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MIMES FRANÇAIS DU XIIIe SIÈCLE
DONATION ALPHONSE PEYRAT
Ce volume a été publié avec l'aide du Jonds spécial mis à la dispo-
sition du Collège de France par Madame la Marquise Arconati Visconti
en mémoire de son père Alphonse Peyrat.
ABBEVILLE. — IMPRIMERIE F. PA.ILLARI
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(textes, notices et glossaire)
THÈSE COMPLÉMENTAIRE
Pour le Doctorat es lettres
Présentée à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris
Edmond FARAL
Ancien élève de l'École Normale et de l'École des Hautes Études
Professeur agrégé de l'Université
I SMS VS
PARIS (VIe)
LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR
5, Quai Malacruais
1910
^3
/
A M. Mario ROQUES,
DIRECTEUR-ADJOINT A L'ÉCOLE DES HAUTES-ÉTDDES,
Hommage affectueux et reconnaissant.
AVANT-PROPOS
Les pièces que nous avons réunies ici ne sont pas
inédites : presque toutes même ont été publiées plusieurs
fois.
Pourtant, nous n'en avons pas de texte irréprochable.
Celui que Jubinal a donné du Privilège aux Bretons et de
la Paix aux Anglais est fort sujet à la critique du double
point de vue de l'exactitude et de la clarté * ; celui que
Bartsch a donné des Deux bourde urs ribauds a le tort de
ne pas être établi sur tous les manuscrits connus et de ne
pas offrir toutes les versions du poème2; celui que
Kressner a donné de YHerberie de Rutebeuf, à peu près
satisfaisant, a le défaut d'être imprimé isolément 3 : Jubi-
nal ajustement rapproché de cette Herberie un boniment
en prose et un boniment en vers, qui se rapportent au
même sujet : mais son édition de ces deux derniers mor-
ceaux est établie d'une façon très défectueuse4. — Indé-
pendamment des questions relatives au texte, les pièces
que nous venons de mentionner en soulèvent un certain
i. \. Jubinal, Jongleurs et trouvères, p. 52 ss., p. 170 ss.
2. Bartsch, Langue et Littérature, col. 609 (pièces I cl II).
3 Œuvres de Rutebeuf, cd. Kressner, p. n.">.
4. Œuvres de liutebruf. éd. Jubinal, in-ia, t. III, p. 183.
VIII AVANT-PROPOS
nombre d'autres qui n'ont pas été examinées avec toute la
précision désirable. Elles concernent autant les sujets
eux-mêmes pris dans leur ensemble que l'interprétation
de détail, la langue et le vocabulaire.
Pour ces différentes raisons, on peut penser qu'une
édition isolée ou du Privilège aux Bretons, ou de la Paix
aux Anglais, ou de YHerberie, ou des Deux bourdeurs ribauds,
ne serait pas tout à fait inutile, si elle comportait un texte
sévèrement établi, un groupement complet des œuvres se
rattachant à un même sujet, la mention des faits histo-
riques ou autres capables d'en éclairer la lecture, et un
glossaire suffisamment explicatif.
Nous entreprenons cette édition. Mais, n'osant pro-
mettre satisfaction sur tous les points que nous avons
énumérés, nous voudrions surtout poser un problème
d'interprétation littéraire et tâcher de déterminer la signi-
fication de pièces, qui ont été groupées ici autrement que
par un simple caprice.
*
* #
Un érudit français, M. Emile Picot, a signalé depuis
longtemps déjà la vogue qu'eut au xve siècle une forme
d'art curieuse, qu'il a appelée le monologue dramatique.
Un monologue dramatique est une sorte de pièce de
théâtre, pourvue d'une action, mais conçue sur un plan
restreint, et ne comprenant qu'une scène à un seul per-
sonnage. Toutefois, il arriva que « pour introduire quelque
variété dans les monologues, les joueurs de farces imagi-
nèrent des monologues à deux personnages, dans lesquels
les interruptions d'un second acteur formaient les élé-
AVANT-PROPOS IX
ments du comique, ou des dialogues à un seul person-
nage dans lesquels le même acteur se répondait à lui-même
en changeant sa voix et son visage ». Si bien qu'il
existe des monologues simples, et, si on peut dire, des
monologues dialogues, dont M. Picot a dressé un savant
catalogue '.
Un farceur du xve siècle, qui s'y est exercé et qui a jugé
à propos d'en entretenir le public, nous a laissé sur ce
genre quelques renseignements précieux. C'est un certain
Verconus, à la fois auteur et acteur, qui avait écrit et qui
jouait une pièce singulière, sorte de débat, où deux avo-
cats plaidaient devant un juge pour et contre les femmes.
Ce Verconus, ayant muni son œuvre d'un prologue, fait
l'éloge de son talent mimique. Il explique comment il
excelle à contrefaire toutes sortes de types, et, à l'occasion,
plusieurs simultanément, inscrivant à son répertoire
aussi bien le monologue dialogué que le monologue
simple. Il énumère d'abord quelques-uns des rôles qu'il a
appris à tenir :
Se j'ay de fleurs un boucquelet,
Frisquandinement sur ma teste,
Je contrefais le nouvellet,
Aussi gay que ung homme de feste.
Se j'ay, en bragardant tout beau,
Dessus le poing aucun oyseau,
Soit ung terselet ou lasnier,
Je suis gentilhomme nouveau :
Onque on ne veit tel faulconnier.
i. Voy. E. Picot, Le monologue dramatique (Romama, t. \Y,
p. 358 ss. ; t. XVI, p. 438 ss. ; t. XVII, p. 207 ss.).
X AVANT-PROPOS
Se je trouve une mignonne
A deviser, je m'abandonne
Luy monstrer une gorge ou deux,
Puis, s'elle en veult, je luy en donne :
Je contrefais de l'amoureux.
Se j'ay ung chaperon a fol
Passé au travers de mon col.
Je contrefais le bien disant,
Abondant a menuz flajolz :
One on n'en veit de si plaisant.
Se j'ay un chaperon de dueil,
Je me tourmente a moy tout seul,
Je pleure et me tourmente assez,
En souspirant la lerme a l'œil,
Ainsi que amys des trespassez.
Se j'ay une chappe a docteur,
Je contrefays de l'orateur,
Et semble a veoir a ma faconde
Ung très noble prédicateur,
Estre le plus grant clerc du monde.
Somme, c'est une mer parfonde :
De mon cas je sçay faire tout...
Puis, s'élevant à des exercices plus difficiles, il promet
de représenter à lui seul une pièce entière, qui est préci-
ment Le bien et le mal dit des dames, et où il tiendra à la
fois les trois rôles des deux avocats et du juge :
Nous faindrons cy deux Advocatz
Et un Juge premièrement
Par fourme de procédement,
AVANT-PROPOS XI
Dont l'ung des Advocatz sera
Mal-Embouché qui playdera
Le mal qu'i scet aux dames estre,
Et l'autre de la partie dextre
Sera nommé Gentil-Couraige,
Deffendeur a leur advantaige,
Qui soustiendra de grantz biens d'elles.
Mais il y a bien des nouvelles,
Car vécy la chaire et refuge
Ou se soirra Monsieur le Juge,
Lequel premièrement joueray ;
Et puis après je parferay
Par ordre chascun personnaige,
Mal-Embouché, Gentil-Courage,
Comme vous verres aux pourchatz1.
La lecture des pièces rassemblées par M. Picot et celle
du prologue de Yerconus donnent l'idée d'un genre litté-
raire très particulier, qui prend place entre le genre nar-
ratif et le genre proprement dramatique, participant à la
fois de l'un et de l'autre, mais, au total, vraiment indé-
pendant, vraiment original.
Le monologue dramatique, qui fleurit en pièces abon-
dantes pendant le xve siècle, était-il déjà ancien à cette
époque? Il semble qu'on puisse l'affirmer, puisque
M. Picot mentionne dans son catalogue des poèmes datés
i. ^ oy. cette pièce dans Montaiglon et Rotschild, Anciennes poésies
françaises, t. XI, p. 176.
XII AVANT-PROPOS
du xiiic siècle4. Mais il n'en cite qu'un nombre infime, et
on est en droit d'en conclure ou que le genre n'avait été
jusque-là que froidement accueilli, ou que, d'oeuvres
nombreuses, quelques-unes seulement seraient parvenues
jusqu'à nous. C'est cette dernière hypothèse qui est la
plus autorisée. Plusieurs textes du xin° siècle, en effet, et
même de plus anciens, semblent bien attester déjà alors
l'existence d'une habileté dramatique très semblable à celle
de Verconus.
Une épitapbe latine, écrite par le mime Vitalis à sa
propre mémoire, nous apprend que Verconus n'était pas
sans ancêtres. Il n'est pas possible de dire exactement à
quelle date vivait Vitalis : les critiques le situent entre le
ixe et le xmc siècle, variant beaucoup dans leurs approxi-
mations. Mais, à quelque époque qu'il faille le placer,
dans les limites indiquées, son exemple n'en est pas moins
intéressant pour l'histoire de l'art qui nous occupe. Vita-
lis amusait ses contemporains par ses « transformations »,
et c'est pourquoi il se vante, dans sa confession funèbre,
que sa mort a été celle d'innombrables individus, c'est-à-
dire de tous ceux qu'il avait animés :
21 Ergo quot in nostro videbantur corpore forma?.
Tôt mecum raptos abstulit atra dies.
Il représentait des personnages de toute espèce, hommes
et femmes, comme il prend soin de le rappeler :
19 0 quoties imita ta meo se femina gestu
Vidit et erubuit totaque mota fuit!
1. Voy. Romania, t. XVI, p. £92 ss.
AVANT-PROPOS XIII
Et il y avait dans son geste une telle variété, dans sa
voix une telle souplesse, qu'il pouvait remplir à lui seul
plusieurs rôles simultanément, sans qu'on soupçonnât
l'artifice :
i5 Fingebam vultus, habitus ac verba loquentum,
Ut plures uno crederes ore loqui *.
Le costume, le geste, la voix, tel a toujours été le triple
objet et le triple moyen de l'imitation dramatique. Il serait
oiseux de s'attarder à montrer qu'au xme siècle comme à
toutes les époques on savait user du déguisement et que
tout bon acteur soignait ses attitudes. Mais on considérera
avec intérêt l'importance qu'on attachait alors à l'art de
la voix, et les textes qui y sont relatifs, prouvent que le
mime à plusieurs personnages joué par un acteur unique
était un genre classé. Geoffroy de Vinsauf explique avec
détail dans sa Poetria Nova de quelle façon il convient de
gouverner sa voix lorsqu'on lit une pièce 2 ; Jean Balbi de
Gênes considère comme le devoir essentiel d'un acteur de
savoir changer sa voix selon les personnages qu'il repré-
sente 3 ; et voici un passage bien curieux de 1' « argu-
gument » du Babio : « Introducit auclor quinque princi-
pales personas, quaeque loquens ad se invicem, ut coram
videretur sermo haberi tanquam a praesentibus, et ne
ambiguitas haberetur, quae persona cui loquitur4. » Grâce
i. Ce texte a été publié par Riese, Anthologia Latina, t. II. p. i^3.
Voy., parmi d'autres, le commentaire de W. Cloetta, Beitrâge zur
I AU eraturyeschichte des Miitclalters und Renaissance, I, p. 72 ss.
2. Vers 2024 ss. (Leyser, Historia poetarum medii œvi).
3. Catholicon, au mot persona.
4. Voy. Chassang, Des essais dramatiques imités de l'antiquité,
p. i23. Le passage cité du Babio n'est pas une preuve directe de ce
XIV AVANT-PROPOS
à d'habiles inflexions de voix, un même acteur pouvait
donc, nous apprennent les contemporains, jouer à lui
seul des pièces compliquées et où se mouvaient des per-
sonnages nombreux.
Ainsi, à en juger par ces quelques témoignages, le
monologue dramatique, dont M. Picot a pu réunir de
très nombreux exemples pour le xve siècle, était déjà
ancien à cette époque. Il reste à savoir si nous n'avons
pas conservé, pour le même temps, des pièces qui appar-
tiennent à ce genre. Nous le croyons. Nous croyons qu'il
faut considérer comme telles la Passion d'Autun, V Enfant
et l'Aveugle, et Courtois d'Arras ; et nous faisons aussi
entrer dans la même catégorie les quatre poèmes qui font
l'objet de la présente édition1.
Nous ne donnons le texte ni de la Passion -, que M. Roy
a étudiée avec une grande sagacité ; ni celui de Y Aveugle
et l'Enfant2, dont personne n'a jamais méconnu le carac-
tère dramatique; ni celui de Courtois d'Arras *, que j'ai
que nous avançons ; mais il atteste, en recommandant d'employer
plusieurs personnes, que l'usage était conti-aire, et que 1' « auctor »
pouvait se passer du concours de n'importe qui.
i. M. Picot a signalé, sous le titre de l'Homme qui sait tout faire, un
poème provençal du xin' siècle, de Raimond d'Avignon, qui présente
les caractères du monologue dramatique (voy. Romania, t. XVI,
p. 496). Nous ne tenons compte ici que des œuvres en langue d'oïl.
2. Voy. É. Roy, Le Mystère de la Passion en France du xive au
xvr' siècle, p. 4o* (Revue bourguignonne de l'Enseignement, igo3).
3. Publié par P. Meyer (Jahrbùcher fur rom. und engl. Literalur,
t. VI, p. i63).
4. Voy. Bibliothèque de la Faculté des lettres de Paris, igo5, n° 20,
p. i63 ss.
AVANT-PROPOS XV
déjà essayé de situer littérairement. Nous remarquerons
toutefois que, si YHerberie et les Deux bourdeurs ribaads
appartiennent au genre du monologue simple, il est bien
difficile de distinguer de Courtois, par exemple, des
poèmes dialogues à la façon de la Paix aux Anglais ou de
la première partie du Privilège aux Bretons.
Nous appelons cet ensemble de pièces des mimes, d'un
nom qu'il est difficile de définir dans sa généralité en
raison des objets divers qu'il sert à désigner. On l'a appli-
qué à des danses, où, au moyen de gestes rythmés, on
exprime des sentiments et on explique le développement
d'une action. On l'a appliqué à des scènes du même genre,
mais où le geste était affranchi de la cadence. Il s'agit ici
du mime littéraire. Le mime littéraire appartient au
théâtre. Il se distingue du drame proprement dit moins
par la nature des sujets que par la façon de les traiter et
de les représenter. Son objet est l'imitation de la réalité
parle geste et par la voix, sans recours aux procédés d'une
mise en scène complète et régulière. On verra comment
chacun de nos poèmes répond à cette définition.
LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
INTRODUCTION
Nous imprimons, sous ce titre unique, deux pièces ' ,
que nous avons distinguées en les numérotant I et II. —
A la vérité, le manuscrit qui les a conservées (Bibl. Nat.,
fr. 837, f6 190), ne fait pas cette distinction : il les donne
à la suite l'une de l'autre, immédiatement, sans insérer
pour la seconde de rubrique spéciale. C'est qu'en effet,
comme on le verra plus loin, elles traitent, selon les
mêmes procédés mimiques et en présentant les mêmes
personnages, deux sujets tout à fait voisins et qui se font
logiquement suite. En outre, elles se ressemblent singu-
lièrement par l'esprit et le style, au point qu'il faut sans
doute les attribuer à un même auteur. — Mais, ces obser-
vations faites, il faut remarquer aussi que les deux poèmes
sont de structure métrique tout à fait différente2, et que
1. Éditées déjà par Jubinal, Jongleurs et trouvères, p. 02 ss.
2. La pièce I est écrite en strophes monorimes de quatre vers dodé-
casyllabiques. Deux de ces strophes (v. 37 ss. et v. 65 ss.) ont cinq
vers. Je ne pense pas qu'il faille y voir la preuve que le poème est
altéré, mais simplement le signe que l'auteur n'attachait pas une
extrême importance au détail de la versification. — La pièce II est
d'une structure métrique compliquée. Elle est écrite en vers de huit
et de quatre syllabes (ces derniers beaucoup moins nombreux) qui
se mêlent d'une façon tout à fait irrégulière. Toutefois, les vers de
quatre syllabes sont toujours isolés (une exception au vers 20). La
[\ LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
l'action, engagée dans le premier et poursuivie dans le
second, subit, précisément au point où la versification
change, un arrêt, une interruption, dont il est impossible
de ne pas tenir compte. Aussi considérons-nous que
nous avons affaire à deux scènes, qui se rapportent à une
même donnée, mais qu'il faut néanmoins distinguer
entre elles.
I
La première est vraisemblablement une œuvre pari-
sienne1.
La date s'en laisse assez facilement déterminer, au
moins d'une façon approximative. Déjà l'âge du manus-
crit ne permet pas qu'elle soit postérieure au xme siècle,
et l'état de la langue prouve qu'elle n'est pas antérieure
à ce même siècle. Mais nous pouvons préciser. L'action
se passe, en effet, devant le tribunal d'un roi de France,
qui n'est pas nommé, mais dont l'aïeul (v. 76) s'appelle
Philippe (v. 69). Ce Philippe ne saurait être que Philippe
Auguste, et son petit-fils est Louis IX, sous le règne duquel
il faut placer la composition du poème. Sous ce règne, et,
plus précisément encore, au commencement de ce règne,
au moment où le roi, devenu majeur, gouverne cepen-
dant avec le conseil de sa mère. Ainsi s'explique que, au
début de son rôle, le Breton Yvon appelle la bénédiction
de Dieu à la fois sur le roi et sur la « roïn greignor »
(v. 2). La reine est représentée comme prenant à l'admi-
riine, plate, groupe les vers par deux, par trois, par quatre, par
cinq, par six. 11 est remarquable que les vers de quatre syllabes
introduisent toujours une rime nouvelle.
1. Elle ne pouvait guère intéresser que des Parisiens, et l'allusion
du vers 68 à Saint-Germain-des-Prés est peut-être un indice.
LE PRIVILEGE AUX BRETONS t>
nistration de son fils une part importante, et c'est sur
son intervention que les Bretons sont censés voir confir-
mer leur privilège. Il résulte de là que la pièce a dû être
écrite entre les années 1286 et 1262, qui sont, l'une, celle
où Louis IX est proclamé majeur, l'autre, celle où meurt
Blanche de Castille, mère de ce prince. Il est naturel,
d'ailleurs, qu'on songe à un moment plus voisin de 1236
que de 1202 ; car c'est surtout au début du règne de son
fils que la reine mère exerça son influence1.
La donnée mise ici en œuvre est, par elle-même, assez
bouffonne. Un Breton, nommé Yvon, qui coupait du
genêt dans la forêt pour en faire des balais, a été malmené,
ainsi qu'un de ses cousins, par un sergent forestier. Il va
se plaindre au roi de France et proteste que son droit a
été violé : car les Bretons ont obtenu anciennement du
roi Philippe le privilège de couper les genêts. Et le roi
actuel, devant qui il porte ses doléances, confirme, sur
les instances de sa mère, le décret de son grand-père
Philippe-.
Nous concevons qu'un tel sujet, encore amusant à notre
goût, ait pu égayer les contemporains. Mais il nous est
difficile d'estimer le rapport qu'il y avait de cette satire
bretonne à la réalité. Si les Bretons étaient surtout, à Paris.
1. Selon l'Histoire littéraire de la France (t. XXIII, p. 423 ss.), le
Privilège aurait été composé vers 1204. Il se rapporterait aux traités
conclus par les rois de France, surtout Philippe-Auguste et Louis IX,
avec les comtes de Bretagne, plus précisément à celui que Louis IX
passa dès ia34 avec Pierre Mauclerc, vassal redoutable; et il serait
une moquerie à l'égard des Bretons, parce qu'ils n'auraient obtenu
alors que des avantages dérisoires.
2. Le morceau est presque entièrement dialogué et a un air de
drame. Mais quelques formules narratives, telles que Breloni loqui-
tur (v. 35), Dist li rois (v. 66), etc., prouvent, comme il était d'ail-
leurs facile de le prévoir, qu'il n'était pas joué par plusieurs acteurs,
mais par un seul.
2
6 LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
des fabricants de balais, — s'ils étaient réputés pour leur
âpreté à défendre leurs intérêts, même les moindres, —
s'ils étaient d'une ignorance orgueilleuse (v. 67 ss.), — s'ils
avaient déjà un sens très développé de la généalogie et
s'ils se trouvaient tous cousins entre eux, — je n'en ai
pas trouvé de mention ailleurs1.
Pour ce qui concerne la forme proprement dite du
poème, nous savons un peu mieux comment les vrais
Bretons avaient accoutumé de parler le français. A nous
i. Il semble toutefois qu'ils n'aient pas été très sympathiques. On
en peut juger par les propos d'un jongleur, qui, louant la généro-
sité des boulangers, admire qu'elle aille jusqu'aux Anglais et aux
Bretons (voy. Jubinal, Jongleurs et trouvères, p. 1A1):
Et li Englès et li Breton
N'i a celui n'en ait son don.
Il devait y avoir à Paris, à la date où fut composé notre poème,
une colonie de Bretons ; mais on ne peut pas tirer du texte d'indica-
tion certaine sur le quartier qu'elle occupait. Il existait sur la rive
droite de la Seine, au xmc siècle, un emplacement nommé le Champ-
aux-Bretons (voy. Legrand, Paris en 1380, p. 56, n. 1), où passait la
rue de Lagny ou de la Grande-Bretonnerie (voy. F. et L. Lazare, Dic-
tionnaire des rues de Paris, p. 168). Je note en outre qu'il existait là
une rue des Balays, mentionnée en i4o,5, et qui allait de la rue du
Roi-de-Sicile à la rue Saint- Antoine. — Sur la rive gauche, se trouvait
une rue de la Grande-Bretonnerie, appelée aussi Ancienne- Br étonner ie,
rue aux Bretons et rue du Puits (Topographie historique du vieux
Paris, Région centrale de l'Université, p. 31, dans l'Histoire générale de
Paris). Elle tirait son nom du fief de la Brelonnerie, ainsi que la rue
de la Petite-Bretonnerie, qui en était toute voisine. Elle était proche
de la porte Saint-Jacques. Si c'est dans ce quartier que l'auteur de
notre poème cantonnait les Bretons, la « maison bastilliée » dont il
parle (II, i3) pourrait être une maison fortifiée située près de la porte
Saint-Jacques. On s'expliquerait aussi (II, 53) la mention d'un puits
situé devant la maison de Dam Maurice. La rue Saint-Hilaire (H, 12
Saint-Tillié ?) qui coupait la rue des Carmes, se trouvait dans le
même quartier (voy. ouvrage cité, p. 335); mais je n'y trouve pas de
rue Saint-Pierre (II, 12 Sainl-Pié?). La rue de Glatignies (II, 5i) était
dans l'île de la Cité ; et en parlant des « voisins de la rue de Glati-
gnies » l'auteur a négligé d'être exact, pour faire une plaisanterie.
LE PRIVILEGE AUX BRETONS 7
en tenir à celles de notre pièce, nous notons que les
incorrections de leur langage tiennent à des particula-
rités à peu près constantes : confusion de Ye et de l'i* ; des
toniques -ié et -é, -ier et -er2; apocope de Ye3 ; confu-
sion, à l'initiale, entre a et e devant s -t-co/zs.4 ; passage,
à la finale, de g à eh5 ; point de déclinaison ; fautes
de genre6; fautes d'accord7; fautes de conjugaison8;
confusion de personnes 9, de temps10, de modes11: abus
de Yi pléonastique12.
1. J'ai cru devoir relever ici non seulement les particularités de
langue que la rime et le mètre permettaient d'imputer certainement
à l'auteur, mais aussi celles qui, indiquées par la seule graphie, sont
néanmoins trop singulières pour être attribuées à la pure fantaisie
du scribe. Il est évident que celui-ci s'est attaché à noter les fautes de
prononciation qu'il convenait de faire en lisant la pièce, si on dési-
rait lui conserver son caractère :
i pour e : 25 Dinis ; 26 dirais ; 27 divis ; 28, 75 chimis ; 42 chivaler. —
e pour i : 72 conferm ; 67, 69 Phelip.
2. -ié pour -é : 68 Prie:. er pour -ier : 42 chivaler ; 44 soler ; —
-ier pour -er : 67 parlier ; etc.
3. 1 Frans, compaingni, tout; 2 roïn, beneï ; 3 chevaleri ; 4 mena,
mi; 5 frer ; 7 Bretaing ; 8, 17 semaïns; 10 chos, fer, gest; 11 charest,
best ; 12 test ; etc. On peut dire que l'apocope de Ye est la règle.
4. 22 asper ; 23 apaule.
5. Rimes des vers 12-16.
6. 1 la roi ; 5 ma frer ; 6 ma pain ; 9, 17, 21 la bois ; 9, i5 la
genest ; i3 son best ; 18 la fis ; 19 mon çainlur ; 22 la forestier ; 23 mon
test ; 20 mon sarp ; etc. Les exemples se trouvent à chaque vers.
7. 19 ma mains; 68 Vefbeneoit; etc.
8. C'est-à-dire confusion entre deux conjugaisons voisines : 12 louez
(lier) ; 27 bâtez (battre) ; 28 tola (tolutj ; 29 render (rendre) ; 68 bis
loliez (loin) ; etc.
9. 9, i-G'i alez ; 11 fa ; 12 G'i louez; 16 sont (est) ; 29 fet (fez) ;
43 vont (va) ; 76 tu l'entendez ; etc.
10. 12 porte (portais) ; 25 toloit (tolut); 5g fier (ferit) ; etc.
1 1. i3 prenez (prendre) ; 22 truej (trouvé); 29 mant (mande) ; 2$ fet
(fasse) ; 47 aler (allait) ; 52 porter (portait) ; etc.
12. 9, 17 G'i alez; 10 Autre chos n'isaifer; 12 G'i louez; 3i Genlis
hom ni doit mi.
8 LE PRIVILEGE AUX BRETONS
Il apparaît, à ces quelques observations, que le langage
prêté aux Bretons est déformé non pas au hasard, mais
selon des procédés assez bien déterminés, et qui répon-
dent, en gros, aux renseignements qu'on a sur la façon
dont les Bretons parlaient le français4.
Nous devons, en terminant, signaler le grand nombre
des noms propres dont la pièce est semée et qui lui
donnent, ou contribuent à lui donner, sa couleur bretonne.
Au reste, tous ne produisent pas cet effet de la même
manière. Pour ce qui est des noms de personnes, il y en a
qui, d'usage courant parmi les Français, deviennent
comiques par la déformation qu'ils subissent : ainsi
25 Diras, 67, 69 Phelip, altérés par confusion entre e
et i à l'initiale (voy. p. 7 n. 1). Il y en a d'autres, qui, bien que
portés aussi par des Français, étaient particulièrement
répandus en Bretagne: ainsi 8 Johan ; ^9 Hariot (remar-
quable parce que le radical Har- y remplace le radical
français Henr-, comme sur tout le domaine anglo-nor-
mand). Enfin, les plus nombreux sont proprement bre-
tons : ainsi 3 Yvon ; 18, 27 Guingan ; 3o Baduot, Madugant;
1. M. Richard Reis a consacra à la langue du Livre du bon Jean de
Guillaume de Saint-André (xiV sièclej une étude, où il mentionne,
à l'occasion de son texte, les traits qui lui paraissent (comme, en
partie, aux critiques qui ont examiné des textes de môme prove-
nance) caractériser le parler breton (Romanlsche Forschungen, 1905,
t. XIX, p. 76 ss.). Il relève, dans le livre de Guillaume, « l'élision de
Ye final, même devant les consonnes » (p. 84 ss.), la confusion de Ye
et l'i protoniques (p. 90), les fautes de déclinaison (p. 128) et de
conjugaison (p. ia5). Ces particularités ne sont pas propres au
breton (voy. plus loin, la Paix aux Anglais, p. 35 ss.). Mais c'est déjà
quelque chose de pouvoir dire qu'elles se rencontraient dans ce
dialecte. Dans le texte du Privilège, seule la substitution delà finale
-ach à la finale -âge (v. i3-i5) parait exclusivement bretonne. Au fond,
on voit que l'analyse des procédés linguistiques employés par l'au-
teur de ce poème pour « faire du breton » tient en peu de lignes.
