Google
This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's bocks discoverablc online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover.
Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the
publisher to a library and finally to you.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying.
We also ask that you:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web
at |http: //books. google .com/l
3^:
/
. < '/
C
ê I
/
\
MES SOUVENIRS
DE VINGT ANS DE SÉJOUR A BERLIN ;
o V
FRÉDÉRIC LE GRAND,
sa famille, sa cour, son gou ve rne mkkt,»
son académie, ses écoles, et ses amtt
littérateurs et philosophes; ,
Par DIEUDONNÉ THIÉBAULT.
De FAcadéinie Rojuile de Berlin y de la Société libre des Scie^^it
et Arts de Paris ^ etc.
« Far lonhflur an par malheur , ymffwtiitU^
tout entier à l'Histoire, w
(liS rB.xxcs HaMai na Fii«Mi.>
SECONDE EDITION,
KXriTB BT CORRIoix.
TOME PREMIEjR.
FRÉDÉRIC LE GRAND.
A PARIS,
Chez F, Buisson, Libraire, rue Haatefcuille, a^, ao*
AK XIII. (i8o5.j
f
I
9^
/
A MA FILLE,
E T.
A MON FILS.
l^ARMi tom les Ouvrages que pro^
dult la Littérature y les Souvenirs sein^
tient être y en général^ ceux quun Père
peut le plus TiatureUement dédiera ses
M^ifans. En effet y lesErifans sont tou-^
jours personnellement intéressés y et
comme présens , aux Souvenirs ^un
Père. Mais indépendamment de cette
considérationjbndamèntale et de tous
les sentimens qui cimentent les liens
si touckans de^ Familles y plusieun
viotifs particuliers rri engagent à vous
adresser publiquement ce Recueil.
Parmi les Faits qu^il contient ^ com-^
bien nj en a-t-ilpas qui vous ont été
connus dans le temps oie ils se sont
passés y et pour lesquels vous êtes au-
jourd'hui mes premiers garans y et
quelquefois les seuls témoins qui me
restent ? D'ailleurs y vous savez que si
je me suis déterminé à les recueillir
et à les publier., je ne Vai Jait que
parce que mes Amis et vous-mêmes
rnen avez vU^ement sollicité y et que
f ai espéré que le Public pourroit eu
retirer quelque agrément et quelque
profit. C'est bien en vain que nous
travaillons, disoit V Orateur romain y
si ce que nous faisons n'est pas utile.
Vous saçez encore que cette maxime y
qui ma trop frappé dès ma jeunesse ^
~ -1 - • f — ...
pour ne métré pas devenue très-fami^
Itère y a y plus qu^ aucune autre y coh'-
tribué à éclairer , diriger et animer
pîô^' aèh dans taccvrftplissem&ht dé
I > • ■ T
tous me^ devoirs. Puissiez-^vous ^ mçs
EnfahSy'vous pénétrer toujours piiis'^
■ : \-.* "» •• I
en relis(int cet Ouvrage y de Vimpqi-^
tante vérité quelle renferme f Puis^
siojiS'Tious tous lejs trois ne la peni^
• » ... .
jaihuis' de mie i Et^e utile est le i^r^i
moyen d^étre haure^ux^ Cest au maùèSy
dans les malheurs de la vie y la plus
honorable et la plus douce consolation
que Von puisse éprouver.
Recevez les tendres ernbrassemens
de votre Père y
DIEUDONNÉ THIÉBAULT.
LES PRINCIPAUX OUVRAGES
Du même auteur, sont:
I
Ttitê A^eax du duc de Bourgogne et de l'abM d^,
Fénéloiiy son précepteur, ou Dialogues sur les Gou^
yememens • i yoL in^S9,
Traité de l'Esprit Public i yol.^ i»-8<».
De TEnseignement dans les Ecoles Cen-
trales ' 1 yol. m-8^
Principes de Lecture et de Prononcia-
tion ^ chez G^ntfte^ libraire, à Paris, l vol. m-8%
Traité du Style, ches CourcUr^ libraire,
^ai des Augustins, à Paris a yol. û»-8^i
Oranunaire Philosophique , ches le
même libraire • • . • • a yoL m^V^
PREFACE.
P R É F A G Ë.
■«irtMMfB
On a dit miilè fois ([|iî'[i iiy à pbîrft
ûe Grands -Hommes poux les valets^-
de-chambrew Pour ^qtie cet âdàge pvlt
être vrai >. il faudrbit 'suppbsëp que si
.ron a des défauts^ loA ne peut j^iits
être un Grand - Hotona^j mais cëttfe
.supposition- Été seroit-inelle pas une àb-
■«urdité ^ et ne vaudroit-il pas mieux
.dire > en ce cas y et saria aucune ex>
ception /qu'il rie peut jamais y avoir
de Grands ^ Hommes ?> Je li'âdmets
donc point cet adage tabt î^ëpëté, et
je ne balance pas au cbnttâire à sou^-
tenir que 3 pour bien connoîlre les
Grands - Hommes ^ ainsi que tbus leS
iïomnses^ en général, il faut les voir
d'aussi près et ôUssi habituellement qtiè
ieurs valfets^de- chanibre ont coutume
* «
de les irbir j ce qui signifie. que, quanâ,
îj ^ a R î A c fi.
ils sont morts, il faut les étudi», not»
dans l'Histoire seulement, mais sur-tout
dans les Ouvrages à anecdotes et à
détails* En. effet, l^Histoire nouis pré-
sente les àctiôïis plutôt que les atteurs ,
et les rôles plutôt que les personnages^
nous n'y voyons les. hommes que sur
là scène. Là , tout est apprêt et art>
c'est-à-dire^ qiie le plus souvent tout
est faux ; non - seulement lies hommes
se déguisent plus ou moins dans leuM
actions; publiques; mais , de plus , l'His*-
torien qui recueille ces sortes d'actions^
les &lsifîe encore pour les rendre om
plus nobles, ou plus extraordinaires;
ou du moins il les altère par le ton
qu'il donne à son style , et qu'il regarde
comme essentiel au genre de récits qu'il
fidopte» ^
Je ne dis pas. que celui qui a bien
lu l'Histoire ne connoisse pas mieux les
lipmmes qu'on y fait agir et parler ,
que celui qui n'a point fait la mêm«
ï il i t À e fi. ' n]
ïecture. Je dis qu'il n'en à qu'une
<x)anûissance imparfaite et incertaine ,.
à moins quil n'ait acquis ^ à leùi"
iégard> des lumières Nouvelles par d'au*
1res moyens. Celui qui a bien vu jouer >
les Clairon. > les Duménil, lès Brisard)
et les Le Kain^ né peut lés juger qué>
tomme «icteurs^ s'il na pas vécu avec
eux y ou su d'ailleurs les détailis dé
leur vie privée. Cicétôn atiroit eu grand
tort dé nous vanter les mœui's de
Rôsciu5> s'il n'en a voit coniiu ique lea
tâlens\
On ne icônclura pas sans doute de
te qui précède ^ que j'aie le dessein
de déprécier l'Hîstaire; jen suife bien
t'ioigné. L^Hîstoire est lé vrai tableau
du mondé ) elle nous retrace . les évè^
faemens impoi^tans ; elle en forme là
série 3 et les rapproche également de
leurs Causes et de leurs eiFets : que
peut-^il y avoir de plus instructif, sur^
tout pour lès hommes appelés à dei
y 1p R lé ï A t ï.
fonctions publkjiies ? Y a-^t-a pour
«ux une école plus utile et plus néces-
saire ? Mais s'il est certain que rien
ne contribue autant que l'étude réflé-
chie de THistoire, à inspirer la sagesse
et la prudence aux hommes publics,
€t même à tous les hommes considé-
rés dans l'état de société ^ il n'est pas
moins évident que ce n'est ^as là que
Ton peut puiser la véritable corinois-
aance des hommes pris individuelle-
Hient» Cette dernière connoissance ne.
résulte ni du rôle que l'on joue, ni
dû costome que Ton prend , ni du
théâtrte ^ur lequel on est placé '^ ni
de tous les apprêts dont oâ s'oùcupè
avec autant de Soin que de mystère y
ni des eiForts que les circonstances com-
mandent; toutes choses dans lesquelles
néaùmoins l'Histoire se concehtre. La
connoissance des hommes ne jse* re-
trouve que hors de ^ scène et deri'ière
ks coulisses; pour 1 acquérir, il faut
]^ R é- r A c R V
Sttîvre le» homme» dans llntérieur d&
t
ïeurs familles^ dans les détails de leur-
vie privée , et dans toutes leurs liaîsons^
particulières^ Ce n'est que là que la?
vérité , en ce qui les concerne ,, peut
s'bfirir à nous : par-tout ailleurs toilt.
est masque* ; ce n'est que M que vous,
pourrez^ apercevoir les visages^
Il me seroit facile, s'iï en étot t be-
soin, de fustîfier^ par l'Histoire mêmé^
Fopini<Mi ,que je viens d'émettre ; je-
naurois pour cela, qu^à observer» que-
tous les hommes célèbres, sur lesquels^
nous nWons à consulter que dte grandes,
et véritables Histoires ^, ne nous sont:
jamais suffisamment connus; Qui pour^
roit nous peihdre avec précision , eOt
détail , et d^une manière bien certaine^
"les hommes même Ites plus renommer
dte l'îintiquité et des temps modernes ?'
' Je ne parle pas de Ifeurs- traits phy-^
piques; il' ne s^àgit icf que de leurs;
' earaclères personneisv de leurs humettr&
v| B B. é P A C E»
.ordînaîres , de leurs passions secrettes^
xie leurs foiblesses en un mot, ou de
leurs vertus privées. Ce spnt - là des
portraits dont THistoire ne hasarde tout
au plus que Tesquisse ou le croquis^
Coni,bieja de choses obscures , dou-
teuses y incroyables > ne rencontrons^
nous pas dans 1^ vie d*une infinité de
Grands -^ Hommjes , et qui disparoî-^
troient ou s'éclaircipoient sans peine
à nos yeux, si nous avions les. portraits
, de ces personnages si intéçessans ? Re-^
montez , si voua le voulez,^ jusqu'aux;
. Sémiramis , aux Cy rus , aux Darius ,
et essayez d'en bien développer l'ame
^et l'esprit \ Expliquez - moi combien
les Marins et les Sy lia ont réuni tant
d'élévation^ tant d'atrocités : jetez suc-,
cessivement les ytîux sur \e^ I)émos-
thène ^ les Socrate ^ sur» tant de rois
de Sparte , sur les Brutus , les César ^
. et une infinité d'autres Grecs . et Ro-
/pjuains; calculez çoAibien de questioQst
©tnfearrassaates i'àurois, k vous. foiFC sur
les detaib cie leur vie , et vayeç. si
vous paumez, jamais y répondre^ Et si
tous parccHirez! de m^roç toijts les âges^
des natipns moderaes y n'aurez - vousk
pas toujours et par - tput les mêmea
observations à faire ? B est peu de^
Grands-Hommes dont 1/ivie^fesmfOeursii
et le caractère n'offrent au lecteur at--
téntif ^ une fouje dç contradictions.
jfâc]:keuaes ; et c'est k Finsuffisaace de^
». ♦
l'Histoire q^ufil faut attribuer les nuages^
ifui les enveloppent ^ les cachent k nos^
^eux y, et n,aus réduisent pour eux à^
des actes de foi moutcHMiiè?e*. Elle- ne-
BOUC Jes fait çonnoître ^u'â demi ;. ellq-
ne nous eçi donpe point, les véritables;
portraits,. Remarefuez qu'il n'ejst poiflt
de siècle que nous connoîssions imssi
bien que le sièclp de Louis ]Ç!t V ^, parce-
g^ii'il n^en eat point sur lesquels noué
ayions autant de MémoiFCs ,^ et des
Mém^oires aussi détaillées.. Qn' pouEKoit
.. ->/
aire, à cet égard, que les Mémoire»,
du comte d*Estrade ' 'de M. àe Saint-
Simon-, du cardinal de Retz', de ma-i
demoiselle de Montpertsier , eto- , et
inême les Lettres de mâdahie de Sé-
vi gnéj en un mot, tous lés OuVragesr
qui nous fournissent des anecdotes et
des' détails sur ces temps-là, sont ks;
Histoires les "plus précieuses de la France
à cette même époque. Tous çi^^tnii^ qui*
ont lu attentivémbût ces divers Ou-.
Vrages , eonnolssent ce qui s est fait
alors, aussi bi'en ^t peut-être taiîeux
que ce qui se faft autour d'éu^. Ils
soht à côrté de Louis 'XIV, et de tous
feeux^ cjuî rônt' Servi , ou qui se sotit
fait remarqtieç sous son règne. Ils voient
totis les personnages ; ils les suivent par^
tout, les observent, ïe$ çtf tendent, lest
Jugenf,, ou les devinent. Rien ne leur
ifcHkppe 5 rîenj ne leur en împQse y riea
ne les égare;
» ' *-' • •
On le voit", Çtç*est la première y^-»
f R i V A CE; XK
tltê que je me sois proposé d^établir
dans cette Préface ; ce n'est et ce ne
sera jamais que par les Mémoires ou
par les Ecrits qui peuvent en tenir
lieu , que nous parviendrons à bîea
eonn oître les Tiommes avec lesquels nous
ne vivons pas. Mais est ^ il possible de
nous faire ainsi eonnoître tous ceux
•dont THistoire peut avoir à nous entre-*
i:enir? Nous est^il même utile qu'on
€^en occupe? Cette question est-ce mé
semble, fàieile à résoudre : des Ménioireà
"et de sî grands détaîk fetir ' des homme»
"qiii n'^bnt pas les titres nécessaires pont
nou5 inspirot un véritable intérêt ,
formeroîent bientôt une collection im-^
*mense et en quelque sorte inabordable.
Et quel avantage nous re vîendroit - il
'de les avoir lus ? Quel besoin avons-
nous de coilnbître ainsi des hommes
absoiument îndîfférens ? Il y a danfe
'tordre social', dés classes infiniment
TRfetûbi-euses qu'9: bous stiflSt àb pou-
/
X ÏRfeïAClR.
Toîr Jugep en gros , et par ua petit nom*^
ï)re de trails généraux. Il faut donc quQ^
les Ecrivains et les Lecteurs sachent fairç^
un choix,. Or, ce choix est facile à déter*^
lïiîneFj nous^ ne devons offrir aux autres,,
wous ne devons rechercher pour nous*^
mêmes , d'autreconnoissance détaillée et
bien développée^que celle des hommpç
qui ont eu de grandes qualités en eux^
mêmes ou des traits originaux , singuliers,
et instructifs ou curieux j ou, bien enfin,,
qui ont exercé une grande influence
dans la splkère où ils ont fi^guré ; c'est-
à-dire, que nous ne devons priser et re-
cueillir que les anecdotes qui concernent
les Grands-Hommes , les hommes remar^^
quables y ou les hommes célèbres : Içs
hommes essentiellement grands par les
qualités sublimes qui les étevoieat au
dessus de la foule ; les hojmmes peu.
ordinaires qui sont remarquables par
des qualités ou par des circonstances,
rares ipt piquantes; les hommes célè*-
Tn i V- A c «•.
Jbres par le bien ou le mal qu'ils ont
produit ; voilà ceux qui ont droit de
pous intéresser ^ et qu'il nous importe
de connoîbre; ce sont les seuls dont les
portraits méintent d'entrer dans la ga-
lerie que nous nous composerons, parce
que ce sont là les seuls dont Vétudç et
la connoissance puissent exciter notre
ciu-iosité^ ou nous devenir profitables»
Pour tous les autres^ laissons-les igao-^
xés et perdus dans le torrent qui les
Si emportés , et au dessus duquel ils
p.^ont jamais si» s^élever.
D'ailleurs, il y en aura toujours assez
f^e ces derniers, qui viendront néces-
gaîrement se placer autour des Grand§-
Jlommes que nous aurons à étudier. Cair
il est ijpaportant d'observer ici que Iç
porti-ait de Vhomme le plus intéressant
seroit tronquée, froid ou muet, et en
quelque sorte insignifiant, s'il étoit vé^
ritablement isolé j. et ne devons-nous
pas convenir que ce ne seroit présenter
il} f K t T A C E.
iin Grand - Homme qu*en profil et à
demî^ que de se borner aux anecdotes
qui lui sont absolument personnelles ? ^
Seroit-H assea connu , si on ne voyoit
pas quék sont ceux dont il s^est entouré ,
quels sont ceux qui ont eu part à sa
confiance, à ses faveurs, ou qui ont eit
à souffrir de ses erreurs ou de ses in-
justices; si on ne voyoît pas également
comment il a traité ceux qui l'ont seryî
et ceux dont il a eu à se venger ? Il ne
s'agît pas ici d'examiner si ceux que Fon?
placera dans ces cercles d entourage y,
méritent ou non cette préférence* par
eux-mêmes; ce n^est pàs^ pour eux, qu'ils
y figurent, c'est pour mieux faire res-
sortir le principal personnage» Il fkufc
donc avouer que te principe établi ci--
dessus contre les homnies; ordinaires et
peu remarquables , ne doit être prîs>
dans toute sa rigueur qu'iautant que ce^
seroiten quelque sorte pour leur propre'
compte, -que Ton iràpporteroit les ane(>-
♦ .• *
J
ï B. i ï À C E. xii.
dotes qui leur, appartieniïent ; et que
Toa doit se permettre toujours: plus de
licence à cetiégard, à mesure que le$
personnages subalternes dont on parle,
ont tenu de plus près aux autrçs hom-
mes que l'on veut principalement, faire
connoître ^ et sont plus propres à eu
faire apprécier les bonnes oii mauvaises
qualités* ;
Les considérations que je viens de
mettre souis les yeux des Lecteurs ,
m'ont singulièrement frappé dans tous
les temps; plus je les ai méditées, plus
celles m'ont paru vraies- Ge qui en est
résultîé , par rapport à' nioi ^ c'est qîie
j'ai dû regarder les Mémoires comme
très-intéressanç i très^instx^lictifs et très*
nécessaires, . lorsqu'ils ont les Grandsr
Hommes pour objet En partant de ce
point comme d'un principe indubita-
ble , j'ai vivement désiré, que nous
•euasious à léguer à la postérité, des
Mémoires particuliers et très-détailléa
sir .» H 3Ê t i 6 «^
10U vraiment complets sur Frédéric lô
<îrand; jai vu avec peine que per*
sonne ne s en occupoit ; et , à défaut dé
tout autre ^ j'ai osé m'en occuper moi*
même ^ il y a plus de vingt - cinq ans*
Depuis cette époque , cette idée ne m'a
Jamais abandonné ; elle m'a poursuivi
par-tout; d'autant plus qu'après la mort
du marquis d'Argeris y et de tant d'au*
très hommes de mérite qui avoient été
si biëh placés pour être instruits des
moindres détails > il ne restoit peut-être
que moi de qui l'on put attendre quel*
îqae* dédommagement de leur silence^
Oest ainsi que j'ai rédigé l'Ouvrage
tjue je publie aujourd'hui^
La première loi que je me suis pro*
posée y celle dont il ne m'est jamais
venu en pensée de m'écarter en quel-
<|ue point que ce soit^ a toujours été
d'être vrai. Je déclare solennellement
que je ne me suis petmis aucun mot
qui ne fui tel à mes yeux»
tljuclques Lecteurs m'objectefoiènt-*-
ils à ce sujet les discours directs que je
Fais teoir à la plupart des pet-sonnes
que je mets en scène ^ telles que Fré-
déric , Marie - Thérèse , etc. ? Si Vota
^toit tenté de me faire une semblable
objection^ je diroîs que jamais les bons
esprits n ont taxé d'infidélité les plus
célèbres Historiens grecs ou romains,
ûont je suis ici l'exemple. Lorsque \
dans la guerre de CatUina , Salluste fait
parler ce chef de conjuration , ou Céwsar^
son protecteur ; lorsque Tite-Live fait
faire par Mutius-Scévola une réponse
si sublime àPorsenna, sont-ils infidè-
les ? Non, sans doute ; ils ne éont qu0
vrais , puisqu'ils ne sont que traduc-
teurs. Ils traduisent dans un langage ,
qui est le leur , l'ame , les pensées et les
sentimens de ceux qu'ils font parler :
ils ne seroient repréhensibles qu'autant
qu'ils leur. Êeroient dire et penser des
«ho^s contraires ou étrangères à ce que
»v) pJEl. i F A G *.
ces personnages ont naturellemeût dù
penser et dîi^e. Je pourrais me borner
à cette preiùière observation, et mé
regarder coôime justifié par ces ^xem-*
pies si justement respectés; mais ^ non-»
«eùlem^nt je n'attribue à mes interlo-*
cuteurs', que le fond dés pensées que
je sais avoir été les leurs', je suis assuré ^
de plus que je ne présente ces pehsées
jque dans le mode et la' tournuire qui
leur ont été propres* Je vais plus^ loin;
car je ne ^eur attribue pas Une pliirasô
iitiârqpatitej qu'ils n'aient dite tqlle que
je. la repportie,; cfest de quoi je suii
absolument certain par la forte ini-<
pression que tes: mots essentiels à con4
server o^t faite sur moi, et pax lie soinr
que j'ai mis à les retenir^ lorsque/c'esC
à mçi qu'ils ont; é^té adressés, ou qu'on
me les^a: rapportés ensuite* Si onâv-oit
;écrit ces, mots Sfous.la ditîtée de leurâ
Auteurs, je réponds qu'on les trouve*
jroit tels q^i^ je, les rapporte. Xai très*»
particulièrement
r:il.ÊP AGIT/ Xvi)
particulièrement "jétudié toutes les for-
mes qui îétmèrtt dévetfûeà^ familières où
qui étoiënt nalurellés à Frédéric. Et
quelle attentîoii île dônnois - je pas à
tout ce qu'il me dîsoit, moi qui étois
si :viv6nient: frappé de riiii|>ortance de
ne lui Faire que des réjpônisès convena-
btes! J'ai recueilli avec les mê rates soins
tout ee que ce moiiarq;ue à dit à d'au-*
très. Vixigt personBfés* m'ont raconté,
par exemple^ la scène qui s dst passée
entre lui et*Vdltaîre>y"aû sujet dii doc-^
téur Akakia*, «t toutes me Yont pré-
leiitée de même. Quant àlix dialogictes
entre Marie-Thérèse et lë Savoyard qui
h. seryoit, c'est Trenck'laî-td«nè qui
m'en a instruit, â Paris, en 1789; et je
v^ài pas manqué de le^ bîeii interroger
sur des détails aussi! intéressans. Ce pau*
vre baron me regar doit presque comme
un de ses compatriotes; ilsavoît quel
accueil j'a^ois* rfcçu^ de la pëi'sonne qui
lui avoit été '4a |^Las chère; et moî^ coœ-
I. b
<
I
ijien nVtoi*:/)©' pa» PWpreseé de refiteiv*
dre sur' tous^iles., point». de son histoijne.-
. que je p avoi» pu apprei|<|re d'ailleurs I
I| me pad^i donc avec confîaiice^ et je
récoutai ayec <^t intérêt qui fait qu'eue
si;ite bu ^ QH)}lie -pftç œ qu.oa a en-
tendu. Je n titrerai pas dans de plua
amples détails^ pour prouver ma sorti'*
puleuse exactitude dans tout mou Ouv
vrage« Les faits que je viens de^iter.^
suffisent pour Fétablir, îvu.que >'ai été
partout et toujours le même*. .
^ J$ ne disconviens pas qae je n'aie
une franche et graii^. admiration j^uv
!^rédérîc ^ et jpeut*^ ea étte atitrèment ït
', *
îïon - septemçAt il i^'a honoré de setf
]^ntés .]gei)d«|nt vingt ans ^ mais j^ai im
pendant yifigt: ans combien il étoitt
admirable. sous ua tpès-gratid nombvtt
de rapports y et {principalement souj^
les rapports, les plus esséntids. Je no
dirai pas néanmoûis^ qu^il ëtoit san»
dé&uts : et que Vga xpe: cite tin hovomtL
JP p. É r 4 Ç ?• 2ci3C
.d6 auî on puisse le dire ! Frédéric ayoit
des défauts 5 il en .ayçit plusieurs 5 il
en avoit quelques - uns de gravée, si
même tous ne le sont pas chez les Rois.
' ' ' * %
JEJfi^ llien, si Ton ne vei;t pfis.reçpn-'
noître que je ne suis que juste envers
lui, malgré l'hommage qi|ie jç me plais
i rei;idre à sa mémoire^ que Von, me
cite un seul défaut qu'il ait eu , çt dont
je veuille le disculper dans mfis Souve-
nirs. Ses 'epnemis lui ep ont souvent
reproché , que la ;marveillance au le
bayardfige ont répétés ^et répandus ^
ma^ qui ii'ont jamais. été fondés ou
prouvés. Jie nie les ijins avec franchise ^
€t jç. discute les ai^tres de bonne foi ,
jArcç que ne vouloiï* pallier aucim. de
j$es défauts ^ ce Ji^est pas les grossir mal k
propos^ et acçuîTiulèr ^injustemept ceux
** ^ ' * - ' * Il
^v'il n a pi^s eus, ;sur ceux qu'on peut
lui rep^p^her. .^
Je fais .coivnoître lés défauts aussi
Kea que les sraa^^s^ quialités de mon
• ■
b SL
XX F a ]S 7 A G s.
liéros, parce qu'on peut retirer aùtatit
de profit de la eonnôîssahce de ceux-là',
que de la conaoîssancé de celles*cî. Diraî-
f-on que de cette sorte je rabaisse Frér
déric? Je citerai pour réponse, le moi
d'un sage qui m'écrivôit à ce sujet....
ce Tous les hbnàmes ont besoin d'în^
* . ' '
^> dulgence; mais lés grands y ont plus
» de droit que lés' autres : l'être qui à
» des griflFès, a du mérité à les renfer-
» mer souvent; celui qui ri^én a point',
>3 li'a aucun mërite à faire piatte' de
>) velours. » Eh bien , je prouvé que
nuV autre n'a été 'mieux armé que Fré-
déric y et que nul n^a réellement fait
^àtte de velours plus souvent que lui
'Mon respect pour la vérité a été
la première cause qui m'a fait négliger
les dates ' dans la plupart des anec-
dotes que je rapporté. Content de bien
ta voir les &its ^ et de né pouvoir pas
en douter, je me suis mis peu 'en
peine du jour, de l'heure^ ou -fiiêmé
i
I
V K é F A C £• xxj
de Tanoée où ils ont eu lieu. Cette sorte
d'exactitude ^ appartient à THistoire ,
plutôt qu'à des Ouyr^ges semblables
au mien. Je n'ai voulu .<jue peindre un
Grand - Homme et ses alejitours , et
r
pour cela qu'importe si chaque ti-aît
que je retrace est d'xin temps ou d'un
autre ? Ne suJîit-il pas qu'il soit vrei ?
Jci le temps ne fait rien à l'af&ire*
Je né puis garantir qu'il ne me soit
pas quelquefois arrivé d'écrire ,mal les
noms propres, lorsque j'^i eu à parler
d'Alleçpands ou de RuçpeSiijue j'ai peu
connus. Je suis néaiimoiixs persuadé^
#. * ' , , • îy »».'».■ •■- ■ ■.'
que si j'ai commis qjiif^lques erreurs
seniblable's , je n'y^ ser^i t;orabé que
très-rarement; mais il me ^uffit qu'elles
soient possibles , pour q^e. je me ,fdsse
un devoir d'en prévenir Je XiCcteur (i)^
Au reste, je prévois que Ton.poiiïr
roit me ifaire encore deux autres rcr
♦
erreurs de cette espèce : j'ai cortîg^. ^iÀis oeliè é^itiM-
telles ^oi sont p^ venues i ma cotmoissance.
XXÎJ T R ^ V A G È.
proches, sur lesquels il est juste que
je mVxplicjue; jLe premier est que.^
cjiielqufeîfôls je n'aurai pas dit tout ce^
que je savoiîs/et le second que je serai
descendu , en cPâutVes occasions , à des
détails que jWroîs dû omettre.
Le premier de ces deux reproches est
celui dont ïl me sera plus facile de me
disculper ; car , lorsque je ne dis pas tout
ce que je sais de relatif à une anec-
dote que je cite, c'est principalement
OU uniquement parce qu'il y a encore des
Pefôônnes vivantes à qui ma fi'&nchisé
pourroit nuire. Je h'ai point voulu offen-
ser ; j'ai encore thoiris voulu faire tort.
J'ai dû drdiudte , d'un autre côté ,
que mort pèùcnànt et mofci dévouement
à !a vente j ne in emportassent souvent
au-delà des' bornes où la vraie morale
nous ptestrît^é nous arrêter; et c'est
pobt ébhâppér égâ^lementà deux écueils
opposés Vtm à Tautré , tjut jiô tae suis
împôsélàldh
f B. ^ I* A C 9* xxii j
i^.jDe ne point me gêner dans mes
flcritS^ mêmç pour c^Uxqui vivent en-
core y lorsque je ne dk rien qui doive
nuire. Je ipje sers ici du mot nuire y et
non 4u ZQiOt déplaira:^ car il y a des
^mes pusillanimes qui ont peur de tout^
et des âmes mQr03.es qui s^oifensent de
tout. Or je ne pen^e pas que Ton doive
immoler la. vérité à la fbiblesse ou «t
l'irritabilité dçs unes ou des autres, Rica
n^est beau , bon ou utUe^ que ce qui eçt
vi'ai; et. les vérités morales > les plufi
importantes de toutes^ n'ont pas d ap-
puis plus frappans que le^ it^its. Un fait
qui prouve une vérité morale , est
• «
donc , dans la société, un trésor prér
cieux qni appartient à içnt le moiidQ^
et (ju'il n'est permis de 4érpber à perr
|onne# Ij^a seule cause légitime' qjiiji
puisse m'epgager à)e t^ire^ c'est Iprsque
je vois qu'au lieu de faire le bien ^ cette
publication seroit un véritable mal (l).
(f) Je fâ» que malgré' tootttr cet raisoiH^ îtea fréa*
xxiV 3P a è t A G È.
2"". ly examinât Si les. pétsàiines vi-
vantes à qui tel récit peut faire tort',
sont de^ personnes privées oii àes per^
isonnés publiqi]e&; car^ daùs te preinJef
cas y je? n'ai levdtûit d^invmolet • aucun
homme à l'utilité générale; c^ê$t ;tout
au plus si la société elle-même a ce droit;
il est au moins vi'ai qu'elle ne Ta que
sous de grandes Restrictions; En effet ,
les personnes privéesr n'ont point con*-
tracté avec le corps social , l'obligatioti
d'un semblable dévouemeat:eri restant
^ans l'état de simple particulier, elles
,n'ont renoncé à aucun des droits qm
composent leur propriété personnelle
€t individuelle. Le corps social ne peut,
k ce qu'il me semble, s'arroger ces sortei
dé droits sur les iïidividus, à mokîà^u'iî
né s'agisse du salut commun» dans :ilil
dàngéî* imminent Nul Ecrivain ne "peut
dont, à plus' forte raison, usurper ces
cfiiie n'a pas pla à tôat lé monde : mais quel rapport f
a-trlt entr» les InNuiea mfiOfu'tt VmkslMti 'fit^ les
caprices des eq[>rits injustes el di£Bcilea?
¥ R i F A G E. XXV
tocmes droits essentiellement ,, réservés
à leurs titulaires , ou au corps social lui-
même : d'où il suit que c'est une spo-
liation très-punissable, que dé piibïîer,
dé sa pk-opre autorité, les faits dont il
est ici question , lorsqu'ils ne tiennent
fati'à 'de simples particuliers encore vi-
I * ■ •
Vûûs.
3q. Mais eit-^ôri obligé d*â voir la même
retenue à l'égard des Fonctionnaires pu-
blics ? Lorsqu'un homme accepté un
emploi, gage de la confiadce nationale;
lorsqii'il se soumet à des devoirs auxV
qùëb la Patrie est ditecteraént intéres^
àée; lorsqu'il consent à jouir des titres ^
des; prérogatives, des émolutnens attà-*
chës à la place qu'il occupe , ne se dé-
pbuille-ti'il pas des droits réservés aux
Gitcycns ordinaires? Ne se déclare- t-il
pas le serviteur et ITiômme de tous ?
Ne devient-il pas responsable envers
tous, et justiciable de toute la société?
S'il est infidèle, soit par ineptie, sôit par
^X\|:j Y K i V A G. Su
Itéglîgenep^ $oit par foiblesse^ soit pav
préyaric^tioa, peut*il prétendre à rimr
punité ? Dn;afit*^on que plus la defctç
d'un :bpmme est/grande, moins l'ohli-
gatîon de payer doit peser siir lui? Qt,
cpmment. forcerons -^ nous les hommes
puiss^ns à s'acquitter envers nous tous ?
Et s'ils ne le font pas , comment .parr
vipndrpns^nous à les en punir? Nous
n'avons €Qnti''eux d'autres armes que
)a vérité et le droit de la rendre publia
que* ot. Far bonheur > ou par malheur)
ar j'appartieiis tout entier à l'Histoire ^ ^i
disoit le Frince Heûri, frère de Frédé-»
ri.c. Tous les hommes publics devrcnent
dire la même chose; s'ils ne le fontpas>
s'ensuivra-t-il que l'Histoire doive pei>
dre sa proie ? Ne devons -nous pas 19
maintetiir dans la pleine jouissance de
cette prérogative ? Si nous ne l'y main-^
tenons pas^ tou;t sera, adula tioBt; et que,
deviendra la gloire des . Grands-Hom^^
ipes? Dqqc^ à n^ considérer les hommes
P R é T A C £« XXvij
publics que par rapport à eux-mêmes ,
TAuteur d^anecdotes ne leur doit que
la védtéj k véritë, le trésor du monde;
la vérité ^ qui &t en même temps I9
ïtefuge des uns et l'école des autres !
Hâtons^iïous cependant d'ajouter qu0
ces maximes îiréfra gables, et toujours
vraies sous un preiiiier coup - d'oail ^
appellent et sVssocient une autre ma-*
xime aussi certaine, et plus respectable
encore-, savoir que les di-oit^ que nous
venons d'accorder à la vérité ne peu-
vent être exercés qu'autant que la so-
ciété ne risque point dy être èomprôr
mise« L'utilité publique est ici la basa^
de tout ; elle est la pierre angulaire y
le premier principe , la première loi.
Ainsi , lorsqu'il est possible qu'une vérité
quelle qu^blle soit , produise par sa
publication/ bon un bien, mais un mal,
notre premier devoir est de différer de
k dire, jusqu'à ce que le. risque dotif?
je viens de parler eesse^ d'exi$tet*é II est
]ÇvR E/ ¥ A C S.
^)ieû évident cju'en général ce risque
n'a plus lieu lorsque les personnes que
la vérité attaque né vivent plus. Quel-
quefôifi aussi la même ehaiipe s^offre
encore, quoique les personnes niaient
pus^cesséd^. vivre; mais il est facile de
*y troiaaper^ :, oii peut aisément se faire
illusion- s^ur ce point; et dans les prin-
cipes du droit , ce n'est point à de simr
pies piarticuliers , qu'il appartient de
prononcer sur les doutes de cette espèce..
Jç conclus donc,, et c'est ma troisième
règle, que TEcrivain doit suspendre la;
publication des anecdotes qui provo-.
quçnt le blâme , lorsqu'elles concernent
4^ personnes publiques qui vivent en -s-
çore, à moins que ces personnes ne
soient notoirement ennemies de la Nan
tion; car c'est toujours l'intérêt vrai-
ment natiqnal qui décide ici.
Je viens d'expgser les lois qiie j'ai
consultées , que j'ai toujours eu desseia
^e, sijivre , et. qui aeul^s m'ont dirigé*
p B. i: F À c îi. xxix
dans tout ce (Jue jaî raprporté, et re-
tenu dans les circonétàiices où je n'ai
|]îas dit tout ce que je sa vois. Ne suis-je
pas fondé en conséquence à regarder
lé premier des deux reproches que j'ai
pu prévoir, comme ne poux^ant m'^être
lait sans injustice? Mais eh seta-t-il de
même du second? Ne m'accùsera-t-oà
pas , avec plus' de raison y d^avoir pu-
blié des choses que j'aiir ois dû sup-
primer ?
Lé défaut^ d'avoir îErop dit ne peut
irt^étre imputé que sous le rapport po-
litique y ou SOUS le rapport littéraire.
Sous le premier de ces rapports y un
mot suffira pour ma défense. — Je viens
d'exposer les principes moraux que j'ai
cherché à suivre; je les croîs justes, et
je ne pense pas m^en "être écarté. Or,
pour les sîinples particuliers comme
mbt , hommes privés qui né sont que
Citoyens, il h y a et ne peut y avoir
d'autre politîquè • que la morale ; ces
r
^CXtr |> IL À 7 A. CZ.
«A • • •
deux termes sont synonymes pour moi.
Si, aux yeux d^autrès personnes, opcur
pant des pkces d'un autre ordre, et
:«yant par-là d'autres relations et d'autres
points de vue , il se trouve quelque»
.différences essentielles entre ces deux
termes morale et politique , tant pif
pour ces mêmes personnes , je les plains.
JVlais. je confesse que je ne vois point
les différences qui peuvent les frapper^
et je sens que je ne puis et ne do^is y
avoir Aucua égards Anaris de Tordre ^ de
Ja justice et de la bieniâiaance^ ;déyoaé^
à tous nos Concitoyens , cosmopolites
autant que lamour de la Patrie le per«
met, soumis aux lois et les respectant,
aidant à faire le bien autant ^ue nqu^
pouvo];LS en avoir Toccasioa; .du reste,
paisibles et tranquilles dans Ja spl^èr^
où nous sommes , de quelle politique
.out besoin ceux d'entre nous qui sont
tout cela? Leur morale n'est-elle pas
la première politiquç du monde, et ne
f m < V A e i« lâ&f
feroît«ofi pas bien de téavdj^r.À leui*
école ^ ^\nt qui yettlent en avoit* une
ftobe? Quâût^ à cette prudence' tâniâe
et moins noble > qu?oÈi ; assimile qnèl^
^êfoh à la polifiqnê^ je me horoei^
à dter la réponse dje Fi^édérît A ceux
qui rex'hortoîent à' prendre pin» dé
précautions -céhtite les âssassms; « Ht
» 'fi'oseréCi^nft^ d$fe^ii; et/en * tous, cas^
» la vie ne vaut pas tant' de soucis, ii
Eu effet y qtnè doit craindre celui^ qui
nti cherode quVi. être sana reproche r '
" Maïs y votis' le point de vue littéraire ,
à 'Cottibien d'^rds' né ttîe ^prochera*
t-on p6S ^tiit - être , IC trop dbnt je
pade ici*?'Gë n'est pôîM sur mon fetylë
• <■ • »
(jue ma? pensée se porte ; c-ëst <sttr uni
grand notnlfre de persaauà'geii qiie je
ne crains pas de placer âuccessîvemeni
Mus 'lés yeulc du Lecteur , et sur: tan*
A^necdbfees qui ne «pncemeht qu'euTC^
^t que f àccunade dans mes Souvenirs;
Si dionè on nié reprocl^e ma faciHt<f
x»y ï * É F ji c »
à c0t égard ^ je sens qu'il me^ sem pkUi
difficile y ^o]l de répoiidrQ^, mais: de
oonvaincre et désarmer laQiiticfue. J'ck
serai toutefois présentej* à oe çujetqueK
ques considératioqs qui m^l^itent biea
qu W s'y ^arrête ua instant ^n tout cas ^
elles! achèveront de jnem^p^trer tçl que
j'ai voulu être dans cet Quvrage; ellef
compléteront lia conie^içn que j ai ^ru
devoir ftu Public^
Je me si^is; persuadé quç^ da^is vSfi
Ouvragp tel que le mief$:^r.le ftp^mt .esrr
sentvsl> après la vérité ^ui marche avant
tout, est dç 4paQ^i*>ni^,4 desi esquis^ed
ou de sixpp^s. dessins au josfryroa^ m^is
de véritaî^les poptraite qù l'tja^^ retrouve
tous les traits dçs. -çfiv^^t^^ et Bpème
les couleurs , J'am© el/ 1* lihraionQin!^
qui leur app^rti^c^ent jUb^ , 0n voiin
lant peindre un GrandrlÎQiRine^ je doM
réunir et les traits qui le «distiaguent 0%
le caractérisant^ et oçu^i: qu'il a de pomin
mun avec les autres lioipia^». G» œ sera
lui
* R É^T A C B. XXXÎÎJ
îuî qu'autant qu'il les aura tous. Peu
impôt te alors qu'il y en ait qui tiennent
^à une sorte de trivialité : c'est ;cet
honime qu'il s'agit ide peindre, et on
ne le peint pas *ins» cela. ;
« Mais , reprend mon censeur ^î ce
» que je blâme te plus, ce^ue sont pas
o> les détails où tsous entre2s sur votre
» Héros; je convieos que , par. rap-
» port à lui/ tout iïousi présente quelr-
» . qu'intérêt , et ;jer vous sais bon gré
.» de UGL^en doilner une connoissânce
• » complette ; ce que j'ai peine à tous
» ^pardonner , c'est • de: vous étendre
.» avec une égale x!omplaisance>. sur
. » tant d'autres pez^onnages qui sont
» très-peu intéressans en eux*mêmes et
» pour vos Lecteurs. »
On voudra bien, à ce que j!espère^
se rappeler ce que j'ai observé ci-dessus,
.concernant les entourages des Grands»-
HoDitaes. Pour faire mieux connoître
Frédéric , j^ai cru devoir fairje bien
XXxiv ï R it F A G *.
xonnoitre les hoxniùes qu'il a successî»
vemeat appelés ^ rdt^aus on soufferts
arUtotir de lui. J^ai même voulu faire
xx^rïnqître son règnfi y son pe^le et .son
siècle. Alors xe nest plus seulement
son portrait ., que j ai voulu offrir au
public ; xnoa plan « été d'offrir un
portrait eucadré », nom plutôt un vaste
tableau dont Frédéric fût le person-
nage porintipial y let où l'on retrouvât
jiussi ^ dans leurs /attitudes et leurs
:îiist3es proportions ^ tous ceuat qîui-^
;d%i /sou vivant , ovi plus ou moins
appartenu au ;grôupe dont il a été
ie centre. J'ai été* .persuadé ({ue si^
en faisant, passer tant de personnages
sous les yeux, de mes Lecteurs^ je ne
les y retenois pas.asseis les uns apr^ les
autres 9 pour les . bien £iirp counoître y
il a'enrésulteroit qu'une sorte de galerie
-euprocession confuse et très^esinujeuse.
Qui pourroÊt sbûttenir une iecture
iquî ne présénteroit que d^s listas ^aussi
'». •
^ a K ¥ A G, 8. xxxy
/
^peu întéressantes ? Je n'oublie point
les principes que j'ai établis ci-djessus;
mais il en est des principes en matièife
de goût y comme des principes en mo-
rale; si yous les serrez trop , vows les
étranglez. Il faut toujours les avoir
devant spi; mai$ il faut leur donner
une, certaine latitude ^ sans qu&i l'on
.devient pédant iet ridicule. fN^us âvon^^
» me^ dîsoit un jour mon J^r^ve méd^ia
erlm, cinquante théories sur la
» médecine , qui sont toutes fort bellas
>> et fort savantes; mais observer bien
« deux. choses: Tune, qu'aucune de ces
» théories n'a jamais guéri pei^sonoe;
»=et l'autre, q^'ïl ijtnppftè néanmoinis
jo 4e les conaoître et de ne pas les
^ perdre entièrement de vue , si Von
j> veut sp flatter de pouvoir guéifir
» ses njliladeSé » Voilà le véritable em-
plôides principes^ quant à la pratique;
si on les ignore, ou si on les méprise,
QU tombe dacis les travers les plus fu-
c a
XXXVJ P R. É r A c i5.
I 1
nestps ; on se perd également , si ou
n^ admet point les modifications que
les circonstances exigent. '
Il y a {donc ici entre le trop et le
trop peu, un juste milieu qu'il faut
garder; il n'est pas aisé sans doute dfe
le bien saisir , et il est encore plus
difficile.de n'en pas sortir. Peut-être
entraîné par la liaison naturelle dés
évènemens, suis-je tombé quelquefofe
>dans recueil du trop. Ge n'est pas en
>ce qui me regarde , que je pense
:m^être étendu au-delà des convenances.
En rapportant, ce que j'ai vu- et en-
tendu, il étoit naturel que j'ajoutasse
€t ce que j'ai répondu , et ce que j'ai
-fait ou pensé 5 je ne pouvois pas m'é-
iclipser entièrefment : il étoit même juste
et naturel que je me fisse âssez^ €bn-
noître pour donner à mon Lecteur ,
une sorte de garantie de ma véracité (x).
' (i) Malgré tontes ces raisons qni mè paroissent en<«
49819 {K>nnes ^ qnd^nes partisans de la modestie à prêr
r K É r A c ir-r. xxxviy
Ge cjyki peut fonder des reproches plus
plausibles y ce sont les détails que je-
me permets sur beaucoup de particu-
liers prussiens , et même sur des voya-*-
geurs étrangers, et Russes sur-tout.
Si je ménage peu Poterakin , je^,
compte que la Nation Russe est trop
équitable pour m'en savoir mauvais
gré. Je n'ai été que juste ; je n'ai
frappé que sur un individu qui na-
* voit aucun droit à dçs ménagemens ^.
et par-là ce sont principalement les^
clier aux autres , m'ont reprôcBë d'avoir trop parlé de
moi. Je veux bien supposer que ces messieurs , s'ils
avoient été à ma place > âe seroient confinés et cachésv
dans l'anti-chambre : je porterai même , si cela leur
faisoit plaisir^ la courtoisie jusqu'à convenir qu'ils au«
roient très-bîen fait. Mais, comme la vérité est qu'on
m'a fi^it Phonneur de me faire entrer dans le salon ,
je n'ai pu me di penser d'y figvrer selon le rôle' dont,
j'étois chargé ; et comme l'objet de Mes Souvenirs est.
dé raconter ce qui s'est fait ou dit dans ce salon , il a.
bien fallu j faire aussi mention de ce que Yj ai dit ou-
faità mt)n tour. Or ^ il me suffit en me soumettant à
cette loi de convenance , de n'avoir point outrerpi^s£:
le terme qu'elle m indi.quoil.
xi[trt?iiî B B. Ê F A c e:'
Russes que f ai vettgés. Ceux qui ttl'ôrtt
connu, y savent que je ri'ai point de
préventions nationales ; lés talens , le
g^nie et les vertusi sont de tous les
pays ; mais^ les mœurs, l'éducation et
le gouvernement eu fâvorîstot le dé-
veloppement, ou les étouffent. Lorsque
les hommes puissans sont des Potem-
kins- , un grand fléau pèse sur les
Peuples. Lorsqu'un hoibme , qui n'a
que des vertus , qui n^exisfè qu'en
faisant et voulant le bien , qui ne con-
noît que la justice, la piodération, la
bienfaisance et la fermeté , tient le
titilon de Tfitat y les peuples ont
tout â espérer; îl ne leur reste qu'à
remercier Iç Ciel, et qu^à bénir leuV
Souverain» 11 n'est point de gloire ,
point d'éélât, pôittt de sorte debonhet^r,
que les. Russes ne doivent attendre sous
up. r^grie semblable^ >
Je dois encore avouer qùfe si j'ai
vivement désiré que mes Souvenirs
T B. Ê r A C s. XXXÎJC
pussent plaire à meâ compatriotes , et
en général à tous mes Lecteur $ il
est vrai cependant que les Prussiens^
et eri particulier lés Berlinois y *ont
ceux que j'ai eus plus spécialement en
vue. Je n'ai pas eu une ligne à tracer^
où je ne me retrouvasse au milieu d'eu* ;
lés faits et les personnes më repor-
toîénf , pour ainsi dire , dans dette
ville j ou 7'ai passé les années les plus
précieuses de la vie. Tout iretra^oît à
tnès jfreux des babîtaiàs à qui f ai ^ vcrtié
estime et reconnbîssance ; -et en cela y
hieîf 'Souvenirs m'eii dèvenoient plus
■ . » • •
<5Kers. Il suit de là ' qu'il y a deà pei>
èonnes ou des anecdotes dont je ne me
suis occupé, que parce que je m^imagî-
ïioîs que les Bêrlrrtoîs y prehdroient
un intérêt plus vif. Si' donc d'autres
Lecteurs pensent que je me suis trop
étendu sur quelques points, ils n'ont
qu^à se dire : a Ces articles sont adresses
» aux Prussiens ; TAuteur les auroit
ri* - P-R'-É 'F A C E. -
« probablement omis , s'il n'eût écrit
;?; que pour nous.^ »
Encore un mot. Quel est l'Ouvrage
asses? heureux pour que tout y plaise
a tout le monde ? Et de quel droit le
Lectqur peut - il proscrire le passage
qu'il n'approuve pas, si d'autres . Lec-
teurs en sont satisfaits? Par malheur.
il ». ' ^
ce que 4 les censeurs de profession our;
blient le mieux ^ c'est qu^'ils pe,sont pas
les seulsj qi^e l'Ecrivain doive chercher
à contenter, çt: que leur autorité ne
fait pas loi. -Dans un rpcueil ,d'-Aixec-
^ptes , tout ne peut pas. être de la
ii^ême importance; et d'ailleurs il est
bon, ^que l'on ménage de tepaps en
temps au Lectepr , des points de repos
où l'ame se dé4:ejade. Toujours de Tad-
jniration^ ou quelqu'autre genre d'in-,
térêt que ce ^oit ,; produiroit bientôt
vcL\ épuisement total : il faut de la va-
riété , non - seulement dans la scène »
dans les faits ,. dans les personnages^
I! R. i T A C %. Xly
Hiaîs encore et sur-tout dans les afifectîons
auxquelles on nous appelle.
Qu'on ne s'y trompe pas : ce n'est
point une Hùtoîre que J'écris ; ah l
sans doute , si je me constituois Histo*
rien , je voudroîs être grave ^ sérieux
et noble* Ce ne sont pas même des
Mémoires que j'offre au Public. Des
Mémoires exigent encore une méthode
sévère^ une marche régulière^ un ton
mesuré et un choix bien calculé. Le
style épistolaire a lui-même aussi ses
rc^gles, qui souvent astreignent l'Auteur
a suivre une certahie ligne, et à ne
pas s'en écarter. Je me place au dessous
de tous ces genres ^ d'Ouvrages. Je n'ai
voulu donner que des Souvenirs ,• et ,
en vertu de ce titre , je ne dois offrir
qu'une suite de conversations. L'aisance,
Ja liberté y le naturel même familier ^
doivent seuls former le ton que j'ai à
prendre et à garder, sous peine de prou-
ver que je ne sais pas être ce que je suis»
V
xllj ï R É F À c s;
Ce sont des Soûpemrs quejèdônti0
au public, et il est de la nature des
Souvenirs de passer aaez légèirement
d'un fait à l'autre , sans autre motif
qu'une certaine analogie, ou ce que
Ton nomme des à-propos. Si l'on veut
user dans un Ouvrage de ce genre ^
d'une sévérité rigoureuse ; si l'on veut
soumettre ces sortes d'Ecrits à une mé-
thode trop roide et à une marche
compassée , on les rend monotones y
guindés , fatigans et froids. On leur
fait entièrement perdfe le seul charme
qui leur soit propre, celui de Taisance,
' de la liberté , et de cette négligence ^
de cet abtfiiddn' si précieux , auquel on
6e livre dans le sein de k confiance et
•de l'amitié. Ah! laissez-moi croire qu'ici
.je cause familièrement avec des âmes
franchea et de bonne foî ! que je puisse
leur pailler-, peut-être avec un peu de
-desordre, mais au lïioins avec sécurité
•et sans aucune espèce dé contrainte !
r B. é 'î A G E. xlûj
_ f
tl je n'aurai que la vérité pour guide,
qfue ma confiance pour appui. Ce sera^
sans inquiétude que Je dirai ce que ^e
sàîs; ce* sera sans méfiance * que Ton
m'entendra. Nous serons toits justes et
dans une honorable sécurité , moi en
contant avec bonhomie, ainsi que cela
convient à mon caractère , et eux en
ih'ccoutant avec complaisance , ainsi
que les Y porte leur honnêteté person-
nelle. Mes amis , je Vous d;s ce que
j'ai vu ou appris; je le dis sans préten-
tion, aimant à croire que vous pourrez
en tirer quelque profit. Voyez , de
votre côfé, ce qui peut vous être utile
ou agréable ; appropriez - vous les
traits qui peuvent vous convenir à
Tun de ces deux* titres, et pardonnez-
moi le reste.
Mon respect pour le public m'im-
pose le devoir de dire ici, v^h mot
sur ce que les Journalistes ont. ji^gé
à propos de dire eux-mêmes de cet
-»KV PRÉFACE..
Ouvrage , après la première édition*
Je commence par remercier bien
loyalement çeu:^ qui m'ont traité avec
honnêteté. Je remercie plus vive-
ment encore- ceux qui m'ont indi-
qué les erreurs où je puis être tombé»
Je mets leurs avis à profit , dès qu'ils
parviennent jusqu'à moi , et autant
que je les reconnois conformes à la
vérité. J'ai à cet égard un véritable
regret y de n'avoir pu encore me
procurer quelques - uns des impri-
més qui ont paru en Allemagne, et
où je saîs que l'on s'est occupé de
mes Souvenirs avec assez de détail ^
pour y consigner des observations et
des faits qu'il me seroit utile de re-
cueillir ou de vérifier.
Quant à ceux qui m'ont maltraité ^
sur - tout en France , je ne les re-
mercierai pa& : je ne répondrai pas
même à leurs diatribes ; l'accueil que
le publi^ a daigné faire à mon livre ^i^
P R é F A C B. nlv
ne suflfît - il pas à ma justification ?
Cependant , il en est parmi eux jus-
qu'à deux que j'ai été tenté de re-
mercier y de la virulence de leurs
injures , de la maladresse de leurs
objections , et de Tabsurdité de leurs
opinions personnelles. Et^ comment
ne pas être charmé , de voir ua
homme qui , voulant vous décrier ,
débute jpar dire que vous avez' fait
un ouvrage sans^ plan , sans ordre \
sans esprit , et sans style ? Peut-il
mieux avertir ses Lecteurs, que'c'iest
la passion qui le fait parler , et
que Ton ne doit rien croire de tout
ce qu'il va dire ? Lorsqu'ensuîte il
se formalise , de ce que je ne lui aï
' ."^as fait ma confession relativement
' aux matières religieuses , ne poiirroîs-jè
pas lui demander dé quel droit y ét^
à quel titre il se pourroît mêler de
cette affaire î lui 1, què'jé 'fae^connois
pas , A- qui je ne dois rien ? ' ^
i.
Jtîyj PRÉFACE.
Quoi I j'aurois été vingt ans k
laisser ignorer ce point à Frédéric ,
qui , certes , avoit quelque droit
de s'en informer ^ et qui étoit un
si grand homme j et je viendrois
aujourd'hui p hors de propos ^ le
dire au Public ; qui ne . le demandp
pas , et à un jeune homme , dont
je; ne songe guère â scruter la cons-
-cience ! Tinconséquençe seroit - éllp
pardonnable ? Tout nVst pas né^a^
smoins aussi maladroit chez ces mes-
^ . ^ • » • .
«îieurs j ils >ont même eu rf cours à
une perfidie dont , je n'anrois pas cru
qu'un hoimne fut capable : c'est d^
prétendre , en , s'appuyaut de men-
songes bien hardis, que mes Souvenirs
ne servent qu'à décrier Je héros ,,
^ont je veux célébrer la mémoire,
Jl est vrai que , pour cela ^ il leur en
<îOiit^ un paradoxe bien ridicule ^
puisqu'il pe tend à rien moins . qu'^
condamner tous les grands hommes
!P R i F A C 2. xlvij
à n'avoir plus de valets - de - cham-
bre , à moins qu'ils ne prennent
poup ce service, des sourds et muets
quQ M. Tabbe Sicard n^ait pas eu
à 'instruire. Toute cette sottise tient
à' un seul principe : c'est qu'il ne
faut pas montrer les grands hommes;
qu'il faut^ très-soigneusement les tenir
cachés dans une niche , comme le
Grand Lama, et ne permettre qu^aux
principaux brames de les approcher.
Au reste , je sais "fort bien dans
quel antre on est allé , tous les
soirs , concerter toutes ces niaiseries :
c'est l'antre où l'hypocrisie , pour
dénaturer la religion, s'ajuste, comme
elle peut , le masque de la piété ,
mais se l'ajuste fort mal', conjme on
le voit*
1 1 »
r ■
r
* A
1
\
FB.ES EHIC
FRÉDÉRIC LE GRAND.
vaintiRic dans sbs entrstibns
ORDINAIRES.
. ' . I
fiL MON arrivée à Berlin , le i6*mar8 1765 , je
n^^us riea de plus pressé que d'éorire à M. la
Calt, lecteur ou secrétaire des commandemens
âtt jroi^ et d^ le prijbr de rvoufoir bî^n de«
mander et me iàire connoitre I^ ordres de sa
majesté, tant ^, mon égard « que par rapport &
un paqujBt que M* d*Aleipbert m'aVoit. confié
pour :elle t en me témoignant désirer que
je pusse, le remettre moi- même* Je reçus^
le lendemain, ordre de me rendre à Potcdam
le surlendemain ponr trois henres après midi
au plus tard. J'arrivai an jour et avant l'heura
mdiqqée chez M* le Catt , que |e trouvai enr
core à table» .
J'étois. d'autant plus curieux de voir Tré^
dérip de près* et de le juger par moi-même^
que je ne savois encore quelle idée je devpia
m'en former. Toute l'Europe s'accordoif à
le regarder comme un grand militaire et
comme un homm9 de génie; mais rien n ëtoif
I, ■-..... ^. ...
53r Entretiens ordinaires ^
faisoit de sou caractère et de ses qualités
sociales, politiques, et morales, tes iïnsTê
^ég^i^i^At tdiMiiéïiâ sàgèy 6t>nM0'iibjg<-3tid
roi , et en mêAë 'tkiS&pa «éokittne un savant
distingué et un philosophe très - aimable ;
les autres le représentoient comme un tyrai^ ,
àii %'à'M^m' éimé , '\i: tiii' Wiiéblt et
■ ààf^it'^ tfkcH^Mmè: -Od i Mi'*iM!moit ; ou
ttei'y^^tiMLé 'pUtiké"k'vima.\ixmM ; ' du- U
vÙe§ià plàs"ô'(ïie=ù'i; fet 'ftsAcèote iëà\}tii
ioieiii': piîâi'éiîi'^ ' àhiîS^' ati iiidtAfeiit éè' tixoH
âëiiart^afe'ffài^cé^''i'tiûe=V(Àfe^ife'hlêtilrè!uk1
^"PÊuràkmïlV Vou's'-^liré^ I'â=^i^cïféii %àë
»"àe'Vdus'bktlrëVf><)^ott lifen Véôir jiiâcpi'ft
}V ffië disôit-onaiiH^auire coie, gaiuc*->uaa
^'■è'^$eniehï'^AlHûï»ë Bu dô iiiî a«ja^^^
litêàlë
(0 l^Pt guerre de sept ans,
. de JFrédérît. St
* • • •
» commeautantde citrons, (lont il faut jeter
)> récorp^ quaud on en 9,e:^parjnié le jus. £t
» n'est-ce pas. en effet ^i après cette maxime ^
p que l'on peut le mieux expliquer s^ cont
» duîte, tant ayec Voltaire^ qu'ay^c tous le^
» hommes de mérite qui Q^t eu Ip malheur
^ de l'approcher? » lit à ce propos , ^p n©
se lassoit ppipt de me répf t^r mille ançc??
dotes ' dont on n^ vouloit point que j.§ dQUr
^as^ç , çt toujours plnf réyoltan^es le^ unes quo
Iça ^u^res. En un nipt , pp c^ oyoit ne pouypif
pas tx^op is*9ttad2er à nie le peindre qompii^
^^ssQntielJeniiept immçrfil, dpr^ insensible,
(PpibMf efl?;^ foiif Jjpj txôîtrei amhiUeux> avare
/ltqruel.._ /
Si l'on, oçw^idère q^^t Bottant entre des
jd46^. ^^^^i ^^PPPS^^^ V i.^ n'avois encore, au*
jfuiip prenF^ isufiisanle 4^ la vérité des une^
^ 4^ aulr^ ^ on ,n aura pas ^ peine à se
per^mi^r "que je ne devois approcher de San^i-
$p];ici qu'avec une yive sollicitude , une ex-
|ï;êm^ curjpwté , et la pli;i.3 grande dispositioji
4 n:ie rendre aussi attentif anx ipoindres cir-
^Gop^tanee^ , que réjseryé et circonspect dai^s
f^ que j'^i^rçis à dire.
. Dè3 que M. le Catt ^kA fini son dîner ,
• ■ ' •
jjpos montf mp^ eç voi^i^re poivrions rendre
D 2
52 ^Entretiens ordinaires
à iSans Souci, placé snr une hauteur, au*
dessus et à une demî-Keue de Fotzdam.
Occupé , comme je devois Tétre , de lobjet de
mon Voyage , je demandai à mon guide , si
ceux qui étoient admis chez le roi, avoient
quelque étiquette particulière à observer.
1» Une seule , mé répondit-il , celle de baiser
■m le pan de son habit. •*— Gomment , lui disrje ,
• et de quelle étoffe est donc son habit?
» — ^ Il es t de laine. — ^ Il n'est donc que de dra^
V comme le mien ? Or , quoique lé mien me
» tienne de plus près , je n*ai jamais songé à
1» le baiser. — ^ Cest plutôt la veste que Tha*
» bit que Ton baise. —-Et quel titre la Veste
•> a-t-elle donc de plus que Thabit ? —-Cest ua
» usage du Nord , auquel lui-même n*attaehe
» aucune importance^ sur-tout vis- à-vis des
«> étrangers et des Français ; aussi n*en iaitOB
» pour Tordinair e que le semblant . — EcouteZt
1» monsieur ^ ce semblant ressemble trop à un
» mensonge , et ce n'est pas ainsi que je veux
i> débuter envers un aussi grand homme. Je
» .chercherai de mon mieux à lui marquer
• mon très-profond respect; mais me per«
» mettre une chose qui , à mes yeux , n'est
% quune jonglerie basse , ridicule et puérile,
9 je n'en ai pas et n'en anrai jamais le cou«
de Frédéric. Sj
> rage. Je ne chercherai donc à lui baiser ni
n rbabit, ni la reste ; je lui ferai ) comme dans
» lacomédiedeMolière, mes trois révérences^
» sli m*en donne le temps. C'est tout ce que
» je puis promettre, et )*espàre qu*ii voudra
» bie:ii s'en contenter. »
. Nous arrivâmes au moment où les sécrétai*
res du cabinet: entroient pour la signature des
lettres ; travail qui devoit durer une bonne
demi-heure au moins. Pour mettre ce temps
à profit, mpn guide me conduisit chez mi lord
Maréchal , vieillard respectable ,. intime, ami
du roi , et logé à côté de lui. Ce milord me
reçut comme les grands seigneurs reçoivent
quand i(s ont de l'esprit, et qu'ils savent se
respecter; c'est-à-dire, qu'il me reçut avec
politesse , simplicité , et dignité, a Vous me
j) voyez ^ me dit-il , dans t'appartement d'un
» grand homme y dans l'appartement de
» M. d'Alembert. Dites-lui , quand vous lui
n écrirez , que c'est chez lui et au coin de
>} son feu , que je vous ai demandé de ses
Il nouvelles , et que je vous ai prié de lui faire
» mes pomplimens. » Quelques détails sur
mon voyajge et diverses nouvelles littéraires ^
remplirent la demi - heure \ au bout de k*
quelle on vint nous avertir que les seGré«>
Jj^r EntrâUèfhs^ ùYdhiimres
f aires an cablaet v^noietii de âê retirer^ Ainsi
BOUS quittâmes milôrâ Màrét^t s et révkmes
dans les appartèmeiis du toi.
Le fotir ôommèDÇOit à J^aifisef \ M. le C^it
me fît avancer le pjeeniier , et jfëèttt tbttjotirf
un pas ou deux en arrîèrd ; le roi étpit dé-^»
bout, et*avoit l'ait d'utt hottimé qui èë pro-
mène *dàns sa châttibrè. bèd^'il tti'^apêi^Çttt;
il vint à moi, en me disÀiit t ^cBoBisoir,
3> inodsieur , je'suië bîeû^-aisë âë V^^ voir y
a> et de faire cobtiôisââncô avec i^^ms^.» Dès
cet instant , les quès titans sè Suctiédèreïit
tellement de sfa part, que la cônVertatibn étL
devint très -jWtpîde ;' rt elle se sôufiiit à peu
près sur le même ton , tout lé temps ^aiX me
retint, c'est-à-ilifë, pendant près tie deux
heures. Il n^eût dé moi qu'une révérënee ; \é
peu d'espace qu'il kis^a entre nous; deux, et
mon empressement à lui- r^épondte*, suffi-
soîent pour me fâîi*ê renoncer' aux autres.
J'eus à peine le tempe de lui ^emettlre le
paquet de M. d^AÎenlbert. On m'a voit averti
bien des fois qii^fl exigeoit sur-tout des rëpdn-
ses franches , directes , courtes et pi-omptes ;
aussi n'eut il souvent de moi que ^ies demi-'
phrases , où inême un où deux tnots. Il dé-
buta par me deïnànder comment s'écrivoil'
(|ue) ay(Hlt) é#é l^te* fiei rooii pèpfe ^ si î'avçi;?
d^ firèr«$ iW 4ç& «(EBFS » q;ufl^M4* W>n ^gp t
if^^p^ 'féw, sï î'^tqis mAri^ I */q^f% ftw^ç
»^s priHf {p^to^ ié*çi4^ ^ » j'*Voji^ iait iiPK^i?
mer quelque^ 0qVrag?s , ep qwHtaf 4e 4fti|t^
4'i^Tofa Ito^. d'QUvft^fe (l'^tewbgJ^t » fît jjaf
139 j 9t^«9^ p^$4!en v^î^ 4® Ppris a BwUq^
âw ma i^épo^siei à cette, ^erçièfe question ,
4Jii je hij âi^.q«e. )'ayOW pap$^ pf^r StUîkai:t^
If pivembfarg e^ Pr^sde ^ il parut étpuué d^ji
idétour çp]ii^44i:^l;>le l^^e j-^vois fe^it, Aprè^
JiJfj^ j^ iHi.RUfiidftqu^ jp j^^avo^s pria çfiiiç
^ç^te qvç: poj[^: éviter des chemins plus e^
JjT^^ans encore , sur-tout en hiver ; e^ que
^éfioit vkn M. hi^rri , négociât de Berlin ,
^^^, ^e tf oïi:yîsipI ,4 Pwis » w'aypit |rac^ j]fipjpi
it^^r^e^ jl I9P démoda cçxoinent iio^j;
ayiop^ pu nous fiijriç enteflidre, ]|pa ïevofo^e çf:
M^f danf un p^ys oii c^rtaiBemeiit persoiuie
Uo s^voit.Ie frfu;Qais.:*<r- (( J'ai ac^et^ à,Stra3r
^ bourg 5 lui <Jif^ je, un.e grapuMjî;? jallen?au4ei,
j^^ I» fi|i ^ç laquelle p« ^ pjiac^ W vac^lju»-
«lïgûfe aasie^i aniple , e^ $!qi»R«s4 poupr W
TO Entretiens ordinaires ^
» voyageurs. Lorsque j'ai ea besoin de qaél»
o que chose, ) ai eu recours à mcxi vocabu-*
if> laire ; et si j'ai éprouvé trop de peine à
» bien prononcer le nom de ce qu'il me fel-
d>Iott, je lai donné à lire, et on m'a servi.
i» Arrivé à Nuremberg , j'ai rc^coûtré un
% capitaine de votre armée , qui revënoit de
» Savoie , sa patrie , et qui savoit les deux
% langues. Nous avons fait le Teste de la
'à route ensemble ) et il nous a servi dflnter^
» prête. — Gomment s'appelle cp capitaine ?
19*— Il s'appelle Fa^rat^ » Nous parlâmes quel*
que temps de cet officier et de son frère , de
sorte que je^ crus que je ]^ouvois saisir cette
ÎDCcasion d obliger mon compagnon de voyage,
ien racontant ce qu'il m'avoit dit de ses opéra»
tions militaires dans quelques-uns des endroits
par où nous avions passé , et sur- tout en par*
iant de son entrée comme prisonnier dana la
Tille dé Dresde, au plus fort dé ffaiver, couveft
de six blessui^s^ et presque nu. Mais qnel^
qu^adresse que je misse à indiquer ces faits ^
sans paroître y être déterminé par aucun des-
sein particulier , je sentis bientôt que je fai-
sois une faute^ et ne songeai plus qu'à ter-
ixiiner ce tableau indiscret. En effet , le roi
étoit subitement devenu sérieux et distrail f
de Friditià. «^
regardant antour de lui , c omine for teinent
occupé de quelqu autre pensée. Dès que ) eus
abandonné ce sujet délicat , il reprit la parole
pour me parler d^autre chose; il s'étendit un
peu sur la. Saxe , et mé demanda si on a voit
déjà réparé les désastres dé la guerre dans ce
pays , et particulièrement à Dresde. Lorsque
l'eus satisÊdt à cette dernière question, il
passa à d autres idées , en me disant : ce Ainsi ^
» monsieur , vous ne ' savear pas. rallémand ?
