1520).
(Titre inconnu).
t
In-fol., 82 ff. signés a-u4, à 2 col. Au v" du f. 81 : Tranflated
be me Laurens Andrewe 1| of the towne of Calis / in te famous 1|
cite of Andwarpe || Empreuted be me John of || Doefborowe ||.
Le titre et le dernier f. manquent au seul exemplaire connu.
[Cambridge, bibliothèque de l'Université].
24. Van Jasoii en Hercules. 8 novembre 1521.
Van TT 1 ' Il C De wonderlike vreemde hiftorien. Hoe dat
Hercules.
die edel vrome Jafon ghewan dat gul-||den vlies En va noch veel
wond'like auôtueren die Jafon met die fchone Medea hadjjde. En
voert vandë aider ftercften Hercules/ die wond'like feyten va
wapenen in orlo-||ghen dede/ doe hi Troyen twee reyfen def-
trueerde. En hoe hi vacht teffens vreemde w5-||derlike beeften die
hi al verwan. En fis genuechlick en vponderlick om te horen
lefen || (Figures sur bois).
In-fol., 46 ff. signés A-L4, à 2 col. Au r° du dernier f. : C Ghe-
prent Tantwerpen bi mi Jan || van Doef borch wonende op die ||
Lorabaerde Vefte. Indeu j] iare ons heeren. M. || CCCCC. en
— 13 —
XXI. !| opten achftë || in Nouë||ber. || Un ex. figurait, à la vente
de Sellières, à Paris, mai 1890, n" 640.
[Décrit dans le Bibliophile belge, t. IV, 1869, pp. 14-16J.
25. Die historié van Hercules. 12 décembre 1521.
Die hiftorie || Van den ftercken Hercules/ Die veel wonderlike
dinghen in fijn leuen heeft || ghedaen. Syn gheboerte was won-
derlic/ en fijn leven was auontuerlic/ wât || lii menicli vuaerlic
beeste verflaghen heeft. ghelijc men in die hiftorie hier na || ver-
claren sal. En fi is feer auontuerlic en ghenuechlich oni lefen. 1]
(Gravures sur bois).
In-fol., 48 ff. signés a-m4, à 2 col. Au dernier f. : C Hier eyndet
die hiftorie en dat leuen vanden vromen Hercules / met die twee ||
deftrudtien van Troyen / die door Hercules gefchieden. En iffer
ye II niant die de derde deftrudtie van Troyen begheert te wetë ||
daer de vrome Hector vflaghen was / dats ghe||prent in een and'
boeck ' geheten Die dejjftruétie va Troyen. En dit boeck || is
Thantwerpë geprent bi || mi Jan van Doefborch || wonende op
de II L5baer||de || vefte || in den Aren || van die vier euangeliftë ||
Jn den iare ons heere duyfent vijf || hondert en . xxi . opten
twalefften dach van Deceraber || (Figures sur bois).
[Décrit dans le Bibliophile belge, t. IV, 1869, p. 16].
20. The Parson of Kalenborowe. (Après 1520?).
In-é", 26 ff. signés A-E6. Les deux premiers et le dernier
feuillets inconnus.
[Oxford, bibliothèque Bodléienne].
27. Der IX qiiaesten. 25 juin 1528 2.
Dix quaeften 1| Warachtighe hiftorien. Als va Jeroboan
Achab II Joram ioden. Caym Nero Pylat' heydë Ju || das fcharioth
1 II est assez curieux de trouver, clans un colophon du XVI* siècle,
l'emploi d'une formule dont 1(3S feuilletonistes contemporains usent
et abusent pour prolonger leurs romans et en faire acheter les suites
nombreuses.
2 M"" Proctor n'ayant pas vu ce volume, sa description n'est pas
tout à fait exacte; j'ai pris la mienne sur l'exemplaire unique de la
bibliothèque de l'Université de Grand.
— 14 —
Machamet Juliam apfto||ta kerftenen . die aile eeii onfalich |]
eynde hadden || (Figures sur bois).
ln-4°,32 fif. non chiffrés, signés [A]B-G[H4] ;av. figures sur bois.
Au v° du dernier f. : C Gheprt bi Jâ v â Doefborch. Jnt iaer ||
van. xxviij. den xxv. dach va Juni' || C Cum gracia et /juilegio . ||
Marque n° III. La première ligne du titre, imprimée en rouge,
est xylographique. M'' J. Petit a donné une spirituelle analyse de
ce cui'ieux roman populaire des neuf méchants hommes, dans le
Bibliophile belge, t. IV (Bruxelles, 1869), pp. 60-65.
[Gand, bibUothèque de l'Université].
28. Tdal sonder wederkeeren. 10 juillet 1528.
Tdal fond' wed'keerë || C Oft Tpas der Doot. || (Gravure sur
bois).
In-4'', 16 ff. signés A-D4. Au v° du dernier f. : C Gheprent bi
Jan van Doefborch || Jnt Jaer van . xxviij . den x. || dach van
Julius II C Cum gracia et /uilegio. || Marque n° III. La première
ligne, imprimée en rouge, est xylographique. Cf. BibUotheca bel-
gica, V^ série, t. V, c. 24. v" CoelUn. Réimpriilié par M"" J. Petit
dans les publications des bibliophiles belges, à la suite du Pas de
la mort, en 1869.
[Bruxelles, bibliothèque royale].
29. Cronike van Brabant. Juin 1530.
Van . brabant . die . || excellente . Cronike . ||Van Vlaenderë/
HoUât/ Zeelant int generael. Vauden oorfpronck des lants va
Ghelre/ ende || ooc die afcomfte der hertoghen van Ghelre. Va
dat fticht ende van die ftadt va Wtrecht/ hoe fi || comen fijn
onder den keyfer Karolo. Ende van die uieuwe geften ghefchiet
bi onfen prince ei ' || kej^fer Karolo / tottë iare . M.CCCCC.
en XXX. in Junio . Ende noch veel ander vreemde geftë || die
in ander Cronijcken niet eu fijn || (Figure sur bois). || C Defe
boeckeu vintmen te cope tôt Henrijck Peterf inden mol || 2.
^ Sic sur l'ex. de Gand ; en, dit M"" Proctor.
^ Cet ouvrage ayant été imprimé pour plusieurs libraires, pos-
sède diverses adresses; celle-ci est celle de l'ex. de Gand. L'ex. du
British Muséum, décrit par M"" Proctor, porte : f Defe boecken
vintmen te cope tôt Michiel va Hoochftraten in der râpe || .
— 15 —
In-fol., 320 &. non chiffrés, signés [A] Aij-X . ij . [Xiv], à 2 col.;
figures sur bois. Au v" du dernier f. et dans un encadrement :
C Gheprent tôt Antwerpen op die Loiubaerde||vefte / bi mi Jan
van Doef borch / int iaer ons || lieren M . CCCCC . xxx . in Junio. ||
(Gravure sur bois).
[Anvers; musée Plantin; — Bruxelles, bibliothèque
royale; — Gand, bibliothèque de l'Université; —
La Haj^e, bibliothèque royale ; — Londres, British
Muséum; — Oxford, bibliothèque Bodléienne(titre,
colophon et gravures découpées et collées en
album)].
ÉDITIONS DOUTEUSES.
30. The valuation of golcl and silver.
C The valuatijon of golde and fyluer || made ô y* yere
. M . CCCC . / xxxxiv. Il holde î the marke vnce englice quar ||
t' troye. dewes and aes The raaner || for to weight wyth pênes
and gray||nes and herein is fett y* fygures of y** || fpaynyfh and
Poortyngalyffh doca||tes whiche is now || C The golde fleys ||
(Gravure sur bois). || The phûs gyldon [J (Gravure sur bois).
In-8°, 24 ff. signés a-c8. Le format du livre et le bois de la
dernière page rendent douteuse l'attribution à Jean van Does-
borgh de ce volume, qui pourrait avoir été imprimé par R. Van-
den Dorpe.
[Londres, British Muséum].
31. On the Pestilence.
Un traité sur la peste, qui pourrait être imprimé par Jean van
Doesborgh, est signalé dans la bibliothèque feu Maurice Johnsen,
de Spalding.
32. The valuation of golcl and silver,
The valuacion of golde and siluer. Made in the famous Citie of
Antwarpe, and newely Tranf lated into Englishe by me Laurens
Andrewe /
Emprentyd in the famous Cite of Andwarpe.
[Cité par Herbert dans son édition des Typograplùcal
antiquities d'Ames, p. 412].
— 16 —
ÉDITION INCONNUE A M-- PKOCTOK.
33. Floris ende Blanceflour.
La bibliothèque de l'Université de Gand possède (Ace. 23069)
un fragment d'une édition non datée du roman populaix'e de
Floris en Blanceflour, imjariraée in-é" par Jean van Doesborgh.
Voici la description de ce fragment, découvert dans une reliure,
et qui comprend les ff. 1 et 4 du dernier cahier, signé E.
F. E r° : de gheweeft fi aten ende drôcken tfamë datter die ||
and' iôcfrouwë niet af en wiftê (.30 lignes). Au bas du f. E v° :
Hoe de amirael Floris en blâceflour wil || de dodê. en hoe elck
voor den anderen || wilde fteruë . en hoe fi ten laetften || gracie
vercreghen. ||. F. [E4] r" : vrouwe va Pippijn die aen haer
ghew^an den gro||ten con. karel fo fommige hiftorê fegghen/die
een || duychdelijck jjrince was en wreech naraaels dat || eewich
leven. AMEN. H bi mi Jan van Doef borch. 1| (Figure sur bois :
l'ioris et Blanceflor). F.[E4] v" : marque typographique n° III.
Réparons en terminant un oubli de M"" Proctor
et dressons la statistique des bibliothèques qui
possèdent des éditions certaines de Doesborgh ou
des fragments de celles-ci, dans l'état actuel de mes
connaissances à cet égard :
1. Londres, British Muséum 11
2. Oxford, bibliothèque Bodléienne 7
3. Collections particulières 6
4. Britwell 5
5. Bruxelles, bibliothèque royale 5
6. Gand, bibliothèque de l'Université 4
7. Anvers, musée Plantin 3
8. La Haye, bibliothèque royale 3
i). Providence, bibliothèque Carter Brown ... 2
10. Cambridge, bibliothèque de rUniversité ... 1
11. Cambridge, bibliothèque du Trinity Collège . . 1
12. Edimbourg, bibliothèque des avocats .... 1
13. Oxford, bibliothèque du Corpus Christi Collège 1
Total des exemplaires connus . . 50
— 17 —
D'après M' Proctor, la bibliothèque royale de
Bruxelles et la bibliothèque de l'Université de
Gand ne possédaient chacune qu'une édition de
J, Van Doesborgh; mes recherches m'ont permis
de leur en attribuer respectivement cinq et
quatre, ce qui, avec les trois impressions conser-
vées au musée Plantin d'Anvers, non signalées
par M'' Proctor, porte à douze le nombre des
exemplaires d'éditions de Doesborgh connus en
Belgique. Pour les Pays-Bas septentrionaux, le
bibliographe anglais ne cite que la bibliothèque
royale de La Haye avec trois éditions; je suis
convaincu que ce nombre pourrait également être
augmenté, et sans doute notablement, en étudiant,
d'une manière spéciale, les collections des biblio-
thèques néerlandaises.
Paul Bekgmans.
18
L'ABBAYE D'EENAEME.
-.4^
Edmond Beaucarne < , récemment décédé à
Eenaeme, a laissé une histoire de Tabbaye
d'Eenaeme dont une partie était imprimée au
moment de son décès, et qui vient de paraître en
un volume in-4'' de 520 pages. L'œuvre, composée
d'après les archives de l'abbaye et ' reproduisant
le texte des principaux documents, est riche en
détails précieux pour l'histoire générale de notre
Flandre comme pour la connaissance de la disci-
pline ecclésiastique. Nous la résumons dans les
pages qui suivent.
C'est le comte Baudouin de Lille qui fonde
l'abbaye et la dote. La communauté doit se com-
poser de douze religieux soumis à la règle de Saint-
Benoit. On discute l'authenticité de quelques
chartes de ces premiers temps.
« L'abbaye n'avait pas encore un quart de siècle
d'existence, dit l'auteur, lorsque déjà un grand
relâchement s'était introduit dans la discipline.
* Sur E. Beaucarne, ancien rédacteur du Catholique du Pays-Bas,
yoir Messager des Sciences, 1895, p. 181.
— 19 —
L'abbé Tancard sentit le besoin d'une réforme; il
tenta de ramener la communauté à l'esprit de son
institution, mais il s'aperçut bientôt que tous ses
efforts seraient impuissants sans l'assistance du
Souverain Pontife. Il résolut donc de se rendre à
Rome ; mais avant qu'il put mettre son projet à
exécution, ses sujets rebelles lui firent souffrir
toutes espèces de vexations et d'avanies ; ils
poussèrent l'oubli de leurs devoirs jusqu'à mal-
traiter leur supérieur et lui couper le bout de
Toreille. Tancard, vivement affecté de cette offense,
alla porter ses plaintes aux pieds du Saint-Père,
mais il succomba en route : sed m ipso ilinere, vel
in eundo vel redeundo, nescitur ; scitur enim quia
niortuus est. »
Gilbert, moine d'Affligliem, lui succéda. « Ce fut
à sa prière que le comte Robert favorisa l'établisse-
ment d'une église à Pamele en engageant l'évêque
de Cambrai à donner tous ses soins pour mener
cette affaire à bonne fin, »
Un autre moine d'Affligliem , Snellard , son
successeur fait abattre l'ancienne église et en
construit une nouvelle (1132). La quatrième année
de son pontificat, Eugène III, renouvelle et con-
firme (si sa bulle est authentique) les privilèges et
immunités accordées à l'abbaye par Alexandre II
et Pascal IL
En 1150, Snellard abdique. « Les annales nous
apprennent, dit Beaucarne, que contraint par la
pauvreté et gravement offensé par des rivaux
envieux, il se retira de l'abbaye. »
Un moine appelé Guillaume fut ensuite revêtu
— 20 —
de la dignité abbatiale, et « trouva le monastère
dans l'état le plus déplorable, tant sous le rapport
spirituel que sous le rapport temporel. » Il partit
pour la Terre-Sainte avec Thierry d'Alsace. Il était
convenu que s'il retournait dans l'année, il aurait
repris ses fonctions abbatiales, mais que s'il n'était
pas de retour, on aurait pourvu à son rempla-
cement.
Ce délai expiré, la communauté choisit pour
prélat, Arnout, prieur d'Afflighem « qui parvint à
faire renaître le bon ordre et la discipline parmi
ses subordonnés. »
En 1160, il rapporta de Renaîx le chef de saint
Célestin, pape et martyr. On ne dit pas comment
cette relique était passée en Flandre.
« La communauté ne trouva pas dans son sein,
à la mort d' Arnout, un homme capable de présider
à ses destinées... Ce fut de nouveau un moine
d'Afflighem, appelé Gilbert, qui vint remplacer
Arnout... Il contribua plus qu'aucun de ses prédé-
cesseurs à accroître les possessions de l'abbaye,
tanten terres, qu'en dîmes, autels, édifices et autres
biens. «
Mais les richesses présentent des dangers pour
la vie monastique. « La discipline, dit Beaucarne,
s'étant fortement aff"aiblie, et ces moines conti-
nuant à se relâcher de plus en plus, Gilbert tenta
d'introduire à l'abbaye la réforme de Citeaux. Il
renvoya les moines qui ne voulurent point quitter
la robe noire et les remplaça par des moines blancs
de l'ordre de Citeaux ; ces tentatives de réforme ex-
citèrent une vive lutte entre l'abbaye et les moines
— 21 —
récalcitrants, et à la fin Gilbert fut déposé. »
Sous son successeur Lambert IV (de bonne mé-
moire) le comte Philippe d'Alsace « déclare qu'il
résulte d'une enquête légale... que Tabbaye était
de temps immémorial en paisible possession de
recevoir sur tous les vins passant par l'Escaut,
quel que fût le lieu de provenance ou de destina-
tion, deux lots et demi de vin de chaque pièce,
grande ou petite... » (1162).
Son successeur Gauthier, 12'' abbé, « trouva le
monastère surchargé de dettes ; son premier soin
fut d'introduire de l'économie dans les dépenses,
et en peu de temps il parvint à libérer la maison,
à rebâtir les édifices et à en construire de nou-
veaux. »
Siger, 13® abbé, et Henri 14", ont laissé grand
nombre de chartes concernant leur administration,
qui constatent le zèle et l'activité qu'ils déployèrent
pour la prospérité du monastère. Les habitants
d'Audenarde sont obligés de payer le tonlieu sur
l'Escaut. « Le Pape Innocent IV étend à l'abbaye
d'Eenaeme la constitution qu'il a publiée concer-
nant les excommunications (1247). »
En 1249, deux bourgeois d'Audenarde avaient
fait transporter par l'Escaut quatre pièces de vin
de Moselle, et lorsque le bateau qui les contenait,
était arrivé devant l'abbaye, à l'endroit du ton-
lieu, ils avaient passé avec tant de rapidité qu'on
n'avait pas pu percevoir le droit. Ces bourgeois,
reconnaissant qu'ils avaient fait une grande injure
à l'abbé, vinrent, accompagnés de quelques éche-
vins et notables d'Audenarde, faire amende hono-
— 22 —
rable à l'abbé et solliciter leur pardon en présence
de toute la communauté.' Il en fut dressé acte.
Arnould, 15^ abbé (1250), « strict observateur
de la règle, mit beaucoup de prudence et de modé-
ration dans l'acquisition des biens temporels, et
toute sa gestion fut des plus régulières. Cette
conduite louable ne laissa pas de lui susciter un
grand nombre d'adversaires, qui l'accablèrent de
persécutions. Dégoûté et affecté de ces injures, il
résigna, à l'exemple de son prédécesseur, ses fonc-
tions abbatiales. »
Baudouin, IQ" abbé, « se distingua par la géné-
reuse hospitalité qu'il exerçait envers les étrangers,
tant séculiers qu'ecclésiastiques. 11 traita les moines
et les frères avec assez de douceur, mais il fit
observer avec négligence la règle monastique...
Il agrandit le patrimoine de l'abbaye par de nou-
velles acquisitions et des constructions; mais il
laissa de grandes dettes. La plupart des moines
s'insurgeant contre lui, un grave débat s'éleva
entre l'abbé et presque toute la communauté, qui
lui fit subir de graves injures; mais il résista
vaillamment... (1261). »
Le 17*" abbé est Gérard de Strypen. « Il trouva
le moyen de faire un grand nombre d'acquisitions
tant en prairies qu'en bois, dîmes et rentes...
Durant sa prélature, il eut à endurer de grandes
et fréquentes persécutions de la part de ses adver-
saires et de quelques-uns de ses confrères qui lui
portaient envie, mais il leur opposa une vigoureuse
résistance. Il fit arrêter les plus mutins et finit par
les vaincre : quelques-uns furent envoyés par voie
— 23 —
de correction dans d'autres monastères et les plus
récalcitrants maintenus dans une prison perpé-
tuelle « (1272).
« Il voulut qu'on donnât tous les ans, à la
communauté, le jour anniversaire de son décès,
une solennelle pitance, savoir : un lot de vin dit
Clareit, pour trois moines. Pour que l'institution
ne tombât point en désuétude, il y affecta des
revenus suffisants et en lit faire un acte public,
muni de son sceau et de celui du couvent. Dans
les six ou sept dernières années de sa prélature
(c'est toujours notre auteur qui parle d'après les
archives de l'abbaye), il commença à négliger les
devoirs de son état ; il prit en si grande affection
quelques-uns de ses parents, que l'abbaye en subit
un grand préjudice. »
Jean de Mons, 18" abbé (1290), « était doux et
compatissant envers ses subordonnés, mais il
mettait trop de mollesse dans ses actes... Il fit
observer exactement la discipline de l'ordre et les
coutumes de la maison dont il avait une connais-
sance suffisante ; mais les moines en appelèrent
d'abus et le harcelèrent si vivement de leurs
querelles, qu'il se vit forcé d'abandonner son trou-
peau et de subir la mort temporelle (sic). » A la fin
de sa prélature, il « s'était laissé circonvenir par
un beau-frère, à son grand détriment et à celui
du monastère... »
« A cette époque (1300) nous voyon's, dit Beau-
carne, l'autorité morale et la puissance de l'abbé
s'énerver en passant à des mains débiles et inca-
pables de maintenir l'ordre et la discipline. » A la
— 24 —
mort de Jean de Mons, le choix du couvent tomba
sur Egide de Schendelbeke. Le nouveau prélat
était d'une telle insuffisance qu'il dut prendre des
coadjuteurs Une telle administration fut désas-
treuse, comme on le voit par les ventes impor-
tantes faites du patrimoine de l'abbaye, c^ Les
annales ajoutent que, quant à la conduite de Fabbé
avec les laïques et ses confrères, il vaut mieux de
la passer sous silence que d'en parler. »
Les acquisitions faites sous son administration
ne compensent plus les ventes opérées.
Le 20'' abbé, Gilbert dit De Jonglie, est pris à
l'abbaye de Saint-Pierre. « C'était, dit Beaucarne,
un religieux aussi propre au Gouvernement spiri-
tuel que temporel ; mais la tâche était ardue ; il
eut de fréquents démêlés avec ses confrères, et, à
la fin, la discorde alla si loin, qu'il eut à endurer
de leur part le traitement le plus cruel et le plus
inouï. Quelques-uns de ces moines dénaturés pous-
sèrent la barbarie jusqu'à suspendre leur chef par
les cheveux, à lui cracher à la figure et à faire du
feu sous la plante de ses pieds. Quand ils l'eurent
ainsi maltraité et couvert d'outrages, ils le me-
nèrent captif chez leur évêque, qui résidait alors à
Cambrai. Gilbert ne put supporter tant d'igno-
minies et mourut de chagrin. »
Sous sa prélature fut réglé un différend avec
les chanoines de Tournai, concernant le tonlieu
sur l'Escaut, pour le vin qui leur était destiné.
L'abbaye ayant perdu tout prestige, ne fit qu'une
faible opposition aux prétentions du chapitre, et
il fut convenu qu'on restituerait au chapitre, par
— 25 —
acte signé à Gancl le dernier de mars 1328, les
droits perçus, et qu'à l'avenir celui-ci serait exempt
de touttonlieu. Le prix qu'on attachait à de telles
questions n'est pas seulement un renseignement
sur l'importance de la consommation, mais aussi
sur la voie que suivaient les vins pour l'importa-
tion et le transport. Il ne peut s'agir, nous semble-
t-il, que de vins introduits par mer et transportés
par bateanx remontant l'Escaut.
Jean II, 2P abbé, originaire de Gand, trouva
l'abbaye dans l'état le plus déplorable. Son revenu
était réduit à 1000 livres parisis. Il le porta à
4500. C'était un homme pieux, doux et affable
envers tout le monde. Mais « il trouva parmi les
laïcs des adversaires nombreux, avec lesquels il
eut de fréquents procès pour le maintien des
droits de son église. » « Sanderus rapporte qu'en
1349 les échevins de Gand firent relâcher l'abbé
d'Eenaeme qui était détenu dans les prisons de
l'évêque de Cambrai : les annales ne font aucune
mention de cette circonstance... » Sous son admi-
nistration les habitants de Douay essaient vaine-
ment de se soustraire au tonlieu sur le vin : le
Conseil du comte Louis décide qu'ils y sont tenus.
Les bourgeois de Grammont veulent se soustraire,
lors de la foire d'Eenaeme, à tous droits au profit
de l'abbaye. Leur tentative a le même sort (1363).
Des Gantois avaient fait transporter du vin à
Tournai pendant le siège de cette ville, et ils
avaient refusé de payer le tonlieu. Ils sont égale-
ment poursuivis et condamnés.
Le successeur, Jean Yserman, est le premier
— 20 —
abbé qui reçut la confirmation de la Cour de
Rome. Urbain V lui donna la confirmation à
Avignon . Elegans stature , cum duplici iiiento ,
disent les annales. Il entretint convenablement
le couvent, fit réparer avec soin les fermes.
« Il avait un goût particulier pour les chevaux
blancs et les petits chiens. Il avait l'habitude de
porter sur lui deux bourses, Tune bien fournie,
dont il se servait envers les malheureux ; et une
autre, vide, qu'il montrait à ses débiteurs... »
L'évêque de Tournai intervint pour reconcilier
les Gantois avec leur comte ; à cette fin des
conférences eurent lieu à l'abbaye d'Eenaeme
(mars 1383).
Gérard Ghuisse fut son successeur (1390). « Il
se laissa, dit l'auteur, gouverner entièrement par
deux de ses parents laïques, dissipa à leur profit
les biens de son église. Sa table était toujours bien
servie, et il se retirait souvent à la ferme de TeWale
pour s'y divertir. Il n'avait aucune aptitude pour
l'administration, et pendant les quatre années qu'il
gouverna l'église, il en diminua considérablement
les possessions... w
Jean de Thourout, 24" abbé, « cumula la négli-
gence avec la paresse, de sorte qu'il fit faire peu
de réparations à la maison ; il abandonna les cha-
pelles de la Sainte- Vierge et de Saint-Liévin, comme
des colombiers déserts et menaçant ruine. Il était
incapable de se livrer à un travail suivi parce qu'il
souffrait fréquemment de la goutte.. On ne pouvait
conserver son amitié qu'en le flattant et en lui
donnant des éloges. On le décida à renoncer à ses
— 27 —
fonctions, moyennant une pension annuelle de
200 couronnes. »
« A cette époque, dit encore Fauteur, la vie
monastique avait perdu toute sa grandeur; déjà
les abbés se livraient aux plaisirs du siècle, sans
partager en rien les austérités du cloître. La cor-
ruption se fit par en haut et bientôt les moines se
laissèrent entraîner par l'exemple de leurs chefs. »
Son successeur Godefroid d'Escornaix « était
fort expert dans les affaires temporelles, mais il
put difficilement se faire à la vie monastique. Il
mena un train de vie comme les barons et les plus
puissants du siècle ; il avait des chasseurs, des fau-
conniers, un grand nombre de serviteurs et de
domestiques, des chevaux de grand prix, tenant
peu compte des réductions qu'avaient subies les
revenus de l'abbaye, et ne voulant modérer en
rien les prodigalités de sa maison...
Guillaume Fabri, 26- abbé, « gouverna la com-
munauté avec tant de zèle et de succès qu'il put à
bon droit être considéré comme le restaurateur et
le second fondateur de l'abbaye. »
Sur le rapport de commissaires envoyés j)ar
Sixte IV pour examiner la situation déplorable de
l'abbaye, il obtint l'autorisation de vendre quelques
biens pour payer les dettes qui la grevaient.
« Les annales ne disent rien de l'administration
de Gérard, 27" abbé, mais il paraît que cet abbé...
n'avait aucune aptitude pour le gouvernement
d'un monastère, comme nous l'apprend Henri de
Bergue, évêque de Cambrai, dans un protocole
de visite de 1493. »
— 28 —
Sous le 28*^ abbé, Godefroid vanBrakele, « l'acte
le plus important fut la réforme introduite dans
le couvent. « L'abbé Godefroid voyant la grande
dépravation de ses moines, résolut d'introduire
dans son abbaye de pieux religieux du monastère
d'Egmond en Hollande, de l'union de Bursfeld,
afin de ramener par leur exemple ses confrères à
une vie plus régulière. »
Il obtint donc l'autorisation d'incorporer son
abbaye dans la province Allemande : « Tanquam,
dit la charte de Charles-Quint, bonus pastor, vigi-
lans super gregem sibi commissum, monasterium
suimi Eenhamense in vita regulari et bonis moribus
omnino destitutum, ad normam regularis vitœ,
i^educere volens... » La réforme ne fut pas du goût
de tous les moines ; treize d'entre eux refusèrent
de s'y soumettre et quittèrent le couvent (1522).
Sur les revenus du couvent, il leur fut attribué à
chacun une rente de cent livres, avec autorisation
de l'Empereur.
Les abbés suivants Vander Beke, Cannaert,
Bighe, Bacqué nous mènent jusqu'au temps où se
prêchent les nouvelles doctrines religieuses et où le
pays est gravement troublé. Des actes de brigan-
dage sont commis dans l'abbaye, et les religieux
mettent trois ans à réparer les dégâts causés : sed
quœ deinceps dictut^us sum, dit l'abbé Gabriel,
multo siint majo7^a.
Le 27 août 1578 Charles Cabilliau, porte-en-
seigne, accompagné d'un détachement de la gar-
nison d'Audenaerde, descendit l'Escaut avec deux
bateaux qu'il fit arrêter en face de l'abbaye. Il
— 29 —
s'empara du portier et des chefs, plaça six hommes
à l'entrée, et alla présenter à l'abbé la lettre sui-
vante :
Mynheere. Anghesien dat ick zekerlic weet datter volck
gheordonneert is om Ul. clooster te doen ruymen, soo
hebbe ic UL een scip ghesonden met M'" Cabilleau, cap.
enseigne van myn compagnie, om Ul. goed metter haeste
al in te packen ende lieerwaerts te comen. In Audenaerde
desen 27 augusti 1578.
Ul. Dienstwilligen
Ch. Rockelfinger.
L'abbé dut se résigner. Tous les meubles, lite-
ries, linges, ornements d'église, grains, provisions
de cuisine furent portés à bord des deux bateaux
et transportés à Audenarde, dans le refuge de
l'abbaye dit de Rame. Rockelfinger fit encore en-
lever quatre chevaux de prix, quelques bœufs et
une cinquantaine de moutons. Le mobilier qu'on
n'avait pu mettre sur les deux bateaux, fut plus
tard, avec celui du refuge, transporté, dit-on, à
Gand et dirigé vers la Zélande. L'abbé dépouillé
se retira dans le Hainaut; les religieux vécurent
dispersés.
« Le 10 du mois de septembre 1578, le conseil
des échevins et notables de Gand donna commis-
sion à Messire Charles Uutenhove, de se transporter
à Audenarde et de se concerter avec Messire Fran-
çois Cabilleau, seigneur de Mullem, afin de faire
raser le cloître d'Eenaeme, et d'employer les ma-
tériaux qui en proviendraient aux fortifications
d'Audenarde. »
Les commissaires arrivèrent à Audenarde deux
— 30 —
jours après, pour rexécution de ces ordres. Sollicité
par l'abbé d'intervenir pour l'erapêclier, Jacques
de Boussu, gouverneur du pays d'Alost, répondit
qu'il n'était pas assez puissant. Il envoya cepen-
dant sur les lieux son lieutenant avec quatre cava-
liers, pour empêcher la démolition, mais ses
défenses ne furent pas respectés.
L'abbé obtint, en octobre, de l'archiduc Mat-
thias, l'ordre de surseoir à toute exécution ulté-
rieure et le maintien de l'abbaye dans ses droits,
et cet ordre fut notifié aux marchands de vin de
Tournai pour les avertir que la perception des
droits de tonlieu sur l'Escaut n'en continuerait
pas moins, malgré la destruction du couvent.
Mais, peu de temps après, le Grand Bailli et
receveur de l'abbaye fut arrêté et emprisonné au
château d'Audenarde, pour avoir de vive force, à
la tête d'une bande, voulu disperser les ouvriers
démolisseurs.
Le 17 décembre 1578, Jean Beydens écrit à
l'abbé d'Eenaeme :
« Monseigneur, aj)rès longues disputes et argu-
ments, a esté si avant arresté, conclu et résolu
entre les trois membres de nostre ville, représen-
tant le commun corjos d'icelle, que finalement ils
ont consenty et accordé le libre exercice de la
religion catholique et romaine. »
L'abbé espéra donc que les travaux de démoli-
tion seraient arrêtés, et les biens de l'abbaye
restitués. Il envoya à ces fins requêtes sur requêtes
à toutes les autorités, à tous les chefs qui se dispu-
taient le pouvoir en ces temps de si profond
— 31 —
trouble. Guillaume de Nassau écrit au Gouverneur
d'Audenarde, transmettant une de ces pièces :
« ...Je vous prie de la lire et. si est comme
disent les suppliants, que ledict cloistre soit à
demye lieu d'Audenarde et par conséquent ne
peut nuire à la ville, de supercéder et faire cesser
les démoliments, et en somme contenter lesdicts
suppliants... »
Mais ceux de Gand, se ressouvenant des droits
de tonlieu perçus par les abbés d'Eenaeme, consi-
déraient la question de démolition d'un autre
point de vue. « Nous espérons, écrivent-ils à
l'archiduc Matthias, qu'ainsi qu'il a plu à V. A. de
prester les oreilles aux susdicts moines, il plaira
aussy à icelle entendre les justes remonstrances,
non pas d'une seule ville, de laquelle toutefois les
requêtes fondées en raison devraient être préfé-
rées à la demande mal fondée de plusieurs moines,
mais de plusieurs villes et provinces, lesquelles,
par la rivière, l'Escaut, envoient et reçoivent res-
pectivement leurs marchandises et autres choses
nécessaires... » Ils exposent que les ennemis de la
patrie, surprenant ledit lieu d'Eenaeme, « y pour-
raient facilement interrompre et empêcher le com-
merce, et incommoder aussi les pays de Flandre,
Alost, Tournesis, Hainaut et autres, comme tous
ingénieurs et gens s'entendant en matière de for-
tifications le jugent et démontrent bien clairement.
Et comme tant de maisons de pauvres bourgeois
ont été et sont encore démolies pour la fortifica-
tion et conservation des bonnes villes, d'autant
qu'on a plus estimé l'utilité publique que l'intérêt
— 32 —
des particuliers, ils espèrent que Son Altesse ne
trouvera pas mauvais que, pour prévenir toutes
mauvaises entreprises, on passe outre à la com-
plète démolition... » Il ne s'agissait plus d'une
question de libre exercice de la religion, mais de
liberté commerciale, de la destination du fleuve,
de l'intérêt du pays.
L'abbé répond : « ...Si pour estre le dit cloistre
assis sur la rivière de l'Escaut, l'on voudrait
inférer la démolition d'iceluy importer au bien
public, aussy par semblable raison on devrait en
faire autant de plusieurs autres cloistres et maisons
aussy assis au long des rivières... » Sur quoi
Guillaume de Nassau lui délivre des lettres de
sauvegarde et le renvoie à l'archiduc Matthias,
qui enfin arrête la démolition.
Vers ce même temps on avait enlevé les plus
beaux chênes et autres arbres de l'abbaye, pour
les employer aux fortifications d'Audenarde et « à
étancher la rivière. »
La capitulation d'Audenarde fut signée le
5 juillet 1582. L'abbé Gabriel Baqué, après quatre
ans d'absence, s'étant mis en route pour se rendre
au refuge d'Audenarde , mourut subitement à
Etichove, en apprenant la désolation de son
abbaye.
Son successeur, Warlusel, se fait autoriser à
vendre des biens pour le payement des dettes et
la reconstruction de l'abbaye. Mais, par une pièce
du 24 septembre 1584, ses religieux se plaignent
amèrement de ce que les fonds provenant de la
vente des immeubles n'étaient pas employés confor-
— 33 —
mément aux conditions des lettres d'octroi ; que les
fréquents voyages de Tabbé causaient de grandes
dépenses à la maison, privée de ressources; que la
situation financière ne devait pas lui permettre
de tenir table à part avec sa famille et ses amis,
et que les dépenses de ce chef dépassaient ce que
coûtait l'entretien de toute la communauté, etc.
La même année, le capitaine Rockelfinger est
condamné à payer une rente annuelle à l'abbaye
en réparation du dommage qu'il lui avait cause,
rente qui ne fût jamais acquittée,
Jacques de Lannoy fut le 35'' abbé (1588-1593),
Il était un des plus jeunes membres de la com-
munauté,
« Depuis la dispersion des moines de 1578, la
règle cénobétique n'avait plus été observée. Sous
la sage administration du nouvel abbé, l'ordre fut
ramené, et la communauté rétablie dans le refuge
la Rame d'Audenarde. .)
La nomination de son successeur, Rodoan, an-
cien chanoine de Saint-Bavon, souleva d'intermi-
nables contestations. Il gouverna la communauté
jusqu'en 1616, et lui rendit en partie sa prospérité.
A la mort de Rodoan, les archiducs Albert et
Isabelle écrivent :
« ...Scavoir faisons que nous consentons et re-
quérons que, procédans à l'élection de votre futur
abbé, vous élisiez et acceptiez et receviez en icelle
dignité Messire Hughes d'Enghien comme per-
sonne acceptable et à nous agréable, et permettons
de pouvoir sur ce obtenir de notre Saint-Père le
Pape, de l'Evesque diocésain ou autre supérieur
3
- 34 -
qu'il appartiendra, les bulles apostoliques et pro-
visoire de confirmation à ce requises, etc. »
Le droit d'élection directe était supprimé. On
se livra à un simulacre d'élection le 1 4 octobre 1616.
Hughes d'Enghien eut toutes les voix.
En 1637, le 38" abbé, Pierre-Ernest Garnier, fut
désigné en la même forme, par le roi Philippe.
« A cette époque, dit Beaucarne, commença à se
déclarer la jalousie des évêques contre les immu-
nités spirituelles obtenues par Torde de Saint-
Benoît, au moyen desquelles les moines de cet
ordre échappaient à leur juridiction pour ne recon-
naître que celle du Pape. L'archevêché de Malines,
qui n'avait pas réussi, à l'avènement de Ch. de
Rodoan, à incorporer l'abbaye d'Eenaeme, convoi-
tait toujours le riche patrimoine de cet établisse-
ment... »
u L'abbé Garnier établit pour règle qu'à l'avenir
les novices paieraient une somme de 1750 florins
de Brabant, pour frais de la prise d'habit et de la
profession, dont 695 florins pour le costume et
l'ameublement, et 1055 florins pour le dîner de
26 couverts à donner aux parents et amis. Pour
justifier ce dernier chiffre, l'abbé allègue que le
Magistrat d'Audenarde avait offert à F. Warnier,
hôtelier. Au Singe, une somme de 800 florins pour
le banquet à donner aux commissaires chargés de
renouveler la loi, et que Warnier avait trouvé
cette somme insuffisante. »
Des désordres éclatent au sujet de l'installation
du prieur de Loose ; on en vient aux violences et
aux menaces. « Quelques heures après cette scène
- 35 -
de désordre, dit Beaucarne, on aperçut le feu
dans la demeure du prieur et en peu d'instants
l'édifice fut consumé par les flammes, qui faillirent
embraser l'église et le cloitre. »
Le Conseil de Flandre commit son Procureur
général pour se rendre sur les lieux, et celui-ci
installe, par les ordres du roi, le nouveau prieur
(novembre 1656).
« Quelques temps après, l'abbé Garnier ayant
demandé au roi l'autorisation de faire un emprunt
pour payer des dettes urgentes, François Van Wer-
vicke parvint à intercepter les lettres d'octroi et
refusa de les rendre. Il avait, avec quelques-uns de
ses collègues, organisé une conspiration contre
son chef spirituel. Celui-ci se vit forcé de recourir
au Roi et de demander l'autorisation de mettre
Dom Wervicke et ses complices en arrêts dans la
prison claustrale, et de requérir l'intervention du
Président du Conseil de Flandre pour faire rendre
les lettres interceptées. »
Le successeur, Antoine de Loose, originaire de
Bruxelles, était d'une intelligence supérieure et
d'une rare ténacité au travail. « C'est de son ad-
ministration, dit l'auteur, que date la réorgani-
sation complète de l'abbaye; il rétablit la disci-
pline intérieure et publia de nouveaux règlements.
Rien n'échappait à sa vigilance; il rédigea en
même temps des instructions pour l'administra-
tion temporelle de la maison, pour l'exploitation
des bois, des terres et des prairies. Il avait con-
stamment à son service des géomètres, des
peintres et des sculpteurs... »
— 36 -
Un jour le religieux Fr. Van Wervicke lança à
l'abbé de Loose, du haut d'une tribune, une grosse
pierre qui faillit le tuer : il fut condamné de ce
chef à faire confession générale dans le couvent
des Alexiens à Gand, où il avait été transporté, à
s'y livrer pendant quatre semaines à des exercices
spirituels, selon les instructions de son confesseur,
à jeûner au pain et à l'eau les mercredis et
vendredis, et à y rester détenu jusqu'à ce qu'il
plairait à son abbé de lui désigner une autre
demeure (1657).
Les sucesseurs De Smet (1682), Van Busleyden
(1703), Reyngodt (1707) ont fréquemment à s'occu-
per, dans des réunions synodales ou autrement,
des désordres qui éclatent dans d'autres abbayes
bénédictines, entre autres à l'abbaye de Saint-
Pierre à Gand (1682) *, ou de questions de compé-
tence, de privilèges, et d'exemption. Et il en est
de même sous Cassina de Boulers (1734).
L'abbé Charles de Collins (1745-1780) favorisa
la fondation d'une société pour la recherche et
l'exploitation de la houille dans la forêt d'Ee-
naeme. L'emplacement de la bure fut choisi à
l'aide de la baguette divinatoire ; les travaux de
forage commencés en mars 1767 furent continués
jusqu'à la fin de 1768 et, après une forte dépense,
furent abandonnés.
L'abbé de Collins avait tenu « une maison ^Drin-
cière qui était renommée dans la Belgique entière
* Voir dans l'Abbaye de Saint-Pierre, par Ed. De Bussclier, p. 150
le décret du 6 février 1683.
— 37 —
pour la splendide hospitalité qu'on y exerçait; il
occupa un haut rang à la Cour et sièga dans les
conseils de l'Impératrice Marie-Thérèse. »
Son successeur Philippe de Locquenghien fut
le dernier abbé.
En 1784 le procureur général des Flandres
l'avertit de l'intention de supprimer les tonlieux
et autres droits privés pesant sur le commerce et
le transit, ce, en indemnisant les propriétaires
pour autant qu'ils seraient fondés en titre valable
et légitime; et il le requit de produire endéans
les quinze jours les titres en vertu desquels il
percevait des tonlieux au village d'Eenaeme, et de
fournir des relevés du produit de ces droits par
année commune.
Néanmoins rien ne fut innové. Les droits se
percevaient encore en 1793 et 1794. Des bateliers
d'Ostende, transportant de l'eau de vie, payèrent
à l'abbaye, de ce chef, après contestation, en 1794,
la somme de 551 florins de Brabant.
Les religieux du monastère d'Eenaeme avaient
été expulsés en 1792, lors de la première invasion
française. Ils rentrèrent au mois de mars de l'an-
née suivante, après la bataille de Neerwinde.
Toutefois, l'abbé de Locquenghien, ne se croyant
plus en sûreté, était parti pour Cologne. Il revint
en août 1795 à Eenaeme, et y mourut quelques
jours après son retour.
Peu de temps après la communauté fut dispersée
définitivement.
Les biens immeubles de l'abbaye furent mis en
vente comme domaines nationaux, le 10 Pluviôse
— 38 —
an V; l'enclos de l'abbaye, avec les terres et prai-
ries qui avaient été exploitées par le couvent, en-
semble une trentaine d'hectares, furent adjugés à
M. Paulée-DervauxàDouay, au prix de 150,000 fr.
payables en assignats. L'acquéreur chargea un
architecte d'Audenarde, Vanden Hende, de dé-
molir tous les bâtiments du couvent et l'église ; il
ne laissa subsister que la maison prévotale. Il y
eut par suite de cette démolition un tel encom-
brement de pierres bleues, qu'on construisit des
fours pour les convertir en chaux, qui fut vendue
aux agriculteurs des environs.
D.
— 39
LES
ARTISTES DU WURTEMBERG,
LEUR VIE ET LEURS ŒUVRES i.
M. Wintterlin, l'auteur du charmant volume
que nous annonçons est conservateur de la Biblio-
thèque royale de Stuttgart. La plupart des études
qu'il réunit aujourd'hui ont paru, en leur forme
première, les unes dans V Allgememe Deutsche Bio-
graphie, les autres dans le Schioàbische Merkur ;
complétées et enrichies, augmentées d'aperçus et
de renseignements nouveaux, elles composent
actuellement un recueil où se retrouve le mouve-
ment artistique du "Wurtemberg depuis plus de
deux siècles.
Ce qui constitue le principal intérêt de l'œuvre
et en forme pour ainsi dire le centre, c'est le spec-
tacle auquel nous fait assister l'auteur à l'époque
de la rénovation de l'art, qui s'accomplit dans le
Wurtemberg comme dans toute l'Europe occiden-
tale, vers la fin du dix-huitième siècle.
1 D'' A. Wintterlin, Wurttemhergîsche Kunstler inLehenshildern
(Stuttgart, 1895).
— 40 —
Le Wurtemberg formait alors un duché que
gouvernait un prince éclairé, le duc Charles-
Eugène, en même temps comte de Montbéliard.
Le duc Charles fonda successivement une Aca-
démie des Beaux-Arts, qui fut absorbée par l'Aca-
démie militaire, et finalement l'institution qui,
sous le nom de Karlschule, prit la direction de
l'enseignement artistique dans le pays. Des artistes
distingués furent appelés de l'étranger : Harper,
un berlinois, Gidbal, un lorrain, qui fut l'élève de
Raphaël Mengs, Le Jeune, un Belge, né à Bruxelles
en 1721. L'intelligente initiative du duc fut ré-
compensée : l'enseignement porta ses fruits, une
école se forma et bientôt l'on compta à Stuttgart
un groupe d'artistes de réelle valeur, que domine
la figure d'un maître, le sculpteur Bannecker .
L'époque et les hommes, Dannecker surtout,
sont faits pour inspirer un historien de l'art, et
l'on conçoit sans peine que M. Wintterlin leur ait
appliqué la finesse de son esprit et sa curiosité
d'érudit et d'artiste.
« Atout seigneur, tout honneur : » parcourons
immédiatement les pages consacrées à Dannecker.
Son Ariane notamment a une renommée univer-
selle; plus peut-être qu'aucune autre œuvre mo-
derne, elle donne l'idée de la statuaire antique;
elle est impersonnelle à ce point et si fort en
dehors de notre temps, qu'on la croirait inspirée
par une âme toute pénétrée encore des dieux de
l'Olympe. Les qualités natives de l'artiste ne
suflisent point à rendre compte du phénomène;
incontestablement ici, le milieu et le moment ont
— 41 —
concouru à dégager entièrement cette puissante
individualité. Grâce à M. Wintterlin, on voit agir
successivement toutes les influences sous l'empire
desquelles s'est épanoui le génie propre de Dan-
necker : ses premières leçons à Stuttgart, qui l'en-
gagent dans les voies ouvertes par Winckelman et
Lessing; son séjour à Paris et à Rome, à Rome
surtout, où par Canova il reçoit une initiation
nouvelle ; ses relations avec Goethe, avec Herder,
avec Schiller, qui précisent dans son esprit les
conditions de son art.
Ce que furent ses relations et l'action qu'elles
exercèrent, un incident caractéristique rapporté
par M. Wintterlin permet d'en juger. Goethe vint
à Stuttgart en 1797 ; il ne quitta point Dannecker ;
ce séjour fut une fête pour les deux grands esprits.
Une lettre de Dannecker écrite immédiatement
après le départ de Goethe témoigne de l'impres-
sion que cette visite a laissée en lui : « Gœthe m'a
exprimé des pensées qui demeurent en moi comme
des lois de l'art; que je suis heureux de les avoir
entendues dans sa bouche; j'en avais vaguement
conscience, mais je n'en étais point en état de les
traduire. » C'est ainsi que par son commerce
avec le grand païen, Dannecker affinait sa concep-
tion de la beauté. Il faut ajouter que Gœthe ne se
félicita pas moins de son séjour à Stuttgart et
qu'il adressa à Dannecker un compliment dont
celui-ci fut touché au dernier degré : « J'ai vécu
auprès de vous des jours pareils à ceux que j'ai
vécus à Rome. »
Le volume contient des détails non moins atta-
- il —
chants au sujet des rapports de Dannecker avec
Schiller ; mais nous devons nous borner et nous
y renvoyons le lecteur.
Chose bien digne de remarque, l'idée élevée
que Dannecker se faisait de son art éclate à
chaque page; il faut lire celle où l'auteur conte
l'arrivée de Canova à Stuttgart en 1815 pour se
figurer l'exaltation dont une âme d'artiste peut se
trouver possédée devant les chefs-d'œuvres de
la statuaire grecque. Lord Elgin avait rapporté
d'Athènes les statues et les bas-reliefs du Parthé-
non et du temple d'Egine ; Canova court à Londres,
il est transporté ; il faut qu'avant de reprendre le
chemin de Rome, il communique son enthousiasme
à son ami ; le voici auprès de Dannecker : « l'idée
que je me faisais de l'art grec s'est absolument
confirmée ; quiconque ne connaît point ces chefs-
d'œuvre ne sait point ce qu'est l'art grec véritable.
Dans ces admirables statues qu'Athènes a perdues
et que maintenant possède l'Angleterre, tout est
la nature même, tout est vérité ; c'est de la chair ;
c'est de la vraie, vraie vérité. » On croit assister
à la scène, on entend à son tour Dannecker : une
biographie formée de pareils traits acquiert un
singulier relief.
Nous ne ferons point ici l'énumération des
diverses oeuvres de Dannecker; M. Wintterlin les
passe en revue l'une après l'autre, les appréciant
avec une admiration qui n'exclut pas la mesure,
exprimant souvent l'impression directe que la vue
même de l'œuvre suscite en lui, pour communi-
quer plus vivement sa pensée ; ainsi nous montre-
— 43 —
t-il Ariane arrachée à la douleur que lui cause
l'abandon de Thésée et déjà émue du sentiment
qui éclate en son divin fiancé, mollement trans-
portée par la panthère consciente et fière de son
précieux fardeau.
Ne l'oublions point cependant : à côté du Dan-
necker tout pénétré de Fart antique, il y a un
Dannecker qui s'est inspiré d'un autre idéal, mais
avec un moindre succès, son biographe n'hésite pas
à le reconnaître : c'est sous cette inspiration notam-
ment qu'il exécuta la statue colossale du Christ,
qui se trouve à Saint-Pétersbourg, à laquelle il
s'appliqua avec l'ardeur qui est sa caractéristique,
travaillant, le Nouveau Testament ouvert devant
lui, et mettant huit années à achever son œuvre.
A cette phase particulière se rattachent quelques
pages où M. Wintterlin signale incidemment
l'influence qu'exercèrent pendant une certaine
période sur Dannecker les frères Baisser ée, qui
vinrent résider à Stuttgart vers 1829. CesBoisserée
possédaient une remarquable collection de maîtres
anciens, allemands et flamands, aujourd'hui, si
nous ne nous trompons, à la pinacothèque de
Munich; bientôt liés avec Dannecker, ils le pous-
sèrent dans le sens de leurs préférences, attaquant
avec intelligence et entrain les théories classiques
du maître; mais, comme l'observe M. Wintterlin,
les yeux de Dannecker avaient été fixés trop
longtemps sur la Grèce pour qu'il put la déserter
jamais; c'est avant tout aux inspirations qu'il y
a puisées que Dannecker doit la renommée qu'il
a conquise : sa Psyché, son Ariane, sa nymphe
- 44 —
demeureront toujours ses productions les plus
pures.
Nous disions tantôt qu'en vue d'imprimer une
direction nouvelle à l'enseignement dans son école
des Beaux- Arts, le duc Charles-Eugène avait fait
appel à des artistes étrangers et que parmi ceux-ci
se trouvait un Belge, Le Jeune. M. Alphonse
Wauters, notre savant historien, a consacré à Le
Jeune, dans la biographie nationale, une notice
que M. Wintterlin, dont les informations sont si
complètes, n'a pas manqué d'utiliser. Le Jeune
s'était fait connaître à Rome : il avait attiré sur
lui l'attention par plusieurs œuvres de mérite,
notamment par l'exécution du mausolée du car-
dinal de laTrémouille dans l'église de Saint-Louis.
Recommandé au duc Charles, il devint son sculp-
teur en titre en 1753 et fut chargé du cours de
sculpture dès la fondation de l'école des Beaux-
Arts en 17G1. La destinée de cet artiste présente
un côté assez mystérieux : fort en renom, jouis-
sant de la faveur du prince, ayant multiplié dans
les résidences ducales, les œuvres de son ciseau,
on le voit, après un séjour de vingt-cinq ans à
Stuttgart, s'en retourner sans raison apj)arente
dans son pays et s'y éteindre presque dans le
dénûment: « Le premier janvier 1791 a été enterré
dans notre cimetière sous forme de petit convoi
sans inesse Pierre-François Le Jeune, mort le
30 décembre 1790, à minuit, célibataire. » Ce
sont les termes de son acte de décès, dressé à
Saint-Gilles, que M. Wauters a retrouvé. M. Wint-
terlin cite ses œuvres principales que l'on voit
— 45 —
encore au château de Stuttgart et au palais de
Louisbourg, entre autres les statues colossales
d'Hercule et de Minerve, la statue d'Apollon, sans
compter la statue en pied du duc Charles et le
buste de Voltaire. M. Wintterlin le considère
comme l'un des plus remarquables précurseurs de
la renaissance classique et il ajoute justement que
ce qui démontre suffisamment son mérite, ce sont
les élèves qu'il a formés, au premier rang desquels
figurent Scheffauer et Dannecker.
Nous ne savons si le fait a déjà été mis en
lumière, mais il est acquis aujourd'hui : c'est un
Belge qui a été le premier maitre de Dannecker.
Circonstance importante, ce fut précisément
alors que Dannecker suivait les leçons de Le Jeune
que, pour la première fois, il fit pressentir en lui
le grand artiste. Le concours de sculpture de 1777
est demeuré célèbre ; le sujet proposé était celui-ci :
Milon de Crotone attaqué par un lion, alors qu'il
a les mains retenues déjà entre les deux parties
de l'arbre qu'il a voulu séparer. L'œuvre de Dan-
necker fut couronnée. Les juges du concours
étaient Guibal, alors directeur de l'école, et Le
Jeune; un des concurrents, qui s'illustra égale-
ment, Scheffauer^ protesta contre la décision; les
juges maintinrent énergiquement leur apprécia-
tion ; Guibal entendit même la défendre par écrit
et il en consigna la justification dans un exposé
que M. Wintterlin reproduit, sinon dans l'original
français qui parait perdu, du moins dans la tra-
duction qu'en a donné la Répertoire de littérature
du Wurtemberg publié par Schiller. Il est inté-
~ 46 —
ressaut d'y constater avec quelle sûreté de coup
d'œil, Guibal et Le Jeune ont discerné chez Dan-
necker, alors âgé de 19 ans, une supériorité que
l'avenir devait consacrer avec éclat.
Les indications que nous empruntons à M. Wint-
terlin au sujet de la vie et des œuvres de Dan-
necker permettront au lecteur, nous l'espérons, de
se former une idée du volume lui-même. Les autres
parties du recueil sont écrites dans le même esprit
et abondent, comme la biographie de Dannecker,
en aperçus ingénieux et en détails faits pour cap-
tiver. L'auteur a fouillé con amore dans le précieux
dépôt dont il a la garde. Son ouvrage contient
quarante études dont vingt-deux concernent des
peintres, sept, des sculpteurs, six, des architectes,
cinq, des graveurs; le groupe est nombreux et
témoigne de la vitalité de l'art dans le Wurtem-
berg ; les noms que nous avons cités suffiraient à
la démontrer, on peut y ajouter ceux de Wàchter
et de Schick, de Louise Simanowitz, dont le souve-
nir est associé à celui de Schiller, ceux de Wagner,
le sculpteur, et de Leins, l'architecte, dont la
notoriété à pris également un large essor.
Ces études, on l'a compris ne s'adressent point
exclusivement aux artistes ; tout esprit cultivé,
sensible aux choses de l'art, y trouvera de quoi
faire sa moisson; l'auteur ne se borne point
d'ailleurs à placer les physionomies qu'il dessine
dans le milieu où elles ont pris leur caractère défi-
nitif, il suit ses modèles partout où leur éducation
ou leurs voyages les mènent : sa fantaisie d'érudit
a pu ainsi se donner pleine carrière et offrir du
— 47 —
même coup des aspects variés à ses lecteurs. Nous
voici par exemple en Italie en 1599 avec le duc
régnant de AVurtemberg et sa suite, où l'on
distingue son organiste et son architecte ; celui-ci,
Henri Schickhardt, a le relief des hommes du
seizième siècle; on le voit chevaucher en notant
ses impressions et en les illustrant : les monu-
ments, les travaux d'art, l'agriculture, le com-
merce, l'industrie, les mœurs, les incidents de la
route, le paysage, tout l'intéresse et il consigne
tout au crayon et à la plume dans son album, si
bien que le voyage accompli, impressions et
dessins sont publiés et parraissent l'an 1602 à
Montbéliard et l'an 1603 à Tubingue. Plus de
deux siècles après, nous suivons à son tour en
Italie le peintre Gegenbauer^ l'auteur des remar-
quables fresques qui décorent la résidence royale
à Stuttgart. Rome apparaît dans sa physionomie
mouvementée et sa vie cosmopolite : les anglais
opulents coudoient les artistes de tous pays ; lord
Talbot s'y rencontre avec ïhorwaldsen ; le car-
dinal Wealth court les ateliers et achète les
œuvres ; Grégoire XVI fait à Gegenbauer l'honneur
de prendre l'une de ses madones pour un Eaphaël ;
les esquisses de M. Wintterlin sont en vérité des
sujets tout prêts pour plus d'un joli tableau.
L'exécution matérielle du volume est excellente ;
vingt-et-une gravures sur bois l'illustrent très
élégamment, sans compter que, sur la couverture,
la nymphe de Dannecker, en ses lignes pures,
révèle la pensée qui domine le livre et annonce
l'hommage qu'y reçoit le maître.
L.
— 48
RENÉE DE FRANCE,
DUCHESSE DE EErtRAHEi.
'^*-
L'étude de l'histoire est pleine de charmes pour
les hommes qui aiment à suivre dans un vaste
horizon la marche et les évolutions de certains
événements. Il en est qui présentent un intérêt
tout particulier, offrant à Térudition une mine
inépuisable, où en poursuivant le filon des fouilles
historiques, on découvre sans cesse de nouvelles
et précieuses veines. L'histoire de la Réforme est
de ce nombre et le remarquable ouvrage que
M. Rodocanachi vient de consacrer à Renée de
France est encore une preuve de ce que nous
avançons ici.
Renée de France, fille de Louis XII, roi de
France, et d'Anne de Bretagne, naquit à Blois le
25 octobre 1510. « Cette petite princesse était
née avec un esprit tout de feu, et parut sage et
spirituelle à un âge où les enfants ont peine à
écrire. » Notre but n'est pas de suivre pas à pas
son savant historien, de résumer toutes les péri-
1 Une protectrice de la réforme en Italie et en France. Renée de
France, duchesse de Ferrure, par E. Rodocanachi. Paris, Paul Ollen-
dorff, in-8», 1896, 573 pages.
— 49 -
péties de cette existence si orageuse et si tour-
mentée, nous nous bornerons à mettre en relief
quelques épisodes de nature à faire connaître et
apprécier son caractère et le rôle qu'elle a joué
dans les luttes religieuses du XVI" siècle.
Devenue la femme d'Hercule II, duc de Ferrare,
— alliance précieuse aux yeux de François P% qui
croyait trouver en ce prince un auxiliaire impor-
tant pour la réalisation de ses convoitises sur le
duché de Milan, — Renée ne tarda pas à se
montrer favorable aux Huguenots plutôt par
diplomatie d'abord que par sympathie, convaincue
qu'elle servait ainsi les intérêts de la France, dont
les réfugiés répandaient au loin les idées et
minaient l'autorité du Saint-Siège, hostile alors
à sa patrie.
De toutes les cours italiennes, celle de Renée
offrait aux réfugiés français l'asile le plus sûr,
c'est ce que comprit Clément Marot , lorsque
obligé de se retirer de Nérac, où l'avait accueilli
Marguerite de Valois, il se rendit en Italie, emme-
nant avec lui son fils, alors âgé de quinze ans, et
plusieurs autres Français bannis également pour
cause d'hérésie. Renée lui donna l'hospitalité et
ne tarda pas à subir son influence. Elle le prit
même à son service en qualité de secrétaire. Marot
annonça aussitôt à ses amis, dans un gracieux badi-
nage sur le nom de la princesse, qu'il avait changé
de dame :
Mes amis, j'ai changé ma dame,
Une autre a dessus moi puissance,
Née deux fois de nom et dame,
Enfant de l'oi par sa naissance,
Enfant du ciel par connaissance.
— 50 —
Selon son habitude il devint amoureux de toutes
les demoiselles d'honneur de Renée et le leur dit
à toutes. Mais il n'en resta pas là : son esprit de
critique, son zèle de néophite, son ardeur de
sectaire le poussèrent à transformer la Cour de
Ferrare en un foyer de protestantisme. Elle fut
bientôt le rendez-vous de ceux qui fuyaient la
France, pour cause de religion et qu'unissait
la haine de l'ancien ordre des choses. Le Saint-
Siège s'en alarma et fit des représentations éner-
giques au duc.
Sur le bruit de l'accueil bienveillant réservé par
Renée à ses partisans, Calvin résolut de se rendre
à Ferrare. Il eut avec cette princesse plusieurs
entretiens sur des points de religion. Avait -il
l'intention d'y fonder par un coup de main hardi
le gouvernement qu'il établit quelques années
plus tard à Genève et d'entraîner ensuite le reste
du pays? Il est impossible de rien préciser à cet
égard.
Des tiraillements continuels, de graves dissen-
sions existaient entre le duc et Renée. Ils prove-
naient en partie de la divergence de leur manière
d'agir en politique, en partie aussi en matière de
religion. Le duc était resté catholique. La visite
que fit à Ferrare en 1543, le Pape Paul III fut
un événement considérable qui eut beaucoup de
retentissement en Italie et plus encore en France,
car on crut y voir la confirmation de l'alliance du
duc avec les ennemis du roi et la fin des querelles
qui avaient divisé le Saint-Siège et la famille
d'Esté.
— 51 —
Cependant Calvin, qui avait fixé le siège de son
gouvernement à Genève, n'avait perdu de vue ni
Ferrare, ni sa duchesse. D'ailleurs il était urgent
d'après lui d'agir pour contre-carrer les entreprises
d'un fort habile homme, qu'Hercule avait imposé,
disait-on, comme aumônier à Renée. C'était Richar-
dot', qui plus tard devint évêque d'Arras et devait
jouer un rôle important dans les affaires des Pays-
Bas. Mais les craintes de Calvin n'étaient pas
fondées. La duchesse semblait plus que jamais,
peut-être il est vrai à son insu , entraînée dans la
voie du calvinisme. Le parti de la réforme pre-
nait corps à Ferrare et l'activité littéraire qui y
régnait depuis le commencement du siècle en
favorisait singulièrement le développement. Il se
répandit à Modène et à la Mirandole.
Chaque jour était allée en s'aggravant la diver-
gence entre les idées, les sentiments, les aspira-
tions d'Hercule et de Renée. Le duc devenait tou-
jours davantage l'instrument du Saint-Siège; sa
femme ne cachait plus maintenant ses sympathies
pour les hérétiques, et ce qui était plus grave, pour
l'hérésie. C'est alors qu'on se décida à user de
moyens extrêmes. Renée fut traduite devant le
tribunal de l'Inquisition et condamnée à être
enfermée au Vieux château. Un lugubre souvenir
^ Le jugement si sévère que M. Rodocanachi porte sur ce prélat,
nous semble empreint d'uQe certaine exagération. Le prévôt Morillon
affirme « qu'il était, quoiqu'on en ait voulu dire, un grand et excellent
personnage en doctrine et en conseil. Il est vrai, ajoute-t-il, qu'il
était un peu mondain et pusillanime, mais il était de bon cœur et
entier, »
— 52 —
planait sur ce palais. C'est dans une de ses cours
qu'un ancêtre du duc, Nicolas III, avait fait déca-
piter sa femme, la belle Parisina, une Phèdre
italienne dont Byron a chanté l'infortune. Mais
cette détention ne dura guère. Renée fut bientôt
rendue à la liberté et rétablie dans ses honneurs.
Elle n'en conserva pas moins un vif ressentiment
de l'affront qu'elle avait subi.
Les relations de la duchesse avec M. de Pons,
son confident, avec la poétesse Vittoria Colonna,
avec Olympia Morata, l'institutrice de ses enfants,
sont autant d'épisodes du plus vif intérêt, qui
nous initient aux intrigues ourdies dans les petites
cours d'Italie au XVP siècle et dont le dénoue-
ment fut si souvent tragique.
A cette époque, l'Église catholique, sous la
main énergique de Paul IV, devint militante.
L'Italie fut la première à ressentir les effets de
cette modification dans la conduite du Saint-
Siège. Les exécutions se multiplièrent au Sud
comme au Nord. Il y en eut de terribles. Aussi
advint-il que, privée de ses chefs, la Réforme en
Italie ne tarda pas à disparaître sans laisser de
traces.
Aux Pays-Bas, en France, sectaires et catho-
liques ne reculaient devant aucun excès.
Cependant l'esprit se repose de tant d'horreurs
en rencontrant, au milieu des déchirements des
factions, de ces natures d'élite qui par leurs
grandes qualités relèvent et honorent l'humanité.
La duchesse Renée conserva toujours la même
ligne de conduite envers les catholiques et les
— 53 —
protestants, leur témoignant en apparence une
égale sympathie. Elle allait même jusqu'à donner
des aumônes aux religieux et aux moines qui pas-
saient par Ferrare ; elle faisait des largesses aux
prédicateurs catholiques et pourvoyait aux dé-
penses du culte ; son fils Alphonse ayant échappé
à la mort dans un tournoi, elle écrivit au cardinal
de Mantoue, lui demandant de faire célébrer des
actions de grâces dans toutes les églises du duché.
Après la mort de son mari, Renée prit les rênes
du gouvernement et l'exerça avec « un esprit tout
viril n jusqu'au retour de son fils Alphonse que ses
charges à la cour de France retenaient à Paris.
Dès lors elle n'était plus que duchesse-douairière.
Fatiguée des avanies qu'elle avait dû subir et dont
elle pouvait encore être la victime , elle résolut de
retourner dans sa patrie, bien que le nouveau
Pape Pie IV, dont la mansuétude était extrême,
la comblât de marques de bienveillance ' et l'enga-
geât à rester. Calvin était du même avis, sa pré-
sence en Italie pouvant profiter au parti dont elle
était le seul soutien dans ce pays. Mais Renée qui
avait compris que sa présence serait un embarras
à la cour de Ferrare, mit son projet à exécution,
et après un voyage, pendant lequel les témoignages
de sympathie lui furent prodigués, elle entra le
10 novembre 1560 dans Orléans. On la logea au
palais, on la traita vraiment en fille de roi. Sou-
veraine dans sa seigneurie de Montargis, une
nouvelle existence s'ouvrait devant elle.
1 Nous nous souvenons, lui disait-il, dans un bref, de ta dévotion
envers Nous et envers le Siège apostolique.
— 54 —
La France allait être livrée à toutes les horreurs
de la guerre civile. Le pape Pie IV et Calvin
avaient donc eu grandement raison de dissuader
Renée de rentrer dans sa patrie. « Le gouverne-
ment, lui avait dit le réformateur, auquel on pré-
tend vous mêler est aujourd'hui si confus que
tout le monde en crie alarme et vous allez vous
fourrez en telle confusion, c'est manifestement
tenter Dieu. » Renée aurait voulu s'interposer
entre les partis, jouer le rôle de médiatrice, qui
convenait si bien à son caractère et à son tempé-
rament, mais cette illusion fut de courte durée,
que pouvait-elle en effet au milieu de tant de pas-
sions? Elle quitta la cour.
Dès son arrivée à Montargis, elle se déclara
protestante et fit de sa seigneurie un lieu de
refuge et la terre de prédilection de tous ceux
qui suivaient la doctrine de Calvin. Encore
enfant. Agrippa d'Aubigné — qui devint plus tard
à la fois le poète, le soldat et le diplomate de
l'âge héroïque du protestantisme — se sauva
auprès d'elle. Pris dans une embuscade de reîtres
catholiques, condamné à mort par un inquisiteur,
délivré de prison par la pitié d'un de ses geôliers,
il courut jusqu'à Montargis où il vint tomber
poudreux, hors d'haleine aux pieds de la duchesse
de Ferrare '.
Catherine de Médicis gouvernait alors la France".
* Paul de Saint-Victor, Hommes et Dieux, p. 424.
' Complètement éclipsée par la faveur de Diane de Poitiers, elle
n'avait eu pendant le règne de Henri II aucune influence sur la poli-
tique. A l'avènement de Charles IX, les choses changèrent de face et
Catherine devint de fait la Souveraine de la France.
— 55 —
C'était la duplicité au pouvoir', c'était le contre-
pied de la politique, que voulaient faire préva-
loir le chancelier de L'hôpital et Renée. Cette
princesse, conformément à son système, ména-
geait le parti catholique et ne se montrait pas
exclusive dans ses faveurs. Plusieurs communautés
religieuses du Gatinais virent leurs privilèges
confirmés et accrus par elle. Cette manière d'agir
exaspérait les sectaires de la Réforme et les
exaltés ne se faisaient pas faute d'attaquer violem-
ment la duchesse. Quant à elle, elle ne se souciait
que de faire régner la paix en France et d'y
établir la liberté de conscience, voire même la
liberté du culte. Le chancelier était imbu des
mêmes idées.
La tolérance de la duchesse de Ferrare était
extrême : distribuant à la fois des aumônes aux
moines de la France et aux pasteurs de la Suisse.
Aussi sa situation était si supérieure aux partis,
qu'il lui était possible de faire ce que d'autres
n'auraient pas osé tenter. En pleine réaction
contre les Huguenots, elle établit à Montargis un
collège destiné à instruire les enfants des réfugiés.
Elle y appella des professeurs renommés. Agrippa
d'Aubigné fut au nombre des élèves et à en juger
1 Pour la réalisation de ses projets, Catherine trouvait dans ses
demoiselles d'honneur des auxiliaires d'une incomparable habileté.
Milice galante et aguerrie, ces diplomates en jupon triomphaient de
toutes les résistances. « En se servant de M"« de Rouet, dit M. Hector
de la Ferrière {Trois amoureuses au XVI^ siècle, p. 71) elle avait
gouverné à son gré le faible roi de Navarre ; pour dominer Condé elle
avait en réserve une auxiliaire non moins belle et d'une trempe
encore plus forte, Isabelle de Limeuil. >
— 56 —
par les livres dont ils se servaient, les études
devaient y être très fortes.
Les fluctuations de la politique, si ondoyante,
de Catherine de Médicis produisaient leurs désas-
treux eff'ets jusque dans la seigneurie de Mon-
targis :
« Néanmoins, dit M. Rodocanachi, au milieu de
cette agitation et de ce déchaînement de haines.
Renée réussissait à maintenir la paix à Montargis,
et ce n'est pas une médiocre preuve de son habi-
leté comme aussi du prestige dont l'entourait le
souvenir du bon roi Louis XII que de la voir se
tirer de difficultés telles que les plus profonds et
les plus énergiques politiques de la cour se recon-
naissaient impuissants à en triompher. »
La situation de la France s'empirait de jour en
jour et devenait de plus en plus tendue.
Dès le début de la guerre civile protestants et
catholiques, avaient rivalisé d'excès. Montluc en
Guienne, le baron des Adrets en Dauphiné, ces
sanglantes personnifications du parti de l'ortho-
doxie et du calvinisme, avaient prouvé que les
passions religieuses sont aussi fécondes en trahi-
sons qu'en cruautés. C'étaient là les sinistres
avant - coureurs de l'horrible massacre de la
saint Barthélémy. La duchesse se trouvait en ce
moment à Paris où elle était venue avec ses de-
moiselles d'honneur pour assister aux noces du
roi de Navarre et de Marguerite de Valois. Quand
on se mit à la recherche des Huguenots par toute
la ville et jusque dans les faubourgs, la Cour avait
eu le temps de faire protéger sa demeure, c'est
— 57 —
à cette intervention qu'elle dut son salut (1572).
Dans ses Tragiques, Agrip])a, d'Aubigné, auquel
comme nous l'avons vu plus haut, Renée avait
donné asile, stigmatise et peint en traits de sang
cet affreux et exécrable attentat. « Son tableau de
la saint Barthélémy, dit Paul de Saint- Victor, a
l'horreur de la tuerie qu'il retrace. Le glas du
tocsin, les cris des meurtriers, le râle des victimes,
le pétillement des arquebusades, se répercutent
dans des vers haletants, et comme essoufflés de
colère. Le meurtre est partout dans l'alcôve
comme dans la rue, il vient surprendre la volupté
en flagrant délit ' . »
Aussitôt que les portes de Paris, qui avaient été
tenues fermées pendant huit jours sous divers
prétextes, furent rouvertes, Renée se hâta de fuir
les lamentables scènes, qui se renouvelaient sans
cesse sous ses yeux. Elle arriva à Montargis le
31 août. La maladie, les continuels soucis, les
chagrins avaient profondément miné sa santé. Elle
ne fit plus que languir, et mourut le 15 juin 1575.
La duchesse à peine expirée, la possession de la
Seigneurie de Montargis donna lieu à un conflit
entre Alphonse II, duc de Ferrare, son fils, et sa
fille la duchesse Anne de Nemours, qui en obtint
l'usufruit, sa vie durant. Le fief devait faire retour
ensuite à la Couronne.
Renée de France a-t-elle été, ainsi que la repré-
sentent certains écrivains, la protectrice des arts
et des sciences ? Il est permis d'en douter « les
1 Hommes et Dieux, p. 432.
- 58 —
artistes, dit M. Rodocanachi, dont elle se plaisait
le plus à rémunérer le talent, étaient les musiciens.
Quant à ses nains, ils semblent avoir été sa grande
préoccupation en ces années de vie triste et
retirée, elle les costume avec soin et magnificence.
Mais tandis qu'elle prodigue ses faveurs à des
bouffons et à des saltimbanques, il n'est presque
jamais fait mention dans ses registres soit d'un
peintre, soit d'un sculpteur, soit d'un graveur de
talent. »
Le duc Hercule, son mari, sans se montrer un
Mécène, favorisait davantage les artistes. Il fit
venir à sa Cour, entre autres, et y traita géné-
reusement Guillaume Boides, de Malines, et Lucas
Cornelis, un autre Belge. Il encouragea aussi les
peintres et les sculpteurs ferrarais- assez nom-
breux à cette époque; sa bienveillance était la
même à l'égard des écrivains et des poètes. C'est
ce prince qui fit l'acquisition de la statue colossale
d'Hercule, modelée par Giovanni Sansovino, qui
ornait une des places de Ferrare.
J. Pboost.
59 -
VARIÉTÉS.
DÉMÊLÉS ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LA COLLACE DE
Gand. — Charles-Quint, en modifiant complètement les
attributions et la composition de la Collace de Gand, crut
avoir empêché pour toujours l'opposition que cette assem-
blée aurait pu faire dans la suite aux propositions du gou-
vernement. Il n'en fut rien cependant, ainsi que nous allons
le voir à Finstant.
L'ancienne Collace, qui était la chambre populaire par
excellence, « representerende tgansche ghemeente ende
tgheheele lichame van de stede, » se composait, avant 1 540,
de trois catégories de citoyens : les notables ou rentiers
ipoorters), les petits métiers, et les tisserands avec les
métiers qui en dépendaient. Charles-Quint supprima cette
Collace (]u'il remplaça par une assemblée dont les membres,
d'après l'article 67 de la concession Caroline du 30 avril 1540,
étaient nommés par le grand-bailli et les vingt-six échevins
de la ville de Gand.
Cette nouvelle assemblée qui, comme l'ancienne, avait
principalement dans ses attributions tout ce qui concernait
les finances, telles que les questions d'impôts, de contribu-
tions et de subsides, comprenait les échevins sortants des
deux dernières années et quarante-deux notables, notabele
poorters, pris dans les sept paroisses de la ville :
« ...de tivee laetste loetien, mitsgaeders sesse notabele
poorters van elche van de seven parochie onser voorseyde
— 60 —
stede te loetene Sint-Jans, Sint-Jacohs, Sint-Nicolaes, Sint-
Michiels, Onze Vrouioe, Eckerghem ende t'Heylich Cryst... »
Soit donc cinquante-deux anciens échevins et quarante-
deux notables, faisant ensemble nonante-six membres. Les
membres de la Collace qui, dûment convoqués, négligeaient
d'assister aux séances, étaient, d'après le même article 67,
condamnés à une amende de trente carolus d'or et au ban-
nissement du territoire de la Flandre.
Ces bourgeois, auxquels certes on ne pouvait reprocher
de professer des idées subversives ou contraires à l'ordre
de choses établi, n'entendaient pas cependant se soumettre
aveuglément aux ordres du gouvernement et voter, sans
discussion ni examen, les propositions soumises aux délibé-
rations de la Collace.
Il arrivait fréquemment qu'en dehors des propositions,
mises à l'ordre du jour par le gouvernement, ils s'occu-
paient dans les séances d'autres questions -qui leur parais-
saient également être d'ordre public . Parfois aussi la
Collace émettait des vœux ou envoyait au gouvernement
des observations concernant tel ou tel objet intéressant la
ville de Gand.
Pour mettre lin à cette « praticque très irrégulière, pré-
judiciable et scandaleuse, » la gouvernante générale des
Pays-Bas publia, le 27 juillet 1727, un décret ordonnant
aux membres de la Collace de se renfermer strictement,
lors des réunions de cette assemblée, dans la discussion
des objets mis à l'ordre du jour, et leur défendant en outre
de « faire des réprésentations à sa Majesté » :
« Marie-Elisabeth, par la grâce de Dieu, princesse royale
de Hongrie, etc., gouvernante générale des Pays-Bas.
« Estant informée que depuis quelques années il s'est
introduit dans l'assemblée de la Collace de la ville de Gand
une praticque non seulement très irrégulière, mais aussi
très préjudiciable et scandaleuse, en ce que, lorsque la-
— 61 —
dicte assemblée est convoquée selon qu'il est statué par le
soixante septiesme article de la loy Caroline édictée pour
ladicte ville, quelqu'uns des notables bourgeois qui en font
partie se sont avancés et s'avancent encore fréquemment
d'édicter des propositions et des raisonnements longs et
vagues, nullement concernant la matière proposée, ce qui
ne peut tendre qu'à troubler et détourner les impressions
que pourraient faire les sentimens des biens intentionnés
et à en inspirer d'autres, contraires au service de sa
Majesté, au bien de ladicte ville, ou de la province, et à la
tranquillité publicque.
« Nous, pour remédier à cet abus et en prévenir les
pernitieuses suittes, avons ordonné et ordonnons que ladicte
assemblée estant convocquée sur le pied et en la manière
réglée par ledict soixante septiesme article de la Caroline,
ceux qui la composent se tiennent dans l'attention requise
et que suivant la lettre et l'esprit du prédict soixante sep-
tiesme article, ils résoudent précisément sur la proposition
qui aura esté faite, sans que doresennavant aucune dicta-
ture puisse estre admise ni soufferte pour, après, la conclu-
sion estre prise à la pluralité des voix.
« Mais si quelqu'uns croient avoir des représentations à
faire concernant le service de sa Majesté, l'avantage de
ladicte ville ou de la province, ils pourront nous les addres-
ser et nous y disposerons selon qu'il appartiendra.
« Et afin que notre présente ordonnance sorte son plein
et entier effet, nous ordonnons qu'elle soit lue à haute voix
à la prochaine assemblée de ladicte Collace, ensuite enre-
gistrée; ordonnons, en outre, au grand-bailly, eschevins
et conseils de la ville de Gand de l'observer et faire poun-
tuellement observer, sans qu'aucuns y contreviennent, sous
peine de punition selon l'exigence des cas.
« Fait à Bruxelles, le 27 juillet 1727.
« Makie-Elisabeth.
« Gaston Cuveliee. »
— G2 —
Ce décret est transcrit au folio 276, Registre AAA, des
archives communales.
Malgré la sévérité des prescriptions du décret du 27 juillet
1727, des difficultés surgissaient encore à tous moments
entre les membres de laCollace et le gouvernement. Celui-ci
rendit le 26 février 1759 un nouveau décret déclarant que
dorénavant les échevins sortants des deux dernières années
ne feraient jdIus partie de cette assemblée qui se compose-
rait uniquement des quarante-deux notables à choisir dans
les sept paroisses de la ville.
Pkosper Claets,
Souscriptions militaires pour la construction de
l'église des Jésuites a Gand. — Dans la première
livraison de son Inventaire des Archives de la ville de Oand,
consacrée aux « Etablissements religieux, » M. Victor
Vander Haeghen, notre savant archiviste communal, analyse
toute une série de documents relatifs aux subsides et aux
faveurs de toutes sortes accordés par les échevins de la
Keure aux Jésuites qui, en 1584, étaient venus s'établir
définitivement à Gand et y avaient fondé un couvent.
Les premiers subsides, tant ceux octroyés par la ville
que ceux donnés libéralement par le gouvernement, ser-
virent en grande partie à acquérir les vastes propriétés
comprises entre la rue des Foulons, la rue longue du
Marais, la rue courte du Marais et la rue de la Crapaudière.
C'est sur leur emplacement que les Jésuites construisirent
leur couvent, leur collège, leur église et leur sodalité.
Indépendamment de ces subsides, les échevins avaient
créé en faveur de l'ordre des Jésuites plusieurs impositions
communales spéciales qui étaient devenues permanentes et
figuraient par conséquent tous les ans au chapitre des
dépenses de la ville. C'est ainsi que par délibération du
— 63 —
5 décembre 1605 une somme de 6000 livres tournois, une
fois payée, est accordée aux Jésuites pour la construction
de leur église, et que par délibération du 17 mai 1607 les
échevins décident de payer pour le même monument une
somme de 50 florins par semaine. Le 16 novembre 1610, les
archiducs Albert et Isabelle créent un impôt sur le grain
et sur le vin, et plus tard sur la bière, en faveur des Jésuites,
aux fins de leur permettre d'achever la (;onstruction et
l'ameublement de leur église.
Toutes ces faveurs officielles ne suffisant pas encore, ces
religieux s'adressèrent également à la bonne volonté et à la
générosité des particuliers. La bourse même des simples
soldats, ordinairement fort peu garnie, fut mise à contri-
bution par les révérends pères. Aux archives de l'Etat
à Gand se trouvent deux listes de souscription qui furent
mises en circulation dans des compagnies tenant garnison
en Flandre, au profit des Jésuites « pour ayder au basti-
ment de leur église. »
Voici le texte de ces deux pièces que nous transcrivons
littéralement :
« Nous soubsignés soldats de la Compagnie de Monsieur
le maître de camp de Aranda, confessons et reconnaissons
avoir librement et de notre france volonté donné aux pères
Jésuites de la ville de Gant un demi mois de nos gages à
rabatre sur nostre décompte total qui nous est deu par le
Roy, sans que toutefoys on ne nous le doibt rabatre des
mois de gage que nous donnerait, si non le prendre sur
nostre dernier décompte lequel demi mois de gage donnons
pour ayder au bastiment de leur église. »
« Fait à Damme, tesmoing François Vander Straeten et
Jaspard Brac, le 11 de juing 1607. »
Suivent les signatures et les marques de ceux qui ne
savent pas écrire.
« Nous soubsignez officiers et soldats en la compagnie du
— 64 —
capitaine Josse de Malclegliem, gia(?) du terce' de mons.
Varanda, Item aucuns de la gia(?) compagnie du capitaine
Hadrien Blomme au mesme terce, certifions avoir donné
comme (soubs le congé de leurs Altesses sérénissimes)
donnons par ceste, à l'avancement et fondation du temple
des Pères Jésuites en Gandt, chascun un demi-mois de
gaiges à prendre sur le ramat et contes linaulx de tous ce
que nous est deu de sa Majesté sur leurs Altesses sérénis-
simes, à condition toutes fois qu'on ne le rabate sinon au
bout de la totale satisfaction de nos gaiges. »
« Fait à S'-Donas ce 29 juin 1G07. »
Suivent également les signatures et les marques.
Presque tous les noms qui se trouvent au bas de ces deux
pièces sont des noms français ou wallons. Quant aux
marques, ce n'étaient pas, ainsi qu'on a coutume de le faire
aujourd'hui, de simples croix placées à côté des noms des
illettrés. Chaque marque, tracée évidemment par une main
exercée, avait un aspect différent et représentait soit un
rond, soit un losange, soit un carré ou tout autre signe.
La première de ces deux listes de souscription portait
un plus grand nombre de signatures et de marques. Cette
différence provenait, à n'en pas douter, de ce que les offi-
ciers de l'une des deux compagnies mettaient une plus
grande insistance à engager les hommes sous leurs ordres
à abandonner un demi-mois de leur solde.
Pour ce qui est du plaisir qu'éprouvaient les soldats à
renoncer ainsi « volontairement et de france volonté, » à
une partie de leurs maigres gages, nous croyons qu'il était
aussi grand et aussi sincère que celui des échevins de la
Keure lorsque, malgré leurs réclamations ^, ils devaient sur
1 Espagnol Tercio, bataillon.
2 Victor Vander Haeghen, Inventaire, XL; LIX; LXI; CXVIII
et s. CXXVIII etc. — Pages d'Histoire locale gantoise. Deuxième
série, chapitre VIL
— 65 —
l'ordre du gouvernement puiser dans la caisse communale
pour y preridre les fonds à remettre, sous forme de subsides
ou sous forme d'impositons locales, à la communauté des
Jésuites.
Quant à l'église des Jésuites, elle fut loin de répondre
à l'attente des autorités et des particuliers qui avaient
fourni les fonds nécessaires à sa construction. Dans un
rapport présenté, le 19 février 1631, parles délégués des
échevins de la Keure sur l'emploi que les Jésuites avaient
fait des fonds mis à leur disposition, on lit la phrase
suivante au sujet de l'église :
« Plusieurs regrettent que la structure et architecture
d'icelle n'est si belle qui conviendrait })our l'ornement
d'une ville tant principale de Flandres. »
L'église des Jésuites, qu'on commença à bâtir en 1606,
occupait l'emplacement de l'ancienne habitation de Hem-
byze, rue des Foulons. Elle fut vendue comme bien national,
le 1 novembre 1798, à un certain Charles Manilius qui la fit
démolir. La tour de l'église resta debout jusqu'au mois
d'octobre 1801.
Pkospee Claeys.
Relation d'un voyage a Gand en 1799. — En 1799, un
fonctionnaire français, du nom de Barbault-Royer, fut
chargé par son gouvernement défaire une tournée d'inspec-
tion dans les départements du Nord de la république. Il
publia la relation de son voyage en un volume ([ui parut
l'an VIII à Paris, sous le titre de Voyage dans les Dépar-
temens du Nord, de la Lys, de V Escaut etc. pendant les
années VII et VIII, par le citoyen Barbault-Royer, ex-
Haut- Juré de Saint Domingue ' .
1 Bibliothèque de la ville de Grand. Acer. N° 9302,
— 66 —
A la différence d'un grand nombre de ses compatriotes,
l'auteur parle en général de notre pays d'une façon fort
élogieuse. En ce qui concerne spécialement la ville de
Gand, la description qu'il donne de nos monuments et de
nos places publiques, les progrès qu'il constate dans le
développement du commerce et de l'industrie, tout dans ce
volume revêt un tel caractère de bienveillance que le lecteur
nous saura gré, croyons-nous, d'avoir tiré de l'oubli les
notes de ce voyageur qui visita notre ville il y a près d'un
siècle.
Barbaiilt arriva à Gand, dont il nomme les habitants les
Gantais, le 20 thermidor an VIII (7 août 1799). Il se
rendit le même soir au grand théâtre où l'on donnait les
Prétendus, opéra de Lemoyne ; l'exécution lui parut remar-
quable. Voici ce qu'il dit de la salle de spectacle dont
quelques très vieux Gantois — ils deviennent rares — ont
conservé le souvenir :
« La salle de spectacle n'a aucune apparence au dehors,
elle est située dans un coin obscur de cette place du hanter,
et son entrée ressemble assez à celle d'une écurie. Les
billets se paient en monnaie Empire. Cette salle est petite;
les loges étroites; la décoration générale est très simple,
mais agréable ; la couleur qui y domine est celle d'un jaune
de lumière, sur laquelle sont tracées des guirlandes de
fleurs. »
Cette salle de spectacle, bâtie en 1737 par la confrérie
des archers de Saint-Sébastien, eut un siècle d'existence.
Elle fut démolie en 1837 et sur son emplacement on éleva
le grand théâtre actuel qui fut inauguré le 30 août 1840 *.
En parcourant les rues et les places publiques de Gand,
Barbault est frappé de l'architecture toute spéciale des
1 Histoire du Théâtre à Gand. Tome I et tome III,
— 67 —
maisons particulières qui lui rai^pellent les habitations de
Madrid, de Burgos et des autres villes de l'Espagne. Il leur
trouve « la même forme, le même extérieur et la même
distribution. » Ce qui a également frappé notre voyageur,
c'est Taspect extérieur des maisons dont toutes les façades,
à l'en croire, se distinguent par la variété des couleurs em-
ployées pour les peindre.
