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Full text of "Mimes français du 13e siècle; textes, notices et glossaire"

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MIMES  FRANÇAIS  DU  XIIIe  SIÈCLE 


DONATION    ALPHONSE    PEYRAT 


Ce  volume  a  été  publié  avec  l'aide  du  Jonds  spécial  mis  à  la  dispo- 
sition du  Collège  de  France  par  Madame  la  Marquise  Arconati  Visconti 
en  mémoire  de  son  père  Alphonse  Peyrat. 


ABBEVILLE.   —   IMPRIMERIE    F.    PA.ILLARI 


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(textes,  notices  et  glossaire) 

THÈSE     COMPLÉMENTAIRE 

Pour  le  Doctorat  es  lettres 
Présentée  à  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Paris 


Edmond      FARAL 

Ancien  élève  de  l'École  Normale  et  de  l'École  des  Hautes  Études 
Professeur  agrégé  de  l'Université 


I  SMS  VS 


PARIS    (VIe) 
LIBRAIRIE    ANCIENNE    HONORÉ    CHAMPION,    ÉDITEUR 

5,     Quai     Malacruais 


1910 


^3 


/ 


A    M.     Mario     ROQUES, 

DIRECTEUR-ADJOINT      A      L'ÉCOLE       DES       HAUTES-ÉTDDES, 

Hommage  affectueux  et  reconnaissant. 


AVANT-PROPOS 


Les  pièces  que  nous  avons  réunies  ici  ne  sont  pas 
inédites  :  presque  toutes  même  ont  été  publiées  plusieurs 
fois. 

Pourtant,  nous  n'en  avons  pas  de  texte  irréprochable. 
Celui  que  Jubinal  a  donné  du  Privilège  aux  Bretons  et  de 
la  Paix  aux  Anglais  est  fort  sujet  à  la  critique  du  double 
point  de  vue  de  l'exactitude  et  de  la  clarté  *  ;  celui  que 
Bartsch  a  donné  des  Deux  bourde urs  ribauds  a  le  tort  de 
ne  pas  être  établi  sur  tous  les  manuscrits  connus  et  de  ne 
pas  offrir  toutes  les  versions  du  poème2;  celui  que 
Kressner  a  donné  de  YHerberie  de  Rutebeuf,  à  peu  près 
satisfaisant,  a  le  défaut  d'être  imprimé  isolément 3  :  Jubi- 
nal ajustement  rapproché  de  cette  Herberie  un  boniment 
en  prose  et  un  boniment  en  vers,  qui  se  rapportent  au 
même  sujet  :  mais  son  édition  de  ces  deux  derniers  mor- 
ceaux est  établie  d'une  façon  très  défectueuse4.  —  Indé- 
pendamment des  questions  relatives  au  texte,  les  pièces 
que  nous  venons  de  mentionner  en  soulèvent  un  certain 

i.  \.  Jubinal,  Jongleurs  et  trouvères,  p.  52  ss.,  p.  170  ss. 
2.  Bartsch,  Langue  et  Littérature,  col.  609  (pièces  I  cl  II). 
3    Œuvres  de  Rutebeuf,  cd.  Kressner,  p.  n.">. 
4.  Œuvres  de  liutebruf.  éd.  Jubinal,  in-ia,  t.  III,  p.  183. 


VIII  AVANT-PROPOS 

nombre  d'autres  qui  n'ont  pas  été  examinées  avec  toute  la 
précision  désirable.  Elles  concernent  autant  les  sujets 
eux-mêmes  pris  dans  leur  ensemble  que  l'interprétation 
de  détail,  la  langue  et  le  vocabulaire. 

Pour  ces  différentes  raisons,  on  peut  penser  qu'une 
édition  isolée  ou  du  Privilège  aux  Bretons,  ou  de  la  Paix 
aux  Anglais,  ou  de  YHerberie,  ou  des  Deux  bourdeurs  ribauds, 
ne  serait  pas  tout  à  fait  inutile,  si  elle  comportait  un  texte 
sévèrement  établi,  un  groupement  complet  des  œuvres  se 
rattachant  à  un  même  sujet,  la  mention  des  faits  histo- 
riques ou  autres  capables  d'en  éclairer  la  lecture,  et  un 
glossaire  suffisamment  explicatif. 

Nous  entreprenons  cette  édition.  Mais,  n'osant  pro- 
mettre satisfaction  sur  tous  les  points  que  nous  avons 
énumérés,  nous  voudrions  surtout  poser  un  problème 
d'interprétation  littéraire  et  tâcher  de  déterminer  la  signi- 
fication de  pièces,  qui  ont  été  groupées  ici  autrement  que 
par  un  simple  caprice. 


* 
*   # 


Un  érudit  français,  M.  Emile  Picot,  a  signalé  depuis 
longtemps  déjà  la  vogue  qu'eut  au  xve  siècle  une  forme 
d'art  curieuse,  qu'il  a  appelée  le  monologue  dramatique. 
Un  monologue  dramatique  est  une  sorte  de  pièce  de 
théâtre,  pourvue  d'une  action,  mais  conçue  sur  un  plan 
restreint,  et  ne  comprenant  qu'une  scène  à  un  seul  per- 
sonnage. Toutefois,  il  arriva  que  «  pour  introduire  quelque 
variété  dans  les  monologues,  les  joueurs  de  farces  imagi- 
nèrent des  monologues  à  deux  personnages,  dans  lesquels 
les  interruptions  d'un  second  acteur   formaient  les  élé- 


AVANT-PROPOS  IX 

ments  du  comique,  ou  des  dialogues  à  un  seul  person- 
nage dans  lesquels  le  même  acteur  se  répondait  à  lui-même 
en  changeant  sa  voix  et  son  visage  ».  Si  bien  qu'il 
existe  des  monologues  simples,  et,  si  on  peut  dire,  des 
monologues  dialogues,  dont  M.  Picot  a  dressé  un  savant 
catalogue  '. 

Un  farceur  du  xve  siècle,  qui  s'y  est  exercé  et  qui  a  jugé 
à  propos  d'en  entretenir  le  public,  nous  a  laissé  sur  ce 
genre  quelques  renseignements  précieux.  C'est  un  certain 
Verconus,  à  la  fois  auteur  et  acteur,  qui  avait  écrit  et  qui 
jouait  une  pièce  singulière,  sorte  de  débat,  où  deux  avo- 
cats plaidaient  devant  un  juge  pour  et  contre  les  femmes. 
Ce  Verconus,  ayant  muni  son  œuvre  d'un  prologue,  fait 
l'éloge  de  son  talent  mimique.  Il  explique  comment  il 
excelle  à  contrefaire  toutes  sortes  de  types,  et,  à  l'occasion, 
plusieurs  simultanément,  inscrivant  à  son  répertoire 
aussi  bien  le  monologue  dialogué  que  le  monologue 
simple.  Il  énumère  d'abord  quelques-uns  des  rôles  qu'il  a 
appris  à  tenir  : 

Se  j'ay  de  fleurs  un  boucquelet, 
Frisquandinement  sur  ma  teste, 
Je  contrefais  le  nouvellet, 
Aussi  gay  que  ung  homme  de  feste. 

Se  j'ay,  en  bragardant  tout  beau, 
Dessus  le  poing  aucun  oyseau, 
Soit  ung  terselet  ou  lasnier, 
Je  suis  gentilhomme  nouveau  : 
Onque  on  ne  veit  tel  faulconnier. 

i.  Voy.    E.   Picot,   Le    monologue    dramatique    (Romama,    t.    \Y, 
p.  358  ss.  ;  t.  XVI,  p.  438  ss.  ;  t.  XVII,  p.  207  ss.). 


X  AVANT-PROPOS 

Se  je  trouve  une  mignonne 
A  deviser,  je  m'abandonne 
Luy  monstrer  une  gorge  ou  deux, 
Puis,  s'elle  en  veult,  je  luy  en  donne  : 
Je  contrefais  de  l'amoureux. 

Se  j'ay  ung  chaperon  a  fol 
Passé  au  travers  de  mon  col. 
Je  contrefais  le  bien  disant, 
Abondant  a  menuz  flajolz  : 
One  on  n'en  veit  de  si  plaisant. 

Se  j'ay  un  chaperon  de  dueil, 
Je  me  tourmente  a  moy  tout  seul, 
Je  pleure  et  me  tourmente  assez, 
En  souspirant  la  lerme  a  l'œil, 
Ainsi  que  amys  des  trespassez. 

Se  j'ay  une  chappe  a  docteur, 
Je  contrefays  de  l'orateur, 
Et  semble  a  veoir  a  ma  faconde 
Ung  très  noble  prédicateur, 
Estre  le  plus  grant  clerc  du  monde. 

Somme,  c'est  une  mer  parfonde  : 
De  mon  cas  je  sçay  faire  tout... 

Puis,  s'élevant  à  des  exercices  plus  difficiles,  il  promet 
de  représenter  à  lui  seul  une  pièce  entière,  qui  est  préci- 
ment Le  bien  et  le  mal  dit  des  dames,  et  où  il  tiendra  à  la 
fois  les  trois  rôles  des  deux  avocats  et  du  juge  : 

Nous  faindrons  cy  deux  Advocatz 
Et  un  Juge  premièrement 
Par  fourme  de  procédement, 


AVANT-PROPOS  XI 

Dont  l'ung  des  Advocatz  sera 

Mal-Embouché  qui  playdera 

Le  mal  qu'i  scet  aux  dames  estre, 

Et  l'autre  de  la  partie  dextre 

Sera  nommé  Gentil-Couraige, 

Deffendeur  a  leur  advantaige, 

Qui  soustiendra  de  grantz  biens  d'elles. 

Mais  il  y  a  bien  des  nouvelles, 

Car  vécy  la  chaire  et  refuge 

Ou  se  soirra  Monsieur  le  Juge, 

Lequel  premièrement  joueray  ; 

Et  puis  après  je  parferay 

Par  ordre  chascun  personnaige, 

Mal-Embouché,  Gentil-Courage, 

Comme  vous  verres  aux  pourchatz1. 

La  lecture  des  pièces  rassemblées  par  M.  Picot  et  celle 
du  prologue  de  Yerconus  donnent  l'idée  d'un  genre  litté- 
raire très  particulier,  qui  prend  place  entre  le  genre  nar- 
ratif et  le  genre  proprement  dramatique,  participant  à  la 
fois  de  l'un  et  de  l'autre,  mais,  au  total,  vraiment  indé- 
pendant, vraiment  original. 


Le  monologue  dramatique,  qui  fleurit  en  pièces  abon- 
dantes pendant  le  xve  siècle,  était-il  déjà  ancien  à  cette 
époque?  Il  semble  qu'on  puisse  l'affirmer,  puisque 
M.  Picot  mentionne  dans  son  catalogue  des  poèmes  datés 

i.  ^  oy.  cette  pièce  dans  Montaiglon  et  Rotschild,  Anciennes  poésies 
françaises,  t.  XI,  p.  176. 


XII  AVANT-PROPOS 

du  xiiic  siècle4.  Mais  il  n'en  cite  qu'un  nombre  infime,  et 
on  est  en  droit  d'en  conclure  ou  que  le  genre  n'avait  été 
jusque-là  que  froidement  accueilli,  ou  que,  d'oeuvres 
nombreuses,  quelques-unes  seulement  seraient  parvenues 
jusqu'à  nous.  C'est  cette  dernière  hypothèse  qui  est  la 
plus  autorisée.  Plusieurs  textes  du  xin°  siècle,  en  effet,  et 
même  de  plus  anciens,  semblent  bien  attester  déjà  alors 
l'existence  d'une  habileté  dramatique  très  semblable  à  celle 
de  Verconus. 

Une  épitapbe  latine,  écrite  par  le  mime  Vitalis  à  sa 
propre  mémoire,  nous  apprend  que  Verconus  n'était  pas 
sans  ancêtres.  Il  n'est  pas  possible  de  dire  exactement  à 
quelle  date  vivait  Vitalis  :  les  critiques  le  situent  entre  le 
ixe  et  le  xmc  siècle,  variant  beaucoup  dans  leurs  approxi- 
mations. Mais,  à  quelque  époque  qu'il  faille  le  placer, 
dans  les  limites  indiquées,  son  exemple  n'en  est  pas  moins 
intéressant  pour  l'histoire  de  l'art  qui  nous  occupe.  Vita- 
lis amusait  ses  contemporains  par  ses  «  transformations  », 
et  c'est  pourquoi  il  se  vante,  dans  sa  confession  funèbre, 
que  sa  mort  a  été  celle  d'innombrables  individus,  c'est-à- 
dire  de  tous  ceux  qu'il  avait  animés  : 

21   Ergo  quot  in  nostro  videbantur  corpore  forma?. 
Tôt  mecum  raptos  abstulit  atra  dies. 

Il  représentait  des  personnages  de  toute  espèce,  hommes 
et  femmes,  comme  il  prend  soin  de  le  rappeler  : 

19  0  quoties  imita  ta  meo  se  femina  gestu 
Vidit  et  erubuit  totaque  mota  fuit! 

1.  Voy.  Romania,  t.  XVI,  p.  £92  ss. 


AVANT-PROPOS  XIII 

Et  il  y  avait  dans  son  geste  une  telle  variété,  dans  sa 
voix  une  telle  souplesse,  qu'il  pouvait  remplir  à  lui  seul 
plusieurs  rôles  simultanément,  sans  qu'on  soupçonnât 
l'artifice  : 

i5  Fingebam  vultus,  habitus  ac  verba  loquentum, 
Ut  plures  uno  crederes  ore  loqui  *. 

Le  costume,  le  geste,  la  voix,  tel  a  toujours  été  le  triple 
objet  et  le  triple  moyen  de  l'imitation  dramatique.  Il  serait 
oiseux  de  s'attarder  à  montrer  qu'au  xme  siècle  comme  à 
toutes  les  époques  on  savait  user  du  déguisement  et  que 
tout  bon  acteur  soignait  ses  attitudes.  Mais  on  considérera 
avec  intérêt  l'importance  qu'on  attachait  alors  à  l'art  de 
la  voix,  et  les  textes  qui  y  sont  relatifs,  prouvent  que  le 
mime  à  plusieurs  personnages  joué  par  un  acteur  unique 
était  un  genre  classé.  Geoffroy  de  Vinsauf  explique  avec 
détail  dans  sa  Poetria  Nova  de  quelle  façon  il  convient  de 
gouverner  sa  voix  lorsqu'on  lit  une  pièce 2  ;  Jean  Balbi  de 
Gênes  considère  comme  le  devoir  essentiel  d'un  acteur  de 
savoir  changer  sa  voix  selon  les  personnages  qu'il  repré- 
sente 3  ;  et  voici  un  passage  bien  curieux  de  1'  «  argu- 
gument  »  du  Babio  :  «  Introducit  auclor  quinque  princi- 
pales personas,  quaeque  loquens  ad  se  invicem,  ut  coram 
videretur  sermo  haberi  tanquam  a  praesentibus,  et  ne 
ambiguitas  haberetur,  quae  persona  cui  loquitur4.  »  Grâce 

i.  Ce  texte  a  été  publié  par  Riese,  Anthologia  Latina,  t.  II.  p.  i^3. 
Voy.,  parmi  d'autres,  le  commentaire  de  W.  Cloetta,  Beitrâge  zur 
I  AU  eraturyeschichte  des  Miitclalters  und  Renaissance,  I,  p.  72  ss. 

2.  Vers  2024  ss.  (Leyser,  Historia  poetarum  medii  œvi). 

3.  Catholicon,  au  mot  persona. 

4.  Voy.  Chassang,  Des  essais  dramatiques  imités  de  l'antiquité, 
p.  i23.  Le  passage  cité  du  Babio  n'est  pas  une  preuve  directe  de  ce 


XIV  AVANT-PROPOS 

à  d'habiles  inflexions  de  voix,  un  même  acteur  pouvait 
donc,  nous  apprennent  les  contemporains,  jouer  à  lui 
seul  des  pièces  compliquées  et  où  se  mouvaient  des  per- 
sonnages nombreux. 


Ainsi,  à  en  juger  par  ces  quelques  témoignages,  le 
monologue  dramatique,  dont  M.  Picot  a  pu  réunir  de 
très  nombreux  exemples  pour  le  xve  siècle,  était  déjà 
ancien  à  cette  époque.  Il  reste  à  savoir  si  nous  n'avons 
pas  conservé,  pour  le  même  temps,  des  pièces  qui  appar- 
tiennent à  ce  genre.  Nous  le  croyons.  Nous  croyons  qu'il 
faut  considérer  comme  telles  la  Passion  d'Autun,  V Enfant 
et  l'Aveugle,  et  Courtois  d'Arras  ;  et  nous  faisons  aussi 
entrer  dans  la  même  catégorie  les  quatre  poèmes  qui  font 
l'objet  de  la  présente  édition1. 

Nous  ne  donnons  le  texte  ni  de  la  Passion  -,  que  M.  Roy 
a  étudiée  avec  une  grande  sagacité  ;  ni  celui  de  Y  Aveugle 
et  l'Enfant2,  dont  personne  n'a  jamais  méconnu  le  carac- 
tère dramatique;  ni  celui  de  Courtois  d'Arras  *,  que  j'ai 

que  nous  avançons  ;  mais  il  atteste,  en  recommandant  d'employer 
plusieurs  personnes,  que  l'usage  était  conti-aire,  et  que  1'  «  auctor  » 
pouvait  se  passer  du  concours  de  n'importe  qui. 

i.  M.  Picot  a  signalé,  sous  le  titre  de  l'Homme  qui  sait  tout  faire,  un 
poème  provençal  du  xin'  siècle,  de  Raimond  d'Avignon,  qui  présente 
les  caractères  du  monologue  dramatique  (voy.  Romania,  t.  XVI, 
p.  496).  Nous  ne  tenons  compte  ici  que  des  œuvres  en  langue  d'oïl. 

2.  Voy.  É.  Roy,  Le  Mystère  de  la  Passion  en  France  du  xive  au 
xvr'  siècle,  p.  4o*  (Revue  bourguignonne  de  l'Enseignement,  igo3). 

3.  Publié  par  P.  Meyer  (Jahrbùcher  fur  rom.  und  engl.  Literalur, 
t.  VI,  p.  i63). 

4.  Voy.  Bibliothèque  de  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  igo5,  n°  20, 
p.  i63  ss. 


AVANT-PROPOS  XV 

déjà  essayé  de  situer  littérairement.  Nous  remarquerons 
toutefois  que,  si  YHerberie  et  les  Deux  bourdeurs  ribaads 
appartiennent  au  genre  du  monologue  simple,  il  est  bien 
difficile  de  distinguer  de  Courtois,  par  exemple,  des 
poèmes  dialogues  à  la  façon  de  la  Paix  aux  Anglais  ou  de 
la  première  partie  du  Privilège  aux  Bretons. 

Nous  appelons  cet  ensemble  de  pièces  des  mimes,  d'un 
nom  qu'il  est  difficile  de  définir  dans  sa  généralité  en 
raison  des  objets  divers  qu'il  sert  à  désigner.  On  l'a  appli- 
qué à  des  danses,  où,  au  moyen  de  gestes  rythmés,  on 
exprime  des  sentiments  et  on  explique  le  développement 
d'une  action.  On  l'a  appliqué  à  des  scènes  du  même  genre, 
mais  où  le  geste  était  affranchi  de  la  cadence.  Il  s'agit  ici 
du  mime  littéraire.  Le  mime  littéraire  appartient  au 
théâtre.  Il  se  distingue  du  drame  proprement  dit  moins 
par  la  nature  des  sujets  que  par  la  façon  de  les  traiter  et 
de  les  représenter.  Son  objet  est  l'imitation  de  la  réalité 
parle  geste  et  par  la  voix,  sans  recours  aux  procédés  d'une 
mise  en  scène  complète  et  régulière.  On  verra  comment 
chacun  de  nos  poèmes  répond  à  cette  définition. 


LE  PRIVILÈGE  AUX  BRETONS 


INTRODUCTION 


Nous  imprimons,  sous  ce  titre  unique,  deux  pièces  ' , 
que  nous  avons  distinguées  en  les  numérotant  I  et  II.  — 
A  la  vérité,  le  manuscrit  qui  les  a  conservées  (Bibl.  Nat., 
fr.  837,  f6  190),  ne  fait  pas  cette  distinction  :  il  les  donne 
à  la  suite  l'une  de  l'autre,  immédiatement,  sans  insérer 
pour  la  seconde  de  rubrique  spéciale.  C'est  qu'en  effet, 
comme  on  le  verra  plus  loin,  elles  traitent,  selon  les 
mêmes  procédés  mimiques  et  en  présentant  les  mêmes 
personnages,  deux  sujets  tout  à  fait  voisins  et  qui  se  font 
logiquement  suite.  En  outre,  elles  se  ressemblent  singu- 
lièrement par  l'esprit  et  le  style,  au  point  qu'il  faut  sans 
doute  les  attribuer  à  un  même  auteur.  —  Mais,  ces  obser- 
vations faites,  il  faut  remarquer  aussi  que  les  deux  poèmes 
sont  de  structure  métrique  tout  à  fait  différente2,  et  que 

1.  Éditées  déjà  par  Jubinal,  Jongleurs  et  trouvères,  p.  02  ss. 

2.  La  pièce  I  est  écrite  en  strophes  monorimes  de  quatre  vers  dodé- 
casyllabiques.  Deux  de  ces  strophes  (v.  37  ss.  et  v.  65  ss.)  ont  cinq 
vers.  Je  ne  pense  pas  qu'il  faille  y  voir  la  preuve  que  le  poème  est 
altéré,  mais  simplement  le  signe  que  l'auteur  n'attachait  pas  une 
extrême  importance  au  détail  de  la  versification.  —  La  pièce  II  est 
d'une  structure  métrique  compliquée.  Elle  est  écrite  en  vers  de  huit 
et  de  quatre  syllabes  (ces  derniers  beaucoup  moins  nombreux)  qui 
se  mêlent  d'une  façon  tout  à  fait  irrégulière.  Toutefois,  les  vers  de 
quatre  syllabes  sont  toujours  isolés  (une  exception  au  vers  20).  La 


[\  LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS 

l'action,  engagée  dans  le  premier  et  poursuivie  dans  le 
second,  subit,  précisément  au  point  où  la  versification 
change,  un  arrêt,  une  interruption,  dont  il  est  impossible 
de  ne  pas  tenir  compte.  Aussi  considérons-nous  que 
nous  avons  affaire  à  deux  scènes,  qui  se  rapportent  à  une 
même  donnée,  mais  qu'il  faut  néanmoins  distinguer 
entre  elles. 


I 


La  première  est  vraisemblablement  une  œuvre  pari- 
sienne1. 

La  date  s'en  laisse  assez  facilement  déterminer,  au 
moins  d'une  façon  approximative.  Déjà  l'âge  du  manus- 
crit ne  permet  pas  qu'elle  soit  postérieure  au  xme  siècle, 
et  l'état  de  la  langue  prouve  qu'elle  n'est  pas  antérieure 
à  ce  même  siècle.  Mais  nous  pouvons  préciser.  L'action 
se  passe,  en  effet,  devant  le  tribunal  d'un  roi  de  France, 
qui  n'est  pas  nommé,  mais  dont  l'aïeul  (v.  76)  s'appelle 
Philippe  (v.  69).  Ce  Philippe  ne  saurait  être  que  Philippe 
Auguste,  et  son  petit-fils  est  Louis  IX,  sous  le  règne  duquel 
il  faut  placer  la  composition  du  poème.  Sous  ce  règne,  et, 
plus  précisément  encore,  au  commencement  de  ce  règne, 
au  moment  où  le  roi,  devenu  majeur,  gouverne  cepen- 
dant avec  le  conseil  de  sa  mère.  Ainsi  s'explique  que,  au 
début  de  son  rôle,  le  Breton  Yvon  appelle  la  bénédiction 
de  Dieu  à  la  fois  sur  le  roi  et  sur  la  «  roïn  greignor  » 
(v.  2).  La  reine  est  représentée  comme  prenant  à  l'admi- 

riine,  plate,  groupe  les  vers  par  deux,  par  trois,  par  quatre,  par 
cinq,  par  six.  11  est  remarquable  que  les  vers  de  quatre  syllabes 
introduisent  toujours  une  rime  nouvelle. 

1.  Elle  ne  pouvait  guère  intéresser  que  des  Parisiens,  et  l'allusion 
du  vers  68  à  Saint-Germain-des-Prés  est  peut-être  un  indice. 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  t> 

nistration  de  son  fils  une  part  importante,  et  c'est  sur 
son  intervention  que  les  Bretons  sont  censés  voir  confir- 
mer leur  privilège.  Il  résulte  de  là  que  la  pièce  a  dû  être 
écrite  entre  les  années  1286  et  1262,  qui  sont,  l'une,  celle 
où  Louis  IX  est  proclamé  majeur,  l'autre,  celle  où  meurt 
Blanche  de  Castille,  mère  de  ce  prince.  Il  est  naturel, 
d'ailleurs,  qu'on  songe  à  un  moment  plus  voisin  de  1236 
que  de  1202  ;  car  c'est  surtout  au  début  du  règne  de  son 
fils  que  la  reine  mère  exerça  son  influence1. 

La  donnée  mise  ici  en  œuvre  est,  par  elle-même,  assez 
bouffonne.  Un  Breton,  nommé  Yvon,  qui  coupait  du 
genêt  dans  la  forêt  pour  en  faire  des  balais,  a  été  malmené, 
ainsi  qu'un  de  ses  cousins,  par  un  sergent  forestier.  Il  va 
se  plaindre  au  roi  de  France  et  proteste  que  son  droit  a 
été  violé  :  car  les  Bretons  ont  obtenu  anciennement  du 
roi  Philippe  le  privilège  de  couper  les  genêts.  Et  le  roi 
actuel,  devant  qui  il  porte  ses  doléances,  confirme,  sur 
les  instances  de  sa  mère,  le  décret  de  son  grand-père 
Philippe-. 

Nous  concevons  qu'un  tel  sujet,  encore  amusant  à  notre 
goût,  ait  pu  égayer  les  contemporains.  Mais  il  nous  est 
difficile  d'estimer  le  rapport  qu'il  y  avait  de  cette  satire 
bretonne  à  la  réalité.  Si  les  Bretons  étaient  surtout,  à  Paris. 

1.  Selon  l'Histoire  littéraire  de  la  France  (t.  XXIII,  p.  423  ss.),  le 
Privilège  aurait  été  composé  vers  1204.  Il  se  rapporterait  aux  traités 
conclus  par  les  rois  de  France,  surtout  Philippe-Auguste  et  Louis  IX, 
avec  les  comtes  de  Bretagne,  plus  précisément  à  celui  que  Louis  IX 
passa  dès  ia34  avec  Pierre  Mauclerc,  vassal  redoutable;  et  il  serait 
une  moquerie  à  l'égard  des  Bretons,  parce  qu'ils  n'auraient  obtenu 
alors  que  des  avantages  dérisoires. 

2.  Le  morceau  est  presque  entièrement  dialogué  et  a  un  air  de 
drame.  Mais  quelques  formules  narratives,  telles  que  Breloni  loqui- 
tur  (v.  35),  Dist  li  rois  (v.  66),  etc.,  prouvent,  comme  il  était  d'ail- 
leurs facile  de  le  prévoir,  qu'il  n'était  pas  joué  par  plusieurs  acteurs, 
mais  par  un  seul. 

2 


6  LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS 

des  fabricants  de  balais, —  s'ils  étaient  réputés  pour  leur 
âpreté  à  défendre  leurs  intérêts,  même  les  moindres,  — 
s'ils  étaient  d'une  ignorance  orgueilleuse  (v.  67  ss.),  — s'ils 
avaient  déjà  un  sens  très  développé  de  la  généalogie  et 
s'ils  se  trouvaient  tous  cousins  entre  eux,  —  je  n'en  ai 
pas  trouvé  de  mention  ailleurs1. 

Pour  ce  qui  concerne  la  forme  proprement  dite  du 
poème,  nous  savons  un  peu  mieux  comment  les  vrais 
Bretons  avaient  accoutumé  de  parler  le  français.  A  nous 

i.  Il  semble  toutefois  qu'ils  n'aient  pas  été  très  sympathiques.  On 
en  peut  juger  par  les  propos  d'un  jongleur,  qui,  louant  la  généro- 
sité des  boulangers,  admire  qu'elle  aille  jusqu'aux  Anglais  et  aux 
Bretons  (voy.  Jubinal,  Jongleurs  et  trouvères,  p.  1A1): 

Et  li  Englès  et  li  Breton 

N'i  a  celui  n'en  ait  son  don. 

Il  devait  y  avoir  à  Paris,  à  la  date  où  fut  composé  notre  poème, 
une  colonie  de  Bretons  ;  mais  on  ne  peut  pas  tirer  du  texte  d'indica- 
tion certaine  sur  le  quartier  qu'elle  occupait.  Il  existait  sur  la  rive 
droite  de  la  Seine,  au  xmc  siècle,  un  emplacement  nommé  le  Champ- 
aux-Bretons  (voy.  Legrand,  Paris  en  1380,  p.  56,  n.  1),  où  passait  la 
rue  de  Lagny  ou  de  la  Grande-Bretonnerie  (voy.  F.  et  L.  Lazare,  Dic- 
tionnaire des  rues  de  Paris,  p.  168).  Je  note  en  outre  qu'il  existait  là 
une  rue  des  Balays,  mentionnée  en  i4o,5,  et  qui  allait  de  la  rue  du 
Roi-de-Sicile  à  la  rue  Saint- Antoine.  —  Sur  la  rive  gauche,  se  trouvait 
une  rue  de  la  Grande-Bretonnerie,  appelée  aussi  Ancienne- Br  étonner  ie, 
rue  aux  Bretons  et  rue  du  Puits  (Topographie  historique  du  vieux 
Paris,  Région  centrale  de  l'Université,  p.  31,  dans  l'Histoire  générale  de 
Paris).  Elle  tirait  son  nom  du  fief  de  la  Brelonnerie,  ainsi  que  la  rue 
de  la  Petite-Bretonnerie,  qui  en  était  toute  voisine.  Elle  était  proche 
de  la  porte  Saint-Jacques.  Si  c'est  dans  ce  quartier  que  l'auteur  de 
notre  poème  cantonnait  les  Bretons,  la  «  maison  bastilliée  »  dont  il 
parle  (II,  i3)  pourrait  être  une  maison  fortifiée  située  près  de  la  porte 
Saint-Jacques.  On  s'expliquerait  aussi  (II,  53)  la  mention  d'un  puits 
situé  devant  la  maison  de  Dam  Maurice.  La  rue  Saint-Hilaire  (H,  12 
Saint-Tillié  ?)  qui  coupait  la  rue  des  Carmes,  se  trouvait  dans  le 
même  quartier  (voy.  ouvrage  cité,  p.  335);  mais  je  n'y  trouve  pas  de 
rue  Saint-Pierre  (II,  12  Sainl-Pié?).  La  rue  de  Glatignies  (II,  5i)  était 
dans  l'île  de  la  Cité  ;  et  en  parlant  des  «  voisins  de  la  rue  de  Glati- 
gnies »  l'auteur  a  négligé  d'être  exact,  pour  faire  une  plaisanterie. 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  7 

en  tenir  à  celles  de  notre  pièce,  nous  notons  que  les 
incorrections  de  leur  langage  tiennent  à  des  particula- 
rités à  peu  près  constantes  :  confusion  de  Ye  et  de  l'i*  ;  des 
toniques  -ié  et  -é,  -ier  et  -er2;  apocope  de  Ye3  ;  confu- 
sion, à  l'initiale,  entre  a  et  e  devant  s -t-co/zs.4  ;  passage, 
à  la  finale,  de  g  à  eh5  ;  point  de  déclinaison  ;  fautes 
de  genre6;  fautes  d'accord7;  fautes  de  conjugaison8; 
confusion  de  personnes  9,  de  temps10,  de  modes11:  abus 
de  Yi  pléonastique12. 

1.  J'ai  cru  devoir  relever  ici  non  seulement  les  particularités  de 
langue  que  la  rime  et  le  mètre  permettaient  d'imputer  certainement 
à  l'auteur,  mais  aussi  celles  qui,  indiquées  par  la  seule  graphie,  sont 
néanmoins  trop  singulières  pour  être  attribuées  à  la  pure  fantaisie 
du  scribe.  Il  est  évident  que  celui-ci  s'est  attaché  à  noter  les  fautes  de 
prononciation  qu'il  convenait  de  faire  en  lisant  la  pièce,  si  on  dési- 
rait lui  conserver  son  caractère  : 

i  pour  e  :  25  Dinis  ;  26  dirais  ;  27  divis  ;  28,  75  chimis  ;  42  chivaler.  — 
e  pour  i  :  72  conferm  ;  67,  69  Phelip. 

2.  -ié  pour  -é  :  68  Prie:. er  pour  -ier  :  42  chivaler  ;  44  soler  ;  — 

-ier  pour  -er  :  67  parlier  ;  etc. 

3.  1  Frans,  compaingni,  tout;  2  roïn,  beneï ;  3  chevaleri  ;  4  mena, 
mi;  5  frer  ;  7 Bretaing  ;  8,  17 semaïns;  10  chos,  fer,  gest;  11  charest, 
best  ;  12  test  ;  etc.  On  peut  dire  que  l'apocope  de  Ye  est  la  règle. 

4.  22  asper  ;  23  apaule. 

5.  Rimes  des  vers  12-16. 

6.  1  la  roi  ;  5  ma  frer  ;  6  ma  pain  ;  9,  17,  21  la  bois  ;  9,  i5  la 
genest  ;  i3  son  best  ;  18  la  fis  ;  19  mon  çainlur  ;  22  la  forestier  ;  23  mon 
test  ;  20  mon  sarp  ;  etc.  Les  exemples  se  trouvent  à  chaque  vers. 

7.  19  ma  mains;  68  Vefbeneoit;  etc. 

8.  C'est-à-dire  confusion  entre  deux  conjugaisons  voisines  :  12  louez 
(lier)  ;  27  bâtez  (battre)  ;  28  tola  (tolutj  ;  29  render  (rendre)  ;  68  bis 
loliez  (loin)  ;  etc. 

9.  9,  i-G'i  alez  ;  11  fa  ;   12  G'i  louez;    16  sont  (est)  ;  29  fet  (fez)  ; 
43  vont  (va)  ;  76  tu  l'entendez  ;  etc. 

10.  12  porte  (portais)  ;  25  toloit  (tolut);  5g  fier  (ferit)  ;  etc. 

1 1.  i3  prenez  (prendre)  ;  22  truej  (trouvé);  29  mant  (mande)  ;  2$  fet 
(fasse)  ;  47  aler  (allait)  ;  52  porter  (portait)  ;  etc. 

12.  9,  17  G'i  alez;  10  Autre  chos  n'isaifer;  12  G'i  louez;  3i  Genlis 
hom  ni  doit  mi. 


8  LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS 

Il  apparaît,  à  ces  quelques  observations,  que  le  langage 
prêté  aux  Bretons  est  déformé  non  pas  au  hasard,  mais 
selon  des  procédés  assez  bien  déterminés,  et  qui  répon- 
dent, en  gros,  aux  renseignements  qu'on  a  sur  la  façon 
dont  les  Bretons  parlaient  le  français4. 

Nous  devons,  en  terminant,  signaler  le  grand  nombre 
des  noms  propres  dont  la  pièce  est  semée  et  qui  lui 
donnent,  ou  contribuent  à  lui  donner,  sa  couleur  bretonne. 
Au  reste,  tous  ne  produisent  pas  cet  effet  de  la  même 
manière.  Pour  ce  qui  est  des  noms  de  personnes,  il  y  en  a 
qui,  d'usage  courant  parmi  les  Français,  deviennent 
comiques  par  la  déformation  qu'ils  subissent  :  ainsi 
25  Diras,  67,  69  Phelip,  altérés  par  confusion  entre  e 
et  i  à  l'initiale  (voy.  p.  7  n.  1).  Il  y  en  a  d'autres,  qui,  bien  que 
portés  aussi  par  des  Français,  étaient  particulièrement 
répandus  en  Bretagne:  ainsi  8  Johan  ;  ^9  Hariot  (remar- 
quable parce  que  le  radical  Har-  y  remplace  le  radical 
français  Henr-,  comme  sur  tout  le  domaine  anglo-nor- 
mand). Enfin,  les  plus  nombreux  sont  proprement  bre- 
tons :  ainsi  3  Yvon  ;  18,  27  Guingan  ;  3o  Baduot,  Madugant; 


1.  M.  Richard  Reis  a  consacra  à  la  langue  du  Livre  du  bon  Jean  de 
Guillaume  de  Saint-André  (xiV  sièclej  une  étude,  où  il  mentionne, 
à  l'occasion  de  son  texte,  les  traits  qui  lui  paraissent  (comme,  en 
partie,  aux  critiques  qui  ont  examiné  des  textes  de  môme  prove- 
nance) caractériser  le  parler  breton  (Romanlsche  Forschungen,  1905, 
t.  XIX,  p.  76  ss.).  Il  relève,  dans  le  livre  de  Guillaume,  «  l'élision  de 
Ye  final,  même  devant  les  consonnes  »  (p.  84  ss.),  la  confusion  de  Ye 
et l'i  protoniques  (p.  90),  les  fautes  de  déclinaison  (p.  128)  et  de 
conjugaison  (p.  ia5).  Ces  particularités  ne  sont  pas  propres  au 
breton  (voy.  plus  loin,  la  Paix  aux  Anglais,  p.  35  ss.).  Mais  c'est  déjà 
quelque  chose  de  pouvoir  dire  qu'elles  se  rencontraient  dans  ce 
dialecte.  Dans  le  texte  du  Privilège,  seule  la  substitution  delà  finale 
-ach  à  la  finale  -âge  (v.  i3-i5)  parait  exclusivement  bretonne.  Au  fond, 
on  voit  que  l'analyse  des  procédés  linguistiques  employés  par  l'au- 
teur de  ce  poème  pour  «  faire  du  breton  »  tient  en  peu  de  lignes. 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  9 

4o  Guillo;  /ji  Tronio  ;  45  Loquiaus;  65  Riolen;  66  Mornesi. 
Pour  ce  qui  est  des  noms  de  lieu,  on  peut  remarquer 
l'apocope  de  Ye  dans  Bretaing  (v.  7),  et  le  calembour  de 
Saint-Germain-des-Priez  (v.  67).  J'avoue  n'avoir  pu  iden- 
tifier ceux  de  :  42  Plegalo  (Pleucadeuc  ?)  ;  47  Chariaus  ; 
49  Marier;  5o  Margier  ;  53  San-Giron  (SaiiU-Chéron?). 