» — - Non , sire ; mais je Taurai bientôt ap-«
» pris , à ce ^e j'espère , par le plan que je
» me suis tracé à ce sujet. — Au contraire »
D monsieur, je vous engage très-fort à ne ja-
» mais rapprendre; c'est un bonbeûr que
^ vous ne le sachiez pas. Si yous vous met»
» tez en état de le parler , voua ne tarderez
»/pas à contracfer l'habitude de faire les mé-
3) mes germanisines que nous. Ce ne sera
x> môme pas sans une attention bien soutenue^
.)» que VOUA pourrez échapper à ce danger »
9» en ne parlant jamais allemand : il vous 6U&
» fîra , pour 7 tomber sans votis en aperce*
» voir, de nous entendre parler £rànçais. Ot\
» . à mesure que vous prendrez. nt)s manières
^ de parler V vous remplirez toujours moina
s>bieii les devoirs pour lesquels yous êtes
f^i Entretiens àr&iaires
1^. aippcdé en ce: pays ^ CÀnoment < tioûvsétm: ia
agoôipur 6i le tad délicat 4<^5 localités ^ dea
s» 'fiaeases « !da cairaolère ^ et du génts' de votive
xiiatigia», et des ehè&*;idV»uvre ito^otre lîttét
SD- nture^ lorsque de }oar en joxtr , ^am V0114
» familiariser e|27 davantage aveé 4le& osages
» tDutdifiérens et sdUTentconfatair^s? Ai^M^
n en votre qualité de gâtant iicahiDé , ^alcm:^
à) de bien suivre votre vocation 9^)e' vous dic^
y> snande votre parole d'honneur qm tous
»» nat){^rendrezpa6 notre langue. » . Je ne pu«
pas refuser de lui faire cette prcMuess^e, qpe
l'ai dû tenir ensuite,, et que fai* teirae avec
«ûtant de fidélité que dex^grets.T . c
Ceci ncn» rapprochoit natnrdkétnent de
ânes futures fendions; il m'en parla ussec
brièVemrat, ©tmp renvoya' pbuîr lès détails^
À linstructiosî qii'il àvoit rédrgéd et rexnise'aa
général de Buddenbrock pour nous. Il ni'oh«-
^erva que ce géonéral étoit cliar^é pal' iùi de
diriger la paîrtie é;GononriqpB'et de police >de
éa nouviellb -écoie ; ajoutant qtie poqr la coa-
clustedes étude&etie choix désconnaissanèes
0lBvénabks ^aux nélèves 9 iH s'en rapportoît
^E^ntièrement aux.professeors'vpersnadé que
sous nous appKqneripns toasëgajonien^i à«en
le^ir l'esprit djs^son.plaPi et A iseoiahder ses
de Frédéric. ^g
▼ùes. Il me itomma tous mes d;oIlègiies , et
fit une sorte d'éloge historique de chacun .
d'eux.
Je crus que ceseroi* par-là qu'il tertninerbît
notre entrevue, et qu'il altoTIt me renvoyer.
Je me trompoîs. Il revînt à la langue fran-^
çaîse par une heureuse transition ; et il me*
detnanda quels étoient , selon moi , les auteuts
VîVans qui écri votent le plus correctement î^
français. Je lui nommai d'OIivet , d*Aïembert.
BdflTon^ J. *■ J. Rousseau. .... Ici, il m'inter-
rompît, en me disant: « Oh! celui-là est un^
» fou. — Sire, cela n'empêche pas iqu'iî n'é-'
écrive correctement.— Maié vous n'avéz:^
» point nommé M. de Voltaire? — ■> Ce n^est
» point par ouhli , sirë. Eh ! qui' pourrmt ou-
» blier Voltaire? Je ne l'ai point ^omm^, parce
» que, s^il est un de nos autéUt* che^ qui il
» soit le plus difficile de remarquer des fautes
3j contre la langue , il ne meparoît ppint être
» du trop ^eût nombre de ceu^ de quî î*ôrf
» peut dire en g^ênéral qu'ils n'en fônt-poînt.
iJ liC brillant de son imagination , le chàrrrid
» de son esprit et de àôn style ne ]f)èk-hiettenï
» pas au lecteur de voir ^és fautes i ni iûême~
» de songer qu'il peut en faire; mais elles
i> n'existent paâ lûoins dans ses écïïlsi matgr^
Entretiens ordinaires
«
» le voîliB particulier qui les couvre. — On en-
9 a également reproché à d'Oliv et , que vous
» ayez nommé le premier ; on en a trouvé,
3>méme dans son discours de reqiercîme^nt
9 à l'académie française. — Votre majesté
9 connoit le mot d'Horace : Celui-là est le
n meilleur qm a le moins.de défauts^ — Voua
» avez raison ; je me rappelle Vaventure de
M d'Ablancourt : Avant de faire imprimer sa
» traduction^ il pria ses confrères de Vaca*
^ demie française de vouloir bien en eu'*
9 tendre la lecture , et de hii indiquer les
s» fautes qui lui seroient échappées. A la pro-
» chaine assemblée après cette prière ^ il
» commença cette lecture qui devoit être fort
» longue. Mais la première page emporta
» tout le temps de la séance. L'académie y.
D trouva jusqu'à dix solécismes, qui donné*
» rentlieu à d'interminables discussions. D'A*
» blancourt remit son cahier dans sa poche y
» ne corrigea rien 9 et publia sa traduction ,
» qui passe encore pour très-bonne et bien
j française. — Je citerai encore Horace , sire 5
7> lorsqu'il nous dit qu'on ne s'ofiënse point de
» quelques taches , là où brillant de grandes
» beautés. Cependant il ne faut pas porter
9 l'indulgence jusqu'à oublier ou mécounoîtjcet
de Frédéric. 6t
3> ies principes. — F^rt bien ; mais ces prin-»
» cipes sont quelquefois bien vagues. Pour-
3> riez-vous ^ par exemple , nous dire jusqu'à
» quel point Tellipse est permise dans votre
D langue ? » Cette question me fit trembler »
et manqua de me déconcerter. Je sentis que
je ne pouvois y répondre d'une manière sa-^
ttsfaisante^ sans m'cngager dans de longues
discussions grammaticales ^ qui ennuieroienft
à coup sûr CQ monarque si vif, et que mémo
il ne me iaiisséroit pentf-être pas finir. Dans
cet état dé perplexité ^ je pris k tldstant mémo
une résolution hardie, et qui pouvoit paroltre
peu respectueuse. « Ma réponse à cette ques-^
» lion , lui dis-je ^ ne pourroit guère se fairei
» que par écrit ; elle seroit sans doute trop
» abstraite et trop longue pour pouvoir être
» admise dans une conversation : mais dis
» exemples rabriégereiettt. — Des exemples >
9 reprit-il ^ eh bien , attendez » Ici j'eus la
satis&ction sccrétte de le voir lui<*iliéme dans
Fembarras où il avoit voulu me mettre. Je 1^
vis chercher, en parcourant le plafond det
yeux , quelque phrase qu'il pût. me citer. U
Vie chercha pas néanmoins long-temps ; il rci
vint bientôt à moi^ avec ce vers de Racine ;.
Ç^ Entretiens ordinaires
J'obaier?ei d abQird que Mprmpotel lûe serti-
blpit avoir posé ua priaeipe forl: sn^e dans $a
PQlétîqfle,,an4i^^^t qu'il ay a ni équivoque
ni obscurité à reprocher à un autour , dan$
{e^ p|t^ge9 oà )^^ bpn$ e«p/*it3 ii'eiiaperçoî*
y wt pa9. Jajpçtaî «qu eo suivant iqq principe,
1^ vers di» Racipe ^ q^i , dao^ un ouvrage non
dialogué ^ a ofiriroît peut-éire qu*u;i y^ritabfo
gaUiiia(bia$ > devoît paroîUre excellent daào
We pièœ faite pour être jouée t et o» le leo
teur «s'imagine voir et entendre le^ p^rsont
aaf^ devant lui ; ce qui produit oé^ssaire-»
9i^t pour /dbkaeun de nous», ud» jsorte de
tableau idéal s dans lequel noms ne fipuvona
paâ ne j^ta «^isir lea pen^s et ]^ À^bti^i^ena
1^ xfaaqneiaQteuriiaree antantidiefafiljité (|uo
de oertîtiidev ce ^ • • Ce vei^ , ajoiutair^îê* ^agne
aiàntiàsonlaccmienie^quilne.^t plus que
31 ilidjmûrev , dès qu*!Ui nteat ni équivx^que ,. ni
.» bbscar« w ' . . . • î .-' > ^ ■' . . ■! .i
: Le roi termina alors ce^ enJxeVae , en
ttie ténïoigbaBit agoUX étoitfori iàtisfait de m'a-!
voik: vtt^ • at qa il^ comptoit beaucoup sur moii'
a^le; En me ^stoubaitant ensuite h^ boa* soir etr
im bon voyage^ il^raiint M* leÇatt par cesi
aaots : « Cat4 , )'ai quelque chose k tous dire* .ar
Je a*eta& paia;lQ^rnb»ii{>s À attewk? ÇP dn^J»
'dap&la IsnafeiIèKe aalle.où yi m etoia rendu t il
rifce ^ejof gtaât a|>rè deux ou Uim Jninuiea ,. et
ne dit que ^a xnajesti paroisâoit si^fiouteiite^
tpi^le lui BVa[t.ordoiiné\d'^jBÎi\& à. d^Aletm-
jjért pôurie remercier y ainsi «que 1 abbé d'Oti-
'^i^da oh)(n9Ct}ù'ï$^avJoieat jytde^i^
i^Me4êmp6depré{MgneraDê autre lettre po^ar
tux^ofitiervâ f^a^eadëime 4e Berim â^ me retee-
V«4^ Uati^ la^plasse^tips bdles^lettree ^ ayeciitie
pëi«6Î04ft de'deux^ceéitsj^isda^ <
'^ ^tk^nl^tAûp lâjsëaueed'ôà nous soriicai%
^'léiMÔgÉaté IL feCattvk surprise qtie m'a<^
imii \mi$ék .le toopiids i^iviadté a>ves lequel :I«
^ôitai^avoit itâp^ué i, aUiepjet de Jx*»!. ^oasks^
&Ê^tii j>hic^mdé\esfi^ Cette vivao
i-éké^ mf ^épaModÊtinnon cdoidècteur^ tiesUt à
ik vi^iie^BeddkrteTëaeoteiiuegefraâs ¥xmaçoutei\
»\l|by.^ t^clquês ja3àkcpieBi^dMhré0faaI^
% Wkv de J^kJ; &ox&geau , pairâiflbaht vaffligé
i deir^irséçutioDs ipe le piiilosipj^Iie de Ge#
«riiè^^ ié[M:ouiirey^méifUe^n.âiiiœ^ ^ Neuf^
*a3JbA<^,9 vdoAt^eniilQni estgou^eotisiBur , Je
% m\loi dit : ShèienJ é€rmez)ài.itfftpe anni^
talque: éHl ifiàttP wvàp.dans mes jÈtaês ^ Je hd
yiVi^B ^un-iasile jossuré. ^et Mie. ^rpeptsion ds
•<« .»
64 JEntretiens ordinaires
nhauserif et à une Ueue de BerUn,ime
y» maison suffisante avec jardin et pré ; d^
» manière qu^U aura de quoi nourrir une
)) vache , entretenir quelques polaiUes , et se
^^y fournir de légumes : il vii^ra là sans inqwé"
» tude et sans besoins : sa solitude sera comr
-» plette : de son jardin fusera le maître d^alr
» 1er s^enfoncer dans les bosquets de Scho*
9> hausen , où la reine ne passe que quelques
» mois de l-été. Milord Maréchal « enchanté
9* de ce plan , n'eut rien de plus pressé que
» d'aller, faire sa lettre ^ qu*il vint montrer
«au roi, ayant delà fisiire partir. Le roi prit
» la plnme , et y ajouta ces mots» .... venez,
») mon cher Rousseau :je vous offre maison^,
yi pension et liberté. Peu de temps après, vint
jT la réponse conçue en ces termes.... Votr^^
^majesté m^offre un asile , et my promette
9 liberté! Mais »ous a$^ez une épée^ etpoue
»étes roi! P^ous m'offrez une pension^ à ,
9 moi qui n'ai rien fait pour vous! Mais en
S) wez'-f^ous donné à tous les brades gens qui
pont perdu bras, ou jambes û vous semirî
» Vous concevez que d'aprèa cette lettre , la
9 roi ne peut retrouver ce nom sur son che*
» min y sans y joindre le mot que vous ave»
9 entendu » et qui ^t aussi , dans le temps t
)) celui
de Frédéric. 65
9» celui par lequel il termina cette négocia-^
» tion. »
Revenu à Pot^dam , je passai une partie
de la soirée chez M. le Catt , qui me donna,
des commissions pour Paris , et une lettre à%
recommandation pour le famille de sa femme.
Le lendemain je revins chez moi , fort con«
tent démon voyage, et n'ayant plus à m'oc*
cuper que des soins démon établissement , et.
de celui de remettre toutes les lettres que.
j'àvois pour plusieurs personnes de Berlin ,
et particulièrement de M. Grosley , et autres
pour M. Formef ^ secrétaire perpétuel de
Tacadémie , outre d autres encore pour la fa*
mille des Jordan , à qui jetois fort recom*
nijandé par M. Bitaubé , que j'avois laissé à
Paris , et qui ne revint à Berlin qu^environ
un an plus tard.
J*eu8 lÎQu dans la suite de me persuader
que Frédéric , ainsi que M. le Catt me fa voit
.s^nnoncé^ avoit été assez content de moi^ et.
quil se prpmettoit quelque sorte de délasse-
ment à m appeler quelquefois auprès de lui ;
à moins toi^tefois , ce qui est encore plus vrai-
semblable , qu il n'ait voulu suivre y à moa
é^rd , 1 usage où il étoit ^ de voir ainsi les
étrangers qui entroient à son service , jusqu à,
iju fi
66 Entretiens ordinaires
ce qu'il crût les bien connoître ; sauf alors à
continuer , ou à cesser de leur faire cfet bon-'
neur , selon que cela lui paroîtroit convenir
à ses intérêts ou à ses goûts. Il est au moins
vrai que durant bien des années , il n'est ja-
inais arrivé à Berlin , qu*un de ses valets de
pied ne soit venu m'avertir gue le roi nûat-
tendoit à telle heure. L'beure qui m'étoit ainsi
assignée , étoit presque toujours ou celle de
quatre heures , aprè$ la signature des lettres ,
ou celle de sept heures , après son concert.
Je ne parle pas des occasions ou il n'avoît
qu'un mot à me dire : car , en ce cas , il me
iaisoit appeler ou avant son dîner, ou pour
trois heures , au moment qu'il sortoit dé table.
Lorsqu'il fixoit le rendez-vous à quatreheures,
il ne me retenoit guère qu'une heure, ou au
plus deux heures , sou concert étant fixé à six
heures précises : mais lorsque j'avois l'ordre
de me trouver au château à sept heures , la
4»éance se prolongeoit ordinairement jusqu'à
dix heures^ moment fixé pour son coucher.
Dans les premiers temps , j'ai été quelquefois
appelé de cette sorte huit jours de suite :
peu à peu , j'ai été un peu plus négligé pour
plusieurs raisons que la suite fera suffisam-
ment deviûer. Dépendant , je n'ai jamais été
% \
^
de Prèdérta: Bj
entîèteînènt rendu à moi-même ; dàt, dtti-anf-
tont mon séjour dans ses États , il ne s'est
passé aucune année , qu'il n'ait voulu me Voii*
plusieurs fois. Je dois^ encore dire que dans
les commencemens jMlois rarement appelé
«eul ; j'avois presque toujours pour second
M. leCattj ou le marquis d'Argens, ou le
colonel Quintus Icilius , c'està dire, Gnichard t
je m'y suis trouvé aussi deux fois avec moh
collègue Toussaint ^ ou Panage , l'auteur
des Mœurs i mais il ne put se soutenir t
il déchut dans l'esprit du roi , par trop
de familiarité d'une part, et de l'autre
par une manière de contredire plus tran-
chante qu'il jie lalloit t ces défauts prove-
«oient de la haute, opinion qu'il s'étoit faits
à Paris , de lexcellence philosophique.
Frédéric aimoit à paroître oublier lé xoî /
dans ces sortes de conversations ; mais ce n'é-
loit que sous la clause secrette , que les autres
ne l'oublieroient jamais. D'ailleurs Toussaint
eut un autre tort ; il aimoit à redire qu'il
avoit vu le roi ; que lô roi lui avoit dit telle
chose-, que lui-même avoit fait telle réponse
ou telle observation; etc. Or, ce souverain,
aussi précautionneux que méfiant , ne man-
quoit pas de faire suivre pendant un temps ,
JE a
68 Entretiens ordinaires
les nouveaux venus qu il admettoit dans sa
société; et lorsque, d après les rapports de
«es agens ^ il a voit lieu de regarder un homme
comme vain , léger , indiscret , . oTu intrigant ,
il prenoit le parti de 1 abandonner.
Si ) ai été plus heureux que Toussaint ,
C*est principalement parce que j'ai deviné 'Fré-
déric , et que je ne me suis jamais écarté du.
plan de conduite que je m'étois tracé en consé-
quence. Ce plan copsistpit t^. à écouter le.
roi avec la plus grande attention , sans
montrer le moindre empressement de parler
moi-même , à moins quïl ne parût le désirer:-
je crpyois lui devoir cette déférence , non-
seulement parce quil étoit roi, parce quili
4toît chez lui î et parce que j'étois à.ses ordres;
mais aussi parce quil étoit grand h'oipnàe^ et
que la loi que je me prescrivois à cet égard ,
étoit à mes yeux une loi de décence aussi
bien que de devoir; 2°» à ne point i^e laisser
aller à ses mouvemens de gatté, qui, si on
ne Tarrêtoit pas y étoient quelquefois très-pé-
tulans 9 et finissoient toujours par avilir ceux*
quis'ylîvroient: j-airaai mieux famuser moins^
ou même Tennuyer, et ne plus être appelé,
chez lui , que de devenir le plastron de ses
plaisanteries royales , c est -à- dire d'autant
de Frédéric. 69
plas cruelles , qu'il y mettoit pea de ména-
gement , et qu il n étoît guère possible d'y
répondre; 3°. à ne jamais parler de ce. qui
s'étoit dit dans nos conversations . et même
à faire ce qui dépendroit de moi pour qu'oa
ignorât que j^eusse été appelé. Combien de
fois ne m*est- il pas arrivé de venir tard pour
sk>uper chez des î^mis , et de couvrir , par de
mauvaises excuses, la faute que j'avouois,
sans laisser soupçonner que je venois du châ-
teau ! J'élois convenu avec ma femme , que
nous ne nierions point ces marques de faVeur,
quand on en seroit instruit d'ailleurs , mais
que nous n'en parlerions jamais quand on les
ignoreroit ; ^^. à ne me mêler d'aucune sorte
d'affaire; détermination qui m'étoit d^autant
plus facile à prendre et à suivre , que, j'étois
naturellement bien moins susceptible d'ambi-
tion , que jaloux de vivre tranquille; 5^. enfin,
à ne me présentera ce roi que dans un costu-
me aussi simple que décent : ce dernier soin
8*accordoit singulièrement bien avec les prin-
cipes de Frédéric. Il éxigeoit que les chcfe
des principales maisons de commerce , sqs
ministres d*£tat , et sur-tout ses financiers ,
étalassent un certain luxe. Les derniers ,
en particulier > auroient été roA re^us , si ,
70 Entretiens ordinaires
à chaque fois qu'ils étoient appelés , ils ne
$e fussent pas présentés avec de nouveaux
habits , faits des plus riahes étoffes de ses
fabriques î et , d'un autre côf é , il marquoit
le mépris le plus réel pour les hommes des
autres états , et surrtout pour les gens de
lettres qui sembloient attacher quelque prix
è ce qui n*est que faste. Ceux-ci étoient très-
assurés de se voir rangés , par cela seul t dans
. la classe des esprits vains , légers , et superfi-
ciels , ou même charlatans et faux. En uu
mot , il vouioit que chacun eût véritable-
ment l'esprit de son état.
Je citerai ici pour exemple , un habit do
fort beau drap ^ couleur d'éoarlate , rehaussé
cl'un galon en or de trois doigts de largeur,
que Toussaint se fit faire environ un an après
son arrivée * et qui lui fit un tort irrépa-
rable « tant à la cour que dans la ville. A
cette première faute , il en joignit une seconde
d'un autre genre , mais qui ne fît pas une
impression moins funeste pour lui > sur. les
esprits de ceux qui en furent instruits ; je
yeux parler des démarches qu'il fit , à l'âgé
de cinquante ans , pour être reçu franc-ma^
çon,.dans l'espérance d'être ensuite , admis
aux loges que le prince Henry tenoit quel-
âe Frédéric. 71
qaefois : ce qu'il y eut de plus cruel , c'est
que le prince Henry n'en voulut point.
- Une chose très-propre à me prouver alors
que mon plan étoit . bon , c*est que je re-
marquai que M; le Catt, qui étoit toujours
réservé et fort respectueux devant son maître,
étoit en général traité avec bonté ; tandis que
jje voyois souvent tourner en ridicule , te
marquis d'Argens elle colonel- Qaintus-Ici-
lius , qui se laissoient facilement aller à 1^
plaisanterie, toutes les fais que Frédéri<îen
prenoit le ton. Je ne citerai ici que trois anec-
dotes qui , dans le temps, ne purent que nie
confirmer dans Topinion quejem'étois faite.
Un soir que le roi très-grièvement malade,
avoit la goutte dans les entrailles , il nous
fi^ appeler, Guichard et moi. Nous trou-
vâmes le monarque couché sur un lit de
sangles y les bottes aux jambes , uu mouchoir
blanc autour de la tête sous son chapeau ,
et son manteau par-*dessus son habit , pour
lui servir de couverture. Quand nous fiknes
entrés , il i^ous dit de prendre chacun un siège,
et de nous placer devant son lit ^ ce que nous
fîmes l'un et l'autre. « Je vous ai fait appeler
* tous deux ensemble , ajouta-t-il , parce que
».je soufibre trop > et suis trop foible, pour
^JBi Entretiens ordinaires
» pouTOÎr prendre une part directe :à ïa ;cob*
» versatîon, et même pour pouvoir la bien
7> suivre : ma foibles$e est tcHe , qaayant
» voulu changer de linge » il y a peut-être une
» heure , Je suis tombé entre les bras de me3
a> domestiques , q[ui m ont déposé sur le Ht
o> où vous me trouvez. Ma tête est si fatiguée ,
» que je sais à peine où je suis. Ainsi , caqsez
3> ensemble , et comme si je n y étois pas :
p parlez de tout ce que voua voudrez , et
» comme il vous plaira , je vous écouterai ,
a> si j*en ai la force ; et cela servira ^ au moins
» par momens , à me distraire . ^ . • . »
Cependant nous ne disions rien, Qnintus
let moi; chacun de nous attendoit que fautre
entamât la conversation : j'éprouyois pom* ma
part quelque embarras , n'imaginant rien qui
me parût convenir à un roi malade : dailleurs,
il me sembloit que ce petit eflbrt devoit coûter
beaucoup moins à mon eompagtion , qiii , vu
les connoisâances locales qu il a voit , et la sou-
plesse d'esprit que sa qualité de courtisan
devoit lui donner ^ ne pouvoit se refuser aux
désirs du roi , que par une sorte de malveil-
lance envers moi : peut-être Quintus éprou-
voit-il la même sécheresse dVspritdeson eàXé*^
ou bien f curieux de voir comment j'en sorti-*
éê' Frédéric^ 73
rois , peut-être espéroit-il de me sarprendre
dâos quelque gaucherie, qui serpit devenue
pour lui uue {ouissance précieuse. Le rpi néau*
znoiQS s'împsitîentûit , et nous répétoit sans
cesse : « Mais parlez donc : dit^s Ce.qae vouf
» voudrez; mais parlez «,.... p Cette.scène 116
pouvoit pas durer ioDg-^temps : elle ne tarda
pas à me paroitre aussi déplacée que danger
reuse : aiQsi je pris ie parti idercéder aa cour^
tisan ,, une victoii^e qui pouvoit .lui coûter
cher ; et j6 débutai t ^^^sez maWdroitement à
la vérité , par lui dire » que lui-mémê. avoit
aussi été malade ., il y arvoit quelque temps ;
mais qu'il meparoissoit bi^n rétaWi.r— « .Lui,
» reprit ^Ç'rédéric, lui malade ! Eh ! ne Voyezr
» vous pas qu il ala. voix de . Staator , les braa
2) d'Hercule j et les é-paules d'Atlas? GcÀnptez
» bien qu'il euterrera la génération toute en-*
» tièreî » Je ne sais ^sî le roi âvoit deviné le
motif politique dû sileace de son colonel ♦ et
sll vouloit i en punir ;niais ilcontinaa quelque
temps a 1q pe^i^siffler sans ménagement ; da
sorte que moii pauvre compagnon, eat bien
plus lieu de craindre que je ne .parlasse ati
sortir de là , qu!il a'avoit eu envie.4c me faire
parler aiiparavaol;.
: Feu a peu néanmoins le roi passa à d'autres
74 Entî^eïîens ordinaires
idées; et de propos en propos, il en vint à
examiner et à comparer les différentes formes
de gouvernement. Alors , là conversation de-
vint aussi sérieuse, que l'objet en étoit im-
portant et délicat; nous ne fîmes plus qu'écou-
ter i le colonel et moi.
i Le roi qui sou&rort de si grandes douleurs,
au moins par momens, paria seul Jusqu'après
neuf heures , quïl nous renvoyia. Seulement
y s'ihterx!ompoit presque à' chaque quart-
d'heure; obligé de céder à ses souffrances ; et
alors il appeloit ses domestiques , e,tse faisoit
donner une cuillerée die je ne sais quelle po-
tion j après quoi il nous demandôit à quelle
idée il s'étoit arrêté, etreprenpit la suite dis
sa dissertation. Ce fut de cette sorte qu'il nous
offrit le spectacle d'un roi presque mourant ,
en proie à des douleurs si vives j que souvent
elles lui arrachoient des cris aigus , et le for-
çoient à se replier en deux durant quelques
minutes ; et cependant parcourant avec ordre
le cercle des pensées que lui fournissoit un
sujet vaste et compliqué , nous les proposant
de suite, et du ton de la plus parfaite impar-
tialité ; appréciant également bien les hommes,
la société y nos besoins , et nos passions , les
gouvernemens et le but , ainsi que les moyens
. • ife FridériCé \ 7*
qu'ils doivent adopter , et enfin les inoonvé«-
niens auxquels ils peuvent être 3ujets. Je n'aî
|amais dû oublier une discussion aussi intéres**
Bante , sur-*tout dans sa bouche et dans de
telles circonstances. Lorsqu'il nous eut dit à
peu près tout ce qu'il pensoit à cet égard , il
se résuma par les mots qui suivent , et qa'il
xae semble encore entendre : <( J'écarte entiè-
y> rement de mon esprit toute idée d'intérêt
9 personnel : j oublie en ce moment que j&
V suis monarque : je veux même oublier que
y> je suis homme; et me supposant d'une na«
a) ture et d'une espèce absotument étrangère
» au genre humain , )e me figure que , planant
» sur le globe terrestre, je me mets à bien
» examiner ces sortes de fourmis qui , sous le
y> nom d'hommes , en couvrent la surface ; et
» qui , à force d'activité et d'industrie^ s'en
» approprient tous les êtres et toutes les res-
» sources. Je calcule leurs passions , leurs
» vertus , leurs erreurs ^ et leurs foiblesses : je
y> vois que cette race d'animaux pensans.et
9 libres, ne peut vivre qu'en société; et je
» vois en même temps Fimpossibilité de les
». réanir tous autour d un même centre :mais
. :». il est évident âmes yeux, que la pluralité des
» sociétés amènera la contrariété des intérêts;
9<? Entretiens ordinaires
9 d'oti il suit que ces socié^tés né pourront que
» se traiter en tout de ia Thème manière que
» les individus, puisqu'elles seront su jètes aux
:f> métnes vicissitudes et aux mêmes lois que
3) les hommes privés. C'est alors qiie jerecher-
3» che , et que , conséquemment àoes données ,
» je compare entr -eux les moyens de conserver
» les sociétés , et même d'eu assurer la pros-
» périté. Ici , je retrouve dans la politique,
» les mêmes i^elatiôns qu'entre les simples par-
^ ticuliers ; et les mêmes bëiséa , les mêmes
» principes que dans la morale ordinaire r
» toujours et par-toiit ^ j'aperçois les mémeà
» besoins , souvent les ndémes fautes ; le bien
^ résultant de la sagesse , et le mal produit
» par ia sottise. Cet examen , lÀèù réfléchi et
3) bien développé , me conduit à l'appréciation
» des différentes sortes de gôuvernemens ^
9> j'évalue les orages de la démocratie , tes op-
3» pressions des aristocrates^ les caprices des^
» tructeurs du despotisine , et je me sens fbrcé^
3> de conclure enfin que le meilleur ou le moins
s> imparfait de tous les gouverneïnèns , est l&
3> gouvernement monaïrchique renfermé dans
3> le derde d'un petit nombre de lois fonda-
» mentales ; et je. réduis à deux points ca-
n pitaux , le très-grand nc^mbre des raisons'
de Frédéric. yj
» propres à jastifîer cette conclusion ; savoir :
. }) que le gouvernement monarchique biea
» constitué , est celui où il 7 a le plus d'unité
» dans les résolutions, et le plus de célérité^
» dans Inexécution. »
Après nous avoir ensuite demandé si nous
avions quelques objections à lui faire , et avoir
ajouté à ce qu'il avoit dit quelques réflexions-
moins importantes, il nous souhaita le boii-
soir. t
J aiannoncé que t dans une autre occasibUp-
il avoH encore mortifié le colonel Guichàrd ,
en ma présence. Cette seconde aventùte fut .
bien plus cruelle que la première ; et elle fut^
d'autant plus remaipquable pour moi , qu'in-
dépendamment . de rimpression qu'elle dut
nécessairement me faire , elle m'attira la haine'
de ce savant, qui n'eût pas Tame assez forte,"
pour me pardonner d'avoir été témoin de la^
manière vraiment accablante dont il fut traité. >
J'ignore pourquoi Frédéric avoit décidé^
de le mortifier; mais tout me perstïada qu'ili
en. avoit formé le projet, et que mêmenous
n'avions été appelés ensemble, que parce qu'il >
vonlottiencore aggraver par la présence d'un
témoin, les choses dures qu'il avoit projeté
deJupdire l^ès le^débitt de cette conver-
78 entretiens ordinaires
sation , le roi nous parla de ce qu'on nommç
axiomes , et prétendit qu'il étoit fort com-
mode pour messieurs les géomètres et les phi-
losophes , d'être dispensés d'en établir la
preuve ; que même il y avoit de notre part,
bien delà bonhomie à les admettre pomme nous
le faisons ; d'autant plus qu'il lui sembloit
qu'on pourroit assez facilement démontrer la
fausseté de quelques-uns des plus universel*-
lement reconnus , ou au moins les rendre
irès-douteux. Il cita pour exemple l'axiome
i^ui dit que tout corps mis en mous^ementqfi
fecte de suivre la ligne droite. Il nous de-
manda comment on pouvoit avoir iîonçu
l'idée de transformer en axiome une sembla-
ble proposition, tandis. que rien dans l'uni-.
"Vers ne nous offre de lignes droites , tous les
inouvemens que nous pouvons connaître , ^ §e
" faisant toujours en lignes courbes ; Après s'être
un peu étebdu sur les détails que ce fonds
lui foumissoit , il nous invita à lui prouver-
l'axiome qu'il venoit de nous; citer,
f Ici, mon voisin me laissa encore l'honneur
et le risque de répondre ; mais , pour, cetta
fois, je ne fis pas la. sottise de tue faire af-»
tendre. Je dis donc au roi 5 qu'on ne pouvoit
prouver un axiome , quel qu'il soit , qu'da
\
de Frédéric. jg
reôonrant à d'autres axiomes , qui servissent
de points d*appui bu de bases aux raisonne*
mens qu'on avoit à faire ; que si on vouloit
nier ceux qui les premiers seroient cités en
preuves ^ il faudroît remonter successivement
dé l'un à l'autre , jusqu'à ce qu'on fût parvenu
aux plus évident ou aux plus simples de tous ;
et qu'enfin jesentois que si on vouloît'encore
nier ceux-ci , il ne seroit plus possible de rien
prouver. De ce préambule je passai à un se-
cond y en citant une observation de d'Alem-
bert, sur la difficulté et le danger de prouver
les axiomes : mais je crus^ dans la circons-
tance où je me trouvois , devoir adoucir la
pensée de ce savant ; et je me contentai do
dire que, selon lui, on risque de jeter du
doute plutôt qu'un plus grand jour, sur l'évï-
dencëdes axiomes, lorsqu'on entreprend de
ks prouver. Ce ne fut qu'alors que j'abordai
la question dont sa majesté venoit de s'occu-
per ; en m'appuyànt sur un autre axiome , qui
làous dit, qxxHl'ne peut y ai>oir d* effet sans
cause 'i et en annonçant que je le choisissois^
pour principe démon raisonnement : j'obser-
vai d^abord que ce principe ne pou voit être ri-
goureusement vrai , qu'autant que l'on y com«
prendrôit cette autre vérité , qui en est un»
da Entretiens ordinatreê.
conséquenoe nécessaire, quï/ ne peut rien y
ai^oir dans V effet , qui ne provienne de la,
cause quiV a produit. De là, je crus pouvoir
conclure que ce qui caractérise^ par exemple»
le mouvement d'une pierre que Ton vient de
lancer , n'a été donné à ce mouvement que
par lamain quia été cause de l'impulsion. Or»
en arrêtant ma pensée sur laction de cettsi
xnain., je remarquai qu'à Finstant indivisible
oiise iaitrla séparation^ la main.ne peut avoir »,
niparco];iséquentimprimeràIa pierre, quune
seule direction précise et déterminée ; que si
l'on vouloit concevoir plusieurs directions
dans la main ^ on ^eroit forcé dadmettro
des propositions contradictoires ^ et ^d avouer
qu'une même chose peut être et n*étre pas en
£pême temps ; que la direction ui^ique et si|n-^
pie étoit la seule loi à laquelle la pierre dût
obéir, la main ne pouvant plus la changer ou
la modifier, après la séparation , et toute autre
direction antérieure , si l'on vouloit en sup*
poser quelqu'une, étant nécessairement et
absolument détruite et remplacée par celle-
là ; et qu'enfin une direction , vraiment u;^e
et déterminée , ne peut produire d'effet qu'en
ligne droite , toute ligné courbe ne pouvant
évidemment ê^re que le résultat d'autant d'im-
pulsions
de Frédéric. 8t
pblsîoDs diverses et successives ^ c^st-à-dire
d^autant de causes qu'il y aura de points de
courbure : je fiais par conclure, que tout
mouvement « considéré dans une première et
seule cause « étoit nécessairement unmouve-
ment en ligne droite ; et que , si dans l'uni vers,
il n'y avoit réellement que des lignes courbes ,
c'est qu aucun corps n étant mû dans le vide »
il falloit compter autant de causes successives
qu'il y avoit de cbocs nouveaux ou de nou-*
velles rencontres, c'est-à-dire, aut^ipi qu'il y
avoit de points dans Tespâcé parcouru » et
d'instans dans la durée de chaque mouvement.*
' Soit que le roi fût satisfait de ce raisonne-
ment, ou que la suite de ces idées ne leût
pas conduit au but qu'il se proposoit , il
abandonna sa première thèse y et se jeta sur
une question nouyelle, en nous témoignant
être surpris que l'auteur de la nature ne noil»
eût pas accordé la faculté de prévoir, avec
certitude , l'instant de notre mort. Cette
çDjmoiss^noe, si nous pouvions racquérir ^
iiQ lui sembioit de voir produire que des eflets
avantageux : la nécessité de prendre son
partie et Fexempie des hommes sages et cou-
rageux , doi^neroient à la fin, nous disoit-il »
une juste résignation même aux plus foibles :
/"
8a Entretiens ordinaires
d'ailleurs , est-il quelqu'un qui ♦ voyant le
terme s'approcher , ne voulût pas mériter
quelques bénédictions , en foisant quelque
bien avant de partir ? On se livreroit d'au-
tant plus à ce dessein ; qu'à cette époque les
passions seroient Fort amorties , et que la
vérité exerceroit son empire avec bien plus
de force : combien de préjugés se dissipe-
roient! combien de voiles tomberôient de
devant' nos yeux ! Un père de famille maaique-
roit-il alors de prendre les mesures convena-
bleé pour maintenir la paix entre ses enfans?
Ne leur donneroit - il pas les instructions
propres à les sauver des pièges ou des chi-
canes' de leurs ennemis? Ne s'attacberoit-il
pas en m moi, à bien arranger toutes se»
affaires avant de mdurir?... H termina ton»
ces développemens , par nous inviter à lui
indiquer comment on pourroit justifiéi- Dieu
de nous avoir ainsi abandonnés à une igno-
rance si complertte sur ce point essentiel; ..
' Pour cette ibis, le colonel prit lai parole î
Il convint que,, si lès hommes pouvoient ert
général s'élever jusqu'aux principes qui tien-
nent à la vertu , il sferoit difficile de nfe pas
prononcer confoïttiément à l'opinion de sa
majesté : mais les hommes , selon lui , ne ae
Inoutéîènl guère que dr'dprès ïeàrs iiit^êis
pieraofliirfî ; nond'aprè» lëùrsuitéfêfâ fôâftrf^
raisénnabiès'et bien âpprëèiéë , iùàis d'ér^da '
les intérêts que- la passion ■',■'" "erreur^ ^îiéS
T>pinionâ ïes plus - déré^^lées" letrr • fôiéolent
adoptai? >. éa moins "érpercevcfif-ttti ^fi«p péta
de personnes qui fissent, à èet ^ga*dV"*i^^
tiori % la ï^gle généMtà; ' DîWs 'te^t ^éê*t* -àb
choses l êè^i qui èatJMtdèfoff tsififilfi^r'Jèb
carrière dàflSâA iihiâàMiAk itioik i'hWi^i^
ordittairettle«tt'^as4}edij^'ôftz^iâ soéiëté ^41
rie béfJrOîf^ploà ;'« A'è p1à»ïek)if pl«K*''îl^
fonnèf ôi*^ii«s' -Wàërftf '^«jèf Ji éf ^Irë %um*Jt
-j^ltts '^hdiciklë^ ^À^prîsè: il p^eissé'f'ok lé iréiib
=dé àà'vié"r%'è déàëèp>é*ér m à jb«fi¥'^i«t
téoinbi'ëbf Riàdciété fif^f èRSi^T-é^Ile ^à^^ âbils
milte rk^àVis difiér'êîisF? ^ iél , ' 'ia< ftmi£ft»
partit aussi isûbitë '^^ftéhièr. «Cette fe^
'i"ée ' itigèr , lui- ^t 'le irô? ; •ëgt 'fcënftè'|>otir
^ vbtrsr, ateè'dë'Bôtté' et' de m^lM(âi'¥p^iê-
rf héfe /«^ttdtt»fôrs ^tté-Tè ^dtefeiiHti«?ce«ic
h '4iÂ- 6if tl^aifie ÂoSf^l "9^96' M -^otfSilfk
« atisM"li6trfea§eS'M/«J5§reîi«ai^'«ofil»§tti«,
» qii« rhotfn^fè faûriÀA«i^feit'feajbdts'ïé>!)iêi,
V timt^ù'ili»étrtlefaIfe,4t'dii2qtietHëfitf^
F Z
«84 EntretieM ordinaires
» qoe ?D*est le b^ea , sans rechereher quels
yk.'SOBt ceux q}4en prpfiteroiit. Mais vous
;» Bf Be^tes^ .poiint ces choses; vous n'êtes
■» ppint fait pour les sentir, m
ÇettQ terprible apostrophe m'anéantit presr
iqa'aïKjiBt que celui qui en étoitTobjet; j'en fus
d'a^las^i 9]}^ Rouble , que le colonel n avoit
itie^ dit q^e. je n'approuvasse dfu^s; le fond
fie ratqp.9 et que jamais ]e n'avçis rien va
jOfi cpQSu df aussi cr^el j mais ce qui me prou«-
;ya qi;i!3(Ie rpi.ayx>i(: cherché à inortifier le
, colonel devant :qioi, et ee qui. me fit voir
f^.mê^e'^t^nps^cpml^ien cet homme: eztr^or*
din^irç étoit sio^ulièrement maître; de lui?-
;]p^n^Qi et exf ^oit un empi^pe yraimeut absolu
-fur ses. pnoprpa^fiffections , ce futVair aisé.»
rGalme , Ùbr]^, jet J^atuyel , avec lequel , après
iH^ Bojvt i^ta»V4^.sapiice, il me parla de
.pèiNfiPlMP PÇ^^tt* ^» bou. quaçt--d;heure,
..et ç^iii^ne/s'iloiie; s*|étpît .ppint' ému. Ce reste
.4e cpnver^s^tipn arvoit-U .pow ob^t de sa
iJR?rtx.^? fa^e coçnprejïdre à Q^ffituft «uq
: oe qjaij, avoil préçjéd^ , i^^uroit aucune , autre
lanite?. ^u voiOfliVil Jw-Jn^^^^
aftsi^Je^^ordinair^j avant de §e^puyer sçul?
[iijoapçpnnfif^îii^; plutôt le p.rçffisr. de ces
,4çj(Ht wotiÊ, îjie^^ ^çft»iKi-. Qupi,,qu:il en
^ i^ FriHne. 8«
voity H'40BM renvoya^Bsuit^i d%n t^ei fort
iraniquifie -, qtioiiju^^ez sec^ •
1 En sôrtimt de cet appartement si redoti*
table, je me trouvai anesi embaof as&é à c6tô
de< mon ceibpel ^ ^que i^avois été înte^dh' utf
^àrt^d'beure |dto tôï ; je ne sai^mâ ^e lui
dire... Il fot im-n^me audsi ' iitctoiewBtin '4^
moi^ etiKins^arr»nâ»neâ au bais de* Fésc^lier ^
,aa moment de nous dire 6on ^o£r i sapl^ avoir
isu à proférer uniseuiinot , m To fri laUh^el
Telle fut lascène quî.ine v^liit-là4iailié1^xi
^irononcééduGobneiQàititua lûiHttd .'ifdfi^'î
l'instant de aa mort, quoique d'iE^eta;^ il
ii!ait jamais eu aucun Teptoêiie'i£Lé^'J&ir^>
car non • seulement je* vl^ï pcÂnt pa^lé -é^
cette avelitore tac»i(}u'tt^9écii;:iir4^a.^éuU^
ment jenai popit'mal pailéidc^'tblf ÛfiSs'^
de plus , il ne tolék trouV-é ^r^ijdbr'^emifl
dans aubunei'ocoasiom Dirâi-^^^^cm^'^â^utt
jcturdliui je me venge de cô lèl% ^lètfëe?
Je ré^idadttii qu'aujouxd'faui; qu*4l ne ,|^Ut
plus étseiqUeètion de lui nuire , et que j6
d'^écm: que pour lliistbire , je le peins , aiiisi
qpé^Xom ceux dont )'ai a parler^ tel qu^ je
llaioonimf nitqontimty n&supprimant, n^alté-
xant aucun dos t3:aits< que la vépité me dit
iuLAppartdnir^ . . :
y
9Ô EntrctUa^ atdUmires
. :li^a^i^9. qui ' Qd»c«r n^ile ;iiiMipîK 4)^d^
gens est moiû^c f^itje^e ; eè)ij^'tes^t:i*Ufffo«iti
q^'i)i^Q ^l^îsmi^kr ,. .iQaU ô)D0fipf9id0]U:érîe
^p?t(>)QPgé& et .«oiitQxiue i xç(x\>}mut^ \mâm
QU'onriy côj^i> peu <^:délic»lj^a^ ,f Qtrqiifllrqe
|](r<Hiv^; 4$up^* la;]biou^bQ dfuù.toi.] Jkvcitf :eb
Pfdca .^é iii»i9 x@pdi^.'9fanMî iaÂx^lmi^ .obez
l^.>W^fq»k i pour ïnaD[teri,anrciiJ) lai câiez ie
ppi' à;$P|\t beUÉça-: dfttt^jsoirée , si iriowTgÉaiid
iH^iilfâftfPfcU' ibi' employée; toute eiitièi^là
t>ft#li^r/4*t:vieiiteni^Jt^^ im t©u|:
||uil39; stàJ^ire p^ûri^as .treoÉe ans de Sestioé »
x%s j^Jlsâ^^tQ^Moptqne'tfe&irs^adbessaniw partir
<^lîèse^âtLtàFjàf)ic;9i«'î^>âett3 que ^ dans (pidd-
p 5 .ft^.-^fjlt^èi ,%a«te:: djânobikioni Si le;> hasard
<^u#f^ ^^ ni^apat^f ta'woiti ooofùié' dans mia
fl).iFç^ti|)2e ^^vs§ i. et ^ nar/exftinp}e i.dabn.aip
f), . pays QathpHqJte} etuhijan '^i ^u défàxidLjdfàiitrës
^M^^sowcçs /Jû mb fierais ifaiti^^ptétére^, ^€)t
»> j^^ifrois eh$r€hé« àidlsvëikîr IffrdîjD^ctebrule
» quelque grand iséigiaèii^: ^ iuvir) efarétiuif j,
ji tel £^u moia3 quarni célèfaig> piar/paâii JBorir
9. gagcter seâ^* bbDii0s;;:grâiceâ/^4 naoïiaiéiiF ^
^^ j'aurois étudié ses ibibles^ietUeS/fAixab
de Frédérie. Zy
)i. mis à. profit./S'il avoit en une ittiâginàtioà
)> facile à alarmer , et qu'il eut cru voir
» par*-tout la mort pu la maladie ; si de^ cette
Vi sorte je Tavois vu toujours prêt à trembler
»»éjd peur« et à ^s entourer de préeauttons',
p je Taurois afiublé de eîsq ou six bonnets
j» dé ' uuit Tua sur l'autre , et de deux ou
# trois robes de chambre bien étofiëes -et
n bien amples. J aufoîs moi-^méme calfeiitré
}> ses portes et ses fenêtres ^ ayaat bien soin
» qu*il ne fiât jamaia exposé àismcua veut^
n éoulis. Enfin , je FaUrbis mené, en paradis
« dan^ Un caro^se bien sur ^ bien dos et bien
i> suspendu* — Ou bien^ ^^tt,^ lui répliqua
s», le: marquis ., dans cm boa fauteuil bien
^ rembourré , et tenant tout le monde debout
», dievant ' lui. n Cette répartie , la seule que
le maskpiis se scât jamais permise «ni ma
présence^ ne produisit aucun efiet. Le roi
ji'en fut pas même ébranlé ; sa physionomie
resta la mémç , libre et goguenarde^ il Conti-
nua ses plàisantenes , comme s'il n?a^t pas
étéinterroippu , &isdht toujomrs allosi<)iii aux
ibiblesses connues bu présumées du marqui$ .
et acKiutuulant les précautions- exagérées ^^t
ridicules que Xovl peut imaginer contre tes
aqcidens de bu vie.^1 alla |ttsqii'à i^lfppddr
88 Entretiens ordinaires
les folies tant reprochées -à Maupertuîs par
Voltaire , me disant que , pour sauver plas
sûrement son. marquis , il le feroit enduire
d'une couche bien épaisse de la sorte de poix
la plus dense ; ce qui servir oit merveilleu-
sement à le soustraire aux influences perfides
de lair extérieur; et que cependant n'ou-
i)liant pas ce qu un grand seigneur doit à sa
gloire et au public , il.lui proposeroit diverses
entreprises propres à le rendre immortel ,
^omme , par > exemple , de Faire disséquer
quelques têtes de Patagons , afin de décou-
vrir • le mécanisme- de la pensée , et de par*
vçmTi ^èn s'exaltant soi-même, à lire dans
lavenir y comme aussi de fairje dans la terre
un/gtand trou, qui allât : jusqu'au centre ,
moyei]» . inËulUUQ et tout siniple de con-
Boître la composition et l'organisation de
notre globe ^ etc; , etc.
Caroi avoit souvent des idées singulières »
iauxquèHes iactivitéde son esprit le condui-
soit naturellement , et qu'il se plaisoit à dé-
velopper. Je une rappielie qu'un jour , en me
parlant de l'extrêma ténuité de tant de nerfs ^
:de muscles .et de fibres, qui entrent dans la
composition de nos corps^^ et qui sont plus
. Çtt ^ m^ins jnéceèsdites à . notre existence ^ il
de Frédéric. 89
se plat à me faire admirer comment noas
parvenions , malgré cette constitution si com-
pliquée et si délicate 3 à supporter tant de
trav9ux , à résister à tant de fatigues ^ et à
vivre si long- temps. « Un jour , me dit-il \
)> dans un de mes voyages ^ je m arrêtai pouï
» changer de chevaux, devant une église',
» dans la tour de laquelle étoit une horloge.
» Je portai mes regards sur le cadran, qm
» me parut vieux et en fort mauvais étaf«
n Je fis approcher un des habitans du Iféu '\
» et je lui demandai de quelle matière* étoit
» ce cadjan : Sire , mé dit-il , il est de fer. —
» Et depuis quand eist-il là? -^— Il y a environ
. 3> vingt-cinq ans <|u'on Tât-^it- faire et placer*. •
» Ainsi i monsieur , le fer même dure môiàs
» quenous. Toutefrêle qiié je suis , j*use déjà
» mon troisième cadran . Si vous me dites qu'il
» est exposé à toutes les injures de Tair ^ je
» vous demandeirai si je ne les ai pas aussi bra-
» vées , sans compter tant de privations , tant
y> de dangers , tant de peines d'esprit et d'an-
V goisses, dont le fer H*a pas à soufirir. »
Frédéric aimoit singulièrement à parler
de philosophie, de. métaphysique et de reli-
gion ; on peut' déjà s'en éti^e aperçu dans
oe qui précède , et ron aura encore pla^
9P Eniretiôft^ ordinaires
cuvent lieu de U ï'emarquét* dan» la suîto.
JStoit^ce envie de s'instruire? Je ne le erois
pas« K0 çfiety le paasé deyoit lui suffire pour
êtr^ bien coayaincu q«eoe3 aortes dédisons*
sipns ne pqqs acheminent pas d'nb pas de
plus vers U vérité. Il avpît tant disputé sur
tous les points de théologie ôtdç pliilosophie.,
lorsqu'il nétoit: encore qu^ prince royal ; il
avoit ta;pt disserté alors^ soit avoQ le9 Vol tiens,
soit avec 1^ Ac^^ard ou d autr^9 p^aateurs , que
Yoïf, p.ei)t jvistçmçnt s étonpei: que ce goût lut
soit resté. Le pasteiur Acbard, cmcle du chi-
miste de ce nom « m'a conté bien de3 ibis »
/qoç ce prince 5 étpint jçune, ne mânquoit
a^cuifi^. ççeasi;?^ d9 leUtreprendt^ sur les
m^tièr^ de ):^]U|g^ « 9t que q^ Q^nféreAce^
duroii^nt pre&^uQ -tetij^ura d^s heurea en-»
lières ; il ma souvent répété que de oette
sorte ils ayoiçnt parcpwu fort lo^uement
.tous les do^p« de9 d|fiéi?eiitea:aectes; qu'iU
étoient spuw^pt revenus sur les mêmes objets;
jqfxe ce priuoe ,^embloit toujov^ra a*étre pré-
pné 4yvajiç^ à lat di^QUSâioO' du )our» et
que dq xmïw on ne pouvoir qu admirer la
justesse, )a £[ag«oité 1 la facnlilé et Tordre
avec lequela il préaentojt $e(9 objaetionst Le
pasteur ) homme instruit > et qpi neipanquoît
>, . .».
pas/^p jt^Iet^t, m\ m'a. point ^iâ^iomlé- qao
^uV^i^m^'étoH souvent re^té ùourt, et HYQÎt
4t^ pJbJigé d^ pQQfesser que le3 répondes quHl
po^rroit: faire â.$ipn.alt0ft^« rpy^l^, lui paroî?i
i, M*ia/si ce prjin^ étoit^biou persuadé qa'i(
iL'iE^yoiï^ plua auciUiLei lumière iicmi/féUé à eapé-r
iei de ces sortes d'entretiens ^i quel pouVoît
doQQ être le motif par^êailîer qcû Ty raiDe«
Hoit saùs' cesse , et pouii 'ainsi dire , tousies
jmirs ? JËfoitril ienlra^éipar ce aèke ânti-ire«
ligieux^dontion a tant ncctoféles philosophçàde
s<H9i sièoie 1 C'est encore jisa qae je ne pense
posât; Je suis persuadé' :qae sil netoitpçkit
iodifiereiKt à cet égards' 1^ îl^se repoeoit da
moinsLsiïr ses anâs ydii soin de convertir à
bt- philbsopbie , iandisr qae Ici sVuxmpoitde
tMiitfltutrè ^&mi. Il tëtiok tr^ iortenn^nt a^i
piinoipe? qup ehaeun dieAtJutre son -métier i
poiir abandonner leeien, et se mêler de
cëhii des autres > Ce ^'est pas qu'il ne dût
éprouver quelque plaisir à voir deë hommea
qui pensassent comme lui, sur-tout parmi
ceux ^ qui lui ^ parc^soi^nt doués d^ùn boa
esprit \ mais je suis convaîneu^ que eette dispo^
^ sition n^aFoitiqu^gne fôiblç part àroetté espèce
desmanir^ qi^i l^'^ï^âmtonôit oentinuellemâ^nf
'^2 Entretiens ordinaires
svq: les mêmes sujets* Mon opimott ^est^doBO
que Frédéric s*étoit fait uiie sorte dlltfbitudé^
et en même temp^^^de système, de parler
dans ses oanversations de philosopbîe et dé
religion , plus volontiers ^e de bisàÙlc3Ôtt|^
d'antres choses, i^^ parce qoç ne -^^ voulant
qne se^ délasser Fesprit , il étoit natiif el qiili
s'attachât de préférence anx choses qài teii
étoient plus familières ^ e^t ^ur. lesquelles soa
esprit pouvoit brîHer à moii» de - firais et
même à moins de prisque , rien n'étant plusf
éloigné des objets, mins^et soucis de la troyanté;!
2^., parce que toujours, attentif à saisir les
aotfi^ens d'itudier^eeux dont il pouvoit avoir
à ^e seririr , il lui ^i^t paru que ces sortes,
d'entretiens conviendroient d'autant ndréux
iieedesseinf 9 îqu'on s'en méfieroit moitas j et
qu'il, y .trouveroit ttQUt.à. la fois rocoasioai
de juger des ûonn^ûssancea acquises , de lar
justesse , de la pénétration , . de ia facilité^
d'esprit , et même du caractère; moral?de»
eeux avise qui; '\\ s'etitr^tiendroit ainsL £ui
efi'et » celui qui avpit sur ces matières lef
XLêmes opinioiis qi^ç. c0 roi, étoit trop charmé>
de se trouver un $0mblable appui , pour se
contraindre ; il ne pouvoit qtie se livrer sans
méfiance à fimpubipa de:SQJti.pfoprêeairac««
de Fredériô. 93
tère; et Flrédéric vpyoît ainsi à découvert
la vivacité de Famé -du marquis d'Argens ^
la très^graude activité d'esprit' de Voltaire ^
la dureté impérieuse et tranchaijitè de Mau-
pertuis , la souplesse adroite du comte Alga-
xotti , la sagesse réfléchie de Jordan , la flexî-*'
bilité complaisante de Fœlnite ^ et de tant
â'autresi Quant à ceux qui ne p^ensûient pas
comme lui , il . purvenoit ainsi , et eomme
jsahs dessein, à s'assumer 6*ils avoient du moins
Famé franche et ferme ; et lorsqu'il les voyx>it
descendre : à quelque sort« dd lâcheté , il les
paurstdvoit autant que la circonstànae lui
'^ntfoumissoit le moyen , et p;renoit ainsi la
mçsttre de toute : leur bassesse dakne. '
. Le plan que j attribue à ce roi , est à.mea
^enx: confirmé par un. très-grand nombre de
.filU& dignes d^attention , et qui serotent inex*-
plicables , si on ne recouroit pas à la clef que
jlindjqtle: '^vm^is 3; par exemple.^ il »ua cher«
~ç\ké,:k: tpuro/^ enjst^eulçr:^ «àrle fait de lu
it^\&9T^ : > ; c»«x; ,^in s'^»uôiiçQÎe»t ; Irancbo-
;|i(iQpt pourpii!y >pli|is. tqnir;; procédé néau*
nioitfs d^jà;iiem4i:^able qhez un 'homme aussi
ifenoIÂuiil^l^JlQrîf^ Rarement il plaisémtoit
ceux qiii étoiept chrétîen$ de boniie foi 0t
JIV9P franchis? I mène devant lai ; ou s'il se
5>4 Entretiens ordinaires
laisfioît Met ^ quelque gatté à'efet ëgard , oit
f éussk$oit fbcilement et promptemènt à 1 en
cwrigejr.- J^e me rai^ypèlt^à ce sujet quuit dé
ses plus braveé > plqs dévoués et plus adroits i
ou plus heureux géùéraux ^ qui bbn catho*.
Jiqtfê ron^aïu 5 ne chargéoit jamais rènuémi
:Ba0s ftirp le sigiiç de là croix èri l'air ^t avec
son sabre ) ayant été uiïe séulerfdîs plaisanté
^ur c^ittDî pratique par Jb-rûî , lui imposa
ailenee , et è'en fit respecter ppur la suite ,
eu lui disàût : « Sire , ne Vous niêlez pas dé
p) aêla J ce sont des* chose^s qui ner^iennent pas
i» à votrcî service ^ qui n'y pèuveht nuire v €t
>i ne vous regardent point.IBburva que* je
» fasse bien mou devoir , et '^e je vous &etvb
rji av«<3 zèle f que vous Importent m^s pra-
(2> trqùes dé dévotion ^ot que gagûeriez-vous
» à tourner en ridicule \ro^'^Iils fidèles ^eè-
♦j> vitéurrf ? >* ': - — » <> j . ^•
; Mais-cë juèffle ttloûarqne ë(5cabloit impî;-
itoyàbléidcnt dé sarcasmes ôeïili^iquij paMiS-
-«oîent mentir, à leur cÀ^ciëtfeë ; riî^vbiilfett
voir-, pôûfmnfer dire , jHï^qrfà» qtiel point «fe
^pdrtéi^Oîeiît-k tîôndêscend^fié^éflà fciibïesse ,
^od 'l*âbafldbn de leurs propt^e^ opiiiionà'j il
'les pôursuîvôlt à outraWceVef *îès hàrcèloît
(éticaré ffptèàletir défaite ; el îleStaaijs esîempfe^
de Fi'édénc. 95
qull ait janiai3 montré autre chdse qu'un pro-
fond mépris pour ceux dont il avoit ainsi dé-
couvert et constaté la lâcheté*
Quoiqu'il m'ait fallu plusieurs années pour
me convaincre que le plan de* Frédéric étbit
tel que je viens de l'indiquer , je n*eus pas de
peine au moins à découvrir uû penchant qu'il
ne cherchoit pas à déguîs'fer \ et qui ne pou-
voit que faire fajre de sérieuses réflexions à
ceux qui l'apprdchorent. Ne pouvant pas en-
core , à lAes prenllers débuts j juger quel se»
roît le parti le moins périlleux ; n'aimant
point d'ailleurs les discussions théolbgiques ;
ne m'en étant jamais assez occupé , pôiir me
flatter d'en pouvoîir parler de manière à le
satisfaire ; ne voulant point enfin m'afiîcher
et me faire une sorte de réputation pour, ou
coïit]fe, et moins encore m'exposer à être
plaisanté , de quelque o6té ou sous quelque
forme que la plaisanterie me vînt , je pris le
f ai:tî bien prononcé de ne jatitais lui parler
d'iafucdne religion ^ de ne jàùiais répondre à
Ce qu'il m'en diroit , et inême dé rie me prêter
à f entendre en parler , qu'en me renfermant \
datls lés bornes de la plus froide et de la plus
sérieuse circonspection ; aimâxft mieux , ainsi
que je l'ai déjè( dît , ennuyer î et par coiisé-
96 entretiens ordinaires
quent être oublié et délaissé , que de partager
le rôle de plastron avec quelques-uns de ceux
qui étoient le plus ordinairement appelés au
chàteau«
J eus bien raison de ne pas difiPérer de.
prendre mon parti ; car le roi tarda peu à
vouloir me faire parler sur ses matières fa-
vorites. Il ne le fit cependant pour les pre-
mières fois , qu'avec une certaine retenue.
Ce fut dans ces premiers temps quil me
conta; un jour comment il avoit vu les cé-
rémonies Religieuses des catholiques^ et com-
ment il les avoit jugées. Cette, curiosité lui
vint durant la campagne qu'il fit , jeune en-
core , sur le Rhin , et sous le prince Eugène,
ce Je ne voulus point , me dit-il , entrer dans
» ces petites églises où, les prêtres traves-
v> tissent leur culte par la négligence et la fa,-
» miliarité avec lesquelles ils traitent le bon
» Dieu. J'attendis une grande fête., et Je
» me rendis, 3 pour la voir , dans une fa-:
» meùse cathédrale , où tout se faisoit avec
» la plus grande pompe. En y allant, je m^
{} dépouillai dç toutes sortes, d^. préventions ;
» je me fis un devoir de uy porter qu'une
» ame neutre D et dans l'état que les philo-
XI sopheQ désignent par les mots de tabula
» rasa.
ât Frédéric* ,97
m rasa. En nn mot ^ je voulois juger par
» moi*même , et d après la nature des choses»
» Je vous avoue , monsieur , que le premier
3» coup*d'œil me parut très-imposant. tJn
» grand et superbe édifice , construit sur un
» ^modèle étrange , offrant , sous une yoûtd
» extrêmement élevée , une perspective pro-
» longée , au bout de laquelle se trouve , dans
^> un chœur séparé de la nef, un autel dd
>» forme mystique. Par-tout la solidité réunie
A à une décoration noble et sévère ; un jour
2> afibibli, qui provoque au recueillement , et
31 auquel on supplée par de longues etmas«
:i> sives bougies qui couvrent Tau tel , sans
» compter celles qui sont convenablement dis-
V séminées dans le reste du temple; un grand
» nombre de prêtres et de chantres qui renv-
» plissent le chœur , paroissant tous égale*
» ment recueillis et occupés dana leurs tbhc*
r tions sacrées ; couverts d^ailleurs de véte««
x> mens extraordinaires j tout brillans d or et
p d'argent^ et des couleurs les plus riches ;[
3> un chant aussi peu usité que le reste , maïs
?) grave et soutenu par de belles voix , et par
:p un orgue et des instrumens qui remplissent
» cette vaste enceinte ; enHn , tout un peuplé
9 à genoux f et cosume frappé de terreur Od
p8 Entretiens ordinaires
» de respect à la vue des mystères ; et même
» les femmes , qui se hâtent de faire filer entre
» leurs doigts tous les graiins de leurs chape-
)) lets Il faut convenir que tout cela est
» bien propre à faire une vive impression
» sur les esprits foibles , et que ceux qai ont
» imaginé et établi ce culte , connoissoient
)) bien les hommes , et sur-tout le peuple.
» C etoient de fort habiles gens , monsieur ,
» et ou ne doit pas être surpris de leura^
» succès. »
On voit , par ce morceau , combien alors
il étoit simple , naturel et modéré ; il avoit
f air de quelqu'un qui se born^ à montrer la
planche , pour voir si l'on est disposé à s'y
laisser placer et à y glisser. La conversatiou
étoit plutôt libre et gaie que railleuse ; seu-
lement comme il voyoit que je Técoutois at
tentivement , mais que je ne lui répondois
rien , et que même ma physionomie , toujours
aussi sérieuse et réservée , que respectueuse
et froide , ne lui répondoit pas plus que ma
voix , il en vint peu à peu , par degrés , et
cotnrae s'il vouloit m'enhardir , à me deman-
der , avec un grand air de bonhomie , ce
que je pensois de ses opinions ou raisonne-
mens. Je lui déclarai alors que j'avois petf
' de Frédéric. gg
ëfudîé €es sortes de matières ; que je ne sa-
yois si , à mon âge^ , [e pourrois encore m eu
instruire , chose à laquelle je songeois d'au-
tant moins; que déjà j^en sa vois à cet égard
plus que je n'en pratiquois ; mais que du
moins il m'étoit bien démontré que j'étois
loin dé pouvoir rien ajouter aux lumières
des autres* Ma conclusion fut que je sup-
pliois sa majesté , de ne pas me faire un
crime de la nécessité • oii j'étoîs , dé ne pas
aîler au-delà de lattention respectueuse avec
laquelle j'écoutois tout ce qu'elle avoit la bonté
de me dire.
Cette défaite u'éloit pas ce qu'illuifalloit;
ainsi il résolut de me forcer dans ce modeste
retranchement , et il suivit son plan durant
plusieurs années , sans jamais le^ perdre de
vue. A chaque conférence , il y revenoitpour
plus ou moins long-temps. Ses premières
tentatives furent des propos extrêmement
libres , qui me persuadèrent qu'il vouloit ab-
solument ou me faire rire des folies aux-
quelles il se laissoit aller , ou découvrir si
c'éfoient de vains scrupules qui me irete-
noient. Je souris quelquefois à ses plaisan-
teries , mais seulement autant quil le falloit
pour le convaincre que ma conscience ,étoit
G 2
lOO Entretiens ordinaires
à l'aise ; et d ailleurs je n en abandoiftiai pat
plus le poste d'où je m*^tois promis de ne pas
sortir.
Quand il eut épuisé ses premiers moyens
d*attaque , il en prit d autres , et se mit à rai*
sonner très-formellement , et avec autant
d'ordre dans ses idées qu'eût pu le faire tout
autre philosophe. C'est dans ces sortes d'épan-
chemens , si l'on peut en supposer dans cet
homme extraordînairt , quil m'a fait quet
quefois des aveux précieux à recueillir. « Je
» crois bien , me disoit-il un jour , quil y a
V un Dieu ; mais je ne me figure pas qu il se
» mette en peine des individus. Que sont à ses
» yeux 9 même les hommes , la plus noble de
» toutes les espèces de créatures que nonâ
i> connoissions ? Infiniment moins que les
;t fourmis ne sont par rapport à nous. Eh !
ï> comment peut-on s'imaginer que Dieu , dans
1» le sein de sa gloire , va diriger et surveiller «
9 compter et récompenser ou punir toutes les
9 actions , et jusqu'aux plus simples mouve-
h mens ou pensées de tant de millions d'êtres
» au^si méprisables ? En vérité ^ ce seroit un
p beau souci bien digne de lui et bien propre
9 à faire son bonheur ineffable ! Je me per-
'> suade donc que Dieu^ suprême ordonna-'
de Frédéric. xoi
» tenr de tons les inondes ^ a établi les lois^
» physiques qui s'y observent ^ et ks main-
» tient par sa volonté , telles qu il les a con«
» çues , et conformément à la nature de I»
«matière;; et que de même il a préordonné
» et voulu lea espèces» d'êtres animés ou vi-
« vans qui parviennent à notre connoissanee ;
» maïs, que se bornant à donner Texistence
» aux espèces , et ensuite à tes conserver % il
» abandoime au jeu des évènemens ^ les iadi-
» vidus dont il se met foi-t peu «n peine»
» Quant à la punition deç fautes que les
» hommes peuvent commettre , ou à la ré*
D compense des bonnes œuvres qu'ils peuvent
ji pratiquerai! n'a pas besoin de préparer
» les pies d'un paradis q^e nous ne pouvons
» concevoir , ou les chaudières d'un enfer
>) que noUs ne concevons pas mieux , et que
9» le sens commun désavoue comme absurde
3) d'une part ^ et comme transformant Dieu,
7i en diable de l'autre part : pour punir les
2> coupables et récompenser les gens de bien »
B n'est-ce pas assez, des lois civiles et phy*
» siques » et de notre propre conscience ?..«
» Je né sais » me disoitril dans une autre oo^
n casion , si Dieu a créé le monde » ou si le
» monde est éternel.; je doute même que loa
/
101 Entretiens ordinaires
» puisse jamais démontrer l'un ou Taufre de
» ces deux systèmes. Mais j'éprouve , même
)) malgré moi y une répugnance invincible à
9» me représenter le fait de la création. On
1m nous peint Dieu comme existant de toute
}) éternité , existant tout seul , ne s'ennuyant
a> pas de sa solitude et de son inaction ^ parce
3> qu'il se suffit à lui-même ; et cependant ,
» voilà que oe Dieu , au beau milieu de son
3> éternité , a la fantaisie de créer cet uni«
» vers immense , incommensurable^ et près-
y> que infini en ce que nous voyons , sans
3) compter tout ce que nous ne pouvons pas
i» voir ! Et pour donner ainsi une existence
» réelle à tout , lorsque rien n'existoit que
» Dieu , il n'a fallu qu^un seul acte de sa vo-
y> ionté ! Et Dieu a été une éternité sans
» donner la vie aux êtres pensans , lorsqu'il
» lui en coûtoit si peu pour le faire , et sans se
» donner à lui-même le spectacle magnifique
» qui lui retrace si bien sa puissance ! Mon-*
31 sieur , voilà deux choses qui révoltent éga-
» lement ma raison : ce qui n'étoit pas , sor-»
» tant tout-à-coup du néant ; et Dieu le vou-
» lant ainsi dans le cours de son éternité ,
-» sans avoir eu de motifs suffisons pour le.