« Toutes les maisons sont peintes de diverses couleurs,
ce qui présente l'aspect flatteur d'une ville tout en décora-
tion, et préparée pour une grande fête. »
Il est probable que ce sont les diverses nuances de blanc
telles que le jaune, le gris, le rose, le bleu pâle qui cou-
vraient les façades des maisons, et les couleurs diverses
employées à peindre les portes et les fenêtres, qui auront
frappé le fonctionnaire français et l'auront engagé à écrire
les lignes ci-dessus.
Il décrit le mouvement que présentent les rues et les
quais de la ville de Gand, dont le commerce ne peut (]ue
s'étendre grâce aux nombreux cours d'eau qui la mettent
en communication avec l'intérieur, avec les pays voisins et
avec la mer :
« Le coup d'œil de cette activité est admirable et c'est
le long de ces superbes (]uais qu'il faut surtout la consi-
dérer.
« Que de sujets d'orgueil et de splendeur ; que de moyens
de grandeur et de prospérité!
« Gand, par son heureuse situation, le disputera un jour
à toute la prospérité commerciale que se promet Anvers. »
Il s'occupe d'une façon toute spéciale de la rue des
Champs, qu'il appelle la rue S' Weld, probablement du
mot Veld, dont il fait le nom d'une sainte, de Veld-
straat.
— 68 —
a La rue S^ Weld est la plus riche de celles de Gand
par l'exposition de tous les produits précieux de ses fa-
briques ; elle n'est composée que de boutiques qui étalent
tout ce que le goût et le luxe ont pu inventer de plus somp-
tueux et de plus élégant. »
Après avoir écrit que « Gand est superbement bâtie,
que toutes les rues y sont propres, larges et bien pavées et
que l'aspect des maisons y est magnifique, » Barbault rend
compte des visites qu'il a faites à nos principaux monu-
ments tels que la cathédrale de Saint-Bavon, le Beffroi,
l'Hôtel de Ville, le Château des Comtes, le Jardin bota-
nique, l'Ecole centrale, etc.
Sou appréciation de la distribution intérieure de l'Hôtel
de Ville est encore exacte, en grande partie, malgré les
changements qu'on y a apportés depuis lors :
« Différents passages assez étroits conduisent aux di-
verses parties de ce double monument,' et un étranger
s'égarerait dans ce labyrinthe si l'on n'avait un guide ou si
l'on ne faisait attention aux inscriptions multipliées qui
sont fixées sur le haut de ces corridors sans nombre. »
Pour lui l'extérieur du Château des Comtes, est :
« Un massif de pierres posées péniblement les unes sur
les autres sans goût et sans symétrie, et d'un aspect sau-
vage et repoussant. »
Et plus loin, en parlant du même monument :
v( Ce palais des Comtes était autrefois un fort avec un
temple dédié à Mercure que César avait fait construire.
L'on dit que ce château contient près de trois cents
chambres. Charles-Quint passa une partie de sa jeunesse
dans ce château. »
Barbault confond ici le Château des Comtes avec la Cour
du Prince, het PrinserJiof, presqu'entièremeut démolie ou
- 69 -
transformée à cette époque. L'auteur n'est pas plus heureux
clans ses appréciations historiques quand il écrit :
« Dans les tems que les villes de France n'étaient qu'un
amas de boue et de terre, Gand était déjà en 1007 assez
vaste, fort et bien bâti; et sa population, dès lors, si
respectable que sous le comte Louis de Maie, en 1380, l'on
trouve à enrôler dans l'intérieur seul de ses murailles
80,000 combattants. »
Quelque flatteuses que ces lignes soient pour notre
amour-])ropre national, il nous faut en rabattre cependant
quel(j[ue peu et ramener notamment à 8,000 le nombre de
80,000 combattants que la ville de Gand pouvait mettre
en ligne au quatorzième siècle.
Pendant son séjour à Gand, Barbault a rencontré un des
nombreux cortèges patriotiques qui, à cette époque, cir-
culaient dans les rues sous tout prétexte '. Celui dont il
parle se dirigeait vers l'église de Saint-Michel convertie en
temple de la loi :
« Je rencontrai le cortège considérable de tous les fonc-
tionnaires du Département de l'Escaut qui, précédé de
fanfares, de banderolles et suivi d'un corps de cavalerie,
s'avançait avec pompe vers le temple de la loi pour célébrer
les victoires remportées sur les Anglais par les Républi-
cains aux ordres de Brune. »
Il décrit le désordre qui pendant la cérémonie régnait
dans le temple de la loi, où tous les citoyens se tenaient, le
chapeau sur la tête, criant et faisant du tapage à ne pas
s'entendre :
« La musique entonna quelques airs civiques. L'on fit,
suivant l'usage, de ces discours qui ne sont entendus de
*■ Pages d'Histoire locale gantoise. Tome I, chapitre VI.
— 70 —
personne; et l'on revint à la maison communale clans le
même ordre et au bruit de tous les carillons. »
Barbault ne se lasse pas de faire l'éloge des nombreux
établissements industriels qui font la richesse de la ville
de Gand : filatures de coton, blanchisseries, moulins à
papier, savonneries, fabrique de cartes, corroyeries, faïen-
ceries, fabriques de rubans, de Casimir, de serge, etc.
Par contre il critique fortement Tabsence de goûts litté-
raires qu'il semble avoir rencontré chez les Gantois, trop
absorbés, dit-il, par les multiples besoins de leur commerce
et de leur industrie.
Après avoir visité Gand, l'auteur des « Voyages dans les
Départements du Nord » se rendit à Bruges par le canal
qui relie ces deux villes. Il s'occupe longuement de la
barque, traînée par des chevaux, qui transporte les voya-
geurs d'une ville à l'autre :
« Cette barque, d'une construction aussi élégante qu'elle
présente d'aisance et d'étendue, peut contenir dans l'entre-
pont seul près de cent personnes. Il se trouve aux extré-
mités de cette barque deux petits salions décorés avec une
sorte de magnificence. »
Il se montre enchanté de la cuisine qui, de tous temps,
a joui d'une excellente réputation près des gourmets de
Gand et de Bruges.
Ainsi que nous l'avons dit en commençant, nous avons
été frappé des phrases élogieuses qui se rencontrent à tous
moments sous la plume de l'auteur. Mais quand il parle
du mouvement extraordinaire qui règne dans les rues et
sur les quais de la ville de Gand, du grand nombre de
navires qui sillonnent ses cours d'eau, des fabriques et des
usines qui font la richesse industrielle de la cité, du luxe
et de l'élégance de ses magasins, ne faut-il pas voir dans
— 71 -
cette description, évidemment exagérée, l'opinion d'un
fonctionnaire, désireux de prouver que la Belgique, loin
d'avoir à se plaindre d'être annexée à la France, doit au
contraire à cette union forcée une ère nouvelle de bien-
être et de prospérité ?
L'ouvrage de Barbault est un livre de propagande poli-
tique plutôt qu'une simple relation de voyage rédigée par
un touriste.
La Biographie nouvelle des Contemporains, qui parut à
Paris en 1821, consacre un article à Barbault-Royer,
« homme de couleur qui figura dans l'insurrection de Saint-
Domingue. » Il écrivit dans plusieurs journaux, mais fut
plus particulièrement attaché au Rédacteur, journal offi-
ciel du Directoire. Il occupa un emploi au ministère des
relations étrangères.
C'est en cette dernière qualité qu'il fit son voyage dans
les provinces du Nord et notamment dans les Flandres et
dans une partie du Hainaut.
PiiOSPER Claeys.
Deux autographes. — Rubens exécuta pour les Pères
Augustius à Malines un tableau représentant la sainte
Vierge, avec sainte Appolline et autres Vierges,
Voici la quittance qu'il donna à cette occasion :
« Den onderscreven bekent ontfangen te hebben uyt de
handen van den Eerw. Paeter der Augustynen binnen
Mechelen de somme van sesse hondert guldens eens in be-
taelinghe van syn schilderye verbeeldende de H: Maeget
Maria, S: Apolonia en andere Maegden.
« Actum 3 aprilis a» 1629.
« PiETER Pauolo Rubens . »
Où ce tableau se trouve-t-il aujourd'hui?
— 72 —
Voici un second autographe, il est de Martin Joseph
Geeraerts :
« Reçeu de Monsieur Henry Geelhand de Mercxem pour
compte de Monsieur Du Bois à Gand, l'import de deux
tableaux peint en bas-relief par le soussigné à quatorze
Ducats de la pièce ordres susdit monte ensemble avec
l'emballage cent cinquante deux florins et douze sols
argent de change ci-dessous spécifié.
1755.
17 juin. Pour deux Bas reliefs a 14 ducats pièce ... FI. 141.8
Ditto. Pour l'emballage . > 1.4
Total . . FI. 142.12
£. 23:15:4 de change.
« Cel ci est double un seul pour acquit.
« Anvers le 4 avril 1755.
« Martin Jos: Geeraerts. * »
D'après feu Siret dans la Biographie Nationale, Geeraerts
naquit à Anvers en 1707 et y mourut en 1791. Il était
élève d'Abraham Godyn, et acquit une très grande noto-
riété dans la peinture des bas-reliefs en camaïeu. Sa répu-
tation fut telle que plusieurs souverains lui firent dans ce
genre, des commandes spéciales. Le prince Charles de
Lorraine et sa sœur Anne visitèrent son atelier le 22 août
1750. En 1742, il fut un des six artistes qui s'engagèrent à
remplir gratuitement les fonctions de directeur professeur
de l'Académie qui se trouvait dans une situation pré-
caire. Lors de sa mort, ses obsèques qui eurent lieu le soir,
se firent avec beaucoup de solennité ; plusieurs de ses gri-
sailles se trouvent aux musées d'Anvers, de Vienne et de
La Haye. Geeraerts ne paraît pas avoir eu de rival dans le
genre qu'il avait adopté. Emile V.
1 Ces deux autographes se trouvent parmi nos papiers personnels.
— 73 —
La Reddition d'Anvers (1832). — Nous détachons la
page qui suit, d'un récit du siège d'Anvers donné par la
Revue de Paris d'ai)rès le Journal du maréchal de Castellane.
Il y a peu d'années, l'attention était ramenée sur ce siège
par la publication de lettres intéressantes du duc d'Orléans.
Toutes ces pages sont flatteuses pour le général Chassé, et
il y a quelque chose de touchant aussi dans celle que
nous reprenons, et dans le plaisir qu'avaient à se revoir,
après la reddition de la place, d'anciens compagnons
d'armes qui la veille se combattaient :
« J'ai vu, dit Castellane, le général Chassé dans sa petite
casemate où, malgré les blindages qui remplissaient l'ou-
verture de la fenêtre, il est tombé des éclats de bombe. C'est
un vénérable vieillard de soixante-cinq ans qui a l'air d'en
avoir bien davantage; il a cinq pieds huit pouces, est im-
potent de corps, mais fort sain d'esprit. Il m'a donné sa
parole d'honneur que, depuis deux ans (époque de sa prise
de commandement de la citadelle), son projet était de se
faire sauter avec les assiégeants si on y entrait. Une lettre
de son roi, auquel il n'en avait rien dit mais qui l'avait
su, l'en a empêché. Je lui ai exprimé mes regrets que la
capitulation m'eût privé de l'honneur de monter à l'assaut ;
il m'a répondu : « Ni vous ni moi ne serions ici : nous
aurions fait l'un et l'autre un voyage vers l'Etre suprême ;
si l'on avait pénétré dans la place par la brèche, le feu
aurait été mis dans le magasin à poudre. » Il m'a demandé
si nous étions contents de ses carabiniers ; je lui ai répondu
que ses fusils de rempart nous avaient fait du mal. Il m'a
répliqué : « Vous êtes dans l'erreur ; les fusils de rempart
ne valent rien. Je n'en avais pas ; on a tiré avec des cara-
bines. » Il m'a parlé de sa reconnaissance pour la manière
dont le maréchal Gérard le traite après la capitulation.
« Le général Chassé était à table avec plusieurs de ses
officiers ; il m'a offert du vin de Champagne, et j'ai bu à sa
— 74 —
santé. Ce brave homme m'a raconté le coup hardi par
lequel, étant dans l'armée de Pichegru, en 1795, il s'est
emparé de la ville hollandaise de Bommel.
« Un capitaine du 25" de ligne, de garde à la citadelle,
nommé Lefoy, qui a été capitaine des grenadiers au 28* de
ligne dans la brigade du général Chassé, de la division
Sébastiani, en Espagne, m'avait prié de le lui dire : il
désirait revoir cet homme de cœur. Le général Chassé l'a
fait venir et l'a embrassé ; son aide-de-camp, le major
Dehouty, qui l'était également à cette époque, lui a donné
la main. Le général Chassé s'est plu à causer avec ce capi-
taine de sa brigade d'alors, de son titre de « général Baïon-
nette, » dont il est très fier, et de ce qu'un jour, dans un
bivouac, en sommeillant, il entendit dire aux soldats :
« Le général va brûler ses bottes, il faut éloigner le feu. »
D'autres, trouvant sa tête trop basse, mirent leur sac
dessous. Il ne couchait jamais dans un château quand sa
troupe était au bivouac, mais près de ses soldats. Le capi-
taine Lefoy m'a dit : « C'était un brave, toujours à notre
tête. » Je les ai laissés ensemble ; le général Chassé est en-
chanté de cette rencontre. Cet officier général m'a traité
avec la plus grande politesse, et a paru satisfait de mes
compliments sur son héroïque défense. J'avais fait deman-
der au général Chassé, par un capitaine de sa nation,
l'agrément de me présenter à lui.
« Il a été piquant pour moi, en sortant de trinquer avec
Chassé, de dîner chez le roi Léopold. Ce souverain aime
à causer et écoute bien. Je l'ai connu beaucoup autrefois à
Paris. Après le festin, le roi des Belges s'est entretenu, une
heure durant, avec moi de choses et d'autres ; cela m'a
donné une considération singulière vis-à-vis des courti-
sans, qui attendaient, en cercle, avec impatience, l'instant
de parler à leur maître pour en solliciter quelques grâces.
« A ce dîner, j'étais placé entre le général Chasteler,
— 75 —
grand éciiyer, et le colonel Buisen, commandant d'Anvers,
qui m'a dit : « La plaie de la France, comme celle de laBel-
« gi<iiie, ce sont les avocats, avec cette différence (|ue dans
« ce dernier pays, ils sont plus bêtes. » Le roi Léopold a fait
écrire au général Rapatel la lettre la plus flatteuse, afin de
l'engager à entrer à son service comme général de division ;
ce qu'il a refusé.... »
Le Gras de Bercagny. — Le Messager des sciences,
publiait en 18S4 (p. 117) une lettre de l'an XTI de Beyts,
alors commissaire du Gouvernement près le Tribunal d'ap-
pel de Bruxelles dont il devait plus tard devenir le prési-
dent, lettre où il était question de sacrifices à faire pour
l'obtention de concessions d'endiguement dans les polders
du département de l'Escaut. Il est question dans ce curieux
document, de L. G. stipulant pour R. de S. J. d'A., et une
autre lettre citée en note fait connaître que les premières
initiales désignaient un Le Gras , tandis que les autres ne
pouvaient s'appliquer qu'à Regnaud de Saint- Jean d'Angely,
alors président de section au Conseil d'État, par le canal
duquel la concession devait être obtenue. « J'ai fait écrire
« confidentiellement par L. G. d'ici, à son ami pour savoir
« bien authentiquement, bien directement son intention.
« Ce qiiil faut? 'pour qui il faut? combien il faut? — Ou
« même s'il faut quelque chose. » Et plus tard, lorsqu'il
s'agit de l'expédition des titres aux actionnaires, « chacun
selon son droit, » Beyts écrit encore : « Le Gras pour
R. de S. J. d'A. et pour lui-même insistent [sic) et re-
viennent toujours là-dessus. Je vous dirai en son temps
sous quel nom ils désirent se déguiser. »
Qu'était ce Le Gras? L'auteur de patientes recherches
dans les archives, nous communique ce renseignement.
— 76 —
« Le Gras de Bercagny était un prêtre défroqué qui avait
épousé la femme divorcée de d'Eprémesnil de Maréfosse,
cousin du célèbre parlementaire. Après son passage à
Bruxelles, la protection de Regnaud de Saint- Jean d'Angely
le fit nommer directeur de la police du royaume de West-
phalie. Il fut préfet de la Côte d'or pendant les Cent Jours. »
D.
MÉMOIRE DE HOVTNNES SUE LE GOUVERNEMENT DU PaTS-
Bas. — Nous avons parlé dans ce recueil, 1895, p. 340,
du « Brieve mémoire de la forme des ressorts du Gouverne-
« ment des provinces du Pays-Bas soubz Tobéissance de
« Sa Majesté, dressé par le chef Président Hovyne en 1662,
« envoyé au Roy » dont le texte se trouvait compris dans
un manuscrit récemment acquis par la Bibliothèque de
de l'Université de Gand : Acten en décrète^. Et nous avons
fait quelques rapprochements entre ce texte et une édition
sans nom d'auteur publiée à Leyde, et (jui avait été signalée
déjà comme moins complète que l'œuvre primitive du Pré-
sident Hovinnes telle que nous la donnent les manuscrits.
La bibliothècjue de Gand possède un autre manuscrit
du même écrit, avec remarques ou annotations du conseiller
Wynants (Ms. n° 540; au Catalogue imprimé, n° 40). Nous
y avons retrouvé le même texte que celui-ci du tome IV,
des Acten en decreten. Et spécialement, sur le passage que
nous avons transcrit à la p. 341 comme supprimé à l'im-
pression et relatif aux conditions que mettaient les États
de Brabant au vote des aides et subsides, nous avons lu
cette note intéressante de Wynants :
« ...J'ignore comment les choses allaient du temps du
chef Président Hovinnes, mais je sçai bien qu'on ne ren-
contre pas tant de difficultés quand les ministres sont
habiles et sçavent par leurs conduite et manière engager
— 77 —
les cœurs et les esprits des sujets. D'ordinaire ils voudraient
bien haut à la main et sans peine obtenir les consentements.
Cela est aisé et l'on se fait un mérite auprès du Prince à
bon marché. J'ay vu le Marquis de Grana, assurément le
Gouverneur Général le plus capable que j'ay connu, échouer
de cette manière et s'attirer une émotion populaire en
chacun des trois chefs villes de Brabant. J'ay vu au contraire
le Marquis de Gastanaga qui n'avait que moitié de la capa-
cité de Marquis de Grana, gouverner près de six ans en paix
sans émotion, et obtenir tous les consentements demandés
par ses manières douces et gracieuses, sans la moindre
atteinte à l'authorité et à la décence de sa représenta-
tion » (p. 6).
Un autre passage omis dans le texte imprimé est peu
flatteur pour les Brabançons et se trouve assez durement
réfuté par Wynants. Hovinnes y disait :
« Les naturels de cette province de Brabant sont hautains
et altiers, et sous prétexte de privilèges ont une inclination
de caviller et de primer en toutes occasions les autorités
Roïales, veillant continuellement à les empiéter, usurper ou
diminuer, et pour ce ils affectent de traiter immédiatement
avec le Prince, post-posant et enjambant le ministère ; ils
sont mieux gouvernés par crainte que par amour, car
ils ne sont tenus en crainte eux mêmes, abusent facilement
de la bonté du Prince, et plus ils le voient faible et abaissé
par le mauvais succès, plus ils s'élèvent. Pour obéir aux-
quels inconvénients, il estconseillableque le Prince évite de
traiter immédiatement, les renvoiant toujours aux ministres
et Conseils à qui l'affaire peut toucher, aiin que par l'inter-
position d'iceux, S. M. demeure à couvert de mépris et de
toute surprise » (p. 39).
Wynants écrit à la suite de ces lignes :
« Le génie du chef-Président Hovinnes étant hautain et
altier, il a taxé les Brabançons de son défaut et veut leur
— 78 -
faire un crime de ce qu'ils défendent et soutiennent les lois
fondamentales et les privilèges légitimes accordés et jurés
par le Prince. Et on dit hardiment que, de toutes les pro-
vinces de S. M., il n'y en a aucune où le génie de la nation
est plus traitable que dans celle de Brabant. Mais Hovinnes
en était étranger * , de manière que (;'est ane calomnie de dire
qu'ils sont mieux gouvernés par la crainte que par l'amour.
Comme ce ministre s'étoit peu fait aimer, il préféroit la
voye de la crainte, parce qu'il n'auroit pas réussi par celle
de l'amour, plutôt successeur d'Auguste en ce point, que
successeur de Jules Csesar. »
Le même Mémoire touchant la forme du gouvernement
du Pays-Bas existe en plusieurs exemplaires à la Biblio-
thèque royale (voir Britz, Mémoire sur V ancien droit bel-
gique, p. 257 et 302). D.
Au SUJET d'une chatee a prêcher de Poperinghe. —
La collection de vues photographiques qu'un éditeur de
Paris, L. Boulanger, a publiée sous le titre de Album
universel^ donne une place importante et méritée aux villes
de Belgique. Poperinghe même y a deux planches, l'une
représentant son église Saint-Jean et l'autre une chaire
de vérité que, par une singulière erreur, on y a intitulée :
Chaire de Saint-Jean, et qui n'appartient point à cette
église. Cette chaire, sculptée en bois de chêne, est soutenue
par quatre anges. Sous la chaire figurent, au milieu,
saint Charles Borromée tenant dans la main gauche le
saint Sacrement; à droite, est saint Dominique incliné et
tenant à la main un flambeau, à gauche saint Hyacinthe,
agenouillé et portant dans le bras gauche une statuette de
^ Il était né à Ypres.
-- 79 —
sainte Marie avec l'Enfant Jésus. Cette belle pièce de sculp-
ture se trouve, non dans l'église de Saint-Jean, mais dans
celle de Saint-Bertin. Elle provient d'une église des Domi-
nicains de Bruges, et avait été vendue comme bien doma-
nial lors de la Révolution Française (voir Inventaire des
objets d'art qui ornent les églises et les établissements 'publics
de la Flandre Occidentale . Bruges, 1852). D.
Noms estropiés. — Un magistrat français, M. Berlet,
vient de publier une étude : De la réparation des erreurs
judiciaires (Paris, Rousseau, édit.). Dans un chapitre
consacré à la législation étrangère, nous lisons les noms
de : M. Massus, conseiller à Liège, pour Masius, Louis
Huymans pour L. Hymans, et P. Holvart pour Holvoet.
C'est beaucoup d'erreurs en peu de lignes.
En voici autant portant sur des noms géographiques.
Dans trois lignes de V Histoire d'' Angleterre, par Hume,
continuée par Smolett, réimprimée à Bruxelles en 1845
(Edit. du Trésor Historique), on trouve (XXIV, p. 111) :
Dael pour Doel, le pays (THidat pour d'Hulst, et Cadsan
pour Cadsand.
Une erreur également curieuse mais d'un autre ordre, est
celle de M. E. Picard dans le Journal des Tribunaux du
15 mars 1896, où il parle de l'Autrichien Ihering, le juris-
consulte dont M. de Meulenaere a traduit les principales
œuvres. Il eût mieux fait de dire Aurichien, von Ihering
étant né non en Autriche, mais à Aurich, à proximité de
la mer du Nord et de la frontière des Pays-Bas.
D.
— 80 —
Maître G., peintee tournaisien au XIIP siècle. —
Ce peintre est mentionné dans une lettre adressée par
Etienne, évêque de Tournai, à Evorède, abbé de Saint-
Bavon ^ L'évêque dans cette lettre prie l'abbé de recevoir
dans son monastère le tils d'un peintre de Tournai qui
désirait y prendre l'habit monastique et de faire bon accueil
à son père Maître G., qu'il avait chargé de remettre sa
missive à l'abbé. Ce Maître G. qu'il qualifie son ami et son
familier était un peintre renommé d'après l'éloge que
l'évêque en fait; « Magister G., ditl'évêque, cuj us prêter
honesfatem et mansuetudinem quihus preeminet, non solum
apud nos, sed in locis plurihus et in ecclesiis ex magni/îcis
operibus et insignibus artificiis mérita vigent, et in perpe-
tuuin sut memoriam derelinqunt. »
C'est de cette époque que datent, croit-on, les fresques
découvertes dans le réfectoire de l'abbaye de Saint-Bavon ;
il y a là une coïncidence qui mérite d'a4:tirer l'attention
des iconographes. En tous cas, il ne serait pas impossible
que ce maître eut décoré la chapelle bâtie sur le cimetière
de l'abbaye en l'honneur de la Vierge, de l'apôtre saint
Thomas, de saint Etienne et des saintes Agnès, Catherine et
Marguerite, qui fut consacrée en 1 195 par l'évêque Etienne.
Cette chapelle était située à la droite du chœur de l'église
conventuelle ; elle fut démolie lors de la sécularisation de
l'abbaye; à l'époque de la construction de la chapelle
l'habitude de décorer de fresques les édifices religieux,
était fort en usage, comme le prouvent les nombreux restes
de peinture murale découverts à la cathédrale de Tournai ^.
L. St.
^ Cet abbé est connu sous le nom d'Everdée, d'après Van Lokeren,
il gouverna l'abbaye de 1189 à 1206.
2 Van Lokeren, Histoire de l'ahhaye de Saint-Bavon, p. 85. — V. la
lettre de l'évêque de Tournai, dans la nouvelle édition de ses Lettres,
publiée par l'abbé De Silve, p. 351.
— 81
CHRONIQUE.
-c>t.A^X(J^3';>-
La peinture a Chantilly. Écoles étrangères. — Tel est le titre
d'une œuvre importante publiée par M. Gruyer, membre de l'Institut,
et où quelques artistes flamands occupent une place qui nous la fait
mentionner ici. M. le duc d'Aumale a, on le sait, réuni à Chantilly-
une collection de tableaux des plus précieux. La description en est
donnée dans l'ordre chronologique par M. Gruyer et enrichie, pour les
quarante œuvres les plus importantes, d'héliogravures excellentes.'
Pour quelques tableaux de la plus ancienne école flamande, les attri-
butions sont parfois sujettes à quelque contestation malgré leur
haut mérite. Tel vm admirable portrait du Grand bâtard de Bour-
gogne, attribué à Roger Vanderweyden. La collection du château
de Chantilly possède aussi des portraits en pied par Van Dyck de
tout premier ordre : Gaston de France, duc d'Orléans, le comte Henri
de Berghe, la princesse Marie de Barbançon, un portrait du Grand
Condé par David Teniers le Jeune, d'autres par Juste d'Egmont, etc. ;
outre quelques toiles de G. Vandevelde, de Ruysdael, de Honde-
coeter, etc., et des vues de Chantilly peintes au siècle dernier par
De Cort. Parmi les artistes de ce siècle, Leys se trouve représenté
par une toile donnée au duc d'Aumale par la première reine des
Belges. D.
Au sujet de la mort de Bayle. — M. le professeur Nys, de l'Uni-
versité de Bruxelles, qui consacre ses vacances à fouiller les collec-
tions du British Muséum, y a trouvé le texte, que nous donnons
ci-dessous, d'une lettre de Basnage au marquis de Prié, annonçant
la mort du célèbre auteur du Dictionnaire Historique :
« Il est mort en philosophe, écrit-il, ayant une parfaite indifférence
pour la vie et nulle crainte apparente de la mort. Pendant quatre
mois de phtisie, on n'a pu l'obliger à faire aucun remède, soutenant
— 82 —
que la vie ne valait pas la peine de les avaler; il a travaillé jusqu'au
dernier moment, et écrivait contre M. Jacquelot, son adversaire, sur
la nature du mal. Il composa jusqu'à minuit, et prétendait reprendre
son travail le matin en se levant. On me vint pourtant avertir qu'il
s'affaiblissait; mais avant que je pusse y arriver et que son feu fût
allumé (ce qu'il attendait pour se lever), il mourut sans qu'on s'en
aperçut. 11 m'a laissé la moitié de sa bibliothèque et l'exécution de
ses dernières volontés. »
Le British Muséum possède également de nombreuses lettres de
Barbeyrac, le traducteur de Pufîendorf, à Desmaiseaux, qui a été
l'ami de P. Bayle, dont il y est fréquemment question. Barbeyrac y
déplore assez vivement son pyrrhonisme. M. Nys donne des extraits
de ces lettres dans la Eevue de droit international (1895, p. 474).
D.
La peinture en Europe. — La Belgique *, par Georges Lafenestre,
membre de l'Institut et Eug. Recbtenberger. — Tel est le titre d'un
beau volume consacré aux chefs-d'œuvre de la peinture en notre
pays, qu'ils soient conservés dans nos musées, dans les églises, ou
dans des collections de particuliers. Les descriptions et jugements
sont extraits des meilleurs auteurs. Des épreuves photographiques
excellentes font connaître de la manière plus précise une centaine
des meilleures de ces œuvres. Si ces illustrations sont d'un format
moindre que celles de la récente description des musées de Bruxelles
et d'Anvers dont il a été parlé dans le Messager des Sciences, 1895,
p. 118, elles sont la plupart d'une exécution plus soignée et mieux
réussie. Les clichés ont été choisis parmi les meilleurs de MM. Levy
de Paris, Hermans d'Anvers, Hanfstœngl de Munich, pour les musées
de Bruxelles et d'Anvers. Pour les autres villes, les auteurs ont puisé
dans une importante collection de photographies de M. Chabrier,
parmi lesquelles on doit citer comme morceaux inédits les volets de
Memling à l'hôpital Saint-Jean, ceux des triptyques de Gérard-David
au musée de Bruges, le martyr de Saint-Liévin, le Memling nouvelle-
ment acquis par le musée d'Anvers, etc. « Si nous n'avons pas donné
telle œuvre intéressante, disent les auteurs, comme par exemple le
Vander Meire de Gand (de la cathédrale de Saint-Bavon), c'est que
les autorisations nécessaires nous ont été refusées; si d'autres
planches comme celles du Camhijse de Bruges sont un peu défec-
^ Ouvrage orné de cent x-eproductions photographiques.
— 83 —
tueuses, c'est qu'il n'a pas été permis de déplacer la peinture ; enfin
pour des raisons matérielles, bien des tableaux ne peuvent être
reproduits en typogravure malgré l'habileté des artistes... » Dans
les pages consacrées à Gand, les auteurs n'ont pas négligé les
peintures de l'ancien réfectoire de l'hôpital de la Byloke, les plus
anciennes peintures murales connues en Belgique (voir Messager des
Sciences, 1834, p. 20 ; 1840, p. 224 ; 1893, p. 498). L'utile et intéressante
publication de MM. Lafenestre et Rechtenberger contribuera à faire
mieux connaître nos richesses artistiques des touristes et étrangers,
et des belges eux-mêmes. D.
Musées. — Un amateur tout récemment décédé à Paris, M. Leroux,
a légué au musée du Louvre une grande tapisserie flamande, du
quinzième siècle, reproduisant presque trait pour trait le Vander
Weyden de Munich : Saint-Luc peignant le portrait de la Vierge.
< On avait, dit le Journal des Débats, ofi'ert 80,000 francs de cette
tapisserie à M. Leroux, qui n'avait pas voulu s'en défaire dans la
généreuse pensée de la réserver au Louvre. »
Académie Royale de Belgique. — Classe des Lettbes. — (Modi-
Hcation au programme.) — Prix Joseph GuntreUe. — 1" « Préparer
une édition critique des « Vies des douze Césars, » par Suétonne. »
2» « Étude sur l'art oratoire, la langue et le style d'Hypéride. »
3° « Étude sur l'organisation de l'industrie privée et des travaux
publics dans la Grèce ancienne, au point de vue juridique, écono-
mique et social. »
Un prix de trois mille francs est attribué à la solution de cette
question.
Divers. — L'on vient de placer dans la salle des bijoux, au musée
du Louvre, à Paris, une merveille de l'orfèvrerie grecque.
C'est un ornement de tête, en or ciselé et repoussé, mesui-ant
vingt-deux centimètres en hauteur, sur quinze à dix-huit centimètres
de diamètre. 11 a la forme d'un pain de sucre et est divisé, à la base,
en sept compartiments, dont le principal possède une série de sculp-
tures empruntées au poème épique : Colère d'Achille. Cette œuvre
est d'une finesse et d'une pureté artistique incroyables, et dans un
parfait état de conservation.
— Valeur des tableaux. — On vient de vendre, au mois de mars
dernier, a l'Hôtel Drouot, à Paris, deux tableaux de Daubigny. L'un,
Salon de 1861, payé au peintre 2,000 fr,, fut adjugé 41,000 francs.
— 84 —
L'autre, Salon de 1869, pour lequel Daubigny reçut 3,000 francs, fut
vendu 16,000 francs.
— Précieux autographe. — Une lettre de Charles Dickens, à son
gendre Wilkie Collins, a été vendue à Sotheby, à Londres, pour la
somme de cinquante livres sterling.
— Le Sultan Abdul vient de remettre, à l'ambassadeur de France,
à Constantinople, un don précieux destiné au Musée du Louvre. C'est
un vase en argent, de Tello, pièce d'origine chaldéenne et un des
premiers spécimen de métal gravé.
— Lors d'une vente d'autographes, à Vienne, un exemplaire du
poème épique Titurel, a été adjugé 5,805 florins. M. Posony, qui pos-
sède une belle collection d'autographes, s'en rendit acquéreur, pour
conserver cet exemplaire unique à la ville de Vienne. Un livre
d'heures du XV^ siècle fut vendu 1.520 florins, le manuscrit culinaire
de Charlotte Buff' (la Lotte du Werther de Gœthe) 100 florins et un
manuscrit de Mélanchton 310 florins.
— Un livre précieux. — On a vendu, à Londres, le Livre
Psaumes, imprimé en 1459 par les Bénédictins de Saint-James, Ce
livre est coté 5,250 livres sterl. (131,2-50 francs). Il est considéré
comme le troisième sorti des presses, depuis l'invention de l'impri-
merie, par Gutenberg.
Il l'emporte de beaucoup, en valeur, sur la Bible de Mazarin,
imprimée en 1466. En 1884, ce Livre des Psaumes fut vendu, à un
amateur, pour la somme de 123,750 francs.
— Une importante découverte archéologique vient d'être faite
dans la ville de Kertch, en Russie.
Un terrassier travaillant au pied d'un tumulus, monuments fort
nombreux en Crimée, mit à découvert un lion de proportions colos-
sales, sculpté en marbre blanc et du plus pur style grec.
La statue qui a sept pieds, plus de deux mètres de longueur, pèse
environ sept mille kilogrammes. Ce qui est remarquable dans la
découverte, c'est que le lion est superbement conservé et n'a subi
aucun dommage. L'œuvre d'art semble dater du VHP ou IX® siècle
avant Jésus-Christ.
On espère que cette belle statue sera placée à l'Emitage, à Saint
Pétersbourg, dans la section des antiquités de la ville de Kertch.
— 85
MANnSCRITS FLAMANDS EN ESPAGNE.
■***-
Il est peut-être un peu tard pour venir parler
du quatrième centenaire de Christophe Colomb.
Mais comme le Messager n'en a pas fait mention,
et qu'à cette solennité se rattache un intérêt tout
spécial pour notre pays, nous croyons qu'on ne
nous en voudra pas de fournir les quelques pages
qui vont suivre.
La Bibliothèque de V École des Chartes, 1893, ren-
ferme un article de valeur de M. P. Durrieux,
intitulé : Matiuscrits d'Espagne re7narquables par
leurs peintures ' .
L'auteur y dit qu'entr'autres manifestations, cet
anniversaire a été l'occasion pour l'Espagne de
réunir à Madrid, dans le palais destiné à la Biblio-
thèque nationale, une exposition historique dont
une moitié était consacrée à l'art rétrospectif
européen. Parmi tous ces trésors une grande
place a été réservée aux manuscrits. La biblio-
thèque particulière du roi, l'Escurial, la biblio-
*■ Manuscrits d'Espagne remarquables principalement par leurs
jjeintures et par la beauté de leur exécution, d'après des notes prises
à Madrid à l'Exposition historique pour le quatrième centenaire de
Colomb, etc.
6
— 86 —
thèque nationale de Madrid, diverses académies,
les bibliothèques provinciales et universitaires et
de nombreux particuliers s'étaient momentané-
ment déj^ouillés en faveur de cette solennité.
Il y avait des manuscrits d'origine française,
d'origine flamande, d'origine espagnole, d'origine
italienne, d'origine allemande, d'origine anglaise
et anglo-normande, tous actuellement conservés
en Espagne.
Nous ne nous occuperons pas de toutes ces
catégories, mais nous croyons intéressant de repro-
duire la partie du travail de M. Durrieux qui
concerne les manuscrits flamands :
MANUSCRITS d'ORIGINE FLAMANDE.
Une observation générale que nous avons faite pour les
manuscrits venus de France peut être répétée d'une ma-
nière plus accentuée encore pour ceux d'origine flamande.
Cette catégorie ne comprend presque exclusivement que
des livres de prières. Je n'ai qu'une unique exception à
signaler. Encore s'agit-il d'un volume appartenant à la
Bibliotheca nacional qui n'a pas été envoyé à l'exposition,
quoique cependant digne à tous égards d'un pareil hon-
neur.
Le volume en question est un in-folio à longues lignes,
d'une grosse et belle écriture gothique flamande, renfer-
mant trois traités de morale religieuse : Saint Augustin,
« Des deulz parlers de l'ame à nostre sire Dieu. » — « Dou-
loureuse complainte de l'homme en l'article de la mort. » —
« Le Miroir de vraie humilité » [XXII]. Son aspect matériel
est identique à celui de ces livres de luxe, exécutés, prin-
cipalement à Bruges, pour les ducs de Bourgogne Philippe-
— 87 —
le-Bon et Charles-le-Téméraire, que se partagent aiijour-
triiui la Bibliothèque royale de Bruxelles et, à Paris, la
Bibliothèque nationale de TArsenal. Le travail de copie est
d'ailleurs de la main du calligraphe le plus employé de la
cour de Bourgogne, le fameux David Anbert. Et c'est pour
un chambellan de Pliilipi)e-le-Bon, Philippe de Croy,
seigneur de Quiévrain, plus tard comte de Chimay, que le
volume a été ainsi transcrit en 1462. Le manuscrit a passé
ensuite au fils du i)remier possesseur, Charles de Croy,
comte et prince de Chimay, puis à d'autres seigneurs
flamands, connus en général, comme les Croy eux-mêmes,
pour leurs goûts de bibliophiles : Philippe de Bourgogne,
seigneur de Fallais, Antoine de Lannoy et Maximilien de
Hornes, seigneur de Gaësbeck. Cette filiation pendant jM'ès
de cent ans découle d'une intéressante série de notes,
d'écritures et d âges divers, qui se succèdent en ces termes
à la fin du volume :
[A la suite du texte, et de la même main : ] Cy fine le
miroir d'humilité, escript et ordonné comme il appert par
le commandement de noble et très preu en armes Monsei-
gneur Phelippe de Croy, seigneur de Kievraing, conseiller
et chambellan de Monseigneur le duc Phelippe de Bour-
goingne et de Brabant, cappitaine gênerai et grant bailly
de son pays de Haynnau. L'an de l'incarnation Nostre
Segneur mil CCCC soixante-deux.
[Signé :] Aubekt, manu propria.
[Au-dessous :] C'est le livre appelle le Mereor d'humilité
011 il y a chincq histores, lequel est à Monseigneur Charles
de Croy, comte de Chimay '.
[Signé :] Charles.
* Philippe de Croj^ seigneur de Quiévrain, ne prit le titre de comte
de Chimay qu'à la mort de son père eu 1472. Chevalier de la Toison
— 88 —
[Plus bas :} En Tan 1542 *, le 4'' de janvier, moy, Anthoine
de Lannoy, l'ay achaté à la maison mortuaire de feu Mons.
de Falais- à la vente publique.
[Signé :] Antoine de Lannoy.
[Plus bas encore : ] Ce livre appartient au s"" de Gasbeque
par le don dudit s"" Anthoine de Lannoy, dernier acheteur,
audit s"" de Gasbeque, en l'an 1565.
[Signé •• ] M . de Hoenes ',
L'origine du volume est également rappelée par la pré-
sence, dans la décoration, du chiffre et de la devise : Mot
SEUL, du premier propriétaire, accompagnés du grelot,
emblème de la famille de Croy.
Quant à l'illustration, elle se compose, ainsi que le
constatait Charles de Croy, de cinq « histoires » ou minia-
tures. Celle-ci sont des grisailles, relevées d'or et de
gouache, avec les carnations peintes. Par le système d'exé-
cution comme par le caractère de la composition elles rap-
pellent beaucoup de peintures d'un des plus beaux manus-
crits cà grisailles qui soit au monde, l'exemplaire de la
Bibliothèque nationale du tome II des Miracles de la Vierge,
composés par Miélot pour Philippe-le-Bon *. Mais la valeur
d'or en 1473, il mourut en 1482. Son fils Charles, comte puis prince de
Chimay, également chevalier de la Toison d'or, fut le parrain du futur
empereur Charles-Quint, à qui il donna son nom. A sa mort, en 1527,
il ne laissa comme enfants vivants que des tilles.
1 C'est-à-dire 1.543 (n. st.).
2 Philippe de Bourgogne, seigneur de Falais et de Sommerdick,
conseiller et chambellan de Charles-Quint, était fils de Baudouin de
Bourgogne, bâtard de Philippe-le-Bon. Il mourut en 1542 sans avoir
été marié. Comment le manuscrit, aujourd'hui à Madrid, avait-il passé
des héritiers de Charles de Croy au seigneur de Falais ? C'est le seul
point que les notes n'indiquent pas.
' Antoine de Lannoy. C'est probablement le seigneur de la Moterie.
— Maxillien de Hornes, seigneur de Gaesbeek, vicomte de Berg-Saint-
Winox, chevalier de la Toison d'or.
4 Ms. franc. 9199.
— 80 -
d'art n'y atteint pas un aussi haut deiçré, et les grisailles
de Madrid, tout en étant d'ailleurs encore fort belles, ne
pourraient soutenir que de loin le parallèle avec les déli-
cieux chefs-d'œuvre du manuscrit de Paris. Il est vrai que
ceux-ci sont d'une classe tout à fait exceptionnelle et dé-
liant presque la comparaison.
La série des livres de prières, à laquelle nous arrivons
maintenant, comprend deux ou trois pièces de tout premier
ordre. Je commencerai par la plus importante, le Livre
d'heures, dit improprement de Jeanne la Folle, ou même
parfois d'Isabelle la Catholique, en réalité de la. reine
d'Aragon Jeanne Henriquez appartenant à la bibliothèque
particulière de Sa Majesté [XXIII] (Expos., sala XVI,
u° 147).
Ce volume, de format in-S^, est recouvert d'une magni-
fique reliure, ornée d'orfèvrerie ciselée etémaillée du XVP
siècle, qui a été attribuée jadis sans aucune preuve àBen-
venuto Cellini'. A l'intérieur, il oftVe l'exemple de la dé-
coration la plus riche, restée généralement dans toute sa
fraîcheur, toute éclatante d'or et de couleurs vives. Indé-
pendamment de vingt-quatre petites miniatures au calen-
drier, Tillustration comprend soixante-douze très belles
peintures à pleine page, se succédant à certains endroits
sans interruption de feuillet en feuillet. Dans trois d'entre
* Cette reliure est reproduite dans l'ouvrage du baron Davillier,
Recherches sur l'orfèvrerie en Espagne (Paris, 1879), p. 73. Suivant
une tradition en cours au XVIP siècle, rapporté par le baron
Davillier d'après une note inscrite sur le volume même, la reliure
aurait été exécutée pour Ferdinand et Isabelle la Catholique, et dorée
avec le premier or venu d'Amérique. Comment les auteurs qui en ont
parlé n'ont-ils pas prêté plus d'attention au grand écusson royal qui
orne le milieu des plats? Le blason émaillé sur cet écusson est
conforme à celui dont nous allons mentionner la présence à l'intérieur
sur les pages du volume, c'est-k-dii-e mi-parti d'Aragon et d'Henriquez.
Il ne peut donc se rapporter ni à Isabelle la Catholique ni à sa fille
Jeanne la Folle.
— 90 —
elles, on voit le portrait de la reine pour (]ui le manuscrit
a été exécuté. Celle-ci est représentée couronne en tête, à
genoux en prière, implorant la Vierge'. Les oraisons du
texte nous apprennent que cette souveraine portait le pré-
nom de Jeanne. Les autres miniatures embrassent la série
des sujets habituels. On peut y admirer surtout des fonds
de paysage ravissants.
Ces miniatures, de même que toute la partie décorative
des bordures, sont du plus pur style flamand, du temps de
Philippe-le-Bon et de Charles-le-Téméraire. Leur exécution
doit se placer vers le milieu ou dans le troisième quart du
XV" siècle. En tout cas, on ne saurait la faire descendre
plus bas que 1480, dernière limite. Cette date suffit pour
exclure le nom traditionnel (Tffeures de Jeanne la Folle,
donné au manuscrit. En 14S0, celle qui devait être appelée
Jeanne la Folle avait tout juste un an! Que le volume lui
ait appartenu ultérieurement, la chose est possible et même
très probable. Mais la reine Jeanne, qui a été la première
à posséder le livre, est sa grand'mère, Jeanne Henriquez,
reine d'Aragon, seconde femme du roi Jean II, et mère
de Ferdinand le Catholique. Cette origine, en dehors de la
question de date, qui serait déjà décisive, est prouvée par
des armoiries très fréquemment répétées dans les bordures.
Ces armoiries, en effet, ne sont pas celles des rois Catho-
liques et de leurs descendants, avec Castille et Léon, mais
le seul blason royal d'Aragon, parti du blason d'Henriquez.
Les miniatures en elles-mêmes ont aussi donné lieu à la
discussion. Le baron Davillier les croyait « exécutées en
Espagne, — probablement en Catalogne^. » Mieux avisés
ont été ceux qui ont songé à un artiste flamand. On peut,
* Deux des miniatures en question ont été photographiées par
Laurent.
2 Recherches sur l'orfèvrerie en Espagne, p. 72, en note.
— 01 —
suivant nous, serrer les choses de bien plus près. Quehjucs
pages du milieu du volume ont été, comme il arrive souvent,
contiées simplement à des élèves. Sauf cette exception,
toutes les peintures révèlent sûrement la même main que
les illustrations d'un des plus beaux manuscrits de la
bibliothèque des ducs de Bourgogne, le tome II des Chro-
niques du Hainaut^. Or, l'auteur de ces dernières est
connu. []\\ texte d'archives nomme, comme les ayant
exécutées vers 1467-1468, Guillaume Vrelant, Wrelant ou
Weylant. C'est donc également à Guillaume Vrelant qu'il
faut rapporter l'honneur d'avoir décoré les Heures de la
reine de Jeanne Henriquez.
Guillaume Vrelant est un des grands noms de l'histoire
de la miniature flamande au XV^ siècle. Il faisait déjà
partie de la gilde des enlumineurs de Bruges au moment
de sa réorganisation, en 1454-145.5. Il cessa d'y payer sa
cotisation en 1481, ce qui nous donne la date approximative
de sa mort. On peut mentionner, comme un des traits inté-
ressants de sa vie, qu'en 1478 il servit d'intermédiaire entre
la gilde et Memling pour la commande d'un tableau votif.
A cette occasion, il eut la bonne fortune d'avoir son por-
trait exécuté par le grand peintre.
Vrelant fut à plusieurs reprises employé par la Cour de
Bourgogne. Les documents nous apprennent que, en dehors
du tome II des Chroniques du Hainaut, mentionné plus
haut, il illustra pour Philippe le Bon, vers 1469, une Vita
Christi. Nous avons pu arriver en outre, par la méthode de
l'étude comparative, à le reconnaître aussi avec certitude
pour l'auteur de plusieurs autres travaux importants d'en-
luminure, que certains historiens de l'art ont voulu à tort
donner à des maîtres différents. Ainsi c'est de lui que sont
les célèbres grisailles de la Vie de sainte Catherine, de
i Bibliothèque royale de Bruxelles, n" 9243.
— 92 —
Miélot, attribuées à Kogiervan der Weyden par Waagen'.
De lui encore l'enluminure du missel de Ferry de Clugny,
cardinal, évêque de Tournai, ce manuscrit de la biblio-
thèque de Sienne, révélé par notre regretté confrère
M. Castan, devant lequel on a prononcé au hasard tant de
noms divers, sauf précisément le seul bon*.
Le fait de l'existence d'un manuscrit enluminé par
Guillaume Vrelant pour une reine d'Aragon laisse à penser.
D'autre part, en parlant des manuscrits d'origine espagnole,
nous aurons occasion de dire que, si parmi les miniatu-
ristes flamands du XV siècle il en est un qui paraisse avoir
exercé une influence plus particulière sur les enlumineurs
de la péninsule ibérique, c'est précisément ce même
Vrelant.
Le maître brugeois ne serait-il pas venu en personne tra-
vailler en Espagne ? On sait combien les artistes k cette
époque voyagaient volontiers. Ceci expliquerait tout. Les
archives de la couronne d'Aragon donneront peut-être un
jour le dernier mot sur la question. Si jamais on y ren-
contre un document attestant la présence, au sud des Pyré-
nées, sous le roi Jean II, d'un enlumineur nommé maître
Guillaume, ce maître Guillaume ne sera autre très vrai-
semblablement, que notre Vrelant.
Pour en revenir aux Heures de la reine Jeanne Henri-
quez, ce superbe volume constitue, du moins dans l'état ac-
1 Bibl. nat., ms. franc. 6449. Nous sommes heureux de nous être
rencontré pour l'attribution de ces grisailles k Guillaume Vrelant
avec le savant et regretté conservateur des manuscrits de la Biblio-
thèque royale de Bruxelles, M. Ruelens.
2 Le marquis de Laborde s'est véritablement montré sévère jusqu'à
l'injustice dans sa critique des œuvres de Vrelant {les Ducs de Bour-
gogne, t. 1, introduction, p. lxxxv-lxxxviii, en note). Assurément
Vrelant n'est pas un de ces grands artistes comme notre Jean
Foucquet. Mais, en somme, parmi les enlumineurs de profession,
travaillant en Flandre au milieu du XV'' siècle, bien peu eussent été
capables de lui disputer la palme.
— 93 —
tuel dans nos connaissances, le chef-crœuvre de Guillaume
Vrelant.
Il a cependant presque son rival, à l'exposition même
de Madrid, dans un autre Livre d'heures à peu près de
même format, également peint par Vrelant, également très
riche en grandes et belles images. Le livre d'heures appar-
tient à la Bibliotheca nacional [XXIV] (Expos., sala
XVIII, u" 110).
Les possesseurs d'origine, un seigneur et une dame, sont
représentés dans une miniature, au verso du folio 25 du
volume, adressant leurs prières à la Trinité. Malheureuse-
ment, il ne se trouve aucune marque distinctive permettant
d'essayer de nommer ces personnages. Ce qu'on sait, c'est
que le volume, avant d'être apporté en Espagne, était
conservé en Flandre et qu'il a passé par les mains de Doiia
Leonor de la Vega.
Indépendamment de sa luxueuse ornementation inté-
rieure, ce second livre d'heures de Vrelant est encore intéres-
sant par son ancienne reliure, très bien conservée. Celle-ci,
en peau, est munie de deux fermoirs de métal doré. Au milieu
de chaque fermoir fait saillie une sorte de chaton, dont le
centre est rempli par une minuscule peinture de forme
ronde, de la main de Vrelant. Au revers des chatons, sur
la face intérieure des fermoirs, on voit, gravé dans un
cartouche circulaire, un monogramme enlacé de rinceaux
d'ornement. La lettre principale (]ui se détache bien nette-
ment dans ce monogramme est un W. On pourrait être
tenté d'y voir l'initiale du nom de l'artiste lui-même, écrit
aussi souvent au moins Wrelant que Vrelant. L'hypothèse
a son côté séduisant. Mais je crois qu'il est plus prudent de
songer d'abord au premier possesseur, qui aura fait exécuter
et relier pour lui le manuscrit.
Il existe une catégorie de délicieux volumes dont les
miniatures sont très près de celles de Vrelant, si même
— 94 —
elles ne doivent être considérées comme des œuvres d'une
première manière du maître brugeois. Ces manuscrits sont
caractérisés par l'emploi, comme note dominante dans le
coloris, d'un vermillon clair et gai, d'une harmonie char-
mante. Le plus beau type peut-être de cette série nous est
fourni par un livre d'heures conservé à Paris à la biblio-
thèque de l'arsenal '. Un Livre d'heures tout à fait voisin de
celui-ci, sous un format un peu plus petit, figure à l'expo-
sition de Madrid, dans la collection de D. Juan José Escan-
ciano (Expos., sala XIX, n° 33) [XXVJ.
Après ces volumes de grand prix, il serait oiseux de
s'arrêter à d'autres livres de prières d'origine flamande qui
n'offrent véritablement rien que de très ordinaire. Je
citerai seulement un Bréviaire^ passé de l'ancienne biblio-
thèque d'Osuna à la Bibliotheca nacional [XXVI], à cause
de cette souscription du copiste, qui accompagne la date
de 1455 : « per manum Johannis, magistrj ordinis fratum
heremetarum Sancti Augustini, de Gandavo in Flandria,
completum Brugis. » Cette note apporte une nouvelle
preuve des rapports constants qui ont existé, au point de
vue de l'industrie du livre à la main, entre Bruges et Gand,
copistes et enlumineurs nés dans l'une de ces villes allant,
comme on le voit ici, travailler dans l'autre, et récipro-
quement.
Bien plus digne de notre attention serait un Livre
d'heures des bibliothèques de l'Université centrale de
Madrid, Faculté des sciences [XXVII] (Expos., sala X,
n" 21). De format petit in-8°, ce livre d'heures est orné de
trente-sept peintures en grisaille annoncées comme très
belles. Des circonstances particulières indépendantes de
l'extrême bonne volonté de mes hôtes, ne m'ont pas permis
malheureusement de le feuilleter. La page à laquelle le
1 N» 652 (ancien 271, T. L.).
— 95 —
manuscrit se trouvait ouvert sous vitrine rappelait sensi-
blement les camaïeux d'Alexandre Bening dans le livre de
la Vita Christi, qui vient de Louis de Bruges *. Mais il
aurait fallu un examen plus complet pour se prononcer. Ce
que nous pouvons dire, c'est que le volume a une excellente
provenance. Il porte, dans sa décoration, les armes de la
famille Rollin. Or, on sait combien l'amour des arts était
vif et éclairé chez les membres de cette famille bour-
guignonne, à commencer par le chancelier de Pliilipi)e-le-
Bon, qui a la gloire d'avoir commandé à Van Eyck la
Vierge au donateur du Louvre, et à Rogier van der Weyden
le Triptyque de Beaune.
Ce manuscrit, en nous amenant à prononcer le nom
d'Alexandre Bening, nous conduit à un nouveau groupe de
manuscrits flamands à miniatures. Ils s'agit des productions
de cette grande école ganto-brugeoise, qui naît dans les
dernières années du XV" siècle et jette un si vif éclat avec
les Bening et leurs rivaux, les Horebout, en produisant,
entre autres œuvres capitales, le Bréviaire Grimani.
De maître Alexandre Bening lui-même, en laissant de
côté la question relative aux Heures de Rollin, l'exposition
de Madrid ne nous a rien offert, pas plus que l'Escurial ou
la Biblioteca nacional. Mais je puis signaler, comme
existant à Madrid, une belle miniature isolée du maître,
sans doute enlevée à quelque grand livre de dévotion, qui
fait partie des si précieuses collections de M. le comte
de Valencia [XXVIII]. Cette miniature figure le triomphe
de l'Agneau. Le choix seul de ce sujet trahit chez l'habile
miniaturiste ganto-brugeois Tinfluence de l'immortelle
création des Van Eyck à Saint-Bavon.
1 Ms. franc. 181 de la Bibl. nat. — On trouvera la reproduction
d'une des belles grisailles de ce manuscrit dans notre travail sur
Alexandre Bc ni lu) et les peintres du bréviaire Grimani. Paris, 1891,
gr. in-8° (extrait de la Gazette des beaux-arts, n"^ de mai et
juillet 1891).
- 96 —
Le fils d'Alexandre, Simon Bening, est au contraire, à
notre avis ', représenté à l'exposition, dans les vitrines de
la Biblioteca nacional (sala XVIII, n» 113), par un délicieux
bijou, un petit Livre d'heures rempli de miniatures de la
plus exquise tinesse [XXIX]. Tantôt ces peintures forment
tableau principal au milieu de la page, tantôt elles se déve-
loppent en bordures couvrant les marges. Toujours elles
se distinguent par des qualités de charme et de délicatesse
hors ligne. Rarement Simon Bening a été mieux inspiré et
mieux servi par son remarquable talent d'exécution. On
voudrait pouvoir connaître le premier possesseur de ce
ravissant volume. Son chiffre, que l'on trouve sur les
feuilles, consistait en deux I gothiques; il avait pour
devise : Vostke demeuee. C'était vraisemblablement
quelque seigneur flamand. Toutes les rubriques du texte
sont en langue française, de même au calendrier la liste
des saints; parmi ceux-ci, on doit noter copime trait local
la mention de sainte Aldegonde. Ces diverses indications
mettront peut-être un jour sur la voie de la solution
cherchée. En dernier lieu, le livre d'heures peint par
Simon Bening est venu de la Bibliothèque du chapitre de
Tolède.
Du chef de la famille rivale des Bening, de Gérard
Horebout, l'exposition de Madrid montre, suivant nous ^,
1 Le rapprochement de ce livre d'heures avec la grande miniature
du missel de Dixmude, laquelle est authentiquée par un texte
d'archives, nous paraît ne laisser aucun doute sur la légitimité de
notre attribution à Simon Bening.
2 L'attribution découle de la comparaison avec les miniatures de
plusieurs manuscrits, dont les documents permettent de restituer la
paternité à Gérard Horebout, tels que VHortiilus aniniœ de Marguerite
d'Autriche, de la Bibliothèque impériale de Vienne. La provenance
du triptyque de l'Escurial n'est malheureusement pas connue. On
suppose qu'il a dû venir a Philippe II, comme le manuscrit de
VApocali/psf figurée, en dernier lieu de la reine Marie de Hongrie, la
nièce de Marguerite d'Autriche.
— 97 —
une œuvre incontestable et d'une importance rare. Elle
consiste en trois miniatures, ou, si l'on veut, en une triple
miniature, de très grandes dimensions et de l'exécution la
plus fine. Ce morceau est peint sur parchemin, avec la
même technique et le même caractère que les miniatures
placées dans les manuscrits. Mais l'artiste ne l'a pas
exécuté en vue d'illustrer un volume. Il s'est proposé de
faire un véritable tableau analogue aux peintures sur
panneau ou sur toile. Son œuvre se présente en consé-
quence montée dans un cadre et formant triptyque à
charnières (Expos., sala XVI, no 173) [XXX]. Ce triptyque
est en temps ordinaire conservé à l'Escurial, dans la
chambre aux reliques. La partie centrale, la plus grande,
montre Saint-Jérôme en prières, dans un paysage d'une
profondeur et d'une variété de détails inouïes. Sur le volet
de gauche est le départ de la Sainte-Famille pour l'Egypte ;
sur celui de droite, Saint-Antoine de Padoue debout,
portant sur un livre l'enfant de Jésus '. On peut admirer
également, dans ces deux volets, des fonds de paysage
analogues à celui de la composition centrale.
L'inspiration, l'originalité de création et surtout l'émo-
tion communicative manquent à parler franc dans cette
œuvre de Horebout. Mais, comme habileté de main, comme
fini et prodigieuse patience du pinceau, on ne peut rien
voir de plus achevé en son genre.
Cette manière de constituer de vrais tableaux indépen-
dants, avec des miniatures sur parchemin, fut plus d'une
fois appliquée en Flandre. Et généralement c'est aux
enlumineurs les plus habiles qu'on s'est adressé. A l'expo-
sition même de Madrid, on en trouve un exemple remar-
quable dans un envoi de D. Luis du Ezpeleta. Il s'agit
^ Le triptique, mesure ouvert, 0'"39 de haut sur 0'"70 de large. Il a
été photographié par Laurent, n» 1540.
— 98 —
d'une grande miniature en hauteur, cintrée du haut,
exécutée avec une science consommée de métier, dans une
tonalité très douce et harmonieuse. Elle représente
V Annonciation (Expos., sala XX, n" 158) [XXXI].
Ce qui est tout à fait intéressant, c'est que cette A^itioyi-
ciation isolée est, pour la composition, exactement la même
(jue l'on trouve, avec une échelle différente, dans le Bré-
viaire Grimani ', Ce sont deux épreuves d'un même modèle.
En les comparant entre elles, l'avantage reste à la minia-
ture de D. Luis de Ezpeleta. C'est à elle, si on voulait à
toute force prononcer les mots relatifs d'original et de
copie, que reviendrait le droit à la première désignation.
Mais à vrai dire, la miniature de l'exposition ne me paraît
être, elle aussi, tout comme limage du Bréviaire, qu'une
répétition d'un type primordial restant encore à retrouver.
Dans tous les cas, l'existence de cette comi)osition de
V Annonciation sous forme de tahleau séparé apporte un
élément précieux pour la discussion critique des peintures
du Bréviaire Grimani au point de vue de leur réelle valeur
esthétique. On trouve là un argument nouveau à ajouter à
bien d'autres pour avancer que, dans plusieurs de ses
parties, le fameux Bréviaire n'est pas une création origi-
nale, mais une sorte d'album de copies, une collection
d'imitations d'après des œuvres alors en vogue, prises un
peu de côté et d'autre. Ainsi s'expliquent ces ressemblances
que l'on a constatées entre certaines pages du Bréviaire
Grimani et certains panneaux de l'école flamande. De ces
ressemblances, il ne faut nullement conclure à l'identité de
main. Telle image du Bréviaire peut dériver, par exemple,
de tel tableau de Gérard David sans que pour cela ce soit
Gérard David lui-même qui l'ait tracée dans le volume.
i Planche LXVI de la repoduction photographique du Bréviaire
Grima ni, par Perini.
— 99 —
L'auteur d'une copie n'est pas forcément l'auteur de
Torginal. C'est même généralement bien plutôt le contraire.
Mais revenons à notre sujet en reprenant la série des
manuscrits proprements dits.
Parmi les maîtres de l'école ganto-brugeoise autres que
les Bening et les Horebout dont la personalité s'est dérobée
jusiiu'ici à toutes nos tentatives de détermination, un des
plus anciens et ])lus dignes d'estime est un miniaturiste
auquel on doit de charmants illustrations dans un Bré-
viaire de notre Bibliothèque nationale (ms. latin 1314),
et aussi, ce me semble, quelques-unes des images de très
beau manuscrit de la Bibliothèque impériale de Vienne,
appelé par M. de Chmelarz le « cousin du bréviaire
Grimani ' . » L'Escurial possède de ce maître une excellente
série de miniatures dans un Livre d'heures de petit format,
avec calendrier à l'usage de Bruxelles, passant pour avoir
appartenu à Isabelle la Catholique (Escurial, iii, E, 2)
[XXXIII]. Nous avons si peu d'indications sur l'enlumineur
en question que toute particularité pouvant le concerner
devient intéressante. Il n'est donc pas indifférent de noter
dans le Livre d'heures de l'Escurial la présence d'une
date. Dans la bordure qui accompagne la Résurrection de
Lazare, on lit, écrit sur une banderole : « Respice finem.
1486. »
Dans le même groupe toujours, un Livre d'heures envoyé
à l'exposition par la Bibliothèque de l'Université centrale
de Madrid (sala X, n" 18) [XXXIII] n'est qu'une production
ordinaire dans le goût de l'atelier des Bening. Mais trois
volumes de la bibliothèque de l'Escurial [XXXIV] doivent
être tirés à part pour la beauté de leurs miniatures : un
* Voir, sur ce manuscrit de Vienne, Eduard von Chmelarz, Ein
Verwandter des Brevarium Grimani dans le Jahrbuch der kunst-
historischen S(tm>nhmgen des AJlerhochsten Kaiserhauses, t. IX,
p. 429 (Annuaire des collections impériales d'Autriche).
— 100 —
recueil de Prières spéciales pour les navigateurs (iii, E, 6),
manuscrit composé et dédié à Charles-Quint, à qui il a été
offert, par un certain « Robertus Gandensis » ; — un £re-
viaire (iiii. H, 1) avec calendrier à l'usage d'Espagne, mais
certainement fait en Flandre, de format petit in-S»,
singulier par son extraordinaire épaisseur ' ; — enfin un
Livre d'heures ayant été à l'usage du roi Philippe III *.
Dans ces deux derniers manuscrits, les miniatures se dis-
tinguent à la fois par la douceur et l'harmonie de leur
coloris et par le caractère très réaliste et souvent vulgaire
donné aux têtes des personnages. La réunion de ce double
caractère marque en général les œuvres des artistes qui
ont plutôt vécu et travaillé à Gand même.
D'une date plus récente que tous les manuscrits précé-
dents, mais toujours antérieure à la seconde moitié du
XVP sicle, est un Livre de prières de Vempereur Charles-
Quint, exposé par D. Martial Lopez de Aragon (sala XX)
[XXXV]. L'admirable exécution de ce maniiscrit et surtout
la beauté de dessin et la finesse de touche de ses miniatures
en font encore une pièce du plus grand prix, sans parler
de l'intérêt de sa provenance certaine. Dans une des pein-
tures, Charles-Quint est représenté en grand costume
impérial, priant à genoux sous la protection de son bon
ange. Par la qualité d'art de toute la décoration, aussi bien
que par son caractère où perce, sous la fidélité aux vieilles
traditions, la tendance vers le style dit de la Renaissance,
ce livre d'heures est une sorte de pendant des admirables
Heures de t empereur Ferdinand, dans l'ancienne collection
d'Ambras, aujourd'hui au Musée impérial de Vienne.
1 Ce bréviaire est trois fois plus épais qu'il n'est haut. Ses feuillets
sont au nombre, relativement énorme pour im seule tome, de 1645,
soit près de 8,300 pages.
2 L'une des miniatures des Heui-es de Philippe III a été photogra-
phiée par Laurent, n" 643.
— 101 —
Les Heures de Charles-Quint sont dignes de clore la série
qui s'ouvre par les Heures de la reine Jeanne Henriquez.
Nous nous arrêterons, nous bornant à mentionner pour
mémoire un ])etit Recueil de ^trières, dans le goût des
manuscrits de Jarry, copié à Bruxelles en IGGT (coll. de
M. Villa-amil, Expos., sala XXII, n" 239) [XXXVI].
— 102 —
L'INVENTAIRE
DES
MEUBT.KS DÉLAISSÉS,
LORS DE SOIN EMTRÉE EN RELIUrON,
PAR
Antoine d'Arenberg, Comte de Seneghem •.
(F» 92 r") — Seize Emprintes des Villes que les Hollandois ont
prins en diverses années Asscauoir
La ville de Rimbergh
Le fort St-Andrieu
La ville de Steenwick
La ville de Hulst
La ville de Nimmeghe
La ville de Geertruydenberghe
La ville de Deuenter
La ville de Zutslande
La ville de Couuorde
La ville de Meurs
La ville de Grol
La ville de Breuort
* Suite. — Voir Messager des Sciences, 3^ livraison 1895, p. 237.
— 103 —
La ville D'Enschede
La ville de Liughen
Et plus vue du siège de Bommel,
(F" 92 V") — Instrumena de Géométrie de Cuiure.
Premièrement vue bossela auecq son encasse vérins et
appertenances olometralles
Vn instrument a mesurer le pas ou itinéraire
Vn gadran solaire vniuersel ad omnes eleuationes poli
Vne horologe ad dignoscendum horas ad stellas et lunam
auecq sa boitte particulière auecq l'aiguille aimantine
Vne aulne ou mesure qui se diuise en plusieurs pièces
auecq ses punnacides pour seruir de compas
Vn lineal vertical et liorisontal
Deux grandes compas d'vne mesme façon Tvn ad diuiden-
dum circulum in quasuis partes l'autre ad diuidendum
lineas auecq leurs petis compas duquel Ton prend lesdites
partitions sur iceulx
Vn Compas auecq ses dimensions arrestées en resort
Vn compas auecq les trois poinctes a escrire a plomb et
encre
Cincq compas contenans chacun vne dimention ligneale
assauoir vne simple, depuis vn double triple quintuplicque
sextuplicque
Vn compas en ciseau auecq son Arrest a vérin
Vn compas contenant les dimensions d'vne ligne depuis
1 jusques a noeuf.
(F" 1)3 r") — Vn Compas à mesurer des iigures sphe-
ricques.
Deux grands compas l'vn auecq ses dimensions règles et
espicilles seruant pour fortification
Vn compas qui se peult ouurir et serer a vne main
Deux compas pour escrire auecq encre
Vn compas pour escrire auecq plomb de mine
— 104 —
Vn autre compas simple
Linea fortificatoria
Deux lignes auecq leurs dimensions
Vue ligne auecq son esquarre de la mesme façon
Sept plumes ou stiles de diuerses façons a escrire a encre
plomb de mine et lignes sourdes
Deux ligne a esguiser le crion
Des ciseaux lancettes canniuet
Vn instrument de cuiure nommé lesquarre Geometricque
auecq la pièce pour mectre au baston pour le soustenir
Item vne longue platte pièce de bois qui se plie en deux
aiant a chasque boult vu pincel
Deux autres pièces de bois je ne scay a quel vsage
Vne longue pièce qui se deffaict en deux aiant a Tvn de-
bout trois poinctes de fer et a Taultre vn vérin de cuiure
Vne autre pièce de cuiure pour mectre sur vn bastcm
Vne lampe de cuiure au boult d'vn baston pour porter
contre le vent et contre la pluye
Treize fers pour presser du satin
(F° 93 v") — Les Instrumens Mathematicques.
Premièrement en vne casse y est vne escriptoire complète
scauoir, la boitte a l'encre et sablon d'argent, les coutiaux
ciseaux et percelers d'acier la manche dairain
Item il y at vue aultre casse ou il y a deux instrumens
scauoir
Dioptra Holometrica
L'instrument de Cranendoncq.
Item en la mesme casse dessus lesdicts instrumens y at
huict pièces
Deux Compas pour l'art de nauiger
Quattre Compas a partir quelque chose en 2. 3. 5. 7.
parties
Instrument familiair
— 105 —
Vil compas en forme d'vne efforehe
Deux poinçons l'vn d'airain et laultre d'acier
Trois traciers d'encre
Vn marcq plomb
Vne lime
Item vne autre casse aiant embas dix pièces
Vne fausse esquaire
Vn niueau
Vn instrument pour l'artillerie
Vne ligne
Vne esquarre commune
Vn compas a partir des lignes.
(F° 94 r") — Vn demy cercle quy serue au dioptra holo-
metrica
Vne règle a partir les cercles
Vne règle a partir les lignes
Vne règle pour faire des gadrans a soleil
Item en la mesme casse au dessus y a dix pièces
Vn grand compas a escrire
Vn grand compas
Vn autre grand compas a marcquer auecq encre
Vn grand compas a marcquer auecq du plomb
Vn grand compas auquel serue vng demy cercle
Vn grand compas à 3. poinctes
Vn grand compas pour prendre le diamètre des bouUets
Vn petit compas
Vn petit compas a escripre
Vne ligne contenante trois pièces quy seruent de Baridus
Jacobi, auecq 4. diuerses pointes
Item une aultre casse ou il y a des fiolles de cristal.
Item deux autres casses pour y mettre ce qu'on veult
— 106 —
(F" 94 v") — Aultres Instrumens mathématiques
Dioptra lienrica
Llnstriimeut de Cranendoncq
Vil grand niueaii qui seruira desquarre
Vne platinne j^our des horologes
Vn grand compas a trois poinctes
Vn aultre compas en forme d'efforclie
Vne petite règle de bois de rose
Vn Ciseau
Vn marcq plomb
Vn autre instrument pour marcquer auecq de l'encre
L'escriptoire
Vn instrument rond ou il y at ensemble des traces
plumes de plomb, et un canniuet.
(F« 95 r») — Les Quadrans de mer et aultres Instruments
mathemathiques .
Premièrement vn guadran de mer en quarrure aiant la
casse paincte et dorrée
Vn autre guadran de mer en rondeur aiant la casse de
cuiure
Vn aultre instrument de 1er aiant vne grande ronde
platine de cuiure et 14 aultres pièces de
dépendantes
Vn autre instrument de cuiure en quarrure aiant une
esguille daimant au millieu
Vn autre guadran de mer en quart de cercles de cuiure
aiant vne longue verge de cuiure auecq des puneles.
Vn casse de bois s'ouurant de deux costez en forme
d'astralialle
Vne Sphère marcquée sur vne boulle
Vne aultre espèce de guadran marqué sur du carton
painct et dorré
— 107 —
Vn aiiltre instrument contenant cincq longues pièces de
bois dont a l'vne y at une pièce de cuiure au milieu et a
chasque bout une punelle de cuiure
Trois longz et larges lignales l'un plus grand que l'aultre
Vne aultre longue pièce de fer en forme de marteau
Trois autres bastons qui sont défont auecq vn vérin par
le milieu
(F» 95 v°) — De toutes sortes de Drogues medecinales.
Premièrement vne petite fiolle auecq du baulme de S. A.
De la pierre bizart de S. A. S,
Vn petit pot d'eau de Canelle
Vn papier auecq de la pierre bizart
De la terra sigillata
De la corne D'Elan
Trois pièces de licorne
Du pain bénit de Saint Nicolas pour la peste
Vn potequin de metridat
Du rebarbari.
Aagarici
Mirchoacum.
Triade de Venize
Vnguent verd pour la foulure
Diaphamconis
Diacutholicomo
Electuarium vite contre la peste
Electuarium contre la mesme
Electuarium vite pour le mesme aiant vn papier pour
scauoir euiter
Vn pot de syrop pour la grauelle
Syrop de nigibus en fiolle
Syrop de roses laxatiue en fiolle
Syrop de roses laxatiue en vn pot
De la graisse de chat saunage
— 108 —
Vne petite boitte auecq de la graise de mouton
De l'eau distillé de Monsieur D'Assonuille
Vne boitte de traganta
Deux boittes de manna
(F" 96 r») — Les Armes et Pistollea
Premièrement trois rondaces besoignez d'ouurage des
indes
Trois autres de fer bien trauaillez et dorrez.
2. corseletz auecq leur équipage
Un Casque semblable a la grande rondace
Deux aultres Corseletz noirs simples auecq les adve-
nances.
Deux espees pour escrimer et 3. poignardz
Deux lances pour courre la bague
Trois couples de pistolles
Dix grandes harquebuses
Cincq Casquettes
(Même page) — Les Selles de Cheuaulx
Premièrement vne selle de velour rouge brodée de cordon
dor avecq des frange or et soye incarnate auecq sa couuerte
Vne de velour noir passementee de grand passement dor
auecq sa couuerte
Vne de velour noir brodée de soye noir auec sa couuerte
Vne selle D'Armes jaulne auecq des franges et couuerte
Vne selle de marocquin noir d'armes bordée de velour
noir a franges noires.
(F» 96 v») — Vn Coussinet de Poste
Vne aultre selle de velour bleu avecq vne piccure dor et
bleu et les franges de mesme
Vne selle de velour noir avecq vn passement d'argent
Vne aultre de marocquin brodée de velour auecq des
franges noires tout allentour
— 109 —
Vne housse de velour noir auecq ciiKi passementz
d'argent auecq vne frange d'argent et soye noire
Vne housse de drap noir.
(Même page) — Les Harnassures
Vne harnassure de velour noir auecq du passement
d'argent
Diuerses sortes de harnassures la genette de soye et
autres choses
Diuerses harnassures de cuir et de velour pendant au
Cabinet de deuant la Garderobe
(Fo 97 r») — L'Estain
Premièrement 2. douzaines et demy de platz de diuerses
grandeurs.
Item 3. douzaines et 1. assiettes
Vne canne de trois potz
Vn pot de lot
2. D'vn lot
2. D'vne pinte
2. Sallieres
2. Gobletz
1. petit bassin
2. potz de Chambre
5. cuillieres
(A suivre.)
B"" François Bethune.
110
VARIETES.
Frais de l'installation de Joseph II en qualité de
COMTE DE Flandre. — Quand nos anciens souverains
étaient installés solennellement en qualité de comtes de
Flandre, cette cérémonie se faisait avec une pompe extra-
ordinaire. Les frais de l'inauguration, qui étaient considé-
rables, étaient supportés par les Etats de Flandre. La
bibliothèque de la ville de Gand possède le compte détaillé
de ce qu'a coûté l'inauguration de Joseph II. Cette céré-
monie eut lieu le 31 juillet 1781 et les États de Flandre
dépensèrent de ce chef la somme de 113,728 florins soit
au-delà de 200,000 francs de notre monnaie • .
L'empereur Joseph II était représenté par son beau-
frère, le duc de Saxe-Teschen, gouverneur général des
Pays-Bas autrichiens. Le duc et sa femme, l'archiduchesse
Marie-Christine, arrivèrent la veille à Gand et descen-
dirent, selon l'usage, à l'abbaye de Saint -Pierre. Le
lendemain, 31 juillet 1781, le duc, accompagné d'un nom-
breux cortège, se rendit au marché du Vendredi où un
théâtre, richement décoré et de proportions énormes, était
dressé à l'extrémité de la place du côté de l'église de
Saint- Jacques.
C'est sur ce théâtre que le mandataire de Joseph II
1 Le florin vaut 1,80 fr. Il se divisait en 20 sous, et le sou en
12 deniers.
— 111 —
devait, au nom de son souverain, jurer fidélité aux lois et
aux privilèges du peuple flamand, et recevoir à son tour
le serment des membres des États de Flandre.
Le cortège était d'une richesse et d'une magnificence
dont il est difficile de se faire une idée aujourd'hui.
En tête marchait un détachement de dragons, suivi du
timbalier et des trompettes de la ville à cheval. Après eux
venaient les quatre chefs-confréries d'armes de Saint-
Georges, Saint-Sébastien, Saint-Antoine et Saint-Michel,
précédant les bouchers et les poissonniers tous à cheval et
revêtus, les premiers d'un uniforme vert avec brande-
bourgs en or, et les seconds d'un uniforme bleu avec galons
en argent.
Les autorités, en carrosses à deux chevaux, venaient
ensuite. Parmi elles figuraient : les députés des villes et
des chatellenies de Flandre, les nobles titrés, les délégués
du clergé, les abbés, les évêques, A côté des voitures mar-
chaient des laquais la tête découverte. Le marquis de
Becelaere, portant le grand étendard de Flandre, était à
cheval entouré de hérauts d'armes.
Devant le carrosse du duc de Saxe-Teschen, traîné par
six chevaux, marchaient la livrée, les coureurs et les pages
de la cour. La voiture était entourée et suivie par les halle-
bardiers et par la garde noble des archers.
Les hauts dignitaires de la cour à cheval et un détache-
ment de dragons fermaient le cortège.
A leur arrivée au marché du Vendredi, toutes les auto-
rités, qui avaient figuré dans le cortège, prirent place sur
le théâtre, au milieu duquel se trouvait le portrait en pied
de l'empereur. Après la cérémonie de l'installation et de
la prestation du serment, on se rendit à la cathédrale de
Saint-Bavon pour assister au Te Deum, et de là à l'hôtel
de ville où un banquet de 180 couverts était préparé
dans la Cavalcadehamer . Le soir représentation de gala
— 112 -
suivie de bal au grand théâtre, illumination générale, feu
d'artifice au marché du Vendredi , concerts à la place
d'Armes, etc., etc.
Le compte, dont nous parlions plus haut, est intitulé :
« Reheninge Generael der Inauguratie van Keyser Joseph
als Graeve van Vlaenderen op 31 July 1 781 ». Il est divisé
en 19 chapitres et transcrit dans un cahier de vingt pages
in-folio. Nous allons le parcourir rapidement en relevant
les articles qui, par leur importance ou leur originalité,
méritent de fixer l'attention.
Un article de dépenses, qui revient plusieurs fois, est
celui relatif à certains meubles intimes qu'on plaçait dans
tous les endroits oii leur usage pourrait être réclamé. Voici,
par exemple, ce que nous trouvons pour la Cavalcadekamer
de l'hôtel de ville :
« Betaelt aen S'' Cante over leveringe van vier chaisen-
percées 243-9-10
(■(Betaelt aen de W" GuersouUle voorAet behleeden van
chaisen-percées 66-11-00
Ces meubles indispensables faisaient partie intégrante
des bagages des grands seigneurs et des personnages de
distinction. C'est ainsi qu'au chapitre des dépenses occa-
sionnées par le voyage à Oordeghem des députés des États
de Flandre qui allaient à la rencontre du duc et de l'archi-
duchesse, nous trouvons un article libellé comme suit :
« Betaelt aen S''^ Blaere en Knockaert meesters hehangers
over emballage van eenige goederen naer Oordeghetn en leve-
ringe van eenige loaterpotten, chaisen-percées, etc. 39-3-6
Nous demandons pardon au lecteur de nous être arrêtés
un moment à ces détails, quelque peu réalistes. Nous avons
cru devoir le faire, parce qu'ils nous ont semblé se rattacher
d'une façon étroite à la vie intime et aux mœurs des gens
du grand monde de cette époque.
— 113 —
Le théâtre du marché du Vendredi, sur lequel se fit la
cérémonie de Tinauguration, coûta 37544 florins, soit au-
delà de 67,500 francs de notre monnaie. La charpente seule
coûta 5200 florins. Les étoffes et les draperies, qui garnis-
saient le théâtre, figurent dans le compte pour la somme
de 17,103 florins :
« Item aen Sieur Cante over leveringe van stoffen en
galonnen voor den theater de somme van . . 17163-11-6
La peinture du théâtre, exécutée par des artistes de
Gand, de Bruges et de Bruxelles, coûta 4223 florins. Le
peintre gantois, Pierre van Reysschoot, auteur des gri-
sailles qui ornent le chœur de la cathédrale de Saint-Bavon,
reçut 630 florins pour un tableau placé sur le théâtre et
représentant la cérémonie de l'inauguration :
« Item aen P'' van Reysschoot over het stuch op den
theater verheeldende de hiddinge .... 630-18-00
On consacra 6311 florins à l'illumination de la place
d'Armes. Dans cette somme nous trouvons 2500 florins
pour la charpente, houtwerk^ probablement les pyramides,
les arcades, les mâts, etc., et 2800 florins pour les lampions.
Il y avait un orchestre à chaque extrémité de la place.
Le banquet, qui se donna à l'hôtel de ville dans la salle
de la cavalcade, coûta, tous frais compris, la somme
respectable de 13,894 florins, soit au-delà de 25,000 francs
de notre monnaie. C'est un joli denier !
Sur la table parurent dix-sept espèces de vins, désignés
dans le compte sous les dénominations suivantes que nous
copions textuellement : « Tokai, Cap rouge, Cap blanc,
Champagne blanc mouseux, Champagne roussat mouseux,
Malvoisi de Madère, Peccaret, Cote rôtie de Dauphiné,
Medoc flne, Volenai P (jualité, Hochemer du Rhin, Moselle,
Moselle commune, Sileri vieux, Ingrande ». Quant aux
— 114 —
liqueurs, on en but de neuf sortes : « Anisette, marasquin,
Rosolie (probablement huile de rose (Rosoglie), en flamand
roosoUe), eaux de noyaux, quatre fruits, huile S* Louis,
Cedra, Marasquin de Nancy, Eau d'or de Nancy ».
La représentation de gala et le bal au théâtre de la
confrérie de Saint-Sébastien coûtèrent au-delà de 300U flo-
rins. On paya GlOO florins pour le feu d'artitice tiré le même
soir au marché du Vendredi.
Sous le titre de gratificatien, honorairen, etc., est émargée
la somme de 13,642 florins, gracieusement remise à diffé-
rents hauts personnages et fonctionnaires qui prirent part
aux cérémonies de l'inauguration : prélats, grands-baillis,
bourgmestres, conseillers pensionnaires, prévôts ecclé-
siastiques, etc.
Un chapitre de dépenses intitulé : Portretten van Z. M.
den Keyzer nous api^rend que neuf portraits de l'empereur
Joseph II furent peints à cette occasion et offerts à titre de
souvenir. Le compte ne nous donne pas les noms des per-
sonnes qui furent l'objet de cette haute faveur, il se borne
à dire : « Om te distrihueren aen dlieeren van de vergade-
ringe ». Ce travail fut confié aux peintres Bailly et de
Maere.
Dans notre Essai historique sur les Expositions d'art à
Gand (171)2-1892) nous avons fait mention de deux peintres
établis à Gand et portant le nom de Bailly, Joseph et Simon,
qui ])rirent part au concours de peinture organisé ])ar
l'Académie, à l'occasion de la première exposition d'œuvres
d'art ouverte à Gand aux mois de mai et juin 1792. Joseph
Bailly fut proclamé lauréat et obtint le prix consistant
en une médaille en or de la valeur de 6 livres de gros, soit
environ 65 francs de notre monnaie. Dans le catalogue de
l'exposition de 1792, Beschryving der Pronkzael geopent
op het stadhuys van Gend den 30 Mey 1792, nous voyons
figurer un peintre de Saint-Nicolas, P. B. de Maere, qui
— 115 —
exposa trois tableaux parmi lesquels un portrait de TEm-
pereur Léopold II, successeur de Joseph II.
Il est plus que probable que les deux Bailly et de Maere
sont les auteurs des portraits de l'empereur Joseph II
offerts aen d''heeren van de vergaederinge. Ces portraits
existent-ils encore? Et dans l'affirmative où se trouvent-ils
en ce moment?
Ainsi qu'on avait coutume de le faire en de pareilles
circonstances, des médailles commémoratives furent frap-
pées à l'effigie de l'empereur. Le revers représentait la porte
d'entrée du château des comtes. Le chapitre intitulé Zaei-
penningen mentionne qu'on frappa à Bruxelles 259 mé-
dailles en or et 518 médailles en argent, qui coûtèrent la
somme totale de 4831 florins. On rencontre des exemplaires
de ces médailles dans les dépôts publics et dans beaucoup
de collections particulières.
On a souvent fait ressortir les fastueuses habitudes de
nos ancêtres. Les détails que nous venons de donner sont
une nouvelle preuve des sacrifices pécuniaires qu'ils savaient
s'imposer pour satisfaire leurs goûts luxueux.
PiiospER Claeys.
Conflits eelatifs aux enterrements. — Bien souvent
des conflits, suivis de procès, éclataient autrefois entre les
curés des différentes paroisses de la ville, ou entre les
curés et les supérieurs des congrégations religieuses, sur
le point de savoir à quelle église ou à quel couvent apparte-
nait le droit de déposer dans son cimetière la dépouille
mortelle d'une personne décédée à Gand.
Faute de s'entendre, les parties introduisaient une action
en justice et c'était finalement le Conseil de Flandre qui,
par arrêt, décidait dans quel cimetière le corps litigeux,
— 116 -
s'il nous est permis d'employer cette expression, devait
être enterré. Pendant la durée du procès, le cadavre était
provisoirement déposé dans un cimetière neutre, désigné
par le Conseil de Flandre.
Le Memoriehoek de 1510 nous a conservé le récit d'un
conflit de ce genre qui s'éleva entre le curé de la paroisse
de Saint-Sauveur et le supérieur des Dominicains ou
Jacopyrien, ainsi qu'on désignait également ces religieux.
Au mois de janvier 1510, le curé de Saint-Sauveur fit
enterrer dans le cimetière de son église un habitant de
la rue des Remouleurs, nommé Jacob de Pape. Le supé-
rieur des Dominicains protesta contre cette inhumation,
sous prétexte que le défunt faisait partie de la confrérie de
Notre Dame « vander Hoeykene », et que ses ancêtres
avaient toujours été inhumés dans le cimetière du couvent.
L'affaire fut portée devant le Conseil de Flandre qui,
avant de faire droit, ordonna de déterrer le cadavre de
Jacob de Pape et de le déposer provisoirement dans le
cimetière du couvent des sœurs Colettines de Bethléem ou
de Sainte-('laire.
« Item luas gheordonneerty dit le Memoriehoek, den zelven
te ontgravene in eene niemver plaetse f sente Claren, achter
de maert te Coletten in Bethelhem totten sententie definityve
ende lach daer hegraven zeven loeken ».
Le 18 février 1510, le Conseil de Flandre rendit un arrêt
interlocutoire longuement motivé, par lequel il donnait
gain de cause au supérieur des Dominicains et ordonnait
que le cadavre de Jacob de Pape serait enterré dans le
cimetière attenant au couvent de ces religieux. Ce ne fut
que le 10 mars suivant, probablement après la signification
de l'arrêt, que l'inhumation eut lieu.
Cette macabre cérémonie se fit avec beaucoup de solen-
nité. Le Memoriehoek nous apprend que les Dominicains
— 117 —
vinrent chercher le cadavre, et le transportèrent en pro-
cession à leur couvent dans le cimetière duquel il fut
inhumé :
« Item, daernaer wardt weder ontgraven, midtsden von-
nesse van den heeren van den rade, den a?"" maerte op eenen
Maendach naer de noene ten een ueren ende de heligJie
Jacopynen quaemen omme Y doode lichaem tnetter processie
ende drouchden also in haerlieder clooster, ghemerct dat hy
hemlieden haer versouck anne ghewijst was ».
