I
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I
3stk
MISSIONS
DE Là CONGRÉGATION
DES
Missionnaires Oblats
DE MAHIE IMMACULEE
49= ANNÉE
No 193. — Mars 1911.
ROME
MAISON OÉNÉRALE
2, Via Yittorino da Feltre.
I
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACDLÉE
N" 193. — Mars 1911.
ROME
Bref de Pie X approuvant nos saintes Règles
LITIERE APOSTOLIC^
A. S. D. N. PIO PP. X GOKCESS.E
AD COXFIRM.VTIONEM IXSTITUTI NECXON REGL'LARUM
ET COXSTITUTION'UM
COXGREGATIONIS OBLATORUM
SAN'CTISSIM.!: ET immaculat.î; VIRGINIS MARI.E
CUM APPROBATIOKE ADDITIOKUM
ET IM MUTATION UM
QUA8 DECREVIT CAPITULUM GEXERALi:
ANNO 1908 CELEBÎl.\TUM
Plus Papa X
AD PERPETUAM REl MEMORIAM
Decessorum nostrorum vestigiis insistentes, ad religioso-
rum virorum Congregationes, ex quibus Ecclesia Dei tôt
tantaque emolumenta nanciscitur, singulari paternae Nos-
trce voluntatis studio oculos convertimus, vigili cura pros-
picientes, ut ea:dem illis omnibus prœsidiis muniantur,
1
qua^ ad ipsarum utilitatem, bonum atque incrementum
magis accomodata atque opportuna Nobis videantur. Frugi-
feras lias inter Congregationes jure meritoque accensenda
est, quœ a Missionariis Oblatis Marias Immaculatœ nomen
habet, et ad Aquas Sextias in Provincia jam inde ab anno
MDCCCXVI fundata, per Apostolicas Literas eadem hac
forma die XXI Martii mensis anno MUGGGXXVI datas a
Leone PP. XII rec. me., Praedecessore Nostro, tum Insti-
tuti tum regularum adprobationera obtinuit. Hœc enim
Congregatio, quœ sibi quasi titulum pro certamine bono
■certando assumpsit divini Magistri verba : « Evangelizare
pauperibus misit me », nulle umquam tempore destitit in
agri Dominici messem multos eosque sedulos cultores mit-
tere, qui strenue laborantes lœti tandem cum exultatione
porlavent manipules suos. Brevi in universum terrarum
orbem, Deo favente, diffusa, novem in pr^sens ipsa Con-
gregatio provinciis pollet. Quatuordecim Apostolici Vica-
riatus et in America Septentrionali et in Africa Meridionali
et in Asia manent Oblatorum Missionariorum a Virgine
Immaculata curis concrediti : ipsa tam vasto terrarum
marisque intervalle dissita Austraiia plura ab hac Congre-
gatione accepta referre débet bénéficia. Immanis itaque cam-
pus hujus Gengregatienis Missionariis patet, quasi aperta
apostolicis laboribus exantlandis palestra. Merilis laudum
prœconiis Gengregationem eamdem pro.'^equuti sunt
Romani Pontifices, qui iteratis vicibus per Literas, pisca-
torio annule obsignatas, Institutum ipsum, Apostelica
iuterposita auctoritate, roborarunt. Ita régulas ipsius Insti-
tuti confirmavit Gregorius PP. XVI per Literas die XX
Martii mensis anno MDGGGXLVI datas ; et nennullas Gons-
titutienum et regularum earumdem immutationes atque
additiones, ab ipsius Gengregatienis Capitule generali
«tatutas, Plus PP. IX per sirailes Literas, die XXVIII Mar-
tii mensis anno MDGGGLI datas, solemniter sanxit. Jam-
vero novissimis his annis opportunum visum est Gengre-
gationi Episceporum et Regularium negotiis dijudicandis
l
— 3 —
praepositœ, decernere atjue indiccre, ut Gonstitutiones
Congret,'ationis super^nuriciatm Missionariornra 01)latorum
liDraaculatai Conceiitionis ita immutarentur, ut vijj;entis
juris condilioni conformes evadftrent; dictoque audieas
ij)sius Inslitiiti générale Capitulum ad hoc coadunatum
tale-s intulit memoratis Constitutionibus innovationes, ut
illas quasi nova forma donaverit. Varialiones vero sic in
Constitutiones inductas, utpote quœ temporum circumstan-
tiis et recentioribus Décret is Apostolica3 Sedis apprime res-
ponderent, nova Congregatio disciplina? Regularium prn?-
posita, ad quam transmissoe fuerant, per decretum die
XXI Decernbris mensis anno superiore editum appro-
bavit. 1
Nunc autem Yenerabilis Frater Augustinus Dontenwill,
Archiepiscopus litularis Ptolemaiden., supremus Mode-
rator raeniorataj Congrpgalionis Oblatoruni Immaculatae,
humili prece Nos flagitat, ut supra enarratam regularum
Instituti sui innovationem per Apostolicas Literas in forma
Brevis confirmare dignemur ; Nosque, animo repetentes
historicas Congregationis ipsius memorias, quae sœculi
spatio, ex quo originem duxit, amplissima cumulavit
mérita et in universo terrarum orbe spirituales fructus
uberrimos nacta est, his quidem optatis annuendum liben-
tissime existimamus. Quse cum ita sint variationes, quse,
uti supra diximus, in Constitutionibus ad usum ejusdem
Congregationis Oblatorum inductce sunt, jam ab hac
S. Sede approbatas, prouti liquet ox decreto, quod recen-
suimus, ab hodierna Congregatione Religiosorum disci-
plinée prœposita, die XXI Decernbris mensis, anno supe-
riore edito, - Motu proprio atque ex certa scientia et
matura dcli])eratione Nostris, nunc iterum probamus
supremoque auctoritatis Apostolicas munimine roboramus
et confirmamus, ratasque eas in omnibus, prœsentium
(1) Pasre 163, de nos saintes Règles.
(2) Page 163, de nos saintes Règles.
_ 4 —
tenore, habemus atque edicirnus. — Decernentes pnesentes
Nostras Literas firmas, validas, eflicaces semper existere
et fore suosque plenarios et intogros elîectus sorliri et obti-
nere, illisqiie ad quos spectat et in posterum spectabit in
omnibus et per omnia plenissime suffragari sicque in pra.*-
missis per quoscuiuque judices ordinarios et delegatos
judicari et deliniri debere atque irritura esse et inane, si
secus super his a quoquara quavis auctoritate scienter vei
ignoranter eontigerit attcntari. Non ol)stantibus Gonslitu-
tionibus et sanctionibus Apostolicis, ceterisque omnibus,
etiam speciali atque individua mentione ac derogatione
digiiis, in contrarium facientibus quibuscumque.
Datum Romfc apud S. Petrum sub Annule Piscatoris,,
die YII Scptembris MCMX, Pontificatus Nostri anno
octavo.
Loco f sigilli.
Pi. Gard. Merry del VAl,
a Secretis Status.
Rapport sur la mission de Jersey
par le R. P. Legrand.
Le dernier rapport sur la missioti de Jersey remonte à
l'année 1901 ; il fait partie du rapport général sur la
Province du Nord, présenté au Chapitre général par le-
R. P. Brûlé, alors Provincial. Nécessairement l'auteur a
dû se limiter et cette partie de son rapport ne donne que
des notions fort incomplètes sur la nature et l'importance
de l'œuvre accomplie par les 01)lats dans l'île de Jersey.
Depuis celte époque, à part quelques courts articles
publiés dans les Petites Annaloi de la Congrégation et
relatant des « faits divers », il n'a plus été question de
— 5 —
Jersey dans les Annales de la famille; silence confiplet.
Est-ce négligence de la part des missionnaires qui défri-
chent cette portion de la Vigne du Seigneur? Ou bien
l'àpreté du travail, qu'ils ont à exécuter, et les difficultés
toujours renaissantes, leur enlèvent-elles le temps et le
goût d'écrire? Ou bien encore se laissent-ils guider par
cette maxime, plus commode peut-être que juste : le bien
ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien? Quoi qu'il
en soit, pour répondre au désir qui m'a été exprimé et à
l'invitation qui m'a été faite par le représentant du Chef de
la Famille, je me mets à l'œuvre et réclame l'indulgence de
mes vénérés confrères pour un travail où l'on ne trouvera
guère à louer que la bonne volonté.
Parlons d'abord des ouvriers. Dix-sept Pères Oblats
exercent le ministère dans l'île de Jersey. — Ils sont
répartis en trois groupes : 9 Pères appartiennent à la
Maison de Saint-Thomas, et, dans chacune des deux Rési-
dences qui dépendent de la Maison de Saint-Thomas, à
Saint-Mathieu et à Saint-Martin, il y a 4 Pères. — Plusieurs
d'entre eux ont bien mérité de l'Eglise et de la Congré-
gation par la durée du travail accompli et par les services
rendus : en tête de la liste vient le R. P. Le Vacon, Direc-
teur de la Résidence de Saint-Mathieu, avec ses 25 ans de
séjour et d'apostolat dans l'île de Jersey; le R. P. Mao le
suit avec ses 20 ans de ministère; après lui viennent le
R. P. Gullient, Directeur de Saint-Martin (13 ans) et le
R. P. Legrand, Supérieur de Saint-Thomas (12 ans). Les
autres Pères, arrivés plus récemment sur ce théâtre d'action,
se dévouent de tout leur cœur aux diverses fonctions qu'ils
ont à remplir. Tous sont en pleine activité de service, à
l'exception toutefois de notre doyen d'âge, le R. P. Bruant,
à qui la bonne Providence a rései'vé le rôle de Moïse,
priant sur la montagne, tandis que ses frères bataillent
dans la plaine ; le R. P. Bruant ne pouvant plus ofïrir son
travail, oflfre ses prières et les sacrifices que lui imposent
les infirmités de l'âge, pour le succès de la bataille qui se
— 6 —
livre aux alentours; au grand jour de la reddition des
comptes, notre cher vétéran sera tout émerveillé, nous en
avons la confiance, de la part qui lui revient.
Aux dix sept Pères Oblats, huit frères convers prêtent
leur concours très dévoué et très apprécié : 3 à Saint-
Thomas, 3 à Saint-Mathieu et 2 à Saint-Martin.
Quel est le genre de ministère exercé par les mission-
naires Oblats dans l'île de Jersey? C'est le ministère parois-
sial, dans le sens le plus strict du mot. Ce ministère
s'exerce auprès de la population catholique , française
d'origine et de langue, répandue sur toute la surface de
l'île. Une forte proportion de la population jersiaire est
composée de Bretons et de Normands, qui, venus dans l'île
pour y chercher du travail et des ressources, s'y sont
établis, ont fait souche, et continuent d'y cultiver le sol
fertile et rémunérateur, en qualité de fermiers pour la
plupart ou d'ouvriers de fermes. A une certaine époque,
qui n'est pas encore très éloignée, il y a quarante ou
cinquante ans, les catholiques qui élisaient domicile à
Jersey n'y trouvaient guère de facilités pour l'exercice de
leur religion. Résidant dans la campagne, loin de l'église
et de l'école catholique, au service de maîtres protestants
et sectaires, dont ils subissaient fatalement l'influence, ils
abandonnaient peu à peu la pratique de la religion catho-
lique, fréquentaient les églises ou chapelles protestantes
du voisinage, devenaient protestants de fait et faisaient
élever leurs enfants dans la religion de la chapelle qu'ils
fréquentaient. De nombreuses familles, d'origine française^
ont ainsi passé au protestantisme. Ces circonstances défa-
vorables se sont heureusement modifiées avec le temps :
des églises, des chapelles, des écoles catholiques ont été
ouvertes sur divers point de l'île et les familles catholiques,
vraiment soucieuses de garder l'intégrité de leur foi et la
religion des ancêtres bretons ou normands, ne rencontrent
plus ces difficultés réellement insurmontables, où venaient
se briser autrefois les meilleures volontés.
— 7 —
Le territoire de l'île de Jersey est divisé, au point de vue
religieux et catliolique, en trois missions ou paroisses :
la mission de Sainl-Thomas, qui comprend la ville de
Saint-H^lier et les alentours, s'étend le long de la côte du
sud et, par son annexe, Saint-Aubin, atteint La Corbière
et la côte de l'ouest; la mission de Saint- Mathieu, à
l'ouest de l'île, avec ses deux annexes, Saint-Ouen et Saint-
Jean; la mission de Saint-Martiti, à l'est, avec ses deux
annexes, Grouville et ftorey.
Le chiftre de la population catholique de ces diverses
missions n'est pas facile à déterminer. Si je m'en rapporte
aux listes dressées par les Pères, qui visitent les différents
districts, je trouve :
Pour Saint-Thomas. . . 734 familles visitées.
Pour Saint-Aubin 117 » »
Pour Saint-Mathieu. .. 270
Pour Saint-Ouen 75 »
Pour Saint-Jean 118 • »
Pour Saint-Martin 185 » »
Pour GrouvilUe 130 > »
Pour Gorey 29 •' »
Ce qui donne, pour les trois paroisses que nous desser-
vons dans l'île de Jersey, un total de 1.658 familles, dont
les membres atteignent le chiffre de 7.000 environ. Ce nombre
ne représente qu'une partie de la population catholique de
Jersey; car en dehors de ces familles, régulièrement
constituées et avec qui les relations sont faciles, il y a
encore, dans la ville ou à la campagne, bon nombre de
catholiques, hommes ou femmes, jeunes gens ou jeunes
filles, qui venus de France, de la Normandie ou de la
Bretagne, se sont mis au service des habitants du pays, en
qualité de domestiques, servantes, employés de magasins,
filles et garçons de fermes, etc., et qui s'efforcent dans la
mesure du possible de remplir leurs devoirs de catholiques.
Le chiffre de ces catholiques, disséminés sur toute l'étendue
— 8 —
du territoire, n est pas facile à déterminor. 11 est plus diffi-
cile encore de dire le nombre des catholiques qui échappent
complètement à notre action : en ville surtout, dans les
cours et les impasses, vivent des familles nombreuses, que
nous ne connaissons pas, qui sont le plus souvent inabor-
dables, qui ne veulent pas être connues ; elles appartien-
nent par leur baptême à rE},4ise catholique ; en fait elles
n'ont aucune religion, et, disposées à se donner au plus
offrant, elles sont tour à tour, et selon les circonstances,
anglicanes, méthodistes, anabaptistes, salutistes, évangé-
liques, etc., etc.
Sur la population totale de l'île, que le dernier recense-
ment évalue à 53.000 habitants environ, quelle est exacte-
ment la proportion de la population catholique, d'origine
française ou anglaise? D'aucuns l'évaluent à iin cin-
quième ; on serait peut-être plus près de la vérité en l'éva-
luant à un quart.
Nous n'avons pas à nous occuper ici des catholiques
anglais ou irlandais, qui sont desservis par des prêtres de
langue anglaise, dont la juridiction s'étend sur l'île tout
entière et qui fréquentent en ville l'église Saint-Pierre-
Sainte- Marie (Vaux-Hall). Bornons- nous à parler des
catholiques d'origine française, auprès desquels s'exerce
notre ministère dans les trois paroisses que nous desser-
vons à Jersey.
L'église principale est celle de Saint-Thomas, « the
French Gathedral », comme l'appellent les Jersiais. Elle est
due au zèle infatigable du R. P. Michaux. Les Annales de
la Congrégation ont déjà fait l'historique de ce monument,
qui, commencé en 1883, a été ouvert au culte le 30 octo-
bre 1887, et consacré par Mgr Virtue, évêque de Portsmoulh,
le 5 septembre 1893 : nous n'y reviendrons pas.
A la paroisse de Saint-Thomas se rattache l'annexe de
St-Aubin, qui est desservie par un des Pères de la Maison
Saint-Thomas. Le service religieux a été inauguré le
5 février 1000, dans une grande salle qui portait le nom
— 9 —
de « salle du Jubilé » et est située au premici- étage d'un
bâtiment, que les Dames de Saint-André ont acheté dans la
suite, et au rez-de-chaussée duquel elles ont fait construire
deux belles salles de classe. Après avoir bénit cette sallp, le
R. P. Legrand, Supérieur de Saint-Thomas, eut la grande
joie et l'honneur insigne de pouvoir oflrir le saint Sacrifice
de la messe, dans cette partie de l'île, après une interrup-
tion de trois longs siècles. La nouvelle chapelle a été dédiée
au Sacré-Cœur. Si elle n'a rien de remarquable au point de
vue de l'art, elle offre du moins cet avantage, grâce à ses
vastes proportions, de pouvoir aisément contenir même les
affluences des grandes fêtes. Son vocable nous rappelle,
■couchant souvenir, le petit oratoire, d'apparence et de
dimensions plus modestes encore, que les prêtres exilés à
Jersey durant la grande Révolution avaient consacré au
Sacré-Cœur, et où il leur était permis de célébrer les saints
mystères : ainsi le présent se rattache au passé et le fait
revivre, avec de nouveaux et plus vastes espoirs. La petite
ligne de chemin de fer qui relie la ville de Saint-Hélier à la
pointe de la Corbière, extrémité sud-out-st de l'Ile, en lon-
geant la baie de Beaumont, avant de gravir la plateau de
la Moye, facilite beaucoup l'exercice du ministère dans
cette partie de l'île : le missionnaire chargé de desservir
cette annexe peut aisément, à toute heure du jour, se rendre
dans ce district, pour visiter les familles, faire le catéchisme
aux enfants de l'école, dire la sainte messe le dimanche et
en semaine, etc.
A Saint-Thomas, comme à Saint-Mathieu, comme à
Saint-Martin, le ministère exercé par les missionnaires
Oblatsestun ministère essentiellement i paroissial »; pour
atteindre le but que doit se proposer le zèle sacerdotal,
nous employons, dans ce pays en majorité protestant, les
mêmes moyens et les mêmes procédés que les prêtres des
paroisses en pays catholique.
Pour faciliter les relations des missionnaires avec la
population catholique, les paroisses ont été partagées en un
— 10 —
certain nombre de districts, et chacun de ces districts est
confié à un Père, qui est plus spécialement chargé de visiter
les familles de ce district, de veiller à ce que tous, parents
ou enfants, accomplissent leur devoir. Ce genre de minis-
tère entraîne sans doute une grande dépense de forces et de
temps, mais il s'impose nécessairement au zèle de nos-
Pères, et les fruits qu'il produit nous dédommagent de bien
des peines et nous encouragent fortement à persévérer dans
cette voie.
L'œuvre importante entre toutes, l'œuvre la plus efficace
pour sauvegarder la foi cathohque dans les familles d'ori-
gine normande ou bretonne, c'est l'école, l'école confession-
nelle, l'école catholique. Le catholicisme est entré visible-
ment dans la voie du progrès à partir de l'époque où des
écoles ont pu être ouvertes et dirigées par des Congréga-
nistes, les Dames de Saint-André pour les filles, les Frères
des écoles chrétiennes d'abord, puis les Frères de Ploërmel,
pour les garçons. Nos adversaires, je veux dire les adver-
saires de l'Eglise catholique, s'en rendent bien compte :
aussi, dans le cours de ces dernières années, tous leurs
eflorts ont été dirigés contre nos écoles, pour les vider, pour
les fermer, pour anéantir cette cause efficace de régénéra-
tion catholique. Il serait trop long et fastidieux de raconter
en détail les diverses péripéties de cette lutte, qui, com-
mencée en 1900, s'est prolongée, avec des alternatives de
persécutions violentes et de calme relatif, jusqu'au début
de cette année 1911, au cours de laquelle la question sera
peut-être tranchée définitivement, dans un sens ou dans^
un autre. La loi scolaire, votée par les Etats de Jersey, en
juillet 1909, loi d'injustice et d'oppression, a été soumise au
Conseil Privé de Sa Majesté Britannique, pour recevoir la
sanction royale et entrer en vigueur ; si malgré nos récla-
mations et nos pétitions, cette loi est sanctionnée par le
Conseil Privé, nous serons obligés de fermer nos écoles, et
alors que deviendront nos enfants? Que le Sacré-Cœur de
Jésus, ami de l'enfance, daigne détourner le coup qui
— 11 —
menace les âmes de ces petits qui croient et qui espèrent
en lui !
Le tableau suivant donne une idée exacte de la situation
de nos écoles catholiques, au début de l'année 1911 :
Mission de Saint-Thomas.
Ecole Saint-Thomas. — Ecole élémentaire
pour les garçons 130 élèves.
Ecole Sainte-Marie. — 1'^ section pour les
garçons 30 —
Ecole du Sacré-Cœur {St-Auhin). — Ecole
mixte 70 —
Ecole Saint-André. — Ecole élémentaire pour
les filles 240 —
— !''« section pour les filles fi.') —
— Section supérieure — 5Ô —
Mission de Saint-Mathieu.
Ecole de Saint-Mathieu. — Ecole élémentaire
pour les garçons 88 élèves.
Ecole de Saint-André. — Ecole élémentaire
pour les filles 100 —
Ecole de Saint-Ouen. — Ecole mixte 46 —
Ecole de Saint-Jean. — Ecole mixte 66 —
Mission de Saint-Martin.
Ecole de Saint-Martin. — Ecole mixte 60 élèves.
Ecole Saint-Joseph de Grouville. — Ecole
mixte 60 —
Nous avons donc dans nos écoles, à l'heure présente, un
millier d'enfants environ ; le chiffre de la population sco-
laire catholique serait sans doute beaucoup plus élevé si
la distance et les difficultés matérielles qu'elle engendre,
— 12 —
ies influences protestantes, l'ignorance et l'inintelligence
des parents ne détournaient nombre d'enfants de nos
écoles catholiques. La fréquentation des écoles protes-
tantes, et, par une conséquence fatale, la fréquentation des
chapelles protestantes, est une cause très efficace de défec-
tion et d'apostasie : maintes fois, dans le passé, nous
avons eu la douleur de constater ce déplorable résultat, et
actuellement encore cette cause de ruine et de mort fait de
trop nombreuses victimes.
En ville, les écoles de filles, à la campagne, toutes les
écoles, à l'exception de l'école des garçons de St-Mathieu,
sont à la charge ou sous la direction des religieuses de
Saint- André. Depuis leur arrivée dans l'île, en 1864, où les
avait appelées le prêtre qui a si bien mérité de la paroisse
St-Thomas et de l'île tout entière, M. l'abbé Volckeryck,
alors recteur de St-Thomas, ces dignes religieuses se sont
consacrées, avec un dévouement inlassable, à l'instruction
et à l'éducation chrétienne de nos enfants : au prix de
sacrifices sans nombre, elles ont pu organiser l'œuvre
scolaire et la conduire à ce degré de prospérité où nous la
voyons aujourd'hui. Hélas ! nous voyons avec angoisse
approcher l'heure où, par manque de ressources, ces auxi-
liaires si dévouées des missionnaires Oblats dans l'île de
Jersey, se verront forcées de restreindre leur concours,
d'abandonner la plus grande partie des écoles de la cam-
pagne, sinon toutes, pour s'occuper exclusivement des
écoles de la ville. Privés de ce concours, les recteurs de
St-Mathieu et de St-Martin ne seront ils pas impuissants à
continuer la lutte sur le terrain scolaire ? Et sans l'école
catholique, trouverons-nous le moyen de sauvegarder la
foi de nos enfants et de préserver les familles catholiques
des infiltrations et des influences protestantes ? C'est le
moment plus que jamais d'élever vers Dieu la prière
instante et suppliante : t Des écoles sans Dieu, délivrez-
nous, Seigneur 1 »
Les Missionnaires Oblats, qui exercent le ministère dans
— 13 —
l'île Je Jersey, sont hien convaincus de la vérité de ce prin-
cipe : f Qui tiont la jeunesse, tient le pays » ; aussi ils con-
sidèrent comme l'un de leurs principaux devoirs la forma-
malion de l'enfance et de la jeunesse dans le sens chrétien
et catholique, et ils emploient à cette œuvre la meilleure
partie de leur temps et de leurs forces. Ils se préoccupent
tout d'abord d'instruire les enfants qui fréquentent encore
les écoles; travail pénible, travail ingrat; terrain brous-
sailleux qu'il faut défricher à la sueur de son front. Les-
enfants qui fréquentent nos écoles élémentaires appar-
tiennent en général à des familles pauvres, à des familles
d'ouvriers, et il est bien rare qu'ils trouvent au foyer domes-
tique cette éducation chrétienne, cette première formation,,
qui laisse dans l'âme une empreinte ineffaçable. Le père
travaille du matin au soir pour gagner le pain quotidien ;
la mère absorbée par les soins matériels, et trop souvent
ignorante elle-même des vérités essentielles de la religion,,
absolument inapte dans l'œuvre de l'éducation, ne peut pas,
ne doit pas cultiver dans l'âme de son enfant les germes
qu'y a déposés le saint Baptême; elle ne l'initie pas aux
réalités du monde surnaturel, elle ne lui apprend pas par
l'exemple à observer les commandements de Dieu et ceux
de l'Eglise. La grande plaie, le grand obstacle à la vie
chrétienne, c'est l'ignorance, d'où procèdent l'indifférence
et trop souvent le vice, l'intempérance, la débauche. Sous
l'action de ces causes malfaisantes qui s'exercent au foyer
familial, l'enfant se déforme, ses mauvais instincts se déve-
loppent : l'éducateur catholique, le prêtre et ses auxiliaires
ont donc fort à faire, pour dissiper ces ignorances, pour
redresser, pour corriger, et il ne faut pas s'étonner si les
résultats ne répondent pas toujours à leur bonne volonté
et à leur inlassable dévouement.
La loi scolaire, qui exige la fréquentation de l'école
depuis l'âge de cinq ans jusqu'à treize ans accomplis, et qui
ne reste pas lettre morte à Jersey, a ce côté avantageux de
forcer les enfants à suivre les catéchismes aussi bien que
— 14 —
les cours de matières profanes, el nous avons ainsi toute
facilitft pour les instruire et leur donner dans un degré
satisfaisant la formation chrétienne qui les préparera aux
luttes de la vie. Quel (jue soit le sort que l'avenir réserve
à nos écoles, cette œuvre des catéchismes sera toujours
l'œuvre capitale, et si Dieu permet à nos adversaires de
réaliser leurs desseins pervers, ce sera peut-être l'unique
moyen qui nous restera pour faire l'éducation chrétienne
des enfants appartenant aux familles catholiques et les pré-
server do la contagion de Terreur et du ^àce. Si cette heure
sonne, l'heure des grandes tribulations et des luttes déci-
sives, Dieu veuille nous donner, avec la lumière qui suggère
les décisions opportunes, l'énergie persévérante qui assure
la victoire !
(A suivre.) L. Legrand, 0. M. I.
Supérieur de Saint-Thomas.
Rapport annuel sur la Préfecture apostolique
de la Cimbébasie inférieure.
1" AVRIL 1909 — 31 MARS 1910
I I. — Aperçu général.
Le Sud-Ouest africain allemand est sans contredit un des
pays de mission les plus difficiles. Si nous exceptons la
partie septentrionale de la colonie, le climat peut être
regardé en général comme salubre et supportable à l'Euro-
péen. Dautre part les missionnaires de cette préfecture ont
à lutter avec des difficultés réputées d'autant plus grandes
qu'elles font saigner davantage et sans discontinuer le
<;œur de l'apôtre zélé.
— 15 —
Le Sud-Ouest africain ainsi que toute l'Afrique, du Cap
au Zambèze, est, par suite de son développement historique,
un pays de mission presque entièrement protestant.
L'intolérance des puissances coloniales maîtresses du
Sud de l'Afrique, depuis plus de dt^ux siècles, ne permit à
l'église catholique d'y déployer son activité que bien tard;
quand c'était presque trop tard.
Quant au Sud-Ouest allemand, la mi-sion protestante en
prit possession déj^ au commenct-ment du siècle dnrnier.
La mission protestante des Héréros fut fondée en 1844,
tandis que les premiers missionnaires catholiques (les Pères
du saint-Esprit) ne vinrent s'établir à Omaruru qu'en 1879.
Les nouveaux venus se virent bientôt obligés de quitter
ce pays, qui donnait de si belles esp'^rances (1). Là encore
l'intolérance protestante avait remporté la victoire.
Quinze années se passèrent avant que le missionnaire
catholique pût fouler de nouveau le sol du Sud-Ouest
africain. La préfecture de la Cimbébasie inférieure fut
érigée en 1892 et confiée à la congrégation des Mission-
naires Oblats de Marie Immaculée Les deux premiers
Pères avec un frère convers n'arrivèrent dans la nouvelle
préfecture qu'au mois de novembre 1896.
Les indigènes étaient en partie convertis au protestan-
tisme et le reste subissait pour la plupart l'influence de la
mission protestante. Malgré tout, on aurait pu compter alors
sur une moisson respectable, si le gouvernement allemand
ne s'était pas mis en tète qu'il ne fallait point admettre
de missions de confessions différentes. La mission catho-
lique n'eut donc à s'occuper que de l'évangélisation des
catholiques tant civils que militaires.
Une mission, parmi les infidèles, nous était concédée, il
est vrai, mais bien loin à l'extrême nord de la colonie, dans
la vallée de l'Okowango, pays encore inexploré et riche en
fièvres.
(1) Voir Missions catholiques, ISS2, page 107.
— 16 —
Ainsi, les mains liées, les jeunes missionnaires devaient
être témoins des progrès que faisaient partout les prédi-
cants. La société protestante n'avait pas à craindre la
redoutable concurrence romaine, mise hors de combat, et,
de cœur joyeux, elle nous enlevait les dernières chances
de succès.
Quatre expéditions fort coûteuses, entreprises depuis 1897
jusqu'à 1903, pour pénétrer dans l'Okawango, échouèrent
devant le climat meurti-ier de ce pays et devant la lâche
désertion de ses habitants. Et pour comble de malheur,
deux vaillants missionnaires, le Père Biegner et le Frère
Reinhardt, succombèrent aux fatigues surhumaines du
voyage. Le dernier mourut à Windhuk, peu après son
retour de l'expédition ; quant au premier, il trouva la
mort dans cette contrée inhospitalière, le 16 avril 1903, et
jusqu'à ce jour pas un voyageur n'a pu s'agenouiller sur
sa tombe prématurément ouverte (1).
Peu de temps après, le cri de guerre et de révolte retentit
dans tout le pays. Que d'angoisses le pauvre missionnaire
ne dut-il pas endurer au souvenir de ses chères missions
et de leur avenir t Et voilà qu'au milieu du malheur, la
Providence nous offrit en compensation de sortir de notre
situation précaire : pleine liberté de missionner partout nous
fut accordée en septembre 190j. Désormais la mission
catholique avait le droit de se développer dans tout le pays
sans aucune entrave. C'était l)ien tard I la mission protes-
tante avait fait, on le comprend, tous ses efforts, durant les
dix dernières années, pour étendre son influence et la con-
solider. C'est une chose avérée ; les indigènes avaient une
peur déraisonnal)le du prêtre catholique, et encore aujour-
d'hui nous la rencontrons chez la plupart de ces pauvres
gens.
La guerre terminée, cette colonie, conquise au prix de
tant de sang, prit un nouvel essor tout inattendu. On vit
(1) Voir Misssiona, décembre 1910, page 480.
— 17 —
arriver des milliers de colons allemands pour s'y établir
comme ouvriers, artisans et surtout comme fermiers, car
le Sud-Ouest est essentiellement un pays de fermes. Si vous
exceptez une douzaine de localités variant de 100 à
1.500 habitants, la colonie se compose tout entière de
fermes mesurant de 5.000 à 15.000 hectares, où l'on s'oc-
cupe exclusivement de l'élevage des bestiaux. Ceux-ci
trouvent sur des surfaces vastes et non cultivées une excel-
lente pâture.
Vivre dispersés sur des terres très étendues, éloignés les
uns des autres de 5 à 10 kilomètres et plus encore, voilà le
sort de la majeure partie des colons. Quant à la plus proche
église elle sera toujours distante des fidèles de 20, 50 à
100 kilomètres. Par cela seul, on pourra facilement se faire
une idée des difficultés que présente le ministère auprès
des blancs et des indigènes.
A la date du premier avril de cette année, nous comptions
dans une préfecture, aussi grande que toute l'Allemagne,
12.34 Européens catholiques seulement. La vue de tant de
misère religieuse parmi ces chrétiens disséminés et l'impos-
sibilité de leur porter un secours durable, sans employer
des moyens extraordinaires, nous causent bien des soucis.
En voyant, d'un autre côté, la population indigène, entière-
ment sous l'influence des protestants, si bien qu'on doit
leur arracher les âmes une à une, on serait porté à se décou-
rager et à se demander : à quoi bon tant de dépenses
d'hommes et d'argent pour une si mince chance «le
succès ? Mais non 1 nous resterons au poste que l'Eglise,
notre mère, nous a confié. La catholicité de l'Eglise doit
aussi se vérifier au pays des Héréros. A l'heure dernière, le
bon Dieu ne nous jugera pas d'après nos succès, mais
bien d'après les intentions qui nous auront guidés dans
la recherche des âmes perdues.
Du reste, la perspective de voir un jour le paj's des
Héréros se changer en une nouvelle Allemagne d'outre-
mer, nous- stimule sans cesse au labeur. Je dis une nouvelle
8
— 18 —
Allemagne, car les circonstances et les conditions de vivre
seront bien différentes de celles de la inère-patrie.
Nous sommes parfaitement conscients des exigences dp-
l'heure critique où nous sommes : le temps est venu de
poser le fondement de l'Eglise catholique dans le Sud-
Ouest allemand, et cette pensée nous remplit de force et dé-
courage, en dépit de toutes les difficultés. Aussi j'aime à
croire que ce n'est pas en vain que j'aurai frappé à la porte
des catholiques allemands, les priant de venir en aide à
leurs frères dispersés. Il y va de l'honneur de l'Allemagne
catholique !
Les 1.200 catholiques de race blanche, disséminés sur
une étendue aussi grande que la Prusse, recevront avec
reconnaissance tout secours qui leur viendra des coreli-
gionnaires de la mère-patrie.
Le tableau que je viens d'esquisser n'est point surchargé
de couleurs; il ne répond que trop à la réalité. Il est bon aussi
de ne pas se faire d'illusions, même dans le champ du
Seigneur et de s'accommoder aux circonstances telles quelles..
De CHtte manière on ne s'expose pas au danger de se reposer
sur des lauriers chimériques et d'oublier ce qui reste encore
à faire.
Une société protestante nous ayant devancés d'un demi-
siècle dans l'évangélisation des indigènes, et ceux-ci tendant
à disparaître peu à peu, il ne reste au missionnaire qu'une
perspective peu souriante. N'oublions pas d'autre part que
l'émigration allemande se composera toujours dans sa
majorité d'éléments protestants ; là encore la noble ambi-
tion d'un cœur zélé sera douloureusement déçue. Aussi,
dès le commencement nous faisions des vœux d'aller
fonder une mission à l'Okawango. Et Dieu merci! je puis
bien le dire aujourd'hui : les déceptions cruelles, les épreu-
ves les plus terribles des premières expéditions n'ont jamais
ralenti un instant notre ardeur. Les Oblats se succédèrent
à la brèche, comme l'avaient fait, il y a une vingtaine
d'années, les Pères Jésuites, dans la fondation de la missio»
— 19 —
du Zambèze, si infestée par les fièvres. L'histoire de la
fondation de la mission de l'Okawango, que nos lecteurs
connaissent maintenant, présente des ressemblances frap-
pantes avec celle du Zambèze. Espérons qu'il nous sera
donné de comparer nos succès définitifs avee ceux de ces
vaillants apôtres de la foi.
§ II. — Voyage vers l'Oka-wango (1).
Cinquième tentative.
La fête de Noël de l'année 1906 apporta enfin au Sud-
Ouest africain la bonne nouvelle de la paix tant désirée.
L'ordre et la tranquillité une fois rétablis, on vit surgir par-
tout une activité incroyable pour réparer les désastres
d'une guerre malheureuse.
Aussi, le 11 juin de l'année suivante, vit-on, dans la
cour de la mission catholique à Windliuk, une caravane de
missionnaires prête à partir. C'était le R. P. Krist avec
trois indigènes. Le P. Lauer devait les rejoindre à Gobabis.
à 213 kilomètres à Test de "Windhuk. Le but du voyage
était Andara, à l'entrée de la pointe du Caprivi sur les con-
fins de la frontière portugaise.
Libébé, le chef de ce pays, avait sollicité des mission-
naires du R. P. Nachtwey, alors préfet apostolique. Les
intrépides voyageurs étaient de retour à Windhuk, le
11 novembre 1907, après avoir franchi 2.033 kilomètres en
voiture à bœufs.
Dans un rapport détaillé, le P. Lauer écrivait : On peut
(1) Le dernier numéro de nos Missions a relaté (pages 462 à 488)
les essais tentés à quatre reprises, de 1897 à 1903, pour la fonda-
tion d'une mission chez les Ovambo. Une seule, la dernière tenta-
tive a été décrite en détail par le R. P. Filliung qui faisait partie
de l'expédition.
Les lignes qui vont suivre doivent donc être considérées comme
la continuation des eflorts dirigés vers cette mission, en partant
soit de Windhuk soit de Grooifontein.
— :20 —
considérer comiue atteint le but de notre voyage, malgré
le peu de moyens mis à notre disposition et en dépit de
circonstances très défavorables, notamment le débordement
de rOkawan{j[o, de juin en octolîre.
De fait, Libébé avait consenti à notre établissement chez
lui, mais le R. P. Krist et les indigènes (jui l'avaient
accompagné eurent beaucoup à souffrir de la fièvre après
leur retour. Les fièvres sont, en eflet, très fréquentes dans
le Nord au temps des pluies. C'est à la suite des attaques
de cette fièvre des marécages qu'ont succombé, en 1903, le
R. P. Biegner et le Frère Reinhardt.
Sixième tentative.
Au mois d'août de l'année suivante (1908), la saison des
pluies étant passée, une nouvelle caravane se disposait à
partir de Grootfontein, situé à 400 kilomètres au nord de
Windhnk. La nouvelle voie ferrée partant de Swakopmund
venait d'atteindre (Irootfontein.
Cette fois l'expédition se composait des deux Pères Lauer
et Humpert, des deux Frères Langehenke et Russ et d'un
ouvrier aide de mission. La caravane avait pris le chemin
le plus direct, mais elle se vit contrainte de revenir sur ses
pas, après avoir fait 130 kilomètres. La route n'étant plus
suivie depuis des années, les broussailles l'avaient rendue
impraticable. Avancer davantage, c'était causer infaillible-
ment la perte de toute la caravane.
Voyages pendant les différentes saisons.
Impossible, à quiconque n'est pas inilié à ce genre de
voyage, de se faire une idée des difficultés qu'on y ren-
contre. Imaginez-vous une voiture attelée de 16 à 22 bœufs;
puis, en avant, par monts et par vaux, par des chemins
montagneux, tantôt semés de pierres, tantôt sablonneux !
Quoi de plus pittoresque? Mais la médaille a son revers.
— 21 —
Camper à la belle étoile, c'est très poétique; mais quand le
thermomètre descend la nuit à 5, voire môme à 9 degrés au-
dessous de zéro, on revient vile à la réalité.
Le Nord de la colonie présente des difficultés de voyage
tout à fait exceptionnelles. On risque de s'y noyer ou d'y
mourir de soif : de s'y noyer au temps des pluies, parce
que des inondations fréquentes changent toute une région
en un vaste lac ; ou d'y mourir de soif quand le soleil
d'Afrique et les sables altérés auront fait disparaître toute
l'eau de pluie. Si l'on ne trouvait pas à des distances de 20
à 30 kilomètres des sources fournissant suffisamment
d'eau, il serait impossible d'entreprendre un voyage durant
les sept mois de l'année que dure la sécheresse.
Or le chemin de Grootfontein à l'Okawango est précisé-
ment ce qu'on appelle t une traite de soif i qui mesure
120 kilomètres de long, car la dernière source est à 120 kilo-
mètres de Grootfontein.
Au manque d'eau, il faut ajouter 32 dunes, d'environ
50 mètres de hauteur, entrecoupées de vallons de 1000 mètres
de largeur, formant autant d'obstacles à la marche. Tous
ceux qui ont parcouru ce trajet en voiture à bœufs sont
d'accord à dire que c'est une entreprise hasardeuse pou-
vant facilement aboutir à une fin tragique. La voiture
vient-elle à s'enfoncer, une roue à se casser, ou tout autre
accident s'opposant à la marche, tout est perdu, hommes
et bêtes, si l'on ne parvient pas à atteindre l'une ou l'autre
extrémité de la c traite » après avoir abandonné tous les
bagages.
Tout voyage important, avec un attelage de bœufs, dans
les régions du Sud-Ouest, si pauvres en eau, exige un tra-
vail vraiment gigantesque; mais franchir heureusement
une f traite de soif » de 120 kilomètres c'est faire un
coup de maître. Il faut une grande connaissance du pays,
une sagacité peu commune et beaucoup de sang-froid :
malheur au nouveau venu qui se croirait capable de
l'entreprendre !
'»
La voiture, chargée de GO quintaux et traînée par
20 bœufs, se trouve au commencement de la « traite de
soif », après avoir fait 120 kilomètres depuis Grootfontein.
Alors on fait deux ou trois jours de halte, en premier lieu
pour reposer les bêtes de somme. On examine ensuite avec
:grand soin la voiture; les réparations nécessaires sont exé-
cutées sur place, même un baril d'eau potable est de toute
nécessité.
Au jour fixé pour le départ, le directeur de la «aravane
dit la sainte messe et ses compagnons y reçoivent la sainte
communion. Après midi, quand l'ardeur du soleil s'est
apaisée, on attelle, puis en avant, à la garde de Dieu ! d'une
seule traite toute la nuit, sauf quelques courts intervalles.
Le lendemain vers midi on aura fait 30 à 40 kilomètres ;
c'est assez, il faut faire halte. On dételle les bœufs, on les
ramène vite à l'eau au point de départ, et quand ils sont
bien abreuvés on les reconduit à la voiture. Au cri de
I joug » la voiture se met de nouveau en branle.
De nouveau on avance d'une quarantaine de kilomètres ;
l'une ou l'autre bête commence déjà à chanceler. Le mieux
qui puisse leur arriver, c'est que la rosée vienne à humec-
ter l'herbe desséchée. Enfin les bœufs n'en peuvent plus, il
faut les dételer, les conduire à l'eau, mais en avant, cette
fois, c'est-à-dire à l'autre extrémité de la course. Durant
ce trajet, un bœuf puis un autre s'affaissent. Qu'importe? Il
faut passer outre. Le reste arrive à l'eau à petits pas. Con-
ducteur, attention; remplis bien les fonctions de ta charge!
Les pauvres bêtes, mourant de soif, se précipitent dans la
fosse à eau. C'est bien beau si leur impétuosité ne leur
coûte point la vie! Après un jour de repos, on les reconduit
en arrière, vers la voiture.
La dernière partie et non la moins difficile du travail
reste encore à faire. Peut-être la caravane arrivera-t-elle
saine et sauve à son but; mais peut-être sera-t-elle obligée
de décharger une partie des effets pour les reprendre plus
tard. Le plus souvent, on retrouvera auprès de l'eau les
— 23 —
bœufs laissés en chemin; mais il n'est pas rare non plus de
ne rencontrer que leurs grandes cornes et quelques os; le
reste s'étant changé depuis en la substance de quelques
•chacals aiïamés.
* *
Nos missionnaires avaient donc bien fait de rebrousser
■chemin et d'attendre que le gouvernement ait tracé la route
en enlevant les broussailles. En effet le passage de la
« traite de soif », s'il ne doit pas aboutir à un malheur ou
même à une ruine complète, doit se faire le plus \ite pos-
sible, en y déployant toutes les forces dont on dispose et
en écartant tout ce qui est susceptible de ralentir tant soit
peu la marche.
Grootfontein, devenu station de mission depuis un an,
était heureux de donner l'hospitalité aux voyageurs. Pères
et Frères se mirent à l'œuvre et gratifièrent la nouvelle
résidence d'une maison avec quelques dépendances.
Septième essai. — Sous la pluie.
La saison des pluies commença cette année de bonne
heure et les Africains du Sud-Ouest ne l'oublieront pas de
sitôt. La fièvre fit de grands ravages surtout dans le nord.
En novembre, quand les premières pluies venaient de
tomber, une nouvelle expédition quitta Grootfontein sous
la direction du R. P. Krist. Le R. P. Lauer, le Frère Lan-
gehenke et un ouvrier, aide de mission, s'y joignirent de
nouveau en auxiliaires fidèles. L'épouvantail de la t traite
4e soif » ne pouvait nullement inquiçter les voyageurs;
par contre, ils avaient énormément à souffrir de la pluie à
mesure qu'ils avançaient.
Tous les jours, cinq semaines durant, et une ou deux
•fois chaque jour, les voyageurs étaient trempés jusqu'aux
•os; et quand venait le soir, ils ne pouvaient trouver un
•coin de terre sèche pour se reposer la nuit. Ajoutez à cela
— 24 —
les enfoncements du chemin, véritables ornières où la voi-
ture s'empêtrait dans le marécafîe jusqu'à l'essieu. Que de
fatigues et de souffrances à endurer ! Que de fois il fallut
décharger la voiture pour la dégager du bourbier I Plus
d'une fois, on vit les bœufs s'enfoncer dans la boue jus-
qu'aux hanches. Le mulet que montait le R, P. Krist s'en-
lisait un jour tellement dans la bourbe, qu'il fallait appro-
cher la voiture pour délivrer le mulet et son cavalier. Les
pauvres Pères et Frères arrivèrent à l'Okawango exténués
«t brisés de fatigue. On s'arrêta à Andara, chez le chef
Libébé.
Mort du R. P. Krist.
Les négociations avec ce chef heureusement terminées,
la voiture reprit le chemin de Grootfontein, où le R. P.
Krist avec le Frère Langehenke devaient chercher de nou-
veaux renforts et des provisions. La saison des pluies était
dans sa période la plus dangereuse. Tout le nord du pays
était sous l'eau. Par endroits, l'Ovambo — et il était de
taille respectable — qui menait par la corde les deux bœufs
de devant, avait de l'eau jusqu'au cou. Tout l'attelage
devait le suivre à la nage. Les quatre roues de la lourde
voiture ne tournaient pas, le tout était porté par le courant.
Une forte fièvre saisit le R. P, Krist et ne tarda pas à
prendre une tournure inquiétante : c'était la fièvre noire.
Malade à mourir et gisant dans la voiture le pauvre patient
était sans cesse exposé aux pluies torrentielles. Il comprit
qu'il lui fallait le secours d'un médecin ; aussi supplia-t-il
instamment le Frère conducteur de hâter la marche pour
arriver à Grootfontein. Sou désir ne devait pas se réaliser.
Le Père Krist mourut en chemin, près de Numkaub, à
90 kilomètres au nord de Grootfontein, le 14 février 1909.
Gomme son confrère le P. Beigner qui, lui aussi, mourut
victime de la mission de l'Okawango, le regretté défunt fut
enveloppé, à défaut de cercueil, dans une couverture de lit.
TJne main amie déposa les restes de ces deux héros de la
— 2ô —
foi dans une terre à jamais inhospitalière. Huit jours plus
tard le Frère Langehenke, qui avait assisté le cher Père à
ses derniers moments, arrivait à Grootfontein pour nous
communiquer cette triste nouvelle. Toute la mission pleura
le cher défunt. Le R. P. Krist était un prêtre d'une piété
solide, toujours bien modeste, et un religieux de bonne
trempe; la mission des Héréros lui doit son existence; il a
surtout travaillé à Windhuk et sur la ferme Dôbra. Il par-
lait correctement la langue des Héréros et avait composé
un catéchisme à leur usage.
R. I. P.
^%
Nous étions désormais bien inquiets sur le sort du R. P.
Lauer et de son compagnon, restés seuls à l'Okawango.
L'abondance des pluies prenait des proportions effrayantes.
Les plus anciens du pays ne se souvenaient pas d'avoir vu
tomber autant d'eau et jamais la fièvre n'avait causé de
tels ravages. Si le pays des Héréros, avec ôOQnim de pluie,
voyait 70 % de sa population atteints de la malaria, que
devenaient nos délaissés de l'Okawango, où l'on vit tomber
jusqu'à 2000rain de pluie dans l'espace de 5 à 6 mois? Que
deviendraient-ils avec les fréquentes rechutes de la malaria
qui finissent presque toujours par la fièvre noire? L'on
îiurait voulu leur porter secours, mais c'était impossible.
L* fièvre, les affaissements du terrain si nombreux dans le
nord, recommandaient absolument d'attendre la fin des
pluies pour exécuter ce projet.
Huitième voyage.
A la fin d'avril de 1909, la voiture était prête à Grootfon-
tein. Le R. P. Gotthardt se chargea de l'entreprise; les deux
Frères Langehenke et Russ l'accompagnaient. Dieu merci I
le voyage réussit au delà de toute espérance. On se servit
de moustiquaires pour se garantir de l'engeance terribler
— 26 —
auteur de la malaria, et on fit usage des pilules de quin-
quina, seul remède énergique pour triompher de cette fièvre
pernicieuse.
Mort du Père Lauer et de Monsieur Karz.
La veille de la Pentecôte nos voyageurs s'approchaient
tout joyeux d'Andara. Une déception terrible les y atten-
dait : morts... tous les deux, morts... M. Kurz, l'aide de mis-
sion d'abord, le Père ensuite. Telle fut la foudroyante nou-
velle que les indigènes annoncèrent aux nouveaux arrivés
comme souhait de bienvenue. Dans le jardin que les mis-
sionnaires avaient déjà planté, on montra aux arrivants les
deux tombes vieilles de deux mois. C'était une rencontre à
déchirer le cœur, que cette rencontre auprès des tombes sur
lesquelles planait, avec l'ombre de la mort, le mystère des
circonstances qui l'avaient amenée. Etaient-ils morts seu-
lement d'une mort naturelle?
Dans notre malheur, nous eûmes du moins la consolation
de retrouver le journal du R. P. Lauer; c'est pour nous
une relique précieuse que nous garderons avec un soin
jaloux. Les pauvres missionnaires ont dû endurer des
souffrances indicibles. Bientôt après le départ de la voi-
ture ils tombèrent tous deux malades ; ils avaient mangé
des noisettes de terre (arachis hypogaea) toutes crues. Les
fatigues du voyage, les pluies continuelles, le repos sur
une terre trempée d'eau, une nourriture toujours la môme,
souvent malsaine, le manque de soins intelligents ; tout
cela n'avait pas peu contribué à causer la fièvre typhoïde.
M. Kurz tomba le premier victime de cette cruelle maladie,
le 10 mars.
Issu d'une famille bavaroise foncièrement chrétienne,
M. Kurz était un homme de caractère ; durant son séjour
de sept ans dans le Sud-Ouest africain il avait su conser-
ver avec fidélité et la foi et la pureté des mœurs de son
enfance. Ce n'était pas en aventurier, mais dans un désin-
— 27 —
léressement admirable et pour l'amour de Dieu qu'il s'était
mis au service de la mission de l'Okawango.
Sa mort laissa le P. Lauer seul au milieu de nègres
rapaces, dépourvus de sentiments d'humanité, envers un
homme (jui portait déjà, empreints sur ses lèvres, les
signes de la mort. Le journal laisse deviner ce que le
pauvre Père dut endurer dans ces circonstances. Etendu
sur son grabat et dévoré par la fièvre, il vit arriver à lui
cette bande de sauvages insatiables ne cessant de quéman-
der de lui des objets de toute sorte. Quand le malade faisait
mine de ne pas entendre leurs demandes, on menaçait
de l'expulser. Le lendemain quand le Père reprit sa pleine
connaissance il écrivit d'une main tremblante dans son
journal : t Maintenant je me rappelle, hier ils voulaient
me prendre mon fusil, etc. Oh ! les cruels ! ils ne peuvent
pas attendre que je sois mort et pourtant ils n'ont pas le
«ourage de me tuer. Oh 1 si la voiture venait seulement ! »
Le 28 mars, dimanche de la Passion, le Père écrivait la
•dernière note dans son carnet. On y déchiffre avec peine
les mots suivants : t Aujourd'hui grande faiblesse. » Tout
vraisemblablement il est décédé ce même jour.
Le P. Lauer est mort comme un saint. Ce n'est pas sans
une émotion profonde qu'on lit dans son journal, écrit en
face de la mort, comment le missionnaire offrit au bon
Dieu ses douleurs et son délaissement sans nul espoir de
secours pour la mission de l'Okawango, pour l'expiation
de ses péchés et de ses négligences. Il aura trouvé, nous
n'en doutons pas, dans son Maître un juge plein de misé-
ricorde. R. I. P.
Je ne puis tracer ces lignes, vouées à la mémoire de
Frères bien-aimés, sans être ému jusqu'au fond de l'àme
et je dois déposer un instant la plume pour laisser couler
mes larmes et donner libre cours aux sentiments qui
m'oppressent. Cher lecteur, en esprit jetons-nous à genoux
— 28 —
sur la tombe de ces héros de la foi, déposons-y une cou-
ronne, la couronne d'hommage sincère et de reconnais-
sance pour tout ce qu'ils ont fait et souffert. Puissent-ils
être auprès du trône de l'Eternel les protecteurs dévoués de
la mission de l'Okawango I
**^
Nous avons laissé le R. P. Gotthardt et ses deux compa-
gnons à leur arrivée à Andara le 19 mai 1909 ; nous les
avons vus recevoir la nouvelle de la mort si triste des deux
missionnaires Lauer et Kurz. Le P. Gotlhardt dut agir
avec la plus grande précaution. Il fallait, sans renoncer à
ses droits, ménager le chef Libébé, homme inconstant et
rapace.
On apprit bien vite que le pauvre homme était entière-
ment sous l'influence politique et religieuse du grand chef
protestant Matibé, résidant à Tsau, près du lac Ngami,
colonie britannique au pays des Betchuanas.
Ecoutons le P. Gotthardt lui-même. « Les indigènes §,
écrivait-il, « rendirent tant bien que mal les objets volé»
« aux défunts ; le chef Libébé nous cédait le bois de cons-
« truction, le droit de pacage et un terrain propre à la
• culture. Les indigènes, très jaloux de leur indépendance,.
• regardent tout étranger avec la plus grande défiance ;
« qu'il y ait eu quelques désaccords entre eux et les mis-
« sionnaires, cela va sans dire.
« Durant les six semaines de mon séjour à Andara, l'ex-
« périence m'a montré qu'on avait fait trop peu de cas de
• l'iufluence exercée ici par Matibé, le roi des Betchuanas.
« Un mot de sa part et notre séjour auprès de Libébé deve-
« nait impossible. Toutefois, une députation des gens de
« Matibé se présenta, mais comme ils n'avaient aucune
« autorité, ils ne purent que promettre de s'employer
« pour nous, auprès de Sa Majesté.
« Un autre détail devait entraîner des conséquences plua
29
< funestes. Le P. Krist avait amené avec lui, jusqu'à
* Grootfontein, trois jeunes gens de Libébé, qui devaient
•• ramener la voiture à Andara, sous la conduite d'un
< Frère, et dans l'avenir nous aider dans ces voyages.
t Quand les affaires furent réglées à Andara, je voulus
« renvoyer la voiture, mais j'eus toute la peine du monde
< à obtenir de Libébé trois autres jeunes gens et encore
« n'entendaient-ils rien à la conduite d'une voiture. Par
« bonheur nous avions avec nous un jeune Betchuanas
« d'Epukiro, bien fidèle. Avec ce jeune homme tiès dévoué,
< le Frère Langehenke se mit en route pour Grootfontein,
« sachant qu'il ne pouvait nullement compter sur les trois
« autres. II y apportait la nouvelle de la mort du P. Lauer
« et de M. Kurz et il devait s'enquérir pour moi-même des
« renseignements sur la conduite à tenir e n pareille cir-
« constance.
t La troisième nuit après le départ, les voyageurs furent
« attaqués par deux lions, un bœuf fut mis en pièces et six
« autres terrorisés s'enfuirent à Andara. Pour comble de
« malheur un des gens de Libébé fut blessé d'un coup de
« fusil pendant la défense. 11 fallait revenir cliez Libébé.
« Celui-ci, en bon rançonneur, exigeait, pour le blessé, un
« fusil et 200 fr., prix exorbitant que je ne pouvais
« fournir. Désormais plus personne pour accompagner la
€ voiture à Grootfontein. Un Frère seul ne pouvait pas
« s'exposer aux hasards du voyage.
1 Après mûre délibération avec les deux Frères je nie
« décidai à abandonner la mission, du moins en atten-
« dant. »
« Le 15 juillet nous quittions Andara. Après une marche
« de quatre jours à remonter le fleuve, nous faisions une
■i courte halte chez Jangana, chef autocrate de la tribu des
« Dirico. Ce chef avait déjà sollicité des missionnaires
« auprès du P. Krist, et maintenant il renouvelait sa
« demande, ne me laissant de repos jusqu'à ce que je me
« sois décidé à prendre avec moi quatre de ses sujets. Ils
— 80 —
t devaient porter ses instances réitérées auprès du chef des
t missionnaires, ce qui n'empêcha pas l'un d'entre eux de
« s'évader. Voici comment. Chemin faisant, ils avaient
€ rencontré des Héréros, qui leur faisaient croire que les
« missionnaires ne reviendraient plus et qu'une fois à
" Groolfontein ils deviendraient leurs esclaves. Ses cama-
« rades nous racontaient que le fugitif avait cherché, la
<■ nuit auparavant, à les entraîner avec lui, mais qu'ils
• avaient refusé et voulaient rester fidèles au missionnaire,
t Ils restent à présent tous trois sur la ferme Dôbra, Le
« 20 août nous arrivâmes sains et saufs à Groottbntein.
« Aucun de nous n'avait eu à soufirir de la fièvre. »
Quand, dans une famille, l'ange de la mort fait son
apparition pour y enlever la mère Lien-aimée, les survi-
vants ressentent une impression indicible tout ensemble dfr
douleur et d'abattement. Voilà ce que nous ressentions
quand nous apprenions que cette expédition (la septième
depuis la fondation de la mission au Sud-Ouest de l'Afrique)
avait échoué.
On s'était déjà familiarisé avec la pensée de laisser se
reposer ce projet, d'autant plus que la caisse de la mission
présentait un déficit béant. Mais l'homme propose et Dieu
dispose. La marche des événements renversa, comme il
arrive si souvent dans la vie, nos projets pour en faire
surgir de nouveaux.
Huitième expédition.
Le R. P. Préfet apprit de source certaine que le gouver-
nement colonial du Sud-Ouest se proposait d'établir pen-
dant la saison de sécheresse (de mai à septembre) des
agences de police à l'Okawango. Par cette mesure, la ques-
tion de notre mission entrait, sans nul doute, dans une
— 31 —
phase nouvelle. La mission catholiqnn devait-elle mainte-
nant se laisser devancer par d'autres, après de si grands
sacrifices eu hommes et en argent ? Cette considération fit
pencher la balance du côté de l'action. Il fut décidé d'en-
treprendre une nouvelle expédition après les pluies. Des
expériences chèrement payées nous avaient fourni des
preuves évidentes ([u'on ne devait voyager qu'au temps
sec. Malgré les énormes fatigues, malgré la « traite de
soif », il était de beaucoup préférable de voyager en temps
de sécheresse plutôt qu'en temps de pluie et de fièvre.
Les missionnaires devaient partir de Grootfontein à la
fin d'avril ou au commencement de mai. On arriverait
ainsi assez tôt à l'Okawango pour laisser aux Pères et aux
Frères le temps de bâtir une maison solide avant l'époque
des grandes pluies.
Le R. P. Gotthardt brûlait du désir de retrouver son cher
Okawango. Les compagnons de voyage ne faisaient point
défaut, plusieurs Pères et Frères s'étaient offerts spon-
tanément. Puisse cet esprit de sacrifice si généreux être
couronné du succès définitif !
Les prières de nos lecteurs et les nôtres obtiendront du
bon Dieu la grande grâce de la fondation définitive de
cette mission de l'Okawango !
Nous y tenons d'autant plus que là-bas, il n'y a pas
encore de société protestante ; d'autre part, la population
est bien plus nombreuse que dans le pays des Héréros et
vers le nord il ne sera pas très difficile d'avoir des rapports
avec la mission si florissante d'Angola, dans la préfecture
apostolique de la Cimbébasie supérieure.
Puisse notre cri de détresse ne pas se perdre dans les
airs! Savoir que la mission de l'Okawango aura reçu un
secours généreux et durable, ce sera la plus grande joie
qui puisse nous être procurée, à nous tous qui travaillons
dans des conditions si difficiles au pays des Héréros.
[X. B. — La nouvelle expédition composée des RR. Pères
— 32 —
<îotthardt et Bierfert et des FF. Rau, Russ et Heckmann
-est partie de Grootfontein le 21 avril 1910. Le 13 juillet je
recevais une lettre, datée de l'Ukawango, du 1er juin 1910,
qui nous annonçait l'heureuse arrivée des missionnaires
chez Jangana, le 21 mai. Le chef est bien intentionné à
notre égard, l'avenir ne se présente donc pas sous une
perspective trop mauvaise. Deo gratias.]
On voudra bien me pardonner de m'être arrêté si long-
temps à la partie historique de la mission de l'Okawango.
Le lecteur aura ainsi une idée plus exacte de notre mission
du Sud-Ouest africain. Sans ce coup d'oeil rétrospectif, les
détails qui suivront sur les stations prises à part seraient
peu compris.
§ IIL — Faits importants.
Voici maintenant les événements les plus remarquables,
signalés dans le rapport annuel de 1909 à 1910. C'est le
changement dans la direction de la préfecture et la visite
4u T. R. Père Simon Scharsch, assistant général à Rome.
Le R. P. Schemmer avait succédé dans la charge de
Préfet apostolique au R. P. Augustin Nachtwey en jan-
vier 1909. Sa nomination le trouva gravement malade de
la poitrine; les médecins lui conseillaient un changement
de climat à Natal. Le malade ne s'y rétablit point, le mal
empira et il lui fallut retourner en Europe. Sur le quai de
Swakopmund eut lieu un adieu des plus tristes, c'était le
vendredi saint, 9 avril. Le R. P. Préfet donna, non sans
beaucoup de fatigues, ses derniers ordres et continua son
voyage au pays natal, qu'il ne devait revoir qu'après bien
des tribulations. La maladie, déjà ancienne, une toux
accompagnée de sang lui revint et le médecin du bateau
prescrivit un séjour de trois semaines à l'ile de Ténériffe.
A son arrivée à Hambourg le malade était tellement
épuisé qu'il ne put continuer son voyage.
Je tiens à remercier ici le R. P. Schemmer des services
^précieux qu'il a rendus à la mission durant son séjour de
— 33 -
quatre années au Sud-Ouest. La congrégation de la Propa-
gande accepta la démission du malade et nomma comme
Préfet apostolique le soussigné, le 18 décembre 1909.
Le R. P. visiteur débarqua à Swakopmund le 19 juil-
let 1909. C'était la première visite canonique depuis la
fondation de la mission du Sud-Ouest en 1896. Le haut
dignitaire, malgré ses 50 ans, prit joyeusement sur ses
épaules accoutumées au travail ce nouveau fardeau. En
chemin de fer ou en voiture à bœufs, il visita allègrement
les onze stations distantes les unes des autres de 80 à 400 k.
Deux fois il prêcha les saints exercices de la retraite aux
Pères et aux Frères, les encouragea, les instruisit et les
édifia tous par son bon exemple et son ardeur à supporter
les fatigues des voyages dans un climat auquel il n'était
point habitué. Le 1" novembre il reprit le bateau pour
visiter le Transvaal, l'Etat libre d'Orange, de Basutoland
et Natal. A lui aussi nos remerciements les plus sincères !
Puissent les fruits de sa visite être durables parmi nous !
§ IV. — Les stations de mission en particulier.
J'invite le lecteur à venir m'accompagner dans mon
voyage à travers la Préfecture. Ne craignez rien, les fa-
rouches Héréros d'autrefois ne vous inquiéteront plus !
Les progrès modernes ont enlevé bien des côtés poétiques
de cette vie du Sud-Ouest comme on l'a décrite souvent
dans l'ancien temps. En compensation on voyage plus
rapidement qu'il y a dix ans où la voiture à boeufs était
l'unique moyen de communication. Time is tnoney : le
temps c'est de l'argent, ce principe a aussi son importance
dans l'Œuvre de la mission.
1. Sioakopmuncl, ville maritime du Sud-Ouest de l'Afri-
que, a sa paroisse pour les blancs, Elie comptait 290 mem-
3
— 34 -
bres, le 1er avril 1910. Il y a sans doute à Swakopmund,
comme partout ailleurs dans les colonies, des chrétiens
peu fervents; cependant l'église et les sacrements y sont
encore plus fréquentés que dans les autres stations. Ce
manque de ferveur, il faut l'attribuer à la chaleur qui rend
l'Européen indifférent et négligent. L'instruction religieuse,
donnée aux deux écoles élémentaire et professionnelle, et
les soins que réclament les émigrants, forment une partie
très importante du ministère à Swakopmund.
Tout connaisseur des colonies avouera avec moi que
l'air libre respiré au delà des mers exerce bien souvent
son influence pernicieuse sur les sentiments religieux.
L'instruction religieuse doit être d'autant plus soignée et la
Mission doit s'occuper avec beaucoup de soin des nouveaux
venus. L' * Union des dames catholiques », qui sera fondée
sous peu à Swakopmund, s'occupera elle aussi activement
des émigrants.
L'hôpital Saint-Antoine, fondé par la Mission en 1907,
a pris un développement très satisfaisant. Les sœnrs gardes-
malades au nombre de cinq d'après le dernier rapport
annuel desservent leur poste si dificile et si riche en sacri-
fices, à la grande satisfaction des habitants sans différence
de confession.
Le compartiment pour les indigènes élevé depuis peu et
séparé de l'hôpital est toujours encombré de malades. Et
plus d'un Ovambo païen a reçu à son heure dernière la
grâce du baptême.
La mission parmi les indigènes n'a guère fait de progrès
à cause de la grande influence des protestants. Cependant
la mission de Swakopmund peut se glorifier d'avoir fourni
des chrétiens qui ont formé le noyau des catholiques d'au-
tres missions. Ceci s'est vérifié surtout pour la mission
d'Usakos.
35 —
2. UsaJiOS a vu sa chrétienté d'indij^ènes s'accroître
d'année en année, depuis sa fondation en 1907. Le caté-
chiste Joseph ne s'y plaisait point au commencement à
cause des ^a-andes difficultés que lui faisaient les Cafres ses
compatriotes pour se convertir. A présent il est très heu-
reux avec ses 78 néophytes et 31 catéchumènes.
Une sœur est chargée du ménage et de la cuisine ; la
sœur infirmière Raphaël a fait beaucoup de bien aux
indigènes en prodiguant ses soins aux malades; malheu-
reusement elle a dû quitter Usakos pour se rendre à l'hô-
pital de Saint-Antoine qui réclamait ses services.
La paroisse des blancs a diminué par le départ des
ouvriers catholiques pour les champs de diamants dans la
baie de Ludritz (Angra Pequena). La nouvelle paroisse ne
se constitue donc que lentement et très difficilement.
Karibile, où la population blanche catholique atteint le
chiffre de cent, répond mieux à l'attente du missionnaire.
Le recteur d'Usakos prend soin de ces âmes. Il fait tous
les mois, en chemin de fer, le trajet de 40 k. pour visiter
ses ouailles. A défaut d'église, le service religieux se tient
dans la vaste salle de l'école du gouvernement.
La mission d'Usakos n'a pas seulement bien mérité de
la culture par son jardin potager et son verger d'orangers,
mais elle s'est encore mise en état de sullire à son entre-
tien; elle a même pu élever un clocher de 15 mètres de
hauteur ; un ornement très joli pour tout l'endroit.
3. OJiombahé se trouve à 90 kil. au nord d'Usakos. On
n'y parvient que par des routes d'un roulage difficile.
Pire que cet inconvénient matériel est le fait attristant
d'une mission qui ne répond nullement aux espérances
conçues lors de sa fondation.
— 36 —
L'influence de la mission protestante, vieille de 40 ans^
sur cette place, est trop grande pour que nous puissions^
attendre, de longtemps, de plus grands succès. Le Rév,
P. Bachmann qui est chargé de cette station y persévère
avec un courage admirable. II n'y a pas en douter, c'est le-
poste le plus difficile de toute la préfecture. Le maître
d'école, Dieuaimé, converti du protestantisme, tient bori
lui aussi avec toute sa famille et reste fidèle à la vraie foi
malgré les persécutions multiples dont il est l'objet, L»
petite chrétienté compte seulement 25 âmes; il n'y a là
presque pas de blancs.
***
4. Omar uni, la petite ville aux jardins toujours vertSy
avec sa jolie église, eut comme Okombahé beaucoup à
souffrir l'année passée de la malaria. Le R. P. Bierfert,-
parti depuis pour l'OkaNvango, en a été bien atteint.
La paroisse des blancs est encore bien peu nombreuser,
mais elle compte parmi les meilleures du pays. Les indi-
gènes catholiques sont au nombre de 38. A Omaruru anssî
la mission protestante est à l'œuvre depuis 1870.
5. Grootfontein, au nord, est à 350 kil. d'Omaruru. Grâce
au chemin de fer de l'Otavi, cette distance sera parcourue
en moins de dix heures.
A Grootfontein, comme ailleurs, l'expérience apprend qae^
les Gafres ne montrent pas autant de méfiance à l'égarcf
de la mission catholique que les Héréros. Le fanatisme de
ces derniers prend parfois des formes peu en harmonie
avec les principes de l'amour du prochain.
Avant la guerre des Héréros, la mission protestante
s'était bien moins occupée de cette pauvre tribu d'esclavesr
que des Héréros, grands possesseurs de troupeaux. Dan»
la réserve d'Okombahé où les Cafres possédaient du teiTaia
et du bétail on les avait missionnés avec activité.
— 37 —
C'est de Grootfontein qu'on évangélise les cathctliques du
^and district et de la ville de Tsumeb aux riches mines
4e cuivre. Ces catholiques méritent, eux aussi, des éloges
^•comme ceux d'Omaruru. Bien rude est la tâche de ces
i>raves mineurs par suite du climat malsain de Tsumeb et
de l'empoisonnement par le plomb; ils font honneur à leur
<!orporation par le sérieux de leur vie et leur sens profon-
Alément religieux. Il leur tarde de voir la mission catho-
lique s'établir définitivement au milieu d'eux. Hélas ! des
-difficultés de plus d'un genre s'opposent à ce désir si légi-
^me. Il faut d'abord l'agrément de la société des mines et
du chemin de fer de l'Otavi qui dispose de tout Tsumeb et
de ses enwons. Puis une nouvelle fondation dans la
Colonie, bien loin dans le nord, à 560 kil. du port maritime,
réclame tant d'argent que nous ne pouvons pas y songer
pour le moment.
La mission des Cafres n'est pas non plus sans espé-
rances, il faudrait seulement un catéchiste à poste fixe.
Pour revenir maintenant à Windhuk nous utiliserons la
voie ferrée jusqu'à Usakos, et de là le chemin de fer du
^gouvernement nous amènera dans la capitale du Sud-Ouest
■et résidence du gouvernement. Le voyage nous conduit à
Iravers le pays de 'fermes. Cette année spécialement la
^rue de l'herbe est très forte ; car nous avons eu une bonne
«aison de pluie. Nous descendons du train à la station de
Brakwater, à 16 kil. de Windhuk, pour faire une courte
^'isite à la mission-ferme de Dôbra.
^**
6- Mission-ferme de Dobra. Deux bœufs attelés à une
•voiture légère nous amènent à la maison-ferme, située au
pied des montagnes. La ferme est destinée à venir en aide
au pauvre Procureur de la Préfecture ; sans ce secours sa
«harge serait encore plus difficile. Prochainement le gouver-
nement nous aidera à creuser un puits avec une machine
à vapeur. Pour bien utiliser une ferme, il faut de l'eau
pour les bestiaux, il en faut encore davantage pour mettre
une terre en culture. Ici, à l'est, il n'est pas possible de
cultiver quoi que ce soit sans irrigation artificielle, pas
même au temps des pluies; si la pluie vient à faire défaut
seulement dix jours tout est perdu.
Dôbra a aussi une mission. A des distances variant
entre 5 et 18 kil. se trouvent nos postes, qui semblables
à des sentinelles vigilantes gardent notre troupeau. Ces
postes sont situés dans les fermes voisines et les petites
stations de chemin de fer, soit, en tout, huit stations qui
dépendent de la mission de Dôbra.
Ce n'est pas peu édifiant de voir venir ces gens à l'église,
le dimanche, rester à jeun pour recevoir les sacrements
après avoir fait un trajet de 18 kilom. La chapelle n'est
autre chose qu'un appartement qui servait de laiterie au
fermier notre prédécesseur.
***
7. Windhiik est le terminus de la ligne du chemin de fer
Swakopmund-Windhuk, dont le prolongement qu'on est
en train d'effectuer, reliera le sud de la colonie avec la
capitale. Windhuk est une station de mission pour les
blancs depuis 1896 : et, pour les indigènes, seulement depuis
1905. Voici les œuvres principales qui y existent : une
paroisse pour les blancs, un hôpital, une école d'instruction
supérieure pour les filles, une mission pour les Héréros et
les Cafres, une école de catéchistes et une école d'apprentis
indigènes.
L' « Union catholiques des dames » n'a pas peu contribué
à relever la vie chrétienne parmi la population blanche. Il
reste cependant beaucoup à faire encore. L'élément catho-
lique est trop clairsemé dans la \ille où les employés du
Gouvernement sont nombreux : il forme à peine la hui-
tième partie de la population.
— 39 —
Le 2 déceml)re 1909 notre maison de réunion s'ouvrait
au public, (i'est ici qu'ont lieu les conférences publiques
et les soirées récréatives dont le besoin se faisait grande-
ment sentir dans cette nouvelle ville où il s'agit, pour les
catholiques, de serrer les rangs, pour faire œuvre utile.
Jusqu'à la fin de novembre, la mission dirigeait, à côté
de l'école-pensionnat des filles, une autre école pour les
garçons qui a dû être abandonnée, parce que le gouverne-
ment a maintenu ses exigences de n'accepter seulement que
des maîU'es approuvés par l'Etat.
En dehors de la mission des Héréros on essaya aussi de
missionner les Cafres. C'est un travail extrêmement diffi-
cile, auquel le chef des Cafres, remplissant en même temps
les fonctions de maître d'école, ne cesse d'opposer les plus
sérieux obstacles. La crainte que cet important personnage
inspire à tant de ses compatriotes les empêche de venir à
nous ou de retourner chez eux après être restés un certain
temps parmi nous.
Par contre, l'école d'apprentissage s'est très bien déve-
loppée. Elle se compose de 3 cordonniers, 2 tailleurs, 2 ma-
çons, 1 menuisier et 1 serrurier. A la fin d'octobre les
jeunes gens nègres commencèrent leur apprentissage et au
mois de février ils subirent leur examen devant un expert
du gouvernement. Nous reçûmes peu après une lettre offi-
cielle d'éloges. A nos chers Frères convers nos remercie-
ments les plus sincères pour les peines qu'ils se sont
données ; car ce n'est point chose facile de façonner une
nature sauvage pour en faire un ouvrier capable.
En tout cas, le dévouement de nos chers Frères a été
récompensé par des succès consolants pour le passé et
encourageants pour l'avenir.
A l'école des catéchistes, ouverte le 3 janvier 1910, huit
jeunes gens indigènes, à l'Age de 13 à 16 ans, reçoivent une
instruction plus solide, pour les rendre aptes à desservir
plus tard de petites stations où le Père ne peut être de
résidence. Notre mission doit s'adapter aux particularités
— 40 —
du pays dont les habitants seront toujours dispersés pour
la plus grande partie sur des fermes de 5 à 30.000 hectares
d'étendue et par conséquent éloignées les unes des autres
de 10 kilom. et davantage encore. Pour les quelques familles
indigènes qui doivent gagner leur pain chez les fermiers il
nous est impossible de leur envoyer un Père à poste fixe
ou de leur élever une église. C'est aux catéchistes de visiter
leurs compatriotes sur ces fermes, d'y rester quelque temps
avec eux, de les instruire et préparer ainsi les voies au
missionnaire qui viendra les voir de temps à autre.
Les catéchistes, à vrai dire, sont sous plus d'un rapport
indispensables. Il leur est permis d'aller où ne peuvent
atteindre les Pères eux-mêmes. Vu notre situation si diffi-
cile vis-à-vis des protestants, nous n'aurions jamais de
succès à espérer sans l'aide de ces catéchistes indigènes. Je
recommande donc instamment cette œuvre à la bienveil-
lance et aux prières ferventes des amis des missions.
»*»
8. Klein- Windhuk, en outre des jardins fertiles qui nous
fournissent les légumes frais, du raisin et des fruits, possède
une œuvre à part : l'établissement pour les enfants de race
mixte. Dans le pays vous entendi'ez les opinions les plus
diverses au sujet de l'éducation de ces pauvres êtres. Les
uns disent : Laissez donc cette génération à la mère indigène,
elle restera au rang des indigènes. D'autres tombant dans
l'excès opposé, c'est le petit nombre, fondent de grandes
espérances sur ce sang mêlé. Ici c'est le cas de dire : Jn
medio stat virtus, la vérité est dans le juste milieu.
L'école donnera à ces enfants des connaissances suffisantes :
l'éducation et la discipline se donneront la main pour en
faire des sujets utiles à la société. Notre établissement a
travaillé d'après ces principes et a déjà obtenu des résultats
encourageants. Deux garçons sont employés à la poste de
Windhuk, un autre dans une maison de commerce, deux
— 41 —
autres suivent l'école des catéchistes, deux apprennent un
métier, les autres se rendent utiles aux travaux du jardin
et de la vigne.
Les filles, sous la direction des soeurs, ont acquis toute
sorte de connaissances pratiques et montrent des aptitudes
pour le travail de la cuisine et du ménage. Cette œuvro
importante réclame chaque année un supplément de 3 à
4.000 fr.
Pour visiter les stations de l'est : Gobabis, Epukiro,
Aminuis, nous monterons dans une voiture à bœufs et
goûterons, durant six semaines, les charmes d'une vie à la
bohémienne.
(9 et 10) Epukiro et Aminuis, les deux missions de
Betchuanas, forment deux villages de 120 à 150 âmes. Le
développement de ces deux stations s'effectue sans secousse ;
on n'y connaît point les misères et les déceptions que les
autres stations ont à essuyer dans la lutte avec le protes-
tantisme. Aminuis s'est mis dernièrement à l'évangélisation
des Gafres qui s'y trouvent.
***
(11) Gobabis possède une population de Héréros et de
Gafres presque tous catholiques, grâce au savoir faire du
catéchiste François, grâce aussi à une ancienne amitié avec
un petit chef de Héréros du nom de Joseph. La jeune mis-
sion de 1907 compte déjà, outre les 97 catéchumènes, 2:24
néophytes. La société protestante n'est pas peu désolée de
n'avoir pas occupé plus tôt cette place. Il y a tout à espérer
que le petit bourg de Gobabis deviendra avec le temps une
mission très florissante.
42 —
§. V. — Le travail de la Mission.
Dans la suite, il s'agira avant tout de fortifier la foi de»
baptisés et de former des chrétiens fervents. Ce serait se
tromper de croire que nos catholiques indigènes sortent
du bain régénérateur du baptême en hommes parfaits.
Dans toutes nos stations, l'expérience nous a appris que le
fréquent usage des sacrements est seul capable d'afiaiblir,
de déraciner les vices et les défauts des nouveaux conver-
tis. Dans le sacrement de pénitence, la mission catholique
possède un moyen efficace opérant des merveilles dans
l'éducation des peuples incultes pour en faire une race de
véritables chrétiens. Sans ce remède nous nous promet-
trions peu de notre besogne.
Deux défauts surtout s'opposent opiniâtrement au renou-
vellement de nos jeunes chrétiens : la vie dissolue et un
penchant très fort vers la routine à passer le temps à ne
rien faire. La réception des sacrements unie à une disci-
pline sévère, une éducation visant invariablement au tra-
vail et à une vie réglée parviennent à transformer, avec le
temps, la nature du nègre. Je dis avec le temps ; car il y a
toujours des gens qui attendent l'impossible de la mission.
En un tour de main les indigènes devraient être changés
en hommes et en chrétiens parfaits. Ils oublient que la
mission n'est pas une machine automatique de formation.
Le christianisme travaille à l'aide de deux facteurs :
celui de la grâce et celui de la coopération individuelle et
persévérante. La prière sans le travail est une pioche sans
manche. Une pareille méthode d'éducation n'engendrera
chez le nègre que de l'orgueil et de la paresse avec ses
suites funestes. D'autre part le travail sans la prière
peuple la colonie de mécontents, d'éléments pleins d'ai-
greur qui, à l'occasion, peuvent devenir la terreur du paj'^s.
Le docteur Rohrbacher, bon connaisseur de la vie et de
— 43 —
la politique coloniale au Sud-Ouest de l'Afrique, dit très
bien dans son livre intitulé : « Principes de culture poli-
tique pour les questions de race et de mission * (Berlin-
Schôneberg, libraire, « Hilfe » — 1909) : La clé d'éducation
qui obtiendra chez le nègre un succès par rapport au tra-
vail, n'est pas l'instruction comme le prétendent la grande
majorité de nos missionnaires protestants, mais bien la
discipline, l'autorité, la subordination. »
Pour ce qui regarde les missionnaires protestants, nous
croyons que la faute tient plutôt au système qu'aux per-
sonnes. M. Rolirbacher va pourtant trop loin dans son
appréciation sur l'influenco qu'exercent le travail et la dis-
cipline dans l'éducation. Il nous présente ces facteurs
comme l'unique moyen de toute la culture. En cela, il
n'apprécie pas à sa juste valeur le moyen surnaturel de
l'œuvre des missions. Nous ne cesserons de le répéter : le
travail sans la prière c'est l'esclavage, « c'est un firmament
sans étoiles y>.
Les réflexions sur l'école qu'on trouve dans le même
livre appellent les mêmes critiques. Les missions ont de
tout temps regardé la fondation des écoles comme l'un des
principaux moyens de cultiver un peuple, et elles y ont mis
tous leurs soins. Et si elles ne le faisaient on ne manque-
rait pas de leur lancer les expressions favorites : Voici
l'âge de fer, etc. 1 Selon M. Rohrbacher, ce serait une absur-
dité d'élever les langues indigènes au rang des langues lit-
téraires. De plus il demande que dans les écoles des mis-
sions où une langue européenne est obligatoire, on se con-
tente de l'enseignement oral. Savoir lire et écrire est
chose superflue pour un nègre. Que les indigènes appren-
nent à s'exprimer et à se faire comprendre de nous dans
une mesure restreinte, cela suffira. Tout cela, M. Rohrbacher
le demande pour préserver la race blanche des dangers
que l'hyperculture des nègres ne manquera pas de lui cau-
ser. Heureusement pour nous que les apôtres qui ont
apporté le christianisme en Europe depuis plus de 1500 ans
— 44 —
n'ont pas pensé ainsi 1 heureusement encore pour la civi-
lisation en général, et pour maint politique colonial de nos
jours, qui certes ne serait pas en état de nous servir de si
savantes dissertations !
Du reste, il n'y a pas à craindre que ceux qui fréquen-
tent l'école de la mission soient surchargés de connais-
sances. L'enseignement dans nos écoles commence natu-
rellement avec la langue maternelle. Les générations
futures doivent arriver à lire l'histoire sainte et le caté-
chisme. Les fidèles devront assister aux saints offices le
livre de prière en main.
Ils devront apprendre en outre à penser dans leur idiome
et par conséquent s'exercer dans la composition. Lorsque
les enfants auront acquis une certaine facilité dans leur
langue maternelle, alors on commencera à leur apprendre k
lire et à écrire en allemand. Quant aux exercices de la con-
versation, on y débute dès le premier jour de classe. La
conversation formera toujours la partie essentielle des classes
■d'allemand.
Dans nos écoles, divisées en écoles de catéchistes, en
lîcoles élémentaires et en écoles du soir nous comptions, au
premier avril, 473 garçons et filles. En général les enfants
sont bien doués. Le manque de notions, un penchant
très développé pour la liberté et la paresse de réfléchir
rendent l'enseignement très difficile, sui'tout les premières
années.
Que le nègre soit incapable de culture intellectuelle est
une thèse à la réfutation de laquelle je ne perdrai pas une
goutte d'encre. Des preuves en forme syllogistique ne servent
de rien ici. A y aller franchement, qu'on entre donc dans
une de ces écoles d'indigènes et surtout qu'on jette un coup
d'oeil dans les cahiers de composition, on sera bien vite
converti au sentiment contraire.
L'école du soir a pour but de donner aux indigènes
adultes l'occasion d'acquérir quelques notions de lecture
et d'écriture. Chose remarquable, c'est précisément chez les
— 45 —
adultes, particulièrement chez les jeunes gens au service
des blancs, qu'on trouve le plus d'ardeur pour apprendre.
C'est un bon signe.
Conclusion.
Je ne sais si cette tournée à travers le Sud-Ouest africain
a contenté tous les lecteurs. Quelques-uns n'auront pas
trouvé ces masses d'hommes qui font la joie du mission-
naire sur d'autres rivages. Je l'ai fait remarquer dés le
début, que ce manque d'àmes est justement ce qui nous
cause le plus de peine. Aussi notre plus grand désir a
toujours été de voir fondée une mission à l'Okawango.
Réussirons-nous cette fois ? Dieu seul le sait. Je suis sûr
que tous les amis des missions voudront bien faire une
prière toute spéciale à cette intention si importante. Ici.
dans les missions, nous expérimentons souvent que les
efforts de l'homme seul ne mènent pas au but désiré, et que
la prière apporte le secours là où les autres moyens refusent
leur service. Si l'Okawango reste à jamais notre point de
mire, nous ne devrons pas cependant oublier de quelle
haute importance est pour nous la mission dans le pays
des Héréros. Le Sud-Ouest de l'Afrique et spécialement le
pays des Héréros et des Namas (Hottentots) est un pays
de colons, « le pays de- la race blanche ». Les catholiques
blancs forment toujours un quart de la population euro-
péenne et qui s'accroîtra encore davantage par suite d'une
forte immigration. Comme le Sud-Africain britannique, le
Sud-Ouest africain allemand deviendra peu à peu civi-
lisé ; il aura sa physionomie locale, africaine sans doute,
mais sera comme une continuation, un prolongement de
la mère patrie. Notre mission indigène devra être telle par
son importance, qu'elle soit digne de considération dans
K cette nouvelle Allemagne ». Ce doit être un point d'honneur
pour tout catholique allemand que de nous aider à y parvenir.
Lorsque l'année 1905 nous accorda la liberté complète en
— 46 —
matière de religion, et que le pays, avec une ardeur toute
juvénile, se remit des maux causés par la guerre, la jeune
Préfecture ne crut pas devoir mieux faire que de marclier
de pair avec les progrès de la colonie.
En dehors de la mission de l'Okawango, on fonda six
nouvelles stations, et les autres stations déjà fondées reçurent
pour la plupart de nouveaux agrandissements. Si la Mission
ne fut pas inférieure à sa tâche et aux circonstances, la
caisse de la mission ne put suffire aux grandes dépenses qui
en résultèrent. D'où un fort déficit qui ne Ht qu'augmenter
les trois dernières années. C'est là un de nos grands soucis
et qui a déjà causé particulièrement à celui qui écrit ces
lignes des heures pleines d'angoisses. Avec confiance cepen-
dant, j'adresse une prière instante ù ceux qui liront ce
rapport; qu'ils veuillent bien m'aider à sortir d'une situation
d'autant plus pénible qu'elle entrave l'œuvre de la mission.
Hélas ! il est si pénible de voir la mission pi'otestante
travailler avec de si grandes ressources pour nous enlever
ici, au pays des Héréros, les dernières chances de nous
fortifier davantage. Qu'il est dur de voir nos 1234 catlio-
liques dispersés dans ce vaste pays et ne pouvoir pas les
secourir plus efficacement dans leurs besoins religieux !
Mettre un ou deux missionnaires à parcourir le pays pour
porter les secours de la religion aux fei'miers, est de toute
nécessité. Le bon Dieu qui nous a assigné celte partie de la
vigne du Seigneur si difficile à cultiver voudra bien venir
ù notre secours pour que notre œuvre prospère et porte des
fruits de salut. C'est la ferme confiance du missionnaire.
Windhuk, le 10 août 1910.
•
P. Eugène IvL.KYLé, O. M. I.
Préfet apostolique.
47 —
NOUVELLES DIVERSES
La fête de l'Immaculée Conception.
La solennité de l'Immaculée Conception de la très sainte
Vierge a été célébrée dans toute la Congrégation avec la
piété et l'amour que les Oblals sont toujours heureux de
témoigner à leur glorieuse Patronne et Mère très bonne.
Nous n'essayerons pas d'en faire le récit : il faudrait s'en
aller sous toutes les latitudes, passer des glaces du pôle
aux chaleurs du tropique, parcourir l'ancien monde avec le
nouveau, franchir les océans, traverser les îles et les conti-
nents; il faudrait assister aux grandes cérémonies qui se
déroulent dans les cathédrales et nous courber pour trouver
place sous la hutte-chapelle de nos missionnaires ; là prendre
la soutane blanche, ici endosser le manteau de fourrure ; il
faudrait enfin prêter l'oreille aux louanges de toutes les
nations de la terre et chanter avec elles des hymnes en
toutes langues, qui portent jusqu'au ciel la gloire de
l'Immaculée.
Non, pas de récit : nul ne saurait rendre la ferveur de la
prière, l'accent de l'amour, de la confiance et de la joie des
«nfants de Marie en un tel jour. De ce concert immense, où
les anges et les hommes unissent leurs accents, relevons
seulement quelques notes prises de-ci de-là, échos bien
afïaibUs qui sont parvenus jusqu'à nous, — et cela à seule
fin que du peu que nous dirons nos lecteurs entrevoient tout
ce que nous tairons.
A Rome, — il est juste de commencer par là — sans
sortir de chez nous, nous assistons aux offices pontificaux
célébrés par Monseigneur le Supérieur général, avec le con-
cours des scolastiques, tant pour les cérémonies liturgiques
que pour le chant. Si ce n'étaient les faibles dimensions de
— 48 —
la chapelle, on se croirait dans une basilique. Une séance
académique, toute à la gloire de l'Immaculée, occupe le
temps laissé libre par les offices. Le jour se passe ainsi,
embaumé du parfum de l'amour de notre bonne Mère.
A Leith, en cette maison qui porte le joli nom de Marie,
Etoile de la mer. Maris Stella, l'archevêque de Saint-André
et Edimbourg assiste du trône à la messe solennelle chantée
dans la chapelle de nos Pères. Voici 200 petits enfants qui
reçoivent pour la première fois, dans leurs cœurs inno-
cents, le Dieu de l'Eucharistie. Un grand nombre de fidèles
les accompagnent à la Table sainte. Jésus, Fils de Marie,
bénissez-les tous.
L'après-midi, bénédiction de la bannière des « Enfants
de Mai'ie » et procession présidée par l'Archevêque. Enfin,
la prière du Rosaire, le doux chant du soir, termine cette
pieuse journée.
Des Iles-Britanniques, passons en Allemagne, Dès la
veille de la fête, les routes qui conduisent au scolasticat de
Hûnfeld sont très fréquentées : les uns arrivent par le che-
min de fer ; les autres, plus modestes ou moins éloignés,
n'ont pris que le train de Saint-François. Un groupe s'est
mis en route dès 2 heures du matin. Selon la coutume, et
plus qu'à l'ordinaire, les confessionnaux ne désemplissent
pas. Plus de mille communions sont distribuées. L'attrait
de la fête, déjà si puissant sur ces pieuses populations, est
renforcé encore par le fait que, pour la première fois, on
gagnait dans la chapelle du Scolasticat l'indulgence
plénière à l'instar de la Portioncule. Les fidèles, après avoir
reçu les Sacrements, multipliaient leurs visites afin de
profiter largement des richesses spirituelles qui leur étaient
offertes.
Nous ne dirons rien de la beauté des cérémonies, hormis
que Monseigneur l'Evêque de Fulda officiait pontifica-
lement à la messe et aux vêpres, et que l'Eglise, même en
y comprenant toute la place disponible au chœur, était in-
suffisante à contenir la foule.
— 49 —
En Amérique, dans les cathédrales des diocèses comme
dans les églises des populeuses paroisses du Canada, des
Etats-Unis, dans nos missions d'Afrique et jusque dans les
lointaines églises de l'Australie, les fêtes de l'Immaculée
Conception ont été marquées également par une fréquenta-
tion consolante des sacrements, preuve évidente du zèle de
nos Pères à faire aimer et glorifier la très sainte Vierge
dans son incomparable privilège et d'amener les foules à
Jésus par Marie.
De Geylan, nos lecteurs connaissent assez l'enthousiasme
des populations et l'ardeur infatigable des missionnaires
pour deviner ce que furent ces fêtes. Chaque église — et
elles sont nombreuses — voudrait avoir, bien à elle, sa
solennité avec neuvaine préparatoire ou octave complète.
Il n'en est pas autrement pour toutes les principales fêtes
de la sainte Vierge, de sorte que pour satisfaire, dans la
mesure du possible, la dévotion des fidèles, nos Pères sont
obligés de donner les mêmes exercices plusieurs fois le jour
et de n'en terminer la série que plusieurs semaines après
i'époque fixée.
Disons-le d'un mot, ce fut un jour béni. Jour béni celui
qui amène des foules empressées au pied de l'autel «le
Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la statue de l'Immaculée
•Conception ; jour béni celui où la prière et l'amour montent
à la gloire de Dieu et de sa très sainte Mère, jour béni
■celui où la grâce du ciel descend par Marie sur tous ses
■enfants.
Jour béni toujours: cette année, il devait l'être davantage
pour nous tous. En plus de ses titres ordinaires, il revêtait
une importance particulière pour tous les membres de la
Famille des Oblats de Marie Immaculée. Il avait été choisi,
-en eSet, par notre Révérendissime Père pour la promulga-
tion de la nouvelle édition de nos saintes Piègles. Qu'il
demeure donc à jamais mémorable dans tous les cœurs.
-Qu'en outre aussi de ses bénédictions habituelles, notre
•divine Mère et douce Patronne nous accorde la suprême
4
— 50 —
faveur d'être toujours dignes de notre nom d'Oblats, d'être
toujours fidèles aux obligations qu'il impose et de répondre
de plus en plus généreusement aux exigences de notre sainte
vocation par l'accomplissement parfait des prescriptions de
nos saintes Règles.
La voix du Père de la Famille s'est fait entendre
d'ailleurs en annonçant cet acte à la Congrégation, et ce
n'est pas sans une douce émotion que nous l'avons écoutée,
tandis qu'elle nous parlait, au nom de Dieu, du Vicaire de
Jésus-Christ, de notre bien-aimé et à jamais regretté Fon-
dateur, et appelait sur toute la Famille l'abondance des
grâces de sanctification pour ses membres et pour tous les-
fidèles qu'ils évangélisent.
L. J.-C. et M. I.
L'apostolat et l'Œuvre de la Propagation de la Foi,
Sous le titre « l'Année apostolique » M. A Guasco, secré-
taire général du Conseil central de Paris de l'Œuvre de la
Propagation de la Foi, donne dans le numéro de janvier
des Annales de l'Œuvre, une vue d'ensemble de l'apostolat
du plus haut intérêt.
Nos lecteurs auront sans doute lu avec attention ce
remarquable rapport. Qu'ils nous permettent cependant
d'en reproduire quelques chiffres. Comme il s'agit de la
conquête des âmes, du zèle des missionnaires, et du bien
qui a pu être opéré dans une aussi large mesure grâce aux
aumônes de la Propagation de la Foi, personne ne songera
à trouver aride la lecture de cette statistique.
« La Société des Missions Etrangères de Paris qui a la
charge de 32 Missions a obtenu 33.945 conversions et a
baptisé 137.224 enfants in articula mortis ; près de 135.000
enfants fréquentent ses écoles. »
< Les Lazaristes, aidés des Filles de la Charité, ont
obtenu, en ne tenant compte que de la Chine, 25.670 con-
— 51 —
versions d'infidèles; ils ont 99 liospices ou hôpitaux, et,
dans leur léproserie de Madagascar, sont soignés 350 lépreux ;
47.510 élèves fréquentent les écoles qui dépendent d'eux. »
« Les Jésuites, dans leurs 21 missions, ont obtenu
22.034 conversions et signalé le baptême in articula mor-
tis de 25.681 enfants; 107.988 élèves fréquentent leurs
2.228 écoles et 12.342 leurs 45 collèges. Un connaît trop
les établissements de Beyrouth et de Zi-Ka-Wei, entre
autres, pour que nous ayons à insister sur l'importance de
ces maisons. »
« Dans les 14 missions des Oblats de Marie, on a relevé
5.247 conversions; 73.707 enfants fréquentent leurs écoles. »
« Dans l'Ordre dos Frères Mineurs, les Franciscains de
Chine ont réalisé, à eux seuls, 8.G07 conversions. Si nous
réunissons les conversions opérées par les Dominicains, les
Capucins, les Carmes, les prêtres du séminaire de Milan et
de celui de Parme, les missionnaires de Steyl, ceux de
Scheut-les Bruxelles, de Saint-François de Sales d'Annecy,
et les Pallottins, nous obtenons un total de 20.756. »
« Les Augustiniens de Chine, les Pères Sylvestrins de
Kandy, ceux du Divin Sauveur de l'Assam, et les Rédemp-
toristes moins répandus que les missionnaires dont il a
été déjà question, dans les missions secourues par l'Œuvre,
sont arrivés au chiffre de 1.318 conversions. »
« Les baptêmes d'adultes donnés en Afrique par les
apôtres du Continent noir, Pères de la Congrégation du
Saint-Esprit, Pères Blancs, missionnaires de Lyon, Pères
du Sacré-Cœur de Saint-Quentin, ont été au nombre de
18.500 environ. De leur côté, les Prémontrés de l'Uellé, le.s
Prêtres de la Consolata de Turin, ceux de Mill-Hill, les
prêtres séculiers du Cap, et les Oblats de Saint-François de
Sales, du fleuve Orange, en ont obtenu 2.569.
• Dans les missions d'Océanie, desservies par les prêtres
des Sacrés-Cœurs de Picpus, les Maristes et les mission-
naires du Sacré-Cœur d'Issoudun, il y a eu 3.895 con-
versions. » .
— 52 —
Avant (le passer aux réflexions que suggère la lecture
de ces chiffres, nous devons faire observer que si les Oblats
de Marie Immaculée ne sont pas mentionnés parmi les
apôtres qui, sur le continent africain, ont administré lo
saint baptême aux adultes hérétiques ou infidèles, leur
omission n'est qu'apparente, puisque dans l'alinéa que le
rapport consacre aux Oblats, le total de 5.247 conversions
comprend l'ensemble de nos missions. Nous devons même
à la vérité de dire que, quant au nombre de baptêmes
d'adultes et relativement au nombre des missionnaires, les
missions africaines de Natal et du Basutoland l'emportent
sur toutes les autres de nos missions, et que, Dieu en soit
béni, leur nombre progresse d'une manière consolante,
d'année en année, pour dépasser ensemble le chiffre de 2.00(1
conversions, pendant le dernier exercice.
D'ailleurs, quant aux résultats acquis, il ne nous appar-
tient pas plus de faire des rapprochements entre notre
Congrégation et les autres Sociétés religieuses que d'établir
des comparaisons entre nos différentes missions. Il fau-
drait, pour le faire utilement, avoir sous les yeux tous les
éléments d'appréciation et Dieu sait s'ils sont nombreux,
délicats et complexes !
Qui ne sait de plus, que les résultats ne répondent pas
toujours, en proportion exacte, aux efforts des mission-
naires? Voudrait-on ne considérer que le travail prépara-
toire aux conversions d'adultes? Mais il varie presque du
tout au tout selon les temps, les pays, les moeurs, et les
individus.
Rien que le tableau des difficultés qui viennent des
circonstances, et que le zèle de Tapôtre est impuissant trop
souvent à renverser est effrayant. Il faut bien le recon-
naître, ces difficultés abondent dans les missions qui nous
sont confiées. Ici la population est nomade, disséminée en
un vaste désert, là les tribus sauvages sont pour la plupart
converties et celles qui depuis 00 ans résistent à la grâce
n'offrent plus de prise au zèle du missionnaire que dans
— 53 —
une bien faible mesure. En tels Vicariats, la population
catholique est pour ainsi dire apeurée de son petit nombre,
jierdu au milieu des protestants; en d'autres, l'immigration
s'emparant de pays entiers, bouleverse en quelques années
tous les plans anciens d'apostolat et ne laisse d'autre
ressource à nos Pores que de parer au plus pressé. Un jour,
on rencontre le fanatisme violent de l'hérésie, ou bien l'on
est en butte aux attaques désespérées du paganisme ; le
lendemain il faut défendre les âmes contre l'or de sectes
qui vont jusqu'à payer des primes à l'apostasie et em-
pêcher les conversions au moyen de subsides; ou bien
encore, en telle contrée l'abaissement des mœurs est si
;:énéral, la dégradation si profonde que ce n'est qu'après
un long stage que le saint baptême peut être administré
avec prudence et discrétion.
Ces obstacles, déjà nombreux, ne sont pas les seuls qui
se dressent devant le missionnaire. Les entraves lui vien-
nent encore du manque de ressources, sans parler des tra-
casseries de certains chefs en pays sauvages ou d'admi-
nistrations peu bienveillantes en pays civilisés. Ajoutez à
cela que l'envoyé de Dieu se trouve exposé, ici, aux
rigueurs d'un climat glacé , là , aux ardeurs d'un soleil
brûlant, et que le travail de paitre les brebis de la maison
d'Israël est déjà tellement écrasant que le pasteur peut à
peine en accueillir de nouvelles dans un bercail qu'il ne
parvient à garder qu'en poussant le dévouement jusqu'à
l'héroïsme.
En de telles circonstances, faut-il s'étonner que le nombre
«les conversions ne soit pas aussi élevé qu'on le désirerait ?
Peut -on s'étonner même qu'il ait fléchi en ces dernières
années et soit tombé de G.414 en 1908 à 5.247 en 1909 et
4.908 en 1910?
Oh ! assurément, ce n'est pas sans un amer regret que
les nôtres, en dépit de leurs efforts, ont vu se ralentir
presque partout la marche de leurs conquêtes et diminuer
le nombre de leurs victoires. Quel serrement de cœur doit
— 54 —
être le leur et combien pénible quand ils se voient impuis-
sants à faire davantage !
Le Catholicisme peut-il borner ses aspirations et se
contenter d'une partie même prépondérante de l'humanilé?
mais les missionnaires savent fort bien qu'il est de la na-
ture de la seule vraie Foi d'aspirer à la conquête de toutes
les âmes répandues dans le monde et — ils ne l'oublient
pas — que c'est sur eux, avant tous autres, que l'Eglise,
l'Epouse Immaculée du Christ, compte pour les lui amener.
Et elles sont nombreuses les âmes qui sont en dehors de la
voie du salut. Sans sortir du champ où s'exerce l'action de
la Congrégation, disons seulement qu'à côté de moins de
600.000 catholiques, il y a plus de un million et demi d'hé-
rétiques et cinq millions et demi d'infidèles, soit une pro-
portion de 3 hérétiques et 9 infidèles pour un catholique.
On le voit, la tâche est immense et c'est le cas de répéter
après le divin Maître : La moisson est grande, les ouvriers
peu nombreux.
Si l'on ne peut, sans cruauté, réclamer de nos vaillants
apôtres un redoublement d'efforts quand on sait qu'ils suc-
combent sous le faix, nous devons, du moins, tous faire
vMlence au ciel par nos prières, nos sacrifices et nos bonnes
oeuvres, afin d'obtenir que Dieu dans sa miséricorde envoie
dans son champ nombre de bons ouvriers apostoliques et,
par l'intercession de notre Mère Immaculée, Il répande sa
grâce eh telle abondance ^[ue, par le travail de nos mis-
sionnaires, hérétiques et païens ouvrent enfin les yeux à la
lumière de la vraie Foi et leurs âmes aux rayons de la
divine Charité.
Nos Frères junioristes, novices et scolastiques, tout spé-
cialement, s'en souviendront dans leurs exercices de piété
et participeront ainsi à l'apostolat de leurs aînés en atten-
dant qu'ils puissent en partager les fatigues et les récom-
penses. Ils prieront aussi pour tous ceux qui, par leurs
aumômes à l'Œuvre de la Propagation de la Foi, per-
mettent à nos missionnaires de livrer les bons combats et
d'assurer la continuation des œuvres saintes qu'ils ont
entreprises pour la gloire de Dieu, le salut des âmes et
l'honneur de notre chère Congrégation.
L. .T.-G. et M. I.
PROVINCE DU CANADA
Lettre de S. G. Mgr l'Archevêque de Québec
au R. P. Legault, O. M. I., curé de Saint-Sauveur.
Archevêché de Québec, 25 novembre 1910.
Mon Révérend Père.
Votre belle paroisse de Saint-Sauveur se distingue entre
toutes les autres par la dévotion envers le Très Saint
Sacrement : c'est une de mes consolations et j'en rends
grâces à Dieu tous les jours. Elle mérite des félicitations et
je suis heureux de les lui offrir.
L'adoration que vos milliers d'ouvriers font tous les
mois au retour de leur travail est un spectacle des plus
édifiants : partout on en parle avec une admiration enthou-
siaste. Les étrangers, qui ont assisté à vos Congrès et qui
ont vu cette foule de travailleurs se presser dans votre
grande et belle église, s'agenouiller pieusement, prier avec
ferveur Jésus-Hostie, et chanter à plein cœur : « Nous
voulons Dieu n, puis s'en retourner chez eux joyeux et
réconfortés, ne tarissent pas en éloges et proclament qu'ils
n'ont jamais rien vu d'aussi beau. — Ils ont raison : il y a
peu d'endroits au monde où se produise une pareille mani-
festation de foi et de piété envers la sainte Eucharistie.
Les communions sont devenues de plus en plus fré-
quentes ; le bien qui en résulte pour votre peuple est consi-
dérable et doit vous être un puissant encouragement dans
l'exercice de votre saint ministère.
— 56 —
Vous voulez fa re encore davantage et répondre au désii'
de vos ouailles, — désir qui est bien selon votre cœur —
en établissant dans votre église l'adoration diurne du Saint
Sacrement.
Vous me demandez d'approuver ce pieux projet. Je le
fais avec le plus grand plaisir, bien convaincu que la foi,
l'amour de Dieu, et la pratique des vertus chrétiennes s'af-
fermiront de plus en plus dans les âmes des adorateurs et
des membres de leurs familles.
Je prie le divin Maître de répandre ses plus précieuses
bénédictions sur vos braves paroissiens et sur les dévoués
religieux qui travaillent à leur sanctification avec un zèle
infatigable.
Veuillez agréez, mon Révérend Père, l'expression de mes-
sentiments les plus dévoués en Notre-Seigneur.
f L. N., Archcv. de Québec.
N. B. — L'adoration perpétuelle établie le G novembre 1910,-
compte aujourd'hui plus de 3.500 membres. H. L.
PROVINCE D'ALLEMAGNE
Extraits de lettres.
/. — Engelport.
La maison de Maria Engelport compte actuellement
11 Pères, 32 Frères et 8 novices convers.
Les Pères missionnent dans les diocèses de Trêves,
Metz, Mayence, Cologne, etc. Ils sont recherchés de plu»-
en plus, et bien que leur nombre ait été augmenté derniè-
rement, nous sommes loin de suffire aux demandes, écrié
le R. Père Supérieur.
A la maison, le noviciat des Frères convers compte ordi-
— 57 —
nairement de 7 à 8 novices. Nous aimerions à voir ce
nombre s'accroître, mais ce n'est pas facile. Beaucoup
de Congrégations cherchent à se recruter, et d'ailleurs
l'esprit matérialiste de notre temps prédispose peu à em-
brasser une vocation de dévouement sans éclat devant les
hommes comme l'est celle de nos Frères convers.
Le bon Dieu a pourtant permis que nous trou^•ions un
moyen de faire du bien aux âmes tout en favorisant le
recrutement des vocations. Je veux parler des retraites que
nous avons commencé à donner dans notre maison. Nous
pouvons y aliriler commodément de 40 à 50 retraitants.
Jusqu'ici 8 retraites ont été prêchées, et elles étaient de
plus en plus suivies : 5 étaient données à des artisans et
jeunes ouvriers, et 3 à des conscrits avant leur départ pour
l'armée.
De plus nous groupons de jeunes étudiants dans le but
de leur assurer les avantages des exercices de la retraite,
et, nous espérons, avec l'aide de Dieu, étendre davantage
cette organisation dans le courant de l'année 1911.
Au point de vue matériel, on n'y gagne absolument rien
sinon beaucoup de travail, de soucis et de responsabilités ;
mais comme je le disais plus haut, un grand bien est fait
à de nombreuses âmes et nous aurons de plus la chance
d'avoir un plus grand nombre de sujets.
II. — Hûnfeld.
A Schlirchtern,le 4 décembre dernier, le R. P. Dindinger,
de Hûnfeld, se trouvait parmi les 400 ou\Tiers italiens em-
ployés à la construction d'une ligne de chemin de fer. Ils
fêtaient la sainte Barbe, leur patronne.
Il y eut grand'messe et sermon italien de trois quarts
d'heure.
Malheureusement, personne ne voulut s'approcher des
sacrements, et le Père y tenait d'autant plus que 19 seule-
ment ont satisfait au devoir pascal.
— 58 —
Le respect humain est un terrible fléau pour ces pauvres
■ouvriers, car ils ne sont pas sectaires ; ils vous assurent
même le plus tranquillement du monde qu'ils sont de bons
chrétiens : buoni crisiianl.
Le fait est que, chez eux, dans leur paroisse, ces ouvriers
ne voudraient pas manquer de faire leurs Pâques. Ne les
feraient-ils pas également ailleurs, si avant de quitter l'Italie
ils étaient prévenus, instruits, exhortés ? C'est la question
que se pose le Père avec ceux qui, comme lui, ont éprouvé
la même tristesse en face de l'abandon des pratiques reli-
gieuses de la part de ces pauvres gens. Il n'est pas en notre
pouvoir d'y répondre ni surtout, hélas ! de remédier à ce
"déplorable état de choses.
PROVINCE DE MANITOBA
La visite de l'archevêque ruthène
de Leopol ou Lemberg.
Sa Grandeur Mgr le comte André Szeptychi, archevêque
ruthène de Leopol, a, pendant plus d'un mois et demi,
mené une vie apostolique dans toute la force du terme.
Des provinces de l'Ouest canadien, et jusqu'au Pacifique,
puisqu'il a officié à Vancouver, il a parcouru et visité
tous les endroits les plus importants, sans négliger de
s'arrêter môme en certaines colonies peu nombreuses et
peu opulentes.
Il passait ses journées à prêcher, à confesser, à baptiser
et à catéchiser. Sa place favorite a été le tribunal de la
pénitence. C'est là que, comme un autre Josaphat, son
cœur de père est entré en contact intime avec ses enfants.
Les « Cloches « de Saint-Boniface regrettent que la
jeunesse des séminaires, petits et grands, n'ait pas été
— 59 —
témoin du spectacle touchant qu'offrait cette vie de mis-
sionnaire qui leur serait apparue alors dans sa réelle
grandeur.
De cette visite, le cœur du bon pasteur est revenu affligé
à la vue des maux qui menacent les catholiques ruthènes
au Canada.
L'indépendance, le schisme russe, la révolte de quelques
prêtres apostats ont fait beaucoup de victimes; mais le
4anger le plus grand, c'est l'irréligion. L'irréligion, c'est le
résumé des autres dangers, comme c'est aussi la conclu-
sion naturelle du manque de prêtres pour desservir la
population.
Ce qui fait trembler le plus l'archevêque ruthène, c'est
l'état déplorable dans lequel grandit l'enfance. Il a remar-
qué que, lors de ses visites, les adultes affluaient. Or, les
familles ruthènes sont nombreuses; où étaient les enfants?
Dans telle colonie, à peine l'archevêque a-t-il pu trouver
une dizaine d'enfants à catéchiser sur environ cent cin-
quante personnes présentes. Cette indolence des pai'ents
est ordinaire. Les missionnaires s'en plaignent, car elle
les met dans l'impossibilité, dans leurs rares visites,
d'atteindre la portion chérie du troupeau, l'enfance. Heu-
reux les quelques postes qui ont des religieuses! Il faudrait
les multiplier comme aussi il faudrait multiplier les
pasteurs. Sans cela, que deviendra la génération qui
grandit? Que deviendraient les Ruthènes, si l'on ne don-
nait suite au suprême effort né à l'époque du concile de
<3uébec ?
Les misssionnaires font bien tout ce qui est possible, et
le Métropolitain de Lemberg leur rend cet hommage, mais
ils ne sont pas assez nombreux. Une grande partie de leur
temps se passe en voyage. D'ordinaire, ils peuvent à peine
réunir plus de deux cents fidèles à la fois, tant la popu-
lion est disséminée.
GO —
VICARIAT DU MACKENSIE
Mission Saint-Isidore, Fort Smith.
Lettre du R. P. Gouy.
Aujourd'hui, j'ai encore à vous annoncer mon chan-
gement : je suis vraiment comme le Juif errant. Après un
an au fort Norman, me voilà maintenant au fort Smith,
c'est-à-dire à l'entrée du pays ; j'ai ainsi passé d'une
extrémité du pays à l'autre. Ce qu'il y a de bon, c'est que
je me suis bien rapproché de la civilisation : ainsi, je puis,
d'ici , communiquer avec le monde extérieur presque
chaque mois, tandis qu'en bas, au fort Norman et ailleurs,
nous n'avons que deux occasions par an pour correspondre
avec l'extérieur. De ce côté-là donc, mon changement a du
bon. Mais, d'un autre côté, ce qu'il y a de pénible pour
moi, c'est que j'arrive à un poste où je suis seul, ne con-
naissant ni la langue ni les gens. Je parle parfaitement
deux dialectes : esclave et peau de lièvre; mais ici, c'est
le montagnais : je ne l'ai jamais appris.
Tout le long du chemin, pour me rendre ici, je trouvais
mes anciennes missions, mes anciens paroissiens. Partout
on aurait bien voulu m'arrêter, et j'aurais été content
moi-même de m'arrêter dans l'une ou l'autre. Mais Sa
Grandeur ne voulait rien entendre, c'était au fort Smith
qu'il me voulait et pas ailleurs. Me voilà donc au fort
Smith depuis le mois d'août dernier.
La population se compose de sauvages montagnais, deux
• ents peut-être, de quelques métis Français et de quelque»
Anglais, commis de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Le
français est généralement assez parlé et compris surtout,
l'anglais aussi. Je prêche donc en français.
Le fort Smitli est une place importante. Depuis quelque.'i
— Gl —
années, on en a fait le chef-lieu du Mackensie, pour le
commerce. C'est en même temps l'entrée du pays. Tout
ce qui rentre dans le Mackensie, personne ou marchandise,
doit passer ici, ce qui donne beaucoup de vie à la place
en été. Toutes les marchandises sont débarquées à sept
lieues d'ici, et de là transportées en charrette jusqu'au fort
Smith, pour être embarquées de nouveau et conduites à
destination. Ce transport coûte assez cher, aussi Monsei-
gneur voudrait que nous fissions nous-mêmes le transport
de tous les objets de mission, et c'est pour cela qu'il a
résolu d'établir à la mission une ferme pour entretenir
des animaux destinés au portage des marchandises, et
aussi des animaux de boucherie pour les missions du
Nord, qui n'ont pas la facilité d'élever des bestiaux
comme ici.
Nous commençons donc une ferme. J'ai trois Frères
convers avec moi pour faire le travail extérieur. Nous
avons dû commencer par bâtir une étable, puis il nous
faudra bâtir pour nous-mêmes une maison raisonnable,
car là où nous sommes logés, il y a de la place pour deux
et nous sommes quatre.
Petit à petit nous nous établirons, mais nous avons un
peu de misère cette année, car il nous est arrivé des
animaux de la rivière de la Paix , par l'entremise de
Mgr Grouard, et nous ne sommes pas prêts encore. Il faut
cependant nourrir et loger tout cela, ce qui me cause du
souci et bien des dépenses également. En ce moment, j'ai
plus de 100 dollars de dettes envers la Compagnie de la
Baie d'Hudson. Il me faut, moi aussi, payer de ma per-
sonne et faire le charretier, le vacher, le cuisinier et
l'architecte à l'occasion. Plus tard, je me propose de vous
parler plus longuement de ma nouvelle mission.
— 62 —
VICARIAT DE CEYLAN
Bénédiction de la première pierre du Noviciat
et de la maison de missionnaires à Bambalapitiya^.
La cérémonie a eu lieu à 5 h. j-i du soir, le beau jour de
l'Immaculée Conception de la très sainte Vierge. Si le
mauvais temps n'y avait mis obstacle, cet événement eût
été célébré avec transport et enthousiasme par les fidèles
de Colombo, tant en raison de la portée de l'œuvre qui
commence qu'en raison de la reconnaissance et de la
sympathie que les catholiques éprouvent à l'égard de ceux
qui, depuis bientôt trente ans, pourvoient avec un si
grand désintéressement à leurs besoins spirituels.
I.a pluie n'empêcha pas cependant le R. P. Conrard, qui
surveille les travaux de la construction, de faire les
préparatifs de circonstance pour la cérémonie. L'allée
conduisant de la route à l'emplacement de la bâtisse était
décorée de jeunes feuilles de cocotier, et au lieu même où
devait se dérouler la cérémonie, on avait érigé un bel arc
de triomphe.
A l'heure fixée, le R. P. Brault, Vicaire général de
Colombo, arrive, accompagné du R. P. J. CoUin, Vicaire
des missions, et les rites de la bénédiction s'achevaient
quelques minutes après. La pierre angulaire bénite est un
bloc de marbre, avec l'inscription de la date et autres
indications d'usage.
La bénédiction terminée, le R. P. Gollin adressa au
R. P. Brault un discours que nous sommes heureux de
reproduire, ainsi que la réponse qui l'a suivi.
Révéuend Pkre Vicaire général,
« Je vous remercie très cordialement, en mon nom et au
nom de toute la Congrégation des Oblats de Marie Imma-
— 63 —
culée, d'avoir bien voulu répondre uvec empressement à
notre invitation et d'être venu ici pour bénir la pierre
angulaire de cette maison. Mes remerciements, en passant
par vous, vont à Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque,
qui vous a chargé d'accomplir, en son nom, cette bénédic-
tion (1). Je vous prie donc d'offrir à Sa Grandeur l'hom-
mage de ma reconnaissance pour les encouragements
qu'Ëlle a bien voulu nous donner au sujet de cette entre-
prise.
« Les fondations déjà posées sont destinées au noviciat
des Oblats de l'île de Ceylan. Deux autres constructions
s'élèveront l)ientôt après celle-ci, l'une pour la chapelle,
l'autre pour la résidence d'un certain nombre de Pères
choisis pour se consacrer exclusivement aux travaux de
missions et retraites dans le» villes et les villages. Le
ministère des missions est, en effet, la fin principale de
notre Congrégation, le but premier de son origine. Jus-
qu'ici, le manque de prêtres séculiers nous a obligés de nous
occuper du ministère paroissial, et nous-mêmes, en nombre
insuffisant, nous n'avons pu donner des missions comme
nous l'aurions voulu. Quelques missions en règle, il est
vrai, ont été données, il y a bien des années, dans le nord
de l'ile, par les premiers Oblats venus à Ceylan, Mgr Sé-
méria, les RR. PP. Bonjean et Chounavel. Les rares survi-
vants de ces heureux temps s'en souviennent encore comme
d'un événement et parlent avec enthousiasme des fruits
merveilleux et consolants que produisaient les missions.
Notre doyen, le R. P. Chounavel, aime, lui aussi, à parler
de ce « bon vieux temps » — « le plus lieureux », dit-il —
et soupire après le jour où il lui sera donné de le voir
revenir. J'espère qu'il n'aura pas trop à attendre. La béné-
diction de la pierre angulaire est le premier pas fait dans
la réalisation de son désir et du nôtre. Avec la grâce de
Dieu, les encouragements de Monseigneur et l'aide géné-
reuse de nos bienfaiteurs, cette maison s'élèvera bien vite
et abritera un groupe de missionnaires zélés qui parcour-
ront le pays en annonçant la parole de Dieu.
« Maison et chapelle sont dédiées à saint François
Xavier, l'apôtre des Indes et de Ceylan, le patron et le
(1) Mgr Coudert, archevêque de Colombo, est allé vénérer le corps
de saint François Xavier, h Goa (Indes Portugaises), au commen-
cement du mois de décembre. Sa Grandeur n'était pas de retour le
« décembre. . (N. D. L. R.)
— 04 —
modèle des missionnaires, et sur les traces duquel nos
Pères s'efforceront de marcher. Comme saint François
Xavier, ils iront, la croix en main, faire connaître à tous
l'amour, la miséricorde et les jugements de Dieu, appeler
les pécheurs au repentir, annoncer Celui qui est le salut :
Notre Seigneur Jésus-Christ; faire briller la lumière de
l'éternelle vérité à ceux qui sont assis dans les ténèbres, à
l'ombre de la mort.
« Je remercie tous ceux qui, en dépit de l'inclémence du
temps, sont venus assister à cette cérémonie. La sainte
Ecriture nous dit que la charité est plus forte que la mort
et que les grandes eaux ne sauraient l'atteindre, ni la
submerger de leurs flots. Nous en avons ici un exemple,
puisque le mauvais temps n'a pu arrêter la foule accourue
en nombre considérable. Merci, de nouveau, mon Révé-
rend Père, en mon nom et au nom de tous les Oblats, d'être
venu bénir cette pierre angulaire. »
Le Révérend Père Vicaire général répondit :
« Mon Révérend Père provincial,
* L'absence de Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque
me donne le privilège de présider cette cérémonie. J'éprouve
un vif plaisir de bénir la pierre angulaire du bâtiment des-
tiné au Noviciat des Oblats de Marie Immaculée. Ce fait
ouvre une ère nouvelle dans l'histoire de la Congrégation à
Ceylan. Depuis le temps de leur arrivée à Ceylan et spécia-
lement depuis que l'archidiocèse a été confié à leurs soins,
les Oblats ont été si occupés à bâtir de nouvelles églises et
de nouvelles écoles qu'ils n'ont pas eu le temps de penser
à eux-mêmes. Tandis que les Frères des Ecoles chrétiennes
et les Sœurs indigènes avaient leurs noviciats, nos novices
n'ont pas eu jusqu'ici de demeure stable et, pendant ces
30 ans écoulés, les exercices du noviciat n'ont pu avoir lieu
deux fois à la même place. Le bâtiment projeté a donc
pour but de combler une lacune qui n'a duré que trop
longtemps, et les séminaristes qui se sentiront inclinés h
•embrasser la vie religieuse auront une maison salubre où
ils trouveront toute facilité pour étudier leur vocation et
s'entraîner à l'accomplissement des observances religieuses.
« Je suis heureux de vous entendre dire qu'en outre du
bâtiment qui s'élèvera ici, il y en aura un autre destiné à
un groupe de missionnaires exclusivement voués à la pré-
— 65 —
dication des missions et des retraites dans les ditTérentes
parties de l'arcliidiocèse. Au nom de Sa Grandeur Monsei-
gneur l'Archevi'que, je souliaite vivonu'iit la réussite de ce
projet. La prtkiication des missions est, d'ailleurs, une des
principales lins de la Congrégation, et Monseigneur l'Arche-
vêque connaît bien les grands avantages spirituels que ses
ouailles retireront des saints exercices des missions. Les
missions données à Jafl'na, à Maggona, il y a quelques
années, par Monseigneur lui-raème, les retraites prôchées
à Petah, Kotahena et ailleurs, prouvent combien les fidèles
accueilleraient avec joie les fruits de bénédiction des mis-
sions et retraites et combien ils s'empres>eraient de profiter,
dans l'intérêt de leur salut, de ce puissant moyen de sanc-
tification. Les missions donnent toujours ocr-asion à des
conversions extraordinaires et impriment un nouvel élan à
la vie réellement chri'ticnne.
€ Encore que quelques missions aient été données à des
intervalles plus ou moins longs, lf> manque de prêtres nous
a empêché de rien faire dans ce geni'e d'une façon métho-
dique et suivie. Pour commencer une œuvre aussi impor-
tante, il faut non seulement un groupe de bons prédicateurs,
mais encore, dans les différentes paroisses un nombre suf-
fisant de missionnaires, pour satisfaire au surcroît de
travail que la prédication des missions entraînera après
elle dans chaque district. On peut prévoir qu'elle augmen-
tera environ de moitié le travail qui incombe présentement
au clergé.
« Quoi qu'il en soit, j'espère que d'ici quelques années,
avec le secours de nouveaux missionnaires de chez nous, et
lorsque les séminaristes de Saint-Bernard auront été ordon-
nés, vous serez à même de réaliser un dessein si cher à ^Ion-
seigneur l'Archevêque et que ses vénérés prédécesseurs,
Mgr Bonjean tout particulièrement, avaient tant à cœur.
« Vous avez évoqué, et j'en suis heureux, le nom du
R. P. Chounavel, pour l'associer à cette cérémonie. Je
suis persuadé, en efïet, qu'il est ici, de cœur, avec nous ce
soir. Il y a plus de 53 ans, — c'était au mois de sep-
tembre 1857 — le R. P. Chounavel prêchait des missions
avec le R. P. Bonjean, sous la direction de Mgr Séméria,
de pieuse mémoire. Moi aussi, à notre cher doyen, qui
jouit du privilège extraordinaire de sembler rajeunir de
jour en jour, je souhaite de ne pas chanter son Nunc di-
miltis avant d'avoir encore pris part à une de nos missions.
« Comme vous m'en avez prié, Mon Révérend Père, j'of-
5
— 66 —
frirai avec plaisir à Sa Grandeur Monseigneur l'Arche-
vêque, l'expression <le votre reconnaissance; je lui rendrai
compte de l'intéressante cérémonie que j'ai accomplie en
son nom. Je vous félicite d'avoir commencé une si belle
œuvre et j'espère qu'avec les bénédictions de Dieu et l'aide
de bienfaiteurs généreux, Monseigneur l'Archevêque aura
bientôt la consolation de bénir la maison dont j'ai eu l'hon-
neur et la joie de poser la première pierre. Je vous remercie,
ontin, de la chaleureuse bienvenue que vous m'avez donnée. »
Ceyl. Calh. Messenger.
Visite du Kronprinz à Colombo.
Leurs Majestés Impériales la princesse et le prince héré-
ditaire d'Allemagne ont séjourné trois semaines à Ceylan.
Au nombre des établissements honorés de leurs visites, il
faut mentionner le cercle allemand de Colombo, où se trou-
vaient les RR. PP. E. Vogel, curé de l'église de Tous les
Saints à Borella, et P. Schmitz, professeur au collège de
Saint-Joseph de Colombo.
Présenté par le Consul allemand, le R. P. Schmitz eut
la faveur d'un entrelien particulier avec le prince. Au cours
de cet entretien Sa Majesté rappela les acclamations nour-
ries dont elle avait été saluée, tant par les Professeurs que
par les élèves, lors de son passage devant le collège Saint-
Joseph, et exprima Texcellente impression que lui avait
causée la vue de ces centaines de jeunes gens au visage
épanoui de joie et de santé.
Avec beaucoup d'intérêt, le prince interrogea ensuite le
Père sur le nombre d'élèves fréquentant le collège et sur le
genre d'éducation qui y est donné. Il parut agréablement
surpris en apprenant que les élèves étaient préparés aux
examens de l'Université de Cambridge aussi bien qu'aux
grades ès-arts et ès-sciences.
Sur de nouvelles interrogations, le P. Schmitz déclara
qu'il appartenait à la «Congrégation des Oblats de Marie
— G7 —
Immaculée dont le scolasticat allemand est à Hûnfeld et à
laquelle sont confiées les missions de la Préfecture aposto-
lique do la Gimbébasic dans la colonie du Sud-Ouest Afri-
cain. Le Kronprinz voulut bien s'informer du nombre des
Oblats à Ceylan, de la nature et de l'élendue de leurs tra-
vaux, de leur supérieur ecclésiastique, etc., puis passant à
des questions d'ordre plus général, il se fit renseigner sur
l'état du catholicisme à Ceylan, le nombre des fidèles, etc.
Avant de terminer l'entretien, Sa Majesté exprima son
admiration de la beauté des quelques églises catholiques
qu'elle a pu voir à Ceyhvn, de la cathédrale de Colombo,
«n particulier. Du C. C. Messenger.
VICARIAT DU SUD DE L'AFRIQUE
Vicariat apostolique du Transvaal.
Dans la réunion plénière tenue le 12 décembre 1010, il a
paru opportun aux E. Pères de la Sacrée Congrégation de
la Propagande, de séparer du Vicariat Apostolique du
Transvaal, les 2 districts civils de Zoutpansberg et de
Waterberg, pour en former la nouvelle Préfecture aposto-
lique dite du Transvaal septentrional et confiée aux Révé-
rends PP. Bénédictins de la Congrégation du Mont-Cassin,
de la primitive observance.
Celte proposition ayant été approuvée par Sa Sainteté
dans l'audience accordée au secrétaire de la Sacrée Congré-
gation le 20 décembre dernier, le décret a été signé le 22
du même mois, par S. E. le cardinal Gotti, préfet de la
Propagande.
Nul doute que, comme l'indique le décret, par la création
de cette nouvelle préfecture et l'augmentation du nombre
des ouvriers, l'apostolat au nord du Transvaal ne se déve-
loppe, et la sainte Eglise ne continue ses conquêtes.
68 —
KEEWATIN
Monseigneur Ovide Charlebois, o. m. i.
Evéque de Bérénice, Premier Vicaire apostolique d-; Keeiratîn.
Le nouvel évêque appartient à une de ces famille&
patriarcales et foncièrement chrétiennes, comme il en
existe tant, Dieu merci, dans la province de Québec. Il
naquit le 12 février 18G2, à Oka, lac des deux montagnes,
diocèse de Montréal, et dès le lendemain de sa naissance,
il recevait le saint baptême.
Il fit ses études au collège de l'Assomption, puis il entra
au uovicat dt^s PP. Oblats, à Lachine, près Montréal, le
13 août 1882.
La vie religieuse semble avoir un attrait tout spécial
pour sa famille, et deux de ses frères, aujourd'hui prêtres
oblats comme lui, ne tardèrent pas à le suivre au noviciat.
Le frère Ovide fit ses vœux perpétuels juste deux ans
après sa prise d'hal)it, c'est-à-dire le 13 août 1884. Il
n'était encore qu'étudiant en théologie. Ses études ecclésias-
tiques terminées, il fut ordonné prêtre le 17 juillet 1887.
Le même jour, il reçut son obédience pour le diocèse de
St-Albert qui comprenait alors ce qui est depuis devenu le
diocèse de Prince-Albert.
Quelque cinq mois plus tard, le 5 novembre, il arrivait au
premier des deux postes qu'il ait jamais occupes dans le
Nord-Ouest. C'était la mission St-Joseph au fort Gumber-
land, piys jusque-là en grande partie protestant.
PemJant seize ans il s'y dépensa sans compter, travail-
lant de ses mains quand ses faibles ressources ne lui per-
mettaient point de se procurer de l'aide, prêchant et visitant
les sauvages qui lui étaient confiés et faisant parmi eux de
nombreuses conversions. De cette manière il se bâtit une
église convenable et mit sa mission sur un bon pied.
— G'J —
Son zèle et ses talents de bon administrateur furent
reconnus en 1890, lorsque ses supérieurs crurent pouvoir le
mettre à la tête de toutes les missions avoisinantes.
Dès lors il ajouta au soin des sauvages qui fréquentent
le fort Gumberland celui des Indiens du Pas, du Grand
Rapide et en général de la basse Saskatchewan. Tous les
ans, il se rendait par eau à Prince Albert, d'où il descen-
dait en bateau plat l'approvisionnement de ces dilïérents
postes.
Trois ans plus tard, ^7 août 1903, il succédait au
R. P. Paquetle comme directeur de l'école de Duck Luke.
Sous sa sage direction, la dette qui grevait ^établiss^ment
a été réduite à des proportions qui permettent de contem-
pler l'avenir sans trop d'appréhension.
Il fit plus, St-Michel devint sous sa houlette une école
modèle. Par sa bonté naturelle, son grand esprit de foi et
le soin tout paternel avec lequel il veillait sur ses enfants,
il réussit non seulement à faire supporter, mais même à
faire aimer le séjour dans cet établissement à des enfants
qui avaient grandi jusqu'à l'âge de raison en l'absence de
toute contrainte.
Saint-Michel compte une centaine d'enfants indiens des
deux sexes, et non seulement ceux-ci peuvent se vanter
d'être animés d'un excellent esprit, mais on peut dire que
le moindre scandale n'est jamais venu ternir le Idason de
cette belle institution.
Naiurellement le R. P. Charlebois n'y fit pas tout : il a
eu pour le seconder d'excellentes religieuses qui ne ména-
gent pas leurs peines. Mais chacun sait que les membres
suivent généralement le mouvement imprimé par la tète.
Depuis quelque temps déjà, il était question de la forma-
tion d'un nouveau Vicariat apostolique, qui comprendrait
la partie inférieure des terres arrosées par les tribulaires de
— 70 —
la Baie d'Hudson, y compris la belle mission de Saint-.Tean-
Baptisle, à l'Ile à la Crosse — lapins ancienne de toutes les-
missions du nord, puisque la fondation remonte à l'an 1844.
Cette division, décidée en principe, devint un vicariat
apostolique il y a quelque mois, et le 8 août dernier le
R. P. Charlebois en était nommé le premier titulaire avec
le titre d'évêque de Bérénice, en Lybie,
Son élévation à l'Episcopat est le digne couronnement de
23 ans d'une vie toute faite de dévouement, d'esprit de foi et
d'humble simplicité, vie de fructueux développements dans
le champ plus vaste qui vient d'être confié à son zèle.
Le sacre.
Mgr Ovide Charlebois a été sacré, le 30 novembre
dernier, dans l'église paroissale de l'Assomption, — l'église
du beau collège où il a fait ses études — sous le titre
d'évêque de Bérénice, vicaire apostolique du Keewatin. La
cérémonie du sacre qui a eu lieu en présence de Mgr l'ar-
chevêque de Montréal, assistant au trône, et qui réunissait
une quinzaine d'évêques et plus de trois cents prêtres, a
été présidée par Mgr Langevin, l'archevêque de Saint-Boni-
face, le métropolitain du nouvel évêque. Les évêques
assistants de l'élu étaient Nos Seigneurs Archambeault, de
Joliette, et Bernard, de Saint-Hyacinthe. Le Rév. Père
Dozois, provincial des Oblats, prononça le discours de
circonstance. M. l'abbé FerréolJobin, du collège de l'Assomp-
tion, eut l'honneur de lire en chaire les lettres de créance
du nouvel évêque.
Si Mgr Charlebois n'eut pas la consolation d'avoir à la
cérémonie son père et sa mère, qui sont morts, il vit
autour de lui, outre ses frères et sœurs, plus* de deux, cents
proches parents.
La cérémonie fut grandiose. Jamais sans doute l'Assom-
ption n'avait vu pareille fête. Les bons paroissiens et les
pieux écoliers se montrèrent dignes de l'honneur qu'on
— 71 —
leur faisait, par leur zèle, leur empressement et leur enthou-
siasme. Pourquoi n'ajouterions-nous pas, car le détail a son
charme, que la quête, qui fut abondante, se faisait en
faveur de la future cathédrale du Keewatin ? La schola du
collèti^e a exécuté le plain-chant et la musique avec une
remarquable précision et un goClt très sûr.
Au banquet, de remarquables discours furent prononcés
par Mgr l'Archevêque de Montréal, par Mgr l'Archevêque
de Saint-Boniface, consécrateur et métropolitain, et par M. le
chanoine Villeneuve, supérieur du collège de l'Assomption.
A chacun, Mgr Charlebois répondit avec distinction, et
n'oublia personne dans ses remerciements.
Mgr Bruchési, en exprimant au nouvel évoque ses sou-
haits de longue vie et d'apostolat fécond, rendit un pré-
cieux hommage au mérite et au dévouement des fils de
Mgr de Mazenod.
Mgr Langevin salua dans l'évêque qu'il venait de consa-
crer, les qualités du zèle avec lequel, simple missionnaire
Oblat, le P. Charlebois avait su, à l'exemple de saint Paul,
se faire tout à tous, évangéliser ses ouailles en s'adaptant
à leurs usages et en parlant leurs langues sauvages pour
les convertir et les conserver au bon Dieu. Il sera évêque
catholique donc, et apostolique.
Avec une délicatesse tout à fait charmante. Monsieur le
supérieur du collège rappela les liens qui unissaient l'évê-
que à son Aima Mater. Il eut plus d'un mot aimable à
l'adresse de la congrégation des Oblats de Marie Imma-
culée.
Mgr Dontenwill, supérieur général, était représenté par
le R. P. N. S. Dozois, assistant général et visiteur.
Le R. P. Grandin, vicaire des missions d'Alta-Sask, prit
part également à la cérémonie. A son titre officiel, il ajou-
tait celui de neveu du regretté Mgr Grandin, qui a ordonné
prêtre Mgr Charlebois.
Nous nous reprocherions, avec la semaine religieuse de
Montréal, de ne pas citer au moins un passage de l'éloquent
- 72 —
sermon qu'avait prononcé à la cérémonie du sacre le
R. P. Dozois, provincial. Nous avons gardé celte citation
pour la fin, parce qu'elle nous permettra, en faisant nôtres
les beaux souhaits, si chrétiens, qu'elle contient, d'ofifrir au
nouvel évoque nos' meilleurs vœux.
« Mes frères, l'Eglise n'est jamais plus lielle que lorsqu'elle
est persécutée, car alors elle s'empourpre du sang de son
Dieu. Jésus-Christ n'a jamais été plus beau que sur le Cal-
vaire et il savait si bien les charmes de ses larmes et de
son sang (ju'il prophétisait : « Quand je serai élevé entre le
ciel et la terre, j'attirerai tout à moi ». De même l'évéque
n'est jamais plus grand que dans la souffrance. Mgr Char-
lebois participera à la gramleur de son Maître crucifié. 11
est préparé à la mission que le ciel lui confie aujourd'hui
par l'épreuve et par le sacrifice. C'est ce que signifient les
vingt-trois ans qu'il a passés au milieu des sauvages de
l'Ouest. Au cours de ces vingt-trois années d'apostolat, je
ne sache pas qu'il ait fait naufrage, ni qu'il ait été battu
de verges, comme saint Paul, mais je sais qu'il a souffert
de la faim, de la nudité, de la fatigue excessive, et surtout
de l'isolement. Ceux qui ont eu l'avantage de lire ses édi-
fiantes correspondances, et vous en êtes, savent combien le
cœur alTectueux du P. Gharlebois a souffert de la solitude
dans laquelle s'écoula sa jeunesse sacerdotale. Loin de ses
parents, loin de tout confrère, loin de tout compatriote,
loin de tout blanc, il a travaillé avec un zèle insurpas-
sable, il a souffert en martyr, il a pleuré en saint. Et sa
carrière n'est pas finie. Placé par Dieu à la tête d'un
diocèse, d'un vicariat, qui n'offre rien aux convoitises
humaines, il ira jusqu'au Calvaire. Allez, apôtre du cruci-
fié ; votre cœur est plein de l'amour de Dieu, qu'il le
déverse sur les âmes les plus abandonnées. Allez là-bas
dans l'extrême nord, allez-y par Marie — Ad Jesum per
Mariain. — C'est là que votre modèle divin vous attend.
Votre cathédrale, ce sera la tente de toile, ou la voûte des
— 73 —
•cieux ; pour véhicule, vous n'aurez que la misérable traîne
à chiens ; votre peuple, ce sera le peuple indien ; allez au
Calvaire, allez ! »
Induit pour les missions étrangères.
Ainsi qu'il apparaîtra de la lecfcjire du texte, cet induit a
^té demandé et accordé en faveur des missions étrangères,
pour permettre aux Provinciaux et Vicaires des missions
d'obtenir par écrit le vote délibératif de leurs Consulteurs,
soit pour l'admission aux vœux, soit pour quelque autre
matière, loi-sque la réunion des membres du Conseil n'est
pas possible.
Il est publié ici, afin de ne point le séparer des observa-
tions que sa promulgation comporte.
1° Le but de cet induit n'est pas de suppléer dans les
circonstances ordinaires aux réunions des Conseils provin-
<îiaux ou vicariaux telles qu'elles sont i^rescrites par nos
saintes Règles et qui restent maintenant comme par le
passé le mode normal d'administration des Provinces ou
Vicariats ;
2° L'induit ne peut servir qu'en dehors de l'Europe « in
missionihus exleris » et dans des circonstances exception-
nelles, pour des cas imprévus ou urgents, lorsqu'une im-
possibilité physique ou morale empêchera d'agir autrement
'■ quoties aliter fieri nequeat » ;
3» Les décisions motivées des Consulteurs devront être
données par écrit et conservées aux archives provinciales
ou vicariales, pour être produites en cas de besoin;
4° Une copie certifiée conforme des lettres dans lesquelles
les Consulteurs auront fait connaître leurs voles motivés
devra être jointe au dossier qui sera soumis à l'approba-
tion du Supérieur Général et de ses Assistants ;
5» Les décisions du Conseil provincial ou vicarial ne
sauraient être approuvées par le Conseil généralice si les
— 74 —
prescriptions ci-dessus n'ont pas été observées, et notam-
ment si le Supérieur Général n'admet pas le bien-fondé
des motifs qui ont donné lieu à la consultation par écrit.
C'est sous ces réserves et à ces conditions seulement que
le Supérieur Général promulgue l'induit dont la teneur
suit :
Beatissime Pater,
Vicarius Generalis Congregationis Oblatorum Beafœ
Marine Virginis Immaculataî ad pedes Sanctitatis Vestrre
humillimeprovolutus exponitquod m exteris Missionibus,
ob niniiam locorum distantiam non raro accidit ut impos-
sibile prorsus sit cum Provinciali aut cum Missionum
Vicario ejusdem consultores convenire, statutis a Constitu-
tionibus temporibus. Unde, inter alia inconvenientia istud
sequitur quod, cum juxta easdem Constitutiones requiratur
votum deliberativum Concilii }irovincialis seu vicarialis
pro admissione ad vota, vota ipsa debito tempore nuncu-
pari non possint, addito etiam quod admissio confirmari
debeat a Superiore Generali, qui in Europa sedem habet.
Quapropter enixe petit Orator ut in dictis Missionibus,^
quoties aliter fieri nequeat, Provincialis seu Missionum
Vicarius, salva validitate tum in hac votorum materiœ,
tum in alia quacumque, Consultorum mentem per litteras
exquirere valeat.
Et Deus...
Vigore specialium facultatum a SSmo Domino Nostro
concessarum. Sacra Gongregatio Negotiis Religiosorum
Sodalium pr?eposita, attentis expositis bénigne adnuit pro
gratia juxta preces. Gontrariis quibuscumque non obstan-
tibus. Datum Romaî 27 Augusti 1910.
Fr. S. G. Gard. Yi\es, prœfeclKS.
J. Cherubini, subsecrelarius.
Concordat cum originali.
Roma?, 3 Septembris 1910.
AUG. DONTENWILL, 0. M. /.,
Arch. PloUmaïs,
— éi)
Médailles-scapulaires.
En attendant la publication du texte officiel du décret du
16 déc. 1910, dès aujourd'liui nous en donnons le résumé
ainsi que des déclarations qui les suivent.
En vertu de ce décret, les fidèles pourront remplacer par
une seule médaille métallique tozis les scapuluircs approuvés
par le Saint-Siège, à l'exception de ceux des Tiers-Ordres.
En portant cette unique médaille au cou, ou de toute antre
façon convenable sur eux-mêmes, les Qdèles jouissent de
toutes les indulgences et de tous les privilèges appliqués
aux dits scapulaires, y compris le privilège sabbatin.
Cependant le Souverain Pontife exhorte ardemment les
fidèles à continuer de porter les scapulaires en étoffe :
Ssmus D. N. D. Plus divind P. P. X. Vehemenler exhortât
ut eadem scapularia, quo hucusque modo consueverunt,
fidèles dcferrc prosequantur.
La médaille devra représenter au recto l'image de Notre-
Seigneur montrant son divin Cœur et au verso celle de la
très sainte Vierge. Cette médaille devra être bénite par
autant de signes de croix qu'il y aura de scapulaires aux-
quels elle devra se substituer, après que ces scapulaires
auront été imposés selon le rite ordinaire. Cette bénédiction
peut être donnée par tout prêtre ayant le pouvoir d'imposer
ces scapulaires.
Déclarations du même jour, i6 déc. i9i0.
I. Les médailles bénites en vertu de pouvoirs antérieurs
au décret ci-dessus, continueront à remplacer les scapu-
laires aux conditions qui ont été fixées quand les dits pou-
voirs ont été accordés.
II. Tous les prêtres, séculiers ou réguliers, conservent
pendant 5 ans — mais 5 ans seulement à compter du jour de
la concession — les pouvoirs qui leur ont été accordés, soit
— 76 —
directement, soit par délégation. Ils pourront, pendant ce
leni])s, même s'ils n'avaient pas les pouvoirs de bénir les
scapulaires, })ériir partout lesdiles médailles, à condition
pourtant de se conformer aux prescriptions du décret
ci-dessus, quant aux effigies de la médaille, etc.
III. Quant à ceux qui jouissaient de la faculté de subdé-
léguer (accordée à notre R™^ Supérieur général), il leur est
notifié que cette faculté cesse par la promulgation dudit
décret qui pourvoit sufiisamment aux avantages spirituels
des fidèles.
ECHOS DE LA FAMILLE
Le présent numéro contient le Décret du Saint-Siège sur
Tàge d'admission des enfants à la première communion.
Qu'il nous soit permis de faire remarquer, à cette occasion,
que la doctrine et la pratique qui y sont rappelées étaient
déjà suivies en 1833, par notre vénéré Fondateur.
On lit, en cflVt, dans les avis ajoutés à l'Ordo de cette
année-là, pour le diocèse de Marseille, que Monseigneur
l'Evêque recommande aux curés de ne pas attendre, pour
admettre les enfants à la première communion, que ceux-ci
aient atteint un âge fixé à l'avance, le même pour tous;
mais qu'on doit les préparer au plus tôt à la recevoir digne-
ment dès qu'ils sont parvenus à l'âge de discrétion.
Après vm voyage heureux en dépit d'une mer tourmentée,
le R. P. N.-Servule Dozois, Assistant général, est arrivé à
Winnipeg (Man ) la veille de l'Immaculée Conception, pour
la visite canonique du Manitoba. Depuis ce temps, fervet
opus : 22 ou 23 maisons on résidences à visiter. Le chemin
— 77 —
de fer, il est vrai, conduit à toutes les missions, sauf une
ou deux pour lesquelles il faudra recourir à l'antique voi-
ture. l"]t là-bas, la saison est rigoureuse. Le 24 décembre
au matin, comme le R. Père Visiteur se rendait à Winnipeg,
le thermomètre marquait près de 3U degrés centigrades au-
dessous de zéro. A Rome, on jugerait qu'il fait froid...
Le R. P. Eugène RalTie, Assistant général, après avoii-
prêché les exercices de la retraite aux professeurs de l'éta-
blissement d'Immensée (Suisse), s'est dirigé vers la Bel-
gique pour la visite canonique des maisons de la Province.
Le R. Père Visiteur est rentré à Rome, en bonne santé, le
31 janvier.
***
C'est en la belle fête de l'Immaculée Conception le 8 dé-
cembre dernier, à San Antonio, Laurel Heights, qu'a été
inaugurée la maison provinciale de la deuxième province
des Etats-Unis.
La gravure qui a paru dans le Messenger suffit bien
pour donner une idée de cette belle construction, mais ne
permet pas d'en faire une description. On voit deux étage»
au-dessus du sol et l'ensemble paraît parfaitement adapté
aux conditions du climat au Texas.
Un rapport détaillé suppléera, sans doute, au silence du
journal. Toutefois si celui-ci n'entre dans aucun détail sur
la maison, et les cérémonies de l'inauguration, il publie
une note très sj-mpathique sur l'œuvre accomplie par les
Oblats de la Province et, on le conçoit, sur l'entreprenant
Provincial qui la dirige.
Sans parler des missions mexicaines dont on ne peut
rien dire en quelques lignes, notons à l'actif de la paroisse
Sainte-Marie à San Antonio, la construction et l'aménage-
ment aujourd'hui terminé d'une superbe école libre dont le
coût s'élève à 60.000 dollars.
— V» —
^**
Au jiiniorat de Saint-Boniface, une fête tout intime, à
laquelle n'ont pris part (jue des Oldats, a été célébrée le
15 décembre, en l'honneur du R. P. Dozois, visiteur.
Des 53 junioristes qui suivent les cours du collège de
Saiiit-Bonifaoe, 28 sont canadiens, les autres se répartissent
en 8 nationalités diiTérentes. Ce seul fait montre bien que
le Canada, sans cesser d'être lui-même, accueille des immi-
grants de toutes ou presque toutes les nations qui sont
sous le ciel.
^ *
La retraite des Sœurs de la Sainte-Famille au couvent
<le Jaffna a été prêchée, cette année, par Sa Grandeur
Mgr Joulain, évoque de Jaffna.
Nous apprenons avec regret, par les Cloches de Sainl-
Boniface, que Sa Grandeur Mgr Langcvin a dû séjourner
quelques semaines à l'Hôtel-Dieu de Montréal, à la suite
d'une indisposition aggravée d'une grippe. Les Missions et
tous leurs lecteurs forment les vœux les plus ardents pour
que Dieu rende, au plus tût, la santé au méritant prélat.
On compte, cette année, 33 élèves au petit séminaire do
.Saint-Albert. Le R. P. Nordmann, supérieur, est assisté de
l Pères Oblats et d'un prêtre séculier.
Un mot d'une lettre de remerciements écrite à notre
Révérendissimo Père.
Trois Pères Oblats et une Sœur de la Sainte-Famille,
puis six autres frères et sœurs, en tout une couronne de
— 79 —
dix enfants entouraient la « bonne maman Simonin » âgée
de 82 ans. Dt^puis 30 ans, telle réunion ne sVtait point vue.
Les affaires terminées, le cœur content, chacun est
retourné à son poste, i)lus décidé que jamais à se dépenser
pour le salut des âmes.
***
Depuis quelques années, les Bulletins paroissiaux se
répandent de plus en plus, un peu partout. Ce moyeu
d'apostolat, qui semble entrer dans les habitudes actuelles,
ne pouvait être néglif^é par les nôtres, toujours prêts à
s'adapter, dans les limites de notre sainte vocation, aux
exigences de la situation.
Sans prétendre être complet, nous signalons les suivants,
pour les avoir reçus avec plaisir :
Le Bulletin paroissial de Saint-.] ean-Baptiste de LowcU,
qui dès son apparition a pris les proportions d'une véritable
brochure de défense et de propagande religieuse.
Avant lui et le jdus ancien peut-être, est celui de Jersey,
transformé depuis peu sous le titre de En avant.
Dans les pays de langue anglaise, la forme diffère parfois,
mais le but poursuivi est le même : faire pénétrer dans les
familles les avis du prêtre, intéresser les fidèles aux
choses de la religion, spécialement dans la paroisse, etc.
A Natal, le bulletin s'intitule Enurianuel Caihedral
Magazine.
A Lcith, c'est le CaUiolic parish Magazine.
Dans les Missions Galloises, le R. P. Trcbaol fait paraître
son Messager de l'Eglise catholique, en deux langues ;
anglais et gallois.
Hebdomadaires ou mensuels, ces bulletins font beaucoup
de bien et atteignent même ceux qui ne vont pas régulière-
ment aux offices de l'Eglise.
— 80 —
-:.*^
Nos Petites Annales ont déjà fait connaître que le feu
avait entièrement détruit, la veille même du jour fixé pour
leur bénédiction par Mgr Pascal, les ateliers de la presse
du Patriote de l'Ouest, journal dirigé par le R. P. Morice.
Aux pertes matérielles assez considérables s'ajoute la des-
truction de livres rares et de manuscrits précieux pour
l'histoire du Canada.
Une faute de ponctuation, dans l'impression de notre
dernier numéro, a changé le sens d'une phrase du discours
du R P. Tatin, au sujet de notre vénéré Fondateur, lors-
qu'il présidait la méditation des scolasliques à Montolivet.
« Asseyez-vous », s'adressait à tous. Puis a Frère un tel
rendez-nous compte de votre méditation ».
Nous ne revenons pas sur la « coquille » qui a fait dire
la messe au R. P. Tatin, le jour de son jubilé à 8 h. }.^ du
soir. Les lecteurs auront rectifié, sachant bien que le vénéré
Père n'a jamais pensé, même à l'occasion de son cinquan-
tenaire, à passer à un rite oriental.
Une note publiée dans le C.C. Messenger de Colomho cons-
tate un réveil religieux très consolant d^ns la mission de
Maradana, à la suite d'une retraite j^rêchée dans l'église Saint-
Joseph par le R. P. ^lilliner, et au cours de laquelle il a
recommandé la communion fréquente, non seulement dans
ses instructions mais encore dans des tracts distribués aux
fidèles.
Dans le cours de l'année scolaire, septembre 1909-1910,
25 nouvelles écoles ont été ouvertes dans l'archidiocèse de
— 81 —
■Colombo. Le nombre des élèves s'est accru de 2.819 entants
portant le total à 41.126, dont 34.880 catholiques, 422 pro-
lestants et 5.818 non clirétiens.
La Société de Saint- Vincent de Paul de Colombo a pu
venir en aide, chaque mois, à 184 familles pauvres auxquelles
-environ 3.200 visites ont été faites, et près de 5.200 fr. df^
secours distribués dans le cours de l'année.
***
Cordial merci aux Annales <le N.-D. du Rosaire au Cap ;
â nos Petites Annales, à la Bonne Nouvelle, de M. le Cha-
noine Thiriet, et de toutes les revues qui ont demandé des
(prières pour la cause du Père Albini.
DECRETS DES S. CONGREGATIONS ROMAINES
I. — Lettre du Saint-Père sur le « Sillon » '.
(Acta Ap. Sedis. Vol. II, p. 607.)
Lettre aux Archevêques et Evêques français.
PIE X, PAPE
Vénérables Frétées, salul et Bénédiction Apostolique.
Notre charge apostolique nous fait un devoir de veiller
à la pureté de la foi et à l'intégrité de la discipline catho-
lique, de préserver les fidèles des dangers de l'erreur et
du mal, surtout quand l'erreur et le mal leur sont présentés
dans un langage entraînant, qui, voilant le vague des idées
(1) La portée doctrinale de cette Lettre n'est point restreinte aux
seuls diocèses de France comptant des « Sillons » ; elle embrasse
■tout le modernisme politique et social, sous quelque nom qu'il se
cache. (N. D. L. R.)
— 82 —
et l'équivoque des expressions sous l'ardeur du sentiment et
la sonorité des mois, peut enflammer les cœurs pour de&
causes séduisantes mais funestes. Telles ont été naguère
les doctrines des prétendus philosophes du dix-huitième
siècle, celles de la Révolution et du libéralisme tant de fois
condamnées : telles sont encore aujourd'hui les théories
du Sillon, qui, sous leurs apparences brillantes et géné-
reuses, manquent trop souvent de clarté, de logique et
de vérité, et, sous ce rapport, ne relèvent pas du génie
catholique et français.
Nous avons hésité longtemps, Vénérables Frères, à dire
publiquement et solennellement notre pensée sur le Sillon.
11 a fallu que vos préoccupations vinssent s'ajouter aux
nôtres pour nous décider à le faire. Car nous aimons la
vaillantejeunesse enrôlée sous le drapeau du Sillon, tt nous
la croyons digne, à bien des égards, d'éloge et d'admiration.
Nous aimons ses chefs, en qui nous nous plaisons à recon-
naître des âmes élevées, supérieures aux passions vulgaires,-
et animées du plus noble enthousiasme pour le bien. Vous
les avez vus. Vénérables Frères, pénétrés d'un sentiment
très vif de la fraternité humaine, aller au-devant de ceux
qui travaillent et qui souffrent pour les relever, soutenus
dans leur dévouement par leur amour pour Jésus-Christ
et la pratique exemplaire de la religion.
C'était au lendemain de la mémorable Encyclique de
notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Léon XIII, sur la
condition des ouvriers. L'Eglise, par la bouche de son
chef suprême, avait déversé sur les humbles et les petits
toutes les tendresses de son cœur maternel, et semblait
appeler de ses vœux des champions toujours plus nombreux
de la restauration de l'ordre et de la justice dans notre
société troublée. Les fondateurs du Sillon ne venaient-ils
pas, au moment opportun, mettre à son service des troupes
jeunes et croyantes pour la réalisation de ses désirs et de
ses espérances ? Et, de fait, le Silloti éleva parmi les classes
ouvrières l'étendard de Jésus-Christ, le signe du salut pour
les individus et les nations, alimentant son activité sociale
aux sources de la grâce, imposant le respect de la religion
aux milieux les moins favorables, habituant les ignorants
— 83 —
et les impies à entendre parler de Dieu, et souvent, dans
des conférences contradictoires, en face d'un auditoire
hostile, surgissant, éveillé par une question ou un sar-
casme, pour crier hautement et fièrement sa foi. C'étaient
les beaux temps du Sillon; c'est son beau côté, qui explique
les encouragements et les approbations que ne lui ont pas
ménagés l'Episcopat et le Saint-Siège, tant que cette fer-
veur religieuse a pu voiler le vrai caractère du mouvement
silloniste.
Car, il faut le dire, Vénérables Frères, nos espérances
ont été, en grande partie, trompées. Un jour vint où le
Sillon accusa, pour les yeux clairvoyants, des tendances
inquiétantes. Le Sillon s'égarait. Pouvait-il en être autre-
ment? Ses fondateurs, jeunes, enthousiastes et pleins de
confiance en eux-mêmes, n'étaient pas suffisamment armés
de science historique, de saine philosophie et de forte
théologie pour affronter sans péril les difficiles problèmes
sociaux vers lesquels ils étaient entraînés par leur activité
et leur cœur, et pour se prémunir, sur le terrain de la doc-
trine et de l'obéissance, contre les infiltrations libérales et
protestantes.
Les conseils ne leur ont pas manqué; les admonestations
vinrent après les conseils ; mais nous avons eu la douleur
de voir et les avis et les reproches glisser sur leurs âmes
fuyantes et demeurer sans résultat. Les choses en sont
venues à ce point, que nous trahirions notre devoir si nous
gardions plus longtemps le silence. Nous devons la vérité
à nos chers enfants du Sillon qu'une ardeur généreuse a
emportés dans une voie aussi fausse que dangereuse. Nous
la devons à un grand nombre de séminaristes et de prêtres
que le Sillon a soustraits, sinon à l'autorité, au moins
à la direction et à l'influence de leurs évêques; nous la
devons enfin à l'Eglise, où le Sillon sème la division et
dont il compromet les intérêts.
En premier lieu il convient de relever sévèrement la pré-
tention du Sillon d'échapper à la direction de l'autorité
ecclésiastique. Les chefs du Sillon, en effet, allèguent
qu'ils évoluent sur un terrain qui n'est pas celui de l'Eglise ;
qu'ils ne poursuivent que des intérêts de l'ordre temporel
— 84 —
et noi\ de l'ordre spirituel; que le Silloniste est tout simple-
ment un catholique voué à la cause des classes laborieuses,
aux œuvres démocratiques, et puisant dans les pratiques
de sa foi l'énergie de son dévouement; que ni plus ni moins
que les artisans, leslaboureurs, les économistes et les politi-
ciens catholiques, il demeure soumis aux règles de la mo-
rale communes à tous, sans relever, ni plus ni moins
qu'eux d'une façon spéciale, de l'autorité ecclésiastique.
La réponse à ces subterfuges n'est que trop facile. A qui
fera-t-on croire en effet que les Sillonistes catholiques, que
les prêtres et les séminaristes enrôlés dans leurs rangs
n'ont en vue, dans leur activité sociale, que les intérêts
temporels des classes ouvrières? Ce serait, pensons-nous,
leur faire injure que de le soutenir. La vérité est que les
chefs du Sillo7i se proclament des idéalistes irréductibles,
qu'ils prétendent relever les classes laborieuses en relevant
d'abord la conscience humaine, qu'ils ont une doctrine
sociale et des principes philosophiques et religieux pour
reconstruire la société sur un plan nouveau, qu'ils ont une
conception spéciale de la dignité humaine, de la liberté, de
la justice et de la fraternité, et que pour justifier leurs
rôves sociaux, ils en appellent à l'Evangile interprété à
leur manière, et, ce qui est plus grave encore, à un Christ
défiguré et diminué. De plus, ces idées ils les enseignent
dans leurs cercles d'études, ils les inculquent à leurs cama-
rades; ils les font passer dans leurs œuvres. Ils sont donc
vraiment professeurs de morale sociale, civique et reli-
gieuse; et, quelques modifications qu'ils puissent introduire
dans l'organisation du mouvement silloniste, nous avons le
droit de dire que le but du Sillon, son caractère, son action
ressortissent au domaine moral, qui est le domaine propre
de l'Eglise, et, qu'en conséquence, les Sillonistes se font
illusion lorsqu'ils croient évoluer sur un terrain aux con-
fina duquel expirent les droits du pouvoir doctrinal et directif
de rautoritô ecclésiastique.
Si leurs doctrines étaient exemptes d'erreur, c'eût déjà
été un manquement très grave à la discipline catholique,
que de se soustraire obstinément à la direction de ceux qui
ont reçu du Ciel la mission de guider les individus et les
— 85 —
sociétés dans le droit cheniit» de la vérité et du bien. Mais
le mal est plus profond, nous l'avons déjà dit : le Sillon,
emporté par un amour mal entendu des faibles, a glissé
dans l'erreur.
En effet, le Sillon se propose le relèvement et la régé-
nération des classes ouvrières. Or, sur cette matière, les prin-
cipes de la doctrine catholique sont fixés, et l'histoire de
la civilisation chrétienne est là pour en attester la bienfai-
sante fécondité. Notre prédécesseur, d'heureuse mémoire,
les a rappelés dans des pages m^igistrales, que les catholi-
ques occupés de questions sociales doivent étudier et tou-
jours garder sous les j-eux. Il a enseigné notamment que la
démocratie chrétienne doit « maintenir la diversité des
" classes qui est assurément le propre de la cité bien cons-
« tituée, et vouloir pour la société humaine la forme et le
» caractère que Dieu, son auteur, lui a imprimés (1) ». Il
a flétri t une certaine démocratie qui va jusqu'à ce degré
« de perversité que d'attribuer dans la société la souverai-
• neté au peuple et à poursuivre la suppression et le nivel-
« lement des classes ». En même temps, Léon XIII imposait
aux catholiques un programme d'action, le seul programme
capable de replacer et de maintenir la société sur ses bases
chrétiennes séculaires. Or, qu'ont fait les chefs du Sillon?
Non seulement ils ont adopté un programme et un ensei-
gnement différents de celui de Léon XIII (ce qui serait
déjà singulièrement audacieux de la part de- laïques se posant
ainsi, concurremment avec le Souverain Pontife, en dirf-c-
teurs de l'activité sociale dans l'Eglise); mais ils ont ouver-
tement rejeté le programme tracé par Léon XIII et en ont
adopté un diamétralement opposé; de plus ils repoussent la
doctrine rappelée par Léon XIII sur les principes essentiels
de la société; placent l'autorité dans le peuple ou la sup-
priment à peu près, et prennent comme idéal à réaliser le
nivellement des classes. Ils vont donc, au rebours de la
doctrine catholique, vers un idéal condamné.
(1) • Dispares tueatur ordines, sane proprios bene constitutse civi-
« tatis ; eam demum humano convictui velit formam atque inJo-
« lem esse, qaalem Deus auctor indidit. « (Encyclique <• Graves de
• communi. »
Nous savons bien qu'ils se llattent de relever la dignité
humaine et la condition trop méprisée des classes laborieu-
ses, de rendre justes et parfaites les lois du travail et les
relations entre le capital et les salariés, enfin, de faire
régner sur terre une meilleure justice et plus de charité, et,
par des mouvements sociaux profonds, et féconds, de pro-
mouvoir dans l'humanité un progrès inattendu. Et certes
nous ne blâmons pas ces efforts qui seraient, de tous points,
excellents, si les Sillonistes n'oubliaient pas que le progrès
d'un être consiste à fortifier ses facultés naturelles par des
énergies nouvelles et à faciliter le jeu de leur activité dans
le cadre et conformément aux lois de sa constitution, et,
qu'au contraire, en blessant ses organes essentiels, en bri-
sant le cadre de leur activité, on pousse l'être, non pas vers
le progrès, mais vers la mort. C'est cependant ce qu'ils
veulent faire de la société humaine; c'est leur rêve de
changer ses bases naturelles et traditionnelles, et de pro-
mettre une cité future édifiée sur d'autres principes, qu'ils
osent déclarer plus féconds, plus bienfaisants que les prin-
cipes sur lesquels repose la cité chrétienne actuelle.
Non, Vénérables Frères, — il faut le rappeler énergique-
ment dans ces temps d'anarchie sociale et intellectuelle où
chacun se pose en docteur et en législateur — on ne bâtira
pas la cité autrement que Dieu ne l'a bâtie ; on n'édifiera
pas la société, si l'Eglise n'en jette les bases et n'en dirige
les travaux; non, la civilisation n'est plus à inventer, ni
la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ;
c'est la civilisation chrétienne, c'est la cité catholique. Il ne
s'agit que de l'instaurer et la restaurer sans cesse sur ses
fondements naturels et divins contre les attaques toujours
renaissantes de l'utopie malsaine, de la révolte et de l'im-
piété : Omnia instaurare in Christo.
Et pour qu'on ne nous accuse pas de juger trop som-
mairement et avec une rigueur non justifiée les théories so-
ciales du Sillon, nous voulons en rappeler les points
essentiels.
Le Sillon a le noble souci de la dignité humaine. Mais
cette dignité, il la comprend à la manière de certains phi-
losophes dont l'Eglise est loin d'avoir à se louer. Le premier
élément de cette dignité est la liberté, entendue en ce sens
que, sauf en matière de religion, chaque homme est auto-
nome. De ce principe fondamental il tire les conclusions
suivantes : Aujourd'hui le peuple est en tutelle sous une
autorité distincte de lui, il doit s'en affranchir : émanci-
pation politique. Il est sous la dépendance de patrons qui,
détenant ses instruments de travail, l'exploitent, l'oppri-
ment et l'abaissent; il doit secouer leur joug : émanci-
pation économique. Il est dominé enfin par une caste
appelée dirigeante, à qui son développement intellectuel
assure une prépondérance indue dans la direction des
affaires ; il doit se soustraire à sa domination : émanci-
pation intellectuelle. Le nivellement des conditions à ce
triple point de vue établira parmi les hommes l'égalité, et
cette égalité est la vraie justice humaine. Une organisation
politique et sociale fondée sur cette double base, la liberté
et l'égalité (auxquelles viendra bientôt s'ajouter la frater-
nité), voilà ce qu'ils appellent Démocratie.
Néanmoins la liberté et l'égalité n'en constituent que le
côté pour ainsi dire négatif. Ce qui fait proprement et
positivement la Démocratie, c'est la participation la plus
grande possible de chacun au gouvernement de la chose
publique. Et cela comprend un triple élément, politique,
économique et moral.
D'abord en politique, le Sillon n'abolit pas l'autorité ; il
l'estime, au contraire, nécessaire ; mais il veut la parta-
ger, ou, pour mieux dire, la multiplier de telle façon que
chaque citoyen deviendra une sorte de roi. L'autorité, il est
vrai, émane de Dieu, mais elle réside primordialement
dans le peuple et s'en dégage par voie d'élection ou, mieux
encore, de sélection, sans pour cela quitter le peuple et deve-
nir indépendante de lui; elle sera extérieure, mais en appa-
rence seulement ; en réalité, elle sera intérieure, parce que
ce sera une autorité consentie. Proportions gardées, il en
sera de même dans l'ordre économique. Soustrait à une
classe particulière, le patronat sera si bien multiplié, que
chaque ouvrier deviendra une sorte de patron. La forme
appelée à réaliser cet idéal économique n'est point, affirme-
t-on, celle du socialisme; c'est un système de coopératives
— 88 —
suffisamment multipliées pour provoquer une concurrence-
féconde et pour sauvegarder l'indépendance des ouvriers
qui ne seront enchaînés à aucune d'entre elles.
Voici maintenant l'élément capital, l'élément moral.
Comme l'autorité, on l'a vu, est très réduite, il faut une
autre force pour la suppléer et pour opposer une réaction
permanente à l'égoïsme individuel. Ce nouveau principe,-,
cette force, c'est l'amour de l'intérêt professionnel et de
l'intérêt public, c'est-à-dire de la fin même de la profes-
sion et de la société. Imaginez une société où dans l'âme
d'un chacun, avec l'amour inné du bien individuel et du
bien familial, régnerait l'amour du bien professionnel et
du bien public; où dans la conscience d'un chacun ce&
amours se subordonneraient de telle façon que le bien
supérieur primât toujours le bien inférieur, cette société-là
ne pourrait-elle pas à peu près se passer d'autorité, et.
n'ofïrirait-elle pas l'idéal de la dignité humaine, chaque
citoyen ayant une âme de roi, chaque ouvrier une âme
de patron? Ai'raché à l'étroitesse de ses intérêts privés et
élevé jusqu'aux intérêts de sa profession, et plus haut,,
jusqu'à ceux de la nation entière, et plus haut encore,,
jusqu'à ceux de l'humanité (car l'horizon du Sillon ne s'ar-
rête pas aux frontières de la patrie, il s'étend à tous les^
hommes jusqu'aux confins du monde), le cœur humain,,
élargi par l'amour du bien commun, embrasserait tous les
camarades de la même profession, tous les compatriotes,,
tous les hommes. Et voilà la grandeur et la noblesse hu-
maine idéale réalisées par la célèbre trilogie : Liberté,
Egalité, Fraternité.
Or ces trois éléments, politique, économique et moral^
sont subordonnés l'un à l'autre, et c'est l'élément moral,,
nous l'avons dit, qui est le principal. En efi"et, nulle démo-
cratie politique n'est viable, si elle n'a des points d'attache
profonds dans la démocratie économique. A leur tour, ni
l'une ni l'autre ne sont possibles, si elles ne s'enracinent
pas dans un état d'esprit où la conscience se trouve investie
de responsabilités et d'énergies morales proportionnées.
Mais supposez cet état d'esprit, ainsi fait de responsabilité
consciente et de forces morales, la démocratie économique^
— 89 —
s'en dégagera naturellement par traduction en actes do
cette conscience et de ces énergies ; et de même, et par
la mCme voie, du régime corporatif sortira la démocratie
politique : et la démocratie politique et économique, celle-ci
portant l'autre, se trouveront fixées dans la conscience
même du peuple sur des assises inébranlables.