LE PRIVILEGE AUX BRETONS 9
4o Guillo; /ji Tronio ; 45 Loquiaus; 65 Riolen; 66 Mornesi.
Pour ce qui est des noms de lieu, on peut remarquer
l'apocope de Ye dans Bretaing (v. 7), et le calembour de
Saint-Germain-des-Priez (v. 67). J'avoue n'avoir pu iden-
tifier ceux de : 42 Plegalo (Pleucadeuc ?) ; 47 Chariaus ;
49 Marier; 5o Margier ; 53 San-Giron (SaiiU-Chéron?).
II
La seconde scène du Privilège aux Bretons a sans doute
la même origine que la première, c'est-à-dire qu'elle a dû
être composée par le même auteur et vers la même
date. Du moins peut-on remarquer qu'elle a été destinée,
elle aussi, au public parisien j ; qu'il y figure plusieurs
des personnages nommés dans l'épisode précédent 2 ;
qu'il y réapparaît, enfin, les mêmes traits de satire et les
mêmes procédés de déformation linguistique que nous
avons indiqués plus haut : tous arguments qui ne sont
pas péremptoires, mais qui, étant donné le voisinage des
deux scènes dans le manuscrit, acquièrent une certaine
force.
Nous devons signaler, toutefois, que, outre la différence
métrique, les deux scènes en présentent une autre : c'est
que la seconde est coupée par des parties narratives
beaucoup plus nombreuses et plus longues que la pre-
mière ; et de plus, on y remarque, au point de vue de la
conduite de l'action, des obscurités, des incohérences,
1. Voy., au vers 36, la mention de l'église Saint-Sulpice, et, au
vers 5i, celle de la rue de Glatignies.
2. Yuon I, 5 ; II, 83 ; Johan I, 8 ; II, 72 ; Tronio I, 4i ; II, i38 ;
Hariot I, 49 ; II, 4g ; Riolen I, 65 ; II, 90.
IO LE PRIVILEGE AUX BRETONS
qu'il est difficile de résoudre. Celui qui parle est un
Breton et voici ce qu'il raconte : Une « Madam de Sens
d'Argen » a adressé à tout son « baronail » un message où
elle convoque ses gens pour le lendemain, leur annonçant
qu'elle apporte du roi de France le privilège pour les
Bretons de faire les balais et de curer les fosses (v. 1-28).
Les Bretons jurent que nul ne leur enlèvera le parchemin
royal (v. 29-40). Mais à qui en confier la garde ? Dam
Maurice convoque ceux de sa famille et ses amis (v. 4i-53),
qui décident de remettre le privilège entre ses mains
(v. 54-59). Mais Messire Guillaume veut que chacun le
détienne à son tour (v. 6o-65). Une altercation s'en suit
entre Jacques de Saint Calons, maître Jean, dam Jacques
Baduccoem (v. 66-80). La querelle tourne mal, et on se
bat, sans qu'il soit possible de distinguer (peut-être est-ce
un dessein comique de l'auteur) le parti des combattants
(v. 81-96). Maître Maurice intervient et les apaise (v. 97-
tii). Il affirme sa résolution de ne pas laisser enlever aux
Bretons leur privilège (v. 1 12-120). Maurice, d'ailleurs,
est de bonne foi, comme le prouve sa conduite ; car il
est allé à Rome obtenir confirmation du privilège (v. 121-
127) ; mais ici la suite des événements devient incohé-
rente ; et en effet, dans le récit de la démarche faite auprès
du pape, Maurice disparaît et c'est un certain Hardouin
qui porte la requête des Bretons (v. 128 ss.).
On le voit, il y a dans cette pièce plusieurs obscurités.
Mais peut-être apparaissaient-elles moins au spectateur,
quand la scène était jouée devant lui par un acteur. Alors,
il ne songeait pas à se montrer trop difficile sur la con-
duite et le plan de l'œuvre. Il ne cherchait pas trop à com-
prendre. Il se contentait du gros rire qui le prenait à voir
le mime gesticuler, crier, représenter à lui seul la querelle
de dix hommes, éclabousser son public de plaisanteries,
LE PRIVILEGE AUX BRETONS I I
de calembours, de barbarismes comiques et de noms gro-
tesques i.
i. Plus encore ici que dans la première scène les noms propres
abondent. Ils donnent lieu aux mêmes observations que plus haut
(voy. p. 8 s.). Parmi les noms de personnes, les uns se portaient
dans l'Ile-de-France, mais étaient très répandus en Bretagne : 35,
4i, etc. Moris ; 47, 82, 89, 107, Daniel; 49 Hario (Henri) ; 60 Gaillaum ;
66, 73, 81, i34 Jctc ; 72 Jehan. Les autres sont spécialement bretons :
3, i34 Bruan, Brian; 29 Trugalet ; 35, 48 Guiomar ; 47 Morveni,
91 Morvenic; 48 Guilgemi; 49 Juquiau ; 73 (?), 137 Bodigant ; 88 Tragel ;
90 Riolan, Hernisiau ; 102 Lagado; i35 Morgain ; i38 Tronio, Morven ;
iSq Guigenninc, Contraguel ; i4o Boniquel. — Quant aux noms de
lieux, il y en a plusieurs qui ne fournissent pas matière à observa-
tions bien importantes : ainsi 17 Frans, 123 Rom, 5i Glatingnis,
noms français, où il n'y a guère à relever que l'apocope de l'e.
D'autres sont des déformations plaisantes de noms français : ainsi
36 Saint-Souplis, et, probablement tels, 12 Saint-Pié, Saint-Tillié. Les
autres sont des noms bretons : 4 Cornuail ; 20 Gaillec ; 20 Champer
(Qnimper ?) ; i34 Compalê (Quimperlè ?) ; dont plusieurs sont
difficiles à identifier: ainsi 2 Saint Bragen; 46 Galo, Tragel;
66 Saint-Calons. — Il est clair que l'auteur s'est amusé et qu'il
a voulu amuser son public en faisant sonner à son oreille une
profusion de noms étrangers.
LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
B. N., fr. 837, f° igo'-igi*.
[Yvon]
Diex gart la roi de Frans et tout sa compaingni,
Et la roïn greignor, que Diex la beneï,
Et trestout son barnail et sa chevaleri,
[\ Et tout sa menu gent, que je ne connois mi.
Sir, jou ai non Yvon, et ma frer Rumalan ;
Yostre hom sui, et gaaing ma pain a grant ahan.
Je me ving de Bretaing bien a passé oit an.
8 N'i a que .III. semains, dénier la saint- Johan,
G'i alez a la bois coper de la genest :
Autre chos n'i sai fer, ne nus hom de ma gest.
N'i a point de charest, ni chevaul, n'autre best :
12 G'i louez ma fessiaus, si porte seur ma test.
Traduction. — Il est bien entendu que je donne ici un simple guide
et que cette traduction ne prétend pas rendre le texte avec tout son sens .
Yvon: Dieu garde le roi de France et toute sa compagnie, — et la
reine mère que Dieu la bénisse, — et tous ses barons et cheva-
liers, — et toute sa menue gent, que je ne connais pas.
Sire, j'ai nom Yvon, et mon frère Rumalan ; — je suis votre
homme et je gagne mon pain à grand effort. — Je suis venu de
Bretagne il y a bien huit ans. — Il n'y a que trois semaines,
avant la Saint-Jean,
j'allais au bois couper du genêt : — je ne sais faire autre chose,
ni personne de ma famille. — Je n'ai point de charrette, ni de
cheval, ni d'autre bête : — je lie mon fagot et le porte sur ma tête.
Pour les déformations de mots et autres particularités qui ne seront
pas signalées ici, voy. l'Introduction.
14 LE PRIVILEGE AUX BRETONS
Je n'alez mi au bois prenez son best sauvach,
Ni coper sa gros chens, ni fer autrui domach,
Mes coper la gênés : ce est tout mon usach,
16 Et si sont la droitur a trestout mon lingnach.
G'i alez a la bois n'i a que .II. semains,
Entre moi et Guinguan la fis dame Glegens,
La sarp a mon çaintur et mon mouffle en ma mains,
20 Et en ma chaperons .1. maailli de pains.
Quant je fu a la bois, et mon buis fu copez,
La forestier m'a truef ; si a tret son asper,
Et a batu mon test, l'apaule et le coster,
2/4 Si que mes deus semains n'i a jor de santer.
Encor me toloit il mon sarp, por saint Dinis,
Qui m'i cota enten .1111. sot et dimis ;
Et Guigan ma cousin fu bâtez a divis,
28 Et se li tola on sa cot et son chimis.
i3. Le ms. donne : Le nalez.
Je n'allais pas au bois y prendre les bêtes sauvages, — ni cou-
per les gros chênes, ni faire tort à autrui, — mais couper le
genêt : c'est ma seule habitude — et c'est le droit de tout mon
lignage.
J'allais au bois il n'y a que deux semaines, — moi et Guingan
le fils de dame Glegens, — la serpe à la ceinture et mes moufles
à la main, — et, dans mon chaperon, pour une maille de pain.
Une fois au bois, quand mon buis a été coupé, — le forestier
m'a trouvé ; il a tiré son épée, — et m'a frappé la tête, l'épaule
et le côté, — de telle manière que, plus de deux semaines, je
n'ai eu un jour de bonne santé.
En outre il m'a enlevé ma serpe, par saint Denis, — qui m'a
coûté l'an dernier quatre sous et demi : — et Guingan mon
cousin fut battu à souhait, — et on lui enleva sa cotte et sa
chemise.
17. Il faut remarquer qu'il a dit plus haut « trois semaines » (v. 8).
LE PRIVILEGE AUX BRETONS 10
Biaus sir, porDieu merci, fet nous render nos gach,
Ou mant que ta serjant ne nous fet plus outrag.
Gentis hom n'i doit mi avoir mauves cora°-
32 Qui tolast aus Bretons ne droitur n'eritag.
[Le Roi]
Se c'est vostre eritage, je vous plevis et jur
Quejane le perdrois, soiez en asseùr ;
Et se droit n'i avez, il me seroit trop dur
36 Que je le vous lessaisse. (Bretoni loquitur).
[ Yvon]
36a Biaus sir, je vous afi que c'est notre eritag.
[Le Roi]
Qui set ce ? fet li rois. Avez vos nul garant
Par quoi vos le provez ?
\Yvon]
Oïl, plus de quarant.
[Le Roi]
Nommez les !
Beau sire, pour la grâce de Dieu, fais-nous rendre nos gages, —
ou ordonne que tes sergents ne nous fassent plus d'outrages. —
Un gentilhomme ne doit pas avoir assez mauvais cœur — pour
enlever aux Bretons leur droit et leur héritage.
Le roi: Si c'est votre héritage, je vous promets et jure — que vous
ne le perdrez jamais, soyez-en assuré : — et si vous n'y avez droit,
il me serait trop dur — de vous le laisser (Il parle au Breton).
Yvon: Beau sire, je vous affirme que c'est notre héritage. — Le
roi : Qui le sait ? fait le roi. Avez-vous un garant — pour le
prouver? Yvon : Oui, plus de quarante. - Le roi : >îommez-les.
33. Le roi et ceux de sa cour parlent, naturellement, un français
correct. — 36. Bretoni loquitur, formule narrative qui se rapporterait
à ce qui précède, si on considère Bretoni comme un datif. Peut-être
faut-il entendre Bretone « il parle en breton », et c'est alors la
réponse du Breton qui est annoncée.
l6 LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
[ Yvon]
Volontier : Baduot, Madugant,
ko Et sa filz dan Guillo. et sa per dan Morant.
Connoissc tu bien, sir ? et sa fier Tronic- ?
Sa per fu chivaler et sir de Plegalo.
Quant il vont a la bois, s'il pluet ou il fet bo,
[\k Si portoit il tozjors sa soler a son col.
Connoisse tu .1. autre, qui a non dan Loquiaus ?
Enten au cuer d'aost, quant il venoit de biaus,
Il aler chascun jor en forest de Chariaus,
48 Et porter a son col et genest et fessiaus.
Et ma sir Hariot, le provost de Marier ?
Il fu cousin germain l'evesque de Margier.
Il aloit a la bois, il n'ot c'un avantier,
52 Et porter a son col et genest et feuchier.
Yvon: Volontiers : Baduot, Madugant, — et son fils dan Guillot,
et son père Morant.
Les connais-tu bien, sire ? et sa fille Tronio ? — Son père était
chevalier et sire de Plegalo. — Quand il allait au bois, s'il
pleuvait ou s'il faisait beau, — il portait toujours ses souliers à
son cou.
En connais-tu un autre qui a nom dan Loquiaus ? — L'an passé,
au cœur d'août, quand il faisait beau, — il allait chaque jour
dans la forêt de Chariaus (?), — et portait sur son cou du genêt
et des fagots.
Et messire Henriot, le prévôt de Marier ? — Il était cousin ger-
main de l'évêque de Margier — Il allait au bois ; il n'avait
qu'un sabot, — et il portait sur son cou du genêt et de la
fougère.
LE PRIVILEGE AUX BRETONS 17
La prooir San-Giron disoit qu'en son parrois
Il i a bien sinquant qui fesoit les balois,
Et portoit chascun jor la gênés de la bois ;
56 Ne nui hom il n'i a qui en fesoit la vois.
Mes la bon roi Phelip, cui Diex bon merci faz,
N'avoit mi cur que nous de la bois nous en chas
Por cueillir la gênés, ne ne fier, ne manas.
60 Diex qui est rois de gluir li en rende la gras !
Encor nous dona il previleg, le bon sir,
Que nus hom n'a pooir nostre usag contredir.
Vez ci le previleg : se tu veus, fai le lir.
64 Li bibl sont d'un frommag qui est plus jan que cir.
[Le Roi, à Riolen]
Dist li rois : Riolen, vous meïsmes lisiez,
53. Le ras. porte proir.
Le prêtre de Saint-Giron disait que, dans sa paroisse, — il y
avait bien cinquante [Bretons] qui faisaient des balais, — et qui
portaient chaque jour du genêt des bois ; — et il n'y avait nul
homme qui en élevât la voix (s'en plaignit).
Mais le bon roi Philippe, à qui Dieu donne sa merci ! — n'avait
souci de nous chasser du bois — à cause du genêt que nous
cueillions, et il ne nous frappa, ni menaça. — Dieu qui est roi
de gloire lui en rende la grâce !
11 nous donna encore ce privilège, le bon sire, — que nul
homme ne pourrait s'opposer à nos habitudes. — Voici le pri-
vilège : si tu veux, fais-le lire. — Le livre est d'un (un mot inin-
telligible) qui est plus jaune que cire.
Le roi dit : Riolen, lisez vous-même, — car vous semblez être
57. Il s'agit de Philippe-Auguste. — 64. Li bibl, c'est-à-dire le par-
chemin, frommag me paraît inexplicable. — 65. Le roi s'adresse à
Riolen comme si c'était lui qui venait de parler : « vous meismes
lisiez ». Pourtant le précédent interlocuteur se nommait Y von (v. 5).
10 LE PRIVILEGE AUX BRETONS
Quar bien resamblez cstre bons clers et bien proisiez.
[Un Breton]
Voire, dist Mornesi, il saura bien parlier ;
68 L'ef beneoit aura de Saint Germain des Priez,
Si que mes de cest siècle ne li sera toliez.
[Riolen, lisant]
« Li rois Phelip de Fran niant a toz sa droitur
« Que il dont aus Bretons, ce dist cest escriptur.
« La gênés de la bois, l'usach et le droitur,
72 c Et a toz jors conférai, et voit et asegur.
« Se nus hom veut aler contre ceslui franchis,
« 11 commant que de lui sera fet tel juys,
« Que il perdra la cot, la brai et la chimis. »
76 Sir, tu rentende7 bien, que ça lettre devis.
bon clerc et fort estimable. — Un Breton : Certes, dit Mornesi,
il saura bien parler; — il aura l'eau bénite de Saint-Germain-
des-Prés, — sans que jamais, de tout ce siècle, elle ne lui
soit enlevée.
Riolen : « Le roi Philippe de France fait savoir à tous, — qu'il
donne aux Bretons le droit, dit cet écrit, — de se servir du
genêt des bois, — et il le confirme et assure à jamais.
Si quelqu'un veut aller contre cette franchise, — il commande
qu'il soit fait de lui telle justice, — qu'il perde sa cotte, ses
braies et sa chemise. » — Sire, vous entendez bien ce que sa
lettre prescrit.
68. « Il aura l'eau bénite de Saint-Germain-des-Prés... » C'était
aux clercs pauvres qu'on accordait le « bénéfice de l'eau bénite ».
c'est-à-dire le privilège rémunérateur d'asperger d'eau bénite les
fidèles et leurs maisons. Riolen est si bon clerc, au dire de son ami.
qu'il obtiendra le bénéfice en question pour lui seul et pour la vie
dans toute la paroisse de Saint-Germain.
LE PRIVILÈGE AUX BRETONS 19
[La Reine, au Roi]
Biaus filz, se vostre ael, dont dame Diex ait l'ame,
Lor dona ceste chose, n'en accueilliez ja blasme.
Poi vaut : quitez la leur, getez vos de l'ifame.
[Le Roi, à la Reine]
80 Et dont a dit li rois : Je m'i acortbien, dame.
C'est voirs que ceste chose ne vaut mie granment :
Je leur abandoing bien, et cuit outreement.
[Y von, au Roi]
Diex, qui fist tout le mont, le gueredon t'en rent,
84 Et t'en croisse ton ter, et t'onor, et ton rent !
77. Le ms. donne aer, qui serait une forme étrange si elle était
employée par la reine. La correction ael, paléographiquement jus-
tifiée, me paraît satisfaisante. — 78. Le ms. donne Vos au lieu de Lor.
Je ne vois pas qu'il y ait un sens à tirer de ce vers, si on ne se
résout pas à le corriger.
La reine au roi : Beau fils, si votre aïeul, dont Dieu ait l'àme ! —
leur donna ce droit, ne vous faites pas blâmer pour cela. —
C'est peu de chose : abandonnez le leur, et ne faites pas mal
parler de vous. — Et le roi dit : J'y consens, madame.
Il est vrai que cela ne vaut pas grand'chose : — Je le leur aban-
donne bien, et le leur laisse sans réserves. — Yvon : Dieu, qui
a fait tout le monde, t'en donne récompense, — et accroisse ta
terre, ta gloire et tes revenus !
II
B. N., fr. 837, f° igi'-f* 191 v°
Li madam de Sens d'Àrgen,
De la contré de Saint Bragen,
Qui fu cousin la cont Bruan
De Cornuail,
5 Si salu tout son baronail,
Et mandez qu'il venez sanz fail,
Demain matin a l'ajornail :
« Seignor baron, que Diex vous voi !
Fêtes grande fest et grant joi.
10 Et venez tost a la monjoi,
Encontre gié,
Par la ru Saint-Pié, Saint-Tillié,
Jusque la mcson batillié,
Grant joi fesant.
i5 J'aport du roi .1. indulgent
Madame de Sens d'Àrgen - de la contrée de Saint-
Bragen, — qui est cousine du comte Bruan — de Gor-
nouailles, — salue tous ses barons, — et leur mande
de venir sans faute — le lendemain matin au point du
jour :
« Seigneurs barons, que Dieu vous conduise ! — faites
grande fête et grande joie, — et venez vite en foule —
devant moi, — par la rue Saint-Pierre (?) et Saint-
Hilaire (?), — jusqu'à la maison fortifiée, — en faisant
grande joie. — J'apporte une indulgence du roi —
1. Le vers est faux. Il n'est guère possible de le rétablir sûrement.
LE PRIVILEGE AUX BRETONS 21
Qui fus lis ier en audient,
Que nus ne puet par toute Frans
Le balai fer,
Se il ne sont de nostre afer,
20 Ou de Gaillé ou de Champer.
Que bien dire os,
Encor i a .1. autre chos
Dedenz le parchemin enclos :
Que nus ne doit ovrerla fos,
25 S'il n'est Bretons.
Ce est la som,
De par l'apostoire de Rom,
Qui grant part de previleg don. »
Dans ïrugalet le provoir jur
3o Et la boiel et la froissur,
Que ja ne perdront ce droitur
Ne ce franchis :
Ainçois perdroit brai et chimis,
qui fut lue hier eu audience, — [et qui dit] qu'en toute
la France nul ne peut — faire de balais, — s'il n'est de
notre condition, — ou de Gaillec ou de Quimper. — Et
j'ose bien le dire, — il y a encore une autre chose —
contenue dans le parchemin : — nul ne doit vider les
fosses — s'il n'est Breton. — Voilà le résumé de l'écrit.
— au nom du pape de Rome, — qui nous donne un
grand privilège. »
Dan Trugalet le prêtre jure — par le boyau et la fres-
sure — qu'ils ne perdront jamais ce droit — ni cette
franchise : — il perdrait plutôt braie et chemise —
27. La lettre est confuse: elle parle d'une « indulgence » du roi
(v. i5), et maintenant d'un « privilège » accordé par le pape. L'effet
a sans doute été voulu par le poète.
3
2 2 LE PRIVILEGE AUX BRETONS
Por la criptur qui la divis.
35 Et Guiomar, la fîlz Moris,
De la parrois de Saint-Souplis,
Si aficha et si a dis
Par son outrag,
Que ja nus hom de son linag
ko Ne faussera itel usag.
Dans Moris, qui resamble mir,
Qui a le chicf plus jan que cir,
Quant il oï la lettre dir
Et la novel,
45 Son cousin déniant et apel
Devers Galo, devers Trugel.
Et Daniau, et Morveni,
Et Guiomar, et Guilgemi.
Juquiau et Hario i fu ;
00 Et tuit li voisin de la ru
De Glalingnis
pour le parchemin qui les fixe. — Et Guiomar, le fils
de Maurice, — de la paroisse de Saint-Sulpice, —
affirme et dit — avec violence — que jamais personne
de son lignage — ne manquera à cet usage.
Dam Maurice, qui ressemble à un médecin, — qui a
la tête plus jaune que cire, — quand il entendit lire la
lettre — et [apprit] la nouvelle, — avertit et appela
ses cousins, — depuis Galo, depuis Trugel. — Et
Daniel, et Morveni, — et Guiomar, et Guilgemi, —
Juquel et Henriot y furent ; — et tous les voisins de
la rue — de Glatignies —
5i. La rue de Glatignies était habitée par des femmes de mauvaise
vie. Guillot la nomme dans son poème des Rues de Paris, disant quelà
... bonne genl
Maignent et dames a cors gent
Qui aus hommes, si comme moi semblent,
Volontiers charnelment assamblent.
On l'appelait le Val d'Amour (voy. Legrand, Paris en 1380, p. 35, n. 7).
LE PRIVILÈGE AUX BRETONS 23
Acorent tuit a la justis
Chies dant Moris devant le puis.
Et quant cis escris fu lisez,
55 Chascuns en a de joi plorez.
Le previleg ont commandez
A dant Moris,
Par tel manière et en tel guis
Qu'il ot .1. balais desservis.
6o Messir Guillaum demi la cos
Jura son chap quant il fu nos
Que valesscnt le toi d'un os
De seignori
N'aura dam Moris en son vi :
65 Chascuns l'aura a sa parti.
Et ma sir Jac de Saint-Calons
Il a osté sa chaperons,
Et jur sa test et son corons
Que ne pot estre
70 Que dam Moris en sera mestre :
Il l'a juré de sa main destre.
accourent tous à la cour de justice, — chez Dam Mau-
rice, devant le puits.
El quand cet écrit eut été lu, — chacun en pleura de
joie. — Ils confièrent le privilège — à dam Maurice, —
en stipulant — qu'on lui décernerait un balai. —
Messire Guillaume, au milieu de l'affaire, — jura par
son vêtement quand il était neuf, — que dam Maurice
n'aurait pas, de sa vie, — vaillant la boue d'une botte
— de cette seigneurie : — chacun l'obtiendrait à son
tour. — Et messire Jacques de Saint-Calons — ôta son
chaperon — et jura par sa tête et sa couronne, — qu'il
ne se pouvait pas — que dam Maurice en fut maître :
- il le jura de sa main droite. —
24 LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
Mestre Jehan
Dist a dant Jac Baduccoem :
« Biaus sir, es tu hors de ton sen ?
75 Que veus tu fer ?
Veus tu torner tout notre afer
A deabli et a contrer
Par vostre outrag ?
Tu na sez plus c'un best sauvag,
80 L'en te doit loier a l'estach. »
Dan Jac si saut a .1. faucil,
Et Daniel prist .1. greïl,
Si fiert Y von d'un viez estril
Par mi la jo,
85 Si qu'il l'abati en l'ailo ;
Et cil s'escri : « Haio 1 haio !
En itrou, Maria ! en trou ! »
A l'aïst i vint dant Tragel,
73. Le ms. donne Baduc coem, qu'il faut lire sans doute en un seul
mot, comme une autre forme du nom Bodigant (voy. v. 137).
Maître Jean — dit à Jacques Baduccoem : — « Beau
sire, es-tu hors de ton sens ? — que veux-tu faire ? —
veux-tu gâter notre bonne fortune — et en faire un
malheur — par ta violence ? — Tu n'en sais pas plus
qu'une bête sauvage ; — on devrait te lier avec une
corde. » — Dam Jacques bondit avec une faucille, —
et Daniel prit un gril, — et il frappe Yvon d'une vieille
étrille — au milieu de la joue, — si bien qu'il l'abat-
tit... (?) — Et celui-ci s'écrie : « Haio ! haio ! — Notre-
Dame Marie ! Notre-Dame ! » — Dam Tragel lui vint à
l'aide, —
85. en l'ailo (?) me paraît inexplicable. Hon itrou Maria est une for-
mule d'invocation bretonne, et signifie : « Notre-Dame Marie ». en trou
fait calembour. — 88 « A l'aide vinrent... ». Il ne faut pas chercher à
se reconnaître parmi ces personnages, énumérés confusément, et
entre lesquels l'auteur lui même n'a pas distingué : il se plaît sim-
plement à un dénombrement bouffon.
LE PRIVILEGE AUX BHETONS 1Ù
Moris et sir, et Daniel,
90 Et Riolan, et Hernisiau ;
Et Morvenic le fil Juquiau
Tint .1. aper que il paumoie ;
Si est saillis en mi la voie
Toz plains de rag.
95 Quant fu assamblé le linag
Ja n'i fust parti sanz domag,
Quant mestre Moris il la jur
Et la boiel et la froissur :
« Soiez en pais au mal eiir,
100 Que vous aurez mal aventur
Comment qu'il praing !
Par saint Lagado de Bretaing,
Vous serez mis en .1. longaing,
Se plus fet meslé la compaing.
io5 A bon eùr,
Hou non Dieu, de bon aventur
Fust il porté cest escritur;
Et Diex ma gart ma porteur,
Et ma doinst joi,
ainsi que Maurice, Daniel, — Riolan, Hernisel ; — et
Morvenic le fils de Juquel — tenait une épée qu'il bran-
dissait : — il bondit au milieu de la route, — tout plein
de rage. — Quand le lignage fut assemblé, — ils ne se
seraient pas séparés sans dommage, — quand maître
Maurice jura — par le boyau et la fressure : — « Soyez
en paix, malédiction ! — car il vous arrivera malheur,
— quoi qu'il advienne. — Par saint Lagado de Bre-
tagne, — vous serez mis dans une fosse — si l'assem-
blée fait encore du tumulte. — C'est par bonheur, au
nom de Dieu, comme une bonne fortune, — que nous
fut porté cet écrit ; — et Dieu garde mes enfants — et
me donne la joie, —
26 LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
no Et li doinst fer ausi bon voi
A chascun comme je voudroi !
Dame Diex et sainte Mari.
Nous n'avons cur de tricheri.
Diex envoit grant honte et anui
n5 A ses gloutons
Qui veulent tolir aux Bretons
Leur droitur et leur garison
De balais fer en la seson,
Et de fos curer granz et Ions,
120 Plaines d'ordur ! »
Mesir Moris si n'avoit cur
Que nous perdissons no droitur:
Il ala a Rom par mesur
Por aporter nostre escriptur.