II 


La  seconde  scène  du  Privilège  aux  Bretons  a  sans  doute 
la  même  origine  que  la  première,  c'est-à-dire  qu'elle  a  dû 
être  composée  par  le  même  auteur  et  vers  la  même 
date.  Du  moins  peut-on  remarquer  qu'elle  a  été  destinée, 
elle  aussi,  au  public  parisien  j  ;  qu'il  y  figure  plusieurs 
des  personnages  nommés  dans  l'épisode  précédent  2  ; 
qu'il  y  réapparaît,  enfin,  les  mêmes  traits  de  satire  et  les 
mêmes  procédés  de  déformation  linguistique  que  nous 
avons  indiqués  plus  haut  :  tous  arguments  qui  ne  sont 
pas  péremptoires,  mais  qui,  étant  donné  le  voisinage  des 
deux  scènes  dans  le  manuscrit,  acquièrent  une  certaine 
force. 

Nous  devons  signaler,  toutefois,  que,  outre  la  différence 
métrique,  les  deux  scènes  en  présentent  une  autre  :  c'est 
que  la  seconde  est  coupée  par  des  parties  narratives 
beaucoup  plus  nombreuses  et  plus  longues  que  la  pre- 
mière ;  et  de  plus,  on  y  remarque,  au  point  de  vue  de  la 
conduite  de    l'action,   des   obscurités,  des  incohérences, 

1.  Voy.,  au  vers  36,  la  mention  de  l'église  Saint-Sulpice,  et,  au 
vers  5i,  celle  de  la  rue  de  Glatignies. 

2.  Yuon  I,  5  ;  II,  83  ;  Johan  I,  8  ;  II,  72  ;  Tronio  I,  4i  ;  II,  i38  ; 
Hariot  I,  49  ;  II,  4g  ;  Riolen  I,  65  ;  II,  90. 


IO  LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS 

qu'il  est   difficile  de  résoudre.   Celui    qui   parle   est  un 
Breton  et  voici  ce  qu'il  raconte  :  Une   «  Madam  de  Sens 
d'Argen  »  a  adressé  à  tout  son  «  baronail  »  un  message  où 
elle  convoque  ses  gens  pour  le  lendemain,  leur  annonçant 
qu'elle  apporte  du  roi  de    France    le    privilège  pour  les 
Bretons  de  faire  les  balais  et  de  curer  les  fosses  (v.  1-28). 
Les  Bretons  jurent  que  nul  ne  leur  enlèvera  le  parchemin 
royal  (v.  29-40).  Mais  à  qui  en  confier  la   garde  ?  Dam 
Maurice  convoque  ceux  de  sa  famille  et  ses  amis  (v.  4i-53), 
qui  décident  de   remettre   le  privilège  entre   ses  mains 
(v.  54-59).  Mais  Messire  Guillaume  veut  que   chacun  le 
détienne  à  son  tour  (v.  6o-65).  Une  altercation  s'en  suit 
entre  Jacques  de  Saint  Calons,  maître  Jean,  dam  Jacques 
Baduccoem  (v.  66-80).  La  querelle  tourne  mal,  et  on  se 
bat,  sans  qu'il  soit  possible  de  distinguer  (peut-être  est-ce 
un  dessein  comique  de  l'auteur)  le  parti  des  combattants 
(v.  81-96).  Maître  Maurice  intervient  et  les  apaise  (v.  97- 
tii).  Il  affirme  sa  résolution  de  ne  pas  laisser  enlever  aux 
Bretons  leur  privilège  (v.    1 12-120).  Maurice,   d'ailleurs, 
est  de  bonne  foi,  comme  le  prouve   sa  conduite  ;  car  il 
est  allé  à  Rome  obtenir  confirmation  du  privilège  (v.  121- 
127)  ;  mais   ici  la  suite  des  événements  devient  incohé- 
rente ;  et  en  effet,  dans  le  récit  de  la  démarche  faite  auprès 
du  pape,  Maurice  disparaît  et  c'est  un  certain  Hardouin 
qui  porte  la  requête  des  Bretons  (v.  128  ss.). 

On  le  voit,  il  y  a  dans  cette  pièce  plusieurs  obscurités. 
Mais  peut-être  apparaissaient-elles  moins  au  spectateur, 
quand  la  scène  était  jouée  devant  lui  par  un  acteur.  Alors, 
il  ne  songeait  pas  à  se  montrer  trop  difficile  sur  la  con- 
duite et  le  plan  de  l'œuvre.  Il  ne  cherchait  pas  trop  à  com- 
prendre. Il  se  contentait  du  gros  rire  qui  le  prenait  à  voir 
le  mime  gesticuler,  crier,  représenter  à  lui  seul  la  querelle 
de  dix  hommes,  éclabousser  son  public  de  plaisanteries, 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  I  I 

de  calembours,  de  barbarismes  comiques  et  de  noms  gro- 
tesques i. 

i.  Plus  encore  ici  que  dans  la  première  scène  les  noms  propres 
abondent.  Ils  donnent  lieu  aux  mêmes  observations  que  plus  haut 
(voy.  p.  8  s.).  Parmi  les  noms  de  personnes,  les  uns  se  portaient 
dans  l'Ile-de-France,  mais  étaient  très  répandus  en  Bretagne  :  35, 
4i,  etc.  Moris  ;  47,  82,  89,  107,  Daniel;  49  Hario  (Henri) ;  60  Gaillaum  ; 
66,  73,  81,  i34  Jctc  ;  72  Jehan.  Les  autres  sont  spécialement  bretons  : 
3,  i34  Bruan,  Brian;  29  Trugalet  ;  35,  48  Guiomar  ;  47  Morveni, 
91  Morvenic;  48  Guilgemi;  49  Juquiau  ;  73  (?),  137  Bodigant  ;  88  Tragel  ; 
90  Riolan,  Hernisiau  ;  102  Lagado;  i35  Morgain  ;  i38  Tronio,  Morven  ; 
iSq  Guigenninc,  Contraguel  ;  i4o  Boniquel.  —  Quant  aux  noms  de 
lieux,  il  y  en  a  plusieurs  qui  ne  fournissent  pas  matière  à  observa- 
tions bien  importantes  :  ainsi  17  Frans,  123  Rom,  5i  Glatingnis, 
noms  français,  où  il  n'y  a  guère  à  relever  que  l'apocope  de  l'e. 
D'autres  sont  des  déformations  plaisantes  de  noms  français  :  ainsi 
36  Saint-Souplis,  et,  probablement  tels,  12  Saint-Pié,  Saint-Tillié.  Les 
autres  sont  des  noms  bretons  :  4  Cornuail  ;  20  Gaillec  ;  20  Champer 
(Qnimper  ?)  ;  i34  Compalê  (Quimperlè  ?)  ;  dont  plusieurs  sont 
difficiles  à  identifier:  ainsi  2  Saint  Bragen;  46  Galo,  Tragel; 
66  Saint-Calons.  —  Il  est  clair  que  l'auteur  s'est  amusé  et  qu'il 
a  voulu  amuser  son  public  en  faisant  sonner  à  son  oreille  une 
profusion  de  noms  étrangers. 


LE    PRIVILÈGE    AUX     BRETONS 

B.  N.,  fr.  837,  f°  igo'-igi*. 


[Yvon] 
Diex  gart  la  roi  de  Frans  et  tout  sa  compaingni, 
Et  la  roïn  greignor,  que  Diex  la  beneï, 
Et  trestout  son  barnail  et  sa  chevaleri, 
[\  Et  tout  sa  menu  gent,  que  je  ne  connois  mi. 

Sir,  jou  ai  non  Yvon,  et  ma  frer  Rumalan  ; 
Yostre  hom  sui,  et  gaaing  ma  pain  a  grant  ahan. 
Je  me  ving  de  Bretaing  bien  a  passé  oit  an. 
8  N'i  a  que  .III.  semains,  dénier  la  saint- Johan, 

G'i  alez  a  la  bois  coper  de  la  genest  : 
Autre  chos  n'i  sai  fer,  ne  nus  hom  de  ma  gest. 
N'i  a  point  de  charest,  ni  chevaul,  n'autre  best  : 
12  G'i  louez  ma  fessiaus,  si  porte  seur  ma  test. 

Traduction.  —  Il  est  bien  entendu  que  je  donne  ici  un  simple  guide 
et  que  cette  traduction  ne  prétend  pas  rendre  le  texte  avec  tout  son  sens . 

Yvon: Dieu  garde  le  roi  de  France  et  toute  sa  compagnie,  —  et  la 
reine  mère  que  Dieu  la  bénisse,  —  et  tous  ses  barons  et  cheva- 
liers, —  et  toute  sa  menue  gent,  que  je  ne  connais  pas. 

Sire,  j'ai  nom  Yvon,  et  mon  frère  Rumalan  ;  —  je  suis  votre 
homme  et  je  gagne  mon  pain  à  grand  effort.  —  Je  suis  venu  de 
Bretagne  il  y  a  bien  huit  ans.  —  Il  n'y  a  que  trois  semaines, 
avant  la  Saint-Jean, 

j'allais  au  bois  couper  du  genêt  :  —  je  ne  sais  faire  autre  chose, 
ni  personne  de  ma  famille.  —  Je  n'ai  point  de  charrette,  ni  de 
cheval,  ni  d'autre  bête  :  — je  lie  mon  fagot  et  le  porte  sur  ma  tête. 

Pour  les  déformations  de  mots  et  autres  particularités  qui  ne  seront 
pas  signalées  ici,  voy.  l'Introduction. 


14  LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS 

Je  n'alez  mi  au  bois  prenez  son  best  sauvach, 
Ni  coper  sa  gros  chens,  ni  fer  autrui  domach, 
Mes  coper  la  gênés  :  ce  est  tout  mon  usach, 
16  Et  si  sont  la  droitur  a  trestout  mon  lingnach. 

G'i  alez  a  la  bois  n'i  a  que  .II.  semains, 
Entre  moi  et  Guinguan  la  fis  dame  Glegens, 
La  sarp  a  mon  çaintur  et  mon  mouffle  en  ma  mains, 
20  Et  en  ma  chaperons  .1.  maailli  de  pains. 

Quant  je  fu  a  la  bois,  et  mon  buis  fu  copez, 
La  forestier  m'a  truef  ;  si  a  tret  son  asper, 
Et  a  batu  mon  test,   l'apaule  et  le  coster, 
2/4  Si  que  mes  deus  semains  n'i  a  jor  de  santer. 

Encor  me  toloit  il  mon  sarp,  por  saint  Dinis, 
Qui  m'i  cota  enten  .1111.  sot  et  dimis  ; 
Et  Guigan  ma  cousin  fu  bâtez  a  divis, 
28  Et  se  li  tola  on  sa  cot  et  son  chimis. 

i3.  Le  ms.  donne  :  Le  nalez. 

Je  n'allais  pas  au  bois  y  prendre  les  bêtes  sauvages,  —  ni  cou- 
per les  gros  chênes,  ni  faire  tort  à  autrui,  —  mais  couper  le 
genêt  :  c'est  ma  seule  habitude  —  et  c'est  le  droit  de  tout  mon 
lignage. 

J'allais  au  bois  il  n'y  a  que  deux  semaines,  —  moi  et  Guingan 
le  fils  de  dame  Glegens,  —  la  serpe  à  la  ceinture  et  mes  moufles 
à  la  main,  —  et,  dans  mon  chaperon,  pour  une  maille  de  pain. 

Une  fois  au  bois,  quand  mon  buis  a  été  coupé,  —  le  forestier 
m'a  trouvé  ;  il  a  tiré  son  épée,  —  et  m'a  frappé  la  tête,  l'épaule 
et  le  côté,  —  de  telle  manière  que,  plus  de  deux  semaines,  je 
n'ai  eu  un  jour  de  bonne  santé. 

En  outre  il  m'a  enlevé  ma  serpe,  par  saint  Denis,  —  qui  m'a 
coûté  l'an  dernier  quatre  sous  et  demi  :  —  et  Guingan  mon 
cousin  fut  battu  à  souhait,  —  et  on  lui  enleva  sa  cotte  et  sa 
chemise. 

17.  Il  faut  remarquer  qu'il  a  dit  plus  haut  «  trois  semaines  »  (v.  8). 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  10 

Biaus  sir,  porDieu  merci,  fet  nous  render  nos  gach, 
Ou  mant  que  ta  serjant  ne  nous  fet  plus  outrag. 
Gentis  hom  n'i  doit  mi  avoir  mauves  cora°- 
32  Qui  tolast  aus  Bretons  ne  droitur  n'eritag. 

[Le  Roi] 
Se  c'est  vostre  eritage,  je  vous  plevis  et  jur 
Quejane  le  perdrois,  soiez  en  asseùr  ; 
Et  se  droit  n'i  avez,  il  me  seroit  trop  dur 
36  Que  je  le  vous  lessaisse.  (Bretoni  loquitur). 

[  Yvon] 
36a  Biaus  sir,  je  vous  afi  que  c'est  notre  eritag. 

[Le  Roi] 
Qui  set  ce  ?  fet  li  rois.   Avez  vos  nul  garant 
Par  quoi  vos  le  provez  ? 

\Yvon] 

Oïl,  plus  de  quarant. 

[Le  Roi] 
Nommez  les  ! 

Beau  sire,  pour  la  grâce  de  Dieu,  fais-nous  rendre  nos  gages,  — 
ou  ordonne  que  tes  sergents  ne  nous  fassent  plus  d'outrages.  — 
Un  gentilhomme  ne  doit  pas  avoir  assez  mauvais  cœur  —  pour 
enlever  aux  Bretons  leur  droit  et  leur  héritage. 

Le  roi:  Si  c'est  votre  héritage,  je  vous  promets  et  jure  —  que  vous 
ne  le  perdrez  jamais,  soyez-en  assuré  :  —  et  si  vous  n'y  avez  droit, 
il  me  serait  trop  dur  —  de  vous  le  laisser  (Il  parle  au  Breton). 
Yvon:  Beau  sire,  je  vous  affirme  que  c'est  notre  héritage.  —  Le 
roi  :  Qui  le  sait  ?  fait  le  roi.  Avez-vous  un  garant  —  pour  le 
prouver?   Yvon  :  Oui,  plus  de  quarante.  -  Le  roi  :  >îommez-les. 

33.  Le  roi  et  ceux  de  sa  cour  parlent,  naturellement,  un  français 
correct.  — 36.  Bretoni  loquitur,  formule  narrative  qui  se  rapporterait 
à  ce  qui  précède,  si  on  considère  Bretoni  comme  un  datif.  Peut-être 
faut-il  entendre  Bretone  «  il  parle  en  breton  »,  et  c'est  alors  la 
réponse  du  Breton  qui  est  annoncée. 


l6  LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS 

[  Yvon] 

Volontier  :  Baduot,  Madugant, 
ko  Et  sa  filz  dan  Guillo.  et  sa  per  dan  Morant. 

Connoissc  tu  bien,  sir  ?  et  sa  fier  Tronic-  ? 
Sa  per  fu  chivaler  et  sir  de  Plegalo. 
Quant  il  vont  a  la  bois,  s'il  pluet  ou  il  fet  bo, 
[\k  Si  portoit  il  tozjors  sa  soler  a  son  col. 

Connoisse  tu  .1.  autre,  qui  a  non  dan  Loquiaus  ? 
Enten  au  cuer  d'aost,  quant  il  venoit  de  biaus, 
Il  aler  chascun  jor  en  forest  de  Chariaus, 
48  Et  porter  a  son  col  et  genest  et  fessiaus. 

Et  ma  sir  Hariot,  le  provost  de  Marier  ? 
Il  fu  cousin  germain  l'evesque  de  Margier. 
Il  aloit  a  la  bois,  il  n'ot  c'un  avantier, 
52  Et  porter  a  son  col  et  genest  et  feuchier. 


Yvon:  Volontiers  :  Baduot,  Madugant,  —  et  son  fils  dan  Guillot, 
et  son  père  Morant. 

Les  connais-tu  bien,  sire  ?  et  sa  fille  Tronio  ?  —  Son  père  était 
chevalier  et  sire  de  Plegalo.  —  Quand  il  allait  au  bois,  s'il 
pleuvait  ou  s'il  faisait  beau,  —  il  portait  toujours  ses  souliers  à 
son  cou. 

En  connais-tu  un  autre  qui  a  nom  dan  Loquiaus  ?  —  L'an  passé, 
au  cœur  d'août,  quand  il  faisait  beau,  —  il  allait  chaque  jour 
dans  la  forêt  de  Chariaus  (?),  —  et  portait  sur  son  cou  du  genêt 
et  des  fagots. 

Et  messire  Henriot,  le  prévôt  de  Marier  ?  —  Il  était  cousin  ger- 
main de  l'évêque  de  Margier  —  Il  allait  au  bois  ;  il  n'avait 
qu'un  sabot,  —  et  il  portait  sur  son  cou  du  genêt  et  de  la 
fougère. 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  17 

La  prooir  San-Giron  disoit  qu'en  son  parrois 
Il  i  a  bien  sinquant  qui  fesoit  les  balois, 
Et  portoit  chascun  jor  la  gênés  de  la  bois  ; 
56  Ne  nui  hom  il  n'i  a  qui  en  fesoit  la  vois. 

Mes  la  bon  roi  Phelip,  cui  Diex  bon  merci  faz, 
N'avoit  mi  cur  que  nous  de  la  bois  nous  en  chas 
Por  cueillir  la  gênés,  ne  ne  fier,  ne  manas. 
60  Diex  qui  est  rois  de  gluir  li  en  rende  la  gras  ! 

Encor  nous  dona  il  previleg,  le  bon  sir, 
Que  nus  hom  n'a  pooir  nostre  usag  contredir. 
Vez  ci  le  previleg  :  se  tu  veus,  fai  le  lir. 
64  Li  bibl  sont  d'un  frommag  qui  est  plus  jan  que  cir. 

[Le  Roi,  à  Riolen] 
Dist  li  rois  :  Riolen,  vous  meïsmes  lisiez, 

53.  Le  ras.  porte  proir. 

Le  prêtre  de  Saint-Giron  disait  que,  dans  sa  paroisse,  —  il  y 
avait  bien  cinquante  [Bretons]  qui  faisaient  des  balais,  —  et  qui 
portaient  chaque  jour  du  genêt  des  bois  ;  —  et  il  n'y  avait  nul 
homme  qui  en  élevât  la  voix  (s'en  plaignit). 

Mais  le  bon  roi  Philippe,  à  qui  Dieu  donne  sa  merci  !  —  n'avait 
souci  de  nous  chasser  du  bois  —  à  cause  du  genêt  que  nous 
cueillions,  et  il  ne  nous  frappa,  ni  menaça.  —  Dieu  qui  est  roi 
de  gloire  lui  en  rende  la  grâce  ! 

11  nous  donna  encore  ce  privilège,  le  bon  sire,  —  que  nul 
homme  ne  pourrait  s'opposer  à  nos  habitudes.  —  Voici  le  pri- 
vilège :  si  tu  veux,  fais-le  lire.  —  Le  livre  est  d'un  (un  mot  inin- 
telligible) qui  est  plus  jaune  que  cire. 

Le  roi  dit  :  Riolen,  lisez  vous-même,  —  car  vous  semblez  être 

57.  Il  s'agit  de  Philippe-Auguste.  —  64.  Li  bibl,  c'est-à-dire  le  par- 
chemin, frommag  me  paraît  inexplicable.  —  65.  Le  roi  s'adresse  à 
Riolen  comme  si  c'était  lui  qui  venait  de  parler  :  «  vous  meismes 
lisiez  ».  Pourtant  le  précédent  interlocuteur  se  nommait  Y  von  (v.  5). 


10  LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS 

Quar  bien  resamblez  cstre  bons  clers  et  bien  proisiez. 

[Un  Breton] 
Voire,  dist  Mornesi,  il  saura  bien  parlier  ; 
68  L'ef  beneoit  aura  de  Saint  Germain  des  Priez, 
Si  que  mes  de  cest  siècle  ne  li  sera  toliez. 

[Riolen,  lisant] 
«  Li  rois  Phelip  de  Fran  niant  a  toz  sa  droitur 
«  Que  il  dont  aus  Bretons,  ce  dist  cest  escriptur. 
«  La  gênés  de  la  bois,  l'usach  et  le  droitur, 
72   c  Et  a  toz  jors  conférai,  et  voit  et  asegur. 

«  Se  nus  hom  veut  aler  contre  ceslui  franchis, 
«  11  commant  que  de  lui  sera  fet  tel  juys, 
«  Que  il  perdra  la  cot,  la  brai  et  la  chimis.  » 
76  Sir,  tu  rentende7  bien,  que  ça  lettre  devis. 


bon  clerc  et  fort  estimable.  —  Un  Breton  :  Certes,  dit  Mornesi, 
il  saura  bien  parler;  —  il  aura  l'eau  bénite  de  Saint-Germain- 
des-Prés,  —  sans  que  jamais,  de  tout  ce  siècle,  elle  ne  lui 
soit  enlevée. 

Riolen  :  «  Le  roi  Philippe  de  France  fait  savoir  à  tous,  —  qu'il 
donne  aux  Bretons  le  droit,  dit  cet  écrit,  —  de  se  servir  du 
genêt  des  bois,  —  et  il  le  confirme  et  assure  à  jamais. 

Si  quelqu'un  veut  aller  contre  cette  franchise,  —  il  commande 
qu'il  soit  fait  de  lui  telle  justice,  —  qu'il  perde  sa  cotte,  ses 
braies  et  sa  chemise.  »  —  Sire,  vous  entendez  bien  ce  que  sa 
lettre  prescrit. 

68.  «  Il  aura  l'eau  bénite  de  Saint-Germain-des-Prés...  »  C'était 
aux  clercs  pauvres  qu'on  accordait  le  «  bénéfice  de  l'eau  bénite  ». 
c'est-à-dire  le  privilège  rémunérateur  d'asperger  d'eau  bénite  les 
fidèles  et  leurs  maisons.  Riolen  est  si  bon  clerc,  au  dire  de  son  ami. 
qu'il  obtiendra  le  bénéfice  en  question  pour  lui  seul  et  pour  la  vie 
dans  toute  la  paroisse  de  Saint-Germain. 


LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS  19 

[La  Reine,  au  Roi] 

Biaus  filz,  se  vostre  ael,  dont  dame  Diex  ait  l'ame, 
Lor  dona  ceste  chose,  n'en  accueilliez  ja  blasme. 
Poi  vaut  :  quitez  la  leur,  getez  vos  de  l'ifame. 

[Le  Roi,  à  la  Reine] 

80  Et  dont  a  dit  li  rois  :  Je  m'i  acortbien,  dame. 
C'est  voirs  que  ceste  chose  ne  vaut  mie  granment  : 
Je  leur  abandoing  bien,  et  cuit  outreement. 

[Y von,  au  Roi] 

Diex,  qui  fist  tout  le  mont,  le  gueredon  t'en  rent, 
84  Et  t'en  croisse  ton  ter,  et  t'onor,  et  ton  rent  ! 

77.  Le  ms.  donne  aer,  qui  serait  une  forme  étrange  si  elle  était 
employée  par  la  reine.  La  correction  ael,  paléographiquement  jus- 
tifiée, me  paraît  satisfaisante.  —  78.  Le  ms.  donne  Vos  au  lieu  de  Lor. 
Je  ne  vois  pas  qu'il  y  ait  un  sens  à  tirer  de  ce  vers,  si  on  ne  se 
résout  pas  à  le  corriger. 

La  reine  au  roi  :  Beau  fils,  si  votre  aïeul,  dont  Dieu  ait  l'àme  !  — 
leur  donna  ce  droit,  ne  vous  faites  pas  blâmer  pour  cela.  — 
C'est  peu  de  chose  :  abandonnez  le  leur,  et  ne  faites  pas  mal 
parler  de  vous.  —  Et  le  roi  dit  :  J'y  consens,  madame. 

Il  est  vrai  que  cela  ne  vaut  pas  grand'chose  :  —  Je  le  leur  aban- 
donne bien,  et  le  leur  laisse  sans  réserves.  —  Yvon  :  Dieu,  qui 
a  fait  tout  le  monde,  t'en  donne  récompense,  —  et  accroisse  ta 
terre,  ta  gloire  et  tes  revenus  ! 


II 

B.  N.,  fr.  837,  f°  igi'-f*  191  v° 


Li  madam  de  Sens  d'Àrgen, 
De  la  contré  de  Saint  Bragen, 
Qui  fu  cousin  la  cont  Bruan 
De  Cornuail, 
5    Si  salu  tout  son  baronail, 

Et  mandez  qu'il  venez  sanz  fail, 
Demain  matin  a  l'ajornail  : 

«  Seignor  baron,  que  Diex  vous  voi  ! 
Fêtes  grande  fest  et  grant  joi. 
10    Et  venez  tost  a  la  monjoi, 
Encontre  gié, 
Par  la  ru  Saint-Pié,  Saint-Tillié, 
Jusque  la  mcson  batillié, 
Grant  joi  fesant. 
i5   J'aport  du  roi  .1.  indulgent 

Madame  de  Sens  d'Àrgen  -  de  la  contrée  de  Saint- 
Bragen,  —  qui  est  cousine  du  comte  Bruan  —  de  Gor- 
nouailles,  —  salue  tous  ses  barons,  —  et  leur  mande 
de  venir  sans  faute  —  le  lendemain  matin  au  point  du 
jour  : 

«  Seigneurs  barons,  que  Dieu  vous  conduise  !  —  faites 
grande  fête  et  grande  joie,  —  et  venez  vite  en  foule  — 
devant  moi,  —  par  la  rue  Saint-Pierre  (?)  et  Saint- 
Hilaire  (?),  — jusqu'à  la  maison  fortifiée,  —  en  faisant 
grande  joie.   —  J'apporte  une  indulgence  du  roi  — 

1.  Le  vers  est  faux.  Il  n'est  guère  possible  de  le  rétablir  sûrement. 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS  21 

Qui  fus  lis  ier  en  audient, 

Que  nus  ne  puet  par  toute  Frans 

Le  balai  fer, 
Se  il  ne  sont  de  nostre  afer, 
20   Ou  de  Gaillé  ou  de  Champer. 
Que  bien  dire  os, 
Encor  i  a  .1.  autre  chos 
Dedenz  le  parchemin  enclos  : 
Que  nus  ne  doit  ovrerla  fos, 
25  S'il  n'est  Bretons. 

Ce  est  la  som, 
De  par  l'apostoire  de  Rom, 
Qui  grant  part  de  previleg  don.  » 

Dans  ïrugalet  le  provoir  jur 
3o  Et  la  boiel  et  la  froissur, 

Que  ja  ne  perdront  ce  droitur 

Ne  ce  franchis  : 
Ainçois  perdroit  brai  et  chimis, 


qui  fut  lue  hier  eu  audience,  —  [et  qui  dit]  qu'en  toute 
la  France  nul  ne  peut  —  faire  de  balais,  —  s'il  n'est  de 
notre  condition,  —  ou  de  Gaillec  ou  de  Quimper.  —  Et 
j'ose  bien  le  dire,  —  il  y  a  encore  une  autre  chose  — 
contenue  dans  le  parchemin  :  —  nul  ne  doit  vider  les 
fosses  —  s'il  n'est  Breton.  —  Voilà  le  résumé  de  l'écrit. 
—  au  nom  du  pape  de  Rome,  —  qui  nous  donne  un 
grand  privilège.  » 

Dan  Trugalet  le  prêtre  jure  —  par  le  boyau  et  la  fres- 
sure —  qu'ils  ne  perdront  jamais  ce  droit  —  ni  cette 
franchise  :  —  il  perdrait  plutôt  braie  et  chemise  — 


27.  La  lettre  est  confuse:  elle  parle  d'une  «  indulgence  »  du  roi 
(v.  i5),  et  maintenant  d'un  «  privilège  »  accordé  par  le  pape.  L'effet 
a  sans  doute  été  voulu  par  le  poète. 

3 


2  2  LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS 

Por  la  criptur  qui  la  divis. 
35    Et  Guiomar,  la  fîlz  Moris, 

De  la  parrois  de  Saint-Souplis, 

Si  aficha  et  si  a  dis 
Par  son  outrag, 

Que  ja  nus  hom  de  son  linag 
ko  Ne  faussera  itel  usag. 

Dans  Moris,  qui  resamble  mir, 
Qui  a  le  chicf  plus  jan  que  cir, 
Quant  il  oï  la  lettre  dir 

Et  la  novel, 
45   Son  cousin  déniant  et  apel 
Devers  Galo,  devers  Trugel. 
Et  Daniau,  et  Morveni, 
Et  Guiomar,  et  Guilgemi. 
Juquiau  et  Hario  i  fu  ; 
00   Et  tuit  li  voisin  de  la  ru 

De  Glalingnis 

pour  le  parchemin  qui  les  fixe.  —  Et  Guiomar,  le  fils 
de  Maurice,  —  de  la  paroisse  de  Saint-Sulpice,  — 
affirme  et  dit  —  avec  violence  —  que  jamais  personne 
de  son  lignage  —  ne  manquera  à  cet  usage. 

Dam  Maurice,  qui  ressemble  à  un  médecin,  —  qui  a 
la  tête  plus  jaune  que  cire,  —  quand  il  entendit  lire  la 
lettre  —  et  [apprit]  la  nouvelle,  —  avertit  et  appela 
ses  cousins,  —  depuis  Galo,  depuis  Trugel.  —  Et 
Daniel,  et  Morveni,  —  et  Guiomar,  et  Guilgemi,  — 
Juquel  et  Henriot  y  furent  ;  —  et  tous  les  voisins  de 
la  rue  —  de  Glatignies  — 

5i.  La  rue  de  Glatignies  était  habitée  par  des  femmes  de  mauvaise 
vie.  Guillot  la  nomme  dans  son  poème  des  Rues  de  Paris,  disant  quelà 

...  bonne  genl 
Maignent  et  dames  a  cors  gent 
Qui  aus  hommes,  si  comme  moi  semblent, 
Volontiers  charnelment  assamblent. 

On  l'appelait  le  Val  d'Amour  (voy.  Legrand,  Paris  en  1380,  p.  35,  n.  7). 


LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS  23 

Acorent  tuit  a  la  justis 

Chies  dant  Moris  devant  le  puis. 

Et  quant  cis  escris  fu  lisez, 
55  Chascuns  en  a  de  joi  plorez. 
Le  previleg  ont  commandez 

A  dant  Moris, 
Par  tel  manière  et  en  tel  guis 
Qu'il  ot  .1.  balais  desservis. 
6o   Messir  Guillaum  demi  la  cos 
Jura  son  chap  quant  il  fu  nos 
Que  valesscnt  le  toi  d'un  os 

De  seignori 
N'aura  dam  Moris  en  son  vi  : 
65    Chascuns  l'aura  a  sa  parti. 
Et  ma  sir  Jac  de  Saint-Calons 
Il  a  osté  sa  chaperons, 
Et  jur  sa  test  et  son  corons 
Que  ne  pot  estre 
70   Que  dam  Moris  en  sera  mestre  : 
Il  l'a  juré  de  sa  main  destre. 


accourent  tous  à  la  cour  de  justice,  —  chez  Dam  Mau- 
rice, devant  le  puits. 

El  quand  cet  écrit  eut  été  lu,  —  chacun  en  pleura  de 
joie.  —  Ils  confièrent  le  privilège  —  à  dam  Maurice,  — 
en  stipulant  —  qu'on  lui  décernerait  un  balai.  — 
Messire  Guillaume,  au  milieu  de  l'affaire,  —  jura  par 
son  vêtement  quand  il  était  neuf,  —  que  dam  Maurice 
n'aurait  pas,  de  sa  vie,  —  vaillant  la  boue  d'une  botte 

—  de  cette  seigneurie  :  —  chacun  l'obtiendrait  à  son 
tour.  —  Et  messire  Jacques  de  Saint-Calons  —  ôta  son 
chaperon  —  et  jura  par  sa  tête  et  sa  couronne,  —  qu'il 
ne  se  pouvait  pas  —  que  dam  Maurice  en  fut  maître  : 

-  il  le  jura  de  sa  main  droite.  — 


24  LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS 

Mestre  Jehan 
Dist  a  dant  Jac  Baduccoem  : 
«  Biaus  sir,  es  tu  hors  de  ton  sen  ? 
75  Que  veus  tu  fer  ? 

Veus  tu  torner  tout  notre  afer 
A  deabli  et  a  contrer 

Par  vostre  outrag  ? 
Tu  na  sez  plus  c'un  best  sauvag, 
80   L'en  te  doit  loier  a  l'estach.  » 
Dan  Jac  si  saut  a  .1.  faucil, 
Et  Daniel  prist  .1.  greïl, 
Si  fiert  Y  von  d'un  viez  estril 

Par  mi  la  jo, 
85   Si  qu'il  l'abati  en  l'ailo  ; 
Et  cil  s'escri  :  «  Haio  1  haio  ! 
En  itrou,  Maria  !  en  trou  !  » 
A  l'aïst  i  vint  dant  Tragel, 

73.  Le  ms.  donne  Baduc  coem,  qu'il  faut  lire  sans  doute  en  un  seul 
mot,   comme   une  autre  forme  du  nom  Bodigant  (voy.   v.  137). 

Maître  Jean  —  dit  à  Jacques  Baduccoem  :  —  «  Beau 
sire,  es-tu  hors  de  ton  sens  ?  —  que  veux-tu  faire  ?  — 
veux-tu  gâter  notre  bonne  fortune  —  et  en  faire  un 
malheur  —  par  ta  violence  ?  —  Tu  n'en  sais  pas  plus 
qu'une  bête  sauvage  ;  —  on  devrait  te  lier  avec  une 
corde.  »  —  Dam  Jacques  bondit  avec  une  faucille,  — 
et  Daniel  prit  un  gril,  —  et  il  frappe  Yvon  d'une  vieille 
étrille  —  au  milieu  de  la  joue,  —  si  bien  qu'il  l'abat- 
tit... (?)  —  Et  celui-ci  s'écrie  :  «  Haio  !  haio  !  —  Notre- 
Dame  Marie  !  Notre-Dame  !  »  —  Dam  Tragel  lui  vint  à 
l'aide,  — 

85.  en  l'ailo  (?)  me  paraît  inexplicable.  Hon  itrou  Maria  est  une  for- 
mule d'invocation  bretonne,  et  signifie  :  «  Notre-Dame  Marie  ».  en  trou 
fait  calembour.  —  88  «  A  l'aide  vinrent...  ».  Il  ne  faut  pas  chercher  à 
se  reconnaître  parmi  ces  personnages,  énumérés  confusément,  et 
entre  lesquels  l'auteur  lui  même  n'a  pas  distingué  :  il  se  plaît  sim- 
plement à  un  dénombrement  bouffon. 


LE    PRIVILEGE    AUX    BHETONS  1Ù 

Moris  et  sir,  et  Daniel, 
90  Et  Riolan,  et  Hernisiau  ; 
Et  Morvenic  le  fil  Juquiau 
Tint  .1.  aper  que  il  paumoie  ; 
Si  est  saillis  en  mi  la  voie 
Toz  plains  de  rag. 
95    Quant  fu  assamblé  le  linag 
Ja  n'i  fust  parti  sanz  domag, 
Quant  mestre  Moris  il  la  jur 
Et  la  boiel  et  la  froissur  : 
«   Soiez  en  pais  au  mal  eiir, 
100   Que  vous  aurez  mal  aventur 
Comment  qu'il  praing  ! 
Par  saint  Lagado  de  Bretaing, 
Vous  serez  mis  en  .1.  longaing, 
Se  plus  fet  meslé  la  compaing. 
io5  A  bon  eùr, 

Hou  non  Dieu,  de  bon  aventur 
Fust  il  porté  cest  escritur; 
Et  Diex  ma  gart  ma  porteur, 
Et  ma  doinst  joi, 


ainsi  que  Maurice,  Daniel,  —  Riolan,  Hernisel  ;  —  et 
Morvenic  le  fils  de  Juquel  —  tenait  une  épée  qu'il  bran- 
dissait :  —  il  bondit  au  milieu  de  la  route,  —  tout  plein 
de  rage.  —  Quand  le  lignage  fut  assemblé,  —  ils  ne  se 
seraient  pas  séparés  sans  dommage,  —  quand  maître 
Maurice  jura  —  par  le  boyau  et  la  fressure  :  —  «  Soyez 
en  paix,  malédiction  !  —  car  il  vous  arrivera  malheur, 
—  quoi  qu'il  advienne.  —  Par  saint  Lagado  de  Bre- 
tagne, —  vous  serez  mis  dans  une  fosse  —  si  l'assem- 
blée fait  encore  du  tumulte.  —  C'est  par  bonheur,  au 
nom  de  Dieu,  comme  une  bonne  fortune,  —  que  nous 
fut  porté  cet  écrit  ;  —  et  Dieu  garde  mes  enfants  —  et 
me  donne  la  joie,  — 


26  LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS 

no    Et  li  doinst  fer  ausi  bon  voi 

A  chascun  comme  je  voudroi  ! 