Telle est, en résumé, la théorie, on pourrait dire le rêve,
du Sillon, et c'est à cela que tend son enseignement et
ce qu'il appelle l'éducation démocratique du peuple, c'est-à-
dire à porter à son maximum la conscience et la responsa-
bilité civique de chacun, d'où découlera la démocratie
économique et politique, et le règne de la justice, de la
liberté, de l'égalité et de la fraternité.
Ce rapide exposé. Vénérables Frères, vous montre déjà
clairement combien nous avions raison de dire que le Sillori
oppose doctrine à doctrine, qu'il bâtit sa cité sur une théorie
contraire à la vérité catholique et qu'il fausse les notions
essentielles et fondamentales qui règlent les rapports
^^ociaux dans toute société humaine. Cette opposition res-
sortira davantage encore des considérations suivantes.
Le Sillon place, primordialement, l'autorité publique
dans le peuple, de qui elle dérive ensuite aux gouvernants,.
de telle façon cependant qu'elle continue à résider en lui.
Or Léon XIII a formellement condamné Cf^tte doctrine dans
son encyclique t Diuturixum illud » du Principat politique,
où il dit : « Des modernes en grand nombre, marchant
« sur les traces de ceux qui, au siècle dernier, se don-
« nèrent le nom de philosophes, déclarent que toute puis-
« sance vient du peuple ; qu'en conséquence ceux qui
t exercent le pouvoir dans la société ne l'exercent pas
« comme leur autorité propre, mais comme une autorité à
« eux déléguée par le peuple et sous la condition qu'elle
•' puisse être révoquée par la volonté du peuple de qui ils
« la tiennent. Tout contraire est le sentiment des catho-
« liques qui font dériver le droit de commander de Dieu,
f comme de son principe naturel et nécessaire (1). » Sans
(1) ■ Imo recentiores perplures, eornm vestigiis ingredenties, qui
« sibi superiore sœculo philosophorum nomen ioscripserunt, omnem
« inquiuDt potestatem a populo esse : quare qui eam in civitate
— 90 —
doute le Sillon fait descendre de Dieu cette autorité qu'il
place d'abord dans le peuple, mais de telle sorte qu' « elle
« remonte d'en bas pour aller en haut, tandis que dans
« l'organisation de l'Eglise le pouvoir descend d'en haut
t pour aller en bas (1). » Mais outre qu'il est anormal que
la délégation monte, puisqu'il est de sa nature de descendre
Léon XIII a réfuté par avance cette tentative de concilia-
tion de la doctrine catholique avec l'erreur du philoso-
phisme. Car il poursuit : « Il importe de le remarquer ici;
• ceux qui président au gouvernement de la chose publique
« peuvent bien, en certains cas, être élus par la volonté
« et le jugement de la multitude, sans répugnance ni oppo-
t sition avec la doctrine catholique. Mais si ce choix désigne
« le gouvernant, il ne lui confère pas l'autorité de gouver-
« ner; il ne délègue pas le pouvoir, il désigne la personne
■« qui en sera investie (2). »
Au reste, si le peuple demeure le détenteur du pou-
voir, que devient l'autorité? une ombre, un mythe; il n'y
a plus de loi proprement dite; il n'y a plus d'obéissance. Le
Sillon l'a reconnu, puisqu'en effet il réclame, au nom de la
dignité humaine, la triple émancipation politique, écono-
mique et intellectuelle, la cité future à laquelle il travaille
n'aura plus de maîtres ni de serviteurs ; les citoyens y
seront tous libres, tous camarades, tous rois. Un ordre, un
précepte serait un attentat à la liberté, la subordination
à une supériorité quelconque serait une diminution de
l'homme, l'obéissance une déchéance. Est-ce ainsi, Véné-
rables Frères, que la doctrine traditionnelle de l'Eglise nous
« gerunt, ab iis non uti suam geri, sed ut a populo sibi mandatam,
" et hac quidem lege, ut populi ipsius voluntate a quo mandata est
» revocari possit. Ab his vero dissentiunt catbolici homines, qui
-« JUS imperandi a Deo répétant veluti a naturali necessarioque
« piincipio ».
(1) Marc Sanonier, Discours de Rouen, 1907.
(2) « Interest autem attendere hoc loco eos qui reipublicse pr»fu-
« turi sint posse in quibusdam caussis voluntate judicioque deligi
« multitudinis, non adversante neque répugnante doctrina catholica.
" Quo sane delectu designatur princeps, non conferuntur jura prin-
« cipatus, neque mandatur imperium, sed statuitur a quo sit
■« gerendum ».
— 91 —
représente les relations sociales dans la cité même la plus
parfaite possible ? Est-ce que toute société de créatures in-
-dépendantes et inégales par nature n'a pas besoin d'une
autorité qui dirige leur activité vers le bien commun et
qui impose sa loi? Et si, dans la société, il se trouve des
êtres pervers (et il y en aura toujours), l'autorité ne devra-
t-elle pas être d'autant plus forte que l'égoisme des mé-
chants sera plus menaçant? Ensuite, peut-on dire avec
une ombre de raison qu'il y a incompatibilité entre l'auto-
rité et la liberté, à moins de se tromper lourdement sur le
concept de la liberté ? Peut-on enseigner que l'obéissance
est contraire à la dignité humaine et que l'idéal serait de
la remplacer par t l'autorité consentie ^ ? Est-ce que l'apôtre
saint Paul n'avait pas en vue la société humaine à toutes
ses étapes possibles, quand il prescrivait aux fidèles
■d'être soumis à toute autorité ? Est-ce que l'obéissance aux.
hommes en tant que représentants légitimes de Dieu,
c'est-à-dire en fin de compte l'obéissance à Dieu, abaisse
l'homme et le ravale au-dessous de lui-même ? Est-ce que
l'état religieux fondé sur l'obéissance serait contraire à
l'idéal de la nature humaine ? Est-ce que les Saints, qui
ont été les plus obéissants des hommes, étaient des esclaves
«t des dégénérés? Est-ce qu'enfin on peut imaginer un état
social où Jésus-Christ revenu sur terre ne donnerait plus
l'exemple de l'obéissance et ne dirait plus : Rendez à César
ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ?
Le Sillon qui enseigne de pareilles doctrines et les met
•en pratique dans sa vie intérieure, sème donc parmi votre
jeunesse catholique des notions erronées et funestes sur
l'autorité, la liberté et l'obéissance. 11 n'en est pas autre-
ment de la justice et de l'égalité. Il travaille, dit-il, à réa-
liser une ère d'égalité qui serait par là même une ère de
meilleure justice. Ainsi, pour lui, toute inégalité de condi-
tion est une injustice ou, au moins, une moindre justice !
Principe souverainement contraire à la nature des choses,
générateur de jalousie et d'injustice et subversif de tout
ordre social. Ainsi la démocratie seule inaugurera le règne
de la parfaite justice ! N'est-ce pas une injure faite aux
autres formes de gouvernement, qu'on ravale, de la sorte,
— 92 —
au rang de gouvernements de pis aller impuissants? Au reste
le Sillon se heurte encore sur ce point à l'enseignement de
Léon XIII. II aurait pu lire dans l'Encyclique déjà citée
«lu Principat politique que, « la justice sauvegardée, il
" n'est pas interdit aux peuples de se donner le gouverne-
« ment qui répond le mieux à leur caractère ou aux insti-
« tutions et coutumes qu'ils ont reçues de leurs ancêtres (1)» ;
el l'Encyclique fait allusion à la triple forme de gouver-
nement bien connue. Elle suppose donc que la justice est
compatible avec chacune d'elles. Et l'Encyclique sur la
condition des ouvriers n'afflrme-t-elle pas clairement la
possibilité de restaurer la justice dans les organisations
actuelles de la société, puisqu'elle en indique les moyens?
Or, sans aucun doute Léon XIII entendait parler, non pas
d'une justice quelconque, mais de la justice parfaite. En
enseignant donc que la justice est compatible avec les trois
formes de gouvernement qu'on sait, il enseignait que, sous
ce rapport, la Démocratie ne jouit pas d'un privilège spé-
cial. Les Sillonistes qui prétendent le contraire, ou bien
refusent d'écouter l'Eglise, ou se forment de la justice et de
l'égalité un concept qui n'est pas catholique.
Il en est de même de la notion de la fraternité, dont ils
mettent la base dans l'amour des intérêts communs, ou,
par delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans
la simple notion d'humanité, englobant ainsi dans le même
amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes
leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que phy-
siques et temporelles. Or la doctrine catholique nous enseigne
que le premier devoir de la charité n'est pas dans la tolé-
rance des convictions erronées, quelque sincères qu'elles
soient, ni dans l'indifférence théorique ou pratique pour
l'erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères, mais
dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale
non moins que pour leur bien-être matériel. Cette même
doctrine catholique nous enseigne aussi que la source de
l'amour du prochain se trouve dans l'amour de Dieu, père
(1) « Quamobrem. salva justitia, non prohibentur populi illud sibi
« geous comparare reipubhcïe, quod aut ipsorum ingenio aut
M majorum institutis moribusque magis respondeat •.
— 93 —
commun et fin commune de toute la famille humaine, et
dans l'amour de Jésus-Christ, dont nous sommes les mem-
bres, au point que soulager un malheureux c'est faire du
bien à Jésus-Christ lui-même. Tout autre amour est illu-
sion ou sentiment stérile et passager. Certes l'expérience
humaine est là, dans les sociétés païennes ou laïques de
tous les temps, pour prouver qu'à certaines heures la con-
sidération des intérêts communs ou de la similitude de
nature pèse fort peu devant les passions et les convoitises
du cœur. Non, Vénérables Frères, il n'y a pas de vraie fra-
ternité en dehors de la charité chrétienne qui, par amour
pour Dieu et son Fils Jésus-Christ, notre Sauveur, embrasse
tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener
tous à la même foi et au même bonheur du ciel. En sépa-
rant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue,
la Démocratie, loin d'être un progrès, constituerait un recul
désastreux pour la civilisation. Car si l'on veut arriver, et
nous le désirons de toute notre âme, à la plus grande somme
de bien-être possible pour la société et pour chacun de ses
membres par la fraternité, ou, comme on dit encore, par
la solidarité universelle, il faut l'union des esprits dans
la vérité, l'union des volontés dans la morale, l'union des
cœurs dans l'amour de Dieu et de son Fils, Jésus-Christ.
Or cette union n'est réalisable que par la charité catholique,
laquelle seule, par conséquent, peut conduire les peuples
dans la marche du progrés vers l'idéal de la civilisation.
Enfin, à la base de toutes les falsifications des notions
sociales fondamentales, le Sillon place une fausse idée de
la dignité humaine. D'après lui, l'homme ne sera vraiment
liomme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une
conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pou-
vant se passer de maître, n'obéissant qu'à elle-même et
capable d'assumer et de porter, sans forfaire, les plus graves
responsabilités. Voilà de ces grands mots avec desquels
on exalte le sentiment de l'orgueil humain; tel un rêve qui
entraîne l'homme sans lumière, sans guide et sans secours
dans la voie de l'illusion, où, en attendant le grand jour
de la pleine conscience, il sera dévoré par l'erreur et les
passions. Et ce grand jour quand viendra-t-il ? A moins
— 94 —
de changer la nature humaine (ce qui n'est pas au pouvoir
du 5i7/on)viendra-t-il jamais? Est-ce que les Saints, qui ont
porté la dignité humaine à son apogée, avaient cette
dignité-là ? Et les humbles de la terre, qui ne peuvent
monter si haut, et qui se contentent de tracer modestement
leur sillon au rang que la Providence leur a assigné, en
remplissant énergiquement leurs devoirs dans l'humilité,
l'obéissance et la patience chrétiennes, ne seraient-ils pas
dignes du nom d'hommes, eux que le Seigneur tirera un
jour de leur condition obscure pour les placer au ciel parmi
les princes de son peuple ?
Nous arrêtons là nos réflexions sur les erreurs du Sillon.
Nous ne prétendons pas épuiser le sujet, car il y aurait
encore à attirer votre attention sur d'autres points égale-
ment faux et dangereux, par exemple, sur sa manière de
comprendre le pouvoir coërcitif de l'Eglise. Il importe main-
tenant de voir l'influence de ces erreurs sur la conduite
pratique du Sillon et sur son action sociale.
Les doctrines du Sillon ne restent pas dans le domaine
de l'abstraction philosophique. Elles sont enseignées à la
jeunesse catholique, et, bien plus, on s'essaie à les vivi'e.
Le Sillon se regarde comme le noyau de sa cité future ; il
la reflète donc aussi fidèlement que possible. En elTet, il n'y
a pas de hiérarchie dans le Sillon. L'élite qui le dirige s'est
dégagée de la masse par sélection, c'est-à-dire en s'impo-
sant par son autorité morale et par ses vertus. On y entre
librement, comme librement on en sort. Les études s'y font
sans maître, tout au plus avec un conseiller. Les cercles
d'études sont de véritables coopératives intellectuelles, où
chacun est tout ensemble maître et élève. La camaraderie
la plus absolue règne entre les membres et met en contact
total leurs âmes ; de là, l'âme commune du Sillon. On l'a
défini « une amitié t. Le prêtre lui-même, quand il y entre,
abaisse l'éminente dignité de son sacerdoce, et, par le plus
étrange renversement des rôles, se fait élève, se met au
niveau de ses jeunes amis et n'est plus qu'un camarade.
Dans ces habitudes démocratiques et les théories sur la
cité idéale qui les inspirent, vous reconnaîtrez. Vénérables
Frères, la cause secrète des manquements disciplinaires-
— 95 —
que vous avez dû, si souvent, reprocher au Sillon. Il n'est
pas étonnant que vous ne trouviez pas chez les chefs et
chez leurs camarades ainsi formés, fussent-ils séminaristes
ou prôtres, le respect, la docilité et l'obéissance qui sont
dus à vos personnes et à votre autorité; que vous sentiez
de leur part une sourde opposition, et que vous ayez le
regret de les voir se soustraire totalement, ou, quand ils
y sont forcés par l'obéissance, se livrer avec dégoût à des
oeuvres non sillonistes. Vous êtes le passé ; eux sont les
pionniers de la civilisation future. Vous représentez la
hiérarchie, les inégalités sociales, l'autorité et l'obéissance :
institutions vieillies, auxquelles leurs âmes, éprises d'un
autre idéal, ne peuvent plus se plier. Nous avons sur cet
état d'esprit le témoignage de faits douloureux, capables
d'arracher des larmes; et nous ne pouvons, malgré notre
longanimité, nous défendre d'un juste sentiment d'indi-
gnation. Eh quoi ! on inspire à votre jeunesse catholique
la défiance envers l'Eglise, leur mère ; on leur apprend que
depuis dix-neuf siècles elle n'a pas encore réussi dans le
monde à constituer la société sur ses vraies bases ; qu'elle
n'a pas compris les notions sociales de l'autorité, de la
liberté, de l'égalité, de la fraternité et de la dignité humaine ;
que les grands évêques et les grands monarques, qui ont
créé et si glorieusement gouverné la France n'ont pas su
donner à leur peuple, ni la vraie justice ni le vrai bonheur,
parce qu'ils n'avaient pas l'idéal du Sillon !
Le souffle de la Révolution a passé par là, et nous pou-
vons conclure que si les doctrines sociales du Sillon sont
erronées, son esprit est dangereux et son éducation funeste.
Mais alors que devons-nous penser de son action dans
l'Eglise, lui dont le catholicisme est si pointilleux, qu'un
peu plus, à moins d'embrasser sa cause, on serait, à ses
5'eux, un ennemi intérieur du catholicisme et l'on ne com-
prendrait rien à l'Evangile et à Jésus-Christ? Nous croyons
bon d'insister sur cette question, parce que c'est précisément
son ardeur catholique qui a valu au Sillon, jusque dans
ces derniers temps, de précieux encouragements et d'illus-
tres suffrages. Eh bien ! devant les paroles et les faits
nous sommes obligé de dire que dans son action comme
— 96 —
<lans sa doctrine le Sillo7i ne donne pas satisfaction à
l'Eglise.
D'abord son catholicisme ne s'accommode que de la
forme du gouvernement démocratique, qu'il estime être
la plus favorable à l'Eglise et se confondre pour ainsi dire
avec elle ; il inféode donc sa religion à un parti politique.
Nous n'avons pas à démontrer que l'avènement de la démo-
cratie universelle n'importe pas à l'action de l'Eglise dans
le monde ; nous avons déjà rappelé que l'Eglise a toujours
laissé aux nations le souci de se donner le gouvernement
qu'elles estiment le plus avantageux pour leurs intérêts.
•Ce que nous voulons affirmer encore une fois, après notre
prédécesseur, c'est qu'il y a erreur et danger à inféoder,
par principe, le catholicisme à une forme de gouvernement ;
erreur et danger qui sont d'autant plus grands lorsqu'on
synthétise la religion avec un genre de démocratie dont
les doctrines sont erronées. Or c'est le cas du Sillon ;
lequel, par le fait, et pour une forme politique spéciale, en
compromettant l'Eglise, divise les catholiques, arrache la
jeunesse et môme des prêtres et des séminaristes à l'action
simplement catholique, et dépense, en pure perte, les forces
vives d'une partie de la nation.
Et voyez, Vénérables Frères, une étonnante contradiction.
C'est précisément parce que la religion doit dominer tous
les partis, c'est en invoquant ce principe que le SilloJi
s'abstient de défendre l'Eglise attaquée. Certes ce n'est pas
l'Eglise qui e?t descendue dans l'arène politique ; on l'y a
entraînée, et pour la mutiler et pour la dépouiller. Le devoir
de tout catholique n'est-il donc pas d'user des armes poli-
tiques qu'il tient en mains pour la défendre, et aussi pour
forcer la politique à rester dans son domaine et à ne s'oc-
cuper de l'Eglise que pour lui rendre ce qui lui est dû ?
Eh bien ! en face de l'Eglise ainsi violentée, on a souvent
la douleur de voir les Sillonistes se croiser les bras, si ce
n'est qu'à la défendre ils trouvent leur compte ; on les voit
dicter ou soutenir un programme qui nulle part ni à aucun
degré ne révèle le catholique. Ce qui n'empêche pas les
mêmes hommes, en pleine lutte politique, sous le coup d'une
provocation, d'afficher publiquement leur foi. Qu'est-ce à
- 97 —
dire sinon qu'il y a deux hommes dans le Silloniste :
l'individu, qui est catholique; le Silloniste, l'homme d'action,
qui est neutre.
Il fut un temps où le Sillon, comme tel, était formellement
catholique. En fait de force morale, il n'en connaissait
qu'une, la force catholique, et il allait proclamant que la
démocratie serait catholique ou qu'elle ne serait pas. Un
moment vint où il se ravisa. Il laissa à chacun sa religion
ou sa philosophie. 11 cessa lui-même de se qualifier de
catholique, et à la formule : « la démocratie sera catho-
lique », il substitua cette autre : t la démocratie ne sera pas
anticatholique », pas plus d'ailleurs qu'antijuive ou anti-
bouddhiste. Ce fut l'époque du plus grand Sillon. On
appela à la construction de la cité future tous les ouvriers
de toutes les religions et de toutes les sectes. On ne leur
demanda que d'embrasser le môme idéal social, de respecter
toutes les croyances et d'apporter un certain appoint de
forces morales. Certes, proclamait-on, « les chefs du Sillon
« mettent leur foi religieuse au-dessus de tout. Mais peuvent-
« ils ôter aux autres le droit de puiser leur énergie morale
« là où ils peuvent ? En revanche, ils veulent que les
autres respectent leur droit, à eux, de la puiser dans la
foi catholique. Ils demandent donc à tous ceux qui veulent
transformer la société présente dans le sens de la démo-
cratie, de ne pas se repousser mutuellement à cause des
convictions philosophiques ou religieuses qui peuvent
les séparer, mais de marcher la main dans la main, non
pas en renonçant à leurs convictions, mais en essayant
de faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve
de l'excellence de leurs convictions personnelles. Peut-
être sur ce terrain de l'émulation entre âmes attachées
à différentes convictions religieuses ou philosophiques,
l'union pourra se réaliser (1). » Et l'on déclara en même
temps (comment cela pouvait-il s'accomplir?) que le petit
Sillon catholique serait l'âme du grand Sillon cosmopolite.
Récemment, le nom du plus grand Sillon a disparu, et
une nouvelle organisation est intervenue, sans modifier,
(1) Marc Sanonier, Discours de Rouen, 1907.
— 98 —
bien au contraire, l'esprit et le fond des choses, « pour
« mettre de l'ordre dans le travail et organiser les diverses
€ forces d'activité. Le Sillon reste toujours une âme, un
« esprit, qui se mêlera aux groupes et inspirera leur acti-
ï vile ». Et tous les groupements nouveaux, devenus en
apparence autonomes : catholiques, protestants, libres pen-
seurs, sont priés de se mettre à l'œuvre. « Les camarades
« catholiques travailleront entre eux dans une organisation
f spéciale à s'instruire et à s'éduquer. Les démocrates pro-
4 testants et libres penseurs en feront autant de leur côté.
€ Tous, catholiques, protestants et libres penseurs auront
€ à cœur d'armer la jeunesse, non pas pour une lutte fra-
* tricide, mais pour une généreuse émulation sur le terrain
« des vertus sociales et civiques (1).»
Ces déclarations et cette nouvelle organisation de l'ac-
tion silloniste appellent de bien graves réflexions.
Voici, fondée par des catholiques, une association inter-
confessionnelle, pour travailler à la réforme de la civili-
sation, œuvre religieuse au premier chef; car pas de vraie
civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civili-
sation morale sans la vraie religion : c'est une vérité dé-
montrée, c'est un fait d'histoire. Et les nouveaux Sillonistes
ne pourront pas prétexter qu'ils ne travailleront que « sur
le terrain des réalités pratiques », où la diversité des
croj'ances n'importe pas. Leur chef sent si bien cette in-
fluence des convictions de l'esprit sur le résultat de l'action,
qu'il les invite, à quelque religion qu'ils appartiennent, à
€ faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de
l'excellence de leurs convictions personnelles ». Et avec
raison, car les réalisations pratiques revêtent le caractère
des convictions religieuses, comme les membres d'un corps
jusqu'à leurs dernières extrémités reçoivent leur forme du
principe vital qui l'anime.
Ceci dit, que faut-il penser de la promiscuité où se trou-
veront engagés les jeunes catholiques avec des hétérodoxes
et des croyants de toute sorte dans une œuvre de cette na-
ture? N'est-elle pas mille fois plus dangereuse pour eux
(1) Marc Sa.ngnier, Paris, mai 1910.
— 99 —
qu'une association neutre? Que fiiut-il penser de cet appel
à tous les hétérodoxes et à tous les croyants à prouver
rexcellencc de leurs convictions sur le terrain social,
dans une espèce de concours apologétique, comme si ce
concours ne durait pas depuis dix-neuf siècles, dans des
conditions moins dangereuses pour la foi des fidèles et tout
en l'honneur de l'Eglise catholique? Que faut-il penser
de ce respect de toutes les erreurs et de l'invitation étrange,
faite par un catholique à tous les dissidents, de fortifier
leurs convictions par l'étude et d'en faire des sources tou-
jours plus abondantes de forces nouvelles? Que faut-il
penser d'une association où toutes les religions et même
la libre-pensée peuvent se manifester hautement, à leur
aise? Car les Sillonistes qui dans les conférences publiques
et ailleurs proclament fièrement leur foi individuelle n'en-
lendent certainement pas fermer la bouche aux autres et
empêcher le protestant d'affirmer son protestantisme et le
sceptique son scepticisme. Que penser enfin d'un catholique
qui, en entrant dans son cercle d'études, laisse son catho-
licisme à la porte, pour ne pas effrayer ses camarades,
qui € rêvant d'une action sociale désintéressée répugnent à
« la faire servir au triomphe d'intérêts, de coteries ou même
« de convictions quelles qu'elles soient ». Telle est la pro-
fession de foi du nouveau comité démocratique d'action
sociale, qui a hérité de la plus grande tâche de l'ancienne
organisation et qui, dit-il, « brisant l'équivoque entretenue
« autour dxxplus grand Sillon, tant dans les milieux réac-
« tionnaires que dans les milieux anticléricaux »,est ouvert
k tous les hommes t respectueux des forces morales et
« religieuses et convaincus qu'aucune émancipation sociale
t véritable n'est possible sans le ferment d'un généreuœ
* idéalisme ».
Oui, hélas ! l'équivoque est brisée ; l'action sociale du
Sillon n'est plus catholique; le Silloniste, comme tel, ne
travaille pas pour une coterie, et « l'Eglise, il le dit, ne
a saurait à aucun titre être bénéficiaire des sympathies que
« son action pourra susciter ». Etrange insinuation vrai-
ment ! On craint que l'Eglise ne profite de l'action sociale
■du Sillon dans un but égoïste et intéressé, comme si tout
— 100 —
ce qui profite à l'Eglise ne profitait pas à l'humanilé t
Etrange renversement des idées : c'est l'Eglise qui serait la
bénéficiaire de l'action sociale, comme si les plus grands
économistes n'avaient pas reconnu et démontré que c'est
l'action sociale, qui, pour être sérieuse et féconde, doit
bénéficier de l'Eglise. Mais plus étranges encore, effrayantes
et attristantes à la fois, sont l'audace et la légèreté d'esprit
d'hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre
la société dans de pareilles conditions et d'établir sur
terre, par-dessus l'Eglise catholique, « le règne de la justice
et de l'amour », avec des ouvriers venus de toute part, de
toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances,
pourvu qu'ils oublient ce qui les divise : leurs convictions
religieuses et philosophiques, et qu'ils mettent en commun
ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces mo-
rales prises « où ils peuvent ». Quand on songe à tout ce
qu'il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles
pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions
de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de
l'Eglise, et le dévouement de tous les héros de la charité,
et une puissante hiérarchie née du Ciel, et des fleuves de
grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie
et l'Esprit de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait
homme, quand on songe, disons-nous, à tout cela, on est
effrayé de voir de nouveaux apôtres s'acharner à faire
mieux avec la mise en commun d'un vague idéalisme et de
vertus civiques. Que vont-ils produire? qu'est-ce qui va
sortir de cette collaboration? Une construction purement
verbale et chimérique, où l'on verra miroiter pêle-mêle et
dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice,
de fraternité et d'amour, d'égalité et d'exaltation humaine,
le tout basé sur une dignité humaine mal comprise Ce sera
une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et
qui profitera aux remueurs des masses utopistes. Oui, vrai-
ment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme
l'oeil fixé sur une chimère.
Nous craignons qu'il n'y ait encore pire. Le résultat de
cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action
sociale cosmopolite, ne peut être qu'une démocratie qui
— 101 —
ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion
<car le Sillonisme, les chefs l'ont dit, est une religion) plus
universelle que l'Eglise catholique, réunissant tous les
hommes devenus enûn frères et camarades dans « le règne
de Dieu ». — « On ne travaille pas pour l'Eglise, on travaille
pour l'humanité. »
Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, nous
nous demandons. Vénérables Frères, ce qu'est devenu le
catholicisme du Sillon. Hélas I Lui qui donnait autrefois de
si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été
capté dan3 sa marche par les ennemis modernes de l'Eglise
€t ne forme plus dorénavant qu'un misérable affluent du
grand mouvement d'apostasie, organisé, dans tous les pays,
pour l'établissement d'une Eglise universelle qui n'aura ni
dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l'esprit, ni frein pour
les passions, et qui, sous prétexte de liberté et de dignité
Immaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triom-
pher, le règne légal de la ruse et de la force, et l'oppression
des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.
Nous ne connaissons que trop les sombres officines où
l'on élabore ces doctrines délétères, qui ne devraient pas
séduire des esprits clairvoyants. Les chefs du Sillon n'ont
pu s'en défendre; l'exaltation de leurs sentiments, l'aveugle
bonté de leur cœur, leur mysticisme philosophique mêlé
d'une part d'illuminisme les ont entraînés vers un nouvel
évangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Evangile
du Sauveur, au point qu'ils osent traiter Notre-Seigneur
Jésus-Christ avec une familiarité souverainement irresjiec-
tueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révo-
lution, ils ne craignent pas de faire entre l'Evangile et la
Révolution des rapprochements blasphématoires, qui n'ont
pas l'excuse d'avoir échappé à quelque improvisation tumul-
tueuse.
Nous voulons attirer votre attention, Vénérables Frères,
sur cette déformation de l'Evangile et du caractère sacré
■de Xotre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et Homme, pratiquée
dans le Sillon et ailleurs. Dès que l'on aborde la question
sociale, il est de mode dans certains milieux d'écarter
d'abord la Divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler
— 102 —
que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour
toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations
à l'amour du prochain et à la fraternité. Certes Jésus nous
a aimés d'un amour immense, infini, et il est venu sur terre
souflfrir et mourir pour que, réunis autour de Lui, dans la
justice et l'amour, animés des mêmes sentiments de charité
mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bon-
heur. Mais à la réalisation de ce bonheur temporel et
éternel il a mis, avec une souveraine autorité, la condition
que l'on fasse partie de son troupeau, que l'on accepte sa
doctrine, que l'on pratique la vertu et qu'on se laisse ensei-
gner et guider par Pierre et ses successeurs. Puis si Jésus
a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n'a pas res-
pecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu'elles
parussent; il les a tous aimés pour les instruire, les conver-
tir et les sauver. S'il a appelé à Lui, pour les soulager, ceux
qui peinent et qui souffrent, ce n'a pas été pour leur prê-
cher la jalousie d'une égalité chimérique. S'il a relevé les
humbles, ce n'a pas été pour leur inspirer le sentiment
d'une dignité indépendante et rebelle à l'obéissance. Si son
cœur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne
volonté, il a su également s'armer d'une sainte indignation
contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les
misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités
qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux
sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi
fort que doux; il a grondé, menacé, châtié, sachant et
nous enseignant que souvent la crainte est le commence"
ment de la sagesse et qu'il convient parfois de couper un
membre pour sauver le corps. Enfin il n'a pas annoncé
pour la société future le règne d'une félicité idéale, d'où la
souffrance serait bannie; mais, par ses leçons et par ses
exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre
et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la Croix,
Ce sont là des enseignements qu'on aurait tort d'appliquer
seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel;
ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils
nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose
qu'un humanitarisme sans consistance et sans autorité.
— 103 —
Pour vous, Vénérables Frères, continuez activement l'œu-
vre du Sauveur des hommes par l'imitation de sa douceur
et de sa force. Inclinez-vous vers toutes les misères, qu'au-
cune douleur n'échappe à votre sollicitude pastorale, qu'au-
cune plainte ne vous trouve iudiflérents. Mais aussi, prêchez
hardiment leurs devoirs aux grands et aux petits; il vous
appartient de former la conscience du peuple et des pou-
voirs publics. La question sociale sera bien près d'être
résolue, lorsque les uns et les autres, moins exigeants sur
leurs droits mutuels, rempliront plus exactement leurs
devoirs.
De plus, comme dans le conflit des intérêts, et surtout
dans la lutte avec des forces malhonnêtes, la vertu d'un
homme, sa sainteté même ne suffît pas toujours à lui assu-
rer le pain quotidien, et que les rouages sociaux devraient
être organisés de telle façon que par leur jeu naturel ils
paralysent les efforts des méchants et rendent abordable
à toute bonne volonté sa part légitime de félicité temporelle,
nous désirons vivement que vous preniez une part active
à l'organisation de la société dans ce but. Et à cette fin,
pendant que vos prêtres se livreront avec ardeur au travail
de la sanctification des âmes, de la défense de l'Eglise, et
aux œuvres de charité proprement dites, vous en choisirez
quelques-uns, actifs et d'esprit pondéré, munis des grades
de docteurs en philosophie et en théologie, et possédant
parfaitement l'histoire de la civilisation antique et mo-
derne, et vous les appliquerez aux études moins élevées
et plus pratiques de la science sociale, pour les mettre,
en temps opportun, à la tête de vos œuvres d'action catho-
lique. Toutefois, que ces prêtres ne se laissent pas égarer,
dans le dédale des opinions contemporaines, par le mirage
d'une fausse démocratie; qu'ils n'empruntent pas à la rhéto-
rique des pires ennemis de l'Eglise et du peuple un langage
emphatique plein de promesses aussi sonores qu'irréali-
sables. Qu'ils soient persuadés que la question sociale et
la science sociale ne sont pas nées d'hier; que, de tous
temps, l'Eglise et l'Etat, heureusement concertés, ont sus-
cité dans ce but des organisations fécondes ; que l'Eglise,
qui n'a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances-
— 104 —
compromettantes, n'a pas à se dégager du passé et qu'il
lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers
de la restauration sociale, les organismes brisés par la
Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien
qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l'évolution
matérielle de la société contemporaine : car les vrais amis
du peuple ne sont ni révolutionnaires, ni novateurs, mai;;
traditionnalistes.
Cette œuvre éminemment digne de votre zèle pastoral,
nous désirons que loin d'y faire obstacle, la jeunesse du
Sillon, dégagée de ses erreurs, y apporte dans l'ordre et la
soumission convenables un concours loyal et efficace.
Nous tournant donc vers les chefs du Sillon, avec la
confiance d'un Père qui parle à ses enfants, nous leur
demandons pour leur bien, pour le bien de l'Eglise et de la
France, de vous céder leur place. Nous mesurons, certes,
l'étendue du sacrifice que nous sollicitons d'eux, mais nous
les savons assez généreux pour l'accomplir, et, d'avance,
au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont nous sommes
l'indigne représentant, nous les en bénissons. Quant aux
membres du Sillon, nous voulons qu'ils se rangent par
diocèse pour travailler sous la direction de leurs évêques
respectifs à la régénération chrétienne et catholique du
peuple, en même temps qu'à l'amélioration de son sort. Ces
groupes diocésains seront, pour le moment, indépendants
les uns des autres ; et afin de bien marquer qu'ils ont brisé
avec les erreurs du passé, ils prendront le nom de Sillons
catholiques et chacun de leurs membres ajoutera à son titre
de SiUo7iiste le même qualificatif de catholique. 11 va sans
dire que tout Silloniste catholique restera libre de garder
par ailleurs ses préférences politiques, épurées de tout ce
qui ne serait pas entièrement conforme, en cette matière,
à la doctrine de l'Eglise. Que si, Vénérables Frères, des
groupes refusaient de se soumettre à ces conditions, vous
devriez les considérer comme refusant par le fait de se sou-
mettre à votre direction, et alors il y aurait à examiner
s'ils se confinent dans la politique ou l'économie pure, ou
s'ils persévèrent dans leurs anciens errements. Dans le
premier cas, il est clair que vous n'auriez pas plus à vous
— 105 —
en occuper que du commun des fidèles; dans le second,
vous devriez agir en conséquence, avec prudence, mais
avec fermeté. Les prêtres auront à se tenir totalement
en dehors des groupes dissidents et se contenteront de
prêter le secours du saint ministère individuellement à
leurs membres, en leur appliquant au tribunal de la Péni-
tence les règles communes de la morale relativement à la
doctrine et à la conduite. Quant aux groupes catholiques, les
prêtres et les séminaristes, tout en les favorisant et en
les secondant, s'abstiendront de s'y agréger comme mem-
bres ; car il convient que la milice sacerdotale reste au des-
sus des associations laïques, même les plus utiles et ani-
mées du meilleur esprit.
Telles sont les mesures pratiques par lesquelles nous
avons cru nécessaire de sanctionner cette lettre sur le SiUo)i
et les Sillonistes. Que le Seigneur veuille bien, nous l'en
prions du fond de l'âme, faire comprendre à ces hommes et
à ces jeunes gens les graves raisons qui l'ont dictée, qu'il
leur donne la docilité du cœur, avec le courage de prouver,
en face de l'Eglise, la sincérité de leur ferveur catholique;
et à vous, Vénérables Frères, qu'il vous inspire pour eux,
puisqu'ils sont désormais vôtres, les sentiments d'une
affection toute paternelle.
C'est dans cet espoir, et pour obtenir ces résultats si
désirables, que nous vous accordons de tout cœur, ainsi
qu'à votre clergé et à votre peuple, la Bénédiction Apos-
tolique.
■ Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 25 août 1910,
la huitième année de Notre Pontificat.
Plus PP. X.
— 106 —
II. — Motu Proprio contre le Modernisme
et prescription du serment antimoderniste.
Motu Proprio
Que qusedam statuuntur leges ad modernismi
periculum propulsandum.
(Acta Apost. Sedis. Vol. II, p. 665.)
Sacrorum Antistitum neminem latere arbitramur, vafer-
rimum hominuin genus, modernistas, persona quam
induerant illis detracta per encyclicas Litteras Pascendi
Lominici gregis (1), consilia pacis in Ecclesia turbandae
non abjecisse. Haud enim intermiserunt novos aucupari et
in clandestinum fœdus ascire socios, cnm iisque in chris-
tianse reipublicfe venas opinionum suarum virus inserere,
editis libris commentariisque supresso aut mentito scripto-
rum nomine. Hsec audacise maturitas, per quam tan tus
Nobis inustus est dolor, si perlectis iterum memoratis Lit-
teris Nostris, consideretur attentius, facile apparebit, ejus
moris homines haud alios esse quam quos ibi descripsimus,
adversarios eo magis timendos, quo propiores; ministerio
SUD abutentes ut venenatam bamis escam imponant ad
intercipiendos incautos, doctrinse speciem circumferentes,
in qua errorum omnium summa continetur.
Hac lue diffluente per agri Domini partem, unde lœtiores
essent exspectandi fructus, quum omnium Antistitum est
in catholicae fidei defensione laboraro, sumniaque diligentia
cavere, ne integritas divini depositi quidquam détriment!
capiat, tum ad Nos maxime pertinet Cliristi Servatoris
imperata facere, qui Petro, cujus principatum, licet indigni,
obtinemus, dixit : Confirma fratres tuos. Hac nempe de
causa, hoc est, ut in i)ra?senti dimicatione subeunda confir-
mentur bonorum animi, opportunum duximus memorati
Nostri documonti sententias et praescripta referre hisce ver-
bis expressa (2) :
(1) Dat. d. VIII Soptembr. MCMVII. Vide Acta Pontificia, ann. V,
p. 374.
(2) Vide Acta Pontificia Vol. V, pag. 401.
— 107 —
« Vos oranius et obsecraraus, ne in re tam gravi vigilan-
tiam, diligentiam, fortittulinem vestrain desiderari vol
minimum patiamini. Quod vero a vobis petimus et expec-
tamus, idipsum et petimus seque et expectamus a ceteris
animarum pastoribus, ab educatoribus et magistris sacne
juveututis, imprimis aulem a summis religiosarum fami-
]iarum magistris.
t I. Ad studia quod attinet, volumus probeque mandamus
ut philosophia scholastica studiorum sacrorum funda-
mentum ponatur. — Utique, si qiild a docloribus scho-
lasticis velnimia subtililate quœsitum, vel param con-
siderate traditum ; si quid cum exploratis poslerioris
œvi doctrinis minus cohœrens, vel detiique qiioquo
modo non prohabile ; id nullo pacto in animo est œtati
Jîostrœ ad iniitandum proponi (1). Quod rei caput est,
philosophiam scholasticam quum sequendam pnescribi-
mus, eam prœcipue int'-lligimus quœ a sancto Thoma
Aquinate est tradita : de qua quidquid a Decessore Nostro
sancitum est, id omne vigere volumus, et qua sit opus
instauramus et confirmamus, stricteque ab universis ser-
vari jubemus. Episcoporum erit, sicubi in Seminariis
negiecta hœc fuerint, ea ut in posterum custodiantur
urgere atque exigera. Eadem religiosorum Ordinum mode-
ratoribus prsecipimus. Magistros autem monenius ut rite
hoc teneant, Aquinatem vel parum deserere, prsesertim in
re metaphysica, non sine magno detrimento esse. Par-
vus error in principio, sic verbis ipsius Aquinatis licet
uti, est magnus in fine (2).
t Hoc ita posito philosophia? fundamento, theologicum
sedificium extruatur diligentissime. — Theologiœ stu-
dium, Venerabiles Fratres, quanta potestis ope provehite,
ut clerici e seminariis egredientes prseclara illius existi-
matione magnoque amore imbuantur, illudque semper
pro deliciis habeant. Nam in magna et multiplici disci-
plinarum copia quœ menti veritatis cupidœ objicitur,
neminem latet sacram Theologiam ita principem sibi
(1) Léo XIII, Encycl. ^terni Patris.
(2) De Ente et Essentia, proëm.
— 108 —
locutn vindicare, ut vêtus sapientum cffalum sit, céleris
scientiis et artibus officium incutnhere, ttt ei inserviant
ac velut aticillaj'um more famulentur (1). — Addimus
heic, eos etiam Nobis laude dignos videri, qui, incolumi
reverentia crga Traditionem et Patres et ecclesiasticura
magisterium, sapienti judicio catholicisque usi normis
(quod non œque omnibus accidit) theologiam positivam,
mutuato ab historia lumine, collustrare sludeant. Major
profecto quam antebac positivœ tbeologiae ratio est
bubenda : id lamen sic fiât, ut nihil scbolastica detrimenti
capiat, iique reprehendantur utpote qui modernistarum
rem gerunt, quicumque positivam sic extollunt ut scho-
lasticam theologiam despicere videantur.
« De profanis vero disciplinis satis sit revocare quœ
Decessor Noster sapientissime dixit : In rerum etiam
naturalium consideratione st7-e?iue adlaboretis : quo
in génère iiostrortan temporum ingeniose inventa et
utiliter ausa, sicut jure adynirantur œquaîes, sic pos-
ter i perpétua com,7nendati07ie et laude celebràbunt (2).
Id tamen nullo sacrorum studiorum damno ; quod idem
Decessor Noster gravissimis bisce verbis monuit : Quo-
ru7n causam errorum, si guis diligentius investiga-
verit, in eo potissimum sitayn esse intelliget, quod
7iostris hisce te777poribus, quanto rerwwi naturalium
studia vehe7nentius fervent, tanto 77xagis severiores
altioresque disciplinœ deflorue7nnt : quœdam eni7n
fere i7i oblivione ho7ninum conticescunt ; quœdam
remisse leviterque t7'actantur, et quod indignius est,
splendore pristinœ dignitatis deleto, pravitate sente7i-
tiarum et i7n7nanibus opinionum portentis in/îciun-
tur (3). Ad banc igitur legem naturalium disciplinaruni
studia in sacris seminariis temperari volumus.
« II. His omnibus praeceptionibus tum Nostris tuni
Decessoris Nostri oculos adjici oportet, quum de Semina-
riorum vel Universitatum catholicarum moderatoribus et
(1) Lbo XIII, Liit. Apost. X Dec. MDCCCLXXXIX.
(2) Alloc, Pergratus Nobis ad scientiar. cultoree, VII Martii
MDCCCLXXX.
(3) Alloc, ut Bopra.
— 10!) —
« magistris eligendis agendum erit. Quicumque modo quo-
I piam modernismo imbuti fuerint, ii, nulle habito rei
• cujusvis respectu, tum a regundi tum a docendi munere
' arceantur; eo si jara funguntur, removeantur : item qui
« modernismo clam aperteve favent, aut modernistas lau-
« dando eorumque culpam excusando, aut Scholasticam et
« Patres et Magisterium ecclesiasticum carpendo, aut eccle-
« siasticse potestati, in quocumque ea demum sit, oben-
(( dientiam deti'ectando : item qui in historica re, vel ar-
f cbeologica, vel biblica nova student : item qui sacras
t negligunt disciplinas, aut profanas anteponere videntur.
« — Hoc in negotio, Venerabiles Fratres, praesertim in
« magistrorum delectu, nimia nunquam erit animadversio
€ et constantia; ad doctorum enim exemplum plerumque
« componuntur discipuli. Quare, ofîicii conscientia freti,
t prudenter bac in re et fortiter agitote.
« Pari vigilantia et severitate ii sunt cognoscendi ac deli-
« gendi, qui sacris initiari postulent. Procul, procul esto a
» sacro ordine novitatum amor; superbos et contumaces
• animos odit Deus ! — Tbeologia? laurea nuUus in poste-
« rum donetur, qui statum curriculum in scholastica philo-
« sophia antea non elaboraverit. Quod si donetur, inaniter
<' donatus esto. — Quœ de celebrandis Universitatibus
« Sacrum Consilium Episcoporum et Religiosorum negotiis
« praepositum clericis Italiœ tum saîcularibus tum regula-
' ribus prci3cepit anno mdcgcxcvi; ea ad nationes omnes
« postbac pertinere decernimus. — Clerici et sacerdotes qui
« catholicœ cuipiam Universitati vel Instituto item catho-
« lico nomen dederint, disciplinas, de quibus magisteria in
« bis fuerint, in civili Universilate ne ediscant. Sicubi id
« permissum, in posterum ut ne fiât edicimus. — Episcopi,
t qui hujusmodi Universitatibus vel Institutis moderandis
« prœsunt, curent diligentissime ut quse bactenus impera-
« "vimus, ea constanter serventur.
« III. Episcoporum pariler officium est modernistaruni
• scripta quseve modernismum oient provebuntque, si in
t lucem édita, ne legantur cavere ; si nondum édita, ne
« edantur prohibere. — Item libri omnes, ephemerides,
» commentaria qusevis bujus generis neve adolescentibus
— 110 —
« in seminariis neve auditoribus in Universitatibus permit-
« tantnr : non enim minus hagc nocitura, quam quae contra
« mores conscripta; immo etiam magis, quod christianae
t vitae initia vitiant. — Nec seous judicandum est de quo-
« rumdani catholicorum scriptionibu-;, horainum cetcroijui
« non malse mentis, sed qui theologicte disciplinée exper-
« tes ac recentiori philosopliia imbuti, banc cum fide com-
« ponere nituntur et ad fldei, ut inquiunt, utilitates trans-
« ferre. Hœ, quia nullo metu versantur ob auctorum
» nomen bonamque existimationem, plus periculi afferunt
« ut sensim ad modernismum quis vergat.
« Goneratim vero, Venerabiles Fratres, ut in re tara
gravi prsecipiamus, quicumque in vestra uniuscujusque
dioecesi prostant libri ad legendum perniciosi, ii ut exu-
lent fortiter contendite, solemni etiam interdictione usi.
Etsi enim Apostolica Sedes arl liujusmodi scripta e medio
tollenda omnem operam impendat ; adeo tamen jam
numéro crevere, ut vix notandis omnibus pares sint
vires. Ex que fit, ut serior quandoque paretur medicina,
quum per longiores moras malura invaluit. Volumus
igitur ut sacrorum Antistites, omni metu abjecto, pru-
dentia carnis deposita, malorum clamoribus postba-
bitis, suaviter quidem sed constanter suas quisque partes
suscipiant; memores qnse Léo XIII in Constitutione
apostolica Officiorum ac munerutn (1) prsescribebat :
Ordinarii, etiam iamqicani Delegali Sedis Aposto-
licœ, Ubros aliaque scripta 7ioxia in sua diœcesi édita
vel diffusa proscribere et e vianibus /idelium auferre
studeant. Jus quidem bis verbis tribuitur sed etiam ofli-
cium raandatur. Nec quispiam hoc munus oflicii imple-
visse autumet, si unum alterumve librum ad Nos detule-
rit, dura alii bene multi dividi passim ac pervulgari
sinuntur. — Nihil autem vos teneat, Venerabiles Fratres,
quod forte libri alicujus auctor ea sit alibi facultate
donatus, quam vulgo Imprimatur appellant : tum quia
simulata esse possit, tum quia vel negligentius data vel
benignitate nimia nimiave fiducia de auctore concepta,
(1) XXV Jan. MDCCCXCVIl.
— 111 —
« quod forte postremum in Religiosorum ordinibus ali-
« quando evenit. Accedit quod, sicut non idem omnibus
t convenit cibus, ita libri qui altero in loco sint innocentes,
« nocentes in altero ob rerum complexus esse queunt. Si
« igitur Episcopus, audita prudentum sententia, borum
« etiam libroruni aliquem in sua diœccsi notan.iura cen-
« suerit, potestatem ultro facimus immo ot offlcium
» mandamus. Res utique deoenter fiat, prohibitionem, si
« sufficiat, ad clerum unum coercendo ; integro tamen
• bibliopolarum catholicorum officio libros ab Episcopo
« notatos minime vénales habendi. — Et quoniam de bis
t sermo incidit, vigilent Episcopi ne, lucri cupiditate, malam
€ librarii mercentur mercem : certe in aliquorum indicibus
« modernistarum libri abunde nec parva cum laude propo-
t nuntur. Hos, si obedientiam detrectent, Episcopi, moni-
« tione prîemissa, bibliopolarum catholicorum titulo privare
« ne dubitent; item potioreque jure si episcopales audiant:
« qui vero pontiticio titulo ornautur, eos ad Sedem Aposto-
« licam déférant. — Universis demum in memoriam revo-
t camus, quœ memorata apostolica Gonstitutio Officioruni
« habet, articulo xxvi : Omnes, qui facultatem apostoli-
« cam consecuti sunt legendi et retinendi libros prohi-
* bitos, ncqueunt ideo légère et retinere libros quoslibet
« aut ephernerides ab Ordinariis locorutn proscriplas ,
« nisi eis in apostolico induUo expressa facta fuerit
« potestas legendi ac retinendi libros a quibuscumquc
« damnatos.
t IV. Nec tamen pravorum librorum satis est lectionem
>i impedire ac venditionem ; editionem etiam prohiberi
« oportet. Ideo edendi facultatem Episcopi severitate summa
« impertiant. — Quoniam vero magno numéro ea sunt ex
« Constitutione Officioricm, quœ Ordinarii permissionem
« ut edantur postulent, nec ipse per se Episcopus praeco-
« gnoscere universa potest ; in quibusdam diœcesibus ad
« cognitionem faciendam censores ex officio sufflcienfi
« numéro destinantur. Hujusmodi censorum institutum
« laudamus quam maxime : illudque ut ad omnes diœceses
« propagetur non hortamur modo sed omnino praescribi-
« mus. In universis igitur curiis episcopalibus censores ex
— 112 —
« officio adsint, qui edenda cognoscant : )ii autem e gemino
« clero eligantur, œtate, eruditione, prudentia commendati,
« quique in doctrinis probandis improbandisque medio
' tutoque itinere eant. Ad illos scriptorum cognitio defera-
« tur, quœ ex articulis XLI et XLII memoratne Constitutio-
« nis prœvio subsunt examini. Gensor sententiam scripto
« dabit. Ea si faverit, Episcopus potestatein edendi faciet
« per verbum Imprimatur, cui tamen propenetur formula
« Nihil obstat, adscripto censoris nomine. — In Curia
» romana, non secus ac in ceteris omnibus, censores ex
• officio instituantur. Eos, audito prius Cardinali in Urbe
<■ Pontificis Vicario, tum vero annuente ac probante ipso
.' Pontiûce Maximo, Magister sacri Palatii apostolici desi-
• gnabit. Hujus erit ad scripta singula cognoscenda censo-
-■ rem destinare. Editionis facultas ab eodem Magistro
- dabitur necnon a Cardinali Vicario Pontificis vel Antistite
" ejus vices gerente, pra^missa, prout supra diximus,
" approbationis formula adjectoque nomine censoris, —
t Extraordinariis tantum in adjunctis ac per quam raro,
c< prudenti Episcopi arbitrio, censoris mentio intermitti
« poterit. — Auctoril)us censoris nomen patebit nunquam,
• antequam hic faventem sententiam ediderit; ne quid
t molestite censori exhibeatur vel dum scripta cognoscit,
» vel si editionem non probarit. — Censores e religiosorum
« familiis nunquam eligantur, nisi prius moderatoris pro-
" vinciœ secreto sentenlia audiatur : is autem de eligendi
■ moribus, scientia et doctrinae integritate pro officii con-
« scientia testabitur. — Religiosorum moderatores de gra-
s vissimo officio monemus nunquam sinendi aliquid a suis
« subditis typis edi, nisi prius ipsorum et Ordinarii facul-
t tas intercesserit. — Postremum edicimus et declaramus,
« censoris titulum, quo quis ornatur, nihil valere prorsus
nec unquam posse aflferri ad privatas ejusdem opiniones
« firmandas.
t His utiiverse dictis, nominatim servari diligentius
t prœcipimus, quîe articulo XLÏI Constitutionis Officioriini
« in hœc verba edicuntur : Yirl e clero sœculari prohiben-
■' fur quominus, absque prœvia Ordinariorum venia,
« diaria vel folia periodica moderanda suscipiant. Qua
— 113 —
si qui venia perniciose utantur, ea, moniti primum, pri-
ventur. — Ad sacerdotes quod attinet, qui corresponden-
tium vel collàboratorum nomine vulgo veniunt, quo-
niam frequentius evenit eos in ephemeridibus vel com-
mentariis scripta edere modernismi labe infecta ; videant
Episcopi ne quid hi, contra quam siverint, moliantur,
datamque potestatem, si oportet retractent. Idipsum ut
religiosorum moderatores prœstent gravissime admone-
mus : qui si negligentius agant, Ordinarii auctoritate
Pontificis Maximi provideant. — Ephemerides et com-
raentaria, quœ a catiiolicis scribuntur, quoad fieri possit,
censorem designatum habeant. Hujus officium erit folia
singula vel libelles, postquam sint édita, intègre atten-
teque perlegere : si quid dictum periculose fuerit, id in
sequenti folio vel libelle corrigendum injungat. Eadem
porro Episcopis facultas este, etsi censor forte faverit.
t V. Congressus publicosque cœtus jam supra memora-
vimus, utpote in quibus suas modernistae opiniones tueri
palam ac propagare student. — Sacerdotum conventus
Episcopi in posterum haberi ne siverint, nisi rarissime.
Quod si siverint, ea tantum lege sinent, ut nulla fiât
rerum tractatio qufe ad Episcopos Sedemve Apostolicam
pertinent ; ut nihil proponatur vel postuletur, quod
sacrae potestatis occupationem inférât : ut quidquid
modernismum sapit quidquid presbyterianismum vel lai-
cismum, de eo penitus sermo conticescat. — Coetibus
ejusmodi, quos singulatim, scripto, aptaque tempestate
permitti oportet, nullus ex alia diœcesi sacerdos intersit,
nisi litteris sui Episcopi commendatus. — Omnibus
autem sacerdotibus animo ne excidant, quse Léo Xlll
gravissime commendavit : Sancta sit apud sacerdotes
Antistituni suorum auctoritas : pro certo habeant
sacerdotale mûmes nisi sub magisterio Episcoporura
exerceatur, neque sanctum, nec satis utile, neque
honestum futurum (1).
t VI. Sed enim, Venerabiles Fratres, quid juverit jussa
« a Nobis prseceptionesque dari, si non haec rite constan-
<1) Litt. Encycl. - Nobilissima », VIII Febr. MDCCCLXXXIV.
— 114 —
< terque serventur ? Id ut féliciter pro votis cedat, visum
est ad universas diœceses profère, quod Umbrorum Epis-
copi (1), ante annos plures, pro suis prudentissime decre-
verunt. Ad erronés, sic illi, jam diffusas expellendos
atque ad impediendum quominus ulterius dividgen-
lur, aut adhuc extent impietatis magistri per quos
perniciosi perpetuentur effecius, qui ex illa divulga-
tione manarunt ; sacer Conventus, sancti Caroli Bor-
romœi vestigiis inhœrens , institut in unaquaqiie diœ-
cesi decernit prohatorum iitriusque cleri consilium,
ciijus sit pervigilare an et quibus artibus novi errores
serpant aut dissetninentur atque Episcopum, de hisce
docere, ut collatis consiliis remédia capiat, quibus id
mali ipso suo iniiio extitigui possit, ne ad animarum
pernicieyti magis magisque diffundatur, vel quod
pejus est in dies confirmetur et crescat. — Taie igitur
consilium, quod a vigilentia dici placet, in singulis diœ-
cesibus institui quamprinium decernimus. Yiri, qui in
illud adsciscantvir, eo fere modo cooptabuntur, quo supra
de censoribus statuimus. Altero quoque mense statoque
die cum Episcopo conveiiient : quse tractarint decreverint,
ea arcani lege custodiuuto. Officii munere hsec sibi de-
mandata habeant. Modernismi indicia ac vestigia tam in
libris quam in magisteriis pervestigent vigilanter ; pro
cleri juventœque incolumitate, prudenter sed prompte et
efficaciter prœscribant. — Yocum novitatem caveant, me-
minerintque Leonis XIII monita : Probari non posse in
catholicorum scriptis eatn dicendi rationem quœ.pra-
vœ novitati studens, pietatem ftdelium ridere videa-
tui\ loquaturque novuin christianœ viiœ ordinem,
novas Ecclesiœ prceceptiones, nova moderni afiimi
desideria, novam socialem cleri vocationem, novani
christianam humanitatem, aliaque idgenus tnulta (2).
Hsec in libris prselectionibusque ne patiantur. — Libros
ne negligant, in quibus piœ cujusque loci traditiones aut
sacrée Reliquiai tractantur. Neu sinant ejusmodi qusestio-
(1) Act. Coasess. Epp. Umbrue, Novembri MDCCCXLIX.
(2) iQBtruct. S. C. NN. EE. EE., XXVII jao. MCMII.
— 115 —
nés agi tari in ephemeridibus vel in coiumentariis fovendaft
pietati destinatis, nec verbis ludibrium aut despeclum
sapientibus, nec stabilibus sententiis, prsesertim, ut fere
accidit, si quœ afl'irraantur probabilitatis fines non excé-
dant vel prœjudicatis nituntur opinionibus. — De sacris
Reliquiis bœc teneantur. Si Episcopi, qui uni in bac re
possunt, certo norint Reliquiam esse subditiciam, fide-
lium cultu removeant. Si Reliquia^ cujuspiam auctori-
tates, ob civiles forte perturbationes vel alio quovis casu,
interierint ; ne publiée ea proponatur nisi rite ab Epis-
copo recognita. Prœscriptionis argumentum vel fundata?
praîsumptionis tune tantum valebit, si cultas antiquitate
comraendetur ; nirairum pro decreto, anno MDGGCXGVI
a sacro Consilio indulgentiis sacrisque Reliquiis cognos-
cendis edito, que edicitur : Reliquias antiquas conser-
vandas esse iti ea veneratione in qua hactenus fiie-
runt, nisi in casu parliculari certa adsint argumenta
eus falsas vel supposititias esse. — Quum autem de piis
traditionibus judicium fuerit, illud meminisse oportet :
Ecclesiam tanta in bac re uti prudentia, ut traditiones
ejusmodi ne scripto narrari permittat nisi cautione multa
adhibita prœmissaque declaratione ab Urbano VIII san-
cita ; quod etsi rite fiat, non tamen facti veritatem adse-
rit, sed, nisi humana ad credendum argumenta desint,
credi modo non prohibât. Sic plane sacrum Consilium
legitiœis ritibus tuendis, abhinc annis triginta, edicebat :
Ejusmodi apparitiones seu revelatio?ies neque appro-
bâtas neque damnatas ab Apostolica Sede fuisse, sed
tantum permissas tanquani pie credendas fide soluru
Jiutnana, juxta traditionem quam ferunt, idoneis
etiam testimoniis ac tnonumenlis confirmatam (1).
Hoc qui teneat, metu omni vacabit. Nam Apparitionis
cujusvis religio, prout factum ipsum spectat et relativa
dicitur, conditionem semper habet implicitani de veritate
facti : prout vero absoluta est, semper in veritate nititur,
fertur enim in personas ipsas Sanctorum qui honorantur.
Similiter de Reliquiis afarmandum. — Illud demum
(1) Decr. II Mail MDCCCLXXVII.
— 116 —
« Gonsilio vigilantia; demandamus, ul ad socialia insti-
« tu ta itemque ad seripta quaîvis de re sociali assidue ac
« diligenter adjiciant oculos, ne quid in illis modernismi
« lateat, sed Romanorum Pontificum prseceptionibus res-
♦ pondeant.
€ VIL Hœc quse prœcepimus ne forte oblivioni dentur,
' volumus et mandamus ut singularum diœcesum Episcopi,
« anno exacto ab editione prsesentium litterarum, postea
« vero tertio quoque anno, diligenti ac jurata enarratione
« référant ad Sedem Apostolicam de bis quai bac Nostra
■ Epistola decernuntur, itemque de doctrinis quce in clero
• vigent, prœsertim autem in Seminariis ceterisque catbo-
« licis Institutis, iis non exceptis quœ Ordinarii auctoritali
« non subsunt. Idipsum Moderatoribus generalibus ordi-
« num religiosorum pro suis alumnis injungimus. »
His, quœ plane confirmamus omnia sub pœna temeratai
conscientiae adversus eos, qui dicto audientes esse renue-
rint, peculiara quœdam adjicimus, quœ ad sacrorum alum-
nos in Seminariis degentes et ad inslituti religiosi tirones
referuntur. — In Seminariis quidem oportet partes omnes
institutionis eo tandem aliquando conspirent ut dignus tali
nomine formetur sacerdos. Nec enim existimare licet, ejus-
modi contubernia studiis dumtaxat aut pietati patere.
Utraque re institutio tota coalescit, suntque ipsa tanquam
palsestroe ad sacram Christi militiam diuturna praeparatione
fingendam. Ex iis igitur ut acies optime instructa prodeaf,
omnino sunt duœ res necessarife, doctrina ad cultum men-
tis, virtus ad perfectionem animi. Altéra postulat ut alumna
sacrorum juventus iis artibus apprime erudiatur quse cuni
studiis rerum divinarum arctiorem habent cognationem ;
altéra singularem exigit virtutis constantiœque praestan-
tiam. Videantergo modei-atores disciplinte ac pietatis, quam
de se quisque spem injiciant alumni, introspiciantque sin-
gulorum quse sit indoles ; utrum suo ingenio plus sequo
indulgeant, aut spiritus profanos videantur sumere ; sintne
ad parendum dociles, in pietatem proni, de se non alte
sentientes, disciplina retinentes; rectone sibi fine propo-
sito, an humanis ducti rationibus ad secerdotii dignitatem
contendant; utrum denique convenienti vitœ sanctimonia
— 117 —
doctrinaque polleant ; aut certe, si quid horum desit, sin-
cero promptoque animo conenlur acquirere. Nec iiimium
diffîcultatis habet investigatio ; siquidem virlutum, quas
diximus, defectum cito produnt et religionis officia ficto
animo persoluta, et servata metus causa, non conscientifc
voce, disciplina. Quam qui servili timoré retineat, aut ani-
mi levitate contemptuve frangat, is a spe sacerdotii sancte
l'ungendi abest quam longissime. Haud enim facile credi-
tur, domesticîe disciplinae contemptorem a publicis Eccle-
siae legibus minime discessurum. Hoc animo comparatum
si quem deprehenderit sacri ephebei moderator, et si semel
iteruinque prannonitum, experimento facto per annum,
intellexerit a consuetudine sua non recedere, eum sic
expellat, ut neque a se neque ab uUo episcopo sit in poste-
rum recipiendus.
Duo igitur hsec ad promovendos clericos omnino requi-
rantur : innocentia vitœ cum doctrinœ sanilate conjuncta.
Neve illud pr»tereat, prsecepta ac monita, quibus episcopi
sacris ordinibus initiandos compellant, non minus ad hos
quam ad candidates esse conversa, prout ubi dicitur :
« Providendum, ut cselestis sapientia, probi mores et diu-
€ turna justitise observatio ad id electos commendet... Sint
f probi et maturi in scientia simul et opère... eluceat in eis
« totius forma justitiffi ».
Ac de vitae quidem probitate satis dictum esset, si hsec a
doctrina et opinionibus, quas quisque sibi tuendas assurap-
serit, posset facili negotio sejungi. Sed, ut est in proverbio-
rum libro : Doctrina sua noscetur vir (1) ; utque docet
Apostolus : Qui... non permanet in doctri?ia Christi,
Deum non habei (2). Quantum operœ vero dandum sit
addiscendis rébus multis equidem et variis, vel ipsa hujus
œtatis conditio docet, nihil gloriosius efiferentis quam lucem
progredientis humanitatis. Quotquot igitur sunt ex ordine
cleri si convenienter temporibus velint in suis versari mu-
neribus; si cum fructu exhortari in doctrina sana, et eos,
qui contradicunt, arguere (3) ; si opes ingenii in Ecclesiae
utilitatem transferre, oportet cognitionem rerum assequan-
(1) Prov., III, 8. — (2) II Joan., 9. — (3) Tit., i, 9.
— 118 —
tur, camque minime vulgavem, et ad excellentiam doctrinee
propius accédant. Luctandum est enim cum hostibus non
imperitis, qui ad elegantiam studiorum scientiam sœpe
dolis consutam adjungunt, quorum speciosae vibrantesque
sententias magno verborum cursu sonituque feruntur, ut
in iis videatur quasi quid peregrinum instrepere. Qua-
propter expedienda mature sunt arma, hoc est, opima doc-
trine seges comparanda omnibus, quicumque sanctissimis
perarduisque muneribus in umbratili vita se accingunt.
Verura, quia vita hominis iis est circumscripta limilibus
ut ex uberrimo cognoscendarum rerum fonte vix detur ali-
quid summis labiis attingere, discendi quoque temperandus
ost ardor et retinenda Pauli sententia : no)i plus sapere
quatn oportet sapere, sed sapere ad sobrietatem (1). Quare,
quum clericis multa jam satis eaque gravia sint imposita
studia, sive quae pertinent ad sacras litteras, ad Fidei ca-
pita, ad mores, ad scientiam pietatis et officiorum, quam
usceticam vocant, sive quœ ad historiam Ecclesise, ad jus
canonicum, ad sacram eloquentiam referuntur ; ne juvenes
aliis quaestionibus consectandis tempus terant et a studio
prœcipuo distrahantur, omnino vetamus diaria qusevis aut
commentaria, quantumvis optima, ab iisdem legi, onerata
moderatorum conscientia, qui ne id accidat religiose non
caverint.
Ut autem suspicio segregetur omnis clanculum se infe-
rentis modernismi, non solum omnino servari volumus
quse sub numéro secundo superius prœscripta sunt, sed
prseterea prsecipimus ut singuli doctores, ante auspicandas
ineunte anno prœlectiones, Antistiti suo textum exhibeant,
quem sibi quisque in docendo proposuerit, vel tractandas
qusestiones, sive thèses ; deinde ut per annum ipsum explo-
retur sua cujusque magisterii ratio ; qu» si videatur a sana
doctrina discedere, causa erit quamobrem doctor illico
uraoveatur. Denique, ut, prœter fidei professionem, jusju-
randum det Antistiti suo, secundum adjectam infra formu-
lam, et subscripto nomine.
Jusjurandum hoc, praemissa Fidei professione per formu-
(1) Rom., XII, 3.
— 119 —
lam a s. m. Decessoie Nostro Pio IV prfescriptam cum
adjeolis definitionibus Goncilii Vaticani, suo antistiti item
dabunt :
I. Glerici majoribus ordinibus initiandi ; quorum singulis
antea tradatur exemplar tum professionis fidei, tum for-
mulée edendi jurisjurandi ut eas accurate prœnoscant,
adjecta violati jurisjurandi, ut infra, sanctione,
II. Sacerdotes confessionibus excipiendis destinati et
sacri concionatores, antequam facultatc donentur ea munia
■exercendi.
III. Parochi, Ganonici, Beneficiarii ante ineundam bene-
ficii possessionem.
IV. Officiales in curiis episcopalibus et ecclesiasticis Iri-
bunalibus, haud exceptis Vicario generali et judicibus.
V. Adiecti concionibus habendis per quadragesimse
tempus.
VI. Officiales omnes in Romanis Gongregationibus vel
tribunalibus coram Gardinali Prgefeclo vel Secretario ejus-
■dem sive Gongregationis sive tribunalis.
VII. Religiosarum familiarum Gongregationumque Mode-
ratores et Doctores antequam ineant officium.
Professionis fidei, quam diximus, éditique jurisjurandi
documenta, peculiaribus in tabulis pênes Curias episcopales
adserventur, itemque pênes Romanarum Gongregationum
sua quœque officia. Si quis autem, quod Deus avertat,
jusjurandum violare ausus fuerit, ad Sancti Officii tribunal
illico deferatur.
Jurisjurandi Formula
« Ego... flrmiter amplector ac recipio omnia et singula,
quae ab inerranti Ecclesiae magisterio definita adserta ae
deciarata sunt, prsesertim ea doctrinse capita, quse hujus
temporis erroribus directo adversantur. Ac primum quidem
Deum, rerum omnium principium et finem, naturali ratio-
nis lumine per ea quse facta sunt, hoc est per visibilia
oreationis opéra, tamquam causam per effectus, certo co-
gnosci, adeoque demonstrari etiam posse, profiteor. Se-
cundo, externa revelationis argumenta, hoc est facta divina,
in primisque miracula et prophetias adraitto et agnosco
— 120 —
tamquam signa certissima divinitus ortœ christianae Reli-
gionis, eademque teneo œtatum omnium atque hominum,
etiam hujus temporis, intelligentiœ esse maxime accommo-
data. Tertio : Firma pariter Me credo, Ecclesiam, verbi
revelati custodem et magistram, per ipsum verum atque
historicum Ghristum, quum apud nos dogeret, proxime ac
directo institutam, eandemque super Petruin, aposlolicfe
hiérarchise principem ejusque in aîvum successores sedifi-
catam. Quarto : Fidei doctrinam ab Apostolis per ortho-
doxes Patres eodem sensu eademque semper sententia ad
nos usque transmissam, sincère recipio; ideoque prorsus
rejicio hsereticum commentum evolutionis dogmatum, al>
uno in alium sensum transeuntium, diversum ab eo, quem
prius habuit Ecclesia ; pariterque damno errorem omnem^
quo, divino deposito, Christi Sponsœ tradito ab Eaque
fideliter custodiendo, sufficitur philosophicum inventum,
vel crealio humant? conscientiae, hominum conatu sensim
efformataî et in posterum indefinito progressu perficiendse,
Quinto : certissime teneo ac sincère profiteor, Fidem non
esse coecum sensum religionis e latebris suhconscientiœ
erumpentem, sub pressione cordis et inflexionis voluntatis
moraliter informatse, sed verum assensum intellectus veri-
tati extrinsecus acceptae ex auditu, quo nempe, quœ a Deo
personali, creatore ac domino nostro dicta, testata et reve-
lata sunt, vera esse credimus. propter Dei auctoritatem
summe veracis.
€ Me etiam, qua par est, reverentia, subjicio totoque
animo adhœreo damnationibus, declarationibus, prtescriptis
omnibus, quae in Encyclicis litteris t Pascendi » et in
Decreto t Lamenlàbili » continentur prsesertim, circa eam
quam historiam dogmatur vocant. — Idem reprobo errorem
affirmantium, propositam ab Ecclesia fidem posse historif&
repugnare, et catholica dogmata, quo sensu nunc intelli-
guntur, cum verioribus christianse religionis originibua
componi non posse. — Damno quoque ac rejicio eorum
sententiam, qui dicunt, christianum hominem eruditiorem
induere personam duplicem, aliam credentis, aliam histo-
rici, quasi liceret historico ea retinere quse credentis fidei
contradicant, aut prsemissas adstruere, ex quibus conse-
— 121 —
quatur dogmata esse aiit falsa aut dubia, modo hœc directa
non denegentur. — Reprobo pariter eam Scripturse sanct»
dijudicandœ atque interpretanda; rationem, qu», Ecclesiœ
traditione, analogia Fidei, et Apostolicse Sedis normis post-
habitis, rationalistarum commentis inhaeret, et criticen tex-
tus vehit unicam supremaraque regulam, haud minus licenter
quam temere amplectitur. — Sententiam pra^terea illorum
rejicio qui tenent, doctori disciplina^ historica^ theologica.-
tradendœ, aut iis de rébus scribenti seponendam prius esse
opinionem ante conceptam sive de supernaturali origine
catholicœ traditionis, sive de promissa divinitus ope ad
perennem conservationem uniuscujusque revelati veri ;
deinde scripta Patrum singulorum interpretanda solis
scientiœ principiis, sacra qualibet auctoritate seclusa,
eaque judicii libertate, qua profana quaevis monumenta
soient investigari. — In universuni denique me alienissi-
mum ab errore profiteor, quo 7)iodernistœ tenent in sacra
traditione nihil inesse divini ; aut, quod longe deterius,
pantheistico sensu illud admittunt ; ita ut nihil jam restet
nisi nudum factum et simplex, communibus histoi-iœ factis
œquandum; hominura nempesua industria, solertia, ingenio
scholam a Christo ejusque apostolis inchoatam per sub-
séquentes a?tates continuantium. Proinde fidem Patrum
firmissime retineo et ad extremum vitœ spiritum retinebo,
de charismate veritatis certo, quod est, fuit eritque semper
in episcopatus ab Apostolis successione (1); non ut in te-
neatur quod melius et aptius videri possit secundum suam
cujusque œtatis culturam, sed ut ^lunquain aliter crc-
datur, nunqnani aliter intelligatur absoluta et immuta-
Jnlis Veritas ab initio per Apostolos praedicata (2).
« Hsec omnia spondeo me fideliter, intègre sincereque
servaturum et inviolabiliter custoditurum, nusquam ab iis
sive in docendo sive quomodoiibet verbis scriptisque deflec-
tendo. Sic spondeo, sic juro, sic me Deus, etc. »
(1) Irkn., 4, c. 2-5. —(2) Prœser., c. 28.
— 122 —
De Sacra Prjsdigatione
Quandoquidem prœterea diuturna observatione sit cogni-
tum Nobis, episcoporum curis ut annuntietur divinuni
Verbum pares non respondere fructus, idque, non tam au-
<Iientium desidiœ, quam oratorum jactantisc tribuendum
putemus, qui hominis verbum exhibent magis quam Del,
opportunum censuimus, latine versum evulgare atque Or-
dinar Us commendare documentura, jussu Decessoris Nostri
fel. rec. Leonis XIII a Sacra Gongregatione episcoporum et
regularium editum die xxxi mensis Julii anno mdgcgxgiv
et ad Ordinarios Italiœ atque ad religiosarum Familiarum
Congregationumque moderatores transmissum.
1» « Et in primis quod ad ea pertinet virtutum ornamenta
quibus sacri oratores emineant j^otissimum oporlet, caveant
ipsi Ordinarii ac religiosarum familiarum Moderatores ne
unquam sanctum hoc et salutare divini verbi ministerium
lis credant qui nec j^ietate in Deum nec in Christum Filium
ejus Dominum nostrum caritate ornentur ac redundent.
Istae enim si in catholicœ doctrinœ prœconibus desiderentur
animi dotes, quavis tandem ii polleant dicendi facultate,
aliud nihil profecto pnestabunt quam œs sonans, aut cym-
balu7n tinniens (1) : neque unquam id ipsis suppetet a
quo evangelicœ praîdicationis vis omnis ac virtus dei'ivatur,
studium videlicet divinae glorise œternseque animorum
salutis. Quae quidem oratoribus sacris apprime necessaria
pietas, eluceat oportet etiam in exlerna vitse eorumdem
ratione : ne sermone celebratis prseceptis institutisque
chrislianis disserentium mores refragentur : neve iidem
opère destruant quod sedificant verbo. Ne quid prœterea
profani pietas ejusmodi redoleat : verum ea sit praedita
gravitate, ut probet eos esse rêvera ministros Christi, et
dispensalores tnysteriorum Dei (2). Secus enim, ut scite
animadvertit Angelicus, si doctrina est hona et prœdicator
malus, ipse est occasio blasphemiœ doctrinœ Dei (3). —
At vero pietati ceterisque christianis virtutibus comes ne
(1) Cor., XIII, 1. —(2) Cor., iv, 1. — (3) Comm. in Matth., v.
— 123 —
«lesit scientia : quum et per se pateat, et diuturna expe-
rientia comprobetur, nec sapiens, nec composilum, nec fru-
giferum dicendi genus posse ab iis afiferri, qui doctrina,
praeserlim sacra, non affluant, quique ingenita quadam
freti celeritate verborum, suggestum temere adscendunt ac
ferme imparati. Hi profecto aerem verberant, et inscii
divina eloquia contemptui objiciunt ac derisioni; plane
digni quibus aptetur divina illa sententia : Quia tu scien-
limn repulisti, repellam te, ne sacerdotio fungaris
mihi (1). »
2° « Igitur episcopi et religiosarum familiarum antistites
<livini verbi ministerium ne cui sacerdoti committant, nisi
ante constiterit, ipsura esse pietatis doctrinaeque copia rite
instructum. Idem sedulo advigilent ut ea tantum pertrac-
tanda sumantur, quae sacrae praedicationis sunt propria.
Quae vero ejusmodi sint Christus Dominus tune aperuit
quum ait : Prœdicate evangelium... (2) Docentes eos ser-
vare omnia quœcumque mandavi vobis (3). Ad quse verba
apte S. Thomas : Prœdicatores debent illuminare in cre-
dendis, dirigere in operandis, vitanda manifestare, et
modo cornmi7iando, inodo exhortando, hominibus prœdi-
care (4). Et sacrosanctum Goncilium Tridentinum : Awnwn-
tiantes eis vitia, quœ eos declinare, etvirtutes qiias sectari
oportet, ut pœnaiïi œternam evadere et cœlestem gloriara
consequi valeant (5). Quse omnia fusiore calamo perse-
quutus f. r. Pius IX, hsec scripsit : Non semetipsos, sed
Christum cruci/îxum prœdicantes , sanctissimœ religionis
nostrœ dogmata et prœcepta, juxta catholicœ Ecclesiœ et
Patrum doctrinam, gravi ac splendido orationis génère,
populo clare aperteque a?inu7icient ; peculiaria singolo-
rum officia accurate explicent, omnesque a flagitiis
deterreant, ad pietatem inflamment, quo fidèles, Del
verbo salubriter refecti, vitia omnia déclinent, virtutes
sectentur, atque ita œlernas pœnas evadere et cœlestem
gloriam consequi valeant (6). Ex quibus omnibus pers-
picuum fit, symbolum Apostolorum, divinum decalogum^
(1) Os., IV, 6,— (2) Marc, xvi, 15. — (3) Matth., xxviii, 20.
(A) Loc. cit. — (5) Sess. V, cap. ii, De Reform.
(6) Lin. Enc, IX nov. MDCCCXLVI.
— 124 —
Ecclesiae prsecepta, Sacramenta, virtutes ac vitia, sua cii-
jusque conditionis officia, novissima hominis et cetera id
genus œterna vera, h?ec esse propria argumenta de quibus
oporteat concionari. »
3° « Sed rerum talium copiam et uberrimam et gravis-
simam recentiores divini verbi ministri haud raro nil pensi
habent; uti obsoletum quid et inane negligunt ac pnene
abjiciunt. Hi nimirum quum probe compertum habeant
rocensita rerum momenta captandse populari gratiœ, cui
tantum inhiant, minus esse idonea; quœ sua sunt quœ-
rentes non quœ Jesii Chrisli (1), eadem plane seponunt ;
idque vel ipsis quadragesima? diebus ac reliquis solemnio-
ribus anni tempestatibus. Una vero cum rébus immutantes
nomina, antiquis concionibus recens quoddam ac minus
recte intellectum alloquendi sufficiunt genus, quod confe-
RENTiAM dicunt, menti cogitationique alliciendae magis
aptum quam impellendae voiuntati atque instaurandis mo-
ribus. Hi profecto haud secum reputant conciones morales
omnibus, conferentias vix paucis prodesse; quorum si
moribus diligentius perspectum foret per inculcatam ssepe
castitatem, animi demissionem, obsequium in Ecclesi»
auctoritatem, hoc ipso prœjudicatas de fîde opiniones
exuerent lucemque veritatis promptiore animo exciperent.
Quod enim complures de religione prave sentiunt, maxime
inter calholicas gentes, id effrenatis animi cupidatibus
potius est tribuendum, quam vitio aberrantis intelli-
gentise, secundum divinam sententiam : De corde exeunt
cogitationes tnalœ... blasphemiœ (2). Hinc Augustinus
Psalmistse referens verba : Dixit insipiens in corde sua :
non est Deus (3), commentatur : in corde suo, non in
mente sua. »
4° « Haec tamon non ita sunt accipienda quasi sermonos
id genus per se omnino sint improbandi, quum contra, si
apte tractentur, perutiles possint esse aut etiam necessarii
ad refellendos errores, quibus religio impetitur. Sed amo-
venda omnino est a suggestu pompa illa dicendi, quaî in
quadam rerum contemplatione magis quam in actione ver-
(1) Philip., II, 21. — (2) Matth., xv, 19. — (3) Psalm., xiii, 1.
— 125 —
satur; quse civitatem spécial propius quam religionem ;
«juae denique specie nitet melius quam frucluum ubertate.
Ea nempe omnia commentariis et academiis raagis accom-
modata, dignilale atquc amplitudini domus Dei minime
congruunl. Sermones autem, seu conferentiœ, quœ propo-
sitam habent religionis tuitionem contra hostiles impugna-
tiones, etsi quandoque necessarii, non omnium lamen
humeris apti sunt, sed validioribus. Atque ipsis quidem
oratoribus eximiis magna est adhibenda caulela, quod ejus-
modi defensiones haberi non decel nisi ubi tempus aut
locus aut audiontium conditio eas necessario postulent,
spesque adsit non fore fruclu vacuas : cujus rei judicium
legitimum pênes Ordinarios esse ambiget nemo. Oportet
praeterea in sermonibus id genus probandi vis sacris doc-
trinis multo plus quam humanœ sapientise verbis innitatur,
omniaque nervose dicantur ac dilucide, ne forte mentibus
auditorum hœreant altius impressae falsae opiniones quam
opposita vera, neve objecta magis qaam responsa percel-
lant. An te omnia vero illud cavendum, ne talium sermonum
frequentia moralium concionum dignitatem deminuat ab
usuve removeat, quasi h?e inferioris ordinis essent ac
minoris faciendse prœ pugnaci illo dicendi génère, adeoque
concionatorum et auditorum vulgo relinquendse ; quum
contra verissimum sit conciones de moribus plerisque fide-
libus esse maxime necessarios; dignitate vero contentiosis
disceptationibus minime cedere ; ita ut vel a prœstantis-
simis oratoribus, coram quovis elegantiori frequentiorique
cœtu, saltem identidem summo cum studio essent habendic.
Quod nisi fiât, multitudo fidelium cogetur audire semper
loquentem de erroribus, a quibus plerique ipsorum abhor-
rent; nunquam de vitiis ac noxis, quibus ejusmodi audi-
toria prse céleris inficiuntur. »
5" t Quod si vitiis haud vacat argument! delectus, alia,
eaque graviora etiam, querenda occurrunt si animum quis
referai ad orationis speciem ac formam. Quse, prout egregie
edisserit Aquinas, ut reapse sit lux mundi, tria débet
habere prœdicator verbi divini : primum est stabilitas,
ut non deviet a veritale : secunduni est claritas, ut non
doceat cum obscuritate : tertium est utilitas, ut qucerat
— 126 —
I>ei laudem et non suam (1). At vero forma hodierna
dicendi ssepenumero , non modo longe abest ab illa evan-
gelica perspicuitate ac simplicitate quœ iisdem deberet esse
propria, sed tota posita est in verborum anfractibus atque
nbditis rébus, quse communem populi captum excedunt.
Dolenda sane res ac prophette deflenda verbis : Parvuli
petierunt panem, et non erat qui frangeret sis (2). Sed
illud etiam miserius, quod ssepe his conoionibus deest illa
species religionis afflatus ille christianae pietatis, illa deni-
que vis divina ac Sancti Spiritus virtus interius loquentis
et ad bonum pie permoventis animos : qua sane vi ac vir-
tute sacris prai'conibus semper essent usurpanda Apostoli
vorba : Sermo meus, et prœdicatio mea, non in persuasi'
bilibus humanœ sapietitiœ verbis, sed in ostentione spi-
ritus et virtuiis (3). lidem contra freti persuasibilibus
humanae sapientice verbis, vix aut ne vix quidem animum
ad divina eloquia intendant et ad Scripturas Sanctas, qu3&
sacrse prœdicationi potiores uberioresque recludunt latices,
uti diserte docebat nuper Sanctissimus Dominus Léo XIII
hisce verbis gravissimis : — « Hsec propria et singularis
Scripturarum virtus, a divino afflatu Spiritus Sancti, pro-
lecta, ea est quœ oratori sacro auctoritatem addit, apostoli-
cam prtebet dicendi libertatem, nervosam victricemque tri-
buit eloquentiam. Quisquis enim divini verbi spiritum et
robuT eloquendo refert, ille non loquitur in sermone tan-
tum, sed et i7i virtute, et in Spiritu Sancto, et in pleni-
tudine multa (4). Quamobrem ii dicendi sunt prœpostere
improvideque facere, qui ita conciones de religione habent
et prsecepta divina enunciant, niliil ut fere afïerant nisi
humanai scientice et prudentiae verba, suis magis argumen-
tis quam divinis innixi. Istorum scilicet, orationem, quan-
tumvis nitentem luminibus, languescere et frigere necesse
est, utpote quœ igné careat sermonis Dei, eamdemque
longe abesse ab illa, qua divinus sermo pollet virtute :
\ivus est enim sermo Dei, et efficax, et penetrabilior
omni gladio ancipiti; et pertingens usque ad divisionem
animœ ac spiritus (5). Quamquam boc etiam prudentiori-
fl) Loc. cit. — (2) Thren., iv, 4. — (3) I Cor., n, 4. — (4) IThess.^
j, 5. — (5) Hebr., iv, 12.
— lv}7 —
bus assentiendum est, inesse in sacris Litteris mire variaiii
et uberem magnisque dignem rébus cloquentiara ; id quod
Augustinus pervidit diserteque arguit (1), atque res ipsa
conlirmat prœstantissimorum in oratoribus sacris, qui
nomen suum assidure Bibliorum consuetudini piaeque
meditationi se prœcipue debere, grati Deo, affirmarunt (2) ».
« En igitur eloquentice sacrae fons facile princeps, Biblia.
Sed qui ad nova exempla componuntur praecones, dicendi
copiam non e fonte hauriunt aquœ vivœ, sed abusu haud
sane ferendo, se ad hunianœ sapientiœ cisternas dissi-
patas convertunt, et seposita doctrina divinitus inspirata,
vel Ecclesiae Patrum et Conciliorum, toti sunt in profano-
rum recentiorumque atque adeo viventium scriptorum
nominibus sententiisque proferendis : quai sane sentenllae
sîepe interpretationibus ansam prsebent, aut ambiguis, aut
valde periculosis. — <■ Alterum offensionis caput injiciunt
qui ita de rébus religionis disserunt, quasi omnia caduc»
hujus vitae emolumentis comniodisque metiantur, futurœ ac
sempiternae pêne obliti : qui fructus quidem a christiana reli-
gione illatos hominum societati praeclare persequuntur, offi-
cia vero ab iisdem servanda dissimulant ; Christi Servatoris
unam efferunt caritatem ; justitiam silent. Inde istius prœ-
dicationis exiguus fructus, qua audita profanus bomo per-
suasionem secumfert, etiam non mutatis moribus se fore
christianum, dum dicat : Grodo in Christum Jesum (3) ».
— Verum, quid ipsorum interest fructus colligere ? Non id
sane propositum babent, sed illud maxime, ut auditorum
prurientes auribus iisdem assententur; dumque templa
referta videant, vacuos animos remanere patiuntur. Hac
nempe de causa mentionem injiciunt nullam de peccato, de
novissimis, aliisque maximi momenti rébus, sed in eo toti
sunt ut verba pîacentia effundant, tribunicia magis et pro-
fana eloquentia quam apostolica et sacra, ut clamores
plaususque aucupentur ; contra quos ita Hieronymus :
JDocente m Ecclesia te, non clamor populi, sed gemitus
suscitetur : auditorum lacrimœ laudes tuœ sint (4). Quo
(1) De Doctr., christ., iv, 6, 7. — (2) Litt. encycl. de Studiis
Script. Sacr., XVIII Nov. MDCCCXCIII. — (3) Card. Bausa, Archiep,
Florentin., ad jnniorem clet-um, 1S92. — (4) Ad Nepotian.
— 128 —
lit ut historura eoiicioues, quum in saeris aedibus tum
extra, scenicum quendam apparatum exliibeant, omnem-
que speciem sanctitatis et efiicaciam adimant. Hinc ab
auribus populi et plurium etiam e clero migravit voluptas
omnis quae a divino verbo hauritur ; hinc bonis omnibus
injectai offensiones; hinc vel admodum exiguus, vel plane
nullus aberrantium profectus, qui etiamsi interdum con-
currant audituri verba placentia, praesertim si magnificis
illis illecti centies resonantibus humanitatis adscensum,
patriam, scientiam recentius itivectam, postquam dicendi
peritum effuso prosequuti sunt plausu, templo iidem qui
antea discedunt, haud eorum absimiles, qui mirabantur.
sed non convertebantur (1) ».
t Volens igitur haec Sacra Gongregatio, ex mandate
Sanctissimi Domini Nostri, tôt ac tam improbandos abusus
^ohibere, Episcopos omnes et eos, qui religiosis familiis
institutisve ecclesiasticis prœsunt tamquam supremi mode-
ratores, compellat, ut apostolico pectore sese iisdem oppo-
nant omnique studio exstirpandos curent. Memores igitur
eorum, quse a SS. Goncilio Tridentino prœscripta sunt (2).
— Yiros idofieos ad hujusmodi prœdicaliojiis of/îcium
assumere tenentur, — in hoc negotio perquam diligenter
cauteque se gérant. Si de sacerdotibus agatur suae diœcesis
impense caveant Ordinarii ne unquam iidem ad id muneris
admittantur, quin pvius de vita et scientia et moribus
probati fuermt (3) hoc est nisi facto periculo aut alia
opportuna rations illos idoneos esse constiterit. Si vero de
Sacerdotibus res sit aliénas diœcesis, neminem suggestum
adscendere sinant, idque solemnioribus praesertim diebus,
nisi prius ex testimonio scripto proprii Ordinarii vel reli-
giosi Antistitis constiterit eosdem bonis moribus esse prae-
ditos eique muneris pares. Moderatores vero sui cujusque
Ordinis, Societatis vel Congregationis religiosse neminem
prorsus ex propriae disciplinas alumnis obire sinant concio-
natoris munus, eoque minus litterarum testimonio com-
mendent locorura Ordinariis, nisi ejusdem perspectam
(1) Ex Aug. in Matth., xix, 25. — (2) Sess. V, c. ii, De reform.
— (3) Conc. Trid., Sess. V. c. ii, De reform.
— 129 —
habeant et raorum probitatem et facultatem concionandi
uti decet. Si quem vero commendatum sibi litteris oratorem
excepevint ac subindf pxperti co;;nnverint, eum in concio-
nando a norrais prœsentium Littirarum discedere, cito in
obsequium adigant. Quod si non audierit, a suggcstu pro-
hibeant, iis etiam, si opus fuerit, adhibitis canoniois pœnis,
quas res videatur postulare ».
Hxc praiscribenda censuiaius aut recolenda, mandantes
ut religiose observentur, gravitate permoti succrescentis in
dies mali, oui serius occurri non potest sine summo peri-
culo. Nequc enim jam res est, quemadmodum ab initie,
cuin disputatoribus prodeuntibus in vestimentis ovium,
sed cum apertis infensisque inimicis, iisque domeslicis, qui
facto fœdére cum Ecclesiœ capitalibus hostibus, propositam
habent fidei eversionem. Sunt hi nempe, quorum uudacia
adversus deductam c«Io sapientiam quotidie consurgit,
cujus corrigendîe sil)i jus arrogant, quasi esset corrupla ;
renovanda?, quasi esset senio confecta ; augendse aptandajque
saeculi placitis, progressionibus, commodis, quasi eadem,
non levitati paucorum, sed bono societatis esset adversa.
Hisce ausibus contra evangelicam doctrinam et ecclesias-
ticam traditionem nunquam satis opponetur vigilantiœ aut
severitatis nimium ab iis quibus commissa est sacri liujus
depositi custodia fidelis.
Quœ igitur monita et salutaria mandata Motu hoc pro-
prio ac certa scientia ediximus, ab universis catholici orbis
quum Ordinariis tum etiam regularium Ordinum instituto-
rumque ccclesiasticorum supremis Magistris religiosissime
servanda, rata et lirma consistere auctoritate Xostra volu-
mus et jubemus, contrariis quibuslibet non obstantibus.
Datum Romae, apud Sanctum Petrum, die 1 mensis Sep-
tembris, anno 1910, Pontifieatus Xostri octavo.
Plus PP. X.
— 130
III. — S. Congrégation des Sacrements.
Admission à la Première Communion.
(Acta Ap, Sedis. Vol. U, p. 577.)
Décret
sur l'âge d'admission
à la Première Communion.
Les pages du saint Evangile
attestent clairement avec quel
amour de prédilection Jésus-
Christ a traité les petits
enfants durant le cours de
sa vie mortelle.
Ses délices étaient de se
trouver au milieu d'eux, de
leur imposer les mains, de les
embrasser, de les bénir.
Aussi, ne put-il supporter
sans indignation de les voir
repoussés par ses disciples,
qu'il reprit par ces graves
paroles : « Laissez venir à moi
les petits enfants et ne les
éloignez pas, car le royaume
des deux est pour ceux
qui leur ressemblent. « De
même, il a assez fait voir le
grand prix qu'il attachait à
leur innocence et à la candeur
de leur âme quand, ayant
appelé auprès de lui un de
ces petits, il dit à ses disciples :
f Je vous le dis en vérité, si
vous ne devenez comme des
petits enfants, vous n'entrerez
Decretum de ^tate
admittendorum ad primam
communionem eucharis-
ticam.
Quam singulari Christus
amore parvulos in terris
fuerit prosequutus, Evan-
gelii paginœ plane testan-
tur. Cum ipsis enim versari
in deliciis habuit ; ipsis
manusimponereconsuevit;
ipsos complecti, ipsis bene-
dicere. Idem indigne tulit
repelli eos a discipulis,
quos gravibus his dictis
reprehendit : S in Ue parvu-
los venire ad me, et ne
prohibueritis eos ; talium
est enim regnum Dei (1).
Quanti vero eorumdem
innocentiam animique can-
dorem faceret, satis osten-
dit quum, advocato parvu-
lo, discipulis ait : Amen
dico vobis , nisi efficia-
mhn sicut parvuli, non
intrahitis in regnum cœ-
lorum. Quicumque ergo
humiliaverlt se sicutpar-
vulus iste, hic est major
in regno cœlorum. — Et
qui susceperit unum par-
(1) Marc, X, lo, 14, l(j.
131 —
vulum talem in nomine
meo me suscipU (2).
Hœcmemorans catholica
Ecclesia, vel a suis pri-
mordiis, admovere Christo
parvulos curavit per eucha-
risticam Gommunionem,
quam iisdem subministrare
solitaestetiam lactentibus.
Id, ut in omnibus fere anti-
quis libris ritualibus ad
usque sœculum XIII pres-
criptum est, in baptizando
fiebat, eaque consuetudo
alicubi diutius obtinuit ;
apud Graecos et Orientales
adhuc persévérât. Ad sum-
movendura autem pericu-
lum, ne lactentes praesertim
panem consecralum ejice-
rent, ab initio mos invaluit
Eucharistiam iisdem sub
vini tantum specie minis-
trandi.
Neque in baptismate so-
lum, sed subinde srepius
divino épulo reficiebantur
pas dans le royaume des
cieux. Mais quiconque se
sera humilié comme ce petit
enfant, sera le plus grand
dans le royaume des cieux.
Et celui qui reçoit un de ces
petits enfants en mon nom
me reçoit moi-môme. »
C'est guidée par ce souve-
nir que l'Eglise catholique,
dès son origine, a pris soin
d'amener les petits enfants à
Jésus par la communion eu-
charistique, qu'elle avait cou-
tume de donner même à ceux
qui étaient encore à la ma-
melle. On peut voir dans
presque tous les rituels an-
ciens, jusqu'au xiii« siècle, la
prescription de communierles
petits enfants dans la céré-
monie même de leur baptême,
et cette coutume s'est conti-
nuée plus longtemps en cer-
tains pays ; elle est encore en
vigueur chez les Grecs et les
Orientaux. Toutefois, pour
écarter le danger que surtout
les petits enfants non encore
sevrés ne rejetassent le pain
consacré, la coutume s'intro-
duisit, dès l'origine, de ne leur
administrer la sainte Eucha-
ristie que sous l'espèce du vin.
Et ce n'était pas seulement
au jour du baptême, mais
très souvent, par la suite, que
<l) Matth., XVIII, 3, 4, 5.
- 132
les enfants étaient fortifiés
par le divin aliment. La cou-
tume était, en effet, dans cer-
taines églises, de communier
les tout petits enfants aussi-
tôt après le clergé, et ailleurs,
de leur donner les fragments
qui restaient après la commu-
nion des adultes.
Celte coutume cessa ensuite
dans l'Eglise latine et les en-
fants ne commencèrent à être
admis à la sainte Table que s'ils
avaient un certain usage de
la raison naissante et quelque
connaissance de cet auguste
sacrement. Cette nouvelle dis-
cipline, déjà admise par quel-
ques synodes particuliers,
reçut une solennelle sanction
au IV« Concile œcuménique
de Latran en 1215, par la pro-
mulgation du célèbre canon
21'^ prescrivant en ces termes
la confession sacramentelle et
la sainte communion aux
fidèles parvenus à l'âge de
raison : « Tout fidèle de l'un
et l'autre sexe, dès qu'il aura
atteint l'âge de discrétion,
devra confesser fidèlement,
en personne, tous ses péchés,
au moins une fois l'année, à
son propre prêtre, et avoir
soin d'accomplir, dans la
mesure du possible, la péni-
tence qui lui aura été impo-
sée, recevant de plus avec
l'espect, au moins à Pâques,
infantes. Nam et eccle-
siarum quarumdam con-
suetudo fuit Eucharistiam
prrebendi puerulis continuo
post clerum, et alibi post
adultorum Gommunionem
residua fragmenta iisdem
tradendi.
Mos hic deinde in Eccle-
sia obsolevit, nec sacrre
mensœ pai'ticipes fieri cœ-
perunt infantes, nisi illu-
cescentis rationis usum ali-
quem haberent et augusti
Sacramenti notitiam quam-
dam. Quse nova disciplina,
ab aliquot Synodis parti-
cularibus jam recepta, so-
lemni sanctione firmata est
œcumenici Goncilii Latera-
nensis IV, anno MCCXV,
promulgato celebri canone
XXI, quo fidelibus, post-
quam tetatem rationis atti-
gerint, sacramentalis Con-
fessio praîcribitur et Sacra
Communio hisce verbis :
« Omnis utriusque sexus
« fidelis, postquam ad an-
« nos discretionis perve-
« nerit, omnia sua solus
« peccata confiteatur fide-
« liter saltem semel in
« anno proprio sacerdoti,
« et injunctam sibi pceni-
« tentiam studeat pro viri-
« bus adimplere, suscipiens
t reverenter ad minus in
13u —
« Pascha Eiicharistiti' sa- I
« cramentum,iusi lorte de
• consilio proprii sacer-
« dolis ob aliquam rationa-
• bilem causam ad tempus
t ab ejus perceptione duxe-
» rit abstinenduni. »
( loncilium Tridentinum
(1), nullo pacto reprobans
antiquam disciplinam mi-
nistrandfe parvulis Eucha-
ristie ante usuni rationis,
Lateranense decretum con-
firuiavit et analhema dixit
in eos qui contra sentirent :
» Si quis negaverit onmes
« ot singulos Christi fidèles
a utriusque sexus, quum
« ad annos discret) onis
• pervenerint, teneri sin-
« gulis annis', saltem in
■■ Paschate ad communi-
« candumjuxtaprfeceptum
« S. Matris Ecclesi;o, ana-
• Ihema sit (2). »
Igitur vi allati et adhuc
vigentis decreti Lateranen-
sis, Christifldeles, ubi pri-
mum ad annos discretionis
pervenerint, obligationete-
nentur accedendi, saltem
seniel in auno, ad Pœni-
tentiœ et Eucharistiœ sa-
cramenta.
Verum in hac rationis,
seu discretionis setate sta-
le sacrement de l'Eucharistie,
à moins que sur le conseil de
son propre prêtre et pour un
motif raisonnable, il ne soit
amené à s'abstenir pour un
temps de la réception de ce
sacrement. »
Le Concile de Trente, sans
avoir improuvé d'acune ma-
nière l'antique discipline de
donner la sainte communion
aux petits enfants avant
l'usage de raison, a confirmé
le décret du Concile de Latran
et déclaré anathème contre
ceux qui n'y conformeraient
pas leur Jugement : « Si quel-
qu'un nie que tous et chacun
des fidèles de l'un et l'autre
sexe soient tenus, lorsqu'ils
ont atteint l'âge de discrétion,
à communier chaque année,
au moins à Pâques, confor-
mément aux préceptes de leur
sainte Mère l'Eglise, qu'il soit
anathème. »
Donc, en vertu de ce décret
toujours en vigueur du Con-
cile de Latran, les fidèles,
dès le moment même où ils
ont atteint l'âge de discrétion,
sont tenus obligatoirement de
s'approcher, au moins une
fois l'an, des sacrements de
Pénitence et d'Eucharistie.
Toutefois, au cours des
temps, beaucoup d'erreurs et
(1) Sess. XXXI de Commun., c. iv.
(2) Sess. XIII de Eucharistin, c. VIII, can. 9.
— 134 —
d'abus déplorables se sont
introduits dans la manière de
déterminer cet âge de raison
ou de discrétion. Les uns ont
cru devoir distinguer un âge
de discrétion dififérent, sui-
vant qu'il s'agissait du sacre-
ment de Pénitence ou du sacre-
ment de l'Eucharistie. L'âge
de discrétion requis pour le
sacrement de Pénitence, ju-
geaient-ils, est celui où on
peut distinger le bien du mal
et, par suite, pécher. Mais
pour l'Eucharistie, ils vou-
laient un âge plus avancé, où
l'on pouvait obtenir de l'enfant
une connaissance plus par-
faite des choses de la foi et
une préparation de l'âme plus
sérieuse. Il en est résulté que,
d'après la variété des usages
ou des opinions, l'âge pour la
première réception de l'Eu-
charistie a été fixé, ici à dix
ou douze ans, là à quatorze
ans ou même davantage, et
en même temps, les enfants
ou adolescents se sont vu in-
terdire l'usage de la commu-
nion, tant qu'ils n'avaient pas
atteint l'âge fixé.
Cette coutume qui, sous le
prétexte de sauvegarder l'hon-
neur dû au sacrement, en
écarte les fidèles, a été la
source d'un grand nombre de
maux. Par elle, en efiet, l'in-
nocence du jeune âge, empô-
tuenda, haud pauci errores
plorandique abusus decur-
su temporis inducli sunt.
Fuerunt enim qui aliam
sacramento Pœnitentiae,
aliam Eucharistige susci-
piendœ discretionis œtatem
assignandam esse cense-
rent. Ad pœnitentiam qui-
dem eam esse a^tatem dis-
cretionis judicarunt, in qua
rectum ab inhonesto dis-
cerni posset, adeoque pec-
cari ; ad Eucharistiam vero
seriorem requiri setatem,
in qua rerum fidei notitia
plenior animique prsepara-
tio posset afferri maturior.
Atque ita, pro variis loco-
rum usibus hominumve
opinionibus, ad primam
Eucharistise receptionem
hinc decem annorum aetas,
vel duodecim, hinc qua-
tuordecim vel major etiam
estconstituta, prohibitis in-
térim ab eucharistica Com-
munione pueris vel adoles-
centibus praescripta œtate
minoribus.
Istiusmodi consuetudo,
qua per speciem tutandi
decoris augustiSacramenti
arcentur ab ipso fidèles,
complurium exstitit causa
malorum. Fiebat enim ut
puerilis setatis innocentia
135 —
a Christi complexu divul-
sa, nullo interioris vitaî
succo aleretur ; ex quo
illud etiam consequeba-
tur, ut praevalido destituta
pnesidio juventus, tôt in-
sidiis circumventa, araisso
candore, ante in vitia rue-
ret, quam sancta mysteria
delibasset.Etiarasi vero pri-
ma^. Gommunioni diligen-
tior institutio et accurata
sacramentalis Gonfessio
praeniittatur, quod quidem
non ubique fit, dolenda
tamen semper est primée
innocentise jactura, quae,
sumpta tenerioribus annis
Eucharistia, poterat for-
tasse vitari.
Nec minus est reproban-
dus mes pluribus vigens in
locis, quo sacramentalis
Gonfessio inhibetur pueris
nondum ad Eucharisticam
mensam admissis, aut iis-
dem absolutio non imper-
titar. Quo fit ut ipsi pecca-
torum fortasse gravium
laqueis irretiti magno cum
periculo diu jaceant.
Quod vero maximum est,
quibusdam in locis pueri
nondum ad primam Gom-
tnunionem admissi, ne ins-
tante quidem mortis dis-
crimine, sacro muniri Via-
chée de s'unir à Jésus-Ghrist,
n'était nourrie d'aucun suc de
vie intérieure; d'où il résul-
tait que, privée d'un secours
si puissant, la jeunesse, en-
tourée de tant d'embûches,
perdait la candeur de l'inno-
cence et s'adonnait au péché,
avant d'avoir goûté aux saints
mystères. Or, même si une
préparation et une confeesion
sacramentelle soignée précè-
dent la première communion
— ce qui d'ailleurs n'a pas
lieu partout — il n'en faut pas
moins toujours déplorer la
perte de l'innocence baptis-
male, qui eût peut-être été
évitée par la réception de la
sainte Eucharistie dès les pre-
mières années.
On ne doit pas moins ré-
prouver la coutume ,en vigueur
en plusieurs lieux, qui inter-
dit aux enfants non encore
admis à la table eucharistique
la confession sacramentelle, ou
du moins leur refuse l'absolu-
tion. De la sorte, il demeurent
longtemps, au grand péril de
leur âme, enserrés dans les
liens de péchés peut-être
graves.
Mais ce qui est exorbitant,
c'est que, dans certaines con-
trées, les enfants non encore
admis à la première commu-
nion se voient refuser le saint
Viatique, même à l'article de
- 131) -
la mort, et, la mort survenue,
sont portés à leur dernière de-
meure comme les petits en-
fants et privés ainsi des suf-
frages de l'Eglise.
Tels sont les dommages
causés par ceux qui insistent
plus que de raison sur la pré-
paration extraordinaire à la
première communion, ne re-
marquant peut-être pas assez
que ce genre de prudence dé-
rive de l'erreur janséniste qui
soutient que la très sainte
Eucharistie est une récom-
pense et non le remède à
l'humaine fragilité. Mais bien
différent est le jugement du
Concile de Trente quand il
enseigne que l'Eucharistie est
« l'antidote qui nous délivre
des fautes quotidiennes et
nous préserve des péchés
mortels » ; et récemment, la
Sacrée Congrégation du Con-
cile a appuyé plus énergique-
ment encore sur cet enseigne-
ment, dans son décret du
20 décembre 1905, qui ouvre
l'accès de la communion quo-
tidienne à tous, jeunes ou
vieux, quel que soit leur âge,
sous une double condition
seulement : l'état de grâce et
la droite intention.
lico permittuntur, atque
ita, defuucti et more in-
fantium illati tumulo,
Ecclesi» sufïragiis non
juvantur.
Ejusmodi damna infe-
runt qui extraordinariis
prœpafationibus primît
Communioni prœmittendis
plus œquo insistunt, forte
minus animadvertentes, id
genus cautelfe a Jansenia-
nis erroribus esse profec-
tum, qui Sanctissimam Eu-
charistiam prœmium esse
contendunt, non humanœ
fragilitatis raedelam.
Contra tamen profecto
sensit Tridentina Synodus
([uum docuit, eam esse
» antidotum quo libere-
rnur a culpis quotidianis
et a peccatis mortalibus
prœservemur (1) » ; quœ
doctrina nuper a Sacra
Congregatione Concilii
pressius inculcata est de-
creto die XXVI mensis De-
cembris an. MDCCCCV la-
to, quo ad Communionem
quotidianam aditus uni-
versis, tum provectioris
tum tenerioris jTetatis pa-
tuit, duabus tantummodo
impositis conditionibus,
statu gratiae et recto volun-
tatis proposito.
(1) Sess. XIII de Eucharistia, c. ii.
137 —
Nec sane justa causa esse
videtur quamobrem, quum
antiquitus sacrarum spe-
cierum residua parvulis
etiam lactentibus distri.
buerentur, extraordinaria
nunc praeparatio a pueru-
lis exigatur qui in primi
candoris et innocenti» fe-
licissima conditione ver-
santur, mysticoque illo
cibo, propter tôt hujus
temporis insidias et peri-
cula indisïent maxime.
Quos reprehendimus
abusus ex eo sunt repeten-
di, quod nec scite nec recte
definiverint, quœnam sit
œtas discretionis, qui aliam
Pœnitentise, aliam Eucha-
ristiae assignarunt. Unam
tamen eamdemque setatem
ad utrumque sacramentum
requirit Lateranense Con-
cilium, quum conjunctum
Confessionis et Commu-
nionis onus imponit. Igitur
quemadmodum ad Confes-
sionem œtas discretionis
ea censetur, in qua hones-
tum ab inhonesto distingui
potest, nempe qua ad usum
aliquem rationis perveni-
tur ; sic ad Gommunionem
ea esse dicenda est, qua
Eucharisticus panis queat
a communi dignosci ; quœ
Certes, alors qu'autrefois les
restes des saintes Espèces
étaient di>tribués aux en-
fants, même à ceux qui étaient
encore à la mamelle, on ne
voit pas de raison légitime
pour exiger maintenant une
préparation extraordinaire de
la part d'enfants qui se trou-
vent encore dans la si heu-
reuse condition de la candeur
première et de l'innocence, et
ont un besoin extrême de cette
nourriture divine, à cause de
tant d'embûches et de périls
qui les entourent.
Ces abus que nous réprou-
vons proviennent de ce que
ceux qui ont assigné un âge
de discrétion différent pour
la Pénitence et pour l'Eucha-
ristie n'ont défini ni nette-
ment, ni justement, ce qu'est
l'âge de discrétion. Cependant,
le Concile de Latran n'a fixé
qu'un seul et même âge pour
la réception des deux sacre-
ments, puisqu'il impose con-
jointement l'obligation de la
confession et de la commu-
nion. De même donc que l'on
considère comme l'âge de dis-
crétion, pour la confession,
celui où l'enfant distingue le
bien du mal, c'est-à-dire pos-
sède un certain usage de sa
raison ; ainsi, pour la com-
munion, on doit considérer
comme âge de discrétion celui
9*
138 —
où l'enfant peut distinguer le
Pain eucharistique du pain
ordinaire ; et c'est bien égale-
ment l'âge où il a atteint l'u-
sage de sa raison.
Et ce n'est pas autrement
qu'en ont jugé les principaux
interprètes et contemporains
du Concile de Latran. L'his-
toire de l'Eglise établit, en
effet, que plusieurs synodes
tenus et décrets épiscopaux
rendus dès le xiii® siècle, peu
de temps après le Concile de
Latran, ont admis les enfants
à la première communion à
l'âge de sept ans. Nous trou-
vons un témoignage de la
plus haute autorité dans saint
Thomas d'Aquin, qui s'ex-
prime ainsi : « Quand les en-
fants commencent à avoir un
certain usage de leur raison,
de manière qu'ils puissent
concevoir de la dévotion pour
ce sacrement de l'Eucharistie,
alors on peut le leur donner, i
Ledesma commente ainsi ces
paroles : t Je dis, et c'est le
sentiment général, que l'Eu-
charistie doit être donnée à
tous ceux qui ont l'usage de
la raison, si précoce qu'arrive
cet usage de la raison, quand
bien même l'enfant ne com-
prendrait que confusément ce
qu'il fait. »
rursus eadem est œtas in
qua puer usum rationis est
assequutus.
Nec rem aliter accepe-
runt prœcipui Concilii La-
teranensis interprètes et
œqualesillorumtempornm.
Ex historia enim Ecciesiœ
constat, synodos plures et
episcopalia décréta, jam
inde a saeculo XIII, paulo
post Laleranense Gonci-
lium, pueros annorum
septem ad prin)am Com-
munionem admisisse. Ex-
stat praeterea summaî aucto-
ritatis testimonium, Doctor
Aquinas, cujus ha?c legi-
mus : t Quando jam pueri
i incipiunt aliqualem
t usum rationis habere, ut
« possintdevotionemconci-
t père hujus Sacramenli
« (Eucharistise), tune po-
« test eis hoc sacramen-
« tum conferri (1). » Quod
sic explanat Ledesma :
t Dico ex omnium con-
sensu, quod omnibus ha-
bentibus usum rationis
danda est Eucharistia,
quantumcumque cito ha-
beant illum usum rationis ;
esto quod adhuc confuse
cognoscat ille puer quid
(1) Sum)n. Theol. III part., q. lxxx, a. 9 ad. 3.
— 139
faciat (1). » Eumdem locum
his verbis explicat Vas-
quez : • Si puer semel ad
hufic U8um rationis perve-
nerit, stalim ipso jure di-
vine ita obligatur ut Eccle-
sia non possit ipsum
ouininoliberare(2). »Eadeu)
docuit S. Anloninus scri-
bens : « Sed cuni est doli
capàx (puer), cum scilicet
potest peccare mortaliter,
tum obligatur ad prsecep-
tum de Gonfessione, et per
consequens de Coramu-
nione (3). » Tridentinum
quoque Concilium ad hanc
impeiiit conclusionem.
Dum enim memorat Se>s.
XXI, c. IV : € Parvulos usa
rationis carentes nnlla
obligari necessitate ad sa-
cramentalem Eucliaristiœ
communionem », unam
hanc rei rationem assignat,
quod peccare non possint :
t Siquidem, inquit, adep-
tam tiliorum Dei gratiam
in illa aetate amittere non
possunt. 1 Ex quo patet
hanc esse Concilii mentem,
tune pueros Communionis
necessitate atque obliga-
tione teneri quum gratiam
peccando possunt amittere.
His consonant Concilii Ro-
Et Vasquez, sur le même
passage : t Dès que l'enfant
est parvenu à l'âge de raison,
il est aussitôt obligé de droit
divin à communier, et l'Eglise
même ne pourrait le libérer
de cette obligation. »
Saint Antonin donne le
même enseignement : « Lors-
que l'enfant est capable de
malice, c'est-à-dire qu'il peut
pécher mortellement, il est
tenu par le précepte de la
confession et par conséquent
par le précepte de la commu-
nion. »
Le Concile de Trente nous
amène aussi à la même con-
clusion. Rappelant, en effet
(sess. XXI, c. iv), que « les
petits enfants privés de l'u-
sage de la raison ne sont obli-
gés, par aucune nécessité, à
la communion sacramentelle » ,
il donne pour unique raison
qu'ils ne peuvent pas pécher,
t Car, dit-il, à cet âge, ils ne
peuvent perdre la grâce de fils
de Dieu qu'ils ont reçue. »
D'où il ressort clairement que
la pensée du Concile est que
les enfants sont obligés de
nécessité à la communion
lorsqu'ils peuvent perdre la
grâce par le péché.
Dans le même sens encore
(1) In S. Thom. III part., q. lxxx, a. 9, Dub. 6.
(2) la m part., S. Thoin., disq. ccxiv, c. iv, n. 43.
(3j P. III, tit. XIV, c. n § 5.
140
sont les paroles du Concile
romain tenu sous Benoît XIII
et qui enseigne que l'obliga-
tion de recevoir l'Eucharistie
commence, « lorsque les jeunes
garçons et les petites filles sont
parvenus à l'âge de discrétion,
c'est-à-dire à l'âge où ils sont
capables de discerner cette
nourriture sacramentelle, qui
n'est autre que le vrai Corps
de Jésus-Christ, du pain Or-
dinaire et commun, et qu'ils
savent s'en approcher avec la
piété et la religion désira-
bles. »
Enfin, le Catéchisme romain
dit : « Quant à l'âge auquel
les saints mystères doivent
être donnés aux enfants, per-
sonne n'est mieux placé pour
le déterminer que le père et
le prêtre à qui l'enfant con-
fesse ses péchés. C'est à eux
qu'il appartient de rechercher
en interrogeant les enfants
s'ils ont quelque connaissance
de cet admirable sacrement,
et s'ils désirent le recevoir.
De tout ce qui précède, il
résulte que l'âge de discrétion
pour la communion est celui
où l'enfant sait distinguer le
Pain eucharistique du pain
ordinaire et matériel, de ma-
mani verba, sub Bene-
dicto XIII celebrati ac
docentis, obligationem Eu-
charistiaî sumendse inci-
pere t postquam pueruli
ac puellœ ad annum dis-
cretionis pervenerint, ad
illam videlicet tetatem in
qua sunt apti ad discer-
nendum hune sacramenta-
lem cibum, qui alius non
est quam ver uni Jesu
Christi corpus, a pane
communi et profano, et
sciunt accedere cum débita
pietate ac religione (1). »
Catechismus romanus au-
tem, * qua setate, inquit,
pueris sacra mysteria dan-
da sint, nemo melius cotis-
tituere potest quam pater
et sacerdos cui illi confi-
teantur peccata. Ad illos
enim pertinet explorare, et
a pueris percunctari, an
hujus admirabilis Sacra-
menticognilionem aliquam
acceperint et gustum ha-
beant (2). »
Ex quibus omnibus coUi-
gilur setatem discretionis
ad Communionem eam
esse, in qua puer pane
eucharisticum a panem
communi et corporali dis-
(1) Istruzione per qvei che debbono la prima volta ammettersi
alla S. Communione, Append. xxx, p. 11.
(2) P. II, de Sacr. Euchar., n° 63.
— 141 —
linguere sciai ut ad allare
possit dévote accedere. Ita-
que non perfecta reruin
Fidei cognitio requiritur,
quum aliqua duntaxat ele-
menta sint satis, hoc est
aliqua cognitio; neque
plenus rationis usus,
quum sufficiat usus qui-
dam incipiens, hoc est
aliqualis usus rationis.
QuapropterCommunionem
ulterius difïerre, ad eamque
recipiendam maturiorem
œtatem constituere, impro-
bandum omnino est, idque
Apostolica Sedes damnavit
pluries. Sic. fel. rec. Pius
Papa IX litteris Cardina-
lis Antonelli ad Episcopos
Galliœ datis die XII Martii
anno MDCCCLXVI inva-
lescentem in quibusdam
diœcesibus moreni protra-
hendae primœ Commu-
nionis ad maturiores eos-
que prœfixos annos acriler
improbavit. Sacra vero
Congregatio Concilii,
die XV mensis Martii
an. MDGCCLI Concilii
Provincialis Rothoma-
gensis caput emendavit,
quo pueri vetabantur infra
duodecimum œtatis annum
ad communionem arce-
dere. Nec absimili ration e
se gessit hœc S. Congrega-
tio de disciplina Sacra-
niére à pouvoir s'approchf^r
avec dévotion de l'autel.
Donc, ce n'est pas la par-
faite connaissance des choses
de la foi qui est requise, puis-
qu'il suffit que l'enfant en
possède quelques éléments,
une certaine coyinaissance ;
on ne peut exi^^er non plus
qu'il ait atteint le plein usage
de sa raison, i)uisqu'il suffit
qu'il ait commencé à en avoir
l'exercice, qu'il en ait un cer-
tain usage. Dès lors, il y a
lieu de condamner, sans ré-
serve, la pratique de différer
la première communion et de
fixer un âge plus mûr pour y
admettre l'enfant. Et c'est ce
qu'a fait, à plusieurs reprises,
le Saint-Siège. Ainsi le pape
Pie IX, d'heureuse mémoire,
par une lettre du cardinal An-
tonelli aux évèques de France,
en date du 12 mars 1866, a
réprouvé énergiquement la
coutume qui commençait à
s'introduire dans certains dio-
cèses, de reculer la première
communion jusqu'à un âge
plus avancé, le môme pour
tous.
De même la Sacrée Congré-
gation du Concile a, le 15 mars
1851, corrigé un chapitre du
Concile provincial de Rouen,
où il était interdit aux enfants
au-dessous de douze ans de
s'approcher de la sainte Table.
142
Cette Sacrée Congrégation de
la discipline des Sacrements
a tenu la même ligne de con-
duite au sujet d'une question
de Strasbourg, le 25 mars
1910 : on demandait si les en-
fants pouvaient être admis à
la première communion à
douze ans ou à quatorze ans,
et elle a répondu : « Garçons
et filles doivent être admis à
la sainte Table lorsqu'ils ont
atteint l'âge de discrétion,
c'est-à-dire lorsqu'ils ont
l'usage de raison. »
Toutes ces raisons mûre-
ment pesées, afin d'extirper
complètement les abus signa-
lés ci-dessus, pour que les
enfants puissent s'unir à Jé-
sus-Christ dès leur jeune âge,
vivent de sa vie et trouvent
une sauvegarde contre les pé-
rils de corruption, cette Sacrée
Congrégation de la discipline
des Sacrements, dans l'As-
semblée générale tenue le
15 juillet 1910, a jugé oppor-
tun d'établir, au sujet de la
première communion des en-
fants, les règles suivantes qui
devront être appliquées par-
tout.
I. — L'âge de discrétion,
tant pour la confession que
pour la sainte communion,
est celui où l'enfant com-
mence à raisonner, c'est-à-dire
vers sept ans. C'est à ce mo-
mentorum in causa Argen-
tinensi die XXV mensis
Martii anno MDCGCGX ;
in qua cum ageretur, ad-
mittine possent ad sacram
Gommunionem pueri vel
duodecim vel quatuorde-
cim annorum, rescripsit
« Pueros et puellas, cum
ad annos discretionis seu
ad usum rationis pervene-
rint, ad sacram mensam
admittendos esse. »
Hisce omnibus mature
perpensis, Sacer hic Ordo
de disciplina Sacramento-
rum, in generali Congre-
gatione habita die XV
mensis Julii an. MDGCCGX,
ut memorati abusus pror-
sus amoveantur et pueri
vel a teneris annis Jesu
Christo adhaereant, Ejus
vitam vivant, ac tutelam
inveniant contra corrup-
telœ pericula, sequentem
normam de prima puero-
rum Communione, ubique
servandam statuere oppor-
tunum censuit.
I. — iEtas discretionis
tum ad Confessionem tum
ad S. Gommunionem ea
est, in qua puer incipit ra-
tiocinari, hoc est circa sep-
timum annum sive supra,
143 —
sive etiam infra. Ex hoc
tempore incipit obligatio
satisfaciendi utrique prœ-
cepto Gonfessionis et Gom-
munionis.
II. — Ad primam Gon-
fessionem et ad primam
Gommunionem necessaria
non est plena et perfecta
doctrinap christianse cogni-
tio. Puer tamen postea
debebit integrum catechis-
mum pro modo suse intel-
ligentia^ gradatim addis-
cere.
III. — Gognitio religionis
quae in puero requiritur,
ut ipse ad primam Gom-
munionem convenienter
se prseparet, ea est, qua
ipse fidei mysteria neces-
saria necessitate medii pro
suo captu percipiat, atque
eucharisticum panem a
communi et corporali dis-
tinguât ut ea devotione
quam ipsius fert œtas ad
SS. Eucharistiam accédât.
IV. — Obligatio prcecepti
confessionis et communio-
nis quae puerum gravât, in
eos prsecipue recidit qui
ipsius curam haberet de-
bent, hoc est in parentes,
in confessarium, in insti-
tutores et in parochum.
Ad patrem vero, aut ad
ment que commence l'ol^liga-
tion de satisfaire au double
précepte de la confession et
de la communion.
II. _ Une pleine et parfaite
connaissance de la doctrine
chrétienne n'est pas néces-
saire pour la première confes-
sion et pour la première com-
munion. Toutefois, l'enfant
devra ensuite apprendre gra-
duellement le catéchisme en-
tier, selon la mesure de son
intelligence.
III. — La connaissance de
la religion qui est requise
dans l'enfant, pour qu'il se
prépare convenablement à la
première communion, con-
siste à savoir, selon son degré
d'intelligence, les mystères de
la foi nécessaires de nécessité
de moyen et à distinguer le
P^in eucharistique du pain
ordinaire et corporel, de ma-
nière à s'approcher de la
sainte Eucharistie avec la
dévotion que comporte son
âge.
IV. — L'obligation du pré-
cepte de la confession et de la
communion qui s'impose à
l'enfant retombe principale-
ment sur ceux qui ont le
devoir de prendre soin de lui,
c'est-à-dire les parents, le con-
fesseur, les instituteurs et le
curé. Mais, d'après le Gâté-
144 —
chisme romain, c'est au père
ou à ceux qui tiennent sa
place et au confesseur qu'il
appartient d'admettre l'enfant
à la première communion.
V. — Les curés doivent
avoir soin d'annoncer et de
faire, une ou plusieurs fois
dans l'année, une communion
générale des enfants, et d'y
admettre non seulement les
nouveaux communiants, mais
aussi ceux qui, auparavant,
du consentement des parents
et du confesseur, comme il a
été dit plus haut, ont déjà
été admis h la Table sainte.
Pour les uns et pour les
autres, on consacrera quel-
ques jours à l'instruction et à
la préparation.
VI. — Ceux qui ont charge
des enfants doivent veiller
avec le plus grand soin à ce
que ceux-ci, après la première
communion, s'approchent de
la sainte Table assez souvent
et même, si cela est possible,
tous les jours, selon le désir
de Jésus-Christ et de notre
sainte Mère l'Eglise, y appor-
tant la piété que comporte
leur âge. De plus, ceux à qui
incombe cette charge doivent
se souvenir que c'est pour eux
un très grave devoir de pren-
dre les moyens pour que les
enfants continuent à assister
illos qui vices ejus gerunt,
et ad confessarium, secun-
dum Catechismum Roma-
num, pertinet admittere
puerum ad primam Com-
munionem.
V. — Semel aut pluries
in anno curent parochi in-
dicere atque habere Com-
munionem generalem pue-
rorum, ad eamque, non
modo novensiles admit-
tere, sed etiam alios, qui
parentum confessariive
consensu, ut supra dictum
est, jam antea primitus de
altari sancta libarunt. Pro
utrisque dies aliquot ins-
tructionis et prteparationis
prsemittantur.
VI. — Puerorum curam
habentibus omni studio
curandum est ut post pri-
mam Communionem iidem
pueri ad sacram mensam
srepius accédant, et, si fieri
possit, etiam quotidie,
prout Christus Jésus et
Mater Ecclesia desiderant,
utque id agant ea animi
devotione quam talis fert
œtas. Meminerint prœterea
({uibus ea cura est gravis-
simum quo tenentur offî-
cium providendi ut publicis
catechesis praîceptionibus
pueri ipsi interesse per-
145 —
gant, sin miuus, corum-
dem religiosa' institution!
alio modo suppléant.
VII. — Consuetudo non
admittendi ad confessio-
nem pueros, aut nunquam
eos absolvendi, quum ad
usum rationis pervenerint,
est omnino improbanda.
Quare Ordinarii locorum,
adhibitis etiam remediis
juris, curabunt ut penitus
de medio toUatur.
VIII. — Detestabilis
omnino est abusus non
ministrandi Viaticum et
Extremam Unctionem
pueris post usum rationis
eosque sepeliendi ritu par-
vulorum. In eos, qui ab
hujusmodi more non recé-
dant, Ordinarii locorum
severe animadvertant.
Haec a PP. Cardinalibus
Sacrai hujus Congregatio-
nis sancita SSmus D. N.
Plus Papa X, in audientia
diei VII currentis mensis
omnia adprobavit, jussit-
que prœsens edi ac pro-
mulgari decretum. Sin-
gulis autem Ordinariis
mandavit ut idem decre-
tum, non modo parochis
et clero significarent, sed
aux lerons publiques de culé-
chisrae; autrement qu'ils sup-
pléent d'une autre manière à
leur instruction religieuse.
VII. — La coutume de ne
pas admettre les enfants à la
confession ou de ne jamais
les absoudre, alors qu'ils ont
atteint l'âge de raison, doit
être absolument réprouvée.
C'est pourquoi les Ordinaires
auront soin de la faire dispa-
raître complètement, même
en recourant aux moyens de
droit .
VIII. — C'est un abus dé-
testable de ne pas adminis-
trer le Viatique et l'Extrême-
Onction aux enfants quand
ils ont atteint l'âge de raison
et de les enterrer suivant le
rite réservé aux petits en-
fants. Que les Ordinaires
prennent des mesures rigou-
reuses contre ceux qui ne
renonceraient pas à cette cou-
tume.
Ces décisions des Eminen-
tissimes Cardinaux de cette
Sacrée Congrégation ont été
toutes approuvées, dans l'au-
dience du 7 courant, par
Notre Très Saint-Père le Pape
Pie X, qui a ordonné de pu-
blier et promulguer le présent
décret. Et il a prescrit à cha-
cun des Ordinaires de porter
ce décret à la connaissance
non seulement des curés et
146 —
du clergé, mais encore du
peuple chrétien auquel il veut
qu'on le lise, chaque année, à
l'époque du précepte pascal,
en langue vulgaire. Les Ordi-
naires devront, de plus, tous
les cinq ans, rendre compte
au Saint-Siège de l'observance
de ce décret, en même temps
que des autres affaires de leur
diocèse.
Nonobstant toutes choses
contraires.
Donné à Rome, au palais
de cette même Congrégation,
le 8 août 1910.
D. Gard. Ferrata,
préfet.
Ph. GiusTiNi, secrétaire.
etiam populo, cui voluit
legi quotannis tempore
privcepti paschalis, verna-
cula lingua. Ipsi autem
Ordinarii debebunt, uno-
quoque exacto quinquen-
nio, una cum ceteris diœ-
cesis negotiis, etiam de
hujus observantia decreli
ad S. Sedem referre.
Non obstantibus contra-
riis quibuslibet.
Datum Romae ex ^di-
bus ejusdem S. Congrega-
tionis, die VIII mensis
Augusti anno MDGGGGX.
D. Gard. Ferrata,
Prœfecius.
Ph. GiusTiNi, a secretis.
IV. — S. Congrégation des Religieux.
Décret sur les Etudes pendant le Noviciat.
De aliqua in novitiatu studiis opéra danda.
{Acta Apostolicœ Sedis, Vol. II, pag. 730).
Ad explorandum animum illumque religiosa perfectione
gradatim imbuendum, Novitiatus institutus est, qui ideo
per unum saltem annum, sub Magistro, spiritualibus tan-
tum exercitationibus totus insumitur.
Quum autem experientia constet, adsiduis pietatis officiis,
licet opportune variis, adolescentium prœsertim defatigari
mentem, et ad continnos per diem religionis actus minus
intentam aûerri, plerumque voluntatem; et quum in ipso
Novitiatu moderata aliqua studiis assignatio possit Novitiis
non parum utilitatis afferre, ne dediscant quai didicerunt,
— 147 —
ac x'e ostendat quales sint ingenio, idoneitate et diligentia;
Sacra Gongregalio, Negotiis Religiosorum Sodalium prye-
posita, in plenario Csetu Em.orum Patrum, die 2G Au-
gusti 1910 ad Valicanum habito, sequentia statuit, a
singulis Ordinibus et Congregationibus Religiosis apprime
servanda :
1. Novitii, privatim, unam horam singulis diebus, i'estis
tantum exceptis, studiis dedicabunt.
2. Studiis prœerunt Magister Novitiorum vel Vicema-
gister, qui respondente scientia pollere debent, vel, aptius,
aliquis ex professoribus humaniorum litterarum, qui domi
vel prope commoretur. Horum erit, non ultra ter in hebdo-
mada, per unam horam, prseter aliam, quotidie a Novitiis
studiis privatim addicendam, Novitios in unum collectos,
veluti in Schola, instruere aut saltem eorum progressus in
studiis exquirere.
3. Quamvis bsec ut veri nominis schola censeri nequeat,
non tamen veluti merum mortificationis exercitium habea-
tur. Ita igitur fiât, ut, inde, Novitii omni cum diligentia in
eara incumbant ac verum fructum ex eadem percipiant;
hinc autem, Magistri apla metodo studia moderentur, de
uniuscujusque tyronis talento ac sedulitate judicium adipis-
cantur et progressum curent. Genus autem studiorum
cujusvis Ordinis vel Gongregationis naturse respondeat.
Linguœ patrise, et pro Novitiis Ordini sacro destinatis,
linguae latinœ quoque ac grœcai studium commendatur,
sive per repetitionem eorum, quae jampridem Novitii didi-
cerunt, prœsertim grammatices, sive per lectionem eorum
sanctorum Patrum et antiquorum Ecclesiœ auctorum,
quos litteris quoque enituisse constet, v. g. S. Ambrosii,
S. Augustini, S. Hieronymi, Lactantii, S. Joannis Ghrysos-
tomi, Eusebii et similium; item Evangelii S. Lucae et
Actuum Apostolorum, gnoce conscriptorum.
Scripta quoque exercitia, v, g. extemporalia, exempla
Mariana, magna cum utilitate accédera poterunt. Quœ
quidem omnia et alla, sive patrie sive latino sermons
redacta, ut Novitii e suggestu legant vel memoriter recitent
summopere convenit, ad veram pronuntiationem et quam-
dam publLce dicendi dexteritatem adquirendam. Item
— 148 —
opportunum erit. ul Novitii in 1er se coUoqucntes, loco
patri sermonis, lingua aliquando utantur lalina, qua pote-
runt etiam interdum brèves scrmoncs vel catecheticas
instrucliones ad sodales habere.
4. Qui scholœ pra?est adnolet, in scriptis, cujusvis Novitii
diligentiam ac progressas, et liorum, item scriptum, mittat
ad Superiorem Generalem vel Moderatorem Provincialem
testiinonium,reliquis addendum. antequam Novitii, expleto
Novitiatu, ad professionem votorum admittantur.
Quœ omnia Sanctissimus Dominus noster Pius Papa
Decimus, referente "infvascripto Subsecretario, confirmare
dignatus est, die 27 Augusti 1910. Contrariis quibus-
cumque, etiam speciali mentiono dignis, minime obstan-
tibus.
Datum Roniic, ex. Secrelaria ejusdem Sacrae Congrega-
tionis, die 27 Augusti 1910.
Fr. J. G. Gard. VIVES, Prœfectus.
L. f S. Fkangisgls Gherubini, Subsecrelarius.
-^^èf-
IxMPRIMATUR
Virduiii, die i:> Martii l&ll.
LizKT, rtV. gen.
Bar-le-Duc. — Iinpr. Sainl-Faul. — igôl,."?,!!.
,^1
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE
N" 194. — Juin 1911.
— t^-m^^""
PROVINCE DU MIDI
Rapport sur la Maison de Santa Maria a Vico.
Par le R. P. Blanc, supérieur.
Plusieurs fois déjà vous m'avez demandé pour les grandes
Annales un compte rendu sur la maison de Santa Maria a
Vico. Je veux bien, dans la mesure de mes forces, vous
satisfaire.
C'est le R. P. Gaetano Destro qui en fut le Fondateur.
Homme de grande énergie et de grande intelligence, il avait
conquis brillamment le titre de docteur es lettres à l'Uni-
versité de la Sapience, à Rome. Ce titre, et les qualités
particulières de son tempérament, le désignaient naturel-
lement pour être mis à la tête d'une œuvre comme celle de
Santa Maria a Vico où le collège tient une grande part.
Malheureusement la santé faisait défaut. Il se donna sans
compter. En peu de temps l'œuvre prit en ses mains un
10
— 150 —
développement extraordinaire. Les familles prenaient con-
fiance, les enfants venaient. Mais le labeur qu'il s'imposait
était au-dessus de ses forces. Il mourait sur la brèche le
5 avril 1905 après deux ans et demi à peine passés à Santa
Maria a Vico. Aimé et regretté de tous, il a laissé la répu-
tation d'un homme de valeur, et son nom n'est prononcé
qu'avec estime et respect. Qu'il voie du haut du ciel où, je
n'en doute pas, ses mérites l'ont déjà fait parvenir, l'œuvre
qu'il a fondée, et qu'il la bénisse.
Je trouve dans ses papiers des notes qui vont me servir
pour retracer à grands traits les commencements de la
fondation. Voici le récit qu'il en fait lui-même.
« Il y a quelques années, nous avions au Juniorat de
Rome un enfant de Santa Maria a Vico, neveu de Mon-
seigneur Agostino Migliore, Protonotaire Apostolique et
ex- Vicaire général du diocèse de Gonza. Chargé de la direc-
tion du collège « Saint-Thomas d'Aquin », et voulant
confier à d'autres cette œuvre, il écrivit dans ce but plu-
sieurs lettres au R. P. Gruillon, supérieur du Juniorat de
Rome. La prudence du Père le renvoya de jour en jour
pendant assez longtemps. Finalement il se rendit à ses
instances, comme ce brave homme dont parle l'Evangile que
les coups redoublés de son ami ne laissaient point dormir.
Et un beau jour du mois de juin, le Rév. Père Supérieur
m'invita à le suivre dans son voyage. On arriva, on vit, on
revint; je fis un compte rendu, le R. P. Guillon en fit un
autre, et... aucun des deux ne fut envoyé aux Supérieurs
Majeurs. Un autre que moi aurait tiré de cet innocent
oubli un mauvais augure pour une œuvre qui lui avait
plu : moi j'attendis en philosophe pour la première fois de
ma vie.
Enfin, au mois de septembre 1902, le Très Rév. Père
Général et le Rév. Père Provincial du Midi vinrent visiter
le local. Je ne vous ferai pas l'histoire des doutes, des
craintes et des espérances de chacun de nous. Le fait est
que l'œuvre fut acceptée, et le 17 octobre, le Rév. Père
— 151 —
Provincial, que j'accompagnais à Acerra, siège de l'Evêché,
signait un contrat provisoire d'une année.
C'était une mauvaise journée, mais je vous avoue que
j'étiiis content. C'était la fête de la bienheureuse Marguerite-
Marie. Commencer ce jour-là était pour moi un encoura-
gement (1). Sous une pluie battante le Rév. Père Provincial
regagnait la gare de Cancello, et sous une pluie plus bat-
tante encore, les deux magnifiques chevaux de Mgr Migliore
me transportaient dans ma nouvelle demeure.
En quittant le Rév. Père Provincial, j'éprouvai un vrai
serrement de cœur. Pour la première fois de ma vie, après
seize ans de vie régulière en communauté, je me trouvais
seul. Heureusement un Père me fut promis; il devait me
rejoindre bientôt. N'importe : les huit jours passés tout
seul dans l'immense local furent longs. Mgr Migliore, je
dois le dire, venait me voir tous les jours. Plusieurs prêtres
me faisaient des visites très aimables. Mais j'étais seul
même avec eux. Sans frères et sans livres, je passais mes
heures à faire le tour de la maison, dressant des plans,
méditant des projets. »
Finalement le Père vint. C'était le R. P. Trêves. Et le
P. Destro de s'écrier : t Mes jours de solitude sont terminés.
J'ai un compagnon. La communauté, ajoute-t-il, descend
gravement dans le chœur derrière le gi'and autel, et nous
psalmodions bravement nos Petites Heures. Il y avait cent
ans et plus que la voix du religieux ne priait plus là au
nom de l'Eglise entière; et deux pauvres Oblats rempla-
çaient, selon l'esprit et le mot de leur Règle, les anciens
moines qui avaient été chassés de leur couvent pendant la
période de trouble qui avait suivi en Italie la grande Révo-
lution française. »
(1) C'est le R. P. Destro qui a traduit en italien l'ouvrage du
R. P. Yenveux sur les révélations du Sacré-Cœur à la bienheureuse
Marguerite-Marie. Il s'appliqua avec grand soin à. ce travail. Il pou-
vait donc espérer que la Bienheureuse accorderait une spéciale
protection à son œuvre naissante.
— 152 —
N'est-il point beau de voir les deux Pores, seuls dans la
vaste maison, aller, à l'heure réglementaire, réciter en
commun l'office divin dans le chœur de la vieille église?
Leur ministère ne pouvait mieux commencer.
Je dois avant tout vous décrire le centre dans lequel ce
ministère allait s'exercer.
Santa Maria a Yico est une petite ville de 7 à 8.000 habi-
tants, située aux portes de Naples; 20 kilomètres seulement
nous en séparent. Elle est disposée de façon très originale,
comme du reste presque toutes les villes et villages de la
Province de Caserte. C'est une longue rue, généralement
bien pavée, ayant ses maisons alignées indéfiniment à
droite et à gauche. Pour parcourir Santa Maria dans toute
sa longueur, dit le P. Destro, il faut plus d'une demi-heure,
mais pour la traverser dans sa largeur une enjambée suffit.
Ajoutez que souvent, au lieu de la maison monotone, nous
trouvons quelque beau jardin d'orangers, qui, en été, em-
baument notre tiède atmosphère du parfum de leurs fleurs
et en hiver charment nos yeux de leurs fruits d'or; ajoutez
encore que la campagne environnante est d'une fertilité
merveilleuse, et vous admettrez que Santa }»Iaria a Yico
n'est point un pays désagréable.
Vous dirai-je aussi que nous nous trouvons dans un
centre historique qui ne manque pas de grandeur ? La
rue qui parcourt le pays dans toute sa longueur porte
un nom célèbre dans l'antiquité romaine. C'est la vieille
Via Appia, la Regina Viarum, comme l'appelaient les
Romains. Reliant Rome et Brindisi, et mettant ainsi en
communication la métropole de l'univers avec l'Orient,
elle vit passer sur ses dalles séculaires les conquérants
que Rome envoyait à la tête de ses légions en Egypte
et en Asie, mais aussi elle vit un jour venir de l'Orient
des conquérants d'un autre ordre qui apportaient à Rome
une civilisation plus haute et plus belle, les Pierre et
les Paul. Il y a tout près de Santa Maria a Vioo une
petite localité, siè^e autrefois d'un évêché qui, suivant
— 153 —
une tradition très fondée, aurait été établi par saint Pierre
lui-même.
Ajouterai-je que nous sommes à deux pas des « Fourches
Caudines », le défilé <;élèbre où l'armée romaine essuya
l'humiliante défaite que l'on sait ?
J'aime mieux rappeler le souvenir plus récent et plus
doux à la fois de saint Alphonse de Liguori. C'est dans
son diocèse que nous sommes. Il est vrai que Santa Maria
a Vico n'appartient plus actuellement au diocèse de Sainte-
Agathe-des-Goths, mais elle y appartenait du temps de saint
Alphonse, et son souvenir est vivant dans nos régions.
C'est même à Arienzo, notre chef-lieu de canton, résidence
habituelle des dernières années de son épiscopat, qu'il se
trouvait lorsque eut lieu le fameux miracle de bilocation
que nous lisons dans sa vie. C'est là que le matin du
21 septembre 1774 ses domestiques le virent tout à coup
entrer dans une profonde léthargie. Ils croyaient à une
extase, mais le saint était à Rome assistant le Pape Clé-
ment XIV qui se mourait. La chambre où eut lieu ce pro-
dige est transformée en chapelle. On y vénère encore le
fauteuil sur lequel le saint était assis. Xous avons la ferme
confiance qu'il voit d'un oeil de bienveillance du haut du
ciel les enfants de Mgr de Mazenod travailler au salut des
âmes qu'il a lui-même évangélisées, et qu'il nous bénit.
Notre vénéré Fondateur avait un culte si intense pour le
grand Evêque missionnaire du xviiie siècle I N'est-ce point
lui qui fit écrire par un de ses enfants la première vie du
saint qui ait paru en langue française, et qui contribua
tant à répandre sa doctrine en France ?
Et maintenant un mot sur la maison que nous habitons.
Vous en conviendrez bientôt, ce n'est point une maison
ordinaire. Elle présente au premier coup d'oeil un caractère
de grandeur antique qui frappe. Qui Ta jamais visitée sîins
admirer ses quatre beaux corridors de 55 mètres de long,
4 de large et 5 de hauteur? Quoique les vicissitudes du
temps et un long abandon laient bien détériorée, elle con-
— 154 —
serve, telle qu'elle est, un cachet de majesté digne du roi
qui la fit construire.
C'est une maison qui a son histoire. Elle est due à la
munificence de Ferdinand I""' d'Aragon, roi de Naples, qui
la fit construire en 14C0. Les circonstances méritent d'être
relatées.
Dès le commencement du xv* siècle on trouve dans le
bourg de Santa Maria a Vico, appelé alors Vico Novanese,
un petit sanctuaire de la sainte Vierge. Une Madone y était
vénérée déjà de longue date à cette époque-là. Des Pères
Dominicains en avaient la garde.
Ferdinand I«r se trouvait à guerroyer dans la région.
ïSon armée campait non loin du sanctuaire, et lui-même
logeait dans le petit couvent des Pères. Un orage épouvan-
table survint. Le vent furieux arrachait les tentes de3
soldats ; les torrents, gonflés subitement, descendaient avec
impétuosité des montagnes voisines, emportant hommes
et chevaux. Le roi se vit perdu. Sur l'invitation du Père
Prieur il alla se jeter aux pieds de la Madone, et il fit le
vœu, si elle venait à son secours, de lui bâtir une église
grande et belle et d'élever un magnifique couvent pour les
Religieux qui avaient la garde de son sanctuaire. Aussitôt
la tempête se calma, le vent tomba, l'armée fut sauvée.
Pénétré de reconnaissance, Ferdinand satisfit aussitôt
royalement à son vœu. La maison fut un vaste quadrila-
tère de 55 métrés de côté ; elle n'eut qu'un étage, mais les
pièces furent vastes, bien aérées, bien éclairées, bien
orientées. L'église devint un grand édifice de GO mètres de
long, 30 mètres de large, en forme de croix latine, a^ec
trois nefs, quinze autels et un chœur où pouvaient prendre
place plus de 30 religieux. La statue de Marie fut trans-
portée dans le transept de droite, où elle se trouve encore
aujourd'hui. Un ouvrage en marbre finement ciselé l'en-
cadre, tandis qu'on voit au-dessous le roi Ferdinand, vêtu
de sa cuirasse, qui montre Marie, sa libératrice. Dès lors
le sanctuaire prit un éclat et une importance extraordi-
— 155 —
naires. Le pays lui-même changea [«eu à peu de nom : il
devint Santa Maria a Vico. C'est ainsi que nous devons à
une gn\ce signalée de la sainte Vierge la belle église que
nous desservons et la maison que nous habitons ; et que le
pays lui-même doit son nom à la Madone qui se vénère
dans notre église.
La famille Dominicaine aima, ce semble, singulièrement
ce séjour.
Nous la voyons en effet en 1585, fidèle à ses traditions,
faire dans le transept de gauche, en face de l'autel de Santa
Maria a Vico, un autel du Rosaire qui est véritablement
remarquable. C'est un ouvrage en bois sculpté et doré. Ua
rétable de toute beauté représente en haut la Madone don-
nant le chapelet à saint Dominique. Les mystères du
Rosaire lui font couronne, et les principaux prophètes de
l'Ancien Testament sont là contemplant Celle qu'ils ont
entrevue et prédite de loin. On voit au-dessous une prédi-
cation de saint Thomas d'Aquin à la cour Pontiticale qui
est un chef-d'œuvre. Les figures y sont admirables de
variété et d'expression. C'est un ouvrage classé par le
ministère des Beaux-Arts. Il est d'un peintre de l'Ecole
flamande que la tradition veut être le « Fiammingo » lui-
même.
De 1613 à 1650 le couvent est presque entièrement refait
à neuf. C'est ce qu'attestent les diverses dates que nous
trouvons au rez-de-chaussée sur les portes qui donnent
accès aux principales pièces.
En 1710 tout le cloître est décoré de peintui'es reprodui-
sant l'histoire de saint Pie V. Malheureusement toutes ces
peintures n'existent plus. Le temps les a détruites, et celles
que le temps avait épargnées, le hideux badigeon les a fait
disparaîU'e. Deux seulement restent encore dans notre salle
de réception, remises à jour par la patience de Mgr Migliore
C'est ici le lieu de mentionner une -sieille tradition du
pays, selon laquelle saint Pie V lui-même, jeune religieux,
aurait enseigné la théologie aux scolastiques de son ordre
— 156 —
dans notre couvent. Ce qui est certain c'est que les anciens
documents parlent d'une salle de saint Pie V. C'est la salle
de réception actuelle.
Ce fut, à cette époque, l'âge d'or du couvent.
En 1789, les Dominicains décorent encore toute l'église de
stucs remarquables. Mais les temps vont changer. C'est
d'abord un terrible tremblement de terre qui fait crouler la
coupole de l'église, et endommage très sérieusement les côtés
ouest et nord de la maison. Les religieux ont à peine le temps
de faire le gros des réparations. L'heure de la persécution
allait sonner pour eux. Les idées de la Révolution française
avaient fait leur chemin en Europe, et c'est Joachim Murât
qui se chargea de les mettre à exécution dans le royaume
de Naples. Les religieux connurent les heures tristes de
l'exil, comme notre Congrégation les a connues elle-même
ces dernières années. Les Dominicains durent abandonner
Santa Maria a Vico, C'était en 1809. Le local magnifique,
sanctuaire de prière et d'étude, gémit alors dans la solitude
et l'abandon. Les vampires, qui se trouvent toujours aux
heures sombres pour dépouiller les victimes, sortirent au
grand jour. La pioche se remit à la besogne pour enlever
ce que le monastère avait de précieux. Dès lors le couvent
ne fut plus que le lieu de retraite des oiseaux nocturnes,
les ruines allaient s'accumulant tous les jours, les plantes
sauvages, les ronces envahissaient les cloîtres où gisaient
d'immenses amas de décombres.
Cela dura jusqu'en 1857. L'évoque d'Acerra, Mgr Romano,
entreprit de restaurer quelques parties de l'édifice. Il en fit
la maison de villégiature de son séminaire.
Mais le vrai restaurateur de l'ancien couvent des Domi-
nicains, c'est Mgr Agostino Migliori, que le R. P. Destro
nous a déjà fait connaître. Son ardeur infatigable, sa
volonté indomptable, son travail opiniâtre réussirent en
peu d'années à installer dans l'ancien local un collège qui
devint rapidement florissant. C'est le collège qu'en 1902 il
cédait à la congrégation des Oblats de Marie Immaculée.
— lu/ —
Mais en nous donnant son œuvre, il n'a pas prétendu s'en
désintéresser. Il l'aime toujours éperdunient. C'est la pru-
nelle de ses yeux. 11 est resté de plus l'ami et le protecteur
des Oblats. Il sait nous le témoigner en toute circonstance.
Qu'il en reçoive ici l'expression publique de notre recon-
naissance.
Voilà, mon Révérend Père, le cadre où se développent
nos œuvres. Je me suis attardé peut-être un peu trop à
vous le décrire. J'ai cru toutefois que ces quelques notions
historiques ne manquaient pas d'intérêt. Mais il est temps
de vous parler de nos œuvres. Je commence par l'église.
Le bien qui s'y fait est trùs grand. Trois Pères sont
exclusivement consacrés à son service. Mais les jours de
fête, et même souvent les simples dimanches, les Pères
professeurs sont obligés de venir à leur aide pour les con-
fessions. Les circonstances dans l'année sont nombreuses
où trois ou quatre Pères occupent les confessionnaux de
l'église, tandis que trois ou quatre autres confessent les
hommes dans la sacristie, et cela trois ou quatre heures
durant. C'est vous dire que les sacrements sont très fré-
quentés par le peuple qui nous entoure. Ce n'est pas d'ail-
leurs de Santa Maria seulement qu'on vient se confesser
chez nous, mais de tous les environs. Nous sommes au
milieu d'une population, simple encore, qui a la foi très
vive, et, je le dirai à sa louange, généralement parlant,
elle ne sépare pas la foi des œuvres. La foi, la pratique de
la foi, des commandements de Dieu et de l'Eglise, (.-'est tout
un pour elle.
Malheureusement, des meneurs cherchent à infiltrer des
idées nouvelles. Daignent Dieu et la bonne Madone de
Santa Maria a Vico lui conserver longtemps encore sa sim-
plicité et sa foi. C'est là que vont tous nos efforts et notie
vigilance.
— 158 —
C'est ce qui nous a induits à fonder ce qu'on appelle ici
un € Ricreatorio » populaire pour les enfants et jeunes gens
du pays. Ils viennent chaque soir, plus ou moins nom-
breux, suivant les jours et la saison, font une partie de
jeux dans notre vaste cour de récréation, écoutant quel-
ques sages conseils du Père qui les dirige, et s'en retour-
nent chez eux meilleurs, plus obéissants, plus respectueux
envers leurs parents, et surtout plus chrétiens. C'est le
R. P. Centnrioni qui est chargé d'eux. Les aptitudes spé-
ciales de son tempérament, ses qualités morales et phy-
siques, le désignaient tout naturellement pour ce genre
d'œuvres. Il a su par sa patience, par son énergie, par sa
constance donner à l'œuvre vie et force.
C'est surtout le dimanche que ces enfants viennent nom-
breux. Ils sont à peu près une cinquantaine. Ce jour-là la
cour leur appartient à peu près exclusivement. Les jeux
les plus variés sont mis à leur disposition. C'est le foot-
ball qni avait jusqu'ici les préférences, mais la bicyclette
est venue cette année lui faire une terrible concurrence.
Trois bicyclettes, s'il vous plaît, que le P. Centurioni a pu
se procurer pour un prix relativement minime, à la grande
joie des enfants... petits et grands de la maison. On ne
compte plus les « pelles » ramassées ni les pneus crevés.
Imaginez-vous que nos frères convers eux-mêmes se sont
faits amoureux de cette bonne bécane ? Il a fallu les con-
tenter. Et maintenant, en un rien de temps ils vont d'un
bout à l'autre de Santa Maria a Vico faire nos commissions.
C'est autant de gagné.
Que penseriez -vous si je vous disais que quelque Père
n'a pas su lui-môme résister à la tentation? Mais tirons un
voile là-dossus.
Le véritable avantage de ces joies et de ces divertisse-
ments est de moraliser la jeunesse qui nous entoure, de la
faire croître ;' notre contact dans des sentiments de foi et
de la tenir éloignée des influences pernicieuses.
— 159 —
Le R. P. Maielio, de son côté, s'efforce de donner aux
autres œuvres de l'église tout l'essor dont elles sont sus-
ceptibles. L'Association de l'apostolat de la prière, grâce à
son zèle, va tous les jours se développant. Elle n'existait
avant lui que pour les femmes. Il l'a étendue aux hommes
et aux jeunes gens ; et maintenant un groupe de 24 zélateurs,
avec à leur tête un président, agit sous ses ordres. C'est sa
garde, et quand il la fait donner, il est sur d'arriver à ses
lias.
L'Association compte actuellement près de 800 membres.
11 est beau, chaque premier dimanche du mois, de voir cette
masse compacte d'hommes et de femmes, portant ostensi-
blement sur leurs épaules le scapulaire d'ayrégation, se
serrer autour de l'autel du Sacré-Cœur où se dit la messe
de l'Association, entendre le sermon du Père et s'avancer au
moment de la communion pour recevoir le pain des forts.
Bien peu manquent à l'appel.
L'Œuvre des catéchismes, organisée encore et dirigée par
le P. Maielio, marche bien. Chaque dimanche, une centaine
d'enfants, jeunes garçons et petites filles, viennent apprendre
les premiers rudiments de la doctrine chrétienne. En somme
nous cherchons à faire ce qui est en notre pouvoir pour
procurer autour de nous le bien des âmes.
La population le sait bien. Nous avons son estime et son
affection. Et lorsqu'elle entre dans son église (c'est ainsi
qu'elle l'appelle avec une légitime fierté) et qu'elle la voit
élégante et bien tenue, grâce aux soins intelligents et infa-
tigables de notre frère sacristain, surtout quand elle peut
admirer quelque innovation du P. Maielio, un cadre, un
lustre, une applique, ne serait-ce qu'un agenouilloir, mais,
— 160 —
pour le coup, artistique, elle est aux anges, elle jubile et ne
tarit pas de louanges à notre adresse. Le P. Maiello le sait,
et il lui prodigue ce genre de satisfaction.
Ce serait ici le moment de vous dire un mot de notre in-
comparable fête de l'Assomption. Je ne voudrais pas être
trop long, mais comment passer sous silence une solennité
qui a ici un cachet si caractéristique? On n'a pas l'idée
ailleurs de ce genre de fêtes. Qu'on ne se scandalise pas,
mais si l'on ne dépense pas au moins 3 ou 4.000 fr. en mu-
siques, illuminations, feux d'artifice, la fête n'est point
belle. Quand en revanche deux ou trois bandes musicales
jettent aux quatre coins de la ville leurs notes joyeuses et
bruyantes, quand une illumination splendide inonde de
reflets éclatants la façade de notre église et s'étend au loin
dans les rues avoisinantes, quand les feux d'artifice sont
beaux, nombreux et variés, alors la fête est belle, le peuple
est joyeux, il porte aux nues ceux qui lui ont procuré ce
régal.
Du reste, c'est le peuple lui-même qui en fait les frais.
Quand il s'agit de VAssunta, il n'est pas de famille, quelque
pauvre qu'elle soit, qui ne fasse son offrande.
On serait tenté parfois de dire : Ut quidperdilio hœc ? Mais
on risquei'ait, je ci'ois, de s'attirer la désapprobation du
Maître. Tout cela chez notre peuple est un acte de foi. C'est
ainsi qu'il entend honorer la sainte Vierge. Que de fois j'ai
vu de pauvres gens, présentant la figure même de la misère,
tirer de leurs haillons une ou deux pièces blanches et les
offrir... à la Madone, c'est-à-dire pour la fête! Pour la
Madone on fait tout, disent-ils, et on sent que c'est le cœur
qui parle.
* *
A ce propos je veux vous raconter un petit fait qui vous
fera comprendre les mo3urs naïves de nos populations. Il y
— 161 —
avait peu de temps que j'étais arrivé à S. Maria a Vico. Je
me trouvais un jour, en compagnie d'un Père, visitant
l'église à une heure où généralement les églises sont
désertes. C'était environ 3 heures de l'aprés-midi. Le temps
de Noël approchait. Quelle n'est pas ma surprise de voir
entrer dans le lieu saint une compagnie de musiciens, oh !
pas l)ien nombreux, — cinq ou six au plus — ni vêtus à la
façon des artistes de l'Opéra ou de San Carlo de Naples. Ils
se dirigent vers l'endroit où sera la future crèche, et là, très
gravement, très religieusement même, ils commencent à
jouer un petit air de musique. « Que font-ils ? demandai-je
à mon compagnon. — Ils font la neuvaine. — La neu-
vaine 1 Quelle neuvaine ? — La neuvaine de Noël. — Mais
comment ça ? » Et on m'expliqua. Des personnes pieuses
chargent la petite bande de venir les neuf jours qui pré-
cèdent Noël jouer une petite aubade à l'Enfant .Jésus. C'est
ce qui s'appelle offrir une neuvaine t al Bambinello ». Et
comme chaque commettant veut avoir une aubade distincte,
la bande, de bonne composition, recommence cinq, six fois
de suite, et plus encore s'il y a lieu, son petit boniment.
Que pensez-vous de cette manière d'honorer le divin
Enfant ? Ne doit-il pas sourire du haut du ciel à cette mu-
sique naïve qui lui rappelle sans doute très agréablement
le chalumeau des bergers de Bethléem ?
Mais je reviens à notre fête de l'Assomption. Je dois
ajouter en effet que la fête strictement religieuse ne le cède
en rien à la pompe extérieure. Pendant les deux jours
qu'elle dure, le 15 et le 16 août, notre vaste église ne désem-
plit pas à toutes les messes qui se disent d'heure en heure,
depuis 5 heures du matin jusqu'à midi; les confessionnaux
sont littéralement assiégés et la table sainte entourée de
fidèles.
Cette année-ci, grâce au génie organisateur du P. Maiello,
— 162 —
la splendeur de la solennité a dépassé ce qu'on avait vu de
longtemps. Aussi fallait-il être témoin de la joie de ce bon
peuple.
Une commission laïque avait auparavant la direction de
cette fête. 11 y avait des inconvénients de plus d'un genre.
<<e n'est pas sans difficultés que nous avons pu nous en
rendre maîtres. Il est vrai qu'elle exige un travail écrasant.
Je termine par là mon rapport sur l'œuvre de l'église et
passe aux autres œuvres de la maison : Juniorat et Collège.
(A sf/.ivre.) P. Euloge Blanc, 0. M. I., sup.
PROVINCE DU NORD
Rapport sur la Maison
du Sacré-Gceur de Dînant»
Monseigneur et Révérendissime Père,
La Maison de Dinant n'est point une inconnue pour les
lecteurs de nos Missions, bien qu'elle n'ait pas fait parler
d'elle bien souvent.
Sa fondation remonte à la seconde moitié de 1902. Par
prévoyance, nos Supérieurs préparèrent à Dinant, diocèse
de Namur, un abri sûr pour les membres de nos Commu-
nautés que la persécution menaçante devait bientôt forcer
Ue chercher un refuge en territoire étranger. C'est à
Dinant, en f^Êfet, que se réunirent les épaves de la Maison
et du Juniorat de Notre-Dame de Pontmain et du Juniorat
de Notre-Dame de Sion. C'est à Dinant qu'un grand noxn-
— 163 —
hre de Pères vinrent faire un séjour plus ou moins pro-
longé, en attendant iju'à l'heure fixée par la divine Provi-
dence , ils puissent servir la (Congrégation dans des
fonctions et dans des j)Ostes, où, par leurs talents et leur
mérite, ils seraient utiles ;\ un plus grand nombre.
Dinant, une des dernièi'es venues dans la famille, a
donné à la Congrégation un Assistant général : le
R. P. Baffie, arrivé ici un des premiers, pour souffrir le
dénuement de la fondation et tous les tracas de l'adapta-
tion de l'ancien Kursaal à une Communauté religieuse. —
C'est elle encore qui a donné à la famille, pour y remplir la
charge importante d'Econome général, le R. P. Faviev,
ancien Supérieur de Notre-Dame de Pontmain et deuxième
Supérieur de Dinant. — Puis, le R. P. Lemius, Jean-
Baptiste. Celui-ci, après avoir été le fondateur de la
Maison et son premier Supérieur, l'a donnée au Sacré-
Cœur de Jésus, comme sa propriété ; il y a établi solide-
ment le culte du Sacré-Cœur dans la chapelle, et aussi le
culte de Marie Immaculée par l'inauguration de la grotte
de Notre-Dame de Lourdes. Mais il ne tarda pas à résilier
ses fonctions de Supérieur local entre les mains du
Rév. Père Favier, et, à l'expiration du provincialat du
R. P. Brûlé, à recueillir sa succession, en devenant pro-
vincial de la Province du Nord.
C'est encore cette maison qui fut choisie pour lieu de
retraite de plusieurs naembres de la famille, Pères et
Frères, parmi lesquels le vénéré P. Soulerin, si aimé, si
vénéré de tous ceux qui l'ont connu.
Chaque année, plusieurs Pères viennent à Dinant, au
sortir du Scolasticat, pour se préparer dans la sainte
atmosphère de la vie régulière, de la prière et de l'étude,
aux premiers essais de la vie apostolique.
Notre maison de Dinant, située à l'extrémité sud de la
ville, est assise sur les bords de la Meuse, qui en baigne
les fondations. Elle se compose d'un ancien hôtel, trans-
formé en maison religieuse, et d'une ancienne maison de
— 161 —
jeu, fermée par le Gouvernement. La salle de jeu est
devenue la chapelle, et le logement, qui est attenant, fut
aménagé pour recevoir le Juniorat.
Pour mettre un peu de clarté dans l'histoire de cette
maison, je diviserai ce rapport en plusieurs points, qui
donneront, je l'espère, une idée aussi exacte que possible
de notre vie. Mais il est impossible pour moi, et il serait
fastidieux pour vous d'entrer dans les mille et mille détails
dos huit années que j'ai à résumer.
La chapelle.
C'est une salle assez vaste et suffisamment élevée. Elle
mesure 18 mètres de longueur sur 10 mètres de largeur.
Deux cents personnes peuvent y trouver place, sans être
gênées. Pour le service habituel, cela suffit ; le nombre des
chaises peut être augmenté les jours de fête.
Il a fallu, dès le début, modifier considérablement celte
salle, autrefois salle de jeu, et lieu de perdition des âmes,
pour la convertir en Maison de Dieu, en sanctuaire, où,
chaque jour, le saint Sacrifice serait offert, où les âmes
viendraient se recueillir devant Dieu, s'instruire des divins
enseignements, se purifier de leurs fautes, se nourrir du
corps et du sang de Notre -Seigneur Jésus- Christ, et
s'affermir dans la voie du salut. Cette transformation fut
faite aussi convenablement que le permirent les ressources
des premiers jours et des premières années. Cette transfor-
mation n'était, du reste, que provisoire. Mais, malgré sa
simplicité, cette salle, devenue chapelle publique, avait dès
le principe quelque chose qui portait à la piété, dés qu'on
en franchissait le seuil. C'est, sans doute, que cette cha-
pelle avait été consacrée au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur
liés le jour de son inauguration. Une statue monumentale
au Sacré-Cœur, dominant l'autel principal, en rappelait le
souvenir aux pieux visiteurs, et les invitait à l'adoration,
— 165 —
■à la confiance et à l'amour. Elle semble dire à tous :
■t Venez à moi, vous tous qui souffrez... i
Deux autels de moindre dimension encadrent le maître-
■autel, dédiés l'un à Marie, Mère de miséricorde, l'autre à
saint Joseph.
La chapelle est abondamment éclairée par de larges baies
qui prennent entièrement un de ses côtés.
Un vestibule ou hall, aussi vaste, plus vaste peut-être
que la chapelle, la précède immédiatement. Si, dans cer-
tains concours, les fidèles ne trouvent pas assez de places
dans l'intérieur de la chapelle, ils en trouveront toujours
dans le vestibule, qui est déjà un lieu saint. C'est là, en
effet, qu'a été établie une grotte de Notre-Dame de Lourdes,
érigée comme spontanément par la piété des fidèles ; il se
passe bien peu d'heures dans la journée où Marie ne voie
à ses pieds quelques personnes en prière. La dévotion
envers Notre-Dame de Lourdes est universelle; elle est
très grande à Dinant comme dans toute la Belgique. La
guérison subite d'un enfant malade, après une neuvaine de
visites à la grotte, et de nombreux ex-voto attestent que la
confiance des Dinantais est très justifiée.
Deux Pères sont occupés habituellement au service de la
chapelle. Chaque dimanche et jour de fête, il y a deux
messes officielles avec instruction. Le soir un salut avec
prédication. Les offices des dimanches et fêtes sont bien
suivis.
Mais c'est le premier vendredi du mois qui est le jour
particulièrement honoré par un plus grand nombre de
communions. En ce jour, le Sacré-Cœur reçoit de plus
nombreuses visites et des hommages plus pieux et plus
empressés. Le Très Saint Sacrement est exposé dès la
messe de 6 h. A partir de ce moment jusqu'au soir, c'est la
prière publique, non interrompue, comme à Montmartre.
Elle est toujours présidée par un Père. L'autel est paré
comme aux jours de fête, car chaque premier vendredi est
une vraie fête du Sacré-Cœur. Ce divin Cœur donne ses
11
— 166 —
î.udiences, et l'on vient nombreux et fers-ents pour l'ho-
norer, lui parler, l'écouter et recevoir ses bénédictions.
La communauté avait rencontré, dès son arrivée, de
précieuses sympathies parmi les familles les plus hono-
rables de la ville. Elle a su mériter de les conserver. Et si
le nombre des personnes, qui fréquentent notre chapelle,
peut être regardé comme le thermomètre de la confiance
des fidèles envers nous, on peut être assuré que nous
gagnons chaque jour de nouvelles sympathies, parce que
le nonil>re des fidèles qui visitent la chapelle, suivent nos
exercices, ou s'approchent des sacrements va toujours en
augmentant.
Nous en avons une preuve sensible dans l'embellis-se-
ment tout récent de notre chapelle, sous la gestion habile
et appréciée du R. P. Bailleau. Ce cher Père a fait un bien
immense aux âmes qui se sont mises sous sa direction. Son
dévouement à leur égard a déjà reçu un acompte sur la
récompense qu'il a méritée : il a su trouver des ressources
pour doter la chapelle de trois autels, en chêne sculpté,
ornés de colonnes de marbre et rehaussés de magnifiques
décorations en bronze doré. La chapelle tout entière a
revêtu un vêtement tout nouveau, admirable par sa fraî-
cheur, .sa délicatesse et son bon goût. Le Pi. P. Bailleau a
eu à cœur rembellissenient de la maison de Dieu, comme
la sanctification et le progrès des âmes. (Jn peut dire de
lui : Zelv.s domus tuœ comedit me. Il a quitté Dinant,
mais son souvenir restera.
11 a été remplacé dans la direction de la chapelle par un
Père, qui s'est dévoué dans ce ministère depuis 1903, et qui
en remplit les fonctions avec un zèle au-dessus de tout éloge.
Deux Pères se sont succédé dans la charge de second
chapelain.
Le Juniorat
En 1903. au mois d'avril, arrivèrent à Dinant 12 junio-
ristes de Notre-Dame de Pontmain et 5 de Notre-Dame de
— 167 —
Sion. Lorsqu'ils arrivèrent, sous la direction du R. Père
Vernhet, aidé par deux Pères, le souvenir de tant de grâces
reçues dans ces deux sanctuaires et le sombre avenir que
l'on avait devant soi, serraient les cœurs et, instinctive-
ment, on se demandait avec tristesse : Sion et Pontmain
reverront-ils jamais les deux juniorats que la persécution
vient de fermer? Aucune lueur à l'horizon ne permet
d'espérer avant longtemps le retour des joies d'autrefois !
A leur arrivée à Dinant, les junioristes étaient peu nom-
breux : 17 seulement. Leur nombre ne s'accrut pas durant
les 3 années que le juniorat fut maintenu ici. Les classes
ne pouvant se faire complètement, l'emplacement pour les
récréations faisant défaut, et le séminaire apostolique de
Waereghem pouvant se charger de nos junioristes, réunis
à ses élèves, junioristes et professeurs furent transférés à
Waereghem en 1905. Notre sanctuaire perdit, par leur
départ, ses petits chantres et ses enfants de chœur, et la
maison un peu de sa gaîté. En ce moment, le nombre des
junioristes de la Province du Nord à l'école apostolique de
la Flandre occidentale est de 34.
La communauté.
La communauté, depuis sa fondation, se compose d'en-
viron 15 Pères et de 5 ou 6 Frères convers. Dans ce nombre
ne sont pas compris les membres, faisant partie de la mai-
son de Dinant, mais dispensés de la résidence, parce qu'ils
exercent ailleurs un ministère à poste fixe. A part les deux
chapelains, les autres Pères sont missionnaires ou font ici
leur stage. C'est à Dinant, en effet, que viennent se pré-
parer, pendant un temps plus ou moins long, les jeunes
Pères sortant du scolastiscat. Ils trouvent ici le recueille-
ment de la vie régulière, les longues heures de silence qu'il
est facile de consacrer à l'étude et à la composition des
sermons de missions et aussi à des prédications détachées
ou à des travaux de courte durée qui les initient au minis-
— 168 —
1ère plus actif et plus prolongé des missions proprement
dites.