125 Et tout en gros
Dist à l'apostoir son paros,
Si qu'il amender bien la chos.
Harduins dist a l'apostoir :
« Ne sui pas hors de mon memor.
i3o « Je vous dirai toute l'estoir
et permette à chacun de réussir — comme je le sou-
haite 1 — Seigneur Dieu, et sainte Marie, — nous ne
voulons pas tromper. — Que Dieu envoie honte et
malheur — à ces vauriens — qui veulent enlever aux
Bretons — leur droit et leur ressource — de faire les
balais en la saison, •— et de curer les fosses grandes et
longues, — pleines d'ordure ! »
Maître Maurice ne voulait pas — que nous perdions
notre droit : — il alla à Rome prudemment — pour
apporter notre privilège, — et avec fougue — il
s'expliqua devant le pape, — faisant valoir nos droits.
— Hardouin dit au pape : — « Je ne suis pas hors de
mon bon sens. — Je vous dirai toute l'histoire —
LE PRIVILEGE AUX BRETONS
a De ta linag.
« Ta mère fu de grant barnag
« De Bretaing, sa terre sauvag.
« Jaque Brian de Compalé.
i35 « Qui fu cousin Morgain la fé,
« Fu ta parent ;
« Et Taniel. et Bodigant,
« Et Tronio, lafilMorven,
« Et Guigenninc, et ContragueF
i^o « Moris, sir lf et Boniquel,
u II sont tuit ti cousin gervés. »)
L'aposloires en rist adés,
Et li dist : < S'il sont mi parent,
a Bel m'est : Breton sont bone gent.
i45 « Fai ta besogne et ton afere ;
« 11 ne te covient plus retrere.
a Fai le escriver :
« Je la te feré con fermer
« A la porcession Saint Per. »
i5o Et Harduin ne fu pas nis,
Qui n'a cur de simple justis.
de Ion lignage. — Ta mère fut de grande famille, —
de Bretagne, sa terre sauvage (?). — Jacques Brian de
Quimperlé (?) — qui est cousin de la fée Morgan —
est ton parent ; — et aussi Daniel, et Bodigant, — et
Tronio, la fille de Morven, — et Guigenninc, et Gontra-
guel, — Maurice, sire If et Boniquel. — Ils sont tous tes
cousins germains (?). » — Le pape en rit aussitôt, — et
lui dit: « S'ils sont mes parents, —j'en suis content :
les Bretons sont de braves gens. — Fais ta besogne et
Ion métier, — il ne faut plus t'en priver. — Fais le
écrire : — je te ferai confirmer ton droit — à la proces-
sion de Saint-Pierre. » — Et Hardouin ne fut pas sot,
— et il ne se contenta pas de simple justice. —
28 LE PRIVILÈGE AUX BRETONS
Il s'en corut a mestre Olis ;
Se li devis
En quel manier et en quel guis
i55 Sera confermé sa franchis
De balais fer, de curer fos.
Bien fu en parchemin enclos :
Et coper au bois la gênés,
Et porter a la vil grant fés,
160 Et fiens porter en la chiviere,
Breton devant, Breton derrière ;
Et eus et toute la compaingne
Doivent reperier en longaingne :
Tout ice fist il confermer.
i65 Et si fist encore escriver
.1. avantag
Qu'il auront a tout leur aag :
Qu'il mangeront lait et frommag
Et en quaresme et en carnag. »
Expiicit le privileg cuis Bretons.
Il courut à maître Olis : — il lui expliqua — de quelle
façon et à quelles conditions — serait confirmée sa
franchise — de faire des balais et de curer des fosses.
— Il fut bien noté sur parchemin : — et de couper le
genêt au bois. — et de porter de grands fardeaux à la
ville, — et de porter des ordures sur la civière, — Bre-
ton devant, Breton derrière ; — et eux et tous les leurs
— doivent demeurer dans une latrine. — Il fit confirmer
tout cela. — Et il fit encore écrire — un avantage —
qu'ils auront toute leur vie : — ils mangeront lait et
fromage — en carême et en autre temps.
LA PAIX AUX ANGLAIS
LA CHARTE DE LA PAIX AUX ANGLAIS
LA NOUVELLE CHARTE DE LA PAIX AUX ANGLAIS
INTRODUCTION
La Paix aux Anglais 1 est un poème de 88 vers, en
strophes monorimes de quatre vers alexandrins, qui se
trouve conservé dans le manuscrit de la Bibliothèque Na-
tionale fr. 837 (f° 220). — Le même manuscrit donne à la
suite (f° 221) une pièce en prose intitulée la Charte de la
paix aux Anglais. — Une réplique, ou plutôt un fragment
d'une réplique de cette dernière pièce, un peu plus récente
que l'autre, est contenu dans le manuscrit fr. 1933 (page
de garde).
La Paix aux Anglais met en scène un Anglais, qui,
après avoir mentionné la rivalité du roi de France et du
roi d'Angleterre, décrit, moitié racontant, moitié mimant2,
1. La Paix a été publiée par Jubinal, Jongleurs et trouvères,
p. 170 ss. Elle a été réimprimée par Th. Wright, Political songs of
England, p. 63 ss. Voy. aussi V. Le Clerc (Histoire littéraire de la
France, t. XXIII, p. 4^9 ss.;. — La première Charte a été publiée par
Jubinal, liée, cité, p. 175 s. ; par Th. Wright, Rec. cité, p. 36o ; et par
V. Le Clerc (Histoire littéraire de la France, t. XXIII, p. 452). —
La Nouvelle Charte a été publiée par G. Raynaud (Romania, i885,
t. XIV, p. 279 s.). — Une traduction anglaise de la Paix accompagne
l'édition de Th. Wright. Une traduction française en a été donnée
par Jubinal (Journal de l'Institut historique, t. 1, p. 357 ss.).
2. On remarquera que ce poème est, si l'on peut dire, dramatique
au deuxième degré : il met en scène un Anglais (ce qui est déjà un
procédé dramatique), et, par surcroît, cet Anglais rapporte sous
forme dialoguée le conseil tenu par son roi.
32 LA PAIX AUX ANGLAIS
un grand conseil tenu par ce dernier. Le roi désire recon-
quérir la Normandie, enlevée naguère aux Anglais par
les Français. Malgré les conseils de prudence de Simon de
Montfort, ses barons, le comte de Glocester, le comte de
Winchester, Roger Bigot, se livrent à de folles fanfaron-
nades et font de la conquête de la France entière un plan
audacieux et ridicule. Lui-même, gagné par la confiance
insensée des siens, s'abandonne, comme Picrochole, à
toutes les témérités du rêve, étalant des prétentions
étranges et bouffonnes. — La première Charte, qui paro-
die la forme des traités, est, en style de chancellerie
dérisoire, le texte d'un accord grotesque passé entre les
rois de France et d'Angleterre *. — La deuxième Charte a le
même caractère, le même sujet que la première, dont elle
reprend les termes et les plaisanteries.
Les deux Chartes se datent l'une du 17 avril 1264 2,
l'autre de 1299. La première se rapporte à l'accord passé
au début de 1264 entre le roi de France Louis IX et le roi
d'Angleterre Henri III, menacé dans son propre pays par
ses propres barons. La seconde est une parodie et une
satire du traité de Montreuil, par lequel Philippe le Bel
rendait la Guyenne à Edouard II. Mais il n'est pas facile
de dire exactement en quelle année la Paix a été com-
posée. Il y a plusieurs moments dans l'histoire du règne
de Henri III où le poème aurait eu une saveur satirique
particulière, si, à l'instant où il prête à ce prince des
1 . Les traités de paix étaient publiés dans les rues par des hérauts.
P. Paris (cité par Jubinal, ouvr. cité, p. 176) a conjecturé que des
jongleurs venaient derrière ces hérauts, et, les parodiant, don-
naient lecture d'un texte qu'ils avaient rendu bouffon.
2. Le texte porte : « l'an... m.cc.lx.i. 11. et .111., a ce jodi assolier... »
c'est-à-dire : « le jeudi saint de 1263 », ou, en style moderne, « le
17 avril (Pâques tombait cette année le 20 avril) 1264 »• Il faut remar-
quer la notation : 1. 11. et m.
LA PAIX AUX ANGLAIS 33
ambitions immenses, celui-ci s'était trouvé précisément
dans la déconfiture. Dès i23o, Henri avait préparé une
grande expédition en Normandie : elle échoua. Mais le
pamphlet ne saurait remonter à celte date ancienne.
puisqu'il nomme Edouard, fils d'Henri, qui naquit seule-
ment en 12^0. En ia43. le roi d'Angleterre fit une nouvelle
tentative pour récupérer ses domaines de France : ce fut
une nouvelle défaite. Il n'est pas invraisemblable que,
dès cette époque, on ait tourné en ridicule ses desseins
tenaces et constamment malheureux. Toutefois, des cri-
tiques ont vu, à placer alors la composition de la Paix,
cet inconvénient qu'Edouard, dont la vaillance est louée
au vers 84, était en 12^3 un tout jeune enfant et non pas un
chevalier1. C'est pourquoi ils pensent que le poème se
rapporte aux mêmes événements que la Charte, ceux des
années i263-ia64, au moment où Henri III, menacé par
ses sujets, eut recours à Louis IX de France pour conso-
lider sur ses terres son autorité à demi ruinée"2. Peut-
être en est il ainsi ; mais je croirais qu'il faut plutôt
penser au fameux traité de iaôo,. qui marque la fin de ce
qu'on pourrait appeler l'affaire de Normandie : la satire
aurait alors plus d'à propos3.
Nous ne savons pas qui a composé la Paie et les Chartes.
La seconde Charte n'est pas du même auteur que la
première : cela est évident. Quant à la Paix età la première
i. Voy. Jubinal, rec. cité, p. 170, n. 1.
2. C'est l'opinion de Jubinal, de Wright et de V. Le Clerc. —
Remarquons toutefois que si, dans le texte de la Charte, nous
lisions xl au lieu de lx. nous serions reportés précisément en 1243.
Mais nous n'avons pas de raison solide pour croire à une faute de
copie ou d'écriture.
3. Sur ce traité, voy. Bémont, Simon de Montfort (Thèse de doc-
torat de Paris , p. i5a-i85.
3A
LA PAIX AUX ANGLAIS
Charte, il faut noter qu'elles ne représentent pas un même
état de l'opinion. La Paix raille les Anglais, sans plus.
La Charte, qui s'en prend aux mêmes, atteint en outre le
roi de France, et semble critiquer sa politique, qui, en
raison de sa douceur à l'égard de Henri III, fut très
impopulaire à Paris *.
Nos trois pièces entrent dans la série extrêmement
abondante des compositions satiriques dirigées par les
gens de France contre ceux d'Angleterre. L'orgueil de
ces derniers était proverbial, et on se plaisait à le morti-
fier. On disait qu'ils étaient ivrognes et menteurs; on les
plaisantait sur l'origine de leur nom 2 ; on prétendait
(moquerie qui les exaspérait) qu'ils étaient coués, c'est-à-
dire munis d'une queue ; enfin, on s'amusait volontiers à
tourner en ridicule leur façon vicieuse de parler le fran-
çais 3.
Le français d'Angleterre était fort impur, au point
que parler charabia se disait « parler le français de
Marlborough » i ; et les Anglais eux-mêmes s'en rendaient
si bien compte que, pour leur faire apprendre une langue
saine, ils envoyaient leurs enfants en France3, et que
i. Voy. Bémont, ouvr. cité, p. 181 ss.
2. « Anglia, inde Anglicus, ab anda, quod est stercus... » (Voy.
Hauréau, Notices et extraits de quelques mss. latins de la Bibl. I\at.,
t. III, p. ao3).
3. Sur l'attitude de l'opinion à l'égard des Anglais, voy. un article
de M. Ch.-V. Langlois, Les Anglais au moyen âge (Revue historique,
i8q3, t. LU, p. 298 ss.).
4- Gautier .Map, De nugis curialium, V, 6 : « ... Merleburgam, ubi
fons est quem si quis, ut aiunt, gustaverit, Gallice barbarizat, unde
cura vitiose quis illa lingua loquitur, dicimus eum loqui gallicurn
Merleburgae... »
5. D'après Gervais de Tilbury, cité par Brunot, Histoire de la
langue française, t. I, p. 36g.
LA PAIX ALX ANGLAIS 35
leurs écrivains s'excusent sur leurs maladresses1. Ce fut
pour les Français une belle occasion de rire. Ils firent
intervenir leurs voisins dans leurs contes et sur leur
théâtre pour se donner le plaisir de les entendre jargon-
ncr. Dans une note de son édition du Mystère de saint
Louis, Fr. Michel cite, du xme au xvi6 siècle, nombre
d'œuvres littéraires où des Anglais viennent apporter le
divertissement d'un langage grotesque2. Pour nous en
tenir au xme siècle, nous ne mentionnerons ici que le
fabliau des Deux Anglais et de Vanel-, des passages du
roman de Renart1, et de Jehan et Blonde*.
Si nous examinons le langage attribué aux Anglais
dans la Paix, nous y relevons un certain nombre de
caractères, que nous avons classés dans le tableau sui-
vant 6:
Phonétique.
Voyelles. — l.Le suffixe -ier (lat. <C-ariu) est remplacé
par le suffixe -erdans chivaler (6, 84). Voy. Behrens, p. i5o.
2. L'e final est fréquemment apocope : 4, 18, 34, 56,
68, 71, chos ; 5, 29 Ingleters; 9, 48 Frans (France) ; 23 ters
1. Voy. les textes cités par Brunot, ouvr. cité, p. 369, n. 3.
2. Le Mystère de Saint Louis, éd. Fr. Michel (imprimée pour le
Roxburghe Club), préface, p. 11, note.
3. Montaiglon, Recueil des fabliaux, t. II, p. 178.
A. Ed. Martin, Ib, v. a35i ss.
5. V. 2607 ss.
6. Je rappelle ici ce que j'ai dit plus haut à propos du Privilège
aux Bretons (voy. p. 7, n. 1).
Les principaux travaux relatifs à l'histoire du français en Angle-
terre sont ceux de D. Behrens, Beitràge zur Geschichte der franzô-
sischen Sprache in England (Franzosische Studien, hergg. von G. Kôr-
ting et H. Koschwitz, t. V, fasc. II, 1887); et Franzosische Elemenle im
englischen(Hermann Paul, Grundriss der germanischen Philologie, 3e éd. ,
1901, 1. 1, p. 960-989). Nous renverrons, pour chacune des remarques
que nous ferons sur la phonétique, au premier de ces articles.
36 LA PAIX AUX ANGLAIS
(terre); Zofrer; 32, 4o Normandl; 33, 56, 5g, 66, 67 mi;
37 cont ; 44, 82 test ; 81, 83 fest ; 84 honest. Voy. Behrens,
p. 69.
3. e est confondu arec i dans : 6, 84 chivaler; 78 Dinis.
Voy. Behrens, p. 94 s.
4. ^ étymologique donne ai, et non oi : 5, 9. 29, 38,
4i, 55, 62, 65, 85 ray ; 18, 52, 81 crai; i3, 85 ;??a/ ;
66 sai. — Noter : 81 endret. Voy. Behrens, p. i38 ss.
5. en est confondu avec an dans : 57 dafandre ; 69 pan-
dra. Voy. Behrens, p. g3.
6. er est confondu avec ar dans : sa/va (passim) ; /a/Ta
(passim). Voy. Behrens, p. 91.
7. e/H-s donne iau et non ecm. Voy. les rimes 5-8, et
77-So<.
Consonnes. — 8. L mouillée est généralement rempla-
cée par / simple : 6, 5g vaelant ; 65 ehaele : 68 aele ; 49,
60 maubali ; 64 mileur. L'a qui précède la liquide prend
alors le son ae. Voy. Behrens, pour le premier fait,
p. 198, pour le second, p. i36.
9. Même observation pour/i : i3, 21, 22 sinor; 56 anel;
64 besoner. Voy. Behrens, p. 200 ss.
10. Les /• sont le plus souvent redoublés entre deux
voyelles : 1 panirra; 2 ehanterra; 2, 3. 36, 5i, 60 serra
(sarra ou sarront) ; 3 Jlorrirra ; 4 c/i/'ra ; 11, 36, 73, 77
Par ris; 18, 28, 77, 82 arra ; 19, 43, 68 t7«rra ou ferra);
27 froirront ; 3o, 66 irrous ; 43 dourrement ; 5i irront ;
70 bouterra; 71 arderra; 79 corronier ; 82 eorrone ; etc.
Voy. Behrens, p. 196.
1. J'omets de signaler un certain nombre d'autres faits qui
demeurent isolés ou à peu près. Ainsi i remplace u dans /i (71, 74).
— Et pour parler tout de suite des consonnes, / remplace v dans fi
(i5). Lne r épenthétique figure dans troute (8, 36, 72).
LA PAIX AUX ANGLAIS S']
Aphérèse. — 11. L'aphérèse de la syllabe initiale se
produit avec une grande fréquence: i panirra; 20, i'\,
25, 28, k"j glciis (sauf 5i, 55 inglais) ; 25 vauchier; 32 voir ;
ki poier ; 61 pona. Voy. Behrens, p. 64-
Morphologie.
Il y a surtout lieu de noter ici la façon dont sont traités
les verbes.
12. Un certain nombre de formes barbares ont pour
origine une confusion entre les différentes conjugaisons
et une influence analogique des verbes de la conjugaison
en -er : 29 trama; 48 prender ; 61 pona; ou, plus parti-
culièrement, des verbes en -1er (soumis à la loi de
Bartsch) : i3 rier ; i4 crier; 38 sivier; 4i contrier ; 44 rom-
pier ; 43 chier ; 75 portier ; 79 corronier.
13. Plusieurs barbarismes ont pour objet de provoquer
une équivoque comique : 34 poistront ; 11, 21, 23, 73
fout ; i4 crier ; 21 profita ; 43 chier.
14. Les temps composés affectent des formes étranges :
4 j'ai trova ; 8 m'ai covint ; 25 sont vint ; etc.
15. Le futur est formé plusieurs fois selon le procédé de
la langue anglaise (will -+- inf.) : 20 voudra vauchier;
26 voudra groucier ; 48 voudrai prender ; 80 voudra toer.
Syntaxe.
16. Le démonstratif est mis souvent à la place de l'ar-
ticle : 1 ce ros ; 2 ce tens ; 3 ces prés, ces gardons ; 9 ce rai;
i4 ce navel; 2 3 ce ter s; etc.
17. Le genre du substantif est constamment méconnu :
1 la lems, ce ros ; 4 un chos ; 5, 62, 65 ma ray : 7 safd: ;
7 sa chaviaus; 11 son maison; 12, 38 un gaire; 20. 3q, 47 le
gent ; 26 la François ; etc.
18. Le sujet est repris au moyen d'un pronom : 3, 25.
38 LA PAIX AUX ANGLAIS
19. La déclinaison des adjectifs et des substantifs n'est
pas observée. Les exemples en sont à chaque vers.
20. Les verbes sont employés à des formes qui ne
conviennent pas, soit eu égard à la personne ; 3 ils
florrrira ; k je dirra; 8 je faites; io il tenez; i'\ dit jel;
26 il trovez ; 33 ne vous esmaie ; 34 vous porra ; 36 tu sarra ;
3$ je conduira; 43, 68, 70 je ferra; etc. — soit eu égard
au temps : 1 vint (vient) ; 5 fu (est) ; 17 venez (êtes venus ;
18 arra fait (a été fait ; 44 brisa (brisera ; etc. — soit eu
égard au mode : 57 se vous aler.
Vocabulaire.
21. Les mots sont quelquefois impropres : 9 longue
(grand); 11 maison (résidence); i5 grosse (grande).
22. Ils sont quelquefois écorchés pour faire calembour :
i/j, 53 navel (nouvelle?) ; 17 fout (vous) ; 27 lévrier (levier ;
3o Trichart Richard) ; 3 1, 35, f\i, 86 cul (cœur) ; 49 Angoise
Amboise); 73 vil ville) ; 87 culmandement commandement .
23. Les verbes simples et composés sont confondus :
11 croupier accroupir); i3 tendez (entendez): 53 atendi
entendit) ; 86 m'aprent (me prend . (Comp. 19 poentement .
24. A au lieu de de : 33 la cont à Clocestre ; 4g la plais
a Dieu ; 53 Simon a Montjort ; au lieu de en : 54 a piez.
25. Enfin, les constructions sont quelquefois très lâches
(v. 12-20 ; 78-79 ; 82 ; etc.).
Tels sont les principaux faits de langue qu'on peut rele-
ver dans la Paix aux Anglais1. A les considérer, on s'aper-
1. On observe les mêmes à peu près dans les deux Chartes. Voici
des exemples pour la première : 2 1 mi ; 4 Normandi ; 2 Ingleter :
10 chos ; etc. — i 2, k, 6, 8 rai; — 5 i4 fiens ; — 6 3 sarra ; —
9 7, i3 minet; 20 honissier; 20, 23 honissement ; — 10 3 sarra;
\ forresl ; 19 orre ; etc. — 115 vauchier ; 11 porons; 20 chata ; etc.
LA PAIX AUX ANGLAIS 3g
çoit que les principes de déformation sont ici, en gros,
les mêmes que dans le fabliau des Deux Anglais et Cartel,
ou dans les passages cités plus haut de Renart et de Jean et
Blonde. C'est, ici comme là, le même usage de l'apocope,
de l'aphérèse, de la confusion des cas et des genres, des
formes verbales barbares ; et ce sont aussi, en partie, les
mêmes altérations phonétiques, les mêmes incorrections
syntaxiques. Cet accord est intéressant à noter, parce qu'il
prouve que ces charges, où le langage des Anglais est
ridiculisé, ne sont pas des bouffonneries tout à fait fantai-
sistes, conçues par chaque auteur à son gré, mais bien
des imitations, dont les procédés sont constants. Et ces
imitations ont ceci de curieux, qu'elles ne se rapportaient
pas à un type imaginaire, mais qu'elles exprimaient, autant
que nous en pouvons juger, la réalité, et reproduisaient
avec exactitude les particularités du français parlé en
Angleterre : la simple lecture de la Chronique de Jour-
dain Fantosme ou de la Vie de Thomas par Benêt, fournit
des exemples (bien que moins nombreux et moins carac-
térisés) des faits que nous avons classés précédemment.
La Paix aux Anglais et les Chartes sont des caricatures
ressemblantes; en sorte que ces facéties, qui n'ont pré-
tendu autrefois qu'à faire rire, ont. par surcroît, la vertu
d'intéresser les grammairiens d'aujourd'hui.
— 12 7 mester, ester ; n saver; 20 honissier; etc. — 13 20 honissier;
26. 27 fout; etc. — 15 5 voudra vauchier ; 8 voudra aler ; etc. —
16 2 ce rai; 3 ce riche homme ; etc. — 17 2 ./. gros pés ; 4 ce grant
forrest; i3 sa piere ; etc. .— 20 i5 pende:: 22 portez; etc. —
21 2 gros; — 22 7 porons sorés ; \\ piere; i5 cul; 20 honissement :
23 Mauvaise Alaine ; 27 aleici ; 38 Galerrie ; etc. — 25 3 Loys aParris
sarra.
LA PAIX AUX ANGLAIS
B. N., fr. 837, f° 3ao v°a-f° 3aib-
[Un Anglais parle :)
Or vint la tens de may que ce ros panirra,
Que ce tens serra bêles, roxinol chan terra,
Ces prez il serra verdes, ces gardons florrirra.
4 J'ai trova a ma cul .1. chos que je dirra.
De ma ray d'Ingleters, qui fu a bon naviaus
Chivaler vaelant, hardouin et leaus,
Et d'Adouart sa filz qui fi blont sa chaviaus,
8 M'ai covint que je faites .1. dit troute noviaus,
Traduction. — Je répète ici ce que j'ai déjà dit à propos du Pri-
vilège aux Bretons, que cette traduction n'est qu'un guide, et qu'elle
ne prétend pas rendre le texte dans la plénitude de son sens.
L'interprétation que je propose différera souvent, sans que je le
signale, de celle de Jubinal (qui est extrêmement mauvaise), et,
quoique moins, de celle de Th. Wright.
Pour les particularités qui ne seront pas expliquées dans ces notes,
voy. l'Introduction.
Voici que vient le temps de mai où la rose s'épanouira — où le
temps sera beau, le rossignol chantera, — les prés seront verts,
les jardins fleuriront. — J'ai trouvé en moi-même (?) une chose
queje dirai.
De mon roi d'Angleterre, qui est avec de bons navires — un
chevalier vaillant, hardi et loyal, — et d'Edouard son fils qui a
les cheveux blonds, — il faut que je fasse un dit tout-à-fait
nouveau,
3. Gardons, (comp. l'anglais garden) pour jardins, fait calembour
avec gardon, sorte de poisson. — 5. « qui est avec de bons vais-
seaux un chevalier vaillant », c'est-à-dire « bon cavalier sur mer »,
qui est une bouffonnerie.
[\1 LA TAIX AUX ANGLAIS
Et de ce rai de Frans, cestui longue baron,
Qui tenez Normandi a tort par mal choison :
Lonc tens fout il croupier sor Parris son maison,
12 Qu'il onc for por .1. gairc ne chauça d'asperon.
Sinor, tendez a mai ; ne devez pas ricr.
Ce navel que je port doit tout le mont crier.
L'autrier je fi a Londres une grosse concier :
16 Ja ne movra baron, la meilleur ne la pier,
Que tout ne fout venez a ce grant plaidement.
La arra fet tel chos, je craie vraiemenl,
Qui farra rois François .1. grant poenlement
20 De ce terres qu'il tient contre le glaise gent.
Sinor, lonc tens fout il que Mellins profila
Que Philippes de France, .1. sinor qui si a,
Conquerra tout ce ters quanqu'il fout par deçà ;
ik Mes toute vois, dit jel, qu'encore Glais l'arra.
ainsi que de ce roi de France, ce grand baron, — qui possède
la Normandie sans en avoir le droit : — il fut longtemps
accroupi dans Paris, sa résidence ; — car jamais, sinon pour
peu de temps, il ne chaussa l'éperon.
Seigneurs, prêtez moi attention ; vous ne devez pas rire. —
Cette nouvelle que j'apporte, tout le monde doit la craindre. —
Avant hier je vis à Londres une grande assemblée : — jamais
baron, du meilleur au pire, ne se mettra en voyage,
qui ne soit venu à cette grande réunion. — Là s'est fait une
chose, je crois vraiment, — qui fera au roi de France une
grande épouvante — au sujet des terres qu'il tient contre les
droits des Anglais.
Seigneurs, il y a longtemps que Merlin prophétisa — que Philippe
de France, un certain seigneur, — conquerrait toute la terre qui
est en deçà ; — mais toutefois, dis-je, les Anglais l'auront encore.
i2. gaire « guère », fait ici équivoque avec guerre. Il faut entendre
à la fois : « car il ne chaussa jamais l'éperon que pour peu de temps »,
et « car il ne chaussa jamais l'éperon que pour une guerre ». —
i4- navel, pour novele, fait calembour avec navel, « navet » et « navire ».
LA PAIX AUX ANGLAIS /(3
Or sont il vint le tans que Glais voura vauchier,
S'il trovez la François qui la voura groucier,
Qui parra si froirrous d'espé ou de lévrier,
28 Que il n'arra talant por gondre Glais grondier.
Le bon rai d'Ingleter se trama a .1. part,
Li et Trichait, sa frer, irrous comme lipart.
Il suspire de cul. si se claima a l'art :
32 « Hui ! Diex. corn puis je voir de Normandi ma part? »
— (( Ne vous esmaie mi », dit la conte a Clocestre;
« Vous porra bien encors ; tel chos poistron bien estre.
« Se Diex salva ma cul, ma pie et ma poing destre,
36 « Tu sarra sus Parris encore troute jïiestre. »
Voici que vient le temps où les Anglais chevaucheront ; — ils
trouveront les Français qui murmureront; — mais ceux-ci
paraîtront tellement effrayés par les épées et les massues, —
qu'ils n'auront pas envie de grogner contre les Anglais.