Dame  Diex  et  sainte  Mari. 

Nous  n'avons  cur  de  tricheri. 

Diex  envoit  grant  honte  et  anui 
n5  A  ses  gloutons 

Qui  veulent  tolir  aux  Bretons 

Leur  droitur  et  leur  garison 

De  balais  fer  en  la  seson, 

Et  de  fos  curer  granz  et  Ions, 
120  Plaines  d'ordur  !  » 

Mesir  Moris  si  n'avoit  cur 

Que  nous  perdissons  no  droitur: 

Il  ala  a  Rom  par  mesur 

Por  aporter  nostre  escriptur. 
125  Et  tout  en  gros 

Dist  à  l'apostoir  son  paros, 

Si  qu'il  amender  bien  la  chos. 

Harduins  dist  a  l'apostoir  : 

«  Ne  sui  pas  hors  de  mon  memor. 
i3o  «  Je  vous  dirai  toute  l'estoir 

et  permette  à  chacun  de  réussir  —  comme  je  le  sou- 
haite 1  —  Seigneur  Dieu,  et  sainte  Marie,  —  nous  ne 
voulons  pas  tromper.  —  Que  Dieu  envoie  honte  et 
malheur  —  à  ces  vauriens  —  qui  veulent  enlever  aux 
Bretons  —  leur  droit  et  leur  ressource  —  de  faire  les 
balais  en  la  saison,  •—  et  de  curer  les  fosses  grandes  et 
longues,  —  pleines  d'ordure  !  » 

Maître  Maurice  ne  voulait  pas  —  que  nous  perdions 
notre  droit  :  —  il  alla  à  Rome  prudemment  —  pour 
apporter  notre  privilège,  —  et  avec  fougue  —  il 
s'expliqua  devant  le  pape,  —  faisant  valoir  nos  droits. 
—  Hardouin  dit  au  pape  :  —  «  Je  ne  suis  pas  hors  de 
mon  bon  sens.  —  Je  vous  dirai  toute  l'histoire  — 


LE    PRIVILEGE    AUX    BRETONS 

a  De  ta  linag. 
«  Ta  mère  fu  de  grant  barnag 
«  De  Bretaing,  sa  terre  sauvag. 
«  Jaque  Brian  de  Compalé. 

i35  «  Qui  fu  cousin  Morgain  la  fé, 
«  Fu  ta  parent  ; 
«   Et  Taniel.  et  Bodigant, 
«  Et  Tronio,  lafilMorven, 
«  Et  Guigenninc,  et  ContragueF 

i^o  «  Moris,  sir  lf  et  Boniquel, 

u  II  sont  tuit  ti  cousin  gervés.  ») 
L'aposloires  en  rist  adés, 
Et  li  dist  :  <    S'il  sont  mi  parent, 
a   Bel  m'est  :  Breton  sont  bone  gent. 

i45    «  Fai  ta  besogne  et  ton  afere  ; 
«  11  ne  te  covient  plus  retrere. 

a  Fai  le  escriver  : 
«  Je  la  te  feré  con fermer 
«  A  la  porcession  Saint  Per.   » 

i5o  Et  Harduin  ne  fu  pas  nis, 
Qui  n'a  cur  de  simple  justis. 


de  Ion  lignage.  —  Ta  mère  fut  de  grande  famille,  — 
de  Bretagne,  sa  terre  sauvage  (?).  —  Jacques  Brian  de 
Quimperlé  (?)  —  qui  est  cousin  de  la  fée  Morgan  — 
est  ton  parent  ;  —  et  aussi  Daniel,  et  Bodigant,  —  et 
Tronio,  la  fille  de  Morven,  —  et  Guigenninc,  et  Gontra- 
guel,  —  Maurice,  sire  If  et  Boniquel.  —  Ils  sont  tous  tes 
cousins  germains  (?).  »  —  Le  pape  en  rit  aussitôt,  —  et 
lui  dit:  «  S'ils  sont  mes  parents,  —j'en  suis  content  : 
les  Bretons  sont  de  braves  gens.  —  Fais  ta  besogne  et 
Ion  métier,  —  il  ne  faut  plus  t'en  priver.  —  Fais  le 
écrire  :  —  je  te  ferai  confirmer  ton  droit  —  à  la  proces- 
sion de  Saint-Pierre.  »  —  Et  Hardouin  ne  fut  pas  sot, 
—  et  il  ne  se  contenta  pas  de  simple  justice.  — 


28  LE    PRIVILÈGE    AUX    BRETONS 

Il  s'en  corut  a  mestre  Olis  ; 

Se  li  devis 
En  quel  manier  et  en  quel  guis 

i55  Sera  confermé  sa  franchis 
De  balais  fer,  de  curer  fos. 
Bien  fu  en  parchemin  enclos  : 
Et  coper  au  bois  la  gênés, 
Et  porter  a  la  vil  grant  fés, 

160  Et  fiens  porter  en  la  chiviere, 
Breton  devant,  Breton  derrière  ; 
Et  eus  et  toute  la  compaingne 
Doivent  reperier  en  longaingne  : 
Tout  ice  fist  il  confermer. 

i65  Et  si  fist  encore  escriver 
.1.  avantag 
Qu'il  auront  a  tout  leur  aag  : 
Qu'il  mangeront  lait  et  frommag 
Et  en  quaresme  et  en  carnag.  » 

Expiicit  le  privileg  cuis  Bretons. 


Il  courut  à  maître  Olis  :  —  il  lui  expliqua  —  de  quelle 
façon  et  à  quelles  conditions  —  serait  confirmée  sa 
franchise  —  de  faire  des  balais  et  de  curer  des  fosses. 

—  Il  fut  bien  noté  sur  parchemin  :  —  et  de  couper  le 
genêt  au  bois.  —  et  de  porter  de  grands  fardeaux  à  la 
ville,  —  et  de  porter  des  ordures  sur  la  civière,  —  Bre- 
ton devant,  Breton  derrière  ;  —  et  eux  et  tous  les  leurs 

—  doivent  demeurer  dans  une  latrine.  —  Il  fit  confirmer 
tout  cela.  —  Et  il  fit  encore  écrire  —  un  avantage  — 
qu'ils  auront  toute  leur  vie  :  —  ils  mangeront  lait  et 
fromage  —  en  carême  et  en  autre  temps. 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 


LA  CHARTE  DE  LA  PAIX  AUX  ANGLAIS 


LA  NOUVELLE  CHARTE  DE  LA  PAIX  AUX  ANGLAIS 


INTRODUCTION 


La  Paix  aux  Anglais 1  est  un  poème  de  88  vers,  en 
strophes  monorimes  de  quatre  vers  alexandrins,  qui  se 
trouve  conservé  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Na- 
tionale fr.  837  (f°  220).  —  Le  même  manuscrit  donne  à  la 
suite  (f°  221)  une  pièce  en  prose  intitulée  la  Charte  de  la 
paix  aux  Anglais.  —  Une  réplique,  ou  plutôt  un  fragment 
d'une  réplique  de  cette  dernière  pièce,  un  peu  plus  récente 
que  l'autre,  est  contenu  dans  le  manuscrit  fr.  1933  (page 
de  garde). 

La  Paix  aux  Anglais  met  en  scène  un  Anglais,  qui, 
après  avoir  mentionné  la  rivalité  du  roi  de  France  et  du 
roi  d'Angleterre,  décrit,  moitié  racontant,  moitié  mimant2, 


1.  La  Paix  a  été  publiée  par  Jubinal,  Jongleurs  et  trouvères, 
p.  170  ss.  Elle  a  été  réimprimée  par  Th.  Wright,  Political  songs  of 
England,  p.  63  ss.  Voy.  aussi  V.  Le  Clerc  (Histoire  littéraire  de  la 
France,  t.  XXIII,  p.  4^9  ss.;.  —  La  première  Charte  a  été  publiée  par 
Jubinal,  liée,  cité,  p.  175  s.  ;  par  Th.  Wright,  Rec.  cité,  p.  36o  ;  et  par 
V.  Le  Clerc  (Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XXIII,  p.  452).  — 
La  Nouvelle  Charte  a  été  publiée  par  G.  Raynaud  (Romania,  i885, 
t.  XIV,  p.  279  s.).  —  Une  traduction  anglaise  de  la  Paix  accompagne 
l'édition  de  Th.  Wright.  Une  traduction  française  en  a  été  donnée 
par  Jubinal  (Journal  de  l'Institut  historique,  t.  1,  p.  357  ss.). 

2.  On  remarquera  que  ce  poème  est,  si  l'on  peut  dire,  dramatique 
au  deuxième  degré  :  il  met  en  scène  un  Anglais  (ce  qui  est  déjà  un 
procédé  dramatique),  et,  par  surcroît,  cet  Anglais  rapporte  sous 
forme  dialoguée  le  conseil  tenu  par  son  roi. 


32  LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 

un  grand  conseil  tenu  par  ce  dernier.  Le  roi  désire  recon- 
quérir la  Normandie,  enlevée  naguère  aux  Anglais  par 
les  Français.  Malgré  les  conseils  de  prudence  de  Simon  de 
Montfort,  ses  barons,  le  comte  de  Glocester,  le  comte  de 
Winchester,  Roger  Bigot,  se  livrent  à  de  folles  fanfaron- 
nades et  font  de  la  conquête  de  la  France  entière  un  plan 
audacieux  et  ridicule.  Lui-même,  gagné  par  la  confiance 
insensée  des  siens,  s'abandonne,  comme  Picrochole,  à 
toutes  les  témérités  du  rêve,  étalant  des  prétentions 
étranges  et  bouffonnes.  —  La  première  Charte,  qui  paro- 
die la  forme  des  traités,  est,  en  style  de  chancellerie 
dérisoire,  le  texte  d'un  accord  grotesque  passé  entre  les 
rois  de  France  et  d'Angleterre  *.  — La  deuxième  Charte  a  le 
même  caractère,  le  même  sujet  que  la  première,  dont  elle 
reprend  les  termes  et  les  plaisanteries. 

Les  deux  Chartes  se  datent  l'une  du  17  avril  1264  2, 
l'autre  de  1299.  La  première  se  rapporte  à  l'accord  passé 
au  début  de  1264  entre  le  roi  de  France  Louis  IX  et  le  roi 
d'Angleterre  Henri  III,  menacé  dans  son  propre  pays  par 
ses  propres  barons.  La  seconde  est  une  parodie  et  une 
satire  du  traité  de  Montreuil,  par  lequel  Philippe  le  Bel 
rendait  la  Guyenne  à  Edouard  II.  Mais  il  n'est  pas  facile 
de  dire  exactement  en  quelle  année  la  Paix  a  été  com- 
posée. Il  y  a  plusieurs  moments  dans  l'histoire  du  règne 
de  Henri  III  où  le  poème  aurait  eu  une  saveur  satirique 
particulière,  si,  à  l'instant  où  il  prête  à    ce  prince    des 

1 .  Les  traités  de  paix  étaient  publiés  dans  les  rues  par  des  hérauts. 
P.  Paris  (cité  par  Jubinal,  ouvr.  cité,  p.  176)  a  conjecturé  que  des 
jongleurs  venaient  derrière  ces  hérauts,  et,  les  parodiant,  don- 
naient lecture  d'un  texte  qu'ils  avaient  rendu  bouffon. 

2.  Le  texte  porte  :  «  l'an...  m.cc.lx.i.  11.  et  .111.,  a  ce  jodi  assolier...  » 
c'est-à-dire  :  «  le  jeudi  saint  de  1263  »,  ou,  en  style  moderne,  «  le 
17  avril  (Pâques  tombait  cette  année  le  20  avril)  1264  »•  Il  faut  remar- 
quer la  notation  :  1.  11.  et  m. 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  33 

ambitions  immenses,  celui-ci  s'était  trouvé  précisément 
dans  la  déconfiture.  Dès  i23o,  Henri  avait  préparé  une 
grande  expédition  en  Normandie  :  elle  échoua.  Mais  le 
pamphlet  ne  saurait  remonter  à  celte  date  ancienne. 
puisqu'il  nomme  Edouard,  fils  d'Henri,  qui  naquit  seule- 
ment en  12^0.  En  ia43.  le  roi  d'Angleterre  fit  une  nouvelle 
tentative  pour  récupérer  ses  domaines  de  France  :  ce  fut 
une  nouvelle  défaite.  Il  n'est  pas  invraisemblable  que, 
dès  cette  époque,  on  ait  tourné  en  ridicule  ses  desseins 
tenaces  et  constamment  malheureux.  Toutefois,  des  cri- 
tiques ont  vu,  à  placer  alors  la  composition  de  la  Paix, 
cet  inconvénient  qu'Edouard,  dont  la  vaillance  est  louée 
au  vers  84,  était  en  12^3  un  tout  jeune  enfant  et  non  pas  un 
chevalier1.  C'est  pourquoi  ils  pensent  que  le  poème  se 
rapporte  aux  mêmes  événements  que  la  Charte,  ceux  des 
années  i263-ia64,  au  moment  où  Henri  III,  menacé  par 
ses  sujets,  eut  recours  à  Louis  IX  de  France  pour  conso- 
lider sur  ses  terres  son  autorité  à  demi  ruinée"2.  Peut- 
être  en  est  il  ainsi  ;  mais  je  croirais  qu'il  faut  plutôt 
penser  au  fameux  traité  de  iaôo,.  qui  marque  la  fin  de  ce 
qu'on  pourrait  appeler  l'affaire  de  Normandie  :  la  satire 
aurait  alors  plus  d'à  propos3. 

Nous  ne  savons  pas  qui  a  composé  la  Paie  et  les  Chartes. 
La  seconde  Charte  n'est  pas  du  même  auteur  que  la 
première  :  cela  est  évident.  Quant  à  la  Paix  età  la  première 

i.  Voy.  Jubinal,  rec.  cité,  p.  170,  n.  1. 

2.  C'est  l'opinion  de  Jubinal,  de  Wright  et  de  V.  Le  Clerc.  — 
Remarquons  toutefois  que  si,  dans  le  texte  de  la  Charte,  nous 
lisions  xl  au  lieu  de  lx.  nous  serions  reportés  précisément  en  1243. 
Mais  nous  n'avons  pas  de  raison  solide  pour  croire  à  une  faute  de 
copie  ou  d'écriture. 

3.  Sur  ce  traité,  voy.  Bémont,  Simon  de  Montfort  (Thèse  de  doc- 
torat de  Paris  ,  p.  i5a-i85. 


3A 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 


Charte,  il  faut  noter  qu'elles  ne  représentent  pas  un  même 
état  de  l'opinion.  La  Paix  raille  les  Anglais,  sans  plus. 
La  Charte,  qui  s'en  prend  aux  mêmes,  atteint  en  outre  le 
roi  de  France,  et  semble  critiquer  sa  politique,  qui,  en 
raison  de  sa  douceur  à  l'égard  de  Henri  III,  fut  très 
impopulaire  à  Paris  *. 

Nos  trois  pièces  entrent  dans  la  série  extrêmement 
abondante  des  compositions  satiriques  dirigées  par  les 
gens  de  France  contre  ceux  d'Angleterre.  L'orgueil  de 
ces  derniers  était  proverbial,  et  on  se  plaisait  à  le  morti- 
fier. On  disait  qu'ils  étaient  ivrognes  et  menteurs;  on  les 
plaisantait  sur  l'origine  de  leur  nom 2  ;  on  prétendait 
(moquerie  qui  les  exaspérait)  qu'ils  étaient  coués,  c'est-à- 
dire  munis  d'une  queue  ;  enfin,  on  s'amusait  volontiers  à 
tourner  en  ridicule  leur  façon  vicieuse  de  parler  le  fran- 
çais 3. 

Le  français  d'Angleterre  était  fort  impur,  au  point 
que  parler  charabia  se  disait  «  parler  le  français  de 
Marlborough  »  i  ;  et  les  Anglais  eux-mêmes  s'en  rendaient 
si  bien  compte  que,  pour  leur  faire  apprendre  une  langue 
saine,  ils  envoyaient   leurs  enfants  en  France3,    et  que 

i.  Voy.  Bémont,  ouvr.  cité,  p.  181  ss. 

2.  «  Anglia,  inde  Anglicus,  ab  anda,  quod  est  stercus...  »  (Voy. 
Hauréau,  Notices  et  extraits  de  quelques  mss.  latins  de  la  Bibl.  I\at., 
t.  III,  p.  ao3). 

3.  Sur  l'attitude  de  l'opinion  à  l'égard  des  Anglais,  voy.  un  article 
de  M.  Ch.-V.  Langlois,  Les  Anglais  au  moyen  âge  (Revue  historique, 
i8q3,  t.  LU,  p.  298  ss.). 

4-  Gautier  .Map,  De  nugis  curialium,  V,  6  :  «  ...  Merleburgam,  ubi 
fons  est  quem  si  quis,  ut  aiunt,  gustaverit,  Gallice  barbarizat,  unde 
cura  vitiose  quis  illa  lingua  loquitur,  dicimus  eum  loqui  gallicurn 
Merleburgae...  » 

5.  D'après  Gervais  de  Tilbury,  cité  par  Brunot,  Histoire  de  la 
langue  française,  t.  I,  p.  36g. 


LA    PAIX    ALX    ANGLAIS  35 

leurs  écrivains  s'excusent  sur  leurs  maladresses1.  Ce  fut 
pour  les  Français  une  belle  occasion  de  rire.  Ils  firent 
intervenir  leurs  voisins  dans  leurs  contes  et  sur  leur 
théâtre  pour  se  donner  le  plaisir  de  les  entendre  jargon- 
ncr.  Dans  une  note  de  son  édition  du  Mystère  de  saint 
Louis,  Fr.  Michel  cite,  du  xme  au  xvi6  siècle,  nombre 
d'œuvres  littéraires  où  des  Anglais  viennent  apporter  le 
divertissement  d'un  langage  grotesque2.  Pour  nous  en 
tenir  au  xme  siècle,  nous  ne  mentionnerons  ici  que  le 
fabliau  des  Deux  Anglais  et  de  Vanel-,  des  passages  du 
roman  de  Renart1,  et  de  Jehan  et  Blonde*. 

Si  nous  examinons  le  langage  attribué  aux  Anglais 
dans  la  Paix,  nous  y  relevons  un  certain  nombre  de 
caractères,  que  nous  avons  classés  dans  le  tableau  sui- 
vant 6: 

Phonétique. 

Voyelles.  —  l.Le  suffixe  -ier  (lat.  <C-ariu)  est  remplacé 
par  le  suffixe  -erdans  chivaler  (6,  84).  Voy.  Behrens,  p.  i5o. 

2.  L'e  final  est  fréquemment  apocope  :  4,  18,  34,  56, 
68,  71,  chos  ;  5,  29  Ingleters;  9,  48  Frans  (France)  ;  23  ters 

1.  Voy.  les  textes  cités  par  Brunot,  ouvr.  cité,  p.  369,  n.  3. 

2.  Le  Mystère  de  Saint  Louis,  éd.  Fr.  Michel  (imprimée  pour  le 
Roxburghe  Club),  préface,  p.  11,  note. 

3.  Montaiglon,  Recueil  des  fabliaux,  t.  II,  p.  178. 
A.  Ed.  Martin,  Ib,  v.  a35i  ss. 

5.  V.  2607  ss. 

6.  Je  rappelle  ici  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  à  propos  du  Privilège 
aux  Bretons  (voy.  p.  7,  n.   1). 

Les  principaux  travaux  relatifs  à  l'histoire  du  français  en  Angle- 
terre sont  ceux  de  D.  Behrens,  Beitràge  zur  Geschichte  der  franzô- 
sischen  Sprache  in  England  (Franzosische  Studien,  hergg.  von  G.  Kôr- 
ting  et  H.  Koschwitz,  t.  V,  fasc.  II,  1887);  et  Franzosische  Elemenle  im 
englischen(Hermann  Paul,  Grundriss  der  germanischen Philologie,  3e éd. , 
1901,  1. 1,  p.  960-989).  Nous  renverrons,  pour  chacune  des  remarques 
que  nous  ferons  sur  la  phonétique,  au  premier  de  ces  articles. 


36  LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 

(terre);  Zofrer;  32,  4o  Normandl;  33,  56,  5g,  66,  67  mi; 

37  cont  ;  44,  82  test  ;  81,  83  fest  ;  84  honest.  Voy.  Behrens, 
p.  69. 

3.  e  est  confondu  arec  i  dans  :  6,  84  chivaler;  78  Dinis. 
Voy.  Behrens,  p.  94  s. 

4.  ^  étymologique  donne  ai,  et  non  oi  :  5,  9.  29,  38, 
4i,  55,  62,  65,  85  ray  ;  18,  52,  81  crai;  i3,  85  ;??a/  ; 
66  sai.  —  Noter  :  81  endret.  Voy.  Behrens,  p.  i38  ss. 

5.  en  est  confondu  avec  an  dans  :  57  dafandre  ;  69  pan- 
dra.  Voy.  Behrens,  p.  g3. 

6.  er  est  confondu  avec  ar  dans  :  sa/va  (passim)  ;  /a/Ta 
(passim).  Voy.  Behrens,  p.  91. 

7.  e/H-s  donne  iau  et  non  ecm.  Voy.  les  rimes  5-8,  et 
77-So<. 

Consonnes.  —  8.  L  mouillée  est  généralement  rempla- 
cée par  /  simple  :  6,  5g  vaelant  ;  65  ehaele  :  68  aele  ;  49, 
60  maubali  ;  64  mileur.  L'a  qui  précède  la  liquide  prend 
alors  le  son  ae.  Voy.  Behrens,  pour  le  premier  fait, 
p.  198,  pour  le  second,  p.  i36. 

9.  Même  observation  pour/i  :  i3,  21,  22  sinor;  56  anel; 
64  besoner.  Voy.  Behrens,  p.  200  ss. 

10.  Les  /•  sont  le  plus  souvent  redoublés  entre  deux 
voyelles  :  1  panirra;  2  ehanterra;  2,  3.  36,  5i,  60  serra 
(sarra  ou  sarront)  ;  3  Jlorrirra  ;  4  c/i/'ra  ;  11,  36,  73,  77 
Par  ris;  18,  28,  77,  82  arra  ;  19,  43,  68  t7«rra  ou  ferra); 
27  froirront  ;  3o,  66  irrous  ;  43  dourrement  ;  5i  irront  ; 
70  bouterra;  71  arderra;  79  corronier  ;  82  eorrone  ;  etc. 
Voy.  Behrens,  p.  196. 

1.  J'omets  de  signaler  un  certain  nombre  d'autres  faits  qui 
demeurent  isolés  ou  à  peu  près.  Ainsi  i  remplace  u  dans  /i  (71,  74). 
—  Et  pour  parler  tout  de  suite  des  consonnes,  /  remplace  v  dans  fi 
(i5).  Lne  r  épenthétique  figure  dans  troute  (8,  36,  72). 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  S'] 

Aphérèse.  —  11.  L'aphérèse  de  la  syllabe  initiale  se 
produit  avec  une  grande  fréquence:  i  panirra;  20,  i'\, 
25,  28,  k"j  glciis  (sauf  5i,  55  inglais)  ;  25  vauchier;  32  voir  ; 
ki  poier  ;  61  pona.  Voy.  Behrens,  p.  64- 

Morphologie. 
Il  y  a  surtout  lieu  de  noter  ici  la  façon  dont  sont  traités 
les  verbes. 

12.  Un  certain  nombre  de  formes  barbares  ont  pour 
origine  une  confusion  entre  les  différentes  conjugaisons 
et  une  influence  analogique  des  verbes  de  la  conjugaison 
en  -er  :  29  trama;  48  prender  ;  61  pona;  ou,  plus  parti- 
culièrement, des  verbes  en  -1er  (soumis  à  la  loi  de 
Bartsch)  :  i3  rier  ;  i4  crier;  38  sivier;  4i  contrier  ;  44  rom- 
pier  ;  43  chier  ;  75  portier  ;  79  corronier. 

13.  Plusieurs  barbarismes  ont  pour  objet  de  provoquer 
une  équivoque  comique  :  34  poistront  ;  11,  21,  23,  73 
fout  ;  i4  crier  ;  21  profita  ;  43  chier. 

14.  Les  temps  composés  affectent  des  formes  étranges  : 
4  j'ai  trova  ;  8  m'ai  covint  ;  25  sont  vint  ;  etc. 

15.  Le  futur  est  formé  plusieurs  fois  selon  le  procédé  de 
la  langue  anglaise  (will  -+-  inf.)  :  20  voudra  vauchier; 
26  voudra  groucier  ;  48  voudrai  prender  ;   80  voudra  toer. 

Syntaxe. 

16.  Le  démonstratif  est  mis  souvent  à  la  place  de  l'ar- 
ticle :  1  ce  ros  ;  2  ce  tens  ;  3  ces  prés,  ces  gardons  ;  9  ce  rai; 
i4  ce  navel;  2  3  ce  ter  s;  etc. 

17.  Le  genre  du  substantif  est  constamment  méconnu  : 
1  la  lems,  ce  ros  ;  4  un  chos  ;  5,  62,  65  ma  ray  :  7  safd:  ; 
7  sa  chaviaus;  11  son  maison;  12,  38  un  gaire;  20.  3q,  47  le 
gent  ;  26  la  François  ;  etc. 

18.  Le  sujet  est  repris  au  moyen  d'un  pronom  :  3,  25. 


38  LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 

19.  La  déclinaison  des  adjectifs  et  des  substantifs  n'est 
pas  observée.  Les  exemples  en  sont  à  chaque  vers. 

20.  Les  verbes  sont  employés  à  des  formes  qui  ne 
conviennent  pas,  soit  eu  égard  à  la  personne  ;  3  ils 
florrrira  ;  k  je  dirra;  8  je  faites;  io  il  tenez;  i'\  dit  jel; 
26  il  trovez  ;  33  ne  vous  esmaie  ;  34  vous  porra  ;  36  tu  sarra  ; 
3$  je  conduira;  43,  68,  70  je  ferra;  etc.  —  soit  eu  égard 
au  temps  :  1  vint  (vient)  ;  5  fu  (est)  ;  17  venez  (êtes  venus  ; 
18  arra  fait  (a  été  fait  ;  44  brisa  (brisera  ;  etc.  —  soit  eu 
égard  au  mode  :  57  se  vous  aler. 

Vocabulaire. 

21.  Les  mots  sont  quelquefois  impropres  :  9  longue 
(grand);  11  maison  (résidence);  i5  grosse  (grande). 

22.  Ils  sont  quelquefois  écorchés  pour  faire  calembour  : 
i/j,  53  navel  (nouvelle?)  ;  17  fout  (vous)  ;  27  lévrier  (levier  ; 
3o  Trichart  Richard)  ;  3 1,  35,  f\i,  86  cul  (cœur)  ;  49  Angoise 

Amboise);  73  vil   ville)  ;  87  culmandement  commandement  . 

23.  Les  verbes  simples  et  composés  sont  confondus  : 
11  croupier    accroupir);    i3  tendez    (entendez):    53  atendi 

entendit)  ;  86  m'aprent  (me  prend  .  (Comp.  19  poentement  . 

24.  A  au  lieu  de  de  :  33  la  cont  à  Clocestre  ;  4g  la  plais 
a  Dieu  ;   53  Simon  a  Montjort  ;   au  lieu  de  en  :  54  a  piez. 

25.  Enfin,  les  constructions  sont  quelquefois  très  lâches 
(v.  12-20  ;  78-79  ;  82  ;  etc.). 

Tels  sont  les  principaux  faits  de  langue  qu'on  peut  rele- 
ver dans  la  Paix  aux  Anglais1.  A  les  considérer,  on  s'aper- 

1.  On  observe  les  mêmes  à  peu  près  dans  les  deux  Chartes.  Voici 
des  exemples  pour  la  première  :  2  1  mi  ;  4  Normandi  ;  2  Ingleter  : 
10  chos  ;  etc.  —  i  2,  k,  6,  8  rai;  —  5  i4  fiens  ;  —  6  3  sarra  ;  — 
9  7,  i3  minet;  20  honissier;  20,  23  honissement  ;  —  10  3  sarra; 
\  forresl  ;  19  orre  ;  etc.  —  115  vauchier  ;  11  porons;  20  chata  ;  etc. 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  3g 

çoit  que  les  principes  de  déformation  sont  ici,  en  gros, 
les  mêmes  que  dans  le  fabliau  des  Deux  Anglais  et  Cartel, 
ou  dans  les  passages  cités  plus  haut  de  Renart  et  de  Jean  et 
Blonde.  C'est,  ici  comme  là,  le  même  usage  de  l'apocope, 
de  l'aphérèse,  de  la  confusion  des  cas  et  des  genres,  des 
formes  verbales  barbares  ;  et  ce  sont  aussi,  en  partie,  les 
mêmes  altérations  phonétiques,  les  mêmes  incorrections 
syntaxiques.  Cet  accord  est  intéressant  à  noter,  parce  qu'il 
prouve  que  ces  charges,  où  le  langage  des  Anglais  est 
ridiculisé,  ne  sont  pas  des  bouffonneries  tout  à  fait  fantai- 
sistes, conçues  par  chaque  auteur  à  son  gré,  mais  bien 
des  imitations,  dont  les  procédés  sont  constants.  Et  ces 
imitations  ont  ceci  de  curieux,  qu'elles  ne  se  rapportaient 
pas  à  un  type  imaginaire,  mais  qu'elles  exprimaient,  autant 
que  nous  en  pouvons  juger,  la  réalité,  et  reproduisaient 
avec  exactitude  les  particularités  du  français  parlé  en 
Angleterre  :  la  simple  lecture  de  la  Chronique  de  Jour- 
dain Fantosme  ou  de  la  Vie  de  Thomas  par  Benêt,  fournit 
des  exemples  (bien  que  moins  nombreux  et  moins  carac- 
térisés) des  faits  que  nous  avons  classés  précédemment. 
La  Paix  aux  Anglais  et  les  Chartes  sont  des  caricatures 
ressemblantes;  en  sorte  que  ces  facéties,  qui  n'ont  pré- 
tendu autrefois  qu'à  faire  rire,  ont.  par  surcroît,  la  vertu 
d'intéresser  les  grammairiens  d'aujourd'hui. 


—  12  7  mester,  ester  ;  n  saver;  20  honissier;  etc.  —  13  20  honissier; 
26.  27  fout;  etc.  —  15  5  voudra  vauchier  ;  8  voudra  aler  ;  etc.  — 
16  2  ce  rai;  3  ce  riche  homme  ;  etc.  —  17  2  ./.  gros  pés  ;  4  ce  grant 
forrest;  i3  sa  piere  ;  etc.  .—  20  i5  pende::  22  portez;  etc.  — 
21  2  gros;  —  22  7  porons  sorés  ;  \\  piere;  i5  cul;  20  honissement  : 
23  Mauvaise  Alaine  ;  27  aleici  ;  38  Galerrie  ;  etc.  —  25  3  Loys  aParris 
sarra. 


LA    PAIX     AUX     ANGLAIS 

B.  N.,  fr.  837,  f°  3ao  v°a-f°  3aib- 

[Un  Anglais  parle  :) 

Or  vint  la  tens  de  may  que  ce  ros  panirra, 
Que  ce  tens  serra  bêles,  roxinol  chan terra, 
Ces  prez  il  serra  verdes,  ces  gardons  florrirra. 
4  J'ai  trova  a  ma  cul  .1.  chos  que  je  dirra. 

De  ma  ray  d'Ingleters,  qui  fu  a  bon  naviaus 
Chivaler  vaelant,  hardouin  et  leaus, 
Et  d'Adouart  sa  filz  qui  fi  blont  sa  chaviaus, 
8  M'ai  covint  que  je  faites  .1.  dit  troute  noviaus, 

Traduction.  —  Je  répète  ici  ce  que  j'ai  déjà  dit  à  propos  du  Pri- 
vilège aux  Bretons,  que  cette  traduction  n'est  qu'un  guide,  et  qu'elle 
ne  prétend  pas  rendre  le  texte  dans  la  plénitude  de  son  sens. 

L'interprétation  que  je  propose  différera  souvent,  sans  que  je  le 
signale,  de  celle  de  Jubinal  (qui  est  extrêmement  mauvaise),  et, 
quoique  moins,  de  celle  de  Th.  Wright. 

Pour  les  particularités  qui  ne  seront  pas  expliquées  dans  ces  notes, 
voy.  l'Introduction. 

Voici  que  vient  le  temps  de  mai  où  la  rose  s'épanouira  —  où  le 
temps  sera  beau,  le  rossignol  chantera,  —  les  prés  seront  verts, 
les  jardins  fleuriront.  —  J'ai  trouvé  en  moi-même  (?)  une  chose 
queje  dirai. 

De  mon  roi  d'Angleterre,  qui  est  avec  de  bons  navires  —  un 
chevalier  vaillant,  hardi  et  loyal,  —  et  d'Edouard  son  fils  qui  a 
les  cheveux  blonds,  —  il  faut  que  je  fasse  un  dit  tout-à-fait 
nouveau, 

3.  Gardons,  (comp.  l'anglais  garden)  pour  jardins,  fait  calembour 
avec  gardon,  sorte  de  poisson.  —  5.  «  qui  est  avec  de  bons  vais- 
seaux un  chevalier  vaillant  »,  c'est-à-dire  «  bon  cavalier  sur  mer  », 
qui  est  une  bouffonnerie. 


[\1  LA    TAIX    AUX    ANGLAIS 

Et  de  ce  rai  de  Frans,  cestui  longue  baron, 
Qui  tenez  Normandi  a  tort  par  mal  choison  : 
Lonc  tens  fout  il  croupier  sor  Parris  son  maison, 
12  Qu'il  onc  for  por  .1.  gairc  ne  chauça  d'asperon. 

Sinor,  tendez  a  mai  ;  ne  devez  pas  ricr. 
Ce  navel  que  je  port  doit  tout  le  mont  crier. 
L'autrier  je  fi  a  Londres  une  grosse  concier  : 
16  Ja  ne  movra  baron,  la  meilleur  ne  la  pier, 

Que  tout  ne  fout  venez  a  ce  grant  plaidement. 
La  arra  fet  tel  chos,  je  craie  vraiemenl, 
Qui  farra  rois  François  .1.  grant  poenlement 
20  De  ce  terres  qu'il  tient  contre  le  glaise  gent. 

Sinor,  lonc  tens  fout  il  que  Mellins  profila 
Que  Philippes  de  France,  .1.  sinor  qui  si  a, 
Conquerra  tout  ce  ters  quanqu'il  fout  par  deçà  ; 
ik  Mes  toute  vois,  dit  jel,  qu'encore  Glais  l'arra. 

ainsi  que  de  ce  roi  de  France,  ce  grand  baron,  —  qui  possède 
la  Normandie  sans  en  avoir  le  droit  :  —  il  fut  longtemps 
accroupi  dans  Paris,  sa  résidence  ;  —  car  jamais,  sinon  pour 
peu  de  temps,  il  ne  chaussa  l'éperon. 

Seigneurs,  prêtez  moi  attention  ;  vous  ne  devez  pas  rire.  — 
Cette  nouvelle  que  j'apporte,  tout  le  monde  doit  la  craindre.  — 
Avant  hier  je  vis  à  Londres  une  grande  assemblée  :  —  jamais 
baron,  du  meilleur  au  pire,  ne  se  mettra  en  voyage, 
qui  ne  soit  venu  à  cette  grande  réunion.  —  Là  s'est  fait  une 
chose,  je  crois  vraiment,  —  qui  fera  au  roi  de  France  une 
grande  épouvante  —  au  sujet  des  terres  qu'il  tient  contre  les 
droits  des  Anglais. 

Seigneurs,  il  y  a  longtemps  que  Merlin  prophétisa  —  que  Philippe 
de  France,  un  certain  seigneur,  —  conquerrait  toute  la  terre  qui 
est  en  deçà  ;  —  mais  toutefois,  dis-je,  les  Anglais  l'auront  encore. 

i2.  gaire  «  guère  »,  fait  ici  équivoque  avec  guerre.  Il  faut  entendre 
à  la  fois  :  «  car  il  ne  chaussa  jamais  l'éperon  que  pour  peu  de  temps  », 
et  «  car  il  ne  chaussa  jamais  l'éperon  que  pour  une  guerre  ».  — 
i4-  navel,  pour  novele,  fait  calembour  avec  navel,  «  navet  »  et  «  navire  ». 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  /(3 

Or  sont  il  vint  le  tans  que  Glais  voura  vauchier, 
S'il  trovez  la  François  qui  la  voura  groucier, 
Qui  parra  si  froirrous  d'espé  ou  de  lévrier, 
28  Que  il  n'arra  talant  por  gondre  Glais  grondier. 

Le  bon  rai  d'Ingleter  se  trama  a  .1.  part, 
Li  et  Trichait,  sa  frer,  irrous  comme  lipart. 
Il  suspire  de  cul.  si  se  claima  a  l'art  : 
32   «  Hui  !  Diex.  corn  puis  je  voir  de  Normandi  ma  part?  » 

—  ((  Ne  vous  esmaie  mi  »,  dit  la  conte  a  Clocestre; 
«  Vous  porra  bien  encors  ;  tel  chos  poistron  bien  estre. 
«  Se  Diex  salva  ma  cul,  ma  pie  et  ma  poing  destre, 
36  «  Tu  sarra  sus  Parris  encore  troute  jïiestre.  » 

Voici  que  vient  le  temps  où  les  Anglais  chevaucheront  ;  —  ils 
trouveront  les  Français  qui  murmureront;  —  mais  ceux-ci 
paraîtront  tellement  effrayés  par  les  épées  et  les  massues,  — 
qu'ils  n'auront  pas  envie  de  grogner  contre  les  Anglais. 