Mais à côté de ces jeunes Pères, il y a toujours eu à
Dinant plusieurs missionnaires en pleine activité de vie
apostolique. Comment faire connaître ici le travail accom-
pli par eux ? Pendant les huit années qui viennent de
s'écouler et qui représentent toute l'existence de la maison
du Sacré-Cœur de Dinant, quarante Pères environ ont
passé par cette maison et en sont partis. Le nombre des
travaux qu'ils ont accomplis est considérable. Tous n'ont
pas eu, sans doute, la même importance; la disette de
travail s'est même fait sentir parfois d'une façon très péni-
ble : le paj's qui nous donne l'hospitalité, ne peut nous
donner l'occasion de nous dépenser et de nous dévouer
dans la mesure qui serait nécessaire, et les centres, où le
ministère des missions abonde, sont loin de nous. Nous ne
sommes pas connus suffisamment, nous ne sommes donc
pas demandés : cela se conçoit. Heureusement, nous ne
sommes pas abandonnés. Nous avons des amis charitables,
nous avons des frères qui sont heureux de nous faire par-
tager leur abondance. Ces amis, ces frères nous appellent
près d'eux, nous les aidons dans leurs missions. C'est
quelquefois près de la Belgique, mais aussi, et le plus sou-
vent, c'est au loin que nous allons porter notre concours.
Peu importe ; les distances à franchir ne nous effraient
pas. Nous sommes appelés dans des pays où la foi est
encore vivace, où les habitudes chrétiennes, la fréquenta-
tion de l'église, la vraie vie de famille sont encore en
honneur; nous nous édifions dans ces milieux vraiment
saints, où notre ministère est honoré et nos enseignements
reçus avec avidité et bonheur. Mais Jnous rencontron.s
aussi des terrains ingrats, où il nous semble que nous
jetons la divine semence sur des pierres, sur des chemins
publics ou au milieu des buissons d'épines. Le labeur est
dur alors, il offre par lui-même peu de consolation, mais
il incline le missionnaire à penser davantage à Celui qu^
— 169 —
est le Maître des cœurs et des vies, à s'humilier lui-
même en face de son impuissance, à mulliplier ses
prières et ses visites au Saint Tabernacle, demandant
pardon pour les pauvres pécheurs, implorant pour eux la
grâce de la conversion. Il demandera cette grâce sans se
lasser, et sans jamais se décourager, à la Mère de la misé-
ricorde. Et généralement des conversions sincères et ines-
pérées témoignent au missionnaire que, môme dans les
paroisses les moins chrétiennes, il ne faut pas désespérer de
taire un bien réel, que la prière est le grand levier pour
soulever les urnes, les toucher et les amener à penser utile-
ment et courageusement à leur salut ; que le missionnaire
n'est que l'instrument du Dieu infiniment miséricordieux,
qui a proclamé qu'il était venu sur la terre, non pour appeler
les justes, mais pour sauver les pécheurs. — Nous espérons
que, par les nombreuses prédications données par nos Pères,
un grand nombre d'àmes ont été touchées, réconciliées et
sauvées.
Notre Codex historiens, qui, probablement, ne dit pas
tout, nous apprend que le nombre des travaux donnés par
les membres de la Communauté monte à près de 500. En
voici l'importance :
42 missions données par nos Pères, ou missions aux-
quelles nos Pères ont donné leurs concours ;
48 retraites paroissiales, soit à l'époque du Carême et du
temps pascal, soit à une autre époque de l'année ;
7 Carêmes complets;
2 retraites d'ordination ;
48 retraites religieuses ;
2o retraites d'associations ou de Congrégations d'enfants
de Marie ;
3 retraites de jeunes gens ;
10 retraites de pensionnats ;
4 neuvaines ;
70 adorations perpétuelles, précédées ou non d'un tri-
duum préparatoire;
— 170 —
6G retraites de première Communion ;
35 triduums ;
9 travaux à roccasion de la Toussaint et da jour des
morts ;
48 sermons de circonstance;
27 Jubilés.
Un Père a accompagné, comme prédicateur, le pèlerinage
diocésain de Reims à N.-D. de Lourdes.
Il me semble, et vous le pensez aussi sans doute, que
pour une maison qui n'a que quelques années d'existence,
le nombre des travaux qu'elle a accomplis, représente une
somme déjà considérable de bonne volonté et de dévoue-
ment.
^**
A la date du ô octobre 1902, la maison du Sacré-Cœur de
Dinant avait pour Supérieur le R. P. J.-B. Lemius.
Il prêche le 1er novembre une profession à Bruxelles, le
5, premier Vendredi du mois, quoique la maison soit
encore peu habitable et que la Chapelle soit remplie de
décombres, le R. Père Supérieur bénit la maison et la con-
sacre, par l'acte suivant, au Sacré-Cœur de Jésus :
• 0 Jésus-Christ, notre Souverain Seigneur et Roi, nous
vous adorons, et nous confessons que vous êtes, comme
Dieu et comme homme, le Roi de l'univers tout entier.
Nous consacrons sans réserve à votre Très Sacré-Cœur la
maison des 0. M. I. de Dinant : nous la déclarons votre
domaine. Vous y régnerez en maître sur toutes les per-
sonnes, toutes les choses, toutes les œuvres. En reconnais-
sance de votre Suzeraineté, nous nous engageons à envoyer
à votre Sanctuaire de Montmartre la somme annuelle d'au
moins .50 francs. Nous vous promettons surtout de prati-
quer nous-mêmes et de répandre en Belgique de toutes nos
forces le culte de votre Très doux Cœur. — Notre-Dame de
Lourdes, qui s'est dite être l'Immaculée Conception, sera la
Reine des Oblats de Marie à Dinant. Qu'elle soit notre
— 171 —
médiatrice près de voire divin Cœur. Elle aussi, nous la
ferons connaître et aimer de plus en plus do la catholique
Belgique. Très Sacré-Cœur de Jésus-Christ, par Notre-Dame
de Lourdes, bénissez-nous, protégez-nous à jamais. Ainsi
8oit-il. *
Le R. Père Supérieur passe en Angleterre, etc.. tout ce mois
de novembre. — Le 5 décembre, il inauerure le culte dans
la chapelle. (Voir le récit qui a paru dans nos Missions,
n" 160, décembre 1902.) En décembre, il prêche à Namur
un sermon de charité dans l'église de Saint-Nicolas ; —
puis deux retraites.
Le 11 janvier 1903. il est à Bruxelles, où il donne un
sermon aux Associés de l'Adoration nocturne dans l'église
des Pères du Saint Sacrement ; du 30 janvier au 2 février
quatre sermons au collège do Belle- Vue à Dinant, à l'occa-
sion de l'Adoration perpétuelle; — les 7, 8, 9, il prêche à
Saint-Christophe de Liège. — En février, il as.siste à la
réunion du Comité permanent eucharistique, qui s'est tenu
à Paris, sous la présidence de Monseigneur l'évêque de
Namur. — Il assiste pareillement au conseil des Pèleri-
nages de Lourdes. — Au commencement d'avril, il prêche
la retraite aux Membres de l'Adoration nocturne chez les
Pères du Saint Sacrement à Bruxelles. Il la clôture le 5,
dimanche des Rameaux, et le mardi suivant il va prêcher à
l'occasion de l'Adoration perpétuelle. — Le 19 avril,
dimanche de Quasimodo, a eu lieu l'inauguration de la
Grotte de Notre-Dame de Lourdes, élevée à l'entrée de
notre cliapelle. Comme nous l'avons dit, c'est la pieuse
initiative de quelques personnes dévouées à Marie qui a
conçu cette œuvre et l'a réalisée presque à notre insu.
Beaucoup de monde est venu assister à cette fête mariale.
Le R. P. Lemius a parlé en orateur consommé et en
apôtre entlammè. Son discours a été plus qu'une œuvre
oratoire, il a été une bonne œuvre. Ce jour mérite d'être
inscrit en lettres d'or dans les diptyques de la maison.
Cod. hist.) — Il passe le mois de mai dehors. — En juin.
— 175 —
il assiste au congrès d'Arlon, où il prononce un discours
très remarqué, et dont la presse belge parle très élogieu-
sement. Le congrès eucharistique diocésain a été très pieux.
Du 20 au -25, il est à Metz, où il prêche les sermons de
l'Adoration perpétuelle dans la cathédrale, et où il obtient
un succès très consolant. — C'est le 11 juillet que le
K. P. Lemius est remplacé dans sa charge de Supérieur.
Nous le voyons encore cependant du 12 au 19 prêchant la
grande octave de l'Immaculée Conception à Namur. Puis il
quitte Dinant pour faire un séjour en Angleterre. Il y
reviendra en août 1905, comme Provincial, et il y fixera sa
résidence.
Le R. P. Baffle. — C'est le R. P. Baffle qui donna le
premier sermon prêché par nos Pères à Dinant ; ce fut au
Carmel, exilé de France, qui demeura très peu de temps
à Dinant, le jour de sainte Thérèse ; il y prêcha une
seconde fois le 1er novembre et une troisième fois à la fin
du même mois. — Le 6 janvier 1903, le R. P. Baffle ouvre
la retraite à notre Noviciat du Bestin. — Du 1er au 7 juin,
il prêche la retraite d'ordination dans un grand Sémi-
naire. — Au mois de septembre, il donne aux Sœurs de
l'Espérance de Limoges et de Nevers les exercices de la
retraite annuelle. — Du 17 au 21 novembre, il prêche un
Triduum aux Religieuses de la Yisilation des Abys ; — en
décembre la retraite de nos Pères de Saint-Ulrich, du 16 au
23 ; — du 10 au 17 février 1904, la retraite annuelle à la
maison générale, rue de Saint-Pétersbourg; — du 10 au 19
mars, il est à la paroisse de Saint-Martin à Metz pour la
neuvaine solennelle en l'honneur de saint Joseph. — En avril,
c'est le R. P. Baffle qui prêche la retraite de la Communauté
de Dinant, du 10 au 17. En mai, nous le voyons ù Bas-Oha,
au Noviciat des Sœurs de la Sainte-Famille, pour une
retraite de prise d'habit qui eut lieu le 22. — En juillet, sur
la demande du T. R. Père Général, le R. P. Baffle va
prêcher la retraite de nos Pères de la Province britannique
à Inchicore. — 11 est élu délégué au chapitre provincial par
— 173 —
la communauté de Dinant réunie en chapitre local, et le
13 juillet, au chapitre provincial, il est élu délégué de la
Province du Nord au Chapitre général. — A la fin du mois,
il va prêcher la retraite d'ordination dans un grand sémi-
naire. — Le 15 août, s'ouvre à Liège le Chapitre général, à
la fin duquel le R. P. Baffie est élu Assistant général et
Secrétaire général. Avant de s'installer délinitivenient dans
ses nouvelles fonctions, il continue jusqu'à la mi-septembre
de s'occuper du service de la chapelle, où il sera remplacé
par le R. P. Favier, supérieur de la maison. C'est ainsi que
Dieu prépare le R. P. Baffie à recevoir les honneurs, je
veux dire, les responsabilités et les soucis, inséparables des
dignités.
Il me serait très agréable de vous présenter ainsi les
ouvriers qui ont si bien travaillé et vous dire la part de
chacun d'eux dans ce mouvement intense d'apostolat.
Nous verrions l'extrême variété des travaux de nos Pères :
depuis les exercices de missions prêches dans d'infimes
bourgades, jusqu'aux prédications de carême dans les
cathédrales et les sermons donnés en présence d'évêques ;
ici des retraites à des religieuses chassées de France et
vivant dans la pauvreté en exil; là : « Instructions, confé-
• rences, séances de projection, qui font accourir les parois-
« siens de toute catégorie. » — « Hélas ! ajoute le Père, au
moins pour un cas : « C'est dans un terrain mal préparé :
•' peuple sympathique au prêtre, il est vrai, mais tourné
« vers la terre ; il ne rend que peu de gloire extérieure à
« Dieu et de consolation sensible aux missionnaires. Et
cependant ceux-ci reviennent contents : la mission s'est
• terminée par l'érection d'une Confrérie des Dames du
« Saci'é-(;;œur. Désormais le premier vendredi du mois sera
'< célébré dans cette paroisse, et, avec la grâce de Dieu, ce
« petit groupe d'associés fora aimer le Dieu du tabernacle. »
Un autre a noté : instructions aux deux messes et sermon
au cimetière. C'était le joui* de la Toussaint. La veille il
avait confessé. « Les enfants, les infirmes lui ont été confiés
— 174 —
a après ce principe que le euré, très gentil confrère, avait
reçu d'un religieux, savoir : f Vos infirmes ne sont pas ceux
qui ont le moins besoin d'un confesseur extraordinaire. »
Parfois, comme à Saint-Lambert de Liège, où se trouvent
les Dames associées de Marie Immaculée, qui se réunissent
toutes les semaines pour entendre une instruction, le tra-
vail de la retraite exige une préparation très sérieuse : plu-
sieurs réunions par jour. Il s'agit de personnes libres de
leur temps à qui on doit demander une large part de leur
vie pour Dieu.
Il nous resterait à dire un mot des travaux accomplis par
les Pères formant actuellement la communauté. Le Révé-
rend Père Supérieur actuel a été installé le 9 fév. 1910 par
le Révérend Père Provincial qui le choisit parmi les chape-
lains de St-Lambert de Liège.
Le Révérend Père économe provincial et local lui fut
donné comme premier assesseur, et le R. P. Bailleau, pré-
cédemment supérieur, comme second assesseur. Au mois
d'août suivant, le R. P. Bailleau quittait la maison deDinant
avec une obédience qui le nommait professeur au nouveau
scolasticat de Turin. Il l'ut remplacé dans sa charge à
Dinant par le R. P. Dru, nouvellement arrivé.
Depuis son installation à Dinant, le Révérend Père
Supérieur a donné deux missions, une retraite pascale
d'hommes, trois retraites de première communion, six ser-
mons de circonstance, deux adorations, une retraite de
communauté religieuse et une octave des morts.
Le R. P. Dru a prêché deux retraites de jeunes personnes,
une retraite de communauté religieuse et fait un travail «
l'occasion de la Toussaint et du jour des morts.
Sans qu'il soit possible de mentionner les jeunes Pères
qui sont sortis récemment du scolasticat et ont dû com-
mencer par fourbir leurs armes pour les bons combats, i!
faut reconnaître qu'après avoir brûlé du désir de se lance:
— 175 —
dans la méléo, ils ont fait bonne besogne, qui dans 10 mis-
sions, qui dans 10, et dans toutes sortes de travaux. Ils ne
défrénèrent pas de leurs aînés.
En résumé, bien que la liste des travaux soit déjà chargée,
il est certain qu'elle aurait pu l'être davantage, si nos mis-
sionnaires n'avaient pas été condamnés quelquefois —
dans les commencements surtout — à une inaction qui
leur semblait trop longue. Les bonnes volontés en ont
souffert, mais elles n'en ont pas été découragées. Nos Pères
se sont rappelé, selon le conseil qui leur avait été donné,
que si le temps qu'ils peuvent consacrer oraiioni, recoUec-
tloni in interiori domus, est beaucoup plus long que celui
qu'il leur est donné de consacrer tnissiomim minislerio,
ils ne doivent pas se considérer comme disgraciés. Bien au
contraire. Plus leur préparation sera actuellement com-
plète, plus leur ministère deviendra fructueux, quand il
sera plus actif.
La Communauté se compose à l'heure actuelle de
14 Pères et de 5 Frères convers : les F. Cornu, Ferré,
Muller, Landry et Keriven.
Le F. Corna, déjà un ancien et depuis longtemps envahi
par les rhumatismes, est réfectorier ; mais il se dévoue
aussi, à certains moments, comme portier, ce qui n'est pas
une sinécure dans cette maison où les sonneries sont inces-
santes, où il faut répondre soit à la cloche de la maison,
soit aux appels des personnes qui demandent un confes-
seur. Il a dû se dévouer bien souvent comme infirmier près
des malades, qu'il a soignés avec une réelle affection. — Ce
qui ne l'empêche pas, je crois, d'éprouver un secret et
sincère regret d'avoir été arraché à ses lapins et à ses
petits cochons. Mais ses rhumatismes lui rendraient,
aujourd'hui, cette occupation trop pénible.
Le F. Ferré, que l'on appelle F. Pierre, est chambrier. Il
a dépassé la soixantaine, mais il reste frais et robuste
comme à .25 ans. C'est que ses obligations, comme ses
fonctions, n'ont rien pour lui qui ne soit doux et agréable.
— 176 —
Le F. Muller est notre cuisinier depuis la fondation de la
Maison. Il a appris son art à bonne école et il s'acquitte de
son devoir avec intelligence et en bon religieux.
Le F. Landry- est sacristain ; mais il cumule les emplois,
car il est encore linger, commissionnaire, chargé de la
cave ; toujours et en tout sérieux, dévoué et pieux.
Le F. Keriven n'a encore que des vœux temporaires.
C'est le portier de la maison, toujours aimable, actif et
soigneux. Il est rempli de bonnes qualités et de bonne
volonté.
Jours de joie.
La première de ces journées fut celle de la fondation, qui
est ainsi rappelée dans le premier acte de visite par le
R. P. Lemius, provincial :
« Notre reconnaissance au Très Sacré-Cœur de Jésus doit
et veut tout d'abord s'exprimer. Ici, plus qu'ailleurs, nous
pouvons dire : Per quem et propter queni omiiia ! Toni
est venu par l'amour de Notre-Seigneur, tout doit être
dirigé à la plus grande gloire du Sacré-Cœur.
t Le Très Révérend Père Général nous avait chargé, en
1902, de créer un refuge pour nos missionnaires. Comment?
Nous ne pouvions même pas dire comme sainte Thérèse :
« Jésus, Thérèse et un ducat ! » Le ducat faisait défaut, et
surtout il n'y avait pas une sainte Thérèse. Mais il y avait
Jésus, avec le trésor de son Cœur et sa promesse indéfec-
tible : Je bénirai les entreprises... Notre-Dame de Lourdes
était aussi avec nous.
« Transmettons aux générations futures les délicatesses
du Sauveur. Le vœu de consacrer au Sacré-Cœur la maison
et la chapelle fut un jour très nettement formulé en une
heure d'angoisse. — Ce même jour, à la même heure, sans
qu'aucune demande ait été formulée , une bienfaitrice
insigne de la Congrégation se sentit poussée à donner, à
elle seule, le prix total de la maison, 70.000 francs. Et elle
en faisait instantanément la promesse formelle.
— 177 —
« Aussi le premier vendredi de noveml)rc 1002, dans la
chapelle encore en réparation, le premier acte de la Commu-
nauté fut de se consacrer et de consacrer par un vœu tout
l'immeuble au Sacré-Cœur. Le Sacré-Cœur en fut proclamé
le Roi et le souverain propriétaire... De plus, tous les
membres de la Communauté promirent solennellement de
pratiquer eux-mêmes et de répandre de toutes leurs forces
en Belgique le culte do ce très doux. Cœur de Jésus.
« Pour perpétuer ce souvenir et témoigner notre recon-
naissance, la solennité du premier vendredi a été instituée,
avec adoration du Très Saint Sacrement. Je remercie le
Révérend Père Supérieur et toute- la Communauté de la
splendeur qu'ils donnent à cet hommage. Qu'on ne l'oublie
pas : c'est la source des bénédictions pour la maison.
<( Notre-Dame de Lourdes fut aussi notre Médiatrice. Le
monument de la Grotte proclame notre reconnaissance et
celle des fidèles. Chaque mois, un dimanche lui est consacré,
pour faire mieux connaître Celle qui s'est proclamée
l'Immaculée Conception et pour renouveler le témoignage
de notre piété filiale. »
Ce jour fut véritablement un jour sacré. Chaque mois il
est rappelé et comme renouvelé. Chaque premier vendredi
et un dimanche du mois consacré à Notre-Dame de Lourdes
sont vraiment des jours de grande fête et de sainte joie
pour la Communauté et pour les fidèles qui viennent plus
nombreux assister aux exercices et prier le Sacré-Cœur et
Notre-Dame de Lourdes.
Le 3() mai 1904, arrivait à Dinant le vénérable Père Sou-
lerin, expulsé comme les autres membres de la Maison
générale. Il venait abriter à notre foyer sa vieillesse et les
dernières années de sa vie. Sa présence parmi nous était un
grand avantage. Ce Père apportait, non pas seulement la
gloire de nombreuses années passées dans la Congrégation,
mais une grande expérience, de solides vertus, qui faisaient
de lui un modèle accompli et un conseiller sûr, et, ce qui le
rehaussait encore, une amabilité qui lui gagnait la confiance
— 178 —
de tous. Aussi, le K. P. Soulerin était le Père spirituel de la
Communauté et d'un grand nombre de prêtres de la ville et
des environs.
La Communauté fêta le R, P. Soulerin deux fois d'une
manière spéciale. La première fois, ce fut le 10 octobre 19U7,
à l'occasion du 60"= anniversaire de sa profession religieuse.
Voici le récit que le Codex, historicus nous a laissé de cette
fête : « Dès l'avant-veille la maison se transforme et prend
sa parure des fêtes jubilaires. Guirlandes, festons, dra-
peaux, girandoles, gerbes de fleurs décorent avec un goût
parfait la chapelle, le réfectoire, les escaliers et les abords
de la cellule du héro.s vénéré de la fête. Voici le moment
des premiers compliments. Sont présents : les Révérends
Pères Charaux, Neyroud, etc. Les autres invités viendront
demain. A un petit mot du Père Supérieur, notre bien-
aimé Jubilaire répond avec une grâce et un à-propos
parfaits. — Le lendemain à 5 h. 1/4, messe d'oblation,
chant du cantique traditionnel, allocution de circonstance.
Notre vénéré P. Soulerin s'approche de l'autel et, d'une
voix ferme, comme au jour de sa profession, renouvelle ses
vœux : rien de plus touchant que de voir ce bon vieillard,
à la barbe chenue, encore jeune malgré son âge, entouré de
jeunes gens dont il pourrait facilement être le grand-père.
Le Te Deum clôture cette première cérémonie. Nouvelle
accolade et nouveaux souhaits au Jubilaire. Dans la
matinée, arrivée du Révérend Père Sui)érieur du Bestin. Le
cœur si l^on de ce bon Père, aussi bien que son amour
pour la Congrégation et pour le P. Soulerin, l'ont poussé à
voyager toute la nuit pour assister à la fête. Voici le
R. P. Thévenon; nous pensions qu'il nous amènerait le
bon P. Rey. Déception. Ce cher Père vieillit et ne peut se
résoudre à quitter Liège. Le Frère portier doit se tenir en
permanence à la porte pour recevoir les nombreux cadeaux
qui ailluent, Heurs, fruits, linges d'autel, gâteaux, etc. Au
dîner, supérieurement ordonné par le cher et actif Père
Econome, la gaieté la plus franche et la moins bruyante
— 179 —
cependant rùgne, et donne à la fête un air de réserve et un
cachet de distinction qui font honneur aux convives. Au
moment du dessert, un télégramme ! C'est le Saint- Père,
qui, sollicité par le il. P. Bafiie, s'associe à la fête et envoie
sa bénédiction con amore au vénéré Jubilaire. Celui-ci se
lève, remercie le Saint-Père et les organisateurs de la fête ;
puis nous lit un de ces sonnets, nouvellement éclos et qui,
à eux seuls, valent de longs poèmes. Commencées dans de
joyeux devis, ces agapes se terminent dans la musique. Un
Père a bien voulu apporter son phonographe ; les opéras,
les monoloyues, les saynètes les plus désopilantes vous
font rire aux larmes. La journée est splendide ; le Père
Jubilaire permet qu'on le prenne en photographie. Déjà la
cour se hérisse de piquets : c'est le feu d'artifice de ce soir
tfui se prépare. La bénédiction du Saint Sacrement sonne,
l'assistance est très nombreuse; notre Jubilaire oflicie, le
Père Supérieur fait diacre. Les chants sont parfaits.
L'émotion de tous fut grande à la vue de ce bon vieillard,
courbé par l'âge et les travaux, revêtu de la chape et gra-
vissant péniblement les degrés de l'autel. Le souper est à
peine terminé que la cour s'illumine de feux de bengale et
de lanternes vénitiennes; puis les bombes éclatent, les
fusées partent, les soleils brillent; le feu d'artifice réussit
au delà de toute attente. Il est ? heures; encore quelques
pétards, c'est le couvre-feu. Tout retombe dans le calme et
la paix; chacun remercie le bon Dieu des joies dont il a
inondé notre bon Père Soulerin et souliaite à ce cher Père,
après ces noces de diamant, des noces de rubis. L'année
prochaine nous ferons ses noces de diamant de « prêtrise ».
Les prières et les vœux faits en faveur du R. P. Soulerin
furent exaucés. Après ce premier Jubilé de 60 ans, il put en
célébrer un second — 23 septembre 1908. — « Déjà le
R. P. Soulerin a eu la rare fortune de célébrer ses noces
de diamant de religieux, et voici un nouveau lustre à sa
A-ie, la gloire de célébrer le soixantième anniversaire de son
sacerdoce. Le protocole de ces réjouissances n'est point
— 180 —
rédij^é en articles abstraits; c'est à l'amitié fraternelle
d'ordonner le gros et le détail. Or, quand le cœur est de la
partie, il se fait des métamorphoses soudaines. Voilà ce
qui explique comment, en un instant, la maison a pu
devenir un peu coquette sous les festons des guirlandes,
l'éclat des draperies, etc. Donc, le mardi soir, avant le
dîner, le R. P. Supérieur félicite très délicatement le Jubi-
laire dans une adresse où il commente un mot de Xotre-
Seigneur à saint Jean. La réponse est un hymne de recon-
naissance au ciel, un merci au R. P. Bailleau et à ceux qui
l'assistent.
« Le lendemain, à 8 heures, s'organise le cortège qui
doit conduire processionnellement le vénéré vieillard au
pied de l'autel. Cependant que s'achève le Magy^i/icat,
chacun se répand à droite et à gauche de l'autel, où le
Rév. Père Supérieur va chanter la grand'niesse.
t Les fidèles sont en nombre; c'est que, m'a-t-on dit, nos
joies et nos deuils ont un écho jusqu'à leurs foyers. Met-
tons aussi un élément d'attraction, le l'enouveau de la cha-
pelle du Sacré-Cœur. Depuis deux mois, elle restait mysté-
rieusement fermée à toute inquisition. Depuis deux mois,
elle se dépouillait de ses ornements fanés pour se revêtir de
jeunesse. Et, précisément, le Père Supérieur avait ménagé
la coïncidence de la fête du Jubilé avec l'ouverture de la
chapelle. Ceci et cela faisait réclame, bien justement
d'ailleurs, car la chapelle du Sacré-Cœur est un écrin et la
cérémonie de la messe eut son cachet.
t A midi, déjeuner. En tout, 40 couNives, et d'un rire si
pressé et si franc! Du vénérable octogénaire et de ceux
(jui le touchaient de plus près, comme de tous les autres
d'ailleurs, on pouvait dire : « Ils ont tant de gaieté qu'on
ne sait jamais leur âge. » Il faut reconnaître que la joie
coulait de partout.... il y en avait dans le menu..., il y en
avait surtout dans les replis des tentures qui souriaient
aux murs et dans les massifs de fleurs que des main<
amies avaient envoyées.
— 181 —
i Vers la fin du déjeuner, les toasts. On s'y complut
beaucoup. — On admira et on applaudit vivement celte
trilogie au Christ, à la Vierge et à saint Joseph, où le
vénérable Jubilaire avait rassemblé toute sa poésie et tout
son cœur...
« La cérémonie de 5 heures réunit plus de monde encore
que le matin ; qu'on n'en soit pas surpris : on avait réservé
pour le soir t le grand sermon 3. Le prédicateur esquissa
l'idéal du missionnaire et en montra la réalisation dans le
religieux que l'on fêtait. Ce discours est une belle page de
religion et un délicat panégyrique. — Immédiatement
après, le R. P. Soulerin donna le salut... Il était beau à
voir, l'œil luisant, le front large où les rides n'osent se
poser, et la barbe, qui jette sur l'ensemble de la physio-
nomie des reflets de nacre. Beau vieillard 1 Sous le choc
d'émotions si intenses, il conserva jusqu'au soir cette mâle
vigueur qui le soutient contre les décadences prématurées.
— Que Dieu écoute le mot qui clôtura la journée, comme
il avait clôturé déjà bien des discours et bien des vœux :
Ad muUos annos ! Oui, qu'il vive toujours aimable et
toujours aimé, le jubilaire du 23 septembre 1908! »
A une date plus récente, c'était le 15 août 1910, un Frère
scolastique, sorti du scolasticat de Liège depuis quelques
semaines seulement, faisait son oblation perpétuelle. C'est
toujours un sujet de grande joie pour une communauté,
comme pour la Congrégation, que cet acte solennel. Dieu
reçoit sur la terre le sacrifice d'une victime volontaire et
pure; la famille compte un frère de plus et les âmes auront
un nouvel apôtre. La joie était plus grande encore pour
notre maison, car c'était la première oblation qui se faisait
à Dinant.
Le môme jour, le Frère était ordonné sous-diacre par
Mgr Delalle, Vicaire apostolique de Natal. Le 21 du même
mois, il était fait diacre par Mgr Christians, Récollet de
Gand, et le 28, Mgr Delalle avait daigné revenir pour
conférer le caractère sacerdotal à notre cher Père. Le len-
12
— 182 —
demain matin, à 8 heures, le nouvel élu célébra sa première
messe, entouré de son père et de sa mère, d'un grand
nombre de ses frères et de personnes de la ville, tous heu-
reux de prendre part à ce premier sacrifice, de prier en
union avec ce nouveau prêtre du Seigneur et de recevoir
ses premières bénédictions. Cette première messe eut toute
la solennité qu'il fut possible de lui donner; on y entendit
de bien beaux chants, exécutés par des artistes.
Trois fois, depuis huit ans, le R. P. Provincial fit la visite
canonique de la maison et, en 1906, au mois de novembre,
elle eut l'avantage de la visite canonique du R. P. Baffie,
délégué par le Très Rév. Père Général. Trois fois aussi, le
Chapitre provincial, réuni pour nommer un délégué de la
province au Chapitre général, se tint à Dinant en 1904,
en 1906 et en 1908. Le Conseil provincial choisit aussi très
souvent cette maison pour y tenir ses réunions.
Nombreuses ont été les visites faites à la communauté
par d'illustres membres de la Congrégation. En 1903.
Mgr Breynat, Vicaire apostolique du Mackensie, et du
R. P. Anger, pro-directeur de la Sainte-Famille. — En 1904,
le Très Rév. Père Général passe trois jours avec nous, à
l'occasion de la retraite, et il préside la rénovation des
vœux. Il nous revient en mai, en se rendant à Paris
pour assister à l'expulsion de la Maison générale. — En
août 1904, visites de Mgr Langevin, archevêque de Saint-
Boniface; du R. P. Lacombe ; du Rév. Père Provincial des
Etats-Unis, puis de Nos Seigneurs Pascal, Légal, Grouard
et de plusieurs autres membres du chapitre général.
Mc,'r Delalle vint également nous voir plusieurs fois. Avant
de faire l'ordination du 15 août, il était venu célébrer au
milieu do nous la fête de saint Henri, son patron.
Au mois de juillet 1910, notre Révérendissime Père
Mgr Dontenwill nous a fait une visite, trop courte à notre
gré. Mais nous devions avoir le bonheur de le retrouver
bientôt à cette magnifique réunion de 240 Oblats, au Sacré-
Cœur de BruxeUes.
— 183 —
Le R. P. Joseph Lcmius, procureur général près le Saint-
Siège, voulut bien aussi nous faire l'honneur d'une visite
le jour de l'Assomption.
Entin, chaque année, quelques Pères des différentes
maisons viennent fraterniser avec nous et nous faire redire,
au moins de cœur : t Qiiarn h07ium cl g'/.aîti jucunditm
habitare fralres In timiral »
Jours de deuil.
Nous avons eu nos jours de joie à Dinant. Et cependant
nos cœurs sont dans un état de deuil permanent. Gomme
les Juifs exilés à Babylone, nous ne pouvons oublier la
patrie. Ce n'est pas par notre choix que nous sommes en
pays étranger; c'est la violence qui nous a contraints d'y
chercher un refuge. Et la persécution dure toujours. « lllic
sedimus et /fevimus. » Nous avons sans cesse devant les
yeux nos maisons confisquées, nos communautés dis-
soutes, nos œuvres anéanties, nos Pères perquisitionnes,
notre ministère traqué comme si nous faisions œuvre de
malfaiteurs. Notre deuil, c'est celui de la Congrégation.
€'est celui de l'Eglise en France, c'est celui du Cœur attristé
et blessé de Jésus, et il nous atteint directement.
Nous avons conscience de la protection dont ce divin
Cœur nous a couverts et des bienfaits immenses qu'il a
répandus sur nous. Notre reconnaissance pour ses béné-
dictions est profonde, notre attachement et notre dévoue-
ment sont sans limites. Mais Lui, qui a voulu nous
mériter le courage de supporter l'exil, en le subissant le
premier, avec Marie et Joseph en Egypte, ne nous défend
pas de sentir l'amertume du notre et de désirer que la fin
de la persécution nous permette, à nous aussi, de reprendre
le chemin de la patrie.
La maison de Dinant, comme tous les foyers, a eu ses
jours particuliers de tristesse et de deuil, parce que la mort
«Bt venue la visiter plusieurs fois et y opérer des sépara-
— 184 —
tions qui, pour quelques-unes du moins, ont été aussi
émouvantes qu'elles étaient imprévues.
Le Sacré-Cœur avait si visiblement boni cette maison
qu'il fallait s'attendre à quelque épreuve. Elle ne tarda pas ;
ce fut le Révérend Père Supérieur lui-même qui fut choisi
pour rendre gloire à ce divin Cœur dans la soufirance. Au
mois de mars 1903, il eut la douleur de perdre sa sœur, la
Révérende Mère Saint-Pierre, Supérieure générale des
Dames associées de la Sainte-Famille de Bordeaux. Il put
assister à ses obsèques, mais il n'eut pas la consolation
d'assister aux derniers moments de la mourante. Cette
mort fut une perte liien sentie par la Sainto-Famille, elle
fut un deuil cruel pour le Pi. P. Lemius, J.-B., et pour ses
frères, les RR. PP. Josej^li et Franr-ois Lemius, deuil auquel
s'associa la maison de Diuant d'une façon intime et sincère.
Le premier Oblat qui rendit son àme à Dieu dans la
maison de Dinant fut le F. Delaliaye, frère convers,
excellent religieux, infirme depuis de nombreuses années.
Il fit la mort d'un saint, le 12 juillet 1904.
Après le F. Delahaye, ce fut le R. P. lungbluth. t Arrivé
de Paris à Dinant, le 17 janvier 1905, pour assister au con-
seil provincial qui doit avoir lieu le lendemain, il se trouve
subitement très fatigué. Néanmoins il assiste aux deux
séances du conseil. Il est ensuite contraint de s'aliter. Le
médecin, appelé le 19 au soir, constate une pneumonie
commencée depuis quelques jours, pas grave en elle-même,
mais inquiétante cependant par suite de l'état général du
malade chez lequel il n'y a plus de force de résistance.
* Les soins n'obtiennent pas le résultat désiré et, le 22 au
matin, le pauvre malade succombe presque subitement,
sans qu'on ait eu le temps de lui administrer l'extrême-
onction. Heureusement, il s'était confessé le 20 au soir et
avait reçu la sainte communion le 21 au matin.
t Ses funérailles eurent lieu le 24 dans notre chapelle.
Ses deux sœurs purent venir y assister, malgré leur extrême
douleur. De nombreuses personnes de la ville et des dépu-
— 185 —
tations du clergé et des différentes communautés vinrent
aussi y prendre part. Le R. P. lunglduth repose maintenant
dans le cimetière de Dinant, dans une réserve que nous
avons achetée. » (Codex h.)
t Le 4 mars 1908 la grippe tombe sur la maison. Deux
de nos Frères convers sont surtout frappés, le F. Chou-
navel et le F. Louis. Ces deux frères nous quittent ]>our
ceindre la couronne; l'un meurt le 4 mars et l'autre le 'i.
« Le 28 février, nous fêtions les noces d*or d'oblation du
cher F. Chounavel. Les services rendus, la régularité et la
sainteté de ce bon religieux lui avaient gagné tous les
cœurs. Une allocution à la rénovation des vœux fut pro-
noncée. Liège et le Bestin avaient envoyé quelques frères
pour fêter notre héros. Le soir, à la bénédiction, notre bon
F. Chounavel eut une syncope. Il reste cependant à genoux.
On le porte à la sacristie, il revient à lui et donne des
marques d'une patience et d'une mortification peu com-
munes. Le médecin, appelé en toute hâte, constate que. vu
la santé antérieure du malade, l'état est grave. Le Père
Supérieur se fait un devoir d'avertir notre Frère de son état.
« Tant mieux, .s'écrie-t-il, ce n'est pas trop tôt! * Quelijues
instants après, un Père lui demandant s'il avait peur de
mourir, il répondit que non ; car « il n'y a pas de plus beau
jour pour mourir que le jour de ses noces d'or, et parce que
si le bon Dieu ne donne pas son paradis à ceux qui en
veulent, il ne sait pas à qui le bon Dieu le donnera. » Cette
philosophie céleste fut tout le secret de la vie exemplaire
et de la mort si sainte de notre F. Chounavel. Il reçut les
sacrements avec une foi très vive, ne quitta pas un instant
son chapelet, n'eut pas une plainte, et, sans efforts, dans
un calme parfait, rendit son àmc au bon Dieu. Pendant
48 ans, ce bon frère avait été sacristain, et Dieu sait avec
quel soin il s'acquittait de sa charge; il a donc passé sa vie
au pied de l'autel. C'est au pied de l'autel qu'il fut frappé
à mort. C'est de là qu'il est allé chercher sa récompense.
Qu'il prie pour ceux qu'il a édifiés !
— 186 —
« Le 6 mars, nous revenions du cimetière où nous avions
rendu les derniers devoirs au F. Chounavel, quand le
F. Louis, malade lui aussi d'une grippe dégénérée en
pneumonie, donna des signes évidents de son désir de partir
lui aussi pour le ciel. Le Révérend Père Supérieur n'eut pan
de grands frais d'éloquence à faire pour lui apprendre son
état. Le cher malade avait tout prévu, tout préparé ; il
rei^ut les derniers sacrements avec la foi la plus ardente, et
jusqu'au moment de sa mort ne cessa de prier. Un fait con-
solant : tout le monde sait que le F, Louis fut tourmenté
pendant sa vie par une nuée de scrupules qui lui faisaient
appréhender l'heure de sa mort. Or, les derniers jours de ce
bon Frère furent d'une sérénité parfaite. Il vit venir la mort
sans appréliension, il se sentit mourir, et, aux exhortations
du Père Supérieur, il répondait d'un ton qui disait : Soyez
tranquille, je ne veux pas manquer ma couronne. Il mou-
rut dans la paix; c'était à rendre jaloux. Si bien que les
Pères et les Frères n'avaient qu'une parole sur les lèvres :
Ce n'est pas bien difficile de mourir de cette manière. Non,
sans doute ; mais pour mourir comme ces deux saints reli-
gieux, il faut vivre comme eux, ce qui n'est peut-être pas
très commode. — Le service pour le F. Louis, comme pour
le F. Chounavel, fut chanté dans notre chapelle. Nos fidèles
habitués se firent un devoir de donner une dernière marque
de sympathie ù nos deux défunts et à la maison, en assis-
tant nombreux à leurs obsèques. Ces deux bons Frères
reposent dans le cimetière de Dinant dans lo caveau de la
communauté. Qu'ils prient pour nous. » (C. H.)
Terminons cette liste, déjà trop longue, par le récit de la
mort si édifiante du R. P. Soulerin, comme nous le rapporte
le Codex hist. :
« Le 10 mars 1909, vers 7 h. 1/2 du soir, le cher P. Soule-
rin rendait sa belle âme à Dieu.
t Depuis le 8 décembre, ce vénéré Père ne célébrait plus
la sainte messe. Un cancer intestinal qui, depuis plus de
six mois, le minait sourdement, prenait une allure plus
— 187 —
vive et occasionnait au malade des soufirances qui exigèrent
plus de soins. A peine les médecins eurent-ils diagnostiqué
le mal que le Péi'e Supérieur fit comprendre au vénéré
vieillard que, d'après les médecins, il était gravement pris,
et, avec tous les ménagements d'usage, il lui annonça que
sa vie était à ses derniers mois. Cette nouvelle ne parut pas
surprendre notre malade, qui répondit par un acte d'aban'-
don à la volonté du bon Dieu. Il pria le Père Supérieur
d'écrire aux difiérentes personnes et communautés avec
lesquelles il était en relation, de cesser toute correspon-
dance et de se contenter de prier à ses intentions. A piirtir
de ce moment, on peut dire que notre vénéré malade n'a
plus vécu qu'en union avec le bon Dieu ; à chaque instant
'lu jour, on le trouvait égrenant son chapelet, ou récitant
son office, ou agenouillé à son prie-Dieu devant son cru-
cifix. Ne pouvant plus assister aux bénédictions du Très
Saint Sacrement, il y était de cœur ; il avait même pris
l'habitude de s'unir si intimement à la communauté assis-
tant au Salut, qu'il fredonnait, tout seul et à genoux, VO
Salutaris, puis un motet à la sainte Vierge, enfin le
Tantum ergo. Quand il lui semblait que le moment de la
bénédiction était arrivé, il inclinait profondément la tôfce
pour recevoir la bénédiction de Celui qu'il aimait tant.
I Durant toute sa maladie, le P. Soulerin a fait preuve
d'une foi ardente, d'une douceur et d'un abandon parfaits
à la volonté de Dieu. Je prends les remèdes, disait-il sou-
vent, parce que le bon Dieu veut qu'on obéisse aux méde-
cins et parce que je ne veux pas mourir plus vite qu'il ne
le voudra. Rien n'était plus facile que de le soigner. Con-
tent de tout, la moindre attention provoquait de sa part
des i-emerciements si marqués, que l'on était presque gêné
de tant de reconnaissance pour de si infimes délicatesses.
» C'est dans la sainte communion, qu'il recevait chaque
matin, qu'il puisait la force d'être toujours joyeux; il
chantonnait parfois et faisait des mots pour oublier ses
souffrances. Sa grande privation fut de ne pas pouvoir
— 188 —
célébrer la sainte messe. Plusieurs fois, le Père Supérieur
dut presque user de son autorité pour le dissuader de
monter à l'autel. Il se résignait; mais comme il était
visible que son cœur ne quittait pas la divine Victime qu'il
avait immolée 61 ans durant 1
t Vers la fin de sa maladie, le temps lui paraissait long
d'attendre sa récompense, et si parfois la résistance de son
tempérament a pu lui donner l'illusion de la guérison
prochaine, une parole de son Supérieur suffisait à le jeter
dans l'abandon complet à la volonté de Dieu.
« Huit jours avant de mourir, il fallut se mettre au lit.
Là encore, pas une plainte; le silence et la prière. Les
médecins nous avertirent qu'il était prudent de l'admi-
nistrer. Notre vénéré Père n'avait pas attendu ce moment.
Dès le 25 janvier, en pleine connaissance et devant toute
la communauté réunie, il reçut le saint Viatique, l'Extrôme-
Onction et renouvela ses vœux. Il était dés lors prêt pour
le grand voyage. Les forces diminuaient, le cœur surtout
faiblissait ; on ne le croyait pas si près de sa fin. Le9mars,
le médecin lui donnait encore un mois et assurait le Père
Supérieur qu'il était inutile de le veiller. Le 10 au matin,
le cher malade demanda quelques instants au Père Supé-
rieur, il se confessa avec des sentiments de foi et de
charité à arracher des larmes, puis se tint plus que jamais
uni au Sacré-Cœur. La journée se passa, comme toutes les
autres, dans la paix et la souffrance. Vers 7 heures, le
Père Supérieur, avant de descendre à l'oraison, vint
prendre de ses nouvelles. « Je vais comme toujours, pas
plus mal », lui fut-il répondu. « Allez prier pour moi. «
« Que s'est-il passé pendant l'oraison? Le fait est qu'a-
près le souper, on trouva notre vénéré malade étendu par
terre et mort. Une embolie au cœur, nous dit le médecin,
a dû l'enlever. L'impression produite par la vue de ce cher
Père inanimé fut poignante. Nous récitâmes les prières
des agonisants; nous ne pouvions croire à un départ si
inattendu.
— 189 —
« La nouvelle de la mort du P. Soulerin fut une vraie
tristesse pour les nombreux prêtres qui lui avaient donné
leur confiance. Pendant sa maladie, plusieurs se faisaient
un devoir de venir prendre de ses nouvelles. Malheureu-
sement, leurs occupations ne leur permirent pas d'assister
aux obsèques. Nos Pères de Liège, Waereghem, du Bestin,
tinrent à honneur de venir à l'enterrement. Le Rév. Père
Maître des novices et Supérieur du Bestin, un vieil ami, a
bien voulu chanter la messe, au milieu d'un concours
remarquable de fidèles, heureux de manifester, une fois de
plus, leur sympathie pour les exilés. Notre cher P. Sou-
lerin dort son dernier sommeil en compagnie du P. lung-
blulh et des FF. Louis et Chounavel. Il tenait une si
grande place dans la communauté! Sa piété, son jugement
droit, sa douceur, son bon esprit toujours en garde contre
les nouveautés, son esprit religieux, fait d'obéissance et de
charité, étaient pour la maison une continuelle prédication.
Que, du haut du ciel, il prie pour ceux qu'il a aimés et
édifiés sur la terre ! »
Je termine. — Puissent ces quelques pages intéresser
les lecteurs de nos Missions et les convaincre qu'il y a,
à Dinant, une maison de vrais missionnaires Oblats de
Marie Immaculée, pénétrés de l'esprit de leur vocation, et
désireux d'en remplir les devoirs aussi saintement qu'ils
le pourront.
Pour nous obtenir cette grâce à tous, pour me l'obtenir
à moi en particulier, je vous prie, ?>Ionselgneur et bien-
aimé Père, de nous bénir;
Et veuillez agréer l'hommage des sentiments de respect
et de dévouement filial, avec lesquels.
J'ai l'honneur d'être,
de votre paternité,
Le fils obéissant en N.-S. et M. I.
Ad. Dru, 0. M. I.
Dinant, 13 février 1011, en la fête de !a fuite en Egypte.
— 190 —
PROVINCE D'ALLEMAGNE
Maison de Saint- Charles.
(Suite du rapport publié, n" de décembre 1910, p. 374, etc.)
21 aTril 1911.
II. — L'œnvre du jtiniorat.
La première partie de notre rapport avait surtout pour
but de faire connaître le côté matériel, l'extérieur de Saint-
Charles. Dans cette seconde partie nous avons à nous
occuper de ce qui en forme comme le côté spirituel, sujet
beaucoup plus important et bien plus digne de notre atten-
tion que le premier, puisque c'est l'œuvre par excellence
de la Maison : le juniorat.
Elle est vraiment grande et belle, cette œuvre. Le Rév.
P. Brûlé, de douce mémoire, était directeur du juniorat
de Sion, quand la petite cai-avane de 11 junioristes quitta
la sainte montagne pour se rendre à Heer. Une dizaine
d'années plus tard, il put faire lui-même le voyage de
Hollande et voir Saint-Cbarles. Or, il fut émerveillé des
proportions que cette maison avait prises, et, comparant
les deux juniorats — la mère et la fille, comme il s'expri-
mait — il se serait écrié : « En vérité, la fille surpasse la
mère. > L'ancien juniorat de Sion, dévasté par la persécu-
tion religieuse, n'est plus, tandis que, le juniorat de Saint-
Charles n'a fait que grandir depuis, jusqu'à devenir
« la pépinière la plus florissante de prêtres, de mission-
naires et d'Oblats qui soit dans notre chère Congrégation. »
(Missions, septembre 1910.) Ce que nous avons l'intention
d'en dire montrera le bien-fondé de ces dernières paroles
d'un témoin de nos fêtes jubilaires.
— 191 —
Pour procéder avec ordre, uous parlerons : lo des junio-
ristes, surtout au point de vue du nombre ; 2° de leur vie
d'étude ; 3^ de leur vie de piété ; 4o de leurs joies et délas-
sements.
1. — Les junioristes.
a) Leur nombre. — Les Benjamins de notre famille,
personne ne l'ignore, sont bien nombreux à Saint-Charles,
si nombreux que leur nombre constitue à lui seul une des
premières beautés de lu maison. Les indications suivantes,
que nous empruntons à notre Maria Immaculata (juil-
let 1910) et à notre codex historiens, donneront une idée
de la rapidité avec laquelle ce nombre s'est accru en un
laps de temps assez restreint.
Nous avons déjà rapporté ailleurs que le juniorat de
Heer s'était ouvert, le 15 octobre 1882, avec 13 élèves. Or,
le 15 octobre 1885, donc trois années plus tard seulement,
quand on entra à Saint-Charles, il y avait 70 junioristes.
En 1887 l'établissement compte 110 élèves; en 1889, 130;
en 1890, 150; en 1891, 170. A partir de 1894 les rentrées
sont toujours, en mo^'enne et en chiffres ronds, de 190;
celle de 1900 fut la plus forte : 308 ; celle de 1904 la plus
faible : 160 seulement. La présente année scolaire (1910-
1911) s'est de nouveau ouverte avec 205 élèves, et tout fait
prévoir que ce beau chiffre se reproduira ou sera dépassé
à la rentrée prochaine.
b) Leur pays d'origine, — XJnde te habernus, bone
jiivenis ^ » Tob., v, 6.) Cette question, que le jeune Tobie
fit à son aimable compagnon de voyage sans le connaître,
le visiteur de Saint-Charles pourrait se la faire, lui aussi,
en voyant pour la première fois la magnifique réunion de
nos junioristes : D'où viennent donc tous ces braves jeunes
gens, futurs missionnaires et Oblats de Marie Immaculée?
Par la force des choses les deux nationalités allemande
et française . se trouvèrent mêlées durant les premières
années à Heer. Mais l'élément allemand eut vite la prépon-
— 192 —
dérance, et l'on finit même par ne plus admettre d'élèves
français ou hollandais, du moins pas d'élèves ne sachant
pas l'allemand. Bref, depuis fort longtemps nos junioristes
sont tous originaires des différentes parties de l'Allemagne :
de l'Alsace-Lorraine, de la Bavière, du Wurtemberg, du
grand-duché de Bade, de la Hesse, mais surtout des meil-
leures provinces du royaume de Prusse : de la province
rhénane, de la province de Saxe, de la Silésic et de la
Westphalie, sans oublier le Hanovre.
Et remarquons-le bien, de nos jours, il y a en Allemagne
même des juniorats ou établissements similaires, apparte-
nant à différentes sociétés religieuses, tandis qu'ici nous
sommes après tout à l'étranger, en sorte que la plupart des
enfants qui nous arrivent sont obligés de faire deux fois
par an un assez long voyage, à leurs frais bien entendu.
De plus, leur admission et leur séjour chez nous imposent
d'autres sacrifices à leurs parents : ainsi, tous doivent
fournir et entretenir leur trousseau, et payer au moins une
partie de la pension, qui est de 400 marks. Enfin, outre
les frais de voyage ils ont encore à couvrir les frais de
bureau, de blanchissage, de couture, etc., alors que dans
leur pays natal tel ou tel établissement ne manquerait
peut-être pas de leur faire grâce de semblables charges.
Malgré cela ils s'adressent de préférence à nous ; chaque
année, vers la fin de l'été, on les voit passer les frontières
de la patrie aimée et gravir en foule nos hauteurs. Les
demandes d'admission sont parfois si nombreuses qu'on
se trouve forcé d'en refuser une partie.
c) Leur vocation. — Ce fait, se produisant dans des
conditions qui semblent plutôt défavorables, est Jnen de
nature à nous suggérer cette autre question : Qu'est-ce
donc qui nous amène tant d'enfants de si loin? Qu'est ce
qui les attire vers Saint-Charles perdu au milieu des cam-
pagnes de la Hollande ? Qui leur inspire la généreuse pensée
de quitter le monde, même de s'expatrier pour un temps?
On ne saurait en douter, c'est principalement le bon
— 193 —
Dieu qui les appelle dans un <\ge encore tendre ; c'est bien
lui qui nous a envoyé les junioristes allemands de la
première heure, à une époque où la persécution rtligieuse
sévissait également dans le pays sous le nom de Kullur-
Kampf (lutte pour la civilisation). Une fois imprimé, ce
mouvement d'émigration d'un autre genre s'est toujours
accentué, jusqu'ici du moins il ne s'est jamais ralenti.
Pour le maintenir, c'est-à-dire pour faire entendre son
appel aux futurs Oblats de son Immaculée Mère, le Sei-
gneur emploie des moyens de toutes sortes; même, d'après
l'une des méthodes de sa providence, il met parfois en jeu
des causes apparemment insignifiantes. Ainsi, pour nos
junioristes on voit souvent se reproduire ce que l'Evangile
rapporte des premiers disciples de Jésus : le frère nous
amène son frère, le cousin son cousin, l'ami son ami.
D'autres fois, nos missionnaires, ces inscatores horninum,
prennent dans leurs filets non seulement de gros poissons,
mais encore de bons petits poissons, des âmes innocentes,
des enfants de familles profondément chrétiennes, qui
voudraient, eux aussi, devenir prêtres et missionnaires.
A côté des nombreuses missions que nos Pères donnent
en Allemagne avec un succès reconnu, ce sont nos annales,
la Maria Immaculata, qui contribuent dans une grande
mesure à faire connaître notre Congrégation et ses œuvres,
et suscitent certainement plus d'une vocation.
Enfin, puisque la vocation à la vie de missionnaire vient
en première ligne d'en haut, nous suivons ici la recom-
mandation que le divin Maître fit lui-même à ses apôtres :
Rogate dominum messis; nous prions fréquemment dans
le but d'obtenir de nombreuses et bonnes vocations, el il
est bien permis d'espérer que ces prières, faites surtout
dans l'action de grâces après la sainte communion, ne
restent pas inefficaces.
d) Leur persévérance. — Pour être admis au juniorat,
il faut avoir, l'intention, la volonté sincère d'entrer plus
tard dans la Congrégation, d'en faire partie comme reli-
— 194 —
gieux et prêtres, et de s'y livrer à l'œuvre des missions.
Or, à supposer que tous les jeunes gens qui se présentent
à Saint-Charles, aient réellement cette volonté au moment
de leur admission définitive, tous cependant n'y persé-
vèrent pas, tous n'arrivent pas à l'oblation perpétuelle ou
à la prêtrise. Il en est de nos junioristes comme des élèves
de tous les établissements du genre : chaque année, après
mûr examen, on se voit dans la triste nécessité d'en congé-
dier plusieurs, soit pour manque de talents ou de santé,
soit pour défauts de caractère, etc., sans parler de ceux qui
so retirent de leur propre initiative, aussi librement qu'ils
sont venus. La vérité est que ce n'est pas même la majorité
qui nous reste, et dans ce sens ce n'est ni exagérer ni
surprendre personne que d'appliquer ici le muUi vocatif
pauci vero elecLi, de nos Saints Livres.
Mais ce « petit nombre d'élus j>, en d'autres termes, les
résultats obtenus jusqu'ici suffisent encore à faire consi-
dérer Saint-Charles comme une belle pépinière d'apôtre^>.
Qu'on en juge par les quelques données suivantes :
lo De 1897 à 1910 inclusivement, donc en l'espace de
14 années, Saint-Charles a fourni 289 rlictoriciens ou
postulants novices, ce qui fait en moyenne 20 par an
(exactement = 20, 9). Les chiffres partiels des sorties
varient entre 27 (1899) et 13 (1905). Quant à la statistique
des 11 années précédentes (de 1885 à 1890), notre codecc
historicas ne la donne qu'incomplètement. D'après la
Maria Immaculala (juillet 1910), on aurait reçu, durant
toute la période des 35 années, 1.312 élèves, dont 442
seraient entrés au noviciat, ce qui ferait pour chaque
année une moyenne de 18 novices (exactement =: 17, 17).
Ces différents chiffres ne manquent pas d'une certaine
éloquence.
2» Et combien de nos ex-rhétoriciens sont aujourd'hui
prêtres Oblats? Voici la réponse. La province d'Allemagne
compte actuellement 9 maisons, dont 5 en Hollande, 1 en
Belgique et 5 en Allemagne même. Or, les Pères de ces
— 195 —
ditiérentes maisons sont presque tous d'anciens élèves de
Saint-Cliarles. Gomme le remarque fort justement notre
Maria Immaculala (ibid.), Saint-Charles fut donc vrai-
ment le berceau de cette province d'Allemagne si bien
constituée ; c'est aussi, en attendant, la principale sinon
l'unique source de sa vitalité. Et qu'on ne l'oublie pas,
cette source alimente en même temps les missions si difti-
ciles de la Gimbébasie, colonie allemande au sud-ouest de
l'Afrique; car tous les Pèros qui s'y dévouent sortent de
Saint-Charles. Bien plus, jusqu'ici la sainte obéissance en
a fait largement bénéficier nos autres missions étrangères :
fîeylan, l'Afrique du Sud, la Colombie Britannique, le
«".anada, los Etats-Unis et le Mexique, en sorte que Saint-
Charles est un excellent moyen do recrutement pour notre
famille religieuse tout entière.
3") Enfin, pourquoi ne pas le dire? Même ceux qui n'ont
point persévéré au Juniorat, ceux qui l'ont quitté pour un
motif ou un autre, ne furent pas tous perdus pour la bonne
cause, tant s'en faut. Beaucoup sont devenus ou prêtres
séculiers ou instituteurs, ou bien ils se sont fait dans le
mond« quelque autre position honorable et avantageuse.
Or, pour atteindre ces différents buts, ce qu'ils avaient déjà
acquis de connaissances à Saint-Charles, ce commencement
de formation intellectuelle et morale qu'ils y avaient reçu,
leur fut d'un secours indiscutable. Aussi plus d'un garde
de la maison le meilleur souvenir, le souvenir de la recon-
naissance ; et quand par hasard on les rencontre sur le
chemin de la vie, ils ne craignent pas d'avouer qu'ils ne
regrettent pas précisément d'avoir passé quelque temps
chez nous.
Le lecteur le croira volontiers, quand il se sera rendu
compte avec nous de la vie qu'on mène au Juniorat de
Saint-Charles.
196 —
2. — Vie d'étude au Juniorat.
Nos junioristcs, nous l'avons déjà dit et il ne faut pas le
perdre de vue, sont de futurs Oblats de Marie Immaculée,
de futurs religieux, prêtres et missionnaires. Comme tels
ils ont, par manière de préparation, un double travail à
fournir. Ils doivent à la fois orner leur esprit des connais-
sances littéraires et scientifiques qui constituent ce qu'on
appelle les humanités ou études classiques ; et former leur
cœur à la vraie piété, aux solides vertus chrétiennes. Bref,
dès leur entrée au Juniorat leur vie est une vie d'étude et
une \ie de piété. Voyons d'abord leur vie d'étude dans son
état actuel.
a) Programme général des études. — Ici, au Limbourg
hollandais, qui mériterait le nom de « paradis terrestre de
la liberté religieuse », nous jouissons d'un avantage qu'on
ne saurait trop apprécier, d'un bien pour lequel on s'en-
thousiasme tant de nos jours et que l'on rencontre néan-
moins si rarement : c'est que pour la direction de notre
.Juniorat et les études à y faire, nous sommes entièrement
indépendants vis-à-vis de l'autorité civile. Le gouverne-
ment du pays ne nous impose aucun programme, n'exerce
ni contrôle ni inspection, ne s'occupe pas plus de nous que
si nous n'existions pas, en sorte que Saint-Charles est une
maison d'éducation d'un caractère tout à fait privé, un éta-
blissement libre dans toute la force du terme. Sans avoir à
craindre aucune gêne de qui que ce soit, nous pouvons tout
régler comme nous l'entendons.
Aussi, nos Junioristes étant tous Allemands et devant
exercer plus tard le saint ministère dans leur pays, nous
profitons de notre liberté pour leur faire suivre, sans servi-
lité, le programme d'études auquel sont astreints les col-
lèges ou lycées de l'Etat en Allemagne; et si, à cause de
notre situation particulière, notre programme n'a pas
encore atteint une identité parfaite avec les systèmes en
— 197 —
vigueur dans les collèges allemands, il n'en est pas moins
vrai que ce dernier forme dans son ensemble la base de
notre enseignement. Nous nous y conformons, autant que
faire se peut, et pour les matières ù voir et pour la méthode
ou la manière de les traiter.
Il n'en fut pas toujours ainsi à Saint-Charles, dans les
commencements c'eût été même une impossibilité pratique;
on n'y est arrivé que peu à peu, après de nombreux essais,
et l'on est disposé, vu la nécessité des temps, non seule-
ment à se maintenir à cette hauteur, mais encore à aller de
l'avant, s'il le faut. Avec une pareille formation classique,
nos enfants sont d'abord à même do lutter, sans trop de
risque, avec leurs jeunes compatriotes qui fréquentent les
écoles supérieures du gouvernement. Puis, lorsque, après
leur prêtrise, leurs travaux apostoliques les mettront en
contact avec les prêtres séculiers ou les gens du monde
instruits, ils ne manqueront pas de faire aux yeux des uns
honneur à notre congrégation et aux yeux des autres hon-
neur à la sainte Eglise. D'ailleurs c'est dans les intentions
formelles du Souverain Pontife que les instituts des deux
clergés, où les adolescents se préparent à entrer dans la
carrière sacerdotale, tâchent de rivaliser, en ce qui con-
cerne les humanités, avec les établissements laïques des
pays respectifs.
b) Durée des études. — Or, combien de temps nos
junioristes emploient-ils pour devenir les dignes émules
des collégiens ou des lycéens ? A Saint-Charles ils consa-
crent six années entières aux études classiques. C'est le
point où jusqu'ici nous nous sommes le plus écartés du
système allemand, en vertu duquel la durée des études est
de neuf années. Mais l'écart est dans la réalité moins con-
sidérable qu'il ne paraît; nous parvenons à le diminuer
dans une bonne mesure. D'un côté, en effet, notre règle-
ment, dont nous parlerons plus bas, ou mieux toute notre
organisation est telle qu'elle nous fait gagner beaucoup de
temps. D'autre part nous recevons les élèves à un âge où
13
— 198 —
il3 sont munis d'une instruction élémentaire presque com-
plète, et il est notoire qu'en Allemagne l'instruction élé-
mentaire est non seulement strictement obligatoire, mais
encore très soignée ; par suite l'intelligence môme de nos
plus jeunes élèves est en général plus développée que celle
des petits lycéens, et peut s'initier plus rapidement aux dif-
férentes branches de l'instruction secondaire.
Quoi qu'il en soit, conformément au nombre d'années
qu'ils doivent passer ici, nos junioristes forment six
classés ou cours distincts, pour lesquel on a adopté récem-
ment les dénominations suivantes : première, seconde,
troisième supérieure, tiyjisième inférieure, quatrième et
cours préparatoire. Les basses classes sont ordinairement
les plus nombreuses, comme cela se voit surtout cette année»
où il a fallu diviser le cours préparatoire en deux sections.
Il n'arrive jamais ou presque jamais qu'un élève saute
une classe, comme nous disions autrefois en France ; c'est
plutôt le contraire qui se produit de temps à autre. Si, à la
fin d'une année scolaire, un élève ne postède pas suffisam-
ment la matière de son cours, donc s'il est trop faible pour
aborder avec chance de réussite la matière du cours sui-
vant, on lui permet de doubler sa classe, de la refaire en
entier, et dans ce cas il aura le plaisir, si c'en est un, de
demeurer sept ans au juniorat. Mais cette permission n'est
jamais accordée une seconde fois au même élève.
c) Heures de classe et d'ktude. — Voyons maintenant
notre jeunesse au travail, soit en classe, soit en étude. En
semaine, il y a cinq classes par jour, trois le matin et deux
le soir, à l'exception du mercredi et du samedi, où la pro-
menade remplace les deux classes du soir. Chaque cours a
donc 26 heures de classe par semaine ; le dimanche, il n'y
a qu'une classe, qui est une classe de chant. Les classes
ne durent jamais au delà d'une heure. Deux classes consé-
cutives sont toujours séparées par quelques minutes de
récréation. Pendant une classe, on ue s'occupe que d'une
seule matière, par exemple seulement de lutin, seulement
— 199 —
de français, etc., et cette matière est fixée au conseil des
professeurs pour toute l'année.
Il y a en moyenne quatre iieures d'étude obligatoire par
jour, excepté le dimanche, où il n'y en a que deux avec des
études libres ; et quand deux études se suivent, comme c'est
le cas chaque soir, elles sont séparées peu- une courte récréa-
tion. Or, le temps des études sérieuses n'est pas préci-
sément laissé à l'arbitraire des élèves. Ils y préparent les
traductions qui se font ensuite de vive voix en classe,
écrivent des devoirs, apprennent des leçons, s'exercent aux
différents genres de composition, et tout cela est régie
d'avance par le professeur de la classe.
En résumé et en générai, les junioristes de Saint-Charles
ont en semaine neuf heures de travail par jour.
d) Matières a voir. — c( Neuf heures de travail intel-
lectuel en un jour, pourrait se demander plus d'un lecteur,
n'est-ce pas. ce semble, un peu trop ? » Cette réflexion de
l'un de nos confrères {Maria Immaculata, janvier 1911>
nous revenait à l'esprit, pendant c[ue nous envisagions
nous-mêmes le labeur journalier de nos enfants. Et pour-
tant est-ce trop pour cultiver avec succès le vaste champ
qu'il» ont devant eux ? Ce champ, ce sont les différentes
branches des humanités, les différentes matières qui en-
trent dans notre programme et qui forment deux groupes
distincts : les langues ou belles-lettres et les sciences.
Les langues sont l'allemand, le latin, le grec et le fran-
çais ; l'allemand et le latin s'apprennent dans tous le.s
cours, tandis que l'étude du français ne commence qu'en
qi.iatrième et celle du grec en troisième inférieure, pour se
continuer jusqu'en première inclusivement. Autrefois les
langues avaient l'honneur de s'appeler matières princi-
pales. Abstraction faite de cette appellation, c'est le latin
qui occupa toujours et qui occupe encore la première place
dans tout notre programme, en ce sens que c'est lui surtout
qui fait pencher la balance quand il s'agit de l'avancement
ou du non-avancement d'un élève. Aussi c'est au latin
— 200 —
qu'est réservé le plus grand nombre de classes par se-
maine : 10 au cours préparatoire, 8 en quatrième et 7 dans
tous les autres cours. L'allemand partage la prépondt-
rance avec le latin ; c'est la langue maternelle de nos
junioristes, la langue officielle de l'établissement, la
langue dans laquelle l'enseignement se donne, la langue
des livres de lecture. Les élèves de Saint-Charles s'y exer-
cent donc pour ainsi dire continuellement, en sorte qu'il y
a par semaine moins de leçons d'allemand que de Jalin :
3 seulement dans les quatre cours supérieurs, 4 en qua-
trième et 6 au cours préparatoire. Le grec et le français
ont sans doute une importance moindre ; mais jusqu'ici
ces deux langues, d'une utilité incontestable, sont restées
en honneur parmi nous, comme le prouve le nombre de
classes qu'on leur consacre : 4 au grec dans tous les cours,
5 au français en quatrième et 3 dans les autres cours. De
plus, les élèves des trois premiers cours font à tour de rôle
la lecture du français pendant le déjeuner.
Bien entendu, à Saint-Charles, comme ailleurs, on étudie
les quatre langues dans les chefs-d'œuvre et les fragments
choisis des auteurs classiques les plus connus et les plus
estimés, prosateurs et poètes, soit de l'antiquité, soit des
temps modernes. Citons seulement pour le grec Platon,
Xénophon, Démosthène, Homère et Sophocle ; pour le latin
César, Cicéron, Tacite, Tite-Live, Horace, Ovide et Virgile;
pour le français Bossuet, Fénelon, Corneille, La Fontaine,
Molière et Racine, auxquels nous avons ajouté cette année
quelques auteurs contemporains de renom , entre autre.t^
F. Coppée ; enfin, pour l'allemand Lessing, Goethe et
Schiller. Ces noms montrent suffisamment que nos jeunes
gens sont à bonne école pour s'initier aux belles-lettres et
former leur goût. Dans le but de s'y perfectionner davan-
tage, il est permis aux élèves des cours supérieurs de lire
en particulier d'autres écrivains de marque ou ceux des
ouvrages strictement classiques qui ne figurent pas au
programme.
— 201 —
Quant aux sciences ou matières soi-disant secondaires,
elles comprennent l'instruction religieuse, l'histoire pro-
fane, la géographie, les mathématiques, l'histoire naturelle
et la physique. Ces sciences sont enseignées dans tous les
cours sans exception ; un cabinet de physique bien monté,
un beau petit musée d'histoire naturelle, de nombreuses
cartes géographiques, que le juniorat de Saint-( Charles pos-
sède, rendent cet enseignement facile aux professeurs et
agréable aux élèves. Pour s'y aider, les uns et les autres
ont à leur disposition les manuels les mieux rédigés qui
sont en usage dans la plupart des collèges allemands
{Maria Immaculata, janvier 1911). Cette dernière re-
marque s'applique également aux grammaires, aux recueils
de thèmes et de versions, bref à tous les livres dont nous
nous servons pour l'étude des langues. Chaque cours a en
outre ses livres de lecture spéciaux, utiles ou agréables,
que le professeur ordinaire fait distribuer en temps op-
portun. Il est bien entendu qu'aucun élève ne peut avoir
de livres à soi sans l'autorisation du R. P. Supérieur ou le
consentement du professeur.
e) Moyens d'émul.\.tion. — Virgile aurait dit : * Dulces
ante omtiia Musœ. » D'où il suit que les humanités, au
moins dans leur partie poétique, devraient suflire toutes
seules à provoquer parmi nos junioristes l'ardeur et l'en-
thousiasme si naturels au jeune âge. Mais, d'autre part, qui
ne sait par expérience que si la science est une plante dont
les fruits sont doux, les racines en sont anières, à cause
des ditricultés inhérentes à son acquisition et des sueurs
qu'elle coûte ? Gela est vrai même de ces sciences d'ua
ordre inférieur qu'il faut étudier au juniorat. Oui, il y a de
rudes combats à livrer pour que l'on devienne possesseut
du beau domaine des humanités ; et nos enfants, tout
comme les autres mortels, ne manquent certainement pas
de ressentir souvent en eux cet horror difficultatis , ce
labor certaminis, dont parle l'Imitation (I, 25, n. 3), et que
ni les agréments de la poésie ni les beautés de la science
— 202 —
ne contrebalanceat suffisamment. Pratiquement donc et
quelle que soit par ailleurs la bonne volonté qui anime
nos junioristes, ils ont besoin, pris en masse, d'être sti-
mulés au travail.
Que faisons-nous dans ce but ? A Saint-Charles, il n'y eut
jamais ni distribution de prix, ni concours avec les élèves
d'autres établissements, deux choses qui, assurément, ne
seraient pas sans valeur comme moyens d'émulation. Nos
junioristes doivent plutôt travailler par conscience ; ce qui
doit les guider et leur donner de l'élan, c'est la pensée que
les études qu'ils font maintenant sont une préparation
nécessaire à celles qui les attendent au scolasticat. Pour-
tant ces motifs si dignes de futurs prêtres peuvent être
renforcés par un sentiment très légitime, par le sentiment
de l'honneur bien placé ; et ce sentiment, nous tâchons de
k tenir en éveil dans les jeunes cœurs par les usages
suivants :
1") Tous les lundis le R. P. Supérieur passe dans les dif-
férentes classes et fait connaître aux élèves de chacune les
notes qu'ils ont méritées par leurs travaux de la semaine
précédente. — 2*) Au commencement de chaque mois il fait
ia même tournée et communique aux élèves les notes que
ie conseil des professeurs leur a données pour l'application,
soit en classe, soit en étude, durant tout le mois précédent.
— 3°) L'année scolaire est actuellement divisée en trois tri-
mestres, dont les termes sont Noël, Pâques et la fin de
l'année. Or, à la fin de chaque trimestre, le R. P. Supérieur,
entouré de tout le corps professoral, se rend à la grande
salle d'étude, où tous les élèves sont réunis, et là il lit
toutes les notes que chaque élève a obtenues dans toutes les
matières (langues et sciences). Ces notes forment le bul-
letin ou certificat trimestriel, qui est envoyé aux parents.
— 4») Vers la fin de l'année scolaire, les élèves passent sur
les trois langues latine, grecque et française un examon
oral, dont les résultats sont également proclamés devant
tous les Pères et junioristes réunis.
— 203 —
Ceux-ci appellent ces réunions « les grandes assises »,
comme qui dirait « ju{;'ement généjal ». Or, de même que
le désir d'occuper au jugement général une place d'hon-
neur, et la crainte d'en avoir une mauvaise sont de nature
à nous maintenir dans la pratique du bien ; de même, la
pensée de notes bonnes ou mauvaises qui seront portées à
la connaissance de tous, professeurs, condisciples et pa-
rents, ne laisse pas d'influencer salutairement l'intelligence
de nos enfants et de los faire triompher des tentations de
la paresse.
Mais il est une autre source à laquelle le bon junioriste,
celui qui veut à tout prix faire des études sérieuses et cela
par devoir de vocation, puisera, mieux que partout ailleurs,
l'émulation et la constance nécessaire ; une source, dont
l'Apôtre affirme qu'elle est utile à tout et qui fécondera
admirablement le labeur du jeuno étudiant; et cette source,
c'est la piété ; « Pietas ad omnia utilis est. » Nous sommes
ainsi amenés à parler de la vie de piété au juniorat.
(A suivre.) Le Chroniqueur de Saint-Charles.
— 204
PROVINCE DU MANITOBA
Rapport sur la mission Sainte-Croix
de Cross Lake.
C'est bien probablement pour la dernière fois que je
vous adresse le rapport annuel de ma mission. Je veux y
être fidèle jusqu'à la fin. Plusieurs des lecteurs de nos
Annales ont bien voulu s'intéresser à nos œuvres et
nous ont aidés de leurs prières, même d'aucuns de leurs
aumônes.
Il y a longtemps qu'on a dit de votre pauvre serviteur :
« vieux avant l'âge ». Maintenant, l'âge est venu, partant
plus de forces ; la maladie m'a ruiné, il est bien temps de
me reposer un peu et de me recueillir pour penser exclu-
sivement aux besoins de mon âme.
Dans mon dernier rapport, j'annonçais l'arrivée des
Sœurs Oblates du Sacré-Cœur et de Marie Immaculée à
notre pauvre mission du Keewatin. Imaginez-vous l'im-
pression faite sur ces pauvres Indiens, naguère hérétiques
et ignorants, à la vue de ces femmes saintes et dévouées
uniquement pour l'amour de Dieu et des âmes. Malgré les
mensonges des ministres de l'erreur et de leurs adeptes,
aucun des nôtres ne douta de leurs vertus. Leur habit
religieux, leur tenue, leur piété, leurs prières et leurs
chants touchèrent profondément notre population. Malheu-
reusement, l'amour désordonné de certains parents pour
leurs enfants fit faire bien des fautes à ces pauvres gens,
hier encore hérétiques. Beaucoup d'entre eux reprirent
leurs enfants de l'école, ne comprenant pas l'importance
de leur éducation chrétienne. Quelques-uns seulement
— 205 —
furent fidèles à laisser aux bonnes Sœurs le soin de leurs
enfants.
Le R. P. Leco(| avait poussé le dévouement jusqu'à
renoncer à sa belle paroisse de Sainte-Rose, dans l'Ouest,
pour venir ici nous aider de son initiative et de toute son
énergie pour faire prospérer notre mission. Le Rév. Père
Provincial du Manitoba nous avait envoyé le Fr. Adolphe
Gauthier, charpentier et ingénieur de première classe, pour
établir une scierie à vent pour notre bois et une scierie
à vapeur pour des planches. On passa l'hiver à préparer
les emplacements et les matériaux de ces établissements.
Le P. Lecoq et le Fr. Gauthier passèrent plusieurs
semaines dans les chantiers, campant dans le bois, sous
la tente. Ils procurèrent aussi à la mission un autre avan-
tage bien appréciable, ils allèrent en plein hiver camper
deux semaines sur le fleuve Nelson, pas bien loin d'un
rapide, et de là, sous la glace, ils tendirent des filets à
estui'geons où ils eurent la chance de prendre presque une
centaine de ces gros poissons dont le poids varie de 20 à
100 livres pièce. Il y eut abondance à la mission pour
tout notre monde, Pères, Frères, Soeurs et pensionnaires.
Un jour, une lettre des autorités nous arriva; on nous
y disait que le gouvernement canadien nous accordait une
école-pensionnat catholique pour la réserve de Cross Lake.
Cette nouvelle, en réjouissant notre population catholique,
consterna les méthodistes. Tout allait bien. Des aumônes
nous étaient nécessaires pour nous aider à faire face aux
dépenses qu'allait exiger le projet de ces œuvres. Les
bonnes Sœurs tenaient bien la maison et la chapelle, et
cela avec un dévouement et une édification qui me ren-
daient le plus heureux des missionnaires. J'avais tant
pâti, tant végété misérablement dans les fondations de
plusieurs missions 1
On me défendait de travailler, je n'avais plus qu'à jouir.
Le diable, cependant, travaillait de son côté pour empê-
cher la réussite de nos œuvres.
— 206 —
Le ministre méthodiste de l'endroit attirait à son école
les enfants de quelques mauvais catholiques plus qu'in-
différents et débitait les ordinaires calomnies de l'erreur
pour déprécier nos œuvres.
Arrive le printemps. Le R. P. Lecoq et le Fr. Gauthier
vont à Winnipeg pour acheter la machine à vapeur pour
scie. Un ancien Supérieur du bon Frère donne gratis à la
mission une paire de bœufs.
Ces bonnes nouvelles nous faisaient du bien. Mais voici
les difficultés qui commencent. Les envois arrivent bien
au Landing, c'est-à-dire à l'extrémité nord du lac Winni-
peg. De là il y a deux voies ou chenaux pour descendre
jusqu'à Cross Lake sur le fleuve Nelson : le chenal de
l'ouest et celui de l'est. On ne peut penser au chenal de
l'est, il n'est praticable que sur des barques de trente
pieds qui doivent • sauter » quatre rapides. A l'eau haute,
elles sautent avec toute la charge qui est de dix mille
livres, grâce à l'habileté du pilote et des rameurs qui
savent éviter les écueils et les grosses vagues. La difficulté
pour notre chargement, ce n'est pas le poids, mais ce sont
les dimensions; le volume empêche les hommes de se
servir de leurs rames, et le saut des rapides dans ces
conditions est impossible.
Quant au chenal de l'ouest, il est praticable, non sans
difficultés, sur une longueur de soixante milles environ,
d'abord, sur le « Play Green Lake », et ensuite il faut
faii'e portage sur un chemin tracé dans la forêt, l'espace de
cinq railles.
On commençait à prendre cette direction avec les pièces
les moins grandes sur un bateau à vapeur d'une Compa-
gnie de navigation; quand voilà que, dès le premier
voyage, le bateau se brise sur un écueil inconnu du pilote.
Il n'y eut heureusement pas d'autre malheur à déplorer ni
aucune perte de vie, mais le bateau ne put être réparé.
On constata d'ailleurs qu'il y avait impossibilité de trans-
porter à travers le bois du portage la machine, etc. du
— 207 —
moulin ; on n'avait qu'une paire de bœufs pour ce service
et il aurait fallu avoir plusieurs chevaux et d'autres
attelages. C'est alors que les autorités renoncèrent au
projet. Décision fut prise par l'autorité compétente de bâtir
la scierie à Norway-House, d'y établir l'école-pensionnat
et, par conséquent, d'y placer les religieuses.
A cette nouvelle, vous pouvez vous imaginer quelle fut
la déception, je devrais dire, quelle fut l'indignation de la
population de Cross Lake. Nos ennemis, pour augmenter
1« dépit de nos gens et les faire apostasier, leur disaient
même que le prêtre ne reviendrait plus (j'étais absent
alors) et que notre église catholique serait fermée pour
toujours.
Déjà plusieurs parlaient, en effet, de retourner au métho-
disme, quand j'arrivai de mon voyage. Je fus accablé de
reproches , traité de menteur et le reste par les plus
surexcités du village. Heureusement qu'un bon nombre
comprirent mes explications et je leur fis espérer d'avoir
nn jour ce qu'ils regrettaient tant.
Quand nos bonnes Sœurs partirent pour aller résider à
Norway-House, cela paraissait bien triste et vraim€nt
lamentable. Je fis comprendre à nos gens que plusieurs
d'entre eux méritaient bien d'être privés des bonnes Sœurs,
puisqu'ils n'avaient pas voulu leur confier les enfants.
C'est ainsi qu'à nos dépens, la mission de Norway-House
«e trouve privilégiée. Il faut avouer qu'il y a là plus de
mille sauvages; c'est le chef-lieu du district; c'est là que
«e trouvent l'agence du gouvernement, la police, le plus
ancien établissement des méthodistes, avec une école-
pensionnat. Seulement, il n'y a qu'un noyau de catho-
liques, vingt-cinq en tout ; peu de foin ; peu de bois.
Nous n'avons ici, à Cross Lake, que quatre cents sau-
vages, dont plus de la moitié catholiques. Il y a du foin
et du bois comme pas ailleurs; c'est surtout riche en
poissons.
J'ai dû me résigner, aprèe mes trente-six ans de mis-
— 208 —
sions, à venir résider ici seul pour garder nos fidèles, les
encourager et continuer le ministère.
Dieu merci, le Souverain Pontife vient Je nous donner
un père et un pasteur dans la vénérée personne de Mon-
seigneur Charlebois, premier Vicaire apostolique du Kee-
Nvatin, que je recevais de la divine Providence comme
socius, en 1887, quelques jours seulement après son
ordination. C'est au Pas, où j'étais en mission, que j'eus le
bonheur de rencontrer pour la première fois ce jeune
prêtre Oblat à qui j'appris la langue crise.
Depuis mon dernier rapport, nous avons reçu encore
quelques convertis du méthodisme. Les ministres du district
coalisés ont fini par faire aposlasier un des nôtres en
faisant miroiter devant ses yeux l'appât de 400 dollars s'il
voulait se joindre à eux et servir d'interprète et de maître
d'école à la mission protestante du Fort Nelson. Ces révé-
rends messieurs, après avoir reçu son consentement, s'em-
pressèrent de l'inviter à un voyage pour Winnipeg avec sa
famille, etc.
Je me trouvais sur le môme bateau à vapeur, et le pauvre
apostat évitait partout ma présence. Pendant notre contro-
verse avec les ministres, en plein salon, il allait se cacher
dans sa cabine et nous écoutait de là sans doute.
Au moment de partir pour le Fort Nelson, longtemps
après leur retour de Winnipeg, l'apostat, qui n'avait jamais
remis les pieds au temple depuis son apostasie, refusa le
marché scandaleux; et, un jour, il vint tout penaud et très
rnarri me demander à rentrer dans l'Eglise catholique,
m'avouant que le remords l'avait pris dès la première nuit
qui suivit son apostasie.
- 209 —
Le dimanche suivant, il demanda publiquement pardon
d'avoir scandalisé les catholiques de Cross Lake, et il suit
fidèlement encore les commandements de l'Eglise catho-
lique.
Un vieillard méthodiste me demanda au moment de la
mort. Dès que la femme du ministre absent le sut, elle
courut à la hutte ; elle y était déjà quand j'arrivai. Malgré
elle et malgré sa parente qui ne voulaient pas sa con-
version, je donnai le baptême et l'absolution sous condition
à ce pauvre cher vieux.
Quelques enfants sont partis pour le ciel et les adultes
qui nous ont quittés ont fait une mort très édifiante. Les
protestants eux-mêmes sont venus me conter les beaux
sentiments et les bonnes paroles des catholiques qu'ils ont
vus mourir l'hiver passé dans leur pays de chasse.
Encore l'été passé, les meilleurs Indiens d'autres centres
éloignés d'ici sont venus nous supplier de nouveau d'aller
dans leur pays prêcher la religion catholique.
Je souhaite que Mgr Charlebois trouve les ressources et
le personnel pour étendre notre sainte religion dans cet
immense district peuplé par diSérentes tribus sauvages.
Je finis mon rapport en relatant la réception très sympa-
thique que nous fit l'an passé à Norway House Son Excel-
lence Lord et Lady Grey, nous félicitant et nous remerciant
du bien que notre ministère fait au milieu des sauvages de
la Baie d'Hudson.
Le gouverneur général du Canada parle bien français, et
Lady Grey comme une véritable parisienne, sans aucun
accent. Lord Grey, en partant pour la Baie d'Hudson,
voulut bien traverser la foule sur le quai pour venir serrer
la main à un pauvre vieux missionnaire catholique.
Cet incident, remarqué de tout le monde et surtout des
sauvages, est tout à l'honneur des catholiques. Lady Grey
— 210 —
retourna de Norway House à Winnipeg et voulut bien
accorder passage sur son bateau au R. P. Lecoq et à deux
Sœurs Oblates.
En finissant ce rapport que j'écris au courant de la
plume et qui probablement sera le dernier de votre humble
serviteur, je souhaite que beaucoup de nos jeunes Oblats,
frères scolastiques ou frères convers, méritent la grâce d'être
envoyés un jour pour travailler dans ce vicariat apostolique
du Keewatin où il y a tant à faire et où le démon sème tant
d'obstacles par les ministres de l'erreur.
Prière aux lecteurs des A.7inales de vouloir bien se sou-
venir devant Dieu des besoins spirituels de votre très
humble et affectionné en N.-S et M. I.
Etienne Bonnald,
missionnaire 0. M. I.
11 norembre 1910.
NOUVELLES DIVERSES
Propagation de la Foi
Lettre de Sa Sainteté le Pape Pie X.
à M. Charles HAMEL
Président depuis 2ô ans du Conseil central de Paris
de l'Œuvre de la Propagation de la Foi.
C'est avec une double joie que nous publions la lettre
suivante de Sa Sainteté Pie X à notre vénérable et très
aimé Président du Conseil central de Paris de l'Œuvre de
la Propagation de la Foi.
Depuis vingt-cinq ans, M. Charles Hamel dhige ce
Conseil avec une sagesse qui n'a d'égale que sa bienveil-
— 211 —
lance. Les Congrégations vouées à l'apostolat, les simples
missionnaires connaissent comme nous sa bonté et son
abord toujours affable. Tous aussi uniront leurs prières
aux nôtres, afin que IMeu prolonge longtemps encore une
vie tout entière consacrée à faire le bien.
A notre cher fils Charles Hamel, Paris.
PIE X, Pape.
« Cher fils, salut et bénédiction apostolique.
• Combien Nous est particulièrement chère cette Œuvre
bénie de la Propagation de la Foi, la plus féconde de toutes
celles que les catholiques ont fondées, Nous n'avons pas
besoin de le dire, car elle a pour but d'aider l'Eglise à
remplir le mandat reçu de son divin Auteur : « Allez et
enseignez toutes les nations! » Aussi, avons-Nous appris
avec une grande joie que, depuis vingt-cinq ans, la haute
direction de cette Œuvre est l'objet de toute votre sollici-
tude. Bien que votre àme droite attende de Dien seul la
récompense de ses bonnes actions, Nous sommes bien sûr,
cependant, que les félicitations du Vicaire de Jésus-Christ,
s'ajoutant à la légitime satisfaction que vous donne la
conscience du bien accompli, seront par vous grandement
appréciées. Nous vous témoignons donc, du fond du cœur,
toute notre satisfaction et Nous demandons à la divine
Bonté de vous laisser longtemps encore travailler pour la
sainte Eglise. Aussi, vous envoyons-Nous très afifectueuse-
ment la Bénédiction apostolique. »
Son Eminence le Cardinal Gotti, Préfet de la Propagande,
a également envoyé une lettre de félicitations au vénéré
jubilaire.
212
Lettre pastorale de l'Episcopat allemand
en faveur de l'Œuvre de la Propagation de la Foi.
Chaque année se réunit à Fulda au tombeau de saint
Boniface le Congrès des Catholiques allemands, auquel
assiste tout l'épiscopat allemand. Dans une Assemblée
générale, la questions des missions, de la nécessité de les
soutenir sans distinction de nationalités et de partis a été
largement traitée. L"Œuvre de la Propagation de la Foi,
fondée à Lyon en 1822, et qui a deux centres, Lyon et
Paris, a été hautement louée et voici la Lettre Pastorale
importante rédigée à la clôture de cette Conférence épisco-
pale, le 25 août 1910 et lue dans toutes les églises d'Allemagne.
Daignent NN. SS. les Cardinaux, Archevêques et
Evêques d'Allemagne, agréer nos remerciements respec-
tueux.
La propagation de notre sainte foi, à laquelle tout catho-
lique est obligé de participer dans la mesure de ses moyens,
a pris de nos jours un développement qui, dans nos temps
troublés, donne à l'Eglise des signes de consolation et
d'espérance.
Partout où de nouveaux peuples sont découverts par les
explorateurs, les messagers de l'Evangile s'empressent
d'accourir pour leur donner les bienfaits les plus importants
de la culture humaine par la propagation de la foi et des
coutumes chrétiennes. Dans beaucoup d'endroits, les mis-
sionnaires ont même devancé les pionniers de la civilisa-
tion. Ils ont planté le signe de la Rédemption et grouoé
autour de lui les enfants de ces contrées sauvages, Qu 1
consolant spectacle que ce développement de l'esprit
chrétien !
Le soin de soutenir l'activité des missions étrangères
incombe principalement, depuis de longues années, à
— 213 —
l'Œuvre de la Propagation de la Foi établie dans le monde
entier. D'après une publication récente, elle soutient plus
de 300 missions. En ces diverses missions, plus de 150.000
païens adultes ont reçu le Baptême, en 1909, sans compter
les baptêmes d'enfants.
Il ressort de là combien il est important que cette Asso-
ciation dont l'activité s'étend à l'ensemble des Missions
Catholiques du monde et qui consacre ses soins à pourvoir
aux besoins des missionnaires sans considération de nation
ou d'origine, reçoive de la généralité des catholiques les
moyens de remplir son but.
Il est consolant aussi de voir que, tandis que, en
quelques pays, se ralentit parfois le zèle pour les missions,
dans d'autres, en Amérique, par exemple, la charité et la
générosité des fidèles se développent considérablement. 11
ne faut pas que le vieux monde reste en arrière et l'Alle-
magne particulièrement ne doit pas négliger l'intérêt des
âmes dans les pays où elle fait pénétrer la civilisation.
Il est également consolant de voir combien, depuis
quelques années, les catholiques allemands ont compris ce
devoir. Dans leurs Assemblées et particulièrement dans le
Congrès général, la question des missions a toujours trouvé
une attention particulière et il en est résulté une nouvelle
impulsion de leur activité dans ce domaine.
Pleins de joyeuse espérance, nous saluons ces efforts
et nous attendons d'eux de plus grands résultats encore que
ceux déjà obtenus.
Dans ce but nous ordonnons que, dans tous les diocèses
où elle n'existe pas, cette association soit établie dans
chaque paroisse.
Nous avons confiance que MM. les curés faciliteront
l'organisation de cette Œuvre dans leurs paroisses et nous
leur recommandons d'attirer l'attention des catholiques sur
son importance.
Nous profitons volontiers de cette occasion pour recom-
mander aussi la Sainte-Enfance, notre association de Saint-
14
— 214 —
Boniface, et celle de Saint-Joseph qui a pour but le soin
des Ames de nos compatriotes à l'étranger.
Cet appel pourra être lu en chaire poux* la fête de l'Epi-
phanie ou un autre jour.
L'ÉPISCOPAT RÉUNI A FULDA AU TOMBEAU
DE SAINT Boniface
{Annales de l'Œuvre de la Propagation de la Foi.)
Recettes de l'Œuvre en 1910.
Les recettes de l'Œuvre, qui avaient été de 6.711.461 fr. 84
en 1909, se sont élevées en 1910 à 6.986.678 fr. 05, soit uno
augmentation de 27.^). 216 fr. 20.
Le budg^et de 1910 arri^-e au second rang de tous ceux
qu'il a été donné à l'Œuvre de recueillir depuis 1822, date
de sa fondation. Un tel résultat montre que l'Eglise, tou-
jours grande par le zèle de ses apôtres, est toujours grande
aussi par la générosité «les fidèles.
Dans le monde entier, dix diocèses seulement ont offert
à l'Œuvre une contribution dépassant 100.000 fr. Ce sont
les diocèses de :
1. New- York Fr. 503.6.S6 m
2. Lyon ^ 424.668 94
3. Metz . ;306.647 18
4. Strasbourg . 171.919 48
5. Cambrai ^ 167.072 25
0. Nantes. . 147.077 15
7. Saint-Brieuc » 146.321 15
8. Boston » 145.959 50
9. Quimper -> 133.080 65
10. Paris » 114.823 95
Si l'on tient compte de la population catholique de
«hacun de ces diocèses, New- York occupe encore le premier
rang avec une moyenne de 0,41 par catholique.
— 215 —
PROVINCE BRITANNIQUE
Maison de Leith (Sainte-Marie, Etoile de la Mer).
Sous le titre « Les Oblats de Marie Immaculée », le.
R. P. J.-D. Clenaglian, 0. M. 1., puljlie à j^rands trait«,
dans le bnlletin paroissial de Leith, les origines et la fon-
dation de la Congrégation. Bien que cet article soit destiné
avant tout aux fidèles de Leith, il nous serait difficile de ne
pas exprimer d'un mot la satisfaction que sa lecture nous a
causée. On ne saurait condenser en moins de pages un
résumé plus exact et — ce qui n'est pas de moindre mérite
— plus chaud, plus vivant, plus sympathique. La pieté
filiale de l'écrivain, encore qu'elle évite le travers de s'afii-
<îher, n'en anime pas moins tout le récit et amène tout
naturellement les esprits aux faits de l'établissement des
Oblats en Grande-Bretagne et à l'énumération de leurs
«uvres les plus importantes.
Mgr de Mazenod, y est-il dit, eut toujours la hantise de
la conversion de l'Angleterre depuis le jour où, dans sa
jeunesse, obligé de fuir le règne de la Terreur, il fut secouru
par un homme de guerre anglais.
En ld48, les premiers Oblats arrivent en Angleterre. Ils
s'engagent d'abord comme chapelains de quelques vieilles
familles catholiques, mais ne tardent pas à abandonner ces
fonctions pour un travail plus conforme à leur vocation :
prêcher l'Evangile aux pauvres.
A Liverpool, où aujourd'hui est établie la mission de
Holy (Iross, la messe est d'abord célébrée dans une étable.
Nos Pères exercent le ministère auprès de quelque dix
mille Irlandais, que la famine avait forcés d'émigrer. En
des circonstances à peu près semblables et en faveur des
— 21G —
mômes classes infortunées, sont fondées les missions de
St-Mary's à Leeds et de Tower Hill à Londres.
C'est en 1859 que les Oblals fondent à Leith leur première
et jusqu'ici unique mission en Ecosse. Le R. P. Noble en
est le premier supérieur, et le beau presbytère actuel, qu'il
bâtit, témoigne encore de son zèle et de son bon goût. Il se
noya dans le port. Sa mort fut regrettée de tous, protestants
et catholiques, qui élevèrent dans l'église un monument à
sa mémoire. Après lui, vient une série de noms honorés, de
Pères aimés et pleins de zèle qui se sont succédé dans la
-charge de supérieur de la maison de Leith : les PP. Brads-
haw,0'GarrolletGaughren — l'évêque actuel de Kimberley. —
Au commencement, la mission n'occupait que deux Pères,
tandis qu'aujourd'hui le nombre croissant de la population
catholique et le développement des œuvres rendent néces-
saire la présence de cinq Pères pour s'acquitter du travail.
On aura une idée de l'augmentation du nombre des
catholiques à Leith, de ce fait, qu'il y a .30 ans, 450 enfants
fréquentaient nos écoles et qu'aujourd'hui il y en a plus de
1.200. Pour faire face aux exigences de la situation, le
R. P. Eugène Callan, supérieur actuel, a dû entreprendre la
construction de nouvelles écoles dont le coût dépasse
13.000 livres ou 300.000 fr.
De plus, dans le but de poursuivre leur marche en avant
dans l'apostolat, les Pères ont résolu de se servir du moyen,
aujourd'hui si puissant, de la presse, en publiant le « Gatho-
lic Parish Magazine ». Ce charmant bulletin mensuel, rédigé
par les Oblats de Leith, est vraiment l'organe de l'Eglise
catholique dans la mission. Puisse-t-il former un nouveau
lien entre les pasteurs et les ouailles, et puisse-t-il, comme
voix écrite, pénétrer en maintes places où la voix parlée du
prôtre n'est que trop rarement entendue et parfaire ainsi
«n travail plus fi*uctueux pour la gloire de Dieu et le salut
des âmes !
— 217 —
PROVINCE D'ALLEMAGNE
Retraite annuelle des Pères
de la province d'Allemagne à Maria Engelport.
Dans la pensée de son fondateur, le R. P. S. Scharsch,
aujourd'hui Assistant général , la maison d'Engelport
devait être une maison de retraite tant pour les Pères de la
province que pour des étrangers. Ce n'est que dans les
derniers temps, toutes les bâtisses une fois achevées, qu'on
put commencer à réaliser ce plan et aménager la maison
pour recevoir un nombre de retraitants quelque peu consi-
dérable. Le 10 février dernier, elle vit pour la première fois
un grand nombre de Pères de la province réunis dans ses
murs pour s'y livrer aux exercices de la retraite annuelle.
Ils étaient en tout 27 Pères, accourus de presque toutes les
maisons de la province. Il y aurait eu de la place pour une
quarantaine, mais la question du chauffage — question
pratique à une température de 10-15 degrés centigrades au-
dessous de zéro — ne put être résolue à temps pour un si
grand nombre d'hôtes. C'était avant tout une retraite de
missionnaires. La majorité des Pères de la province d'Alle-
magne qui se livrent au ministère des missions était pré-
sente. Pour le matériel, le R. P. Helmer, économe de la
maison, a trouvé moyen de contenter tout le monde et nos
bons frères convers se montrèrent d'un dévouement infati-
gable pour que rien ne manquât. Nos ouvriers apostoliques
peuvent donc se consacrer de tout cœur à l'œuvre de leur
rénovation spirituelle.
Le R. P. I. Watterott, supérieur de la maison de Saint-
Nicolas et, jusqu'au mois d'octobre dernier, provincial de
la province d'Allemagne, avait eu la bonté de se charger
— 218 —
des prédications. Puisant dans les trésors de sa riche expé-
rience et de sa connaissance profonde de la vie spirituelle
et des auteurs ascétiques, li tint ses auditeurs sous le
charme d'une éloquence vraiment apostolique, nous mon-
trant ce qu'est le prêtre, le missionnaire, l'oblat ; ce qu'il
doit faire pour être le sel de la terre dans un temps où la
lutte contre l'indiflférence, l'hostilité même envers la reli-
gion exigent des ouvriers apostoliques une mesure peu
commune de science, de prudence, de vertus religieuses.
La retraite avait commencé le 10 février et s'acheva,
comme de coutume, par la rénovation solennelle des vœux,
le 17 février au matin. Le R. P. Kassiepe, provincial, qui
avait assisté à tous les exercices de la retraite, présida à
cette cérémonie et tira de son cœur une chaleureuse allo-
cution de circonstance.
La journée du 17 février aurait dû, semble-t-il, être con-
sacrée aux joies de famille et à un repos bien mérité. Mais
les missionnaires sont gens qui ne disposent pas de beau-
coup de temps, et ils répètent volontiers la parole de saint
François de Sales, que le ciel sera assez long pour s'y
reposer. Donc après la rénovation des vœux et une récréa-
tion on se réunit à 9 h. 3/4 pour traiter, dans une confé-
rence, plusieurs questions importantes relatives au minis-
tère des missions. Le R. P. Provincial présida cette
réunion. On s'occupa d'abord de quelques questions géné-
rales : ordre des missions, cérémonies et solennités, sujets
à traiter dans les prédications, etc. Il faut autant que pos-
sible procéder avec unité.
L'heure de l'examen particulier ayant sonné sur ces
entrefaites, il fallut interrompre la conférence. Elle fut
reprise dans l'après-midi et dura de nouveau deux heures
et demie. Cette fois, ce furent des questions d'une actualité
spéciale qui furent traitées par quelques Pères désignés
d'avance par le Révérend Père Provincial.
Le P. Kierdorf, de la maison de Hunfeld, parla d'abord
de la meilleure méthode de faire de la propagande pour
— 219 —
notre congrégation. Notre revue, la Maria linmaculata^
compte 9.000 abonnés ; bien que ce soit un beau chiffre, elle
reste, de ce chef, loin derrière ses rivales qu'elle dépasse
sans conteste toutes par rapport à la valeur littéraire et
artistique. Notre association, Marianischer Missions-
verein a 50.000 membres, elle pourrait en avoir le double
avec la même facilité. Aux missionnaires de faire connaître
avec tact et discrétion ces deux œuvres, de les recomman-
der, de trouver des zélateurs capaljles de recruter de
nouveaux membres du Missionsverein Le P. Kierdorf,
s'appuyant sur la longue expérience qu'il a comme membre
de la rédaction de la Maria hnmaculata, donna quelques
indications précieuses à cet effet, qui furent accueillies
avec reconnaissance par les assistants.
Le R. P. Eyerund expo.sa ensuite le devoir du mission-
naire vis-à-vis des décrets du Saint-Siège sur la communion
fréquente et la communion des enfants. Le missionnaire
oblat doit se faire l'apôtre de la communion fréquente, en
chaire et au confessionnal ; il doit dissiper les préjugés,
éclairer les doutes qui retiennent tant d'àmes pieuses éloi-
gnées de la communion fréquente; il doit stimuler les
indifférents et les pécheurs à fréquenter les sacrements;
il doit surtout prêcher la communion fréquente à la
jeunesse.
Une autre tâche plus délicate, c'est de déterminer le
clergé séculier à faire de plus grands efforts dans ce sens,
malgré le surcroit de travail qui en résulte dans les grandes
paroisses des villes et des centres industriels.
Que doit faire le missionnaire pour combattre le moder-
nisme ? C'est la question dont s'occupa le troisième confé-
rencier, le P. Schwane, Nous avons certainement l'obliga-
tion de tenir compte des idées modernistes qui peuvent se
rencontrer à des degrés divers dans nos auditoires :
l'esprit de nouveautés, la métiance envers l'autorité de
l'Eglise, les fausses idées qu'on a sur la foi, ses sources,
ses preuves. Est-il recommandable d'intercaler dans nos
— 220 —
missions un sermon spécial sur le modernisme? Générale-
ment non; peut-être sera-t-il bon cependant de donner une
instruction sur les sources de la foi, la tradition et l'Ecri-
ture sainte. Mais il y a lieu de tenir compte des erreurs
modernistes quand on parle de l'existence de Dieu et de la
fin de l'homme ; il faut surtout insister sur l'existence des
miracles en face d'un public auquel toute intervention sur-
naturelle semble de prime abord suspecte. Ensuite, quand
on traite de la foi, il faut montrer l'impuissance de la
7aison et l'instabilité de toutes les religions autres que le
catholicisme ; il faut expliquer la relation entre la foi et la
science. Il est surtout important d'insister sur l'autorité du
Souverain Pontife et sur le magistère infaillible de l'Église.
Quand on parle des dangers pour la foi, mentionner la
liberté avec laquelle on lit toute sorte de mauvais livres,
rappeler les règles de l'Index et expliquer le bien-fondé de
cette institution ecclésiastique.
Un quatrième conférencier, le R. P. Langer, traita la
question de onayiismo conjugali, rappela les principes de
la théologie morale et montra comment il faut procéder
avec les différentes espèces de pénitents pour les éclairer
sur l'immoralité du vice et les en corriger. Tant au con-
fessionnal qu'en chaire, dans les instructions spéciales
qu'on donne aux gens mariés, il faut combattre franche-
ment et énergiquement ce vice qui se répand de plus en
plus.
Deux autres questions étaient encore sur le programme,
on dut les renvoyer à plus tard.
La discussion sur les questions mentionnées fut très
intéressante : les missionnaires y firent valoir leurs obser-
vations et leur expérience dans les différents milieux
qu'ils évangélisent. Il est sûr que ces conférences ne furent
pas seulement très instructives, mais qu'elles constituent
aussi un puissant stimulant de travail pour l'avenir.
A la bénédiction du soir eut lieu la cérémonie du départ des
missionnaires, telle qu'elle est décrite par notre cérémonial.
— 221 —
Le lendemain nos hôtes nous quittèrent dans diverses
directions pour reprendre les travaux apostoliques que
l'obéissance leur avait assignés.
P. F. PlETSGH, 0. M. I.
Stipérieur.
VICARIAT D'ALTA-SASK.
Lettre du R. P. H. Leduc, O. M. I.
{Une audience du Saint- Père.)
Saint-Albert, Alta, 3 janvier 1911.
Depuis Noël me voici de retour dans nos chères missions
de rOuest-Canadien et ma sœur doit avoir débarqué hier
ou avant-hier à Durban, au Sud Africain, pour de là se
rendre au Basutoland en deux jours de chemin de fer et
deux jours de voiture. Elle arrive chez elle dans les plus
grandes chaleurs de l'été et ici, à Saint-Albert, nous com-
mençons l'année avec 50" centigrades au-dessous de zéro.
Quel bon et agréable souvenir ma sœur et moi, nous con-
serverons de ce voyage. J'avais reçu en efifet une lettre de
notre Révérendissime Père Général m'iuvitant à me rendre
auprès de lui jusqu'à Rome, et ma sœur obtenait de ses
Supérieures la permission de m'accompagner. C'est donc à
Rome que nous nous sommes rendus avant de nous séparer
de nouveau pour toujours sur cette terre. C'est donc à
Rome que nous sommes allés raviver notre foi et aussi
notre amour pour Dieu, pour l'Eglise et pour Pierre vivant
dans son successeur, le pieux et auguste Pie X.
Que vous dire de l'audience si paternelle et si touchante
que le Souverain Pontife a daigné nous accorder à tous les
deux? C'était au milieu de novembre, un dimanche, à
10 heures et demie du matin. Nous étions depuis quelques
minutes seulement au Vatican, dans l'antichambre de l'ap-
— 22-3 —
partement où le vicaire de Jésus-Christ donne ses audiences
privées, quand le prélat inl^ioducteur nous fit signe d'appro-
cher et d'entrer chez l'auguste Pontife, Aussitôt enti-és,
nous nous agenouillons devant le Représentant de Dieu lui-
même sur la terre. Pie X est debout, resplendissant de
douce majesté et d'une immense bonté. Il nous fait signe
de la main d'approcher de son auguste personne : « Acce-
clite, accedite, nous dit-il, approchez-vous, approchez-
vous h ; puis nous montrant deux sièges tout à côté du
sien : o Accomodale, nous dit-il encore, asseyez-vous », et
il s'assied lui-même. Il m'adresse alors la parole en ces
termes :
<( Ah! vous venez de bien loin, vous arrivez du Canada,
du diocèse de Saint- Albert. Il y a bien longtemps que vous
travaillez dans ces missions, parlez-moi de ces missions et
de vos œuvres. Etes-vous content?
— Très Saint-Père, lui répondis-je, lorsque j'arrivai à
Saint-Albert, il y a 46 ans, nous n'étions guère alors qu'une
demi-douzaine de prêtres, nous n'avions que quatre ou cinq
petites chapelles, deux petites écoles et un petit orphelinat,
écoles et orphelinat tenus par douze sœurs de charité, et
c'était tout. Aujourd'hui cette mission de Saint-Albert forme
trois grands diocèses ou vicariats apostoliques et dans ce
qui fait aujourd'hui le seul diocèse de Saint- Albert nous
sommes une centaine de prêtres missionnaires appartenant
à plusieurs congrégations religieuses, nous avons une ving-
taine de prêtres séculiers, une centaine d'églises ou
chapelles, une centaine d'écoles, des pensionnats florissants
pour la haute éducation des jeunes filles, de beaux et bons
couvents, un séminaire diocésain et environ 400 sœurs de
charité et de différentes congrégations pour diriger nos
écoles et soigner nos malades dans nos nombreux hôpi-
taux...
— Ah, bene, bene, bien, bien, interrom^ùt Pie X, ah!
vous avez bien travaillé, le bon Dieu vous a béni et vous
bénira encore ; je vous bénis aussi et je vous félicite.
— 253 —
— Très Saint-Pore, j'arrive du Canada, j'ai eu le bon-
heur d'assister au Congrès Eucharistique de Montréal.
— Ah ! Montréal, Montréal, le Congrès Eucharistique de
Montréal, miracolo, tniracolo », et un éclair de joie passa
sur les traits du pieux Pontife.
S'adressant alors à ma sœur :
" Et vous, Poverina, dit il, il y a bien lonj^temps que vous
êtes chez les Noirs, au sud de l'Afrif^ue, vous avez, vous
aussi, bien travaillé et bien souffert sans doute. Parlez-moi
de vos travaux et de vos nèp:res.
— Très Saint-Père, il y a trente-six ans que je suis au
Basutoland. La première mission et la première école
venaient alors d'être fondées. Quelques catholiques, quel-
ques enfants à l'école et rien de plus. Aujoui-d'hui, les mis-
sions se sont multipliées et nos écoles sont à présent déjà
nombreuses et florissantes. Nous avons pu dans ces écoles
préparer des milliers d'enfants et môme d'adultes au bap-
tême et à la première communion...
— Oh, bene, bene, vous aussi, ma pauvrette {Poverina),
vous avez bien travaillé et vous avez beaucoup souffert au
mUieu de ces nègres infidèles, je vous félicite et vous bénis.
— Très Saint-Père, dis-je alors, je vous demande une
bénédiction spéciale pour Mgr Légal, l'évêque de Saint-
Albert, pour le diocèse, nos communautés religieuses, notre
clergé...
— Oui, oui, oui, je bénis votre évêque, votre diocèse, vos
communautés, toutes vos œuvres. Je bénis vos parents, vos
bienfaiteurs, tous ceux que vous avez en vue, que vous
avez dans la pensée, dites -leur que le Pape les bénit. Et
vous, Poverina, je bénis votre Mère Générale, votre famille
religieuse, tous ceux que vous voulez que je bénisse...
— Très Saint-Père, indulgences et bénédictions aussi sur
tous ces objets de piété...
— Oui, oui, toutes les bénédictions et toutes les indul-
gences du Pape, oui, toutes les indulgences que vous désirez
et que le Pape accorde. «
— 2^i —
Le Souverain Pontife se lève, c'est la fin de l'audience.
Nous sommes debout auprès de son Auguste personne.
« Priez bien pour moi, me dit-il, priez bien pour moi, je
me recommande à vos prières » ; (et à ma sœur) : « Vous
aussi, Poverina, priez, priez bien pour moi, je me recom-
mande à vos prières. »
Quelle condescendance, quelle humilité ! nous tombons à
genoux, le Vicaire de Jésus-Christ nous bénit et nous
adresse cette divine parole : « Je vous remercie de votre
visite », comme si ce n'était pas lui, le Pape, le successeur
de Pierre, le Chef suprême de l'Eglise de Jésus-Christ, qui
nous accordait la plus grande faveur, le plus grand hon-
neur que nous puissions ambitionner. Encore une fois
quelle condescendance, quelle humilité !
Le lendemain, nous reprenions la route de Paris, où le
jeudi suivant nous nous disions, ma sœur et moi, un dernier
adieu ici-bas. Elle se rendait en Espagne, auprès de sa Supé-
rieure générale, pour aller de là s'embarquer le 18 décembre
pour l'Afrique, et ce môme jour j'arrivais moi-même à
Montréal.
H. Leduc, 0. M. I.
VICARIAT DE LA COLOMBIE BRITANNIQUE
Une nouvelle paroisse
dans la mission de Fraser Mills.
A défaut d'une vue d'ensemble sur les mouvements des popula-
tions qui se produisent au Canada, soit par l'immigration venue des
« vieux pays », soit par le simple déplacement de groupes de
familles d'une province dans une autre, nous empruntons au
• Western Catholic » le récit succinct de la formation d'une nou-
— 225 —
velle paroisse en Colombie Britannique. Les faits relaté» ici ont
paru, à la date du 16 décembre dernier, dans le journal que rédige
k New-Westminster le R. P. Me Cullough, 0. M. I.
En octobre 1909, les propriétaires des t Mills » ou scieries
du Fraser résolurent de remplacer la main-d'œuvre orien-
tale par celle des Blancs — en d'autres termes de substituer
des Canadiens aux Chinois ou Japonais employés dans cette
industrie.
Le R. P. O'Boyle, désirant que les nouveaux venus
lussent des catholiques, fit un voyage dans les provinces de
l'Est, fit connaître au public la prospérité des affaires en
Colombie Britanique et fut assez heureux pour décider bon
nombre de familles de la province de Québec à venir s'ins-
taller dans la province occidentale.
Le R. P. Maillard, 0. M. I., leur fut donné comme pas-
teur, et — disons-le tout de suite — sous sa direction la
petite colonie est florissante. Une église était nécessaire, une
église commence à s'élever. Le li décembre dernier, les
fondations étaient terminées. Un message est envoyé à
Mgr Me Neil, archevêque de Vancouver, pour le prier de
venir bénir la pierre angulaire de l'église. Sans retard, le
prélat fixe la cérémonie pour ce jour-là.
Pour l'arrivée de Sa Grandeur, le village avait pris un
air de fête. Tous étaient là, vieux et jeunes, vêtus de leurs
plus beaux habits, pour souhaiter la plus cordiale bienvenue
à leur archevêque.
La cérémonie commence par une grand'messe solennelle
chantée par le R. P. Maillard, en présence de Monseigneur
l'Archevêque au trône, assisté du R. P. Lambot. La messe
en plain-chant a été parfaitement exécutée par la popula-
tion sous la direction de l'un d'entre eux, M. Rioux. Ce
dernier eut, en outre, l'honneur d'offrir à Sa Grandeur
l'hommage de la joie qu'éprouvaient tons ses compatriotes,
en cette première visite officielle de l'Archevêque dans la
colonie du Fraser.
Le prélat voulut bien remercier en français des gages
— 226 —
<rafiection et de dévouement donnés à sa personne et a
r Eglise catholique par cette bonne population. Il espère
qu'elle demeurera toujours fidèle à la pratique dos devoirs
religieux. Puis Mgr Me Neil expliqua le sens de la cérémonie
qu'il allait accomplir.
Le sermon terminé, Sa Grandeur, accompagné des
RR. PP. Maillard et Lambot, sortit de l'enceinte provisoire
et procéda à la bénédiction de la pierre angulaire, selon les
rites usités en pareille circonstance, puis se rendant pro-
cessionnellement autour de Fégli-se, il la bénit.
Voici les dimensions de l'église dont les fondements seuls
étaient posés au 11 décembre dernier : So m. de long, 12 de
large et 8 de haut à l'intérieur ; le clocher s'élèvera à pins
de 25 mètres.
Pour être complet, ajoutons que le R. P. Maillard a orga-
nisé un bazar dont le produit l'aillera à mener à bien la
construction de l'église. En attendant, une couverture provi-
soire permet d'y célébrer les offices.
Une école tenue par des sœurs et qui compte déjà 90 en-
fants, a été ouverte dès les premiers mois de l'arrivée des
familles de la colonie.
VICARIAT DE CEYLAN
s. E. le Délégué Apostolique à Chila\v.
Le 11 mars 1911, Ghilaw était le théâtre de manifestations
non moins enthousiastes que belles, à l'occasion de la pre-
mière visite que faisait en celte ville S. Grandeui* Mgr
2aleski, Délégué .\postolique des Indes Orientales.
Le respect témoigné par les fidèles du monde entier à
leur clerj^é, depuis le "Vicaire de Jésus-Christ, Notre Saint-
Père le Pape, jusqu'au plus humble clerc, est bien connu.
Dans le clergé les catholiques voient les successeurs des
Apôti-es et, comme tels, le respectent et Thonorent. Notre-
Seigneur lui-môme n'a-t-il pas déclaré que ses pnîtres y
avaient droit quand il a dit : » Qui vous reçoit, me re(;oit.
Qui vous méprise me méprise » ?
Ghilaw ayant la réputation d'être l'une des villes les plus
catholiques de l'île, il n'y a lien de surprenant que la récep-
tion de Son Excellence, qui est le plus haut Dignitaire de
l'Eglise Catholique à Ceylan, ait été une des plus enthou-
siastes qui se soient vues ici.
Le R. P. Jh Milliner, chargé de la paroisse, alla au-
devant de Son Excellence qu'assistaient les RR. PP. Pou-
lain et Griaux, jusqu'à Madampe où une voiture et son
attelage attendait lïUustre Visiteur pour le conduire à
Ghilaw.
Aux approches des faubourgs de la ville, impossible
d'avancer tant la route est noire de monde. Ceux d'entre
la foule qui ont l'avantage de se trouver le plus près de la
voiture, détellent les chevaux, prennent leur place et con-
duisent ainsi, au milieu d'une poussée indescriptible, le
vénérable voyageur, à travers les rues gaiement pavoisées,
sous de nombreux arcs de triomphe, pour s'arrêter sous le
dernier qui se dresse en face de l'église. Jusque-là, on a
gardé un respectueux silence; mais quand le Délégué
descend, étend la main pour bénir cette foule à genoux, les
sentiments trop longtemps comprimés éclatent en tonnerres
de hurrahs de bienvenue.
Son Excellence entre dans l'église décorée, s'agenouille et
prie quelque temps en silence. Le Chœur de Sainte-Marie
chante VEcce Sacerdos Magnus et, en réponse, Mgr Zaleski
donne la bénédiction aux fidèles, selon les pi-escriptions du
rituel.
Vers midi, le délégué est conduit dans ses appartements
à la mission. Le R. P. Milliner, toujours délicatement atten-
— 228 —
tif à ce que ses hôtes ne manquent de rien, avait décoré,
meublé et pourvu à tout ce qu'il fallait pour rendre le
court séjour de Son Excellence aussi agréable que possible.
A 5 heures de l'après-dîner, Mgr Zaleski donne la béné-
diction solennelle du Saint Sacrement en présence d'une
foule si compacte qu'elle ne trouve pas l'espace néces-
saire pour se mettre à genoux dans cette vaste église de
Chilaw. Après la cérémonie, le programme appelait la
lecture et la remise des adresses.
Voici celle que lut, au nom de tous les catholiques de la
ville, M. Fernando qui était allé au-devant de Mgr Zaleski
avec le R. P. Milliner :
« Les catholiques de Chilaw, en cette première visite de
Votre Excellence dans leur ville, lui souhaitent avec respect
la bienvenue. Nous sentons bien vivement notre impuis-
sance à rendre cette réception digne de la haute charge
que remplit Votre Excellence, comme représentant de notre
Saint-Père le Pape Pie X. Pour la plus grande majorité
d'entre nous, le bonheur de contempler face à face le
Vicaire de Jésus-Christ sur la terre, reste un désir qui ne
peut se réaliser. Le plus que nous puissions espérer est de
Le voir dans la personne de son Représentant, aussi remer-
cions-nous Votre Excellence de nous avoir permis de
satisfaire ce désir si naturel au cœur de tout vrai enfant
de l'Eglise.
Sincère affection envers notre Chef suprême, filial respect
au Père de la chrétienté, sympathie aimante pour l'auguste
prisonnier du Vatican, tels sont les sentiments qui jail-
lissent de nos coeurs en ce moment où nous oÉfrons à Votre
Excellence notre témoignage de catholiques sincères et
fidèles.
Pour entrer dans notre ville, Votre Excellence a parcouru,
en grande partie, une avenue bordée de chaque côté d'une
suite presque ininterrompue de belles églises, monuments
élevés en l'honneur de la foi immortelle et toujours conque-
— 229 —
rante, foi plantée, arrosée et cultivée par le zèle inlassable
des bons Pères Oblats de Marie Immaculée.
Nous prions respectueusement Votre Excellence qu'il lui
plaise de transmettre à Sa Sainteté les remerciements que
nous lui offrons du fond du cœur, de nous avoir procuré
des pasteurs si zélés, si pieux, pour pourvoir aux besoins
spirituels de nos âmes.
Nous ne pouvons, dans les limites restreintes d'une
Adresse, tracer le tableau complet des œuvres de notre
sainte Religion dans cette mission. Constatons seulement
que les missionnaires qui se sont succédé dans la charge
de la mission n'ont épargné aucune peine afin de procurer
le bien-être spirituel des 6.000 catholiques qui s'y trouvent.
Tenons-nous-en à un seul exemple ; la pratique de la com-
munion fréquente, si conforme aux désirs du Saint-Père, a
été l'objet des encouragements les plus efficaces de la part
de notre bien-aimé pasteur, le R. P. Milliner. Nous pou-
vons assurer Votre Excellence que nos plus ardents efforts
tendent, en ceci comme dans le reste, vers l'accomplis-
sement entier, et jusqu'aux plus petits détails des désirs
du Saint-Père. On a amplement pourvu à l'éducation de
la jeunesse catholique de la mission; puisqu'il s'y trouve,
tant pour les garçons que pour les filles, 18 écoles indigènes
et 2 écoles anglaises.
Nous souhaitons que Votre Excellence garde de cette
visite une impression satisfaisante. Puisse t-elle, lorsqu'elle
sera connue du Saint-Père, chargé du pesant fardeau du
gouvernement de l'Eglise universelle, être une consolation
à son cœur et une compensation à la peine qu'il éprouve
de voir des nations autrefois fidèles à la Religion, aujour-
d'hui plongées dans les douleurs de la persécution et
enserrées par les griffes de la franc-maçonnerie.
Chaque jour, nos prières montent vers le ciel pour
demander le triomphe de l'Eglise et du Souverain Pontife.
Que Dieu lui donne longue vie afin qu'il dirige en toute
sûreté la barque de Pierre, à travers les flots tourmentés
15
— 230 —
en nos jours de tempêtes. Nous demandons également à
Dieu, pour Votre Excellence, eu sa qualité de zélé coopé-
rateur du Souverain Pontife, de nombreuses années de
travail fécond pour la sauvegarde des intérêts de l'Eglise.
En terminant, nous prions Votre Excellence, de porter
aux pieds du successeur de Pierre, l'hommage de notre
fidèle attachement, et d'obtenir de Lui une bénédictioa
spéciale pour notre ville.
Humblement, etc. Les Cathotiqties de Chilaw. »
Dans sa réponse, Son Excellence, après avoir déclaré
qu'elle connaissait bien les sentiments de loyal attache-
ment des fidèles de Chilaw à la Religion, retraça l'histoire
de la mission, rappelant les travaux apostoliques défi
Pères Oratoriens et des Pères Sylvestrins, louant le zèle
des Pères Oblats de Marie Immaculée, dont le diocèse de
Colombo, est, au dire de Son Excellence, le mieux orga-
nisé de sa Délégation. La beauté artistique de l'Adresse
et les sentiments qu'elle exprime plurent si \ivement à
Mgr Zaleski qu'il promit de l'envoyer au Saint-Père, ne
doutant pas qu'im tel hommage, venu de si loin, ne saurait
qu'être agréable à Sa Sainteté et consoler son cœur.
D'autres Adresses furent présentées par les enfants de
l'école anglaise Sainte-Marie et au nom des écoles Singha-
laises. Le cantique * Dieu bénisse le Pape » fut chanté pai
les élèves, et le Délégué voulut bien exprimer sa satis-
faction de voir partout les écoles si nombreuses et si bien
fréquentées.
Il faudrait mentionner les applaudissements, les ovations
et la joie des populations enthousiastes, aimantes et
respectueuses. Nous regrettons aussi de ne pouvoir décrire
les illuminations et feux d'artifice qui offraient un si joli
spectacle le soir de ce beau jour.
D'après le C. C. Messenger.
231 —
VICARIAT DE NATAL
Extrait d'une lettre du R. P. Le Texier
au R. P. Scharsch. Assistant généraL
L'humble missionnaire que vous avez trouvé dans les
montagnes du Biggarsberg est toujours au même poste et
il ne s'en plaint pas. Il veut aujourd'hui se rappeler à votre
souvenir et vous dire que vos sages conseils ont porté leure
fruits dans la mission confiée à ses soins. A votre passage
ici, les choses allaient déjà assez bon train, étaient de nou-
veau en voie de progrès. En 1907, nous avions seulement
il baptêmes ; en 1908, 25 ; en 1909, 26 ; mais cette année.
nous en avons enregistré 53. Le nombre des confessions en
1907 était seulement de 12 par mois, il s'est aussi élevé à
100 en 1910. Deo Grattas.
L'année dernière surtout a été pour notre jeune mission
une année de progrés et de bénédictions abondantes. Vou^
vous souvenez peut-être qu'en novembre 1909, j'étais seul
à Dundee avec six i-eligieuses dominicaines, qui n'avaient
qu'une demi-douzaine de pensionnaires dans leur école.
Aujourd'hui nous sommes ici deux prêtres bretons : le cher
P. Grourlay prêche la tempérance aux braves mineurs écos-
sais du district et je m'occupe surtout des noirs. Le boa
Robert, mon catéchiste indigène, homme pieux, intelligent
et zélé, travaille avec succès à l'évangélisation de ses
frères. Je dois ajouter qu'au mois d'août dernier, je me suis
payé un gentil poney l»a.-5uto, que j'aime et qui m'aime.
Voyez, mon très Révérend Père, que ce n'est plus la soli-
tude et nous en remercions bien sincèrement Mgr Delalie.
qui a été, comme toujours, notre bienfaiteur et notre guide.
En juillet 1910, nous avons pris possession de notre non-
— 232 —
velle église du Rosaire, dont rameuljlement, sans être riche,
contraste avantageusement avec celui de la pauvre église
que vous avez vue lors de votre passage. Le P. Chauvin,
supérieur de Maritzburg, et le P. Belne de Newcastle,
prirent part à la cérémonie d'ouverture. Les sœurs ont
acheté à bon compte une grande maison et un joli terniiu
attenant à leur propriété, et leur nouvel établissement loge
aujourd'hui 12 religieuses et près de 40 pensionnaires.
L'ancienne église que vous connaissez sert de chapelle
école pour les noirs et une sœur y fait la classe à près de
60 élèves de couleur. Vous voyez par là que nos écoles ont
plus que doublé d'importance.
L'année dernière au mois de juin, la conversion de notre
magistrat, homme pieux et fort intelligent, de sa femme
surtout, parce qu'elle est la fille d'un ministre anglican, et
de trois de leurs enfants sur quatre, a fait grand bruit et
grand bien dans notre district. Les protestants ont vive-
ment senti ces pertes et ce n'est pas sans jalousie qu'ils
voient le développement de nos œuvres. Le démon n'a pas
été sans susciter des troubles surtout quand il s'est agi de
fonder l'œuvre des Cafres. La Vierge du Rosaire a su
écraser la tète du serpent infernal et déjouer ses plus
habiles manœuvres. Le jour de Noël, 150 Cafres assistaient
à la sainte Messe, chrétiens et catéchumènes, tous conver-
tis depuis votre visite. On ne pourra plus dire que le sol
africain est une terre maudite.
Aussitôt que mes recettes dépasseront le chiffre du salaire
de mon catéchiste, j'en aurai un autre pour Vryheid, car,
là aussi, il faudra sous peu fonder une nouvelle mission.
Nous avons dans ce dernier district plus de 100 catholiques
dont la moitié sont Cafres, et l'on y exploite de nouvelles
mines de charbon. L'avenir pour les missionnaires de
Natal est chez les noirs. Envoyez-nous des apôtres pour
les Zoulous. Messis quidein multa, operarii autempauci.
Il leur faudra tout faire avec le sou de Sainte-Thérèse,
mais la bonne Providence du bon Dieu n'a pas changé.
— 233 —
Organisez pour nous dans les communautés religieuses et
dans les paroisses ferventes, des croisades de prières.
^%
Une histoire bien tragique que les indigènes du Zululand
ne sauront oublier, vous intéressera peut-être. Je suis sûr
que dans mon vieux pays de Bretagne, on se la raconterait
volontiers pendant les longues veillées d'hiver.
Il y a près de deux ans, la femme du premier ministre
do Cetsliwayo, dernier roi des Zoulous, était sur son lit de
mort. Elle appelle son fils près d'elle, Mkanduba, âgé de
40 ans. Mkanduba serait peut-être le type idéal du chef
sauvage tant au physique qu'au moral. C'est un bel homme
vraiment, avec sa grande taille, ses membres robustes et
bien nourris. Il mange avec un appétit sauvage et ses dents
belles comme l'ivoire le servent admirablement à déchirer
le morceau de viande qu'il s'est choisi pour son repas : pas
n'est besoin de couteau ni de fourchette. Le moral chez lui
n'est guère attrayant. Il possède 20 femmes dans son
harem et il a la réputation d'être dur et orgueilleux. Je n'ai
pu voir aucun trait de franchise dans sa physionomie et
l'on devine que cet homme ne pardonne pas.
Donc la vieille mère mourante, inspirée par l'esprit de
superstition, dit à son fils :
f Tu voudrais dans tes terres des récoltes plus abon-
dantes, offre un sacrifice au dieu des moissons.
— Dois-je lui immoler un bœuf, un mouton, ou une
chèvre ? demanda le fils.
— Non, répondit la mère, pour rendre la di%inité propice,
il faut une victime humaine. »
Quelques mois après, Mgitshwa pouvait annoncer à un
sorcier du pays qu'un beau chevreuil avait été trouvé,
qu'une victime belle et grasse avait été choisie.
En novembre 1903, je crois, il y avait grande fête dans un
des kraals de Mkanduba, en l'honneur de sa visite. Le
festin était somptueux ! on avait tué plusieurs bêtes et le
— 234 —
djwala (bière cafre) circulait parmi les convives. Les gens
de la tribu venaient tour à tour payer leurs i-espects au
grand chef.
Après un pourparler assez long avec un de ses visiteurs,
un vieillard de 70 ans, le cruel Mkanduba, appelle ses
hommes et leur donne l'ordre de mettre à mort ce pauvre
malheureux. Lugagane, un véritable hercule sans beau-
coup de cervelle, fut le premier à obéir au signal : il frappe
la victime et le vieux Ngaiyama, âme superstitieuse et
servile, lui donne froidement la mort en lui tordant le cou.
Puis le triste Lupondo opère sur le cadavre. Il arrache les
yeux, coupe les lèvres (je tais le dernier détail) pour en
faire la médecine chère au dieu des moissons. Le reste du
corps coupé en morceaux est jeté dans les eaux du Pougola.
Onze Gafres avaient trempé les mains dans cet horrible
assassinat : sept d'entre eux ont été condamnés aux tra-
vaux forcés et les quatre que j'ai nommés expieront leur
forfait à Maritzburg : ils y seront pendus cette semaine.
Afin de faire disparaître du pays ces coutumes supersti-
tieuses et sanguinaires, le gouvernement veut inspirer aux
indigènes l'horreur de ces atrocités et leur donner une
épouvantable leçon. Tous les chefs cafres de la région sont
convoqués et devront assister à cette sinistre exécution.
Pendant quatre mois, j'ai fait de mon mieux à Dundee
pour préparer à la mort ces quatre malheureux ; à Maritz-
burg le P. Tenu les baptisera et les assistera à leurs der-
niers moments.
Mon meilleur souvenir avec mes religieux respects au
T. R. P. Belle et surtout au Révérendissime Père Général.
Ici nous prions pour vous. N'oubliez pas vos enfants des
montagnes qui ont besoin de vos prières pour faire du
bien aux âmes et chasser de leur troupeau les loups dévo-
rants.
Dundee, 17 férrier 1911.
G. L. Le Texier, p.
0. M. I.
— 235 —
VARIÉTÉS
Carnet d'un jeune missionnaire de l'Athabaska.
Départ du scolasticat.
Je venais de recevoir l'onction qui fait les prêtres du
Christ, quand me fut remise ma feuille de route. « Vous
. avez souvent manifesté le désir de consacrer votre vie
. aux pauvres Indiens de l'Extrême-Nord, me disait mon
. Supérieur. Eh bien, je suis heureux de combler vos
. vœux en vous envoyant dans le vicariat d'Athabaska...
* Ad oves quœ perierimt dornus Israël. »
Cette obédience, en effet, comblait mes vœux, car je
n'avais demandé à m'enrôler sous la bannière de l'Imma-
culée que pour pouvoir un jour traverser l'Atlantique et
courir au Pôle nord. Aussi, n'eussent été les convenances...
et le défaut de flexibilité de mon échine, j'en aurais sauté
au plafond.
Après avoir reçu la bénédiction du Père Supérieur, je
m'en fus recueillir les félicitations de mes confrères et
amis : car il faut vous dire que la chose se passait au
scolasticat de Liège, où se trouvaient une centaine de jeunes
Oblats de Marie, n'attendant que leur ordination et un
signal pour se disperser aux quatre coins du monde.
K Holà ! les amis 1 si vous avez quelque commission pour
m les vôtres, dépêchez-vous..., je pars demain matin!
, _ Vous partez ? Où allez- vous ?
, _ Au Pôle nord, mes amis...
, _ Vous pensez que c'en est /oie (1) de plus? Non,
(1) Une farce.
— 236 —
-• cette fois, croyez-moi... Et puis, tenez, examinez ce
« parchemin ! >'
Ah ! les bonnes accolades ! Et les amis qui ne veulent
pas que je leur dise adieu.' « Non, au revoir, et à bientôt!
■ On se reverra dans les neiges de l'Atha ! »
( Va, disent les autres, moins sûrs de quitter l'Eu-
« rope... On se retrouvera là-haut, au ciel : nous parlerons
« de nos œuvres, et vous, vous nous conterez des histoires
« de vos Peaux-Rouges..., et ainsi nous passerons plus
« commodément l'éternité... «
Et je me faufile de groupe en groupe, faisant bien des
jaloux et m'en souciant fort peu (qui n'a pas ses heures
d'égoïsme ?). D'ailleurs, ceux qui me portaient envie se
gardaient bien de le laisser paraître...
Le lendemain matin, après avoir reçu les commissions
de mes compatriotes et leur avoir bien promis que je
n'oublierais aucun d'eux à l'autel du Sanctuaire national,
je prenais le train qui, pour la dernière fois, m'emportait
loin de Liège..., mais sans revenir tout droit à la maison
paternelle. Il m'en eût trop coûté de ne pas revoir le cher
Bestin, et la grande forêt des Ardennes, où Dieu avait
placé le l)erceau de ma vie religieuse !
Au pays natal.
Le 20 mars, j'avais enfin le bonheur d'offrir, en présence
de ma famille, le saint Sacrifice de la messe, dans l'église
de ma première communion.
Les miens connaissaient déjà le grand sacrifice que Dieu
imposait à leur esprit de foi. Ils le firent, je suis heureux
et fier de le dire, d'un grand cœur et avec une entière
bonne volonté. Nombreuses sont encore chez nous les
familles qui s'honorent de compter un de leurs fils au
service du Christ Jésus, et qui regardent comme une gloii'e
de plus que cet enfant reçoive du ciel la vocation de
missionnaire.
— 237 —
Ah! sans doute, il leur en coûte de se séparer, poui-
toujours peut-être, du jeune apôtre des sauvages; mais
généreusement, comme Marie, le modèle des mères, elles
le cèdent aux âmes !
D'autres, pour la grande œuvre de régénération et de con-
version des peuples, donneront de leur or et de leurs bijoux;
mais elles, elles donnent de leur sang pour avoir large
part un jour à la promesse du Christ : « Quiconque aidera
t l'apôtre, participera aux récompenses de l'apôtre! » Je
donnerais ma vie i)0ur témoigner à Dieu la reconnaissance
que je lui dois pour m'avoir fait naître au sein d'une de
ces familles foncièrement chrétiennes.
Mes supérieurs m'avaient donné quinze jours pour faire
mes préparatifs et mettre ordre à mes affaires. Les cir-
constances se concertèrent pour m'octroyer plus d'un mois,
prolongement dont personne ne se plaignit et qui me
permit de voguer un peu sur toutes les routes : je laissais
partout tant de parents et d'amis qui voulaient « s'arra-
cher » les quelques heures dont je disposais 1
Ainsi attendais-je l'heure des adieux : elle vint enfin,
bien douloureuse, je vous assure ! Ah 1 que le bon Maître
ne décuple-t-il la souffrance du fils pour diminuer d'autant
celle de la mère I...
Sur l'Océan.
Trois jours plus lard, par un beau jour d'avril, dans le
port ensoleillé, le paquebot, refoulant de ses puissantes
hélices les ondes du canal d'arrêt, s'ébranlait lourdement
et majestueusement, comme il sied à un monstre de dix
mille tonnes et quinze mille chevaux... Un dernier regard,
bien sec (de par l'ordre de la volonté) à la terre natale,
et je rejoignais, dans une cabine de première classe,
gracieusement mise à notre disposition par le commissaire
du bord, mes trois compagnons.
A propos, il faut que je vous les présente : le Père D.,
— 238 ~
un de nos vétérans du Mackensie. où il retourne après
avoir passé quelques mois dans les vieux pays, — une
jeune religieuse qui est destinée à l'Université d'Ottawa, —
un jeune homme qui s'en va retrouver dans la Saskatche-
wan deux de ses frères, colons déjà fixés sur des terres
fertiles, et votre serviteur faisant le quatrième.
La vie à bord.
Je n'ai pas à vous décrire un transatlantique, ni à vous
exprimer mon étonnement de trouver en mer tout le confort
des hôtels de premier ordre ; je ne vous dirai rien non plus
des passagers, pour la bonne raison que nous ne fîmes
connaissance avec personne. Je sais seulement que nous
pouvions être environ 1.500 personnes, dont un millier
d'émigrants, pour la plupart italiens.
A quelqu'un qui me demanderait s'il est intéressant de
vivre à bord, je répondrais négativement. A moins d'avoir
reçu du Ciel une dose exceptionnelle de patience, ou une
àme à tendances singulièrement poétiques, je crois qu'il
est bien difficile de passer huit jours au large sans
s'ennuyer un peu. L'immensité de l'Océan ne manque pas
de charme ni de grandiose, je le veux bien, mais le moyen
de ne pas s'en fatiguer bien vite, quand on ne voit que de
l'eau verte et du ciel bleu, ou bien du ciel gris et de l'eau
noire?... Attendre que les flots s'élèvent en montagnes
sous le souffle des tempêtes? J'avoue que c'est déjà mieux
et que, pour ma part, je préfère le roulis et le tangage du
bâtiment au glissement des heures de calme plat.... Mais
on se lasse bientôt aussi des « mirabiles elaliofies maris >.
d'autant plus que ces mouvements désordonnés et brutaux
provoquent quelque part, entre les épaules et les genoux,
des serrements, des élargissements, des tiraillements, des
soufflements, et toutes sortes d'autres choses dont on se
passerait volontiers.
— 239 —
J'en parle en connaissance de cause. L'Atlantique, igno-
rant sans doute qui j'étais, eut le front de me chercher
noise, et il me fallut plus d'une heure de combat pour jeter
par-dessus bord le terrible mal de nier... oui, terrible!
ceux-là le savent qui l'ont éprouvé, et ceux-là seuls.
A part cette crise intestinale, à laquelle je m'attendais un
peu, pas grand'chose ne vint rompre la monotonie de la
traversée. De temps en temps, une vafrue plus grosse qui
balaie le pont, ou bien un coup de vent plus furieux qui
vous contraint d'interrompre vos cent pas, ou bien le
passage d'un iceberg que les matelots se font un plaisir de
vous indiquer dans le lointain de la mare bleue, ou bien
le signalement d'un paquebot que vous allez croiser ou
rejoindre, et c'est tout...
Que faire alors, à moins que de rêver? Oh ! bien d"autres
choses, tout de même !...
Le R. P. D n'ayant pas sa < chapelle, » nous sommes
privés toute la semaine de la consolation d'immoler la Sainte
Victime, quoique M. le Commissaire nous eût ofïert pour
local le salon d'honneur et que plusieurs personnes i-e
fussent présentées pour y assister. — Nous y suppléons par
la récitation du Rosaire et du Rréviaire, récitation que
nous faisons suivre d'une partie de tonneau ; ensuite,
d'un pas presque marin, nous mesurons cent et deux cents
fois la longueur du pont, quelque temps qu'il fasse, ce
qui n'est pas toujours un exercice des plus aisés. Quand
survient la fatigue, on prend place sur une berceuse, et l'on
se met à lire... ou à rêver.... Après quoi on reprend ses
cent pas, et ainsi passent les journées : c'est sempiter-
nellement du mineur, et moi, je n'aime pas ce ton-là.
L'Amérique.
Aussi, je vous assure, fus-je bien content de saluer, avec
l'aurore du 12 mai, la colossale statue de la Liberté dont
se glorifie la ville de New- York.
— 240 —
Les formalités commencent. A Mr X...., il me faut
déclarer sous la foi du serment que je ne suis ni galeux ni
enragé, — à Mr Y...., que je n'ai pas encore de légitime,
que j'ai sur moi ou dans ma malle une valeur d'au moins
100 francs, que je ne suis affilié à aucune société révolu-
tionnaire européenne, etc — à Mr Z , que dans ma
valise il n'y a ni absinthe, ni alcool quelconque, ni non
plus poudre, cartouches, balles ou armes.
Pendant les deux heures qu'il nous faut attendre et
subir ces interrogatoires et y répondre, nos bagages ont
été amenés dans l'immense hall où nous débarquons de
plain-pied pour les chercher, les retrouver et les faire viser
par un douanier. Celui-ci, nous ayant reconnu pour des
prêtres Romains, se hâte de les tamponner sans inspection,
en nous saluant aimablement d'un « God bless you, Father »,
Dieu vous bénisse, mon Père, le bonjour de l'Irlandais
catholique.
Le R. P. n'ayant pu, malgré son dévouement et la com-
pétence qu'il s'est acquise par un séjour de 35 ans en Améri-
que, réussir à terminer en ce jour l'enregistrement de nos
colis, je dus accepter pour la nuit l'hospitalité tout aimable
des RR. PP. Dominicains : ce contretemps me valut de pou-
voir, le 13, célébrer la sainte Messe. Je goûtai et appréciai
d'autant mieux ce bonheur que, pendant la traversée,
comme je vous l'ai dit, j'avais été privé de cette consola-
tation, — et le Bon Dieu sait combien le cœur d'un jeune
prêtre y est sensible.
A travers le nouveau inonde.
Mon confrère devant séjourner quelques semaines aux
environs de la grande ville, je passais du môme coup
caporal, et j'étais chargé de « piloter » jusqu'à Ottawa la
petite Sœur et jusqu'à Régina le brave petit colon.
Je me demandai un moment comment ra'acquitter de
— 241 —
mon nouveau lùlc à la satisfaction de tous, car ma con-
naissance de la langue anglaise se bornait au tout à fait
rudinientaire, — et, supposé qu'il y eût à sauter d'un
express dans un autre, je ne me voyais pas « fixe » du tout
en face d'un emplové ignorant ma langue plus parfaitement
encore que moi la sienne.
Le soir pourtant, nous nous installions tous les trois dans
un « char » de colons (char est ici le nom donné aux vagons
de chemin de fer). — Pour ma part, j'étais armé d'un
ticket, long d'une demi-brasse, qui m'autorisait à faire le
trajet de New- York à Edmonton.
J'aurais aimé à saluer au passage, ne fût-ce que quelques
heures, mes Frères Oblats, disséminés tout le long de la
ligne du « Canadian Pacific » ; j'aurais pu ainsi embrasser
encore une fois d'anciens amis de Liège ou d'ailleurs,
mais le P. avait craint que quelques jours de retard ne
missent dans l'embarras le R. P. Husson, chargé de
m'expédier au fond du Nord, et le billet qu'il me donna à
mon départ de New- York ne me donnait droit à aucun
arrêt. Il me fallut donc « brûler » Montréal, Ottawa, Hull,
Saint-Boniface, Winnipeg, Régina, Calgary... toutes places
qui sont aujourd'hui de grandes et belles villes, et où les
Oblats, il y a 60 ans, ne trouvèrent guère que quelques
huttes de sauvages et de métis.
Il est absolument impossible de se faire une idée tant
soit peu exacte de l'immensité du pays que nous traversons
à toute vapeur : ce sont chaque jour des milliers et des
milliers de Ruthènes, de Silésiens, de Polonais, d'Italiens...
qui viennent s'y fixer et demander, toujours une belle
aisance, souvent une petite fortune à la fertilité incroyable
de t ces quelques arpents de neige » dédaignés par Vol-
taire autrefois.
S'il vous plaisait de jeter les yeux sur une carte de
l'Amérique du Nord, vous pourriez constater aisément que
la distance séparant le point de départ du point d'arrivée
de mon itinéraire est plutôt raisonnable. Aussi me fallut-il,
— 242 —
pour arriver à Edmonton, six jours et six nuits, sans arrêt
de plus d'un quart d'heure, sauf naturellement ceux néces-
saires pour les prises d'eau et de charbon, ou encore
les attentes d'autres trains signalés comme déjà engagés
sur notre voie. — Si j'ajoute à l'insomnie complète des trois
premières nuits, l'insomnie quasi-complète des trois der-
nières (soixante centimètres carrés d'un banc de planches
en guise de chaise et de couchette, — un mouchoir ou
deux en guise d'oreiller : convenez qu'on pourrait trouver
mieux pour se reposer), et à cela l'irrégularité des repas
(un morceau de pain avec une légère tranche de jambon,
le tout humecté d'un verre d'eau), vous serez persuadés,
n'est-ce pas ? qu'en arrivant à Edmonton, je devais être à
bout de forces ?
Edmonton.
Eh bien, non ! Sans doute, un large halo me cernait les
yeux, mes mollets me paraissaient de plomb et mes reins
me tiraillaient un peu... Mais enfin, je n'étais pas ce qu'on
appelle un homme exténué. Même j'étais tout fier qu'on
me traitât de fou pour avoir risqué, en de pareilles circon-
stances, un tour de force qu'aucun missionnaire ne s'est
permis encore.
Le R. P. Cozanet. desservant de la mission de Saint-
Joachim d'Edmonton, alarmé d'apprendre que j'étais à
jeun depuis quatre heures du matin, (il était sept heures et
demie du soir) me permit tout juste une accolade, et me
conduisit immédiatement {médiatement plutôt, car nous
dîmes bonjour au bon Dieu en nous y rendant) au réfec-
toire.
Le lendemain, je fis un peu la t grasse matinée » :
mais, quand je me levai, la fatigue avait plus qu'aux deux
tiers disparu... et le demi-repos de la journée se chargea
du reste.
Malgré cela, je vous avoue que je fus bien aise d'en-
— 243 —
tendre le P. Husson (procureur des missions d'Athabaska
et du Mackensie) m'annoncer que nous ne pourrions quitter
Eiimonton avant une dizaine de jours. Une {grosse semaine,
c'était plus qu'il n'en i'allait pour les préparatifs du voyage
(de trois semaines celui-là, et tout nouveau et très intéres-
sant) qui nie conduirait au lac Athabaska. — J'en profitai
l)Our faire quelques visites. Un autre jeune missionnaire,
qui avait quitté Liège trois semaines avant moi et que j'avais
fort surpris en le rejoignant à Edmonton, le R. P. Rou-
viére, me tenait compagnie.
A Edmonton même, je me présentai le soir au R. P. Jan,
alors Père curé de Strathcona (ville touchant Edmonton),
où il avait pour vicaire un jeune Père, avec qui j'avais
vécu quatre ans.
Saint Albert.
Le lendemain, nous nous mettions en route pour Saint-
Albert, où je devais rencontrer une bonne demi-douzaine
d'anciennes connaissances : le P. Lebré, les FF. Lecret,
Huys et Jahier, et quatre ou cinq autres, sans parler d'un
couvent de religieuses...
Comme c'était pour me reposer que je m'étais offert cette
promenade d'environ 20 kilomètres, j'acceptai aussitôt la
proposition que me fit le F. Jahier : t Si vous n'êtes pas
trop fatigué, nous allons faire un tour de chasse. « Nous
partons tous les deux, aussitôt après le dîner, avec treize
cartouches en poche.
A deux heures et demie, nous rentrions à l'Evêché, por-
tant sur une longue perche douze lièvres et un t suisse »,
sorte d'écureuil. Ces chifl'res, si surprenants qu'ils vous
paraissent, je vous les garantis rigoureusement exacts. Il
n'est d'ailleurs pas nécessaire d'avoir l'adresse du « cham-
pion » d'Europe pour espérer de ces massacres : il suffit
d'avoir de l'œil pour découvrir l'animal pelotonné sous du
bois mort, et assez de courage pour le tirer souvent au posé
et quelquefois presque à Jjout i>orlant.
— 2U —
Nous remîmes nos victimes à la sœur cuisinière et nous
passâmes en bonne compagnie les heures de l'après-midi...
et de la soirée... et du lendemain. Nous avions tant de
choses à nous communiquer ! Et qu'il fait bon de rencon-
trer à des milliers de lieues de son pays des compatriotes,
voire même des amis d'enfance! Comme le cœur... et la
langue battent à l'aise dans l'intimité d'une étroite cellule,
dont les murs entendent seuls les confidences échangées !
Ces deux jours passés à Saint- Albert comptent parmi les
plus doux de ma vie.
Nous devions repartir à deux heures pour Edmonton. Le
P. Rouvière, qui avait lui aussi un compatriote au petit
Séminaire de Saint-Albert, et ne pensait pas plus que nous
à s'ennuyer, finit tout de même par remarquer qu'il était
tard. Il arrive chez nous en clamant le lugubre : « Fugit
interea tempus » de Virgile Maron, et met fin aux épan-
chements : une dernière promesse de prières mutuelles, un
dernier encouragement, et nous nous séparons... pour tou-
jours, probablement. Frères et amis, soyez heureux et
sauvez des âmes !
La cathédrale.
Vous savez peut-être que Mgr Légal, 0. M. L, fait con-
struire en ce moment une vraie cathédrale : elle présentera
ceci de particulier et d' » invu » dans la contrée qu'elle sera
en pierre, tout comme vos grands monuments d'Europe.
Avant de quitter Saint-Albert, nous allons offrir nos
hommages au bon Dieu, qui y réside sacramentellement,
bien que les travaux ne soient guère encore que souterrains.
En sortant, nous nous trouvons en face de la cathédrale
n» 1 (par ordre chronologique), aux proportions tellement
minuscules que Mgr Grandin, dit-on, ne pouvait se servir
de sa mitre épiscopale sans épousseter le plafond. On veut
la conserver à titre de relique, — et aussi pour rappeler le
passé au présent et au futur — précaution bien justifiée par
— 245 —
les changements qu'apportent chaque année à ce pays les
milliers d'émigrants qu'y déverse une colonisation à
outrance.
II y a quelques années, Saint-Albert n'était qu'un beau
trou dans la forêt : aujourd'hui, c'est une coquette petite
ville, admirablement sise, qui s'honore de posséder un évê-
ché, et d'avoir donné son nom à une province vingt-deux
fois plus étendue que la Belgique, et riche d'avenir...
Edmonton se composait de quelques huttes de métis et de
sauvages : c'est maintenant une cité jouissant de tous les
avantages de la civilisation la plus américaine, journaux,
théâtres, Iramv^^ays, immenses bazars, Parlement que
sais-je encore ? — (Je ne parle pas de deux ou trois lignes
de chemin de fer, qui la mettent en communication extra-
rapide avec les Etats-Unis, avec l'Atlantique et avec le
Pacifique, en attendant qu'une dernière voie vous facilite
une excursion au Pôle Nord — ), et il est incontestable que
l'Alberta est encore dans les langes et à la première heure
de sa prospérité matérielle. Que sera-ce quand seront venus
et le plein jour, et les millions de colons que la fertilité du
sol ne peut manquer d'y attirer, maintenant surtout que le
mouvement est donné?... — C'est la civilisation qui nous
poursuit, nous qui nous sauvons devant elle (en lui apla-
nissant les voies, il est vrai), dans l'espoir de sauver quel-
ques milliers d'Indiens qui, à en juger par les statistiques,
ne peuvent co-exister avec elle !...
Un jeune missionnaire de VAtha.
iô
— 246
ECHOS DE LA FAMILLE
Le cinquantième anniversaire de la mort
de notre vénéré Fondateur.
Le 5 décembre IStvl, le Chapitre Général de la Congréga-
tion décidait que le 21 mai de chaque année, un service
anniversaire serait chanté, à la Maison générale, pour
notre bien-aimé et regretté Père en Dieu, Mgr de Mazenod,
décédé le 21 mai de la même année.
Cette prescription répondait trop à la piété filiale et à la
reconnaissance des Oblats pour n'être pas suivie ponctuel-
lement.
Autant sans doute pour donner plus de solennité aux
cérémonies et au chant que pour accroître chez nos scolas-
tiques l'amour de la Famille et de noti'e vénéré Fondateur,
depuis nombre d" années, cette messe est célébrée dans l'un
de nos scolasticats.
Le 21 mai dernier, 50 ans s'étant écoulés depuis le jour
qui nous ravissait notre premier Père, cet anniversaire ne
pouvait manquer d'être célébré plus solennellement que de
coutume.
Monseigneur le Supérieur Général chanta la messe, en
ornements blancs, puisque c'était le cinquième dimanche
après Pâques. Pour obéir aux prescriptions de la sainte
Eglise, il a bien fallu mêler aux chants une note funèbre,
faire monter la supplication du Requiem ojternam dona
ei Domine, mais en même temps que cette prière litur-
gique, et non moins ardente qu'elle, s'élevait de nos cœurs
une prière intime où l'espérance, la confiance et l'amour
nous laissaient entrevoir notre vénéré Père, qui, dans le
sein de Dieu, priait la Vierge Immaculée de faire retomber
sur la Famille qu'il a fondée les grâces et les bénédictions
dont elle a besoin.
— 247 —
A midi, un télégramme annonçait à Monseigneur que le
R. P. Célestin Augier avait eu le bonheur d'ofifrir le saint
sacriGce dans la chapelle de la Crypte de la Cathédrale, à
Marseille, où repose le corps de Mgr de Mazenod. A Rome,
le monument qui renferme le cœur de notre vénéré Fonda-
teur avait été pieusement orné, ainsi quo la « salle des
souvenirs ».
Le soir de ce même jour nous réservait une belle cérémo-
nie. A l'issue des Compiles suivies d'un sermon de circons-
tance prêché par le R. P. Bello, la Communauté tout
entière, à laquelle voulut bien se joindre Mgr Coudert
archevêque de Colombo et le R. P. «iriaux, se rendit en
procession au fond de la cour, où une staine de la sainte
Vierge fut bénite par Mgr Dontenwill.
Au pied du reposoir de verdure, de lumières et de fleurs
que dominait la douce image de leur Mère, une couronne
d'Oblats s'était rangée; et à l'heure de la nuit tombante
sous le feuillage un peu sombre des chênes, le chant des
cantiques en l'honneur de l'Immaculée semblait plus suave
et plus pur.
L'inscription gravée (1) au piédestal, et qui est prise du
texte de nos Saintes Règles, rappellera à nos chers scolas-
tiques que la dévotion envers la très sainte Vierge est la
caractéristique des enfants de Mgr Mazenod, des Oblats de
Marie Immaculée.
Visites : Les Révérends Pères Provinciaux du Midi, du
Nord, d'Allemagne; Nos Seigneurs Breynat et Joussard ont
fait une courte visite à la Maison Générale. Mgr Coudert.
archevêque de Colombo, est arrivé à Marseille d'où Sa
Grandeur a pris la route de Rome. Il y a quelque 10 ans
que Mgr Coudert n'est point revenu en Europe.
(1) « DULCEM Mariam peculiaris proseqdbntur
DBVOTIONIS AFFECTO »
A morte P. Fundatoris Anno L.
248
De la paroisse Saint-Sauveur de Québec. En 1910, il y a
eu 818 baptêmes, 151 mariages, 525 sépultures. 474.500
Communions ont été distribuées, soit une moyenne de
1.300 par jour; 1.663 petits enfants ont fait la première
communion, selon les récentes instructions du Saint-Siège,
pendant les mois de novembre et décembre, et Mgr Charlebois,
dans sa visite à Saint-Sauveur, a conféré le sacrement de
Confirmation à 500 d'entre eux. De tels chiffres interdisent
tout commentaire.
***
Extrait des notes des R. P. Dawson sur les travaux
apostoliques des Pères missionnaires de la Province britan-
nique. RR. PP. Clarke et Matthews, une mission de
15 jours, à partir du 1*' dimanche de Carême dans la
paroisse Saint-Pierre à Drogheda (Armagh).
Pendant la semaine sainte les mêmes Pères ont prêché
le 1*' dans notre église de Liverpool, le second à Waterford.
Du 2 au 9 avril : Retraite à Rockferry prôchée par le
R. P. J. 0. Reilly, Provincial.
Du 19 mars au 7 avril, mission donnée par les RR. PP.
Me Sherry et Moran, paroisse de Bray (Dublin).
On a distribué 4000 communions ; chaque jour les Pères
passaient 7 heures au tribunal d« la pénitence.
* *
Une autre mission de trois semaines, à Leith, sous la
direction du R. P. Provincial assisté des Pères Clarke et
Moran, commençait le 23 avril. Le même jour, deux autres
missions de 15 jours s'ouvraient dans le diocèse de Dublin ;
la première à Balbriggan par les RR. PP. Mac Sherry et
Matthews, la seconde, dans l'église paroissiale deCity Quay
successivement par les Pères Wilkinson et M. O'Reilly.
— 249 —
En ce mois de juin, paraissent à Bi'uxelles : V le second
numéro annuel de l'Appel du Sacré-Cœur; 2^ le premier
numéro du Cor Jesu, bulletin mensuel de la Confrérie
nationale dont le siège est à la Basilique. D'autres publica-
tions, nous écrit-on, sont à l'étude. Puissent-elles susciter
un grand mouvement de piété envers le Sacré-Cœur de
Jésus, et de générosité en faveur 'du monument grandiose
que la Belgique doit élever à la gloire de ce divin Cœurl
***
On nous prie de signaler à nos lecteurs la publication
flamande « Maria-Galm i qui est pour les populations de
langue flamande ce que les Petites Annales et la Maria
Immaculata sont pour leurs lecteurs français et allemands :
une revue mariale d'apostolat. Les missonnaires parlant le
flamand ne sont pas nombreux chez nous, mais la direction
de la revue suppléera à l'insuffisance des correspondances
en flamand par des traductions d'articles écrits en d'autres
langues. Avis aux bonnes volontés et aux plumes fécondes.
Pour décider celles-là et rendre plus alertes celles-ci, on
ajoute que les dons qui pourraient être recueillis seront
envoyés aux missionnaires correspondants.
A condition de se garder des abus, il n'y a rien en cela
qui ne soit recommandable.
De même que leurs frères de langue française du Scolasticat
Saint-Joseph d'Ottawa ont organisé une société littéraire
de Saint-Jean-Baptiste, les scolastiques de langue anglaise
viennent de fonder la leur sous le patronage de l'Apôtre
Saint Paul, C'est même le jour de la conversion de l'Apôtre
— 250 —
des Gentils, 25 janvier 1011, 95*' anniversaire de la fonda-
tion de la Congrégation, que les Frères Scolastiques ont
inauguré leur Club par une séance. Le programme compre-
nait dans sa partie musicale : deux morceaux d'orchestre,
une cantate et un chœur ; dans la partie littéraire, en outre
de l'adresse d'ouverture, une récitation et une conférence
siur des sujets du plus haut intérêt : ■> Gomment la science
chrétienne édifie » , et i^ la Pensée catholique dans la littéra-
ture anglaise » .
Le R. P. Supérieur du Scolasticat, pour ne nommer que
lui, a encouragé et félicité ses enfants. Puis la séance s'est
terminée au chant de < 0 Canada t et « God save The King »
j)récédé d'un vote de remerciements.
Le 2 février, dans la Chapelle du Sacré Cœur, Mgr Cou-
dert, archevêque de Colombo, a conféré le sous-diaconat à
6 Oblats de Ceylan.
Le R, P. François Xavier Sandrasagra a l'honneur d'être
le premier prêtre indigène de Jaffna. Il fut ordonné par
Mgr Bonjean, il y a 35 ans. L'âge et les infirmités, sans
parler des services rendus, lui donnaient droit à un repos
bien mérité, mais le zélé missionnaire n"a exprimé qu'un
désir à Mgr l'Evêque, celui de consacrer le reste de ses
forces et de sa vie à la gloire de Dieu et au salut des âmes.
Partout où il a passé, à Kayts et autres îles, à Mantotte et
Mullaitivu, le Père Sandrasagra a fait le bien. Pendant les
épidémies de choléra à Passaiur et Mantotte, il s'est parti-
culièrement dévoué. Et en plus des occupations de son
ministère, il a travaillé avec Mgr Bonjean au catéchisme
diocésain en tamoul. Avec le P. Guardian de Jafifna, nous
faisons des vœux pour que Dieu accorde au cher Père de
longs jours de paix et d'édification.
— 2:31 —
En 1891, Mgr Bonjean fondait à Ceylan la Congrégation
de Saint-Vincent de Paul, dont les membres se dévouent
à l'instruction de l'enlunce. Dernièrement le Saint-Siège a
délégué à Mgr Coudert les pouvoirs nécessaires à l'aflilia-
tion canonique de cette Congrégation au Tiers-Ordre de
Saint-François. Les Frères auront même droit au nom de
Frères Franciscains.
Colombo a désormais son organe spécial pour répandre
et accroître la dévotion des fidèles au Sacré-Cœur de Jésus.
Le R. P. Pahamunay en est l'éditeur.
Au dernier bulletin paroissial de Saint-Joseph de Lowell
était joint un tract signé par le R. P. Baron, contenant, en
quatre petites pages, un exposé très clair de l'œuvre de la
Propagation de la Foi, les motifs qui engagent les fidèles à
en faire partie et les cunditions à remplir. Au nom de.>
Glissions, toutes nos félicitations.
La paroisse Saint-Joseph de Greyville près Durban a son
bulletin mensuel, tout comme la cathédrale, et même avant
elle, puisque depuis deux ans il paraît régulièrement.
Nous n'avons pas signalé non plus t The Calendar •,
bulletin de la paroisse du Sacré-Cœur à Lowell et dont les
principaux articles sont rédigés par les Pères et Frères
scolastiques de Tev^ksbury.
^%
Dans l'année 1910, il y a eu 21.000 immigrants au Mani-
toba, 29.000 en Saskatchewan, 43.000 en Alberta et 30.000
— 252 —
en Colombie Britannique ; soit près de 125.000 dans ces
quatre Provinces, mais le nombre des catholiques ne nous
est pas connu.
» »
C'est le 22 février 1911 que Mgr Gauthier, précédem-
ment archevêque de Kingston, a été intronisé archevêque
d'Ottawa. Avec les Cloches de Saint-Boniface, qui nous
informent de cette cérémonie, nous disons : Ad multos et
felicissimos annos ! au vénérable prélat dans le diocèse
duquel la Congrégation a des oeuvres si importantes.
***
Le vendredi 10 mars, à 3 heures de l'après-midi, un
violent incendie se déclara au juniorat de la Sainte-
Famille à Saint-Boniface. Les élèves étant alors en classe
au collège, on n'a pas eu d'accident à déplorer, mais tout
est détruit.
A la mission Saint-Eugène, Colombie britannique, l'an-
cienne école industrielle va être remplacée par une nouvelle
qui pourra recevoir quatre-vingts enfants sauvages.
C'est dans la nuit de Noël que, pour la première fois,
une messe a été célébrée dans la ville naissante de Powell
River, diocèse de Vancouver. A défaut d'église, les offices
ont été célébrés dans les bâtiments scolaires, mais la
construction d'une chapelle est réclamée par la présence de
20 familles, soit 250 catholiques.
A Sainte-Marie, Mission City (Col. brit.), on se voit dans
la nécessité d'agrandir la mission qui entretient plus de
— 253 —
quatre-vin^'ts enfants indiens, confiés à nos Pères et aux
Sœurs de Sainte-Anne.
Les travaux ont dû comuaencer avec le printemps.
En 1910 , la population catholique de Vancouver a
augmenté sensiblement. Malgré la division de la paroisse,
l'église du Saint-Rosaire compte plus de 3.000 fidèles; celle
du Sacré-Cœur 1.600, en augmentation de 200 sur l'année
précédente. Dans cette dernière église, en outre de 146 bap-
têmes d'enfants, il va eu 30 baptêmes d'adultes convertis.
Le Western Catholic signale aussi des conversions à
Mount's Pleasant.
Il faut en rendre grâce, après Dieu, aux industries, au
zèle de nos missionnaires. C'est ainsi qu'à Vancouver,
église du Rosaire, tous les dimanches, pendant la saison
d'hiver, un Père répond aux questions placées, au cours de
la semaine, dans une boîte ad hoc. Des protestants en pro-
filent pour s'éclairer sur quelques points douteux, contro-
versés ou plutôt travestis par les ministres, et peu à peu, la
lumière pénètre dans les esprits, soit d'une manière com-
plète qui appelle la conversion, soit dans une mesure
moindre mais suffisante pour atténuer les préjugés et
dissiper plus d'une calomnie.
L'étendue du diocèse de Dallas (Texas) est de 118.000
milles carrés. Les catholiques de langue espagnole habi-
tant cette vaste région sont, à l'exception de quelques
comtés, confiés aux soins spirituels du R. P. Gagliardoni,
qui a ses quartiers généraux à Dallas.
L'an dernier, il a eu à son actif 103 baptêmes, 107 pre-
mières communions en 2 préparations, 42 mariages, et
75 visites dé malades pour lesquelles il a fallu souvent plu-
— 254 —
sieurs jours de \oyage. En trois endroits différents il a
prêché les exercices d'une petite mission de huit jours.
***
Dans le sud du Texas, à la résidence de Mission (autre-
fois La Lomita) une imposante cérémonie a eu lieu le
29 janvier dernier, à l'occasion de la dédicace de l'église
que nos Pères ont construite : Notre-Dame de la Mission.
Une belle statue de la sainte Vierge et une cloche ont été
bénites le même jour. Huit Pères Oblats entouraient le
R. P. Constantineau, provincial, qui prêcha en anglais. Le
sermon en espagnol fut donné par le R. P. Piat.
Sa Grandeur Mgr Coudert, archevêque de Colombo, a
célébré, le 10 avril dernier, le 25e anniversaire de son ordi-
nation sacerdotale. ( 10 avril 188G.)
Les « Missions » prient le vénéré Prélat d'agréer leurs
respectueuses félicitations et leurs souhaits les plus ardents
de longue vie et de fécond apostolat.
Le 2/ avril 1911, le R. P. J. Batayron célébrait ses noces
d'or sacerdotales, dans la maison Saint-Charles de Jaffna.
A l'heureux jubilaire — le premier à Jaffna, paraît-il —
nous disons aussi de tout cœur : Ad multos annos.
**^
On a fêté, le 2 mai dernier, à Bas-Oha (Province de
Liège), le 50e anniversaire d'oblation du R. P. Lemasson,
aumônier des Sœurs de la Sainte-Famille. Le scolasticat de
Liège ayant pris part à la solennité, on en trouvera le
— 355 —
récit dans nos * Petites Annales ». Qu'il nous suffise df-
'lire que Monseigneur le Supéi-ieur général était représenté
par le R. P. Favier, économe généra], en ce moment en
Belgique, et que nous nous unissons bien cordialement aux
félicitations et aux vœux qui ont été offerts, en cette mémo-
rable circonstance, au R. P. Lcmasson. Puisse-t-il y voir
les témoignages de gratitude pour le dévouement pieux et
le tact parfait avec lesquels il a rempli, pendant presque
toute sa vie sacerdotale, les importantes et délicates fonc-
tions de sa charge d'aumônier et de père spirituel d'un
grand nombre de Novices de la Sainte-Famille.
Rome. — changement du numéro
de la Maison générale.
La municipalité de Rome a changé le numéro de la Mai-
son générale.
Au lieu du n» 2 h, la maison porte maintenant le no 5,
de la Via Vittorino da Fellre.
On voudra bien tenir compte désormais de ce change-
ment d'adresse. Autrement lettres et télégrammes cour-
raient le risque de s'égarer ou de ne parvenir à destination
qu'avec un retard qui peut être considérable pendant les
mois de vacances, notre ancien n» 2 se trouvant aujour-
d'hui donné à une école.
— 256 —
NÉCROLOGIE
Le bon Père Rey.
L'annonce de la mort du R. P. Rej a causé dans toute la Famille
une douloureuse émotion. On ne lira donc pas sans intérêt ni édifi-
cation la belle lettre que la R. P. Thévenon, supérieur du scolasti-
cat de Liège, adressait à Monseigneur le Supérieur général sur le
deuil si sensible qui frappe la maison de Liège et la Congrégation.
Liège, le dimanche 30 avril 191L
Monseigneur et Révérendissime Père,
Hier, samedi soir, la dépouille mortelle du bon P. Rey a
quitté la maison de Liège, pour prendre le chemin de Mar-
seille, nous laissant au regret de perdre, mort, celui que
nous avions été si heureux de garder, vivant. Ce transfert
du corps avait été obtenu et négocié par le P. Mélizan, il
y a quelques années. Nous avons dû nous résigner à ce
départ. — Le P. Aucheron, à qui le R. P. Lémius proposa
d'accompagner le corps, accepta de lui rendre ce ser^'ice et
de nous représenter à Marseille.
Nous pleurons ce cher et vénéré Père, qui était, depuis
plusieurs années, au milieu de nous, comme le vivant
témoin des origines de notre Congrégation, l'enfant aimé
de notre vénéré fondateur, et le modèle des vertus de
l'Oblat. Nous aurions voulu le conserver longtemps encore :
Dieu ne l'a pas voulu. Depuis un an, les facultés mentales
avaient faibli, la mémoire surtout était blessée ; il y a un
mois, il dut cesser de dire la sainte Messe, mais continua
de communier tons les jours à la messe à laquelle il assis-
tait. Les forces physiques se maintenaient dans un état
relativement satisfaisant pour un vieillard de son âge. —
Nous ne pensions donc pas le perdre si tôt, ni si inopi-
nément.
— 257 —
Mercredi, '^tJ avril, comme d'habitude il fît sa promenade
dans le parc ; — à 4 heures de l'après-midi, il prit sa tasse
de lait chaud, et se coucha, se sentant un peu oppressé et
fatigué. Rien ne faisait prévoir un dénouement fatal. Je
priai cependant le frère infirmier de le veiller, pour ôtre
prôt à tout événement possible. A 11 heures du soir, le
[)Ouls s'affaiblit, la respiration devint plus lente et plus
saccadée; — à 11 heures et demie, on vint me chercher;
j'accours pour lui donner une dernière absolution et
l'extrôme-onction .
Hier matin, à 10 heures, nous avons chanté solennelle-
ment les obsèques. Toutes les maisons d'Oblats ou de
Sœurs de la Sainte-Famille de Belgique avaient envoyé un
représentant pour saluer une dernière fois, de leur sympa-
thie, la dépouille vénérée de celui qu'ils avaient tant
estimé et aimé.
Du haut du ciel, où il n'a pas tardé d'aller rejoindre
notre vénéré Fondateur, il priera pour cette Congrégation
qu'il a tant aimée, tant édifiée, et pour laquelle il s'est
dévoué entièrement.
Nous avons fait prendre la photographie du bon P. Rey
sur son lit de mort. — Nous gardons tous ses papiers, qui
pourront peut-être contribuer encore à l'édification de notre
Famille religieuse.