Le bon roi d'Angleterre se retira d'un côté, — lui et Richard,
son frère, irrité comme un léopard. — Il soupire du fond du
cœur, et s'écrie avec force : — « Hé ! Dieu, comment puis-je
avoir ma part de Normandie ? »
« Ne vous inquiétez point, dit le comte de Glocestre ; — vous
pourrez bien [l'avoir] encore ; une telle chose pourra bien se
réaliser. — Si Dieu sauve mon cœur, mon épée et mon poing
droit, — lu seras encore tout-à-fait maître de Paris. »
a5. Cette strophe est difficile à interpréter, tant à cause de l'obs-
curité de la construction, qu'à cause de celle du mot froirrous, que
j'ai peine à identifier, lévrier pour levier (?). « barre, massue », fait
calembour. Je n'ignore pas ce que ma traduction a d'incertain, et
qu'on en peut proposer plusieurs autres. Je ne vois guère à quoi
correspond le terme a l'art. La correction a tart, adoptée par V. Le
Clerc, ne me parait pas satisfaisante. — 3^. poistron est pour pour-
ront : fut. formé sur le présent de l'indicatif. Fait calembour avec pois-
tron, poltron « derrière, croupe ». — 35. ma pie, pour m'espée (?),
fait calembour avec pié « pied ».
44 LA PAIX AUX ANGLAIS
La cont Yicestre dit au buer roi d'Ingletiere :
Rai, rai, veus tu sivier? Festes mouvoir ton guère,
Et je te conduira trestout ton gent a foire ;
Tu porras Normandi a ce pointes conquerre.
4o
44
Se je pois rai François a bataille contrier,
Et je porrai mon lance desus son cul poier,
< Je crai que je ferra si dourrement chier,
( Qu'il se brisa son test, ou ma cul fu rompier-
i Je prendrez bien droitur, se je puis, a Diex poise !
( Quant j'arra en mon main Normandi et Pontoise,
( Je ferra soz Paris achier mon gent gloise.
Puis vourai prender Frans, maugré conte d'An-
[goise.
Le comte de Winchester dit au bon roi d'Angleterre: — « Roi,
roi, vcux-Lu me croire ? Mets tes troupes sur pied, — et je con-
duirai tous les gens au butin ; — tu pourras conquérir la
Normandie avec ces pointes [de lances].
« Si je puis rencontrer le roi de France à la bataille, — et si je
puis appuyer ma lance sur son cœur, — Je crois le faire si
durement choir, — qu'il se brisera la tête, ou que mon cœur
sera enfoncé.
« Je prendrai bien ma direction, si je puis, à Dieu plaise ! —
Quand j'aurai en mes mains la Normandie et Pontoise, — je
ferai camper sous Paris mes soldats anglais, — puis je prendrai
la France malgré le comte d'Amboise.
38. sivier est pour sivirQ), « suivre » (« veux-tu m'écouter? »),
ou pour saveir (?) ('« veux-tu sagesse, veux-tu être sage ? »). —
3g. foire est pour fuerre. mettre a fuerre signifie « piller »; con-
duire a fuerre peut signifier « conduire au pillage » ; mais foire
fait calembour (« je les mènerai à la foire »). — 4i. Peut-être faut-il
supposer qu'à partir de ce vers, bien qu'il n'y ait aucune indication
à ce sujet, c'est le roi d'Angleterre qui prend la parole. — 45- poise
est pour plaise. — k~j. achier est peut-être pour marchier (?), ou
pour agister, agiter, « prendre gîte, coucher ». — 48. Angoise, pour
Amboise, fait calembour avec angoisse.
LA PAIX AUX ANGLAIS 45
a Par la . V. plais a Diex, François maubali sont !
« Si gï la puis grapier, certes il chateront.
« Quant Inglais irront la, molt bahot i serront :
52 « Par la mort Dieu, je crai que toutes s'enfuiront 1 »
Sir Symon a Montfort atendi ce navel ;
. Donques sailli a piez : il ne fout mie bel.
A dit a rai Inglais : « Par le cors saint Anel,
56 Lessiez or cesti chos : François n'est mi anel.
« Se vous aler seur leus, il se voudra dafandre :
« Toute ta paveillons metra feu a la cendre.
« Il n*a si vaelant qui l'ose mie atendre :
60 « Mult sarra maubali qui le François puet prendre.
« — Quoi dites vous, Symon ? » pona Rogier Bigot.
« Bien tenez vous la rai por binart et por sot !
« Fout insi hardouin que vous soné plus mot,
64 a >"e te pot besoner por vostre mileur cot.
« Par les cinq plaies de Dieu, les Français sont mal en point !
— Si je les puis attraper, certes ils me la paieront. — Quant
les Anglais iront là, il y aura beaucoup de sentinelles : — par
la mort de Dieu, je crois que toutes s'enfuiront ! a
Sire Simon de Montfort entendit cette nouvelle; — alors il
sauta sur ses pieds : il n'était pas doux. — Il dit au roi d'Angle-
terre : « Par le corps de saint Anel, — laissez donc ces projets :
Français n'est pas agneau.
« Si vous marchez sur le loup, il se défendra: — le Français]
mettra vos tentes à feu et à cendre. — Il n'y a si vaillant homme
qui l'ose attendre : — malheur à celui que le Français prendra ! »
— « Que dites-vous, Simon ? répondit Roger Bigot. — Vous
tenez le roi pour bien imbécile et sot ! — Si vous étiez si hardi
que vous prononciez encore un mot, — vous ne vous tireriez
pas d'affaire avec votre meilleure cotte. »
5o. grapier est pour agraper, « attrapper n ; choieront est pour
achateront, « ils paieront, ils seront punis ». — 53. Simon, comte
de Leicester, meurt en 1265. — 58. metra feu a la cendre, bourde
volontaire pour mettra a feu et a cendre. — 61. Roger Bigot, comte
de Norfolk, meurt en 1270.
46 LA PAIX AUX ANGLAIS
(( — Sir Rogier, dit la Rai, por Dieu ne vos chaële !
« ?se sai mi si irions contre ce merdaële.
(( Je ne dout mi François tout qui sont une mêle ;
68 « Je farra ma talent comment la chos aële.
« Je pandra bien Parris, je suis toute certaine ;
« Je boulerra le fu en celé eve qui saine ;
( La moulins arderra : ce fi chos mult gravaine
72 « Se n'i menja de pain de troule la semaine. -
« Par la .V. plais a Diex, Parris fout vil mult grant.
« Il i a .1. chapel dont je fi codant:
( Je le ferra portier, a .1. charrier rollant,
76 < A saint Amont a Londres toute droit en estant.
70. On corrige généralement ev qui fu Saine. Je conserve le texte
du ms., qui fait un calembour, peu naturel, il est vrai, mais qui est
dans le ton de la pièce.
— « Sire Roger, dit le roi, pour Dieu ne vous en souciez pas !
— Ne soyez point irrité contre cette ordure. — Je ne crains
point les Français, tant qu'ils sont, pour la valeur d'une nèfle :
— je ferai mon plaisir, de quelque façon que la chose aille.
Je prendrai bien Paris, j'en suis tout certain ; — je mettrai le
feu à l'eau de la Seine ; — les moulins brûleront : c'est une
chose très grave — si on ne mange du pain de toute la semaine.
« Par les cinq plaies de Dieu, Paris est une ville très grande. —
Il y a une chapelle que je désire ; — je la ferai porter sur un cha-
riot roulant — à Saint-Edmond à Londres, toute droite, debout.
67. mêle peut s'interpréter comme « nèfle ». Peut-être aussi est-ce
« maille ». En ce dernier cas, on attendrait maële, et il faudrait lire
un maële ; toutefois, il y a des exemples de a -+- l mouillée donnant el
(voy. Bchrens, p. i36), et on peut, même avec ce sens, conserver le
texte sans correction. — 71. Les moulins dont il s'agit sont ceux qui
étaient bâtis sur la Seine et en utilisaient le courant. Voy. H.Legrand,
Paris en 1380, p. 34, n. 2 (Histoire générale de Paris). — L'emploi du
présent et du passé, fréquent dans ce discours, peut non seulement
tenir à la maladresse de celui qui parle, mais exprimer aussi sa con-
fiance extrême, qui lui fait considérer ses projets comme déjà réalisés.
— 74. « une chapelle, dont je fus remuant la queue de plaisir », c'est-
LA PAIX AUX ANGLAIS f\ ~
(( Quant j'arra soz Parris mené tout mé naviaus.
« Je ferra le moustier saint Dinis la chanciaus
« Corronier d'Adouart soz sa blonde chaviaus.
80 « La voudra vous toer de vaches a porciaus.
« Je crai que vous verra la endret grosse fest,
« Quant d'Adouart arra corrone France test.
a II l'a bien asservi, ma fil ; il n'est pas best :
8/1 ti II fout buen chivaler, hardouin et honest.
« — Sir rai, » ce dit Rogier, « por Dieu a mai entent !
« Tu m'as percé la cul, tel la pitié m'aprent.
« Or doint Godelamit par son culmandement,
88 « Que tu fais cestui chos bien gloriousement ! »
Explicit la pais ans Englois.
« Quand j'aurai mené tous mes navires sous Paris, — je ferai,
dans le chœur de l'église de Saint-Denis, — couronner Edouard
sur ses blonds cheveux. — Là vous tuerez vaches et pourceaux.
« Je crois que vous verrez en cet endroit une grande fête, —
quand Edouard aura la couronne de France en tête. — Il l'a
bien mérité, mon fils ; il n'est pas bête ; — c'est un bon cheva-
lier, hardi et honnête. »
— « Sire roi, dit Roger, pour Dieu écoutez-moi ! — Vous
m'avez percé le cœur tant la pitié me prend. — Que Dieu le
Tout-Puissant, par son commandement, te donne — de faire
cette chose bien glorieusement I »
à-dire <> qui m'a plu ». Allusion à la plaisanterie traditionnelle des
Anglais « coués », en même temps qu'aux sentiments religieux
d'Henri II. Il s'agit ici de la Sainte-Chapelle.
87. Godelamit pour God Almighty « Dieu Tout-puissanl ».
LA CHARTE DE LA PAIX AUX ANGLAIS
B. N., fr. 837, fr 22iu-22i vra.
Ce sache cil qui sont et qui ne sont mi, et qui ne doivent
mi estre, qu'il fu fet .1. gros pes entre ce rai Hari d'Ingle-
tcr, et ce riche homme Loys a Parris, sarra forretier de
5 ce granl forrest a Normandi. Et quant ce rai Hari d'In-
gleter voudra vauchier par son terre, ce riche homme
Loys a Parris voudra donier a ce rai Hari meismes .11.
porons sorés a mester soz son houses, por ester plus mi-
net ; et quant ce rai Hari voudra aler de mort a vie, cestui
riche homme Loys a Parris devra donier a d'Adouart sa
10 fis cesti chos meism sous vise, quitement, francement,
Que ceux qui sont et ceux qui ne sont pas et ceux qui ne doivent
jamais être, sachent qu'il a été fait une grande paix entre le roi
Henri d'Angleterre et le riche bourgeois Louis de Paris : Louis sera
forestier de la grande foret de Normandie, (ligne à) Et quand le roi
d'Angleterre chevauchera sur sa terre, le riche bourgeois Louis
de Paris donnera à ce même Henri deux éperons dorés pour mettre
sur ses bottes, afin qu'il soit plus élégant ; (8) et quand le roi Henri
passera de mort à vie, le riche bourgeois Louis de Paris devra don-
ner à Edouard son fils cette même chose vue ci-dessus, sans charge
3. riche homme, ici, terme de dédain appliqué au roi de France. —
7. porons pour espérons, fait calembour avec porion, porgon, « poi-
reau » ; sorés, pour dorés, fait calembour avec soré, « séché ». L'An-
glais, au lieu de « éperons dorés », dit donc « poireaux secs ». Jubinal
a imprimé poronssores, que Godefroy a fait figurer dans son diction-
naire en proposant l'explication « couverture, manteau ». Le mot
a également embarrassé V. Le Clerc (voy. Histoire littéraire de la
France, t. XXIII, p. 453). M. G. Raynaud le premier, ayant découvert
le ms. de la Nouvelle Charte, vit qu'il s'agissait non d'un seul mot,
mais de deux, et a proposé l'explication véritable. — 10. quittement,
francement, termes de chancellerie : « sans charge, ni redevance ».
LA PAIX AUX ANGLAIS ^9
dije, c'avant, c'arier : c'est donques a saver .II. porons
sorés quant il voudra vauchier par son terre a meter soz
son houses, por ester plus minet aussinc comme a sa
piere. Et por ce que je veele que ce chos fout fiens en
15 estable, je veele pendez ma saiele a ce cul par derrier,
avoecques la saiele a mi barons d'Ingleter. L'an de l'In-
carnacion nôtres Sinors Jesoucriet mimes qui souffri
mort a la crucefimie por nous, M. CG. LX. I. IL et IIL,
a ce jodi assolier, derrière ce vendredi, a orre que Marri
20 Masalaine chata cehonissement a honissier les .V. plaies
Jesoucriet nostre Sinors mimes, qui souffra mort a la
croucefin por nous ; et Marri Mauvaise-Alaine portez ce
honnissement a la Saint Supoucre ; et Marri Mauvaise-
Alaine veez l'angiel ; et l'angiel pona Marri : « Marri,
ni redevance, aussi bien après qu'avant : (11) c'est donc à savoir
deux éperons dorés, quand il chevauchera sur sa terre, pour mettre
sur ses bottes, afin qu'il soit plus élégant, comme son père. {1U) Et
parce que je veux que cela soit un serment stable, je veux pendre
mon sceau à ce derrière avec le sceau de mes barons d'Angleterre.
(16) L'an de l'incarnation de Noire Seigneur Jésus Christ qui souf-
frit pour nous la mort au crucifiment, 1263, ce jeudi Saint, qui
précède le vendredi, moment où Marie Madeleine acheta l'oint pour
oindre les cinq plaies de Jésus Christ Notre Seigneur, qui souffrit
pour nous la mort au crucifix ; (22) et Marie Madeleine porta cet
oint au Saint-Sépulcre ; et Marie Madeleine vit l'ange ; et l'ange
— i4. fiens, pour fiance, fait calembour avec fiens, « fumier ». —
i5. estable, qui est pris comme adjectif au sens de « ferme », a aussi,
comme substantif, le sens d' «étable», et ainsi la plaisanterie conti-
nue. — cul est peut-être pour baie (?), ou peut-être aussi queue (c'est-
à-dire le ruban du parchemin). — 20. Iionissement, honissier, pour
oignement et oindre, font équivoque avec honissement et honir. Le sens
est : « à l'heure où Marie-Madeleine acheta les parfums pour oindre
les plaies... » Il est trop évident qu'il ne faut pas entendre, comme
V. Le Clerc, « chanta hosanna. » — 22. Le jongleur parodie, à partir
d'ici, la scène qui était représentée dans les églises à l'office matinal
du vendredi saint (voy. Edélestand du Méril, Origines latines du
théâtre moderne, p. 43 et 89 ss.).
5o LA PAIX AUX ANGLAIS
25 quoi quieré vous quei ? » ; et Marri pona : « Je quere
Jhesum qui fout a la crucefimie » : et l'angel pona a Marri :
o Marri ! Marri ! aleici ! aleici ! il ne fout pas ci ; il fout
aie cestui matin a Galerrie ! »
ExplicU la char Ire de la pais aus Englois.
demanda à Marie : « Marie, que cherchez vous ici P » ; et Marie répon-
dit : « Je cherche Jésus qui a été au crucifiaient » ; et l'ange répon.
dit à Marie : « Marie, Marie ! Aleici ! aleici ! il n'est pas ici ; il est allé
ce matin en Galilée ! »
26. Remarquer l'équivoque prolongée sur le mot fout. — 27. Aleici,
déformation de alléluia, fait calembour avec alez ici. — 28. Galerie
(« réjouissance »), pour Galilée, fait un nouveau jeu de mots.
NOUVELLE CHARTE DE LA PAIX AUX ANGLAIS1
{Le début manque)
chavaugier par son ter roi Phelippotc donerer
Dadoarz un porrons sorcrs par mes[ter] sur son osel,
par estre plus migncl ; et quant rey Dadoarz volerer
descender de son grant chavel, roy Phelippote deschau-
5 cer le porron sorer en son main, et dirré : « Offu, oscu
furrez devant roy Dadoart ! », et quant il voleré man-
gier, roi Phelippote devestirer soi toz nuz, et trancherer
devant Dadoarz, et direrz : o Boi, menger, bon roi Da-
doarz ! » et roi Dadoarz dirré : « Chetis rois Phelippote, je
îo serré sire, et tu serré mon garçon », et Phelippote dirré :
a Foire, foure, vos dirré voir. » Et en tel maner fot faite
pès ; et par ço que ço soit femier en estauble, je penderer
le seal Phelippote a cest cul par derer, en l'an que Marrie
Malvaise-Aloine veneral sainte Sepocre aporter les onisse-
15 ments [a] onir Jase Crist mil. CC. IIII". et XIX.
i. Les éclaircissements que nous avons donnés pour la première
Charte serviront pour la seconde, où il n'y a guère de plaisanteries
nouvelles à relever. — Je ne saurais dire en quoi consiste au juste le
comique des réponses du roi de France : « Offu, oscu, furrez... » et :
« Foire, foure,... », sinon qu'il doit y avoir ici des jeux de mots bouf-
fons (ainsi foire pour voire).
LES DITS DE L'HERBERIE
LA GOUTE EN L'AINE
INTRODUCTION
Des trois pièces qui vont suivre, nous savons que l'une
est de Rulebeuf ; mais les deux autres sont anonymes. La
première, celle de Rutebeuf, se compose de deux parties,
l'une en vers, l'autre en prose. La seconde est tout entière
en prose, et n'est qu'une amplification de l'œuvre de Rute-
beuf. La troisième pièce, enfin, toute en vers, et intitulée
la Conte en l'aine, est la moins remarquable et la plus
récente.
VHerberie de Rutebeuf se trouve dans deux manuscrits
de la Bibliothèque Nationale : le ms. fr. i635, f° 80 (.4),
et le ms. fr. 24432, f' 34 (B). Le ms. i365 donne la pièce
sans nom d'auteur : le nom de Rulebeuf est fourni par le
ms. 24432 dans VFncipitet YExplicit. Nous avons adopté,
dans notre texte, les leçons du ms. i635, qui est le plus
ancien et le moins fautif des deux. Aussi bien la lecture
des variantes est elle ici peu instructive et ne donne pas
matière à d'importantes observations.
VHerberie en prose ne se trouve que dans le manuscrit
de la Bibliothèque Nationale fr. 19162, f° 8g. Bien que le
ms. soit unique, le texte ne présente pas de grave diffi-
culté.
La Goûte en l'aine, enfin, se trouve aussi dans un manus-
crit unique de la même bibliothèque, fr. 837, f° 243.
Il n'est pas possible de dire très précisément à quelle
date se place la composition de ces pièces: l'étude de la
56 LES DITS DE l'hERBERIE
langue ne donne pas ici de résultat. Pour la première,
dont une moitié est en prose, et pour la seconde, qui est
toute en prose, nous manquons des deux plus sûrs ins-
truments qui permettent de reconstituer la langue origi-
nale d'une œuvre : la rime et le mètre d. Pour la troi-
sième, elle est si courte, qu'il faut renoncer à y trouver
les indices d'un âge exact. L'Herberie de Rutebeuf
appartient, à en juger par ce qu'on sait d'ailleurs de
cet auteur, au troisième quart du xme siècle, ou au com-
mencement du quatrième. L'Herberie en prose et le dit de
la Goule en raine, postérieurs à l'œuvre deRutebeui, appar-
tiennent encore au xiir" siècle, puisque les manuscrits
sont de cette époque.
La Goûte en l'aine diffère un peu des deux autres pièces
par le sujet, en ce sens qu'il ne s'y agit pas précisément
d'un « herbier», mais d'un o mire », sans plus de précision.
Toutefois, elle leur ressemble trop, dans ses grandes lignes,
pour en être séparée. Toutes trois sont des boniments de
charlatans. Non point qu'elles aient été composées et dé-
bitées par de vrais charlatans : elles ne sont que des paro-
dies. Elles imitent, en les rendant bouffonnes, les ha-
rangues à la faveur desquelles les thériacleurs essayaient
de vendre au peuple quelque merveilleuse panacée. Plu-
i. L'Herberie de Rutebeuf affecte une forme métrique assez sin-
gulière. Elle est composée de groupes de trois vers monorimes, dont
le premier a quatre syllabes, et les deux autres huit. C'est donc le
petit vers qui amorce les rimes nouvelles, bien que, par le sens, il se
rattache souvent, non pas au groupe suivant, mais au groupe pré-
cédent. Nous avons déjà vu, dans le Privilège aux Bretons, un usage
assez semblable du vers de quatre syllabes, qui, là aussi, introduit
toujours une rime nouvelle. Ce qu'il y a de particulier dans cette
dernière pièce, c'est que le petit vers y est employé d'une façon beau-
coup moins régulière que dans Yllerberie : il y est suivi d'un nombre
variable de vers de la même rime ; et il n'annonce pas tous les chan-
gements de rime.
LES DITS DE l'hERBERIE 5"J
sieurs critiques se sont mépris en prenant de telles charges
au sérieux. Petit de Julleville. par exemple, a écrit, à
propos de la première Herberie* : « Rutebeuf l'a-t-il com-
posée pour son propre usage, et fit-il, dans ses jours de
misère, quand les dés l'avaient maltraité, le métier d'opé-
rateur sur la place publique ? Ou bien a-t-il composé le
dit de YHerberie pour le vendre à quelque charlatan qui
en régalait les badauds? Ou enfin, le dit n'est-il qu'une
imitation artistique des < boniments » réels que débitaient
les marchands de drogues, et servait-il à des jongleurs
qui parodiaient les opérateurs sans faire eux-mêmes mé-
tier d'opérateurs ? Cette hypothèse est admissible ; mais
on ne saurait prouver qu'elle est vraie ; car pour que
l'imitation fût bien faite, il fallait, dans ce dernier cas,
qu'elle ressemblât parfaitement à la réalité : rien ne peut
donc permettre aujourd'hui de distinguer l'une de l'autre.»
L'argument est sophistique, et nous avons vraiment la
preuve que nos pièces étaient des « imitations ». Cette
preuve, c'est l'accumulation voulue de bourdes et de « rêve-
ries» , dont ils sont tout enflés2. Il faut nécessairement se re-
i. Les Comédiens de l'ancienne France, p. 25. Voy. l'opinion voisine
de A.. Jubinal (Œuvres de Rutebeuf, in-120, t. II, p. 5i, n. 1) : « C'est
tout simplement une parade, un boniment, dans le genre de ceux que
les charlatans d'aujourd'hui débitent sur les places publiques. Seu-
lement Rutebeuf l'y récitait-il lui-même, ou l'avait-il composé comme
un modèle à l'usage des jongleurs et des trouvères de bas étage ? Je
l'ignore... » Voy. encore Lintilhac, Histoire du théâtre en France, t. II,
p. 160.
2. Il faut considérer comme un jeu les énumérations de diffé-
rentes sortes qu'on rencontre dans la pièce de Rutebeuf : ce sont des
listes de choses rares, telles que les pierres précieuses (35-38), ou bien
encore d'ingrédients étranges (80-89), ou bien encore de noms de pays
(125-129) et de noms de monnaies (167-169), dont la seule accumulation,
comme toute redondance affectée du style, est comique. Et à côté de
ce procédé qui apparaît à plusieurs reprises, ce sont d'autres bouffon-
neries, aussi manifestes : récits merveilleux jusqu'à l'absurde (5o-53,
58 LES DITS DE l'ïIERBEKIE
présenter cette pièce, ou plutôt ces pièces, celle de Rutebeuf et
les autres, comme un mime, que les jongleurs inscrivaient
à leur répertoire. Nous en avons des preuves internes,
avons-nous dit ; mais nous en avons aussi des preuves
externes. Un fabliau raconte, en effet, comment, une fois,
des ménestrels de toute espèce se rassemblèrent à la cour
120-122), révélations mirifiques (i8o-i83), truismes burlesques (4o-46)»
expressions et détails grossiers (62-63, 71, 96), détours imprévus de la
pensée (91-96, 107-112), recettes étranges (i55-i58, 185-187), maximes
ambitieuses et dérisoires (i63-i64, 187-188), etc.
La seconde Herberie emprunte à celle de Rutebeuf un bon nombre
de traits. On y retrouve les mêmes énumérations de pays (I, 25, II,
/i5), d'ingrédients baroques (I, 80, II, 71), de pièces de monnaie (I, 167,
II, 110), les mômes tours (I, n5, II, 35), les mêmes truismes (I, 4a,
II, 66), les mêmes bouffonneries (I, 172, II, 118 ; I, 191, II, i35). Mais
on est ici en présence d'une imitation moins sobre que ne l'est la
première Herberie ; la parodie est poussée à la charge, et, aussi bien
dans les parties où l'auteur a suivi Rutebeuf que dans celles où il se
montre original, la note a été forcée. Les énumérations sont plus
longues et trainent un peu (voy. surtout 71, 110); mais surtout les
bourdes sont plus grosses, plus invraisemblables, et l'herbier débite
de délirantes balivernes. La matière, ici, a été enrichie d'éléments
comiques étrangers au sujet. Passons sur les formules d'incantation
(i-4, 171-174) qui sont de circonstance; passons sur quelques redon-
dances inutiles (i3i-i33) et sur quelques plaisanteries trop peu dis-
crètes (48, 5g). Il reste encore, entr'autres exagérations notables, tout
un développement burlesque sur la véracité des femmes (5-33) et une
série de fagots et calembredaines (174-207), qui se raccordent fort
mal avec le reste de la pièce. Je le répète, on ne peut nier que la
charge, amusante d'ailleurs dans son énormité, soit outrée. Aussi
bien est-il à propos de remarquer que les deux fragments dont nous
venons de parler, et qui ont été insérés d'une façon inattendue dans
l' Herberie en prose, sont des postiches empruntés à la littérature
populaire du moyen-âge, où fleurit la satire des femmes, et à laquelle
le type du sot est familier. Il est même singulier que la série des
calembours qu'on lit depuis la ligne 198 jusqu'à la ligne 207 viennent
directement de la Riote du monde où ils se succèdent, exactement les
mêmes, dans le même ordre (voy. Zeitschrift fur rom. Philologie,
i884, t. VIII, p. 280).
LES DITS DE l'hERBERIE 5g
d'un seigneur qui les avait convoqués ; et là, chacun se mit
à « faire son métier » :
L'uns fait l'ivre, l'autre le sot,
Lis uns chante, li autres note,
Et li autres dit la Riole,
Et li autres la Jonglerie...
Aucuns i a qui fabliaus conte,
Ou il ot mainte gaberie,
Et li autre dit YErberie
La ou il ot mainte risée *.
Ainsi nous est fournie l'indication précise de l'usage
auquel était destinée Vllerberie, et nous savons avec cer-
titude qu'elle figurait au répertoire des jongleurs, qui
la débitaient comme une charge, comme une parodie des
boniments de charlatans.
i. Du vilain au buffet, v. 1/42 ss. (Montaiglon, Recueil général des
fabliaux, t. ITI, lxxy, p. ao4). On remarquera que Vllerberie, est men-
tionnée ici à côté du jeu du Sot (voy. Les jongleurs en France au
moyen-âge, p. a3G, n. 5), de la Riote (avec laquelle nous avons, dans
la note précédente, signalé son rapport), et de la Genglerie (voy. plus
loin, p. 88, n. 1).
LE DIT DE L'HERBERIE
DE
RUTEBEUF
B. N., fr. iG35 (A) et aâ&3a (B).
Seigneur qui ci este venu,
Petit et grant, jone et chenu,
Il vos est trop bien avenu !
Sachiez de voir,
5 Je ne vos vuel pas desovoir :
Bien le porrez aparsouvoir
Ainz que m'en voize.