L'arrêt, statuant sur une autre réclamation des Domini-
cains, décide que tous les profits et bénéfices à provenir
de cet enterrement, de vruchten, haten, prouffycten ende
emolumenten daeraf commende, seront attribués à leur
couvent.
Au chapitre IV du troisième livre de son Historié van
Belgis, le chroniqueur gantois Marcus van Vaernewyck
s'occupe également de ce procès et des incidents auxquels
il donna lieu. Son récit qu'il intitule : « Man dry icerf
hegraven », se termine comme suit :
« ....iciert hy hy vonnesse ontgraven ende ghehaeldt met
processien hy den Predicheeren ende iviert hegraven int
zelve Couvent : aldus tvas hy tioeemael ontgraven ende drye
reysen hegraven » .
Nous devons faire observer que la décision du Conseil de
Flandre ne tranchait pas le fond du débat. L'action intentée
par les Dominicains était ce qu'en termes juridiques on
nommait une action possessoire. Aussi l'arrêt rendu par le
Conseil de Flandre n'était-il qu'un arrêt interlocutoire
maintenant les Dominicains dans la paisible possession
du droit de faire enterrer le défunt dans le cimetière de
leur couvent.
Le curé de Saint-Sauveur pouvait faire trancher la ques-
8
— 118 —
tion au fond, en agissant au pétitoire, ainsi que l'arrêt lui
en réservait expressément la faculté :
« ....overtfaict ende troubel ghedaen inde possessie ende
saisine vanden voorseiden prioor, religiensen ende convent
van de predicaren, reserverende niet min de voorseiden
meester Sytnoen zyn redit ende acte ten pétitoire .... ' »
Si le curé, usant du droit que lui reconnaissait l'arrêt,
avait reporté l'affaire devant le Conseil de Flandre et si
celui-ci, jugeant au fond, lui avait donné gain de cause, les
habitants de Gand auraient assisté à cet édifiant spectacle
de voir ce cadavre, après des mois et peut-être des années
de procès, être déterré une troisième fois et transporté,
avec le même cérémonial, du cimetière des Dominicains à
celui de l'église de Saint-Sauveur, Il n'en fut heureusement
pas ainsi, car Marcus van Vaernewijck, dans la première
édition de son Historié van Belgis parue en 15G8, consi-
dère l'affaire comme complètement temiinée après la
troisième inhumation, dry reyse begraven.
Le couvent des sœurs Colettines ou de Sainte-Claire, oii
fut enterré provisoirement le corps de Jacop de Pape, était
situé dans la rue d'Or. Il fut supprimé en 1783.
Quant au couvent et à l'église des Dominicains, ils occu-
paient dans la rue de la Vallée toute la série d'immeubles
touchant à la Lys et allant depuis l'église de Saint-Michel
jusqu'à la rue appelée encore aujourd'hui rue des Domini-
cains. L'église, dont l'entrée était dans la rue de la Vallée
et qui s'étendait jusqu'à la Lys sur toute la longueur de la
rue des Dominicains, fut démolie en 18G0 par l'entrepreneur
van Mellaert, un spécialiste en son genre. Ce travail,
commencé le 10 avril 18G0, était complètement terminé à
* Registre des sentences interlocutoires du Conseil de Flandre.
B, 1510-1513; folio 52. Archives de l'État à Gand.
— 111) —
la fin du mois de septembre. La tour de l'église, qui don-
nait sur la rivière, avait déjà été démolie dès Tannée 1855.
Peosper Claeys.
La Fête du 1'^'' vendémiaire. — La Déesse de la
Liberté. — Pendant l'annexion de notre pays à la France,
on célébrait tous les ans le V vendémiaire la fête anniver-
saire de la fondation de la république. On sait que le
P'' vendémiaire était le premier jour de Tannée d'après le
nouveau calendrier républicain. Celui-ci commença à
entrer en vigueur le 22 septembre 1792 (P"" vendémiaire
an I*^"").
A chacune de ces fêtes, une citoyenne, choisie par le
conseil municipal, représentait la déesse de la Liberté. Il
en était de même pour les autres solennités de ce genre,
dans lesquelles figuraient des citoyennes personnifiant la
Raison, la Victoire, le Patriotisme, etc.
Lors de la fête du P'' vendémiaire an VIII (23 sep-
tembre 1799), la jeune personne, chargée de représenter la
Liberté, s'acquitta si bien de ses fonctions que la munici-
palité décida de lui faire hommage d'un bijou, dont le choix
fut laissé au bon goût du conseiller de Brabander. Cette
décision est rapportée de la manière suivante dans le
procès-verbal de la séance du 5 vendémiaire :
« La question est agitée s'il ne conviendrait pas de faire
hommage d'un don civique à la citoyenne qui a représenté
la Déesse de la Liberté à la dernière fête commémorative
de la fondation de la République.
« L'assemblée résout l'affirmative. Le principe étant
établi, la discussion s'engage sur le point de savoir s'il
fallait faire consister ce don dans une certaine somme
d'argent ou dans un bijou quelconque. L'assemblée, croiant
— 120 —
que ce serait blesser la délicatesse de la citoyenne prémen-
tionnée que de recourir au i)remier genre de don, arrête
qu'il lui sera fait présent d'un bijou de la valeur de
240 francs, et charge le citoyen de Brabander de son accep-
tation, du choix et de l'achat de ce bijou ».
La déesse de la Liberté fut très sensible à l'aimable
attention du conseil municipal, et accepta, au lieu d'une
somme d'argent, le bijou que le citoyen de Brabander fut
chargé de lui remettre. Cela résulte du mandat de paiement
de la somme de 240 francs, délivré au municipal de Bra-
bandere pour payer l'orfèvre qui avait fourni « le don
civi(iue ».
Le costume de la déesse coûta 270 francs. A cette époque
existaient déjà, même à Gand, des couturiers pour dames,
car, dans les pièces comptables de l'an VIII, nous avons
trouvé le mandat de j)aiement de cette somme au profit du
citoyen Everaert, tailleur en cette commune, « en acquitte-
ment de ce qui lui est dû. pour la livraison du costume de
la déesse de la Liberté ».
Nous ignorons si la déesse de la Liberté eut la délicatesse
de restituer spontanément le costume emblématique qu'elle
avait mis le 1" vendémiaire. Nous faisons cette observation,
parce que, dans une autre solennité du même genre, il
fallut recourir à l'intervention du commissaire de police
pour obliger la citoyenne Marie van Passche, qui avait
représenté la déesse de la Victoire, à restituer « l'habille-
ment dont elle a été ornée » lors de la fête de la Renais-
sance et de la Victoire célébrée le 10 prairial an IV
(29 mai 1796)'. Les conseillers municipaux de l'an IV,
moins galants que leurs successeurs de l'an VIII, avaient
peut-être négligé de remettre « un don civique » à la
citoyenne Marie van Passche.
< Messager des sciences historiques, année 1894, page 470.
— 121 -^
I>e président du Conseil municipal, le citoyen Jean-
Louis van Melle , profita de l'occasion pour se faire
octroyer un nouveau chapeau à plumes qu'il étrenna à
la fête du premier vendémiaire an VIII. Dont coût pour
la ville de Gand , la somme de fr. 98,65 , ainsi qu'il
résulte du mandat de paiement délivré le 5 vendémiaire
au chapelier P.-J. vande Velde « en acquittement de
ce qui lui est du pour la fourniture d'un chapeau avec
le panache destiné pour le président de cette administra-
tion » .
La fête du premier vendémiaire consistait, comme
toutes les solennités officielles de cette époque, d'abord
dans le cortège obligé conduisant les autorités de l'hôtel
de ville au temple de la Loi (église de Saint-Michel) où
l'on chantait des hymnes patriotiques et où des ora-
teurs prononçaient des discours « analogues à la circon-
stance » .
Dans le registre des délibérations du conseil municipal
de l'an VIII se trouve, au folio 1, la description détaillée
des festivités qui eurent lieu le P"" vendémiaire de cette
année. On y donne la liste complète de toutes les autorités
— et elles étaient nombreuses — qui figurèrent dans le
cortège. Parmi les chars il nous faut citer : « un char à
l'antique figurant la réunion des neuf départements à la
République; autour du char, des grouppes d'enfants
portant des inscriptions analogues à la fête » . Jeux popu-
laires dans différents quartiers de la ville, entre autres à
la place d'Armes « où de jeunes citoyens célébrèrent le jeu
de la course à pied », banquet civique à l'hôtel de ville,
exercices militaires par les troupes de la garnison, repré-
sentation de gala au grand théâtre, illumination générale
de la ville, etc. »
L'obligation de participer à toutes ces fêtes et d'illu-
miner les façades des maisons était chaque fois rappelée
— 122 —
aux citoyens par les deux articles suivants inscrits dans
tous les programmes de fêtes :
« Il est enjoint, sous les peines de simple police, à tout
citoyen d'éclairer la façade de sa maison pendant Tillu-
miuation.
« Tous les citoyens s'abstiendront, sous la même peine,
d'étaler des marchandises et de travailler pendant la
journée. »
La musique des hymnes et des chants de circonstance,
qu'on exécutait dans le temple de la Loi, étaient ordinaire-
ment de la composition de trois artistes gantois : Pierre
Verheyen, Ch. Ots et Ch. Hansseus. Le V vendémiaire
an VIII on exécuta un chant patriotique intitulé : Préseyit
des Dieux, Liberté chérie, musique du citoyen Verheyen.
Le nombre des fêtes dites nationales qu'on célébrait
chaque année à Gand, sous la république, était considé-
rable. Il faut y ajouter les fêtes décadaires, qui avaient lieu
tous les dix jours et auxquelles l'autorité donnait égale-
ment un certain cachet de solennité. Toutes ces festivités,
imposées par le gouvernement français, (;oûtaient gros à
la caisse communale, et constituaient une véritable corvée
pour ceux qui devaient y participer; aussi leur supi)ression
sous l'Empire, ne souleva-t-elle aucune protestation.
Peosper Claeys.
Quelques pièces relatives a l'époque de Joseph IL
— Le règne de Joseph II en Belgique a été surtout marqué
par le mécontentement que provoquèrent les mesures im-
populaires de l'empereur. On était mécontent de tout,
des gouverneurs, des ministres, des fonctionnaires, de tous
ceux qui de près ou de loin tenaient à l'admininistration
— 123 —
et étaient suspects de favoriser rexécution de la volonté
impériale.
Ce mécontentement alla sans cesse grandissant jusqu'à
ce qu'il fit explosion dans la malheureuse campagne qui
s'appela la Révolution brabançonne, et n'hésitait pas à se
manifester de grand jour. Les brochures, libelles, publi-
cations de toute espèce qui en sont l'expression, sont
extrêmement nombreux. Nous avons trouvé les pièces
suivantes dans nos archives personnelles et nous n'hésitons
pas à les publier, non que nous les considérions comme des
modèles de littérature, mais parce que nous y voyons la
tournure d'esprit de l'époque.
Avis aux États de Flandres.
Protecteurs de nos droits nobles Etats de Flandres
prenez garde il est tems l'on cherche à vous surprendre
un ministre intriguant avec d'autres médians
trame pendant la nuit des projets allarmans
méfiez vous aussi des décrets de Christine
La princesse nous fait une assez bonne mine
et tache avec douceur d'amener le sommeil
mais garde cliers états et craignez le réveil.
Le décret douceureux qui donne surchéance
est un décret trompeur et farci de vengeance
en voulez-vous l'épreuve écoutez la voici
le noble régiment du seigneur Clairfayt
en garnison à Gand depuis nombre d'années
a fait hier dans la nuit par secrettes menées
transporter ses drapeaux de la garde au quartier
pour au premier signal être prêt à marcher
de plus ce qui est sur doit augmenter l'alarme
cette nuit la même il faut dessous les armes
les aversacs au dos et le fusicq chargé
ou pour se retirer ou pour nous écraser
— 124 —
ce qui se fait à Gand se fait cà d'autres places
et le gouvernement gâtant ses propres grâces
nous prépare la guerre au millieu de la paix
en berçant les états par de jolis décrets
sachez que ces décrets extoniué par la crainte
ne sont que faux fians et que d'insigne feinte
oui peut être dans peu nous seront très surpris
de voir toute une armée inonder le païs
car pendant que Christine au dehors vous caresse
en son cœur elle atend de troupes vengeresses
qui avides du vol, du meurtre et du sang
viendrons pour se vautrer dans celui des flamands
courage donc messieurs redoublé de prudence
écartez du païs cette étrange engeance
ayez des épions au milieu de la cour
tachez de pénétrer dans ces obscurs détours
observé constamment ce que fait notre Sire
s'il ne fait point marcher de bourreaux par l'empire
ayez des yeux ouverts sur monsieur l'électeur
qui peut de son côté causer de grands malheurs
sachez si ce seigneur préparant sa vengeance
ne forme par chez lui des magasins immenses
et si par coup fouré les troupes de Fribourg
ne peuvent s'emparer des murs de Luxembourg
prenez donc garde à vous chers états de Flandres
songez à vous unir, songez à vous défendre
et pour mieux résister aux efforts du tiran
unissez vous bien vite aux états de brabant
aux états du hainaut et des autres provinces
pour soutenir nos droits contre un parjure prince
car si pour nos malheurs il peut nous désunir
comme il sera charmé de pouvoir nous punir
alors adieu nos loix, adieu nos chères tètes
ces bourreaux de tuer ne feront qu'une fête
- 125 -
Ainsi pour éviter la perte du païs
observez de bien près Christine et son mari
et tous ces mouvements de nos troupes internes
pour qu'il ne leur arrive aucun renfort externe
et Tempereur forcé de garder son serment
reviendra bon prince en place d'un tiran
alors vos noms chéris étincelaus de gloire
brillerons pour jamais au temple de mémoire
et vos portraits gravés au fond de tous nos cœurs
seront pour le païs l'emblème du bonheur.
Parturiunt montes, nascetur ridiculus mus.
1.
Groot waert gy, Macedo, om in de kloeke daden,
groot waert gy, Fabius, ora in de wyse raeden,
groot noemt m'u, Constantin, als gy Godts kerk herstelt,
groot men u Carel noerat, groot noemt men menig held.
2.
Waerom is Joseph groot? ist om de Batavieren
voor wie m'op waegens sag d'onwindbaer vlote stieren?
waerom is Joseph groot ? ist voor zyn ryksche pand
die hy verruijlen wilt, ist voor syn nederland?
3.
Waerom is Joseph groot? is het om de Vestalen
die hy met zoet gewelt deed uit liun cloosters halen?
waerom is Joseph groot ? ist om Balthasards roof,
wiens stappen hy volgt naer, tôt smaed van ons geloof ?
4.
Waerom is Joseph groot ? ist voor syn nieuwe Avetten,
waer aen sig met syn bloed sal kragtig tegen setten
den ouden helgen leemo die voor syn vryheyd vecht,
en noyt verliesen can syn megeboren regtV
— 126 —
5.
Neen, neen, maer hy is groot^ by loopt naar de Tauriden,
hy loopt Catharina naer, om dat s'hem hulp sou bieden,
jae daerom is hy groot, siet eens syii groote daed,
als hy voor groote Trin met synen scepter &taet !
Le vrai Patriotte.
Pourquoi chers Brabançons, pourquoi ces alégresses
je vois couUer partout, des larmes de tendresse
c'est une signée donné, par notre gouvernante
à telle donc le pouvoir, d'être si dominante
d'assurer que Joseph malgré ses deux diplômes
consentira en tout, il n'est donc plus cet homme
qui brise nos remparts, renversoit tous nos loix
supprimoit les couvents, de l'église ses droits
Christine passez huit jours, vous avoit fait connoitre
que ces diplômes enfin, permi de votre maître
nous doutions sur ce point, nos esprits en suspends
troublait tout le Brabant par ce subtil encens
Le masque est donc levé, Joseph il n'est plus tems
Le lion ne dort plus, il attaque son tiran
il ne connoit en toi, qu'un trompeur, un faussaire
ou sont donc les leçons de ton illustre mère
ne croit pas de calmer, par des faux superfuges
tous l'univers entier est aujourd'hui ton juge
reçoit donc la sentence le coup est décidé
qui manque à son serment est indigne de régner
ton plan est découvert, donne à ton ministre
de subjuger partout même par des vers sinistres
si le Brabant s'oppose, soit russe, italien
que Luxembourg me reste, tu suivra mes desseins
sous un dehors flateur tu les auroit trompé
n'importe par quel fait pour vous subjuger
— 127 —
les projets sont manques grâce à la providence
les traîtres sont connus, il s'agit de prudence
chaque noble brabançon est un héros pour nous
s'il faut le secourir nous le suivrons ])artout
renonce donc Joseph, renonce à ce pays
les nobles, les bourgeois, tous sont vos ennemis
c'est votre plan Joseph, jadis à vous fidelle
si vous vous obstinez, nous vous seront rebelles
Deux cent mille homme, ce sont autant des mouches
nous le feront parler sans canon ni cartouches
nos alliez sont surs, nos cœurs sont nos remparts
nos droits, notre union, tous nous sert de boulevard
prenez un bon conseil avant que d'entreprendre
laisse nous la Christine, Brabant et Hainaut
Luxembourg, Gand, Namur, c'est tout ce qu'il nous faut,
c'est à toi Christine que les peuples s'adressent
il vous consacre tout n'ayez point de faiblesse
vous êtes brabançonne et Casimir aussi
défendez le Brabant et tous des beaux pays
nos coeurs sont tous soumis tous le peuple et soldat
ne craigner rien Christine vous approchez du tems
vous serez couronné duchesse de Brabant.
Bruxelles, 9 mai 1785.
Nous capons du rivage assemblés dans notre Conseil de
première instance, nouvellement établi par l'extravaguant
Martini, ayant examiné les infractions faites à la joieuse
entrée et autres droits et privilèges des Pays-Bas, ayant de
plus examiné les informations prises par notre conseiller
fiscal : Item la requête par lui présentée et autres pièces
produites, le tout bien, et duement considéré avons résolu
de pardonner à Marie Christine, en faveur des bonnes
qualités dont étoit doué sa respectable mère l'impératrice
— 128 —
de heureuse mémoire ; à A Ibert Casimir, pour ses bonnes
qualités personnelles et parce (]ue s'il pouvoit régner seul,
il seroit un second Prince Charles.
Nous avons condamné comme nous condamnons par cette
le Ministre Belgiojoso, à être conduit tout nus par le maître
des hautes œuvres par les principales rues de Bruxelles :
telles que la rue aux Chevaux, celle aux fleurs et d'Argent,
pour être à chaque coin des dites rues foueté, et arrosé de
l'urine de toutes ses coquines.
Le chancelier Crumpipen sera pendu k une potence, et
le boureau lui tirera sa mauvaise crombe jambe tant qu'elle
sera droite.
Le conseiller De Reus, le secrétaire d'État et son adjoint
seront traités avec douceur, on les pendra à une potence
sous les aisselles, mais on les enduira entièrement de miel,
et on placera quatre ruches sous leurs pieds.
Leclerc, Dufour et Feltz, nous les abandonnons aux reli-
gieux et religieuses supprimés, pour être-traités selon leur
volonté.
Rohiano et Vanvelde seront placés sur un autel, pour y
être honorés des faux saints.
On pardonnera à Bartenstein en faveur de sa grande
jeunesse, et a condition que, quand il aura assez d'expé-
rience pour se juger lui-même, il pourra se présenter pour
juger les autres.
Vous Vingénieur De Brou, grand bavard et 'petit génie,
ainsi que son frère V avocat qui fait aussi tout par la langue
et rien sur le papier, qui n'étoit pas consulté même pour
un chat; l'on vous a jugé par grâce spéciale à la galère pour
dix ans, après avoir été fouetés et marqués de la potence
sur le dos par les mains du bourreau ; le terme fini vous
recommencerez les études pour essaier s'il est possible de
vous donner tous deux une autre éducation et en cas de non
réussite, et que vous tombiez dans les mêmes défauts, vous
tirerez les batteaux jusqu'à mort s'ensuit.
— 129 —
Vexcommis Dclplanccj sera pendue à la porte de la
maison des commis de la porte de Louvain, et le bossu de
Limpens foueté et marqué.
Quant à Martini, nous le condamnons à avoir le sens
commun, c'est-à-dire à connoitre le génie, les mœurs, loix
et coutumes d'une nation, avant (\ue d'aviser de vouloir y
porter la réforme.
Le gros bœuf de Locquenghien lâche par caractère et
traître par intérêt, pour lui rafraîchir le corps et la mé-
moire, qu'un de ces ancêtres eu part à la constitution fon-
damentale du païs, qui s'étend jusqu'à l'Écluse près de
l'Escaut, et sera attaché (la tête à fleur d'eau) à la poupe
d'un batteau d'excremens qui depuis le bassin de Boue
cottoyera jusques aux contins de notre juridiction où on
l'abandonnera aux flux de l'Escaut, lui interdisant d'en
atteindre les rives d'où nous le bannissons à perpétuité.
Nous condamnons tous les susdits ])ersonnages dans les
frais de notre justice.
Nous ne confisquons pas leurs biens, parce que tous
ensemble ils ne possèdent pas un pouce de terre.
Ainsi fait et donné en notre plein conseil ordinaire le
9 mai 1787 de notre règne ISS'^ étoit paraphé Swarten
Adam v" (signé) Lamraen igno, contresigné : Thone Vlugge
et muni du cachet ordinaire du conseil, doré de sucre.
Passion, Mort, et Résurrection du Souverain Conseil de
Brabant.
Le ministre Belgiojoso à Quid vultis mihi dare et
S. M. l'Empereur. ego vobis illum tradam?
Le chancelier Crumpipen Etiamsi oportuerit me
lorsqu'il fit son serment en mori tecum, non te negabo.
sa dite qualité.
Le Souverain Conseil de Tristis est anima mea
130 —
Brabant implorant le secours
des 3 états.
Le peuple de Brabaut à
Tamnian de Berg, les deux
Crumpipen, les deux Aguil-
lards, deReus, et le ministre.
Les devits répondent à
ces derniers qui demandent
s'ils protestent ensemble avec
les trois états dont ils sont
membres.
L. A. R. voulant satisfaire
à la demande des trois États
disent au Ministre.
Le ministre de Rcus, les
Crumpipen, les Aiguillards,
de Berg, s'écrient à cette
proposition.
Le Ministre croiant déjà
évanouis ses projets, dit <à
son conseil, les capitaines
de Cercle la nuit du 27 au
28 avril 1787.
Monsieur de Martini se
lavant les mains dit.
Le {procureur général du
conseil du Brabant Lannoy
s'écriant avec joie ainsi que
le peuple.
usque ad mortem, sustinete
hic et vigilate mecum.
Vœ autem liomini illi per-
queum filius tradetur, bonum
erat illi si non natus fuisset
liomo ille.
Neque scio, neque novi
quœ dicas.
Quid enim malefecit ille?
nuUan causani mortis in-
venio in eo, corripiam illum
et dimittam.
Si hune dimittis non ersi
amicus Csesaris, toile cruci-
fige eum non habemus regem
nisi Csesarem.
Omnes vos scandai um pa-
tiemini in me in ista nocte,
scriptum est enim percutiam
pastorem et dispergentur
oves gregis.
Linocem ego sum a san-
guine justi hujus vos vide-
ritis.
Ressurexit sicut dixit
alléluia.
Courage brabançons, courage peuple belgique
bannissez loin de vous tout pouvoir tyrannique
— 131 —
bannissez-en l'auteur, l'exécrable Leclcrc
et Lepaillarcl cruel : agissez de concert
puis vous ferez partir Le Grand traître boiteux
et l'hypocrite de Robe (v. d. Velde)avec son confrère gueux
[(Robiano).
N'oubliez pas surtout de bannir un Debroux
qui a toujours agi comme le plus grand des foux
sous l'apui du paillard voulant parler des loix
remplis d'injustice, contraires à nos droits.
Je vous plains pauvre conseil de Brabant
Vous avez eu un mauvais père et de bons enfans
ne craignez rien
un bon tuteur vous soutient.
Pauvre Belgiojoso, l'Etat de Brabant vous chassera avec
[vos grisettes
et l'Empereur ton maître t'enverra bientôt à la brouette.
Par permission du Capitaine du Cercle de Bruxelles.
Les 30 3/^ </2 de toujours braves fanfoechinî a cheval commandés par
le général Jaco, cotnte d'Arberg cuisinier et pâtissier de la Cour de
L. A. R. donneront pour l'ouverture de leur théâtre le P'^ du mois
de may
LA BRILLANTE CAMPAGNE DE LOUVAIN
SUIVIE DE
LA CHUTE D'UN ARDENNOIS ET CONSORS
Cette pièce sera terminée par un grand Ballet
INTITULÉ :
LE DÉLOGEMENT DU BOITEUX DÉGRADÉ.
La livrée entrera sans payer
C'est au grand théâtre du Parc.
— 132 —
Où est ce monarque avec ses vastes dessins
qui n'a pu faire raser la barbe aux caj^ucins?
La pipe ' réduite en cendres ^
L'éclair ' a perdu son éclat !
il ne reste plus qu'une planche * à fendre
un sot médecin ^ à suspendre
Le païs refleurira.
Réponce a l'orate fratres des employés de la jointe ecclésiastique.
Suscipiat imperator ecclesiastica spolia de manibus nostris
ad augmentum thesauri sni, ad utilitatem quoque nostram
totiusque familial indigentis.
Dans la ville de Gand, trois monstres trop connus
des ordres d'un barbare eslaves assidus,
Maroux est le premier ministre des grands crimes
intendant d'un tyran, qui nous fait ses victimes
D'Hoop en est le second sous sa mine en repos
cache sous un air modeste un cœur double et faux
sourd aux maux du pays et soumis à son maître
D'Hoop trahit la province et c'est sans le paraître
Marloop dans ses vieux jours de la froide saison
en est le troisième monstre armé de trahison.
Gantois armez vos bras et sans plus vous résoudre
il est tems d'enterrer ces monstres sous la foudre
quiconque assome un d'eux est sur d'être héros
le vengeur du publicq et l'auteur du repos.
1 Crumpipen.
2 Van Assche.
^ Leclaire.
* Delplancq.
3 Burtin.
133
LES COMÉDIENS IMPÉRIAUX
auront l'honneur de donner le 23 may 1787
L'EMPEREUR PARJURE
tragédie allemande en plusieurs actes dans laquelle les
principaux rolles seront joués par le célèbre Belgiojoso, le
subtil Crumpipen, le rusé Reusse, le faux Marloop, le
contrefaiseur Dhoop et le joli Maroux : ce dernier remplira
le rôle de Tenfant innocent et téméraire.
Cette pièce sera suivie par la Bataille du peuple, opéra
tragicomique de l'immortel d'Arembergh.
Dans cette pièce les acteurs prudents seront immolés
comme les victimes pour le bien de la patrie, excepté l'en-
fant innocent qui, à cause de sa jeunesse, assis dans une
chaise percée, le bourlet sur la tête et le joujou à la main,
sera exposé aux yeux du peuple pour l'exciter à la pitié.
Nederlandsche Vader-Ons geadresseert aan de K. door de supp.
K. R. van de Nederlanden.
Joseph gij waert onsen heere
maer het schijnt, en gij sijt
[meer Onsen vader
maekt dat gij den heere vreest
heijlig schepper heijliggeest die in de hemelen sijt
dat het cristelijk verbond
iiijtgesproken uijt den mond gheheijligt zij
onderhoud het krachtelijk
soo maekt gij ousterfit'elijk uwen naeme
toont ons uwe bermhertig-
[heijt
en dat uwe gerechtigheijt. . ons toekome
dat wij biddeii vroech en laet
op dat niet ten onder gaet. . uw Rijk
is er dan geen gratie meer
dat als nu van desen Heer. . uwen wille geschieden
— 134 —
cVonderdaenen groot en kl eij n
moeten uw gehoorsaem sijn op de aerde
maerten gaet op d'aerde niet
gelijk eeniederwel siet . . . als in deu hemel
het gonne wij liel)l)en ge-
[spaert
en met sorgvuldigheyt be-
[waert geeft ons heden
door uw toedoen nu ontblood
vraegen wij in dezen nood. . ons dagelijks brood
wilt ons in uw genade ontfaen
hcbben wij ergens misdaen vergeeft ons
waerom brengt gij ons in pijn
gij weet wel dat het niet sijn onse scliulden
voor denbeelen Keijsersraed
wordt er niemand meei' ver-
[smaed gelijk wij
hierbij sijn wij nog meer
[verstroyt
k'vrees den heere sal u nooyt vergeeven
wij en hebben sclioon ont-
[blood
nog gelaeten in den nood. . onse schuldenaeren
daerom in de slaevernij
nog in Satans heerscliappij en leijd ons niet
want de werelt altijd malt
waerdoor men gedurig valt in bekorijnge
van den onrust en verdriet
waer in gij, ons heden siet. . verlost ons
schoon den philosoph uw
[vleijd
siet dat gij niet wordt verleijt van den quaden.
opdat gij door uwe deugd
het hemelrijk genieten meugt Amen.
— 135 —
Horum omnium fortissimi sunt Belgœ.
Ellendig Vaderland ! wat tijd sien wij erleven !
Philip is op (len troon, hij wilt de wetten geven
door lieel sijn rijk gemeijn : al op de aard verdeelt
al op verscbeijde land de selve vruchten teelt !
Ellendig Vaderland ! duc d'Alb sien wij erleven
die door sijn dwinglandij ons Nederland deed beven
en uwe vrijbeid nam waer in gij waert gegrond
door wedersijdscbe trauw, door t'heijligste verbond.
Ellendig Vaderland! suit gij nog langer swijgen?
beweegt u niet den druck, de rampen die u drijgen?
geen voorrecbt belpt u meer, men breekt den grooten band
die onverbreeklijk was, des vaders van het land.
Manaftig Vaderland! waer sijn uw vrome daden?
waer is uw helden hert? waer sijn uw wijse raden?
schept moet, neenit wapens op, schept moet bet is nu tijd,
trekt aen den ouden scbilt, toont dat gij Belgen sijt !
Manaftig Vaderland ! ten is nog niet verloren
wij hebben d'asschen nog, den fœnix is erboren
daer sijn nog edellien, die voor u vrijheijd staen
daer sijn nog brederoôs, die bij Margreta gaen.
Manaftig Vaderland ! bet bloed komt weer geschoten
in onse adren, dat eertijds is vergoten
voor u ô Nederland ! tis weer voor u bereijd
de aerde te besproen, met d'oude dapperheijd ',
E. V.
Première lithographie a Gand. — Tout récemment
M. Henri Bouchot a donné Thistoire de la lithographie.
1 Extrait d'archives personnelles.
— 13G —
Nous avons parlé, sup^-a 1895, p. 273, de ce volume intéres-
sant de la Bibliothèque de Venseigne^nent des Beaux -Arts,
et avons exprimé un regret au sujet de son insuffisance
pour la Belgique. Voici pour Gand un renseignement bien
précis et curieux :« Les vrais incunables de la lithographie,
dit M. Bouchot, s'arrêtent au moment précis oii cet art,
reconnu et lancé, devient courant, c'est à dire au commen-
cement de l'année 1817... » A la même date précisément
nous trouvons parmi la correspondance reçue par la
Société des Beaux- Arts de Gand, la lettre suivante :
« Messieurs, j'ai l'honneur de déposer à la Société royale
des Beaux-Arts et de Littérature de Gand un exemplaire
lithographie, qui est aussi un de mes premiers essais
dans ce genre et le premier qui se soit publié dans cette
ville. Je vous prie, Messieurs, vouloir accueillir avec bonté
ce faible gage de ma grande reconnaissance, et de mon ad-
miration pour tant de vertus que vous exercez si géné-
reusement envers les Artistes étrangers, les accueillant
parmi vous, leur offrant une hospitalité consolante.
« Messieurs, j'ai l'honneur d'être avec le plus profond
respect votre très humble et très obéissant serviteur
« Candido d'Almeida.
« Gand, 30 août 1817. »
La pièce jointe n'est qu'un fac-similé d'une page in-8",
d'un document du XVP siècle, avec la mention : d'Almeida
Lithog., Gand 1 aug. 1817.
A la même date paraissait la première partie du tome \"
àe^ Annales belgiques des Sciences, Arts et Littérature, dont
le fondateur était le même d'Almeida, et qui contenait
deux planches lithographiées par lui. M. Vander Haeghen
donne sur l'auteur les renseignements suivants dans sa
Bibliographie gantoise, V. p. 20 :
« Candido d'Almeida y Sandoval, comte portugais,
écuyer de Charles VI, roi d'Espagne... devint rédacteur
— 137 —
du Journal de la Flandre occidentale, à Bruges. Il quitta
Bruges au commencement de mars 1820, à la suite d'une
condamnation à 500 florins d'amende pour avoir outragé
le roi d'Esi)agne dans un article publié dans son journal. »
Les premiers essais de lithographie d'Almeida ont du
reste peu de mérite ; mais les progrès de cet art devaient
être rapides, comme le prouvent les lithographies de
Kierdorff, dont on a un bon spécimen dans le portrait
é(iuestre de Kiekepoost en tête du livre : « Deyi ontiverp-
maeker van Oost- Vlaenderen, ofte kasteelen in Spagyiien »
(Gand, 1824). D.
Bourse des pauvres a Bruges au XVP siècle. —
Dans des Notes et documents pour servir à la biographie
de Josse de Damhoicder, qu'il vient de publier dans les
Annales de la Société d'Emulation, M. L. Gilliodts-Van
Severen parle de cette réforme de la charité publique (jui
fut, au XVIe siècle, la préoccupation des administrateurs
de toutes nos grandes villes, et dont l'initiative appartint
selon les uns à Lille {Messager des Sciences, 1895, p. 348)
et selon d'autres à Ypres.
Le compte de la ville de Bruges de 1525-1526 apprend
que le Magistrat fit don d'une coupe en argent à l'espagnol
Louis Vives, qui avait longtemps résidé dans cette ville,
pour son ouvrage de Subventione pauperum, et qu'il paya
une somme de deux livres, douze escalins, quatre deniers
de gros, pour le faire traduire et imprimer. Le jurisconsulte
brugeois J. Curtius, dans la préface de son livre sur les
Conjectures de droit civil (inséré dans le Thésaurus Juris
romani d'Otton), nous dit la grande admiration que L. Vives
inspirait, et l'influence qu'il eut sur ceux qui jouirent de
son intimité : Memini Lud. Vivem, Hispani gêner is, sed
uxore hic ducta, sapientiae et ceterarum bonarum artium
— 138 —
clarissimum, cum illum jam seniorem adolescentulus see-
tarer, facundia viri et sermonis dulcedine adductus, qua
ille non minore auctoritate quam fama quicquid hic erat
doctorum, admiratione sut circumagehat... Et il rappelle
les promenades qu'il faisait en compagnie du grand homme,
encore supérieur, dit-il, dans les entretiens à ce qu'il était
dans ses écrits.
Tandis quT|)res mit en vigueur, eu 1531, un règlement
qui fut publié sous le titre de : Forma siibventionis Pau-
perum, et réalisait les idées de Vives, et qu'à Gand la
Chambre des Pauvres fut instituée en 1534, à Bruges une
ordonnance du Magistrat, insérée dans le registre des Hcd-
legeboden du 18 juillet de la même année 1534, dispose
qu'en conformité des Placards de Sa Majesté il est défendu
de demander l'aumône dans les rues, places publiques,
églises ou cimetières, sans avoir un permis des échevins ou
commis des pauvres (commisen van den aermen) de la
paroisse, et en dehors de midi à deux heures, sous peine
de fustigation, pilori, ou autrement, à la discrétion des
échevins, à l'exception des pèlerins et voyageurs étrangers
(toandelaers) et sauf encore les lépreux de la Madelaine,
les fous, les enfants trouvés, et ceux de l'école pauvre...
« De C«ette épocjue date sans doute, dit M. Gilliodts, la
création de la bourse des pauvres, et nous avons lieu de
soupçonner que notre conseiller pensionnaire (de Dam-
houder) ne fut pas étranger à cette installation. Un texte
nous apprend que le 18 août 1538 son traitement de six
livres de gros fut porté au double en considération des
bons services qu'il avait rendus comme chargé de l'ad-
ministration de la généralité des pauvres : concernerende
den ghemeenen aermen deser stede. » I-orsqu'en 1552, la
reine Marie, Gouvernante des Pays-Bas, l'appela au Conseil
des Finances, il recommanda chaudement, pour lui suc-
céder dans la place de Pensionnaire de la ville, Gilles
— 139 —
Wyts, qui fut nommé et qui, à la suite du règlement de
Bruges de 15G2 sur la suppression de la mendicité, prit la
défense de cette réforme dans son écrit : De continendis et
alendis domi pauperibus et in ordinem redigendis validis
mendicantibus . D.
Encore la correspondance de Napoléon P^ — Le
Messager des Sciences en signalait quelques lacunes en
1895 (p. 160 et 266). Nous y faisons aujourd'hui un em-
prunt.
M. Aulard a publié dans la Revue de Paris, un article
des plus curieux sur le 18 Brumaire. Il paraît que Beyts,
alors député de la Lys, le même qui dans sa vieillesse
siégea au Congrès national de Belgique, exprima dans une
lettre qui n'a pas été conservée, quelque désapprobation
de la violence faite à l'assemblée nationale.
Voici en quels termes Napoléon lui répondit {Corr., VI,
p. 14) :
« Je reçois, citoyen, votre lettre du 27 brumaire. Pour-
quoi vous êtes-vous trouvé froissé dans une journée dont
les résultats sont tous à l'avantage de l'ordre, de la liberté
et des lumières?
« Mais enfin les premiers moments sont passés et je ne
doute pas que vous ne vous empressiez <ie reprendre le rôle
qui convient à un savant distingué, qui doit être étranger
à tout esprit de coterie, car la raison publique n'en admet
aucun...
« Je me souviens d'avoir lu un fort bon rapport pour la
ratification du traité de Campo Formio qui fixa à jamais
les destinées de la Belgique votre patrie...
« Ralliez-vous tous à la masse du peuple. Le simple
titre du citoyen français vaut bien, sans doute, celui de
royaliste, declichyen, de jacobin, de feuillant, et ces mille
— 140 —
et une dénominations qu'enfante l'esprit de faction et qui,
depuis dix ans, tendent à précipiter la nation dans un
abîme d'où il est temps enfin qu'elle soit tirée pour tou-
jours. »
Beyts devint, peu de temps après, préfet de Loir et Cher,
et sous l'Empire premier président de la Cour impériale de
Bruxelles.
Voici une autre lettre non moins intéressante.
h2i,Philobiblon Society, qui eut comme secrétaire M. Octave
Delepierre, consul de Belgique à Londres, publiait tous les
ans un recueil de Miscellanées.
Dans le tome VII, paru en 18G2, figure une lettre de
Napoléon l*"" qui vaut la peine d'être reproduite. Elle date
de 1805. Bonaparte venait de prendre le titre d'empereur.
Il écrit à sa mère. Madame Letitia :
« Madame, M. Jérôme Bonaparte est arrivé à Lisbonne
avec la femme avec laquelle il vit. J'ai fait donner l'ordre
à cet enfant prodigue de se rendre à Milan, en passant par
Perpignan, Toulouse, Grenoble et Turin. Je lui ait fait
coniuxître que s'il s'éloignait de cette route, il serait arrêté.
M"" Paterson, qui vit avec lui, a pris la précaution de se
faire accompagner par son frère. J'ai donné l'ordre qu'elle
soit renvoyée en Amérique. Si elle se soustrayait aux ordres
que j'ai donnés et qu'elle vînt à Bordeaux ou à Paris, elle
sera reconduite à Amsterdam pour y être embar(]uée par le
premier vaisseau américain. Je traiterai ce jeune homme
sévèrement, si dans la seule entrevue que je lui accorderai,
il ne se montre pas digne du nom qu'il porte, s'il persiste
à vouloir continuer sa liaison, s'il n'est point disposé à
laver le déshonneur qu'il a imprimé à mon nom en aban-
donnant ses drapeaux et son i)avillon pour une misérable
femme, je l'abandonnerai à jamais, et peut-être ferai-je
un exemple qui apprenne aux jeunes militaires à quel point
leurs devoirs sont sacrés, etl'énormité du crime qu'ils com-
— 141 —
mettent lorsqu'ils abandonnent leurs drapeaux pour une
femme. Dans la supposition qu'il se rende à Milan, écrivez-
lui, dites-lui que j'ai été pour lui un père, que ses devoirs
envers moi sont sacrés et qu'il ne lui reste plus d'autre
salut, que de suivre mon instruction. Parlez à ses sœurs,
pour qu'elles lui écrivent aussi, car quand j'aurai prononcé
sa sentence, je serai inflexible et sa vie sera flétrie à
jamais,
« Votre bien affectionné fils
« Napoléon.
« Au château de Stupenis, le 2 floréal an 13. »
Hugo Grotius. — Au sujet de Y Inleidinge tôt de Hol-
landsche rechtsgeleerdheid de H. Grotius, dont il a été
question dans le Messager des sciences, 1895, p. 351, un
savant professeur nous écrit : « ....Avez-vous songé à
ceci : l'une des causes de la réimpression doit être le fait
que V Inleidinge a véritablement force de loi : 1" dans le
Transvaal et 2" dans la colonie anglaise du Cap, et que,
par ce dernier fait, elle est invoquée en appel à Londres? »
— Le Regtsgeleerd Practicaal en Koopynans handhoeh...
de J. Van der Linden (Amsterdam, 1806) a longtemps joui
du même honneur dans partie des Lides néerlandaises.
Nous avons i)arlé de l'effort infructueux de Grotius pour
purger la langue juridique de ses termes bâtards, et l'em-
ploi qu'il fait d'anciens mots : ong ebruikelyke , doch goede
oude Duitsche icoorden, die in de onde keuren en handvesten
hevonden loorden... A ce sujet il n'est pas sans intérêt de
rappeler que déjà au siècle précédent, le Brugeois Simon
Stevin, réfugié en Hollande, disait, en tête de son petit
traité Het Burgherlick Leven imprimé à Leyde en 1590:
« Qu'il eût été à désirer que les mots de pur flamand
— 142 —
n'eussent pas besoin d'explication latine ou grecque, mais
que le flamand servît plutôt à faire comprendre le latin,
mais qu'il n'en était pas ainsi. Une langue usitée et com-
prise faisant défaut, disait-il, nous mettons en marge de
bonnes expressions flamandes, des traductions latines ou
grecques moins bonnes... » Pour monarchie, il écrivait
donc Eenigvorstheyt^ mais mettait en marge le mot grec
Monarchia, pour bepalinge il mettait le mot latin definitio,
pour versoeckbrieven de son texte, il mettait en marge
requesten, etc. Et généralement, malgré ces louables efforts
de S. Stevin, de H. Grotius, et d'autres, ce sont les mots
bâtards qui, dans la pratique, ont prévalu. D.
Une bibliothèque américaine. — Le dernier rapport
annuel des conservateurs de la bibliothèque publique de la
ville de Boston ' donne des renseignements très complets
et des plus intéressants sur l'état actuel de ce dépôt, qui
vient d'être installé dans un local grandiose.
Le nombre des lecteurs ayant une carte d'admission
s'élève à 34842. Pendant le dernier trimestre de 1895, il a
été consulté 100780 volumes. La moyenne quotidienne des
lecteurs est de plus de 700; on a constaté, en un jour, la
))résence de 550 lecteurs de livres et de 178 lecteurs de
périodiques. Il est à noter qu'il existe un cabinet de lecture
spécial pour les enfants, Childrens room.
La bibliothèque s'est enrichie de 30611 volumes, dont
15582 sont entrés par voie de don. 52744 volumes ont été
inventoriés et le card catalogue a reçu 92993 nouvelles
flches. 9898 volumes ont été reliés dans l'atelier particulier
de la bibliothèque, et 7198 au dehors.
1 Anmial report of the trustées of the public lihrary of fhe city of
Boston. 1895. Boston, Rockwell & Churchill, 1896. In-8°, 11-158 pp.
— 143 —
Pour rucquisition des livres, il a été dépensé 24918 dol-
lars, subside de la ville, et GG32 dollars provenant des
ressources de la fondation, soit, en tout, environ cent
cinquante-huit mille francs. En 18;34, le total des dépenses
de toute nature relatives à la bibliothèque, était de 175477
dollars, soit plus de huit cent soixante-quinze mille francs.
Le budget prévu pour les années prochaines est de 230000
dollars, soit plus d'un million.
Le nombre actuel des livres est de 628297, dont 158423
sont déposés dans des succursales. Comme le dit un rapport
précédent, la bibliothèque n'est pas spéciale au droit, à la
médecine, ou à la littérature nationale. Elle est devenue
universelle, tant dans son but que dans son état réel.
Aussi doit-elle être considérée comme un des plus impor-
tants dépôts du monde, non seulement au point de vue de
la quantité, mais encore à celui de l'utilité comme instru-
ment d'instruction. Les conservateurs estiment sa valeur
pécuniaire, terrain, bâtiments, livres et fonds de fonda-
tion, à trente millions de francs.
Le bibliothécaire en chef est M"" Herbert Putnam. La
central lihrary est ouverte de neuf heures du matin à dix
heures du soir. Elle possède neuf succursales et treize
bureaux de prêt. Le service journalier occupe 197 employés
en semaine; il faut y ajouter 51 auxiliaires pour les séances
du soir et des dimanches, sans compter environ vingt-cinq
concierges.
Depuis quelques années, la bibliothèque publie un
Bulletin trimestriel, contenant la liste des récentes acqui-
sitions, par ordre de matières, ainsi que des catalogues
méthodiques spéciaux, tels qu'un inventaire des romans
historiques, classés par pays et par période. Dans ses
publications, la bibliothèque de Boston ne fait pas usage
de la classification décimale de Dewey,
A la fin du rap])ort, se trouvent quelques documents
relatifs aux dons faits à la bibliothèque.
— 144 —
Voici une lettre, iiotaiiimeiit, cVuii des donateurs :
« 4 novembre 1895.
« Aux conservateurs de la bibliothèque publique de la
ville de Boston.
« Messieurs : Dans ma jeunesse, j'étais amateur de
livres; un de mes plaisirs préférés était d'assister à une
vente de livres, et d'acquérir, avec mes économies, quelque
humble volume qui pût enrichir ma petite bibliothèque.
Plus tard, mes acquisitions devinrent plus importantes.
« A la joie de collectionner et de posséder, j'ajoutais celle
de montrer mes trésors à d'autres bibliophiles et d'entendre
leur appréciations. Il y a quelques jours j'eus ce plaisir
avec votre distingué bibliothécaire, ^PPutnam. Il exprima
sa satisfaction de voir quelques-uns de mes livres les plus
précieux et de mes manuscrits, dont vous n'avez pas
d'exemplaires dans votre bibliothèque publique. Comme
j'avais déjà pensé à vous faire don un jour de ces volumes,
je priai M^' Putnam de les emporter et de les déposer
immédiatement dans leur nouvelle demeure.
« Je n'ai besoin de vous dire le plaisir que j'ai éprouvé
pendant plusieurs années à rassembler et à posséder une
bibliothèque instructive et intéressante dans ma maison de
West-End.
« Mais je vous assure que je me suis réjoui plus que
jamais à la pensée que ces perles de ma collection sont
placées dans une plus riche demeure, et qu'elles pourront
servir aux générations à venir dans votre nouvel et magni-
fique bâtiment, qui est lui-même une perle de l'architec-
ture américaine.
« Elles y seront bien plus utiles à tous mes concitoyens,
jeunes ou vieux, qu'elles ne pourraient l'être chez moi.
« C'est pour ce motif que je vous prie, en qualité de
conservateurs de la bibliothèque publique, de bien vouloir
accepter ce don.
« Thomas Gaffield. »
— 145 —
Outre la générosité bien connue clei5 Américains à l'égard
des établissements publics, cette lettre nous montre avec
quelle délicatesse ils savent faire leurs dons. Je n'ai pu
résister à l'envie de la traduire ici, en souhaitant que
M'' Thomas Gaffield fasse école dans notre vieille Europe.
Paul Bergmans.
— 146
CHRONIQUE.
— ot-v^xfL» ^vt>-
CoNGRÈs d'Archéologie. — Le 2 août s'ouvrii-a à Gand le
XI'' Congrès organisé par les Sociétés d'Histoire et d'Archéologie de
Belgique. Les adhésions sont plus nombreuses qu'en aucun des
Congrès précédents; environ 750. Le Comité organisateur est com-
posé de MM. le baron de Maere, président; Claeys et Varenbergh,
vice-présidents ; chanoine Van den Gheyn, secrétaire général ; Berg-
mans, secrétaire; Lacquet, trésorier; et comme membres: MM. le
comte de Limbourg-Stirum, H. Van Duyse, De Ceuleneer, Clocquet,
Paul Fredericq, Pytïeroen.
Parmi les notabilités qui participeront aux travaux du Congrès,
il y a tout spécialement lieu de citer :
Pour la France : MM. Normand, de l'Institut; de Nadaillac, de
Villenoisy, le baron de Baye, de Paris; de Hautecloque, d'Arras; de
Marsy, président de la Société française d'archéologie à Compiègne ;
le docteur Faidherbe, de Roubaix ; Guerlin, président de la Société
des antiquaires de Picardie ; Lucas, de la Société des architectes de
France; Quarré-Reybourbon, de Lille; Sorel, de Compiègne, etc., etc.
Le gouvernement de la République française a délégué M. Cons
pour le représenter au Congrès ; c'est la troisième fois que cet hon-
neur échoit à M. Cons.
Pour la Hollande : MM. Jan Ten Brink, Schoffer, conservateur du
musée d'Amsterdam, van Ryckevorsel, de Bois-le-Duc, etc.
La Russie et le Portugal seront également représentés.
Les congressistes seront reçus par le collège communal à l'hôtel-
de-ville où aura lieu la séance d'ouverture. Les autres séances se
tiendront en la salle de la rotonde à l'Université.
Afin que les travaux des congressistes soient plus pratiques, on a
introduit certaines innovations à l'organisation.
— 147 —
C'est ainsi que tout membre du Congrès qui voudra traiter une
question est invité à envoyer au seci-étaire un exposé du sujet qu'il
traitera, ou tout au moins à déposer les conclusions que comporte
son travail. On a réuni ainsi en un fascicule toutes les questions avec
développement qui seront traitées au Congrès et ce questionnaire
a été envoyé à tous les membres du Congrès de telle façon que ceux
qui voudront prendre part aux discussions trouveront leur tâche
considérablement facilitée.
Autre innovation. 11 sera remis à chaque congressiste, à titre de
souvenir, nous allions presque dire à titre de prime car, les présents
seuls le recevront, un petit guide de Gand dont le texte est de
M. Emile Varenbergh et dont les clichés des 19 phototypies dont il
est illustré ont été fournies par la Section gantoise de l'Association
belge de Photographie. Ce petit vade-mecum sera très utile aux
congressistes qui voudront visiter isolément nos monuments.
Mais le Congrès ne va pas que tenir des séances, il ira comme on
dit, sur le terrain. C'est ainsi que d'ores et déjà certaines excursions
sont arrêtées : on visitera Audenaerde, et le tramway vicinal trans-
portera par train spécial, les congressistes à Laerne oii ils visiteront
l'antique château que la plupart de nos Gantois connaissent et que
connaissaient si bien leurs aïeux qui ont tenté, eux, de l'incendier.
Quelques délassements seront en outre offerts aux savants visiteurs.
L'administration communale organisera en l'honneur des congres-
sistes une fête de nuit à la place d'Armes ; et la Société royale d'hor-
ticulture et de botanique, autrement dit Casino, donnera également
une fête à leur intention. Le banquet traditionnel aura lieu le
dimanche 2 août, jour de l'ouverture du Congrès, dans les salons du
grand Théâtre.
De plus, le Comité organise un concert de musique ancienne qui
sera fort intéressant. Il se composera de quatre parties. La première
consacrée exclusivement à des Noëls des XV®, XVI^ et XVIP siècles,
pour voix d'enfants. Une autre partie comprendra des chansons
françaises d'auteurs belges des XV^ et XVl" siècles; la S""" partie
aura pour interprètes l'antique clavecin et un orchestre composé
comme jadis l'étaient les orchestres, c'est-à-dire d'instruments à
sonorités sourdes à l'exclusion des flûtes, trompettes, etc. Cet
orchestre comprendra vingt-trois exécutants violons, haut-bois, bas-
sons et cors. Le clavecin, à double clavier, fait partie de la remar-
quable collection de M. César Snoeck. Enfin, la quatrième partie du
— 148 —
programme comporte l'exécution de chansons flamandes. Les chœurs
se composeront de 12 voix d'hommes et de 12 voix de femmes.
A certains moments les chœurs d'hommes seront renforcés ; ils com-
prendront alors 24 exécutants.
Déjà antérieurement, nous avions pu assister à une exécution de
musique ancienne, au dernier Congrès flamand ; pareille musique fut
exécutée au grand Théâtre; lors du dernier cortège historique on
fit encore de la musique ancienne ; mais ici on fera non seulement
de la musique ancienne, mais la musique ancienne savante.
Bibliographie historique. — Nous sommes heureux de signaler
aux lecteurs du Messager des sciences historiques, le premier volume
du Manuel de Bibliographie historique que M'' Ch.-V. Langlois,
chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris, vient de publier
chez Hachette. Consacré aux « instruments bibliographiques », ce
volume énumère les principaux répertoires généraux et spéciaux qui
intéressent les historiens. Grâce à l'ordre que l'auteur a su y mettre,
aux excellentes classifications qu'il a créées, le manuel est très aisé
à consulter. D'autre part, il indique parfaitement les terrains encore
inexplorés et donne ainsi une utile orientation à ceux qui veulent se
consacrer à la bibliographie historique. En tête se trouvent des
éléments de bibliographie générale, où M'' Langlois passe en revue et
critique sommairement les bibliographies des bibliographies, les
répertoires de bibliographie universelle et les répertoires de biblio-
graphie nationale. Au courant des travaux les plus récents et conçu
avec méthode, le manuel de M'' Langlois sera accueilli avec faveur
par les historiens comme par les bibliographes. 11 fait vivement
désirer la publication de la seconde partie, qui formera une histoire
et un tableau de l'organisation comparée du travail historique dans
les divers pays. Paul Beegmans.
Memling. — M. A. J. Wauters vient de donner dans la Biographie
nationale une notice sur Memling qui rejette toutes les légendes qu'on
a mises en circulation sur le célèbre auteur de la Châsse de sainte
Ursule, et résume tout ce que de longues et patientes recherches ont
réuni de renseignements à son égard. Le nom sous lequel Memling
est connu dans l'histoire, n'est point son nom de famille. On demeure
d'accord aujourd'hui que c'est celui d'un petit village du pays de
Mayence, d'où il était originaire. Dans le livre de la Gilde de Bruges
pn trouve inscrit Jan van Memmelijnghe. En 1604 van Mander écrit
— 149 —
encore Memmclhick. M. Waiiters pense que Memling fut élève de
Stepbau Lochner à Cologne d'où il serait passé à l'atelier de R. Van
der Weyden à Bruxelles. En 1479 il exécute pour l'hôpital Saint-Jean
à Bruges le Mariage mystique de sainte Catherine. De 1480 date le
panneau Les sept joies de la Vierge qui a longtemps orné l'église
Notre-Dame à Bruges et qui est aujourd'hui conservé à la Pinaco-
thèque de Munich. Des découvertes de M. J. Weale dans les archives
de Bruges ont fait connaître qu'en cette même année 1480, Memling
achetait trois immeubles situés à Bruges. En même temps avec deux
cent quarante-six citoyens notables de Bruges l'artiste prêtait de
l'argent à la ville pour aider aux frais de la guerre entreprise par
Maximilien d'Autriche, contre le roi de France. A cette époque la
légende montre Memling à l'hôpital, blessé, malade et misérable.
Le chanoine de Doppere inscrit dans son journal : « Le 11 aoiàt
« (1424) est mort à Bruges Hans Memmelinck, réputé à cette époque
« le plus habile et le meilleur peintre de la chrétienté. Il était origi-
« naire de Mayence, et est inhumé dans l'église Saint-Ciilles à Bruges.»
Après l'énumération des principales œuvres de Memling M. Wauters
termine sa belle notice par ces lignes judicieuses qui la résument :
« Au pauvre hère dépeint comme chétif et mendiant, se substitue un
citoyen indépendant et fort, un artiste fier et honoré, un producteur
infatigable, un des plus nobles artistes de l'école. Car, bien que d'ori-
gine allemande et ayant vraisemblablement commencé à former son
talent sous l'influence des maîtres rhénans, il n'en est pas moins
flamand par au moins trente années de séjour et de production inces-
sante en Flandre, ainsi que par une œuvre marquée de tous les carac.
tères de l'école nationale. » D.
Découvertes archéologiques. — La petite commune de Marie-
mont, jadis Mont-de-Marie, attire, en ce moment, une foule considé-
rable de visiteurs, parmi lesquels nous signalons les archéologues
carolorégiens, à cause de la découverte des restes de l'abbaye de
l'Olive, un vieux monastère de femmes de l'ordi-e des Citeaux,
construit par l'ermite Jean Guillaume, vers 1218.
Constraste frappant, les charbonnages de Mariemont s'étendent
tout autour de l'ancien couvent et un puits d'extraction (fosse Saint-
Abel), un traînage mécanique, l'ancien chemin de fer de l'Olive à
l'Etoile, le tir communal de Morlanwelz, sont situés dans le bois qui
cachait naguère le cloître, l'église et les tombeaux de l'abbaye de
l'Olive. Ce coin de l'antique forêt de Mariemont, qui depuis le
10
— 150 —
XIII* siècle, lorsque les aboiements des meutes et les fanfares du cor
le laissaient en repos, n'avait pour ainsi dire entendu que les tinte-
ments des cloches et les hymnes religieuses des nonnes, ne résonne
plus d'ordinaire que des gémissements des machines et des ronfle-
ments d'usines en activité.
Avcint les découvertes actuelles, il ne restait de l'abbaye de l'Olive,
désignée dans le principe sous le nom de l'Hermitage, que quelques
petits bâtiments convertis en maisons ouvrières enclavées au milieu
de la concession des mines des charbonnages de Mariemont.
Comment a-t-on été amené découvrir ces ruines ?
Un des locataires des maisons citées plus haut s'étant plaint à
différentes reprises à la direction des charbonnages qu'il ne pouvait
jamais rien récolter dans son jardin, où il découvrait constamment
des pierres, M. Peny, ingénieur en chef, ordonna des fouilles, qui
mirent à nu les murs de l'église de l'abbaye.
En procédant méthodiquement on a exhumé le chœur, le grand
autel, des fûts de colonnes magnifiques, etc.
Dans le chœur, on a trouvé des caveaux de sépultures très bien
conservés dont quelques-uns, construits en moellons bruts, peuvent
dater du treizième siècle.
Les squelettes sont des mieux conservés : l'un d'eux ne mesure
pas moins de l'^Ql de longueur sur O^Sé entre épaules; un autre
mesure l'^Sô, il a les bras croisés et porte un collier; ce dernier pour-
rait être, selon toutes probabilités, celui de S. E. Mgr. Corbinian,
premier ministre de S. A. Maximilien-Emmanuel de Bavière, ancien
gouverneur-général des Pays-Bas et résidant au palais royal de
Mariemont, inhumé à l'Olive en 1707, ainsi que les registres de l'état
civil de Morlanwelz en font mention.
Le squelette se trouvant au milieu du chœur serait celui de Jean
Guillaume, fondateur de l'abbaye de l'Olive.
A l'intérieur de l'église, plusieurs nouveaux squelettes ont été
retrouvés dans les bas-fonds des caveaux primitivement fouillés et
dans les nouveaux caveaux récemment découverts. Ce sont des
squelettes de femme, notamment celui d'une abbesse de petite taille,
qui portait sur la poitrine une croix de Lorraine avec une inscription
espagnole. 11 faut noter que l'abbaye incendiée en 1554 fut recon-
struite en 1566 et incendiée de nouveau en 1794. Ces squelettes datent
vraisemblablement de la domination espagnole.
Une médaille appendue à la croix représente un ermite et une
— 151 —
chapelle au-dessus de laquelle des anges adorent la Vierge et l'Enfant
Jésus. On a trouvé dans le même tombeau un dé à coudre et une
paire do ciseaux à ressorts d'ancien modèle. L'on suppose que ces
objets auront été laissés par oubli dans la poche de l'abbesse défunte.
Tout à côté, on a mis au jour une dalle d'une longueur de 3 mètres
sur 1 mètre de largeur. Une abhesse y est très bien dessinée en gran-
deur naturelle avec sa crosse abbatiale, coiffure du quinzième siècle,
robe avec rabat blanc et cordelière avec grelots serrant la ceinture;
une croix en marbre blanc est incrustée sur sa poitrine.
Cette dalle recouvrait la tombe d'une abhesse inhumée antérieure-
ment à 1554, probablement celle de la dix-huitième abhesse de l'Olive,
du nom de Jeanne 11 de Walusielle (Warlusel ?) ou de la dix-neuvième,
Eléonore Bourghoise, décédée le 8 avril 1526.
Les trouvailles faites jusqu'ici à la surface consistent en débris de
moulures, colonettes, bouts de corniches, chapiteaux de colonnes,
culs-de-lampes, bénitiers, fragments de pierres avec inscriptions,
morceaux de verre, poteries de dimensions et formes divei'ses, etc.
On a découvert également, d'une façon tout à fait accidentelle, en
creusant un trou de piquet de clôture, un paquet de pièces de mon-
naies en argent collées pour ainsi dire ensemble par la chaleur de
l'incendie, notamment deux gros patacons dont l'un d'un duc de
Brabant, l'autre d'un seigneur du Tournaisis; une autre pièce du
règne de Philippe H, 1560, etc.
Dans le cloître de l'église qu'on fouille on ce moment, plusieurs
pierres de dimensions colossales ont été mises au jour. Sur l'une
d'elles, on lit une inscription latine : « Ci-git le Seigneur Jean, chape-
lain au château de Morlanwelz, qui fut adjoint au fi-ère Guillaume
dans la fondation de l'église de la bienheureuse Marie de l'Olive.
Priez Dieu. Année 1259, 3 mai, décédé, Jean Chapelain... »
De ce qui précède, on peut conclure qu'en 1213, du temps de la
veuve d'Eustache du Rœulx, qui habitait le château de Morlanwelz
et qui a donné le terrain nécessaire pour bâtir l'abbaye de l'Olive, ce
fut le seigneur Jean, chapelain du château, que la donatrice adjoignit
à l'ermite Jean-Guillaume pour fonder l'abbaye, ce dernier n'étant pas
encore prêtre.
Les principaux objets retrouvés ont été déposés provisoirement
dans une salle d'une maison ouvrière voisine, transformée en musée.
Les fouilles sont gardées nuit et jour par les gardes-chasse de
Mariemont.
— 152 —
Les dimanches et jours de fête, c'est par milliers que les étrangers
arrivent. Le service d'ordre est des plus difficiles, les visiteurs ne
pouvant être admis que par dix k la fois, à cause de l'exiguïté des
chantiers.
Divers. — Les squelettes trouvés près de la barrière de Péronnes
et Binche, sont au nombre de 17. M. le bourgmestre de Bincho a
interdit les fouilles jusqu'à nouvel ordre. Le terrain appartient au
bureau de bienfaisance, qui le loue à un cultivateur de Péronnes.
Les squelettes découverts ont été transportés au cimetière, par
ordre du bourgmestre qui a également réclamé les pièces de mon-
naie retrouvées.
Il est presque certain que ces squelettes sont des victimes des
guerres religieuses qui désolèrent notre pays sous le règne de
Philippe II, pendant le gouvernement de Marguerite de Parme. Cette
hypothèse semble se confirmer par la découverte qu'on a faite dans
les fouilles d'une pièce de monnaie de 1563.
Dans les fondations du vélodrome qu'on construit actuellement on
vient de mettre au jour plusieurs pièces romaines. On sait que
Binche occupe l'emplacement d'un camp retranché de la période
belgo-romane. D'autres monnaies, d'époques plus récentes, sont
également découvertes, parmi lesquelles des Louis XIV, XV, XVI,
des Albert et Isabelle, des hollandaises, etc.
— Une médaille comme morative. — Lors de fouilles faites en
Hollande, on a trouvé une pièce eu cuivre, frappée en souvenir de
l'attentat manqué contre la vie de Guillaume-le-Taciturne. On sait
que le coup fut porté le 18 mars 1528, par Jean Jaureguy.
L'une des faces de la pièce donne une représentation du fait, l'autre
offre le portrait du roi d'Espagne entre deux de ses conseillers.
D'après Van Loon, Philippe II trépigne parce que le coup fut
manqué; car le prince ne reçut qu'u)ie légère blessure à la tête, dont
il guérit.
Les inscriptions sont en latin et se traduisent ainsi : « L'on agit par
trahison, non par les armes. » — « Le traître expira. »
— Pendant plusieurs mois, les fouilles entreprises à Delphes
n'avaient guère mis au jour que des substructions d'édifices plus
intéressantes pour les savants que pour les artistes. Depuis quelques
semaines, au contraire, les travaux ont amené la découverte d'un
certain nombre de sculptures remarquables et d'inscriptions pré-
-- 153 —
cieuses. Nous avons déjà parlé de l'importante statue d'homme
conduisant un char; on a trouvé, il y a quelques jours, une nouvelle
statue de bronze de petites dimensions mais d'une extrême beauté,
représentant Apollon ; enfin, on a découvert une inscription très
curieuse du quatrième siècle. Cette inscription qui porte sur le règle-
ment de la faillite commerciale donne plusieurs détails inconnus
sur le taux de la capitalisation des intérêts dans l'antiquité.
— Un curieux ensemble de sépultures, remontant à la seconde
période de l'âge de la pierre, vient d'être mis au jour en Allemagne,
dans les environs de Worms, par le docteur Kœhl, conservateur du
Paulus-Museum.
On n'a encore ouvert jusqu'ici qu'une partie des tombes retrouvées,
mais des fouilles, dans les soixante-dix tombes explorées, ont donné
des résultats d'un haut intérêt. On a recueilli plus de cent vases,
ornés pour la plupart d'une décoration pleine de goût, et quantité
d'armes et de bijoux; — on n'a point trouvé trace de métal. Plusieurs
squelettes féminins portaient à l'avant- bras ou au bras des bracelets
en ardoise bleu ou grise. Près du squelette d'un homme, à la hauteur
du cou, gisait un petit cône de piex-re polie, non percé, mais pourvu
d'une entaille qui devait servir à tenir l'objet suspendu au moyen
d'un cordon.
Les autres ornements consistent en perles, en coquilles de moules,
en défenses de sangliers percées d'un trou et en petits coquillages
fossiles. Ces ornements étaient portés indistinctement par l'un et
l'autre sexe. Les tombes contenaient aussi des fragments d'ocre rouge
et jaune. On les employait pour se tatouer ou se teindre le corps.
Les tombes de femmes, presque toutes, contenaient des moulins
à écraser le grain, formes de petites meules de pierre. Les tombes
d'hommes renfermaient, en même temps que des armes, des outils,
le tout en silex. On y a trouvé des marteaux percés d'un trou pour le
manche, des haches et des congnées pai-faitement affilées, des ciseaux
à froid, des couteaux, des grattoirs et des pierres à aiguiser.
La région devait être riche en gibier, à en juger par la quantité
d'os d'animaux, de toutes les espèces, entassés dans les tombes
près des huit ou thx vases que chaque sépultm-e contenait en
moyenne.
A l'ouverture des tombes, on a photographié à plusieurs reprises
leur contenu, afin de déterminer d'une façon précise l'emplacement
que les armes, les ornements et les vases occupaient autour des
10*
— 154 —
squelettes. La précaution n'était pas inutile. Pour que des décou-
vertes de ce genre conservent au point de vue archéologique leur
valeur, il importe en effet que rien ne soit changé à la disposition
primitive.
— En ce moment sont exposés, dans la grande salle carrée du
Musée ancien (Palais des Beaux-Arts) à Bruxelles, quelques tableaux
nouvellement acquis et qui, en attendant leur placement définitif,
sont provisoirement offerts sur des chevalets à la curiosité du public.
La plus importante de ces acquisitions est un portrait de famille (de
la famille de Hemptine) par Navez. C'est une œuvre qui étonnera
bien du monde, une œuvre ayant des qualités d'un ordre vraiment
supérieur, et près de laquelle les grands tableaux du même artiste
que possède le Musée pâlissent singulièrement. Ce portrait de famille
comprend trois personnages : le père debout, la mère assise et tenant
sur ses genoux une petite fille. L'œuvre date de 1816, elle est anté-
rieure au voyage de Navez en Italie. L'homme est superbe; on ne
citerait peut-être pas un portrait du siècle qui lui fût supérieur. La
femme, bien que souriante, est d'une simplicité charmante. Chose
étrange, l'enfant seul manque de naturel, et c'est lui surtout qui
devrait avoir cette qualité ; il regarde son père avec une affectation
de tendresse conforme non pas certes à la vérité, mais aux idées de
sensiblerie de l'époque. Si les tableaux d'histoire de Navez valaient
ce portrait de famille, leur auteur tiendrait une grande place dans
l'histoire de la peinture contemporaine.
De Snyders, un superbe tableau de nature morte : des poissons
entiers ou découpés, un homard non cuit, bien plus pittoresque avec
ses colorations naturelles et variées que sous la livrée rouge qu'ont
ses semblables métamorphosés par l'apprêt culinaire, des tranches
de saumon, un plat d'huîtres ouvertes, un chat maraudeur aux
aguets, épisode souvent reproduit dans les sujets de ce genre ; sans
compter les gouttes d'eau éparses sur les planches luisantes de la
tables, qui sont la vérité même. Une page de peinture à mettre au
premier rang dans tous les musées du monde.
De Blés, le paysagiste wallon (de Bouvignes, sur la Meuse) fin du
XV^ siècle, une vue d'un pays imaginaire : des entassements de
rochers aux premiers plans, et au fond des plaines accidentées où
l'artiste a placé, suivant l'usage du temps, quantité de petites choses :
maisons, arbres, bêtes et gens, à voir à la loupe ; sur le devant, non
comme sujet, mais comme prétexte, une prédication de saint Jean,
— 155 —
n'ayant pas d'autre raison d'être que cette convention d'alors qu'un
peintre ne pouvait guère se mettre à l'ouvrage sans que ce fût pour
représenter un épisode biblique ou évangélique. La signature s'y
trouve sous la forme adoptée par l'artiste d'une petite chouette
placée dans un endroit peu apparent, pour donner aux amateurs le
plaisir de la chercher et de la trouver, en établissant des paris, comme
le dit Van Mander, à qui la découvrirait.
Un autre joli paysage introduit dans le catalogue du Musée un nom
nouveau, celui de Lucas Van Valckenborcht, peintre malinois de la
seconde moitié du X VI" siècle, qui s'est expatrié comme tant d'autres
artistes de cette époque, qui a constamment résidé en Allemagne, à
Linz et à Nuremberg particulièrement, et dont les œuvres sont très
rares ailleurs que dans son pays d'adoption où l'on en voit de fort
distinguées dans les galeries de Vienne, de Francfort et de Brunswick.
Le paysage que vient d'acquérir le Musée de Bruxelles est une
production très caractéristique de son pinceau fin et délicat.
Un tableau d'Adotn et Eve sous l'arbre du péché dont ils ont cueilli
des fruits qu'ils tiennent à la main, œuvre anonyme, attribuée à un
peintre flamand influencé par Albert Durer, morceau d'un grand
caractère, qui n'a ni la naïveté des primitifs, ni la technique habile
des maîtres dont la manière plus libre a trouvé des effets nouveaux.
Adam et Eve sont, en somme, des figures assez insignifiantes.
Une excellente acquisition pour notre galerie dites des gothiques :
les Noces de Cana, œuvre anonyme de l'école allemande du XV"* siècle,
curieuse par l'originalité des types, par le charme de cette exécution
où le fini ne dégénérait pas en préciosité, et par une conservation
parfaite.
Un tableau de nature morte de David de Heem, un des maîtres
hollandais de ce nom qui ont traité ce genre de peinture et celui dont
les œuvres se rencontrent le plus rarement.
(Indépendance.)
— Le cabinet de numismatique de la Bibliothèque royale de
Bruxelles vient de s'enrichir de cent cinquante-cinq monnaies en
argent, mérovingiennes, carolingiennes, ou féodales françaises, et de
quelques pièces de l'Orient latin, dues à la générosité d'un de nos
compatriotes, établi depuis quinze ans à Paris, M. Raymond Serrure,
l'expert numismate bien connu.
Ce don vient compléter certaines séries jusqu'à ce jour peu repré-
sentées dans notre collection nationale. Parmi les pièces les plus
— 156 —
cmùeuses, sinon les plus rares qui la composent, nous citerons
quelques monnaies frappées dans l'île de Rhodes par les grands-
maîtres de l'Ordre de Jérusalem.
— Les travaux en cours d'exécution à Bourges, pour l'agrandisse-
ment de la Préfecture du Cher et la nouvelle installation des archives
départementales, ont mis tout récemment à découvert, dans l'ancien
palais du duc Jean de Berry, deux portes gothiques de la fin du
XIV" siècle ou commencement du XV^ siècle. La conservation de ces
deux portes fort gracieuses est parfaite : l'une est d'un style plus
simple et un peu plus archaïque que l'autre ; leurs tj^mpans sont
ornés d'un superbe écusson mi-partie aux armes de France et
d'Auvergne (un gonfanon). Ce sont, avec les deux immenses che-
minées, à la décoration si riche, mais maintenant si délabrée, les
seuls vestiges artistiques de la célèbre demeure du troisième fils du
roi Jean le Bon, « très excellent et puissant prince monseigneur le
duc de Berry et d'Auvergne, comte de Poictou, d'Estampes, de Bou-
logne et d'Auvergne. » A l'exception de ces portes et de ces che-
minées, il ne reste plus guère du palais que les énormes murailles,
soutenues p.ir d'épais contre-forts, et qui offrent actuellement encore,
vues du S.-O., un aspect féodal saisissant. Avant la construction de
la résidence ducale, il existait, au même emplacement, dès la monar-
chie carolingienne, une résidence royale (palatluni), oh séjournèrent
de temps en temps les premiers Capétiens. Les travaux qui viennent
d'être effectués établissent une fois de plus que dans les fondations
de cet édifice sont entrés, comme d'ailleurs dans la primitive enceinte
de Bourges, des matériaux de toute espèce ; on peut même voir dans
l'un des caveaux du palais, et encastré dans le mur, un petit monu-
ment gallo-romain de la tin de l'empire; c'est une sculpture provenant
sans doute d'un tombeau, et représentant une tête humaine en assez
mauvais état.
— La nouvelle flèche de Sahit-Bénlgne de la Cathédrale de Dijon.
— Jeudi 28 mai a été solennellement inaugm'ée et bénie la nouvelle
flèche de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon; cette flèche est le
travail le plus considérable en ce genre qui ait été exécuté en France
depuis le renouvellement de l'architecture ogivale.
Saint-Bénigne est un beau vaisseau ogival de soixante-seize mètres
de longueur commencé à la fin du treizième siècle, sur les bases d'un
édifice écroulé du onzième, achevé dans les premières années du
quatorzième; la façade occidentale est accompagnée de deux tours
— 157 -
d'une belle masse, et une flèche en charpente revêtue de plomb, petite
et simple, comme il était d'usage pour les flèches de transept, s'éle-
vait à l'origine au dessus de la croisée.
Le 22 juin 1506, elle fut frappée de la foudre et aussitôt rétablie,
mais plus haute, par l'abbé Claude de Charmes.
Au siècle suivant, le dimanche 23 février 1625, le tonnerre l'embrasa
tout entière et elle flaml)a jusqu'au lendemain comme une torche
colossale d'oii ruisselait le plomb fondu. On rétablit, eu l'exhaussant
un peu et dans le goût du temps, cette reine des nombreuses flèches
en charpente qui faisaient l'orgueil des Dijonnais. Nouveau coup de
foudre le 24 juin 1679; enfin, le dimanche 17 août 1738, un cyclone
la déracina entièrement; mais les entrepreneurs Sauvestre et Linas-
sier firent si bien, qu'en 1742, une troisième flèche se dressait
au-dessus du comble ; pour plaire au goût populaire, on lui avait donné
une hauteur supérieure à celle de la précédente.
Les Dijonnais croyaient que la flèche démolie il y a dix ans était
celle de 1742; c'est une erreur, l'aiguille avait été renversée dans les
premières années de ce siècle, puis refaite en mauvais bois qui
jouèrent et donnèrent à cette haute et grêle pyramide ces formes
penchantes et tordues, que l'on en était venu à prendre pour des
grâces de plus. La structure en était d'ailleurs détestable ; ainsi les
charpentiers de 1742 et de 1808 avaient posé leurs bois à même le
bahut de pierre formant cofi're au-dessus de la croisée. Qu'arriva-t-il r*
C'est qu'il y a quarante-cinq ans il fallut d'urgence consolider la
lanterne et employer quatre-vingt-dix mètres cubes de bois pour
éviter un effondrement. Sous ses charges et surcharges les arcs et
piles éclatèrent. 11 a fallu reprendre ces maçonneries du haut en bas.
La flèche de 1808 avait 100 mètres de hauteur, dix, par conséquent,
de plus que celle de 1742; dans ces dernières années, elle penchait
d'une façon de plus en plus inquiétante, et pendant les orages on la
voyait osciller comme un balancier gigantesque. Il fallut donc se
résoudre à un démontage, et l'œuvre, conduite par M. Ch. Suisse,
architecte du gouvernement à Dijon et architecte diocésain, fut
achevée sans accident de personne. M. Charles Suisse fit les plans
d'une nouvelle flèche.
C'est, moins ses dorures, celle de Claude de Charmes, que nous a
rendue M. Suisse; les travaux commencés à la fin de 1894 étaient
terminés dans les derniers jours de 1895, et Dijon possède maintenant
la plus haute flèche en charpente qui soit en France. Avec ses
... 158 -
93 mètres 50, elle a 15 mètres de plus que celle du Xyill"^ siècle,
6 mètres 50 de moins que celle de 1808, différence peu ou point appré-
ciable pour l'œil; elle dépasse donc les flèches du transept de Notre-
Dame de Paris et de Notre-Dame d'Amiens; je ne parle pas de
l'aiguille en fer de Rouen.
Elle pèse en tout 380,000 kilogrammes, et il y entre llô mètres cubes
de bois de moins que dans celle de 1808. Suivant la formule bour-
guignonne, M. Suisse l'a composée d'une lanterne, formant ini tronc
de pyramide, sur laquelle vient se placer une autre pyramide qui est
l'aiguille même; dans l'Ile-de-France, au contraire, les flèches filent
d'une seule vernie à partir de leur base, mais nous sommes en Bour-
gogne et il fallait faire du bourguignon, bien qu'il y ait une grande
difficulté technique à solidariser l'une avec l'autre ces deux pyra-
mides superposées. C'est pour y parvenir que l'architecte a établi
ces contreforts inclinés, qui partent du pied même de la souche et
viennent, bien au-dessus du point de jonction, embrasser et moiser
l'aiguille pyramide.
Ces figures dessinées par M. Suisse, exécutées par M. Camille
Lefèvre, un hors concours aux Salons de Paris, représentent sainte
Paschasie, une martyre bourguignonne ; sainte Grégoire, évêque de
Langres; le pape Eugène III, qui dédia la première basilique; l'abbé
Hugues d'Arc, le constructeur de l'église actuelle ; la duchesse
Alix de Vergy, mère du duc Hugues IV; le duc Philippe-le-Bon;
Etienne Barbisey, vicomte-maïeur de Dijon au quinzaine siècle;
sainte Chaptal. Au l'ang supérieur, les fausses gargouilles figurées en
animaux fantastiques, mais construits selon toutes les règles de
l'animalité, et les oiseaux perchés sur les pinacles des seconds
contreforts ont été exécutés sur les modèles de M. Vassal, un des
plus habiles sculpteurs formés à la solide école de la Commission des
Monuments historiques.
Toutes ces statues et figures ornementales, les moulures, les fenes-
trages, les revêtements des bois, etc., ont été martelés en cuivre
épais de 9 dixièmes de millimètre dans les ateliers de la maison
Monduit.
La flèche proprement dite jaillit fine et droite de cette double
couronne de contreforts ornementés ; elle donne en plan un polygone
étoile à seize faces, dont les creux et les arêtes modèlent vivement
en clair et ombre cette haute aiguille oii joue le soleil sur l'ardoise.
Les douze derniers mètres ont reçu une enveloppe de cuivre hérissée
— 150 —
de crochets, qui accentuent ce qu'il y aurait de trop sec dans cet
amincissement extrême; eniin, au point oii toutes les lignes se
réunissent, l'architecte a placé une couronne en cuivre largement dé-
coupé qui fait la transition entre le cône et la croix en fer forgé,
exécutée en perfection par M. Chaussenot, de Dijon. Le paratonnerre
traverse le coq mobile qui remonte au XIII<= siècle; étincelant de sa
dorure nouvelle, il a recouvré sa queue déployée, qu'emporta un pro-
jectile allemand le 30 octobre 1870.
Toute cette masse repose sur les quatre solides corbeaux d'angle,
que le moyen-âge avait ménagés dans le bahut de pierre assis sur les
quatre grands arcs de la croisée. Un double et puissant chaînage
enserre la maçonnerie à deux hauteurs différentes et des vis do pres-
sion permettraient, au besoin, d'arrêter les mouvements s'il s'en
produisait.
(Tiré par extraits du Journal des Arts.)
— Une tiare en or. — Plusieurs journaux nous ont raconté que les
collections du Louvre se sont récemment enrichies d'un des plus
beaux bijoux que nous ait légués l'antiquité ; c'est une tiare en or
qu'offriront, dit une belle inscription grecque, le Sénat et le peuple
d'Olbios au roi Saïtapharnès. Le roi Saïtapharnès était Scythe; le
Sénat et le peuple d'Olbios étaient une colonie grecque établie dans
la Dacie tout près des frontières du royaume du Bosphore.
On sait par une autre inscription qu'un citoyen d'Olbios, Proto-
gène, avait déjà payé au roi Saïtapharnès un tribut de sept cents
talents : il est probable que, non content de ce premier cadeau, le
barbare en avait exigé un second ; c'est la tiare que M. Héron de
Villefosse a eu le bonheur et l'honneur de faire entrer au Louvre, en
même temps qu'une parure d'or, de la plus grande beauté, trouvée
dans le même tumulus criméen. Les deux objets datent du lllo siècle
et nous ne pensons pas qu'aucun musée puisse, dans les séries de cet
ordre, offrir aucune pièce de cette valeur et de cette importance.
La tiare d'or, merveilleusement conservée, se termine à sa partie
supérieure par un serpent enroulé dont la tête se redresse. Au-
dessous, un bandeau ajouré de beau style que surmonte un bas-relief
circulaire où l'artiste a représenté, en suivant le texte avec une exac-
titude littérale, deux épisodes de rZ/m^É"; Briséis conduite à Achille
par Ulysse, et le bûcher de Patrocle. La tiare se termine par une frise
plus étroite, où sont représentées quelques scènes de chasse d'un
réalisme ingénieux.
— IGO —
L'inscription — qui ajoute à la valeur d'art de ce monument un
mtérét historique et documentaire de premier ordre — est tracée avec
infiniment de goût sur les remparts d'une ville dont la silhouette
rappelle ce que des textes anciens nous apprennent des remparts
d'Olljios. La parure est, pour l'élégance et la pureté du goût, d'une
valeur au moins égale. Elle se compose d'un collier et do pendeloques,
avec pierreries, verroteries et or hligrané. Ces belles acquisitions
seront exposées dans la salle des bijoux, à côté du Trésor de Bosco-
Reale.
Voici maintenant ce qu'on lit à ce sujet dans le Journal des
Débats :
La fameuse tiare du roi Saïtapharnès, récemment acquise à grand
prix par le musée du Louvre, serait-elle un simple pastiche? Des
journaux ont reproduit, à ce sujet, une lettre adressée au Nouveau
Temps par M. Vesselovsky, professeur à l'Université de Saint-Péters-
bourg, dont voici la teneur :
« 11 est temps de dire que cette tiare est incontestablement une
falsification de la fabrication d'Otchakof de nos jours. La falsifica-
cation d'antiquités se produit à Otehakof depuis déjà quelques années
et se perfectionne tous les jours davantage, à tel point qu'elle trompe
les archéologues. La fameuse tiare de Saïtapharnès n'est pas le seul
objet de cette espèce. A Kherson existe, dans des mains particu-
lières, une couronne de même travail, mais d'une autre forme.
« Veuillez agréer, etc. »
Par un heureux hasard, la couronne de Kerson est actuellement à
Paris, promenée par des marchands qui cherchent à la placer et qui
l'ont même proposée au Louvre, où elle a été immédiatement refusée.
La comparaison qui en a été faite avec la tiare de Saïtapharnès
prouve, avec la dernière évidence, qu'il n'y a entre les deux objets
aucune similitude de travail et de style, aucun lien de parenté et, par
conséquent d'origine. M. Héron de Villefosse, conservateur des
Antiques, fait d'ailleurs remarquer que l'affirmation du professeur
russe ne repose sur rien et qu'il résulte des termes même de sa
lettre qu'il n'a pas vu la tiare du Louvre : « M. Vesselovsky,
ajoute-t-il, se contente de dire qu'on fabrique à Otchakoft' des anti-
quités : nous ne le savions depuis longtemps. On en fabrique aussi à
Rome et à Naples ; mais il n'est jamais venu à l'idée de personne qu'il
suffisait qu'un objet provînt des environs de l'une de ces deux villes
pour être déclai'é moderne. »
— 161 —
LES
IMPRIMEURS BELGES
A L'ÉTRANGER.
Comme je l'ai dit dans mes A^ialectes helgiques
(p. 187), « c'est un fait remarquable que de
toutes les nations de l'Europe, la Belgique et la
Hollande soient peut-être celles qui ont contribué
le plus, eu égard à leur étendue et à leur popu-
lation, à la diffusion de l'art typographique.
A peine l'imprimerie est-elle connue et com-
mence-t-elle à se répandre que les Néerlandais
s'emparent de la merveilleuse découverte, la pro-
pagent dans leur patrie, la portent à l'étranger. . . » .
Dans les pages qui vont suivre, je ne m'occu-
perai que des artistes originaires des provinces
méridionales des Pays-Bas, ou plus exactement
du territoire formant la Belgique actuelle.
Parmi les Belges, donc, qui ont ainsi contribué
à la régénération littéraire de l'Europe, mention-
nons d'abord Gérard de Lisa, de Flandre, qui
se rend en Italie et introduit l'art de Gutenberg
à Trévise, en 1471, à Vicence, en 1476; il quitte
— 162 —
cette ville pour aller à Venise, où brillait alors
Nicolas Jenson, puis il revient terminer sa carrière
à Trévise, après avoir encore porté l'imprimerie
à Cividale, en 1480, et à Udine, en 1484.
D'autres également s'expatrient avant que l'im-
primerie soit connue dans leur pays. Arnold de
Bruxelles, un des premiers imprimeurs de Naples,
y arrive vers 1472 et y forme plusieurs élèves.
A Gênes et à Mondovi, l'imprimerie fut introduite,
en 1472, par Antonius Mathias d'Anvers, ville
qui ne vit s'ouvrir un atelier typographique que
dix ans plus tard.
Citons encore, en Italie, le liégeois Paul Leenen,
que l'on trouve établi à Rome, en 1474; Jean
de Tournai, qui se fixa à Ferrare, en 1475 ; Daniel
van Bomberghen, qui monta à Venise, en 1515,
une vaste officine pour la publication d'ouvrages
hébraïques ; le poète gantois Nicolas de Stoop qui
aurait, parait-il, installé une imprimerie dans
la même ville, où il mourut en 1568.
En Espagne, nous rencontrons un Mathseus
Flander florissant à Saragosse, de 1475 à 1478,
ainsi qu'un Teodorico aleman, auquel Ferdinand
et Isabelle accordent à Séville, en 1477, des
privilèges, et qu'un savant américain, W.-J.
Knapp, a identifié, non sans vraisemblance, avec
Thierry Martens; en Angleterre, Guillaume de
Machlinia, ou de Malines, qui imprima à Londres,
de 1482 k 1490.
La France surtout reçut beaucoup de nos com-
patriotes , depuis que Pierre de Keysere eut
imprimé à Paris, de 1471 à 1509, succédant à
— 163 —
Ulric Gering. C'est d'abord Guillaume Régis ou
Le Roy, de Liège, qui est à la tête d'un des plus
importants ateliers lyonnais, de 1473 à 1493.
Le célèbre Josse Badins Ascensius, que je suis
porté à considérer comme un Van Assche de Gand,
après avoir étudié à Ferrare et à Lyon, vint
exercer à Paris, de 1499 à 1535, et ne jouit pas
d'une réputation moins grande de savant philo-
logue que d'habile typographe. Josse Horenweghe,
Jean Meganc, Jean Waterloes, Georges Biermant
de Bruges, Louis Cyaneus ou Blaublomme de Gand,
Chrétien Wechel de Lierre, Jean Louis ou Loys de
Thielt, furent également imprimeurs ou libraires
à Paris dans les premières années du XVP siècle.