Veuillez, Monseig[neur et Révérendissime Père, bénir
votre Communauté de Liège, et agréer la nouvelle assu-
rance de mon filial et respectueux attachement.
G. Thévknon, O. m. I.
On lit dans I« Bulletin de VŒuvre du Vœu National au S. C. de
Jésus {Montmartre) les lignes saivantes sur la mort du R. P. Rey.
Nous avons la douleur d'apprendre la mort du cher Père
Rey qui fut pendant neuf années consécutives l'Apôtre
— 258 —
ardeul du Sacré-Cœur de Jésus à Montmartre. Il y arriva
au mois de janvier 1876 chargé par le cardinal Guibert, qui
se connaissait en hommes, et avait déjà mis à l'épreuve, à
Saint-Martin de Tours, ses éminentes qualités d'organisa-
teur, d'y créer un puissant mouvement religieux. La tâche
était rude ; Montmartre n'avait pour ainsi dire pas de com-
munications avec le centre de Paris ; la Commune, par
l'assassinat des généraux Lecomte et Clément Thomas,
avait donné un sinistre renom à la colline qui, jadis, avait
joui d'une grande célébrité, grâce à Dieu qui avait fait, de
l'ancienne abbaye de Bénédictines, un centre religieux
renommé en France. C'était la veuve d'un roi qui l'avait
construite, un pape qui en avait consacré l'autel ; tout
Paris au xve siècle y allait en pèlerinage ; la dévotion au
Sacré-Cœur et au Saint et Immaculé Cœur de Marie y avait
été en honneur ; des ordres religieux, des Congrégations, y
avaient reçu l'investiture divine ; mais la Révolution avait
passé, il n'en était pas resté pierre sur pierre ; seule, l'an-
cienne chapelle, devenue l'église paroissiale de Montmartre,
avait résisté à cette destruction satanique, sauvée par une
utilisation passagère et publique ; on avait, en effet, installé
sur la tour un des premiers appareil de télégraphie.
Le Père Rey avait tout à créer, il créa tout. Aidé de trois
prêtres seulement au début, les R. P. Augier, Roux et Yenveux,
tous d'aimable et pieuse mémoire, il se fit à tout et à tous
dans cette chapelle provisoire que le Comité du Vœu Natio-
nal venait de construire au sommet de la Butte, près des
fondations de la Basilique du Sacré-Cœur. Son labeur fut
immense, incessant, au-dessus des forces humaines, mais
quel résultat! Lorsque, en raison de son état d'épuisement,
il dut, en mai 1885, céder la place à un successeur, Mont-
martre était devenu le centre de la dévotion au Sacré-Cœur,
non seulement en France, mais dans le monde entier. On y
venait en pèlerinage de Paris, mais aussi de province,
même de l'Etranger, de l'Amérique. Le mouvement avait
commencé de suite. Ouverte le 3 mars^l876, la chapelle
— 259 —
recevait, le 9 mars, le premier pèlerinage paroissial, celui
lie Saint-Germain l'Auxerrois, le 13 celui de Saint-Pierre
de Montmartre, le 11 celui de Sainte-Clotilde; toutes les
autres paroisses de Paris suivirent dans l'année, plusieurs
vinrent des environs; les diocèses eux-mêmes s'ébranlèrent,
leurs évê(|ue5> en tête ; la première fOte du Sacré-Cœur fut
un triomphe. Il faut avoir vécu à cette époque pour se
rendre compte de l'émotion générale causée alors par le
Vœu National; nos bulletins, avec leurs interminables
listes de souscription, en fournissent la preuve. La première
messe y avait été dite par le cardinal Guibert, la seconde
par l'archevêque de Larisse, depuis cardinal Richard, la
troisième par celui qui, alors promoteur du diocèse, devait
devenir le vénérable Coullié, archevêque de Lyon.
Le mouvement des œuvres marcha de pair avec celui des
pèlerinages ; le 10 mars 187G avait lieu l'érection cano-
nique de la Garde d'Honneur, la même année l'archicon-
l'rérie du Sacré-Cœur de Montmartre était créée ; ce fut
ensuite l'archiconfrérie de la Sainte-Agonie, l'association du
rosaire vivant, l'apostolat de la Prière, l'archiconfrérie
réparatrice des blasphèmes et de la profanation du
dimanche, la communion réparatrice ; en même temps il
développait avec un rare bonheur la Sainte Ligue du Vœu
National, si riche d'indulgences. On le voit, le zèle ardent
du supérieur de la chapelle provisoire et la confiance de
son archevêque, lui permettaient de multiplier les œuvres
de prières. L'œuvre par excellence de réparation nationale
c'est celle de la construction, de l'achèvement de la Basili-
que du Sacré-Cœur; mais Dieu, qui a manifestement
suscité les initiateurs du Vœu National, a, non moins cer-
tainement, inspiré l'œuvre de prière et de pénitence qui, née
à Dijon, est devenue, d'abord, le troisième degré de l'archi-
confrérie du Sacré-Cœur, puis fut érigée en archiconfrérie
séparée ; le R. P. Rey travailla avec ardeur à son dévelop-
pement.
Il apporta également son concours à l'établissement de
— 260 —
l'adoration perpétuelle à Montmartre, manifestement encore
demandée par Notre-Seigneur. Nous avons donné l'histo-
rique de cette œuvre magnifique dans noti'e bulletin de
Propagande d'octobre 1903 et ce serait dépasser les limites
de cet article d'y revenir ici. Disons seulement que le R, P,
Rey eut un grand rôle dans le résultat obtenu après des
alternatives d'essai et de suspension qui firent place à une
organisation définitive. Depuis le 1®' juin 1881, c'est-à-dire
depuis trente ans, nuit et jour, sans interruption, le Saint
Sacrement est exposé et adoré dans la Basilique de Mont-
martre.
L:i dernière œuvre dont le Père Rey fut le promoteur
incontesté fut la confrérie en l'honneur du sacerdoce de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou association de prières
pour les prêtres et les religieux. Il y mit tout son cœur, et
le même « Bulletin » du mois de mai 1885 qui annonce
son départ, en contient l'ordonnance d'érection, datée du
25 mars 1885, en même temps que le règlement.
Il ne nous est pas possible de suivre le Père Rey dans
tous ses actes de 1876 à 1885 ; les habitués survivants de la
chapelle provisoire n'oublieront jamais le religieux au cœur
ardent qui en était l'âme, constamment en chaire, n'en
descendant que pour être remplacé par le R. P. Roux,
auquel il succédait encore dès que la fatigue se faisait
sentir chez ce dernier.
La partie matérielle ne l'intéressait pas moins que la
partie spirituelle, et, avec son cher ami Rohault de Fleury,
tous deux dans une étroite union, rivalisant de zèle, s'ingé-
niant à trouver des ressources pour construire l'église, il
avaient inauguré à Montmartre les concessions de pierres
gravées au nom des donateurs, qui avaient produit à Saint-
Martin de Tours des sommes considérables ; puis ce furent
l«s colonnes, les piliers. « Donner des pierres, disait-il, c'est
« se créer un mémorial pour toujours devant le Seigneur
< qui se souviendra de la pierre qui lui a été offerte. Aimons
• les pierres du Sacré-Cœur, ajoute-t-il, rivalisons de zèle et
— 261 —
* d'ardeur pour l<'s entasser ; travaillons à cette nouvelle
•< tour qui sera la tour de l'union, de l'unité, de la paix.
« Seigneur, vous vous lèverez, et vous aurez pitié de Sion,
« le temps de la miséricorde venu, car vos serviteurs
« aiment les pierres qui doivent former ses murs, s'écriait-il
« avec le Psalmiste ; que les serviteurs du Sacré-Gniur
t aiment les pierres de la future Basilique et le vœu de la
« France repentante sera bientôt accompli ! »
Pour lui aussi le temps de la miséricorde est venu ; après
bien des épreuves, il a reçu du Sacré-Cœur la couronne de
gloire, et a retrouvé au ciel ses amis Legentil et Rohaiilt
de Fleury que son grand cœur avait compris et qu'avec son
ardeur d'apôtre il avait secondés de tout son pouvoir. En
quittant Montmartre, où son souvenir restera impérissable,
il était allé à Notre-Dame de Sion, repos relatif, qui fut
pour lui l'occasion de travailler encore, de créer, de déve-
lopper, tout au moins, l'œuvre des juniorats ; de là il passa
à Pontmain, où, au service de la Sainte Vierge, il donna un
grand essor au pèlerinage. Puis nommé assistant générai
de sa congrégation, il revint à Paris, mais il en fut chassé
bientôt par les lois de proscription et c'est à Liège que, le
2 avril dernier, il a achevé sa longue et belle carrière, belle
au point de vue des résultats et de la gloire de Dieu,
entouré de la vénération générale, pleuré par tous ceux
qui l'ont connu car tous ceux-là l'ont aimé ; il était si bon !
On ne parlait de lui qu'en disant le bon Père liey.
Nous demandons à tous les amis du Sacré-Cœur de prier
pour lui ; il les a tant aimés, les amis du Sacré-Cœur,
qu'ils se feront un devoir de piété et de reconnaissance de
lui rendre son amour en prières qui retomberont sur eux
en bénédictions.
— 262 —
DECRETS DES S. CONGREGATIONS ROMINES
S. Congregatio S. Officii
(Sectio de Indulgemiis).
I. — De absolutione seu Benedictione Papalia
tertiariis accipienda.
DEGRETUM
DIE 15 DECEMBRIS 1^10
{Acta Apostolicœ Sedis. Vol. III, pag. 2^;.)
SSmus D. N. Plus divina Providentia PP. X, in Au-
dientia R. P. D. Adsessori S. Officii impertita, preces a
nonnullis Tertiariorum Sodalitatum Moderatoiibus pluries
porrectas, bénigne excipiens. quo facilius Tertiarii ex
utroque sexu, cujuscumque Ordinis, iis non exceptis, qui
vitam communem agunt. diebus statutis generalem Abso-
lutionem seu Papalem Benedictionem recipere valeant,
clementer induisit, ut. quoties ipsi ad huno finem una
simul convenerint. et Sacerdos, cujus est illam impertiri.
quacumque ex causa, abfuerit, eamdem Absolutionem seu
Benedictionem accipere possint a quolibet Sacerdote. sivo
ScLCulari, sive regulari. qui ad sacramentales confessiones
audiendas sit approbatus. Pru'senti in perpetuum valituro.
< '.ontrariis quibuscumque non obstantibus.
Aloisius Giambexe.
L. 7 S. SnbstilutKS pro Indulgent iis.
263
II. — De metallico Numismate pro lubitu fidelium
Sacris Scapularibus ex panno sufficiendo.
DECRETUM
{Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 22.)
Gum sacra, quu' vocant, scapularia ad fidelium devo-
tionem fovendam sanctiorisque vilîe proposita in eis exci-
tanda maxime conferre compertum sit, ut pius eis nomen
dandi mos in dies magis invalescat, SSmus D. N. D. Piua
divina providentia PP. X. etsi vehementer exoptet ut
eadeni, quo hucusque modo consueverunt, fidèles déferre
prosequantur, plurium tamen ad Se delatis votis ex anime
obsecundans, prinhabito Emorum Patrum Cardinalium In-
quisitorum Generalium suffragio, in Audientia R. P. D. Ad-
sessori hujus Supremte Sacrse Gongregationis Sancti Officii,
die 16 Decembris anni currentis, impertita, bénigne decer-
nere dignatus est :
Omnibus fldelibus, tam uni quam pluribus veri nominis
atque a Sancta Sede probatis scapularibus (exceptis qu.e
Tertiorum Ordinum sunt propria), per regularem. ut ajunt.
impositionem jam adscriptis aut in posterum adscribendis,
licere posthac pro ipsis, sive uno sive pluribus, scapula-
ribus ex panno, unicum numisma ex métallo seu ad collum
seu aliter, décanter tamen super propriam personam, dé-
ferre, quo, servatis propriis cujusque eorum legibus, favores
omnes spirituales {sabbatino, quod dicunt, scapularis
B. M. V. de Monte Garmelo privilegio non excepto)
omnesque indulgentias singulis adnexas participare ac
lucrari possiut ac valeant ;
Hujus numismatis partem rectam, SSmi D. N. J. G. suum
sacratissimum Gor ostendentis, aversam, Beatissimae Vir-
ginis Mariai effigiem referre debere ;
Idem benedictum esse oportere tôt distinctis benedictio-
nibus quot sunt scapularia regulariter imposita, queis, pro
lubitu petentium, suffici velit ;
Singulas bas, demum, benedictiones impertiri posse
unico crucis signo, vel in ipso adscriptionis actu, statim
post absolutam regularem scapularia impositionem. vel
— 264 —
etiam serius, pro petentium opportunitale, non interest an
servato vel non diversarum adscriptionum ordine, nec
quanto post temporis ab ipsis, a quovis Sacerdote, etiam
ab adscribente dislincto, qui respectiva scapularia benedi-
cendi sive ordinaria sive delegata facultate polleat, fîrmis
celeroquin primitivae facultatis limitibus, clausulis et con-
(litionibus.
Gonlrariis quibuscumque, etiam specialissima mentione
dignis, non obstantibus.
Datum Romse, ex ^dibus S. Ofiicii, die 16 Decembris lôlO.
Aloisius Giambene,
L. f S. Substitiitus pro Indulgenliis.
III. — Ad Deci^etum Supremee Sacrœ Congregationis S. Officii
de metallico Numismate Sacris Scapularibus sulficiendo.
DEGLARATIONES
{Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 24.)
Girca numismata hucusque ad finem, de quo supra, be-
nedicta, et circa facultatem ea benedicendi a SSmo Dno
nostro, directe, vel per aliquod S. Sedis OfJâcium, aut aliter
quomodolibet jam concessam Idem SSmus mentem Suam
aperuit, et quœ sequuntur adamussim servanda mandavit :
1. Numismata a facultatem habentibus rite jam bene-
dicta, etiam in posterum scapularium loco gestari poterunt,
eo modo et sub iis conditionibus, quibus constitit factam
esse potestatem ;
2. Sacerdotes omnes, saeculares vel regulares, etiam
«onspicua fulgentes dignitate, ne amplius numismata sic
benedicendi utantur facultate, quinquennio ab illa obtenta
transacto. Poterunt interea, etiamsi scapularia respective
benedicendi non poUeant facultate, numismata ubilibet
benedicere ; ea tamen lege, ut sive quod ad statutas eoruni
attinet imagines, sive quod ceteras, respicit conditiones,
prsescriptionibus in supra relato Decreto contentis omnino
se conforment ;
3. Qui porro subdelegandi praediti erant facultate, hac
— 265 —
ipsa Decreti et Declarationum promultjjalione, se illa nove-
vint excidisse ; satis enim peridem Decretum jani spirituali
licielium enioluraenlo provisum est.
Datum Roma', ex ^Edibus S. Offlcii, die 16 Decembris 1910,
Aloisius Giambene,
L. •{• S. Subslitutus pro Indulgenliis.
IV. — De utili teniporis spatio ad visitationem
ecclesiae vel oratorii iastituendam, pro iDdulgentiis lucrandis.
{Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 64.)
DIE 26 JANUARII 1911
SSmus Dnus noster D. Pius divina Providentia PP. X,
in audientia R. P. D. Adsessori S. O. impertita, ut dubiis,
difficultatibus et controversiis occurratur, quse sœpe exorta
sunt, ac forsitan et deinceps oriri possent, circa temporis
dpterminationem, quo ecclesia? vel oratorii visitatio institui
valet, quum hiec requiritur ad Indulgentias lucrandas
alicui diei adnexas, bénigne concessit, ut utile ad id terapus
habealur et sit. non modo a média ad mediam noctem
conslituti diei, verum etiam a meridie diei prsecedentis.
Hoc autem declaravit fore valiturum, tam pro Indulgenliis
plenariis quam pro partialibus, semel in die aut tolies
quoties adquireiidis, usque ad hune diem concessis vel in
posterum concedendis, quacumque demum sub loquutione
tempus sive dies designetur. Sartis tectis manentibus de
cetero clausulis et conditionibus, in singulis quibuslibet
concessionibus appositis. Contrariis quibuscumque, etiam
specialissima et singulari raentione dignis, nonobstantibus.
Aloisius Giambene,
L. f S. Substitutus pro Indulgentiis.
S. Gongregatio Consistorialis.
DECRETUM
De vetita clericis temporali administratione.
(Acta Ap. Sedis, Vol. II, pag. 910.)
Docente Apostolo Paulo, 7iemo milUans Deo implicat se
negotiis sœcularibus (II Tim., ii, 4), constans Ecclesise
— 266 —
disciplina et sacra lex hœc seniper est habita, ne clerici
profana negotia gerenda susciperent, nisi in quibusdam
peeuliaribus et extraordinariis adjunctis et ex légitima
venia. « Cum enim a sœculi reluis in altiorem sublati locum
« conspiciantur «, ut habet SS. Tridentinum Goncilium
Sess. XXII, cap. I de réf., oportet ut diligentissime servent
inter alla quse « de swcularibus uefiotiis fugiendis copiose
<i et salubriter sancita fuerunt ».
Cum vero nostris diebus quamplurima, Deo favente, in
Christiana republica instituta sint opéra in temporale fide-
lium auxilium, in primisque arcae nummariœ, mensœ
argentariœ, rurales, parsimoniales, hoec quidem opéra
magnopere probanda sunt clero, ab eoque fovenda ; non
ita tamen ut ipsum a sua^ conditionis ac dignitatis officiis
abducant, terrenis negotiationibus implicent, soUicitudi-
nibus, studiis, periculis qute his rébus semper inhserent
obnoxium faciant.
Ouapropter SSmus Dominus noster Plus PP. X, dum
hortatnr quidem prœcipitque ut clerus in hisce institutis
condendis, tuendis augendisque operam et consilium im-
pendat, praesenti decreto prohibet omnino ne sacri ordinis
viri, sive sœculares sive regulares, raunia illa exercenda
suscipiant retineantve suscepta, quœ administrationis
curas, obligationes in se recepta pericula secumferant.
qualia sunt officia prsesidis. moderatoris, a secretis, arcarii,
horumque similium. Statuit itaque ac decernit SSmus Do-
minus Noster, ut clerici omnes quicumque in prœsene his
in muneribus versantur, infra quatuor menses ab hoc
edito decreto nuntium illis mittant, utque in posterum
nemo e clero quodvis id genus rnunus suscipere atque
exercere queat, nisi ante ab Apostolica Sede peculiarem ad
id licentiam sit consequutus. Gontrariis non obstantibus
quibuslibet.
Datum Romae ex -.îldibus Sacrae Gongregationis Goneis-
torialis, die 18 mensis Novembris anno 1910.
G. Gard. De Lai, Secretarius.
L. i S. S. Tecchi, Adsessor..
— 267 —
S. Congregatio de Religiosis,
Decretnm de Religiosis, servitio militari adstrictis.
(Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 37.)
Inter reliquas difficultates, quibus premitur Ecclesia
Chrisli nostris temporibus, ea quoque recensenda lex est,
qua ad militiam adiguntur etiam juvenes, qui in religiosis
Familiis Deo famulantur.
Neino sane non videt, quantum detrimenti ex hac infaustii
]ege provenire possit, quum juvenibus, tura ipsis Sodalita-
libus. Dum enim militi;e vacant religiosi tyrones, facile
vitiis maculari possunt, quibus infecti, vel, neglectis, quœ
emiserant, votis, ad sœcularia remigrabunt, vel quod longe
pejus est, religiosam répètent domum, cum periculo alios
contaminandi.
Ad ha^c igitur prœcavenda mala, Sacra Congregatio,
Negotiis Religiosorum Sodaliuni prîeposita, in Plenario
Gœtu Emorum Patrum Gardinalium, die 26 mensis Au-
gusti 1910 ad Vaticanum coadunato, sequentia decrevit :
I. In Ordinibus Regularibus, in quibus vota solemnia
emittuntur, juvenes, quos exemptos esse certo non constet
a servitio militari activo, scilicet ab eo servitio, quod ipsi
primitus ad militiam vocati ad unum vel plures annos
praestare debent, admitti nequeunt ad Sacros Ordines vel
ad solemnem professionem, quousque non peregerint ser-
vitium militare et, hoc expleto, saltem per annum, juxta
infra dicenda, in votis simplicibus permanserint, servato
quoad Laicos decreto Sacrosancta Bei Ecclesia, hac eadem
die edito.
II. In Institutis votorum simplicium juvenes de quibus
in articule pra^cedenti, ad vota dumtaxat temporaria admitti
poterunt usque ad tempus railitaris servitii : nec illis, dum
militi» operam dant, professionem renovare liceat. — A
militari servitio dimissi cum fuerint, professionem iterum,
saltem ad annum, emittent, anlequam professionis per-
pétuas vinculo se obstringant.
III. — Gaveant autem juvenes militise servientes, ne
— 268 —
sancfœ vocationis donum amittant ac ea sempcr modestia
et cautela conversentur, quœ decet Religiosos viros. Qua-
lïiobrem a locis et conventiculis suspectis abhorreant, a
th^atris, choxeis aliisque spectaculis piiblicis abstineanl;
malorum commercium, lubricas conversationes, res a reli-
gione absonas, viros doctrinas suspectas profitentes, lec-
tiones moribus aiit fidei a S. Sedis dictatis contrarias
ceteraque peccandi pericula évitent ; ecclesias, sacramenta,
quantum eis liceat, frequentare non omittant; circulos seu
cœtus catholicos ad animi recreationem et instructionem
adeant.
IV. Ubicumque eorum statio ponatur, si ibi domus suœ
Religionis aut Instituti hebeatur, eam fréquentent et sub
Superioris immediata vigilantia sint. — Si vero domus
praedicta non adsit, vel eam commode frequentare nequeant,
sacerdotem ab Episcopo designatum adeant, ejiis consiliis
et consuetudine utantur, ut quando eamdem stationem
deserere oporteat, testimonium in scriptis de observantia
eorum omnium, quse in articulo prœcedenti praîscripta
sunt, ab eodem accipere valeant. — Quodsi sacerdos ab
Episcopo designatus non habeatur, ipsi sibi eligant pru-
dentem sacerdotem, statim indicandum Superioribus suis,
qui ab Ordinario de moribus, doctrina et prudentia ejusdem
sibi notitias comparabunt. Prœterea, epistolarum commer-
cium instituant ac, quantum fieri potest, sedulo perse-
quantur cum suo respectivo Superiore aliove religioso seu
sodali sui Instituti ad id designato, quem certiorem faciant
de suae vitœ ratione et conditione, de singulis mutationibus
suœ stationis et prresertim illi notificent nomen et domi-
cilium illius sacerdotis, cujus consuetudine et directione
utuntur, ut supra prsescriptum est.
V. Superiores Générales aut Provinciales etiam locales,
juxta uniuscujusque Instituti morem, per se vel delegatum
sodalem (qui sacerdotali ordine sit insignitus in clericalibus
Institutis) de vita, moribus et conversatione alumnorum,
perdurante militari servitio, inquirere omnino teneantur,
opéra praîcipue sacerdotis vel sacerdotum, de quibus supra,
per sécrétas epistolas, si opus sit, ut certiores fiant, an ii
rectam fidei et morum viam eervaverint, cautelas supra
— 260 —
piM'Sci'iptas observaverint et diviniii vocation! se fidèles
pnebueriiit, graviter onerata eorum conscientia.
VI. Cum a militari servitio active définitive dimissi
fuerint. recto tramite ad suas quisque reli{,àosas domus re-
meare teneatur, ibique, sicerto constet de eorum bona con-
versatione, ut in articulo pnocedcnti dictum est, prœmissis
aliquot diebus sanctse recollectionis, qui Institutis volorum
simplicium addicti sunt, ad renovandam professionem
temporariam admittantur; in Ordinibus vero Regularibus,
inter juniores clericos seu professos, aut saltem in domo.
ubi perfecta vigeat regularis observantia, sub speciali vigi-
lantia et directione religiosi, pietate et prudentia commen-
dabilis, qui in Institutis clericalibus sacerdos esse débet,
collocentur. In eo statu integrum tempus (quod minus anno
esse non poterit juxta dicta in articulis I et II) ad tramitem
Apostolicarum Pritscriptionum et propriae Religiosag Fa-
miliae Gonstitutionum prsemittendum votis solemnibus vel
perpetuis, complere debent, ita tamen, ut computotur qui-
dem lempus in votis simplicibus vel temporaneis transactum
a prima votorum emissione usque ad discessum a domo
religiosa, servitii militaris causa ; non vero quod militia?
datuni fuit.
Vil. Eo tempore, studiis et regulari observantiœ dent
♦operam ; Superiores autem immediati ac sodales juniorum
direclioni praîpositi eos diligentissime considèrent, eorum
mores, vitte fervorem, placita, doctrinas, perse verandi
studium perscrutentur, ut de eis ante ultimam professionem
majoribus Superioribus rationem sub fide juramenti reddere
valeant.
VIII. Si qui. perdurante militari servitio vel eo fînito.
antequam ad professionem solemnem aut perpetuam admit-
tantur, dubia perseverantiœ signa dederint, vel prescriptis
cautelis militiae tempore non obtemperaverint, aut a morum
vel fidei puritate deflexerint, a Superiore Generali de con-
sensu suorum Consiliariorum seu Deûnitorum diraittanlur.
eorumque vota ipso dimissionis actu soluta habeantur. —
Quodsi ipsi juvenes a votorum vinculo se relaxari desi-
derent aut sponte pétant, facultas fit Superioribus prœdictis,
tamquam Apostolicae Sedis delegatis, vota solvendi, si
— 2;o —
agatur de Institutis clericalibus : si vero res sit de Institutis
laicoruin, vota soluta censeantur per litteras Superiorum,
quibus licentia eis fit ad sttculum redeundi.
IX. Hisce prœscriptis teneantur etiam ecclesiastica; Socie-
tates quse, licet non utantur votis, neque solemnibus Lieque
^implicibus, habent tamen simplices promissiones, quibus
earum alumni ipsis Societatibus adstringuntur.
X. Si quid novi in hoc Decreto non prœvisum, vel si
quid dubii in ipsius intelligentia occurrerit, ad banc S. Gon-
gregationem in singulis casibus recurratur.
Quse omnia Sanctissimus Dominus Noster Pius Papa X,
referente Subsecretario, rata babere et confirmare dignatus
est, die 27 ejusdem mensis Augusti 1910. Contrariis non
obstantibus quibuscumque.
Datum Romîe, ex Secretaria Sacrœ Congregationis de
Religiosis, die 1 Januarii 1911.
Fr. J. G. Card. Vives, Prcefeclt/s.
L. f S. -^ DoNATus Archiep. Epbesinua,
Secretarius.
Sacra Gongregatio de Sacramentis.
Instructio ad ordinarios
cii'ca statum liberum ac denunciationem initi matrimonii.
(Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 102.)
Perlatum haud semel est ad banc S. Congregationem de
disciplina Sacramentoram, in quibusdam regionibus pa-
rochos matrimoniis adsistere, praîserlim advenarum, non
comprobato rite ac légitime statu libero contrahenlium,
ejusque rei causa non defuisse qui altéras nuptias attentare
sint ausi.
Haud pauci prseterea Ordinarii conquesti sunt, initorum
notitiam connubiorum, quse vi decreti : Ne temere, editi a
S. G. Goncilii die 2 mensis Augusti anno 1907 (1), ti*ans-
mittenda est ad paroclium baptismi conjugum, sa^pe omm
lidei testimonio esse destitutam debitisque indiciis carere
(Il Vide Ac'a Poriti/icia, Vol. V, pag. 335.
— 27i —
Ad hœc incommoda removenda Emi Patres hujus S. Con-
gregationis in generali conventu habite in Éedibus Vaticanis
die 7 mensis Februarii 1911, pra}scribenda censuerunt ea
q\ix sequuntur :
I. In memoriam redigatur parochorum haud licere ipsis
adesse matrimonio, nisi constito sibi légitime de iibero
stafu contrahentiuni , servatis de jure servandis (Gfr.
Decr. Xe tcmere, n. V, § 2) ; iidemque prsesertim moneantur
ne omittant baptismi tostimonium a contrahentibiis exi-
Ljere, si hic alia in parœcia fuerit illis collatus.
IL Ut autem qua? n. IX, § 2 memorati Decreti pnescripta
sunt rite serventur, celebrati matrimonii denuntiatio, ad
l»aptismi parochum transmittenda, conjiigum eorumque
parentum nomina et agnomina descripta secumferat, ceta-
lem contrahentium, loeum diemque nuptiarum, testiuui
qui interfuerunt nomina et agnomina, habeatque parochi
subscriptum nomen cuni adjecto iiarocliiali sigillo. In-
scriptio autem accurata indicet paroeciam, diœcesim, oppi-
dum seu locum baptismi conjugum, et ea quai ad scripta
per publicos portitores tuto transmittenda pertinent.
III. Si forte accidat ut, adhihitis etiam cautelis, de
quibus u. I. baptismi parochus, in recipienda denuntia-
tione matrimonii comperiat alterutrum coatrahenlium
aliis nuptiis jam esse aliigatum, rem quantocius signiti-
cabit parocho attentati matrimonii.
IV. Ordinarii sedulo advigilent ut htec pnescripta reli-
giose serventur, et transgressores, si quos invenerint,
curent ad officium revocare, adhibitis etiam, ubi sit opus,
canonicis pœnis.
Ex .îldibus ejusdem S. G. die VI Martii MCMXI.
D. Gard. Ferrat.\. Prœfectus.
L. f S. Ph. Ltiustixi, Secrelarius.
Bar-la-Dus. — hnpr. Saittt-Paul. — 45»5.t),li.
Xl^
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IM:MACULÉE
N" 195. — Septembre 1911.
PROVINCE DU MIDI
I. Rapport sur la Maison de Santa Maria a Vico.
Par le R. P. Blanc, supérieur.
\Smie 1.)
Ayant terrainé le rapport sur nos occupations à l'église,
je passe à un autre genre d'œuvres : les œuvres d'éducation.
Et d'abord le Juniorat.
C'est notre œuvre de prédilection. Malheureusement, elle
rencontre des diflicultés de plus d'un genre. D'abord, le
manque de ressources. L'œuvre doit vivre par elle-même.
Les tristes événements de ces dernières années n'ont plus
permis à la province de nous venir en aide. Nous devons
être inflexibles au sujet de la pension. Ce n'est qu'autant
(1) Voir 3/W5ÎOHS juin 1911, p. 149.
18
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qu'elle est assurée entièrement par la famille ou par quel-
que rare bienfaiteur que l'enfant peut être admis. Impos-
sible que la maison se soutienne sans cette précaution.
Une autre difficulté, c'est que notre Conjjrégation n'est
pas encore assez connue dans ces régions. Il nous manque
une escouade de vaillants missionnaires qui, rayonnant
dans les provinces environnantes, nous recruteraient de
bonnes et solides vocations. Le peu d'expérience que nous
eu avons fait suffit pour nous en convaincre. Les quelques
ti-avaux. que nous avons donnés l'année dernière, nous ont
amené un bon nombre d'enfants de tout point excellents.
Or, ce qui s'est fait en un endroit se renouvellerait certaine-
ment ailleurs. Puisse la Providence nous venir en aide, et
»ou8 permettre au plus tôt de former un bon noyau de
missionnaires. C'est le vœu que nous faisons depuis long-
temps, bien conforme, celui-là, à l'esprit de notre vocation.
Tel qu'il est toutefois, le juniorat n'est pas sans nous
donner des consolations. C'est toujours le « pusillus grex •,
c'est vrai, mais l'esiDrit en est excellent. C'est l'aveu de tous
le» Pères.
D'ailleurs, pour me convaincre que l'œuvre du juniorat
iî'-à pas été inutile, je n'ai qu'à regarder autour de moi. La
plupart des Pères de la maison en sont sortis.
N'oublions pas que nous avons affaire à des enfants, et
si la légèreté est le propre de cet iige, ici plus que partout
ailleurs, les qualités d'imagination et de sensibilité sont
vives, mai» la constance est une vertu qui ne se développe
qu'avec les ans. Ce n'est qu'avec de la patience, des efforts
continus, une méthode suivie, j'allais dire des traditions
étai.)lies et respectées, que l'on peut arriver à des résultat*
sérieux.
Vient ensuite le collège. C'est l'œuvre, je l'ai dit, que nou»
a léguée Mgr Migliore.
Cette œuvre, elle aussi, rencontre d-î sérieuses difficultés.
— 275 —
Mais ici comme ailleurs, le grand ennemi, c'est l'esprit
d'irréligion qui règne dans les hautes sphères gouverne-
mentales. La jeunesse, c'est l'avenir. Et c'est pourquoi elle
est le champ de bataille où se livrent les plus ardents coiu-
liats. L'état atht'-e et frdnc-mai;on fait tous ses ottorts pour
s'emparer des jeunes intelligences et pour les former à sa
guise. C'est ce qui nous encourage à la lutte, persuadés
qu'en faisant un peu de bien à la jeunesse à l'heure
actuelle, nous faisons une œuvre éminemment utile h la
société et à rrOi,dise. Les enfants sont actuellement 38 sans
compter les externns, mais les progrès que nous réalisons
chaque année nous permettent d'espérer que nous augmen-
terons encore notre nombre.
Leur esprit est en général très bon. Ils sont légers, c'est
leur âge, mais les sacrements sont très fréquentés; j'ai éta-
bli parmi eux la communion réparatrice qu'ils font tour à
tour très régulièrement. Un sermon tous les dimanches et
jours de têtes ne contribue pas peu à maintenir le bon esprit
et l'esprit de piété.
Le niveau des études est généralement satisfaisant. La
preuve en est dans les résultats que nous obtenons aux
examens, passés devant les professeurs des collèges de
l'Etat. Cette année-ci, j'ai la consolation de dire que tous
ceu.x que nous avons présentés, au nombre de vingt, ont
été approuvés.
Cest le R. P. Drago Joseph qui est le directeur de cette
œuvre. Le titre de docteur ès-lettres, qu'il a lui aussi con-
quis avec grand honneur à l'université de La Sapience, ses
aptitudes pédagogiques le désignaient tout naturellement i
ce poste. Il s'y donne avec beaucoup de dévouement. Je ne
doute pas que sous sa sage direction, le Collèj^e ne prospère
de plus en plus.
Mais on me permettra ici de signaler un desideratum. Il
est nécessaire que d'autres Pères suivent son exemple. Si
l'on veut faire ce genre d'œuvies, il est indispensable que
des Pères prennent leurs grades académiques. On ne peut
— 276 —
indéfiniment recourir à des professeurs étrangers à la Con-
grégation. Nous y perdons du prestige, et nous sommes
mal servis. Si l'on ne voulait point entrer dans cette voie,
il serait mieux de renoncer franchement à des œuvres de
cette nature.
Voilà, mon Révérend et bien cher Père, nos occupations
à Santa Maria a Vico. L'Eglise, le Juniorat, le Collège, le
• Ricreatorio i^ c'est le champ que le Père de famille nous
a donné à cultiver. Inutile de vous dire que tous, nous y
trouvons notre part de travail. La communauté comprend
douze Pères, mais, je puis l'affirmer en connaissance de
cause, nous ne sommes que le nombre strictement néces-
saire, et si avec le temps, le nombre de nos enfants s'ac-
croît, comme nous l'espérons, et d'autres cours sont établis,
il faudra aussi que croisse notre nombre. Souvent, j'ai
entendu des Pères se récrier et dire : Mais on est trop nom-
breux à Santa Maria a Vico. Ce qui me console, c'est que
je n'ai jamais entendu prononcer cette parole par quel-
qu'un qui avait passé seulement huit Jours à Santa Maria
a Vico.
Il est un autre genre d'œuvres dont je voudrais pouvoir
vous parler longuement : les œuvres de prédication. Je l'ai
déjà dit : les Pères manquent qui puissent être consacrés
exclusivement à ce ministère, et nous ne sommes pas suffi-
samment connus. De plus, nous trouvons la place forte-
ment occupée par des missionnaires qui, il faut le dire, sont
à la hauteur de leur tâche. Je ne nommerai que les Pères
Passionnistcs et les Pères Rédemptoristes. Néanmoins, le
peu que nous avons fait en ce genre nous permet d'espérer
que, avec le temps, nous pourrions nous-mêmes faire notre
trouée le jour où nous aurions les Pères disponibles.
L'année dernière, divers travaux ont été donnés, et ils
ont été consolants. Une mission de trois semaines fut
d'abord préchée à Matrice , province de Campobaeso ,
— 277 —
paroisse de l.'20O âmes, par trois de nos Péros. Le R. P.
Stelanini qui était venu chez nous prêcher la retraite à nos
enfants et la neuvaine de l'Immaculée Conception dans
notre église consentit à en prendre la direction. Ce fut une
véritable fortune pour la maison, car ce qui nous manque,
c'est justement un Père missionnaire ancien, connaissant à
fond la méthode que prescrivent nos saintes Règles, et pou-
vant pratiquement l'enseigner par l'exemple. A ce point
de vue, la venue du P. Stefanini tut vraiment providen-
tielle. Deux Pères de la maison, les RR. PP. Di Giovine et
Centurioni partirent sous sa conduite. La mission réussit à
merveille. Au dire du P. Stefanini lui-môme, c'est une des
plus touchantes qu'il ait jamais prêchées. A peine une cin-
quantaine de personnes résistèrent à la grâce, tandis que
des pécheurs qui, depuis 10, 15 et 30 ans ne se confessaient
plus, reprirent le chemin de l'église et la pratique des
sacrements. La population fit aux Pères le jour de leur
départ une ovation enthousiaste. Malgré l'heure matinale,
4 heures du matin, elle se trouva toute sur pied pour saluer
les Pères une dernière fois et les accompagner à la gare. Le
P. Stefanini qui voulut lui adresser la parole ne put maî-
triser son émotion et dut se contenter de bénir cette foule
qui éclata elle-même en sanglots. Ce qui prouve que vrai-
ment on a été content de nos missionnaires, c'est qu'on les
a rappelés, depuis, plusieurs fois.
A peine les Pères étaient de retour, qu'un carême me fut
demandé pour Gasalnuova MonterotarO, province de Foggia,
paroisse de 6.000 âmes. Le P. Centurioni, à peu près le seul
que ses occupations n'enchaînent pas de façon continue à
la maison, fut désigné. Il sut par son entrain, son ardeur
infatigable, son esprit d'initiative, donner à ce carême une
allure de véritable mission. Son auditoire fut vite formé, et
tous les soirs pendant le carême, 1.500 à 2.000 personnes
venaient entendre son sermon qui durait à la manière ita-
henne ^j d'heure et quelquefois plus. Les dernières semaines,
les places se trouvaient prises longtemps à l'avance; on fut
— 278 —
même obligé d'enlever les chaises pour permettre à l'église
de contenir plus de monde. On avait lompté à la dernière
mission, prèchée en 1900, que GOO hommes à peu près
avaient pu se confesser. On compta pendant ce carême que
quelque 150 seulement ne firent point leurs Pâ^pies sur les
2.500 ou 3.000 que comprenait la paroisse. On peut juger
par là du travail énorme de contessions auquel dut vaquer
le Père. Seule, sa santé de fer lui permit d'observer ji;sqn'à
la fin le règlement que les circonstances lui imposaient : le
matin, après la messe, confessions jusqu'à midi, et cela dès
les premiers jours du carême, l'après-midi, catéchisme et
chant des eulants, le soir sermon, et souvent encore confes-
sions jusqu'à une heure avancée de la nuit. La dernière
semaine, je dus lui envoyer un Père pour l'aider ;'. cnnîes-
ser. Et c'est alors, médit ce Père, que je connus ces séances
interminables de confessional qui duraient de 6 heures à
midi et de 3 heures à 11 h. ^ô du soir. Les retours furent
nombreux et très consolants. Il y eut même ceci de remar-
quable dans cette localité que la généralité des confessions
étaient des retours. Gomment s'explique ce fait? Hélas! le
peuple a la foi, mais les raisons sont multiples et pas tou-
jours faciles î\ dire qui l'empêchent de la pratiquer. A c-e
point de vue, ce carême lit un bien immense.
Ici encore, le Père a été rappelé plusieurs fois pour
divers travaux, ce qui prouve qu"il y a laissé une empreinte
durable.
Un autre résultat, très avantageux pour la maison, et qui
montre ce que nous pourrions gagner à ce genre de travaux,
a été la venue de plusieurs Gonvittori de ce pays-là, et sur-
tout d'une escouade de huit petits junioristes, qui nous don-
nent jusqu'ici pleine satisfaction.
Deux autres carêmes ont été prêches à Marseille, à la
chapelle des Italiens, en 1909 par le R. Père Di '.riovine, et
en 1910 par le R. P. Nanni. Le R. P. Oallo a bien voulu
donner celte marque de confiance à la maison en appelant
deux fois de suite un des n(Mres pour ce travail. Qu'il en
— 279 —
soit vivement remercié! Je prolite de l'uccasion ponr 'e
remercier aussi (le toute la bienveillance qu'il porte à la.
maison de Sanfn Maria a Vico, et qu'il nous témoigne en
toutes circonstances. II y a trois ans. il a dai^^j'iié venir prê-
cher la retraite à la Communauté. Il nous a tous profondé-
ment édifiés par sa parole simple, paternelle, pleine d'onc-
tion et de charité. Que Dieu garde longtemps encore à notre
famille religieuse ce bon et vénéré patriarche, témoin des
temps anciens.
Si vous ajoutez à la liste de ces travaux un certain
nombre d'autres prédications faites un peu partout et sur-
tout dans les environs : un mois du Sacré-Cœur à Rome
dans l'église de Sainte-Bibiane , une neuvaine à Acerra,
-quelques triduums et plusieurs sermons de circonstance,
vous aurez à peu près une idée exacte do notre bilan apos-
tolique.
Nous faisons des vœux très ardents pour que la divine
Providence vienne à noire secours et nous permette de nous
livrer dans une plus large mesure au beau et fécond minis-
tère des missions.
Et maintenant, vous dirai-j<? un mot des aménagement'^
ou des améliorations apportés à notre séjour en ces derniércfS
années?
Je dois mentionner d'abord l'achat d'un jardin attenant à
la maison. Il avait fait souvent l'objet de nos convoitises,
f/était l'ancien jardin du couvent, une superbe propriété de
79 ares, s'étendant sur les côtés ouest et sul de l'édifie*.
Nous ne pouvions le laisser aller en d'autres mains. Mal-
heureusement, nous n'avons pu l'avoir en son entier. Il a
fallu arriver à composition. !Mais enfin le 29 juillet 1909,
après des démarches et des pourparlers infinis, nous signions
l'acte qui nous rendait propriétaires de la partie qui touche
la maison, une bande de terrain de 35 à iO iiittres de large
sur iX) mètres de long. Elle nous suffit amplement pour
•éloigner de nous «'[es voisins indiscrets. Elle nous doci,e
aussi abondamment fruits et légumes. C'est à la générosité
— 280 —
d'un bienfaiteur insigne que nous devons ce cadeau. Dirai-
je ou tairai-je son nom ? Secretum rcgis abscondere
bonum est, opéra autem Dei revclare honorificum. C'est
certainement une œuvre du bon Dieu que le Père a faite
dans la circonstance. Je le nommerai donc : c'est le R. P.
Célestin Augier. Etant venu il y a deux ans nous prêcher,
lui aussi, lu retraite, il daigna témoigner à la maison une
bienveillance au-dessus de nos mérites, et il voulut nous
laisser un souvenir de son passage parmi nous : il choisit le
jardin. Qu'il en soit affectueusement remercié!
Un autre avantage, très précieux à tous les points de vue,
a été l'introduction de l'eau du Serino dans la maison, l'eau
célèbre et extrêmement salubre qui alimente la ville de
Naples. C'était auparavant la bonne vieille « cisterne » des
Dominicains qui étanchait notre soif. Elle s'acquittait assez
bien de ce devoir : l'eau était suffisamment saine et très
fraîche en été, INIais quel travail pour la mettre à la portée
de nos lèvres, surtout pour l'élever jusqu'à l'étage supérieur
de la maison! Les bras de nos bons Frères convers en
savent quelque chose. Un beau jour, nous avions voulu
avoir mieux : une pompe était venue remplacer le seau
traditionnel. Système trop primitif encore! Elle était à bras,
et elle ne répondit pas à notre attente, surtout à l'attente
de notre cher F. Steck qui avait fait de cette pompe son
rêve et sa chose. Il n'avait pas hésité à entreprendre un
voyage en Allemagne et à se faire quêteur pour ce noble
objet qui devait rendre de si grands services à sa commu-
nauté. Dieu exauça ses vœux et sa bonne volonté, mais
d'une autre manière. La pompe fut vieille en peu de temps.
Elle fut mise à la retraite. Et une installation eu règle de
l'eau du Sérino nous permet d'avoir aux quatre coins de la
maison, sans fatigue aucune, une eau excellente.
Un premier bénéfice que nous avons retiré aussitôt de
cette innovation a été une amélioration notable des cal^i-
nets de la maison. Un système plus moderne est venu rem-
placer celui qui existait; et si j'ajoute qu'une disposition
— 281 —
mieux connue de ces locaux en rend l'aération beaucoup
plus facile, vous comprendrez sans peine le réel progrès qui
en est résulté.
Uu autre travail, non encore terminé, absorbe actuelle-
ment les petites économies de notre budget. Déjà l'année
dernière, la place disponible pour nos enfants était entière-
ment occupée. Il fallait songer à augmenter notre espace.
De plus, la chapelle de la communauté, qui sert également
aux enfants, répond mal à son but. Elle est humide, mal
éclairée, très froide en hiver, trop exposée aux bruits de la
porte. Une autre chapelle s'imposait. Il existait dans la
maison un vieux local abandonné, l'ancien réfectoire des
Dominicains, vaste pièce de 8 m. % de large sur 25 mètres
de long. Malheureusement, le tremblement de terre de 1805
avait nécessité la construction de trois gros piliers qui la
divisaient en deux et en rompaient l'harmonie. On ne pou-
vait songer à la rétablir dans son état primitif. Nous
l'avons divisée dans le sens de la longueur, et nous y fai-
sons d'un côté un dortoir, et de l'autre la chapelle dont
nous avons besoin. Au dire de tous, elle sera bien mieux
conditionnée que la précédente. Elle sera plus grande,
mieux éclairée, plus recueillie. Nous serons nous-mêmes
plus encouragés à l'embellir, et à en faire vraiment une
chapelle de maison d'éducation invitant à la prière, habi-
tuant nos enfants au respect et à l'amour de Jésus dans
l'Eucharistie.
C'est en faisant ces travaux que nous nous sommes
aperçus d'un autre besoin beaucoup plus urgent et que
nous étions loin de soupçonner. Un des piliers dont j'ai
parlé avait fléchi, il ne supportait plus la voftte, très endom-
magée à cet endroit, qu'il était destiné à soutenir. Une
catastrophe pouvait arriver d'un moment à l'autre. On est
allé voir aux fondations. Elles ont été trouvées absolument
nulles. Pauvres moines du temps passé! Eux aussi n'étaient
pas à l'abri des tromperies et de la mauvaise foi de leurs
architectes! Evidemment, cette réparation s'imposait avant
— QS2 —
tonte autre. Les fondations furent reprises eu sous-œuvfe
et !a voûte consolidée. Dieu soit btni qui nous a permis de
conduire ce travail à bonne tin !
Si j'ajoute à cette liste les travaux faits à Téglise : xin
autel du Sacré-Cœur, œuvre de goût, dessinée par le frèrf
d'un de nos Pères, M. l'Ingénieur Tullio di Fausto; tin
tambour à l'entrée de notre église. œu\Te grandiose et vrai-
ment remarquable ; la reconstruction du toit de la chapelle
de l'Assunta qui depuis longtemps menaçait ruine, et le
changement de l'armature des cloches dans notre vieux
clocher : travaux qui ont été faits en gi-ande partie avec les
offrandes des fidèles, vous aurez à peu près une "Jdée com-
plète de l'œuvre matérielle accomplie à Santa Maria a Vico
ces dernières années. Certes, tout n'est pas fait ; la maison
est grande et la période d'abandon dont elle a souffert lui a
été funeste, mais en procédant méthodiquement par étapes,
selon les ressources dont on dispose, on peut arriver à tout.
Va. mot maintenant du personnel, et j'achève mon trop
long rapport. Ce que je tiens à dire d'abord, c'est que la vie
religieuse est estimée et aimée de tous. ENidemment il faut,
ici comme ailleurs, tenir compte de la faiblesse humaine, la
même partout, mais à cela près, il n'est que juste de con-
stater que la règle est observée parmi nous.
•Te dois dire aussi qu'un véritable esprit de charité et
d'union règne parmi les membres de la communauté. On
l'a vu, les œuvres sont diverses, di.^parates même; ^it on
pourrait croire, à première vue, que cela est fait pour enge;>
drer la division. Or, je suis heureux de le dire : il n'en est
rien; un parfait esprit d'harmonie règne parmi nous. Gha-
:un y aime son œuvre particulière et s'y emploie de .son
mieux, mais sans détriment ar.cun pour l'œuvre différente
qui .se fait à côté de lui. C'est le setil moyen d'ailleurs pour
que tout marche régulièrement. Les sujets dont on dispose
sont limités, et les besoins eont .i.'rands. C'est l'éternel
refrain : Messis quidem milita, operarii avleni pauci.
<>. n'est qu'autant que les forces seront réunies en un fais-
— 'M?', —
oeau harmonieux et jmissant que Ton pourra faire ce qui
doit <''tre fait.
J'ai déjà nommé au cours de mon récit quelques-uns de»
Pères de la maison. Les voici par onlre avec leurs charges
respectives :
Le R. P. Tanimaro, premier assesseur, et professeur de
mathématiques. 11 est en outre préfet spirituel et profes-
seur de français au séminaire d'Acerra où il se rend deux
fois la semaine.
Le R. P. Maiello, deuxième assesseur, directeur de
l'éplise.
Le R. P. Le Cunft qui, malgré les ans, conserve encore
son bel entrain d'autrefois et fait un ti-avail considérable.
Il est professeur de français au gymnase supérieur et pro-
fesseur de latin en première gymnasiale. Il est, de plus,
préfet spirituel des enfants, j'allais dire de la communauté
tout entière. Que le bon Dieu conserve longtemps à notre
communauté et à nos enfants les exemples et le cœur de ce
bon Pèrel
Vient ensuite le ;R. P. Di Giovine qui s'est attiré à un si
haut degré l'estime de nos populations, par son dévouement
à toute épreuve. C'est lui qui généralement va visiter les
malades. A quelque heure qu'on l'appelle, quelque temps
qu'il fasse, quelle que soit la distance, il part d'un pas alerte,
son bâton sous le bras, à la manière évangélique. Tel le
pasteur qui va à la recherche de la brebis en péril. Mais le
nombre des brebis fidèles qui entoui-ent son confessionnal,
les jours de fête surtout, ne so comptent pas. I^e Père fait
là un travail considérable. Certaines localités près de Santa
Maria a Vico ont également une grande part de son zèle.
Mgr l'évêque d'Acerra nous a recommandé ces bonnes
populations. Le R. P. Di Giovine s'y dévoue tout entier.
Entre temps, il ne dédaigne de faire quelque courae apos-
tolique, quand l'occasion s'en présente. (;;'est ainsi qu'il est
allé l'année dernière prêcher une série de missions sur le
Ihéùtredeses premiers exploits.
— 284 —
Après le R. P. Di Giovine, c'est le R. P. Centurioni,
directeur du t Ricreatorio ». Il a de plus, comme je l'ai dit
plus haut, donné de nombreux travaux de mission durant
le cours de l'année dernière.
C'est ensuite le R. P. Drago Giuseppe, directeur du Col-
lège, professeur de quatrième et cinquième gymnasiale.
Le R. P. Nanni qui partage son temps entre le professo-
rat et le ministère des âmes.
Le R. P. Del Re qui vient de nous arriver de Rome et qui
a pris en mains la direction de l'économat.
Le R. P. Di Fausto, professeur de seconde gymnasiale et
maître de chapelle. Il est, de plus, chargé en grande partie
de nos junioristes.
Le R. P. Anzalone Vincenzo, professeur de troisième gym-
nasiale. Il prépare en outre ses grades académiques.
Le R. P. Ferri Raffaele, censeur du Collège, professeur
de sciences naturelles et d'histoire dans le gj mnase supé-
rieur.
Le R. P. Gentile, professeur de quatrième élémentaire.
Ce Père partage avec le R. P. Di Fausta la surveillance des
junioristes.
Il faut ajouter à cette liste le F. Barile, chargé de plu-
sieurs heures de classe aux plus petits, et de la surveillance
en étude de nos convittori, besogne qui ne demande pas peu
de patience et d'énergie.
Vous voyez par cette simple énumération que chacun a
un fardeau suffisant à porter. Personne certes ne se plaint.
Chacun fait son œuvre avec entrain. Tylais personne n'a pour
emploi une sinécure.
Pourquoi faut-il qu'aux noms que je viens de citer, je
n'aie pu en ajouter un autre qui eût été si bien à sa place et
qui a si bien mérité de la maison? Je veux dire le R. P.
loppolo Salvatore. Pendant de nombreuses années, il s'est
donné avec un dévouement absolu à nos enfants. Hélas!
peut-être n'a-t-il pas assez compté avec ses forces. Sa santé
s'est ébranlée. Nous faisons les vœux les plus ardents pour
— QSb —
qu'il se remette au plus tôt, et qu'il vienne repjendre parmi
nous la place qui lui est réservée.
Il me l'esté à vous «lire un mot de nos chers Frères con-
vers. Un très bon esprit règne aussi parmi eux. Leur
labeur est grand, mais leur activité, leur intelligence, leur
esprit religieux sont à la hauteur de leur tâche. Un vide,
hélas! s'est fait, il y a deux ans, parmi eux. Le F. Joseph
Fabbj, venu dans le courant de l'été 1908, s'éteignait après
six mois passés parmi nous, de maladie de langueur.
C'était un bon Frère, travailleur, parfait religieux. II eût
pu nous rendre de très grands services. Dieu a jugé qu'il
était déjà mûr pour le ciel. Que sa volonté soit faite! Une
prière pour le repos de l'àme de ce bon Frère.
Et j'ai fini. Qu'on me pardonne ma longueur. J'ai cru ne
point dire trop pour résumer huit années de travail et
d'efforts.
Veuillez agréer, mon Révérend et bien Giier Pèro, l'assu-
rance de mon affectueux respect en Notre-Seigneur et Marie
Immaculée.
Santa Maria a Vico, tète de saint Joseph,
19 mars 1911.
P. EULOGE BlaXC,
O. M. /., supérieur.
— 280
IL — Rapport
sur la Maison d'Urnieta
(Espagne)
(par le K. P. Supérieur;
Uu rapport sur la maison d'Urnieta ne saurait être tréa
intéressant. La vie d'un juniorat est si monotone !
Depuis septembre lOUÛ, nos « Missions » ont gardé le
plus profond silence sur Urnieta. C'est donc avec cette date
que commencera ce rapport. Il sera divisé en plusieurs
parties aussi indépendantes que possible les unes des autrea.
La matière est sèche ; il iaut qu'on puisse nous lire sans
fatigue.
Maison. — La maison matérielle n'a pas reçu d'agran-
dissement proprement dit; elle n'est que trop grande déjà.
On s'est contenté d'aménager, peu à peu ses immenses
salles, suivant les besoins.
Le premier travail de ce genre que nous ayons à présen-
ter, — et qui a été exécuté vers la fin de l'année 1906 —
soncerne une sacristie que nous avons aménagée tout à
côté de notre chapelle provisoire. Au dire de quelques-uns,
elle est plutôt trop grande ; au dire de tons elle suffit à
toutes les nécessités actuellos du culte.
Elle est tout entière le fruit d'une bonne œuvre. Une per-
sonne charitable d'Urnieta, à la vue du réduit plus que
misérable qui nous servait auparavant de sacristie, et où
les vents et la poussière entraient à leur gré, s'émut de
pitié et nous remit de quoi aménager une salle convenable.
Trois ans après la même personne nous fit cadeau d'un
meuble pour les ornements, le.^ tleurs et les candélabre*,
— 2^7 —
de b(wt(i ({uo notre sacrLâtie oflie luainlenaut un a^ipect
presque coquet.
L'année 1910 peut être considérée comme une année da
Wiastructiona à l'intérieur. Elle nous a enrichis d'un esca-
lier neuf, d'une salle d'études, d'un dortoir, etc.
A. part le vieil escalier — pout-étre séculaire, mais cer-
taiaement étroit et incommode — de la maison dea
Demoiselles fondutricis, nous n'eu avions aucun autre,
dans tout le couvent, qui méritât vraiment le nom d'esca-
lier. Touâ ceux qui ont liaLité notre maison, ou qui l'ont
simplement visitée, avant le mois de mai 1910, se rappellent
ces t horreurs » par lesquelles noua nous rendions du rez-
de-chau.ssée au premier étage (1). C'étaient tout simplement
— soit dit pour ceux qui ne connaissent pas Urnieta —
les escalieis rudimentaires dont s'étaient servis les maçon*
ou charpentiers lors de la construction du couvent.
C'est grâce au R. P. Baûie. assistant général, que nous.
avotts maintenant un escalier fort convenable. Le Révérend
Père, passant à Marseille au retour d'une visite à Urnieta,
pressa quelque peu la bourse de l'économe provinciaL
et il en sortit de quoi nous faire cette amélioration indi-?-
peasable.
Après l'éscalier vint le dortoir, puis la salle d'études. Le
R. P. Provincial, noui'rissaut le pi"ojet d'envoyer à Urnieta
dîà junioristes français, l'élude et le dortoir en usage
jusque-là ne pouvaient plus suffire. La Province nous donna
des fonds, et on se mit à l'œuvre. Les affaires sont allées si
bien que la salle d'études a pu être inaugurée le 31 décembre
dernier, par le R. P. Provincial, alors en visite canonique
cliez nous. Elle peut contenir aisément à peu près 55 junio-
ristes, chacun ayant son bureau séjsaré. — Le dortoir, bien
qu'achevé avant la salle d'études, n'a été inauguré qu'à
Piques 1911.
(1) Il ea redie âncore en car;ai:iâ endroits de la maiàon po\xs
l'édiâcation des visiteurs de rardoir.
— 288 —
De plus, durant la même année 1010, nous avons crépi et
fermé notre t tunnel ». Nous appelons ainsi un passage,
long d'une vingtaine de mètres, qui met en communication
nos deux cloîtres par-dessous la bâtisse centrale du couvent.
Ce long couloir était le désespoir des gorges délicates, à
cause des courants d'air perpétuels qui y circulaient et y
acquéraient une violence terrible les jours de tempêtes et
de vents impétueux, si fréquents sur la côte canlabrique.
Ce tunnel est fermé maintenant à chaque bout par une
porte vitrée à 3 battants. La lumière y pénètre aussi bien
qu'avant, et... plus de courants d'air. Gorges délicates, vous
pouvez revenir à Urnieta. j
Tels sont les aménagements principaux qui ont été faits
depuis 1900. Disons en terminant que tous les travaux exé-
cutés en 1910 et 1911, et qui concernent planchers, pla-
fonds, cloisons et crépissage, l'ont été exclusivement par
nos Frères coavers. Nous devons un hommage spécial au
cher Frère Hernundo et à son compagnon le Frère Thomas
Herrero ; nous le leur donnons de tout cœur.
Personnel : Pères. — Les changements dans le person-
nel ont été assez importants. Des douze Pères qui se trou-
vaient à Urnieta, fin 1905, — époque où nous faisons com-
mencer ce rapport — il n'en reste plus que quatre, qui
sont, par ordre d'ancienneté dans la maison, les Révérends
Pérès Capuano, Durand, Muniz, Sarret. Tous les autres,
des obédiences successives les ont fait aller sous d'autres
cieux ; un Père en 1906, deux en 1907, et en 1908, trois Pères
dont le R. P. Pichon, atteint d'une maladie jugée incurable,
demandait et obtenait d'aller jouir du climat plus doux de
Diano Marina.
En 1909, aucun départ parmi les Pères, mais en 1910 en
revanche nous avons eu le plus sensible de tous, celui du
R. P. Agarrat, fondateur de notre Juniorat espagnol, et
qui, après avoir semé à Notre-Dame del Soto cette pépinière
— 289 —
de futurs missionnaires, l'avait transplantée à Urnieta, at
l'avait gouvernée toujours avec un dévouement inlassable,
une affection vraiment paternelle. Qu'ils le disent ceux qui,
dispersés maintenant sous divers climats, ont eu le bonheur
d'être ses enfants, tant au Soto qu'à Urnieta !
Le R. P. Agarrat s'était voué entièrement à cette œuvre
du Juniorat; disons mieux, il en était l'âme, il s'était iden-
tifié avec elle, au point de devenir inséparables l'un de l'autre
dans l'opinion commune.
Sans doute, depuis septembre 1909, il n'en était plus le
Supérieur. Rome inflexible avait refusé de le confirmer de
nouveau dans sa charge. Néanmoins son esprit dominait
toujours sur l'œuvre. Qu'il veuille bien, tout en dirigeant
maintenant les destinées de la maison de Diano-Marina, ne
pas oublier son œuvre d'Urnieta, et prier pour que son
pauvre successeur, non seulement ne la détruise pa.s, mais
lui conserve le bon esprit qu'elle a toujours eu et qui a fait
durant de longues années l'édification Je tous ceux qui la
voyaient de près.
Après avoir parlé des départs, mentionnons les arrivées.
Les voici en peu de mots et dans l'ordre chronologique.
En mars 1906, c'est un jeune l'ère qu'on nous envoie
du scolasticat de Liège. Aux vacances de 1908, c'est le
R, P. Blanco, ancien junioriste d'Urnieta, qui, après avoir
terminé ses études au scolasticat de Rome, revient à son
berceau où il est doublement le bienvenu; de Rome encore,
et quelques semaines après, nous arrive un troisième Père
Les premiers jours du printemps de 1910, nous arrive de
Saint-Pierre d'Aoste le vénérable et vénéré Père Besson.
D'aucuns ont dit que la maison d'Aoste n'avait fait que
nous le prêter : l'avenir est chargé de résoudre la question. Le
R. P. Besson s'était fait précéder à Urnieta d'une magni-
fique cloche de près de 300 kilos. Il fallait bien l'installer.
10
— 290 —
El qui, mieux que lui, pouvait se cburger de ce travail
délicat?
Il nous reste encore à signaler deux arrivées : celle
AHiu Père, qui a déjà à son actif un pasôé de missions
sur la terre américaine ; enlin celle d'un jeune Père que
nous a envoyé récemment le nouveau scolasticat de Turin.
Frères convers. — Si maintenant des Pères nous pas-
sons aux Frères convers, les changements n'ont pas été
moir43 nombreux.
Nous avons cédé quatre Frères à notre maison de Sânta
Maria a Vico; en mars 1907, le F. Fraile Léon; en février
1909, le F. Fraile Pedro; en décembre 1909, les FF. Pérez
DamasO et Rodriguez Emeterio.
Sont partis également dïci, pour Diano-Marina, les
FF. Miellé Raphaël en 1906; Cuesta Faustino en 1909;
Buron Eleuthère en 1910; — pour le scolasticat de Turin le.
F. Iglesias en 1910.
D'autre part nous avons reçu de Diano-Marina, en
août 1909, le F. Herrero Thomas; et de Saint-Pierre
d'Aoste, en septembre de la même année, le F. Hernaiido
Gândido.
Concluons ce paragraplie en disant qu'actuellement
— avril 1911 — la maison d'Urnieta compte 10 Pères et
10 Frères convers, auxquels nous ajouterons, pour donner
un coup d'oeil complet à notre personnel, un novice conver«^
deux postulants et 35 junioristes.
Œuvres. — La maison d'Urnieta abrite deux œuvres
l<jrt intéressantes : le Noviciat des Frères convers et le
.Jufiiorat. Pendant 4 ou 5 ans nous avons eu aussi un
Noviciat pour les Frères scolastiques, mais depuis lîX)7
naus envovons nos rhétoriciens sortants à Saint- Pieno
— 2»! —
d'Aaate. U nous a semblé qu'ils avaient tout à gagner à cr
changement de milieu.
iitt Noviciat va petitement : les demandes ne sont pa<
nombreuses. Nous devons même dire que la bonne moitié
de nos novices convers sont d'anciens junioristes qui ont
abandonné leurs études.
En janvier lîKXÎ, il y avait au noviciat 4 novices converd.
Depuis il y a eu 14 prises d'habit jusqu'au 31 décembre 1910.
Sur ce nombre, 10 ont fait leurs vœux d'un an, un est
encore novice. Des 10 qui ont fait les vœux d'un an, un n'a
pas persévéré, un autre est sous les drapeaux.
Nous avons eu aussi la joie, dans le même laps de temps,
d'être témoins de 'i professions perpétuelles : celle du
F. Fraile Pedro, envoyé depuis à Santa-Maria a Vico, ceiU
du F. Bocos Angel, de la maison de Madrid, fruit, lui auasi,
de notre noviciat; enfin celles des FF. Lôpez, Felipe et
Echeverria Pedro, qui t'ont encore partie de notre commu-
nauté d'Urnieta.
Le Juniorat semble avoir progressé lui aussi. En jan-
vier 1906, il comptait 33 junioristes. Après une baisse à la
reatrée des cours de cette même année, il est remonté
en 1907 et les années qui ont suivi. Deux fois, — en
novembre 1909 et en novembre 1910 — il a atteint le chiffre
de 40, mais n'a pu s'y maintenir. Actuellement, avril 1911,
^)rè3 les éliminations nécessitées par les circonstances, il
compte, ainsi qu'on l'a dit plus haut, 35 junioristes.
li a fourni au noviciat 6 novices en 1906, 5 en 1908, 3 ea
1909, 3 en 1910, soit en tout 17 novices, dont 11 ont persé-
véré jusqu'à ce jour.
Le Juniorat se recrute toujours de la même façon, c'est-â
dire, par l'intermédiaire soit des Sœurs de la Sainte-Famille
soit de quelques prêtres de nos amis, mais surtout par i»
moyen des enfants eux-mêmes qui s'appellent les uns les
Autres.
— 292 —
La grande question est toujours la question des ressour-
t*es, et c'est vrai, à Urnieta surtout, que nous devons
attendre de la Providence le pain de cliaque jour. La caisse
provinciale, qui doit, dans les temps actuels, faire face à
tint de besoins, ajn'ès avoir vu tarir la source principale
de ses lev.nus, ne nouo accorde que de lai oies secours.
La grande ressource est et reste la charité des bonnes
âmes .
Nous adressons des remerciements bien sentis au Révé-
ïend Père Supérieur de notre maison de Madrid, dont le
cœur paternel veut bien s'intéresser à notre œuvre, et dont
ies aumônes généreuses sont venues si souvent nous aider
à porter ce fardeau si lourd qu'est l'entretien de notre
maison.
Nous devons aussi une mention spéciale à M. l'abbé
Faneau, prêtre français retiré à Saint-Sébastien. Ancien
missionnaire en Chine, son ardeur apostolique n'est pas
éteinte, et ne pouvant plus par lui-même travailler à la
conquête des âmes, il nous aide, en se privant, à former
de futurs missionnaires.
Travaux. — On ne s'attend évidemment pas à ce
qu'une maison comme la nôtre, où tous les Pères, sauf un,
et exceptionnellement deux, sont professeurs, fournisse
ane liste longue et nourrie de travaux apostoliques. Néan-
moins, grâce au zèle inlassaljle du R. P. Agarrat, soit pen-
dant son long supériorat, soit après, grâce aussi à la bonne
volonté de quelques autres Pères, nous pouvons dire que
la parole de Dieu n'est pas restée prisonnière au-dedans de
nous.
Voici, d'après le fidèle Codex historiens, la liste des tra-
vaux donnés depuis janvier 1906 jusqu'en décembre 1910.
Notons en passant qu'ils se donnent tantôt en français,
tantôt en espagnol.
1906. — La R. P. Agarrat, supérieur, prêche en janvier
— ^293 —
une retraite aux Sœurs Franciscaines d'Usurbil (GuipùzcoaX
non loin d'Urnieta.
Va\ mai, deux retraites consécutives aux Sœurs de l'espé-
rance de Valence et de Barcelone.
En juin, une retraite de première communion au pen-
sionnat des Dames de l'Assomption, à Saint-Sébastien.
En août, une retraite aux Soeurs de la Providence, à
Lectoure.
En août et septembre, trois retraites à trois communau-
tés de Madrid.
En octobre, une petite retraite au collège des Marianites
de Saint-Sébastien.
Le R. P. Maître prend part, en avril, à une petite mis-
sion de 15 jours dans une paroisse, puis prêche en août
2 retraites : la première aux Sœurs de Marie-Thérèse, à
Hernani (Guipûzcoa) ; la deuxième à Fromista (Palencia)
aux Sœurs de la Sainte-Famille ; enfin en novembre, une
retraite de 10 jours aux petites Sœurs des Pauvres de
Saint-Sébastien.
Un autre Père donne une petite retraite pascale de
paroisse.
1907. — Le R. P. Agarrat, supérieur, prêche deux
retraites aux Sœurs de l'Espérance de Bilbao, en mai et en
août ; au mois d'août encore, une retraite aux Dames de
l'Assomption de Saint -Sébastien ; en septembre, une
retraite à l'Espérance de Perpignan et une autre à l'Espé-
rance de Marseille ; enfin, en novembre deux autres
retraites.
Le R. P. Maître des Novices prêche en août une retraite
de première communion dans une paroisse, puis deux
retraites, l'une à la suite de l'autre, aux Sœurs de la
Sainte-Famille, à Pinto (Madrid) et à Guadalajara.
Le R. P. Durand prêche en août une retraite à Hernani,
On a donné aussi un petit travail ailleurs.
— -294 —
IGOS. — Le R. P. AïKarrat. supérieur, proche deux
retraites chez les Frères du Sacré-Cœur, à Ibarra (Guipûz-
coa), la première aux Supérieurs, la seconde aux Novices ;
au mois d'avril il va donner, à Hortaleza (Madrid), la
retraite aux Supérieures de la Sainte-Famille ; au mois 'le
m&\, 2 retraites consécutives aux Soeurs de l'Espérance,
à Valence et à Barcelone ; enfin en août 2 retraites de
3 jours dans un diocèse voisin.
Le R. P. ^£aîtî?e donne en avril un tviduum dans tine
paroisse; puis, en juillet et août, deux retraites, à Madrid,
ftux Sœurs de la Sainte-Famille.
1909. — Le R. P. Agarrat, Supérieur, donne 3 retraites
chez les Frères du Sacré-Cœur; la première aux novices à
Ibarra : la seconde aux junioristes, à Rintenâ ; la troisième
aux élèves du collège que ces Frères dirigent à Saint-
Sébastien. Le môme Père prêche ensuite 3 retraites consé-
cutives aux Sœurs de la Sainte-Famille, dans les environs
de Madrid, à Pinto, à Getafe, et à Aranjuez. Puis, c'est une
retraite de 3 jours aux élèves du collège Saint-Bernard, à
Saint-Sébastien, dirigé par les Frères des écoles chré-
tiennes ; ensuite, un triduum au pensionnat de Notre-
Dame, à Saint-Sébastien ; enfin 2 retraites consécutives à
Madrid.
Le R. P. Durand donne 2 retraites, au mois de mai, aux
Sœurs de l'Espérance, à Valence d'abord, à Barcelone
ensuite.
1910. — En mars, le R. P. Agarrat donne seul une
petite mission de 15 jours. Ce travail achevé, il prêche 2
retraites de 3 jours. En août et septembre nous le trouvons
donnant 3 retraites aux Sœurs de la Sainte-Famille.
Le R. P. Durand prêche au mois de mai une retraite aux
Sœurs de l'Espérance de Saint-Sébastien, puis, en août, 2
retraites consécutives, à Frômista (Palencia), la première
aux Sœurs de l'Immaculée-Conception, la seconde à leurs
junioristes.
— 595 —
Le R. P. Bessnn donne 2 retraites chez les FrèreK 'lu
Saoré-Cœur : la -première, pu juillet, ù leurs noTie»» à
Ibarra; la seconde, en novembre, aux Supérieurs majeurs,
à Renteria : toutes les deux de 10 jours. Le même Pèr*
donne en plus vme retraite de 3 jours, au mois d'août, chti
les Sœurs de Marie-Thér^so d'Hernani, puis une »-atre «'♦
S jours aux Soeurs de rimmaculée-(^'.onception à Tolo»a
^Guipûzooa). puis en septembre, une autre de 4 jours, aux
mêmes Sœurs à Elgoibar (Guipùzcoa) ; enfin en noT«mbrf ,
une retraite de 10 jours aux petites Sœurs des paufrec à
^aint-Sêbastien.
1911. — Nous n'avons à mentionner qu'une petite mis-
«ion de 15 jours que vient de donner le R. P. Besson, du ♦
«a 16 avril.
* *
A ces travaux de retraites religieuses ou de i>etiie6 mis-
Bions il convient d'ajouter les instructions mensuelles qne
nos Pères, tantôt l'un, tantôt l'autre, donnent aux Petites
Sœurs des pauvres de Saint-Sébastien, ainsi que queiquei!
sermons de circonstance dans diverses communautés de la
même ville.
Pour être complet, ajoutons que presque chaque année
nous avons prêté main-forte ou même remplacé tantôt
quelques curés de paroisse dans un diocèse voisin, tant«^t
des aumôniers ou chapelains, soit à Saint-Sébastien, soit à
Usurbil (Guipûzcoa), soit ailleurs.
Dirons-nous maintenant quelques mots de notre minis-
tère dans notre cliapelle? Hélas! il est bien restreint,
disons même à peu près nul. La difficulté de la langue du
pays — le bafsque — l'éloignement de la majeure partie
des habitants, dispersés à travers la campagne, sont toi-
— 296 —
jours un obstacle à une fréquentation assidue de notre
chapelle.
D'autre part, le clergé paroissial suffit amplement au
bien spirituel des fidèles (4 prêtres pour 2000 ùmes). D'où il
suit que de longtemps, croA'ons-nous, les rapports sur la
maison d'Urnieta n'auront à s'étendre longuement sur le
chapitre qui nous occupe.
Sans faire du ministère proprement dit, nous travaillons
cependant au bien des âmes par d'autres moyens, car n'est-
ce pas travailler, et très efficacement, au bien des âmes que
do répandre, par exemple, le scapulaire du Sacré-Cœur?
Depuis que Rome a confié à notre Congrégation la diffu-
sion de ce scapulaire, nous nous sommes mis à l'oeuvre
pour la part qui nous correspond, c'est-à-dire l'Espagne et
l'Amérique espagnole, nous avons eu le bonheur d'en
répandre plus de 32.000 jusqu'à ce jour. Le R. P. Capuano
a traduit en espagnol l'opuscule du R. P. J.-B. Lemius sur
le scapulaire du Sacré-Cœur, et la quatrième édition est en
• train de s'épuiser, ce qui fait un total de 23.000 exem-"
piaires.
' . Le même Père a traduit aussi un opuscule bien connu
en France, œuvre d'un chanoine de Lyon : c Comment il
faut aimer le bon Dieu ». Une première édition de 5.000
exemplaires s'est épuisée en deux ans. La seconde édition,
de 5.000 exemplaires également, est presque épuisée elle aussi .
. Nous avons essayé en outre de répandre le catéchisme
sur le Modernisme, traduit en espagnol ; mais il n'a pas
rencontré ici le même accueil que sous d'autres cieux. Si
quelques-uns, en petit nombre, l'ont salué avec enthou-
siasme, le plus grand nombre a répondu que cette erreur
n'ayant pas infesté l'Espagne, il n'y avait pas à s'occuper
de la réfuter.
Visites. — Nous ne voudrions pas terminer ce rapport
sans dire au moins un mot des visites qui ont été faites
dans notre solitude et qui en ont égayé la douce mono-
tonie.
— 297 -
Nous avon.s eu à deux reprises le bonheur de posséder
parmi nous Monseigneur notre bien-aimé Père Supérieur
Général, la première fois en mars 1909, la seconde au
mois de février de la présente année 1911. Nous aurions
bien voulu en parler avec quelques détails, mais nos
Petites Annales l'ont fait dans leur numéro de juillet 1909.
Il nous eût été trop dilïîcile d'attendre ce rapport pour expri-
mer la joie et la reconnaissance que nous gardons de ces
visites du Père aimé de la famille, dans notre humble mai-
son d'Urnieta.
Il nous est impossible également de passer sous
silence la visite que nous fit, en septembre 1909, le
R. P. Baflfie, assistant général. Nous avons dit plus haut
quel en fut le résultat très pratique du côté matériel de la
maison. Nous pouvons ajouter que le côté spirituel a eu sa
large part, que les yeux ne voient point, mais que les
cœurs gardent précieusement. Le R. P. Assistant, s'il lit
ces lignes, nous comprendra.
Très encourageantes aussi et très appréciées sont les
visites que nous fait fidèlement chaque année le R. P. Pro-
vincial, visites fort désirées toujours, et qui ont pour résul-
tat uûe nouvelle ardeur dans l'accomplissement de nos
devoirs religieux, et aussi un renouveau de coui'age qui
nous permet d'affronter avec plus d'entrain les difficultés
inhérentes à l'œuvre que nous dirigeons.
. A nos vénérés et aimés visiteui-s l'expression de notre
profonde gratitude !
Nous prions en terminant ceux qui auront eu la patience
de lire ce rapport, d'intercéder auprès de Dieu pour que ses
meilleures bénédictions tombent abondantes sur les deux
œuvres principales qui s'abritent sous notre toit, le junio-
rat et le noviciat espagnols, œuvres qui intéressent certai-
nement l'avenir de notre chère Congrégation. En retour
nous leur promettons les prières de nos enfants.
L. J. C. et M. I.
— 21>S —
PROVINCE DU NORD
Rapport sur la mission de Jersey,
Par le H. P. Lkgrakd.
(Suite et fin.) — [Voir Missions, mars 19 il, paye 4.)
L'œuvre de formation, commencée à l'école, se continue
«»t s'achève dans les congrégations et associations, où nous
«lierchons à enrôler et à grouper nos jeunes gens et non
jeunes filles au sortir de l'école, pour les préparer pin»?
spécialement aux devoirs de ia vie réelle. Ces œuvres,
qu'on appelle postscolaires, existent, et à Saint-Thoman
tout particulièrement elles sont nombreuses et florissantes.
La Congrégation de Saint-Louis prend les jeunes
filles au lendemain de la première communion pour lee
préparer à la Conqrégation de la Sainte-Vierge, qvà 1«h
admet à partir de l'âge de IG ans. Chacune de ces àexa.
•congrégations est sous le direction d'un de nos Pères, qui
préside les réunions dominicales et y fait un cours d'in-
struction reli<,'ieuee, approprié à l'âge et aux besoins des
membres de ces deux associations. Les réunions se tiennent
au couvent de Saint-André, où les jeunes filles sont sous
ia surveillance des religieuses de cet établissement, qui
prêtent toujours aux missionnaires Oblats un concours
dévoué et efficace. — Chaque mois, une communion géné-
rale a lieu dans l'église paroissiale le premier dimanche
pour les Enfants de Marie, le deuxième dimanche pour le»
Enfants de Saint-Louis.
Si nous donnons tous nos soins à la formation chrétienne
des jeunes filles pour les préparer à remplir la grand©
OOQ
■viJC ^^
œisKion qui leur est confiée par la Providence au sein <ie
la famille et dans la société, nous travaillons plus acli-
▼emcnt encore, s'il est possible, à former nos jeunes gen»».
— De nos jeunes gens nous voulons faire des chrétiem»
convaincus, des catholiques d'action. A ce but tendent le^
différentes associations qui fonctionnent dans la paroisse
depuis nombre d'années <^t ont produit déjà des résnltit»
appréciables.
Le rapport que le R. P. Faure, o. m. ?'., a bien voulu
rédiger sur les Œuvres de jeunesse dont il a la direction,
^t que nous insérons ici, après l'avoir adapté à nos
< Missions », fera connaître à nos lecteurs, dans les
grandes lignes, la nature, l'organisation, le fonctionne-
ment de ces oeuvres,
• Notre œuvre du patronage se compose de trois œuvres
principales distinctes.
l» La première entre toutes, celle dont le patronage est
justement fier, c'est notre Jeunesse catholique, fondée il y
» plus de deux ans , au lendemain des exercices d'une
retraite fermée, qui avaient été donnés dans la maison de
Saint-Louis, le scolasticat des RR. PP. Jésuites. Cette
œuvre est si vivace qu'elle a donné en juillet dernier
comme un second rejeton, un second groupe de 12 mem-
bres, qui marchent vaillamment sur les traces de leuris
«ïnés.
Ces deux groupes unissent intimement 30 jeunes gen»
catholiques de Saint-Hélier, qui ont atteint l'âge de 15 anp,
pour rendre leur foi plus solide, leur intelligence plu«
•éclairée, leur vie plus féconde pour le bien. Ils appar-
tiennent à tous les milieux sociaux, mais doivent avoir
une conduite et une vie catholique exemplaires.
A la tête de ces groupes se trouve le bureau élu pour un
an partons les membres actifs. Il est rééligible : l'aumônier,
qui est directeur du patronage et le chapelain de la bri-
gade, représente l'autorité ecclésiastique et religieune :
— 300 —
il est le conseiller journalier des groupes et de chacun de
leurs membres.
Nos réunions sont hebdomadaires et se confondent avec
les séances du cercle d'études, le dimanche : on y discute
les mesures à prendre en vue de développer l'action des.
groupes pour le bien de leui's membres et celui de la
paroisse.
Une retraite annuelle de trois jours en septembre et deux
récollections en janvier et à Pâques de chaque année .sont
au programme des groupes. Les communions générales de
l'Action Catholique de la Jeunesse jersiaise, où tous les
membres doivent se grouper et porter leur insigne, ont
lieu à Saint-Thomas le le"" vendredi et le 3^ dimanche
de chaque mois. C'est aux zélateurs de l'apostolat de la
prière, réunis chaque mois sous la présidence de l'aumô-
nier, d'étudier les meilleurs moyens de promouvoir et de
stimuler la piété au sein des groupes.
C'est un spectacle tout nouveau qu'ofifre notre église
depuis plus d'un an et qui doit grandement consoler le
Sacré-Coeur : chaque jour des jeunes gens de la Jeunesse
Catholique assistent aux messes matinales et s'approchent
de la Table sainte, avant de se rendre au travail.
Dans cette œuvre comme dans la suivante, le R. Père
Directeur du patronage est efficacement aidé par les frères
scolastiques de la maison Saint-Louis.
2° La seconde œuvre, c'est le patronage proprement dit,
œuvre de préservation, de formation surtout, d'éducation
des enfants. Elle est multiple cette œuvre. En effet, 60 en-
fants la fréquentent, de 11 à 15 ans. Il faut si l'on veut
leur faire du bien, beaucoup de bien, tenir compte de leur
âge, de leur milieu, de leur instruction, ce qui a nécessité
la création de 4 groupes distincts, mettant en œuvre des
moyens divers pour atteindre le même but... Grâce au
nombreux personnel fourni par la maison de Saint-Louis,
la tâche a été rendue plus facile et nous comptons 4 Avant-
gardes. Chacun de ces groupes se compose d'une quinzaine
— 301 —
d'enfants qui ont leur bureau particulier et s'appliquent
selon leurs facultés à réaliser le programme, formulé par
ces mots : Piété, Etude, Action. Tous les 2 mois les
diverses Avant-Gardes se réunissent en une séance solen-
nelle, pour la réception des nouveaux membres.
Les Avant-Gardes ont aussi une retraite fermée, de trois
jours, à Pâques, et une rêcollection annuelle, en septembre,
H la maison Saint- Louis. La communion' y est aussi en
honneur, et à la suite de leurs aînés quelques enfants
assistent aux messes matinales et communient avant de se
rendre au travail.
30 Enfin, la 3e grande œuvre du patronage, c'est la
Brigade, sorte de bataillon scolaire, fort en vogue à Jersey
et en Angleterre. Le but de la Brigade est de discipliner
nos jeunes gens, d'aviver le sentiment de l'honneur, et
d'accroître en eux, avec l'endurance physique, la force
morale, l'énergie de la volonté dans l'accomplisssement du
devoir. Fondée à Saint-Thomas, il y a près de six ans, elle
a produit déjà d'excellents fruits et nous pouvons en
attendre de meilleurs encore. Les missions de Saint-
Mathieu et de Saint-Martin ont suivi l'exemple donné par
Saint-Thomas : elles aussi ont leurs brigades et si ces œuvres
fonctionnent moins facilement dans les missions de la
campagne, elles ne laissent pas cependant de rendre de
bons services aux missionnaires qui les ont établies et qui
y mettent tout leur cœur et tout leur dévouement. »
Parallèlement au grand patronage, dont s'occupe le
rapport ci-dessus, fonctionne le petit patronage, pour les
enfants qui n'ont pas encore fait la première communion.
Il comprend 75 enfants environ, qui se réunissent chaque
dimanche, dans le local de l'école Saint-Thomas, sous la
dii-ection du R. P. Hamoniaux, qui est aidé dans ses
fonctions par quelques frères scolastiques de la maison
Saint-Louis. Là aussi l'agréable se joint à l'utile, dans de.s
proportions convenables, pour intéresser et former nos
— 302 —
eufantà et les acheminer tout doucement vers les œuvre»
de jeunesse, où ils seront admis plus tard, pour soutenir
la cause du Christ et de son Eglise.
Nous ne bornons pas no» efforts et notre zèle à la forma-
tion de l'enfance et de la jeunesse, l'âge mûr réclame aussi
nos soins et nous devons exercer notre ministère auprès
des chefs de la famille, le père, la mère, aussi bien qu'au
près de leurs enfants ; auprès de ceux qui s'approchent du
terme de la vie humaine, aussi bien qu'auprès de ceux qui
ne font qu'entrer dans la carrière. Nous nous trouvons ici
en face de difficultés j^articulières que nous ne somme;*
X>as5 encore parvenus à surmonter, et notre ministère sur
ce point est loin d'avoir produit encore les fruits que noua
souhaitons ardemment.
Pour exercer sur les hommes une action vraiment effi-
cace, il faudrait pouvoir les grouper, les réunir fréquem-
ment, prendre contact avec eux... et rien n'est plus difficile
que ce groupement, que ces réunions fréquentes et pério-
diques. Nos catholiques sont disséminés sur une vaste
étendue de territoire et pour la plupart se livrent aux
travaux pénibles de la culture des champs ou des jardins.
Si nous n'avions affaire qu'aux catholiques domiciliés dans
la ville de Saint-Hélier, la tâche serait sans doute plus
facile. Mais il y a beaucoup plus de catholiques dans les
campagnes que dans la ville, et pour ceux-là l'éloignement,
la fatigue, et, disons-le, l'indifférence résultant d'une
instruction religieuse trop rudimentaire ou de l'influence
protestante, constituent l'obstacle où échouent nos efforts.
Le Cercle de Saint-Thomas, fondé dans les première»
années de notre séjour à Jersey, pour grouper les catho-
liques de la ville de Saint-Hélier, a eu, dit-on, ses jours de
splendeur, que je n'ai pas connus. Il était déjà .sur le
déclin, lorsque je suis arrivé à Jersey, en 1899, pour y
prendre la direction de la mission de Saint-Thomas. On a
essayé à plusieurs reprises d'infuser comme un sang
nouveau à ce corps anémié : vains efforts ; le cercle d
— 30s —
Sjùnt-ThomaH, après avoir végété quelques années, s'est
éteiot comme de lui-môme et sans exciter l'attention du
public, nous n'avons eu d'autre peine que celle de fermer
une grande et belle aalle presque complètement vide.
Cette salle cependant, restaurée et remise à neuf, forme-
rait un splendide local pour lea réunions paroissiales, si
les dirtkultés dont j'ai parlé ci-dessus n'étaient pas si
grandes. Elle nous rend de grands services pour les séances
dramatiques qu'y donnent de loin en loin les jeunes gens
du patronage. Li'est aussi dans cette salle que se tient
chaque année, au mois de novembre, le grand Bazar de
chai'ité qui nous fournit les ressources nécessaires pour le-
soutien des familles pauvres de la paroisse. C'est là aussi
qu'ont lieu les distributions solennelles des prix aux élèves
des écoles de Saint-Thomas et de Saint-André. Au cour*
du dernier trimestre de l'année 1910 nous avons, dans
cette même salle, donné aux hommes une conférence sur
.Jeanne d'Arc, avec projections lumineuses... Le succès de
cette séance aurait dû nous encourager à user plus fré-
quemment de ce moyen d'apostolat; nous y avons pensé
un instant, mais tant de circonstances sont venues entraver
notre bonne volonté, que rien n'a été fait, à l'époque qui
se prête le plus à ces sortes de réunions, c'est-à-dire dans
les derniers mois de l'année. Nous serons peut-être plus
heureux, ou mieux avisés, ou mieux outillés, l'hiver
prochain.
Une œuvre fonctionne depuis plusieurs années dans
Téglise Saint-Thomas, qui a produit un bien réel parmi les
hommes et a réapi)ris à un certain nombre le chemin de
l'égliae qu'ils paraissaient avoir oublié : c'est la me^$f
mensuelle des hommes. Etablie au début de l'année 19«>i,
elle a réuni chaque mois dans l'église paroissiale une
B&oyenne de 200 hommes et jeunes gens. Les hommes
aiment cette messe, leur messe ; ils y viennent volontiers,
prennent pai*t aux chants, écoutent avec un intérêt sympa-
thique la courte allocution, où l'on s'applique à leur rap-
— 304 —
peler d'une manière intéressante et vivante les principales
vérités de la religion et des devoirs essentiels de la vie
chrétienne. A cette réunion du mois le concours des jeunes
gens de notre brigade communique toujours une vie et un
entrain particuliers.
Un des résultats les plus frappants et les plus appréciés
de ces sortes de réunions, c'est de bannir le respect humain.
Nos catholiques ne se sentent plus isolés et comme perdus
dans la masse indifférente ou hostile : ils se groupent, ils
prennent conscience de leur nombre et par suite de leur
force ; et à l'occasion des grandes solennités ils n'hésitent
pas à affirmer publiquement leur foi et leurs convictions
catholiques. C'est ce qui se produit, par exemple, en la
solennité de la Fête-Dieu, où les hommes sont fiers d'accom-
pagner le Saint Sacrement, durant la procession qui a lieu
dans l'enclos de l'église, et de lui faire un cortège d'hon-
neur. — C'est ce qui vient de se produire encore, au soir
de la fête de Pâques, durant la procession traditionnelle
qui se fait dans l'intérieur de l'église et où les hommes
formaient la majeure partie du cortège triomphal, qui
glorifiait le Sauveur ressuscité . voilé sous les espèces
eucharistiques.
Le but que nous cherchons à atteindre, ce n'est pas
seulement d'instruire les hommes, de leur donner de la
religion une connaissance suffisante, de leur rappeler leurs
devoirs et de les aider à les mieux remplir : nous voulons
faire de ces clirétiens insouciants et négligents, des chré-
tiens pratiquants ; de ces catholiques hésitants , sans
résistance contre les entreprises du schisme et de l'erreur,
des catholiques zélés, ardents, résolus à garder l'intégrité
de leur foi pour eux-mêmes et pour leur famille, et à se
faire les propagateurs de la foi pour reconquérir à l'Eglise
catholique une population dont la majorité, détachée de la
vraie Eglise, « erre à tout vent de doctrine ». Nous travail-
lons donc à les mettre en communication intime avec la
source même de la vie et de la vérité, nous les exhortons
— 305 —
à la communion fréquente, nous les invitons à prendre
part à la communion mensuelle des hommes qui a lieu !e
troisième dimanche du mois. Nos exhortations, si elkq
n'ont pas encore produit tout ce que nous attendons, n'ont
pas été complètement stériles : nous avons la consolation
de voir chaque mois un certain nombre d'hommes s'ap
procher régulièrement de la sainte Table. Je ne parle pa-s
ici des jeunes gens nombreux, qui, chaque dimanche,
et même plusieurs fois la semaine , viennent chercher
dans la communion eucharistique le courage de résister
aux adversaires de leur foi et de leur pureté. Sur ce point,
il s'est accompli un progrès réel et sensible, depuis plu-
sieurs années. Souhaitons que ce progrès aille toujours
croissant.
J'ai dit ce qui se fait à Saint-Thomas pour les hommes
et les jeunes gens : je ne voudrais pas laisser croire que
les œuvres d'hommes ou de jeunes gens n'e.xistent qu'à
Saint-Thomas, et que ce genre d'apostolat soit inconnu
dans les paroisses de Saint-Mathieu ou de Saint-Martin.
Les Missionnaires Oblats qui desservent ces deux paroisses
ont suivi l'exemple donné par leurs confrères de la ville :
brigades, cercles, patronages fonctionnent, dans des pro-
portions plus modestes, et produisent aussi des fruits con-
solants. Il faut reconnaître que les difficultés sont beau-
coup plus grandes à la campagne qu'en ville, et que nos
Pères, dans les deux paroisses de la campagne, ont à leur
disposition des éléments de succès moins nombreux et
moins efficaces ; mais ils ne se laissent pas décourager et ils
sont toujours fidèles à la devise de la C. B. Brigade : « -V«
cède malts ! » Un jour le divin Rémunérateur les récompen-
sera, r.on d'après leurs succès, mais d'après leurs efforts et
d'après le travail fourni.
Et les femmes, les mères de famille, sont-elles délaissée-; ?
Existe-t-il dans la paroisse des Associations appropriées à
leurs besoins particuliers, où elles puissent trouver récon-
fort, lumière et direction ? Il n'y a point d'Association spé-
20
— 306 —
ciale pour les mères de famille, à Saint-Thomas du moins.
On a Lien essayé, il y a quelques années, d'établir dana
l'église Saint-Thomas nne Association île Sainte-Anne, pour
les mères de famille : l'œuvre s'est heurtée à tant d'obsta-
cles qu'après avoir végété pendant quelque temps, elle
s'est éteinte tout doucement et sans brait. 11 faut d'autant
moins s'en affliger (jue les femmes, les mères de famille,
trouvent dans l'Association de l'apostolat de la prière tout
ce qu'elles peuvent désirer pour alimenter leur piété, faire
pénétrer et abonder dans leurs cœurs la sève de la vie
chrétienne. Cette Association ouvre ses rangs à toutes les
conditions et à tous les âges ; eu fait elle est composée en
majeure partie de femmes et de jeunes filles, qui, par la
prière quotidienne, l'assistance aux réunions ]ii-mensueîles
du premier et du quatrième dimanche du mois, la commu-
nion fréquente, travaillent à leur propre sanctification et à
IVxtension du règne de Dieu dans le monde. Cette Associa-
tion est devenue florissante dans ces dernières années,
•j^vàœ au zèle infatigable et à l'activité intelligente d'une
religieuse de la Maison de Saint-André, à Saint-Hélier, qui,
à force de démarches persévérantes, a réussi à réunir
autour d'elle un groupe relativement nombreux de pieuses
zélatrices, lesquelles, sous sa direction et celle du Supérieur
de la Mission, travaillent efficacement à recruter des Asso-
ciés nombreux et dévoués. Cette Association peut être consi-
dérée dans la paroisse comme un foyer intense de la dévo-
tion au Sacré-Cœur, et par sui'.e comme une source de
bénédictions pour les familles et chacun des tidèles.
A Jersey, comme dans les autres parties du monde civi-
lisé, l'adversaire du Christ et des âmes se sert de la presse,
pour pervertir et corrompre les intelligences et les: cœurs.
Il ne réussit que trop dans cette œuvre néfaste. La mau-
vaise presse, dont le principal organe est le Pe/i/ Parisieyi,
que viennent renforcer dans des proportions variées le
Journal, le Malin, et quelques autres feuilles venimeuses
de moindre importance, est colportée dans l'Ile avec une
— oOV —
activité infernale. A la mauvaise prebse nous tâchons (i'o{)-
poser la bonne presse ; mais sur ce terrain , comme sur
beaucoup d'autres, nous luttons à armes inégales. Le grand
obstacle, c'est la difficulté des communications avec le
continent- Durant la plus grande partie de l'année, faute
de ressources, nous ne pouvons assurer la distriLutioû
régulière des journaux qui ont la préférenc<> des lecteurs
cathoLiqueii, entre autres du Nouvelliste de Bretagne, que
les catholiques d'origine bretonne accepteraient volontiers.
Les journaux n'arrivent pas, ou bien arrivent avec, des
retards de deux ou trois jours ; et par suite de cette irrégu-
larité les lecteurs se découragent, se désabonnent et facile-
ment ont recours au mauvais journal, qui leur est olTert à
des conditions avantageuses, pour se tenir au courant de
ce qui se passe dans le monde. En dépit de ces obstacles,
la bonne presse trouve encore un nombre satisfaisant de
lecteurs. Chaque semaine nous distribuons euviron ^i5/ù
Pèlerins accomijagnés des Causeries du Birnanche {de la
Maison de la Bonne Presse) et d'une petite feuille d'intérêt
plu lot local et paroissial intitulée le Semeur, et qui rappelle
de loin XEcho de Saint-Hélier, supprimé en 190C»: ajoutes
à cela une centaine de Croico des Côtes-du-Nord et environ
<iO Croio) du Dima?iche. Le journal quotidien est plus mal
représenté : c'est à peine si nous arrivons à placer une
vingtaine de Croix quotidiennes (de Paris) et de 30 à
50 Nouvellistes de Bretagne, selon les jours et les ciixon-
stances. Je ne dois pas oublier de mentionner ici une petite
feuiUo mensuelle, organe de notre jeunesse catholique, et
qui, rédigée par nos jeunes gens, porte le nom caractéristi-
que de t En avayit ». Elle est tirée à !tOO exemplaires et
sur ce nombre, grAce à l'activité de nos petits colporteurs,
250 exemplaires environ sont vendus chaque mois.
Notre grand désir c'est de pouvoir jeter à pleines mains
la bonne semence dans le champ que le divin Laboureur
nous donne à cultiver ; mais trop souvent nos efforts res-
tent stériles, parce que la bonne semence fait défaut.
— 308 —
j'entends le bon journal, les publications de la bonne presse.
Qu'il plaise à Dieu de multiidier la bonne semence et le
donner aux ouvriers une activité persévérante, qu'aucun
obstacle ne décourage !
Terminons ce trop long rapport par quelques détails sur
une oeuvre, qui, bien modeste à ses débuts, a pris rapide-
ment des développements étonnants et est devenue l'une
des plus importantes de cette mission de Jersey : YOrpheli-
nat du Sacré-Cœur. Fondé à la fin de l'année 1900 et établi
provisoirement dans un immeuble pris en location, l'Or-
phelinat du Sacré-Cœur a été transféré, au mois de juOlet
de l'année 1901, dans la propriété actuelle, qui porte le
nom de • Summerland », et, situé aux abords de la ville
de Saint Hélier, jouit tout à la fois des avantages de la ville
et de la campagne. Les orphelins et les orphelines, alors
peu nombreux, occupèrent l'ancienne maison d'habitation
qui s'élevait au milieu des grands jardins potagers, dont
une partie a été transformée en cour de récréation. A celte
maison d'habitation ont été ajoutées successivement les
constructions d'un aspect imposant, qui forment l'établis-
sement actuel. Au faîte du bâtiment principal se dresse,
dominant toute la ville, une statue monumentale du Sacré-
Cœur qui protège et bénit.
L'Orphelinat du Sacré-Cœur accueille, à partir de l'âge de
2 ans, les enfants privés de leur père ou de leur mère, ou
complètement orphelins : sous l'égide du Sacré-Cœur, ces
pauvres enfants reçoivent une éducation chrétienne et une
formation professionnelle qui leur permettra dans la suite
de gagner honorablement leur vie. Jusqu'à l'âge de 13 ans,
suivant la loi scolaire actuelle, les petites tilles fréquentent
l'école de Saint-André, les garçons celle de Saint-Thomas, où
on va les conduire et où on va les reprendre deux fois le jour.
A partir de 13 ans, les jeunes filles sont fermées à l'art
ménager, se familiarisent avec les divers travaux que doit
connaîire et exécuter une bonne femme de ménage, une
bonne mère de famille, et, suivant leur âge et leurs aptitu-
— 800 —
dt^s, consacrent aussi une partie plus ou moins considérable
de leur temps à travailler dans les divers ateliers annexés
à l'Orphelinat.
Les garçons, habituellement à partir de 11 ans, quittent
l'Orphelinat du Sacré-Greur et sont hosi)italisés dans l'éta-
blissement, contigu à celui de l'Orphelinat, et qui est connu
sous le nom de « Saint Mary's House », précédemment
« The Jersey Modem School ». — Lorsqu'ils ont cessé de
fréquenter l'école élémentaire, ils sont formes à divers
métiers, soit dans l'intérieur de l'établissement, soit au
dehors : le plus grand nombre apprennent l'horticulture
et l'arboriculture sous la direction d'un maître -jardinier,
attaché à la maison .Sainte-Marie.
Les deux établissements pourraient facilement hospitali-
ser 130 à 140 enfants. Actuellement le nombre des orphe-
lins et orphelines atteint 110 environ. Dans l'Orphelinat du
Sacré-Cœur, on compte 8 à 10 enfants au-dessous de 5 ans,
une trentaine de petits garçons qui fréquentent l'école de
Saint-Thomas, une quarantaine de petites filles qui fré-
quentent l'école de Saint-André et une quinzaine de jeunes
filles qui ont quitté l'école et travaillent dans l'intérieur de
la maison ou dans les ateliers. La maison de Sainte-Marie
ne compte pour le moment qu'une quinzaine de jeunes
gens, dont quelques-uns fréquentent encore l'école de
Saint-Thomas; les autres sont apprentis jardiniers, menui-
siers, imprimeurs, etc.
Dans les ateliers de bonneterie et de tapisserie qui ont été
créés à côté de l'Orphelinat, dans le but de fournir du tra-
vail aux orphelines et aux jeunes filles de la paroisse de
Saint-Thomas, et qui ont pris un grand développement,
travaillent actuellement une soixantaine d'ouvrières ; sur
ce nombre 8 ou 10 orphelines au plus ; les autres viennent
de la ville ou de la campagne. Cette œuvre, que le Sacré-
Cœur bénit visiblement, deviendra de plus en plus pros-
père, nous l'espérons du moins, et sera la sauvegarde de
bon nombre de nos jeunes filles.
— 310 —
Par quels moyens le R. P. Recteur de Saint-Thomas est-
il parrenu à foncier, à développer, à soutenir les œuvres
importunions qu'il vient d'énumérer? « Secretum niewn
mihi .' Secretum meum inihi ! » C'est là son sccrot ; qu'on
M permette de jeter un voilo discret sur ce point. Tout ce
qu'il peut dire c'eçt que la bonne Providence a bien voulu
mettre à sa disposition des moyens d'une efficacité excep-
tionnelle; de ces moyens il s'efforce de tirer le meilleur
parti possible et il contiTiuera de les exploiter pour le plus
ip*and bien des âmes aussi longtemps que le bon Dieu
Tondra.
Aux leeteui*s qui atiront eu la patience de me suivre jus-
qu'au bout, et qui ont pu constater avec moi les progrès
réels réalisés i)ar le catholicisme dans lile de Jei*sey,
depuis que ces missions ont été confiées à la Congrégation
<îes Oblats, je demande le secours fraternel de leurs bonnes
prières, pour cpie îa bénédiction de Dieu continue de fécon-
der le tra\-îiil des Missionnaires, pour que l'île de Jersey,
détachée riolemment de l'Eglise catholique au xvi« siècle,
retrouve, an xx* siècle, la foi que lui ont apportée ses pre-
miers apôtres et redevienne l'enfant soumise de la sainte
Eglise de Dieu et une portion privilégée du royaume du
Sacré-Coeur et de la Vierge Immaculée.
!.. Legraxd, 0, Af. /., supérieur.
— 311 —
PROVINCE D'ALLEMAGNE
Maison de Saint-Charles.
{Suite du rapport p^tblié, n" de décembre i9iO, p- 37 l,
et juin 1911, p. 190.)
3. — Vie de piété au janiorat.
En 1905, Saint-Charles vit son nom quelque peu modifié ;
c'est à cette époque que l'on commença à l'appeler Collegium
Carolinum au lieu de Sa,Uii Karl. En cela on se rapproclia
d'un usat'B suivi en Allemagne. J.à-bas, en effet, on donne
des noms de ce genre à des établissements, à des internats
tenus par des ecclésiastiques ou des religieux. A Rome
même, on le sait, les maisons où les jeunes clercs des dif-
férentes nations vivent comme internes, portent le nom de
collège; et, sans aller aussi loin, le scolasticat des Pères
Jésuites, qui se trouve dans notre voisinage, s'appelle
collège Saint-Ignace, Collegium Ignatianutn.
Quoi qu'il en soit de la nouvelle dénomination, saint
Charles Borromée, l'épUhèle Carolinum le dit, reste le
patron de ilotre chère maison, et cette maison ne sera
iamais un collège au sens que l'on attache communément à
ce n(^m en France ; non, saint-Cliarles est simplement et
restera toujours un juniorat. L'esprit qui doit animer nos
enfants, ces futurs prêtres et missionnaires, est tout autre
que l'esprit d'un collège mondain «t diffère d'un petit
séminaire lui-môme. S'il leur est permis d'égaler les jeunes
étudiants du monde sur le terrain de la science, il est un
autre terrain où ils doivent se distinguer d'eux et chercher
à les surpasser, c'est celui d'une piété solide. Et cette piété,
— 312 —
c'est uû dévouement sincère au service de Dieu, c'est la
promptitude à faire tout ce qui plaît à Dieu, donc aussi à
pratiquer dès maintenant les grandes vertus qui font les
% rais apôtres ; c'est l'esprit de foi, l'esprit surnaturel, qui
du reste a si facile prise sur des âmes encore tendres.
La piété réside avant tout dans le cœur, qu'elle échaufie
et fortifie. Mais là elle a besoin d'être entretenue, et cela,
selon les exigences de la nature humaine, par le secours
des pratiques extérieures ; car ces pratiques, sans consti-
tuer l'essence de la piété ou de la dévotion, en sont néan-
moins d'ordinaire l'aliment indispensable, comme le com-
)^ustible pour entretenir le feu. Voyons donc ce qui se fait
à Saint-Charles pour nourrir la piété dans le cœur de nos
junioristes.
a) Exercices DE I'Iétk. — Chaque matin, immédiatement
après leur prière, qu'ils récitent tous ensemble, ils ont une
^»£,tite méditation de dix minutes, faite par le R. P. Supé-
rieur ou l'un des Pères professeurs. Ils assistent ensuite à
la messe de communauté. Plusieurs fois en semaine et, en
règle générale, à toutes les fêtes de double majeur, ils y
chantent de pieux cantiques populaires à une ou plusieurs
voix, qui alternent avec des prières vocales. Ces cantiques,
usités la plupart en Allemagne et tous du meilleur choix,
se trouvent maintenant dans un beau recueil intitulé :
Jubilemus Deo et composé récemment par deux de nos
Pères, les Pères Klein et Haim, artistes et maîtres dans la
matière ; ils sont, de même que les prièz-es, toujours en
rapport avec la fête du jour, ou avec le saint sacrifice, ou
avec la partie actuelle de l'année liturgique, et aident ainsi
nus enfants, notamment les plus jeunes, non seulement à
vivre de la vie de l'Eglise, mais encore à suivre la célébra-
tion de nos saints mystères dévotement, sans fatigue ni
ennui {Maria Immaculata, mars 1911).
Dans le courant de la journée ils reviennent plusieurs
fois encore à la chapelle, aux'pieds du divin Maître. Ainsi,
en dehors de la petite visite'quils font avec toute la com-
— 313 -
munauté après le dîner et le souper, ils ont leur visite par-
ticulière au Saint Sacrement et à la. Sainte Vierge, visite,
courte il est vrai, et combinée avec la récitation du chapelet.
Le soir, à certains jours, ils ont le salut du Saint Sacrement,
qui dure une demi-heure ou un quart d'heure ; ils y
chantent généralement des motets latins, comme ce fut
toujours la coutume dans nos maisons, et ces motets se
trouvent également en grande partie dans le nouveau
recueil |aentionné ci-dessus.
Les soirs où, en semaine, il n'y a point de salut d'un quart
d'iieure, le R. P. Supérieur leur fait une petite lecture spi-
rituelle ou conférence. Les anciens junioristes qui liront ces
lignes savent en quoi cet entretien consiste : ils se rappelle-
ront sans doute les avis pratiques qu'il y reçurent, et s'ac-
corderont à avouer que cet exercice très intéressant contri-
bue beaucoup à maintenir le bon esprit parmi la jeunesse
studieuse.
Enfin, après la récréation qui suit le souper, les élèves se
réunissent une dernière fois dans leur oratoire sous la prési-
dence d'un Père pour y faire ensemble et à haute voix leur
prière du soir. Ils terminent ainsi la journée comme ils
l'ont commencée, c'est-à-dire avec Dieu et ses Saints, qui
veilleront sur eux durant la nuit. Pas n'est besoin de rap-
peler que chaque jour ils font ensemble une petite prière
avant et après les classes, avant et après les études, de
même qu'avant et après les repas : ces petites prières sont
en latin. Avant chaque promenade il font ensemble la
visite d'usage ; et pour ce qui regarde les temps libres, il
leur est permis et même conseillé d'en passer une partie à
la chapelle.
Telle est leur vie de piété en semaine. Les dimanches et
jours de fêtes chômées, jours spécialement consacrés au
service divin, il y a à Saint-Charles, outre la belle messe
de communauté, une grand'messe ordinaire ou une messe
solennelle ; dans l'après-midi, vêpres solennelles, ou exer-
cice pieux avec bénédiction, ou salut solennel. Les diffé-
— 314 —
rentes parties de la grand'messe ordinaire sont chantées
alternativement par la communauté entière et un petit
chœur de chantres- (soprani ou ténors), et cela d'après les
mélodies grégoriennes de la dernière édition vatieane. A la
messe solennelle des plus grandes fêtes nn nombreux
chœur mixte ou de voix d'hommes exécutent le plus sou-
vent les chefs-d'œuvre de Palestrina ou les meilleures com-
positions modernes du style de ce grand maître, entre
autres celles de Mgr Neckes, chanoine d'Aix-la-Qhapelle,
qui jouit en Allemagne d'une juste renommée comme com-
positeur de bon goût. Ainsi, nos chants liturgiques, et il
en est de même de nos magnifiques chants aux saluts
solennels, sont tels que la Sainte Eglise veut les avoir,
aptes non seulement à rehausser la beauté da culte, mais
encore à captiver l'attention de nos élèves et à les inté-
resser i>ius vivement aux saintes cérémonies ; car, il faut
leur rendre ce témoignage, ils sont amateurs de beaux
chants et savent en général les goûter (Maria Inimaculata,
mars 1911.)
&) Fréquentation des sacrements. — A côté des pra-
tiques journalières et hebdomadaires qiie nous venons
d'indiquer, il est d'autres sources où la piété chrétienne
puise de quoi se maintenir dans la ferveur et la fécondité;
ce sont les sacrements, ces grands moyens extérieurs de
sanctification que Jésus-Christ a laissés à son Eglise, et en
premier lieu les sacrements do pénitence et d'Eucharistie.
Or, nos junioristes re(;oivent ces deux sacrements avec
assiduité. Ainsi, c'est la coutume qu'ils se confessent tous
les huit jours, et cette confession fréquente, qui est pour
eux comme pour nous religieux un si grand bienfait, leur
est facilitée par la liberté qu'ils ont de s'adresser à plusieurs
confesseurs. Ils communient plus souvent encore. Car
chaque dimanche, chaque grande fête et chaque premier
vendredi du mois il y a communion générale, et depuis le
célèbre décret de la Sacrée Congrégation du Concile, il y en
a qui s'approchent de la sainte table plusieurs fois }>ar
— 815 —
semaine, en sorte que chaque matin il y a un bon nombre
de communions.
On ne peut que s'en féliciter. Et qui douterait que, si nos
enfants communient fréquemment, mettons même quoti-
diennement, mais avec les dispositions que l'Eglise elle-
même demande, ils n'en retirassent les plus beaux fruits
pour leur vocation et leur salut éternel! Evidemment, ceux
qui communient bien, qiii puisent souvent et avec un cœur
pur de fontibus Salvatoris, ne sauraient se perdre, ni
perdre les autres.
Cependant de peur qu'une pratique si excellente n'eût
comme conséquence d'abréger outre mesure l'étude du
matin, on avait établi, en 1908, que l'action de grâces des
élèves ne se prolongerait plus en semaine jusqu'après Félé-
vation de la seconde messe, mais seulement jusqu'à l'offer-
toire ; et au mois de lévrier de la présente année il fut
décidé que désormais le déjeuner aurait lieu dix minutes
plus tard, et que deux classes du matin seraient dimi-
nuées de cinq minutes. On voit par là que nous sommes les
maîtres ici et que personne ue nous gêne dans l'exercice
de notre liberté des programmes.
c) Dévotions principales. — Mais continuons. Vers qui
la piété de nos junioristes s-e portera t-elle de préférence
pour avoir un nouveau réconfort? En d'autres termes,
quelles seront leurs dévotions principales et en même
temps pour eux autant d'écoles de vertu? C'est d'abord,
on le devine, la dévotion, l'amour envers Celui qu'ils
reç-oivent si souvent, envers Notre-Seigneur, leur ami par
excellence; c'est la dévotion si catholique à son Sacré-
Cœur, telle qu'elle est approuvée et recommandée par la
sainte Eglise. En Thonneur du Sacré-Cœur on a toujours
fait à Saint-Charles le premier vendredi du mois. En ce
jour, outre la communion générale dont nous avons déjà
fait mention, il y a grand salut avec sermon, amende
honorable et chant du cantique des garder d'honneur.
Nous faisons aussi le mois dit du Sacré-Cœur; chaque
— 316 —
soir du mois de juin nous nous réunissons tous à la cha-
l»cllc autour de notre Ijelle statue du Sacré-Cœur pour un
l)ctit exercice, lequel consiste dans le chant d'un cantique,
une lecture édifiante et la récitation des nouvelles litanies.
Cette année nous avons commencé à faire chaque vendredi
du carême le chemin de croix, exercice souverainement
agréable au divin Sauveur et fort avantageux à la piété
compatissante que nous devons avoir envers lui.
Mais les bons junioristes ne sauraient séparer dans
leur amour la sainte Vierge d'avec son divin Fils. A. la
récitation quotidienne du chapelet ils ajoutent en l'hon-
neur de Marie les pratiques suivantes. De même qu'ils
donnent le premier vendredi du mois au Cœur de Jésus,
de même, d'après une coutume ancienne, ils consacrent
spécialement le second samedi à sa sainte Mère. En ce
second samedi la messe est toujours en couleur, on y
chante, beaucoup y font la sainte communion, et le soir
il y a grand salut. En 1897, à la clôture de la retraite
annuelle, on inaugura solennellement la dévotion à Notre-
Dame du Perpétuel Secours ; l'image bien connue se trouve
à l'entrée du chœur de notre chapelle, à droite, et une fois
par mois, le dimanche, il y a exercice en l'honneur de la
Vierge du Perpétuel Secours. Le mois de mai se fait à
Saint-Charles de la même manière que le mois de juin, et
au mois d'octobre nos enfants récitent chaque jour, mais
sans aucune perte de temps, trois chapelets ou le rosaire
entier.
Saint Joseph, qu'il ne serait pas permis d'oublier, com-
plète dans notre dévotion la Trinité terrestre. Nous faisons
son mois, le mois de mars, comme ceux de juin et de mai.
Le troisième mercredi de chaque mois lui est spécialement
consacré, et l'on fait en ce jour en son honneur ce qui se
fait le second samedi en l'honneur de la sainte Vierge.
Nous l'invoquons expressément avec elle au commence-
ment des divers exercices, et nous célébrons solennellement
sa fête le 19 mars.
— 317 --
Nous indiquons seulement les dévotions qui se pratiquent
en commun par tous les junioristes. Quant à d'autres
dévotions de moindre importance, elles sont laissées à
leur libre choix, et il leur est permis à tous d'avoir des
relations de sainte et confiante amitié avec leur ange
gardien, ou leur saint patron, ou n'importe quel habitant
de la cour céleste : positis ponendis, leur piété n'y perdra
pas.
d) Fêtes religieuses. — Par leur caractère ces fêtes ne
sont pas seulement de nature à faire succéder la sérénité
aux nuages de tristesse qui pourraient parfois s'amonceler
dans l'âme de nos junioristes; elles sont encore pour eux
autant d'occasions de se retremper dans la piété. Telles
qu'elles se sont célébrées de tout temps à Saint-Charles,
elles fourniraient à elles seules la matière suffisante pour
pour tout un long rapport, si nombreuses et si variées
sont les descriptions que les chroniqueurs en ont laissées.
Forcés de nous limiter ici à quelques détails, nous noterons
surtout les particularités avec lesquelles nos fêtes revien-
nent chaque année.
Voici d'abord la délicieuse fête de Noël, pour laquelle
nos sacristains construisent toujours une croche monumen-
tale. Après la splendide messe de minuit, où tous commu-
nient, on se rend au réfectoire pour le réveillon tradi-
tionnel. Puis on reste quelque temps autour de l'arbre de
Noël, qui ne saurait manquer à la fête. Il est majestueu-
sement planté au milieu de la salle, dont il touche le
plafond; ses branches sont ornées de petites bougies et
chargées de mille douceurs, que les amateurs se parta-
geront ensuite comme des dépouilles opimes. On l'illumine,
et tous, accompagnés d'un petit orchestre, chantent ces
vieux airs de Noël, dont la beauté est toujours jeune.
Vient, bientôt après, l'Epiphanie, avec ses nombreux rois
de la lève, qui paraissent tout liers de leur dignité si
éphémère pourtant et si dangereuse.
Voici plus tard la Semaine sainte avec ses touchantes
— 318 —
cérémonies. Nos junioristes oût l'avantage de les voir
toutes dans notre chapelle; ils entendent aussi le chant
des deux Passions et des Lamentations, psalmodient l'of-
lice des Ténèbres avec les Pères, suivent, dans la mesure
du possible, les pieux usages de la Congrégation ; et quand
Pâques, la fête des fêtes, est venue, ils chantent VAlïeluia
avec l'enthousiasme et la joie des vrais enfants de l'Eglise.
Le lundi de la Pentecôte ils font leur pèlerinage au
tombeau de saint Gerlach, à l'église paroissiale ; là il y a
grand'messe solennelle, célébrée et chantée uniquement
par les Oblats de Saint-Charles. A la Fête-Dieu, après
midi, ils sont heureux de pouvoir descendre au noviciat
pour y assister à la procession du Saint Sacrement. Cette
même procession se fait ici eu la fête du Sacré-Cœur, notre
fête titulaire, sous la présidence de M. le Curé de Houthem.
On y déploie une pompe extraordinaire; on traverse, au
chant de pieux cantiques, les allées du parc et du jardin
potager, faisant halte à quatre gracieux reposoirs {31a ria
Immacuîata, octobre 1910).
Nommons encore en passant les principales fêtes de
Notre-Dame : l'Immaculée Conception, titulaire de notre
Congrégation, la Nativité, F Annonciation, la Purification;
puis la saint Joseph, la saint Jean, la saint Pierre, la saint
Charles, la saint Louis de Gonzague, au moins en par-
tie, etc., fêtes dont le Concordat a renvoyé la solennité
aux dimanches suivants, mais que les habitants de Saint-
Charles chôment pour la plupart, à l'exemple de la bonne
population limbourgeoise.
Nous ne saurions passer sous silence notre fête du
17 février et la clôture de la retraite annuelle ; car pour
nos élèves, qui y assistent, elles sont, comme pour nous,
des occasions de se redonner tout entiers à Dieu et de
s'affermir dans l'estime de leur vocation. Aussi, les ora-
teurs de circonstance n'omettent jamais de leur adresser
quelques bannes paroles dans ce sens.
La chronique de la maison relate encore deux fêtes, qui
— 319 —
constituaient jadis de [»eli{s événemenîa pour nous, mais
qui sont devenui's des faits puremeat historiques; ce sont
la pris'^ de soutane [)ar les élèves de première et la première
communion. Depuis 1897 les élève-s du premier cours ne se
revêtent plus de la soutane qu'après leur postulance au
noviciat; et quant à la première communion, depuis 19()7
nous envoyons ceux de nos élèves qui ne l'ont pas encore
faite, chez eus, pour cette solennité, ce qui d'ailleurs n'aura
plus lieu dorénavant, étant donnée la pratique prescrite
tout récemment par Rome.
Or, ce qui signale nos fêtes religieuses, en particulier les
fêtes de première classe, ce qui les rend aptes à nourrir la
piété, c'est qu'on s'attache à leur donner le plus de solen-
nité possible. Alors le chœur de la chapelle est magnifique-
ment orné. A la grand'messe avec diacre et sou.s-diacre, de
même qu'au salut, une brillante phalange d'enfants de
chœur remplissent le sanctuaire, formant couronne autour
du tabernacle, et, pour nous servir de l'expression d'un
brave lieutenant aUeniand de la colonie africaine, « évo-
luant comme un petit corps d'élite devant la majesté
souveraine ». Les chants, eux aussi, sont de toute beauté,
et parfois, comme c'est ordinairement le cas à la fête du
Sacré-Cœur, le maitre-autel disparaît comme dans un océan
de lumières artistement disposées.
Voilà, en ses principaux traits, la vie religieuse, la vie
de piété que les junioristes mènent à Saint-Charles depuis
de longues années.
4. — Joie et délassements au juniovat.
Pareille \ie n'est pas précisément pour les rendre tristes
et maussades. Tout au contraire ; la piété bien comprise,
bien dirigée et pratiquée dans une sage mesure est la
source de la vraie joie, do la joie en Dieu, et c'est elle sur-
tout qui fait que les années passées au Juniorat comptent
parmi les années les plus charmantes dans la vie du mis-
— 320 —
sionnaiie oblat. L'expérience prouve abondamment que les
Junioristes les plus coaseiencieux au travail et les plus
franchement pieux, sont aussi les plus heureux.
Cependant nous cherchons à procurer d'autres joies à
nos enfants, des joies d'un ordre moins élevé sans doute,
mais très légitimes et salutaires. Tout en combattant en eux
la légèreté et la dissipation, nous voulons faire régner
pai*mi eux cette gaîté de bon aloi qui semble être la com-
pagne naturelle et inséparable du jeune âge. Et puis nous
nous gardons bien d'oublier qu'à eux aussi il faut me^is
sana in corpore sano, qu'ils ont une vie et une santé
corporelles à soigner, et qu'ils ont besoin de délassements.
Joies et délassements au Juniorat de Saint-Charles, voilà
ce dont nous allons entretenir le lecteur pour achever cette
seconde partie de notre rapport.
a) Délassements de chaque jour. — Et d'abord quels
sont les délassements et les petites joies de chaque jour?
Pour avoir une réponse à cette question, il faut suivre nos
Junioristes au dortoir, au réfectoire et à la cour des récréa-
tions ; car les soins que nous consacrons à leur vie corpo-
relle et à leur santé, peuvent se ramener à ces trois choses :
sommeil, repas et jeux. Donc, d'après le règlement aujour-
d'hui en vigueur, nos enfants vont se coucher le soir à
8 h. 40 et se lèvent le matin à 5 h. 20; ils ont par suite
autant d'heures de repos que de travail, un peu moins de
0 heures. Los dimanches, les jours de fêtes et en vacances
ils ne se lèvent qu'à G heures, mesure qui a été étendue, il
y a une demi-douzaine d'années, à toute la communauté
pour les dimanches et les fêtes.
Ils se réunissent cinq fois par jour au réfectoire : le
matin à 7 h. 40 pour le déjeuner; à 10 h. 1/4 pour un
second petit déjeuner, excepté les dimanches, les jours de
fêtes et en vacances ; à midi pour le dîner; à 4 h. 1/4 pour
le goûter, et le soir à 7 h. 1/2 pour le souper. En général,
à cet âge, l'appétit est excellent, et le temps passé au réfec-
toire n'est pas du temps perdu. « Honni soit qui mal y
— 821 —
pense ! » N'oublions pas que tout en taisant leurs études,
nos enfants doivent se développer phj'siquement et refaire
leurs forces usées au travail et au service du bon Dieu.
Depuis trois années leur boisson de table est celle du cuni
Kneipp, sauf les dimanches et jours de fêtes, où on leur
sert un verre de bière au dîner. Seuls les élèves des trois
premiers cours servent au dîner et au souper et font la
lecture à tour de rôle pendant les trois repas principaux.
La chaire du lecteur peut être classée parmi les antiquités,
les monuments historiques de Saint-Charles, car elle est
l'ouvrage de notre bon Père provincial actuel.
Parfois, et c'est lu règle générale pour les dimanches et
fêtes, la lecture est remplacée par ce que nous appelons
Deo gratias. Quand cehù qui le donne, le motive en même
temps, soit en communiquant une heureuse nouvelle, soit
en souhaitant la bienvenue à quelque visiteur distingué, le
Deo gratias est accueilli avec une grande explosion d'en-
thousiasme et des applaudissements à tout rompre : pensez
donc, 200 paires de mains qui battent à l'envi, tandis que
tous les visages rayonnent.
Les voici maintenant en récréation. Outre les courtes
pauses qui viennent s'intercaler entre les heures de clasae
et d'étude, ils ont plusieurs récréations par jour : un quart
d'heure avant la première messe du matin, trois bons
quarts d'heure après le dîner, un quart d'heure après le
goûter et une petite demi-heure après le souper. Les
dimanches et jours de fêtes les récréations sont plus
longues et deviennent en partie temps libre. Ces récréa-
tions, les élèves les prennent tous dans une même cour, de
manière cependant que ceux de la même classe jouent
ensemble, sans se mêler avec ceux d'une autre classe. La
cour forme un vaste can*é planté de châtaigniers sauvages et
de tilleuls; elle se trouve, comme on l'a dit ailleurs, à l'est de
l'aile droite, elle est donc bordée à l'ouest par cette aile, an
sud et à l'est par un léger grillage en fil de fer et une haie
de jeunes sapins, au nord par une grande halle, qui sert
Si
— 322 —
d'abri ea temps pluvieux. En été on permet aux élèves de
prendre une pai-tie des récréations au parc, qui leur offre
plus de frais ombrage et de poésie que l'aire poudreuse de la
cour. Ils se livrent, autant que possible, à des jeux mouve-
mentés, au jeu de l.^arres, à différents jeux de balles, voire
à des jeux guerriers, etc.
Et il faut qu'ils jouent et se donnent du mouvement ;
c'est pour eux de la plus grande importance tant au point
de vue moral qu'au point de vue physique ; pour dire le
mot, cela chasse la mauvaise humeur et le mauvais esprit.
Et quand, à la fin d'une journée bien remplie, nos Junio-
ristes prennent leurs derniers ébats, ils peuvent, eux aussi,
miilatis inutandis, chanter avec le petit collégien qui con-
tait ses peines :
Pourtant, malgré tant de misères,
Je mange, dors, m'amuse bien ;
Et s'il est des jours moins prospères,
Le soir il n'y paraît plus rien.
&) Promenades. — Les récréations ne sont pas. leurs seuls,
délassements ; ils en ont de plus attraj-ants encore, ce sont
les promenades. Chaque semaine il y en a deux de règle,
et dans le courant de l'année un certain nombre dites de
faveur. On les fait par trois groupes séparés, soit à travers
les plateaux qui environnent Fauquemont, soiL le long de
la Gueul, dans laquelle nos jeunes hydrophiles sont si heu-
reux de se jeter en été.
Ces promenades ne durent guère plus de deux heures.
Parfois, pendant la belle saison, on accorde pour l'après-
midi une excursion plus longue, dont le rendez-vous ortU-
naire est le Rolzpay^h de Fauquemont. C'est un emplace-
ment aménagé pour des touristes, au versant de l'une des
collines qui forment chaîne sur la rive gauche de la Gueul.
Là, après un tour de promenade ou même un bain dans la
Gueul, on prend un petit goûter, qui se compose pour l'or-
dinaire d'une tartine et d'un modeste flacon de bière. Nos
— 323 —
joyeux excursionnistes complètent ce menu par leurs
chants, (jui remplacent les morceaux de fanfare des anciens
jours ; puis ils reforment leurs rangs et regagnent tout
heureux les hauteurs de Ravensbosch.
Mais ce qui. en fuit de sortie, l'emporte de beaucoup à
leurs yeux, ce sont les grandes promenades, moins fré-
quentes que les excursions au Rotzpark, mais d'autant
plus charmantes. Quel plaisir, en effet, de pouvoir s'en
aller au loin par monts et par vaux, respirer le grand air
des campagnes en fleuri;, voir de nouvelles beautés de la
nature, et cela toute une journée. Le départ a lieu après le
déjeuner. Les élèves, endimanchés, débarrassés de toijit
souci, munis d'un léger viatique et de leurs cahiers de
chants, s'avancent, classe par classe, sous la conduite de
leur professeur ordinaire; la voiture, chargée de vivres, les
suivra plus tard. Ils prennent diflférentes directions ; pour
le diner et le goûter ils se réunissent dans quelque bosquet
écarté, ou aux environs d'une ferme, dont le maître nous
est sympathique, ou dans une villa que le riche patron a
gracieusement mise à notre disposition. Entre temps on
fait des digressions sur les bords de la Meuse ; on escalade
quelque hauteur encore inexplorée ; on risque même d'aller
visiter la magnifique cathédrale de Maestricht ou une autre
église renommée poui* son architecture et son antiquité, et
l'on rentre pour le souper.
Ces grandes promenades, nos Junioristes les font ordi-
nairement à la manière des plus vaillants touristes, c'est-
à-dire à pied, sans s'effrayer de la fatigue et de la sueur
qu'il leur en coûtera; car ubi aniatur non laboratur .
Tous les sept ans nous les conduisons aussi en chemin de
fer jusqu'à Aix-la-Chapelle, à l'époque où l'on fait l'osten-
sion des grandes reliques. Ce voyage ayant lieu vers la fin
de l'année scolaire, leur sert alors de prélude aux vacances
d'été.
c) Vacances. — Des vacances? mot d'une puissance
magique, chose à laquelle on songe si longtemps d'avance !
— 324 —
Des vacances? Eh bien! oui, nos Junioristes en ont,
comme tous les étudiants de tous les pays en ont toujours
eu ; et ils en ont quatre fois par an : deux, semaines à
Noël, du 24 décembre au 6 janvier inclusivement; à
Pâques une douzaine de jours, du mercredi saint au
dimanche m Albis ; toute l'octave de la Pentecôte, et six
semaines en été, de la mi-juillet, fin de l'année scolaire,
jusqu'à la rentrée, au commencement de septembre. Pour
les grandes vacances d'été ils se rendent tous dans leurs
familles ; c'est depuis une douzaine d'années une règle qui
ne souffre plus d'exception. Evidemment ils se soumettent
bien volontiers à cette règle ; d'autre part ils semblent être
également heureux de rentrer, au jour marqué, dans leur
seconde famille, qui est Saint-Charles : car en proportion
de leur grand nombre les soi-disant défections sont très
rares, bien rares aussi les victimes du mal du pays, que
l'un ou l'autre avait oublié de laisser au delà de la fron-
tière. Quant aux petites vacances de Noël, de Pâques et de
la Pentecôte, ils les passent ici, et fort agréablement. Ils
reçoivent alors de nombreuses visites de leurs parents ; ils
n'ont ni études sérieuses ni classes, mais seulement des
heures libres, de longues récréations, de fréquentes sorties,
de nombreux exercices de chant et de musique ad libitum,
et c'est principalement pour ces vacances que les différents
cours organisent à tour de rôle des séances théâtrales. En
somme ils se reposent aussi bien que chez eux ; même ces
jours de repos prolongé s'écoulent trop rapidement au gré
de plus d'un.
d) Fêtes de famille. — Si toutefois ce n'est pas a.ssez
de délassements et d'innocents plaisirs, nos fêtes en
comblent la mesure ; non seulement nos fêtes religieuses,
dont nous avons déjà dit un mot, mais encore nos autres
fêtes, nos différentes réunions que l'on pourrait appeler
fêtes et réunions de famille, parce qu'elles ont certaine-
ment pour résultat de rendre la vie de communauté
agréable à nos Junioristes, d'entretenir cet esprit qui doit
— 325 —
cai":\ctériser les fils spirituels du vénéré Père de Mazenod,
les Oblats de Marie Immaculée, et même les Oblals en
lii'rbe.
Ces fêtes et réunions ne manquent donc pas à Saint-
Gliarles. Rappelons-en seulement quelques-unes. Notre plus
l)elle fête, la journée la plus délicieuse sous ce rapport, est
sans contredit la fête du Supérieur local ; il faut en avoir
été témoin pour s'en faire une idée. C'est, comme on l'a dit
en termes assez pittoresques, « jour de grand pardon, où
toutes les libertés nous sont octroyées, hormis celle
d'offenser le bon Dieu et de chagriner le prochain ». La
veille de ce « grand jour », dans la soirée, les Pères et
Frères convers, après avoir complimenté le héros de la fête
dans sa chambre, le conduisent à la salle du théâtre. Les
junioristes l'y attendent, et dès qu'ils le voient arriver, ce
sont de leur part des applaudissements interminables.
Dans une adresse bien rédigée, leur premier admoniteur,
accompagné de deux enfants du cours préparatoire, se fait
l'interprète des souhaits que leur amour et leur reconnais-
sance envers un Père bien-aimé leur ont inspirés pour la
circonstance. Que de bonnes et gentilles choses renfermées
chaque année dans cette adresse ainsi que dans la réponse
du Supérieur ! De tout ce que le codex historiens en a
conservé jusqu'ici, on pourrait faire une collection pour le
moins aussi gracieuse que les bouquets de fleurs naturelles
et de fleurs spirituelles dont les junioristes accompagnent
chaque fois leurs souhaits. — Par les soins et sous la direc-
tion du Révérend Père Econome et d'un autre Père, le
réfectoire se revêt, durant la nuit, d'une riche parure de
guirlandes, de festons, de couronnes, d'armoiries, d'inscrip-
tions, etc., qui en font vraiment un cœnaculum grande
siratum. — A la messe de communauté, à la messe solen-
nelle et au salut, on exécute les plus beaux chants avec un
enti'ain sans pareil. — Le soir, à la représentation théâ-
trale, on joue de même l'une des plus belles pièces, et
l'orchestre nous fait les honneurs de ses plus beaux mor-
— 32Ô —
(•eaux. Bref, des cœurs dévoués et des mains diligentes
mettent tout à contribution pour faire <le cette journée une
journée unique.
Une autre fête de famille, moins brillante, mais toujours
très solennelle et saintement joyeuse, est celle du patron de
la maison, saint Charles Borromée. C'est encore une fête,
une réunion de famille que celle du 31 décembre, à laquelle
tout se passe comme à la veille de la fête du Supérieur;
celui-ci, entouré des Pères et des Frères convers, reçoit
alors les vœux de bonne année des junioristes, et leur
offre les siens sous forme d'avis salutaires. Ce sont pour
nous autant de fêtes de famille que l'anniversaire du
commencement de la Congrégation, le 17 février, la fête
patronale du Très Révérend Père Cénéral, du Révérend
Père Provincial, de l'un des Pères de la maison. Celui-ci, à
cette occasion, dit la messe de communauté ; en son hon-
neur on délie les langues au déjeuner et au dîner; on
l'acclame chaudement, et s'il est professeur ordinaire, ses
élèves ont le privilège de se réunir la veille dans sa cellule
pour le complimenter et être complimentés en attendant
qu'on se revoie en classe.
Et ne sont-ce pas autant de charmantes réunions de
famille que nos soirées récréatives, nos séances théâtrales,
organisées non seulement pour la fête du supérieur local
et la fête de la maison, mais encore pour les petites
A'acances, pour les adieux à la fin de l'année scolaire et
d'autres circonstances? Depuis plusieurs années il est
d'usage que les différents coui's, le cours préparatoire y
compris, se chargent successivement de tous les frais de
ces séances. Les élèves s'y préparent longtemps d'avance
sous la direction de leur professeur ordinaire; ils le font
volontiers, et il est aisé de constater que tous s'efforcent
d'égaler sinon de surpasser ceux qui les ont précédés sur
la scène. C'est donc pour eux un moyen d'émulation stn
generis ; c'est aussi un excellent exercice, qui les habitue
dès maintenant à paraître et à parler en public, sans
■ — ml —
timidité, mais plutôt avec une fortaine aisanco. Les pro-
i^'rammes tle ces soirées oiïrent une grande variété : ce sont
des cliants, des poésies, des discours en difTérentcslant^ues,
des pantomimes, des pièces de théâtre qui y figurent. Ces
dernières sont tantôt amusantes, tantôt sérieuses, comiques
ou tragiques. On joue souvent, non sans succès, des pièces
du théâtre classique, des compositions de Schiller, de
Shaskespeare, de Caidéron et d'autres poètes de nom, en y
faisant les modifications que nécessitent notre personnel et
notre milieu. L'orchestre, qui compte un grand nombre
d'exécutants, a toujours sa bonne part dans nos réunions
au théâtre; nos jeunes virtuoses, en dignes émules de nos
acteurs, s'essayent eux aussi aux chefs-d'œuvre des grands
maîtres, tels que les Mozart, les Haydn, etc. Tous, chan-
teurs, orateurs, acteui's et musiciens, se tirent ordinaire-
ment si bien d'aCfaire que le R. P. Supérieur a la douce
satisfaction de pouvoir les féliciter, tout en attirant leur
attention sur la morale, sur les leçons pratiques qui se
dégagent des pièces jouées. C'est ainsi que se vérifie tou-
jours de quelque manière le di(?ton qui ornait autrefois le
haut de la scène : Orane tulit punctum qui miscuit utile
diiîci. {Maria Imtn., fév. lOlL)
Epilogue. — Le règlement de Saint-Charles.
Nous avons terminé la deuxième partie de notre article.
Cependant, avant de quitter nos lecteurs, il nous faut,
pour être fidèles à notre promesse, leur montrer le chemin
que nos junioristes doivent suivre, non pour arriver de
Fauquemont à Ravensbosch, mais pour atteindre le but
même du juniorat; et ce chemin n'est autre que le règle-
ment de la maison.
Or, en écrivant ce mot «■ règlement >, nous nous rappe-
lons une des plaintes de ce petit collégien, dont nous avons
fait la connaissance précédemment. Il disait, le pauvre petit :
— 328 — '
Lorsque le matin je sommeille
Entre mes draps bien chaudement,
Soudain la cloche me réveille :
Debout! c'est là le règlement.
Pratiquement c'est le cas pour nos junioristes. En effets
d'après le règlement des jours ordinaires ils se lèvent,
hiver et été, à 5 h. 20, alors que dans le monde il est loisi-
lAe à plus d'un étudiant de rester encore dans les bras de
^lorphée. A 5 h. 40 ils ont leur prière du matin et leur
petite méditation, à G h. la sainte messe, vers 6 h. 40 étude,
et 7 h. 40 le déjeuner. Après le déjeuner ils vont mettre
ordre dans les dortoirs et les vestiaires, et descendent en
récréation. A 8 h. 20 a lieu la première classe, à 9 h. 20 la
deuxième, à IOJ4 le second déjeuner, à lO^o 1^ troisième
classe, à 11 h. 35 étude. A midi diner, puis récréation ; à
1 h. ^ étude, à 2 h. la quatrième classe, à 3 h. 10 la cin-
quième classe; à 4 h. *-, le goûter suivi d'une récréation, de
la visite et du chapelet. De 5 h. à 7 J4 il y a deux heures
d'étude et à 7 h. ),. lecture spirituelle ou salut. Suivent à
7 )^ le souper, à 8 h. la dernière récréation, à 8 h. *2 la
prière du soir, à 8 h. 40 le coucher,
t Le règlement de Saint-Charles, lui aussi, a bien changé »,
penseront sans doute les anciens, quand ils auront lu ces
lignes. Oui, il a bien changé, bien a évolué », pour parler
à la moderne. Mais les changements par lesquels on
l'a fait passer, do pair avec l'édifice matériel, pendant
vingt-cinq années, lurent des • changements de bono in
iuelius. Lorsqu'on le considère tel qu'il est aujourd'hui,
avec les détails et les variantes que nous avons fait con-
naître en décrivant la vie de nos junioristes, on acquiert la
persuasion qu'il forme un système d'éducation bien éla-
boré ; et quoiqu'il partage le sort commun des choses d'ici-
bas, dont aucune n'est parfaite sous tout point, il n'en a
pas moins fait ses preuves et produit des résultats satis-
faisants. Ce règlement, on le voit, embrasse pour ainsi diro
toute la journée du junioriste, le forçant à être sérieuse-
— 329 —
ment et uti'ement occupé du matin jusqu'au soir. A la
vérité, c'est un joug, surtout pour les commençants, mais
un joug salutaire, dont la pi-étendue pesanteur disparaît
peu à peu. En se pliant volontiers à ce joug de la disci-
pline, le bon juninriste se soustrait par le fait même à la
tyrannie du caprice ; en suivant toujours le règlement, il
ne perdra jamais son temps, trouvera même du temps
libre, tout en évitant les dangers de l'oisiveté, et acquerra
en un temps relativement court les mêmes connaissances
auxquelles d'autres ne parviennent qu'après un plus grand
nombre d'années : car rien de plus favorable au progrès
dans les études qu'une vie bien réglée {Maria hnmaciilata ,
janvier 1911).
Du reste, en toutes choses il faut considérer la fin. Le
règlement bien suivi donne aux junioristes le goût de
l'ordre et leur fait faire l'apprentissage des vertus dont ils
auront tant besoin comme religieux, de l'obéissance par-
faite, du renoncement à la volonté propre, etc. Et quand ils
seront parvenus au but de leur vocation, ils éprouveront
eux-mêmes la vérité de cette parole du prophète, que nous
redisions la semaine passée à l'office des Ténèbres :
c Bonuin est viro, cum portaverit jngum àb aclolescen-
tia sua. »
Saint-Charles, le 21 avril 1911.
(A suivre.) Le Chroniqueur de Sanit Charles.
mo
VICARIAT DE CEYLAN
Rapport sur le Vicariat rl9 maFs 1911).
Le premier rapport officiel du vicariat de Geylan est
daté de juillet 1908, et a paru dans le N^ de mars 1909 des
« Missions ». Il est donc bien temps de présenter le second,
et avec lui mes excuses pour ne l'avoir pas présenté plus
tôt.
I. — Personne!.
Depuis le précédent rapport, 5 Pères nous ont quittés
pour aller grossir, je n'en doute pas, les rangs de la com-
munauté des Oblats du Ciel. 2 autres ont dû quitter le
champ de bataille: les Pères Eyflfon et Burke retenus en
Europe par l'état de leur santé. Mais l'ordination de 7 nou-
veaux prêtres, et l'arrivée de IS nouveaux missionnaires :
« 14 Pères, 2 Frères scolastiques et 2 Frères convers », ont
plus que comblé les vides, sans toutefois, et loin de là, suf-
fire à porter notre personnel au chiô're demandé par la
moisson de plus en plus abondante. Parmi les nouveaux
missionnaires, qu'il me soit permis de mentionner aussi les
3 jeunes Pères qui, à l'université de Cambridge, se prépa-
rent, avec le dévouement le plus désintéressé, à prendre
part à nos combats, dans le corps professoral île nos collèges
de Saint-Joseph et de Saint-Patrick.
Notre nombre est donc monté de 172 à 187 Oblats dans le
vicariat de Ceylan : Nosseigneurs les évéques, 2; 1G2 Pères ;
10 Frères scolastiques et 13 Frères convers.
331 —
II. — Nos chers défunts.
Donnons en commençant un souvenir fraternel aux vail-
lants qui, depuis 1908, ont achevé leur course, et sont
allés recevoir la couronne de justice que le juste Juge ne
manque pas de donner aux braves qui ont combattu le bon
combat.
1. — Le P. Joh?i Aloysius naquit à Illavalai, près de
Jaffna, en 1851; Mj^r Séméria remarqua la piété et l'intelli-
gence du servant de messe du P. Adrien Saint-Geneys, ot
le prit pour le petit séminaire qu'il voulait fonder. En 1874,
le F. John Aloysius entrait au noviciat de Jaffna, et en
1877 , il faisait son oblation perpétuelle . Peu après ,
Mgr Bon Jean l'emmena au scolasticat d'Autun; mais crai-
gnant que sa santé ne pût supporter le climat d'Europe, il
le ramena bientôt à Jaffna, où il lui imposa les mains le
18 déc. 1880. Après son ordination, le P. John Aloysius fut
envoyé dans la maison de Wennappuwa, qui appartenait
alors au diocèse de Jaffna, et où il fit ses premières armes
sous la conduite de notre vétéran, le R. P. Ghounavel. La
douceur et la charité étaient les qualités distinctives du
P. John, et secondaient admirablement son zèle. C'est grâce
à elles qu'il put, bien que Tamil. réussir parfaitement dans
les missions singalaises. En 1893, il fut rappelé à Jaffna et
nommé curé de la cathédrale et consulteur du vicaire des
Missions. Son ministère fut aussi fructueux dans le Nord
que dans le Sud de l'île.
Le 25e anniversaire de son ordination fut célébré avec
grand enthousiasme par les fidèles de Jaffna, en 1905. Le
P. John était alors chargé de l'église Saint-Jacques à
Jaffna et souffrait déjà beaucoup de la maladie qui devait
l'emporter trois ans plus tard. 11 resta cependant en charge
de sa mission, qu'il ne quitta qu'un mois avant de mourir.
Il s'éteignit doucement à la maison de Saint-Charles, le
16 octobre 1908.
— 332 —
2. — Le P. Mathieu Lafarge est né à Ribeyre, au
diocèse de Clermont, le 20 septembre 1850. Ordonné à Cler-
mont en 1877, et, nommé vicaire à Marat, il vit Mgr Bon-
jean en 1880 et, tombant sous le charme de son illustre com-
patriote, il entendit la voix de Jésus-Christ qui l'invitait à
tout quitter pour le suivre. Il commença son noviciat à
Notre-Dame de l'Osier, et, avec dispense de Rome, le termina
à Jaiïna où il fit son oblation, le 16 juillet 1881.
Le P. Lafarge était doué d'aptitudes qui lui valurent
d'être administrateur du grand pèlerinage de Sainte-Anne,
de 1889 à 1892, et assistant du directeur de l'orphelinat et
léformatoire de Maggona, de 1903 à 1907. — Ce cher Père
était un religieux exemplaire, un prêtre consciencieux et
dévoué, un missionnaire courageux, que ni les privations,
ni la maladie n'arrêtaient. Il eul bien des infirmités, pendant
les dernières années de sa vie. La mission de Madampé,
dont il fut chargé en 1907, lui donna beaucoup de tracas; il
travailla cependant, jusqu'à ce que le mal le forçât à se
coucher, pour ne plus se relever. Il mourut à la maison du
Sacré-Cœur, Borella, le 21 juin 1909.
3. — Le P. Joseph Marian est né à Pulôli, près de Point-
Peilro dans le diocèse de Jafîna, le 5 septembre 1860. Il fut
un des premiers élèves du petit séminaire de Saint-Martin
fondé par Mgr Bonjean. Ordonné prêtre par Mgr Mélizan,
le 16 mars 1889, il entra au noviciat de Jafina le 24 du même
mois. Doué d'une piété tendre, de beaucoup d'activité et de
zèle, il a certainement fait beaucoup de bien dans les cinq
missions qu'il a desservies. Dans les dernières années de sa
vie, il traduisit en tamoul, et publia à Jaffna, les confé-
rences de Mgr Freppel sur la divinité de Jésus-Christ.
Le P. Joseph Marian était miné par la maladie depuis
longtemps ; il continuait cependant à desservir sa dure
mission de Patchilapalli , remarquable surtout par ses
sables, sa mauvaise eau et sa malaria ; lorsque, se sentant
plus mal, il demanda la permission de passer quelque
temps à Puloli, espérant que la bonne eau de son village
— 333 —
natal le remettrait. Il était là depuis queltjues jours seule-
ment, lorsque le P. llouvellac, dont il était l'hôte, s'aperçut
qu'il baissait rapidement. Transporté à Jafina, le 23 sep-
tembre, le malade demanda qu'on lui laissât dire la
messe le lendemain, anniversaire de son baptême. Il avait
un autre sacritice à offrir, car, en cet anniversaire, il remet-
tait son âme à Dieu (24 septembre 1909).
4. Le P. René Gagneux. Consommatus in brevi, expl&-
vit tempora multa; c'est la pensée qui me vient de suite
au cceur et aux lèvres, en écrivant le nom de cette douce
victime. Le P. René Gagneux naquit à Saint-Géréon, au
diocèse de Nantes, le 31 juillet 1881. Ordonné prêti'e à
Nantes le 29 juin 1905, il fut professeur au collège d'Ance-
nis pendant un an. Entré au noviciat du Bestin le 28 sep-
tembre 1900, il y fit son oblation l'année suivante. Les mé-
decins le trouvèrent alors atteint de la maladie moderne,
l'appendicite, pour laquelle il dut subir une opération. Au
commencement de 1908, les médecins le déclarèrent assez
bien remis pour s'embarquer pour Geylan. Le pauvre Père
soufti'it beaucoup pendant la traversée, mais sans se plain-
dre. Bien plus, il négligea d'avertir ses supérieurs, à son
arrivée, que la plaie de son opération s'était rouverte.
Envoyé à Kay ts pour y apprendre les langues, le P. Gagneux
y reprit des forces, et il paraissait bien remis, lorsque le
P. Joseph Marian mourut, en septembre 1909; c'est pour-
quoi il fut envoyé prendre la place laissée vide à Patchila-
palli. Hélas! est-ce le mauvais climat? est-ce l'anxiété cau-
sée par un état d'âme spécial? Quelle qu'en fut la cause, il
y eut une recrudescence de la maladie. Au commencement
de 1910, le cher Père fut envoyé à Colombo et mis entre les
mains des médecins, qui le soumirent à de nouvelles opéra-
tions; mais tous leurs efforts, tous les soins des sœurs
Franciscaines de Marie, qui nous sont si dévouées, ne
purent arrêter le mal.
La patience du P. Gagneux était admirable; Jamais nous
n'entendimes une plainte sortir de sa bouche. Le calme
— 33i —
revint en sa belle îime, et il s'étonnait lui-même de voir
venir la mort avec tant de quiétude, lui qui en avait autre-
fois éprouvé une telle frayeur. Une pensée l'avait touché ;
c'est que la mort du prêtre est sa dernière messe, comme il
le rappelait quelques instants avant sa mort. Il s'éteignit
doucement à Borella, le soir du 10 mars 1910.
5. — Le P. Charles Collin, né le 9 mars 1840, au diocèse
de Bourges, se fit remarquer dès son enfance par sa calme
et ferme douceur, et ses qualités ne firent que se dévelop-
per avec l'âge, de sorte ({ue, jeune homme, il gagnait la
confiance de tous ceux qui le connaissaient, par sa forte et
solide piété, son jugement très sûr, son caractère sérieux
qui n'excluait pourtant pas la gaieté. Depuis ses plus jeunes
années, il désirait se consacrer à Dieu dans la vie reli-
gieuse ; mais les circonstances ne lui permirent pas de
suivre sou attrait et il en fit le sacrifice par vertu, avec une
générosité et un dévouement parfaits.
Lorsque la liberté lui fut vendue, ce fut dans le calme de
la réflexion qu'il choisit la congrégation à laquelle il vou-
lut demander, comme une grâce, de le recevoir dans son
sein.
D'un côté, en lisant, dans les Annales de la Propagation
de la Foi, les lettres de nos Pères, surtout des plages gla-
cées de l'Amérique du Nord, il avait remarqué que ces mis-
sionnaires Oblats de Marie Immaculée, qu'il apprenait alors
à connaître, semblaient animés de l'esprit de pauvreté.
Cette qualité était, à son point de vue, de première impor-
tance. D'un autre côté, il avait été frappé de la belle con-
duite, au concile du Vatican, et de la parfaite pureté de
doctrine de Mgr Bonjean. Ce grand évêque, aux vues si
surnaturelles, était Oblat, appartenait à la même congréga-
tion dont l'esprit vraiment évangélique avait déjà gagné
son cœur; il était vicaire apostolique d'un coin obscur de
l'île de Ceylan, remarquable uniquement par sa pauvreté.
Ce furent les raisons qui fixèrent le choix de M.Ch. Collin;
il partit pour se jeter aux pieds de son Ananie, le prier de
lui faire connaître la volonti? de Dieu et d'être son guide
dans la voie de la sainteté.
Le 21 seplcmbru l'S77, le F. Charles, comme on l'appelait,
commençait son noviciat à Jaffna, sous la douce houlette
du saint P. Pulicani. Le IS décembre 1880, Mgr Bonjeau
l'ordonnait prêtre et le nommait maître des novices et
modérateur des Oblats. Parmi ces novices se trouvait le
Père Lafarye, dont lu courte notice précède celle-ci. Le Père
Modérateur donnait chaque semaine à ses oblats et novices
réunis une instruction d'une élévation, d'une solidité et
d'une piété qui les charmaient.
Au mois d'août 1883, Mgr Bonjean, devant prendre
charge du diocèse de Colombo, emmena le P. Ch. Collin. Le
reste est connu. Qu'il me suffise de dire que, si ce regretté
Père a pu faire tant de bien, surmonter de si grosses ditïi-
cultés, c'est parce qu'il se mettait toujours et uniquement
au point de vue surnaturel et ne se recherchait jamais lui-
même en rien. C'est ce qui le maintenait toujours dans la
ydeine possession do lui-même et lui permettait de faire
tant d'ouvrage. Quel que fût son travail, et il fut énorme
pendant bien des années, on pouvait aller le trouver à
n'importe quel moment; il déposait sa plume, et écoulait
patiemment, comme s'il n'avait eu rien autre chose à faire.
En mars 1910, le P. Ch. Collin déposa la lourde charge
de recteur du collège Saiut-Joseph. « J'ai demandé à Dieu »,
•lisait-il, « de me conserver la vie jusqu'à ce que le collège
soit solidement établi, il m'a exaucé; je n'ai plus rien à
faire sur la terre. * Clependant, on lui demanda d'écrire en
anglais la vie de son cher maître, Mgr Bonjean. Il prit un
jour de réflexion; puis il accepta avec joie, disant que ce
labeur tout d'amour le rattacherait peut-être encore un peu
à la terre. Mais il faut se hâter, répétait-il, « car je n'ai plus
que bien peu de temps à vivre. » Et aidé du P. Labouré, il
se mit à l'œuvre, je dirais presque avec acharnement. Il se
sentait tellement pressé que, même les dimanches, il ne
croyait pas devoir renoncer à son travail. Rien cependant,
— 336 —
à l'extérieur, ne venait confirmer ces sinistres pressenti-
ments, et, à la mi-avril, je me mis en route j^our Jaû'na,
sans la moindre inquiétude à son sujet. Le 30 avril, le
P. Charles Collin travailla encore toute la journée, et le
!«' mai, à midi, il remettait doucement son âme entre les
mains de son Créateur.
III. — Ministère.
Je ne puis donner une liste des missions et retraites prè-
chées par nos Pères. Des missions proprement dites, nous
n'en donnons pas encore, par suite de l'insulïisance de notre
personnel, comme on le verra ci-après.
Des retraites, nos Pères en prêchent en grand nombre
chaque année : aux religieux et religieuses, aux enfants,
aux confréries, etc., ou des reh-aites générales de paroisse,
soit dans leurs propres missions, soit dans celles de leurs
confrères; mais tous sont si absorbés par le ministère ordi-
naire qu'aucun n'a pu encore en être détaché pour s'adon-
ner à la fin spéciale de notre congrégation, et que ces
retraites nombreuses sont, pour ainsi dire, des hors-d'ceu-
vre et un surcroît de travail ajouté au ministère parois-
sial.
Voici quelques chiôres sur l'administration des sacre-
ments dans le vicariat (c'est-à-dire dans les deux diocèses
qu'il comprend), durant les trois dernières années :
Baptêmes donnés en 1908 : 12.859.
en 1909 : 12.313.
» » en 1910 : 12.06i.
La diminution qui frappe ici tient à une notable diminu-
tion, dans le nombre de baptêmes donnés dans les hôpi-
taux. Ce nombre, qui s'était élevé à 1.480 en 1909, est des-
cendu à 1.155 l'année dernière. C'est encore un chiffre bien
respectable.
Mais ceci amène une autre remarque; les baptêmes
— 337 —
d'adultes dans les trois dernières aonécs sont au nombre de
5.380 : 1.730 en 1908, 2.035 en 1909 et 1.615 en 1910. Sur ces
5.380 baptêmes d'adultes. 3.049 ont été donnés dans les trois
hôpitaux confiés aux religieuses : 985 en 1908, 1188 en 1900,
et 876 en 1910. Ces baptêmes dans les hôpitaux sont géné-
ralement des baptêmes in extremis; il ne reste que 2.331
baptêmes seulement donnés à des adultes en bonne santé,
soit une moyenne de 777 par an; c'est un résultat qui ne
nous satisfait pas. A quoi cela tient-il ? je réponds sans
hésitation aucune : au manque de missionnaires. Nos Pérès,
absorbés pour la plupart par un ministère ordinaire écra-
sant, ne peuvent guère s'occuper directement de la conver-
sion des infidèles. Comment un prêtre, chargé seul de l'ad-
ministration, temporelle autant que spirituelle, de plusieurs
églises formant ensemble une mission qui compte parfois
de 5 à 6 mille chrétiens, et quelquefois même davantage,
pourrait-il encore trouver le temps d'annoncer la bonne
nouvelle aux bouddhistes et aux païens? Heureux s'il peut
suffire à nourrir son troupeau et empêcher les loups d'em-
porter quelques-unes de ses brebis! De ce ministère, je ne
relève qu'un point : les communions. Leur nombre aug-
mente dans une proportion très consolante, qui montre bien
avec quel zèle nos Pères ont suivi les instructions de notre
glorieux Pape Pie X :
En 1908 : 680.787 communions ; en 1909 : 798.449; en 1910 :
991.166.
Cette année-ci, le million sera bien dépassé. Quel chiffre
n'atteindrions-nous pas, si le nombre des ouvriers apostoli-
ques était proportionné à celui de la population ?
JV. — Œuvre de la conversion des infidèles.
Je me suis plaint de ce que notre nombre est trop res-
treint, relativement à la population qui nous est confiée,
pour que nx)us puissions nous occuper directement et
23
— 338 —
sérieuaeniotit de la conversion des infidèles. Gela ne veut
pas dire que nos Pères la négligent. Bien rares sont ceux
qui n'ont pas de temps à autre la consolation de régénérer
dans le3 eaux du baptême quelques-unes de ces chères
âmes. Les chiffres dont je me suis plaint protesteraient
contre moi, si je donnais à entendre qu'il y a la moindre
négligence de la part de nos missionnaires, car après tout,
une moyenne de '777 baptêmes d'adultes par an hors des
hôpitaux, et d'un bon millier dans les hôpitaux (et ceux-ci
sont bien donnés aussi par nos Pères), c'est quelque chose.
Parmi les publications dont je dirai un mot plus loin et
qui sont exclusivement l'œuvre des Oblats, il y en a pla-
bieurs qui sont dirigées directement vers ce but de la con-
version des infidèles.
Nos collèges, écoles, orphelinats, atteignent aussi, plus
ou moins directement, ce même l>ut de la propagation de la
foi.
Toutes mes plaintes reviennent donc à ceci que, si nous
a\àons un personnel plus nombreux, nous pourrions faira
beaucoup plus et exercer une action plus directe et plus
puissante sur la masse infidèle qui nous entoure. Or, cette
masser d'un million et demi d'infidèles nous étant confiée
par le Pasteur suprême, il est de notre devoir de faire tout
notre possible pour augmenter le nombre des ouvriers, afin
(le récolter cette abondante moisson. Voilà pourquoi je crie
de toutes mes forces : Mit te operarios.
Pour donner une idée de ce qui pourrait se faire, je me
permejttrai de faire ici brièvement l'histoire d'une petite
mission. La partie Nord de notre vicariat, qui compose le
diocèse de Jaffna, est beaucoup moins peuplée que la partie
Sud, qui compose l'archidiocèse de Colombo; sa population
n'est que d'environ 450.000, dont à peu près 50.000 catholi-
ques, dessei'vis par 'f, prêtres, tandis que la population dx
— o:5l> —
r:«rchidiocèse est île 1.484.000 âme*, dont pré« de 250.000
catholiques, desservis par 117 prêtres. Les Pérès de Jaffna
sont donc, quant au nombre de fidèles, beaucoup moin.i
surchargés que ceux de Colombo. C'est ce qui permit à
Mgr Joulain de donner à un Père la charge exclusive de
quelques petites chrétientés nouvellement formées au nord
et à l'est de la ville. Elles iui'ent érigées en missions dis-
tinctes le 29 septembre 1905, sous le nom de mission de
Nallaour. Cette mission se composait de six centres, avec
leurs chapelles respectives, et comptait environ 550 chré-
tiens. En ces cinq années, de la fin de 1005 à la fin de 1910,
il y a eu au moins 5<X) conversions (y compris les enfauLs
baptisés avec leurs parents). La mission compte à présent
10 centres, 1.271 chrétiens; 10 chapelles, 8 écoles — (il est
vrai que la plupart des chapoUes et toutes les écoles ne
sont jusqu'ici que des hangars couverts de feuilles de coco-
tier) — , 270 enfants dans les écoles, dont une centaine sont
catholiques. Un nouveau centre est en voie de formation;
il y a 100 catéchumènes, dont 50 environ reçoivent l'instruc-
tion et la préparation prochaine au baptême. — On voit
d'ici quelles victoires la grâce de Dieu remporterait, si noua
pouvions partout, à Colombo comme à Jaffna, multiplier
ces fondations.
Les lecteurs seront peut-être curieux de savoir comment
le missionnaire s'y prend pour s'introduire au milieu de
ces populations hindoues, si tenaces, si jalouses de toute
ombre de changement à porter dans leurs vieilles coutumes?
Quoique indigène lui-mêmo, il ne saurait se présenter de
prime-abord : sa soutane, son caractèx'e de prêtre chrétien,
seraient un obstacle insurmontable. Il a deux catéchiste»,
hommes de bonne caste, de bonnes manières et de vraie
piété. Ces catéchistes pénètrent dans les villages que l'oti
veut attaquer, ils font connaissance avec quelques indivi-
— 340 —
dus; ils cherchent s'il n'y aurait pas quelques brebis éga-
rées, quelque pauvre chrétien perdu au milieu de ces païens.
S'ils en trouvent un, c'est un bon enjeu. Au fond, ce pauvre
chrétien regrette l'état lamentable où il se trouve et serait
bien heureux de pouvoir régulariser sa situation; il aidera
les catéchistes. Par son entremise, ceux-ci entrent en rela-
tion avec les hommes influents du village. Bientôt, un petit
terrain est loué et une maisonnette de feuilles y est élevée.
Alors, les catéchistes vont chercher le missionnaire; il
arrive avec son petit autel portatif, une table, une chaise,
ses livres et sa natte. Il s'installe, dit la sainte messe
chaque matin, fait ses exercices de règle avec toute la fer-
veur possible, mais ne sort pas de son ermitage.
Cependant, les catéchistes ne demeurent pas oisifs; ils
visitent leurs nouvelles connaissances, leur disent qu'un
Guru (Magister) chrétien est venu et ils les invitent à aller
le voir. Les païens viennent timidement, un, deux ou trois
à la fois. II est préférable qu'ils viennent seuls au commen-
cement; il est plus facile alors de les faire rentrer en eux-
mêmes et de les toucher. S'ils font une seconde visite, c'est
bon signe, il y a tout lieu d'espérer que la grâce a prise sur
eux et qu'ils se convertiront. Plus tard, quand les catéchu-
mènes sont raffermis, et qu'ils forment un petit groupe, le
missionnaire, à ses visites, leur fait des sermons en règle,
auxquels d'autres villageois viennent assister; puis, quand
on a choisi un Patron pour la nouvelle chrétienté, on célèbre
sa fête avec neuvaine préparatoire; on y invite les chrétiens
des villages voisins, ou même de la ville, afin de lui donner
le plus d'éclat possible; cela attire les païens, et on en pro-
fite pour leur annoncer la bonne nouvelle.
Les catéchistes n'ont pas seulement à préparer les voies
au missionnaire ; ils doivent aussi instruire les catéchu-
mènes, veiller sur les néophytes, les visiter souvent, voir à
ce qu'ils accomplissent leurs devoirs de chrétiens comme la
récitation du chapelet, et des prières du matin et du soir
dans leui's maisons, l'assistance à la messe le dimanche,
— 341 —
s'ils ne demeurent pas trop loin du village où est l'église, ou
au moins une réunion à leur petite chapelle, etc.
Les néophytes aussi, quand ils sont assez intelligents,
s'emploient avec succès à gagner des âmes. Pour ne citer
qu'un exemple : le Père chargé de cette mission de Nallaour,
m'écrit que l'un d'eux lui a amené 26 recrues , et un
autre 30.
Ne suis je pas obligé de conclure de ces faits que lorsque
nous aurons assez de missionnaires pour en consacrer plu-
sieurs à cette œuvre de l'évangélisation des infidèles, nous
pourrons obtenir des résultats considérables. Que Dieu
veuille que ce soit bientôt !
V. — Éducation.
Nos écoles catholiques sont une des gloires du vicariat.
Elles sont maintenant au nombre de 599, avec 48.441 élèves,
dont 39.685 catholiques et 8.756 non catholiques. Mais
parmi toutes ces écoles, quelques-unes intéressent immé-
diatement la congrégation; ce sont : d'abord nos deux col-
lèfe'es de Saint-Joseph, à Colombo, et de Saint-Patrick à
Jaffna; puis quatre écoles anglaises, qui ont chacune un
Père oblat à leur tête.
1. — Le collège Saint-Joseph a achevé la quinzième année
de son existence et est entré dans une nouvelle phase pleine
de promesses. Il a perdu celui que le nouveau recteur a,
dans son rapport de la distribution des prix, appelé le fon-
dateur du collège, et dont il a dit que Saint-Joseph est son
œuvre comme le tableau est l'œuvre du peintre; mais ce
qui augmente encore son mérite, c'est d'avoir assis le col-
lège sur des bases si solides que, lui venant à manquer,
l'œuvre ne devait pas cesser de s'étendre et de progresser.
Le R. P. Lytton a été nommé recteur du collège et supé-
rieur de la maison, et le P. Nicolas préfet des études. 15 Pè-
res oblats sç dévouent à cette œuvre.
— 342 —
Le nombre des élèves était, au mois de décembre dernier,
de 864, et il a encore augmenté depuis; 50 élèves ont passé,
en 1909, l'examen de l'université de Cambridge, 33 comme
juniors et 17 comme seniors.
Le P. Lj-tton se lelicite surtout de la bonne conduite et
du Iwn esprit des pensionnaires . particulièrement des
t grands » dont ie bon exemple exerce une excellente
influence sur tous l'^s élèves. Plusieurs des anciens élèves
se préparent à présent en Angleterre à la profession qu'ils
ont choisie, et ils l'ont estimer le collège qui les a formés.
C'est ainsi que le chef d'une institution de Plymouth écri-
vait de l'un d'eux : « Si ses compagnons de Saint-Joseph de
Colombo lui ressemblent, je serais très heureux d'en rece-
Toir beaucoup ».
Le secret de ce bon esprit qui ^est développé parmi les
pensionnaires, il faut le chercher dans la formation sérieuse
dont ils sont l'objet depuis les premiers jours du Collège et
que le R. P. C. Collin a tant contribué à implanter. Avec
son grand esprit de foi, et sa connaissance des jeunes gens,
avant même que Pie X ait recommandé si instamment la
communion fréquente, la communion fréquente était en
honneur à Saint-Joseph.
2. — Le collège Saint-Patrick a aussi eu ses épreuves,
qui n'ont cependant pas arrêté son progrès. La santé du
jeune recteur, le P. Ch. Soubry Matthews, obligea ses
supérieurs à l'envoyer refaire ses forces dans un climat
plus vif. Son absence prolongée aurait porté un coup
funeste au collège, si les deux provinces du Canada et de
l'Allemagne n'étaient venues à son secours. A présent, le
collège Saint-Patrick compte plus de 500 élèves, dont 140
pensionnaires. Là comme à Saint-Joseph, les enfants don-
nent toute satisfaction à nos Pères par leur bonne conduite
et leur bon esprit, fruit d'une solide piété, alimentée par la
la communion fréquente. Quatorze oblats se dévouent à
cette oeuvre : 9 Pères, 2 Frères scolastiques et 3 Frères con-
vers, Saint-Patrick a aussi remporté de beaux lauriers aux
— 34:3 —
examens de Cambridge, l'année dernière : 8 élèves ont passé
l'examen parmi les e seniors ». Je n'ai pas sous les yeux le
nombre des t juniors ».
3. — L'école de Sainte-Marie, de Negombo, sous la direc-
tion du R. P. Breton, compte o38 élèves; celle de Ghilaw,
dirigée par le R. P. David Fernando, 90; celle de Mannar,
dirigée par le R. P. Rodrigo, 80, et celle d'Anuradhapora,
8UUS la direction du R. P. Gregory, en a 70.
Conclusion : en outre des 593 écoles que Ton pourrait
appeler quasi-paroissiales, et qui, avec leurs 46.000 «élèves,
garçons ou filles, sont sous la direction plus ou moins
immédiate des missionnaires, il y a, dans le vicariat,
6 écoles ou collèges dirigés uniquement par 28 Pères oblats
qui s'y consacrent à l'éducation de 2.000 élèves.
VI. — Œuvres de presse.
Nos quatre imprimeries de Boreila, Ma^/gcna, Jaffna et
Colombogam continuent à fonctionner avec succès, et même
à se développer. Aux cinq feuilles périodiques qui se
publiaient déjà il y a trois ans, la presse de Boreila en a
ajouté une sixième : » The Messe'ngcr of thc Sacred Eeavt
for Ceylon. i
Les livres, brochures et tracts publiés depuis trois ans
par nos quatre imprimeries sont trop nombreux pour que
je puisse les mentionner dans ce rapport (la liste de ceux
qui sont dus à la plume de nos Oblats est conservée aux
archives.) Elle comprend des ouvrages d'apologétique ,
d'Ecriture sainte, de doctrine religieuse et d'histoire sainte,
des livres de piété, des tracts rédigés en langues singalaise,
tamoule, anglaise et française ; soit donc 65 publications
dues à l'activité des Pères du vicariat pendant ces trois
années et imprimées dans les ateliers dirigés par eux. Et
dans ce nombre, je ne compte pas les mandements et cir-
culaires de NN. SS. les Evoques, les revues annuelles de
— 344 —
nos deux collèges, les nombreux articles de journaux et de
revues écrits par des Oblats, etc. Je ne parle pas des autres
publications, livres de classe, etc., préparés par des prêtres
séculiers, des religieux non oblats, ou des laïques; je ne
m'occupe que des œuvres qui sont entièrement nôtres.
Cette liste témoigne que nos Pères de Geylan ne négligent
pas les moyens modernes d'apostolat. Que ne feraient-ils
pas si leur nombre était proportionné aux besoins 1
— Sociétés de jeunes gens.