Aseeiz vos ! Ne faites noise,
Si escouteiz, c'il ne vos poize.
10 Je sui uns mires,
Si ai estei en mainz empires.
Dou Caire m'a tenu li sires
Plus d'un estei :
Lonc tanz ai avec li estei,
i5 Grant avoir i ai conquestei.
Meir ai passée,
Si m'en reving par la Moree
Où j'ai fait moût grant demoree,
Et par Salerne,
B. 2. jones et — 5. vueil pas décevoir — 9. escoutez sil — 11. sai
estre par divers
On trouvera au glossaire, pour les pièces qui suivent, les explica-
tions qu'il m'a paru utile de donner sur les difficultés de sens.
62 LES DITS DE l'hERBERIE
20 Par Burienne et par By terne.
En Puillc, en Calabre, [en] Paterne,
Ai herbes prises
Qui de granz vertuz sunt emprises :
Sus quelque mal qu'el soient mises,
25 Li maux c'en fuit.
Jusqu'à la rivière qui bruit
Dou flun des pierres jor et nuit
Fui pierres querre.
Prestres Jehans i a fait guerre.
3o Je n'ozai entreir en la terre :
Je fui au port.
Moût riches pierres en aport,
Qui font resusciteir le mort :
Ce sunt ferrites,
35 Eldyamans, et cresperites,
Rubiz, jagonces, marguariles,
Grenaz, stopaces,
Et lellagons, et galofaces.
De mort ne doutera menaces
4o Cil qui les porte.
Foux est ce il ce desconforte :
N'a garde que lièvres l'en porte
Cil se tient bien ;
Si n'a garde d'aba de chien,
/|5 Ne de reching d'azne anciien,
Cil n'est coars :
11 n'a garde de toutes pars.
Carbonculus et garcelars
Qui sunt tuit ynde,
21. en luserne — 3o. nose — 35 manque — 38. tellacons et gala-
fates — 4i. Fox est qui se — 48. Charbon nelos et garolas
LES DITS DE L HERBERIE 63
5o Herbes aport des dezers d'Ynde
Et de la terre Lincorinde
Qui siet seur l'onde,
Elz quatre parties dou monde.
Si com il vient, a la raonde.
55 Or m'en creeiz :
Vos ne saveiz cui vos veeiz ;
— Taiziez vos, et si vos seeiz —
Veiz m'erberie :
Je vos di, par sainte Marie,
60 Que ce n'est mie freperie,
Mais granz noblesce.
J'ai l'herbe qui les veiz redresce
Et celé qui les cons estresce.
A pou de painne
65 De toute fièvre sanz quartainne
Gariz en mainz d'une semainne,
Ce n'est pas faute ;
Et si gariz de goûte flautre :
Ja tant n'en iert basse ne haute,
70 Toute l'abat.
Ce la vainne dou cul vos bat,
le vos en garrai sanz débat,
Et de la dent
Gariz je trop apertement
75 Par .1. petitet d'oignement.
Que vos dirai ?
Oeiz coument jou confirai ;
Dou confire ne mentirai :
C'est cens riote.
60. nest une sorperie — 61 et 62 effacés — 65. toutes fièvres fors
q. — 68 fautre — 72. garirai — 78. Ja au c.
64 LES DITS DE l'hERBERIE
80 Preneiz dou sayn de [la] marmote,
De la merde de la linote,
Au mardi main,
Et de la fuelle dou plantain,
Et de l'estront delà putain
85 Qui soit bien ville,
Et de la pourre de l'estrille,
Et dou ruyl de la faucille,
Et de la lainne,
Et de l'escorce de l'avainne
90 Pilei premier jor de semainne :
Si en fereiz
Un amplastre : dou jus laveiz
La dent, l'amplastre metereiz
Desus la joe.
95 Dormeiz .1. pou, je le vos loe.
S'au leveir ni a merde ou boe.
Diex vos destruie !
Escouteiz, c'il ne vos anuife] :
Ce n'est pas j ornée de truie
100 Gui poeiz faire ;
Et vos cui la pierre fait braire,
Je vos en garrai sanz contraire
Ce g'i met cure.
De foie eschauffei, de routure,
io5 Gariz je tout a desmesure,
A quel que tort.
Et ce voz saveiz home sort,
Faites le venir a ma cort :
Ja iert touz sainz.
80. Prenez sain de la m. — 92. .1. piastre et du jus laverez
96. ni boe — Plusieurs vers presque illisibles — io5. Garis je tost
106. Quel quil tourt — 107. home sourt (A : xort)
LES DITS DE l'hERBERIE 65
no Onques mais nul jor n'oy mains,
Ce Diex me gari ces .II. mains,
Qu'il orra ja.
Or oeiz ce que m'en charja
Ma dame, qui m'en voia sa.
115 Bêle gent, je ne suis pas de ces povres prescheurs, ne de
ces povres herbiers qui vont par devant ces mostiers, a
ces povres chapes maucozues, qui portent boites et sachez,
et si estendent .1. tapiz : car teiz vent poivre et coumin,
qui n'a pas autant de sachez com il ont. Sachiez que de
120 ceulz ne sui je pas ; ainz suis a une dame qui a non
Madame Trote de Salerne, qui fait cuevre-chiés de ces
oreilles, et li sorciz li pendent a chaainnes d'argent par
desus les espaules. Et sachiez que c'est la plus sage dame
qui soit enz quatre parties dou monde. Ma dame si nos
125 envoie en diverses terres et en divers pais, en Puille, en
Calabre, en Tosquanne, en Terre de Labour, en Alle-
maingne, en Soissoinnie, en Gascoingne, en Espaigne,
en Brie, en Champaingne, en Borgoigne, en la forest
d'Ardanne, por ocirre les bestes sauvages et por traire
130 les oignemenz, por doneir médecines a ceux qui ont les
maladies es cors. Ma dame si me dist et me commanda
que, en queil que leu que je venisse, que je deïsse aucune
choze si que cil qui fussent entour moi i prissent boen
essample, et por ce qu'ele me fist jurer seur sainz quant
no. Onques a nul jor — n3. Oez ce que len m. — 119. commin
et autres espces qui nont — 122. pandent a .II. chaannes —
ia3. Et manque — 126. Tosquane en Alemaingne en Sessoigne en
Gascoingne en terre de Labour por occirre — i3i. comanda —
i32. quel lieu
66 LES DITS DE l'hERBERIE
135 je me départi de li, je vos apanrai a garir dou mal des
vers se vos le voleiz oïr.
Voleiz oïr ?
Aucune genz i a qui me demandent dont les vers vien-
nent. Je vos fais asavoir qu'ils viennent de diverses
no viandes reschauffees, et de ces vins enfuteiz et boteiz. Si
se congrient es cors par chaleur et par humeur ; car, si
cou dient li philosophe, toutes chozes en sont criées, et
por ce, si viennent li ver es cors, qui montent jusqu'au
cuer, et font morir d'une maladie c'on apelc mort sobi-
145 tainne. Seigniez vous ! Diex vos en gart, touz et toutes !
Por la maladie des vers garir (a vos iex. la veeiz, a vos
piez la marchiez), la meilleur herbe qui soit elz quatre
parties dou monde, ce est l'ermoize. Ces famés c'en cei-
gnent le soir de la Saint Jehan, et en font chapiaux seur
150 lor chiez, et dient que goûte ne avertinz ne les puet panre
n'en chief, n'en braz, n'en pie, n'en main : mais je me
merveil quant les testes ne lor brisent et que li cors ne
rompent par mi, tant a l'erbe de vertu en soi. En celé
Champeigne ou je fui neiz l'appelé hon marreborc, qui
155 vaut autant corn « la meire des herbes ». De celé
herbe panrroiz troiz racines, .Y. fuelles de sauge,
.IX. fuelles de plantaing : bateiz ces chozes en .1. mortier
de cuyvrc, a un peteil de fer, desgeuneiz vos dou jus par
.III. matins : gariz sereiz de la maladie des vers.
160 Ostciz voz chaperons, tendeiz les oreilles, regardeiz mes
herbes, que ma dame envoie en cest pais et en cest terre ;
et por ce qu'cl vuet que li povres i puist aussi bien avenir
coume li riches, ele me dist que j'en feï'sse danrree (car
teiz a .1. denier en sa boree. qui ni a pas .V. livres); et
i33. me parti — 187. oir de par Dieu aucuns me dem. — i^o. en-
fustez et les autres si se contiennent — i43. sen sainent — 157. batez
en .1. — 160. Or ostez
LES DITS DE L'HERBEBIE 67
165 me dist et me commanda que je prisse .1. denier de la
monoie qui corroit el païs et en la contrée ou je vanroie,
a Paris .1. parisi, a Orliens .1. orlenois, au Mans .1. man-
sois, a Chartres .1. chartain, a Londres en Aingleterre
.1. esterlin, por dou pain, por dou vin a moi, por dou fain,
"0 por de l'avainne a mon roncin : car teil qui auteil sert,
d'auteil doit vivre.
Et je di que c'il estoit si povres, ou honz ou famé, qu'il
n'eùst que doner, venist avant : je li presteroie l'une de
mes mains por Dieu et l'autre por sa meire, ne mais que
175 d'ui en .1. an feïst chanteir une messe de Saint Esperit,
je di noumeement por l'arme de ma dame, qui cest mes-
tier m'aprist je ne fasse ja trois pez que li quars ne soit
por l'arme de son père et de sa mère en remission de leur
péchiez.
180 Ces herbes, vos ne les mangereiz pas ; car il n'a si fort
buef en cest païs, ne si fort destrier que, cil en avoit ausi
groz com .1. pois soi* la langue, qu'il ne morust de maie
mort, tant sont fors et ameires ; et ce qui est ameir a la
bouche, si estboen au cuer. Vos les me metreiz .111. jors
i8o dormir en boen vin blanc ; se vos n'aveiz blanc, si preneiz
vermeil ; se vos n'aveiz vermeil, preneiz de la bêle yaue
clere : car teiz a un puis devant son huix, qui n'a pas
.1. tonel de vin en son celier. Si vos en desgeunereiz par
.XIII. matins. Ce vos failleiz a un, preneiz autre, car
i65. dist que — 166. pais et en la terre ou — 167. mans a estampes
.1. estampois a bar .1. barrois a viane .I.vianois a clermont .1. cler-
mondois a dijon .1. dijonnois a mascon .1. masconois a tor .i. tor-
nois a troies .1. treessien a rains .1. reneien a prouvins .1. prove-
noisien amiens .1. moncien a arras .1. artisien por du pain —
173. neust point dargent — Mis. depuis presteroie jusqu'à li quars
— 178. por que l'arme — i85. en vin... blanc prenez — 186. ver-
meil prenez chastain se vous navez chastain prenez de la belle —
188. en son hostel
68 LES DITS DE l'hEUBERIE
190 ce ne sont pas charaies; et je vos di par la paission dont
Diex maudist Corbitaz le juif, qui forja les .XXX. pièces
d'argent en la tour d'Abilent, a .III. liues de Jherusa-
lem, dont Diex fu venduz, que vos sereiz gariz de diverses
maladies et de divers mahainz, de toutes fièvres sanz quar-
193 tainne, de toutes goûtes sanz palazine. de l'enfleure dou
cors, de la vainne dou cul c'ele vos débat : car, ce mes
pères et ma mère estoient ou péril de la mort, et il me
demandoient la meilleur herbe que je lor peiïsse doneir,
je lor donroie cest.
200 En teil meniere venz je mes herbes et mes oignemens :
qui vodra, si en preingne ; qui ne vodra, si les laist !
200-201 manquent.
II
LHERBERIE
EN PROSE
B. N.j fr. 19102, f* 8g"-f° 90 v°
Audaf rida fabuli fabula ! quant il \dLbaculasuasor le fossé
entre .11. vers ! La tierce meure ! Dist li vilains qui ne
savoit deviner : « .XIII. et .XIII. ce sont .XVII. et puis
.III.. .XXV., .1. ». Qui ne set conter, si perde!
5 Ge vos di. beau scignor, qu'il sont en cest siècle ter-
rien .V. mannieres de choses, dont li preudom doit bien
croire sa preude feme, s'ele li dit. La première chose si est
tele que, si la met en .1. for tôt chaut comme por pain
cuire, et il li viegne au devant et li demant :« Bêle suer,
10 cornent vos est il ? », s'ele li dit : « Sire, ge n'ai pas froit »,
certes, il l'en doit bien croire. — L'autre enprès si est
tele que, s'il la met en .1. sac, et il loie bien la bouche, et
il la gite desor le pont en l'aive, et il li viegne au devant
et il li demande : « Bêle suer, cornent vos est il ? », s'ele
13 li dit : c Certes, sire, ge n'ai pas soif », il l'en doit bien
croire. — La tierce après si est tele que. si ele travaille
d'enfant, et il li viegne au devant et li demant : « Bêle
suer, cornent vos est-il ? », si ele li dit : « Certes, sire, je
sui malades », il l'en doit bien croire, que si est elle. —
20 La quarte après si est tele que, se li preudons vient de-
vant sa preude feme et il li demande : « Dame, que feroiz
i. Ms. : Ci commence l'erberie.
70 LES DITS DE L HERBEIUE
vos ? », et se ele li respont : « Sire, je vos corrocerai »,
il l'en doit bien croire, qui si fera ele, se ele puet. — La
quinte après si est tele que, se la preudc feme se gist delez
25 son seignor, et ele s'est endormie, et ele lait aler ou pet
ou vesse, et li preudons la sente et il li dit : « Bêle suer,
vos vos conciliez toute », « Par mon chief, sire, fait ele.
mais vos », il l'en doit bien croire, quar si fait ele : el ne
se concilie pas, ainz conchie son vilain ; si se nesloie,
30 quar ele le délivre de la merde, si l'en aboivre.
Ce sont les .V. manières de choses en cest siècle ter-
rien dont li preudom doit bien croire sa preude feme, se
ele li dit.
Ge vos dirai, beau seignor, entre vos qui ci estes assan-
35 blé, — ne le tenez pas a borde ne a moqueries, — nos
ne somes pas de ces boleors, qui vont par cest pais ven-
dant sif de mouton por sain de marmote ; ainçois somes
maistremire fuisicien, qui avons esté parestranges terres,
par estranges contrées, por querre les herbes, et les ra-
40 cines, et les bestes sauvaiges, dont nos faison les oigne-
menz de quoi nos garisson les malades, et les bleciez, et
les navrez, qui sont en cest pais et en ceste contrée.
Si vos di que, por les malades saner etgarirel respasser
qui sont en cest pais ne en ceste contrée, avons nos esté en
45 Poitou, en Anjou, ou Maine, en Toraine, en Berri. en
Seelloigne, en Puille, en Sezile, en Calabre, en terre de
bestes. en terre de Labor, et en la terre mon seignor Seint
Gobain, qui les plommez chie la ou les grues ponent les
faucilles, .II. liues delà le bien. Si vos di, — par sor toz
50 les maistres fusiciens qui soient de ci jusques a Monpel-
lier bien le vos puis afilchier et dire, — que. se vos savez
home ne feme qui ait si grant mal es denz qu'il ne puisse
mengier costes dures de char de buef mal cuites, ge li
ferai ausi vistement mengier com un home qui auroit
LES DITS DE L HEHBEIUE r [
55 geùné .III. jors a jornce ; et, s'il avoit la mauvaise dm I
mellee auvec les bonnes, si li ferai ge mengier ausi com
un home qui auroit erré .1111. jors sanz mendier.
Si vos di que veez ci la boite de Jouvent qui l'ait rajo-
venir la gent. Ge di qu'il n'a si vielle feme en ccsl païs ne
60 en ceste contrée que, se ele avoit pissié dedenz sanz es-
pandre, que ele ne venist en l'aage de .XX. anz, et si seroit
ausi pucele comme le jor qu'ele fut née. Encor vos di gc
bien que mes herbes ont autre vertu que ge ne vos di. Ge
di que n'a home ne feme en cest païs ne en ceste contrée
65 que, s'il en menjoit .III. jors a geùn de bon cuer et de
bone volenté, et bonne créance i eùst, qui ja pooist estre
yvres le jor, s'il ne boit trop.
Volez vos donc que ge vos apreigne, de par Dieu, a
gairir dou mal des denz ? Dites vos oïl ou nenil ? Se vos
70 le volez, de par Dieu, et ge le vos aprendrai liement :
Ge vos di, beax amis, prenez moi un estront de vieille
anesse, et un estront de chat, et une crote de rat, et une
fuelle de plantcin. et un estront de putain ; si les pestelez
tout nestement en un mortier de coivre a unpestau de fer.
75 par force d'orne. Si me prenez un poi de cellande, du
diaton, et panele, et manviele, et cornai, et tormal, et de
Verbe Robert, et si metiez un pie de reine de l'onbre du
fossé de Brine. Ce sont ore les bonnes herbes que ge vos
di. Si metez un poi de sain de marmote et de l'cstront de
80 la linote, et si metez de l'estront a la charree de Troies cl
de l'estront a la croteuse de Ligni : nel metez en oubli.
Prenez toutes ces boues espices, si m'en faites .1. gentil!
pastel tout net, si le me couchiez sor vostre joue. H du
jus lavez bien voz denz, et puis vos dormez un poi. Gc di
85 que vos en seroiz gariz, se Diex velt. Ce n'esl pas engien
que ge vos di, et si ne vos coustc goule d'argent. Ge vos
di que ge ne sui ne mires ne herbiers ; ainçois vos di que
-J2 LES DITS DE L HEHBEIUE
ge sui un venerres, uns chacierres de bois ; si vos di que
nos soracs encor .1111. frère : ge di que li .1111. frère ont
90 encor .XV. chiens ; ge di que li .XV. chien sont bien armez
de bon colier de fer a broches d'acier ; ge di qu'il chacent
as bestes sauvaiges et prannent en la forest d'Ardenne :
ge vos di que mes oignemenz est conliz, et profiz, et parez,
et fonduz des bestes dont ge vos ai dit.
95 Vos ne savez por quoi mes oignemenz est bons, ce ge
nel vos di ; mais ge le vos dirai. Ge vos di que mes oigne-
menz est bons por routure, por arsure, por anglure, por
fièvre, por friçon, por raim de passion (seigniez vos ! que
Diex vous en gart ! ) ; si est bons por li, por clapoire. por
îoo ru d'oreille, por encombrement de piz, por avertin de
chief, por doleur de braz, que Dame JHcz cnvoit au pre-
mier qui passera la voie par delà ! (je vos di que se ge
avoie bouche de fer, langue d'acier, teste de marbre, et
g'estoie ausi saiges comme fu Ypocrus li gius, ou com fu
los Galiens, ou com fu li saiges Salemons, ne porroie ge pas
dire ne conter la bonté ne la valor de mes oignemenz.
Si vos di que mes maistres qui cest mestier m'aprist,
m'en charja et dist, et pria por Dieu, et le me fist jurer
sor sainz, que, en quelque terre ou ge venroie, que ge ne
no preïsse c'un denier de lamonoiede la terre : a Londres en
Angleterre, un esterlin ; a Paris, un parisi : au Mans, un
mansois ; a Roan en iSormendie, un tornois : a Bordeax.
un bordelais ; a Laon, un leonois : a iSivele, un nivelois ;
a Colloigne, un collongnois ; a Dijon, un dijonnois ; a
H5 Soissons, un soissonnois ; a Crespi, un Crespinois ; en
Flandres, un artisien ; a Cambrai, un Cambrisien ; a
Douai, un doisien : a Provins, un provenisien : en Venice.
un venicien ; et ge vo di que se li homs estoit si povres
ou la feme si povre qu'il n'eussent que doner, venist
120 avant: ge li presterai une de mes mains por Dieu, et
LES DITS DE l'hERBERIE ~3
l'autre por sa mère. Dont n'est ce bon que je vos di ? Ge
di ne mais que d'ui en .1. an feïssiez chanter une messe, ge
di nomeement por l'ame de mon seignor mon maistre,
qui cest mestier m'aprist que ja ne face ge .III. pez, que
125 li quarz ne soit por l'ame de son père et de sa mère, en
remission de lor péchiez.
Ge di quant Diex ala par terre, si fu il mescreùz. et si
ot de tex qui le crurent et de tex qui ne le crurent mie.
Ge croi bien qu'ausi est il de moi. Par aventure il i a ci de
130 tex qui me croient et de tex qui ne me croient mie, mais
ne por quant, tel s'en porroit chifler et gaber, et rire et
joer. et rechignier desdenz, et bouter del coûte, etmarchier
du pie, et clignier des elz, qui mult grant mestier auroit
de m'aide, s'il se voloit bien conseillier. Ge dis se vos ne
135 me créez, que vos soiez ci venuz por moi chifler, ge pri a
la vraie piteuse, ge di a celi nomeement qui pita as piez
de Pitoribus quant il nasqui de la vraie piteuse, que de
celui maleïçon don Corbidas le juje fu maudiz (ge di
celui nomeement qui forja les .xxxv. pièces d'argent en la
140 tor de Cayfas a .ni. liues petites d'Acre, dont li cor Diex fu
venduz et travailliez), soit li cors maudiz et confonduz de
la grieve du chief de ci qu'a l'ongle du pié, de si que a
l'eure et el termine que il seront venuz a moi, et ge les
assoudrai décelé absolucion dont Diex assoit ses apostres,
us et que ge lor monsterrai la dame des herbes.
Vos ne le savez pas, mais ge le vo dirai : ge di c'est
celé nomeement qui brait et crie .m. foiz en l'eure, et el
termine que Diex fut mis en croiz. Vez la ci dedenz se vos
ne m'en créez. Ge di s'il i a ci nul de vos ne nule qui ne
150 soit vrais confés et bien repentanz de ses péchiez, je li en
donrai un beau don, le plus bel qui onques fust donez par
bouche d'erbier ; quar ge li donrai si beau don pi il
porra dormir en prez, en rivières, en forez, en larriz. et
-y/j LES DITS DE l'iïERBERIE
en montaigne, en valees, en boschaiges. d'une part et
155 d'autre.
Ge di premièrement que boz ne le mordra, coluevre ne
le poindra, serpent ne l'adesera, tarente ne l'aprochera,
escorpion mal ne li fera. Ge di que por pechié qu'il face
ne morra desconfés, por mengier envenimé que mal ne li
160 fera, puis qu'il aura la dame des herbes. Venez donc
avant, et priez a Dieu, tuit et toutes, qu'il la vos doint
veoir et esgarder., que ce soit au preu de voz âmes et au
profit de voz cors, — qu'il les vos puist ronpre ! Ge di de
cex delà la voie. Volez la donques veoir, de par Dieu P
165 Dites oïl ou nenil, et nos la vos mosterrons de par sa
mère ; mais ge vo dirai une chose qu'il est : quant ge
parti de mon seignor mon maistre qui cest mestier
m'aprist, si me fist jurer sor sainz que ge ne la mosterroie
devant ce que ge l'auroie conjurée, et ge la conjurerai. Si
170 escoutez le conjurement:
Cocula en aussia que tabencia que natalicia volus polus
laudate ! Prime meure ! N'i a tel com le pain ! .ni. solz. .m.
pez ! l'abaie est riche, et plentissînius haranc !
Au col des le tens Herbelin de Saint Pol qui fu moitié
175 home et moitié feme, et la tierce part chevax. et il me
vint et ge li .xxx., et il me faut et ge li lance. Il me prist
par les rains, et ge lui par les chaelons ; il me pri par
les temples, etge lui par les hospitax ; il me fist .ni. tors,
et ge lui trois chasteax ; il me fîert el nés, et ge lui es
180 bateax ; il me fîert en grieve, et ge lui en chanpeax ; il
me fîert de ses coûtes, et ge lui de mes coissins.
— Tu es fox.
— Et tu souflez.
— Que me vels-tu ?
185 — Que te vueil ge donques ?
— Ne vi vilain si aese.
LES DITS HE L HERBERIE
— A mors ai a ma volenté qui me grieve trop.
— Diex vos saut, amis !
— Diex beneie, bluteax !
i9o — Dom estes vos ?
— D'ome sui ge.
— De quel home ?
— De char et d'os.
— De quel terre ?
195 — En volez vos faire poz ?
— Ou fustes vos nez ?
— Je ne sui onques ne nef ne bateax.
— De quel vile estes vos ?
— De la vile en près l'aitre.
200 — Ou siet li aitres ?
— Entor le mostier.
— Ou siet li mostier ?
— Sor terre.
— Et ou est la terre ?
205 _ Sor l'aive.
— Comment apele l'en l'aive?
— L'en ne l'apele pas, qu'ele vien bien sanz apeler.
Ge vos di. beau seignor, que s'il n'avoit plus dedenz
ceste boiste que les bones paroles et l'erbe qui i est, si
210 devriez vos avoir ferme créance qu'il vos devroit bien
faire, et ge la vos monsterrai, de par Dieu ! Or dites après
moi : « Benoite soit l'eure que Diex fu nez ! et ceste ci
soit! » et ge vos monsterrai la dame des herbes. /// nomine
patris etjilii et spiritus sanctil Amen ! Ceste dame herbe,
2io il ne la trestnegicx, ne païens, ne sarrazins. aecrestiens :
ainz la traist une beste mue, et tantost corne ele est
traite, si covient morir celé beste. Cuidiez vos que ge vos
giffle ? Ele muert par angoisse de mort. Vos ne savez pas
por quoi la dame des herbes esl bone, se ge ne le vo di :
76 LES DITS DE l'hERBERIE
220 mais ge le vos dirai. Prenez moi sempres de ceste dame
d'erbe. Si vos en desgiunez par .vu. jors et par. vu. nuiz :
.111. fois le jor a geûn, et au soir quant vos irez
couchier. Ge di que por tertre avaler, ne por tetre mon-
ter, ne por sooir, ne por troter, piez ne braz ne vos
225 dieudront, œil ne vos ploreront. chief ne vos dieura por
parler aj ornée ausinc com ge faz ; goûte feste ne vos
prenra, goûte migraigne ne vos tenra, ne fis, ne clox, ne
clopaire, ne ru d'oreille, ne enconbrement de piz, ne
avertin de chief, ne dolour de braz, que Diex vos en voit ;
230 ainsinc ven ge mes herbes et mes oignemenz. Ge ne sui
pas de çax qui se maudient por lor denrées vendre. Qui
voira, si en praigne ; qui vorra, si le lait ; ne autre foi,
ne autre sairement que nos vos en avon fait, ne vos en
ferons nos.
III
DE LA GOUTE EN L'AINE
B. N., fr. 837.
Escoutez fruit et entendez,
Qui assez sovent despendez
En chose qui ne vous vaut riens :
Hui vous est avenu granz biens :
5 De mire, se m'en volez croire.
Qu'en dites vos ? respondez voire.
Je suis bons mires de Salerne.
Fols est qui blasme ne qui ferne
Le grant sens que Diex m'a doné
10 Et que j'ai pieça conquesté
A Paris et a Montpellier,
Dont je ving d'escole l'autrier.
Vous qui de mire avez mestier,
N"a si bon jusqu'à Montpellier
i5 Com je sui ; si nel savez mie,
Droiz est donques que je vous die
Qui je sui et que je sai fere.
Ja l'orrez se vous volez tere :
Je sui bons mires et bien sages.
20 Je sai garir de toz malages :
Je garis de la goûte en l'aine
Qui met les genz en malt- paine,
Une goûte plaine de rage.
Li .1. l'apelent mal volage
LES DITS DE L HERBE7UE
25 Por ce que sovenl va et vient ;
Mes por ce qu'entre le cul tient,
L'apelez vous la goule en l'aine.
C'est une goûte trop vilaine :
Nous l'apelons goûte de rains,
3o Plus bêlement a tout le mains
Et plus cortoisement que vous.
Auroit il ci nul entre vous
Qui fust si pris de telc goûte ?
Je l'en gariroie sanz doute
35 Si netement. bien le puis dire,
Queja mes n'en iroit a mire.
Sachiez de voir, bons mires sui,
Par saint Connebert, ou je fui
L'autre nuit et nus et dechaus.