Comme on le voit, le premier courant d'émigra-
tion, aux débuts de l'art typographique, conduit
principalement nos compatriotes dans le midi de
l'Europe, en France, en Italie et en Espagne.
Un second mouvement se produit un siècle
plus tard, à la suite des édits de religion. Cette
fois nous voyons ceux de nos compatriotes qui
ont embrassé les idées nouvelles, chercher un
refuge dans les pays protestants qui entourent
leur patrie : les Pays-Bas septentrionaux, l'Alle-
magne et l'Angleterre.
Etienne Mierdman s'enfuit à Londres, en 1551,
d'où il gagne Emden, vers 1554, de même que
Gillen Vanden Erven ou Gellius Ctematius, qui
imprima dans les mêmes villes sous le nom de
Collinus Volckwinner. Le maître d'école gantois
Pierre-Anastase de Zuttere possédait une petite
imprimerie particulière à Emden , et Nicolas
— 164 —
Biestkeiis, de Diest, y imprima, en 1562, la
première version néerlandaise téléobaptiste du
Nouveau Testament. Biestkens alla se fixer plus
tard à Amsterdam où exerça Zacharie Heyns, qui
finit sa carrière à Zwolle. Le liégeois Augustin
van Hasselt fut l'imprimeur des illuminés qui
s'intitulaient la Famille de charité àKampen, puis
à Yianen et à Cologne. N'oublions point que c'est
à Louvain qu'était né, en 1540, Louis Elzevier qui
alla fonder à Leiden, un établissement que ses
descendants devaient rendre si célèbre. L'anver-
sois Félix van Sambix va à Rotterdam. C'est là
que se rend également Jean van Waesberghe,
souche d'une importante famille d'imprimeurs qui
existe encore actuellement. Gilles Yanden Rade,
imprimeur anversois né à Gand, fut de 1586 à
1611, imprimeur de l'université de Franeker et
des États de Frise.
Jean de Berg ou Montanus, de Gand, s'associe
vers 1540, avec Ulrich Neuber à Nuremberg et
fonde, dans cette ville, un établissement considé-
rable pour rimpression de la musique. De 1557 à
1587, Materne Cholinus, d'Arlon, fait rouler ses
presses à Cologne ; il devient membre du Sénat de
la ville et acquiert une grande fortune. En 1570,
le graveur liégeois Théodore de Bry ouvre à
Francfort une librairie que rendit célèbre sa col-
lection des Grands et petits voyages. Lié vin Hulsius
ou Hulse, de Gand, entreprit une collection ana-
logue à Nuremberg, ville qu'il quitta dans la suite
pour se fixer à Francfort.
En Suisse, un typographe appelé Pierre-Stepha-
— 165 —
nus van Gendt, et dont le nom indique assez
Torigine gantoise, réimprime à Genève, au XVP
siècle, les Psaumes de David d'après l'édition de
Baie, 152G. Nous trouvons, de 1561 à 1582, dans
cette dernière ville, Thomas Guarin, de Tournai,
qui imprima notamment la bible espagnole, dite
de rOurs.
A côté de ces deux courants nettement carac-
térisés, s'effectuent encore, à des époques diverses,
de nombreuses migrations individuelles qui se
poursuivent jusqu'à nos jours.
Bornons-nous à en citer quelques exemples :
Jean Flamenco, est directeur, en 1610, de l'im-
primerie royale à Madrid; Pierre Craesbeeck,
d'Anvers, fonde à Lisbonne une officine qui, conti-
nuée par ses descendants, fut pendant tout le
XVIP siècle la plus considérable du Portugal.
En Autriche, Jean van Ghelen, d'Anvers, institue
à Vienne, en 1670, après avoir travaillé dans
l'atelier de son concitoyen, J.-B. Hacque, une
imprimerie qui devint la plus importante de la
capitale autrichienne. Rappelons la singulière
physionomie de cet aventurier, bouquiniste et
homme de lettres, Jean-François deLos-Rios, qui
vécut longtemps à Lyon, au XVIIP siècle, et se
distingua, entre autres bizarreries, par la dédicace
de ses Œuvres à son cheval !
Si je ne m'assignais volontairement pour limite
les dernières années du XVIIP siècle, je pourrais
indiquer de nombreuses et importantes officines
contemporaines créées par des Belges, telles que
la librairie Pion à Paris.
— 166 —
Ces quelques détails montrent, je pense, quelle
part nos compatriotes ont prise à la diffusion de
l'art typographique en Europe.
On trouvera, dans le présent travail , une liste
de toutes les localités où des Belges ont exercé,
avec une notice, volontairement très brève, sur
chacun d'eux.
Malgré toutes mes recherches, cette liste, je
le sais, est encore fort loin d'être complète,
et certaines attributions pourront être discutées.
Je crois cependant qu'elle a son utilité : elle
peut être considérée comme un guide pour les
chercheurs, à qui elle permettra de s'attacher à
traiter, isolément, et cette fois à fond, l'histoire
de tel ou tel atelier belge à l'étranger.
Paul Bekgmans.
l«r août 1896.
167 —
LISTE GEOGRAPHIQUE
DES
Imprimeurs et Libraires belges établis à l'Etranger.
ALCALA DE HÉNARÉS.
1552-1553. JEAN MEY, ou DE MEY, Flandro'.
Il eut d'abord une officine à Valence, où il publia un
recueil de Fueros. A Alcala, il imprima divers ouvrages
importants, tels que le Tractatus sacerdotalis de ecclesias-
tieis sacramentis de Nicolas de Ploue, divers traités de
saint Thomas d'Aquin, et de Christophe de Vega, etc. Jean
de Mey, qui se distingua surtout par la pureté de ses
caractères et la correction de ses impressions, fit usage de
trois marques typographiques, dont deux sont reproduites
dans la bibliographie complutienne de J.-C. Garcia. Il se
peut qu'il soit retourné en 1515 à Valence (voir ce nom).
Il laissait deux fils, Philippe et Pierre-Patrice, qui furent
à leur tour des imprimeurs notables à Tarragona et à
Valence (voir ces noms); un troisième fils, Aurèle, aurait
également exercé l'art typographique.
ALTONA.
1673. CORNEILLE VANDER MEULEN.
Dans son Dictionnaire de géographie ancienne et moderne
à Vusage du libraire, P. Deschamps dit qu'il ignore le titre
du volume sur lequel se base le docteur Cotton pour fixer à
l'année 1673 l'introduction de l'imprimerie dans cette ville
1 J.-C. Garcia, Ensayo de una t!po[/)-afia 'complutense (Madrid,
1889), n°^ 243, 256, 264, 266-269, 271, 272 et pp. 615-616.
— 168 —
du Holstein. Il s'agit sans doute de l'opuscule suivant de la
célèbre femme philologue Anne-Marie à Schurman :
A. M. à SCHURMAN |1 EvxX?]qicc \\ SEU || Melioris Partis ||
ELECTIO. Il Tractatus |1 Brevem Vitse ejus Delineationem
exhibens. \\ ...
ALTON.î: ad Albim. \\ Ex Officiua H CORNELII van der
MEULEN. Il ANNO clo loc lxxiii. ||
Pet. in-8», 207 pp. cliiffr. et 1 p. cV errata.
[Bibl. univ. Gand, Hist. 1435].
Le nom de l'imprimeur semble bien indiijuer une origine
flamande. Les biographies belges mentionnent plusieurs
peintres et poètes du nom de Vander Meulen, depuis le
XVP siècle jusqu'à nos jours.
AMSTERDAM.
1578-1 5S8. NICOLAS BIESTKENS, de Diest, venant de
Emden (voir ce nom).
La Bibliotheca helgica cite des impressions de Biestkens
à Amsterdam en 1578, notamment une édition de VOffer
des Heeren, et en 1579. En 1582-1583, il imprime les deux
parties du chansonnier : Veelderhande liedehens, et doime,
sur le titre, son adresse : dans l'étroite rue de l'Église
(m de enge Kercksteege), à l'enseigne du lys entouré
d'épines, emblème que reproduit sa marque typogra-
phique.
Des impressions de NICOLAS BIESTKENS, le jeune,
apparemment fils du précédent, sont citées en 1590 et 1595,
également avec l'adresse de la maison au lys entre les
épines.
En 161G-1626, Nicolas Biestkens imprime des œuvres
dramatiques de Th. Rodenburgh, S. Coster et sa propre
pièce : Claas Kloet (1619). Il s'agit, je pense, de Nicolas
— 169 —
Biestkens, le jeune, qui aura pu supprimer cette qualifica-
tion par suite de la mort de son père.
1.595-1605. ZACHARIE HEYNS ', d'Anvers.
Né à Anvers, en 1570, et fils du poète et maître d'école
Pierre Heyns, Zacharie dut quitter la Belgique avec ses
parents pour fuir la persécution religieuse. Il s'établit
comme imprimeur à Amsterdam, où il fit rouler ses presses,
de 1595 à 1605, dans la rue aux Herbes potagères [War-
moesstrate) à l'enseigne des trois vertus cardinales, tout en
se livrant à la poésie et à la gravure. C'est ainsi qu'il
publia lui-même sa géographie rimée des Pays-Bas : Den
nederlandtschen Landtspiegel in ryme gestelt (1 599) et ses
deux pièces de théâtre en cinq actes et en vers : Vriendts-
siftieghel et Pest-spieghel (1602). En 1605, il alla s'établir à
ZwoUe (voir ce nom). La marque typographique de Zacharie
Heyns représente l'humanité guidée par les trois vertus
cardinales, avec la devise : Sic itiir ad astra; il en existe
plusieurs variétés.
1 Biographie nationale puhliée par l'Académie royale deBelgigue,
t. IX (Bruxelles, 1886-1887), col. 360-362. — Bibl. helgica, v° Heyns.
— 170 —
1606-1622. PIERRE KEERIUS, K^RIUS ou VANDEN
KEERES deGand.
Fils de l'imprimeur-auteur gantois, Henri Vanden Keere,
Pierre s'établit à Amsterdam comme graveur et éditeur.
Il publia, notamment, en 1617, un bel atlas des Pays-Bas,
qu'il fit reparaître en 1622. Il employa la même marque
que son père, c'est-à-dire un cadran dont l'axe est une tête
de mort, et la même enseigne : au temps incertain {de on-
seecker tyt).
XVIIP siècle. PIERRE VAN DAMME^ de Gand.
Né à Gand, le 20 juin 1727, Pierre-Bernard van Damme
se rendit, jeune encore, à Amsterdam, pour se consacrer à
la librairie et fut bientôt à la tête d'un établissement des
plus prospères et des plus importants. Passionné biblio-
phile, il se forma une collection particulière des plus
riches; mais l'étude de la numismatique, à laquelle il
s'appliqua spécialement, l'absorba au point de lui faire
quitter son commerce dont il vendit le fonds en 1767, après
s'être défait, en 1764, de sa propre bibliothèque ^ Il
écrivit plusieurs mémoires sur la numismatique et légua,
en mourant (13 janvier 1806), la bibliothèque spéciale qu'il
avait rassemblée sur ce sujet, ainsi que sa collection de
médailles, à la Société Tôt Nut voor t Algemeen, qui en fit
publier un inventaire raisonné *, orné de son portrait.
Parmi les ouvrages qui portent l'adresse de Pierre van
Damme, citons la traduction du traité de Gérard Meerman
1 P. Bergmans, Analectes belgiqiies (Gand, 1896), p. 60.
" Biographie nationale piibliée par l'Académie royale de Belgique,
t. IV (Bruxelles, 1873), col. 659-661, et les sources indiquées dans
cette notice.
3 Catalogus van eene uytmuniende bibliotheek... Catalogue d'une
bibliothèque incomparable. La Haye, 1764 ; in-8o, 3 vol.
* W. Van Westreenen, Catalogue de la bibliothèque et du cabinet
de médailles de Pierre van Damme. La Haye, 1807 ; in-8°, 2 vol.
— 171 -
sur rinventioii de rimpriraerie, par Henri Gockinga, avec
une liste des incunables néerlandais par Jacques Visser
(1767).
ARRAS.
1591-1634. GUILLAUME RIVIÈRE ou DE LA RI-
VIÈRE*.
Né à Caen, Guillaume de La Rivière n'appartiendrait
pas à cette étude s'il n'avait fait son apprentissage chez
Plantin, qui épousa sa cousine, Jeanne Rivière. Guillaume
de La Rivière entra à l'imprimerie plantinienne, comme
compagnon, en 1569; le 6 avril 1576, il se fit recevoir
bourgeois d'Anvers et maître imprimeur ; il travailla chez
Plantin jusqu'au mois de février 1591. Au mois d'avril de
la même année, nous le trouvons établi à Arras % dont
il devint un des principaux typographes ^ Son fils imprima
quelque temps à Cambrai (1610-1616), puis revint à Arras
où il travailla comme associé de son père, à l'enseigne du
bon pasteur, de 1629 à 1634; cette dernière date est pro-
bablement celle de la mort de Guillaume de La Rivière.
La vignette de ce dernier est accompagnée de sa devise :
Madent a flumine valles, oii l'on reconnaîtra aisément un
jeu de mot sur son nom patronymique. Il en existe deux
dessins différents, qui se rencontrent chacun en plusieurs
variétés. Parmi les principaux travaux de Guillaume de
La Rivière, il faut citer la Somme de saint Thomas avec
les notes de Paul Boudot (1610), les lettres d'Etienne
Pasquier (1598), les œuvres de Jean Cassien avec le com-
mentaire d'AUart Gazet (1628), etc.
i A. De Deckek, Eeniye antwerpsche druhkers in den vreemde
(Anvers, 1881), pp. 64-65.
2 M. RoosES, Ch ristophe Plantin {Anvers, 1882), T^.ld.
5 A. DiNAUX, Bibliographie cambrésienne (Douai, 1822), p. 29. —
D'Héricourt et Caron, Recherches sur les livres imprimés à Arras,
lr« partie (Arras, 1851), pp. 18-19 etpassim.
— 172
BALE.
1 51 6-1 521 (?). LAMBERT HOLONIUS ou DE BOLOGNE ' ,
de Liège.
Holonius travailla à Bâle, comme prote, dans l'impri-
merie de Jean Froben. S'étant procuré, on ne sait comment,
la copie des Colloques d'Érasme, il la vendit, pour un
prix très élevé, à son maître qui publia ainsi, en 1518,
la première édition des Colloquia. Holonius publia égale-
ment des extraits de Laurent Valla, faits par Érasme, sous
le titre de Paraphrases elegantiarum. Le grand humaniste
fut loin d'être satisfait, et sa correspondance contient
plusieurs passages des moins flatteurs pour le Typographiis
leodiensis -.
1561-1582. THOMAS GUARIN', de Tournai.
Après avoir peut-être imprimé à Lyon (voir ce nom),
Thomas Guarin, originaire de Tournai, fit rouler ses
presses de 1561 à 1582, à Bâle, qui était alors encore un
centre typographique important. H épousa la fille de son
collègue Michel Isengrin dont il continua vraisemblable-
ment l'officine, et dont il employa la marque typographique
jusqu'en 1567; à partir de cette année, il eut sa marque
propre*, d'un dessin fort original et représentant un ours
debout contre un arbre, dans le tronc duquel des abeilles
i Messager des sciences historiques de Belgique, 1843, pp. 26-29. —
Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique, t. IX
(Bruxelles, 1886-1887), col. 436.
2 Trompé par cette appellation. De Villenfagne a cru qu'Holonius
était le premier imprimeur liégeois {Mélanges sur l'histoire de Liège,
t. II, p. 84).
^ F.-F.-J. Lecotjvet-Gabin, Thomas Guarin, tournalslen, impri-
meur à Bâle au XVP siècle (Gand, 1858); extr. du Messager des
sciences historiques de Belgique.
* Elle est reproduite dans Imm. Stokmeyer et Balth. Reber, Bel-
tràge zur Basler Buclidruckergeschlchte (Bâle, 1840), p. 157.
— 173 —
ont fixé leur essaim. Thomas Guariu était fort instruit,
doctissimus, dit Sanderus, et plusieurs de ses éditions sont
accompagnées d'épîtres écrites par lui ; il connaissait le
grec, et donna, notamment, des éditions d'Aristote, de
Mosclius et de Xénoplion. C'est Guarin qui imprima, en
1569, la bible espagnole que sa marque fit surnommer la
Bible de r Ours*. Il mourut le 6 mai 1592, âgé de 03 ans^.
BEVERLEY.
15... HUGUES GOES. Voir York.
BOIS-LE-DUC.
1549-1610. JEAN DE TURNHOUT.
Deux imprimeurs de ce nom ont travaillé à Bois-le-Duc
dans la seconde moitié du XVP et au commencement du
XVIP siècle.
BORDEAUX.
1618. ÉGIDE ou GILLES BEYS ^ d'Anvers.
Fils d'Égide Beys, qui imprima à Paris, et de Madeleine
Plantin, la fille du grand imprimeur anversois. Égide II ou
Gilles Beys fut baptisé dans la cathédrale d'Anvers le
19 janvier 1574. Il suivit la carrière paternelle et, après
avoir fait son apprentissage chez ses oncles Jean Moretus,
à Anvers, et François van llaphelinghen, à Leyde, il s'éta-
blit comme libraire à Bordeaux, en 1618.
i Aux 24 impressions de Griiarin citées par Lecoiivet, je puis ajouter
une bible latine de 1578 (in-8°, 2 vol.) et le De re nautica de E.-Er.-M.
Laetus (1573 ; in-8»).
* V. son épitaphe dans le Messager des sciences historiques de
Belgique, 1878, pp. 222-223.
3 M. RoosES, Christophe Plantin, p. 381. — A. De Decker, ouvr.
cité, p. 36.
— 174 —
CAMBRIDGE.
1525. NICOLAS SPERYNG et GERARD-GODFROY
VAN GRATEN.
Signalés par Mi' E. Gordon Duff.
CIVIDALE DEL FRIULI.
1480-1481. GÉRARD DE LISA DE FLANDRE. Voir
Trévise.
Cest à Cividale del Friuli que l'on retrouve Gérard de
Lisa après son départ de Venise ; il n'y fit qu'un court
séjour, et se rendit ensuite à Udine, qui est situé à dix-
sept kilomètres de Cividale.
COLOGNE.
On ignore le lieu de naissance exact d'ARNOLD ÏHER-
HOERNEN ou TER HOERNEN ', qui fut le second impri-
meur de Cologne (1469-1483) ; il était originaire des
Pays-Bas, mais la forme de son nom patronymique ainsi
que les caractères qu'il a employés me le font considérer
comme un Hollandais plutôt qu'un Belge, et je dois donc
l'écarter de ces recherches. Il en est de même pour Jean de
Ruremonde - qui imprima à Cologne, vers 1540, avec le
matériel de Martin de Keyser, d'Anvers.
i P.-C. Vandek Meebsch, Recherches sur la vie et les travaux des
imprimeurs belges et néerlandais établis à l'étranger (Gand, 1856),
1. 1 [seul paru], pp. 189-272. — Beschreibeiider Catalog desbibllogra-
pMschen Muséums von H. Klemnt (Dresde, 1884), pp. 164-167.
Le Catalogue des incunables de Versailles, l'édigé par M"® M. Felle-
cliet (Paris, 1889) mentionne erronément (p. 2, n° 3 et à la table des
imprimeurs) Adrianus Ter Hoernen ; c'est Arnoldus qu'il faut lire,
comme le montre, d'ailleurs, le colophon de l'ouvrage décrit dans cet
inventaire.
2 Bulletin du biblioj)hile, 3^ série, n" 1 (Paris, 1838), pp. 5-6.
— 175 —
1511. ANTON KEYSER^
1518. NICOLAUS CAESAR '.
1519-1523. CONRADUS CAESAR •'.
Ces typographes appartiennent-ils à la famille belge des
De Keyser dont plusieurs membres sont célèbres, tels
qu'Arnaud, le premier imprimeur d'Audenarde et de Gand?
C'est à cette famille que se rattachent Pierre de Keysere?
fixé cà Paris, Daniel de Keysere, à Rome, et peut-être
Bartholomeo l'Imperadore, à Venise.
1557. JACQUES BATHEN. Voir Maestrieht.
1557-1584.MATERNE CHOLINUS^ ou COLIN, d'Arlon.
Natif d'Arlon, Materne Cholinus s'établit à Cologne, vers
le milieu du XVP siècle. Ses talents et son industrie lui
firent acquérir une grande fortune, et il fut membre
du Sénat de cette ville. Sa marque représente une main
sortant d'un nuage et portant une couronne, avec la devise :
Benedices coronae anni henignitatis tuae. Psal. 64. Il se
consacra surtout à la publication d'ouvrages de théologie,
mais imprima aussi d'autres volumes d'un certain intérêt
scientifique, tels qu'une édition grecque, avec traduction
latine, des éléments d'Euclide(1584).
Son fils, GOSWIN CHOLINUS, fut également impri-
meur et libraire à Cologne de 1583 à 1604^ A cette der-
nière date, sa marque porte la devise : Ex literarum
studiis immort alitas acquiritur.
1 Beschreibender Catalog des hihlîographischen Muséums von
H. Klemm (Dresden, 1884), p. 194.
2 Id., ibid.
3 Id., p. 186.
4 A. Neyen, Biographie luxembourgeoise (Luxembourg, 1860),
pp. 119-120. — Annales de l'Institut archéologiriuc du Luxembourg,
t. XXX (Arlon, 1895), pp. 3-7.
s V. la table de la Bibliotheca belgica, où sont décrites sept de ses
publications.
- 176 —
(V. 1570)-1591. AUGUSTIN VAN HASSELT. Voir
Kani'pen.
1620. MICHEL DALIUS ou VAN DALEN, d'Anvers.
Voir Munster.
V. 1675. JEAN-CHRYSOSTOME MALTE. Noir Lille.
DELFT.
1615-1634. FÉLIX VAN SAMBIX. Voir Rotterdam.
DOUAI.
1563-1578. JACQUES BOSCARD % de Louvain.
Né au commencement duXVL" siècle, à Louvain, Jacques
Boscard était imprimeur dans cette ville quand fut fondée,
en 1562, l'université de Douai. Il accepta les offres favorables
que lui firent les magistrats douaisiens pour le décider à se
mettre au service de la nouvelle institution, et ses presses
furent établies dans une maison située rue des Ecoles,
L'année suivante, un promoteur de l'université, Loys de
Winde, dont le nom a une tournure bien flamande, monta
une autre imprimerie qui fut installée dans le local même
de l'université.
Jean Boscard, dont les impressions sont correctement
exécutées, avait pour enseigne VÉcii de Bourgogne et pour
marque un bûcheron abattant un chêne, avec la devise :
Ardet, non combur [it\ Sa veuve continua ses affaires de
1588 à 1605. Son fils Charles imprima, de 1592 à 1610, à
l'enseigne du Missel d'or, puis il se rendit à Saint-Omer
(voir ce nom).
i H.-R. DuTHiLLŒUL, Bibliographie douaisienne (Douai, 1842-1854),
1. 1, pp. XX, 1-lÛ, 401-402 et t. II, pp. xiii, 1-2. — Biographie nationale
publiée par l'Académie royale de Belgique, t. II (Bruxelles, 1868),
col. 733-734.
— 177 —
1564-1576. LOYS ou LOUIS DE WINDE.
Comme je viens de le dire, il se pourrait que ce typo-
graphe fût d'origine flamande. C'est un point que je n'ai
pu éclaircir jusqu'à présent. Loys de Winde imprima les
premières publications douaisiennes de Jacques Bogard
(voir plus loin).
1575-1579. LOUIS ELZEVIER, de Louvain, libraire.
Voir Leyde.
1590-1694. BALTHAZAR BELLÈRE \ d'Anvers.
Balthazar Bellère, fils de l'imprimeur anversois Jean
Beelaert, Bellerus ou Bellère, naquit en 1564, et se rendit à
l'âge de vingt-six ans à Douai. Son établissement, situé rue
des Ecoles, à l'enseigne du Compas d'or, devint rapide-
ment florissant, et ses impressions se chiffrent par cen-
taines. Parmi les plus importantes, on cite sa Bible, en six
volumes in-folio (1617), la dernière édition du Spéculum
quadruplex de Vincent de Beauvais (1624), et VHistoria
universa, sacra et profana d'André Hoius (1629).
On présume que Balthazar est mort vers le milieu du
XVIIe siècle et que son établissement a été continué jus-
qu'à 1691 par un fils qui portait le même prénom. La veuve
de ce dernier imprima de 1691 à 1713, et ses successeurs
jusqu'en 1722.
Balthazar Bellère employa plusieurs vignettes; celle qui
se rencontre le plus fréquemment représente une licorne
plongeant sa corne dans un fleuve, avec la devise : Veneno
pello.
i H.-R. DuTHTLLŒUL, ouvr. cité, 1. 1, p. xxxvi, 69-143, 405-406, 459,
et t. II, p. r2-18. — Biographie nationale, t. II, col. 136-138. —
A. De Deckek, ouvr. cité, pp. 69-72. — Fk. Olthoff, De boek-
dritkkers, boekverkoopers en uitgevers in Antiverpen (Anvers, 1891),
p. 6.
12
— 178 —
lGOO-1634. JEAN BOGARD ', BOGAERT, BOOGAERTS
ou VANDENBOOGAERDE, de Louvain.
Né à Louvain vers le milieu du XVI* siècle, Jean Bogard
imprima dans sa ville natale, à partir de 1564. En 1574, il
ouvrit une librairie à Douai, où il débita les livres sortis
des presses de Loys de Winde. Enfin en 1600, il transféra
à Douai son propre atelier typographique, dans la rue des
Ecoles. Ses productions sont remarquables tant par leur
nombre que par le soin qu'il apporta à leur impression.
Sa marque représente une bible placée au-dessus d'un
cœur ailé et entouré d'arabesques, avec cette devise : Cor
rectum inquirit scientiam. Jean Bogard mourut vers 1634 ;
son établissement fut continué par ses fils Pierre et Martin.
1604-1G06. PIERRE BORREMANS \
H.-R. Duthillœul le dit natif du Hainaut; je le crois
plutôt Bruxellois d'origine, son nom ayant été porté par
divers personnages connus, nés à Bruxelles au XVl" et au
XVIP siècles. Il fut d'abord libraire, puis imprima de
nombreux ouvrages, parmi lesquels le curieux recueil de
poésies de Jean Franeau (1616). Il publia en 1614 son
catalogue de librairie sous le titre : Hortulus hibliotheca-
rius \ Son enseigne et sa marque étaient les apôtres saints
Pierre et Paul. Sa veuve continua son officine jusqu'en
1622.
1640. DENIS HUDSEBAUT *.
Encore un nom bien flamand, mais dont l'origine exacte
1 H.-R. Duthillœul, ouvr. cité, t. I, p. xx, 16-69, 403-404, 457-458,
t. II, pp. 3-11. — Biographie nationale, t. II, col. 615-616. — P. Bebg-
MANs, Notes hîhliographiques sur le dictionnaire de géographie de
Deschamps (Paris, 1894; extr. de la Bévue des bibliothèques), p. 7.
2 H.-R. Duthillœul, ouvr. cité, t. I, pp. 186-188, 203, 408 et t. II,
pp. 20-21.
3 Bulletin du bibliophile belge, t. VH (Bruxelles, 1850), pp. 438-437.
* H.-R. Duthillœul, ouvr. cité, t. I, pp. 237-238 et 412.
— 179 —
reste à établir. Denis Hudsebaut, qui imprima à renseigne
des Parisiens, paraît avoir succédé à la veuve de Martin
Bogard.
EMDEN.
1554-1558. ETIENNE MIERDMAN *.
Etienne Mierdman ou Myerdmann, imprimeur à Anvers,
dans le deuxième quart du XVP siècle, publia des Bibles
en langue néerlandaise qui inquiétèrent l'autorité ecclé-
siastique et lui valurent des poursuites. Il se réfugia à
Londres où il publia notamment, en lb51 , le New herball
de William Turner. Après l'avènement de Marie Tudor,
Mierdman quitta l'Angleterre et se rendit à Emden, où il
acquit droit de bourgeoisie en 1554. Il y imprima, en 1558,
la première bible néerlandaise vraiment luthérienne ; cette
version avait été faite par Mierdman et Jean Gheillyaert
sur l'édition allemande de Magdebourg (1554).
155G-1.562. GILLES VANDER ERVEN \
En 1556, Gilles Vander Erven, Gellius Ctematius ou Col-
lin us Volckwinner imprima à Emden des œuvres de Martin
Microen ou De Kleyne, qui était ministre calviniste à
Norden, non loin d'Emden. En 1562, il édita, sous la sur-
veillance de Godefroid van Winghen, la confession de foi
des églises réformées des Pays-Bas et une nouvelle tra-
duction néerlandaise de la Bible.
1562-1570. NICOLAS BIESTKENS % de Diest.
Nicolas Biestkens *, originaire de Diest en Brabant, im-
prima à Emden, en 1502, la première version néerlandaise
1 De Decker, pp. 75-77.
* Blhliotheca belglca, y° Microen.
3 BibJiotheca belgica, v° Offer.
* Un imprimeur de ce nom travaillait à Anvers, en 1577. Fr. Olt-
HOFF, ouvr. cité, p. 9.
— 180 —
téléobaptiste du Nouveau Testament : Dat niemve Testa-
ment^. Les trois premières éditions du célèbre martyro-
loge téléobaptiste néerlandais : Het offer des Heeven,
datées de 15G2-15n3, 1567. et 1570, seraient également dues
aux presses de Nicolas Biestkens, d'a])rès J. Koning, dont
l'attribution est admise par les auteurs de la Bihliotheca
helgica. Biestkens alla ensuite se fixer à Amsterdam (voir
ce nom).
1570-1574. PIERRE-ANATASE DE ZUTTERE S de
Gand.
Le ministre réformé, Pierre-Anastase de Zuttere,
Overdhaye, en latin Huperphragmus, originaire de Gand,
se trouvait, en 1570-1574, à Emden; il y possédait une
petite imprimerie particulière qui lui servit à publier
divers traités de théologie protestante, tant de lui même,
que de Séb. Franck, H. Roi, etc. D'Emden, il se rendit à
Rotterdam, puis à Gand, oii nous le retrouvons en 1551.
' J.-I. DoEDES, Collectie van rarîora (2^ éd., Utrecht [1892]), p. 25.
' Chr. Sepp, Drie evangeliedienaren tilt den Hjd der hervorming
(Leiden, 1879), pp. 81-122. — W". Moll et J. G. de Hoop Schepfer,
Stiidiën en bijdragen op 't gebîed der hlstorîsche théologie, t. IV,
(Amsterdam, 1880), pp. 329-369. — Bibliotheca helgica, passim.
— 181 —
Il desservit ensuite différentes chaires en Hollande, où il
est mort vraisemblablement à la fin du XVP siècle.
1605. FRANS DE VLAMINGH.
Een loonderliche nieuioe prophecye van de Nederlanden...
door... Jerassemus van Eydenborch^ de 1605 (in-4o, 8 ff.),
porte l'adresse d'Emden, Frans de Vlamingh (littérale-
ment François le Flamand), peut-être imaginaire.
ESTELLA.
1564. ADRIEN D'ANVERS ^
Deux rarissimes romans de chevalerie : El septimo libro de
A madis en el quai se trata de los grandes hechos en armas
de Lisvarte de Grecia et Cronica de los muys notables
cavalleros Tablante de Recamonte y de Jofre, hijo del conde
Donason furent imprimés en 1564, par Adrien d'Anvers,
dans la petite ville espagnole d'Estella sur l'Ega, dans la
province de Pampelune.
FERRARE.
1475. JEAN DE TOURNAI \
En 1475, Pierre de Avanceyo et Jean de Tournai impri-
mèrent à Ferrare les Quotidiana et aurea consilia seu
allegationes de Nicolas de Tudeschis, Cette édition est très
remarquable, tant par la pureté des caractères que par la
beauté du papier.
L'abbé Baruffaldi suppose, dans son Délia tipografia
ferrarese delVanno 1471-1500 (Ferrare, 1777), que l'impri-
meur Augustin Carnerius, qui publia en 1474 dans cette
ville une édition d'Horace, est originaire de la Flandre;
1 Alph. De Decker, ouvr. cité, pp. 10-12.
2 P.-C. Vander Meeesch, Recherches sur la vîe et les travaux de
quelques imprimeurs belges établis à l'étranger, V-VII (Gand, 1847),
pp. 188-191.
— 182 —
mais cette hypothèse est dénuée de tout fondement, comme
Ta fait remarquer P.-C. Vander Meersch'.
FRANCFORT-SUR-MEIN.
1571-1593. THÉODORE DE BRY ^ de Liège.
Né à Liège, en 1528, Théodore de Bry fut un graveur
distingué; s'étant rallié aux idées luthériennes, il fut livré
en 1570 aux bras de la justice qui le bannit de sa ville
natale et confisqua ses biens. De Bry se rendit à Francfort,
où il établit une libraire à laquelle était annexé un atelier
de gravure. Pour faire prospérer son commerce, il entreprit
de nombreux voyages, notamment en Angleterre, et il
réussit, grâce à son activité, à se créer une grande fortune.
La principale publication de Théodore de Bry est sa collec-
tion dite des Grands et petits voyages, qui comprend treize
parties et qui parut simultanément en français, en latin et
en allemand. Les six premières parties parurent de 1590 à
1596; les sept autres furent achevées par ses fils, Jean-
Théodore (voir plus loin) et Jean-Israël, et le gendre de
Jean-Théodore, Mathieu Mérian. Théodore de Bry mourut
à Francfort le 27 mars 1598. Son portrait, fait en 1597, orne
le catalogue officinal que ses fils publièrent en 1609 et qui
est reproduit par Lempertz; sa devise était ; Nul sans
soucy ^ de Bry.
Son fils, JEAN-THÉODORE DE BRY ^ né à Liège,
en 1561, mort à Francfort, en 1623, résida à Francfort et à
Oppenheim et prit successivement sur ses publications le
titre de citoyen de chacune de ces villes.
i P.-C. Vander Meeesch, oiivr. cité, pp. 187-188.
* H. Lempertz, Bilder-Hefte zur Geschichte des Bilcherhandels
(Cologne, 1853-1865), 1855, pi. III et 1862, pi. IV et V. — Bioc/raphie
7iationale publiée par V Académie royale de Belgique, t. III (Bruxelles,
1872), col. 125-128.
3 Biographie nationale, t. III, col. 128-129.
— 183 —
1603-1606. LIÉVIN HULSIUS, ou HULSE, de Gand.
A la suite de son voyage en Hollande et en Angleterre
(1600), Liévin Hulsius se décida à quitter Nuremberg (voir
ce nom) pour venir s'établir à Francfort. Le désir de se
rapprocher des de Bry, avec lesquels il était en relations
d'affaires et d'amitié, ne fut sans doute pas étranger à cette
résolution. Il réimprima à Francfort, oii il arriva au com-
mencement de 1603, celles de ses publications qui étaient
épuisées, et continua sa collection de voyages et de trai-
tés de mathématiques. Après sa mort, survenue en 1606,
sa veuve et ses fils continuèrent son officine.
FRANEKER.
1586-1611. GILLES VANDEN RADE ', ou RADIUS,
de Gand.
Né à Gand, Gilles Vanden Rade obtint, le P*" juin 1571,
droit de bourgeoisie à Anvers, et fut reçu, l'année suivante,
franc-maître dans la confrérie de Saint-Luc. Il s'établit
comme imprimeur op H vlemincxvelt ^ et publia divers
ouvrages, tels que les œuvres poétiques françaises de Jean
Vander Noot, qui sont actuellement fort recherchés. Gilles
Vanden Rade quitta Anvers en même temps que Christophe
Plantin, à l'époque du siège de cette ville par le prince de
Parme, et alla s'établir à Franeker, oii il devint l'impri-
meur de l'Université qui venait d'être établie dans cette
ville, et des États de Frise. Il avait deux fils qui embras-
sèrent sa carrière : Abraham, à Leeuwarden, et Jean, à
Groningue. Sa devise était : Consilio numinis; sa marque
est reproduite dans A. De Decker.
1 A.-M. Ledeboer, Alphahetische lijst der boekdrukkers, boeJc-
verkoopers en uitgevers in Noord-Nederland (Utrecht, 1876), pp. 138-
139. — Alph. De Deckee, ouvr. cité, pp. 79-81. — Fk. Olthoff, ouvr.
cité, pp. 83-84.
— 184
GÊNES.
1471-1474. ANTOINE MATHIAS ', d'Anvers.
Au commencement de Tannée 1471, Antoine Matliias,
d'Anvers, accompagné de Lambert Laurenszoon ^, de Delft,
arriva à Gênes pour y établir l'imprimerie. Les deux étran-
gers y formèrent, dans ce but, nne association avec trois
bailleurs de fonds, les jurisconsultes Francesco Marchese,
Luca Grimai di et Francesco Pammoleo (20 février 1471);
le 20 juin 1472, Laurenszoon vendit sa part à Balthazar
Cordero, de Mondovi, Des textes ' établissent que les
presses de Matthias fonctionnaient en 1471-1472, mais je
n'ai pu retrouver aucun des livres qui en sont sortis. Une
épidémie força les deux nouveaux associés de se transporter
à Mondovi, où ils publièrent le De institutioyie confessorum
sive summa confessioniim de l'archevêque de Florence, saint
Antonin, et les satires de Juvénal, suivies des héroïdes
d'Ovide. Des difficultés s'élevèrent entre Cordero et
Mathias; ce dernier fut emprisonné, puis relâché; nous ne
connaissons, d'ailleurs, qu'incomplètement cette affaire.
Quoiqu'il en soit, Cordero se rend à Turin, oii il imprime en
1474, tandis que Mathias, revenu à Gênes, s'y associe avec
Henri d'Anvers; le 25 mai 1474, il vend ses presses et
tout son matériel à Michel Scopus d'Ulra. On perd alors ses
traces à moins qu'on ne puisse l'identifier avec le Matthœus
Flander établi à Saragosse (voir ce nom), de 1475 à 1478.
* P. Bergmans, Analectes helgiques, pp. 187-205.
' Dans ses Monmnenta Germaniœ et Italiœ typographica, K. Burger
reproduit (1" liv., pi. 10) une page du Dante imprimé à Florence en
1481, par Nicholo de Lorenzo ou Nicolaus Laurentii, c'est à dire
Laurenszoon. Faut-il rapprocher ce dernier de notre Lambert
Laurenszoon?
' ... reddetur bona, vera et legalîs ratio ... tam de lihris trans-
missis in Lombardiam ac alto, quam NapoUm, ex lihris per eos
impressis.
— 185 —
1473-1471. HENRI D'ANVERS <.
Associé d'Antoine Mathias (voir ci-dessus), il se recon-
naît, le 30 octobre 1473, solidairement débiteur avec lui,
pour une somme de vingt ducats, de Martin dal Pozzo, de
Milan, que les deux imprimeurs ont eu à leur service.
L'acte officiel donne à Henri d'Anvers le titre de magister
impressv.re litterarum.
GENÈVE.
15... PIERRE STEPHANUS [Stevens?], de Gand.
Une version flamande des Psaumes de David, faite
d'après la traduction allemande du réformateur Martin
Bucerus, fut imprimée à Genève, au XVP siècle, ^^vPetrus
Stephanus vanGendt^c'est-k-dire Pierre Stephanus [= Ste-
vens ?J de Gand .
GRONINGUE.
1606-1613. JEAN VANDEN RADE, d'Anvers.
Il était le second iils de Gilles Vanden Rade, imprimeur
à Franeker (voir ce nom).
KAMPEN.
1562-1564. AUGUSTIN VAN HASSELT \
Né dans le pays de Liège, pi-obablement dans la ville dont
il porte le nom, Augustin van Hasselt embrassa d'abord les
idées des anabaptistes de Miinster, puis s'affilia à la secte
d'illuminés créée par Henri Niclaes sous le nom de Famille
de la charité, dont il devint l'imprimeur en titre, à
Kampen, dans l'Overyssel, vers 1562. Il resta dans cette
1 P. Bergmans, Analectes helglques, p. 203.
2 Max Rooses, Christophe Plantin, passim. — Biographie natio-
nale publiée par l'Académie royale de Belgique, t. VIII (Bruxelles,
1884-1885), col. 751-753.
— 186 —
localité jusqu'en 1564. De 1564 à 1566, il travailla clans les
ateliers de Christophe Plantin à Anvers. En 1566, il se fixa
à Vianen ' , sur les domaines d'Henri de Brederode; le maté-
riel et les fonds nécessaires à l'impression des ouvrages
hétérodoxes avaient été fournis par Plantin. Après un court
séjour à Wesel, Augustin van Hasselt revint à Vianen,
pour s'établir ensuite à Cologne où résidait Henri Niclaes.
Un des disciples de ce dernier, Henri Janssen de Barrefelt,
plus connu sous son pseudonyme de Hiel, ayant fondé une
secte dissidente, Van Hasselt quitta Niclaes et devint le
typographe de Barrefelt, pour lequel il imprima de nom-
breux ouvrages de propagande sur une presse clandestine.
En 1591, il était encore à Cologne.
LA HAYE.
1599-1625. LOUIS ELZEVIER^, deuxième du nom.
Né à Anvers, vers 1566, il suivit son père à Leyde (voir
ce nom) puis s'établit comme libraire à La Haye, en 1590;
il mourut dans cette ville vers 1620. Les publications qu'il
a fait paraître pour son compte personnel sont peu nom-
breuses et peu importantes.
LEEUWARDEN.
1603-1621. ABRAHAM VANDEN RADE, d'Anvers.
Il était le fils aîné de Gilles Vanden Rade (voir Franeher).
Ses propres fils, Jean et Pierre, continuèrent son officine
de 1621 à 1642.
i Bulletin diihihUophile belge, t. VII (Bruxelles, 1850), pp. 287-293.
2 Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique,
t. VI (Bruxelles, 1878), col. -569. — A. Willems, Les Elzevier
(Bruxelles, 1880), pp. cli-clii. — Cf. sur les Elzevier, Éd. Rahib, Cata-
logue d'une collection unique de volumes imprimés par les Elzevier
(Paris, 1896).
— 187
LEYDE.
1578-1580. GUILLAUME SILVIUS», ou SYLVIUS.
Né à Bois-le-Duc, Guillaume Silvius vint se fixer à
Anvers où il fit reçu dans la gilde de Saint-Luc en 1651 ;
son habileté lui valut le titre d'imprimeur royal. Zélé
partisan du prince d'Orange, il fut nommé, le 8 juin 1 578,
imprimeur de l'Université de Leyde, ville oii il se fixa en
1579 ; il y mourut vers le mois d'août 1580.
Guillaume Silvius a employé une marque typographique^
dont il existe une dizaine de variétés, et avait pour devise :
Serutamini.
1580-1582. VEUVE DE GUILL. SIVIUS et CHARLES
SILVIUS.
La veuve de Guillaume Silvius et son fils Charles ' conti-
nèrent ses affaires qu'ils cédèrent, en 1582, à Christophe
Plantin.
1580-1617. LOUIS ELZEVIER^ de Louvain.
Né à Louvain, vers 1540, Louis Elzevier, le premier dont
il soit fait mention, fut successivement relieur et libraire
à Anvers ^, où il fut au service de Plantin, à Wesel et à
Douai.
En 1580, il alla se fixer à Leyde où il fonda une impri-
merie que ses descendants devaient rendre si célèbre. Il
mourut à Leyde au commencement de l'année 1617.
1 Alph. De Deckeb, ouvr. cité, pp. 82-84. — Fe. Olthoff, ouvr.
cité, pp. 97-98. — Max Rooses, Christophe Plantin, pp. 351-352.
2 G. Van Havre, Marques typographiques des imprimeurs et
littéraires anversois (Anvers, 1883-1884), t. II.
3 Charles Silvius prêta serment, le 28 octobre 1580, comme impri-
meur de l'Université.
■* A. WiLLEMS, Les Elzevier, pp. cxxvii-cxLVii.
s Fr. Olthoff ne le mentionne pas.
— 188 —
1583-1585. CHRISTOPHE PLANTIN *.
Le célèbre typographe anversois, — car il mérite bien ce
nom quoiqu'il soit né aux environs de Tours, -- reprit
comme on vient de voir l'établissement de Silvius; il se
fixa à Leyde au commencement de 1583; sa nomina-
tion, comme imprimeur de l'Université, ne date que du
14 mai 1584. Les sollicitations de Juste Lipse ne furent
certes pas étrangères à ce déplacement que Plantin
expliquait par les pertes pécuniaires qu'il avait faites et
le délabrement de sa santé. Les magistrats de Leyde
promirent à Plantin de lui payer une pension et de ne
l'obliger à rien imprimer qui fût contraire à la religion
catholique. Les livres qu'il imprima à Leyde, sont des
traités de Juste Lipse, de Simon Stevin et de Pierre
Ramus, des auteurs classiques, l'histoire des comtes de
Hollande d'Adrien Barlandus, l'atlas marin de L.-J.
Waghenaer. Son officine anversoise, qu'il avait laissée sous
la direction de ses gendres, François Raplielengien et Jean
Moretus, ne chôma d'ailleurs pas pendant le séjour de
Plantin à Leyde. Après un voyage accidenté à Hambourg,
à Francfort et à Cologne, où il eut un moment le dessein
de se fixer, Christophe Plantin revint à Anvers en novembre
1585; il céda à François Raplielengien son officine de
Leyde.
1585-1589. FRANÇOIS RAPHELENGIEN ^
François Raphelenghien ou Van Ravelinghen , né à
Lannoy aux environs de Lille, dans la Flandre française,
le 27 février 1539, étudia à Gand, puis à Paris; après avoir
été professeur de grec à Cambridge, il devint correcteur
à Anvers en 1564, chez Plantin dont il épousa la fille aînée,
i Max Rooses, Christophe Plantin, pp. 3.51-360.
2 Ibid., pp. 214-218, 360, 378-379. — Alph. De. Decker, ouvr. cité,
pp. 56-63.
— 189 —
Marguerite, en 1565. liaplielengieu prit une grande part à
la rédaction et à la correction de la Bible royale. En 1585,
il reprit l'officine de son beau-père à Leyde. Il fut nommé
professeur d'hébreu à l'Université en 1586, et mourut le
20 juillet 1597, à l'âge de 58 ans, après avoir imprimé une
série d'ouvrages scientifiques ou littéraires de valeur. Deux
de ses fils : Christophe, calviniste, et François, catholique,
suivirent la carrière paternelle.
1597-1601. CHRISTOPHE RAPHELENGIEN, d'Anvers
(t 10 février 1601).
1597-1601. FRANÇOIS RAPHELENGIEN, fils, d'Anvers.
Il avait fait son apprentissage chez Plantin, mais il ne
soigna guère ses affaires et dut fermer ses ateliers en 1619.
Il mourut à Leyde, le 22 mars 1643.
1617-1622. MATTHIAS ELZEVIER \ d'Anvers.
L'aîné des neufs enfants de Louis Elzevier, il était né à
Anvers et suivit ses parents dans leurs pérégrinations.
Après la mort de son père, il s'associa avec le cadet de ses
frères, Bonaventure, qui était né à Leyde, pour continuer
la boutique de cette ville. En 1622, il céda sa part dans
l'association à son fils aîné, Abraham. Il mourut à Leyde
le 6 décembre 1640.
Les autres Elzevier étant nés en Hollande n'appar-
tiennent plus au domaine que j'explore.
LILLE.
1595. ANTOINE TACK^
Belge de naissance, Antoine Tack fut le premier impri-
meur de Lille; son privilège est daté de Bruxelles, le
19 juillet 1594. Les trois impressions de Tack qui nous sont
i A. WiLLEMS, Les Elzevier, pp. cxlviii-cl.
2 J. HouDOY, Les imprimeurs lillois (Paris, 1879), pp. 39-47.
— 190 —
connues portent la date de 1595. Il avait pour marque un
lys couronné environné d'épines, qu'expliquait sa devise :
Sicut lilium inter spinas.
1596-1598. GUILLAUME STROOBANT'.
Il fut d'abord libraire et imprimeur à Anvers, où il fut
reçu dans la gilde de Saint-Luc en 1593. En 1595, il céda
son officine à son frère Paul et alla s'établir à Lille ^
1623-1625. SIMON DE NEUFVILLE^ de Tournai.
Nous ne connaissons aucune production de cet imprimeur
qui sollicita, en 1625, l'autorisation d'ouvrir une école.
1677-1710. JEAN-CHRYSOSTOME MALTE \
Né à Mons, il fit son apprentissage dans cette ville chez
Gilles Ursmer; après avoir travaillé à Bruxelles, à Anvers
et à Cologne, il se fixa à Lille, où il remplaça Baltbazar Le
Franc comme imprimeur de la ville, en 1691. Sa maison
avait pour enseigne le Bon Pasteur, que figurait sa
marque. Il mourut vers 1710, et son fils François continua,
jusque vers 1720, son établissement.
LISBONNE.
1597-1632. PIERRE CRAESBEECK^ ou PIERRE DE
CRAESBEECK.
Suivant les généalogistes", le premier membre connu de
la famille anversoise des Craesbeeck serait Guillaume
1 J. HouDOY, ouvr. cité, pp. 47-49. — Fe. Olthoff, ouvr. cité, p. 97.
— A. De Decker, ouvr. cité, pp. 72-74.
2 Le petit-fils de Christophe Plantin, Christophe Beys, qui imprima
à Lille de 1610 à 1645, est né à Paris.
' J. HouDOY, ouvr. cité, pp. 165-167.
* J. HouDOY, ouvr. cité, pp. 111-113.
^ A. De Decker, ouvr. cité, p. 13.
^ 0 Panorama, jornal Utferano e instructîvo da Sociedade propaga-
dora dos conhecinientos uteis (Lisbonne), 1839. Résumé communiqué
par M"" Abraham Bensaude, à Lisbonne.
— 191 —
Craesbeeck, soldat valeureux, qui, pour la bravoure dont
il avait fait preuve ù la bataille de Pavie, aurait été anobli
par Charles-Quint, à Anvers, le 4 avril 1545.
Son petit-fils Pierre vint s'établir au Portugal en 1580, et
fonda à Lisbonne une imprimerie qui devint rapidement
des plus importantes, et d'où sortirent les œuvres des
principaux auteurs portugais et espagnols de son temps *.
En récompense de ses services, le roi Philippe lui accorda
le privilège de chevalier de sa maison, par décret du
25 octobre 1617.
Pierre Craesbeeck épousa à Lisbonne Suzanne Domingues
de Beja qui lui donna deux fils, Laurent et Paul.
Laurent, né à Lisbonne en 1599, alla faire ses études dans
la ville natale de son père. Revenu à Lisbonne, il y succéda
à celui-ci, et continua l'officine craesbeeckienne, tout en
cultivant les lettres. On lui doit, notamment: Silvia de
Lysardo, recopilada por Lourenço Craesbeeck. Il signa
parfois ses impressions du nom de Lourenço de Anveres. La
Silvia de Lysardo fut imprimée en 1651 par son frère Paul.
Ce dernier, qui se qualifie à'impressor dos ordens militares,
fut le père de Pierre (II) Craesbeeck; celui-ci embrassa
la carrière militaire, servit dans la guerre de VAcclamacâo,
fut à la bataille de Montijo et devint successivement lieu-
tenant et capitaine sous les ordres du général François
de Brito Freire (1655). Pierre (II) Craesbeeck avait deux
demi-frères : Antoine Craesbeeck de Mello et Diego Soares
Craesbeeck, qui habita Porto ; le premier publia, en 1672,
les Dialogos de varia historia de Mariz, acrecentados por
Ant. Craesbeeck. Un autre frère, Jean, fut abbé des béné-
dictins de Santarem.
i Notons, à la date de 1626, une très rare édition musicale : Ant.
Fernandez. Arte de musica de canto doryans et canto chans, e pro-
porcoes de musica dividades harmonîcamente. Lisboa, Pedro Craes-
beeck, 1626; in-4».
192 —
LONDRES.
1482-1490. WILLIAM DE MECHLINIA, DE MACH-
LINIA ou MACKLYN, ou GUILLAUME DE MALINES '.
Il s'associa, vers 1482, avec John Letton, le premier impri-
meur de Londres; un des cinq ouvrages sortis de cette
association, les Tenores novelli, porte l'adresse : juxta
ecclesiam omnium sanciorum. Vers 1483-1484, John Letton
disparaît et Guillaume, resté seul, imprime une vingtaine
de volumes, dont aucun n'est daté, et dont quatre seule-
ment portent son nom. Son édition de VAlbertus tnagnus
de secretis donne son adresse : juxta pontem qui vulgariter
dicitur Flete brigge. Il indique parfois aussi l'adresse
d'Holborn. Guillaume de Malines paraît avoir imprimé
jusque vers 1490 ; le premier livre daté de Richard Pynson,
qui semble avoir été sou successeur, est de 1493. Il employa
onze types de caractères, de provenance diverse. On trou-
vera, dans l'ouvrage cité de E. Gordon DufF, le fac-similé
d'une page du Sarum horœ de Guillaume de Malines, avec
encadrement gravé sur bois composé de motifs floraux.
1550-1553. ETIENNE MIERDMAN \ d'Anvers. Voir
Emden .
Sa première impression à Londres est un opuscule de
William Harrys sur l'usure : The market or fayre of
usurers, de 1550.
1554. GILLES VANDER ERVEN.
Avant d'aller à Emden (voir ce nom), Gilles VanderErven
imprima à Londres, où il donna, en 1554, sous le nom
de Collinus Volckwinner, un opuscule de M. Microen,
1 J. Ames, Typographical antîquities, publié par W. Herbert
(Londres, 1785-1790), t. 1, p. 112-114 et t. III, p. 1773. — E. Gordon
DuFF, Earlij jn'infed hoolcs (Londres, 1893), pp. 160-165.
- J. Ames, ouvr. cité, t. II, pp. 770-771.
— 193 —
1566-1584. HENRI BYNNEMAN, ou BINNEMAN '.
Je ne sais jusqu'à quel point on peut revendiquer pour
la Belgique ce t^'pographe fécond, dont l'officine fut un
des plus importants ateliers de Londres dans la seconde
moitié du XVP siècle ; le nom semble déceler une origine
flamande. Il en est de même pour les deux suivants :
1568-1590. HANS SïELL ou JOHN STILL^.
En 1568 il reçoit la permission d'imprimer avec Arnold
van Gulke « an almanacke in Duché ». Le 5 septembre
1580, il est admis dans la corporation des imprimeurs et
libraires de Londres.
1594-1595. CHARLES YETSWEIRT ^ (littéralement :
valant quelque chose).
Ce typographe appartenait vraisemblablement à la
famille du poète Jacques Yetzweirtius, qui écrivit, notam-
ment, un poème sur la prise d'Audenarde par les Gueux,
en 1572 : Aldenardias, qui fut imprimé à Anvers, en 1573,
par Gilles Vanden Rade (voir Franeker) pour le libraire
gantois Jean Vanden Steene. Sa veuve, Jeanne, continua
son établissement jusqu'en 1597.
15... HUGUES GOES. Voir York.
15... NICOLAS VAN BERGHEN.
\J Edictum de librorum prohibitorum catcdogo ohservando
(Anvers, 1570) mentionne, p. 82 : Een cort hegryp ende
slot vander gansser heyliger scriftueren des oiiden ende
nieuice testamentz, gedruckt te Londen, hy Niclaes van
Berghen.
1 J, Ames, ouvr. cité, t. Il, 965-993.
2 Ibid., t. III, p. 1.344.
3 Ibid., t. II, pp. 1130-1132.
13
194 —
LYON.
U73-1494.GUILLAUME LE ROY ou REGIS de Liège '.
Originaire de Liège, d'après les découvertes de Natalis
Rondot ^, Guillaume Le Roy s'établit à Lyon où il s'associa
avec Barthélémy Buyer. De ses presses sortit, en 1473, le
Compendhim Lotarii qui est la première impression lyon-
naise de date connue. M'" Vingtrinier conjecture que les
deux associés ont dû commencer à travailler quelques
années auparavant. Quoi qu'il en soit, leur activité fut des
plus grandes et leur établissement, dans le quartier des
Augustins, fut un des plus importants de France. Buyer
était plutôt libraire et Le Roy, imprimeur ; le premier alla
même se fixer à Toulouse abandonnant à Le Roy la direc-
tion de la maison de Lyon : « Pendant que Le Roy, grâce
à un personnel nombreux et bien conduit, créait, sur son
fameux papier à la roue dentée, des éditions avidement
reclierchées aujourd'hui, Buyer, sérieusement établi à
Toulouse, écoulait, par lui-même ou par ses employés, les
produits de la maison, et disputait le marché delà France
méridionale à Philippe de Rensheim, à Perrin Lathomi, à
Maréchal Husz, Reinhart, Du pré, à Trechsel, surtout, dont
les beaux produits attiraient tous les érudits, et séduisaient
tous les amateurs. Malheureusement, les deux associés
^ A. Vingtrinier, Histoire de Vimprimerie à Lyon (Lyon, 1894),
pp. 36-52.
2 ]y[iie Pellechet a émis l'hypothèse que Guillelmus Régis serait
un allemand : Wilhelm Konig, en rapprochant ses caractères de ceux
de Vindelin de Spire, à Venise, et de Jean Koelhoff, à Cologne. Bévue
des hibliothèques, 3^ année (Paris, 1893), pp. 5-7.
Natalis Rondot a retrouvé à Lyon, à la fin du XV' siècle, des
peintres flamands, auxquels les imprimeurs auront recouru, tels que
Roboam de Masles (1490-1499), Jean, le peintre flamand (1492-1505) ;
Pierre le Flamand (1493-1503), et Guillaume Le Roy, peintre flamand
(1493-1528), allié à notre imprimeur. Bulletins de l'Académie royale
de Belgique, 3« série, t. 32 (Bruxelles, 1896), pp. 206-207.
— 195
o
B
•o
c
o
»©«y
O" -
- SI
ST Cl
Mus O 3^ f^
•O HT
rr tî- ta r\ <*
O
S. ^
•* _
sa
«5 ?
■g
s
a
rr ta _■ .^
^ CQ -• 3
— . ^ "" <^
- <^ o S"
^ '^ o r::^
3 e 2 3
> 3 O S 3
r« ^ Q) ta
•50-03
2. ^ 3 2
2 f» « 3
2 ^?> rr>
i^ ^
a.
3
o
Si
— 196 —
négligeaient le plus souvent, comme tous leurs rivaux, de
mettre leur nom, leur adresse et une date aux produits
précieux de leurs presses ^ » Jusqu'en 1476, Le Roy se
servit de caractères gothiques^. En 1477, il fit un voyage à
Venise, d'où il rapporta les élégants caractères ronds
inventés par Jenson ainsi qu'un assortiment de papiers
vénitiens. Il profita même de son séjour à Venise pour y
imprimer VOpusculum de baptismo sancti spiritus, du prêtre
Simon le Dalmate, impressum Venetiis per magistrwn
Guliehnum gallum^ du 14 octobre 1477 '. Buyer étant mort
vers 1492, Le Roy continua ses travaux, qu'il paraît avoir
cessés vers 1493-1494. Un ancien chroniqueur rapporte que
Louis XI, dans ses promenades avec le vieux roi René,
se plaisait à aller visiter Guillaume Le Roy et Barthélemi
Buyer ^ .
1494-1498. JOSSE BADIUS ASCENSIUS. Voir Paris.
1553. THOMAS GUERIN.
Un imprimeur de ce nom publia YEpitome du trésor des
antiquitez de Jacques de Strada, traduit par Jean Louveau.
C'est peut-être le tournaisien Thomas Guarin, qui imprima
à Bâle (voir ce nom) de 1561 à 1582, et dont la première
impression dans cette ville porte le nom de Guerinus.
1766-1794. JEAN-FRANÇOIS DE LOS-RIOS.
Né à Anvers, en 1727, ce libraire eut une vie des plus
accidentées". Je me bornerai à rappeler ici que, de 1766 à
1794, il fut établi à Lyon, oii il s'adonna au commerce de
vieux livres, dont il publia de nombreux catalogues à prix
marqués. En 1789, il en comptait environ cent cinquante
1 A. ViNGTRiNiEB, ouvr. cité, p. 44.
2 Le cliché ci-contre m'a été obligeamment prêté par M"' M. Pelle-
chet, ainsi que celui de Gérard de Nova Civitate, à Metz.
^ Un ex. à la bibl. mazarine, à Paris, n° 149 du cat. impr.
* A. ViNGTRiNiER, ouvr. cité, p. 52.
^ p. Bergmans, Afiahctes beJgiques, pp. 25-48.
— 197 —
dans une petite note autobiographique qu'il avait rédigée
pour le dictionnaire historique imprimé par les frères
Bruyset, à Lyon; il ajoute que ces catalogues étaient
accompagnés de « quelques notes remarquables sur les
« livres rares et souvent de préfaces extravagantes, d'un
« style baroque, qui ont amusé quelques moments les
« apprentis philosophes, ou les hommes de la petite litté-
« rature, etc. » Los-Rios fut également éditeur, si l'on en
juge par la souscription de l'ouvrage suivant : Lettres fami-
lières de MM. Boileau- Despréaux et Brossette pour servir
de suite aux Œuvres du premier, publiées par Cizeron-
Rival. Lyon, François de Los-Rios, 1770 ; pet. in-12o, 3 vol.
Vers la fin de sa vie, Los-Rios se retira à Malines, oii il
mourut dans la misère, le 24 novembre 1820. Son portrait
ligure en tête de sa Bibliographie instructive parue à
Avignon, en 1777.
MADRID.
1600-1610. JUAN FLAMENCO ou JOANNES FLANDER.
Au commencement du XV IP siècle, un typographe de ce
nom était à la tête de l'imprimerie royale de Madrid. Juan
Flamenco publia, en 1600, une œuvre musicale des plus
rares, les Missœ de Thomas-Louis de Victoria. L'année
suivante, il imprima, notamment, une Descripcion de las
Indias ocidentales, in-folio, et VHistoria gênerai de las
hechos de las Castellanos de Antonio de Herrera; en 1610,
il édita le Commentarius rerum in Belgio gestarum de
M. -A. Del Rio. Diego (Jacques) Flamenco, parent de Juan,
peut-être son fils, est cité comme imprimeur madrilène, à la
fin d'une gazette de Verhoeven d'Anvers, n° 11 de février
1624.
MAESTRICHT.
1552-1554. JACQUES BATHEN «.
1 Le BihlioiMle belge, 1. 1 (Bruxelles, 1867), pp. 405-407.
— 198 —
Après avoir imprimé à Louvain, Jacques Bathen, fit
rouler, de 1552 à 1554, ses presses à Maestriclit. VExtraict
et recueil des ordonnances, conclusions et recès du sainct
Empire touchant la contribution et collecte du commun
denier pour la defence de la foy et résistence contre les
Turcqz, in-4", est le premier ouvrage imprimé dans cette
ville ; il porte l'adresse suivante : Imprimé à Traict-sur-
Meuse^ au mandement et ordonnance du très-révérend père
en Dieu Vévesque de Liège, en la maison de Jacques
Bathen, en 1552, au moys de décembre '. Sa marque typo-
graphique, reproduite dans le Bibliophile belye{l8G7^ p.49G,
pl.II,no 4), représente un portique dont Tentrée est occupée
par une couronne au centre de laquelle s'élève, entre des
nuages, un caducée surmonté d'un liibou ; elle ])orte la
devise : Prudenter vigilem laurea serta manent. En 1577,
nous trouvons Bathen établi à Cologne, où il imprime, selon
Maittaire ^, les Ritus ecclesiœ romance in eligendo papa.
1597-1604. JEAN (III) VAN GHELEN \
Né à Anvers, oii il fut reçu franc-maître de la gilde de
Saint-Luc, en 1577, Jean (III) Van Ghelen imprima dans sa
ville natale et se rendit, en 1597, à Maestriclit, où il fit
rouler ses presses. Il dut quitter cette ville, en lfi04, à la
suite d'un différend avec le maître d'école Hubert Bouille,
et s'établit alors à Rotterdam (voir ce nom).
METZ.
1482. GÉRARD DE NOVA CIVITATE.
1 X. DE Theux, Bibliographie liégeoise (2' éd., Bruges, 1885),
col. 1312, où l'on trouvera une série d'impressions maestrichtoises de
J. Bathen.
« T. V, 2« partie, p. 118.
5 A.-A. VoRSTEBMAN VAN Oyen, Les Voti Ghelen, imprimeurs
(Gand, 1883; extr. du Messager des sciences), pp. 17-19.
199
ncqnttuc ci M p^ p^cc Cape trip* Tiîc cdà bn
;:^ixt? bc oi cuêtu rcn cnt . ncc tûc ^ ma§ ktabif
ncc <|3 mobico otnilîshit 6 poît fc îtcgrc 'Z fibu'
aahè 1 î^o q c cioïa î oib? aii nicbil vnq; \xtit n^
mo:if 6 ota ci viuîît 'z ab viutû îdî dané bcpiimt
'iVIcnîh? Tp fimB a qi pbitû n 5 rebit tps âïitic fo
licitubïc q biligcna nfi^.acqrco vtutca J£)l Ki:::
}3i8 tcpcfccîcipicij niaU^rê ^i âtbebetie te ab
(çruozc ÏUC1C8 niagnâ |?a(x 1 fencics Uuiozc lài^
tozc ^t' bel grâ^ 'Z ^tutf aniozc- \bÔ frtuib? et
bi%c8 ab oia c parât?. IVIaiodabczc rcfiffcre
vîcri8 'Zpaffiomb? ^ cozpalib? ïflibarc laboii;
bue ^ui patuo0 nô vttAt bcird? paufaam la:î
bi* abmaîozca • Gaubcbia fcmpctbc tsefpcrefi
bicm c;:pêbaa fructuofc Vigiia fiipct tcipfîutiî
^%ciî2i tcipflini . inionc tel pfiim et quitq lUb bc
alfjs fit. non nccific^as tcipftmi Tantuni piohci
<s quantum tibhpfi vim intuktie . 'Zc-
^E;;pïicmt amoniccncs ab fpt::
tituaUm vicam vtilc»-
CCI "ipîcfTc m âtâtc Mcfcnîî
pet ftàtrem loba^mc Co'^rti* O:
bims iratniin Catmclitr»tum.
6t gctljarbum bc noua rifcjtc.
ï\fnio towini MWc''- GGCG*
Ammonieioncs, impr. à Metz, en 1482, par Jean et Gérard de Nova Civitate, fo 24, r".
— 200 —
Dans son Catalogue des incunables de la bibliothèque de
Metz (Metz, 1876, p. 257) Victor Jacob décrit les Ammoni-
ciones ad vitam spiritualem (livre I" de l'Imitation de J.-C.)
imprimées à Metz, en 1482, per fratrem Johannem Colini,
ordinis fratrum carmelitariim et Gerharduyn de Nova
Civitate.
M"" M. Pellechet' dit que, suivant Lorrain (Bulletin de
l'académie de Metz, 1867, p. 101), Novacivitas « doit se
rapporter à Laneuveville ou même à Neufcliâteau, dont le
nom est quelquefois rendu en latin par Nova-civitas. » Si
Gérard était réellement de Neufcliâteau, dans le Luxem-
bourg belge, Jean Colini n'appartiendrait-il pas à la famille
arlonnaise des Colin, dont un des membres, Materne Choli-
nus, fut imprimeur à Cologne (voir ce nom)?
MONDOVI.
1472-1473. ANTONIUS MATHIAS 2, d'Anvers. Voir
Oênes.
MUNSTER, en Westphalie.
1610-1 628. MICHEL DALIU S ou VAN DALEN, d'Anvers.
Il entra en relations avec le principal imprimeur de
Miinster, Lambert Rasfeldt, qui mourut en 1618 et dont il
épousa, vers 1624,1a veuve, après avoir été associé quelque
temps avec Jean Volmari. En 1620 il avait été associé dans
une librairie de Cologne. La dernière impression de Michel
van Dalen paraît être la Clams regia sacerdotum ... sunip-
tibus Mich. Dalii et Bernardi Rasfeldt. Ce dernier, fils de
Lambert, continua l'officine.
1 Revue des bibliothèques, 6^ année (Paris, 1896J, p. 130. Je suppose
que la graphie constante Novocivitas n'est qu'une faute d'impression.
2 J.-B. NoRDHOFF, Denkwilrdighetten aus dem milnsterischen Huma-
nismus (Miinster, 1874), pp. 152-153.
201 —
NAPLES.
1472-1477. ARNOLD DE BRUXELLES *.
Arnoldus ou Arnaldus de Bruxelles, aussi appelé Fia-
mengo, fut le second imprimeur de Naples, le premier étant
Sixtus Riessinger. En 1472, il publia dans cette ville la
Rhétorique de Cicéron, et il fit paraître, depuis cette année
jusqu'en 1477, une série d'éditions remarquables tant au
point de vue du texte que de la netteté des caractères. Il
faut citer spécialement son Horace (1474) et son Liber cibalis
et medicinalis deMatthœus Sylvaticus.
1631. MATTEONUCCL
Ce typographe musical qui publia en 1631 le Specchio
seconda di musica de S. Picerli, n'appartiendrait-il pas à la
famille des Nutius qui fournit trois générations d'impri-
meurs à Anvers ?
NUREMBERG.
1542-1563. JEAN MONTANUS ou VAN BERG^.
Originaire de Gand, selon Fétis^, Jean Montanus, dont le
nom flamand devait être Van den Berghe (de la Montagne),
imprima à Nuremberg, en société avec Ulrich Neuber. Il
se livra principalement à l'édition d'œuvres musicales,
mais imprima aussi d'autres ouvrages, tels que le De ele-
mentis et orbibus cœlestibus de Messahala (1549). Après sa
mort survenue en 1563, ses héritiers continuèrent pendant
quelques années l'officine avec Neuber; en 1566, ce dernier
s'associa avec Théodore Gerlach, qui continua bientôt seul
1 P.-C. Vandee Meeesch, ouvr. cité, 2« éd., pp. 367-402. — Bio-
grapJde nationale, 1. 1, col. 441-442.
2 Biographie universelle des musiciens, 2^ éd., 1. 1, p. 354.
5 Ch.-Fe. Gessner et J.-G. Hahek, Die so nilttig aïs niUzliche Buch-
drucJcerkunst (Leipzig, 1740-1745), t. II, p. 88.
202
les affaires ; un recueil de Magnificat de Roland de Lassus
paru eu 1567 porte l'adresse : Noribergœ, apud Theodo-
B^atïTS popialus qui fci^ iubdadonart
ricum Gerlatzenum in officina Joannis Montant piœ me-
moriœ.
1594-1602. LIÉVIN HULSIUS ou HULSE, de Gand •.
Né à Gand, vers 1546, Liévin Hulse embrassa les idées de
la Réforme, ce qui l'obligea à quitter sa patrie. Il s'établit
vers 1590 à Nuremberg, qui était alors un centre typogra-
phique important grâce à sa proximité de l'université
d'Altdorf. Après avoir été maître d'école, puis notaire
1 Biographie nationale, t. IX, col. 690-691. — A. Asher, Bihliogra-
phical essai/ on the collection of voyages edited by Levînus Hulsîus
(Londres, 1839).
— 203 —
public, Liévin Hiilse devint libraire, en 1594, et publia
divers ouvrages d'histoire et de géographie, ainsi que
des dictionnaires allemand-français et allemand-italien.
Séduit par le succès des Voyages publiés par De Bry à
Francfort, il entreprit, en 1598, de publier une collection
analogue, qui fut continuée par ses héritiers et dont
26 volumes parurent de 1598 h 1650. Il forma également le
projet d'une encyclopédie mathématique, dont quatre par-
ties virent le jour. En vue de rassembler des matériaux
pour ces entreprises et de les faire connaître, Hulsius entre-
prit, en janvier 1600, un voyage dans les Pays-Bas et en
Angleterre, à la suite duquel il alla se fixer à Francfort
(voir ce nom).
OPPENHEIM.
1614-1617. JEAN-THÉODORE DE BRY, de Liège. Voir
Francfort.
PARIS.
1473-1509. PIERRE DE KEYSERE '.
Parent d'Arnaud de Keysere, qui fut le premier impri-
meur d'Audenarde (1479) et de Gand (1483), Pierre de
Keysere était vraisemblablement originaire d'Audenarde
comme ce dernier. Il se rendit à Paris et s'initia à l'art
typographique dans l'atelier d'Ulrich Gering, auquel il
succéda vers 1473, en s'associant avec Jean Stol, d'origine
allemande. Très instruit, comme la plupart de ses collègues,
il indique presque toujours sa qualité de maître es arts.
De 1474 à 1509, il produisit une quarantaine d'ouvrages,
où les classiques latins sont surtout représentés. Il avait
1 P.-C. VANDERMEERSCH.ouvr. cité,2« éd., pp. ^OZAlh. — Biographie
nationale, t. V, col. 239. — J. de La Caille, Histoire de V imprimerie
(Paris, 1689), p. 61.
- 204 —
pour marque une vignette représentant l'intérieur de son
imprimerie : prelmn Cœsareum. Un personnage du même
nom, mais qui ne paraît pas appartenir à la même famille
fut imprimeur et relieur à Gand au commencement du
XVI" siècle.
1500-1534. JOSSE BADIUS ASCENSIUS ou VAN
ASSCHE, de Gand ^
Egaré par la forme du nom patronymique de ce célèbre
imprimeur, on a longtemps cru que Josse Badius Ascen-
sius était originaire de la petite localité brabançonne
d'Assche. Pourtant une lettre de Despautère à Georges
Haloinus, datée de Bergues-Saint-Winoc, 1515, et publiée
dans ses Versificatoria, le qualifie de Flander, et Conrad
Gesner l'appelle Gandensls dans son Epitome hibliothecœ
(1555, f. 112 v), ainsi que Bulée dans son Historia univer-
sitatis Parisiensis et Trithème, dans son De scriptoribus
ecclesiastibus (p. 393). Son origine gantoise est rendue
encore plus probable * par le fait qu'il s'appelle lui-même
Gandensis ou Gandavensis dans diverses de ses œuvres.
C'est ainsi que l'on trouve dans la Vita Christi de Ludolplie
de Saxe, imprimée à Lyon, en 1516, par Jean Moylin pour
Etienne Gueynard sous la direction d'Ascensius lui-même,
un quatrain de ce dernier intitulé : Jodoci Badii GAN-
DENSIS Tetrastichon de saneta Amia.
Badius serait un surnom, et la signification — brun ou
châtain — de ce vocable, me fait supposer qu'il fait allusion
* Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique,
t. I (Bruxelles, 1886), col. 610-616. — J. de La Caille, ouvr. cité,
pp. 71-75. — Em. Hoyois, Notice sur Josse Bade (extr. du t. III des
Mémoires de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hai-
naiit, à Mons).
2 Je n'ose pas dire certaine, puisque Sanderus, né à Anvers, s'est
parfois qualifié de Gandavensis, uoiâmmeTut sur le titre de la Flandria
illustrata.
205
— 206 —
à la couleur de cheveux de Van Assclie, pour lui restituer
son véritable nom patronymique ' .
11 fit ses premières études à l'école des Frères de la vie
commune, ou Hiéronymites, de sa ville natale puis se rendit
en Italie. Il séjourna à Ferrare, oii il eut pour maître
Guarini, et se rendit ensuite à Lyon, où il enseigna les
belles-lettres. Il s'attacha également à l'imprimeur Jean
Trechsel de cette ville, comme correcteur. En 1494, celui-ci
lui donna en mariage sa fille Thélife ou Thélèse, et dès ce
moment Van Assclie publia avec Trechsel de nombreux
auteurs classiques. Sur les exhortations de l'historien Robert
Gaguin, bibliothécaire du Louvre, il se rendit, en 1499, à
Paris, où il établit dans la rue Saint-Jacques, à l'enseigne
des Trois Loups, son imprimerie, qui devait devenir si
célèbre sous le nom Prœlum Ascensianum. Il eut le mérite
de remplacer les caractères gothiques par les caractères
romains, plus lisibles et plus harmonieux d'aspect. Lettré
très distingué, il avait publié jusqu'alors divers ouvrages,
tels qu'une paraphrase de le Nef des folles de Sébastien
Brandt et des Sylvœ morales^ un traité de l'art épisto-
laire, etc. Il renonça momentanément à ses goûts litté-
raires pour se consacrer tout entier aux soins de son
imprimerie d'où sortirent de nombreuses et remarquables
éditions des principaux classiques ainsi que des humanistes
les plus distingués de son temps ; beaucoup de ces ouvrages
sont précédés de lettres-préfaces dans lesquelles « l'on
trouve sur sa manière de vivre, sur sa famille, sur ses
relations littéraires, sur l'exercice de son art, des détails,
pleins d'intérêt, qui dépeignent à la fois l'homme et le
siècle de rénovation sociale où il vivait -». Son premier
1 Les comptes de la ville de Gand mentionnent plusieurs Van
Assche au XV^ siècle. C'est M"' Ferd. Vander Haeglien qui a le
premier signalé, en 1884, l'origine gantoise probable de Badins, dans
son liapport sur la bibliothèque de la ville et de l'université de Gand.
2 Biographie nationale, 1. 1, col. 613.
— 207 —
ouvrage publié à Paris est le Philobihlion de Richard de
Bury (1500); les deux derniers sont le traité d'Alphonse
de Castro contre les hérétiques (1534) et le commentaire de
Pierre Lombard sur les épîtres de Saint-Paul. Parmi ses
impressions, on peut citer ses Riidimenta Ascensiana
(1523-1525) *. La marque typographique de Josse Van
Assche représentait son imprimerie : PrœlumAscensianum;
sa devise était :
Aère meret Badius laudem auctorum arte legentium.
En 1507, il avait obtenu le titre d'imprimeur de l'Univer-
sité; c'est en cette qualité, notamment, qu'il fut chargé en
1521 de publier la censure des hérésies de Luther. Plu-
sieurs de ses éditions portent, accolé à son nom, celui du
libraire Jean Petit. Il mourut âgé de plus de soixante-
douze ans et fut inhumé dans le cimetière du cloître de
Saint-Benoît, Il eut de son mariage avec Thélèse Trechsel
deux fils, dont l'aîné mourut prématurément en 1526,
comme nous l'apprend la touchante préface d'un traité de
saint Jean Chrysostome; l'autre, Conrad, né à Paris en 1510,
suivit la carrière paternelle et, ayant embrassé la religion
luthérienne, exerça son art à Genève, où il mourut en 1568.
Parmi les filles de Badius, Jeanne épousa le libraire Jean
de Roigny, et Perrette le célèbre Robert Estienne. Michel
Vascosan épousa la fille de Conrad, Catherine.
J. de La Caille ^ mentionne un frère de Josse Badius,
Jean, qui exerça la librairie à Paris de 1517 à 1533.
1505. JOSSE HORENWEGHE, Flamand.
Un Juvénal avec le commentaire de Mancinelli imprimé
1 Bibliothèque de l'école des chartes, t. LVII (Paris, 1896), pp. 205-216
[L'imprimeur parisien Josse Bade et le prof esseur écossais Jean Vans,
par L. Delisle). L'éminent bibliographe français fait l'éloge de l'im-
pi'imeur, < dont le savoir et l'activité littéraire ne sont pas moins
admirables que l'habileté industrielle et commerciale ».
2 P. 88.
— 208 —
par Josse Baclius van Assche à Paris, en 1505, porte la sous-
cription suivante : Impressum est hoc opus rursns in edihus
Ascensianis apud Parrhisios impensis Joannis Meganc,
Joannis Waterloose. Et Jodoci Horemceghe flandrorum.
Anno salutis christiane. M.CCCCC. V. ad Nonas Martias.
1505. JEAN MEGANC, Flamand.
Ce libraire, cité clans la souscription qu'on vient de lire,
est probablement apparenté au grammairien Pierre Me-
ganck, né à Ninove et qui vécut au XVI® siècle.
1505-1519. JEAN WATERLOES ' ou WATERLOOSE,
Flamand.
Ce libraire, mentionné également dans la souscription
du Juvénal de 1505, fut associé depuis 1509 jusqu'en 1519
avec l'Allemand Berthold Remboldt, dans l'ancienne impri-
merie d'Ulricli Gering, à l'enseigne du Soleil d'or. Les noms
des deux associés iigurent sur deux éditions du Parro-
chio.le curatorum de Michel Loclimaier (1509 et 1511), le
De religione christiana de Marsilius Ficinus (1510), divers
ouvrages de Maplieus Vegius (1511), les oeuvres de saint
Cyprien (1512), etc.
1511. GEORGES BIERMANT, de Bruges.
Il imprima en 1511, pour Jean Granjou le De partibus
œdium de Fr. M. Grapoldi ^.
1512. ROBERT DE KEYSERE, deGand(?).
Pierre de Keysere (voir plus haut) semble avoir eu pour
successeur à Paris Robert de Keysere '" à en juger par une
1 Beschreibende Catalog des bibltographischen Muséums von Hein-
rich Klemm, pp. 396-397.
2 J. DE La Caille, ouvr. cité, p. 82.
3 Dans une lettre de 1507, le précepteur de Charles-Quint se plaint
qu'un certain Robert de Gand veut l'évincer de son emploi. Le Glay,
qui a publié ces lettres [Bulletins de la Commission royale d'histoire,
t. IV, 1841, pp. 108-112), se demande qui est ce Robert. Serait-ce notre
imprimeur ?
— 209 —
édition des Argonautiques de Valerius Flaccus imprimée,
en janvier 1512, pour Ascensius et Jean Petit, in prelo
Cesareo. Dans une épître en tête du volume, Gervais
Amoenus Drucencis félicite le typof^raplie , Robert de
Keysere, qui ad grœcarum Utterarum famam tanquam ad
aureum vellus advolans utriusque litteraturce prelum ma-
gnis tuis impensis excitasti. Si Robert de Keysere a réelle-
ment imprimé cet ouvrage à Paris, ce dont je ne suis pas
absolument certain, il revint rapidement à Gand; en 1513,
son élève Éloi Houckaert lui dédie, en effet, une pièce de
vers ainsi conçue :
Robepto Caesari Gandavo prœceploi'i colendissimo Eligitis Houcarius S.
Quod tua Gandavos illustrent prsela pénates :
Afficis hoc gentem Caesar honore tuam.
Ipse etenim piliis cum sis dignissimus annis
Das aliis nulla secla abitura die.
Unde accepta fero nostrœ rudimenta juventœ
Atque Robertinis nomina clara notis.
Le recueil où ligure cette pièce est imprimé à Gand, à
l'enseigne du Lynx, sans nom de typographe, mais avec
des caractères identiques à ceux du Valerius Flaccus. En
1521, Robert Empereur reçoit de Cbarles-Quint une grati-
fication de soixante livres pour son ouvrage, intitulé :
Officia Salomonis '.
1517-1533. JEAN BADIUS ASCENSIUS, frère de Josse.
Voir plus haut à l'article de ce dernier.
152G-1546. LOUIS CYANEUS, BLAUBLOMME ou
PEE11S(?), deGand.
II fit rouler ses presses à Paris de 1526 à 1546. En 1537
1 Al. Henné, Histoire du règne de Charles-Quint en Belgique,
t. V, p. 45, note,
14
— 210 —
il est associé avec J. Toucher pour la publication d'un
opuscule d'Érasme : De formis oratoriarum argumenta-
tionum En 154G, il imprime pour Jacques Kerver le songe
de Poliphile'. Mais il imprime surtout pour Simon de
Colines, et ses productions sont identiques à celles de ce
dernier, au point de vue des caractères, des ornements*, etc.
Je ne sais s'il faut l'identifier avec le philologue Louis
Blaviflos de Gand, dont on possède une Threnodia sur la
mort de Jean Dullaert (Gand, 1513) et qui soigna une
édition des œuvres de saint Grégoire, imprimée à Paris,
en 1523, par B. Remboldt pour A. Chevallon.
En 1559 et 1571 nous trouvons un maître imprimeur
parisien du nom de Claude Cyaneus ^ En 1568, paraît à
Paris, chez Gilles Gourbin, une traduction française de
l'histoire ecclésiastique dite Histoire tripartite, due à
Louis Cyaneus, selon la Croix du Maine * qui ne sait si le
traducteur est le même personnage que l'imprimeur; De la
Monnoye ajoute cette note : « C'est assurément le même
qui imprima le Traité de Sénècjue de Clementiâ, en 1532, à
Paris, in-4". avec les Commentaires de Calvin, âge seule-
ment alors de vingt-trois ans, & qui gardoit encore l'exté-
rieur de Catholique. Cyaneus étoit de Gand, & imprimoit
pour Simon de Colines. Son nom flamand étoit Péers,
sorte de bleu, (jue nous appelons aussi Pers, en grec
1528-1550. CHRÉTIEN WECHEL, de Lierre.
C'est à M" Henri Stein que nous devons de connaître
l'origine belge de ce fécond typographe parisien. Notre
1 J. DE La Caille, ouvr. cité, p. 103.
2 Ph. Renouard, Simon de Colines (Paris, 1894), p. 445.
' J. PiGHON et G. Vicaire, Documents pour servir à l'histoire des
libraires de Paris (Paris, 1895), pp. 118-119.
■* Bibliothèque française, t. II, p. 47.
— 211 —
savant confrère et ami compte lui consacrer prochainement
une notice, que nous espérons voir paraître bientôt.
Après la mort de Chrétien Wechel, son fils lui succéda et
lit rouler ses presses à Paris, jusqu'en 1573; forcé, pour
cause de religion, de quitter la France, il alla établir son
oihcine à Francfort.
1535-1547. JEAN LOYS ou LOUIS, Tiletanus ou de
Thielt, en Flandre ^.
Habei 'k muIi-« fpjenem
X
e X formica' fu/< bili» ineft.
Imprimeur fécond , Jean Louis travailla pour Jean
Roigny, Jean Petit, J. Bouille, Michel Vascosan, Guillaume
Richard, les héritiers d'Ascensius, Ch. Guillard, Simon
de Colines, etc. Il eut, comme graveur, Conrad Neobarius
1 Lottin prétend qu'il est < de Thielt en Gueldre > (lisez Tiel) ;
l'opinion la plus répandue en fait cependant un Flamand. Notons à ce
propos que l'on connaît trois poètes de ce nom nés à Douai, au
XVl^ siècle, et un poète flamand du XVIIP siècle, né à Ypres.
— 212 —
et, comme correcteur, Guillaume Morelius. Lors de sa mort,
en 1547, Henri Estienne lui composa deux épitaphes;
Martial Regerius avait déjà fait l'éloge de Loys en tête de
son édition du Lœlius de Cicéron, L'imprimeur parisien
Thomas Brumenius, mort avant 1588, avait épousé Made-
leine Louys, tille (?) de Jean.
1541-1548. JACQUES BOGARD.
1567-1616. OFFICINE PLANTINIENNE'.
Au commencement de 1567, Christophe Plantin ouvrit à
Paris, dans la maison de Pierre Porret, rue Saint- Jacques,
au Compas d'or, une librairie qui fut gérée jusqu'en 1577
par son gendre, Égide Beys, originaire de Breda. Le
22 août de cette année, Plantin la vendit au libraire pari-
sien, Michel Sonnius. Égide Beys continua toutefois à
habiter Paris, où il publia plusieurs ouvrages pour son
propre compte; sa marque représentait un plant de lys
avec cette devise : Casta placent superis. Mais ses affaires
périclitèrent et, n'ayant plus de quoi subvenir aux besoins
de ses nombreux enfants, il alla, en 1590, à Anvers
oii il s'établit près de l'officine de son beau-frère, Jean
Moretus. Beys retourna à Paris, vers 1594, et y mourut le
19 août 1595. Parmi ses fils, Christophe, qui était né à Paris
et qui eut une vie des plus déréglées, imprima à Paris, à
Rennes et à Lille, et Égide (II) à Bordeaux.
La veuve d'Égide Beys se remaria en 1596 avec l'impri-
meur Adrien Périer, et mourut le 27 décembre 1599. Son
mari employa la marque plantinienne jusqu'à sa mort
survenue en 1616. Le père de ce dernier, Jérémie Périer,
qui fut également imprimeur-libraire à Paris, épousa en
1596 Madeleine Beys, fille d'Égide.
1 Max Rooses, Chrîstox)he Plantin, pp. 256-257, 379-380.
— 213 —
1625-1643. MICHEL VAN LOCHEM', d'Anvers.
Né à Anvers, en 1601, Michel van Locliem se livra à la
gravure et alla chercher fortune à Paris, où il devint
« graveur du roi et imprimeur pour ses tailles-douces. » Il
y épousa en 1625 Marguerite Le Noir et ouvrit, rue Saint-
Jacques, à la Rose blanche couronnée, une librairie, qu'il
céda en 1643 à sa parente la veuve de Guillaume Le Noir;
il mourut à Paris, le 23 janvier 1647.
1789-1807. PHILIPPE-JOSEPH DE NENY^.
Grand bailli et président des Etats de Tournai, il se
rendit à Paris; au moment où la Révolution française
éclata, il ouvrit une librairie, près du palais de l'Institut,
afin d'échapper à la proscription. Il se trouvait encore à
Paris en 1807.
POTTENDORFF.