Le désir que j'exprimais en 1008, et l'espoir que j'avais
de voir ces sociétés croître et se multiplier, se réalise, grâce
au zèle de nos Pères et de nos Frères. Les sociétés déjà
existantes se développent, et de nouvelles oeuvres surgis-
sent. La société de AU Sai7ils, Borella, Colombo, se bâtit
une belle salle de réunion. A la cathédrale, Kotahena, une
société a été formée et compte déjà plus de 300 membres ;
les fondements d'une vaste salle de réunion ont déjà été
posés, sur un terrain gracieusement mis à la disposition de
l'œuvre par Mgr l'Archevêque. A Grand Pass, encore dans
la ville de Colombo, une société de jeunes gens est en voie
de formation.
A Jaffna, la Catholic Library s'est développée et est
devenue Catholic Club. M. H. Sandasagra, avocat, neveu
du Père oblat de ce nom, a généreusement mis à sa dispo-
sition une belle maison qu'il venait de se bâtir.
J'espère qu'avant longtemps , nous verrons aussi à
(Colombo quelque société pour les jeunes gens de la classe
ouvrière, comme celles que dirigent nos Frères de Jaffna,.
et qui sont un moyen si efficace de faire le bien.
— 34-j —
VIII. — Conférences de St-Vincent de Paul.
On n'en compte encore que deux dans le vicariat, et
môme dans toute l'ile deCeylan; mais le bien qu'elles font,
au spirituel comme au temporel, à leurs membres aussi
bien qu'aux pauvres qu'ils assistent, me fait vivement dési-
rer de les voir se multiplier dans les petites villes et dans
chacune des paroisses des grandes villes.
La conférence de Kotahena compte 35 membres actifs et
SOO membres honoraires. Dans le courant de l'année, 3.200-
visites ont été faites à domicile, 184 familles ont été secou-
rues mensuellement, et les secours donnés, surtout en
nature, se sont élevés à une somme de 3.244 rs. — soit plus
de 5.000 fr. — Cette conférence a, dans l'année, procuré
d'honorables mariages à trois orphelines, réhabilité 28 unions
illégitimes, pourvu à 10 enterrements chrétiens, ramené
26 personnes à leurs devoirs religieux, et amené 17 infidèles,
qui se sont fait instruire et baptiser.
En outre, les membres actifs ont, par leurs visites et
leurs exhortations, amené un bon nombre d'hommes du
peuple à suivre les exercices des deux retraites pascales
données pour eux, en singalais et en tamoul. Un millier
environ ont suivi ces retraites.
De plus, ils font le catéchisme le dimanche, et s'occupent
journellement d'une école du soir établie avec leur concours,
pour les jeunes gens illettrés de langue tamoule.
Une autre œuvre spéciale de cette conférence, qui mérite
notre attention, c'est le déjeuner gratuit donné toute l'année
à 26 enfants pauvres des écoles.
La conférence de Jaffna se compose de 22 membres
actifs, tous jeunes gens de la classe ouvrière; ils ont fait
dans l'année 1650 visites à domicile, donné des secours à
33 familles et 16 personnes sans famille; les secours distri-
bués pendant l'année, presque tous en nature, ont atteint
— 346 —
la somme de 77Ô rs. — soit plus de 1.-28!) fr. — Chaque
dimanche, deux membres visitent l'hôpital. D'autres réunis-
sent les enfants du quartier pour les conduire à l'église. Ils
.Dnt aussi l'ondé une nouvelle œuvre de jeunesse sur la
paroisse de Saint-Jean et une école du soir sur la paroisse
de Saint-Jacques. Leur petite bibliothèque roulante a prêté
403 volumes dans l'année, et distribué gratuitement 3.000
exemplaires d'un tract sur l'éducation des enfants', plu-
sieurs autres tracts et de belles et grandes images du Sacré-
Cœur.
Une œuvre originale, tout à fait dans les mœurs indien-
nes, c'est l'œuvre de la poignée de riz ; c'est elle qui met en
grande partie la pauvre conférence de Saint-Vincent de
Paul de Jaffna à même de faire ses petites largesses ; 320
familles prélèvent chaque jour une poignée de riz sur la
quantité qui constitue la nourriture de la famille, et chaque
mois les membres de la conférence passent et recueillent ce
qui a été mis à part pour les pauvres.
IX. — Joyeux événements.
Il s'en rencontre, grâce à Dieu, sur le chemin de la vie,
même en pays de mission; peut-être devrais-je dire : sur-
tout en pays de mission.
Je ne parlerai pas de toutes les fêtes magniûques, des
processions splendides, des premières communions et con-
firmations de centaines d'enfants, pas même des bénédic-
tions de nouvelles églises ou écoles. Si j'entreprenais cela,
un numéro tout entier des Missions ne suffirait pas.
Je me contenterai de mentionner quelques fêtes de famille,
quelques-uns de ces petits incidents qui vont plus droit au
cœur, parce qu'ils touchent de plus près nos Frères et notre
mère la Congrégation.
Passons les noces cVargenl religieuses ou sacerdotales,
- 347 -
parce que, Dieu merci, olles deviennent trop nombreuses
parmi nous pour t^tre mentionnées.
1. — Oblations perpétuelles. Elles sont une source de
joie intime bien vive, surtout en pays de missions, parce
qu'elles élargissent le cercle de la famille bien-aimée, et
sont une preuve de sa fécondité. Nous en avons eu 15 dans
le cours de ces trois années : 2 Frères convers, le F. Y. Pri-
gent le 8 décembre 1908, et le F. Tufi, le 15 août 1910, et
13 Frères scolastiques le :2 février 1910.
2. — Noces d'or sacerdotales : {a) du P. Y. Le Cam, célé-
brées à Negombo le 33 juin 1909. Elles ont été racontées
dans le No de décembre 1909 des Missions^ je n'ai donc pas
à en faire une nouvelle description ici; je ne puis cepen-
dant résister au plaisir de dire que le vénéré jubilaire con-
tinue à donner l'exemple d'une assiduité admirable au con-
fessionnal, {b) Du R. P. J. Batayron, le IC mars l&il. Le
carême a fait renvoyer la solennité après Pâques. J'espère
qu'une jeune plume en fera la relation.
3. — Noces de diamant religieuses du Pv. P. C. Chouna-
vel, célébrées le 16 janvier 1910. Les Missions de mars de
la môme année en ont donné une courte notice. Ce brave et
joyeux vétéran se prépare à célébrer, en janvier prochain,
ses noces de diamant .sacerdotales. En attendant, il conti-
nue à travailler comme il y a soixante ans. La chaire et le
confessional ne suffisent pas à épuiser son zèle; sa plume
a gardé toute son activité, comme en font foi les 9 publica-
tions qu'il a fait paraître en ces dernières années. Que le
bon Dieu nous conserve encore, ad multos annos, un si
bon modèle d'Oblat, parfait religieux et parfait uiission-
naire.
4. — Pose de la première pierre de notre maison de
Colombo. J'ai gardé cet heureux événement pour la bonne
bouche, car c'est pour nous tous, Oblats de Geylan, et pour
ceux de nos Frères qui suivent de plus près les progrès de
la Congrégation dans cette île, un des plus joyeux et des
plus riches d'espérances. En effet, depuis plus de '25 ans?,
— 348 —
nos Pères travaillaient dans l'archidiocèse, avec un zèle
admirable et un succès qui répondait à leur zèle; ils bâtis-
saient des églises et des écoles sans compter; mais, comme
l'a si bien dit le R. P. Vicaire général dans son discour»
(reproduit dans les Missions de ce mois de mars), ils
n'avaient pas trouvé le temps de songer à eux-mêmes et de
s'assurer un gite. Les bases de cette œuvre si importante
sont maintenant fortement assises, grâce au dévouement et
au talent de notre Procureur vicarial.
Il y avait deux ans que nous cherchions un emplacement
convenable pour notre établissement sans pouvoir le trou-
ver. Ce n'était pas chose facile, en effet, à cause de l'ac-
croissement rapide de la ville de Colombo et de l'élévation
du prix des terrains qui en est la conséquence. (Le chiffre
de la population est monté en dix ans de 150.(XK) à 211.000.)
Cependant, Tannée dernière, notre cher Père Procureur,
grâce sans doute à saint Antoine de Padoue qu'il avait mis
de la partie, nous trouvait un terrain qui offrait toutes les
qualités désirables. C'est un parallélogramme de 10 acres %
(soit 4 hectares 30 ares) de superficie, situé entre l'océan
d'un côté et la grande route de Galle de l'autre, dans les
limites de la municipalité, à 1 kil. d'une station de chemin
de fer, et 1 kil. *2 de l'é^^dise paroissiale, dans le quartier
de Bambalapitiya, vers lequel la population se porte de
plus en plus.
Le corps de bâtiment destiné au noviciat est en voie de
construction. Il se compose de six salles ; le dortoir de
10 m. 50 sur 5 m. 40, une salle d'exercices et un réfectoire,
chacun de 7 m. 50 sur 5 m. 40. et trois chambres, chacune
de 5 m. -'jO de côté, et des dépendances. Le tout est bien
éclairé et aéré et protégé du soleil par des vérandas.
Notre Père Procureur aurait bien voulu commencer de
suite l'aile destinée aux missionnaires; mais les fonds lui
manquent, il faut patienter.
Nous aurions désiré mettre sous le vocable de notre Mère
Immaculée cette maison des Oblats à Colombo. Malheureu-
— 349 —
sèment, elle se trouve sur le territoire de la paroisse de
Bambalapilya, dont l'église est dédiée à l'Immaculée Gcu-
ception. Il ne nous a pas paru possible de donner le môme
titre à notre chapelle et d'avoir ainsi une concurrence de
deux fêtes patronales le même jour dans la même paroisse.
Ainsi privés du titre qui naturellement s'imposait, de notre
Patronne, nous avons cru ne pas pouvoir mieux faire que
de nous mettre sous la protection de l'apôtie des Indes,
Patron des missionnaires, en prenant le vocable de saint
François-Xavier. J'espère que notre Patron nous obtiendra
la grâce de nous faire part de son zèle et de ses succès pour
la gloire de Dieu, le salut des âmes et le bien de notre chère
Congrégation.
J. COLLIN, 0. M. /.,
Vicaire des Missions.
330
NOUVELLES DIVERSES
Propagation de la foi.
Lettre de Sa Grandeur Mgr Donten-will,
Archevêque de Ptolémals, Supérieur gén(*ral
de la Congrégation de3 Missionnaires Oblats de Marie Immaculée.
A Messieurs les Présidents des Conseils centraux de l'Œuvre
de la Propagation de la Foi, à Paria et à Lyon.
Rome, le 23 juiu 1911.
Vénérés Messieurs,
Veuillez me permettre de vous offrir le témoignage de
ma profonde reconnaissance. Je viens d'apprendre, en effet,
que sur le produit des recettes de l'an dernier, les Conseils
centraux de l'Œuvre de la Propagation de la Foi ont bien
voulu attribuer, à l'ensemble des missions desservies par
les Oblats de Marie Immaculée, une allocation s'élevant à
deux cent quatre-vingt mille francs.
Il me semble que vous trouverez bon que le Père se
fasse le porte-parole et le garant de ses fils bien-aimés, et
qu'en leur nom, il vous exprime la gratitude qui nous est
commune à tous.
Pourquoi ne l'avouerais-je pas? J'ai ressenti une grande
joie à la pensée de rassurer nos missionnaires sur les
inquiétudes que leur zèle rendait plus poignantes. La
plupart de nos chefs de missions m'avaient confié leurs
graves appréhensions que, par suite des difficultés des
temps que nous traversons, ils ne soient obligés, faute de
ressources, à restreindre le développement de leurs œuvres
d'apostolat.
Or, revenir en arriére, abandonner ne fût-ce même qu'un
O-Jl —
poste H l'ennemi, laisser sans réponse un appel des âme&,
quand précisément les progrès du mal ou les dispositions
favorables pour le bien poussent les missionnaires à
étendre leurs conquêtes, est une peine qui ne peut se
décrire : on la ressent sur place.
Grâce à vous, apri-s Dieu, vénérés Messieurs, j'ai à leur
annoncer qu'au lieu de la diminution redoutée, non seule-
ment vous leur maintenez les secours de l'an dernier, mais
encore vous leur permettez de faire face à de nouveaux
besoins par une augmentation sensible sur Tallocation
précédente.
Soyez-en remerciés, vénérés Messieurs, soyez-en bénis
avec la divine Providence dont vous êtes l'instrument
choisi pour accomplir ces grandes choses que sont l'exten-
sion du royaume de Dieu et \% salut des pauvres âmes
abandonnées.
Je suis sûr d'être l'interprète de nos missionnaires en
vous donnant l'assurance que. conscients des efforts et des
sacrifices que représentent les généreux secours que vous
leur octroyez, ils se dévoueront avec plus de zèle et d'ar-
deur que jamais, ils se montreront de plus en plus dignes
de la bienveillance dont vous les honorez, et mériteront
ainsi l'aLondance des bénédictions du ciel, qui donneront
à leur apostolat le succès et la fécondité.
Mais nous ne laisserons pas nos missionnaires s'acquit-
ter seuls de ce grand devoir do la reconnaissance envers
l'Œuvre de la Propagation de la Foi, envers les vénérés
membres de ses Conseils, car toute la famille des Oblats ne
forme qu'un cœur et qu'une âme pour adresser la même
prière à Dieu de vous rendre le bien qui. grùce à vous,
s'opère dans toutes les missions du monde.
Veuillez agréer, je vous prie, vénérés Messieurs, l'hom-
mage de mon respect et de ma profonde gratitude en
X.-S. et M. I.
t A. DOXTE-NWILL, 0. M. 1..
Arch. de Ptolétna'is, Sv.périevr général.
— 352
ROME
Indulgence attachée à la récitation de
« Laudetur Jésus Christus, et Maria Immaculata ».
Beatissime Pateb,
Augustiims Donlenwill, archiepiscopus Ptolemaid, supe-
rior generalis Oblatorum B. M. V. Immaculatse, ad pedes
Sanctitatis vestrce humillime provolutus, exponit quod
invocatio : « Laudetur Jésus Christus et Maria Immacu-
lata » propria est suœ Congregationi, cujus alumni pluries
quotidie eam in communi recitare soient, sa^pissime pri-
vatim per modum jaculatorine. Quapropter implorât Indul-
gentiam trecentum dierum pro recitatione publica, centum
vero pro privata, utramque animabus in Purgatorio deten-
tis applicabilem, in favorem omnium et singulorum ejus-
dem Congregationis alumnorum, non exclusis novitiis,
postulantibus, scholarum apostolicarum juvenibus. Et
Deus...
Die 12 Janii 1911.
SSmus D. N. D. Plus divina Providentia PP. X, per
facultates R. P. D. Adsessori S. Officii impertitas, utram-
que Indulgentiam pro invocatione de qua in precibus semel
tantum in die lucrandam. ad septennium bénigne concessit.
Gontrariis quibuscumque non obstantibus.
L. S. Aloisius Giambene, sue. pro Indulg.
N» 2074/11 (S. Congregatio S. Officii)
(Sectio de Indulgentiis).
Concordai eu m originali,
Jos. Lemius, 0. M. /.,
proc. gen.
— 353 —
DEUXIÈME PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
La retraite annuelle.
Bien que les lignes suivantes soient extraites d'une lettre privée
du R. P. Henri Wattelle, nous croyons devoir en faire part à r.os
lecteurs pour leur édification.
San Antonio, Texas, 17 juillet 1911.
Je suis depuis huit jours l'hôte de nos Pères de la
deuxième province des Etats-Unis où je prêche la retraite
annuelle. II m'a fallu trois jours et "trois nuits de chemin
de l'er pour me rendre ici de Lowell. Mais les fatigues du
voyage se sont toutes dissipées devant le bon accueil qui
m'a été fait.
Il règne dans cette province un esprit de famille difficile
à peindre, tant il est plein d'abandon et d'intimité ; on y a
conservé toutes les traditions de notre famille religieuse, et
à ce point de vue la retraite annuelle est un spectacle des
plus édifiants. Il n'y a pas de noviciat ou de scolasticat où
les exercices se fassent mieux ni avec plus de ferveur.
Presque tous les Pères sont jeunes, ce qui ne les empêche
pas de fournir un travail que j'ai entendu hautement van-
ter par Mgr l'Evêque de San Antonio. Et qu'il y a cepen-
dant de missions pauvres, difficiles, ot qui demandent pour
être desservies comme elles le sont, une vertu qui dépasse
l'ordinaire !
Je remercie le bon Dieu de m'avoir réservé la faveur de
passer ici quelques jours. Il me semble que j'en partirai
plus Oblat.
H. Wattelle, (j. M. I.
?3
— 354
VICARIAT DE CEYLAN
Lettre du R. P. V. Huctin, O. M. I.
Mannar, le 7 jxiin 1911.
Mon Rs%'èREND Père,
Vous voudrez bien excuser le petit retard que je mets k
répondre à votre lettre; depuis que je suis à Mannar, je
suis tellement absorbé par l'étude de la langue tamoule
«t... anglaise, que je prends à peine le temps de pourvoir à
ma correspondance. J'ai toute la journée à ma disposition
un brave jeune bomme qui a passé ses examens dernière-
ment et qui attend chaque jour une place dans les chemina
de ter. — Je l'exploite autant que je puis !... et si je conti-
nue de la sorte, j'ai confiance qu' <■ avant longtemps je
serai capable de soulager le bon Père Supérieur », ainsi
que vous me le souhaitez... Il en a bien besoin, car il esk
accablé de besogne, et le soir il me parait parfois bien
fatigué. — Jusqu'à présent, je n'ai guère pu l'aider qu'en
courant aux extrêmes-onctions et en accomplissant toute*
le.» cérémonies où n'interviennent pas les difficultés de la
langue. — Je prends également la direction de la petite
confrérie de Saint-Aloysius, et pour chaque réunion, je me
propose de leur donner une petite instruction ; ce me sera,
je pense, un excellent exercice ; et par ailleurs, les pauvres-
enfants, il me semble qu'ils ont un peu besoin d'être
eKi'ités, car il s'en faut qu'ils soient réguliers. Quelle joie
ce serait pour moi si bientôt je pouvais offrir à Notre-
Seigneur une belle couronne d'enfants, venant assister au
très saint sacrifice de la Messe; pour cela, veuillez, mon
Piêvérend Pare, me prêter le concours de vos bonnes
prières.
— 365 —
Il y a huit jours, le R. P. Favril, ayant trois messes
chantées consécutives, avec vêpres, neuvainoi, etc., obtint
du Rév. Père Supérieur de m'emmener à Vankalai pour
l'aider; j'en suis revenu très édifié, et sincèrement, je ne
savais comment exprimer mon admiration. Leë cérémonies
ont été très touchantes, ses petits enfants de chœur sont
certainement aussi bien dressés que ceux de la cathédrale
et ils chantent à la perfection... Par ailleurs, l'assistance
aux offices a été de jour en jour plus nombreuse; ajoutez
à cela les narrations toujours si intéressantes du Père
touchant ses chères ouailles: bref! tout cela ranimait mon
zèle et me montrait comment, parmi ces gens, quelquefois
si rudes en apparence, on peut, avec l'aide de Dieu et un
peu de bonne volonté, arriver à des résultats vraiment
surprenants ! — Pendant mon séjour à Vankalai, j'ai eu
l'occasion de faire une longue promenade dans Mantotte,
pour une extrême-onction.
Et maintenant, mon Révérend Père, que vous dirai-je de
ma nouvelle résidence ? Oh ! évidemment, que je suis on
ne peut plus heureux... Sans doute, il n'y avait rien à
Point-Pedro dont je pusse me plaindre, mais au fond, je
souffrais beaucoup à cause de cette pauvre langue ta-
moule..., et personne avec qui m'habituer à parler. — Ici.
je suis très favorisé à ce point de vue, parfois même il
m'arrive de parler tamoul sans y penser, tant je suis
absorbé par l'étude ou la conversation.
Quant au Rév. Père Supérieur, comment ne pas être
heureux avec un si bon i papa » ?... De ce côté, je n'entre-
vois même pas la possibilité d'un ennui ! !
Mais je suis par trop bavard t excusez-moi et veuillez
agréer, mon Révérend Père, l'expression des sentiments
respectueux avec lesquels je reste
Votre enfant très soumis et très affectionné en N.-S.
et M. I.
Val. Hdctin,
C. M. I,
356 —
VICARIAT DE KEEWATIN
I" Erection du vicariat de Keewatin.
Voici la lettre par laquelle Monseigneur le Supérieur
Général fait part de l'érection du Vicariat des missions du
Keewatin et de la nomination de Mgr Charlebois comme
vicaire des missions.
AuJt religieux Oblats de Marie Immaculée
du vicariat apostolique de Keewatin.
Rome, le 21 juin 1911.
Nos Révérends Pères et nos bien ghers Frères.
Le Saint-Siège ayant érigé, il y a un an, le territoire de
Keewatin en vicariat apostolique, nous avons pensé qu'il y
avait utilité à grouper nos Pères qui y exercent le saint
ministère en un vicariat des missions qui aurait les mêmes
limites que le vicariat apostolique.
De l'avis de nos assistants, Nous avons donc nommé
vicaire des missions Mgr Ovide Charlebois.
Son conseil vicarial comprendra :
Le R. P. Marius Rossignol, comme premier consulteuv,
et le R. P. Jean-Marie Pénard comme deuxième consulteur.
Recevez, nos bien cliers Pères et Frères, avec notre pater-
nelle bénédiction, la nouvelle assurance de nos sentiments
les plus affectueux et les plus dévoués en Notre-Seigneur
et M. I.
V Augustin Dontenwill, 0. M. I.,
Archev. de Ptolémaïs, Sup. gén.
I
— 357 —
II" Arrivée de Mgr Ovide Charlebois, O. M. I.,
dans son vicariat apostolique.
1. — Réception à la mission du Pas.
Le nouveau vicariat apostolique, en ne tenant compte
que de la terre ferme, couvre un territoire aussi étendu
que celui de la province de Québec et renferme une popu-
lation indienne d'environ dix à douze mille Ames. Les
blancs sont si peu nombreux qu'il ne vaut pas la peine de
les compter. Les Cris, les Montagnais et les Esquimaux
sont les trois principales tribus sauvages. Six mille envi-
ron appartiennent à la foi catholique. Les autres sont
protestants ou infidèles. Les deux premières tribus ont
seules entendu la bonne nouvelle. Les missionnaires n'ont
pu encore la porter aux Esquimaux qui habitent le nord.
Un missionnaire leur a fait une première visite récem-
ment, et le nouvel Evêque compte poursuivre dès l'été
prochain l'œuvre de leur conversion. Tous ces sauvages
vivent de chasse et de pêche et sont très pau\-res. Loin de
pouvoir procurer des ressources aux missionnaires, ceux-ci
sont obligés de les secourir bien souvent. Aussi ces mis-
sions ne vivent que des aumônes de la Propagation de la
Foi et de la charité des fidèles^
Le nouveau vicariat compte, outre l'évèque et le prêtre
qui l'accompagnera, treize missionnaix'es, tous Oblats de
Marie-Immaculée. Six Frères convers Ol^Iats aident les
Pères dans les divers postes. Il y a aussi six sœurs Grises
de Montréal à l'Ile-à-la-Crosse et trois missionnaires
Oblates du Sacré-Cœur et de Marie-Immaculée à Norway-
House.
• Les sauvages sont en général très bons, pleins de respect
et de docilité, tiennent le missionnaire en grande estime,
prient bien et sont très attachés à la religion. Le blasphème
— 358 —
«8t inconnu parmi eux et il n'y a pas de mots blasphéma-
toires dans leur langue. Ceux qui apprennent parfois à
blasphémer au contact de mauvais blancs sont obligés de -
«e servir de mets an^rlais ou français.
Il n'y a pas encore d'autre moyen de locomotion dans
tout le vicariat que la raquette et la traîne à chiens en
hiver et le canot d'écorce en été. Bientôt un chemin de fer
sera construit jusqu'au Pas, résidence de l'évêque. Actuel-
lement il n'existe dans cette mission qu'une pauvre cha-
pelle faite dé troiics d'arbres.
*'*
Le 8 mars 19^11, a commencé une ère nouvelle pour les
missions sauvages du Keewatin et pour celle du Pas en
particulier. La veille Sa Grandeur Mgr Ovide Gharleboie,
0. M. Lj nommé ^vêque de Bérénice, et premier vicaire
apostolique du Keewatin, par bref du 8 août 1910, arriva
au Pas. Le R. P. Turquetil, O. M. L, de la mission du lac
Caribou, accompagnait Sa Grandeur. A la station, le
R. P. Renaud, de passage ici, vient recevoir Monseigneur,
et avec lui presque tous les catholiques de l'endroit.
Dans cette première rencontre avec le premier pasteur,
les moindres détails vont droit au cœur : et le baiser de
l'anneau, et les cordiales poignées de main, la simplicité,
le sourire spontané et bienveillant dont Sa Grandeur a le
secret. N'eet-il pas connu de tout le monde, cet évéque
missionnaire ? Il nomme chacun par son nom ; huit ans
d'absence n'ont pu refroidir l'amour qu'il portait à tout ce
peuple au bien duquel il a tant travaillé. Sa vue réjouit,
fortifie, enthousiasme ce petit troupeau. Petit troupeau sans
doute, puisque jusqu'ici il n'y avait pas même de prêtre
résidant au Pas. Et c'est un évêque qui arrive aujourd'hui,
non plus de passage, mais de résidence en ce petit village
naissant.
La joie, le bonheur de tout ce monde semble se commu-
— 359 —
niquer, et vous pourriez voir nombre de no?< frères sépaios,
leur pasteur en tête, se montrer pleins de respect et de défé-
rence envers Sa Grandeur. Que Dieu conserve cette joie,
cette force et ce bonheur au cœur de tous nos catholiques 1
Aujourd'hui nous aurons grand'messe avec lecture des
bulles de Sa Sainteté le Pape Pie X. C'est, en effet, le jour
de l'intronisation du premier vicaire apostolique Ju
-Keewatin. Nous l'appellerons un grand jour, mais grand
seulement aux yeux de la foi ! Comme grande et belle sera
la cérémonie, mais de cette pjrande et belle simplicité et
pauvreté qui font l'apanage et l'honneur des vrais apOties
missionnaires !
La pauvreté I elle est partout. Voyez plutôt ce qui a le
lom de palais épiscopal.
Il est dix heures. Sa Grandeur quitte la maison dans
laquelle l'hospitalité lui a été généreusement offerte par un
catholique anglais et se rend à la mission. Le vent, lu
tempête lui font cortège. Qui donc songerait aux processions
d'honneur par un temps pareil ! Et puis la mission, c'est-à-
dire le palais actuel, le voici : un abri de quatorze pieds
carrés, à toit légèrement incliné, appuyé à l'arrière de
l'église, voilà tout pour la description architecturale.
A l'intérieur, deux bancs, une chaise, une caisse vide qui
sert de table, deux malles" contenant le linge ou les vivres
du Père qui séjourne ici de temps à autre, un petit poêle
de cuisine, voilà pour l'ameublement et le confort intérieur.
De décorations pour la circonstance, vous n'en trouverez
pas d'autres, en ce petit logis, que quelques caisses arrivées
à l'adresse de Monseigneur.
A son entrée au palais, Sa Grandeur rencontre quelques
catholiques canadiens, anglais, français, métis et sauvages.
A chacun de s'asseoir ou de rester debout ccmme il peut et
où il peut.
Au milieu de ce petit monde ^Monseigneur trône assis sur
une caisse. Une autre caisse sert de table au R. P. Tur-
-quetil pour traduire les bulles en français et en anglais.
— 360 —
Le R. P. Renaud, moitié à genoux, moitié assis sur le
plancher, écrit sur un banc. Il prend une copie de l'adresse
qu'il doit présenter à Sa Grandeur.
La cathédrale.
11 n'est toujours que dix heures ! Du palais, c'est-à-dire
de l'unique pièce qui est tout à la fois salle à manger,
cuisine, chambre à coucher, office, dépôt, etc., Monseigneur
se rend à sa cathédrale. Le trajet n'a pas été long. Voici
donc une bâtisse rectangulaire, de 7 mètres de long sur un
peu moins de 5 de large — 22 pieds sur 14 — en billots,
équarris, recouverts d'une mince couche de chaux, et c'est
tout. Nous ne sommes pas à Saint-Pierre. Sa Grandeur
avait elle-même bâti cette petite chapelle il y a plusieurs
années, alors qu'elle était à la mission du Cumberland.
Abattre les arbres, les équarrir, en faire un radeau, le
conduire sur place grâce au courant, transformer le bateau
plat en plancher, le plancher en mur et la chapelle fut faite,
et tout était bien, presque beau pour une chapelle de mis-
sion. Mais aujourd'hui qu'il faut une cathédrale, on trouve
que la pauvreté règne en maîtresse un peu trop absolue.
Ecoutez cependant la grande voix de la tempête qui rem-
place le carillon des cloches absentes, des cloches à venir.
Entrons à l'intérieur, les parois que, par habitude, nous
appelons des murs, sont misérablement nues. Vous trou-
verez là tout juste de quoi permettre à trois prêtres de
célébrer la sainte messe, mais sans tabernacle, sans osten-
soir, sans ciboire. Et d'où lui vient donc, à cet évêque, cet
air de bonheur si pur et si vrai qui se lit sur son visage ?
De Dieu et de Dieu seul sans doute, car Dieu seul sait faire
goûter de si grandes choses, le bonheur dans la perspective
de privations, la joie dans l'attente des souffrances.
— 361
Messe Pontificale.
Monseigneur, revêtu des ornements pontificaux, com-
mence la grand'messe au trône. Le trône, entendons-nous,
ce n'est plus une caisse, c'est une chaise toute simple, et
encore prêtée pour la circonstance par un catholique de
l'endroit.
Le R. P. Renaud l'assiste à l'autel, répond la messe et
dirige les cérémonies fort simples d'ailleurs. Un enfant
porte la mitre, l'autre la crosse. Tous les deux se sont mis
dans leurs plus beaux atours du dimanche, car personne
ne s'étonne qu'à la cathédrale du Keewatin, il n'y ait pas
encore d'habits pour les enfants de chœur. N'importe, ils
sont fiers de leurs fonctions, au point de ne pas comprendre
ni même apercevoir les signes du Maître des cérémonies.
Excusez-les, ils sont si jeunes, tout est si nouveau pour
eux, et personne ne les a formés encore à de si hautes
fonctions.
La messe continue, recueillie et solennelle. Le R. P. Tur-
quetil dirige le chant, sans orgue, cela se conçoit, et, hélas I
aussi, sans harmonium, et c'est regrettable. Du moins, les
nombreuses voix de l'assistance s'unissent à lui, sympa-
thiques et enthousiastes.
Après la messe, Sa Grandeur revient au trône, et le
R. P. Turquetil donne lecture des bulles de notre Saint-
Père le Pape Pie X, qui nomment Mgr Ovide Gharlebois,
0. M. L, premier vicaire apostolique du Keewatin. Pendant
cette lecture on n'entend pas le moindre bruit, ni le moindre
mouvement. Cette voix qui résonne et redit les paroles du
A-icaire de Jésus-Christ, captive toute l'attention. Dans cette
misérable église où la pauvreté et le dénuement l'emportent
sur tout le reste, entre ces quatre murs privés de tout
ornement s'accomplit quelque chose de grand, de solennel.
Oui, c'est vraiment un jour de fête et de grande fête. La
lecture terminée, le R. P. Renaud présente une adresse à
— 3G2 —
Sa Grandeur au nom de tous les missionnaires. Il dit à
Monseigneur la joie et le bonheur que son arrivée procure
à tous SCS prôtres, le courage et la force que sa présence
inspire à tous les missionnaires, qui, laissés à eux-mêmes,
ont tant souffert de la solitude ; il exprime l'espoir, la cer-
titude du succès que l'expérience, le zèle du Prélat assure
aux pauvres mais tant aimées missions sauvages ; enfin, il
promet à Sa Grandeur le concours généreux et actif de
tous ses confrères, pour l'aider à conduire toutes les âmee à
Jésus par Marie. Ad Jesutn per Mariam.
Après lui, le D' Larose, le plus ancien résidant du Pae.
lit à Monseigneur une magnifique adresse.
Les métis ont à cœur, eux aussi, d'exprimer à Sa Gran-
deur toute la joie qu'ils ressentent à son arrivée définitive
parmi eux, joie qu'ils expriment dans leur propre langue,
le cris.
Monseigneur se lève tout ému, répond tour à tour en
français, en anglais et en cris. Il dit, — et le ton de sa voix
plein d'émotion et de sincérité, le fait bien comprendre —
il dit comment il nous porte tous dans son cœur de Père,
tans aucune distinction de nationalité ou de langage.
A tous de vivre en véritables enfants de Dieu, en vrais
fidèles également soumis au même pasteur qui les aime
d'un même amour. Là est la force, le bonheur, là est le
•ccret de gagner toutes les âmes à Jésus et à Marie.
Et tous s'inclinent, recueillis, émus, sous la main bénis-
sante de leur Pasteur.
Te Deum : Toutes les voix disent bien haut le merci de
la reconnaissance envers Dieu qui a daigné se souvenir de
son peuple et le visiter.
II. — Mission du Cumberland.
Le samedi 11 mars 1Î>11, c'était au tour de la mission
St-Joseph de Cumberland de se mettre en fête pour la récep-
tion deMgrCharlebois. Sur le lac, une haie de sapinette fait
— 363 —
un chemin d'honneur ; à l'église, les cloches carillonnent
joyeusement, et, jusqu'à la mission, on ne voit qu'oriflammes
et drapeaux qui se balancent au vent, tandis que la fusil-
lade, vive et nourrie, semble vouloir le disputer au bruit de
la tempête qui fait rage.
Il n'est point difficile de se rendre compte de la joie et du
bonheur qu'apporte la visite du premier Pasteur au milieu
des fidèles qu'il évangélisa autrefois.
Monseigneur arrivait après un voyage de deux jour s effec-
tué en traîne à chiens pendant lequel il avait dû coucher
à la belle étoile.
Nous voici à l'église. Elle est propre et coquette et
joyeuse dans ses décorations. Monseigneur s'assied au trOne
improvisé où brille son écusson avec la devise : Ad Jesum
per Mariani.
Adresses.
Tour à tour, le R. P. Boissin, O. M. I., les enfants de
l'école Gharlebois et les métis de l'endroit, présentent des
adresses en français, en anglais et en cris.
Gomment analyser ou apprécier ces adresses ? Ecoutez
plutôt la réponse de Monseigneur :
€ Mes chers enfants, je suis trop ému aujourd'hui, je vous
répondrai demain. »
Et Sa Grandeur ne peut retenir ses larmes. Gette mission
a laissé dans son cœur tant de souvenirs si doux ! Elle lui
rappelle et les prémices de sa vie sacerdotale et apostolique
et tout un long passé de l'atigucs et de combats. Gomme le
disait chaleureusement tout à l'heure le R. P. Boissin, « au-
jourd'hui c'est bien le retour du Père bien-aimé parmi ses
enfants chéris. C'est lui, ce Père si bon, qui a dépensé ses
premières années de sa vie sacerdotale pour le bien de tout
ce monde, en seize années do souffrances. »
« G'est lui qui revient aujourd'hui, grand chef de la prière,
diriger les plus jeunes, se mettre à levir tête, encourager par
— 364 —
son exemple, embrasser une vie plus dure encore, parce
que le champ est beaucoup plus vaste, et de tous les côtés
encore couvert de ronces et d'épines. Et cette vie de sacri-
lices et d'apostolat plus intenses, combien durera-t-elle ?
Ah ! si le bon Maître daignait exaucer les vœux de tou8,
missionnaires et fidèles, elle durerait jusqu'ù l'accomplis-
sement de la parole du divin Pasteur : « Il n'y aura plu&
qu'un seul troupeau et qu'un seul pasteur. »
« Cette allusion au grand nombre de nos frères séparés,
au plus grand nombre encore d'idolâtres qui, dans cet im-
mense vicariat, n'ont pas encore entendu la voix du divin
Maître, met en son plein jour tout l'ensemble des sacrifices,
des souffrances, des misères réservés au 'premier pasteur
de ces lointaines contrées, les plus difliciles de toutes peut-
être à évangéliser et à visiter, eu égard aux énormes
distances qui séparent les missions les unes des autres et
les mettent toutes en dehors des avantages et du confort du
monde civilisé.
t Voilà donc la tâche immense, surhumaine, imposée à
notre pasteur bien-aimé. Il l'a acceptée et nous a adoptés
pour enfants. Nos cœurs lui en disent merci. Et cette vie si
pénible, faite tout entière de travail et de peine, nous lui
souhaitons de la vivre de longues et bien nombreuses
années ; car nous sommes sûrs de son courage ; son dé-
vouement et son zèle nous sont connus. Et nous, nous sen-
tons en nos cœurs aimants un grand désir de le suivre, de
le consoler par notre bonne volonté, et de l'aider de tout
notre pouvoir à conduire les âmes à Jésus par Marie. Ad
Jesum perMariam. »
Retraite.
Monseigneur donne ensuite la bénédiction du Très Saint
Sacrenient et rentre à la mission. Nos gens ne se lassent
pas de le voir, de l'entendre. Et lui, laissant déborder son
cœur, parle familièrement avec chacun, comme jadis aux
— 365 —
beaux jours de la vie de missionnaire. Sa Grandeur annonce
qu'elle prêchera elle-même la retraite de huit jours aux
sauvages, du 12 au 19 mars. La joie et le bonheur de ces
pauvres gens ne peut se décrire I
Qu'ils soient du moins pour tous une efTicace et .salutaire
impulsion au bien ! Que le bon Maître daigne lui-même
exciter et fortifier tous les cœurs ! Daigne-t-il aussi accorder
à Sa Grandeur, en retour de ses peines, de ses travaux, de
l'amour qu'elle porte à toutes ces âmes, la grâce de les con-
duire ad Jesum per Mariam.
A. TURQUETIL, 0. M. /.,
Missionnaire au Lac Caribou.
De toutes les adresses qui furent présentées à Mgr Char-
lebois, nous ne voulons reproduire que celle des sauvayes
Cris, parce qu'elle est la plus caractéristique du nouveau
vicariat.
Traduction de l'adresse composée et présentée
par les sauvages Cris.
A notre grand Chef de la prière que nous aimons.
Il nous semble que c'est un grand jour de fête aujour-
d'hui dans notre pays, ici au Pas, en te voyant venir à
nous, Monseigneur, étant revêtu de la grandeur de Grand
Chef de la prière. Depuis longtemps, nous entendions dire
qu'on voulait te faire grand Chef de la prière dans ce pays
du Nord. C'est pourquoi nous étions dans l'ennui de te
voir arriver bientôt dans notre pays. Enfin, aujourd'hui,
il arrive que nous te voyons. Vraiment, nous nous réjouis-
sons et nous remercions (sommes reconnaissants).
Autrefois, tu nous as bien traités pendant que tu étais
prêtre. Tu as eu bien soin de nos âmes. Bien des fois, tu
as souffert beaucoup pour venir nous visiter. Bien des fois
aussi, tu nous as enseigné la bonne vie (bonne conduite).
— 366 —
iMaintenant, ta consens encore à venir prendre soin de noa
amos! Vraiment, nous te remercions de tout cœur. Jadis,
noua t'avons respecté ; à plus forte raison maintenant que
tu es évêc[ae. Nous allons te regarder comme notre premier
père.
A présent, plaise à Dieu que tous tes enfants, les métis
qui sont ici t'afifectionnent et te soient obéissants. Nous
supplions le Grand Esprit pour qu'il te donne une longue
ne et que tu puisses diriger nos âmes sur cette terre de
manière à les faire parvenir à la vie éternelle. Réellement,
du fond du cœur, nous nous réjouissons de te revoir sur
cette terre, et nous remercions Celui qui donne la vie
d'avoir permis de nous rencontrer tous en ce jour.
Telà sont les sentiments de tous les catholiques qui se
trouvent en ce moment au Pas.
LoL'isox Marsolais.
ECHOS DE LA FAMILLE
La Saint Augustin.
Une coutume, écrite (ians le cœur des enfants, veut que
la fête du père soit un jour de bonheur pour toute la
famille. Quand cette famille est chrétienne, au rayonne-
ment de la joie vient s'ajouter l'élan de la prière.
Notre Famille religieuse a conservé pieusement cette tra-
dition : le jour do la fête du Très Révérend Père Supérieur
(jénéral est demeuré parmi nous un jour de joie et un
jour de prières.
Assurément bien diverse est la manifestation de celte
joie : plus expansive sinon plus gaie parmi les jeunes;
plus calme mais non moins douce parmi nos vénérés
anciens ; puissante et féconde chez ceux qui sont dans la
force de leur carrière, puisqu'ils participent à l'ardeur de
la jeunesse et à la tranquillité de l'âge mûr.
Il ne faudrait pas d'ailleurs juger de la fôte par l'éclat
qui se montre au dehors. Quelle pompe extérieure peut-on
déployer dans la pauvre cabane d'un missionnaire isolé, ou
dans l'humble résidence où l'on compte deux ou trois
Oblats quand tout le monde est là? A la chapelle peut-être?
Mais, même en sortant toutes les richesses, le Tabernacle,
hélas ! rappelle trop souvent le dénuement de Bethléem.
Non, notre joie est tout intime, et, à de rares exceptions
près, elle ne sort guère de l'intimité.
Qu'importe, au surplus, la diversité des formes exté-
rieures, dès lors qu'une seule et même pensée les anime et
les confond : l'amour de la Famille et de son Chef, l'union
de tous les Fils autour de leur Père.
Ce jour-là, l'isolement semble moins complet au milieu
des steppes de l'ouest canadien ; et dans les contrées moina
— 368 —
inhospitalières, les réunions ont quelque chose de plus
doux ; les cœurs se sentent à l'aise ; c'est la fête du Père,
En nos jours où l'égoïsme tend à prévaloir et cause tant
de luttes et de maux, c'est un spectacle bien réconfortant
de voir, dispersés sur la face du monde, des hommes dont
le cœur bat à l'unisson pour fêter le Chef qui les commande
et célébrer le Père qui les chérit.
Il y a pourtant un spectacle plus beau, plus réconfortant
encore que l'union des cœurs, c'est la communion des
âmes dans la prière, surtout dans la prière de fils pour
leur Père.
Et cette prière nous l'avons tous faite.
De tous les points de la terre — des cinq parties du
monde — où s'est trouvé un enfant de la Famille, une
ardente prière est montée au ciel, portée par la piété et
l'afiection filiale.
Sur les treize cents autels — du pôle à Féquateur — où,
ce jour-là, les Oblats Prêtres ont immolé la Victime sainte,
le sacrifice d'action de grâces et de supplication a été offert
à l'intention du chef de la Famille, ou tout au moins, son
nom, son souvenir a été môle à l'offrande et aux prières du
saint Sacrifice.
Bon nombre des nôtres ont voulu faire davantage. Non
contents de prier eux-mêmes, ils ont demandé de prier
aux personnes qu'ils connaissent et aux enfants qu'ils
instruisent.
Monseigneur ne peut envoyer personnellement et par
écrit à tous le merci de sa reconnaissance, mais veut qu'ils
soient assurés que rien ne pouvait lui causer un plus vif
plaisir. Son désir le plus ardent est que tous les Oblats
avec lui rendent grâces des bénédictions que Dieu s'est plu
à répandre sur la Congrégation par la main de notre Mère
Immaculée, et qu'ils demandent instamment la continua-
tion et l'accroissement des mêmes grâces qui consei'veront
à notre chère Famille religieuse sa place privilégiée auprès
du Cœur sacré de Jésus et de sa très sainte Mère.
— 369 —
***
Le 27 juin dernier, M^r le Supérieur Général quittait
Rome pour Turin, où, le jour de la fête des saints apôtres
Pierre et Paul, il ordonnait deux prêtres au nouveau
scolasticat de la Province du iNlidi. — De Turin, Sa Gran-
deur s'est rendue à Liège pour l'ordination de 17 prêtres
qui eut lieu le dimanche 9 juillet.
A Hiinfeld, 11 Pères étaient ordonnés par S. G. Monsei-
gneur l'évêque de Iliinfeld, le même jour qu'à Liège. Les
< Missions » n'ont pas reçu de renseignements précis sur
les ordinations de nos autres scolasticats.
Le scolasticat de Rome a compté, cette année, sans
parler des autres grades, 5 doctorats en théologie, dont
l'un obtenu par le R. P. Bassek, avec la mention t Summa
cum laude » et 6 doctorats en philosophie. Si le dernier
Fi-ère qui doit subir l'examen de doctorat à l'académie de
Saint-Thomas à la fin des vacances le fait avec succès, le
total des docteurs, en l'année 1911, s'élèvera donc à 12,
La traduction allemande de nos saintes Règles à l'usage
lies Frères convers est terminée. T/impression de la traduc-
tion française s'achèvera avec les vacances ; et la traduc-
tion anglaise s'effectuera sans retard.
Les RR. PP. Provinciaux et Vicaires des Missions sont
priés <l'avoir à faire connaître, s'ils ne l'ont encore fait, au
R. P. Favier, économe général, le nombre d'exemplaires
qu'ils désirent.
Les Pères de la province du Midi ont assisté aux exercices
de la retraite générale que leur a prêchée, dans notre
â4
- 370 —
scolasticat de Turin, à deux reprises, le R. P. Baffie, assis-
tant général. — Les Pères de la province du Nord se sont
réunis dans If même but à Dinant (BelRirine).
Les Pères et Frères qui auraient été omis dans le dernier
Personnel sont instamment priés de le faire savoir sans
retard.
***
Le R. P. J.-B. Leraius, provincial du Nord, a assisté au
Congrès eucharistique international qui s'est tenu à
Madrid, du 25 au 29 juin dOll.
*%
De la Province britannique, nous aurions à signaler, du
mois de mai au commencement d'août, bon nombre de
consolants travaux apostoliques, tant du genre des missions
que du genre des retraites.
C'est ainsi que la mission de Balbriggan terminée le
7 mai a compté 3.400 communions. Le 21 du même mois
les RR. PP. Me Sherry et Matthews déployaient leur zèle
dans le diocèse de Clogher, pour y commencer une mission.
Du 4 juin au 9 juillet, 7 missions ont été prêchées avec
succès, dont 2 par le Révérend Père Provincial lui-même.
Parmi ces travaux nous devons une mention particulière
à la mission prêchée à Tynam, diocèse d'Armagh, par les
RR. PP. Donnelly et Phelan et qui se terminait le dimanche
9 juillet. Son Eminence le cardinal Logue prit part à la
procession solennelle du Très Saint Sacrement, le jeudi
avant la clôture. S. Em. n'a pas ménagé ses louanges ni en
public, ni en particulier à l'adresse des ouvriers aposto-
liques.
***
Passons aux retraites : .3 ont été prêchées aux Sœurs de
la Sainte-Famille par le R. P. Wilkinsnn à Liscard près de
Hirkenliead, terminée le 24 juillet ; par le R. P. Me Sherry,
- 871 —
à Kilbiirn, cliez les Sœurs de l'Espérance, et commencée le
31 juillet; par le R. P. Clarke à Rockferry, commenci'e le
2 août. Le même Père avait terminé le 31 juillet une
retraite religieuse prêchée aux Sœurs de la Merci à Doon.
Enfin deux retraites de Congréganistes ont été prôcliées à
Dublin, aux Enfants de Marie, par les RR. PP. Clarke et
Me Sherry, suivies chacune par 300 personnes.
Mgr Goudert, accompagné du R. P. Griaux, a quitté
Rome au commencement de juillet. Sa Grandeur com])tait
rester en France jusqu'après la rentrée des séminaires.
En la fête de Notre-Dame Auxiliatrice, le 24 mai dernier,
le Frère convers S. Manuel prononçait à Jaflfna ses vœux
perpétuels. Nous croyons que c'est le premier Frère convers
indigène de Ceylan qui ait fait ses vœux perpétuels.
Pendant l'absence de Mgr Goudert, c'est Mgr Joulain qui
qui a ordonné diacres 6 Frères Oblats indigènes. La céré-
monie a eu lieu le -4 juin dernier, en la chapelle de Borella-
Golombo.
***
Quelques jours avant de quitter Rome, Mgr Stagni,
délégué apostolique au Ganada, voulut bien répondre à
l'invitation à dîner que lui avait adressée Mgr Dontenwill,
notre Révérendissime Père Général. Son Excellence est
arrivée à Ottawa le 24 mars dernier et a pris possession
aussitôt de l'importante charge à laquelle la confiance du
Saint-Père l'a appelée.
***
Le R. P. J.-B. Lemius, arrivé à l'expiration du second
triennat de sa charge de provincial du Nord, a pour succes-
seur le R. P. Marcel Bernad, de Liège.
- 372 -
Tift R. P. G. Thi'venon, Supérieur depuis 6 ans du scolas-
tirat de Liège, est nommé Supérieur du scolasticat de Rome,
on remplacement du R. P. Fabre dont le soxennat est
expiré.
**^
A Liège, le R. P. Thévenon est remplacé en qualité de
Supérieur par le R. P. Nej'roud, professeur de dogme. A
l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne connaissons
pas encore les noms des nouveaux professeurs du scolas-
ticat de Tjiègo.
Après être resté neuf ans comme Supérieur du scolasticat
de Hùnfeld, le R. P. Huss est remplacé dans ses fonctions
par le R. P. Pietsch, précédemment Supérieur de la ISIaison
de Maria-Engelport. Le R. P. Huss est nommé Supérieur
de Saint-Ulrich.
* *
Le 24 juillet dernier, le R. P. Laçasse, 0. M. L, commen-
çait la prédication des exercices de la retraite sacerdotale
pour le clergé séculier du diocèse de Prince-Albert (Sask.).
Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface, annonçait
le 5 juin 1909 aux fidèles de l'archidiocèse l'érection d'un
petit séminaire. La pierre angulaire fut bénite par le nonce
du Pape, au Congrès eucharistique de Montréal, le 18 sep-
tembre 1910 ; et les travaux sont poussés avec activité. Le
petit séminaire, placé sous le patronage du Bienheureux
Curé d'Ars, comprendra un corps principal de 60 mètres de
long sur 15 de large, et 2 ailes carrées de 15 mètres de côté.
" Yers Lui » de F. Anizan a été traduit en italien par
l'abbé Antonio de Francesco, de la paroisse de Notre-Dame
du Mont à MarseilUe. L'édition italienne est en vente chez
l'.iancardi à Lodi (Italie).
— :J73 —
DÉCRETS DES S. CKNGRÉGATIOXS IIOMAIMIS
Acta suninii Pontificis.
MUTLÏ l'UOPUlO
De diebus festis.
(Acta Ap. Sedis, Vol. IH, page 305.1
Supremi Disciplinii; Ecclesiastica' custodes et Moderutores
Poutifices Romani, si quando christiani populi bonuin id
Ipsis suaderet, sacrorum Canonura sanctiones relaxaro
bénigne consuevenint. Nos quidem Ipsi, quemadmodum
jam alia, ob mutalas temporum et civilis societatis condi-
tiones, immutanda existimavimus, ita etiam in praesens
ecclesiasticam legem do festis diebus ex précepte servandis.
ob peculiaria tetatis udjuncta, opportune temperandam cen-
semus. Lata enim terrarum niarisque spatia, mira nunc
celeritate homines percurrunt, facilioremque per expedi-
tiora itinera aditum ad eas nationes nanciscunlur, quibus
minor est festivitalum de pr*cepto numerus. Aucta etiam
commercia, et citatai negotiorum tractationcs videntur ex
interposita frequentiura festorum dierum mora aliquid
pati. Succresoens denique in dies rerum ad vitam necessa-
riarum pretium stimulos addit, ne ssepius servilia opéra ab
illis intermittantur quibus est victus labore comparandiis.
His de causis itératif preces, praeserlim postremis liisce
temporibus, Sanctte Sedi adhibitio sunt ut festivitatum de
pn«jcepto numerus minueretur.
Haic omuia Nobis animo repetentibus, qui unam chris-
tiani populi salutem cordi habemus, opportunum maxime
consilium visiim est festos dies ex Ecclesiœ mandato ser-
vandos imrainuere.
I laque, Motu Proprio et matura deliberatione Nostra,
adhibitoque consilio Venerabilium Fratum Nostrorum
S. R. E. Cardinalium qui ad Ecclesiïe leges in Codicem
redigendas incumbunt, hiec qu» sequuntur de festis diebus
edicimus observanda.
— 874 —
I. Eoclesiastico prit-cepto audiendi Sacri et abstinendi ab
operibus servilibus hi tantum, qui sequuntur, dies sul)-
jecti manebunt : Omnes et singuli dies dominici, fosta
Nativitatis, Circumcisionis, Epiphaniie et Asceiisionis
Domini Nostri Jesu Christ i, ImmaculatiO Gonceptionis et
Assumptionis Aima? Genilricis Dei Mari*, Beatorum Pétri
et Pauli Apostolorum. Omnium denique Sanctorum.
II. Dies festi Sancti Joseph, Sponsi Beata? Mariœ Vir-
ginis, et Xativitatis Saucti Joaunis Baptistic, uterque cum
octava, celebrabuntur, tamquam in sede propria, prier,
Dominica insequente diem XIX Martii, immoto permanente
festo si dies XIX Martii in Dominicam incidat; alter,
Dominica qu;i^ festum Sanctorum Pétri et Pauli Aposto-
lorum antecedat. Festum vero Sanclissimi Corporis Christi,
idemque cum octava privilegiata, Dominica post Sanctis-
simam Trinitatem, tamquam in sede propria, celebrabitur,
statuta pro festo Sacratissimi Cordis Jesu feria VI intra
octava .
III. Eoclesiastico prœcepto, quud supra diximus, dies
festi Patronorum non subjacent. Locorum autem Ordinarii
possunt solemnitatem exteriorem transferre ad Dominicam
proxime sequentem.
IV. Sicubi aliquod festum ex enumeratis légitime sit
abolitum vel translatum, nihil inconsulta Sede Aposlolica
innovetur. Si qua vero in natione vel regione aliquod ex
abrogatis festis Episcopi conservandum censuerint, Sancta:-
Sedi rem déférant.
V. Quod si in aliquod ex festis quae servata volumus,
dies incidat abstinentiœ vel jejunio consecratus, ab utroque
dispensamus : eamdemque disponsationem etiam pro Patro-
norum festis, hac nostra lege abolitis, concedimus, si
tamen solemniter et cum magno populi concurso ea cele-
brari contingat.
Novum Apostolicîc soUicitudinis argumentum hujusmodi
prsebentes, spern Nos certam fovemus, fidèles universos
iis etiam diebus, quos nunc de numéro feslivitatum pra*-
cepto obstrictarum expungimus. suam in Deum pietatem
et in Sanctos veneralionem, non minus quam antea. fore
testaturos, ceterisque diebus festis, qui in Ecclesia sei'vanfli
— -.Mo —
supersunt, diligeutiore, quani antehac. studio observanduin
praeceptum curaturos.
Gontrariis quibusvis, licet spécial! et individua mentionc
dignis, non obslanlibus.
Datum Roniji', apud S. Petrum, die II mensis Julii
MCMXI, Pontillcatus Nostri aimo octavo.
Plus PP. X.
Litterae apostolicae.
De propositc fine precum operumque pro reciitu ad Ecclesiae
unitatem a Sodalitate Principe Sulpiciana ultra Britanniam
proferendo.
{Acta Ap. Sedis, Vol. III, page ô9.)
Plus pp. X
Ad perpetuam rei memorlam. — Quoties aiiimum subit
cogitatio adniotarum a Cbristo precum œterno Patri, quac
a Joanne Apostolo referunlur in evangelio c. XVII, toties
vehemenler commovemur ac desiderio incendimur intuenda:)
multitudinis credentium eo caritatis adductae ut iterum fiât
cor union et anima una iActa ap. C. IV, 82). Ha^c fra-
terna conjunctio quam fueiit in volis divino Magistro, fuse
primum pro apostolis ab Eo preces plane déclarant : Pater
sanete, serva eos in nomine tuo quos dedisti mihi ut
sint umim sicut et yios. Vernm non in solo apostoloruin
cœtu consistere, sed ad omncs Christi asseclas debere banc
unitatem proferri, adjecta mox verba satis ostendunt :
Non pro eis aulem rogo lantum, sed et pro eis gui cre-
dituri sunt per verbum eorum i?i me, ut ovines ununi
sint sic7U tu, pater, in me et ego in te, nt et ipsi in
nobis ununi sint; ut credat mundus quia tu ine misisti.
Quam denique arcta debeat esse hujusmodi conjunctio.
ignitis hisce significat verbis : ego in eis et tu iti me, ut
sint consunimati in ununi.
Ha?c Nobiscum reputanles, quibus, licet indignis, deman-
data cura est confirraaudi fratres pascendique aguos et
oves, incredibilem hausimu.s ketitiam, quum a supremo
moderatore Sulpiciana> Gongregatiouis Parisiensis eodem-
que pr?çside sodalitatis principis precum piorumque operum
— ^!7() —
pro Britanniie reditu ad Fidei unitatem, plane consenta-
neos votis Nostris vidimus exhiberi supplices libelles
duorum Patrum Cardinalium ac plurium sacrorum antisti-
tum, quijiUrique, Canadensi eucharistico cœtui adfuissent.
Hi enim llagitabant ut memorata sodalitas a sa. me. De-
cessore Nostro Leone XIII, sub palrocinio Beata^ Mariœ
Vii'ginis perdolentis, instituta Parisiis ad S. Sulpicii, Lit-
leris apostolicis Compertum est die XXII niensis Augusti
anno MDGCGXCVII, propositum sibi finera latius proferrct,
ita ut, non modo Britannia, sed regiones omnes, qua? cum
hac esspnt ejusdem lingua^ societate conjunctae, communi
earum precationum benelioio fruerentur.
Ad hanc precum conspirationem augendam, pr*ter ipsani
rem per se maxime optabilem. haud mediocriter Nos impu-
lerunt et inclinât» per hos dies voluntates in reditum et
auctoritates hominum sanctitate, doctrina, dignitate prass-
tantium, qui, Pauli a Cruce ejusque recentis alumni Do-
niinici a Matre Dei ardorem studiumque fecundissimum
admirati, unitatis bonum, quœque inde exspectanda> sant
utilitates, modis omnibus, excitata prœsertim in Deo
exhorando sollertia, maturandum esse censuerunt.
Ouamobrem, auctoritate Nostra apostolica, vi prsesen-
tium Litterarum, Sodalitatem principem precum ac piorum
operum pro reditu Britannite ad unitatem Fidei, sub patro-
cinio B. M. Virginis perdolentis, in Sulpicianis œdibus a
decessore Xostro Leone XIII, superius memoratis aposto-
licis Litteris constitutam, dum in reliquis sarctam tectam-
que manere volumus, propositum sibi finem sic jubemus
extendere, ut fundendis prseeibus, non Britanniœ tantum
lilios, Nobis usque carissimos, complectatur, sed populos
omnes qui anglica utantur lingua tamquam vernacula.
Non obstantibus Constitutionibus et ordinationibus apos-
tolicis ceterisque speciali licet atque individua mentione
dignis contra l'acientibus quibusvis.
Datum Romct', apud 8. Petrum sub annulo Piscatoris
die II mensis Februarii anno MDCGCGXI, Pontificatus
Nostri octavo.
R. Gard. MERRY DEL VAL.
L. ){< .S. a Sccretis Status.
— -du —
s. Congregatio de Religiosia.
I". - DECHETUM
De metbodo servanda ia terenda senteatia expulsionie vel
dimissionis ah Ordinibus et Institutis Religiosis.
t.\cta .\j>. Sedis. Vol. III, pag. 235.)
Quum singrulai pi-rescriptiones ac solemnilas a jure
statutaj. praiserlim ab Urbano VIII. ad ferendarii .son-
tentiam cxpulsionis vel dimissionis ab Ordinibus et Insti-
tutis Religiosis. commode servari nequeant, huic Sacraj
Congregalioni opportunum visum est alias statuere
puescriptiones , magis expeditas et hodiernis temporuni
ciscumstantiis melius accommodatas.
Quare E.mi Patres Cardinales ejusdem Sacrœ Congre-
gationis, in Plenario Cœtu die 3 Martii 1911 ad Vaticanum
habito, sequentia statuere decreverunt, nempe :
1. Curiam competentem vel Tribunal competens ad fe-
rendam sententiam constituunt Superior seu Moderator
Gencralis et Detinitores vel Consiliarii seu Adsistentes, non
minus quatuor ; si qui deficiant, eorum loco totidem Reli-
giosos eligat Prsoses Curire vel Tribunalis. de consensu
aliorum Consiliariorum.
In Congregationibus Monachorum Tribunal constituunt
Abbas Generalis cum suo Gonsilio. Si aliqua Abbatia nulli
adnexa sit Congregationi, recurrendum ad Sanctam Sedem
in singulis casibus.
2. In qualibet Curia seu Tribunali constituatur a Gon-
silio Generali Promotor Justitiae pro juris et legis tutela,
qui sit Religiosus ejusdem Ordinis vel Gongregationis.
3. Processus dumtaxat Summarius in posterum insti-
tuatur in expellendis vel dimittendis Religiosis , qui vel
vota solemnia in Ordinibus, vel vota perpétua in Congrega-
tionibus vel Institutis professi sunt, vel, si vota tautum
temporanea emiserint, tamen in Sacris sunt constituti ;
salvis specialibus privilegiis, quibus aliquis Ordo vel Insti-
tutum gaud.eat.
— ois —
4. Ad Processum instiuenduni deveniri nequit, iiisi posl-
quaiu trina et data monitio et inllicta correctio incassuni
cesserint, salvis exceptionibus sub nnm. 17 et 18.
5. Monitio facienda est a légitime Superiore etiam locali
de mandato tameii vel licentia Superioris Provincialis seu
quasi-Provincialis ; qui postremEe monitioni opportune ad-
junget expulsionis vel dimissionis comminationem. Ad
effeetum expulsionis vel dimissionis non valet monitio vel
correctio, nisi ob grave aliquod delictum data fuerit.
6. Monitioues repeti nequeunt, nisi delictum repetitum
fuerit, sed in delictis continuatis seu permanentibus inter-
cédât necesse est inter unam et alteram monitionem spa-
tium saltem duorum dierum integrorum. Post ultimam
monitionem sex dies integros erit exspectandum, antequam
ad ulteriora progressus fiât.
7. Ex Processu constare débet de Conventi reilate, necnon
de gravi tate et numéro delictorum, de facto Iriplicis moni-
tionis, et de defectu resipiscentiœ post trinara monitionem.
8. Ut de Conventi reitate constet, taies probationes atïe-
rendae sunt, quse animum viri prudentis moveant. H?e
probationes desumi possunt ex rei confessione, ex depo-
sitione duorum saltem testium iide dignorum, juramento
firmata, atque aliis adminiculis roborata et ex authenticis
documentis.
9. Gravitas delicti desumenda est non tantum a gravitate
legis violatœ, sed etiam a gravitate pœnœ a lege sancitae, a
gravitate doli, et a gravitate damni, sive moralis sive mate-
rialis Gommunitati illati.
10. Ad effeetum, de quo agitur, requiruntur ad minus
tria crimina gravia ejusdem speciei, vel, si diversae, talia, ut
simul sumpta manifestent perversam voluntatem in malo
pervicacem, vel unum tantum crimen permancns, quod ti"i-
plici monitione virtualiter triplex fiât.
11. Ut constet de facto ti'iplicis monitionis regulariter
de hoc afferri débet authenticum documentum. Proinde
oportet :
a) ut haec fiât vel coram duobus testibus, vel per epistolam
a publias tabulariis inscriptam. esquisita fide receptionis
vel repudii ;
— 37 1^ —
b) ut documentiim retligaturde peracla m'>iiitioiie,a dicti>>
lestibus subscriptuin et in Regeslis, vel labuliuio, servan-
ilum ; vel ut exeniplar conficiatur supradiclaj epistola-, a
duobus item testiltus pro conformitatis tcstiinonio anle
expeditionem subscriptuni et lu Regestis vel Tabulario
paritei- asservandum.
1:2. Defectum vesipiscentia' prol)ai'it novaiu ciijuen, post
Irinam mouitionem cominissuni, vel pervicax el obdurata
agendi ratio delinquentis.
13. Superior Provincialis vel quasi-Provincialis Religiosi
delinquentis, poslquain monitiones et correctiones incassuin
cesserint, omnia acta et dociimeuta, quie de biijus Religiosi
reitate ex.stant diligenter colliget et ad Superiorem Gene-
ralem transmittet, qui ea tradere débet Procuratori Jus-
titia?, ut ea examinet et suas accusationes, si quas propo-
nendas existimabit, proponat.
14. Accusationes a Procuratore Justitia: propositœ et Pro-
cessus resultantia accusato nolilicari debent, eidemque
tempus congruura, arbitrio Judicis determinandum, con-
cedi, quo suas defensiones, sive per se, sive per alium
ejusdem Ordinis vel Inslituli Religiosum, exhibere valeat ;
quod si accusatus ipse proprias defensiones non prœsenla-
verif, Curia vel Tribunal defeusorum alummum respectivi
Ordinis vel Instituti ex officio constituere débet.
15. Curia seu Tril)unal, diligenter perpensis allegationibus
sive Promotoris sive Rei, si quidem eas adversari judica-
verit Convento, sententiam expulsionis vel dimissionis
pronuntiare poterit ; qufe tamen, si condemnatus intra
decem dies a sentenliœ notificatione rite ad Sacram Con-
gregalionem de Religiosis appellaverit, execulioni deraan-
dari nequit, donec per eamdenï Sacram Gongregationem
judicium latum fueril.
16. Non obstante autem appellalione. reus poterit ad
s:eculum statim remitti a Moderatore supremo vel Abbate
Generali, cum consensu sui Gapituli vel Gonsiiii, si ex ejus
prtesentia periculum vel gravissimi scandait vel damni
item gravissimi Communitati eorumque alumnis immi-
neat. Intérim habitum dimiltat et maneat susponsus, si iu
Sacris constitutus sit.
— ;j8( » —
17. Oui reus fuerit eliam unius tauluiii tlelicli, ex quo
penculuuî gravis scandali pviblici vel gravissimum dctri-
mentum totiCommnnitati iramineat, potorit, etiam a Supe-
riori Provinciali vel Abbate, ad suiculum item reniilli, lia-
Ijilu religioso illico deposito ; duraoïodo certo coiistiterit de
ipso delicto et de Relij,dosi, cul illud imputatur, reitate; et
intérim instiluatiir Processus ad sententiam expulsionis
vel dimissionis ferendam. Qui in Sacris constituti sunt,
pariter suspensi maneant.
18. Item contra quaidam delicta censetur vcluti lata a
jure pœna expulsionis vel dimissionis. Quae delicta sunt :
a) publica apostasia a Fide Catbolica ;
b) apostasia ab Ordine vel Institut© , nisi intra très
raeuses Religiosus redierit :
c) fuga a Monasterio, suscepta secum luuliere ;
d) et niuUo magis contractus, ut aiunt, civilis, vel atten-
tatio aut celebratio matrimonii, ctiam validi, seu quando
vota non sint solemnia vel non babeant solemnium ef-
fectum.
Sufûcit in istis casibus, ut Superior Generalis vel Pro-
vincialis cum suo respective Gousilio emittat sententiam
declaratoriam facti.
19. Sententia expulsionis vel dimissionis, quocumque
modo lata, si agatur de Religioso in Sacris, illico commu-
nicanda orit ( )rdinario originis et Ordinario loci, ubi ille
moratur, aut sedem suam statuere Aelle dignoscatur.
20. Omnes Religiosi, de quibus agitur, in Sacris consli-
tuti, qui expulsi vel dimissi fuerint, perpetuo suspensi
manent, donec a compétente Auctoritale, post emenda-
tionem vitit , dispensationem obtinuerint. Religiosi , vel
Clerici, non in Sacris, expulsi vel dimissi, prohibentur,
quominus ad superiores Ordines ascendant sine venia
Sanctae Sedis. Omnes autem expulsi vel dimissi, ctiamsi
sese vere emend-averint, ad suum vel ad alium Ordinem
vel Gongregationem admitti non poterunt, absque spécial!
licentia Sedis Apostolicie.
21. Ad expellendas Moniales, vota sive solemnia sive
simplicia in Ordine proprie dicto professas, et ad dimit-
tendas Sorores, qua3 vota ixîrpetua emiserunt in Institutis
— 381 —
Roligiosis, exiguntur graves causfp exteriores, una cum
incorrigibilitate, judicio Abatissa? vel Superiorissa^ cum
suo Consilio. respectivo manifestando por sécréta suffragia,
oxperimento prius habito, ita ut spes resipiscentite eva-
nuerit et ex continuis culpis Monialis vol Sororis incorrigi-
bilis damna iramineant Monasterio vol Instituto. Causa?
minus graves requiruntur ad dimittendas Sorores votorum
simplicium in Ordinibus Religiosis. Jastœ et graves causse
probari debent ab Ordinario loci et, si Monasterium Regu-
laribus subjectum sit. otiani a Superiore Regulari. Insuper
accédât necesse est confirniatio Sacr» Congregationis, ita
ut oxpulsio vel dimissio ex parte Ordinis vel Instituti, juri-
dicum etïectum non sortiatur, antequara a Sacra Gongrega-
lione confirmata fuerit. Solumraodo in casu gravis scandali
exterioris, Episcopo loci approbante, Monialis vel Soror
statim ad sseculum remitti possit, ita tanien ut Sancta;
Sedis confirmatio absque mora petatur.
Quibus omnibus Sanctissimo Domino Nostro Pio Papœ
Decimo relatis ab infrascripto Sacr:e Congregationis Secre-
tario die Octava Martii 1911, Sanctitas Sua Decretum hoc
approbare et confirmare dignata est ; contrariis non obstan-
tibus quibuscumque.
Datuni Romœ, ex Secretaria Sacrce Congregationis^ de
Religiosis, die 16 Mail 1911.
Fr. I. C. Card. Vives, Prœfectufi.
f-,. \. S. DoNATUs Archiep. Ephesinus, SecrelariuH.
11°. — Dubia de manuscriptis religiosorum typis edendis.
[Acta Ap. Sedis, Vol. UI, pag. 270.)
Quffisitum est ab hac Sacra Congregatione de Religiosis :
I. An Religiosi pertinentes ad Instituta votorum sim-
plicium iisdem teneantur legibus ac Regulares votorum
solemnium, quoad Imprhnatur seu beneplacitum a suis
Superioribus expostulandum, quoties aliquod suum ma-
nu8criptum in lucem edere cupiunt?
II. An Religiosi, quoties eis a suis Moderatoribus publi-
— 382 —
catio alicujus manuscripti fuerit interdicat, vel Impri-
ijialnr denegatum, possint idem manuscriptum alicui
typographe tradere, qui illud pul)licet cum Imprimatur
Ordinarii loci. suppresso uuctoris nomine ?
E.mi autem Cardinales Sacras Gongregationis de Reli-
giosis, in plenario Gœtu ad Vaticanum habito die 2 mensis
Junii 1911, suprascriptis Dubiis responderunt :
Ad I. Affirmative.
Ad IL Négative.
Quam E.morum Patrum responsionem Sanctissimus Do-
minus Noster Pius Papa Décimas, referente infrascripto
SacriE Congregationis Secretario, ratam habuit et confir-
mavit, die 11 Junii 1911.
Datum Rompp, ex Secretaria Sacr» Congregationis de
Religiosis, die 15 Junii 1911.
Fr. I. G. Gard. Vives, Prœfectus.
L. f S. DoNATUs Archiep. Ephesiuus, Secretarius.
S. Congregatio Sancti Oiiicii.
DECRETUM
De concessionibus Indulg. Portiunculae
prorogandis et obtinendis.
Portiuncula:', quam vocant, Indulgentiae lucrandîe re-
deunte jam die. innumera^ propemodum Apostolica? Sedi
preces undeqnaqne gentium oblatae sunt alifeque olTerendse
praevidentur tura ad jam obtentarum hac in re concessio-
nura prorogationem tum ad novarum elargitionem impe-
trandara. Gum igitur supremae hujus Sacme Gongregationis
Sancti Officii, oui indulgentiarum moderandarum munns
incumbit, mens sit certas ac fixas super prsestantissimo
hujusmodi spiritual! favore normas prasstituere, ne forte
alicubi fidèles, dum hœ porantur, eo fraudari contingat,
Emi ac Rmi DD. Cardinales Inquisitores Générales in plo-
nario conventu habito feria IV die 24 hujus mensis genorali
— zm —
Deoreto, nsque ad vovam disposUionem valitvro, sta-
tuendum censuerunt :
1° Omnes et sin^ulu' tam pro fidelibus in sa^culo viven-
tibus qiiam pro piis comniunitatibus antea a Sancta Sede
facta.» et jam nunc expirât* vel in posterum expiratura^ de
Portiuncul.v Indulgentia concessiones prorogat.T habeantur
sine die, firmis, quoad cetera clausulis et conditionibus
prsecedeutis Indulli habitaque ratione, quoad utile sacris
visitationibus peragendis tempus novissimi hujus ejusdem
Supremse Sacraj Congregationis Decreti diei 2C> Januarii
anni currentis (1).
2o Quod ad novas concessiones quam pro fidelibus in
saeculo videntibus quam pro piis comniunitatibus, provi-
dendum pariter sine die committitur respectivis Ordinariis
cum facultatibus necessariis et opportunis, salvis tamen
clausulis et conditionibus Mofii Proprlo die 11 Junii anni
elapsi prœscriptis (2).
3° Itidem, demum, respectivis Oi'dinariis prorogatur sine
die facultas, prsefato Motu Proprio superiore anno eisdem
concessa, statuendi ad supradictam Indulgentiam lucran-
dam, loci diei secundEe Augusti Dominicam proxime in-
sequentem, servatis clausulis et conditionibus ibidem
appositis.
Qute omnia SSmus D. N. D. Plus divina providentia
(1) Quo decreto conceditur, ut utile tempus habeatur, non modo
a medic ad mediam noctem constituti diei, verum etiam a meridie
diei priecédentis. {Missions, juin 1911, p. 265.)
(2) SDMMI PONTIFICIS PII PP. X
Motu Proprio
De indulgentia « Portiunculae » septimo ab instituto
Fratrum Minorum Ordine saeculo expirante.
Sacris solemniis ob septem ab instituto amplissimo Fratrum
Minorum Ordine revoluta spécula jam ad finem féliciter vertentibus,
ut tam fausti eventus jugis memoria persévérât ac fructus, piis
lidelium votis pro faciliori Portiunculœ, quam vocant, Indulgent!»
conseculione ei animo obsecundantes, quœ sequuntur, motu pro-
prio atque ex certa scientia, suprema Nostra apostolica auctorifate
statuimus ac decernimus :
Firmis, scilicet, de memorata Indulgentia antea quomodocumqu»
— 384 —
PP. X, in solita aiidientia R. P. D. Adaessori sequenti die
iiupertita, bénigne adprobare ac suprema Sua auctoritate
confirmare dignatus est.
Contrariis quibuscumque, etiam specialissima atque
individua mentione dignis non obstantibus.
Romse, ex œdibus S. O., die 26 Maii 1911.
L. •}• S. Aloysius Giambene,
Substitutits pro Indulgentiis.
factis, quse nondum expiraverint, concessionihus, facultatem taoi-
mas omnibus et siagnlis locorum Ordinariis unam aut plnres, pro
rei opportunitate, in quovis propriœ ditionis loco ecclesias aiit
publica vel seniipublica oratoria deaignandi, ubi fidèles, rite con-
feasi et Sacra Synapsi refecti ac dévote juxta Nostram intentionem
orantes, a vesperis diei primce ad solis occasurn diei secundae
mensis Augustis anni currenlis, loties quoties ea visitaverint, haud
secu3 ac si aliquam Ordinis Minorum ecclesiam visitassent, Indul-
geniiam Pîenariam , animabus etiara quas purgatorius ignis
emundai, applicabilem, lucrari possint ac valeant.
Hanc vero eamdem Indulgentinm, iisdem sub conditionibus
eademque ratione lucrifieri poase concedimus a fidelibus utriusque
sexus communeni vitam agentibus qui propriam ecclesiam vel, si
careant, proprium domesticum oratorium, ubi SSma Eucharistia
asservatur, ut supra, visitaverint.
Ne cui demum, preestantissimo hoc spirituali beneficio, ob pecu-
liaria fortassis rerum adjuncta, fraendi copia desit, bénigne indnl-
gemus iisdem locorum Ordinariis, ut ad supradictam Indulgentiam
lucraudam statuera possint tam pro in sœculo quam pro piis in
communitatibiis viventibus fidelibus loco diei secundaî Augusti,
Dominicam proxime insequentem, a vesperis Sabbati ad solis occa-
stini ipsius Dominicce, hac tamen sub lege at nequeat quis eadem
concessione bis frui.
Optamus autem vehementev ac suramopere commendamus, ut in
ecclesiis oratoriisve, ut supra, designatis. die ad Indulgentiam iu-
crandam statuta spéciales publicte ad Deum suppiicaiiones pro
Summo Pontifice, Ministris Sanctuarii universaque militanti Ecclesia
peragantur ; eieque, pr^emissa invocatione Seraphici Patriarchte ac
Litaniis Sanctorum, Benedictione Eucharistica absolvantur.
Ita volumus, decernimus, sancimus, mandantes, ad qnos soectat,
ut ad fidelium notitiam hrec omnia tempestive deducenda curent.
Pr»3entibus hoc aono et occasione tanlum valituris. Contrariis
quibuscumque, etiam speciali mentione dignis, non obstantibus.
Datum Romœ apud S. Petrum, die IX Junii MCMX, Pontificatus
Nostri anno septimo.
Plus PP. X.
Bar-ieDuc. - linpr. Suiot-Paul. — )647,9,11.
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE
N" 196. — Décembre 1911.
PREMIERE PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
Rapport sur la Maison
Saint-Joseph de Lowell Mass,
par le R. P. Brullard, 0. M. I.
I Jer Août 1907. — Octobre 1909.
(R. P. Campeau, Supérieur.)
Notre dernier rapport sur la Maison Saint-Joseph de
Lowell, paru dans les « Missions » en septembre 1908,
s'arrêtait aux mesures prises par le R. P. Campeau, nommé
Supérieur de la maison pendant la retraite des Pères à
Buffalo, du 18 au 24 août 1907.
Deux nouvelles fondations auxquelles se dévoua le nou-
veau Supérieur ont surtout signalé son administration.
Seuls, ceux qui ont l'honneur et la charge de diriger
une maison, savent ce qu'il en coûte pour commencer une
nouvelle œuvre, même quand aucune difficulté spéciale ne
se présente : quels tracas, quelles négociations préparatoires
25
— 380 —
et stériles, quels échecs bouleversant les plans les mieux
combinés précèdent toujours les fêtes qui inauîzureiit une
nouvelle fondation, et pendant ce temps les simples sujets,
sans aucun souci, n'ont qu'à s'acquitter des emplois
imposés par l'obéissance avec zèle et exactitude.
Mais quelle joie aussi quand le pénible labeur et de
persévérants efforts sont enfin couronnés par le succès.
Le R. P. Campeau, pendant les deux années de son admi-
nistration, a connu et ces fatigues et ces joies.
Ses deux grandes œuvres simultanées furent l'établisse-
ment d'un orphelinat et l'érection d'une nouvelle paroisse
de langue française dans le quartier Middlesex.
L'orphelinat. — Il était désiré et attendu depuis bien
des années, l'orphelinat franco-américain de Lowell. Que
de pères, que de mères frappés par la mort laissent de
nombreux et jeunes enfants privés de leurs soins! Et le
plus souvent, l'ouvrier qui n'est plus n'avait que son
salaire pour nourrir sa famille et n'a pu ou su mettre
quelques économies en résers'e. Que vont devenir les
pauvres petits ?
Ce fut aux premiers jours de l'année 1907 que le projet,
souvent discuté, commença à se réaliser. Le chapitre pro-
vincial autorisait le nouvel orphelinat, et à la fin du même
mois, les Sœurs Grises de Québec en acceptaient en prin-
cipe la direction. C'était dans ce but que le R. P. Campeau
s'était rendu à Québec pour faire appel à leur dévouement.
Au mois de mai suivant, toujours disposé à encourager
nos œuvres, Mgr Williams, archevêque de Boston, approu-
vait le nouvel établissement et nous autorisait à aclieter
un terrain dans le quartier de Pawtuckettville et à y
bâtir un orphelinat.
La même approbation fut renouvelée par le successeur
de Mgr Williams, Mgr O'Connoll. Il fut décidé qu'une
maison nous appartenant recueillerait de suite et provi-
soirement les enfants.
— 8S7 —
Le 7 mars VMS, les Sœurs Grises de Québec visitèrent
cette maison et ne purent l'accepter; elle leur jcirut de
suite des plus incommodes et des plus étroites; d'autant
plus qu(^ les orphelins devaient être très nombreux.
C'était un nouveau retard à la réali>utioti de désirs bien
légitimes ; retard qui pouvait se prolonger lon^dcmps,
quand la divine Providence vint à notre secours. Une
magnifique maison, ayant droit vraiment à être appelée
un palais, se trouva à notre disposition à des condi-
tions assez avantageuses. Il n'y avait pas seulement la
maison, mais encore une belle et grande prairie. Tout
était à souhait, le site étant aussi peu éloigné de notre
presbytère.
Les négociations aboutirent. Le 13 mai, Monseigneur
l'Archevêque donnait son approbation et, le 24 juin, le
R. P. Campeau annonçait la bonne nouvelle qu'accueil-
lirent d'unanimes applaudissements.
Avant, il s'était encore rendu à Québec pour conclure les
derniers arrangements avec les Sœurs Grises, mais, hélas !
le mal implacable qui devait l'emporter se faisait déjà
sentir. Notre Supérieur dut s'aliter à notre maison de
Montréal et était loin d'être rétabli quand il nous revint
pour continuer de se dévouer aux œuvres qui lui étaient
si chères.
Le 1^'' septembre, les quatre premières Sœurs Grises
chargées de l'orphelinat arrivaient et, quinze jours après,
prenaient possession de la maison. Inutile de dire que de
nombreux travaux durent être exécutés pour approprier
la somiitueuse demeure d'un riche américain à sa nouvelle
destination.
Le 7 octobre 1908, quatre autres religieuses venaient
compléter le personnel et, le leniiemain, la première messe
était dite dans la nouvelle chapelle où Jésus-Christ devait
résider dans son sacrement.
Enfin , le 41 octobre , notre orphelinat devenait une
réalité. Notre population put le visiter; les enfants furent
— 388 —
présentés et inscrits. En un jour, une soixantaine d'enfants
furent déclarés admis.
Une quarantaine étaient présents le 16, jour de l'ouver-
ture définitive de leur nouvelle demeure. Et pour la pre-
mière fois, le 18, ils recevaient la bénédiction du Très
Saint Sacrement.
Jésus aime les enfants et surtout les orphelins. C'est lui
qui les confie à ses religieuses, devenues pour eux de
véritables mères ; elles en ont l'amour et, mieux que bien
des mères, savent les élever pour le bon Dieu.
Notre orphelinat a prospéi'é. On put constater de suite
que, toute spacieuse qu'était la maison, elle serait bientôt
trop étroite et qu'il fallait travailler à de nouveaux agran-
dissements.
Le 14 janvier 1909, le bureau civil de charité de la ville
visitait l'orphelinat et rendait pleine justice à sa bonne
tenue et à son excellente organisation dues au zèle expé-
rimenté des religieuses, ses directrices. Une parole d'un
des visiteurs remplace bien des louanges. « En trois mois,
disait-il, les Sœurs ont accompli le même ouvrage pour
lequel il aurait fallu quinze ans aux établissements simi-
laires de l'Etat. »
Le R. P. Lefebvre, le chapelain de l'orphelinat, a sa part
méritée dans un si bel éloge. Après avoir occupé les plus
hautes charges dans la Congrégation, il est heureux de con-
sacrer ses vieilles années à cette maison à laquelle il donne,
avec son cœur, son travail et les trésors accumulés pendant
une longue vie religieuse.
La nouvelle paroisse de Notre-Dame de Lourdes.
— En mémo temps que le R. P. Campeau travaillait à la
fondation de l'orphelinat, il s'occupait d'une œuvre, elle
aussi bien importante.
Dans un quartier de la ville, appelé le quartier Middlesex,
on réclamait depuis longtemps soit une nouvelle paroisse,
soit au moins une chapelle de secours. Ce n'est pas que ce
— 389 —
quartier, du moins dans sa plus grande partie, fût bien
cloijj'né de nos églises, mais, hélas! le zèle se refroidit et la
même distance qui pour des catholiques fervents ne paraît
pas considérable devient jiour d'autres un obstacle sérieux.
Et l'Eglise en bonne mère s'efforce de faciliter à tous l'ac-
complissement des devoirs religieux.
Depuis plusieurs années la question était agitée et la
solution ne faisait pas de progrès. Les ressources manquaient
et les familles attendaient un commencement d'exécution
avant de consentir à des sacrifices pécuniaires.
Cela ne pouvait durer. Aussi aux premiers jours de
l'année 1907, le conseil provincial prenait une décision
grave. Considérant que l'œuvre principale de la Congréga-
tion est les missions, qu'il était plus utile de favoriser les
nouvelles maisons fondées dans d'autres Etats de la confé-
dération américaine au lieu de s'immobiliser dans une ville,
il fut décidé de remettre ce quartier à Monseigneur l'Arche-
vêque pour qu'elle fût confiée au clergé séculier.
Une pareille mesure devait être ratifiée par l'Ordinaire :
Mgr Williams approuva, au mois de mai, ce projet en
réservant son autorisation définitive. Son successeur, Mgr
O' Connell, voulut étudier la question de près et, après
mûre réflexion, à la fin du mois de novembre, nous fit con-
naître sa décision.
Monseigneur s'opposait à notre départ. 11 voulait une
chapelle-école desservie par les Pères Oblats. « Il faut que
vous soyez là, nous dit-il, au moins pendant dix ans. » Les
Supérieurs s'inclinèrent devant une résolution aussi flat-
teuse pour nous : preuve de la haute estime de Monseigneur
pour notre Congrégation.
Ce n'est pas tout de prendre un parti, il faut le réaliser.
Choisir un terrain dans un site favorable, bâtir ensuite,
demande du temps, et les assemblées tenues par les hommes
du quartier Middlesex nous montraient leur vif désir d'ob-
tenir de suite et une église et une école.
Gomme pour l'orphelinat, la Providence nous tira d'em-
— 390 —
barras. Nous sûmes par des conversations privées que les
Baptistes protestants consentiraient à vendre leur église à
des conditions avantageuses. Bientôt des pourparlers furent
engagés et finireiit par aboutir. L'église dite des Taberna-
cles était à nous. On aurait dit qu'elle avait été bâtie tout
exprès, tant son emi»lacemout au centre de la nouvelle
paroisse était favorable, sans compter une grande salle
annexée à l'église, salle qui pouvait facilement être par-
tagée en plusieurs classes.
Avec l'approbation de Monseigneur l'Archevêque, la
paroisse Notre-Dame de Lourdes était érigée ; l'édifice
acheté aux protestants devenait une église catholique. Les
travaux commencèrent de suite, pour qu'on pût le plus lôt
possible y célébrer le saint Sacrifice.
Elle était bénite et ouverte au culte, le 6 septembre 1908,
par le R. P. Campeau délégué de Monseigneur. Le R. P. La
Chapelle, supérieur des Maristes de Boston, nous donna
le concours de sa parole éloquente et appréciée. Il nous rap-
pela les œuvres accomplies déjà dans cette ville par notre
Congrégation en attendant celles que l'avenir nous permet-
tait despérer.
L'église de Notre-Dame de Lourdes est spacieuse et com-
mode, l'autel est à la vue de tous, et dès les premiers jours
on aimait à venir assister à ses offices et prier devant son
plus bel ornement, après le tabernacle, la blanche et belle
statue de la Vierge de Lourdes.
La maison Saint-Joseph, dit avec raison le codex histo-
riens, a fait le sacrifice de deux de ses meilleurs Pères pour
la nouvelle paroisse. Le R. P Dubreuil en était le curé et
son assistant fut le R. P. Viaud. Tous les deux furent
regrettés, surtout par les congrégations dont ils étaient les
vigilants directeurs.
Les deux Pèrrs nous (Quittaient le 30 octobre pour prendre
possession de leur presbytère. Une nouvelle maison d'Oblats
était fondée à Lowell. Ne nous occupant que de la nôtre,
nous biisserons à un autre le soin d'en écrire l'histoire.
— 891 —
Visite du Très Rév. Père Supérieur général. —
Nous avuiis suivi avec Ih plus vil' inti'ièt les dillérent.s ôvé-
nemenls survenus depuis quelques armées dans notre
famille' reli^rieuse. Ses deuils sont nos deuils et ses joies sont
nos joies ; nous prenons part à ses succès comme à ses
revers. I<^t nos prières n'ont cessé de demander pour elle,
dans toutes les circonstances, les secours du Dieu qui l'a
appelén à prendre rang dans l'armée de rEt,'lise.
Eu 19i 6 nous avions salué avec bonheur l'avènement du
R. F. Lavillardière, dont eu janvier 1908 nous déplorions
l:i perte. Nous avons attendu avec confiance l'élection de
son successeur. Le délégué de notre maison, le R. P. La-
motlie, devenait le délégué de la province au Chapitre
général de 1008.
La nouvelle assez imprévue de l'élection comme Supé-
rieur général de Mgr Dontenwill nous fut d'auiant plus
agréable que nous pûmes espérer bientôt sa visite. L'Arche-
vèffue élu de Vancouver allait bientôt revoir cette terre
américaine à laquelle jusque-là il avait consacré toutes ses
sollicituiles.
CVst dire avec quelle joie les Oblats atlendirent à la
gare leur premier Supérieur, le 15 juillet 1908. Mgr Don-
tenwill est resté tant à Lowell, dans nos différentes
maisons, qu'à Tewskbury. jusqu'au 27 juillet, tious prodi-
guant à tous sa bienveillante affabilité et s'informant avec
le plus vif intérêt de tout ce qui pouvait contribuer au
bien de tous.
Le 2Ô juillet. Mgr notre Révérendissime Père voulut bien
officier pontificalement à l'église Saint-Jean-B;iptiste,
cntendri' le récit de nos œuvres fait par notre Supérieur et
adresser à notre population, accourue eu masse pour le
voir, les conseils de sa paternelle sagesse et des paroles de
félicitations et d'encouragement.
Queb(ues jours auparavant, le 21, presipie tous les Oblats
de Lowell et de Tew.-kbury se réuni>saient dans notre
cottage de Marblehea l pour passer quelques heures avec
— 392 —
notre Père bien-aimé. Oh! la charmante et l'inoubliable
réunion qui nous fit encore mieux aimer notre congré-
gation !
Le meilleur compte rendu que nous puissions en faire
est de citer ces notes écrites au codex historicus par le
R. Père Campeau, encore sous la vive impression de cette
fête : « Quelle journée plaisante ! Tout marche à merveille :
les Pères sont enchantés. Deo gratias. » Nous nous repro-
cherions de ne pas mentionner ce qui suit. « Les frères
Levasseur et Bedelle ont fait leur grande part de travail
pour préparer le diner. »
Mgr Dontenwill nous quitta très satisfait en nous pro-
mettant de revenir. Il tint parole.
Autres faits à mentionner. — Mentionnons encore
quelques faits des plus importants survenus pendant l'ad-
ministration du R. P. Campeau. Nous ne dirons rien des
magnifiques fêtes des noces d'or sacerdotales du R. Père
Lefèvre. Merci aux « Alissions > d'avoir bien voulu publier
le récit détaillé de ces solennités.
Depuis plusieurs années les Pères vont pendant les cha-
leurs de l'été se reposer de leurs fatigues dans un cottage
situé sur les rives de l'Océan, à Marblehead. Nous sommes
devenus propriétaires de cette modeste maison de cam-
pagne, où nous pouvons tous les matins célébrer le saint
Sacrifice dans un appartement très convenable. Quant au
terrain, un bail à longue échéance le laisse à notre dispo-
sition.
Signalons encore deux autres faits qui ont donné une
nouvelle preuve de la vitalité de nos catholiques. Le
premier est la bénédiction du clocher de la chapelle de
South-Lowell, bénédiction qui attira un grand concours
de fidèles. Le f ermon sur la croix surmontant le clocher,
sermon prêclié par le R. P. Viaud, produisit une grande
impression.
C'était le 24 août 19()8. Le 30, les Forestiers catholiques
— 393 —
avaient choisi Lowell pour leur réunion annuelle. Une
réunion d'une puissante société de secours mutuels est
toujours pour une ville des Etats-Unis une grandiose
manifestation à laquelle tous s'associent; il en fut ainsi à
Lowell, d'autant plus que les cours de cette société y sont
très florissants. Grand'raesse, parades, réunions avec
discours à la magistrale éloquence, rien n'y manqua.
L'idée religieuse, et c'est pourquoi nous en parlons, fut
l'idée dominante de cette fête.
Donnons un souvenir reconnai.ssant au R. P. Gavary,
venu deux fois du Canada pour nous prêter main forte. A
deux reprises nous avons pu apprécier sa parole aposto-
lique et littéraire. Le R. P. Watelle est venu de Buffalo
pour prêcher une de nos retraites. C'était la Providence
qui nous l'envoyait pour lui permettre de faire connais-
sance avec la paroisse dont il devait être le pasteur.
Mort du R. P. Mangin. — Depuis 1904, le R. Père
Mangin avait quitté notre maison Saint-Joseph dont il
avait été le Supérieur aimé depuis 1898. Il était resté à
Lowell, au presbj^tère de la paroisse de l'Immaculée-
Gonception où il ne cessa jusqu'à son dernier soupir
d'exercer son zèle pour le salut des âmes et la pratique des
vertus religieuses.
La mort le trouva prêt à paraître devant Dieu; il s'y
était préparé avec la résignation obéissante du bon ouvrier
qui a mis sa confiance en la divine bonté. Un voyage au
Canada, entrepris sur le conseil de ses Supérieurs, n'ap-
porta aucune amélioration à une santé depuis longtemps
chancelante, et le 22 août 1909 le R. P. Mangin mourait
de la mort des justes avec tous les secours de la religion.
Sa mort fut un deuil pour la paroisse, comme l'attestè-
rent ses funérailles. Les journaux français et anglais qui
firent son éloge donnèrent la preuve la plus incontestable
de l'estime de tous pour TOblat défunt. C'était un hommage
bien mérité rendu à l'ancien Modérateur de notre scolas-
— 394 —
licat .l'Ottawa, à l'ancien Supérieur de la maison Saint-
Joseph.
Mort du R. P. Gampeau. — En écrivant sur le
Codex historicus l'éloge de R. P. Mangin, dont il avait
clé le collaborateur, le R. P. Campeau ne se doutait pas
qu'une nouvelle victime allait tomber, et que cette victime
était lui-même; et que, pouvant encore compter sur un
long avenir et d'éclatants biiccès, il serait bientôt couché
dans un cercueil.
Emporté par son amour pour les siens, le R. P. Campeau
pensait beaucoup aux autres, pas assez à lui-même ; il ne
se préoccupait guère des avertissements que lui donnaient
des souffrances toujours endurées avec courage. A un de
ses voyages à Québec, il s'était trouvé déjà gravement
atteint et n'avait pas tenu grand compte de l'altération
sui'venue dans sa santé.
Se trouvant plus malade encore à la fin du mois
d'août 1909, il nous quitta pour ne plus nous revoir et. après
un séjour de peu de temps au Michigan, sur le conseil des
médecins, il alla demander sa guérison à l'Hôtel-Dieu de
Montréal.
C'est là que la mort attendait notre Supérieur. Il ne se
faisait pas illusion, et put, en toute liberté, faire son sacri-
fice. Ses pensées suprêmes furent pour cette maison de
Lowell et celte paroisse de Saint Joseph qu'il avait tant
aimées. Il fut assisté pendant sa dernière maladie par le
R. P. Pelletier, supérieur de Ja maison de Plattsburg ; et
tous ceux qui furent témoins de ses dernières heures pas-
s^^es sur cette terre ne purent (ju'être édifiés de sa piété et
de son courage II rendit son âme à Dieu le 2-3 octobre 1909.
C'était bien à Lo\V(41 que le P. Campeau devait reposer
avec tous ses paroissiens endormis dans la paix du Sei-
gneur. Le 28 au soir, en dépit de l'heure tardive, la popula-
tion canadienne était à la gfire et attetidait l'arrivée du
train qui apportait la dépouille mortelle de son pasteur.
— 395 —
Nous n'oublierons jamais l'imposant cortof^e funèbre qui,
le soir, escortait juscju'à l'église celui dunl tous df^ploraient
la perte. Toutes les délégations de nos sociétés — et elles
sont nombreust-s — av;iient tenu à bouueur d'en faire parlin;
et, conduisant le deuil, marchaient la mère et la sœur du
regretté défunt.
Il faut avoir assisté aux funérailles du R. P. Gampeau
pour en avoir une idée. Loweil sait honorer ses Oi)lats aux
jours de leurs anniversaires comme aux jours de leurs
obsèques. Il faut avoir vu le long défib; de tous ceux qui
accoururent pour contempler, pour la dernière fois, les
traits du Père enlevé par la mort.
Mgr l'archevêque de Boston ne voulut céder à personne
l'honneur de rendre à notre Supérieur le dernier hommage
de son estime. • Le R. P. Gampeau, dil-il, était le modèle
du religieux et du curé. Son souvenir sera impérissable. »
Monseigneur paraissait surpris des pompes déployées pour
parer l'église de ses décorations funèJjres. Il avait constaté
quel grand amour la paroisse Saitit-Joseph sait témoigner
à celui auquel elle a donné son cœur.
La ville s'associa à notre deuil. Les cloches, destinées à
signaler les incen.iies. tintèrent le glas : 44 coups, autant
que le nombre des années vécues par le R. P. «iampeau et
distat\cés de demi-minute en demi-minute, annoncèrent
que le cortège des funérailles sortait de l'église.
Elles furent un triomphe, si on peut décerner un tel nom
aux honneurs rendus à un mort. Le char qui le portait
était entouré par les gardes militaires canadiennes et, pen-
dant plus d'uuH heure, le long déQlé des voitures arrêtait
la marche des tramways. Beaucoup de magasins et des
plus importants étaient fermés.
Les paroles ]>rononcées ])ar le R. P. Lamolhe sur le
cercueil qui allait disi»araître ne furent pas la dernière
manitestation de nos regrets. Bien des prières s'élevè-
rent vers le ciel i)our le repos de ci tle âme si regrettée,
Contentons-nou^ de signaler les deux trenlnins de messes
— 396 —
grégoriennes demandés par les ouvrières des manufac-
tures.
Pas plus que celui du R. P. André Garin le nom du
R. P. Joseph Gampeau ne sera oublié. Et c'est à bon droit.
Après avoir exercé le saint ministère au Portage du Rat
dans rOuest-Canadien et avoir doté celte paroisse d'une
église, notre Supérieur s'était donné tout entier d'abord au
noviciat de Tewskbury, puis à la ville de Lowell qui a su
si bien l'apprécier.
I IP. A partir du 8 décembre 1909.
(R. P. Watelle, Supérieur.)
Pendant près de deux mois, le R. P. Lamothe administra
la maison et la paroisse Saint-Joseph avec sagesse, en
attendant la nomination du nouveau Supérieur.
Le 8 décembre 1909, le R. P. Provincial présentait à la
communauté son nouveau chef, le R. P. Henri Watelle,
directeur du juniorat de la maison des Saints-Anges de
Buflfalo.
Cette nomination était inattendue, et les faits qui vont
suivre prouveront une fois de plus que la voix des Supé-
rieurs est la voix même de Dieu. Quand une branche se
détache d'un arbre vigoureux une autre repousse de suite,
et le bien continue dans toute son expansion pour le salut
des âmes.
Dévotion au Sacré Cœur. — Ne se rendant que trop
compte des difficultés de sa tâche, le nouveau Supérieur, en
se mettant à l'œuvre, se demanda, anxieux, comment il s'ac-
quitterait de sa lourde mission. La réponse lui fut donnée
bien vite.
Le R. P. Watelle se rappela les promesses du Sacré
Cœur à la bienheureuse Marguerite-Marie : » Je bénirai, a
— 397 —
dit Notre-Seigneur, le ministère des prêtres qui propageront
la dévotion à mon Cœur sacré. » Il n'y avait donc pas à
hésiter, c'était à ce Cœur divin qu'il fallait se confier, en le
faisant connaître et aimer encore plus.
Depuis longtemps déjà le premier vendredi du mois était
pour notre paroisse un grand jour de fête. Cette fèfe allait
encore être plus solennelle, les prières plus nombreuses
et ferventes, et le culte du Sacré Cœur devait se déployer
avec un incomparable éclat.
Les efforts et le zèle du R. P. Supérieur devaient être
récompensés par le succès. Une neuvaine de prières enfan-
tines prépara une nouvelle effusion des grâces divines et
le premier vendredi du mois de mai 1910, un événement
inattendu avait émerveillé la paroisse. Peu nombreux
étaient les hommes qui le premier vendredi du mois assis-
taient au salut du soir. Ce jour-là à eux seuls ils remplis-
saient l'église et pas une place n'était vide. Il avait fallu
auparavant réunir pour un exercice spécial les femmes et
les jeunes filles. Et en dépit des prévisions pessimistes
attribuant ce succès au seul attrait de la nouveauté, il en
fut toujours ainsi. La nouvelle œuvre était fondée et devait
toujours se maintenir dans son épanouissement.
Les « Mis>ions » ont déjà rendu compte de nos premiers
vendredis du mois, de ses communions nombreuses, de
l'adoration des orphelins, de midi à une heure, du con-
cours empressé de toute la population pour prier le Sacré
Cœur, de ses deux nombreux saluts à la fin du joiu-; nous
n'y reviendrons pas.
Disons seulement que les deux Pères passent au confes-
sionnal les deux jours qui précèdent et que, pendant plus
d'une demi-heore, la communion est donnée aux hommes
à l'église supérieure, aux femmes et aux jeunes filles à
l'église inférieure ; sans compter les messes dites à Saint-
Joseph et la messe réservée aux enfants plus jeunes.
Pour rendre plus intense la dévotion qui lui était chère,
le R. P. Watelle voulut qu'un triduum fût célébré pour pré-
— 898 —
paror la paroisse à la fête du Sacré ('œur, qui, cette année,
était le premier vendreili du mois .!e juin. Le prédicateur,
le R. P. Gêna de la Congréji:alion du Très Saint Réiiemp-
teur, obtint un succès mérité. Deux mois après, la parole
ardente de l'apôtre du Sacré Cœur, à Saint-Sauveur de
Québec, le R. P. Lelièvre, remuait tous les cœurs. Le même
Père avait déjà con.juis tous les sulïrages à la retraite des
dames de Sainte-Anne.
L'œuvre du premier vendredi du mois est fondée, et le
Rév. Père Supérieur peut maintenant en toute contiance
compter sur la réalisation des promesses du Sacré Cœur.
Bulletin paroissial. — Dans la vigne du Seigneur un
nouveau travail s'impose toujours au zèle religieux et
sacerdotal : une nouvelle œuvre est toujours à créer pour le
bien des âmes. Ne faut-il pas triompher de difficultés nou-
velles suscitées par l'esprit du mal?
On connaît l'importance de la presse et les services que
rend une feuille catholique bien rédigée, destim'e spéciale-
ment à la paroisse. On s'intéresse mieux à ce qu'on connaît
de plus prés, les prédications peuvent s'oublier et même être
entendues d'une oreille plus ou moins distraite. Un bulle-
tin paroissial les remet sous les yeux du lecteur, surtout de
celui qui n'est pas venu à l'église.
Le premier numéro de notre Bulletin paroissial mensuel
date de mai 1910. Il compte une année d'existence et sa
seconde année vient de commencer. Grâce à son rédacteur,
le R. P. Baron, il a obtenu un légitime succès, dû à la
variété de ses articles, dans lesquels rien n'est oublié, pour
jeter dans les âmes la bonne semence. Sa couverture lui
donne un aspect très agréable et ses Ci pages se lisent
avec agrément et utilité.
Paraître seulement une fois par mois n'était pas pour
satisfaire sa clientèle, et, sur les uombreu.ses demauiles qui
lui furent faites, son rédacteur publie maintenant un sup-
plément hebdomadaire. Il ne sera pas moins goûté..
— 899 —
Procession du Très Saint Sacrement. — Jusqu'à
présent, au dimaiiche de la solennité île la fête du Très
Saint Sacrement. Xutre-Seigneur ne sortait pas de l'église.
Certain de l'approbation universelle, et après s'être assuré
qu'aucun obstacle ne s'opposerait à l'exécution de son
pieux dessein, le R. P. Walelle ne voulut plus qu'il en fût
ainsi.
Ce fut une grande et belle journée que celle où, pour la
première fois, se dé|>loyèrent dans nos rues les splendeurs
de la procession du Très Saint Sacrement. Toutes les mai-
sons avaient rivalisé de magnificence dans leur parure sur
le passage de la théorie sacrée. Précédé et suivi de toute la
population, Notre-Seigneur passa et, du haut d'un riche
reposoir, bénit la foule agenouillée et recueillie.
Les protestants eux-mêmes, témoins de cette fête, ne
purent que l'admirer. Plaise à Dieu qu'elle leur fasse
mieux connaître la vêrilable Eglise!
Mgr Fallon et Mgr Dontenwill. — Dans les premiers
mois de l'JiU, le Sainl-Père nomma noire Rév. Père Pro-
vincial, le R. P. Fallon, évêque de London (Ontario). Ce
choix est un grand honneur pour notre Congrégation et
pour le Supérieur éminent qui s'en était rendu digne.
Notre nouveau Provincial fut le R. P. Smith, curé de la
paroisse du Sacré-Cœur de Lowell.
A la tin du mois de mai nous fûmes heureux de recevoir
de nouveau notre vénéré Supérieur général, Mgr Don-
tenwill.
Monseigneur voulut bien donner à nos enfants le sacre-
ment de confiruiation. Pour lui rendre hommage, les
hommes de la paroisse organisèrent en son honneur une
réception solennelle dans laquelle une adresse fut lue.
Notre Supérieur général se montra fort sensible à l'éloge de
ses Oblats, remercia la population de l'accueil qu'il avait
reçu et assura que, de son cùlé, il ferait tout ce qu'il pourrait
pour le maintien des traditions du passé et leur j^rogrès
— 400 —
dans l'avenir. — Peu après, Mgr Dontenwill s'embarquait
pour l'Europe : nous ne saurions trop le remercier de la
bonté qu'il nous a témoignée pendant ses deux visites.
Congrès eucharistique de Montréal et visite des
congressistes. — Lowell ne pouvait rester indiflférent au
grand événement religieux qui a fait l'admiration du
monde entier : le Congrès eucharistique de Montréal. Une
des gardes militaires de notre paroisse, la garde Frontenac,
ne recula pas devant les fatigues d'un long voyage pour
assister en corps à la procession qui fut le splendide cou-
ronnement des fêtes du congrès. — Seule, elle représenta
dans la grande ville canadienne toutes les gardes franco-
américaines des Etats-Unis : ce fut pour reconnaître son
dévouement que Mgr Bruchési lui donna la bannière qui
avait Hotte sur l'arc de triomphe élevé par les sociétés cana-
diennes de l'Amérique.
Le Rév. Père Supérieur et plusieurs autres Pères, ainsi
qu'un grand nombre de nos paroissiens, allèrent à Mont-
réal et revinrent ravis des solennités dont ils avaient été
les témoins. Tous furent heureux d'entendre le récit enthou-
siaste de ce mémorable congrès fait par le R. P. Watelle.
Deux mois après, nous recevions le R. P. Leraius, pro-
vincial de la première province du Nord et membre du
bureau permanent des Congrès.
Ce n'était pas assez pour l'éminent Oblat d'avoir eu sa
part, remarquée, dans la grande manifestation eucharis-
tique : il avait accepté l'invitation qui lui avait été faite de
toute part dans le Dominion canadien de parler des deux
grandes causes auxquelles il a consacré sa vie apostolique,
l'Eucharistie et le Sacré Cœur.
Tout fatigué qu'il était après de nombreuses prédications,
le R. P. Lemius ne nous a rien refusé. Tous ceux qui
entendirent ses multiples et éloquentes instructions purent
apprécier son zèle ardent pour le Sacré Cœur et constater
que la réputation du célèbre orateur est plus que. justifiée.
— 401 —
Celui qui, en France, fut son disciple et son compagnon
d'armes et qui, aujourd'hui à Lowell, n'a pu l'écouter, est
heureux d'afflnner, comme l'a si bien dit une adresse lue à
l'église par un de nos principaux citoyens, que le R. P. Le-
mius a conquis tous les suffrages et a réussi à nous faire
mieux connaître et aimer le Cœur sacré de notre Rédemp-
teur.
Le R. P. Delouche, Provincial de Belgique, est venu aussi
nous voir.
En disant que l'agrément et l'intérêt de sa conversation
charment tous ceux qui peuvent en jouir, nous ne ferons
que répéter ce que chacun sait.
Une attaque et une victoire. — Quand on veut le
bien et qu'on réussit à l'accomplir, il ne faut pas croire que
tout sourira à la bonne volonté. L'homme ennemi veille, tou-
jours prêt à tirer parti de toutes les occasions pour accom-
plir son œuvre néfaste.
Il se trouva donc dans la paroisse un ancien journaliste
doué d'un certain talent, qui, pour de l'argent, accepta le
triste mandat de publier contre nous une petite revue dif-
famatoire qu'il n'osait pas même signer. Il eut l'audace,
dans plusieurs numéros de sa publication, de nous accuser
de dilapider l'argent de la paroisse pour favoriser des
églises d'une autre langue.
Sans doute, ce triste personnage était méprisé de tous à
cause de son intempérance; sans doute, ses inspirateurs
étaient inconnus. Cependant, le calomniateur était habile,
et sa perfidie pouvait séduire des gens trop crédules. On
sait, d'ailleurs, avec quelle facilité le peuple se laisse trom-
per, et dans les âmes peuvent se trouver de mauvaises ten-
dances n'attendant qu'un signal pour se manifester.
Il fallait agir vigoureusement. Le R. P. Supérieur pro-
testa énergiquement en chaire, fit connaître l'auteur de ces
libelles, révéla le chantage odieux auquel il s'était livré en
nous demandant d'acheter son silence, mit en garde nos
26
— 402 —
paroissiens contre do tels agissements que tout honnête
homme devait flétrir.
Magnitique furent la réponse de notre population et l'écla-
tant témoignage qu'elle nous donna de sa fidélité et de son
indignation contre ceux qui demandaient notre départ. Sur
le simple avis d'une convocation, sans aucune publicité, et
dès le surlendemain, les hommes accouraient en foule à une
assemblée de protestation.
La grande salle du collège ne peut les contenir ; il n'y en
a pas d'assez grande dans la paroisse : on se réunira à
l'église supérieure.
Les hommes la remplissent bientôt. Un bureau est ins-
tallé avec son président et son secrétaire. Plusieurs ora-
teurs se lèvent; tous tiennent le même langage et veulent
répondre par l'éloge de leurs Pères à l'injure reçue.
Un acte de protestation est rédigé et voté séance
tenante. Une députation composée des plus anciens mem-
bres est envoyée pour chercher le R. P. Curé et ses collabo-
rateurs et lecture leur est faite de l'adresse.
D'unanimes applaudissements saluèrent les réponses de
remerciement du R. P. Watelle et du R. P. Lefebvre.
Comme on l'a très bien dit, une attaque injustifiable avait
été l'occasion d'une grande manifestation qui avait permis
à tous de nous montrer leur reconnaissance. Une fois de
plus, un plus grand bien était sorti du mal, et la réponse
au méchant pamphlet était une éclatante victoire. Nous
pouvions compter sur nos paroisbiens.
Inutile de dire que la Petite Revue — tel était son titre
— ne put survivre à cet écrasement. Quelques mois après,
son rédacteur signait une rétractation à laquelle un notaire
donnait toute authenticité. Il reconnaissait ses mensonges :
c'est tout dire.
4oa
Vie paroissiale.
Les faits principaux que nous venons de relater, dans la
pensée qu'ils intéresseront nos frères, ne peuvent faire con-
naître l'intensité de notre vie paroissiale.
Dans notre rapport précédent nous avons essayé d'en
donner une idée : nous n'y reviendrons pas. Ce sont les
mêmes œuvres et le même labeur pour le salut des âmes
— œuvres qui deviennent plus nombreuses, labeur plus
absorbant.
Aux messes à dire s'est ajoutée celle de l'orphelinat. Celle
du matin en semaine, avancée d'un quart d'heure, permet à
un grand nombre de travailleurs de faire la sainte commu-
nion. Aussi, conformément aux si pressantes exhortations
du Saint-Père, le nombre des personnes qui s'approchent
de la sainte Table a augmenté dans de notables pro-
portions.
Jadis nous n'entendions les confessions que le samedi
après-midi et le soir. Maintenant il a fallu réserver pour
les enfants toute la matinée de ce jour. Il a fallu ensuite
être à notre poste les vendredis soirs.
Toutes les sociétés dont nous avons parlé sont floris-
santes et comptent bien plus de membres. Le R. P. Baron
dirige le tiers-ordre qui réunit l'élite de la paroisse. Plusieurs
fois un Père Franciscain est venu procéder, dans toutes les
règles de l'Ordre, à la visite canonique, prêcher une retraite
spéciale et se réjouir des résultats obtenus.
Le R. P. Baron est aussi le directeur des demoiselles de
Notre-Dame de Lourdes, le R. P. Graton se consacre aux*
Enfants de Marie et le R. P. Denizot aux Associés de
l'Ange gardien. La puissante congrégation des dames de
Sainte-Anne est dirigée dans le chemin de la perfection par
le R. P. Gustave Bernèche, et son frère, le R. P. Arthur
Bernèche, est le chef de la société de la Sainte-Famille qui
unit les jeunes gens et les hommes mariés.
— 404 —
Toutes ces sociétés ont eu comme toujours leurs retraites
spéciales et toutes ont fait un grand bien.
La Garde des Saints-Anges, grâce au zèle du R. P. Ouel-
lette, se distingue toujours par son allure martiale. Elle
nous fait grand honneur quand, à certains jours, elle défile
dans les rues de la cité; d'autres gardes ne sauraient
l'éclipser et elle est toujours remarquée.
Nous avons déjà parlé de la Garde Frontenac : ajoutons
qu'elle a triomphé au grand concours de Manchester des
autres Gardes franco-américaines du Massachusetts. —
D'autres rivalisent avec elle dans notre paroisse d'ardeur
et de bonne volonté.
Bien d'autres sociétés de secours mutuels animées du
meilleur esprit attestent la vitalité de la race française
canadienne à Lowell. Un Père, dont Monseigneur s'est
réservé la nomination, est leur chapelain.
Dimanche prochain, les membres des cours des Forestiers
catholiques se rendront en corps de leurs salles à l'église
pour accomplir le devoir de la communion pascale : bientôt
les dames de Bon-Secours les imiteront quand elles célé-
breront leur patronne Notre-Dame Auxiliatrice, et le jour
de la fête du Sacré Cœur ce sera le tour de l'Association
catholique.
Chaque année les quatre grandes retraites destinées pen-
dant le carême aux femmes, aux jeunes filles, aux jeunes
gens et aux hommes mariés ont été prêchées d'abord par
nos Pères du Canada, puis, pendant deux ans, par les
RR. PP. Capucins, et cette année par les Pères Rédemp-
toristes; elles ont produit des fruits de salut.
• La chapelle école de South-Luwell est prospère et donne
les plus légitimes espérances. Elle aussi a eu tous les ans,
à la fin du carême, sa retraite donnée par nos Pèr^s.
La paroisse est restée au premier rang pour la Propaga-
tion de la foi.
L'orphelinat est devenu trop étroit pour contenir les
enfants privés de leurs parents. Celte éventualité était pré-
— 405 —
vue et la maison voisine avait aussi été achetée : les petits
garçons en prirent bientôt possession.
Ce qui n'empêche que la place fait encore défaut pour
répondre à toutes les demandes; les Supérieurs sauront y
pourvoir.
L'œuvre par excellence est celle des écoles : elle seule
garantit l'avenir. Grâce à Dieu nos écoles paroissiales sont
loin de décliner : les décisions énergiques de notre R. Père
Supérieur, proclamant le devoir essentiel des parents de
nous confier leurs enfants à moins de circonstances parti-
culières à examiner, n'ont pas peu contribué à leur donner
une plus grande extension.
Les succès de nos écoliers et de nos écolières aux exa-
mens pour l'école supérieure et les mentions accordées par
l'autorité diocésaine sont toujours pins nombreux : preuve
du dévouement et de la valeur pédagogique de l'enseigne-
ment de nos religieux et de nos religieuses.
Nous avons ouvert au quartier de Pawtucketville une
nouvelle école paroissiale : et les enfants l'ont bientôt
remplie.
Une grande fête appelée fête champêtre a été organisée il
y a deux ans par le R. P. Barette et l'année dernière par le
R. P. Gustave Bernèche, secondé par le R. P. Racette. Elle
réussit à merveille. Son Honneur le maire de Lowell voulut
bien présider à l'ouverture de la fête, fixée toujours au
4 juillet, fête de la proclamation de l'Indépendance des
Etats-Unis.
Des attractions diverses attirent les curieux dans la
prairie de l'orphelinat, prairie illuminée le soir. Dire les
concours organisés et toutes leurs complications me paraît
impossible.
De nombreuses représentations dramatiques et musicales
en faveur des œuvres paroissiales manifestent aussi le
désir et la volonté de nous seconder. Citons seulement
deux pièces jouées par les anciens élèves du Collège : * Les
Francs-Tireurs de Strasbourg » et la « Malédiction » ; la
— 406 —
première sou3 la direction du R. P. Ouellette, et la seconde
du R. P. Deiiizot. Elles réunirent de nombreux spectateurs.
Le R. P. Watelle donna aussi plusieurs conférences avec
projections sur Notre-Dame de Lourdes, dont il fut plusieurs
fois l'heureux pèlerin : c'est dire qu'elles firent merveille.
Le R. P. Soubry-Matthews, délégué de Ceylan au Congrès
eucharistique, nous purla aussi de ses missions, et les pro-
jections nous mettaient sous les yeux les sites et les
monuments de l'île appelée à bon droit la perle des Indes.
Nos orphelins, eux aussi, se sont mis à l'œuvre ; on
aurait pu croire, à cause de l'inexpérience de leur jeunesse,
qu'ils ne pouvaient parler en public : c'est le contraire qui
est la vérité. Limpide, naturelle et expressive était leur dic-
tion. Un drame et une comédie exécutés par eux ont fort
intéressé l'auditoire et grand fut le succès.
On le voit, nos paroissiens répondent à nos efforts. Ils
conservent la foi profonde des aïeux et remplissent avec
exactitude leurs devoirs religieux, le plus grand nombre du
moins, car il y en a toujours trop qui, sur cette terre amé-
ricaine, oublient les traditions canadiennes et abandonnent
la foi de leur enfance. Ce n'est pas l'esprit catholique du
dévouement, du zèle et de la pénitence qu'on respire aux
Etats-Unis.
Et même nous avons de sérieuses inquiétudes sur l'avenir
à cause surtout de l'attitude des jeunes gens. Ce sont eux
les plus tentés; ce sont aussi eux qui se laissent plus faci-
lement entraîner, sur eux qu'il faut veiller avec une extrême
sollicitude.
Trois œuvres nouvelles.
Pour sauver les âmes, le secours de la grâce divine est
indispensable. C'est l'oeuvre de Dieu par excellence, et cette
œuvre, Dieu seul peut l'accomplir. Voilà pourquoi, tout
d'abord, sur la demande expresse de Mgr l'Archev.êque de
Boston, l'Heure sainte a été établie.
— 407 —
L'Heure sainte. — Depuis quinze jours, tous les
mardis, le Saint Sacrement est exposé, et une heure entière
est consacrée à l'adoration et surtout à la réparation pour
tous les péchés commis dans la paroisse. Le R. Père Supé-
rieur est en chaire. On l'écoute avec attention ; quand il
demande de prier, on s'agenouille, et, en silence, chacun
parle à Jésus de ses peines, de ses désirs, de ses inquié-
tudes. La mère recommande en les nommant chacun de ses
enfants, l'épouse demande pour son mari une sincère con-
version ou la persévérance.
Les priants, partagés en deux chœurs, récitent à haute
voix le chapelet, et, entre chaque dizaine, le Père recom-
mande des intentions spéciales et dit quelques mots sur le
mystère correspondant.
On aurait dit que la paroisse n'attendait que le signal
pour répondre à notre appel, et que tous désiraient cette
réparation. Dès le premier jour, l'église était comble ; déjà
les places manquent et peut-être faudra-t-il établir deux
Heures saintes chaque semaine : une pour les hommes,
l'autre pour les femmes.
L'Heure sainte nous fait espérer une nouvelle floraison
religieuse.
Première communion. — Nous avons accueilli avec
joie le décret libérateur du Souverain Pontife sur la pre-
mière communion et de suite nous en avons suivi les ins-
tructions. L'enfance ne sera donc plus éloignée de ce sacre-
ment de l'amour, si nécessaire pour sa préservation. Les
préjugés routiniers de jadis ont vécu.
Encore quelques jours, et nous verrons une communion
générale d'enfants, que personne jusqu'alors n'avait con-
templée. Parmi ceux qui recevront leur Dieu, les uns n'au-
ront pas encore sept ans et cependant répondent très bien
à toutes les' questions du catéchisme; d'autres ont l'âge,
appelé l'âge de raison, d'autres plus grands l'ont dépassé.
Ceux-ci ont déjà communié bien des fois à une messe basse,
— 408 —
sans aucune solennité, à côté de leurs pai-ents; pour ceux-là
c'est vraiment la première communion, avec ses douces
joies et son parfum de pureté.
Une retraite les préparera, et une société nouvelle les
accueillera. Aux premiers vendredis du mois ils se présen-
teront de nouveau au Dieu protecteur de leurs années
printanières, et ils trouveront de nouveau dans l'union
eucharistique la lumière, le courage et l'amour.
Comme l'a décidé le premier pasteur du diocèse, ils ne
seront confirmés qu'à l'âge de treize ans, et jusqu'alors
devront suivre un cours de catéchisme. Nous nous eflorce-
rons ensuite de les garder pour le divin banquet.
Et l'avenir nous permettra de comparer les résultats et
du système de jadis et de la pratique nouvelle.
Grotte de Notre-Dame de Lourdes. — Une grotte de
Notre-Dame de Lourdes à Lowell : telle fut la pensée de
notre R. Père Supérieur en voyant pour la première fois le
terrain de l'orphelinat.
Il se dit d'abord que ce serait l'œuvre de l'avenir et il n'en
parla que comme d'un projet à réaliser plus tard. Mais une
paroisse qui aime la sainte Vierge comme la nôtre ne l'enten-
dait pas ainsi. La grotte de Lourdes, on la voulait de suite.
Deux bienfaitrices voulurent immédiatement payer la
statue de la Vierge immaculée. Elle fut donc achetée, bénite
solennellement et attend à l'église le jour où elle pourra
prendre possession du trône choisi par la Reine du ciel.
Elle est bien belle, l'image de Notre-Dame de Lourdes, sur-
tout quand, pendant les offices, elle est entourée de lumières.
Et devant elle on aime à prier.
Pour la grotte, bien des séances récréatives ont été
données, et elles continueront. C'est pour elle que nos
jeunes gens ont joué une pièce des plus dramatiques et que
nos orphelins viennent de toucher tous les cœurs par le
charme et le naturel déployés dans une séance qui faisait
couler les larmes.
— 409 —
Le plan de la future grotte est tracé; elle sera exactement
semblable à celle de Massabielle. Quelle fête que celle de
son inauguration et quel présage de faveurs! {Voir aux
Nouvelles diverses.)
Travaux au dehors.
Nous n'avons que peu de mots à dire de nos travaux au
dehors : bien maigres les épis que nous avons moissonnés
et nous nous demandons si le mieux ne serait pas de n'en
rien dire.
Il en est ainsi probablement, nous le pensons du moins,
parce que les demandes ont été peu nombreuses, vu qu'au
su de tous, le ministère de la paroisse nous absorbe et
prend tout notre temps. D'ailleurs, nos Pères du Canada
ont donné des missions dans beaucoup de paroisses du
Massachusetts et des Etats voisins.
Voici, sauf omission, les travaux accomplis. Le R. P.
Barette a prêché la retraite des Enfants de Marie à Suncosk
et le R. P. Arthur Rernèche celle de la première commu-
nion à Somersworth (N. H.). Les conférences du R. P.
Barette contre l'alcoolisme , spécialement celle qui fut
dialoguée à Sainte-Marie de Manchester, lui ont acquis la
renommée d'orateur populaire. Nous avons secondé le
R. P. Lewis de la maison de Plattsburg, à Derry et à
Concord (N. H.), et nous avons aussi donné des retraites
à la paroisse de Fitchburg et aux religieuses de Norshua.
Le R. P. Dubreuil a remplacé, à Providence, le R. P. Le
Vacon, tombé malade. Le R. P. ^Yatelle est allé à Duluth
pour donner le sermon de circonstance aux fêtes jubilaires
de la fondation de la paroisse. Il va se remettre en route
pour d'autres travaux apostoliques au Texas.
Le personnel.
Il est de toute justice de nommer les Pères qui se sont
dépensés pour le salut des âmes dans cette paroisse. Ils
— 410 —
ont plus que droit au souvenir et à la gratitude de ceux
qui ont apprécié leur zèle et profité deleurjj bons exemples.
Plusieurs Pères nouveaux sont entrés dans nos rangs
depuis notre dernier rapport et ont été ensuite appelés à
un autre poste. Le R. P. Erhard, venu de Jersey au com-
mencement de l'année 1908, nous a quittés pour les missions
du Wisconsin au mois d'août de l'année suivante, empor-
tant avec lui les sympathies de tous. Le R. P. Barette est
arrivé de Calgary au mois de mai 1908, a dirigé la Congré-
gation des Dames de Sainte-Anne avec un grand zèle, et
en janvier 1910 est parti pour Plattsburg. Le R. P. Joseph
Magnan, des missions du Nord-Ouest canadien, a d'abord,
en 1909, rempli les fonctions de directeur de l'orphelinat
Saint-Pierre à Manchester, pendant que ce poste était
vacant, puis fut un des nôtres. Peu après, il était nommé
à notre maison de Notre Dame de Lourdes, où les travaux
du ministère réclamaient un troisième Père. Nous eûmes
l'honneur de posséder parmi nous l'ancien recteur de
l'Université d'Ottawa, le R. P. Emery, mais, quelques mois
après, il était nommé Supérieur de la maison de Plattsburg.
Nous avons déjà dit que les RR. PP. Dubreuil et Viaud
furent les premiers Pèi'es de la paroisse de Notre-Dame de
Lourdes. Sont venus aussi pour faire partie du personnel
de notre maison le R. P. Arthur Bernèche, de notre maison
de Montréal, au mois d'août de 1909; les RR. PP. Gustave
Bernèche et Julien Racette, de la maison de Plattsburg,
en janvier 1910; et de notre noviciat de Tewskbury, au
mois d'août de la même année, le R. P. Charles Denizot.
Voici le personnel de la maison au commencement de
mai 1911 : Supérieur, le R. P. Watelle, dont les deux
assesseurs sont le R. P. Lamothe, curé de la paroisse
Notre-Dame de Lourdes, et Baron. Le R. P. Lefebvre,
nommé Gonsulteur provincial, occupe la seconde place.
Puis viennent par rang d'oblation les RR. PP. Amyot,
Brullard, Arthur Bernèche, Graton, Gustave Bernèche,
Racette, Ouellette et Denizot.
— 411 —
Les Frères convers sont les mêmes; ce sont les Frères
Levasseur et Bedelle, toujours irréprochables dans leur
service.
Tous d'ailleurs, membres de la même famille, quel que
soit leur titre, quelles que soient leurs fonctions fixées par
l'obéissance, n'ont qu'un désir, accomplir leur devoir,
travailler à leur sanctification et au salut des âmes sous
la direction de leur Supérieur, et par Ik même à la plus
grande gloire de Dieu, avec les grâces du Sacré Cœur de
Jésus et le secours de la Vierge Immaculée.
P. Brl'llard. 0. m. 1.
11 mai 1911.
DEUXIÈME PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
(Sud-Ouest.)
Chronique de la ProYin€e.
Un rapport circonstancié devra nécessairement faire
connaître aux lecteurs des Missions les événements im-
portants dont la Province du Texas vient d'être le théâtre,
et mieux encore, ceux qui semblent à la veille de s'y
accomplir.
En attendant, il ne sera pas sans intérêt de voir, dans
leurs grandes lignes , les fondations nouvelles que les
détails feront ensuite connaître plus exactement.
Diocèse de Galveston.
Les Oblats, travaillaient dans le diocèse de Galveston, il
y a 60 ans. Ce fut même la plus ancienne mission de la
congrégation au Texas.
— 412 —
Mgr Gallagher, l'évêque actuel de Galveston, désire beau-
coup le retour des Oblais dans son diocèse, parce qu'il y a
un ministère d'évangélisation que seuls les missionnaires
des pauvres peuvent remplir. L'évêque voudrait, en consé-
quence, nous confier non seulement les missions des Mexi-
cains assez nombreux dans le diocèse et complètement
dépourvus de secours religieux, mais encore les missions
des Italiens dont, dans un seul endroit, on compte 150 fa-
milles, sans un seul prêtre pai-lant leur langue. C'est dire
que, comme les Mexicains, les pauvres Italiens sont bien
abandonnés au point de vue religieux.
Toujours, d'après les offres de Mgr Gallagher, les Oblats
prendraient en outre la direction des deux pénitenciers de
l'Etat, dans lesquels se trouvent un bon nombre de catho-
liques, surtout de Mexicains.
Indépendamment d'une paroisse que nos Pères auront à
desservir, le centre de la nouvelle fondation sera fixé tout
près de la populeuse ville de Houston à cause de la facilité
de rayonner de là dans les différentes missions des Mexi-
cains et des Italiens. Sur ce nouveau champ d'action,
chacun de nos missionnaires pourra dire en toute vérité :
Epangeti^are pauperibus misit me.
Un autre avantage de l'établissement des Oblats dans le
diocèse de Galveston est que dans cette ville se trouve le
port de débarquement Y)Ouv la plupart des missionnaires
eovoyés d'Europe. Ils auront donc, à peu de distance du
port, un pied-à-terre, et ils y trouveront une maison où ils
seront reçus comme des frères. Enfin, le diocèse de Gal-
veston se développe rapidement et le manque d'ouvriers
évangéliques s'y fait sentir. Le seul fait, d'ailleurs, qu'il y
a dans ce vaste diocèse des âmes à sauver, est une raison
plus que suffisante pour que les Oblats s'y établissent,
puisque notre principale mission et notre raison d'être dans
l'Eglise c'est de sauver les âmes les plus abandonnées.
413
Collège de Puebla.
La ville de Puebla étant abondamment pourvue d'écoles
et de collèges dont le nombre s'est accru eu proportion de
l'augmentation de la population, l'abandon du « Colegio
Pio de Ciencias y Artes » semblait s'imposer depuis assez
longtemps. Durant ces trois ou quatre dernières années, il
en avait été plusieurs fois question et, dans l'état de trouble
et de malaise qui règne dans la République du Mexique et
qui durera probablement plusieurs années encore, aucune
solution ne paraissait possible.
Toutefois, pour ne rien précipiter dans une affaire si
importante, puisqu'elle est directement liée à la grande
cause de l'éducation de la jeunesse, aucune décision n'avait
été prise avant ou durant la crise de la dernière révolution
qui a sévi au Mexique pendant les premiers mois de
l'année 1911. Ce ne fut que le 15 juillet dernier, que la
fermeture de l'établissement fut définitivement décidée.
A cette époque les 7 Pères et les 2 Frères qui consti-
tuaient le personnel enseignant n'avaient en tout que 75
élèves appartenant au collège proprement dit (indépen-
damment des 32 jeunes élèves de l'école enfantine annexée).
Telle était la situation présente. Pour l'avenir, il y a peu
ou pas d'espoir de voir ce nombre augmenter sensiblement,
tandis que quelque nouveau mouvement révolutionnaire
peut le réduire considérablement ou même amener l'aban-
don forcé de l'établissement.
La fermeture, définitivement décidée le 15 juillet, fut
officiellement annoncée aux professeurs du collège, par
le R. P. Provincial, le 8 septembre dernier, comme devant
s'effectuer le 1^"^ novembre, c'est-à-dire à la fin de l'année
scolaire. Profitant de la présence du R. P. Provincial, bon
nombre de familles les plus distinguées lui ont exprimé la
vive peine que leur causait le départ des Pères dont elles
— 414 —
ont appris à apprécier le dévouement et le zèle, durant les
dix années de leur séjour à Puebla.
Conformément à l'annonce qui en avait été faite le
8 septembre, les 7 Pères et les 4 Frères qui se dévouaient
à l'œuvre du collège l'ont définitivement quitté pour rece-
voir du R. P. Provincial différentes destinations selon les
besoins si grands de cette immense Province.
Fondation de Tulancingo.
Si nos Pères ont abandonné Puebla, ils n'ont pas aban-
donné le Mexique, cet immense champ où il y a tant
de pauvres âmes délaissées et complètement privées de
secours spirituels ! La première conséquence de la ferme-
ture du collège a été l'iicceptation d'une nouvelle et impor-
tante fondation dans le diocèse de Tulancingo. Ce diocèse
est un peu plus étendu que l'Etat de Hidalgo (Mexique)
qu'il embrasse tout entier avec ses 15 districts. Monsei-
gneur Herrera y Pina, évéque actuel de Tulancingo, dési-
rait ai'demment avoir les Oblats dans son diocèse. Il en
avait fait la demande non seulement au R. P. Provincial,
mais il avait encore renouvelé ses instances dans une
lettre adressée à S. G. Mgr le Révérendissime Père Général.
Un immense champ d'action s'ouvre devant les mis-
sionnaires; en effet, il y a dans le diocèse une population
catholique de 1.200.000 âmes et à peine 100 prêtres pour
subvenir à leurs besoins. Dans un seul district, il y a
105.000 âmes confiées à 7 prêtres seulement! — En outre,
il est nécessaire ou du moins très désirable d'avoir une
deuxième maison, — à défaut de celle de Puebla n'existant
plus — près de la ville de Mexico, sans quoi les Pères
établis dans la capitale seraient vraiment trop isolés.
Des différents postes offerts par Mgr Herrera, le choix
s'est fixé sur Metcpec, dans le district de Tulancingo. C'est
le poste le plus connu et celui qui offre les meilleures espé-
— 415 —
ranccs pour l'avenir. Les Pères de Mexico y ont prêché des
missions, et sont enchantés que ce poste ait été offert aux
Oblats. Le R. P. Piepiso y prêchait encore l'année dernière
et donna, dans ces parages, des missions qui durèrent deux
mois. A la mission de Metepec, il distribua 3.G19 commu-
nions et régulariba 150 mariages. 11 eut la consolation d'y
constater de très nombreux retours, dont les principaux
sont : 5 de 60 ans ; 7 de 50 ans ; .'JO de 40 ans ; 33 de 35 ans ;
41 de 30 ans ; 12 de 26 ans; 101 de 25 ans; 30 de 21 ans ;
137 de 20 ans ; 50 de 18 ans ; 60 de 15 ans ; 31 de 14 ans;
30 de 12 ans, et les autres de 10 ans, 8 ans, etc.
Pour débuter, la desserte d'une paroisse serait assurée
aux Oblats à Metepec : de là, il serait facile de rayonner
dans les villages qui en dépendent.
Metepec n'est qu'à 5 heures de chemin de fer de Mexico :
plusieurs lignes le relient à la capitale.
Pour commencer, une résidence a été établie à Metepec,
avec les PP. Rose (directeur), Stuhlmann et Metzger, tous
les trois du collège de Puebla. Tout fait espérer que c'est
là le commencement d'une grande et belle fondation où de
nombreux missionnaires viendront travailler pour la gloire
de Dieu et le salut d'un très grand nombre d'àmes vrai-
ment abandonnées. Là, plus que partout ailleurs, on peut
dire : « La moisson est abondante et les ouvriers sont peu
nombreux. »
^^\y\y\^^/
— 416
VICARIAT DU KEEWATIN
I. Mission N.-D. de la Visitation. Portage la Loche.
27 MARS lOll
Extrait du rapport du R. P. PÉNARD,
à Mgr GHARLEBOIS, 0. M. I.,
Vie. Apost. du Keewatin.
Monseigneur et bien-aimé Père,
Je me mets enfin, aujourd'hui, en devoir de rédiger mon
rapport sur la mission de la Visitation, rapport demandé
et promis depuis si longtemps, mais que des raisons
diverses m'ont empêché de rédiger jusqu'à ce jour. Je
m'étais bien promis de tenir ma promesse aussitôt après
Noël. Mais, ainsi que je vous l'ai écrit, la maladie m'en a
empêché.
Le dimanche même, c'est à peine si je pouvais dire une
messe basse dans la petite chapelle intérieure de la mission !
Dans le mois de février, mes chasseurs de caribous
vinrent me rappelou' la promesse que je leur avais faite,
d'aller purmi eux. Me trouvant en assez bonne santé, et le
voyage, jusqu'au premier camp, devant se faire à petites
journées de marche, sans m'essouffler, et sans me faire
traîner par les chiens, je partis donc avec ces braves gens.
J'ai visité deux camps de chasseurs. Dans le premier, où il y
avait une tientaine de personnes, j'ai passé huit jours, ins-
truisant les enfants et les grandes personnes aussi souvent
que les circonstances le permettaient, et dans l'intervalle
allant de temps en temps jeter un coup d'oeil du côté des
caribous. Plus heureux que l'année dernière, j'ai pu en
— 417 —
voir en grand nombre, et d'ussez proche. En ai-je tué? j'ai
tiré dessus avec les autres, et il y en a qui sont tombés.
Est-ce moi ou les autres qui leur ont fait mal? Je préfère
penser que ce sont les autres, afin de oe pas charger ma
conscience de ces meurtres.
Après avoir donné à tous les chasseurs de ce camp et à
leurs familles l'avantage de s'approcher deux fois des
sacrements, je suis parti pour le camp voisin, à une
journée de là. Là, il y avait plus de monde, environ une
soixantaine, en comptant les enfants. Mais, je n'ai pu
y passer que trois jours, parce qu'ils étaient pressés de lever
le camp, les caribous se faisaut rares dans les environs.
A une petite journée de là, il y avait encore un autre
camp, au moins aussi considérable que celui-ci. Je me
proposais de le visiter également. Mais la dernière journée
de mon séjour, je retombai malade, et ne pus entendre les
confessions que bien difficilement. De sorte que le quatrième
jour, au lieu de prendre le chemin du dernier camp, je
repris celui de la mission, où je ne parvins pas sans bien
des dilTicultés. Le temps, du reste, s'est mis de la partie.
Notre second jour de voyage était agrémenté d'une grosse pou-
di'erie, qui a duré toute la journée, et rendait la marche des
chiens très diflticile. Le lendemain, il faisait un froid très
vif, qui me saisissait, malgré tous les efforts que je faisais
pourm'envelopperde mon mieux dans mes couvertures. Enfin
le samedi li mars, vers midi, j'arrivai à la mission. Il n'y
avait pas grand monde aux alentours, presque tous étant à
la chasse aux caribous. Il n'était guère resté que les
malades. Le bon F. Pioget lui-même avait été assez souffrant
pendant mon absence ; heureusement il était un peu remis
à mon arrivée. Quant à moi j'en eus pour une grande semaine
à garder la chambre.
Actuellement, il ne me reste qu'une grande faiblesse et
une fatigue générale qui me rend encore pénible le travail.
Bien que mon voyage se soit terminé trop tôt, puisque je
n'ai pu voir tous les gens que je voulais voir, je suis cepen-
27
— 418 —
dant assez satisfait de ma tournée au point de vue des
résultats pratiques. Ainsi que je vous le disais dans une de
mes dernières lettres, je voudrais pouvoir consacrer plus de
temps à ces visites dans les camps de chasseurs tous les
hivers. C'est le seul moj'eii de les instruire et de les former
aux pratiques de la vie chrétienne. Malheureusement, étant
seul, je ne puis m'absenter de la mission pour bien long-
temps, car on peut avoir besoin de mon ministère sur
d'autres points.
Cette mission est, en effet, très étendue et très difficile à
desservir, c'est ce qui rend l'exercice du ministère si pénible.
L'établissement de la mission se trouve placé sur le côté
est du lac la Loche, à 150 milles de la mission de l'Ile à la
Crosse, dans la direction nord-ouest. Autour de la mission,
sur un rayon de deux milles, il y a, pendant presque tout
l'été, environ 200 personnes à demeure à peu près
fixe. Le lac les fournit de poissons et de canards, et les
bois environnants leur permettent de chasser le caribou et
l'orignal. De l'autre côté du lac, à sept ou huit milles d'ici,
il y a deux autres petits villages, donnant ensemble
environ 80 ou 100 personnes. Pendant l'été, ceux-ci peu-
vent également venir assez régulièrement à la mission.
Mais aussitôt que l'automne arrive, tout ce monde se dis-
perse, pour aller à la chasse, c'est-à-dire faire provision de
fourrures et de vian-le. Cette année et l'année dernière, ainsi
que toutes les fois que le caribou du nord vient proche, c'est
à peine s'il reste 60 ou 70 personnes autour du lac, tout le
reste se disperse à deux, trois et quatre journées d'ici.
En outre de ces trois ou quatre petits villages, situés
assez proches de la mission, j'ai à desservir :
lo Les gens qui se trouvent à l'embouchure de la Rivière
la Loche, ou Bull house, à 30 ou 50 railles d'ici, en venant
de l'Ile à la Crosse. La différence de distance dépend du
temps où se fait le voyage. En hiver, il n'y a que trente
milles. Mais en été, il faut suivre en canot tous les capri-
cieux contours de la rivière la Loche, et les 50 milles y sont
— 410 —
bien comptés. C'est le seul po.ste que je visite en canot pen-
dant l'été. Il y a là assez peu de monde, trois ou quatre
familles s^eulement, mais pendant l'hiver, beaucoup de
jeunes gens y viennent faire la pèche. C'est de plus le lieu
de passage des batteurs pour la Compagnie de la Baie
d'Hudson et pour la société Revillon Frères. Aussi généra-
lement, e»t-ce loin d'être une place d'édification. D'autant
plus que les braves gens qui y demeuraient autrefois ont
presque tous abandonné la place. Ceux qui y demeurent
maintenant sont des métis venus du lac Vert, ou bien des
jeunes ménages, pour lesquels la religion n'est malheureu-
sement pas le premier des soucis.
2o A l'ouest du lac la Loche, à environ 2ô milles d'ici,
nous trouvons le lac Poisson Blanc. Impossible de s'y
rendre par eau en été. Il faut porter à dos chapelle et baga-
ges, et presque tout le temps voyager dans des marais et
des terrains mouvants, où l'on enfonce souvent jusqu'aux
genoux et même plus. En hiver, le chemin n'et^t guère plus
agréable, ces marais étant formés en grande partie de
buttes de mousses (dites têtes de femmes), dans les quelles on
enfonce le pied trop facilement en été, mais qui, une fois
durcis par la gelée, font un chemin bien raboteux pour les
traînes.
Si au moins le bon esprit de la population dédommageait
des difficultés de la route ! Mais malheureusement, il est
loin d'en être ainsi. Les 50 ou 60 habitants de la bourgade
sont, sans contredit, les plus mauvais de mes paroissiens.
Etant en rapports fréquents avec les gens du Fort Me Mur-
ray et du lac la Biche, ils rapportent de cette population
mêlée de cris, métis, etc., et même juifs, tout autre chose que
de bons exemples. D'autant plus, qu'ils ont toujours été
très orgueilleux, que leurs rapports avec les étrangers les
font se croire bien plus malins que les autres et même que
le Père. Cependant ils sont au moins aussi ignorants que
les autres en fait de religion, et de plus, pour le grand
nombre, outre l'ignorance, il y a la mauvaise volonté, ou
— 4-20 —
plutôt une volonté déterminée de ne pas tenir compte des
préceptes de la morale chrétienne. De sorte que j'ai, là, une
sorte de petite sentine de corruption que je ne sais trop
comment assainir.
3° A 40 milles au sud-ouest du lac Poisson Blanc, nous
trouvons le Petit lac Brochet, quatre ou cinq familles. Ce
sont d'assez braves gens, mais très ignorants en fait de-
religion, voyant rarement le prêtre, venant tantôt ici, tantôt
allant au fort Me Murray, tantôt au lac de Cœur, passant par
le lac Poisson Blanc pour venir ici, et dans tous ces centres
subissant plus de mauvaises influences que de bonnes, de
telle sorte qu'il n'y a qu'une chose étonnante, c'est qu'ils
ne soient pas plus mauvais qu'ils ne sont. II y aurait cer-
tainement quelque chose à faire avec eux, mais pour cela
il faudrait pouvoir les visiter plus souvent, et surtout, les
empêcher de fréquenter aussi souvent le lac La Biche et le
Fort Me Murray, ce qui semble bien difficile, puisqu'ils ont
accepté cette dernière place pour y traiter leurs affaires, et
qu'ils doivent s'y rendre tous les étés pour y rencontrer
l'agent. Ils ne sont d'ailleurs pas dans notre vicariat. Le
Petit lac Brochet se trouve dans le vicariat d'Athabaska ou
dans le diocèse de Saint- Albert, je ne sais, mais certaine-
ment pas chez nous.
Plus au sud, il y a le grand lac Brochet, à 30 milles du
Petit. Il y avait là autrefois une petite bourgade que je
visitais. Maintenant, il n'y a presque plus personne, à part
en hiver quelques familles de chasseurs du lac la Biche et
du lac de Cœur, lesquelles viennent ordinairement me
rencontrer au Petit lac Brochet, lorsque je m'y rends, ainsi
d'ailleurs que beaucoup de sauvages du Fort M'^ Murray et
des environs. Mais ce ministère de rencontre n'est guère
consolant, et je crains bien que ces brebis errantes ne
fassent plus de mal à mes paroissiens que je ne leur fais
de bien à elles-mêmes.
4» Au nord du lac la Loche, à 60 milles d'ici, se trouve le
lac du Cygne. C'est le grand centre de la chasse pendant
— 4:21 —
l'hiver. Mais pendant l'été, il n'y a que quatre ou cinq
familles à y «lemeurer. Impossible de la visiter en canot
pendant l'été. Il faut se sprvir du même genre de locomo-
tion que pour aller au lac Poisson Blanc. Le chemin n'est
pas si mauvais, mais il est plus long. Ces quatre ou cinq
familles ne voient donc aussi que bien rarement le prêtre,
et conséquemment sont très ignorantes, en fait de religion.
Je crois qu'on pourrait en faire de bons chrétiens, si l'on
pouvait les instruire plus sérieusement.
50 A l'est, à 35 milles d'ici, nous avons le Détroit du
Bouleau, six ou sept familles. Jusqu'à ces derniers temps,
c'était le pendant du lac Poisson Blanc. Puis, subitement,
depuis deux ans les choses ont changé, sans que, naturelle-
ment, je puisse ti'ouver aucune raison valable de ce brusque
changement. Maintenant, c'est certainement celui de mes
postes éloignés qui me donnera le plus de consolation. Ils
ne sont pas très instruits, mais j'ai trouvé là un brave
homme que j'ai chargé d'apprendre le catéchisme aux
enfants, et qui met une réelle bonne volonté à s'acquitter
de sa tâche. De plus il ne se gène pas pour sermonner même
les grandes personnes lorsqu'il y en a qui ne marchent pas
droit. Et si quelqu'un ne veut pas écouter, il me le dénonce
publiquement lorsque je vais visiter la place, et je lave
consciencieusement la tête au coupable ou à la coupable.
Je ne doute pas que ces petites admonestations publiques ne
soient un des bons moyens de retenir ces grands enfants
dans le devoir. Si je pouvais établir cela partout, ça irait
certainement mieux. Mais je n'en trouve pas beaucoup de
la trempe de mon bon Michel Wapousweyon parmi mes
Montagnais. Si je pouvais voir plus souvent ces braves
gens, et leur procurer la grâce de fortifier leurs bonnes
dispositions par la réception plus fréquente de l'Eucharistie,
il n'y a aucun doute que j'aurais là, sous peu, des chrétiens
modèles. Hélas ! une bonne moitié de mes gens ne peuvent
jouir de la grâce de la communion fréquente, et c'est ce qui
me fait le plus de peine.
42*2
Car, il n'y a pas à dire, Pie X nous a montré le grand
moyen de faire du bien aux âmes : la communion fréquente,
l'union constante à Jésus dans l'Eucharistie.
D'après ce que j'ai dit de chacun des postes que je visite,
il est clair que tout n'y est pas précisément parfait. Loin de
là. La nature sauvage de nos gens ne les dispose que trop
à l'immoralité ; leur insouciance les pousse à la paresse
et au jeu ; leur amour des jouissances les incline à l'abus
des liqueurs fortes que l'apparition des blancs, plus fré-
quente que par le passé, les met à même de se procurer plus
facilement. Jusqu'ici cependant, j'ai pu, à force de sévérité,
empêcher à peu près le fléau de l'ivrognerie de s'introduire
parmi eux. Il arrive bien quelque cas, comme c'est arrivé
justement ces jours-ci. Mais alors, je sévis impitoyable-
ment contre les coupables, et nous en avons pour un temps
à rester tranquilles. Le jeu et le bal sont deux autres
moyens de démoralisation pour les sauvages. Pour le jeu,
je ne puis qu'en empèctier l'abus trop criant. Le jeu de
main, accompagné des pratiques superstitieuses des Cris, a
à peu près complètement disparu. Malheureusement, beau-
coup se livrent au jeu de cartes d'une façon désordonnée, et
je suis obligé de tonner assez souvent contre cet abus.
Pour la danse et le bal, je me montre au moins aussi
sévère que contre l'abus des liqueurs fortes. Car, sans
m'occuper si, chez les blancs, il y a ou non des danses
honnêtes, je sais qu'il n'y en a certainement pas parmi les
sauvages, pas parmi les miens, du moins. Car, une expé-
rience de vingt-trois ans m'a appris, à n'en pouvoir douter,
que toute réunion, où hommes et femmes se trouvent
mêlés, était condamnable au premier chef : à plus forte
raison toute sauterie. C'est tellement vrai, et les Montagnais
ont tellement conscience de cela, que dans tout festin un peu
solennel, les hommes mangent à part et les femmes à part.
Aussi les danses sont-elles contraires à toutes leurs tradi-
tions. C'est un produit de la civilisation, comme bien
d'autres choses de ce genre! Mais je dois dire à la- louange
— 423 —
de mes gens, que, depuis bion longtemps, il n'y a eu ni
danse ni l)al parmi eux, excepté au lac Poisson Blanc, où il
y en a ordinairement doux ou trois par année. Même là,
depuis quelque temps, il y a beaucoup de gens, môme
parmi les jeunes, qui s'en abstiennent. Ceux qui continuent
à s'y livrer ont d'ailleurs bien d'autres peccadilles sur la
conscience. Mais le grarid mal, la source de tous les autres,
parmi les Mont;ignais, tant d'ici que d'ailleurs, ce sont les
conversations déshonnètes et les propos licencieux. Depuis
plus de vingt ans, je lutte contre cela, sans avoir pu arriver
à un résultat appréciable, du moins jusqu'à ces derniers
temps. Sans vouloir faire la leçon à personne, je crois que l'on
devrait insister davantage sur la gravité des péchés de cette
sorte. Sans cela, c'est bien en vain que l'on s'élèvera contre
les actes d'immoralité, si l'on ne se met pas en peine de
moraliser les désirs et les conversations. Je sais bien que la
plupart des missionnaires sont dans mon cas, c'est-à-dire
qu'ils ne voient pas leurs sauvages assez souvent pour pou-
voir les instruire à fond; que bien souvent, ils ne parlent
pas la langue montagnaise assez parfaitement pour pouvoir
dire tout ce qu'ils voudraient surtout sur ce sujet délicat;
et qu'enfin, ils n'ont pas été mêlés assez à la vie des sau-
vages pour se douter de la gravité du mal. Car les Monta-
gnais sont tellement imbus de cette idée que les péchés de
paroles et de désirs sont sans gravité, que, si on n'y veille
pas, on ne parvient pas à les faire s'en accuser en confes-
sion, ou, s'ils s'en accusent, c'est comme de bagatelles in-
signifiantes. Et, ici, je ne parle pas seulement de mes gens,
je parle de tous les Monlagnais. Ils sont tellement ancrés
dans ce préjugé, qu'ils ont longtemps regardé, et que beau-
coup regardent encore, mes défenses, sous ce rapport, comme
une nouveauté de mon invention, pour embêter les gens et
les empêcher de se divertir.
Il y a quelques années, il y avait ici, pendant la mission,
quelques sauvages des missions environnantes : entre
autres un vieux de plus de soixante ans, qui avait la réputa-
— 424 -
tion d'êlre un des meilleurs chrétiens et des mieux instruits
de sa religion, parmi les gens de sa place. Or, depuis son
arrivée parmi mes gens, qui sont pourtant loin d'être
prudes, hélas! eh bien, ce vieux scandalisait même nos
moins fervents par ses propos. Justement je donnai des
instructions sur ce sujet. A la fin de la mission, le vieux
vint me trouver pour me remercier de ce que j'avais dit.
t II y en a, dit-il, une bonne part pour moi, et d'après tes
explications, je vois bien que tu as raison, c'est même clair
comme le jour, mais jamais, je n'avais entendu parler de
cela, et, j'étais trop bête pour le deviner tout seul. » C'était,
de fait, un bon chrétien, car pendant tout le reste du temps
qu'il passa parmi mes gens, je n'entendis plus dire qu'il se
livrât à des propos déshonnêtes. J'ai été loin de réussir
aussi bien et aussi vite auprès de beaucoup de mes
paroissiens.
A cette idée fausse des Montagnais sur la gravité des
péchés de paroles et de pensées, correspond leur ignorance
de la nécessité des dispositions intérieures pour pratiquer
la religion. Pour la plupart d'entre eux, la religion consiste
surtout dans l'observance plus ou moins parfaite de cer-
taines pratiques extérieures, et c'est tout. Pourvu qu'exté-
rieurement, on garde les apparences, et surtout qu'on
puisse cacher au missionnaire la connaissance de ses man-
quements, cela suffit. Le bon Dieu ne signifie pas grand'-
chose ; l'importante affaire, c'est d'être bien avec le Père.
Aussi arrive-t-il que ceux qu'à première vue, on regarde
comme les meilleurs chrétiens, sont tout simplement les
plus habiles à cacher leurs défauts. J'ai plusieurs bons
chrétiens de cette sorte, et n'en suis pas plus fier pour cela.
Cette sorte de dissimulation tient, sans doute, un peu à
leur nature, et il y en a qu'on ne parviendra que bien diffi-
cilement à faire changer sous ce rapport. Mais ici encore,
cela vient surtout de l'ignorance de ce qu'est la religion.
Ils ont trop de respect extérieur pour le prêtre qu'ils voient
et pas assez pour Dieu qu'ils ne voient pas.
— 4'35 —
Pour Otre juste, je dois «lire que, sous ce rapport, ainsi
du reste, que sous le rapport de l'immoralité, les choses
ont bien changé, depuis quelque temps parmi la popu-
lation qui se tient en temps ordinaire aux alentours de la
mission, c'est-à-dire la bonne moitié de mes gpns. Depuis
que je suis de résidence ici, c'est-à-dire depuis le commen-
cement de l'établissement de la mission comme résidence
en 1895, sauf l^s quatre années que j'ai passées à l'Ile à
la Grosse (1898-1901), je me suis fait un devoir de donner
tous les dimanches un sermon aux adultes, à la grand'-
Messe, et de faire le catéchisme aux enfants dans l'après-
midi. Mais les progrès étaient assez lents. Depuis que
Pie X a insisté davantage sur la nécessité d'instruire les
fidèles et de faire le catéchisme aux enfants, je me suis
décidé, voilà quatre ans environ, à essayer de faire d'une
pierre deux coups. Au lieu de faire deux exercices diffé-
rents du catéchisme des enfants et des autres exercices du
dimanche soir, j'ai établi que le catéchisme se ferait immé-
diatement avant la récitation du chapelet et la bénédiction
du saint Sacrement, et j'ai obligé tout le monde à y assis-
ter. Au commencement, ça froissait un peu les hommes et
les jeunes gens qui voulaient faire les hommes. Ils trou-
vaient déshonorant pour eux de venir assister au catéchisme
fait pour les petits enfants. Si bien que souvent le côté des
hommes était presque vide pendant le catéchisme, et ne
commençait à se remplir que pendant le chapelet, beaucoup
même profitaient de l'occasion pour manquer tous les
exercices. Le diable riait vraiment trop fort; il fallait chan-
ger cela. Alors, un beau jour, à la grand'messe, au lieu de
faire un sermon, je me mis à interroger les grands jeunes
gens, et même quelques hommes, sur la leçon de caté-
chisme du dimanche précédent. Ils sont tous restés mueîs,
ou bien ont répondu des sottises, comme je m'y attendais.
J'ai interrogé ensuite ceux des enfants de la science des-
quels j'étais le plus sûr. et ils répondirent assez bien.
De là, je partis pour faire un sermon à ma façon, dont les
— 42G —
intéressés ne furent pas très flattés, mais qui produisit
reflet voulu. Depuis lors, tout le monde assiste au caté-
chisme, et de temps en temps, j'inteiroge un grand jeune
homme ou une grande jeune fille, pour m'assurer qu'ils
écoutent les explications, et cela surtout quand je m'aper-
çois qu'il y en a qui commencent à s'absonter. D'ailleurs,
tout mon monde commence à y prendre intérêt, ce n'est pas
difficile à voir, à l'attitude de l'assistance, qui est bien dif-
férente de ce qu'elle était les premiers dimanches où ils
venaient un peu malgré eux. Cetle assistance aux caté-
chismes a plus fait pour l'instruction de la population
depuis trois ans que tous les sermons que je lui ai prêches
depuis vingt ans. Cela se voit à la manière dont ils se con-
fessent et, surtout, à la manière dont ils reviennent sur
leurs confessions passées. Mais, malheureusement, tous
mes gens ne peuvent point profiter de ces sermons et caté-
chismes du dimanche. Pendant l'été, il y a encore une
assistance assez considérable, tous les gens d'autour la
mission (environ deux cents), et ceux de l'autre bord du lac,
qui peuvent y venir presque tous les dimanches, s'ils ont
bonne volonté, ça fait de 250 à 300, qui jieuvent se faire
instruire pendant tout l'été. Le reste de la population ne
voit guère le prêtre que quand il va les visiter, c'est-à-dire
très rarement, à Noël et à Pâques. Quant au degré d'ins-
truction qu'on peut donner, ça ne dépasse guère zéro. Dans
ces dt;ux circonstances, il y a toujours grande affluence, car
outre mes gens, viennent un grand nombre d'étrangers de
l'Ile de la Crosse, du lac la Biche, du lac Froid et surtout
d'Athabaska. Il faut confesser en un jour tout ce monde
dont la plupart ne savent guère se confesser, et n'ont pas
une idée suffisante des dispositions requises pour recevoir
l'absolution. Gela peut vous donner une idée de la bonne
besogne qu'on peut faire.
Il ne reste donc que la grande retraite du mois de juin.
Là, les choses se font un peu plus sérieusement. A peu prés
tous mes gens y viennent avec leur famille, et de plus
— ^127 —
beaucoup d'étrangers. La letruile dure deux semaines
pleines. Pendant ces deux semaines, il y a un jour pour la
communion générale de chaque calégorie de personnes :
les jeunes gens, jeunes filles, femmes mariées, hommes, et
la communion générale le dernier dimanche, jour de la
clôture. Chaque jour il y a sermon le matin et le soir, et
dans l'après-midi, instrucliou pour une des quatre caté-
gories mentionnées plus iiaut. Eu outre, avant midi, il y a
une heure de catéchisme pour les enfants. Le dernier ven-
dredi, je fais passer les examen.s aux enfants de la première
et de la deuxième communion, et je me montre surtout sévère
pour ceux qui passent ce dernier examen, qui est comme
le diplôme de fin d'études. Après la clôture de la retraite
des adultes, je donne trois jours de retraite aux enfants de
la première et de la deuxième communion , qui a ordin airement
lieu le jeudi, aussi solennellement que nos faibles moyens
peuvent le permettre. Jusqu'ici, j'admettais à la première
communion à partir de dix ans, quand l'enfant était suffi-
samment instruit. Beaucoup me trouvaient pas mal osé, et
voilà que le Pape est encore bien plus osé, et que je vais être
obliger de changer toutes les dispositions que j'avais prises.
C'est d'ailleurs sans regret aucun, que j'abandonne cette
limite de dix ans comme âge minimum de l'admission à la
première communion. Déjà j'ai admis, à partir de Noël, un
grand nombre de petits enfants à la communion, et depuis
lors, ceux qui demeurent proches d'ici, s'approchent très
souvent de la Sainte Table. Cependant, je ne voudrais
point renoncer à mes examens, ni à la retraite spéciale
pour les enfants. J'ai déjà un plan d'ébauché pour régle-
menter cela. Mais j'attends la visite de Votre Grandeur
pour le lui soumettre et prendre les dernières dispositions.
Je crois donc que cette retraite, tant pour les adultes que
pour les enfants, se fait sérieusement, et produirait de
bons résultats, si elle pouvait avoir un lendemain. Mais,
les gens des places éloignées s'en retournent chez eux
aussitôt la retraite finie, et, au milieu de leurs occupations
— 428 —
et de leurs conversations généralement pas édifiantes, ont
vite fait d'oublier les instructions qu'ils ont entendues, d'au-
tant plus qu'ici, comme partout, les mauvais ont le verbe
bien plus haut que les bons. Il faudrait pouvoir les visiter
souvent, et surtout leur procurer des livres où ils puissent
relire l'exposé des vérités qu'ils ont entendues pendant la
mission. Sans cela, il est impossible de rien faire de
sérieux parmi les sauvages éloignés du centre des missions.
Or les livres moutagnais font complètement défaut, car je
n'appelle pas livres de lecture l'exposé sec et plus on moins
compréhensible du mot à mot du catéchisme, suivi et pré-
cédé de quelques formules de prières, et d'un fouillis de
cantiques, auxquels les sauvages ne comprennent rien la
plupart du temps. Il faut cela, sans doute, mais il faudrait
surtout autre chose. Ça peut suffire à la rigueur pour des néo-
phytes, mais ça ne suffit pas pour former des chrétiens. Or.
voilà près de 70 ans que nous avons des néophytes, il serait
temps de prendre les moyens d'en faire de bons chrétiens.
Il y a longtemps que je m'efforçais d'amener mes sau-
vages, au moins ceux qui se tiennent près d'ici, à la* récep-
tion plus fréquente des sacrements. Je voulais commencer
par les amener à la communion mensuelle, pour les con-
duire de là à la communion bi-mensuelle, et peu à peu,
pour quelques-uns du moins, à la communion hebdoma-
daire. Je l'avoue, là s'arrêtait mon ambition. J'avais essayé
d'établir la communion du premier vendredi. Mais, comme
un fait exprès, il arrivait presque toujours que j'étais obligé
de m'absenter ce jour-là, ou ])ien que les plus fervents de
cette dévotion ne pouvaient communier. Bref, après avoir
végété péniblement un an ou deux, cette excellente pratique
finit par tomber. Les gens se confessaient aux grandes fêtes
et pendant la mission, les plus fervents ne s'approchaient
des sacrements que tous les deux mois, et beaucoup, même
de ceux qui vivent autour de l'église, ne s'approchaient
des sacrements qu'une ou deux fois l'an. A la publication
du décret sur la communion quotidienne, j'essayai de ravi-
— 429 —
ver un peu la flamme. Mais ici, je dois accuser un gros
manque de confiance. Je voulais être plus sage que le
Pape, et je ne réussis à rien. Me rappelant mes échecs pré-
cédents, je n'osais croire à la possibilité d'établir tout de
suite la pratique de la communion quotidienne ni même
hebdomadaire. Je repris mon ancien thème de la commu-
nion mensuelle et bi-mensuelle, avec autant de succès que
précédemment. Finalement, voyant que je ne pouvais arri-
ver à rien, je me résolus à essayer de faire ce que disait le
décret, pour voir si ça réussirait mieux. Après avoir prêché
de mon mieux sur l'Eucharistie et la communion pendant
tout le carême de 1909, à Pâques je parlai hardiment sur
la pratique de la communion fréquente, au moins hebdo-
madaire, et j'exhortai vivement mes gens à se confesser
tous les huit jours, et à faire ce que leur conseillerait leur
confesseur par rapport à la communion. Je m'attendais
presque à une révolution. De fait, il y eut bien des hésita-
tions, quelques ricanements, il y en a encore. Mais c'est
incroyable la facilité avec laquelle la chose a été acceptée,
non par quelques saintes âmes, mais par la grosse majo-
rité de la population environnante. Chose remarquable, ceux
qui s'y montrent le plus réfractaires, sont les plus fidèles
pratiquants de l'ancienne communion mensuelle. Mainte-
nant, presque tout le monde se confesse tous les huit jours,
beaucoup font la communion plusieurs fois la semaine. Il
n'y a pas encore de communions quotidiennes proprement
dites, quoique j'y pousse fortement certaines âmes : les
anciens préjugés les retiennent encore un peu. Mais j'espère
qu'avant peu, j'aurai plusieurs âmes qui pratiqueront la
communion quotidienne ou quasi quotidienne.
Voici les chiffres comparés des confessions et commu-
nions pendant quelques années, et qui vous permettront
de juger des progrés réalisés :
Années : 1902 1904 1908 1909 1910.
Confessions : 1129 14.Ô5 1471 1549 2058.
Communions : 898 1125 1206 1637 3036.
— 430 —
J'espère que, celle année, la progression va continuer, car
les plus fidèles à la confession hebdomadaire sont les
petits enfants qui viennent de faire leur première commu-
nion, et qui, presque tous, se montrent de plus en plus
avides de se nourrir du pain de vie. Or, j'espère que dans
le courant de l'été, le nombre de ces petits amis de Jésus-
Eucharistie va augmenter considérablement. Les adultes,
en général, se montrent aussi très empressés de s'appro-
cher de la Sainte Table. De sorte que, maintenant, ceux
qui passent deux mois sans se confesser, sont bien rares.
Aussi le changement qui s'est opéré dans l'état moral de
la population est vraiment merveilleux : j'ai été le témoin
de véritnbles résurrections spirituelles, qui me semblaient
en quelque sorte impossibles, et qui de fait l'étaient, sans le
secours de la sainte communion. Malheureusement, ici
encore, je dois pousser le même cri de détresse qix'à propos
de l'instruction. Il est impossible de faire profiter du bien-
fait de la communion fréquente les populations éloignées
du centre de la mission. Oh ! Monseigneur, quand pourrez-
vous me donner ce compagnon que je réclame depuis si
longtemps, et qui pourra aller, ou me permettre d'aller por-
ter plus fréquemment le vrai pain de vie à ces pauvres
sauvages, dont beaucoup en sont avides, mais n'ont
personne pour le leur rompre.
Je crois. Monseigneur, que c'est à peu près tout ce qu'il y
a à dire sur l'état spirituel de la mission. Votre Gran-
deur trouvera, sans doute, que le tableau n'est pas
enchanteur. De fait j'aurais pu le faire plus riant. Il
aurait suffi de laisser dans l'ombre les défectuosités, et de
faire ressortir davantage les beaux côtés. Ça aurait été plus
consolant, mais moins véridique. Pour résumer, je crois
que cette mission de 450 âmes, plus 100 ou 150 venant des
diverses missions environnantes auprès desquelles j'exerce
le ministère chaque année, est une des missions montagnai-
ses qui offrent le plus de garanties pour l'avenir. D'abord,
c'est, à ma connaissance, la seule mission sauvage où la
— 431 —
population, au lieu de rliminuor, augmente, et assez rapi-
dement. Ensuite, au point de vue moral, il y a certaine-
ment un fond solidf^, mais qui demande à êlr*^ défriché et
entretenu au prix de bien des travaux et des difficultôs.
Pour le temporel, mon rapport sera moins long : nous
n'avons rien, et sommes à peu près dans l'impossibilité
absolue de rien avoir. Je pourrais arrêter ici mon rapport
sur le temporel de la mission et vous en auriez à peu près
une idée exacte, mais vous trouveriez peut-être que c'est un
peu court. De fait, nous sommes peut-être les plus mal
placés pour nous procurer ce dont nous avons besoin. Vous
pourrez vous faire une idée de la difficulté des transports,
quand vous saurez que les vivres et effets, que j'avais
demandés pour l'automne J009, ne sont pas encore tous
rendus ici. Le chemin d^ Prince-Albert à ici est sans contre-
dit le plus mauvais chemin de transport qui existe sous le
soleil. Aussi manquons-nous constamment des choses les
plus nécessaires, que nous sommes obligés de nous procurer
dans les magasins d'ici, en les payant le double de leur
valeur, et encore, la plupart du temps, ne peut-on les trou-
ver, car les marchands ne sont pas logés à meilleure enseigne
que nous.
Cependant depuis l'arrivée du bon Frère Pioget, je suis
un peu mieux sous le rapport du temporel : ce bon Frère
s'efiforçant de tirer tout le parti possible du peu de res-
sources dont nous disposons; et de plus s'occupant de tous
les travaux manuels, depuis le soin des animaux jusqu'au
charroyage du bois et du foin en hiver, du jardinage en été,
de la pêche, etc., etc.. Ce n'est pas précisément une sine"
cure qu'il a ici.
Je termine enfin ce trop long rapport, en priant Votre
Grandeur de vouloir bien accorder une bénédiction spéciale
à mes pauvres sauvages, ainsi qu'à vos missionnaires.
J.-M. Pénard, prêtre, 0. M. I.
— 432 —
li. Rapport sur la Mission Saint -Jean-Baptiste,
Ile à la Crosse,
par Id R. P. Rapet, au T. R. P. Supérieur Général.
Révérendissime Seigneur
et bien-aimé père,
Je cherche des excuses depuis un an bientôt et je n'en
trouve pas; alors donc, après avoir prononcé, mon mea
culpa..., mea maxima culpa, j'entre en matière. Mais
veuillez m'excuser, si je remonte au déluge, car nous avons
eu le nôtre au commencement du siècle : l'arche seule n'a
pas été construite, mais peu s'en est fallu. Je dois vous dire
que le lac de l'Ile à la Crosse est le grand déversoir des
eaux venant de l'est, du sud et de l'ouest; des pluies tor-
rentielles ayant gonflé lacs et rivières d'en haut, nous voilà
subitement inondés, au point de voir le grand lac monter
de huit à neuf pieds, ce qui permet de venir débarquer à la
porte de l'église, presbytère et couvent, même en grand
chaland. L'Ile à la Grosse était devenue une petite Venise,
sans aucun des attraits de la grande. Sur ces entrefaites,
une visitatrice générale des Sœurs Grises accoste au rivage.