4o Je sui bons mires et loiaus ;
Je sui trop bons mires a droit
Si corn vous orrez orendroit ;
Ne ruis queborse le compère ;
Mes por Dieu et l'ame mon père
45 A cui Diex vrai pardon li face,
A vous trestoz de ceste place
Aprendrai, se volez aprendre
Et se vos me volez entendre,
Comment et par quele mecine
5o Vos erracherez la racine
Du mal qui sovent vous sousprent,
Qui les rains et le cul porprent.
Escoutez ça, entendez moi :
Je le vous aprendrai en foi,
55 Se je sui très bien entenduz.
Prendez la hart de .II. pendus,
Si prendez la queue d'un lièvre
LES DITS DE L HERBERIE
Et de la laine d'une chievre,
Amer de miel, douceur de suie,
60 De la vesniere d'une truie.
Del blanc du cul d'un noir chaudron,
Le cinquisme pié d'un mouton.
Qui toutes ces choses prendroit.
Et en .1. mortier les melroit.
65 Et si les triblast tout en .1.,
Et puis les beùstajeiin,
Garis seroit, sachiez sanz doute,
De la très angoisseuse goûte
Qui n'espargne nule ne nul,
70 C'on apelie goûte de cul.
LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS
INTRODUCTION
Voici, réunis, trois poèmes, qui, au point de vue du
sujet, ont entre eux une étroite parenté1.
Le premier, intitulé la Gengle dans un manuscrit el
Y Ebaubissement au lecheor dans un autre, est une invec-
tive adressée par un jongleur à un autre jongleur, dont
il dénigre l'ignorance en la comparant à son propre
savoir. Le second, intitulé la Réponse de l'un des deux ri
bauds, est suffisamment défini par ce titre même. Le troi-
sième, intitulé la Contregengle. est une autre réponse.
Une question se pose : quel rapport y a-t-il entre
ces trois pièces, indépendamment de celui des sujets P
La première comportait-elle, dès l'origine, une suite?
Avons-nous affaire à un débat, ou bien, tout d'abord, la
première invective formait-elle un monologue indépen-
dant, auquel, après coup, se seraient ajoutées des ré-
pliques ?
Examinons les manuscrits. Le ms. 354 de la Bibliothè-
que de Berne (C) donne seulement la pièce I. Le ms. fr.
19102 de la Bibliothèque Nationale (A) donne à la suite la
pièce I et la pièce IL Le ms. fr. 837 de la même biblio
thèque (B) donne à la suite la pièce 1 et la pièce III. \insi.
trois manuscrits fournissent trois indications différentes :
1. Les Deux bourdenrs ribauds ont été publiés par Jubinal, dans
son édition des Œuvres deRutebenf. in-ia0, t. III, p. 3 (pièce I),p.8
(pièce II); — par Montaiglon, Recueil général des fabliaux, t. I. p. 1
(pièce I) ; t. I, p. 7 (pièce II); t. II, p- a57 (pièce III : — H par
Bartsch, Langue et Littérature, col. O09 (pièce J), col. "; | pièce II
84 LES DEUX BOURDEUKS RIBAUDS
à lire l'un, il semble que la première invective se suffise
à elle-même ; à lire les deux autres, on constate qu'il y
avait une réponse, mais cette réponse n'est pas la même
dans chacun des deux manuscrits. Or, tout considéré, les
arguments, dans la question que nous nous sommes
posée, se balancent de la façon suivante. Pour croire que
l'invective a été primitivement isolée, nous avons comme
première raison le fait qu'elle l'est dans le ms. de Berne.
En outre, que les mss. 837 et igi52 donnent chacun une
réponse différente, on se l'explique facilement si, la tra-
dition originale ne comportant que le premier poème,
l'idée, naturelle, de lui donner un pendant, une suite,
est venue après coup à deux trouveurs simultanément.
Mais, d'autre part, le manuscrit de Berne, qui donne
de la première pièce un texte très fautif et très incomplet,
ne mérite pas d'être tenu en très grand compte. Et
quant à la différence des réponses, il est bien admissible
que, l'auteur de l'invective en ayant composé une, un
autre poète, pour des raisons qu'on peut imaginer, en ait
composé une seconde mieux à son goût l.
Les indices extérieurs faisant défaut, interrogeons cha-
cune des pièces séparément, et voyons d'abord si la langue,
dans laquelle elles sont écrites, permet de leur attribuer
une origine commune. Voici les observations principales
que nous ferons :
Pièce I.
Phonétique. — Voyelles. — 1. La diphtongue m(< a -t-j)
ne rime jamais qu'avec une diphtongue de même origine :
5 taise : plaise ; [\§jaire : taire ; 89 laisses : laisses.
2. Les voyelles nasales an et en sont toujours distinguées ;
1. Voy. plus loin, p. 89.
LES DEUX BOURDEURS RIBAUD8 85
9 oan : cordoan ; 73 romans : Alescans; — [5 forment
povrement ; 11 gent : argent; i45 Guinement : gent.
3. Les e sont soigneusement distingués selon leur ori-
gine : 91 paresce : proesce « ë) ; — 167 geste : J'este : —
65 tel : tinel ; 67 nés ; nés (< a) ; etc.
5. 0 long étymologique est distingué de o : 27 fce/wor :
seig/ior (< ô). — 29 praeue : rcueue ; n3 œuure : cuevre
Ko).
6. La diphtongue oi « ë) est distinguée de la diph
tongue oi (< o 4- y) : 35 avo/r : votr ; 79 Ardennois :
Danois; 87 B/0/5 : Galois; iS-j pois : borgois (< ë). — 95
Floire : estoire « o-hj).
7. £en hiatus dans le corps d'un mot, est maintenu :
2 sëoiV; 20 dëusses; 20 pëusses; 83 rëonde ; etc. Il en est
de même pour a : 9 gaaignage; 17 gaaignes.
Consonnes. — 8. A la finale des mots, set 1 sont à peu
près régulièrement distingués: 21 endossez : fosse:: 33
entorteilliez : apareilliez; w] faz : chaz : 129 />/>: : //v-
pier; i35 granz : noienz. — Une seule exception : 7 festus
(écrit f est az) : vestuz.
9. A la finale des mots, les consonnes c, f, p. disparais
sent devant s, ce qui est ordinaire, mais une rime curieuse
montre une chute semblable de l devant s : i53 gros :
mofljs.
Morphologie. — 10. La déclinaison est parfaitement cor
recte (voy. les vers 7 ; 17 ; 19 ; 33 : 39 ; \ \ : 55 ; 61 ; s ;
89 ; 117 ; 125; etc.). — Les formes Iioms et home servent,
l'une pour le cas sujet du singulier, l'autre pour le ca
gime : 29, 37, 129 homs ; 43, à~, 1 44, 16.") home.
11. Les adjectifs féminins quel (32. i5o), et granz 1 1
n'ont pas d'e final.
86 LES DEUX BOLRDEURS RIBAUDS
12. La irn personne de l'indicatif pris (44), du verbe
prisier, n'a pas d'e final.
Pièce II.
Phonétique. — Voyelles. — 1. Même observation que
pour la pièce I : 27 retraire : faire ; 3g arlumaire : faire;
55 haie : paie; 61 Maine : diemaine; io4 essai : sai.
2. Même observation que pour la pièce I : 5 merveillant :
conseillant: 102 Embatant : itant ; — 11 menuement : ment;
162 ceenz : noienz.
Exception : 71 tanz : serjanz.
3. Même observation que pour la pièce I : 25 con-
querre : terre; 57 feste : teste ; 'g fer: enfer; 142 teste :
geste « ë -4- entrave) ; — 45 raviser : deviser ; 69 raconter .
mer: 89 mer : aconter «a): ^oreille : merveille (<ë).
5. Même observation que pour la pièce I : 70 buef : nef
(< o) ; — 120 meures : heures (< ô). —
Alais ô et ô étymologiques sont confondus lorsqu'ils
sont entravés : 106 prudome (< ô) : some (< Ô).
6. Même observation que pour la pièce I : 83 paroi :
Godefroi ; i55 soie : voie « ë) ; — 7 oie : joie ; 1 16 noire :
estoire: i3o estoire : mémoire (< o -+- j) .
A noter, toutefois, ici, que au vers 46, cuide (<Co+/)
rime avec estuide (< u -\-j)-
7. Même observation que pour la pièce I : i5 mentëors;
n3.
Consonnes. — 8-9. s et z sont distingués dans les rimes :
71 tanz : serjanz: 73 affaitiez : proisiez; 162 ceanz : noienz.
— Un exemple de la disparition de / devant s, est fourni
par la rime : 3 assez : menestrez.
LES DEUX BOLRDEURS RIBAUDS
Morphologie. 10. — La déclinaison est correcte (von les
rimes 9 ; i3 ; 10 ; 49 ; 5i ; 60 ; etc.). Une exception : 1 18
taint{rég. sing.) : painz (suj. sing.). — Même distinction
que dans la pièce I entre homs (56) et home (78). De
même : 45 preudhommes (rég. plur.) et 106 prudome
(rég. sing.).
11. L'adjectif grant n'a pas d'e au féminin (100).
12. La ire personne de l'indicatif pri (61), du verbe prier.
n'a pas d'e final.
Pièce III.
Phonétique. — Voyelles. — 1. Même observation que
pour la pièce I : 11 soi : essai; 4i aise : desplaise:
129 pais : tais.
2. Même observation que pour la pièce I : 1 longuement :
durement ; 10 folement : argument ; 49 gent : escient; etc.
3. Même observation que pour la pièce I : 85 anee :
plantée ; 91 emblé : planté ; 97 trovees : jetées ; 127 embler :
bacheler ; i^jenglé : descenglé ; 1^9 aprover : conter; etc.
« a) ; — 187 pel : bordel (< ë).
Toutefois on trouve : 81 mère (<C o.) : père (<£); 107
père (< a) : père « ë).
5. Même observation que pour la pièce 1:77 pailletous :
cors ; 87 seror : lecheor ; 1 15 prone : larrone ; i63 honnor :
sauveor (< o). — Toutefois comme dans la pièce II, ô et "
étymologiques sont confondus quand ils sont entravés
35 os (< ô) : os « 6) ; 37 ost (ô) : provosl (ù).
6. Même observation que pour la pièce I : i3 toi : toi\
i35 croie : voie; 181 voies : voies.
7. Même observation que pour la pièce I : 15 dëusses
47 dëust ; 5i seoir 63 : plëust ; 70 veïssic:. ëage : de.
ôô LES DEUX BOURDEURS R1BAUDS
Consonnes. — 8. Même observation que pour la pièce I ;
19 entens : argumens; 23 parenz : genz; 70 ridolenz : denz:
etc. — Avec, comme dans I, une exception : 73 ribaus :
aus.
9. A côté de la rime 167 Jlanz : banz (c-|-z), on trouve
la rime 77 pailletous : cors, qui semble attester la chute de
r devant 5 à la finale.
Morphologie. — 10. La déclinaison est correcte (voy.
les rimes 29 ; 33 ; 3g ; /t7 ; 61 ; 71 ; etc).
Le cas sujet pères (83) est marqué d'une 5. — Hom (i35)
est écrit sans e au cas sujet.
Tels sont les principaux faits linguistiques que révèle
la lecture des trois poèmes. Ils nous enseignent que ces
derniers ne sont ni d'une époque ni d'un pays très diffé-
rents, et qu'ils ont pu être composés tous trois dans l'Ile de
France ou la Champagne occidentale pendant la seconde
moitié du xme siècle *. Ainsi, le résultat de notre enquête
1. En effet, la plupart de ces traits permettent de croire à une ori-
gine francienne. Toutefois, la chute de l devant s, pour la pièce I
au vers i54 (voy. obs. 9), pour la pièce II au vers 4, semble indi-
quer une origine champenoise. Pour la pièce III, on y remarquera
la mention des villes de Bar (84), de Provins (86), de Meaux (90), de
Sens (94). — Quant à la date où ont été composés ces poèmes, l'âge
des manuscrits ne permet pas d'en fixer une qui soit postérieure au
xme siècle. La mention de Bovon de Commarcis (v. i38) prouve que
la pièce II n'est pas antérieure aux dernières années de ce même
siècle. Pour ce qui est de la pièce I, peut-être faut-il en voir une
mention dans le fabliau du Vilain au buffet (Montaiglon, Recueil des
fabliaux, t. III, p. 204):
i'i3 Li uns chante, li autres note,
Et li autres dit la riote,
Et li autres la jenglerie.
Mais la date du fabliau, qui appartient vraisemblablement à la fin
du xiiic siècle, n'est pas autrement déterminée.
LES DEUX BOURDEUR8 RIBAUD8 Sq
se réduit à ceci, qu'il n'y a pas d'impossibilité à ce que La
première invective ait eu comme suite, dès l'origine, L'une
ou l'autre des deux réponses. Mais on ne peut rien allir
mer de plus, et, pour résoudre notre problème, nous voilà
réduits aux moyens d'investigation les plus hasardeux.
qui sont les arguments littéraires. De ce point de vue
nouveau, il nous apparaît, dès l'abord, que la pièce III
n'est pas du même auteur que la pièce I. C'est, du moins,
l'impression qui résulte de l'examen du fond et de la
forme. Cette réponse au discours bouffon du premier
ribaud est elle-même beaucoup trop sérieuse, et ce serait
à croire qu'elle a été composée par quelqu'un qui n'a pas
compris le caractère et le sens de la Gengle. Ce n'est plus
un ribaud qui parie ; il ne dit plus de bourdes; il reprend
son interlocuteur de la folie de ses paroles, des sottises
qu'il a dites, de sa grossièreté i ; et lui-même, bien que
ses propos ne soient guère doux ni charitables, il s'exprime
sans se rendre ridicule. On penserait volontiers que cette
réplique est l'œuvre tardive de quelque ménestrel, qui
s'est donné pour tâche de remettre le o gengleur » à sa
place. Car il est évident qu'il a voulu donner le beau rôle
au second personnage, qui défend l'art du vrai ménestrel
contre les jongleurs de bas étage, fanfarons, ignorants,
cupides et de mauvaises mœurs. Il se pourrait fort bien
qu'il lui ait paru avantageux, après avoir débité devant le
i. Voy. les reproches qu'il lui fait de parler follement (v. i5), de
déformer les noms (29), de dire des bourdes (v. 52, 62, i55\ de mal
connaître les œuvres qu'il nomme (i53). — D'ailleurs le ms. 837. qui
contient cette réponse, ne donne pas de titre commun pour les deux
pièces. Tandis qu'on lit clans le ms. 191 02 Les dens bordeors ribami
en tête du premier poème, le ms. 83; intitule simplement celui cl la
Gengle et la réponse la Contregengle. Il semble donc que le Bcribe
du ms. 837 n'ait pas considéré comme un ribaud le jongleur qui fait
la réponse.
go LES DEUX BOLT.DEURS 1UBALDS
public les balivernes orgueilleuses du ribaucl, de venger,
dans une réponse, les bons ménestrels. Cette réponse,
peut-être l'a-t-il ajoutée à un poème qui n'en avait point,
et qui s'accommodait mal de celle qu'il lui a donnée ;
mais peut-être aussi l'a-t-il substituée à une autre, du
genre de celle que contient la pièce II, faussant ainsi le
caractère primitif de l'œuvre. En tout cas, il nous paraît
inadmissible qu'elle ait été composée par l'auteur du
premier poème. Et peut être la qualité du style, dans
lequel elle est écrit, moins ferme, moins savoureux,
contribuerait-elle, si nous ne savions pas la fragilité des
appréciations en pareille matière, à nous renforcer dans
cette opinion1.
Quant à la pièce II, il semble qu'elle fasse fort naturelle-
ment pendant à la première. Le style n'en est pas très diffé-
rent, et l'invention est « dans la note ». Nous ne croyons
pas que ce soit assez pour affirmer que la première invec-
tive en soit inséparable, et celle-ci constitue, à elle seule,
un monologue fort satisfaisant ; mais, en lui adjoignant la
i. Je n'ai pas l'intention d'entreprendre une analyse de ce style,
où je crois trouver un vocabulaire moins riche que dans les autres
pièces, une certaine monotonie dans la structure des phrases, des
retours à la môme idée (18 et 80 ; 3g et n5 ; etc.), des répétitions de
mots (surtout emblé et planté 82-g2), etc. ; mais, pour m'en tenir au
plus assuré, il semble bien que l'auteur se montre moins difficile
sur la qualité des rimes que l'auteur ou les auteurs des deux pre-
mières pièces. Nous relèverons, par exemple, qu'il fait rimer
ensemble un très grand nombre de fois des formes verbales cor-
respondantes (ce qui est facile et plat) ; que, s'il fait rimer un adjectif
et un substantif, c'est le substantif qui amène ordinairement
l'adjectif (ce qui est faible) ; qu'il fait réapparaître à peu d'intervalle
les mêmes rimes (v. 7g et v. 121) (ce qui est une négligence); qu'il
ne fait pas de difficulté à faire rimer les simples et les composés
(i3g, i53, 171), ni, à l'occasion, le même mot avec lui-même (i3).
Ces faits ne se remarquent pas ou peu dans les deux premières
pièces.
LES DEUX BOURDEURS LUBAUDS 01
réponse, on obtient, au lieu de l' Invective d'un ribaud»,
une u Querelle de ribauds », qui est un sujet plaisant et
fort admissible : et c'est pourquoi, nous n'oserions pas
soutenir que les deux pièces n'ont pas été conçues par un
même auteur, qui se serait plu ù composer, non pas un
monologue, mais un débat *.
i. Je ne sais comment Jubinal a pu écrire que « celle pièce, si elle
n'est pas purement et simplement une facétie, pourrait bien être an
de ces défis que devaient se porter les jongleurs rivaux, afin de se
faire mutuellement exclure des fêtes ». Que les jongleurs, animés par
l'esprit de concurrence, se soient souvent invectives, publiquement
ou autrement, ce n'est pas douteux. On a des exemples de ces médi
sances qu'ils répandaient les uns sur les autres dans le dit des
Tabourears et dans le dit des Hérauts de Baudouin de Condé. Mais
jamais l'invective ne fut une institution régulière, un genre classé ;
et il est trop évident que les poèmes dont nous parlons, ou plutôt
les deux premiers, tout farcis de bourdes, sont de pures plaisante-
ries, destinées à faire rire. L'auteur a traité, en la stylisant, une
scène qu'il était sans doute loisible d'observer fréquemment : il a
mimé, voilà tout.
Au point de vue de l'établissement du texte, il n'y a pas de diffi-
culté pour les pièces II et III, qui ne se trouvent chacune que dans un
seul manuscrit. Mais la pièce I figure dans les trois manuscrits.
Le ms. C, en raison de ses lacunes considérables et apparemment
fautives, ne peut avoir qu'un intérêt subsidiaire. Le texte a donc été
établi, ici, d'après les mss. A et B. Aucun argument décisif ne peut
prouver que l'un de ces manuscrits soit meilleur que l'autre. Mais,
comme B présente plusieurs lacunes et des déplacements de vers
maladroits, c'est A qui a fourni la base de notre texte.
LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS
B. N., fr, 19102, f° 69 Vb-£* 70e (A).
B. N., fr. 837, f° 2i3 V'-f 214 b (B). Berne 354, f° 05 \°b-(° 67' (C).
Diva, quar lai ester ta j angle,
Si te va seoir en cel angle :
Nos n'avons de ta j angle cure,
Quar il est raison et droiture
5 Par tôt le mont, que cil se taise
Qui ne seit dire riens qui plaise.
Tu ne sez vaillant .II. festuz.
Com tu es ore bien vestuz
De ton gaaignage d'oan !
10 Vois quiex sollers de cordoan !
Et com bêles chauces de Bruges !
Certes ce n'est mie de druges
Que tu es si chaitis et las :
Ge croi bien, par s. Nicolas,
i5 Que tu aies faim de forment.
Comment es tu si povrement ?
Que ne gaaignes tu deniers ?
Tu es ci uns granz pautoniers ;
Tu n'es pas mendre d'un Frison.
20 Or deïisses en garnison
Avoir .II. porpoinz endossez ;
Ou a une uevre de fossez
A. De .ij. bordeors ribaus — 6. C sel rien dire q. - 8.
comme; C Mit par ies ores — 9. \ gaaigne ; C gueaign. 10. C
Dex — 11. A bones — 12. C nest or pas — i'i- 1 cuit —
fromant - 19. B Qui nés ; CE nies... maindres — au. Cdeussent
22. C o en une ovre
g4 LES DEUX BOURDELnS R1BAUDS
Défisses porter une hôte,
Tant que d'aucune povre cote
25 Peùsses iluec amender.
Mais tu aimes mielz truander
Et lechier, que estre a hennor.
Oresgardez, por Dieu, seignor,
Com cils homs richement se prueve !
3o Jamais a nul jor robe nueve
N'aura pour chose que il die.
Or esgardez quel hiraudie
Il s'est iluec entorteilliez.
Moult est or bien apareilliez
35 De quanques chaitis doit avoir.
Si t'aïst Diex, or me di voir :
Quiex homs es tu ? or me di quiex ?
Tu n'es mie menesterex,
Ne de nule bone oevre ovriers ;
fiO Ainz es uns ors vilains bouviers,
Ausi contrefez corne uns bugles.
Tu sanbles meneres d'avugles
Mielz que tu ne faces autre home.
Ge ne pris pas .1. trox de pome
45 Ne toi ne tôt quanques tu as.
Se Diex t'aïst, se tu tuas
Onques nul home, si te tue,
Que tu ne valz une letue,
Ne chose que tu saiches faire.
2o. C Poisses — 27. A Lechieres q. — 29. ,4 Cils h. com r. ; C cist
hom... proure — 3o. B jor cote n. — 3i. A Na il — 32. B Veez or
en q. ; C Or veez en q. — 33-. C II est — 3g. B oevre bons. — 4o. A
Tu sanble un v. ; G ja ies tu un v. — 4i. C Autresi c. — 42. A un
meneur ; C meneor — 43. B Molt miels que tu ne fez a. ; C Miaus
que tu ne sanbles a. — 46. B taist D. ; A sonques tuas
LES DEUX BOUROELRS RIBAUDS û5
5o Pour ce si te devroies taire :
Ne dois pas parler contre moi.
Que t'ai ge dit ? or me di quoi ?
Tu ne sez a nul bien respondre ;
Pour ce si te devroit l'en tondre
55 Tantôt autresi corne un sot.
Tu ne sez dire nul bon mot
Dont tu puisses en pris monter ;
Mais ge sai aussi bien conter
Et en roumanz et en latin,
60 Aussi au soir corne au matin,
Devant contes et devant dus.
Et si resai bien faire plus
Quant ge sui a cort ou a feste,
Car ge sai de chançon de geste.
65 Chanteres el mont n'i a tel :
Ge sai de Guillaume au Tinel,
Si com il arriva as nés,
Et de Renoart au cort nés
Sai ge bien chanter com ge vueil ;
70 Et si sai d'Aïe de Nantueil
Si com ele fu en prison ;
Si sai de Garin d'Avignon,
Qui moult estore bon romans ;
Si sai de Guion d'Aleschans,
75 Et de Vivien de Bourgogne ;
Si sai de Bernart de Saisogne,
Et de Guiteclin de Brebant ;
5o. A Pour de si — 53. A repondre. — 54. G Certes Ion led. bien t
— 55. C Trestot — 58. B chanter ; C sai de biax diz c. — 6a. C El
si sai faire encorpl. — 64. C Et je — 65. B Chanter cl monde ni :
CG. quel monde na t. — 69. «quant ge — 70. />' Uen - 7a. />'
Garnier — 75-76 manquent dans B — 7"'. C De V. 77. B Gui
dequin
96 LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS
Si sai d'Ogier de Montaubant,
Si com il conquist Ardennois ;
80 Si sai de Renaut le Danois ;
Mais de chanter n'ai ge or cure.
Ge sai des romanz d'aventure,
De cels de la Reonde Table,
Qui sont a oïr delitable.
85 De Gauvain sai le malparlier,
Et de Quex le bon chevalier ;
Si sai de Perceval de Blois :
De Pertenoble le Galois
Sai ge plus de .LX. laisses.
90 Et tu, chaitis. morir te laisses
De mauvaitie et de paresce :
En tôt le monde n'a proesce
De quoi tu te puisses vanter ;
Mais ge sai aussi bien chanter
95 De Blanchcflor comme de Floire ;
Si sai encor moult bone estoire,
Chançon moult bone etanciene :
Ge sai de Tibaut de Viane,
Si sai de Girart d'Aspremont.
100 II n'a chançon en tôt le mont
Que ge ne saiche par nature ;
Grant despit ai quant tel ordure
79-80 manquent dans B — 8i-g4 placés par B après 112 —
81-88 manquent dans C (bourdon) ; 81. B nai ore c. — 82. B Si sai
de r. — 83-84. intervertis dans B — 83. B Je sai de — 86. B Keu
87. B delbois — 88. B Et de sireYvain le — 89. C Entre se cuit xxv.
— 90. A Mais tu — 91. B mauvestie — g4- A conter ; C Mais sai
aussi — 95-98 remplacés dans B par 5g-6o qui se trouvent donc
répétés — 96. C encor de b. — 97. C Chançon meillor et a. —
100. A II nest — 102. A ai com t. ; B Si ai desdaing q. ; C Por ce
mest vil q.
LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS 97
Gom tu es, contre moi parole :
Sez tu nule riens de citole,
io5 Ne de viële, ne de gigue?
Tu ne sez vaillant une figue.
De toi n'est il nus recouvriers ;
Mais je sui moult très bons ovriers,
Dont ge me puis bien recouvrer :
110 Se je m'en voloie aovrer,
Aussi com ge voi mainte gent,
Ge conquerroie assez argent ;
Mais a nul tens ge ne fas oeuvre.
Ge sui cil qui les maisons cueuvre
1 15 Desus de torteax en paële ;
Il n'a home jusqu'à Neële
Qui mielz les cuevre que ge faz.
Ge sui bons seignerres de chaz,
Et bons ventousierres de bues ;
120 Si sui bons relierres d'ués,
Li mieldres qu'en el monde saiches ;
Si sai bien faire frains a vaches,
Et ganz a chiens, coifes a chievres ;
Si sai faire haubers a lièvres,
125 Si forz qu'il n'ont garde de chiens.
Il n'a el monde, el siècle, riens
Que ge ne saiche faire a point ;
Ge sai faire broches a oint
Mielz que nus hom qui soit sor piez ;
i3o Si faz bien forreax atrepiez
104. C de viole — io5. CNe de citole ne — no. A Se de ma main
.voloie ovrer — n3. B voy. note 81 ; C conquerroie molt a. — m S. i:
en nul ; C tans ne voil faire o. — n5. A Dues friz de t. — 1
sache— 126. B En ceste inonde na nule riens ; G Certes il na cl m. 1.
— 129-155 manquent dans C
98 LES DEUX BOLRDELRS RIBAL'DS
Et bones gaines a sarpes ;
Et se ge a voie .IL harpes,
Ge nel lairai que ne vos die,
Ge feroie une meloudie,
i35 Ainz ne fu oie si granz.
Et tu, diva, di, fox noienz,
Tu ne sez pas vaillant un pois.
Ge connois toz les bons borgois
Et toz les bons sirjanz du monde ;
i^o Ge connois Gautier Tranchefonde,
Si connois Guillaume Grosgroing,
Qui assomma le buef au poing.
Et Trcnchefer, et Rungefoie,
Qui ne doute home que il voie,
i^5 Machebuignet et Guinement.
Et tu, connois tu nule gent
Qui onques te faissent du bien?
Nenil voir, tu ne connois rien
Qui riens vaille en nulle saison.
i5o Or me di donc par quel raison
Tu te venis ici enbalrc?
Près va que ne te faz tant batre
D'un tinei ou d'un baston gros,
Tant que tu fusses aussi mox
1 55 Com une coille de mouton.
Vinz mais, par la croiz d'un bouton.
i33. B Ge ne 1. q. ne te d. - i34. B une tel — i36. B tu que fez
di f. ; après i3G B ajoute :
Bien pert que tu es loi nais :
Que quiers tu donc en cest pais ?