1668. JÉRÔME VERDUSSEN '.
Après avoir imprimé avec Jean-Baptiste Hacke à Vienne
(voir ce nom), Jérôme Verdussen, qui appartient à la famille
anversoise d'imprimeurs de ce nom, alla se fixer dans la
petite localité autrichienne de Pottendorff, sur les frontières
hongroises, où il imprima en 1668 les deux ouvrages sui-
vants : Cynosura juristarum, loca decretalia et articulas
novissimarum constitutionum inclyti regni Hungariœ, usque
ad 1659 reprœsantans, et Articidi universormn statuumet
ordinum inclyti regni Hungariœ.
* Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique,
t. XII (Bruxelles, 1892-1893), col. 300-303.
2 P. Bergmans, Analectes belgiques, pp. 5-24; j'ai publié dans cet
ouvrage un mémoire inédit de Ph.-J. de Neny sur les archives de
Flandre.
5 A. Mayeb, Wiens Buchdrucker-Geschichte (Vienne 1883-1887),
1. 1, p. 286.
— 214 —
ROME.
1474-1476. PAUL LEENEN'.
Paul Leenen, qui se qualifie de clericiis diœcesis Leo-
diensis, imprima à Rome avec Tallemand Jean Reynhard
d'Eyningen, de 1474 à 1476, les trois ouvrages suivants :
Lectnra Antonii de Biitrio super quarto Decretaliutn
(26 août 1474), Bartholomœi Cepollœ de servitutihus (1" sep-
tembre 1475) et Nicolai Perotti rudiment a grammatices
(1476).
14... DANIEL DE KEYSERE (?).
Victor Gaillard a relevé à Rome, dans Téglise de Saint-
Julien, répitaphe de Daniel Cœsar de Flandria, mort le
.31 décembre 1484; il émet l'hypothèse assez fondée qu'il
pourrait appartenir à la famille des imprimeurs deKeysere,
que l'on rencontre à Audenarde, à Gand et à Paris, et
ajoute cette conjecture dont nous lui laissons la responsa-
bilité : « nous sommes même tenté de croire que son nom
jDOurrait être ajouté à la liste des imprimeurs belges qui
s'établirent à l'étranger ^ ».
ROTTERDAM.
1585-1.590. JEAN VAN WAESBERGHE \
Né à Breyvelde, dans le pays d'Alost, vers 1528, Jean
van Waesberghe vint se fixer à Anvers, en 1555, et fut reçu,
en 1557, franc-maître dans la gilde de Saint-Luc. Il épousa
la tille de l'imprimeur Jean Roelants, chez lequel il avait
peut-être fait son apprentissage et s'établit à l'écu de
1 P.-C. Vander Meersch, ouvr. cité, 1'" édition, p. 176.
2 Annales de la Société rot/aie des Beaux Arts et de Littérature de
Gand, t. IV (Gand, 1851-1852), p. 106.
3 AiPH. De Decker, ou vr. cité, pp. 78-79. — Olthoff, ouvr. cité,
pp. 113-114.
— 215 —
Flandre, au cimetière Notre-Dame. Arrêté en janvier 1500,
avec plusieurs de ses confrères suspects d'hérésie, et em-
prisonné au Steen, il fut relâché peu de temps après. Lors
delà reddition d'Anvers, en 1585, il envoya son fils Jean à
Rotterdam, pour y établir une imprimerie et une librairie.
Aussitôt celles-ci installées, il s'y rendit lui-même avec sa
femme et exerça à Rotterdam, où il eut le titre d'impri-
meur de l'amirauté, jusqu'à sa mort, survenue le 9 avril
1590; la femme le suivit dans la tombe le 17 septembre
1595. Jean van Waesberghe fut la souche d'une importante
famille d'imprimeurs qui existe encore actuellement*. Sa
marque représentant un triton est accompagnée de la fière
devise : Litterœ immort alitatem parhmt. Les familles Van
Waesberghe et les Elzevier, toutes deux originaires de la
Belgique, sont de celles qui contribuèrent le plus à assurer
la gloire typographique des Pays-Bas septentrionaux, ainsi
que A. -M. Ledeboer le fait remarquer avec une louable
impartialité.
1.589-1624. JEAN (II) VAN WAESBERGHE.
Fils du précédent, il naquit à Anvers, en 1556, et fut
reçu dans la gilde de Saint-Luc, comme fils de maître,
en 1577. Il succéda à son père comme imprimeur de l'uni-
versité, à Rotterdam, oii il mourut le 25 mai 1626. Les
autres Van Waesberghe, nés en Hollande, n'appartiennent
pas à ces recherches .
1606-1610. JEAN (III) VAN GHELEN ^
Venant de Maestricht, Jean (III) Van Ghelen, né à
Anvers, s'établit en 1606 à Rotterdam, où il exerça son
art jusqu'en 1610, époque probable de sa mort. Sa veuve.
i A.-M. Ledeboeb, Het geslacht van Waesberghe (2* éd., La Haye,
1869).
2 A.-A. VoRSTERMâ.N VAN Oyen, ouvi'. cité, pp. 1921.
— 216 —
née Jeanne van Huckelroy, continua son officine en
1610-1611.
1611-1615. FÉLIX VAN SAMBIX.
Cet imprimeur, né en 1553 à Anvers, vint en Hollande
oîi il fut maître d'école; il s'acquit une grande répu-
tation comme calligraphe. Il épousa, le 6 septembre
1608, Elisabeth van Waesberghe et s'établit à Rotterdam,
à l'enseigne de la Bible comme imprimeur-libraire. Il
édita diverses œuvres espagnoles, qu'il traduisit lui-même
en néerlandais. En 1615, il alla se fixer à Delft, où on le
trouve jusqu'en 1634, date de sa mort. Sambix avait choisi
pour marque un phénix avec cette devise : Rara avis in
terra phœnix.
Voici un sonnet de Félix van Sambix qui figure en tête
du Spieghel der schrijfkonste, de Jean Vande Velde
(Rotterdam, 1605) :
A Irès-exceJlenl escrivain M"" Jean du Champ, mon Irès-clier compère.
Approchez, amateurs, approchez hardiment,
Admirez les beaux traits, tirez à ladvantage.
Quant & quant l'escriture en maint divers langage,
Formez de par du Champ d'un art nayvement.
Admirez, je vous pri', de quel grand jugement
Les mots sont façonnez, chasque à son vraye usage.
Et vous serez ravis au profond du courage.
Voyant les raritez d'escrits moût nettement.
O Somer, où es-tu, Paret & vous Beau-Chesne ?
Agard ce doux sourgeon, qui abat un gros chesne
Par ses coups merveilleux, tirez à la grandeur.
Couronnons de lauriers l'admirable science
Que Dieu semé en ce Champ par sa grande clémence,
Et concluons qu'il est des escrivains la Fleur.
— 217 —
Si la pièce ne prouve guère en faveur du talent poétique
de son auteur, elle montre du moins que Sambix savait
rendre justice aux mérites d'un confrère.
SAINT-OMER.
1602-1609. FRANÇOIS BELLET '.
Neveu de Jean Moerentorf, François Bellet fit son ap-
prentissage à l'officine plantinienne et se rendit à Saiut-
Omer, en 1602 ; sur les sollicitations du Magistrat d'Ypres,
il vint, en 1609, se fixer dans cette ville, oîi il mourut une
quinzaine d'années plus tard.
1610-1619. CHARLES BOSCARD^.
Fils du premier imprimeur de Douai, Charles Boscard
imprima dans cette ville de 1592 à 1610. A la suite du
départ de François Bellet de Saint-Omer, Boscard vint le
remplacer sur les instances du Magistrat audomarois.
Après sa mort, survenu en 1619, sa veuve continua
jusqu'en 1652 son établissement.
SALAMANQUE.
1605-1615. ARTUS TABERNIEL, d'Anvers.
Imprimeur de l'Université de Salamanque au commence-
ment du XVIP siècle, Artus Taberniel prend soin de se
qualifier û^Antverpianus dans la souscription delà disser-
tation du professeur Jean de Solorzano Pereira sur le
parricide, qu'il imprima en 1605^ L'année suivante, il
publia Las antiguedades de Salamanca de Gil Gonzalez de
Avila. Sa marque, qui figure sur le titre de cette édition,
représente un cartouche d'assez mauvais goût, avec une
1 A. De Decker, ouvr. cité, pp. 65-68.
2 DuTHiLLŒUL, BibViogrcqyhie doxiaisiemu, t. I, p. 407.
^ A. De Decker, ouvr. cité, p. 12.
— 218 —
presse et un caducée soutenant un livre; elle porte en
exergue la devise : Arte natus liber, anagramme du nom
d'Artus Taberniel*. On peut vraisemblablement consi-
dérer comme fils de ce dernier, Hyacinthe ou Jacinthe
Taberniel qui imprima en 1631 les Scholasticœ et morales
disputationes de tribus virtutibus theologicis de Pierre
Hurtado de Mendoza. Le deuxième volume, traitant de
la foi, le seul que j'aie rencontré *, offre une particularité
curieuse ; le titre est suivi d'un feuillet d'errata, au bas
duquel se trouve la signature du correcteur : His mendis
correctis, convertit Me liber cuin originali auctoris, pro quo-
rum fide meo nomine subscripsi, Salmanticœ, 2 Decembris,
Anna 1630. Corrector M, Gonzalus Correa.
SARAGOSSE.
1475-1478. MATH^US FLANDER.
Ce Flamand imprima à Saragosse le Manipulus cura-
1 Le Livre, partie moderne, 1883, p. 214, note.
2 Bibl. de l'Université de Gand, Ace. 9576i.
— 219 —
torum de Guido de Monte Rocherii (1475), et le Liber de
exposiiione missœ de Benoît de Pientinis (1478). On n'a
aucun autre renseignement sur lui. J'ai émis l'iiypotlièse
qu'il pourrait être identifié avec Antonius Mathias, le pre-
mier imprimeur de Gênes (voir ce nom) et de Mondovi.
SE VILLE.
1477(9). THIERRY MARTENS, d'Alost '.
On a cru longtemps que le premier imprimeur belge,
Thierry Martens, après avoir imprimé à Alost, alla s'établir
à Anvers à la suite du départ de Jean de Westphalie pour
Louvain. On citait, à l'appui de cette opinion, un recueil
d'opuscules de Rodolphe Agricola, daté d'Anvers, 1476, et
la Summa experimentorum sive thésaurus pauperum de
Pierre Alphonse, datée du 22 mai de la même année; mais
on a péremptoirement établi que la première de ces éditions
peut être considérée comme inexistante, et que la seconde
porte 1476 par suite d'une faute d'impression; sa date
véritable est 1497. On a conjecturé aussi que Martens est
resté attaché à Jean de Westphalie comme associé, ou peut-
être comme fondeur de caractères, jus(iu'à ce que, environ
dix ans après, il ouvrît pour son propre compte, une
officine dans sa ville natale.
Or, un savant américain, W.-J. Knapp, a publié, en
1881, une reproduction littérale d'une ordonnance espa-
gnole de Ferdinand et Isabelle, datée de Séville, le 25 dé-
cembre 1477, et dont l'original est conservé aux archives de
Murcie. L'ordonnance porte qu'un Teodorieo aleman, impri-
meur, ne sera ni molesté ni inquiété par les receveurs, et ne
payera aucun droit pour ses livres. Voici la traduction du
passage principal, telle que l'a donnée M"" J. Petit : « Sachent
i Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique,
t. Xlir (Bruxelles, 1894-1895), col. 879-893.
— 220 —
« tous que Thierry le Flamand, imprimeur de livres de
« moule, se trouvant en nos États, nous a exposé dans
« sa requête qu'il avait été l'un des principaux inven-
« teurs et artisans de livres de moule de tout genre ;
« qu'il avait résolu de s'exposer aux multiples périls de
« la mer pour apporter en ce pays de nombreux et remar-
« quables ouvrages de toute espèce, dont il a enrichi quan-
« tité de nos Etats, d'où il ne rejaillira pas moins d'honneur
« que d'utilité sur notre pays et ses habitants ; qu'il s'est
« exposé à tous ces périls dans l'espoir qu'il recevrait
« parmi nous un bon accueil, qu'on ne frapperait pas ses
« livres d'impôts trop lourds et que ceux qu'il vendrait
« seraient exemptés de tous droits d'entrée et autres, ce
« que nous lui avons octroyé. Qu'il soit également connu
« de tous que nous avons pris sous notre royale protection
« ledit Thierry et ses ouvriers ou agents... » Ce Thierry,
dit Knapp, est Thierry Martens. Mais si de nombreux
exemples contemporains permettent de dire qii'aleman cor-
respond à Flamand, il est plus difficile de démontrer que
ce Teodorico est notre Martens. Quelque ingénieuse que
soit cette identification, qui expli(iue la lacune existant
dans la vie de Martens, ce n'est qu'une conjecture ; pour la
transformer en fait acquis, il faudrait des preuves qu'on
n'a pu découvrir jusqu'ici.
Je dois ajouter cependant que beaucoup de bibliographes
tendent actuellement à admettre la conjecture de Knapp.
TARRAGONE.
1579-1586. PHILIPPE MEY.
Philippe Mey, fils de Jean Mey ou De Mey, imprimeur
à Valence et à Alcala (voir ce nom), fit rouler ses presses à
Tarragone en Catalogne. En 1586, il imprima sa traduction
en vers espagnols des sept premiers livres des métamor-
phoses d'Ovide, accompagnées d'autres poésies, sonnets et
— 221 —
épîtres amoureuses dans le goût italien ' : yo, dit-il dans
sa préface, porque mi impresion no estuviese ociosa,fuicasi
constrenido a sacar esta parte a luz entre tantoque acudia
obra de mas importancia, no ddndome mi poca posibilidad
y occupaciones ordinarias y de obligacias espacio para que
tan presto pudiera juntar los demas libres.
TOURS.
1496. JEHAN DE LIÈGE.
Matthieu Lateron imprime à Tours, le 7 mai 1496, la
Vie et miracles de saint Martin « pour Jehan du Liège,
marchand libraire à Tours » .
TRÉVISE.
1471-1474 et 1490-1498. GÉRARD DE LISA DE
FLANDRE ^.
Originaire de la Flandre, des bords de la Lys à en juger
par son nom, de Harlebeke près de Courtrai, selon Vander
Meersch, Gérard de Lisa semble avoir accompagné, à Venise,
Nicolas Jenson. C'est, en tous cas, avec les beaux caractères
romains créés par ce dernier, qu'il imprima, en 1471, à Tré-
vise \e De sainte sive de aspiratione animœ ad Deum de saint
Augustin ; en 1474, il fait usage de caractères gothiques
pour l'impression du Tesoro de Brunetto Latini. A la suite
de l'arrivée d'un concurrent, Michel Manzoli, de Parme,
Gérard de Lisa quitta Trévise. Il n'est pas absolument
certain qu'il transporta ses presses à Vicence (1476); mais
on le trouve établi à Venise, en 1477. En 1480-1481, nous
le voyons travailler à Cividale del Friuli et en 1484-1485,
à Udine;puis nous le perdons de vue jusqu'en 1489. Il
1 B.-J. Gallabdo, Ensayo de una hiblioteca espanola de libres raros
y curiosos (Madrid, 1863-l'889), t. III, col. 803-804, n» 3065.
2 P.-C. Vander Meersch, ouvr. cité, '2« éd., p. 273.
— 222 —
revient alors à Trévise, où il resta probablement jusqu'à
sa mort; parmi les impressions de son second séjour dans
cette ville, on cite les Anterotica de Pierre Hœdus, véritable
chef-d'œuvre typographique, et le rarissime Terminorum
musicce diffinitorium du célèbre musicien belge , Jean
Tinctoris.
UDINE.
1484-1485. GÉRARD DE LISA DE FLANDRE. Voir
Trévise.
UPS AL A.
Fin du XVIP siècle. HENRI DE KEYSERE '.
VALENCE.
1545 et 1555-1565. JEAN MEY ou DE MEY.
Ce typographe qui lit rouler ses presses de 1552 à 1554
à Alcala de Hénarès (voir ce nom) avait imprimé en 1545,
à Valence ; il semble être revenu dans cette dernière ville
après son séjour à Alcala, car il y imprima en 1555, El
verdadero sucesso de la famosa hatalla de Roncesvalles
de Francisco Garrido de Villena^ et, en 1565, le Honra de
escrivanos de Pedro de Madarjaga Vizcayno. Son fils, Pierre-
Patrice, lui succéda dans cette ville ; il y imprima notam-
ment, en 1604, la Coronica gênerai de toda Espaha.
VALENCIENNES.
(1500). JEHAN DE LIÈGE \
Jehan de Liège imprima à Valenciennes vers 1500, peut-
1 AuG. DeReume, Variétés hibliographiques et littéraires {QxnyieWeB,
1848), p. 78.
2 Le hibliophih belge, t. III (Bruxelles, 1846), p. 258.
3 A. Leroy et A. Dinaux. Archives historiques et littéraires du
Nord de la France, t. III (Valenciennes, 1833), pp. 280-290. — H.-R.
DuTHiLLŒUL, Bibliographie douaisienne, t. Il, pp. XI-XII.
— 223 —
être même avant, six gothiques français très rares; ce sont
des pièces de Jean Molinet, Georges Cliastelain et Olivier
de La Marche. Il semble avoir été établi d'abord devant le
couvent de sainct-Pol, puis entre le pont des Ronneaux et
le toucqiiet du lac devant le soleil.
1()10-1634. JEAN VERVLIET'.
Fils de l'imprimeur anversois Daniel Vervliet, Jean
continue l'officine paternelle jusqu'en 1609. En 1610 il vint
s'établir à Valenciennes, à la Bible d'or ; ses affaires prospé-
rèrent et son établissement prit une certaine extension.
J. Vervliet imprimait encore en 1634.
VENISE.
1477. GUILLAUME LE ROY, de Liège. Voir Lyon.
1477-1478. GÉRARD DE LISA, de Flandre. Voir Tré-
vise.
1483. JEAN DE LIÈGES
1517-1549. DANIEL BOMBERG ou VAN BOMBER-
GHEN, d'Anvers \
Délaissant le commerce auquel il s'adonnait dans sa
ville natale, Daniel van Bomberghen se rendit vers 1515 à
Venise et y établit une imprimerie hébraïque. En 1517, il
fit paraître la première édition de la Biblia hebraïca, qui
en eut cinq, de plus en plus correctes (1517, 1521, 1525,
1533, 1544), ainsi que sa grande Biblia Rabbinorum, qu'il
réimprima en 1526 et en 1547. En 1520, il commença l'im-
pression du Talmud de Babylone qui comprend douze
volumes in-folio, et qu'il réimprima trois fois.
i De Decker, ouvr. cité, p. 74.
2 C. Castellani, La Stampa in Venezia (Venise, 1889), p. xxxix.
^ Biographie nationale pahliée par l'Académie royale de Belgique,
t. II, col. 666-667. — A. De Decker, ouvr. cité, pp. 6-8.
— 224 —
Nicolas Clénarcl ou Cleynaerds, rapporte que les livres
hébreux de Bomberg passaient en Afrique, en Ethiopie,
dans rinde, partout oii les Juifs étaient établis \
Ces nombreux et considérables travaux lui coûtèrent
beaucoup d argent, et, d'après Scaliger, Daniel van Bom-
berghe n'y aurait pas employé moins de trois millions
d'écus; le personnel de son imprimerie comprenait deux
cents compositeurs et cent correcteurs, tous juifs.
Aussi mourut-il ruiné ; ses fils Corneille et Charles
retournèrent à Anvers, oii ils furent associés avec Christophe
Plantin en 1563-1567.
1549. BARTOLOMEO L'IMPERADOR.
D'après De Reume ^, il faudrait identifier avec un De
Keysere, le Bartolomeo Tlmperador qui imprime à Venise,
en 1549, le poème la Spagna de Sostegno di Zanobi.
(c. 1550)-1555. JACQUES DE BUUS ou BUYS \
Né dans les Pays-Bas, vers 1510, Jacques de Buus fut
organiste de Saint-Marc à Venise, où il fonda, vers 1550,
une imprimerie musicale et oii il mourut en 1555.
Un certain Jehan Buys obtient, concurremment avec
Henri Loys, le 22 août 1540, un privilège de trois ans pour
l'impression de certains livres de musique *.
(15..)-1568. NICOLAS DE STOOP ou STOPIUS S de
Gand.
Ce poète latin serait allé se fixer à Venise, où il aurait
été correcteur, puis imprimeur, d'après un biographe qui
1 Mercure belge, t. IV (Bruxelles, 1818), p. 193.
2 Variétés bibliographiques, p. 78.
3 Éd. Grégoir, Histoire de l'orgue (Bruxelles, 1865), p. 217.
* A. GoovAERTS, Histoire et bibliographie de la tij2)ographie musi-
cale dans les Pays-Bas (Anvers, 1880, p. 16).
^ Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique,
t. V (Bruxelles, 1876), col. 809-810.
— 225 —
n'apporte d'ailleurs aucune preuve à l'appui de ses affir-
mations. Il mourut à Venise, le 8 mai 15G8.
VIANEN.
1566-1567. AUGUSTIN VAN HASSELT. Voir iTampew.
VICENCE.
1476. GÉRARD DE LIS A, de Flandre. Voir Trévise.
VIENNE.
15.59-1565. IMPRIMERIE PARTICULIÈRE DES
JÉSUITES *.
Le P. Jean de Victoria, qui fut directeur du collège des
Jésuites à Vienne en 1559-1562, fonda, en 1559, une impri-
merie pour obvier aux dangers que couraient les catholiques
par la diffusion des ouvrages protestants et la difificulté de
se procurer des livres orthodoxes. Le personnel se compo-
sait de deux frères coadjuteurs comme compositeurs et
d'un correcteur; ce dernier se nommait Antoine Ghuse.
Des deux premiers nous ne connaissons que les prénoms :
Petrus et Nicolus, qui sont tous deux suivis de la qualifi-
cation de Flander.
1663-1678. JEAN-BAPTISTE HACQUE ^
Né à Anvers, il arriva à Vienne au commencement de
l'année 1660; sa première impression connue est un épi-
IhaUime de Girolamo Branchi imprimé en 1663. En 1667,
Hacque s'associa avec son concitoyen, H. Verdussen ; mais
1 A. Mayer, Wiens Buchdrucker-Geschichte, t. I, pp. 94-96. —
C. SoMMERVOGEL, Les Jésuites de Rome et de Vienne en M.D.LXI
(Bruxelles, 1892), pp. 17-18 et xxi.
* A. Meyer, ouvr. cité, 1. 1, pp. 286-291 et 320.
15
— 226 —
celui-ci le quitta l'année suivante pour aller s'établir à Pot-
tendorff (voir ce nom). Le 1 5 janvier 1671 , J.-B.Hacque reçut
le privilège important de faire imprimer les nouvelles étran-
gères qu'il recevait de Madrid, Paris, Londres, La Haye,
Venise et Rome et de les vendre; c'est ainsi qu'il publiais
journal, intitulé : Il coriero ordinario, ou Avisi italiani
ordinarii e estraordinarii^ dont on n'a pu retrouver les
premières années ; la collection de la bibliothèque impériale
de Vienne, qui comprend vingt-trois volumes, commence
en 1677. Il imprima en italien, en latin, en allemand et en
hongrois, mais surtout dans les deux premières de ces
langues. Ses publications sont remarquables par la beauté
des caractères et des ornements ; plusieurs sont ornées de
gravures sur cuivre, telles que la Servitus Mariana d'Au-
gustin Piomer (1667) et VHistoria di Leopoldo de Gualdo
(1670-1674). Il se servait d'une marque typographique
reproduite par A. Mayer et représentant un vérin ou cric,
que fait manœuvrer une main sortant d'un nuage, avec la
devise : Ingenio et viris. Après sa mort, survenue au com-
mencement de juillet 1678, sa veuve, Anne Hacque, fille
aîné d'un riche orfèvre viennois, de La Fontaine, continua
quelques mois l'officine, qu'elle vendit ensuite à son beau-
frère Jean van Ghelen.
1678-1721. JEAN VAN GHELEN '.
Appartenant à la célèbre famille anversoise des impri-
meurs Van Ghelen, Jean, quatrième de ce nom, naquit à
Anvers, où il fut baptisé dans l'église Notre-Dame le
23 mai 1645. Après de solides études sous la direction des
Jésuites et des Augustins, il exerça la carrière paternelle,
successivement à Anvers, à Bruxelles et à Lille. Décidé à
se fixer à l'étranger, il arriva à Vienne en 1 670 et entra
i A. Mayer, ouvr. cité, t. I, pp. 320 328, avec portrait et armoiries
de Jean vau Gbeleu.
— 227 —
dans l'atelier de J.-B, Hacque, son concitoyen (voir plus
haut), dont il épousa, le 28 février 1C72, la belle-sœur :
Elisabeth de La Fontaine . Ses connaissances linguis-
tiques — il possédait, eu effet, le latin, le flamand,
lallemand, le hongrois, le français, l'italien et l'espagnol —
furent très utiles à Hacque pour la publication de ses Avisi
italiani, et valurent à Van Ghelen l'estime des savants
viennois. En 1678, à la mort de Hacque, il acheta l'officine
de ce dernier, et fut inscrit, le 23 septembre de la même
année, comme imprimeur de l'Université ; le 5 novembre
suivant, il obtint le privilège de vendre les journaux
latins et français. Sous sa direction éclairée, les affaires
prirent rapidement un grand essor. Le 17 février 1701, il
obtint le titre d'imprimeur italien de la cour, qui lui fut
accordé tant en considération de ses publications que du
dévoûment dont il avait fait preuve lors d'une épidémie de
peste (1679) et du siège de Vienne (1683); le 6 novembre
1720, il devint l'imprimeur ofhciel et effectif de la cour.
Dans les dernières années de sa vie, Jean van Ghelen
abandonna la direction de son imprimerie, à son fils Jean-
Pierre'; après avoir fait un testament, le 2 juin 1720, il
mourut le 13 mai 1721, âgé de près de soixante-six ans.
Son établissement, le plus important de Vienne avec celui
de Cosmerovius, comprenait un matériel considérable com-
])Osé de cinq presses et d'un fond important de caractères ;
une fonderie particulière y était annexée. Ses publications
sont remarquables par une impression correcte et claire
ainsi que par le choix du papier. H faut remarquer parmi
elles quelques livres français rarissimes tels que le Por-
trait d'un véritable héros d'Adrien-Joseph Willemin (1684),
et les ouvrages de l'ingénieur Jacques de La Vergne. En
1703, il fonda, sous le titre de Wiener Diarium, le premier
1 Ce dernier fut anobli par Marie-Thérèse.
— 228 —
journal périodique régulier de Vienne, dont la publication
se poursuit encore actuellement sous le nom de Wiener
Zeitung.
"WESEL.
1566. AUGUSTIN VAN HASSELT. Voir iCampen.
1567-1574. LOUIS ELZEVIER, de Louvain. Voir Leic/en.
YORK.
1500. HUGUES GOES'.
Hugues Goes, originaire des Pays-Bas, imprima à York,
en 1509, le Pica sive directorium sacerdotum de Téglise
d'York. Il publia à Londres, sans date, une grammaire
latine. Enfin, une planche, décrite par Ames, porte son
nom avec l'adresse de Beverley, dans le Yorksliire. Il ap-
partient plus probablement aux Pays-Bas septentrionaux.
ZUTPHEN.
1616-1625. ANDRÉ JANSSEN, d'Alost
Appartenant vraisemblablement à la famille alostoise
dont sont issus le graveur Michel Janssen, le poète latin
Gabriel Janssen et le dominicain Jean Janssen qui vécurent
tous trois au commencement du XVIP siècle, André
Janssen fut libraire à Zutphen de 1616 à 1625.
ZWOLLE.
1605-1640. ZACHAPJE HEYNS, d'Anvers.
Venant d'Amsterdam (voir ce nom), Zacharie Heins
s'établit, en 1605, à Zwolle où il imprima jusqu'à sa mort,
en 1640. C'est là, notamment, qu'il publia sa traduction en
vers néerlandais des œuvres de Guillaume de Saluste,
seigneur du Bartas.
1 J. Ames, ouvr. cité, t. [Il, pp. 1437-1439.
229 —
Table alphabétique des noms d'imprimeurs.
Adkien d'Anvei'S. Estella.
Aleman (Teodorico). Voir Mar-
TENS.
Anvers (Adrien d'). Voir Adrien.
— (Henri d'). Voir Henri.
Arnold de Bruxelles. Naples.
AscENSius. Voir AsscHE (van).
AsscHE (Jean Badins van). Paris.
AsscHE (JosseBadiusvan). Lyon,
Paris.
Augustin van Hasselt. Cologne,
Kampen, Vianen, Wesel.
BADius(Josse).VoirAsscHE (van).
Bartolomeo rimperador. Voir
L'Imperador.
Bathen (Jacques). Cologne, Maes-
triclit.
Bellère (Balthazar). Douai.
Bellet (François). Saint-Omer.
Berg (Jean van), ou Montanus.
Nuremberg.
Berghen (Nicolas van). Londres.
Beys (Égide ou Gilles). Bordeaux.
Biermant (Georges). Paris.
Biestkens (Nicolas). Amsterdam,
Emden.
Binnesian (Henri), ouBynneman.
Londres.
Blaublomme (Louis), Cyaneus ou
Peers. Paris.
Bogaerts (Jean). Voir Bogaed.
Bogard (Jacques). Paris.
— (Jean), Bogaerts, Boogaerts
ou Vanden Boogaerde. Paris.
BoMBERG (Daniel), ou VanBom-
berghen. Venise.
Boogaerde (Jean vanden), ou
Boogaerts. Voir Bogard.
BoRREMANS (Pierre). Douai.
Boscard (Charles). Saint-Omer.
— (Jacques). Douai.
Bruxelles (Arnold de). Voir
Arnold.
Bry (Jean-Théodore de). Franc-
fort, Oppenheim.
— (Théodore de). Francfort.
Buus (Jacques de) , ou Buys.
Venise.
Bynneman (Henri). Voir Binne-
MAN.
C^SAR (Conradus). Cologne.
— (Nicolaus). Cologne.
— (Petrus). Voir Keysere (de).
— (Robertus) .Voir Keysere (de).
Cholinus (Goswin). Cologne.
— (Materne), ou Colin. Cologne.
CoLiNi (Jean). Metz.
Ceaesbeeck (Pierre). Lisbonne.
Ctematius (Gellius). Voir Erven
(Vander).
Cyaneus (Louis). Voir Blau-
blomme.
- 230
Dalen (Michel van), ou Dalius.
Cologne, Munster.
Damme (Pierre van). Amsterdam.
Elzevier (Louis). Douai, Leyde,
Wesel.
— (Louis II). La Haye.
— (Matthieu). Leyde.
Erven (Gilles Vander), Gellius
Ctematius ou Collinus Volck-
winner. Emden, Londres.
Flamenco (Juan). Voir Juan.
FLANDER(Gerardus).Volr Gérard.
— (Joannes). Voir Juan.
— (Mathœus). Voir Math^us.
— (Nicolas). Voir Nicolus.
— (Petrus). Voir Petrus.
Flandre (Gérard de) .Voir Gérard.
F'rans de Vlamingh. Voir Vla-
MINGH.
Gérard de Lisa de Flandre. Civi-
dale, Trévise, Udine, Venise,
Vicence.
— de Nova Civitate. Metz.
Ghelen (Jean van). Vienne.
— (Jean III van). Maestricht,
Rotterdam.
Ghendt (Pierre Stephanus van).
Voir Stephanus.
Ghuse (Antoine). Vienne.
GoES (Hugues). Beverley,Londres,
York.
Graten ( Gérard-Godfroy van).
Cambridge.
GuARiN (Thomas). Baie.
GuERiN (Thomas). Lyon.
Guillaume de Malines, ou Wil-
liam de Machlinia, ou de Mack-
lyn. Londres.
Hacque (Jean-Baptiste). Vienne.
Hasselt (Augustin van). Voir
Augustin.
Henri d'Anvers. Gênes.
Heyns (Zacharie). Amsterdam,
Zwolle.
HoLOGNE (Lambert de), ou Holo-
nius. Bâle.
HoRENAVEGHE (Josse). Paris.
Hudsebaut (Denis). Douai.
HuLSE (Liévin), ouHulsius.Franc-
fort, Nuremberg.
Janssen (André). Zutphen.
Jean de Liège, 1483. Venise.
— de Tournai. Ferrare.
— de Turnhout. Bois-le-Duc.
Jehan de Liège, 1496. Tours.
V. 1500. Valenciennes.
JÉsuiTEs(Imprimerie des). Vienne.
Joannes Flander. Voir Juan.
Juan Flamenco. Madrid.
Keeke (Pierre Vanden), Keerius
ou Kserius. Amsterdam.
Keyser (Anton). Cologne.
Keysere (Daniel de). Rome.
— (Henri de). Upsala.
— (Pierre de). Paris.
— (Robert de). Paris.
La Rivière (Guillaume de), ou
Rivière. Arras.
Leenen (Paul). Rome.
Le Roy (Guillaume), ou Régis.
Lyon, Venise.
Liège (Jean de). Voir Jean.
— (Jehan de). Voir Jehan.
LTMPERADOR(Bartolomeo).Venise
Lisa (Gérard de). Voir Gérard.
LocHEM (Michel van). Paris.
Los-Rios(Jean-François de).Lyon.
Louis (Jean), ou Loys. Paris.
Malines (Guillaume de). Voir
Guillaume.
— 231 —
Malte (Jean-Chrysostome). Co-
logne, Lille.
Martens (Thierry). Séville.
Math^us Flander. Saragosse.
Mathias (Antonius). Gênes, Mon-
dovi.
Mechlinia (Guilelmus ouWilliam
de). Voir Guillaume.
Meganc (Jean).Pai-i8.
Meulen (Corneille Vander). Al-
tona.
Me Y (Jean), ou de Mey. Alcala,
Valence.
— (Philippe). Tarragone.
MiEKDMAN (Etienne). Emden, Lon-
dres.
Montanus (Jean). VoirBERO.
Neny (Philippe- Joseph de). Paris.
Neufville (Simon de). Lille.
NicoLUS Flander. Vienne.
Nova Civitate (Gérardus de).
Voir Gérard.
Nucci (Matteo). Naples.
Peers (Louis). Voir Blaublomme.
Petrus Flander. Vienne.
Plantin (Christophe). Leyde.
Plantjnienne (Officine). Paris.
Rade (Abraham Vanden). Leeu-
warden.
— (Gilles Vanden), ou Radœus.
Franeker.
— (Jean Vanden). Groningue.
Raphelenghien ( Christophe ) .
Leyde.
— (François), ou Van Ravelin-
ghen. Leyde.
— (François II). Leyde.
Régis (Guillaume). Voir Le Roy.
Rivière (Guillaume). Voir La Ri-
vière (De).
Sambix (Félix van). Delft, Rottei--
dam.
Silvius (Charles). Leyde.
— (Guillaume), ou Sylvius.
Leyde.
Speryng (Nicolas). Cambridge.
Stell (Hans), ou John Still. Lon-
dres.
Stephanus (Pierre). Genève.
Still (John). Voir Stell.
Stoop (Nicolas de), ou Stopius.
Venise.
Stroobant (Guillaume). Lille.
Sylvius (Guillaume). Voir Silvius
Taberniel (Artus). Salamanque.
Tack (Antoine). Lille.
Teodorico Aleman. Voir Mar-
tens.
Therhoeknen (Arnold). Cologne.
Tournai (Jean de). Voir Jean.
TuRNHOUT (Jean de). Voir Jean.
Verdussen (Jérôme). Potten-
dorff.
Vervliet (Jean). Valenciennes.
Vlamingh (Frans de). Emden.
Volckwinner (CoUinus). Voir
Erven (Vander).
Waesberghe (Jean van). Rotter-
dam.
— (Jean II van). Rotterdam.
Waterloes (Jean), ou Water-
loose. Paris.
Wechel (Chrétien). Paris.
William de Machlinia. Voir Guil-
laume.
WiNDE (Louis de). Douai.
Yetsweirt (Charles). Londres.
Zuttere ( Pierre-Anastase do).
Emden.
— 232
Table chronologique des imprimeurs belges
à^"
XV« SIECLE.
1469. Arnold Therhoernen. Co- 1505.
logne.
1471. Antoine Mathias. Gênes.
1471. Gérard de Lisa de Flandre. 1509.
Trévise. 1511.
1472. Arnold de Bruxelles. Na- —
pies. 1512.
1473. Henri d'Anvers. Gênes. 1516.
— Pierre de Keysere. Paris. 1517.
— Guillaume Le Roy. Lyon.
1474. Paul Leenen. Rome. —
1475. Jean de Tournai. Ferrare. 1518.
— Mathaeus Flander. Sara- 1519.
gosse. 1525.
1477. Thierry Martens. Séville.
1482. Gérard de Nova Civitate et 1526.
Jean Colini. Metz. 1528.
— Guillaume de Malines. Lon- 1535.
dres. 1541.
1483. Jean de Liège. Venise. 1542.
1494. Josse Badius van Assche. 1549.
Lyon.
1496. Jehan de Liège. Tours. —
14... Daniel de Keysere. Rome.
1500. Jehan de Liège. Valen- 1550.
ciennes.
XVP SIECLE.
Josse Horenweghe , Jean
Meganc et Jean Water-
loes. Paris.
Hugues Goes. York.
Georges Biermant. Paris.
Anton Keyser. Cologne.
Robert de Keysere. Paris.
Lambert de Hologne. Bâle.
Jean Badius van Assche.
Paris.
Daniel Bomberg. Venise.
Nicolaus Csesar. Cologne.
Conradus Cœsar. Cologne.
G.-G. van Graten et Nicolas
Speryng. Cambridge.
Louis Blaublomme. Paris.
Chrétien Wechel. Paris.
Jean Louis. Paris.
Jacques Bogard. Paris.
Jean van Berg. Nuremberg.
Jean de Turnhout. Bois-le-
Duc.
Bartolomeo L'Imperador.
Venise.
Etienne Mierdraan. Lon-
dres.
1 Pour les imprimeurs qui ont travaillé dans plusieurs villes,
je n'ai tenu compte que de leur premier établissement à l'étranger.
— 233 —
1550. Jacques de Buus. Venise.
— Nicolas de Stoop. Venise.
1552. Jacques Bathen.Maestricht.
— Jean Mey. Alcala.
1558. Thomas Guerin. Lyon.
1554. Gilles Vander Erven. Lon-
dres.
1557. Materne Cholinus. Cologne.
1559. Imprimerie des Jésuites.
Vienne.
1561. Thomas Guarin. Bâle.
1562. Nicolas Biestkens. Eraden.
— Augustin van Hasselt.
Karapen.
1563. Jacques Boscard. Douai.
1564. Adrien d'Anvers. Estella.
— Louis de Winde. Douai.
1566. Henri Binneman. Londres.
1567. Louis Elzevier. Wezel.
— Officine plantinienne. Pa-
ris.
1568. Hans Stell. Londres.
1570. Pierre -An. de Zuttere.
Emden.
1571. Théodore de Bry. Franc-
fort.
1574. Jean Bogard. Douai.
1878. Guillaume Silvius. Leyde.
1579. Philippe Mey. Tarragone.
1580. Charles Silvius. Leyde.
— Jean-Théodore de Bry.
Francfort.
1583. Goswin Cholinus. Cologne.
— Christophe Plantin. Leyde.
1585. François Raphelenghien.
Leyde.
— Jean van Waesberghe.
Rotterdam.
1586. Gilles Vanden Rade. Frane-
ker.
1589. Jean (II) van Waesberghe.
Rotterdam.
1590. Balthazar Bellère. Douai.
1590. Louis (II) Elzevier. La
Haye.
1591. Guillaume de La Rivière.
Arras.
1594. Liévin Hulse. Nuremberg.
— CharlesYetsweirt. Londres.
1595. Zacharie Heyns. Amster-
dam.
— Antoine Tack. Lille.
1596. Guillaume Stroobant. Lille.
1597. Pierre Craesbeeck. Lis-
bonne.
— Jean (III) van Ghelen.
Maestricht.
— Christophe et François (II)
Raphelenghien. Leyde.
15... Nicolas van Berghen. Lon-
dres.
— Pierre Stephanus van
Ghendt. Genève.
1600. Juan Flamenco. Madrid.
XVII» SIÈCLE.
1602. François Bellet. Saint-
Omer.
1603. Abraham Vanden Rade.
Leeuwarden.
1604. Pierre Borremans. Douai.
1605. Artus Taberniel. Salaman-
que.
— Frans deVlamingh. Emden.
1606. Pierre Vanden Keere. Am-
sterdam.
— Jean Vanden Rade. Gro-
ningue.
1610. Charles Boscard. Saint-
Omer.
— Michel van Dalen. Munster.
— JeanVervliet.Valenciennes.
1611. Félix van Sambix. Rotter-
dam.
1616. André Janssen. Zutphen.
— 234
1617. Matthieu Elzevier. Leyde.
1618. Égide Beys. Bordeaux.
1623. Simon de Neufville. Lille.
1625. Michel van Lochem. Paris.
1631. Matteo Nucci. Naples.
1640. Denis Hudsebaut. Douai.
1663. Jean-Baptiste Hacque.
Vienne.
1668. Jérôme Verdussen. Potten-
dorff.
1673. Corneille Vander Meulen.
Altona.
(1675) Jean-Chrysostome Malte,
Cologne.
1678. Jean van Ghelen. Vienne.
16... Henri de Keysere. Upsala.
XVIIIe SIÈCLE.
1750. Pierre van Damme. Am-
sterdam.
1766. Jean-François de Los Rios.
Lyon.
1789. Philippe-Joseph de Neny.
Paris.
235
LA PRINCESSE DE CONDE
AUX PAYS-BAS.
SON SÊUOUH A aAND. 1653.
14^
Les événements, dont les provinces méridio-
nales de la France furent le théâtre aux mois de
juillet et d'août 1653, mirent un terme au mou-
vement insurrectionnel à la tête duquel se trou-
vait Louis II de Bourbon, x^i'i^ce de Condé,
connu dans Thistoire sous le nom de « le Grand
Condé. »
Le drapeau rouge disparut des clochers et des
édifices publics pour faire place au drapeau blanc.
Ce fut la fin des guerres de la Fronde qui, de 1648
à 1653, avaient ensanglanté la France pendant la
minorité du roi Louis XIV.
Le 3 août 1653, le duc de Candale et le duc de
Vendôme firent leur entrée à Bordeaux, centre de
l'insurrection. Cette ville venait de se soumettre
à l'autorité du roi et du cardinal Mazarin. « Ainsi
— 236 —
finit la guerre de Guyenne, dit M. le duc d'Aumale,
et s'évanouirent les dernières illusions de M. le
prince sur l'assistance ou la diversion qu'il pou-
vait attendre du Midi '. »
La femme du prince de Condé, Claire-Clémence
de Maillé, duchesse de Fronsac , marquise de
Brézé, nièce par sa mère du cardinal de Richelieu,
qu'il avait épousée le 11 février 1641, se trouvait
à Bordeaux avec son fils, le jeune duc d'Enghien.
Le séjour de cette ville, où elle jouissait cepen-
dant d'une certaine popularité, lui était devenu
impossible. La princesse quitta Bordeaux et s'em-
barqua à Lesparre pour aller rejoindre son
mari en Flandre, Elle arriva le 26 août à Dun-
kerque.
Dès que le roi d'Espagne, Philippe IV, apprit
que la princesse se proposait de venir dans les
Pays-Bas il envoya ses instructions au gouverneur-
général, l'archiduc d'Autriche Léopold- Guillaume.
Celui-ci reçut l'ordre de traiter la femme du grand
Condé avec la plus grande munificence et de lui
faire rendre les mêmes honneurs qu'à l'archidu-
chesse gouvernante.
Il nous faut ajouter qu'il n'en coûta rien ni au
gouvernement des Pays-Bas espagnols ni à Phi-
lippe IV lui-même, d'user de l'hospitalité la plus
large et la plus somptueuse à l'égard de la noble
exilée. Toutes les dépenses, en effet, occasionnées
i Histoire des Princes de Condé pendant les XVP et XVII^ siècles,
par le duc d'Aumale. Tome VI, page 307.
— 237 —
par son séjour dans les Pays-Pays, lurent suppor-
tées par les villes où résida la princesse.
Voici en quels termes M. le duc d'Aumale parle,
dans l'ouvrage que nous venons de citer (tome VI,
page 315), de la réception faite à la princesse
pendant son séjour dans les Pays-Bas espagnols :
« Claire-Clémence reçut aux Pays-Bas le traitement
d'une reine. Un des principaux personnages de la cour de
l'Archiduc, le comte de la Motterie, l'attendait à Dun-
kerque, oii elle débarqua le 26 août.
« Partout Tordre avait été donné de la loger avec magni-
ficence et de pourvoir sans compter à sa dépense et à celle
de son train.
a Accompagnée de son fils, elle s'achemina lentement
par Nieuport, Bruges, Gand, Audenarde jusqu'à Valen-
ciennes où elle établit sa résidence (18 septembre), lourde
charge pourla ville, bientôt accrue par l'arrivée de Madame
de Marsin et d'une suite nombreuse. »
Nous allons voir ce que coûta, notamment à la
ville de Bruges et à la ville de Gand, l'honneur
d'avoir pu héberger pendant quelques jours la
princesse de Condé, son escorte et les personnages
de sa suite.
Le 9 septembre 1653 la princesse arriva à Nieu-
port, venant de Dunkerque. Nieuport, heureuse-
ment pour ses finances, en fut quitte à fort bon
compte. La princesse ne s'y arrêta pas et ne fit
que traverser la ville. Elle se dirigea directement
vers Bruges où elle arriva le lendemain 10 sep-
tembre.
— 238 —
Nieuport dut uniquement payer le vin consommé
par son auguste visiteuse et par les personnes de
son entourage. La dépense s'éleva à la somme de
314 livres parisis et 12 escalins, soit environ
285 francs de notre monnaie; ce qui est loin d'être
exorbitant.
Cette dépense figure dans le compte communal
au chapitre des présent wijnen. On désigne sous
cette expression les pièces ou les mesures de vin
que les autorités communales avaient l'habitude
d'offrir aux souverains et aux personnages de dis-
tinction qui visitaient la ville. Le compte des
recettes et des dépenses de la ville de Nieuport
pour l'année 1653-1654 porte :
« Uytghaven ende hetalynghen ghedaen van présent
roijnen an diversche personen die de stadt mogen tveerdigh
loesen. »
« Ghepresenteert door de tcets an de princesse de Condé
de wijh ten hehoefeyt van haer tafel alhier binnen Nieuport
ivesende op den xi september i653 ende is daervoren be-
taelt an Anth. Moreel die de leverynghe ghedaen heeft de
sont van iii'^ xiiii Ib. xii sch. p.
Le compte porte encore en dépense la somme de
douze livres parisis pour la bière consommée à la
table de la princesse.
C'est par suite d'une erreur de plume, croyons-
nous, que l'article du compte cité plus haut porte
œi september 1653. Il faut plutôt lire ix september
1653. puisque le lendemain, 10 septembre, la prin-
— 230 —
cesse de Condé et sa suite faisaient déjà leur
entrée dans la ville de Bruges.
Si les finances de la ville de Nieuport n'eurent
pas à souffrir du passage de la princesse de Condé,
il n'en fut pas de même de celles de Bruges qui
ne s'en tira pas à aussi bon marché. Cette visite,
qui se prolongea pendant quatre jours, lui coûta
la somme de 586 livres 14 escalins et 4 deniers de
gros, soit environ 6400 francs de notre monnaie,
chiffre considérable si on tient compte de la valeur
de l'argent à cette époque.
Ce chiffre est presque identique à celui payé
par la ville de Gand, 597 livres et 11 escalins de
gros, ainsi que nous le verrons plus loin.
Le compte communal de Bruges du 2 septembre
1653 au 2 septembre 1654 porte à l'article 2 du
f-^ 124 :
ff Betaelt over aile (Voncosten van het traictement ende
defroy vande Princesse van Condé met den Prince haren
sone binnen deser stede ghecmmnen synde ende ghelogiert
stadts coste ten huuse vanden marquys Strossy, in de maent
van September xvi" dry en vichtich, hy een receul mette veri-
ficatien daer toe dienende, de somme van vyf honderd
Ixxxvi Ib. xiiii se. iii d. grote. »
On peut encore ajouter à cette somme celle de
17 livres 19 escalins et 10 deniers de gros (même
compte, folio 86, n"« 3-5), payée par la ville de
Bruges pour le séjour à Gand, pendant les journées
des 14, 15 et 16 septembre 1653 que la princesse
de Condé passa dans cette ville, du bourgmestre
Alphonse de Gras de Bouchoutte, de l'échevin
240 —
Jacques Wynkelman, du trésorier Jean vander
Lepe, du pensionnaire Nicaise van Volden et du
messager Jean Stalens.
Tous les détails relatifs à la réception et au
séjour de la princesse de Condé à Bruges sont
puisés dans les registres des Résolutions secrètes
du magistrat de cette ville (1642-1653, folio 337 v%
n° 3) dont le conservateur des archives, M. Gil-
liodts-Van Severen, a eu l'obligeance de nous
donner une analyse et traduction sommaires :
« 6 septembre. — Un courrier annonce au conseil l'arri-
vée pour le soir d'une partie de l'escorte de la princesse de
Condé. Résolu de lui fournir logement au taux d'un florin
par tête.
« 7 septembre. — Le greffier de la maison de la prin-
cesse remet au conseil la liste de l'escorte arrivée hier soir
en ville.
« 8 septembre. — L'adjudant marquis de Strossy annonce
que l'abbé de Saint-Marc (?) est venu à Bruges pour « con-
gratuler » la princesse et sollicite que la ville prenne à sa
charge le logement de l'abbé et de sa suite. Répondu que
cet abbé ne figurant pas sur la liste remise par le comte de
Lamotry, on ne peut accéder à la demande.
« 10 septembre. — Arrivée de la princesse et de son fils
le duc d'Enghien, qui avait été annoncée par lettre de La-
motry datée de Dunkerque. Envoyée à leur rencontre deux
compagnies de mousquetaires, inusqueUiers , de cent
hommes chacune, sur la digue du canal d'Ostende au-delà
du pont de Schipdale, près du Tempelhof, chargés de les
saluer par des salvos et de les accompagner à l'hôtel de
Pitthem ; de plus une salvo de 21 coups de canon devait,
du haut des remparts, aux deux côtés de la porte d'Ostende,
— 241 -
saluer leur entrée en ville ; et les deux bourgmestres, le
premier éclievin et le greffier civil devaient les compli-
menter. Elle arriva à cinq heures de Taprès-midi.
« 13 septembre. — Départ de la princesse pour Gaud
par le canal. Mêmes cérémonies qu'à son arrivée. »
La princesse était escortée par une espèce de
garde d'honneur, fournie par le gouverneur-géné-
ral des Pays-Bas, dont une partie était déjà arrivée
à Bruges dans la soirée du 6 septembre, comme
nous l'apprend le Resolutiehoeck du magistrat :
« ...een deel van den train van het volch hy syn Hoocheyt
afgezonden omme te gheinoele te commen de Princesse van
Condé .... »
La princesse de Condé quitta Bruges dans la
matinée du 13 septembre et s'embarqua avec son
fils et sa suite sur des bateaux mis à sa disposition
par les autorités provinciales, qui avaient la police
et l'entretien du canal à leur charge. Quelques
personnes de la suite firent le trajet de Bruges à
Gand en voiture ou à cheval, pour surveiller les
bagages dont une partie fut transportée à Gand.
par chariots.
La flotille — car on pouvait donner ce nom à
cette longue file d'embarcations — était escortée
sur les deux rives du canal par la garde d'honneur
envoyée par le gouverneur-général.
Rappelons, en passant, que le canal de Gand à
Bruges, fut creusé en 1613 par les soins et aux
frais des États de Flandre.
16
— 242 —
Dans les preDiiers jours du mois de septembre
1653 le collège des éclievins de la Keiire de Gand
reçut avis que la femme du grand Condé, en se
rendant à Yalenciennes, se proposait de passer
par leur ville et d'y faire un court séjour.
Vif émoi et non sans raison. Non pas, comme
on pourrait le croire, que cette nouvelle, si flat-
teuse pour la ville de Gand, allait remplir de joie
le cœur des magistrats communaux. Bien au con-
traire ! Ce fut avec la plus vive consternation que
les éclievins prirent connaissance du message leur
annonçant l'arrivée prochaine de la princesse de
Condé.
L'expérience leur avait malheureusement appris
que les séjours des princes et des grands seigneurs
ne sont pas sans entraîner avec eux quelques
menues dépenses, dont la caisse communale peut
finalement solder le montant. Leurs craintes
étaient d'autant plus justifiées dans l'occurence
qu'ils avaient reçu communication des instructions
émanées du gouverneur-général, Léopold d'Au-
triche, et ordonnant aux autorités locales de
traiter la princesse et sa suite avec la plus grande
munificence et sans regarder à la dépense.
Dès que le comte de la Motterie, attaché spécia-
lement à la personne de la princesse par le gou-
vernement des Pays-Bas espagnols, fut arrivé à
Bruges, les éclievins de la Keure lai envoyèrent
une députation afin d'obtenir que Son Altesse mo-
difiât son itinéraire et se rendît à Yalenciennes
— 243 —
sans traverser la ville de Gancl. Cette délicate et
peu agréable mission fut confiée à l'éclievin de la
Heure Denis van Vaernewijck, seigneur de Die-
penbroeck, et au conseiller-pensionnaire du Laury.
Ils passèrent cinq jours à Bruges. Toutes leurs
démarches furent inutiles et ils durent revenir à
Gand sans être parvenus à obtenir du comte de la
Motterie que Fitinéraire primitivement fixé fût
modifié. La ville pouvait donc, sans plus tarder,
se préparer h recevoir et à héberger la princesse
de Condé et les nombreux personnages de sa suite.
Les frais de ce voyage à Bruges sont libellés
dans les termes suivants au folio cxxvi v" des
comptes de la ville de Gand pour Tannée 1653-
1654 :
« Betaelt den heere Denys van Vaernewyck heere van
Diepenbroeck schepenen cnde den pensionnaris du Laury
de sotnme van derthien ponden vi s. viii grooten over vyf
daghen vacatien by hemlicden ghedaen binnen Brugghe in
het negotieren by den Grave van Lamotterye dat de prin-
cesse van Condé soude eenen anderen loeg nemen als door
dese stede. »
La princesse de Condé, accompagnée de son fils
le duc d'Enghien, arriva à Gand le 13 septembre
1653 et débarqua au faubourg de la jjorte de
Bruges. Le Resolutiehoek des échevins de la Keitre
ne fait pas mention du cérémonial observé à cette
occasion. Nous supposons qu'en vertu des instruc-
tions reçues de Tarchiduc Léopold, les honneurs
souverains lui furent rendus.
Voici le cérém.onial observé ordinairement à
— 244 —
cette époque, pour la réception cVun souverain ou
d'un haut personnage rendant visite à la ville de
Gand.
Les dix-huit compagnies de la garde bourgeoise,
horgherlycke loacht, faisaient la haie sur tout le
parcours du cortège qui était ouvert par le timba-
lier et les trompettes de la ville à cheval. A côté
des carrosses, dans lesquels se trouvaient le souve-
rain, les personnes de sa suite et les autorités,
marchaient, un flambeau allumé à la main, les
cent gardes formant la compagnie d'élite des
escrimeurs de la chef- confrérie de Saint-Michel et
connus sous le nom de honderd keiœlijcke mannen.
Selon l'ancien usage, une escorte à cheval com-
posée de membres aj)partenant à la corporation
des bouchers et à celle des poissonniers accom-
pagnait le cortège.
A l'arrivée et au départ, des salves d'artillerie
étaient tirées à la citadelle et du haut des rem-
parts, pendant que les cloches du beffroi sonnaient
à toute volée et que le carillon faisait entendre
ses airs les i^lus joyeux.
L'autorité communale offrait à la personne, qui
honorait la ville de sa présence, deux pièces de
vin. Les deux pièces, peintes et décorées, étaient
placées sur un chariot pavoisé que traînaient
quatre chevaux et qu'escortaient les kraenkinders
ou soutireurs de vin. Ce chariot venait ordinaire-
ment à la suite du cortège. Les deux pièces de vin
offertes à la princesse de Condé coûtèrent, d'après
les comptes, chacune dix livres et quinze escalins
de gros.
- 245 -
Le 13 septembre 1653 donc, la princesse de
Condé débarqua, pendant l'après-midi, au fau-
bourg de la porte de Bruges où l'attendaient les
échevins des deux bancs, de la Keure et des Par-
chons, revêtus de leur costume de cérémonie, met
/naine iabbaerden.
Après les compliments d'usage, le cortège se
mit en marche et conduisit la princesse et son fils
à riiôtellerie de la Pomme d'or, den gidden Apjjel,
que la ville avait entièrement retenue pour elle.
Den gidden Appel, situé près du pont aux
Pommes, était à cette époque l'hôtellerie la plus
importante de la ville de Gand. C'était là que des-
cendaient principalement les voyageurs apparte-
nant à la classe aisée de la société. On en a fait
deux habitations distinctes, marquées n"^ 7 et 9 et
appartenant aujourd'hui à la famille Hye-Hoys.
Les craintes des échevins au sujet des frais que
cette visite princière allait coûter à la ville de
Gand se réalisèrent complètement. Ces frais,
com.me nous l'avons déjà dit, s'élevèrent à la
somme considérable de 597 livres et 11 escalins
de gros, libellée comme suit aux comptes de la
ville pour l'année 1653-1654, folio cl \° :
« I)en ontfanghen bringht van ghelycken in uutgheven de
somme van vyf hondert seven entnegentich pojiden cet schel-
Ihighen grooten sxdckx als becostigJit heeft de fourieringhe
van de princesse van Condé ende de gone van hare suyte
alhier binnen dese stede wesende volghende den billette
inhoudende speci/îcatie ende der ordonnantie u° iiii^^ xvii Ih.
xi se. grooten. »
— 246 —
Cette somme de 597 livres de gros forme la
quarante-troisième partie des dépenses totales de
la ville de Gand qui, pour l'année administrative
1653-1654, s'élevèrent à la somme de 25,522 livres
de gros. Si nous appliquons ce calcul au budget
actuel de la ville de Gand, voici l'intéressant ré-
sultat auquel nous arrivons. Les dépenses pour
l'exercice 1895 se sont élevées à la somme de
5,410,419 francs dont la quarante- troisième partie
est, en chifires ronds, 126,000 francs.
Ce chiffre de 126,000 francs représente donc
ce que, de nos jours, la caisse communale pour-
rait payer si la ville se trouvait obligée de pour-
voir aux frais d'entretien et de logement d'un
haut personnage quelconque, venant passer deux
ou trois jours à Gand dans les mêmes conditions
que la princesse de Condé le fit en 1653. Nous
croyons que, comme leurs prédécesseurs de 1653,
nos édiles communaux se passeraient volontiers
de l'honneur d'une pareille visite.
La somme de 597 livres n'a rien d'étonnant
quand on considère que le nombre des personnes,
hébergées pendant trois jours, s'élevait à plus de
deux cents.
Dans la suite des personnes de tous rangs et de
toutes conditions, dont la princesse de Condé et
son fils étaient accompagnés, nous trouvons, pour
ne citer que ceux-là : des pages, sept cuisiniers
et leurs aides, un lavandier également avec ses
aides, deux postillons, deux tailleurs, quatre
— 247 —
toiirnebroches, deux trompettes, deux porteurs
de chaises.
Tout ce monde était réparti entre le gulden
Appel et onze hôtelleries dont nous trouvons les
noms dans les pièces justificatives des comptes du
trésorier de la ville pour Tannée 1G53-1654 :
« De Kroon hy Cbelfort, den Spiegel ten Putte, de Fon-
tcyne, de Sicaem, den Leeuic ten Putte, t Gulden hooft op
de Burgstrate, de Ster, in Audenarde, V Schaek, de Draeke,
't Hemdryk. »
Tous les logements avaient été retenus par des
employés de la ville et par un « fourrier » de la
princesse, arrivé quelques jours à l'avance pour
présider aux installations. Les écuries de ces hôtel-
leries ne suffisant pas pour placer les chevaux et
les mulets, on avait été obligé d'en louer encore
d'autres en ville. La location de ces écuries sup-
plémentaires coûta plus de trente livres de gros.
Parmi les victuailles, servies à la princesse de
Condé et à ceux, seigneurs, dames et serviteurs,
qin logèrent avec elle à l'hôtel du gidden Appel,
plusieurs furent fournies directement par la ville.
Il y a, entre autres, le compte d'un marchand de
poissons sur lequel nous voyons figurer quarante-
trois carpes, vingt-quatre brochets, et cent dix
soles, tout cela sans parler des saumons, des
plies, des turbots, des anguilles et d'autres pois-
sons dont le nombre n'est pas indiqué !
Les comptes de la viande, de la volaille et du
gibier, fournis aux frais de la ville, nous ren-
— 248 —
seignent que sur la table de la princesse et snr
celles de son entourage figurèrent de la viande de
bœuf, de veau et de porc, des saucissons et de la
langue fumée, des ris et des rognons de veau, des
poulets, des chapons, des dindes, des pigeons, des
perdreaux et des bécassines !
La ville dut fournir une vingtaine d'ouvriers
pour décharger les bagages arrivés de Bruges par
bateaux et par chariots. Il en fallut autant pour
recharger les bagages au moment du départ pour
Audenarde. Messieurs les laquais de la princesse
ainsi que ceux des seigneurs et des dames de sa
suite, jugeaient, sans aucun doute, au-dessous de
leur dignité de se livrer à une besogne aussi vile
et aussi roturière.
Pour donner une idée de ce que devait être le
train de bagages et d'objets de toutes sortes qui
suivait la princesse et sa suite dans leur voyage
en Flandre, il nous suffira de citer le compte d'une
seule des hôtelleries mentionnées plus haut. Nous
y trouvons que sept domestiques logèrent et
prirent leurs repas à l'hôtellerie et qu'on plaça
cinq chevaux et trois chariots dans les écuries et
les remises.
Plusieurs chambres de l'hôtellerie du gulden
Appel furent tapissées et meublées complètement
à neuf , toujours aux frais de la ville. « Behangen
van camers met tapyten, » « versie7Hng van seven
camers, » lisons-nous dans les comptes.
— 249 —
La ville dut également faire racqiiisition de
porcelaines, de faïences, de cristaux, de serviettes,
de nappes, de draps de lit, de batteries de cui-
sine, etc. Un de ces comptes, intitulé tafelgerief,
s'élève à la somme de dix-neuf livres de gros.
N'oublions pas de mentionner les salaires extra-
ordinaires payés aux hallebardiers, aux sergents
et messagers de l'hôtel de ville, et aux mor^kinderen
ou ribauds qui, nuit et jour, furent au service de
la princesse, soit pour monter la garde devant
l'hôtel et l'escorter dans ses promenades en ville,
soit pour veiller sur les bagages et les équipages,
soit pour remplir d'autres devoirs ne rentrant pas
dans leurs fonctions habituelles.
Tous les comptes détaillés, avec les requêtes et
les pièces justificatives, de ce que la ville de Gand
dut payer à ses employés, aux hôteliers, aux
différents fournisseurs et aux ouvriers de toutes
sortes forment, aux archives communales, un
volumineux dossier renfermant plusieurs pièces
d'un intérêt réel (série IIP"'', n" 1, Inhuldi7igen).
Telle est la requête adressée aux échevins de la
Keu7^e par l'hôtelier du gulden Appel, qui demande
à être indemnisé de la perte considérable -que le
séjour de la princesse de Condé lui a fait éprouver.
Il dit que, sur l'ordre du Magistrat, il a dû ren-
voyer tous ses clients dont plusieurs ne descen-
dront peut-être plus dans son hôtellerie. Il se
plaint également de ce qu'un grand nombre d'ob-
jets lui ont été dérobés.
— 250 —
Voici le texte de cette requête et de l'ordonnance
qui fit droit à la réclamation :
«An myn Edele Heeren Schepenen vander Keure.
« Supplierende vertoont reverentelyh Bcdtazar vande
Casteele hostelier vanden Gulden appel hoe dat door het
logement van zyne A Iteze de princesse van Condé met haere
suyte boven de depjense tsync liuyse ghedaen heloopende
volghende de gheannexeerde billetten speeificatie ter somme
van 42 lib. 18 sch. 10 gr. den suppliant gheleden heeft
groot verlies ende excessive schaede midts dat aile de ghone
die tsyne huyse ghelogiert ivaeren hebben tnoeten vertrechen
ende oock gheen andere en heeft connen ofte moghen
logieren loaerdorre oock te vreesen is het verlies van eenyghe
syne andere callanten boven tgonne dat oock is ontvreindt
al te îvel hy andermael niet en saude willen onderstaen voor
de somme van vyf hondert guldens ende alsoo al tselve
hennelyk is an myne edele heeren keert hem totte selve.
« Biddende de selve ghedient te syne an hem over tvoor-
nomde logement ende verlies by te legghen de somme van
vier hondert guldens daervan ende vande voornomde te
verleenen ordonnance van betaling op den heer trésorier
ttcelke doende... »
Ordonnance de paiement :
« Schepenen vander Keure hebben anden suppliant byghe-
legt over tlogement ende verlies by hem onderstaen door
haere hoocheyt de princesse van Condé, als de gheene van
haere suyte de somme van dry en dertich ponden zes schel-
lingen acht groote metsgaders over de dispence ende verlies
van eenighe tneubelen de somme van zes en dertich ponden
achthien schellyngen thien grooteyi volghende den billiette
van speeificatie ter dese annexe tsamen uytbrynghende de
somme van tzeventich ponden vyf schellyngen zes groote die
— 251 —
hem zullen betaelt ïcorden hy den secretaris onderschreven.
« Actum den 26 September 165S.
« OVERWAELE. »
Parmi les autres pièces curieuses à citer, se
trouve une requête adressée aux échevins de la
Keure par le personnel de l'hôtellerie du gidden
Afrpel^ composé de cinq domestiques et de quatre
servantes. Le texte de cette requête doit nous
faire supposer que la princesse de Condé, à qui le
gouvernement permettait de voyager et de se faire
héberger gratuitement par les localités qu'elle
honorait de sa présence, oubliait de donner des
pourboires aux gens qui l'avaient servie.
Les requérants énumèrent longuement tout ce
qu'ils ont fait pour le service de la princesse. Ils
parlent entre autres de « ...maecken imn de bed-
den, cwjsschen van de camers, aile dinglien loederom
op syne plaelse gestelt... » Ce qui, d'après eux,
méritait un pourboire ou une gratification qu'ils
se permettent de demander à l'autorité commu-
nale « ...hen te veree?'en met eene courtoisie ter
belle fie van myne edele Heeren... »
Même requête de la part des sergents et des
messagers de l'hôtel de ville qui ont soigné pour
les logements et veillé nuit et jour sur les objets
d'ameublement et sur les provisions fournies par
les échevins à la princesse de Condé :
« ...gheemployeert gheioeest int foerieren van den Edel-
dom van der princesse van Condé mette gone van haer
swiete ...Jiebbende de selve drye daeghen daermede besig
gheioeest dag ende nacht... »
- 252 —
« ...alsoock sorge te draeghen over aile zahen soo van
speyse, dranch, meubelen ende catheylen die hy de stadt
aldaer ghelevert syn gheioeest ten dienste van de princesse
van Condé. »
Le 15 septembre 1653 la princesse de Condé
et sa suite prirent enfin congé de la ville de Gand
pour se diriger sur Audenarde.
Une requête de Jean van Léaucourt, doyen des
francs-bateliers, nous fait connaître que, comme
de Bruges à Gand, le voyage, pour une partie de
la suite tout au moins, se fit également par eau.
Van Léaucourt réclama, pour lui et ses com-
pagnons, la somme de dix- sept livres de gros, qui
lui fut payée par la ville, pour avoir conduit
jusqu'à Audenarde un grand bateau, eene groote
j)leyte, et trois bateaux de moindre dimension, dry
hylanders, avec quarante à cinquante personnes de
la suite de la princesse et leurs bagages :
« ...eene groote pleyte en dry bylanders met bagaigen
mitsgaders veertich a vyftich persoonen van de suytte van
tnyvrauto de princesse van Condé... »
Nous ne connaissons rien de la réception que le
magistrat d' Audenarde fit à la princesse de Condé.
Il n'existe aux archives de cette ville aucun docu-
ment concernant cette réception. Quant aux
comptes communaux, ils ne peuvent fournir aucun
renseignement à ce sujet; ils présentent en effet
une lacune embrassant précisément la période
allant du 31 mars 1653 au 21 juillet 1654.
Tout ce que nous savons c'est que la princesse
ne fit que traverser Audenarde car le lendemain
253 —
de son départ à Gand elle arrivait déjà à Tournai.
Cette célérité doit nous faire admettre que depuis
Gand la princesse et la plus grande partie de sa
suite voyagaient en voiture ou à cheval.
* *
Le 16 septembre 1653 la princesse de Condé fit
son entrée solennelle à Tournai où son arrivée
avait été annoncée par une missive du comte de la
Motterie, ainsi que le mentionne le registre des
Consaux au n" 213, page 392 :
« A esté faicte lecture des lettres cln s^' comte de la Mot-
terye en date du 14^ de ce mois, escrites à Gandt, adres-
santes à voz seigneuries, contenantes que comme Madame
la Princesse de Condé, debvoit partir le lendemain dudit
Gandt vers Audenarde pour le jour ensuivant venir logier
en cette ville ; il en avoit bien voulu advertir voz seigneu-
ries, à ce qu'il leur plairoit de préparer son logement et
traictement auquel effect il en envoyeroit des domestiques
de S. A. pour y assister. »
Elle arriva à Tournai par la porte de Morelle où
les honneurs militaires lui furent rendus par deux
compagnies de 160 hommes. Ces deux compagnies,
commandées chacune par un capitaine, escortèrent
la princesse jusqu'à l'abbaye de Saint-Martin où
elle logea et où les membres du Magistrat com-
munal tournaisien vinrent lui faire la visite offi-
cielle et présenter les compliments d'usage.
Nous ignorons par suite de quelle heureuse cir-
constance la ville de Tournai n'eut rien à payer
— 254 ~
pour le « logement et traictement » de la princesse
et de sa suite. D'après les comptes communaux le
tout se borna au don d'une pièce de vin offerte au
comte de la Motterie :
« A ce massart compteur pour le rembourser de la
somme de ii*" £ flandres pour la valeur d'une pièche de vin
dont at esté fait présent au seigneur comte de la Motterie
estant ens ceste ville avecq la dame princesse de Condé par
ordonnance et quitance ladite somme. . . . ii^^^fl.»
La date du départ de la princesse de Condé
pour Valenciennes, où elle arriva le 18 septembre,
ne se trouve renseigné nulle part.
Nous devons à la complaisance de M. l'archi-
viste communal, M. Ad. Hocquet, les renseigne-
ments qui précèdent sur le séjour de la princesse
de Condé à Tournai.
Le 18 septembre 1653 la princesse de Condé fit
son entrée solennelle à Valenciennes à six heures
du soir. La princesse et les principaux personnages
de sa suite étaient assis dans quatre carrosses
attelés chacun de six chevaux.
Si les plaintes des échevins gantois au sujet des
frais qu'occasionna la visite de la princesse de
Condé furent vives, jugez de ce que durent être
celles du Magistrat de la ville de Valenciennes qui
eut rhonneur de pouvoir héberger ses nobles hôtes
pendant plus de quinze mois. Les charges que la
ville de Valenciennes eut à supporter de ce chef
furent très considérables car la suite de la prin-
— 255
cesse comportait, ainsi que nous l'avons vu plus
haut, au delà de deux cents personnes.
Cette petite cour manquait de distractions. Le
gouverneur-général , l'archiduc Léopold , s'em-
pressa de lui en procurer. Il envoya à Valen-
ciennes la troupe de comédiens, connue sous le
nom de comédiens du prince d'Orange, qui donnait
à ce moment des représentations à Bruxelles.
Dans les Recherches historiques, bibliographiques,
critiques et littéraires sur le théâtre deValenciennes\
on cite le chroniqueur Simon Leboucqqui rapporte
la décision prise par les autorités locales au sujet
de ces représentations :
« Lues lettres de son Altesse Impériale du 20 de ce mois
escript de Tournay disant qu'il envoyoit en ceste ville des
Comédiens (qui estoient ceulx du Prince d'Orange) pour
représenter huit à dix actions par devant sa cousine la
Princesse de Condé, nous ordonnant de désigner place et
théâtre aux dicts Comédiens. »
Simon Leboucq dit que ces représentations se
donnèrent dans la « Chambre de Saint-Georges. »
La première eut lieu le 29 novembre 1653, et la
dernière le 15 décembre suivant.
Cette troupe avait déjà donné des représenta-
tions à Gand en 1651. Elle se composait alors de
vingt acteurs et actrices, accompagnés de leurs
serviteurs-. De même que pour les représentations
i Paris, Hécart, libraire, 1816. Bibliothèque de la ville de Gand.
Histoire, n" 7139.
- Histoire du Théâtre à Gand. Tome 1, chapitre III. Tome II,
chapitre II.
— 256 —
données à Gand, nous ne connaissons pas les titres
des pièces jouées à Valenciennes.
Une notice historique sur le séjour de la prin-
cesse de Condé dans cette ville en 1653 et 1654,
due à la plume de M. le docteur R. Lejeal, a paru
en 1865 dans les Mémoires de la Société historique
de Valenciennes. C'est un travail fort complet et
dont les détails, comme le dit fort bien l'auteur,
« nous donnent pour ainsi dire la photographie
exacte d'une époque. »
La princesse de Condé qui, comme nous venons
de le voir, résidait déjà à Valenciennes depuis le
18 septembre 1653, quitta enfin cette ville le
30 décembre 1654, et alla s'établir à Malines. Ce
départ eut lieu à la suite des réclamations conti-
nuelles du Magistrat qui estimait, et à juste titre,
que cette charge, dont la ville supportait une forte
partie, était trop lourde pour les finances commu-
nales.
Il aurait été intéressant de connaître la liste
complète des nobles et puissants seigneurs, et des
gentes et honestes dames qui accompagnèrent la
princesse de Condé et qui, comme elle, se firent
traiter et héberger gratuitement pendant leur sé-
jour aux Pays-Bas. Malheureusement, tous les
documents que nous avons eus à notre disposition
ne renferment aucune indication à ce sujet.
Dans les délibérations du Magistrat de Bruges
— 257 —
il est fait mention d'une lyste van het volck, mais
le procès-verbal de la séance, pendant laquelle
cette liste fat déposée par le greffier, n'entre dans
aucun détail et ne cite aucun nom. La liste remise
par le comte de Lamotterie n'est également
transcrite nulle part.
Il n'entre pas dans le cadre de cet article de
suivre la princesse et son fils dans leurs nouvelles
pérégrinations Qu'il nous suffise de dire qu'à
Malines, sa nouvelle résidence, elle fut privée de
tout subside et dut pourvoir elle-même à son entre-
tien et à celui des personnes qui l'avaient accom-
pagnée.
Aussi ses ressources furent-elles bientôt complè-
tement épuisées. Elle en fut même réduite à vendre
successivement ses chevaux et ses carrosses, et
même jusqu'à des objets d'habillement. Plus de
crédit nulle part et, si l'on en croit les chroni-
queurs de l'époque, le pain manquait parfois sur
la table de son Altesse. Il arriva même que son
maître d'hôtel fut emprisonné à la requête des
fournisseurs, las d'attendre après le paiement de
leurs comptes restés en souffrance.
On voit qu'à Malines l'ordinaire de la princesse
était loin de ressembler aux menus qu'on lui
servait, un an auparavant, sur la table de Thôtel-
lerie du gulden Ajjpel à Gand.
Combien cet état de gène et de privations^
momentané il est vrai, contrastait avec la vie
large et facile que la femme du grand Condé avait
17
— 258 —
menée, pendant plus d'un an, au dépens de nos
bonnes villes, depuis Dunkerque jusqu'à Valen-
ciennes !^
Nous venons de voir combien les magistrats
communaux se montraient peu enthousiastes de
riionneur que la princesse de Condé leur faisait
en daignant séjourner dans leur ville.
Ce n'était pas la première fois que l'annonce de
l'arrivée d'une princesse étrangère dans .les Pays-
Bas fut accueillie avec un vif déplaisir par les
autorités. Un fait analogue s'était déjà produit en
1577 lors du voyage à Spa de la duchesse de
Vendôme, sœur du roi de France Henri III et
belle-sœur du roi d'Espagne Philippe IL
La duchesse, qui venait de quitter Paris pour se
rendre à Spa, devait nécessairement traverser les
Pays-Bas. Le gouverneur -général. Don Juan
d'Autriche, tout en faisant connaître qu'il enver-
rait le comte de Lalaing et le comte de Fromont à
Namur pour la recevoir à la frontière, ne put
s'empêcher de manifester le mécontentement que
lui causait cette visite.
Don Juan songeait-il aux frais et aux embarras
de toutes sortes que le voyage et le séjour de la
duchesse de Vendôme allaient probablement occa-
sionner au gouvernement? Nous sommes enclins
à le sujDposer d'après les termes de la lettre que,
' Dunkerque et Valenciennes, avec plusieurs autres villes impor-
tantes de la France actuelle, furent enlevées aux Pays-Bas, la pre-
mière par le traité des Pyrénées (1660) et la seconde par la paix de
Nimègue (1678).
— 259 —
le 7 juillet 1577, il écrivit de Malines aux dé-
putés des États-généraux réunis à ce moment à
Bruxelles.
Après avoir affirmé, assez faiblement d'ailleurs,
son intention de bien recevoir la duchesse, il finit
sa lettre par la phrase suivante dont le sens est
des plus significatifs :
« ...et eusse bien désiré que ceste venue ne se eust
offerte en ceste conjoncture. «
Cette lettre est transcrite en entier au fol. 230 v°
du registre Y de la collection connue aux archives
communales sous le nom de a les 47 Registres. »
Prosper Claeys.
2G0 —
UN FILS DE RYHOVE.
Plusieurs gentilshommes flamands ont servi
dans les armées et sous les ordres du Prince Mau-
rice de Nassau. Parmi ceux qui s'illustrèrent par
leur vaillance et les services éminents qu'ils ren-
dirent à la cause de l'indépendance des Pays-Bas,
figure au premier rang Louis de la Kethulle
seigneur de Ryhove.
Cet oflicier distingué était le second fils de
François de la Kethulle seigneur de Ryhove, le
partisan et champion dévoué du Taciturne, au
cours des événements qui se déroulèrent à Gand
et dans les Flandres de 1577 à 1584. Il était issu
du mariage de son père avec Suzanne vanden
Houte, dame de Houte et de Haultcamp, de noble
maison fixée à cette époque à Ypres '.
Il naquit en 1565 ^, très probablement dans la
i Sa généalogie jusqu'au début du XIV® siècle est établie par quan-
tité de documents reposant dans les archives communales de Gand,
Ypres, Bruges, dans les archives de l'État à Gand et dans d'autres
dépôts.
2 Arch. de Gand. Farde Ryhovestuks, série 94bis, n° 22.
Arch. d' Ypres. Poorterie-Èoeken, reg. 10, f" 189.
— 261 —
ville que nous venons de nommer ; car c'est là
qu'il passa les premières années de son enfance,
ainsi qu'on le constate dans les « Poorterie-Boe-
ken )) de cette cité ' .
Sa mère mourut à Gand le 17 octobre 1569 "".
Il suivit les vicissitudes des dernières années de
l'existence de son père, qui était resté en Hollande
après le rétablissement complet de la domination
espagnole dans les Flandres (1584), et qui j finit
ses jours le 15 juin 1585 \
Entré au service des armées des Provinces-
Unies, Louis de la Ketliulle ne tarda pas à s'y
faire remarquer par sa valeur.
Il était officier de cavalerie dans les troupes
avec lesquelles le Prince Maurice de Nassau alla
assiéger Deventer au mois de juin 1591, et il
devait, déjà à cette époque, avoir donné à son
chef des preuves certaines de sa bravoure et de
son habileté dans le maniement des armes. Le
Prince rendit, en effet, un éclatant hommage à
ses mérites en lui confiant l'honneur d'être son
champion et celui de son armée pour combattre
en champ clos un officier albanais de la garnison
de Deventer, qui, solennellement, du haut des
remparts, avait fait défier le plus vaillant de toute
l'armée assiégeante d'oser venir se mesurer avec
lui. Cet Albanais était un guerrier remarquable
par sa force et sa haute stature : les chroniqueurs
* Arch. d' Ypres. Poorterie-Boeken, loco citnfo.
2 Ibid. Reg. Quytscheldingen, n" 29, f" 58.
3 Arch. de Gand. Reg. Keure 1609-1611, a» 1610, f» 116.
— 2(32 —
du temps le comparent à Goliath. Le Prince
défendit d'abord aux siens d'accepter ce cartel.
Peut-être craignait-il l'effet démoralisant qu'un
échec aurait pu produire sur sa jeune armée.
Mais Ryhove ne pouvant supporter les bravades
de l'Albanais, insista tant qu'il obtint de son chef
l'autorisation de relever le défi. Ce combat renou-
velé dos temps anciens, eut lieu entre les deux
armées assistant à ce spectacle émouvant, l'une
du haut de ses remparts, l'autre de ses retranche-
ments. Les deux champions montés sur leurs
meilleurs chevaux et parés de brillantes armures
se chargèrent d'abord à la lance ; mais n'obtenant
pas de résultat, ils passèrent aux autres armes.
L'Albanais, qui à Tins a de Ryhove était armé
d'un pistolet, le braqua traîtreusement sur son
adversaire. Mais celui-ci avec une promptitude,
une adresse et une force remarquables, lui porta
sur le poignet un coup de coutelas si bien appli-
qué, qu'il lui trancha presque complètement ce
membre, et fit tomber l'arme de sa main pante-
lante. L'Albanais demanda grâce, et s'avouant
vaincu passa lui-même au cou du vainqueur la
chaîne d'or qui ornait sa cuirasse. Ryhove laissa
la vie à son adversaire mutilé, et livra son pri-
sonnier entre les mains du Prince Maurice, qui
fit panser sa blessure et le renvoya dans la place
porteur d'un message pour le Gouverneur.
Revins et Van Meteren, contemporains de ces
événements, et après eux d'autres historiens,
notamment Corvin-Wierbitzky, ont rapporté les
détails de cet exploit mémorable du gentilhomme
-■ 26.-
flamand, âgé à cette époque d'environ vingt-six
.s'.
Nous reproduisons le texte de Van Meteren :
ans '.
« Het is oock noterens weert van een duellam ofte
campvecht hier ghebeurt van twee dappere lielden, te
weten tusschen joncher Lowys vander Cathulle, sone van
den heer van Eyhove van Gent ende eenen kloecken stryt-
baren ruyter Albanoys, die uyt de stadt Deventer int be-
legh quam braveren ende trotselyck beroepen als eenen
Goliad eenen jegelycken, die liist hadde eene lancie met
hem te breken : Het welcke Prince Mauritz de synen te
wagen verbod. Doch de heere van Ryhoven inder lenghde
't zelfde niet konnende lyden verkreeg van den veldoversten
verlof, presenterende hem ; also renden tegen malkande-
ren : Maer metter Lancien niet afwinnende quamen zy
totten korten geweere : Den Albanoys een pistolet noch
hebbende sonder wete van Ryhoven : Hierop taste Ryhoven
alleen met syn cortelas onderwaert de Albanoys aen ; het
roer in de vuyst hebbende, ende hieuw hem dieselve vuyst
bynaer gansch af, dat het roer hem ontviel ende vuyst
afhinck : Ende werdt alsoo van hem gevange : Dies de
Albanoys sigh overwonneu bekennende, syn eighen gouden
ketene den Ryhoven aen den hais wierp : Ende werdt
daerna door den Prince Mauritz met eenen brief aen den
gouverneur ghesonden ende los gegeven als ghenoegh synen
hoogmoet ghestraft zynde ... » -
* Revius, Deventria illustrata, i° 527. — Van Meteren, Hist. der
Nederlanden, 16 B., bl. .317. — Corvin-Wierbitzky, De tachtigjarigc
oorlog, JV, f" 410. — Moonen, Kurte chromjcke der stadt Dcveiifei: —
V. encore : Revius, Over-i/sselsche zangcn en dichten, '2® édit. Leide,
1634.
2 La famille de Meetkerque paya également son tribut à la cause de
l'indépendance des Pays-Bas.
Antoine de Meetkerque, fils d'Adolphe, président du Conseil de
— 264 —
Les données manquent au sujet du rôle que
Louis de la Kethulle fut appelé à jouer dans les
nombreuses expéditions et les combats qui eurent
lieu au cours des années suivantes. On trouve
seulement qu'en mai 1596, il tenait garnison à
Breda, et que de là il mena un raid de cavalerie
jusqu'à Echternacli, dont il s'empara presque
sans coup férir. Il ramena heureusement ses
troupes dans leurs quartiers, avec le butin qu'elles
avaient fait, malgré quantité de rencontres avec
les bandes ennemies '.
Peu d'années après, Ryhove s'illustra de nou-
veau par la prise de Wachtendonck. Cette place
forte, située dans la Gueldre supérieure, quartier
d'outre-Meuse, sur la rivière Niers, était entourée
de bons remparts et défendue par un château :
elle se trouvait en plein pays ennemi, au milieu
d'autres places que les Espagnols tenaient encore.
La possession de ce point stratégique était du
plus haut intérêt pour l'armée des Provinces-Unies
parce qu'elle devait permettre de retarder et
même d'empêcher l'exécution des plans de Men-
doza qui commandait alors les troupes espagnoles.
Au mois de janvier 1600, le Prince Maurice résolut
de faire une tentative pour s'en emparer : il réu-
Flandre institué par le Taciturne, fut mortellement blessé sur la
brèche de Deventer et mourut le lendemain de la prise de la ville, à
l'âge d'envù-on 30 ans. Son frère Nicolas, alors âgé de 19 ans, avait
perdu la vie au siège de Zutphen.
Deux autres fils d'Adolphe de Meetkerque servaient aussi parmi
les officiers du Prince Maurice.
V. Baudart, Guerres de Nassau, siège de Deventer, a" 1591, f" 156.
i Van Meteken, Historié der Nederlanden, 1596, f" 391. — Bor,
Nederlandsche historié, a° 1596.
-- 265 —
nit dans ce but de bonnes troupes au cloître de
Bebber près de Clèves sous les ordres supérieurs
de son frère le comte Louis de Nassau, et confia
à Ryhove le soin d'exécuter l'attaque ' . L'assaut
eut lieu dans la nuit du 23 janvier. La ville dont
les fossés étaient pris par la glace, tomba au
pouvoir des assaillants, qui s'emparèrent da châ-
teau le lendemain. Ce fut à Ryhove qu'échut le
périlleux honneur de maintenir cette conquête au
milieu des garnisons ennemies avoisinantes. Le
jour même de la prise de la place, il en fut
installé gouverneur par le comte Louis \
Il en conserva le commandement pendant plu-
sieurs années. Mais peu à peu, suivant que les
besoins s'en faisaient sentir ailleurs, on affaiblit la
garnison, si bien qu'au mois de mars 1603, Ryhove
n'avait plus que très peu de soldats auprès de lui.
L'ennemi profita de cette circonstance, et le 5
du dit mois de mars, lesgens du comte Henri van
den Berg réussirent à se rendre maîtres du châ-
teau grâce à la trahison d'un certain Peelhase et
à un stratagème renouvelé de la prise de Breda
en 1589. Ce Peelhase était un pêcheur habitué à
fournir du poisson au gouverneur et à la garnison.
Ayant caché dans son bateau quelques soldats
ennemis déterminés qu'il dissimula sous de la
paille, il arriva pendant la nuit au pont du châ-
1 « Zoo heeft Prince Mauritz door den heere van Rylioven geprac-
tiseert eenen aenslach op Wachtendonck ... »
V. Van Meteken. Liv. 22, f» 469.
2 Bob. A" 1600, f» 569. — Baudabt, Guerres de Nassau, t. II, f» 300.
— Van Meteren. B. 22, bl. 469.
— 266 -
teau. Il interpella la sentinelle, qu'il connaissait
fort bien, et réclama son assistance pour amarrer
sa barque. Le soldat lui tendit la main sans dé-
fiance; mais Peelhase, par une brusque secousse,
précipita le malheureux dans la rivière et le noya.
Les Espagnols pénétrèrent sans résistance dans
le château, et s'emparèrent de la personne du
gouverneur qu'ils emmenèrent, en toute hâte,
prisonnier à Venloo. Cependant la ville même
résista à leurs attaques. Des secours furent rapi-
dement envoyés à ses défenseurs, et dès le 11 du
mois le château retombait entre les mains des
troupes des Provinces -Unies. On s'empressa
d'échanger Ryhove contre des officiers espagnols
prisonniers, et dès qu'il fut relâché, il fut immé-
diatement rétabli comme gouverneur de Wachten-
donck. « ...Geste prise, dit l'historien Baudart,
n'estant advenue par sa faute'. »
Les renseignements font défaut au sujet du
23ersonnage dont nous nous occupons jusqu'au
mois de décembre 1618, époque à laquelle Mau-
rice de Nassau l'appela au commandement de
Bergen-op-Zoom. Cette ville, avec les remparts et
les forts qui l'entouraient, constituait une des
principales places fortes des Pays-Bas : située
près de la frontière, elle était le premier boule-
vard de son indépendance, parce qu'elle était
exposée à toutes les attaques de l'ennemi en cas
de reprise des hostilités. Le choix que le célèbre
général néerlandais fit de Ryhove prouve en
quelle haute estime il tenait cet officier.
i Baudart. T. U, f» 367.