Cette bonne et dévouée Mère arrivée ici, en l'absence du
directeur de la mission, parti pour Prince Albert via Big
River, fut sur le point de nous enlever toute sa chère
famille, d'autant plus que tous les éléments semblaient se
soulever à l'occasion de sa visite. Le diable nous en vou-
lait, mais le Seigneur permit que la Révérende Mère reprît
courage devant la bravoure du bon Père Simonin, des chers
Frères et de ses Filles dévouées.
S. G. Mgr Pascal, revenue du lac Caribou, rencontre à
Prince Albert même la bonne Mère de retour de l'Ile à
la Crosse, et notre boti pasteur prend aussitôt la route de la
— 4;î3 —
mission Saint-Jean-Baptiste. Le voici au inilieu de nous :
il nous bénit, nous encourage et repart après avoir
proposé aux bonnes religieuses certains com])romis qui
n'aboutissent pas, car le dernier mot doit venir de là-bas et
il faut attendre ce qu'il sera. En attendant. Monseigneur
reprend le chemin de Prince Albert, via Mission Saint-
Julien, lac Vert.
Notte bon Frère charpentier et son socius nous sont
ravis, pour aller construire, sur le beau plateau du lac Vert,
église et presbytère. Ici nous sommes dans la souffrance,
mais à quelque chose malheur est bon, puisque le bon
Frère Teston va voir ses bicoques culbutées, et remplacées
par du beau et du solide.
En ce que l'inondation nous regarde, tout en nous rési-
gnant à la volonté de Dieu, nous prévoyons facilement que
cette crue subite des eaux (comme on n'en a pas vu de
mémoire d'homme) va nous faire perdre sans tarder notre
couvent et notre école. Une seule décision, qui ne fut pas
prise, aurait pu nous sauver
Passons rapidement, afin de secouer les idées noires. —
L'année 1905 voit le départ des bonnes Soeurs Grises, qui
ont travaillé pour le bien de notre chère mission depuis
bientôt un demi-siècle. Nous les voyons s'éloigner bien
malgré elles, avec de très grands regrets. Les bonnes et
compatissantes sœurs de Saint-Joseph de Lyon arrivées ici
d'hier, pour les remplacer, nous offrent leurs sincères sym-
pathies. La douleur partagée est sans doute bien amoin-
drie, mais il en reste encore assez. Les bonnes religieuses
partantes ont demandé à se faire accompagner jusqu'à
Prince Albert. De là, on prit le chemin de la France, puis
de Rome pour avoir la consolation de voir le Pape et la
Ville éternelle. Jours inoubliables que ceux-là. Je renonce
à en rien dire, sinon notre reconnaissance à Dieu, au saint
Père et à nos bons Pères de la maison de Rome. Le cœur
se souvient de tous, encore que la plume ne les nomme
pas. Merci à tous.
88
— 431 —
Mais revenons par l'esprit et le cœur vers l'Ile à la Crosse
où les chères arrivantes de France se sont installées dans
une maison où elles pourront dire, durant un long hiver :
t Benedicite gelu et frigus Domino... » Avouons en toute
justice, que la dose a été un peu forte, pour un commence-
ment, et si, plus tard, elles se découragent, soyou'? prtMs à
les absoudre, car ce n'est qu'au ciel qu'on peut rester tou-
jours sublime...
Et maintenant, saluons en passant la fin de l'année 1906
qui voit un de nos missionnaires méritants prendre le
chemin de Rome, pour assister aux grandes assises du
Chapitre. Le bon Père Pénard, arrivé du portage La Loche
en toute hâte, nous quitte bientôt en compagnie du jovial
Père Simonin, venu jusqu'ici de Notre-Dame de Pontmain
(lac Maskeg), pour le prévenir et hâter son départ. En mon-
tant la rivière aux Castors, nos aimables compagnons sont
tout surpris de rencontrer leur Seigneur et Père Mgr Pas-
cal qui descend vers la mission Saint-Jean-Baptiste avec le
désir de servir d'intermédiaire entre l'agent du gouverne-
ment et les Indiens. Par concomitance, il est escorté du
digne major de Prince Albert, deux officiers et un caporal...
Ici , que votre paternité me permette une courte revue
rétrospective. Après tout, si on juge à propos de mettre ces
lignes sous presse, le rédacteur de nos annales pourra éla-
guer ici et là à grands traits, dans cette prose languissante,
car avec la vie de missionnaire ambulant, les règles de la
littérature sont bien vite oubliées... « En l'année 1870 et de
nouveau en 1885, métis et Indiens, lésés dans leurs droits,
s'étaient dressés contre le gouvernpmenl, en lui disant :
t Halte-là!... rendez justice aux premiers occupants... » A
Ottawa et ailleurs, on finissait par comprendre que ces
braves gens avaient un peu raison, et déjà, dans plusieurs
places, on avait fait droit à de justes réclamations. Ainsi,
les populations des districts à Tentour de notre mission,
avaient conclu des arrangements avec le gouvernement.
C'était notre tour. Nos Indiens savent déjà qu'on va
— 4^5 —
leur promettre romme à d'autres monts et merveilles.
L'assemblée plénière se réunit donc pour traiter de la
grave question... t Voyons, chef des Indiens, dit le repré-
sentant du gouvernement, consens-tu à ouvrir ton pays
devant mon maiti-e, à la condition qu'il vous protégera
contre toute agression injuste, et, sans vous enlever votre
liberté, prendra soin de vous en temps ordinaire et surtout
en temps de disette et de maladie? » L'enfant des bois
répond : « Grand chef des blancs, bourgeois de l'argent; tu
nous dis là des choses qui sont bien trop belles, pour être
absolument vraies. Prends garde, lu pourrais bien tout
d'un coup chercher à t'élever du côté du ciel et passer à côté,
quoique tu paraisses dégourdi. » — t N'ayez pas de doute
sur la droiture de nos paroles », riposte le visage blanc Et
le brun de répondre : t II vous est arrivé maintes fois de
tromper nos parents et amis qui ont eu affaire à vous. » —
Sans doute, répond l'agent du gouvernement; il a pu se
faire qu'avec certaines gens un peu difficiles à diriger, nos
employés aient parfois outrepassé leurs droits à l'insu du
gouvernement. » Bref, après cette première passe d'armes,
le chef des Indiens dit à l'illustre représentant du gouverne-
ment : « Si notre liberté nous est laissée, et que nous puis-
sions avoir pour nos enfants une école sous le contrôle des
missionnaires , tenue par les bonnes religieuses , nous
acceptons vos propositions... » Les conditions étant écrites
et signées de part et d'autre, la banque ambulante s'ou-
vrira bientôt et chaque membre de la famille recevra
15 dollars... Sur cette somme figurent 10 piastres d'arréra-
ges, vu que la déclaration d'un traité général avec tous les
enfants des bois date d'environ trois ans... La somme
de 55 dollars par an ne les fera pas sortir de Vaurea
mediocritas.
Les Indiens ayant accepté les offres du gouvernement, ou
passera tantôt aux métis qui ont droit à une concession de
240 acres de terre, dès l'âge de 21 ans; et en dessous, plus
ou moins selon l'âge du possesseur. Ces braves gens se
— 4Ô6 —
réjouissent, mais bien plus grande encore est la joie de
tous ces marchands, qui nous assiègent, attirés par Vauri
sacra famés... Ici, on ferme la parenthèse, car rien que
de parler de l'or, on est exposé à se brûler et pis encore.
Bientôt, les membres de la Commission se dirigent vers
le portage La Loche... Monseigneur est là, et votre servi-
teur... Toutes les personnes qui n'ont pas encore reçu le
sacrement de confirmation sont instruites et confessées...
Sursum corda!... Monseigneur l'Evêque administre le
grand sacrement qui fait les soldats du Christ, et le départ
est sonné. Ici aussi, les confirmants sont préparés, et leur
nombre venant s'ajouter à ceux de la mission Visitation se
monte à 170.
Voici que la grande Commission retourne se reposer sous
ses lauriers... Sa Grandeur nous quitte, mais elle n'est pas
seule... De fait, le transfert de l'école-pensionnat à La
Plonge est chose décidée depuis plusieurs mois : c'est
l'exode qui commence...
Nos bons Frères charpentiers, J. Burnouf'^t Auguste
Duclaux sont là-bas depuis longtemps déjà, travaillant
beaucoup et dormant peu, manquant parfois du nécessaire
dans le site charmant où ils ont construit l'école... Ils ont
été installés là-bas, par le R. P. Lecorre, supérieur du dis-
trict et fondateur insigne de la nouvelle mission, que la
vieillesse a forcé de quitter à la fin de l'année 1905... Le
bon et dévoué Frère Ancel nommé principal, nous laisse,
emportant nos regrets bien sincéi'es; le cher Frère Balweg
ne nous appartient déjà plus; les trois quarts des membres
de la communauté des religieuses et de l'école escortent Sa
Grandeur, qui va veiller à l'installation, tout en faisant
route vers Prince Albert... Le second et dernier contingent
s'ébranlera en peu de jours... Adieu! et au revoir... Non
sejungit distantia quos Christi nectit amor... Cette même
journée du départ de la dernière escouade, nous quittons la
boutique à bois retirée des eaux durant le déluge, et qui
nous a servi de presbytère depuis lors. Nous voilà d'ur-
— 437 —
gence dans le couvent. Dans cette grande maison, nous
pouvons facilement nous compter... Le bon Père Cochin reste
ici pour nous ^gaypr avec ses histoires et ses symphonies :
il est l'apôtro et l'oblat modèle que tous ici aiment et vénè-
rent; à côté du bon Père se trouve le brave Frère Pouliquen
qui sera notre factotum très habile : il est pour le moment
surchargé d'ouvrage ; et puis voilà votre serviteur. La nou-
velle communauté est presque réduite à sa plus simple
expression : trois. Puisse-t-elle mériter d'être bénie et con-
solée par la Très Sainte Trinité !... A côté de nous, tout est
désert... On n'est plus réjoui par les cris joyeux de la bande
enfantine, on a cessé d'entendre ces voix qui se mêlaient
tous les jours à celles des bonnes religieuses pour prier et
chanter, élevant nos cœurs et nos esprits vers le Seigneur :
elles ont pris fin, ces belles cérémonies de l'église si pieuse-
ment et dignement célébrées avec leur concours ardent...
Heureusement, Jésus est toujours là : Lui ne nous aban-
donnera jamais, si nous lui restons fidèles.
Nous av^s passé par de rudes épreuves, mais une mis-
sion-sœur a surgi à trente milles d'ici, souriant à son aînée.
Que Dieu la garde et la bénisse, car l'épreuve ne lui man-
quera pas à elle aussi, et nous saurons la faire nôtre !...
Les bonnes sœurs de Saint-Joseph y passent un peu plus
de deux années. Durant ce laps de temps arrivent certains
accidents imprévus et incontrôlables. On commence peu à
peu à penser et l'on dit enfin : t Voici la débâcle ! » De fait,
elle arrive en juin 1909... Nos religieuses nous quittent et
voilà les enfants orphelins... Heureusement que le Père du
ciel qui est le père surtout des pauvres orphelins ne les
abandonnera pas; puis, ils ont avec eux un Père principal
dont le cœur est grand et saura les consoler, et des bons
Frères tout dévoués. Le bon Père E. Lacombe, qui est devenu
mon socius depuis environ deux ans, conduit les sœurs jus-
qu'au terminus du chemin de fer d'où il reviendra. Quant à
ces chères religieuses, elles partent et s'arrêtent un peu
avant d'arriver à l'océan... que Dieu les garde !... Pendant
— 488 —
ce temps, quelques personnes dévouées, à la tête desquelles
se place M°^ Deschambeault, ex-inslilutrice à Cross Lake,
consentent à prendre pour un temps la place des reli-
gieuses, mission bien difficile. Cet état de choses est parfai-
tement approuvé par l'inspecteur des agences chargé de
toutes les écoles du district. Les membres des Compagnies
anglaise et française, et les personnes de la place abondent
en ce sens. Nos supérieurs majeurs nous disent : « Faites
pour le mieux... marchez ainsi si vous pouvez... A la garde
de Dieu et en avant ! »
De toutes parts, on commence à soupirer après le retour
des Sœurs Grises, dont le bon souvenir ici est plus vivace
que jamais, mais elles ne reviendront pas toutes seules. Il
faut que le bon Dieu opère un miracle, presque de premier
ordre... Muni de la permission du bon et dévoué Père
Vicaire des missions que l'on va solliciter à Saint-Albert ,
après avoir recommandé notre position au saint Mgr Gran-
din qui a tant aimé l'Ile à la Crosse, puis au vénéré
Mgr Taché, le fondateur de cette mission, qji'il protège
encore du haut du ciel, on file vers Montréal sur les ailes
de la vapeur... Des prières ont été demandées un peu par-
tout... Apparemment, elles montent ardentes vers le ciel,
car les premières démarches faites à la ^Maison-Mère de la
rue Guy ne sont pas absolument repoussées, comme on le
craignait... Il est même permis d'espérer. Entre temps, une
visite est faite aux bonnes religieuses du Précieux. Sang à
Nicolet. « Père missionnaire, dit la vénérable supéiieure,
faites toutes vos demandes au nom du Précieux Sang, et
soyez sûr, vous serez exaucé... Nous ne manquerons pas de
prier et d'offrir des pénitences à vos intentions. » D'autres
congrégations ont promis aussi le secours de leurs prières.. .
Religieux, religieuses, laïcs, enfants des écoles, tout un
peuple crie vers le bon Dieu, ici et là-bas. De retour à Mon-
tréal, la digne et vénérable supérieure générale nous dit :
« J'ai demandé un signe au bon Dieu; si je le vois, comptez
sur des sœurs... »
— 439 —
Faisons uu pèlerinage à Sainte-Anne de Beaupré, et
grâce à l'intercession de notre très puissante grand-Mére,
le signe paraîtra sans doute. On y vole... C'est le dimanche
du Rosaire, et la très sainte Vierge, qui a été invoquée ces
jours derniers au cap de la Madeleine, donne ici sa réponse
en même temps que sa Mère vénérée. Le signe demandé se
montre d'une manière évidente, grâce aux prières et inter-
cessions de NN. SS. Langevin et Pascal et des Révérends
Pères Grandin et Lacombe. Le bon et digne Père Lecoq, supé-
rieur des Sulpiciens, a, lui aussi, intercédé pour nous. Que
le bon Dieu et ses amis en soient mille fois remerciés !...
Voilà l'heureux missionnaire de retour à Montréal, où
aujourd'hui tout paraît lui sourire. Saint-Pierre a souri dès
le commencement et offert une hospitalité toute frater-
nelle... Pères et novices de Notre-Dame des Anges ont tenu
fidèlement les promesses, qui avaient grandement consolé
le missionnaire à un moment de découragement, découra-
gement qui avait complètement cessé au cap de la Made-
leine... Merci à Marie et à ses oblats. Saint-Sauveur, où
nous avions assisté à des cérémonies inoubliables, nous
avait électrisé... Oui! Cœur sacré de Jé.sus, j'ai confiance en
vous... Merci, merci à tous... Mais hàtons-nous de revenir
à Montréal, pour visiter et remercier les dignes religieuses
de la rue Guy... Ici tout le monde se réjouit, ainsi qu'à
Nazareth et ailleurs... Un grand merci du cœur est offert
à la bonne Mère générale et à ses assistantes, sans oublier
nos soeurs parties de l'Ile à la Crosse pour le ciel et qui,
auprès de Dieu, n'ont pas manqué d'intercéder pour nous...
Des arrangements sont faits, pour fixer l'époque du
retour des bonnes Sœurs Griies, vers La Plonge qui signifie
au<si l'Ile à la Crosse... Nos bonnes auxiliaires seront à
Prince Albert vers la mi-janvier, c'est là que nos bons
frères iront les rencontrer en compagnie d'un Père... Et
maintenant, voici le retour... On est certain d'être dans la
bonne direction, car les bons Pères Gauvreau et Laganière
s'en sont mêlés... Oa touche légèrement, en passant. Saint-
- 440 —
Boniface, Diick Lake et Prince Albert, où tous nos bous
Pères et Frères, et les dévouées religieuses partagent notre
joie... Bref, voici La Plonge... Il est midi, mais toutes les
fourchettes tombent des mains lorsqu'on entrevoit le voya-
geur qui se hi\te de gravir la colline... Béjouissez-vous,
nous avons des sœurs, et ce sont nos Sœurs Grises. Merci!
Merci I
L'automne est arrivé, mais on sourit à ses frimas... Noël
et le jour de l'an se passent pleins d'espérance et de conso-
lations. Puis on se met en route par un temps idéal et
agrémenté par les prières et les cantiques, sans parler du
dévouement de la part de nos bons Frères, s'unissant agréa-
blement au courage et à la gaieté des Sœurs... Voici La
Plonge! On devine aisément le reste... Nos dévouées auxi-
liaires fêteront cette année même les noces d'or de leur
première arrivée à la mission de l'Ile à la Crosse... En
attendant que le bon Père principal vous envoie un rapport
détaillé et documenté, disons en passant que sous sa direc-
tion et avec des Frères, qui devinent même si on oublie de
parler, des petites merveilles ont surgi...
Un moulin à scie, mis en mouvement par une chute
d'eau, a permis de construire une magnifique maison
d'école et un coquet presbytère à deux pas, ainsi que plu-
sieurs dépendances; une pompe aspirante et foulante fait
parvenir à la résidence les eaux limpides de La Plonge
d'où sortira bientôt l'électricité. Les travaux préliminaires
sont déjà exécutés... Dans cette belle résidence à la cam-
pagne, la communauté des Oblats compte un Père et trois
Frères, et les religieuses sont au nombre de 6 dans l'école
qui sert en même temps de couvent... Une troupe charmante
d'environ 50 enfants tant métis que sauvages forme la cou-
ronne, etc., etc.
Vous allez peut-être me demander, mon Révérendissime
Père : Et chez-vous, at-on construit quelque chose depuis
ledéluge?... Grâce au dévouement de nos chers Pères Cochin
et Lacombe, et aussi de notre bon Frère Pouliquen, grâce
— 411 —
aussi à la généi'osité de nos métis et sauvages et d'autres
amis , nous avons bâti un presl^ytère de 30 pieds sur
28, placé sur un fondement de grosses pierres qui vaut le
béton... L'ancienne buanderie construite en grosses pièces
de bois a été exhaussée et mise au niveau voulu pour ne
former qu'une seule maison avec le presbytère, ce qui nous
donne un appendice de 36 pieds sur 22 et revêtu de la
même robe extérieure que le presbytère. Nous nous plaisons
à nommer ceci le futur couvent.
Heureuses les missions qui possèdent des religieuses !
L'expérience est faite amplement. Il faudrait les multiplier,
et augmenter aussi le nombre des apôtres.
Permettez-moi, mon Révérendissime Père et vénéré Sei-
gneur, d'ouvrir ici une nouvelle parenthèse, et de vous faire
entendre les premiers mots d'une requête qui sera soumise
à notre nouveau et bien-aimé Pasteur, lors de sa première
visite, c'est-à-dire bientôt.
La jeunesse de l'Ile à la Grosse, depuis le départ des reli-
gieuses, s'en retourne passablement vite vers la barbarie.
Sans doute, quelques-uns des enfants métis sont et pour-
ront être toujours reçus à l'école de La Plonge, bien que
cette école soit spécialement pour les Indiens, mais les trois
quarts et plus continueront forcément de faire l'école buis-
sonnière. Seul, un couvent peut attirer l'enfance, la grou-
per, l'instruire et la sauver. C'est le désir des parents et
môme des différents employés du gouvernement des Com-
pagnies. En quelques mois, je dois vous dire maintenant
comment notre population est distribuée, et il vous sera
aisé de voir que deux missionnaires peuvent bien difficile-
ment faire face à la moitié de la besogne. Onze familles de
métis sont groupées autour du clocher, non loin des maga-
sins des Compagnies Revillon et baie d'Hudson. Au centre
du village, va se trouver la Compagnie des pêcheries. Trois
milles plus loin, au sud de la mission, habitent quinze fa-
milles. Quinze autres familles sont fixées à l'ouest, au nord
et à l'est de la mission, à une distance variant d'un denii-
— 442 —
mille à cinq milles. Nous comptons en outre environ qua-
torze familles aux environs de La Plonge, ce sont encore
(les métis. Pour parvenir à ces divers points, il faut fran-
chir des nappes d'eau considérables.
Durant plusieurs jours à l'automne, avant la solidifica-
tion des glaces; au printemps, lorsqu'elles se désagrègent;
de plus, en été, lorsque les eaux du grand lac sont soule-
vées par la tempête, et dans les grandes poudreries de l'hi-
ver, les communications sont impossibles et parfois dange-
reuses. Il n'est guère facile d'instruire et de catéchiser
ces enfants éparpillés ici et là, à moins d'un couvent.
Nous avons, en outre, environ cent familles, quelques-
unes métisses, et d'autres crises et montagnaises, éparpillées
le long des lacs et des rivières, dans une dizaine de villa-
ges dont le plus rapproché est à dix-huit milles en hiver et
trente-cinq en été, tandis que le plus éloigné est à environ
cent milles en hiver et cent quarante en été ; et encore ces
villages se fractionnent lorsque les Indiens quittent leurs
pénates pour aller chasser sur une grande échelle l'orignal,
le caribou et les bêtes à fourrure... Alors, il y a un grand
village qui se forme à cent cinquante milles d'ici... C'est à
soupirer vers les aéroplanes, car le chemin de fer ne nous
atteindra pas de sitôt.
Excusez -moi si j'abuse de votre bonté, Révérendissirae
Père et Seigneur, c'est l'enfant qui parle à son père et cet
enfant vient du midi. Sans doute il a vu la Gannebière, mais
il va raconter ce qu'il voit et touche depuis plus de trente
ans... Tout récemment, lors de la fête de Pâques, le mis-
sionnaire apprend que des malades ont besoin de lui. Mal-
heureusement, ils sont presque aux antipodes. Après avoir
chanté Y Alléluia durant lequel il a distribué deux cent
quarante communions, le Père se met en route. Trois jours
de marche durant lesquels il confesse, chante la messe sans
omettre le sermon qui est bientôt suivi de la communion,
le conduisent au village où se trouve la malade qui, heu-
reusement, va mieux : — « Merci, mon Pore, d'être venu
— 443 —
de si loin par de tels chemins. Le bon Dieu a eu pili-^ de
moi et me voilà bien. » — Ah 1 qu'elle est heureuse, cette
malade, de se joindre à ses parents et amis qui sont fiers de
profiter du passage du Père pour remplir leurs devoirs de
chrétiens. Les voilà tous réconfortés, le bon Jésus est avec
eux, et le missionnaire repart avec ses conducteurs pour
retourner à la mission. Mais voici qu'après deux jours de
marche, il apprend qu'une des malades se meurt dans un
village voisin. On s'y rend par des chemins affreux : ne
lisez pas chemin, car il consiste seulement en quelques
coups de hache donnés de distance en distance pour ôter
l'écorce des arbres. Heureusement, il y a seulement 30 milles
à faire, et le quart du chemin sera passable. On peut faire
des cures à la Kneip, un peu ébréchées. On finit par arriver
chez la malade, après douze heures de marche : elle regarde
le prêtre, le sourire sur les lèvres en lui disant : « Je ne
croyais pas avoir le bonheur de vous voir sitôt. Merci, mon
Dieu! Mon Père, entendez ma confession, et je serai con-
tente de mourir. » Le lendemain, elle reçoit le saint Via-
tique en présence de tous les habitants du village, très
heureux de faire escorte à ce divin Sauveur; le soir venu,
la malade demande et reçoit avec calme et piété le sacre-
ment de l'extrême-onction... « Bien \ite, dit-elle, je serai
avec le bon Dieu s'il daigne avoir pitié de moi. » Deux
jours après, elle expirait en paix... Ses parents et amis qui
avaient prié pour elle, et l'avaient assistée jusqu'au dernier
moment, conduisirent ses dépouilles mortelles à l'ombre de
la croix du cimetière... Qu'elle repose en paix ! Mais, déjà
le missionnaire était reparti visiter la dernière malade,
quarante-cinq milles plus loin. Ici, la pauvre infirme voyant
que le Père tardait d'arriver, avait demandé au bon Dieu
de ne pas mourir sans voir le prêtre, et le Seigneur, se lais-
sant toucher, lui avait rendu la santé... Dès lors, le mis-
sionnaire rentre au confessionnal, entend les jeunes et les
vieux, dont pas un ne manque à l'appel. Le lendemain,
après avoir chanté la messe, donné quelques conseils à ces
_ 444 —
braves enfants, et distribué la sainte communion, le mis-
sionnaire reprend le chemin de la mission où il arrive le
surlendemain après dix jours d'absence, durant lesquels il
a parcouru 275 milles, fait 4 baptêmes, entendu 300 confes-
sions et distribué la sainte communion à 165 personnes. Le
voilà à son poste et prêt à voler là où les âmes auront
besoin de lui... Ici, le missionnaire est obligé de parcourir
tous les ans environ 1.500 milles : la tournée complète
autour de la paroisse est de 518 milles, à part les visites
aux malades qui sont parfois très fréquentes, et pour les-
quelles ces braves enfants des bois se mettent volontiers à
la disposition du prêtre.
Ces chers Indiens, pour la plupart, ne peuvent venir ici
qu'une fois l'an, au printemps. Ils ont alors le bonheur de
faire une semaine de retraite, et même pendant cette
semaine, il leur arrive d'être bien troublés, car alors la
population à l'entour du clocher devient passablement
hétérogène, surtout à l'arrivée des marchands et autres...
Plusieurs d'entre eux reviennent de très loin pour les fêtes
de Noël et de Pâques, et alors ils ont passablement de
misère pour trouver un gîte, où ils seront tassés les uns
contre les autres... Eux-mêmes, ainsi que leurs mission-
naires, voient en cela une multitude d'inconvénients, et c'est
pour cela qu'ils ont demandé d'avoir le prêtre chez eux.
N'est-ce pas, mon Révérendissime Père et Seigneur, que
cela est une demande bien juste et conforme à notre devise :
« Eva7igelizare pauperihus misit me. » Dieu veuille que
nous puissions dire bientôt t Pauperes evangeMzantur »,
car jusqu'à présent, ils ne l'ont été qu'à demi...
Veuillez croire,
Monseigneur et vénéré Père,
à mon affection toute filiale, et acceptez mes sentiments de
respect et de reconnaissance, avec lesquels je suis, de votre
Paternité, le fils très humble et dévoué.
P. Rapet, prêtre,
0. M. I.
445 —
VICARIAT DE CEYLAN
Rapport sur l'œuvre des jeunes Hindous
au collège de Saint-Patrice à Jaffna.
Origine et objet. — Le pensionnat spécial pour les jeunes
Hindous a été ouvert en février 1907. Le collège se déve-
loppant et devenant de mieux en mieux connu, les Hindous
de haute caste et les plus influents me demandèrent bientôt
que leurs enfants fussent admis avec les nôtres dans notre
internat. Ce qui les poussait surtout à venir à nous c'était,
comme ils le disaient ouvertement entre eux et à plusieurs
de nos amis, l'éducation morale qu'ils étaient sûrs de
trouver chez nous et qu'ils ne pouvaient se }>rocurer dans
aucun autre collège, pas môme (et surtout) dans celui qui
leur est propre.
D'après les décrets de la Propagande, nous ne pouvions
recevoir ces enfants comme internes dans le même local
que nos catholiques. Nous en avions déjà cependant un
bon nombre parmi les externes et nous i-emarquions dans
plus d'une de ces pauvres âmes des signes de vertu non
équivoques. Il y avait là certainement quelque chose à
faire. Je me mis en rapport plus intime avec nos grands
jeunes gens hindous et je fus on ne peut plus édifié de voir
certains d'entre eux foncièrement religieux et très bien
conservés jusqu'à l'âge de 17 et 18 ans.
D'un autre côté, dans bien des quartiers hindous nous
étions absolument inconnus. Ce que ces pauvres gens
avaient entendu sur notre compte c'étaient les calomnies viles
et parfois obscènes des protestants. Je me demandai dès
— 446 —
lors s'il n'y avait pas là un nouveau champ de travail qui
nous donnerait plus tard des fruits de consolation et de
salut.
Une autre raison plus grave me poussait à proposer un
acheminement de ce côté, et la voici : les protestants ont
chez eux la majorité des enfants hindous, et leur influence
est des plus désastreuses. Une fois sortis de chez eux, ces
pauvres jeunes gens deviennent les pires ennemis de notre
sainte religion. On leur a dit brutalement que leurs croyances
sont ridicules, on les a forcés à pratiquer le protestantisme
auquel ils ne croient point, et ils sortent de ces écoles véri-
tablement athées, ayant de plus au cœur la haine du chris-
tianisme qu'ils identifient avec l'enseignement qu'ils ont
reçu. De plus les ministres protestants ne se font point faute
de nous calomnier, et le résultat de tout ceci est une oppo-
sition de plus en plus sentie à l'entrée de nos missionnaires
dans les quartiers qu'habitent les jeunes gens sortis des
écoles protestantes.
Les Hindous nous pressaient donc tous les jours davan-
tage de les accepter. Pendant deux années entières le projet
fut discuté et envisagé sous toutes ses faces. Enfin nous
fîmes une promesse d'un internat spécial pour ces pauvres
enfants. Des empêchements survinrent au dernier moment
et nous fûmes obligés d'en remettre l'exécution à plus tard.
Nous recevions cependant des lettres de plus en plus pres-
santes. Le père d'un de nos élèves alla même jusqu'à nous
promettre de louer une maison à ses frais et de payer les
domestiques dont nous aurions besoin au début. Malgré
tous ces encouragements ce ne fut que trois ans après la
première conversation sur cette affaire que nous fûmes à
même de commencer. Le projet soumis à Sa Grandeur
Mgr Joulain fut approuvé.
Ici un mot pour mettre clairement au jour le but que
nous avions et les espérances que nous entretenions en
fondant cet internat. Gomme je le disais plus haut, nous
étions absolument inconnus dans beaucoup de quartiers
— 447 —
hindous. Il était certainement à désirer que l'entrée de nos
missionnaires fût facilitée par un contact plus immédiat
entre ces pauvres gens et le prêtre catholique. Il était
nécessaire aussi par ailleurs d'arracher des mains des pro-
testants les enfants des meilleures familles pour contreba-
lancer l'effet des calomnies des ministres et faire tomber les
préjugés qui tenaient éloignée de nous une partie très con-
sidérable du pays. De plus nous avions l'espoir d'avoir
quelques conversions parmi nos jeunes gens. Telles furent
les raisons qui nous déterminèrent. La fondation de cette
œuvre a eu par conséquent un but absolument surnaturel,
le salut des âmes.
Enfin nous commençâmes.
En février 1907 nous louâmes une maison à proximité du
collège et nous ouvrîmes notre internat. Nous avions encore
certains doutes et nous nous demandions surtout quel effet
allait avoir sur nos catholiques le contact désormais plus
fréquent avec les Hindous. Je puis dire maintenant, après
cinq années d'expérience, que non seulement nos catholiques
ne souffrent pas de l'influence des Hindous ; mais qu'au
contraire ces derniers, depuis qu'ils nous voient de plus près,
admirent notre sainte religion, l'espectent le prêtre beaucoup
plus même que nous n'osions l'esiîérer et ne se permettent
jamais le moindre mot capable de blesser ou de scandaliser
nos enfants. Ils sont d'ailleurs maintenant dans de nouveaux
bâtiments élevés par la générosité de Sa Grandeur à environ
300 mètres du pensionnat catholique, et n'ont de rapport
avec les autres pensionnaires que dans la cour de récréation
et en classe. De plus, comme nous le verrons plus tard en
parlant de la discipline, la moindre parole immorale, le
moindre manquement de respect à nos croyances sont
causes d'expulsion. Nous avons rencontré au début quelques
rares cas de ce genre ; mais à présent, grâce au choix que
nous faisons pour l'admission et au bon esprit qui règne,
nous n'avons aucune raison de craindre.
— 448 —
Choix des enfants. — Nous ne recevons pas tous les
enfants qui nous sont présentés. Tout d'abord nous tenons
à ce que ceux qui sont reçus appartiennent à des familles
respeclables et soient bien conservés. Nous prenons donc
des informations sur la famille et si le candidat a déjà passé
par quelque autre école, nous exigeons un certificat de bonne
conduite. De plus ayant toujours en vue le double but de
l'Institution, c'est-à-dire, l'influence à acquérir dans les
quartiers hindous et la conversion du sujet lui-même, si
possible, nous évitons de recevoir les enfants des familles
sans influence s'ils n'ont pas de leur côté quelques qualités
qui nous font espérer d'atteindre le second but. A cet efiet
si un tel sujet nous est recommandé, nous l'acceptons à
l'épreuve, et si au bout de quelque temps nous voyous qu'il
sera inutile de compter sur sa conversion, vu que d'un
autre côté il appartient à une famille qui ne nous sera
d'aucun secours pour notre futur travail d'évangélisation,
nous donnons sa place à un sujet qui promet davantage. Le
choix peut paraître un peu arbitraire ; mais le fait est que
nous avons beaucoup plus de demandes que nous n'en
pouvons satisfaire. Les Hindous ont une si grande confiance
en notre éducation que si nous ouvrions nos portes indiffé-
remment à tous les candidats, leur nombre dépasserait
bientôt celui de nos catholiques. Nous avons dès lors cru
bon de n'accepter que les meilleurs sous tous les rapports.
Discipline. — Gomme nous l'avons vu plus haut, les
Hindous sont dans des bâtiments absolument réservés, à
environ 300 mètres de l'internat catholique. Ils ont pour
les surveiller deux prêtres du collège, qui sont constam-
ment avec eux, en étude, en récréation, au réfectoire et au
dortoir. Leur discipline est sous certains rapports beaucoup
plus stricte que celle des catholiques. Pour ces derniers,
comme il n'y a que notre collège où ils puissent recevoir
une éducation chrétienne, nous les gardons tant que leur
présence ne devient pas un danger pour leui'S compagnons.
— 449 —
Pour les Hindous, une puivsse incorrigible, une habitude
de mensonges sérieux, un manque habituel de bon esprit,
une insubordination qui semblerait volontaire, la moindre
parole déshonnète sont autant de causes d'expulsion. Ils le
savent et, à part quelques rares cas où nous avons sévi
sans pilié, je puis dire que leur conduite est réellement
excellente. Ce que tout le monde remarque aussi, c'est
qu'ils ont un très grand respect pour toute autorité, mais
surtout pour le prêtre catholique.
Instruction religieuse. — L'Hindou est foncièrement
religieux. Il y a, il est vrai, dans sa religion telle qu'il la
pratique, tout un tissu de superstitions ; mais pour lui la
vie tout entière n'a aucun sens sans religion. Nos enfants
sont réellement avides d'instruction religieuse, ils causent
entre eux des sujets traités dans nos conférences et sacri-
fient volontiers une récréation et même un congé plutôt
que de manquer l'une d'elles. De là pour nous une grande
facilité pour travailler à les mener peu à peu à la connais-
sance de la vérité. Nous avons donc établi un cours d'ins-
truction religieuse qui se tient tous les dimanches à la
même heure que la classe de catéchisme des catholiques.
L'Hindou, ai-je dit, est très religieux. Il est, de plus,
très attaché à sa religion qu'il croit sincèrement être la
meilleure et, fort dans sa foi (je parle de l'Hindou qui a
quelque instruction), il s'éloignera de vous du jour où vous
lui direz simplement et sans détours que son culte est faux.
Ne lui montrez pas tout d'abord que vous voulez le con-
vertir : tout serait perdu. De là pour nous la nécessité de
n'avancer que très prudemment. Si nous faisions comme
les protestants, nous arriverions aux mêmes résultats,
c'est-à-dii-e que les enfants réellement et sincèrement reli-
gieux nous quitteraient, les autres deviendraient des hypo-
crites. D'autre part, ils croient en un seul Dieu, Esprit
pur, Esprit parfait, Maître de tout, qu'ils désirent servir
plus cependant par crainte que par amour. Ils croient à la
29
— 450 —
spiritualité et à l'immortalité de l'âme, etc., mais tout
cela mêlé de notions philosophiques et théologiques
fausses. Nous développons ces points et bien d'autres qui
leur sont communs avec nous, nous leur donnons les
principes (à leur portée) de philosophie nécessaires et nous
séparons doucement la vérité qu'ils possèdent des erreurs
dont elle est mêlée. Nous leur enseignons surtout la néces-
sité et les conditions de la prière, nous les faisons prier, et
nous laissons à la grâce et à la miséricorde divine le travail
intérieur, ce qui, peu à peu, nous permet d'arriver à leur
montrer la vérité dans toute sa lumière. Ils prennent
bientôt l'habitude de la prière, et quand sincèrement ils
s'adressent à leur Père, leur prière nécessairement atteint
son but, car évidemment nous n'enseignons pas à ces
enfants une religion purement naturelle ; nous ne leur
prêchons pas le déisme.
Conférences publiques. — Nous avons des confé-
rences tous les dimanches. Nous commençons par les
points nombreux qui nous sont communs, et de là nous
tirons peu à peu les conclusions qui sont la fondation et la
préparation du dogme catholique pur et simple. Ces confé-
rences sont publiques et obligatoires pour tous. Elles se
font d'après la méthode platonicienne : nous posons des
questions seulement. Les enfants les discutent, nous les
dirigeons et les amenons ainsi à découvrir par eux-mêmes
les vrais principes. Ils ont plus confiance en ce qu'ils
trouvent ainsi qu'en ce qu'on leur enseignerait par toute
autre méthode. De plus, ils savent d'avance quel sujet
sera traité. Ils causent entre eux en dehors des conférences
tant sur ce qu'ils ont vu que sur ce qu'ils ont à voir. Je
puis dire que l'intérêt qu'ils montrent à la préparation et
l'espèce d'avidité avec laquelle ils écoutent le dévelop-
pement de tout point de doctrine ayant trait à Dieu ou à
leurs âmes sont réellement édifiants.
— 451 —
Résultats. — Comme nous nous y attendions, les Hindous
commencent à se rapprocher de nous. Après l'agitation qui
a été excitée chez eux dans ces dernières années, vous com-
prenez, j'en suis sûr, l'importance de ce point. Nous avons
acquis parmi les hautes classes une considération plus
grande que par le passé. Il n'est pas rare maintenant de
voir de hauts Hindous entrer en rapports (quelquefois
même assez cordiaux) avec les missionnaires qui tra-
vaillent dans leurs parages. Les enfants vont rendre vi-
site aux prêtres des missions pendant les vacances; quel-
ques-uns même restent en correspondance avec eux quand
ils sont ici. Des gens bien élevés et très respectables m'ont
avoué qu'ils nous avaient envoj'é leurs enfants avec une
certaine défiance à cause des histoires que des ministres
protestants leur avaient racontées ; mais que depuis qu'ils
étaient en rapport avec nous, notre esprit et nos manières
leur avaient été une véritable révélation. Je me permets de
vous citer un fait qui montre la confiance que nous avons
gagnée. Les autorités du grand collège hindou de Vana-
panaï, voyant l'élite de leurs coreligionnaires envoyer leurs
enfants chez nous, se mirent en campagne en janvier
dernier et allèrent de maison en maison pour tâcher par
toutes sortes de moyens de nous arracher nos pension-
naires. Ils ont réussi à nous enlever six élèves (auxquels
d'ailleurs nous ne tenions guère) ; dans tous les autres cas
ils ont été ignominieusement mis à la porte par les pères
de famille qui nous ont eux-mêmes raconté les faits.
Nous avons tout droit d'espérer que les enfants qui
nous sont confiés et qui nous donnent toute satisfaction
seront mieux disposés à recevoir plus tard le missionnaire
catholique dans leurs villages. Et comme nous recevons ici
les fils de l'élite de la société hindoue, tels que chefs de
pays, gros commerçants, avocats, médecins et autres, tous
gens influents, il semble naturel de supposer que le travail
d'évangélisation sera facilité dans les localités où s'établira
cette nouvelle génération. Il est à noter de plus que beau-
— 452 —
coup de nos élèves viennent des plus gros centres d'Hin-
douisme, endroits où jusqu'ici nos missionnaires n'ont
encore pu pénétrer.
Nous commençons aussi à voir la différence entre nos
anciens élèves et les pauvres malheureux sortis de chez les
protestants. Nos enfants nous restent attachés après nous
avoir quittés, et plusieurs d'entre eux continuent dans le
monde les études religieuses qu'ils ont commencées avec
nous.
Quant à notre espoir de conversions, nous ne faisons nul
rêve enthousiaste. Mais nous espérons que comme résul-
tat des conférences religieuses et de l'effet inévitable du
milieu où ils se trouvent, quelques-uns ici même, d'autres,
après nous avoir quittés, lorsqu'ils seront libres, embrasse-
ront la vérité. Cet espoir lui aussi commence à se réaliser.
Le résultat naturel de nos conférences c'est que les enfants
viennent ensuite voir les pères en particulier pour leur
exposer leurs doutes, leur demander de plus amples expli-
cations, et c'est dans ces tête-à-tête que tombe d'habitude
le dernier voile et qu'ils expriment le désir d'appartenir à
une religion qui leur paraît si pure et si sainte.
Le nombre de nos catéchumènes est de sept. Deux sont
dans le monde, attendant d'être libres pour suivre la voix
du Maître, persévérant d'une manière édifiante dans leurs
études de la religion et leur piété. Nous en avons baptisé
un troisième après un an et demi d'absence. Son père s'op-
posait fanatiquement à sa conversion. Il continua à étudier
et à prier et, aussitôt son père mort, il vint nous supplier
de l'admettre dans notre sainte religion. Il est depuis en
butte à de rudes persécutions, mais se montre très généreux
et encourage même par ses lettres ceux de nos jeunes gens
qu'il a connus ici à embrasser avec générosité la vérité. Nous
en avons quatre autres qui ont manifesté leur désir sincère
d'embrasser le catholicisme et qui étudient et prient atten-
dant avec impatience le jour où ils pourront mettre à exé-
cution leur dessein. Le dernier d'entre eux est un jeune
— 453 —
homme de dix-neuf ans qui, au retour de ses vacances où il
avait emporté le catéchisme du P. Schoup, les conférences
de Mgr Freppel sur la divinité de Jésus-Christ, et l'Imi-
tation de Jésus-Christ, vint m'annoncer avec bonheur que
Dieu avait enfin exaucé sa prière et lui avait donné sa divine
lumière.
Nous avons eu le bonheur aussi de sauver un autre
enfant, fils d'apostat, que son père voulait forcer à vivre en
Hindou. Le pauvre petit fut amené comme Hindou. Il
ignorait son baptême. Mais quand il apprit sa propre his-
toire, il étudia son catéchisme et résolut de rester catho-
lique. Il a depuis fait sa première communion, a été confirmé
et reçoit maintenant la communion fréquente. Il a refusé
courageusement à son père de retourner chez lui tarit qu'il
n'aura pas l'assurance de pouvoir vivre en catholique.
Tels sont les fruits déjà produits; ils sont modestes, mais
je crois que vu les difficultés vaincues et l'organisation
établie nous avons lieu d'espérer. L'œuvre est longue et
délicate et demande patience et dévouement.
Je finis en vous demandant d'avoir chaque jour à l'autel
un mémento pour ces pauvres petites âmes rachetées comme
les nôtres par le sang de Jésus-Christ.
Charles Beaud, 0. M. I.
— 4ô4
NOUVELLES DIVERSES
PREMIÈRE PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
Inauguration de la grotte Notre-Dame de Lourdes
à l'orphelinat de la paroisse Saint-Joseph de
Lo-well.
Lourdes à Lowell, c'est bien le seul mot qui puisse résu-
mer cette splendide journée du 4 septembre; elle est, sans
contredit, la plus belle manifestation religieuse que notre
ville ait vue jusqu'ici. Elle a pris spontanément les gran-
dioses proportions des plus superbes processions de Lourdes.
Peut-être, ceux qui liront ces lignes les trouveront-ils
exagérées, mais non pas ceux qui ont vécu ici les heures
de cette journée.
L'idée d'une grotte monumentale
en l'honneur de Notre-Dame de Lourdes.
Il y a juste un an que l'idée a été lancée, mais bien vague,
presque en hésitant, rien que pour tâter le terrain, pour
voir si la population de la Paroisse St-Joseph y serait
favorable. Le Bulletin paroissial présentait la chose sous
une forme très humble dans un article qui avait pour
titre : « Est-il réalisable, ce rêve ? »
Le rêve, c'était d'élever une Grotte en l'honneur de N.-D.
de Lourdes sur le terrain de l'orphelinat, mais une grotte
monumentale, qui, par ses proportions et ses détails, rappe-
lât celle de Lourdes. Le but, c'était de donner aux pauvres
orphelins une image de leur Mère du Ciel et de leur faire
— 455 —
oublier, autant que possible, qu'ils n'ont plus de mère sur
terre.
Il arriva que le rêve fut pris au sérieux et qu'un grand
nombre de personnes, un très grand nombre, le plus grand
numbrp, voulait le réaliser.
Dans l'idée de ses promoteurs, le rêve ne devait se réaliser,
au plus tôt, qu'au bout de cinq ou six ans. En moins de six
mois, grâce au concours généreux de tout le monde, le rêve
devenait réalisable. Il est maintenant réalisé, la Grotte est
maintenant debout dans sa forte armature de fer et de
ciment, et la statue de Notre-Dame de Lourdes, don gracieux
de deux sœurs généreuses, l'illumine de sa blancheur et de
son céleste sourire. Oh ! que les rêves, même les plus auda-
cieux, vont vite leur chemin à Lowell !
Les préparations.
C'est vers la fin de juin que l'on pensa à faire de la béné-
diction de la Grotte un événement. L'idée parut tout d'abord
hardie. Le Rév. Père WatelJe envoya une lettre collective à
toutes les sociétés pour prendre leur avis — toutes accep-
tèrent l'idée, et un comiié fut nommé. Le projet s'élabora
dès lors sur un plan aussi sage que solide. Les préparatifs
commencèrent, et les critiques aussi. -Gomment éviter ces
critiques ! Quand le démon sait que quelque part la Sainte
Vierge doit être honorée, il multiplie ses ruses. C'est son
métier de toujours chercher à mordre au talon Celle qui
lui écrase la tête. Mais que pauvres et pitoyables sont ceux
qui lui servent d'instrument I Et comme c'est à hausser les
épaules d'entendre leurs arguments!
Nous ne pouvons essayer de rendre compte des efforts
faits pour préparer la Procession. Mais ils furent unanimes,
et, nous osons le dire, spontanés. Ils ontété d'autant plus
méritoires qne le travail manque un peu partout et que les
bourses sont plates.
Nous noua en voudrions cependant de ne pas mentionner
— 456 —
l'habileté et le tact des membres du comité général et de ne
rien dire du zèle qu'ont apporté nos paroissiens de
Pawtucketville.
Le grand jour.
Il avait plu toute la semaine précédente. La procession
s'annonçait mal. On se demandait avec une véritable
anxiété si le mauvais temps n'allait pas tout gâter. On se
décourageait presque à la pensée qu'après tant de travail
et d'eôorts, tout allait échouer à cause du mauvais temps.
Le lundi matin le ciel est pur; pas un nuage : on respire,
la journée va être de toute beauté. Dès trois ou quatre
heures, les rues s'animent. Les marteaux frappent. Les
maisons sont ornées, et avec quel goût ! sur le parcours de
la procession. Un air de fête et de bonheur passe partout;
on se sent à l'aise, on est heureux. Le succès sera complet.
Pendant toute la matinée, c'est dans toutes les rues une
animation extraordinaire. Les étrangers arrivent. Et dans
la foule, les gardes jettent la joyeuse note de leurs pitto-
resques habits. Du côté de l'orphelinat, l'animation est
plus grande encore : c'était comme un flot humain ; on a
peine à se frayer un chemin. L'orphelinat, lui-même, se
transforme à vue d'œil. Les décorations y sont nombreuses,
riches et d'un goût excellent, et elles tranchent sur les
antres décorations froides, banales que nous voyons aux
jours des fêtes légales. A l'intérieur, c'est comme une ruche
d'abeilles, un va-et-vient fiévreux et plein de gaieté; on
fait la toilette des orphelins dont le costume de page a
coûté tant de travail aux bonnes religieuses. Dans le parc,
les congréganistes servent des repas aux étrangers. Plus
loin, on habille les chars des orphelines. Dans un coin,
les Enfants de Marie prodiguent les rubans et les bouquets
pour orner le leur. Et dans le fond, la Tirotte dresse sa
forte masse toute noire.
457
La procession.
Vers une heure et demie, les rues qui avoisinent le quar-
tier général du comité de la procession sont à ce point
bondées de monde qu'on ne peut plus avancer. Les chars
allégoriques et les sociétés se rendent en ordre au point
qui leur a été assigné. Les capitaines passent la revue de
leurs gardes. Un long ruban où miroitent toutes les cou-
leurs serpente à travers la foule. On murmure de tous
côtés : Ce sont les petits orphelins; qu'ils sont beaux!
Tout à coup le clairon sonne. Les cloches de l'Hôtel de
ville jettent dans les airs leurs notes solennelles comme
pour les grandes circonstances : c'est le signal. Et avec un
ordre admirable et une exactitude qui ne diffère pas d'une
minute, la procession avec le maréchal en chef, le chef
d'état major et l'aide en chef, montés à cheval, en tête, se
met en marche.
Nous nous trouvons en ce moment à quelques pas de
l'Hôtel de ville. Nous nous retournons. Le spectacle est de
toute beauté. Les fenêtres sont noires de monde. Les trot-
toirs débordent, et la rue, cependant si large, est toute
remplie presque à perte de vue par le deuxième régiment
de la brigade des volontaires franco-américains et les
autres gardes venues de partout. C'est une fourmilière de
fusils et de sabres au clair que dominent les drapeaux. Les
fanfares éclatent. Oa applaudit partout. Cest la première
division qui avance.
A l'Hôtel de ville, le maire, entouré des membres de son
conseil et d'autres dignités, attend pour passer la pro-
cession en revue. Son Honneur se montre des plus affables
et des plus prévenants quand arrivent en automobile les
RR. PP. Watelle, Lefebvre et Paquette. Il leur fait donner
des fauteuils tout en avant pour qu'aucun détail de la pro-
cession ne leur échappe.
Le long et pittoresque défilé des quatre divisions de la
— 458 —
procession arrive. C'est d'abord le deuxième régiment qui
avance dans un ordre parfait, et tandis qu'ils passent
devant les autorités religieuses et civiles, les soldats, tête à
droite, saluent de l'épée.
Voici la deuxième division, celle de nos sociétés natio-
nales. C'est ici que commence le défilé des chars allégo-
riques. Ils représentent l'Histoire du Canada, surtout en ce
qui touche la dévolion à la sainte Vierge. On nous a
demandé lequel de ces chars nous avait davantage plu.
Nous ne pouvons nous prononcer. Ils étaient tous d'un
goût exquis, et le char représentant la foi, l'espérance et la
charité, et le char rappelant Jacques Cartier plantant la
croix en débarquant sur les bords du Saint- Laurent, et
celui où Champlain consacre Québec à la sainte Vierge.
Enfin voici entouré de quatre gardes, tiré par six che-
vaux blancs conduits par six hommes costumés en habit du
moyen âge, le char de la statue de Notre-Dame de Lourdes.
Sur son passage, tous les fronts se découvrent. Elle est si
belle, qu'en la voyant la prière monte aux lèvres. Elle a
vraiment l'air d'une reine sur ce char qu'elle orne de sa
blancheur.
De ses mains jointes pendent des guirlandes de lis dont
les orphelins debout à ses pieds portent les extrémités :
c'est le seul ornement qu'on a soufiert autour de la statue,
mais il s'harmonise si bien avec l'ensemble qu'on le
remarque à peine. Nous oserions même dire qu'elle fait
oublier les quarante orphelins, habillés en pages et pou-
drés, et cependant si beaux, rangés sur les gradins du char.
On dirait de grands bouquets de fleurs, tellement leurs
costumes, qui ont coûté tant de travail aux religieuses et
que deux bonnes demoiselles ont contribué à enrichir, sont
superbes et variés. Mais ce sont des fleurs vivantes d'où
s'échappe, à flots continus, l'harmonie des cantiques.
Il fallait tout un effort pour se rappeler que sous les
splendides habits de fête de ces orphelins battait un cœur
en deuil. Mais uon, ils n'étaient pas en deuil, ce jour-là, les
— <159 —
cœurs des orphelins, puisque leur mère du ciel tout à côté,
sur son trône, les caressait de son sourire. Ghers aban-
donnés, avec quelle naïveté, ils dii=5aient le soir aux reli-
gieuses : « Ma S(>!ur, la sainte Vierge doit être bien
contente, car nous avons chanté tout le temps, i
L'arrivée de la procession sur le terrain de l'orphelinat.
Ce fut un moment solennel entre tous. Nous avons vu
alors bien des yeux se mouiller de larmes. Près de quinze
cents jeunes filles, les Congréganistes, les Enfants de Marie,
sont là rangées, avec leurs insignes et leur voiles, et
chantent à pleine voix le cantique de l'Apparition tandis
que meurt le bruit des fanfares. Les gardes font la haie
et saluent de l'épée. Quatre-vingts orphelines, vêtues de
bleu, remplissent la grande allée par rangs de quatre.
Aussitôt que le char de la statue, le seul qui ait pénétré sur le
terrain, a franchi les limites de la propriété de l'orphelinat,
désormais le domaine de Notre-Dame de Lourdes, les
orphelins entonnent le Magnificat, et les orphelines font
la présentation des couronnes. On met ainsi presque une
demi-heure avant d'arriver à la Grotte. La foule y est
immense mais très respectueuse; c'est de tous côtés une
poussée d'Are Maria, de chants et de prières. Impossible
d'arriver à l'uniformité. Mais c'est d'un spectacle grandiose.
Le char est maintenant devant la Grotte. Les orphelines
font encore une fois la présentation des couronnes au
chant de « Bonne Marie, je te confie... >. Les orphelins des-
cendent et vont se masser devant l'autel. En deux minutes
la statue est placée, et le char s'éloigne. La Grotte a main-
tenant son dernier ornement, et la sainte Vierge sourit à
l'immense foule. Le R. P. Watelle est en chaire. Epuisé de
fatigue, il ne peut dire que quelques mots, mais c'est une
ardente prière. « Oh ! que de fois, dit-il, mon cœur a été
navré de tristesse au pied du lit d'une mère mourante. Je
n'ai jamais pu dominer mon émotion quand, les mains
— 4G0 —
pflacées par l'approche de la mort, les yeux pleins des der-
nières larmes, les lèvres déjà blêmes, ces mères me
disaient : « O mon Père, pour moi, mourir ce n'est rien.
« Mais, mes pauvres enfants, que vont-ils devenir quand
« ils n'auront plus de mère! » J'ai voulu donner aux
orphelins, qui sont ici devant vous, l'image de leur Mère
du ciel. IL m'a semblé qu'ils seraient moins tristes quand ils
pourraient venir voir tous les jours l'image de leur Mère
du ciel. Et voilà pourquoi, encouragé par votre générosité,
j'ai construit cette Grotte. »
La courte allocution unie, la foule entonne de nouveau
le cantique des Apparitions. Pendant ce temps, la proces-
sion s'organise pour aller prendre le Saint Sacrement à la
chapelle de l'orphelinat. Et quand le cortège repasse, le
dais entouré des quarante petits pages, la foule s'agenouille.
La bénédiction est donnée à l'autel de la Grotte par
Mgr Prévost de Fall River. Après la bénédiction, qui est
chantée par les congréganistes, le R. P. Watelle fait les
grandes invocations et les acclamations qui sont d'usage à
Lourdes. La foule les répète avec enthousiasme. La pre-
mière cérémonie est maintenant finie. On se retire lente-
ment, mais en se promettant de revenir le soir pour la
procession aux flambeaux
La procession aux flambeaux.
Elle avait été annoncée pour huit heures. A ce moment,
le terrain, cependant immense, de l'orphelinat déborde du
monde accouru de partout. Il est absolument impossible de
donner un chiffre même approximatif. Les Enfants de
Marie et les Demoiselles de Notre-Dame de Lourdes, un
cierge à la main, se font, mais avec peine, un chemin dans
la direction de la Grotte. Bientôt les orphelines et les
orphelins arrivent, leur cierge déjà allumé. Ils disent le
chapelet à haute voix. La procession commence aussitôt.
— 4U1 —
On jugera de la beauté et de la longueur de cette procession
aux flambeaux par ce détail. Partie de la Grotte à huit
heures, quand la tête de la Procession y retourna une heure
et quart plus tard, les dernières personnes en partaient à
peine. Ce fut donc pendant {)lus de deux heures un long
défilé de feux, de cantiques et d'Ave à travers le parc. Les
rues avoisinantes de l'orphelinat étaient pleines de inonde :
on n'avait jamais rien vu de pareil à Lowell. C'est Lourdes
au soir de ses plus grandes fêtes. Pendant que la procession
s'achève, les orphelins font au pied de la Grotte l'exercice
qu'ils viendront y faire à perpétuité pour leurs bienfaiteurs
vivants et défunts. Un moment, les cantiques et les prières
cessent. Les orphelins sont à chanter le De Profundis.
Quelle religieuse tristesse dans les versets du psaume des
morts chantés dans le religieux silence de la nuit ! Une
émotion profonde empoigne toutes les âmes.
Le R. P. Graton adresse quelques mots pleins de feu et
d'ardente dévotion. Il finit par des invocations que la foule
répète après lui. La cérémonie est finie. Mais un attrait
impérieux fait qu'on ne peut pas s'éloigner de la Grotte.
Et longtemps, longtemps encore, on reste là à chanter et à
prier. On voudrait que ces heures près de la Grotte s'éter-
nisent : on s'y trouve si heureux!
Vers onze heures du soir, la foule est presque écoulée.
Les lumières s'éteignent une à une dans le parc. Le silence
se fait. Mais tout là-bas les cierges qui continuent à brtller
autour de la Grotte éclairent encore la statue de la sainte
Vierge. Elle nous apparaît alors plus belle que jamais.
Dans les immenses dortoirs les orphelins sommeillent. Ils
peuvent dormir en paix, les pauvres enfants : Notre-Dame
de Lourdes veille désormais sur eux et les bénit.
{Supplément du Bulletin.)
— 462
PROVINCE DU MANITOBA
Le 70^ anniversaire de Tordination
du R. P. Dandurand, o. m. i.
Soixante-dix ans de prêtrise ! Ce seul mot évoque un évé-
nement rare, un événement dont un petit nombre d'hommes
sont témoins dans leur vie et dont bien peu de prêtres sont
les héros. Cet événement, peut-être unique dans les annales
du sacerdoce canadien, a été célébré sur les rives de la
rivière Rouge le 12 septembre dernier. Il y avait ce jour-là
soixante-dix ans bien comptés que le vénérable P. Damase
Dandurand avait reçu l'ordination sacerdotale des mains
du saint évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, d'illustre
et regrettée mémoire. La fête eut lieu à l'Hospice Taché, de
Saint-Boniface, dont l'heureux jubilaire est encore l'aumô-
nier actif à l'âge de 93 ans révolus.
Le jubilaire célébra la messe à 7 heures, et — détail à
noter — cette messe fut la dernière dans cette maison qui
maintenant ne forme qu'un tout avec la nouvelle Maison-
Vicariale.
Les orphelines firent entendre des chants du ciel pendant
la messe et elles donnèrent ensuite une petite séance qui
tira les larmes des yeux du jubilaire et de beaucoup d'autres.
Dans une touchante adresse elles rappelèrent la carrière de
celui qu'elles appellent leur bon Père et terminèrent ainsi :
« Le vieillard s'incline avec amour vers l'enfant. Au soir
comme à l'aurore de votre vie sacerdotale, les pauvres sont
votre partage. Plus privilégiées que les premiers, nous
orphelines, nous recueillons le fruit de vos glorieux labeurs.
De nos doigts enfantins et de nos cœurs reconnaissants,
nous tressons ce diadème formé d'années d'argent, de rubis,
— 463 —
d'or, de diamant et de radium, couleur sombre, mais bien
pn'îcieusc. Du tout nous formons la couronne de grâce, en
attendant celle de gloire. Que cette dernière, c'est notre vœu,
se fasse attendre longtemps, bien longtemps, pour le bon-
heur de vos petits enfants. »
Deux anges gracieux vinrent ensuite déposer aux pieds
du jubilaire une superbe couronne de fleurs qu'ils lui
apportaient du ciel de la part des évoques Bourget et
de Mazenod.
Le vénérable nonagénaire se leva pour répondre à l'adresse
et remercia ses chères enfants de ce que leur bon cœur
venait de lui dire. Comme il le fit remarquer lui-même, il
était fort ému, mais maîtrisant son émotion il rappela les
diverses étapes de sa longue carrière avec une fraîcheur de
souvenirs qui en doublait le charme. L'espace nous manque
pour résumer cette intéressante causerie. Nous devons nous
contenter de publier le texte de l'allocution écrite qu'il
prononça à l'issue du banquet donné en son honneur à
midi à l'Archevêché. Par déférence pour ses confrères de
langue anglaise, le bon Père leur exprima ensuite ses remer-
ciements en un anglais tout aussi poétique que le français
qu'on va lire.
Tout le clergé de Saint-Boniface et de Winnipeg était
largement représenté à ces agapes intimes et faisait cou-
ronne à l'heureux jubilaire. Mgr le Vicaire général, en
l'absence de S. G. Mgr l'Archevêque, alors en visite
pastorale, se fit l'interprète des sentiments et vœux de
tous et le bon Père y répondit dans les termes suivants :
* Que d'automnes ont vu tomber toutes leurs feuilles
depuis le jour de mon ordination ! Soixante-dix années se
sont écoulées depuis le 12 septembre 1841. C'est bien long.
Certus qiiod velox est depositio tabernacuH mei (Saint-
Pierre, Ile épître, I, 14). Je sais que je lèverai bientôt la
tente de la vie.
* Il ne m'est pas possible de dire en termes convenables
combien je suis sensible à cette belle démonstration et au
— 4G4 —
concert de vœux et de félicitations qui acclame aujour-
d'hui le soixante-dixième anniversaire de mon ordination
sacerdotale. Je vous en remercie bien cordialement. Cette
époque solennelle remue profondément mon cœur tout con-
fus de tant de témoig^nages de sympathie. C'est pour moi un
jour beau et louchant, que votre amitié rend gracieux.
« En ce jour d'ineffables souvenirs, je suis lieureux de
pouvoir remercier Dieu de m'avoir fait son ministre, son
prêtre, et de m'avoir toléré jusqu'à ce jour béni, ifagmi/fca^
anima mea Dominum ! Quid retribuarn Domino ? Ce
jour est une fête de souvenirs. Une date précieuse plane en
ma mémoire. O beau jour du 12 septembre 1841 1 Sur les
ailes du temps il s'est envolé ; mais aujourd'hui il semble
être revenu avec le cortège de ses sourires.
t Aidez-moi à remercier le Bon Dieu pour les faveurs
dont il m'a comblé pendant ma longue carrière sacerdotale.
Cordial merci pour toutes les aimables choses que vous
avez bien voulu me dire. Les témoignages d'estime que
vous m'offrez me sont d'autant plus précieux qu'ils me
viennent de ce clergé de Saint-Boniface qui, par ses lumières,
ses vertus et son zèle apostolique, a contribué à faire des
fidèles de ce diocèse un peuple privilégié. Combien me
dois-je estimer heureux d'appartenir à ce clergé depuis
trente-six ans ! Je compterai à bon droit parmi les grandes
consolations qui me sont réservées au déclin de ma vie les
bonnes paroles que vous m'avez adressées. Merci, merci. »
Puisse l'heureux jubilaire, qui porte si allègrement le
poids des ans et qui continue à travailler à la vigne du
Seigneur avec une jeunesse renouvelée comme celle de
l'aigle, fêter le centenaire de sa naissance avant d'aller
recueillir la récompense de ses labeurs ! Dieu sait comme le
vénérable nonagénaire s'est toujours donné sans compter à
la tâche assignée et avec quel zèle il l'a toujours remplie.
Loin de l'inviter au re^jos sa vieillesse semble lui être un
nouveau motif de se dépenser.
Ad cenlesimum annum !
— 4(i5 —
A cet intd'ressarit récit emprunté aux Cloches de Saint-
Boniface, nous ajoutons quelques lignes sur le vénéré
jubilaire, doyen de la Congrégation.
Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface, a auprès
de lui, dans sa résidence de l'archevêché, le doyen de tous
les Oblats du monde, le R. P. Dandurand. C'est une vraie
merveille pour son âge, car bien qu'il soit âgé de quatre-
vingt-douze ans, il voit et entend bien et jouit du parfait
usage de toutes ses facultés. Un de ses confrères l'a appelé
une t encyclopédie vivante ». Il consacre maintenant une
grande partie de son temps à la lecture, ce qui ne l'em-
pêche pas de remplir à la perfection ses fonctions d'aumô-
nier à 1 hospice Taché de Saint-Boniface.
Le P. Dandurand est né à La Prairie, sur les bords du
fleuve Saint-Laurent, en face de Montréal. Il a soixante-
dix ans de sacerdoce et a fait sa profession religieuse en
1842. Pendant deux ans, il assista les premiers Mission-
naires Oblats venus au Canada, dans les missions qu'ils
prêchèrent, et en 1844 il fut préposé à l'administration de
la paroisse de Bytown, aujourd'hui Ottawa. Quand le
typhus éclata en 1847, il se dévoua entièrement au service
des Irlandais pauvres qui furent plus particulièrement
éprouvés par l'épidémie. Il raconte qu'une nuit, par un
beau clair de lune, il était assis sur UQe pierre en plein air,
occupé à entendre les confessions des membres d'une
famille qui expiraient l'un après l'autre sous ses yeux.
Pendant qu'il confessait la mère, il sentit deux petites
mains entourer son cou. C'étaient celles du plus petit et
dernier des enfants qui venait d'expirer. Quand il s'éloigna
de ces pauvres victimes, il aperçut une gentille petite fille
de quinze mois étendue sur le gazon. Désireux de la sous-
traire au danger il l'emporta pour la confier à la sœur Thi-
bodeau. Sœur Grise tenue en haute vénération à Ottawa ;
mais, chemin faisant il rencontra une dame qui le délivra
de son fardeau et devint une mère pour cette ejifant.
Le P. Dandurand devint, en 1848, vicaire général de
30
— 466 —
Mgr Guigues, premier évêque d'Ottawa. Ce n'est qu'en 1875
qu'il se rendit à Winnipeg où il prit charge de la paroisse
Sainte-Marie. Il était, en 1876, chargé de la paroisse Saint-
Charles et finalement, en 1900, à l'âge quatre-vingt-un ans,
il devint l'aumônier de l'hospice Taché, ayant sa résidence
à l'archevêché.
II. — Chez les Polonais et les Ruthènes de Gimii.
La visite pastorale de Mgr Langevin chez les Polonais et
les Ruthènes de Girali a revêtu une importance spéciale
au point de vue de la question ruthène. Le 6 juillet, Mon-
seigneur, accompagné des RR. PP. Kawalski et Nandzick,
0. M. I., est allé par le chemin de fer à Gimli, où il a été
reçu par le R. P. Grochowski, qui desservait provisoire-
ment la mission polonaise.
De la gare. Sa Grandeur — précédée de deux cavaliers
polonais en grand costume et d'un jeune cycliste polonais
— se rendit à la mission distante de quatre milles. A quel-
ques arpents de l'église polonaise, une magnifique pro-
cession d'hommes, de femmes et d'enfants, en très bon
ordre, ayant six beaux drapeaux religieux portés les uns
par des jeunes gens et les autres par des jeunes filles, se
porta à la rencontre de Mgr Langevin.
Aussitôt de joyeux vivats et le chant de la foule tra-
duisirent la joie dont ces cœurs pleins de foi débordaient.
Plus de cent personnes, hommes, femmes et enfants, étaient
venus de Pleasant Home éloigné de plusieurs milles, pour
rencontrer le chef du diocèse.
Le lendemain, 7 juillet, fête des saints Cyrille et Méthode,
patrons de l'éghse, il y eut un grand nombre de commu-
nions, une grand'messe en plein air et cent soixante-trois
confirmations d'enfants et d'adultes, dont quelques-uns de
quarante, cinquante et même soixante ans et plus 1
Une partie du chœur de l'église du Saint-Esprit de
— 4b7 —
Winnipeg, dirigée par le R. P. Nandzick, lit les frais du
chant pendant la graniTmesse. Monseigneur fut plusieurs
fois accompagné processionnellenient du presbytère à
l'église sous un dais et escorté, au bruit de fusils, par des
porte-drapeaux.
Sur la demande expresse des principaux fidèles de la
paroisse, le zélé pasteur consentit à aller, dans l'après-midi
du même jour, visiter une église ruthène. La route se fit à
travers des chemins affreux, et des nuées de maringouins,
assoiffés de sang, n'eurent d'égards pour personne.
Là aussi, une procession nombreuse attendait Sa Gran-
deur. Drapeaux polonais et ruthènes mêlaient fraternel-
lement leurs plis pour attester sans doute la fraternité
dans laquelle vivent ces peuples loin de la mère patrie.
Un enfant de chœur sonnait la cloche et plusieurs autres
portaient de gros cierges allumés. Après les vivats les
plus chaleureux, une douce mélodie, pieuse et plaintive,
s'éleva vers le ciel comme le chant de la vieille foi des
saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves et auteurs de
la liturgie ruthène en langage primitif populaire conservé
jusqu'à nos jours. A l'entrée de l'église, Monseigneur bénit
le pain et le sel présentés sur deux plateaux et toucha les
clefs de l'église, symbole de son autorité reconnue. Il
adressa ensuite la parole aux fidèles et leur rappela la pré-
dication des saints Cyrille et Méthode, leurs pères dans
la foi, et l'établissement par eux de la liturgie ruthène
acceptée, approuvée et protégée par le Saint-Siège. Il
signala le magnifique tableau du Sacré Cœur, qui orne le
maître-autel, comme un signe d'orthodoxie catholique.
Les vivats des Ruthènes et leur empressement à baiser
l'anneau de Monseigneur démontrèrent combien ils étaient
ravis de joie et Sa Grandeur eut bien vite oublié la chaleur
intense, les chemins atroces et les vilains maringouins, pour
remercier Dieu des consolations si douces de cette belle
journée. Vraiment la foi de ces populations est admirable.
Le schisme et l'hérésie ne les ont pas encore entamées.
— 468 —
Il y a cinq églises polonaises dans la région de Gimli et
autant d'églises ruthènes. Les RR. PP. Basiliens de Win-
nipeg ne viennent que tous les deux mois, dans l'église
visitée. S'il y avait au centre de cette région une commu-
nauté de cinq ou six prêtres capables de s'occuper des
Polonais et des Ruthènes, cette population serait conservée
à l'Eglise catholique.
C'est le P. Steuer, 0. M. 1., de l'église du Saint-Esprit de
Winnipeg, qui a bâti l'église actuelle après l'incendie de la
première chapelle.
(D'après Les Cloches de Saint-Boni face.)
VICARIAT D'ALBERTA-SASKATCHEWAN
Bénédiction
de la nouvelle église de Saskatoon,
Le dimanche, 6 août, S. G. Mgr Pascal, 0. M. I., évêque
de Prince-Albert, a béni solennellement la magnifique
église de Saskatoon construite par le R. P. Vachon
Léandre, O. M. L,curé. Il a fallu tout le zèle, le prestige et
la popularité du Révérend Père et sa confiance dans la
générosité de ses paroissiens pour entreprendre, avec un
petit nombre de catholiques, une construction de plus de
200.000 fr. dans une ville naissante, mais qui a fait en
peu d'années de merveilleux progrès.
S. G. Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface, assis-
tait au trône à la messe pontificale chantée par Mgr Pascal.
- 469 —
On remarquait parmi l'assistance le R. P. N. S. Dozois,
assistant général et visiteur, son frère le R. P. .1. Dozois,
provincial de la province du Canada, le R. P. Gahill, pro-
vincial du Manitoba, ainsi que plusieurs autres membres
du clergé.
Mgr Langevin prononça le sermon de circonstance. Il
parla de la primauté de saint Pierre et des Pontifes de
Rome, ses successeurs. Grand nombre de protestants
étaient présents. Plusieurs ont souscrit des centaines de
piastres pour la construction de la nouvelle église.
La messe triomphale de Gounod fut admirablement rendue
par de vrais artistes, soutenus par un orchestre de tout pre-
mier ordre. Dans la soirée Mgr l'évêque de Prince-Albert
administra le sacrement de confirmation à un bon nombre
d'enfants.
A 7 heures un grand banquet fut offert dans le soubasse-
ment de l'église et l'on porta des toasts au Pape, etc.
L'éloge des Oblats fait par Mgr l'Archevêque, avec des
accents de filiale affection, produisit une très grande
impression. Cette journée restera mémorable dans les
annales de Saskatoon. Elle fut un grand triomphe pour la
sainte Eglise de Dieu.
(D'après Les Cloches de Saint-Boni face.)
470 —
VICARIAT DE L'ATHABASKA
Extrait d'une lettre de Mgr Joussard
au Rév. Père Favier, Econome général.
Mission Saint-Bernard, 16 octobre 1911.
Me voici depuis quelque temps à mon poste après avoir
fait déjà plusieurs voyages, entre autres celui de la mission
Wabaska, d'où j'arrive. Nous avons mis six jours à cheval
pour y aller et sept pour revenir. Je vous prie de croire
qu'à mon arrivée au Wabaska on ne m'aurait jamais pris
pour un évêque, aussi le P. Bâtie avait peine à nous
reconnaître tellement nous étions, le P. Jaslier et moi,
dans un état indescriptible de toilette. La pluie pendant
six jours, des marais à y rester dedans, et la dernière
journée (nous nous en souviendrons longtemps), dans l'eau
jusqu'à la ceinture, pendant plus d'une heure, appelant,
criant qu'on vienne nous aider à traverser, et pour bouquet,
durant 4 heures de nuit à travers des fondrières sans nom,
des ponts coupés par le milieu, où mes chevaux se lan-
çaient pour atteindre l'autre bord et s'engouffraient dans des
tourbillons de vase gluante d'où il fallait les arracher, pres-
que sans les voir. Plus d'une fois, dans ce beau voyage, mes
chevaux nous ont descendus ou nous ont fait descendre de
selle, cependant doucement et sans scandale ; parfois même
ces pauvres bêtes s'anéantissaient tellement sous nous que,
les deux pieds à terre, nous pouvions en reculant quitter
notre siège sans même toucher à la selle.
Le P. Jaslier que je menais à Saint-Martin disait une
fois arrivé : J'y suis, j'y reste. Il est resté, mais moi je m'en
— 471 —
suis retourné. Jamais de ma vie de missionnaire je n'ai
vu pareils bourbiers, si profondes fondrières. (Cependant
j'ai été dédommagé de mes aventures par le plaisir que j'ai
causé aux deux communautés par ma visite et surtout par
le précieux présent du boa père Jaslier. Pauvre mission,
elle avait été tellement éprouvée qu'elle méritait bien cette
consolation. J'ai été heureux de tout ce que j'ai vu et en-
tendu ; le bien se fait. On s'en donne la peine.
VICARIAT DU KEEWATIN
Lettre du B. P. Julien Thomas
au Révérendissime Supérieur Général.
Norwaj-House, 3 octobre 1911.
Monseigneur et Très Révérend Père,
Je regrette bien de n'avoir pas eu le bonheur de vous
voir lors de votre passage à Winnipeg. Il est toujours utile
et consolant de pouvoir s'entretenir avec ses supérieurs, de
recevoir leurs conseils et leurs encouragements. Mais cela
est plus vrai encore lorsqu'il s'agit du Père de toute la
Famille, de celui qui étend son afTection à tous ses enfants.
Privé de la joie de votre présence, j'aurais pu me dédom-
mager en vous écrivant. Je ne chercherai pas à m'excuser
de ne l'avoir pas fait. Un religieux est-il excusable d'ail-
leurs de ne pas confier ses joies et ses peines, de ne point
raconter ses travaux et ses espérances à son Père ? Tout
de même les voyages, les missions, les occupations très
diverses et très nombreuses sont autant de circonstances
atténuantes à une négligence qui cesse parfois d'être volon-
taire.
— 472 —
Cette négligence, Monseigneur, je voudrais la réparer en
essayant de vous retracer rapidement ce que j'aurais dû
vous écrire plus au long. J'ai fait mes premières armes à
Gross-Lake avec le R. P. Bonnald. Je restai quatre ans
avec lui, l'aidant dans sa mission et faisant des voyages
de côté et d'autre pour visiter les sauvages catholiques et
les protestants du Nord. Depuis plusieurs années, je des-
sers la mission du Fort-Nelson qui se trouve à environ
250 milles d'ici. Là il y a de bons sauvages, bien disposés,
qui aiment le prêtre et qui sont pieux, se conduisent bien.
J'ai eu le bonheur d'y enregistrer plusieurs conversions.
Malheureusement les visites sont courtes, tandis qu'un
ministre protestant réside habituellement dans cette ré-
serve. Deux fois par an, je visite cette mission : hiver et
été. Toujours le voyage est pénible, mais consolant. Je vous
fais grâce des détails. De temps à autre, je visite auss^i
d'autres réserves où les sauvages désirent voir le prêtre.
L'obéissance m'ayant envoyé à Norway-House, je continue
encore à desservir la mission du Fort-Nelson, seulement le
voyage est plus pénible.
Ici, à Norway-House, la mission a été fondée par le
R. P. Bonnald. Les résultats ne sont pas en proportion
avec la peine que ce bon Père s'est donnée. Les catho-
liques ne sont pas encore nombreux, cependant chaque
année amène quelques conversions. L'année dernière, j'ai
reçu l'abjuration d'une famille entière de métis anglais :
j'ai baptisé deux petits protestants dont un est mort main-
tenant. J'espère avoir le bonheur de recevoir encore bientôt
plusieurs abjurations. Ça va lentement, vu le nombre de
protestants qui habitent ici, environ neuf cents, mais je
ne désespère pas de la conversion de ces pauvres sauvages.
A l'Est, il y a des centaines de sauvages païens que je n'ai
pu encore visiter. Oh ! que je voudrais pouvoir aller les
évangéliser. Dans d'autres réserves, on nous demande :
Oxford-House, Gods-Lake, Island-Lake, Sandy-Lake,
Splitt-Lake, etc. Mais les ouvriers manquent, un seul
— 473 —
Père ne peut aller partout. Le P. Bonnald est miné par
l'âge, les travaux et les privations.
Le P. Lecoq, malgré son grand âge, ne peut s'occuper
l)eaucoup des missions étant, par ailleurs, surchargé de
travail. Cependant il m'a remplacé cet été au Fort-Nelson.
Je ne vous dirai pas tout ce qu'il a souffert. Ce pays étant
très difficile d'accès, les vivres manquent par conséquent.
Le Père a dû se procurer un rets, faire la pêche, mettre des
collets à lièvre pendant deux mois pour se procurer de la
nourriture. Heureux encore lorsque les chiens ne man-
geaient pas les lièvres dans ses collets. Ce bon Père, qui
dépasse la soixantaine, est admirable de dévouement.
Un événement qui a beaucoup impressionné les sau-
vages, c'est la visite de Mgr Charlebois en tournée de
confirmation. Sa Grandeur est arrivée ici en bonne santé,
malgré les fatigues d'un si long voyage. C'est la première
ois qu'un évoque visite ce pays. 11 en résultera, je l'es-
père, un grand bien.
L'hiver dernier, il nous a été impossible de nous rendre
à Winnipeg pour y voir le R. P. Dozois, Visiteur, qui, de
son côté, ne pouvait s'avancer jusqu'à Norway-House. En
revanche, j'ai eu le plaisir de le rencontrer cet été et de
m'entretenir avec lui.
Je termine, Monseigneur et Très Révérend Père, en vous
priant de me bénir et d'agréer l'hommage de ma filiale
affection en N.-S. et M. L
Julien Thomas, 0. M. I.
— 474 —
VICARIAT DU BASUTOLAND
MISSION DE BÉTHANIE
Extrait d'une lettre du R. P. Hoffmeier
au R. P. Scharsch, Assistant général.
Spécialement consolants sont les succès dans la nouvelle
mission de Béthanie. Comme vous le savez probablement,
l'école y est approuvée par Monseigneur l'Evêque et par le
gouvernement et actuellement on s'occupe de la construc-
tion d'une église (2i mètres sur 10) qui sera terminée dans
6 mois. Les conversions sont toujours nombreuses quoique
je n'y puisse faire le service divin qu'une fois par mois.
Le dimanche des Rameaux le bon Dieu m'envoya, afin
qu'il fût reçu dans le sein de la véritable Eglise, l'ancien
maître de l'église protestante qui se trouve à côté de la
nôtre à Béthanie. Plus de 20 ans, il a déployé toute son
activité au profit de l'erreur, aujourd'hui il a trouvé la
vérité. Avant son admission je l'ai laissé adresser quelques
paroles aux gens. Il se comparait à Nicodème qui, en secret,
pendant la nuit, en qualité de docteur de la loi, venait à
Jésus, car, lui aussi, en qualité d'ancien maître, et sans
avoir averti les pasteurs et ses coreligionnaires, il est venu
chez nous. Sa femme l'avait précédé.
Quelle a été l'occasion de cette conversion? Vous ne le
devineriez jamais. Les protestants se prennent dans leurs
propres filets. La pauvre femme avait enfreint la loi pro-
testante en mangeant de la viande à un repas donné à
l'occasion d'un mariage qui s'était conclu selon la cou-
tume, moyennant des bœufs et des vaches. Pour être
logiques, ces messieurs ne devraient-ils pas aussi défendre
— 475 —
de boire le lait de ces vaches ou de labourer avec les bœufs
donnés pour le mariage? Ce n'est pas ainsi qu'on corrige
les mœurs d'un peuple, car il est clair qu'une telle rigueur
et une telle loi ne sont pas comprises par la plupart des
Basutos qui sont très attachés à leurs traditions. Par cette
raison seule déjà le calviniste est détesté ici, tandis que la
religion catholique est beaucoup aimée. Hélas ! la moisson
est grande mais les ouvriers trop peu nombreux. Envoyez-
nous quelques-uns de ces derniers, mais des vaillants et
des robustes qui puissent prendre la place des anciens et
seconder les faibles. Gardez à nos missions du Basutoland
pauvres, mais riches en succès, votre bienveillance et aidez-
nous par votre prière, votre conseil et votre activité.
Les protestants perdent de leur influence d'une année à
l'autre, tandis que les catholiques en gagnent immensé-
ment, grâce au bon Dieu et aux amis et bienfaiteurs
de la mission. Il n'y a qu'une chose qui nous inquiète, c'est
le bouleversement politique du Basutoland qui, nécessaire-
ment, entraînera aussi un bouleversement religieux.
HOFFMEIER, 0. M. I.
ECHOS DE LA FAMILLE
Monseigneur le Supérieur général, dans le voyage qu'il
a fait pendant les vacances, a eu l'occasion d'assister au
Congrès des catholiques allemands à Mayence et aux fêtes
du 40e anniversaire de Notre-Dame de Pontmain. Sa Gran-
deur a assisté également au Chapitre général des Sœurs de
la Sainte-Famille et à la retraite des Supérieures.
— 476
Le R, P. Dozois, Assistant général, rentrait à Rome le
16 novembre 1911 de retour de la visite canonique qu'il a
faite des provinces du Canada, du Manitoba et du Vicariat
d'Alberta Saskatchewan. Il a pu faire également une petite
apparition en Colombie Britannique pendant la retraite de
nos Pères. Son absence de Rome a duré un an et dix jours.
Après une série de travaux apostoliques donnés durant
les vacances, le R. P. Baffie, Assistant général, est rentré
à Rome dans la première quinzaine de novembre.
***
A la même date devait rentrer, après avoir prêché une
série de retraites, le R. P. Scharsch, Assistant général.
Mais à la veille de commencer son dernier travail, la ma-
ladie l'a contraint à se remettre entre les mains des mé-
decins. L'opération ayant heureusement réussi et la
convalescence suivant son cours normal, le Révérend Père
Assistant rentrera incessamment à la maison générale.
Les RR. PP. Favier, Econome général, et J. Lemius,
Procureur général, ont aussi occupé le temps des vacances
aux travaux apostoliques, tandis que le R. P. Belle, Assis-
tant général, se dévouait à l'expédition des affaires cou-
rantes.
Le R. P. Bruno Roy a été nommé Recteur de l'Université
d'Ottawa, en remplacement du R. P. W. Murphy.
C'est au 5 novembre qu'a été fixée la cérémonie du sacre
— 477 —
<ie Mgr Mathieu, ancien Recteur de l'Université Laval,
nommé premier évoque de Régina.
Nombreuses et importantes sont les œuvres des Oblats
de Marie Immaculée dans le diocèse du nouveau prélat
■auquel nous offrons nos vœux les plus sincères de long et
fructueux épiscopat.
Les 8, 9 et 10 août 1911, les catholiques allemands de
rOuest-Canadien se sont réunis en assemblée générale à
Régina, pour discuter de leurs intérêts religieux et natio-
naux. Le nouvel évêque de Régina n'étant pas encore
nommé, c'est Mgr Pascal, évêque de Prince Albert, qui a
présidé la cérémonie de clôture. Dans toutes ces réunions
où d'excellentes motions ont été adoptées, nos Pères de
Régina, tant de la paroisse allemande que de la paroisse
polonaise, ont payé de leurs personnes avec le plus grand
zèle.
Les travaux de construction du premier corps de bâti-
ment de la maison pro\inciale de Ceylan à Colombo ont
été menés avec rapidité. En décembre 1910, la première
pierre a été bénite ; fin d'août le bâtiment était achevé.
En l'absence de Monseigneur l'Archevêque de Colombo,
la cérémonie de la bénédiction a été faite le 20 sep-
tembre 1911 par Mgr Joulain, évêque de Jaffna, en pré-
sence du Rév. Père Vicaire des Missions, des RR. PP. Vi-
caires généraux de Colombo et de Jaffna, des RR. PP. Oblats
de la Ville, des Sœurs de la Sainte-Famille, des Sémina-
ristes, etc.
La nouvelle construction est spacieuse, solidement bâtie,
et d'une élégante simplicité. Elle fait honneur au R. P. Con-
rard sous la direction duquel elle a été élevée.
Le 7 septembre, l'église de Sainte-Marie de Négombo
était en fête, à l'occasion du baptême d'un carillon de
— 478 —
quatre cloches pesant ensemble 3.000 kilos, dont 1.70U
pour la première.
Les cérémonies de la bénédiction se sont déroulées très
solennellement, en présence d'une grande foule de fidèles
attirés par la circonstance et par la fête patronale de
l'église qui avait lieu le lendemain 8 septembre. Après
avoir béni les cloches, Mgr Joulain présida les premières
Vêpres de la Nativité, et, le jour de la fête, célébra la
Messe pontificale pendant laquelle il prêcha un sermon
tamoul : « Monstra te esse Matrem », qui fit grande im-
pression sur la foule.
^%
Le Rév. P. C. Cox, 0. M. I., Vicaire des Missions d'Aus-
tralie, vient de fournir une nouvelle contribution aux
lectures destinées aux âmes qui se consacrent à Dieu par
la vie religieuse. Ce nouvel ouvrage qui a pour titre :
« Short chapters for religions », est publié avec l'appro-
bation et les encouragements de Monseigneur le Supérieur
général comme l'atteste la lettre publiée en tête du volume.
Un juge compétent en donne l'appréciation suivante :
« Ecrit dans un style simple et sans prétention, ce livre
contient des instructions fort utiles aux personnes aux-
quelles il est destiné. Nul doute qu'il ne soit hautement
apprécié et ne produise un grand bien dans les âmes. »
A l'occasion de la fête de l'Immaculée Conception, les
Pères et les Frères scolastiques de Rome ont donné une
séance académique fort réussie. Le privilège incomparable
de la très sainte Vierge a été glorifié une fois de plus par
ses Oblats.
Le 21 décembre dernier, fête de saint Thomas, était le
centième anniversaire de l'ordination sacerdotale de notre
— 41U —
vénéré fondateur. En mémoire de ce grand jour, la • salle
des souvenirs » avait été décorée et fleurie; mais, ce qui est
mieux encore, elle fut pieusement visitée, du matin au soir,
par tous les Oblats de Rome.
Le même jour, Mgr Morel, directeur des Missions Catho-
liques, célébrait son jubilé d'or sacerdotal. Nos lecteurs
demanderont au bon Dieu de conserver longtemps ce digne
prélat à la tête des œuvres qu'il dirige avec tant de zèle et
de dévouement.
VARIETES
ROME
I. — Le cardinal Billot.
Le Consistoire du 27 novembre dernier en augmentant
le Sacré-Collège de 18 cardinaux à réjoui tout particuliè-
rement le scolasticat de Rome et tous les Oblats qui par le
passé firent leurs études dans la ville éternelle. Sa Sainteté
Pie X, en élevant le P. Billot au cardinalat, prive sans doute
l'Université grégorienne d'un de ses meilleurs professeurs,
mais couronne dignement le théologien et le philosophe
qui s'est acquis pour toujours la vénération et la reconnais-
sance de la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée.
€ Depuis plus d'un quart de siècle le Rév. P. Billot occu-
pait la première chaire de dogme à l'Université grégorienne.
Il y fut appelé et rappelé par Léon XIII, qui vit toujours
en lui l'un des plus purs et des plus fermes soutiens du
— 480 —
grand moavement aujourd'hui triomphant de la philosophie
thomiste. La réputation mondiale de son enseignement,
une importante et discrète collaboration aux principaux
actes doctrinaux du Saint-Siège désignaient depuis long-
temps le P. Billot au choix du Souverain Pontife. L'humble
et savant religieux est le seul étonné de cette exaltation
si méritée.
« La pourpre cardinalice, comme l'ajoute YUnivers, ne
pourra manquer d'attirer davantage encore l'attention et
de donner plus d'autorité, s'il est possible, aux ouvrages de
l'éminent professeur. »
II. — Carnet d'un jeune Missionnaire
de l'Athabaska.
(Voir Missions, Juin 1911, p. 235.)
Réception au lac Athabaska.
Arrivons donc au lac Athabaska. Nos sauvages, venus au
Fort pour suivre les exercices de la mission qui se donne
chaque année à cette date, et aussi pour recevoir des agents du
gouvernement canadien l'argent du traité, ont aperçu se
balançant fièrement sur les ondes de notre petite mer, le
€ Saint-Joseph », qui porte, arborés à l'avant, au centre et à
l'arriére, trois pavillons, un pour chaque missionnaire.
L'alerte est immédiatement donnée dans toutes les huttes
et dans toutes les loges. (Il ne s'agit pas ici de loges de
francs-maçons, évidemment.)
Juste à cet instant, passe une bande de canards. Jonas,
sans aucune arrière -pensée, saisit son arme, et... coup
double 1
Or, il faut vous dire que, d'après l'usage, des passagers
du steamer ne doivent se servir du fusil, quand ils peuvent
— 481 —
ôtre entendus du Fort, que pour signifier que Monseigneur
est à bord.
Jonas n'y pensa qu'en voyant lu « boucane » ou fumée
sortir des canon.s de son arme. Il était un peu tard. Aussi,
quoi que leur en disent les Pères de la mission qui savent
pertinemment que notre Vicaire apostolique vient en effet,
mais juste du côté opposé et plus tard, voilà nos Métis, nos
Montagnais et nos Cris jetant leur poudre aux quatre coins
du ciel, en l'honneur... de pauvres hères tout confus d'une
aussi bruyante réception. On m'a parlé de plusieurs, qui,
pour leur compte, n'avaient pas brûlé moins de 50 et 60
cartouches. Jugez, d'après ce chitïre, du vacarme total.
A quelques mètres de l'Evêché, sur un rocher du rivage,
un drapeau Hotte : les couleurs canadiennes, portant au
centre le Divin Cœur et le monogramme des Oblats, 0. M. /.,
que les enfants de notre école traduisent par * on mange
ici ».
Nous atterrissons presque au pied du mât, pour trouver
grands ouverts les bras du R. P. Le Doussal, du R. P. de
Chambeuil, du R. P. LafiFont, et de nos bons Frères Hemon,
Bihan, Cadoret. Le temps de les saluer tous, et déjà nous
nous trouvons entourés de nos Indiens, chef en tête. Une
bonne poignée de mains à tous et à chacun, ce n'est pas
trop, n'est-ce pas ? pour les remercier du chaleureux
accueil qu'ils ont fait aux petits missionnaires du Bon
Dieu.
C'était pour moi la station terminus. Le R. P. Rouvière ne
trouvant pas que quelques centaines de lieues fussent une
distance suffisante entre la civilisation et lui, nous quittait
le surlendemain. Il est allé au Fort Good-Hope, à quelques
jours seulement du Pôle Nord.
Arrivée de Monseigneur.
Peu après le départ du * Saint-Joseph », nous arrivait
Mgr Grouard, mais en quel accoutrement, grand Dieul
31
— 48-2 —
Un Benoît Labre no 2... Pour moi, Sa Grandeur se com-
plétait : j'avais admiré la majesté du Pontife le jour où il
me conférait le Diaconat, j'avais maintenant sous les yeux
l'Apôtre, le Missionnaire qui s'occupe, sans penser déchoir,
des choses les plus matérielles, dès lors qu'elles rentrent
dans l'ordre de l'utile et du nécessaire.
Le « gibus » surtout se distinguait, entre toutes les
pièces de l'habillement épiscopal, tellement que le R. P. Le
Doussal (qui pourtant n'est pas un partisan du luxe de
toilette) crut devoir pour une fois user d'autorité. Il imposa
donc à son Supérieur de porter un couvre-chef plus conve-
nable , et notre Vicaire apostolique se promenait dès le
lendemain avec une sorte de huit-reflets. D'ailleurs, expli-
quait-il, quand c'est faisable, je préfère avoir du fourni-
ment propre, mais allez donc, vous, vous habiller en
gentleman pour passer deux ou trois semaines dans un
chaland plein de sacs de farine, de bœufs et de vaches !
Le fait est que, étant données les circonstances
Nos Peaux-Rouges avaient dépensé presque toute leur
poudre : Monseigneur n'eut que la musique de la grosse
cloche, — il n'y en a qu'une, en effet, et il ne m'en coûte-
rait pas beaucoup de la lever avec une main. — Tout
le personnel de la mission, cela va de soi, s'était porté
sur le rivage, et les Pères et les Frères, de même que les
Sœurs, les enfants de l'école et les » grands enfants » sau-
vages reçurent la bénédiction du Pontife.
Mes hommes.
Le soir même. Monseigneur me présentait au chef des
Montagnais en lui disant : « Je te le donne pour petit
Père », et s'adressant à moi Sa Grandeur ajoutait : t Le
• Père de Chambeuil vous enseignera la langue de ces bons
• sauvages, les meilleurs qui soient dans l'Extrême-Nord. »
— 483 —
Voilà fixé mon avenir de missionnaire, et délimité mon
champ d'action.
J'étais heureux, hien heureux de ce qu'on me confiait les
Montagnais... et fier aussi, parce que, voyez-vous, ce sont
eux qui sont les « hommes ».
Voici qui n'est pas flatteur pour notre civilisation : mais
à entendre nos Montagnais, les Frant.-ais sont des gens qui
portent des boutons; les Anglais, des individus qui habi-
tent dans des maisons de roches, les Américains, du monde
à la ceinture de qui pendent de grands couteaux,... les
Gris sont des ennemis... mais eux, Montagnais, sont les
Dénés, et les Dénés sont les hommes. De sorte que le mis-
sionnaire, pour expliquer l'Incarnation du Verbe, doit né-
cessairement dire que la seconde personne de la sainte
Trinité s'est faite Montagnais ou sauvage Déné ! Il y
avait le livre : c'est la Bible; la ville : c'est Rome... voilà
trouvés f les hommes ! »
Ceci me rappelle ce que mes condisciples de Liège m'ont
raconté, qu'au tout premier commencement du monde,
Notre-Seigneur et saint Pierre faisaient l'inspection de
leurs pommiers. Tout à coup, Notre-Seigneur de dire :
« Tiens! si nous faisions l'homme « à notre image et
ressemblance ? »
« Pour le sûr », approuva le Portier du Paradis.
Alors donc le Créateur prit une poignée de boue, dont il
façonna la plus belle statue qu'oncques l'on n'avait vue...
Il souffla dessus, et incontinent, Adam, le premier Breton,
et le premier homme d'emboîter le pas... Mais, de même
que, sur la table où le boulanger a pétri sa miche, il reste
souvent un peu de pâte, de même quand Jésus eût pétri son
chef-d'œuvre, il restait quelques pincées de limon. Ce que
remarquant, Simon Pierre sollicita de son Maître la per-
mission d'essayer un imitation L'autorisation fut béné-
volement accordée; le disciple humecte la poussière, tourne
et retourne le mortier, comme il l'avait vu faire au Maître,
mais sans arriver tout de même à réussir très bien. A telle
— 484 —
enseigne qu'il ne sortit de ses mains qu'un pauvre
Français Et voilà, mes chers amis, que les Montagnais
nous rendent la pareille.
Je gage que mes Montagnais, quelque jour, revendique-
ront pour leur tribu la priorité d'existence et l'honneur d'être
sortis des mains du Créateur... Evidemment, puisque ce
sont eux les hommes, et qu'il est de foi que le premier
homme a été créé par Dieu!.... Tant pis alors pour la
gloire de nos vieux Bretons !
Voulez-vous savoir quel nom ils m'ont donné, mes Mon-
tagnais? Je m'appelle Yaltriy Koréyazi, et cela depuis que
j'ai mis pied à terre sur la grève du lac Athabaska. Avant,
même, puisque le chef (Alexandre Laviolette, d'origine
canadienne incontestée, mais dont la généalogie est perdue)
me baptisa ainsi pendant que j'étais encore dans le « squiff »
ou esquif.
Son père, le vieil Antoine, eût préféré me dénommer
d'après la couleur de mes cheveux mais Alexandre tint bon,
et comme c'est lui « le chef », il a gagné sa cause.
Donc Yaltriy Koréyazi, c'est le jeune priant qui est large,
trapu, gros, carré.... Ces adjectifs seraient peu flatteurs em
Europe : ici, c'est du superlatif.
Un jeune missionnaire de l'Atha.
CEYLAN
III. — Un Voleur de Paradis.
(St.-Viuceat's Home, Maggoaa.)
Le 18 juillet 1908, dans la soirée, le R. Père Guglielmi,
alors supérieur de l'Institution de Saint Vincents' Home,
admettait au t Réformatoirc « un jeune homme d'environ
quatorze ans, appelé Jérémias de Silva.
— 485 —
Le père de Jérémias, occupé dans une plantation qui est
située loin de Colombo, absent presque toute l'année, n'avait
guère de loisirs pour s'occuper de l'éducation de son fils;
aussi laissait-il à sa femme le soin de cette affaire pourtant
capitale. Comme toute sa famille, Jérémias était bouddhiste.
Il ne connaissait donc pas le frein de la religion chrétienne
pour résister aux mauvais instincts de la nature. Il grandit
sans surveillance dans les rues de Colombo et fut bientôt
victime des dangers qu'offre la ville aux paresseux et aux
oisifs. Préférant le jeu à l'école, le plaisir au devoir, il trouva
bien vite de mauvais camarades et devint lui-même un
triste garnement. Habitudes vicieuses, santé délabrée, tels
furent bientôt les funestes effets de cette jeunesse sans
guide et sans éducation chrétienne.
Un jour Jérémias commit un vol avec effraction. Il fut
arrêté et conduit devant le juge. Ses parents, loin de prendre
sa défense, exprimèrent le désir de le voir placé dans un de
ces établissements où il serait surveillé, admonesté, voire
même puni, et où il pourrait peut-être apprendre un
métier. En conséquence Jérémias fut envoyé pour ti'ois ans
au « Réformatoire » de Maggona, où on lui fit apprendre
l'agricultui-e et refaire, au moins en partie, son éducation
manquée.
Le changement radical de vie, l'obligation de faire régu-
lièrement, à chaque jour et à chaque heure, les mêmes choses,
le lever matinal, le travail manuel et intellectuel, une dis-
cipline sévère, un état de choses où rien n'est laissé au
caprice ou à la fantaisie, que d'amertumes pour une nature
indomptée I Apprendre à lire et à compter (chose que la
plupart ignorent en arrivant), garder le silence pendant de
longues heures, s'appliquer à l'ouvrage, se récréer modéré-
ment, quel contraste avec l'école buissonnière ! Jérémias
souffrit, mais sa nature n'était pas entièrement revêche, il
comprit et il nous aima. Il comprit qu'il était aimé et que
notre désir était de le relever à ses propres yeux et aux
yeux de ses semblables. Il constata tous les jours le dé-
— 486 —
vouement et l'attachement de nos chers frères convers, se
soumit au règlement, s'attacha lui aussi à rinstitution et
sut gré aux bons frères de cette impartiale sévérité que
tempère toujours une paternelle sollicitude.
La santé délabrée de Jérémias ne lui permit pas cepen-
dant de travailler longtemps au jardin. Il fallut l'employer
bientôt à des travaux moins pénibles à l'intérieur de la
maison. Malgré ces ménagements Jérémias ne cessait de
se plaindre de sa faiblesse, négligeait le peu qu'il avait à
faire ; tant et si bien que les frères et moi en fûmes mécon-
tents. « Qu'as-tu donc encore ? » lui demandais-je, quand je
le trouvais à l'infirmerie, et sa réponse était invariablement
la même : » Je n'ai pas de forces ! » Cette torpeur, cette
prostration était paresse au dire des uns, vraie faiblesse au
dire des autres ; toujours est-il que ni le médecin de la
maison, ni les frères, ni personne ne réussirent à le sortir
de cet état. Quand il allait au jardin avec ses camarades, on
le voyait s'accroupir sur ses talons et regarder béatement
les autres travailler, et s'il restait à l'intérieur on le
trouvait habituellement adossé à quelque pilier et tout
rêveur. Sa vue m'inspirait de la tristesse, parfois même
du dégoût. Le temps passait, aucune amélioration ne se
produisait, tous les efforts tentés pour lui faire du bien
semblaient perdus. Encore deux mois et Jérémias allait
quitter l'établissement et alors,.... c'était de nouveau le
dévergondage et, qui sait, peut-être la mort à brève
échéance.
Le Directeur de l'Instruction publique vint faire son
inspection trimestrielle de la maison. Comme à l'ordinaire
les nouveaux admis lui furent présentés ainsi que ceux
des anciens qui devaient être licenciés pendant le trimestre
suivant. Jérémias ce jour-là se trouvant plus faible que de
coutume eut mille peines à gravir la petite colline où est
bâtie la résidence des Pères et où le Directeur attendait les
enfants. Jérémias s'élant accroupi devant ce fonctionnaire
il fut dispensé de l'interrogatoire habituel et renvoyé à
— 487 —
l'établissement. Je devins dès lors de plus en plus
inquiet à son sujet. Le médecin le vit tous les jours, on
lui donna un régime spécial et le frère Crouzeix fit
tous ses efforts pour lui rendre assez de santé, afin qu'il
pût au moins retourner chez lui lors de son prochain licen-
ciement. Mais le Bon Dieu avait d'autres desseins sur
cet enfant.
Le dimanche de la Sainte Trinité, en faisant ma ronde
habituelle, je passai à l'infirmerie. Cette fois Jérémias était
couché. Dès qu'il m'aperçut, il se leva sur son séant et me
dit : « Père, je voudrais que vous me baptisiez, je veux
embrasser votre religion !» — « Mais la connais-tu suffi-
samment ?» — « Oui, Père !» Et en effet, étant intelligent,
•Jérémias avait pu facilement, à la chapelle et à l'école,
s'instruire des vérités fondamentales. Profondément tou-
ché de cette requête je promis à Jérémias de lui envoyer
mon assistant le Père Dominic, et je recommandai qu'on le
préparât à sa prochaine régénération. L'état du malade ne
m'inspirait aucune crainte sérieuse.
Dans la matinée le Père Dominic se rendit auprès de
Jérémias et le prépara d'une manière plus immédiate encore
à recevoir le saint Baptême, tout en complétant son instruc-
tion religieuse. Je n'avais même pas cru devoir m'informer
durant la journée de la santé de mon malade, lorsqu'à sept
heures du soir, le frère Crouzeix me fit prévenir que Jéré-
mias était beaucoup plus mal et qu'il serait bon de le bap-
tiser et d'envoyer immédiatement chercher le docteur. J'en-
voyai donc rapidement chercher le médecin, tandis que le
Père Dominic administrait le sacrement de baptême à notre
malade dont la lucidité d'esprit était encore parfaite et les
dispositions excellentes. Dès lors j'acquis la conviction que
le Bon Dieu voulait se choisir un élu parmi les pauvres
enfants de notre établissement. Le jour me semblait si
bien convenir ! Aussi quand, après la prière du soir, vers
neuf heures, je me rendis au « Réformatoire », je demandai
à la Sainte Trinité de vouloir bien parfaire son œuvre.
— 488 —
Puisque Jérémias était devenu l'enfant du Bon Dieu, ne
lui était-il pas expédient de quitter ce bas monde pour
entrer dans ce royaume dont il était maintenant l'héritier?
L'esprit rempli de ces pensées je rentrai dans l'établisse-
ment. Jérémias était fortement oppressé, mais avait encore
sa pleine connaissance; il me reconnut aisément : t Eh
bien! te voilà devenu l'enfant du bon Dieu? Es-tu con-
tent? » — « Oui, Père. » — t Voudrais-tu aller au ciel? »
— f Oh ! oui. > — Et il ouvrit de grands yeux. « Tu sais,
quand tu seras au ciel, il faudra prier d'une façon toute
spéciale pour la maison, pour ceux que tu vas quitter, pour
nos bons frères Oblats. » — « Je n'y manquerai pas. » —
Prolonger l'entretien me parut imprudent, à cause de
l'oppression du pauvre n)ala<le.
Vers neuf heures et demie le docteur arriva. Le pouls de
Jérémias était bien faible, un poumon complètement perdu,
et le cœur gravement atteint Le médecin lit au malade
une injection d'éther, dernière ressource pour prolonger
une vie qui s'en va ; puis le docteur se retire, et Jérémias,
la tête relevée sur son oreiller, les yeux grands ouverts, le
visage serein et comme embelli par un reflet de la grâce,
semble attendre le signal du départ pour le ciel. Cependant
il lui manquait encore quelque chose et je me disposai à
lui administrer les derniers sacrements. Quoique très faible,
il avait conscience de ce que je faisais. L'Extrême Onction
finie, je vis qu'il fallait se hâter : le pauvre enfant tombait
en agonie. Je lui donnai de suite l'indulgence plénière in
arliculo mortis; nous nous mîmes tous à genoux et com-
mençâmes à réciter le chapelet. Je ne quittais pas des yeux
le cher moribond. A la fin de la deuxième dizaine il rendit
le dernier soupir. Nous dîmes encore une dizaine et nous
nous relevâmes pour fermer les yeux à celui dont l'âme
venait de s'envoler au ciel. Je laissai nos bons frères
prendre quelques dispositions au sujet du cadavre et me
retirai le cœur débordant de reconnaissance envers la Sainte
Trinité qui avait daigné en ce jour faire à notre institu-
— 489 —
tion une faveur insigne en transformant si soudainement
un pauvre jeune homme, en illuminant le même jour une
âme infidèle des lumières de la foi et des splendeurs de
la gloire.
En règle générale une mort dans cette maison est une
excellente prédication pour les pauvres païens. C'est qu'ils
touchent alors de plus près notre religieux dévouement.
En voyant les uns s'improviser gardes-malades, les autres
rendre les derniers devoirs au mort, d'autres faire le
cercueil, creuser la tombe, conduire le cadavre à sa der-
nière demeure, ils comprennent toute l'affection des Pères
et Frères Oblats pour les malades et la haute idée que les
catholiques se font de la mort. Jérémias étendu sur son lit
funèbre avait un air transfiguré. Ceux qui s'étaient si sou-
vent apitoyés sur son air triste et langoureux étaient tout
étonnés de le trouver maintenant si beau, si serein.
A cinq heures et demie, après les formalités d'usage, les
restes du cher enfant furent transportés sur la colline du
Calvaire et inhumés au pied de la croix monumentale en
attendant la résurrection. Cette chère colline du Calvaire
se peuple ainsi petit à petit des dépouilles mortelles de
jeunes enfants baptisés sur leur lit de mort. Objets d'une
prédilection toute spéciale du bon Dieu, et prédestinés par
son infinie miséricorde à être des élus, ils sont aussi de
puissants protecteurs célestes de Saint-Vincent's Home.
Bien des fois déjà j'ai rappelé à Jérémias la promesse qu'il
m'a faite quelques instants avant de mourir de veiller sur
notre Institution, d'être un de ses anges gardiens. Puisse
la divine Providence nous combler encore de ses délica-
tesses et nous donner souvent de telles consolations !
J'ai appelé Jérémias un voleur de paradis; de ces voleurs
nous n'en aurons jamais assez. Nous avons ici dans notre
Institution plus de deux cents infidèles, puissent-ils tous y
apprendre comment on vole le Paradis I
C. Croctaike, 0. M. I.
— 490 —
DECRETS DES S. CONGREGATIONS ROMAINES
Acta Pii PP. X
LITTER.E APOSTOLIC^ (1).
Confraternitas S. Missae reparatricis in templo S. Cruci-
vulgo « Dei Lucchesi » in urbe erigitur in archiconfraters
nitatem cum facultate aggregandi.
Plus PP. X
Ad perpetuam rei meuioriam. — Jn templo S. Crucis
vulgo « dei Lucchesi » in Urbe, apud moniales Societatis
Mariœ Reparatricis, compertum Nobis est mense Julio su-
perioris anni canonice institutam esse Confraternitatem
S. Missre Reparatricis hoc quidem consilio ut congregati,
statis religionis exercitationibus fungentes, injnriam resar-
cire studeant, quam inferunt Deo ii omnes, qui nulla justa
causa gravissimum illud Christianorum officium prseter-
miltunt Sacro adstandi diebus festis. Itaque, cum lauda-
bile hujusmodi studium vehementer Nobis probetur utpote
nostris hisce temporibus maxime opportunum, quumque
Gonsilium Moderatorum ejusdem Gonfraternitatis enixas
Nobis preces adhibuerint, ut illam titulo ac privilegiis
Archisodalitatis augere velimus ; Nos ad ubertatem fruc-
tuum provehendam, quam in dies abundantiorem futuram
esse et Moderatorum eorumdem solertia et ipsa rei apta
ratio animo prœsagire sinunt, supplicautium votis, amplis-
sima fultis commendatione dilecti Filii Nostri in hac aima
Urbe Vicarii In spiritualibus Generalis, satisfacere ultro
statuimus. Apostolica igitur Nostra auctoritate, per has
Litteras, perpetuumque in modum, confraternitatem
S. Missie Reparatricis in Templo S. Crucis vulgo t dei
Lucchesi » , apud moniales Societatis Marite Reparatricis
in Urbe rite institutam, in archiconfraternitatem erigimus,
(1) Acta Ap. Sedis, m, p. 409.
— 491 —
evehimus, constituimus, ac consuetis houoribus privile-
giisque ornamus. Archisodalitatis autem hujus, sic per
Nos erect;e, Moderatoribus atque offficialibus prtcsentibus
et futuris, item auctoritate Nostra, hisque litteris conce-
dimus, ut ipsi alias sodalitates ejnsdem nominis et insti-
tuti, qute exoritura? sint intra Italiiv atque insularum adja-
oentium fines, servatis forma Constitutionis démentis
P. P. VIII, Decessoris Nostri fel. rec, aliisque Apostolicis
Ordinationibus desuper editis, sibi aggregare et cum illis
omnes ac singulas indulgentias, peccatorum remissiones
ac pœnitentiarum relaxationes eidem Archisodalitati a Sede
Apostolica concessas, quœ sint communicabiles, commu-
nicare licite possent ac valeant. Decernentes prœsentes
Nostras Litteras Armas, validas, efficaces semper existere
et fore, suosque plenarios effectus sortiri et obtinere,
illisque ad quos spectat et in posterum spectabit in om-
nibus et per omnia plenissime suffragari : sicque in pra?-
missis per quoslibet judices ordinarios vel delegatos judi-
cari et definiri debere, atque irritum esse et inane, si secus
super bis a quoquam, quavis auctoritate, scienter vel igno-
ranter conligerit attentari. Non obstantibus constitutio-
nibus et ordinationibus Apostolicis etiam speciali et indi-
vidua mentione ac derogatione dicjnis, ceterisque omnibus
in contrarium facientibus quibuscumque.
Datum Romae apud S. Petrum, sub annulo Piscatoris,
die XXX Junii MCMXI. Pontificatus Nostri anno octavo.
R. Gard. Merry del Val,
a Secretis Status.
Saint-Office (Section des Indulgences).
I
7 sept. 1911.
Uniformisation des indulgences pour toutes les Confréries
et Archiconfréries de la Messe réparatrice.
(Die 7 Septembns 1911, A. Ap. S. \° III, p. 476.)
SSmus D. X. D. Plus divina Providentia Papa X, quum
ex vaiiis Apostolicae Sedis Indultis, non uno tempore
— 492 —
datis, inter Archiconfraternitates et Confraternitates, a
S. Missa Réparatrice nuncnpatns, plurimisque in locis
erectas, desiderabilem uniformitatem déesse consideravit,
hujusmodi incommodo occurrere volens, per facilitâtes
Supremoe huic S. Congregationi S. Officii irapertitas, abro-
gatis omnibus et singulis ludulgentiis, quibus hucusque
prœdicta^ Gonsociationes gavisaj sunt, quoniodocumque
demum fuerint concessae, novas, defunctis quoque appli-
cabiles, in favorem tam existentiuiu quam in posterum
erigendarum, quibusvis in locis Archiconfraternitatum,
nec non item existentium vel erigendarum quœ ejusmodi
Archiconfraternitatibus aggregato? fuerint, Gonfraterni-
tatum, elargiri dignatus est. Sunt autem :
A) Plenarise, pro Ghristifidelibus rite in Sodalitatem
cooptatis, si confessi ac S. Gommunione refecti aliquam
Ecclesiam vel publicum Oratorium visitaverint, ibique ad
mentem Summi Pontificis oraverint : — 1° Die eorum
ingressus in Sodalitatem; — 2o In festis : a) Nativitatis,
Gircumcisionis, Epiphaniae, Resurrectionis, Ascensionis et
SS. Gordis D. N. J. G. ; b) Pentecostes, SS. Trinitatis et
S5. Gorporis Domini; c) Immaculatœ Gonceptionis, Nati-
vitatis, Purificationis, Annuntiationis et Assumptionis
B. M. V. ; d) Omnium Sanctorum; e) S. Norberti, Ep. G. ;
S. Tharsicii, M. ; S. Paschalis Baylon, G. ; S. Julianse de
Gornillon, V. ; /") Titularis Ecclesiae, in qua quœlibet Soda-
litas erecta est ; — 3o Bis in singulis annis, diebus a
respectivis Ordinariis, semel pro unaquaque Sodalitate
designandis; — 4o Semel in anno, die ad cujuslibet Sodalis
arbitrium eligendo.
B) Plenaria in mortis articule (defunctis non applica-
bilis), pro iisdem Sodalibus, si confessi ac S. Synaxi
refecti, vel saltem contriti, SSmum Jesu nomen, ore, si
potuerint, sin minus corde, invocaverint, et mortem tam-
quam peccati stipendium de manu Domini patienter
susceperint.
C) Partialis centum dierum, pro consociatis, qui aliquod
pietatis opus, ad finem Sodalitatis assequendum, peregerint.
Tandem Idem SSmus induisit, ut in locis in quibus,
diebus festis de praecepto servandis, unica celebratur Missa,
— 49^ —
Sodales valeant, loco alterius Missa? juxta Consociationis
leges audiendae, huic obligationi satisfacere, ante vel post
Sucrum de prtecepto, per aliquod temporis spatium ante
SSmam Eucharistiam pie orantes.
Prœsentibus in perpetuutn valituris absque ulla Brevis
expeditione. (."-ontrariis quibubcuni<jue non obstantibus.
Aloisius Giambene,
Substitutus pro Indv.lgentiis.
II
12 sept. 1911.
Sanstion générale pour le Scapulaire, le Chapelet
et la Confrérie des Sept-Douleurs.
(Acta Ap. Sed. Y" III, p. 478.,
Beatissime Pater,
Prior et Procurator Generalis Ordinis Servorum B. M. V.
ad pedes Sanctitatis Tuae provoluti, exponunt se comper-
tum habere, quosdam, hic illic, in cooptandis christifide-
libus Confraternitati Septem Dolorum B. M. V. irrepsisse
errores, tum in benedictione Scapularis et Corona; preca-
toriae a Septem DoloribusB.M. V. nuncupatge; tum,demum,
in adnotatione nominum christifidelium in albo Confrater-
nitatis facienda : quapropter, ne ob bas seu alias irregu-
laritates christifideles iiidulgentiis priventur, instanter
postulant, ut S. V. omnes praefatas receptiones hucusque
factas, et aliquo vitio laborantes, bénigne sanare seu con-
validare dignetur.
Et Deus, etc.
Die 18 Septembris 1911.
SSmus D. N. D. Plus divina Providentia Papa X, per
(acultates R. P. D. Adsessori S. Officii impertitas, bénigne
petitam sanationem concossit. Contrariis quibuscumque
non obstantibus.
Aloisius Giambene,
Substitutus pro Indulgentiis.
494 —
S. C. du Concile.
18 sept. 1911.
(Acta Ap. S. V III, p. 480.)
Les Vigiles encore observées des fêtes récemment supprimées
continueront d'être observées.
Relato ab infrascripto S. C. Concilii Piœfecto in Audientia
diei 15 Septembris 1911 SSmo Domino Nostro Pic Papa X
dubio a pluribus Episcopis eidem S. C. proposito, an post
Motu Proprio Supremi disciplinœ diei 2 Julii 1911 adhuc
servari debeant Vigiliae Festorum suppressorum, ex prse-
cepto aut ex voto hucusque servatae, Sanctitas Sua jussit
respondere : Affirmative.
Datum ex Secretaria S. G, Concilii die 18 Septembris 1911.
G. Gard. Gennari, Prœfectus.
J. Ferro, Adjut.
S. Congregatio Rituum.
Dubia circa Dies Festos recenti Motu Proprio
u Supremi disciplinée » suppressos.
(Acta Ap. Sedis, vol. III, p. 391.)
Sacrai Gongregationi Goncilii circa interpretationem
eorum quae nuperrimo Motu Proprio De diebus festis a
Sanctisslmo Domino Nostro Pio Papa X die 11 mensis
Julii hoc anno 1911 (1) edito constituta sunt, dubia qu«
sequntur enodanda proposita fuerunt :
I. An in festis nuperrimo Motu Proprio suppressis quoad
forum nempe Ssmi Corporis Ghristi, Puriflcationis, Annun-
tiationis et Nativitatis B. M. V., S. Joseph, Sponsi ejusdem
B. M. V. ; S. Joannis, Apostoli et Evang., et Patroni cujus-
que loci vel dioecesis, obligatio remaiieat Sacrum faciendi
pro populo.
IL An in Ecclesiis Cathedralibus et Collegiatis omnia in
prœJictis festis suppressis servanda sint prout in prsesenti
(1) Voir Missions, Septembre 1911, p. 373.
— 495 —
sive quoad olficiaturam choralem, sive quoad solemnitatem
tum Missarum turn Vesperarum.
III. An festa ex voto vel constitnto, auctoritate etiam
ecclesiastica firmato sancita, a numéro festorum cum obli-
gatione sacrum audiendi vigore novissima' hujus legis
expungantur.
IV. An eadem lex novissima de diebus festis servandis
immédiate vigeat.
S. G. Concilii omnibus mature perpensis, ex speciali
facultate a Ssmo D. N. Pio Papa X tributa, ad omnia ha?c
dubia respondendum censuit : Affirmative.
Datum Rom» ex Secretaria S. C. Concilii, die 8 Au-
gusti 1911.
C. Gard. Genxari, Prœfectus.
L.)i<S.
B. PoMPiLi, Secretarius.
DUBIUM
{Acta Ap. Sedis, vol. III, p. 397.)
Quum ex Motu Proprio Sanctissimi Domini Nostri Pii
Papse X diei 2 elapsi mensis Julii, Festum Nativitatis
S. Joannis Baptistae, a die 24 Junii perpetuo translatum,
assignatum fuerit Dominicae ante Solemnia SS. Aposto-
lorum Pétri et Pauli, tamquam in sede propria, nonnulli
Rmi Episcopi, paragraphum quartum ejusdem Motus
Proprii perpendentes, que cautum est in locis peculiari
Indulto Apostolico ulentibus nihil esse innovandum incon-
sulta Sede Apostolica, huic dispositioni obtempérantes,
ipsam Sanctam Sedem adierunt, reverenter postulantes a
Sacra Rituum Gongregatione :
Utrum Diœceses ubi hucusque Festum Nativitatis S. Joan-
nis Baptistœ quotannis celebratum est die 24 Junii cum
Apostolica dispensatione a Feriatione, possint hune diem
retinere, vel potius debeant sumere prœfatam Dominicam
in Kalendario Universali nuper assignatam Nativitati
Sancti Praecursoris Domini ?
Et Sacra eadem Gongregatio, ad relationem subscripti
Secretarii, attento novissimo Motu Proprio * De diebus
festis » una cum subsequentibus declarationibus, propo-
L. )Ï(S.
— 496 —
sitiB quoestioni rescribendum censuit ; Négative ad primam
partem ; affirmative ad secundani.
Hanc vero resolutionem Sanctissimus Dominus Noster
Plus Papa X ratam habuit, probavit atque servari mandavit.
Die 7 Augusti 1911.
Fr. S. Gard. Martinelli, Prœfectus.
f Petrus Lafontaine, Episc. Charystien.,
Secretarius.
S. G. Consistoriale.
l" sept. 1911.
(Acta Ap. S. V» III, p. 568.)
La « Storia délia Cbiesa antica » de Mgr Duchesne *.
Il est h la connaissance du Saint-Siège que l'ouvrage de
Duchesne, Storia delta Chiesa antica, a pénétré dans
certains Séminaires et qu'il a été mis entre les mains des
élèves, sinon comme manuel de classe, du moins comme
texte à consulter.
Si on avait pris garde à ce que durent reconnaître, au
cours d'une récente polémique, ceux mêmes qui ont publié
cet ouvrage, — à savoir, que c'est U7i livre réservé aux
savants, aux hotnmes d'une forte culture, à ne point
propager dans les Séminaires — on aurait sans doute
mis plus de prudence à l'admettre.
Mais, en dehors de cet aveu des intéressés, je dois porter
à la connaissance des Révérendissimes Ordinaires diocé-
sains un jugement beaucoup plus grave. En effet, comme
on nous avait posé la question : Peut-on admettre ou au
moins tolérer dans les Séminaires la Storia delta Chiesa
antica de Duchesne? je demandai, comme c'était mon
devoir, l'avis de consulteurs compétents, non seulement
restés étrangers à la récente polémique, mais de plus extrê-
mement pondérés; et leur suffrage a été totalement négatif.
Car, en raison des réticences étudiées et continuelles
(1) La circulaire que nous traduisons ici de l'italien est adressée
aux Evêques d'Italie et ne vise strictement que l'édition italienne da
V Histoire de l'Eglise, mais les « considérants ■ s'appliquent à
fortiori à l'édition française.
(No'.e de tuus les jourtiaux catholiques.)
— 497 —
(reconnues d'ailleurs par l'auteur hu-rnôme), parfois en
matière de première importance, particulièrement si elles
ont trait au surnaturel; en raison du doute qu'il jette sur
les autres sujets, ou de la manière dont il les expose : non
seulement l'auteur ne donne pas le véritable concept de
l'histoire de l'Eglise, mais il le fausse et le défij^ure énor-
mément, en présentant l'Eglise comme à peu près dépouillée
de ces charismes surnaturels sur lesquels elle se fonde et
sans lesquels elle ne peut se développer.
Ajoutez à cela son tableau des martyrs : non seulement
il diminue leur grand nombre, mais encore il les repré-
sente souvent comme atteints de fanatisme, ébranlant ainsi
le pfrand argument que leur héroïsme surnaturel fournissait
en faveur de la foi, — alors qu'au contraire il présente les
persécuteurs comme des hommes de génie, poussés aux
persécutions par un grand idéal politique.
Les Pères de l'Eglise eux-mêmes, ces véritables génies
de l'humanité, sortent de cette histoire diminués, et, dans
quelques cas, réduits à néant. C'est ainsi que les luttes
épiques pour la foi contre les hérétiques, l'auteur aime à
les faire passer souvent pour des litiges de sophistique,
effet de malentendus qu'on pouvait aisément dissiper :
comme s'il n'y avait pas eu de différences essentielles entre
la foi des Pères de l'Eglise et celle, par exemple, d'Arius et
d'autres. Et beaucoup d'autres points d'une importance
capitale, comme le culte de la très sainte Vierge, l'état de
l'Eglise l'omaine, l'unité de l'Eglise, etc., n'apparaissent
pas moins maltraités.
C'est pourquoi la lecture de cette histoire a été jugée
souverainement dangereuse et parfois même mortelle, de
telle sorte qu'on doit en interdire absolument l'introduc-
tion dans les Séminaires, même comme si?nple texte à
consulter.
L'affaire ayant été rapportée au Saint-Père, Sa Sainteté
a pleinement approuvé cet avis et m'a ordonné de faire
les communications opportunes aux Révérendissimes Ordi-
naires d'Italie : ce dont je m'acquitte par la présente.
Rome, le l^' septembre 1911.
G. Card. De Laï, Secrétaire.
32
— 498 —
OBLATIONS
Année 1905 '""'ise'
No 2557 6's DoNEGAN, Richard (F. G.) 22 juillet 1905, Inchicore.
Année 1908 «"'«e)
No 2783 6's Saulenas Joseph (F. G.) 11 mai 1908. Me Cook.Neb.
Année 1910
2920 William, (Don) John, 2 février 1910, Colombo.
2921 Guoos, Glément-Valërien, 2 février 1910, Colombo.
2922 Peries, Bouiface-PhiJippe, 2 février 1910, Colombo.'
2923 Cajetan, Joseph-Maria, 2 février 1910, Colombo.
2924 Saverimutto, Emmanuel, 2 février 1910, Colombo.
2925 Perera, Nicolas-Joseph, 2 février 1910, Colombo.
2926 De Silva, (Don) Théodore, 2 février 1910, Colombo.
2927 Philip, Nicolas, 2 février 1910, Colombo.
2928 Pkrera, Joseph-Gaspard, 2 février 1910, Colombo.
2929 Fernando, Andrew, 2 février 1910, Colombo.
2930 Thomas, Antony, 2 février 1910, Colombo.
2931 Jayemanne, Arthur-Marie-Bart., 2 février 1910, Colombo.
2932 De Silva, Richard-Antony, 2 février 1910, Colombo.
2933 Klinckaert, François (F. C), 17 février 1910, Bruxelles.
2934 Bazan, Georges-Marie (F. G.), 17 février 1910, Hiinfeld.
2935 Feiten, Léonard (F. C), 17 février 1910, Rome.
2936 Combaluzier, Julien, 17 février 1910, Rome.
2937 Boulanger, Nicolas-Jean, 17 février 1910, Hiinfeld.
2938 Cabe, Pierre (F. G.) 12 mars 1910, Inchicore.
2939 Papencord, Etienne (F. C), 19 mars 1910, Hiinfeld.
2940 Klinkenberg Nicolas (F. G.), 27 mars 1910, Engelport.
2941 BoRGHESE, Dominique (F. G.), 5 mai 1910, Rome.
2942 Miele, Raphaël (F. G.), 24 mai 1910, Diano-Marina.
2943 PÉRON, Louis-Joseph-Marie, 3 juin 1910, Liège.
2944 Messager, François-Marie, 3 juin 1910, Liège.
— 499 —
2945 GuYNOT, Chaiios-Josopli, 3 juin 1910, Liég^.
2946 Le Jkune, Josepli-Félix-J(!an, 3 juin 1910, Liégf"-
2947 Neubrand, Joseph {F. C), 12 juin 1910, Windluik.
2948 Brabenrc, Thomas (F. C), 24 juin 1910, Saint-Charles.
2949 KôPGEN. Lambert, (F. C), 29 juin 1910, Saint-Nicolas.
2950 Langehenke, Jean (F. C), 29 juin 1910, Kpukiro.
2931 Eghevkrria, Pierre-Joseph (F. C), 16 juillet 1910, Urnieta.
2952 Fonder, Cyrille-Pierre-Joseph (F. C), 15 août 1910, Le
Bestin.
2953 Altendorf, Jean (F. C), 15 août 1910, Saint-Gerlach.
2954 TuFi, Dominique (F. C), 15 août 1910, Jaiïna.
2955 Robert, Mauricc-Eugène-Alhert, 15 août 1910, Dinant.
2956 Collier, Daniel-Alphonse-Marie, 15 août 1910, Belmont.
2957 KuNKER, Henri, 15 août 1910, Hiinfeld.
2958 WiGGE, Ernest-Fredéric-Guillaume, 15 août 1910, Hunfeld.
2959 Alonso, Emile, lo août 1910, Rome.
2960 O'Farrell, Marc-Joseph, 15 août 1910, Belmont.
2961 Feldmann, Hugo, 15 août 1910, Hunfeld.
2962 Knipp, Jules-Joseph, 15 août 1910, Hunfeld.
2963 KoHLER, Eugène, 15 août 1910, Rome.
2964 HucK, Ernest-Charles-Marie, 15 août 1910, Liège.
2965 Hennés, Jean-Christian, 15 août 1910, Hunfeld.
2966 Andres, Paul-Antoine, 15 août 1910, Hunfeld.
2967 BuRON, Félix, 15 août 1910, Rome.
2968 Teunissen, Pierre-Paul-Henri, 15 août 1910, Liège.
2969 Hullweg, François- Jean, 15 août 1910, Rome.
2970 Daly, John, 15 août 1910, Belmont.
2971 RosENTHAL, Paul, 15 août 1910, Hunfeld.
2972 Gasmann, Charles, 15 août 1910, Hunfeld.
2973 Ahern, Maurice-Patrick-Gérard, 15 août 1910, Belmont.
2974 Trunk, Valentin, 15 août 1910, Hunfeld.
2975 Ebert, Werner-Robert, 15 août 1910, Hunfeld.
2976 Balzola, François- Valérien, 15 août 1910, Turin.
2977 RoRiG, Joseph, 15 août 1910, Hunfeld.
2978 Lahondès Jean-Baptiste-Marie, 15 août 1910, Rome.
2979 Butler, Michael-Joseph, 15 août 1910, Belmont.
2980 Kress, Victor-Jean, 15 août 1910, Hunfeld.
2981 DussEAU, Arthur-Charles, 18 août 1910, San Antonio.
2982 Frenski, Joseph-Jean (F. C), 8 septembre 1910, Puebla.
— 500 —
2983 BoYLAN, Jolm-Columba (F. C), 8 sept. 1910, Philipstown.
2984 Altmann, Joseph (F. C), 8 sept. 1910, Saint-Gerlach.
2985 Renaud, Ernest-Joseph, 8 septembre 1910, Ottawa.
2986 PÉALAPRA, Louis-Adrien-Clément, 8 sept. 1910, Ottawa.
2987 Haley, William-Patrick, 8 septembre 1910, Tewksbury.
2988 Fallon, Charles-Augustin, 8 septembre 1910, Tewksbury.
2989 LoFTus, Térence-Jérome-Joseph, 8 sept. 1910, Tewksbury.
2990 Perreault, Wilbrod-Ulric-Alexis, 8 sept. 1910, Ottawa.
2991 Villeneuve, Eugène-Joseph, 8 septembre 1910, Ottawa.
2992 Me Laughlin, James-Dennis, 8 sept. 1910, Tewksbury.
2993 CÔTÉ, Valère-François de Sales, 8 septembre 1910, Ottawa.
2994 Jalbert, Joseph-Rosario, 8 septembre 1910, Tewksbury.
2995 Arghambault, Alphonse-François, 8 sept. 1910, Ottawa.
2996 Saint-Georges, Léopold- Joseph-Maxime, 8 septembre 1910,
Ottawa .
2997 Le Bas, Guillaume-Pierre-Marie, 8 sept. 1910, Le Bestin.
2998 Maillery, Jean-Marie-Joseph, 29 septembre 1910, Liège.
2999 Leray, Emile-Jules, 29 septembre 1910, Liège.
3000 DuFAU, Maurice-Bernard, 29 septembre 1910, Liège.
3001 Vankeirsbilck, Firmin-Edmond, 29 septembre 1910, Liège.
3002 HuEBER, Henri, 29 septembre 1910, Liège.
3003 MoNNiER, Pierre-Marie, 29 septembre 1910, Liège.
3004 BuRNs, William-Michael, 30 octobre 1910, Rome.
3005 Glesius, Guillaume, (F. C), 1er nov. 1910, Saint-Charles.
3006 Sgherer, Frédéric-Guillaume, 14 novembre 1910, Hiinfeld.
3007 Sage, Théodore (F. C), 21 novembre 1910, Usakos.
3008 Rau, Jean (F. G.), 8 décembre 1910, Nyangana.
3009 Prause, Otto (F. C), 8 décembre 1910, Saint-Charles.
3010 ScHULZ, Joseph (F. C), 8 décembre 1910, Saint-Charles.
3011 Jahier, Théophile (F. C), 25 décembre 1910, Edmonton.
3013 Trabert, François-Joseph (F. C), 25 décembre 1910,
Engelport,
Année 1911
Dupassieux François-Marie, 6 janvier 1911, San Antonio.
EsTEBAN, François-Félix, 2 février 1911, Urnieta.
JuTRAS, Alfred (F. C), 17 février 1911, Tewksbury.
Balmès, Hilaire-Jean-Marie, 17 février 1911, Turin.
Allaire, Joseph-Roch, 17 février 1911, Ottawa.
i
— 501 —
Lay, Edmond (F. G), 1er mai 1911, Maria-Engelport.
BuRLAFiNGKR, Florian (F. G.) ler mai 1911, Maria-Engelport.
Manuel, Santiago (F. G.), S'i mai 1911, Jaiïna.
Lebedmk, John (F. C), 10 juin 1911, Tewksbury.
BoLK. Hermann (F. G.), 24 juin 1911, Saidt-Gharles.
Stenzkl, Joseph (F. G.), 24 juin 1911, Hûnfeld.
Herda, Aloysius-Marie (F. G.), 24 juin 1911, Hunfeld.
ScHENDziELORz, GhaHes (F. G.), 15 août 1911, Saint-Gerlach.
SoTo, Gumersindo (F. G.), 29 septembre 1911, Urnieta.
Stoll, Jean (F. G.), 1" octobre 1911, St-Franç-Xavier (Atha).
Angin, Joseph-Amédée, 6 octobre 1911, Liège.
OBÉDIENCES
données en 1911.
Pour : '» —
Maison Générale.
R. P. Chanal, Lucien, de la Province belge.
Scol. de Rome.
R. P. Thévenon, Charles, de la Province du Nord (Liège).
Prov. Britannique.
R. P. Danaher, Joseph, du scolast. de Rome.
Prov. d'Allemagne.
RR. PP. Bassek, Raphaël, du scolast. de Rome.
Hôlscher, Bernard, du scolast. de Hunfeld.
Ainann, Georges, » »
Rosenbach, Jean, » »
Heck, Mathias, » »
Montag, Joseph, » »
Schardt, Georges, » »
Krôll, Jean, » »
Hagel, François, » »
Oswald, Jean-Bapt., de la Province belge.
Prov. belge.
P. Scol. Gotarmanach, Charles, du scolast. de Liège.
R. P. Hoofnaert, Hector, » »
— 502 —
Prov. du Canada.
RR, PP. Marcotte, Xcavier, du scolast. de Rorne.
Jodoiii, Victor, du scolast. d'Ottawa.
Côté, Lévi, » »
i»"» Prov. des Etats-Unis.
RR. PP. Plaisance, Walter, du scolast. de Rome.
Wood, Thomas, du scolast. de Tewksbury.
Roche, Jean, » »
Ghaput, Edouard, » »
0' Brian, John, » »
2« Prov. des Etats-Unis.
RR. PP. Lahbé, Constant, du scolast. San Antonio.
Eckhardt, Laurent, » »
Pothmann. Hermann, » »
Couturier, Authime, » »
Limon, Louis, » »
de Anta, Etienne, » »
Pelletier, Joseph, de la !■■'' Prov. des Etats-Unis.
Prov. du Manitoba.
RR. PP. Gauthier, Gélien, du scol. d'Ottawa.
O'Donuell, Frédéric, du scol. de Liège.
Heintze, Bruno, du scol. de Hunfeld.
Von Amerongen, Max, de la Prov. du Manitoba.
Larivière, Albert, du scol. d'Ottawa.
Baillargeon, Eugène, » »
Vicariat d'Alta-Sask.
RR. PP. Roux, Philippe, du scolast. de Hunfeld.
Gelsdorf, Guillaume, » »
Deman, Camille, de la Prov. belge.
Vicariat d'Atbabaska.
RR. PP. Serrand, Paul, du scolast. de Liège.
Rault, Alphonse, » »
F. G. Eigner, François, de la Prov. d'Allemagne.
Vicariat du Mackensie.
R. P. Le Roux, Guillaume, du scol. de Liège.
F. G. Berens, Léopold, de la Prov. du Nord.
Vicariat du Yukon.
R. P. Wolf, Charles, du scol. de Liège.
— 50;} —
Vicariat de Ceylan.
RR. PP. Gueguen, Pierre, du scol. de Liège.
Perrot, Louis, » »
Siebert, Auguste, du scol. de HUnfeld.
Vicariat du Sud de l'Afrique.
R. P. O'Leary, David, du scol. de Liège.
Rasutoland.
RR. PP. Vialard. Gabriel, du Vicariat du Sud de l'Afrique.
Glosset, Louis, du scolast. de Hiinfeld.
F. G. Kaltenhaiisen, Joseph-Gh., de la Prov. d'Allemagne.
Cimbébasie.
RR. PP. Dobreu, Jean, de la Prov. d'Allemagne.
Koch, Jean, du scolast. de Hunfeld.
Wiist. Joseph, » »
FF. GG. Anhuth, Joseph, de la Prov. d'Allemagne.
Spiegel, Gharles, » »
Altmann, Joseph. » »
Vicariat de Natal.
R. P. Van der Laenen, de la Prov. belge.
Vicariat d'Australie.
R. P. Hayes, Thomas, du scol. de Liège.
Keewatia.
RR. PP. Husson, Auguste, du Vicariat d'Athabaska.
Fafard, François, de la Prov. du Canada.
— 501 —
NÉGROLOGE DE L'ANNÉE 1910-1911
783. R. P. Comerford, Jacques, de la Province Britannique,
décédé à Colwyn Bay, le 18 novembre 1910, à
l'âge de 71 ans, dont 36 de vie religieuse.
784. R. P. Hugonenc, Henri, du Vicariat du Basutoland, décédé
à Roma, le 2 décembre 1910, à l'âge de 40 ans,
dont 16 de vie religieuse.
785 R. P. Barret, Justin, du Vicariat du Natal, décédé à Durban,
le 11 janvier 1911, à l'âge de 85 ans, dont 61 de
vie religieuse.
786. F. C. Allen, Patrice, du Vicariat de la Colombie Britanni-
que, décédé à New-Wesminster, le 13 février
1911, à l'âge de 79 ans, dont 48 de vie religieuse.
787. F. Se. Kiiffler, Joseph, de la Province d'Allemagne, décédé
à Hiinfeld, le 15 février 1911, à l'âge de 32 ans,
dont 3 de vie religieuse.
788. R. P. Hennessy, Roger, de la Province Britannique, décédé
à Philipstown, le 16 mars 1911, à l'âge de 45 ans,
dont 25 de vie religieuse.
789. R. P. De la Couture, François, de la Province du Nord,
décédé à Toulouse, le 19 mars 1911, à l'âge de
78 ans, dont 53 de vie religieuse.
790. R. P. Mélizan, Vincent, de la Province du Midi, décédé à
Diano-Marina, le 23 mars 1911, à l'âge de 68 ans,
dont 15 de vie religieuse.
791. R. P. Garon, Charles, du Vicariat de l'Alberta-Sask, décédé
à Calgary, le 31 mars 1911, à l'âge de 60 ans,
dont 4 de vie religieuse.
792. F. C. Fortin, Onésirae, de la Province du Canada, décédé
à Québec, le 22 avril 1911, à l'âge de 55 ans,
dont 28 de vie religieuse.
793. R. P. Rey, Achille, de la Province du Nord, décédé à
Liège, le 27 avril 1911, à l'âge de 83 ans, dont
66 de vie religieuse.
— 505 —
794. F. Se. Fernandez, Jacques-Amôdée, de la Province du
Midi, décédé à Madrid, le 2 juin 1911, à l'âge de
24 ans, dont 3 de vie religieuse.
793. F. C. Horrero, Thomas, de la Province du Midi, décédé
à Urnieta, le 17 juillet 1911, à l'âge de 41 ans,
dont 3 de vie religieuse.
796. R. P. Moughty,Jacques, de la Province Britannique, décédé
à Leilh, le 23 juillet 1911, à l'âge de 30 ans,
dont 9 de vie religieuse.
797. F. G. Cornu, Vital, de la Province du Nord, décédé à
Dinant, le 29 juillet 1911, à l'âge de 60 ans, dont
29 de vie religieuse.
798. R. P. Baudot, Emile, du Vicariat de Ceylan, décédé à
Pettah, le 3 août 1911, à l'âge de 51 ans, dont
29 de vie religieuse.
799. R. P. Fernando, David, du Vicariat de Ceylan, décédé à
Colombo, le 7 août 1911, à l'âge de 39 ans, dont
17 de vie religieuse.
800. R. P. Deggiovanni, Pompeo, de la Province du Midi, décédé
à Diano-Marina, le 8 août 1911, à l'âge de 24 ans,
dont 5 de vie religieuse.
801. F. C. Biller, Jean-Baptiste, de la Ire Province des Etats-
Unis, décédé à Tewksbury, le 18 septembre 1911,
à l'âge de 46 ans, dont 15 de vie religieuse.
802. F. C. Guillet, Célestin, du Vicariat de l'Alberta-Sask.,
décédé à Edmonton, le 30 septembre 1911, à
l'âge de 69 ans, dont 31 de vie religieuse.
803. F. C. Lafoy, François, de la Province du Nord, décédé à
Paris, le 3 octobre 1911, à l'âge de 56 ans,
dont 17 de vie religieuse.
804. F. C. Basset, Vincent, de la Province du Nord, décédé à
Jersey, le 19 novembre 1911, à l'âge de 74 ans,
dont 40 de vie religieuse.
805. F. C. Malone, Patrice, de la Province Britannique, décédé
à Pbilipstown, le 2o novembre 1911, à l'âge de
73 ans, dont 48 de vie religieuse.
— 506 —
BIBLIOGRAPHIE
En Lui : par M. l'abbé Félix Anizan. 520 p. — Prix 3 fr. 50.
— Librairie Lethielleux, 10, rue Cassette, Paris.
Lettre de Sa Grandeur Mgr Augustin Dontenwill, archevêque dg
Ptoîémais, supérieur général des Missionnaires Oblats de
Marie Immaculée, à l'abbé Félix Anizan.
Rome, 23 juin 1911.
Bien cher Monsieur l'Abbé,
Votre premier ouvrage, Vers Lui, contenait la dogma-
tique du Sacré Cœur. Le succès qu'il a obtenu, les appro-
bations qu'il a emportées prouvent et sa valeur et son
mérite.
Aujourd'hui vous nous offrez un nouveau livre : En Lui.
Ce livre, nous l'attendions. Après avoir étudié le Sacré
Cœur dans les élévations lumineuses du dogme, nous vou-
lions le contempler plus près de nous, le voir encore sous
les traits de l'âme qui lui est dévouée et qu'il pénètre de
ses vivifiantes vertus.
D'ailleurs votre premier travail exigeait cette œuvre nou-
velle. Sur la base que posait l'ouvrage précédent, il fallait
dresser l'édifice. — L'édifice est debout.
Vos connaissances en morale, en ascétisme, en mysti-
que, ne le cèdent en rien à votre science des principes.
Dans votre premier livre, vous aviez réussi à nous faire
voir dans le Sacré Cœur, tout Jésus, Verbe incarné et
Rédempteur. Dans celui-ci, vous mettez à la portée d'un
grand nombre d'âmes les traités de la Providence et de la
prédestination, de la grâce, des vertus et des dons de l'Es-
prit-Saint, toujours envisagés au point de vue du Sacré
Cœur. Et je vous félicite tout particulièrement de ce que
dans l'application de la doctrine aussi bien que dans son
exposé, l'Ange de l'école soit resté votre guide préféré, votre
auteur de prédilection.
— 507 —
De plus — et combien vous avez raison d'en agir ainsi
— vous n'avez point voulu négliger, dans un tel livre, les
données de l'expérience.
En puisant aux sources théologiques les plus profondes
et les plus fécondes de la vie chrétienne et de la vie par-
faite ; en appuyant très à propos vos données de l'exemple
et des sentences, soit des saints, soit des âmes privilégiées
de Dieu, vous avez composé sur la pratique de la dévotion
au Sacré Cœur, un livre qui sera d'autant plus goûté qu'il
convient également à l'esprit et au cœur, qu'il est aussi
pieux qu'instructif, et qu'il joint à la beauté de la pure
doctrine l'attrait d'une forme soignée.
Je pourrais vous signaler, dans l'ensemble qui m'a beau-
coup plu, quelques-uns des chapitres qui m'ont particuliè-
rement satisfait. Je préfère vous féliciter simplement de la
bonne œuvre que vous avez faite, en écrivant ce livre, pour
la plus grande gloire du Sacré Cœur et le salut des âmes.
Que les âmes viennent nombreuses y chercher, avec un
aliment à leur piété, le désir ardent de reproduire en elles
les traits du modèle que vous leur offrez. — Attirées par cet
idéal, elles progresseront dans les voies de la sainteté et
formeront en l'étendant le règne du Sacré Cœur.
Je vous bénis très affectueusement, bien cher Monsieur
l'abbé, et vous prie d'agréer, avec mes remerciements, l'ex-
pression de mon dévouement en Notre-Seigneur et Marie
Immaculée.
f A. DONTEXWIL, 0. M. I.
Archevêque de Ptolémais, sup. gén.
— 508 —
TABLE DES MATIERES
Mars.
Rome : Bref de Pie X approuvant nos saintes Règles 1
Rapport sur la mission de Jersey (L. Legrand, 0. M. I.) 4
Rapport annuel sur la Préfecture apostolique de la Ciaibébasie
inférieure (Eug. Klaeylé, 0. M. I.) 14
NOUVELLES DIVERSES
La fête de l'Immaculée Conception 47
L'apostolat et l'Œuvre de la Propagation de la Foi 50
Province du Canada : Lettre de S. G. Mgr l'Archevêque de
Québec au R. P. Legault, 0. M. L, Curé de St-Sauveur 55
Province d'Allemagne : Extrait de lettres 56
Province de Manitoba : Visite de l'archevêque ruthène de
Lemberg 58
Vicariat du Machensie : Mission Saint-Isidore, Fort Smith.
Lettre du R. P. Gouy 60
Vicariat de Ceylan : Bénédictiou de la première pierre du
Noviciat et de la maison de missionnaires à Bambalapitiya. 62
Visite du Kronprinz à Colombo 66
Vicariat du Sud de l'Afrique : Vicariat apostolique du
Transvaal 67
Keewatin : Mgr Ovide Charlebois, 0. M. 1 6d
Induit pour les Missions étrangères "3
Echos de la famille 76
Décrets des S. Congrégations Romaines :
I. — Lettre du Saint-Père sur le « Sillon ■ 81
II. — Motu Proprio contre le Modernisme et prescription
du serment aatimoderuisie 106
III. — S. CoDgrégaiion des Sacrements 130
IV. — S. Congrégation des Religieux 146
Juin.
Province du Midi. — Rapport sur la Maison de Santa Maria
a Vico, par le R. P. Blanc, supérieur 149
Province du Nord. — Rapport sur la Maison du Sacré-Cœur
de Dinant, par le R. P. Ad. Dru, 0. M. 1 162
Province d' 4 llemagne. — Maison de Saint-Charles {suite du
rapport publié, n» de décembre 1910), par le chroniqueur de
Saint-Charles 190
— 509 —
Province de Manitoha, — Rap[)Ort sur la mission Sainte-Croix
de Cross Lake, par le R. P. Fitienne Bonnald, O. M. 1 204
NOUVELLES DIVERSES
Propagatioa de la F'oi 210
Province Britannique : Maison de Leith (Sainte-Marie, Etoile
de la Mer) 215
Province d'Allemagne : Retraite annaelle des Pères de la Pro-
vince d'Allemagne à Maria Engelport 217
Vicariat d'A/ta-Sask : Lettre du R. P. H. Lfduc, 0. M. I.
(Une audience du Saint-Père) 221
Vicariat de la Colombie Britannique : Une nouvelle paroisse
dans la mission de Fraser Mills 224
Vicariat de Ceylan : S. E. le délégué apostolique à Chilaw.. 22tj
Vicariat de Natal : Extrait d'une lettre du R. P. Le Texier au
R. P. Scharsch, Assistant général 231
VARIÉTÉS. — Carnet d'un jeune missionnaire de l'Athabaska :
Départ du Scolasticat 235
Echos de la. Famille. — Le cinquantième anniversaire de la
mort de notre vénéré Fondateur 246
NÉCROtoGiE. — Le bon Père Rey 256
Décrets des sacrées Congrégations romaines 262
Septembre.
Province du Midi. — I. Rapport sur la Maison de Santa
Maria a Vico, par le R. P Blanc, supérieur (suite) 273
n. Rapport sur la Maison d'Urnieta (Espagne), par le
R. P. Supérieur 286
Province du Nord. — Rapport sur la mission de Jersey {suite
et fin). (L. Legrand, 0. M. I., supérieur.) 298
Province d'Allemagne. — Maison de Saint-Charles (suite).
(Le Chroniqueur de Saint-Charles.) 311
Vicariat de Ceylan. — Rapport sur le Vicariat (J. Collin,
0. M. L, vie. des missions.) 330
NOUVELLES DIVERSES. — Propagation de la foi. Lettre de
Sa Grandeur Mgr Dontenwill 350
Rome : Indulgence attachée à la récitation de « Laudetur
Jésus Christus, et Maria Immaculata » 352
Deuxième Province des Etats-Unis : La retraite annuelle... 353
Vicariat de Ceylan : Lettre du R. P. V. Huctin, 0. M. I..., 354
Vicariat de Keewatin : I» Erection du Vicariat de Keewatin. 356
— 510 —
II" Arrivée de Mgr Ovide Charlebois, 0. M. I., daus son
Vicariat apostolique 357
Echos dk la Famille 367
Décrets des Sacrées Congrégations romaines 373
Décembre.
Première Province des Etats-Unis. — Rapport sur la Maison
Saint- Joseph de Lowell par le R. P. Brullard 385
DeiLxiéme Pruvince des Etats-Unis. — Clirouique de la Pro-
vince 411
Vicariat de Keewatin. — I. Mission Notre-Dame de la Visi-
tation par le R. P. Pénard 416
II. Rapport sur la Mission Sainl-Jean-Baptisle, par le
R. P. Rapet 432
Vicariat de Ceylan. — Rapport sur l'Œuvre des Jeunes Hin-
dous, par le R. P. Beaud 445
NOUVELLES DIVERSES
Première Province des Etats-Unis. — Inauguration de la
grotte Notre-Dame de Lourdes à l'orphelinat de la paroisse
Saint-Joseph de Lowell 454
Province du Manitoba. — I. Le 70* anniversaire de l'ordina-
tion du R. P. Dandurand, 0. M. 1 462
II. Chez les Polonais et les Ruthènes de Gimli 466
Vicariat d'Alberta-Sask. — Bénédiction de la nouvelle église
de Saskatoon 468
Vicariat d'Athahaska. — Lettre de Mgr Joussard au R. P. Fa-
vier, économe général 470
Vicariat de Keetcatin. — Lettre du R. P. J. Thomas au Révé-
rendissime Supérieur général 471
Vicariat du Basutoland. Extrait Lettre du R. P. Hoffmeier.. 474
Echos de la famille 475
VARIÉTÉS. — I. Rome. Le Cardinal Billot 479
II. Carnet d'un jeune missionnaire de l'Athabaska 480
III. Cejlan. Un voleur de paradis 484
Décrets des S. Congrégations Romaines 490
Obiations 498
Obédiences 501
Nécrologe 504
Bibliographie 506
Table des matières 508
Publié avec la permission de Vautorité ecclésiastique .
Bar le-Duc. - Impr. Saint-Paul. — -iôlT.l.ia.
MISSIONS
DE LA CONGRËGATION
a
DBS
Missionnaires Oblats
DE MARIE IMMACULEE
£^ ANNÉE
N» lOj^
Mars 1912.
HOV >
ROME
MAISON OÉNÉRALE
5, Via \'ittorino da Feltre.
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE
N° 197. — Mars 1912.
BREF
Confirmant la participation perpétuelle des Oblats
aux Induits, Privilèges, Indulgences et Facultés accordés
aux Réderaptoristes.
Plus PP. X
Ad perpetuam rei memoriam. — Conspicua Oblatorum
Marife ImmaculaUe mérita plane sunt Nobis comperta et
explorata, utpote qui sub glorioso hoc titulo exorti, tantse
Matris honorem et cultum in omneni terrarum locum pro-
pagare potissimum intendant. Quibus laudibus permotus
rec. : me : Léo Papa XII, Decessor Noster, per Sacram ne-
gotiis et consultationibus Episcoporum et Regularium Gon-
gregationem die vicesimo tertio Aprilis anno MDCGCXXVI
pra?claram, quam supra memoravimus, Oblatorum fami-
liam prsecipuis est privilegiis gratiisque prosequutus.Nunc
vero, cum Venerabilis Frater Augustinus Dontenwill,
Archiepiscopus Ptolemaidensis, ac supremus ejusdem Obla-
torum Congregationis Moderalor, suppliciter Nos rogaverit,
ut hujusmodi favores per Nostras Litteras, Piscatoris anulo
obsignatas, confirmare dignaremur : Nos piis hisce votis,
quantum in Domino possumus, libente quidem animo
i
_ 2
obsecundamus. Quai'e piix'dictam Oblatorum Congregalio-
nem a Deipara Virgine labis nescia nuncupatam, peculiari
benevolentia complectentes, harum Litterarum vi, Aposto-
lica Auctoritate Xostra, ejus tum sodalibus, tum Ecclesiis,
Sacellis et Domibus perpetuum in modum omnia ac singula
indulta, privilégia, indulgentias, facultatesqae communi-
camus et largimur, qtipo ab bac S. Sede Congregationi Près-
byterorum sa^cularium a SSmo Redemptore impertita
fuere. Decernentes praesentes Litteras firmas, validas et
efficaces semper existere et fore, suosque plenarios et intè-
gres efifectus sortir! et obtinere, illisque ad quos spectat,
vel in posterum spectare poterit, in omnibus et per omnia
plenissime suftragari: sicque in prgeniissis per quoscumque
judices ordinarios et delegatos judicari et definiri debere,
atque irritum esse et inane, si secus super bis a quoquam,
quavis auctoritate, scienter vel ij^'noranter, contigerit
attentari. Htec omnia denique tribuimus, derogantes de
Nostro Motu Proprio, die septimo Aprilis anno MCMX edito^
quod ad necessitatem indalgentiarum concessiones per
supremam Sacram Congregalionem S. Officii recognoscendi,
ac non obstantibus Constitutionibus et Sanctionibus Apos-
tolicis, ceterisque omnibus in contrarium facientibus qui-
buscumque. Datum Romse apud S. Petrum sub annule
Piscatoris die XIII Februarii MDGCCCXJI Pontificatus
Nostri Anno Nono.
Locus 7 Sigilli.
R. Gard. Merry dei. Val,
a Secretis Status.
BREF
Confirmant la Faculté perpétuelle pour les Oblats de conférer
le Scapulaire de Tlmmaculée Conception (scapuiaire bleu).
Plus PP. X
Ad perpeluam rei inemoriam. — Quum inter eximia
Deipara- Virginis privilégia, illud quidem principera obti-
neat locum, quo culpœ originalis immunis coacepta fuerit,
grata sunt Nobis religiosa Sodolitia qute ab hoc pretioso
B. Mariœ donc nuncupata, sancti hujiismodi mysterii
cnllum et gloriam promovere studeant. Quod laudis prse-
conium jure meretur Missionariorum Oblatorum Congre-
gatio, qua^ ab ipsa Maria Immaculata nomine capte,
peculiaribus gratiis a Romanis PontificiJjus ssepenumero
locupletata fuit. Nunc vero, cum Venerabilis Frater Augus-
tinus Dontenwill, Archiepiscopus titularis Ptolemaidensis
ac supremus ejusdem Cone^regationis Moderator, a Nobis
flagitaverit, ut per Aplicas Litteras Piscatoris anulo obsi-
gnatas, ratam habere velimus facultatem religioso suo
Ordini ab Apostolica Sede jamdiu factam, sive c?erulea
scapularia, prout Clericis Regularibus, quos Theatinos
vocant, concessum fuit, fidelibus imponendi, sive Sodali-
tates instituendi in honorem Immaculatfe Conceptionis :
Nos piis hisce precibus bénigne censuimus annuendum.
PrsRsentium igitur tenore potestatem Apostolica Nostra
Auctoritate intègre conflrmamus, jam a fel : rec : Pic
Papa IX Decessorc Nostro per S. Congregationem Chris-
tiano nomini propagande, die vicesimo primo Septembris
anno MDCGCLVI eidem Oblatorum Immaculatœ Virginis
Mariœ Congregationi tributam, ex qua omnes et singuli
Sacerdotes ad eam pertinentes, scapularia cœrulei coloris,
de Immaculata Concoptione dicta, dummodo sint confecta
ad normam ab bac S. Sede probatam, et ii eadem, qua
Presbyteri sseculares Sanctissimi Rederaptoris, formula
utantur, cum adnexis indulgentiis benedicere, eaque utrius-
que sexus Christifidelibus, secundum leges a prœfatis Pres-
byteris servatas, ubi non sunt prwdictœ Theatinorum
Gongregationis Sodales, imponere libère ac licite queant.
Pari autem Auctoritate Nostra privilegium, jam memoratœ
Oblatorum Congregationi impertitum, hisce Litteris reno-
vamus, ex quo Confraternitates sub titulo Immaculatœ
Conceptionis erigere item licite possit ac valeat. Prœsen-
tibus perpetuo valituris. Decernentes prœsentes Litteras
firmas, validas atque efficaces semper existere et fore,
suosque plenarios atque integros effectua sortiri ac obti-
nere, illisque ad quos spectat, vel in posterum spectare po-
terit, in omnibus et per omnia plenissime suffragari; sicque
in prœmissis per quoscumque judices ordinarios vel dele-
gatos judicari ac definiri debere, irritumque esse atque
inane, si secus super his a quoquam, quavis auctoritate,
scienter vel ignoranter contigerit attentari. Hœc denique
largimur, derogantes de Nostro Motu Proprio diei septimi
Aprilis anni MCMX, quod ad necessitatera per Supremam
Sacram Congregationem Sancti Officii concessas indulgen-
tias recognoscendi, ac non obstantibus Nostra et Cancella-
rise Aplicœ régula de jure qusesito non tollendo, aliisque
Gonstitutionibus et Sanctionibus Apostolicis ceterisque
omnibus in contrarium facientibus quibuscumque.
Datum Romse apud S. Petrum sub annulo Piscatoris
die XIII Februarii MDGGCGXII, Pontiûcatus Nostri Anno
Nono.
Locus f Sigilli.
R. Gard. Merry del Val,
A Secretis Status.
PROVINCE DU NORD
SCOLASTICAT DK LlÈGE
Rapport sur la Maison de Liège.
PREMIÈRE PARTIE
Par le R. P. Ch. ïhéyenon, Supérieur.
Liège, le 10 juillet 1911.
Monseigneur et Révêrendissime Père,
Plusieurs fois déjà, vous m'avez demandé un rapport
officiel sur la Maison et le scolasticat de Liège; il me
serait pénible de résister plus longtemps à un désir si
légitime et si paternellement exprimé.
Si j'en ai bien compris l'expression, c'est moins le compte
rendu historique des événements écoulés depuis 1905 (date
de ma nomination dans la charge de Supérieur) qu'il vous
agréerait de connaître; au reste, ma plume inculte et
inhabile ne saurait revêtir d'aucun charme ce récit que
d'autres pourtant auraient eu le talent de présenter avec
art et intérêt. Celui à qui je passe aujourd'hui avec plaisir
et confiance les rênes du gouvernement de cette nombreuse
communauté saura sans doute réparer, dans un prochain
avenir, des lacunes dont je suis le premier à gémir.
Vous sollicitez surtout l'étal actuel de notre communauté
de Liège, tant des œuvres que du personnel : sous ce
rapport, je serai mieux qualifié qu'un autre, puisque je
détiens depuis plusieurs années les registres où noms,
chiffres et statistiques ont renfermé leur muette et incom-
— 6 —
parable éloquence; et comme l'état actuel d'un être, chose,
personne ou société, est inéluctablement conditionné par
les antécédents d'un passé dispara en lui-même, il ne
sera peut-être ni inopportun, ni hors de propos, ni con-
traire à votre désir, de mettre en relief quelques faits
particulièrement importants, chaînons principaux de notre
histoire et de notre chronique vécue.
Matériel. Construction. Terrain.
Je n'ai presque rien à dire de la partie matérielle de la
communauté, si ce n'est que notre propriété territoriale
n'a point diminué, mais au contraire, par suite d'acquisi-
tions successives que les circonstances ont imposées et
favorisées, elle s'est agrandie et arrondie. L'Administration
du ministère de la Guerre belge a mis en vente de vastes
terrains du fort de la Chartreuse, déclassés et improduc-
tifs ; nous ne pouvions pas ne pas nous laisser tenter par
le bon marché (100 fr. l'hectare) de ces terrains, conligus
aux limites de notre propriété. Nous n'avons pas eu à
regretter cette fructueuse opération : grâce à l'intelligent
labeur des Révérends Pères Economes , ces sommets ,
naguère encore dénudés et stériles, ont revêtu un riche
vêtement de verdure et d'arbres fruitiers, et dans quelques
années (si Dieu les leur donne ici), nos scolastiques y
trouveront l'ombre et la fraîcheur que nous donne déjà à
profusion notre magnifique parc.
A l'ouest de notre maison et de notre église Saint-Lam-
bert, nous nous sommes aussi rendus propriétaires d'un
terrain assez considérable , avec l'intention non de le
conserver, mais de le vendre par parcelles à des personnes
de notre choix. L'affaire s^est effectuée lentement, mais
sûrement; un cercle catholique a été confortablement érigé
et de nombreuses et gracieuses habitations s'élèvent dans
la rue, que l'Administration communale de Grivegnée,
mieux inspirée alors que depuis, a spontanément appelée
la rue des (Jl)lats (l).
La Maison de Liège reste toujours une des plus impor-
tantes do la Congrégation, au point de vue de l'étendue
territoriale (0 hectares) et des immeubles qui l'occupent.
Je ne dis rien du Casino lui-même, demeure de la com-
munauté ; rien de la spler. ''de église dont le R. P. Delouclie
a réussi à enrichir le quartier Saint-Lambert, au prix de
quel dévouement et de quelles fatigues, Dieu et lui le
savent, et ceux qui ont été les témoins étonnés et réjouis
de son inlassable activité ! rien du parc et des dépendances
qui environnent l'église et la communauté et donnent tant
de charme à cette habitation. Nos Grandes et Petites
Annales en ont donné d'amples descriptions, qu'il est
inutile de répéter, et les membres de la Congrégation,
venus à Liège pour le Chapitre général de 1904, ont pu
s'en rendre compte de visu.
Ce que nous devons répéter, et après nous tous les Oblats
élevés au scolasticat de Liège, c'est un merci très cordial
à la divine Providence, qui a réservé à nos chers scolas.
tiques un établissement aussi beau, sain, salubre, aussi
approprié à tout ce que l'on peut désirer dans une maison
d'études, située dans une grande ville : Deus 7iobis hœc
otia feclt.
(1) Au lendemain de rexécution de Ferrer, les conseillers de
Grivegnéc — eux aussi ! — se hâtèrent d'enlever les plaques de la rue
principale conduisant au scolasticat, et avec non moins de hâte,
les remplacèrent. L'avenue du Casino devenait, naturellement.
r « avenue Francesco Ferrer ».
Malgré la décision des édiles de Grivegnée, on peut encore se
servir de Tancienne adresse, « 21, avenue du Casino, à Liège ».
Pour tourner la difficulté, on met 41, rue Soubre, la maison donnant
sur deux rues.
Œuvres.
Ce magnifique et confortable immeuble répond naturel-
lement à l'importance des œuvres qui sont la raison d'être
de notre Maison de Liège.
Deux œuvres principales en occupent le personnel : le
Scolasticat et l'Eglise publique. Je laisse de côté les œuvres
qai n'ont point de poste fixe par elles-mêmes, comme par
exemple les transfert et siège de la maison générale à
Liège après les dernières expulsions de France ; cette
installation à Liège n'était que provisoire, elle a pris fin
en novembre 1905, quand les membres de l'Administration
générale prirent le chemin de Rome.
Je signale aussi en passant la direction et l'administra-
tion des Petites Annales, dont le siège est à Liège : cette
revue, toujours si intéressante pour le public catholique,
a reçu tout son éclat religieux, artistique et littéraire de
trois de nos Pères qui se sont succédé dans la direction de
cette revue.
L'œuvre sans contredit première, foncière, principale de
notre communauté de Liège, c'est le Scolasticat.
On le sait, le scolasticat de Liège n'est autre que le
scolasticat de Montolivet, fondé en 1854, établi à Autun
en 1862, émigré en Irlande en 1880, transplanté en Hollande,
sur la frontière allemande, en 1888, et définivement installé
à Liège en octobre 1891.
Recrutement.
Gomme le scolasticat d'Autun, le scolasticat de Liège
n'est pas une maison d'étude et de formation réservée à
une seule province ou à une seule nationalité.
Liège a donc ouvert ses portes et les tient toujours lar-
gement abordables aux recrues que nous envoient les
- 9 —
noviciats alimentôs par la France, la Belj,Mque, la Grande
Bretagne, la Hollande, et naguère encore, l'Italie et l'Es-
pagne. L'Allemagne a créé depuis plusieurs années son
scolasticat national et homogène, où ne sont reçus que les
Oblats (le langue et de nationalité allemandes : scolasticat
plein de vie et d'espoir, et que le bon Dieu a merveilleuse-
ment béni. Depuis un an, l'Italie ot l'Espagne ont aussi
appelé, à Turin, leurs sujets respectifs, confiés aux soins
de la province du Midi.
Grâce à Dieu, les vocations ne sont pas taries. Depuis
son transfert à Liège, depuis vingt ans, par conséquent, le
scolasticat a reçu 564 novices scolastiques ; dans le même
laps de temps (1862-1881), Autun en recevait 251; —
l'Irlande, en huit ans (1881-1888), 74 ; — et Saint-François
(Hollande), en quatre ans (1888-1891), 87. Ce qui donne à
notre actif, depuis la fondation d'Autun, le joli chilïre
de 976 (près d'un millier) Oblats formés, ou plutôt accueillis
dans le premier scolasticat de la Congrégation I
Sans doute (et qui s'en étonnerait !), tous ceux qui ont
frappé à notre porte n'ont pas persévéré : plusieurs ont
regardé derrière eux et décidé eux-mêmes de leur avenir,
d'autres ont reçu leur congé régulier, quelques-uns sont
morts ou ont quitté plus tard la Congrégation. Il reste
cependant à la gloire du scolasticat de Liège d'avoir vu
passer, dans ses murs, au temps de leur jeunesse cléricale,
un contingent assez important d'Oblats de Marie.
Où sont-ils maintenant ? — Là où l'obéissance les a
appelés : sous tous les climats, dans tous les postes, dans
tous les ministères, ils s'efforcent, à mérite inégal sans
doute, de travailler à leur propre sanctification et à celle
des âmes qui leur sont confiées, et de rendre religieusement
fier et glorieux le berceau de leur vie sacerdotale.
Durant les six années (1905-1911) du supériorat de celui
qui rédige ces lignes, 133 scolastiques sont entrés à Liège :
80 ont déjà reçu leur obédience, 55 pour les missions
étrangères, 25 pour le ministère de nos provinces d'Europe.
— 10 —
Puisse le scolasticat de Liège se recruter dans l'avenir
dans les mêmes proportions que par le passé I La France
a eu jusqu'ici la plus large contribution à celte levée
d'apôtres et de missionnaires Oblats de Marie. Consei-vera-
t-elle son rang? La persécution qui a frappé nos œuvres
et leur personnel n'aura-t-elle pas de funeste contre-coup
sur nos maisons fran(;aises de recrutement? J'ignore les
desseins de Dieu, mais je ne désespère pas, et si la France,
patrie natale de notre chère Congrégation, cessait {quod
Deus avertat) d'être la pépinière féconde de jeunes
apôtres qu'elle a été jusqu'ici, Dieu saurait y suppléer.
N'a-t-il pas appelé déjà d'autres nations à partager cette
gloire ? Et, en me limitant au seul scolasticat de Liège, la
Belgique, où notre Congrégation était à peine connue, il y
a vingt ans , abrite aujourd'hui de nombreux, essaims
d'Oblats, et nos vœux sincères appellent sur le noviciat de
la jeune province les bénédictions les plus abondantes.
Entretien.
Nous pouvons donc espérer, Monseigneur et Révéren-
dissime Père, que le scolasticat de Liège n'est pas à la
veille de fermer ses portes : au contraire, il ouvre grands
ses bras, il dilate son cœur et sollicite à grands cris de
nombreux enfants pour les nourrir et les élever.
Je dis : pour les nourrir... Je touche ici à une grave
question, à une sérieuse préoccupation. 11 est clair que les
scolastiqiTes ne vivent pas de l'air du temps, bien qu'à
Liège, paraît-il, il soit plus substantiel qu'ailleurs. La
bonne santé de leurs corps doit être un de nos soucis et
réclame un régime qui, sans être recherché ni délicat, soit
cependant suffisant, et largement. Il faut en convenir, c'est
une lourde charge, qui pèse sur l'Administration générale
et, pour une quote-part proportionnelle au nombre de leurs
sujets, sur les différentes provinces représentées au sco-
— ]1 —
lasticat de lAî'ge. Il y a beau temps que le million (depuis
20 ans) a été dépassé pour l'entretien ordinaire et régulier
des scolastiques et du personnel du scolaslicat, Pères
Directeurs et Frères convers. Ce chiffre suffit à montrer
quelle importance a pour nous cette question d'argent ; et
devant les sacrifices accumulés soit au dedans, soit au
dehors de la Congrégation, pour réaliser cet effort pécu-
niaire, nous nous sentirions coupables de le gaspiller et
nous tenons à le ménager et à l'employer avec piété et
réserve religieuse.