Le  bon  roi  d'Angleterre  se  retira  d'un  côté,  —  lui  et  Richard, 
son  frère,  irrité  comme  un  léopard.  —  Il  soupire  du  fond  du 
cœur,  et  s'écrie  avec  force  :  —  «  Hé  !  Dieu,  comment  puis-je 
avoir  ma  part  de  Normandie  ?  » 

«  Ne  vous  inquiétez  point,  dit  le  comte  de  Glocestre  ;  —  vous 
pourrez  bien  [l'avoir]  encore  ;  une  telle  chose  pourra  bien  se 
réaliser.  —  Si  Dieu  sauve  mon  cœur,  mon  épée  et  mon  poing 
droit,  —  lu  seras  encore  tout-à-fait  maître  de  Paris.  » 

a5.  Cette  strophe  est  difficile  à  interpréter,  tant  à  cause  de  l'obs- 
curité de  la  construction,  qu'à  cause  de  celle  du  mot  froirrous,  que 
j'ai  peine  à  identifier,  lévrier  pour  levier  (?).  «  barre,  massue  »,  fait 
calembour.  Je  n'ignore  pas  ce  que  ma  traduction  a  d'incertain,  et 
qu'on  en  peut  proposer  plusieurs  autres.  Je  ne  vois  guère  à  quoi 
correspond  le  terme  a  l'art.  La  correction  a  tart,  adoptée  par  V.  Le 
Clerc,  ne  me  parait  pas  satisfaisante.  —  3^.  poistron  est  pour  pour- 
ront :  fut.  formé  sur  le  présent  de  l'indicatif.  Fait  calembour  avec  pois- 
tron, poltron  «  derrière,  croupe  ».  —  35.  ma  pie,  pour  m'espée  (?), 
fait  calembour  avec  pié  «  pied  ». 


44  LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 

La  cont  Yicestre  dit  au  buer  roi  d'Ingletiere  : 

Rai,  rai,  veus  tu  sivier?  Festes  mouvoir  ton  guère, 
Et  je  te  conduira  trestout  ton  gent  a  foire  ; 
Tu  porras  Normandi  a  ce  pointes  conquerre. 


4o 


44 


Se  je  pois  rai  François  a  bataille  contrier, 
Et  je  porrai  mon  lance  desus  son  cul  poier, 
<  Je  crai  que  je  ferra  si  dourrement  chier, 
(  Qu'il  se  brisa  son  test,  ou  ma  cul  fu  rompier- 

i  Je  prendrez  bien  droitur,  se  je  puis,  a  Diex  poise  ! 
(  Quant  j'arra  en  mon  main  Normandi  et  Pontoise, 
(  Je  ferra  soz  Paris  achier  mon  gent  gloise. 
Puis  vourai  prender  Frans,  maugré  conte  d'An- 

[goise. 

Le  comte  de  Winchester  dit  au  bon  roi  d'Angleterre:  —  «  Roi, 
roi,  vcux-Lu  me  croire  ?  Mets  tes  troupes  sur  pied,  —  et  je  con- 
duirai tous  les  gens  au  butin  ;  —  tu  pourras  conquérir  la 
Normandie  avec  ces  pointes  [de  lances]. 

«  Si  je  puis  rencontrer  le  roi  de  France  à  la  bataille,  —  et  si  je 
puis  appuyer  ma  lance  sur  son  cœur, — Je  crois  le  faire  si 
durement  choir,  —  qu'il  se  brisera  la  tête,  ou  que  mon  cœur 
sera  enfoncé. 

«  Je  prendrai  bien  ma  direction,  si  je  puis,  à  Dieu  plaise  !  — 
Quand  j'aurai  en  mes  mains  la  Normandie  et  Pontoise,  —  je 
ferai  camper  sous  Paris  mes  soldats  anglais,  —  puis  je  prendrai 
la  France  malgré  le  comte  d'Amboise. 


38.  sivier  est  pour  sivirQ),  «  suivre  »  («  veux-tu  m'écouter?  »), 
ou  pour  saveir  (?)  ('«  veux-tu  sagesse,  veux-tu  être  sage  ?  »).  — 
3g.  foire  est  pour  fuerre.  mettre  a  fuerre  signifie  «  piller  »;  con- 
duire a  fuerre  peut  signifier  «  conduire  au  pillage  »  ;  mais  foire 
fait  calembour  («  je  les  mènerai  à  la  foire  »).  —  4i.  Peut-être  faut-il 
supposer  qu'à  partir  de  ce  vers,  bien  qu'il  n'y  ait  aucune  indication 
à  ce  sujet,  c'est  le  roi  d'Angleterre  qui  prend  la  parole.  —  45-  poise 
est  pour  plaise.  —  k~j.  achier  est  peut-être  pour  marchier  (?),  ou 
pour  agister,  agiter,  «  prendre  gîte,  coucher  ».  —  48.  Angoise,  pour 
Amboise,  fait  calembour  avec  angoisse. 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  45 

a  Par  la  .  V.  plais  a  Diex,  François  maubali  sont  ! 

«  Si  gï  la  puis  grapier,  certes  il  chateront. 

«  Quant  Inglais  irront  la,  molt  bahot  i  serront  : 

52   «  Par  la  mort  Dieu,  je  crai  que  toutes  s'enfuiront  1  » 

Sir  Symon  a  Montfort  atendi  ce  navel  ; 
.  Donques  sailli  a  piez  :  il  ne  fout  mie  bel. 
A  dit  a  rai  Inglais  :  «  Par  le  cors  saint  Anel, 
56       Lessiez  or  cesti  chos  :  François  n'est  mi  anel. 

«  Se  vous  aler  seur  leus,  il  se  voudra  dafandre  : 

«  Toute  ta  paveillons  metra  feu  a  la  cendre. 

«  Il  n*a  si  vaelant  qui  l'ose  mie  atendre  : 
60  «  Mult  sarra  maubali  qui  le  François  puet  prendre. 

«  —  Quoi  dites  vous,  Symon  ?  »  pona  Rogier  Bigot. 

«  Bien  tenez  vous  la  rai  por  binart  et  por  sot  ! 

«  Fout  insi  hardouin  que  vous  soné  plus  mot, 
64    a   >"e  te  pot  besoner  por  vostre  mileur  cot. 

«  Par  les  cinq  plaies  de  Dieu,  les  Français  sont  mal  en  point  ! 

—  Si  je  les  puis  attraper,  certes  ils  me  la  paieront.  —  Quant 
les  Anglais  iront  là,  il  y  aura  beaucoup  de  sentinelles  :  —  par 
la  mort  de  Dieu,  je  crois  que  toutes  s'enfuiront  !  a 

Sire  Simon  de  Montfort  entendit  cette  nouvelle;  —  alors  il 
sauta  sur  ses  pieds  :  il  n'était  pas  doux.  —  Il  dit  au  roi  d'Angle- 
terre :  «  Par  le  corps  de  saint  Anel,  —  laissez  donc  ces  projets  : 
Français  n'est  pas  agneau. 

«  Si  vous  marchez  sur  le  loup,  il  se  défendra: —  le  Français] 
mettra  vos  tentes  à  feu  et  à  cendre.  — Il  n'y  a  si  vaillant  homme 
qui  l'ose  attendre  :  —  malheur  à  celui  que  le  Français  prendra  !  » 

—  «  Que  dites-vous,  Simon  ?  répondit  Roger  Bigot.  —  Vous 
tenez  le  roi  pour  bien  imbécile  et  sot  !  —  Si  vous  étiez  si  hardi 
que  vous  prononciez  encore  un  mot,  —  vous  ne  vous  tireriez 
pas  d'affaire  avec  votre  meilleure  cotte.  » 

5o.  grapier  est  pour  agraper,  «  attrapper  n  ;  choieront  est  pour 
achateront,  «  ils  paieront,  ils  seront  punis  ».  —  53.  Simon,  comte 
de  Leicester,  meurt  en  1265.  —  58.  metra  feu  a  la  cendre,  bourde 
volontaire  pour  mettra  a  feu  et  a  cendre.  —  61.  Roger  Bigot,  comte 
de  Norfolk,  meurt  en  1270. 


46  LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 

((  —  Sir  Rogier,  dit  la  Rai,  por  Dieu  ne  vos  chaële  ! 
«   ?se  sai  mi  si  irions  contre  ce  merdaële. 
((  Je  ne  dout  mi  François  tout  qui  sont  une  mêle  ; 
68    «  Je  farra  ma  talent  comment  la  chos  aële. 

«  Je  pandra  bien  Parris,  je  suis  toute  certaine  ; 
«  Je  boulerra  le  fu  en  celé  eve  qui  saine  ; 
(    La  moulins  arderra  :  ce  fi  chos  mult gravaine 
72    «   Se  n'i  menja  de  pain  de  troule  la  semaine.  - 

«  Par  la  .V.  plais  a  Diex,  Parris  fout  vil  mult  grant. 
«   Il  i  a  .1.  chapel  dont  je  fi  codant: 
(    Je  le  ferra  portier,  a  .1.  charrier  rollant, 
76    <    A  saint  Amont  a  Londres  toute  droit  en  estant. 

70.  On  corrige  généralement  ev  qui  fu  Saine.  Je  conserve  le  texte 
du  ms.,  qui  fait  un  calembour,  peu  naturel,  il  est  vrai,  mais  qui  est 
dans  le  ton  de  la  pièce. 

—  «  Sire  Roger,  dit  le  roi,  pour  Dieu  ne  vous  en  souciez  pas  ! 

—  Ne  soyez  point  irrité  contre  cette  ordure.  —  Je  ne  crains 
point  les  Français,  tant  qu'ils  sont,  pour  la  valeur  d'une  nèfle  : 

—  je  ferai  mon  plaisir,  de  quelque  façon  que  la  chose  aille. 
Je  prendrai  bien  Paris,  j'en  suis  tout  certain  ;  —  je  mettrai  le 
feu  à  l'eau  de  la  Seine  ;  —  les  moulins  brûleront  :  c'est  une 
chose  très  grave  —  si  on  ne  mange  du  pain  de  toute  la  semaine. 
«  Par  les  cinq  plaies  de  Dieu,  Paris  est  une  ville  très  grande.  — 
Il  y  a  une  chapelle  que  je  désire  ;  —  je  la  ferai  porter  sur  un  cha- 
riot roulant  —  à  Saint-Edmond  à  Londres,  toute  droite,  debout. 

67.  mêle  peut  s'interpréter  comme  «  nèfle  ».  Peut-être  aussi  est-ce 
«  maille  ».  En  ce  dernier  cas,  on  attendrait  maële,  et  il  faudrait  lire 
un  maële  ;  toutefois,  il  y  a  des  exemples  de  a  -+-  l  mouillée  donnant  el 
(voy.  Bchrens,  p.  i36),  et  on  peut,  même  avec  ce  sens,  conserver  le 
texte  sans  correction.  —  71.  Les  moulins  dont  il  s'agit  sont  ceux  qui 
étaient  bâtis  sur  la  Seine  et  en  utilisaient  le  courant.  Voy.  H.Legrand, 
Paris  en  1380,  p.  34,  n.  2  (Histoire  générale  de  Paris).  —  L'emploi  du 
présent  et  du  passé,  fréquent  dans  ce  discours,  peut  non  seulement 
tenir  à  la  maladresse  de  celui  qui  parle,  mais  exprimer  aussi  sa  con- 
fiance extrême,  qui  lui  fait  considérer  ses  projets  comme  déjà  réalisés. 
—  74.  «  une  chapelle,  dont  je  fus  remuant  la  queue  de  plaisir  »,  c'est- 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  f\  ~ 

((  Quant  j'arra  soz  Parris  mené  tout  mé  naviaus. 

«  Je  ferra  le  moustier  saint  Dinis  la  chanciaus 

«  Corronier  d'Adouart  soz  sa  blonde  chaviaus. 

80    «  La  voudra  vous  toer  de  vaches  a  porciaus. 

«  Je  crai  que  vous  verra  la  endret  grosse  fest, 
«  Quant  d'Adouart  arra  corrone  France  test. 
a  II  l'a  bien  asservi,  ma  fil  ;  il  n'est  pas  best  : 
8/1    ti   II  fout  buen  chivaler,  hardouin  et  honest. 

«  —  Sir  rai,  »  ce  dit  Rogier,  «  por  Dieu  a  mai  entent  ! 
«  Tu  m'as  percé  la  cul,  tel  la  pitié  m'aprent. 
«   Or  doint  Godelamit  par  son  culmandement, 
88    «  Que  tu  fais  cestui  chos  bien  gloriousement  !    » 

Explicit  la  pais  ans  Englois. 


«  Quand  j'aurai  mené  tous  mes  navires  sous  Paris,  —  je  ferai, 
dans  le  chœur  de  l'église  de  Saint-Denis,  —  couronner  Edouard 
sur  ses  blonds  cheveux.  —  Là  vous  tuerez  vaches  et  pourceaux. 

«  Je  crois  que  vous  verrez  en  cet  endroit  une  grande  fête,  — 
quand  Edouard  aura  la  couronne  de  France  en  tête.  —  Il  l'a 
bien  mérité,  mon  fils  ;  il  n'est  pas  bête  ;  —  c'est  un  bon  cheva- 
lier, hardi  et  honnête.  » 

—  «  Sire  roi,  dit  Roger,  pour  Dieu  écoutez-moi  !  —  Vous 
m'avez  percé  le  cœur  tant  la  pitié  me  prend.  —  Que  Dieu  le 
Tout-Puissant,  par  son  commandement,  te  donne  —  de  faire 
cette  chose  bien  glorieusement  I  » 

à-dire  <>  qui  m'a  plu  ».  Allusion  à  la  plaisanterie  traditionnelle  des 
Anglais  «  coués  »,  en  même  temps  qu'aux  sentiments  religieux 
d'Henri  II.  Il  s'agit  ici  de  la  Sainte-Chapelle. 

87.  Godelamit  pour  God  Almighty  «  Dieu  Tout-puissanl  ». 


LA    CHARTE   DE   LA    PAIX    AUX   ANGLAIS 

B.  N.,  fr.  837,  fr  22iu-22i  vra. 


Ce  sache  cil  qui  sont  et  qui  ne  sont  mi,  et  qui  ne  doivent 
mi  estre,  qu'il  fu  fet  .1.  gros  pes  entre  ce  rai  Hari  d'Ingle- 
tcr,  et  ce  riche  homme  Loys  a  Parris,  sarra   forretier  de 

5  ce  granl  forrest  a  Normandi.  Et  quant  ce  rai  Hari  d'In- 
gleter  voudra  vauchier  par  son  terre,  ce  riche  homme 
Loys  a  Parris  voudra  donier  a  ce  rai  Hari  meismes  .11. 
porons  sorés  a  mester  soz  son  houses,  por  ester  plus  mi- 
net ;  et  quant  ce  rai  Hari  voudra  aler  de  mort  a  vie,  cestui 
riche  homme  Loys  a  Parris  devra  donier  a  d'Adouart  sa 

10  fis  cesti  chos   meism   sous    vise,   quitement,  francement, 

Que  ceux  qui  sont  et  ceux  qui  ne  sont  pas  et  ceux  qui  ne  doivent 
jamais  être,  sachent  qu'il  a  été  fait  une  grande  paix  entre  le  roi 
Henri  d'Angleterre  et  le  riche  bourgeois  Louis  de  Paris  :  Louis  sera 
forestier  de  la  grande  foret  de  Normandie,  (ligne  à)  Et  quand  le  roi 
d'Angleterre  chevauchera  sur  sa  terre,  le  riche  bourgeois  Louis 
de  Paris  donnera  à  ce  même  Henri  deux  éperons  dorés  pour  mettre 
sur  ses  bottes,  afin  qu'il  soit  plus  élégant  ;  (8)  et  quand  le  roi  Henri 
passera  de  mort  à  vie,  le  riche  bourgeois  Louis  de  Paris  devra  don- 
ner à  Edouard  son  fils  cette  même  chose  vue  ci-dessus,  sans  charge 

3.  riche  homme,  ici,  terme  de  dédain  appliqué  au  roi  de  France.  — 
7.  porons  pour  espérons,  fait  calembour  avec  porion,  porgon,  «  poi- 
reau »  ;  sorés,  pour  dorés,  fait  calembour  avec  soré,  «  séché  ».  L'An- 
glais, au  lieu  de  «  éperons  dorés  »,  dit  donc  «  poireaux  secs  ».  Jubinal 
a  imprimé  poronssores,  que  Godefroy  a  fait  figurer  dans  son  diction- 
naire en  proposant  l'explication  «  couverture,  manteau  ».  Le  mot 
a  également  embarrassé  V.  Le  Clerc  (voy.  Histoire  littéraire  de  la 
France,  t.  XXIII,  p.  453).  M.  G.  Raynaud  le  premier,  ayant  découvert 
le  ms.  de  la  Nouvelle  Charte,  vit  qu'il  s'agissait  non  d'un  seul  mot, 
mais  de  deux,  et  a  proposé  l'explication  véritable.  —  10.  quittement, 
francement,  termes  de  chancellerie  :  «  sans  charge,  ni  redevance  ». 


LA    PAIX    AUX    ANGLAIS  ^9 

dije,  c'avant,  c'arier  :  c'est  donques  a  saver  .II.  porons 
sorés  quant  il  voudra  vauchier  par  son  terre  a  meter  soz 
son  houses,  por  ester  plus  minet  aussinc  comme  a  sa 
piere.   Et  por  ce  que  je  veele  que  ce  chos  fout  fiens  en 

15  estable,  je  veele  pendez  ma  saiele  a  ce  cul  par  derrier, 
avoecques  la  saiele  a  mi  barons  d'Ingleter.  L'an  de  l'In- 
carnacion  nôtres  Sinors  Jesoucriet  mimes  qui  souffri 
mort  a  la  crucefimie  por  nous,  M.  CG.  LX.  I.  IL  et  IIL, 
a  ce  jodi  assolier,  derrière  ce  vendredi,  a  orre  que  Marri 

20  Masalaine  chata  cehonissement  a  honissier  les  .V.  plaies 
Jesoucriet  nostre  Sinors  mimes,  qui  souffra  mort  a  la 
croucefin  por  nous  ;  et  Marri  Mauvaise-Alaine  portez  ce 
honnissement  a  la  Saint  Supoucre  ;  et  Marri  Mauvaise- 
Alaine  veez   l'angiel  ;  et  l'angiel  pona  Marri  :  «   Marri, 

ni  redevance,  aussi  bien  après  qu'avant  :  (11)  c'est  donc  à  savoir 
deux  éperons  dorés,  quand  il  chevauchera  sur  sa  terre,  pour  mettre 
sur  ses  bottes,  afin  qu'il  soit  plus  élégant,  comme  son  père.  {1U)  Et 
parce  que  je  veux  que  cela  soit  un  serment  stable,  je  veux  pendre 
mon  sceau  à  ce  derrière  avec  le  sceau  de  mes  barons  d'Angleterre. 
(16)  L'an  de  l'incarnation  de  Noire  Seigneur  Jésus  Christ  qui  souf- 
frit pour  nous  la  mort  au  crucifiment,  1263,  ce  jeudi  Saint,  qui 
précède  le  vendredi,  moment  où  Marie  Madeleine  acheta  l'oint  pour 
oindre  les  cinq  plaies  de  Jésus  Christ  Notre  Seigneur,  qui  souffrit 
pour  nous  la  mort  au  crucifix  ;  (22)  et  Marie  Madeleine  porta  cet 
oint  au  Saint-Sépulcre  ;   et  Marie  Madeleine   vit   l'ange  ;  et  l'ange 

—  i4.  fiens,  pour  fiance,  fait  calembour  avec  fiens,  «  fumier  ».  — 
i5.  estable,  qui  est  pris  comme  adjectif  au  sens  de  «  ferme  »,  a  aussi, 
comme  substantif,  le  sens  d'  «étable»,  et  ainsi  la  plaisanterie  conti- 
nue. —  cul  est  peut-être  pour  baie  (?),  ou  peut-être  aussi  queue  (c'est- 
à-dire  le  ruban  du  parchemin).  —  20.  Iionissement,  honissier,  pour 
oignement  et  oindre,  font  équivoque  avec  honissement  et  honir.  Le  sens 
est  :  «  à  l'heure  où  Marie-Madeleine  acheta  les  parfums  pour  oindre 
les  plaies...  »  Il  est  trop  évident  qu'il  ne  faut  pas  entendre,  comme 
V.  Le  Clerc,  «  chanta  hosanna.  »  —  22.  Le  jongleur  parodie,  à  partir 
d'ici,  la  scène  qui  était  représentée  dans  les  églises  à  l'office  matinal 
du  vendredi  saint  (voy.  Edélestand  du  Méril,  Origines  latines  du 
théâtre  moderne,  p.  43  et  89  ss.). 


5o  LA    PAIX    AUX    ANGLAIS 

25  quoi  quieré  vous  quei  ?  »  ;  et  Marri  pona  :  «  Je  quere 
Jhesum  qui  fout  a  la  crucefimie  »  :  et  l'angel  pona  a  Marri  : 
o  Marri  !  Marri  !  aleici  !  aleici  !  il  ne  fout  pas  ci  ;  il  fout 
aie  cestui  matin  a  Galerrie  !  » 

ExplicU  la  char  Ire  de  la  pais  aus  Englois. 


demanda  à  Marie  :  «  Marie,  que  cherchez  vous  ici  P  »  ;  et  Marie  répon- 
dit :  «  Je  cherche  Jésus  qui  a  été  au  crucifiaient  »  ;  et  l'ange  répon. 
dit  à  Marie  :  «  Marie,  Marie  !  Aleici  !  aleici  !  il  n'est  pas  ici  ;  il  est  allé 
ce  matin  en  Galilée  !  » 


26.  Remarquer  l'équivoque  prolongée  sur  le  mot  fout.  —  27.  Aleici, 
déformation  de  alléluia,  fait  calembour  avec  alez  ici.  —  28.  Galerie 
(«  réjouissance  »),  pour  Galilée,  fait  un  nouveau  jeu  de  mots. 


NOUVELLE    CHARTE   DE    LA   PAIX    AUX    ANGLAIS1 


{Le  début  manque) 

chavaugier  par  son  ter  roi    Phelippotc  donerer 

Dadoarz  un  porrons  sorcrs  par  mes[ter]  sur  son  osel, 
par  estre  plus  migncl  ;  et  quant  rey  Dadoarz  volerer 
descender  de  son  grant  chavel,  roy  Phelippote  deschau- 

5  cer  le  porron  sorer  en  son  main,  et  dirré  :  «  Offu,  oscu 
furrez  devant  roy  Dadoart  !  »,  et  quant  il  voleré  man- 
gier,  roi  Phelippote  devestirer  soi  toz  nuz,  et  trancherer 
devant  Dadoarz,  et  direrz  :  o  Boi,  menger,  bon  roi  Da- 
doarz !  »  et  roi  Dadoarz  dirré  :  «  Chetis  rois  Phelippote,  je 

îo  serré  sire,  et  tu  serré  mon  garçon  »,  et  Phelippote  dirré  : 
a  Foire,  foure,  vos  dirré  voir.  »  Et  en  tel  maner  fot  faite 
pès  ;  et  par  ço  que  ço  soit  femier  en  estauble,  je  penderer 
le  seal  Phelippote  a  cest  cul  par  derer,  en  l'an  que  Marrie 
Malvaise-Aloine  veneral  sainte  Sepocre  aporter  les  onisse- 

15  ments  [a]  onir  Jase  Crist  mil.  CC.  IIII".  et  XIX. 

i.  Les  éclaircissements  que  nous  avons  donnés  pour  la  première 
Charte  serviront  pour  la  seconde,  où  il  n'y  a  guère  de  plaisanteries 
nouvelles  à  relever.  —  Je  ne  saurais  dire  en  quoi  consiste  au  juste  le 
comique  des  réponses  du  roi  de  France  :  «  Offu,  oscu,  furrez...  »  et  : 
«  Foire,  foure,...  »,  sinon  qu'il  doit  y  avoir  ici  des  jeux  de  mots  bouf- 
fons (ainsi  foire  pour  voire). 


LES   DITS   DE   L'HERBERIE 


LA    GOUTE    EN    L'AINE 


INTRODUCTION 


Des  trois  pièces  qui  vont  suivre,  nous  savons  que  l'une 
est  de  Rulebeuf  ;  mais  les  deux  autres  sont  anonymes.  La 
première,  celle  de  Rutebeuf,  se  compose  de  deux  parties, 
l'une  en  vers,  l'autre  en  prose.  La  seconde  est  tout  entière 
en  prose,  et  n'est  qu'une  amplification  de  l'œuvre  de  Rute- 
beuf. La  troisième  pièce,  enfin,  toute  en  vers,  et  intitulée 
la  Conte  en  l'aine,  est  la  moins  remarquable  et  la  plus 
récente. 

VHerberie  de  Rutebeuf  se  trouve  dans  deux  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  Nationale  :  le  ms.  fr.  i635,  f°  80  (.4), 
et  le  ms.  fr.  24432,  f'  34  (B).  Le  ms.  i365  donne  la  pièce 
sans  nom  d'auteur  :  le  nom  de  Rulebeuf  est  fourni  par  le 
ms.  24432  dans  VFncipitet  YExplicit.  Nous  avons  adopté, 
dans  notre  texte,  les  leçons  du  ms.  i635,  qui  est  le  plus 
ancien  et  le  moins  fautif  des  deux.  Aussi  bien  la  lecture 
des  variantes  est  elle  ici  peu  instructive  et  ne  donne  pas 
matière  à  d'importantes  observations. 

VHerberie  en  prose  ne  se  trouve  que  dans  le  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  Nationale  fr.  19162,  f°  8g.  Bien  que  le 
ms.  soit  unique,  le  texte  ne  présente  pas  de  grave  diffi- 
culté. 

La  Goûte  en  l'aine,  enfin,  se  trouve  aussi  dans  un  manus- 
crit unique  de  la  même  bibliothèque,  fr.  837,  f°  243. 

Il  n'est  pas  possible  de  dire  très  précisément  à  quelle 
date  se  place  la  composition  de  ces  pièces:   l'étude  de  la 


56  LES    DITS    DE    l'hERBERIE 

langue  ne  donne  pas  ici  de  résultat.  Pour  la  première, 
dont  une  moitié  est  en  prose,  et  pour  la  seconde,  qui  est 
toute  en  prose,  nous  manquons  des  deux  plus  sûrs  ins- 
truments qui  permettent  de  reconstituer  la  langue  origi- 
nale d'une  œuvre  :  la  rime  et  le  mètre  d.  Pour  la  troi- 
sième, elle  est  si  courte,  qu'il  faut  renoncer  à  y  trouver 
les  indices  d'un  âge  exact.  L'Herberie  de  Rutebeuf 
appartient,  à  en  juger  par  ce  qu'on  sait  d'ailleurs  de 
cet  auteur,  au  troisième  quart  du  xme  siècle,  ou  au  com- 
mencement du  quatrième.  L'Herberie  en  prose  et  le  dit  de 
la  Goule  en  raine,  postérieurs  à  l'œuvre  deRutebeui,  appar- 
tiennent encore  au  xiir"  siècle,  puisque  les  manuscrits 
sont  de  cette  époque. 

La  Goûte  en  l'aine  diffère  un  peu  des  deux  autres  pièces 
par  le  sujet,  en  ce  sens  qu'il  ne  s'y  agit  pas  précisément 
d'un  «  herbier»,  mais  d'un  o  mire  »,  sans  plus  de  précision. 
Toutefois,  elle  leur  ressemble  trop,  dans  ses  grandes  lignes, 
pour  en  être  séparée.  Toutes  trois  sont  des  boniments  de 
charlatans.  Non  point  qu'elles  aient  été  composées  et  dé- 
bitées par  de  vrais  charlatans  :  elles  ne  sont  que  des  paro- 
dies. Elles  imitent,  en  les  rendant  bouffonnes,  les  ha- 
rangues à  la  faveur  desquelles  les  thériacleurs  essayaient 
de  vendre  au  peuple  quelque  merveilleuse  panacée.  Plu- 

i.  L'Herberie  de  Rutebeuf  affecte  une  forme  métrique  assez  sin- 
gulière. Elle  est  composée  de  groupes  de  trois  vers  monorimes,  dont 
le  premier  a  quatre  syllabes,  et  les  deux  autres  huit.  C'est  donc  le 
petit  vers  qui  amorce  les  rimes  nouvelles,  bien  que,  par  le  sens,  il  se 
rattache  souvent,  non  pas  au  groupe  suivant,  mais  au  groupe  pré- 
cédent. Nous  avons  déjà  vu,  dans  le  Privilège  aux  Bretons,  un  usage 
assez  semblable  du  vers  de  quatre  syllabes,  qui,  là  aussi,  introduit 
toujours  une  rime  nouvelle.  Ce  qu'il  y  a  de  particulier  dans  cette 
dernière  pièce,  c'est  que  le  petit  vers  y  est  employé  d'une  façon  beau- 
coup moins  régulière  que  dans  Yllerberie  :  il  y  est  suivi  d'un  nombre 
variable  de  vers  de  la  même  rime  ;  et  il  n'annonce  pas  tous  les  chan- 
gements de  rime. 


LES    DITS    DE    l'hERBERIE  5"J 

sieurs  critiques  se  sont  mépris  en  prenant  de  telles  charges 
au  sérieux.  Petit  de  Julleville.  par  exemple,  a  écrit,  à 
propos  de  la  première  Herberie*  :  «  Rutebeuf  l'a-t-il  com- 
posée pour  son  propre  usage,  et  fit-il,  dans  ses  jours  de 
misère,  quand  les  dés  l'avaient  maltraité,  le  métier  d'opé- 
rateur sur  la  place  publique  ?  Ou  bien  a-t-il  composé  le 
dit  de  YHerberie  pour  le  vendre  à  quelque  charlatan  qui 
en  régalait  les  badauds?  Ou  enfin,  le  dit  n'est-il  qu'une 
imitation  artistique  des  <  boniments  »  réels  que  débitaient 
les  marchands  de  drogues,  et  servait-il  à  des  jongleurs 
qui  parodiaient  les  opérateurs  sans  faire  eux-mêmes  mé- 
tier d'opérateurs  ?  Cette  hypothèse  est  admissible  ;  mais 
on  ne  saurait  prouver  qu'elle  est  vraie  ;  car  pour  que 
l'imitation  fût  bien  faite,  il  fallait,  dans  ce  dernier  cas, 
qu'elle  ressemblât  parfaitement  à  la  réalité  :  rien  ne  peut 
donc  permettre  aujourd'hui  de  distinguer  l'une  de  l'autre.» 
L'argument  est  sophistique,  et  nous  avons  vraiment  la 
preuve  que  nos  pièces  étaient  des  «  imitations  ».  Cette 
preuve,  c'est  l'accumulation  voulue  de  bourdes  et  de  «  rêve- 
ries» ,  dont  ils  sont  tout  enflés2.  Il  faut  nécessairement  se  re- 

i.  Les  Comédiens  de  l'ancienne  France,  p.  25.  Voy.  l'opinion  voisine 
de  A..  Jubinal  (Œuvres  de  Rutebeuf,  in-120,  t.  II,  p.  5i,  n.  1)  :  «  C'est 
tout  simplement  une  parade,  un  boniment,  dans  le  genre  de  ceux  que 
les  charlatans  d'aujourd'hui  débitent  sur  les  places  publiques.  Seu- 
lement Rutebeuf  l'y  récitait-il  lui-même,  ou  l'avait-il  composé  comme 
un  modèle  à  l'usage  des  jongleurs  et  des  trouvères  de  bas  étage  ?  Je 
l'ignore...  »  Voy.  encore  Lintilhac,  Histoire  du  théâtre  en  France,  t.  II, 
p.  160. 

2.  Il  faut  considérer  comme  un  jeu  les  énumérations  de  diffé- 
rentes sortes  qu'on  rencontre  dans  la  pièce  de  Rutebeuf  :  ce  sont  des 
listes  de  choses  rares,  telles  que  les  pierres  précieuses  (35-38),  ou  bien 
encore  d'ingrédients  étranges  (80-89),  ou  bien  encore  de  noms  de  pays 
(125-129) et  de  noms  de  monnaies  (167-169),  dont  la  seule  accumulation, 
comme  toute  redondance  affectée  du  style,  est  comique.  Et  à  côté  de 
ce  procédé  qui  apparaît  à  plusieurs  reprises,  ce  sont  d'autres  bouffon- 
neries, aussi  manifestes  :  récits  merveilleux  jusqu'à  l'absurde  (5o-53, 


58  LES    DITS    DE    l'ïIERBEKIE 

présenter  cette  pièce,  ou  plutôt  ces  pièces,  celle  de  Rutebeuf  et 
les  autres,  comme  un  mime,  que  les  jongleurs  inscrivaient 
à  leur  répertoire.  Nous  en  avons  des  preuves  internes, 
avons-nous  dit  ;  mais  nous  en  avons  aussi  des  preuves 
externes.  Un  fabliau  raconte,  en  effet,  comment,  une  fois, 
des  ménestrels  de  toute  espèce  se  rassemblèrent  à  la  cour 


120-122),  révélations  mirifiques  (i8o-i83),  truismes  burlesques  (4o-46)» 
expressions  et  détails  grossiers  (62-63,  71,  96),  détours  imprévus  de  la 
pensée  (91-96,  107-112),  recettes  étranges  (i55-i58,  185-187),  maximes 
ambitieuses  et  dérisoires  (i63-i64,  187-188),  etc. 

La  seconde  Herberie  emprunte  à  celle  de  Rutebeuf  un  bon  nombre 
de  traits.  On  y  retrouve  les  mêmes  énumérations  de  pays  (I,  25,  II, 
/i5),  d'ingrédients  baroques  (I,  80,  II,  71),  de  pièces  de  monnaie  (I,  167, 
II,  110),  les  mômes  tours  (I,  n5,  II,  35),  les  mêmes  truismes  (I,  4a, 
II,  66),  les  mêmes  bouffonneries  (I,  172,  II,  118  ;  I,  191,  II,  i35).  Mais 
on  est  ici  en  présence  d'une  imitation  moins  sobre  que  ne  l'est  la 
première  Herberie  ;  la  parodie  est  poussée  à  la  charge,  et,  aussi  bien 
dans  les  parties  où  l'auteur  a  suivi  Rutebeuf  que  dans  celles  où  il  se 
montre  original,  la  note  a  été  forcée.  Les  énumérations  sont  plus 
longues  et  trainent  un  peu  (voy.  surtout  71,  110);  mais  surtout  les 
bourdes  sont  plus  grosses,  plus  invraisemblables,  et  l'herbier  débite 
de  délirantes  balivernes.  La  matière,  ici,  a  été  enrichie  d'éléments 
comiques  étrangers  au  sujet.  Passons  sur  les  formules  d'incantation 
(i-4,  171-174)  qui  sont  de  circonstance;  passons  sur  quelques  redon- 
dances inutiles  (i3i-i33)  et  sur  quelques  plaisanteries  trop  peu  dis- 
crètes (48,  5g).  Il  reste  encore,  entr'autres  exagérations  notables,  tout 
un  développement  burlesque  sur  la  véracité  des  femmes  (5-33)  et  une 
série  de  fagots  et  calembredaines  (174-207),  qui  se  raccordent  fort 
mal  avec  le  reste  de  la  pièce.  Je  le  répète,  on  ne  peut  nier  que  la 
charge,   amusante  d'ailleurs  dans  son  énormité,  soit  outrée.  Aussi 
bien  est-il  à  propos  de  remarquer  que  les  deux  fragments  dont  nous 
venons  de  parler,  et  qui  ont  été  insérés  d'une  façon  inattendue  dans 
l' Herberie  en  prose,   sont  des  postiches  empruntés  à  la  littérature 
populaire  du  moyen-âge,  où  fleurit  la  satire  des  femmes,  et  à  laquelle 
le  type  du  sot  est  familier.  Il  est  même  singulier  que  la  série  des 
calembours  qu'on  lit  depuis  la  ligne  198  jusqu'à  la  ligne  207  viennent 
directement  de  la  Riote  du  monde  où  ils  se  succèdent,  exactement  les 
mêmes,  dans  le  même  ordre  (voy.  Zeitschrift  fur  rom.  Philologie, 
i884,  t.  VIII,  p.  280). 


LES    DITS    DE    l'hERBERIE  5g 

d'un  seigneur  qui  les  avait  convoqués  ;  et  là,  chacun  se  mit 
à  «  faire  son  métier  »  : 

L'uns  fait  l'ivre,  l'autre  le  sot, 
Lis  uns  chante,  li  autres  note, 
Et  li  autres  dit  la  Riole, 
Et  li  autres  la  Jonglerie... 
Aucuns  i  a  qui  fabliaus  conte, 
Ou  il  ot  mainte  gaberie, 
Et  li  autre  dit  YErberie 
La  ou  il  ot  mainte  risée  *. 

Ainsi  nous  est  fournie  l'indication  précise  de  l'usage 
auquel  était  destinée  Vllerberie,  et  nous  savons  avec  cer- 
titude qu'elle  figurait  au  répertoire  des  jongleurs,  qui 
la  débitaient  comme  une  charge,  comme  une  parodie  des 
boniments  de  charlatans. 


i.  Du  vilain  au  buffet,  v.  1/42  ss.  (Montaiglon,  Recueil  général  des 
fabliaux,  t.  ITI,  lxxy,  p.  ao4).  On  remarquera  que  Vllerberie,  est  men- 
tionnée ici  à  côté  du  jeu  du  Sot  (voy.  Les  jongleurs  en  France  au 
moyen-âge,  p.  a3G,  n.  5),  de  la  Riote  (avec  laquelle  nous  avons,  dans 
la  note  précédente,  signalé  son  rapport),  et  de  la  Genglerie  (voy.  plus 
loin,  p.  88,  n.  1). 


LE    DIT    DE    L'HERBERIE 

DE 

RUTEBEUF 
B.  N.,  fr.   iG35  (A)  et  aâ&3a  (B). 