— 267 —
Le message du Prince informant le Magistrat
de Bergen de la nomination de Ryhove repose
aux archives de cette ville : il est du 7 décembre
1618. On se trouvait alors encore en pleine trêve,
et il importait de mettre à la tête de la garnison
un homme capable de maintenir parmi les troupes
l'ordre et la discipline qui, dans ce temps-là,
fléchissaient si vite dans l'inaction et l'oisiveté.
« ...ende dat van nood is, écrit le Prince, dat
« een bequaem persoon aldaer (te Bergen) dient
« te wesen omme het garnisoen in goede ordre
« ende discipline te houden , soo hebben wy
« geraedtsaem gevonden den heere van Ryhoven
cf derwaerts te senden omme over het garnisoen
c( aldaer te commanderen... »
Louis de la Kethulle, âgé de cinquante-trois
ans, était, lors de sa nomination à Bergen, colonel
de trois régiments de cavalerie et chef (ritniees-
ter) d'une compagnie de cuirassiers'.
Il exerçait encore le commandement à Bergen
lorsque la trêve prit fin, et les hostilités avaient
à peine recommencé que le marquis de Spinola,
après une feinte destinée à tromper ses adver-
saires, dirigea brusquement son armée sur cette
place (juillet 1622).
Eyhove venait précisément d'être appelé à Rees
i « ...Edelen gestrengen erntfeste heer Joncheer Louys de la
Kethulle, heere van Ryhove, gouverneur der stadt ende fortten van
Bergen op ten Zoom, collonel van drye regimenten cavallerie ende
capiteyn (ritmeester) over eene compagnie curassiers... » V. Bergen
op den Zoom beleghert ende ontleghert, cité plus loin, et différents
actes du notaire Van Wezel aux archives du Brabant septen-
trional.
— 26S —
avec toute sa cavalerie pour rejoindre le Prince
Maurice qui rassemblait une puissante armée
dans les environs de cette ville. Il était déjà en
route quand un messager envoyé en toute hâte
par le Magistrat, l'informa de la marche et des
desseins de Spinola, le suppliant de venir au
secours de la ville dégarnie de troupes. La situa-
tion était délicate : Bergen risquait de tomber
entre les mains de l'ennemi, et d'autre part les
ordres formels du Prince lui prescrivaient de
venir sans délai renforcer son armée. Cependant
arrivé près de Breda, Ryhove rencontra le Prince
Justin de Nassau, qui après en avoir délibéré avec
lui et ses principaux officiers jugea qu'il devait
retourner à Bergen. Cette décision fut exécutée
avec tant de rapidité et de vigueur que Ryhove
parvint à rentrer dans la ville menacée avec les
quatre compagnies de cavalerie qu'il conduisait,
avant que l'armée de Spinola n'eût pris ses
quartiers autour des remparts. Outre la cavalerie,
il n'y avait en ce moment dans Bergen que dix
compagnies d'infanterie * . La place fut investie
le 18 juillet 1622 : toute l'attention des Provinces-
Unies fut aussitôt concentrée sur ce siège.
Ce n'était cependant pas sans jalousie ni
défiance que quelques bataves voyaient que la
défense de cette position importante et le com-
mandement suprême de toutes les troupes de
1 V. notamment : Berguen op den Zoom beleghert op 18 July 1622
ende ontleghert den 3 Octobrîs des zelven jaers, door Lambert de
Rycke, Nathan Vay en Job Durieu. — Mémoires de Frédéric Henri,
f°29.
— 269 —
secours qu'on allait y envoyer, étaient confiés
à un officier flamand. Le commissaire des États
manifesta même le désir que le gouverneur fût
remplacé. Mais Maurice de Nassau qui, mieux
que le magistrat civil, connaissait les qualités
militaires et la fidélité de son lieutenant, s'y
opposa : il consentit seulement à lui adjoindre un
conseil de guérite spécial. « ...Wel had, écrit
l'historien Arend, de gecommiteerde der staten
gaarne gezien dat de gouverneur de heer van
Ryhoven, een vlaming, door een ander vervangen
werd; maar de prins achtte dit onraadzaam :
slechts stelde hy hem eenen byzonderen Krygs-
raad ter zyde...< »
Des secours furent bientôt envoyés aux assié-
gés, qui avaient repoussé les premières attaques.
La place fut défendue avec une habileté et un
courage remarquables, et elle résista à tous les
assauts jusqu'au moment où le Prince Maurice
vint la délivrer avec une armée, devant laquelle
Spinola se retira. Le siège fut levé le 3 octobre.
Le lendemain le Prince partit de Roosendael
avec sa cavalerie, et entra dans Bergen, où il
remercia le Gouverneur et toute la garnison pour
les services rendus par eux à la patrie et les
vertus militaires dont ils avaient fait preuve
durant le sièges.
Dans une réunion tenue par le Magistrat de la
ville le 16 octobre, on résolut d'accorder des
1 Aeend, AJgemeene geschiedenis des vaderlands, 3* deel, 3* stuk,
bl. 736.
* Mémoires de Frédéric Henri, f" 16.
— 270 —
récompenses à ceux qui avaient rendu les services
les plus éminents : au Gouverneur fut attribué
un don de la valeur de 40 florins carolus'.
La nouvelle de la retraite de Spinola fut ac-
cueillie dans toute la Hollande par des transports
d'allégresse, et les poètes célébrèrent dans leurs
vers la délivrance de Bergen- op-Zoom, Dans
un chant de triomphe composé par Hofferus, on
lit, au sujet de Louis de la Kethulle, le passage
suivant dans lequel l'auteur fait allusion aux
exploits de son héros devant Deventer en 1591.
Après avoir cité les principaux chefs de l'armée
assiégeante, il passe à ceux des assiégés et s'écrie :
« ...doch and're vrome helden
Zyn binnen U gestelt ; te veel om al te melden,
Hier siet ghy onder U Ryhoven, end' den raan
Die eertyds d'Albanois end' synen trots verwan,
Wiens overste belegd, end' moedigheid wy mercken,
End' binnen inde stad, end' buyten in de werken,
Daer legert hem een held, daerop de vyand loert,
Dien fama met syn eer op haren waghen voert ;
2>
Du reste, le souvenir de cet épisode des guerres
nationales est resté vivant parmi le peuple hol-
landais; et récemment encore il a fait le sujet
d'un splendide cortège historique organisé à
Leyde au mois de juin 1895. Ce cortège était
divisé en deux parties : dans l'une on voyait les
plus célèbres officiers de larmée de secours et à
la tête de ceux-ci était figuré le Prince Maurice
de Nassau. L'autre représentait les principaux per-
' Archives de Bergen-op-Zoom, Resolutie-Boek : à la date.
2 V. Berghen op den Zoom heleghert ende ontJegheii, cité plus haut.
— 271 -
sonnages qui se trouvaient dans la ville assiégée
et parmi ceux-ci brillait au premier rang le
Gouverneur messire Louis de la Kethulle'.
Il existe un journal des événements du siège
de Bergen-op-Zoom , tenu par trois pasteurs
protestants de la ville et publié sous le titre :
Bergen op den Zoom beleghert clen 18 Juhj 1622
ende ontleghert den 3 Octobris des selven jaers, édité
à Middelbourg en 1623. L'historien Cliappujs
en donne également un récit circonstanciée
Le vaillant officier qui s'était rendu si digne
des importantes fonctions qui lui avaient été
confiées, les conserva jusqu'à la fin de sa vie.
Il mourut à Bergen-op-Zoom, à l'âge de soixante-
six ans, vers le 31 octobre 1631. A cette date le
Magistrat informa le Prince d'Orange de son dé-
cès, et le pria de pourvoir à son remplacement e
Son corps fut enterré dans la grande église, où
l'on voit encore aujourd'hui son mausolée sur
lequel figure l'épitaphe suivante :
TIBI
LUDOVICE DE KETULLE, DYNASTA DE
RIHOVE, QUI PRIMARIIS IN EQUESTRI
MILITIA DIGNITATIBUS DEFUNCTUS,
VITAM CUM URBIS HUJUS REGIMINE AMISISTI
CUJUS
VIRTUTEM ADMIRANTUR SINGULI,
PRUDENTIAM OMNES,
MORTEM NEMO,
UXOR MOESTA H. M. P
OBIIT ANNO Crj. 10. CXXXI.
< V. Programma van de maskerade ...op dinsdag 18 juni 1^95, édité
Leyden, H. Kleyn. — Journal VaderJand du 19 juin 1895, etc.
- Chappuys, Histoire Je la guerre de Flandre.
2 Archives Bergen-op-Zoom. Resolutie-Boek, à la date.
— 272 —
Louis de la Kethulle portait le titre de seigneur
de « Ryhove, » nom d'une seigneurie située en
Flandre près de Ninove. Nylioff lui donne aussi
le titre de seigneur de « Tamers'. » La qualifica-
tion de « Seigneur de Ryhove » « den lieer van
Ryhove i) ou simplement le nom de la seigneurie
« Ryhove « sont indifféremment employés pour
le désigner sans aucune adjonction de nom patro-
nymique. Il signait : « Louys de la Kethulle »
ainsi qu'on le voit, au bas de deux lettres auto-
graphes, datées de Delft, conservées aux archives
de Gand% ou parfois aussi « Louys de Ryhove »
signature qu'on lit sur une procuration passée
par le notaire Van Wezel de Bergen-op-Zoom le
7 juillet 1621'.
Il avait épousé à Delft, le 26 février 1598,
dame Françoise van Steelant, veuve du seigneur
de Brantwyck laquelle mourut sans descendance
en 1617*.
Il épousa en secondes noces, le 15 février 1621,
dame Emérence van Raves waey, veuve de messire
Abraham van Maie, de son vivant drossart de la
ville et des pays de Steenbergen etdeCruyskerke%
Celle-ci mourut en 1634. Suivant le désir exprimé
dans son testament (reçu par le notaire Van Wezel
i Nyhopf, Bjjdraghe voor de vaderlandsche geschîedenis, DIV,
bl. 147, 148.
2 Archives de Gand. Consignation 480.
3 Archives du Brabant septentrional.
4 Genealogische verzameling der waische bibliotbeek te Leyden
et autres documents généalogiques.
5 Divers actes du notaire Van Wezel aux archives du Bi'abant sep-
tentrional, et autres documents généalogiques.
— 273 —
le 20 août 1632), elle fut enterrée auprès de son
mari dans 1 église de Bergen, sous la même
pierre tombale, qui porte aussi son épitaplie
conçue dans les termes suivants :
NOBILISSIMA DOMINA AMORENSIA DE RAVESWAIJ
FRAGILITATIS HUMANT EXEMPLAR,
PATIEXTLE IXVIGT.E SPECULUM,
MORBOSUM VIT^ SU^ GURSUM GONFEGIT
ANNO ^R^ CHRISTIAN^ M 10 GXXXIII
avec les quatre quartiers :
SAINT-OMER-GORTEVILLE-ZUL-VANDEN BROECK.
Celte tombe est aussi ornée des blasons des
« la KetliuUe » et des « Raveswaey. »
Du second mariage de Louis de la Kethulle
naquit un seul enfant, une fille « Jeanne-Barbe. »
Elle épousa messire Thomas -Waleran d'Arkel
baron d'Amelroy, appartenant à l'une des plus
illustres maisons des Pays-Bas*. Elle n'eut point
d'enfants, et décéda en 1694 au château d'Ypelaer,
iuridiction de Breda^
A. K. R.
^ Van Leetjwen, Batavia illustrata, tome II, f° 852.
2 Documents généalogiques. Consultez aussi : Biographie nationale
de Belgique, notice par M. P. Fredericq. — Dictionnaire biographique
néerlandais, de Van der Aa.
18
— 274
FR. VAN DEN ENDE^
UN BELGE.
A propos de l'apparition à La Haye d'un livre
sur Spinoza : « Spinoza en zijn kring » par
Meinsma, M. de Wjzewa a fait récemment dans la
Revue des Deux Mondes nn intéressant exposé du
milieu dans lequel vivait le philosophe, et il a mis
notamment en lumière la personnalité très curieuse
d'un Belge, François Van denEnden, auquel revien-
drait évidemment une notice dans la Biographie
nationale. Nous empruntons à M. de Wyzewa les
détails qui suivent :
« Franciscus Affinius Van den Ende est né en
1600, à Anvers, d'une vieille famille flamande.
Après de fortes études faites à l'Université de
Louvain, il entra dans Tordre des jésuites ; mais
sans doute il n'y alla point au delà du noviciat,
car en 1642 on le retrouve à Anvers se mariant le
plus saintement du monde avec Clara Maria Ver-
meren. Trois ans après il s'installe à Amsterdam;
nous le voyons à plusieurs reprises de 1645 à 1651
signalé sur les registres de l'église catholique en
qualité de parrain. C'est durant cette période qu'on
— 275 —
suppose qu'il fut envoyé à Madrid, eu mission
diplomatique, par les magistrats d'Amsterdam.
Mais il n'en rapporte point, semble-t-il, de bien
grands profits, car, en 1650, il dut ouvrir, sur le
Nés, une boutique de libraire qu'il fut d'ailleurs
obligé de fermer dès l'année suivante, sur les
instances de ses créanciers.
« C'est alors que l'idée lui vint d'utiliser sa
science qu'il n'avait jamais cessé d'entretenir et
d'accroitre depuis sa jeunesse. Des humanités clas-
siques jusqu'au droit et à la médecine, il n'y avait
pas une branche du savoir où il n'excellât. Ses
contemporains sont d'accord pour reconnaître que
personne en Hollande ne connaissait et ne compre-
nait aussi bien les doctrines nouvelles, celles de
Bacon, de Hobbes et de Descartes en particulier;
mais les doctrines anciennes ne lui étaient pas
moins familières à en juger par ses traductions de
Platon et des Alexandrins. Il était poète aussi,
poète latin, et nous a laissé une comédie imitée de
T évence ^ Philhédenius ou l'Ami du Plaisir. Msàs tous
ces talents ne l'empêchaient point de mourir de
faim avec sa femme et ses cinq enfants, lorsqu'il
entreprit, en 1652, d'ouvrir à Amsterdam une
école de latin, où les enfants de la bourgeoisie
hollandaise seraient instruits des langues d'Athènes
et de Rome. L'entreprise devint bientôt excellente.
Les meilleures familles de la ville n'hésitèrent pas
à confier leurs enfants à ce catholique ; il lui vint
même des élèves d'Allemagne, d'Angleterre et de
France.
« Lorsque Spinoza le rencontra dans une réunion
— 276 —
des mennonites, son école se trouvait en pleine
prospérité. Frappé de l'intelligence du juif, Van
den Enden lui offrit aussitôt de compléter son
éducation : et jusqu'à son départ pour Rhynsbourg
en 1661, Spinoza resta près de lui, occupé sans
doute dans l'école en qualité de sous-maître. Et
quand les dénonciations de son ancien maître
Morteira, en 1661, lui firent interdire le séjour
d'Amsterdam, non seulement le hollandais et le
latin lui étaient devenus familiers, mais il avait
déjà écrit son traité de V Amélioration de r Esprit et
projeté son Exposé géométrique de la philosophie
Carlésie7ine.
« Son maître Van den Enden, cependant, restait
à Amsterdam. Il avait trouvé une collaboratrice
incomparable dans la personne de sa fille aînée,
Clara-Maria, dont la laideur était encore dépassée
par l'étendue et la variété de ses connaissances.
Latiniste accomplie, elle était devenue à seize ans
le meilleur latiniste de toute l'école. Spinoza eut-il
vraiment, comme Taflirme Colerus, l'intention de
demander sa main? La chose, en tout cas, n'aurait
pu avoir lieu qu'après son départ d'Amsterdam;
mais M. Meinsma ne la croit pas impossible.
« Une bonne fortune imprévue échut en 1671 au
vieux Van den Enden : il fut nommé médecin du
roi Louis XIV. Mais hélas ! mieux eût valu pour lui
rester maître d'école en Hollande ! A Paris, où il
se hâta de venir s'installer, aucune de ses belles
espérances ne se trouva réalisée. Le roi ne parut
pas même se souvenir de son existence, et le
vieillard se vit forcé d'ouvrir à Picpus une école de
— 277 —
latin pour gagner de quoi vivre. Il l'intitula pom-
peusement le Temple des Muses, mit tout en œuvre
pour la faire connaître. Mais les élèves ne venaient
toujours pas. C'est alors qu'avec quelques gentils-
hommes français, il forma le projet d'une grande
conspiration ; il s'agissait d'organiser une émeute
en Normandie et d'ouvrir à la flotte hollandaise le
port de Quillebœuf.
« Le 17 septembre 1674, Van den Enden, ren-
trant chez lui de Bruxelles, où il était allé régler,
avec des émissaires hollandais, les derniers détails
du complot, apprit par sa fille que ses complices
étaient arrêtés. Il reprit le chemin de Bruxelles.
Mais un de ses élèves, nommé Du Caux, l'avait
dénoncé. Arrêté au Bourget, il fut conduit à la
Bastille, condamné à mort et pendu. Ainsi périt le
27 novembre 1674, à soixante-quatorze ans, le seul
véritable maître de Benoit de Spinoza. »
M. de Wyzewa ajoute :
« Franciscus Van den Enden est une étrange et
saisissante figure. Parmi ces braves hollandais
altérés de la seule « vérité » , il ax3paraît comme un
dilettante, un amant de la beauté sous ses formes
les plus diverses. Catholique pratiquant et athée
déclaré, tour à tour jésuite, libraire, diplomate,
maître d'école et conspirateur, on comprend qu'il
ait fait, toute sa vie, l'étonnement de ses contem-
porains. A deux siècles de distance, il nous étonne
encore ; et nous ne saurions trop regretter que les
renseignements nous soient parvenus en si petit
nombre sur lui. » L.
278
UN PEINTRE BELGE
DE LA. FIN DU DIX-HXJITIÈ^MK SIÈ;CrjE:
ANTOINE CLEVENBERGH,
DE L OU VAIN".
Un artiste louvaniste de nos amis visita,
en 1872, à Londres, une de ces expositions de
tableaux anciens, comme on en organise de temps
à autre, dans la métropole anglaise. Les écoles
flamande et hollandaise y brillaient de tout leur
éclat par des productions des maîtres les plus en
renom. Dans ce pêle-mêle de belles peintures se
trouvait un splendide tableau de gibier, portant
le nom de Jean Weenincx, le grand peintre hollan-
dais de la fin du XVII'' sciècle <. Cette toile était
d'un arrangement si agréable, d'une facture si
ferme et d'un coloris si brillant, qu'elle faisait l'ad-
miration et l'envie des amateurs. Notre ami passa
et repassa devant le tableau. Frappé de la grande
analogie qu'il remarqua entre cette peinture et les
productions d'un ancien peintre louvaniste, il
l'examina plus en détail. Grand fut son étonne-
1 Jean Weenincx, né à Amsterdam, en 1640, mort en 1719.
— 279 —
ment, losqu'il y découvrit, sous un empâtement
maladroit des restes de la signature de son compa-
triote. Ce beau tableau avait passé par les mains
d'un marchand qui, dans le but d'en obtenir un
plus haut prix, avait fait substituer à la signature
du peintre louvaniste celle du maître hollandais,
La toile, qui passait pour une production de
Weenincx, était tout bonnement l'œuvre du lou-
vaniste Antoine Clevenbergh.
Clevenbergh est un de nos artistes du XVIIP
siècle, d'un incontestable mérite. Dans les collec-
tions ses toiles peuvent être suspendues, sans
dissonance à côté de celles de Weenincx et de Van
Utrecht. Malheureusement, il a été négligé par
les historiens de Fart. Il n'a pas de notice dans
notre biographie nationale, et ailleurs on ne trouve
sur lui aucun renseignement exact. Nous allons
essayer de réparer cet oubli. Il nous a semblé que
donner à ce compatriote une place dans l'histoire
de l'art, c'était non seulement poser un acte de
patriotisme, mais aussi un acte de justice.
Clevenbergh était le fils de ses œuvres. Sa vie
fut une lutte non interrompue pour la conquête
de l'art et du pain quotidien. Fils d'un Bohême,
il fut obligé, dès l'âge de quatorze ans, à pour-
voir à son existence. Malgré cela, il parvint
par son travail et sa persévérance à réussir dans
l'art et à laisser des œuvres qui honorent l'école
flamande.
Dans notre jeunesse nous eûmes de grands
rapports avec la famille de l'artiste. Son fils
Charles-Antoine était un ami de notre père et
- 280 —
venait souvent nous voir ; Joseph un autre de ses
fils, fut notre professeur de dessin à l'Académie
de Louvain. On comprendra que nous avons été
en situation de recueillir des renseignements
exacts et complets sur la carrière de l'artiste
distingué.
Antoine Clevenbergh naquit à Louvain, pa-
roisse de Saint-Pierre, le 14 juillet 1755, de
Pierre Clevenbergh ', peintre-décorateur, et de
Marie Thérèse Van Dyck, fille de Philippe Van
Dyck et de Catherine van der Borch.
Vers le milieu du règne de Marie-Thérèse il y
avait, à Louvain, un mouvement artistique assez
notable. Le plus grand peintre belge de l'époque
Pierre-Joseph Verhaghen, y exécutait alors ses
toiles gigantesques. Autour du maître travaillaient
plusieurs coloristes de mérite parmi lesquels il
importe de citer François Jacquin, portraitiste
d'un sérieux talent; Jean -Joseph Verhaghen,
frère de Pierre-Joseph, surnommé Pottekens Ver-
haghen, qui traitait des sujets dans le genre de
David Teniers; Martin van Dorne, peintre de la
Cour de Charles de Lorraine, et François Huygens,
qui reproduisaient les fleurs et les fruits avec une
saisissante vérité; Laurent Geets, qui peignait
habilement le gibier mort appendu contre un mur
blanc; enfin Herman Gillis et Albert van Campen
qui exécutaient des pages d'histoire. La présence
à Louvain de ces artistes exerça une incontestable
1 Ce Pierre Clevenbergh était fils d'Antoine, également peintre-
décorateur, et de Marie-Marguerite de Kerridder.
— 281 -
influence sur la formation du peintre dont nous
allons nous occuper.
Pierre Clevenbergli exécutait des panneaux de
salons, des dessus de portes, des trumeaux de
glaces, des paravents et des armoiries universi-
taires. C'était un ouvrier d'une certaine habilité,
mais un véritable Bohême, vivant au jour le jour,
s'occupant médiocrement de son ménage, s'attar-
dant souvent jusqu'à, l'aube dans les tavernes.
Quand ce gai compère était émêché, ce qui lui
arrivait parfois, il ennuj^ait tout le monde par ses
vanteries et ses propos incohérents. Par dérision
on le qualifiait de Rubens *. Il mourut à l'hôpital,
en 1782.
A l'âge de huit ans, le jeune Antoine alla à
l'école paroissiale et s'y fit remarquer par une
vive intelligence. Cependant il n'y fit pas grand
chose, si ce n'est des malices au maître, respec-
table chapelain de la collégiale de Saint-Pierre.
Dès qu'il eut une plume à la main ce fut pour
dessiner. Tout en apprenant la calligraphie, il
faisait des croquis partout et à propos de tout.
Dans la maison paternelle, l'enfant n'avait trouvé
d'autres jouets que les pinceaux de son père. Il
peignit donc dès sa plus tendre enfance. Malheu-
reusement l'enseignement qu'il reçut se réduisit à
fort peu de chose. Clevenbergh fut un véritable
autodidacte, un artiste qui s'était instruit et
1 Dans une déposition devant le mayeur de Louvain, le 27 mai 1777,
Dorothée Haus, veuve de Charles de Vleeschouwer, hôtesse de la
taverne Turnhouf, Vieux Marché, qualifie Pierre Clevenbergh < in
de Wandeling genoemt Rubens. >
- 282 —
formé lui même. Il réussit dans l'art presque sans
s'en douter. En examinant ses œuvres on est
étonné de constater qu'il savait tant de choses
sans avoir fréquenté l'atelier d'un artiste de valeur.
Pierre Clevenbergli, qui n'avait pas tardé à
constater que son fils était né peintre, l'associa
à ses travaux. De prime abord il lui rendit des
services. Malheureusement les travaux dont il
était chargé ne pouvaient aider à développer les
heureuses dispositions du jeune Antoine. Aspirant
à devenir artiste, l'élève comprit qu'il faisait
fausse route en s'occupant de peintures décora-
tives. Un jour donc il tira sa révérence aux
dessus de portes et aux paravents de son père,
courut les églises de Louvain et commença par
étudier les productions des anciens maîtres fla-
mands. Après avoir étudié ces œuvres, il se plaça
devant l'œuvre de Dieu, la nature. Là il trouva
son véritable maître. Heureux du bonheur que
donne le culte du beau, il s'en alla à la campagne,
comme quelqu'un qui avait tout son temps à
perdre. Il aimait les grands arbres avec leurs
ramages chantants; les champs couverts de blé,
les prairies émaillées de marguerites, ne se sen-
tant bien qu'au milieu de la belle nature. Ce qu'il
affectionnait surtout c'étaient les riants coteaux
d'Héverléet de vieux Héverlé, d'où l'œil contemple
les frais amphithéâtres des bois et les grasses
prairies qu'arrosent les eaux de la Dyle.
Traités dans un ton clair et doux, ses premiers
paysages eurent du succès. Comme il n'en exigeait
pas de gros prix, il les vendait couramment.
— 283 —
Clevenbergli était alors un jenne homme d'une
taille élancée : 1 mètre 70 centimètres. Il avait
une physionomie expressive, spirituelle et mo-
queuse, des yeux noirs et des cheveux bruns.
Il approchait alors de sa vingtième année.
Pour Tamour, on le sait, il ne faut qu'une appari-
tion, qu'un regard, ce regard tendre de Juliette à
Roméo. Le cœur demande fort peu pour com-
mencer le roman de la vie. Un jour, à une fête
dramatique donnée au local de la Table Ronde ^ il
rencontra une jeune personne qui le captiva par
sa tournure gracieuse et son regard entraînant.
Elle n'avait que quinze ans et se trouvait, par
conséquent, à l'époque où les jeunes filles passent
de Tadolescence dans la jeunesse, où elles ré-
pandent autour d'elles toute la fraîcheur de l'aube
matinale. C'était une blonde d'une taille au-dessus
de l'ordinaire, svelte, aisée et souple. Elle avait
une physionomie ardente et expressive. Ses yeux
d'un bleu de pervenche étaient ombragés par
des cils d'or. Un aimable sourire voltigeait sur
ses lèvres. Nulle autre ne pouvait lutter avec elle
sur le terrain de la coquetterie, par la tournure
qu'elle savait prêter au moindre chiffon, par le
chic qu'elle mettait à tout ce qu'elle portait. Avec
l'enthousiasme de son âge, Clevenbergh trouva
dans la jeune fille — elle se nommait Anna
Thielens — tant de beauté corporelle, tant de
qualités morales, qu'il finit par s'en amouracher
follement. Stimulé par l'amour il se livra sérieuse-
ment à l'étude dans l'espoir d'obtenir la main
d'Anna.
— 2«4 —
Un jour du mois de mai 1775, Clevenbergh
s'était rendu de grand matin à la forêt de vieux
Héverlé pour peindre d'après nature. S'étant assis
à l'ombre d'un vieux chêne, il esquissait une vue
de la belle vallée de Steenbergen. Lorsqu'il était
sur le point de terminer son étude, il vit arriver
devant lui un cavalier suivi d'un palefrenier.
C'était le duc Engelbert d'Arenberg qui faisait sa
promenade quotidienne autour des étangs appelés
les Eaux douces. Grand amateur de peinture, le
prince s'arrêta et examina attentivement le travail
du jeune coloriste. Il y constata des qualités si
sérieuses qu'il invita Clevenbergh à son château
d'Héverlé pour lui donner quelques conseils.
Le jeune artiste, qui n'avait pas l'usage du
monde, n'osait se présenter chez le duc. Mais
enhardi par sa chère Anna, il finit par se rendre
au château. Le duc, qui était d'une grande sim-
plicité, l'accueillit avec bonté et lui parla avec
tant de douceur et de raison qu'il en fut ravi.
Après une conversation de plus d'une heure le
prince lui remit deux Louis et une collection de
gravures d'après des maîtres du XVIP siècle.
Touché de la bonté du duc, Clevenbergh lui
montra, dans la suite, toutes ses études. Malheu-
reusement, il n'eut plus longtemps ce bonheur :
dans une partie de chasse, au parc d'Enghien, le
9 septembre 1775, un malheureux coup de fusil
rendit le noble duc aveugle pour toujours. Malgré
cette infirmité il continua à s'intéresser au jeune
peintre.
Au commencement de l'hiver de chaque année,
— 285 —
le duc d'Arenberg quittait son château d'Héverlé
pour se rendre dans sa principauté de Rekling-
hausen. Convaincu qu'un voyage ouvrirait de
nouveaux horizons à Clevenberg, il offrit de lui
faire voir les bords du Rhin. Mais s'éloigner de sa
chère Anna était chose pénible pour lui. Cepen-
dant il n'osait pas refuser : il accepta.
A cette époque nos pères étaient encore très
casaniers. Un voyage à Bruxelles était une affaire
considérable et celui qui se rendait à Paris était
l'objet de l'étonnement de toute la ville. Du
voyage de Clevenbergh on parlait comme d'un
événement. C'était la nouvelle du jour. Un matin
les équipages de la maison d'Arenberg quittèrent
le château d'Héverlé et traversèrent la ville de
Louvain. Tous les voisins étaient sur le seuil de
leurs portes pour voir partir le jeune artiste.
Notre Clevenbergh, se trouvant dans l'une des
voitures, saluait affectueusement ses concitoyens.
Il portait un vêtement doublé de fourrure et avait
l'air d'un descendant de grande maison. L'artiste
trouva les bords du Rhin admirables ; cependanjb
il n'était pas heureux : Anna Thielens était restée
à Louvain et cette absence lui devenait de jour en
jour plus insupportable. Au bout d'un mois il alla
trouver le duc d'Arenberg et en prit congé. Il va
sans dire qu'il s'empressa de prendre la route de
son pays.
Un jour quatre musiciens ambulants entrèrent à
Louvain par la porte de Namur. Les habitants
coururent à leurs portes pour savoir ce qui
se passait. A leur grand étonnement, ils virent
— 286 —
marcher derrière les musiciens, Clevenberg tenant
par la main sa bien aimée. Le jeune artiste venait
d'arriver au château d'Héverlé dans une voiture
de la maison d'Arenberg et entrait en ville en
dansant avec Anna, à la manière des paysans de
Teniers.
Le 14 avril 1777, Antoine Clevenbeegh épousa,
à l'église de Saint Pierre, Anne -Marie Thielens.
Elle était née à Louvain, le 23 février 1760, et était
fille de Guillaume Thielens et d'Anne Catherine
Lefébure.
A partir de sou mariage, l'artiste commença
cette vie pénible, cette lutte soutenue jusqu'à la
mort contre l'infortune et l'obscurité, sans décou-
ragement et sans murmure. Il travailla bravement,
exécutant tous les travaux qu'on lui demandait,
donnant dans toutes ses productions des preuves
d'un sérieux talent.
Après son retour d'Italie (1773), Pierre-Joseph
Verhaghen exécuta quatre grandes compositions
pour être placées dans le chœur de l'église de
l'abbaye de Parc. Elles représentent : 1'' V Adora-
tion des Mages, 2''lojjTande an Temple, %°le baptê7}ie
du Sauveur et 4° le Christ enseignant les enfants.
Ces toiles, qui ornent encore l'église de Parc,
faisaient courir tous les amateurs, étant consi-
dérées comme des chefs-d'œuvre. Avec l'assenti-
ment de l'artiste, Clevenbergh entreprit d'en faire
des copies, mais dans des proportions réduites.
Quoique la tâche fût extrêmement difficile, il y
réussit si bien que plus d'un connaisseur envisagea
ses productions comme des toiles du peintre de
— 287 —
Marie-Thérèse . C e succès contraria M™" Verliaghen .
A partir de ce moment, il ne pouvait plus péné-
trer dans l'atelier du maître. Dans sa simplicité
la bonne femme croyait que Clevenbergli avait
fini par s'approprier le talent de son mari. On
comprend que Verliaghen, qui aimait beaucoup
son jeune confrère, en rit aux larmes. Trois de
ces copies ornent actuellement l'église de Saint-
Pierre, à Louvain. Mais elles se trouvent en mau-
vais état.
Clevenbergh possédait les qualités du vrai
peintre : le dessin, la couleur et le rendu. Il avait
la fécondité et la facilité. Tout ce qu'il produisait
avait un côté original et ingénieux. On comprend
que ses œuvres devaient se ressentir de son amour
de la nature champêtre. La plupart de ses tableaux
représentaient des vues prises dans les environs
de Louvain. Les terrains et la verdure étaient
détaillés avec soin, les bouquets d'arbres et les
mares témoignaient d'une grande intelligence de
la nature. Sur les premiers plans de ses tableaux
on observait des vaches, des moutons et des
chèvres, surveillés par un pâtre ou par une ber-
gère, quelquefois par des enfants. Ses tableaux
se distinguaient par un dessin correct et une cou-
leur agréable.
Plus d'une fois Clevenbergh se tourna vers les
anciens et constata chaque fois que les morts en-
seignent mieux que les vivants. Un tableau de
Weenincx — un lièvre mort attaché par une de ses
pattes à un tronc d'arbre et entoura d'oiseaux
morts — lui révéla le genre dans lequel il devait se
- 288 —
faire un nom. A partir de cette époque, il s'ap-
pliqua à reproduire du gibier mort, grand comme
nature, des lièvres, des renards, des faisans, des
canards entourés de petits oiseaux. D'un beau
lièvre mort couché sur le gazon ou attaché par
une de ses pattes à une branche d'arbre, Cleven-
bergh formait le centre de son tableau. Au bas
du lièvre il arrangeait une perdrix, un ramier,
un rouge gorge, un verdier, un gros bec et autres
oiseaux indigènes. Il j plaça parfois un nid
rempli d'œufs et quelques engins de chasse, un
fusil, une carnassière, un cor, etc. Quand on lui
demandait un pendant, ce qui arrivait parfois, un
superbe renard prenait la place du lièvre. Les
fonds de ses tableauxoffraient toujours d'agréables
paysages. Mais, tout en arrangeant ses trophées
de chasse dans le goût de Weenincx, il ne s'en
montrait jamais un aveugle disciple. 11 savait im-
primer à ses compositions un cachet bien distinct,
soit par l'arrangement, soit par les fonds, soit par
le coloris. Comme tous les artistes de valeur, il
consultait la nature pour le moindre détail de son
œuvre. Adroit chasseur il abattait lui-même les
sujets dont il avait besoin. Maître du pinceau, il
savait exprimer le poil et les plumes d'une manière
à faire illusion. Dans tous ses tableaux de gibier,
on remarque une richesse de ton, une fermeté de
touche et une justesse d'expression admirables.
Comme Weenincx notre Clevenbergh exécutait
non seulement du gibier mort, mais des paysages,
des animaux de toute espèce, des fleurs et des
fruits .
— 289 —
Notre artiste avait un talent tout particulier
pour peindre les fleurs et les fruits.
Depuis Juste Lij^se jusqu'au premier quart de
notre siècle, Louvain comptait des amateurs pas-
sionnés de tulipes. Cette belle fleur y était culti-
vée par plusieurs membres de la noblesse, du
clergé et de l'Université. Grand amateur de tulipes,
Clevenbergli y consacra son pinceau. Son tableau,
qu'il vendit au curé de Rare, dont nous parlerons
plus loin, offre un vase en verre, d'une forme très
simple, contenant huit tulipes, à nuances variées.
A gauche du vase, est posé un nid contenant six
œufs. C'est un véritable tour de force. Le rendu
et le fini y sont poussés aux dernières limites, non
pour arriver à ce poli extrême qui charme le vul-
gaire, mais pour exprimer le vrai dans ses détails
les plus intimement étudiés. On ne saurait voir
rien de plus gracieux, ni de plus aimable. Plus
d'une fois, nous avons entendu prononcer devant
ce tableau, qui nous appartient actuellement, le
nom de van Huysum. L'œuvre n'est pas indigne
de cet artiste distingué.
Les amateurs commencèrent à apprécier les
peintures de Clevenbergh et les commandes lui
arrivèrent en grand nombre. Il n'eût tenu qu'à lui
de faire fortune à Bruxelles, à Anvers ou dans un
autre grand centre. Mais à aucun prix il ne voulut
quitter sa ville natale, où il avait les relations les
plus agréables et oii il ne comptait que des amis.
C'était d'ailleurs un grand enfant naïf et indolent,
comme Brauwer, s'amusant de tout, oubliant
l'heure et le chemin; une rêverie oisive s'était
19
— 290 —
emparée de son esprit et l'égarait en mille détours.
La pauvreté était sa véritable muse inspiratrice.
Dès qu'il jDOSsédait un sou, il ne pouvait plus tra-
vailler. Sa femme était une personne très hon-
nête et d'une conduite tout à fait irréprochable,
mais qui n'avait aucune qualité pour conduire à
bien les affaires d'un ménage. Quand son mari
vendait un tableau, elle en dépensait le produit
sans discernement, sans calcul du lendemain. Tant
qu'il j avait de l'argent, tout allait bien, mais
quand la misère venait s'asseoir au foyer tout
allait au plus mal. Alors elle devenait arrogante
et despotique.
L'avenir était pour le pauvre artiste sans bon-
heur et sans espérance ; mais il n'y songeait point.
Des peines de la vie, dont la part lui avait été faite
si large et si lourde, il retranchait le souci et mar-
chait toujours sans songer au moyen d'en alléger le
poids. Content de peu il trouvait drôle qu'on pût
faire tant d'efforts pour amasser de l'argent sans
en avoir besoin.
La famille de l'artiste augmentait toujours. Sou-
vent on le surprenait ébauchant un tableau au
milieu de cinq ou six enfants barbouillés, mal
peignés et déguenillés, tapageant et sautant de
toutes parts. Il ne s'en jDlaignait pas. Mais, quand
il avait assez de leurs cris et de leurs gambades,
il suspendait son travail, prenait ses filets et s'en
allait à la pêche. On comprend que cette indolence
n'était pas faite pour calmer l'humeur despotique
d'Anna Thielens, qui devenait de plus en plus
acariâtre et insolente. Souvent elle courait à la
— 291 —
poursuite de son mari, ayant un marmot dans les
bras et trois ou quatre aux pans de sa robe. Alors
une pluie de reproches et d'injures tombait sur le
pauvre artiste. Il ne s'en préoccupait point. Le
soir, il régalait sa famille du produit de sa pêche
et la paix se rétablissait immédiatement.
Clevenbergh était né avec un esprit bouffon et
cet esprit survécut à tous ses revers. Il colorait
gaiement pour lui les images les plus tristes et les
plus sombres. Au milieu de la misère il continuait
à rire et à faire rire autour de lui. Il prisait les
farces spirituelles et en faisait souvent lui-même.
Nous allons en faire connaître une couple pour en
caractériser le genre.
Un jour Pierre van Ex, qui habitait la chaussée
de Namur, à Héverlé, vint trouver son ami Cleven-
bergh et le pria de lui exécuter une enseigne pour
sa taverne Au Chien. L'artiste lui demanda si le
chien devait être attaché ou libre — « libre » fut
la réponse. « Parfait, » répliqua l'artiste. Il peignit
l'animal à la détrempe et y passa un léger vernis.
Le toutou était superbe et faisait l'admiration de
toute la commune. Déjà un amateur avait offert
une jolie somme pour cette partie de lenseigne.
Mais une averse arriva et il ne resta plus trace du
chien. Furieux de colère van Ex arriva chez
Clevenbergh et l'agonisa de la belle manière.
«Votre colère m'étonne, » observa Tartiste. «Selon
votre désir, j'ai exécuté un chien non attaché.
Une pluie battante est arrivée. Le brave animal
a profité de sa liberté pour se mettre à l'abri de
l'eau. N'auriez-vous pas suivi son exemple?» — Le
— 292 -
tavernier était désarmé. Clevenbergh exécuta
gratuitement une nouvelle enseigne pour van Ex;
mais cette fois le chien était attaché.
Le baron de Woelmont, prélat de l'abbaye
noble de Sainte-Gertrude, était un colombophile
passionné. Il payait largement les pigeons rares
qu'on lui apportait. Instruit de ce fait, Clevenbergh
voulut faire profiter des largesses du dignitaire
un pauvre paysan qui venait de perdre sa vache,
c'est-à-dire toute sa fortune. Il se procura donc
deux pigeons de basse-cour et simula sur leurs
ailes des fleurs rehaussées d'un brin d'or et
d'argent. Le travail avait si jmrfaitement réussi
que les plus fins amateurs s'y trompaient. Cleven-
bergh remit les pigeons au paysan pour les offrir
en vente au prélat en lui persuadant qu'il pouvait
en empocher le prix. Le dignitaire, qui passait
cej^endant pour un bon naturaliste, en était émer-
veillé. Il s'empressa de les acquérir. Le paysan en
toucha trois Louis. Tous les amateurs de la ville
allèrent à Sainte-Gertrude pour admirer cette
nouvelle espèce de pigeons. Mais la joie du prélat
ne dura point : dès que les oiseaux commencèrent
à changer de plumes, on constata la supercherie.
Toute la ville s'en amusa. Quant au paysan, il
avait appliqué ses trois Louis à l'acquisition d'une
nouvelle vache. Le prélat lui-même finit par
prendre la farce du bon côté. Il commanda un
tableau à Clevenbergh.
Clevenbergh savait badiner d'une manière spi-
rituelle, mais toujours avec cette allure bon enfant
qui le caractérisait. A Festaminet il amusait le
— 293 —
inonde avec ses gais propos et ses anecdotes
saillantes. Ses estaminets favoris étaient La Boule
de Fer, et Le Navet, rue de Naraur, alors fréquentés
par la bourgeoisie louvaniste.
L'artiste était aimé à cause de son caractère
jovial, franc et honnête. Quoique pauvre, il était
fort recherché par l'aristocratie et les membres de
l'Université. Excellent veneur, il était de toutes
les parties de chasse, qui avaient lieu dans les
environs de Louvain.
Clevenbergh exécuta, en 1793, une grande com-
position représentant le Christ au jardin des Oliviers^
pour être posée dans la boiserie de l'église des
pères Dominicains, qui renferme phisieurs toiles
de Verhaghen. L'œuvre décore encore le même
temple. En observant cette page on est étonné de
constater qu'un artiste qui n'avait jamais exécuté
un tableau d'église, soit parvenu à produire une
œuvre de cette importance. Le Christ est d'une
grande élévation de sentiment et d'expression;
l'ange, qui présente la coupe au Sauveur, est d'une
tournure agréable. Un profond sentiment reli-
gieux, règne dans cette toile qui est exécutée
d'un pinceau ferme et sûr. Ce tableau portait la
signature de l'artiste. En restaurant la peinture il
y a une vingtaine d'années on en a fait disparaître
la signature.
Clevenbergh affectionnait le théâtre. 11 s'était
fait admettre à la Chambre de Rhétorique la
Marguerite (de Kersouw) qui donnait alors pério-
diquement des représentations flamandes dans
une salle du deuxième étage du local de la Table
- 294 —
Ronde. Après son mariage, il lui était parfois
difficile de payer les rétributions prescrites par
le règlement. En 1779, il offrit à la compagnie de
décorer gratuitement sa scène, si elle voulait le
libérer du payement de la cotisation mensuelle.
Cette offre fut acceptée avec empressement (Rés.
du 4 janvier 1779) et l'artiste continua à suivre
les fêtes de la Marguerite . En 1786, il travailla de
nouveau au théâtre de la Marguetnte, qui continua
à donner des représentations jusqu'en 1802.
L'invasion française lui enleva toutes ses com-
mandes. Il n'avait plus rien à faire et, partant,
plus rien à gagner. Cependant, l'artiste ne se laissa
pas entraîner, comme tant d'autres, dans les
désordres de l'époque. Son nom ne se lit nulle part
dans les relations des événements révolutionnaires
qui se produisirent à Louvain. Dans ces jours
néfastes, personne ne songeait qu'un homme de
valeur, alors dans tout l'éclat de son talent, se
rouillait dans l'oisiveté et l'indigence. Malheureux
de son abandon, Clevenbergh l'était plus encore
par la position faite à sa famille, obligée de s'en-
detter. Pendant trois ans, il vécut péniblement,
exécutant de temps en temps un portrait pour
vivre. Par bonheur il trouva dans le respectable
pasteur de sa paroisse, Joseph de Rare, curé de
Saint-Quentin, un ami et un soutien. C'était non-
seulement un digne prêtre, mais aussi un homme
d'une belle intelligence et d'un grand cœur.
A une haute instruction il unissait un grand
amour des beaux-arts. Fils d'un modeste maître
menuisier, il s'était élevé par son propre mérite et
— 295 -
avait obtenu, jeune encore, un canonicat au cha-
pitre de Mons. En s'imposant les plus grands
sacrifices, de Rare se forma une collection de
tableaux anciens et modernes très remarquable.
jSTous eûmes le plaisir de la voir bien souvent
pendant notre jeunesse. Elle était visitée avec
intérêt par les amateurs de l'époque.
Un jour, le curé, qui veillait sur l'artiste avec
une sollicitude vraiment paternelle, lui commanda
un lièvre. Clevenborgh en fixa le prix à 40 florins.
Le curé trouva le prix trop minime. Il dit à l'ar-
tiste : « Tâchez de me faire un bon tableau, vous
en aurez 50 florins. » Clevenbergh lui apporta
un lièvre magnifique. Le curé en était enchanté.
Il montra avec orgueil le tableau de son paroissien
et le conserva pendant toute sa vie. Le beau lièvre
fut vendu à la vente de M. de Rare, en 1842, et
passa malheureusement en Angleterre.
Grâce aux recommandations de de Rare, Cleven-
bergh travailla beaucoup pour les particuliers
de Louvain, exécutant tour à tour des tableaux
de genre, des paysages, des nature morte et des
portraits. Il peignit un lièvre et un renard pour
M. van Buggenhout, un lièvre pour le chirurgien
vander Taelen, des tableaux de genre pour le
notaire Neeffs, le licencié de Becker, le négociant
Jacques Peeters. Il exécuta les portraits de Paul
Lorengeois, capitaine de Tarmée patriotique, de M.
et M'"*' d'Udekem d'Acoz, de M. et M'"*-^ Zerezo, à
Diest, de Madame van Buggenhout, du docteur
Van Aenvanck, de M. S mets, de M'"''Mascard, etc.
A la fin de sa trop courte carrière, l'artiste
— 29fi —
exécuta plusieurs portraits d'enfauts que leurs
parents offrirent à Notre-Dame des Fièvres, à
Louvain. Ces portraits furent enlevés de cette
chapelle en 1826.
Antoine Clevenbergli mourut, à Louvain, le
6 janvier 1810, dans une petite maison de la rue
de Namur, qui portait alors le n" 54 et qui fait
actuellement partie du couvent des Carmélites.
L'artiste s'en alla au champ de repos, pauvre et
obscur comme il avait vécu. Personne ne vint
saluer sa dépouille mortelle. Après les prières de
l'église, on l'inhuma au cimetière communal, hors
la ci-devant porte de Tirlemont. Dans la popula-
tion louvaniste il laissa la réputation d'un brave
homme et d'un artiste de talent, digne d'un
meilleur sort.
Le pauvre artiste laissa une veuve avec sept
enfants, dont quatre fils, qui s'adonnèrent à la
pratique de l'art, savoir : L* Michel, né en 1788;
2° Charles-Antoine, né en 1791 ; 3" Toussaint-
Joseph, né en 1796, et 4" Alexandre- Apollon,
né en 1802.
Après la mort de leur père, ils furent guidés
par le portraitiste Fr. Jacquin. Michel remporta
au concours de l'Académie, en 1811, le premier
prix de la classe de nature; Charles l'obtint en
1817, et Joseph en 1818. Michel abandonna l'art
pour s'occuper d'agriculture, le premier des arts
au dire d'un sage. Charles réussit assez bien dans
la nature morte ayant passé une année dans
l'atelier de Verboeckhoven, et Joseph, qui peignit
également le gibier, mourut professeur-adjoint de
— 297 —
dessin à l'Académie des Beaux-Arts de Louvain.
Comme son père, Joseph Clevenbergh aimait
la franche gaieté. Pour lui les farces populaires
avaient un puissant attrait. C'était un-vive-la-joie
qui avait de Fesprit à tout propos. Ayant la langue
bien pendue, il parlait agréablement et émaillait
sa conversation d'épigrarames et de proverbes
pleins de sel et d'à-propos.
Anne-Marie Tliielens, qui avait continué à
habiter avec ses deux fils non mariés, Charles et
Joseph, mourut à Louvain, dans une maison située
rue de Namur, n" 210, en face de l'église de
Saint-Quentin, le 24 juillet 1832.
Depuis cinquante ans, les œuvres de Cleven-
bergh ont été recherchées j3ar les amateurs an-
glais. Il ne reste plus beaucoup de ses peintures
en Belgique.
Le musée communal de Louvain renferme deux
petits tableaux de l'artiste. Le premier est un
paysage avec figures, offrant une vue de l'ancien
château de Louvain dit Château César; le second
est également un paysage avec figures, offrant
une vue du Mont César, en 1805. Ces deux tableaux
ont été reproduits dans notre livre : Louvain dans
le passé et dans le présent.
Clevenbergh avait un talent d'assimilation peu
commun. Il savait pasticher les maîtres, surtout
Verhaghen et Ommeganck,avec une rare habileté.
Nous possédons de l'artiste une importante com-
position exécutée dans le goût et le coloris de
Verhagen. Elle représente La vocation de saint
Mathieu, Vévangéliste, et compte dix personnages.
— 298 ■-
Les meilleurs connaisseurs prennent la toile pour
une œuvre de Verhagen. A cette époque les
paysages avec moutons d'Orameganck commen-
çaient à avoir du succès. Notre artiste exécuta
des paysages dans la manière fraîche, claire et
ensoleillée du maître anversois. Mais, tout en
peignant les mêmes sujets que ce dernier, il savait
leur donner un cachet personnel, distinct. Ce ne
sont ni les mêmes sites, ni les mêmes arbres,
ni surtout les mêmes moutons. Aujourd'hui plus
d'un tableau de Clevenbergh passe pour un
Ommeganck.
M. J. J. de Bruyn, vice-président honoraire du
tribunal de Louvain, possède cinq tableaux de
notre artiste : 1° une toile de trumeau offrant
une scène de Vhistoire d Abraham; 2° un paysage
avec moutons et chèvre; 3" une étahle, avec flgu7^es
et animaux; 4" un pâturage avec figures et bestiaux;
temps orageux; 5° pâturage, également avec figures
et bestiaux, temps calme ^ pendant du précédent.
L'artiste les exécuta pour un amateur louvaniste
Jacques-Henri Peeters, dit Kobeken Peeters^ mort
à Louvain, en 1862. La toile de trumeau est de
1778 et appartient, par conséquent, au premier
temps du maître, alors qu'il se trouvait sous l'in-
fluence de Verhaghen. Le paysage, où on remarque
un jeune homme gardant des moutons, est un ta-
bleau d'une harmonie charmante et d'une touche
libre et légère. Dans l'étable on observe un homme
et une femme occupés à soigner les animaux.
Le premier propriétaire de ce tableau, que nous
avons très bien connu, a toujours affirmé que ces
— 290 -
deux figures représentent l'artiste et sa femme.
La peinture est pleine de vie, d'esprit et de cou-
leurs. Les deux pâturages sont également des
peintures bien conçues et bien exécutées. Tous
ces tableaux sont peints sur bois et portent la
signature du maître.
Nous possédons dans notre collection deux ta-
bleaux de Clevenbergh, genre Ommeganck. L'ar-
tiste les exécuta, en 1806, à Tabbaye de Valduc
pour le notaire Pierre-Louis Néefs, alors proprié-
taire de ce monastère, supprimé par la révolution.
Nous les avons achetés en 1877 de l'héritière du
fils de ce notaire, M'^" Moise, à Louvain. Le pre-
mier ■ tableau représente un pâturage, où se
trouvent, sur le premier plan, deux vaches et
deux moutons ; ces bestiaux sont gardés par un
petit garçon, le fils de l'artiste, appelé Joseph.
Dans le lointain, on remarque encore trois vaches
et une femme. Le pendant de ce tableau est un
paysage, où l'on voit, au premier plan, deux
vaches, un mouton et une chèvre. Au pied d'un
vieux chêne, à droite, deux enfants, un garçon et
une petite fille, ont fait un petit feu de braises.
Le garçon est assis, la petite fille se chauffe les
mains. Les animaux qu'on remarque dans ces
deux tableaux sont dignes d'Ommeganck. Ils
sont peints sur bois et portent la signature du
maître ainsi que le millésime 1806.
M. Eugène Frische, architecte de la ville de
Louvain, possède de Clevenbergh un paysage avec
figures. Il est peint sur bois et a 5B centimètres
de largeur et 43 centimètres du hauteur. Dans un
- 300 —
site pittoresque de la vallée de la Dyle, l'artiste a
groupé des bestiaux que garde une jeune et
agréable villageoise à jupon rouge. Elle est assise
dans l'herbe et file son chanvre. Près d'elle dort
son chien. D'un côté, on remarque deux beaux
moutons, de l'autre deux vaches, dont l'une au
repos. Sur l'avant-plan, à gauche, un chêne mu-
tilé j)ar le temps. Au second plan, à droite, s'élève
un monticule, couvert de broussailles; au bas, un
cheval et une vache, à gauche, un campagnard
conduisant un troupeau de vaches et de chèvres.
Le second plan offre de gras pâturages et dans le
lointain, on observe la silhouette du clocher de
Parc. Le tableau est d'un coloris harmonieux et
d'une délicatesse extrême de pinceau.
Clevenbergh laissa bon nombre de toiles de
trumeaux, de portraits et d'armoiries universi-
taires. Mais c'est, ainsi qu'il a été dit plus haut,
par ses tableaux de nature morte — ses lièvres
surtout — qu'il mérite une page dans l'histoire
de l'art.
La galerie Vanden Schrieck, vendue à Louvain,
en 1861, renfermait deux beaux tableaux de
nature morte de Clevenbergh, n''^ 189 et 190.
Dans le catalogue de cette célèbre collection le
premier de ces numéros est renseigné, comme
suit :
« Auprès d'un vase sculpté qui décore l'entrée
d'un parc, un beau lièvre est suspendu par l'une
de ses pattes à une branche d'arbre, et son corps
retombe jusque sur un pan de mur où sa tête
vient reposer. A une longue cordelette qui le
— 301 —
retient à la même brandie est attaché un cornet
de chasse. Au pied du vase une bécasse est étendue
près d'un faisan doré. Et sur le sol au-dessous du
lièvre se trouvent deux perdrix et un petit oiseau.
Quelques prunes et une belle grappe de chasselas
blanc étalent à gauche leurs couleurs brillantes.
Sur le mur re^iose un fusil que cache en partie le
corps du lièvre. Aux bords de l'eau qui traverse
un paysage pittoresque on distingue quelques
figures. » Haut r"25; large 80 centimètres, toile.
Le second tableau est décrit comme suit :
« Suspendu à un arbre, se présente un lièvre,
dont le corps retombe abandonné sur un pan de
muraille au bas duquel des raisins noirs, des
raisins blancs , des poires et des pêches sont
amoncelés, non loin d'une perdrix que l'on voit
tombée sur le sol à droite. Une bécasse est étendue
auprès du lièvre et sur la pierre, où sa tête repose.
Sur le mur et passant sous le corps du lièvre, on
ajDerçoit l'instrument de mort. Deux pigeons
vivants sont juchés au-dessus du mur, et un large
iilet suspendu à droite retombe jusqu'à terre.
Le paysage est fortement boisé. » Haut l'"ll;
large 99 centimètres, toile.
« Ces deux productions, dit le catalogue de la
galerie Vanden Schrieck, sont les meilleures de ce
maître. » Elles furent adjugées à M. Grietens;
la première à 580 francs, la seconde à 530 francs.
Clevenbergh exécuta, en 1807, deux tableaux
faisant pendants, un lièvre et un renard, grands
comme nature pour Jean- Dominique van Buggen-
hout, de Louvain. Il hs peignit, àCorbeek-Loo, au
— 302 —
château de cet amateur, à raison cVune couronne
de Brabant par jour, plus bouche à table. Mais,
au lieu de consacrer tout son temps à son œuvre,
le doux Bohême n'y travaillait qu'une ou deux
heures par jour, passant le reste de la journée à
la chasse ou à la pêche. Il ne quitta Corbeek
qu'après un séjour de quatre mois. Après la mort
de van Buggenhout, les deux tableaux devinrent
la propriété de son gendre M. Jacques Brion,
notaire, à Louvain. A la vente de ce dernier en
1875, ils furent acquis par M. Félix De Ridder,
qui avait épousé une petite hlle de van Buggen-
hout. Nous avons fait l'acquisition de ces tableaux
à la vente de M. De Ridder, le 26 juin 1889, au
prix de 1000 francs. Ils sont peints sur toile.
Le premier tableau a pour fond un paysage.
A une branche de tronc de chêne est appendu par
la patte gauche un lièvre, dont le corps retombe
jusqu'à terre, où sa tête se repose. A sa patte
droite est attachée une perdrix. Un rouge gorge
git devant le lièvre. Un large filet est étendu sur
un monticule qui se trouve derrière le lièvre.
Le fond du second tableau offre également un
paysage. A une branche de chêne est suspendu,
par la patte gauche, un superbe renard, dont le
corps retombe jusqu'à terre, où se repose sa
tête. Près de cet animal sont étendus un pigeon
et deux autres oiseaux. A un fil, attaché à une
branche de tronc de chêne, sont suspendus un
bouvreuil et un chardonneret.
Ces victimes de la chasse sont reproduites avec
une rare habileté. L'artiste a rendu leurs poils et
— 303 —
leurs plumes à faire illusion. On y remarque une
ricliesse de ton, une fierté de touche et une finesse
d'expression admirables.
Clevenbergli exécuta, en 1808, un beau lièvre
pour le chirurgien vander Taelen, àLouvain. Le
tableau est haut de 1 mètre, large de 77 centi-
mètres. A la branche d'un arbre au tronc noueux
est pendu un lièvre. Un verdier, un rouge-gorge
et un gros-bec sont pendus par un fil au même
arbre. A droite, un martin-pêcheur sur un carnier
posé par terre et plus loin un nid contenant
quatre œufs. Un paysage montagneux et boisé
forme le fond de cette belle composition. Après
la mort de vander Taelen, le tableau a fait partie
de la collection de Nicolas Maes, de Louvain, qui
fut vendue à Bruxelles, le 10 novembre 1867.; il
y fut adjugé au prix de 510 francs.
M. Lucien de Troostembergh d'Oplinter, au
château de Cleerbeek, à Hauwaert, possède de
notre artiste deux tableaux de nature morte, un
lièvre et un perdreau, entourés d'oiseaux. Dans
ces toiles le gibier est traité avec une finesse et
une précision incroyables.
Telles sont les œuvres de Clevenbergh que nos
recherches nous ont fait découvrir. Ainsi qu'il
a été dit plus haut, ses autres productions se
trouvent, en grande partie, en Angleterre.
Edward Van Even.
Louvain, novembre 1896.
— 304 —
AU SUJET D'UN
DICTIONAIRE FLAMEN-FRANCOIS
IDU XVI" SIÊ]OrjE
ET DE
Quelques Dicliounaires Français-Flamands
DU MÊME TEMPS.
L'étude du français n'a jamais été négligée chez
nous, et parmi les œuvres qui y ont été consacrées
dès le XVI" siècle, il en est qui méritent encore
notre attention. De ce nombre est le dictionnaire
qui parut en 1563 sous le titre suivant :
« Dictionaire flamen-francois, iiouuellement mis en
lumière, corrigé et augmenté pour l'anancement de la
Jeunesse, par M. Henry du Tour. — A Gand, chez lean de
Salenson, demouraut sur le Haultport, à renseigne de la
Byble d'or. »
L'octroi qui termine le volume porte :
« Het is geconsenteerfc Henri c van den Keere, dat hy desen
thegenwoordigen naembouck sal moghen prenten, venten
ende distribueren alommo iu dese laiideu van lierwaerts
— 305 —
ouere, zoiuler daeromme eenighsins te misdoene. Ghedaen
te Bruessele deii ellefsten dagh van Junio, an. xv*" Ixiii.
Onderteekendt : I. de la Tokee. »
A bien des points de vue ce livre (décrit par
M. Bergmans dans ce Recueil, 1891, p. 427), est
intéressant et instructif. Et comme l'exemplaire
que nous avons sous les yeux {Bibl. Gand, — G.
n. 132'') est peut-être unique, en tous cas des plus
rares, nous croyons utile d'en signaler, par de
courts extraits, toute l'importance.
L'auteur se borne à traduire. Parfois il intercale
une phrase, un dicton, un proverbe. Sur les sources
où il a puisé, il ne donne aucun renseignement. Il
semble avoir une grande répugnance à reprendre
les mots bâtards, et il les omet la plupart, peut-
être parce qu'il a cru superflu de les traduire.
Prins, procureur, profijt, proi^lieet en une seule
page, manquent à son dictionnaire, tandis qu'on
les trouve tous dans le vocabulaire de Meurier
dont il sera parlé plus loin.
A chaque page on peut relever, non pas seule-
ment des mots qui depuis ont changé de forme,
mais des pertes regrettables que la langue fran-
çaise a faites, et d'autres aussi subies par le
flamand.
Blad, hladynghe que nous n'avons plus, signifient
douaire, comme le mot tocht.
Ballast, notre lest d'aujourd'hui, est traduit par
« saburre et gTOSse arène de quo}^ on charge les
navires à fin d'aller plus fermes. »
Barguiner est donné comme traduction de hedijn-
ghen, marchander; — escouiller pour châtrer; —
20
— 306 —
une jouée pour un soufflet, muulpeere ; — coignier
pour cognassier, queappelboom; — tillet pour
tilleul; — blaueole pour bluet, coorenblomme; — •
suseau ou suriau pour clierhoom, sureau ; — fouteau
ou fayant, pour hêtre, bouckhoom ; — aubeau pour
tremble, abeel; — hayon pour étal, craem; —
chevir (de chef) pour diriger, dompter, bestier e7i-
— un fouant, comme synonyme de taupe; — un
palu ou marescage, ^narasch ; — partissement pour
distribution; — bessons pour jumeaux; — bribeur
et caimand pour mendiant, bedelere.
Le mot flamand belhamel, littéralement le mou-
ton qui ]3orte la clochette, est traduit par : « Le
chef premier ou principal de tous. »
Des substantifs dont les équivalents d'aujour-
d'hui sont autrement formés, se rencontrent fré-
quemment pour désigner diiïérentes actions :
assiègement pour siège, — preschement pour pré-
dication, — couvrement pour deckynghe, —
fendement, de fendre, pour clievynghe, — deman-
gement pour démangeaison, jokte, — fouissement
pour creusement, — medecinement pour médica-
tion, — vomition pour vomissement, etc.
Certaines mentions ont, quant aux usages
d'autrefois, un intérêt historique. Cabaret est
donné comme nom flamand avec l'explication :
Daer men ivaerm spyse cookt oft vercoopt, avec la
traduction : charcuicterie ou rôtisserie. Cabarettier
est donné comme le nom flamand du « charcuictier
ou rôtisseur. « Herberghe est encore une « hostel-
lerie » et nous ne trouvons pas encore de trace de
l'estaminet qui en est la traduction d'aujourd'hui.
— 307 —
Tachentig est traduit par octante, qu'on regrette
de voir remplacé par notre laid et compliqué
quatre-vingt.
Eemoe, où l'on ne voit plus aujourd'hui que
siècle, ce qui s'accorde mal avec eeuwig, j)erpétuel,
est traduit par : temps, saison, âge ou siècle.
Le mot taeljoore que nous employons encore
pour signifier assiette, et que les hollandais n'ont
pas, est bien la corruption du français tailloir,
comme le confirme la traduction : trenchoir.
L'auteur donne bigotie pour bigotisme, qu'il
traduit par la jolie expression pilaerbiterie ; il
donne aussi un bigot pour pilae7'biter que nous
avons encore ' .
La même année où parut à Gand le Dictionaire
famen-francois de Henry du Tour ou Van der
Keere, déjà remarquable pour un premier essai,
paraissait à Anvers (chez lean Waesberghe) le
Dictionaire flamen- français nouuellement mis en
lumière par Gabriel Meurier avec dédicace datée
du 9 septembre 1563. L'œuvre était précédée d'un
Vocabulaire francois-flameng du même, daté de
1562\
Meurier et Yan der Keere avaient travaillé vers
le même temps, probablement sans connaître l'un
l'œuvre de l'autre et sans pouvoir se copier, mais
d'après un plan qui est à peu près le même.
1 La liste des proverbes, parfois traduits en flamand, que Van der
Keere intercale dans son dictionnaire, a été donnée par M. Bergmans
[Messager des sciences, 1891, p. 428).
2 Sur les nombreuses publications de Meurier, voir la BihUotheca
Belglca.
— 308 —
Des deux, c'est Meurier qui a la nomenclature la
moins complète, quoiqu'il admette le plus de mots
bâtards ; il traduit aussi le moins exactement. Pour
les mots pris par corruption du français, nous
lisons dès la première colonne : ahiectie, abiect,
abricocken, ahsoluer^en, absoluyt, absolutie,abstractie,
accident, accorxleren, accoort, accordatie. Van der
Keere n'a pas ces mots, mais il donne par contre
abse7it, absenteren, abiiys, abiiijseren que n'a podnt
Meurier. Tout compte fait, c'est Van der Keere qui
a la langue la plus riche et la moins corrompue,
comme si à Anvers la langue fût déjà plus mau-
vaise qu'à Gand.
Meurier, dans cette première édition, a aussi les
omissions les plus étranges : il n'a par exemple ni
paus ni pape, ni cardinaux, et il omet nombre de
mots que lui même emploie dans « l'épistre dédi-
catoire. »
Plus complète est l'édition de 1584 (Anvers,
lean Waesberghe) ayant pour titre : Dictionaire
francoys-flanieng p^^emierement mis en lumière
par Gabriel Meurier auesnois, Reueu, augmetité et
enrichy d''un très copieux nombre de vocables et oultre
toutes aultres éditions par le mesme autheur melioré.
Meurier n'est point partisan de la simplification
de l'orthographe, « car combien, dit-il dans l'aver-
tissement, que le François escriue aulcunes lettres
et ne les prononce, sujuant toutes fois l'Orthogra-
phye, Prosodye et l'Ethimologye, il a mestier
de toutes ses lettres et n'en a pas une seule super-
flue. »
Néanmoins Meurier écrit fantaisie que d'autres
— 309 —
en ce temps écrivaient phantaisie, et utensiles qui
vaut mieux que notre mot ustensiles, bisarrie pour
bizarrerie, dictionaire meilleur que dictionnaire,
oblier pour oublier, mecredi pour mercredi, fron-
de pour furoncle, haran pour hareng, etc., c'est-à-
dire que jouissant d'une liberté qui n'existe plus
pour nous, il écrivait mieux que son avertissement
ne semblait annoncer.
Meurier a du reste pu faire son profit d'une
œuvre de grand mérite et beaucoup plus complète
que la première édition de la sienne, à savoir, du
Dictionaire francois-f.mnen autrement clict, les mots
français tourniez en fianien, avec plusieurs phrases
ou manières de parler fort propres pour apprendre
rusage dHceidœ. Recueilli et mis en lumière par lean
Taye, maistre d'escole française (Gand, chez lean
Salenson, 1582).
Des exemplaires, qui ne diffèrent que par les
deux premières pages et les quatre dernières, ont
paru sous le nom de Gilles Verniers, également
(c maistre d'escole à Gand » [Biblioth. de Gand, G.
n^« 570 et 571).
Dans sa dédicace aux « Grand bailly, Eschevins
et doyens de la ville de Gand » lean Taye dit très
sensément :
« ...Entre les choses esquelles la Jeunesse se
doibt appliquer, il est certain que la cognoissance
des langues n'est pas des dernières, car sans icelles
tant s'en fault qu'ayons accès aux arts, que mes-
mes sommes forclos de toute communication des
uns avec les autres, de toute hantise et trafique
mutuelle : comme l'expérience le monstre assez
— 310 —
journellement au très grand regret de plusieurs.
Et pource que la cognoissance de la langue Fran-
çoise est aujourd'huy aux Flamens de quelque
estât qualité ou condition qu'ilz soient, autant
nécessaire que nulle autre, pour ceste cause, et
pour en partie satisfaire au désir que j'ay d'ayder
selon mon petit pouvoir à ce que la Jeunesse
soit bien enseignée et instruicte, en partie pour
m'acquiter du debvoir qui m'oblige à ma nation , il
m'a semblé bon et expédient pour le soulagement
et le profit de la dicte Jeunesse, de translater de
François en nostre langue vulgaire, les dictions et
mots compris au grand Dictionaire de feu Robert
Estienne : et pour meilleure et plus claire intelli-
gence de la propriété d'iceulx, y adjouster et
approprier quelque-fois une ou deux des plus
notables sentences et manières de parler, le plus
élégamment qu'il m'a esté possible... »
Avec un guide tel que R. Estienne, on comprend
que l'œuvre de I. Taye nous donne sans trop de
lacunes considérables, la langue française du
temps; et comme Fauteur y ajoute des traductions
très exactes, par périphrases au besoin s'il ne
trouve pas de mot flamand équivalent, son diction-
naire est, en somme, excellent et paraît avoir été
mis à contribution par tous ses successeurs. Meu-
rier le premier y a largement puisé pour son édition
augmentée de 1584. On le voit surtout là où,
pour traduire, Taye recourt à une périphrase :
souvent celle-ci a passé dans la nouvelle édition
de Meurier.
Néanmoins préoccupé, semble-t-il, de ces ques-
— 311 —
tions d'antériorité, Meunier écrit dans un dernier
avis au lecteur :
« ...Si les ravasseurs et brouillons se deuoient
distiller le cerveau à contrefaire et saccager noz
lucubrations, ils ne trouueront pas, et ne pour-
ront avec vérité nijer que Meurier n'ait été le
premier en tous ces pays-bas qui a mis en lumière
le Dictionaire P'rançois-Flameng et vice verse-
ment le Flamend-François. »
Quoi qu'il en soit de ce brevet que Meurier se
décerne à lui-même, on aura remarqué que son
orthographe a peu de fixité puisqu'il écrit ici
Flameng et Flamend, à quoi il faut ajouter qu'au
titre môme le dictionnaire dont il parle, portait
flamen, comme le titre d'un autre de ses ouvrages
portait : coniugaisons flamen- françaises .
Très supérieure à l'œuvre de Meurier est le
« Dictionaiae françois-flameng très ample et copieux,
auquel on trouvera un nombre presque i^ifmi de
termes et dictions, plus qu'en ceux qui jusques à
présent sont sortiz en lumière, auec plusieurs formes
et manières de parler tres-ele gantes — recueilli des
plus accomplis dictionaires dernièrement imprimez
en France, par Mathias Sasbout » (Anvers, chez
lean Waesberghe, 1579).
L'auteur nous apprend, dans sa dédicace aux
seigneurs députés du Conseil d'État de Hollande,
datée de Dordrecht, qu'après avoir bon espace de
temps travaillé à la composition d'un « Dictionaire
Flamen- Françoy s n qui (ni imprimé en son absence,
il s'employa « plus ardemment qu'au parauant à
translater de Françoys en bas Aleman le grand
— 312 —
Dictionaire Françoys-Latin de R. Estienne, de
nagLières augmenté par Jacques du Puis. » Sans
parler ni de Vander Keere, ni de Meurier, il ajoute
« D'iceluy amplifié auons suiuy et interprété les
termes et dictions le plus naiuement qu'il nous a
esté possible en y adioustant quelques foys une
ou deux sentences et manières de parler, pour plus
ample déclaration et pour mieux démons trer la
diversité des significations des vocables... »
Le travail de Sasbout a donc été celui d'un
copiste pour le français, et d'un traducteur en son
texte flamand. Ses traductions paraissent d'ailleurs
soignées, exactes et d'une bonne langue. Bas-
allemand et Flamand étaient alors deux noms de
la même langue, plus tard appelée thioise, qui se
parlait en Hollande comme en Flandre.
L'important pour nous, dans les œuvres dont il
vient d'être parlé, c'est, nous semble- t-il, la
preuve du soin qu'on mettait chez nous , jus-
qu'aux temps les plus troublés du seizième siècle,
à l'étude de la langue française, et le mérite
sérieux des œuvres qu'on y consacrait.
Ad. D.
— 313
ICONOGRAPHIE NORBERTINE.
m.
séries de gravures représentant la vie de
saint Norbert.
An dix-sej)tième siècle, les abbayes et les
monastères contribuèrent, pour une large part,
au remarquable essor que prirent les beaux-arts,
dans les Pays-Bas surtout. Les chefs-d'œuvres qui,
de nos jours, ayant échappé heureusement à la
tourmente révolutionnaire, ornent nos églises et
nos musées, attestent hautement ces faits bien
dignes d'attention.
Désirant faire connaître aux foules, afin de la
rendre populaire, la physionomie des Saints qui
ont illustré leurs Ordres, les supérieurs des commu-
nautés religieuses eurent recours au pinceau des
artistes, au burin des graveurs, pour reproduire
les images, les traits les plus marquants de la vie
de ces Bienheureux.
De là, cette nombreuse collection si recherchée
— 314 —
de nos jours, de gravures placées en séries et
retraçant les principaux événements de la vie des
Saints fondateurs d'ordres religieux. La troisième
livraison de l'Iconographie Norbertine contient la
description des vies illustrées de saint Norbert,
fondateur de l'Ordre de Prémontré '.
Nous connaissons actuellement trois séries de
ce genre : la première, gravée par Théodore Galle
(1622); celle de Pfeffel (1756) et celle de Klauber
(1789), auxquelles nous croyons devoir ajouter
une quatrième, ne se composant, il est vrai, que
d'une planche : le portrait de saint Norbert,
entouré de médaillons , exposant les principales
scènes de la vie du glorieux Saint.
I.
La Vie de saint Norbert,
Par THÉODORE GALLE.
La série de gravures due au burin de Th. Galle réclame
la première place à titre d'ancienneté ; on pourrait même
dire et à titre de supériorité, car elle a puissamment guidé
et inspiré tous les artistes qui depuis lors, ont traité le
même sujet. Ces gravures se distinguent par une rare
finesse d'expression, une extrême délicatesse dans les
moindres détails.
De format in-S» m., elle se compose : a) d'un magnifique
frontispice gravé; &) d'une dédicace de quatre pages non
paginées suivies de deux autres pages, relatant les éloges
décernés à l'Ordre de Prémontré et à son chef illustre, et
1 Saint Norbert naquit vers 1092, et mourut en 1134.
— 315 —
enfin l'approbation ecclésiastique; c) un portrait de saint
Norbert précède les 34 gravures représentant les princi-
pales scènes de la vie du Saint.
Les exemplaires complets contiennent, à la suite des
susdites gravures, l'abrégé en trois langues : espagnole,
flamande et française, de la vie du Bienheureux; abrégé
qui consiste dans la traduction des notes biographiques
écrites en latin au bas de chaque gravure. Le texte espagnol
compte sept pages : le flamand, en caractères gothiques, en
a huit, et le texte français, huit, non paginées. Il existe
plusieurs tirages de cette vie de saint Norbert. La première
édition, avec la dédicace et le sommaire biographique en
trois langues, est très rare. Il est, de nos jours extrême-
ment difficile d'en rencontrer des exemplaires, tirés sur
vélin ou coloriés. Les tirages ultérieurs ont été très nom-
breux, et ont fini par user les planches, c'est pourquoi
l'on recherche surtout les premières éditions qui ornent
souvent aussi la vie de saint Norbert, écrite en langue
flamande par Chrysostôme Van der Sterre^
Il nous a été donné de composer cette étude, d'après
l'exemplaire provenant de la bibliothèque de ce savant
abbé de Saint-Michel, co-auteur de la vie gravée par
Th. Galle. Cet exemplaire, qui se distingue par la beauté
des épreuves, se conserve à l'abbaye du Parc lez-Louvain.
Le Révérendissime Prélat de ce monastère, Monseigneur
F. Versteylen, a daigné nous le communiquer, avec une
bienveillance rare, et nous sommes heureux de pouvoir
lui renouveler ici l'expression de notre vive et profonde
gratitude.
Au sommet de chaque gravure est imprimé un texte
de l'Écriture Sainte, se rapportant à la scène représentée,
« Chr. Van der Sterre, né à Bois-le-Duc en 1591, élu abbé de Saint-
Michel en 1629, mourut en 1652.
— 316 —
dont l'explication historique est donnée sommairement au
bas de l'image.
Ces sommaires encadrés d'un double filet noir, sont
l'œuvre du R. Ghrysostôme Van der Sterre. Les gravures,
texte compris, mesurent : 0,15 sur 0,07.
Frontispice. — Le frontispice présente le titre suivant,
entouré d'un gracieux ovale : « Vita S. Norberti, canoni-
' corum Prsemonstratensium Patriarchge Antverpise apos-
' toli Archiepisc. Magdeburg. ac totius Germanise pri-
' matis, Goncinnabat et Elogiis illustrabat R. P. F. lo.
' Ghrysostomus Van der Sterre S. T. B. FOR. in S.
' Michaele Prior Antverpise. »
Aux chapiteaux annelés de deux piliers, unis entre eux
par une corniche enrichie d'ornements, est suspendue une
tapisserie frangée, gracieusement relevée par une tète
d'ange aux ailes déployées. Sur un fond blanc, de forme
ovale, se détache le titre susdit. Au-dessus de la corniche
le Divin Sauveur, apparaît entouré de rayons et de nuages,
la tête nue, et les cheveux frisés, la main droite étendue,
et tenant, de la gauche, un globe surmonté d'une croix.
Sur le chapiteau du pilier de droite, un médaillon encadré
et enguirlandé présente l'effigie du pape Gélase II; sur le
piédestal du même pilier, se dresse un ange ailé, symboli-
sant la vie contemplative; il est richement vêtu d'une
tunique et d'un pourpoint à lambrequins et chaussé de
brodequins; sa tête, où ondule une chevelure abondante,
est entourée d'un cercle flamboyant. De la main droite, il
soutient un livre, surmonté d'un calice d'où s'élève une
sainte hostie; dans la main gauche, il porte un cœur ailé
surmonté d'une flamme; ses regards se dirigent vers le
divin Sauveur. Sur le socle du même piher est gravée cette
inscription : vita contemp., et, plus bas, un médaillon
encadré, à l'eflîgie du pape Honorius II.
— 317 —
Au-dessus de la corniche du pilier gauche, est placé un
médaillon en guirlande à l'efligie du pape Gallixte II. Au
pilier gauche est adossé un ange ailé figurant la Tie active,
sous la figure d'un pèlerin. Il est vêtu simplement d'une
courte tunique avec pèlerine, et chaussé de larges brode-
quins. Sa tète, couverte d'un chapeau, est entourée de
rayons; de la main droite, il porte un flambeau allumé,
une gourde, un livre et une discipline; sa main gauche
soutient un bâton de pèlerin, et un panier est attaché à son
bras gauche. Sur le socle, on lit ces mots : vita activa, et
plus bas, est représentée l'effigie du pape Innocent II, dans
un médaillon encadré; une riche guirlande de fruits se
rattache par des anneaux au socle de chaque pilier. Puis,
à la base de ces socles, un cartouche avec enroulements et
arabesques, porte la dédicace suivante :
« Admodum Reverendo Patri ac Domino.
« D. Matthseo lersselio
«« Ecclesise S. Michselis Antverp. Ord. Praem.
«* Abbati Amphssimo. Th. Gallseus. L. M. D. G. Q. »
Un écu aux armoiries de l'abbé Van lersel', s'élève sur le
cartel de la dédicace, et est surmonté d'une mitre accostée
d'une crosse de chaque côté.
Sous le chapiteau du pilier, à droite, est gravée cette
inscription : « Inspice et fac. » Sous celui de gauche :
« Secundum exemplar. » Le texte suivant est inscrit au
haut de la gravure : « Sentite de domino in bonitate.
Sap. 1, 1. » Puis, au bas : « Antverpiae Theodorus Gallseus
excudit. Cum Licentia Luperiorum. »
Dédicace. — Dans la dédicace adressée à l'abbé Matthieu
Van lersel, Révérendissime Prélat de Saint-Michel, le Père
1 D'argent à la fasce d'or, surmontée d'une rose de gueules, et trois
bandes d'azur en pointe.
— 318 —
Chrysostûme Van der Sterre rappelle brièvement les éloges
décernés à saint Norbert par plusieurs Souverains Pontifes,
et les faveurs éclatantes qu'ils daignèrent accorder à son
Ordre en considération de ses mérites et de sa sainteté :
'■ Ces témoignages éclatants du profond respect des Papes,
ajoute-t-il, ont engagé le célèbre graveur Théodore Galle,
à publier en images la vie apostolique de saint Norbert,
sachant bien que l'exemple est la meilleure de toutes les
leçons. Afin que cette publication, complétée par des expli-
cations qui lui paraissaient nécessaires, pût décider les
lecteurs à marcher sur les traces d'un si glorieux Saint, il
me pria d'y ajouter, soit des éloges concis, soit des récits
historiques parfaitement exacts, rédigés d'après les vies
plus détaillées que déjà nous avons publiées. Théodore
Galle, par cette publication, a bien mérité de la ville
d'Anvers, en reproduisant, cinq cents ans après sa mémo-
rable arrivée dans notre ville, la sainte et glorieuse image
de l'apôtre de la cité. Et de plus il a bien mérité de l'Ordre
de Prémontré, en rappelant à tous les membres de la
famille Norbertine, les vertus éclatantes que leur illustre
fondateur leur a laissées à imiter. »
De la part de l'auteur du texte explicatif, la dédicace de
cette œuvre était due au RR™^ Prélat de Saint-Michel.
Diverses raisons engageaient le graveur. Th. Galle, à
suivre l'exemple de l'écrivain.
Cette dédicace, datée du 23 septembre 1622, se termine
par des vœux de bonheur adressés au R. Prélat Matthieu
Van lersel, par son très humble et tout dévoué frère Jean
Ghrysostôme Van der Sterre.
Les deux pages suivantes contiennent les éloges décernés
à l'Ordre de Prémontré et à son glorieux fondateur par
saint Bernard, et par les papes Adrien IV, Innocent IV,
Boniface VIII, Clément VIII et Grégoire XV.
— 319 —
L'approbation du censeur ecclésiastique d'Anvers,
datée du 26 septembre 1622, est signée : Cornélius de
Witte S. T. L., archidiacre de la Cathédrale.
Portrait de saint Norbert. — D'abord, au haut de la
gravure, se lit cette inscription : <• In Fide et lenitate ipsius
« Sanctum fecit illum. Ecclici 45, 4. »
Le portrait du Saint est placé au milieu d'un ovale
encadré d'arabesques et d'enroulements, orné de branches
de laurier et surmonté de deux anges ailés, ayant la tête
frisée et des écharpes flottantes; portant d'une main, une
branche de lis, de l'autre soutenant une couronne de
lauriers qui s'élève au-dessus du cadre. Saint Norbert est
représenté à mi-corps, la tète nimbée et couverte d'une
mitre richement décorée. Par dessus les habits de l'Ordre,
il porte une chape parsemée d'étoiles et ornée du pallium;
de la main droite, il soutient l'ostensoir du Saint Sacrement
et de la main gauche, il présente une palme et une croix.
Au bas du cadre, une tète d'ange ailé surmonte un car-
touche encadré et enguirlandé, où se lit l'inscription
suivante :
« Sanctus Norbertus, Gandidi Prœmonstratensium Gano-
« nicorum Ordinis Antesignanus et Parens, Antverpise
« Apostolus Archiepus Magdeburgensis,totiusque Germanise
« Primas. »
A droite du Saint se tient debout, sur la base évasée du
cartouche, une femme d'un âge avancé, vêtue d'une robe
longue avec tunicelle, et la tête couverte d'un voile. Elle a,
dans sa main droite, un livre rehé surmonté d'une tiare;
au petit doigt de la même main, sont suspendues deux clefs.
De la main gauche, elle montre un calice surmonté d'une
hostie sainte. Au-dessus de la tiare plane, les ailes étendues
une colombe entourée de rayons. Sous les pieds, chaussés
— 320 —
de brodequins, de cette figure symbolique se lit ce seul
mot : Fides.
A gauche du portrait du Saint, apparaît une jeune
femme, debout, vêtue d'une robe longue et d'une tunique
aux manches garnies en biais, rattachée par une ceinture,
la tête couverte d'un ample voile, le front ceint d'une
couronne d'épines. De la main droite elle tient, pressé
contre elle, un crucifix qu'elle contemple avec amour; la
main gauche soulève un pli de la tunique supérieure, et
sous ses pieds nus, se lit cette brève inscription : Patientia.
Au bas de la gravure, est inscrit ce texte de l'Écriture
Sainte : «' Qui docti fuerint fulgebunt quasi splendor firma-
'- menti, et qui ad juslitiam erudiunt multos, tamquam
« stellse in perpétuas seternitates. Dan. 12. 3. "
Les traits du Saint sont énergiques et dénotent une
grande fermeté tempérée par la douceur. La physionomie
diffère, sous plus d'un rapport, du type traditionnel.
Série de 34 gravures représentant la Vie de saint Norbert.
Planche I""».
Naissance de saint Norbert.
Dans une chambre bien meublée, le jour pénètre par
deux fenêtres vitrées, à volets et avec encadrements. Une
glace est suspendue au mur. A gauche, sur un lit à baldaquin
avec colonnettes sculptées, et orné de rideaux à franges,
repose Hadwige, mère de Norbert. Un rayon lumineux sur
lesquels se lisent ces mots « yEquo animo esto Hadwigis
« quoniam magnus apud Deum futurus est etc., » semble
passer à travers les vitraux, et descend vers l'heureuse
mère.
Vis-à-vis, sur l'avant-plan, auprès d'un lavabo à pieds
contournés, deux femmes à genoux donnent leurs soins à
— 321 —
l'enfant qui vient de naître. Deux autres femmes, dont
l'une porte une aiguière, sont debout, à droite de la salle,
et regardent le nouveau né avec une visible attention. Au
fond est dressée une table couverte d'un riche tapis brodé
et entourée de sièges.
Au haut de la gravure, on lit : « Erit magnus coram
« Domino. Luc. 1, 15. » Au bas, est gravé ce sommaire :
" Nascitur Sanctis in Glivia Norbertus loco multorum
« martyrum sanguine olim nobilitato, genus trahens ex
« illustri Francorum et Germanorum illorum prosapia qui
« Salici vocati sunt, parentibus nobilissimis Heriberto et
«• Hadwige, quse ante ejus ortum cœlesti oraculo de futura
«« infantis dignitate divinitus edocetur. ■>
Planche II.
Norbert à la cour de l'Empereur.
Sur un trône que domine un baldaquin à lambrequins,
orné de riches draperies, se voit l'empereur Henri, assis
dans un fauteuil surmonté d'un aigle à deux tètes, blason
impérial des souverains de l'Allemagne. L'empereur portant
la couronne du Saint Empire, revêtu du manteau impérial,
le glaive nu dans la main droite, appuie sa main gauche
sur un globe surmonté d'une croix. Ses regards se dirigent
vers Norbert qui se tient debout devant lui, à gauche. A
droite du trône est placé le chancelier de la cour, vêtu d'un
manteau avec camail en hermine, la tête couverte d'une
toque, tenant en main une charte ; près de lui le comman-
dant des gardes impériaux, dont on aperçoit les lances, les
hallebardes et les casques. Norbert, la tête nue et les
cheveux flottants, ceint de l'épée de chevalier, portant le
riche costume des gentilshommes, et les bottes à éperons,
tient dans la main gauche son chaperon orné de plumes, et
21
— 322 —
étend la main droite, comme pour attester la vérité des
paroles qu'il adresse à son souverain. Il est suivi de deux
pages, dont l'un tient en laisse un lévrier. Dans l'angle
gauche, la draperie soulevée laisse apercevoir à travers
une fenêtre ouverte, ce qui se passe à l'extérieur. Là,
auprès d'une porte, se voient deux dames richement vêtues,
Norbert s'incline devant elles, et leur offre des hommages.
En haut de la gravure est gravé le texte : « Factus est
« Ephraim quasi coluraba seducta, non habens cor.