137. B Quant tu ne s. v. — iii-i^a intervertis dans B. — i'ji. A groig.
— i4a. A poig ; B assomme... del p. — iA3-i4't intervertis dans B —
i43. fîrungeferet tranchefoie — ibo. B Et M. et Guinant — i5i. B
venis ceens e. — 106. A vouton ; B voton
LES DEUX BOLRDEURS HJBAUDS QQ
N'oï parler de tel fouet.
Vez quel humeor de brouet,
Et quel vuideor de henas !
160 A bien poi se tient que tu n'as
Du mien, se ne fust por pechié :
Mais il ne m'ert ja reprouchié
Que tel chetif fiere ne bâte,
Quar trop petit d'onnor achate
i65 Qui sor chetif homme met main ;
Mais se tu venoies demain
Entre nos qui somes de geste,
Tu te plaindroies de la feste.
Or t'en va, beax amis, va t'en :
170 Esté avons en autre anten.
Fui de ci, si feras que saiges,
Ou tu auras par mi les naiges
D'une grant aguille d'acier ;
Nos ne t'en volons pas chacier
175 Vilenement por nostre honte :
Nos savons bien que honor monte.
i58. A q. vuideor de — i5g. A q. humeor de — 160. B A b. pe-
titet que ; C A petit se tient que — i65. A Qui sos tel c. met sa m.
— 167. B qui savons de — 171. B Or ten va si — 173. A grosse ag. —
176. B Quar s. ; B Explicit la jengle au ribaut.
II
LA RÉPONSE DE LUX DES DEUX RIBAUDS
Ms. igi52, f° 70 \
Tu m'as bien dit tôt ton voloir :
Or te ferai apercevoir
Que ge sai plus de toi assez,
Et si fu mieldres menestrez
5 De toi ; moult me vois merveillant
(Nel dirai pas en conseillant,
Ainz vueil moult bien que chacun l'oie,
Se Diex me doint henor et joie)
De tex menés terex bordons
10 A qui en done moult beaux dons
A haute cort menuement :
Qui bien sordit et qui bien ment,
Cil est sires des chevaliers ;
Plus donnent il as malparliers,
i5 As cointereax, as menteors,
Qu'il ne font as bons troveors
Qui contruevent ce que il dient
Et qui de nului ne mesdient.
Assez voi souvent maint ribaut,
20 Qui de parler se font si baut
Que ge en ai au cuer grant ire.
Et tu, bordons, que sez tu dire,
Qui por menesterel te contes?
i4- ms. menteors — iô. ms. malparliers
LES DEUX BOLRDEURS RIBAUDS IOT
Sez tu ne beax diz ne beax contes
25 Pour quoi tu doies riens conquerre ?
De quoi sers tu aval la terre ?
Ce me devroies tu retraire.
Ge te dirai que ge sai faire.
Ge sui jugleres de viele ;
3o Si sai de muse, et de fretele,
Et de harpe, et de chifonie,
De la gigue, de l'armonie ;
Et el salteire et en la rote
Sai je bien chanter une note.
35 Bien sai joer de l'escanbot
Et faire venir l'cscharbot
Vif et saillant dessus la table ;
Et si sai maint beau geu de table,
Et d'entregiet, et d'artumaire ;
!\o Bien sai un enchantement faire.
Ge sai moult plus que l'en ne cuide,
Quant g'i vueill mestre mon cstuide :
Et lire, et chanter de clergie,
Et parler de chevalerie,
45 Et les preudhomes raviser,
Et lor armes bien deviser.
Ge connois monseignor Hunauf
Et monseignor Rogier Ertaut,
Qui porte un escu a quartiers ;
5o Toz jors est il sains et entiers,
Quar onques n'i ot cop féru.
Ge connois monseignor Begu,
Qui porte un escu a breteles
Et sa lance de .II. ateles
55 Au tournoiement, a la haie :
C'est li hons du mont qui mielz paie
102 LES DELX BOURDEURS R1BAUDS
Menesterex a haute feste.
Si connois Renaut Briseteste,
Qui porte un chat en son escu :
60 Cil a a maint tornoi veincu ;
Et monseignor Giefroi du Maine,
Qui toz jors pleure au diemaine ;
Et monseignor Gibout Cabot,
Et monseignor Augis Rabot,
65 Et monseignor Augier Poupée,
Qui a un seul coup de s'espee
Coupe bien a un chat l'oreille.
A toz vos sembleroit merveille
Se ceus voloie raconter
70 Que ge conois dusqu'a la mer.
Ge sai plus de toi quatre tanz :
Ge connoi toz les bons serjanz,
Les bons chanpions affailiez ;
Si en doi estre plus proisiez.
76 Ge connois Hébert Tuebuef,
Qui a un seul coup brise un huef,
Errachecuer, et Rungefoie,
Qui ne doute home que il voie,
Et Heroart, et Dent de Fer,
80 Et Hurtaut, et Tierry d'Enfer,
Abalparoi, fort pautonicr.
Et Jocelin, Tornemortier,
Et Ysenbart le Maureglé,
Et Espaulart, le fils Raiché,
85 Et Brisebarre. et Godefroi,
Et Guauquelin Abatparoi,
Et Osoart, et Tranchefonde ;
Et toz les bons serjans du monde
Et deçà et delà la mer
LES DEUX BOURDEURS R1BALDS io3
90 Vous sauroie bien aconter.
Ge sai tant et si sui itex.
Ge connois toz les menestrex,
Cil qui plus sont amé a cort,
Dont li granz renons partot cort.
q5 Ge connois Hunbaut Tranchecosle,
Et Tiecelin, et Portehote,
Et Tornenfuie, et Brisevoire,
Et Bornicaut, ce est la voire,
Et Fierabras, et Tuterel,
100 Et Malebranche et Malquarrel,
Songefeste a la grant viële,
Et Grimoart qui chalemele,
Tirant, Traiant et Embatant :
Des menestrex connois itant,
io5 Qui me vorroit mestre a essai,
Que plus de mil nommer en sai.
Ge sai bien servir un prudome,
Et de beax diz toute la some ;
Ge sai contes, ge sai flabeax ;
110 Ge sai conter beax diz noveax,
Botruenges viez et no vêles,
Et sirvenlois et pastoreles.
Ge sai le flabel du Denier,
Et du Fouteor a loier,
n5 Et de Gobert et de dame Erme,
Qui ainz des els ne plora lcrmc,
Et si sai de la Coille noire ;
Si sai de Parceval l'estoire,
Et si sai du Provoire taint,
120 Qui o les crucefix fu painz ;
Du Prestre qui menja les meures
Quant il dcvoit dire ses heures :
104 LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS
Si sai Richalt, si sai Renart,
Et si sai tant d'enging et d'art.
125 Ge sai joer des baasteax,
Et si sai joer des costeax,
Et de la corde, et de la fonde,
Et de toz les beax giex du monde.
Ge sai bien chanter a devise
i3o Du roi Pépin de s. Denise ;
Des Loherans tote l'estoire
Sai ge par sens et par mémoire ;
De Charlemaine, et de Roulant,
Et d'Olivier le conbatant.
i35 Ge sai d'Ogier, ge sai d'Aimmoin,
Et de Girart de Roxillon ;
Et si sai du roi Loëis,
Et de Buevon de Conmarcliis,
De Foucon, et de Renoart.
i^o De Guielin et de Girart,
Et d'Orson de Beauvez la some ;
Si sai de Florence de Rome,-
De Ferragu a la grant teste.
De totes les chançons de geste
i45 Que tu sauroies aconter,
Sai ge par cuer dire et conter.
Ge sai bien la trompe bailler,
Si sai la chape au cul tailler,
Si sai porter consels d'amors,
i5o Et faire chapelez de flors,
Et cainture de drueric.
Et beau parler de cortoisie
A ceus qui d'amors sont espris :
Et tu donc cuides avoir pris?
i55 Ne parler mais la ou ge soie,
LES DEUX BOLRDELRS RIBAUDS IO.J
Mais fui de ci et va ta voie.
Va aprendre, si feras bien.
Que contre moi ne sez lu rien.
Beax seignor, vos qui estes ci.
160 Qui noz parole avez oï,
Se j'ai auques mielz dit de li,
A toz je vos requier et pri
Que le metez fors de ceanz,
Que bien pert que c'est .1. noienz.
Explicit des Jj. troveors.
III
AUTRE RÉPONSE
ou
LA CONTREGENGLE
Ms. 837, f° 216 '■-{' 2i5h.
Fabloié as or longuement
Et moi ledengié durement :
Si te vient de grant ribaudie.
Mes qui biau veut oïr, biau die !
5 Ceste resons bien i afiert,
L'une bontez l'autre requiert.
Tu es fols de contraliier,
Quar l'uevre loe bien l'ouvrier.
Molt me torne ore a grant anui,
10 Quant tu demandes qui je sui.
Tu me demandes que je sai ;
Mes je voudroie qu'a l'essai
Fussons ore, entre moi et toi,
Li quels set plus. Foi que doi toi,
i5 Tu paroles molt folement ;
Si me fez ci .1. argument
Et .1. sofisme tout boçu.
Mes chetis houliers, qui es tu ?
Nul bien el siècle tu n'entens ;
20 Or, di quels est tes argumens ?
Va aprendre : bien t'est mestiers.
Tu es et molt baus et molt fiers :
LES DEUX BOURDEURS IUBA1 DS lu;
As tu ci nul de tes pareil/. ?
Tu te fez prone entre les genz,
25 Et si nous veus ci fcre entendre
Que nus ne te porroit a prendre,
Por ce qu'il te facentaïue.
Tu n'as pas ta borde vendue.
Qui ainsi bcslornes les nons.
3o Tu es li sages Salemons,
Qui tant aprist, que en folie
Torna le sens de sa clergic.
Tant as vescu que tu radotes :
Or t'est avis que, por .II. cotes
35 Que tu as environ tes os,
Que nus ne soit jamès si os
Que il devant toi parler ost
Ne plus que devant .1. provost.
Ce est coustume de chetif
4o Et de truant ribaut faintif
Que, quant il vient a .1. poi d'aise,
Dont ne voit rien ne li desplaise.
De maigre poille par nature
Plus maie d'autre est la morsure.
45 Ne deûsses pas avoir cote
Qui fust entire, mes la hôte
Ce deiist estre tes mestiers,
Etfiens porter en .II. paniers.
Mestier n'as entre nule gcnt
5o Qui en els aient escient.
Va seoir o les vielles sordes :
Celés dois tu pestre de bordes.
Tu ne dois pas porter viële,
Ne mengier en nete escuële,
55 Mes en une auge avocc porciaus.
IOS LES DEUX BOURDEURS RIBA.UDS
Forche, pelé, besche, flaiaus
Dois porter et itel merrien.
Diex te desfende de tout bien
Et il te gart de son salu.
60 Poi m'as grevé et poi valu :
N'i bee ja que mes mestiers
Puist empirier de tels bordiers.
Quar pleiist or Dieu et saint Leu
Que semblaisses aussi bien leu
65 Com tu resambles .1. asnicr !
Or esgardez quel charruier,
Comme est bien tailliez a vilain !
Seignor, or soiez tuit certain
Qu'il est du plus mauves lingnage
70 Qu'aine vcïssiez en votre eàge :
Por ce di que tels pautoniers
Ne me puet grever .11. deniers.
Fui de ci, quar tu es ribaus :
Ne vaus pas certes .II. chiez d'aus.
75 Non pas ribaus, mais ridolenz.
Maie goûte aies tu es denz !
Tu es uns ribaus pailletous.
Je t'ai veû par maintes cors,
Que tu n'avoies pas vestu
80 Vaillant .III. solz. Mes qui es tu ?
Qui fu ton père et qui ta mère ?
Je les connui bien, par saint Père !
Tes pères embla .1. tabar
Par quoi il fu penduz a Bar.
85 Et en meïsme celé anee
Fu ta mère a Provins plantée.
Je vi une teue seror
Qui espousa .1. lecheor ;
LES DEUX BOURDELRS RIBAUDS IO9
Andui furent planté ensamble
90 A Miaus le Chastal, ce me samble :
Por .1. sorcot qu'ele ot emblé,
Furent ensamble andui planté.
Encor n'a gueres que je vi
A Sens, .1. jor de samedi.
95 En l'eschiele .II. granz meschines,
Qui près estoient tes cousines,
Qui en faus plet furent trovees :
En Yone furent getees.
Estrais es de pute lingnie.
100 Je revi ja de ta mesnie
Lez moi que j'avoie a voisins
.II. maus larrons de tes cousins :
Andui furent par bougresie
Ars en mileu de Normendie.
io5 Por ce me torne a grant despit
Que .1. tel ribaut me mesdit.
Ja bons ne seras, par saint Père :
Li filz doit resambler le père.
Chetiz es et chetiz seras,
110 iSeja nul jor n'amenderas.
Par tant n'avras de quoi tu vives.
Por ce me poise quant t'estrives
A moi et que tu me dis honte.
Dont te vient il ? A toi que monte ?
n5 Chascons ribaus si devient prone
Quant il fet tant que il larrone
.1111. deniers, ou .V., ou sis,
Si veut estre ou haut dois assis :
Mes tu avras le pelori ;
120 Ja mes ne t'en verra guéri.
Si t'ait Diex, ou emblas tu
I 10 LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS
Cel sorcot que tu as vestu ?
Or emble tant com tu porras :
Por .1. pendre qui tes seras.
125 Trop par es preus a .1. besoing :
Tu n'as de i'autrui chose soing,
Se nel pues tolir ou embler.
Hé ! Diex, com vaillant bacheler !
Gomme est servanz et de grant pais !
i3o Diva, fol ribaus, quar te tais ;
Si te va pendre a .1. gibet.
Tu ne sez rien fors que d'abct.
De mespoins et de fortreture ;
Mes de ce n'ont preudomme cure.
i35 Ja n'est il nus hom qui Dieu croie
Qui en moustier entrer le voie :
Tu as toute usée ta pel
En la taverne et au bordel.
Tu trueves ainz c'on ait perdu.
i4o Or le voi je tout esperdu ;
Or soit ore tout en respit,
Si recorde ce que j'ai dit.
Mes tu ne sez nule rien dire ;
Tu ne sez rien fors d'autrui lire,
î \~-> Tu vas autrui mort conquérant,
Dont tu aquiers maint mal voillant.
Quanques tu asicijenglé
As tu d'autre leu descenglé.
Je sui près de ce aprover
i5o Que tu m'as ci oï conter.
Je n'i vueil mètre plus d'alonge.
Aconsivre vueil ta mençonge,
Mes les oevres dont tu te prises
N'as tu pas encor bien aprises.
LES DEUX BOURDEURS RIBAUDS I | i
i55 En toi n'a se les bordes non,
Ne tu n'es pas de grant renon
Si com autre ménestrel sont
Qui aus granz cors les robes ont.
Mes toi, por quoi les donroit L'en ?
160 En toi n'a proece ne sen,
Dont l'en te doinst .1. oef pelé.
Musart or t'ai bien apelé.
Tu ne sez ne bien ne honor.
Onques mes, par le Sauveor,
t65 Ne vi si fol ne si musart !
Va, si te peut a une hart.
Feu t'aide l'eschine et les flanz !
Va toi repondre souz ces banz
Con povre chose et nice et foie.
170 Et fols est qui a toi parole.
Mes Fortune t'a or bien fet
Qui t'a encressié et refet.
N'ai cure d'à toi estriver,
Quar bien tost me porroie irer
176 De corouz et de mautalent.
Mes se ce n'estoit por la gent
Et por mes amis ahonter,
Je te feroie mesconter
De ces degrez une partie.
180 Or t'en va, si ne revien mie
En leu ou me saches ne voies,
Que tu tendroies maies voies.
Explicit la contre/ eng le.
TABLE DES NOMS PROPRES
CONTENUS DANS LES
Deux bourdeurs ribauds1.
Aïe de Nanteuil I 70 au lieu de
Aïe d'Avignon, héroïne de chanson
de geste. Voy. Garin.
Ammoîn II i35, Aymon, héros de
geste (Les quatre fils Aimori).
Augier Poupée II, 05 « pru-
dhomme ».
Augis Rabot II 64, «prudhomme».
Abatparoi II, 81 « champion ».
Voy. aussi Guauquelin.
BegU II, 52, « prudhomme ».
Bernart de Saisogne I 76 au
lieu de Bernard de Brabant, héros
de geste. Voy. Guiteclin.
Blancheflor I g5, héroïne de
roman.
Bornicaut II 98, ménestrel.
Brisebarre II, 85, « champion ».
Brisevoire II 97, ménestrel,
Bruges I n, nom de ville.
Buevon de Conmarchis, héros
de chanson de geste.
Charlemagne II i33, héros de
chanson de geste.
Coille noire II 117, titre de
fabliau.
Denier II n3, titre de fabliau.
Dent de Fer II 79, a champion ».
Ern bâtant II io3, ménestrel.
Erme II n5, nom de femme, per-
sonnage d'un fabliau.
Errachecuer II 77, « champion ».
Espaulart II S'i, « champion ».
FerragU II ii3, Fergus, héros de
roman.
Fierabras II 99, ménestrel.
Floire I 95, héros de roman.
Florence de Rome il i/ia, hé-
roïne de chanson de geste.
Foucon II 139, Foucon de Candie,
héros de chanson de geste.
Fouteor II ni, titre de fabliau.
Frison l 19, habitant de la Frise.
Garin d'Avignon 1 73 au lieu de
Garin de Nanteuil, père de Gui
de Nanteuil, héros de gesl
Aïe.
Gautier Tranchefonde I i4o,
<( sergent ».
Gauvain le malparlier 1 85,
héros de roman, chevalier de
grand mérite.
Glbout Cabot il 60, 01 pru-
dhomme ».
1. Pour ce qui est des noms de jongleurs, voy. Les jongleurs en Frot
moyen âge, p. 280, n° 44, et les renvois.
n4
TABLE DES NOMS PROPRES
Qiefroi du Maine I 61, « pru-
dliomme ».
Qirart II i'4o, liéros de chanson de
geste (Girard de Vienne?).
Qirart d'Aspremont J 99, pour
Girard de Vienne, héros de chan-
son de geste. Voy. Tibaut.
Qirart de Roxillon II i3C, héros
de chanson de geste.
Gobert II u5, héros d'un fa-
bliau.
Godefroi II 85, « champion ».
Grimoart II, 102, ménestrel.
Guielin II, i'io. héros de chanson
de geste.
Guillaume au Tinel I or, au lieu
de Guillaume au Court nés. liéros
de chanson de geste. Voy. Re-
noart.
Guillaume Grosgoing I in,
« sergent ».
Guinement I i/i5, « sergent ».
Guion d'Aleschans I 74 au lieu
de Guion de Bourgogne, héros de
chanson de geste. Voy. Vivien.
Guiteclin de Brebant I 77 au
lieu de Guiteclin de Sassoigne,
héros de chanson de geste. Voy. •
Bernart.
Hébert Tuebuef H 70, « cham
pion ».
Heroart 11 79, « champion ».
Hunaut II .'47, « prudhomme ».
Hunbaut Tranchecoste II 95,
ménestrel.
Hurtaut II 80, « champion ».
Jocelin Tornemortier il 82,
(( champion ».
Loeïs II 137, héros de chanson de
geste.
Loherans II i3i, personnages de
chansons de geste.
Machebuignet I i46, « sergent ».
Malebranche II 100, ménestrel.
Malquarrel II 100, ménestrel.
Nicolas l i'i.
Neele I nG, nom de village.
Ogier II i35, héros de chanson de
geste.
Ogier de Montaubant I 78 au
lieu de Ogier le Danois, héros de
chanson de geste. Voy. Renaut.
Olivier 11 j3',, héros de chanson
de geste.
Orson de Beauvez II i'h, héros
de chanson de geste.
Osoart II 87, ((champion ».
Parce val H ri8, héros de roman.
Pépin de S. Denise I i3o, héros
de chanson de geste (Berte au
grand pied).
Perceval de Blois 1 87 au lieu
de Perceval le Gallois, héros de
roman.
Pertenoble le Galois I 88 au
lieu de Partenopeu de Blois, héros
de roman. (Remarquer que le
roman n'est pas composé en
laisses, et le jongleur fait une
bourde en le disant).
Portehote II 9O, ménestrel.
Prestre qui menja les meures
(du) Il 121, litre de fabliau.
Provoîre taint (du) II 119, titre
de fabliau.
Quex le bon chevalier I 80,
héros de roman, sénéchal félon.
Raiché I 8/J.
Renart II ia3, héros de roman.
Renaut le Danois I 80 au lieu
de Renaut de Montauban, héros
de geste. Voy. Ogier.
Renaut Briseteste II, 58, mé-
nestrel.
Renoart II 139, héros de chanson
de geste.
Renoart au cort nés 1 08 pour
Renouart au Tinel, le même que
le précédent. Voy. Guillaume.
Reonde Table I 83, titre d'un
groupe de romans.
Richalt II ia3, héros d'un fabliau.
Rogier Ertaut II $8 « pru
dhomme ».
TABLE DES NOMS PROPRES
n5
Roulant I 1 33, héros de chanson
de geste.
Rungefoie I i.'i3, II 77. « sergent»
et « champion ».
Songefeste II 101. ménestrel.
Tibaut de Viane I 98 au lieu de
Thibaut d'Aspremont, héros de
geste (Gaydon). Voy. Girart.
Tiecelin II 96, ménestrel.
Tierry d'Enfer II 80, « cham-
pion ».
Tirant 11 io3, ménestrel.
Tornenfuie II 97, ménestrel.
Traiant II io3, ménestrel.
Tranchefer I 1 . rgent ».
Tranchefonde II 87. « champion ».
Tunterel II 99, ménestrel.
Vivien de Bourgogne I -'■> au
lieu de Vivien d'Aliscans, héros
de chanson de geste. Voy. Guion.
Ysembart le Mauréglé II 83,
« champion ».
GLOSSAIRE
Ce glossaire est destiné à éclairer la lecture des Dits de l'Herberie et des
Deux bourdeurs ribauds. — On y trouvera : i° les mots aujourd'hui perdus;
2° les mots dont le sens avarié; 3° les mots dont la forme s'est notablement
modifiée. — Les lettres H et B désignent l'une l'Herberie, l'autre les Deux
bourdeurs ribauds. Les chiffres romains indiquent le numéro des pièces qui
figurent sous chacun de ces titres.
a exprime : le moyen H I i46; B I
1/12 ; etc. ; l'objet B III i 13 ; la con-
formité B III 67 ; l'accompagnement
H I 122 ; etc.
aba H I, hU, aboiement.
abet B III i32, ruse.
abevrer prés, aboivre II II 3o,
abreuver.
achater prés, achate B I i64, ache-
ter.
aconsivre B III i5a, atteindre.
aconter B II 90, e'numérer.
adeser H II 1 57, toucher.
aese H II 186, à aise, content.
aferir prés, afiert B III 5, convenir.
afaitier part, passé affaitiez B II 73
sage.
af fichier H II 5i assurer.
aguille B I 173 aiguillon.
ahonter B III 177 rendre honteux.
aidier subj. aist B I 36, aider.
ail rg. pi. aus B III 74 ail.
aine B III 70, etc. jamais.
ainçois H II 37, 87, mais.
ainsinc H II a3o ainsi.
ainz H I 120, II 21G, B II 7, etc.
mais ; — que H I 7, B III i3y, etc.
avant que.
ainz B I i35, II 116; — mais B I
i56 jamais.
aitre H II 199, 200 cimetière.
aiue B III 27 aide.
aive II II i3, 2o5 ; yaue H I 186:
eau.
ajornee H II 55 le temps d'une
journée entière.
aler H II 25; prés, vois B II 5 ;
subj. voize H I 7 : aller ; près va
que B I io2 il s'en faut de peu que.
alonge B III i5i retard, longueur.
amender B III no s'amender.
andous suj. andui B III 89, io3,
tous deux.
anglure H II 97 angelure.
angoisseus H IH 68 qui fait souf-
jrir.
anui B III 9 chagrin, colère.
anuier H I 98, être importun.
aparsouvolr H I 6 apercevoir.
apertement H I 74 manifestement.
aprendre, fut. apanrai H I i35;
aprendrai H II 70 ; subj. apreigne
H II 68.
ardre B III 167 ; part. pas. ars B III
io'i : brûler.
arme H I 176, 178 âme.
armonie B II 32 instrument de mu-
sique.
arsure H II 97 brûlure.
artisien H II 116 monnaie d'Artois.
9
n8
GLOSSAIRE
artumaire B II 3g magie.
asavoir faire — HI 1 3$ faire con-
naître.
asseoir voy. seoir.
assez 13 I 112, Il 3, ig, beaucoup,
très.
assoldre prés, assoit, fut. assoudrai
H II \f.\l\, absoudre.
atele B II 54 morceau de bois.
audafrida II II iet tous les mois des
lignes l-fi ne forment, à dessein.
aucun sens.
auques BU 161 à quelque degré.
ausi H II 129; aussi B 1 6o, 1 1 1 :
ausinc II II 22G : de même, aussi.
auteil H l 170, 171, tel.
autresi B I 55 de la même façon.
autrier H III 12 l'autre jour.
avainne H I 89, 170, avoine.
aval — la terre B II 2IJ ici-bas.
avaler II II 22,3 descendre.
avant II I 173, II 161, en avant.
avenir II I 3, 1G2, III h, arriver.
averti n II I i5o, il 100, 229, accès
de folie.
avoir imparf. avoie H II io3 etc.;
parf. ot II II 128 etc. ; cond. avroie
H II 1G9 etc. ; subj. eût H II GG etc.
avoir II I i5 subst. : richesses.
avoec B 111 55 avec.
baastel pi. baasteax B II 125 ins-
truments qui servaient mur magiciens
et aux jongleurs pour faire des tours
d'escamotage et d'adresse.
bacheler B III 128 jeune homme.
baer impér. bee B III Gi, aspirer àf
espérer.
bailler B II 1A7 donner de.
batel bateax II II 180 (rég. pi.), 197
(suj. sg.), bateau, fait calembour
avec nés, qui précède.
baut B II 20, 111 22, hardi.
beau adv. B II i5a joliment.
bêlement II HI 3o joliment.
beneistre subj. beneie H II 189,
bénir.
bestorner B 111 29, déformer.
blutel suj. sg. bluteax H II 189,
tamis, fait calembour avec saut amis
(saut tamis) de la ligne 188.
boen II I i33, i85, bon.
boire subj. imp. beùst H III GG.
boleor II II 36 trompeur.
borde H II 35, B III 28, etc. bourde.
bordelois H II 1 1 3 monnaie de Bor-
deaux.
bordier B III G2 celui qui dit des
bourdes.
bordon B II 9. 22, bourdeur.
boschaige H II i54 bocage.
boter II II i3a pousser; part. pas.
boteiz II 1 1/10 gui pousse au gras,
eu parlant du vin.
bougresie B III io3 sodomie.
bretele B II 53 courroie pour soute-
nir reçu.
broche II II 91, etc. brorhe.
buef rég. pi. bues B I 119; suj. sg.
boz H II 1 3(3 : bœuf.
bugle B 1 l\i jeune bœuf.
cambrisien II II 116 monnaie du
Cambrésis.
carbonculus II I '18 cscarboucle.
ce i>our se (conj.) II 1 9, etc. ; pour se
(pron.) H 1 25, etc.
cel suj. sg. cil B I 5, ii'i. etc. ; cils
B I 29. B II 93 ; suf. pi. cil H I
1 33 ; rég. pi. ceulx HI 120; cex
II II 164 ; <;ax H II 23i ; cels B I
83 ; ceus B II 69, etc. Fém. sg.
ecle II I G3, II i!\!\, etc., fém. pi.
celés B III 5a, etc. : adj. et pron.
démonstratif. Celui H II 1 38, i3$.
cellande H II 75 sorte d'herbe
(Icujuelle ?).
cens H l 79 sans.
ces pour ses II 1 121.
cest II I 1G1, etc. adj. et pron. dé-
monstratif.
chaalnne H I 122 chaîne.
chaceor suj. chacierres H 11 88
chasseur.