Seigneur  qui  ci  este  venu, 
Petit  et  grant,  jone  et  chenu, 
Il  vos  est  trop  bien  avenu  ! 

Sachiez  de  voir, 
5  Je  ne  vos  vuel  pas  desovoir  : 
Bien  le  porrez  aparsouvoir 

Ainz  que  m'en  voize. 
Aseeiz  vos  !  Ne  faites  noise, 
Si  escouteiz,  c'il  ne  vos  poize. 
10         Je  sui  uns  mires, 

Si  ai  estei  en  mainz  empires. 
Dou  Caire  m'a  tenu  li  sires 

Plus  d'un  estei  : 
Lonc  tanz  ai  avec  li  estei, 
i5  Grant  avoir  i  ai  conquestei. 

Meir  ai  passée, 
Si  m'en  reving  par  la  Moree 
Où  j'ai  fait  moût  grant  demoree, 

Et  par  Salerne, 

B.  2.  jones  et  —  5.  vueil  pas  décevoir  —  9.  escoutez  sil  —  11.  sai 
estre  par  divers 

On  trouvera  au  glossaire,  pour  les  pièces  qui  suivent,  les  explica- 
tions qu'il  m'a  paru  utile  de  donner  sur  les  difficultés  de  sens. 


62  LES    DITS    DE    l'hERBERIE 

20  Par  Burienne  et  par  By terne. 

En  Puillc,  en  Calabre,  [en]  Paterne, 

Ai  herbes  prises 
Qui  de  granz  vertuz  sunt  emprises  : 
Sus  quelque  mal  qu'el  soient  mises, 
25         Li  maux  c'en  fuit. 

Jusqu'à  la  rivière  qui  bruit 
Dou  flun  des  pierres  jor  et  nuit 

Fui  pierres  querre. 
Prestres  Jehans  i  a  fait  guerre. 
3o  Je  n'ozai  entreir  en  la  terre  : 
Je  fui  au  port. 
Moût  riches  pierres  en  aport, 
Qui  font  resusciteir  le  mort  : 
Ce  sunt  ferrites, 
35  Eldyamans,  et  cresperites, 
Rubiz,  jagonces,  marguariles, 

Grenaz,  stopaces, 
Et  lellagons,  et  galofaces. 
De  mort  ne  doutera  menaces 
4o         Cil  qui  les  porte. 

Foux  est  ce  il  ce  desconforte  : 
N'a  garde  que  lièvres  l'en  porte 

Cil  se  tient  bien  ; 
Si  n'a  garde  d'aba  de  chien, 
/|5  Ne  de  reching  d'azne  anciien, 
Cil  n'est  coars  : 
11  n'a  garde  de  toutes  pars. 
Carbonculus  et  garcelars 
Qui  sunt  tuit  ynde, 


21.  en  luserne  —  3o.  nose  —  35  manque  —  38.   tellacons  et  gala- 
fates  —  4i.  Fox  est  qui  se  —  48.  Charbon  nelos  et  garolas 


LES    DITS    DE    L  HERBERIE  63 

5o  Herbes  aport  des  dezers  d'Ynde 
Et  de  la  terre  Lincorinde 

Qui  siet  seur  l'onde, 
Elz  quatre  parties  dou  monde. 
Si  com  il  vient,  a  la  raonde. 
55         Or  m'en  creeiz  : 

Vos  ne  saveiz  cui  vos  veeiz  ; 
—  Taiziez  vos,  et  si  vos  seeiz  — 

Veiz  m'erberie  : 
Je  vos  di,  par  sainte  Marie, 
60  Que  ce  n'est  mie  freperie, 

Mais  granz  noblesce. 
J'ai  l'herbe  qui  les  veiz  redresce 
Et  celé  qui  les  cons  estresce. 

A  pou  de  painne 
65  De  toute  fièvre  sanz  quartainne 
Gariz  en  mainz  d'une  semainne, 

Ce  n'est  pas  faute  ; 
Et  si  gariz  de  goûte  flautre  : 
Ja  tant  n'en  iert  basse  ne  haute, 
70         Toute  l'abat. 

Ce  la  vainne  dou  cul  vos  bat, 
le  vos  en  garrai  sanz  débat, 

Et  de  la  dent 
Gariz  je  trop  apertement 
75  Par  .1.  petitet  d'oignement. 

Que  vos  dirai  ? 
Oeiz  coument  jou  confirai  ; 
Dou  confire  ne  mentirai  : 

C'est  cens  riote. 


60.  nest  une  sorperie  —  61   et  62  effacés  —  65.  toutes  fièvres  fors 
q.  —  68  fautre  —  72.  garirai  —  78.  Ja  au  c. 


64  LES    DITS    DE    l'hERBERIE 

80  Preneiz  dou  sayn  de  [la]  marmote, 
De  la  merde  de  la  linote, 

Au  mardi  main, 
Et  de  la  fuelle  dou  plantain, 
Et  de  l'estront  delà  putain 
85  Qui  soit  bien  ville, 

Et  de  la  pourre  de  l'estrille, 
Et  dou  ruyl  de  la  faucille, 

Et  de  la  lainne, 
Et  de  l'escorce  de  l'avainne 
90  Pilei  premier  jor  de  semainne  : 
Si  en  fereiz 
Un  amplastre  :  dou  jus  laveiz 
La  dent,  l'amplastre  metereiz 
Desus  la  joe. 
95  Dormeiz  .1.  pou,  je  le  vos  loe. 
S'au  leveir  ni  a  merde  ou  boe. 

Diex  vos  destruie  ! 
Escouteiz,  c'il  ne  vos  anuife]  : 
Ce  n'est  pas  j  ornée  de  truie 
100         Gui  poeiz  faire  ; 

Et  vos  cui  la  pierre  fait  braire, 
Je  vos  en  garrai  sanz  contraire 

Ce  g'i  met  cure. 
De  foie  eschauffei,  de  routure, 
io5  Gariz  je  tout  a  desmesure, 
A  quel  que  tort. 
Et  ce  voz  saveiz  home  sort, 
Faites  le  venir  a  ma  cort  : 
Ja  iert  touz  sainz. 

80.  Prenez  sain  de  la  m.  —  92.  .1.  piastre  et  du  jus  laverez 
96.  ni  boe  —  Plusieurs  vers  presque  illisibles  —  io5.  Garis  je  tost 
106.  Quel  quil  tourt  —  107.  home  sourt  (A  :  xort) 


LES    DITS    DE    l'hERBERIE  65 

no  Onques  mais  nul  jor  n'oy  mains, 
Ce  Diex  me  gari  ces  .II.  mains, 
Qu'il  orra  ja. 

Or  oeiz  ce  que  m'en  charja 
Ma  dame,  qui  m'en  voia  sa. 


115  Bêle  gent,  je  ne  suis  pas  de  ces  povres  prescheurs,  ne  de 
ces  povres  herbiers  qui  vont  par  devant  ces  mostiers,  a 
ces  povres  chapes  maucozues,  qui  portent  boites  et  sachez, 
et  si  estendent  .1.  tapiz  :  car  teiz  vent  poivre  et  coumin, 
qui  n'a  pas  autant  de  sachez  com  il  ont.  Sachiez  que  de 

120  ceulz  ne  sui  je  pas  ;  ainz  suis  a  une  dame  qui  a  non 
Madame  Trote  de  Salerne,  qui  fait  cuevre-chiés  de  ces 
oreilles,  et  li  sorciz  li  pendent  a  chaainnes  d'argent  par 
desus  les  espaules.  Et  sachiez  que  c'est  la  plus  sage  dame 
qui  soit  enz  quatre  parties  dou  monde.  Ma  dame  si  nos 

125  envoie  en  diverses  terres  et  en  divers  pais,  en  Puille,  en 
Calabre,  en  Tosquanne,  en  Terre  de  Labour,  en  Alle- 
maingne,  en  Soissoinnie,  en  Gascoingne,  en  Espaigne, 
en  Brie,  en  Champaingne,  en  Borgoigne,  en  la  forest 
d'Ardanne,  por  ocirre  les  bestes   sauvages    et  por  traire 

130  les  oignemenz,  por  doneir  médecines  a  ceux  qui  ont  les 
maladies  es  cors.  Ma  dame  si  me  dist  et  me  commanda 
que,  en  queil  que  leu  que  je  venisse,  que  je  deïsse  aucune 
choze  si  que  cil  qui  fussent  entour  moi  i  prissent  boen 
essample,  et  por  ce  qu'ele  me  fist  jurer  seur  sainz  quant 


no.  Onques  a  nul  jor  —  n3.  Oez  ce  que  len  m.  —  119.  commin 
et  autres  espces  qui  nont  —  122.  pandent  a  .II.  chaannes  — 
ia3.  Et  manque  —  126.  Tosquane  en  Alemaingne  en  Sessoigne  en 
Gascoingne  en  terre  de  Labour  por  occirre  —  i3i.  comanda  — 
i32.  quel  lieu 


66  LES    DITS    DE    l'hERBERIE 

135  je  me  départi  de  li,  je  vos  apanrai  a  garir  dou  mal  des 
vers  se  vos  le  voleiz  oïr. 
Voleiz  oïr  ? 

Aucune  genz  i  a  qui  me  demandent  dont  les  vers  vien- 
nent.   Je    vos    fais   asavoir    qu'ils    viennent  de  diverses 

no  viandes  reschauffees,  et  de  ces  vins  enfuteiz  et  boteiz.  Si 
se  congrient  es  cors  par  chaleur  et  par  humeur  ;  car,  si 
cou  dient  li  philosophe,  toutes  chozes  en  sont  criées,  et 
por  ce,  si  viennent  li  ver  es  cors,  qui  montent  jusqu'au 
cuer,  et  font  morir  d'une  maladie  c'on  apelc  mort  sobi- 

145  tainne.  Seigniez  vous  !  Diex  vos  en  gart,  touz  et  toutes  ! 

Por  la  maladie  des  vers  garir  (a  vos  iex.  la  veeiz,  a  vos 
piez  la  marchiez),  la  meilleur  herbe  qui  soit  elz  quatre 
parties  dou  monde,  ce  est  l'ermoize.  Ces  famés  c'en  cei- 
gnent le  soir  de  la  Saint  Jehan,  et  en  font  chapiaux  seur 

150  lor  chiez,  et  dient  que  goûte  ne  avertinz  ne  les  puet  panre 
n'en  chief,  n'en  braz,  n'en  pie,  n'en  main  :  mais  je  me 
merveil  quant  les  testes  ne  lor  brisent  et  que  li  cors  ne 
rompent  par  mi,  tant  a  l'erbe  de  vertu  en  soi.  En  celé 
Champeigne  ou  je  fui  neiz  l'appelé  hon  marreborc,  qui 

155  vaut  autant  corn  «  la  meire  des  herbes  ».  De  celé 
herbe  panrroiz  troiz  racines,  .Y.  fuelles  de  sauge, 
.IX.  fuelles  de  plantaing  :  bateiz  ces  chozes  en  .1.  mortier 
de  cuyvrc,  a  un  peteil  de  fer,  desgeuneiz  vos  dou  jus  par 
.III.  matins  :  gariz  sereiz  de  la  maladie  des  vers. 

160  Ostciz  voz  chaperons,  tendeiz  les  oreilles,  regardeiz  mes 
herbes,  que  ma  dame  envoie  en  cest  pais  et  en  cest  terre  ; 
et  por  ce  qu'cl  vuet  que  li  povres  i  puist  aussi  bien  avenir 
coume  li  riches,  ele  me  dist  que  j'en  feï'sse  danrree  (car 
teiz  a  .1.  denier  en  sa  boree.  qui  ni  a  pas  .V.  livres);  et 

i33.  me  parti  —  187.  oir  de  par  Dieu  aucuns  me  dem.  —  i^o.  en- 
fustez  et  les  autres  si  se  contiennent  —  i43.  sen  sainent  —  157.  batez 
en  .1.  —  160.  Or  ostez 


LES    DITS    DE    L'HERBEBIE  67 

165  me  dist  et  me  commanda  que  je  prisse  .1.  denier  de  la 
monoie  qui  corroit  el  païs  et  en  la  contrée  ou  je  vanroie, 
a  Paris  .1.  parisi,  a  Orliens  .1.  orlenois,  au  Mans  .1.  man- 
sois,  a  Chartres  .1.  chartain,  a  Londres  en  Aingleterre 
.1.  esterlin,  por  dou  pain,  por  dou  vin  a  moi,  por  dou  fain, 

"0  por  de  l'avainne  a  mon  roncin  :  car  teil  qui  auteil  sert, 
d'auteil  doit  vivre. 

Et  je  di  que  c'il  estoit  si  povres,  ou  honz  ou  famé,  qu'il 
n'eùst  que  doner,  venist  avant  :  je  li  presteroie  l'une  de 
mes  mains  por  Dieu  et  l'autre  por  sa  meire,  ne  mais  que 

175  d'ui  en  .1.  an  feïst  chanteir  une  messe  de  Saint  Esperit, 
je  di  noumeement  por  l'arme  de  ma  dame,  qui  cest  mes- 
tier  m'aprist  je  ne  fasse  ja  trois  pez  que  li  quars  ne  soit 
por  l'arme  de  son  père  et  de  sa  mère  en  remission  de  leur 
péchiez. 

180  Ces  herbes,  vos  ne  les  mangereiz  pas  ;  car  il  n'a  si  fort 
buef  en  cest  païs,  ne  si  fort  destrier  que,  cil  en  avoit  ausi 
groz  com  .1.  pois  soi*  la  langue,  qu'il  ne  morust  de  maie 
mort,  tant  sont  fors  et  ameires  ;  et  ce  qui  est  ameir  a  la 
bouche,  si  estboen  au  cuer.  Vos  les  me  metreiz  .111.  jors 

i8o  dormir  en  boen  vin  blanc  ;  se  vos  n'aveiz  blanc,  si  preneiz 
vermeil  ;  se  vos  n'aveiz  vermeil,  preneiz  de  la  bêle  yaue 
clere  :  car  teiz  a  un  puis  devant  son  huix,  qui  n'a  pas 
.1.  tonel  de  vin  en  son  celier.  Si  vos  en  desgeunereiz  par 
.XIII.    matins.    Ce  vos  failleiz   a  un,  preneiz  autre,    car 

i65.  dist  que  —  166.  pais  et  en  la  terre  ou  —  167.  mans  a  estampes 
.1.  estampois  a  bar  .1.  barrois  a  viane  .I.vianois  a  clermont  .1.  cler- 
mondois  a  dijon  .1.  dijonnois  a  mascon  .1.  masconois  a  tor  .i.  tor- 
nois  a  troies  .1.  treessien  a  rains  .1.  reneien  a  prouvins  .1.  prove- 
noisien  amiens  .1.  moncien  a  arras  .1.  artisien  por  du  pain  — 
173.  neust  point  dargent  —  Mis.  depuis  presteroie  jusqu'à  li  quars 
—  178.  por  que  l'arme  —  i85.  en  vin...  blanc  prenez  —  186.  ver- 
meil prenez  chastain  se  vous  navez  chastain  prenez  de  la  belle  — 
188.  en  son  hostel 


68  LES    DITS    DE    l'hEUBERIE 

190  ce  ne  sont  pas  charaies;  et  je  vos  di  par  la  paission  dont 
Diex  maudist  Corbitaz  le  juif,  qui  forja  les  .XXX.  pièces 
d'argent  en  la  tour  d'Abilent,  a  .III.  liues  de  Jherusa- 
lem,  dont  Diex  fu  venduz,  que  vos  sereiz  gariz  de  diverses 
maladies  et  de  divers  mahainz,  de  toutes  fièvres  sanz  quar- 

193  tainne,  de  toutes  goûtes  sanz  palazine.  de  l'enfleure  dou 
cors,  de  la  vainne  dou  cul  c'ele  vos  débat  :  car,  ce  mes 
pères  et  ma  mère  estoient  ou  péril  de  la  mort,  et  il  me 
demandoient  la  meilleur  herbe  que  je  lor  peiïsse  doneir, 
je  lor  donroie  cest. 

200  En  teil  meniere  venz  je  mes  herbes  et  mes  oignemens  : 
qui  vodra,  si  en  preingne  ;  qui  ne  vodra,  si  les  laist  ! 

200-201  manquent. 


II 


LHERBERIE 


EN    PROSE 


B.  N.j  fr.   19102,  f*  8g"-f°  90  v° 


Audaf rida  fabuli  fabula  !  quant  il  \dLbaculasuasor  le  fossé 
entre  .11.  vers  !  La  tierce  meure  !  Dist  li  vilains  qui  ne 
savoit  deviner  :  «  .XIII.  et  .XIII.  ce  sont  .XVII.  et  puis 
.III..  .XXV.,  .1.  ».  Qui  ne  set  conter,  si  perde! 

5  Ge  vos  di.  beau  scignor,  qu'il  sont  en  cest  siècle  ter- 
rien .V.  mannieres  de  choses,  dont  li  preudom  doit  bien 
croire  sa  preude  feme,  s'ele  li  dit.  La  première  chose  si  est 
tele  que,  si  la  met  en  .1.  for  tôt  chaut  comme  por  pain 
cuire,  et  il  li  viegne  au  devant  et  li  demant    :«  Bêle  suer, 

10  cornent  vos  est  il  ?  »,  s'ele  li  dit  :  «  Sire,  ge  n'ai  pas  froit  », 
certes,  il  l'en  doit  bien  croire.  —  L'autre  enprès  si  est 
tele  que,  s'il  la  met  en  .1.  sac,  et  il  loie  bien  la  bouche,  et 
il  la  gite  desor  le  pont  en  l'aive,  et  il  li  viegne  au  devant 
et  il  li  demande  :  «  Bêle  suer,  cornent  vos  est  il  ?  »,  s'ele 

13  li  dit  :  c  Certes,  sire,  ge  n'ai  pas  soif  »,  il  l'en  doit  bien 
croire.  —  La  tierce  après  si  est  tele  que.  si  ele  travaille 
d'enfant,  et  il  li  viegne  au  devant  et  li  demant  :  «  Bêle 
suer,  cornent  vos  est-il  ?  »,  si  ele  li  dit  :  «  Certes,  sire,  je 
sui  malades  »,  il  l'en  doit  bien  croire,  que  si  est  elle.  — 

20  La  quarte  après  si  est  tele  que,  se  li  preudons  vient  de- 
vant sa  preude  feme  et  il  li  demande  :  «  Dame,  que  feroiz 

i.  Ms.  :  Ci  commence  l'erberie. 


70  LES    DITS    DE    L  HERBEIUE 

vos  ?  »,  et  se  ele  li  respont  :  «  Sire,  je  vos  corrocerai  », 
il  l'en  doit  bien  croire,  qui  si  fera  ele,  se  ele  puet.  —  La 
quinte  après  si  est  tele  que,  se  la  preudc  feme  se  gist  delez 

25  son  seignor,  et  ele  s'est  endormie,  et  ele  lait  aler  ou  pet 
ou  vesse,  et  li  preudons  la  sente  et  il  li  dit  :  «  Bêle  suer, 
vos  vos  conciliez  toute  »,  «  Par  mon  chief,  sire,  fait  ele. 
mais  vos  »,  il  l'en  doit  bien  croire,  quar  si  fait  ele  :  el  ne 
se  concilie  pas,    ainz  conchie  son  vilain  ;   si   se  nesloie, 

30  quar  ele  le  délivre  de  la  merde,  si  l'en  aboivre. 

Ce  sont  les  .V.  manières  de  choses  en  cest  siècle  ter- 
rien dont  li  preudom  doit  bien  croire  sa  preude  feme,  se 
ele  li  dit. 

Ge  vos  dirai,  beau  seignor,  entre  vos  qui  ci  estes  assan- 

35  blé,  —  ne  le  tenez  pas  a  borde  ne  a  moqueries,  —  nos 
ne  somes  pas  de  ces  boleors,  qui  vont  par  cest  pais  ven- 
dant sif  de  mouton  por  sain  de  marmote  ;  ainçois  somes 
maistremire  fuisicien,  qui  avons  esté  parestranges  terres, 
par  estranges  contrées,  por  querre  les  herbes,  et   les  ra- 

40  cines,  et  les  bestes  sauvaiges,  dont  nos  faison  les  oigne- 
menz  de  quoi  nos  garisson  les  malades,  et  les  bleciez,  et 
les  navrez,  qui  sont  en  cest  pais  et  en  ceste  contrée. 

Si  vos  di  que,  por  les  malades  saner  etgarirel  respasser 
qui  sont  en  cest  pais  ne  en  ceste  contrée,  avons  nos  esté  en 

45  Poitou,  en  Anjou,  ou  Maine,  en  Toraine,  en  Berri.  en 
Seelloigne,  en  Puille,  en  Sezile,  en  Calabre,  en  terre  de 
bestes.  en  terre  de  Labor,  et  en  la  terre  mon  seignor  Seint 
Gobain,  qui  les  plommez  chie  la  ou  les  grues  ponent  les 
faucilles,  .II.  liues  delà  le  bien.  Si  vos  di,  —  par  sor  toz 

50  les  maistres  fusiciens  qui  soient  de  ci  jusques  a  Monpel- 
lier  bien  le  vos  puis  afilchier  et  dire,  —  que.  se  vos  savez 
home  ne  feme  qui  ait  si  grant  mal  es  denz  qu'il  ne  puisse 
mengier  costes  dures  de  char  de  buef  mal  cuites,  ge  li 
ferai  ausi  vistement  mengier    com  un   home  qui  auroit 


LES    DITS    DE    L  HEHBEIUE  r  [ 

55  geùné  .III.  jors  a  jornce  ;  et,  s'il  avoit  la  mauvaise  dm I 
mellee  auvec  les  bonnes,  si  li  ferai  ge  mengier  ausi  com 
un  home  qui  auroit  erré  .1111.  jors  sanz  mendier. 

Si  vos  di  que  veez  ci  la  boite  de  Jouvent  qui  l'ait  rajo- 
venir  la  gent.  Ge  di  qu'il  n'a  si  vielle  feme  en  ccsl  païs  ne 

60  en  ceste  contrée  que,  se  ele  avoit  pissié  dedenz  sanz  es- 
pandre,  que  ele  ne  venist  en  l'aage  de  .XX.  anz,  et  si  seroit 
ausi  pucele  comme  le  jor  qu'ele  fut  née.  Encor  vos  di  gc 
bien  que  mes  herbes  ont  autre  vertu  que  ge  ne  vos  di.  Ge 
di  que  n'a  home  ne  feme  en  cest  païs  ne  en  ceste  contrée 

65  que,  s'il  en  menjoit  .III.  jors  a  geùn  de  bon  cuer  et  de 
bone  volenté,  et  bonne  créance  i  eùst,  qui  ja  pooist  estre 
yvres  le  jor,  s'il  ne  boit  trop. 

Volez  vos  donc  que  ge  vos  apreigne,  de  par  Dieu,  a 
gairir  dou  mal  des  denz  ?  Dites  vos  oïl  ou  nenil  ?  Se  vos 

70  le  volez,  de  par  Dieu,  et  ge  le  vos  aprendrai  liement  : 

Ge  vos  di,  beax  amis,  prenez  moi  un  estront  de  vieille 
anesse,  et  un  estront  de  chat,  et  une  crote  de  rat,  et  une 
fuelle  de  plantcin.  et  un  estront  de  putain  ;  si  les  pestelez 
tout  nestement  en  un  mortier  de  coivre  a  unpestau  de  fer. 

75  par  force  d'orne.  Si  me  prenez  un  poi  de  cellande,  du 
diaton,  et  panele,  et  manviele,  et  cornai,  et  tormal,  et  de 
Verbe  Robert,  et  si  metiez  un  pie  de  reine  de  l'onbre  du 
fossé  de  Brine.  Ce  sont  ore  les  bonnes  herbes  que  ge  vos 
di.  Si  metez  un  poi  de  sain  de  marmote  et  de  l'cstront  de 

80  la  linote,  et  si  metez  de  l'estront  a  la  charree  de  Troies  cl 
de  l'estront  a  la  croteuse  de  Ligni  :  nel  metez  en  oubli. 
Prenez  toutes  ces  boues  espices,  si  m'en  faites  .1.  gentil! 
pastel  tout  net,  si  le  me  couchiez  sor  vostre  joue.  H  du 
jus  lavez  bien  voz  denz,  et  puis  vos  dormez  un  poi.  Gc  di 

85  que  vos  en  seroiz  gariz,  se  Diex  velt.  Ce  n'esl  pas  engien 
que  ge  vos  di,  et  si  ne  vos  coustc  goule  d'argent.  Ge  vos 
di  que  ge  ne  sui  ne  mires  ne  herbiers  ;  ainçois  vos  di  que 


-J2  LES    DITS    DE    L  HEHBEIUE 

ge  sui  un  venerres,  uns  chacierres   de  bois  ;  si  vos  di  que 
nos  soracs  encor  .1111.  frère  :  ge  di  que  li  .1111.  frère  ont 

90  encor  .XV.  chiens  ;  ge  di  que  li  .XV.  chien  sont  bien  armez 
de  bon  colier  de  fer  a  broches  d'acier  ;  ge  di  qu'il  chacent 
as  bestes  sauvaiges  et  prannent  en  la  forest  d'Ardenne  : 
ge  vos  di  que  mes  oignemenz  est  conliz,  et  profiz,  et  parez, 
et  fonduz  des  bestes  dont  ge  vos  ai  dit. 

95  Vos  ne  savez  por  quoi  mes  oignemenz  est  bons,  ce  ge 
nel  vos  di  ;  mais  ge  le  vos  dirai.  Ge  vos  di  que  mes  oigne- 
menz est  bons  por  routure,  por  arsure,  por  anglure,  por 
fièvre,  por  friçon,  por  raim  de  passion  (seigniez  vos  !  que 
Diex  vous  en  gart  !  )  ;  si  est  bons  por  li,  por  clapoire.  por 

îoo  ru  d'oreille,  por  encombrement  de  piz,  por  avertin  de 
chief,  por  doleur  de  braz,  que  Dame  JHcz  cnvoit  au  pre- 
mier qui  passera  la  voie  par  delà  !  (je  vos  di  que  se  ge 
avoie  bouche  de  fer,  langue  d'acier,  teste  de  marbre,  et 
g'estoie  ausi  saiges  comme  fu  Ypocrus  li  gius,  ou  com  fu 

los  Galiens,  ou  com  fu  li  saiges  Salemons,  ne  porroie  ge  pas 
dire  ne  conter  la  bonté  ne  la  valor  de  mes  oignemenz. 

Si  vos  di  que  mes  maistres  qui  cest  mestier  m'aprist, 
m'en  charja  et  dist,  et  pria  por  Dieu,  et  le  me  fist  jurer 
sor  sainz,  que,  en  quelque  terre  ou  ge  venroie,  que  ge  ne 

no  preïsse  c'un  denier  de  lamonoiede  la  terre  :  a  Londres  en 
Angleterre,  un  esterlin  ;  a  Paris,  un  parisi  :  au  Mans,  un 
mansois  ;  a  Roan  en  iSormendie,  un  tornois  :  a  Bordeax. 
un  bordelais  ;  a  Laon,  un  leonois  :  a  iSivele,  un  nivelois  ; 
a  Colloigne,  un  collongnois  ;  a  Dijon,  un    dijonnois  ;    a 

H5  Soissons,  un  soissonnois  ;  a  Crespi,  un  Crespinois  ;  en 
Flandres,  un  artisien  ;  a  Cambrai,  un  Cambrisien  ;  a 
Douai,  un  doisien  :  a  Provins,  un  provenisien  :  en  Venice. 
un  venicien  ;  et  ge  vo  di  que  se  li  homs  estoit  si  povres 
ou  la  feme  si  povre   qu'il    n'eussent  que    doner,    venist 

120  avant:  ge  li  presterai  une  de   mes   mains   por   Dieu,    et 


LES    DITS    DE    l'hERBERIE  ~3 

l'autre  por  sa  mère.  Dont  n'est  ce  bon  que  je  vos  di  ?  Ge 
di  ne  mais  que  d'ui  en  .1.  an  feïssiez  chanter  une  messe,  ge 
di  nomeement  por  l'ame  de  mon  seignor  mon  maistre, 
qui  cest  mestier  m'aprist  que  ja  ne  face  ge   .III.  pez,  que 

125  li  quarz  ne  soit  por  l'ame  de  son  père  et  de  sa  mère,  en 
remission  de  lor  péchiez. 

Ge  di  quant  Diex  ala  par  terre,  si  fu  il  mescreùz.  et  si 
ot  de  tex  qui  le  crurent  et  de  tex  qui  ne  le  crurent  mie. 
Ge  croi  bien  qu'ausi  est  il  de  moi.  Par  aventure  il  i  a  ci  de 

130  tex  qui  me  croient  et  de  tex  qui  ne  me  croient  mie,  mais 
ne  por  quant,  tel  s'en  porroit  chifler  et  gaber,  et  rire  et 
joer.  et rechignier  desdenz, et  bouter  del coûte,  etmarchier 
du  pie,  et  clignier  des  elz,  qui  mult  grant  mestier  auroit 
de  m'aide,  s'il  se  voloit  bien  conseillier.  Ge  dis  se  vos   ne 

135  me  créez,  que  vos  soiez  ci  venuz  por  moi  chifler,  ge  pri  a 
la  vraie  piteuse,  ge  di  a  celi  nomeement  qui  pita  as  piez 
de  Pitoribus  quant  il  nasqui  de  la  vraie  piteuse,  que  de 
celui  maleïçon  don  Corbidas  le  juje  fu  maudiz  (ge  di 
celui  nomeement  qui  forja  les  .xxxv.  pièces  d'argent  en  la 

140  tor  de  Cayfas  a  .ni.  liues  petites  d'Acre,  dont  li  cor  Diex  fu 
venduz  et  travailliez),  soit  li  cors  maudiz  et  confonduz  de 
la  grieve  du  chief  de  ci  qu'a  l'ongle  du  pié,  de  si  que  a 
l'eure  et  el  termine  que  il  seront  venuz  a  moi,  et  ge  les 
assoudrai  décelé  absolucion  dont  Diex  assoit  ses  apostres, 

us  et  que  ge  lor  monsterrai  la  dame  des  herbes. 

Vos  ne  le  savez  pas,  mais  ge  le  vo  dirai  :  ge  di  c'est 
celé  nomeement  qui  brait  et  crie  .m.  foiz  en  l'eure,  et  el 
termine  que  Diex  fut  mis  en  croiz.  Vez  la  ci  dedenz  se  vos 
ne  m'en  créez.  Ge  di  s'il  i  a  ci  nul  de  vos  ne  nule  qui  ne 

150  soit  vrais  confés  et  bien  repentanz  de  ses  péchiez,  je  li  en 
donrai  un  beau  don,  le  plus  bel  qui  onques  fust  donez  par 
bouche  d'erbier  ;  quar  ge  li  donrai  si  beau  don  pi  il 
porra  dormir   en  prez,  en  rivières,  en  forez,  en  larriz.  et 


-y/j  LES    DITS    DE    l'iïERBERIE 

en  montaigne,  en  valees,  en   boschaiges.   d'une    part    et 
155  d'autre. 

Ge  di  premièrement  que  boz  ne  le  mordra,  coluevre  ne 

le  poindra,  serpent  ne  l'adesera,   tarente    ne   l'aprochera, 

escorpion  mal  ne  li  fera.  Ge  di  que  por  pechié   qu'il    face 

ne  morra  desconfés,  por  mengier  envenimé  que  mal  ne  li 

160   fera,  puis  qu'il   aura   la  dame  des    herbes.    Venez    donc 

avant,  et  priez  a  Dieu,  tuit  et  toutes,    qu'il    la  vos   doint 

veoir  et  esgarder.,  que  ce  soit  au  preu  de  voz  âmes  et  au 

profit  de  voz  cors,  —  qu'il  les  vos  puist  ronpre  !  Ge  di  de 

cex  delà  la  voie.  Volez  la  donques  veoir,   de    par    Dieu  P 

165   Dites  oïl  ou  nenil,  et  nos    la    vos    mosterrons  de  par    sa 

mère  ;  mais  ge  vo  dirai  une   chose  qu'il   est  :    quant  ge 

parti   de    mon    seignor   mon    maistre  qui    cest  mestier 

m'aprist,  si  me  fist  jurer  sor  sainz  que  ge  ne  la  mosterroie 

devant  ce  que  ge  l'auroie  conjurée,  et  ge  la  conjurerai.  Si 

170  escoutez  le  conjurement: 

Cocula  en  aussia  que  tabencia  que  natalicia  volus  polus 
laudate  !  Prime  meure  !  N'i  a  tel  com  le  pain  !  .ni.  solz.  .m. 
pez  !  l'abaie  est  riche,  et  plentissînius  haranc  ! 

Au  col  des  le  tens  Herbelin  de  Saint  Pol  qui  fu  moitié 
175  home  et  moitié  feme,  et  la  tierce  part  chevax.  et  il  me 
vint  et  ge  li  .xxx.,  et  il  me  faut  et  ge  li  lance.  Il  me  prist 
par  les  rains,  et  ge  lui  par  les  chaelons  ;  il  me  pri  par 
les  temples,  etge  lui  par  les  hospitax  ;  il  me  fist  .ni.  tors, 
et  ge  lui  trois  chasteax  ;  il  me  fîert  el  nés,  et  ge  lui  es 
180  bateax  ;  il  me  fîert  en  grieve,  et  ge  lui  en  chanpeax  ;  il 
me  fîert  de  ses  coûtes,  et  ge  lui  de  mes  coissins. 

—  Tu  es  fox. 

—  Et  tu  souflez. 

—  Que  me  vels-tu  ? 

185       —  Que  te  vueil  ge  donques  ? 

—  Ne  vi  vilain  si  aese. 


LES    DITS    HE    L  HERBERIE 

—  A  mors  ai  a  ma  volenté  qui  me  grieve  trop. 

—  Diex  vos  saut,  amis  ! 

—  Diex  beneie,  bluteax  ! 
i9o       —  Dom  estes  vos  ? 

—  D'ome  sui  ge. 

—  De  quel  home  ? 

—  De  char  et  d'os. 

—  De  quel  terre  ? 

195       —  En  volez  vos  faire  poz  ? 

—  Ou  fustes  vos  nez  ? 

—  Je  ne  sui  onques  ne  nef  ne  bateax. 

—  De  quel  vile  estes  vos  ? 

—  De  la  vile  en  près  l'aitre. 
200       —  Ou  siet  li  aitres  ? 

—  Entor  le  mostier. 

—  Ou  siet  li  mostier  ? 

—  Sor  terre. 

—  Et  ou  est  la  terre  ? 
205       _  Sor  l'aive. 

—  Comment  apele  l'en  l'aive? 

—  L'en  ne  l'apele  pas,  qu'ele  vien  bien  sanz  apeler. 
Ge  vos  di.  beau  seignor,  que  s'il  n'avoit  plus  dedenz 

ceste  boiste  que  les  bones  paroles  et  l'erbe  qui  i  est,  si 
210  devriez  vos  avoir  ferme  créance  qu'il  vos  devroit  bien 
faire,  et  ge  la  vos  monsterrai,  de  par  Dieu  !  Or  dites  après 
moi  :  «  Benoite  soit  l'eure  que  Diex  fu  nez  !  et  ceste  ci 
soit!  »  et  ge  vos  monsterrai  la  dame  des  herbes.  ///  nomine 
patris  etjilii  et  spiritus  sanctil  Amen  !  Ceste  dame  herbe, 
2io  il  ne  la  trestnegicx,  ne  païens,  ne  sarrazins.  aecrestiens  : 
ainz  la  traist  une  beste  mue,  et  tantost  corne  ele  est 
traite,  si  covient  morir  celé  beste.  Cuidiez  vos  que  ge  vos 
giffle  ?  Ele  muert  par  angoisse  de  mort.  Vos  ne  savez  pas 
por  quoi  la  dame  des  herbes  esl  bone,  se  ge  ne  le    vo  di  : 


76  LES    DITS    DE    l'hERBERIE 

220  mais  ge  le  vos  dirai.  Prenez  moi  sempres  de  ceste  dame 
d'erbe.  Si  vos  en  desgiunez  par  .vu.  jors  et  par. vu.  nuiz  : 
.111.  fois  le  jor  a  geûn,  et  au  soir  quant  vos  irez 
couchier.  Ge  di  que  por  tertre  avaler,  ne  por  tetre  mon- 
ter, ne  por  sooir,   ne  por    troter,    piez  ne  braz    ne   vos 

225  dieudront,  œil  ne  vos  ploreront.  chief  ne  vos  dieura  por 
parler  aj ornée  ausinc  com  ge  faz  ;  goûte  feste  ne  vos 
prenra,  goûte  migraigne  ne  vos  tenra,  ne  fis,  ne  clox,  ne 
clopaire,  ne  ru  d'oreille,  ne  enconbrement  de  piz,  ne 
avertin  de  chief,  ne  dolour  de  braz,  que  Diex  vos  en  voit  ; 

230  ainsinc  ven  ge  mes  herbes  et  mes  oignemenz.  Ge  ne  sui 
pas  de  çax  qui  se  maudient  por  lor  denrées  vendre.  Qui 
voira,  si  en  praigne  ;  qui  vorra,  si  le  lait  ;  ne  autre  foi, 
ne  autre  sairement  que  nos  vos  en  avon  fait,  ne  vos  en 
ferons  nos. 