« Osée 7, 11. »
Au bas, le sommaire : «• Blandientis mundi Norbertus
« captus illecebris, viam spatiosam ingreditur sinistri
« lateris, et aeternae salutis immemor primum inventas
« florem in Aulis tum Friderici Goloniensis. Archiepiscopi.
« tum Henrici IIII Imperatoris, qui et ipse de Salicorum
« stirpe fuit, lasciviendo dissipât. »
Planche III.
Norbert terrassé.
Près d'un rocher d'où s'élance un arbre aux branches
étendues, Norbert, somptueusement vêtu, est étendu à
terre, à côté de son cheval caparaçonné et renversé égale-
ment. Au haut du ciel, couvert de nuages épais, les éclairs
fulgurants projettent sur le malheureux chevaher, leurs
rayons que perce la foudre. Un autre rayon plus faible, qui
sort de la bouche du cavalier, semble remonter vers le ciel
portant gravés ces mots : « Domine, quid me vis facere? »
A droite, le serviteur de Norbert, debout, terrifié, étend
les mains pour marquer sa frayeur et pour relever son
maître. A gauche, à l'arrière plan, on aperçoit la ville de
Freden entourée de coUines.
En haut de la gravure se lit cette inscription : « Vas
— 323 —
« electionis est m ihi iste, ut portet nomen meum coram
« gentibus. Act. 9. 15. »
En bas : « Dum phalerato equo in Freden tendit, horridà
« abortà tempestate, per fulmen equo excutitur : exanimis-
« que propemodum in terram delapsus, post liorse circiter
«« spatium sibi redditus, iam prsepotenti Dei manu conver-
« sus, melioris vitse suspirat novitatem. »
Planche IV,
Norbert au Couvent de Siegburg.
Dans une salle entourée de colonnes sont assis — auprès
d'une table couverte d'un tapis, où sont étalés un manteau,
une tète de mort, deux disciplines et plusieurs livres
ouverts — Norbert placé à droite, sur un siège à dossier, et
le R. Gonon, abbé de Siegburg.
Norbert, richement vêtu, la tête couverte de la toque des
nobles, le collier de chevalier au cou, s'entretient avec
l'abbé qui, revêtu des habits monastiques, la tête nue, et
tenant la crosse de la main gauche, étend la droite vers le
noble pénitent, comme pour le convaincre de la nécessité
où il se trouve de chercher à connaître la volonté de Dieu,
afin d'y conforme)' ses actions et sa vie. Le pieux prélat est
entouré de six religieux, en habits de chœur, qui écoutent
les avis de leur père; le plus jeune d'entr'eux paraît inat-
tentif et s'occupe à examiner l'un des livres ouverts étendus
sur la table.
Au fond de la salle, à droite, dans une niche entourée
d'un encadrement, se voit la statue du Sauveur du monde,
la main droite étendue, tenant un globe dans la main
gauche; du côté opposé, s'élève dans une niche toute
pareille, l'image de la Très Sainte Vierge portant l'Enfant
Jésus,
— 324 —
Au milieu du mur du fond entre les deux colonnes, une
espèce de porte, ou de passage ouvert, montre au loin des
bâtiments d'apparence imposante.
Au haut de la planche est gravé ce texte de l'Écriture :
« Relinquite civitates, et habitate in petra habitatores
« Moab. lerem. 48, 28. »
Au bas : « Relictis aulse vanitatibus, et mundi nauseans
«' delicias, ad sacrum se confert Sigebergense Divi Bene-
« dicti Cœnobium, ubi sub pollice B. m. Gononis Abbatis,
« inter sanctos illos religiosos, prima pietatis tyrocinia
« ponit, et spiritualibus exercitiis Dei super se beneplaci-
«' tum exquirit. »
Planche V.
Norbert renonce au monde et est ordonné prêtre.
A l'avant-plan, Norbert, entouré de divers personnages,
la tête nue et ceinte d'un rayon lumineux, nu-pieds, vêtu
d'une grossière tunique de peaux d'agneau, ayant une
simple corde pour ceinture lève sa main gauche vers le ciel.
De la main droite, il montre, délaissés et jetés à terre, son
collier, son casque, son épée, sa cuirasse, sa toque et ses
jambières de chevalier. Les divers personnages qui l'en-
tourent expriment leur étonnement.
Au second plan, on voit le chœur d'une église romane,
dont les voûtes sont soutenues par des colonnes et les
fenêtres ornées de vitraux.
Au pied de l'autel est agenouillé Norbert, vêtu d'une
chasuble, la tête nue et entourée de rayons. Près de lui,
l'évêque assis est entouré de quatre assistants, dont l'un
porte la crosse, un autre tient ouvert le missel, le troisième
est debout, faisant l'office de diacre, et le quatrième est à
genoux. La table de l'autel est couverte d'un tapis; sur
l'autel se dressent autour du cahce, le missel et deux chan-
— 325 —
deliers, avec les cierges allumés. Au-dessus de l'autel, est
suspendu un tableau qui représente Saint-Michel armé du
glaive, terrassant le serpent. Sur les volets, à droite est
figurée l'image d'un Saint; à gauche, celle de la Très
Sainte Vierge avec le divin Enfant.
De l'autre côté de la balustrade qui entoure le sanctuaire,
une foule recueillie assiste à la cérémonie de l'ordination
sacerdotale.
Au haut de la gravure, se lit ce texte de saint Paul :
« Renovamini spiritu mentis vestrse, et induite novum
« hominem. Ephes. 4. 23. 24. »
Au bas : « Depositis publice pretiosis illis vestibus quibus
« hactenus mundo sub vanitatis Labaro militaverat, as-
« sumpto ad carnem horrido cilicio, desuper contexto ex
« pellibus agninis habitu se induit, quo deperditse inno-
« centisB assiduo admoneretur : atque ita sacro Presbyterii
« honore insignitur, »
Planche VI.
Norbert est insulté au moment où il prêche la parole de Dieu.
Au milieu d'une place publique, Norbert nu-pieds, la tête
nue et nimbée, vêtu d'une tunique de peaux ceinte d'une
corde, tenant un crucifix dans la main gauche, la main
droite étendue, prêche l'Évangile à la foule qui l'entoure.
Aux pieds du missionnaire sont assises des femmes avec
leurs enfants ; en face d'elles se tiennent deux chanoines, la
tête couverte du biretum et revêtus de leurs aumusses ; ils
étendent les mains pour manifester leur étonnement, un
homme aux traits farouches et irrités s'approche brusque-
ment du Saint et lui crache au visage.
Au fond du tableau, une porte monumentale, ouverte
toute grande, laisse voir dans le lointain une sorte de
pyramide .
— 326 —
L'inscription suivante se lit en haut de la gravure :
« Argue, obsecra in omni patientia et doctrina. 2 Timoth.
« 4. 2. "
Au bas : « Incalescente in prœcordiis ejus igné Spiritus
« sancti, prsedicationi Evangelicse se accingit, quà devios
«' ab errore retrahat, et peccati veterno sepultos ad novam
" vitam excitet, unde graves patitur calumnias, et ab igno-
« bili clerico ignominiose conspuitur, sed detersa facie
« lacrymis injuriam ultus est. »
Planche VIT.
Norbert célébrant la messe à Rolduc.
Dans une crypte soutenue par des colonnes, Norbert la
tête couronnée de rayons lumineux, revêtu d'une riche
chasuble, célèbre la sainte messe à un autel recouvert d'un
tapis avec bordures à franges. Sur cet autel, surmonté d'un
dais avec tentures relevées, un crucifix est placé entre
deux chandeliers portant des cierges allumés; il s'y trouve
aussi un missel, un canon ou tableau et un corporal déployé.
A côté de l'autel les burettes sont placées sur un petit
coffre carré recouvert d'une nappe. Le Saint, soulevant le
calice de la main droite et tenant la patène de la main
gauche, consomme le précieux sang. Au-dessus du Bien-
heureux, on voit pendre à la voûte une toile d'araignée,
pour rappeler le fait arrivé en cette circonstance. Une
araignée énorme étant tombée dans le calice déjà consacré,
le Saint n'hésite pas à avaler l'insecte, avec le sang de
Jésus-Christ. Au pied de l'autel, se tient agenouillé l'acolyte
dans son large surplis; puis une dame pieuse, vêtue modes-
tement, portant suspendues à sa ceinture une clef et une
aumônière, et enfin quatre personnages qui, les mains
jointes, assistent respectueusement à la célébration du
— 327 —
Saint Sacrifice. Deux lampes suspendues au centre de la
voûte éclairent cette scène.
En haut de la gravure, on lit : « Si mortiferum quid
» biberint, non eis nocebit. Marci 16. 18. »
Au bas : « Gelebranti in crypta Sancto Norberto grandis
« aranea in calicem consecratuin delabitur, quam magna in
« Deum fide (in quâ miriflce semper excelluit) cum sanguine
« dominico illsesus sorbuit, quod vires suas venenum,
« salutifero hoc antidoto crederet amisisse. »
Planche VUI.
Norbert assistant auprès du Cardinal légat, au concile de Fritzlar.
Dans une vaste salle voûtée en plein cintre et éclairée
par des fenêtres à vitraux, le Cardinal légat, vêtu du rochet
et de la mozette, et la tète couverte du chapeau de car-
dinal, est assis sur un trône à deux marches, surmonté
d'un dais avec draperies relevées. Il est entouré d'évèques
mitres, de chanoines et de religieux, assis sur des fauteuils
ou sur des bancs.
Deux chanoines, coiffes du biretum, et trois autres per-
sonnages laïques, sont placés sur un banc adossé au mur
latéral.
Norbert, nu-pieds, la tète entourée de rayons, vêtu d'une
tunique grossière, tenant un livre dans la main gauche,
étendant la main droite dans la chaleur de son discours,
adresse la parole au Cardinal légat, président de l'assem-
blée. Un rayon d'en haut vient tomber sur le courageux
orateur, dont l'ardente éloquence confond ses adversaires.
L'attitude des assistants indique leur admiration.
A l'entrée de la salle, dans le vestibule se tiennent des
soldats armés de hallebardes, qui gardent l'entrée de la
porte largement ouverte.
— 328 —
On lit ces mots, en haut de la gravure : <• Dabo vobis os,
« et sapientiam, cui non poterunt résistera. Luc. 21. 15. »
En bas : <• Ut niliil Norberto deesset ad exercitium
" patientiae, prseter complures tam publicas quam privatas,
« quod Dei gloriam zelaret, et peccata acriter perstrin-
« geret, sibi factas molestias; in Goncilio Friteslariensi
«« corain Gonone Cardinale Prsenestino causam dicere
« jussus, Spiritu Sancto patrocinante de adversariis trium-
" phat. »
Planche IX.
Norbert distribue ses biens aux pauvres.
Dans une salle ouverte, soutenue par des colonnes,
éclairée par deux fenêtres à vitraux losanges, ornée de
bancs de bois à dossiers sculptés et d'un buffet armorié
dont les battants sont décorés de ciselures, Norbert dis-
tribue ses biens aux pauvres. Devant une table couverte
de sacs d'argent, il se tient les pieds nus, la tête entourée
de rayons, vêtu d'une tunique de peau ceinte d'une corde,
et remet des pièces d'argent aux pauvres qui lui tendent
leur escarcelle. Parmi ces malheureux se voit un pauvre
estropié, aux pieds nus, qui s'appuie sur une courte
béquille; des enfants ramassent les pièces tombées à terre,
et tendent leurs bras vers le Saint ; à côté de Norbert, des
serviteurs distribuent des vêtements aux misérables. Des
portefaix avec leurs fardeaux s'éloignent par la porte
d'entrée. Les traits de Norbert expriment la douceur et le
contentement. Près de la table se voit un coffre fortement
cerclé de fer.
En haut de la gravure, on lit : « Dispersit, dédit paupe-
« ribus, justitia ejus manet in sseculum sseculi. Psalm.
« 111. 9. »
Au bas : « Ut expeditius cœlum peteret, quidquid ipsi
— 329 —
« hactenus vel ex patrimonils (quse amplissima liabuit) vel
" aliimde obvenerat bonorum; per manus pauperum raro
« liberalitatis exemple, ad cœlos prœmittit, Deum posthac
" in hîereditatem habiturus. »
Planche X.
Norbert aux pieds de Gélase IL
Le pape Gélase est assis sur un trône à baldaquin, avec
lambrequins et tentures relevées. Revêtu d'une étole et
d'une mozette, la tète couverte d'une calotte, il présente de
la main gauche un diplôme, muni du sceau pontifical, à
Norbert qui se tient à genoux devant lui, et qu'il bénit de
la main droite. A droite du pape, sont assis deux évèques
mitres, et se tiennent deux jeunes clercs-camériers ; à
gauche du Souverain Pontife siège un haut dignitaire ecclé-
siastique, coiffé d'un biretum et vêtu d'un rochet avec
caniail. Norbert, pieds nus, la tête tonsurée et cerclée de
rayons, vêtu d'une tunique en laine et d'un manteau sur
lequel est attaché un large chapeau rond, reçoit du pape
Gélase l'autorisation de prêcher dans toutes les contrées de
la terre. Le fidèle compagnon du courageux apôtre, et
deux autres personnages, sont à genoux auprès de lui.
Au-delà de la balustrade qui coupe l'avant-plan, se dresse
l'église St-Pierre avec son dôme et sa coupole.
En haut de la gravure, on lit : « Opus fac Evangelistae,
« ministerium tuum impie. 2 Timoth. 4. 5. »
En bas : « Nuda nudi Jesu vestigia toto mentis annisu
« sequi affectans, tunica lanea et paupere pallio supra
« cilicium suum amictus, nudis ut jam triennio fecerat
'• pedibus in Galhas ad Gelasium PP. IL contendit : a quo
« per totum mundum prsedicandi potestatem accipit, recu-
« satis humiliter quos offerebat amplissimis honoribus. »
— 330 —
Planche XI.
Norbert rend visite à Burchard, évêque de Cambrai.
Une salle, dont la porte est ouverte, laisse entrevoir au-
delà de vastes bâtiments. Deux fenêtres encadrées et vitrées
y donnent accès à la lumière. L'ameublement se compose,
au fond, de trois chaises à dossier placées près d'une
grande table couverte d'un tapis, sur laquelle se trouvent
un pupitre et un sablier. Sur une tablette sont rangés quel-
ques volumes reliés, avec fermoirs, une brosse et un vase
à encre s'y trouvent suspendus. Au centre de la salle, sur
une petite table couverte d'un tapis, se voit un encrier avec
sa plume et aussi deux manuscrits. Un fauteuil à bras
garni d'un coussin, est placé tout auprès. Burchard, la tète
couverte du biretum, vêtu du rocliet et du camail avec
croix pectorale, reçoit entre ses bras Norbert, qui s'incline
vers lui en étendant les mains. Le Bienheureux, nu-pieds, la
tête tonsurée, et entourée de rayons, est vêtu d'une tunique
et d'un pauvre manteau auquel, au moyen d'une corde, est
attaché le chapeau de pèlerin. Près de Burchard se tient
debout, pleurant et essuyant ses larmes, Hugues, chapelain
de l'évêque ; il est vêtu de l'habit ecclésiastique et sa tête nue
est également entourée de rayons. Le plafond est à pou-
trelles en bois, des dalles carrées recouvrent le sol de la salle.
En haut de la planche, on lit : « Fidelis Deus, per quem
« vocati estis in societatem fllii ejus. I Cor. 1,9. »
Au bas : « Gum Valencenis Burchardum inviseret Game-
" racensem Episcopum, qui cum in Imperatoris palatio
" nutritus erat, stuperetque Episcopus ob tantam Norbert!
« mutationem, lacrymansque irrueret in collum ejus; in
« propositi sui Socium B. Hugonem acquirit, qui Sancti
» Patris spiritualibus excultus monitis, in magnam adole-
« vit Sancti tatis perfectionem. »
— 331 —
Planche XII.
Norbert partant en mission.
Norbert, nu-pieds, la tête couverte d'un large chapeau et
entourée de rayons, vêtu d'un manteau et d'une tunique en
laine, étendant la main droite et appuyant sur un bâton
sa main gauche, qui tient une branche d'olivier, prêche la
parole de Dieu à la foule accourue pour l'entendre. A côté du
Saint se tient son compagnon, Hugues, vêtu d'une tunique
et d'un manteau, la tête couverte d'un large chapeau et
surmontée d'un cercle ou nimbe; il porte de la main droite un
gros livre relié, appuyant la main gauche sur son bâton; il
regarde le missionnaire qui lui montre la foule. Près d'eux,
deux femmes assises avec un enfant, et plusieurs autres
personnages, attachent sur le prédicateur des regards où
l'étonnement se mêle à l'admiration. A gauche du Saint,
un âne harnaché est bridé par son guide qui le menace du
bâton. Au fond, quelques bâtiments surmontés d'une tour.
De la porte de la ville sortent des pèlerins qui accourent
vers le missionnaire. Au loin s'étend un joli paysage que le
soleil levant colore de ses ardents rayons, et où paraît un
bâtiment servant d'étable aux brebis que garde un berger
assis sous un arbre.
En haut de la gravure, on lit : « Quasi tuba exaita
« vocem tuam, et annuncia populo meo scelera eorum. Isa.
« 59, 1. »
En bas : « Norbertus incredibili flagrans pereuntium
« animarum zelo, Urbes, pagos, Gastella perambulabat,
« Apostolicse vitse exercitiis ad meliorem frugem plurimos
« convertendo : quem turmatim excipiunt populi : nec
'<■ ulla unquam cœli inclementia vel hiemis asperitate ab
« incepto retardari potuit, quod nobiliore intus divinse
« charitatis flamma caleret. »
— 332 —
Planche XIII.
Norbert réconcilie deux ennemis.
Sur une place publique s'élève une église surmontée d'un
clocher; un mur crénelé sépare les personnages des habi-
tations qu'on aperçoit alignées dans le fond du tableau. Sur
un brancard recouvert d'un tapis, est posée une châsse avec
couvercle à deux versants; la façade et les parois latéraux
sont ornés de pilastres et d'ouvertures ornementées, et au
milieu de la façade se dresse la statue d'un Saint.
A droite et à gauche de cette châsse, deux seigneurs
richement vêtus la tête couverte d'une toque à panache, se
donnent la main droite en signe de reconciliation; ils sont
accompagnés de plusieurs bourgeois qui assistent, comme
témoins, à cette scène édifiante.
Devant les deux seigneurs, Norbert, pieds nus, la tête
rasée et entoui'ée de rayons, le chapeau attaché sur le dos,
tenant de la main gauche une branche d'olivier, pose douce-
ment sa main droite sur la main de l'un des deux ennemis
qu'il a réconciliés. A la gauche du Saint, on voit, debout, son
compagnon de voyage, ayant la tête auréolée et couverte
d'un large chapeau, les pieds nus et tenant un bâton dans la
main gauche. De gros nuages roulent dans un ciel orageux.
En haut de la gravure, on lit : <• Quam pulchri super
' montes pedes annunciantis et prsedicantis pacem ! Isa.
' 52. 7. r>
En bas : « Cupiens quam maxime amplificare regnum
• Ghristi, quem sciret Principem pacis; indefesso studio
« circumferens velut altéra Noë columba ramum olivse;
• sese exhibuit (quoad vixit) Angelum pacis : qui invete-
' rata ubique odia restingueret, et capitalibus ab invicem
» inimicitiis dissidentes, Sanctorum reliquiis in medio
' positis, reduceret ad pacem. »
— 333 —
Planche XIV.
Norbert auprès du pape Calltxte II.
Devant un édifice imposant que précède une galerie
à colonnes, le pape Gélase, revêtu d'une étole et d'un
camail, la tète couverte de la calotte pontificale, se tient
debout, accompagné de plusieurs dignitaires ecclésiasti-
ques. Norbert est prosterné devant lui, pieds nus, la tête
tonsurée, cerclée d'un nimbe rayonnant, portant de la
main gauche une branche d'olivier et baisant la mule du
pape; le chapeau du pèlerin est attaché sur le manteau qui
couvre le missionnaire. A droite du Souverain Pontife, on
voit debout, Barthélemi, évêque de Laon, la tête nue, le
bonnet à la main, vêtu du camail avec croix pectorale;
à gauche, un légat pontifical, la tête couverte d'un cha-
peau rond. Une escouade de hallebardiers richement vêtus
occupe la gauche du tableau.
En haut de la gravure : <• Labora sicut bonus miles
« Ghristi Jesu. 2. Timoth 2, 3. »
En bas : » S. Norbertus a Patribus Rhemensis Goncilii
« anno 1119 celebrati, honorifice habitus, collatam sibi per
• totum mundum concionandi facultatem, a Papa Gallisto II
' renovari supplex petiit : qui non solum postulatis ipsius
' bénigne annuit; sed Bartholoma30 insuper Laudunensi
Episcopo illum impense commendat, qui conatus ipsius
cum divinae glorise incremento proveheret. »
Planche XV.
Norbert reçoit la robe blanche des mains de la T, Sainte-Vierge.
Dans une chapelle soutenue par des colonnes enguir-
landées, la Mère de Dieu offre à Norbert la robe blanche
qu'elle lui destine. Norbert est à genoux, nu-pieds, la tète
— 334 —
découverte entourée de rayons, vêtu de la tunique et du
manteau de l'Ordre. Ses mains étendues et son visage
radieux expriment son ravissement; il élève ses regards
vers la divine Mère qui daigne se montrer à lui. La Vierge
Marie, dont la tête voilée est entourée de rayons, vêtue
d'un large manteau, désigne de la main droite, à Norbert,
l'habit blanc, avec le capuchon et le scapulaire que lui
présentent de sa part deux anges ailés ceints d'une
écharpe. Marie porte sur son bras gauche l'Enfant- Jésus,
couvert d'une tunique blanche, et le front ceint d'une
auréole. De sa petite main levée dans un geste naïf,
l'Enfant divin bénit son serviteur Norbert. Des anges
groupés au milieu des nuages qui entourent la Vierge Mère,
expriment leur joie et leur vénération, en répandant des
fleurs qui jonchent le pavé. Aux pieds de Norbert, on
voit, étendus sur les dalles, un livre ouvert, une branche
d'olivier, un chapeau et des roses. A droite du Saint au
second plan, se tient son compagnon, la tête nue et
auréolée, les pieds nus, vêtu du manteau des religieux.
Agenouillé devant un petit autel, ou prie-Dieu, couvert
d'un tapis et éclairé par une lampe, il prie en regardant
un livre qu'il tient entre ses mains; son chapeau de pèlerin
est posé à terre, près de l'autel.
En haut, on lit ces mots : « Omni tempore sint vesti-
« menta tua candida. Eccles. 9, 8. »
Au bas : « Gloriosa cœlorum Regina S. Norberto
« apparet in Capella S. Joannis Baptistse Prsemonstrati
« pernoctanti quse : preces ipsius exauditas denunciat,
« locumque ubi primum Ordinis sui Gœnobium extrueret
« praemonstrat : candidumque similiter habitum exhibet,
« his additis verbis : Fili accipe Candidam vestem, atque
«' ita Norbertus eodem ipso anno 1120 in vere, sub Candido
« SUD vexillo Socios conscribere incipit. »
— 335 —
Planche XVI.
Norbert découvre les reliques de Saint Géréon, etc.
Dans une église romane à colonnes cylindriques, éclai-
rée par des fenêtres à plein cintre, Norbert, vêtu de
l'habit blanc, la tête rasée et cerclée de rayons, ayant la
main droite posée sur la poitrine, et tenant dans la main
gauche une branche d'olivier, est agenouillé devant un
autel recouvert d'un tapis. Ses yeux levés au ciel, se
fixent sur le bienheureux Géréon, qui lui apparaît et lui
indique de la main droite le lieu de sa sépulture resté
inconnue depuis 800 ans. Un livre ouvert et un biretum
sont déposés à terre, devant le serviteur de Dieu. Le Saint
martyr, entouré de nuages et de rayons, est revêtu de son
costume de guerre : cuirasse, casque, bouclier; il tient de
la main gauche une branche d'olivier. Au second plan,
deux religieux, que dirige un évêque mitre et revêtu d'une
chape richement ornementée, indiquant du doigt la place
où ils doivent fouiller, creusent diligemment le sol, au
moyen d'une pelle. Auprès d'eux, deux prélats en chape,
portant la crosse et le bonnet, deux acolytes tenant chacun
un cierge allumé, un clerc avec la croix épiscopale, et
divers autres religieux, sont témoins de la précieuse décou-
verte. Autour des membres du clergé, se presse la foule
des curieux qui remplit toute l'église.
En haut se lit l'inscription suivante : « Gustodit Domi-
« nus omnia ossa eorum : unum ex his non conteretur.
« Ps. 33. 21. »
En bas : « Intelligens Norbertus quantum novo quod
« meditabatur Gœnobio prœsidii accederet, si Sacris Divo-
« rum rehquiis bene foret instructum ; Goloniam conten-
« dit, ubi inter csetera S. Martyris Gereonis, ex ejusdem
« Sancti (qui Norberto apparuerat) designatione, tumulum
— 336 —
« per 800 annos ignoratiim, anno 1121 mirabiliter detegit :
« cui ex variis SS. ossibus duo ibidem Goloniae feretra
« instruuntur. »
Planche XVII.
Saint Augustin offre sa règle à Norbert.
Saint Augustin, la tête mitrée et ceinte d'une auréole,
la barbe longue, tenant dans la main gauche la crosse
épiscopale avec un cœur percé de deux flèches et surmonté
de flammes, offre de la main droite un livre ouvert au
digne serviteur de Dieu. Celui-ci humblement agenouillé,
contemple avec admiration le saint évêque qui lui appa-
raît, porté sur des nuages. Une banderole sur laquelle on
lit ces mots : Aiigustinus ego sum, habes regiilam etc.,
va, avec de gracieuses ondulations, de la bouche de saint
Augustin, s'étendre jusqu'au front de Norbert. Celui-ci, la
tête tonsurée, entourée de rayons, vêtu d'un long manteau
avec capuchon, tenant de la main gauche une palme et la
crosse abbatiale, reçoit le livre ouvert qui lui est présenté
et où se lit cette inscription : SU vobis atiinia una et cor
unum in Deo, et non dicatis aliquid propriwn.
Devant Norbert, un livre ouvert est étendu à terre, près
d'un bonnet carré et d'une disciphne. Dans l'angle gauche
du tableau, sur une table couverte d'un tapis, se trouvent
placés : un crucifix, des volumes reliés : sermones, anno-
tationes, etc., une tête de mort, un sablier, un vase. Au-
dessus de la table, est suspendu au mur un tryptique à
volets représentant la Vierge Mère qui tient le Divin
Enfant ; une lampe brûle devant cette image.
En haut se lisent ces mots : « Quicumque hanc regulam
« secuti fuerint; pax super illos. Galat. 6, 16. »
En bas : « S. Norbertus. Gum pro régula anxius fluc-
— 337 —
« tuaret Norbertus fratribusque preces indixisset ; Beatus
" illi visus est Augustinus, qui a latere dextro prolalam
« auream regulam suain, sub quâ deinceps militaret, cum
'• luculentis promissis porrexit : atque Ita in festo Nativi-
'• tatis Ghristi, anno U21, cum nova sua Societate in obse-
«« quium perpetuum parvulo Jesu nato, solenni professione
« sese devovendo, sub eadein régula se victurum spo-
« pondit. »
Planche XVIII.
Vision du Divin Sauveur attaché à la croix.
Aux pieds du Christ attaché à la croix, la tête couronnée
d'épines et entourée d'un cercle lumineux d'où s'élancent
sept rayons, plusieurs pèlerins sont prosternés ou étendus
à terre. Tous ont revêtu la pèlerine; ils ont le chapeau sur
le dos, la gourde à la ceinture, le bâton à la main ; quel-
ques-uns sont pieds nus; plusieurs d'entr'eux, étreignant
l'arbre de la croix, baisent les pieds du Divin Sauveur,
Dans les angles du tableau, d'autres pèlerins, debout, fixent
leurs regards sur le divin supplicié et étendent vers lui
leurs mains suppliantes.
Au second plan s'étend un riant paysage; à gauche, on
voit une petite église, et à droite, un rehgieux, à genoux, en
prières.
En haut, on ht : «-Levabit signum in nationes, et congre-
gabit profugos Israël. Is. 11, 12. »
En bas : « Ghristus in Gruce septem solaribus radiis
« conspicuus, visus est extruendse Pra^monstrati Ecclesise
'• locum designare, ad quem magna peregrinorum multi-
« tudo visa est accessisse : Ex quo S. Norbertus varias
« ordini suo intellexit imminere procellas : verum suffectu-
« rum semper Deum novos commilitones, qui sub sangui-
22
— 338 —
« nolento Grucis Labaro, in Gandidâ sua Societate ad flnem
« usque decertarent. »
Planche XIX.
Norbert exorcisant des possédés.
Cette gravure représente une église romane soutenue
par des colonnes et éclairée par deux fenêtres ; à droite un
autel surmonté d'un tableau, où est peint le Christ en croix,
avec des draperies relevées; sur l'autel, on voit un calice,
un livre ouvert, un chandelier portant un cierge allumé;
devant l'autel , plusieurs religieux , debout , sont en
prières.
Norbert, debout, vêtu du costume de l'Ordre, la tête
couverte du biretum et ceinte d'une auréole tenant de la
main gauche une palme et un livre, bénit de la main droite
un enfant possédé que soutient un religieux, dont la tête
est entourée d'un nimbe. Deux possédés sont debout près
du Saint. Ils lèvent le poing, des flammes jaillissent de
leur bouche; leurs traits convulsés expriment une vive
souffrance; au-dessus d'eux s'envolent des démons.
Aux pieds de Norbert, à droite, est couché un monstre
hideux armé d'une fourche, ayant devant lui une marmite
d'où sort un horrible crapaud. Il jette sur le Saint des
regards furieux. Dans l'angle droit, près de l'autel, on voit,
assis à terre, un possédé aux traits hagards, à peine vêtu,
secoué par de fortes convulsions.
En haut : « Super aspidem et basilicum ambulabis, et
" conculcabis leonem et draconem. Ps. 90, 13. »
Au bas de la gravure : « Apostolicae vitee Norbertus
«: munia prosequens, cui ex divinâ inspiratione jam dudum
>' sese devoverat : quà prœdicando, qua devios ab errore
« reducendo, discordesque paciflcando ; augenda? divinee
— 339 —
« glorise, et animarum saluti impense studet : doctrinam
«' suam signis et virtutibus confirmât, atque in expellendis
<• e coi'poribus obsessorum Daemonibus, mira Dei virtute
«' pollet. »
Planche XX.
Norbert se défend contre un ours.
Au-dessus d'un autel à pilastres est posé un tableau
représentant saint Jean portant une croix, à genoux aux
pieds de la Sainte Famille. Les tentures de l'autel sont
relevées; une lampe à deux bras fixée en haut de la voûte,
éclaire la scène. Sur l'autel couvert d'un tapis, on voit, à
droite, un coussin, à gauche un livre, dans l'angle gauche,
une crédence où flotte une riche draperie, est dressée près
de l'autel. Sur les marches de l'autel est posé le biretum
du Saint qui se tient debout, la tête nue et cerclée de
rayons, revêtu de ses habits religieux. Dans sa main
gauche, il porte la crosse, et étend la main droite, pour le
calmer, vers un ours colossal qui le menace de ses griffes,
et dont la gueule lance des tourbillons de flammes. Aux
pieds de Norbert, une discipHne est étendue à terre.
En haut ce texte : « Guircuit quEerens quem devoret, cui
resistite fortes in fide. I Petr. 5, 8, 9. »
En bas : '• Praesagus immensi quod regno suo per
«' S. Norbertum et Praemonstratensem Ordinem immineret
» damni Diabolus ; incredibili odio nascentis hujus militise
« initia subvertere tentavit : mirabilibus prsestigiis,
«• arinatâ nonnumquain manu Prsemonstratum invadere
» visus; qui etiam in specie horribilis ursi Norberto in
«» precibus excubanti apparuit, quem tainen continuo ma-
« gniflca suâ in Deum fide abegit. »
— 340 —
Planche XXI.
Norbert combat à Anvers l'hérésie de Tanchelîn.
Sur une place publique de la ville d'Anvers, Norbert
debout, vêtu du costume religieux, la tète couverte du
biretum et ornée d'un cercle lumineux, une palme dans la
main gauche, levant la main droite vers le ciel, prêche la
parole de. Dieu à un auditoire composé de chanoines, de
bourgeois, de femmes, qui, par leurs gestes et leur attitude,
témoignent leur admiration. Près du missionnaire, se
trouvent trois religieux de son Ordre; dans l'angle gauche
une femme assise tient un enfant qui joint ses petites
mains. Aux pieds de Norbert, une femme est étendue à terre
sur une crosse; dans la main gauche, elle tient une hostie;
dans la droite un calice avec un livre ouvert sur lequel
sont écrits ces mots : Adamitica et SacramUaria Tan-
chelini hœresis . Auprès d'elle se voient, à terre, une mitre,
un calice, une tête d'homme. Le pied droit du Saint semble
écraser ces créatures qui symbolisent l'hérésie, l'orgueil, la
rébellion, etc. A gauche du tableau, au second plan, s'élève
une chapelle ouverte, dont la porte ou façade est soutenue
par deux colonnes enguirlandées avec chapitaux ornés de
feuillages sculptés. Sur les marches de l'entrée sont
agenouillés deux religieux tenant dans leurs mains une
nappe étendue; devant eux se présente un prêtre vêtu d'un
surplis et d'une étole, avec l'aumusse sur le bras gauche,
qui porte dans ses mains la sainte Eucharistie. A l'intérieur
se dresse un autel, surmonté d'un dais et d'un tableau,
représentant saint Michel terrassant Lucifer. Au fond du
tableau, s'élèvent des constructions gothiques qui rap-
pellent l'abbaye de Saint-Michel, la tour de la cathé-
drale, etc. Au dessus de la gravure se dessine un écusson,
entouré d'une couronne de feuilles et encadré d'une guir-
— 341 —
lande de fleurs, portant les armoiries de la ville d'Anvers*.
En haut de la gravure : « Signa Apostolatus mei facta
« sunt super vos in omni patientia, in signis et prodigiis,
« II, Cor. 12. "
En bas : « Gum Haeresiarchae Tanchelini venenosus
« sermo Gatliolicam fldem in Antverpiensi Ecclesia pessum-
« dedisset; dominico actus Spiritu S. Norbertus, 12 Soda-
« libus comitatus, anno 1112. Antverpiam venit : de Ada-
« mitica et Sacramentaria Hseresi gloriose triumphat,verus
« Antverpiensium Apostolus; ubi ex variis piorum tum
« Ducis, quâ Cleri, ac populi donariis Antverpiense suum
«' Gœnobium auspicatur, cui B. M. Waltmannum primum
" Abbateman. 1123 prseficit. »
Planche XXII.
Norbert rencontre Godefroid, coitite de Cappenherg.
Godefroid, comte de Cappenberg, la tète nue et entourée
de rayons, avec de longs cheveux flottants, richement vêtu
et chaussé de brodequins, pose sa main sur l'épaule de
Norbert qui salue le noble chevalier. Le Saint, dont la tète
entourée de rayons est couverte du biretum, et qui porte le
manteau blanc relevé de la main gauche, tient la main
droite appuyée sur son cœur.
Aux pieds du comte Godefroid est agenouillée son épouse,
élégamment vêtue, les cheveux tressés et roulés sous un
panache; tendant les mains vers Norbert, elle le contemple
avec une profonde admiration. Une jeune suivante est
debout près de la comtesse. A gauche du Saint est
agenouillé le comte Otton, frère de Godefroid, très riche-
1 Forteresse à trois tours, surmontée de deux mains ; en chef, un
aigle à deux têtes éployé. La gravure n'indique pas les émaux.
— 342 —
ment vêtu, ayant l'épée au côté, et, sur ses cheveux
bouclés, une toque à panache. Auprès de lui se tient un
écuyer, vers lequel il étend la main. Près de Godefroid, se
voient groupés, debout, des pages ou chevaliers, la tète
également couverte d'une toque à panache; l'un d'eux
porte un écu aux armes du comte, que surmonte la cou-
ronne comtale. A gauche de Norbert et du comte Otton, se
tiennent trois rehgieux debout, la tète couverte, l'un d'eux
ayant l'auréole des Saints. Tous les personnages sont assem-
blés devant une église ou chapelle, surmontée d'un clocher
en forme de dôme. Au fond du tableau, à droite, une autre
église en construction, avec mur crénelé, etc.
En haut est gravé le texte : '• Adducam eos in monte
«« Sanctum meû, et, et Isetificabo eos in domo orationis
«• mese. Is. 56, T. »
Au bas : « B. Godefridus Comes Gappenbergensis cum
« conjuge suâ nobilissimâ et Ottone fratre, cœlesti elo-
«« quentià S. Norberti permotus, collatis in erectionem
>' triû Gœnobiorum amphssimis bonis suis : Candidu Prse-
« raonstrati Ordinis institutura amplexatur : quorum
« exemple complures postmodum Magnâtes et Principes,
« abdicatis honorum titulis, et fallacis mundi spretis illece-
" bris, nuda nudi lesu vestigia in Gandida hac militia et
« Schola Grucis, magnanimiter tenuerunt. »
Planche XXIII.
Le pape Norbert II confirme V Ordre de Prémontré.
Dans une salle soutenue par des colonnes et séparée par
des balustrades de la cour extérieure, est assis sur un
trône, avec dais, tentures et lambrequins relevés, le pape
Honorius, portant la barbe longue, coiffé de la tiare ponti-
ficale, revêtu d'une chape couverte d'ornements. Il bénit
— 343 —
le Saint de la main droite, et, de la main gauche, lui pré-
sente une bulle munie du sceau pontifical. Norbert est
agenouillé aux pieds du Souverain Pontife, vêtu du man-
teau de l'Ordre, la tête nue et raj-onnée. Il reçoit de la
main droite, la bulle pontificale et, de la gauche, il tient
son biretum; ses regards, humbles et attendris, sont fixés
sur le saint Père. Auprès de lui se voient trois religieux,
debout, la tête nue; l'un d'eux a la tête entourée d'une
auréole, et pose sa main droite sur sa poitrine. Dans
l'angle droit du tableau, devant une petite table, sur
laquelle est placé un livre, est assis, dans un fauteuil, un
cardinal, la tête couverte du biretum. Près du pape, à
droite, un clerc en surplis, tête nue, porte la croix ponti-
ficale; à gauche, se voient, debout, un cardinal portant
le chapeau rond à cordelières, et un évêque coiffe de la
mitre. Au second plan, derrière la balustrade à droite,
quatre gardes pontificaux, armés de hallebardes, veillent
à l'entrée de la salle. A gauche, dans un oratoire éclairé par
des rayons lumineux, trois religieux agenouillés sur des
prie-Dieu, tiennent en mains leur bréviaire. La lumière
qui vient d'en haut entoure, comme d'une auréole, la tète
d'un de ces religieux. Ce fut en effet lorsque Norbert était
à l'église, plongé dans la méditation et la prière, qu'il
entendit une voix du ciel, lui annonçant qu'il serait évêque
de Magdebourg.
En haut est gravé le texte : «• Grescas in mille millia,
« et possideat semen tuum portas inimicorum suorum.
« Gènes. 24, 60. »
En bas : « Honorius II. Pontifex Maximus Candidum
« Institutum Ganonicorum Prasmonstratensium, jam ante
« Gallisto II. probatum, ad supplicationem S. Norbert!
« confirmât; quem Romam profcctum Papa honorifice
« excepit, votorumque suorum compotem effécit : quin et
— 344 —
«« ibidem pro more, Norberto cum Sodalibus rerum divina-
« rum meditationi intento, vox qusedam cselitus ab iisdem
« manifeste auditur; Partlienopolis Norbertum futurum
« Episcopum. '»
Planche XXIV.
Norbert rend la vue à une femme aveugle.
La gravure qui suit représente l'église romane de
Wijrtzbourg, dont les voûtes élevées sont soutenues par des
colonnes. Près de l'autel se groupe une foule nombreuse,
stationnant des deux côtés de la balustrade qui ferme
l'entrée du chœur. Devant l'autel, entre les colonnes duquel
un retable à volets représente la résurrection du divin
Sauveur, et qui porte avec la croix un missel, un calice
et quatre chandeliers ayant leurs cierges allumés, Norbert,
la tête nue, ceinte de l'auréole, vêtue d'une riche cha-
suble, se tourne vers la femme aveugle qui, accompagnée
de sa suivante, s'est agenouillée sur la marche de l'autel
couverte d'un tapis à franges. Le diacre et le sous-diacre,
revêtus de dalmatiques, assistants du saint prélat, joignant
les mains, se tiennent à ses côtés. Norbert, levant sa main
droite, en signe de bénédiction, soulève de la main gauche,
le bandeau de l'aveugle, qui relève la tête, joint les mains
et semble regarder son puissant bienfaiteur.
La mise des deux femmes est d'une grande simplicité ;
l'une et l'autre sont vêtues d'une jaquette, avec un petit
bonnet couvre-chef.
Au pied de l'autel, à droite, sont agenouillées quatre
personnes, dont une dame richement vêtue, paraissant
exprimer une profonde admiration ; à gauche, trois religieux
à genoux, la tête nue, le bonnet à la main, sont en prières-
En haut, on lit : « Scitote quoniam mirificavit Dominus
" Sanctum suum. » Psalm 44.
— 345 —
En bas : « Quam sibi grata foret vita illa Apostolica
« Norberti,Deus mundo testatum volens ; variis illum mira-
« culis illustravit ; adeo ut etiam verbo usus imperii inorbos
« fugaret : atque inter caetera Herbipoli oblatam sibi inter
« celebrandum in Paschate csecam mulierem, insufflando
•• illuminât, populo stupente, et divinam in Norberto vir-
« tutem coUaudante. qui Sanctitatis radiis, et miraculorum
«« splendore longe lateque coruscabat , eximium divinae
«• potentise instrumentum. »
Planche XXV.
Norbert sacré évêque.
Au centre d'une église romane, éclairée par des fenêtres
à vitraux losanges, et dont la nef latérale est remplie par
la foule, est dressé un autel surmonté d'un baldaquin, por-
tant l'écu pontifical ^ avec la tiare et les deux clefs,
qu'accompagnent, à droite et à gauche, les armoiries de
Norbert 2, et celles de l'évèque^ consécrateur. Le tableau
qui orne l'autel représente un guerrier, debout, tenant une
palme de la main gauche. Sur la table de l'autel, on voit
un crucifix, deux chandeliers avec leurs cierges allumés et
un livre fermé.
Devant l'autel est assis l'évèque consécrateur, la mitre en
tète, vêtu d'une riche chasuble avec le pallium. Aidé d'un
évêque assistant, également mitre et vêtu d'une chape
ornementée, il dépose la mitre épiscopale sur la tête de
Norbert. Celui-ci, les mains jointes, à genoux sur un
coussin, a la tète entourée de rayons, et est revêtu d'une
1 Une fasce.
2 Voir la planche 33.
3 Au 1""^ et au 4™* on aperçoit vaguement une croix; au 2™«et au 3"*
un chevron.
— 34G —
chasuble. Près de l'évèque officiant, un chanoine en sur-
phs, l'aumusse sur le bras, est à genoux et tient un missel
ouvert. Un dignitaire ecclésiastique, vêtu d'un camail, la
tète couverte du bonnet carré est assis sur un fauteuil qui
occupe l'angle de droite. Derrière l'évèque de Spire, un
diacre en dalmatique, ayant la tète nue, est debout, tenant
la crosse épiscopale de la main gauche, et indique de la
main droite, les cérémonies prescrites dans le pontifical.
Dans l'angle gauche sont placés, sur une petite table
couverte d'un tapis, les tonnelets et les pains prescrits
par la liturgie; les pains sont couverts d'une écharpe,
les tonnelets portent des armoiries. De l'autre côté de la
table, se groupent plusieurs religieux dont l'un qui a la
tète nue, tient un flambeau allumé ; puis quelques prêtres
et un évèque, vêtu de la chape et de la mitre, qu'accom-
pagne son acolyte. On remarque encore le siège, ou
fauteuil épiscopal, adossé à l'un des piliers de la nef prin-
cipale.
En haut est gravé le texte : « Dédit illi sacerdo-
« tium gentis, et beatiflcavit illum in gloria. Ecclici.
« 45. 8. "
En bas : « S. Norbertus, vir potens in sermone et opère,
« cum Spiram forte venisset, invitus ad Archiepiscopatû
« rapitur Magdeburgensem, et tanquam lucerna ardens et
« lucens, super Gandelabrum ponitur nobilissimae Ecclesise,
« exeunte anno 1125 : qui nudis pedibus et paupere cul tu
«« Magdeburgum ingressus; quo sublimius extollebatur, eo
« se altius ad ima humilitatis deprimebat : adeo ut etiam a
« Pontiflealis palatii janitore non agnitus; ab ingressu
« repulsam tulerit. »
347 —
Planche XXVI.
Norbert prédit, à un injuste détenteur des biens de l'Eglise, le
châtiment que Dieu lui réserve.
Devant un iDortique à colonnes, un seigneur richement
vêtu, portant l'épée au côté et la tète couverte d'un chapeau
à panache, accompagné d'un page qui tient un lévrier par
son anneau, en appuyant la main gauche sur la hanche,
étend fièrement la main droite vers Norbert, en levant
devant lui la main gauche. Le saint prélat lui prédit le
châtiment dont la justice divine ne tardera pas à le frapper.
Norbert est vêtu du rochet et du camail avec la croix
pectorale; sa tète, couverte du biretum, est entourée de
rayons ; de sa bouche s'élance vers la voûte une banderole
contournée sur laquelle sont gravés ces mots : « Hoc anno
ah hac prœdatione Dei repellet^is judicio. » Près de lui
se voient deux religieux vêtus du costume blanc de l'ordre,
la tête couverte du biretum; celui de droite tient un livre
de la main gauche; celui de gauche appuie sa main gauche
sur sa poitrine, et, de la main droite, soulève un pli de sa
robe. Deux personnages, à tête nue, se tiennent derrière
d'eux. Près du portique, on voit un édifice dont la façade
est surmontée d'un globe d'où s'élève une croix. Au fond
du tableau s'étend un paysage très accidenté, au milieu
duquel est une église. A quelque distance de l'église, est
étendu à terre un individu, que deux agresseurs arrêtent
et menacent du glaive. Le ciel est couvert de nuages, au
milieu desquels se dessine un cercle de rayons lumineux.
En haut est gravé ce texte : « Fidelis dispensator, et
« prudens, quem constituit Dominus super famiham suam.
« Luc. 12. 42. "
En bas : « Gonscius Norbertus, quid a se muneris impo-
« siti magnitudo exigeret; cum Ecclesiae suse proventus
— 348 —
" amplissiinos propemodum dilapidatos esse, et ab injustis
« possessoribusdetineri intelligeret; sese patrimonii Ghristi
« vindicem strenuissimum, magna licet multorum contra-
« dictione exbibet : atque inter csetera, violento cuidam
«. Prsedoni de injusta sua possessione decedere nolenti,
« Spiritu propbetico (quo etiam alias ssepius illustratus
«« fuit) adventuram brevi Dei vindictam prsedixit. »
Planche XXVII.
Des conjurés forment le projet d'assassiner Norbert.
Dans une salle ornée de tentures, dont la porte encadrée
est entr'ouverte, Norbert est assis dans un fauteuil artiste-
ment sculpté, à dossier en forme de coquille, surmonté
d'une tète d'ange ailé ; les accoudoirs décrivant une courbe
gracieuse se terminent en tète d'aigles, et reposent sur des
pieds simulant des griffes d'animaux; des draperies
élégamment ornées et relevées flottent au-dessus de ce
trône. L'évèque, vêtu du surplis et du camail avec croix
pectorale, la tête couverte du bonnet et entourée de rayons,
appuie sa main gauche sur le bras du fauteuil, et étend
sa main droite vers les misérables qui s'avancent pour
l'assassiner. Devant le prélat, se tient agenouillé, la tête
nue, un faux pénitent, qu'accompagnent deux hommes à
figures sinistres, coiffes de chapeaux à grands bords,
armés : l'un d'un couteau énorme, et l'autre d'une épée.
Un troisième personnage, de figure moins sinistre, assiste
à cette scène. Au fond du tableau, près de la porte, un
homme misérablement vêtu semble regarder attentivement
le prélat et les conjurés. A côté de Norbert, est posée une
petite table couverte d'un tapis, sur laquelle se trouvent
un sablier et un livre ouvert. Au milieu de la salle se voit
— 349 —
une autre table couverte d'un tapis ; puis deux chaises au
dossier armorié, avec têtes de lions aux supports.
En haut, est gravé ce texte : «^ Quoniam in me speravit,
« liberabo eum : protegam eum, quoniam cognovit nomen
« meum. Ps. 90. 14. »
En bas : « Cum S. Norbertus collapsam Ecclesiasticam
« disciplinam,et corruptos Gleri et populi sui mores, arden-
«' tissimo quo flagrabat amplificandse divinae glorise zelo
« restituere ac reformare conaretur; ingens iniquorum
'- odium incurrit : qui in Sancti Pontificis necem aliquoties
«' conjurati; in Gœna Domini virum S. excipiendis suorum
« confessionibus intentum, submisso sub habitu psenitentis
« Sicario, crudeliter trucidassent, si non divina inspiratione
« edoctus, rem hanc cselitus cognovisset : qui tamen pro
« sua mansuetudine, scelesto huic conceptum hoc énorme
« parricidium bénigne ignovit.
Planche XXVIII.
Le divin Sauveur apparaît à Norbert et à Hugues.
A côté d'une porte ouverte soutenue par une colonne
dorique au chapiteau orné de feuillage, le divin Sauveur
apparaît au B. Hugues, qui lui est présenté par saint
Norbert. Le Christ, debout, la tête nue, entourée de
rayons flamboyants et d'un cercle d'anges ailés, vêtu d'un
large manteau flottant sur ses épaules, tient élevée, de la
main gauche, une croix sur laquelle se déploie une bannière
ou banderole portant également une croix, et off're sa main
droite au B. Hugues qui la reçoit dans sa main droite.
Hugues, revêtu du manteau de l'Ordre, la tête nue et
nimbée, est à genoux devant le Sauveur. Norbert la tête
mitrée et rayonnée, vêtu d'une chape richement ornée,
tenant la crosse dans la main gauche, la droite posée sur
— 350 —
l'épaule du B. Hugues, le présente au divin Sauveur à
qui il adresse ces paroles inscrites sur une banderole, qui
sort de sa bouche et se déroule en spirales montant vers
les nuages : « Hune a te Domine mihi commissum tuse
« SS. Majestati reprsesento. »
En haut de la gravure : " Benedictus Dominus, qui non
« est passus, ut deflceret Successor familise tuse. Ruth. 4. 14."
En bas : « S. P. Norbertus, quo Ordini suo adhuc
" tenello prospiceret, qui ademptum sibi optimum Parentem
« dolebat : suum in Prsemonstratensi Archicœnobio succes-
«• sorem,ettotiusOrdinis Secundum GeneralemB.Hugonem
'^ constituit : qui hanc de se factam electionem divinitus
'■ edoctus est, dum a S. P. Norberto se Ghristo praesentari,
«• in visione cognovit : atque paternarum virtutum hseres,
« Ordinem mirifice amplificavit, adeo ut primis 80 annis
« supra 1800 Cœnobia numerarentur, in quibus varii
« magna Sanctitate ac miraculis floruerunt. "
Planche XXIX.
Tentative d'assassinat.
Cette gravure représente une salle de l'église de Saint-
Maurice, tapissée de riches tentures et éclairée par une
lampe double suspendue au plafond. Norbert, la tête mitrée
et entourée de rayons, revêtu de la chape épiscopale, la
crosse dans la main gauche, la main droite posée sur la
poitrine, se présente intrépidement aux assassins, qui
s'avancent vers lui levant leurs glaives. L'un d'eux menace
le saint prélat de la pointe de son épée, tandis qu'un autre
le saisit par l'épaule, et lève son épée pour l'assommer.
Aux pieds de l'archevêque, un des assasins, les bras éten-
dus, est renversé à terre. Au fond de la salle se trouvent
debout deux évêques, portant la mitre, revêtus d'habits
— 351 —
pontificaux et entourés d'une foule nombreuse. Les assas-
sins, richement vêtus, ont la tête couverte d'une toque à
panaclie; leurs traits expriment l'angoisse et la fureur.
En liaut de la gravure : « Bonus pastor animam suam
« dat pro ovibus suis. Luc. 10. 11. "
En bas : Gum pollutam S.Mauritii Ecclesiam ex Canonum
«' prsescripto Norbertus expurgat: tota inillum Magdebur-
«« gensis civitas commovetur : quem divinis laudibus una
«i cum duobus aliis Episcopis et clericis quamplurimis
'• intentum, cum districtis gladiis irrumpentes trucidare
« vellent ; ne cuiquam suorum nocerent, Sanctus occurrens
« Archiepiscopus obvium pectus magnanimiter protulit :
« qui etiam ingenti gladii ictu super humerum percussus,
« adinstar Adamantis, divinitus permansit illsesus. »
Planche XXX.
Innocent II rentre à Rome.
Au fond du tableau se dessinent les murs d'enceinte et
une des portes de la ville de Rome. Hauts murs crénelés,
porte monumentale à colonnes surmontée d'un fronton. Au-
dessus de la porte sont gravées ces initiales : S. P. Q. R.
Derrière les murs, on aperçoit des arbres et une église.
Précédé des cardinaux, des évêques et des clercs portant
des bannières et des flambeaux allumés le pape Innocent,
vêtu d'une somptueuse chape ornée de pierreries, la tiare
en tête, la croix papale dans la main gauche, étend et lève
sa main droite pour donner sa bénédiction. Derrière lui,
l'empereur Lothaire, couronne impériale en tête, vêtu du
manteau impérial, portant le sceptre dans la main gauche,
s'entretient avec saint Norbert, qui est placé à sa droite.
Norbert, la tète couverte d'un long chapeau et entourée de
rayons, étend sa main droite vers Lothaire. A gauche de
— 352 —
l'empereur paraît, la tête nue et auréolée, saint Bernard,
qui semble plongé dans une méditation profonde. Viennent
ensuite sept évêques mitres, portant la chape, escortés
d'une troupe de cavaliers armés de lances et de bannières.
Dans l'angle gauche, non loin du pape, un garde pontifical
armé d'une épée, la hallebarde sur l'épaule, étend la main
gauche vers la foule.
En haut, se lit ce texte : « Dabit imperium Régi suo et
« sublimabit cornu Ghristi sui. 2 Reg. 2. 16. "
En bas : « Superatis mira orationis suae virtute inimicis-
« suis, quorum furori cedens extra urbem sese receperat;
« magna gloria in Thronum restituitur : ac deinceps in pace
« ministerium suum honoriflcans, sese (ut semper fecerat)
« persequendis Ecclesise hostibus accinxit : quare etiam
« Innocentium II. in Sedem Apostolicam, quam Antipapa
« Anacletus invaserat, cum rege Lothario, et S. Bernardo
« ac pluribus aliis, Romse restituit : ubi Papa de Ecclesia
« optime meritos, Lotharium in Romanorum Imperatorem,
« S. Norbertum in totius Germanise Primatem confirmât. »>
Planche XXXI.
Entrevue de l'Empereur Lothaire avec saint Norbert et saint Bernard.
Dans une salle soutenue par des colonnes, ayant à droite
une fenêtre qui laisse voir, à l'extérieur, un édifice avec
une galerie ouverte, surmontée d'une balustrade, se dresse
un trône a colonnes taillées en bosse et richement ornées,
et au-dessus duquel est tendu un dais à longues franges.
Le degré de ce trône est couvert d'un tapis, le siège du
fauteuil a un dossier en forme d'éventail. Lothaire, la tête
couronnée, ayant une barbe épaisse qui descend sur la
poitrine, est vêtu d'un riche manteau relevé sur ses genoux.
Il tient un glaive nu dans sa main droite ; la main gauche
— 353 —
s'appuie sur un globe surmonté d'une croix. Devant l'Em-
pereur sont assis : à droite saint Norbert ; à gauche saint
Bernard. Celui-ci vêtu de la robe monastique, ayant la tête
nue et entourée de rayons, étend devant lui sa main droite,
et appuie la main gauche sur le bras de son fauteuil. Saint
Norbert, la tête couverte du biretum et entourée de rayons,
vêtu du camail épiscopal, fixe ses regards vers l'empereur
vers lequel il tend ses deux mains. Le fauteuil qu'il occupe
est à haut dossier ornementé, avec les aigles impériales
ciselées sur le dos, et une rosace sur le côté.
En haut est gravé, ce texte : « Ipse tamquam imbres
« emittet eloquia Sapientise suse. Ecclici 39. 9. «
En bas : « Lotharius Imperator jam olim sibi familiaris-
« simi Pontiflcis Norberti (cujus ipsi eximia Sanctitas et
» Sapientia optime nota erant) prudentibus assiduo consiliis
« utitur, quod ab eo cselestis dulcedinis potum hauriret, et
'• pane divinse refectionis quotidie reficeretur : quin et
'■ mellifluus Bernardus (qui S. Norberto plurimum semper
« detulit) aliquando sibi gratulatus est, quod verba vitse
« haurire potuerit, ex illa (ut scribit) cœlesti fistulâ, ore
« S. Norberti. »
Planche XXXII.
Mort de saint Norbert.
Sur un lit surmonté d'un dais à lambrequins, dont les
rideaux sont relevés, est étendu le saint évêque de Magde-
bourg, la tête nue et entourée de rayons. Ses traits sem-
blent indiquer un grand calme, il tient entre ses mains un
crucifix qui repose sur sa poitrine. De sa bouche s'élance un
rayon, sur lequel s'envole un petit corps au naturel, montant
dans la clarté vers le ciel. Là, dans le haut de la gravure,
porté sur des nuages d'où sortent des rayons, apparaît le
23
— 354 —
Père céleste sous la forme d'un vieillard, la tête nue et
rayonnante, vêtu d'une chape de prêtre , de la main droite
bénissant le mourant, et soutenant un globe dans la main
gauche. On lit ces mots sur un rayon, qui descend vers
l'agonisant : « Ve7ii, soror mea, requiesce. »
A gauche du moribond, se dresse la croix épiscopale;
puis une table couverte d'un tapis, sur laquelle sont posés
un crucifix, le pallium avec la mitre et un bonnet carré.
Debout dans l'angle, près de la table, un religieux tête nue,
ayant à ses pieds un livre relié, récite des prières qu'il lit
dans un bréviaire tenu entre ses mains. Au pied du lit, cinq
religieux, à genoux, tête nue, sont en prières; devant la
table, près du lit, un religieux est agenouillé, les mains
jointes, la tête nimbée, ayant posé son bonnet près de lui,
à terre. Dans l'angle droit du tableau au-dessous du Père
éternel, porté sur des nuages qui remplissent une fenêtre
ouverte, saint Norbert, la tête couronnée de rayons et cou-
verte du biretum, vêtu du manteau de l'Ordre, tenant une
branche d'olivier dans la main droite, tend sa main gauche
à un religieux agenouillé devant lui.
En haut de la gravure on lit : « Euge serve bone et
« fidelis intrain gaudium Domini tui. Matt. 25. 21.
Au bas : " Gupiens Deus Labores per S. Norbertum cum
«• tanto divinae suae glorise incremento, exantlatos, seternse
«' salutis bravio remunerari; lento eum permisit 4. men-
« sium morbo pulsari, quo ad extrema perductus, die
" sexta Junii anno 1134 plenus Spiritu S. placidissime
«' beatam suam animam in manus sui Greatoris resignavit.
« Excepta est illa a Sponso suo mellifluis hisce verbis :
«' Veni Soror mea requiesce : atque eodem momento cum
« ramo olivœ sanctus Norbertus cuidam apparuit. »
— 355 —
Planche XXXIII.
Le corps de saint Norbert exposé à la vénération des fidèles.
Le saint archevêque est étendu sur un catafalque, cou-
vert d'un tapis funéraire, portant un écu aux armes sym-
boliques du défunt ', entouré de la croix à deux branches
et du chapeau d'archevêque, avec la devise <• Fide et
patientia, » sur une banderole. Six cierges allumés, posés
sur des chandeliers, entourent l'estrade funèbre. Le Saint,
revêtu du pallium, et d'une riche chasuble, tient, de la
main droite, la crosse épiscopale et une branche d'olivier ;
dans la main gauche, un crucifix. Sa tête qui repose sur
un coussin roulé dont les coins sont ornés de glands, est
couverte d'une mitre enrichie de pierreries, et entourée de
rayons ; ses mains gantées portent plusieurs bagues, et à
ses souliers se voient des boucles en forme de croisettes.
Devant l'estrade sont agenouillés, en prières, trois reli-
gieux, la tête nue, vêtus du manteau de l'ordre; au pied
du catafalque, se tient un malheureux estropié s'appuyant
sur des béquilles; il élève la main droite pour invoquer la
protection du Saint. Sa petite fille est aussi debout près de
lui. De l'autre côté de l'estrade, la foule immense qui paraît
remplir la salle, vient vénérer les restes mortels du saint
prélat. On y voit des rehgieux, qui prient en joignant les
mains; des seigneurs, des bourgeois, des femmes. Au fond
de la salle tendue de noir, deux fenêtres sont ouvertes. Dans
celle de l'angle gauche, paraissent deux personnages entourés
de rayons, assis sur les nuages : un évêque, mitre et vêtu
1 Écu chargé d'une croix: sur le tout : un calice avec hostie,
accompagné d'une branche de palmier à dextre, d'une branche d'oli-
vier à senestre. La croix à deux branches, posée derrière l'écu et
surmontée d'un chapeau épiscopal, à trois rangées de glands. En bas
sur une banderole, la devise fide et patientia.
— 356 —
d'une chape, tenant une croix à deux bras, étend les mains
vers un religieux, qui, la tête couverte du biretum, ayant
une crosse dans la main gauche, présente la main droite à
son interlocuteur.
Tout en haut du tableau, sur des nuages que traversent
des rayons lumineux, deux anges, vêtus et ailés, les che-
veux bouclés, s'envolent, la main gauche étendue; delà
main droite, ils tiennent et présentent un bouquet de fleurs
de lis.
En haut, ce texte : « Pretiosa in conspectu Domini
« mors Sanctorum ejus. Psalm. 115. »
En bas : Gorpore soluta Anima S. Norberti ad portum
' beatse immortalitatis appulit : quse adinstar Lilii visa est
' per Angelos in cœlum deferri; quin et B. Hugoni in
' magna luce apparuit. Corpus vero, nullis quidem aroma-
« tibus, sed virtutibus quamplurimis heroicis conditum,
' etsi pluribus diebus insepultum, in summo sestu, nulla
' tamen corruptionis indicia prsebet : quod juxta, S. Patris
' desiderium, qui hoc B. Evermodo commendarat, in
' Gœnobio S. Mariée sepelitur : cujus praesidium et azylum
' in multis hactenus necessitatibus Magdeburgum exper-
» tum est. »
Planche XXXIV.
Apothéose de saint Norbert.
La partie supérieure du tableau représente, dans des
nuages, saint Norbert, dont la tête mitrée est entourée de
rayons. Le Saint est vêtu d'un rochet avec camail, du
pallium avec la croix pectorale. Il tient une palme dans la
main gauche, et lève la droite pour bénir. A gauche un
ange ailé porte une croix épiscopale. Aux côtés du Saint,
sur les nuages, se trouvent les uns debout, les autres assis,
— 357 —
les Saints et les Bienheureux de l'Ordre de Prémontré :
parmi eux on distingue des évêques portant la mitre et la
crosse, des martyrs tenant une palme, des prélats, des
religieux, coiffés du biretum, une religieuse, la tête ceinte
d'une couronne. Au-dessus de la gravure du Saint, un demi-
cercle de nuages doubles de rayons, à tètes d'anges ailés,
encadre le nom hébreu de lehova. Au-dessus des autres per-
sonnages, dans l'angle gauche de la gravure, deux anges
ailés, aux cheveux bouclés, proclament, au son de la trom-
pette, avec de joyeux transports, la gloire et les vertus des
fils de saint Norbert ; à droite deux autres anges chantent
des hymnes à la louange des saints. Au-dessous de saint
Norbert, l'artiste a représenté une assemblée d'abbés
rangés en cercle, tous à genoux, revêtus du manteau de
l'Ordre, et portant la mitre et la crosse. Ils ont tous les
mains jointes, sauf celui du milieu, qui étend sa main
droite; presque tous dirigent leurs regards vers leur père
et leurs frères qui régnent au ciel. Derrière les prélats,
plusieurs cercles de simples religieux, tête nue.
A l'avant-plan, à droite, un prélat aux traits vénérables
est agenouillé sur un coussin, devant un prie-Dieu orné
d'un écusson surmonté d'une mitre et de deux crosses, aux
armoiries du RR'"'' Pierre Gosset, général de l'Ordre. Au
milieu, près de l'abbé général, deux anges ailés, aux che-
veux bouclés, soutiennent un écusson encadré, aux armes
de l'Ordre de Prémontré \ surmonté d'une mitre et de deux
crosses en sautoir, avec la devise : Candore et fide.
En haut est gravé ce texte : « Potens in terra erit semen
«• ejus, generatio rectorum benedicetur. Psalm. 111. 2. »
Au bas : " S. Norbertus; inter Gonscriptos Gœli Patres
« a temporibus Innocentii III adlectus, et in Tabulas Eccle-
^ Semées de lis.
— 358 —
« siasticas relatus; collecto secum in Gœlo, magno numéro
« ex Ordine suo Beatorum Pontiflcum, Prselatorum Mar-
« tyrum Gonfessorum atque Virginum ; setei'na gloria frui-
«' tur, fidelissiraus totius Gatholicse Ecclesise atque Ordinis
«' sui in terris militantes Patronus : cujus lisec sunt ad
« Parentem Sanctissimum vota :
« Ordinis una tui Cœlo Norberte triumphat,
< Altéra pars luget mœsta relicta Solo :
« Vivere dimidii sine te Norberte nequimus :
« Nos infer Gœlis ergo, vel ipse redi. »
II.
La Vie de saint Norbert,
Par J. A. PFEFFEL i.
La collection de gravures de Pfeffel, représentant la vie
de saint Norbert, se compose d'un frontispice et d'une suite
de 35 planches numérotées, mesurant 0,107 mill. de hauteur
sur 0,062 mill. de largeur.
Ghaque planche est surmontée d'un texte de l'Écriture-
Sainte et au bas est inscrit un distique latin, suivi d'un
distique allemand. Ces inscriptions, remarquables par leur
concision et leur élégance, résument le sujet représenté
par le tableau. Les gravures à l'exception du frontispice et
des planches 21, 25 et 35, sont la reproduction réduite, et
parfois modifiée, des scènes de la vie de saint Norbert
composée par Galle, d'après les indications du savant
* Jean Adrien Pfeffel, né à Bisschoflingen, en 1674, mort en 1750,
fit d'abord ses études à l'Académie de Vienne, et vint ensuite se fixer
à Augsbourg.
— 359 —
Glirysostôme Van der Sterre, prieur de l'abbaye de Saint-
Michel.
Nous aurons soin d'indiquer, en décrivant chaque
planche, ces diverses modifications. Gomme exécution, les
gravures de Pfeffel sont inférieures à l'œuvre de Th. Galle.
Le burin de l'artiste allemand n'a ni la finesse et la netteté,
ni la fermeté et la délicatesse, par lesquelles se distingue
l'œuvre du graveur flamand.
L'auteur des inscriptions latines et allemandes nous est
inconnu.
Les textes de l'Écriture-Sainte sont identiques à ceux de
la vie de saint Norbert par Galle et Van der Sterre.
Toutes les planches \ entourées d'un filet noir encadrant
le texte biblique, le tableau et les inscriptions poé-
tiques, portent la signature suivante : G. P. S. G. M.
— L A. P. exe. A. V.
Frontispice. — Le frontispice porte ce titre : «' Vita
« S. Norberti Ordinis Ganonicorum Prsemonstratensium
« Fundatoris, Magdeburgensis Archiepiscopi, Antverpise
«• Apostoli , Totiusque Germanise Primatis , per icônes
« XXXV reprsesentata. »
En haut est gi'avé le texte : « In fide et lenitate ipsius
«' Sanctum fecit illum. Eccli. 45. v. 4. »
Au bas de la gravure :
« En Norbertinse sunt haec compendia Vitae
« Hic quod mireris, quodque sequaris, habes.
« Norberti Leben hier wird allen vorgestellt,
« Dasselb vil Wunder-Ding, vil zur Nachfolg enthàlt. »
Le frontispice se compose d'une pierre monumentale
concave, échancrée des deux côtés, et portée sur un
1 La plupart de ses planches sont traitées à la manière noire. —
Cfr. Nagler, Neues Allgenu Kunster-Lexicon.
— 360 —
soubassement, ayant le titre inscrit au centre. Le sommet,
en anse de panier, est orné de trois têtes d'anges ailés,
reliées entre elles par deux festons. Des deux côtés du
monument, on aperçoit, debout sur des bases carrées
réunies au soubassement, deux figures allégoriques : la Foi
et la Patience. La foi est représentée, à droite, sous les
traits d'une jeune femme, la tète couverte d'un voile, vêtue
d'une robe longue et d'un corsage étroit, les pieds nus dans
des cothurnes. De la main gauche, elle tient un calice d'où
s'élève une hostie, et, de la main droite, un livre relié
(la S. Bible) surmonté d'une tiare, et orné de deux clefs.
L'autre figure, la Patience, nous montre une femme
penchée vers le crucifix qu'elle serre de la main droite sur
son cœur, de la main gauche, elle tient une discipline; elle
est vêtue d'une robe longue et d'un manteau en écharpe ; sa
tête est couronnée d'épines.
Au miheu du soubassement, sous une tête d'ange ailé,
se voient les armoiries symboliques de saint Norbert : la
croix, avec le calice, accostée d'une branche de vigne et
d'un épi de froment, surmontée d'un chapeau d'archevêque,
d'où pendent des glands. Au dessus des armoiries, on lit :
« Insignia S. Patris Norberti ; » en bas, ce texte de l'Écri-
ture Sainte : « Frumento et vino stabilivi eum. Gen. 27, 37.»
Le monument est surmonté d'un médaillon enguirlandé
contenant le buste de saint Norbert, que soutiennent et
couronnent de roses deux anges vêtus, ailés, ayant les
cheveux bouclés, portant l'un une palme, l'autre une
branche de lis. Saint Norbert, la tête couverte de la mitre
et entourée de rayons, tient de la main droite un ostensoir,
de la main gauche, une croix et une palme ; il est revêtu de
l'habit religieux, avec camail, pallium et croix pectorale.
— 361 —
Planche I.
Naissance de Norbert.
I. Poue metum Hadwigis : sic vox monet aetliere lapsa :
« Tara mundo Illustrera gignere digna Virura.
« Hadwig ira schlaff von Gott deutlich berichtet wird
« das ihr kind werden sollt eiri grosser Seelen Hirt. »
La planche est absolument pareille à celle de Galle.
Seulement Pfeffel a ajouté, près du lavabo à terre, un drap
ou une couverture qui ne se trouve pas sur l'original.
Planche II.
Norbert à la cour de l'Empereur.
» Csesaris hinc juvenem favor allicit, inde Voluptas
» Addictura studiis dura tenet aula suis.
« Ara kayserlichen Hoff in grosser Ehr und Precht
« Sein lugend hat Norbert sehr uppig zugebracht. »
Planche ITI.
Norbert renversé de cheval.
« Ardeatut Superis intusraens arduaflammis,
« Corpus salvifico fulrainis igné cadit.
« Norbertus wird von Pferd gesturzt durch Donner Knall,
« Steht auf, bekehret sich : 0 gluckseliger Fall. »
Planche IV.
Norbert en retraite à Sigeberg.
« Protinus ad sacras Tyro volât impiger aedes,
« Deserit et lubricum, quod maie trivit, iter.
« Norbertus, ausz der Welt ins Closter fiieht behend,
i. Wo erzurHeiligkeit gelegt dasFundameut. »
— 362 —
Planche V.
Norbert ordonné prêtre.
« Pellibus agninis gemmis auror[ue nitentem
« Permutât populo Mysta stupente togam.
« Zuni Hoheu Priester-stand Norbertus wird geweyht
« an statt des eitlen prachts, mit schaaf-fell sich bekleidt. «
Planche VI.
Norbert est insulté pendant sa prédication.
« Verbis ssepe tonat sacras Orator ad aras,
« Forti Sputa animo» probraque mille ferens.
« Norbertus predigt Buss, und straffet ohngescheut
« die Laster, wird darum ins augesicht verspeyt. »
Planche VII.
Saint Norbert célèbre la Sainte Messe dans une crypte à Rolduc.
o Labitur in Calicem dura grandis aranea sacrum
« Toxica Magnanimus nil nocitura bibit.
« Eine spin herab in Kelch des heilgen Blutes sinckt,
« durch glaubens starck Norbert sie ohne schaden trinckt.
Planche VIII.
Saint Norbert défend sa cause devant le Cardinal-légat à Frîtzlar.
K Quid mirura. Tua si causa hic Norberte triuraphat,
« Spreta Reum raundi gloria quando facit.
k'Zu Frideslar man hait ein grossen Kirchen-rath,
« der selbst Norberti Lehr gantz gut geheissen gat. »
Planche IX.
Saint Norbert distribue ses biens aux pauvres.
« Argent! vilescithonos, nimiumque cupitas
« Prodiga Norberti dextera spargit opes.
« Reichtum Norberto seynd nur schade, wust und koth ;
n drum Ers den armen gibt hilfft ihnen aus der Noth. »
— 363 —
Planche X.
Saint Norbert aux pieds du pape Gelasse 11.
« I Prfeco totum, Gelasius inquit, in orbem ;
« Fac, caleant flammis omnia régna tuis.
« Der Papst Norberto gibt gewalt in aile orth,
« Zu predigendie Buss, nach wahrem Gottes wort. «
Planche XI.
Saint Norbert rencontre l'évêque Burchard à Valenciennes.
« Hic vitee Comitem recipit Norbertus Hugonem ;
« Burckardi hinc lacrymis Praesulis ora madent.
« Sein ersten gesellen hier Norbert Hugonem findt.
« dem Bisschof zu Camrich das Hertz aucli abgewinnt. »
Planche XII.
Saint Norbert prêche au peuple la parole de Dieu.
« Certatim populi accurrunt facunda videre
« Ora Viri, cunctos nam trahit eloquio.
« Das einfaltige Volck Norbertus eiffrig lehrt,
0 Zein wolberedte Zung jeder mit lust anhort. »
Planche XIH.
Saint Norbert réconcilie des ennemis.
« Saepius armatae coeunt in fœdera dextrse,
u Norberto hostiles paeificante globos.
« De Ohl-Zweig trkgt Norbert, wie Noë Taub im mund ;
« Zwischen Todts-Feinden stifft Er Frid und Freundschaffts
[Bund. »
Planche XIV.
Norbert, à Reims, est accueilli par le pape Callixte.
« Norberti pia vota probat sacer ipse Senatus ;
« Callistus cœptis annuit atque favet.
« Zu Rhems derkirchen Rath Norberti institut
« mit Papst Callisto selbst, hier approbiren thut. »
— 364 —
Planche XV.
La sainte Vierge présente l'habit blanc à Norbert.
« Norberto ni veas vestes, ceu Signa pudoris,
« Offert Angelioa Virgo Maria manu.
« Das weisse Ordens kleid Norberto zum Liebs-Pfand.
« Maria reichet dar, mit Miitterlicher Hand. »
Planche XVI.
Découverte des ossements de saint Géréon, etc.
« Exuvias Ubise genti Gereone docente
« Sacras Norbertus detegit, atque levât.
t< Sanct Gereonis Leib zu Côilen in der Stadt
« mit andrer heilgen gbein Norbert erfunden bat. »
Planche XVII.
Saint Augustin offre sa règle à Norbert.
« Dans legera Aurelius vitee morumque Magistrara,
« Morigeros maneant praemia quanta docet.
« Norbert von Augustin ein Regul auch empfangt,
« der sie recht hait, kein forcht im Tod Bett den bedraugt. «
Planche XVIII.
Vision du Crucifix.
« Prsemonstratensem radiis Crux fulgida monstrat,
« Et peregrinorum plurima turba locum.
« Den orth zu Prsemonstrat Christus Norberto zeigt,
« Umgeben mit Pilgram, mit strahleu hell beleucht. »
Planche XIX.
Saint Norbert exorcise des possédés du démon.
« Obsesso stygias e Cor^iore ssepe Cohortes,
« Orci Norbertus Cseca sub antra fugat.
0 Norbertus durchs Gebett die Teuffel treibet auss,
« Zu weichen Er sie zwingt aus dem besessnen haus. »
— 365 —
Planche XX.
Saint Norbert calme un animal furieux.
« Immanem Deemoii fingit dum Callidus ursura.
« Cogitur imbellem mox celerare fugam.
u Der Satan sucht revancli, Norberto sich darstelt,
« in Bahrn-gestalt, doch nicht erschrickt der tapter held. »
Planche XXI.
Saint Norbert trionijihe de l'hérésie de Tanchelin.
« lam Tanchelini per Te Norberte nefandam
« Conversa ejurat Belgica terra luem.
«. Durch Ketzeren Antorff von Tanchelin verblendt
« das wahre glaubens Licht durch Norbertum erkennt. »
Cette planche diffère notablement de celle qui, dans la
Vie de saint Norbert par Galle, représente la même scène.
Sur une place publique de la ville d'Anvers, Norbert
debout, la tête nue et nimbée, vêtu d'un long surplis bordé
de dentelles, portant, sur son camail, la croix pectorale et
le cordon, tient dans la main droite un ostensoir, et de la
main gauche une branche d'olivier ; il est suivi de deux
serviteurs portant un baldaquin incliné vers le Saint
Sacrement. A la gauche du prélat, un clerc la tête nue,
vêtu d'un ample surplis avec étole fléchit le genou et agite
des deux mains un encensoir fumant; à droite, un autre
clerc, debout; la tête nue, vêtu d'un ample rochet avec
étole, tient de la main droite un flambeau allumé, et de la
main gauche un biretum. Aux pieds du Saint sont groupés
trois hérétiques, la tête nue, et vêtus richement : l'un d'eux
renversé à terre sur un livre, la main droite étendue, la
main gauche s'accrochant aux vêtements du Saint; le
second, également couché à terre, la main droite posée sur
— 366 —
la tête, vient de renverser un calice; le troisième, debout,
dans une attitude indiquant l'audace et la fierté, tient en
main une hostie, et regarde le Saint avec un mépris évident.
A droite du tableau, se trouvent debout, près de Norbert,
des chanoines, la tète couverte du biretum, des femmes
assises, et une foule de curieux. Dans le fond du tableau,
au centre, se voient divers bâtiments et une tour assez
haute. Dans l'angle droit s'élève une église ouverte dont
l'entrée est soutenue par des colonnes enguirlandées;
devant un autel orné d'un tableau représentant saint
Michel, un prêtre distribue la sainte communion à deux
religieux agenouillés.
L'artiste, dans la composition de son tableau, a modifié
la planche gravée par Galle, en empruntant à la gravure :
Triomphe de saint Norbert, publiée par Lommelin*, les
détails de l'ostension du Saint Sacrement par saint Norbert,
avec deux acolytes et deux porteurs du dais pour protéger
la sainte Eucharistie.
Au-dessus de la planche de Pfeffel, est gravé ce texte :
« Signa Apostolatus mei facta sunt super vos in domni
« patientia, in signis, et prodigiis. IL Cor. 12. »
Planche XXII.
Norbert reçoit la visite du comte Godefroid de Cappenherg.
« Godfridus Cornes hic, comitis cum conjuge Frate""
« Nomina Militise dant pretiosanovfe.
« Von Cappenlierg Gottfried Graff von Norbert bewegt
« sammbt gemahlin und Brudern das Ordens Kleid anlegt. »
* Né à Anvers, en 1637.
— 367 —
Planche XXIII.
Le pape Honorius confirme l'Ordre de Prémontré.
« Approliat Honorius, multisque favoriluis ornât
« Prœmonstrateiisis germina prima domus.
« Honorius der Zweht Norberti Ordeu Ziert
« mit privilegien, und selben confirmirt. »
Planche XXIV.
Saint Norbert rend la vue à une femme aveugle.
« Herbipoli gemino Matronae luraine cassée.
« Afflatis tenebras jussit abire genis.
« Zu Wurtzburg ein blind Weib die Hostiam empfangt
« von Norbert, und zugleich das Augenliecht erlangt. »
Planche XXV.
Saint Norbert repoussé, à Magdebourg, par le portier du palais.
•' Nudipes ignare fert a Custode repulsam,
« Ad Magdeburgensem dum trahitur Cathedram.
« Zum Ertz-Bistumb erwehit, gefuhrt in deu Pallast,
« Weil Er baarfuessig, arm, die Wacht Ihn nicht einlasst. »
Dans l'avant-cour du palais épiscopal de Magdebourg,
entre les deux portes, saint Norbert se tient debout, la tète
nue et nimbée, pieds nus, revêtu de l'habit de l'Ordre, et
accompagné d'un jeune religieux. Les gardes du palais, le
casque en tête, vêtus d'une cuirasse, et armés d'une halle-
barde, arrêtent le Saint sur le seuil. Des hommes armés, à
cheval, qui se tiennent de chaque côté, expriment leur
étonnement en indiquant du doigt le saint évêque.
On aperçoit, dans le fond, une riante campagne, à tra-
vers le cintre que décrit la portre d'entrée.
En haut de la gravure, est inscrit ce texte ; « Sapientia
— 368 —
« lîumilitate exaltabit Gaput illius, et in medio Magnatum
« consedere eum faciet. Eccl. 11, 2. «
Galle, dans sa Vie du saint fondateur de l'Ordre de
Prémontré, n'a pas représenté cet épisode si mouvementé,
d'où il résulte que les numéros suivants des gravures de
Pfeffel ne correspondent plus aux numéros des planches du
graveur flamand.
Planche XXVI.
Saint Norbert consacré évêque.
o Tetnpora Norberti nunc Magdeburgica cingit
« Inter Tentonicas Infula prima Mitras
a ZumErtz-Bisschoff Norbert zu Magdeburg geweyht
« die Inful hat verdient durch Lebens-heiligkeit. »
Planche XXVII.
Saint Norbert prédit la mort d'un injuste détenteur des biens
de l'Église.
« Raptori injustis renuit dum cedere praedis
« prsesago instantem nuntiat ore necem.
« Norbert schutzt seinerKirch recht guter undFreyheit,
« dem Rauber trolit den Tod ungluck Ihm prophezeyt. «
Cette gravure se distingue de celle de Galle par le
pallium, que Norbert porte sur ses habits religieux.
Planche XXVTII.
Saint Norbert échappe aux coups de ses meurtriers.
« Norberto insidians latro, sed proditus, Ipsum
(• Patronum Causse gaudet habere suée.
« Unter den schein der Beicht sucht mann Norberti Tod,
Il an statt der racli Er hilfft dem Thàter aus der Noth. »
— 369 —
Planche XXIX.
Le divin Sauveur apparaît à saint Norbert et au B, Htigties.
« Orbatte domui statuit Norbertus Hugoiiem,
« Abbatem, Cliristo hune suscipiente Patrem.
« Zum Ordens HauptHugo zu Preemonstrat erwehlt,
« Wird Christo Jesu selbst von Norbert vorgestellt. »
Planche XXX.
Saint Norbert attaqué par ses ennemis.
« Cœlitus illtesus, stricto licet ense petitus,
« pectoradat proprio, non violanda, Gregi.
« Ein schwerd-streich auf Norbert grimmig gefùhret wird.
« Sein eigne heerd verfolgt den treûen Seelen Hirt. «
Planche XXXI.
Saint Norbert assiste à la rentrée, à Borne, du pape Innocent.
« Norbert! studiis Anarleti schismate presso,
« Legitimo Capiti Roma quieta subes.
« Norbert den Affter-Papst mit andem hier vertreibt,
« Dem Innocentio der Romisch-Stubl verbleibt.
Planche XXXII.
Saint No}'be}'t avec saint Bernard, auprès de l'empereur
Lothaire.
« Lotharium eloquii mira dulcedine tractum,
« Mellifluumque sibijungit amore Patrem.
« Kayser Lotharius Norberti guten rath,
« seine wohlredenheit Bernard gerùhmet hat. »
24
— 370 —
Planche XXXIII.
Mort de saint Norbert.
« Finis adest vitee, finis Norberte laborum,
« Ad sua Te Cliristus régna beata vocat.
« Dûrch saiifft und heilgen Tod der Miih und arbeit Lolm,
« Endlich emfangt Norbert die ewig Himmels Cron. »
A cette planche, le graveur PfefFel a remplacé, par une
fenêtre à losanges, la petite scène : " saint Norbert appa-
raissant après sa mort à l'un de ses religieux » qui orne
l'angle droit supérieur de la pi. 32 de la Vie de saint
Norbert par Galle.
Planche XXXIV.
Funérailles de saint Norbert.
« iEmula dum sacro certant de pignore Templa,
« Cœlesti semper Corpus odore fragrat.
" In Somers Hitz der Leib Norberti vile Tag,
« mit lieblichen gerucli gantz unversehret lag. »
PfefFel a modifié la planche 33 de la Vie de saint Norbert
par Galle en supprimant la croix épiscopale qui se trouve
à la tête du catafalque, et les anges, avec le lis, entourés
de rayons. La petite scène représentant l'entretien du saint
évêque avec le B. Hugues se trouve remplacée par une
fenêtre à barreaux; au miheu du mur du fond, à l'endroit
où Galle avait placé deux anges, se voit une petite fenêtre,
ou ouverture circulaire grillée, en œil de bœuf.
— 371 —
Planche XXXV.
Saint Norbert apparaît à l'un des frères de Prémontré.
« Lilia Canclorem, l'ructum dant pacis Olivae,
« Has Nor])ertus ovans, Angélus illa tulit.
« Mit griinein Ohl-Zweig hier Norbert sich zeiget bald,
« In liimniel getragen wird in weisserEilgen gestallt. »
Un religieux, la tète nue, revêtu d'un large rochet et
d'une aumusse en forme de camail, est agenouillé devant
un prie-Dieu, sur lequel est déposé un livre ouvert. Le
chanoine Norbertin, les mains étendues, dirige ses regards
vers le saint fondateur qui, la tête nue et rayonnée, revêtu
du manteau de l'Ordre avec le pallium et la croix pectorale,
s'élève devant lui, porté sur des nuages, tenant dans la
main droite une tige de lis en fleurs, et étendant la main
gauche, comme en signe d'adieu. Au-dessus de la gravure,
deux anges ailés, vêtus d'une tunique, les cheveux bouclés,
entourés de nuages et de rayons lumineux, tiennent une
fleur de lis. Le prie-Dieu, en forme de piédestal, est orné
d'une tête d'ange avec ornements en festons, et joint à un
petit banc sur lequel se trouvent des livres, et un biretum.
Au fond du tableau, à droite, une fenêtre à vitrail losange;
à gauche, est suspendue une draperie relevée par des
glands. Au dessus de la planche, est gravé ce texte sacré :
« Germinabit sicut lilium, et erit quasi Oliva gloria ejus.
" Osée. 14, 6 et 7. »
Th. Galle a représenté cette même scène dans l'angle
droit supérieur de la planche 32 de la Vie de saint
Norbert.
— 372 —
III.
La Vie de saint Norbert,
Illustrée par les Frères KLAUBER.
La Vie de saint Norbert, reproduite en gravures par les
frères Klauber, diffère complètement de celles qu'ont gra-
vées Galle et Pfeffel.
Elle se distingue d'abord par la manière dont les sujets
sont traités, et surtout par le style, genre rococo, propre
à la dernière moitié du dix-huitième siècle. Ce stj^le, on le
sait, est caractérisé par la profusion des ornements, par la
quantité de draperies, d'enroulements, de guirlandes de
fleurs et de fruits, enlacées d'une manière plus ou moins
naturelle, par des courbes brisées, etc., par des cartouches
à rinceaux, à formes contournées, et empruntés au règne
végétal. Les vêtements de plusieurs personnages rappellent
les costumes portés du temps de Louis XV.
La Vie de saint Norbert, en gravures, attribuée aux
frères Klauber, se compose d'un frontispice, et de 19
planches mesurant 0,15 sur 0,10. Le titre gravé sur le
frontispice nous apprend que le chanoine Sébastien Sailer,
religieux de l'abbaye Norbertine de Marchtal, en est
l'auteur, ce qui signifie sans doute qu'il a, non seule-
ment composé les inscriptions latines qui surmontent les
planches, et les quatrains latins gravés sur les cartouches
d'en bas, mais qu'il a également dirigé la composition des
dessins, comme le fit, pour la Vie illustrée par Galle, le
savant Ghrysostôme Van der Sterre, prieur, et plus tard,
abbé de Saint-Michel à Anvers.
A en croire le titre, les gravures seraient dues au burin
des frères, Klauber, tandis que les 19 planches de la Vie
— 373 —
du saint fondateur de l'Oi'dre de Prémontré, portent la
signature de Gatliarina Klauber, sœur des frères susdits.