» vouloir pi us tôt! Je conviens que je ne m'ac-
àé Fréditic. xoj
)» coutume pas plus à croire que, cette ma**
» tîère brute , inerte et vile que je foule aux
i> pieds > partage te privilège d'être éteruelte ^
D et par conséquent d*étrç qii quelque sievtè
)> divine : mais enfin y j'en si^iÀ encore m$>iQa
ï> révolté que des dieux autres articles quo
^ je viens de voua indiqve]:* Il 0st pcissibte
» que je me trompe ^ monsieur ;. ofiâis; obligi&
9> de dioisir ?ntre deux QiwkU>ns qui me parr
» roissent absurdes à quelques égards ^^ j^
y> me décide pour celle dont ma ra;is6n est
» moins effaroudhée v et ]e m en tiens par èe
^> seul nK>tif » à éelle qui me dit que le mondée
» est éternel comme Dieu , et que Dieu eâ
» f st intelligence » ou , si vous voulez , h.
2> puissance coordonnâtrîce et mouvante*. »
J'ai rapporté ici ces deux entretiens , parce
qu'ils montrent en même temps quelle était
la doctrine que ce roi avoit adoptée^ et quelle
:étoit sa manière de raisonner. On obsep-
vera néanmoins qu en tout ce qui précède^
on ne voit rien qui manifeste son opinion
sur Timmortalité de Famé. Je dirai à ce
sujet » que fai'lièu de penser qu'il ne croyoit
point 4 cette immortalité. J'<ai deux faits à
jciter pour jissiifier ce que f avance ; Tun^
^qu'en me {krlaht de la mort de Lotlis XV » il
104 Entretiens ordinaires
me dit : « Il a eu beau être puissant en ci
» monde , c'est comme s*il n ayoit pas existé ;
i> il ne reste pkrs rien de Jui. Un rdi mort ,
si'Wï lion mort , cest tout "un. Que voyez-
• vous en lui qui lui survive ? — Sire, il en
a» reste la gloire, s il a su en acquérir. —
» Oui , la gloire , cela est vrai. j'J*avois cher-
ché à lui faire abandonner , par ce mot , une
suite de réflexions où il n*étoit pas dans mom
plan d'entrer , et je fus assez heureux pour j
réussir ; car nous abandonnâmes Louis XV
et la mort , pour parler de la gloire. L'autre
fait m'est étranger ; mais je le sais aussi cer-
tiônemént que si j'avois été présent. Deux
académiciens qui vivent encore , eurent avec
lui un entretien où il fut question de l'im-
mortalité de i'ame. L'un de mes/deùx con-
firères se mit à citer tous les argumenft qù^
l'on peut donner pour appuyer ce dogme;
{ion pas qu'il soit bien certain que ce savant
y croie lui-même, mais parce' qu'en général
il aime assez ces sortes de discussions ^ et
peut-être aussi parce qu'il vouloit voir quelles
réponses Frédéric auroit à lai faire ; ce qu'il
n'attendoit pas . est ce qui arriva. Le mo-
narque finit par s'impatienter ; et, prenant
tan ton et ua air dur , il lui dît : €< Comment !
âe Frédérie. io5
6 vons vous imaginez donc que vous êtes
fc immortel ? et qu'avez-vous fait pour le
'yy mériter ? » Ces deux faits me semblent ne
laisser aucun doute sur le point dont il a*agit«
Je n'ai point parlé des plaisanteries qu*eii
d'autres occasions Frédéric se permettoit sur
les mêmes matières ; on conçoit que j aurois
tant à dire à cet égard; que les lecteurs ea
seroient fatigués bien avant que j'eusse tout
cité* Si cependant on désire en connoitre
quelques échantillons , au moins de ceux que
iâ décence permet de présenter au public,
et par conséquent dô ceux où il y a eu le plus
de retenue , )e dirai qu'il m'observoit un jour
qu^apparemment le bon Dieu avoit toujours
moins aimé les Allemands septentrionaux que
:beàucoùp d'autres peuples ; c car 9 ajoutoibil>
']> il n'a jamais voulu faire de inous de bons
3^ chrétiens* Rappelez- vous ce qu'il en a coûf je
» d'efibrts et de travaux à Chartemagne pour
% nous cotivertir ! Encore y a-tril fort mal
V réussi ! £t Vous savez avec quelle &cilité
?> on nous a fait renoncer aux indulgences
» de Léon X ! Il semble que Dieu nous ait
D prédestinés à la damnation éternelle , et qu'il
M ait détourné de dessus nous le sang de son
^ fils;etvoyej8s^ce que c'est que fimpénitenoe
ïoô Entretiefis ordinaires
D finale t Nous nous on mettaûs ibrt peu en
I» peine!.... Je ne suis point inquiet de moa
» salut , me disoit-il une autre fois ; u'ai je
gr pas sainte Edwige , de qui je descends en
I» ligne directe? Vous cjfoyez bien qu'elle est
j^ trop bonne sainte pourtêtre mère déna"-
v> turée , et me refuser sa protection ! Et si elle
» méconnûissoit son propre sang » quelle ré»*
ïè putationcela luiferoit il'eii paradis? Ne faur
ob droit41 pas , pour cela , ;q<u elle eût le diable
«. au corps ? Ainsi, dès que je paroitrai,
o> comptez qu'on ouvrira pour moi les deux
:» battans de la porte ^ et que je serai reçti piar
-v le Père Ëtemel , comme étant .vraiment de
11) la race: des saints !j»
* :» . • . Voas «utres abbés et petits évéques ^ i>
dit-il un jour au biUiotfaéeaire pnbKc , dom
Pernety ^ qui ^ en qualité d'abbé de Burgèl
'( bénéfice in partibus ) , portoit' consiani-
ment au cou sa belle croix ^ov^ « vous êtes
1» cbicfaes et mesquins dans les bénédictiom
» que vous distribuez ; vous n*y em ployez que
'^% deux doigts seulement ^ ce qui dénote une
3) ladrerie honteuse. Pour moi , en ma qualité
*» d'archevêque deMagdebourg, j'en uise avec
» plus de noblesse et de générosité; je ioiets
^) anx bénédictions que je donue , les cin^
de Frédéric. . ttff^
» doigts de la loain ; et c'est de toute Péteiidttd
» de mon bras que je sauve les âmes ! »
Un docteur de Sorbonne., M'. D. ¥• P* se
trouva appelé et retenu auprès de luî^ }e n'ai
sa ni pourquoi 9 ni comment. FrédérîcJ'en-^-
voya jusqu'à Munieh pour complimenter de
sa part le pape Pie VI ^ lorsque celui--ci vînt'
à Vienne rendre à Joseph II la visite qu'il en
avoit reçue à Rome. L'abbé D. V. P* se pér-'-
saïada qu'après une mission audsl importante
et aussi honorable « un bon ëvêehé étoit la
moins qu'il pût espérer* Le roi même eut la
malice de lui mettre cette perspective ^devaiit
les yeux. Labbé prit un simple persiflBager
pour une promesse assurée , et se hâta de
feirç faire chez des juifs, à crédit-, et bien-
chèrement » tout oe qui lui manqubtt pour
compléter la garde-robe d'un monseigneur ^
cet empressement le perdit. Les créanciers-
devinrent importuns et menacèrent; si bien*
que le futur évêqùe crut devoir manifester
son embarras au roi , ce qui n'accéléra que sàr
ruine; car.il n'obtint pour tout 'secours que
des isarcasmes et dés gambades^ qui le déter«^
minèrent enfin à se retirer comme il étoit^
venu. Mais. dans les commencemens de son^
service auprès du. roi, celm*Qi he manq&at /
io8 Entretiens ordinaires
pas de mW parier sur le ion goguenard au*
quel il aimoit tant à revenir .... ce A présent,
» me dit*il^ }e deviens un tibéologten imper-
3> torbable , car )*ai auprès de moi un doc-»
9 teurde Sorbonne. Ainsi , monsieur , si vous:*
» chancelez dans la foi ^ si vous avez quelques
» doutes , quelques tentations d'incrédulité ;
» si le malin esprit vous harcèle de ses sug«
» gestions infernales, venez à.moî^ je. vous.
>^ exorciserai comme il iaut, et je renverrai
)ft le. diable cornu tête baissée et la queue dans
99^ les jambes j je vous en réponds ! Est«ce. que
» vous ne saviez donopas ms^ bonne fortune ?»
3» Est-ce que vous navez |)as encore vu mon.
» grand et très-célèbre docteur ? — Sire ^ je
a» lai vu un jour à dîner chez le comte dei
31 Sakce; mais il n'y ^ pas été; question de
3) théologie. -^ En ce cas , vous avez infini-
» ment perdu ; mais consolez- vous » je vous
3» transmettrai fidèlement toutes les choses
m inefiables que j'en apprendrai, --r J'di peur »
3» sire , de n'y nen comprendre. — Eh la
» grâce, donc? vous la comptez pour rien ?
9) Mais de quoi av^^vous dqnc parlé à moii
» savant théologien , chez le comte Sacke? — -
» Comme j'avois deviné p^x quelques propos^
» préoédens qu'il est du pays de Liège ^ ja^
de Frédéric. 109
» lai prié , sire 9 de me dire s*il étoit vrai que
» les marchands liégeois allassent tous les ans
» accaparer les vins foibles et délicats du
» Barrois , et les gros vins bien plus épais de
» la Franclie-Cpmtét pour les marier ensemble
D à Liège, et de là les reverser dans tout le
» nord de l'Europe , sous le nom de vins de
j» Bourgogne. — £h! comment avez- vous
» songé à le distraire de ises méditations su-
j bUmes , pour le faire descendre à de pa<
» reilles misères? Est ce doue qull rampe
n jamais sur la terre comme nous? II ne
» connoît que les choses célestes! Oh! vrai-
» ment , ce n*est pas du charlatanisme et des
3 petites friponneries des marchands de vins
» qu^il s'occupe ! Je parie qu*il ne vous a rien
» répondu qui vaille ? — Il m'a fort assurét
D que les faits dont je parlois étoient tous faux*
» —-Oui. sans doute : en bon chrétien • il re«
^> garde tous ses compatriotes comme les plus
D braves géhs du monde ; ef ce sont les bancs
» de la Sorbonne , monsieur ^ qui nous ap-
» prennent à si bien juger les hommes ! Je
% parie quq vous ne vous êtes jamais assis sur
» ces bapcs-là , vous ? *^« Je ne les ai même
» jamais vus , sire. — C est aussi pour cela
9 qa^ vous croyez que les m^arcbaads de vins
lïô Entretiens ordinaires
» frelatent et droguent les bbiésoDs qu*ils nous
» vendent , et que vous ne savez rien des vé^
» rites d'en haut » '
En revenant d'un de ses voyages en Silésîe ,
il me fit appeler au moment même où il des-
cendoit de voiture , pour me dire qull espé-
roit que j'admireroîs et que je bénirois son
zèle pour les choses saintes.... * Avant dar-
» river à Breslaw , me dit il , j'ai appris que
» les capucins de cette province vendoient ,
3» au prix de six sous , chez les pauvres et cré-
3>dules paysans, d^es agnus Dei ^ pour les
» donner à manger aux bêtes , avec assurance
» que faioyennant un bon acte de foi , celte
» sainte hostie préserveroit ou guérii^oît ces
» animaux de la maladie épizootique qui,
» malheureusement , règne" à présent dans
«plusieurs cantons de ce pays. Cette, double
» infamie m'a indigné. En rentrant le soir dans
» Dreslaw, je n'ai rien eu de plus pressé q'jre
)» de faire, appeler, pour l'instant même les
' » trois cordons bleus dû couvent (i). A leur
» arrivée, j'ai pris un air terrible et bien cour-
» roucé : je me suis livré à tcus les mouvi-
» mens d'une sainte indignation : et je leur ai
i)dit d'une voix enflée et forte.... Comment ^
(i) Là; le couvent des capucin^ est prë» du château.
de Frédéric^ iH
7> malheureux que t^ous êtes ^ vous vendez à
10 vil priûCp aux habitons de la campagne
10 ce qu^Uy a de plus respectable et de plus
» saint dans votre religiori} et vous le ven^
» dez pour le faire ai^aler aux plus vils uni'
y>mauxl et vous ajoutez à cette impiété ^
« celle de faire croire que cette image de
5) votre Dieu est un remède efficace contre
V Vévizootie ! J^ous ne craignez pas qu'une
)) aussi odieuse profanation ne dévoile i
» tous les yeux que vous n^êtes que des
» hypocrites aussi mal - adroits que cow-
jipahles .... Et que faites- vous de cet ar*
10 gent f vous que le peuple nourrit de ses
» aumônes ^ et qui ne manquez < de rien?
» Est" ce pour acheter des rubans à vos
» maîtresses?.... Ici , Tan d'eux a pris la pa^
»role tout en tremblant, pour m'assurer qa*3
» De Ta voit pas fait.«*. Taisez-vous ^ lui ai^
» dit^ si ce n'est pas vous ^ ce sont vos re-
» ligieux y ou plutôt ces moines indignes et
i^frréligieux qui virent sous votre disciplin&.
» Us le font y je le sais! Uignorez - vous ?
9 T^ous êtes criminels! Ne Vignorez-vous
Yi pas ? Vous êtes criminels ! Ne deurois-je
» pas étouffer le scandale public qui en ré^
3» suite ^ par votre supplice? Mais au moins ^
II 2 JEntretiânsi ordinaires
7> prenez garde à vous ! Je vous Oi^ertis que
» vous serez surveillés de prés : et si pareille
D chose vousarriçe encore^ certainement^ je
^^ vous ferai à tous couper la barbe ! ^llez.
« Ils se sont retirés interdits et tremblans de
y> peur. Oh ! comptez bien qu'ils n'ont pas
» envie de recommencer ! Mais , est-ce que
«vous ne pensez pas que j'aye bien fait? Vous
.39 bon catholique romain , dites-moi si^ chez
.X vous , on bénit les agnus Dei pour les
Ti bêtes ? Devois-je permettre ou tolérer \m
^ abus qui ne tend qu a tromper le peifple ;
j à le priver de son nécessaire^ et à produire
:»: à la fin un vrai scandale public ? j» .
..Je lui répondis qu'un prince catholique
]i!auroit pas pu mieux faire i à moins qu il
n eut recours à la sainte Inquisition
« Oh ! reprit-il , bien, obligé ; je ne pousserai
a»* pas le zèle jusques- là ! Cest.un point que
^ j abandonne aux rois très-fidèles ou très-
» catholiques ; je n'empiéterai pas sur des
» droits qu ils ont si. bien acquis \» f
Dans une autre occasion , il me dit qu'il
n'a voit pas voulu du bref p$ir lequel Ganga*
jielly avoit détruit les Jésuites ce Si uu
p) homme portant à sa jaquette un collet taillé
«idune certaine façon ^ a, mérité en Portugal
» d'avoii:
di Fréditic: ,'^ irj
b d!ft voir le cou cdapé'^ est^ce'qae je pms &irev
Tb pQiu: jcelft seulement , cx)upe!r lecou i tous'
^ ceux t{uî outdes collets iatllés ^ur lé mém^
)i 'modèle? Je ne pense pas avoir ce droit-là ^
» monsieur ; la justice cessé d'être justice ^
% quaud elle n'est t)as distributive. Or ^ je n'ai
3» pas plus eu à me plaindre de ces gens-là qu9^
9 des autres. Ils n ont ett ébez itioî , ni des Ma**
» lagrida^ ni des Buzembaùm. D'ailleurs ^
^ moDseigaenr le duc de Choiseul ne vivrst
i> pas.toujours ; et de par Fincoùstance hu^
» maiue » loi:squ'il sera allé au diable , lai et
» son c)rédit % et se» passions baîiieuses et des«
^'tructiyes^ alors on voudra ravoixr de ce»
» proscrits 4 et. moi , }.e verrai les souverain»
i> cjaitholiques me prier de leur en donner « et
4> les recevoir de ma main avec reco)inois<^
» sance. C'est dans cet espoir , qu'en boa
)> conGrère , . je leur conserve de cette graine \^
» maiiaiils ne l'autoht pas gratis , je la lam:
» vendrai bilen , je vous en réponds ! />
Je reviens aux raîsomiemens plus sérieux^
dans lesquels il a opiniâtrement cherché à
m'i^ngagér pendant plusieurs années ^ afin da
comntiitre mes opinioois ei; mes prinGÎ{:ftâ, ou
plutôt afin de nie «néttre âisuite.au liiéme
taux c|ue tant d'aiitrtst, et dan'àsaaiÙir éga-
u
ti4 Entretiens ordinaires
kmeDtde ses plaisanteries si souvent eraeltes f
lors^uje par mes aveux il auroit su -quelle
ferme leur donner ^ et sur quelle base les
appuyer; mais ^raisonnemens auxquels ja
n'ai jamais pris d*autre part que de les écouter
dans l'attitude de Hiomme le plus attentif, et
en même- temps le plus respectueux et le plua
retenu. Mon silence le blessoit singulièrement;
et on Yoyoit qu'il s*étoit promis de me le &ire
rompre; aussi s'y prit*il de toutes lès ma-«
nièreç imaginables pour y parvenir i . —
K Monsieur 9 » me dit-^il un soir^ après avoir
longuement disoatésur je ne sais quelle ques-
tion , « faites-moi le plaisir de me répondre.
» Que pensezWous de mes argumens ? Quelle
j» est votre opinion sur le sujet que je traite?
ji ..L- Sire , îe ne connois pas assez ces ma-
> tîères pour me permettre de proposer
» aucnoe opinion.— — Mais cependant ^ vous
j» en avez quelquNine? £h bien , monsieur,
» daignez me ta communiquer f — Si j'en ai
lé une t sire » elle ne vaut pas la peme d'être
^ produite ^ et )e l'énoncerois maL -^ Voua
i> n^avez aucune confiance en moi? — Ma
*. confiapce e&t saÂs bornes ; mais elle ne
* doit pas me faire oublier le profond respect
» que je dois à votre majesté > «t qui égala
de Frédéric.. Jit$
» tua confîapce. — Mais aa mpios , vouf
^ poiivej^ lue dire çije raisonne juste; voug
» poQV(33 me redresser si je me tl^oinpei.
n AUoûs ) monsieur # un peu de tfharité l
» éclairea-moi ; ne dédaignez pas de m'ins-f
» traire; montr^is-moi la })onne voie, et dçn-
» neZ'Vous la peine de m'y ramçuer?... » A ce
ton goguçnardf je baissai, le^i yeux; je re-
devins plus sértlsox qu^aiiparavant , et me
renfermai dans le silence le plus absolu ^
îusqu^a cj9 qu enfin il voulut bien parlerd'autre
chose i ou me souhaiter le bon soir.
XJn aqtre soirt que nqus étioois debout
(devait SA f!^;Eaî|iée ^ H reprit «es argumeo^
prdiu^res , ^t les suivit, assez long -temps;
après quoi , parpissapt ^'aperce voir touVi-
4:^up do mw ^(ence absolu ,; et feignant de
l'interpj^êter t comme s) je désapprouvois
jiout ce qu*il ^voit dit.« il s'arrêta , s'approcha
4e moi , me p;:it au bouto:n . d^ Thabît ^ le
{>lus près du collet « et ine dit , en me fixant :
ci J espère pourtant , mqnsieur , que vous
H voudrez bien me permettre de penser et
» de parler ^brement chez moi! — Votre
,» majesté « lui répliquai^^e » a même le privîp-
» lége de le faire chez les autres^ quand elle
^ll le^veaut bien« » Ce mot parut le calmer ; et
H 2
p
j
u6 Entretiens ordinaires
pour cette fois ^ il changea de conversaHonl
Une autre fois encore , il s'interrompit dé
même 9 pour me dire-, ce Je vois bien î
t> monsieur i <|ue vous ne voulez plus que
» fai le plaisir de vou^voir ! Ma-conversa"^
» tion vt)us ennuie. )> Je lui répondis^ que
le malheur de ne plus rapprocher > seroit
un des plus grands qui pussent m'&rriverè
Je ne sais si je lui fis cette réponse du ton
d*uu homme ^ssez pénétré pour qu'il lé ré-^
marquât : mais il ' parut bien qu'il y avoit
fait attention.
En eflët « le prince Guillaume de Bruns-
wick, qui amra son articlo particulier danà
ces Souvenirs i vint ^ peu de temps après \
de Potzdam à Berlin » chargé, par^^le roi de
savoir de moi , paur quelles raisons je nô
répondois jamais rien , quand on me parloit
de religion ? Frédéric savoît qile cq prince ,
plein d'esprit et de vivacité , .et âgé alors d^
viDgt-un à Vingt - deux ans^ avoit beau^
coup d amitié pour moi; ce fut ce qui le fit
tchoisir pour cette commission. <c Mon cher
n neveu ^ lui dit sa majesté , j'ai envie de
ts faire de vous un négociateur : je veux
D savoir quels sont , à cet égard , vos talens ;
m et quels soins vous pouvez y mettre. Je
de Frédérîe. tvf
a» ne débuterai pstô par une affîiire bien im-
9 portante i cependant j'attache quelque înté»
n rét à celle que je vais vous cpnfier ; et je
I» demande sur-^tout de ne paraître y entrer
» pour rien. Il ne &ut pas quily soit questicoi
2> de moi : vous ne parlerez que pour voua,
» d'après TOUS , et par un simple motif de
n curiosité. Voici de quoi il s'agit Jamais
» )e n*ai pu' obtenir du professeur Tbiébault >.
^> un seul mot sur le fonds de quelque religion
]^ que. ce soit; et, comme je le vois asse^
>) souvent^ il m'importe de le connoître ^ ef;
9 par conséquent de savoir quels sont^ea
I» motifs. Voyez- le ; parlez-lui«en ,. mais avec
)> adresse y et rendez-moi compte de ce que.
D vpus aurez fait et obtenu. « Le prince accepfa^
médita bien son plan^ et vint à Berlii^. JËm
descendant de voiture» il m'envoya un billet ^
où il me disoit : ce Monsieur f j'arrive d^
jp Po tzdam , fort empressé^ de vous .voir ;
p comme je né compte point aller ce soir
9 chez la reine , je vous aurai une yéci^blp
» pbligaiion , si vous voulez bi^n me c^msa-
j> crer votre soirée. Ma voiture est à vos
l> ordres. » Je lai répoudis., que fétois aux
ordres de sa voiture ^,qui., en efiêt , vix^t nm
prendre un quart-d'heure après..
î i3 JEnt^ô tiens • ordinaires
Jef le trûâVai setil; il fut enchàniê de m9
revoir :i et merémeroià de ma cotnpiadianee #
^é promettant de ptiss«ir aveo moi une soirée
d*aatant plus^ déticietise , qa'étant isenU, et
bien assures do fiôtre amitié et disofétion
mutuelle, nous iiôUd parlîeiîons àoçBur ouvert.
Mais alors ^ seiïiblëbfe à ùfn- homme qui se
ravise i il sarréla tôut^à-cdUp ( Hdixs nOuA
promenions dans soit cabinet ) , ef me dits
<c Cependant , monsieur , avant d*entamer
p' d\àuf res snjëts de conversation ., il îéiit^
n que, par un premier acte de franchise,
y et au risqué de commettre une indîscré-«
3) tidn que vdns fne pardonnerez ^ je voni
9» aVone qùtl y a chez vous , et dans votre
!» conduite la phis soutenue , nne chose que
a^ fe ne comprends pas , et qui mé tourmente
^ Pesprit. Toutes les fois quel^on vous parle
D de religion , fài remarqué , et bïeu d^autres
i -qu« moi Font remarqué de même , que
4 vous vous obstiniez à garder*ie plus profond
i sileuce. Certainement , vous n*en agisses^
^' pas ' ainsi ^ sans y i^e déterminé par quel*^
i> qucs raisons! Or, ces raisons, je vous
$ avoue que )e ne les devine pas ; et il m*a
9» paru que vous ne me rduseriez pas , en
V qualité de votre ami , de .me lés faire
de Frédirie. %i^
tf eonnottn; je suis assuré cpx^^j twaWaÂ
» qadqo'instractioii pour moi-méme »
Ce priooe ne m av^oit jamaos parié de r^
ligioQ ; et méoie oa ne m'ea avoit ^Knfniis
parlé ^ devant lui* Il ii a^mt donc pomi; ea
ocoasicm de Eure ta remairql» qui lui senooit
de prétexte ; ctrconstaixee qâ ihe ficmppa, et
qui pxie St soupçonner qa'it n'étoit en ee ifio-
ment que Targaiie de sioii oitole ; ce que lai«>^
inénie . tn*a avoi^ daM la .8ttite« D*après oette
pensée, je pd».wr.-leHeha&ip mon parti:
a YouiS. me deiaaadest lui dis^ye f pourquoi
I» je m'a#troitts. ail stlenoe le plàs obstiné sur
a les matières religieuses ? Monsei^eur f îe
» vais V0US' le ^dire t avee toute \^ fitaftehise
yy que vous pouvez' desikier de mdk. Je ne*
a puis parler de rcUg^oa qu'à' mas infërieutfs it
» à meségaaxcoiànieSiaapéfieQrst admettea^^
Il vous oette division: octeune adéqnaite et
» pom|>lète? ^r-^ Oiâ; elle vanfemne tout.^-*
i> £tt ce cas • je vais'la répondre et la $nkne^
» assusé que si je' vous salisfiôs sur lea troi«'
)» lirancbest cpi-elle nous oârev^ j'aurai pldule*'
9 ment renolpli vos désirs : et poor oonimeiieèer
)> par le premier point , quels sont les infê*
» rieurs à qui je pourvois pailler de religion ?
^ •**- loi 9 monarag^eur^ je ne oofnpterai pai
^a© Entretiens ordinaires
^ ânes eofatis , jllâ sont encore^ trop jeunes i •
tt> je .De compterai pasj mes élèves ; ils ne
» m'eppartibniieirt pas ; iU ne i^esoiit confiés
y.qpa pour les leçons que Ton m'a chargé de
:i> leur dlomier, leçons où là religion n entre
n pour rien > 'eft;ifai cercle ^squelles il né
P m'est pôiàt permis de sortir. La listé de
:i» mes inférieur Jse réduit àfifkc aux domes-
» tiques qui me servent , et . que je paie?
9 Mais> je b^ai d*aiitérité à leur égaird^ qu'en
«>ii9M3éqaenc^:et^eH'éon£c>nmté du marché
^ xp^yai.fj^iL:^JWï eux : et que porte ce
9 marché? Qà*en^ retour de ce que }e leur
^^ ai promis , ils rempliront , avec zèle et fidé-
n litén losdevoii» qui tiennent au^ service de
y^ ma^personné) et de ma^famiU^^. Leoi-s opi-
1^ iiipns , leurs tpénsées ^ leur âme so^t-elks
3».\entrée8ien.4ignc de compte dans ce marché?
?» • Il tt'en à pas seulement été' question torr
3L^i notre raedèotd \ 'Combiéu m*aurôient-ils
9> lllWlia^ou. loôé ee derniev servage ? Je'
>:(^n9>lrar donné pas^ us soui à oe titre l Et
«L de qaêbdroit pounKxis^jedonc. entreprendra
m sur* leur tifacrté intérieure et la plus intime ?
3^-X4r'âutoi'itéquejem'arrogeroissurcederniçr
^'i rfetrauchement de la liberté immaine , no
}?-' iwoid-ellèpi^s une ftQtonl^ nsmrpée^ odieus?^
de Frédérle. ùt
1» et tyranniqae ? Non , monseignenr ; leur
> conscience ne m'appartient pas /et* je n*ai
TU tien à leur en' dire t tant que d'ailleurs Ué
n-ne mangaeUt pas à leurs devoirs v et que
» • "de plaë , ils ne me demandent pas de oonseib
» ' là-desstasw -^ Tos réflexions ^ monsieur , me
' josemblent aussi justes, qu'elles sontneuvei
^i pour moi. Je Tous en remercie; et voua
i> promets que j'en ferai mon profit. Je ne
À> les oublierai pas. -^ Passons donc » monse)--^
ii gneur , au second article de notre divî-
» sien Pourquoi ne parlerois*je pas àe'
» religion avec mes égaux ? . • • . • Je dois ici,
» par respect pourla vérité, vous:âire Taveu
»i que j'ai été l'un des plus ardîHis d&puteurs
» que j'aie connus : je le prouverois par mille
» anecdotes plus convaincantes lea unes que.
3» les autres. Je n'en citerai jqu'une..... Il
» m^est arrivé i Paies , en 1763, de disputer:
n avec un ami , sur une question religieuse,
>i pour et contre laquelle nous nous échauF'
» fàmes teliement tous les deux ^ que nous
>v argumentâmes en forme et en làtîn, sana
» nous en apercevoir , depuis huit heurea.
yx du soir jusqu'à i une heure après minuit ;
»i: si. bien que , ; totalem^it épuisés l'un et
9 l'autue.^ wMiqifiànms ^obligés de fiûre relevçr
fà^ Entretiens' ord^taires
» le Bu^tare dq cale voisin , pour avov char
9» ooa y^ayant 4^ aiG«a conphfvr » W^ kat&*
» rojae » domt nouSi avionâ le piw grand be*
s» eoîa. J'^apèrj^i mOi^eiigQew » ^n^ ce tirait
Il ^nffîivft poor: voua eoAvuincre ^uç j*ai, dû
» <Stro un très-grMd «tispi^ar .1 £h bien ,
^ l^Vai-iîe recueilli d^ toiMi04 k^ dUffKtea où
^ î'ap :été tfnteuir , et n»èeM de isettea oii )#
» n'ai été q^e témom t Une «eule chose ,
»^ savoir «'.<}«* yaimaia dispiiiteiir nV converti
39 {^Orsonne. SottV^iit o* eat «i exupreaaé de
» répondre t qbe Vcm coupe mattioupêtement
3) lé patold aux. afitrea i trop souvent aussi
31 l-ardevir' avfialatjueUe 6n se livre à la dis-
39 pute « iie pefcmet pas tfsees de bien choi-
» sir les expression» dont on se sert : on dit
33 €6 que. Lt>ii ne^ vent pais dire , . on ofiense
% sans, en: avoir Fintenlîon; dn .un r mot, oa
3» se brbmlle , oïl du jaoii^s èà se réfroidât*
3» Voilà ce que jai eoasftftn:in»ent observé , et
» ce qui nta laât pt endre la . )»éâolutioa de
» ne jamais plus dkputei* iavae mes égaux
3) sur quel^armati^re religiesae <|ue ee soit ;
» c'est-^à^dkrè^monëeignrar.» ao moins pour
» ce dernier ax tkde > deu'en; plus parler ^.
3) vu que rien n*ést plus, difficile que d^en^
V parler y ^ans en venir j^vomptament à des
âe Frédéric. "" jtl8
y cfoput^s vives et très-fàcheusea. Comme
» rien ne m'est plus cher que Vamitié et la
» paix , je demande , en gràoe , que l'on me
» pardonne le soin que }e mets k ne jtunaia
y parler de choses si délicates avec mes
9 égaux et mes amis. -^ Je ne pois , mon*
9 sieur, qu'approuver et louer ce soin*là;
9 mais si vos supérieurs désirent s entrete-
3b nir avec vous sur ces sortes de sujets^
D quel inconvénient trouvez- vous à leur ré*
D pondre , et h leur dire au moins en peu de
V mots ^ ce que vous en pensez ? — Parier
» de religion à mes siq>érieurs ! vous en parler
» à vous , monseigneur ! et sur quel ton t
» dans quel sens , s'il vous |Jait ? Vous en
D parlerai«-je , en vous contredisant ? Vous
» ne me croyez pas le zète d'un apôtre ! Je
30 confesse que je ne m'en sens aucunement
» la vocation ; et j'espère même que tous ne
» me soupçonnez point du toùti les vertus
9 apostoliques! Pourquoi donc voQsparleroî»-
* je de religion f ne voulant point vous con^
s> vertir? Seroit«>cepour vous témoigner que
9 je suis de votre avis,? Monseigneor , » lui
dis* je alors, d'un ton et d'un air très-résolu ,
et même en le prenant par le bras , <c monsei*
« ^eur j vous pourriez croire que je ne le
1^4 Entretiens ordinaires
» ferois que par une vile complaisance ! vous
^ pourriez me soupçonner de lâcheté ! Oh !
> )am»s je ne vous en donnerai le droit ,
« ni à vous , mbnseigneur , ni à quelqu'autre
to grand que ce puisse être ! — Ah ! monsieur,
3» vous me rappelez id Tirnage de cinq cents
» courtisans que vous traînez dans la boue
» a mes yeux ! ^— Monseigneur , ce n'est pas
» de ma faute : mais , que mes supérieurs
» me laissent chez moi ; né m'oocnpant que
» de mes devoirs , et toujours fidèle à mes
» principes^ je me soumettrai à ma destinée ,
^ ainsi que' tant d'autres braves gens qui
]» valent mieux que moi ; ou si je suis assez
» heureux pour ne pas déplaire à ceux à
s> qui je dois le plus de réspeet , quils ne
9> me tourmentent pas sur larticle de la re-
X ligiout car ils n'obtiendront xi en ! »
Le prince m'avoua que tout ce que je lui
avois dit, lui paroissoit très -juste, très ^rai-
sonnable et très - sage ; et , après m'avoir re-
mercié de ma - complaisance , il me parla
d'autres choses^ Il n'eut rien de plus pressé
que de rendre ensuite à son oncle , un-compte
exact de tout ce que je lui avois dit; et il fatit
croire que son rapport ne me fut point défa-»
yorabiê ^ et que le roi lui-rmême comprit .qu'il
de Frédéric. ; 104
étoit de sa jastice et de sa bienveillance d'a^,
voir égard à la loi que )e m'étois imposée ; oUt
bien que , parvenu à son but, qui étoit de;
connoître et mesurer en quelque sorte mon
caractère et mes pripcipes , il B*eut plus aii->
can motif de me harceler, comme il Tavoit si
constamment fait jusqu'alors. AumcÂns est-il
vrai qu'à dater de ce moment , et dursoit taqt
d'années qui :Ont suivi cette époque ^ c'est^
à- dire, durant quinze ans environ, Frédéj^io
na plus eu à m'entretenir que de littératura
et de pbilQSpphie; la religion ne reparoissant
pins sur la scène que pour de légères obser*
yaitions , ou plaisanteries, qui sembloient se
présenter d'elles-mêmes, pour. lesquelles on
n'attendoit aucune réponse de ma part. Ce
résultat ne devient-il pas une preuve sensible
que ce roi ne tourmentoit ainsi ceux qui Tap^
prochoient, que pour les mieux connoîtire^
ou pour pujair les âmes viles ; mais qu'il savoir
être juste envers. ceux qui ayoient assez dcf
sagesse pu de franchise , en i^n mot assez d^
caractère pour mériter son estim.e ! < .
Jai cru devoir rapporter de suite tout C|^
qui copcçj^çe Irréligion; et c'est pour cpm-
pléter ce tableafi , que je vais y ajouter , avant
de le termine!; , ce que nia raconté^ d.aAS uuf
Entretiens ôrdtiMireS
entre occasion , ce jeane prince Guillaume de
Brohswick , dont je viens de parler. Le roi
Tavoit pris avec lui pour aller faire la revue
de ses troupes en Poméranie et en Prusse ^
pendant là route ^ et en fi^isant leur cinqUaute
lieues par jour ^ la religion vint à son tour
fournir matière à leur conversation. Le jeune
prince , Bptèsi avoir long-temps écouté son
oncle , lui dit à la fin : «Votre majesté me pér-
il mettroit-elle de lui exposer une idée qui
}> m*ocGupe l*e§pHt et m^é tonne beaucoup?
jt — Eh bien , Qu'est - ce que Veat ? Dites. — *
9 Sire, je ne suis pas fort surpris que bien
s^ des philosophes déclarent ne point croire
» à la religion t tù^is je ne conçois point que
^ des souverains puissent tenir le înén^e lan^
9 gage. — Eh ! qui les en empêcheroit, mon*
» sieur?-— Sire, leur propre intérêt : la re-
y Kgion n*est-eHe pas un des appuis de leur
» autorité ? •*- Mon ami , Tordre et les lois me
» sùflBsent. Et n aî-je pas d'ailleurs pour moi
» rintérét des oitbyens , leurs habitudes^ leur
1» éducation et leur impuissance ? -^ Mais >
» qu'y a-t-îl de plus commode pour les rois^
h qu'une religion qui les représente comme
» les images de Dieu , et qui ordonne d'avoir
» envers eux une obéissance aveugle? — Mon
» que pour les tjtoïê : les Traift' métaàrqnes
» n'oat besoin q«i6 d'ntie ch^iaeieàéé MaKiw
1^ nable H nhotiVée. DVâUeiin les préfrès rtm
« nous annonaeBl^CQPBmedépoêihured'de la
» puissance divine ^ qu*en se déclarant eux-
» mêmes les organes et les interprètes de la
«» divinité. Us nons tiennent ainsi à leurs dis-
n positions I et nous mettent à leurs pieds.
)» Or moi , si je suis le chef de la nation , il ne
» faut pas que je sois le ministre des prêtres :
1^ je ne veux donc point de Tobéissance aveu*
« gle qu*ils ne prêchent aux peuples envers
m moi , que pour Texiger ensuite de ma part
» envers eux. — Cependant , sire , il y a des
» hommes si pervers et si hardis pour le
3» crime 9 qu'on ne peut trop employer de
3» freins pour les retenir ; et la religion est
» d*un merveilleux secours contre cette classe
^ d'hommes ; les peines de Fantre vie ont
3> souvent un grand empire sur eeux même
» qui sont le plus corrompus. « — Oh ! contre
» les scélérats , j*ai le bourreau , et c'en est
» bien assez. -—Et si ces scélérats sont des
» hommes hypocondres , qui s'abandonnent
» au désespoir , se livrent aux sentimens de la
j» haine ou de la vengeance , et comptent leur
ilQ Entr€ti€M 0rdinaireâ
» vie pçujririeti? «^M^)!! cliiër^^ YimençftaT^
m donc., paft qpQ , pouç CQU^^^i ^ jW. Ja maison
» , dea fi>a8 ? AUç;t > aUpB ; oii -. a trèe^bicoi f ou-»
» ver3Çbé dana çles pay^ > ^ /^a d^ twnips où l'oa
9 a'ayoit ;pas votsa mijc^n.. ».
•i * «
>
t V
I
» »
I
* • »
À. » t
Il » « » • J * *'
.M < «
J l
• .f
< t • ,
'(
«• J «M
a
k
\r *r:'''
... ' "~
'•il I
r ^
'S
• 4 J I
:c
u
I • *
' r ► /« ' • t
. u <
4 f 4 ' ^ *
* t • I > > '
FRÉDÉRIC
de FrédéflCé / tig
I
F R É B É R I G
DANS SE$ iruùES, SES 6 PIN IONS
ET COMPOSITIONS LÏTTÉIIAÏRÊS.
Uans les premiers temps de mon séjour à
Berlin^ je me demandois souvent si Frédéric
avoit bien ré^Ucment Paipe sensible^ On me
racontoit beaucoap d'anecdotes qui sem-
bloient prouver l'affirmative : mais tant d'au-
tresfaîts yenoient démentir toutes ces preuves^
que jerestois toujours en suspens sur ce point*
jusqu'à ce q^e je pusse enfin en juger par moi-,
même; II ne s'agissoit pas de prononcer sur
la vivacité , l'activité et h fécondité de soa
esprit et d^. son imagination , ni même $ur la
rapidité de ses idées . et Virrilabilité dç soa
ame : qui auroitpu conserver quelquiesdoutes>
à tous ces, égards? et qui de plus pou voit
méconnoître la fermet*é et l'inébranlable téna-
cité de ses déWiùî^Qàtîôfta(? qài'janîaîs l'ai Vu
déviei: de ses principes ,011 se lasser de suivre
la voie qu'il s'étoit pjfMP^i*^?. Ce qui mç jQtoît
1^0 Études^ Opinions ^
dans la perplexité , c*étoit de savoir si la na-
ture, en lui donnant tant d*autres qualités
rares et précieuses^ ne lui avoit pas refusé
ce sentiment involontaire et toujours si cher *
q^ui nous livre tout entiers à l'estime et à la-
niitié ; cette afi'ection douce et si touchante qui
nous lie à ceux qui nous paroissent en être
dignes , et nous dévoue en quelque sorte à
leur bien-être ; germe heureux qui a toujouri^
besoin de nouveaux développeroens , et qui
se nourrit , se fortifie de nos sacrifices les plus
généreux ; source délicieuse et plus richer
qu on ne peut dire ; de nos vertus et dé toutes
les consolations de la vie ! « Ce roi , me disois-
)» je , a*t-il été doué de ce premier trésor de
» fhonrme; ou kt nature l'en a-t-elle privée
» comme pour le jaunir des autres dbnà qu'elle
» lui a faits? »
• On m'avoit bien conté qu'ayant perdu, dans
les premières -années de son règne, un ami
qu'il avoit paru tshérir plus que tout autre
( je ne me rappelle pas si c'étoit M. de Këio-^
belsdorff ou M. de Kaiser ling ) (i ) , il avbit
4
(i) C'étoit M. de Knobdadorff : M. de Kaiserling
dégoûté de la cour^ tarda peu à se retirer en Lithua-
nien son pays , où il a v^a jusqu'à un âge asses avancé j|
sans qu'il ait été quèstioii de Im depuis son'départ.
ConrposùiûfiS Littér.' d^s Frédétic. . t^t
Voulu ei^ avpii^:le col*j^s etIai>ièrdÇitiVierte dans
sa chambre ; qu'il ayaît pjisçé des jours pres-
que entiet's à contempler ce corps qui s^dé*
copipospit; que là pulréfactiou, , cjui à I4 fin
etnpestoit tout soa appart^mept ^ ne suffisant
.pas pQur le déterminer : à :sfQ détacher^ il
ayoit fallu ^ après plusieurs JQqr&desuppUcà-^
tioDS « p^er d une sorte, de violence pour lui
ienlever ce dépôt si dangereux et si cher, Afais
toutes les circonstfince& de û^tte histoire^ ses
ordres et son obsfinatiofi « fout cela décèle-bil
Vraiment et unigueitteQt Iq sçn^bilité ? Com-
J^ien une grande activité çt iiue certaine harr
diessede } e&prit « une inmgin^OR forte « une
boriosilé bien déterminée, et un caractère
naturellement prononcé > ^p'oiiitils pas pu y
avoir part ? Ce roi> d'ailleurs ^ nq youloit il pa^
se Familiariser avec tous les détails de la mort t
^!étoit-^ce pkas peut-être une dure le^on qu il
youloit se donner à lui-même ?
Telles étoient m<ps réQeîcions > lorsqa'en
1766 la Prusse perdit le jeune prince Henri ♦
frère cadet du prince héréditaire^ Ge prince ♦
4gé de dix-huit ans^ vonoit .de terminer Id-
cours de son éducation t.leroilut avoit donnée
un régiment de cuirassiers , dont il étolt allé
prendre possçssion » et à l$i tête duqiiel il^
I a
\
t^Z Études^ Opinions i \
de voit venir à Berlin pour les manœuvres
militaires du mois de mai. Ce fut en se ren-^
dant à cette destination'^ qu'il fut attaqué de
•fa petite vérole, et quil^moUrut, au bout de
sept ou huit jours, dans une petite- ville où il
> «voit été contraint de s'arrêter. La douleur
que causa cette perte, lut viVe et générale.
Les talens qu'on avoit reconnus en ce jeune
prince , son application à Tëtude, les progrès'
qui en avoient été le fruit , les qualités aima-
bles y douces et bienfaisantes qui formoient
son caractère ; tout avoit donné de si grandes
espérances sur don compte , que l'on ne doit
pas être surpris que le public ait véritablement
partagé la profonde a£9iction de la famille
royale. Le roi étant venu à Berlin quelque^
mois après , me fit appeler , et me dit : a Vous
» avez su, monsieur, que l'Etat et moi nous
» avons;fait une grande perte , par la mort
\ » d^un jeune prince de qui il étoît juste de
» tout espérer. Ce malheur m'a en particulier
9 vivement aSëcté : tous les jours je me suis
» retracé les qualités précieuses qui le fai-
» soient estimer et «chérir; mats je n'ai pas
» voulu me borner à lui donner des larmes
n stériles ; j'ai cru devoir sauver de la tombe
91 ce qu^il avoit <ie plus louable^ et justifier
Compositions Littér. de Frédéric. 135
» J^^. regrptS par Pexpe^^^fidèle de$ muses^
» quil^$.^xçitoi.fnt : j aï {^p^^ qii^e le tab^eaa
D.de sa JQUB(e$50. ppurrpjît pôirtf ij» ^^emple
)) utile à, ceux <]ue la naissance place sqr )e^
». luêisç'^écheloii que lui , et^ç^ns doyte ai^Asi^
» àtou$.çeuxquîsont s^i^#pt;^Ies d'une belle
» 4^ul ji^ipii« Ainsi » j'ai cherché, à ramener
», i^ia douleur vers un but profitable à 1^ so--
» ciété , et j'ai fait lëloge de ce neveu si chéri
» ^et ^i .ftpjièirenjent rçgrett^- . J^ yeux , mon-.
3) sieur^ quq.ce discours soit lu d^^ns uneséance.
». pubUque de nion acadéinie; et je vous ai
>\ choisi pour y taire ce^te lecture» Cependant
» jenjç reg^r^cLps^s enco]:e .ce morceau coinm^
» ftniail yrapjusieurs endroits qui ont besoin,
» -d'être relouchés ; mais » loirsque je veux j,
» revenir, je ne vois que mon neveu, et.ne
» §ui&Mullem^at enétatde m'occuper des cor-
» reçtions qu^e jesens y, être nécessaires. Mou -
» cahier t d'aii|ei]^rs, est déjà si chargé dç ra««
» tures ^ qu il n y reste souvent plus de ^place
» pour y écrire ce que jaurois à y faii?e en-^
» trer.. J'ai doji;ic àjvops, pjcier 5 d'abord , de
» m'en iaire..unç,nouvelile copie en caractères.
» bien lisibles, et en espaçant les rao^s et les
» ligues , de manière que je puisse y placer
» sans peine les changçp[iens. que je croirai ^
104 - ' Ètud»s; OpiniàH^ v
V GonveDableei. 'Mals' vous ne ikxnnoiâsea pa9
»' mon écritatè , ©t (:â8Ut-étre w pourye^-vôua
D piad^ la déchiiVer , fear je n'écris pas ^ je gri-^ *
p foiitie. Çeït 't>otarîquoî , afin que youis puis^
» sien pFijs facilement dfeviner ce qn^ f aï Toahi"
» dire i je vais youâ^Krè moi-même cet écrit tel
» • qfù'îl est , vous prévenant qu'outre la copie
» que je vous déïnbàdé , j'attends encore de
» votre 2fèle'^ià note des fautes tpi me seront
p ^cHâppées'', tant contre la langue qae con-p
» tre les cofiVeliahceg oratoire^. » '
• Aittrs ,il frft'it son cahier, placé sur une pe^
tîté table carrée qu'il avoît habitucUemfeût
devant lui , et où l'on voyoît toujours qaéU
qnes livrés , iine écritoîrej du papier blanc,
et souvent plusieurs tabatières; il commença
!a lecture quîl Vouloît me taîré , en' homine
qui veut rester maftre de soi-rmème : on s'a^
percévoit au ton dé sa voix , qu'il chercboît à
îfl fortifier , comme pour se raffermir contre
les impressions de la douleur : ihparloît leh-
tem^iitj et faisoit des paus(ts fréquentes et
^é$e^ lodgue^. Cependant il ne résista pas
bien longtetnpit; dèa la seconde et troisième
page*, sa voix s-altéra , èeg yeux se mouil-t
lèrerit dé larmes ': il fallut s'arrêter souvent,
çt recourir à 90Q oiouchoir. Mais ii eut beau
ComposUiohs Littér. de Frédéric. Î3S
s'essuyer le visage » et tousser et cracher ;
tous ses efibrts ne le ùonduiâirent pas à la fia
de la quatrième pa^ « que ses yeux , inon-
dés de larmes , ne yoyoient plus « et que sa
voix éteinte et entièrement étoufi'ée , ne pou-
voit plus prononcer les mots ; et ce tut epfin
au milieu des sanglots dont il n'étoit plus le
maître , qu^l étendit son bras vers moi , et
me remit le cahier sans pouvoir proférer une
seule parole. Je pris ce cahier , contemplant
avec respect et une sorte de consolation CQ
gi^and • homme ^ accessible comme tous les
autres 9sax afiëctions les pliis touchantes et
les plus chères à Tjiumanité, Après envirou
une minute ou deu^^ de $ilenQ^j et lorsqu'il
lui fut possible de parler, il me dit ; « Yous
n avez compris ce que je désire de vous ? aly
» lez :. je vous souhaite le bonsoir. »
Mon .problème fu^ résolu. Beaucoup d au-
tr^ faits , qui ensuite sont parvenus à ma.
counoissanee , ont confirmé le jugement qpe
je portai en sortant du château : mais, ce que.
je venois de voir ^ étoit plUs.que suifisânt polir
me convaincre. La douleur à laquelle Fré«
déric vëaoit de céd^r ^ n*étoit pas und dou-
leur de com»iaude. Aucune sorte d'intérêt
ou de motif ne lengageoit à feindre ; et s'il
igfi Éludes y Opiniûhi ,
a voit voulu pleurer devant moi , pour m*en
imposer sur son compte , il n'y auroit pas
réussi , ou je n y aurois pas été trompé. La
vérité a ses accens qui ne soot qu*à elle ; et
l'homme de bon sens ^ qui observe avec im-
partialité et sans prévention , ne peut pas s'y
méprendre. Aux yeux d'un témoin semblable «
il n'y a point de masque qui soit .pris pour le
visage , et point de ^nglerie qui remplace la
réalité. De tous les sentimensque Ton peut
feindre d'ailleurs , il n'en est aucun qui soit
aussi difficile à bien r(Hidre. qu'une grande
douleur : le plus babile comédien du monde
ne doit être vu alors qu'à une certaine dis*
tanee ; observé de trop près , il n'est plus que
grimacier.
Me dira-t^on que l'affliction de Frédéric a
pu être véritable en cette circonstance , sans
que pour cela on doive reconnoître &a lui ,
cîètte sensibilité .qui fait l'apanage des belles
âmes ; vu que ce n'étbit que se» vues ambi-
tieuses , sa politique et son propre intérêt « qui
loi arrachoient des larmes ? Maiis qui a jamais
dit que la sensibilité consiste à s'attendrir
pour rien ? Ceux qui ont de grandes douleurs
pour des petites causes ^ ou des douleurs plus
modéré^ sans sujets > i^e sont pas ^eaosibles ;
Compositions Littér, dfe Frédéric. 137
îb Qe.sont qae f bibles. Ce que je m'étois de-
mandé à. luoirmême , c'est si .Frédéric coA'*»
noissoit bien réellement U sensibilité du cœur»
même pour les ,canses les pins légitimes ; ou
si» chez loi, ce principe de tant de vertus
n'étoit qu'un calcul deTesprit, et non un sen-
timent de Famé ; et le spectacle dont je venois
d'être témoin , avoit décidé la question.
. Mais si Frédéric étoît réellement . né sen-
sible , ainsi que je le prétends, comment ex*
pliquer la fermeté de son cairactère en tant
d'occasions^ ou même, si Ton- veut , la dureté;;
froide et inflexible de son aqae ?••••• Il ne me
semble pas que: ces ; deux <^o&es soient aussi
inconciliables qp'on le pense. Cet homme a
eu , comme on le sait , de gf s^i^ides. afflictions ,
de grandes peipes , avant d'être rpi, : toutes^
«es inclinations traversées ^ . toua ^es goûts^
contrariés, toutes ses d^macct^pâ^^épiées etr^
jugées avec trop, de. sévérité 4 souvent même.,
calomniées ; menacé de perdre le trône., et
ensuite la vie ; pi:€^ de deux ans d'une prison
rîgopreuse > :aprè& avoir vu son ami périr $ur
Iféohafaud ; nlayant pins eu au iponde d'autre,
refuge que les mo^es .et son ,pFQpi;e courage ;
qui [ieut (^teuj[W tombien cette ame forte a
dû profondément réfléchir sur }es dai^gers de
s
i^ Études , Opinions ,
cette sensibilité dôùi sa jeunesse ofire f ant de
traita, et des traite si peu équi-toq^ues ? A441
ptinepad se convaiâ^te qtxè cette belle qua-^
Ktë^ si précieuse en général , a voit pourtant
été la Cause dtc tWd ses hialheurS ? N'à-Hl
pas dû se dire que chez les rois , la sen-
sibilité doit toujours se transformer en juis-»
tice , souvent eé indulgence , et -quelquefois ert
bonté 3 mais sans jamais s'écarter des prin-
cipes et des règles de la sagesse ? Un homme
comme lui ne se dit pas ces choses en vain 1
B-econnoîtré ces Vérités, c*étoit pour lui s'en
faire des lois. Ainsi ^ et le voici tel qu'il s'est
peint lui-même dans tout le' cours de sa vie «
très-sensible connue homme , il ne le fut ja-
mais comme roi. Tel fût Teiôpirè qu'il eut sur
hii-méme^ que dès que le roi se trouvoit in-»
iéressé en ce qui pou voit lé toucher le plus ,•
il ne se permet^oit plus aucune apparence
de sensibilité: il n'étoit alors que roi )nste>
bon , ou indulgent^ mais toujours d'après ses
calculs , selon son plan , et toujours ferme.
Lame très-sensible, mais la tête plus forte
que le cœur ^ cé^s deu^ motis; nous donnent
seuls la clef de toutes ses ^ikotions un peu ire^
marquables. Sans cela^ il scroit îm{)ossiblo
d? le déchtfl'rer.
Compositions Lîttér. de Frédéric^ 139
la première fois que je le vis depuis la
lecture de cet éloge historique de son neveu t
l'entrai chez lui peu après quatre heures «
eôiïfbmiénient à Tordre que f avoi^ reçu ; il
li'étolt plus jour *, il n'étoit pas encore tout-à-^
fait niiit ; et il n'avoit point encore de lumières :
il me reçut dans la pièce de la taUe ronde , la
première après la salle des gardes-du-corps ^
oà sont les belles tehtures des Gobelins , re-
présentant les îmirades de Jésus-Christ : il ne
lUe t'etint qu*asse3 peu de temps , n'ayant
dessein ce jour-là que de me remercier du
zhie que j'avois mis à faire la lecture dont il
mavoit chargé. Je vis qu'après m'avoir té-
moigné sa satisfaction , et m avoir parlé même
dé celle du public , sa main se porta vers son
gousset , et se rapprocha de moi ensuite ,
au moment qu^il më dit : (( Je vous prie de
» garder cela comme un souvenir du plaisir
>$- que vous m'avez fait en cette occasion. »
Mais sa main ne rencontrant dans lobscurité
que mon chapeau , il y déposa le présent qu il
me faisoit; le premier que j'aie reçu de lut Ce
présent étoit une montre à répétition à dou>«
Ble boîte : je Sus par M. le Catt , qu'il avoit
Ibrtèment recohitnandé quon lui ahoisît la
mêiileure montre anglaise que l'on pourvoit
140. ' Études^ Opiniansy ^
^uv^r ; qu'il l'a voit payéç cent louis ; et qçi'il
1 avoit portée pendant hi;iit jqur^ » pour ^'as^^
surer qu'elle étpit bonite. Or cette, moptr^
p'étoit qu'une misérable piècç. 4*Ai^gsboctrg ».
vendue, à la douzaine 4 ^t ^i mauvaise , qu'ai;,
bout de d^ux ans^ elle, ne fut pas même ne-,
cpmmpdablç. J'aurois perdu je marchand si
j a vois dit un mot : j'aimai miçux n'y pluspeUf^
ser, et ^abandonner dans un. eoin » d'où ell^
disparut , je n'ai su ni qu^nd > ni comment. Il
ne m'en est. resté . que le ruban noir auquel
La clef étoit attachée , et que j'ai également
perdu dans iqes dé placemisns si souvent re«
nouveléjs. Ce ruban noir -élpit à cette montra ,
parce que. Frédéric , qui ^ voit tant respecté sa
mère^ setoit fait^ après laxaprl de cette
princesse > .la loi. de ne plus porter d'autrea
cordons à ses, montres. Cétoit chez lui une
marque de deuil. Au reste « Thistoire de ma
montre prouve qu^ l'on . trompe même les
hommes les plus, clairvoyans , |e$ plus ati^n*
tifsjj et les plus sévères ; et c'est cette obser-
vation qui xn'a déterminé à la rapporter.
Dans, la suite., j'ai, encore eu à lire à l'Aca*
demie , et à faire imprimer quatre auitres
discours qije je vais faire connoître. Le ixre«.
mîer avoit pour titre: De V^rnoxir^propr^ f.
I 4 '
/
Composîtiùns-IiiUér. d^ ^^Jprédéric . '141
eonsidéré ecmmc ' principe' de tnorqle. Lb
lecteur 'a -vu an sujet de réldgè'iiîèforîqué du
feune prince^ H«nri ,- cômrôeiit ce^ sortes de
cotùmksioné-iii étaient ordînâitement don-
'^éë^\; Omn*appeIoît p^our nie parler de Técrït
dont il dévôit^êtrè cjàestîon : on m'en annon-
eoît le sujet et le fître: bn medîsoîi comment
•et dans quelles yùe^ oris'enétoit occupé, et -
IWage kju& r-on en' voutoit faire. Après cette
^arted'expos'éhîstbrîqueet explicatif, on mè
ïéméttoit lé naaiiùscrit -pour que je pusse* j
faire 'mes iremarques critiques j que je devoir
joindre à Toulrrage en le renvoyant. Comme ,
}e éavois 'combien fe roi étoit méfiant , soup-
çonneux elattétiti^fà tôdt /et que je vouloîs
qu'il fût très-assuré pari ma diligence même ^
que je n'avdis pu ni copier, ni même com-
muniqaer'à'd'at(très'ce quïl m avoît confié;
]t^H& manqùois jamais dans ces' sortes d oc-
casions, daller , en revetiant dû tdi'âteau , me
renfermer dans mon cabinet , d'où je ne'sor-
tois ensuite que pour renvoyer mon paquet.'
Ma méthode d!aillefars étoit simple etéxpédîr'
tivet je plâçdis îe'^lre'de l'ouvrage au hau):*
d'une feuille de papier: je lisols ensuite le^
cahier original avec la plus grande attention ;
et lorsqu'il s^ t^nboutroit un paèsàgè suscep^
14% . .Études, OpimfiffS,f
tible de qaelqae net, critique, ]^ le iftostidr
vois sîir Hi9t:feui}l(9» m mAiqpgJitA^^ margp
Iç numéro de la page , etceli^i dp la ligne p^
se trouvoîent les' ipot3 souligné^; et .Q'éUnt ^
la suite de ces mots ainsi traaaçiits , que \p
désignois a^veo simplicité et franchise t h &ate
que }e croyoîs y découvrir 3 les r lisons qui mo^
tivoient mo^ jugement, et quelquefois ïexr
pression ou la phrase qui me setpbloit devoif
y être substituée. De cette sorte # j'édiappoi^
à toutes les gênes, de rétiquçtte ; et rien n0
désignoit pour qui je travaillQÎs : roi puber^
ger, connu ou incpnnu^ c'est ce qv^op ne pou-^
voit pas deviner. Qusmçl c^Qtr^ailétpît gpi^
j'y joignois une lettre qu; 9,*avpit pas plus d^
trois lignes , et dont je ne preqois pas mêiao
copie, non plus que de mes remi^rques; etl^
tout réuni d^ns un même paquet «avec le o^a*
puscrit , étoit porté ppuir letr'oi, à son apj^r*
tement , et remis au valet-iderpiëd que Ton jt
trouvoit. Je ne manquois paa le lendemain
d^étre appelé , pour recevoir les remercîmena
qu'on croyoit me devoir faire «.et apprendra
quel usage on jugeoit à propos de faire de
mes i*çmarques.
Ce fut à cette seconde visite au sujet ..du
discours sur ïam^urpropre j quej.0 roi vOu^
^^^-
ComposiHom Jiitfér^^.âf. Frédéric. ^4j
lut s^yok st jepensois eorqme-Jjiû i;Ç es^t-i-çtire ^
ill^amour-propreiae paroissoît lui: principe
aufiSsant pour fqQdçr- la morale-t' et iHOUs éUr
ver à toutes, bs ve^fu^ privés ou sQqjalçs; Lu
qmsstioA nétoitque philasopbiqpe.tril^BiesV
gi^oit poiut de ^^ligioo ; et )^ n'avais auoun
prétexte qui me dispensât dVn! dire mpn aviV^
Cependant je fu$ très-ein^arras$4 i car 1^ thè.^^
que le roi vouloit soutenir,, . me paz'oissoîjL
^ao^sf • Je tâchai d^s^oucir r par tàod les Kgié-^
aagemens possibles « ce que mon opinioii
peQuvoit avoir de plus propre à: lui. déplaire.^
'mais les formes. que j'employ^ai^ n allèreqt ps^if
jusquà lui dissimuler ma pensée, : Je lui 4ilt
que dans un discours attribué au phîlospphei
de Genève » sur le caractère essentiel et fbn^
damental de la vertu, javoisivu.qae lauteuip
}$laçoit ce caiactèxe dans. IfiJ.pliiç HQble^ Iq
plus parfait , et le^plus pur dési^téx^em^nti
que j avouois que cette doctrine, m avoit pari:t
vraie ; qu il me aeroit difficile de^ faire des*^
cendre la vertu à up cr^n plus, bas; et quej
dun. autre côté, je neipQuvois me figurer qa
sublime et [parfait désintéressement commft
conciliable .RvecyamOiur^rQpr^^^ j'aJQiitai qu€(
sans doute il étoit possible à la rigueur t qu*^
Viustant du péril , le cbeValier. {|'4^^^ > ^'A
144 Études f Opinions y'
avoit dié , ée pez^uadàt que son dé vôiietaieût
soroit coima * publié et adniiré|; mais que Ton
auroit tort de présenter tout ce qui est pos-
rible , comme vraisemblable ; que je ne pou-
vois pas i^egarder comme vraisenablable y que
â*Assas eût puidé le motif de sa déterinina«^
tion dans une idée de gloird futuij'e aussi dou-
teuse ; qu'il ne me sembloif pas même qu'il
y eût dû penser en ce moment où la surprise ^
la belle actiou , et la mort avoient eu lien «
pour ainsi dire , en même-temps ; que dan»
des circonstances semblables , ce n'est point
la réflexion qui nous meut'; que même nous
n'en faisons point , au ipoins" de distinctes ;
que le prificipe de notre mouvement , qui est
alors vraiment spontané, ne provient ^ué de
jdos sentiment habituels, de notre moralité
antérieure , et de nos maximes personnelles ^
caractéristiques ; et bien appropriées ; maxi*
Aies trop générales pour dépendre du calcql
que l'ambur-propre peut fonder sur telles ou
telles probabilités qui ne tiennent qu'au temps
et âb lieu ; et qu enfin il nie seroit pas difficile
de faire d'autres suppositions où la plus belle
action ne s'ofi'riroit à nous que comme de.
vaut, être ignorée , ou méconnue , ou même
calomniée > travestie en crime , et couverte
d'opprobres ;
Composiiions Littér. de Phédéric. t^'
d'opprobres ; suppositions où Famour-propre
ne pourroit que nous détourner de ia vertu,,
qui néanmoins resteroit inflexiblement la
méme%
Je ne fis point changer d^opinion au roi:
mais du moins , il ne slrrita point de ma
irancliise : il se contenta de me dire avec
beaucoup de caime : « Mon cher; Vous n'en-
» tendez point ces choses-là.»
La seconde pièce que j'eus à soigner, maïs
assez Idng-temps après celle qui précède ,
fat un discours sur la langue allemande , à
laquelle ce roi reprochoit plusieurs défauts ,
et pour laquelle il proposoit quelques amen-
démens. Pour cette fois , je n'eus rien à dire .
sur le fonds du sujet ; mais te public, aile*
ibànd me remplaça : le baron de Hertzberg » •
ministre d'Etat v et depujs fait .comte > dis-,
puta longuement età plusieûi^ reprises contro;
aa majesté , pour lui prouver qu elle jugeoit
mal la langue de ses ancêtres. ; et cependant »
en bon courtisan , il traduisait ce discours
dans cette même langue qûll prétetidoit y étj^e;
calomniée. Le texte original et Ii^ traductioa
furent imprimés en même temps ; et j eus ordre -
de me concerter avec le bâton , pour la correc-
tioû des éprjBUves , et le choix du jS>rmat, des
14$, StinUs, QpinipnSj
Caractères et du papier. Les soins que )e mis .
à^cette afikire , me valurent un seooEd présent, .
castà-^dire une* gra^d^ et %nl;îque tabatière .
carrée , en émail , un peu écornée , maïs don-
falée en- or /et a^^nt le : 1^ g^w à^ quelques
diamans; tahatiàx»^ aA,rei9le j qtie )en'aii jiwiiMa
portée.
> Pédant la^ guerra det la auc^îes^cm de '
Bavière , ce roi, psreaqfieaeptoagént^i^e 9, étant,
campé rets, hfc liante; Sthâsie, aii.^i^Dtre dies
montagnes de la Bohême, empio]^ 1^ ^m^.
meus qu il armt d^ xesto , à ^omposicar 1 ek>ge ,
de Voltaire. Crt éloge me &t appiwté pai:i
un chasseoir^ aveis une Ittjtre âe* M*, le. Catt>
dans kqueMe étoit ioséxë un pttk i>ittQt , diS(>
la main du roi et aigmâ dfèExJédéfeîcju oon^
uapt ces mots>: a Le chasaeiU! tqni ptitt ç(|(
3>- soiv pour Berlin, paît lençoire se ^bpx^fft^
vt du paqàet ci-^oint pqur: AL le comte d^
}>- ChMtipagDei} etkdit pvofèesenr Tbîébau|t.