Chaelon H il 177 Châlons (voy.
rai 11s).
GLOSSAIRE
102, jouer du
"9
chalemeler B II
chalumeau.
chatnpel rég. pi. chanpeax II 11
180, champ (voy. grieve).
champion B II 78 champion, homme
d'armes.
Chatlteor suj. chanterres B I 65
chanteur.
Chape H 1 117. B II i48, manteau.
chapel rég. pi. chapiaux H I i4g
chapeau.
chapelet B II i5o couronne.
char H II 53, Kj3, etc. chair.
charaie II I 190 sortilège.
charree II II 80 cendre de lessive (?).
charruier B III 60 valet de charrue.
chartain HI 168 monnaie de Chartres.
chascon B III n5 chacun.
chastel rég. pi. chasteax II II 179,
château (voy. tour/
chief II I i5i, etc. ; rég. pi. chiez
i5o, B III 7'i : tète.
Chifler H II i3i, i35 ; prés, gifflc
218 : railler, moquer.
chifonie B II i3i cifoine, instrument
de musique, du genre vielle à roue.
ci HI 1, etc. ici. De — qu'a H II 1/12
jusqu'à.
citole B I io4 instrument de musique,
du genre cistre et mandore.
clapoire H II 99 voy. clopaire.
clergie B II 43, III 32, savoir de
clerc, science.
clopaire H II 228 bubon.
clou clox H II 227 clou, furoncle.
COCUla H II 171 et les mots des lignes
171-173 ne forment, à dessein, aucun
sens.
COÎnterel cointemx B II iô rusé,
malin.
coissin II II 181, coussin (voy.
coûte).
coivre H II 74 cuivre.
collongnois H II u4 monnaie de
Cologne.
coin B 1 69, etc. comme; ii, 29,
etc. exclamatif; après autant 11 I
119, etc., aussi B I 60, etc., autresi
55, tant III 12.3, tel 1 io3, etc. : que.
comal H 11 76 sorte d'herbe (la-
quelle?).
comperer II III 43 payer.
COnfés H II iâo qui a fait sa con-
fession.
confire H I 77, 78, etc. préparer
(un baume).
congrier (réfl.) II I i4i se former.
con jurement H II 170 action de
conjurer.
conquerre B II 25, etc. conquérir.
conquester II 1 15, III 10, acquérir.
COnseillier (réfl.) II II i34 prendre
conseil; en conseillant B II 6 en
secret.
contraire sans — H I 102 sans
difficulté.
COntralier B III 7 contrarier, con-
tredire.
controver prés, contruevent B II
17 inventer.
cordoan B I 10 cordouan.
corir fut. pas. corroit H I 166,
courir.
cors II 1 1 3 1 , etc.; cor II i4o :
corps.
cort B 1 63, etc. cour.
COstel rég. pi. costeax B II 126
couteau.
cote B I si, etc. manteau.
COUmin II l n8 cumin.
COUte H II 181, a deux sens :
« coude » (qui est celui du passage)
et « couete » (qui prépare le calem-
bour coissinj.
covenir II II 217 convenir, falloir.
cowir prés, cueuvre 15 I n4 ; cuevre
1 1 7 : couvrir.
créance II II 66, 210, croyance.
cresperite II I 35 pierre précieuse.
Crespinois II II hj monnaie.
crier II I i4a créer.
croire II 111 5 : prés, crée/ Il i35 ;
etc. croire.
croteuse il il 8. (?).
120
GLOSSAIRE
CUer H I ikk, etc. cœur.
cuevre chief II I 121 couvre-chef.
cuidier II il 217; B II 4i, i54 :
croire.
cure II I io3 etc. souci.
de après un comparatif B II 3, 5, etc.
que.
débat, sanz — II II 72 sans difficulté.
debatre H I 196 battre.
dechaus H III 3f) sans chaussures.
delà prép. II II 4g, etc.
delez II II 2/1 à côté de.
delitable B I 84 agréable.
demander prés, demant H II 9,
demander.
demoree H 1 18 séjour.
départir II I 1 35 séparer.
descengler B 111 148 dessangler,
d'où : piller.
desconfés II II i5tj qui ne s'est pas
confessé.
desgeuner (réfl.) H I 188, etc.
déjeuner.
desmesure, a — 11 1 io5 sans ad-
mettre de limites.
desovoîr II l 5 tromper.
despendre II III 2 dépenser.
despit B I 102, etc. mépris, colère.
dessus prép. II I 94, etc.
destruire subj. destruie II I 97.
détruire.
devant ce que II II 1G9 avant que.
devise, a — B II 129 à souhait .
deviser B II 40 décrire.
devoir subj. prés, doies B II 20 ;
imp. deûsses B I 20, etc. ; (îeiist
B III 47 ; cond. devroies BI 5o, etc.
diaton II II 76 sorte d'herbe (la-
quelle '.').
diemaine B II 6a dimanche.
dijonnois II H 114 monnaie de
Dijon.
dire subj. die II III 16, etc. ; imp.
deisse H I i3a, etc.
diva Bl 1, III i3o, allons.'
doisien II II 117 monnaie de Douai.
dois B III 118 table.
doloir fut. dieura, dieudront II II
225, faire mal.
dolour H II 229 douleur.
doner fut. donrai II II i5i, 102 ;
subj. doint B II 8, etc., doinst
B III 1G1 ; cond. donroie II I 199.
donques H III 16 donc.
dont B III 4a alors.
dont H 1 i38; B III n4 : d'où ;
B 111 i4'J, 161, ù cause de quoi.
Dom H II 190 a deux sens :
(( d'où » (qui est celui du passage) et
(( d'homme » (qui prépare le calem-
bour d'orne de la ligne suivante).
dormir (réfl.) II 1184 dormir.
doute, sanz — H III 34 sûrement.
douter II I 39, etc. craindre.
droiture B I 4 droit, justice.
droit, a — H III 4 > justement.
druerie B II i5i amour.
druge B I 12 plaisanterie.
embler B III 83, gi, etc. voler.
emprendre, part. pas. eînpris II I
2 3 saisi, pénétré.
en H II 122 an.
en B II 10, 4'» etc. on.
enbatre (réfl.) B I i3i accourir,
venir.
encharger II II 108, etc. conjier.
recommander.
encressier B 111 172 engraisser.
engien II II 83 ; enging B II ia4 :
ruse, liabileté.
enpres II II n après.
entendre I! III 1 faire attention;
B III 20 comprendre, croire; B III
19 se proposer; part. pas. entenduz
H III 55 habile.
entier fém. cntire B III 40, entier.
entre B I 1G7 parmi.
entregiet B II 3g prestidigitation.
environ B 111 35 autour de.
ermoize II I tUS armoise.
erracher II III 5o arracher.
escanbot B II 35 instrument de
musique.
escharbot B II 36 scarabée.
OLOSSVTRE
151
eschlele B III g5 pilori.
escient B III 5o science, savoir.
escorpion H II i58 scorpion.
esgarder H II 162, etc. regarder.
espandre H II Go répandre.
essample II 1 1 3 A exemple.
ester B I 1 être en repos.
esterlin H I 1G9, Il m, monnaie
anglaise.
estorer B I 7.3 fournir, provoquer.
est range H II 38, 3g, étranger.
estre parf. fui H I 28 ; fut. iert I 6g.
ert B I 162 ; subj. imp. fussons
13 III 1 3 ; cond. estoie H II io/J.
estrescer II I 63 rendre étroit.
estriver Bill 112, 173, lutter.
fabloier B III 1 raconter.
fain H 1 169 foin.
faintif B III 60 dissimulé, menteur.
faire fere H III 17; prés, faz H II
22G, etc. ; fut. l'eroiz II II 21 ;
subj. prés, face II II 12/1; imp.
feisse H I i63, etc. ; cond. feroie
B I i34, <'lc : faire.
faut II 11 17G a deux sens : a faut »
(de « faillir », manquer) qui est
celui du passage, et « faux », instru-
ment à faucher, qui prépare le ca-
lembour lance.
faute, ce n'est pas — H I 67 infail-
liblement.
ferir ind. fiert H II 17g ss. ; subj.
fi ère B 1 iG3 : frapper.
ferner H 1118 dénigrer.
ferrite II I 34 pierre précieuse.
teste voy. goûte.
fi H II gg, 227, ladrerie.
fiens B III /|8 ordures.
flabel B II n3; flabeav (rég. pi.)
B II 10g : fableau.
flaiel flaiaus (rég. pi.) B III 56, fléau.
fl autre voy. goûte.
flun H I 27 Jlux. courant.
foi H II 232 promesse; B III it\ par
la foi; en foi H III 5'i en tenant
parole.
fonde B II 127 fronde
for II II 8 four.
forment, de — B l i5 grandement.
forrel forreax (rég. pi.) B 1 i3o
fourreau.
fors Bill ikh\ — que i32 : excepté.
fortreture Bill i33 action de séduire.
fox H II 182 a deux sens : «fol,
fou » (qui est celui du passage) et
« soufflet » (gui prépare le calembour
souflez).
freperie H I Go friperie.
frestele B II 3o chalumeau.
fuel le H I i56, etc. feuille.
fuisicien H II 38 ; fusicien 5o :
physicien.
gaaignage B I g gain.
gaber II II i3i se moquer.
galoface H I 38 pierre précieuse.
garcelar H I '18 ?
garde, avoir — B I 125 craindre.
garder subj. gart H I 1 /( 7 , etc.
préserver.
garir H I i35 etc. ; gairir H II 6g ;
fut. garrai H I 72, etc. ; cond. ga-
riroie H III 3/j ; part. pas. gariz
H I ig3 : guérir; guéri B III 120
préserver.
garnison B I 20 équipement, vête-
ment
ge H II 5, etc. je.
gésir H H a4 être couché.
geste B I 1G7 race, famille.
getin H II G5, etc. jeun.
geiiner II II 55 jeûner.
geter H 11 i3 jeter.
gieu H II 2i5 : gins io'i ; juif I uji :
Pif-
gigue B I io5, II 3a instrument de
musique, du genre viole.
gOUte H II 86 goutte.
gOUte H I i5o, ig5 ; B III 76; etc.
nom de diverses maladies : goule
flautre H I G8 ulcère; goûte feste
II 22G jistule ; goûte migraigne 227
migraine.
grant, fém. grant B II 21, III 101,
etc. grand.
122
GLOSSAIRE
grever H II 187; B m 60.72 :
peser, être désagréable.
grieve U 11 1 4a, etc. haut du front,
dessus de la tête. H II 180 a deux
sens : a tête » (qui est celui du pas-
sage) et « endroit oh il y a du gra-
vier » (qui prépare le calembour
chanpeax).
haie B II 55 clôture, enceinte.
hart li III 166 corde.
henap, rég. pi. henas B I 159 coupe.
hiraudie B l 02 loque, souquenille.
hom suj. B III i35, etc. ; lions II
50 ; rég. home H II 191 (voy. dont),
192, etc.; ome 70: homme; hon
H I i54 on.
honte B [Il ni propos injurieux.
hospital, plur. hospitax H II 178
l'ordre des Hospitaliers. Voy. tem-
ples.
hote B III 46 hotte.
houlier B III 18 vaurien.
huef B II 76. \'oy. uef.
huix II I 187 porte.
humeor B I i58 celui qui hume.
humeur II I i4i humidité.
i B III 5, Gi, etc. explétif.
il, plur. il II I [97, etc. ; fém. ele
II I 19G, etc. ; el II 28 ; fém. plur.
el I 12/4 ; rég. plur. els B III 5o,
etc.
iluec B 1 33 [à.
inde II I '19 violet.
irer (réf.) B III 174 se mettre en
colère.
itant B II io4 tellement.
itel B III 57 etc. tel.
ja II I 112 alors; B III 100 encore;
III 69, 177, etc. jamais: ja mes
II III 3G.
jagonce II I 36 hyacinthe.
jangle B I r, 3, bavardage bouffon.
jengler B III 147 bavarder.
jone II I 2 jeune.
jou II I 77, etc. je.
jugleor suj. jugleres B II 29 jon-
gleur.
laier, impér. lai B I 1 ; subj. laist
H I 201 ; lait II 232 : laisser.
lance H II 176 voy. faut.
larriz II II io3 terre non cultivée.
larroner B III nG voler.
lecheor B III 88 vaurien.
lechier B I 27 faire le vaurien.
ledengier B III 2 offenser.
leonois II H n3 monnaie de Laon.
lerme B II 116 larme.
letue B II 48 laitue.
leu B III 04 loup.
leu H I i32, etc. lieu.
lez B III 101 près de.
li art. suj. H I 1G2 etc. ; plur. 123
etc. ; combiné avec a, sg. au B II
i'i2, etc.; plur. as H II 92, etc.;
avec de, sg. dou H I 37, etc. ; avec
en, sg. el H I 166 etc. ; ou 197,
etc.; plur. es H I i3i ; elz 53,
147 ; enz 124.
li pron. H 1 i4, etc. ; fém. li 122, i35,
etc.
liement H II 70 joyeusement, volon-
tiers.
lier prés, loie H II 12 lier.
lingnie B III 99 lignage.
liue H 11 49 ; lieues H I 192 : lieue.
loial suj. loiaus H III 4o loyal.
loer B III 8 faire l'éloge de; H I 90
recommander.
lor adj. B II 46, et pron. H I i52,
leur.
mahains H I 194 maladie.
main H I 82 matin.
mains H I no, etc. moins.
mais, onques — H I no jamais;
ne — que H I 174 etc. à la condi-
tion que.
mal, suj. maus II 1 20 mal (subst.);
III 22, etc. mauvais.
malage H 111 20 maladie.
maleïçon H II i38, etc. malédiction.
malparlier B I 85, II 14 médisant.
manniere H II 6, 3i, sorte.
mansois H I 167, II 112 monnaie
du Mans.
GLOSSAIRE
123
manviele H II 76 sorte d'herbe
{laquelle ?).
marchier H I 147 fouler.
marguarite H 1 30 perle.
marreborc H I i54 sorte d'herbe.
maucozu II 1 117 mal cousu.
maudire (réfl.) prés, maudient H II
23 1 se damner.
mautalent B III 175 mauvaise hu-
meur.
mauvaitie B I 91 inertie.
mecine II III 49 médecine.
meillor suj. mieldres B I 121 meil-
leur.
meïsme B III 85 même.
mendre B I 19 plus petit.
meneor, suj. meneres B I 4a meneur.
ménestrel B III 137; menestrez
B II 4 etc. ; menesterel 23, — ex
9 etc. : ménestrel.
mengier H II 5(3, etc. manger.
menuement B II n souvent.
merrien B III 67 morceaux de bois.
merveillier (réfl.) II I iâa etc.
s'étonner.
mesconter B III 178 oublier de
compter.
mescroire H II 127 ne pas croire.
mesdire prés, mesdient B II 18 etc.
médire.
mesnie B III 100 famille.
mespoint B I II i33 dé pipé.
mestier H II 1O7 etc. métier; I 176
habitude; B III 21 etc. besoin.
mètre fui. metereiz H I 93 mettre.
meure B II 121.
mî H I 1 53 milieu.
mielz B I 117 etc. mieux.
migraigne voy. goûte.
mire H 1 10 etc. médecin.
mol suj. inox B I iâ.'i mou.
mon suj. sg. mes H I 196 etc.
monstrer fut. monsterrai II II i45
etc. ; mosterrons H II i65 etc. :
montrer.
mont B I 5 etc. ; monde 121 etc. :
monde.
monter B I 175, III n/j importer.
morir prés, muert II II 218.
mostier H I 116 église.
moût H I 02 etc. beaucoup, très.
mu H II 21G muet.
musart B III 162, i05 sot.
muse B II 3o musette.
naige B I 172 fesse.
navrer H II 4a blesser.
ne B I 4g etc. ni.
ne B III 38 etc. négation.
nef B I G7 navire. Voy. nés.
nel H II 81 ne le.
nenil H II i65 non.
nés H II 179 a deux sens : « ne: »
(qui est celui du passage) et « vais-
seau » (qui prépare le calembour
bateax). De même 19G « né » et
« vaisseau ».
net H 11 83 etc. net, pur.
nice B III 169 niais.
noblesce H I Gi chose tout-à-fait
éminente.
nîvelois II II n3 monnaie de Nivelle.
noient B I i3G, II 1G4 un rien du
tout.
noise H I 8 tumulte.
note B II 34 air de musique.
noumeement H I 175 etc. spécia-
lement.
nul suj. nus B III 26 etc. ; nului
B II 18 : nul. personne.
oan B I 9 cette année.
ocirre H I 129 tuer.
oignement H I i3o etc. onguent.
oil, suj. pi. œil H II 225; rég. elz
B II 11G; iex H I i46 : œil.
OÏl H II i65 ou/.
oïr B I 84 etc.; parf. déf. oy H I
110 ; fut. orra II I 112 etc. ; impér.
oeiz H I n 3 : entendu.
onbre H II 77 (?).
onques H II ; — mes B III iG4 :
jamais.
or, ore B I 8, 34 etc. maintenant ;
B I 28, 36, 37 etc. renforce l'exhor-
tation.
I2i4
GLOSSAIRE
orendrolt II NI '12 maintenant.
Orlenols H I 1G7 monnaie d'Orléans.
os B III 30 hardi.
oser subj. ost B III 37 oser.
paele B 1 n5 poêle.
pailletous B III 77 paillard.
paindre part. pas. painz B II 120,
peindre.
pais B III 129 silence.
palazine H I ig5 paralysie.
panele H 11 7G sorte d'herbe (?).
par B III 8/1, io3 etc. indique la
cause; — tant ni c'est pourquoi;
120 renforce l'adj.
parer H II 93 préparer.
paris! H I 167, Il m monnaie de
Paris.
parler prés, paroles B III i5 etc.
parler.
parolr priés, pert B II 164 paraître.
passion II II 98 souffrance, mal.
pastel II H 83 emplâtre.
pautonier B I 18 etc. queux, truand.
pel B III 137 peau.
pelori 15 III 119 pilori.
peser prés, poize H I 9 etc. peser.
pestel, pestau II II 7'i ; jieteil I
1 58 : pilon.
pesteler H II 73 piler.
petit B I iG'i peu.
petitet II 1 175 peu.
pié H III 62 etc. pied.
pieça H III 10 il y a longtemps.
pierre H I 101 maladie de la pierre.
piter H II i3G être pitoyable {?).
piteus H II i36, 137 pitoyable.
piz II 11 100, 228 poitrine.
plaire subj. pleùst B III 03.
planter B III 86, 89 mettre au pi-
lori (?).
plet, i'aux — B III 97 faux témoi-
gnage (?).
plommet H II 48 balle de plomb.
plorer fut. plouront II II 225 pleu-
rer.
poi H II 73 etc. ; pou I G4 etc. :
peu.
poille B III 43 pou.
poindre II 11 107 piquer.
pondre prés, ponent H I 48 pondre.
POOÏT prés, puet H I i5o etc. ; subj.
puist 162 etc. ; imp. peusse ig8
etc.; pooist II GG ; rond, porroie
io5 etc. : pouvoir.
por B III 17G, 177 exprime la cause;
B I 161, 176 au prix de; H II i58,
i5g en dépit de.
porcel rég. pi. porciaus B 111 55
porc.
porprendre H 1 1 1 5a saisir.
pot II II ig5 pot.
pourre H I 86 poussière.
prendre, panre H I 100 etc. ; fut.
prenra II 327: impér. prendez III
56, 07 ; subj. preigne I 201 etc. ;
imp. preïsse II no.
preu B III Isa hardi ; fém. preude
II II 7, 21 sage; au — de 1G3 au
bénéfice de.
preudom H II 6; preudons 20;
prudome B II 107; preudhomme
'i'i ; etc. homme de bien.
prisier B I 44; proisier II 74 :
estimer.
profire H II g3 préparer.
prone B II 24, n5 beau parleur.
provenisien II II 117 monnaie de
Provins.
prover (réjl.) prés, prueve B I 29
se montrer.
puis II I 187 puits.
put B III 99 vil.
quanques B I 35 etc. tout ce que.
quant ne por — H II i3r néan-
moins.
quar B I 164 etc. car 1,; 4, etc.
renforce l'exhortation.
quartainne II I G5 fièvre qui re-
vient tous les quatre jours.
quart H I 177 etc. quatrième.
quartier écu a — s B II 49 écu divisé
en quatre parties.
que H II 19. B II i58 car; III 79
alors que.
GLOSSAIRE
[20
quel, SU/, quiex B 1 07 etc. ; ré<j. pi.
quiex. 10 etc. ; fém. quel 100 etc.;
quel.
querre H I 28 etc. chercher.
qui, rég. cul II I ioo, 101 etc. (/ni;
B II loâ si on.
quinte H II 24 quatrième.
raconter B II 69 énumérer.
raim II II 98 rameau, brin, qu'on
peut traduire ici par : atteinte.
rains H II 177 a deux sens : « rein »
(qui est celui du passage) et «Reims »
(qui prépare le calembour Chaelons) .
rajovenir H II 58 rajeunir.
raviser B II 45 reconnaître.
rechignier H II 1J2 grincer.
reching H I 45 braiment.
recorder B 111 i4a rappeler.
recouvrer (réfl.) B I 109 se tirer
d'affaire.
recouvrîer B I 107 guérison, salut.
relieor suj. relierres B I 120 relieur
ou botteleur. Accompagné de nés
fait une bourde.
reonde H 1 54 ronde.
reont B I 83 rond.
repondre B III 1G8 cacher.
requérir B III G commander.
resambler (trans.) B 111 G5 etc.
reson B III 5 parole.
respasser H II 43 rétablir.
retraire B II 27 raconter.
ribaudie B III 3 mœurs de ribaud.
ribaut B III 4o, 73 etc. gueux,
ribaud.
ridolenz B III 70 hapax. Entendez :
ri-dolenz (affligé), qui fait calem-
bour avec ri-baut (joyeux) du même
vers.
rien B 111 i43 chose.
riote H I 79 plaisanterie.
roncin II I 170 cheval.
rote B II 33 sorte de harpe.
rotruenge B II m rotrouenge,
sorte de chanson.
routure H I io4, II 97 rupture.
TU II II 100, 228 écoulement.
ruyl H 1 87 rouille.
sain II I 80 etc. graisse.
saint, sainz II I 1.V1 etc. reli
des saints.
sairement II il a33 serment.
salteire 15 II 33 psallérion, instru-
ment à cordes frappées.
saner II II 43 guérir.
sarpe B I i3i serpe.
saut H II 188 subj. de sauver. La
liaison sautamis prépare le calem-
bour bluteax (voy. ce mot).
se H i i85 etc. si.
seigneor suj. seignerres B I u8
celui qui saigne.
seignier (réfl.) H I 14.") etc. se
signer.
sempres II II «o aussitôt.
sen B III 160 esprit, sagesse.
sens B III 32 etc. sagesse; par —
B II i3a de mémoire.
seoir II I 02 être situé; réfl. > et .
s'asseoir.
serjant B II 72, 88 homme de guerre.
seror B III 87 sœur.
seur II I i34 sur.
si H 1 9, 11, 44 etc. conj. de coordi-
nation; et si 68, irS etc. même
sens; bit, 12I1 ainsi; il III i/j aussi;
si corn B I G7, 71, 79 de quelle
façon ; annonce le 2* membre d'une
phrase ; H I i85, B III 118, etc.
siècle B I 12G etc. monde, vie.
sif 11 H 37 suif.
sirjant B l 139 etc. serviteur.
sirventois B 11 m serventois, sorte
de chanson.
sobitain, mort — ne II I i4'i mort
subite.
soissonnois II il iiâ monnaie
Soissons.
sorcot B III 91, 122 surcot, vête-
ment.
sord B III 5i sourd.
SOrdire B II u médire.
souflet H II i83 "<• fox.
sousprendre 11 m 5i surprendre.
I2Ô
GLOSSAIRE
stopace H I 37 topaze.
SUS H I 3/1 etc. sur.
tabar B III 83 manteau.
tant par — voy. par ; subst. B II 71
/°'s-
tantôt B I 55 etc. aussitôt.
tel stn*. teiz H I 118, i64; teil 170;
tel II i3i ; rég. pi. tex B II 9 etc. :
tel.
tellagon II I 38 pierre précieuse.
temples II II 178 a deux sens :
« tempes » (qui esl celui du passage)
et « Templiers » (qui prépare le
calembour liospitax).
tenir fut. tenra II II 227; a poi
se tient B I 160 il s'en faut de peu.
tere II III t8 taire.
termine II II i43 etc. moment.
terre H II 194 a deux sens: « terri-
toire » (qui est celui du passage) et
« matière terreuse » (qui prépare le
calembour poz).
terrien H 115, 3i terrestre,
tiers fém. tierce 11 II 16, 175 troi-
sième.
tinel B I [53 barre de bois.
tolir H III 127 enlever.
ton suj. tes B III 20 etc. ; fém. tcuc
87.
tonel H I 188 tonneau.
tor II II i.'io tour; Il 11 178 a deux
sens : « tour, détour » (qui est celui
du passage) et « tour, édifice » (qui
prépare le calembour chasteax).
tordre 111 106 faire souffrir.
tormal H H 7O sorte d'herbe (la-
quelle ?).
torner — en B III 32 se transfor-
mer en; — a B III 9, io5 être une
cause de.
tornois II 11 112 monnaie de Tours.
tortel rég. torteax B I n5 tourte,
gâteau.
tournoiement B II 55 tournoi.
tout plur. tuit H II 161 etc. ; rég.
toz III 20.
traire H I 129; II 2i5 etc. extraire.
travaillier II II i$i torturer.
trestoz H III 46 tout.
tribler II 111 05 broyer.
trop II I 3, 7'i etc. tout à fait.
truander B I 2G vivre en truand.
truant B III 4o vagabond.
truie jornee de — H I $$ journée
perdue (?).
uef rég. ués B 1 120 œuf.
ui II I 17"); liui III \ aujourd'hui.
vain ne II I 190 etc. veine.
valoir part. prés, vaillant B I 7 etc.
veneor suj. venerres H II 88 veneur.
venicien H II 118 monnaie de \e
nise.
venir parf. déf. ving II j II u-
venis B 1 i5i ; subj. viegne H 11 9
etc.; imp. venisse II I i32 etc.;
fui. i>as. venroie 166 etc.
ventoseor ventousierres B 1 rig
poseur de eentouses.
veoir veeiz H I 56 : veiz 58 etc. voir
vesniere II III Go anus.
vez II II i48 etc. voilà.
vieil fém. \ille H 1 85; plur. \icz
I! Il m ; subst. fém. B III 5i.
vilain B UI G7 rustre; I '40 grossier;
II III 28 mauvais.
vile II II 198 ville.
vint II 111 17G ]>as. déf. de venir
(qui est le sens du passage), signifie
aussi « vingt » (gui prépare le calem-
bour xxx).
vistement II II m vite.
voie tenir — 1! III 18.1 faire route.
voir B 1 i'i8; de — H I 4 vrai-
ment; voire B II 98 etc. vérité.
VOlage II 111 :i'i mobile.
voloir prés, vueil B I G9 etc. ; vnel
Il 15; velt 11 85; fut. vorra II II
232 ; fut. pas. vorroit B II io5 ;
part, voillant B III i46 : vouloir.
vuideor H 1 i5g celui qui vide.
yaue voy. aive.
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos VII
Le Privilège aux Bretons ,
La Paix aux Anglais, la Charte de la Paix aux Anglais, et la
Nouvelle Charte de la Paix aux Anglais 20
Les Dits de VHerberie 53
Les Deux bourdeurs ribauds 81
Table des noms propres contenus dans les Deux bourdeurs
ribauds n3
Glossaire 117
Vu,
Le i5 Octobre 1909.
Le Doyen de la Faculté des Lettres
de l'Université de Paris,
A. CROISET.
Vu ET PERMIS DIMPRIMER,
Le Vice-Recteur de l'Académie de Para,
L. LIARD.
ABBEVILLE
IMPRIMERIE F. PAILLART
Wà
/^JK
PQ Faral, Edmond
1385 Mimes français du
F3 XIIIe siècle
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PLEASE DO NOT REMOVE
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