III 

DE    LA    GOUTE    EN    L'AINE 

B.  N.,  fr.  837. 

Escoutez  fruit  et  entendez, 
Qui  assez  sovent  despendez 
En  chose  qui  ne  vous  vaut  riens  : 
Hui  vous  est  avenu  granz  biens  : 
5  De  mire,  se  m'en  volez  croire. 
Qu'en  dites  vos  ?  respondez  voire. 
Je  suis  bons  mires  de  Salerne. 
Fols  est  qui  blasme  ne  qui  ferne 
Le  grant  sens  que  Diex  m'a  doné 

10  Et  que  j'ai  pieça  conquesté 
A  Paris  et  a  Montpellier, 
Dont  je  ving  d'escole  l'autrier. 
Vous  qui  de  mire  avez  mestier, 
N"a  si  bon  jusqu'à  Montpellier 

i5  Com  je  sui  ;  si  nel  savez  mie, 
Droiz  est  donques  que  je  vous  die 
Qui  je  sui  et  que  je  sai  fere. 
Ja  l'orrez  se  vous  volez  tere  : 
Je  sui  bons  mires  et  bien  sages. 

20  Je  sai  garir  de  toz  malages  : 
Je  garis  de  la  goûte  en  l'aine 
Qui  met  les  genz  en  malt-  paine, 
Une  goûte  plaine  de  rage. 
Li  .1.  l'apelent  mal  volage 


LES    DITS    DE    L  HERBE7UE 

25  Por  ce  que  sovenl  va  et  vient  ; 
Mes  por  ce  qu'entre  le  cul  tient, 
L'apelez  vous  la  goule  en  l'aine. 
C'est  une  goûte  trop  vilaine  : 
Nous  l'apelons  goûte  de  rains, 

3o  Plus  bêlement  a  tout  le  mains 
Et  plus  cortoisement  que  vous. 
Auroit  il  ci  nul  entre  vous 
Qui  fust  si  pris  de  telc  goûte  ? 
Je  l'en  gariroie  sanz  doute 

35  Si  netement.  bien  le  puis  dire, 
Queja  mes  n'en  iroit  a  mire. 
Sachiez  de  voir,  bons  mires  sui, 
Par  saint  Connebert,  ou  je  fui 
L'autre  nuit  et  nus  et  dechaus. 

4o  Je  sui  bons  mires  et  loiaus  ; 
Je  sui  trop  bons  mires  a  droit 
Si  corn  vous  orrez  orendroit  ; 
Ne  ruis  queborse  le  compère  ; 
Mes  por  Dieu  et  l'ame  mon  père 

45  A  cui  Diex  vrai  pardon  li  face, 
A  vous  trestoz  de  ceste  place 
Aprendrai,  se  volez  aprendre 
Et  se  vos  me  volez  entendre, 
Comment  et  par  quele  mecine 

5o  Vos  erracherez  la  racine 

Du  mal  qui  sovent  vous  sousprent, 
Qui  les  rains  et  le  cul  porprent. 
Escoutez  ça,  entendez  moi  : 
Je  le  vous  aprendrai  en  foi, 

55  Se  je  sui  très  bien  entenduz. 
Prendez  la  hart  de  .II.  pendus, 
Si  prendez  la  queue  d'un  lièvre 


LES    DITS    DE    L  HERBERIE 

Et  de  la  laine  d'une  chievre, 
Amer  de  miel,  douceur  de  suie, 

60  De  la  vesniere  d'une  truie. 

Del  blanc  du  cul  d'un  noir  chaudron, 
Le  cinquisme  pié  d'un  mouton. 
Qui  toutes  ces  choses  prendroit. 
Et  en  .1.  mortier  les  melroit. 

65  Et  si  les  triblast  tout  en  .1., 
Et  puis  les  beùstajeiin, 
Garis  seroit,  sachiez  sanz  doute, 
De  la  très  angoisseuse  goûte 
Qui  n'espargne  nule  ne  nul, 

70  C'on  apelie  goûte  de  cul. 


LES  DEUX  BOURDEURS  RIBAUDS 


INTRODUCTION 


Voici,  réunis,  trois  poèmes,  qui,  au  point  de  vue  du 
sujet,  ont  entre  eux  une  étroite  parenté1. 

Le  premier,  intitulé  la  Gengle  dans  un  manuscrit  el 
Y Ebaubissement  au  lecheor  dans  un  autre,  est  une  invec- 
tive adressée  par  un  jongleur  à  un  autre  jongleur,  dont 
il  dénigre  l'ignorance  en  la  comparant  à  son  propre 
savoir.  Le  second,  intitulé  la  Réponse  de  l'un  des  deux  ri 
bauds,  est  suffisamment  défini  par  ce  titre  même.  Le  troi- 
sième, intitulé  la  Contregengle.  est  une  autre  réponse. 

Une  question  se  pose  :  quel  rapport  y  a-t-il  entre 
ces  trois  pièces,  indépendamment  de  celui  des  sujets  P 
La  première  comportait-elle,  dès  l'origine,  une  suite? 
Avons-nous  affaire  à  un  débat,  ou  bien,  tout  d'abord,  la 
première  invective  formait-elle  un  monologue  indépen- 
dant, auquel,  après  coup,  se  seraient  ajoutées  des  ré- 
pliques ? 

Examinons  les  manuscrits.  Le  ms.  354  de  la  Bibliothè- 
que de  Berne  (C)  donne  seulement  la  pièce  I.  Le  ms.  fr. 
19102  de  la  Bibliothèque  Nationale  (A)  donne  à  la  suite  la 
pièce  I  et  la  pièce  IL  Le  ms.  fr.  837  de  la  même  biblio 
thèque  (B)  donne  à  la  suite  la  pièce  1  et  la  pièce  III.  \insi. 
trois  manuscrits  fournissent  trois  indications  différentes  : 

1.  Les  Deux  bourdenrs  ribauds  ont  été  publiés  par  Jubinal,  dans 
son  édition  des  Œuvres  deRutebenf.  in-ia0,  t.  III,  p.  3  (pièce  I),p.8 

(pièce  II);  —  par  Montaiglon,  Recueil  général  des  fabliaux,  t.  I.  p.  1 
(pièce  I)  ;  t.  I,  p.  7  (pièce  II);  t.  II,  p-  a57  (pièce  III  :  —  H  par 
Bartsch,  Langue  et  Littérature,  col.  O09  (pièce  J),  col.  ";  |    pièce  II 


84  LES   DEUX    BOURDEUKS    RIBAUDS 

à  lire  l'un,  il  semble  que  la  première  invective  se  suffise 
à  elle-même  ;  à  lire  les  deux  autres,  on  constate  qu'il  y 
avait  une  réponse,  mais  cette  réponse  n'est  pas  la  même 
dans  chacun  des  deux  manuscrits.  Or,  tout  considéré,  les 
arguments,  dans  la  question  que  nous  nous  sommes 
posée,  se  balancent  de  la  façon  suivante.  Pour  croire  que 
l'invective  a  été  primitivement  isolée,  nous  avons  comme 
première  raison  le  fait  qu'elle  l'est  dans  le  ms.  de  Berne. 
En  outre,  que  les  mss.  837  et  igi52  donnent  chacun  une 
réponse  différente,  on  se  l'explique  facilement  si,  la  tra- 
dition originale  ne  comportant  que  le  premier  poème, 
l'idée,  naturelle,  de  lui  donner  un  pendant,  une  suite, 
est  venue  après  coup  à  deux  trouveurs  simultanément. 
Mais,  d'autre  part,  le  manuscrit  de  Berne,  qui  donne 
de  la  première  pièce  un  texte  très  fautif  et  très  incomplet, 
ne  mérite  pas  d'être  tenu  en  très  grand  compte.  Et 
quant  à  la  différence  des  réponses,  il  est  bien  admissible 
que,  l'auteur  de  l'invective  en  ayant  composé  une,  un 
autre  poète,  pour  des  raisons  qu'on  peut  imaginer,  en  ait 
composé  une  seconde  mieux  à  son  goût l. 

Les  indices  extérieurs  faisant  défaut,  interrogeons  cha- 
cune des  pièces  séparément,  et  voyons  d'abord  si  la  langue, 
dans  laquelle  elles  sont  écrites,  permet  de  leur  attribuer 
une  origine  commune.  Voici  les  observations  principales 
que  nous  ferons  : 

Pièce  I. 

Phonétique.  —  Voyelles. —  1.  La  diphtongue  m(<  a  -t-j) 
ne  rime  jamais  qu'avec  une  diphtongue  de  même  origine  : 
5  taise  :  plaise  ;  [\§jaire  :  taire  ;  89  laisses  :  laisses. 

2.  Les  voyelles  nasales  an  et  en  sont  toujours  distinguées  ; 

1.  Voy.  plus  loin,  p.  89. 


LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUD8  85 

9  oan   :  cordoan  ;   73  romans  :  Alescans;  —  [5  forment 
povrement  ;  11  gent  :  argent;  i45  Guinement  :  gent. 

3.  Les  e  sont  soigneusement  distingués  selon  leur  ori- 
gine :  91  paresce  :  proesce  «  ë)  ;  —  167  geste  :  J'este  :  — 
65  tel  :  tinel  ;  67  nés  ;  nés  (<  a)  ;  etc. 

5.  0  long  étymologique  est  distingué  de  o  :  27  fce/wor  : 
seig/ior  (<  ô).  —  29  praeue  :  rcueue  ;  n3  œuure  :  cuevre 

Ko). 

6.  La  diphtongue  oi  «  ë)  est  distinguée  de   la   diph 
tongue   oi  (<  o  4-  y)  :  35   avo/r    :    votr  ;  79   Ardennois  : 
Danois;  87  B/0/5  :  Galois;   iS-j  pois  :  borgois  (<  ë).  —  95 
Floire  :  estoire  «  o-hj). 

7.  £en  hiatus  dans  le  corps  d'un  mot,  est  maintenu  : 
2  sëoiV;  20  dëusses;  20  pëusses;  83  rëonde  ;  etc.  Il  en  est 
de  même  pour  a  :  9  gaaignage;  17  gaaignes. 

Consonnes.  —  8.  A  la  finale  des  mots,  set  1  sont  à  peu 
près  régulièrement  distingués:  21  endossez  :  fosse::  33 
entorteilliez  :  apareilliez;  w]  faz  :  chaz  :  129  />/>:  :  //v- 
pier;  i35  granz  :  noienz.  —  Une  seule  exception  :  7  festus 
(écrit  f est az)  :  vestuz. 

9.  A  la  finale  des  mots,  les  consonnes  c,  f,  p.  disparais 
sent  devant  s,  ce  qui  est  ordinaire,  mais  une  rime  curieuse 
montre  une  chute  semblable   de  l  devant  s  :  i53   gros  : 
mofljs. 

Morphologie. —  10.  La  déclinaison  est  parfaitement  cor 

recte  (voy.  les  vers  7  ;  17  ;   19  ;  33  :  39  ;   \  \  :  55  ;  61  ;    s  ; 
89  ;  117  ;  125;  etc.).  —  Les  formes  Iioms  et  home  servent, 
l'une  pour  le  cas  sujet  du  singulier,  l'autre  pour  le  ca 
gime  :  29,  37,  129  homs  ;  43,  à~,  1 44,  16.")  home. 

11.  Les  adjectifs  féminins  quel  (32.  i5o),  et  granz  1  1 
n'ont  pas  d'e  final. 


86  LES    DEUX    BOLRDEURS    RIBAUDS 

12.  La  irn  personne  de  l'indicatif  pris  (44),  du  verbe 
prisier,  n'a  pas  d'e  final. 

Pièce  II. 

Phonétique.  —  Voyelles.  —  1.  Même  observation  que 
pour  la  pièce  I  :  27  retraire  :  faire  ;  3g  arlumaire  :  faire; 
55  haie  :  paie;  61  Maine  :  diemaine;  io4  essai  :  sai. 

2.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  5  merveillant  : 
conseillant:  102  Embatant  :  itant  ;  —  11  menuement  :  ment; 
162  ceenz  :  noienz. 

Exception  :  71  tanz  :  serjanz. 

3.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  25  con- 
querre  :  terre;  57  feste  :  teste  ;  'g  fer:  enfer;  142  teste  : 
geste  «  ë  -4-  entrave)  ;  —  45  raviser  :  deviser  ;  69  raconter  . 
mer:  89   mer  :   aconter  «a):  ^oreille  :  merveille  (<ë). 

5.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  70  buef  :  nef 
(<  o)  ;  —  120  meures  :  heures  (<  ô).  — 

Alais  ô  et  ô  étymologiques  sont  confondus  lorsqu'ils 
sont  entravés  :  106  prudome  (<  ô)  :  some  (<  Ô). 

6.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  83  paroi  : 
Godefroi  ;  i55  soie  :  voie  «  ë)  ;  —  7  oie  :  joie  ;  1 16  noire  : 
estoire:  i3o  estoire  :  mémoire  (<  o  -+-  j) . 

A  noter,  toutefois,  ici,  que  au  vers  46,  cuide  (<Co+/) 
rime  avec  estuide  (<  u  -\-j)- 

7.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  i5  mentëors; 
n3. 

Consonnes.  —  8-9.  s  et  z  sont  distingués  dans  les  rimes  : 
71  tanz  :  serjanz:  73  affaitiez  :  proisiez;  162  ceanz  :  noienz. 
—  Un  exemple  de  la  disparition  de  /  devant  s,  est  fourni 
par  la  rime  :  3  assez  :  menestrez. 


LES    DEUX    BOLRDEURS    RIBAUDS 

Morphologie.  10.  —  La  déclinaison  est  correcte  (von  les 
rimes  9  ;  i3  ;  10  ;  49  ;  5i  ;  60  ;  etc.).  Une  exception  :  1 18 
taint{rég.  sing.)  :  painz  (suj.  sing.).  —  Même  distinction 
que  dans  la  pièce  I  entre  homs  (56)  et  home  (78).  De 
même  :  45  preudhommes  (rég.  plur.)  et  106  prudome 
(rég.  sing.). 

11.  L'adjectif  grant  n'a  pas  d'e  au  féminin  (100). 

12.  La  ire  personne  de  l'indicatif pri  (61), du  verbe  prier. 
n'a  pas  d'e  final. 

Pièce  III. 

Phonétique.  —  Voyelles.  —  1.  Même  observation  que 
pour  la  pièce  I  :  11  soi  :  essai;  4i  aise  :  desplaise: 
129  pais  :  tais. 

2.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  1  longuement  : 
durement  ;  10  folement  :  argument  ;  49  gent  :  escient;  etc. 

3.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  85  anee  : 

plantée  ;  91  emblé  :  planté  ;  97  trovees  :  jetées  ;  127  embler  : 
bacheler  ;  i^jenglé  :  descenglé ;  1^9  aprover  :  conter;  etc. 
«  a)  ;  —  187  pel  :  bordel  (<  ë). 

Toutefois  on  trouve  :  81  mère  (<C  o.)  :  père  (<£);  107 
père  (<  a)  :  père  «  ë). 

5.  Même  observation  que  pour  la  pièce  1:77  pailletous  : 
cors  ;  87  seror  :  lecheor  ;  1 15  prone  :  larrone  ;  i63  honnor  : 
sauveor  (<  o).  —  Toutefois  comme  dans  la  pièce  II,  ô  et  " 
étymologiques  sont  confondus  quand  ils  sont  entravés 
35  os  (<  ô)  :  os  «  6)  ;  37  ost  (ô)  :  provosl  (ù). 

6.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  i3  toi  :  toi\ 

i35  croie  :  voie;  181  voies  :  voies. 

7.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  :  15  dëusses 
47  dëust  ;  5i  seoir  63  :  plëust  ;  70  veïssic:.  ëage  :  de. 


ôô  LES    DEUX    BOURDEURS    R1BAUDS 

Consonnes.  —  8.  Même  observation  que  pour  la  pièce  I  ; 
19  entens  :  argumens;  23  parenz  :  genz;  70  ridolenz  :  denz: 
etc.  —  Avec,  comme  dans  I,  une  exception  :  73  ribaus  : 
aus. 

9.  A  côté  de  la  rime  167  Jlanz  :  banz  (c-|-z),  on  trouve 
la  rime  77  pailletous  :  cors,  qui  semble  attester  la  chute  de 
r  devant  5  à  la  finale. 

Morphologie.  —  10.  La  déclinaison  est  correcte  (voy. 
les  rimes  29  ;  33  ;  3g  ;  /t7  ;  61  ;   71  ;  etc). 

Le  cas  sujet  pères  (83)  est  marqué  d'une  5.  —  Hom  (i35) 
est  écrit  sans  e  au  cas  sujet. 

Tels  sont  les  principaux  faits  linguistiques  que  révèle 
la  lecture  des  trois  poèmes.  Ils  nous  enseignent  que  ces 
derniers  ne  sont  ni  d'une  époque  ni  d'un  pays  très  diffé- 
rents, et  qu'ils  ont  pu  être  composés  tous  trois  dans  l'Ile  de 
France  ou  la  Champagne  occidentale  pendant  la  seconde 
moitié  du  xme  siècle  *.  Ainsi,  le  résultat  de  notre  enquête 

1.  En  effet,  la  plupart  de  ces  traits  permettent  de  croire  à  une  ori- 
gine francienne.  Toutefois,  la  chute  de  l  devant  s,  pour  la  pièce  I 
au  vers  i54  (voy.  obs.  9),  pour  la  pièce  II  au  vers  4,  semble  indi- 
quer une  origine  champenoise.  Pour  la  pièce  III,  on  y  remarquera 
la  mention  des  villes  de  Bar  (84),  de  Provins  (86),  de  Meaux  (90),  de 
Sens  (94).  — Quant  à  la  date  où  ont  été  composés  ces  poèmes,  l'âge 
des  manuscrits  ne  permet  pas  d'en  fixer  une  qui  soit  postérieure  au 
xme  siècle.  La  mention  de  Bovon  de  Commarcis  (v.  i38)  prouve  que 
la  pièce  II  n'est  pas  antérieure  aux  dernières  années  de  ce  même 
siècle.  Pour  ce  qui  est  de  la  pièce  I,  peut-être  faut-il  en  voir  une 
mention  dans  le  fabliau  du  Vilain  au  buffet  (Montaiglon,  Recueil  des 
fabliaux,  t.  III,  p.  204): 

i'i3         Li  uns  chante,  li  autres  note, 

Et  li  autres  dit  la  riote, 

Et  li  autres  la  jenglerie. 

Mais  la  date  du    fabliau,  qui  appartient  vraisemblablement  à  la  fin 
du  xiiic  siècle,  n'est  pas  autrement  déterminée. 


LES    DEUX    BOURDEUR8    RIBAUD8  Sq 

se  réduit  à  ceci,  qu'il  n'y  a  pas  d'impossibilité  à  ce  que  La 
première  invective  ait  eu  comme  suite,  dès  l'origine,  L'une 
ou  l'autre  des  deux  réponses.  Mais  on  ne  peut  rien  allir 
mer  de  plus,  et,  pour  résoudre  notre  problème,  nous  voilà 
réduits  aux  moyens  d'investigation  les  plus  hasardeux. 
qui  sont  les  arguments  littéraires.  De  ce  point  de  vue 
nouveau,  il  nous  apparaît,  dès  l'abord,  que  la  pièce  III 
n'est  pas  du  même  auteur  que  la  pièce  I.  C'est,  du  moins, 
l'impression  qui  résulte  de  l'examen  du  fond  et  de  la 
forme.  Cette  réponse  au  discours  bouffon  du  premier 
ribaud  est  elle-même  beaucoup  trop  sérieuse,  et  ce  serait 
à  croire  qu'elle  a  été  composée  par  quelqu'un  qui  n'a  pas 
compris  le  caractère  et  le  sens  de  la  Gengle.  Ce  n'est  plus 
un  ribaud  qui  parie  ;  il  ne  dit  plus  de  bourdes;  il  reprend 
son  interlocuteur  de  la  folie  de  ses  paroles,  des  sottises 
qu'il  a  dites,  de  sa  grossièreté  i  ;  et  lui-même,  bien  que 
ses  propos  ne  soient  guère  doux  ni  charitables,  il  s'exprime 
sans  se  rendre  ridicule.  On  penserait  volontiers  que  cette 
réplique  est  l'œuvre  tardive  de  quelque  ménestrel,  qui 
s'est  donné  pour  tâche  de  remettre  le  o  gengleur  »  à  sa 
place.  Car  il  est  évident  qu'il  a  voulu  donner  le  beau  rôle 
au  second  personnage,  qui  défend  l'art  du  vrai  ménestrel 
contre  les  jongleurs  de  bas  étage,  fanfarons,  ignorants, 
cupides  et  de  mauvaises  mœurs.  Il  se  pourrait  fort  bien 
qu'il  lui  ait  paru  avantageux,  après  avoir  débité  devant  le 

i.  Voy.  les  reproches  qu'il  lui  fait  de  parler  follement  (v.  i5),  de 
déformer  les  noms  (29),  de  dire  des  bourdes  (v.  52,  62,  i55\  de  mal 
connaître  les  œuvres  qu'il  nomme  (i53).  —  D'ailleurs  le  ms.  837.  qui 
contient  cette  réponse,  ne  donne  pas  de  titre  commun  pour  les  deux 
pièces.  Tandis  qu'on  lit  clans  le  ms.  191 02  Les  dens  bordeors  ribami 
en  tête  du  premier  poème,  le  ms.  83;  intitule  simplement  celui  cl  la 
Gengle  et  la  réponse  la  Contregengle.  Il  semble  donc  que  le  Bcribe 
du  ms.  837  n'ait  pas  considéré  comme  un  ribaud  le  jongleur  qui  fait 
la  réponse. 


go  LES    DEUX    BOLT.DEURS    1UBALDS 

public  les  balivernes  orgueilleuses  du  ribaucl,  de  venger, 
dans  une  réponse,    les  bons  ménestrels.   Cette  réponse, 
peut-être  l'a-t-il  ajoutée  à  un  poème  qui  n'en  avait  point, 
et  qui  s'accommodait  mal  de   celle  qu'il   lui  a  donnée  ; 
mais  peut-être   aussi  l'a-t-il  substituée  à  une  autre,  du 
genre  de  celle  que  contient  la  pièce  II,  faussant  ainsi  le 
caractère  primitif  de  l'œuvre.  En  tout  cas,  il  nous  paraît 
inadmissible  qu'elle  ait    été  composée   par   l'auteur    du 
premier  poème.  Et   peut  être  la   qualité   du   style,   dans 
lequel   elle    est    écrit,   moins    ferme,    moins    savoureux, 
contribuerait-elle,  si  nous  ne  savions  pas  la  fragilité  des 
appréciations   en  pareille  matière,  à  nous  renforcer  dans 
cette  opinion1. 

Quant  à  la  pièce  II,  il  semble  qu'elle  fasse  fort  naturelle- 
ment pendant  à  la  première.  Le  style  n'en  est  pas  très  diffé- 
rent, et  l'invention  est  «  dans  la  note  ».  Nous  ne  croyons 
pas  que  ce  soit  assez  pour  affirmer  que  la  première  invec- 
tive en  soit  inséparable,  et  celle-ci  constitue,  à  elle  seule, 
un  monologue  fort  satisfaisant  ;  mais,  en  lui  adjoignant  la 

i.  Je  n'ai  pas  l'intention  d'entreprendre  une  analyse  de  ce  style, 
où  je  crois  trouver  un  vocabulaire  moins  riche  que  dans  les  autres 
pièces,  une  certaine  monotonie  dans  la  structure  des  phrases,  des 
retours  à  la  môme  idée  (18  et  80  ;  3g  et  n5  ;  etc.),  des  répétitions  de 
mots  (surtout  emblé  et  planté  82-g2),  etc.  ;  mais,  pour  m'en  tenir  au 
plus  assuré,  il  semble  bien  que  l'auteur  se  montre  moins  difficile 
sur  la  qualité  des  rimes  que  l'auteur  ou  les  auteurs  des  deux  pre- 
mières pièces.  Nous  relèverons,  par  exemple,  qu'il  fait  rimer 
ensemble  un  très  grand  nombre  de  fois  des  formes  verbales  cor- 
respondantes (ce  qui  est  facile  et  plat)  ;  que,  s'il  fait  rimer  un  adjectif 
et  un  substantif,  c'est  le  substantif  qui  amène  ordinairement 
l'adjectif  (ce  qui  est  faible)  ;  qu'il  fait  réapparaître  à  peu  d'intervalle 
les  mêmes  rimes  (v.  7g  et  v.  121)  (ce  qui  est  une  négligence);  qu'il 
ne  fait  pas  de  difficulté  à  faire  rimer  les  simples  et  les  composés 
(i3g,  i53,  171),  ni,  à  l'occasion,  le  même  mot  avec  lui-même  (i3). 
Ces  faits  ne  se  remarquent  pas  ou  peu  dans  les  deux  premières 
pièces. 


LES    DEUX    BOURDEURS    LUBAUDS  01 

réponse,  on  obtient,  au  lieu  de  l'  Invective  d'un  ribaud», 
une  u  Querelle  de  ribauds  »,  qui  est  un  sujet  plaisant  et 
fort  admissible  :  et  c'est  pourquoi,  nous  n'oserions  pas 
soutenir  que  les  deux  pièces  n'ont  pas  été  conçues  par  un 
même  auteur,  qui  se  serait  plu  ù  composer,  non  pas  un 
monologue,  mais  un  débat  *. 

i.  Je  ne  sais  comment  Jubinal  a  pu  écrire  que  «  celle  pièce,  si  elle 
n'est  pas  purement  et  simplement  une  facétie,  pourrait  bien  être  an 
de  ces  défis  que  devaient  se  porter  les  jongleurs  rivaux,  afin  de  se 
faire  mutuellement  exclure  des  fêtes  ».  Que  les  jongleurs,  animés  par 
l'esprit  de  concurrence,  se  soient  souvent  invectives,  publiquement 
ou  autrement,  ce  n'est  pas  douteux.  On  a  des  exemples  de  ces  médi 
sances  qu'ils  répandaient  les  uns  sur  les  autres  dans  le  dit  des 
Tabourears  et  dans  le  dit  des  Hérauts  de  Baudouin  de  Condé.  Mais 
jamais  l'invective  ne  fut  une  institution  régulière,  un  genre  classé  ; 
et  il  est  trop  évident  que  les  poèmes  dont  nous  parlons,  ou  plutôt 
les  deux  premiers,  tout  farcis  de  bourdes,  sont  de  pures  plaisante- 
ries, destinées  à  faire  rire.  L'auteur  a  traité,  en  la  stylisant,  une 
scène  qu'il  était  sans  doute  loisible  d'observer  fréquemment  :  il  a 
mimé,  voilà  tout. 

Au  point  de  vue  de  l'établissement  du  texte,  il  n'y  a  pas  de  diffi- 
culté pour  les  pièces  II  et  III,  qui  ne  se  trouvent  chacune  que  dans  un 
seul  manuscrit.  Mais  la  pièce  I  figure  dans  les  trois  manuscrits. 
Le  ms.  C,  en  raison  de  ses  lacunes  considérables  et  apparemment 
fautives,  ne  peut  avoir  qu'un  intérêt  subsidiaire.  Le  texte  a  donc  été 
établi,  ici,  d'après  les  mss.  A  et  B.  Aucun  argument  décisif  ne  peut 
prouver  que  l'un  de  ces  manuscrits  soit  meilleur  que  l'autre.  Mais, 
comme  B  présente  plusieurs  lacunes  et  des  déplacements  de  vers 
maladroits,  c'est  A  qui  a  fourni  la  base  de  notre  texte. 


LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUDS 

B.  N.,  fr,  19102,  f°  69  Vb-£*  70e  (A). 
B.  N.,  fr.  837,  f°  2i3  V'-f  214  b  (B).   Berne  354,  f°  05  \°b-(°  67'  (C). 


Diva,  quar  lai  ester  ta  j angle, 

Si  te  va  seoir  en  cel  angle  : 

Nos  n'avons  de  ta  j  angle  cure, 

Quar  il  est  raison  et  droiture 
5  Par  tôt  le  mont,  que  cil  se  taise 

Qui  ne  seit  dire  riens  qui  plaise. 

Tu  ne  sez  vaillant  .II.  festuz. 

Com  tu  es  ore  bien  vestuz 

De  ton  gaaignage  d'oan  ! 
10  Vois  quiex  sollers  de  cordoan  ! 

Et  com  bêles  chauces  de  Bruges  ! 

Certes  ce  n'est  mie  de  druges 

Que  tu  es  si  chaitis  et  las  : 

Ge  croi  bien,  par  s.  Nicolas, 
i5  Que  tu  aies  faim  de  forment. 

Comment  es  tu  si  povrement  ? 

Que  ne  gaaignes  tu  deniers  ? 

Tu  es  ci  uns  granz  pautoniers  ; 

Tu  n'es  pas  mendre  d'un  Frison. 
20  Or  deïisses  en  garnison 

Avoir  .II.  porpoinz  endossez  ; 

Ou  a  une  uevre  de  fossez 

A.  De  .ij.  bordeors  ribaus  —    6.  C  sel    rien   dire  q.    -   8. 
comme;  C  Mit  par  ies  ores  —  9.    \  gaaigne ;  C  gueaign.         10.  C 
Dex  —  11.  A  bones  —   12.  C  nest  or  pas   —    i'i-    1  cuit   — 
fromant  -  19.  B  Qui  nés  ;  CE  nies...  maindres  —  au.    Cdeussent 
22.  C  o  en  une  ovre 


g4  LES    DEUX    BOURDELnS    R1BAUDS 

Défisses  porter  une  hôte, 
Tant  que  d'aucune  povre  cote 

25  Peùsses  iluec  amender. 

Mais  tu  aimes  mielz  truander 
Et  lechier,  que  estre  a  hennor. 
Oresgardez,  por  Dieu,  seignor, 
Com  cils  homs  richement  se  prueve  ! 

3o  Jamais  a  nul  jor  robe  nueve 
N'aura  pour  chose  que  il  die. 
Or  esgardez  quel  hiraudie 
Il  s'est  iluec  entorteilliez. 
Moult  est  or  bien  apareilliez 

35  De  quanques  chaitis  doit  avoir. 
Si  t'aïst  Diex,  or  me  di  voir  : 
Quiex  homs  es  tu  ?  or  me  di  quiex  ? 
Tu  n'es  mie  menesterex, 
Ne  de  nule  bone  oevre  ovriers  ; 

fiO  Ainz  es  uns  ors  vilains  bouviers, 
Ausi  contrefez  corne  uns  bugles. 
Tu  sanbles  meneres  d'avugles 
Mielz  que  tu  ne  faces  autre  home. 
Ge  ne  pris  pas  .1.  trox  de  pome 

45  Ne  toi  ne  tôt  quanques  tu  as. 
Se  Diex  t'aïst,  se  tu  tuas 
Onques  nul  home,  si  te  tue, 
Que  tu  ne  valz  une  letue, 
Ne  chose  que  tu  saiches  faire. 


2o.  C  Poisses  —  27.  A  Lechieres  q.  —  29.  ,4  Cils  h.  com  r.  ;  C  cist 
hom...  proure  —  3o.  B  jor  cote  n.  —  3i.  A  Na  il  —  32.  B  Veez  or 
en  q.  ;  C  Or  veez  en  q.  —  33-.  C  II  est  —  3g.  B  oevre  bons.  —  4o.  A 
Tu  sanble  un  v.  ;  G  ja  ies  tu  un  v.  —  4i.  C  Autresi  c.  —  42.  A  un 
meneur  ;  C  meneor  —  43.  B  Molt  miels  que  tu  ne  fez  a.  ;  C  Miaus 
que  tu  ne  sanbles  a.  —  46.  B  taist  D.  ;  A  sonques  tuas 


LES    DEUX    BOUROELRS    RIBAUDS  û5 

5o  Pour  ce  si  te  devroies  taire  : 

Ne  dois  pas  parler  contre  moi. 

Que  t'ai  ge  dit  ?  or  me  di  quoi  ? 

Tu  ne  sez  a  nul  bien  respondre  ; 

Pour  ce  si  te  devroit  l'en  tondre 
55  Tantôt  autresi  corne  un  sot. 

Tu  ne  sez  dire  nul  bon  mot 

Dont  tu  puisses  en  pris  monter  ; 

Mais  ge  sai  aussi  bien  conter 

Et  en  roumanz  et  en  latin, 
60  Aussi  au  soir  corne  au  matin, 

Devant  contes  et  devant  dus. 

Et  si  resai  bien  faire  plus 

Quant  ge  sui  a  cort  ou  a  feste, 

Car  ge  sai  de  chançon  de  geste. 
65  Chanteres  el  mont  n'i  a  tel  : 

Ge  sai  de  Guillaume  au  Tinel, 

Si  com  il  arriva  as  nés, 

Et  de  Renoart  au  cort  nés 

Sai  ge  bien  chanter  com  ge  vueil  ; 
70  Et  si  sai  d'Aïe  de  Nantueil 

Si  com  ele  fu  en  prison  ; 

Si  sai  de  Garin  d'Avignon, 

Qui  moult  estore  bon  romans  ; 

Si  sai  de  Guion  d'Aleschans, 
75  Et  de  Vivien  de  Bourgogne  ; 

Si  sai  de  Bernart  de  Saisogne, 

Et  de  Guiteclin  de  Brebant  ; 

5o.  A  Pour  de  si  —  53.  A  repondre.  —  54.  G  Certes  Ion  led.  bien  t 
—  55.  C  Trestot  —  58.  B  chanter  ;  C  sai  de  biax  diz  c.  —  6a.  C  El 
si  sai  faire  encorpl.  —  64.  C  Et  je  —   65.  B  Chanter  cl   monde  ni  : 
CG.  quel  monde  na  t.   —  69.  «quant  ge  —  70.  />'  Uen      -   7a.  />' 
Garnier  —  75-76   manquent    dans  B  —    7"'.   C    De  V.  77.  B  Gui 

dequin 


96  LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUDS 

Si  sai  d'Ogier  de  Montaubant, 

Si  com  il  conquist  Ardennois  ; 
80  Si  sai  de  Renaut  le  Danois  ; 

Mais  de  chanter  n'ai  ge  or  cure. 

Ge  sai  des  romanz  d'aventure, 

De  cels  de  la  Reonde  Table, 

Qui  sont  a  oïr  delitable. 
85  De  Gauvain  sai  le  malparlier, 

Et  de  Quex  le  bon  chevalier  ; 

Si  sai  de  Perceval  de  Blois  : 

De  Pertenoble  le  Galois 

Sai  ge  plus  de  .LX.  laisses. 
90  Et  tu,  chaitis.  morir  te  laisses 

De  mauvaitie  et  de  paresce  : 

En  tôt  le  monde  n'a  proesce 

De  quoi  tu  te  puisses  vanter   ; 

Mais  ge  sai  aussi  bien  chanter 
95  De  Blanchcflor  comme  de  Floire  ; 

Si  sai  encor  moult  bone  estoire, 

Chançon  moult  bone  etanciene  : 

Ge  sai  de  Tibaut  de  Viane, 

Si  sai  de  Girart  d'Aspremont. 
100  II  n'a  chançon  en  tôt  le  mont 

Que  ge  ne  saiche  par  nature  ; 

Grant  despit  ai  quant  tel  ordure 

79-80  manquent  dans  B  —  8i-g4  placés  par  B  après  112  — 
81-88  manquent  dans  C  (bourdon)  ;  81.  B  nai  ore  c.  —  82.  B  Si  sai 
de  r.  —  83-84.  intervertis  dans  B  —  83.  B  Je  sai  de  —  86.  B  Keu 
87.  B  delbois  —  88.  B  Et  de  sireYvain  le  —  89.  C  Entre  se  cuit  xxv. 
—  90.  A  Mais  tu  —  91.  B  mauvestie  —  g4-  A  conter  ;  C  Mais  sai 
aussi  —  95-98  remplacés  dans  B  par  5g-6o  qui  se  trouvent  donc 
répétés  —  96.  C  encor  de  b.  —  97.  C  Chançon  meillor  et  a.  — 
100.  A  II  nest  —  102.  A  ai  com  t.  ;  B  Si  ai  desdaing  q.  ;  C  Por  ce 
mest  vil  q. 


LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUDS  97 

Gom  tu  es,  contre  moi  parole  : 

Sez  tu  nule  riens  de  citole, 
io5  Ne  de  viële,  ne  de  gigue? 

Tu  ne  sez  vaillant  une  figue. 

De  toi  n'est  il  nus  recouvriers  ; 

Mais  je  sui  moult  très  bons  ovriers, 

Dont  ge  me  puis  bien  recouvrer  : 
110  Se  je  m'en  voloie  aovrer, 

Aussi  com  ge  voi  mainte  gent, 

Ge  conquerroie  assez  argent  ; 

Mais  a  nul  tens  ge  ne  fas  oeuvre. 

Ge  sui  cil  qui  les  maisons  cueuvre 
1 15  Desus  de  torteax  en  paële  ; 

Il  n'a  home  jusqu'à  Neële 

Qui  mielz  les  cuevre  que  ge  faz. 

Ge  sui  bons  seignerres  de  chaz, 

Et  bons  ventousierres  de  bues  ; 
120  Si  sui  bons  relierres  d'ués, 

Li  mieldres  qu'en  el  monde  saiches  ; 

Si  sai  bien  faire  frains  a  vaches, 

Et  ganz  a  chiens,  coifes  a  chievres  ; 

Si  sai  faire  haubers  a  lièvres, 
125  Si  forz  qu'il  n'ont  garde  de  chiens. 

Il  n'a  el  monde,  el  siècle,  riens 

Que  ge  ne  saiche  faire  a  point  ; 

Ge  sai  faire  broches  a  oint 

Mielz  que  nus  hom  qui  soit  sor  piez  ; 
i3o  Si  faz  bien  forreax  atrepiez 

104.  C  de  viole  —  io5.  CNe  de  citole  ne  —  no.  A  Se  de  ma  main 
.voloie  ovrer  —  n3.  B  voy.  note  81  ;  C  conquerroie  molt  a.  —  m  S.  i: 
en  nul  ;  C  tans  ne  voil  faire  o.   —  n5.  A  Dues  friz  de  t.  —    1 
sache—  126.  B  En  ceste  inonde  na  nule  riens  ;  G  Certes  il  na  cl  m.  1. 
—  129-155  manquent  dans  C 


98  LES    DEUX    BOLRDELRS    RIBAL'DS 

Et  bones  gaines  a  sarpes  ; 

Et  se  ge  a  voie  .IL  harpes, 

Ge  nel  lairai  que  ne  vos  die, 

Ge  feroie  une  meloudie, 
i35  Ainz  ne  fu  oie  si  granz. 