»* iiftajen verra l'ôtfvra^aveades^remarquea;
» aussitôt ' qu il )e^ aura .faites. » Fox^r eii^
tëiidre la plaisanterie tp^ eoBtàaoA ce iHllett.
il faut savoiï' qti «mant assez^ à Jouer sur le
itiot , il se ptaîsoit à m'appeler sm comte d^
Champagne \ en faisant alkisiotL an trpubar
dour Thibault , comte de Champagne » qu^
CofnposiUons LiHér. de Frédéric. 147
VÎyoit (du temps de Saint-LQuis« La preiqièrô
foisr qail me donna ce nom> je lui répondis
qtl0je n'en avoispas le comté; à quoi îfré-*
pliqna, que ce n'étoif pas.de sa faute ; bieu
assuré «sans doute ,. que ie ne me hàsa^de^'
rois pas à lai demaùder ^ si on cas qaé ce fût"
d& $a fâifte « il s'en mettroit fort en péine«
Quand je lui eus renvoyé son. éloge dé Vol-
taire» avec mes remarques ) etqull y eut fait'
lea corrections qui pouyoièat hii convenir ♦'
il me le fit rs^orter , avec ordre de te lira^
à, la prochaine séance publique de son aca-*
diémîe ; ensuite de le faire imprimer sni^ for-*
mat m-8«> ,. et d'en envoyer six exéinplâîfes
àlui » et douze de sa part à d'ATepabert» Touif
cela &t exécuté avant son. retour;
La dernière pièce que j^ai eu à' lire â' Paca*
demie ^. par ordre de. Frédéric , fut sp dis-
cours sur Vutuité des sciences, et des drU
dans un État. Il composa ce discours au
commencement du séjour q^e fît à Berlin ,
la reine douairière de Suède , Utrique dé
{^russe y sa sœur : et pour ,uné séancèi pu-*'
blique de facadémie, a laquelle cette reine
désira d*assistér. Dès qu^il eut achevé la pre-
mière rédaction de ce discours , il vînf à Ber-
lin pour rendre visite à sa sœur> et ihe Gt
148 Etudes^ Opinions f
appeler , me remit son maniîserît^ ef me don-'
na rendez- vous au lendemain pourmVntendre
sur les corrections que j ^ croirois nécessaires «
Je reparus donc le lendemain au sortir de son
diner, et jpeu ayant son départ pour Fotzdam. '
Cette entrevue débuta d'une manière qui au-
roit peut-être paru agréable à d autres , mais
qui ne m'a jamais inspiré qu'une juste inquié*
tude, parce que je savois quil ne se lîvroît*
guère àsonpenchantponrlaplaisanterie, qu'il
ne la poussât trop loin. ....»« Monsieur , me
» dit-il , d'un air goguenard , je vous remercie
» des remarques que vous avez bien ybula '
D faire sur mon discours; et de plus^ je m'y
Il soumets 9 à très -peu de chose près.» (II
faut observer que je les lui avois adressées la
veille, environ deux heures après que je l'a-
vois quitté , et en les joignant à son manus-
crit. J'ai déjà dit quel étoit mon usage dans
ces occasions^ et pour quelles raisons j'en
usois ainsi.) ce Oui, monsieur^ continua-t-il^
-» je me soumets à votre souveraine autorité :
9) je suis bien aise de vous prouver que je
» sais être docile , et je veux que vous soyez
)» content de moi. Il n'y a que deux points '
» peu ijpportans , rien de plus que deux*
» points , sur lesquels j'espère que Vous voa<^
'Compositions Littér.de Frédéric. 14^
.» drez bien me permettre de vous faire de
.» très-humbles et très*respectaeuses remon«
a> trances, »
Comme à ces mots , je me hâtai de mettre
eotre lui et moi , le profond et vaste fo$sé de
.respect dont )*avois coutume de m'entourer
. dans ces sortes de circonstances , et qu il loi
fut aisé de s*en apercevoir à mon silence . et à
mon air modeste et sérieux , il fallut bieq qu'il
en vînt aux deux articles sur lesquels il
rejetoit mes avis. Le premier ne me parut
.présenter qu'un germanisme peu révoltant»
. qu une faute que même peu de lecteurs xe*
marqueroient , et que Pon pardonneroit faci-
lempnt à un prince allemand.... « Fasse. pour
y> celle-là, me dis-je çn moi-même; je. te la
» pardonne ^ parce que tu es roi , et que je
r ne veux pas te fâcher pour une bagatelle :
p> mais n*abuse pas de ma condescendance ! 7»
La seconde faute se trouva par malheur beau-
coup plus grave : c'étoit un bon solécisme,
bien conditionné et très-irappant ; et ce sole-*
cisme étoit justement placé dans fendroit le
plus saillant de tout le discours , daps la
phrase qui devo^t être la plus rema qu e,
la plus attentivement considérée^ et^ixiéine
épluchée i dans toutes led cours de TEurop^ j
j5o Mtudes y Opinions,
c est-à^ire , dans la phrase , où f orateur , pré*
liant UB ton plus élevé, faisoit, avec «ne sorte
d'apprêt , l'éloge de Catherine seconde , impé-
ratrice de Russie. Le roi prétendit que l^asage
autorisoit la manière àè parler que je cori-
damnois : il prétendit ensuite, qufe c'étoit une
tournnre oratoire, sur laquelle les règles da
gtammaire ne d'eVoient point étendre leurs
droits : il prétendit encore, que de bons au-
teurs s^en étoient servis , et que tous ies jours
on s'énonçoît de tnême : enfin , ne pouvant
•me vaincre , et voyant que j'avois réponse à
tout ,îl prît de rhuméur; et bientôt, cédant
*à trti' mouvement d'impatience qu'il ne cher-
«ha nï à modérer, ni à dissimuler, il saisit
hiné pkime avec avidité , et me dit : « Eh biètf ,
» îl n'y qu'à remplacer qette phrase par t^lfe
•» autre, » Et, à Tinstant mêm'e, il se mit "à
^écrire sa nouvelle phrase. Ce qu'il y eut eu
'ceci de très-fâcheux et de très-^embarrassant
'pour TOdi , c'est que sa liouveUe phrase ne
'valoit |)as la première pôiir le fond de la peu-
^é-e , "et qu'elle reûfermoît également un solrf-
'Tisme , qui , k la Vérité , étoif d'une autre
^ë$^Uc0 que le premiêir^ hiàis qui tfeti étoit ài
-moitis sensiMe, ni phis tblérafete.; Je vis'le
c^ferigérquÎTné menaçoît; et je tésoitts de le
Compositions Littir: de Frédéric. i$i
braver » par c&tte eeale raison que eeût été
me rendre trop coupable envers lui ^ que (ie
. J*expQser & la critique de toute l'Europe ^ pour
n'avoir pas tëu le courage de iaire mon de vorr
et de lui dir^ la véritéU 'observai donc » que
' le discours use ^gneroit rien à la substitu-
tion, de là seconde pensée- misé à la place de
la première^ et.o^'il y anrpit également une
:&u4e contre la langue # faute que j'indiquai «
: et que j'assurai ne devoir pas être plus par-
* donnée que Tautre. Cette nouvelle critique le
c mit aux cbamps : je Je vis devenir subitement
, rovge décolère, les jreux enflammés , Vsir dur
; etf menaçant, et toute la physiouornie annon-
çant un bomme disposé à prendre un parti
violent; Il rejeta la plame à côté de l'encrier ,
eil disant :. « Il n'y a donc qu'à laisser la phrase
. » comme die est. » Je suis persuadé qu il n!a
. jamais été plus hors de lui , lorsqu'il lui est
' axrivé de^s*oublier jusqu'à donner des ciohips
•débottés dans les jambes : jeue craignois^pas
cependant qu il m'en donnât ; ma qualité d'é-
, tianger me rassuroit , vu qull ne s'est jamais
. abandonné à cette vivacité qu'envers quel-
iques-'uns de ses sujetSi^Mais je m^attendois à
:être brusquement renvoyé , pour ne jamais
pfats |tre rappelé auprès de. lui; situation
iS2 Etudes y Opinions i'
|>énible^ danslaqaelle totitefois je isônâërVâi la
tranquillité et le calme de Tainè; fondée' sur
celte pensée ^ que je faisois mon devoir :il
ne me fut donc pas difficile de prendre la
résolution que je pris, celle de me justifier
avant d'être congédié, et de me montrer tel
que j'étois. Pour cela tout mon extérieur in-
diqua combien je me renfermois dans ce que
» les convenances pouvoient exiger de moi :
î eus l'air attristé et non abattu : ma' voix fat
celle d un homme pénétré , mais inflexible ;
et ce fut en parlant lentement , d un ton bas
et concentré, les yeux fixés sur le parquet
devant mes pieds , et tout le corps dans une
. attitude simple , modeste et immobile, que je
lui dis : « Je conjure très-humb)ement et très-
» instamment votre majesté, sire, de vouloir
» bien considérer que je n'ai d'état et d'exis-
: 3) tence pour moi et ma famille , que par rfle.
. » C'est de vos bontés , sire , que je tiens tout
. » ce que j'ai , dés devoirs honorables à rcm-
oî plîr, un état honnête, et les moyens de
3) mériter l'estime publique ! Daignez, sire ^
s> ne pas me refuser la justice de croire que
. » jamais ces faits ne sortent de ma mémoire !
y> Ils sont encore plus profondément gravés
ïi dans mon cœur! Mais, par où puis- je plus
Cornpo^Uiçns'IÂitér. de Frédéric. i53
9 dignement témoigner mon respect , ma re«
< » oonnoissance et mon dévouement y que par
: 'ce ma 'fidélité à ne dire à VQtre majesté que ce
« qui me paroît être vrai ? Vous à^he autre
. )) chose que la. vérité , sire , seroit de ma part
i » une tr^^isQu! vous la dissimuler par crainte,
» ce seroit un.e offense ! la taire dans les oc-
» casions où elle, peut intéresser votre ma-
9> jj38té , ce seroit une infidélité! Et quelle
; V autre marque de respect peut étrç digne
i) de votre majesté ^ et partir d'une ame hon-
» nête , que celle qui est d'accord en tout avec
: » la viérité ? Je me regarderois comme ne
, 3» méritant plus de vivre , si j'avais d'autres
. ». principes que ceux-là ! Et ce n'est qu'en les
. j suivant toujours , que je pense pouvoir
» justifier de ma part , les bontés dont votre
, » majesté m'a tant honoré ! Il est bien certain
. » qu'en pexisant de la sorte ,. je n'^i jamais pu
^ » me permettre de lui proposer *aye.cj[égpreté,
. » ce que j'osois lui dire : je n'ai rien avancé
» dans ces circonstances , que je n'y aie mû-
. », rement réfléchi : je n'ai rien affirmé que je
. » n*aie eu les plus grandes autorités en faveur
a> de mon opinion. Aujourd'hui , sire , j'ai
;» considéré que ce discours éto^t de$.tijQé à
. y i^ plqs grande publicité^ et je n'i^ parlé quo
Td4 Etudes y Opihions t
s» diaprés les buteurs les phis respectés : ^e
» puis èofifiirmer tout te que )*ai dit , par hs
« décisKms de tous ceux tjiii Out écrit «uria
» iaogu^ ^auçaise : )é ne suis que téur oi>
9 gane ; et je seus en mou ame 5 qu*eti ce
» nométtt ^e éouue à votive iuiaijésté , par ma
» persév^a)iceii>êi]àei ttiïe^|Mreùve'bien isûre
» de tout mou respect et de mou vérifoble
» dévouement pour sa persoonô sacrée» »^
Les deux on trois minutés que je imis à lui
^tre tse qui précède ^ lui donnerait le temps
de se calmer. Il m'écouta comme il savoit
écouter quand il je vouloit , cVst-è-dire , ^y^c
/ une extrême attention ^ et sans me quitter dM
yeux. JLorsque je fus arrivé à mes dernières
' phrases , sa main alla reprendre sa pluma »
' comme machinalement , et sans aucun autre
dérangement dans son attitude ; de sorte qd a
l'instant sOÙ je cessai de parler, il me dit d'un
air téut-àfait remis et posé : c( £h bi^tf ,
M commeiit voulez* vous que cette phrase soit
' n rédigée?»; Je la lui dictai telle que je Tavois
proposée dans mes remarques > et il 4'écïî-
' vit satiô âncuue répugnance ; après quoi ,^ il
me remit le cahier , en me disant qu^il me
«pdioit d en faire la ïectt^e à )a prochaine
'séance publique de TAcadomie ; il ajouta qae
Compositions Littér. 'de Frédéric. i55
pétit-être ensuite il se détennineroît aie faire
'impmn^r chez Deciker , auquel cas il anroit
èôitt^è itfch «verfir; maïs qu*il pensoit qu'il
BCTcSi hcfà aTflfit font , que je transcrivisse le
cahier iout entier , afin que je n^eusse pas à
'faire ma lecture sur un manuscrit raturé et
pleiîi de renvois ; qu'il ne pouvoit pas m*indi«
quer bien précisément le jour de là séance
pubHque , parce que c'étoit naturdlement à
'sa sœur de Suède à le fixer ; qrill croyoit ce-^
pendant , que ce seroit sous peu de jours ;
inais que f en srerois instruit par les gazettes ,
vu que cette séance de voit être annoncée
d'avancé , la présence de sa sœur de Suède
devant certainement y attirer beaucoup de
monde , en particuKer des princesses , des
princes \ des généraux , des miniktres d'Etat ,
et des ministres étrangers « saâs compter les
personnesdela cour , et un trèé-j^raïid nombre
de -curieux.
J'ai toujours regardé la èondtiitè de Fré«*
"déric, en ce moment, comme Fun dés traits
qui lui font le p^ni d'honneur. En efl'et , roi,
'tout puissant , ayant pour priîicipe de ne ja-
mais donher aucune mart]iie defbibtésse ou
de versatilité ;âyanii outre la ïefmeté de son
cantctèrë ,ia m^adiie des rois , je veux dîté ,
• f56 e V, T ' MtudeSy Opinions • ^
Jeuialhçur de ne pouvoir suppprter la cofitra-^
dîctianj .dans laquelle leur amour-propre
.jie leur peripet guèrp de .voir antre chose
. qu*uii& irrévérence et ijui mauque de i^egpect^
il sut. uéauipQins , dans laçcès même d*azL0
très-forte colère , entendre le langage de la
vérité et de la raison ; il eut assez de ibrce
dans laiDéppursY soumettre à Finstantmême»
et devcHir, subitement a^issi docile qu'il me
l'avoit anpon^cé dans son humeur goguenarde »
lorsque jetois. entré dans son cabinet Gequô
j admire , ce nest pas qu ayant tant fiait que
de m entendre , il se soit rendu à ce que je lui
disois : qu y a voit-il eu moi qui ne lût propre
à le rappeler à lui-même ? Et qu y avoit-il
dans mon discours qui ne fût propre à le
frapper et à le fléchir ? Mais ce que j ai ton*
jours admiré , c*est que dans un si grand accès
de colère , lui , sur- tout, ait pu prendre sur
lui de me laisser dire une seule phrase! Quel
homme vif ^ et fortement éipu ^ je ne dis pas
sur le trône, mais dans des rangs bien infé-
rieurs , peut échappe^ à cç mot impérieux et
de premier mouv.ement , taisez^i^ous ? Je
Pattendois , je l'avoue j dès que je vis qu'il ne
venoit pas 3 je sentis que j'ayqis tout gagné*
^__ «• ' • *
Frédéric fut donc en cette, rencontre pina
r* »
VompoiiHom Littér. de Frédéric, i^y
grand que je ne Vavoîs présumé ; et je vis ce'
jonr-ià ce qu'il y a peut-être de plus ràrt dans
niistoire des rois , de deux au itioins qui ont
du ressort et de l'énergie dans l'ame; je vis
un homme qui sut se vaincre.
' J'omettrai ici plusieurs détails qui appar-
tiennent à Tarticle de la reine douairière de
Suèdé^ où on les retrouvera. Je me restreins
à ce qui ne concerne que le discours , ie'i'oi ,
et moi. Le lendemain de la séance . madame
• • • ■
la ccbitesse dd Kanneberg » sceuf du comte
Fiiik-Enstein , et grande- gouvernàiite de la
reine de Prusse; m'envoya , par un de ses do-
mestiques y un billet' où elle me pridit de re-
mettre au porteur le discours du roi, dont la
reine régnante vouloit entendre la lecture*
Je fis^répondre que f étois sorti , et qu'aussi*
tôt que je serois rentré , je m'empresserois de'
me rendre chez 'sbn excellence. En efîët »
î'arrivai chez cette dame peu de minutes après'
le retour de son domestique ; je lui avouai
que favois été chez moi à l'arrivée de ce der-
nier ; mais que j'avoîs dru devoir apporter \é
discours moi-même , plutôt que de le confier
à un homme qui m'étoit inconnu , au moins
quant à sa fidélité , dans' une occasion aussi
délicate. Je loi dis que j'espérdis ^ue sa
/
majesté» etell6«.a(iproavei:oiei| tli? prmcipfB çii
xn'avoit empêché de me séparer dC.wi dépôt
aussLsacré ; et cp'amslje le InJL apportoi^^et^
la priois de me peirmettre d*i|ttdn4recbez elle* .
jasqu^à ce que la reine en eût entendu la Jecti|re>,
oadem'kidiqiBae]; l*beare à Iaqi:|elle je«poum>is
venir lereprei^dre. Madame de Kanneberg alU^
rendre comptede mes prç^pçsUtcms à sama^;
jestë^. et revint mie minute après me dire qtier;
la rdine seroitcbajimée q)ie.jB^irouJi»se^l^^
lui lirç jce disxsours nw^-mêm^» Ainsi Aoujr
çntràfUQS chez. elle,. ,et Ja^.t9Quvàix]Mes entpU^'
rée de sea dames, ahçawiettr.^t 4e s» leetrice^r
On ,me| reçut avec un«^^ bonté qjoi aoroifc étér
çxtraoipdinal]ÇQ par-toiLt fuUeura qua_qhe:ç^
réponse de FjrédériQ f la <pr»(ice4ae à» jpçimdùr
la plus, respectohle^ tPWiopiîS'J#lW« ridqacf,
et polie^
Aprèf les compliBie9Ssqjï'il<es4 fMÎUide de^
viner, oi^s*assit>^d0i^^ar(}ld^,^eA:l^ffi.'s^
diqua un sié^e-que j'occpffaL^at.qjiiéitoitreBf
face^de sa ms^es^é;. !^s(kQt|9re §e Rt su^ntex^
ruptkm ; et lorsque V^us G^^ on^ s^ hv^i ^
reiflu^ me rewxda^, eajoigM^ i^iNita^da
bontéx{peIques.canq>BiDW%&tteHF9«J&9pv^^
on parladuxliscours , de)a séKVM^de^kryf jj,!!» ^
et des Français hommes ds ^tt|?es qp'oa avoiil^
Compositiçns Littér^ de, F^déric. 159
^ip)3 àBerlia ^Yaotque jV fusse y et suF-tout.
4© M. de Voltaire, J observai qu'on n'eut que
du bieA à me dire de tous ceux, dont on me,
parla. EnQn % la reine rentra dans une pièce
jplusintérieure de son appartement ; plusieurs
de ses^dames la suivirent ^ ej Je^me retirai avec,
madame de Kanneberg, que j^e quittai égale-
ment pet^ après* ayant mon cahier dans ma.
poche. Dès que je fus^ rentré chez moi , Je ren-,
yoyai le discours au roi , qui , à son tour , me
le fit remettre le lendçmHJin.i s^vec ordre de te;
fpîre imprimer.
, Les pièces, dont j'ai parlé jusqu'ici ,, ne aorit,
pas à beaucoup près les seules sur lesquelles
j'aie eu des repiarque^ à faire ; souvent ^ j'ai,
^té requis de donner le même SQÎn. à divers'
autres écrits , tant en prose qu'en vers j. sou-
vent aussi , il me faisoit lire en sa présence
q^uelques poésies faites depuis plus long temps ^
et recueillies en deux gros volumes z7i-40,« ,
mais sur lesquelles il me témoigupit étrebieU;
aise d avoir mon avis. C'est^ ainsi cpie j'^i^
connu ^ dans Je temps, sa pièce de vers sur la,
mprt de l'empereur Othon} son poëniç.aur.
rOrigine des Polonais , ,qu'il supposoit étra
issus d'un Ourang-Out^ng,; l'Epilre de re-,
mercimens au prinee de Soubise^ composé»..
l6ô Ëtudes, Opinions,
à Rosbach , le soir même de la bataille de dd
nom , etc. Ce que j'ai observé , c'est qu'à la
fin de chaque pièce , il y avoit toujours ; Fait
à tel endroit ^ tel jour ^ telle année*
Je me souviens qu'un soir il me fit lire un
morceau de poésie si gai , et si rempli d'idées
folles et comiques^ que lui , qui en étoit Fau-
teur , en rioit aux larmes 3 et que moi , mal-
gré tous mes principes , j'avois peine à m'en
empêcher; lorsque tout-à-coup , par une
idée plus baroque eniiore que celte qtie je
lisois , il fît un tel efibrt sur lui-même , qu'il
devint en apparence très-sérieux , et me de-
manda de l'air le plus grave et le plus im-
posant: Monsieur, de quoi riet-vous ? Un
autre soir , il me doupa à lire , à la suite de
quelques autres morceaux , une épigramme
assez bien faite et très-mordante contre d'A-
lembert ; mais tandis que jefaisois cette leeturô
à haute voix , conformément à son intention»
il lui revînt à l'esprit que j'étois fort attaché
au géomètre de Paris. Fâché en conséquence
de m'avoir fait connpître cette épigramme 9
et craignant sans doute que je n'en parlasse ,
il prit subitement' le ton le plus sévère , et
tne dit ' fort sèchement : << Monsieur , ceci
n entre nous , au moins ! car , si jamais
d'Alembert
ÛomposUioM Ltttér. de Frédéric, xli
» d'AIembert eu^avoit un mot , je voaS feroi»
» couper les; oreilles !....:. — Sire, lui ré»
» pondis-je d'un air très-iérieux , je seroÎB
»> bien malheureux si votre majesté cj'oyoit
» que j'eusse besoin du motif de la crainte
» pour faire mou devoir. Je m'en acquitterai
* toujourspardes considérations plus nobles.
» ainsi que je Xéx toujours fait *
La poésie étoit pour <se rOi l'objet d'une
Véritable passioti. «E3t»ceqae Morx% ne faite»
> jamais de vers ? me dit-il un janr. rJ*ÉMpe»
» j'en ai fait depuis l'âge do vingt ans jusqu'à
• l'âge dé trente ; mais j'ai observé <Jù© ce
J» travail ttis prenoit bçanoonp de temps., et
» me procuroit peu.^e suceès^ Ainsi j'ai fertile
» tous mes vers . et me suis promis , eu: pà»
» sàDt le Rhin , de ne plus en faiite. La poési»
» 9X%e ♦ fli je ne me trompe , outre plusieur»
» autrça qualités préçiisuses > la facilité de n»
» prendre que la sommité des objet» dont on
» traite^ ou des fleur? que l'on cueille.. L«
», watnre mV-t^elle refusé cette facilité ? On )•
? genre de m^ étude# l*a:t^il . en quetqué
V.api^e détroite , ^e» moi« en m*attachàat
» ; h^bitudlement à riBçhenche^ <{e pré&reneè
>»> PJ^f^Â^io» ^«8 i$iée» , Ijb justesse dés raw
\ ifonnemej^., l'<ir<ire,ï^g»lier et reBOhaîàeM
t<
k
i6z • JStudeSj Ophnonê,.
9 ment méthodique des pensées ; en m^atta-
9 chant en un mot à creuser les objets et &
» eo compléter le développement , plutôt
]» qu^à les peindre ? Ce qui m*a paru hors
» de doute , c'est que je ne dois point faire
» de vers , et c^est pour cela que je n y songe
» plus. — Je vous plains, et ne vous conçois
» pas ; pour moi , faire des vers est mon
» plus grand plaisir ; c'est une vraie jouis-
9 fiance» et un parfait délassement: les autres
V études, en coqipaxaison de celle là, ne sont
9 pour moi que des études .- »
Si. d'après ses dispositions, on désire ta*
VjDÎr ce qu'il pensoit de nos^ poètes les plus
distingués , je -dirai qu'il les estimdit en gé-
néral 4 mais qu'il chérissoit Racine . • . a Quel
» est i à votre avis , me demanda-t-il un' jour ,
» le morceau de poésie le plus beau', le plus
9 subiime, le plus parfait qu'il'y ait en fran->
ji.çiis ? — Atbalîe Vsîre. — Je suis bien aise
9 de vous entendre. J'ai toujours pensif de
» • même.. » Celui de nôa poètes à qui il rétidbît
le moins justice, étoillébori Laibhtaihè^'Le
Isiérite de ce poète est trop iëtittiehitnl fonda
dans le génie et^ toutes tes dëKcatessès dd
nôtre langue', pour qùe«èsétrangei*s puissent
leJMien'AeBthr. LaiâD:faiae est doncoèrorâd
CàrnposiHdnjsr Liltét. Ûèl^fé^ériù. -tè^
fi^ë poèt^ envers Idqael on est le plus injuste
feorsde France , par là inème taison , qui ne
nous pernK't dVn parler que dans les teî^tîieâ
tie lapsus vive admiration^ C'est encore pour
4a' niéme raison que je le place à la tête de
tous lê« auteurs qui sont essentieUement in-
traduisibles : par-tout il découvre et saisit
4'expression et le tour qui semblent Faits pour
Tobjet et pour là nuance de sentiment qu'il
yieut rendre ; et par-tout on sent que cette
expression n'appartient qu'à notre langue;
iiâfontaine est te plus français de tous nos
écrivains^ Mon colique Borreliy soutint Uii
)otir à Frédéric , que ce poète étoit un deî
phis beàtt^t génies ^ùi eussent famals existé \
et; je fus frappe de fespèce de dédain avec
1e<!|ueMe roi réplujuat ce Fort beatt géàie^
7> sans doute , niais seulenléût 'dans leé petites
^ choses! Lafôntaine aVfait que de^ fables:
^ il n'a pas eu assez d'H'artéîné'pou'r ^*eleve^
» au dessus de ce genre borné et entantîn*
> on ne doit point le ciltér qu'âne! ou parle
» des grands hommes, i» Bo'rh^tfy' persista
<!àn^ ié^ opinion , ^qdi sei^a toujours juste à
•nos yeux ; mais qa*y gagna-i-fl"? î'f ne ,{ie[-
*suada point , et il déplûV. Ws eurent' encore*,
idfiiis lar^^ ïtiétaie séai^cl^/'ttM k\k<ik bôn^ifs^â'
y
.164 Mtudes^ Opinions^
tîon qui ne se termina pas plus henreoscK
ment que la première , mais dans laquelle
il me parut que Frédéric avoit moins de tart.
Il s'agissoit du chancelier d*Aguesseaa , que
lEforx'elly met toit au nombre de nos célèbres
orateurs. « Personne, reprit le roi, n*jastime
n d'Aguesseau plus que moi , comme homme
» respectable par ses mœurs^ comme.smagia-
» tràt ^ ck>mme savant , con^me philosophe :
» il écrit parfaitement bien; il est vraiment
» disert ; mais il n'est point éloquent < et ne
» doit pas Fêtre. » Toute cette dispute*, dans
laquelle on ne, s'entendit point; ne.proye^
noit que de ce quils nattacbpient pa^ tous
deux la même idée au mot orateur: ce mot
• • , • * ■ .
ne ]:éyeilloit dans Tesprit dj9, Frédéric que
les idées de haute ^oqu^nce , de style eufkinsun^
et sublime V et des grands mouveme^s ora^»
toires; tandis qu'aux yeux de Borreily, celui*
là est grand orateur qui emploie, les ntpypns
les, pi us sûrs et les plus couyenaljles pçur
persuader , convaincre , et ameiier se^ aijdi^
teurs au but qu^l,^'est proposé* .,;, ,
Ce toit pour le roi un véritible aipusen^i^
latke dé copier le style des écrivains inspiirés^
ascétiques , ou mystique$. Il se f^ifçît^ aipre
«0 point, cantal 4,^ biepi .jglaçex^ lesjerjpoiee
Composions lÀttéK de Frédéric. i6$'
c»bsaciiés ddJQis ce genre dr'ouvragss , ef de'
dterjà prapos <ie3 passage» ekoisis , tant dér
livres saitits que des auteurs les ptas révérés. >
Ilivouloit , dans ees occasions ^ que ses phr^^"
seisfossent harmonieuses par la forme , impo-'
santés par^ le > ton de dijgBrté qu î( leur don-«'
noit^ 'ef stériles pour le fbuds^ Cest ainsi*
qttil.àiiéompdsé^ôhtr'aotres,, un m^ndèmeât-
de yévôqu«îd*Akc , ^ont j& parle à rartic^6-4ié
xnarquii d Argeusv et aii comipentaire «sacré
9aM!'\ei^anie:(\ç.Pieau'^d^j4nei Ce second oa-^
Trage fqt) imprimé en grieindsebrêt, et il n^#4-'
fuit ticéqulun itrès<*petitifik>ttibi^e dexemplài^
ares. Le tbi ^la'en do^na^ un ^ en nv^ reoottinïat>««
danb deîné le înoiîtrer*^^ de n'en parler à'
pèrsonni^.^ Peu de joiv^s apr^'s-Viniprîtlfteur'*
Deekeij .vintvp^lein d^flrobet daAs là |>itl$'
cruei|e jperpiexité , me prier, ed griMadecoû^
fideuce,:dê t aider de mes ^conseils dans^ l^af**^
frruse situation^ ou il se- trou voitr Il^me conl%^
quVyaht eu un commen^ire snr le conte de!>
Peau^ct'Aaef i Imprimer», 'il n'avoit mis «ir^
cet ouvrage q|ie des ouvriferâ qui ne savoient>
pas un.uiot: de français ; qu^auoune autre*
personne qu)s >cea mêmes ouvriers et hiii»
B^étoit- vendue danb la.pièee !oà sje Jnsoit
eette ungifesaidn ^ Ifd-même y^élaDlftQujKuînii
i6éi, ^iudes yOpiruons , -^j
entré. le premçr v ^t étwt toujours, «orti le
4er^i6ir t et la qi^C^e cette pièee n« layàDt
ppûft quitté ; qn» lui $wl «lYÇât revu les
épreuves sau« dépinl^èr^ et a voit ekisuite! brûlé
toutes lei| luacu.Uturç^ ; et^'eufici'il eu avoit
QQ¥(^é ]4>u$;l/9fte«<i^^ires.auroi ,mds vou»
Hûr'inéaie e}i goi^der n&e seule: feuille pour
liM-inCt que. oependaut tous les mkiifitres
éff^aiPCer^ et plusieurs autres curie^x, ve*».
nj&ypnià^^jxyQym^ icbez^ lul^. dfsmander des
t3W9Pi^meg dû çeifbême ouvrage à acheter ;
qii0.4Ana lei'iu^tliftti^ns jquil a<voifapu f/iire
àiOd 4Hiet, il avoitaf>prÎ3 que Je jôiQistiie de:,
fie .{}<Qr ta^berg ^ À qui; le jroi en avbit ûonné
^UNft^mplairetétoiîtFOceupé ai laslùdb dasà
aoadiilpni» lor^qW^D diplomate éfirangev étoi^
veniji jui parier de . quelqu*a;i^v:ii :i /et avoît
#utafu4 lUie disQuesiof f à la ettUeide jlaqu«llo
)e: ipinistre Frosaîaur.oubliautila btoxsfaure V
qu^l . avait 1 posée ^ur. Une oousole , étoit
mtvA .ipoujd vm: luôKiieofc dans ; son cabinet r
^sim^'^r tin papier relatif à rafi'aiiwr. to dia^
cussiafi « et avcâldrâné le temps «igiairîeux
iudîfiisret 4 de^.jeter un ooiip«d'cBU> mr You^
Viiage ; et d*eE voir sur- tout ie titre, Decker
)je .sfâitoit- quel parti; prendre;} et je u^eii eus
^1pi(i^ ItÛabiv^eUlér:: je luiOrédigaai Que^
Compositions Littér. dé Frédéric . t&jt
lettre où^, «aaç parler de ce qoi s'étoit' passé
chez M* de H^rtzberg, il exposoit au roi»
avec autant de naïveté que daffliction ^ 1%
demandj^s qae loa veaoit faire ch?4' loi •Mal*
gré les. mesures qail avoifc prîse$ pour aam*
rer le secret 4es ordres qu'il avoit eu i rem*
plir, Dès.qn il m eut quitté pour aller remettra
sa lettre à la poste ^ ]e^ fis une autre potyr
mon propre * compte : je racoatai., en dera
mots , ce que. je venois: d'app^^i^^r® « maii
sans désigner personne : jliudiqoat de mdmé
les précautions qjdc j avois prises pour que
personne ne pût soupçonner que j ayois cet
ouvrage , dont je n ayois aksoioment point
parlé. £n eS'et ,; après que Je rm oie leut
donné » je rayoi$ .pl^Qé;au 'fo»d d'up tîroir
dont la qlef ne ^le quittoit ja^nais i t-t je n'en
avois pas ipéine dit un- jnotà ipa fètnmç :, m
çp mprnent même je n'avais pas donné lieu
& Decker. d'imaginer queje le^onnu^SQ.Lf
kndeniainnjerec.us cette réponse t « Sojreg
^: tranquille^ monsieur, sur lévènemept dont
» vous me parlez dans votre lettre d'bipr ;
D j'en connois la cause > et je: sais que vont
9 u y avez aucune part. S^r ce i }q prie , etc. «
Decker en rt*çut une à«>peu*-près semblable »
et tut ainsi délivré de toutes ses angoisses ,
aussi bien que moi.
?68 JSiude^i Opinions^
M. le CaH a raconté à diverses personnes «
que dans lune des époques les plus- cri tiquesi
de la guerre dé âeçpt ans , il trouva ee roi «
qui venoit d'df^j^éndre la mort dé Tainée de
ses 5iBursi la margrave de Bareith ^ ïrès-oC'*
cupé à lire Bonrdaioue ; que deux jours après,
fr-éii reçut un ôahîèr avec ce3 mots : « Tenez ,
n^ gqrdèz bêla ; » et que 6e cahier étoit un
sermon que sa majesté venoit de composer.
Ce israit n est pas un des moins étôhnans dé
ia vie de cet homme extraordinaire.
' Parmi les ouvrages que Frédéric a faits de
iiTOn temps , çt dont les manuscrits ne m'ont
point été confiés « je citerai , outre le coBfme^
taire sur le conte de Peau-d*Ane ^ le mande -.
inentvde Tévéque d'Aix , labrégé duBictit>n^
iiaire de Bayte , dont j ai été Védîteur , ainsli
qu'on le verra en l'article du marquis d*Ar-
geiis^ et utie brochure asses épaisse, ayailt
pour titre: a Oh$erviitions sur uliouvragei
)» intitulé ; Es^ki sur hs préfugiés.^'Ce fut
} abbé Bastîani qui fut chargé de (aire imprî'^
inér ces observations. Je n'en parlé que pour
èiter iia mol trèè-tfl»ttenr envers un homme
qui le- méritait bicni; Dans, une longue tirade
d'injures très-élaquentes , adressées aux nor
blefii en général ♦ \^ ?oi qufc la r?ppor4e , s'i^-
1
ComposiMoTÙ LUtér* ^Se Rkédéric. 169^
terrômpt tout â^ap^, iJaur s'écrier, dans-
uoe parentbiser Si du moins V auteur ai^oit
excepté M. Hé'Màc de Nipernois I
Je/ vais rapporter une anecdote oii Ton
vei;ra ^ eptr'antrès dboses assez remarquables,
aveb quelle altqitiÔD ilfaisoit ces lectures, et
commeftt il savoit employer son tempSr Du«
rant fhirer de 1776 à 1^777 , il eut une vîo»
lente/atjaquedègoattê, qui I empêcha de faire
lé voyage'de Borliii. En revenant, vers la mi-
marsr^ de France* où j a vois passé cinq à six
mois, j arrivai auac portésid^ Pôtzdaili à le n^^i
tréede la nuit ; ef^, selonrla consigne établie
ptfr*-^ôut où se' trouvent le rôi ^ je Fus obligé
fleiàéclarer àToflicieb de garde , qai.'enenki-
fthvt: ses <tablettei^ ^ mon nom , nionëtaty d?6à
)e yenois ; tm j'alloîsf^ren quelle aubiét^e rje
eofnpto^slog«k:v'^t>Î!}*avois à parlecauxoi..
Com»)e tonfeesiies déolai-atibna semblables se
rébniisoi&dt etf un rappcnrt , que le ina^oï- dû
là pilaee remettetit tous les soirs àsà majesté ^
^ti$di que'îe LWois maison veikt, je Bèidoiilai
jp'M'^que je uéxfusse ^afppelé le lendemain ; et,
en eSet^ à sept) heures du: matin y ût avant
^ire>}e fusse levé > Je vis entrer dans ma
^Dlillnibre ^ en -{j^ud auiibrme bien complet^
«^ offi^iier-^db ségi]i}«n£: des gard^ > Tun
rjO' . " JSiudesy Opiinonit \
mes anciehs élère$ noiaméM: de Kndbel^
wioTs lieutenatit, et de service ce joar^à aa
diâteaa ...\ à Monsieur , luitlis^ je , né serez«^
» vous pas scandalisé de troiiTer ainsi votre
» ancien professeur au lib, tatidis que voua
» éfesdèhôut depuis si . long- temps? M*ep^
» portez-vous Tordre demé lever ? *^ Non »
» me répondît-il , c'est une défense que ye
9 vous apporte : le roi ni'a chargé de venir
» vous dire de ne pas partir ' iqu'il ne iroud
» ait vu* — .A quelle beure veut>il me rece^
» voir? 4-:irne m'etx a- pas parlé. •— .Mais
a vous vojez, mon dï^r , que vous melivtfiM
3 à une incertitude ». qui va bien désagréa*
» Uemeot *me clouer dans cette, aubei^e.1
a Vous allez dire «au rot qoe vous m*avea
a notifié ses ordres? Etne pouvez-^vons pay
B en oetté'oecasion , rfippder les leçoaa:qn0
» je V0U6 ai'données pdur.tourner les plurases
^ seion les drconstances » ks > temps !^ lipe
» Iieu:x<;^ las; personnes- et: lea pensées i; et
9 d*après ces leçons , vous serai- t«*il diffîeîle
» d'iotercalerdans votre rapport, qu'en vom^
a disant que )e ' suivrai les: ordres dp. si^mar
» jestév je* vous ai demapdé à quelle Jbeure
»'j*a.urois & me rendre au. diàteau, at que
a sor: ^Q ..point voua naves rien eu à m^
ComposU^w^Littér.dis Frédéric. iy%
^répondre ?•*.. ;9 ILme^proiiiit qu'ili:ed]^r
c^roit cette. Ip^rnif^e de phirase » et qu'il
Iseipploieroif; <|r , sçm ^nieux. , .
.,,B|a^eflet, Qavipt environ une h^ure aprè»
ij^'^^^QUÇW.^uÇjle ;rpi me i;ecçvroit.à dix
h^urça et;d^ie,. Lpr^quiB jeutri^, Frédéria
4]^^fifa par, iqie, deni^^nder 3i j'étois cootent
dq ippu vpjrag^ ;. exulte il jnç pa^la de set
&ç>u|£irançes,^iiçf 4e.J|^îstoîredu ^^-l^mpire
fW.M, î^h^VL,, qqil me d)t aY^k^ lue cet
km^ v:.-:« A'aX9*s -I? goutte;, flie dijl-îl; ttiaia
»x hôjopeiftsemf ij ^e PaypÂs pasà Ja.t^te;
9 .i^p^diuijt 41 j9^. a/^lla 4^ courage ponit lire
« (9®tJte hi^9^Setj#^qu>U bqut. Pouwa-youf
>l \ff^ dir« P9^rq^ ;^lle fatigue si cruolleme»!
3jt Je ;|ecjpï«î^ pçS^Blfii elte \n%^«iQ?si p^u î
t<;|l|b.çe lat^foîJJie^^gi l'auteur, eu :4»n$U)^t |
» p^;,ifleiflf YjHft^.<îp'^a.dçiS lppgijçjws,asso|iii
%J»îPJ'«P»:««i-|B»^'«aaRd Ufji; vieat à deâ
» discussions ihéulogiques , toujours dépiar,
9k)pé^d#a# ij^9ijl^^^^kire pro^n^» «t très- peu
jf m\ére^9fii^^v^ unf ipule de lecteurs ,
»/e^ .eiji^p^çtjc^klieiç.pîÇiur naQi. Mais c'est danai
4 ,|e ^nd' et jifi fljMw» dp Wt» ^\ip je crç»
#7* • ' Études*^ Ojiiriiùnsf- . "^
V trbu^ér'lë Vice principal de -cet oavréger'^
31 cette hiâtdirê q'ous ofire comme dans uoiii"
» lanterne magique^ tant dd ' peuples M ^ui^
il passëàf aùsj^i rapideméiit bae les flots â*un
» fleuve débordé, qu ils ne peuvent '{^^
» nous mtëîrèsser; Vu que sur- tioat nous 'ri^^
» sa voàs souvent ni d'où ils viennent ; liî 6ii^
» iU vont ,' etquSls' n'bn^^ pour toute vértii*
h qUe letfrïgtiorance étUê'tirîérodt'é: îb'sc-
* pr€sci>!ènf'eh*^i grand i^ombre,t^t ils -sont!
» sî péiiyfe temps sur là scène , que 'fctiùé*
i pouvolîsè peîÂe les discerner Irtl uns '^éikc-
h leé autres. Ce sujet ekt donctin sujet lire»-*'
» ingrat'' soirs- tous les points dé Viie. v Oii'
i*»it àvéd qnèlle liberté dVSfjl-lt'cia roî sWéit-
h oét ôuVràgéj au nifliëd- xièS dbiitëdi^ ' M
§lhft aigâë^ ;'Â ^uoi il f'atrt 'ajouter quedan^
le dénf e ténips, il avoit gôuV«jrtfé%ôti h>]%iiBie^
eoutm« jéii pléiov saotéi^el étOif '{^àrveBtfipKar
ène dôub'te Coi»Jbe»*poiàdéttt!^ dUfiteiie et= déli-
cate , à raecortiiuoder fé 'oôÉrtiéT Hoditz tve(^
le cha^i<er d'Olmuti^ , d6iiihiè-lMiti8 Uém/ai^
ailleurs; ' \ ■-'• • "-■•'- -'■■ ■ •'- ■■'
! Après hn'aVbir aibsi é^tpdsé^à' màniètë^ië
jogar Ihjst^re'^a Bfts-EAifjiré^i^^il •i<éVÎBft k
taon VoySge /^Àé'dèwàhïa" et l'âvôié và^ltf
toi 'dd JFrance , iet là &Aûtte ïojFàle; Je kd
tépradîft^qii» pmi cet ett^iy }é m'^ttâs rénâii
:grasy* espérantles^yofr tous i^ le^i's^iiie^seé i
iteisqif arrivé trop tard% je' n Vvëiâ 6Ù qne la
mçsèe.de la reibè v^^ll^ dui^Di'Ày«ât'jeù liea
plas tôt; quiq ppur voir ce monar^'e, ilm-a-
.voit &Ua attendre le soir dMÎ^Més^ ëpp^rte^
meiis , jusqa à ce que sa tnajesté ssoi^^ît de son
cooseU^ qjQi ce jour là n'aVoifîfitii'^u après
jdîx heurta;, que : j'avoîs été:hUfn -^^^éddâiA^agé
de mon attente , en ce que Louis XVI s*étoit
arrêté et a;voit causé durant plulôéu^â' tiîinu-
•tes» avec nir 'seigneur que j& ne 'ëbniioissoîs
/pas , et sous mfs jeux ; et que jWoi's par
GQilséqaent eu tout Je temps de P^àminer.;.
En ce moment /Frédéric prit son air amical
^•Gonfidenttel;, et iae dit du ton le plus sé-
duisant::» Eh. bien, dites ;moi', eiitrë tious ',
30 comnrenti^vespvous'jugé?» Jc^lW i^ftrayS
•du piège qu'il me tendôit^ etifi^appé de tous
JeaibatiiàideJpradenoeet sur tout de convc-»
• nance ,«qui*d»voi6ntmeliatire x^hericberà révi-
,ter, Jeilui répondis, doocque j'dVojs'cîté' telles
. ment .ooça^é à» îki.' physionomie de Ce' roi ',
'<|ae , mes yjàix> u a voient pu- sé^ déiouri^r dfa
id^ssw son ' visage t; mais qu^ fâfV6is eu beafti
.Jl'éfiUCti^r .iqn^'J^ pi'aVoit été pos«aiïéd'y voh:
-• r
174 XHiiAfS 9 i>f>inionA 4
qa*an seul teaif , tant ce trait m^^vott fsattt
vrai et (sart^témtique ; qim. toujoàra }6 jn'é#
tob dit, qae par*tout oh la .nature aoro^
placé cette: têtçr, on y auroii tronvé k boaté
poni: qqalîté dominante. Frédérîo éeiitit à^scm
tour qo^.jayoîs aperça 8on piège > et c^iiej^
*
cberchois. à éliider i sur quoi.^^tsnaiit aiiisst
aon parti à TinsUnt mén^e^ il nie répliqua
ayec vivacité, et une sorte d entiiousiasmiet
» Ai^ ! monsieur ) sll est bon ro^>.â est grand
^ r<xi! »; .♦*'.;• '..»
J'a)outer|u. ici une circonstadôe peti impûr«-
taut$ de mon voyage à Yç^^rilto, dropas*.
tance dpiit on conçpit.qv&îe ne patiai <|Mp
a Frédéric, mais qui néanmoins peut entrer
l^ans; des spuyetirs. Mon fits, âgé alors d^eni^
viroi^ sept anSt avoit tant ^rconru Vetiv
sailles et les bosquets pendaht^tbute la jôuiv
née , que vers le soir , il ne .pôii^voitpIuB r&«
aîster au sommeiK Sa mère lui conseilla de se
^promener ; mais il. eut à peine £iit qndquâs
pas , qu'il tomba tout de &on>ibffg. sor le pw-
quetr.un jeune seigneur , plus ]irès que-molt
le relevoitdé)à lorsque jfairrîvai àioi.. « Cdiii*
9 ment ^. lui dis-je» dès la première fois qfei
» tu par(Hs à I^ cour , tu y faî^ une lAnte aussi
y^ooBiplette! Mon en&nt^ t/estm.proitost%
-» qii^il ne fàadra pas oublier : aoavtem^toi
» bien , toute ta vie « qu'à la cour ou glisse
» facileoaent , et qo*ii ne faut jamais s*y en*^
)i dormir ! » Tout le monde sourit de cette
plaisanterie ; et je vis qu on alloit aqx en-
;quêtes autour de moi, pour savoir qui j'étois.
Frédéric, après sa belle exclamation 1,0e me
parla plus' de Versailles , et ne me fit aucune
question sur toute la famille royale de France.
Je lui dis néanmoins que je les avois tous vus
au jeu , le soir , le roi seul excepté ; et cette
particularité ne parut lui inspirer aucune
sorte d'intérêt : au contraire, il se porta vers
d'a^utres objets , en me demandant si en gé-
liéral , à la cour , â Paris , ou dans les pro-
vinces , j'avois observé qu il se fût introduit
quelques difiérences daqs les mœurs., depuis
réppque où j'avois quitté la France : ye lui
répondis que les opinions m a voient, asses
paru les mêmes;; ^ que je n'a vois remarqué
que, deux usages nouveaux qni m'eussent
frappé , les habits de satin « et les grandes
l^oudes» «c Comment., me dit il, des habits d^
9 satin ? Ce.st donc pour les femmes ? — :. Non »
» sice;.les femmes ;pqrtpient desjrobes de sar
9. tin , bi^^ uvanjt que je vinsse en Allemagne;
» .aa)(urd'tiiui «^le^bpmnies font usage de ftett«
i^ Etudes f Opinions
0» éfoffe comtae elles. — C'est donc étî été ?
» _ Non , sire ; c est en hiver. -^ Je dbnëofe
7> que les femities' aient des robes de satin en
j> hiver. Vu qu'elles mettent par^de^sous au-
» tant de jupons qu elles le veulent: mais cette
» étofië est trop légère pour des hommes qui
» n'ont guères par-dessoUs que la chemise et
» une veste fort min(îe: ils doivent geler de
« froid. -^ Sire i pour rendre ces habits plùà
D chauds i ils en garnissent la bordure d'un
» lizeré de pelleferie. --i- Ah ! les voilà bîeà
,È réchauffés! Et qu'est-ce qUe les grandes
» boucles dont vous me parlez? Sont Ce des
» boudes de culottes , ou d'habits ? '— Ce sotit l
» sire , des boucles de souliers. -^ Comtheiii
}) sont-elles grandes ? -i— Autant qu'il- lé fauf
)> pour descendre du haut du coup de pied
» jusqu'au milieu du i^ûuiier, et pour allei^
» depuis la semelle d'un côté jusqu'à là sé-^
3» melle de l'autre. — Mais delà n'est pas
» possible *i ayez la Complaisance dé med
» montrer au ju^te les dimensions. » -IlËillut
me baiàsèr et lui tracer sur mon soulier l'espacé
que ces nouvellèsl bôùèlés iaVWièbt à couvrir...'
t( £n ce caè , me dit-^it^^lors', ce sont dbhàr
» des boudes toutes semblables à celles qu'bcf
ft emploi^ auK hamois déâ^-chévaiâ:? *^ EHei
Compositions LUtép de jPrédéric. 177
9 jT riedaembleat assied , repris-je , quant à la .
» grandeur: maid il y a beaucoup de difié^*
» r^nce pour la matière et le travail. »* Je
1^ le conçois bien : cependant ceux qui te
9 portent ^ doivent en être gênés et ble^és?^
:i^ — - On les cambre plus on .moins • $elpn la
3» forme du pied. -— Soit: mais le iiiétal est
i» toujours dur ; et des pieds aussi délicati»
^ doivent en souffrir : d'ailleurs cest un poids.
> très^sensible 3 que Pon pourrpit cofupsrer
3> aux semelles de plçmb qu^ les maîtres %
7é danser font metti*^ aux chaussures de leurs
» /élèves : encore y trouvé-jp cette difiérence ^
-» que les maîtres à danser u*o&t recpurs auxr
» semelles de plomb , que pour le temps d^
j^ leurs leçons, etc. »
Ou voit qu'il s^amusa beaucoup tde tues^
denx nouvelles. Quand il fut près de midi ^
beure ordinaire de soU diner^il nie demanda
quand je comptois me rendre à BejtKn? A
quoi je répondis que )e comptois om'y reja4|*9
oe même jour , si sa majesté n'a voit pas d'çr-»
dres contraires k nie' 4ûuner. Sur cela , ^ «m^
dU qu'il étoit charuiéde pe voir , de>r^tour«
satisfait et en bonne sainte, et qu'il me souhait
toit ^n voyage. <]|omnie , en disaot ee&mots ^
il s'acheminait vers sa saUeà maogei?.^ ^e çrui
(. M
fjfi Etudes j Opinions^
devoir , en le quittant, lui demander parloir
de ce qae j*avoîs osé me; présenter i loi dana
raccoutrement dan voyageur. En efieti je
n^avoîs pas voulu ouvrir mes mallea, etî'étoîa
v^nu chez lui en gros soutiers bien épais i bas
noirs , calotte de molleton , veste de mâme
étofle , et croisée sur la poitrine , habit de
tricot de laine grise , et oravatte noire^ Sur
mes deux mots d'excuse , il retourna la tête-
de mon côté, et me répondit, en faisant un
geste de dédain : « £h , vous savez bien que
» je ne prends pas garde à ces niaiseries-là !•
3» Ecoutez : quand je vous ferai appeler , où-^
n bliez vos vétemens , si vous voulez ; je
» m'en mettrai fort peu en peine ! 'Fpurvtt
» que vous n*oubliez pas votre tête , je sera^
» content. Je ne véus demande que votre
» léte. »
En le quittant , j*aliai &ire une courte yi^
site » et revins bien vite à mon auberge pour'
dîner , et me disposer à partir. J*étois,prét à
monter en voiture , lorsque M. le comte de
Schwerin , alors général des gendarmes , et
ensuite grand écuyer , vint à moi , et me |dit :
<c Je viens , monsieur, vous féliciter^ur votre
» heureux retour : je sors de çhea.leroi ^ qui
9 nous en a epu^ris lanottvellle« U nV été ques*
• L
CompasiUohs Gttér: ite \Prédérlc. , i^jg
» tibil que de vous dnraiït' tout lé dtnér. Je
f vous asaurequil y a long-temps que le roi
» tl^enB eu de si gais : nous avons ri aux kr*
3»; mes. Le roi nous a dit d'abord qutt avoit k
*j| nous aniioncer la nouvelle d'une doubla
» métamorphose très-importante , et si in-^'
a» croyable, que lui^m^me ne ta croirôrtpas ,
» si la vérité ne lui en étoit- attestée par sbn
» honnête et vérîdîque professeur ; • et cette
» merveilleuse nouvelle , c'étoit que les Fran^
» çaîs, ci-devant femmes jusqu'à la ôeititure»
9 l'étoient devenus jusqu'au dessus deè^épau-
» les; tandis que , d'un autre côté^ ils étoiënt
s» devenus chevaux de carroftsê par leis^iëds t
» mais avec cette <»roonstance « aussi -éton-
» nante que le reste ^ qu'ils se sont aipstfein*
» mes qu'en hiver , et que c'est .sans distinction
S) de saisons, qu'ils sont chevaux de carposseff
jL;Il nous adibitémiliei&liesà ce sujet, dont
» il rioit lui-même aux éclats , avdtit de tiotiâ
1*1 en donner la clef, qui est , que les homnies
jo qui chefls vous portoieat déjà ci«devant à^i
s», o^lott^s de, satin ett hivèir , portent encore
» . aujolird'hui , dans lemênàe tefmps , des h^-^
9 . ))its de cette étoffe.; et que ^ de plus, ils sd
» .chargent les pieds de boucles énorineè ; àwsl
p .pesAPte#jq«Iellea,sQu^in€bmiitodes;'i^ ,
M a
> #
t&b àtuiâes^ OpifdonSf
^ mon cher ami > vaus ae savez p^s , et il est
)) bon de vous avertit , qu'en disant tout celil
» au roi , vous risquez fort de vous être fait
)) un énifemi puissairt* Le prince de Prusse 9t
)» reçu cet hiveruoeamplepacotillede grandes
» bouclas « qui « dit-on « lui ont été envoyées
)> par le comte d'Artois : il en a paru enchantét
n T^uisqu'ilen pprte lui même , et en fait porter
V à cepx qui fentourent. Vous voyez bien à
9 quoi vous vous êtes exposé. -— Le princede
39 Priisse, lui dis-je, est trop juste pour ra'ett
y^ vouloir d'une chose très-innocente de ma
v part : il sait bien que le comte d'Artois et lui
a» ne m'ont point instruit de leur correspon*
9 danceà cesnjet «etqu'enarrivantdeFrancet
9 je nepouvois ni en.sayoir ni en deviner Id
39 résultat. Je vpus pi^e néanmoins d'agréer
f tous mes remerctmens de l'avis que voua
3» vouliez bien me^dônAer. j» La dessus ,ilmé
«Quitta et j? partis.
. M. le Catt , qui , par aes fonctions , étoif là
secrétaire des commandemçns de sa majesté ,
et qui se qualifioit tel dans le monde , n'âvoit
rédleipeiit an çhàteas que le titre de i^c/^u/*
^u ; roi , titre dont il ne &isoit jamais lesF
fonctipns : . Vjcéd^ia. aimdit beaucoup à lire
]ni-m|mi^ ; at. celuiîqulil^geoît ooàiine leo
fi
Composîiiotts Littén de Frédéric. i8c
tear, n^avoit d*autre rôle à cet égard , que
celui d^éconter. Le Catt , d*ail!eurs \ avôit une
voix foible ^ sonrdé et pèti agréable : ihssi
tfst-il douteux qu il ait jamais lu kutre chose
an i^6i; qfaç^les lettres qu'il recevoit , et donl
fl avoit' à rendre cofn][ite r àû moins est-it
irai |qne toial^s les fois que ce monarque ne
pouToit pas fîre lui-dême , c*étoit moi qu'il
prenoit pour y. suppléer, lorsqu'il étoit àBer^
Jin. J'ai'faît deoei dorfeé de lectures , mémo
csiprâseqciBdeleOatt.^ • ^
.; J!ardirai un soir t qtiece monarque aroit
très^^malaux yeux. «< Vous voyez y me dît-îti
m que)%d'^>leb yeux trop enflammés pour pou^
3» \)Qir*rln'oebuper d'auerlifÀ^i- lecture : Voùi
v jeQudarez dôad bien' vemr^à mon bide. Tenez,
a voilà^^aëlques bagfeifelle&qû'bn ki'a eu voyééi
» de^Fiatriâi, et âe[nt>l0 fcmds et lè mériîfé
ai mê éEont encore idoon vos; Pîâut^étre cela
» ne vâatvîl pas gtMd'dlÊùM i c%st de quoi
« DOÙa slîOQS )ugwr Vtéûkf d'àbàtâ cette
»*€Oft)édie â un iioHiM^S Beauttiài^chais (t) i
»' et Toyods si eue inÀioiièe quèlc^ue talent. »
;; Xep^i^^adsia dan^^a bergère , avoit atj
hottt de su petite table et à sa gauche , un
*■ 1 -V* ' . .'■,•- - . ' ■ '
^Sa JEtudes),' Opinions^
guérîcÎQn ,. sur, lequel étoît placé nô grand
çaudélahre à cinq branches : les bcmgbs . du
lustre çt des deaxbras de la cheminée v
p^ auflî^ant pas pour m'éclaîker ,:il' falhit
itf!aider de celles du cfi^ndélabre , qui , nfétant
flft^ P^.^^^H^^**^ coqywahlepour des homme»
^^è^ ^.^^ f^^Ç^^ à in^Unar tout «w>« corfls , et
fp brochure , dopt iliaUoit bien éclairer tontet
î^ ff?gfi5 l'wne eprès Foutre pour pouvoir
tej!N- Ma situation é*oit trop i pénible Tpour
un homme debout : Ipi.roi* le 'viti' «t; ca
l^'<il^j^rrY«itqUF jf^^nepourrois Kœ lon^teifaps
de tpÇUe. SQrte.i. ij . ^le^ dit «de .prehdxe iaû
fabfii{ref. : je jetai.ii:ii^|q9uptd*Qeîl iatitç^
Vf^;, coipine ua hommis qoixhefofae iet/ue
X^Â* Rûs <5^ qu'il fMîfeut ; il n'^j^» «?»hi^(rjem
eS^t \ fjQé^i^e. vieux] 0jb i^è^-grn^fiiaiikeuils
4àas,2^ ^bipet) 4^ Si! mandaté;, «,E3raâzt^iin«
))^ djt-il \ l2|. pl^eijaî^fiodbaiiae qi&e tioi» «roo»
p ,Ve^re;f> >f Q^f sf »h]^^qi|je;la> séTjèfojBt imou^
tieus^e \é^^qjf^lQ^4f:^^^ox^elU9^Jâ]^^
pris <|opc un de.çfi^fiafcoiXrefs dco^npvivelb
^a^jvx}^!;^^ .^1 i}<^'il¥B < ]3^iy!najroliais^ i|nsqU*aa
l^qut ; le rQi>cjritiqup)Cette,pi^ê i^yQQ sévérité;
et souvent avec raison. Comme j'étois fort en-
rhume à cette époque ^ il ne voultàt*pâs lù Hr
Compositions Littér. de Frédéric. 183
poser à nne plus grande fatigue ^ et se cou^
tenta de èonvérser jusqu'au moment de aie
*
coucher. La pièce de Beaumarchais le ra*»
mena insensiblement à la littérature de nds
jours , dont il ne me parla qu'avec humèui^;
« Quelle distance , me dboit*il , de ces sortes
« de saltimbanques à Molière ? Vous voyeis
» que ce ne sont que des coups de théâtre
3» &îts pour les , boulevards ! Toujours d^
9 surprises qu'on devroit reléguer avec lea
p petits tours d'adresse dont obr amuse les
» enfâns ! Dès calembours , de milsérables
» jeux demots , de pitoyables hiaiseries ; est-ce
» donc k cela que se réduit rîmitàtion des
*3> hommes dé génie de votre dernier siècle ?
» Combien il faudr oit defa^isessèmblables^»
9> si dignes défaire pitié aux hommes de' goût »
0» et même «ux homÉuéS' de bbn^sens , pour vâ.
'9> loir un séulvers 9 un seul m€»t des MôUère
n* et dcis Raicme ! Il semblé que vous ayeas
» oubHë hi langue de vos célèbres autétirs !
)» il seinble que vous ne les entendiez plus !
» Il sobt devenus pour vous , comme des
'» Srwtié sans saveur ! ^ ÊieMOt vous a*aûrez
"» phisf'ëui: volsigrràds théâtres , que le ikusc
o» bel^sprit et le jargoin-des caiHettes/ Et
» ce nWpas seulement pcfT les piëcèfe dfe
A
oBd ♦• Etudes^ y Opinipn^,^
jy théâtre t que je juge de votre déclio. Je vom
oy trouve ëgalemeut pauvres àsma presque
j» tous les genres : vous ressemblez à un
;» ho^me tombé danç le marasme , qui croi-
>^ ^oit pou voif déguiser j^on mal à force de
.» ^boiifiissure \ .car. ,. voyez avec qjuelle cou-»
j> fiaiice vos écrivains i actuels s'amioncent
r)i tocs comme de grands-hommes « et se flat«
^3) tent d'écUpseï: tous ceux qui les ont pré-
^ cédés ! Pour mçâ^Je suis siméconte;nt d&^
^3» ce. qu'on m'envoie depuis plusieurs années*
.OD que j'ai envie décrire queje ner veux plus
.».rien à l'avenir.Mt» »
J'attendis p selon ma méthode, qu'il m*in^
•vit4t:à lui dire ma pensée sur lie siècle pré«»
.seociti avant de. lui répondre; et;vpicLçe que
Je me rappell^.tçè$-bien lui avoir dit alors ;
^ ce Nous ne jujge^ps du- siècle ^4ernier 5 sire t
.», qpe cent ans aprèsrqu il est^éa>^lé ; au lieu
» que nous; prqti€>qrÇ(>ns, déjà sur .1^ siècle
?î> préwot lorsqu'il ^'^eople eqppr^ Cette dif.
!» férenCe mç semble bien importante; et il
>»'^s4; très-diflSoîliet qpe nqs jugemens ne s en
i» T^ôReçfeiVt jpwf4 ?Pour rfn.drç: lia:baIdnoe
^, égale*« repovtpQS^nous d'abctf-d au siècle
> de Louis ^K^yii/^pi'ès .q^çi^ no^sinoua
f jif tf aosportorons en idée jiu ip^ie^ d» si?cl«
CompqêUiôm pitié^. de Frédéric. x1i5
I» «à, venir : Q(B9:4^ux poÎQts de vue )eteront>
4> af'je ne me trompé^ un grand ^onr snr la
,^.ciw9paraiaon que nous voulone faire des
a» deiuc stèdes^ont il s'agit. Si; donc, je sup-
p pose qœrrje vi^ au mfliem des grands-
^>/hbmme^ d^rdernier jsiècle^ quelles seront
'>K les observatîdns que )'auravlîm de &ire ^
^ et les impcesiions que feront sur moi les
i» évèuemens dont jeaerailetémoîii:?Bos3uet
i» me donnera?) 4»ne fois en sa, yie^.uki dis-
iii cours admirable sur rbistejre universelle ;
3» et dans quelques circonstoaoes :partici]^-
.9 Hères seulement , un petite nombre d'oraif»
t3> SOCS funèbrçs • ^ , remplies de* morceaux
-» 8uMimes« Fénélouine me donAeraquefi^it
<» tard , ce Tkéiémitgue qui ta: porter l'aitiour
.1) dci la vertu jusque chez nos derniers ne-^
(».ilrmx. Râoine..f ce génie ien' qui* toutes les
•4» jperfiMrtionB.' semblent S'éfanst: réunies , ^.n^
^ ^oe'trop'peti de. pièces qni soient évéïnt»
w 'blemçent dignes, de lui | et je le , vecrèi doi^
w niir et s'oublier des ^ dSob teti^es de suite.
i Ge nVs t égaèemept - quà Idirenra^tet valles,
•j>^.qué Boileaii/^errécréera/par ses ^atires^^
f> cqmroè ^é is^^-sera que jtard qît il miostr uira
^: tpar ^ïKJt/f^^éiique. Du reste ^ la BrujèM
i^; ser^ è pi^inetiCOmiii; lé lM)n Lafojataî&e fera
» pen H^ sensation ; et Molière ne sera gu&r»
j» considéré d^m le public'^ si on en excepte
^ nn pét^ : nbinbre d'esprits : snpérienrs • oh
-» d^bQimnesptas instruits, <qaé-conmie un
t> aet^r qui u du talent , «t qui sait amuser
'« Ses 0ohim|iparâiiiSw Gê; qdieje Teux dire»
^ eise^ictesilqn^il fi^ut^atteiidre tont un siècle
» pour qœ jtisticë soit^comptettementreildue
i> à ccih^iaméisk toiens >Jen levant au mi-
•». iieuidWûx; ^^nous ^sommes moins occupés
^» de leur' mériée'; je dîrois presque que nous
■» lès' pçrdeufde vue , parce qu'ils ne se mott-
« «re0tqae:i»eri>«iit;(«iidis<pietottsl68}oui«
M nou» sommes inùndës", et^bien plus frappés
1» des bifadmarés ou^autres ourrages , pîroté-
ji^és paril'b^tat âq Rai(DbouiUeit et prônés
» paries gehS'À* cabales v<Ki-par les gens- sans
m.goàté £9 çonaidéraot ia finilèînàombrabla
« de oèajidMrmbtés productîons^ pourrcps-
» .nous tie>pasinpus écrier t. ^h\I quét siècle
-» bnibarer, .èd.Pon rie Iretwapi^e. fue- des
ji.ScmUri^'^i^ê^ tm^Voh ne' pensionne que
» des'€hsàfMdmri ! lApx%'^ àtè ^ rerencms i
py répoque<où*:i)oiisvvivoaSi..QiielWt testa-
is) bteauqniisSçffire-à'niptre espsitv tarsqu-os
(»c parié éa sièoie de Liouis 3CI^T? ^ujour-
s^i d'iu^Jes^Gotin^et les Fradon^nt «tsevelis
Compositions ÎMtér. de- Ffédéric. 187,
n pour tbtrjonrs dans I9 £mge : nous ny
» pénsonff plas ; à peine nous rappelons-nous
9» qu'ils ont existé tnous ne voyons devant '
9» nous que lés œuvres de «Corneille , de
» iR^tsîne^ de Molière, dé Fénélon, deBos-
» «net ^ de. ïtéchier , de Boileau , de 1é
31 'Bruyère; de Lafontaine /de madame de
» Sévigné;^ et 'de qifetques autres encore :
w tous ces ouvrages sont rassemblés , comme'
n s'ils avoient paru en ^néme temps : ils
»> couvrent t dans toutes nos bil^liothèques t
»' une longue tablette qui nous semble réunir
1^ tnnt le siècle auquel ila appartiennent. Et
3fc'^i^:à cette: vue , ne répétera pas : Qtitl
» làiàele 1 qu^U ^est beau 1 qu'il est grand I. . •
< > n'iSûivona la même' marche pour le siède
in pu nous sommeS'S en ce mometft les 8cu«
:(^/déri nous Aégo<ltédt , les Ghapelâiii nous
j^' écandaliseiiii^ les ^Cotin ^ leà Pràdôh nbtuf
»c|£d{guènt ;- «t ees ^drtès de peiùeS'r'eiiaîssênf
« pDW nous tpts les jours j Sâtfs 'dotite , it
s^jflèroit bien diffici(e de ne paS S'eii plaindre!
ftiiMuTs atteodms^ le siècle suivant!, ou métné
niiéisiaybiis^.cle /fiotair y transporter t quelle
fti!60r»îalors4a!'li9Matte que Fou aura formée
tf 1 tto ^bopg>qttyyiy fip ? de nos jours TComp-
nitdns^ «. .1 . i ' VÀttedre ; hs deuac Rottsseau ^
ifl8 .' Etudes ^ Opîmonsf^ '
» Bciflbn^^ , ; Moat^squiça \ T^ncydopédie »
>» tant de savass Mémoires dea Académies >
» tant de découvertes dans les soîenôes et
» dans les ajrts , tant de cher-d*lDBnvrea d^ék)**
D qaeo^e., sacrée et profane v tant d^écriTëinsr
>» distijqgttés qtie je ne nomme pas i soife
« parce i^qui'ils: vivent enecâ*e ^ soit pa^ce:
9> que la liatç^ :eQ seiioit. trop longue.^ . -. «.
s> Sire j cettis tablette ne ressemble pas « il
^» est vrai, à celte du dernier dècle, mais la
» post^i^té jugera-.t-elW qa'elle y : soit infé-
» rieure? C'est ce qa'il n W |>as aisé de préif
)> voir. Si nous naVons point dé Molière ^
A au rester^ p'eat qu-il n'y a plus de. con^é^ie»
».à fajijr^^ IjQjri^ue la civilisatiâa^ \dèvemi«
9» plus générale, a raiseQlqueicj[ctQ sorte: tous
)i les bompi^s à Punis^on ,r:«nt to»t oef.qui:
m ixm\,9^\\x^tme% ës^ténieMires 4t aux m'ca^^sf
Il et ç'|(|§(,p^ qu$ lonyciît eti ^anêe , oàlea
^ cariijot^^ QHginlii»iQt:k^ cootrastea&aipii
11- pans et icomiquf s seroient jugés abfixurd^
» sur la sjçèiiie ^ parce qults ne itdbsimiidevp
a», roiçnt p^lns à, personne. Si doiicnont ii*aif4na
» plus que 4^3; pièces à mtrîguâs ^Jlfaut Fat«
^ tri^ûer au défaut d^iiAddièto 9 et JKW^ a«
tt défdït.det.tdlens. Mtiisi'heiirjetttsemeiitiottte
>> tbrançbé. ne iSût ^as isettle la littén^ura
CompodHons tittir. dé Prédérie. 189
)» d\iiie nation *; et il en est d'autres qui
» peuvent la remplacer. »
Lé roi parut assez content de mes deux
tablettes , et me renvoya , sans se souvenir
qu'il avoit çncoré d autres lectures à mm
demander.
Durant le carnaval qui suivit les^ fameuses
expériences de Mongolfier , Robert , ÏMlatre-
des-Rpsiers et autres , le roi ne manqua paa
de mettre les aérostats sur le tapts ^ mais en
homme qui ne vonloit y*yoir qu'une sorte de
démence, a Eh. bien , monsieur , * me dit*il »
$ voilà que vos compatriotes , dédaignant la
» terre et ses humbles habitans y ne songent
» plus qu*à escalader le ciel ! Toutes lea
> têtes, en France, sont tournées vers cet
» unique point de vue ; personne n*y regarde
I» plus à ses pieds. Oh monsieur ! s'élever
» dans les cieust , se perdre dans les nuages »
» cela est beau « cela est admirable ! Mais à
]> quoi pensez-vous que cet enthousiasme
» doive aboutir ? Si nous soumettons ces
i> chimères merveilleuses au ealcul du bon
» sens y que pourroos-^^nous en espérer de
s> bien réel pour la suite ? On n'y gagnert
» ri^i pour les observatioua astronomiques ;
» car celles qu'on feroit aîasi an l^atr , n'au^
•(
y roient ancun point d'apf^i^ aucune rase
a> fixe. Comment oeux qui les festoient pour^
» roirat^r ild 4étQ|rminer leur position ? Ke
^ seroient-ils paç ^ans cesse déplacés ^ même
» $àns le savoir ? £tt d'àilloura , quel avantage
3» ces observations pourroient-elles procuret
D de plus que celles que Tçn fait sur laJerre ?
», Que font quelques centaines de toises , soit
» en plus t soit en moins , par rapport à
» Imteryalle immense qu*il y a de nous aux.
D globes célestes ? Mais si les aérostats sont
p inutiles à Tastronomie , à quoi pourront4b
p> nous servir ?....•» Je lai répondis, que >
jd^après les raisons quil venait dlndiquesr ^
j^étois persuadé ^ qu*én effet lastronoiâie ne
feroit aucun usage des aérostats ; mais que
jlgnorois si Taérométrie ne seroit pjas plua
•lieiireuse. . «^ • « Nos plus .savans géomètres^
p lui dis-)e , ont vainement cherché àdécou*?