Toutefois, nous ne sommes pas inquiets : vous-même,
Monseigneur et Révérendissime Père, nous avez rassurés
en élevant nos cœurs jusqu'au sein de la divine Providence,
qui ne manquera pas de proportionner les ressources aux
besoins qu'Elle-mème aura suscités; chaque sujet que nous
recevrons sera comme une traite, une lettre de change à
effectuer sur le trésor de l'inépuisable prodigalité.
Règlement.
Le règlement du scolasticat de Liège est toujours, au
fond, le règlement du scolasticat d'Autun et ressemble
beaucoup au règlement des grands séminaires. Ce qui ne
saurait guère surprendre, puisque la vie d'étude et de
piété que l'on pratique dans ces maisons d'éducation
ecclésiastique a en substance les mêmes exigences et
n'admet guère que de légères et accessoires modifications.
Les exercices de piété, prescrits par la Règle, sont natu-
rellement le cadre normal de l'horaire journalier. Cepen-
dant, la récitation en commun du saint Office est limité à
sexte et none, vêpres et compiles : depuis longtemps,
l'autorisation des Supérieurs majeurs nous a mis en règle
pour la récitation en particulier du reste du bréviaire.
L'objet des cours est imposé par le but à atteindre. Les
matières ecclésiastiques, prescrites par nos saintes Règles :
Théologie dogmatique et morale, Droit canon, Ecriture
sainte, Histoire ecclésiastique, Liturgie, Philosophie,
Sciences, Eloquence sacrée, Plain-Chant, Anglais, compo-
sent notre programme et remplissent intégralement nos
journées de travail intellectuel.
Il ne serait guère possible d'augmenter, sans le sur-
charger, un programme déjà si complexe : serait-il bien
opportun de sacrifier quelques parties pour céder la place
à d'autres questions plus modernes et plus éloignées de
l'objet de l'éducation cléricale?
Voici un aperçu de la distribution des matières dans le
cours d'une semaine scolaire :
Dogme, 6 heures ; Morale, 4 h. % ; Philosophie, 8 heures ;
Histoire ecclésiastique, 2 heures ; Ecriture sainte : Exégèse,
2 heures ; Herméneutique, 1 heure ; Sciences, 4 heures ;
Droit canon, 2 heures ; Anglais, 1 heure ; Chant, 1 heure ;
Liturgie, une demi-heure ; Eloquence, 2 heures. — Deux
fois par semaine, une demi-heure d'examen pour les théo-
logiens et pour les philosophes. Deux examens semestriels
par an.
Dans toute l'année, trois mois de vacances : quinze jours
à Noël, huit à Pâques, le reste aux grandes vacances.
Gomme on le voit, au point de vue de l'étude et de la
piété, le règlement du scolasticat est bien adapté au double
but qu'il poursuit essentiellement : la formation religieuse
et la formation intellectuelle sacerdotale.
Est-ce à dire qu'il soit absolument parfait? qu'on ne
puisse y introduire des modifications intéressantes? qu'il
soit un moule ne varietur dans lequel doivent être coulées
toutes les générations d'Oblats , à quelque époque , à
quelque nation qu'ils appartiennent ? Je n'oserai certes pas
le soutenir, et la commission d'études, que tous souhaitent
voir bientôt établie dans notre Congrégation, pourrait sans
doute dire son mot et imposer son avis.
Personne n'ignore la campagne menée par certains
éducateurs, même prêtres et religieux, pour infuser à nos
— 13 —
ëtablissemenls ecclésiastiques un sang nouveau, proposer
une méthode, un outillage, une activité plus modernes. —
Qu'y a-t-il à prendre, qu'y a-t-il à laisser dans cette cam-
pagne de réformes ? La compétence me manque pour
accepter le débat; je puis sans doute, comme tout le
monde, du reste, garder à ce sujet une opinion personnelle
et essentiellement subjective; mais c'est évidemment aux
supérieurs qu'il appartient de dire leur pensée et de main-
tenir les méthodes du passé, de les modifier, de les amé-
liorer dans la mesure du possible. Nous sommes certains
que leurs décisions seront toujours conformes aux désirs
exprimés, à l'orientation imposée au clergé catholique par
notre bien voyant, bien avisé et bien aimé Pontife Pie X.
Sans prétendre que tout soit pour le mieux, que chacun
des scolastiques en particulier, et le scolasticat dans son
ensemble, aient atteint dans la perfection une limite
infranchissable, il faut cependant avouer qu'il y a beau-
coup de bien et beaucoup de bon. Ne pas en convenir
serait une erreur autant qu'une injustice.
Beaucoup travaillent sérieusement à devenir de vrais
religieux et de bons missionnaires par l'accomplissement
exact de tous leurs devoirs de règle, par l'acquisition des
vertus de leur état, par la mise en pratique des conseils
du véritable ascétisme. Beaucoup prennent au sérieux ces
six années de formation intellectuelle et religieuse en
utilisant sagement tout le temps — trop court — qui leur
est octroyé pour préparer leur ministère futur et s'affermir
dans la pratique des vertus du religieux missionnaire.
Peut-être pourrait-on désirer une conviction plus éclai-
rée, un goût plus prononcé pour quelques observances de
la Règle : sur le silence, la pratique du recueillement
extérieur ? Peut-être serait-on plus édilié encore, en péné-
trant dans la maison, de trouver chez nos scolastiques cet
air, ce cachet même extérieur de piété, de distinction
simple, de gravité sérieuse qui convient à une communauté
religieuse et la distingue d'un bon collège ou d'un sémi-
— M —
naiie fervent ? Peut-être pourrait-on souhaiter une plus
large mesure de renoncement à soi-même, de fusion chari-
table entre tous les membres de la communauté, une
formation plus éclairée et plus ferme de la conscience
pour se gouverner en tout sans fléchir par la considération
souveraine du devoir, une plus filiale soumission aux
dispositions des supérieurs qui entraine l'obéissance inté-
rieure et fuit comme la peste la moindre critique de leurs
ordres?...
Notre vénéré Fondateur, apparaissant au milieu des
scolastiques de Liège, tronverait-il en tous des religieux
animés de son esprit, copies vivantes des saintes règles
qu'il nous a laissées, travaillant à remplir, autant du
moins que le permet la faiblesse humaine, cet idéal de
perfection atteint par lui-même et proposé à tous les mem-
bres de la Congrégation dans celte admirable préface du
livre de nos saintes Règles?
Je laisse à d'autres le soin de répondre. Mais si, par
hasard, le scolasticat de Liège le cédait à d'autres en
certains points de la culture intérieure de l'esprit et de la
formation religieuse, il doit revendiquer au moins l'égalité
avec tous pour son amour et son attachement à notre
famille religieuse. A cause de cela, ceux qui seraient tentés
de le condamner pour ses défauts lui appliqueront les
paroles du divin Maître : « 11 lui a été beaucoup pardonné
parce qu'il a beaucoup aimé. » v Dîmilluntur ei peccata
mulla, quia dile.rit rnullum... » Je ne veux point, par là,
excuser les défauts que l'on pourrait y signaler, mais je
veux provoquer l'indulgence et exciter pour l'avenir une
large espérance : un enfant qui aime sa mère ne saurait
tarder à tout subir, à tout sacrifier pour lui faire plaisir.
Me sera-t-il permis d'exprimer ici un triple désir, bien
simplement, bien modestement et bien franchement?
Ne pourrait-on pas avoir un peu plus souvent au scolas-
ticat des visites canoniques, si favorables à la discipline
régulière et à la correction des abus, où chaque sujet peut
— 1.-) —
sans crainte confier au visiteur tout ce que sa conscience
lui dicte au sujet soit de ses égaux, soit de ses inférieurs,
soit de ses supérieurs immcdials?
Ne pourrait-on pas se montrer plus sévère aux noviciats
dans l'acceptation de certains sujets qui ne paraissent pas
avoir une véritable vocation religieuse et dès lors sont un
poids mort pour le scolasticat qui, après un an ou deux,
doit s'en débarrasser?
Serait-il possible de n'envoyer au scolasticat, soit comme
directeurs des scolastiques, soit comme personnel adjoint,
que des religieux stables et expérimentés, absolument
irréprochables à tous les points de vue, qui, par leur
exemple et leur direction ferme, éclairée et douce, veille-
raient avec sollicitude à cette délicate formation de jeunes
étudiants religieux ?
Je m'en voudrais de trop insister. Du reste, je sais que
l'on ne fait pas toujours tout ce que Ton voudrait, et que
la perfection ne se rencontre jamais dans les œuvres
humaines.
Personnel.
Le personnel immédiatement attaché au scolasticat se
compose du supérieur, de six professeurs et de l'économe.
Tous comprennent la grande importance de la charge qui
leur a été confiée et de la fonction qu'ils doivent i-emplir
envers les jeunes Oblats, avenir de la Congrégation.
Les RR. PP. G. et B. furent supérieurs durant sept ans
chacun. Celui qui m'a précédé immédiatement reprit avec
plaisir la chaire de morale qu'il avait déjà illustrée durant
plusieurs années, jusqu'au jour où il fut appelé au pro-
vincialat.
Depuis 1891, le scolasticat a vu arriver et partir plus de
30 professeurs et directeurs, ce qui n'indique pas une très
grande stabilité dans le corps professoral et peut-être
pourrait nuire à sa compétence pédagogique dans le double
— IG —
ordre intellectuel et ascétique. C'est ici, sans doute, que
l'on ne peut pas toujours faire ce que l'on voudrait.
La mort a frappé là aussi : en 1908, le P. Mauss et en
1905, le P. Maillet, ont été ravis à l'estime, à la reconnais-
sance et à l'affection de leurs confrères et de leurs élèves,
et ont laissé des regrets unanimes que le temps n'a pas
effacés.
Chapelle.
L'œuvre du scolasticat, bien que la plus importante,
n'est pas la seule confiée à la sollicitude des Pères de la
Maison de Liège.
La chapelle publique occupe constamment trois Pères
chapelains. Consacrée en 1896 par Mgr Doutreloux, évêque
de Liège, elle a rendu au quartier Saint-Lambert tous les
services que l'on demande à une chapelle de secours :
messes de dimanche, sermons, associations pieuses.
Tous les jours, on y dit quatre messes basses. Le diman-
che, fcix ou sept messes sont célébrées pour faciliter aux
fidèles l'accomplissement du précepte dominical; le soir,
office avec sermon, salut, selon la formule consacrée.
De temps à autre, quelque solennité plus grandiose
attire la foule en masses plus serrées et plus compactes :
telles les fêtes en l'honneur du Sacré Cœur, de la sainte
Vierge, de la bienheureuse Jeanne d'Arc, dont les pompes
sacrées, débordant l'enceinte trop étroite de l'intérieur de
l'église, animent de pieux chants et de prières publiques
les allées ombragées de notre parc.
Trois œuvres sont établies dans notre église Saint-
Lambert et confiées au zèle des Piévérends Pères chape-
lains : 1» L'Association des Dames de Marie Immaculée,
qui se réunissent toutes les semaines, ont une communion
générale tous les mois et une retraite de trois jours chaque
année. 2" La Confrérie du Sacré-Cœur, dont la fête men-
suelle se célèbre le premier dimanche de chaque mois par
— 17 —
l'exposition du Très Saiut Sacrement pendant toute la
journée, et la fête patronale, un des dimanches du mois de
juin, revêt un éclat particulier et attire une exceptionnelle
aftluence de fidèles. L'Association comprend deux sections,
celle des hommes et celle des femmes. 3° Le Cercle Saint-
Lambert, qui mérite une mention spéciale.
Ainsi que dans toutes les œuvres de ce genre, les mem-
Ijres du cercle Saint-Lambert se réunissent pour passer
honnêtement leur temps plusieurs fois par semaine, dans
un local que la Congrégation a bâti elle-même et gracieu-
sement mis à la disposition des messieurs qui composent
le cercle. Plusieurs sections : dramatique, chorale, etc.,
des jeux divers, des conférences, ont été organisés pour
intéresser à l'œuvre les membres affiliés et faire rayonner
le bien, la saine gaieté et l'amour de l'art chrétien.
Résultats.
Le bien se fait dans ce quartier Saint-Lambert de la
bonne ville de Liège ; les fidèles trouvent chez nous tout
ce qu'il leur faut pour maintenir et développer dans leur
âme la dévotion et la ferveur chrétienne. Nos Pères se
dévouent pour multiplier à tous les secours de la religion
et travailler selon leur pouvoir à maintenir, dans le quar.
Hier Saint-Lambert, la religion, la piété, la morale, la
fréquentation des sacrements.
Il serait juste de rappeler ici les noms des Pères si
méritants dont les fidèles garderont le souvenir reconnais-
sant. Depuis l'ouverture de l'église en 189G, huit Pères ont
passé en faisant le bien ou continuent de se dépenser pour
le salut des âmes. Tous ont mis en valeur les qualités
diverses de religieux, de prêtres, de pasteurs que le bon
Dieu leur a dévolues; tous ont travaillé dans le champ du
Père de famille avec des talents évidemment inégaux, des
méthodes subjectivement diverses, des effets proportion-
— 18 —
nellement dififérents, tous, dans une mesure vai'iable, ont
concouru à l'œuvre apostolique qui nous est confiée dans
ce quartier de la populeuse cité de Liège.
Eux non plus, sans doute, n'ont pas la prétention de
croire que la perfection est atteinte et ne pensent même
pas que tout soit sans défaut dans les œuvres pies de
l'Eglise, dans la marche du cercle Saint-Lambert. Ils con-
naissent trop bien les conditions dans lesquelles le bien se
fait à notre époque, et les obstacles de toutes sortes qui
paralysent souvent les meilleures volontés et arrêtent
l'essor du zèle. Ils reconnaissent volontiers qu'une plus
grande ferveur, une plus grande assiduité aux offices de
l'église est encore désirable; que la fréquentation des
sacrements de Pénitence et d'Eucharistie ne s'élève pas au
niveau rêvé ; que les vertus dont doivent être ornés les
membres d'un cercle catholique ne brillent pas toujours
d'un assez vif éclat. Preuve ajoutée à tant d'autres que la
perfection n'est pas d'ici-bas et qu'il faut savoir supporter,
tout en la regrettant, la médiocrité morale de ceux à qui
on voudrait tant de bien.
L'ouvrier apostolique ne sera pas récompensé en pro-
portion des résultats acquis, mais des efforts et de l'inten-
tion surnaturelle de son travail. Vérité consolante toujours
bonne à répéter et à opposer aux désirs imprudents, au
découragement moral et à l'insuccès apparent des œuvres.
Au point de vue matériel, la situation n'est pas de nature'
à exciter la jalousie. On ne pourra jamais accuser les
chapelains de Saint-Lambert de s'être engraissés du sang
des victimes, puisque, pour eus, ne se vérifie même pas
le mot de saint Paul, que l'ouvrier évangélique doit vivre
de son travail et que celui qui sert à l'autel doit vivre de
l'autel.
(A suivre.) C. Thévenox, 0. M. I.,
Supérieur.
liJ
PROVINCE D'ALLEMAGNE
MAISON DE SAINT-ULRICH
Rapport du R. P. Léglise
au Très Révérend Père Supérieur Général.
MON>.EIGNEUR ET BIEN-AIMÉ PÈRE,
Au commencement d'octobre 1905 une lettre duR. P. Wat-
terott, provincial, me notifiait la décision du Conseil me
nommant supérieur de Saint-Ulrich.
Je me trouvais à Montmartre, prêchant les exercices de
la retraite aux orphelins de la rue Saint-Rustique. J'allai
demander au Sacré Cœur de bénir ma charge nouvelle et
la maison que j'aurais bientôt à diriger pendant les six ans
qui viennent de s'écouler , à l'expiration desquels j'ai
remis entre bonnes mains la charge do supérieur.
Cinq Pères composaient alors la communauté : c'étaient,
avec le Père Supérieur, les RR. PP. Bach, Ravaux, Hofer,
Grosse, et les trois Frères convers : Schmalz, Braun,
Mùller. Mais bientôt nous arrivait d"Arnhem le R. P. Bo-
nicho, de Maria Engelport, le R. P. Hagen, tous deux
anciens déjà de Saint-Ulrich, connus en Lorraine et dont le
retour fut salué avec joie.
Trois années plus tard, en août 1908, le R, P. Hagen
nous quittait pour devenir un des premiers Pères qui
fondèrent la nouvelle résidence de Strasbourg. II nous reve-
nait au bout d'un an, chargé celte fois de l'économat, pour
repartir de nouveau au mois de novembre 1910 à Rome, où
le T. R. Père Supérieur Général lui confia la fonction déli-
cate et difficile de préfet spirituel à la maison d'Immensée.
— 20 —
en Suisse, non loin de Lucerne. C'est Pie X lui-même qui
avait demandé qu'un Oblat fût chargé de ce poste. Un an
plus tard, le R. P. Hagen retournait à Strasbourg.
En août 1900 nous vient d'Engelport le Frère convers,
Adolphe Henlzienae, et quelques mois plus tard, fin de
novembre, le F. Joseph Gérard. Ce dernier, à cause de son
ignorance de la langue allemande, était allé faire son novi-
ciat au Bestin, après entente avec le R. P. Lemius, provin-
cial. Ce Frère arrivait à propos pour remplacer l'excellent
F. MuUer, qu'une obédience envoyait au Basutoland. Il
était ici depuis sept années et remplissait les fonctions de
cuisinier et de portier. Il fut toujours pour la communauté
un modèle de piété et de régularité, un vrai religieux. Dieu
devait, comme pour Abraham, se contenter de son sacrifice.
Il contracta sur le bateau qui le conduisait en Afrique le
germe d'une fièvre qui devint mortelle quelques mois après
son arrivée à la préfecture du Basutoland. Il mourait le
19 mars, regretté et pleuré par toute la communauté de
Roma et surtout par le vénéré préfet apostolique, aujour-
d'hui Mgr Cénez, qui avait de suite reconnu son mérite et
ses vertus, et fondait sur lui de réelles espérances.
Le 2 février 1908, arrivée du F. Joseph Mertz. Il venait
de prononcer ses premiers vœux, mais n'était pas un
inconnu à Saint-Ulrich. 11 y avait passé quelque temps
comme postulant avant de faire son service militaire. Il
remplaça à la basse-cour et au jardin notre cher et bon
F. Braun, envoyé à la nouvelle fondation de Strasbourg.
Depuis douze années, ce Frère était avec nous, travaillant
autant que sa faible santé le lui permettait, mais avec
toute sa meilleure bonne volonté, aussi je lui redis notre
sincère reconnaissance.
En 1909, le 18 février, le R. P. Landsberg vient renforcer
le nombre de nos missionnaires. Il ne demeure au miUeu
de nous que dix-huit mois et part pour le noviciat de
Saint-Gerlach dont il est nommé le supérieur. En même
temps que lui, le R. P. Grosse, après un séjour de
— 21 —
10 années à Saint-Ulrich, parlait pour la Hollande à lu
maison Je Arnliem.
Heureusement qu'avant ces départs nous était venu de
Saint-Nicolas le P. Antoine Dindinger, excellent mission-
naire à qui il ne manquait qu'une santé meilleure. Tout
récemment l'obéissance l'a envoyé subitement à la maison
nouvellement créée de Mayence. Il n'avait passé que 3 ans à
Saint-Ulrich.
Ces Pères ont eu comme remplaçants les jeunes Pères
Gatter, Nicolaus et Bour, venus de diverses maisons
d'Allemagne et dont la bonne santé et les meilleures
dispositions nous promettent un actif ministère. Mention-
nons enfin le Pt. P. Metzinger, ancien supérieur du juniorat
de Saint-Charles, qui passa ici comme un météore rapide. A
peine arrivé, à peine connu, et déjà aimé, il s'enfuyait
pour diriger une création nouvelle d'œuvres à Neuss, près
de Cologne.
Beaucoup plus tôt, un autre départ avait eu lieu, mais
cette fois pour un monde meilleur. Je veux parler du
R. P. Bach, de vénérée et sainte mémoire, endormi pieuse-
ment du sommeil de la mort le 23 juin ICOS. C'est lui qui
me reçut, il y a vingt-quatre ans déjà à Saint-Ulrich, qui fut
mon premier supérieur, toujours un ami fidèle, aussi c'est
avec un attendrissement tout filial que je vais lui consacrer
quelques lignes.
Le R. P. Bach naquit à Achen, petit village de la Lorraine
allemande, le 1" mai 18:31. Il appartenait à une de ces
familles lorraines aux fortes convictions religieuses chez
lesquelles Dieu, la religion, le devoir, sont au premier
rang. Quoi d'étonnant que la Providence fût venue choisir
dans ce foyer trois vocations? Un jeune frère suivit plu8
tard le R. P. Bach au grand séminaire de Metz. Un autre
était entré au noviciat des Frères des Ecoles chrétiennes.
Au collège de Bitsch, où il fit ses premières études, le
R. P. Bach comptait comme condisciples deux élèves qui
devaient s'élever plus tard aux premières dignités.
0-3
Mgr Louis Fleck, coadjuteur du vénéré et saint Mgr Du-
pont des Loges, et ensuite son successeur, Mgr Karst,
protonotaire apostolique, vicaire général sous l'épiscopat
de ces évéques. Tous deux conservèrent au R. P. Bach une
estime et une amitié fidèles. Ordonné prêtre en 1855, l'abbé
Bach devint vicaire de Sarralbe, puis curé de Spichern, où
eut lieu la première bataille de 1870. Six ans plus tard, il
allait frapper à la porte du noviciat des Oblats à Nancy.
A part quelques mois passés en Angleterre durant la
guerre franco-allemande, le ministère du R. P. Bach
s'exerça constamment en Lorraine, soit qu'il résidât à
Nancy, ou à Notre-Dame de Sion, ou à Saint-Ulrich.
C'est le 15 novembre 1880 qu'il arriva ici, en compagnie
du bon F. Dreyer.
La maison, complètement abandonnée depuis 12 années,
n'ofifrait que le spectacle de ses ruines. La chapelle du
pèlerinage était lamentable. Le R. P. Bach se mit à l'œuvre,
fonda la maison, fonda la communauté, lui donna de
solides bases de régularité et de travail. Il n'était pas un
missionnaire brillant, mais un apôtre infatigable, d'une
doctrine sûre en même temps que simple, faisant surtout
le bien au confessionnal. Est-il une seule paroisse du diocèse
de Metz qu'il n'ait évangélisée ?
Toujours il fut un religieux dans toute la sincérité et
l'ampleur de l'expression : rude pour lui-même, le premier
à tous les exercices, d'un esprit de pauvreté, porté parfois
à l'extrême, d'une humilité rare, d'une obéissance exem-
plaire, d'une piété qui ne connut aucun fléchissement.
Quand, vers la fin de sa vie, ses jambes s'ankylosaient,
quels efiforts pénibles il savait faire pour se rendre aux
exercices, pour s'agenouiller devant le Très Saint Sacre-
ment, pour se tenir debout à l'autel ! Dieu le purifia avant
sa mort par une épreuve pénible. Durant deux longues
années, le pauvre Père fut cloué sur sa chaise, dans une
immobilité complète. Jamais l'ombre d'une plainte, ni
même une expression d'impatience ne parut sur ses lèvres.
Il avait eu le privilège de célébrer ses noces d'or sacerdotales
quelques années auparavant, c'était le il août 1905. Dans
sa grande modestie il avait défendu toute réunion, toute
solennité. Il fallut agir en secret pour organiser ce jour une
petite fiHe do famille. A dessein le conseil provincial s'était
tenu la veille à Saint- Ulrich. Mgr Karst, vicaire général,
vint rehausser de sa présence les agapes fraternelles. Les
curés du voisinage étaient venus apporter leurs félicitations
au vénéré jubilaire. Tout fut simple, mais tout fut beau,
cordial et charmant.
Ce fut le 23 juin 1908 que le R. P. Bach rendit sa belle
âme à Dieu, dans l'Octave du Saint Sacrement, dont il
avait prêché le culte si souvent durant les fêtes de l'Adora-
tion perpétuelle, si solennelle en Lorraine, la veille de la
fêle de saint Jean-Baptiste, précurseur du Christ, dont il
fut aussi l'envoyé ; l'avant-veille de la fête du Sacré Cœur,
qui était sa grande dévotion.
De très nombreux prêtres, des archiprètres de la contrée,
des délégués des diverses maisons rehgieuses du diocèse,
franciscains, rédemptoristes, honorèrent ses funérailles,
qui furent présidées par M. le chanoine Erman, secrétaire
général de l'évèché.
Son corps repose dans notre petit cimetière à l'ombre de
notre sanctuaire, auprès des restes du R. P. Mauss, qui fut
son premier et fidèle compagnon de mission.
Nos travaux.
Dans des rapports précédents j'ai parlé du genre de nos
labeurs apostoliques : rarement ce sont de grandes mis-
sions comme en France et en Allemagne. Au diocèse de
Metz, les fêtes de l'Adoration perpétuelle sont célébrées
avec une splendeur peu commune. Elles durent trois jours,
toute la paroisse est en fête et en prières. Beaucoup de
paroissiens communient les trois jours ; toujours ces fêtes
— 24 —
sont précédées de cinq, huit, quinze jours de prédications.
Ainsi, de cinq en cinq ans, chaque paroisse se renouvelle
chrétiennement. Mais comme ces fêtes n'ont pas d'arrêt,
été et hiver il nous faut être sur la brèche. Les commu-
nautés religieuses sont nombreuses, et il en est comme
celles de Peltre, de Saint-Jean de Bassel, dont nous
prêchons toutes les diverses retraites de pensionnat,
de noviciat, des supérieures, et les grandes retraites
d'automne.
Quelquefois, mais rarement, nos Pères allemands vont
prêter leur concours aux autres maisons d'Allemagne, et
plus rarement encore les Pères de langue française passent
la frontière de Belgique ou de France pour aller porter la
parole divine sur un autre terrain. Quand, comme celui qui
écrit ces lignes, on évangélise le même diocèse depuis bien-
tôt un quart de siècle, ces sorties sont vraiment des jours
de repos et de vacance.
Dans 324 paroisses du diocèse, la prédication se fait en
langue allemande; dans 261 en langue française.
Enfin il y a 45 paroisses, toutes paroisses de ville ou de
centres industriels qui sont mixtes et où il faut prêcher
dans les deux langues. Ces chiffres montrent comme il est
urgent et indispensable de préparer pour la maison de
Saint-Ulrich des Pères aptes à parler en langue française.
D'autant plus que dans beaucoup de paroisses, de commu-
nautés religieuses, de pensionnats, vu l'émigration, on
nous demande un Père qui puisse prêcher simultanément
en français et en allemand. Caveant consules.
Nous avons à desservir le sanctuaire de Saint-Ulrich,
pèlerinage qui a près d'un millier d'années d'existence.
Les pèlerins sont de plus en plus nombreux, nos deux
grandes fêtes des 4 et 16 juillet, fêtes de saint Ulrich et de
Notre-Dome du Mont-Garmel attirent un concours immense
de pèlerins; la chapelle suflit à peine pour contenir ceux
qui se confessent et communient : six Pères sont employés
à ce ministère toute la matinée. Les offices solennels et les
prédications se font en plein air.
En juillet 1909 ces fêtes revêtirent un éclat extraordinaire.
Mgr Cénez, enfant de la Lorraine, qui était venu passer au
milieu de nous les mois qui précédèrent son sacre, voulut
bien chanter la messe pontiûcalement le 4 juillet, et le 16
présider la fête. Soixante-dix prêtres l'entouraient.
Ces jours firent époque, et on aime de temps en temps au
pays à en rappeler le souvenir. Nos Missions ont donné la
description de cette belle journée du 1" mai 1909, où eut
lieu à la cathédrale de Metz le sacre de Mgr Cénez par Sa
Grandeur Mgr Dontenwill, assisté de Mgr Schrod, de Trêves,
et de Mgr Breynat.
Ce compte rendu était tiré du journal Le Lorrain et dû à
la plume si appréciée de M. le chanoine CoUin.
Mgr Benzler, évèque de Metz, se trouvant alors souffrant,
pria le nouveau vicaire apostolique de le remplacer pour sa
tournée de confirmation. Mgr Cénez accepta ce qu'il regar-
dait comme un devoir de reconnaissance; partout il fut reçu
avec ravissement et allégresse qui se traduisirent par une
générosité marquée.
Nos retraites annuelles ont été prêchées régulièrement
dans le cours de ces six années : d'abord par le remplaçant
du R. P. Yungbluth, que la mort venait de frapper
quelques jours avant sa venue au milieu de nous, et
d'autres Pères.
Le bon P. Isler, de Saint-Charles, et le R. P. X., prê-
chèrent nos deux dernières retraites. Je dis dernières, car
le R. P. Kassiepe, provincial, vient d'inaugurer des retraites
générales pour tous les Pères de la province, lesquelles ont
lieu à Maria Engelport, et c'est là que se rendent désormais
nos Pères, soit en février, soit en juillet, époque où ont lieu
ces exercices.
26 —
Quatre Frères convers s'occupent de nos travaux
manuels.
Le F. Schmalz a la charge de la chapelle, de la sacristie,
du jardin, des com-ses à la ville de Sarrebourg.
Au mois de juin dernier, nous avons célébré ses noces
d'argent de résidence à Saint-Ulrich. Si ses cheveux ont
blanchi, il n'a rien perdu de ses forces, et sa voix a conservé
son ampleur et sa sonorité. C'est lui qui chaque dimanche
dirige le chant à nos offices.
Le F. Hentzienne est cuisinier et portier ; il remplit ces
deux fonctions avec conscience. Il est chargé en même
temps de notre petit magasin d'objets de piété.
Au F. Gérard est confié le réfectoire, la cave, la propreté
des chambres, de la maison, le blanchissage du linge. C'est
beaucoup, néanmoins ce bon Frère sait faire face à toutes
ces fonctions, et grâce à ses mains diligentes une propreté
remarquable règne dans toute la maison et à la lingerie.
Le F. Mertz est second jardinier et a toute la basse-cour,
vache, poules, lapins, chien, etc., confiée à sa garde et à ses
soins.
Que ces excellents Frères soient remerciés de tout leur
dévouement l
***
Saint-Ulrich est un lieu charmant en été. Frais ombrages,
air pur, montagnes des Vosges, qui élèvent non loin de
nous leurs cimes vertes et élancées. Aussi chaque année
quelques visiteurs nous arrivent.
De Rome ce furent les RR. PP. Dozois et Scharsch, qui
passèrent ici le mois de juillet 19<)S. L'an dernier, le 25 août,
c'est vous, Monseigneur, qui, en quittant l'Alsace, votre
pays d'origine, nous fîtes votre première visite de supérieur
général. Nous nous souvenons avec plaisir de ces beaux
— '^7 —
jours passés en votre comiiagnie et de la fête «le saint Au-
gustin qu'il nous; lut donné de célébrer solennellement et
filialement.
Votre visite a fait un bien réel à la communauté. Puisse
la Providence la renouveler encore !
C'est sur ce souhait que je termine mon rapport, en vous
priant de nous bénir et de recevoir l'hommage de nos très
respectueux et affectueux sentiments en Notre-Seigneur et
en Marie Immaculée.
C. Léglise. 0. M. I.
Maison de Saint^Gharles.
{Suite du Rapport publié, n"^ de décembre 1911, p. 374,
juin 1911, p. 190, et septembre 1911, p. 311.)
III. — De ceux qui ont bien mérité
de Saint-Charles.
A6 effectu ad caiisam, disent avec raison les philosophes ;
des effets on remonte aux causes, et la vue d'une œuvre
fait penser à l'ouvrier. Il est donc tout naturel, c'est même,
on le comprendra, un devoir de justice, qu'après avoir
esquissé aux lecteurs des ^Missions l'œuvre qui s'appelle le
Juniorat de Saint-Charles, nous leur en présentions aussi
l'ouvrier, ou, si l'on veut, les ouvriers.
Nous disons : l'ouvrier. Car, pour être très court, il nous
suffirait de dire ici avec le Psalmiste : A Domino factuin
est istud. Oui, Saint-Charles, ce magnifique juniorat de la
belle province d'Allemagne, est en première ligne l'œuvre
du bon Dieu. Son histoire tout entière lui donne une place
d'honneur parmi ces innombrables faits qui permettent de
toucher comme du doigt l'action à la fois douce et forte de
— 28 —
la divine Providonce clans la marche des événements et
nous montrent comment cette Providence sait admirable-
ment tirer d'un grand mal un bien pour le moins propor-
tionné ; car il restera toujours vrai que la fondation du
juniorat de Ileer, lequel devint ensuite le juniorat de
Saint-Charles, a été occasionnée par la pereécution reli-
gieuse en Franco. Donc, au bon Dieu la gloire, ipsî gloria!
A Domino factuyn est istud, et est mirabile in oculis
nostris.
Mais qui l'ignore? Dieu, cause première, auteur principal
de tous les Liens, se sert ordinairement des hommes comme
d'autant d'instruments pour l'exécution de ses desseins
ici-bas. Or, ils sont bien nombreux ceux qui furent ses
instruments, les hommes de sa droite, dans l'œuvre de
Saint-Charles, c'est-à-dire ceux qui, par leur travail per-
sonnel, ou par leurs encouragements, ou par leur bienfai-
sance, ou par leur sympathie, ou de n'importe quelle autre
manière, ont conlribué à l'admirable développement de
notre juniorat ; en d'autres termes, tous ceux qui ont bien
mérité de cette chère maison. Ce sont précisément ces bene
meriti que nous devons passer en revue dans cette troisième
partie de notre rapport.
Pour ne pas nous perdre dans la foule et ne faire tort à
aucun en l'oubliant, nous les réunirons en quatre groupes
différents : 1» les Supérieurs de tout rang; 2» les Pères
professeurs ; 3" les frères convers ; 4° les étrangers.
/. Les Supérieurs.
a) Les Supérieurs locaux. — Parlons d'abord de ceux
des Supérieurs qui furent le plus immédiatement à l'œuvre
pendant la période des 25 premières années, c'est-à-dire
des supérieurs locaux ou directeurs du juniorat. Il y en eut
quatre. Voici sur chacun d'eux quelques détails que nous
empruntons au Codex historiens et à la Maria Imma-
culata.
— 20 —
lo Le R. P. Léon Lcgrand. — Le premier en date est
l'inoubliable P. Legrand. Ce Père, des voix autorisées l'ont
dit maintes fois, doit être considéré comme le fondateur,
créateur et organisateur de Saint-Charles. Homme intelli-
gent, aux vues larges, à la volonté forte et courageuse, au
cœur dévoué, religieux modèle et profondément pieux, il
fut vraiment dans les mains de Dieu un digne instrument,
apte à réaliser de grandes choses. En 1884, il avait succédé
au bon P. Rousseau comme supérieur de la maison du
Sacré Cœur à ïleer. Au mois de mars de l'année suivante,
quand on acquit la propriété de Ravensbosch, il signa,
avec le R. P. Voirin, provincial du Nord, et le R. P. Brûlé,
l'acte d'achat comme copropriétaire ; puis, au mois d'oc-
tobre 1885, il conduisit et installa la communauté de Heer
dans sa nouvelle demeure, qui s'appelait Saint-Charles.
Nous avons vu précédemment {Missions, déc. 1910, p. 377)
en quel état précaire il trouva la maison; mais, actif comme
il était, il eut vite mis ordre à tout : l'aménagement était
achevé au bout de quelques mois.
A cette époque, le lecteur peut s'en rappeler {Missions,
ibid.), l'aile droite était moins longue que maintenant et
n'avait qu'un étage. Or, le nombre des élèves ne cessant
d'augmenter, on agrandit cette aile en 1888, vers le nord,
de manière à avoir trois nouvelles salles de classe au rez-
de-chaussée et au 1" étage un dortoir, qui est la grande
étude actuelle. L'espace ainsi gagné ne tardant pas à de-
venir insuffisant, le supérieur résolut d'élever l'aile droite
d'un second étage, ce qui eut lieu en 1890 ; il fit construire
en même temps, à l'extrémité sud, un nouveau réfectoire
beaucoup plus spacieux, avec deux étages supérieurs pour
le logement des Pères, en sorte que toute l'aile droite, telle
que nous la voyons aujourd'hui, avec ses grandes divisions
intérieures, est l'œuvre du R. P. Legrand.
En 1891 et 1892, il fît exécuter d'autres travaux, dans le
Ijut de rendre le train de maison moins dispendieux et plus
indépendant des étrangers; il s'agissait d'installer, dan:<
— so-
dés constructions basses, à l'ouest de la maison d'habita-
tion, un moulin, une buanderie pourvue de différentes
machines, une dynamo pour l'éclairage électrique et un
moteur à vapeur ayant pour fonction la mise en activité
des machines. En 1895 il fit donner à l'extrémité sud de
l'aile gauche la hauteur et les proportions actuelles, com-
prenant un rez-de-chaussée et deux étages, tout comme la
partie correspondante de l'aile droite ; là devaient se trouver
les ateliers des Frères convers, tels que menuiserie, impri-
merie, reliure, cordonnerie, couture, etc. , de plus leur salle de
lecture, la salle des exercices j^our toute la communauté et
quelques autres pièces, lesquelles devinrent, en ce qui con-
cerne le rez-de-chaussée et le premier étage, la salle du
théâtre d'aujourd'hui (V. Missions, déc. 1910, p. 383). A
l'ouest de ce nouveau grand bâtiment, on en construisit un
autre plus petit destiné à recevoir un nouveau moteur à
vapeur avec générateur plus fort et volant plus lourd. Tout
cela c'était, j^our nous servir de l'expression originale du
R. P. Legrand lui-même, autant de coups d'épaule, de
vraies poussées de géant, que du reste le bon Dieu semblait
l'inviter à donner : « Dilata lociim tentorii tui » (Isai.,
Liv, v. 2), élargis ta maison, fais de la place pour ces enfants
qu'il me plaît de t'envoyer en nombre toujours croissant,
filii multi.
Cependant ce ne fut pas seulement pour le développement
matériel qu'il déploya une activité infatigable ; il eut plus
encore à coeur de promouvoir le bien spirituel — intellec-
tuel et moral — du juniorat, employant dans ce but tous les
moyens et y consacrant toutes les ressources possibles. Là
également il révéla en lui le maître, l'homme pratique qui
sait se plier aux circonstances. C'est ainsi que pour l'ensei-
gnement des sciences et des lettres il adopta franchement la
méthode allemande, si différente de ce qui s'était pratiqué
jusque-là dans nos juniorats. En 1888 on fit une première
modification qui consistait à faire faire les études en six ans,
à diviser par suite les élèves en six cours, à diminuer la
— 31 —
durée des classes et à en augmenter le nombre pour les
élèves des trois cours inférieurs. En 1891 on introduisit un
changement plus radical encore, car il amena la mise en
vigueur de tout le système actuel, au moins dans ses lignes
principales, tel que nous l'avons décrit dans la seconde
partie de notre rapport {Missio7is, juin 1911, p. 196-200).
C'est encore sous le R. P. Legrand que l'on commença à
monter le caljinet de physique; les premiers instruments
arrivèrent en 1890, et presque tous ceux dont notre collec-
tion se compose aujourd'hui datent de son temps.
Pour procurer à nos enfants des délassements plus pro-
pres à les remettre des fatigues de l'année scolaire, il
décida, dès 1888, de leur faire passer au moins une partie
des grandes vacances chez eux, et cela après trois années
de séjour dans l'établissement ; c'était un essai, mettons
même une innovation qui rompait elle aussi avec le passé,
mais de laquelle, grâce à Dieu, ni lui, ni ses successeurs,
n'eurent à revenir dans la suite (Cf. Missions, sept. 1911,
p. 324). Puis, pour entretenir parmi eux la vie, l'entrain, la
bonne gaieté, il favorisa de tout son pouvoir la musique,
le chant, les belles séances théâtrales, les grandes excur-
sions, etc.
■ Entln, il avait l'œil et la pensée à tout. Il s'entendait à
enthousiasmer les junioristes pour leur vocation et à leur
faire aimer notre famille religieuse ; mais aussi, il veillait
à ce qu'ils fussent formés à ce bon esprit, à cette piété
solide, à ces mâles vertus qui conviennent à des futurs
Oblats missionnaires, et qu'il leur faisait puiser principa-
lement dans la dévotion au Sacré Cœur et dans la commu-
nion fréquente. D'une main ferme, qui Inspirait une
crainte salutaire, mais sous laquelle on sentait l'affection
d'un père bien intentionné, il faisait régner la discipline
et le bon ordre parmi son jeune monde, ne lui épargnant
ni exhortations, ni avis, ni remontrances ; et, comme a
écrit quelqu'un, ces aliments spirituels, toujours servis
dans la belle langue de Bossuet et de Fcnelon, étaient sou-
vent assaisonnés d'un sel gaulois très piquant, mais non
moins salubre (Cf. Maria Imniaculata, oct. et nov. 1910).
Parmi les nombreuses occupations que lui créait l'œuvre
toujours progressive du juniorat, le R. P. Legrand trouva
le loisir de se livrer fréquemment au ministère de la parole
divine, de donner, tantôt en Belgique, tantôt en France, des
retraites, des triduums, des octaves, des neuvaines, voire
des stations quadragésimales, et d'autres travaux qui lui
fournissaient l'occasion de faire connaitre son œuvre au de-
hors et d'y intéresser des âmes zélées. Mais il lui importait
l^ar-dessus tout d'atteindre ces mêmes résultats en Allema-
gne, pays d'origine des junioristes de Saint-Charles, c'est-
à-dire d'y faire connaître toujours davantage et le juniorat,
et la Congrégation entière, et les missions qui lui étaient
confiées dans les différentes parties du monde. Un des
moyens de propagande les plus efficaces sous ce rapport se-
rait, pensait-il, une publication mensuelle dans le genre de
nos Petites Annales ; et ce fut précisément la Maria Imina-
culata, fondée au mois d'oct. 1893, à Saint-Charles même,
où la rédaction siégea jusqu'à son transfert au scolasticat
de Hunfeld en 1897. Quelques mois après — mai 1894 —
les rédacteurs de la Maria Immaculala fondèrent le
Missionsverein. C'est une association pieuse approuvée
par Léon XIII: elle a également son centre à Hunfeld, et
est devenue d'une extrême importance pour la province
d'Allemagne et pour toutes nos missions : car les membres,
qui dépassent aujourd'hui le chiffre de 50.000, s'engagent à
prier chaque jour pour nos œuvres et à verser chacun la
modeste cotisation annuelle de 50 cent., ce qui amène pour
tous à la fin de chaque année la somme ronde de 25.000 fr.
(Cf. Maria Imniaculata, juill. 1910).
Pour la province d'Allemagne, disions-nous. En effet,
l'établissement de la Congrégation des Oblats dans ce
vaste empire, tel fut après tout le grand but, le but prin-
cipal que poursuivait le R. P. Legrand de concert avec ses
fidèles collaborateurs, et qui, étant donné le grandiose
1
— 33 —
(lévploppement du juniorat, finirait par s'imposer comme
une nécessité dans un avenir plus ou moins rapproché.
Les négociations, pour en arriver là, étaient ouvertes dès
1891. Ce n'est pas ici le lieu de montrer par quelles voies,
nous allions dire par quels longs détours, il fallut les mener
à cause de la situation politique d'alors, ni de relater tous
les voyages et toutes les démax'ches que fit le premier
supérieur de Saint-Charles pour leur heureux aboutisse-
ment. Qu'il nous suffise de constater que la fondation de
la province d'Allemagne, effectuée en 1893, fut en partie
son œuvre : ce dont cotte province et la Congrégation
entière lui sauront toujours gré (Cf. Maria Immaculata,
ibid.).
Presque tous ses projets avaient été mis à exécution
quand l'obéissance, qui demande souvent de grands sacri-
fices, l'appela à un autre poste ; c'était au mois de juin
1896, dans la douzième année de son supériorat, en comp-
tant l'année de Heer. Il accepta le sacrifice généreusement,
imitant le preux officier de marine, le capitaine désinté-
ressé, qui, heureux de voir son navire rendu en bon état
au port, le quitte d'un cœur soumis et tranquille quand
l'officier supérieur lui fait signe à cette fin. Et en vérité,
le R. P. Legrand, en habile et bon capitaine, avait conduit
le navire de Saint-Charles au port de la prospérité ; il
l'avait fait arriver à un point qui lui permettait d'être
content. Pourtant, nous dit ici la chronique, lui, cet
homme à l'âme si forte et d'une énergie de fer, réussit mal
à cacher son émotion, lorsque, le matin du 25 juin, accom-
pagné de la communauté de ses bien-aimés junioristes, il
se dirigea pour la dernière fois vers la gare de Fauque-
mont. C'est qu'un jour, remerciant ces mêmes junioristes
de leurs souhaits de bonne fête, il leur avait dit cette
mémorable parole, qui est tout à son honneur : « Si vous
pouviez ouvrir mon cœur, vous y verriez le nom de Saint-
Charles. » Et maintenant il fallait s'en séparer !
Or, que le nom de cette chère maison fût vraiment gravé
3
— 34 —
en caractères indélébiles dans le cœur du R. P. Legi-and^
celui-ci nous l'a prouvé lui-même, en la revoyant plusieurs,
fois dans la suite. Quelques mots encore à ce sujet. —
1° Au mois de juin 1898, il nous surprit agréablement
en venant avec le R. Père Supérieur et deux Pères de
Liège, où il desservait alors comme premier chapelain la
belle église Saint-Lambert. — 2° Le 2 janvier de l'année sui-
vante, la communauté étant déjà réunie au réfectoire pour
le repas de midi, nous vîmes tout à coup la porte de la salle
s'ouvrir large et livrer passage à notre Père Legrand. On
croirait entendre encore les applaudissements frénétiques et
interminables que son apparition soudaine provoqua. En
son honneur la promenade de règle fut remplacée par une
gracieuse petite séance improvisée. Ce n'était, disait le Rév.
Père Supérieur, en nous le présentant et en le faisant
acclamer comme l'auteur de toutes les magnificences que
nous admirions à Saint-Charles, ce n'était qu'un faible
témoignage de notre reconnaissance envers lui. De son
côté, le bien-aimé visiteur remercia en quelques mots
venus du cœur, avouant que la charmante heure qu'on
venait de lui faire passer lui avait vivement rappelé les-
mille douces jouissances autrefois goûtées ici par lui. —
3o Au mois de mai de la même année 1899, il voulut, par
une délicate attention, nous faire une troisième visite en
compagnie du R. P. Mac-Intyre, avant de se rendre à
Saint-Thomas de Jersey dont il devenait le supérieur pour
une douzaine d'années. Lorsqu'en juin 1904, il célébra
là-bas son premier jubilé ou noces d'argent de prêtrise,
la communauté de Saint-Charles s'y associa de la manière
qui lui fut possible. C'était trop modeste à notre gré ; mais
nous allions pouvoir nous dédommager. — Car: 4» le mois
suivant, à l'occasion d'un voyage sur le continent, le jubi-
laire lui-même reparut au milieu de nous. Alors nous lui
fîmes une fête en règle, conformément au grand cérémo-
nial de Saint-Charles, avec joyeuse excursion au Rotsparc
de Fauquemont. Dans sa belle réponse au toast que le
OJ
Kév. Père Supérieur lui porta pemlant le dîner, il se dit
heureux d'avoir pu voir de ses yeux ce qui s'était fait ici
depuis son départ, c'est-à-dire depuis huit ans; la réalité,
ajoutait-il, dépassait ce que d'autres lui en avaient rap-
porté. Puis, aux applaudissements de toute la commu-
nauté, il exprima le désir le plus sincère que Saint-Charles
se maintint constamment dans le même état de prospérité,
afin de rester la source abondante où s'alimente la jeune
et florissante province d'Allemagne. — 5o Notre retraite
annuelle (octobre 190'i) nous le ramena encore, car il avait
accepté de la prêcher ; et grande fut la joie, profonde l'édi-
fication que ses excellentes conférences causèrent à ses
auditeurs, pour la plupart ses anciens junioristes. — 6" Sa
dernière visite, celle dont nous ne devions pas être privés,
il nous la fit au mois de juillet 1910, lors des fêtes jubi-
laires de la maison. Ces fêtes ayant été suffisamment
décrites dans les Missions (sept. 1910, p. 283-287) et dans
la Maria Immaculata (août 1910), nous nous en tiendrons
à ce seul souvenir en ce qui concerne le R. P. Legrand.
Il y a environ vingt-deux ans (août 1890), une fête d'un
autre genre réunissait dans la grande salle de Saint-Ger-
lach les membres de nos trois communautés du Limbourg,
junioristes, novices et scolasliques. Après un brillant dis-
cours que Sa Grandeur, Mgr Langevin, archevêque de
Saint-Boniface, alors le P. Langevin, prononça vers la fin
du dîner, et qui lui valut des applaudissements enthou-
siastes, le R. P. Legrand demanda, lui aussi, la parole :
« Je bois à l'avenir », dit-il ; et ce fut tout son toast. En la
mémorable journée du 21 juillet 1910, en laquelle 43 prê-
tres Oblats d'Allemagne, de Hollande, de Belgique, de
France et de Jersej^, se trouvèrent réunis au grand réfec-
toire de Saint-Charles , autour de leur Révérendissime
tiénéral , Mgr Dontenwill , avec 28 Frères convers et
200 junioristes, le même P. Legrand vit cet avenir devenu
présent, mais un présent parfait, tel sans doute qu'il
l'avait rêvé jadis ; et alors il acheva son toast par ces
— 36 —
paroles bien dignes de lui : « Je bois au plus-que-parfait de
Saint-Chaiies. i
Eh bien ! que ce plus-que-parfait devienne à son tour
une réalité présente, jamais, néanmoins, il ne saurait faire
oublier celui qui en a posé les fondements dans le passe.
Car son œuvre, visiblement bénie de Dieu, a produit des
fruits trop beaux et trop durables ; il est de ceux à qui
l'on peut appliquer le mot de nos saints Livres : Laudent
euin opéra ejus. Et s'il pouvait, lui aussi, ouvrir les cen-
taines de cœurs qu'il a formés comme supérieur de Saint-
Charles, il y lirait également un nom écrit en lettres
ineffaçables : le sien.
2» Le R. P. Nicolas Ravaux. — Son successeur dans le
juniorat fut son aide assidu, son aller ego pour le dévoù-
ment à l'œuvre : j'ai nommé le R. P. Nicolas Ravaux, que
connaissent fort bien beaucoup de lecteurs des Missions.
Ce Père, originaire de la Lorraine et ancien junioriste de
N.-D. de Sion, avait été professeur à Heer depuis une
année^ quand le juniorat passa de là-bas à Ravensbosch; il
fut donc un des premiers professeurs de Saint-Charles, et
resta jusqu'en 1888, enseignant surtout l'allemand. Or,
durant ce laps de temps, il fit plusieurs voyages qui devaient
avoir les plus heureuses conséquences pour l'œuvre du
juniorat, et qui méritent d'être signalés ici. Nous laisserons
parler le R. P. Legrand lui-même, chroniqueur de cette
époque.
Donc, vers la fin du mois d'août 1887, le R. P. Ravaux fut
envoyé à Trêves pour assister au congrès des œuvres
catholiques et tâcher d'intéresser à nos œuvres quelques
éminenfs catholiques de l'Allemagne. Il s'acquitta de cette
importante mission avec beaucoup de zèle et d'intelli-
gence, et obtint les plus précieux encouragements de NN.
SS. de Trêves et de Luxembourg. A force de démarches il
parvint même à s'introduire auprès de son Excellence
M. de Windhorst, et lui parla avec tant de clialeur et de
— 37 —
conviction que l'illustre orateur et chef du Centre se décida
à recommander à la bienveillance des catholiiiues allemands
les œuvres de notre Congrégation, notamment le juniorat
de Saint-Charles.
Au commencement de janvier 1888, le Père se rendit au
nom de son supérieur auprès de Mgr l'archevêque de Colo-
gne, pour lui demander une lettre d'approl)ation, l'autorisa-
tion nécessaire pour faire des sermons de charité et des
quêtes dans son diocèse en faveur de notre juniorat. Mon-
seigneur, après avoir lu attentivement les lettres de recom-
mandation données précédemment par NN. SS. de Trêves
et de Ruremonde, accorda l'autorisation demandée, et
même voulut bien, par qtielques lignes écrites de sa main,
recommander l'œuvre du juniorat à la charité de ses
diocésains.
Le 4 mars de la même année le R. P. Ravaux retourna à
Cologne pour donner, dans le même but, une conférence
devant le Volhsverein (célèbre association populaire).
C'était pour la première fois qu'un Oblat de Marie Imma-
culée allait parler devant un public allemand, en Allemagne
même. La conférence fut écoutée avec une très grande
attention et publiée ensuite sommairement par plusieurs
journaux; l'orateur reçut les félicitations du président de
l'assemblée, M. Meisser, et de M. Benger, alors vicaire de la
cathédrale et maintenant curé de la paroisse de Quadratli.
ami fidèle et dévoué, qui appelle souvent les nôtres pour le
saint ministère. Le lendemain, 5 mars, le Père fit une
seconde conférence dans une réunion de quelques nota-
bilités.
Enfin, à partir de là jusqu'au mois de juin, il donna, soit
dans les villes soit dans les paroisses rurales du diocèse de
Cologne, toute une série de sermons de charité. Et c'est
ainsi que ce bon Père, plusieurs années avant la fondation
de la Maria Immaculata, contribua à faire connaître l'œu.
vre du juniorat en Allemagne, au moins dans l'immense pro-
vince rhénane, qui forme une des parties choisies de l'empire ;
— 38 —
c'est ainsi qu'il gagna à notre chère famille de nombreuses
et très utiles symp;ithies, et recueillit, Dieu aidant, d'abon-
dantes i-essources. Comme s'exprime un autre chroniqueur,
t dans ce sens il fut avec le R. P. Legrand un des créa-
teurs de Saint-Charles. Car, pendant que celui-ci fondait,
bâtissait, faisait grandir le juniorat, le R.. P. Ravaux, lui,
l'ouvrier, nous allions dire le coureur infatigable, faisait
venir l'eau au moulin, lui, le batailleur intrépide au service
de la bonne cause, procurait le nerf de la guerre à son
chef. »
Cela étant, son changement éventuel de résidence ne pou-
vait avoir que le caractère d'une vraie perte, d'un dur sacrifice
pour la communauté de Saint-Charles. Or, ce sacrifice lui
fut imposé au mois de septembre 1888. Cette année, l'ancien
scolasticat d'Autun, installé en Irlande depuis les expul-
sions de France (18S0), fut transféré au couvent des Pères
Franciscains à Bleyerheide, au sud du Limbourg, à deux
pas de la frontière allemande. La chapelle du couvent était
une chapelle publique, et réclamait un desservant qui con-
nût bien l'allemand pour pouvoir confesser et prêcher. Le
R. P. Ravaux réunissant seul alors les conditions exigées,
le T. R. Père Général lui donna son obédience pour le nou-
veau scolasticat. « C'est avec peine, écrit de nouveau le
R. P. Legraud au Codex hislorlcus, que nous avons vu
partir ce cher confrère. Pendant plus de quatre ans il s'était
complètement dévoué à l'œuvre du juniorat ; sa piété, sa
connaissance de la langue allemande lui avaient permis do
rendre au juniorat les plus grands services et de faire à nos
enfants un bien qui sera durable. Le bon Dieu nous l'en-
lève; que sa sainte volonté soit faite. » Le Père quitta
Saint-Charles le 19 septembre 1888 pour se rendre à son
nouveau poste, « accompagné, ajoute le même chroniqueur,
de nos meilleurs souhaits i.
Ces souhaits ne furent pas stériles. Car là-bas, à Bleyer-
heide, au centre d'une population toute catholique et prati-
quante, il exerça un ministère aussi fructueux qu'absor-
— 39 —
liant, et il s'y livrait avec un vrai zèle d'apôtre, avec une
ardeur toute juvénile (1). On se pressait en rangs serrés
autour de son confessionnal, on accourait en foule à ses
instructions bien composées et bien à la portée du peuple
croyant ; il était aimé et bien vu de tous, tant du clergé des
alentours que des simples fidèles, dont beaucoup, même
après vingt ans, se souviennent encore parfaitement du
Père Redeur, comme on l'appelait.
Du reste, son séjour à Bleyerheide ne fut pas un temps
entièrement perdu pour le juniorat. Il donna plusieurs ser-
mons et fit plusieurs sorties au profit de l'œuvre; parfois
aussi il put diriger ses pas vers Saint-Charles soit pour y
prêcher aux enfants ou les confesser, soit pour assister aux
fêtes de la maison, auxquelles sa présence apportait tou-
jours un surcroit de charmes et de bonheur. Mais le bon-
heur à Ravensbosch fut extrême, lorsque, le scolasticat
ayant dû quitter Bleyerheide pour aller s'établir à Liège, et
les Pères Franciscains rentrant en possession de leur cou-
vent et de leur chapelle, l'administration générale voulut
bien rendre le R. P. Ravaux à sa première communauté. II
y retourna le -22 octobre 1891, aj^rès trois années d'absence,
prêt à se dévouer de nouveau pour le juniorat.
Et il le fera avec la même activité, avec la même géné-
rosiîé que précédemment, bien que sur un autre terrain
que celui de l'enseignement ; car désormais il sera
missionnaire dans toute la force du terme. C'est lui qui
partagea avec les Pères Loos et A. Hess l'honneur de
prêcher, pendant le carême de 1893, la première grande
mission que les Pères Oblats aient donnée en Allemagne;
c'était à Sinzig-sur-Ahr, diocèse de Trêves : un fait que le
bon vieux curé était fier de rappeler à tous les Pères qui
passaient chez lui plus tard.
D'ajjrès le Codex historiens cette première mission fut
(1) Le R. P. Ravaux était dans sa 3(> année, quand il fut en-
voyé au scolasticat de Saint-François. Aujourd'hui il est lOblat le
plus ancien d'âge et de profession de la province d'Allemagne.
— 40 —
Lientôt suivie d'une autre en 1893, de cinq en 1894, de deux
et d'un retour en 1895. Le R. P. Ravaux les donna toutes,
avec un ou deux confrères, dans les diocèses de Trêves, de
Cologne et de Paderborn; généralement elles étaient fort
l)elles, avaient les résultats les plus consolants et faisaient
avantageusement connaître la Congrégation.
Cependant une autre mission également noble, également
digne aussi d'un cœur i|ui ne demande qu'à s'immoler pour
la gloire de Dieu et le bien d'âmes privilégiées, attendait le
R. P. Ravaux. Au milieu de ses labeurs et courses aposto-
liques, l'autorité supérieure vint le chercher pour lui don-
ner la succession du R. P. Legrand comme directeur du
juniorat de Saint-Charles. Après un intéiira de cinq jours
il entra définitivement en charge le mardi 30 juin 189G,
donc sous l'égide du Sacré Cœur, devant lequel la commu-
nauté se réunit le soir pour une bénédiction solennelle. Les
mérites aussi bien que les talents du nouveau supérieur, —
si du moins il est permis de parler de mérites dans ces cas
— les senàces insignes qu'il avait rendus jusque-là, bref
tout ce que la maison lui devait semblait l'avoir désigné
naturellement pour le poste, et sa nomination fut accueillie
avec joie par tous.
Marchant sur les traces de son prédécesseur, il promut le
développement ultérieur de la maison sous tout le rapport
matériel. Car, pour ne rappeler que les points principaux,
c'est sous lui que l'on fit le grand travail de consolidation
de l'aile droite (Missions, déc, 1910, p. 382), — sous lui que
l'on fit l'acquisition des premières terres (ibid., p. 378), —
sous lui que l'on commença la construction de la chapelle
et qu'eut lieu la pose de la première pierre {ibid., p. 389). Il
eut l'honneur et la joie de présider cette cérémonie et sut
en faire une magnifique solennité, un des plus beaux évé-
nements dans l'histoire de Saint-Charles, donnant à la fin
un de ces saisissants et chaleureux sermons de circon-
stance dont il avait le secret.
Au point de vue spirituel ensuite. Ici également nous ne
— 41 —
voulons toucher qu'un dos points les plus saillants et résu-
mer seulement ce que la clironique en rapporte très au
long. Alius guidem sic, alius vero sic, dit l'Apôtre. A sa
manière donc, le R. P. Ravaux s'attachait lui aussi à cul-
tiver dans l'àme de nos enfants la piété, telle qu'elle doit
fleurir dans un juniorat : la dévotion au Sacré Coeur, à la
sainte Vierge (1), au bon saint Joseph, etc. Véiitablcmcnt
pieux, il tenait lui aussi à la beauté extérieure du .service
divin, à la splendeur de nos fêtes religieuses, lesquelles
furent parfois dans leur ensemble toutes ravissantes. Avec
son bon goût, il savait lui aussi apprécier les vraies
beautés de la littérature, les beautés des chants sacrés ou
profanes et de la musique, les faisant remarquer en temps
opportun aux élèves, adressant des félicitations et des en-
couragements à ceux qui en avaient procuré la jouissance
à la communauté. Lui aussi, qui maniait bien la parole et
trouvait le chemin du cœur, il s'entendait à charmer notre
jeunesse, soit la veille de sa fête ou du nouvel an, soit
après les séances théâtrales, soit même au réfectoire, par
ses petits discours pleins d'à-propos, nourris de traits inté-
ressants, donnés avec àme et avec l'éloquence d'un orateur.
— Et tout cela c'était, sans contredit, travailler dans .une
bonne mesure à la formation intellectuelle et morale de ses
jeunes auditeurs ; c'était donner à ces futurs porteurs de la
parole divine d'utiles leçons, les leçons de l'exemple.
Puis, pour unir, lui aussi, l'agréable à l'utile, le R. P. Ra-
vaux, qui unissait dans sa personne le tendre ami de l'en-
fance au supérieur consciencieux et à l'homme de la l'ègle,
octroyait de temps à autre à nos benjamins une de ces
faveurs pour lesquelles la jeunesse studieuse du monde
entier a un faible et qui provoquent chez elle des explo-
sions de joie et des applaudissements tout spontanés, fai-
sant penser à la gracieuse parole de saint Augustin : Nuces
(1) C'est le Pi. P. P»avaux qui inaugura à Saint-Charles la belle
dévotion à Notre-Dame du Perpétuel Secours pratiquée encore au-
jourd'liui. (V. Missions, sept. 1011, p. 316.)
— 42 —
puero denionstra7ilur, et trahilur, commentaire de celle
du poète : Trahit sua quemque roluptas. Montrez en un
jour de classe la clef des champs au petit étudiant, et
trahitur, et il accourt pour la prendre à deux mains.
Entiu le R. P. Ravaux eut encore ce trait de ressemblance
avec son prédécesseur : souvent il descendait des paisibles
hauteurs de Ravensboch pour combattre dans la tumul-
tueuse plaine du monde les combats du Seigneur, en
d'autres termes les loisirs que lui laissait l'exercice de sa
charge, otia citœ, il les consacrait en partie au ministère
de la prédication et des confessions. Ainsi, en laissant de
coté nombre de travaux de moindre importance et de
moindre durée, le Codex historiens marque à son compte,
entre les années 1896 et 1899, 9 missions pièchées avec
d'autres Pères et 9 retraites, en moyenne (3 grands travaux
par an. Or, on le sait, les travaux des missions, avec leurs
longues séances au confessionnal, surtout dans les villes et
les centres industriels, étaient alors comme aujourd'hui très
fatigants, même écrasants. Mais notre P. Ravaux ne se
ménageait pas, prêt à aller jusqu'à la mort, internecionem,
quand il s'agissait du bien des âmes; il pratiquait à la
lettre le dévouement de l'Apôtre, qui joignait courageu-
sement aux soucis des communautés chrétiennes les fatigues
de continuelles pérégrinations. De plus, les travaux exté-
rieurs ne laissaient pas de tourner quelque peu à la pros-
périté du juniorat. Car tandis que le R. P. Ravaux y asso-
ciait nos bons junioristes en les faisant prier pour leur
réussite, ces travaux à leur tour attiraient par leurs mérites
les bénédictions du ciel sur l'œuvre ; les anciennes sym-
pathies se maintenaient, de nouvelles se formaient, et il
n'est pas douteux que bien des secours ne soient venus de
cette source.
Cependant on était arrivé à la mi-juillet 1899, à la fin de
l'année scolaire, dont les examens avaient été des plus
satisfaisants. Il y avait alors trois ans et trois semaines
que le R. P. Ravaux se trouvait à la tête de l'importante
— 43 —
communauté de Saint-Charles; le temps ordinaire du supé-
riorat, tel que le fixaient nos saintes Règles, était donc
passé pour lui. Le Seigneur, (jui connaissait son bon et si
mériiant serviteur, n'avait pas réservé aux habitants de
Saint-Charles la joie de le posséder plus longtemps ; il leur
enleva donc le R. P. Ravaux pour la seconde fois, et
celui-ci, autant religieux sincère et fidèle sujet que digne
supérieur, les quitta le 17 juillet 1899, en la petite fête de
l'Humilité de la sainte Vierge, dont il était le fervent
Oblat. Ayant toujours bien travaillé, il pouvait tranquil-
lement dire avec le grand Apôtre : Cursum consu7nviavi ;
et quoique, semblable en cela au bien-aimé de l'Ecriture,
il eût achevé sa carrière de supérieur avec le temps régu-
lier, qui est un temps relativement court, consummatus
in brevi, ce que nous en avons fait connaître aux lecteurs
des Missi07is autorise suffisamment à ajouter pour lui :
Eccplevit tempora -multa. Et nous sommes loin d'avoir
tout dit; en. particulier nous sommes très loin d'avoir dit
tout le bien accompli par lui pendant 14 années (de 1885 à
1899), en faisant la part des trois années de Bleyerheide ;
Celui qui seul sait tout a tout inscrit au livre de vie, et au
jour des grandes rétributions rien ne sera oublié.
Le cher Père n'aura pas manqué, lui non plus, d'expéri-
menter qu'il en coûte tout de même de se séparer d'une
maison, d'une œuvre de juniorat, pour laquelle on s'est
sacrifié, comme lui l'avait fait si généreusement pendant
de longues années, les premières et les plus belles de sa vie
sacerdotale. Par contre il aura certainement éprouvé une
douce consolation en se voyant rendu entièrement à l'œuvre
des missions, son œuvre de prédilection, pour laquelle il
est si bien outillé. Quant à ceux qu'il laissait ici, dont les
c<3eurs battaient pour lui, et que son départ contrista, ils
l'ont accompagné, comme jadis le R. P. Legrand, de leurs
souhaits et de leurs prièi-es, qui étaient après tout le meil-
leur gage de leur reconnaissance et de leur afiection :
prière au Sacré Cœur de bénir son apôtre dévoué ; j^rière à
— 44 —
la Vierge [mmaculée de protéger son Oblat et de lui obtenir
la grftce de faire beaucoup de bien aux âmes vers lesquelles
il allait maintenant au nom de l'obéissance.
Du reste il est agréable de constater que la bonne Provi
dence, qui nous l'avait pris si tôt, semble avoir voulu nous
dédommager quelque peu en le ramenant de temps en
temps dans nos parages. Pour achever ce qui le contei'ne,
notons encore brièvement ce que la chronique de la maison
nous apprend à ce sujet. Nous eûmes donc le plaisir spécial
de revoir le R. P. Ravaux aux occasions suivantes : 1° Au
mois de juin 1000, lors de la consécration de notre chapelle :
ayant été le premier à la peine, aux travaux de construc-
tion, il ne pouvait manquer aux honneurs. 2° Le 15 mai 1902,
lors du conseil provincial qui se tint au noviciat de Saint-
Gerlach. Dans l'après-midi de ce jour, il monta à Saint-
Charles avec le R. P. Léglise, autre consulteur provincial,
ne voulant faire cette fois qu'une courte visite. Mais au
moment de repartir, il se trouva en face de nos junioristes
qui revenaient de promenade et lui barrèrent impitoyable-
ment le passage. Un bon nombre le connaissaient encore,
et tous de faire au cœur de leur bien-aimé supérieur d'au-
trefois et à celui de son compagnon, une violence si forte
que nos deux visiteurs n'y résistèrent pas et consentirent
à rester nos hôtes. Il y eut, en signe de joie universelle, un
salut extraordinaire, que le R. P. Ravaux dut présider. Au
souper ce furent de longues et vives acclamations comme
dans les circonstances les plus solennelles. Le lendemain,
le R. P. Ravaux dit la messe de communauté, la première
fois dans la nouvelle chapelle, et les enfants y chantèrent
de tout cœur quelques-uns de ces beaux cantiques qu'il
aimait tant. 3° Au mois de février 1903, lors d'un voyage
qu'il dut faire à Aix-la-Chapelle pour le saint ministère, il
vint nous saluer, nous procurant de nouveau le bonheur de
le posséder quelques heures, heures fugitives, sans doute,
comme toutes les joies d'ici-bas. 4° Vers la fin de mars 1905,
lors d'une retraite qu'il venait de prêcher à Liège. Alors il
— 45 —
prolongea davantage son séjour au milieu de nous, ce qui
nous permit de nous acquitter de notre dette de reconnais-
sance d'une façon plus solennelle. 5» Au mois de mai 1908,
lors du chapitre provincial dont il était membre comme
délégué de la maison de Saint-Ulrich ; il était déjà venu en
10O4 pour le même cas comme consulteur provincial. G^ Au
mois d'octobre 1908 il vint nous donner une de ces bonnes
retraites annuelles dont il est si prodigue envers d'autres.
7° Entin, au mois de juillet 1910, lors de nos fêtes jubilaires,
où sa place était toute marquée, de même et plus encore
qu'à la dédicace de la chapelle.
Puissent ces visites du R. P. Ravaux, second supérieur
de Saint-Charles, se renouveler encore à l'avenir, sans
même qu'une fête y donne occasion. Car, il le sait, à elles
seules déjà ses visites seront autant de fêtes qui feront
luire le soleil de la joie dans la communauté, réconfortant
les esprits et dilatant les cœurs ; à ce titre elles seront pour
nous des bienfaits très appréciables. Et c'est par ces bien-
faits, ajoutés à tant d'autres, que celui qui en sera l'auteur
continuera à vivre dans notre souvenir comme dans notre
affection.
Saint-Charles, 11 février 1912.
Le Chroniqueur de Saint-Charles.
46 —
VICARIAT D'ALBERTA-SASKATCHEWAN
Rapport sur la Paroisse
de rimmaculée= Conception
à Edmonton,
par k' R. P. Louis Culêrior, 0. M. I.
Longtemps il n'y eut à Edmonton qu'une seule église de
mission ou de paroisse, celle de St-Joachim.
Enfin, en 1904, il fallut étal)lir une paroisse distincte,
pour les Catholiques du rite ruthène. Gela changeait peu
de chose dans l'antique groupe de Catholiques du rite latin.
Toutefois, le courant d'immigration qui avait créé le grou-
pement ruthène avait amené une augmentation remar-
quable dans la population latine, de sorte que l'église
St-Joachim, qui avait été sufïisante tant à cause de son
emplacement qu'à cause de ses dimensions, commença en
1904 à devenir irop étroite.
En outre, les nouveaux venus du rite latin s'étaient
choisi leur résidence à trois quarts d'heure de marche de
St-Joachim, une seconde église de rite latin s'imposait..
Nos Pères firent les démarches nécessaires pour fonder
d'abord une chapelle succursale, puis la paroisse de
rimraaculée-Conception. Les Révérends Pères Jean et
Hêtu, alors vicaires à St-Joachim, se partagèrent cette beso-
gne durant quelques mois. En 1906 le Rév. P. Hêtu resta
seul chargé de la chapelle, tout en continuant à résider à
l'ancien presbytère de St-Joachim. L'importance du groupe
de catholiques l'obligea peu après à résider au milieu de
bes ouailles.
— 47 —
De nouveaux i)rogrès réclamaient un nouvel arrange-
ment.
En 1907, le Rév. P. Lemarchand fut nommé curé de
rimmaculée-Conception. Ses premiers soins furent de faire
bâtir un modeste presbytère, puis de persuader aux commis-
saires d'école de construire un édifice scolaii-e à proximité
de l'église, enfin il engagea la Rév. Mère Provinciale des
Fidèles Compagnes de Jésus, à fonder un Couvent, voisin
de l'école.
Au début il y eut une trentaine de jeunes enfants à l'école,
— alors une construction provisoire en bois l — Les commis-
saires contractèrent un emprunt, et élevèrent un édifice en
briques, contenant quatre salles de classe. Cet édifice fut
prêt en 1909. Le nombre des écoliers monta de trente à cent
trente en deux ans. Et récemment, au cours de l'été 1911,
le même édifice a été augmenté de quatre nouvelles salles.
Le nombre des élèves dépasse deux cents, déjà !
Quant au couvent des Fidèles Compagnes il fut ouvert
au mois de janvier 1910.
Voilà, pour l'organisation extérieure.
Passons à l'organisation intérieure.
La population croissante de l'Immaculée-Conception est
fort mélangée.
Trois langues principales s'y trouvent représentées.
L'anglais domine par le nombre de ses adhérents. Le fran-
çais embrasse une cinquantaine de familles, soit environ
deux cents âmes. L'allemand comptait aussi un groupe de
fidèles, pour lesquels, vers 1906-1907, on donnait une fois
par mois une instruction en langue allemande. Il y avait
donc déjà trois langues vivantes employées à l'église. De
loin, cette diversité paraît une nouvelle Pentecôte. Mais
sur place, elle multij^lie les occupations et les ennuis.
Les paroissiens de langue allemande ont compris l'em-
barras de cette situation, et vu que la plupart d'entre eux
comprenaient l'anglais, ils ont renoncé à l'instruction men-
suelle qui leur était donnée en allemand.
— 48 —
Dans le môme temps l'élément polonais révélait son exis-
tence.
Pour une dizaine de familles polonaises, lesquelles ne
comprenaient pas d'anglais du tout et encore moins, si pos-
sible, de français, il fallut faire quelque compromis. Le
Rév. Père Paul Kulawy vint quatre fois par an pour
entendre les confessions, et les instruire.
Mais aussi restaient les fidèles de langue anglaise et ceux
de langue française.
A tour de rôle, on prêchait chaque langue et cela fit fort
bien l'affaire durant trois ans. Mais le jour vint, où les
gens pratiques firent observer : « que plus de trois cents
fidèles n'entendaient rien, en fait d'instruction, toute la
moitié de l'année. » Cette remarque avait sa valeur. Elle
amena un doublement des messes paroissiales.
Il y eut une grand'messe vers 9 h. 30, à laquelle le ser-
mon se donnait on français. Il y eut la grand'messe de
11 h. où on prêchait en anglais.
Ce nouvel arrangement parut plus satisfaisant. Mais,
comme toute chose humaine, il est susceptible d'améliora-
tion. Ceux qui doivent venir à la messe de 9 h. 30 procla-
ment qu'ils ont un sacrifice à faire : se lever de bonne
heure pour assister à une messe matinale. Ils aspirent à
avoir une chapelle à eux où leur langue primera, parce
qu'elle sera exclusive.
Ce désir est légitime, autant que respectable le sentiment
qui l'inspire, à condition toutefois que sentiment et désir
ne soient jamais exclusifs. Et ainsi la paix régnera parmi
les catholiques de toute langue et de toute nation de
l'Alberta I
Une autre question se pose.
Les Oblats ont rempli le rôle de pionniers depuis
soixante ans dans le pays albertain, et ils le feront encore
aisément durant un autre demi-siècle.
Il est des localités où d'autres facteurs sont requis.
St-Joachim, qui réclamait il y a quinze ans les services
— 49 —
d'un seul prêtre, réclame maintenant les bons services de
trois prêtres. La ville d'Edmonton n'est plus une vulgaire
bourj^ade, demi-sauvage, demi-aventurière, assise au bout
du monde civilisé, sur les frontières de la barbarie ! (Je
parle au sens grec.)
Edmonton d'après le dernier recensement officiel (1911) a
une population de 20.000 habitants. On y trouve, de la base
au sommet de l'échelle sociale, tout ce que les grandes
villes européennes et américaines offrent à l'ouvrier, au
commerçant, à l'homme de lettres, au magistrat, au prêtre,
au visiteur, au touriste, etc.. Bref, le clergé séculier a un
rôle à jouer dans cette ville. Dès longtemps, quelques
membres du clergé séculier ont paru surpris qu'une
paroisse ne leur fût pas encore confiée! Pauvre humanité!
Il y avait bien un noyau de douze familles sur les confins
mêmes de la ville. Mais qui eût voulu exercer le ministère
apostolique, dans les circonstances présentes? Ce sont des
religieux, qui ont accepté ce nouveau poste, ni convoité, ni
enviable !
Enfin, les 0])lats, ne pouvant être partout, ont dû se
retirer d'un poste qui, d'un côté, servait à disperser leurs
forces, et, d'un autre, les faisait ressembler à des accapa-
reurs. Dans ces conjonctures, la paroisse de l'Immaculée-
Conception vient d'être remise à Mgr l'Evêque de Saint-
Albert qui l'a confiée à des membres du clergé séculier.
Ce fait a eu déjà de nombreux précédents dans le passé,
et dans d'autres diocèses. C'est une nécessité heureuse sous
plusieurs rapports, puisque, c'est une preuve d'abord du
développement manifeste du diocèse, et ensuite que l'on
n'a pas cessé de nous regarder comme des missionnaires,
des pionniers, des ouvriers de la première heure.
Que nos Frères, sous d'autres climats, ne soient nulle-
ment surpris ni humiliés à la nouvelle de retraites sembla-
bles à celle qui vient d'être esquissée I II reste acquis que
la Congrégation a noblement travaillé, peiné, semé dans les
pleurs, à l'Immaculée-Conception d'Edmonton entre 1004 et
— 50 —
1911, et que la sainte Eglise de Dieu a étendu ses conquêtes.
Réjouissons-nous d'être jugés dignes toujours de notre belle
devise : Evangelizare pauperibus tnisil me : C'est aux
pauvres que Dieu nous a envoyés annoncer l'Evangile.
{Carnet d'un Alberlain.)
Louis Gulerier, 0. M. L
21 novembre 1911.
VICARIAT D'ATHABASKA
MISSION SAINT-FRANÇOIS XAVIER
Lac Esturgeon, mars 1911.
Rapport sur la mission Saint=François Xavier»
Lac Esturgeon.
L'expédition de ce premier rapport sur la mission dfr
St-François Xavier au Lac Esturgeon a subi un petit retard
qu'on voudra bien me pardonner, eu égard aux difficultés
de ma position ; ma lettre, du moins, prouvait ma bonne
volonté.
Le lac Esturgeon a été tiré l'été dernier de sa tranquille
obscurité par le douloureux événement que tous nos frères
connaissent. Mais qu'est-ce donc que le lac Esturgeon? Il
me semble entendre la réponse de ceux qui ont l'avantage
de pouvoir lire les Petites Annales : « Evidemment, c'est une
mission perdue parmi les Esquimaux. » Eh bien ! non, pas
tout à fait, et la preuve, c'est que nous sommes à plus de
3.000 kil. du pays des Esquimaux. Prenons une carte, s'il
— 51 —
vous plaît, une vraie, une récente, do. l'immense Dominion
(lu CiintuUi, comme le gouvernement canadien en distribue
pour rien à qui lui en fait la demande, et partons d'Ed-
mouton, la capitale de la province d'Alberta, ville de
3().0U0 ;\mcs au prodigieux développement et destinée, dit-
on, à un avenir plus extraordinaire encore.
Je ne ferai pas injure à vos connaissances géographiques
en piu-lanl plus longuement de cette reine du Nord-Ouest
canadien, centre de plusieurs réseaux de chemins de fer
qui étendent sans cesse leurs mailles sur tout le pays, et
qui est sise sur la branciie nord de la rivière Saskatchewan
au 53» ^Ç de latitude nord et au 113» )^ de longitude ouest.
Montons de là vers le Nord jusqu'à Athabaska Landing,
limite sud du vicariat d'Athabaska, puis nous dirigeant vers
le nord-ouest par la rivière Athabaska et la petite rivière
des Esclaves, et traversant dans toute sa longueur le petit
lac des Esclaves, faisons une petite halte à Grouard où se
trouve la mission Saint-Bernard; redescendons ensuite un
peu vers le Sud-Ouest. Nous avons fait un parcours de
400 milles anglais, c'est-à-dire 600 kil. pour arriver au lac
Esturgeon. C'est le chemin battu jusqu'à présent et vous
pourriez le voir en ce moment encombré, à la suite d'une
tentative de colonisation à destination de la Grande
Prairie, comparable à la poussée d'aventuriers qui se
ruaient, il y a une douzaine d'années, à l'assaut du Klon-
dyke.
Mais voici que le gouvernement fait ouvrir un nouveau
chemin qui abrégera de moitié la distance en attendant
que les chemins de fer viennent nous jeter, nous, pauvres
sauvages, en pleine civilisation. Partant d'Edison, station
sur la ligne du Grand Tronc Pacifique à l'ouest d'Ed mou-
ton, le nouveau chemin monte droit vers le Nord et, après
avoir traversé la rivière Athabaska et la branche est de la
rivière Boucane, aboutit au lac Esturgeon dans l'angle
uord-est formé par l'intersection du 55o de latitude nord
avec le 118o de longitude ouest, à d50 milles environ,
— 5-2 —
c'est-à dire 225 kil. de la plus proche station de chemin de
fer.
Le lac Esturgeon est loin d'être une mer intérieure, c'est
un bien modeste, mais joli petit lac de 9 kil. de diamètre,
entouré de forêts de trembles et de sapins et contenant, à
la vérité, plusieurs sortes de poissons, mais surtout, en
assez grande abondance, de cet excellent poisson qu'on
appelle * poisson blanc » et que Dieu a créé pour empê-
cher de périr les 250 sauvages environ qui vivent groupés
sur les bords de ce lac ; mais d'esturgeon, par exemple, ne
confondons pas. Il y a esturgeon et esturgeon : le nom et
la chose ou poisson. Suivant l'habitude des Gris, habitude
d'ailleurs commune aux autres tribus de sauvages, d'em-
prunter les noms des animaux, ce serait un vieux sauvage
d'antan nommé Namew, c'est-à-dire esturgeon, qui
aurait ainsi passé à l'immortalité en donnant son nom
au lac.
Ce n'est qu'en 1896 que le regretté Mgr Clut donna saint
François Xavier pour patron à la mission du lac Estur-
geon, alors station visitée par les Pères de la mission
Saint-Bernard. Depuis, un Père y fut placé en résidence, et
ce fut le R. P. Girard en 1902. Hélas I nous savons com-
ment le défaut de santé peut paralyser le courage et le zèle
les plus indomptables. C'était alors le cas du R. P. Girard.
En conséquence, il vint prendre ma place à- Saint-Augus-
tin, rivière la Paix, et je pris la sienne au lac Esturgeon
en 1905. Alors je pus dire comme le R. P. Conrard, de
douce mémoire, à N.-D. de Sion : « Nous n'étions pas dix,
nous n'étions pas cinq, nous n'étions qu'un. » J'avais
trouvé, à mon arrivée au lac Esturgeon, une petite église
non terminée, mais que les Frères Dumas et Denner qui
m'accompagnaient venaient achever, ce qui me valut un
mois de transition avant d'être plongé dans la plus entière
solitude. J'avais trouvé également une petite maison nou-
vellement bâtie ; celle qui nous abrite encore (savoir deux
Pères, le P. Jaslier et moi, et un Frère convers, le cher
— 53 —
F. Stoll), et mesurant % pieds de longueur sur 20 de
largeur.
Comment, dira-t-on, deux Pères et un Fn'Te convers,
rien que cela, pour une paroisse de 250 âmes, sans mission
ni station aucune à desservir? Attendez un peu, et si les
raisons qui vont suivre méritent quelque considération,
vous vous étonnerez moins, car il est évident qu'en toute
autre circonstance, une paroisse de 250 âmes n'a pas de
quoi épuiser les forces d'un seul missionnaire ayant tant
soit peu de zèle. Tout d'abord, pensons sérieusement à la
situation d'un Père tout à fait seul à une distance d'au
moins 100 kil. de la mission la plus proche, et puis ajoutez
à cette raison celle-ci, à savoir que nous avons un couvent
et une école. Ah ! j'entends le spirituel auteur de l'article
« Pour nos missions », dans le n» de décembre 1910 (-ceci
soit dit sans malice, car je ne le connais point et il peut
être assuré qu'il n'a pas de plus grand admirateur que moi),
je l'entends dire : Encore un coin du monde où on s'escrime
après une école, non pas même de 75 élèves, mais de 38! Je
crois volontiers, je crois sincèrement qu'on s'escrime fort à
Geylan après les écoles, plus que dans nos pays du Nord,
mais mon Dieu ! quelle différence d'escrime! C'est un point
brûlant et tellement brûlant que la vérité demande à ce que
je l'aborde sérieusement et prudemment, sinon mon rapport
n'a presque pas de raison d'être. Me vanterai-je, moi aussi,
à ma façon ! Eh bien, oui, nous nous escrimons, mais en
pioupous, avec un vulgaire sabre de bois, tandis qu'ailleurs
on s'escrime en gentilshommes avec des fleurets de bon
acier trempé, à poignée solide. La suite fera saisir davan-
tage la comparaison.
Pour l'instant, revenons à l'année 1905. Je restai seul
pendant un an jusqu'à l'arrivée, au lac Esturgeon, du
R. P. Hautin qui me fut adjoint comme socius. Déjà, il
était question de faire venir des religieuses pour tenir
l'école qu'on se proposait de bâtir. Il faut dire, pour définir
la situation, que les écoles parmi les sauvages étaient le
— 54 —
terrain de la lutte entre le protestantisme et le catholi-
cisme. Or, il est facile de comprendre que, étant donné le
chiffre infime de notre population , celui qui parvient le
premier à réaliser la promesse de tàtir une école, surtout
s'il est aidé par le gouvernement pour un certain nombre
d'élèves, celui-là reste maître de la situation.
L'acharnement des ministres protestants était vif; pen-
sez donc, ils avaient autrefois devancé le prêtre catholique
au lac Esturgeon, mais Mgr Grouard, accompagné du Rév.
P. Fahler, avaient compris que toute hésitation de leur
part équivaudrait à laisser tomber le lac Esturgeon entre
les mains des ministres. En conséquence, l'école catholique
fut décidée en principe et acceptée, ce qui rend notre situa-
tion unique, je crois, dans le vicariat, puisque toute notre
population est catholique, étant déjà tout entière baptisée
par le prêtre catholique et que les ministres n'ont point osé
jusqu'ici venir nous chercher noise.
Est-ce à dire que s'ils venaient un jour ou l'autre avec
les moyens qui leur sont propres, essayer de semer la
zizanie parmi le troupeau fidèle, ils ne réussiraient pas
à faire quelques adeptes ? Avec le caractère de nos sau-
vages et la foi encore trop faiblement implantée dans leurs
âmes, je crois que la chose serait très possible.
Toujours est- il que l'exécution suivit de près le dessein,
que je préparai le terrain matériellement et moralement, et
grâce à la mission Saint-Bernard, notre couvent-école fut
bientôt en état de recevoir les Sœurs de la Providence de
Montréal et les élèves pour la rentrée des classes, en 1907.
Quelques mois auparavant nous était arrivé le cher F. Ni-
colas qui a aidé puissamment à la fondation de la mission
Saint-François Xavier. Dans le courant de l'hiver, nous fut
adjoint le cher F. Stoll, venu d'Europe en même temps
que le F. Nicolas.
Encore une fois qu'on ne s'étonne pas que deux Pères et
deux Frères soient occupés et même surchargés d'ouvrage
dans une si petite mission.
iiO —
L'école, au début, était dirigée par trois religieuses et
comptait 35 élèves. Successivement, le nombre dos élèves
«'accrut, bien que nous fussions obligés de le restreindre,
par suite de l'exiguïté du local, la pénurie des ressources et
le manque de })ras. Aujourd'hui, au lieu de trois reli-
gieuses, il y en a cinq (jui dirigent l'école, ont soin du
linge et de la cuisine.
Oiielles sont les attributions des Pères et des Frères?
Attributions matérielles, attributions spirituelles; les pre-
mières écrasent et paralysent les secondes, et, la cause ?
l'école.
Au début, les religieuses qui acceptèrent la direction des
écoles dans le vicariat, le firent sans conditions préalables,
quitte à les déterminer plus tard. C'était un dévouement
qui ne pouvait pas durer indéfiniment.
En tout cas, notre situation est celle-ci :
Avec les secours que nous alloue Monseigneur le Vicaire
Apostolique sur les aumônes de la Propagation de la Foi,
de la Sainte Enfance, avec le concours que se prêtent les
missions entre elles, nous bâtissons des couvents et des
écoles, puis nous entretenons Sœurs et élèves, car il ne
s'agit pas d'écoles ordinaires ou externats ; nos écoles sont
des pensionnats, seules écoles pratiques pour les sauvages.
Et alors qu'arrive-t-il ? 11 arrive que la plupart de nos élèves
sont entièrement à notre charge, vu qu'ils ne paient pas et
que personne ne paie pour eux. Quand, pour certains
d'entre eux, nous recevons un secours , l'allocation ne
représente pas, à beaucoup près, la somme de dépenses et
de sacrifices que nous sommes obligés de nous imposer
pour ces enfants.
Quelle ne fut pas ma désolation quand j'appris par Mon-
seigneur qu'il n'y avait pas d'autre expédient pour remé-
dier à notre situation que celui de réduire le nombre de
nos élèves! Triste et dure nécessité pour le cœur d'un mis-
sionnaire dont le plus grand moyen, presque le seul
moyen humain, d'atteindre ses gens, est l'école. Je veux
— 56 —
espérer, que dis-je, j'espère que la divine Providence vien-
dra à notre secours.
Il n'en reste pas moins vrai que le fardeau matériel
paralyse nos efforts vers le spirituel. Peut-être recevrons-
nous un Frère pour remplacer notre cher F. Nicolas si
inopinément et si tragiquement ravi à notre mission le
30 juin 1910 ; mais je n'en serai pas moins obligé de payer
de ma personne. Depuis la mort de nos Frères, je joins à
la direction de la mission les travaux et les occupations
d'un Frère convers. Pour soutenir nos écoles, tout en sau-
vegardant le décorum du prêtre et la liberté qu'exige son
saint Ministère, il nous faudrait un personnel auxiliaire
double de celui que nous avons, ou bien des ressources
beaucoup plus considérables afln de pouvoir recourir à la
main-d'œuvre nécessaire. La raison pour laquelle nous ne
nous faisons pas aider davantage c'est précisément la
modicité de nos ressources et la cherté de la main-d'œuvre.
On ne trouve pas un ouvrier, un manœuvre à moins de
7 fr. par jour et, en plus, la nourriture.
Nous sommes des colons, mais à la différence de ces
moines du moyen âge qui ont défriché le sol de l'Europe,
par la Croix et la charrue : Cruce et aratro, nous ne
sommes pas assez nombreux. Et pour éviter les dépenses
considérables que causerait la main-d'œuvre étrangère, les
directeurs de missions ou, si la mission est assez considé-
rable, les économes sont pris peu à peu dans l'engrenage
des travaux manuels.
Ce n'est certes pas par plaisir; le travail, le travail maté-
riel surtout, répugne toujours à la nature, mais la néces-
sité et l'engrenage aidant, celui qui est à la tête d'une mis-
sion, avec un personnel trop restreint et des ressources
insufûsantes, se voit obligé de faire à peu près le travail
d'un Frère convers. Or, je puis bien l'affirmer sans crainte
d'être démenti, nulle part peut-être, les Frères convers
n'ont à fournir, avec moins de confort, une somme de tra-
vail plus grande que dans nos contrées, je ne dirai pas
— 0/ —
tout à fait ingrates, mais plus ou moins dures à rendre le
profit qu'on veut en tirer. Il résulte de là qu'il y a, parmi
les Pères, comme deux camps en présence. Tous sont d'ac-
cord sur les principes et diffèrent seulement sur les
moyens ou l'opportunité : les anciens, ou directeurs do
missions, qui sont attelés à la tâche et ne peuvent se
résoudre à imposer un travail de mercenaires à leurs
jeunes collaborateurs ; ils temporisent et, pour se rassurer»
ils se redisent de bonne foi : Ne brusquons rien, peut-être
que la situation changera, et en attendant, ils pâtissent.
Voici, par exemple, ce que m'écrivait le R. P. Leserrec à
l'occasion de la mort de nos chers FB\ Nicolas et Welsch :
i S'il ne dépendait que de moi, j'irais de suite au lac Estur-
geon, remplacer le bon Frère que vous avez perdu ; je puis
encore rendre quelques services matériels. » Je connais
assez le vénérable directeur de la mission Saint-Augustin
pour affirmer qu'il était sincère. J'en pleurai, et je ne sau-
rais dire quel sentiment l'emportait dans mon âme. Je fis
à mon ancien supérieur cette réponse que tout autre, je
crois, eût faite en ma place : t Mon Révérend Père, je vous
remercie et je suis touché au delà de toute expression, de
vos marques de sympathie, mais croyez bien que pour rien
au monde, avec l'affection et la reconnaissance que je
vous dois, je ne consentirais à un tel renversement de
rôles. »
Les jeunes, à leur tour, dont le sang bout, ne peuvent se
résoudre à voir leurs aînés se livrer à un travail opiniâtre,
tandis qu'ils sont relégués dans leurs cellules à étudier
langues et théologie, avec, comme diversion, un ministère
bien restreint comme on le comprend, et seulement deux à
trois heures de travail manuel par jour, et ils pâtissent.
Dans nos missions, vous le savez, Monseigneur et bien-
aimé Père, nous recevons vivres et effets un an à l'avance,
— 58 —
pour les besoins des missions et pour paj'er en nature les
frais de transport et la main-d'œuvre étrangère à laquelle
on est obligé d'avoir recours pour suppléer au manque de
bras; l'argent d'ailleurs est si rave, et les denrées si chères
dans le paj's, qu'il n'est guère possible de faire autrement.
D'autre part, nous avons affaire à de si pauvres gens qu'il
faudrait avoir le cœur bien dur pour leur refuser un ser-
vice, quand ils viennent nous trouver et nous dire : * J'ai
faim, je suis nu, ne pourrais-tu pas me prêter ceci ou cela?
les traiteurs sont absents ou ils n'ont pas ce dont j'ai
besoin , je te paierai en travail ou de quoique autre
façon. »
Pour revenir à la mission Saint-François Xavier, voici
notre règlement de vie. Lever à 5 heures, prières et médi-
tation; messes à 6 heures; déjeunera? heures; midi, dîner;
midi et demi, examen particulier; 6 heures, oraison et cha-
pelet quand il n'y a pas salut ; 8 h. /o, prière du soir et
lecture du sujet de méditation; 9 heures, coucher.
La retraite mensuelle a lieu tous les premiers vendredis
de chaque mois; le Saint Sacrement étant exposé au cou-
vent toute la journée, nous y faisons notre heure d'adora-
tion. La retraite annuelle se fait habituellement du 10 au
17 février; nous l'avons faite chez nous. En principe, elle
est établie pour les Pères et Frères du district, à Saint-
Bernard, mais dans l'application, il y a nécessairement des
exceptions, et pour ces exceptions des circonstances atté-
nuantes. Il arrive, non pas par suite du ministère, mais du
travail, que le Frère et même un Père soit absent de la
maison, un jour, deux jours, huit jours, surtout à l'époque
des fenaisons et des charroyages en hiver; évidemment,
l'esprit religieux en souffre. Combien je regrette de n'avoir
pas de chapelle portative ! Les Petites Annales, paraît-il,
ont bien voulu parler en notre faveur, puissent-elles réus-
sir ! Au moins, quand la chose serait possible, nous pour-
rions avoir la messe dehors comme quand nous sommes à
la maison. Les travaux spirituels, en dehors de l'école et
— 50 —
de l'église, se réiluisent à J)ieii peu de chose, évidemment,
étant donnée l'exiguïté de la paroisse. L'école est donc le
centre de la vie religieuse de la paroisse, comme elle l'est
de nos énergies pliysiques. (Chaque Père, à tour de rôle,
prêche et chante la messe les dimanciies et jours de fête.
Que les sauvages soient ou non dans le bois pour leur sai-
son de chasse, il reste toujours bien quelques âmes à ne
point lever le camp, pour me servir de l'expression reçue.
En général, nos sauvages sont fidèles à l'assistance aux
offices, mais ils ont besoin d'être secoués de temps en
temps. 11 y a plusieurs occasions où ils se confessent et
communient ; à Pâques, ou un peu plus tard quand ils
sont de retour du bois, en septembre, avant de partir pour
la chasse, à la Toussaint et à Noël pour ceux qui ne sont
point partis ou qui viennent passer le temps des fêtes.
Pâques et Noël sont des jours de confessions et commu-
nions générales. De-ci, de-là, durant l'année, quelques-uns
s'approchent aussi des sacrements. Sans doute, il y a loin
encore de cette pratique aux recommandations du Souve-
rain Pontife, mais l'idée est en germe et elle produira des
fruits avant longtemps. A peine est-il besoin de dire que
nous espérons plus de la nouvelle génération que de celle
qui est sur son déclin, convertie d'hier et circonvenue par
l'hérésie, en même temps que plus ou moins imbue encore
des idées et pratiques superstitieuses de l'infidélité.
Les enfants à l'école reçoivent l'instruction religieuse du
catéchisme tous les jours pendant trois quarts d'heure.
Pour nous conformer au décret sur la communion des
enfants, j'ai décidé de faire préparer à la communion, pour
le jour de Pâques, tous les enfants de l'école qui n'ont pas
encore fait leur première communion, à partir de l'âge de
sept ans. Monseigneur nous a adressé une lettre circulaire
nous informant des décrets sur la communion quotidienne
et la communion des enfants. Nous nous efforcerons de
nous y conformer le plus parfaitement possible, après avoir
déjà essayé d'en faire l'application graduellement.
— GO —
Reste le couvent où il y a la messe tous les jours, la
confession hebdomadaire et, tous les trois mois, la présence
du confesseur extraordinaire^ puis une instruction tous les
mois, et une retraite de huit jours tous les ans.
Les gens reçoivent la visite du prêtre assez régulière-
ment, je ne dirai pas aussi souvent qu'ils le voudraient, ni
telle qu'ils le désireraient, car, si on les écoutait, on ne ces-
serait pas de jaser et de rire. Les malades sont suivis de
près, d'autant plus qu'avec le tempérament des sauvages
qui vous appellent souvent pour un rien et ne dédaignent
pas la médecine corporelle tout en faisant beaucoup de cas
de la spirituelle, on pourrait s'exposer à des mécomptes
sur la gravité des cas.
Aussi bien, nos sauvages du lac Esturgeon sont-ils, pour
le moment, singulièrement favorisés au sujet de la santé.
Chose extraordinaire, en effet, parmi les sauvages, depuis
quatre ans, nous n'avons eu aucun décès d'adulte à enre-
gistrer.
En résumé, nous faisons un peu de bien autour de
nous. Dieu aidant, nous en ferions incomparablement
plus — autant que Ton peut faire fonds sur les prévi-
sions humaines — sans les obstacles et inconvénients de
l'ordre matériel que j'ai signalés.
J. Calais, 0. M. I.
— Cl
NOUVELLES DIVERSES
ROME
En souvenir du bon P. Rey.
On lit dans les Petites Annales du mois de février uije demande
qui s'adresse au public, sans doute, mais plus encore, semble-t-il,
aux membres de la Famille.
Nous avons annoncé, au mois de mai dernier, la sainte
mort du premier chapelain de Montmartre et du fondateur
de l'Œuvre spirituelle du Vœu national, le R. P. Achille
Rey, Oblat de Marie Immaculée.
Les Petites Annales ont publié, dans leur numéro d'août,
une courte biographie de cet éminent religieux qui fut,
dans toute l'acception du mot, un homme a puissant en
œuvres et en paroles ».
La ville de Tours où il imprima à l'Œuvre de Saint-
Martin une si vigoureuse impulsion ; Montmartre dont il
fut le premier chapelain et où il sut allumer et attiser un
foyer si ardent d'amour envers le Cœur Sacré de Jésus ;
Pontmain, où il travailla avec une inlassable ardeur à
l'achèvement et à l'embellissement du sanctuaire de Marie,
gardent pieusement le souvenir de son esprit de foi, de son
activité, de son exquise amabilité. Des légions d'àmes
attirées, nous pourrions dire séduites par l'attirante bonté
de son âme, candide comme celle d'un enfant et devenue
comme celle d'un martyr, électrisées par le feu de sa parole
si chaleureuse, surtout quand il parlait de Notre-Seigueur
ou de sa sainte Mère, lui gardent un culte filial et remer-
cient Dieu de l'avoir mis sur leur route pour qu'il fût
l'ange Raphaël de leur vie.
— 6-2 —
Il n'est donc pas étonnant, qu'à l'extérieur comme à
l'intérieur de sa famille religieuse, ait été exprimé, et dès
les jours qui suivirent immédiatement sa mort, le désir de
voir mis sous les yeux du public la vie de cet apôtre qui,
durant soixante ans, donna toute son intelligence et tout
son cœur pour faire connaître et aimer Notre-Seigneur.
Ce désir a été entendu.
Mais, pour qu'il soit pleinement réalisé, la collaboration
des enfants spirituels du P. Rey, des amis que Dieu mit à
ses côtés et des âmes qui ont bénéficié de sa direction est
absolument nécessaire.
Nous prenons donc la liberté de leur adresser à tous une
humble mais bien instante prière : celle de se dessaisir
momentanément des lettres ou des écrits de ce vénéré Père
au profit du biographe qui aura mission de peindre son
àme et de raconter sa vie.
La » Semaine religieuse » de Tours, le * Bulletin du
Vœu national », les t Annales » de Pontmain ou celles de
la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée ont parlé
fréquemment de l'apostolat du R. P. Rey et, en mettant
bout à bout leurs articles, le chercheur qui les compulse
peut se faire une idée à peu près exacte de l'étendue et
des œuvres entreprises et des difficultés qu'elles soulevèrent.
Mais il ne sait que bien imparfaitement ce que fut l'homme
qui réalisa de si longues et si épineuses entreprises.
Ses écrits peuvent seuls apporter cette révélation à ceux
qui n'ont pas eu l'avantage de vivre longtemps dans son
intimité. Ses lettres de direction, par exemple, se chiflrent
par milliers. Baucoup, le plus grand nombre sans doute,
sont introuvables aujourd'hui parce que leurs destinataires
ne sont plus de ce monde. Malgré ces vides, la famille
spirituelle du bon P. Rey est encore bien compacte ici-bas
et nous espérons que sa fraternelle ou filiale reconnaissance
écoutera avec faveur l'appel que nous lui adressons.
D'ailleurs, toutes ces lettres et tous ces écrits seront fidè-
lement et promptement retournés à leurs possesseurs qui
— 63 —
peuvent compter sur lu discrétion la plus délicute et la
plus ab.solue du religieux qui recevra leur envoi et qui le
leur restituera après utilisation.
Toutes les communications relatives à la vie du bon
P. Rey doivent être adressées, et sous pli recommandé, au
R. P. Eugène Bafûe, 5, Via Vittorino da Feltre, Rome.
Dès aujourd'hui, nous disons à ces collaborateurs incon-
nus, mais sympathiques et dévoués, un cordial merci, en
même temps que nous les assurons de notre persévérant
souvenir devant Dieu.
11^ PROVINCE DES ETATS-UNIS
Extrait d'une Lettre du Rév. P. G.-E. Lecourtois
au Révérendissime Père Supérieur Général.
Mexico, 20 décembre 1011.
MOMSEIGXEUR ET BlEN-AIMÉ PkrE.
La résidence de San Jéronimo que vous connaissez par
votre visite du 12 novembre 1909 n'a pas changé relative-
ment au logement des Pères, dont vous avez comparé la
pauvreté à celle de Nazareth. Les circonstances n'ont pas
encore permis les améliorations désirables. La décoration
de l'église a été améliorée et le culte, déjà très consolant,
lors de votre passage, a augmenté d'une manière très sen-
sible. Les 3 Pères chargés de l'église ont entendu pendant
le cours de cette année plus de 30.000 confessions et dis-
tribué 60.000 communions. Les associations de femmes et
déjeunes filles se sont développées. L'Adoration perpétuelle
compte plus de 1.000 membres inscrits. La garde d'honneur
du Sacré Cœur a passé de 160 à 700 associés. Chaque pre-
— eu —
mier vendredi du mois se célèbre avec toute la solennité
possible et environ 400 communions. — La garde d'honneur
de l'Immaculée a doublé ses rangs... Les autres associations.
Saint-Antoine, — Enfant Jésus de Prague, —Catéchisme —
sont restées llorissantes.
Selon le désir que vous avez exprimé, nous nous sommes
efiforcés d'attirer les hommes. Nous comptons actuellement
sur 80, qui viennent fidèlement le 1er dimanche de chaque
mois. Nous nous proposons de travailler pendant l'année
nouvelle à développer ce petit noyau.
La Communauté s'efforce de se montrer en tout digne de
notre chère Congrégation, et rien n'est venu, pendant le
cours de l'année qui s'achève, troubler l'esprit d'union et de
charité qui y règne.
De nombreux fidèles ont gardé le plus doux souvenir de
votre visite et me chargent de solliciter de nouveau, pour
eux et leurs familles, votre Bénédiction paternelle.
Cette Bénédiction, vos humbles enfants de Mexico la sol-
licitent d'une manière toute spéciale pour eux et pour les
oeuvres qui leur sont confiées. — Ils se réjouissent de savoir
que bientôt, grâce à la nouvelle fondation que vous avez
eu la bonté d'approuver, ils ne seront plus seuls, à plus de
2.000 kilomètres de leurs frères les plus proches.
Emile Lecodktois, 0 M. 1.
05 —
VICARIAT DE L'ALBERTA-SASKATCHEWAN
Lettre du F. Guibert à un Romain.
Mi'^sion du Sacrô-Co?ur (Alla). 12 janvier 101"2.
Mon Rkvérend Père,
Je vous envoie deux exemplaires du petit journal sau-
vage que j'imprime ici à Secred Heart. Vous allez être un peu
surpris d'un pareil journal, car je pense quo vous n'en soup-
çonnez pas môme Texisteuce. Ce petit journal, au dire des
missionnaires d'Alberta, Saskatchewan, Keewatin, Atha-
baska et Manitoba. fait beaucoup de bien, et e.st d'un
grand secours pour le missionnaire. Il y a beaucoup de
places où le missionnaire ne va qu'une ou deux fois l'an, et
ces pauvres sauvages, entourés comme ils le sont de minis-
tres protestants, sans parler de leurs sorciers, seraient
bien exposés à abandonner la religion si de temps en
temps notre petit journal n'arrivait pas pour leur parler de
la doctrine catholique, la leur expliquer et combattre leurs
superstitions. Une chose écrite fait beaucoup d'impression
sur nos sauvages et a souvent beaucoup plus de valeur que
la parole.
Il n'est pas rare de voir des sauvages païens se laisser
gagner et aller trouver le missionnaire pour demander le
baptême, après avoir lu dans le journal l'explication de la
religion et le mal fondé de leurs superstitions.
Nous envoyons le journal à 500 sauvages Cris, mais
5.000 au moins le lisent, car quand la petite feuille de
16 pages arrive dans une place de sauvages, tout le monde
veut connaître tout ce qu'il y a dedans. Celui qui le reçoit
est bien fier lui-même de le faire passer à tout le monde.
Ce qui les amuse, ce qui les intéresse surtout et ce qu'ils
— G6 —
aiment beaucoup : ce sont les images. Maliieureusement
c'est chose bien difûcile de nous en procurer, car les plaques
coûtent très cher, et nous sommes très pauvres. Mon
Révérend Père, je vous serais bien reconnaissant si vous
pouviez me procurer des images qui puissent me servir de
modèles, en aussi grande quantité que vous pourrez et de
toutes les sortes, mon couteau se chargera de les graver
sur bois, ce qui nous réussit assez bien et ne nous coûte
pas trop cher. Ne connaissant pas le dessin, je suis obligé
de me servir d'un modèle pour me guider.
Si dans de vieilles revues et journaux, vous trouvez des
images, veuillez ne pas les mettre au feu, mais pensez que
ces petits morceaux de papier peuvent servir au bien des
pauvres sauvages de l'Amérique du Nord.
Le R. P. Boulenc, qui est allé en France il y a quelques
mois, vient d'avoir son obédience pour celte mission. Le
R. P. Baller va au lac La Biche, à 100 milles d'ici. C'est lui
qui rédige les articles pour le journal sauvage. Gela va
être un peu ennuyeux pour moi, car il devra m'envoyer les
articles par la poste, ainsi que les épreuves pour la correc-
tion, jusqu'à ce que le R. P. Boulenc connaisse suffisam-
ment le cri pour cela.
Veuillez, etc.
F. GUIBERT, 0. M. I.
— GT —
COLOMBIE BRITANNIQUE
Les origines de nos missions de l'Orégon,
daprès un mémoire du P. Ricard.
Le Vicai'iat actuel des Missions de Colombie Britannique a com-
mencé sous le nom de « Missions de l'Orégon », du vivant de notre
vénéré Fondateur.
A Toccasion du jubilé qui a été célél)ré l'an dernier pour le cin-
i[uauleuaire de l'arrivée des Oblats à New- Westminster, on ne
lira pas sans intérêt les mémoires du premier missionnaire de
l'Orc-gon.
Obédience.
Eu jaavier 18'i7, le R. P. Ricard, supérieur de Notre-
Dame des Lumières, relevait à peine d'une maladie assez
grave. Plein de zèle pour son juniorat naissant, il caressait
des projets d'améliorations matérielles, lorsqu'il reçut la
lettre suivante de notre vénéré Fondateur :
« Il s'agit bien d'autre chose, mon cher Père Ricard, que
t de hangar et de salle de récréation pour Lumières. Vous
t êtes destiné à de plus hautes fonctions que celles d'archi-
t tecte et de maçon.
« Mgr Blanchet, évêque de Walla Walla, frère de Monsei-
« gneur l'Archevêque de l'Orégon, veut confier son intéres-
€ santé mission à notre Congrégation. 11 désire que les
« Pères de notre société concourent avec lui à étendre le
« royaume de Jésus-Christ dans les régions confiées à sa
t sollicitude. Par ce choix de prédilection, les travaux de
t la Congrégation s'étendront d'une mer à l'autre, et en
« nous échelonnant nous communiquerons par là du Canada
« aux Etats-Unis.
— 68 —
« Le nouveau diocèse de Walla Walla (1) est dans un très
« beau pays où surtout la récolte des âmes sera très abon-
« daiile. Il me faut pour nieltre à la tète de cette mission,
t un homme mûr et d'expérience que je puisse offrir au
t nouvel évêque, déjà de nos amis, comme un religieux
t sûr et de bon conseil, puisque nos Pères forment pour le
« moment à peu près tout son clergé. J'ai besoin de mon
« côté de ne confier la direction des nôtres qu'à un ancien
« de la famille sur lequel je puisse me reposer entièrement.
« devant être placé à cette grande distance de moi, avec
t des membres choisis de notre société. Ainsi, mon cher
» Père, voilà à quoi la divine Providence vous appelle.
t Vous vous rendrez auprès de moi vers la fin de la
« semaine prochaine pour prendre mes instructions ; vous
« partirez ensuite d'ici avec vos compagnons de voyage de
« façon à pouvoir vous embarquer, avant la lîu du mois,
« au Havre, pour vous trouver à Montréal au commencc-
^ ment de mars auprès de Mgr Blanchet, avec lequel vous
a vous acheminerez vers son diocèse, dont les missions vous
« sont confiées.
t Je ne vous dis rien de ce qu'a de magnifique aux yeux
t de la foi, le ministère que vous allez remplir. Il faut
€ remonter jusqu'au berceau du christianisme pour trouver
a quelque chose de comparable. Les mêmes merveilles qui
« furent opérées par les premiers disciples de Jésus-Christ
« se renouvelleront de nos jours par vous, mes chers
« enfants, que la Providence a choisis parmi tant d'autres
» pour annoncer la Bonne Nouvelle à tant d'esclaves du
t démon qui croupissent dans les ténèbres de l'idolâtrie et
t ne connaissent pas Dieu. C'est là le véritable apostolat
ï qui se renouvelle de notre temps. Remercions le Seigneur
« d'avoir été jugés dignes d'y concourir «l'une manière si
« active.
€ Je présume que vous aurez vu le P. Léonard qui
(1) Le diocèse de Walla Walla est devenu ensuitt^ le diocèse de
Nesqually et finaleruent le diocèse de Seattle, Etats-Unis.
— CO —
€ parcourt la France pour recruter de Lons soldats à
« l'armée dont vous êtes élu pour être un des généraux.
« Répondez avec joie à l'appel ; soyez fidèle à votre voca-
H tion ; comptez sur les bénédictions les plus abondantes
t de Dieu, et sur une récompense proportionnée à l'excel-
• lence de la grande mission que vous allez remplir.
« Adieu, mon clier P. Ricard, en quittant Lumières,
« emportez tout ce qui est à votre usage, parce que vous
• n'y repasserez pas en vous dirigeant vers votre destina-
« tion.
« Je vous salue affectueusement en attendant de vous
« embrasser et de baiser les pieds evangelizanlium pacem
« evangelizantium bona.
f C.-J. -Eugène, Evêque de Marseille. »
Le 8 janvier 1847.
Voilà comment Mgr de Mazenod donnait alors une obé-
dience à ses Oblats et en quels termes vibrants il leur
parlait de l'apostolat. L'évêque de Walla Walla avait traité
l'affaire avec le P. Guigues, alors supérieur des Oblats au
Canada. C'est sur la demande de ce dernier que Mgr de Ma-
zenod résolut d'accepter la nouvelle mission et d'y envoyer
le P. Ricard.
A la réception d'un tel ordre qu'il n'attendait nullement,
le P. Ricard, convalescent, et profondément altacbé au sol
de Provence, fut sur le point d'écrire au Fondateur pour
lui exposer ses représentations. Sur les conseils du P. Léo-
nard qui se trouvait alors à Lumières, il se rendit à ^lar-
seille pour y faire ses observations de vive vois, bien
résolu de s'en tenir à la décision du Supérieur Général.
— 70
Départ.
Le P. Ricard fit donc ses adieux aux Pères, aux Frères
et à uue vingtaine d'enfants qui formaient alors le juniorat.
D'aucuns l'auraient suivi volontiers, mais pour quitter le
poste il eût fallu un ordre, et c'est seul qu'il alla de Lumières
à Marseille. Il exposa au Supérieur Général combien il
serait difficile à un convalescent de supporter les fatigues
d'un tel voyage. Et d'ailleurs, de quelle utilité pouvait-il
être, à son âge, dans les missions sauvages? Le Fondateur
cependant crut devoir passer outre, et décida même que le
nouvel apôtre de TOrégon partirait dans le plus bref délai.
Le P. Ricard devait en effet rejoindre au plus tôt l'évêque
de Walla Walla à Montréal et se trouver, au mois de mai,
à Saint-Louis, sur le Missouri, pour profiter de la compagnie
des caravanes qui partait à cette époque pour l'Orégon.
On fit à la hâte les préparatifs du voyage et, le 22 jan-
vier 1847, le P. Ricard, muni du titre de Supérieur des
missions de l'Orégon, partait pour Paris et Le Havre,
accompagné de trois frères scolastiques, les FF. Blanchet.
Ghirouse et Pandosy, et d'un frère convers, le F. Vernet.
Nos voyageurs s'arrêtèrent à Avignon, à Lyon et à Paris,
tant pour saluer quelques membres de leurs familles que
pour se munir de divers objets indispensables. Ils gagnèrent
rapidement Le Havre, et, le 4 février, ils s'embarquaient à
bord du « Zurich » l)àtiment, de la compagnie « l'Union ».
t Jusqu'alors, nous dit le P. Ricard dans ses notes, nous
n'avions cessé d'être gais ; nous avions traversé la France,
toujours occupés des incidents de notre route; à Marseille,
à Paris, au Havre même, les préparatifs de notre long
voyage avaient si bien pris tous nos moments que notre
esprit était tout au présent et à l'avenir.
t La veille du départ, nous avions même composé quelques
couplets d'adieu que nous nous proposions de chanter au
moment où l'on déploierait les voiles. Mais lorsqu'on leva
— 71 —
l'ancre notre enthousiasmo s'évanouit, le passé, tout le
passé se déroula sous nos yeux, le cœur l'emporta sur
l'imaginalion : nous quittions la patrie!
t Le ciel couvert, l'horizon sombre, la neige tombant à
gros llocons, le froid de l'atmosphère et plus encore le froid
du cœur, le pays qui fuyait à nos regards, tout cela nous
arracha les larmes, et, au lieu des chants que nous avions
préparés, il n'y eut qu'un morne silence que je n'oublierai
jamais.
« Que ceux qui liront ces lignes ne s'en étonnent pas :
si la religion a ses droits, la nature a aussi les siens. Au
reste la religion n'ôte pas le cœur à l'homme, et quand
Jésus-Christ a dit de renoncer à tout pour lo suivre il n'a
pas voulu dire d'étoufifer les sentiments de la nature. Tout
ce que Dieu demande c'est que nous lui donnions la toute
première place. Qu'on ne soit donc pas étonné de l'état de
nos âmes au moment solennel où nous laissions notre
patrie, nos parents, nos amis, tout ce que nous avions de
plus cher au monde. »
Voyage sur mer.
« Notre traversée du Havre à New-York fut longue et
insipide : nous restâmes 51 jours en mer, et à part une
belle aurore boréale, nous ne vîmes rien qui pût nous dis-
traire et nous égayer. Sans courir de grands dangers, nous
eûmes cependant plusieurs joure de tempête. Il y avait
avec nous en première classe cinq passagers, tous protes-
tants. Le capitaine, bon enfant pourtant, était assez supersti-
tieux pour croire que s'il restait si longtemps en mer c'était
à nous qu'il devait cette malchance. En partant du Havre,
un de ses amis ne lui avait-il pas dit qu'à cause de nous,
il n'arriverait jamais à destination ! Quoi qu'il en soit, le
vendredi saint, 2 avril 1847, nous débarquions à New- York.
« Nous trouvâmes l'évèque de New-York à la cathédrale,
où il prêchait la Passion. A l'évêché. Sa Gi-andeur nous
— 12 —
remit une lettre de l'évèque de Walla Walla et une du
P. AUard, nous indiquant tous deux la route que nous avions
à suivre pour nous rendre à Montréal. Nous serions partis
aussitôt, mais le mauvais temps et la difficulté des commu-
nications nous retinrent jusqu'au lundi. Il y avait dans ce
contretemps une attention de la Providence, car nous
apprîmes le lendemain que l'évèque de Walla Walla avait
quitté Montréal et s'était mis en route pour Saint Louis.
Nous renonçâmes donc à passer par le Canada. »
A travers les Etats-Unis.
t Le mardi G avril, nous nous dirigeâmes vers Saint-
Louis, via Philadelphie, Baltimore, Wheeling, pour des-
cendre rOhio et remonter le Missouri. Les évèques des
Etats-Unis que nous eûmes l'honneur de voir nous com-
blèrent de marques d'estime et de bienveillance. Ce fut
chez tous un accueil vraiment paternel. Le pauvre évêque
de Richemond était à Wheeling, où il remplissait les fonc-
tions de curé : dès qu'il apprit que nous étions dans un
hôtel, attendant l'arrivée d'un bateau à vapeur, il nous fit
tous venir chez lui et nous prodigua ses bontés. A Louis-
ville, nous apprîmes que l'évèque de Walla Walla nous
précédait seulement de cinq ou six heures, ce qui nous
causa une grande joie. Le 15 avril, en effet, nous étions à
Saint-Louis, aux pieds de notre évertue. Il avait avec lui
M. Brouillet, en qualité de grand-vicaire, M. Rousseau,
diacre, et M. Leclair, sous-diacre.
« Monseigneur de Walla Walla n'attendait que deux Oblats
et fut fort surpris de voir que nous étions cinq. Il décida
cependant que nous partirions tous pour Walla Walla et
ajouta que, puisque son frère, l'archevêque d'Orégon City,
manquait d'ouvriers, deux d'entre nous resteraient dans
le diocèse de Walla Walla et que les trois autres seraient
offerts à son frère. On ne pensa plus qu'aux préparatifs de
notre long voyage de Saint-Louis à l'Orégon, et, en atten-
— ty> —
Jant lo départ, nous roçûmcs l'iiospitalité an collège des
Jésuites où nous restâmes douze jours.
« Vers quatre heures du soir, le 27 de ce mois d'avril,
nous nous mettons de nouveau en route, remontons le
Missouri jiiS({u'à Kansas, où nous arrivons vers six lieures
du soir. Nous avions à peine mis pied à terre qu'un
Canadien m'aborde :
« Père, me dit-il, nous aurons la messe demain ?
— Et comment sais-tu que je suis prêtre ? lui répondis-jc
(j'étais en lévite).
— Oh ! reprit le Canadien, ça se voit Ijien !
— Eh bien, continuai-je, en lui montrant l'évêqne de
Walla Walla, ce n'est pas une, mais deux messes que l'on
célébrera demain ! »
« Il y avait à Kansas une centaine de catholiques, la
plupart canadiens : un prêtre irlandais faisait le service
de cette petite paroisse et en desservait en même temps
deux autres.
« Ce fut à Kansas que, pour la première fois, nous vîmes
des sauvages. Sur quinze, 1:2 au moins étaient ivres! Le
dimanche, 2 mai, nous célébrons les offices de notre mieux,
et le 3, nous partons de Kansas pour nous rendre à West-
port. C'est là que nous devions nous organiser pour notre
voyage par voie de terre. M. Brouillet, grand vicaire de
l'évêque de Walla Walla, nous avait déjà quittés à Saint-
Louis et s'était rendu à Indépendance pour acheter des
bœufs. De notre côté, nous nous étions procuré, à Saint-
Louis, des provisions nécessaires ainsi que des wagonnets
(charrettes à deux roues). En attendant que tout fût prêt,
nous étions logés dans une maison de campagne qu'un
brave homme nous avait cédée.
« Sur ces entrefaites, le curé de Kansas, absent lors de
notre passage, renti*e. Dès qu'il apprend que nous sommes
encore à Westport, il m'écrit pour me prier de venir
donner une retraite de quelques jours à ses Canadiens.
J'accepte volontiers. La retraite dure quatre jours et tous
— 74 —
les Canadiens de la paroisse, une quarantaine environ,
s'approchèrent des sacrements. Le curé ne comprenait que
très peu le français ; pour ma part, je ne savais pas deux
mots d'anglais : on parla latin. Sans m'altendre, mes
compagnons de voyage avaient pris de l'avance et étaient
allés camper à quelques milles de Westport. Grâce à
l'amabilité d'une bonne dame de Kansas, qui mit son fils
et son cabriolet à ma disposition, je rejoins mes compa-
gnons le 9. Ce fut notre premier campement ; c'est-à-dire
que pour la première fois nous couchâmes sous la lente et
sur la dure.
« Nous étions déjà loin de l'Oliio, de la « lielle rivière »,
comme l'appellent les Canadiens français. Nous en avions
fini avec la dangereuse navigation sur le Missouri, dont
les eaux cachent des bancs de sable et roulent des troncs
d'arbres, et cependant plusieurs mois encore nous sépa-
raient du jour où nous devions poser les pieds sur le
terrain de notre apostolat. »
Vers rOrégon.
« Le 11 mai. nous quittâmes les environs de Westport,
et jusqu'au 15 septembre, jour où nous arrivâmes au fort
Walla ^Yalla, nous marchâmes littéralement à travers un
désert.
« Il y aurait beaucoup à dire sur les peines, les misères,
les ennuis et les dangers de ce long voyage fait à pas de
bœufs; mais comment le missionnaire oserait-il 8e plain-
dre, alors que tant d'émigrants, pour des motifs tout
humains, s'exposent aux mêmes périls ? Nous trouvons
sur notre route quatre forts, c'est-à-dire quatre maisons
où les blancs traitent avec les sauvage.-?, le fort Laramie,
le fort Bridger, le fort Hall et le fort Boisé. Nous franchis-
sons quantité de rivières, entre autres : la rivière Plate, la
rivière Verte, la rivière des Serpents. Nous suivons long-
temps, mais sans la traverser, la rivière à l'Ours.
— /5 —
» Ce qui fend le cœur du missionnaire, c'est de rencontrer
tant de sauvages sans prêtres : en effet, depuis Kansas
jusqu'à Wallamet, il n'y a d'autres missions que celles des
IIR. PP. Jésuites chez les Têtes Plates, comme on le sait
par les lettres du R. P. de Smet.
« Il )' avait en notre compagnie les deux fils de M. Grant,
bourgeois du fort Hall. En arrivant au fort Bridger, nous
rencontrons un Canadien, que M. Grant avait envoyé avec
des chevaux au-devant de ses fils. Le Fr. Blanchet et moi
nous profitons de l'aubaine, et avec ces messieurs nous
prenons les devants et arrivons au fort Hall le 4 août, trois
jours avant les autres.
« Le bourgeois du fort Hall était sur le point d'envoyer
ses gens au fort Vancouver pour y porter les peaux de
traite. Mgr Blanchet jugea qu'il serait bon de profiter de
cette occasion et que quelqu'un de nous devançât les
autres, dans son diocèse, pour voir ce qu'il y aurait à faire.
Il se décida à partir lui-même avec M. Rousseau. Je crus
devoir l'imiter et je pris avec moi le Fr. Blanchet. Partis
le 14 avec les hommes de M. Grant, nous passions le 18 à
cent milles du fort Hall, près d'une chute de la rivière aux
Serpents ; le 22, nous étions auprès d'une de ces sources
d'eau chaude où l'on ne peut tenir la main plus de trois
secondes sans se brûler; le 55, nous faisions halte au fort
Boisé, et enfin, le 5 septembre, nous arrivions au fort
Walla Walla, où M. Mac Bean, bourgeois du fort, nous
reçut comme les envoyés de Dieu. »
La Mission Sainte-Rose.
« C'est ici, à proprement parler, que commence l'histoire
de nos missions à l'Orégon.
t Monseigneur et moi n'a\ions pris les devants que pour
examiner le pays et voir où il conviendrait le mieux de
s'établir. Sur les terres de Cayuses, il y avait un chef qui
aimait beaixcoup les prêtres. Il était connu sous le nom de
— 7G —
jeune chef. Son nom sauvage était Taouatoué. Monsei-
gneur décida de se fixer sur les terres de ce jeune chef
qui, pour lors, était absent. On examina ensuite où les
Oblats pourraient s'établir. On en parla à Pispi Mackmack,
chef de Walla Walla, connu par les blancs sous le nom
de t serpent jaune ». Peu disposé d"abord à recevoir les
prêtres sur ses terres, il finit par nous otTrir d'assez bon
coeur un terrain sur la rive droite de la Colombie, à l'em-
]_)Ouchure de la Yakama. Monseigneur jugea remplacement
favorable. Les Oblats évangéliseraient les sauvages de
cette rive, tandis que hu et ses prêtres prendraient soin
des sauvages de la rive gauche. Je me rendis donc sur les
lieux, et je rencontrai là quelque:^ sauvages pleins de si
bonnes dispositions que, malgré la pauvreté du terrain et
le manque de bois, je résolus de m'y fixer. J'avais promis
de mettre la première mission des Oblats en Orégon sous
la protection de sainte Rose de Lima. J'appelai donc le
pays Sainte-Rose, et ma mission « Mission Sainte- Rose ».
t II y avait autour de ^Yalla Walla. -à trente milles envi-
ron, chez les Nez-Percés, plusieurs missions presbyté-
riennes, dirigées, l'une, par le docteur "SVhitman, et l'autre,
par M. Spalding. Quand ils eurent vent de notre arrivée,
les protestants se mirent à parcourir les loges des Cayuses,
disant à tous les sauvages de ne pas recevoir les prêtres, et
débitant toutes sortes de mensonges pour les mettre en
défiance vis à-vis de nous.
« Cependant, le 5 octobre, tout le monde arriva enfin au
fort Walla Walla. J'avais pu me procurer entre temps, à
très bon compte, une charrette et deux paires de bœufs.
Dès le 11 octobre, sans guide, sans interprète, n'ayant
pour provisions qu'une vingtaine de livres de farine, à peu
près la même quantité de viande et un minot de pommes
de terre, nous traversâmes la Colombie et allâmes coucher
sur l'autre rive. Le lendemain, nous prenions possession
de notre terrain. Les sauvages, prévenus de notre arrivée,
vinrent à notre rencontre et nous aidèrent ù manger le peu
— // —
que nous avions. 11 nous restait encore un sac de Ijlé que
nous pensions ganler comme semence, il fallut l'attaquer.
Quant au peu de poudre que nous avions encore, nous
rùchangeàmes pour du saumon, dont nous fîmes notre seule
nourriture jusqu'au retour du Fr. Blancliet, au connncn-
cemenl de novembre.
i J'avais envoyé ce frère cà WuUamet cliercher des vivres.
La compagnie l'avait comblé de politesses. ]M. Douglas et
M. Ogden lui avaient avancé tout ce dont nous pouvions
avoir besoin. Mais (juand le bonheur entrait [lar la porte,
tous les malheurs entraient par les fenêtres. La saison
était avancée, le froid se faisait sentir ; les vents étaient si
violents que plusieurs fois ils avaient brisé les piquets de
notre tente et nous étions sans abri. Les sauvages avaient
bien promis de nous amener du bois des rapides, mais
c'étaient des grosses pièces dont nous ne pouvions ni ne
savions tirer parti. Nous étions presque décidés à retourner
au fort pour passer l'hiver quand arrivèrent deux Cana-
diens, Lorly et Gervais. Je les pris à mon service pour
m'aider à construire une cabane. »
Les protestants.
« A Walla Walla, Monseigneur attendait le retour du jeune
chef Taouatoué. Je m'y rendis et mes frères me conseillèrent
de rester au fort jusqu'à ce que la cabane de Sainte-Rose fût
achevée. Sa Grandeur quitta le fort le 27 novembre et alla
fonder la mission Sainte- Anne sur les terres du jeune chef
qu'il avait fini par voir et avec lequel il s'était arrangé. Les
hommes qu'il avait à son service lui réparèrent une maison
que la compagnie avait fait construire pour le jeune chef,
mais dont celui-ci ne s'était jamais servi, parce que les
sauvages préfèrent une loge à une maison.
» Jusque-là nos bons anges n'avaient cessé de veiller sur
nous et d'aplanir les difficultés qui se présentaient, mais
voilà que soudain tous les diables de l'enfer semblèrent se
— '58 —
liguer contre nous et vouloir nous arrêter. Les protestants
dont nous avons déjà parlé ne cessaient de déblatérer
contre nous. Leur faux zèle devint bientôt une véritable
folie. M. Spalding avait gribouillé une espèce d'échelle
sur laquelle deux routes étaient tracées, l'une conduisant
au ciel, l'autre à l'enfer. Sur la route du ciel, peinte en
blanc, on ne voyait personne, mais sur le chemin de l'enfer
s'entassaient les catholiques et à leur tète le Pape. Le mas-
sacre de la Saint-Barthélémy n'y pouvait manquer. Il y
avait aussi l'imoge de l'idolâlrie et de toutes les supersti-
tions dont les protestants accusent les catholiques. Notre
homme parcourait les camps des sauvages, leur montrant
son échelle et leur donnant les plus amples explications.
Le docteur Whitman prophétisait de son côté. Un jour
môme qu'il venait de tuer un bœuf, il prit une échelle, et
répandit sur l'échelle le sang de ce bœuf en disant aux
spectateurs : « Si vous écoutez les prêtres, votre pays sera
ainsi inondé de sang. » Ce n'est que dans la suite que nous
eûmes connaissance de toutes ces choses. »
Le massacre.
« Tandis que les uns cherchaient à établir l'œuvre de
Dieu et les autres à le détruire, une maladie éprouvait les
sauvages. C'était, je pense, une espèce de fièvre typlioïde.
Beaucoup en mouraient. Le docteur Whitman crut se
grandir dans l'estime des sauvages en leur donnant des
remèdes. Seulement voici ce qui arriva : les malades après
avoir pris la médecine faisaient souvent tout le contraire
de ce que le docteur avait prescrit, par exemple, au lieu de
se tenir au chaud, ils allaient se jeter dans l'eau froide, et
y trouvaient la mort. Bien plus, loin de s'en prendre à
eux-mêmes, ils se mirent en tête cette idée que le docteur*
les empoisonnait. Un certain métis espagnol, nommé
Louis, domestique du docteur, accrédita l'erreur disant que
les Américains empoisonnaient tous les sauvages des pays
— 7'J —
dont ils voulaient s'emparer. Il leur citait à l'appui les
Etats-Unis et le Wallauiet où déjà il n'y avait presque plus
de sauvages. Il ajouta même qu'il avait entendu son
maître dire aux Américains qui étaient avec lui : « Encore
« un peu de temps et il n'y aura plus de sauvages par ici;
» voyez ces belles terres, ces nombreux troupeaux de che-
• vaux et de b(eufs ; patience! Tout cela sera bientôt à
» vous. 3 II alla môme jusqu'à dire que dans une conversa-
tion, le docteur, sa femme, et INI. Spalding s'étaient con-
certés sur le moyen à prendre i)Our faire disparaître les
sauvages, et que le poison avait été choisi, parce que
plus expéditif.
« Sur ce, la mort du docteur, de sa femme et de M. Spal-
ding fut résolue, car les sauvages se montent facilement la
tête. Ils n'en voulaient pas d'abord aux autres Américains,
mais comme dans la suite il y eut trois nouveaux morts et
qu'ils ne crurent pouvoir tuer le docteur sans massacrer
les autres, la perte de tous fut arrêtée, et il y avait là une
vingtaine de familles américaines.
« Le 29 novembre, les sauvages, dissimulant leurs armes
sous leurs couvertures, arrivent : les uns pénètrent duns
la maison, tandis que les autres entourent les Américains
qui tuaient un bœuf. En quelques instants, le docteur, sa
femme et huit Américains sont massacrés , plus deux
hommes du moulin et deux malades. C'est presque malgré
eux qu'ils épargnèrent les femmes et les enfants et les
emmenèrent en esclavage dans leurs camps. »
« Ni au fort Walla Walla, ni ailleurs, on n'avait en con-
naissance de celte horrible conspiration. Ce ne fut que
vers le 30 qu'un pauvre Américain, échappé au massacre,
nous apporta cette triste nouvelle. Monseigneur ne le sut
que deux jours après. M. Brouillet était parti de Sainte-
Anne pour visiter les sauvages qui étaient aux environs
— 80 —
de la maison du docteur. A trois milles de l'endroit, il
apprit le massacre, se hâta et trouva les cadavres couverts
de sang et gisant ch et lu. Grâce à un métis qui comprenait
un peu le français, il put faire entendre aux sauvages
qu'il fallait donner aux morts l'honneur de la sépulture,
jjuis il se hâta de rentrer à la mission Sainte -Anne.
M. Spalding se trouvait heureusement à Sainte-Anne
depuis quelques jours et avait passé plusieurs heures à
l'évèché le jour même du massacre. M. Brouillet s'adressa
à son propre interprète , le priant de lui obtenir grâce
auprès des meurtriers. Le sauvage alla donc consulter ses
compagnons. Mais sans perdre un instant, M. Spalding,
mis au courant de ces horribles attentats, prit le parti le
plus sage, celui de fuir. Le sauvage ne tarda pas à revenir
et, ne trouvant plus M. Spalding, il se mit à sa poursuite.
Grâce à un brouillard épais et à la faveur de la nuit, le
fugitif put échapper momentanément aux recherches des
meurtriers.
« J'étais au fort avec M. Mac Bean, quand, à 7 heures,
l'Américain nous apporta la nouvelle du massacre accom-
pli. A 11 heures, nous arrive tout essoufflée une sauva-
gesse catholique, nous annonçant que les Gayuses avaient
résolu de venir au fort et d'y tuer tous les blancs. A cette
annonce peu rassurante, tout le monde du fort, c'est-à-dire
M. Mac Bean, le Fr. Pandosy, trois engagés et moi, nous
fermons les portes, chargeons les canons et préparons la
défense. Ce fut heureusement en vain, car les Gayuses ne
parurent pas. Néanmoins, par mesure de précaution, nous
tînmes désormais les portes fermées. D'autres sauvages
vinrent nous conter des récits plus ou moins exacts du
massacre. M. Mac Bean envoya en toute hâte un exprès
au fort Vancouver et j'en profitai pour écrire à l'arche-
vêque. »
81 —
« Dès que M. Douglas et M. OgJen eurent connaissance
des faits, ils firent partir une berge. M. Ogden se rendit
lui-même au fort Walla Walla avec quinze hommes ; il y
arriva le 10. Il fallait avant tout arracher les femmes et
les enfants «les victimes des mains des meurtriers. Il
envoya donc, le lendemain de son arrivée, des e.xprès aux
chefs des Cayuses ainsi qu'à l'évoque, les priant de se
rendre au fort. Tous y vinrent. 11 y eut des discours de
part et d'autre. Les meurtriers ne manifestèrent pas grand
regret de leurs crimes, et le jeune chef, qui n'avait trempé
qu'indirectement dans l'alTaire, dit que les vieux n'étaient
plus écoutés. Il fut enfin convenu, grâce aux ménagements
de M. Ogden, que les femmes et les enfants seraient rendus
sur l'engagement de fournir soixante couvertures , des
fusils et mille autres choses. La même promesse fut faite
aux Nez-Percés, s'ils rendaient M. Spalding et les siens
qu'ils avaient pris et retenaient prisonniers dans leur camp.
Tout réussit à merveille. Le 29 décembre, les veuves et
leurs enfants arrivèrent et, le 1er janvier, vint le tour de
M. Spalding avec toute sa famille.
t Le fort était rempli de sauvages et M. Ogden donna tout
ce qu'il avait promis. Sur le soir, les sauvages entonnèrent
leur chant de guerre : c'était à en frémir. On jugea que,
vu Tinconstance des sauvages, il n'y avait pas de temps à
perdre, et M. Ogden avertit tout le monde de se tenir prêt
à partir le lendemain. »
Ordination.
« Durant le temps des négociations pour le rachat des
captifs, M. Ogden offrit à Monseigneur et à moi passage
sur les berges. J'acceptai, de même que Monseigneur, car
je voulais voir l'archevêque.
6
— 82 —
t II fallait pourtant résoudre une ililTicuIté avant mon
départ et ne pas laisser la mission Sainte-Rose et les
Frères oblats sans prêtre. Je priai donc Monseigneur^
malgré les difficultés présentes, d'ordonner prêtres les
FF. Chirouse et Pandosy. L'ordination fut tout à fait
apostolique. Après quelques jours de retraite, les deux
Frères scolastiques furent ordonnés sous-diacres le 26 dé-
cembre, diacres le 1er janvier et prêtres le lendemain 2>
qui était un dimanche. Nous n'avions pas d'aubes pour les
assistants de l'évèque ni pour les ordinands. Savez-vous
avec quoi on confectionna une aube au P. Chirouse f
Eh bien, on arrangea tout simplement une chemise de
M. Mac Beau, et la cérémonie se fit, on le devine, avec
toute la solennité que permettaient les circonstances. Le
même jour, à midi, nous partions. Malgré le froid, la
neige et la glace, nous fîmes un heureux voyage. Aux
Dalles, nous rencontrâmes une compagnie d'Américains,
plus loin encore, d'autres compagnies, venant toutes faire
la guerre aux Cayuses. Le 8, nous étions au fort Van-
couver, et le 12, à Ûrégon City. C'est là que M. Ogden
remit les femmes et les enfants aux soins du gouverneur.
La caravane de 84 personnes était arrivée sans encombres.
Quant à mes Oblats, ils quittèrent Walla Walla et ren-
trèrent à Sainte-Rose. »
Nouvelles alarmes.
« Aourhaï, chef des Yakamas, était venu nous trouver au
fort Walla Walla avant notre départ, curieux de savoir ce
qui s'était passé. Nous avions déjà rencontré ce chef sur
notre route, mais faute d'interprète, nous n'avions pu
connaître ni sa résidence, ni ses sentiments.
« Ayant appris le méchant dessein des Cayuses de faire
du mal aux prêtres, il désirait nous offrir un asile sur
ses terres. Informations prises, je décidai la fondation
d'une mission chez les Yakamas et j'envoyai le Frère
— 8o —
Dlanchet pour examiner les lieux. II en revint bientôt,
enchanté d'avoir trouvé des sauvages si bien disposés et
s'en relournu avec le Fr. Vernet pour jeter les fondements
de la mission. Soudain, la guerre éclata : les sauvages de
Sainte-Rose s'enfuirent ou prirent les armes. Le bruit
courait que les Américains en voulaient autant aux prêtres
qu'aux Cayuses ; bref, les esprits n'étaient guère aux
choses de la religion. M. Brouillet crut devoir abandonner
Sainte-Anne et écrivit aux Oblats de se rendre au fort
Walla Walla pour deviser ensemble sur ce qu'il y aurait
de mieux à faire. De son côlé, le P. Chirouse écrivit au
Fr. Blanche t, mais celui-ci crut pouvoir rester chez les
Yakamas, et si plus tard il descendit au Wallamet comme
les autres, ce fut pour fuir le danger. En etiet, M. Broiiillet,
M. Leclair et les PP. Chirouse et Pandosy, manquant de
vivres, quittèrent le fort Walla Walla, et je les rencontrai
au fort Vancouver, d'où moi-même, sans avoir rien pu
conclure avec les évêques, je me proposai de retourner à
Sainte-Rose. Les Fr. Blanchet et Vernet arrivèrent, eux
aussi, au fort Vancouver et tous me dissuadèrent de partir
en ce moment à la mission. Je décidai donc d'attendre le
dénouement de la guerre et d'aller au Wallamet avec mes
compajpfnons. Une e.spèce de circulaire fut adressée aux
prêtres par un des commissaires, leur défendant de conti-
nuer les missions chez les Cayuses et les Walla Walla.
La circulaire ne parlant pas des Yakamas, nous crûmes
pouvoir continuer cette mission. Monseigneur, de son
côté, renonça à Sainte-Anne, résolut de se fixer aux Dalles
et d'y établir son siège. »
(A suivre.)
— 84
VICARIAT DE CEYLAN
I. — Une Grotte de Lourdes à Maggona.
Lettre du R. P. Croctaine au R. P. J. CoUin,
vicaire des Missions.
Maggona, St-Viacenfs Home, 5 novembre 1911.
Mon Révérend et bien-aimé Père,
Je dois une réponse à votre si bienveillante lettre du
28 septembre dernier. Je l'ai différée quelque temps, vou-
lant vous donner un petit compte rendu de l'inauguration
de notre Grotte de Lourdes et par là rendre ma réponse
plus agréable et plus intéressante. La statue tant désirée est
arrivée quinze jours environ avant votre lettre, de sorte que
nous avons eu un mois et demi pour préparer les fêtes des
3 et 4 novembre.
Plus que personne, le R. P. Conrard doit èlre heureux
que Marie ait sa Grotte de Lourdes à St-Vincent's Home.
Pourquoi cela? Je viens d'apprendre que pendant son supé-
riorat il avait promis de bàlir une Grotte de Notre-Dame de
Lourdes si une épidémie qui désolait alors l'orphelinat
cessait. La sainte Vierge agréa la promesse, rendit la santé
aux orphelins, mais le bon Père reçut son changement
avant d'avoir pu payer sa dette de reconnaissance à Marie.
Je suis enchanté que la protection dont la sainte Vierge
couvrit alors l'orphelinat ait l'ex-voto auquel elle avait
droit.
L'argent nécessaire a été recueilli en grande partie par un
cher frère franciscain, originaire de l'Inde, et très dévoué à
la sainte Vierge. Ce bon frère appartient à la Société dos
Frères Franciscains dont la maison-mère est à Saint-
Vincent's Home. La date choisie pour la bénédiction de la
Grotte était le soir du 3 novembre, l*"" vendredi du mois, de
sorte que la grotte fût prête pour la célébration de la sainte
raess-e le 4 novembre, 1" samedi du mois, et fête de saint
Charles, saint très honoré ici. Aussitôt le jour fixé, le
travail des décorations fut réparti entre les différentes
branches de l'Institution. Aux Frères Franciscains de
décorer la place de la chapelle et d'ériger un arc de
triomphe sur le penchant de la colline où est bâtie la
chapelle. Les Frères convers se chargeaient de la chapelle,
de la statue et de l'intérieur de la Grotte. Les orphelins
auraient à élever leur arc de triomphe, sous la direction du
F. Renaud, au bas de la colline. Les internes du Réforma-
toire furent priés de préparer leur arc de triomphe en face
de l'hôpital ; les normaliens élèveraient le leur derrière la
colline, et comme la distance entre les arcs de triomphe du
Réformatoire et de l'Ecole normale était longue, on en
éleva un second près de l'endroit où l'ancienne route gravit
les pentes du Calvaire. Donc Marie passerait sous cinq arcs
de triomphe, et il y aurait cinq relais dans la procession.
Plus de 10 jours avant la fête, chaque entrepreneur d'arc
de triomphe avait mûri son plan et s'était pourvu de maté-
riaux pour la construction de son monument. Le F. Renaud,
0. M. L, découpait ses feuilles de cartons, collait, dessinait,
imitait un arc de triomphe de la maison Ferry de Nancy ;
le frère directeur de l'Ecole normale travaillait surtout sur
un genre de mousse ou plutôt bruyère dont les feuilles ont
la structure des flocons de neige et qui, une fois desséchées,
peuvent être peintes en différentes couleurs. Le frère direc-
teur des Frères Franciscains préparait ses toiles de l'Appa-
rition de Notre-Dame de Lourdes pour en décorer son arc
de triomphe ; le F. Crouzeix avait installé ses artistes à
l'hôpital, et là, avec des feuilles tendres de cocotier tressées
et fixées à des châssis, ils préparaient un ravissant arc
de triomphe.
Dès le lundi précédent, le travail dans les ateliers se
— 8ij —
ralentit presque jusqu'au chômage ; on avait l'esprit à la
fête de la Grotte, on ne parlait que de cela, on y travaillait
avec un entrain croissant.
Le temps seul s'obstinait à être mauvais. La mousson
changeait ; de l'i des perturbations atmosphériques, des
orages, des rafales de pluie qui menaçaient de rendre et
décorations et fête impossibles ; mais on comptait sur
Marie, on tint bon, on eut raison. Ge qu'il y avait de plus
pileux, c'est la route qui relie Saint-Vincent's Home à
Maggona. Depuis la fin de septembre on l'avait rechargée
d'une sorte de terre glaise qui ne se durcit très bien qu'après
avoir été trempée et réduite en une boue jaune et gluante.
Or comme il ne cessait de pleuvoir, la route ne cessait d'être
boueuse, et les voitures qui osaient s'y risquer y laissaient
de profonds sillons. Heureust^ment sur le parcours que
devait faire la procession, il n'y avait ni mares d'eau, ni
boue à redouter, les accidents de terrain facilitant le
prompt écoulement des eaux de pluie. Le jeudi 2 novembre,
la pluie et le tonnerre redoublèrent d'intensité; les hommes
à foi chancelante allaient répétant : « S'il pleut ainsi
demain, personne ne viendra »; les hommes de foi disaient
au contraire : « Il pleut aujourd'hui pour trois jours, donc
il fera beau demain et après-demain » ; ces derniers ne se
trompaient pas. Vers VAngelus, il cessa de tonner et de
pleuvoir ; le lendemain, pour 3 heures de l'après-midi, la
route de la procession était en parfait état, le gazon était
bien sec, le feuillage des arbres semblait plus vert ; dès le
matin, pas de brume et de nuages pour nous cacher la vue
du Pic d'Adam (Adam's Peak), comme s'il avait voulu
jouir du coup d'oeil et assister à la naarche triomphale de la
Reine des cieux. Les prémices de la journée du 3 novembre
(1er vendredi du mois), furent offertes au Sacré Gœur de
Jésus ; ce jour devait être un jour plein de consolation pour
le Gœur de Jésus, parce qu'en ce jour Marie devait recevoir
des hommages extraordinaires. A 6 h. ^4, la communauté
était réunie à la chapelle aux pieds de Jésus exposé dans le
— 87 —
Saint Sacrement à la piété de ses enfants ; tous faisaient la
Rointe communion et recevaient la bénédiction du Saint
Sacrement. Quelle mcilleui'e préparation pour fêter Marie
poiirrait-on imaginer? Aucune. Vers 8 heures, après le
déjeuner, Saint Vincent's Home ressemblait à une fourmi-
lière en pleine activité. Petits et ;^rands, vieux et jeunes,
orphelins et internes, religieux et laïques, allaient, ve-
naient, donnaient dos ordres, ou les exécutaient ; tous
voulaient faire leur part de besogne et avoir leur quote-part
des bénédictions réservées par Marie à ceux qui se dé-
vouaient si volontiers à son service. Nos bons Frères
convers, sous la direction du F. Tillet, notre sacristain,
ornaient la chapelle et le brancard sur le(|uel ou devait
transporter la statue. Avec quelle foi, quel respect, quel
amour ils s'acquittaient de leur besogne, leur Mère Imma-
culée qui les contemplait pourrait seule nous le dire. Les
Frères Franciscains, avec leur soutane de bure, entouraient
de guirlandes la place de l'église et montaient les pièces de
leur arc de triomphe sous les feux du soleil.
Les petits orphelins ramassaient les feuilles mortes
tombées sur la route, préparaient leurs oriflammes de
papier de couleur, tendaient les cordeaux pour y suspendre
ensuite des banderoles ou des feuilles de cocotier ; naturel-
lement ils causaient, riaient, faisaient plus de tapage que
de besogne. Cependant ils avaient conscience de faire quel-
que chose, et quand le supérieur passait, leurs regards
cherchaient un geste d'approbation de sa part. Les 230 en-
fants du Réformai oii-e étaient disséminés un peu partout.
Les uns emportaient les branches mortes, coupaient les
herbes mauvaises ou trop grandes, de façon que cette
pelouse, avec ses rangées bien alignées de cocotiers, ait
plus de grâce et de fraîcheur ; d'autres plantaient de jeunes
aréquiei's ou autres arbres au gai feuillage dans la coiu'
de récréation, à travers laquelle devait cheminer la statue,
et en quelques heures ils créaient un boulevard en minia-
ture ; d'autres, les artistes, finissaient leur arc de triomphe,
— 88 —
d'autres desséchaient un fossé bordant la route et où l'eau
de pluie s'était accumulée ; en un mot, à l'hôpital, au
Réformatoire, en dehors, le long du parcours de la proces-
sion, ces pauvres païens travaillaient avec entrain et bonne
volonté pour la sainte Vierge, car le plus grand nombre
d'entre eux connaissent un peu Marie. Si tous ne l'aiment
pas et ne la prient pas, tous du moins respectent son image
et tous sont heureux de mettre à son service leur travail et
leurs aptitudes. Marie, j'en suis sûr, se souviendra d'eux.
N'y a-t-il pas lieu d'admirer le bon esprit de ces 230 enfants,
la plupart infidèles — il n'y a que 30 catholiques — et leur
attachement à Saint- Vincent's Home ? En de telles circon-
stances, c'est-à-dire quand la surveillance est nécessaire-
ment incomplète, quand gardes et frères sont affairés, au
milieu d'un va-et-vient continu, dans une vaste propriété
très accidentée et non fermée, combien il serait facile de se
cacher, de s'enfuir soil isolément, soit en groupes! Oh l
combien je remercie la sainte Vierge du bon esprit qui règne
parmi eux et de ce que ces jours de fête n'ont été attristés
par aucun incident regrettable !
Comme nos Normaliens sont de solides gaillards, je leur
avais confié l'arc de triomphe le plus éloigné ; ils bravèrent
la fatigue sans brouclier, et, malgré le soleil et la distance,
leurs décorations furent bien réussies. Les grands orphelins
se trouvaient surtout aux abords de la Grotte. Au-dessus
du rocher dans lequel la grotte et la niche ont été creusées,
ils élevèrent un mât de cocagne de plus de 20 mètres de
haut. Le long des cordages qui le maintenaient, ils atta-
chèrent des drapeaux et oriflammes aux couleurs variées;
au sommet flottait le drapeau porlant l'image du Sacré
Cœur. Ces drapeaux et oriflammes qui flottaient au vent
bien au dessus des jeunes cocotiers, à mi-hauteur entre la
grotte et la croix qui surmonte la colline du calvaire, pro-
duisaient un joli effet. D'autres orphelins ornaient de guir-
landes l'esplanade qui a été aménagée en face de la grotte;
c'est là où la foule devait se réunir, c'est là où Marie allait
— 89 —
fixer sa denioure, c'est là où le Paint Sacrifice allait être
ofl'ert pour la première fois ; il fallait donc orner le mieux
possible ce coin désormais privilégié de Saint-Vincent's
Home : ce fut fait avec goût et soin par les grands orphelins
et les Frères indigènes. Les jeunes gens du Réformaloire
avaient fait auparavant le gros œuvre : rouler les dél)ris
d'un roc colossal qui barrait la vue de la Grotte et qu'on
avait fait sauter à la dynamite, combler une portion de la
rivière qui fait face à la Grotte, et transformer ainsi un
marais en une jolie place où des milliers de pèlerins
peuvent se tenir à l'aise ; couper et brûler les plantes
épineuses qui poussaient dans les fissures des rochers,
drainer l'eau qui suinte de la colline du calvaire et creuser
un puits où les pèlerins pourront faire les ablutions dont
ils sont coutumiers. Quand l'herbe aura repoussé, les
arbres grandi, les rosiers fleuri, quand les plantes grim-
pantes recouvriront en partie le rocher, une transfor-
mation semblable à celle qui s'est opérée aux Roches
Massabielle se sera opérée ici, en ce lieu autrefois si
inculte, si désert. Et si Marie est aimée ici comme elle
l'est à Lourdes, que de faveurs célestes se répandront sur
cette institution !
A 2 heures je fis une dernière inspection pour m'assurer
que tout était en bon ordre, que les arcs de triomphe étaient
tous montés et que notre cloche pouvait lancer ses appels
aux échos d'alentour. Le Révérend Père Provincial, accom-
pagné du Révérend Père Procureur GénéraL étaient arrivés
depuis le matin. J'avais appris que le Révérend Père
Vicaire Général ne pouvait venir pour raison de santé
présider la cérémonie. A 2 h. }.> les Révérends Pères du
district arrivèrent, suivis de leurs paroissiens en grand
nombre, les enfants des écoles portant de petites oriflammes
suspendues à des croix légères. Notre prédicateur était
attendu par le train de 2 heures ; mais, hélas 1 notre voiture
envoyée à sa rencontre revint vide. C'eût été une amère
déception si le R. P. Boyer, Procureur général, n'eût accepté
— 90 —
de célébrer les grandeurs de la sainte Vierge, ce qu'il fit
avec aisance et onction.
A 3 h. *o, une foule considérable remplissait la chapelle
ou stationnait sur la place de l'église ; d'autres fidèles arri-
vaient encore de différentes directions ; mais comme il fait
nuit à G heures, il était urgent de sonner le dernier coup.
Le Révérend Père Provincial ayant béni la satue au chant
de VAve maris Stella, la procession se mit en marche,
pendant que le premier groupe de porteurs amenaient la
statue devant le portail de la chapelle, ce qui permit aux
fidèles qui stationnaient sur la place d'admirer et de
contempler Marie sur son riche char de triomphe. La croix
ouvrait la marche, suivaient les internes du Réformatoire
8urdeux files, conduits par leF. Grouzeix ; venaient ensuite
les orphelins avec leurs oriflammes, puis les enfants des
écoles, eux aussi, porteurs de banderoles aux couleurs
vives, puis les petites filles en blanc, les femmes, les frères
indigènes avec les chantres, le clergé, la statue, escortée
par les hommes.
J'avais désigné à l'avance les groupes de 8 personnes qui,
à tour de rôle, devaient porter la statue; mais j'avais
compté sans l'enthousiasme qui s'empare de nos chrétiens
en pareilles circonstances ; au lieu de 8 personnes, plus de
40 se pressaient autour de la statue et s'efforçaient d'at-
teindre le brancard pour offrir un concours pieux mais
inutile. .Te laissai libre cours à leur foi. Voici donc que la
Vierge Immaculée, vers laquelle montent les prières des
enfants et des femmes et les louanges de nos chantres, des-
cend majestueusement les onze marches d'escalier devant la
chapelle, traverse la place, bénissant à sa droite le noviciat
et l'école des Frères Franciscains, à sa gauche le couvent de
ces mêmes frères, jetant un regard maternel sur les deux
orphelinats assis devant elle, sous l'ombre des jackiers et
cocotiers ; puis elle descend la colline de la chapelle qu'elle
va alors contourner pour se diriger bientôt, à angle droit,
vers le Réformatoire. Pendant que le clergé descendait en
— ÎU —
ses détours la colline «le la chapelle, on pouvait voir le
commencement de la procession contom-ner la colline du
calvaire située à 500 mètres environ à vol d'oiseau, mais
bien plus élevée que la colline de la chapelle.
Les processions à Geylan offrent toujours un coup d'oeil
pittoresque à cause de la variété des costumes, de la
richesse des décorations, des couleurs vives des oriflammes
qui flottent au vent et de nos cocotiers qui forment au-dessus
des routes un dôme de verdure. A tous ces charmes s'ajou-
tait ici la conûguratiou pittoresque de la propriété.
Partie de la chapelle la procession côtoya quelque temps
la vallée qui sépare la colline de la chapelle du Réforma-
toire, puis traversa cette vallée, franchit la cour de récréa-
lion des prisonniers, puis, après avoir décrit une courbe
gracieuse autour du Réformatoire, monta en pente douce à
l'hôpital pour atteindre ensuite le pied de la colline du
calvaire. Après avoir décrit presque une circonférence
entière autour de cPtte colline que domine l'image du
Rédempteur des hommes, la procession descendit à la
Grotte.
Qu'on se figure alors cette foule en habits de fêtes, ces
centaines d'enfants avec oriflammes et banderoles, chemi-
nant le long des courbes gracieuses de la route, les uns
montant, d'autres descendant, tous chantant ou priant;
qu'on se représente Marie sui- son riche brancard, élevée
au-dessus d'une masse humaine, attentive aux innom-
brables requêtes qui lui sont adressées, prenant possession
officielle de l'Institution, recevant sous forme d'arcs de
triomphe le tribut des Frères Franciscains, des orphelins,
des enfants du Réformatoire et des élèves de l'Ecole nor-
male, et portée successivement par des représentants de ces
quatre communautés qui composent l'Institution Saint-
Vincent's, et alors on comprendra l'émotion qui faisait
verser des larmes de joie à un de nos bons frères qui précé-
dait la statue et veillait sur elle avec amour.
Quoique le trajet fût seulement de 3 kilomètres en\'lron.
— U-2 —
il fallut 1 h. *^ pour atteindre la grotte. Là aussi le pano-
rama était charmant au possible. En avant de la grotte,
une foule considéraljle : à droite les enfants avec leurs
oriflammes, sur les flancs do la vallée, à l'ombre des
cocotiers, à droite, les internes du Réformatoire, à gauche
des groupes de bouddhistes venus pour jouir d'un spectacle
nouveau.
Un dernier A yfi maris Stella est chanté en masse pendant
qu'on place la statue dans la niche. Cela fait, le prédica-
teur, dans une superbe improvisation, nous parle de Mario
Secours des chrétiens et Refuge des pécheurs. Paissent ses
paroles avoir éclaii-é les infidèles et les bouddhistes présents!
daigne Marie exaucer bientôt la prière touchante que le
prédicateur lui adressa en terminant et que la foule émue
écouta à genoux !
Après la bénédiction du Saint Sacrement, quelques
prières furent récitées les bras en croix pour Monseigneur
l'Archevêque, pour la Congrégation et les bienfaiteurs. On
aurait dé^iré prier davantage, chanter encore, mais il fallait
congédier la foule venue de loin et permettre aux enfants
de rentrer avant que la nuit fût venue. Tous étaient
contents, ravis de tout ce qu'ils avaient vu et entendu,
heureux d'avoir participé à un si^lcndide triomphe de leur
Mère du ciel, et emportant avec un doux souvenir de la
fête quelques témoignages nouveaux de l'amour et de la
protection de Marie.
Le 4 au matin il y eut de nouveau rendez-vous à la grotte.
Sur l'autel, — un monolithe dressé sur quatre colonnes de
granit, — devait se célébrer la sainte m.esse pour la première
fois. A toute la communauté s'étaient joints de nombreux
pèlerins des environs.
En quelques mots j'indiquai à nos enfants l'usage qu'ils
devaient faire de la grotte, les bienfaits qu'ils pouvaient
attendre de Celle représentée par la statue qu'ils auraient
.souvent le bonheur de contempler. Je leur demandai d'offrir
leur première communion à la Grotte à Marie, qui connaît
si bien nos besoins. Ce bouquet lui serait très agréable, et
son parfum ne s'évanouirait pas. Un autre bouquet lui fui
aussi présenté. Un ex-éK've du Réforraaloive, qui n'avait
pas voulu rester dans sa famille bouddhiste et qui était
entré à l'orphelinat, avait reçu le baptême la veille et allait
faire sa première communion à la (îrotte. Quelle joie mater-
nelle a dû faire battre le Cœur de Marie! comme ses regards
ont dû s'abaisser avec tendresse sur cette jeune âme vêtue
de sa robe baptismale et sur leRéformatoire,qui avait tant
contribué à sa conversion !
Notre Grotte de Lourdes est avant tout pour Saint-
Vincent's Home, même pour la partie infidèle. Cette coïnci-
dence entre la bénédiction de la Grotte et la conversion
d'un ancien élève est de bon augure. La confiance que nous
mettons ici en Marie ne sera pas confondue.
P.-S. — 1° Cédant aux instances que me faisait un groupe
de nos jeunes gens tamouls, je leur fais acheter une dou-
zaine de livres de prières. Puissent-ils, eux aussi, goûter le
bonheur d'aimer la sainte Vierge !
2o On avait ménagé à l'intérieur de la (droite, du côté
droit, un trou dans le granit; on avait, dès le début, espéré
que la sainte Vierge, après son installation à la Grotte,
nous enverrait de l'eau là; depuis 2 jours il y a un peu
d'eau. Marie s'est donc laissé toucher, il ne lui reste plus
qu'à faire quelques miracles.
Qu'il en soit ainsi pour la plus grande gloire de Dieu et
le salut des infidèles de Ceylan et plus spécialement du
district de Maggona.
Daignez agréer, etc..
Ç. Croctain'E, 0. M. I.
— 94 —
ECHOS DE LA FAMILLE
Les deux brefs qu'on a lus en tête de ce numéro des
« Missions » doivent être considérés comme des témoi-
gnages signalés de bienveillance, accordés par Notre Saint-
Père le Pape à notre famille religieuse, non seulement à
à cause de la solennité qu'ils confèrent à nos deux princi-
paux privilèges, mais surtout parce qu'ils en ont confirmé
la perpétuité à un moment où celle-ci périclitait. On
remarquera la dispense de revision par le Saint-Office de
ces mêmes privilèges.
Il va sans dire que le bref concernant la participation
aux induits, facultés, indulgences, etc. des Rédemptoristes
lève tous les doutes qui avaient pu s'élever sur la validité
de cette participation. L'inventaire qui se fera auprès des-
dits religieux, des richesses spirituelles dont s'accroît de ce
chef notre trésor de famille, sera communiqué à la Congré-
gation.
^**
Du 3 au 10 janvier dernier, Monseigneur le Supérieur
Général a visité les maisons du sud de l'Italie : Santa Maria
a Vico, Maddaloni et Naples, qui, depuis trois ans, n'a-
vaient pas eu cet avantage.
Parmi les illustres visiteurs qui sont descendus à la Mai-
son générale, nous ne voudrions pas omettre Mgr J.-B. de
Sauti, évêque d'Ajaccio, qui fit sa visite acZ Zn?iina ; le Rév.
Père Provincial du Midi, venu pour les affaires de sa pro-
vince, etc.
Mgr Bégin, archevêque de Québec, au sacre de Mgr Ma-
thieu, premier évêque de Régina, a, dans son discours,
— 95 —
glorifié l'Œuvre de la con j,f régalion et ses plus illustres
enfants en des paa'oles que l'iùstoire conservera pieusement,
mais qu'il ne nous appartient pas de publier ici, comme
étant des louanges, encore qu'elles soient méritées.
Mgr Pascal, évêque de Prince Albert, venu depuis peu
du Canada, est resté du 7 au 18 février l'hôte de la Maison
générale. Avant son départ de la ville éternelle, il a été
grandement réjoui par l'audience empreinte d'une pater-
nelle boulé que daigna lui accorder le Saint-Pèi-e.
■X-
A l'occasion de la retraite annuelle des Oblats du diocèse
de Jaflna, le Catholic Guardian a eu la pieuse pensée de
demander les prières des fidèles. Ces saints exercices, sui-
vis par 39 Pères et 6 Frères, du 24 au 31 janvier, ont été
prêches par Mgr Joulain, évêque de Jaffna.
C'est au mois de novembre prochain que les Oblats du
Basutoland célébreront le cinquantenaire de leur arrivée
dans ce pays.
De la première caravane de missionnaires placés sous la
houlette de Mgr Allard, le P. Gérard reste seul témoin —
oh! combien vénéré 1 ~ de ces temps héi'oïques. Dieu, dans
sa bonlé, lui a donné de voir la moisson jaunissante, après
l'avoir soutenu durant les longs travaux des semailles.
Toute la Famille unira ses actions de grâces à celles de
nos Frères du Basutoland pour remercier Dieu et la Vierge
Immaculée des bénédictions abondantes qu'ils ont répan-
dues sur ces missions. De plus, nous demanderons : pour
le Chef intrépide et les vaillants soldats qui bataillent
actuellement pour Dieu et pour les âmes, des grâces et des
succès en proportion de leur valeur, de leur courage et de
— 9G —
leur bonne volonté; pour ceux qui sont tombés déjà au
champ d'iionneur de l'apostolat durant ces 50 ans, la cou-
ronne de gloire éternelle, en récompense de leurs travaux,
de leurs mérites et de leurs sacrifices.
Mgr Dontenwill, notre Révérendissime Père Supérieur
Général, a reçu, le 17 février dernier, selon le cérémonial
traditionnel, la rénovation des vœux de tous les Oblats
présents à Rome. Parmi eux se trouvait Mgr Pascal, évê-
que de Prince Albert, que son rang d'oblation appelait
immédiatement après le R. P. Tatin, notre vénéré doyen.
***
Les Annales de « l'Œuvre apostolique », en publiant le
relevé des dons recueillis et leur répartition entre les
diverses missions pendant l'année 1911, rappellent avec ins-
tance aux missionnaires :
lo De bien indiquer la congrégation à laquelle ils appar-
tiennent :
2° De donner l'adresse d'un correspondant à Paris pour
la remise des paquets ;
3° De faire apostiller les demandes par les procureurs ou
économes ou par les vicaires apostoliques.
Par suite de l'omission de l'une ou l'autre de ces prescrip-
tions, des demandes ne sont pas accueillies, ou des paquets
restent en souffrance au siège de l'Œuvre.
Au nombre des trois conseillers que Mgr Mathieu,
évêque de Regina, a choisis pour l'aider dans la direction
de son diocèse, se trouve l'un des nôtres, le R. P. Sulfa, de
Regina.
— 97
Dix diocèses canadiens ont contribué à l'Œuvre de la
Propagation de la foi : Saint-Boniface pour 1.892 fr. 35,
Montréal 1.207 fr. 60, Québec 1.139 fr. 70, Ottawa 700 fr. a5,
Saint- Albert G12 fr., Prince Albert 515 fr., Vancouver
375 fr. 50, etc. « Les diocèses de l'ouest qui ont reçu dans
le passé des millions de francs de Lyon, remarquent les
Cloches de Saint-Boniface, savent se souvenir et com-
mencent à témoigner leur reconnaissance d'une manière
tangible. » Ces résultats ne pourront que grandir, si,
comme on peut le croire, il se trouve des prêtres et des
missionnaires qui recommandent cette œuvre providen-
tielle à la générosité des fidèles.
Au commencement de janvier, Mgr Grouard, vicaire
apostolique d'Athal)aska, est allé dans le diocèse de Pro-
vidence, dans l'intérêt de ses missions et de la colonisation
de la région de la Rivière la Paix,
A la même époque s'ouvrait au Pas, une école catholique,
La résidence de Mgr Gharlebois, vicaire apostolique du
Keewatin où tout est à créer, s'organise donc peu à peu.
Le 5 décembre 1911, en l'église Sainte-Marie de Winnipeg,
Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface, a ordonné
prêtres les deux frères scolastiques Larivière et Baillargeon
qui avaient déjà reçu leur obédience pour le Manitoba,
— 98
Après un séjour de quelques mois en Europe, Mgr Gou-
dert, archevêque de Colombo, s'embarquait à Marseille, le
17 décembre dernier, pour retourner à Ceylan. Sa rentrée
dans sa ville archiépiscopale fut un triomphe et mieux,
qu'un triomphe, puisque c'était la manifestation spontanée
du respect, de l'attachement de tout un peuple envers sou
Basteur et son Père bien-aimé.
Le 6 janvier 1912, fête de l'Epiphanie, en la cathédrale
de Jaffna avait lieu l'ordination de quatre frères scolas-
tiques indigènes de Ceylan. C'est Mgr Joulain qui a eu la
consolation d'ordonner tous ces nouveaux prêtres. Il fau-
drait ajouter que la cérémonie de la première messe a été
une vraie fête religieuse pour les paroisses où elles ont été
célébrées.
^**
Le même jour, à Colombo, 10 séminaristes prenaient
part à l'ordination. De ce nombre, deux diacres Oblats ont
reçu la prêtrise des mains de Mgr l'Archevêque. Cette
belle cérémonie était la première fonction publique de
Mgr Coudert depuis son retour d'Europe.
Au congrès général de la Bonne Presse, le Bulletin
paroissial de Saint-Joseph de Lowell vient d'avoir les hon-
neurs d'un rapport très élogieux. Ce rapport est, en même
temps, un hommage aussi précieux qu'impartial rendu à
l'œuvre des Oblats à Lowell. Nous en publierons prochai-^
nement de larges extraits qui seront une révélation pour
beaucoup de nos lecteurs.
99
Dans leur intéressante chronique du sanctuaire, les
Annales du cap de la Madeleine mentionnent, avec une
particulière complaisance, la retraite annuelle que les
Frères de la Province du Canada ont faite, en novembre
dernier, dans le sanctuaire et sous le regard maternel de
Notre-Dame du saint Rosaire.
Le jour de la clôture, à la cérémonie de la rénovation
des vœux, Mgr Grouard a adressé la parole aux retraitants
sur le point de se disperser du lac Saint-Jean au Témis-
kamiugue, pour reprendre, avec une nouvelle ardeur, dans
nos diverses missions, leur vie de piété et de travail, de
sacrifices et de dévouement.
A deux reprises, le chroniqueur invite les jeunes gens à
répondre à l'appel de Dieu, et à s'enrôler sous la bannière
de Marie Immaculée, soit comme prêtre missionnaire, soit
coDime frère convers. Qu'il en soit ainsi.
Le livre « Qu'est-ce que le Sacré-Cœur » de Félix Anizan,
dont nous avons annoncé la publication, vient d'être traduit
en italien par M. l'abbé A. de Francesco, du clergé de
Marseille.
t Che Cosa è il Sacro Cuore » éditeur : G. Biancardi à
Lodi (Italie).