Et  tu,  diva,  di,  fox  noienz, 

Tu  ne  sez  pas  vaillant  un  pois. 

Ge  connois  toz  les  bons  borgois 

Et  toz  les  bons  sirjanz  du  monde  ; 
i^o  Ge  connois  Gautier  Tranchefonde, 

Si  connois  Guillaume  Grosgroing, 

Qui  assomma  le  buef  au  poing. 

Et  Trcnchefer,  et  Rungefoie, 

Qui  ne  doute  home  que  il  voie, 
i^5  Machebuignet  et  Guinement. 

Et  tu,  connois  tu  nule  gent 

Qui  onques  te  faissent  du  bien? 

Nenil  voir,  tu  ne  connois  rien 

Qui  riens  vaille  en  nulle  saison. 
i5o  Or  me  di  donc  par  quel  raison 

Tu  te  venis  ici  enbalrc? 

Près  va  que  ne  te  faz  tant  batre 

D'un  tinei  ou  d'un  baston  gros, 

Tant  que  tu  fusses  aussi  mox 
1 55  Com  une  coille  de  mouton. 

Vinz  mais,  par  la  croiz  d'un  bouton. 

i33.  B  Ge  ne  1.  q.  ne  te  d.  -   i34.   B  une  tel  —  i36.  B  tu  que  fez 
di  f.  ;  après  i3G  B  ajoute  : 

Bien  pert  que  tu  es  loi  nais  : 
Que  quiers  tu  donc  en  cest  pais  ? 

137.  B  Quant  tu  ne  s.  v.  —  iii-i^a  intervertis  dans  B.  —  i'ji.  A  groig. 
—  i4a.  A  poig  ;  B  assomme...  del  p.  —  iA3-i4't  intervertis  dans  B  — 
i43.  fîrungeferet  tranchefoie  —  ibo.  B  Et  M.  et  Guinant  —  i5i.  B 
venis  ceens  e.  —  106.  A  vouton  ;  B  voton 


LES    DEUX    BOLRDEURS    HJBAUDS  QQ 

N'oï  parler  de  tel  fouet. 

Vez  quel  humeor  de  brouet, 

Et  quel  vuideor  de  henas  ! 
160  A  bien  poi  se  tient  que  tu  n'as 

Du  mien,  se  ne  fust  por  pechié  : 

Mais  il  ne  m'ert  ja  reprouchié 

Que  tel  chetif  fiere  ne  bâte, 

Quar  trop  petit  d'onnor  achate 
i65  Qui  sor  chetif  homme  met  main  ; 

Mais  se  tu  venoies  demain 

Entre  nos  qui  somes  de  geste, 

Tu  te  plaindroies  de  la  feste. 

Or  t'en  va,  beax  amis,  va  t'en  : 
170  Esté  avons  en  autre  anten. 

Fui  de  ci,  si  feras  que  saiges, 

Ou  tu  auras  par  mi  les  naiges 

D'une  grant  aguille  d'acier  ; 

Nos  ne  t'en  volons  pas  chacier 
175  Vilenement  por  nostre  honte  : 

Nos  savons  bien  que  honor  monte. 


i58.  A  q.  vuideor  de  —  i5g.  A  q.  humeor  de  —  160.  B  A  b.  pe- 
titet  que  ;  C  A  petit  se  tient  que  —  i65.  A  Qui  sos  tel  c.  met  sa  m. 
—  167.  B  qui  savons  de  —  171.  B  Or  ten  va  si  —  173.  A  grosse  ag.  — 
176.  B  Quar  s.  ;    B  Explicit  la  jengle  au  ribaut. 


II 

LA    RÉPONSE   DE    LUX  DES    DEUX  RIBAUDS 

Ms.  igi52,  f°  70  \ 

Tu  m'as  bien  dit  tôt  ton  voloir  : 

Or  te  ferai  apercevoir 

Que  ge  sai  plus  de  toi  assez, 

Et  si  fu  mieldres  menestrez 
5  De  toi  ;  moult  me  vois  merveillant 

(Nel  dirai  pas  en  conseillant, 

Ainz  vueil  moult  bien  que  chacun  l'oie, 

Se  Diex  me  doint  henor  et  joie) 

De  tex  menés terex  bordons 
10  A  qui  en  done  moult  beaux  dons 

A  haute  cort  menuement  : 

Qui  bien  sordit  et  qui  bien  ment, 

Cil  est  sires  des  chevaliers  ; 

Plus  donnent  il  as  malparliers, 
i5  As  cointereax,  as  menteors, 

Qu'il  ne  font  as  bons  troveors 

Qui  contruevent  ce  que  il  dient 

Et  qui  de  nului  ne  mesdient. 

Assez  voi  souvent  maint  ribaut, 
20  Qui  de  parler  se  font  si  baut 

Que  ge  en  ai  au  cuer  grant  ire. 

Et  tu,  bordons,  que  sez  tu  dire, 

Qui  por  menesterel  te  contes? 

i4-  ms.  menteors  —  iô.  ms.  malparliers 


LES    DEUX    BOLRDEURS    RIBAUDS  IOT 

Sez  tu  ne  beax  diz  ne  beax  contes 
25  Pour  quoi  tu  doies  riens  conquerre  ? 

De  quoi  sers  tu  aval  la  terre  ? 

Ce  me  devroies  tu  retraire. 

Ge  te  dirai  que  ge  sai  faire. 

Ge  sui  jugleres  de  viele  ; 
3o  Si  sai  de  muse,  et  de  fretele, 

Et  de  harpe,  et  de  chifonie, 

De  la  gigue,  de  l'armonie  ; 

Et  el  salteire  et  en  la  rote 

Sai  je  bien  chanter  une  note. 
35  Bien  sai  joer  de  l'escanbot 

Et  faire  venir  l'cscharbot 

Vif  et  saillant  dessus  la  table  ; 

Et  si  sai  maint  beau  geu  de  table, 

Et  d'entregiet,  et  d'artumaire  ; 
!\o  Bien  sai  un  enchantement  faire. 

Ge  sai  moult  plus  que  l'en  ne  cuide, 

Quant  g'i  vueill  mestre  mon  cstuide  : 

Et  lire,  et  chanter  de  clergie, 

Et  parler  de  chevalerie, 
45  Et  les  preudhomes  raviser, 

Et  lor  armes  bien  deviser. 

Ge  connois  monseignor  Hunauf 

Et  monseignor  Rogier  Ertaut, 

Qui  porte  un  escu  a  quartiers  ; 
5o  Toz  jors  est  il  sains  et  entiers, 

Quar  onques  n'i  ot  cop  féru. 

Ge  connois  monseignor  Begu, 

Qui  porte  un  escu  a  breteles 

Et  sa  lance  de  .II.  ateles 
55  Au  tournoiement,  a  la  haie  : 

C'est  li  hons  du  mont  qui  mielz  paie 


102  LES    DELX    BOURDEURS    R1BAUDS 

Menesterex  a  haute  feste. 
Si  connois  Renaut  Briseteste, 
Qui  porte  un  chat  en  son  escu  : 

60  Cil  a  a  maint  tornoi  veincu  ; 
Et  monseignor  Giefroi  du  Maine, 
Qui  toz  jors  pleure  au  diemaine  ; 
Et  monseignor  Gibout  Cabot, 
Et  monseignor  Augis  Rabot, 

65  Et  monseignor  Augier  Poupée, 
Qui  a  un  seul  coup  de  s'espee 
Coupe  bien  a  un  chat  l'oreille. 
A  toz  vos  sembleroit  merveille 
Se  ceus  voloie  raconter 

70  Que  ge  conois  dusqu'a  la  mer. 

Ge  sai  plus  de  toi  quatre  tanz  : 
Ge  connoi  toz  les  bons  serjanz, 
Les  bons  chanpions  affailiez  ; 
Si  en  doi  estre  plus  proisiez. 

76  Ge  connois  Hébert  Tuebuef, 

Qui  a  un  seul  coup  brise  un  huef, 
Errachecuer,  et  Rungefoie, 
Qui  ne  doute  home  que  il  voie, 
Et  Heroart,  et  Dent  de  Fer, 

80  Et  Hurtaut,  et  Tierry  d'Enfer, 
Abalparoi,  fort  pautonicr. 
Et  Jocelin,  Tornemortier, 
Et  Ysenbart  le  Maureglé, 
Et  Espaulart,  le  fils  Raiché, 

85  Et  Brisebarre.  et  Godefroi, 
Et  Guauquelin  Abatparoi, 
Et  Osoart,  et  Tranchefonde  ; 
Et  toz  les  bons  serjans  du  monde 
Et  deçà  et  delà  la  mer 


LES    DEUX    BOURDEURS    R1BALDS  io3 

90  Vous  sauroie  bien  aconter. 
Ge  sai  tant  et  si  sui  itex. 
Ge  connois  toz  les  menestrex, 
Cil  qui  plus  sont  amé  a  cort, 
Dont  li  granz  renons  partot  cort. 
q5  Ge  connois  Hunbaut  Tranchecosle, 

Et  Tiecelin,  et  Portehote, 

Et  Tornenfuie,  et  Brisevoire, 

Et  Bornicaut,  ce  est  la  voire, 

Et  Fierabras,  et  Tuterel, 
100  Et  Malebranche  et  Malquarrel, 

Songefeste  a  la  grant  viële, 

Et  Grimoart  qui  chalemele, 

Tirant,  Traiant  et  Embatant  : 

Des  menestrex  connois  itant, 
io5  Qui  me  vorroit  mestre  a  essai, 

Que  plus  de  mil  nommer  en  sai. 

Ge  sai  bien  servir  un  prudome, 

Et  de  beax  diz  toute  la  some  ; 

Ge  sai  contes,  ge  sai  flabeax  ; 
110  Ge  sai  conter  beax  diz  noveax, 

Botruenges  viez  et  no  vêles, 

Et  sirvenlois  et  pastoreles. 

Ge  sai  le  flabel  du  Denier, 

Et  du  Fouteor  a  loier, 
n5  Et  de  Gobert  et  de  dame  Erme, 

Qui  ainz  des  els  ne  plora  lcrmc, 

Et  si  sai  de  la  Coille  noire  ; 

Si  sai  de  Parceval  l'estoire, 

Et  si  sai  du  Provoire  taint, 
120  Qui  o  les  crucefix  fu  painz  ; 

Du  Prestre  qui  menja  les  meures 

Quant  il  dcvoit  dire  ses  heures  : 


104  LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUDS 

Si  sai  Richalt,  si  sai  Renart, 
Et  si  sai  tant  d'enging  et  d'art. 

125  Ge  sai  joer  des  baasteax, 
Et  si  sai  joer  des  costeax, 
Et  de  la  corde,  et  de  la  fonde, 
Et  de  toz  les  beax  giex  du  monde. 
Ge  sai  bien  chanter  a  devise 

i3o  Du  roi  Pépin  de  s.  Denise  ; 
Des  Loherans  tote  l'estoire 
Sai  ge  par  sens  et  par  mémoire  ; 
De  Charlemaine,  et  de  Roulant, 
Et  d'Olivier  le  conbatant. 

i35  Ge  sai  d'Ogier,  ge  sai  d'Aimmoin, 
Et  de  Girart  de  Roxillon  ; 
Et  si  sai  du  roi  Loëis, 
Et  de  Buevon  de  Conmarcliis, 
De  Foucon,  et  de  Renoart. 

i^o  De  Guielin  et  de  Girart, 

Et  d'Orson  de  Beauvez  la  some  ; 
Si  sai  de  Florence  de  Rome,- 
De  Ferragu  a  la  grant  teste. 
De  totes  les  chançons  de  geste 

i45  Que  tu  sauroies  aconter, 

Sai  ge  par  cuer  dire  et  conter. 
Ge  sai  bien  la  trompe  bailler, 
Si  sai  la  chape  au  cul  tailler, 
Si  sai  porter  consels  d'amors, 

i5o  Et  faire  chapelez  de  flors, 
Et  cainture  de  drueric. 
Et  beau  parler  de  cortoisie 
A  ceus  qui  d'amors  sont  espris  : 
Et  tu  donc  cuides  avoir  pris? 

i55         Ne  parler  mais  la  ou  ge  soie, 


LES    DEUX    BOLRDELRS    RIBAUDS  IO.J 

Mais  fui  de  ci  et  va  ta  voie. 
Va  aprendre,  si  feras  bien. 
Que  contre  moi  ne  sez  lu  rien. 
Beax  seignor,  vos  qui  estes  ci. 
160  Qui  noz  parole  avez  oï, 

Se  j'ai  auques  mielz  dit  de  li, 
A  toz  je  vos  requier  et  pri 
Que  le  metez  fors  de  ceanz, 
Que  bien  pert  que  c'est  .1.  noienz. 

Explicit  des  Jj.  troveors. 


III 


AUTRE  RÉPONSE 

ou 

LA     CONTREGENGLE 

Ms.  837,  f°  216 '■-{'  2i5h. 

Fabloié  as  or  longuement 
Et  moi  ledengié  durement  : 
Si  te  vient  de  grant  ribaudie. 
Mes  qui  biau  veut  oïr,  biau  die  ! 

5  Ceste  resons  bien  i  afiert, 
L'une  bontez  l'autre  requiert. 
Tu  es  fols  de  contraliier, 
Quar  l'uevre  loe  bien  l'ouvrier. 
Molt  me  torne  ore  a  grant  anui, 

10  Quant  tu  demandes  qui  je  sui. 
Tu  me  demandes  que  je  sai  ; 
Mes  je  voudroie  qu'a  l'essai 
Fussons  ore,  entre  moi  et  toi, 
Li  quels  set  plus.  Foi  que  doi  toi, 

i5  Tu  paroles  molt  folement  ; 
Si  me  fez  ci  .1.  argument 
Et  .1.  sofisme  tout  boçu. 
Mes  chetis  houliers,  qui  es  tu  ? 
Nul  bien  el  siècle  tu  n'entens  ; 

20  Or,  di  quels  est  tes  argumens  ? 
Va  aprendre  :  bien  t'est  mestiers. 
Tu  es  et  molt  baus  et  molt  fiers  : 


LES    DEUX    BOURDEURS    IUBA1  DS  lu; 

As  tu  ci  nul  de  tes  pareil/.  ? 

Tu  te  fez  prone  entre  les  genz, 
25  Et  si  nous  veus  ci  fcre  entendre 

Que  nus  ne  te  porroit  a  prendre, 

Por  ce  qu'il  te  facentaïue. 

Tu  n'as  pas  ta  borde  vendue. 

Qui  ainsi  bcslornes  les  nons. 
3o  Tu  es  li  sages  Salemons, 

Qui  tant  aprist,  que  en  folie 

Torna  le  sens  de  sa  clergic. 

Tant  as  vescu  que  tu  radotes  : 

Or  t'est  avis  que,  por  .II.  cotes 
35  Que  tu  as  environ  tes  os, 

Que  nus  ne  soit  jamès  si  os 

Que  il  devant  toi  parler  ost 

Ne  plus  que  devant  .1.  provost. 

Ce  est  coustume  de  chetif 
4o  Et  de  truant  ribaut  faintif 

Que,  quant  il  vient  a  .1.  poi  d'aise, 

Dont  ne  voit  rien  ne  li  desplaise. 

De  maigre  poille  par  nature 

Plus  maie  d'autre  est  la  morsure. 
45  Ne  deûsses  pas  avoir  cote 

Qui  fust  entire,  mes  la  hôte 

Ce  deiist  estre  tes  mestiers, 

Etfiens  porter  en  .II.  paniers. 

Mestier  n'as  entre  nule  gcnt 
5o  Qui  en  els  aient  escient. 

Va  seoir  o  les  vielles  sordes  : 

Celés  dois  tu  pestre  de  bordes. 

Tu  ne  dois  pas  porter  viële, 

Ne  mengier  en  nete  escuële, 
55  Mes  en  une  auge  avocc  porciaus. 


IOS  LES    DEUX    BOURDEURS    RIBA.UDS 

Forche,  pelé,  besche,  flaiaus 
Dois  porter  et  itel  merrien. 
Diex  te  desfende  de  tout  bien 
Et  il  te  gart  de  son  salu. 

60  Poi  m'as  grevé  et  poi  valu  : 
N'i  bee  ja  que  mes  mestiers 
Puist  empirier  de  tels  bordiers. 
Quar  pleiist  or  Dieu  et  saint  Leu 
Que  semblaisses  aussi  bien  leu 

65  Com  tu  resambles  .1.  asnicr  ! 
Or  esgardez  quel  charruier, 
Comme  est  bien  tailliez  a  vilain  ! 
Seignor,  or  soiez  tuit  certain 
Qu'il  est  du  plus  mauves  lingnage 

70  Qu'aine  vcïssiez  en  votre  eàge  : 
Por  ce  di  que  tels  pautoniers 
Ne  me  puet  grever  .11.  deniers. 
Fui  de  ci,  quar  tu  es  ribaus  : 
Ne  vaus  pas  certes  .II.  chiez  d'aus. 

75  Non  pas  ribaus,  mais  ridolenz. 
Maie  goûte  aies  tu  es  denz  ! 
Tu  es  uns  ribaus  pailletous. 
Je  t'ai  veû  par  maintes  cors, 
Que  tu  n'avoies  pas  vestu 

80  Vaillant  .III.  solz.  Mes  qui  es  tu  ? 
Qui  fu  ton  père  et  qui  ta  mère  ? 
Je  les  connui  bien,  par  saint  Père  ! 
Tes  pères  embla  .1.  tabar 
Par  quoi  il  fu  penduz  a  Bar. 

85  Et  en  meïsme  celé  anee 

Fu  ta  mère  a  Provins  plantée. 
Je  vi  une  teue  seror 
Qui  espousa  .1.  lecheor  ; 


LES    DEUX    BOURDELRS    RIBAUDS  IO9 

Andui  furent  planté  ensamble 
90  A  Miaus  le  Chastal,  ce  me  samble  : 

Por  .1.  sorcot  qu'ele  ot  emblé, 

Furent  ensamble  andui  planté. 

Encor  n'a  gueres  que  je  vi 

A  Sens,  .1.  jor  de  samedi. 
95  En  l'eschiele  .II.  granz  meschines, 

Qui  près  estoient  tes  cousines, 

Qui  en  faus  plet  furent  trovees  : 

En  Yone  furent  getees. 

Estrais  es  de  pute  lingnie. 
100  Je  revi  ja  de  ta  mesnie 

Lez  moi  que  j'avoie  a  voisins 

.II.  maus  larrons  de  tes  cousins  : 

Andui  furent  par  bougresie 

Ars  en  mileu  de  Normendie. 
io5  Por  ce  me  torne  a  grant  despit 

Que  .1.  tel  ribaut  me  mesdit. 

Ja  bons  ne  seras,  par  saint  Père  : 

Li  filz  doit  resambler  le  père. 

Chetiz  es  et  chetiz  seras, 
110  iSeja  nul  jor  n'amenderas. 

Par  tant  n'avras  de  quoi  tu  vives. 

Por  ce  me  poise  quant  t'estrives 

A  moi  et  que  tu  me  dis  honte. 

Dont  te  vient  il  ?  A  toi  que  monte  ? 
n5  Chascons  ribaus  si  devient  prone 

Quant  il  fet  tant  que  il  larrone 

.1111.  deniers,  ou  .V.,  ou  sis, 

Si  veut  estre  ou  haut  dois  assis  : 

Mes  tu  avras  le  pelori  ; 
120  Ja  mes  ne  t'en  verra  guéri. 

Si  t'ait  Diex,  ou  emblas  tu 


I  10  LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUDS 

Cel  sorcot  que  tu  as  vestu  ? 

Or  emble  tant  com  tu  porras  : 

Por  .1.  pendre  qui  tes  seras. 
125  Trop  par  es  preus  a  .1.  besoing  : 

Tu  n'as  de  i'autrui  chose  soing, 

Se  nel  pues  tolir  ou  embler. 

Hé  !  Diex,  com  vaillant  bacheler  ! 

Gomme  est  servanz  et  de  grant  pais  ! 
i3o  Diva,  fol  ribaus,  quar  te  tais  ; 

Si  te  va  pendre  a  .1.  gibet. 

Tu  ne  sez  rien  fors  que  d'abct. 

De  mespoins  et  de  fortreture  ; 

Mes  de  ce  n'ont  preudomme  cure. 
i35  Ja  n'est  il  nus  hom  qui  Dieu  croie 

Qui  en  moustier  entrer  le  voie  : 

Tu  as  toute  usée  ta  pel 

En  la  taverne  et  au  bordel. 

Tu  trueves  ainz  c'on  ait  perdu. 
i4o  Or  le  voi  je  tout  esperdu  ; 

Or  soit  ore  tout  en  respit, 

Si  recorde  ce  que  j'ai  dit. 

Mes  tu  ne  sez  nule  rien  dire  ; 

Tu  ne  sez  rien  fors  d'autrui  lire, 
î  \~->  Tu  vas  autrui  mort  conquérant, 

Dont  tu  aquiers  maint  mal  voillant. 

Quanques  tu  asicijenglé 

As  tu  d'autre  leu  descenglé. 

Je  sui  près  de  ce  aprover 
i5o  Que  tu  m'as  ci  oï  conter. 

Je  n'i  vueil  mètre  plus  d'alonge. 

Aconsivre  vueil  ta  mençonge, 

Mes  les  oevres  dont  tu  te  prises 

N'as  tu  pas  encor  bien  aprises. 


LES    DEUX    BOURDEURS    RIBAUDS  I  |  i 

i55  En  toi  n'a  se  les  bordes  non, 

Ne  tu  n'es  pas  de  grant  renon 

Si  com  autre  ménestrel  sont 

Qui  aus  granz  cors  les  robes  ont. 

Mes  toi,  por  quoi  les  donroit  L'en  ? 
160  En  toi  n'a  proece  ne  sen, 

Dont  l'en  te  doinst  .1.  oef  pelé. 

Musart  or  t'ai  bien  apelé. 

Tu  ne  sez  ne  bien  ne  honor. 

Onques  mes,  par  le  Sauveor, 
t65  Ne  vi  si  fol  ne  si  musart  ! 

Va,  si  te  peut  a  une  hart. 

Feu  t'aide  l'eschine  et  les  flanz  ! 

Va  toi  repondre  souz  ces  banz 

Con  povre  chose  et  nice  et  foie. 
170  Et  fols  est  qui  a  toi  parole. 

Mes  Fortune  t'a  or  bien  fet 

Qui  t'a  encressié  et  refet. 

N'ai  cure  d'à  toi  estriver, 

Quar  bien  tost  me  porroie  irer 
176  De  corouz  et  de  mautalent. 

Mes  se  ce  n'estoit  por  la  gent 

Et  por  mes  amis  ahonter, 

Je  te  feroie  mesconter 

De  ces  degrez  une  partie. 
180  Or  t'en  va,  si  ne  revien  mie 

En  leu  ou  me  saches  ne  voies, 

Que  tu  tendroies  maies  voies. 

Explicit  la  contre/ eng le. 


TABLE    DES   NOMS    PROPRES 


CONTENUS    DANS   LES 


Deux    bourdeurs    ribauds1. 


Aïe  de  Nanteuil  I  70  au   lieu  de 

Aïe  d'Avignon,  héroïne  de  chanson 

de  geste.  Voy.  Garin. 
Ammoîn  II  i35,  Aymon,  héros  de 

geste  (Les  quatre  fils  Aimori). 
Augier   Poupée     II,    05    «  pru- 

dhomme  ». 
Augis  Rabot  II 64,  «prudhomme». 
Abatparoi    II,    81    «   champion  ». 

Voy.  aussi  Guauquelin. 
BegU  II,  52,  «  prudhomme  ». 
Bernart   de    Saisogne  I  76  au 

lieu  de  Bernard  de  Brabant,  héros 

de  geste.  Voy.  Guiteclin. 
Blancheflor     I    g5,    héroïne    de 

roman. 
Bornicaut  II  98,  ménestrel. 
Brisebarre  II,  85,  «  champion  ». 
Brisevoire  II  97,  ménestrel, 
Bruges  I  n,  nom  de  ville. 
Buevon  de  Conmarchis,  héros 

de  chanson  de  geste. 
Charlemagne    II    i33,    héros  de 

chanson  de  geste. 
Coille    noire     II     117,     titre    de 

fabliau. 
Denier  II  n3,  titre  de  fabliau. 


Dent  de  Fer  II  79,  a  champion  ». 

Ern bâtant  II  io3,  ménestrel. 

Erme  II  n5,  nom  de  femme,  per- 
sonnage d'un  fabliau. 

Errachecuer  II  77,  «  champion  ». 

Espaulart  II  S'i,  «  champion  ». 

FerragU  II  ii3,  Fergus,  héros  de 
roman. 

Fierabras  II  99,  ménestrel. 

Floire  I  95,  héros  de  roman. 

Florence  de  Rome  il  i/ia,  hé- 
roïne de  chanson  de  geste. 

Foucon  II  139,  Foucon  de  Candie, 
héros  de  chanson  de  geste. 

Fouteor  II  ni,  titre  de  fabliau. 

Frison  l  19,  habitant  de  la  Frise. 

Garin  d'Avignon  1  73  au  lieu  de 
Garin  de   Nanteuil,  père   de    Gui 
de  Nanteuil,   héros  de  gesl 
Aïe. 

Gautier  Tranchefonde  I  i4o, 
<(  sergent  ». 

Gauvain  le  malparlier  1  85, 
héros  de  roman,  chevalier  de 
grand  mérite. 

Glbout  Cabot  il  60,  01  pru- 
dhomme ». 


1.  Pour  ce  qui  est  des  noms  de  jongleurs,    voy.   Les  jongleurs  en    Frot 

moyen  âge,  p.  280,  n°  44,  et  les  renvois. 


n4 


TABLE    DES    NOMS    PROPRES 


Qiefroi   du   Maine   I  61,   «  pru- 

dliomme  ». 

Qirart  II  i'4o,  liéros  de  chanson  de 
geste  (Girard  de  Vienne?). 

Qirart  d'Aspremont  J  99,  pour 
Girard  de  Vienne,  héros  de  chan- 
son de  geste.  Voy.  Tibaut. 

Qirart  de  Roxillon  II  i3C,  héros 
de  chanson  de  geste. 

Gobert  II  u5,  héros  d'un  fa- 
bliau. 

Godefroi  II  85,  «  champion  ». 

Grimoart  II,  102,  ménestrel. 

Guielin  II,  i'io.  héros  de  chanson 
de  geste. 

Guillaume  au  Tinel  I  or,  au  lieu 

de  Guillaume  au  Court  nés.  liéros 
de  chanson  de  geste.  Voy.  Re- 
noart. 

Guillaume     Grosgoing    I    in, 

«  sergent  ». 
Guinement  I  i/i5,  «  sergent  ». 
Guion  d'Aleschans  I  74  au  lieu 

de  Guion  de  Bourgogne,    héros  de 

chanson  de  geste.  Voy.  Vivien. 
Guiteclin   de   Brebant  I    77  au 

lieu    de    Guiteclin    de   Sassoigne, 

héros   de   chanson  de    geste.  Voy.  • 

Bernart. 
Hébert  Tuebuef  H  70,  «  cham 

pion  ». 
Heroart  11  79,  «  champion  ». 
Hunaut  II  .'47,  «  prudhomme  ». 
Hunbaut    Tranchecoste  II  95, 

ménestrel. 
Hurtaut  II  80,  «  champion  ». 
Jocelin     Tornemortier    il    82, 

((  champion  ». 
Loeïs    II   137,  héros  de  chanson   de 

geste. 
Loherans   II    i3i,  personnages   de 

chansons  de  geste. 
Machebuignet  I  i46,  «  sergent  ». 
Malebranche  II  100,  ménestrel. 
Malquarrel  II  100,  ménestrel. 
Nicolas  l  i'i. 
Neele  I   nG,  nom  de  village. 


Ogier  II  i35,  héros  de  chanson  de 

geste. 
Ogier  de  Montaubant  I   78  au 

lieu  de  Ogier  le  Danois,  héros  de 

chanson  de  geste.  Voy.  Renaut. 
Olivier    11  j3',,   héros  de   chanson 

de  geste. 
Orson    de  Beauvez  II  i'h,  héros 

de  chanson  de  geste. 
Osoart  II  87,  ((champion  ». 
Parce  val  H  ri8,  héros  de  roman. 
Pépin  de  S.  Denise   I   i3o,  héros 

de    chanson    de    geste    (Berte    au 

grand  pied). 
Perceval  de  Blois  1   87  au  lieu 

de    Perceval   le  Gallois,    héros  de 

roman. 
Pertenoble  le    Galois    I  88  au 

lieu  de  Partenopeu  de  Blois,  héros 

de    roman.    (Remarquer    que    le 

roman      n'est     pas     composé     en 

laisses,    et    le   jongleur    fait    une 

bourde  en  le  disant). 
Portehote  II  9O,  ménestrel. 
Prestre  qui  menja  les  meures 

(du)  Il   121,  litre  de  fabliau. 
Provoîre  taint  (du)   II    119,  titre 

de  fabliau. 
Quex    le    bon    chevalier  I   80, 

héros  de  roman,  sénéchal  félon. 
Raiché  I  8/J. 

Renart  II  ia3,  héros  de  roman. 
Renaut  le  Danois    I   80  au  lieu 

de    Renaut   de   Montauban,   héros 

de  geste.  Voy.  Ogier. 
Renaut   Briseteste    II,  58,  mé- 
nestrel. 
Renoart   II    139,  héros  de  chanson 

de  geste. 
Renoart  au  cort  nés  1  08  pour 

Renouart  au  Tinel,  le    même  que 

le  précédent.   Voy.  Guillaume. 
Reonde    Table   I   83,   titre   d'un 

groupe  de  romans. 
Richalt    II  ia3,  héros  d'un  fabliau. 
Rogier     Ertaut    II     $8    «   pru 

dhomme  ». 


TABLE    DES    NOMS    PROPRES 


n5 


Roulant  I  1 33,  héros  de  chanson 
de  geste. 

Rungefoie  I  i.'i3,  II  77.  «  sergent» 
et  «  champion  ». 

Songefeste  II   101.  ménestrel. 

Tibaut  de  Viane  I  98  au  lieu  de 
Thibaut  d'Aspremont,  héros  de 
geste  (Gaydon).  Voy.  Girart. 

Tiecelin  II  96,  ménestrel. 

Tierry  d'Enfer  II  80,  «  cham- 
pion ». 


Tirant  11  io3,  ménestrel. 

Tornenfuie  II  97,  ménestrel. 

Traiant  II  io3,  ménestrel. 

Tranchefer  I  1  .  rgent  ». 

Tranchefonde  II  87.  «  champion  ». 

Tunterel  II  99,  ménestrel. 

Vivien  de  Bourgogne  I  -'■>  au 
lieu  de  Vivien  d'Aliscans,  héros 
de  chanson  de  geste.   Voy.  Guion. 

Ysembart  le  Mauréglé  II  83, 
«  champion  ». 


GLOSSAIRE 


Ce  glossaire  est  destiné  à  éclairer  la  lecture  des  Dits  de  l'Herberie  et  des 
Deux  bourdeurs  ribauds.  —  On  y  trouvera  :  i°  les  mots  aujourd'hui  perdus; 
2°  les  mots  dont  le  sens  avarié;  3°  les  mots  dont  la  forme  s'est  notablement 
modifiée.  —  Les  lettres  H  et  B  désignent  l'une  l'Herberie,  l'autre  les  Deux 
bourdeurs  ribauds.  Les  chiffres  romains  indiquent  le  numéro  des  pièces  qui 
figurent  sous  chacun  de  ces  titres. 


a  exprime  :  le  moyen  H  I  i46;  B  I 
1/12  ;  etc.  ;  l'objet  B  III  i 13  ;  la  con- 
formité B  III  67  ;  l'accompagnement 
H  I  122  ;  etc. 

aba  H  I,  hU,  aboiement. 

abet  B  III  i32,  ruse. 

abevrer  prés,  aboivre  II  II  3o, 
abreuver. 

achater  prés,  achate  B  I  i64,  ache- 
ter. 

aconsivre  B  III  i5a,  atteindre. 

aconter  B  II  90,  e'numérer. 

adeser  H  II  1 57,  toucher. 

aese  H  II  186,  à  aise,  content. 

aferir  prés,  afiert  B  III  5,  convenir. 

afaitier  part,  passé  affaitiez  B  II  73 
sage. 

af fichier  H  II  5i  assurer. 

aguille  B  I  173  aiguillon. 

ahonter  B  III  177  rendre  honteux. 

aidier  subj.  aist  B  I  36,  aider. 

ail  rg.  pi.  aus  B  III  74  ail. 

aine  B  III  70,  etc.  jamais. 

ainçois  H  II  37,  87,  mais. 

ainsinc  H  II  a3o  ainsi. 

ainz  H  I  120,   II    21G,   B  II  7,  etc. 

mais  ;  —  que  H  I  7,  B  III  i3y,  etc. 
avant  que. 

ainz  B  I  i35,  II  116;  —  mais  B  I 
i56  jamais. 


aitre  H  II  199,  200  cimetière. 

aiue  B  III  27  aide. 

aive  II   II   i3,   2o5  ;   yaue  H  I  186: 

eau. 
ajornee    H    II    55    le    temps   d'une 

journée  entière. 
aler    H  II  25;    prés,    vois  B   II   5  ; 

subj.   voize   H   I  7  :   aller  ;  près  va 

que  B  I  io2  il  s'en  faut  de  peu  que. 
alonge  B  III  i5i  retard,  longueur. 
amender  B  III  no  s'amender. 
andous   suj.   andui   B  III   89,    io3, 

tous  deux. 
anglure  H  II  97  angelure. 
angoisseus  H   IH  68  qui  fait  souf- 

jrir. 
anui  B  III  9  chagrin,  colère. 
anuier  H  I  98,  être  importun. 
aparsouvolr  H  I  6  apercevoir. 
apertement  H  I  74  manifestement. 
aprendre,  fut.    apanrai  H   I   i35; 

aprendrai  H  II  70  ;  subj.  apreigne 

H  II  68. 
ardre  B  III  167  ;  part.  pas.  ars  B  III 

io'i  :  brûler. 

arme  H  I  176,  178  âme. 
armonie  B  II  32  instrument  de  mu- 
sique. 
arsure  H  II  97  brûlure. 
artisien    H  II  116  monnaie  d'Artois. 

9 


n8 


GLOSSAIRE 


artumaire  B  II   3g  magie. 

asavoir  faire  —  HI  1 3$  faire  con- 
naître. 

asseoir  voy.  seoir. 

assez  13  I  112,  Il  3,  ig,  beaucoup, 
très. 

assoldre  prés,  assoit,  fut.  assoudrai 
H  II  \f.\l\,  absoudre. 

atele  B  II  54  morceau  de  bois. 

audafrida  II  II  iet  tous  les  mois  des 
lignes  l-fi  ne  forment,  à  dessein. 
aucun  sens. 

auques  BU  161  à  quelque  degré. 

ausi  H  II  129;  aussi  B  1  6o,  1 1 1  : 
ausinc  II  II  22G  :  de  même,  aussi. 

auteil  H  l  170,  171,  tel. 

autresi  B  I  55  de  la  même  façon. 

autrier  H  III  12  l'autre  jour. 

avainne  H  I  89,  170,  avoine. 

aval  —  la  terre  B  II  2IJ  ici-bas. 

avaler  II  II  22,3  descendre. 

avant  II  I   173,  II  161,  en  avant. 

avenir  II   I   3,   1G2,    III   h,  arriver. 

averti n  II  I  i5o,  il  100,  229,  accès 
de  folie. 

avoir  imparf.  avoie  H  II  io3  etc.; 
parf.  ot  II  II  128  etc.  ;  cond.  avroie 
H  II  1G9  etc.  ;  subj.  eût  H  II  GG  etc. 

avoir   II  I  i5  subst.  :  richesses. 

avoec   B  111  55  avec. 

baastel  pi.  baasteax  B  II  125  ins- 
truments qui  servaient  mur  magiciens 
et  aux  jongleurs  pour  faire  des  tours 
d'escamotage  et  d'adresse. 

bacheler  B  III  128  jeune  homme. 

baer  impér.  bee  B  III  Gi,  aspirer  àf 
espérer. 

bailler  B  II  1A7  donner  de. 

batel  bateax  II  II  180  (rég.  pi.),  197 
(suj.  sg.),  bateau,  fait  calembour 
avec  nés,  qui  précède. 

baut  B  II  20,  111  22,  hardi. 

beau  adv.  B  II   i5a  joliment. 

bêlement  II  HI  3o  joliment. 

beneistre  subj.  beneie  H  II  189, 
bénir. 

bestorner  B  111  29,  déformer. 


blutel  suj.  sg.  bluteax  H  II  189, 
tamis,  fait  calembour  avec  saut  amis 
(saut  tamis)  de  la  ligne  188. 

boen  II  I  i33,  i85,  bon. 

boire  subj.  imp.  beùst  H  III  GG. 

boleor  II  II  36  trompeur. 

borde  H  II  35,  B  III  28,  etc.  bourde. 

bordelois  H  II  1 1 3  monnaie  de  Bor- 
deaux. 

bordier  B  III  G2  celui  qui  dit  des 
bourdes. 

bordon  B  II  9.  22,  bourdeur. 

boschaige  H  II  i54  bocage. 

boter  II  II  i3a  pousser;  part.  pas. 
boteiz  II  1  1/10  gui  pousse  au  gras, 
eu  parlant  du  vin. 

bougresie  B  III  io3  sodomie. 

bretele  B  II  53  courroie  pour  soute- 
nir reçu. 

broche  II  II  91,  etc.  brorhe. 

buef  rég.  pi.  bues  B  I  119;  suj.  sg. 
boz  H  II  1 3(3  :  bœuf. 

bugle  B  1  l\i  jeune  bœuf. 

cambrisien  II  II  116  monnaie  du 
Cambrésis. 

carbonculus  II  I  '18  cscarboucle. 

ce  i>our  se  (conj.)  II  1  9,  etc.  ;  pour  se 
(pron.)  H  1  25,  etc. 

cel  suj.  sg.  cil  B  I  5,  ii'i.  etc.  ;  cils 
B  I  29.  B  II  93  ;  suf.  pi.  cil  H  I 
1 33  ;  rég.  pi.  ceulx  HI  120;  cex 
II  II  164  ;  <;ax  H  II  23i  ;  cels  B  I 
83  ;  ceus  B  II  69,  etc.  Fém.  sg. 
ecle  II  I  G3,  II  i!\!\,  etc.,  fém.  pi. 
celés  B  III  5a,  etc.  :  adj.  et  pron. 
démonstratif.  Celui  H  II    1 38,  i3$. 

cellande  H  II  75  sorte  d'herbe 
(Icujuelle  ?). 

cens  H  l  79  sans. 

ces  pour  ses  II  1  121. 

cest  II  I  1G1,  etc.  adj.  et  pron.  dé- 
monstratif. 

chaalnne  H  I  122  chaîne. 

chaceor  suj.  chacierres  H  11  88 
chasseur. 