» vnr Içs causes et la thécuHle des vents : qui
»» sait si des >observa tiens -fai tes sunun plan
» bien combiné * et à différentes hauteurs »
» ne nous fourniront pas à ce sujet des don-i*
» nées précieuses et neuves? Nous voyons
I» iHen que» comme il y â quelquefois difié*
3». rens courans deau dans les mers un peu
» profondes , il y a aussi assez^ souvent 4li&
Cùmposiikms IdStér. de Fhédiric. t^%
» férens oourans d^air a|i dessus de noué ;
9 OT ^ qui peut dire ce que les aérostais r
ir bien employés , nous àpprendroîent à bet
I» égard » et à tant d'autres ? Que ris^e-t-on
» de faire au moins des essais ? Fant*il^ re}»«
» ter trop précipitioDment un secouars qui ,
» peut-être ^ nous seroit de la plus gtande
» utilité ? Tout ce qui tient à là eulture da
» la terre , et aux richesses <)es natioùs^
^ est plus ou moins lié aux variations des
3> saisons ; et par conséquent nous ne devons
» négliger aucun moyen dé connoîtire ttiieux
^ ces mômes variations. Déjà-, Fdn a Bien
% profité dés observations jnétéoroidgiqnes
a» dont on s*occupe en Europe depuis moins
a» d'un siècle ; et Tes physiciens en attendent
» de bien plus grands résultats à lavenir;
9 et que sait-on si les aérostats ne pcmfroient
B pas doubler les moyens et les succès ? • • •
» — Soit^ me répcmdit lé roi, je vous passe
9 les peut^'éire , et je permets lésessais. Mais
» vous conviendrez' que^ par^-tout ailleurs »
m les aérostats seront d'autant plus inutiles ,
• qu'on ne parviendra certainement pas à
» les diriger.
j Je répliquai que )e iie sàvois pas si la
» direction en étbit possible /et si, en œ cas*
jgB' / MtuièSf Ùpbthàà^
m là , en en feroit jamais la découvexte ; que:
» je prendroîs aeaiemeat la liberté de boq-
a» mettre à sa majesté ^ une réflexion qui m-
n présentoit à mon esprit snr *les décou-
9» vertes en général; qu'il me sembloit que la
» plupart des grandes dépoùVjertes ayoient
» dû paroitre impossibles tant qu'elles n a-
» voient pas été faites ; qu^en efiet , en aper--
» cevoir la possibilité , çeroit en apercevoir
» le moyen , et dès - lôrs les faire ; que celui
3» qui anroit annoncé les télescopes avaut que
n le hasard nous les eût donnés • les aoroit
1» lui-même inventés ^ ou auroit passé pour
» un visionnaire; quenou^ regprdpns c,Ojrpme»
» vraiment impossible, de naviguer directe-*:
a» ment contre le vent ; à l'aide des voiles ; et
3» que néanmoins <)n mayoit assuré qu'uii'
a» Anglais en avoit prouyjé la pQSsibilité auc
» moyen de voiles do^bl^e^. ^ pu de voiles
9 ayant chacune deux toiles > Tune , celle xpii
a» est la première au vent;^ très -lâche ; et
n lautré t celte qui n* est opppsée aa vent que
» postérieurement , bien tendae et propre &
» forcer la première è fiûre une sorte do
» podie, où le vent agisse contre lui-même ».
9 et emporte le vaisseau vers le lieu dV)ii il
9 souffle ; que JÛ ae inoyen, étoit reconlîu pra-«
D ticable ,
Compositions Xdttér. dé Frédéric. \ 193.
W ticablé , on conviendroit' sans doute' qç on
» auroit euraisoq de regarder la chosecomme
t chimérique , jusqu'à ce que^C€t Anglais eu
' » eut conçu Tidëe^ Je lui citai de même h
• » disposition des esprits au sujet de la nâvi-«
» gation , lorsqu'on ne cotmoissoit encore que
D les rames. Je lui citai Finveation de la
4> poudre « celle de Timprimerie , et même le
» prisme et la boussole ^ ainsi que les miracles
y> ' de Vélectricité ; et je conclus , en revenant à
» la direction des aérostats , que si elle parois-
» soit impossible en gén éal , cela m/e )pro\\*
y> voit seulement que la découverte n'en étoit
3» pas faite; que nous ne devions qualifier
)) d'impossibles que les choses vraiment con-
» tradictoires ; et que la sagesse ne dèvoit
3) pas plus nous permettre de confondre ce
» que nous ne voyons pas , avec ce qui nous
n ofiire évidemment une contradiction ^ qsa
» d'appeler vue évidente ce qui n'est chez
y> nous que cécité. Je répétai ce que j'arvois
» déjà dit , que je ne savois pas si cette direc-
^ » tion étoit une chose impossible , ou une
D découverte à faire ; que né4nmoins'il y avpit
» quelque présomption en* faveur de cette
' n dernière idée^ en ce que les oiseaux se di-»
9 rigent fort biçn à^ixtké les airs , conjme les
I. 21
\_i?
294 Etudes y OjArwm$ j
» poissons dana leau ; et que nos arts ^t notre
" » indnstrie ne oonfiistant que dans Finiitatioa
» de la nature , nous pouvons penser que tout
D ce qui ae iait peut &^iniiter. — Et à quoi cette
p imitation çervîroit*elie ? me dit«-îl alors,
9» Cette manière id/e voyager eoûteroit immen«
x> sèment ^ et perisonue ne seroit assez riche
» ou assez fou pour y avoir recours, --* Peut-
» être, aire, cette découverte causeroit de
» grands maux en général ; mais quant aux
» avantages que l^on pourroit 8*en promettre
a) et à ce qu il en coûteroit pour se les prp«
» curer , votre majesté aait n»ieux que moi
>> qu'il est des cireonstaaces où les gouverne-
9 mens comptent la dépense pour xU^. p—
Oui ; si , par exemple » lOp vient dç rem-
» porter une grande viel^ire , %\x moment oh
» um allié esA pi^êt à laire sa paix particu-*
» li^ne^ on ne f>etit pas mettre trop de di-
2) ligenoe à l«î annoncer le succès ^'épn
)» voient d*obtenir^ "mais ces ocoa&iqns im^it si
» Tares ! • • • »
loi se termina w\X» «discussion ; >je Mlitois
que je Tavois ppiis^ asse^ lotpit^ ç'^toit
beaucoup pour moi « que d'avoir ai9%ené<ce j;oi
& regarder les aérostats comme 4igp.<^ ^o
quelque attention. La prudence d'aîUeioafi aô
Compù^^ons Xiittér. tle Frédéric . i ^ 5
. j|pe pçrfpetf oi)t pas 4.e Ip prjésçnter plusiei^ra
ai^tres considérations qui sVfi'roient égale-'
inent à mon esprit , Celles que Pusage qu uu
pénérul pouvoit faire des ballops pour çon-
noîtire l^ntérieur 4^une place i ou du camp
lie Tennemi , etc. Je sayois ^op JDien qu*il
n'fUfoit pas soufiert que j^ Pf^.^? l^ liberté
f rès-inçonyenante de lui parler de choses qu*ii
^ , devoit savoir mieux que moi ^ et ,d» toucher
fk}^s\ à ce qui ne doit occuper gii,e lé$ gou-
vernemens. Je ne croif piô^iç devoir indiquer
que par un sei^l mpt bien yague » les dangers
incalculable^ a^xquel^ ^'j^l^^? ^f ballons ex*
. ppseroit Tordre publip , en p^ocj^pant aux
frapdeqrs et ^ux pluf ^rj^p4^ scélérats un
moyen de se soustraire ^ 1^ suryeillançe dea
gpuyernemeQs i et i )a yengçance des lois ;
çiais toutes ces pensées ne s*e9 pflroient pas
moins à mon esprit ; e^ j.^ 4^ois souvent ea
iriapt : ce Nous ferons la contrebande en IW ;
» il y aura des brigades de gardes au dessus
» jÇçjçag^r^ /?.?^A *> ,^® f ,9p très'Qonyainca
jF^éjd^rip , nçiaâ;s,<ï,ujil le? gardait foyi iiii ,' et
K a'
196 Etudes i Opinions^
' motifs qui le portoient à décrier cette décou-^
verte.
Ceci me rappelle uae autre anecdote abso-
lument étrangère au roi de Prusse , et que je
vais néanmoins consigner ici , parce quelle
concerne la direction des aérostats. En 1787,
M. de Vîdaud de la Tour , conseiller d'Etat
ordinaire^ me raconta un matin , qu'ayant
soupe la veille chez M. de Galonné , en nom-
breuse compagnie , ce ministre, des finances
leur a voit montré un cahier m-4^. d'au moins
80 pages d'écriture , et leur avbit dit: « Voilà,
» messieurs , un mémoire que je viens de re-
» cevoîr de M. Montgolfier , et que je vais
» demain matin remettre au roi. M. Mont-
» golfier y donne le nioyen de diriger les
» ballons , et prétend s'en être assuré par
39 divers essais faits en secret: il offre au roî
» dé faire , à jour* nommé , é\ e^ ballon , le
ji voyage d'Annonay à Paris en vingt-trois
» » »
» heures , ayant avec lui six personnes, et
^ » vîiigt quintaux dé papier de sa' fabrique ;
• quels que soielit d'ailleurs le ^ent et iatem-
» pératuré dé 1 air , ïi^exceptant que ce ^a^oa
» appelle vent de lèmpête. >> J'observai que ^
depuis cette époque , les papiers publics qui «
auparavant /àVÔieût tant et si souvent parla
Co mpositîons Littér, dé Frédéric . i gf
de ballons et de la manière de4es diriger » .
parlèrent beaucoup moins des uns ,* et ne
parlèrent jamais plus de l'autre. Ainsi je me
tins pour assuré , que le gouvernement avoit
calculé les risques inévitables de la directiao»
et avoit pris le parti d*ei;i étoufi'er l'idée et
Tespoir, sous lé voile du silopce et de Hncté-
diilité ; ce qui me parut très-nécessaire et très-
sage. Je reviens au roi de Prusse^
: C*est une chpse qui mérite bien d*être con-
ttue , que le plan que Frédéric s'étoît prescrit
dès sa jeunesse ^ et qu'il a constamment suivi »
pour ses lectures en général. Il avoit divisé
ep deux classes tous les livres dont il vouloit
s<)ccuper ou s'amuser : la seconde classe , qui
étoit infiniment plus nombreuse que l'autre y
comprenoit tous les livres quil vouloit cou-
noître « mais seulement en les parcourant ou
en les Ixsant iine seule fois : la première classe ,
assez peu étendue y étoit composée des livreâ^
qu'il vouloit étudier , relire et consulter toute
sa vie : il reprenoit constamment ceux-ci l'un
après l'autre , dans Tordre où il tes avoit ran«
gés^ saut* les occasions où il ne sagissoit que
de vérifier^ citer ou imiter quelque passage
Ainsi il a passé sa vie entière à suivre le même
eex'idle dans ses véritables études' x preuanib
^%§t' Euldvê^ Opinions,
toujours ce voiàme*ci après celui-là. Il âToit
cihq bibliothèques lE^bsolument semblables , v
et composées de même : rûne & Fotzdara ^ la
secondé à Saiis*8ouci , la troisième à Berlin ^
la quatrième à Cbarlottënbourg , et la cia«»
qbième à Breslfti^'. £a pâssÀnt d'one de oeà
r^sideiiced â V&iittré , il tx a voit besoin que de
noter où il en étoit : en arrivant 5 il continuait
ses lectures 5 eomme s'il ne se fôtpasdéjslacé.
Ainsi , il aohetbit toujours cinq exemplaires
db tous les livres qu*il vbuloit avoir. Dans la
première classe , celle qbî fôrmoit sa phalange
choisie , on voyoit au premier rang, Homère^
Platon , Démosthène , Hérodote , Thucydide 9
Piodore de Sicile et Plutarque : ensuite ve<«-
noient Virgile, Horace > Cicéron , Sâltàste,
César , Tite*Lîve , Ti^te et tes œuvres phi-
losophiques de Sénèqiie : enfin on y trottvoit
Corneille, flacine et Molière , Bds'suet', Flé-
chier et le Té]émd<|ue , d'Aguesséau ; Mon^
tesquiéti et Bayl.e , sans Voirtptejf nôi^ ôuVïargeB
historiques tes pins importans , oôm'me le pré-»
sidentHénaûlt, Phfeftelsnr l'Empire > et quel-
ques liutrés encore. Je h'éi pas besoin de dira
que 3 plus d'aune ft>is » il y à eu ^uelqties chAû*
gemens dans ce tableau : quelques àUténrs eâ
ont été retirés plus tôt ou plus tsird % selon
Composition^ Littét. de Frédéric . 1 99
que ce roi croyoit les avoir assez lus , oo^
fioissoit par les estimer moins; tandis que
d'autres y ont ëté âdibis à m-esure qu'ils pa-
roissoient , et qu'ils ëtoient jugés digues de
Cet honneur. Ceït ikiusi , qu'avec U teiups «
ou f à Vu arriver plusieurs volumes de
Voltaire , etc.
Les auteurs aùôiens ne figuroient dans cette
liste que pat* les traductions françaises les plus
estimées : t^rédéric davoit peu de latiu » et pas
un mot de gtec. Quand il eut pris possession
âe la Sa±e , durant la guerre de sept ans ^ il
voulut , eh pâssaht ses quartiers d'hiver à
Léipsick ^ faire quelques visites à des savans
distingués , et , entr'autreâ àGothschedt , avec
ieqael il ne paria qUe de la langue allemande ;
à Gellers^ avec qui il oe traita que de la poésie
et du genre fabuleux ; et à Ërnesti , chez qdt
la' conversation ne roula que sur Cicéron et
les langues anciennes. Lorsqu'il se leva pour
Souhaiter le bon soir à ce dernier , il à'écrià »
eu s'en allant : jPi^/£r qui poiiât rerum cognos-
bere causas i « Ah , mon dieu ! disoit ensuite
D le bon vieillard Ernesti , si j'avois su qu'il
9 parlât latin, combien j'àurois été plus à mou
» aise ! » Mais Frédéric ne se permettoit de
prononcer quelqueii mots de la langue des
JÇ.qraaîip$, qu'à la manière de$ Fart^ies j en se
c^tirant. \
Far malheur ppi^r lui , les traductions des
ençiqis auteurs claçsjqups sont encore , pour
la pJ.Ojpart, trop dé|eotaeuses , pour satisfaire
un hpmmie de^^quj: i.FféiJ.ériQ le sentoil , et
en avoit souvent de Fhumeur. A la fin , il fit
un^ liste des ouvrages anciens dont il desiroît
plus vivement d'avoir de meilleures traduo^
tions, ïl eiivoya ce^tte liste à rimprimeur
Pecker I en lui enjoignant de lui marquer
combiei^ ces traductions coùteroient à îraprt
iner; objet pour lequel il prdonnoit à Decker
de sç concerter avec les académiciens Formey ,
]Méxian , Toussaint , Thiébault j de Castillon '
et Bitaubé^ lesquels se partageroîent le travail
entre etjx i et ,poiirroient facilement calculer
^ çopibien de volumes» grand w-i? , le tout
pburroit se roontejc..Deçkpr vint nous voirt
et daqs.upe conférence que nous eûmes aveq
liû sur cet objet , nous 9Q^^ accordâmes pour
le partage , et évaluâmes le nombre total dea
vQlumes à soixante. Je ne me rappelle pas
}>ien exactement quels étoient tous les, auteurs
et, les ouvrages que le roi avoit notés j n^
quelles furent les parts qui échurent à cbacuu
^e nQU$ ; je sai$ seulement que £fitaubé et
Compositions Lîttér. de Frédéric. loi
Mérian s'étoîent chargés de Diodore de Sicile,
que Toussaint avoit pris les Traités de morale
de Sénèque ; que j a vois les Lettres de ce der-
nier; que les Œuvres dePlutarque.étoient par-
tagées entre plusieurs y ainsi que les Traités
philosophiques de Cicéron , etc. Quand on en
vînt à calculer ce que le tout pourroit coûter,
M. Formey ouvrit un avis dont nous sentîmes
le danger, moi et quelques autres ;.mais l'au-
teur de cet avis le soutint jusqu'à déclarer ,
que ne voulant pas être dupe ,'il ne feroit rien
sans cela. Ainsi on prescrivit à Decker de ré-
pondre qu'il y auroît environ dixrhuit cents
feuilles d'impression , et que chaque feuille
coûteroit , tant pour les traducteurs que pour
rimprimeur » environ quarante francs; ce cjuî
donneroit un total de soixante et^ quelques
milles livres, La part indiquée pour les tra-
ducteurs , que M. Formey avoit exigée el;
fi^^ée, et qui ^ormoit la moitié de cette somme ,
fut ce qui déplut au roi , ainsi que nous l'avions
pressenti. Decker rejcut , en, réponse à son
^tat de dépenses y ordre de surseoir à tout ,
jusqu'à ce qu'on lui fît connoitre les intentions
ultérieures de sa majestés Depuis ce sursis , il
n'a jamais plus été qiusstion de c^tte afiàire.
j'?ivois déjà commencé ma tâche , que j'aban-»
ib2 JEiudes\ Opinions ,
dbnnaî 5e ihémè , pour n*y ptus revenir,
L%àt)itudé de me voir et de me conHer ses
écrits , la certitude qu'il avôit acquise de m^
discj^éfiôh et dé mon izèle , tout àvbit enfin
iiispirë à Frédéric le dësir de m'attacher à sa
personne , pour ih occuper uniquement à la
rédaction Àè ses divers ôuviha^es^ et au soin de
lés mëifre en ordre. Après la guerre de la suc-
cession dé Bavière , il résolût de réaliser cette
idée; SI bien qu^ peu dé jours avant de se rendre
i Bérliâ pour y passer le carnaval, il porta cet
article siif ses tablet tes , au nombre de ceux qu il
se propôsoîi de régler dans le mois qu'il avôil
à passer en sa capitale : il fit plus , il en parla
à quèlqu^s-Uhs de cèiixqui rèntburdîerit , et
ce fut cette dernière circonstance qui , heu*
^eùsémént ]30ur moi , fit échbùèr lé projet»
Ceux quîlèd premiers connurefat léàJntên-
fions de ï^rédéric k mon égard , coururent en
itoformér tés autres i ce fut une très - grande
afiaire pour ces 'messieurs : on 8*assemfbla ea
grand secret , et hiême dans'une maison écar-
fée et hors dé Potzdam, dans un vieux château
èii repos de châsse , à àémi-ruiné et presque
abandonné : là , oh déIib(éralong--temps ; tous
les intéressés s'éntoient au fond de l'ame , que
je ne ibe lierois d'intrigue avec aucun d eux »
Composons y Littir. de Frédiriû. i6|^
et que je n'otitrepasserois pas la ligne de mek
devoirs; Atissi s'âccôixlèrent-ils tous à dire
que jelenr n^iirôis ësseniiellèiheDt dans Tesprit
du roi \ soit d^ùnë niâtîière directe , soit aa
moins indiî'éètènient. On ne pou voit sans une
odieuse injustice , me éoupçonner de vouloir
^uire à d^esélE^ à qW que eè fôï : toute ma
conduite répbuâsdit de semblables sorupçons :
mais ce ne sbfit f^asdes courtisans accoutumée
à tout , qui ërdfeni à llbnnêtteté des autres
hommeî : tfàlomïlîér en pareil cas , n'est et ne
peut dtré à leurs yeux , que deviner a^ec sa*
gacité 5 et Jtxger avec sagesse. Ceux dont le
premier principe est dé ne substituer que des
sèrupulas de politique aux règles de la mo-
rale^ ne peuvent admettre chez les autres ce
qtfils n*oiiit plus eùx-méinés.
Ce fiiVdotic à lïinaiiimitë qilè l^oh cènclàt"^
dans ce coiicflilâbule , i^. qiiè ïnà Vocation à
Pot^datù sèrôit fàdieuse pour tôiis ; et à»,
cjfii'rl fkltbilt aviser aux moyens d'àmenier le
tin â renôiicèr d cette idée , et concourir loua
ensemble eï de concert , à assurer le succès
des ^oyèns aùtqàeTs ba s'arrêteroit. Mais
quels moyeiis prendre ? Le cai^actère de Fré-
déric, sa méfiance^ Textrême finesse de son
esprit I L^abitude où il é toit de réfléchir sûr
ip4ï .' ' Etudes^ Opinions^ ... .
tout , Tespèçe d Indocilité ayec: laquelle il .
aimoit à se roidir contre les desir^ /qu'il dé* ,
mêlait dans Famé des autres : tout concour*- ,
roit à multiplier 9. pour ces niessieurs , les
obstacles et même les dapgera : Frédéric étoit .
si difilcile à manier ! et il y avoit tant de
risque à l'entreprendre ! Peut-être cçs mes^ ,
sieurs . n'auroient-ils su que se lamenter et
divaguer en pure perte, si deux génies fon-
das enxin seul , n'étoient venus à Içur secoprs,
le géqi^ de l'intrigue presbytériale^ et le gé* :
nie de Tiatrigue italique : l'abbé Bastiani fut
celui qui les sauva tous a II faut toujours « >
» leur dit il ^ savoir prendre leshoi^mes dans
3> le biais qui lour est natonrel ; jsans cela '
s> on ne peut se flatter d'oun vrai souccès*:
» Depouîs pious de trente ans j'étoudie le .
9 roi avec l'attention la pious souiyie ; et je
v> vpus répoipidç ^pe je le connois bien. Vous .
» échouerez totalement, et vous vous ferez <
» oun tort irréparable , s'il vous deyine : il .
y> souffîra même, qu'il vous soupçonne pour
» que tout soit perdou. Ainsi , posons pour
» premier principe ^ que nous ne pouvons
» qu'attendre, nous soumettre et nous taire,
» si nous ne trouvons pas à nous tracer oune
». marche si simple et si natourelle • que Far*
Compositions Liffér:. de Frédéric. *'S9S
» gous roi y soit loui-mêjneirompé. Mais
' » quelle sera cette marche ? Voici ^ mes-
, » sieurs , celle que j'imagine. Je vous ai ait
)» que je connoissois bien le roi : or, oua
» défaut dominant auquel il ne sait résister
.)> que dans les très grandes aftairies , et par
)> lequel il se laisse entraîner , souvent à son
» insou et sans qu'il s en doute , c est de ne
» pas vouloir être prévenou ; je veux dire ,
'i » .qu'il ne fera pas ce. qu'il étoit prêt à farîre ^
3) au moins dans Jes choses ordinaires .et
» libres , si le poublic paroît prévoir qu'il le
» fera, l'annonce d'avance et en porte son
» jugement, soùr-tout s'il l'apprcHlve d'oune
» manière trop idécisive. Il loui semble alors
» qu'on veut loui faire la loi ; et il ne songe
» pious qu*à s'y soustraire* Ainsi , n'afiectons
». rien : paroissons indiSerens et neutres so|ir
. » tout ce qui concerne ce professeur : c'est
» le vrai moyen de h*éveiller en aucôuiie
» sorte la méfiance royale contre nous , ;et
• S) même de l'endormir dans, oune parfaite
' » sécourité. Mais d'oon autre coté , tious de-
» vons tous ,. en arrivant à Beriin, le jour
» même et dès l'instant de notre arrivée ,
- » courir chacoun chez ceux de nos amis dont
«^ )>>nous;fiOi9mes jiea pîacts saura , et dét^r
» ainsi 9011s le secret , ou da moins soos la.pro-
s messe denepoint noas nommer^ lanouveUd
t qai nous afflige ; la débiter comme certaine^
» et sans laisser entrevoir si elle noas fait peine
1) ou plaisir : qQ-arrivera«t*il délit P II arrivera
» qne dès le lendemain pn sons lendemain , au
» pions tard , lorsqne le roi noas demandera
^ ce que nous avons appris de nouveau à
«> Berlin , nous aurons à loui répondre que
» nous avpns été i^rt sourpris de trouver
3 tout le monde instrouit dou dessein de sa
» majesté par rapport à ce professeur ; mais
3> qu*il n'est brouit que de cela dans toute lia
» ville. S'il veut en savoir davantage, pç qui
» ne manquera pas d*arrive;r , nous ajoute*
» roDS que tout le monde pense que sa ma-
» jesté ne peut mieux faire » vou la confiance
t> qu'elle a jusqu'ici parou avoir ep cet aca-
D démicien , pour ses oavrâges littéraires.
D II ne m'est pas démontré sans doute que
s> nous parvenions de cette soi^lé à faire
a> changer d*idée au rot : mais cela est très-
» probable , si nous savons nous y prendre
» avec adresse. Au sourpîous 9 cW tout ce
» qne je ponis* imaginer de mieux. ... »
On eut beau chercher , calculer et réflé-
>ôhir , on ne trouva r^en qui exposât à moins
CompQSiHàns fXt^érJdâ TrédérlcStwj
de- danger , et. qui pût îàvte fispfrer phis Je
succès. Ainsi, l^onsen tint pa plsM ' {talîi|D«
ppesbytiérial. Toat en ^entrant à Beriîat mba-
ctm de ïne^ phligeans ennemis oourai dolic
ohez ses premières ou pins suras oonsois-^
sances^ excepté M. leCatt qui , conttfim pbr
ses parens , le&qqels avoient tpus beaucoup
d'aiDÎUé. pour moi, se vit cnntrâiat.de Jaisser
faire aux autres etd attendre r^yènemefitsan^
pavoitre y prendre pari, ^uûitns IciUus aUa
dbeeM. Moulines , espèce d'élre métis, Frap«
çais dx>rigiae , et AUemand pour, la montre,
pasteur réformé e^ élégant, académicien peu
remarquahl(e , littérateur superficiel: , ' et ia-
frigant; dtt reste homme aimable , «bon carac-
tère et très-tserviaUe. U avoît plus. dé part
que personne à la confiante du. oilonel , en-
vers lequel il n*éparguoit pas les protesta-
tions : cependaut il ne sut pas se ^ta^e eu cette
occasion :. car 4ce Xitst que d'spit*è& Lui , que
dans le temps on est venu me xaoontér com-
ment Qulntus dans ses épanchenums « meani*
rant d'après son propre «cœur , ie mai. qil'il
Imagiuoit que |e yondtois jUii liaire , et crQya>n t
dé^a .me (Voir à Sotzdam , répéta «e^pt iois :
Je Mis perdu 1 U me kait l M sera mon
ermemi i que ie^ietuSkai^je ? fit «passa aMMi
toQy ' stades. Opinions^ >
-la sbîrée à pleurer comme un en&nt ,' sahs
• que Moulines pût réussir à le calmer.
Lfabbé Bastianî fit belaucoup mieux que
tous les autres : il alla en vingt maisons heu*
- reusement choisies et tenant toutes à ia .cour.
Le bâton dç Foëlnitis^ qui ce même jour de-
. voit t ainsi quemoi^ souper chez le colonel
. du Trou^el » avec le prince Henri , passa de
bonne heure chez moi sous prétexte de m'o£-
frir une place dans sa voiture , mais au fond ,
- pour .vérifier cette nouvelle. ... « Vous êtes
. » bien mystérieux avec, vos amis , me.dit^ii^
» et bien indifiérent à la part quils priment
y> à tout ce qui vous touche ! je vous, dirai
» franchement qu en mon particulier , votte
» discrétion m'ofi'ensev Comment , vdus qûit-
• 3) tez Berlin ; vous suivez le roi à Fotzdam ;
• )) et pour que je le $ache , il faut que des
» étrangei^s viennent me lé dire ? En vérité ^
D cela n'est pas bien. ... . » J'eus beaucoup
' de peine à lui faire entendre que c'étoit lui qui
m en apprenoit la nouvelle : il ne pouvoit se
^ le persuader. Il me répéta plusieurs fois que
l'abbé Bastiàni, qui étoit venu le voir, lui en
avoit parlé , comme d'utie chose absolument
sûre , et dont le roi lui-même s'étqit expliqué
' de la manière la phis précise. Ce ne fut
qu'aprài
Compositions Xtttér.ie Ffédéric. 339^
qa après bien des protestations de màipaft ,.
qu'à la fin le baron me dît : « Eh bien-,< je
» vous crois j mais c est une chose bien sini:
» gû(ièr^) et à laquelle je ne oomptends ab-»
» solument rien^ »
4.
Lorsque le prince H^nri arriva chez ma-^
dam*e du Troussel, il vint à. moi , et merdit :.
ce Monsieur, j'ai sans doute un compiimen't:
» de félîcitation à vous faire ; mais ce ne serâ>
y> qu'en en faisant un de condoléance auxBer*^
}x linois. Nous vous perdons ^ et par surcroît:
» de malheur^ vous serez peut être remplacé'
» auprès de nous , par quelqu'un qui ne nous.
» fera que mieux sentir que n,oûs vous auront
7) perdu. » On lui avoit fait entetidre.que je
prendrois la place de M. Je Gatt, qu'il n'ai-'
moit pas. Lorsque je lui eus bienassuré que*
jje ne sa vois absolument sur cette afi'aire ^ que
ce que le baron, de Poëlnitz venoit de m'en
s^pprendre d'après Fabbé Bastiani i il me ré-^
pondit : « Mais, c'est aussi cet abbé qui «'est
» présenté chez moi , et qui m'a annoncé cette
» nouvelle ! il ne m'a presque pas parlé d*au-
yi tre chose ! Tant de zèle et de célérité à côl«
)) porter ainsi la résolution que Von dit avoiir^
» été prise par mon frère! Oh ! il 7 a de l'ita-
» Uanisme dans cette aâaire; et il pourroit
I. Q
itd Études^ VpinîonSy
» fort bien arriver qae vous nous restassiez. sS
Je passai la nuit dans de pénibles agita-
tions , que î'avois cherché à cacher aux yeux
des autres, mais qui ne ni'ea fourmentoient
que plus cruellement. Le lendemain je me
rendis de bon matin chez le prince Frédéric
de Brunswick , qui , outre les bontés qu'il
avoit toujours eues pour moi , avoit souvent
déclaré et m'avoit prouvé qu il se constituoit
héritier de Tamitié dont feu le prince Guil«
làume son frère m'avoit honoré : je lui dis en
entrant que cédant à la confiance qu^il me
permettoit de lui témoigner , jeVenois le con-
jurer de vouloir bien m'aider de ses conseils »
dans une circonstance aussi délicate quim-
portante. Je lui rendis compte de tout ce que
favois appris la veille ; après quoi , je lui dis :
« Vous m'avez assez vu , monseigneur, pour
» me bien Connoître : vous savez que tonte
» mon aibbition se réduit à pouvoir vivre
» dans le sein de la bonne conscience , de Ta-
» mitié , et d'une liberté franche , douce et
f> tranquille. Etre attaché à la personne d'un
n grand roi , n'ofiriroit à d'autre qu'une bril-
9 kmfe perspective ; et moi je ne puis y voir
» qu'un esclavage effrayant , qui pèsera ton*
>> jours davantage sur tons les instans de ma
CompositiôHê lÀt^r^âe FféÂéric . i ri
» Vié/J^'fi'ai riéB «alît redouté que les ^ooa-
» 'fideflM^èd' d'On sou^eraiD : eh bien , ^efai^a
» l^féé les jours auprès du roi , ^ans avoir plus '-
» ' ou titoins de ses secrelâ ? Or que j'en aye un
» «seul^ c'eu est fait ; ta politique veut que je
» dois* retemi et enchaîné jusqu-^ làinort : ^e
» perdrai ^ans retour jusqu^aux eonsol^tloas
» ai ftéoe^sairesde Tespéraiice. Qttim mot in-
» dfîscret circule , et reviema^ au-t^oi^nia pro«
» pre ooD^eience ne suffira paa* po^t ^e ras-
>i éiire^ :; f aurai tpuji^ars it 'or^iï|dre-4d me
» voir fioapçonné, Sflo^mnië^ <t pqnt^^tr^
» fHini: qu'en arrîvsiiit liupiiàa d4i.roiy'je le^
D t^ove soucieux^ réivéar,inqfQiet,^Cy ou
)> ptus sérieuK qu'à Tordinairre ; je n'aiarai à-
1^ remporter oheE nsioi que* des an^Âfaas*:
» Non, monseigneur, 6tftti^ maoîère 4'e3Bis«
^'ittr ne peut être faite poikr «noi': ce ;ll^ se^^.
» roit pais Vivre ;de aeDMtmoiirîf « {Xanscettd.
» position ne pourrois - y^ pas preodjne i'jan.
» des deux partis qmae présentent à. oïdn és^
» prit? le premier /si !< roi me donne .leaiCp:'*.
3) dres que Ton m'annonce ^ de Ini avioujèr ,^ à
» la raSte des pkis vi& témoignages de ma «et .
» cennoîssance , que )e aeax>is peu propire. à.
» le servir ; que la connobaançe i|ue ^ ai ^9^
}> moi* même , me ^émoittr^e que mon aèU
9 a
2ii Études^ Opinions y
7> seroit insuffisant; que la craintQ çe^iled^ tie
» pas répondre a ses intentions mô donneroit
» la mort ; que je Sens trop vivement Timpor-
3> tance des devoirs sacrés que jaurois à reii^-
y> plir f pour pouvoir espérer un seul instant
» de calme et de tranquillité , etc. Vous
» voy.e^ leî fond 4ê.raon discours, que je ter-
» miaerois en le coujurant de me laisser, aux
» fonctions quev. >*di eues jusqu'ici ; fonctions .
» que je puis c^pérQri d© remplir avec d au-
» tant plus dçjai^céè% j ..que j'y porte une ame
31 Jihre, qui ,pa^ conséquent , conserve toute
)}' sa force. L'autre». panti qne j'ii;nagine pou-
» voir prendre irJexôit^J^ii écrire une lettre
3> où mes motifset m'esfaMppii^tions seraient
» exposés avefc encore plu^ de. réflexion et.
»- de prudence,. Si; rrQtr,e. ^Itpsse séréuissime
3> n'approuve ni- Tua niilautrq de. ces deux
n moyens, quelle baigne m en indiquer un
)^t qui me conduise aii même but : .far , ^ailer à .
3> 'Fotzdam ., eat pour n^^i aller à tous les sup-
» .plicés à'ia^fois et à lé tDort ! »
« Mon cher. attii^^e répondit le prinpe,. je
9)':suis. bien certain que cette yocation .qui 3P-
» roit pour tant d!autr^s , le comble du bon-
7i hêur , sera , si 'elle a lieu , un vrai malheur .
»9»^our voua., Je^^onnois votre sensibilité :,
» *
Compositions Lîttet: de Frédéric. 213
» elle ne vaut rien à la cour , et sur-tout au-
» près d'un prinbe comme le roi. Si doue il
» veut vous emmener àvec^lui , je vous plains
3» bieh sincèrement. Mais en ce moment , )e
yi vous dois avaat tout la vérité ; et la vérité
'i> esï qiie si vous êtes appelé , vous ne pou-
» véz* que vous sacrifier , et accepter avec au-
» taritf d'empressement que de reconnois-
» sancé. Votre discôtirs et votre lettre, avec
')} qtiefque ;soin que vous les prépariez , n"^
» maiiquerôient pas de vous perdre à Tins-
» tâîit et sans ressource.' En dépit des plus
» grandes qualités , du plus beau génie , et
)> de la philosophie la plus sublime, les rois
» sont toujours rois ; et c est pour eux un
-» principe antérieur à tous les autres , qu'ils
» font une très-grande grâce et un très-grand
» honneur à quelqu'un , quand ils lappellent
» auprès d'eux ; et que s'y refuser , sous quel-
» que forme et par quelque raison que ce
» puisse étire', c'est toujours un acte de folie
)i et utienionstrueuse ingratitude , en un mot
, t une insolence odieuse et punissable. Ils n'e-
V xaniinént pas si en vous appelant , ils vous
1» sacritiènt ; ils se bornent à bien sentir qu»
» votre premier devoir est de vous sacrifier,
i> et de vous trouver encore trop heureuxs
M
U4 . JE tudes t Opinions , ,
» Le roi , mon oncla , entre nous soit ^ii^ i|,e
y» fera point exception à la |:èçle (}]ae. j'établis :
5> il ne sera ici que roi « et roi tout comme
a> les autres : je vous garantis ce point ; c^
» je le connois trop bien pour conserver ^ qe
» sujet le moindre douta. Ma conclusion, est
)> que je suis très-fâché pour vous.* du soçt
9 qui vous menace : s'il se réalise.» fe.vous
3> plaindrai de tout mon coeur , et je fais bJQii
» des vœux pour que. vous n'en ayez, que la
*> peur ; mais touio33^-3 fermeïneut convaincu
» que vous ne pouvez et ne devez.qu'a,tte^dr69
3> sans rien dire à personne , vous souniettre
i> aux événemens , et accepter avec reoon^
» noissance. »
Je remerciai le prince , et ne rapportai
chez moi qu'une profonde a£[lictioxL. Je fus
très-souvent appelé au chàteaq durajpit; ce
carnaval ; et « à chaque fois , je me rendois
tristement à mon poste , en me disant : ce J^
i> vaià entendre ma sentence, » Jç me le dî-
sois à tort; le roi oonversoît à son ordinaire «
et ne me disoit pas un mot qui eût le n^oindre
rapport à l'objet de mes crai^tes^ Ce ne fut
qu'à la veille de son départ , en me souhaitant
bonne santé jusqu'à l'année suivante., qu'il
me dit : « J avois comme décidé de vous em«
/
/
Compositiçns LUtér, de Urédérlc. 1 15
» mener avec moi i la Ça de ce carnaval^ fet
» de vous ÛT^er à Potzdam : vous m'y seriez
» très-utile , en ce que »ous r^verrious ei3|-
» semble mes divers écrits , et que vous m'^-
s> deriez à les mettre d^ps Tordre 0t dans Yé^
9 t^t ou je.voôdrois les laisser. Je n'ai là-bas
» personne qui puisse yous :|:eroplacer à cet
» égard. D'ailleurs votre genre de travail me
» convient • par la diligence , la franchise et
a> la méthode que vous y i^ette^. Maia après
» y avoir bien réfléchi ♦ i'ai pçnsé qu'à PotlB-»
p dam vous ne seriez utile qu'à moi^ tandis.
» qu'ici c'est le public que vo|is servez, : jai
3> senti qu'il ne seroit pas }uste de vpu^ re-
» tirer de ce dernier poste pour l'autre > Çt
p que )e de vois me sacriQer au bien général*.
2) Ainsi îe vous laisse i mon grand regret iidï
p je ferai de mos écrits ee que je pourrai» »
Je ne répondis que par une attitude et ^a
mouvement de tête proprea à miarquer tpufc
à la fois reconnoissance et soumissioiiN* J)|n«
puis ce jour ^ il n'a plus été question de petta
idée.
L abbé fiastiani avoit deviné ^ste ; le roi
n'avoit pas manqué de leur demander dt's
nouvelles de Berlin, dès le lendemain et Je
surlendemain de son arrivée dans cette capi-«
âi6 . Études ^ Opinions^ ^
• talé*; et tous avôient eu soin de mettre ma Ri-
tnre vocation à là t^te de leurs rapports; en
y joignant lefe • oorAmentaires prémédités et
iGonvenabléd. Frédéric les avoît écoutés d uu
air assez iudâfôrënt en apparence ^ mais en se
«réservant d'y penser plus àloisir } et Ton vient
de voir à quoi ses réflexions lavbient conduit.
' - L'on me demandera peut-être de qui j'ai sa
- les dierniers laits que je viens de cîtei* : je ré-
• ponds que je tes ♦ aï sus de M. du Troussel ,
-iiomme assez adrok en ce genre de recber-
c^bes ; de madame soh épouse , la femme de la
Co^t la plus habile et la plus active à décou-
vrir ce qui pouvoît l'intéresser ou intéresser
^es amis ; et du baron de Poëlnitz \ qui , depuis
f)lus de soixanf e'aiis , avoît bien légitimement
- acquis la réputation d'un véritable furet-, et de
largus le plus fin de ce pays-là. Ne pourroîs-je
pas encore cjtèr le prince Henri , qui , à la
• première ehtrevuè , me dit; (r Eh bien! vous
41 'nous restez- donc , monsieur? J'en suis fort
^ aise : mais ne vous avois-je pas bien dit qu'il
D y avoit de Fitalianisme dans cette affaire ? »
Ce tiiol indiqué que ce prince savoit et sup-
"^ pbsoît que je savois* aussi quelques détails ,
• dans lesquels il ne ctut pas nécessaire d'en-
trer ; et certaiiiemet ces détails ne peuvent
Compositions Lifter, de Frédéric, zxj
être que ceux que l'on a vus plus haut. Pour
moi , j'étois si content de rester tel que j'étois »
que je neus pas.de peine à ne plus penser à
cette aventure.^ que ponr me réjouir de son
issue. Quelques-uns de mes eonfidens les plus
secrets furent surpris de ce que je continuai
à témoigner, dans la suite , les mêmes dispo<>
sitions qu'auparavant à M. le Catt» Fun des
héros de celte petite intrigue : je répondis
que , si je lui en parlois , ce seroit pour le re-
mercier de bien bon cœur. « Mais , me disoit-
» on ^ il est bien certain qu il n'a eu d'autre
» dessein que de vous nuire I » Ma réplique fut
que, quand les hommes nous rendent ua^er-
vice essentiel , il ne faut pas tan t s'arrêter à scru-
ter leurs véritables intentions , sur lesquelles
d'ailleurs il est si facile de se tromper. C'est
en suivant ces principes , que non-seulement
je n'ai jamais eu aucune sorte de rancune
contre M. le Catt , mais que même aucun de
ses parens n'a soupçonné que je fusse instruit
de la part qu'il avoit eue au conciliabule tenu
à Potzdam , et au plan qu'on y avoit formé.
Je n'ai au surplus détaillé cette petite anec-
docte, si peu intéressante en elle-même , que
parce qu'on y. voit avec quelle adresse les
courtisans épient et démêlent jusqu'aux plu«
\
' Ii8 . Etudes^ Opinions^
; petits défauts da maître, et comment ils sa-
, vent en profiter ; avec quelles précautions
ils masquent leurs projets , et avec quel sue*
ces ils parviennent à tromper les souverains,
. même les plus clairvoyans et les plus at-
: tentiË.
Jeunesse de Frédèrve* xig
I M m n II P I il) I ■ 1 1 II I ; I I î i. ■ ■ 1 i [ .• ■ • * ! ' ■ l . . \ Il ■
• • t • • •
F R É D É R I G
OANS S'A JEUNESSE.
4 - » «
, m t i ww ii><
• *
E répète ici que ce n'est pas Thistoire <Jc
Frédéric que je d^nqe y je ne présente que
mes. souvenirs , ou., si Ton yeut^ leç anecdotes
de sa vie qui m'ont paru le plus propres ^ le
.peindre tel qu'il a été , et à le bien faire con-
noitre. Je laisse donc. aux historiens à nous
« ' • ' . .
parler de ses gouverneurs ou instituteurs > et
des études de sa jeunesse, et ne yeux m'ar-
réter qu'aux traits singuliers», propres J^ le
caractériser. Dans les article3 préçédens , je
n'ai dit en général que des choses dont j'ai
été le témoin , ou qai se sont passées de mon
tejnps : souvent encore il en sera de même
dans la suite de oet ouvrage. Mais ^ en ce mo«
fnent , je vais rapporter des faits qui ont eu
lieu avant mon arri vée à Berlin. Cependant,
le lecteur ne dpit pas y avoir moins de cou-*
fiance : je ne parle que d'après une yéritabla
anthenticité publique^ ou d après des témoins
bien instruits » et vraiment digues de foi.
^•2io Jeunesse
' ' Gniitaunie I." n'aimoît pas-sonirts atué..,.
« Ce n'est , disqit-il , qu ui\ pçtit-maître et ua
» bel- esprit français , qîiime^ gâtera toute ma
» besogne. >; Ce monarque étoit beaucoup
plus cohfeiît'des trois ïreres cadets de ce
prince , savoir : Gnillaume-Auguste , Tenfant
chéri du. père , Henri et Ferdinand. Frédéiçic
éloit bien un peu cause des* préventions que
i ofa âvbit contre lui: II. inënageojt très-péulés
'préjugés de son père : il airadjt et cultivpit
les aris'etles sciences j doiit Guillaume faîsoît
8Î peu* dé cas'. D'ailleurs i il (étôî't à l'affïït dés
nouvelles modes , et toujours lê'premîer à les
adopter et' à les suivre : il se^ mêloît peu (iu
service milîiàîrè ^ /qui semblait né Tui causer
qiie de rentaui et du dégoût/ . ' "^
Le premier trait qui se présente à ma
plume", est la manière barbare dont 'Guil-
laume traita la fille d*un simple bourgeois de
Potzdaîti , pouir avoir fait quelquefois de pe-
tits conéerts avec le jeune Frédéric. Par mal-
heur pot^rtctte fille i'ôrt lui* âVoit appris à
' toucher dn clavecin , et quoiqu'elle ne tût pas
'une bien grande musicienne, elle devehoit
néanmoins une ressource précieuse pour ce
' prince , qui àimoit passionnément la musique»
et qui navoit à Fotzdam aucune autre per-
de !B!rédéiîe. astir
sonne qui pût raccQmf>àgo6£ik: ou, i]tttL pât:
accompagner lai <* métne. Dh rèate ,' > qnoi*-'.
qu'elle fut j:^ane>. oa.ne pôuvoit pas dire»;
qu'elle fût; belle : ses traits étpieftt trop pro-.,
noiiçés , pout faire' craindre • qu'elle i&dpirét:
de Uc passion ; ontre quelle étoit toujours
SQUs les yeux de :ses parèns , >ehe2' qtii • elle'
de«i«?uTQit. ]Viais,tputes, ces .considérations /
qqi:^uxpie;Pt/$i]|ffî pour, tranquilliser leshom-.
Tues réfléchis et ipodérés , ne: firent* aucune
impressipa . sur lesprit de Guillaume. Ap«.
prendre que son fils avoit passié ; depuis; quel-
que temps , plusieurs. soirées avec cetle.fille ,
cefiitipour lui une pi'^euyè que ces jei(nes gêné
é^o^ent amoureux Ppn de Tâutre, et; que les
parens,de la fil|e,sp.pjr^tplen^ à Içur désordre :
il en conclut que le musiquq né.tQit 9 ^Q. cette
circonstance^ qu un prétexte, et qu'il. faUoiJi:
recourir àdes ippye^;$,(|éeisi|ket\(iQl.ens> pour,
rompre i}ne.liartspn:aiissi sf^nd^ljeuse, t!on-
cevoir tme idée semblable^ et 1 exécuter , étoit,
pouir ainsi dire ; une même chose chez* ce roi.
digne de commander 'au centre derAfriquey
ouaux extiémités de TAmér^que, Aiusi, sans
faire aucune recherche ultérieure , san.s con-
sulter personne , il fit pnlever, cette malheu-
reuse , et la fît remet t|:e de stiite. ao; bourr
12»^ . Jeuneise'S
rèaa r* qni > ' conformément aux ordres qxà %i
forent donnés , la fbtt«4la : pubKquemetit^^ ^n
plein jour , -dam les divers quartiors de Potk'^^
dam ; Gmllàiime voulasit qu'une flétrissure
aussi déshonorante , el infitgéei cî'une manière
aussi solennelle, intt son fils dams ricopossi-
bilité'd^ la revoir jamais • Lorsque 5 dans la
suite , Frédéric 'est 4e^^nu roi , il s'est rap-
pelé eette afireuse' aventure, il a donné une
pension de ce«it'dDquaB4fe>reisdallers k eette
infortunée^ (pu s'étoit mariée à un pauvre'
voiturier de< 'Berlin.
* Tout le 4itonde sait tpte Guitisume voulut
faire périr ;son fils sur TéchleUkttd Mnaiié les^
détails^ de eette grande alB'aire «re sent pas
également eomras ; et 'cTest ce qui me déteir^
mine à les do&»e^ ici avec ordre et fidélité.
La mire dia jeun& Frédéric , 4rès*respects^ble '
d^ailleurs , étôitfort attadiée à la maison d'Ha-
novre > à laquelle «elle apparleoioit par sa
naissanee ; aussi a^oit^llè regardé comme un
bonheus- pour elle , depàrtenir àfàire agréer
à son épau3C et à ^bn 'fils , le préfet qu'eMe
avoit oonçu de marier e^h<3i avec la prin-
cesse d'Angleterre» Anne on Amélie, la
même qui a depuis épousé le stathouder,
et a été la mère du dernier stathoûder
de Frédériûv
qisf aient tn les Hollandais. Le prince a voit ^
vu cette jeune princesse dans uii voyage qu'il '
avoit £ii£ avec son père : on lui en procura*
de plus le portrait , et dont il fut très-satisfait* '
Il fut autorisé à lui écrire , et trouva , dans
les réponses qu'il en reçut , le charme et IVs-
prit qu'il pouvoit désirer : en un mot , il de-
vint amoureux de cette princesse , si jamaii
Frédéric a pu être amoureux !
M. de Secken4oi:fi' , envoyé de Vienne à
Berlin , bien instruit de toutes ces circons-
tances , regarda ce projet de mariage comme
devant être funeste à la maison d'Autriche ,
et se persuada qu'il rendroit un grand service
à ses souverains y s'il parvenoit à le faire
manquer. Four y réussir, il commença par se
faire rendre un compte exact de tout ce qui
m diroit ou se feroit à la cour de Londres ^
et qui seroit propre à déplaire à Guiltaume; '
Le ministre autrichien en Angleterre , servit
parfaitement bien son confrère en diplomatie,
et Seckendorff* ne manqua pas de faire adroî-r
tement arriver jusqu'à Guiilaume tous les pro-
pos de Georges , qui méprisoit sou cousin ,
en parloit avec peu de ménagement , et ne
Fappeloit , pour l'ordinaire , que son cousin
le caporal j ou le bas-officier de Polzdanu
2i4 Jeunesse
Gaillaume fut excessivement irrité des propos
de son cousin ; sa colère alla si loin ^ qu il ne
voulut plus entendre parler du mariage dé
son fils avec la princesse anglaise , et défendit
à la reine d y songer davantage.
Cette reiue » toujours si tremblante devant
son mari , ne put néanmoins prendre sur elle
d'en suivre les ordres en cette occasion : elle
gémit en secret avec son fils , et avec celle
de ses filles , qui depuis fut landgrave de Ba-
reith. Ce trio concerta les moyens de ménager
cette alliance pour la suite : la correspon-
dance continua donc entre les 4cux amans ,
mais avec des précautions infinies. Cepen-
dant Guillaume vouloit que son fils se mariât
avec quelqu'autre princesse , dont il lui lais--
. soit le choix. Tous les jours il le pressoit à cet
égard , et lui donnoit les plus vives et les plus
cruelles inquiétudes : à la fin « le danger pa-
rut si imminent^ que Ion se détermina à un
parti extrême. Il fut arrêté entre la mère,
la sœur et le prince , que celui-ci se sauveroit
en Angleterre , y épouseroit la princesse , et
y resteroit jusqu'à ce que le père .fut appaisé,
ou.mprt.
J ai dit qu'on avoit pris les pins ^grandes .
précautions pour tenir bien- secrète la cor-'
respondance
âe F ré diriez ^iT^
ïespondance ^vec UAiieleterre* En effet, les
lettres' cTe LônHreS , expédiées par une mai-
son 'de commerce de cette ville, passoient a
Nureinbejrg, sonsLlViivèToppe d'un magistrat
estime, et tôfl éloigné de se mêler dlntrigues
politiques^ mais â qtii on av,oit persuadé quil
sagissoit uniquement danaires particulières
et dç coinmèrcè. Ce inàgistrat mettoi't a la
Iposté le paquet 5 arrive sous son enVeloppe^^
et qiii éloît à fadresse d'un. négociant de Ber-
lin ; qmuy trbùvoît quuné lettre cachetée,
* adressée' à Tun ou à Vautre des deux aîdes-
de-caVnp , amis et confidens du prince. Ces
âéux derniers n'avt)ient encore qu'une, enve-
loppé à lever , et remettoient enfin les lettres
' incluses et capheiées , à leur véritable desti-
' hafi6h..Les envois de feerlîn ^ Londres , sùi-
' voient (exactement iirie marche inVerse t ainsi
' le. ri^orbcîânt'de Berlin croyoit qu il ne s'agis-
8011, que de quelques atlaires d intérêt que les
' cavahei's cfu prince ayoient à discuter enï'ran*
cotiiè, efqui.se ppursuivoieril d après les con-
seils du magistrat de Nureimberg. Cependant
" ce magistrat finit* parayôir de l'inquiétude* et
c(ès scrupules : il né cdncevoit pas pourquoi
' deux maisons de commerce prenoîent une
jroule si détournée pour une correspondanba
• > •. .•••« ,«' •• . • • ..♦•«••<*
226 Jeunesse
<
légitime , qui souvent exige delà célérité. Les
scrupules amenèrent des soupçons ^ de la
crainte, et enfin l'infidélité. Le magistrat ou«
vrit un paquet venant de Berlin ; et , par une
fatalité singulière , ce paquet fut celui qui
contenoitle prajét de la fujte^i et k$ mesures
prises pour Te^Lécuter. II seroit diifficile de
dire à quel point cet homme fut efirayé de se
voir impliqué dans une afikire aussi grave :
il crut n'avoir d'autre parti à prendre pour
échapper au péril qui le menaçoit /que de
renvoyer cette lettre au roi de Prusse , en lui
faisant l'aveu de tout ce qui s'étoit passé entre
lui et les deux maisons de commerce.
Je ne dois pas laisser ignorer au lecteur,
que la version que je viens de donner., est
celle du baron dePoëlnitz , i'Homme de la cour
qui devoii étire le mieux instruit à cet égard ;
mais que néanmoins d'autres personnes m'ont
assuré que c étoit le général de Grumbkow »
qui avoît découvert cette intrigue , et qui ea
avoit averti Guillaume ; à quoi on ajoutoit
qu'à lavéneraent de Frédéric au trône, tout le
monde s'étoit attendu à voir cet officier tom*
ber dans une disgrâce éclatante ; et que l'on
aVoit été extrêmement surpris de voir aiji con«
traire que son nouveau souverain le comblât
ûà Préâérîù. tij
4e faveurs , le promût au grade de Feld-ma-
réchal , et le nommât gouverneur de Berlin ,
Vengeance si conforme au génîe supérieur de
ce roi , qu'il est difficile de n'y pas aperce-
voir la preuve que cette seconde Version doit
être vraie à quelques égards^ Il est possible
que ce soit à M. Grumbkow et non à Guil-
laume ^ que le magistrat ait tout découvert ;
sur-tout si l'on suppose que ce dernier ait eu
précédemment quelque liaison avec le général
prussien^
Quoi qu^îl en soît , G uillaume garda le se-
cret le plus pix)fond sur ce qu'on lui décou-
vrit , et prît ses mesures pour faire arrêter
son fils au moment même de son évasion ^
Tous les ans > le roi alloit à jours fixes visiter
ses provinces , et passer ses troupes en revue.
Dans son voyage en Westphalie , il couchoit
nu soir 9 lui et sa suite, dans un village qui
ii*étoit qu'à une petite lieue des frontières de
Saxe* Là , le jeune prince , ainsi que les autres
personnes de la suite , n'avoît pour y passer
la nuit , qu'une grange et de la paille. Or »
c étoit de ce village que Frédéric devoit s'é-
chapper entre minuit, et une heure ^ sur un
chariot venu de Saxe , et qui devoit se trouver
à la même heure ^ près d'un arbre peu écarté ,
F a
^it Jeunesse
dans les cliamps. Comme dans ces occasîoni
on partoit de grand matin ., on se couehoit de
bonne heure ; et les fatigues du jour dpnnoient
iieu d^espérer qu'à minuit tout le monde se-
roît profondément endormi. Le prince sortit
efi'ectivetneat de la grange , sans que personne
parut s'éveiller ; les sentinelles même eurent
lair de ne pas l'apercevoir ; et il arriva sans
accident jusqu à Tarbre fatal ; mais il n'y
trouva pas le chariot. Diverses patrouilles
avoient arrêté et retardé le charretier de près
d'une demi-heure ; et lorsqu'enfin il arriva ,
et au moment où le prince alloit monter sur
le chariot , les mêmes patrouilles reparurent
et l'arrêtèrent. Frédéric , en les voyant arri-
ver de tous côtés, appuya sa tête sur sa maia
contre l'arbre, et se laissa prendre et recon»
duire au village sans proférer une seule pa-
role ; le roi , qui étoit levé, se hâta d'écrire
à Berlin , pour faire arrêter les deux confi-
dens du prince qui y étoient restés , et pour
faire mettre le scellé sur tous les papiers et
autres eflets de ce dernier. Une chose éton-
nante et dont on n'a jamais en le secret , c'est
que la reine fut instruite de larrestation de
son fils , plus de deux heures avant Tarrivéo
du coarrier du roi j elle fit ce qu'elle put pour
I
/
iit Frédérî&. 2s^
ttiettre ce temps à profit soùs deux points da
Tue: 1^. elle fit dire aux deux confideos do-
se sauver f et z^. elle fit venir^ un ouvrier ,.
qu'on n'a jamais coimu^ qui ouvrit^ la'oassette*
du prince ^ et qui , après que la reme en eut
retiré Les papiers qui aùrbient le plus irrité le-
roi , la! referma si adroitemeiit^ que Guillaume-
à son retour , hîeu qu-il se méfiàide tout > bq«
put y apeiHîevoif lemoinckeindioed'une ten-
tative semblable.: C'est ainsi que ron.m'a.conté
ce fait particulier ; inais. je- vIdîs dans ce v^oit
quelcpie chose de si obsscui? ,. ou de si mer^
veilleux-^rque j'ai bien de ]a.péine à l'admettre.
J-aime mieux croire que la reine Dorothée
avoit une seconde clef de la cassette de son^
fik ) et qu'elle se hâta d'eu faire usage. Ce
qu'il y a de bien, certain y. c'est qu'elle retira
surtout de kl eassette^lacorcéspôndance quL
avoit suivi les défenses du roi; ce qui formai
un cahier asaez.épais de lettres, qui sont res*
tées entre les mains de oette reine tant qu!eUe
a vécu, Lorsqu'eu 1757 * elle se- vit ptès deia
< mort y ellçb les. enveloppa dans de grandes.
: ibuiHes de p^pifr, scellées de scwv cachet , eu
cire noir^e ,. à tous, les points .où ces.feuilles se-
rejoigp oient , y mit l'adresse de son fils > et
«Qufia Qe piécieux paquet à. une. përsonna^
«3^ ^àunesèe
sûre, sous la promesse de \e jprësénter m roi»
dès que celai-oi seroit revenu dans ses. états.
En 2763 » Frédéric en rentrant dans le château
de Berlin , passa dans une petite tourelle qui
ibrnie un cabinet avancé du côté de Faneienne
place , à Tangte qui donne sur le grand pont ;
ce iu^ à rînstant au ce roi jetoit de là les yeux
sur sa capitale^ qu on exécuta les ordres de son
auguste mère^ Il savoit sans doute ce que ce
paquet contenoit ^ car îln y arrêta: pas aiénie
ses regards ; il se contenta d^ordonner de le
déposer sur la petite table qui étoit dans ce
. cabinet » et c'est Ip. quil la laissé durant tout lo
reste de son r^ne ^sansie déplacer ni l'ouvrir.
Je l'y ai encore vu dans le même état en 1784 >
lorsq^ j^ai quitté Berlin^
Je reviens aux deux malkeureux confidens
«de Frédéric. Iac premier » nommé M. deKettii>
. partit à Tinstant et éehappa ; il a erré en diP-
férens pays » et a » dit- an ♦ terminé sa carrière
en Portugal , presque ignoré et très-peu for--
: tuné^ Mais voici une nouveUe preuve de Im-
certitude et de lobscurité que la discrétion et
le silence peuvent répandre en moins dun
demi * siècle ^ sur les &îts les plus k la portée
de tout le monde. J ai trouvé des personnes
^ m'ont soutenu qu'à la mort de Guillaume »
ie Frêctéti&. TQf
ee M. de Keîth étoit revenu en Prusse ; que
Frédéric tavoît nommé écuyér et li^utena^t*
général; qa*îi loi avoit fait épouser mie riche
demoiselle' de Itnyp-Hausen 9 à laquelle il a
accordé une pension âe x5c>o reisdaHers ^
Iorsqu*èllà a ét^ veuve. Peut-être le dernier
M. de Kelth qui a eu la charge d'éciiyer , et
dont Tai connu le Sis i étoit -^ Û Le frère da
fugilif.
L^autre confident , nommé M. le baron de
Catt, voulut faire ses adieux avant de partir ^,
et prendre quelc^es arrangemens^ pour le
temps de sou absence ; il perdit plus de deux
Leures à ces détails. Les ordres du rot arri«
vèrent , et il £ut arrêté. Guillaume r^unena soa>
fils prisonnier d*£tat, et le fit garder dans le
palcds du prince- de Prusse^^ tandis que M. de^
Catt étoit dans les cachots» On leva les sceilési.
en présenee du roi^ qui fit constater tous lesi^
écrits contenus dans^ la cassette et ailleurs^
Divers indices convain^irent ce monarque ^
f ae Taînée de ses fiUes^ avoit eu quelque parft
dans le projet d-é vasion ; et elle en fut punies
par des coups^ de canne de sou père , et de-
grands eoups de pied qui allpient la précipiter*
par la fenêtre sur le pavé , si la mère no-
liavoit retenue par ses jupes*
•vr*r
« m
i^a[ ' Jeunesse
druillaume résolut ,âë Faire pçrîr son fils auii».
leçnaïaiid. « 11 ne serpU laïuaiç quun. man-
» y^i$ suiet , disoit-il; et lai. troi^ autrea
» garçons qui Vaudront mreux que lui. » Vje-
^c '^. ;, ...f or;".r.;:rî '^ svfj" *^jM :m.^ r.-î
lat.dan^ c^s disposerons, quU .(^rdoijna a ses..
ministres d'^^fât de faire ïe procès à œjçuiipj!
prince., Cet brÂrç inît If.s ministres dans ua
embarras extrême ; ils' iie sàvoîeiit commenj^
ils pourrojent sauver Hiérîtier du trô.nei liV»
d'eux , M. deTodewilts ,'si je nç më trompe ^
'♦ ■ / i' »
•■ tii«»» «f
trouva du moins un prétexte pour rie paS;
être juge en cette aff,àîré ; il irçprésenta à' sai
majesté, que te prince e toit militaire ; que ^
sous ce rapport , ,^o^ crime étpi^ bien plus^
grave, et qu'eri^conséquencQ ce iieyait êtro.
aux généraux' à le juger ^h un cdr\seîr de
guerre ; d'autant j^liis qu^alôrs TErapire n aur.'
roit point le droit d y intervenir ,1ps lois da
ITEmpîre ne s étendant point jusques sur la^
discipline des armées. Guillaume n'ayant rîei^.
à répondre à ces raisons , ijiaîs irrité de .jreii-r
contrer des obstacles ^ et squpçonriant sca;
ministres de n,e chercher que des défaites ,
leur dit qtlHls étoient des canaittes ; qu'ilj
vôyoit bien leur projet ; mais que soii fils n'en
seroit pas moins condamné , et qu ît trou-^
yeroit sans peiné des officiers pTus aîtacU^s^ '
"Qé Vfédértô. i^
^^enx aux vrais prîncîpeaitlu gouvernement/
P nomma donc uù tDofaseil de guerre, com-
jiôsé d'un cfertàîtf ùômlAe de généraux , qui-
«âsseftiWèrent soUS la présidence du prince'
d'iAnhalt - Dèssàu , connu sous le nom' de-
â^^hHàlt'leS'JUfoustcbcîies ^emême dont il est
sôiivent question dans- les guerjtès de Fî-é?'
dériô , et qui, ^enu iau secours de Turin j ea-
i7;^3 , à la ïêfè'de six mille Pjruàsîéâ^^fit levôr^
le siège de celte ]f)là'ce aux Français^ Le' procès *
de^Pfëdéric fot înstruk devant ce oonseil dQ»
guerre , qui n'eut pas à s en bocuper ièng-^
tiemps t car laccusé ^ bu convenant qu'il avoit
voulu voyager J déclara' qu'il n'ayoii éti'
d'autre objet* èfa- viië que - dé * sîn^truîré , et
persista daiis cette^ dédaratîbn'v à laquelle il
réduisît toute sa défënfee. Comme oh ne put
aéquérîr de preuves lé^alèS'd*aueuH tait plus
grave ; et que raênde les juges n*en cherchèrent
pus-, il leur eût été difficile de le condamner
à mort saué se rendre aussi odieux , que
coupables ; mais leur redoutable président,
homme d'aîMeui^très-respeoté'> voulut eiiçoro^
abréger là procédure , ea dédaignaaitd^entrer;
dans aucune discussion : quand il jugea pou»^
vëir prononcer la seulenee ,« ii se; leva ; efr>
$as$ s'ariétèirà irecueillir ksvoix s il^ dédaipii
:934 Jetûufsse
qae^ pour lui , en son honneur^ei en sa eon-f
edence^ il apinoil que le prîaoe accusé ne méri',
tpit point la mort, etqaenulcTentr eux navoit
le droit de le condamner j puis tirait son grand
sabre , il jura qulL abattroil les oreilles jdequi<^
çpnque.ne diroit pas comme igi. Ge fut ainsi,
qu'il recueillit, les vpîx ♦ et que le prince fut
absous d'un accord unanime* Guillaume »
fijrieux. de cette décision^ substitua un autre;
cpnseîl de guerre aa premier , et n'y plaça
que des hommes dociles et timides ^ qui n&
consultassent que sa vobnté»
. Four le coup « M. dp Seckendorff vît bien
que le prince .périroit si I'ihi ne venoit à soa
secours ; et il se persuada ^.qu'aprèa. avoir
rendu un premier service à la maison d'Au-^
triche , en détournant une alliance dange--*
reuse , il lui en rondroit u^ second, non moina
^nportant > si , au nom de cette maison , il
sauvoit le iutur roi de Prusse t et l'attachoit
à ses maîtres par rafiêction et la reconnois-
sance. Pour remplir ce second objet , il prit^
sur lui de supposer d£|s ondrea qu^il n'avoik
plus le temps d'attendre » et d^raafuia ^ au nom^
et de la part de l'empereur , une audience paxw
tjeulière , que Guillaume n'osa lui refuser. Là ^
il annonça » au nom du chef de l'Empire^ qum
^â Frédéric. f 35
e'étoit à l'Empire même que le prince Frédéric
appartenoit ; et en conséquence îl requît le
maintien des droits et des lois du corps ger-
manique ; il remontra que c^étoità ce corps,
que sa majesté devoit remettre Faccusé et les
pièces du procès ; il déclara enfin que la per-
sonne de son altesse royale,'le prince Frédéric,
héritier du trône de Prusse , étoit sous la
sauve* garde de l'Empire germanique. Ce coup
fut terrible pour Guillaume; il n'osa pas ofien-
ser tous les Etats de TEmpire à' la fois , et
s'attirejT une guerre dangereuse. Il fut donc
: obligé de céder , malgré sa fougue et son peu
de flexibilité. l>e prince «ut la vie sauvé;
mats son père ne le retînt pas moins prison-
nier d'état pour un tempe illimité. On tavoit
déjà précédemment dépouillé de son uniforme,
et revêtu d'un habit grisâtre ^ tel que le portent
les conseillers de guerre. Cest sons cet habit
qu'il fut conduit à la forteresse de Custrin, ea
-Poiriéranie , où le malheureux de Càtt fut aiisfei
mené, mais à pied , n'ayant qu^un simple sar-
rau de soldat y et les mains garrotée^ derrière
le dos. Ge dernier appartenoit à une famille
nombreuse , puissante et très- considérée à la
cour. Il étoit fils unique du feld* maréchal de
ee nom» Toute cette famille, vint à plusieurs
i^ Jeunesie^
: reprises , et toute fbndante.en larràési se jetoif'
aux geuopx duroi, demandant' grâce pour
.fiQijeiïiie homme auquel toute la ville et toute
, la cour preooieut lephig* "vif intérêt. La déso^
latîon étoit géneraie , et Guillaume fut inexo-
rable* Les juges ue l'ayant condamné qu a une-
^délentjoa quisansi doute n'auroit duré que
. |usqa'à la mort de ce monarque i celui*- d. cassa
leur s^entence ^ et y en substitua une autre aussi
- cruelle, qu'il lui fut possible ;jt savouramênie
le plaisir de l'écrire de sa main royale. Ce fut
en conséquence de cet arrêta que le jeune de
Catt tut déclaré déobu de tous titres, ilriilitaires.
et autres j. et qtCil fat dégradé et décapité sous.
,les yeux du prince powr lequel il mouroit. Ovl,
. dressa ^ pour li^l , un éqha&ud dans la sour-
de la forteresse « . d^vanl Fappar tement da>
. Frédéric ^ et au niveau de sa fenêtre ^ On força:
le prince de $e tenir à cette £enétre ^ afin d^
lui faire en^ quelque aorte et autant qu'on le*
pou voit, partager le supplice d^son^ ami.. Pèa>
. que ce deruier par^ sùç l'^chafàud , Frédéric,^
saisi de d^iileur et d'efiroi • s'écria d une voicic
déchirante xmo^ ami / et tx>inba sans connoia-
. s^Tice sur Je fauteuil^ qu ott avoit avancé poujr-
lui faire voir le supplice.^ On fut long - temps,
4 pouvoir 1© rappeler à lui-même 3, et ce ivck
«
àe Priàénô. a^»^
fiit que pour verser sur son ami les larmes
abondantes de la plus amère douleur^ quil
rouvrit efafin les yeux.
Les regtets que lui causa celte mort furent
long-letnps sa principale ou unique occupa«^
tion dans sa prison^ où d'ailleurs il Fut asseas
maltraité , suf-tôut dans les commencemens.
Le commandant de la forteresse lui apportoii
lui-même son diner et son souper , ausâi peu
somptueux que les repas de la famille bour^
geoise la plus économique. A neuf heures du
soir , le même commandant venoit lui éteindre
et enlever sa chandelle ; car il avoit défense
d% lui donner de la bougie. Peu à peu néan-
moins on adoucit son sort. La supercherie
qui se glisse par-tout , soit par intérêt , soit
par des motifs plus nobles , fit qu en lui ôtant
sa chandelle , on tarda peu à lui en donner
deux autres : de plus , et par une autre înfi^
délité plus grave , on lui permit d'aller à pied,
par un sentier détourné « mais le soir et bien
incognito ^ passer les soirées au château de
Tarasel , qui est à un petit raille de Custrin,
«t qui y tient par une allée superbe. Ce château
appartenoit à l'une des plus anciennes familles
4u pays , à la famille des barons de Wréch.