Gomme nous l'avons fait observer, chacune des planches,
y compris le frontispice, est surmontée d'un titre ou texte,
résumant la scène représentée par la gravure, qui, au bas,
est ornée d'un cartouche servant de base au tableau. Le
cartouche du frontispice donne un texte de l'Écriture-
Sainte; les cartouches des 19 planches suivantes con-
tiennent un quatrain latin, se rapportant au sujet ou à
l'épisode de la Vie du saint .
Frontispice. — Le titre : Yita S. Norbe?ii Prœm.
Fund. se trouve au-dessus du frontispice, et est complété
par ces mots gravés sur la base du cartouche inférieur :
Aiiih. P. Sailer C. M.
La table du cartouche porte ce texte sacré : « Quis est
« hic, et laudabimus eum. Fecit enim mirabilia in vita sua.
« Eccl. 31, V. 9. "
Au bas de la planche est gravé ce qui suit :
Ftrês Klauber Catli. Ser. et Rev. Archiep. et Elect. Trev. et Ep.
[Aug. ac
Princ. Prœpos. Elvac. uti et Ser. Elect. et com. Palat. nec non Cels.
[Princ.
Kampidun. Chalc. Aulici, Sculps. Aug. V. A» 1779.
Le frontispice représente saint Norbert, la tète nue et
entourée d'un cercle lumineux, vêtu d'un rochet garni de
dentelle avec camail-pallium. Il est agenouillé près d'un
piédestal, la main gauche sur le cœur, la main droite
étendue; devant lui, posées à terre, se trouvent la mitre et
la crosse; il adore le Saint Sacrement exposé, à gauche du
tableau, dans un ostensoir porté sur des nuages et envi-
ronné de rayons lumineux ; un rayon partant de la Sainte
Hostie, vient éclairer le front du Saint. A l'entour des
— 374 —
rayons et dans les nuages qui avoisinent l'ostensoir, se
voient des têtes d'anges ailés. Un ange ailé, ceint d'une
écliarpe, écarte une ample draperie à franges qui est sus-
pendue dans l'angle gauche supérieur, et descend jusqu'au
bas du cartouche; dans l'angle gauche inférieur, vis-à-vis
de saint Norbert, un médaillon, encadré de feuillage et de
fleurs, représente les armes symboliques de la sainte
Eucharistie : un calice surmonté d'une hostie, accosté d'une
branche de vigne et d'un épi de froment.
Au-dessus du Saint, à droite, est assise, entourée de
rayons, une femme vêtue d'une ample chape, la tête sur-
montée de la tiare, ayant une large croix posée sur le bras
gauche ; elle tient de la main droite, trois chartes ou bulles
munies de sceaux, sur lesquelles on lit les noms des papes :
Gelasius, Honorius, Calliœtus; dans la main gauche, elle
a également une bulle avec l'inscription : Bened. XIV
Oneroso. Auprès d'elle, un ange ailé indique une bulle qui
porte inscrit le nom du pape Innocentius ; un peu plus
haut, une colombe entourée de rayons lumineux figure le
Saint Esprit qui se dirige vers l'église.
Le cartouche est surmonté de guirlandes enroulées,
recourbées, avec des branchages.
Planche I".
Le titre suivant, qui accompagne la première planche,
en indique le sujet :
« B. Hedwigis Comitissa mater prsegnans
« S. Norberti per Somnium de Filio
« Archipra;sule Futui-o monetur.
La mère de saint Norbert est étendue sur un lit que
recouvre une étoffe dont le bord est tuyauté, et qui est
— 375 —
surmonté de rideaux formant baldaquin. En haut du lit, un
ange ailé, revêtu d'une légère draperie, tenant de la main
gauche, le caducée, symbole de la paix, étend sa main
droite vers Hadwige, mère de Norbert. La draperie flot-
tante autour du corps de l'ange est parsemée d'étoiles, de
même que le ciel qui l'entoure.
Près d'Hadwige, à droite, un petit enfant vêtu d'une
courte écharpe et d'un pallium, ayant une mitre sur la tête,
et une crosse dans la main gauche, soulève, de la main
droite, le rideau du lit où repose sa mère, les bras posés sur
les couvertures. A droite faisant pendant à l'ange ailé, est
assise sur des nuages et soutenue par deux autres anges,
une femme ayant la tête voilée, vêtue d'une large draperie,
portant de la main droite un sceptre surmonté d'un triangle
avec l'œil divin au milieu ; elle étend la main gauche vers
Hadwige, et semble symboliser la sagesse divine qui dirige
toutes choses et d'avance ht dans l'avenir. A gauche du lit,
une console enguirlandée.
Joli cartouche, orné de branches contournées aux extré-
mités.
« Quse Sobolem maneant sortes, quse fata, Parentem,
« Dum Somno opprimitur, Somuia Sacra docent.
« Non semper fingis Morplieu. Te ver a locutum,
« Et Pueri, et magni Praesulis acta probant. »
Planche II.
Fulminis ictii dejectus de Sonîpede altiora nieditari incipit.
Au milieu d'une plaine entourée d'arbres verdoyants,
Norbert, vêtu avec élégance, est étendu à terre près de son
cheval renversé; il élève une main vers le ciel, et, de
l'autre, s'appuie sur le sol. Le valet qui l'accompagne à
cheval, lève les mains, exprimant son étonnement et sa
— 376 —
frayeur. Dans les branches de l'arbre, on distingue les
sillons.de la foudre; en haut, des rayons, jaillissant des
nuages, viennent se poser sur Norbert. Au fond du paysage,
une rotonde surmontée d'un dôme. Joh cartouche enguir-
landé.
« Sternitur in terram Norbertus Fulminis ictu,
« Et sapit inclamans percutientis opem.
<i Mirum ! prosternant cum Fulmina qusequas deorsum,
« Hune Sursura contra Fulminis ictus agit. »
Planche III.
Abjedis splendîdîs vestihus pelle ovina, seu melofe, induit ur.
Devant une galerie à colonnes, Norbert, la tète nue et
entourée d'un cercle lumineux, nu-pieds, revêtu d'une robe
de peaux d'agneau, a les mains jointes, et dirige ses
regards vers le ciel d'où descend un rayon qui illumine son
visage. Devant lui, est posé à terre un coffre ouvert renfer-
mant des monnaies et un collier avec médaillon, qu'il foule
dédaigneusement du pied. Près de Norbert, à droite, sont
assis et appuyés sur une console, un homme et une femme
qui étendent les bras; à gauche, des femmes agenouillées et
des hommes debout expriment, par leurs gestes, leur éton-
nement et leur admiration. Au fond du tableau se voient
d'autres personnages dans la même attitude. En haut, se
groupent des nuages. Cartouche orné d'une guirlande de
fruits et de fleurs.
« Ite procul vanse, tegumenta superflua, vestes,
« Non ego vos posthac .... Pellis ovina veni !
» Agnos ut pascam per meque, meosque deinceps,
« 0 ! Domini Salve Caula ! sed Aula Vale !
— 377 —
Planche IV.
Mores pravos cleri Suffillans a malo clerico publlce conspiiitur.
Devant des bâtiments somptueux, d'une architecture
grandiose, Norbert nu-pieds, vêtu simplement, la tète nue
et auréolée, un livre ouvert posé sur le bras gauche,
élevant de la main droite un crucifix, rappelle aux cha-
noines et aux clercs leurs devoirs envers Dieu. L'un d'eux,
la tète nue, portant le costume d'un abbé de cour du temps
de Louis XV, le rabat au cou, le poing sur le côté, lance un
crachat à la figure du Saint. Autour d'eux, est groupée une
foule de curieux qui expriment : les uns, leur mécontente-
ment, les autres, leur admiration profonde. Aux pieds du
Saint, à gauche, est agenouillée une femme, les mains
jointes, ayant près d'elle deux petits enfants qui s'ébattent
et jouent avec l'insouciance de leur âge. De chaque côté de
la scène, des arbustes couverts de feuillage. Cartouche
enroulé où se noue im ruban enlacé.
« P^xcreat in Faciem Spurcae tetra phlegmata linguEe
« Sacri oratoris quem pia liugua monet.
a Nil hinc turbaris, Norberte ! sed Excremenla
« Incrementa tibi mentis amantis erant. »
Planche V.
Cum Sanguine Evcharîstico Magnarn Araneam Innoxîe sumît.
Dans une crypte, ou église souterraine, soutenue par des
colonnes, éclairée par une lampe suspendue à la voûte,
Norbert célèbre la Sainte Messe. Le Saint, la tète entourée
d'un cercle lumineux, revêtu d'une chasuble avec la croix,
est au moment de boire le Saint Sang du calice qu'il tient
levé dans la main droite, en l'approchant de ses lèvres, et
tient la patène de la main gauche. Dans le calice on aper(^oit
— 378 —
une araignée, dont le fil remonte jusqu'à la voûte où s'étend
son immense toile. Dans l'angle gauche du tableau, se
dresse l'autel, couvert d'une nappe bordée de dentelles,
surmonté d'un baldaquin avec draperies relevées, et orné
d'un crucifix, de deux chandeliers avec leurs cierges
allumés, d'un missel et d'un canon liturgique. A côté de
l'autel est placée une petite crédence soutenant deux
burettes. Derrière le célébrant, un clerc à genoux, revêtu
d'un large surplis, lève les deux mains vers le ciel; plu-
sieurs personnes assistent pieusement au Saint Sacrifice.
Près de l'autel et de la crédence, se voit agenouillé, la tète
tournée vers Norbert, un jeune gentilhomme vêtu avec
élégance, son chapeau à panache déposé à ses pieds; il
étend ses mains, en signe d'admiration. Au fond de la
crypte, se groupe, près des marches de l'escalier, une foule
de pieux assistants. Une draperie relevée se dessine au haut
de la gravure et descend gracieusement de chaque côté,
en forme de rideau. Cartouche avec guirlande et branches
contournées.
<t Intrepidus Sacro cura Sanguine Sumis arachnen :
« Nempe bibens vitam toxica nuUa times.
« Mox, ubi sternutas, innoxius exilit hostis ;
« Hincfuit, et merito, tune Tibi dicta Salus. »
Planche VI.
A Cruciftxo Septein radiis illustrato edocfus în prato nionstrato
ordinis Siù Canonici primordia struit.
Dans une plaine accidentée, on voit le Christ attaché à
la croix d'où s'étendent sept rayons lumineux; devant lui,
saint Norbert est à genoux nu-pieds, la tête nue et auréolée,
vêtu de sa tunique de peaux, les mains étendues et regar-
dant le Christ. A gauche de la croix, se tient un pèlerin,
— 379 —
tête nue et nu-pieds, vêtu du collet rabattu (pèlerine) orné
de coquilles, la gourde au côté, le chapeau attaché sur
l'épaule, tenant de la main droite, outre le bâton de voyage,
une fleur de lis qu'il dépose aux pieds du Christ, et levant
un doigt de la main gauche. A droite, près de Norbert, un
pèlerin debout, vêtu comme son compagnon, le bâton dans
la main droite, lève sa main gauche vers le Christ, qu'il
regarde attentivement. Au fond du tableau, à droite, s'élève
un rocher près d'une église surmontée d'une tour carrée.
Dans le haut des nuages, des arbustes effeuillés encadrent
le tableau ; à droite, deux serpents enroulés se tordent aux
parois du rocher et se lancent dans le vide, hors du cadre.
Cartouche gracieusement recourbé en ovale, et doublé de
guirlandes mêlées de feuillages.
« Ecce ! crucifixi Norberto apparet Imago,
« a Septem radiis Splendida, clara Suis.
« Pratum monstratum Septena luce corust-utn
« ordinis esse caput coepit ut octo boni. »
Planche VII.
Emanïbus Beatisslmœ Virgînis Delparœ candidum ordinis hahitum
in Signuin Immaculatœ Ejusdem conceptionîs acctjjit.
La Très sainte Vierge, vêtue d'une large robe flottante, la
tête couverte d'un voile et entourée de rayons lumineux,
portée sur des nuages que soutiennent des têtes d'anges
ailés, apparaît à Norbert. Le saint nu-pieds, vêtu d'une
robe grossière, la tête nue ceinte d'une auréole, est à
genoux, et reçoit des deux mains la robe blanche que lui
présente de la main gauche, la Vierge Immaculée, tout en
étendant la main droite. A gauche de la Mère de Dieu, un
ange ailé, vêtu d'une draperie, tient des deux mains le
biretum et une ceinture flottante. A droite, dans l'angle
— 380 —
supérieur, un ange ailé, soutenu par deux petits anges
vêtus d'une simple écharpe, porte le manteau de chœur. En
haut, au milieu des nuages, on aperçoit deux têtes d'anges
ailés, dont les traits expriment la joie. Aux angles du
cartouche, se dressent des branches de lis, autour des-
quelles sont enroulés des serpents qui vomissent des
flammes.
» De uive cœligenum Virgo Immaculata ministrat
« Vestem, quae postliac ieque, tuosque tegat.
« Et decuit bene conceptam sine labe parentem,
« Ut Natis vestem det sine labe suis. »
Planche VIII.
A S. Aurelio Augnstlno in visione Canonicam et Auream Regulam
Sortitur.
Sous une draperie bordée de franges, et relevée gracieu-
sement par trois anges ailés, vêtus d'écharpes, on voit
saint Norbert à genoux, la tête nue et auréolée, vêtu de
l'habit de l'Ordre, et recevant des deux mains le livre de la
règle que lui offre saint Augustin. L'évêque d'Hippone,
porté sur des nuages, vêtu d'une large chape, ayant la
mitre épiscopale sur sa tête ceinte d'une auréole, avec la
barbe bien fournie, un cœur surmonté de flammes posé sur
la poitrine, lui présente de la main gauche un livre ouvert
sur lequel on lit ces mots : Ante omnia diligatur Deus.
Il tient la main droite étendue. A gauche d'Augustin se
voient deux anges ailés, dont l'un porte la crosse d'une
main, tandis que l'autre ange relève tant soit peu la chape
du pontife. A gauche, au-dessus de Norbert, trois anges
ailés, ceints d'une écharpe, soulèvent dans leur vol, les
plis d'une draperie qui descend jusqu'au bas du tableau.
Entre le saint évèque et Norbert, deux têtes d'anges ailés
— 381 —
semblent regarder avec complaisance le fondateur de
Prémontré. Aux pieds de Norbert est posé à terre un
bonnet carré, et devant lui gisent sur le sol un compas, et
un plan déroulé sur un mètre. Cartouche enguirlandé, sur-
monté de branches de feuillages aux angles supérieurs.
« Aurea de Sursum [: dédit hanc Aurelius ipse :]
« Régula, proque tuis ter pretiosa venit.
« Aureus Author erat, sed et Aurea dogmata. Numquid
« Ordo tuus dici hinc Aureus ordo potest?
Planche IX.
Nivigellœ in Brahantia puellam Energumenam a dœmone libérât
a quo Sarcastice alhus canis vocatur.
Devant une porte monumentale, entourée de murs épais,
où s'élève un donjon, Norbert apparaît, debout, la tète
nue et nimbée, vêtu de l'habit de l'Ordre, accompagné de
deux religieux également tète nue. Il élève la main gauclie
et étend la main droite vers une femme possédée, dont les
traits sont convulsés, le visage effrayant, soutenue dans les
bras d'une femme, accompagnée d'un enfant et d'un homme
qui tient ses mains jointes. De la bouche de la possédée,
jaillit et s'élève une traînée flamboyante, surmontée d'un
petit diable en forme de chauve-souris. Aux pieds de la
malheureuse, un loup étendu à terre et mordu par un
boule-dogue. Près du Saint, un caniche aboie, visiblement
irrité contre la misérable possédée. Au second ijlan der-
rière l'esplanade où se dressent les murs, un homme et
une femme, témoins de cette scène, joignent les mains et
paraissent prier. Au fond du tableau, près du donjon, un
homme, la tête nue, accompagné d'un enfant, étend les
bras, en signe d'admiration et de respect. Cartouche en-
touré de fleurs très gracieusement disposées.
— 382 —
« Quum Nivigellae Sathanam de corde puellse
« Propulsas, album te vocat illecanem,
« Tartareum dum nempe lupum mordesquefugasque
« Ipse l'uga Domini Te probat esse canem. »
Planche X.
Herhipoli post Sacrum HaJitu cœcmn multerem, ut videret, illuminât.
Devant un autel accosté d'une colonne que surmonte une
draperie à franges, relevée vers la voûte de l'édifice, puis
retombant du côté gauche, saint Norbert se tient debout,
revêtu d'un long surplis et d'une chape richement ornée, la
tête couverte de la mitre et ceinte d'une auréole. A sa droite,
se tient un diacre vêtu d'une dalmatique ; à gauche, plu-
sieurs clercs, dont l'un présente le missel; le sous-diacre
portant la crosse. Le Saint se tourne vers une femme
aveugle agenouillée devant lui, les mains jointes, un bâton
appuyé au bras droit ; elle est accompagnée d'une jeune
femme et d'un page également à genoux. Le Saint bénit
l'aveugle de la main droite, pose la main gauche sur sa
tête, et lui souffle au visage. L'autel, orné d'une garniture
de dentelles, porte un crucifix entre deux chandeliers avec
leurs cierges allumés, et un petit cadre au milieu. Au fond
de la chapelle, derrière une balustrade, on voit, assis sur
un tertre, un malheureux à peine couvert; le Père Éternel,
au nimbe triangulaire, ayant la tête nue et une longue
barbe, lui souffle également au visage. Cartouche encadré
et surmonté de fleurs.
« Dum Sacris operatus eras de luraine plenus
« Cœlesti, mulier cseca recepit opem.
« In csecam Exsufflans lumen de himine confers.
« Hactenus Exsufflans luminaNemo dédit. »
— 383 —
Planche XI.
Daenion sub Specie Ursi apparentem Signo crucis deturhat.
Près d'une double colonnade surmontée d'une galerie
ajourée et comme encadrée de feuillages, Norbert, debout,
la tète nue, ceinte d'une auréole, paraît, vêtu de l'habit
blanc avec la croix pectorale, suivi de deux religieux qui
élèvent les mains. Le Saint étend vers le ciel sa main droite
retournée, et tient, dans la main gauche, une croix qu'il
dirige vers un ours furieux. L'animal posté au pied d'un
arbre, sur un tertre au pied duquel serpente une petite
rivière, se tourne, menaçant, vers Norbert, et de sa gueule
lance des flammes. A l'horizon, une colline, deux bar-
rières de lattes treillagées, et des nuages dans le fond du
tableau. Cartouche rustique avec fleurs et feuillages.
« E Styge terrifici Specie dum prosilit ursi
« Dsemon, nil trépidas, nil et alj hoste times.
« Mox cruce Signata, rétro ut Saltaret, ageLas,
« Sic regredi jussus nunquid et ursus erat? »
Planche XII.
Lupiini ovtcuîœ raptorem ad greg'is custodîam députât.
Dans une campagne coupée de collines et encadrée de
groupes d'arbres, saint Norbert, debout, la tète nue et
auréolée, vêtu de l'habit religieux avec la croix pectorale,
et accompagné de trois religieux élève la main gauche
vers le ciel et étend la main droite vers un loup qui, à ses
pieds, terrasse une brebis. L'un des religieux élève la main
et un autre l'étend en signe d'admiration. Au second plan,
à droite sous une touffe d'arbustes, sont assis deux bergers
jouant de la musette, ayant, couchés à leurs pieds un chien
et un agneau, à côté de quelques instruments de musique.
Près d'eux, un autre pasteur qui se tient debout, lève sa
— 384 —
houlette pour mettre un loup en fuite. Joli cartouche
enroulé, décoré de guirlandes.
« De grege dum Ssevus tenerum Lupus abstulit agnum,
« Raptor cum prœda, Te revocante, redit.
« Ut pascat, non mactet oves, Lupus Ergo juhetur,
« Discite pastores, quod Lupus iste facit. »
Planche XIII.
Hostes, înterposîtîs S.S. Reliquiis, inter se mire conciliât optimus
pacis Christianœ Fecialis.
Dans une plaine entourée de collines et encadrée de
deux magnifiques palmiers, Norbert, la tête nue et auréolée,
vêtu de l'habit religieux portant de la main droite une
branche d'ohvier, étend la main gauche vers deux seigneurs,
ennemis invétérés, qu'il réconcilie, en présence des saintes
reliques dont la châsse est déposée près d'eux à terre. Ces
deux seigneurs, suivis de deux témoins, sont richement
vêtus, portant des toques à panaches; ils se donnent la
main et jurent une éternelle paix, leurs épées nues sont
déposées près d'eux, à terre. Deux religieux accompagnent
le saint pacificateur, et, par leurs gestes, expriment toute
leur admiration. Dans les arbres on voit, à droite, voltiger
un ange ailé vêtu d'une draperie, tenant, dans chaque main
une branche de palmier; à gauche, deux autres anges ailés,
vêtus de même, présentent également des palmes. Au-dessus
des personnages du tableau, vole dans l'air une colombe,
portant dans son bec une branche d'olivier. Cartouche élé-
gamment encadré et enroulé.
« In manibus gestans oleam, dum Foedera suadet,
(I Ossa super Divum hsec consolidare Solet.
« Et bene ! cum Divi nunc Sancta in pace quiescant,
w Yivis, ut Divis non sit arnica quiee? »
— 385 —
Planche XIV.
Antverpiœ Sacramentariam Tanchelini Hœresîn funditus Extirpât.
La gravure représente une place s'étendant devant une
des portes de la ville d'Anvers, dont on voit, par de là le
mur d'enceinte, deux des églises avec dômes et tours. Une
procession, précédée de la croix, composée de plusieurs
clercs, se dirige vers la porte de la cité, escortant le Saint
Sacrement de l'Eucharistie, porté par saint Norbert. Le
Saint, la tête nue et auréolée, revêtu d'une ample chape,
dont le bord est tenu et relevé par un jeune page, porte des
deux mains l'ostensoir à rayons; il est suivi de deux por-
teurs du dais qui protège le Saint Sacrement; devant lui,
un prêtre vêtu d'une étole, tient un flambeau, et un acolyte
à genoux balance un encensoir. Près du jeune page, une
femme à genoux tient en mains une toque; au fond, à
gauche, se groupe une foule d'assistants. En haut, dans
l'air, au-dessus de la porte, l'Eglise du Christ apparaît,
représentée par une femme assise sur des nuages, la tête
surmontée de la tiare, tenant de la main gauche une croix,
et posant de la main droite un cahce eucharistique sur le
dôme d'un édifice octogone, autour duquel on lit : Confrat.
S. S. Sacramenti in ord. Prœ^n. Au-dessus du dais qui
abrite le Saint Sacrement, voltigent deux anges ailés,
dont l'un a les mains jointes et l'autre balance un encen-
soir. Dans l'angle droit, au premier plan, s'appuyant
contre une borne ou un piédestal encadré, on voit, debout,
deux personnages, la tête nue, à la figure sinistre, aux
gestes effarés, qui s'empressent de prendre la fuite et
regardent le Saint d'un air farouche. Sous leurs pieds
gisent à terre deux livres ouverts, sur l'un desquels est
renversé un calice d'où s'élève une flamme; l'autre ouvert
aussi, et foulé par les fuyards. L'un des deux hérétiques
25
— 386 —
porte au cou un médaillon suspendu à une chaîne. Adroite
et à gauche, des massifs d'arbustes chargés de feuillages.
Cartouche surmonté d'arabesques.
« In corpus Domini quod Tankeline 1 nefandum
« Peccas, Norbert! Zelus ah urbe fugat.
« Norbertina cohors manet hinc Prsetoria semper,
« Quse corpus Domini mente, manuque tegat. »
Planclie XV.
Parthenopolîm ArM-Episcopus nudipes Ingreditur, et Janitorem
sïbl contrarium amplectitur.
Sous une porte monumentale, dont le centre est orné
d'un cartel blasoné et d'une statue de la Renommée, on voit
Norbert, nu pieds, la tète auréolée, revêtu de l'habit reli-
gieux, attirant vers lui un homme armé d'une épée et d'une
hallebarde, qui, l'air triste et embarrassé, posant la main
droite sur la poitrine, paraît faire des excuses au Saint,
pour lui avoir refusé l'entrée du palais épiscopal. Le saint
prélat est suivi de trois religieux. Aux deux angles de la
gravure se voient, debout, la tête couverte d'une toque
à panaches, deux personnages vêtus en bourgeois, qui
tiennent leurs mains étendues, exprimant leur étonnement.
Au pieds du gardien de l'évêché, un chien couché à terre,
aboie contre le Saint. Dans le fond du tableau, trois femmes
regardent cette scène; plus loin, dans la perpective, se
dessinent les murs d'une forteresse, et une église surmontée
de tours. Une draperie à franges tombe du haut de la
gravure sur les deux côtés du cadre, dessiné, à droite et à
gauche, par des hallebardes. Joli cartouche enroulé et
orné de fleurs.
« Ad proprias PrEesul dum pergis nudipes eedes,
" Mendicum reputans Janitor inde movet.
(1 Quis sis, dum novit, mctuentem pessima mulces;
H Quisque Futurus et in Limine nonne probae ? »
— 387 —
Planche XVI.
Pro Jurium Ecclesiœ suce defensione Persecutiones diras patîtur.
Au centre d'une salle soutenue par des colonnes et
éclairée par une couronne de lumières, suspendue à la
voûte, Norbert, la tète mitrée et ceinte d'une auréole,
revêtu d'une chape somptueuse avec croix pectorale, tenant
de la main gauche la croix épiscopale, tend la main droite
vers l'un des misérables qui viennent pour l'assassiner.
Aux pieds du Saint, à gauche, un clerc, vêtu d'un rochet,
s'agenouille, les bras étendus; à droite, un religieux est
également à genoux, les mains jointes, tandis qu'un autre,
debout, étend le bras pour protéger l'évêque contre les
coups de ses ennemis. Dans l'angle droit, un des assassins,
homme à figure sinistre, tenant de la main droite un glaive
nu, lève la main gauche et menace le saint prélat; un autre
meurtrier, prenant le Saint de la main gauche, brandit de
la main droite son épée pour le frapper ; un troisième con-
juré, levant aussi le bras, est suivi d'une troupe d'hommes
armés de piques. Au fond du tableau deux femmes se
lamentent entourées d'un groupe de curieux. Une draperie
à lambrequins encadre le haut du tableau, et déroule de
chaque côté ses bords garnis de franges. Joli cartouche,
orné de fleurs et d'arabesques.
« Vix Canonum Sacra jura Foves, ï'ervensque tueris,
« Mox Enses, Hastas effera turba movet.
« Stas taraen Impavidus ; turbaeque, Hostesque recedunt.
a In Sacra jus gladii nilque valere docent. «
Planche XVII.
Innocentium IL contra Anacletum Antipapam cum sancto Bernardo
Clarœvallensî Strenue tiietur.
Devant une des portes de Rome, largement ouverte, au
— 388 —
milieu des murs d'enceinte derrière lesquels s'élèvent des
églises surmontées d'un vaste dôme, saint Norbert et saint
Bernard paraissent, suivant immédiatement le Pape Inno-
cent qui rentre dans sa capitale. Le Pape, revêtu d'une
chape somptueusement ornée, portant la tiare, étend la
main droite pour bénir, et, de la main gauche, tient la
croix papale; il est précédé de deux bannières, de clercs
portant des flambeaux, de cardinaux et d'évèques. Norbert,
la tète mitrée et entourée de rayons, vêtu de riches habits
pontificaux, lève la main droite, et tient de la main gauche
une branche d'olivier. Il s'entretient avec saint Bernard qui,
la tête nue, cerclée d'une auréole, vêtu du froc monastique,
tenant le bras gauche élevé, regarde son compagnon. Les
deux Saints sont suivis de prélats mitres, de clercs, etc.
Dans l'angle gauche, près du Pape, figure un garde ponti-
fical armé d'un glaive et d'une hallebarde. A droite, on
aperçoit, au second plan un personnage vêtu d'une chape,
la tiare en tête, qui s'éloigne de Rome en tenant les bras
étendus. Devant lui, une colombe emporte dans son bec
les deux clefs pontificales; à côté de lui, court un chien
aboyant. Cartouche garni de feuilles et de fleurs, surmonté,
à droite, d'un joli arbuste formant encadrement.
« Schisma Anacleti quando Norberte ! coerces,
« Clara tibi comitem vallis arnica dédit,
(I Innocui papee partes meliusne tueri
« lu mundo quis, quam Lilium, apisque, queat? »
Planche XVIII.
Sancte moritur, et suh Lilii specîe Coelo ah angelis înferrî conspîcîtur.
Saint Norbert, la tête nue, ceinte d'une auréole, couvert
de ses habits religieux avec le pallium, expire, les mains
jointes, étendu sur son lit. Un religieux le soutient dans
— 389 —
ses bras; un autre religieux, debout, la tète nue, son
bonnet à ses pieds, récite, le livre à la main, les prières des
agonisants; à gauche du Saint, près d'une petite table cou-
verte d'un tapis, sur laquelle se trouve une mitre, on voit
un religieux tète nue, à genoux, tenant un livre de la main
gauche, et la main droite élevée. Un autre religieux, ac-
compagné de deux clercs, se trouve un peu plus loin et,
levant les bras au ciel, exprime son admiration. Sur des
rayons lumineux accompagnés de quatre têtes d'anges
ailés, un superbe lis parait s'envoler vers le ciel. La croix
épiscopale est posée, au fond de l'angle gauche, sur l'oreiller
de l'agonisant. Des deux côtés du tableau s'élèvent des
branches de lis qui au sommet, s'unissent aux draperies
flottantes. Plus haut sont groupés des nuages. Cartel
enroulé, au milieu duquel figure un bouquet de fleurs.
«I Liligeri Fueras qui tu Pater ordinis, Euge I
« In cœlum moriens Lilii adinstar aliis.
« Optima nempe tuEe Fuerant htec Symbola vitae,
« Hinc fuit ex horto Flosculus iste tuo. »
Planche XIX.
Non sine slngularl Nuininis providentia Ossa S. Norberti Patroni
Bohemiœ adlecti ParthenopoU Pragam deferuntur.
Devant la porte et l'enceinte de la ville de Prague, dont
on aperçoit au loin les châteaux, les églises et les tours, se
déroule une procession, bannières et flambeaux en tète. La
châsse contenant les reliques de saint Norbert, est portée
par quatre clercs, sur un brancard orné de draperies. Les
porteurs, tète nue, vêtus de longs rochets, sont suivis de
deux prélats mitres, la crosse en main, et vêtus de riches
chapes.
A droite, un prélat, la mitre en tète, la crosse en main,
— 390 —
élève ses bras vers la châsse ; il est accompagné d'un cha-
noine en surplis. Deux femmes sont à genoux, à l'avant-
plan, et invoquent le Saint; l'une accompagnée de son
enfant, a les mains jointes, et l'autre les bras étendus. Au
milieu du ciel, où se sont amassés des nuages, brille l'œil
triangulaire de Dieu le Père, d'où jaillissent des rayons
lumineux. Cartouche encadré, ayant une guirlande au
centre et portant des branches fleuries, qui remontent de
chaque côté en guise d'ornement.
« Divorum cineres clum Islebica turba profanât,
« Tu procul antiqua de Statione fugis,
« Inter Virgineos recipit ïe Praga pénates :
« Lilia Stare loco num meliore queant? »
IV.
Aux vies de saint Norbert, illustrées par le burin de
Galle, Pfeffel et Klauber, nous ajoutons la description d'une
planche représentant saint Norbert entouré de douze mé-
daillons figurant autant de scènes de la vie du Saint.
Le portrait du Bienheureux, qui est le même que celui
qui orne la vie dessinée par Galle, occupe le centre de la
planche.
Le portrait en ovale, est entouré de quatre coins formant
le carré de l'encadrement, au bas duquel on lit : « Ipse est
« directus divinitus in pœnitentia gentis et tulit abomina-
« tiones iniquitatis. Eccl. 49. »
Les douze médaillons sont reliés entr'eux par des guir-
landes et des draperies flottantes très légères, ceux du
miheu, par une tête d'ange ailé et par des ornements en
forme de glands. Dans les angles des médaillons, sont
— 391 —
gravés des fleurs et des bouquets. Sous chaque médaillon
est placé un cartel, ou bande, dont l'inscription en latin
indique le sujet représenté. Chaque médaillon mesure 0"'05
sur 0™05, l'ovale du portrait O'^OO sur 0"UOG, la planche
entière 0^25 de haut sur 0™20 de large.
Premier Médaillon.
Nascitur Sanctus in CUvia Norbertus.
La mère de Norbert est étendue sur un lit à baldaquin
avec rideaux entr'ouverts. Devant elle, se trouve une ser-
vante tenant un verre à la main. En haut, un ange, vêtu
et ailé, entouré de nuages, fait descendre sur Hadwige un
raj^on lumineux. En bas, deux femmes assises : l'une
porte un vase, l'autre un petit enfant dont la tête est ceinte
d'une auréole, et à qui elles donnent leurs soins. Au fond,
à gauche, près d'une cheminée, une servante sèche des
hnges.
Deuxième Médaillon.
Fulmine ex equo dejectus convertitur.
Norbert, étendu à terre à côté de son cheval également
renversé, pose sa main droite sur son cœur. Son serviteur,
tête nue, l'épée au côté, est debout près de lui et le regarde
avec émotion, en étendant la main. Des éclairs sillonnent
les nuages. Au fond, une plaine, des bâtiments, des arbres.
Troisième MédaiUon.
Ahjectis vestihus pretiosis, agnlnîs se pelUbus induit.
Dans une salle voûtée, soutenue par des colonnes, Nor-
bert, la tète nue, entourée de rayons, nu-pieds et revêtu
d'un habit de peau d'agneau, ayant une corde pour ceinture,
— 392 —
tenant dans la main gauche une croix, de la main droite,
indique ses vêtements de chevalier étendus devant lui à
terre. A sa droite et à sa gauche, de nobles seigneurs,
groupés dans diverses attitudes, manifestent leur étonne-
mentet leur expression.
Quatrième MédaiUon.
Omnia sua païqierihus distribuif.
Près d'un riche portique, devant un table couverte de
tapis, sont étendus les riches vêtements que Norbert, la
tête nue, ceinte d'une auréole, distribue aux indigents.
Derrière le Saint, un serviteur. Au fond la campagne.
Cinquième Médaillon.
Mira gratta poUet pacîficandî discordes.
Dans une salle voûtée, soutenue par des colonnes, le
Saint, la tête nue et nimbée, nu-pieds, tenant dans sa main
droite une branche d'olivier, réconcilie deux seigneurs
ennemis; à gauche, trois rehgieux, à droite trois bourgeois,
sont témoins de cette réconciliation faite devant un autel
sur lequel se voit un chandelier avec cierge allumé.
Sixième Médaillon.
Habitum candidum a Beatissima Deipara stiscijrit.
Dans une église à colonnes, au pied d'un autel sur lequel
se trouve un crucifix, Norbert, à genoux, la tête nue et
auréolée, lève les deux bras vers le ciel. Il est accompagné
de deux religieux dont l'un, la tête ceinte d'une auréole,
est agenouillé près du Saint, auquel un ange vêtu et ailé
présente un robe monastique. Au-dessus de la voûte, sur des
— 393 —
nuages, la Très Sainte Vierge apparaît avec le Divin
Enfant, entourée, à droite, d'un ange qui joue du violon; à
gauche, d'un autre ange qui sonne de la trompette.
Septième MédaiUon.
S. Augusfînus Norberto Clericorum regiilam porrîgit.
Dans une modeste chapelle, dont la porte est entr'ou-
verte, apparaît sur des nuages, entouré de rayons, saint
Augustin à mi-corps, la tête mitrée, la barbe longue, la
main droite étendue, offrant de la main gauche à Norbert,
un livre ouvert. Celui-ci, la tète nue et auréolée, vêtu de
l'habit religieux, est agenouillé devant un autel sur lequel
sont placés un crucifix, un livre, un sablier, une tète de
mort et une discipline.
Huitième MédaiUon.
Honorius PP II confirmât Ordineni Prœmonstratensem.
Dans une salle tendue de riches tapisseries, le pape
Honorius, assis sur un trône surmonté d'un dôme à balda-
quin, et ayant à droite et à gauche deux dignitaires ecclé-
siastiques, offre à Norbert la Bulle de confirmation de
l'Ordre de Prémontré. Le Saint, vêtu du manteau monas-
tique, la tète nue et auréolée, est accompagné de deux reli-
gieux à genoux. Le pape est revêtu d'une large chape et
porte la tiare. Au fond, une fenêtre ouverte laisse entrer
le jour dans la salle.
Neuvième MédaiUon.
Inter cœtera mlracula exîmia claret virtute pellendi dcemones.
Dans une vaste salle, devant une table sur laquelle brûle
un cierge, Norbert, vêtu de la tunique blanche, coiffé d'un
— 894 —
bonnet et la tète entourée d'un nimbe, une palme dans la
main gauclie, bénit de la main droite trois possédés pros-
ternés à ses pieds. Trois esprits diaboliques prennent la
fuite devant lui. A côté du Saint est couchée une petite
brebis.
Dixième Médaillon.
Consecratur Archiepiscopus Magdehurgensis,
Dans une église soutenue par des colonnes, Norbert, la
tète nue et auréolée, à genoux, les mains jointes, revêtu
des habits sacerdotaux, est consacré évèque. Devant lui,
l'évêque consécrateur, portant la mitre, étend la main; un
religieux l'assiste et tient la croix; un clerc à genoux,
présente le missel; un haut dignitaire, la tète couverte du
bonnet est assis dans un fauteuil. Derrière le Saint, deux
évèques, la tète mitrée, assistent à la cérémonie; l'un
d'eux dépose, avec l'évêque consécrateur, la mitre sur la
tête du Saint. Au fond à gauche, un reUgieux et divers
curieux, une petite table couverte d'un tapis, sur laquelle
sont posés deux tonnelets couverts par une toile. A droite,
le trône épiscopal.
Onzième MédaiUon.
B. Hugonem in Prœmonstrato suum suceessorem Chrîsto prœsentat.
Devant le divin Sauveur, revêtu d'un manteau, la tète
nimbée et entourée de nuages, le B. Hugues, à genoux, la
tête nue et entourée d'un cercle lumineux, tend la main
droite au Sauveur, auquel il est présenté par saint Norbert.
Celui-ci, vêtu d'une chape et la tète mitrée, pose sa main
droite sur l'épaule du Bienheureux, et tient la crosse de la
main gauche. Une bande enroulée monte de la bouche du
Saint jusqu'aux nues. Le divin Sauveur, de la main gauche,
indique une banderole flottante.
— 395 —
Douzième Médaillon.
Multîs miracuUs et meritis gloriosuf) ad cœlos migrât.
Norbert, revêtu de ses habits pontificaux, la tète mitrée
et auréolée, les bras étendus, un crucifix et une crosse dans
les mains, est placé sur un lit de parade entouré de quatre
chandeliers avec des cierges allumés. Près de lui six per-
sonnages sont à genoux, en prières; un septième, debout
aux pieds du Saint, étend la main droite et serre son
chapeau contre sa poitrine. En haut, des rayons et, sur des
nuages, deux anges vêtus et ailés portant une branche de hs.
Au bas de la planche, qui ne porte aucune signature?
on lit : " S. Norbertus Canonicorum Prsemonstratensium
« Princeps, Antverpiensium Apostolus, Archiepiscopus
« Magdeburgensis, & totius Germanise Primas, ad cœlos
« migravit anno 1134. Festum celebratur 11. Iulii. »
Une jolie gravure d'Abraham Van Merlen représente
quatre épisodes de la vie de saint Norbert : 1" sa naissance;
2° la vision du Crucifix ; 3^* la sainte Vierge lui offrant de
ses mains la robe blanche ; 4° saint Augustin lui donnant sa
règle. Planche remarquable par la finesse d'exécution.
Dans un ovale de 0'"094 sur 0'"068 encadré d'enroule-
ments en guise de cartouche, saint Norbert est représenté
debout, la tête mitrée et nimbée; il est revêtu d'un long
surplis avec franges, et d'une chape dont l'agrafe a la
forme d'une feuille de trèfle ; de la main droite, il soutient
l'ostensoir du Très Saint-Sacrement, et tient, de la main
gauche, la croix épiscopale et une branche d'olivier. Les
- 396 —
pieds du Saint foulent un personnage étendu à terre, dont
le buste se voit à droite; il est vêtu à l'espagnole, et appuie
la main droite sur son cœur, tenant dans son autre main
une hostie qu'il élève. A gauche du Saint, se voit, égale-
ment renversé à terre, un monstre ailé, ayant un dard
dans la gueule, et levant sa griffe droite crochue. Au fond
du tableau, l'Escaut, où naviguent des vaisseaux et des
barques, baigne les quais de la ville d'Anvers, dont l'église
Notre-Dame s'élève à droite avec ses tours; à gauche, se
profile l'abbaye Norbertine de Saint-Michel.
Dans les coins de la planche, restés vides autour de
l'ovale, se voient quatre petits médaillons, de 0™025 sur
O'^OIO, dont une inscription latine, imprimée dans l'en-
cadrement, indique le sujet.
Dans l'angle droit, en haut de la planche, est placé un
médaillon dont le sujet est indiqué à l'intérieur du cadre.
1. S. Norbertus cœlesti voce matri prœmonstratus.
Dans une chambre éclairée par une fenêtre, et dont la
porte est ouverte, la mère de Norbert est étendue sur un lit
à rideaux. Un nuage, planant en haut, lance vers elle un
rayon sur lequel on lit ces mots : jEquo animo esto
Hadw. Au pied du lit, sur une petite table, un bougeoir
avec un flambeau.
Le deuxième médaillon, en haut, dans l'angle gauche,
porte cette inscription : 2. Locus j)rœmonstratensis a
eruciflxo prœmonstratus. Aux pieds du Christ, attaché
à une croix que surmontent sept rayons entourés de
nuages, sont agenouillés dix pèlerins, la tète nue, les mains
jointes, munis du bâton et de la gourde. Au bas de la croix,
on lit : Prœmonstratum.
Le troisième médaillon, dans l'angle droit, au bas de
l'ovale, porte inscrits dans l'encadrement, ces mots :
3. Habitiis candidus ah virginepi^œmonstratus. Devant
— 397 —
un autel sur lequel sont posés deux chandeliers avec des
cierges allumés, Norbert, la tête nue et nimbée, couvert
du manteau de pèlerin, est agenouillé, les mains jointes.
La très sainte Vierge, couronnée, portant l'Enfant Jésus
sur son bras droit, et tenant un sceptre de la main gauche,
apparaît sur des nuages; elle est entourée de tètes d'anges,
et aussi de deux anges vêtus qui déploient une robe
blanche. Sur un rayon émané d'Elle et se dirigeant vers
Norbert, est gravée cette inscription : Fili accipe candid.
vest. Au fond, une porte ouverte.
Le quatrième médaillon, en bas, dans l'angle gauche,
porte dans l'encadrement : 4. Régula Norberio a S. Au-
gustino Prœmonstrata . Devant une table, Norbert, vêtu
du manteau de l'Ordre, tête nue et nimbée, tenant un cha-
pelet de la main gauche, reçoit de la main droite le volume
que lui offre saint Augustin. Ce dernier, la tête mitrée,
revêtu d'une chape, tenant de la main gauche un cœur percé
d'une flèche et surmonté de flammes, apparaît, porté sur
des nuages entourés de rayons. Sur un de ces rayons qui
vient rencontrer saint Norbert, on lit : Hahes regulam
quam. Au fond, une fenêtre ouverte laisse entrevoir la
campagne.
Dans l'encadrement de l'ovale, on lit : S. Norbertus
Prœmonstr. ordinis princeps archiepiscopius magde-
burgensis Antcerpiœ apostolus. Au bas de la planche qui
mesure 0,13 sur 0,085 est gravé le quatrain suivant :
a 4. Aurelius dat aui'eam Legem ! ' Ordinis
« Spondetui" author cœlitus. ^ dat Caudidam
« Maria vestem. ^ Crux locum sedis prsenotat :
« Et esse Prsemonstratus ordonisi hicpotest? »
avec la signature de l'auteur : Abraham van Merlen
fecit et eœcudit.
— 398 —
VI.
Nous ajoutons encore comme curieux spécimen de gra-
vure Norbertine historiée, une carte de communication ou
de participation aux sacrifices et aux bonnes œuvres qui se
font dans l'Ordre, faveur accordée aux bienfaiteurs par le
supérieur général de la Congrégation Norbertine d'Es-
pagne.
L'encadrement de cette carte, chargé de consoles ornées
de fleurs, de vases d'encens, d'arabesques, et surmonté de
trois petits médaillons où sont retracés trois épisodes de la
Vie de saint Norbert. Celui du milieu représente : Norbert
à genoux devant le crucifix d'où sortent sept rayons. En
haut une banderole porte cette inscription : Prœmonstrat
Christus œdem Norberto parenti. Dans le médaillon de
droite, soutenu par deux anges ailés se voit saint Norbert à
genoux devant la Très sainte Vierge qui, assise sur des
nuages, lui présente la robe blanche. Une banderole, en
haut du médaillon, porte ces mots : Prœmonstrat Virgo
vestem candore nitentem. Le médaillon à gauche,
soutenu par deux anges ailés, représente saint Augustin
assis sur des nuages, offrant sa règle à saint Norbert à
genoux devant lui. La banderole porte ce texte : Prœmon-
strat vitœ amussim Aurelius almœ.
Au bas de cette carte, un médaillon porte, au centre, les
armes de saint Norbert, et est surmonté d'un chapeau
d'archevêque avec glands, accosté d'une crosse et d'une
croix archiépiscopale. Sur une banderole se lisent ces
mots : Norbe7'tina stemmata. Une main présente une
branche de vigne sur laquelle repose l'ostensoir du Très
Saint Sacrement, et une branche de fleurs de lis sur
laquelle se tient la Vierge Immaculée, A droite se dessine
— 399 —
un médaillon ouvert; à gauclie, un médaillon aux armes du
Vicaire général de l'Ordre en Espagne. Au-dessous de
cet écu armorié, on lit : Joseph GonzaP f* M^' ano 1753.
VII.
On nous signale, au moment où nous allions
terminer cet article, une planche gravée, égale-
ment destinée à illustrer la Vie de saint Norbert,
et conservée au Cabinet d'Estampes de la Biblio-
thèque Koyale. Nous nous sommes immédiatement
adressé à Bruxelles au Conservateur, chargé de
la direction de ce département. M. L. Hymans,
avec une très gracieuse obligeance, a bien voulu
nous adresser une photographie de la planche
susdite. En voici la description :
Cette gravure, qui mesure 0'"285 sur 0'"45 représente
saint Norbert qu'entourent, en guise de cadre, dix com-
partiments carrés, parmi lesquels ceux qui se trouvent
placés en haut, de même que ceux du bas, figurent des
scènes diverses de la Vie de saint Norbert. Les six carrés
latéraux offrent des sujets variés, avec différents person-
nages. Une tète d'ange ailé, à laquelle se rattache un
bouquet de fruits suspendu par des nœuds de rubans,
semble planer au-dessus des groupes supérieurs.
Entre les deux médaillons inférieurs, contenus dans le
même cadre, sont gravées les armes de l'abbaye d'Ursperg,
surmontées d'une mitre et d'une crosse abbatiale, d'où
pendent des rubans, et sur lesquelles semble planer une
gerbe de rayons. Des guirlandes de fruits, flottant en
— 400 —
courbes gracieuses, se rattachent aux deux côtés de ce
cartel; tout au bas de la planche, une bande encadrée,
ayant à ses extrémités deux têtes d'anges, porte cette
inscription : « Révérend. Admod. Ghristo. P. ac Dno. D.
«« Joanni Celeberrimi ad Mindulam Urspergens.Monasterii
« Abbati nec non Gandidi ordin. Praemonstraten. per Sue-
« viam Visitatori Vigilantiss. etc. strense loco submisse.
«î Opfert. Dominic. Gustos A. V. Anne V. P. cIo. Id. cV. »
Dans le compartiment du milieu, qui représente l'inté-
rieur d'une église, saint Norbert debout, la tète nue et
tonsurée, revêtu du costume de l'Ordre : froc, scapulaire,
corde et manteau avec capuchon, porte dans sa main
droite, un calice plein de fruits, et tient, de la main gauche,
une crosse où flotte un long voile. Un piédestal, recouvert
d'un tapis à franges, se dresse au milieu de la nef et sert
de support à une mitre abbatiale. Précisément au-dessus,
un retable fixé au mur représente le Ghrist attaché à la
croix, ayant à ses pieds sa Divine Mère, avec saint Jean et
une des saintes femmes. Sur l'un des volets de ce tableau,
est figuré le mystère de l'Incarnation : l'ange Gabriel,
porté sur des nuages, apparaissant à la Bienheureuse
Vierge Marie pieusement agenouillée. L'autre volet repré-
sente le Martyre de Saint-Sébastien ; on y voit le Saint
attaché à un arbre et percé de flèches. L'inscription sui-
vante se lit au bas de ce compartiment : « S. Norbertus,
« Ordinis Ganonicor. Prsemonstratens. fundat et Archiepis-
«♦ copus Magdeburg. »
« lam-nunc. corpus, erant. ceréalia. munera. facta.
o lam nunc. dona. sacer. Bacchica. facta. cruor.
o De. trabe. suLlimis. cum. lapsus, abaneus. alta.
« In. calicem. reprobo. toxica. certa. viro.
« Tu-Norberte. tamen. lethalia. pocula. sumis.
(( Et, quod. mors, aliis. id. tibi, vita. fuit. »
— 401 —
Dans le premier médaillon placé en haut de la gravure,
saint Norbert revêtu de son costume de chevalier, est
tombé de son cheval et étendu à terre, ayant près de lui
sa toque empanachée ; deux autres cavaliers se trouvent à
côté. Dans le fond, à gauche, apparaît, au milieu des
nuages, et entouré d'une écharpe flottante, le Père Éternel,
qui adresse à Norbert ces mots tracés sur une bande-
role : « JSorberte quo vadis? » Dans le fond, un gracieux
paysage, que traverse une rivière. Le médaillon de droite
de ce même cadre représente saint Augustin donnant sa
règle à saint Norbert. L'évèque d'Hippone, sortant du milieu
d'un nuage, apparaît à mi-corps, vêtu de la chape épisco-
pale, la tête nue et nimbée; des deux mains, il tient ouvert
un livre portant inscrits ces mots : « Accipe regulam. »
Plus à gauche, auprès d'un portique, Norbert présente
cette règle à cinq de ses religieux. Diverses constructions
s'élèvent dans le fond, sur le rivage même de la mer, où
flotte un navire tendant ses voiles.
Dans le compartiment de la gauche, au bas de la gra-
vure, se voit saint Norbert à genoux, la tête nue, revêtu
du scapulaire, du capuce et du froc monacal. Deux anges
ailés, aux cheveux bouclés, les pieds nus, ayant sur leur
robe flottante une courte tunicelle, présentent au Bienheu-
reux l'ample manteau de chœur. Auprès d'eux rayonnent
deux flambeaux allumés. Une banderole avec cette inscrip-
tion : «• Accipe candidam vestem » se déroule au-dessus
du groupe.
Le compartiment de droite représente la vision du cru-
cifix : saint Norbert, nue-tête, les mains jointes, portant
l'habit monacal, suivi de six religieux en costume de
l'Ordre, est en prières au milieu d'une plaine plantée de
quelques arbres et légèrement ondulée. Le Christ attaché à
la croix lui apparaît dans un nuage. Un large rayon par-
26
— 402 —
tant du crucifix et allant toucher le front du Saint, porte
gravés ces mots : " Hic œdifica. »
Le premier compartiment latéral placé à gauche nous
montre la Vierge Marie vêtue d'une robe flottante, ayant
au front une couronne, entourée partout de rayons, et dont
les pieds s'appuient sur un croissant. De la main gauche,
elle tient un sceptre et porte l'Enfant-Jésus sur le bras droit.
Le cadre circulaire est orné d'une tète d'ange; au bas, se
lit cette inscription: « Patron. Or cl. cancUdi. S. Maria. »
Dans le second compartiment se voit saint Jean-Baptiste
retiré au désert. Vêtu d'un large manteau, le Saint, nu-
pieds, la tête nue et nimbée, tient dans la main gauche un
petit agneau reposant sur un livre. Une nacelle flotte sur
les eaux du Jourdain, qu'on aperçoit tout près de là, et au-
dessous de la gravure, sont inscrits ces mots : « S. Joan.
Paptista. »
Enfin le compartiment inférieur représente saint Au-
gustin, debout, portant la mitre, vêtu d'une chape avec la
tunicelle, tenant dans la main gauche, la croix archiépis-
copale, et ayant un livre dans la main droite. Dans le fond,
un paysage où divers édifices se détachent au miheu des
collines, et au bas l'inscription : « S. Augustinus. »
Trois compartiments égaux sont placés de même à droite.
D'abord, dans un cadre gracieusement décoré, que sur-
monte une tète d'ange, est représentée la scène de la
Transfiguration, sur le Thabor, le Divin Sauveur apparaît
au milieu des nuages; à sa droite Moïse, deux cornes
au front, présente les tables de la loi; à gauche, on voit
Elie, la tête nue et les mains jointes, avec une longue barbe
flottante. Au bas de la montagne, les trois apôtres, à demi
couchés, sont en extase, et lèvent les mains pour prier. On
lit l'inscription suivante : « Dies festi solemmo7^es.
Transftgiiratio. ^>
— 403 —
Le second compartiment nous montre saint Jean l'Évan-
geliste, vêtu d'an long manteau, la tête nue et entourée
d'un nimbe. Il tient dans la main droite une coupe d'où
s'échappe un petit serpent. Au fond, se voit un riant
paysage. L'inscription " 5. Joan. Eocmgelista •■■> se lit
au-dessous de l'image. Enfin, dans le troisième cadre,
paraît saint Nicolas, debout, vêtu d'une chasuble et la tète
mitrée. Il porte dans la main droite, sa crosse épiscopale,
et, de la main gauche semble présenter un livre où sont
posés trois pains. C'est également un gracieux paj^sage qui
forme l'arrière plan de cette gravure.
L'auteur de cette planche, Dominique Gustos, né à
Anvers, travailla à Augsbourg et mourut en 1612.
Van Spilbeeck.
TABLE.
Introduction 313
I. Vie de saint Norbert, par Th. Galle 314
IL Vie de saint Norbert, par J. A. Pfeffel 358
in. Vie de saint Norbert, par Klauber 372
IV. Portrait de saint Norbert, entouré de 12 médaillons. . . 390
V. Image de saint Norbert, avec 4 médaillons, par A. Van
Merlen 395
VI. Carte espagnole ornée de 4 médaillons 398
VII. Image de saint Norbert, gravée par Dom. Custos . . . 399
— 404 —
VARIÉTÉS,
-^*-
PlÈCE DE VERS EN l'hONNEUE DU GÉNÉEAL VaNDEE
Mersch. — Dans une lettre datée de Gand le 19 avril 1790,
mais dont malheureusement la signature est raturée, se
trouve insérée une pièce de vers en l'honneur du général
belge Jean-André Vander Mersch, à ce moment emprisonné
dans la citadelle d'Anvers sur les ordres du Congrès souve-
rain des États Belgiques Unis.
On connaît la part active prise par le général Vander
Mersch à la révolution brabançonne dont il fut, à l'origine,
le chef militaire. Ce furent, en grande partie, ses brillants
faits d'armes et principalement la victoire décisive qu'il
remporta le 27 octobre 1789 à Turnhout sur les troupes
autrichiennes, qui forcèrent l'empereur Léopold II, succes-
seur de Joseph II, à renoncer momentanément au gouver-
nement des Pays-Bas méridionaux. Nous disons momenta-
nément, car un an après les États Belgiques Unis avaient
cessé de vivre, et l'armée autrichienne reprenait possession
de nos contrées.
Soupçonné de vouloir, d'accord avec l'avocat Vonck et le
duc d'Ursel, porter atteinte aux privilèges du clergé et
de la noblesse, Vander Mersch fut accusé de trahison.
Il se présenta volontairement, le 8 avril 1790, devant les
membres du congrès qui refusèrent d'entendre sa défense
et le tirent incarcérer, sans jugement, dans le donjon de la
— 405 —
porte de Hal à Bruxelles. Le 14 avril suivant il fut trans-
féré rà la citadelle d'Anvers et delà à Louvain et à Tournai.
C'est pendant la détention de Vander Mersch h la cita-
delle d'Anvers qu'un de ses partisans de Gand, où il était
très populaire, composa les vers suivants insérés dans sa
lettre du 19 avril 1790 :
« Gand, ce 19 avril 1790.
« Monsieur,
« Voici quelques vers faits àThonneur du général Vander
Mersch qui ne peuvent que faire plaisir à tout ami du
peuple :
Vander Mersch de nos cœurs interprête fidèle,
Bravant de Vander Noot les plus affreux complots,
A l'univers entier servira de modèle.
Les Gantois trouveront remède à tous ses maux.
Carthage en Annibal eut un chef héroïque,
Rome eut dans Fabius un guerrier politique,
Washington surpassa ces deux chefs à la fois
Et Vander Mersch ici nous les offre tous trois.
Au sein des ennemis le seul honneur le guide;
La candeur de son front les terrasse à jamais.
Cette noble fierté lui servira d'égide
Contre les vains efforts de leurs perfides traits.
Qui pourrait refuser des pleurs à Bélisaire?
Qui peut à Vander Mersch refuser son amour ?
Payés d'ingratitude et noircis tour-à-tour.
Leur front tient des vertus l'auguste caractère.
Dans ce Club national oîi la vertu préside.
Où des cœurs réunis Vander Mersch est le guide.
Nous ne souffrirons pas qu'un lâche accusateur
Du père des Flamands veuille ternir l'honneur.
« Le Marquis de la Fayette a écrit une lettre au Congrès
pour avoir les griefs contre M. Vander Mersch atin de
- 406 —
pouvoir juger s'il est indigne de porter plus longtemps la
Croix de Saint-Louis avec intimation de ménager l'honneur
d'un si grand guerrier.
« Son procès donc va aussi être instruit en France ;
fussions-nous aussi éclairés que les Français ! il ne serait
point à la citadelle d'Anvers.
« J'apprends en ce moment que les États de West-Flandre
vont se soustraire à l'union en cas que le général ne soit
rendu à la Flandre. Ce qu'il y a de sûr, c'est le refus des
subsides de leur part.
« En attendant le triomphe du plus intrépide comme du
plus juste défenseur de la Patrie, je suis, avec les senti-
ments inviolables de l'amitié
« de Monsieur
« le dévoué serviteur et ami. »
( Signature ratui'ée.)
L'approche des troupes autrichiennes, qui reprirent pos-
session delà Belgique au mois de novembre 1790, mit fin à
la captivité de Vander Merscli. Il se retira à Lille. Peu de
temps après il rentra en Belgique et mourut le 14 sep-
tembre 1792 à sa maison de campagne de Dadizeele, près
de Menin.
Vander Mersch, qui avant la révolution brabançonne
avait été au service de la France pendant la guerre de sept
ans avec le grade de lieutenant-colonel, était décoré de la
croix de Saint-Louis. C'est ce qui explique l'intervention
du général Lafayette dont parle la lettre du 19 avril 1790.
Le général Vander Mersch jouissait d'une grande popu-
larité dans la Flandre et notamment à Gand où, le 25 fé-
vrier 1790, il fit une véritable entrée triomphale. Les
autorités allèrent à sa rencontre à la porte de Bruxelles où
se trouvaient rangés les différents corps de volontaires en
uniformes et en armes, et avec leurs musiques. Ce fut au
bruit du canon de la citadelle et pendant que les cloches
— 407 —
du beffroi et celles de tous les couvents et églises de la
ville sonnaient à toute volée, que Vander Mersch se rendit
à l'hôtel de ville où il fut complimenté par les États de
Flandre. Le cortège, qui le conduisit à travers les rues
pavoisées et ornées de verdure, se composait des volon-
taires que suivait une longue file de carrosses dans les-
quels avaient pris place les autorités et les principaux
personnages de la ville de Gand.
Après sa réception à la maison communale Vander
Mersch, escorté par les volontaires à cheval, se rendit à
l'abbaye de Saint-Pierre oii, ainsi qu'on le faisait pour les
souverains, des appartements lui avaient été réservés.
Le soir une grande fête lui fut offerte par la famille de
Nockere dans son hôtel de la place du Marais ^ On y
récita des pièces de vers et Ton y chanta des couplets de
circonstance.
L'une de ces pièces de vers, imprimée chez P. F. de
Goesin, est intitulée :
« A Monsieur le général Vander Mersch en le décorant
de la Couronne civique au souper chez Monsieur de
Nockere le 25 février 1790. »
Parmi les couplets de circonstance il eu est un qui se
chantait sur l'air de « Marlborough. »
Le lendemain matin le général Vander Mersch, escorté
par les volontaires à cheval, quitta la ville de Gand pour
se rendre à Courtrai et de là à Menin, sa ville natale.
Prosper Claeys.
Les annonces de journaux en 1803 et 1804. — En
parcourant le Journal du Commerce, des Annonces et Avis
du département de t Escaut de 1803 et 1804, nous avons
1 Depuis 1876, local du Cercle catholique.
— 408 —
rencontré plusieurs annonces dont le caractère original
autant que la rédaction fantaisiste avaient attiré notre
attention. Nous en avons choisi quelques-unes qui, à ce
double titre, nous ont paru tout particulièrement mérité
d'être tirées de l'oubli dans lequel elles étaient plongées
depuis près d'un siècle.
Nous allons d'abord en donner une qui nous montre que
les annonces matrimoniales ne sont pas d'invention mo-
derne. Elles servaient déjà en ce temps « à rapprocher
deux êtres appelés à s'aimer et à se compléter mutuelle-
ment, » ainsi que le portent ordinairement les prospectus
des agences modernes, s'occupant spécialement de ce genre
de « rapprochement. »
« 30 novembre 1803.
« Un particulier, âgé de 63 ans, d'une bonne constitution
et dont la moralité ne laissera rien à désirer, étant parfai-
tement connu depuis plus de 40 ans par beaucoup d'hon-
nêtes gens, ayant des fonds pour achever de se faire 13 à
1400 fr. de rente, indépendamment d'un bon mobilier,
désirerait connaître une dame sans enfants, de bonnes
mœurs, d'une caractère doux et qui eut un avoir à peu près
équivalent au sien, à laquelle il offrirait sa main si, après
s'être fréquentés un temps convenable, leur moralité res-
pective leur laissait espérer de couler des jours heureux.
« Ou si elle le préférait de réunir seulement leurs intérêts
pour vivre avec beaucoup plus d'aisance soit en ville ou à
la campagne sans d'antres liens que ceux de l'amitié et de
l'attachement sur lesquels elle pourrait compter de sa part.
« S'adresser par écrit en affranchissant les lettres aux
éditeurs de ce journal. »
On pourrait appeler cette annonce une demande de
mariage ad libitum : union des cœurs ou union des intérêts.
Il est probable que vu l'âge du prétendant on s'en sera
tenu au second genre d'union.
— 409 —
On connaissait déjà flans ce temps cette variété de la
réclame, qui consiste à se rappeler au souvenir du public,
en démentant le bruit (pi^on allait quitter la ville ou cesser
les affaires. En voici un exemple que nous trouvons dans
le numéro du 28 mai 1803 :
«Le sieur Pascal, coiffeur de Paris, apprenant que le
bruit s'est répandu qu'il allait quitter cette ville, a l'hon-
neur de prévenir le public qu'il continuera son art, connu
par la belle tournure qu'il donne à la coupe des cheveux.
La perfection (ju'il met aux perruques à la Titus et au
nouveau genre de Lantinus détruit par leurs agréments,
toutes celles qui ont paru jusqu'à ce jour.
« Il fait particulièrement, dans le dernier goût, tout ce
qui a rapport à la coiffure des dames. L reçoit journelle-
ment, des meilleurs coiffeurs de Paris, les changements
dont cet art est susceptible, ainsi que des faux toupets à
jour et autres qu'il fait tenir sans les coller.
« Il est logé chez la veuve Renard, vis-à-vis la petite
Boucherie, N° 62, à Gand. »
Un marchand d'estampes, de musique, etc., annonce en
ces termes, dans le numéro du 21 novembre 1803, qu'il vient
de s'établir pour quinze jours à Gand :
« AVIS AUX AMATKUES.
« p. Godefroy, marchand d'estampes et de musiques,
principes de dessin et d'écriture, cartes géographiques du
théâtre de la guerre et autres, est déplié au Boeren-Hol,
sur le Contre, pour quinze jours. »
Le Boeren-Hol était le nom donné par les Gantois à
l'hôtellerie de Wapens van Engeland, située à la place
d'Armes à côté de la maison formant le coin de la rue du
— 410 —
Soleil. C'était de là que partaient les diligences se rendant
à Courtrai, Lille, Paris, Bruxelles, Liège, etc.
Au siècle dernier, et jusque dans les premières années
du siècle actuel, existait au hameau de Royghem-lez-Gand
un pensionnat pour jeunes gens. Ce pensionnat, momen-
tanément fermé, fut réouvert en 1803. Le nouveau direc-
teur, qui avait déjà tenu une école à Gand, fit connaître
la réouverture de l'établissement au moyen de l'annonce
suivante, insérée dans le Journal du Commerce du 16 plu-
viôse an XI (5 février 1803) :
« Le nouveau directeur et propriétaire de l'ancien et
renommé pensionnat à Royghem-lez-Gand par la porte de
Bruges, François-Jean Claes, ci-devant instituteur parti-
culier dans la rue de l'Etrille à Gand, a l'honneur d'annoncer
au public que cette maison d'éducation a repris son activité
du premier janvier 1803 (11 nivôse an XI).
« On y enseigne par principe la belle écriture, les
langues flamande et française, l'arithmétique, l'histoire,
la géographie, le style épistolaire et le commerce avec
toutes ses branches, mais principalement la doctrine chré-
tienne et la civilité.
« La situation spacieuse, saine et tranquille, et le local
vaste et aéré à un quart de lieu de la ville, joint au sou-
venir des instructions données par le directeur dans son
ancien domicile, ainsi que les soins, zèle et attention in-
fatigables qu'il destine encore à la perfection de ses élèves,
laissent tout espoir de recommandation favorable.
« Ceux qui veulent y confier des jeunes gens, ou qui
désirent faire d'autres informations sont priés de s'adresser
verbalement ou par lettres affranchies au dit pensionnat. »
Si c'est un modèle de rédaction française que le nouveau
directeur du pensionnat de Royghem a voulu, en publiant
— 411 —
cette annonce, offrir aux parents dont les enfants devaient
lui être confiés, il faut avouer qu'il avait réussi complète-
ment. Au point de vue du style épistolaire, notamment, il
est certain que les lettres écrites par le professeur Claes
n'avaient rien à redouter d'une comparaison avec les
épitres de Madame de Sévigné.
Un négociant a besoin d'une demoiselle de magasin au
courant du commerce d'étoffes et de lingeries. Voici en
quels ternies il annonce au public qu'une place de ce genre
est ouverte dans sa maison :
< 8 Germinal an XII (29 mars 1804).
« On désire une personne de 27 à 32 ans, demoiselle ou
veuve, sans suite, qui ait été élevée dans le commerce de
lingerie ou étoffes, et non dans ceux de bouche, pour entrer
chez un homme seul et s'y occuper des magasins qui exigent
intelligence, vivacité et beaucoup d'assiduité.
« On veut quelqu'un de recommandable car on tiendra
aux plus scrupuleux renseignements.
« On ne communiquera qu'avec la personne même.
« S'adresser au bureau du journal. »
L'expression « sans suite, » employée pour faire com-
prendre discrètement que la personne, demoiselle ou veuve,
ne peut avoir de famille, et cette autre « et non dans ceux
débouche » par laquelle on prévient les postulantes qu'elles
ne peuvent avoir été élevées ni dans la boucherie, ni dans la
charcuterie, ni dans la boulangerie, ni dans l'épicerie, etc.,
ces expressions font le plus grand honneur cà l'imagination
du rédacteur de l'annonce.
L'ouverture des cours de chirurgie, d'anatomie et d'ac-
couchements (]ui se donnaient dans une des salles du
— 412 —
Pakhuis au marché aux Grains , est annoncée dans le
numéro du 28 vendémiaire an XI (20 octobre 1803). Le
cours d'accouchements se donnait par le docteur de Breucq,
d'après ce que nous apprend l'annonce :
« Il explique dans ses leçons la partie théorique et
pratique de cette science , ainsi (jue les maladies des
femmes en couches.
« Chaque cours est terminé par l'exercice sur le fantôme,
afin d'habituer les élèves aux manœuvres qui ont rapport
à cette branche importante. »
C'était donc à l'aide d'un mannequin, designé sous le
nom de fantôme, que le professeur enseignait à ses élèves
« les manœuvres » des accouchements.
Nous pourrions multiplier ces exemples à l'infini. Ceux
que nous venons de transcrire suffisent amplement à
donner une idée de la façon ultra -fantaisiste dont étaient
rédigées les annonces publiées dans les journaux de ce
temps.
Pour finir, voici une annonce, plus récente il est vrai,
mais qui au point de vue de l'originalité ne le cède en rien
à celles de 1803 et de 1801. Nous la trouvons dans le Mes-
sager de Gand et des Pays-Bas^ du 30 septembre 183S :
« Le sieur F. Lerois-Schiellemans a l'honneur d'infor-
mer le public que depuis 4 mois, il a pris en location
Y Estaminet Saint -Jacques, vis-à-vis la bibliothèque en cette
ville; que pendant cet intervalle il a fait peindre, d'après
le goût le plus moderne, la salle de son établissement. Un
billard et un buffet en bois d'acajou y charment la vue, une
glace d'une belle dimension, ainsi qu'une pendule, placée
en face de la cheminée, y produisent un coup d'œil char-
mant.
— 413 —
« Il ose espérer que l'ensemble de son Estaminet-
Café, plaira aux plus difficiles. MM. les amateurs y trou-
veront à toute heure des beefsteak succulents, une bière
exquise, etc. »
Le 2 vendémiaire an XI (24 septembre 1802) parut à
Gand le premier numéro du journal, intitulé : Annonces et
avis divers du département de V Escaut. Le 5 juin 1804
il prit le titre de Journal du commerce., de politique et de
littérature du département de VEscaut, qu'il conserva jus-
qu'au 31 décembre 1814. Le 1" janvier 1815 il parut sous le
titre de Journal de Gand qu'il changea le 10 décembre 1830
en celui de Messager de Oand et le 25 décembre 1836
en Messager de Gand et des Pays-Bas. Le l*"" janvier 1857
il reprit celui de Journal de Gand qu'il conserve encore
aujourd'hui.
Pkosper Claeys.
L'Hôpital de Gand en 1796. — Le régime, auquel on
soumettait autrefois les malades et les blessés admis en
traitement à l'hôpital de la Bijloke, souleva de tous temps
les protestations les plus vives de la part des médecins
attachés à cet établissement. Dans une précédente notice*,
nous avons, notamment, fait connaître les plaintes adres-
sées par ces médecins, en 1757, aux échevins de la Keure.
Ces plaintes et ces protestations, qui se renouvelèrent
souvent, eurent pour effet de faire disparaître momen-
tanément les abus les plus flagrants, sans toutefois donner
satisfaction complète à ceux qui désiraient voir introduire
des réformes sérieuses et durables dans l'administration
i Mélanges historiques et anecdotiques sur la ville de Gand,
Tome I; chapitre XLIX.
— 414 —
de l'hôpital. La pièce, dont nous allons donner quelques
extraits, nous montre ce qu'était encore le régime de la
Bijlohe à la fin du siècle dernier.
Le L5 vendémiaire an VI (6 octobre 1797) fut nommée la
première Commission chargée d'administrer les hospices
civils en vertu de la loi du 16 vendémiaire an V, publiée
par arrêté du directoire du 24 vendémiaire suivant.
Cette Commission, qui tenait ses séances et dont les
bureaux étaient situés au Pakhuis\ marché aux Grains,
se composait comme suit :
B. Coppens, médecin,
J. J. Papejans.
J. Cleramen-Tricot.
Ph. Mertens.
Philippe de Hertogs, secrétaire.
Bernard Loridon, receveur,
A peine installés dans leurs nouvelles fonctions, les mem-
bres de la Commission des hospices reçurent une requête
des médecins de l'hôpital réclamant un changement com-
plet dans l'organisation du service médical de la Bijlohe.
Ce document est intitulé :
« Mémoire des officiers de santé de l'hôpital civil adressé
à la Commission des hospices civils sur la nécessité de
changer l'hôpital actuel et de l'avantage qu'offre à ce sujet
la ci-devant abbaye. »
Nous y lisons entre autres :
« C'est un ancien bâtiment qui a plutôt été construit
pour une église que pour un hôpital. Il ne présente qu'une
salle, les malades y sont couchés pêlemêle, les femmes ne
1 Le Pakhnis, construit en 1719 sur l'emplacement de l'ancienne
prison, a été démoli au mois de février 1897. Voir Pages d'histoire
locale; série 3, chapitre XVII.
— 415 —
sont guères séparées des hommes, les blessés des malades,
et ceux aliectés de maladies aiguës et contagieuses sont
couchés parmi les maladies chroniques et les convales-
cents. »
« Il arrive souvent et nous ne pouvons l'empêcher qu'une
personne accablée d'une légère maladie ne soit couchée à
côté d'un moribond, à côté d'une maladie contagieuse et
qu'il n'absorbe le même germe de destruction. »
« Les lits sont comme autant de bacs dans lesquels l'air
méphitique et contagieux est retenu. Le mélange de toute
espèce de maladies dans une même salle ne peut manquer
d'être le foyer de toutes sortes de contagion. »
« La mauvaise construction du local fait que dans l'hiver,
ayant aucun poêle ni aucun feu, le froid y est insuppor-
table, les médicaments y gèlent et perdent toutes leurs
vertus. »
« Le moindre bruit se fait entendre dans toute la salle,
la sonnette de la porte est suspendue au milieu des malades
et toutes les fois que l'on sonne leur repos est interrompu.
S'il y a un blessé à qui l'on fait une opération, ses cris
pénètrent dans toute la salle et inspirent la consternation
la plus sinistre à tous ceux qui habitent ce lieu. »
« Les latrines sont au nombre de deux seulement pour
un nombre quelquefois de 200 malades. »
« Trois petites chambres de six pieds quarrés sans che-
minées et sans air est tout ce qui environne ce local, et si
par la plus grande puanteur on est obligé d'y mettre un
malade, il y est isolé, mal soigné et quelquefois oublié. »
« Nous nous résumons à dire que le local de l'hôpital
actuel ressemble plus à un caveau funèbre qu'à un azyle de
— 416 —
santé. Nous le répétons, un lieu qui n'offre qu'une salle
non aérée dans laquelle les malades sont renfermés,
couchés pêlemêle, où la contagion se communique de l'un
à l'autre, oii de petites blessures, des maladies légères sont
changées en plaies graves et en maladies mortelles. Un tel
lieu ne peut mériter le nom d'hôpital, l'indigent entre ses
quatre murailles nues recule d'horreur à la vue de cet
azyle. »
Les médecins finissent leur requête en engageant l'admi-
nistration des hospices à convertir en hôpital l'abbaye de
la Bijloke dont la grande salle n'était qu'une dépendance et
qui avait toujours été occupée par l'abbesse, les religieuses
et les sœurs. Voici ce qu'ils en disent :
« L'abbaye présente toutes les commodités d'un hôpital.
Il y a une douzaine de salles très vastes et élevées et par-
faitement bien aérées, propres à séparer toutes les classes
de malades tant d'hommes que de femmes. Les malades
convalescens et blessés y ont des promenades à couvert et
des cours particulières à l'air libre... »
« Enfin les salles et autres accessoires nécessaires à un
hôpital se trouvent si bien distribués dans l'abbbaye que
nous avons lieu de douter que dans un hôpital construit
expressément à cet effet, il y ait plus de commodité et plus
d'utilité. »
Toutes ces réclamations, pas plus que les précédentes
n'eurent aucun effet réellement sérieux. Les mêmes abus,
légèrement mitigés il est vrai, continuèrent de subsister.
Ils ne disparurent qu'en 1869 avec l'ouverture du nouvel
hôpital actuel dont le conseil communal décida en principe
la constri^ction en 1862.
Pkosper Claeys.
— 417
NÉCROLOGIE.
Baeckelmans (François), l'architecte bien connu d'Anvers, est
décédé le 30 janvier 1896, à l'âge de 69 ans. Baeckelmans était pro-
fesseur à l'Institut supérieur des Beaux-Arts d'Anvers, membre de
la Commission royale des monuments; on lui doit la construction
de plusieurs édifices publics.
Leroy (Alphonse), professeur émérite de l'Université de Liège,
décédé en cette ville le 4 mars 1896, à l'âge de 74 ans. Il s'occupa
surtout de littérature walonne, sous le pseudonyme de Alcide Priar.
Wagener (Auguste), né à Ruremonde le 2 juin 1829, mort à Gand
le 14 mai 1896. Docteur en philosophie et lettres de l'Université de
Bonn, en 1850 chargé de cours et en 1858 professeur à l'Université
de Gand, dont il fut administrateur-inspecteur de 1878 à 1895.
Conseiller communal, puis échevin de l'instruction publique (1863-
1877) de la ville de Gand, et membre de la Chambre des représentants
(1882-1886). Comme savant, ses études étaient dirigées vers l'histoire
et la philologie classiques. Parmi ses principaux travaux scienti-
fiques, citons : Essai sur les rapports qui existent entre les apologues
de l'Inde et les apologues de la Grèce (1852) et son Mémoire sur la
symphonie des anciens (1861), etc. Depuis 1871, Wagener faisait partie
de l'Académie royale de Belgique. Il était commandeur de l'ordre
de Léopold, et décoré de plusieurs ordres étrangers.
CooMANS (J.-B.), littérateur, historien, romancier, journaliste,
député au Parlement belge depuis 1848; décédé à Bruxelles le
27 juillet 1896, à l'âge de 83 ans. 11 publia une trentaine de volumes
d'histoire, de philosophie, des romans, des brochures de polémique.
Ses principaux ouvrages furent : Histoire de la Belgique, Bichilde,
27
— 418 —
Baudouin Bras de Fer, Ejnsodes de la Révolution hrahançonne, les
Communes belges; Jeanne Goetgehuer, Jean le victorieux, comédie
historique en trois actes; la Bourse et le Chapeau de Forfunatus,
Etudes sur des questions d'intérêt matériel (1848), Une académie de
fous{cet ouvrage a eu un énorme succès); le Portefeuille d'un flâneur;
le Duel, etc.
De Gock (Pierre-Xavier), paysagiste, animalier bien connu, est
mort à Deurle le 11 août, à l'âge de 78 ans. 11 était né à Gand et avait
longtemps travaillé à Paris, où en 1867 il fut médaillé pour ses Vaches
enj^rairie et ses Vaches à l'abreuvoir.
Lagye (Victor), peintre, né à Gand et établi à Anvers oii il est mort
à l'âge de 72 ans. Il était professeur à l'Institut supérieur des Beaux-
Arts à Anvers, et recteur de cette institution ; son dernier travail
important est la décoration de la salle des mariages à l'Hôtel de ville
d'Anvers. Elève d'Henri Leys, il excellait dans la reproduction des
scènes d'intérieur.
Verras (Jean), peintre, décédé le 30 octobre à Schaerbeek, dans sa
63™® année. 11 était né à Termonde. Citons parmi ses principales
oeuvres : Maître peintre, au musée de Gand; Revue des écoles de
Bruxelles, au musée de Bruxelles; la Plage d'Heyst, l'Estacade, les
Martyrs de la plage, etc.
Henrabd (Paul), lieutenant-général, membre de l'Académie royale
de Belgique, mort le 14 novembre à l'âge de 70 ans. 11 laisse des
travaux historiques de valeur, insérés spécialement dans les Annales
de l'Académie d'Archéologie, et de l'Académie royale, hwy Jules César,
Charles-le-Té méraire , la Maison Plantin, le Siège d'Ostende, les
Guerres du XVIP siècle, Henri IV et la Princesse de Condé.
Leighton (Lord), le célèbre peintre anglais, plus connu sous le
nom de sir Frederick Leighton, décédé le 27 janvier 1896, à sa rési-
dence de Holland-Park-Road, Kensington, à l'âge de 66 ans.
Lord Leighton était président de la Royal Academy.
De Backer (Louis), né à Saint-Omer le 16 avril 1814 est mort à
Paris, le 4 février ; c'était un érudit distingué, et professa pendant
quelques années sous l'Empire à la salle Gerson dépendante de la
faculté des lettres. Ses travaux historiques sont nombreux.
— 419 —
Thomas (Ambroise), célèbre compositeur de musique, né a Metz en
1811, décédé à Paris le 5 février 1896. En 1871 il remplaça Auber,
comme directeur du Conservatoire de Paris, poste qu'il occupa pen-
dant vingt-cinq ans. Citons parmi ses plus belles œuvres : le
Caïd (1849), Mignon (1866), HanUet 1868). Avec Ambroise Thomas
disparaît la vieille école de musique française. Ses obsèques
ont été célébrées aux frais de l'Etat.
WiNKELMANN (Edouard), un des historiens les plus connus de l'Alle-
magne, décédé à Heidelberg, le 15 février 1896. Après avoir enseigné
à Riga et à Berne, il fut nommé en 1873, professeur à la grande
Université badoise et y occupa jusqu'à sa mort la chaire d'histoire
du moyen-âge. On lui doit un Mémoire sur l'Histoire de l'Empereur
Frédéric II (le dernier des Hohenstaufen) et le tome P"" de l'Histoire
définitive de Frédéric II et de son temps.
HoussAYE (Arsène), de son vrai nom Housset, né à Bruyères dans
l'Aisne en 1815, décédé à Paris le 26 février. Outre ses romans, il
laisse des travaux plus sérieux comme critique d'art et historien
artistique.
Say (Léon), membre de l'académie française, économiste, né le
6 luin 1826, décédé le 22 avril 1896. Ses principaux ouvrages sont :
Les finances de la France, Le socialisme d'Etat, Les solutions démo-
cratiques de la question des impôts et un Dictionnaire des Finances.
Simon (Jules), académicien, économiste et homme d'Etat français,
décédé le 8 juin 1896. Il était né à Lorient le 27 décembre 1814. Il se
nommait de son véritable nom Jules-François-Simon Suisse; mais,
dès son enfance, il avait porté comme nom de famille le prénom de
son père.
Son activité dans la presse a été considérable. Comme économiste
et comme philosophe, son œuvre est également des plus vastes et
l'énumération des livres qu'il a publiés prendrait une colonne entière
de journal.
CouRAJOD (Louis), conservateur des Musées de sculpture du
Louvre, est mort à Paris. Il était professeur d'histoire de la sculpture
à l'École du Louvre et membre de la Commission des monuments.
Ses travaux sur l'archéologie sont fort nombreux et très appréciée.
— 420 —
MiLLAis (John), peintre anglais, décédé à Londres le 16 août 1896;
âgé de 67 ans. Depuis la mort récente de Leighton il était président
de la Royal Academy. Sa célébrité date de la formation par lui, avec
Rosetti et Madox Brown, du célèbre groupe des Préraphaélites qui
en 1850, régénéra la peinture anglaise et organisa le mouvement
réaliste prêché par Ruskin et si dénaturé depuis.
Challemel-Lacour (Paul), académicien, sénateur, né à Avranches,
le 19 mai 1827 est mort à Paris le 26 octobre. Il s'est acquis par ses
écrits une réputation de philosophe et d'écrivain de talent. Il fut
attaché au Temps, collaborateur de la Bévue des Deux Mondes, de la
Revue moderne, de la Revue Germanique, etc.
d'Hulst (Mgr Maurice Lesage d'Hauteroche), député du Finistère,
recteur de l'Université catholique de Paris, né en cette ville en 1841,
décédé le 8 novembre 1896. Mgr d'Hulst a publié plusieurs ouvrages
parmi lesquels on remarque surtout Les Conférences de Notre-Dame,
Renan, L'Abbé de Broglie, en outre de nombreux articles dans Le
Correspondant et dans La Revue du Clergé français.
Du Bois (Reymond), physiologiste, décédé à Berlin le 27 dé-
cembre 1896. Du Bois a figuré avec T. Mommsen au premier rang des
savants allemands. Il laisse un grand nombre d'écrits parmi lesquels
nous citerons : Voltaire et la science de la nature, Sur V Enseignement
des Universités, Les Idées de Leibnitz et les Sciences naturelles
modernes. Les Limites de la connaissance de la Nature, Civilisation
et Science de la nature, etc., deux séries de Discours sur la littéra-
ture, la philosophie, l'histoire, la biographie et la science.
— 421 —
TABLE DES MATIÈRES,
ANNEE 1896.
NOTICES ET DISSERTATIONS.
Analectes belgiques. — XI. Jean Van Doesborgh, imprimeur
anversois du commencement du XVI® siècle. — Par Paul
Bebgmans 1
L'abbaye d'Eename. — Par D 18
Les artistes du Wurtemberg, leur vie et leurs œuvres. — Par L. 39
Renée de France, duchesse de Ferrare. — Par J. Proost ... 48
Manuscrits flamands en Espagne 85
L'inventaire des meubles délaissés, lors de son entrée en reli-
gion, par Antoine d'Arenberg, comte de Seneghem. — Par
B°" François Béthune 102
Les imprimeurs belges à l'étranger. — Par Paul Bergmans . . 161
La Princesse de Condé aux Pays-Bas. Son séjour à Gand. 1653.
— Par Prosper Claeys 235
Un fils de Ryhove. — Par A. K. R 260
Fr. Van den Ende, un Belge. — Par L 274
Un peintre belge de la fin du dix-huitième siècle, Antoine Cle-
venbergh, de Louvain. — Par Edward Van Even 278
— 422 —
Au sujet d'un « Dictionnaire iiamen-fi-ancois » du XVP siècle et
de quelques dictionnaires français-flamands du même auteur.
— Par Ad. D 304
Iconographie Norbertine. — 111. Séries de gravures représentant
la vie de saint Norbert. — Par Van Spilbeeck 313
VARIETES.
Démêlés entre le Gouvernement et la Collace de Gand. — Par
Prospeb Claeys 59
Sousci'iptions militaires pour la construction de l'église des
Jésuites à Gand. — Par Prosper Claeys 62
Relation d'un voyage à Gand en 1799. — Par Prosper Claeys 65
Deux autographes. — Par Emile V 71
La reddition d'Anvers (1832) 73
Le Gras de Bercagny. — Par D 75
Mémoire de Hovinnes sur le Gouvernement du Pays-Bas. —
ParD 76
Au sujet d'une chaire à prêcher de Poperinghe. — Par D. . . 78
Noms estropiés. — Par D 79
Maître G., peintre tournaisien au XlIP siècle. — Par L. St. . 80
Frais de l'installation de Joseph II en qualité de comte de
Flandre. — Par Prosper Claeys 110
Conflits relatifs aux enterrements. — Par Prosper Claeys . . 115
La Fête du 1" vendémiaire. — La Déesse de la Liberté. — Par
Prosper Claeys Hg
Quelques pièces relatives à l'époque de Joseph II. — Par Ém. V. 122
Première lithographie à Gand. — Par D I35
Bourse des pauvres à Bruges au XV1« siècle. — Par D. , . . 137
Encore la correspondance de Napoléon I". — Par D 139
Hugo Grotius. — Par D 141
Une bibliothèque américaine. — Par Paul Bergmans .... 142
Pièce de vers en l'honneur du général Vander Mersch. — Par
Prosper Claeys 4O4
Les annonces de journaux en 1803 et 1804. — Par Prosper
Claeys 407
L'Hôpital de Gand en 1796. — Par Prosper Claeys 413
— 423 —
CHRONIQUE.
La peinture à Chantilly. Ecoles étrangèi'es. — Pai- D 81
Au sujet de la mort de Bayle. — Par D. . . 81
La peinture en Europe. — La Belgique. — Par D 82
Musées 83
Académie royale de Belgique. — Classe des Lettres 83
Divers 83,152
Congrès d'archéologie 146
Bibliographie historique 148
Memling 148
Découvertes archéologiques 149
NECROLOGIE.
Baeckelmans (François) 417
Leroy (Alphonse) 417
Wagener (Auguste) ; 417
Coomans (J.-B.) 417
De Cock (Pierre-Xavier) 418
Lagye (Victor) 418
Verhas (Jean) 418
Henrard (Paul) 418
Leighton (Lord) 418
De Backer (Louis) 418
Thomas (Ambroise) 419
Winckelmann (Edouard) 419
Houssaye (Arsène) 419
Say (Léon) 419
Simon (Jules) 419
Courajod (Louis) 419
Millais (John) 420
Challemel-Lacour (Paul) 420
d'Hulst (Mgr Maurice Lesage d'Hauteroche) 420
Du Bois (Reymond) 420
— 424 —
Flanelles.
Carte des établissements des imprimeurs belges à l'étranger . 161
Table des matières du Messager des Sciences historiques de
Belgique pour les années 1875 à 1894. — Par J. Proost 121 à 200
GETTY CENTER LINRARY
3 3125 00676 6063