Chaelon  H  il  177  Châlons  (voy. 
rai  11s). 


GLOSSAIRE 

102,    jouer    du 


"9 


chalemeler   B   II 

chalumeau. 
chatnpel    rég.    pi.    chanpeax    II  11 

180,  champ  (voy.  grieve). 
champion  B  II  78  champion,  homme 

d'armes. 
Chatlteor   suj.    chanterres    B   I   65 

chanteur. 
Chape  H  1  117.  B  II  i48,  manteau. 
chapel  rég.  pi.   chapiaux  H  I  i4g 

chapeau. 
chapelet  B  II  i5o  couronne. 
char  H  II  53,  Kj3,  etc.  chair. 
charaie  II  I  190  sortilège. 
charree  II  II 80  cendre  de  lessive  (?). 
charruier  B  III  60  valet  de  charrue. 
chartain  HI 168  monnaie  de  Chartres. 
chascon  B  III  n5  chacun. 
chastel  rég.  pi.  chasteax  II  II  179, 

château  (voy.  tour/ 
chief   II  I  i5i,  etc.  ;    rég.    pi.   chiez 

i5o,  B  III  7'i  :  tète. 
Chifler  H  II  i3i,   i35  ;   prés,    gifflc 

218  :  railler,  moquer. 
chifonie  B  II  i3i  cifoine,  instrument 

de  musique,  du  genre  vielle  à  roue. 
ci  HI  1,  etc.  ici.  De  —  qu'a  H  II  1/12 

jusqu'à. 
citole  B  I  io4  instrument  de  musique, 

du  genre  cistre  et  mandore. 
clapoire  H  II  99  voy.  clopaire. 
clergie   B  II   43,   III   32,   savoir  de 

clerc,  science. 
clopaire  H  II  228  bubon. 
clou  clox  H  II  227  clou,  furoncle. 
COCUla  H  II  171  et  les  mots  des  lignes 

171-173  ne  forment,  à  dessein,  aucun 

sens. 
COÎnterel  cointemx   B    II    iô    rusé, 

malin. 
coissin     II    II    181,     coussin    (voy. 

coûte). 
coivre  H  II  74  cuivre. 
collongnois   H  II   u4   monnaie  de 

Cologne. 
coin    B   1  69,   etc.    comme;    ii,  29, 

etc.  exclamatif;   après   autant  11   I 


119,  etc.,  aussi  B  I  60,  etc.,  autresi 
55,  tant  III  12.3,  tel  1  io3,  etc.  :  que. 

comal  H  11  76  sorte  d'herbe  (la- 
quelle?). 

comperer  II  III  43  payer. 

COnfés  H  II  iâo  qui  a  fait  sa  con- 
fession. 

confire  H  I  77,  78,  etc.  préparer 
(un  baume). 

congrier  (réfl.)   II  I  i4i  se  former. 

con jurement  H  II  170  action  de 
conjurer. 

conquerre  B  II  25,   etc.  conquérir. 

conquester  II 1 15,  III 10,  acquérir. 

COnseillier  (réfl.)  II  II  i34  prendre 
conseil;  en  conseillant  B  II  6  en 
secret. 

contraire  sans  —  H  I  102  sans 
difficulté. 

COntralier  B  III  7  contrarier,  con- 
tredire. 

controver  prés,  contruevent  B  II 
17  inventer. 

cordoan  B  I  10  cordouan. 

corir  fut.  pas.  corroit  H  I  166, 
courir. 

cors  II  1  1 3 1 ,  etc.;  cor  II  i4o  : 
corps. 

cort  B  1  63,  etc.  cour. 

COstel  rég.  pi.  costeax  B  II  126 
couteau. 

cote  B  I  si,  etc.  manteau. 

COUmin  II  l  n8  cumin. 

COUte  H  II  181,  a  deux  sens  : 
«  coude  »  (qui  est  celui  du  passage) 
et  «  couete  »  (qui  prépare  le  calem- 
bour coissinj. 

covenir  II  II  217  convenir,  falloir. 

cowir prés,  cueuvre  15  I  n4  ;  cuevre 
1 1 7  :  couvrir. 

créance  II  II  66,  210,  croyance. 

cresperite   II  I  35  pierre  précieuse. 

Crespinois  II   II  hj  monnaie. 

crier  II  I  i4a  créer. 

croire  II  111  5  :  prés,  crée/  Il    i35  ; 

etc.  croire. 
croteuse  il  il  8.  (?). 


120 


GLOSSAIRE 


CUer  H  I  ikk,  etc.  cœur. 

cuevre  chief  II  I    121  couvre-chef. 

cuidier  II  il   217;  B  II   4i,  i54  : 

croire. 
cure  II  I  io3  etc.  souci. 
de  après  un  comparatif  B  II  3,  5,  etc. 

que. 
débat,  sanz  —  II  II  72  sans  difficulté. 

debatre  H  I  196  battre. 

dechaus  H  III  3f)  sans  chaussures. 
delà  prép.  II  II  4g,  etc. 
delez  II  II  2/1  à  côté  de. 
delitable  B  I  84  agréable. 
demander  prés,   demant  H  II  9, 

demander. 
demoree  H  1  18  séjour. 
départir  II  I  1 35  séparer. 
descengler    B    111    148   dessangler, 

d'où  :  piller. 
desconfés  II  II  i5tj  qui  ne  s'est  pas 

confessé. 

desgeuner  (réfl.)  H  I  188,  etc. 
déjeuner. 

desmesure,  a  —  11  1  io5  sans  ad- 
mettre de  limites. 

desovoîr  II  l  5  tromper. 

despendre  II  III  2  dépenser. 

despit  B  I  102,  etc.  mépris,  colère. 

dessus  prép.  II  I  94,  etc. 

destruire  subj.  destruie  II  I  97. 
détruire. 

devant  ce  que  II  II  1G9  avant  que. 

devise,  a  —  B  II  129  à  souhait . 

deviser  B  II  40  décrire. 

devoir  subj.  prés,  doies  B  II  20  ; 
imp.  deûsses  B  I  20,  etc.  ;  (îeiist 
B  III  47  ;  cond.  devroies  BI  5o,  etc. 

diaton  II  II  76  sorte  d'herbe  (la- 
quelle '.'). 

diemaine  B  II  6a  dimanche. 

dijonnois  II  H  114  monnaie  de 
Dijon. 

dire  subj.  die  II  III  16,  etc.  ;  imp. 
deisse  H  I  i3a,  etc. 

diva  Bl  1,  III  i3o,  allons.' 

doisien  II  II   117  monnaie  de  Douai. 

dois  B  III  118  table. 


doloir  fut.  dieura,  dieudront  II  II 
225,  faire  mal. 

dolour  H  II  229  douleur. 

doner  fut.  donrai  II  II  i5i,  102  ; 
subj.  doint  B  II  8,  etc.,  doinst 
B  III  1G1  ;  cond.  donroie  II   I    199. 

donques  H  III  16  donc. 

dont  B  III  4a  alors. 

dont  H  1  i38;  B  III  n4  :  d'où  ; 
B  111  i4'J,  161,  ù  cause  de  quoi. 
Dom  H  II  190  a  deux  sens  : 
((  d'où  »  (qui  est  celui  du  passage)  et 
((  d'homme  »  (qui  prépare  le  calem- 
bour d'orne  de  la  ligne  suivante). 

dormir  (réfl.)  II  1184  dormir. 

doute,  sanz  —  H  III  34  sûrement. 

douter  II  I  39,  etc.  craindre. 

droiture  B  I  4  droit,  justice. 

droit,  a  —  H  III  4 >  justement. 

druerie  B  II  i5i  amour. 

druge  B  I  12  plaisanterie. 

embler  B  III  83,  gi,  etc.  voler. 

emprendre,  part.  pas.  eînpris  II  I 
2  3  saisi,  pénétré. 

en  H  II  122  an. 

en  B  II  10,  4'»  etc.  on. 

enbatre   (réfl.)    B  I    i3i    accourir, 

venir. 
encharger  II   II    108,  etc.    conjier. 

recommander. 
encressier  B  111   172  engraisser. 
engien  II  II  83  ;  enging    B  II  ia4  : 

ruse,  liabileté. 
enpres  II  II  n  après. 
entendre   I!    III  1  faire  attention; 

B  III   20   comprendre,    croire;   B  III 

19  se  proposer;  part.  pas.  entenduz 

H  III  55  habile. 
entier  fém.  cntire  B  III  40,  entier. 
entre  B  I  1G7  parmi. 
entregiet  B  II  3g  prestidigitation. 
environ  B  111  35  autour  de. 
ermoize  II  I  tUS  armoise. 

erracher  II  III   5o  arracher. 
escanbot    B    II     35    instrument    de 

musique. 
escharbot  B  II  36  scarabée. 


OLOSSVTRE 


151 


eschlele  B  III  g5 pilori. 

escient  B  III  5o  science,  savoir. 

escorpion  H  II  i58  scorpion. 

esgarder  H  II  162,  etc.  regarder. 

espandre  H  II  Go  répandre. 

essample  II  1  1 3 A  exemple. 

ester  B  I  1  être  en  repos. 

esterlin  H  I  1G9,  Il  m,  monnaie 
anglaise. 

estorer   B  I  7.3  fournir,  provoquer. 

est  range  H  II  38,  3g,  étranger. 

estre  parf.  fui  H  I  28  ;  fut.  iert  I  6g. 
ert  B  I  162  ;  subj.  imp.  fussons 
13  III  1 3  ;  cond.  estoie  H  II   io/J. 

estrescer  II  I  63  rendre  étroit. 

estriver  Bill  112,  173,  lutter. 

fabloier  B  III  1  raconter. 

fain  H  1  169  foin. 

faintif  B  III  60  dissimulé,   menteur. 

faire  fere  H  III  17;  prés,  faz  H  II 
22G,  etc.  ;  fut.  l'eroiz  II  II  21  ; 
subj.  prés,  face  II  II  12/1;  imp. 
feisse  H  I  i63,  etc.  ;  cond.  feroie 
B  I  i34,  <'lc  :  faire. 

faut  II  11  17G  a  deux  sens  :  a  faut  » 
(de  «  faillir  »,  manquer)  qui  est 
celui  du  passage,  et  «  faux  »,  instru- 
ment à  faucher,  qui  prépare  le  ca- 
lembour lance. 

faute,  ce  n'est  pas  —  H  I  67  infail- 
liblement. 

ferir  ind.  fiert  H  II  17g  ss.  ;  subj. 
fi  ère  B  1   iG3  :  frapper. 

ferner  H  1118  dénigrer. 

ferrite  II  I  34  pierre  précieuse. 

teste  voy.  goûte. 

fi  H  II  gg,  227,  ladrerie. 

fiens  B  III  /|8  ordures. 

flabel  B  II  n3;  flabeav  (rég.  pi.) 
B  II  10g  :  fableau. 

flaiel  flaiaus  (rég.  pi.)  B  III  56,  fléau. 

fl  autre  voy.  goûte. 

flun  H  I  27  Jlux.  courant. 

foi  H  II  232  promesse;  B  III  it\  par 
la  foi;  en  foi  H  III  5'i  en  tenant 
parole. 

fonde  B  II  127  fronde 


for  II  II  8  four. 

forment,  de  —    B  l  i5    grandement. 

forrel    forreax    (rég.    pi.)    B    1    i3o 

fourreau. 
fors  Bill  ikh\  —  que  i32  :  excepté. 
fortreture  Bill  i33  action  de  séduire. 
fox    H    II    182    a    deux   sens  :  «fol, 

fou  »   (qui  est   celui   du  passage)  et 

«  soufflet  »  (gui  prépare  le  calembour 

souflez). 
freperie  H  I  Go  friperie. 
frestele  B  II  3o  chalumeau. 
fuel  le  H  I  i56,  etc.  feuille. 
fuisicien    H    II    38  ;    fusicien    5o    : 

physicien. 
gaaignage  B  I  g  gain. 
gaber  II  II  i3i  se  moquer. 
galoface  H  I  38  pierre  précieuse. 
garcelar  H  I  '18  ? 

garde,  avoir  —  B  I  125  craindre. 

garder  subj.  gart  H  I  1  /( 7 ,  etc. 
préserver. 

garir  H  I  i35  etc.  ;  gairir  H  II  6g  ; 
fut.  garrai  H  I  72,  etc.  ;  cond.  ga- 
riroie  H  III  3/j  ;  part.  pas.  gariz 
H  I  ig3  :  guérir;  guéri  B  III  120 
préserver. 

garnison  B  I  20  équipement,  vête- 
ment 

ge  H  II  5,  etc.  je. 

gésir  H  H  a4  être  couché. 

geste  B  I  1G7  race,  famille. 

getin  H  II  G5,  etc.  jeun. 

geiiner  II  II  55  jeûner. 

geter  H  11  i3  jeter. 

gieu  H  II  2i5  :  gins  io'i  ;  juif  I  uji  : 
Pif- 

gigue  B  I  io5,  II  3a  instrument  de 
musique,  du  genre  viole. 

gOUte  H  II  86  goutte. 

gOUte  H  I  i5o,  ig5  ;  B  III  76;  etc. 
nom  de  diverses  maladies  :  goule 
flautre  H  I  G8  ulcère;  goûte  feste 
II  22G  jistule  ;  goûte  migraigne  227 
migraine. 

grant,  fém.  grant  B  II  21,  III  101, 
etc.  grand. 


122 


GLOSSAIRE 


grever  H  II  187;  B  m  60.72  : 
peser,  être  désagréable. 

grieve  U  11  1 4a,  etc.  haut  du  front, 
dessus  de  la  tête.  H  II  180  a  deux 
sens  :  a  tête  »  (qui  est  celui  du  pas- 
sage) et  «  endroit  oh  il  y  a  du  gra- 
vier »  (qui  prépare  le  calembour 
chanpeax). 

haie  B  II  55  clôture,  enceinte. 

hart  li  III  166  corde. 

henap,  rég.  pi.  henas  B  I  159  coupe. 

hiraudie    B  l   02   loque,  souquenille. 

hom  suj.  B  III  i35,  etc.  ;  lions  II 
50  ;  rég.  home  H  II  191  (voy.  dont), 
192,  etc.;  ome  70:  homme;  hon 
H  I  i54  on. 

honte  B  [Il  ni  propos  injurieux. 

hospital,  plur.  hospitax  H  II  178 
l'ordre  des  Hospitaliers.  Voy.  tem- 
ples. 

hote  B  III  46  hotte. 

houlier  B  III  18  vaurien. 

huef   B  II  76.  \'oy.  uef. 

huix  II  I  187  porte. 

humeor  B  I  i58  celui  qui  hume. 

humeur  II  I  i4i  humidité. 

i  B  III  5,  Gi,  etc.  explétif. 

il,   plur.    il   II    I   [97,    etc.  ;  fém.  ele 

II  I  19G,  etc.  ;  el  II  28  ;  fém.  plur. 
el  I  12/4  ;  rég.  plur.  els  B  III  5o, 
etc. 

iluec    B  1  33    [à. 

inde  II  I  '19  violet. 

irer  (réf.)   B  III    174    se    mettre  en 

colère. 
itant   B  II  io4  tellement. 
itel    B  III  57  etc.  tel. 
ja    II  I   112  alors;   B  III  100  encore; 

III  69,  177,  etc.  jamais:  ja  mes 
II  III  3G. 

jagonce  II  I  36  hyacinthe. 
jangle    B  I  r,  3,  bavardage  bouffon. 
jengler  B  III  147  bavarder. 
jone    II  I  2  jeune. 
jou   II  I  77,  etc.  je. 
jugleor   suj.  jugleres   B   II  29  jon- 
gleur. 


laier,  impér.  lai  B  I  1  ;  subj.  laist 
H  I  201  ;  lait  II  232  :  laisser. 

lance  H  II  176  voy.  faut. 

larriz   II  II  io3  terre  non  cultivée. 

larroner  B  III  nG  voler. 

lecheor  B  III  88  vaurien. 

lechier   B  I  27  faire  le  vaurien. 

ledengier  B  III  2  offenser. 

leonois   II  H    n3   monnaie  de  Laon. 

lerme  B  II  116  larme. 

letue   B  II  48  laitue. 

leu  B  III  04  loup. 

leu  H  I  i32,  etc.  lieu. 

lez   B  III  101  près  de. 

li  art.  suj.  H  I  1G2  etc.  ;  plur.  123 
etc.  ;  combiné  avec  a,  sg.  au  B  II 
i'i2,  etc.;  plur.  as  H  II  92,  etc.; 
avec  de,  sg.  dou  H  I  37,  etc.  ;  avec 
en,  sg.  el  H  I  166  etc.  ;  ou  197, 
etc.;  plur.  es  H  I  i3i  ;  elz  53, 
147  ;  enz  124. 

li  pron.  H  1  i4,  etc.  ;  fém.  li  122,  i35, 
etc. 

liement  H  II  70  joyeusement,  volon- 
tiers. 

lier  prés,  loie  H  II  12  lier. 

lingnie   B  III  99  lignage. 

liue    H  11  49  ;    lieues  H  I  192  :  lieue. 

loial  suj.  loiaus  H  III  4o  loyal. 

loer  B  III  8  faire  l'éloge  de;  H  I  90 
recommander. 

lor  adj.  B  II  46,  et  pron.  H  I  i52, 
leur. 

mahains  H  I  194  maladie. 

main   H  I  82  matin. 

mains   H  I  no,  etc.  moins. 

mais,  onques  —  H  I  no  jamais; 
ne  — que  H  I  174  etc.  à  la  condi- 
tion que. 

mal,  suj.  maus  II  1  20  mal  (subst.); 
III  22,  etc.  mauvais. 

malage    H  111  20  maladie. 

maleïçon  H  II  i38,  etc.  malédiction. 

malparlier  B  I  85,  II  14  médisant. 

manniere   H  II  6,  3i,  sorte. 

mansois  H  I  167,  II  112  monnaie 
du  Mans. 


GLOSSAIRE 


123 


manviele  H  II  76  sorte  d'herbe 
{laquelle  ?). 

marchier  H  I  147  fouler. 

marguarite   H  1  30  perle. 

marreborc   H   I    i54  sorte  d'herbe. 

maucozu   II  1  117  mal  cousu. 

maudire  (réfl.)  prés,  maudient  H  II 
23 1  se  damner. 

mautalent  B  III  175  mauvaise  hu- 
meur. 

mauvaitie   B  I  91  inertie. 

mecine   II  III  49  médecine. 

meillor  suj.  mieldres  B  I  121  meil- 
leur. 

meïsme    B  III  85  même. 

mendre  B  I  19  plus  petit. 

meneor,  suj.  meneres  B  I  4a  meneur. 

ménestrel  B  III  137;  menestrez 
B  II  4  etc.  ;  menesterel  23,  —  ex 
9  etc.  :  ménestrel. 

mengier    H  II  5(3,  etc.  manger. 

menuement  B  II  n  souvent. 

merrien  B  III  67  morceaux  de  bois. 

merveillier  (réfl.)  II  I  iâa  etc. 
s'étonner. 

mesconter  B  III  178  oublier  de 
compter. 

mescroire   H  II  127  ne  pas  croire. 

mesdire  prés,  mesdient  B  II  18 etc. 
médire. 

mesnie   B  III  100  famille. 

mespoint  B  I II  i33  dé  pipé. 

mestier  H  II  1O7  etc.  métier;  I  176 
habitude;  B  III  21  etc.  besoin. 

mètre  fui.  metereiz  H  I  93  mettre. 

meure  B  II  121. 

mî    H  I  1 53  milieu. 
mielz  B  I  117  etc.  mieux. 
migraigne  voy.  goûte. 
mire    H  1  10  etc.  médecin. 
mol    suj.  inox  B  I  iâ.'i  mou. 
mon  suj.  sg.  mes  H  I  196  etc. 
monstrer  fut.  monsterrai  II  II  i45 

etc.  ;    mosterrons  H  II    i65    etc.  : 

montrer. 
mont    B  I  5  etc.  ;    monde  121  etc.  : 

monde. 


monter  B  I  175,    III    n/j    importer. 
morir  prés,  muert  II  II  218. 
mostier  H  I  116  église. 
moût    H  I  02  etc.  beaucoup,  très. 
mu  H  II  21G  muet. 
musart  B  III  162,  i05  sot. 
muse  B  II  3o  musette. 
naige  B  I  172  fesse. 

navrer  H  II  4a  blesser. 

ne  B  I  4g  etc.  ni. 

ne  B  III  38  etc.  négation. 

nef  B  I  G7  navire.  Voy.  nés. 

nel  H  II  81  ne  le. 

nenil  H  II  i65  non. 

nés  H  II  179  a  deux  sens  :  «  ne:  » 
(qui  est  celui  du  passage)  et  «  vais- 
seau »  (qui  prépare  le  calembour 
bateax).  De  même  19G  «  né  »  et 
«  vaisseau  ». 

net   H  11  83  etc.  net,  pur. 

nice  B  III  169  niais. 

noblesce  H  I  Gi  chose  tout-à-fait 
éminente. 

nîvelois  II  II  n3  monnaie  de  Nivelle. 

noient  B  I  i3G,  II  1G4  un  rien  du 
tout. 

noise  H  I  8  tumulte. 

note  B  II  34  air  de  musique. 

noumeement  H  I  175  etc.  spécia- 
lement. 

nul  suj.  nus  B  III  26  etc.  ;  nului 
B  II  18  :  nul.  personne. 

oan   B  I  9  cette  année. 

ocirre   H  I  129  tuer. 

oignement  H  I  i3o  etc.  onguent. 

oil,  suj.  pi.  œil  H  II  225;  rég.  elz 
B  II  11G;  iex  H  I  i46  :  œil. 

OÏl   H  II  i65  ou/. 

oïr  B  I  84  etc.;  parf.  déf.  oy  H  I 
110  ;  fut.  orra  II  I  112  etc.  ;  impér. 
oeiz  H  I  n  3  :  entendu. 

onbre  H  II  77  (?). 

onques  H  II  ;  —  mes  B  III  iG4  : 
jamais. 

or,  ore  B  I  8,  34  etc.  maintenant  ; 
B  I  28,  36,  37  etc.  renforce  l'exhor- 
tation. 


I2i4 


GLOSSAIRE 


orendrolt   II  NI  '12  maintenant. 

Orlenols  H  I  1G7  monnaie  d'Orléans. 

os  B  III  30  hardi. 

oser  subj.  ost  B  III  37   oser. 

paele  B  1  n5  poêle. 

pailletous  B  III  77  paillard. 

paindre  part.  pas.  painz  B  II  120, 
peindre. 

pais  B  III  129  silence. 

palazine  H  I  ig5 paralysie. 

panele    H  11  7G  sorte  d'herbe  (?). 

par  B  III  8/1,  io3  etc.  indique  la 
cause;  — tant  ni  c'est  pourquoi; 
120  renforce  l'adj. 

parer  H  II  93 préparer. 

paris!  H  I  167,  Il  m  monnaie  de 
Paris. 

parler  prés,  paroles  B  III  i5  etc. 
parler. 

parolr   priés,   pert  B  II  164  paraître. 

passion    II  II  98  souffrance,  mal. 

pastel    II  H  83  emplâtre. 

pautonier  B  I  18  etc.  queux,  truand. 

pel   B  III   137  peau. 

pelori   15  III  119  pilori. 

peser  prés,  poize  H   I  9   etc.  peser. 

pestel,  pestau  II  II  7'i  ;  jieteil  I 
1 58  :  pilon. 

pesteler  H  II  73 piler. 

petit   B  I  iG'i  peu. 

petitet  II  1  175  peu. 

pié   H  III  62  etc.  pied. 

pieça    H  III  10  il  y  a  longtemps. 

pierre   H  I   101   maladie  de  la  pierre. 

piter    H  II  i3G  être  pitoyable  {?). 

piteus  H  II   i36,  137  pitoyable. 

piz   II  11   100,  228  poitrine. 

plaire  subj.  pleùst  B  III  03. 

planter  B  III  86,  89  mettre  au  pi- 
lori (?). 

plet,  i'aux  —  B  III  97  faux  témoi- 
gnage (?). 

plommet  H  II  48  balle  de  plomb. 

plorer  fut.  plouront  II  II  225  pleu- 
rer. 

poi  H  II  73  etc.  ;  pou  I  G4  etc.  : 
peu. 


poille  B  III  43  pou. 

poindre  II  11  107  piquer. 

pondre  prés,  ponent  H  I  48  pondre. 

POOÏT prés,  puet  H  I  i5o  etc.  ;   subj. 

puist    162    etc.  ;    imp.    peusse    ig8 

etc.;    pooist    II   GG ;   rond,   porroie 

io5  etc.  :  pouvoir. 
por  B  III  17G,   177  exprime  la  cause; 

B  I  161,  176  au  prix  de;   H  II  i58, 

i5g  en  dépit  de. 
porcel   rég.  pi.    porciaus   B   111    55 

porc. 
porprendre  H  1 1 1  5a  saisir. 
pot   II  II  ig5  pot. 
pourre  H  I  86  poussière. 
prendre,  panre  H  I  100  etc.  ;  fut. 

prenra    II  327:    impér.  prendez  III 

56,  07  ;   subj.   preigne  I    201   etc.  ; 

imp.  preïsse  II  no. 
preu    B  III    Isa  hardi  ;  fém.  preude 

II  II  7,  21    sage;   au   —  de   1G3  au 

bénéfice  de. 
preudom    H    II    6;    preudons    20; 

prudome    B  II  107;    preudhomme 

'i'i  ;  etc.  homme  de  bien. 
prisier    B   I    44;    proisier    II    74  : 

estimer. 
profire   H  II  g3  préparer. 
prone   B  II  24,  n5  beau  parleur. 
provenisien    II    II  117   monnaie  de 

Provins. 
prover  (réjl.)  prés,   prueve   B  I    29 

se  montrer. 
puis    II  I  187  puits. 
put   B  III  99  vil. 

quanques  B  I  35   etc.   tout   ce  que. 
quant    ne    por  —    H    II    i3r    néan- 
moins. 
quar   B   I    164  etc.   car   1,;    4,   etc. 

renforce  l'exhortation. 
quartainne  II  I    G5   fièvre  qui    re- 
vient tous  les  quatre  jours. 
quart    H  I  177  etc.  quatrième. 
quartier  écu  a  — s  B  II  49  écu  divisé 

en  quatre  parties. 
que    H  II    19.   B  II  i58    car;    III  79 

alors  que. 


GLOSSAIRE 


[20 


quel,  SU/,  quiex  B  1  07  etc.  ;  ré<j.  pi. 

quiex.  10  etc.  ;  fém.  quel  100  etc.; 

quel. 
querre   H  I  28  etc.  chercher. 
qui,    rég.  cul  II  I  ioo,   101   etc.  (/ni; 

B  II  loâ  si  on. 
quinte    H  II  24  quatrième. 
raconter  B  II  69   énumérer. 
raim    II    II    98   rameau,  brin,    qu'on 

peut  traduire  ici  par  :  atteinte. 
rains  H  II  177  a  deux  sens  :  «  rein  » 

(qui  est  celui  du  passage)  et  «Reims  » 

(qui  prépare  le  calembour  Chaelons) . 
rajovenir   H  II  58  rajeunir. 
raviser  B  II  45  reconnaître. 
rechignier  H  II  1J2  grincer. 
reching    H  I  45  braiment. 
recorder   B  111  i4a   rappeler. 
recouvrer  (réfl.)  B  I   109  se  tirer 

d'affaire. 
recouvrîer  B  I  107  guérison,  salut. 
relieor  suj.  relierres  B  I  120  relieur 

ou    botteleur.     Accompagné    de    nés 

fait  une  bourde. 

reonde  H  1  54  ronde. 

reont   B  I  83  rond. 

repondre  B  III  1G8  cacher. 

requérir   B  III  G  commander. 

resambler  (trans.)  B  111  G5  etc. 

reson   B  III  5  parole. 

respasser    H  II  43  rétablir. 

retraire  B  II  27  raconter. 

ribaudie    B  III  3  mœurs  de  ribaud. 

ribaut  B  III  4o,  73  etc.  gueux, 
ribaud. 

ridolenz  B  III  70  hapax.  Entendez  : 
ri-dolenz  (affligé),  qui  fait  calem- 
bour avec  ri-baut  (joyeux)  du  même 
vers. 

rien  B  111  i43  chose. 

riote    H  I  79  plaisanterie. 

roncin    II  I  170  cheval. 

rote    B  II  33  sorte  de  harpe. 

rotruenge  B  II  m  rotrouenge, 
sorte  de  chanson. 

routure  H  I  io4,  II  97  rupture. 

TU    II  II  100,  228  écoulement. 


ruyl   H  1  87  rouille. 

sain   II  I  80  etc.  graisse. 

saint,   sainz  II    I    1.V1    etc.    reli 
des  saints. 

sairement  II  il  a33  serment. 

salteire  15  II  33  psallérion,  instru- 
ment à  cordes  frappées. 

saner  II  II  43  guérir. 

sarpe  B  I  i3i  serpe. 

saut  H  II  188  subj.  de  sauver.  La 
liaison  sautamis  prépare  le  calem- 
bour bluteax  (voy.  ce  mot). 

se    H  i  i85  etc.  si. 

seigneor  suj.  seignerres  B  I  u8 
celui  qui  saigne. 

seignier  (réfl.)  H  I  14.")  etc.  se 
signer. 

sempres   II  II  «o  aussitôt. 

sen    B  III  160  esprit,  sagesse. 

sens  B  III  32  etc.  sagesse;  par  — 
B  II  i3a  de  mémoire. 

seoir  II  I  02  être  situé;  réfl.  >  et  . 
s'asseoir. 

serjant  B  II  72,  88  homme  de  guerre. 

seror  B  III  87  sœur. 

seur  II  I  i34  sur. 

si  H  1  9,  11,  44  etc.  conj.  de  coordi- 
nation; et  si  68,  irS  etc.  même 
sens;  bit,  12I1  ainsi;  il  III  i/j  aussi; 
si  corn  B  I  G7,  71,  79  de  quelle 
façon  ;  annonce  le  2*  membre  d'une 
phrase  ;  H  I   i85,  B  III  118,  etc. 

siècle   B  I  12G  etc.   monde,  vie. 

sif  11  H  37  suif. 

sirjant   B  l  139  etc.  serviteur. 

sirventois  B  11  m  serventois,  sorte 
de  chanson. 

sobitain,  mort — ne  II  I  i4'i  mort 
subite. 

soissonnois   II   il   iiâ  monnaie 
Soissons. 

sorcot  B  III  91,  122  surcot,  vête- 
ment. 

sord  B  III  5i  sourd. 

SOrdire    B  II   u  médire. 

souflet  H  II  i83  "<•    fox. 

sousprendre   11  m  5i  surprendre. 


I2Ô 


GLOSSAIRE 


stopace  H  I  37  topaze. 

SUS   H  I  3/1  etc.  sur. 

tabar  B  III  83  manteau. 

tant  par  —  voy.  par  ;  subst.  B  II  71 
/°'s- 

tantôt    B  I  55  etc.  aussitôt. 

tel  stn*.  teiz  H  I  118,  i64;  teil  170; 
tel  II  i3i  ;  rég.  pi.  tex  B  II  9  etc.  : 
tel. 

tellagon   II  I  38  pierre  précieuse. 

temples  II  II  178  a  deux  sens  : 
«  tempes  »  (qui  esl  celui  du  passage) 
et  «  Templiers  »  (qui  prépare  le 
calembour  liospitax). 

tenir  fut.  tenra  II  II  227;  a  poi 
se  tient  B  I  160  il  s'en  faut  de  peu. 

tere   II  III  t8  taire. 

termine  II  II  i43  etc.  moment. 

terre  H  II  194  a  deux  sens:  «  terri- 
toire »  (qui  est  celui  du  passage)  et 
«  matière  terreuse  »  (qui  prépare  le 
calembour  poz). 

terrien    H   115,  3i  terrestre, 

tiers  fém.  tierce  11  II  16,  175  troi- 
sième. 

tinel    B  I   [53  barre  de  bois. 

tolir  H  III   127  enlever. 

ton  suj.  tes  B  III  20  etc.  ;  fém.  tcuc 
87. 

tonel    H  I  188  tonneau. 

tor  II  II  i.'io  tour;  Il  11  178  a  deux 
sens  :  «  tour,  détour  »  (qui  est  celui 
du  passage)  et  «  tour,  édifice  »  (qui 
prépare  le  calembour  chasteax). 

tordre    111  106  faire  souffrir. 

tormal  H  H  7O  sorte  d'herbe  (la- 
quelle ?). 

torner  —  en  B  III  32  se  transfor- 
mer en;  —  a  B  III  9,  io5  être  une 
cause  de. 

tornois    II  11  112  monnaie  de  Tours. 

tortel  rég.  torteax  B  I  n5  tourte, 
gâteau. 

tournoiement  B  II  55  tournoi. 

tout  plur.  tuit  H  II  161  etc.  ;  rég. 
toz  III  20. 


traire  H  I  129;  II  2i5  etc.  extraire. 

travaillier    II  II  i$i  torturer. 

trestoz  H  III  46  tout. 

tribler  II  111  05  broyer. 

trop  II  I  3,  7'i  etc.  tout  à  fait. 

truander   B  I  2G  vivre  en  truand. 

truant  B  III  4o  vagabond. 

truie  jornee  de —  H  I  $$  journée 
perdue  (?). 

uef  rég.  ués  B  1   120  œuf. 

ui    II  I  17");    liui  III  \  aujourd'hui. 

vain  ne  II  I  190  etc.  veine. 

valoir  part.  prés,  vaillant  B  I  7  etc. 

veneor  suj.  venerres  H  II  88  veneur. 

venicien  H  II  118  monnaie  de  \e 
nise. 

venir  parf.  déf.  ving  II  j II  u- 
venis  B  1  i5i  ;  subj.  viegne  H  11  9 
etc.;  imp.  venisse  II  I  i32  etc.; 
fui.  i>as.  venroie  166  etc. 

ventoseor  ventousierres  B  1  rig 
poseur  de  eentouses. 

veoir  veeiz  H  I  56  :  veiz  58  etc.  voir 

vesniere  II  III  Go  anus. 

vez   II  II  i48  etc.  voilà. 

vieil  fém.  \ille  H  1  85;  plur.  \icz 
I!  Il    m  ;  subst.  fém.   B  III  5i. 

vilain  B  UI  G7  rustre;  I  '40  grossier; 
II  III  28  mauvais. 

vile   II  II  198  ville. 

vint  II  111  17G  ]>as.  déf.  de  venir 
(qui  est  le  sens  du  passage),  signifie 
aussi  «  vingt  »  (gui  prépare  le  calem- 
bour xxx). 

vistement  II  II   m  vite. 

voie   tenir  —  1!  III  18.1    faire  route. 

voir  B  1  i'i8;  de  —  H  I  4  vrai- 
ment; voire  B  II  98  etc.  vérité. 

VOlage  II  111   :i'i  mobile. 

voloir  prés,  vueil  B  I  G9  etc.  ;  vnel 
Il  15;  velt  11  85;  fut.  vorra  II  II 
232  ;  fut.  pas.  vorroit  B  II  io5  ; 
part,  voillant  B  III  i46  :  vouloir. 

vuideor    H  1  i5g  celui  qui  vide. 

yaue  voy.  aive. 


TABLE    DES   MATIÈRES 


Avant-propos VII 

Le  Privilège  aux  Bretons , 

La  Paix  aux  Anglais,  la  Charte  de  la  Paix  aux  Anglais,  et  la 

Nouvelle  Charte  de  la  Paix  aux  Anglais 20 

Les  Dits  de  VHerberie 53 

Les  Deux  bourdeurs  ribauds 81 

Table  des  noms  propres  contenus  dans  les  Deux  bourdeurs 

ribauds n3 

Glossaire 117 


Vu, 

Le  i5  Octobre  1909. 

Le  Doyen  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  l'Université  de  Paris, 

A.   CROISET. 


Vu    ET    PERMIS    DIMPRIMER, 
Le  Vice-Recteur  de  l'Académie  de  Para, 

L.   LIARD. 


ABBEVILLE 

IMPRIMERIE     F.     PAILLART 


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PQ     Faral,  Edmond 

1385      Mimes  français  du 

F3     XIIIe  siècle 


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