%àk vivoient habituellement le père , la mère ,
238 J'èundSêâ
trois fils et quatre filles , ces sept enfans encore
jeunes. J'ai connu deux des fils , Paîné qu'on
appeloit le gros fVréch , maréchal de cour
du prince Henri , galant homme , mais fort
insouciant ; et Louis Wréch , chambellan et
premier gentilhomme du même prince , le
plus parfait modèle des courtisans que j'aiei
vus ; le troisième est mort jeune , et ne m'a
point été connu. J ai également laissé à Berlin
trois sœurs de cette même famille^ lune ma«
riée à M. de Marchai , dame d'honneur de la
princesse Henri ; «ne autre veuve d'un comte
d'Œnkofif , et remariée au grand baron àp
Knyp-Hausen ; et la troisième contrefaite et
restée fille. La quatrième avoit été mariée à
un M. le Baron do Schack , et étoit morte
yeune , laissant un fils qui a été mon élève
pendant deux ans , et ensuite officier dans le
corps des gendarmes.
C'est de ces Wréch , père, mère , et enfans^
que Frédéric reçut le plus de secours et
d'adoucissemens durant sa détention. La né-
cessité de se faire quelques occupations , le
jeta d'abord dans l'étude de la musique ; c'est
ripoque de sa vie , où il a donné le plus de
temps à cet art consolateur , et il trouvoît à
Tamsel tout ce qui lui manquoit à cet égard :
de Frédéric^ j^g
on y^faisoit pres^ae tous les soirs un concert^
où quelques - unes de ces demoise|}es , et la
plus, jeune sur -tout , montroient assez d'ha-
bileté pçur exciter son émulation . Cette même
maison le fournit 4e. livres , dp bougies ^ et
anéme d'argent ; car quoique la famille fût
nombreuse , et que Féducalion de tant d en-
fans dût coûter beaucoup , on sut néanmoins
se gêner assez pour que ce prince y trouvât
^e qu'il desiroit ^ sans qu'il pût se douter du
moindre embarras. Les prêts successifs qu on
lui fit , montoient à Tépoque de son rappel ,
à plus de six mille reisdallers , que Ton m'a
assuré n'avoir jamais été remboursés.
Mais quand ipême Frédéric auroit payé
cette dette , il seroit encore vrai de dire que
les Wréch i^'ont pas eu à se louer des services
qu'ils lui ont rendus : en efi'et , leur famille a
été publiquement connue comme étant du
nombre de celles qui, durant tout son règne»
ont paru être dans une sorte de disgrâce :
jamais il ne les a accueillisâl ne leur a accordé
aucune, faveur , non plus qu aux parens de
Paimable et malheureux de Catt : la cour du
prince Henri est la seule où ils aient été em«
ployés : tout ce qu'ils ont pu obtenir du roi ,
«,été de n'en pas être persécutés. Le^ âmes
jz^à ^ Jeunesse
honnêtes et sensibles sont natarellement et
/dabord oflFenséès, je dbîs en convenir , de
*ces Sortïîs de traits tmi semblent Jretracfei' la
physionomie d'une véritable in'gratîtade : inàls
on oublie"^ que Trédérîc devenu roî nlaplds
Voulu calculer et agir iqu'en roî : il a pbèé
'pour principe , au il devoît tout sacrifier auîc
intérêts du corps social ; que tout ce qai sM^
càrtoit de cet intérêt , dêvoit être répudié et
proscrit par l'autorité souveraine : bt , ^evtx.
qui avoïent servi lé prince royal , ne pôti-
Voient , d'après ce principe , qu'être suspects
à ses. yeux : aussi a-t-on toujours obsei^é
* qu'il a éloigné de lui , ceux qui montroFiefnt
*tin attachement bien marqué jpour ses frères,
ou autres personnes de sa famille , quoique
d^aillèurs ilfïit lui-même si attentif à rempBr
' tous les devoirs d'un bon patent. Louis XII
diisoit qu'il étôit au dessous d'un roi deFranèe
de venger lés querelles d*un duc d'Orléans ;
Frédéric peijsoît qu'un roi doit avoir soîn
* d'efîrayer ceux qui se dévouent ^ Jaùtrès
qu'à lui'; et sur-tout [ceux qui ise dé Vouent i à
son héritier ou à ses prochw, quand ce dé-
vouement peut éloigner de ce que Ton doit
" au chef de l'Etat. Quelques personnes ; pour
■justifier encore plus sensiblement 'Frédiérrè ,
- : ctat
^ » » * • V -
de Frédéric. â4^
ont préfenda ou présumé que dans la famitla
^es Wréch , les jeunes geîis cherchant à lui
plaire et à le plaindre , lui ont fort mal parlé
de son père 5 et même lui ont suggéré des
idées de vengeance , et que lui n'a pu s'em-
p^çher de les regarder comme plus dangereux
et plus intrigans que fidèles. Cette inculpation
ne m'a paru pouvoir être méritée que par ht
demoiselle qui est restée fille , et que le public
a généralement accusée d'avoir autant d ai-
greur et de méchanceté dans le caractère, que
d'eaprit et de talens ; réputation & laquelle il
faut attribuer > bien plus qu'au défaut de la
taille , le surnom de Fée CaràBosse qu'on lui
donnoit à la cour.
J'observerai de plus qu'en Prusse il y ^ une
loi très-importante, qui, par une accolade sin-
gulière^ détend de prêter aucune somme aux
princes de la famille royale et aux comédiens >
et déclare nulles les dettes que les uns et les ^
autres contractoient : or, on sait combien
Frédéric croyoit devoir maintenir les lois qui
tendent à gêner les princes dans leurs dépenses :
aussi remarquent- on qu'il a très-fidèlement
payé étant devenu roi, tout ce qu'il se trou voit
devoir à des étrangers , tandis qu'il sacquih
toitsi mal du même devoir envers ses sujets^
1. \ Q
44* . Jeunesse
. Goillaume ne s'étoit pas borné à \oi &ir»
prendi'e Vhabit d'un conseiller de guerre ; 3
4Voit ordonné qu'où lui en fît faire les fbuc*
lions ; et ce fut encore mie 4^ ses occupationsg>
sur-tout dans tes dénier? temps de sa prison»
U y avoit plus d'un an qu'il y étoit , lorsque
la duchesse de Brunsrvfîx^k sa sœur^ vint voir
ses parens. Cette visite donna Ueui 4 des fât^
auxquelles la reine Poroth^e étjoit désolée de^
né pas voir son fib. Kafflictîoa de la mère ^k
aussi les supplications de la fille produisirent
un efiet plus faeureux qtt oq ne s'y attendoît :,
Guillaume , sans en rien dire ^ personne t fit
ramener son fils , et le fit placer avec son habit
grisâtre , derrière le fauteuil de la reine qui
étoit au jeu. On asaure qu^'il n'y a pas eu do
scène plus louchante » que celle dont la coût
lut témoin à l'instant oh cette mère « venant
i tourner la fête , aperçut son fils.
Le mariage de Frédéric suivit de près son
rappel ; et ce fut encore sa sœur , ta duchesse
de Brunswick , qui , à force de raisons , da
douceur et de prières , parvint enfin à per*
suader à son frère de donner cette satisfiaio»
tion à leur père. Il épousa Elisabeth-Cliris*
fine « fille du duc Ferdinand Albert de Bruns*
ivick Wolfenbuttel » Agée de dix-sept ana et
de'Vréâériù. ^43'
deltoî , princesse qui , belle alors , et toujours
bonne , quoique sujette à des niouvémens dd
vivacité , a été le modèle des reines , et a sur-
vécu dé plusieurs années à soil mari. Ce
xÈftriage parut avoilr un peu raccoinmodé
Frédéric avec son père , quoique Ton puisse *
cBre qulls ont toujours été assez froidemejoit
etoemble : le père ne pouvoit s'accoutumer à
Tesprît trop vif de ce fils , non plus qu'à son
godt si décidé pour ted sciences , les arts et la
mtisiqae : il étoit encore plus révolté dès soins
^e c/b fils donnoit à sa parure : d ailleurs
oeltti-eî sembtort ne pas aimer le militaire ; il
eti détestoit rùnîfbrme , qu il ne portoit que d«
îbttt , et autant qu'il avoit à paroître devant \%
roi. A neuf heures du soir |^ il se hàtoit de
Hâte sa véritable toilette, la plus élégante
qnlt lui fut possible, et de mettre les habits
les plus à la mode. A Rheinsberg , où rien
ne le génoit à cet égard , il étoit en petit-
maître dès le matin et pour toute la jouriiée :
car , après son mariage , le roi lui avdit donno
<5e chéteau de Rheinsberg , que lui-mênie én-
s«iite a donné au prince Henri son frère , et
où Ton conçoit que comme prince de Prusse ,
il vivoit le plus qu'il pouvoit , vu que ç'étoit
te «eid endroit où il fût libre. Personne n©
Q a
/
244 Jeunesse
doùtoit alors qu'il ne dût être un jour le sou-
yerain de l'Europe le plus aimable , le plua
magnifique, et le plus adonné au plaisir. Ce-
pendant , ceux qui Fentouroient de plus prés,
auroient pu le juger autrement , par une
circonstance singulière et bien frappante;
savoir /que ce prince ne paroissoit janiais hora
de son appartement « et n y recevoit personne
avant midi: on savoit néanmoins qu*il se levoit
de bon matin : que faisoit il seul avec lui-même,
pendant au moins six ou sept heures de suite ?
C'est ce qu'on ne devinoit point , et sur quoi
il n'avoit aucun confident. On a vu dans la
suite , que c'étoient ces mêmes heures qu'il
avoit consacrées à des études suivies » et à ses
correspondances avec Rollin , d'Argens ^
Voltaire, Wolff, et tant d'autres : on l'a va
»
bien des années après ; personne n'a pu l'ima-
giner dans le temps.
Une heureuse aventure parut pour un mor
ment le mettre en grande faveur auprès de
son père. Celui-ci toujours inquiet sur ce que
son fils faisoit à Rheinsberg; part un jour de
grand matin de Potzdam , sans avoir prévenu
personne de son voyage : il va droit à llup- ,
pin où le prince avoit son régiment , et se pro-
pose de se rendre de \k pour le dîner à JElheioa-.
de Frédéric. 245
berg , qai en est éloigné de deux milles d^AUe-
magne^ et où il compte surprendre son fils»
et voir ainsi par ses propres yeux , ce qu'il
y fait. II arrive de fort bonne heure aux portes
de Ruppin , et y trouve son fils qui exerce lui-
même son régiment. La surprise du père fut
extrême , et sa satisfaction plus grande en-
core : il commença à soupçonner que le
prince vaudroit mieux qail ne Tavoit cru. On
a prétendu à cette époque , que Frédéric avoit
été averti de grand matin du voyage de son
père ; et il faut convenir que cela est d'une
vraisemblance d^autant plus grande , qu'on
ne pourroit guères concevoir l'aventure au-
trement.
. J'ajouterai ici deux choses qui m'ont été
bien assurées : Tune , que Guillaume » malgré
. ses originalités si extraordinaires , n etoit pas
sans ambition : il avoit voulu v dit«-on , faire
son aîné empereur , et son second fils roi de
. Prusse : mais quoiqu'il aimât ce dernier beau-
coup plus que l'autre , et que cette prédilec-
tion entrât sans doute dans les motifs secrets
qui l'attachoient à ce projet, il ne tint pas
. long-temps à une idée qui ne pouvoit se pré-
senter à lui^ qu entourée d'obstables insur-
montables.
94^ Jeunesse
Là seconde anecdote qae j*aye ici & faire
,coDnoître, c'est qu'on prétend que Frédéric
consentant enfin à épouser la princesse de
Brunswick , avoit déclaré qu'il ne la visrroit
jamais comme sa.&mme. On a conclu de cette
résolution vraie ou supposée , que la nature
.ne TaVQit pas traité de manière à avoir beau-
coup de mérite à la suivre : cependant la
reine soik épMise à toujours soutenu avoir eu
tine fausse t/ouche; et si les dames de la cour
sourioient malignement et en incrédules , sur
ce que cett0 bonne reine leur disoit k cet
égard j il nVn est pas moin& certain que ¥ré-»
dérîc , avant d'être roi ^ a eu des maîtresses
à Ruppin. Sa continence envers son épouse
doit donc être attribuée à d autres causes.
C'est peut-iétre pour cela , qu*on lui, a sup-*
posé des goûts renouvelés des Grecs ou des
Italiens : je ne m'arrêterai sur ce point dé«
sagréable , mal sonnant , et fort délicats à
traiter lorsqu on a dn respect pour les mesura ;
je ne m'arrêterai , dis-je , sur cette accusation
qui ne s est pas bornée à Frédéric , et qui a[
également embrassé un autre héros de sa fii-
mille « qu'autant qu il le faut poqr rendre à
la vérité , le témoignage pur et sincère que
nous lui devons tous. On se persuadera sana
dfe Fridirie. %^j
peine, que j'ai fait à ce sujet , les perquisi-
tions que rhollAêteté et la prudence pou-
Tûient tne peltoettre. J*ai interrogé autant
que je l'ai pu , les sages , et même les hommes
les plus enclins à totit dire : or^ personne,
àbaoluttiént personne fie m'a donné sur ce
pbint la preuve d'iaucun fait : personne mêm^
^e m'eiî a positivement affirmé aucun : tout
le monde \ en y Comprenant le dangereux ba-
ron de i^ocftnitz lui-inêtile, na eu à m'allé^
guer que des oTidSÊ/, des propos , des coiijec*
tureS , (Ml â peine quelques prétendues pro-
babilités. Si Quelques-uns de ces plus beaux
bomtfaès ont en dans leurs chambres , uti
ameublement uii peu propre eu indienne »
doit-on en être si émerveillé , lorsqu'on songe
à la haute paye qu'ils recèyoient si régulière-
ment ? Est-ce doiié sur de semblables cir-
constances , que Ton peut appuyer des accii*-
Éations si graves , lorsqu'on manque de toute
autre preuve ? Ce que je puis attester , ce qde
l'atteistë bien loyalement , c'est que de mon
temps I aucune Sorte d'apparence n'a pu fon-
der de' àemblàbles idées ; on me dira peut-
être qu'alors Frédéric avoit plus de cinquante
ans , et que la guerre de sept ans avoit dû
^ produire de grandes révolutions cher lui«
•248 Jeunesse
Mais les ancieniies habitudes laissçot encore
.^près elles ^ quand. même on les a quittées^
^biqn des iraoes propres à en .rappeler le sou-
.veiiir à ceux qui aiment à .observer; et
.certes personne n'a découvert de traces pa-
:2:eiUes. JVi dit.ai^eurs que dans ^s momena
;<^e gaîté , il avoit quelquefois un langage fort
Jib^e : mais ce lan^agçinêmepe prouve nuUe-
.ment un goût qqe la nature répro.uye. Farce
qu'un homme e$t grand homlue, fbut-il ad*
.mettre sur son compte^ , dés inculpations
odieuses^ qui ^dénuées de preuves ^ ne dé-
cèlent qu^e, la bassesse et la méchanceté de
ceux qui les imaginent , et \a légèreté et riu"*
conséquence, de ceux qvii les,répètent ? Si nous
sommes amis de la vérité , gémissons sur les
foiblesses ou les travers des graqds hommes.,
sans toutefois leur ep faire grâce ; mais n^ les
calomnions pas. ; > .
On voit bien évidemment par toute la suite
de mon ouvrage , que je ne songe nullement
.à déguiser pu afibiblir les reproches que Ton
. peut faire à Frédéric , mon dessin se bornant
. à le peindre tel qu'il a été : mais c'est aussi
.par la mêipae raison^ que )e me garderai
, également de grossir ^ses défauts , ou de lui
en supposer qu'il n'ait pas eus. Ce roi est du
de Frédéric. ' 249
-petit nombre de ceux chez qui toute l'activité
de lame a concentré en quiélque sorte, les
forces physique et morale dans la tête ; ce
'qui ne peut que neutraliser ou annuler les
passions qui sont étrangères^ aux nobles et
grandes conceptions de Fhonmie.
' C'est ainsi que j'cxpliquerois comment ce
.grand homme n'a vu tout au plus qu'un sujet
dé plaisanterie , dans des choses qui subju-
guent si iniptrieùsement la foule des autres
hommes. Jl s^est moqué de toutes les pas-
sions * qu'il n'avoit pas , parce qu'il s'est ré-
servé tout entier et constamment à celles
' qu'il a cru lui convenir : jeune ^ il n'a eu que
l'avidité des connoissances ; dans la force de
l'àge^ il n'a consulté que la gloire; et à me-
' sure qu'il s'est approché de la vieillesse , il
ia'a cherché qu'à réparer le mal qu'il décou-
- vroit , et qu'à faire ou consolider ce quHl
' croyôit être un bien. Telles ont été les phases
successives dé son ambition , le seul astre
dont il ait voulu suivre l'influence. L'amour
' de la gloire est le s^ul point sur lequel je ne
Taie jamais vu plaisanter, le seul mobile
de son ame et de. ses actions^ et c'est à la
trempe déaon àme , et à la force , à revendue
de son génie , qu'il faut attribuer la direction
25o Jeunesse
qu'il a suivfe. Je sais que l'on cite qaelqaet
iàifs qui montrent chez lui une indulgence
bien singulière envers de grandes turpitudes
morales : mais qu il ait dit ^ ifu^on ne dispute
pas des goûts « en parlant de ceux d'un pâtre
et ensuite de deux sœurs qu'on accusoit en
effet de goûts révoltans ; que dans ude autre
occasion , il ait dit d'un soldat de cavalerie ,
qu'il n'y avoit qu'à le placer dans finfanterie ,
en concluera t-on qu'il faille le ranger lui-
même dans la classe des pâtres et des cava-
liers les plus brutes ? Non sans doute : on
n'y peut retrouver que les principes de sa
politique ; on ne peut y voir que l'homme
qui s est dit : cr Je ne pardonnerai jamais
3» ce qui blessera essentiellement les intérêts
)» du corps social et du gouvernement : je ne
a> pardonnerai donc jamais ni les fautes publt-
I» ques contre la discipline militaire , ni la rë-
» vélation des secrets de^ l'État , ni l'infidélité
y> dans le m anienient des deniers nationaux ;
» mais pour tout le reste , et même pour ce
» qui concernera ma personne , je serai le
» plus indulgent des hommes; il me suffira
)3 d'écarter le scandale par le secret ^ ou au
j» moins de lattéuner par Tinsoucitoce et la
a» pltfifisnterie. j) J'ai dé)à dit ailleurs que
de Frédéric. aSï
dans ce peu de lignes se retrouveroît Fré-
déric tout entier. Et comment ne pas le re-
dire encàre ? Ccst à cette vérité *<jue toute
sa vie ramène ceux qui savent Tétudier et
Je suivre.
fSa . Voyages
ac
VOYAGES DE FRÉDÉRIC
Frédérig, en montant sur le trône , et
même depuis , eut la fantaisie de voyager m-
cognito. Je vais rapporter ses essais en ee
genre. Quant aux voyages qu'il faisait tous
les ans dans ses Etats ^ je me bornerai à en
citer quelques anecdotes particulières , qui
trouveront leur place ailleurs j disons seule-
tnent ici que dans tous ses voyages et durant
tout soù règne , il s est toujours servi de la
même voiture de campagne : quand il étoit
besoin de la raccommoder , on le faisoit de
nuit et à son insu ; car il taxoit de friponneries
toutes les dépenses de ce genre , auxquelles
on subvenoit comme on pouvoit. Il soutenoit
que rien n'ëtoit moins nécessaire ; que sa voi-
ture étoit excellente ; que depuis plus de
trente ans qu'elle lui servoit , elle étoit tou-
jours de même , et qu'enfin si on y toucboit ^
ce ne seroit que pour le voler ^ et qu'on la
lui détruiroit. Il gagnoit de plus à ce langage ,
^ de se trouver autorisé par là à rayer toutes
ie Fréàérîc. 2S3
les dépenses de ce genre sur les mémoires de
ceux qui avoient à voyager pour son compte.
Cétoit donc dans cette grande , forte , et
vieille voiture quHI faisoit toutes ses courses ^
à vingt ou vingt-cinq milles par jour ; voiture
attelée de douze chevaux de paysans , outra
deux bidets pour les pages de la chambre ^ et
six chevaux pour une voiture de suite. Un jour
son cocher le versa dans un fossé : heureuse-
ment le roi ne fut point blessé; mais il se mit
dans une colère très-violente contre son vieux
serviteur, et vint à lui la canne levée ^ prêt à
l'écraser de coups, lorsque celui-ci lui dit :
» Sire , n avez- vous jamiais perdu de batailles /
» vous qui êtes pourtant le plus habile gêné-
?> rai du monde? Eh bien, c'est une bataille
» que j ai perdue aussi , et c'est la première
» depuis trente ans ! croyez vous que je n en
» sois pas mille fois plus fâché que vous ? »
Le roi ne put s'empêcher de rîre de la com-
paraison. Sa colère fut éteinte , et il remonta
sans rien dire dans sa voiture, dès qu'elle
fut relevée.
Dans ces voyages annuels tout étoit réglé , et
constamment «de la même manière ; jours et
heures de départ et d'arrivée , et gîtes , dont
quelques-uns étoient fixés dans 4^^ villages ,
354. [f^oy^^^
et cheztles pasteurs» s'il &Y avait paade^i&aî*
8QDS plus aisées. Du rest^ , H ifa lui &Uoît
qu'une chambre , un lit, im fanfcmil c^t ima
table. Sa nourriture alors étoît brt peut d^
chose ; et même depuis la guerre 4^ wpt aua ,
il avoit peu à peu reuooeé au aoitper. Pour
une nuit semblablm » il ï^ismt payer 400 franca
à son hôte. Sea pages « dUig^a de Mk donner
le bras quand il montoit eu voiture, et quand
il en descendoit , elfpar cpuséqujsttt de so
trouver à la portière à cbaïque relata , avoient •
de plus le dôsagrémenf de n avoir soofveDt à
monter que de jeunes chevittx mm encwa
dressés ou domptés ; lea pajmna ajwit adopté ^
comme proverbe , ces mots eof parient d'«n
jeune cheval trop dîffîipite à vnmmr ^ « Lea
» pages du roi le fom^etont )» Aussî n'y avôk*
il pas d'état plus péntible et phts dangereux »
que celui des deux pages de la chambre dans
«s voyages. Arrivé à soRgHot le .roi iîsoit,
et examinoit tous tes piacets qu'il avottt reçus
dans la journée * diemin Ëœant et à dbaque
relais ; et à l'instant même ces placeta étoient
apostilles et raivoyés avec les ordres conve-
nables aux ministres ou départemens desquels
les afiàires ressQrtiasoient, ou bien il les g^r-
doit dans un porte-feuille particulier pour s'en
de Fréiériç* 2Si^
occuper à «on retour » ou à quelque autre eu-
droit plus élpigué. Ce&t pour ce ^vail « qu'il
avoit tottjour& avec lui 4cux ou trois porte*
feutUea et une écritoire^ que Pou plaçoit tous
Içs soirs devant lui ^ et que Tou reportoit Iqu^
les matius dans sa voiture.
. Deux voitures formoieut doue tout son traiu
de voyage : la sienne^ et celle de sa chatouille.
Celle-ci, qui né toit qu'à deux places , cpn.te-
Qoit , non tout Fargent qu'il se réservoit à lai«
même , ce qui formoit la cais^se particulière ^
dite la chatouille ^ et dans laquelle il 7 avoit
quelquefois jusqu'à 5o ou 60 millions de livres,
mais seulement la sonoime qu'il vQuIoit em*
porter avec lui ; et le commis de la chatouille,
outre quelques registres ou papiers* Ce com*
mis yoyageoit de cette maniée en voiture ^
tandis que le gardien dç la i^h^touilliç , pre-,
mier domestique du roi 9 étoit derrière )e car-
rosse de sa majesté , juché au dessus des
coffres , et au niveau de l'impériale , avec un
ou deux autres domestiques.
Je ne rapporterai ici que trois voyages où
il n'a pas voulu être connu , et tous \^s trois
hors de ses Etata ; Xxak à Strasbourg) le se--
oonden Hollande^ et lé troisième à Hosvrald
en Moravie.
256' Tf^àyagei
Frédéric eut envie de voir ï*airÎ8. Assez pal '.
de tetnps après qu'il fut hionté sur le trône ,
il partit de Berlin sous le prétexte d^'aller &ir»
ses revues en Wéstphalîe ," et même de s*f
arrêter quelque temps , afin d*y recevoir le
serment de fidélité des habitkns de cette pro-
vince , de s'y occuper de quelques affaires
politiques , et d'y visiter et examiner quelques
autres objets particuliers ; et il prit la route
de Strasbourg sous le nom d'un comte de Bo-
hême. Il avoit à sa suite son aide de camp y
comte de Wartensleben , que j'ai connu lieu-
tenant-général : il avoit encore deux autres
cavaliers doùt j'ai oublié les noms , et un page
qu'on m'a assuré être ce même M. de Mol-
lendorfi^ qui esta présent gouverneur de Ber-'
lin , et que l'Europe sait être le générât le plus
respëctacleet le plus respecté de la Prusse (i).
Tout le monde étoit en habit bourgeois ^ et
les domestiques sans livrée. Il descendit à
Strasbourg à l'auberge du Saint-Esprit , et'
donna son nom supposé de baron ou comt«
du four^ avec sa suite ; c'est ainsi que nous
• . »
(i) J'ai quelques doutes sur le fait du page : M. de.
Mollfiudorff ^ à cettjB époque , dayoit déjà être ofiBucier ,
à ce qu'il me semble.
rassure
de Frédéric. it^')
][Vs}are.l1]|i;sk>rien de sa vie. : ;]iiaîs ce qui i^è
feroit douter de ce deruier fait , c est que C9
nom n'est rieii moins que bohémien ; ou bieu
}l faut supposer qu'il )e donu^.^n; aUe^s^ld^
^et no^ enfraiiçais^ Le mi^me historien assure
que legrince;Q;uiIlauine^ V^ff^^. ^^^ frères di)
roi , raccompagna sous le nom de comte de
Schqfgotsoh : c'est une. autre circonstaucti
que j'ai peine à croire, et dont on ne mV jà-
mais parlé;» £t comment se persuader de
plus, que ce frère alla dçscendre dans une
autre auberge^ aiçsi que. le mên^e historien
Ts^urç?
£a descendant de voilure^ il demanda à,
rJiôtessô si elle pourroit lui donner un bou
souper , et ajouta qu'il seroit charmé d'ayoii:
Jla compagnie de quelques colonek français ^
là priant d*en inviter quelques-uns. L'hâte^so
essaya en vain de lui faire entendre que le^
officiers français , et sur^tout les colonels « exi^
geoient un peu plus de façon pour se rendre
à une invitation semblable : il fallut qu'elle
allât à un café militaire , où, heureusement^
elle trouva trois colonels parmi beaucoup
d'autres officiers, et leur fit comme elle put >
à travers mille excuses vingt fois répétées ^
la commission peu régulière dont elle étoit
J. K
25?i ' 'Voyages •
chai^g^e. Tontïe riibiiaè trouva l'idée dêM, Id
t)àrôh dûcôm^ àDe^iàstnd irès-^ihtobgttiè. Ou
en rit* beaucoup, ©b ônéjgTna ^ùé ce dévoit
étte ub oHgftiàl tîrèà-]()laîàaàt et très-curieux
â'cbrinôtlrè ; fet eWfifl , pour répou^iie à cette
singularité par lili^ «ùti'e , led trois dotonèU
acfceptërent fet dôiiTOrent lears û'oMs, Ils ar^
rivèrent peu avant Fè èouper , et furent ex-
trêmement slirpris de Ixoover un seigneui*
allemahd , qui y tout àuïre ^a'ils ne l'avoient
imaginé , péfîlloît d'esprit , saydiHnfiniment)
étdit d'une gàîté dharirtatite, et d'une po-
litesse aussi aisée que soutenue. Lorsqu'on
«er vit le souper , Tan dé ces colonels se trouva
placé eii ftice de M. le? %faron , qui en eut un se-
cotfâ'àsà droite , taàdis que le troisième se re-
tira àTun des bouts de la table. On n'a pas su
Xné dire commentlâ conversation sefdtirna sur
le militaire françfais ; mais dans la suite de
ce qû'oÉi eut à en dire de part et d'autre ,
M. le baron se permit nne plaisanterie que
Ton pouvoit prendre pour un sarcasme. Le
colonel , qui étoit en face , homme d esprit et
aussi vif que Frédéric , releva le propos aveô
beaucoup de franchise ; le baron voulut le
«outenîr , ce qui ne pouvoit' se faire qu'eti
l'aggravant. Le vis-à-vis riposta sur le même
• A
TOto ? à tiHaqu^ répliqué -, les choses deveiioîént
toojàtfrè plus seriea^s , bs expressions plus
éncfgîqUeà /-et* le ton ^Its fermé et plus animé,
âtt poîlit qtiê le délfeirs^ur du militaire fran-
çais éfoit sYir lé. poilït de' jeter ron assiette
an baron, tîue du moîiiis le comte de-War*
• • • ■ •
tënslëben et ses Camarà(îes"le^gë6'ienf ainsi ;
et ëtoîeirtprèts à dire : G'ést4e^Raîé&Prùsséi
lorsque le colonel place -a là' droite del'étfan-i^
ger fit a àon ami des sighes si extriaôrdmàires
et si expressifs, que tout à coup ce dernier
resta înimobrle, bs yeiik fixes «ur son as-^
sîettfe/ue parlant p^lui; et pai-oissant tieplus
entendre. M. lé baron cdtaUssi, et comme tout
le môÀdc , quelques instans' de recùeiUémeiitt
nn^s*y livra toutt^tbis'pds long-temps. Il parla
d'autres cîhoses, et redevint bientôt aussi aima*
fcle qu^îl TaVoït été' au début. Lorsqubn se leva
de table,' le colonel vis-â-vîs n'eut rien de
plus pressé que de joindre son ami^ et' de lui
deniiinder ce que signifièrent les signes sîn-
J>uliers qii^il lai âvoît faitâ. Là réponse 'dé ce
àenûer fut î « Ce baron est un printîe'dé-
» guisé : je 1c parie du moiiis , et voîcf ïè^
>^ preuves que j'en ai : il n'est servi que par ce
» jeune homme que vous avez toujours vu
»* derrièrfe lui» Ce feimelioïame ne sert qui
aëo Jeunesse
«
^ hxî. Je lai ai demandé une assiette ; et fia&i
n prendre la ipienne lui même , il a appelé
a> un domestique ^ et lui a dit : Prenez ï*as*
» miette de monsieur^ Gela m*a tellement
> frappé , que je n ai plus perdu de vue oe
s> petit garçon ; quelques momens après i on
• a vanté un vin blanc que Ton avoit à Fun
H des bouts delà table. Le soi-disant baron
» en a désiré un verre , et le petit garçon le
3) lui a présenté ; j'en ai demandé autant^ et
I» pour la seconde fois , ce petit gaillard ^
» appelé un domestique , et lui a dit : ^Uez
9 chercher un verre de ce vin à monsieur.
9) Il est évident que ce serviteur est un page :
i> hiais en ce cas vous voye^ ce que lé maître
D est ou peut être. J'étois livré à ces réfle-
i> xions y lorsque votre dispute s'est élevée.
o J ai cru qu'il y avoit fout à craindre pour
D vous à la pousser plus loin f et telle est la
» cause des signes que je vous ai faits. »
Je suis encore obligé de revenir ici à l'his-
torien dont j ai parlé plus haut. Selon lai ^
ce fut Frédéric qui alla chercher compagnie
au café militaire de Strasbourg.... Frédérîo
courir les cafés en débarquant , lui qui vou-
k)it voyager incognito ! Quelle double incon-^
venaiice et quelle absurdité ! Jamais ce roi
S6 fiit capable de rùne ni de l^anfre. Il faut en
dire autant de Fanecdote du tailleuF et de sa.
générosité : il faut en dire autant de cette pa-
rade où if fut reconnu , et de ces vivat dont
Strasbourg retentit , et des. ilhimihations qui
eurent lieu le soir. Toutes ces circonstances:
sont aussi dénuées de rérité^que de vraisem*-
bhance.
Pendant ce même temps ^ d^autres évène^
mens se pr^aroient ^ se filôient d\LU autre
côté. Lorsque M. le baron étoit descendu de
Toiture à Kaube'rge du Saint-Eisprit^il avoit
été vu par un grenadier , qui d'abord Taroit
reconnu , et étoit allé en avertir son capitaine*.
Celui-ci , après avoir bien recommandé Ib
secret au soldat^ s'étoit présenté- chez M* Ib
Maréchal de Brogliè , gouverneur de Strass
bourg , et lui* avoit rendu compte du rapport
de son grenadier. Le maréchal ^ en ordonnant^
à son tour de bien- garder le secret , avoit:
envoyé invAer de la part de madame- la ma«
réchate et de la sienne , à diner pour lé lende*
maih^ M* le baron et sa compagnie. Lorsque^
Fou sut que le baron avoit accepté ^ en fit
venir le grenadier ; M., le mafécdial: le pfit k
|>art y et Tinterrogea pour se bien assurer s'iE
b!]^ avoit point dé méprii^é^ «... .«.Monsièub
» le mafécfa^I , hii répo^dilr le gr^nadiev.,)il y
/>>d tjrç&-peu;diÇ'teilipa que j ai déserté de cheç
.)) lui ^ jç ç^ryp^ dam le régiment d^ , sea
») gardes , <^a gf^m^qn À Potzdainf': ,tQus les
?) joujfs, j« le voyoi^ à la p^rad^ « cei;it f btô i\
:» BOUS ^ exerce » mes camarades et ^^ J^
j le ooftpojs doflc bieig^,. et c e&t lui qu^ j §lva
» hier soir descendre de voilure. — Ei^ule;»
;^ ;^i tu me trompoisrrt i\ï /périrois d^w^ le& ca*.
4> phoU.7 si tu jpe lue troutpeâ p^s ^ tu Aura&
a> uQ Ipuis pom: boii:^, Qu^nd il arrivera pour
>> 4wfi'.9::jç le reçevrîjiiiç^ » et je Ty; ^etieud^ai
% f> a^çzloug- temps 2 tu( seras. oa.cU4 derrière
)> .çptte, po;rte vitrée : tu auras tout îe.tempa
4» delVjx^miaervrfgaçd^^Jp bieur, J^ rçvieu-!
ju ^aipeqda^t le dioçf te retirer de là> ^tten-
^a , t^içi^i^ sur ce que tu a^ras à tnW'dire. »
^. Tout ,^e passa comme ou l'avoit projeté;
quaud:Qii viut dire qu^ luadame la maréchalp
>tes.a.ttei^d^it pour c^i^er ^ ou pas^SA de ce pre-t
inier salou dau& I^ ^aUe à maii^ei;:. Il u y avoit
pas long-temps qu ou étpit 4 tabla ^ que sur
'^u mot dit par uu Y^let-de^ ohambpe àToreille
<|e M' le maréchal , qui lavqit aius^, projeté
^t prescrit; celui ci dieTi>auda permi^pigi:^ de
çib$f«,t(9r unjnoni^t , à M. \p lïarpn>,qui
lm;dit i^que perwto^? up rçspeoteit;pfes g^^
Ipiî U 64^^ ^ l^niplir aça.^evojts ^ car- tout
^càr.dev.qH?:Pj^icç; ei (J^:^,^/BfQit biç^ fâché
4 eu avpir. }^ais ^étQiirç^. ,q\^i que ce fût.
AiQsiM- lem^ré^al all^ ^çtir^psop grenadier
de sa civette , Tint^rroger ^ l'entendre , lui
dousf c un ÎQUÎ^ çt Iç yppypypr f;a lui recom-
z^aodant encore le sileBce. Il revint à propos
poiprinterroippFeune oopversatio^ qviiauroit
pu donner de^l'humenj: 9]^. le b^rqp^ si ejle eût
duré p^nslong-tenaps... « Monsieur, » lui ^voit
dit la maréchale , qui p'étojt pas du sçcret ^
» aivez^vous déjà vu la opçr d'Hfftnovrç » dans
» vos voyages ? .— Noiji , madftp^e ; mais je
a» compte la voir à mon retouf. ^0 - cp que
» vous lacomioissez?— r!QeaucQup.)mpnsiè|ir^.
Pf j y ai passé un^ partie 4^.7pa jeunesse ; mon
» père y étoit mipistr^ de Ffancje. Ainsi j'y
2^ ai beauGpup . vu le? p^çif^cps , f l sur -tout
)> les p^ipcesses de cette; maison souveraine..
:» -rO^eirois-ie vous demander >ip a daine 3 si:
» vous en avez été contente? — Infiniment,
» monsieur {toutes ces priucessj^s étoient res-
tai' pcctable^ par tant de qif alités précieuses}
1» j^a mèrç- du roi de Prusse en particulier
?) réunisspit t|3mt d'£ynabilité ^, de bopté çt de
» irertus ! Elle eût été parfaite , si ou n'avoit
*i pas eu à lui reprocher iwjt; |p^j^,de,.çQ4,t€î fierté
» » »
t6i '' Jeûneuse '
y) dont on prétend que lis grande' toaîaaim*
» dé l'Empire ontpèîné à'setïéfetidîèf^ JTàî
«rhonneur dé* vous assui'er , madame ; que*
» jamais je n'ai entendu parler' iS'isllè qu'a véo
» le plus profond respect. --^Oh! mùh^îeur ,
:» elle le mérite bien ; il n^ a que cette temto
3). de morgue germanîque. . . . -^ Je viens dé
7i vous observer , madame , et J*ai l'honnéup
» de vous répéter, que ce n'est due dans' les
» termes du plus profond respect , et sans
3) aucune réserve , qu'on en a toujours parlé
» devant moi. » Ici ]M[. le maréchal rentra ,
et renouvela ses excuses , aîâ suite desqaeHesP
on parla d'autres choses^ On demanda à M. le
baron jbII daîgneroît voir le spectacle , et oit
lui offrît la loge de madame ta maréchale^ Il
répondit que si madame y alloît', Il auroit
Vhpnneur cie lui doncerla main. Onluî pro-^
posa même un bât au retour ♦' et il eul l'air
de ne pas le refuser , sans f accepter fbrmel-
ïemçnt. Mais , après le d^ner,^ M. lé maréchal
eut la mal-adresse de lui dire : Sîrè. • • M\ lis
baron. , • . Cette faute passa cotnme si elle
n avoit pas été observée , mais elle produisit
tout son effet : le roi de Prusse en fut telle-^
^nent blessé /qu'il a dit plusieurs fois d^epuis'»
qûaqdi fl en k été question : a Ce uxâréchat^^t
de Frédérie. %(SS
W "Çn soi; il devoit savoir respecter mon se-
» <Stei , ou mé faire rendre lès honneurs qui
» m'ëtoient dus. » Il aUà* néanmoins. à k co«
niédie avec madame la maréchale ; niai$ il y
resta fort'peu de temps. II prétexta quelques
affaires^ et se retira. Le* baron de Poëlnit^m'a-
assuré qu'en arrivant à son aubeuge , W j
a voit trouvé uii paquet de son ministre à Paris J
qui lui donnoit tes plus* fortes raisons pour ne
pas aller plus loin , et que. ces mêmes raisons
avoienlt afehevé de le déterminer à repasser le
Khin. Ce qu'il y a de oe:i^taiD , c'^st qu'il envoya
eommander des chevaux ., et partit le lende*^
main de bon matin.
t Lorsqu^il coùroit ainsi sur la rive droite du
Rhin , pour regagner ses Btats , il aperçut à
uitie bonne distance , une chaise ouverte qui
venoit à lui ; et à Faidede sa lunette ^il y reeour
nùt un abbé français^ homme desprit , avec
lequel il avoit souvent causé à.Bediin ^ et qtfîl
y àvoit laissé en partant. Frédéric s'étoil sôu-
v^t amusé à vouloir engager, cet abbé à ;se
fctfrerecevoîrfl^aHC maçon y uniquement parce
qu*il lui paroîssoit plaisant d'ana^njer un bofi
prêtre catholique à braver une excommunq^
dation dupaipe": rabbç, quipeiilîr'être 1 avoit
deviné , avoit au s'en défendre àvèa autant de
i66 . ^èùnA^& ^^
fermeté qufi^ld'Bdressfii'Jba même lunette ifai
sur les bordd dû Abia^ «ppritMau rpi qyic^c
c'étok hiL^fuî étolt' dalbs 'kK^h^liB^âe pidôt-e f
i|sdic|iiia:.pgalie9BDràt qu'il «élcât psirQf0i>4é|qefi|l^
^idotmi ; sur qu0f le . prentf ej:L fîjt. vè : VÎ9^tPi|%
arrêter sa >v^oitiure4 eh descendît un lym pi$-^
telet ,à la .maini^jet xria aii. ier^içr , q^ançt
celui-ci fut près de loi : Fais toijra^ç-m^çofjti,
Gu meurs. On p^ut ydgfx dehh surprise dje oe^
prêtre , qui bicn^ assuré: que le roi de Prusse
étoit en Wéstphàiîe, létrca^fe en se xéifeilr
lant. en sursaut ^ asax portés de StraabQU):g \
Ne sachant si çétoit une illusion ,ou une v <^
ôion du diable , efirayé et ttottblé ♦ sob prt-
xnieiî moQvemcht fût de répondre : ^h y
sine t tout ce ^u*il vtous plaira; mais ne ito^
iuezpasi'he roi se moqua de. sa peur ^ le
îtt^eaitrop poltron pour niériter jamais 1^
titre de^Jrér^ ^etlui^it adieu . aprèd la voir
bien ^plaisany. .
- Ge fut à la smté de cse voyage ^ que $e ûts
sur les bords' de ii^ ^Meuse;, la première en^
♦revue de Frédéric et de Votlaireu Je n'en
f>aflerai jpcàni ^ parce que eé derfiier en ^
«publié les circonstances les plue curieuses^
J^oiquavec plus de. ptaisànteiôe peut^-étre^
tpié dé vérité. .
f ^ ' '• * '
Xe voyage en Hollande fut plus he»rettx>
ijue éeîuî en France, Ce fat du fond de là
WestphaKe que ce roi f entreprit , n ayant
avec lui qu'un' domesticfue et te colonel dQ
ÎBàlby , qne J'ai beaucoup connu , et qui est
inôrt fort vieux à Berlin , dans une demi--
disgrâce. Ce M, de Balby » qui avoit de Tes-
prit et de Famabilité , a ëté assez l6ng-*tef»ps
en fkve^r , jusqu'à l'époque dii siège d'OU
mutz: Tous deux se déguisèrent le mieux
qu'ils purent , et s'annoncèrent par -tout-
€orame musiciens. Je ne citerai que deux dé
leurs aventures. Arrivés dans une Ville oà
lan juif extrêmement riche avoit un cabinet
aussi curieux que complet , ils envoyèrent
demander la permission de le voir. Le juif
répondit qu'il vouloif bie^ se gêner pour
montrer soU cabinet aux étrangers un jout
par semaine ; mais qu'il ne se rendroît pas
esclave pour ies indiscrets , et sur- tout poùf*
deux petits musiciens inconnus, qui pou voient
bien attendre le fbur qu'il aVoit fixé, f rëdéri^
fut vîvémerit irrité de eette réponse , qui né
fut ^à ses yeux , qu'une insolence punissable.
Il nei'a jamais publiée ^ èïle juîriibllandàîs'à
eu à s'en repentir toute sa vie , nôn-séuléiifênt
parce qu'il à su qui étôiènt ces ptéteifdustnu-
t68 Jeimêss&
sicien^ ^ dont il »voit si mal accueilli la de-
:(uande ; mais aussi , parce que)aipais le roi dor
Prusse n'a voulu que cet homme fut compris
parmi ceux avec qui \e gouvernement prus-
sien pouvoit avoir à négocier quelquafiairs
de banque ou de commerce » plu^ ou môina
lucrative.
En passant d'une ville à Fautre ♦ nos, deux
musiciens prirent place sur un yack y. où il J
avoit déjà beaucoup de personnes , mais où
ils trouvèrent encore une chambre particu-
lière à louer. Après y avoir été quelque temp»
à s'ennuyer , Frédéric envoya Balby faire uu
tour dans la salle commune , et examiner s'il
n'y auroit pas quelqu'un avec qui l'on pût
causer sans se compromettre. Balby revint »
au bout d'un quart- heure > annoncer qu'il y
avoît un homme , qui lui sembloît réunir les
avantages d'une bonne éducation , à ceux que
de bonnes études peuvent procurer. Sur cette
annonce » il eut ordre d'aller oflrir à cet in--
connu de venir déjeuner avec eux » et de^
prendre sa par^d'un pâté qui &isoit le fonds
de leurs provisions^ L'inconnu accepta , et
entra ave Balby , qui dit à son maître : « Moa
1» camarade , voilà un gal^^nt homme qui veut
S) bien' recevoir sa part du pâté que nous^
de Frédéric. tJB^
% allons ouvrir. — Monteur , ^it Frédéric i
3D celui qu'on lui présentoit , vous nous fartée
»' en cela un vrai plaisir ; pourvu que le pâté
)i soit bon 1 Faisons - en Fessai : mon ami ^
^ ajouta fil, en s'adtessant à Balby^ oùrrèas*-
D le , et Servez monsieur. Oserois-)è vous
a> demander , monsieur , de quel pays vouts
» êtes? — Monsieur , je suis de Suisse* -^ Afr,
•> peuple respectable ! Et de quel endroit dd
» la' Suisse êtes-voûs? — D'une petite ville
» qu'on appelle Marges, — Je vois: vous
^> êtes à peu de distance de Lausanne^ sur lô
t lac de Genève : vous êtes du canton de
» Berne. Etes -vous bien content de votre
» gouvernement? vos familles patriciennes ne
D sont-elles pas iin peu fières ? et même les
» bourgeois de Berne ^ quand ils viennent
» chez vous 3 ne font-ils pas les relachéris ? ne
>» sont-ils pas exigeans et durs ? — Ces incon*
» véniens , dont nous avons rarement à nous
» plaindre , sont bien compensés par tous les
» avantages dont nous jouissons .-— Etes-voun
» établi dans ce pays-ci ? -<- Non : je n'y suis
» que comme voyageur et étranger.'^ Qudl
» est le motif qui vous y a fiiit venir ? — C'est
7> la suite de mes études qui m'y a amené. «^
» Comptes ^ vous vous y fixer ? Je ut le
I
fi jcrQ^:n<|6vipu plutôt jern'en sais rieji. -^ Ll
D,^ hj^arrare.de^ différentes fgrinçs^ç gonver-
j) npmeiiâ adoptées. ççi Suisse, ne brouille-t-
»; eflepasies idées esqirjes râatiàf es politiques.
j\ aUrdi; moînacie conduit-elle pas à une sorte
« . jd« scepWd^ïw Qt d'indijtlérçnce ? -r- Non t
». 01) sAÎt que,cha(|ue,paAtQn est libre comme
»;il j^yflulu Tètrc-, etc. u-,]Mtopsieur U; mijsir
jcteff cofitiniia ses questions avçc tant <1q ner*
^Viérçtfice », il exx\\^ dans tant dç détails* « ^ T
^it/ mêc^^ si.^eu de inéiaflgement ^ que Tin-
.connu , qui ..d'^Ueurs^^toit ,au !bout de son
4^jl?UftÇ*'» ^n fût impatiente, et. ^fî peu Jblçssé ;
^î'bi/pn:!^ quala fia 9:aru liea de .répondre > il
Jltprj|f^m|Ât Iç questionneur p^.cçs mots :
^-jpPerajf-ttee-inpi/niqnsiepjç ,.de vous obser-
D. .ver ^que Npîik bien de& questions pour une
i>jtrancl|e de pâté.. -r'Je VQU3 en demande
.» dpardon Jieprit Iç questionneur : vous savc^
» qiifjes vojge^urs aiment à s'insfruire ; et il
j> iesli dautanl^plus. ju^te de m'excuser ;, ;6i je
^» 4^q .liv»rÊ^ iaçliscï:ettemeùt .à ce désir , qu'il
» ^esi ];are.d|9 TenQoii|rer 4e$ occasions aussi
» ÊcviiraÙes. ^)^
,Qa3»d ^pn f>it;pa:p&4^ se'sépsurer ,, le' musî-
.cieiî dil, aiji finisse .:. « Puisque vous n'avex
c» çgcQi^ievd'engageiuéat g^^ ^HpJ^A jéiat^
ti( Yonl»vai:0ifaideufne domierv&tifeadircesQr?
njiliseroit paésilîia.icpre ^e . troUyasM à voaa
t aU^ér.^-etiîesBixiîs dharmé>cl aVoîr à vous
a»! >pr0poa9lr ^oelqab dnide qtd Vous «MÎvtnt;»
lie '^ons^&P^érckt V vt kdi dbbiia .sbazvom *»
'efcTe ;iiioj9ai rc)» ini .faire par^fertiii scà iettréa.
0ëst uinâ ^u'iisl se < 'qùîtltarëh tv Frédérib ne
perijiÉ point xèt haii]itE0rd^::rJQize: : quelques» air-
nées alprës v< il 9iiî^ «proposa^ lar pivoe dei son
lecteur ^ placé qui fvt acceptée;' fit. eVïsir de
.cette sdvtè que M. le^tt -fut 'Cônhu t[e Fré-
:déric 9 sans> le eoptioitrô , et loi fol ensuite af-
tadié , comnnb )€ Fai dit aitiettra \ et'waita^'jQ
rledéveloppÎBrai {encore davantage/ o
Au yoyagereu Hài^ndâ^ Jaitquelqtiles an-
nées avant la guetv-e de sept ans ^ je ferai
:succéder un troisième voyage , fait encore
incognito /mais dorant cette menue: guerra.
Qiiand Erédéric*se détermina à lever le siège
d'OlmutE , à reniir ënsoite de h, Bôhémé , ou
son plan de retraite J*av(ât.oonduit, énSiié«
sie^ où il étoiJ pressé d'arriiser , f^our s'op-
poser aux Russes , et arrêter les progrès des
-Autrichiens , il divisa son armée en' quatre
colonnes, qui, chacune sous oq chef diffèrent ,
-prir^at diverses routes, et marcfaèsre&tàgiran«
des journées , ea ealeyant , ou 4^truiaai2t ,
:272 .^^deUMàse:'^
^^eloiL lesddis de^la 'gàerK^r ^tobtca-^aoroi^
.pu dÂveidr .iiiîlei ou nécnsssâiteJLçeux iquilto^
3:oJen4: eiidei^éim de 'b& poursuivre. Ilsë^mii
Jui-xuéme à la iète d^unë de ces' ledosn^ v- de
^celle qui semfaloit éx|»Q«ée k pias: de ^ris^uB-J,
.et marcha À itravers iesiiiôiitagiies/de la 'Mih-
rravie* Loraqu^'il^iîpl à laiiaatetarrde iRmwaldl^
il lui ppit epviead^|irofitérde rt>eoâsioii>pou|r
.voir et cotmcàiïXLle: eomt&i&di^u hoBUiie
éxtlraordin9ir&^:qm entétoit le< seigneur ,: ef:
qui:, depuis: taut d anuéeâ , y yivoit relire:: loi
• )e dois cmumehcer par indiquer les priudpaux
itraitsdelà vie de cet homme^ afin de motiver
la curiosité de Frédéric , et .de jeter^ un pli»
vif intérêt sur. tout ce qui s*estpassé entr'eux«
Le cofnte de Guîbeifi a donné une notice du
caractère .singulier de ce* seigneur inorave ;
.mais il u'a ni i tout dit ^ ni lanêmer rapporté les
traits les plus curieux. Comme j*ai . particU-
Jièrêmènt connu le CQmte;Hodifz, que je Fui
' vu trèsTSùuvent , et que lui-même m'a aussi
détaillé toutes Jes particularités de sa vie «, j ose
. promettre que )e serai plus exaet que le comt«
de Guibert , et que le tableau que je vais tra*
, cer ^ sera plus obmplet et plus fini. ^
Le comté Hoditz-Roswald étpit fils uniqu#
d'tta seigneur .de Moravie » riche et consi-
déré.
de Frédéric. * 273
déf^. .Dès ^a {uremière jeùpççse , il anaûnça
ce qu^il deyoit être dans la suite, un très-bel
hqn^me, grand , fort , et bien proportionné «
yisage loi>g et plein, figure noble et animée ,
caractère fraçic, et hardi , çsprit vif. et entre-^
prenant , imagination a;rdente ^ féconde et
originale. Il devint si iurbiilontau sein de sa
iapiille , qi;e bientôt personne iie put plus en
jouir. Le. pèjre » en çops^quençe 5 le; plaça
dan^ une petite^ ville du pays > chez un maitre
de pension as$ez. estimé , et à qui on reconi^
manda de le traiter avec une sévérité équi-
table^, mais souteU;i^?et inflexible. Lé jeune
comte avoit alprs treize à. quatorze «ns ;
c'étpit le plus gi;apd et le plus hargneux de
la pension ^; iV fallpit que les autres fussent
ises complices ou ses victimpsj Dan^île* doiut
bre » il s'en trouva un qui étqit le plus grand
après lui, et qui, disposé à 9e valoir guère^
piieux, devint en peu 4e temps son caïua-
rade le plus qhéri , le pjus docile et le plus
fidèle., Tous les jours , ces de]ux mauvais ^arr-
neiçens faisoient. des sottiçes, nouvelles; tous
les rjpurs , , ça leur iufiigeoit ^ de nouvelles
peines, sans, les cprriger. Le maître de peosiioQ
étoit au désespoir, et ne savoit plus. à qpol
sain.tse vouer. Li'étévint, et^ pour les mieux
I. s
274 Jeunesse
punir I oe pauvre homme imâ^a de pro*
fiter de l'un des plus beaux jours , pour don*
* ner ^ sa pension , inttîs sans les y admettre »
line récréation ^ompfotte et remarquable ; il
prépara toutes les pirovisîons nécessaires et
agréables , et emmcf&a dès ie maHn tous ses
pensionnaires a un endroit asse2 éloigné et
bien ^^hampdtré^ arec naTÎtafion deVy biton
divertir. Il n'y eut que Hoditz et son ami qui
en furent exclus ; on tes renferma , an pre-
mier étage , dans une chambre dont on * laissa
la clef à un domestique alEdé , avec ordre de
leur servir un mauvais dîner ^ et de leur re«
fuser tout le reste. Quand on fut parti »
tioditz s'écria : « Est'^oe donc que nous ne
» nous vengerons pas ? .... d Li-dessus ib
eurent bientôt concerté un plan do ven«
geance : ils appelèrent le domestique chargé
de les garder^ et lui ^rent : s Ecoute bien ,
» et décide4oi ; si tu fiiis ce que nous allons
i> te demander « boos te donnerons chacun
1» un ducat : si' tu ne le fais pas , tu pé^
» rkas sous nos eoups ; il en arrivera ce
9 qui pourra : mais tous les jours , en toutes
a> reùeontres i nous te ferons tout le mal que
» nous pourrons. — Eh I messieurs , qu#
» vonlea-vous donc de moi? — *-Nous vou«
I
de Frédéric. 275
» tons que tu ailles acheter un grand clou
:» bien fort, et tant de brasse de bonno
Il iGcelle grosse comme le petit doigt , et quo
» lu nous apportes le tout avec un marteau ,
» une écuellée de sfi^ng frais pris à la bou*
» chérie I et nos épées. — Mais que voulez-*
I» vous faire de tout cela? Que timporte?
h 'iioià seulement assuré que noua ne ferons
» point de mal. » Le pauvre domestique ^
dompté )par la peur d'une part , et séduit d»
f autre par les dèu?Ldacats^ ne manqua pas
d'obéir. On lui dit ce quil auroit à faire
qtiànd la pension reviendroit de sa befle par*
fté de plaisir 9 et on lui. promît de ne pas
âVouer que ce fût de lui qu^on eût eu tous
ces objets*
Quand le soleil se &t couché , ttoditz ssi
èéshabilla , et se passa la corde sous la
t>Iantè des pieds, en fassujétissant par de bons
fioeùds autour des chevilles ^ des genoux , des
ï*eijQS et des épaules , et fiuit par en faire un
jfeûrdon assez lâche autour de son cou ; aprè$
iquoi il se r'habilla , et de dessus une ôhaise il
i*aèôrocha au clou qu'il avoii bien, enfoncé
dans une poàtre au milieu de la chambre ;
son camarade renversa la chaise à peu de dis^
tàncà, répandit sur le plancher le sang apporté
s z
TTjS . Jeunesse
de la boucherie , se coucha davs ce sang f
ayant les deux épées nues près de lui Fêii^
dant ce temps-là , le domestique s*en alla en
gémissant au devant de la pension , et raconta
aux pensionnaires qui marchoient les pre-
miers, le grand malheur qui venoit d'arri-
ver. A Vinstant toute la pension le sut « et le
maître lui-même , quoique replet et fort âgé ,
arriva bien vite , et tout haletant monta à la
chambre^ et à la vue de ce spectacle , ^'écria ,
du seuil même de la porte : a Ah ! je vois ce
» que c'est ! ces deux malheureux auront ea
» une querelle j ils se seront battus en duel ; ce
» grand vaurien aura. tué son camarade d'ua
)) coup d'épée , et puis il se sera pendu de
>> désespoir. Allons , il faut faire venir la jus-
» tice. » A «es mots , il se retira , et Ion en-
voya chercher les gens de loi ; mais il leur
'manquoit un chirurgien ^ et il se faisoit tard.
Ainsi on se contenta de mettre les scellés sur
la porte, et Ton remit la levée des corps et
le proces-verbal au lendemain. Dès qu'ils
furent partis , le jeune homme prétendu tué
se releva , rendît la chaise à son ami qui se
décrocha , se déshabilla , et se débarrassa de
la corde dont ils firent une échelle ; ils atta-
chèrent cette échelle à la fenêtre , gagnèrent
\
de Fré défie. 277
le pavé , coururent toute la ville ^ y firent
mille avanies aux uns et aux autres^ mais sur-
tout firent donner des aubades presque toute
la nuit à leur maître de pension. On devine
ce que le lendemain apprit à tout le monde.
Mais le maître de pension ne voulut plus de
ces deux jeimes étourdis , qui fusent ren-
voyés à leurs parens. Le jeune comté Hoditz
fut confié à un précepteur qui en fit ce qu'il
put.
Après son éducation , le père , pour s'en
débarrasser, le fit voyager. Ce fut à la suite'
de ces» voyages , que Fempereur Charles VI
en fit un de ses chambellans. Parvenu à cette
place , il ne mit à- son faste et à sa fierté,
d'autres bornèà que ceUes qu'il ne dépendoit
pas de lui d'outre-passer. Il ne vouloit pas ,
entr'autres choses, que son cocher cédât lé
pas à quelque voiture que ce fut. Un jour »
dans une rue de Vienne^ il vit avec indigna-
lion qu'un vieux carrosse d,e province mar--
choit devant lui ; il ne fallut dire qu'un mot
à son cocher, qui étoit fort habile dans ces
sortes d'expéditions : le vreux carrosse lut
accroché et renversé contre la borne. Le
chambellan voulut voir quel éfoit le provin*
cial insolent qui avoit osé prendre le pas sur
lai , et son cDu{>-di'œîl ^ ^onné fmt la pcMs^èrc^
loi fit recoaoQÎtxe spn pèfe^ ayee teqpiel il
n^vôit plus de cpirrespoiidapEi^ , at ^ étoit
venu pe^^têtra aataiit poiur «'wfçjpier 4a luit
qae pour faî^a s^ eçHur à f ampai^aur*. A l^'ina^
tant où il le jrecoi^^nt , Uaah4ta 4» di^dciéwiM
pour lai ^demander pardon:; nkm oa.Sijt a«k
v?ia l' l&père^ refusa 4e Ventaoud^ef et» 4aM
4PP exjU-^n^a cptèira, )i^ra de^ ne la tët^ok fi-f
mais , et l'envoya à tous lea diables.
Le j^une eom|e HodMz. Q# t^rda p»^ à 4^-
peipser too^te Ui siMi^îes^ion de «a, «aara i c|a'j|
ayoit perdue » il y avoit long-tems ; ^t ij^ aat
facile de deviner ce qixîl ^eroit devant « IH U
fortune né lui avxHt alQf9i iqéiiag^ vue de qç4
favevrs rares sw iQsqp^ea Qn ne p^rqt jamm
compter. L^ Li^àgrava 4ou^P^ièra 41^3^^^^
le vit dans nn i^oment; fpftuné^ ♦ a* d^wrt
amoureuse , et f^pQu^a. Çetta dc^w^iièca
n'étoit p^s aiifpr^ yiiçilla., qc^QÛiut? 4»»*»= d»
Fré44ric. £11^ avoit i)» 4pusiJra q[upi' raidit If
courte trèa-ri^e , et le sauva^ de to^je^ lea
épines 4a l:'i9far^e. J^9^s^ lui fiit^îL t^njpMr*
Iras ,-> te2)4f ^i^lit attaché. Soit ^ny^uiv t &oit
recoDnoisaaqii^e^ il fi été, t^q^t qu^'çUe 4 vécu ^
pn modèljB digne d'être proposé à tpus lea
époux ; et lorsqu'il fa perdue , il lui a iait éri**
I
de Frédiiic. 279
ger nn œftnftblée astique aa fead de la partieT
de ses )ardSii8 , qu'on oppeloit ks Champs^
Efysées^ oà toas les samedis soir, jl est cons^
tamment atté, avec toute sa maison, célébrer
sa mémoire, et ehantar des liymnes funéraires
•qu*il a composés pour elle.
Feu de jours après leur m»iage , eUe lui
témoigna eombiett ette desiroit de le raccom-
moder avec son père. En conséquence de oa
projet , its rédigèrent ensemble une lettre
qu'elle signa, et qu'elfe fit expédier , indépen-
damment de celles que son mari écrivbit de
son etj/té. Le père répondit à la princesse ,
qu'en daignant épouser son fils ^ elle avoit
fait à fente hi &mtllè un bonnenr infini , dont
il étoil en son particulier plus touché quli
ne pouyoit le cfire ; et qu'it la prioit de vou-
loir bien agréer à cet égard tliommage de sa
vive et respectueuse reconnoissance ; qull
desiroit bi»i ardemment qu'elle nVût jamais
lien d'en éprouver le moindre regret; que ce
seroit pour lui une grande consolatio9 que de
pouvoir l'assurer verbalement de son dévoue-
ment et de son re$pect; mais que jamais il
ne consehtiroit à ravoir un iils qui n^avoit
existé que pour l'affliger et l'o^nser
HR £fa bien , dit le feu&e éponx à sa noble datàe»
\
\
.2So .Jeunesse
*» puisqae nou^ ne pouvc^ns- le ûéchjiT 9 il hut
n le vaincre. » Tel est le parti que Vùn iMrit :
On fît les préparatifs nécessaires à oevoyage^
et Ton partit; Ou emmena toute la ra^i^s de
^la princesse^ $^s gftrfl^^ ses domestique^ , les
chevaux , et jusqu'à la batterie de cuisine.
Tout cela fornioit ^ outre les gens à cheval et
^les carrosses , uir a^sez . grand nombre de
^fourgons ou de cha^riots couverts* C'(es.t pour
.toutes ces raisons, et pour ne. pas fatiguer
, madame , que Ton fi^t la route à petites jourr
.nées; mais il en. résulta, un inconvénient :. le
père fut averti de la visite qa'cni sX^îÀt lui
. faire ;. il songea à se omettre, en état de dé-
fense; il 4onna ses ordres pour .barricader
3on château , et envoya.cbez tous ses voisins,
à plusieurs milles de xlistance , demander se-
cours et main— forte pour . soutenin le siège
i^ontil étoit menacé.
Le 61s;) qui ptévoyoit et craignoit çe.ncm-
. yel obstafsle.;, portoit ses regards de touS; côtés
.aV;^.Ufi6 attention toujours plus. grande, à
. j^esu]t<ç jqu'il approçhpit davantage de la, mai-*
!^9n.pdl;erJ7e]lç.;JDès<|]i^*ilaperceyoit un homme
dans fie jloin tain ,_U efiyoyoitdes hiissards l'ar-
rêter, et le J^i^^n^ueri;. pt ce,fut ^ûisi qu'il
^rriva 4 Koswald , îaya^ iiault prispuwfrs la
de Frédéric. 281
jsaQttié des doinestiqaes de son père , et d'au*
tjant mieux averti de la réception qui ratten-
doit,.que Ton avoît saisi sur plusieurs de ces
^prisonniers , lea billets dont ils étoient por*
:teurs. Arrivé devant le château , il en trouva
«donc toutes les avenues si bien fermées , qu'il
, auroît. fallu des machines de guerre pour les
ouvrir. Heureusement ilse souvint que , dans
.un coin négligé des jardins , il avoit vu au-
trefois une vieille porte donnant sur les
(Champs , et que Ion n'ouvroit jamais ; porte
,è demi cachée sous les ronces et les orties,
. et qui déyôit être comme pourrie. I] s'y trans-
: porta avec quelques domestiques , la fit aisé-
.ment, enfoncer , et devint par -là le maître,
non*seulement des. jardins , mais encore des
• basMS'Cours , du re^rde-chausséCiideTavant-
cour et. des cuisines. Le père, déjà vieux, et
fort maltraité par la. goutte ^ ayant même
.perdu ,. depuis plusieurs années, Fusage de
, ses jaipbes.^ et ne pouvant en conséquence
se , déplacer :que dans un fauteuil porté par
• deux domestiques attaiçhés à ce service par-
ticulier ; /le: père, n eut plus d'autre ressource
;que de ste bien;c)ôre dans la partie du pre-
mier étage qui fgriuoit son appartement. Le
^ fils disposa en vsûnqueur de tout le rçste , et
28a Jeune^^e
de toutes parts en ne suivit plos que %es ordret.
Madame lia priacesse , reçue enfin dan^ la
cour , j fixt encore près de deux heures aa-
•aise sur set luaiies ou baHots , <en attendaift
qu on eût choisi et préparé Tappartement
qu'elle oecuperoit. On ne manqua pas de
faire vtte annoncer au père leur arrivée*,
qu'il ne savoit déjà que trop. Sa réponse fut
assurances de respects pour madame ^ envoi
de monsieur à tous les diables. Pendant deux
mois entiers , il y eut constamment m^as
messages et mêmes réponses tous les jours^,
le matin , à llieure du dîner, et à l'heure du
souper» Cétoient les domestiques^ vieux
comte , qui venoient prendre et lui portoient
tout ce dont il a voit besoin •
Cette manière de vivre ^ cependant^ ne
pouvoit durer. Deux mois étoient déjà une
bien longue épreuve pour tous les trois ; Tia-
flexîbilité du père ^ malgré les supplications
de la princesse , et les soumissions da fila ,
étoîent sufiisammeut constatée ; le fils le sen-
tit ; il ne lui restoit plus quNine dernière ruse
de guerre, et» H IWiploya. Il fit dire à son
père que bien convaincu qu'il n'obtiendroit
pas une consolation qull croyoit due a m%
sentimens aussi inviolables que respectueux »
de Frédéric. aB$
il se déteriQÎ&oit enfiivà Soigner on fils mal-*
j^eureux <ïj?* ym% d'un père iyrité ; qu'en
eoDs^ue^oe %. îl avoit résolu de partir dans
trois jowft f 3B9^M ^ue ce seroit un grand
Sicaiidalci q«# kl prJQ^fîsse partit sans lavoir
yu ; . i^il eflb «ésviAt^roit pour tous les trois
une niiQ^^c{ilîpa ^au^si peu nécessaire que
cru^LlK i et ^t«y osi , pour &eîUter une en-*
trevue §i çoj^vcnfthle, il avoît décidé de par»
tir le IçQ^^jpaiQ , dès le matin , et de passer
la jo^roée, entière h la diasse : en efiet , le
(endemeJQ i dès les cinq à six heures du ma*
tin, ce ne .fut qoi? bruit* tumulte, agitation
dgns la CQuir du château^ d*où Ton vit suo^
eessîvemeut sortir , pour gagner la forât , les
provisions f ilites pour la halte , les . gardes**
liasse avcA les cors « la meute entière avee
les gttidbea, enfin la. garde de la princesse , les
doni^atiqiMs. et les chasseurs ^ tout à cheval
f)t partant aui grand galop. Quand le père
fut lii<m assuré quil ue restoit plus chez lui
que la, princesse t il envoya lui demander la
permiâ^QB^de yenir lassurer de ses respects.
1SA\9 occupait la moitié du premier étage , en
ia0s 4^ Tappi^i^ment du beau-^père. Bientôt
après S4. réponse , ce dernier arriva dans son
lîmtcuit }. porté, par .ses deux domestiques ooa-
284 Jeunesse
fidenliêl6 3 qui eureût ordre ensuite de se re*
tirer. La conversation s'établit bien vite, et
débuta par toutes les protestations qnedèvoit
naturellement amener leur position respeo-
tive. Tout fat afiectueux , sincère et extrê-
mement honnête. Mais voilà que tout à coup
le père entend dans la cour le bruit d'un
cheval qui arrive au grand galop ; il devine
que c'est son fils qui vient le surprendre ; et
dans la vive éniotion qu'il en ressent , n'ayant
pas ses porteurs « il jretrouve ses jambes , per-
dues depuis tant d'années y et s'enfuit se cacher
dans son appartenlent. Il ne s etoit pas trom-<-
pé : son fils avoif établi des espions avant de
partir, il s*étoit tenu à peu de distance , et
dès. qu'il eut appris que son père étoit seul
che^ la princesse , il étoit venu avec la rapi-
dité de la foudre, avoit. monté les escaliers
tout d'une haleine « et cependant , il ne trouva
plus chez sa femme que le fauteuil de son
père. Il ne lui restoit plus qu'un mot à dire,
c étoit l'adieu. Il le fit par un billet dont le
sens étoit, que s'il n^emportoit pas la douce
satisfaction d'avoir vu son père , et de l'avoir
fléchi , il emporteroit au moins la consolation
de l'avoir guéri. Cette plaisanterie fit rire le
père et le désarma. « Je vois.bien ^ dit-il, en
de Frédéric. 28S
*
p lisant ce billet; que c'est un ôrigînarque
» rien au monde ne pourra corriger ! Autant
» vaut lui pardonner ses sottises paissées ;
9 allez leur dire de venir me voir. » Ce fut
donc une phrase inconvenante , qui fit ce
que tant de supplications , de soumissions et
de respects n avoient pu faire, ^ais au moins
le raccommodement fut franc et durable ; et
il n'y eut plus entr'euK que boa accord et
contentement réciproque, tant que le père
vécut. Après sa mort , le comte Hbditz n^
songea qu'à rendre RosVirald agréable à Ift
princesse ; car ce n'est pas être véritablement
juste envers lui, que de repf'ésenter tout cm-
qu'il y a fait d'extraordinaire y comme n'étant
qu'une suite d originalités. Son laimbition con8«>
tante eut pour objet que jiaimais la princesse
ne se repentît de l'avoir épousé. M. de Goi-
bert dit qu'il a dépensé aux travaux de Ros-
wald trois millions de florins; mais il auroit
dû observer que cette somme est pro venue
. sur-tout du douaire de la princesse. Lorsque
le même auteur s'étonne de ce que ce même
homme extraordinaire ^ pu soutenir son état
de dépenses avec vingt mille florins de rente,
il ignore que, plus d'une fois, il a su trouver
de très-amples supplémens à ces yi^gt mille
286 Jeunesse
florins , qui même dans les ooâ^mtoceiâeiii
•
tie formoient pas tons ses reirèiiii^ (t).
Ce fut par œs motifs et avëâ ôés ihoyens ,
qu il se livra sans réservid A Mu g^ie , et
qu*il créa à Roswald toât ô6 qM M; dîi»
Guibert y a tant admiré. L^s farditiS étoient
très-vastes. : on conçoit que, {>lacés àu ceUtm
des montagnes , ils ne pcM*totent tiianqaer
d*eanx , et qu'il étoit &cile d en varier les sites
et les points de vue. Il ^ eut [aMins chinois ,
américains «t autres^ arosdi^^ ctiafnps-ély*
aées y tombeaux antiques des Germains ,
BonterrainSf pagodes indîeânes, Iternrftagei
de la Thébaidd ^ grottes d^è Druides , càntttl
et chemitts couverts ^ son propife tortibeàn ^
«elui de la princesse i entouré de ceux dé
ses ancêtres ; ailletil^ , une ■^itte de LilK^
pntiens ^ dont iea maisons né è-èleiVDient pas
k plus de trois pieds » et oà fottt étôit dans
Içs proportions les plus èjtaetes ; de toutes
parts des cascades , des fôMaines , ou des
)ets-d eau ; en un mot « toutes les iniitationa
qui lui parnreat curieuses ou agréables ; et
le toot animé) g^^mi) et en ttiottvement oti
exercice : les eaux souterraines et les madiines
(i) royeti le feùillctan du PubUcUtê, lundi i*' Fri-
mairs^anXI.
deJFtédéric. éBf
Cftchëes donnomit en quelque sorte là vie
k toutes les figures. Les jardins de Roswalâ
ne ressembloient donc en rien à ees fameux'
et orgueilleux jardins si vantés en Europe,
6Ù Von ne trouve que le silence et la soli<>
tude y à moins que les hommes li'aiiient en
foule y porter une ame et de la société.
Le château ne renfennoit pas moins de
merveilles que les jarcUns : les souterrains
y présentoient , dans une partie , les mys*
tères de la Passion^ taillés dans le roc ; dans
d'autres parties , des raines artificielles , et tout
ce qu'il &lloit pour y établir des illuminations
et y donner des danses et des concerts , in^
ifiépendamment de tout ce qu'il faut pour re^
porter au rez - de - chaussée et aux étages ,
ce qu^il vouloit y retrouver de choses utiles ,
commodes , surprenantes ou agréables. Outre
les vastes appartemens qu'il y occupoit ^ et
ceux qui étoient destinés aux étrangers , il
y avoit un bâtiment particulier , avec jardin,
le tout entouré d'une haute muraille , et
uniquement consacré à son sérail^ c'estinlire ,
& êes actrices , chanteuses et danseuses* Ce
bâtiment n'avoit de communication au de*
hors , que par une porte qui donnoit dans
son appartement , et dont lui seul avoit la
a88 ' Jeunesse,
clef :,pea d'étrangers ^ y étpîe&t iûtrodoita^
les autres pouvoient à peine en< soupçonaejri
l'existence.. ; - .
Toutes les personnes qui tenoient à la
maison c^u comte Hoditz ,. au moins depuiâk
la mort de^ la princesse^ les . domestiques »
les acteurs, actrices 9 ohanteurat cantatrices 9
danseurs , danseuses et autres , étoient prises
parmi ses paysans ; c'est-à-dire ^ selon les lois
du pays , parmi des gens attachés à la glèbe »
véritables serfs tels qu^on les retrouve dans
le nord de l'Allemagne , en Pologne et en
Russie^ où on les appelle moug-iA:^. Lui-
même formoit toutes ces personnes aux ^m^
ploîs. auxquels il les destinoit : il étoit leu;i'
maître dp langue , de cb(uit^ de déclamation^
et de danse : il est aisé de. concevoir qu'il
ne les élevoit pas à une haute perfection ;
mais aussi ne leur d9unoit-;il que le vestiaire
et la nourriture , et à peip^ quelques gage$
excessivement modiques c sa première chan-*
teuse , dit M. de Guibert , .n'a voit que deux
florins par mois ^ et quatre* vingt et tant
de personnes ne lui coûtoient à ce tire que
trois mille florins ; et c'est avec ces secours
si foibles et si imparfaits que , sdon le temps
et la saison, il faisoit servir ses dîners ou
soupers ,
Ûè Pfé^ériô. 1^9
llb\i{>er$ , tantèt chez des Chinois ^ ou chez
d'autres peuples aj^ciens ou modeï'Ues ; où
tnême fabuleux ; tantôt ail milieu des sau-
vages 3 et dans des déserts ou des grottes
profondes ; et que le reste de la journée étoit
rempli par des spectacles et des fêtes toujours
inattendues*
Je n ai pas tiesoin de dire combien ses
magasins étoiept amplement fournis de tout
ce qui lui devenoit nécessaire en costumés ,
décorations , instrumens et ornemens de tout6
espèces On comptoit chez lui d^ailleurs , dit
encore M. de ûuibert > plus de six mille jets*-
deau y dont quelques-uns s'élevoient à une.
hauteur bien supérieure à ceux que l'on a le
plus vantés t il y en avoit même un au mi*
lieu de sa table , outre un canal d eau cou""
rante et limpide qui la traVersoit dans sa
longueur. Le grand canal de ses jardins étoit
couvert de petits bateaux très 'joliment ar-
rangés , et qui voguoient chargés de toute$
sortes de ccl!(ichets% Entre ces bateaux , ou
voyoit des jeux de Naïades et de dieux ma-
rins en action. Que dirai-jje de plus ? Il avoit
mis à contribution les arts et les sciences ^
les temps antiques et les temps modernes »
les peuples dviUsés et les peuples suuyages^ -
I. 2*
,%gc> . • Jeunesse
^'histoire et la fable. M. de Guibert n^est pas
juste , lorsquil nous représente le comte
Hoditz comme un composé de raison et de
folie , d'imagioation et de mauvais goûts , de
.philosophie et de préjugés; et qu'il nous an-
nonce ce qu'il a vu chez lui , comme un
mélange bizarre de choses ingénieuses et ridi-
cules : ce que lui-:même en raconte , détruit le
l^Iàme qu il joint à ses louanges. Sans doute,
cet homme extraordinaire étoit épicurien
jusqu'à un certain point ; mais il étoit cosmo*
polite et supérieur aux évènemens , et non
livré à l'insouciance dont on l'aGcuse.
Tel est donc l'homme à qui Frédéric ,
revenant du blocus d'Olmufz^ vint demander
rliospitalité , sous le nom vague d'officier
prussien , et n'ayant que l'uniforme , sans
cordon ni aucune autre décoration. M. lofii-
cier prussien fut reçu avec beaucoup de po-
litesse : bientôt ils furent également contens
l'un de l'^autre : l'aisance et la franchise s'éta-
blirent entr'eux : M. l'officier, en parlant
de tout ce qu'il avoit souvent ouï conter
des merveilles et des choses intéressantes
de Roswald , parut s'arrêter avec plus de
complaisance sur ce qui regardoit feu la
pnncesâ6| épouse du comtes le comté crut
ÛePréâéîjà^ «9t
èii conséquence devoir lui ofTrir de lui en faire
Voir le mausolée , offre qui fut acceptée avec
plaisir. Cette promenade fut dirigée; , tant
en/allant quen revenant , de manière que Ton
vit presque tous les jardins :; mais dans le
retour , M. Tofficier , en passant sur un pont ^
aperçut sous Teau , ep lettres de feu « ces
mots : Vwè Prédéric le Grand 1 Dès cet
instant , il devint rêveur , embarrassé . et
soucieux. En eÔet', il dcyoit penser qu'il étoit
reconnu : et comme il se trouVoit sur terre
d'Autriche et chez un Autrichien , et qu'il
étoit ou entouré ou suivi, de troupes enne-
mies , il pouvoit se reprocher d'avoir commis
tine imprudence , malgré la bonne opinion
qu'il avoit de la loyauté de son hôte : eh ?
qui lui auroit pardonné ce.tte faute , si lo
comte, par quelque considération que ce fut ^
s'étoit déterminé à le livrer? Mais, s'il cou-*'
roit des risques ^ coraipent y échapper ? Et
quel parti prendre dân^ la position où il
étoit, et à rentrée de la nuit ?
Le comte qui lavoitçHipctivement reconnu^,
ou deviné , puisqu^il ne l'avoît jamais vu ; la
comte qui éloit attentif à tout , s'aperçut bîea
vite du nuage qui s'étoit formé dans lame
et élevé sur la physionomie. 4u roi, il ne lui
ftit âif6c3e ïn d'en éeviner la canse et l'objet ^
ni de se décider sur le moyen de le dissipen
Il se hàtft de ramener son hôte au châtean ;
fet dès qu*on y fût rentré , il lui dît ; « M. Tof-
» ficier , vous- me paroisses avoir quelques
» inquiétudes : j'en respecte la source et le
> secret : cependant 3 est naturel de craindre
» que je n y sois pour quelque chose ; et en
To ce cas , vos inquiétudes seroient pour moi
D le sujet dun véritable chagrin , et en même
3» temps nne offense que je ne mériterai ja-
» mais. Ayez la bonté de m'entendre..... Je
» suis né et j*ai vécu sujet de la maison d'Au-
» triche : mais il y a de longues années qU3
» JQ n'en suis plus le serviteur. Je n'enfreins
y> aucune des lois de mon pays , en ce qui
» me concerne ; mais je ne me mêle et ne
» m'occupe d'aucune affaire politique. Je
» suis à cet égard aussi cosmopolite qu'un
» homme d'honneur peut l'être : et tous les
3» botinâtes gens sont mes compatriotes. M.
» l'officier , vous 'êtes Prussien ; vous dé-
» fendez votre patrie : eh bien , je vous en
» honore davantage ! Il y a gnerr&enire votre
» pays et celui auquel la fortune m'a attaché :
»> qu'en concluerons - nous ? Vous remplirez
•> les' devoirs de Totre état ; et moi i
êe Frédéric. «53^
» nîen j je suiTrai mon {^i^ : du rësfe^ nous
» fiarons tons les d^ux des. vcaaK ponr la pai^.
» Je iie me fatigae point Tesprif à rechercher
» qui a tort du rofc de Pirosse ou cte Timpé-
i^ ratrice-reiae : je sais que (es éours oui s6u«^
» vent des motifs , des seerefs. qu'elfes ne nrâA
» dfôent pas , et que nous ne pouvons pé-
» nétrer: sur quoi dono me fonderois-je »
» pour décider que Tune a tort et que Tau^
]» tre a raison ? Et comment pouripois- je prenv
» dre une part active à- teurs guerres , sans^
* risquer de me ranger du côté de llnjus-
» tice? Mv Tofficier, je borne ma science à
» deux points seulement en cette circohs-^
» tance : je sais que Frédéric est un des plua
2> grands hommes dont Fhumanîté ait eu à
» se glorifier jrusqu*ici : je^ sais que Marie->-c
» Thérèse , dont j'ai eu llionneur de servir
» le père , est aussi une femme rare et nn&;
lA grande impératrice v je m'arrête ta , et je
n recevrai de mon mieux les fidèles serviteurs:^
» de l'un et de l'autre y s'ils daignent s'arrêter-
j chez moi. En y venant prendre quelques.
» heures de repos, monsieur Fôfficier , vous.
n m'avez rendu justice , parce qu^ vous m'a-
j) vez témoigné par-là^ une confiance infiui^
1»^ meal honorable et Satteuse , ma^ que jo^
», xpérite* et-qve je mériterai tQûjomris* Si ; en
33 ce.xE|oment^. cette confitoce vous, aban-i^
)x 4oQii^; si. ycmç croyez ne pas être ici en
n sûret/é ; si vpus ne craignez p$6 de me faire
3)., une peine très -r douloureuse et une injure
^ grave» mon^içur, ordonnez, disposez de
» tout, pa;rtez; je vous procurerai les guides
» et les secoux's dont vous, aurez besoin : mais
ai si vous youlez! continuer d'être juste ^nvera
D> mojL, comptez que vous éte$ chez vous, ou
9> &i vous voule:^ , cbez U9 homme d'honneur;
7> et reprenez une sérénité d'autant mieux
^ fondée , que je vous déclare que toutce qui
» existe ici répond de vous, et périrqit plu^
3> tOt que de soqfirir qu'il vous iut fai^ aucune
3^ violence ou aucufU mal,..,. »
Le ton de noblesse « de franchise , de loyaux
té et d'énergie ^vec lequel le comte dit tout
cela, à-son hôte , cal^ia eAtièrement Qe dernier,
qui ç3^çusa Tçiir soucieux qu'il avoit eu , en
prétextant la chaîne de ses devoii's \ il reprit
peu à peu toute sa gaîté; et le reste de la
soirée fut iius^i agçéahle pour Tun que pour
l'autre,
Lorsque le traité de Hubersbourg eut ren-
du la paix à l'Empire ^ pu mieux à l'Europe »
îfrédéfic voplut prpfitçr 4^ l'pçoajsion de se^
revues eiirSilés|6, pour revoir le comte Hddit jc
il partit des environs de Neîsse , et aiiriva dé* .
fort bonne heure à Roswald^ aecompagné
d'une partie de sa suite , et en particulier du >
prince Frédéric, de Brunswick» qui est ae«
tuellement duc d'Oëls. Ce fut à. cet te occa*-
sion que lecomt^^ quoique pris en quelquo-
sorte à Fimproviste » donna ^ dans* moins de-
dou^e heures ^ cette fête que cite M*, de Gqir .
bert ^, comme ayant eu liea sept ou huit ans. .
avant son voyage » fête do^it ce dernier aln^ ,
dique pas Ta* propos » mais dont il assure que >
les détailô seroient incroyables , si rem n en.,
voyoit pas encore sur les lieux / les moyens>.
et les débris :. cette fête y en efi'et ^ embrassa^
tous Les jardins, et le château i ce fht k, chaque^:
pas. des féeries et des escbantemens , nou-:
veaux speGtacIe& , et surprises npuvelles^
Hien ne manqua à cette fête t la musiqucc
exécuta y pendant le souper ,. un air charrt
niant ». que le comte fit dans le jour ». et que la
musique djes régimens prussiens a long-tempa
exécuté dans ses marches » comme le mor<^
cea^le plus brillantpt le plus agréable que l'on
connût ^alers ; ,air composé sur ces paroles si
simples: t^wez.^ vwez y prince admiiable ^
toujours , content et sans souci j etc.^
i^6 ^ Jeunesêe
' J'ai ait qué lê comte Hodif « ayoit , ptaa
d'une fois , trouvé deâ âi^pplémeds à $a for*
iane , devenue trop modique pour sôs hesoina
et ses goûts. Ce mot porte sur un fait qu'il
iàot indiquer ici. Par d anciens actes très^
valables , la terre de Roswald devoit appar-
tenir à Tévéque et au dbapitre d*01mut|i , en
cas que la maison des comtes Hodii^v vînt à
s'éteindre. Or^ le comte , dont nous parlons,
ëtoit seul , et n'avoit point dWfàns. Lors
donc qu'il étoit trop pressé de tiesoins , il
écrivoit au chapitre et à Tévêque : « Il me
» faut vingt où trente mille florins dans tant
» de mois 3 si vous ne me les envoyez pas au
Ts> terme fixé 5 je vous déclare que je me raa-
» rîeraî , que j'épouserai une personne jeune,
V belle , aimable ^ et bien constituée ; et qne
» je prendrai si bien rae^i mesures , qu'il y
» aura bien du malfaauï' , si je qViî paâ un
:b hériti'ér dans raonée. j
Ce petit billet produisit à plusieurs reprises.
Fefiet que le comte en attendoit : mais enfin
Févêque et les cbanoines dH31muta{ trouvèrent
que le comte revcnoit trop souvent à la
charge : vers la fin de 1776 , ils Se fâôhàrènt ,
et s'adressèrent aux puissances pour conser-
ver leurs droits à la terre ^ çt ne plus riei^
/
de Frédéric^ ^97
donner. La colère fut grande de part et d'au-
tre ; et le mariage se seroit certainement fait »
ai Frédéric n étoit pas intervenu comme mé-
diateur. Ce fut dans ce même hiver, où Fré*
dério eut une si longue et si douloureuse at-
taque de goutte , qui ne lempêcha pas de
gouverner ses États à l'ordinaire , et de lire
toute llxistoire du Bas-Empire ; ce fut , dis%
je , dans ce même temps , qu'il entreprit cette
jnégociation , et qû*il la termina heureusement*
Il fut conqlu que l'évêque et le chapitre au-
roient Roswald à régir sous le nom du comte,
tant qu'il vivroit , et qu'ils lui donneroient
iannuellement une sommé convenue ; et que
le domte viendroit , comme ami, vivre et
finir ses jours auprès de Frédéric, Comme ce
pauvre comte , âgé alors de 75 ans à peu près^
çoufiroit horriblement de la gravelle , et ne
pouvoit pas supporter en voiture, les cahot-
temens d'une route même asscx courte, le roi
lui fit construire sur l'Oder , une sorte de pe-
tite frégate , où le comte avoit sa chambre »
'celle de son sérail, sa cuisine, et une salle
commune ; bâtiment sur lequel ce vieillard ,
suivant les fleuves , et passant de l'un à' l'au^
4re au moyen des canaux établis dans le paySf
vint de la haute Silésie à Fotzdam , sans &-
2Iq8 iTeunesse
tigue etsaos risque. Cest encare d&Iamêm«
tnaoière que, de temps en temps, il venoU
nous voir de Foizdam à Berlin*
La première visite qu^il nous fît , fut au
moins de dix à douze joura. La prince Fré-
déric de Brunswick obtint de lui , non sana
*
peine , qu*ii lui donneroit une de ses soirées ;^
le comte n étoit si difScUe ^ que parce que lè
^palais du prince étant fort éloigné du chà-
teau , ce long trajet sur le pavé ^ même ea
n^allant que le pas , étoit cruel pour ce vieil-
lard soufirant. Il promit cependant , par atta-
chement pour le prince ; et cette promesso
fut faite un soir pour le lendemain. Le prince
forma à l'instant son plan de réception , et
envoya tout de suite les rôles à ceux qui dé-
voient y être employés. Madame du Troussel
vint à dix heures du soir , en sortant de che^
la reine, me prier , de la part du prince > de
me rendre chez lui le lendemain soir de bonne
heure , dans le costume d'un maître d'école do^
village 5 avec un compliment pour le comte
Hoditz : elle me développa tout le projet da
prince, et me dit qu'elle viendroitme prendre
avant six heures pour nous y rendre..
Je composai mon compliment le lendemain
' matin , et me tins prêt à partir^ en habit noir
deFridério. ^9*.
éf grande cravâtte. Lorsque^ thBt le prince,
nous fônres avertis que la voitare du comte'
lipprodioit , nous noQs rendîmes ious dans -
là cour 9 qui étbit entre le palais et le jardin «
et où il a voit été ordonné de le faire entrer.
Là , on voyait sur le perron , au dessus de la'
porte , une enseigne d'auberge , aveooes mots:
^ V amitié I Les personnes qui se présentèrent'
à la portière de la voiture , pour recevoir le
ûomte , furent principalement le prince , ha-
billé comme aubergisi^e , et la princesse en hô-^
tesse ; ensuite le comte de Lottun , générât
€K)mmandant de Berlin, en berger ; M. Dadre- '
kast y ancien officier du régiment des gardes ,
homme très -grand , représentant un chef et
guide d'ouvriers pour les travaux champé- :
très 5 etc. Le comte Hoditz àlioit de surprise
en surprise , à mesure qu'il fixoit les person- '
nés , et se confondoit en témoignages de re-
connoissance , en voyant dans ,cq3 divers'
accoutremens , le prince et la princesse ^ ainsi
que le comte de Lottun ^ qu il connoissoit :
tuais H. Padrekast et moi , nous lui causions
VLja embarras d'autant plus grand ^ qu'il nous ^
voyoit pour la première fois , qu^il ne dévi-
noit pas nos rôles , et que M. Dadrekast,
drpitf roide et sérieux \ ne manquoit pas , à
30O Jeunesse >
ohacan de' $es regards tour nés; tcts lai « de
lui faire une révérence bieii gauche , tiandis
que moi y je ne ceasois de lui répéter l'apos-
trophe monseigneur. A la fin il comprît qa'it
falloit bien finir par m entendre. Quand feus
débité mon compliment ^ et qu'il m*eut re**^
mercié , on le prit par les deux bras pour le
conduire dans le palais : en y entrant , il trouva
le grand éôuyer comte de Scbaii'kotsch , moins,
âgé que lui de plusieurs années^ mais non
moins vieilli par les jouissances de la vie ; il
1$ trouva 9 dis-je , transibrmé en abbé , et lui
donnant la bénédiction : c Ah , mon ami!^
3) s'écria le comte Hoditz ^ quel métier faites-
» vous là ? Quand le diable fut vieux , il se fit
» hermite ; oui , hermite , moQ ami ^ mais nou
» pas prêtre ! Ah l ne soyona pas pis que 1»
f diable ! n
Arrivés à deux ou trois pièces du rez-de-^
chaussée ^ nous nous arrêtâmes dans la pre-»
mière^ où Ton ne trouva que des bancs de bois,
de sapin , et une grande table de même caUbre»
sur laquelle étoieht une assiette de tabaa
haché , des pipes de terre , un pot de bi^re ^
une bouteille d eau-devie et des verres. M,
Dadrekast présenta successivement , et aveo
sa gravité toujours la même ^ toutes oe$ sortea
làe régab au comte , qui refusa tout. Alors oti
passa dans ia seconde pièce , où étoient qu cl-
iques musiciens , et où madame Thdtesse fe
/pria à danser^ . i » « Ah , madame ! s'écria-t-il^
% que me pJDoposez-vous ? mais on ne résiste
a> point à Vos ordres : daignez seulement vous
•m soùveoir de mes douleurs , et veuillez par
9> pitié les abréger ! » Elle ne fit avec lui que
"deux tours de menuet. Tout le monde fut sin-
gulièrement frappé des gràceis , de Faisance et
de la dignité avec lesquelles cet homme Su-
perbe^ et d'une figure si noble , fit ces deux
tours ; et Ton convint que Ton n'avoit jamab
vu exécuteur cette danse avec jplus de noblesse.
Quand madame Phôtesse eut ainsi fait quelques
pas de danse avec tous les hommes priés à cette
fête , il vint un grand homme , habillé à peu
près comme les pénitens blancs , et représen-
tant une ombre des Champs-Elysées , qui ^
annoncé par une musique imposante^ s arrêta
devant le comte et déroula une grande feuille
de parchemin , portant ces mots : Suis-moi i
c^est Vordre des dieux. On suivit l'ombre ,
qui nous conduisit au premier étage , la mu-
sique qui rannonçoit , continuant toujours :
la première pièce où nous entrâmes fbrmoit
uoe vaste grotte, au fond de laquelle étoit le
3oa .•' .Jeunesse
tombearu.d'An^créon. Le secrétaire da:]>rîadt
qui étoit bon musicien, [efcavoit une fort belle
voix ^ faispit le rôle de ce héros des- plaisirs ;
il chanta un air italien « dans lequ^el Anacréoç
se plaignoit douloureusement tie oe qu'il j
avoit enfîa au pi.onde un vieillard qui ^ plus
. aimable que lui v ne pouvoit manquer d'écUp-
.ser toute sa gloire ; et êH rejetant ensuite
. toute idée de vengeance , comme indigne de
lui , terminoitsa compUiûte par se résoudre
.à ouvrir les Çh^mp^ ^ Elysées a son rîVal. A
cette conclusion , 1$ rocher s^ouvrit , et nous
entrâmes dans les Champs-Elysées , c'est-à-
dire dans une très -grande salle ou galerie ,
;décorée dans tout son pourtour d une verdure
épaisse , derrière laquelle des lampions de
diverses couleurs. , étoient cachés ^ de ma«*
nière cependant à répabdre de toute part^
une lumière vive , dont ou ne voyoit pas la
source. Cest là que le souper étoit servi par
des ombres semblables au guide qui nous y
avoit conduits. Au moment où Pou se mil à
table , la musique débuta par lair que le
comte avoit composépour Frédéric àRoe wàld^
air que le prince s'étoit procuré^ dans le temps^
à Tinsu de Fauteur , et dont ici on parodia les
paroles, en substituant le mot comte au mot
I
àe Frédéric • 30^
pHnûe. Ce fat pour le comte Hodîtznne sur-
j)rîse agréable , et une sorte de galanterie ,
^ont il fut plus touché qu'on ne peut dire j
il eu eut les larmes aux yeux , et il en résulfa
qu'il en conçut. pour nous tous une amitié
toute particulière : non -seulement il fat ex-
trêmement gai , mais il porta la confiance
fosqu'à vouloir , après souper , nous conter
l'histoire de sa vie dans les plus petits détails^
histoire qui nous retint une grande partie d&
ta nuit. Je l'ai revu très -souvent depuis ce
jour , tant chez le grand écuyer Schaff kotsch,
que chez M/ de Launay , et ailleurs , d'autant
plus qu'il m'avoit pris en amitié,
. Cet homme , vraiment .extraordinaire^ a
ainsi terminé sa carrière à Fotzdam ^ 011 il
remplaçoit miloxd Marshal auprès de Frédé-
ric : il est mort peii d'années après y êtrer
arrivé , ayant près de quatre - vingts ans.
<c Comment se peut -il, mon cher comte, »
lui dit un jour Frédéric , dans les premiers
temps de leur réunion , ce que vous n'employiez
» à présent qu'une garde-robe si simple , et
» pour ainsi dire bourgeoise , vous qui , du-
» rant toute votre vie , et même parmi les
» Moraves , avez toujours eu le, caractère ,
» les habitudes , et toutes les marques d'un
304 J'eunéssâ
3^ grand àeigneur ? -^ Sire , répondît te cbmt^^
» les étoiles et les planètes brillent d'un éclat
» assez vif dans l 'obscurité de la nuit : mais
« toutes disparoissent à Tapproche du soleilè
» On peut se permettre quelque iieprésentan
D tion chez soi , au fond d une province : à la
» cour d'un grand roi , tout le monde devient
» petit et nul : il n'y a rien, de grand ici quQ
» Frédéric : je n'y saurois être trop modeste
» trop simple. »
Ce trai* montre combien Frédéric desiroit
que chacun fît une dépense convenable à son
état , et combien il mettoit de ménagement à
manifester ce désir ^ lorsqu'il s'agissoit de per-«
fl^onners pour qui il vouloit avoir des égards.
Il étoit bien vif et bien ferme , mais il avoi't
appris à être modéré et indulgent , quand il le
croyoit juste et nécessaire.
FRÉDÉRIC
t^lc intéfieure'ct liomt^sf^de Frédéric. ^o5
y
FRÉDÉRIC
DAKS SA VI£ INTÉRIEURE ET DOMESTIQUE.
Lorsque Frédéric ' devint roi, , il avoit
vingt - hait ans et quatre -mois : car il étoit né
le 24 janvier 17 11 ;.et Guillaame mourut le
31 mai 1740. Ce nouveau monarque, chargea
le baron de Poëlnitz du soin de^diriger les
funérailles de son père^ lui recommandant
•bien de suivre avec fidélité les dispositions
oonteniies dans le testament du &u roi, et
jusqu'à la quantité et qualité du vin quil éfoit
ordonné de faire servir à ceux qui aoroi^nt
accompagné le convoi ; pqurlui , pressé de se
livrer aux afl'aires , il ne voulut s'occuper que
de ses nouvelles fonctioi:^ ; mais il sentit vive-
ment la nécessité- de régler. son :travail.. Il
s'étoit heureusement convaii|çu> que chaque
)our ramenant ' ses travaoix , il fâlloit .qu'il
'S'arrangent de manière à, ne jamais remettre
les affaires dun jourâpji autj:ejour ; comn^e
« d'un autre côté j il K4.lP^l assuré que pour
I. t
^3p6 f^» intérieure et domestUfue
faire beaucoup et bien , nous n'avons pas de
plus sûr moyeu que Fordre toujours soutenu »
et fondé si^r la masse et la nature de nos oc-
cupa tions/tl prît donc et d'après ses calculs t
la résolution de se lever habituellement k
quatre heures du matin , et de distribuer les
heures de la journée ^ ainsi qu'on va le voir.
Il donna , en conséquence à ses domestiques «
ordre de» l-évêiHer à Theure qu^il avoit fixée.;
mats il étoit naturellement dormeur, et ce
n'avoit pas été sans peine qu'il avoit déjà pris
à Rheiusberg^ l'habitude de se lever entre
cikiq et six heures : aussi fut-ce en vain qub
dans les premiers jours , on venoit lui dire
qu'il étoit quatre heures ; il nô manquoît pas
de se rendôrmil* pour au moins une bonne
heure encore. On conçoit qu'ensuite il se
'mettoît en colère , quil groïkioit et menaçoit
ses domestiques t mai^ de quoi ceux ci pou-
voient* ils être coupables? N^étoit-ce pas ce
mémer(» qui^ à Quatre heures , les renvoyôît^
ou leur demandoit grâce ? Enfin il comprit
qu'il ne devoit s en prendre qu'à lui-même ,
et qu'il falloit qu il employât un moyen vident
pouf se vaincre , et il enjoignit ^ sous peme
d^êti'e soldat pour la vie , de lui jeter sur lo
visage, à quatre heures damatin^une serviette
de Frédéric. aoy
trempée dans de l'eàa froide. Ce fut ainsi qu'il
contracta l'habitud-e de se lever de si bonie
heure , habitude qu'U a coiiservée jusqu'après
1 âge desoixante ans. A cette dernière époque,
après avoir perdu plusieurs dents . il cessa de
ïouer de laflûte , et dès-lors il n'eut plus que
rarement ses petits concerts de six à sept
heures dû soir ; ce qui luifit gagner une heure
par jour, et lui procura le moyen de retarder
soulever d'une heure.
Je n'ai pas besoin rd'atértir quH y àvoît
pourtant quelques eiceptions inévitables à
« distribution de èon temps . telle qtie je
l'indiqae : mais 'û n'y en âvôît pomt qui ne
Wnt occasionnées par des (circonstances
extraordinaires. Les fétes données pout auel-
qaes grands évènemens , lés voyages qu'il
avoit à faire . et les revues ànnuellfs de L.
troupes, amenoient nécessaîremeirt un aoti^
ordre. C'est ainsi qu'un soir où il m'avoit Mt
appeler avant ,\x heures, il porta tout à èoup
se._^regards sur une pendule , et me dit
» Monsieur, ,1 est sept heures moios uh quart
» J ai encore une leHre à écrire , et à sent
» Jeures il faut que je dorme , parce qu'à une
«heure du matin il faut que je me iL. et
>^ que ,e sois dans la plaijie de Templofi" vers
V z
3i>8 Vie intérieure et domestique
» les troÎ3 heures; je vous reVârrai . encore
ïi. demam , si j'en ai le temps. Four aujour-
» d'hui , je vous souhaite le bon soir. » Le jour
où il me parloit ainai^ étpit la veille du pre»
mier jour de ses revues à Berlin.
. Je ne parle ni de sa toilette , nt de sa garde-
robe* Il shabilloit au moment de son lever,
c'est- i-dire ,^ qu'il mettoit ses bottes ; que ses
boucles , son toupet et sa quetie ne lui pre-
noient pas ploa de deux ou troi^ minute^ ,<et
qu'il lui en falloit encc^e onoins pour. achever
de s'habiller. Il n!avoit point de pautouffi^es ;
ni dp robes- de- chambre ; je ne l'ai vu que trois
ou quatre fpis en habit de couleur, assez vieux
et fort simples, et. autant de fois peut-être.en
longs casaquins d'indienne qui lui d<!6cen-
doient jusques sqr les genoux. Mais • pQur
mettre ces casaquins , il falloit qu'il fût bien
malade : et encore en ces occasions i avoit-il
toujours le.chapeau et les bottes.
Au moment où il se le voit , le page lui
apportoit la corbeille des lettres venues à son.
adresse, telle que les . secrétaires, du cabinet
Tavoient eijvoyée. Il étoit seul à les. lire jus-
ques vers les huit heures, ayant grand soin
de bien examiner d'abord si les cachets étoient
entiers et intacts , car il cr^iguoit , non sans
de Frédéric, 309.
raison , que les siecrétaîres du cabinet n'ou-*
vrissent celles qui lear seroient suspectes
ponr en savoir d'avance Ie\ contenu , et les
supprimer lorsqu'elles pouvoîent les compro*
mettre. Il étoit résulté, de là , qu'il, étoît
rhonàme du monde qui connoissoit le mieux
les cachets des fonilles et même des particu-
liers^ Aussi ajrri voit- il souvent qu'il n'ouvroit
pas même les lettre^ de ceux à qui il ne vou-
loit pa$ répondre, et qu'à la seule. inspectioR
du cachet ^ il les j^toit au feu en hiver, et sous
]a table , en les déchirant , quand on étoit en
été.
Pour les lettres qu'il ouvroit , il en faisoit
trois paquets distincts et séparés ; le premier,
Ibnné de celles dont il vouloit accueillir les
demandes y lettres, auxquelles il faisoit un pli
en retournant la feuille en dedans ; le second
paquet 9 comprenant celles auxquelles il ne
vouloit répondre qije par un refus , et dont
il plioit le feuillet en dehors ; et le troisième ,
réunissant toutes celles sur lesquelles il vou-
loit consulter avant de répondre , ou qu'il
vouloit renvoyer' à quelque ministre ou dé-
partement : celles-ci avoient un double pli ,
mpitîé en dedans , moitié en dehors.
Vers huit heures , lorsque tout étoit ainsi :
3.IO Vie intérieure et domestique
exaiDiné , la et distribué » l'an des secrétaires
da cabiaet entrbit , un seul , souvent le plus
ancien , celui du moins qui plaisoit le plus y
et que pour cela on regardoit comme lo pre^-
mier^ Ce secrétaire^ que les trois autres atten-
doient dans le salon , reprenoit les trois pa-
quets Tun après l'autre; et tandis que le roidé-
jeûnoit , ce secrétaire réduisoit à haute voix ^
chaque lettre à une seule phrase fort courte ,
en disant : Tel demande telle chose ; et I^
roi indiquoit 9a réponse avec le même laco^
nisme, sauf les observations particulières •
lorsqu'il y avoit lieu. Quand > par exempb »
c'étoit une femme qui avoit écrit , il ne man-
,quoit pas de dire , sur-tout quand la réponse
étoit un refus : <r C est une femme , il faut
X) lui écrire poliment. » Le secrétaire dési-
gnoit les ordres donnés au haut de la lettre j
par un seul trait de crayon , tous les quatre
ayant entr'eux pour cet objet , une sorte de
ehifire que chacun éloit tenu d apprendre dè|s
le premier jour de son service. Il y a deux
circonstances qu'il ne faut pas oublier ici ;
Tune , qu*en écrivant au roi , il falloit choisir
ton papier et rédiger La lettre , de manière
à ne jamais tourner le feuillet ; sans quoi , on
lui donnoit une peine de plus et beaucoup
de Frédértc. 51 1
'. Il s*embarrassoit fort peu <|e Tu-
sage qai prescrit les intervalles à garder se*
Ion les rangs* L'autre circonstance • cest qut
tout maître de poste qui faisoit partir de&
lettres pour le roi » y joignait une feuille où
ces lettres étoient désignées et comptées, et où
se trou voit ladressé de ceux qui les a voient
écrites : car il ne falloit pas que les individus
jetassent ces lettres dans la boite commune ;
on étoit obligé de les remettre dans Tintée
rieur du bureau , et d*y donner l'adresse de
ceux qui les avoîent écrites. Toutes ces prér
cautions avoient deux objets : l'épargae da
temps et le désir de n'être pas trompé* Pour
le premier de ces deux points , Frédéric a voit
aussi bien atteint son but qu'il étoit possible:
et comment imaginer un ordre plus paH'att
que celui qu'il avoit établi ? Mais pour le se-
cond point 9 il ne put parvenir qu*à être moins
trompé que les autres. Dans les occasions
importantes ou intéressantes , les secrétaires
'se permettoient encore quelquefois de sup-^
primer des lettres , soit en altérant les feuilles
des maîtres de poste ^ soit en supposant q^ll
n'y en avoit point eu. Je vais prouver ee&it
par une anecdote particulière.
Le roi avoit créé douze places de chirv^-i*
313 ^ f^ie inié fleurent domestique
gieos ffabç«fcis pour le service de ses amiécst*
lorsqu'il étoit en guerre : ces places étoient
un objet de jalousie pour les Allemands , on
le peûse bien ; et messieurs du cabinet avoient
grande envie de les taire passer à des chi-
rurgiens du pays. A la vacance dune de ces
places , un Français , chirurgien , jeune en-
core et voyageur 5 se trouvant à Berlin , la
demanda par deux lettres consécutives , et
n'eut «point de réponse* Cet homme me ï^t
recon^ma^dé par d'autres compatriotes j de
sorte que , pour Tobliger , je lui dictai chez
moi^ une troisième lettre au roi ; je la ca-
chetai ensuite de mou cachet ; j y mis l'adresse
de ma main ; et je la portai à la poste oomm&
si elle étoit de moi : les secrétaires du cabinet
ne me suspiectant pas , la lettre parvint, et
le Français eut la'.place dès le lendemain. Je^
fis en cela une étourderie, il faut en convenir :
inais mon protégé n'a voit £iit aucune men-
tion de ses premières lettres : ainsi personne,
ne fut compromis : d ailleurs, on ponvoît
eroire que, mon rôle en cette occasion n'é-
tôî.t qu'une suite de circonstances innocentes :
le hasard a voit pu engager cet homme à me
l>emettre cette lettre ; et sa confiance m'ên-
gager mi^i-méme k la.clprre.el a la remettra
de Frédéric. 313
à la .poste: comme , compatriote y il pouvbit
m'être connu., et indiquer son domicile chez
moi. Tout concouroit i me justifier ; et le su&*>
ces le fît encore mieux que tout le reste. .
Je reviens à la: distribution des heures de
Frédéric. Lorsque, le secrétaire ïàvorl sortdit
du cabinet de sa me(j esté avec une immense^
liasse de lettres , il la partag^oit avec set'
confrères en quatre parts à peu près^ égples ;
et chsKHin d'eux alloit faire, les réjpon&es indi*
quées au crayon : pour cela « ils nWoient
pas un instant à perdre ; car il felloit - que*
toutes ces réponses fussent . apportées à la^
signature à quatre heures du soir atu plus tard ; >
il n*étoit jamais question de diner pour ces r
messieurs : ils n^avoient pour toute Ja jour-'
née que le déjeuner et les bouillons : le sou-*
per étoit leur seul repas. En efiet , ils avoient.
régulièrement une corbeille pleine de. répon-^
ses à faire , minutes et copies , toutes de leur
main , vu qu'il ne leur étoit pas permis d em-
ployer quelque étranger que. ce fût', à ce
travail. Après que le roi aypit signé toutes
ces réponses , il restoit encore :aux secré-
taires à les expédier; en quoi leurs domes-
tiques les aîdoieDt , c est-à-dire , qu^ ceux-ci
faisoient les enveloppes^ et cachetoient les .
3t4 ^c intérieure et domestique
Ifttrefi , lés adrè8'sB3 devant toujours êfre
^oritet dé la main des secrétaires eux-mê-
mes, I^a ratsoji qui a voit fait donner cet or-
dre , . cTfst cpie lé roi ne yonloit pas qneTon
eût à qnî il éénvoit. 11 ikùt noter encore quW
itioment de la signaturis , 5a majesté lisoit
réguUiremant quelques lettrée prises au ha-
sard t au nioitis une sur vingt , ' et que s^I
étml arrivé quïl y eût trouvé quelque infidé-
lité , le secrétaire qui rauroit faite , eût été ,
perdu sans ressouroe. A cinq heures ou èpea
eprès V le tout étoit remis au chasseur ^ qui
«rrivoit toujours à Berlin avant neuf heures
du soir ^ et dès Finstant de sou arrivée ,
toutes ceHes de ces lettres qui étoient poui^ la
ville y éloient portées à leur adreissé. Ainsi
quiconque ii\aivoit pas de réponse le lende-
main du jour on il avoit écrit , étoit assuré
de n%n avoir plus à attendre , à moins qud
sa démande ne fût dé nature à être renvoyéd
à quelque ministre ou chef d'àdmitiistrafion;
' Les quatre secrétaires du éabinet étoient
àécessiairement esclaves pour toute leu^ vie»
Le roi exigeoit qu'ils vécussent dans une très**
grande solitude : on ne lès voydit nnllepàrt't
ils navoient aucunesociété,mân^ chez eux.
U ist vrai qixe le roî^avQit soin qullsiusseàt
de Frédéric. 315
bien logés ; qu'ils eussent chacun un jardia
agréable j^ et que rien ne leur manquât du
côté des douceur^ de I^ TÎe : leurs appoin*
femens xuontolent d ailleurs à quarante mille
francs par an. Mais on ne souii'roit chez eux
aucune personne qui parût devoir être sus-
pectée d'intrigue ou d'indi$crétîon» Jeu en ai
connu qu'un seul qui iut marié : c*étoit le
conseiller MuUer. Le roi 1 en lui ofi'rant eette-^
place , lui dit : « Je vous propose .de vous
» ixQmoler.au service de TÉtat. Voyez si voiis
9 en avez Iq courage. J!avois résolu de ne
3> jamais employer d'hommes mariés dans
» mon ospibinet ; et je sais que vous, ayez
^ femme et enfàns : c est donc une exception
» à une règle très-* importante, que je me
9 déterinine à faire en votre iave\ir :> je le
» fais en conséquence de l'estime particulier^
3? que j'a^ pour vous , et de la ferme espé-
p rance ou je euis , que votre femme et voa-
» enfans n approcheront jamais de votre ca^
» binet de travail ; qu'ils, ne sauront jamais
» rien , et ne se mêleront d^aucune aQ^ire;
D Vous n'oublierez pas en un mot que pour
l.mofl service ^ il taut n'avoir ni, famiUe , ni
n parens « ni amis. » M. Miiller acceptai
parce qu'il n'osa refuser : sa nomination.lal
3i6 Pl.e intérieure et domestique
pour toute sa famille , le sujet d*uae proFoncîe
afilictîon; tous f ondoient en larmes-; tant ces;
places paroissûient redoutables à tous ceux
qui- n'étoient pas aveuglés par Tambition ;
ou emportés par le génie de l'intrigue.
Lorsque Frédéric avoit renvoyé les secré-
taires du cabinet, vers les neuf heures du
ïnatin , il faisoit entrer son* premier aide-de*^
ca«îp , qui pour lordinaire étoit un oJBicier-
général : cétoit entr eux deux que se traî-
tdient les affaires militaires : là , Frédéric
crdonnoit tout ce qui pouvoit intéresser la
discipline ; il noromoit aux places vacantes
dans ses régimens , et pourvoyoit à tout ce
qu'exîgeoit cette branche si importante de
son ^administration. L aide - de - camp ne le
quittoit guère que chargé d'un long travail
pour jusqu'au lendemain.
Vers dix heures du malin , le roi allott
iBonvent ^xercer lui-même son régiment des
gardes , ou quelque autre corps de la garni-
son de Potzdam ; et cette occupation le rete-
noit .jusqu'à Thèure de la. parade ,* après la*
quelle il alloit diner. Mais souvent aussi il
consacroit c^s deux heures à des lectures î
ou à ses compositions littéraires , ou» à la
inUâique, on à quelques lettres particulières;
de Frédéric. 3x7
' Cest là le temps où il a presque composé
tous ses ouvrages , tant en prose qu'en vers :
alors , on le voyoit se promener dans ses
jardins , un livre sous le bras , accompagné
de trois petites levrettes , et suivi d'un page
ou d'un valet- de pied : c'est alors aussi qu'il
donnoit ses audiences , et qu'enfin il plaçoit
les occupations accidentelles et qui n^avoîent
^ pas d'heure fixe. Au reste , à mesure qu'il
a plus avancé en âge , il à toujours moins
paru à la parade , sur-tout depuis là guerr*
de sept ans.
A midi juste , il dinoit avec les convives
qu'il avoit fait inviter à' dix heures du mâtin.
Ces convivQS ont été , selon les temps \ des
gens de lettres , quelques courtisans , des
généraux , et les princes de Brunswick* qui
se trouvoient près de lui.
Ses déjeuners étoiént pour l'ordinaire du
chocolat où des fruits ; ses diners étaient fort
bien servis, car , si Frédéric étoit naturelle-
ment dormeur , il n'éf oit pas moins ft iand et
gourmand. D'ailleurs , le diner étoit pour lui
un temps de détassement ; il y étoit presque
toujours gai et causeur. Quand il n'avdit pas
de promenade en vue , il prolongeoit ce repas
jusqu'à près de trois heures ; mais » lorsqu'il
3x8 Pie intérieure et domestique
faisoii; bean et qu'il vouloit se promeiier , ôil
lorsqu'il avôit à s'occuper de quelqu étud«
ou de quelque lettre , il n'y restoit pas plus
iTune heure. Lorsqu'on étoit au dessert , îo
chef de cuisine lui présentoit des tablettes et
UD crayon, et lui-raéme il écrivoit son menu
pour le lendemain. Il aimoît parliciilièrement
les pâtés et les fromages les plus vantés , et il
avoît soin d'en fèiire venir régulièrement des
pays de l'Europe les plusélbigûés. Du resté »
il iatlott que tout fût très - épicé , et même la
soupe. Quaiit à la boisson , ce roi préféroit eu
général les vins de Fratice à tous les autres ,
au moins comme vins ordinaires ; il à été
long-* temps à ne preddre que du vin dô
Champagne mousseux , oh il mettôit la moi«
lié eàu , prétendant que c'étoit-là là boisson
la plus saine. Il avoit dou2e cuisitiiers , qui
étoient ^sez bien payés ^ les uns Allemands ,
les au tr 'Français ^ et quelques-uns Italiens,
Anglais et Russes. Tônè étoient occupés^
attendu que jamais tes plats assignés à l'un
n'étoient préparés pard'aiuires ; chacun avoit
isa tâche. Tous ces cuisiniers étoient sous la
direction de deux maîtres d'hôtel ^ ou che&
de cuisine y et cuisiniers eux-mêmes ^ Vvà\
nommé j€Q'ard\ et qui' étoit de LyOu , et
^ Fridérki. ^^
Tktitre NoSl^ qui étbit dé Péiigikeuie. Ceft
deux cheft dirigeoiént k 8ervide. de la iabld^
et lie Be montroient qaea habits galofinéâ^
Le roi lètir avoit donné pendant bien de»
années ^ à chacun nne bouteille de Vin pÀnt*
chaque repas ; inais à la fin 4 il bnppritnà eet
article, persuadé qu'ils aVoient asseà de vin
de ce que la desserte ponrroit |eur en iburnir.
Je vu le pauvre Noël fort scandalisé dô se
voir ainsi mis à l'eau sur ses vieux jours ;
car Noël , très* bravé homme d'aitleuri^^
étoit fort attentif à tout ce qui tient à Véco-
nomie. Joyard » plus modéré, sourioit^ et
ne se plaignoit pas des ordres donnés à étki
détriitient. Ces deux hommes avoieat en
effet pour se 4édommbger ^ outre dé fo^t
bons gages » des profits journaliers assez
considérables sur les iburmtùrés« D'aBord ^
Frédéric leur avoit payé dn réisdallér par
plat ; ensuite , il étoit descendu à vingt grbs-
chen « puis k seixe ou un Aopin , et ebfin* à
douze groschen « ou à un deini-TeildaUcv.
Cette manière de payer les frais de 4a taUe»
le dispensoît d'entrer dans'lee comptés de
tout ce quil faut pour raccommeda||^ } il Oe
payait en un mot que les plats* Sur quoi; il
4attt observer que les çaisiaiers avoieirt gratis^
#3^ ^i^ infirietarè et domestique
x^. autant dé bois qail fenr ^toit possible
d'en brûler, la compagnie qui en a voit after-
mé la vente » s'étant engagée à en fournir
annuellement une quantité considérable au
x<A « à la ïeine , etc. ; 2^« une abondance
très-sufiisantede beurre de la meilleure qua-
lité , qui venoit à termes fixes de la vacherie
hollandaise, que Guillaume I®^ avoit établie
sur le Hawel, et qui occupoit plus de quatre
•lieues carrées dyxcellens pâturages; 3^% un
avantage encore tout pareil pour tout ce qui
est gibier , les baitli& et les forestiers étant
tenus par leurs baux', d'en envoyer tant 'e< 'de
telle espèce ^ aux cuisines royales ^toutes les
semaiiies ^ paries chàrriotsde posté , et à leurs
•frais, conformément à fétat qui leur en avoit
^été remis. On voit que de cette sorte ^ les
.ctie& de cuisine n'avoient: à acheter que les
viandes de bouxsherie et le poisson ordinaire,
•objets qui ne' sont pas chers en ce pays -là.
Tout cexpiL est^étranger où extraordinaire >
ne se fournissait que par ordre et au compte
: particulier > du roi c is'étoieiit des articles à
f part ^ ainsique les vins , liqueurs ; thés , caiéà,
H^iocolat y sucre , coufiturçs y et ce qui entre
dans lessdesserts* Je ne parle pas des légumes
. et menues fournitnxes ; ces ' oheses rsstoîen t A
la
de Frédéric. » ^ 3IÏ
la charge des chets de coisieé ; mais les
]égumes kur étoient plus que payés , quand
iis en Jaisoientdes plats. On voit par ce*
détails , que Ibnrn a dît et répété qu une pure
fiable , lorsque l'oq a assuré que Erédérife
payoit s» dépense dev tsA)le à tant par tête ;
c est ee qui n a jamais eii lieu.
. Ajoutons encore un point important : le
Foiainioit beaucoup* les fruits à noyau , et il
avûit soin d en avoir toajourijyautant qu il Itri
étoit possible. On en voyoit icommunémeoNt
ehez lui quelques assiettes placées sur les
consoles 5 de manière qu on se promenant^ il
en prenoit de temps en temps quelques-uns;
Ces, fruits lui fàisôient autant de bien quedtt
plaisir.; .on peut même dire qu'ils étoi^it née-
cessaires à sa santé. Lorsque son goût à cet
égard fut connu , les jardiniers les plus richei
eurent bientôt des serres ^ da^8 l'espérance
de lui plaire en lui envoyant de ces fruits à
noyau . dans. . foutes leSi saisons. Il les payoit
quelquefois fort cher ; on Ta vu y dit-on ^ donnelr
jusqu'à un ducat d'une cerise ; il en a étë de
même des prunes de bonne espèce et'dd
plusieurs autres fruits ; les ananas se payoieni
encore mieux. Ce genre de luxe a été fort
utile au pablic ; il .ea est résulté dabord à^
J.
ga2 P^ie intérieure et domestique
^oïzàsm et à Berlin , et en suite dans qud-
ques campagnes , un genre de culture très-
agréable et très-sain» qui auparavant étoit
•entièrement inconnu dans ces climats , où
l'on n'avolt guère en général que' les navets ,
les choux et les patates, Frédéric avoit donné
Texemple à ses sujets ^ en faisant cultiver
«avec soin ^'immenses espaliers dans ses jar-
dins de Sans * Souci , tous disposés en ter-
jrasses depuis le haut de la monfagne jusqu^ea
j)as, et sous lexposition du midi.
Lorsque , dans Taprès-dîner ^ les secrétaires
idu cabinet étoient repartis avec leurs lettres
fi^aées, leroifaisoit entrer le secrétaire de
fiés commandemens, lequel étoit le plus sou-
•avent chargé de la correspondance avec Ta-
ciadémie , les professeurs de diverses écoles »
les savans et les artistes , tant régnicoles
4[]U'étrangers ; quand toutes ces branches ne
/donnaient lieu à aucun travail , la lecture et
les compositions httéraires prbfitoient de cet
espace 4e temps. ,
A six heures , le coticert eommençoit ; il
^uroit une heure. Frédéric y jouoit de la
flûte ; bien entendu que s'il lui arrivoit de
manquer, à la mesure , c'étoit à ceux qui Tac-
icompagnoieiit k couvrir sa faute , ou à eu
».
dô^ Frédéric. ^ 3^3
essuyer le réproche. Je lai souvent entendu^
et toujours avec plaisir. Cependant, à mesure
qu'il perdoit quelque dent , son soufile pro-
duisoit un bruit plus sensibb , qui gâtoit ua
peu les sons de la flûte.
C etoit à pied qu'il faisoit presque toujours
ses promenades de Taprès-diner , exercice
auquel il se Hvroit sur- tout aux mois de juillet
etd'a-oût^ époque où il prenoit les eaux. Pour
Fordînaire , il alloit de Tua de ses deux châ-
teaux de Sans-Souci à lautre. La distance est
asses grande , et il en soutenoit très-bien la
fatigue » quoiqu en général il ne parût pas
être fort sur ses jambes. Comme il ne pre-*
jioit cet exercice que pour raison de sa santé»
il ne cherchoit quà s*en taire un amusement»
ce qui le ramenoit naturellement à la gaîté et
au persiflage. Aussi n'aimoit-on guère à être
choisi pour fy accompagner. Il y eut une année
où , par je ne sais quelle prédilection » il y
appela presque tous les jours M. le comte de
Schwévin^ devenu de général grand écuyer^
et qui , assez petit de taille et replet , n'ayant
guère été qu'à cheval toute sa vie , et çômp^
tant près de soixante et dix ans , ne suivoit
sa majesté qu'avec peine , suoit à grosses
gouttes I et se trouvoit presque toujours un
X J
3^4 ^^ intérieure et domestique
pas ou deux en arrière. M. de Schwévîn
n'étoit pas homme à dissimuler Vhumeur que
lui donnoient ces promenades ,, et cette
liumeur étoît pour^ le roî goguenard un
amusement de plus. Un jour le monarque le
conduisit encore plus loin que de coutume ,
et voulut revenir sans s'arrêter* Il ne leur
r es toit plus qu'un quart de lieue à faire ,
lorqu'ils trouvèrent une chaise à porteurs'
derrière un buisson. Frédéric, tout en rail-
Tant son écuyer, le Iqrça d'en profiter; mais
à peine se remît on en marche, qu'ayant
mille choses à lui demander , il ne cessa de lui
faire des questions , passant continuellement
de la droite à la gauche^ et de la gauche à la
droite ; de sorte que le pauvre M. dé Schwé-
vin , pour lentendre et lui répondre » ne^fit
que ise jeter Successivement à lune et à raùtra
portière , et arriva bien ^lus fatigué, que s'il
eût fait tout le chemin à pied; Lé titre S ex-
cellence qu^on ne cessoît de lui* prodiguer,
ne put l'empêcher d'en témoigner une çorte
de colère qui nianqua de les brouiller , et
qui 5 du moins , lui valut quelques jours de
repos.
Après le concert ou la promenade, la con-
versation ne jntinqubît guère de reibplir le'
I
deFréd(iric. . gzS
jTfistç de la -soirée ^jastpi'au souper, c'est-àr
dire jusqu'à dix heures; Maia, après la gu«rjfo
de sept ans , Frédéric ne soupa jpius , et ejuj:
jen conséquence des'soiré.es de dei^x espèces ;
les unes, où il faispij: appelcf tçois , quatre
ou au plus six généiraux .ou autres courjLi-
sans , aux^quels il fai^oit servir un souper de
quatre plats, sans compter, le dessert.; et
les autres , où il .n'y avoit point de souper ,
parce que ceux qui|^ faisoit appeler, ne-
.toient point du nombre de ses comme n?-
saux. Bans le premier cas , il envoyoit soa
^mpnde souper ,. lorsqu'il vouloit se coucher _,
^c est * à - dire , à dix heures au plus tard.
Quelquefois cependant la suite de la cqnver*
ac^tion l'çngageoit à les accompagner jusque"
dans la salle à manger ; mais il ne s'y asseyoit
jpas ; il leur servait un plat oo deux en eau»»
sant , iet disparoissoit. Dfins le second cas* »
c étoit aussi vers la même heure qu'il congér
dioit les interlocuteurs.
Dans cette distributipii de toutes les^ heurefi^
de sa journée ,"on voit qu'il a eu pour obj^t
de se délasser le soir des travaux et des soucîfs
du matin : il vouloit , pour se procurer un
meilleur repos retse mieux préparer /aux fa-
tigues du lendemain^ se débarrasser l'esprit de
. 3i6 T^ie intérieure et domestique
tout ce qui ayoît pu roccupër, Tinquiëèer^, oa
I agiter plus vivement dans les afiaires qu^îl
avoît eu à décider.
Sî^ Ton daigne considérer arec attention
cettfe distribution si régulière et si constante
de toutes les heures de la journée , on verra
qu'il seroit difficile dé se former un plan plus
sage , ou mieux assorti au désir de faire cons-
tamment et bien beaucoup de besogne. Com-
bien d affaires un homme comme Frédéric ne
devoit-il pas expédier dans un travail journa-
lier des quatre premières heures de sa matinée,
sans jamais y éprouver ni interruption, ni dis-
traction ! Et les trois heures suivantes éloienf-
elles moins utilement employées ? Observons
que de plus un grand nombre d objets très-
împortans , renvoyés à l'après - midi , suffis
roient pour efirayer des hommes moins la-
borieux çt moins expéditifs , sur-tout si Ton
Bonge qu'il faut y comprendre ses lettres à
ses parens « et à ses amis , ainsi que ses lec-
tures et ses compositions littéraires. Il faut
convenir <|ue la sagesse de ce grand roi dans
Tordre qu'il s'est proposé de suivre , et son
invariable constance à y rester fidèle , est le
trait de sa vie qui le distingue plus parti*
culîèrement , et pour Jequel il sera plus difiî-
de Frédéric ;^
cile de trouver d'autres souveraina qui puis-*
sent lui être comparés.
Son. appartement particulier à Berlin , n'é-
tpît point celui, que son père avoit occupé :
il étoît même assez petit. Un grand escalier ,
du côlé de l'ancienne place , conduisoit d'a-
bord à- la salle des tapisseries des GobeliAs;
et de là en allant à gauche^ on troùvoit ler
salle de la table ronde , ensuite .la salle d'au-*
diencç , qui étoit aussi celle du concert : de
œlle-ci , on passoit à un bout seulement d*un»
longue pièce ^ qui étoit la bibliothèque de sa
majesté , et enfin dans une sorte de rotonde
qui luiser'tfoit de cabinet^ et où il se tenoit
toujours. Une porte masquée conduisoit par
un côté opposé. , de. ce cabinet dans un corri-
dor, qui en passant devant les chambres des
pages et. des domestiques , aboutissoit à uit:
autre esqalier qui descendoît dans la cour.
Au dessous de ïappartement du roi , c'est*- .
à*dire, au rez-de-cbaussée^ étoit , au moiu&
de mon temps , l'appartement du marquis^
d'Argens^ Le second étage étoit occupié par ta
reine. Tous ces appartemens ne prenoient ^
guères que le quart du château ; de ,sort»^
qu'il y avoit je ne sais combien de très»grandes
salles et de logemens assez vastes qiii n'étcieiii
V
jaft*, f^ie intéuèùrett domestique
point occupés • iiidépeirdan)tneot*4Niiid ddte
de spectacle , de deux corps-de-gardê , d'itou
cabinet de curiosités^ des cuisines et des lo-
gemens des dameis d'honneur' de 1à reine ,
des pages ^ de la grande gouvernante , et d'un*
grand nombrexle domestiques, etc« '
Je n'ai point parlé des écuries du roi , parce*
qu'à Berlin', eUes sont au manège où loge le
grand'écuyer , et assez près du château. Du
reste , Frédéric n'avoit point de luxe-sulr ce
point I je suis persniadi^ qu'il >n a jamais eu plus
de six ou huit alftelages , et' d'une viogtaide
dé chdvaux de selle ; comme il étoiVi*ort éloi-
gné ."dfaimér'la ^cha^se, it n'aVoit point de*
mettes ; et Loa cdnqoit qu'il lui fallut beau-
coup moins de ehevaux qu'aux autres princes.
Je ne lui ai connu (|n'iin seul ol^et dtf^Iûxeu les
iahatsères : il en avoit , dit-on , <^\i\zà cents
dont un girand nombre étdient ïott riches. Je '
lui en ai Vupreique toujours quatre^ cinq ou
si^/tairt dans ses poches, que sur sa table. Du
reste , il ne pretidt que du tabac d'Espagne.
" Ses. meubles ^ si simples d'ailleurs ^ éroîent *
rongés par ses. levi^ttes ; et il se bornoil à *
en plaisanter^ « Mes chiens » disoit-il , dé- »
a> chiren^mes &ntêuils: mais qu'y faire? Si.
» je les* &isois raccommoder au JQurd'hui , ce *
m ^eiPoit à jrejlQQi.<n^ii0er demain. Il faut bien
» prendre patienoie c> au bout du compte i u&é
3) marquise de Pont pa c u rae couteroît bien
9 davantage , et:me:seroif moina attachée , et
» moins fidell^ev 'd. Au. reste ^ je' parlé encore
ailleurs de ses leyjr^tf es. ; je n'ajouterai ici su?
<;Qt article ^ que'deux choses à ce <î[ue j'ôn ai
dit : la preniière.e^t qu/Q ïon prétend qufe, je
ne^ sais pa?: queliq feibl^sse-, il étort fort dis-»
posé à; se préveiiir contre ceux que ces chiens>
accueillpiçnt mal :. il imaginoit, dit-on ^ qud
lodprat et Tinstinct de ces animaux pou^^ ^
voient Jear iiiire sentir si «eux qui Tappro-^
choient avoient ou non avec lui quelque sortes
de. sympathie. Ge que j ai bieil observé ,' C est
quou lui fàispit une peine infinie , lorsquonf
leqr marchoit sur les piattes : car dès qu'on,
entroit «tous les trois couroient vers la porte^>
e.t entourpienl ceux qui se présentoient ; chosefi
àssejz embaj^rasÂante^ lesoir sùr^tout , à causer
de 1 obscur! té qui couvroit lés.làpjsv Le:itiaW
heur de blesser ées' chiens ne m«^t jamais ar-'j
rivé : mais je Tai vu arriver à d'autres v' à^qûil
le rgi disQit,ayeQhumeur:;udf%//>rtfnrz^£^oncr'!
garde ! J*ai eu de plus à cet ëgalad^ uhëautrei
bonn^e ibrtùpe : cest que. jaipais ces .cHièns
n'aboyoient après moi :i ils« yenoicnt^ pour)\
33^ ^^ vïtérleur^êt ddfmestique
liinsi dire , me rccônnottre en silence 't et re*
tournoient tranquilièbienl * à leufrd^ places.
Ma seconde anecdote^ est que dans le9>
vo)rages i et même lorsqu'il faidoit la guerre ^
il prenoit ordinairement tincde ses levrettes ,
qu'il pdrtoitsiir la poiirfAe«et sous sa vestev
On raconte que dans une ^d^ Ses guerres ,
étant allé reccHinoître Tarinée ettnemîé , et
ayaut été vivement poursuivi par les Autri-
chiens, de manière à risquer d'être pris, ilavoît
trouvé daus un détour ^ et en descendant une
r colline , un pont sous lequel it s'étort^ttaché;
que les ennemis avoient passé et repassé sur
sa tête, sans, avoir eu la pensée de regarder*,
sous le pont ; et qu'en cette circonstance , sa
petite chie^me » qui en général éloit fort har*
gueuse , n'avoit respiré qu'à peine y non ptu9
que son cheval ; ce quil avoit d autant mieux
remarqué , que sa principale crainte alors
avoit été .qu^le ne le décelât en aboyauK
G!est pour cela , dit-on , qu elle lui a toujours
été si chère.; et que quand elle est morte ^ it
. litî a fait ériger dans les jardins de Sans^
Souci , un tombeau en mari>re , avec une'
honorable éjûtaphe.
Il fit prier un jour son médedn , M. Gothé^
nius I d osdoDuer quelque remède pour ua '
^v
r
\
âe Frédéric . %^x
fle ses chiens qui et oit malade. Les domes-
tiques* qui ia'aimoient pas ce médécid , liiî
apportèrent Tordre de venir VtJÎr tttï ëhien
malade; Gôthénîns se'crut insulté , et ne virit
pas : les domestiques , dans leur rapport,
dirent qu^il avoit répondu aveé humeur qu*it
iï'étoit pas médecin de chiens ; et cette calom-
nie fit congédier le médecin.
' Les ameublemeris de Frédéric' étoient an-
tiques et assez simples : cependant on voyoit
qu'il avoit autrefois préféréles couleurs douces
et tendres , et sur- tout la couleur rose. Quant
à sa garde-robe , elle se réduisôît à quelques
uniformes , un habit ou deux de velours , six
èheiïii^es , qu'on remplaçoit tous les* airs , et
le reste à proportion: Cétoit uti 6 règle pour
tons* les princes de cette maison , de n'avoir
que six chemises , au moins quand ils faisoient
campagne. J'ai vu le prince Henri partir pour
commander une armée de cent mille hommes ,
n'avoir que douze mulets pour, porter tout
son bagage^ sa tente , sa chancellerie, ete.^ été.
Parlerai- je ici de ce qu'il a feît pour les
arts , et du goût qù*il s'étoît formé ? II a eu
plusieurs sculpteurs français. , et entr'âutres
Adam y qui modela la statue du feld-maréehal
Schwerin , ef 'qui ensuite quitta ta Ptlisse
332 /^iV intérieure et dpmestlgue
pour reyeHir en France : je ne dis rien îoî
de Tasfiaart, dont je p^rle alUeura , et dont
le marché fut.^ait par Vf^tr émise de. d'Aïeux-,
bert. Enfre Adam et Tassaert , il y .a eu uu
autrq sculpteur ^ qui l'a, quitté comme lepr.e-
^ipr ., et qui . après çoti retour en Frapce •
ne rççevant aucune réponse à plusieurs ré-*
damations ^ lui à écrit uuç lettre de reproches
et dm jures , dont j'ai vu la copje entri? les^
psains^ du chargé d'affaires de France , à qui
cet homme Tavoit adressée. Cettelettre , écrite
ah irato ^ n'étoit pas mal rédigée : le ton en
étoit ferme et hardi : elle étoit même as^e2(
ïioble et philosophique ; il n'y avoit d'injures
que par le fond des choses; mais , à cp
dernier égard , on n'y trouvoit aucun ména-
gement ni adoucissement. Les fîlouS;>. les
suborneurs ^ les voleurs de grands chemins ,
y étoientpflerts coipme objets de comparaisoii
gui méritoient la . préfqrencQ , parce qu'au
moi^3, ou avoit contre eux des secours. ou
desn^pye^s de véngeauce. Frédéric méprisa
cette Jiejttijç i dpat pu, ^'a, jaip^is parlé » et
qui ,. adressée à tout autre^souverain ^ auroit.
évidemment causé la pejte de son autei^*.
Fr4dérip aeupour pfi^t^^^çiédée Vanloo,
qui^ a^peUt les plafQndg^d]}<.zioayeau Sans^^
de Frédéric. 333
Soucî ; après quoi , il est aussi revenu en
France , sur- tout à cause de ses enfans.
H a eu*, à titre de yernisseur , uti lieveu
àxL ôélèbré Martin , lequel quitta la Prusse,*
pour Venir périr à' la plaôe dé Louis XV ,
au mariage de Louis XVI ; et ensuite un'
M. Chevalier , que j'y ai laissé.
Il a eu un architecte français ; nommé
M« Léger , avec lequel il s'est brouillé , à
Foccasion des plans du nouveau Sans Souci,
t\ qui est venu yégé fer à Paris. Léger avoitfait
de fort Beaux plans pour ce second château :'
le roi adopta ceux qui avoien't pour objet
le Grand-Commun ; et cet édifice" est en efief '
régulier et fort beau : mais on ne fut pas
d'accbrd pour le cliâtèàu : s^attiajes'té n'^ vou-
fut point d'iautre porte d'entrée <ju*unecroi-'
sée prise aii milieu de' la grande façade, et
dui s'ouvre jusqu'à terre : cette entrée qui ^
selon Léjger , devoit' présenter une porte
noble et convenable, dévoît aussi, selon
cet architecte , s'ouvrir sur un vestibule
assez vaste , ayant un grand et superbe
escaîijr pour conduire à l'étage supérieur.
Le roi voulût placer un escalier ordinaire*
dans une pelîfè pîècç à gauche, et convertir
le vestibule en une grotte antique. Légefr
334 '^^'^ intérieure et dolnestique
déclara qu'il ne desâineroit pas ces nouvelles
dispositions : la dispute séehaufta : tous les
deux furent aui^si tenaces et aussi vifs Tua
- « • '
que lautre.... « Je suis le maître, disoit la
» roi i et je veux ^ j ordonne que ce dessia
n^ soit refait, et exécuté selon mes idées! —
» Mon honneur y est intéressé , répondoit
30 Léger : je ne le sacrifierai pour aucune
»> considération : Léger ne dira pas lui-mêma
» à ses successeurs , qu'il n'a eu qu un goût
9 baroque et barbare , qu'il à entièrement
» ignoré son art ^ ou qu'il a eu la lâcheté d'ea
» violer toutes les règles par une fausse com«>
}) plaisance. » Ou a prétendu que dans l'ex-
trême agitation à laquelle ils s'abandonnè-
rent tous deux , Parchitecte avoit porté la
main sur la garde de son épée. Il est très-
certain que^ si ce fait est vrai , ce n'a été '
qu'un mouvement involontaire et machinal j^
sans aucun dessein de sa part. Quoi qu il en ,
soit, ils ne se sont plus revus ; Léger est
parti , et le nouveau Sans-Souci a été cons-
truit comme le roi l'avoit décidé. C'est dans
• • • »
cette grotte que Frédéric ddnnoit à souper
aux officiers des régimens employés aux ma-
nœuvres qui avoient lieu à Potzdam , tous les
ans ^ au mois de septembre.
de Frédéric. 335-
Dans un bosquet , placé derrière. ce châ-
teau , on trouve un assez petit hàtiment
en rotonde , que Ion nomma le Temple,
d'Apollon. Frédéric y fit rassembler tout
ce qu'il put recueillir d'ustensiles antiques ,
sur-tout en ce qui sert dans l'intérieur des
maisons , pour le jour ou la nuit ^ pour la
cuisine ou les appartemens ,. et aussi pour,
la culture et les arts mécaniques. Mon col«
Ïègue^ M. Stoss , fut chargé de mettre toutes
ces pièces en ordre, et d'en, faire. le; cata-
logue 9 travail qui le retint à Fôtzdam près
de trois semaines. Frédéric fut quelque temps
fort assidu à y passer quelques heures pres-
que tous les jours , lorsqu'il habitoit ce
château.
Ce roi s'étoit procuré une grande collée-*
tion de plans de bâtimens : il avoit des mo*
dèles de ceux qui ont été un peu célèbres
chez les anciens , et pour les temps modernes
chez les Italiens, les Français , etc. ; et c'est
en étudiant tous ces modèles , qu'il déter-
mincit ses choix ; c'est à cette étude qu'il
faut rapporter tous les bâtimens dont il a
décoré Berlin et Potzdam : car il a , pour,
ainsi dire , rebâti ces deux villes à neuf.
^Cependant il v a quelque chose de singulier
I
335 Vie intérieurs et âorhesiiquô
dans tous ses bâtimens un peu remarqua-
Bles, conirae, i^. je ne dis pas TArsénal'j qui
est un édifice admirable , mais qui n'est pas
de lui ; je ne dis pas TOpéra , qui est gêné-
ralement estimé et admiré par tous lés ar-
chitectes ; 70 ixt dis pas ïnéme THôtel àei
Invalides ) qiiî est tdutà la fois vaste', solide ,
et bien distribué , et tjui ési célèbre par cette
inscription- si juste , fouiliie pai^ Maupertuis :.
Lasso • sëd îriuicto militi : mais je' dis. le pa-
lais du prinôe Henri ; qui* , quoique biei^
distribué en dedaiï$ , ofire au dehors line ar-
chitecture Idut-de^ épaisse, rétfécie , écrasée,'
et cependant ordonné siir des modèles d ar-
chitecture rtaKenne ; 2^. la Bibliothèque pu-
blique , dont la forme extérieure ressemble
à celle d^une grande commode , dant la dis-
tribution * intérieure est étranglée par les
contourè des principaux iliurs', et dont l'ins-
cription Nutfimentwn Spirltûs ]t fourni par
Frédéric coûtre favis dô Qtiintiliùs -Icilius »
meilleur latinis^te que Ilii% est anti-latine et
gothique.
Malgré tous les reproches seriiblableis que
Ton peut ftire à ce grand roi ^ ri faut cepen-
dant cÔBvenît qu'il a fàif'dé ÎBèrlin et dé
Potzdanr, deux des premîèri^â vîUès de l'Eu^
rope.
à'e Frédéric* ^f
tope , au premier aspect : on ne peut pas se
ligurer combien de. maisons il faisoit bâtir
par an , sur -tout dans les principales rues ;.
inaison^ dont il faisoit à ses propres frais ^;
toutes les parties extérieures, les décorations >
la toiture, et même les principaux murs né-
cessaires aux distributions intérieures ; ou*
yrages que sion architecte Bauhmanu exé-
cutoît toujours avec tant de célérité, que
nous les appelions les champignons de JFré*.
dérie. Il est vrai que, de cette sorte, il ren^
yersoit les masures, des qitoyens ; mais c'é-
toît pour leur remettre da^is Tannée , de belles
et solides maisons qui valoient dix fois mieux:
encore faut-il s'imaginer que c étoient des rues
entières qu il faisoit ainsi reconstruire^ dans
une même année»
Il encourçtgeoit de même tous les arts,
autant que cela lui étoit possible. Mais il
avoit ses gens affidés : pour les bijouteries ,
par exemple » il ne passoit pas une année
sans faire faire quelques ouvragjBs précieux
de trente ou quarante mille francs , au bijou**
tîer Boson et à messieurs Jordan : il i-eve*
noit toujours aux mêmes maisons , à moins
qu it n'ait eu essentiellemeiit à s'en plaindre^
On voit.ayecqupl soin il chercboit à tourner
!• Y '
ggJS Vie intéiiéure et d^mesiîguê
aa profit de TEtat et de aes sisi^ets , in^e SM
goûts particuliers : oar il uWectîoBnoit qa^
œux qai jouissoi^nt de la meilleure réputa«
tion pour leur probité et leurs talens.
Ce rbi n's^voit auprès de sa personne ^ et
pour son service , qae cinq valets de pied
et deux pages : point de valets de chambre,
point de heiducs , etc. Il avoit , à la vérité ,
plusieurs antres pages élevés à ses frais ;
mais il ne s'en servoit que très^rarenient , et
pour la parade , dans des occasions extraor*
âinaîres : il avoit aussi une demi ^ douzaine
de coureurs ^ dont tout lei service se bornoit
a marcher assez lentement devant lui dans
les rues de Berlin , qtiand il al loi t à l-Opéra ,
ijtr'il revenoit de faire ses revues dans la
l^laine de Temploff, ou qu'il avoit quelque
autre courise à faire dans la- vill^. Eh général,
rien n'é toit plus simple que lui dans son in-
térieur : rien n'étoit également plïis modéré.
Il vouloit , sans doute , une exaclituda très-
régulière : il ne pardonnoit pas même à ceux
qui s'en éeartoient : mais ceux qui remplis-
Boient leiirs devoirs avec fidélité , étoient sûrs
de trouver en lui le plus paternel , le plus
doux et le meilleur des maîtres : il ne parloi^t
jamais à ses domestiques ^ dans leur service
â^ Frédéric^ . 339
t)ràînaïre , cju'en leur donnant avec atie vraie
bonljomïe de famille, la qualification de niein
kind^ c est»-à-dire , moTi enfant.
Durant la guerre de^ sept ans , lorsqu'il
ëtoit à Dresde , il vit un matin pdlir et
trembler le domestique qui lui apportoit son
dëjeûner. . . « Qu'ave? - vous qui vous fait
» trembler? » lui dit-il d^an air et d'un ton
, ■ > ...
sévère. Le domestique crut qi;ie son crime
étoit découvert , et se jieta à genoux pour de-
mander grâce. On fii l'essai du choQolat que
ce maJheureux apportoit ^ en en faisant avaler
' à quelques animaux qui périrent tout de suit^*.
On a cité dans le temps les personnes qui ^
fliapit*on , avoient séduit le domestique , et
l'on a même fort circonstancié toute cette his^
toîre : mais je n'entre point dans ces détails ^
parce qu'on ne m'a rien prouvé : quels qu'aient
été les avçux de celui qui servoît le déjeuner »
et les motifs de politique ou autres qui ont
déterminé Frédéric à couvrir toute cette af-
faire d'uiî silience absolu^ il n'y a eu dans |o
temps aucune procédure : on n'a même par je
quç mystérieusement de ce crime ; et le cri-
minel en a été quille pour être envoyé comnje
tambour dan$ un xé^m^vA. au fond de la
Fru$s0,
34^ f^i^ intérieure et dôme stîqu0
Il arriva de mon temps , qae darabt ail
de ses voyages exx Silésie , on fît un vol con-
sidérable à sa chatouille à Potzdam , dans ses
appartemens. Il courut plusieurs bruits à ce
sujet : on voulut deviner le voleur : maïs Fré-
déric, instruit ou non , n*en parla pas. Il ny
•ut point de poursuites ; et il se contenta de
mieux prendre ses mesures pour 1 avenir.
On raconte aussi quun jour oii on lui pei->
gnoit la misère d'iin de ses anciens serviteurs^
il avoit répondu : « L*imbécille ! je lavois
» mis au .râtelier : que ne tiroit il du foin ? »
Cette répartie semble indiquer qu'il trouvoit
bon que ceux qui le servoient se fissent faire
dres présens par les solliciteurs ; et en efiet ,
ceux qui montroient ses châteaux et ses ap-
partemens en son absence , mettoient fort
peu de réserve à se faire bien payer : cVst
ce que je puis dire entr autres du savoyard
qui avoit la garde du nouveau Sans-Souci.
Cependant il ne falloit pas pousser les choses
trop loin : il. ne falloit pas provoquer les
plaintes et le scandale ; car, en ce cas ,1e cou-
pable étoit chassé. Il semble qu'il avoit pour
principe^ de pardonner beaucoup tant qu'il
pouvoit paroître ignorer les fautes : mais si
elles reveaoient jusqu'à lui avec quelque
êe Frédéric. 341
ëdat, il n'y avoit plus d'indulgence à es^
pérer.
Lorsque Beautnarcbais eut acheté les ma-
nuscrits de feu M. de Voltaire , il fit faire-
iine copie de la pièce que cet auteur célèbre-
avoil composé sous le titre de son testament^
pour y décrire à sa manière , sa brouilleri©
avec Frédéric , à l'époque où il revenoit do
Berlin en France ^ et son arrestation, ainsi
que celle de madame Denis sa nièce , à leur
arrivée à Francfort. Beaumarchais adressa
wtte copie au roi de Prusse » avec une lettre
où il présentoit ce morceau comme plus,
propre qu'aucun autre à exciter la curiosité
des lecteurs , mais où il ajoutoit qu'il avoit cra
ne devoir pas le publier y sans l'avoir mis
sous les yeux de sa majesté , disposé à le sa-
crifier si sa raajesté^ le desiroit ; bien assuré
quelle daigneroit considérer que ce iestOr-
rnent entroitpour beaucoup dans les moyena
de récupérer le prix que cet a<;hat lui avoit
Gpùté. Le roi lui renvoya son manuscrit,en 1&
^merciant de ses offres , et en lassuraiit qu'ils
f»lâoit des. vœux pour que son entreprise ré-
pondit pleinement à son attente. Caron de*
Beaumarchais 5 piqué sans doute de n'avoir
l^asréusdà se fairepayer par Frédéric, unma^
34* . ^i^ intériâizTû et âomestiquc^
nnscrit qui n aaroii pas moins été publié -p^ft
la suite , en fît d abord une édition à part ^
qu'il répandit dans toute TËurc^. Le li-
braire Samuel Pitra en ayaiit reçu vingt«Ginq '
ie:temptaires , vint me consulter pour savoir
s'il pouvoit les débiter , ou s'il devoit les ren*
voyer. Je lui fis une lettré qu'il adressa au
rôi avec un exemplaire , et ^n lui demandant
ses ordres. Lé roi lui ré|)ondit qu'il poavoit
lés vendre, pourvu qu'il n'y eût ni afiecta-
tion lii scandale dans sa manière de les an«
noncer. Eu deux jours , tout fut erievé à
très -haut prix.
' Tout le inonde sait l'histoire des deux
plages : je n*en dirai donc que deux mots , et
aillant qu*il en est besoin pour démêler le
fait historique d'avec tout ce qu'on y a ajouté
potir accommode^ ce sujet au théâtre. Le
roi allant \\n - même appeler un de ses pages»
le trouva endormi dans sa chambre attenante
au cabîact de sa majesté : le jeune homme
avoit sur ses genoux , une lettre par laquelle
sa mère l-e remercioit des secours qu elle en
aVoil reçus. Le roi prit la lettre et la lut ;
touché des vertus du fils et des besoins de
[a mère , il mit un rouleau de eent ducats^
<iau$ U [)oohe du prcsùei: , et aeretira^ Ensuite
fKmr i9^trQ FhoBnéteté de ce jeune I^mne
à une aouvelle épreuve , il. fei^it durant
quelques inatois de craindre ^ue cet argent
iieût éié dérobé, et fiait par ordonner de
feuvoyer k la ouèjre. Tout le reste de la pièce
fkesi que fable : les pages d« la chambre
eut au moia$ Xk^iia k quatorze ans : U leur
faut bien c^t âge ppu}; pouvoir suivre à tran<^
é trier , dans tous ses voj^ages , un roi qui
iait jusquà vingt* cinq iniiles d*AIleQ3.agQ^
par jour* L'arrivée de la m&re et de la sœur
n'a aucun fondement : Fauberge ^ le r-olô de
Taubergiste et de sa femme i ^ont de pure
imaginatioc*. Lapparitioa du roi dans cette
> auberge est une absurdité révoltajâte 5 etc.
Mais à lauecdote dju page , je vais en ajou*
ter une autre qui y ressemble beaucoup , et
qui^ quoique bien postérieure » n en est pas
la copie*. Daus uu régiment de hussards eH
garnison en Silésie , étoit un brave soldai;
bien exact à tousses devoiss, mais qui ayant
plus de soixante et dix ans 5 déplaisdit av^
général , parée qu'il lui sembloit déparer le
eorps et la eoû^pagnîe , par ses rides et ses
ebeveux blaafCs. Le gékiéral lé topirinenta
longrJtem^ps pour le déterminer à recevoir
. \e^ ini^ièi^« Il £sait ob^erveo: qu en Fru^jsp ,
344 ^^ intérieure et domestique
être congédié comme invalide ^ c'est à peu
de chose près y être condamné à mourir de
faim , puisqu'^im invalide n a que trois sous
par jour : il faut se rappeler de plus que
dans ce n^êiiie pays , les soldàtls sont enrôlés
pour toute leur vie, et que par conséquent
on n y donne pour l'ordinaire le congé d'in-
valides , quà ceux qui sont ou incurables >
ou très- vieux. Ces deux faits suffisent pour
Justifier Thorreur que les soldats ont pour
cette sorte de congé , quelque malheureux
qu'ils soient d'ailleurs datfs leur état.
Le vieux hussard dont il est ici question ^
se refosoit donc tant qu'il pouvoit à quitter
le corps , d autant plus qu'il étoit marié^ qù©
Ba femme n étoit guères moins âgée que lui^
et que tous deux auroient perdu l'adoucisse*
ftïe^nt qu'ils recevoient de la paye de leur fils ,,
brave garçon qui , selon les lois du pays ,
àppartenoit au même corps , y étoit soldat
comme son père , et faisoit chambrée aveo
eux.' Le général n'ayant aucun reproche va-
Jable à faire à ce vieux soldat , et ne pouvant
dès- lors le ttiire déclarer invalide de-sa seule
autorité, résolut de le priver de soa fik, es-
pérant parvenir de cette 5(orte à en être dé^
Wi'^s^é , «oit par k misère -| ^it par 1«
de Frédéric. 34^
ebagrinet le désespoîr.Pourreraplîr ce projet»
îl écrivit au roi qu'il avoitdans son régiment
un jeune homme , bon sujet , mais trop
grand pour être hussard : el qu'il l'offroit à
sa majesté pour le régiment des gardes , où il
eonviendroit beaucoup mieux : le roi accepta
l'oflro ; et le jeune homme partît pour Potz-
dam y laissant ses parens dans une désolation
d'autant plus grande , que le régiment des
gardes , s'il est le plus beau de ce pays, n'en
est pas moins celui où les soldats redoutent
le plus deservîr , parce que , placé sous les
yeux du roi , il est le plus sévèrement tenu
et le plus exercé , sans avoir d ailleurs au-
cune sorte d'adoucissement. Lorsque ce jeun©
homme fut arrivé , le roi voulut le voir : ce
monarque étoit-il instruit de la majveillance
de son général , ou tout fut-il conduit par la
bonne étoile du jeune bomme? Je nen sais
rien.Mais le roi n'alla pas le voir à la parade : il
le fit introduire dans son appartement; et après
l'avoir un peu examiné, il lui ordonna d'essayer
un habit de sa livrée : quand le hussard re-
parut devant lui , dans cette pafure si nouvelle
pour un soldat , le roi lui demanda s'il se
trou voit bien aVec cet habit : le pauvre jeune
homme répondit qu'il se Irpuveroit toujours
34^ ^^ intiérieure et domestique
parfaitemeirt bien , s il avoit te bbnbear <i»
plâiroà son maître en faisant son devoir. «£b
y> bien , liû dit Frédéric y {^arde cet habit ;.
>> reste auprès de moi ; iàis bien ton devoir «.
3» et j aurai soin de toi : tes camarades te di—
3» ront tout ce que tu auras à faire. Mais^ movk
» enfent , il faut être exact à la minute îci ; et
^ pour ciela ^ il te faut une bonne montre.
» Vas - 1 • en chez tel horloger ; dis lui que ttt
)> itie sers : et il te donnera une bonne montre
991 en argent , dont il te demandera quarante
» écus. Il te faut , outre ceta » une demi-
y> doueaine de chemises propres » avec era-
y> vattes « bas et mouchoirs ;'Ce qui te coûtera
» encore tant d'écus. Je te donne tout cet
)> aFgênttvas faire tes emplettes, etsois auprès
» de moi , ejsact , fidèle et discret. Quant à ta
-x^ nourriture et à tes menues dépenses , ta
s> auras dix éeus par mois , avec lesquels tvk
» pourras stijbveiur à tes besoins. »
Dans Textréme joie que ce pauvre jeune-
homme éprouvoit, la première choses qu*it
fit, ftit de donger à ses parens.... « Je me
» vois tant d argent ^ se di^oit-il , et mon père
a) et ma mère ont des besoitïs ! Ne ponrrois-
» je pas leur envoyer les quarante écus de la.
^ moulue ^ et empiiiistor auprès de mes ca^
ie Frédériùi 347
» msirà<36S de quoi la payer , sous la alaude
» de iear rembourser cinq écus par mofe ? Je
» vivrai asse2 bien zrec la uioitîé êk ce que
» le roi veut me donner. » Il ne put résister -
à cette pensée ; il là communiqua à 6es ca*
maradeé qui lui prêtèrent quarante écus j il'
eut la montre , et secourut ses parens : mais
il ignorok encore que les roiâ saveât tout^
et que Frédéric en particulier in^posoit pour
première loi à ses serviteurs , de ne lui laisser
rieb igutorer de ce qu'ils savoieut eux-tnômes*
Le lendemain , il fit entrer son nouveau do-
mestique , et lui dit : « Je t'ai donné de l'ar-»
» gént poUr acheter une mohtre , et tu l'a*
j) envoyé à tes parens. Tu as cru faire tme
S) belle acion , et tu n'as pas senti que tit
» oommettdis tiue infidélité. Il est juste, il est
^ beau de accourir ses parens , quand iiis soiit
» dattâ le besoin , et sur-^tout quand ilis sont
» vieux ûu infirmes : c*est tm devoir sacré,
>» Mais tobus ne devons y employer que cô
* qui ett à nôUè ; eu envoyant aux tiens Tar*
^ geut q\te je t'aVois donné , tu as disposé de
^ dé qui he l'àjppartenditpàs. Cet argent n'é-
» toît pus à ici : tu ne la vois ^'k ccmdifion
s> que tu efa ferais rasage qvie je t'avôis indî-
» ^tié. II b'étoit daÀs Ifés ta&i&s qCi'uu dépôt ^
348 Vie intérieure et domestique
» et tu as violé la loi imposée ^ux déposî--^
3» taires. Je te pardonne néanmoins pour
» cette fois y parce que tu as été égaré
à) par un sentiment pur et respectable , pa^
yi un principe de bon naturel « et parce que
» tu n as pas pensé aux vérités que je viens
» de te rappeler. Quant à Temprunt que tu
3» as fait , c est une nouvelle faute ajoutée à
» la première ; car doit-on emprunter, sanâ
» la plus grande nécessité , ce quVn n*est pa&
p sûr de pouvoir rendre ? et comment tes
» camarades seroient-ils payés, si tu venoi&
» à mourir , ou si je te renvoyois ? Je te donne^
» en ce moment de quoi acquitter ta dette j
a> mais prends bien garde que je te défends
» d'en faire de nouvelles. ».
Quand monsieur le général de hussards
sut la bonne fortune arrivée à ce jeune
bomme^ il eut là lâcheté^ la bassesse de
venir en féliciter ses parens..«. « C'est moi ^
» leur dit-il, qui lui ai procuré cette place ».
2>. par le bien que j en ai dit au roi, et jen suis
D enchanté. Je savois bien qu'il réussiroit à
D Potzdam. >x Monsieur le général cfàignoit
que le jeune homme ne le desservît en par-«
lant des persécutions dont son père avoit été
l^objet ; et voilà comme $ont faits. la plu^^art;
âe Ffédénô. 349
des hommes fiers et despotes ! toujours aussi
facilement vils et rampaus , que capricieux
et hautains , selon les circonstances. Je ne
fais ici cette réflexion , que parce que je vou-
drois leur faire sentir combien ils méritent
peu dlndulgence.
Frédéric ne tarda pas Ion g* temps à être lui*
même justement récompensé des bontéà qu'il
avoit pour ce brave domestique. Attaqué
d*un accès de goutte très- violent , il fit ap-
peler son médecin , qui lui trouva une fièvre
très-ardente, une grande sécheresse ^ sans
aucune disposition à transpirer. Le médecin
jugea qu'il étoit urgent de provoquer la
transpiration 9 et voulut ordonner quelque
remède propre à produire cet efi'et ; maia
Frédéric avoit , dirai -je la foiblesse ou la
manie de tant de grands capitaines /qui ,t
comme Mithridate y s'imaginent lêtre de fort
habiles gens en médecine ; il voulut savoir
ce qu'on alloit lui ordonner , et il rejeta tout-
ce que le médecin put lui proposer , et même
il finit par le renvoyer, en lui disant qu'il
n'étoit qu'un àne* Le médecin arrivé à l'an-
tichambre , déclara aux valets*de-pied que
le roi étoit très-mal ; qu'il étoit très-impor-
tant de le faire transpirer ^ ma^ que ce mô-
3^ P^ int/rkWf ât 4s^^stlguâ
H^rque »e vculoil: amixiipi dç^ x^mkdêt qiu
Yoit maltraité de^ pi^rpl^s ; qqe lui «lédf ciO;,
DP ^offgçatat (|u à remplir $qci 4QVpir , et i)^^
,f^^jr;CJ^r Içs iqpyc^ 4^ cpn^rTer les )aur^
d'un si grand roi ^ alloit écrirp et leur laissa j:
Iprclq^naocp nécessaire ;. que c^ ^erpit ep-
isqite à eux à taire pré|)4rpr U potippi
qu il indiquproit , et à.obtepir du roi qi)*il la
- prît ; q» Us d^ vpjeul être bien assurés qpe
, îam^is il^ n.'avpient eu de devoir plus sacré
; à remplir, et quil y alloit de la vie de leu^r
inaître ; et qu'enfin , ^près avoir fait avaler
la potiofi , iJ falloit à tout prix empêcher te
maladp de se découvrir , et le bien envelopper
de coi^vertures ^ jusqu'à ce qu il eût bien sué.
Les domestiques délijiérant entr eux , jugè-
rent que le jeune hussard étpit celui qui ppur*
roit plus fàcilemeut fléchir leur maître. Il fut
donc chargé de veiller le roi 1^ nuit suivanter ;
commissiou qu^il accepta^ npu sans crainte,
ruais sans répugnance et même avecdévpue-
jueni , vu le puissant intérêt qui les anipiqit
tous. La potion fut apportée vers hs dix.
neures du soir ; le jeune homme entra dans
la chambre à coucher du roi , la tenant à la
main. « Q ayez-vous là ? lui dit le roi. — Sire,
de JFréJ4nc. gSx
9 iiesi wc pptioa qni^ selou le xnidecîii » est
-^ xjéùe&ssire pour Vous guérii!-. -— Je ïxgxx veu^
y poiat , jetez-laau feu. — Mais , sirç^ si ellQ
» est ftécessaixe ? — Je n'en veux poîrïit. — r
» Sire 9 lie médecin nous a ordonné de vou$
» la priésenter. — t»e piédecin est un âne ; jo
» n'en veux point — Hélas ! sire , il nous a
^ déclaré qu^il esrt nécessaire que vous la
» preniez;. — Oe^t un âne ; je ne la prendrai
» poinf. — Il nous a dit que sans cela vous
/> n'auriez ppint la transpiration quil faut
jf ppur vous g.uérir. 7- Il ne sait ce qu'il dit ;
j) jçtez cela au feu, et laisisez-moi tranquille.
» — Si pourtant Qptre devoir est de supplier
» votre majesté de la prendre? — Mon en—
» fant , vous me fatiguez inutilemenf : retire?*
» vous, etlaissezmoi tranquille. — Ah ! com-
» ment donc faire , s'il est important que vous
» preniez ce remède? Celui qui l'a ordonné ,
9 n'est'il pas médecin , et attadié à votre
» majesté ? — r Vous m'epnuyez, allfz-vous-
i> en. — Sire, il a dit qu'il y alloit de votre
» conseijvatipn. — C'est un âne ; je vous or-
» donne de vous yetirer et de me laisser trau-
» quille. — Et notre devoir ne nous obligc-t-
y> il pas de supplier votre majesté de prendre
» un remède qui. peut 1^ guérir ? » Le roi
352 Vie intérieure et âofnestique
se mit enHa en colère ; il jura , ordonha , eh-^
voya au diable , et menaça. Le jevme hontmev
, de son côté , ayant toujours la potion à la
main , pria , sollicita ^ conjura , se mit à ge«
noux , pleura à chaudes larmes , déclara se
soumettre à tout> pourvu qu'il pût contribuer
à sauver sa majesté , et fut enfin inébranlable.
Cette lutte dura jusqu'après minuit^ que le roi
fatigué et comme épuisé , se détermina à preii^
dre la potion pour se débarrasser dotant d'im-
portuoités , et avoir quelque repos. Mais >
quelque temps après , il survint un nouveau
combat entre le maître et le serviteur. Le
remède agit , et excita dans tout le corps du
monarque, une chaleur brûlante et difiicile
à supporter; le roi voulut se découvrir, et
le valet-de-pied ne le voulut pas. Si celui-là
rejetoit une couverture , celui-ci se hâtoit de
ia replacer ; si le premier vouloît seulement
* sortir un bras de dedans son lit^ le second
s'empiressoit de l'envelopper le mie ux qu'il
pouvoit y toujours priant , conjurant , de-
mandant pardon, et en se cramponnant en
quelque sorte sur le lit du malade , qui seià«
choit , juroit , et menaçoit eu vain. Ce nou-
veau combat dura jusque vers trois à quatre
heures du matin ^ où enfifi la transpiratiotn
s'établit.
V. \ éé Frédéfic. ' â^^.
s'établit. Alors le roi moins tourmenté rede^
vint plus calme , et sentit que le médecin et le
serviteur avoient eu raisou. Aussi dit-il en c%
moment à ce dernier : « Mon enfant, je n'ai
» plus besoin de vous. Là transpiration est ve-
» nue ) )e ne sens plus cette chaleur violente
a» qui m'agitoit ; je vous promets que je nQ
yf me découvrirai plus \ soye2-en sûr , et aHest
» prendre du repos , car vous devez être*
a> bien &tigué. » Le domestique fit semblant
d*obéir , et sef retira dans un coin , d'où , sans
être aperçu 31 il continua de surveiller sou
taaitre «.jusqu'à ce que celui-d se fût endormi.
Quand le' jour fut venu , le roi se trouva beau*
coup mieux ; il se leva ; et fit entrer son
îeniuB .gardien , auquel il dit : « Mon enfant ,'
n vous êtes un brave garçon : vous faites '
» bien votre devoir , et je suis fort content-
». de VOU3 ; vous mWez servi cette nuit avee*^
■ *
m beaucoup de ssèle. Tenez , voilà cinquante*
a» ducats ^ que je vous donne pour les eUf'
^ Yoyer à vos pareîis. » »
' .\
> « « '
z
354^ PteiUesse^ infirmités ttmart
f mi, ' , i m ' ' : . — Il I ■ ■ l i n ■
iPïÉ'fttËSSK.tN'rflt MITÉS ET MORf*
* • *
• * *
Il I II ^ 1 II I t
• *■ • • •
X^ip.f ^ej^piera ^tm de 1^ vie Qt du régna
de Eré44ricî ofiîp^pt p^u 4'fl^^dptes : il VÎToit
l^ttcd^p :plu9 reMr4 % niaiis tt^ujdntJs éga^
liment Qoçupéi» U i^ifQil ff&Q«eé & h Mu-^
8)qae.| «p^èf «v^ fiwclii imtt partie de «ea
d^nU.; î^ ^qM; 4^ smâine >i^)^âon»(' la poé«-
aj^. Çefi azHWBQA a^uM aY^^îaat dîapâru de ce^
Tf^d^^l^ Ws ap^èa kea autres il m'ëikût
ex^fmifé^, tgm dQ «oitr^ràra/v ^t WaTcât^iBèBsr
ga^rq <pe )a aç^té degudqaes. pifaistroiiB «
sur la^Mft'n^ss^^ ii jayoitms/é: toiiaaesJbolDs
x|90^ ^oi^ ippgrt§«9A^v&t:c»tta<d^ jqo^
i^nciaoa 4«riij(9«i:s:y pUi$ iittératoa;i» par leai>
que par eax -mêmes. Je «q poil guère w-»
wpter ici que les princes de Brunswick ^ tou-
jours chéris et toujours bien venus , quelques
généraux , que tant de services , de périls p
de &tigues j et de belles actions rendoieut
recommandables , le baron de Hertzberg» le
de Frédéric. 355
^ comte de'Goertz , et le marquis, de Lochésini.
'ï'riédéricsentoît que ses forces ô*afi'aiblissoientj
et toujours occupé de son rôle , il ne négU-
gèoit rien de ce qui pouvoit dérober aux
autres la connoissance de son ajSbiblissement*
* On prétend que lorsqu'il avoit à se pré-
senter à ^çs groupes ^ ou en général au public»
1et qu'il se trduvoiË un peu pâle ou abattu^ il
lie manquoit pas de mettre du rouge. Si dan$
la Êonversation , il. sentoit quelque foiblesse.
lenteur ou inactivité dans son esprit^ sa maiigi
^droite alloit comme machinalement s'enfoncep
dans la poche de sa veste , et revenoit comme
t>àr distraction essuyer ses lèvres , c'est-à-^ire^
|)pi^téf.à sa bouche quelques pastilles propres
& le raiiimer , et qu'il avoit soin de dérober
asut Kgtpda de^ ceux aVeC qui il causoit.
^ Qaoiqtse j& l'aie quitté defu± ans'îiyànt sa mort,
je me suts moi-même aperçu de ce manège; ^
^u'e Id. dç Làunay avoit découvert av^nt moL
et que, lûien ^^autre^ ont vu .d^pin!^* >
. Ce quily2^d^pH^x^fflwq»abledaii»o
dwn,iè];e «période de m> yie^ èf>cè.qùb 70^ s^i^
très*ttBtMB6iiieiit!pas' eeorx qtîi \^M\é mUûx
pbsepvé , tf ert qtf îl tf *iS? Viàdiré, ni Varié dans
teeuii des principes qu'il aVôît précédemment
professés. Ceux qui ont dit qu'il s'étoit alors
I
356 Vieillesse, ir^rmités et mort
rapproché des. principes religieux, et avoît
témoigné quelques regrets de ne les avoir pa|»
'suivis , ont: été menteurs ou trompés : ce sont
de ces esprit faux e* trop bornés, qui croient
servir la cause qu^ils disent être celle de \fk
vérité , en Fabricant ou répandant des erreurs*
J'ai dit ailleurs ce que je pense de cette classe
d'hypocrites ou d'imbécfllçs , qui ^imaginent
servir Dieu en se faisant diables , c'est-à-dire ,
pères ou fauteurs de mensonges . La. vérité^
est que Frédéric, qui avoit toujours été tolé-
rait , a fini par Tètre sans sarcasmes ; (^u'il a
beaucoup moins parlé de ces matières qu'aûr
trefois ; et qu'il a vu arriver la mort , et en a
subi la loi avec toute. la tbrce d'àme • et tout
le calriïé qu'on poùvoit en attendre. (i). U »
. / . _i . . ..
il) M. de. Mirabeau^ chaîné alorftd'imeisissioa se**
crelte à Berlin^ a donué dans sa Çori^sj!>ondancé , iine
sorte de journal 4e la maladie d.e «e grand hQmme. J#
lie rapporterai point tous les détails où. il est entré p
parce que J y soupçonne trop d erreurs et mèmç trop de
crédulité sur ^lusienri circonstances. Il présente Zim-
mermann comme un grand'tnédecin, quoique ce doc-
teur n'aît jamais été cité pour auciine cure mëmotuble,'
et qu'ilait dû principalement aa célébrité àMn'ataiWliod
inquiète et ^ctiye i jet pln^ euc0t9 ^"3Q)i aniinosit^tiMKtie
fes Français : ce qui a le plus contribué à le faira pr4«i0r-
chez les Allemands > c'est son traité ^ non à^^XOrgu^il^
'' âc Frédéric. 357
^oorverflë ses Ëtots' jusqu'au bout, et peu de
atfntit^s avai^ feoiï agÔÀie, il a encore vpula
\i ,
^fommo. ledit le, litre: ^ mri» de Ifi'Ptmiié des n^lions ;
OQiTTiege .qui n'esL réellement, ^a'uiie «vjdire contre la
France. Ceux d« ses compatriptçs qui. l'ont le mieux
connu ^ m'ont avoujé qu'il avoit eu à lui seul plus do
▼anitë que quelque nation que ce soit. J'ai d'ailleurs
lieu de croircf que Zîmfttermann ^ qite j^avois tu bien
êés aimées auparaTaUtà Berlin , et que Frédéric n\iToil
yie^trèsHfoibleinent.goteé^ b'apas été mandé par ce
wpi x^akde ^ou dq moÂns qu'il ne l'aété que d'une ma«
nière indirecte , par assentimrat plutAt que par une
jroloMé' formelle 9 eti lasuiie-^dequelquei manège de
CQt^u*} peutrétj^ à la suite durënroideM. 'Frè90y clii*
|m7|[ien*9ie)or et médecin dn régiment des Gardes ,
/pUkCut.4i9graQié>selopMîrabeâUypèur a»oir prononcé
le noîot Hhydropiaiê. iLa preure que le médecin dei'éteo*
^eùr d'Httpovrey qui n'a j^nnaia eu son malade & traiter ^
n'i^oitpasphisà Fotzdam ^ Phommfi cb roîqnerAoMiiise
^ public , quoi^'en dise M. de Mirabeau > c'est que le
premier >■ de l'aven méme^e son prâneur^ vt^ja/nais
rien obtetrm uup les polenta et les paies d'anguille y que
Frédéric etmoitbeancQQpt y et qu'il jorétendoit digérer
fort bien. Du reste , l'auteur de la Conreepondanee re^
.devient un écrivain précieux et vrai, quand la passion
on ]bft. préfreittian ne l'égerent pas : onne pent que Fap»
l^laudir^ lorsqu'il observe que «. ce n'étoit qu'en mon*»
n rani que ce roi pouvoit oublier son métier , » et
qu'il agonie 9 1 l'eeoesion de ceux des Berlinbia qui ^
gSS f^ietllesse ^ ifg^mdtés et mort
signer uiue lettre adressée iàJH^p^ 4e La^n^y i^oià
sa signature n'a plus été qtiun pAté jd^enoi?^ ^
parce que déjà la vue et ia main le trahissoient*
M. de Hertzberg V aôcièttiet iiâèdë '^fvî^mari
passa la nuit auprès de fui,, et )eii irè^ut lé
dernier soupir. Ce fut ce iminisfrç qui , à
rinst^^t même» fit avertîi; le prinéè Frédé
ric-Guilïawmç ,. npyti; .pt j^îritiei; . 4ft gE8|p4
I^om^qie qui yenpU.d'iwt|^jrw« JUpft^ï^
arziv^ siHis p$a.^e xI^lB(lli|^;v i»M&ias\t^^
bfiuvei» du ipétki'^ et trâivv»Mkidi0>BiMabe«g
■ {
m «pris »mo^l; $)ëfêrtiibiètfi Éfrrattfei'^t^tr'iiAàwlt
». été ^'ùn bomnW ordinale. v. » >0k^- èi^tiè^gTAMA
)>. yeux, qui portoi^ ift^gné-deftota Amè<lléiNlïi|«tfS>
j» la sédf ctio» oa I^ terr^ut* j se' rduTrôiMt |i^4éMBM(^
» ib inouiroient dé It^M^'oes^ adulateurs iti^MHis t»
ÛBunOréave ëgal«tteMkJ]^(lftéty)if^pkAi''tf&bé^^
ioraqu^l naos dit*: <^ ^(ae )a nioii^d' a %âofci^è|4M«7ir
» cette CQvppMtion rare -^ l l|aatlHil^pb0B £SâE«i|t«9(
» • et que sa maladie j qaî anxraîi tué- dîk homfiiei > ' ^
» duré onzemobsaiijs relâche ^depuM le pii»flfd^'al)etsa
i> d'apoplexie asphyxique^^ 4>>ù> il étôit< limutt pi» dé
» r^métiqae , et en proférant irtréad& geMeimp^èux
» etpouV preniiers'sdni, eés4i|uit'xâxfts)si']^olitiqiiea
ft et 81 ^ipressifs : 2b<^««-f^^' t n^En èlkt> ^liéii tie
peint anëux le génie toutroy^t de êetliflhiMiiiIfiiiif pMt
gouverner , qoe ce soin cl oèbe|oSn^i'pre6é{mti àka^
f osersileiiee sor râGcidem qa'ii i^ettuil A'éfbmfep*^ .
• * «
-qn!Tfiiaifc«l'ttbQiiftiitineF bacr iime dig&eMes
HegpriÉKet dr FidiiliratipA^ des M^des fattafê.
Le BoiÉirrâtf toi , louclié d# wêff^éikbkt , ^t
fdigDâiitiàsft propre dmiieat^ te ééntiéiéiit de
feeUe;di^6i idèlèiiliiiiistifè^ 4^ dëpAmiftât >&
Fififltéaf^Ai boDdùit Ae iWgli^MifV^'^ d<-
.edviL llnmàe dv^ j^ys 4^ pàt^ts^ eài éMe
. k ipfaodîgiia j 011 MitéèQi-dttâfcde fflt&ii'tille
.*i J^dèSfeiitEbwgyf»F($(f qu'il léôi6ri|0i^&
pldneoiB épitûbi 0H$»^mféfè^^ 9^\i^'^
'pmxcii:jiB9 s%bali0rMH ^<«^ftèlfâ«î(f fié friitié^
.pai: na actei plUd propre à lai Mtirët! lié' à^*
' p^iadissameDS'de |itid8<|a^ ^tom hé Praâltiéù».
Ce fot.aîâsi (f|tv9< V£urO]^ péi^^l r«f«g d^
jfdoa'^abdsJaoïiiavea-qa'elle- arif jtflâ«riâ' ebé.
^Qiroî^dé la'éuftede.mea &DUVétifa'âidëiv4'^*
corë se ràpportet àidf , ei te pèrndr9^ ftéA-
Teéa,.parcer que .|iap<iièat H édt- lid^-ôéhil'i^
autour duqtiél se rangent d^euX-méM^a H les
bonimes et les faks dont )ê Tatfx eâlretéitil' tnë^
Jectenrs,; il est cependant vrai ifi^ c'eafa^pàb
favotr pi^ésanté en Ini^éme , qu^l p^it iÉfè^rb
permis de réunir comme eo mi fâiaeeiiuf , ton^
les traths qni forment son Téritable pe^rlrisiil;
et ^ni peuvent irrëvocablemeikt fixer te jugâ^
réjSo Pleillesse^y iàfirmitfy et mort
iDMit ^que la pèstéiité;'4evra eh {idrterà*.>^ ^
Cest.une grande. sotlî^iqùe^de ssiperaaa--
. der que \ pour être ipcxrté Aim. \^ clabse , deg
' grands ,bommes y il Iktet ne ptoa tenir à avcuiie
dea ixi&riiiités huméiaés • Ecartcms -ibi tout ce
*
/qcd est ; exagération; y et* plaçons r jiotts ; daiis le
cercle deja vérilé ^ bieadéteianiaé&àn.'en;pàs
sortir^. Annibal , Alexandre « Mariné ; &^ »
Mithjidsfte , Géd8[r.# <^ariie]nagne«.Lomi8iII£,
:, Condé , Tarenne » YillarsJt' Pierre :I«r ^ : fer^t
,de grands hommes , q^iQigtM Tonâît 'à répro-
eherà j'hq de laiburbeiriei ài-autrè une extx'a-
. vagapite exagération j une dmbîtidnfâifooenttx
. deux qui suivent i une ^ocité de; saiurage au
. cinquièpie ; plus de dts^intulatiom encore que
de grandeur à César; tcop peiide:piiéiih)yàiice
à Chai?iemagne, trop da onédoKtélàLnçisIl^^
.trop 4e fierté. à Gohdé , troli de foiblësse'.k
-Turenne , de la varice et. dé la vanité à Vallara;
^et enfin' 9 le caractère *Jbarbare des ; anniens
, temps au héros de. la. Russie. Dtind Je ^çràfmL
homme n est pas un homme sans déiàot'; ma&
.c'est celui qui , malgré les dé&nta qnïl pntrt
avoir encore , s'élève infiniment au dnf sns des
autres , par des qualité$:grafides^ rares «tran^-
pendantes , et j3irQpres:èiiQflner puissamment
auf les de$linéea.dd»^nttioDS• Ces qua^itéa
^ de Frédéric. 361
'fientieirt à des vertus sûlifimes , à un caractère
Kéfoïqtléj et à dès talens extraordinaires. Or,
îl est 'évident à mes yeiix ,' que Fîrédérîc a
rétini totils ces titres , qiiéls quaîent'été les
'dëfautâ qu'on peut lui reprocher : au reste ces
défauts* sont peut-être moiùs réels qu'appa-
•jreiis^îf est du mbîns certain quit a su plus
d^une tbîs les tourner à son avantagé , et en
tirer un relief très-seiïsîble» •'
' Le premier de ces défauts que nous ayons eu
lîeu dé remarquer, cest'son extrême vivacité,
^ui âbien pu quelquefois lui faire prendre des
"déterminations hasardées et périlleuses * ou
• • • ■
)rném& dommageables ; mais qui )iecondée pat*
*8on génie j fa si sou vent fait sdr tir avec gloire ,
des situations pénibles où auroîent péri tous
ceux qui auroîent été plus lents que lui. Lés
vrais Inîlitaires, tous ceux qui ont bfên étudié
sei campagnes , s'accordent à dire qu'il n*a ja-
mais étéplus grand et n'a jamais déployédes res-
som'ces plus étonnantes , que qn^and il aeu &
réparer quelques grandes fautes , ou désastre^
prô^i^es à le perdre. L^ second défaufde Fré-
déric a été son goût décidé pour le pers ^
flftge et'Ié'sarcasme , au sujet duquel* j'ai dît
Ailleurs ce que jysoupçonnôis d adresse etdd
poUtique \ mais après ces deux défauts quels
^% yieiUessfi ^it^rmîiés et mort
, $ont oeux que j'aurai i^acoreàcompteop ? THinc
t-on qu'îi étoit avar^ ^lui- quio étoit gulioioiQio
d ordre . luji qui n'écouomiaoît que nf uécet-
.site , lui <}u£ aimoit tant à être yiAte: « ,f^
f^MSoit tant dé \âsxl à ses sifjets t.ltii eo^ qqi
disoit ayec tant de franchise àlA. de Launsi]^:
« Lquîs.jXjY et moi ,.nooa sop^pi^s^ i^sjplw
» pauyres que., tous nos sujets :. car • pairn^
» nos sujets , il y en a peu q^ n'^iept.paa
» q.ttel<][ue patrimoine * et du moins, est-il ywtf
3» que ceu;!c qui n en ont- pas peoyeA^ eii ao^
S) quér^r.^ au. Uea que Low X.V et- moi ^
» nous n^avon^ rien \ et ne pouvons rien aer
» quérir qui soit; à nous :' tout appa^tieut \
», V^^tat». Nous lia sommea que les adminis^
» t}r&|teu»r§ de la fortune pitbUque : ypill^ notrç
» seul titre. Si» en patte; qualité y. n^uj% P<^^*
» yons prendre ce que, notre dépense exigp^
» -ce n|est encore quVtutai^it que la raison dt
» ri^tat nous y autorise : et si nous' allons au
t 4elÀ dé cette mj^sur^r txqv^ devenons infir
", iji'i» • -1»...
» dèles et. coupables. »
Dira-»t-on qu/il étpit dur et cruel , ce roi
c[ui n'a été que fidèle aux principeSv de^ iecv
meté et'de constance qu*il s*étoit tracés^àkii*^
inéme ? Quel homme a plu^ adouci la sévériiMi
des.lpis que lui? Je l'ai déià x>bservé aillemrs y
fm^ l^pM^'fi pi^biic A'^txp4^ 4« rai #6lf ffi»p^ r ' r
Dira-t-on qa'ii étoit impla<{s4^ dflOS M$
iKxivmageii à la y^rîtf ; j^ J^jna|î.vtt Mirffeiît;nf
mai£^ j^i^ li)i fii jfm^ii^'.vad^ baMËr>i)ift^piB»iqr
^içfi^ ^ue-^sa }i^i|0^ étpM.T^ajesiimtipranQi^
If^i^W.Hfmt^ oQuJem^fc. Jl le regardât tout
4 la, &i$-09m)PQ IWnnnBtl k pbis, t^êtortA dte
2]e^Q|lMr«^,,dQ SQU jtqI,, e^Â^ k nation^ fcançaisa.
<^a> ^tii {ràwfoit pffQiftv^rqoQFjrédéria'fluft
ik cc[tte^ :époqike ^.dés lieas. 8r;étroîtsf e^nilfi
Suante et k: viaiaep de^Ii^aisiaîiib^ pirafMft
«ofiu qu^ éiioit.tirofi xûéfiattiS Câidticç ifnéii
5^4 J^Ulesséy ir^rmités et mort
... . . ■ • • r
général Nngent Itti a si lidblefrieiit reproché:
mais je demanderai 81 Tes peuples n*6nit pafs em
lïeaucdup plus à souffrir sôus lés rois trop
eonfiams^ qtie sôus- les rois méfians ? Jié de-
lâanderiBd si 4a méfiance dans lés sôùvétains
à'ést pàs^ plus qûiBlâtiffisa'minent jiîi^tlfiée par
Té tuée de rhiâfoir'ëët par^tà connoisbànce dear
liommea? Je detnandeirai , enfin , s^l sèrott si
dffîeiie de prouv^ar liôe Fjpédéric lui^éinè a
pluspéichéencot^Sr trof) que pal^ trbp peu
âe^ eonfianoe ? . * •
/ J'ai dit qu^Frédério aToit^é graAt^bbmtne
fttr lea/rertM , pa^ lés talenfS'^ et pàif^ le d&rac^
tère. * Cest sia Vi# èatidre ; qbî développe et
|xroai^!eette vérité. "Au stirplits , ott conçoit
^eies vwtus doiir^t ici se subdivi^éx^ii* plq-^
'fiieairs' classes , selon qu'elles se rapportent
plus sensiblemeai à; rhomnie pris4nditidttét-
len<ent /à Thomme cansidéré cdriMè liiièmbre
dé famille , à lliomme devenu éttd]fen , à
rhômme -magistrat , sduverain ^ et ùoMMpo^
lite. Or , quel homme • eomme individy, s'est
soumis à des lois phis sages que FlrédéiSc f
Quel homme a exercé un plus puiaâant- em-**
pire que lui sur ses passions et sor se^ pen«
dbtdns? Quel homme a été? plus: mattre de lui*
même ^ plus raiiKmnable dans le obcpz des
t <
âe Frédéric* \ 365.
irèglbft qfâl s'est pTOScrites , 'et pkis constant
^Iqs suivrai? Si vous Je transporta au seiii
4e sa famille , voyez avec quel respect U parle
d'iugu'pèns:^ "de qni il avoit en tant à se plain-
dre !!¥ajiez les rsentîm^os qui Tattachoient ft
sa mère t «et son invariable ^fidélité à les ma*»
nifestec ! Yoyez sa tendresse poifr ses frères^
et plus encore pour ses soeurs! Voyez set
attentions toujours soutenues pour tbùs aei
par;ens 1 .Un seul mot ici dira tout :• ce rot <«
si pc^pé , ^quelquefois, si pressé par sa' po<î
•iiÛMi f >par larouUiid&Gité et lurgence des« a&^
faires ^ n a point employé de ^secrétaires poùi!
•aicorrespondance -avec ses^parens ; lx»4nêma
fsfUoît etiécrivoit les lettres qu'il avoit à leur
2|dresser< Il témoignoit. ainsi comlnen tous lui
4tQÎ9nt,Qhe]:s5 et combien.il respectait leurs!
aiçprets, «t leur confiance* Jamais il n*a' eu*
4e,jepQfiifiens à cet égard* Ce trait .seul ne dé-
n^QptE^tUpas qu'il portoit au plus hapt degr^^
les yertus qui caractérisent un bon et véri^
ta)?lQ parant ? Mai§ , d un autre ciôté , quel
autre homxpe a plus respecté que lui Tordre
pubUc, la modération envers -les autres ^ et
la .iMfiifidsance ? Qaèl hooune a été plus fastes
et^plu^ indulgent? Qui:a mis plus de sçUici*
tn^Q à .iài^e le bien? . ' ' -
^ii^rtfdtA^ et mort
tiiet T»rbis .à exmnûer i, ^iri 4 pir nialbeor , ne
a>iasotxfezit ^pasitoapunti^ec celles- dès par--
tioUjiai^ ; ispute») ice .'qiii ieat jUpixté :imrta
4'im.!côté> Q^t èonsî^érâf antre pact/^dfabsod
quioa. a{4>elle cUfiiM./iinahîdressëiet avitises^
QtKDââ lea lévèiiemaiis.iaè :aompirG[ué]it<6t M
WQiaeiitâè.fnanibEe.^.à. primaire dm aofaflîhl
aomUafoless^âl fitMi>i8ii %&séSQtxdk€mk^\Aàiàé
^xatobtéi OQ ded'aîvtm Msî^' si ^^i^Vuii gt^fiS
koq[iaK qoe iK>i»rplàeieK>dâAa utia aH($M^^ivW
pour le i^arti quiifatëreéâfeJe ^Ina gratid^ïfdbi-
km^.Awii-daBts qe/ima^ /etdanâ oa^pas^^'Sidtrl^*^
mi9lti« ce 9e Séira plas! eh ihbaiave ^^ pdiëâit \
lîléa dià|fiaroîtrorii^ien>qaelq!|ies<3»9tëV
djppoC iS abacnrbetr dans, lia (fu^Mf^i |»>édoifebi«-
Bàtite*dfhacniile!public; J^ èomtn^itl^cjuëâbnW
]A';pirtitiqi3ua ee .soiil là^dssic&oix et; de!s dëh^
mmationa (QÙ ;ili J a làùtairt dé dall^ëÉ' A^é
d'inportaifece ::iLiaiit jin.gëMë bién^Mi^ pbor
a^asaitrler. de I apbe.paar; 8':ji Immper:;ii0û^^tô6
qaHi^le gédie qQi:iiQ«}y{ftrbkiS)pe fias ^iiell^
qOfifiiiaPMais Frédéric! is)y'iràm:pa4^i|ito!^s^
<{ttê>f)iPUt r«i<oitâged6JSisr:£(farC6!, â^ëkitt^^rlf
la conquête de la Silésiè ?ât7. tartott^tt-Jl ^
ée Wrédirie: - ^ 367*
8ë ^ëte!raimaiit aiïx guérresr subséqtîenf es ? ^
^lii ôseroit le âiré ? Et lorsqall consacra son^
temps , ses veilles , ion ' iiidtistrîe , toutes ses^
làéditàtioits et ses ressources à la pfrdspéritév
itatîonale ,. quelle est la vertu d'homme pu-
blic qu'où trouveroît à lui refiiser? Et com-
ment ne pas Tadmirer encore davantage ^
lèrsqueiFon voit que, dans toute sa vie , tl a
rattaché, pour ainsi dire , tous ses principes^
et toutes ses autres vertus , à 1 idée plus gé^v
nérale^e lliutnanité toute fentijère'? Ne voît-^
cte pas* que , durant toute sa vie , il a eu 'pïé^
i&tHie à l^prit, et graVéedans son cioéitr , là;
maxime ^i célèbre de Térence: ffuniani nihif
A me iûienum putô? Et qui a jamais su côzi*
cîHer comme lui, Tame d*un vrai cosmopolite »
tfVée toutes les qualité d'un grand roi?
' On ne peut s^empêcher tie rec^nnoître la^
atablimité des Vertus dé Frédéric à trois ca-
ractères remarquables , et malheureusement
Beaucoup trop rares ;riiu, que iiulle d*en^'
* * »
truelles n'excluoit les 'autres : il réun^s^dit la^
bonté à la justice, 'la 'modération à la fer-^
meté; et la persévérance à la célérité 1 le sê-i'
cond caractère est,' que ses vertus étoîen*
ràisonnées ^téfiéchles' , et conformes à la plus
saine plûlosophie • le troisième , enfin , qu'elles
568. P^ieiUesse^i in/Srmilé;^ etnîort
VLon\ jainais . été fiactaaQtes^ -mcertaioes ^ ~ fx^X
Variables* Il a su les épurer et les afTermir'»,
par tout qe qu'il y a de plus parfait dans l^a .
lumières de lesprit , et ^par tout ce qije.
rhomme « d accord avec lui-même • peut avoii^r
de force et de fermeté dans lame. .QueJ!onr
se re|»:ésente un hommp qui^ paître de taiit^
4e millions d'hommes > l'e^t çi^ipore ;plus. dej
Inirinéme ; qui , s*^tant dit qu'il consacrerjQit;
tel jour et telle heure à tçl^e .opération , iif^>
, s'est jamais écarté de (fe plan ;;.qçl, s'étafi|;{
imposé la loi de se leyer^ à telle heure , n'y :^,
jamais manqué ; qui i en un. mot , a inyai;i9?*,.
blement assujéti à la loi qu'il s'étoit faite y etr
^a propre volonté , . et sa constitution pbArsî->>
que et la nature ; sachant vâincr/e^rà. cctv
égard , et ses goûts » el .les. ennuis de. la mo*^.
iiotonie, ou de la régularité^ ^t }us(}p'à/s^»
besoins. Il a -prouvé que l'on peut suffîrer 4» -
uu travail infini » lorsque Fon sait vmettreuiL
ordre convenable ; , let que ion peut parvenir:
à tout , en réunissaat uije constance inva^v
riable à une activité, toujours renaissante :, il
a mêmçpirouvé que c'est ain^i quW pput étrÇj
plus heureux, que les ^ autres ,hoçames, : car^
nVt-il p%s. été i^ussi heoreio^ que.graîi<^-^
hoionme ? ^
. r ' . . .|. • ... .
J'oserai
'rffl Frédéric. • 36c
J'oserai redire iei ce que j ai déjà dit ait»
Je»rs(i) : le gratid^homme fait principalenidnt
ou le bien présent » ou le bien à venu*. Quel-
quefois il ne fait le premier , qu'en préparftfit
âef grands maux pour les temps futurs. N'est-
,ce pas ce que Ton peut reprocher à Pierre le
Grand , qui n'a tiré sa nalîon du uéant^ qu'en
^ermissaut chez elle le sceptre du despo-
itiàma 4 les chaînes de la serviriidb^ et les er-
reurs de la Sruperstition ? Quelquefois ^ eu
.^Btraire , le grand - homme fait moins te
bien pour Tépoque actuelle , qa'il ne le pré-
.piore pour des temps plus éloîgtiés ; et o'ést
«e que Ton doit admirer dans Frédéric , qui ,
en maintenant , dans ses Etats , le gouver-
liement absolu , sut en ooneeatr^ la sévérité
4ans un petit nombre d'articles , et fixa autour
4e lui et parmi ses sujets ^ le goût à^s scien*-
ces « l'habitude des mœurs simples , fétudè de
la philosophie y la pratique des arts , la liberté
de penser , et la tolérance.
. Pierre le Grand a ea un avantage qui n*a
pu qu'aîoatar beaucoup à sa célébrité : quel-
f(ue grandes que fuseent ses qualités , le néant
qui l'environiioit le relevoît intiuiment^ ou
(1) y cjet Traité te l^IsprU Public, p«ges aSS à
^4ay
ï* A a
57^ Vieillesse y infirmités et mortr
da moins le faispit paroître dans un bien pioa
grand jour ; c^étoit un géant au milieu d'un
peupledePygmées. Frédéric n'a pas eu. de cm
contrastes favorables : il j avoit autour de lui
des comparaisons qui se préseutoîent d'elles-
mêmes : car il tenoit à des ancêtres connus
par leur mérite , à des sujèts'distingués par
de brillantes qualités , à des opinions géné-
ralement reçues , à un esprit public biea
établi en Eu]!t>pe , et dont il ne pouvoit sé^
carter sans risquer de se perdre, ou sans
recourir aux ménagemens les plus délicats ;
et à toute l'Europe qui avoit au moîqs des
hommes très •- célèbres à lai opposer. Aussi
voyons-nous qu'il a , en quelque -sorte , ra-
baissé à la forme des choses ordinaires, ce qu'il
a fait de plus grand : il a fait de grandes
choses avec la simplicité que l'on met à rem-»
plir son devoir de tous les jours : voilà un des
traits qui le caractérisent singulièrement :
Louis XIV mettoit du faste jusque dans les
petites choses : Frédéric l'évitoit : avec soin
jusque dans les choses les plus admirables.
C'est ainsi que l'imagination nous repré-
sente Pierre le Grand comme un génie créa*-
teur , et que l'on daigne à peine observer que
Frédéric a tout perfectionné. Mais si l'on de--
V
de Frédéric. ' SJ^
mandoit pourquoi Pierre n'a pas fait plus ou
luieux , il faudroit bien en venir à répondre
que c'est parce qu'il n'en a eu ni le génie ni la
volonté : car sa nation étoit dans ses mains y
comme une pâte molle qu'il pé.trissoit ainsi
qu'il le vouloit. Si l'on fait la même question
par rapport à Frédéric , on verra , en étudiant
bien sa position , qu'il auroit tout bouleversé
et tout perdu , s'il eût voulu agir autrement
qu'il ne l'a fait : chez lui et autour de lui »
régnoit une masse d'opinions publiques toutes
formées , fixes et déterminées , qu'il ne pou-
voit que ménager et respecter : en ce cas, il
ne reste plus aux grands hommes , qu'à savoir
influer d'une manière utile sur ces sortes
d'opinions , lorsqu'ils veulent contribuer au
perfectionnement , à la prospérité et au bon-
heur des peuples ; et c'est ce que Frédéric a
eu la sagesse de faire plus qu'aucun autre sou-
verain ; ayant bien calculé les progrès que
l'espèce humaine avoit faits jusqu'à lui, et la
marche que Ton de voit suivre dans la suite ,
il n'a voulu faire que quelques pas de plus ,
parce que sït avoit entrepris d'en faire da-
vantage y il auroit tout brouillé, tout confo ndu ,
et auroit retardé l'œuvre du perfectionne-
ment social , au lieu de l'avancer. Je finira^
Aa a
37^ Vieillesse, i^rtn. êtm&rt de Frédéric.
par remarquer qM dans le cerele où le6 eir^
oon^taDces Taroiefnt circonscrit , il â été grande
homme à presque tous les titres, e'est-i-dire «
comme légiadatéur ^ comme héros et oonqué^
irafiit , comme sage et philosophe , eomme
littératiaur; poète et histori^a/et principalQ^-
itfeul comme admim'strateur , aiasi que )*«&•>*
père le prouver dans toute la suite de cet
èttvnage.
' • » . ^
l
Hav du Tome Premier^
I •
' . . '' . ' ' ■ • .
TABLE
f ....
DES ARTICLES
Contenus dans ce Premier Volume.
Préface. Page t
ÈriéériQ le Grand dans ses Entretiens ordi-
îiairess 49
-r^ — da^ !ses Etudes , ses Opinions et Com-
positions Httéraires. 1 39
— — dans sa Jeunesse • ai g
f^oyàg&s de Frédéric. 25ar
frédériç dans sa, Vie intérieure et domes^-
titfue. 305
yieiUesSe t Xrifirmités et Mort de Frédéric*
354
Fin de la Tabla des Articles du Torae
Premier.
mrm^'mmtmmmmmmiÊÊÊmtÊttÊmti^imm
^
OUVRAGES
Sur la POLITIQUE , la DIPLOMAtlE ,
l'ÉCONOMIE POLITIQUE et riHISTOIRE,
Qui se trouvent chez F. Buisson, Libraire,
rue Hauteibàiile , n^. zo,.
Tableau faistorique et politique de l'Europe; depuis
^ i786'}usqu'en 1796 , ou TânlV ; où setrouveut l'EGs-
* toîre ded piiuo^auX'éTènemensdu rëpne de F. Guil-
^ laume 11^ roi de Prusse , et un Précis des Révolu-
tions de Brabant; de Hollande , de Pologne et de
France ; par JL. P, Ségur Patnèy ex-Ambassadeur ,
. Conseiller d'£tat. Troisième Édition ^ revue et corri-
fîgée. â vol. in-8^, avoc le Portrait de F. ûuillaume II ,
{ gf^vé par jé. Tardieu. Prix , la fr.
iPoli tique de tous les Cabinets de l'Europe 1 pendant lei
règnes de Louis XV et de Louis XVI ^ contenant des
* Pièces authentiques sûr la Correspondance secrette da
.Comte de Broglie; — Un Ouvrage sur la Situation de
tot^tes Içs Puissances de TEurope / dirigé par. lui et
* exécuté par M. Tabler; --<-Les DoKites sur le Traité
. ,de 1756, parle même; — Plusieurs Mémoires du
' Comte de Vergennea ^ de M . Targot , etc. Manuscrits
trouvés dans le Cabinet de Louis XVI. Troisième
Édition, considérablement augmentée de Notes et
Commentaires, et d'un Mémoire sur le Pacte de Fa-
mille y par L, P, Ségur Vaine, ex-Ambassadeur^ Con-
seiller a Etat. 3 vol. ên-8®. 1 3 francs/
Galerie Politique 9 ou Tableau Histori<(ue , Philosophi-
que et Critique de la Politique étrangère , où se trou-
vent l'aperçu des Evènemens qui ont contribué à
l'élévation ^ à la gloire ou à l'abaissement de chaque
Etat^ ses Rapports politiques; l'analyse de divers
Traités^ et les Portraits des Monarques, Ministres,
Généraux, etc. , qui ont influé sur le sort et la Poli-:
%ne ae l'^uK^pe, depuis 1788 Jusqu'en 1800: par
M. A. GaUet a voL in-g». Prix , 9 francs.
Mémoires Philosophiques et Politiques sot Pie VI et
* î?J»!!?'**»fi<»t. jusqu'à sa mort} où l'oii ti'onveties
JJétmIscuneuxsnr saVie priTée, sur ses querelles avec
les diTenes Puissances de l'Europe, sur les Causes
qui ont amené le renversement du Trône Pontifical
«ur la Aévolution de Rome et ses suites ; tirés des
sources les plus authentiques. 2 vol.. i/d-S". avec la
Carte des Marais Pontina, et le Portrait de Pie VP
gravés en taiUe^uoepar/. Tardieu et Blot. Seconbï
EDITION, r«M(« ei augmentée par l'auteur. Prix 8 fr
brochés. ' ,
Mémoire de la minorité de Louis X V ; par J. B Maskil-
fo», evéque de Clermont, de l'Académie française.
Seconde Edoion. 1 Toi. w-S". Prix , 3 fr. 60 cent. , et
Oir. trancdeportparlaposte.
Le même ouvrage, 1 vol. in-ia. Prii,2fr.5oc
(pour lespersoonesqiv ont les œuvrestTi-is du mémÂ
auteur.' ) ™eme
Le Nouveau Siècle de Louis XIV, ou Salires-Anec
rÏ^^ ^I^A^***•* *•'-''«'•' 5 *"«« des notes histo-
^^^^^^ ^^VKusemeoB. Seconde Édition. 4 vof
in-4«' . fttx, a 8 fr. ; et aS fr. franc de port par k pone
Histoire du Directoire Exécutif de la SépXue*
française, depuis son installation jusqu'au 1 8 Bru
mau-e inclusivement ; suivie de Pièces JusUficaiive^
2 vol- i«-8». Prix , 9 francs brochés. "^''^es.
aslou-e de Catherine II Impératrice de Russie ; par
J. Caetera. Smvte de l'état actuel du Commerce des
Richesses, des Forces , des Productions de la RasS
^t'T^I' "''' *""" ^°^"-"'«' gravés par'
^ i"/ »utres, comprenant celui du maréchal
&«^/; du prince Jpon, du prince Po..^*^ et
de C«/^r«,«// à deux âges; de Pierre m H
Gré^ireetà'^lesùf Orloff, de Paul I.r , de PonZ
*w%, de Z«7w*oj, et celui de l'Auteur :1a Vned«
la Fortereeee deSchhueelbourg, et deoxbelles Cartes
?/i*, ^■"'' *' t ^^"^8^' «^e° ^» àmrem par!
t^es. Prix ,7 fr. broc; en papier v^lin ordinaire
25 f. , et en beau vélin 34 fr. "'«aire
Le même Ouvrage, en 4 volumes w-ia ,.„« «„„
traits ni carte.. Prix, 9 fr., brocl,^. "^«««por-
Tbétoa dellfennitagede CafiérÙH tl\ IlifpAuriiée d«
Rn88ie> coiupoté par oèfto I^aiuOM»e; |MUt £.*/^ Afgur,
^ iMHirg} par I9 Comie de C^beniu^l, Antib^mtdtmr de
rJEknp^roar ; pw k Comiit itfOi^ Schûi9i^akff\ par le
^ Comte SirQgo9^; pit le Prmm «b ^^i^liw; pnr le Fa-
vori Mom^nof; p<ir Mlle* Auf/éim , «^kw fi toI^ sh^^*
avec le PioiraUdp Gaià^ri^eJl^ gl^Véen ièiile-doace»
Prix, 9 & broahéa.
Correspondance «eci^to de CA^^f^Ue^ Puiaa^f Corma-
tiny d'AuHch4»mp y S^rmer ^ FroUé , Sc^peaux^ So^
tJterel ^ du Prétm4ism*^à^ «à<*deveiit Camled' Artois j
de leurs Ministres et Agens^ et autres Vendéens ,
Chouans et ^Emigrés Français. Suivi du Journal d'O-
Iwier ^Argene , et du Gm0 Politique et Civil qui a
régi la Vendée peudant le tewps de La RebéUioai. /n^
primé sur Pièces Origmaiee , saiaîes parles Armées
de la République , sur les difliârena Châfe do Rebelles,
. dans les divers Combats, qui. ont pi^éoédé la Pa<nfi0a-
tion de la Vendée. 2 vol. m-8^. avec le Portrait de
. ChareUe^ gravé en tailte^donoe^ Crès-icaeeHiblaBi^
Prix , 6 fr. 5o c*
Voyage dans leâ quatre principales Iles des Mers d'A-
fi'ique» fait par ardreduGovwmementy pendant les
. années IX et Jl ; ( itot et I180S ) avec l'Histoire de
la Traversée du Capitaine fianulîn jusqu'au port
Louis de Tile Maurice ; par /. BXSr. Jf. Botj deSain^
Kincenty Offieier d'Btai Ma^or ; Naturaliste eu dief
sur la Corvette le JVaêaratiste ^ dans rBicpéditîali
de Découveites comniande'epar leCapilaineBaudin.
3 vol. i/» 8 ^. de 1 3So pages înifiriniéeB sur^earrëssiper-
fia d'Auvergne; avec un voiome. grand m-4^«de
58 planches, dont piusicaysaur Gratid- Aigle, des-
sinées sur les lieux par l'AuteMry et gravées en taille-
douce par Adam, Bi^ndeem, Portier, Dorgez , B.
Tardieuj etc.^ contenant d)es earles goograpMlpies
. et physiques ; des viins «aarines, sites; ammaux ,
. plantes, niinéraa x , volcans. Prix , 48 fr. avec l'Atlas
cartonné; et 56 fr. francs de pori.£n pa^er vélin,
S)6 fr. sans le pojt.
^ I C? ..' '*y L» / !