A ajouter à la liste déjà longue des Bulletins paroissiaux
rédigés par les Oblats celui de Mattawa (Ont.) : t Le Mes-
sager du foyer », qui paraît en deux langues, chaque mois,
sous forme d'une jolie petite brochurette.
— 100 —
Le plus curieux de tous ces Bulletins est, sans contredit,
le « Kitchitwa-Mitch-Atchimomasinahiganisa », ce qui en
cris signifie, paraît-il : « Journal du Sacré (lœur ». Dans
quel genre faut-il classer les caractères employés, et qu'y
a-t-il d'intéressant dans les seize pages que contient le
numéro? C'est le secret des cris. Quant aux illustrations
elles sont assez originales et fort bien réussies, surtout si
l'on songe que, comme l'écrit le Fr. Guibert, un couteau et
un morceau de bois en font tous les frais.
Mgr Joulain, évèque de Jaffna, a nommé membre de son
conseil épiscopal le R. P. Matthews, recteur du collège de
Saint-Patrice, à Jaffna.
L'idée ou plutôt la pratique des retraites fermées pour
les laïques fait son chemin. Après les vieux pays, les nou-
veaux suivent, et les Oblats du Canada ne veulent pas
rester en arrière. Aux Pères du scolasticat d'Ottawa revient
l'honneur d'avoir commencé, dans l'Ontario, cette œuvre
d'apostolat. Du 4 au 8 août, durée de la petite retraite, les
Pères se sont partagé les instructions, méditations, confé-
rences, etc. Dieu aidant, on recommencera. L'œuvre est
fondée; grâces en soient rendues au Sacré Cœur et à noire
Mère Immaculée qui la protégeront.
***
La province du ^lanitoba a acheté dernièrement le pen-
sionnat des sœurs du Saint Nom de Jésus et de Marie, à
Saint-Boniface, pour y installer le juniorat de la Sainte-
Famille et servir en même temps de résidence au Rév.
P. Provincial.
— 101 —
D'une lettre de Mgr Breynat, vicaire apostolique du
Mackensie ù Monseigneur le Supérieur général : « Les cir-
« constances étant très favorables et pour prévenir les mi-
« nistres protestants, j'ai envoyé tout seul le R. P. Rou-
« vière passer l'été, et peut-être l'hiver, dans une tribu
« d'Esquimaux (l.(KX) environ) qui habitent à l'Est du grand
« lac des Ours, et n'ont encore jamais eu de relations avec
« les blancs. Elle se trouve ù proximité des sauvages
« Peaux-de-lièvre », chez qui, du même coup, il pourra
« encore exercer un peu de ministère. J'espère avoir de ses
t nouvelles au mois de février et je me ferai un devoir de
t vous les communiquer. En attendant, je vous demande
« une prière et une bénédiction toute spéciale pour le cher
« Père qui a généreusement accepté cette mission. »
***
lie départ du R. P. D. Wilkinson de la maison d'Ia-
chicore pour Kilburn-Londres, a été l'occasion pour les
fidèles d'Inchicore, d'une belle manifestation de leur affec-
tueux attachement et de leurs regrets. Dans un meeting où
les notabilités se confondaient avec le peuple, on remit au
Père des adresses et une souscription en hommage de
reconnaissance.
L'église de l'Annonciation, à Prince Rupert, est terminée
et est très belle. A proximité, on bâtit un hall paroissial et
une salle de cercle. Dans la même ville, deux autres sites
ont été choisis pour y construire des églises, ce qui indique
assez les grandes espérances du R. P. Bunoz pour l'avenir
du catholicisme dans le chef-lieu de sa préfecture aposto-
lique.
— 102 —
La veille de l'Immaculée Conception, dans l'église Saint-
Pierre à New-Westminster, il y eut une abjuration du pro-
testantisme, en présence des professeurs et étudiants du
collège Saint-Louis. Par cette cérémonie simple et émou-
vante, l'Immaculée brisait, une fois de plus, la tète du ser"
peut infernal.
*^*
Série de travaux apostoliques dans la province Britan-
nique :
Le dimanche du Rosaire, ouverture d'une mission de
trois semaines, au diocèse de Kilmore.
Le 5 octobre, clôture d'une retraite de 3 jours, au réfor-
matoire de Philips town.
Le 15 octobre, clôture d'une retraite aux orphelins des
Sœurs de la Charité, à Sandymont, DubUn.
Le 22 du même mois, ouverture d'une mission de
15 jours, au diocèse de Glogher.
Le 5 novembre, les RR. PP. Mac Sherry et Clarke clôtu-
rent une mission très réussie à Moy, diocèse d'Armagh.
En novembre, le R. P. Matthews a prêché, à Inchicore,
deux retraites pastorales suivies par une cinquantaine de
prêtres ; il s'est acquitté de ce travail diflicile et important
d'une manière digne de louanges.
Le 12 novembre, ouverture, en l'église Saint-Jean, à
Waterford, d'une mission de quinze jours, prêchée par les
PP. Wilkinson et Moran.
Parmi ces travaux, citons en un que les PP. Mae Sherry
et Clarke ont terminé le dimanche 10 décembre, dans l'oc-
tave de l'immaculée Conception, à Inchicore, pour le peuple
du quartier et des environs. Chaque soir, l'église était
— 103 —
bondée, lo chœur mémo l'tait otivahi par la foule. Les
enfants ont eu leur triduum spécial, les 27, 28 et 2'.} no-
vembre. Ils sont venus en grand nombre et nombreuses
ont été les communions des tout petits, en conformité avec
les nouveaux décrets de Rome. Il y a eu, durant ces quinze
jours, plus de "i.âOO communions.
Dans le numéro de décembre 1911, à la page 478, les
Missions ont signalé l'apparition du livre d'ascétisme inti-
tulé « Short Chapiers for Religions », par le R. P. Cox,
vicaire des missions d'Australie. On peut se procurer ce
livre chez Washbourne, à Londres, 1-2-4 Paternoster Row,
ainsi que dans les librairies Benziger frères, à New- York,
Cincinnati. Nous ajoutons bien volontiers que les apprécia-
tions que nous avons entendues corroborent le jugement
que les Missions en ont donné.
On lit dans les Cloches de Saint-Boni face, qu'à la fin de
septembre 1911, 2 Pères Oblats de la province d'Allemagne
sont allés en Galicie pour y apprendre la langue et passer
au rite ruthène. Ces Pères sont destinés à l'œuvre des Ru-
thènes dans l'ouest canadien.
Par une lettre pastorale du 16 janvier dernier, Mgr Gou-
dert, archevêque de Colombo, annonçait à son peuple que
le 15 février 1912 ramenait le soixantième anniversaire de
l'ordination sacerdotale du R. P. Ghouuavel, missionnaire
à Geylan, depuis le 24 avril 1852. Les Missiofis en reparle-
ront. En attendant, elles souhaitent de grand cœur au
vénéré jubilaire : Ad muUos et felicissimos annos.
104
Personnel 1911 — Rectifications.
II
Omis
942 R. P. Lecoire, Auguste, 1839-70-70, Vannes.
F. C. Calvez, Ildult, 1887 •• — Quimper.
III. — Province Britannique.
Omis :
819 R. P. Furlong, Thomas, 1852-72-7G, Kildare.
Portés à tort (sortis) ;
1407 R. P. Callan, Stephen, 1867-89-98, Armagh.
1615 R. P. O'Brien, Michael, 1874-93-97, Westminster.
IX. — Province du Manitoba.
Omis :
577 R. P. Me Carthy, Joseph, 1839-62-69, Dublin.
X. — Vicariat d'Alta-Sask.
Omis :
567 R. P. Gasté, Alphonse, 1830-61-55, Laval.
32. Athahasha-Landing P. O. [AUa).
1060 R. P. Desmarais, Alphonse, 1851-80-84, St-Hj^acinthe.
33. Gleichen (Alta).
1485 R. P. Simonin, Gustave, 1869-90-94, Nancy.
34. Scott (Sask).
2080 R. P. Schweers, Théodore, 1875-99-03, Cologne.
35. lioslhern (Sash).
2416 R. P. Minwegen, Pierre, 1881-03-07, Trêves.
— 105
Modifications dans 1' « Ordo 1912 ».
En vertu du « Molu propvio de diebus fealivis <> et des
« Beclurationes S. Congr. Riluiim », les modifications
suivantes sont à faire dans VOrdo 1912 :
19 Martii : Commemoratio Solemnis S. Joseph, Sponsi
B. Mariu; V. I., Patroni tolius Congregationis (lieliqua
ut in Ordine).
28 Aprilis : Solemnitas S. Joseph, Sponsi B. M. V. I., Ecclesia?
Universalis Patroni (Reliqua ut in Ordine).
4 Mali : Vesp. de seq., cora, prtec, S. Pii V, et Dom.
5 Mail : Octava Solemnitatis S. Joseph. Dupl. maj.
(Reliqua ut in Ordine).
/ uunii : Vesp. de seq. com. Dom. tant.
2 Junîi : SS. Trinitatis. Dupl. 1 cl. Nil de Ss. Mart.
(Reliqua ut in Ordine).
6 Juaîi : Commemoratio Solemnis SS. Gorporis
D. N. J. <:. (Roliqua ut in Ordine).
22 Junii : Vesp. de seq. com. Dom. tant.
23 Juniî : Dom. IV post. Pent. Nalivitas S. Joannls Bapt.
Dupl. 1 cl. cum oct. A. 9» lect. Dom. cuj. com. in L.
et M.; in qua Credo et ult Evang. Dom. In Vesp.
com. Dom.
24 Junii : De Octava. Sem. A. Omnia ut in festo. Lect.
1' noct. de Script, occur., 2* et 8' noct. hoc anno de
festo. Vesp. de seq. com. octav.
29 Junii : In Vesp. com. seq. (e 1'' Vesp. festi), omn.
Ss. Apost. et Dom.
30 Junii : D. V post. Pent. Octava S. Joannis Bapt.
Dupl. maj. A. Incipit iib. 2"' Regum; lect. 2' et 3' noct.
e die l-'^ Julii; 9a lect. Dom. Com. Dom. et oolav.
Ss. Apost. in L. et "SI. (Prtef. Apost.) ult Evang. Dom.
In Vesp. com. seq., S. Pétri et Dom.
y Julii : Commemoratio S. Pauli Apost. (heri) Dupl. maj.
R. Com. S. Pétri in L. et M. Vesp. de seq. com. S. Jos.,
praîc. et S. Pelri.
— 100 —
En vertu de la Gonstilulion Apostolique t De nova
Psallerii dispositione », la modification suivante est déjà
obligatoire j^our cette année 1912 :
/ Novembris : In Vesp. post Benedicamus Domino
dicuntur Yesp. defunctorum (rit. dupl.) ut in Brev.
Brev. Gompletorium dlcitur tantum defunctorum (ut
in novo Psalterio : Psalnii de feria 6a; Reliqua ut in
novo Officio defunct.)
2 Novembris : Commemoratio onin. Fidelium Defunctorum.
Dupl. Nig. (De Octava quoad officium et quoad Missam
nihil amplius) Officium ad Matut., ad Laud. et ad
Iloras tantummodo de Defunctis (ut in novo Psalterio).
Vesp. de seq. com. S. Jos., octav. et Dom. (Ant. Yidi).
DÉCRETS DES S. CONGREGATIONS ROMAINES
Acta summi Pontificis.
CONSTITUTIO APOSTOLICA
De nova Psalterii in Breviario romano dispositione.
{Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 633.)
Plus EPISCOPUS
SERVUS SERVORUM DEI
Ad perpétuant rel menioricun.
Divino afflalu composites Psalmos, quorum est in sacris
litteris collectio, inde ab Ecclesi;p exor<liis non modo mi-
rifice valuisse constat ad fovendam fidelium pietatem, qui
offerebant hosfiam lundis semper T)eo, id est, fruclum
labiorujn confitentium nomini ejus (1); verum eliam ex
(1) Hebv., xiii, 15.
— 107 —
more jam in votoro T^ege receplo in ipsa sacra Litnrgia
divinoque Officio conspicuam habuisse partem. Him" illa,
quaradicit Ba9.\\i\\s, n^ta. Ecclesiœ vo.v{l), atqne psalmodia,
ejus h;/mnodice ftlia, ut a decessore Nostro Urbano Vill
appellatiir (2), quœ canilur assidue ante sedein Del et
A(jni, quM'que homines, in priniis divino cuitui adilictos
docet, ex Athanasii sententia, qua ratione Deiun laudare
oporleal quibusque verbis decenter confiteantur (3). Pulchre
ad rem Au^ustinus : UL bene ab Jiomine laudetur Dcus,
laudavil se ipse Deus ; et quia dif/natus est laudare se,
ideo invenil hoyno, queniadmodum landel eum (4).
Accedit quod in Psalrais mirabilis qu.edam vis inest ad
excitanda in animis omnium studia virtutum. Etsi enim
07nnis noslra Scriptura, cum vêtus tum nova, divinitus
inspirata utilisque ad doctrinam est, ut scHptum ha-
beliiv... ; at Psatmoruin liber, quasi paradisus omnium
reliquorurn (librorum fruclus) in se continens, cantus
edit, et proprio irisuper cum ipsis inter psallendutn
exhibet. Hœc iterum Alhanasius (5), qui recte ibidem addit :
Mihi quidetn videtur, psalLenti Psaltnos esse instar
specnli, ul et seipsutn et proprii animi tnotus in ipsis
conte inpletur, alque ita affectus eos recitet (H). Itaque
Augustinus iii confessionibus : Quayituni, inquit, flevi in
hymnis et canticis tuis suave sonantis Ecclesiœ tuœ
vocibus commotus acriter! Voces illœ influebant auribus
vieis et eliquabatur veritas in cor rneutn et exœstuabat
iyide affectus pietatis et currebant lacrirnœ et bene rnihl
erat cum eis (7). Eteiiim, quem non moveant Irequentes
illi Psalmorum ioci, in quibus de immensa majestate Dei,
de omnipotentia, de inenai-rabili justitia aut bonitate aut
clementia de ceterisque infinitis laudibus ejus tam alte
praedicatur ? Cui non similes sensus inspirent illce pro
(1) Homil. in Ps. i. n. -2.
(2) Bulla : Divinam psahnodiam.
(3) Epist. ad Marcellinum in interpret. Psalmor, n. 10.
(4) lu Psalm., cxnv, u. 1.
(5) Epist. ad Marcell., cit., n. -2.
(6) Op. cit., n. 1-2.
Çi) Lib. IX, cap. vi.
— 108 —
acceptis a Deo beneficiis gratiarum actiones, aut pro
expectatis humiles fidentesque preces, aut illi de peccatis
clamores pœnitentis animo' ? Ouem non admirationem
psaltes perfundat, cum divinie benignitatis mimera in po-
pulum Israël atque in omne hominum genus profecla
narrât, cumque caelestis sapienti;f dogmala tradit ? Quem
denique non amore inllammet adumbrata studiose imago
Ghrisli Redemploris, cujus quidem Augustinus (1) vocem
in omnibus Psalmis vel Psallenlem, vel gemenlem, vel
lœlanlem in spe, vel suspirantem in re audiebat?
Jure igitur optimo provisum est anliquitus, et per dé-
créta Romanorum Pontifîcum, et per canones conciliorum,
et per monasticas leges, ut homines ex utroque clero in-
tegrum Psalterium per singulas hebdomadas concinerent
vel recitarent. Atque hanc quidem legem a patribus tra-
ditam decessores Nostri S. Plus V, Ciemens VIII, Urba-
nus VIII in recognoscendo Breviario Roraano sancte ser-
varunt. Unde etiam nunc Psalterium intra unius hebdo-
madiv spatium recilandum foret iutegrum, nisi mutata
rerum condicione talis recilatio fréquenter impediretur.
Etenim procedente tempore continenter crevit inter fidèles
eorum hominum numerus, quos Ecclesia, mortali vita de-
functos, caMicolis accensere et populo christiano patronos
et Vivendi duces consuevit proponere. In ipsorum vero
honorem Officia de Sanctis sensira propagari cœperunt,
unde fere factum est, ut de Dominicis diel)us deque Feriis
Officia silerent ideoque non pauci neglegerentur Psalmi,
qui sunt tamen, non secus ac ceteri, ut Ambrosius ait (2)
benedictio populi Dei laus, plebis laudalio, plausus
omnium, sermo universorum, vox Ecclesiœ, fidei canora
confessio, auloritatls plena dévoila, lihertalis lœtitia,
clamor Jucondilatis, lœtiliœ resultatio. De hujusmodi
autera omissione non semel graves fuerunt prudentum
piorumque virorum querimonise, quod non modo hominibus
sacri ordinis tôt subtraherentur prîcsidia nd laudandum
Dominum et ad intimos animi sensus ei significandos
(1) In Ps. xLii, n. 1.
(2) Enarrat. in Ps. i, n. 9.
— 101» —
aptissima ; sed eliam (juod optabilis illa in oranJo varietas
desideraretur, ad digne, attente, dévote precandum imbe-
cillitati nostra' qtiam maxime opportuna. Nam, ut Basiiius
liabet, in œqualilate torpescit sœpe, nescio quornodo,
aninms, atque prœsens absens est : mulatis vero et
variatls psalmodia et canla per aingulas horas, reno-
valur ejits desiderium et attentlo instauratur (1).
Minime igitur mirum, quod complures e diversis orbis
parlibus sacrorum Antistites sua in hanc rem vota ad
Apostolicam Sedeni detulerunt, maximeque in Concilio
Vaticano, cuni hoc iater cetera postularunt, ut, quoad
posset, revocaretur consuetudo vêtus recitandi per hebdo-
madam totum Psalteriuni, ita tamen ut clero, in sacri
ministerii vinea ob imminutum operariorura numerum
jam gravius laboranti, non majus imponeretur onus. Hisce
vero postulalionibus et votis, quœ Nostra quoque ante
susceptum Pontitlcatum fuerant, itemque precibus, quse
deinceps ab aliis Venerabilibus Fratribus piisque viris
admotfe sunt, Nos equidem concedendum duximus, cauto
tamen, ne recitatione integri Psalterii hebdomadîe spatio
conclusa, ex una parte quicquam de Sanctorum cullu de-
cederet, neve ex altéra moleslius Divini Ofticii onus cle-
ricis, immo temperatius evaderet. Quapropter, implorato
suppliciter Pâtre luminum, corrogatisque in id ipsum
suffragiis sanctarum precum. Nos vestigiis insistentes
decessorum Xostrorum, aliquot viros delegimus doctos et
industrios, quibus commisimus, ut consiliis studiisque
collatis certam aliquam reperirent rei efficiendfe rationem,
quœ Nostris optatis responderet. Illi autem commissum
sibi mnnus e sententia exsequentes novam Psalterii dispo-
sitionem elaborarunt ; quam cum S. R. E. Cardinales
sacris ritibus cognoscendis pra^positi diligenler conside-
ratam probassent, Nos, utpote cum mente Xoatra admodum
congruentem, ratam habuimus in rébus omnibus, id est,
quod ad ordinem ac partilionem Psalmorum, ad Antipho-
nas, ad Versiculos, ad Ilyninos attinet cum suis Rubricis
et Regulis, ejusque editionem authenticam in Nostra
(1) Regulae fusius tractatœ, interrog. xxxvir, u. 5.
— 110 —
tyi>o>,a-aphia Vaticana adoniari et indidem evulgari jus-
simus.
Qiioniam vero Psalterii dispositio intimam quorndara
liabet cura omni Divino Oiûcio et Litnrjria cunjunctionem,
iicmo non videt, per ea, quiv hii-, a Nobis décréta sunt,
prinimn Nos fecisse gradum arl Romani Breviarii et Mis-
salis emendationem : sed super tali causa proprium mox
Gonciliuiu seu Commissionpm, ut ajunt, eruditorum cons-
tituemus. Intérim, opportunitatem hanc nacti, nonnulla
jaui in pnestmtl iustauranda censuimus, proiit in oppositia
Rubricis pnescribitur ; atque impriiiiis quidem ut in reci-
tando Divino Oi'ficio Lectionibus statulis sacrie Striptur*
cuni Responsoriis de tempore occurrentibus débit us honor
frequeutiore usu restitueretur ; dein vero ut in sacra
Liturgia Missa» antiquissimie de Dominicis iufra anuum
et de Feriis, pra^sertini quadra,ûesimalibus, locum suum
recnperareut.
Itaque, liarum auctoritate litterarum, aute omnia Psal-
terii ordinem, qualis in Breviario Romano hodie est, abo-
lemus ejijsque usum, inde a Kaleudis Januaris anni mil-
lesiuii non^jentesimi decimi tertii, omnino inlerdicimus. Ex
illo autem die ia omnibus ecclesiiss Cieii s;ecularis et re-
gularis, in monasteriis, ordinibus, congregationibus, insti-
tutisque religiosorum ab omnibus et siugulis, qui ex officio
aut ex consuetudine Honis canonicas juxta Breviarum
Romanum, a S. Pio V editum et a Clémente YIII, Ur-
bano VIII, Leone XIII recognitum, persolvunt, novum
Psalterii ordinem, qualem Nos cum suis Regalis et Ru-
bricis approbavimus typisque Vaticanis vulgandura de-
crevimus, religiose observari jubemus. Simul vero poenas
in jure statutas iis denuntiamus, qui suo ofticio persolvendi
quoiidie Horas canonicas defuerint ; qui quidem sciant se
tam gravi non satisiacturos officio, nisi Noslrum hune
Psalterii ordinem adhibeant.
Omnibus igitur Patriarchis, Arcbiepiscopis, Episcopis,
Abbatibus celerisque ecclesiarum Praîlatis, ne Cardinalibus
quidem Archipresbyteris patriarcbalium Urbis basilicarum
exceptis, mandamus, ut in sua quisque diœcesi, ecclesia
vel cœnobio Psalterium cum Regulis et Rubricis, quemad-
— m —
iiiodum a Nobis disposituni esl, constitut(j tempore iiulu-
cenduin curent : quud Psalteiium qua^que Régulas et
Rubricas etiuiu a céleris omnibus, quoscumque obli)j;atio
lenoL recilandi vel coucinendi Horas canonicas, inviolate
adhiberi ac servari prœcipimus. Intérim aulera quilibet et
capitulis ipsis, mo<Jo id major capituli pars sibi placera
ostenderit, novum Psalterii ordinem, statim post ejus edi-
tionem, rite usurpare licebit.
Haic vero ediciinus, declaramus, sancimus, decernentes
has Nostras litteras validas et efficaces semper esse ac
fore ; non obstantibus constitutionibus et ordinationibus
apostolicis, }?eneralibus et specialiijus, ceterisve quibusvis
in contrarium facientibus. Nulli erj^o hominum liceat hanc
paginam Nostra? abolitionis, revocalionis, permissionis,
jussionis, prrecepti, statuti, indulti, mandati et voluntatis
infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem
hoc attentare prnesumpserit, indignationem omnipotentis
Dei, ac beatorum Pet ri et Pauli, Apostolorum ejus, se
noverit incursnrum.
Datum Roma^ apud S. Petrum anno Incamationis Do-
minical millesimo nongentesiuio undecimo, Kalendis No-
vembribus, in festo Sanctorum omnium, Pontiflcatus Nostri
anno nono.
A. Gard. AGLIARDI Fr. Seb. Gard. MARTINELLI
S. R. E. Cancellarius. S. R. C. Prœfeclus.
Loco f Plumbi.
VISA
M. RiGGi C. A., Not.
R^g. in Cane, Ap. N. 571.
— Jl-2 —
Rubricae in recitatione Divini Officii et in Missarum célébra-
tione sei'vandge ad norman Constitutionis Apostolicœ « Divino
afflatu ».
iActa Ap. Sedis, Vol. III, p. 639.)
TiTULUs I. — De ratione Divini Officii recitandi juxta
nuvura Psalterii ordinem.
1. In recitatione Divini Officii, juxta Romanum Ritum,
Psalml quotidie sumendi sunt, ad singulas Horas canonicas,
de occuireute lieljdoiuadifi die, prout distribuuiitur in Psal-
terio noviter disposito ; quod deinceps, loco veteris dispo-
sitionis, in novis Breviani Romani editionibus vulganduni
erit.
2. Excipiuntur taraen omnia Festa Domini eorumque
integrre Octava}, Dominicœ infra Octavas Nativitatis, Epi-
phaniae, Ascensionis et Corporis Domini, Vi}jilia Epiplianiœ
et Ferla VI post Octavam Ascensionis, quando de eis per-
solveudum sit Officium ; itemque Vigilia Nativitatis ad
Laudes et ad reiiquas Horas minores usque ad Nonam, et
Vigilia Pentecostes ; nec non omnia Festa Beatœ Mariœ
Virginis, SS. Angelorum, S. Joannis Baptistaî, S. Joseph
et SS. Apostolorum et Duplicia I et II classis, eorumque
omnium integrœ Octava^, si de eis fiât Officium, quod reci-
tandum erit prout a?signatur, vel in Breviario, vel in
Proprio Dioecesis vel Institut!, hac lege tamen ut Psalmi
ad Laudes, Horas et Completorium semper sumendi sint
ex Dominica, ut in novo Psalterio ; ad Matutinum vero et
ad Vesperas dicantur ut in Communi, nisi spéciales Psalmi
sint assignati. — Tribus autem ultimis diebus majoris
hebdomad», nil erit innovandura, sed Officium intègre
persolvendum erit, prout nunc habetur in Breviario,
sumptis tamen ad Laudes Psalmis de Feria currenti, ut
in novo Psalterio, excepto Cantico Sabbati Sancti, quod
etiamnum est « Ego dixi : In diinidio ». Ad Completorium
sumantur Psalmi de Dominica, uti in novo pariter Psalterio.
3. In quolibet alio Festo Duplici, etiam majore, vel
Semiduplici, vel Simplici, et in Feriis Tempore Paschali
— 113 —
semper dicantur Psalini, cum Antiphonis in omnibus
Horis, et Versibus ad Matutinum, ut in Psalterio de
occurrenti hebdomadie die; reliqua omnia, et Antiphonu;
ad Magnificat et Betiedictus, ut in Proprio aut Conimuni.
Quod si aliquod ex Festis liujusmodi proprias vel pecu-
liariter assi^^natas habeat Antiphonas in aliqua Hora
majori, eas in eudeni ipsa retineat cuni suis Psalmis, prout
habetur in Breviario : in céleris Horis Psalmi et Antiphonae
dicantur de Ferla occurrente.
4. Lectiones ad Matutinum in I Nocturno semper le-
gendaî erunt de Scriptura occurrente, licet aliquando in
Breviario Lectiones de Gommuni assiynentur, nisi sit
Festum Domini aut Festum cujusvis ritus B. Mariœ Vir-
ginis, vel Angelorum, vel S. Joannis Baptistaî, vel S. Joseph,
vel Apostolorum, aut Duplex I vel II classis, aut agatur
de Festo, quod vel Lectiones habeat propiias, non vero de
Gommuni, vel occurrat in Feriis Lectiones de Scriptura
non habentibus, ideoque Lectiones de Gommuni necessario
recipiat. In Festis vero, in quibus hucusque erant Lectiones
de Commun i, Responsoria vero propria, retineantur ecedem
Lectiones cum propriis Responsoriis.
5. Porro sic erit persolvendum Olficium in Festis Dupli-
cibus et Semiduplicibus superius non exceplis :
Ad Matutinum Invitatoriura, Hymnus, Lectiones II et
111 Nocturni ac Responsoria trium Xocturnorum propria,
vel de Gommuni : Antiphona? vero, Psalmi et Versus trium
Nocturnorum, nec non Lectiones I Nocturni de Feria
occurrente.
Ad Laudes et ad Vesperas Antiphona^ cum Psalmis de
Feria ; Gapitulum, Hymnus, Versus et Antipbona ad Be-
nedictus vel ad Magyiificat cum Oratione aut ex Proprio,
aut de Gommuni. Ad Horas minores et Gomplelorium An-
tiphonœ cum Psalmis semper dicuntur de occurrente Feria.
Ad Primam pro Lectione brevi legitur Gapitulum Non» ex
Proprio, vel de Gommuni. Ad ïertiam, Sextam et Xonam
Gapitulum. Responsorium brève et Oratio pariter sumuntur
vel ex Proprio, vel de Gommuni.
6. In Officio S. Marise in Sabbato et in Festis Simplicibus
sicOfficium persolvendum est : ad Matutinum Invitatorium
— 114 —
et Hymnus dicunlur de eodein Ol'ncio vel de iisdem Festis ;
Psalmi cum suis Antiphonis et Vorsu de Feria occurrente ;
1 et 11 Leotio de Feria, cum Responsoiiis propriis. vel de
Communi ; III vero Lectio de Ot'llcio vel Festo, duabus
Lectionibus in unam jiinclis, si quando duse pro Festo
habeantur : ad reliquas autem Horas omnia dicuntur,
prouti supra, n. 5, de Festis Duplicibus expositum est.
7. In Fehis et in Festis Simplicibus Psalmi ad Matuti-
num, qui in novo Psulterio in 1res Nocturnos dispositi
iûveniuutur, dicantur sine interruptione cum suis novem
Antiphonis usque ad terlium Versum inclusive, omissis
Yersibus primo et secundo.
TiTULUs II. — De Feslorum prcestantia.
1. Ut recte dii^nioscatur quale ex pluribus OlTiciis sit
praestantius et proinde sive in occurrentia, sive in concur-
rentia, sive in ordine repositionis aut translationis pnele-
renduni, sequentes prœstantiœ characteres considerandi
sunt :
a) Rilus allior, nisi occurrat Dominica, vel Feria, vel
Octava privileyiata, vel etiam quolibet dies Octava juxta
Rubricas.
h) Ratio Primarii aut Secunclarii.
c) Bignitns Personalis, hoc ordine servato : Festa Do-
mini, B. Mariœ Virginis, Angelorum, S. Joannis Baptistse,
S. Joseph, SS. Apostolorum et Evangelistarum.
d) Sollcmnitas externn, scilicet si Festum sit ferialum,
aut celebretur cum Octava.
2. In occurrentia, et in ordine repositionis aut transla-
tionis alius quoque character considerandus est, nempe :
e) Proprielas Festorum. Dicitur Festum alicujus loci
proprium : si agatur de Titulo Ecclesite, de loci Patrono
etiam secundario, de Sancto (in Martyrologio vel in ejus
appendice approbata descripto), cujus habetur corpus vel
aliqua insignis et authentica reliquia, vel de Sancto, qui
cum Ecclesia, vel loco, vel personarum cœtu specialern
habeal rationem. Igitur Festum quodvis istiusmodi pro-
prium, ceteris pari bus, pvcL'lerlur Festo Univer.rsalis Eccle-
— 115 —
sia\ Excipiuntur tamen Doiiiinicic. Feria*, OcUivœ et Vi;,fili;i'
privile^'iatti', nec non Festa i)rimaria Duplicia I classis
Uaiversalis Ecclesia?, qnœ uniusciijusque loci propria con-
siderantur et sunt. Festum autem Universalis Ecclesia,',
cujusvis ritus, quia est pl•iecepti^'um, ce teris paribus,
pra'ferri débet Festis aliqiiibus locis ex mero Indult.j
S. Sedis concessis, qua- laïueii propria, sensu que supra,
dici nequeunt.
TiTULUs III. — De Festorura occurrenLia accidentali
eorumque translalione.
1. De Dominicis majoribus I classis, quodvis Festum in
eis occurrat, semper iaciendura est Officium : Dominic;i'
vero II classis cedunt tantummodo Festis Duplicibus
I classis, quo in casu de Dominica fit conimemoratio in
iilrisque Vesperis, Laudibus et Missa cum IX Leclione ad
Matutinum.
2. De Dominicis minoribus, seu per annum, semper fieri
débet Officium, nisi occurrat Festum quodcumque Domini,
aut aliq'uod Duplex I vel II classis, aut dles Octava Fes-
toruni Domini, quo in casu in Oiûcio Festi vel diei Octavic
fit commemoraiio Dominiez in utrisque Vesperis et Lau-
dibus et Missa cum IX Lectione ad Matutinum. Si Domi-
nica infra Octavam Nalivilatis occui'rat in Festo S. Thoma;
Ep. M. aut in Festo S. Silvestri P. C, fit Officium de ipsa
Dominica cum commemoratione Festi occurrentis ; quo in
casu die 30 Decembris, in Officio diei infra Octavam,
Lectiones I et II Nocturni sumuntur e Festo Nativitatis,
cum Responsoriis Dominicœ. Quoad Dominicam vero, quae
occurrit a Festo Circumcisionis usque ad Epiphaniam,
nihil innovetur.
3. Duplicia I et II classis, quce seu ab aliqua Dominica
majori, seu a nobiliori Officio impediuntur, transferenda
sunt in proximiorem insequentem diem, quœ libéra sit ab
alio Festo Duplici I vel II classis, vel ab Offîciis hujusmodi
Festa excludentibus ; salvo tamen privilegio a Rubricis
concesso Festivitalibus Purificationis et Annuntiationis
B. M. V., nec non Commemorationis solemnis S. Joseph.
— 116 —
4. Festa duplicia majora cujusvis di;^nilatis et Duplicia
minora Doctorum Ecclesia? non amplius Iransferri possunt,
sed quando impediunlur, de eis fiât comraemoratio, uti de
aliis Duplicibus minoribus impeditis Rubric;t> disponunt
(salve qiiod numéro sequenti statuitur de omittenda in
Dominicis IX Lectione historica), nisi forte occurrant in
Duplicis I classis, in quibus nullius Ofûcii agenda est
commemoratio, nisi de occurrenti Dominica, vel de Feria,
aut Octava privilegiata.
5. Porro si in Dominica majori occurrat Officium Duplex,
majus aut minus, vel Seiniduplex, vel Simplex, fiât de
Dominica cum commemoratione Officii occurrentis in utris-
que Vesperis (de Simplici tamen in primis Vesperis tan-
tum), Laudibus et Missa, sine IX Lectione bistorica. Idem
fiât in Dominicis minoribus, nisi in eis occurrat Festum
quodcumque Domini, aut quodvis Duplex I vel II classis,
aut dies Octava Festorum Domini, quo in casu, ut supra
n. 2 dictum est, fiât de Festo, vel de Octava cum comme-
moratione et IX Lectione Dominicae.
6. Dies, in qua celebratur Commemoratio omnium Fide-
lium Defunctorum, excludit translationem cujusvis Festi.
TiTULUs IV. — De Feslorum occiirrenlia perpétua
eor unique repos itione.
1. Festa omnia rilus Duplicis sive majoris sive minoris,
aut Semiduplicis, si perpetuo impediantur, reponuntur in
primam diem liberam, juxta Rubricas.
2. Festa Duplicia I et II classis perpetuo impedita repo-
nuntur, tamquam in sedem propiiam, in primam diem
liberam ab alio Festo Duplici I aut II classis, vel ab aliqua
die Octava, vel ab Officiis hujusmodi Festa excludcntibus.
salvo privilégie Festivitati PurificaLionis B. M. V. concesso.
3. Dominicae majores excludunt assignationem perpétuant
cujus Festi Duplicis etiam I classis : Dominiez vero mi-
nores assignationem excludunt cujuscumque Duplicis ma-
joris aut minoris, nisi sit Festum Domini, Festum SS. No-
minis Marine perpetuo assignatur diei duodecimae mensis
Seplembris.
— 117 —
4. Dies IP NovembrU cxcludit tuni Festa occurrentia
<[ûie non sinl Duitlicia I classis, tum Festa perpétue repo-
nenda cujusvis ritus.
TiTULUs V. — De conciirrenlia Festoriim.
1. Dominic» majores Vesperas habent intégras in con-
ciirrenlia cum quovis Festo, nisi sit ritus Duplicis I aut
II classis : ideoque in primis Vesperis sumuntup Anti-
phonœ cum Psalmis de Sabbato ; in Adventu lamen di-
cuntur Autiplionaj de Laudibus Dominicse cum iisdeni
Psalmis de Sabbato.
2. Dominicœ minores cedunt Vesperas, tum Duplicibus I
aut II classis, tum omnibus Festis Domini, tum diebus
Oclavis Festorum Domini : intégras autem habent Vesperas
in concursu cum aliis Festis, sumptis in I Vesperis Anti-
jihonis et Psalmis de Sabbato.
8. Leges, quibus ordinantur Vesperœ infra Octavam
Nativitatis Domini, immutata? manent.
TiTULUS VI. — De Commemorationibus.
1. In Duplicibus I classis non fiât commemoratio de
pra?cedenti, nisi fuerit aut Dominica quœvis, etiam per
annum, aut Duplex I vel II classis, aut dies Octava ali-
cujus Festi Domini primarii, aut dies infra Octavam privi-
legiatam, aut Feria major. In occurrentia fiât tantum
commemoratio de Dominica quacumque, de Octava privi-
legiata et de Feria majori. De sequenti vero Officio (etiam
ad modum Simplicis redacto) fiât semper commemoratio,
minime autem de die infra Octavam non privilegiatam aut
de Simplici.
2. In Duplicibus II classis de prœcedenti Officio semper
fieri débet commemoratio, nisi fuerit de aliquo Festo
Semiduplici, vel de die infra Octavam non privilegiatam.
In occurrentia fit commemoratio de quavis Dominica, de
quolibet Duplici vel Semiduplici ad modum Simplicis
redacto, de Octava priviiegiata, de Feria majori et de
Vigilia : de Simplici vero fit tantum in Laudibus et in
— 118 —
Missis privatis. De sequenti autem Ofûcio quolibet, eliam
Simplici vel ad modum Simplicis redacto, fit semper com-
memoralio, ac etiaiu de die infra Octavam, si in crastino
Offlcium de ea agendum sit ; et tune cum Antiphona et
Versiculo et I Vesperis Fesli.
3. Licet Festa Domini eorumque Octavœ privilegio gau-
deant ut in occurrentia prievaleant Dominicis minoribus,
nihilhominus, quando plures fieri debeant commeniora-
tiones (cauto quod in Vesperis semper fiât prima comme-
moratio de Offioio concurrenti, cujusvis ritus et dignitatis),
tam in Vesperis, quam in Laudibus et Missa hic ordo
servetur : 1» de Dominica qualibet ; 2» de die infra Octavam
Epiphanige aut Gorporis Ghristi ; 3" de die Octava ; 4» de
Duplici majore ; 5» de Duplici minore ; 6û de Semiduplici ;
7o de die infra Octavam communem ; 8» de Feria VI post
Octavam A.scensionis ; 9° de Feria majori ; 10o de Vigilia ;
11 0 de Simplici.
TiTULUs VII. — De conclusione propria Hymnorum et
Yersu proprlo ad Primam, de Suffragiis Sanctorum,
de Precibus, de Symbolo Athanasiano et de tertia ora-
tione in Missa.
1. Quando eadem die occurrunt plura Officia, quse pro-
priam habeant conclusionem vel proprium Versum ad
Primam, conclusio et Versus dicantur, quœ propria sunt
Officii, quod ea die recitatur.
2. Deinceps, quando facienda erunt Suffragia Sanctorum,
unum tantum fiet Suffragium, juxta formulam propositam
in Ordinario novi Psalterii.
3. Symbolum Athanasianum additur ad Primam in Festo
SS. Trinitatis et in Dominicis tantummodo post Epipha-
niam et post Pentecosten, quando de eis persolvendum est
Offlcium salva exceptione, de qua n. sequenti.
4. Quando in Dominica fit commemoratio de aliqua
Officio Duplici, vel de die Octava, vel de die infra Octavam,
omittunlur Sulïragium, Preces, Symbolum Quicutnque et
tertia Oratio in Missa.
— 119 —
TiTUT.US VIII. — I>e Officii votivis dcque aliis Officiis
addititiis.
1 Cuiu per hanc novam Psalterii dispositionem causte
cessaverinl Indulli Generalis d. d. 5 Jul.i 1883 pio Officiis
votivis, htec ipsa OlTicia, et alia similia ex particulanbus
iiidulta concessa, tolluntur ouinino et sublata declarantur.
2. Cessât pariter obligatio recitandi in Choro, diebus a
Rubricis hucusque vigentibus praîseriptis, Ofûcium parvum
B. Mari:e Virginis, Officium Defunctorum, nec non Psalmos
Graduales ac Pumitentiales. Capitula vero, qUcB ad ista
Officia addilitia ex peculiari constitutione aut legato te-
nenlur, a Sancta Sede eorum commutationeai impetrabunt.
3. In festo S. Marci et in Triduo Rogationum integrum
raanet onus recitandi Litanias Sanctorura, etiam extra
Chorum.
TixuLUs IX. — De Festis Dedicationis ac Tituli Ecclesiœ-
et de Patronis.
i. Festum Dedicationis cujuslibet Ecclesire est semper
primarium, et Festum Domini.
2. Anniversarium Dedicationis Ecclesise Cathedralis et
Festum Titulare ejusdem celebranda sunt sub ritu Duplici
I classis cum Octava per totam Diœcesim ab universo
Clero sseculari et etiam regulari Kalendarium Diœcesanum
adhibente : a Regularibiis vero utriusque sexus in eadeni
Diœcesi commorantibus ac proprium Kalendarium haben-
tibus, pariter sub ritu Duplici I classis, absque tamen
Octava.
3. Quum Sacrosancta Lateranensis Archibasilica omnium
Ecclesiarum Urbis et Orbis sit mater et caput, tum ipsius
Dedicationis Anniversarium, tum Festum Transfiguralionis
Domini, quod, prêter magnam Resurrectionis Dominicîe
sollemnitatem, tamquam Titulare ab ipsa re:oli solet, ab
universo Clero tam sœculari quara regulari, etiam ab ilhs
qui peculiarem vitum sequuntor, sub ritu Duplici II classis
deinceps celebrabitur.
4. Festum Patroni principalis Oppidi, vel Civitatis, vel
— 120 —
Diœcesis, vel Provincia?, vel Nationis, Clerus saecularis, et
regularis ibi degens et Kalendarium Diœcesanum sequens
sub ritu Duplici I classis cum Octava celebrabit : Regulares
vero ibidem commorantes et Kalendarium proprium ha-
bentes, idem Festum, quamvis feriatum numquam fuerit,
eodem ritu celebrabunt, absque taraen Octava.
TiTULUS X. — De Missis in Lominicis et Feriis deque
Missis pro Defunctis.
1. In Dominicis, etiara minoribus, quodcumque Festum
occurrat, dummodo non sit Festum Doraini, vel ejus dies
Octava, aut Duplex I vel II classis, Missa semper dicenda
erit de Dominica cura coramemoratione festi. Quod si
Festum commemorandum sit Duplex, tune omittenda est
III Oratio.
2. In Feriis quadrayesimœ, Quatuor Temporum, II Ro-
gationum, et in Vigiliis, si occurrat fieri Officium alicujus
Festi Duplicis (non tamen I vel II classis) aut Semiduplicis,
Missae privatœ dici poteruut ad libitum, vel de Festo cum
commemoratione ultimoque Evangelio Feriœ, aut Vigiliae,
vel de Feria aut Vigilia cum commemoratione Festi :
prohibentur tamen Missre votivse privatae, aut privatœ pro
Defunctis : quœ item prohibentur in Feria, in qua anti-
cipanda vel reponenda est Missa Dominicœ. In Quadrage-
sima vero Missse i^rivatae Defunctorum celebrari tantum
poterunt prima die cujuscumque hebdomadœ libéra in
Kalendario Ecclesiae. in qua Missa celebratur.
3. Si alicubi aliquod Festum impeditum a Dominica
minore, celebratur ex voto, vel cum populi concursu (cujus
rei judex erit Ordinarius), Misste de eodem festo impedito
celebrari poterunt, dummodo una Missa de Dominica ne
omittatur. Quoties extra ordinem Officii cantetur vel legatur
aliqua Missa, si facienda sit commemoratio aut Dominicœ,
aut Feria», aut Vigiliie, semper de hisce etiam Evangelium
in fine legatur.
4. Ad Missam Dominicœ etiam minoris, cura coraraemo-
ratione Festi Duplicis tum majoris tum minoris ac diei
infra Octavam quomodolibet celebrandam, retinetur color
— 121 —
proprius Dominica', cum Pra'falione SSman Trinitatis, nisi
adsit propria Teniporis, vel Octava; alicujus Festi Domini.
5. Lentes pro Missis Defunctoruiu in cantu, iinriiutat;i'
manent. Missff vero lecUc permitluntur in Duplicibus lan-
tummodo in die obitus, aut pro die obitus, duiumodo ne
sit Festum de pra^cepto, aut Duplex I vel II classis, vel
Feria excludens Duplicia I classis. (Juoad vero Missas
lectas Defunctorum dicendas diebus ritus Semiduplicis aut
Simplicis, in posterum numquam celebrari poterunt in
Feriis n. 2 enuiueratis, salva tatuen exceptione ibidem
admissa. Licebit tamen in hujusmodi Missis de Feria
orationem addi pro Defunctis, pro quibus Sacrificium
ai)plicalur, pœnultinio loco, prout permiltit Rubrica Mis-
salis. Cura autem ut applicari possiul Indulgentiie Altaris
privilegiati, Misste Defunctorum debuerint hucusque in
nigris celebrari, Summus Ponlilex easdem indulgentias in
]>osterum bénigne coucedit, licet Missa dicatur de Feria,
cum oratione pro Defunctis. In reliquis autem Feriis per
annum n. 2 non exceptis, nec non in Ssmiduplicibus, infra
Octavas non i)rivilegiatas et in Simplicibus, Missa.' De-
functorum sicut et allai Missœ votivœ dici poterunt juxta
Rubricas.
TiTULUs XI. — I)e Collectis in Missis.
Quod ad Collectas ab Ordinariis locorum imperatas atti-
net, deinceps prohibentur (nisi sint pro re gravi pnescripta')
non tantum in Vigiliis Nalivitatis et Pentecostes et in
Duplicibus I classis, sed etiam in Duplicibus II classis,
in Dominicis Majoribus, infra Octavas privilegiatas, et
quandocumque in Missa dicendœ sint plus quam très
Orationes a Rubrica eo die prsescriptœ.
TiTULUS XII. — De Missis Conventualihus .
In Ecclesiis, in quibus adest obligatio Chori, una tantum
Missa cum assistentia Choralium semper celebretur : et
quidem de Officio diei, nisi aliter Rubricœ disponant ; alite
Missae, qua3 hucusque cum prsedicta assistentia celebra-
banlur, in poslerum extra Ghorura legantur, post propriam
— l'2-2 —
Horam Canonicam ; excipinntnr tamen ab hac rej^ula
Missœ in Litnniis majoribus et minoribus, et Misste in
Festo Nativitatis Domini. Excipiuntur puriter Missae in
anniversariis Greationis et Goronationis Summi Pontificis,
Electionis et Consecrationis seu Translalionis Episcopi,
nec non in anniversurio ultimi Episcopi del'uncli, et om-
nium Episcoporum aut Canonioorum ; omnesque Missae ex
fundatione.
TiTULUS XIII. — De Commemoratione Omnium
Fidelium Befunctorinn.
1. In Commemoratione omnium Fidelium Delunctorum,
omissis Officie et Missa diei currentis, fit tantum Officium
cum Missa pro Defunctis, prout in Appendice novi Psalterii
prœscribitur.
2. Si die 2 Novembris occm'rat Dominica vel aliquod
Duplex I classis, Gommemoratio Defunctorum celebrabitur
die proxime sequenti, similiter non impedita ; in qua, si
forte occurrat Duplex II classis hoc transfertur juxta
regulam traditam Tit. III, n. 3.
Prasscriptiones Temporarise.
I. Kalendaria uniuscujusque Dioecoseos, aut Ordinis seu
Gongregationis Breviario Romano utentium, pro anno 1913,
ad Régulas supra traditas omnino redigenda sunt.
II. Diebus Dominicis, quil>us in Kalendariis proximi
anni 1912 inscribuntur, sub ritu Duplici mnjori vel minori,
Festa Sanctorum, vel Angelorum, vel etiam B. Marise
Virginis, vel dies Octava, quœ non sit Festorum Domini,
tum Officium in privata recitatione, tum Missœ lectre erunt
ad libitum, vel prout notatur in Kalendario anni 1912, vel
de Dominica cum commemoratione duplicis majoris aut
minoris. In Feriis quoque, de quibus Tit. X, n. 2, Missoe
privata? celebrari poterunt, ut ibi adnotatur.
III. Quod Tit. XIII harum Rubricarum dispositum est
quoad Gommemorationem Omnium Fidelium Defunctorum,
inde ab anno 1912, in usum omnino deducendum est.
— 1-23 -
IV. Usque duiu iiuva corrt'Cliu lîreviarii et Missalis Ro-
mani, a Sanctissimo Domino Nostro décréta, vulgelur :
a) Kalendatia ))eriietua Sacra; Rituum Gongregationi
reforinanda el approbanda deferri non debent ;
b) De Festorum augendo ri tu, vel de Festis novis in-
vehendis nullu liât postulatio ;
c) Fesla parlicularia, sive B. Marise Virginis, sive Sanc-
lorum aiit lîeatoruui, ritus Duplicis majoris aut minoris,
Dominicis diebus assignala, locorum Ordinarii seu Supe-
riores Regularium, aut in utrisque Vesperis, Laudibus et
Missa comuiemoranda pnescribant ; aut in aliani diem,
validis S. R. G. oblalis arpfuraentis, transferenda curent ;
aut potins omillant.
d) NuUa intérim i'act-.i correctione Rubricarum, Régula*
snperius tradila? in novis Breviariis et Missalibus post
Rnbricas générales inserautur, omissis S. R. G. Decretis,
qme hucusque in principio Breviarii incerta inveniuntur.
e) In futuris Breviarii editionibus muteutur, ob novam
Psalterii reforniatiouem, sequentes Antiphonœ in Lau-
dibus :
In Dominlca Se-ragesimœ :
Ant. 5. In excelsis * laudate Deum.
In Dominica III Quaclragesimœ :
Ant. 3. Adh^sit anima mea * post te, Deus meus.
In Dominica IV Quadragesimce :
Ant. 3. Me suscepit * dextera tua, Domine.
In Feria I V Majoris Hebdomadœ :
Ant. 3. Tu autem, Domine, * scis omne con^ilium eorum
adversum me in mortem.
Ant. 5. Fac, Domine, * judicium injuriam patientibus :
et vias peccatorum disperde.
MOTU PROPRIO
De trabentibus clericos ad tribunalia judicium Laicorum.
(Acta Ap. Sedis, Vol. IH. pag. 555.)
Quantavis diligentia adiiibeatur in condendis legibus,
sœpe non licet dubitationem prœcaveri omnem, quae dein-
ceps ex earum callida interpretatione queat existere. Ali-
— 121 -
quando autem jurisperitorum, qui ad rimandam naturain
vimque legis accesserint, tam divers» inter se sunt sen-
tentiiv, ut quld sit lege constitutum, non aliter constare,
nisi per aulhenticam declarationem, possit.
Id qnod videmiis contigisse, postqnnm Constitutio A2WS-
toUcœ Sedis promulgata est, qua Censurre latas sentpntiîp
limitantur. Etenim inter scriptores, qui in eam Gonstita-
tionem commentaria confecerunt, magna orta est de ipsius
Capitc VII coRtroversia ; utrum verbo Cogenles le-gislatores
personaîque publicte tantummodo, an etiam homines pri-
vati significenlur, qui judicem laicum, ad eum provocando
actionemve instituendo, cogant, ut ad suum tribunal cle-
ricum trahat.
Quid valeret quidem hoc Caput, semel atque iteruni
Congregatio Sancti Ûlîicii declaravit. — Nunc vero in hac
temporum iniquitate, cum ecclesiasticœ imraunitatis adeo
nuUa solet haberi ratio, ut non modo Clerici et Presbyteri,
sed Episcopi etiara ipsique S. R. E. Cardinales in judicium
laicorum deducantur, omnino res postulat a Nobis, ut quos
a tam sacrilego facinore non deterret cuipœ gravitas,
eosdem pœna^ severitate in officio contineamus. Itaque hoc
Nos Motu Proprio statuimus atque edicimus : quicumque
privalorum, laici sacrivo ordinis, mares ferainœve, per-
sonas quasvis ecclesiasticas, sive ia criminali causa sive in
civili, nullo potestatis ecclesiasticae permissu, ad tribunal
laicorum vocent, ibique adesse publiée compellant, eos
etiam omnes in Excommunicationem latse sententiœ spe-
ciali modo Romano Pontifici reservatam incurrere.
Quod autem his litleris sancitum est, firraum ratumquc
esse volumus, contrariis quibusvis non obstantibus.
Datum Romre, apud S. Pelrum,die 9 mensisOctobrislOll,
Pontificatus Nostri anno nono.
Plus PP. X.
— 125 —
URBIS ET ORBIS
{Acta Ap. Sedis, Vol. III, pag. 340.)
Evulgato Molu proprio (1) Sanctissimi Domini Nostri
Pii Papa X Le diebus festis, diei 2 Julii vertentis anni,
nonnuUi Sacioruni Antistite?, ne accidat, ut dies Octava
S. Joseph, in Doniinicis privile^'iatis Quadragesimio oc-
currens, nuUam in Officio et Missa commemoralionem
accipiat, et Oflicium dierum infra Octavam, Tempore
Passionis adveniente, stepius omitti debeat, ab Ipso Sanc-
lissimo Domino Nostro instantissime petierunt, ut ad
augendum cultum erga S. Joseph, Ecclesiie Universalis
Patronuin, Festuni Ejus die 19 Martii sine ferialione et
sine Octava recolatuv ; Festuni vero Patrocinii Ejusdein
juribus et privilegiis omnibus, quae Patronis principalibus
competunt, augeatur, et sub ritu dupliciprimw classis cum
Octava celebrelur, prout jam in aliquibus locis et inslitulis
recoli légitime consuevit; eo vel magis quod Tempus Pas-
chale aptius recolendie solemnitati conveniat, et Festum
idem in Dominica III post Pascha numquam impediri
valeat.
Item Rmi Episcopi, quoad Solemnitatem Sanctissimi
Gorporis Cln-isti, ab Eodcm Sanctissimo Domino Xostnj
humillimis precibus postularunt, quod, rémanente feria V
post Dominicam SSmœ Trinitatis Ejus Festo, absque tamen
feriatione, externa Solemnitas ad insequentem Dominicam
transferatur.
Sanctissiraus Dominus Noster, referente infrascripto
Sacrorum Rituum Congregationis Secretario, audito Coni-
missionis Liturgicse sulïragio, hujusmodi votis clementer
deferens, firmo rémanente Molu Proprio quoad reli'iua
Festa, statuit et decrevit :
I. Feslum Natale S. Joseph, die 19 Martii, sine feriatione
et sine Octavi, sub ritu dupîici primœ classis recolatur
adhibito titulo : Commemoratio Solemnis S. Joseph,
Sponsi B. M. 1'., Confessoris,
(l) Voir Missions, X» septembre 1911, p. 37o.
— 1--26 —
II. Feslimi Patrocinii Ejusdem S. Joseph Dominica
III post Pascha. sub rilu duplici I classis cum Octava,
addita Fesli primarii qualitate, rccolalur sub titulo :
SolemnitiiH S. Joseph, Sponsi B. M. W, Confessoris, Ec-
clesiœ Universalis Patronl.
III. Diebus infra Octavam et die Octava Solemnitatis
S. Joseph adhibeatur Oflicium, iiti prostat in Appendice
Octavarii Romani.
IV. Feslum Sanctissim;v Trinitalis , Dorainicfe I po?t
Pentecosten affixum, amodo sub ritu duphci primcC classis
recelât ur.
V. Festura SanctissimiCorporis Christi celebretur,absque
feriatione, sub ritu duplici primée classis et cum Octava pri-
vilegiata, ad instar Octav;ie Epiplianiœ, Fcria V post Domi-
nicam SSmœ Trinitatis, adhibito titulo : Coniinemoratio
solemnis Sanctissimi Corporis Domini Nostri Jesu
Christi.
VI. Dominica infra Octavam hujus festivitatis , in Ec-
clesiis Cathedralibus et CoUegiatis, recituto Oflicio cum
relativa Missa de eadem Dominica, unica Missa solemnis
cani potest, uti in Fe'Sto, cum Gloria, unica Oratione,
Sequentia, Credo et Evangelio S. Joannis in fine. Ubi vero
non adsit Missie Gonventualis ohligatio, addatur sola com-
memoratio Dominicfe sub dislincta conclusione ejusque
Evangelium in fine. Hac vero Dominica peragatur so-
lemnis Processio cum SSmo Sacramento, prœscripta in
Cseremoniali Episcoporum, lib. II, cap. XXXIII.
VII. Feria VI post Octavam celebretur, ut antea, Festum
Sacratissimi Cordis Jesu, sub ritu duplici prima? classis.
Valituro prtesenti Decreto etiam pro Familiis Regularibus
et Ecclesiis, ritu latino a Romano diverso utentibus. Gon-
trariis non obstantibus quibuscumque, etiam speciali men-
tione dignis.
Fr. S. Gard. Martinelli, Prœfectus.
Die 24 Julii 1911.
L. \ S.
t Petrus La Fontaine. Episc. Gharystien., Secret.
— 127 —
DECRETUM
(Acla Ap. Sedis, Vol. III, pag. 352.)
Ad quasdam liturgicas qucstiones do diebus Festi.s nuper
propositas enodandas, inspecto Molti Proprio Sanctissimi
Domini Nostii P.ii Papœ X diei 2 Julii vertentis anni 1911 (1),
una cum suljsequenti Decreto Urbi.s et Orbis Sacrorum Ri-
tuum Congregationis diei 24 rjusdem mensis et anni, Sucra
eadein Congregatio, ad relationem subscripti Secretarii, au-
dito Gommissionis Lilurgicie suffragio, atque approbante
Ipso Sanctissimo Domino Nostro, lia^c statuit ac decla-
ravit :
I. Quum Festum Nativitatis S. Joannis Baptiste in pos-
terum celebrandum sit Dominica immédiate antécédente
Festum Sanctorum Apostolorum Pétri et Pauli, ac proinde
dua3 Octava' simul occurrere possint ; hoc in caso agalur
Oi'ficium de Octava Nativitatis S. Joannis cum commemo-
ratioiie Octave Ss. Apostolorum.
II. Vigilia Nativitatis S. Joannis Baptistte aftigatur Sab-
bato ante Dominicam quœ praecedit Festum Ss. Aposto-
lorum Pétri et Pauli. Quando in hoc Sabbato simul occur-
rant Vigilia Nativitatis S. Joannis et Vigilia Ss. Aposto-
lorum, fiât Officium de prima, cum commemoratione
alterius in Missa tantum. Si vero in hoc Sabbato incidat
Festum sive Ofiîcium ritus duplicis aut semiduplicis, nona
lectio erit de Vigilia Nativitatis S. Joannis, et in Missa fiat
commemoratio utriusque Vigilite.
III. In Ecclesiis Cathedralibus et Collegiatis, in casu
prtecedenti, dicatur post Nonam Missa de Vigilia Nativi-
tatis S. Joannis cum commemoratione Vigiliw Ss. Aposto-
lorum. Si vero occurrat Festum IX iectionum dicanturdute
Missiii Conventuales una de Officio currenti post Tertiam,
altéra de Vigilia Nativitatis S. Joannis post Nonam, cum
commemoratione VigiliiO Ss. Apostolorum.
IV. Si Festum Nativitatis S. Joannes Baptistœ incidat in
diem 28 Junii,' secundas Vesperœ integrœ erunt de hac
(1) Voir Missions, N° septembre 1911, p. 373.
— 128 —
solemnitate, cum commeraoratione sequentis Festi Ss. Apos-
tolorum, jus ta Rubricas.
V. Qaum ex Decreto supracitato diei 2'i Julii 1911, ad
instar- Octavîo Epiphaniii^ sit privilegiata Oclava Conime-
moratione solemnis Sanclissimi Corporis D. N. J. C, infra
hanc Octavara prohibentur etiam, tura Missœ votivœ pro
sponsis, tum Missre cum cantu de Requie pro prima vice
post obitum, vel -ejus acceptum nuntium ; die vero Oc-
tava proliibentur Missse privât;^ de Requie, quœ die, vel
pro die ol)itus alias cum exequiali Missa permittuntur.
VI. Missa cum cantu de Requie die, vel pro die obitus,
aut depositionis, pra?sente , insepulto, vel etiam sepulto,
non ultra biduum, cadavere, vetita est in sequentibus
Festis nuper suppressis. neuipe Gommemorationis solemnis
Sanctissimi Corporis Christi, Annuntiationis B. M. V., Gom-
memorationis solemnis S. Joseph, et Patroni loci.
VII. Item praedicta Missa inhibetur in Festis Solemnitatis
S. Joseph, Sanctissimœ Trinitatis, et in Dominica in quam
trasfertur solemnitas externa Gommemorationis Ssmi Sacra-
menti.
Gontrariis non obstantibus quibuscumque, etiam speciaji
mentione dignis.
Fr. S. Gard. Martinelli, Prœfectns.
Die 28 Julii 1911.
L. i S.
i: Petrus La Fontaine, Ep. Gharystien., Secret.
NUiil Obstat.
Romte, 1= Mari il 191-3.
f A. DOXTENWILL, O. M. I.,
Anh. Ptolemaid.,
Sup, gen.
Publié avec la permission de l'autorité ecclésiastique.
Bar le Duc. — îia;.". Saiut-i^uui. — Jt6y,3,i 2.
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE
N"» 198. — Juin 1912.
—^«O-
PROVINCE DU CANADA
Rapport sur le Scolasticat Saint-Joseph d'Ottawa
AVANT-PROPOS
Le Scolasticat Saint-Joseph n'a peut-être pas pris dans
nos Missions toute sa part d'héritage. Sans en étudier les
motifs, essayons de réparer en un seul coup les lacunes du
passé. Le présent rapport, pour faire suite à son unique
aîné, devrait commencer avec l'année 1904. Nous croyons
pourtant devoir le faire précéder du Précis historique du
Scolasticat des Oblats de Marie Irnmaculée au Canada,
extrait de la brochure : Souvenir des fêtes jubilaires du
Scolasticat célébrées en 1910, actuellement sous presse-
Cet extrait s'étend depuis l'arrivée des premiers scolasti-
ques au Canada, en 1843, jusqu'à la nomination du supé-
rieur actuel du Scolasticat Saint-Joseph, le R. P. G. Charle-
bois, en 1906.
Plusieurs des choses narrées sont des événements qui
restent dans l'ordinaire, et ils sont peut-être d'un intérêt
9
— 130 —
plutôt local. Pourtant, le scolasticat est une maison-mère,
et chacun des traits qui s'y rapportent doit émouvoir, sem-
ble-t-il, les fils déjà en nombre respectable qui se sont déta-
chés de son sein pour se disperser dans la vigne du Sei-
gneur. Cette persuasion nous pousse à y aller largement,
satisfaits si nous répondons aux désirs filiaux de nos
anciens, et au sympathique et fraternel intérêt de tous les
membres de la Congrégation pour notre bien-aimé Scolasti-
cat Saint-Joseph.
I. — Origines.
Il y avait juste vingt-cinq ans que Dieu avait fait naître
notre Institut sous le ciel de Provence quand son premier
rejeton vint prendre racine en terre canadienne.
On sait l'unanime « Ecce ego, rnitte me » qui sortit de
la bouche de tous les Oblats, lorsque le Fondateur voulut
les consulter avant d'accepter des missions lointaines. Ce
dévouement intrépide et cet esprit tout apostolique ne
pouvaient demeurer sans récompense. A partir de ce
moment, en effet, la petite vigne plantée par le Seigneur
en son Eglise toujours féconde commença d'étendre ses
sarments pour en couvrir en quelque sorte l'univers :
» Tune vinea ista quam plantavit dextera Dei extendit
palmites suos ad mare et usque ad /lumen propagines
ejus T> (1).
Le jour même de leur arrivée à Montréal, 2 décembre 1841,
nos Pères trouvaient une nouvelle recrue dans la personne
du R. P. Dandurand, A partir de ce moment, outre les
nombreuses vocations d'Europe provoquées par nos œuvres
d'Amérique, du Canada même, de dignes sujets vinrent
grossir les rangs clairsemés de nos missionnaires. Ce sera
l'objet particulier de cet historique d'en montrer la progres-
sion successive.
(1) Lettre de Mgr Mazenod, 17 février 1853.
— 131 —
Puisque nous ne parlons que du scola3ticat d'Ottawa,
nous n'aurons pas à mentionner dans ce travail les Oblats
canadiens entrés dans la Congrégation après leur sacer-
doce, non plus que ceux d'Europe arrivés au pays déjà
prêtres. Pourtant, un souvenir à part est dû à l'illustre
Mgr Taché, venu au noviciat de Longueil vers la fin
de 1844, sous-diacre seulement, mais que l'appel de Dieu
devait prématurément conduire à la Rivière Rouge, où il
fut comme la semence du gi-and arbre que forme actuelle-
ment notre famille religieuse au Manitoba et dans les
territoires du Nord-Ouest.
Nous ne nous occuperons donc que des scolastiques,
étudiants en philosophie et en théologie, que la Congré-
gation enrégimenta dans ses cadres apostoliques et condui-
sit elle-même au sacerdoce. Nous suivrons donc le scolas-
ticat canadien, depuis la période d'organisation jusqu'à
son entier développement.
Deux ans à peine s'étaient écoulés depuis que les pre-
miers Oblats avaient mis le pied à Montréal, et le scolas-
ticat canadien commençait. En effet, parmi les envoyés de la
deuxième heure, on trouve les FF. Nicolas Laverlochére et
Auguste-Albert Brunet, tous deux simples scolastiques. Ils
avaient fait voile pour l'Amérique sous la garde du P. Tel-
mon, qui revenait du Chapitre général, et arrivèrent à
Longueil, notre unique établissement d'Amérique à cette
époque, vers la fin d'octobre 1843, pour y reprendre leurs
études théologiques.
Ce scolasticat embryonnaire était faible mais viable,
comme on le verra. Prémices de riche augure, religieux de
forte trempe aussi, que ces futurs Pères Laverlochére,
l'apôtre du Témiscamingue et de la Baie d'Hudson, et
Brunet, que la desserte des chantiers et les rigueurs d'un
— 13-3 —
emprisonnement encouru pour la cause de la foi condui-
sirent au ciel en même temps qu'au tombeau.
Qu'ils fussent de haute valeur apostolique, ces deux
premiers scolastiques de la Congrégation au Canada, rien
en cela qui doive nous étonner, car, ils étaient à bonne
école. Ce fut sous la direction du R. P. Allard qu'ils
achevèrent leurs études cléricales et leur préparation au
sacerdoce, commencées en France. Or, le R. P. Allard
était par nature et par grâce conducteur d'âmes dans
la double voie de la sagesse et de la sainteté. A cette
époque, en même temps qu'il remplissait les fonctions
de Modérateur, il était le premier Directeur spirituel de
la Congrégation naissante des Sœurs des Saints Noms de
Jésus et de Marie, auxquelles chaque jour il faisait des
conférences pédagogiques et des instructions spirituelles :
il moulait ainsi l'esprit de cet Institut d'enseignement,
universellement répandu à l'heure présente dans l'Amé-
rique du Nord, et dont il fut t une providence », au
témoignage des chroniques de cette Congrégation. Plus
tard évêque de Natal, il démissionna, puis mourut à Rome
en 1889, laissant une grande réputation de vertu.
Par suite de l'ordination du F. Laverlochère, le 7 mai 1844,
le scolasticat n'a plus qu'un seul sujet, à moins que le
F. Mignault, novice, n'y suivît quelque cours en même
temps. Mais ce ne devait pas être de longue durée. Pres-
que aussitôt, au mois d'août, arrive le F. Garin, déjà diacre,
c'est vrai, mais qui n'a point terminé sa théologie. Destiné
d'abord à l'Angleterre, et hâtivement promu aux ordres
majeurs dans ce but, il a vu son obédience se tourner
subitement vers le Nouveau-Monde, où il se dirigea eu
compagnie des RR. PP. Guignes et Pierre Aubert.
Le F. Brunet étant ordonné un mois après, le F. Garin
forme tout le scolasticat. Pourtant le F. Mignault alors a
sûrement suivi le cours de ses études qu'il continuera
jusqu'en 1849, ce qui fait une chaîne ininterrompue, si
réduite soit-elle, dans l'existence du scolasticat. Elle se
— 133 —
fortifie un peu plus lard par l'arrivée des deux frères
J. Ryaa et Thomas Fitzhenry, que Monseigneur de Mont-
réal se hâtera d'ordonner, le 29 août 1847, à cause de
l'épidémie du typhus qui sévit en ce moment. Ils sont
aussitôt dirigés sur Bytown, pour y donner leur dévoue-
ment et même leur vie, s'il le faut, au soin des contagieux,
k côté de leurs aînés vraiment héroïques.
Le F. Cauviu est arrivé à Longueil cette même année,
déjà diacre lui aussi. Il y est vraisemblablement sous la
direction du P. Allard, jusqu'à la fin de septembre 1848,
époque où il suit les PP. Telmon et Gaudet, à Pittsburg :
ils vont prendre la direction du séminaire diocésain. Au
mois de mai suivant, il en revient ; c'est sous la direction
du P. Gaudet qu'il achève son scolasticat, jusqu'à son
ordination, en septembre.
Un peu auparavant, 15 août 1849, le R. P. Allard a été
appelé à Bytown : il y est supérieur de la communauté.
Mgr Guigues vient d'ouvrir un séminaire, établi dans la
maison même de l'évêché : le P. Allard aura sans doute à
s'en occuper. Quant au scolasticat, il a suivi, ou peut-être
même précédé le P. Allard, dès 1848, à Bytown, pour
rendre service au collège que Mgr Guigues vient aussi
d'ouvrir et de confier aux Oblats. Sous la direction du
P. Chevalier, le collège utilise les services des FF. Tisse-
rant et Mignault. Ce dernier sera bientôt prêtre, à la fin de
1849, et il succédera au P. Chevalier comme directeur
des élèves, puis comme supérieur du collège l'année sui-
vante. Les séminaristes, dès cette époque, aussi bien que
les scolastiques, donnent leur quote-part, chaque jour, aux
travaux de l'enseignement au collège.
Quels sont les autres scolastiques vers ce même temps ?
Voici ce que l'on en peut préciser. Le F. Délèage, diacre
arrivé en Canada en juillet 1848, se présente à l'ordination,
— 134 —
la première faite par Mgr Guigues, le 29 octobre. Le F. Ar-
nault est ordonné le 1er avril suivant. C'est à la lin de cette
année 1849 que le F. Mignault est devenu prêtre, mais il
n'a pas dû laisser le scolasticat sans sujet. Si le F. Tisserant
s'est retiré, d'autre part il y a le F. Gorbett, ordonné le
25 mai 1850, et le F. Tabaret, venu la même année, qui se
présente à son tour le 21 octobre pour recevoir l'onction
sacerdotale.
Tous les scolastiques de Maryvale, élément d'une pro-
vince anglaise en formation, eurent ordre de passer au
Canada, où ils arrivèrent en mars 1851. Qui furent-ils? Ou
ne saurait le dire exactement. Le F. Babel, ordonné le
27 juillet de cette année, peut-être ? Plus sûrement, le
F. Me Donagh, prêtre à la même date, et le F. Coopman,
ordonné au mois de juin qui suit. Il y a aussi le F. An-
drieux, investi du sacerdoce au mois de janvier 1852, mais
venu de Marseille. Le F. Pinet, canadien d'origine, doit
aussi faire ses études, en ce même temps, de 1849 à 1852.
En tout cas, il est sûr que le Modérateur des scolastiques
a été remplacé, puisque le R. P. Allard s'est embarqué pour
Natal, en l'année 1851. Mais qui lui succéda dans cette fonc-
tion officieuse comme du reste à peu près toutes les charges
secondaires, à cette époque d'organisation quelque peu
primitive ? Ce fut le R. P. Aubert, son remplaçant comme
Supérieur, comme Grand Vicaire du diocèse, et directeur
du séminaire, du moins aussi longtemps que les Frères
scolastiques sont demeurés à l'évêché. Ceux-ci passèrent
ensuite sous la direction du Supérieur du collège, le Révé-
rend P. Tabaret, jusqu'à l'arrivée, en 1858, du R. P. Tortel,
aussitôt nommé Modérateur.
Le P. Dandurand, qui a enseigné la philosophie en 1850,
et les RR. PP. Trudeau et Burtin, directeurs du séminaire
après le départ du R. P. Aubert, ont dû voir nos scolas-
tiques suivre leurs cours. D'ailleurs quelques années
durant, à la suite de 1852, les Oblats étudiants sont peu
nombreux, s'il en est. Au collège, à part les Pères, on ne
— 185 —
mentionne que des séminaristes comme professeurs. Il ne
parait pas venir de scolastiques européens, et le noviciat,
à Montréal depuis la fermeture de Longueil, en 1849, n'a
pas fourni de sujets persévérants autres que des prêtres.
Le 1er mai 1855, le F. Joseph Lefebvre, qui a fini son
noviciat , s'en vient au scolasticat ; il sera prêtre le
18 avril 1858. Il n'a pas de compagnon d'abord, mais
plus tard, il est rejoint par le F. James McGrath, arrivé
dans le cours de l'année 1857, du collège de Galveston,
Texas, et ordonné au mois de juillet 1859. Les FF. Richer
et Beaudin, le premier ordonné en 1861 et le second en 1862,
sont leurs plus prochains successeurs.
II. — Première organisation.
Nous voici dans de l'histoire plus assurée. A. partir de
1858, c'est sûrement et sans interruption le R. P. Tortel
qui a charge du scolasticat, à Ottawa, jusqu'en 1868. Le
P. Tortel était une personnalité remarquable. Quand il
prit la direction du scolasticat et du séminaire, il avait
déjà treize ans d'expérience sacerdotale; l'ascétisme de sa
\'ie aussi bien que l'exemple de ses vertus ne pouvaient
que favoriser chez ses subordonnés le dévouement sans
limites et la piété à toute épreuve. Outre de fréquentes
prédications, il donne régulièrement une classe de morale
et de philosophie : c'est le P. Lefebvre qui fait le
dogme. Ils ont succédé dans ce double professorat aux
PP. Trudeau et Burtin. Comme on avait fait à Marseille,
dans les commencements de la Congrégation, ainsi fait-on
à Ottawa : scolastiques et séminaristes se mêlent habituel-
lement, situation du reste inévitable à cette époque.
Quand la fonction de Modérateur lui échoit, le P. Tor-
tel doit avoir comme scolastiques d'abord les FF. Me Grath,
Riciier et Beaudin; au mois de mai 1861, le rapport du
R. P. Tabaret, supérieur du collège, mentionne les trois
— 136 —
Frères Derbuel, Beaudin et Genin, parmi les professeurs.
Cette même année arrivent d'Irlande, les FF. Barrett et
Me Garthy. Le F. Ghaborel à son tour vient renforcer le
corps professoral du collège où il va se signaler dans l'en-
seignement de la musique, de l'escrime, et dans la surveil-
lance des élèves. Il s'efforcera môme de les plier à sa disci-
pline toute militaire. Le F. Burque, son compagnon d'obla-
tion, le 10 août 1864, s'en ira faire son scolasticat à Autun.
On ne saurait omettre de dire ici, en effet, que si le Scolas-
ticat canadien s'est enrichi souvent de sujets européens, il a
bien lui-même en échange fourni quelques recrues à celui
de France. Le P. Trudeau, l'unique oblat canadien ordonné
par notre vénéré Fondateur, avait été conduit en Europe
par la maladie : il s'en allait à Rome quand un arrêt à
Marseille le jeta dans les liens bénis de la Gongrégation.
Le P. Lavoie fut à Autun de 1862 à 1864. Après le P. Burque
qui ne revint qu'au mois de janvier 1869, deux autres frères
y furent envoyés vers 1873.
A partir de cette heure, les vocations canadiennes devien-
nent plus nombreuses. Le pays a déjà donné seize oblats à
la Congrégation, d'après le rapport du Visiteur en 1864. Et
l'évêque de Montréal rend à nos Pères des témoignages si
élogieux, il fait des vœux si favorables, que leur expansion
ne peut qu'en profiter. En 1866, au cinquantenaire de la
fondation de notre Institut, il leur disait publiquement
dans la chapelle intérieure de Saint-Pierre de Montréal :
« C'est un témoignage que je suis heureux de vous rendre,
« et que vous saurez mériter de mes successeurs... Après
i Dieu, c'est à vous, mes Pères, que je dois la conservation
€ de mon diocèse... Par toute l'Amérique, au Texas, au
« Mexique, dans la Colombie Britannique, à la Rivière-
« Rouge, auMackenzie, dans les campagnes canadiennes du
t St-Laurent, il y a des populations qui tendent vers vous
— 137 —
c des bras suppliants, qui demandent votre concours, vous
• disent: Adjura nos... Demandons au Maître de la moisson
« qu'il bénisse toute la Congrégation comme je vous bénis. •
Ces louanges et ces désirs du pieux évêque qu'on a
appelé le saint François de Sales du Canada, et qui fut
vraiment pour notre Congrégation un second Père, ne res-
tèrent point sans effet. En 1866, le F. Fournier termine son
noviciat à Lachine et passe à Ottawa. L'année suivante, les
FF. Lauzon, Z. Durocher et Louis de G. Gladu font de
même.
En 1868, le R. P. Vanderberghe, provincial, compte six
scolasliques, à Ottawa, mêlés aux séminaristes, et chargés
d'enseigner quelque matière chaque jour. On est content
de leur bon esprit, en ces difficiles circonstances. Ce doi-
vent être les FF. Barrett et Me Carthy, déjà connus; les
FF. O'Riordan et Mac Kennan amenés d'Irlande en 1868 par
le R. P. Provincial; enfin les FF. Durocher et Gladu, les
deux FF. Fournier et Lauzon ayant été ordonnés au mois
de mai de cette même année.
Peu après viennent encore du Noviciat les FF. Dazé,
Duhaime, Lecomte et G. Marion.
Mais à ce moment, le R. P. Tortel, Modérateur des sco-
lastiques et directeur du séminaire (qui occupe une aile
du collège), est appelé à la direction de notre établisse-
ment de Buflfalo, et le scolasticat va passer aux mains du
R. P. Lepers.
Ne faisons pas pourtant nos adieux au R. P. Tortel sans
admirer son esprit d'organisation, et sans reconnaître ses
efforts pour doter les scolastiques qui lui étaient confiés
d'une formation plus régulière que les circonstances anté-
rieures ne l'avaient permis. Ses successeurs n'auront qu'à
avancer dans la môme voie.
138 —
***
Le Rév. P. Lepers, auquel était dévolue la lourde et
grande charge de former les séminaristes et les scolastiques,
était comme fait exprès pour ces fondions Sa vertu con-
sommée, faite d'une foi très vive, d'une fermeté irréduc-
tible et d'une charité généreuse et universelle quoique tou-
jours discrète ; son savoir dans toutes les questions de
dogme, de philosophie, de droit canonique et d'histoire, qui
lui étaient familières jusqu'aux plus récentes décisions,
son expérience enfin, puisqu'il avait été successivement
second maître des novices, à Notre-Dame de l'Osier puis
supérieur du scolasticat de Montolivet et d'Autun. Au
juniorat de Notre-Dame des Lumières, il comptait à son
actif des prédications assez nombreuses, et, pendant les
trois ans déjà passés au Canada, la rude desserte des
chantiers. La divine Providence l'avait donc bien préparé
à cette charge. Aussi pendant dix ans, c'est-à-dire presque
jusqu'à sa mort, arrivée en 1878, le scolasticat prit-il, sous
son impulsion sage et efficace, de rapides élans de progrès.
Il donna ses premiers soins aux cours ecclésiastiques
auxquels il traça des cadres fixes et déterminés. Jusque-là
on n'avait consacré aux cours de dogme et de morale, les
seuls antérieurement institués, qu'une durée de trois ans ;
vers 1871 il porta la durée des études à quatre ans.
Il ajoute, dès son arrivée, un cours hebdomadaire d'élo-
quence sacrée, qu'il donne en plus de ses classes de morale,
pendant que le R. P. Froc enseigne le dogme. Un an après
s'ouvrent des cours réguliers d'Ecriture Sainte et d'Histoire
Ecclésiastique, celui-ci confié au R. P. Paillier, celui-là au
R. P. Froc.
Avant longtemps, aussi, la philosophie retiendra-t-elle
nos Frères pendant deux ans au lieu d'un. Le cours de la
première année, dans la mesure du possible, et jusqu'à meil-
leur arrangement, sera donné à la suite des exercices du
— 139 —
noviciat, à Lachine, où s'abritent déjà les classes d'un
juniorat naissant; le R. P. J. Lemoine, puis le F. Paré, en
seront chargés. La seconde année, on suivra les cours ilu
R. P. Filliâtre, au collège d'Ottawa, en attendant que tout
se fasse régulièrement au scolasticat même. Toutefois, les
scolastiques devront être à même de se pénétrer des prin-
cipes de la raison chrétienne, tant le Modérateur a le coup
d'œil juste et prévoyant en fait de formation apostolique.
Leur formation religieuse ne lui donnait pus de moindres
soucis. Sa correspondance avec le Maitre des novices, le
R. P. Boisramé, et ses ouvertures, sagaces autant qu'im-
partiales, au R. P. Souiller, à la visite de 1876, le manifes-
tent abondamment. Aussi le Visiteur rend-il hommage à sa
détermination de procurer l'unité de direction, la vigueur
de la discipline et le religieux respect de l'autorité. Son
grand fonds de sagesse et de discrétion, l'un des traits sail-
lants de sa vie, lui inspire d'heureuses suggestions. Il
est question des efforts du P. Modérat"ur pour favoriser
l'unité de direction... chez les scolastiques. C'est que leur
présence au collège, leur fréquent emploi dans l'enseigne-
ment, créaient une situation souvent épineuse, et occasion-
naient des divergences de vues entre les deux autorités,
guidées l'une et l'autre par des principes de zèle véritable,
mais placées de manière à ne pas voir les choses sous le
même angle.
Aussi le P. Lepers ne manquera-t-il pas de hâter l'ère
d'un scolasticat absolument détaché du séminaire et du
collège. Ce mouvement s'accentue d'autant plus que le
nombre des scolastiques croît sensiblement. Au chapitre de
1873, le Provincial du Canada compte 4 sujets fournis an-
nuellement par le scolasticat, depuis 18li8. En 1877, le
P. Paillier, Supérieur, accuse un personnel de 20 scolasti-
ques au collège. Mais c'est déjà l'heure où le saint Modéra-
teur achève sa course de voyageur sur la terre. Dès 1873,
un affaiblissement de poitrine l'avait forcément soumis
au repos, le Père Froc, puis le Père Fournier se chargeant
— 140 —
de le suppléer. Un mieux relatif le maintint au poste,
où il ne put rester pourtant qu'au prix d'une énergie
héroïque et presque miraculeuse ; elle lui faisait oublier ses
souffrances et ses insomnies pour le clouer au devoir sans
que jamais la velléité lui vint d'une exemption, soit pour
un exercice de Règle, soit pour une classe, même supplé-
mentaire. Il dut céder enfin, à son grand regret, à celui des
scolastiques et des séminaristes aussi, qui l'affectionnaient
profondément, et s'en aller à Saint-Pierre de Montréal, y
déposer au tombeau sa dépouille mortelle, vers la fin
de 1878.
***
Le R. P. Mangin, son compagnon de traversée, en 1865,
devint son successeur. C'est au cours de la fondation du
scolasticat Saint-Joseph que les qualités du nouveau Supé-
rieur se révéleront en leur plein; nous nous réservons de
leur rendre alors le témoignage mérité.
Toutefois, notons dès maintenant que le nombre des
scolastiques va monter jusqu'à 25 et même 30 avant leur
translation au nouveau local, ouvert en 1885, bien que le
courant d'immigration des scolastiques européens soit rela-
tivement minime. Ce résultat portera à la centaine les
Oblats qui auront jusque-là reçu en partie ou en totalité
leur formation cléricale au Scolasticat canadien. Toujours
soumis au même régime de gêne perpétuelle, étant donné
l'exiguïté de leur département au collège d'Ottava, avec les
mille autres incommodités qui en résultaient, et la fré-
quente présence des séminaristes au milieu d'eux; sou-
vent occupés aussi par des travaux au profit des élèves, ils
ont gardé dans leur phj'-sionomie religieuse cette trempe
de sacrifice, cette abnégation sans réserve qui avait marqué
l'âme de leurs premiers devanciers à Longueil.
Aussi comprend-on qu'ils aient formé une génération
d'apôtres dévoués, dont plusieurs ont fourni une carrière
surabondante en œuvres de bien. A la forte école qui les.
— 141 —
avait formés et au ministère si lourd qui les attendait à
leur sortie, il ne leur pouvait arriver que de deux choses
l'une : ou fléchir sous le poids du jour, ou bien s'affermir à
jamais sous le joug du Seigneur. Les persévérants, furent
des intrépides, parmi lesquels nous sommes heureux de
citer le R. P. N.-Servule Dozois, aujourd'hui Assistant
général, et celui qui, venu quelque temps ensuite, devait
être, après un laborieux ministère dans le Vicariat de la
Colombie Britannique, Mgr Aug. Dontenwill, archevêque
de Vancouver, à l'heure présente notre Révérendissime et
Bien-Aimé Père Général.
III. — Le Scolasticat Saint-Joseph.
1885-1910.
Construction du nouvel édifice.
L'heure était venue d'une organisation définitive du sco-
lasticat, dans un local à part, suivant toutes les exigences
de cette œuvre et pour répondre parfaitement à l'esprit de
nos Constitutions. Il devait alimenter en outre de la province
déjà si prospère du Canada, celle des Etats-Unis, bientôt
détachée de la première. Les Vicariats de l'Ouest ouvraient
à son zèle leurs vastes champs de missions : il le fallait
donc régulièrement et fortement constitué pour affermir les
progrès antérieurs et assurer la satisfaction des besoins
nouveaux.
La confusion avec les séminaristes n'avait été que du pro-
visoire longtemps prolongé. La charge de professeurs con-
fiée à nos scolastiques leur offrait sans doute de réels
avantages de formation pédagogique et même générale,
mais elle n'était cependant pas sans préjudice pour leur
achèvement complet dans les études ecclésiastiques ; en tout
cas, elle exigeait d'eux un surcroit d'effort et de dévoue-
ment, peu favorable à leur santé, s'il pouvait l'être à leur
— 142 —
vertu. Les sages et clairvoj-ants directeurs l'avaient compris
depuis longtemps. Ils ne manquaient pas de prendre à
leur propre compte les sévères et justes protestations du
bon vieux Rodriguez contre l'emploi des religieux de sa
Compagnie dans l'enseignement, pendant la seconde année
de leur noviciat : ce qui prouve bien que la coutume de
faire plier la théorie aux nécessités présentes est ancienne,
et même légitime dans une mesure relative. On répondait
donc : Omne quod est bonuin non expedlt. Il fallait trou-
ver des ressources, il fallait un emplacement, il fallait un
personnel... Bref, était-ce vraiment possible?
Le 30 août 1883, le conseil provincial, réuni à Ottawa,
après la retraite générale, trouva bon d'escompter les fonds
de la Providence, en délibérant d'une façon pratique sur la
nouvelle fondation. L'administration générale promettait
du secours quant au personnel. De la province du Canada,
on pouvait espérer quelque générosité pécuniaire, vu sa
grandissante prospérité.
Trois projets s'offraient au choix ! laisser au scolasticat
l'aile gauche de l'ancien édifice du collège, — maintenant
détruit par l'incendie de 1903 — et construire une aiie à
l'extrême droite, pour l'usage des élèves, en compensation ;
ou encore bâtir pour les scolastiques sur le terrain déjà
acquis derrière l'église Saint-Joseph ; enfin prendre l'em-
placement magnifique que le collège possédait au sud-est
de la ville, au bord de la rivière Rideau, et qui avait servi
depuis longtemps de campagne aux collégiens pour les
congés : on y ajouterait dix arpents de terre circonvoisins,
régularisant ainsi la propriété; on y aurait la solitude et
des ombrages feuillus ; ce serait notre Nazareth, puis notre
Béthanie que la Congrégation chérirait comme la maison
de son cœur au Canada...
Etait-ce un vain espoir? — L'économie se prononçait
pour le premier projet ; la prudence inclinait vers le
deuxième ; une libéralité sage et prophétique lit adopter le
dernier. Qu'il soit permis de rendre ici un nouvel hommage
I
— 143 —
au R. P. Tabaret pour sa sagacité et la précision de ses
vues toujours larges et sûres, et que les circonstances ont
si souvent manifestées. C'est son avis qui, dans une
deuxième séance du conseil provincial, tenue à Montréal
au mois d'octobre, fit pencher la balance dans le sens de
cette décision, restée en suspens jusque-là. Son génie éduca-
teur ne pouvait que partager les desseins proposés avec
insistance par le P. Mangin, heureusement membre du
conseil en qualité de consulteur extraordinaire. Il fut égale-
ment secondé par le bon P. Lefebvre, alors supérieur de
Montréal, qui ouvrait par là la série de ses faveurs à l'égard
du Scolasticat Saint-Joseph,
Le rêve si longtemps caressé allait devenir un fait. Saint
évêque du Natal, qui jadis aviez porté en votre main la
première semence du Scolasticat Canadien, aviez-vous
entrevu dès lors le grand arbre qu'il deviendrait, —
tous les oiseaux du ciel qui s'abriteraient sur ses fortes
branches? Vous, vénéré P. Lepers, de là-haut, comme
vous deviez sourire de voir enfin le dessein auquel vous
aviez donné la première impulsion, aboutir dans le sens
de l'organisation définitive d'une œuvre qui vous avait
ravi le cœur et enfin coûté la vie ? Le P. Tortel, sur
la terre américaine, apprendrait avec satisfaction, lui
aussi, l'épanouissement des sillons qu'il avait tracés
autrefois? Décidée en principe depuis la visite du R. P. Soui-
ller, en 1876, au témoignage du R. P. Antoine Provincial,
lors du Chapitre général de 1879, la nouvelle construction
devait être l'œuvre de gloire de ce fécond provincialat : trop
longtemps le Père Provincial avait souffert de voir trente
et plus de ses scolastiques , emprisonnés dans un espace
qui aurait dû en contenir quinze, avec des cellules deve-
nues inévitablement autant d'infirmeries. Il sanctionna
avec impatience les résolutions du Conseil, l'entreprise dût-
— 144 -
elle coûter les 40.000 dollars que l'on pouvait approximati-
vement prévoir.
On se mettait bientôt à l'oeuvre. Le R. P. Gendreau, éco-
nome du collège, accordait ses services pour la surveil-
lance des travaux. Quant au P. Mangin, il prouva par une
activité pressante sa hâte de voir ses espérances se changer
en réalité.
Ce fut presque un rite liturgique que celui par lequel en
cet automne de 1883, le Modérateur du scolasticat donnait
lui-même les premiers coups de pioche du creusage des
fondations, en présence de toute sa communauté réunie.
On devine si pareil exemple rendait légers pics et pelles
au bras des scolastiques, stimulés en même temps par la
perspective du scolasticat, construit dés cette heure dans
les désirs de chacun. Il arrivait bien quelques menues fois
que tous les travaux d'édification proposés par les scolas-
tiques ne s'achevaient pas sans quelque accroc à la régula-
rité : mais l'ardeur et l'impatience en ces conjonctures ne
sont point absolument hors de mise. Compter les pierres,
mesurer du sable, aux moments du repos, et bel et bien
en faire des murs solides aux heures de travail, ce furent
là des soucis constants jusqu'au printemps qui suivit.
Les murs sortirent de terre,... s'élevèrent à quatre
étages,... se couvrirent. On y traça des divisions spacieuses,
aérées ; les différentes pièces se dessinèrent avec leur
physionomie propre ; des salles communes, des classes, des
dortoirs, un réfectoire, une cuisine, une chapelle, commen-
çaient à laisser deviner leur destination future. Et c'était
déjà 1885. Pour le coup, malgré l'état encore nu et même
inachevé de la nouvelle habitation, on devait y entrer
incontinent : c'est là que s'ouvrirait le cours de la pro-
chaine année.
(A suivre.)
145
PROVINCE D'ALLEMAGNE
Maison de Saint«Gharles.
(Suite du Rapport publié, n" de décembre 1911. p 37 i,
juin 1911, p. 190, septembre 1911, p. 311, et mars 1912, p. 27.)
III. — De ceux qui ont bien mérité
de Saint-Charles. — Les Supérieurs.
(Suite.)
3° Le R. P. Ignace Watterolt. — Après le départ du
R. P. Ravaux, on ne devait pas rester orphelins à Saint-
Charles. Le même jour, c'est-à-dire le 17 juillet 1899, le
Rév. Père Provincial, arrivé de Hùnfeld pour la circon-
stance, faisait savoir aux Pères et aux Frères d'abord,
ensuite aux junioristes, qu'il leur avait donné un nouveau
père; et ce père, comme on va le voir, n'éiait pas un
inconnu pour eux; car c'était le R. P. Ignace Watterott.
Natif de la province de Saxe, du diocèse de Paderborn,
qui a déjà fourni beaucoup de sujets à la Congrégation, ce
Père fut un des premiers junioristes de Saint-Charles; il
avait même été junioriste à Heer depuis Pâques de l'année
1884. Après son noviciat, qu'il termina le 17 juillet 1890,
il fut immédiatement envoyé à Saint-Charles et y tra-
vailla comme professeur jusqu'en 1898, sans avoir jamais
passé par le scolasticat. Pendant les quatre premières
années, il fut successivement chargé de diflérentes classes
inférieures ; les quatre années suivantes, savoir de 1894
année où il reçut la prêtrise à Liège, jusqu'en 1898, il pro-
fessa la rhétorique. Il tut toujours estimé comme l'un des
meilleurs maîtres du juniorat, faisant sa classe avec dis-
10
— 146 —
tinction, habile surtout à bien expliquer les auteurs et à
les rendre intéressants.
Au mois de juillet 1898, il eut le bonheur d'assister, au
scolasticat de Liège, à l'ordination sacerdotale de son
frère, Oblat comme lui et futur missionnaire de la Cimbé-
basie, puis de l'assister ici même à sa première messe et
de l'accompagner au pays natal. Mais au lieu de nous
revenir à la fin des vacances, il s'achemina, au nom de la
sainte obéissance, vers Hûnfeld pour renforcer la phalange
des missionnaires qui y résidaient alors. Plusieurs fois
déjà il avait pris part à leurs travaux, y déployant, non
sans succès, le même zèle et le même talent dont il avait
fait preuve dans le professorat; déjà, il s'était pris à aimer
ce genre de travaux et semblait ne plus songer à la vie
retirée et plus uniforme des classes, lorsque, au commen-
cement de janvier 1899, il fut appelé à prendre, comme
supérieur et maître des novices à St-Gerlach, la place du
regretté P. Voltz, malade et parti depuis quelques semaines.
Et c'est là, dans cette solitude de Saint- Gerlach, que, six
mois plus tard, l'autorité compétente lui ordonna de
remonter à Saint-Charles, non plus cette fois comme
simple professeur, mais pour recueillir la succession du
R . P . Ravaux et devenir ainsi l'âme d'une des plus
grandes maisons de la Congrégation. C'était le 16 juillet,
jour anniversaire de son oblation perpétuelle ; il avait
trente ans, juste l'âge de perfection. Singulier cadeau
d'anniversaire que ce nouveau supériorat, qui, tout en fai-
sant honneur à l'élu, n'en formait pas moins un fardeau
bien plus lourd que le précédent. Mais le Père avait de
robustes épaules ; sa belle intelligence, son bon jugement,
son esprit calme et résolu, sa longue expérience des choses
d'enseignement et d'éducation permettaient d'espérer qu'il
saurait porter le fardeau sans fléchir. Et ne venait-il pas
de faire un apprentissage de la conduite des âmes? Ars
artium, regimeyi animarum ?
En attendant, il devait rester plusieurs semaines encore
— 147 —
à Saint-Gerlach, afin de servir comme de mentor ou d'ini-
tiateur à celui qui lui succédait là-bas. Aussi, dans l'après-
midi du 17 juillet, la communauté de Saint-Charles,
musique en tête, descendit elle-même au noviciat pour y
saluer et fêter une première fois son nouveau supérieur.
Celui-ci monta le lendemain chez elle, mais seulement
pour présider la conférence où furent discutés et rédigés
les certificats des élèves quant à leur application et à leur
conduite ; ce lut son premier acte de supérieur. Le 8 août,
il vint assister à la petite fête du départ pour les vacances,
et profita de cette occasion pour donner de salutaires con-
seils aux junioristes, leur recommandant surtout de ne
pas oublier leur Mère du ciel, tandis qu'ils auraient le
bonheur de séjourner près de leurs mères de la terre.
Enfin le 15 août, en la belle fête de l'Assomption, il prit
congé de la communauté du noviciat et nous arriva dans
la soirée pour s'installer définitivement au milieu de nous.
Il va sans dire que les demeurants lui firent un accueil
aussi solennel et joyeux que possible.
Durant les cinq années qu'il fut à la tète du juniorat de
Saint-Charles, il se montra partisan de ce sage conserva-
tisme que recommandait l'Apôtre : Quod bonum est tenete,
se conformant, autant que faire se pouvait, aux bonnes
traditions de ses devanciers et maintenant le bien créé par
eux. D'autre part, il les imita aussi en continuant à mener
l'œuvre dans la voie du progrès, où ils s'étaient hardiment
engagés. Ainsi, sous lui on ne se contenta pas — ce qui du
reste s'imposait — d'achever la chapelle , la cour des
récréations avec son arrangement actuel et les grandes
dépendances ; de son supériorat datent encore les quatre
tours, le revêtement en ciment et la toiture entièrement
renouvelée de l'aile droite; puis l'installation du paraton-
nerre, la remise ajoutée aux écuries, et d'autres améliora-
tions importantes à l'intérieur et à l'extérieur de la maison
(V. Missions, déc. 1910, p. 382, 395 et 39G; sept. 1911,
p. 321). Voilà pour le matériel.
— H8 —
Voici maintenant pour le spirituel. Dans la réunion où
les junioristes lui offrirent, pour la première fois, leurs
souhaits de bonne année, le R. P. Watterott attira précisé-
ment leur attention sur le progrès matériel qui s'était fait
jusque-là autour d'eux et en somme pour eux. Puis il leur
rappela un autre progrès qu'ils étaient appelés à faire eux-
mêmes ; c'était, disait-il, c le progrès dans les sciences,
dont aucune branche ne doit être dédaignée ou traitée de
purement secondaire » ; c'était « le progrés dans les vertus,
dont aucune ne doit être négligée par eux » ; c'était, en
particulier, » le progrès dans les trois vertus caractéristi-
ques du vrai junioriste, la piété, la docilité et l'amour de
sa sainte et sublime vocation comme moyens d'y persévé-
rer ». C'était, on le voit, le progrès spirituel. Eh bien I c'est
à ce progrès que le troisième supérieur de Saint-Charles
travailla de toutes ses forces, comme l'avaient fait les
deux premiers. Pour les études il insistait surtout, et
avec raison, sur l'importance que les élèves devaient
attacher aux matières prétendues secondaires ou sciences,
et il ne pouvait tolérer qu'on vînt à les négliger volon-
tairement.
Et pour la vertu donc ou la bonne conduite ! Dans une
autre réunion de la veille de l'an, l'admoniteur chargé de
lire l'adresse avait eu la gracieuse pensée de comparer le
juniorat à un jardin, dont les junioristes étaient les arbres
et les plantes, et leur vénéré supérieur le jardinier. Or, ce
jardinier, il est vrai, était par ailleurs un père pour eux;
il connaissait la légèreté, la faiblesse, le feu du jeune âge;
il savait temporiser, être modéré dans ses jugements et
user de clémence envers nos benjamins. Mais si dur que
cela fût à son cœur de père, en bon jardinier, il émondait
les jeunes arbres ou les redressait quand il le fallait ; il
n'écartait pas seulement ceux qui occupaient inutilement
la place, c'est-à-dire qui étaient incapables de se dévelop-
per et de porter des fruits de science ; il arrachait sans
hésitation ni crainte aucune les herbes dûment reconnues
— 149 —
pour mauvaises, préférant la qualité au nombre et sauve-
gardant ainsi l'intégrité morale de l'éiablissement.
Pour contribuer plus efficacement encore au bien spiri-
tuel de notre chère jeunesse, il publia en 1902 un petit
traité pédagogique — pédagogie pratique — ayant pour
titre : « Education et enseignement dans les internats
ecclésiastiques. » Ce traité, par son contenu, répond parfai-
tement au but que l'auteur se proposa. Ecrit avant tout
pour des professeurs de juniorat, il montre excellemment
à ceux-ci la manière de bien former leurs élèves, tant au
point de vue du caractère qu'au point de vue des facul-
tés intellectuelles, et nous apparaît ainsi comme un bon
guide d'enseignement et d'éducation . Mais les solides
principes et les sages conseils qui s'y trouvent réu-
nis, peuvent également avoir une large application dans
toutes sortes d'établissements ecclésiastiques ou religieux.
Aussi, l'apparition du petit opuscule, le premier sorti de la
plume de l'auteur, a été saluée avec joie, non seulement à
Saint-Charles, mais encore la presse elle-même s'en est
occupée et en a relevé la valeur incontestable, dont on se
convainc aisément par une lecture attentive.
Soucieux du bien-être moral de nos enfants, le R. P.
Watterott ne l'était pas moins de leur bien-être physique;
et à ce propos nous ne voulons noter ici que deux change-
ments qui furent faits au règlement sous lui. Première-
ment : à partir de 1901, les junioristes furent obligés
d'aller tous chez eux pour les grandes vacances, tandis
que jusque-là ceux qui le voulaient pouvaient passer ces
vacances à Saint-Charles même. Deuxièmement : à partir
de janvier 1903, le Rév. Père Supérieur, dans sa sollicitude
pour la santé de nos élèves, accorda un second déjeuner,
plus léger sans doute que le premier, ce qu'on avait dti
permettre auparavant à ceux de nos enfants d'une consti-
tution plus faible. Ces innovations, bien entendues, mar-
quaient un vrai progrès , n'eût-ce été qu'à cause du
profit qui en revenait aux santés. Pour ce qui est en
— 150 —
particulier des vacances, il n'est pas seulement avanta-
geux que tous les enfants aillent respirer pendant quel-
ques semaines l'air du pays natal; eux étant tous partis,
il y a aussi pour tous les Pères professeurs possibilité de
jouir d'un délassement, d'un repos complet, bien mérité
et nécessaire.
Enfin, il est encore une chose dont le nom est venu plu-
sieurs fois déjà sous notre plume, et qui, sans être stricte-
ment nécessaire, ne manque pas d'utilité, même dans un
juniorat, c'est la musique. C'est un des beaux arts, un art
d'agrément, un art récréatif, pour lequel les jeunes gens,
pour si peu qu'ils en aient le goût et le talent, s'enthou-
siasment facilement. Cultivé sagement et modérément, cet
art ne sera pas seulement pour nos enfants une source
d'innocentes jouissances; il peut encore nourrir ou déve-
lopper en eux le sens du beau, et c'est là un vrai bien,
loin d'être chose déplacée chez de futurs prêtres ou mis-
sionnaires. Aussi le R. P. Watterott, ayant constamment
en vue le plus grand bien du juniorat, portait un vif
intérêt et prêtait un puissant appui à la musique soit
vocale, soit instrumentale, et pour cette dernière à l'or-
chestre et à la fanfare, mais principalement à l'orchestre,
qui prit sous lui un grand essor.
Pour lui, comme pour ses deux prédécesseurs , nous
n'avons donné qu'en abrégé ce qui est épars dans les
cahiers de la chronique locale. D'après la même chronique,
nous pourrions ajouter, ad abundantiam, que les travaux
du saint ministère ne lui furent pas complètement étran-
gers. Au contraire, nous le voyons de temps à autre aller
au secours d'une paroisse en détresse, prendre part à des
missions, soit comme prédicateur, soit comme confesseur,
prêcher des retraites, donner des conférences dans les
communautés du voisinage, y remplir les fonctions de
confesseur ordinaire ou extraordinaire. On estimait et l'on
goûtait ses conférences sérieusement faites, pleines de
logique, de bon sens et de saine spiritualité. L'année der-
— 151 —
nièie (1911), il en ût paraître, chez Herder, en Bade, un
beau recueil intitulé : « Vie religieuse et esprit religieux i.
Différentes revues en ont parlé en termes très élogieux, et
la meilleure preuve qu'il a été bien accueilli, c'est que la
première édition a été épuisée en moins d'un an.
Mais ce saint ministère, qu'il n'avait jamais cessé d'ai-
mer, pour lequel il se sentait même un attrait particulier,
le R. P. Watterott allait bientôt pouvoir l'exercer sur une
plus haute et plus vaste échelle. Voici comment. Au mois
d'août 190i, il se rendit, comme représentant de nos mis-
sions de la Cimbébasie, au Cliapitre général de Liège. Dans
ce Chapitre, le R. P. Simon Scharsch, jusque-là provincial
d'Allemagne, fut élu assistant général; d'où nécessité de
lui donner un successeur dans le gouvernement de la pro-
vince qu'il devait quitter. Or, le 25 septembre, on reçut à
Saint-Charles la nouvelle officielle que ce successeur était
le R. P. Ignace Watterott. Provisoirement, il n'avait que
le titre de vice-provincial, mais tous les droits d'un pro-
\'incial. Sa nomination définitive comme provincial d'Alle-
magne arriva à la fin du même mois, et c'est comme
provincial que nous le retrouverons plus tard dans notre
rapport.
Que l'administration générale ait dit précisément au
R. P. Watterott : Ascende superius, ce fut assurément
pour la maison de Saint-Charles autant que pour lui un
insigne honneur. Mais c'est plus encore un devoir pour
elle de ne jamais oublier le bien que cet excellent Père lui
a fait pendant les huit années de son professorat et les
les cinq années de son supériorat.
4o Le R. P. Jean-Nicolas Metzinger. — Un des premiers
actes du R. P. Watterott, devenu provincial, fut de se
donner un successeur dans la charge de supérieur local,
de donner un nouveau directeur au juniorat de Saint-
Charles. Il le choisit parmi les Pères de la maison môme
en la personne du R. P. Jean-Nicolas Metzinger.
— 152 —
Ce Père, originaire, lui aussi, de la Lorraine, était déjà
entré au juniorat de Heer en 1883, et fut, comme le R. P.
Watterott, un des premiers junioristes de Saint-Charles.
Après deux années de scolasticat, dont l'une à Bleyerheide
et l'autre à Liège, il reçut son obédience pour la maison
de Saint-Charles, où il arriva au mois d'août 1892. Jus-
qu'en 1896, il y remplit les différentes fonctions de pro-
fesseur, achevant entre temps ses études théologiques et
recevant les ordres sacrés, le sous-diaconat et le diaconat
en 1894, et la prêtrise en 1895 au scolasticat de Liège.
Au mois d'août 1896, il fut nommé économe de la mai-
son, et il le resta pendant plus de huit ans, professant
conjointement les mathémati(|ues et la physique dans les
classes supérieures. Dès les premiers jours, remarque le
chroniqueur, il donna des preuves de son savoir-faire,
s'annonçant comme un maître dans sa carrière ; et cette
carrière, il la fournira vaillamment. C'est que, pour parler
avec notre Maria Immaculata (juillet 1910), cet économe,
jeune encore, bien doué, homme à initiatives et au juge-
ment droit, était doublé d'un architecte, d'un entrepreneur,
d'un bon financier et d'un habile administrateur. C'est lui
qui dirigea tous les travaux que nous avons mentionnés
en parlant des PP. Ravaux et Watterott. Autant que pos-
sible, il les faisait exécuter par nos bons et dévoués Frères
convers; et tout en déployant une grande activité, tout
en se montrant infatigable, il tenait sagement compte des
ressources disponibles pour le moment : de cette manière,
il avançait sans précipitation, mais sûrement, dans la
réalisation graduelle de ses plans, à l'exemple, sans doute,
de ces braves anciens qui n'ont point bâti Rome en un
jour. A la direction des travaux de construction, il joi-
gnait encore, d'une part, la surveillance de ce qui devait se
faire à la ferme : bon entretien des grandes dépendances,
bonne culture des champs ; de l'autre, la besogne et les
soucis quotidiens que donne à tout économe la marche
régulière et satisfaisante d'une communauté , surtout
— 153 —
quand il s'agit d'une communauté aussi nombreuse que
celle de Saint-Charles. Enfin, depuis 1900 jusqu'en 1904,
le R. P. Metzinger était encore membre du conseil local
comme deuxième assesseur.
Par là, il fut parfaitement initié aux affaires si compli-
quées de la maison et à leur difficile maniement; il était
bien au courant de tout ; comme on a coutume de dire, il
connaissait bien la situation, et cela non seulement pour
le côté matériel, mais encore pour le côté spirituel. Car,
nous l'avons dit, il faisait en même temps partie du corps
professoral et se trouvait aussi fréquemment en contact
avec les élèves qu'avec les Frères convers ; et quant au
domaine si étendu des Lettres et des Sciences, ce n'était
nullement pour lui une terre inexplorée. Ainsi, lorsque le
R. P. Watterott dut se déciiarger du supériorat de Saint-
Charles, il savait sur quelles bonnes épaules il en mettait
le fardeau en en chargeant celles du R. P. Metzinger ; et
c'est ce qu'il fit le 2 octobre 1904, en la fête du Très Saint
Rosaire, sans causer par là de surprise à personne.
Désormais donc le R. P. Metzinger sera le représentant
officiel du bon Dieu parmi nous. « Si, avec l'aide de Dieu
et avec l'appui efficace des supérieurs, disait-il le jour de
son installation, il a pu jusque-là, simple économe, faire
progresser l'œuvre du juniorat, il est maintenant plus que
jamais résolu à marcher dans la même voie ; il usera de
tous ses droits de supérieur et de tous les moyens que la
Providence mettra à sa disposition, pour perfectionner, si
c'est possible, ce que ses devanciers ont si brillamment
commencé. » Or les travaux et les faits qui ont signalé son
supériorat prouvent surabondamment que sa résolution au
début a été bien sérieuse et ferme; nous n'en citerons que
les principaux dans l'ordre chronologique. Donc, coup sur
coup, on vit se succéder : en 1904 (octobre), nouveau dal-
lage de la grande galerie qui passe devant la chapelle; —
en 1905, nouvelle et troisième grande fournée de briques,
nouveau dallage du long corridor de l'aile droite, installa-
— 154 —
tion de l'éclairage à l'acétylène; en 1006, reconstruction de
l'aile gauche sur l'emplacement de l'ancienne chapelle pour
les différents ateliers et les machineries, nouveau petit
cimetière, jonction du bâtiment central avec l'aile droite ; —
en 1907, second achat de terres, installation d'un nouveau
moteur, jonction du bâtiment central avec l'aile gauche et
par suite achèvement de la grande façade, installation du
chauffage central à vapeur ; — en 1908, grenier de l'aile
droite aménagé pour vestiaires ; crépissage en ciment de la
grande façade ; — en 1909, achèvement de la nouvelle salle
du théâtre commencé l'année précédente ; — en 1910, achè-
vement de la double serre du jardin potager commencée
l'année précédente, installation des orgues à la chapelle.
En considérant tout ce qui s'est fait ainsi sous le
R. P. Metzinger comme économe et supérieur local, on peut
affirmer, avec le chroniqueur de la Maria Immaculata
(juillet 1910), que la maison de Saint-Charles lui doit son
cachet, sa forme architecturale actuelle. Les détails de cette
forme, le R. P. J.-B. Lemius, provincial du Nord, les sut
habilement grouper et mettre en relief dans le spirituel
toast qu'il porta au R. P. Metzinger au dîner des fêtes
jubilaires, et qui fut joyeusement applaudi de tous les
convives. Et plus tard son successeur dans la direction du
juniorat lui dira avec raison qu'ici tout est comme son
œuvre, qu'il n'y a pas une motte de terre, pas une pierre
qui ne proclame son nom.
Pourtant la prospérité matérielle, le développement des
bâtiments avec leurs murs froids et inanimés, n'était pour
lui, pas plus que pour ses trois prédécesseurs, le but prin-
cipal. 11 visait avant tout au perfectionnement spirituel de
notre beau juniorat ; et c'est bien là ce qui le porta même
à faire au règlement ou aux coutumes de la maison quelques
modifications très intéressantes et utiles. L'une de ces modi-
fications regardait les vacances. Jusqu'en 1005, les grandes
vacances avaient duré deux mois entiers, disons neuf
semaines. De ces neuf semaines les élèves passaient les
— 155 —
trois premières ici, puis on les envoyait cliez eux pour les
six semaines suivantes. Or, à partir de l'été de 1905, les
grandes vacances ne devaient plus durer que six semaines,
et les enfants partaient immédiatement après la clôture de
l'année scolaire. Quant aux trois semaines qu'ils avaient
précédemment en plus, elles étaient réparties sur l'année
scolaire même : ainsi les vacances de Noël se prolongeaient
toujours jusqu'à l'Epiphanie ; il y avait huit jours de
vacances après le premier semestre, vers le 17 février, et
l'on donnait congé toute l'octave de la Pentecôte. De cette
manière les enfants avaient de plus fréquents et de plus
longs délassements au milieu de leurs travaux, et pendant
les grandes vacances ils étaient moins exposés à s'ennuyer
ici ou chez eux. — De plus, jusqu'en 1907, les ex-rhétoriciens
ou élèves de première n'allaient plus en vacances; en atten-
dant leur postulance, qui commençait trois semaines
plus tard (8 août), ils restaient ici, sans manquer tout
de même de divertissements. A partir de 1907, on leur
accorda de nouveau la faveur de revoir encore une fois
les leurs et de se reposer au pays natal, avant d'entrer au
noviciat.
Une seconde modification avait rapport à la marche des
études, notamment aux examens. Depuis de nombreuses
années déjà jusqu'en 1908, l'année scolaire était divisée en
deux semestres. A la fin de chaque semestre il y avait des
examens oraux sur les trois langues latine, grecque et
française ; huit jours avant ces examens oraux avaient lieu
les examens écrits sur toutes les matières : pour chacune
des matières secondaires ou sciences on faisait faire un
travail, et pour chacune des quatre langues trois petites
compositions, dont une sur la grammaire. Et l'on s'en
tenait toujours rigoureusement à ce système. Or, au mois
de juillet 1908, on le modifia une première fois, dans ce sens
que, pour chacune des quatre langues, on ne demanderait
plus que deux compositions, le travail sur la grammaire
étant supprimé, et ceux qui obtenaient l'une des deux
— 156 —
premières notes pour l'écrit étaient dispensés de l'oral. Au
mois de juin de l'année suivante (1909), on mitigea encore :
les examens écrits sur les matières secondaires ne se fai-
, saient plus huit jours avant l'examen oral, mais tout le
long du mois qui précédait cet examen ; le jour était laissé
au choix du professeur. Au mois de décembre 1909 on en
vint tout simplement au système que nous avons indiqué
dans la seconde partie de notre ran^T^ort {Missions, juin 1911,
p. 202) : l'année scolaire était divisée en trois trimestres, il
n'y avait plus ni examen écrit ni examen oral, sauf à la
fin du dernier trimestre un examen oral sur les langues
latine, grecque et française.
Autres modifications. — Jusqu'en 1905 les séances théâ-
trales étaient données par des élèves pris dans différentes
classes, et tout se faisait sous la direction du même Père.
A partir de 1905 (janvier), les différentes classes organi-
saient ces séances à tour de rôle, comme nous l'avons
marqué ailleurs {Missions, sept. 1911, p. 326), et chacune
sous la direction de son professeur ordinaire ; on ne faisait
exception que pour la fête du R. P. Supérieur ou quelque
grande circonstance analogue. — Enfin, jusqu'en 1908,
d'après une très ancienne coutume, les promenades ordi-
naires avaient lieu le lundi et le jeudi. Mais depuis sep-
tembre 1908 elles restèrent fixées au mercredi et au samedi,
conformément à l'usage suivi par les écoles primaires en
Allemagne ; il y avait ainsi un repos plus long au milieu
de la semaine, et le samedi il était plus facile aux Pères
professeurs de s'absenter en cas de besoin pour le saint
ministère.
On le voit, la plupart de ces changements avaient pour
effet partiel d'alléger quelque peu le fardeau qui est placé
sur les jeunes épaules de nos enfants et de ménager leurs
forces et leur santé ; ils pouvaient par suite, s'ils le vou-
laient bien, se livrer à l'étude avec d'autant plus d'énergie
et de constance. Mais, abstraction faite de ce bon résultat,
le R. P. Metzinger, plein de bonté et de condescendance
— 157 —
pour eux, ne manquait pas de leur rendre la vie agréable
et de gagner leurs cœurs d'autres manières encore. Eux,
qui célébraient la Saint-Jean-Baptisfe, sa fête patronale,
avec tant de magnificence et une indicible allégresse, il
les payait avec usure, non seulement en paroles, mais
encore en actes, parsemant leur année scolaire de petites
et de grandes joies, lesquelles sans doute étaient parfois le
triomphe de leur diplomatie. Aussi, quand, dans les réu-
nions ou après les séances, il leur parlait en un langage
vigoureux et il leur faisait la morale avec des compliments,
c'était plaisir de les voir tous massés autour de lui, l'écou-
tant avec avidité et l'acclamant avec chaleur.
Nous ne voudrions point passer un point, où le R. P. Met-
zinger nous apparaît comme le digne imitateur de ses de-
vanciers par rapport au bien moral de nos junioristes.
Est-il besoin de le dire ? Lui qui suivait consciencieu-
sement la marche de toute la communauté et donnait
l'exemple, il inculquait assidûment à nos futurs Oblats
l'exacte observance de leur règlement, surtout d'un certain
article qui est si nécessaire dans un bon internat et si
avantageux : nous voulons dire le silence. Ne s'écarter
aucunement de la ligne tracée par le règlement, c'est pour
de braves junioristes comme pour le vrai religieux le
propre de l'obéissance parfaite. Mais cette obéissance,
l'excellent Père Metzinger la voulait chez nos enfants non
pas forcée, comme l'obéissance des esclaves ou des hypo-
crites, ad oculum servientes , mais spontanée, joyeuse,
pratiquée par conscience et pour Dieu seul, dont la voix
nous appelle en tout. Or, cette obéissance, cette fidélité
exacte au devoir, unie à la charité fraternelle et à la piété,
qu'il leur faisait puiser dans la communion fréquente, était,
pensait-il avec raison, une condition essentielle de cette
bonté et de cette fermeté de caractère dont on parle tant
de nos jours, et pour nos junioristes le gage de leur persé-
vérance dans leur vocation : car l'obéissance mène à la
victoire finale sur tous les obstacles et préserve l'obéissant
— 158 —
de la lâcheté, de la honte et de l'ingratitude attachées à la
désertion.
Tel fut, pour taire le reste, le travail du R. P. Metzinger
dans l'intérieur de la maison. Quant à l'extérieur, il est
allé quelquefois prêter main forte à nos missionnaires
pour les confessions. Ses autres sorties ou voyages se
résument à ceux que demandait sa qualité de consulteur
provincial, ou que tout supérieur peut être appelé à faire
soit en vertu de sa charge, soit pour les intérêts de sa
communauté; et ces intérêts, pour le dire en passant, le
R. P. Metzinger les servit encore en pratiquant une géné-
reuse hospitalité envers nos visiteurs, et en entretenant de
bonnes relations avec les anciens amis et bienfaiteurs,
ecclésiastiques ou laïques.
Au mois de septembre 1908 il eut le grand honneur et le
rare bonheur de faire le voyage de Rome comme délégué
de la province d'Allemagne au chapitre général. Il lui fut
ainsi donné de voir Notre Saint-Père le Pape Pie X et de
contempler les merveilles de la Ville Eternelle. Mais ni ces
merveilles, ni les longs travaux du chapitre ne purent l'em-
pêcher d'imiter vis-à-vis de ses enfants de Ravensbosch la
conduite de l'Apôtre, qui écrivait aux Colossiens : Bien
qu'absent de corps, je suis de cœur avec vous : Etsi cor-
pore absens sum, sed spiritu vobiscum siim. A son retour,
qui eut lieu le 4 novembre, en la fête de la maison, par
une magnifique journée d'automne, on lui fit une réception
si belle en son genre, qu'à ses yeux elle l'emportait sur
tout ce qu'il avait vu de beau durant tout son voyage.
A côté de cette joie extraordinaire il eut celle de nous
faire célébrer deux grands jubilés, l'un au commencement,
l'autre vers la fin de son supériorat. Le premier, au mois
de décembre 1904, coïncidait avec la fête patronale de notre
Congrégation ; c'était le 50" anniversaire du beau jour où le
glorieux Pie IX proclama solennellement le dogme de l'Im-
maculée Conception. Le soir de ce mémorable jubilé, à la cour
des récréations, nous eûmes des feux d'artifice très variés
— 159 —
et des mieux réussis ; l'orchestre joua plusieurs beaux mor-
ceaux et, à la fin, la statue de la Vierge fut splendidement
illuminée de feux de Bengale. Pour les feux d'artifice et
l'illumination on avait fait venir un connaisseur d'Aix-la-
Chapelle, un tout vieil ami de la maison, M. Farber, père
de l'un de nos meilleurs missionnaires. — Le second jubilé,
au mois de juillet 1910, c'était le 25« anniversaire de la fon-
dation de Saint-Charles, déjà connu des lecteurs. Aux fêtes
organisées pour cet anniversaire on n'avait invité à dessein
que des Oblats ; on s'était réservé de réunir, à des époques
plus favorables, les membres du clergé voisin, ainsi que les
amis et bienfaiteurs de l'établissement, d'autant plus que
pour des étrangers les petites réunions ont leur charme
particulier. Or, la réunion des membres du clergé eut lieu
au commencement d'octobre 1910, et fut telle qu'on l'avait
espéré ; tous les prêtres des environs non retenus par le
saint ministère nous firent le plaisir de s'asseoir à notre
table.
Le 15 du môme mois, fête de sainte Thérèse, était le
25® anniversaire réel de la fondation de la maison ; on
accorda grand congé aux élèves et on leur fit visiter pour
la première fois les nouvelles catacombes de Fauquemont.
— Le 28 octobre suivant, le R. P. Metzinger bénit solennel-
lement nos nouvelles orgues, qui venaient d'être achevées ;
et le 12 novembre il bénit de même une belle et grande
croix élevée au fond du nouveau cimetière, d'où elle semble
couvrir de son ombre protectrice tout le domaine de Saint-
Charles et ses heureux propriétaires.
Or, l'érection de cette croix devait être la fin et comme le
digne achèvement de tous les travaux du R. P. Metzinger.
Quelqu'un, dont il nous faut encore taire le nom, l'a dit
avec beaucoup d'à-propos : depuis le départ du R. P. Le-
grand, le navire de Saint-Charles, déjà très avancé à cette
époque, ne cessa de rivaliser dans la voie du progrès avec
les gigantesques vaisseaux des temps modernes, en prenant
les admirables développements que nous lui voyons ; et ces
— 160 —
développements sont tous, à un titre ou à un autre, l'œuvre
du R. P. Metzinger. Celui-ci, en capitaine distingué comme
le R. P. Legrand, a heureusement conduit le navire, le
ramenant, à travers toutes sortes de difticultés, dans le
même port, mais plus élargi ; et il l'a conduit, il a été au
gouvernail pendant six ans. Il a donc atteint la limite
extrême du service régulier. Aussi, son amiral, forcé lui-
même par la consigne, ne lardera pas à l'appeler à la re-
traite, disons mieux à un repos temporaire bien mérité.
En effet, dans la matinée du 22 novembre 1910, le R. P.
Kassiepe, notre vénéré provincial actuel, arriva au milieu
de nous, la première fois depuis sa nomination, et annonça
aux Pères et Frères réunis à la salle des exercices, et aux
junioristes au réfectoire qu'il était venu pour remplir un
des devoirs les plus pénibles de sa charge; nos saintes
Règles exigeaient qu'il nous enlevât un ami personnel, un
fidèle collaborateur dans l'administration provinciale, un
Père qui a fait prospérer le juniorat de Saint-Charles pen-
dant 4 années de professorat, 8 années d'économat et
6 années de supériorat, donc un Père à qui la Congré-
gation entière et la province d'Allemagne en parti-
culier sont redevables de tant et de si grands biens ; et ce
Père, c'était notre bon Père Metzinger.
Mais en remplissant ce devoir inéluctable, le R. P. Pro-
vincial sut en adoucir délicatement les douloureuses consé-
quences, et voulut que la dernière journée que le supérieur
partant passait ici, fût autant que possible une journée de
fête, d'une vraie fête de famille en son honneur ; ce devait
être comme la preuve extérieure de notre affection et de
notre gratitude envers lui. La séance des adieux, qui eut lieu
dans la soirée, à la salle du théâtre, sous la présidence du
R. P. Provincial, fut vraiment des plus touchantes et par
suite des plus belles. Trois orateurs y prirent la parole :
le premier admoniteur, au nom des junioristes ; le R. P.
Wfber, le nouveau supérieur, au nom de toute la commu-
nauté ; et le Supérieur partant. Les choses qu'ils nous
— 161 —
dirent tous les trois, fuient de celles dont le grand Bossuet
pensait qu'on ne fait que les affaiblir en les répétant. Nous
les laisserons donc deviner au lecteur ; il devinera égale-
ment les émotions dont elles remplirent tous les cœurs, et les
larmes qu'elles arrachèrent aux yeux de celui qui ne nous
parlerait plus, et de ceux qui allaient le perdre.
Le lendemain, 23 novembre, pour la dernière fois il dit
la messe de communauté dans cette belle chapelle qu'il avait
aidé à bâtir, et distribua aux junioristes la sainte commu-
nion, dont il leur avait si souvent recommandé la fréquente
réception. Bientôt après, ce fut le moment du dernier
adieu : l'accolade aux Pères et aux Frères, la main aux
enfants réunis devant l'entrée principale, et la voiture
emporte le quatrième supérieur de Saint-Charles vers la
station de Fauquemont. Mais nos braves junioristes ne
peuvent se résigner à laisser partir seul un Père si ardem-
ment aimé : tous, gardant le silence le plus profond, le
suivent jusqu'à la gare, dont le chef leur laisse le libre
accès. Et tout le long de ce trajet, de Saint-Charles à la
gare, la bonne nature exerce, plus fortement encore que la
veille, tout son empire sur le cœur de celui que l'obéissance
séparait de nous ; ce cœur, prêt pourtant au sacrifice depuis
longtemps, saigne surtout maintenant ; et en saignant il se
sent réellement attaché par toutes ses fibres au beau junio-
rat de Saint-Charles, il sent qu'une séparation même pure-
ment extérieure ne peut être que déchirante après 18 années
d'affectueux dévoûment et de travail.
Vers 9 h. le train d'Aix déroba le bien-aimé Père Metzin-
ger à nos regards ; et si, ce qu'à Dieu ne plaise, nos cœurs
ne suffisaient pas à perpétuer son souvenir parmi nous, eh
bien ! cette grande croix blanche, naguère érigée par lui au
milieu de nos morts, nous le rappellerait sans cesse avec la
plus touchante éloquence.
Voilà ce que furent les quatre premiers supérieurs de
Saint-Charles ; voilà comment ils ont travaillé à cette
11
— 162 —
grande œuvre providentielle. Jamais, ainsi que notre Père
Provincial le disait si justement aux junioristes en leur
parlant du bon Père Metzinger, jamais on ne saura tout ce
que celui-ci et ses trois prédécesseurs ont mis d'intelli-
gence, d'énergie, d'expérience et de dévoûment au service
de cette chère maison, tout ce qu'ils ont dépensé de forces
et tout ce qu'ils ont entrepris pour la faire prospérer. Que
de labeurs, de fatigues et de sueurs ! que de soucis, d'en-
nuis et de tracas ! Mais aussi quelle somme de mérites et
que de magnifiques résultats !
Une des pages illustrées de la Maria Immaculala
(juillet 1910) représente le groupe des bâtiments de Saint-
Charles; tout autour, comme pour servir d'encadrement,
se trouvent les portraits des quatre supérieurs locaux,
dont ils sont l'ouvrage. A côté de ces bâtiments, qui peu-
vent disparaître un jour comme tout ce qui est terrestre,
ces quatre bons ouvriers du Seigneur ont élevé un autre
monument, mais celui-là indestructible, dans nos cœurs ;
et ce monument, Dieu le sait, porte l'inscription :
« Honneur et vénération, amour et reconnaissance à tout
jamais aux Pères Léon Legrand, Nicolas Ravaux. Ignace
Watterott et Jean-Nicolas Metzinger ! »
Saint-Charles, 11 février 1912.
Le Chroniqueur de Saint-Charles.
— 163 —
COLOMBIE BRITANNIQUE
Les origines de nos missions de l'Orégon,
d'après nn mémoire du Père Ricard.
{Suite. Voir Missions, mars Î9i2, p. 67.)
Quelques Fondatioas de Missions.
Je pense qu'on lira avec plaisir une amusante aventure
qui servit comme de prélude à l'étroite amitié qui s'établit
entre le R. P. Accolti, jésuite, supérieur de Saint-François
Xaxier, et moi.
Dès le premier voyage de janvier, comme il faisait froid,
M. Rousseau et moi quittâmes le bateau à la Butte, un peu
en dessous du campement de Sable, et nous nous dirigeâmes
par terre vers Saint-Paul. Ayant perdu la vraie route,
nous n'arrivâmes qu'à une heure assez avancée dans la
soirée ; les évêques étaient à table, et le P. Accolti se trou-
vait ce soir-là au nombre des invités. On nous introduit
dans une salle voisine de la salle à manger, puis, bientôt,
la porte s'entr'ouvre ; un personnage (c'était le Père
Accolti) \TLent à moi, et, les bras ouverts, me presse sur son
cœur tout comme un frère. Sans distinguer qui c'était, et
pensant me trouver dans les bras de l'archevêque, je tombe
à genoux et demande une bénédiction. Tout cela se passait
sur le seuil de la porte et égayait \'ivement les convives.
« Allons, relevez-vous, me dit le P. Accolti, voici l'arche-
vêque. Et il me conduisit auprès de Sa Grandeur.
Je passai la nuit à l'archevêché, et, dès le lendemain, le
P. Accolti m'emmenait à son établissement de St-François
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Xavier. Depuis lors, le P. Accolti fut pour moi un conseiller
et un guide. J'en avais grand besoin dans un pays tout
nouveau et dans des circonstances assez difficiles.
Ce fut à St-François Xavier, à la suite d'une retraite, que
je conçus le projet de fonder une maison du côté de Nes-
qually. La guerre, en effet, ne nous permettait pas de
retourner chez les Walla-Walla. D'autre part, les PP. Ghi-
rouse et Pandosy suffisaient pour la mission des Yakamas,
et l'archevêque n'avait demandé personne pour son diocèse
proprement dit. Dès le début pourtant. Sa Grandeur nous
avait parlé de la Baie Puget, où, disait-il, il y avait beau-
coup de sauvages. Mgr Demers, premier évoque de Victo-
ria, en Colombie britannique, préparait son voyage en
Europe et semblait, de son côté, disposé à appeler, à son
retour, les Oblats dans son diocèse. Je crus donc que les
Oblats n'auraient à s'occuper utilement qu'en remontant
vers le nord. Ainsi un établissement du côté de Nesqually
nous conviendrait parfaitement, et là, bien plus qu'à
Sainte-Rose, nous pourrions communiquer avec les supé-
rieurs. Et puis, pensai-je encore, si la guerre devient géné-
rale, les Oblats ne pourront pas même rester chez les
Yakamas. Je réunis donc mes frères en conseil et leur fis
part de mon projet d'un établissement où, en cas de besoin,
ils trouveraient un asile. Le projet rencontra l'approbation
de tous.
Il y avait encore peu d'Américains du côté de Nesqually,
mais le pays n'en était pas moins sous la protection du
gouvernement. L'avenir nous paraissait là, bien plus sûr
qu'à l'est de la chaîne des Cascades. En conséquence, malgré
les efforts de l'évéque pour me retenir, et tandis que mes
frères remontaient chez les Yakamas, je pris la route de
Nesqually et j'arrivai au fort de ce nom le 30 mai. L'arche-
vêque avait cru devoir me donner pour compagnon de
voyage M. Veyret, qu'il envoyait se fixer dans l'île
Whisby. M. Tolmie, bourgeois du fort, nous accueillit très
bien.
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Comme en ce pays les colons se plaçaient où ils voulaient
et prenaient possession des terrains libres à leur conve-
nance, je voulais moi aussi — rien n'empêchant un prêtre
d'être colon — prendre un lot d'un mille carré près du fort
et m'y établir. J'arrivais trop tard ; la compagnie était
censée posséder douze milles carrés autour du fort, et
comme en ce moment on croyait que le gouvernement
américain ne tarderait pas à acheter toutes les terres et
tous les établissements de la compagnie, les agents ne
crurent pas pouvoir m'accorder ce que je désirais. Sur ce,
j appris que les Américains avaient construit un moulin
sur la Baie, à un endroit appelé New-Market. Le 16 juin, j'y
allai avec un guide, et, grâce aux Américains, je visitai la
Baie en canot. Le paysage, quoique magnifique, était peu
engageant pour un missionnaire. On ne voit partout que
des forêts aux arbres énormes. Néanmoins je me décide à
fonder une mission sur la Baie, à quatre milles au-dessous
de la chute New-Market, bien qu'il n'y ait encore dans ces
parages que cinq ou six familles et quelques Américains.
Un accord avec deux de ces derniers fut conclu pour la
construction de la maison, et l'on se mit à l'œuvre sans
relard. Après avoir placé cette mission sous la protection
de saint Joseph, je quittai bientôt le fortNesqually avec un
homme de service pour revenir ensuite dans la nouvelle
mission de Saint-Joseph.
Les PP.Chirouse et Pandosy, lesFF.Blanchet et Vernet,
avec deux hommes de service, étaient, de leur côté, arrivés
chez les Yakamas le 6 juillet. Ils y construisirent une mai-
son et appelèrent leur mission « la Conception ». C'était sur
les terres de Tiaïès et d'Aourrhaï. Un autre chef, nommé
Kamaïarkan, manifesta à son tour un vif désir d'avoir des
prêtres sur ses terres, situées en dessous des possessions de
Tiaïès et toujours près de la rivière Yakama. Le P. Chi-
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rouse lui répondit que, devant aller vers la fin du mois
cliercher des effets à Nesqually, il soumettrait le projet à
son supérieur. Il vint donc m'entretenir du désir de Ka-
maïarkan, et, sur ma remarque que nous n'avions pas les
moyens de fonder ce nouvel établissement, il me dit qu'il
se chargerait de tout si la permission lui était accordée. Je
lui laissai donc toute liberté. L'évèque approuva également
et mit aussi cette mission sous la protection de saint Joseph.
Le P. Pandosy resta à la Conception avec le F. Vernet, et le
P. Chirouse se fixa à Saint-Joseph. Le F. Blanchet étant
descendu à Nesqually avec le P. Chirouse, je le retins avec
un engagé pour un an.
L'archevêque tenait à avoir quelques prêtres séculiers
sur la Baie, et, en l'absence de M. Veyret, qui, faute de
moyens de subsistance, était retourné au Wallamet vers la
fin d'août 1848, il envoya M. Langlois et M. Jayol,
M. Langlois retourna lui aussi au Wallamet, et M. Jayol
me demanda à entrer chez nous comme novice. Ce M. Jayol,
originaire du diocèse de Lyon, était arrivé comme diacre
en Orégon. Ce fut le premier prêtre ordonné dans le pays.
Il devint Oblat et un saint Oblat.
Ce ne fut pas sans peine que les Oblats continuèrent leur
œuvre. La révolution venait d'éclater en France, et la
« Propagation de la Foi • ne pouvait presque plus venir au
secours des missions. M. Douglas et M. Ogden reçurent de
Londres l'ordre de ne plus consentir d'avances aux mission-
naires. L'ordre était formel et sans exception, aussi évèques
et religieux se trouvèrent tout à coup sans ressources.
J'avais écrit déjà bien souvent à mes supérieurs en cours
de route, et depuis mon arrivée en Orégon, mais les réponses
ne parvenaient pas. Ce ne fut qu'au printemps 1849, que je
reçus une lettre du Supérieur général, lettre qui ne venait
améliorer en rien la situation dans laquelle on se trouvait.
Le P. Tempier avait ajouté quelques lignes donnant des
espérances de secours, qui vinrent quelque temps après. En
attendant, M. Douglas nous accorda un crédit de 500 piastres.
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C'était bien peu, vu les circonstances et les besoins. Dans
l'été de 1848, on venait de découvrir les mines de la Cali-
fornie, et en 1849 tout était devenu horriblement cher. En
arrivant à Walla-Walla nous avions acheté quelques
paires de bœufs et de chevaux. Les Pères qui se trouvaient
chez les Yakamas se virent dans la nécessité de tuer une
partie de leur bétail, pour ne point mourir de faim, tandis
qu'à Saint-Joseph, près de New-Market, on avait semé des
pommes de terre. En février 1849, nous étions si pauvres
que nous ne pûmes payer alors les gages de Gervais, qui
partit pour la Californie. Notre pauvreté était un véritable
obstacle au bien que l'on espérait faire aux sauvages.
Difficultés de l'évangélisatioa.
En général les sauvages de l'Orégon ne sont pas méchan ts ;
au premier abord même on les croirait très bons et tout à
fait bien disposés à profiter des lumières de l'Evangile. Le
prêtre paraît-il dans quelque tribu? Aussitôt il est reçu
avec des démonstrations de joie et des marques d'estime.
A part les jongleurs et quelques mauvais sujets, tous prient
le prêtre de rester chez eux, et ce n'est qu'avec le temps
qu'on découvre les vrais motifs d'intérêts matériels qui les
ont fait parler. Ils s'imaginent que les prêtres sont tous des
chefs très riches et très généreux et que leur établissement
dans le pays leur apportera tout en abondance. C'est cet
espoir qui les portait à faire tant d'instances pour avoir
des prêtres. Quel ne fut pas leur désappointement quand
ils ne virent dans les Oblats que des hommes pauvres,
n'ayant rien à donner, et manquant même du nécessaire, au
point de manger du cheval et du saumon plus qu'à moitié
gâté. Le P. Chirouse et le P. Pandosy manquaient de vête-
ments : l'un s'était fait une soutane avec un vieux manteau,
l'autre, n'ayant pas de manteau, s'était également fait une
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soutane avec une « couverte » bleue. Heureusement que
M. Ménètre, prêtre séculier, donna au P. Chirouse une de
ses soutanes.
Les sauvages, incapables d'apprécier le dévouement des
Oblats, ne s'empressèrent pas d'embrasser une religion
prêchée par des hommes si pauvres. A peine quelques-uns
de Sainte-Rose se lirent-ils baptiser ; mais chez Tiaïès et
chez Kamaïarkan aucun adulte ne voulut recevoir le bap-
tême. Le ministère, assez longtemps, se borna donc à ne
baptiser que des enfants. Je n'eus pas plus de consolations
à Saint-Joseph. Les sauvages vinrent m'écouter quelques
dimanches, mais bientôt je ne vis plus personne. « Pourquoi,
demandai-je à un sauvage un peu plus fidèle, pourquoi les
autres ne viennent-ils pas ?» — « Oh l me répondit-il, c'est
qu'après la prière tu ne leur donnes pas à manger. » —
t Eh bien, répliquai-je, s'ils ne viennent que pour manger,
et non pour s'instruire et servir Dieu, ils peuvent rester
chez eux. » Je ne fis donc aussi de mon côté que quelques
baptêmes. Ce qui retient les sauvages ce n'est pas la difficulté
de croire le dogme, mais celle de mettre en pratique la mo-
rale chrétienne. Généralement ils ont la connaissance des
principaux mystères, et l'on peut les supposer assez instruits
pour recevoir bientôt le baptême. Le plus grand obstacle à
leur conversion, c'est assurément la polygamie.
Ce n'était pas cependant la seule difficulté : avec la pau-
vi'eté, nous avions encore à redouter les ennemis de la
vérité qui ne manquaient aucune occasion de médire des
prêtres. Ils disaient aux sauvages que les prêtres étaient
des hommes privés de tout dans leur pays et venus chez
eux pour prendre des terres, et s'enrichir à leurs dépens. Ils
attaquaient même leur moralité, et finissaient évidemment
par dire que les ministres protestants feraient bien mieux
chez eux que les prêtres catholiques. Aourrhaï prêtait trop
volontiers l'oreille à ces discours. Pourtant, l'antipathie
des sauvages contre les Américains, surtout depuis qu'on
avait pendu cinq Gayuses à Orégon City, ne permit pas que
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ces médisances eussent d'autre résultat appréciable que
celui de laisser les sauvages dans leur premier état.
L'évèque de Walla-Walla ayant vu un jour Aourrhaï, lui
dit que puisqu'il ne voulait pas écouter le prêtre et en par-
lait mal, le prêtre serait rappelé. Monseigneur proposa au
P. Pandosy la mission des Cayuses et des Walla-Walla. Le
Père m'en parla et je n'acceptai qu'à une condition, à
savoir que l'évèque ou les sauvages construiraient une
église et un logement pour le missionnaire. Personne ne
pouvant supporter les frais, le P. Pendosy se rendit auprès
du P. Chirouse. Tout ceci se passait durant l'été de 1850.
C'est à cette même époque qu'arrivèrent le P. d'îlerbo-
mez avec les FF. Surel et Janin. En août 1851, le P. d'Her-
bomez et le Fr. Vernet me quittèrent pour aller chez les
Yakamas afin de permettre aux deux Pères de cette mis-
sion de visiter les sauvages des environs. Les Yakamas de
Tiaïès, humiliés de ne plus avoir de prêtre, allèrent trou-
ver le P. Pandosy, le priant de retourner chez eux et lui
promettant de devenir bons. Dans l'hiver de 1850 à 1851, le
P. Pandosy se rendit à leurs désirs ; il baptisa plusieurs
adultes et releva cette mission qui lui donna assez de con-
solations.
L'année 1850 fut remarquable et par les secours que
nous reçûmes et par le dénouement de bien des affaires.
L'argent et les effets que l'on nous envoya nous permirent
de vivre plus tranquilles.
Ce qui est mieux : à deux milles de Saint-Joseph, sur la
Baie Puget, on jeta les fondements de la ville d' « Olym-
pia (1) ». Je me servis à cet effet d'une partie des secours
que m'avait envoyés le P. Tempier. Pour 60 dollars, nous
eûmes quatre lots ; puis on acheta quelques planches dont
nous fîmes nous-mêmes deux maisons de 16 pieds sur 20.
A cette même époque (août 1850), l'évèque de Walla-
'1) Ce fut sur l'avis du P. Ricard qu'on choisit ce nom pour la
ville naissante.
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Walla recevait ses bulles de translation au siège de Nes-
qually ; Mt^r Deniers avait une entrevue avec Mgr de Ma-
zenod à Paris ; et le pape, à l'instigation des évoques de
rOrégon, défendait par bref aux prêtres séculiers de cette
province, d'embrasser l'état religieux (1). Au mois de mars
1851, l'évêque de Nesqually étant allé quêter dans le
Mexique, je demandai en juin à M. Brouillet, administra-
teur du diocèse en l'absence de l'évêque, l'autorisation de
construire une église à Olympia. On me l'accorda avec
plaisir, mais il fallait encore des fonds. Mes supérieurs ne
pouvaient m'en fournir pour le moment, et en juillet 1850,
une lettre de noire vénéré Fondateur, loin de m'assurer
des fonds, me fit savoir que la prudence lui défendait d'en-
voyer de nouveaux sujets, étant donné que les Oblats qui
se trouvaient déjà dans l'Orégon n'avaient pas de quoi se
nourrir. Notre zèle était paralysé. J'écrivis à M. le capitaine
Mènes lui demandant une avance de six cents piastres. Il
ne put répondre à mon désir. Quant à la compagnie de la
Baie d'Hudson, elle ne voulait plus depuis longtemps con-
sentir aucun prêt. Il fallut donc attendre.
Croyances et coutumes.
Malgré les difficultés, je garde bon espoir pour les mis-
sions sauvages. Ces sauvages sont fort peu nombreux en
Orégon et répandus sur un trop vaste espace. Ils sont tous
jaloux de leur indépendance et on ne parviendra jamais à
réunir plusieurs tribus sur un point central. Chaque jour,
leur nombre diminue et probablement, en peu de temps, il
n'en restera que quelques-uns qui serviront de témoins
pour attester qu'autrefois il y eut des sauvages en Orégon.
Il est regrettable qu'actuellement, ils montrent si peu de
(1) L'entrée dans la Congrégation de M. l'abbé Jayol ne fut point
étrangère, on le pense, k ce décret tout à fait exceptionnel.
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goût pour la religion. Chose surprenante, on a trouvé chez
eux beaucoup de jongleries, mais personne n'a pu dire si
les blancs, à leur arrivée parmi eux, découvrirent des
traces de culte et l'idée du vrai Dieu. Les sauvages gardent
cette tradition, qu'autrefois leurs pères ne savaient ni
prendre le poisson, ni trouver les racines bonnes à manger.
Ils ajoutent qu'un jour un homme leur apparut, sans qu'ils
connussent qui il était, ni d'où il venait ; que cet homme
extraordinaire leur apprit à faire des dards et des flèches,
leur montra les herbes bonnes à manger et leur enseigna
également à faire des canots. Il leur laissa diverses pres-
criptions, telles que de ne pas couper le poisson par tran-
ches, mais de l'ouvrir dans sa longueur, de ne jamais jeter
les restes dans l'eau. Après cela, il disparut et ne revint
plus jamais.
Ce que l'on ne découvre pas, c'est une tradition rappe-
lant ce que l'homme doit faire pour Dieu. Certaines céré-
monies pourtant prouvent qu'ils ont l'idée des esprits,
mais elle est enveloppée de tant d'obscurité, qu'on est porté
à croire qu'ils n'ont aucune notion du vrai Dieu ou qu'ils
sont manichéens. Ils doivent avoir l'idée d'un esprit bien-
faisant et d'un autre malfaisant ; s'ils manifestent de
quelque manière leur culte, c'est autant pour l'un que pour
l'autre. Bien plus, certaines superstitions prouvent qu'ils
craignent plus le mauvais esprit qu'ils n'aiment le bon.
J'ai entendu dire que, dans quelques-unes de leurs grandes
assemblées, un des actes de religion était de jeter une
bouffée de fumée en bas et une autre en haut ; qu'à cette
occasion encore, s'ils avaient quelque animal à manger, ils
prenaient le coeur, le partageaient en deux et le mettaient
de côté sans plus y toucher. On n'a pas su me donner le
sens de ces cérémonies, et le peu d'explication que j'ai pu
obtenir me porte à croire qu'ils avaient en vue le bon esprit
pour qu'il leur fît du bien, et le mauvais pour qu'il ne leur
fît pas de mal.
Quand les sauvages passent par des endroits dangereux
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et se trouvent surpris par la tempête, ils jettent de l'eau
en l'air et poussent des hurlements. Ils n'osent dire pour-
quoi ils le font, mais je pense que c'est pour calmer l'esprit
mauvais ou le repousser. Le P. Chirouse vit un jour un
endroit, au milieu de la chaîne du mont Rainier, où les
sauvages qui vont à pied ont l'habitude de déposer une
pierre Après avoir payé ainsi ce tribut, ils repartent aussi
frais et dispos que s'ils n'avaient pas encore marché, et
continuent leur course sans fatigue.
Les sauvages ont un grand respect pour les morts. Ils
entourent le corps du défunt de tout ce qu'il possédait.
Généralement, ils le déposent dans un canot et suspendent
autour du canot tous les instruments qui étaient à son
usage. Les sauvages qui n'habitent pas les bords de la
mer ou des rivières ensevelissent leurs morts. Outre le
grand deuil accompagné de chants, de hurlements et de
pleurs qui a lieu au jour des funérailles, il y a aussi un
jour spécialement destiné à pleurer les morts. Quand les
parents ou les amis viennent visiter les amis du défunt, ils
arrivent dans un morne silence, restent quelque temps
sans rien dire, puis tout à coup et tous ensemble, se
mettent à pousser des cris, des lamentations. Ordinaire-
ment, les hommes ne pleurent pas, mais les femmes s'en
chargent et chantent des airs lugubres. Ce qu'elles disent
est presque semblable à ce que disait David pleurant la
mort d'Absaion : elles rappellent les qualités qu'avait
celui qu'elles pleurent et répètent toujours : 0 mon fils!
ô mon enfant ! ou bien : 0 mon père ! ô ma mère ! ô mon
frère ! ô mon ami !
Ce qui est surprenant, c'est la peur que tous les sauvages
ont des morts. Les plus courageux n'oseraient passer la
nuit auprès d'un cadavre. Jamais non plus, ils ne campent
près du lieu où un mort est enseveli. Ils viennent bien
pendant le jour faire leurs lamentations, mais jamais pen-
dant la nuit. Dès que quelqu'un a rendu le dernier soupir,
ils l'enveloppent aussitôt et le transportent au plus vite.
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Dès qu'on l'a enlevt^, les pavonts et assez souvent tout le
camp changent de place. Ces pratiques indiquent que les
sauvages croient à l'immortalité do l'àme, mais ils n'ont
pas une idée juste de l'autre vie, surtout des peines ou des
jouissances éternelles. Ils croient que l'àme voltige assez
longtemps autour du lieu où le corps a été déposé et
qu'elle finit par aller on ne sait où. Quelques histoires ou
fables accréditées chez les sauvages feraient supposer
qu'ils croient à la métempsycose. Quand ils voient des
oiseaux, des animaux plus intelligents que les autres, ils
pensent que l'âme de quelque sauvage est entrée dans cet
oiseau ou cet animal. Aussi, ils ne tueront jamais une cor-
neille ou un geai. Dans la plupart de leurs maladies, ils
croient que quelque mauvais génie est entré dans leur
corps, et que leurs jongleurs ont le pouvoir de leur envoyer
ces mauvais génies, comme aussi de les faire sortir. C'est
là-dessus que roule toute la jonglerie, avec ses sorciers et
ses magiciens.
Chose remarquable : un jongleur ne réussit-il pas à
guérir le malade ? Bah ! il ne s'embarrasse pas pour si
peu; il déclare tout simplement ceci : « Mon génie n'est
pas aussi fort que celui du jongleur qui a envoyé la
maladie. » Et on s'en contente. Telles sont les croyances ou
superstitions des sauvages, superstitions si enracinées qu'il
est impossible de les détruire, au moins quant à présent.
•J'ai souvent demandé aux sauvages, si avant l'arrivée
des blancs dans le pays, ils avaient connaissance du grand
chef qui avait tout créé. Leur réponse a toujours été
négative. Pourtant les sauvages n'ont eu aucune peine à
croire tout ce que les blancs et les prêtres leur ont dit de
Dieu. Leur faible intelligence et les superstitions dont ils
étaient les esclaves ne leur permettaient pas de remonter
à la première cause. Il est pourtant incontestable qu'ils
ont toujours cru à l'existence de bons et de mauvais esprits
et à la survivance de l'àme puisque, pour eux, tout ne finit
pas avec la mort.
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Les sauvages ne sont en général ni avares, ni pré-
voyants. L'hospitalité est toujours pratiquée chez eux et
entre eux, et si parfois ils paraissent exigeants envers les
blancs , c'est pour obtenir quelque chose qui leur fait
plaisir. Les blancs qui n'ont rien sont quand même bien
reçus, les chefs môme se feraient un plaisir et un honneur
de leur donner leurs filles en mariage.
A part les chefs, les sauvages de l'Orégon sont généra-
lement pauvres ; leur vêtement consistait autrefois en une
peau de bête; depuis l'arrivée des blancs, ils ont des
couvertures. Ils cherchent d'ailleurs plutôt à se garantir
contre le froid qu'à se couvrir par bienséance.
Les sauvages achètent leurs femmes et les payent plus
ou moins, suivant que la jeune fille appartient à un
pauvre ou à un riche. Plusieurs sauvages ne se marient
jamais, parce qu'ils n'ont pas occasion de gagner des
couvertures, des chemises, des fusils ou des chevaux là
où c'est l'usage de payer ainsi les parents de la jeune fille.
Gomme je l'ai dit, tout dépend de la condition de celle-ci,
mais le moins qu'elle soit vendue, c'est toujours quatre
couvertures et quelques bagatelles. Il y en a qui sont
vendues jusqu'à vingt couvertures ou même dix chevaux.
Les sauvages ne restent pas longtemps à la même place :
ils changent de campement suivant que l'on est à la saison
de la pêche ou à la saison des fruits et des racines. Ils ne
pourraient d'ailleurs rester longtemps au même endroit,
dévorés qu'ils sont par la vermine et — puisqu'il faut dire
la vérité — empestés par leurs propres ordures. J'en
demande pardon à mes lecteurs, mais ces pauvres gens sont
aussi sales que bien des animaux et ne dédaignent pas
comme nourriture ou comme dessert de manger leur peu
propre vermine. On comprend bien que Dieu seul peut nous
demander le sacrifice de vivre avec ces pauvres sauvages.
A l'époque de la pêche ou de la récolte des fruits, ils
font leurs provisions pour l'hiver, car ils se nourrissent de
poissons, de coquilles, de racines et de fruits sauvages,
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tels que les mûres qui viennent sur les ronces et les
prunelles de l'épine blanche. Pour les saumons, après en
avoir enlevé la tête et l'arête, ils les enfilent dans des
brochettes et les font sécher au soleil ou devant le feu. Ils
ignorent toutes les recettes de l'art culinaire et sont fort
peu délicats dans leurs goûts. Le pain, ou plutôt l'espèce
de pain qu'ils fabriquent, est fait de fruits secs ou d'œufs
de saumons.
J'ai le regret d'ajouter, au point de vue de la morale,
que, en général, les sauvages sont menteurs et voleurs; la
crainte seule peut les empêcher de voler.
Dans le recensement de 1851, le nombre des blancs était
de douze mille en Orégon, dont douze cents sur la rive
droite de la Colombie jusqu'au delà de Nesqually.
Les prêtres sont généralement bien vus partout. Quel-
ques méthodistes et presbytériens cherchent bien à les
inquiéter, mais ils sont rares, et leurs calomnies sont
étouffées par la sympathie du plus grand nombre.
Parmi les émigrants, il y a, hélas! bien peu de catho-
liques; aussi, pour le moment, le ministère sacerdotal, en
Orégon, ne trouve guère à s'exercer. Les ministres pro-
testants ne sont pas beaucoup plus heureux. C'est l'usage,
chez les Américains, de ne pas se presser pour choisir une
religion. Ils ne font pas baptiser leurs enfants sous pré-
texte que chacun doit par lui-même choisir sa religion ; et
en attendant, ils s'en passent. C'est ainsi que la plupart
vivent et meurent sans avoir eu le loisir de se prononcer
pour aucune religion. Leur civilisation ne leur permet pas
d'ignorer qu'il y a un Dieu, mais il est difficile de savoir
le culte qu'ils lui rendent pour exprimer leur dépendance
de l'Etre suprême. Il faut pourtant reconnaître qu'ils
aiment, à l'occasion, à entendre prêcher la parole de Dieu.
P. Ricard, 0. M. I.
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Nola. — Les Oblats s'étant peu à peu retirés de l'Orégon
(territoire qui comprenait les deux états de l'Orégon actuel
et de Washington), ils allèrent se placer sous la juridiction
de Mgr Deniers, évèque de Victoria.
Le diocèse de Victoria embrassait alors toute la Colombie
Britannique, c'est-à-dire l'île de Vancouver et la partie
continentale qui s'étend entre les 49e et 60e degrés de
latitude Nord. Les Oblats exercèrent le saint ministère
dans l'une et l'autre partie du diocèse.
En 1863, Mgr Demers obtint le démembrement de son
diocèse. Il conserva pour lui l'île de Vancouver, qui prit le
nom de diocèse de Victoria, la capitale, où il établit son
siège. Quant au reste (dont on n'espérait alors que très peu),
il devint le Vicariat apostolique de la Colombie Britan-
nique, avec le R. P. d'Herbomez, O. M. L, pour premier
vicaire apostolique.
Après ce partage, les Oblats se retirèrent tous du diocèse
de Victoria pour se dévouer uniquement à révangélisation
du nouveau Vicariat. Ils abandonnaient le collège très
florissant de Victoria et en fondaient un à New-West-
minster : le collège Saint-Louis, qui est resté sous la
direction de nos Pères.
Il a semblé dur aux premiers missionnaires de l'Orégon
de se retirer du coin de la vigne qu'ils avaient commencé à
défricher ; mais le sacrifice, si pénible qu'il fût, a été
entièrement consommé. Ce n'est que cinquante ans après
(1910), sur les instances réitérées et le pressant appel de
Sa Grandeur, Mgr O'Dea, évèque de Seattle (Etat de
Washington), que les Oblats sont rentrés dans le diocèse
de Walla-Walla, devenu plus tard celui de Nesqually et
actuellement celui de Seattle.
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VICARIAT DU KEEWATIN
Chronique historique
de la Mission Saint-Pierre du lac Caribou,
depuis 1846 jusqu'à nos jours, 1912.
Par le R. P. A. Turquetil, 0. M. I.
Eq attendant la publication prochaine de son remarquable tra-
vail sur sa nouvelle mission des Esquimaux, le R. P. Turquetil a
voulu offrir aux lecteurs des Missions le résumé des travaux de
ses devanciers dans la mission qu'il vient lui-même de quitter et
où il s'est montré digne des aînés dont il rappelle les vaillants
exploits.
« Au mois d'août 1846, les deux missionnaires destinés à
fonder la mission de l'île à la Crosse, Mr Laflèche et le
R. P. Taché, O. M. I., arrivaient au Portage Fort de Traite.
Ce poste, visité la première fois en 1776, par des blancs,
Mr Frobisher et ses hommes, n'avait jamais vu de prêtre.
Les missionnaires rencontrèrent là quelques Indiens, Cris
des environs et Montagnais du lac Caribou, tous malades
de la rougeole, et qui partaient pour l'autre vie sans s'in-
quiéter nullement du mal qu'ils avaient fait en celle-ci. »
(Notice sur la mission du lac Caribou, par Mgr Taché.)
Du 6 août au 1er septembre, les deux Pères firent 18 bap-
têmes, dont 10 de métis, et 8 d'enfants Montagnais. Les
Gris manifestaient plus d'éloignement pour la religion, ce
qui explique la fondation plus tardive des missions chez
ces tribus pourtant plus rapprochées de la civilisation. Les
bonnes dispositions des Montagnais souriaient au zèle de
nos deux missionnaires, qui entrevoyaient déjà la possibi-
12
— 178 —
lité d'une mission au lac Caribou et cela avant même de
s'être rendus à l'île à la Crosse. Mr Thomas, commis du
fort du lac Caribou (extrémité Sud du lac) et Mr Me Ken-
zie, bourgeois de la compagnie de la baie d'Hudson, croyaient
avec raison qu'une mission au lac Caribou y attirerait les
sauvages et leurs pelleteries; ils pressaient même le
R. P. Taché de s'y rendre de suite. Ce dernier ne pouvant
accéder à leurs désirs, Mr Thomas promit d'intervenir
auprès des sauvages mangeurs de caribous, et de les pré-
parer à la visite du Père. Nos deux missionnaires conti-
nuèrent donc leur route ensemble et fondèrent la mission
de l'île à la Crosse.
« Trois mois après, une lettre de Mr Thomas leur
apprend que les sauvages du lac Caribou désirent le prêtre.
Mr Me Kenzie répond à ce commis qu'il ait à envoyer un
homme de confiance au lac Laronge, en hiver, et en même
temps recommande à son fils, Mr Samuel Me Kenzie de
ne pas manquer sa visite annuelle à l'île à la Crosse, afin
de pouvoir, à son retour, emmener avec lui le mission-
naire. ■» Ainsi Dieu fait tourner à sa gloire les motifs
humains de commerce et d'intérêt.
1847. — Le 9 mars 1847, le R. P. Taché quitte l'île à la
Crosse, en compagnie de Mr Me Kenzie fils. Il se repose
quelques jours au lac Laronge, car, dit-il, « par pauvreté,
il a dû choisir les chiens les moins chers, c'est-à-dire les
moins bons, et sur les quatre qui devaient traîner son
bagage, deux étaient tellement fatigués, même avant de
partir, qu'ils ne furent d'aucune utilité ». Du lac Laronge
au lac Caribou, il eut pour compagnons les deux hommes
envoyés par Mr Thomas, et le 25 mars 1847, un prêtre
pénétrait pour la première fois sur les bords du lac Cari-
bou. Une salve de marci (pour merci), répétée par deux ou
trois femmes Montagnaises qui se trouvaient au fort, et une
cordiale poignée de mains, échangée avec le commis, fut
tout le cérémonial de cette réception.
— 179 —
Le R. P. Taché nous dit encore toute l'attention dont il
fut l'objet de la part de Mr Thomas. Une table et une
chaise furent faites exprès pour lui. Cette chaise était la
seule dans le fort, de sorte qu'on peut se figurer aisément la
richesse et le luxe de l'endroit.
Une autre difficulté, et celle-là, bien plus grande, venait
de l'ignorance de la langue. « En particulier, le mission-
naire qui n'avait eu que cinq mois d'étude sans livre ni
maître, mêlait quelques mots de cris et montagnais et par-
lait à moitié par gestes. » Le dimanche, c'était un supplice;
le P. Taché parlait en anglais ou en français, Mr Thomas
l'interprétait en cris, et l'un des montagnais des plus mau-
vais, mais le seul qui possédât assez le cris, traduisait à
son tour en montagnais. Ainsi se passèrent les deux mois
de séjour du P. Taché, au fort du lac Caribou : il eut la
consolation d'enregistrer 49 baptêmes.
1848. — L'année suivante fut plus heureuse encore. Le
8 mars, le P. Taché quittait l'île à la Crosse et arrivait le
26 à l'entrée du lac Caribou, après avoir gagné des douleurs
de jambes qui lui durèrent plus d'un mois, et lui méri-
tèrent quelques consolations, dit-il. Les sauvages Monta-
gnais vinrent en grand nombre, quelques-uns par pure
curiosité, d'autres même dans l'espoir que le mission-
naire les paierait. Mais leur courage à supporter les pri-
vations de la famine, car ils jeûnaient rigoureusement, fit
comprendre au missionnaire qu'un bon nombre étaient
prêts aux plus grands sacrifices pour acquérir la connais-
sance de la religion. Ces bons Montagnais le pressent de
traverser le lac, et de visiter leur pays, l'assurant que
l'abondance des vivres leur permettrait de séjourner près
de lui plus aisément et plus longtemps. Ils s'engagent
même à envoyer des guides au printemps suivant, pour
traverser le lac, et promettent de se réunir nombreux à
l'extrémité Nord du lac. Le P. Taché, plein d'espoir pour
l'avenir, promet tout ce qu'on lui demande, et retourne à
— 180 —
l'île à la Grosse ; il avait cette année un total de 71
baptêmes.
1849. — Le voyage projeté ne put aboutir. Le R. P. Ta-
ché arrive en mars à la l'ivière Rapide. Là, un de ses
hommes tombe malade. Puis Mr Thomas du fort Caribou
lui apprend que les Montagnais n'ont pas envoyé de
guide, qu'il est impossible d'en trouver dans tout le pays.
Il fallut toute l'autorité de M. Laflèche, supérieur, pour
obliger le P. Taché à renoncer à ses projets de traverser
le lac Caribou. Au lieu d'aller de l'avant, il rebrousse che-
min, le cœur gros de regrets, la conscience agitée par l'ap-
préhension de n'avoir pas fait tout ce qui dépendait de lui,
et aujourd'hui, qu'il écrit ces lignes, il ne sait trop s'il est
irrépréhensible à cet égard. (Notice sur lac Caribou.
Mgr Taché.)
1850. — Le P. Taché reste seul à l'île à la Crosse, ne
peut promettre de reprendre en 1850 ce qu'il n'avait pu
réaliser l'année précédente, mais il écrit à Mr Thomas
qu'il se rendrait au Portage Fort de Traite et invite les
Montagnais à s'y rendre. Ceux-ci vinrent, mais en bien
petit nombre, et le voyage du P. Taché se réduisit à fort
peu de chose. Pour se dédommager, le zélé missionnaire
promet aux sauvages qu'un Père irait en 1851 à l'autre
bout du lac. Le registre donne un total de 23 baptêmes.
1851. — Le P. Taché, bien décidé à se faire Montagnais»
fut fait évêque cette année-là. En juillet, il quitte l'île à
la Crosse en compagnie du R. P. Maisonneuve, arrivé dans
le pays l'été précédent. Au Portage Fort de Traite, plu-
sieurs Montagnais assurent de nouveau les missionnaires
de l'opportunité du voyage, de l'arrivée des guides, de
l'abondance des vivres. Tout semblait assurer le succès de
l'entreprise.
Le rapport du P. Maisonneuve ne fut guère ce qu'atten-
— 181 —
dait le P. Taché. Je le résume ainsi : A l'entrée du lac, déli-
cates attentions de Mr Thomas, mais extrême pauvreté;
sur le lac, difficultés avec le guide trop exigeant pour le
paiement; 15 longs jours de traversée à cause de la glace
qui barre le chemin, et oblige à des détours immenses, à
des portages imprévus, et par suite du retard, à la famine.
Le poisson est très rare et bien pauvre, pas de gibier de
chasse. Point de bois de construction, à peine quelques
bois de chauffage à l'embouchure de la rivière. Pas un
pouce de terre cultivable pour le foin. Si tous les sauvages
portaient fusils, ils ne trouveraient guère de quoi faire
assez abondantes provisions de bourres. Le vieux fort de la
compagnie a dû être abandonné, faute de poissons. Pour
comble de malheur, les sauvages ne vinrent pas rencontrer
le Père, et pis encore, le pauvre explorateur eut à peine à
digérer les quelques œufs plus ou moins avancés qu'il put
enfin se procurer après de longs jours de jeûne, de là le
nom de « pointe du père qui s'étouffe », donné et conservé
jusqu'aujourd'hui, à l'une des nombreuses pointes qui
s'avancent dans le lac.
On comprend qu'un voyage en pareilles conditions
n'était guère fait pour exciter l'enthousiasme du jeune Père
envoyé à la découverte. De ce pays désolé il ne put entre-
voir aucun habitant ; ne voyant que difficultés et misères,
il n'osa se montrer optimiste ni imposer à ses frères un tel
fardeau, et rapporta tout ce qu'il avait vu.
Le P. Taché transcrit tout au long ce rapport et ajoute :
La lettre précédente prouve deux choses, la première que le
missionnaire qui l'a écrite a eu beaucoup à soufi"rir dans cette
expédition, la seconde, qu'il est moralement impossible
d'établir une mission au lac Caribou. La prudence défend à
un supérieur d'exposer ses sujets à une situation extrême.
Et pourtant !
1852. — En 1852, Mgr Taché passa au Portage Fort de
Traite. Il y vit quelques Montagnais qui lui parurent peu
— 182 —
zélés. Il eut même la douleur d'apprendre que quelques
autres avaient demandé un ministre protestant, parce
qu'ils regardaient pour certain qu'ils n'auraient jamais de
prêtre catholique, t II est possible que le lac Caribou
devienne la proie de l'hérésie. Puisse la congrégation des
Oblats de Marie Immaculée, n'être pas redevable à la justice
divine de ce malheur, s'il arrivait. Puissent les membres
de cette congrégation, et en particulier celui qui écrit ceci,
ne s'être pas mépris dans les décisions prises à cet égard,
et que les circonstances semblent imposer. »
Là s'arrête la notice sur la mission du lac Caribou, que
le P. Taché a écrite à la première page de ses registres. La
grande âme du missionnaire s'y révèle tout entière, sur-
tout dans cette mélancolique appréhension de s'être trompé.
Le P. Taché, en eflet, ne connaissait pas le pays des Mon-
tagnais, mais il avait vu ses habitants, et du premier coup
d'oeil, les avait jugés. Et cette œuvre qu'il avait faite sienne,
ne pouvant, devenu évêque, la reprendre, il n'ose non plus
l'imposer à ses frères, dès qu'on la lui représente comme
impossible.
De 1852 à 1859. — Mgr Taché attendit donc des cir-
constances plus favorables pour reprendre et continuer
l'œuvre commencée avec tant et de si belles espérances,
mais il attendit en homme actif. Il eut une grande part
dans la détermination prise en 1857, par le chef de district
de l'Ile à la Crosse (Cie de la Baie d'Hudson), d'établir à
l'extrémité nord du lac Gai-ibou, un poste de vivres, là
même où on avait tenté de fonder la mission. Ce poste
devait ravitailler les brigades des berges, en leur fournis-
sant la viande et le pemmican de caribou. Le bourgeois était
Mr G. D'Eschambeault ; il confia le nouveau poste à un
brave métis Canadien Français, P. Morin, catholique lui
aussi.
Le petit poste fit merveille à l'été de 1858. On pouvait
donc vivre là-haut; on pouvait y bâtir aussi, quelque pau-
— 183 —
vremcnt que ce fût. Mgr Taché n'en demandait pas davan-
tage. Dès l'hiver 1859, il enjoignit au R. P. Végreville de
faire une nouvelle visite au lac Caribou, dès le printemps
suivant. (Notes du P. Gasté.)
1860. — Le P. Végreville était un missionnaire de la
trempe décelai qui l'envoyait. Aux premiers jours de juin,
il arrive à l'entrée du lac, rencontre quelques familles
Grises et Montagnaises, fait 17 baptêmes et se dispose à
traverser le lac. Pierre Morin arrive du Nord, représente au
Père que les Montagnais non prévenus sont déjà repartis
à la poursuite du caribou, sur les terres ; nom général qui
désigne les marais incultes, bancs de sable et de roches,
dépourvus de toute végétation, que les Montagnais appellent
pays des Esquimaux. (Id.)
Le Père apprend aussi que le ministre protestant du lac
Laronge, avait en quelques visites faites à l'entrée du lac
Garibou, projeté un voyage au Nord, parmi les Montagnais.
G'en fut assez pour ôter au P. Végreville toute perplexité ;
il fait promettre à P. Morin de construire un abri quel-
conque pour les pères, à l'extrémité nord du lac Garibou,
lui-même s'engage à revenir au plus tôt, et retourne à la
hâte vers son évêque, lui exposer la situation, l'urgence
d'une fondation, et s'offrir lui-même pour cette œuvre
renaissante.
Mgr Grandin élu évêque, en 1857, arrivait à l'Ile à la
Grosse sur ces entrefaites. De concert avec son coadjuteur,
sur le rapport du P. Végreville, Mgr Taché décida de
fonder la mission du lac Garibou dès les premières glaces
de l'hiver. (Id.)
Nous voyons, en effet, par les registres, que le P. Végre-
ville était de retour à l'entrée du lac le 20 décembre. Une
lettre du R. P. Séguin, à notre vénéré Fondateur, nous dit
que le P. Végreville quitta l'Ile à la Crosse le 29 novembre
1860. (Cfr. Missions des O. M. I.)
— 184 —
1861. — Nous ne savons si le P. Végreville arriva à
l'extrémité Nord du lac Caribou, à la fin de décembre
1860, ou seulement en janvier 1861. Il était là cependant la
première semaine de janvier. Son séjour fut de deux mois,
mais ce ne fut nullement un séjour à la maison, qui
d'ailleurs n'existait pas encore, ce fut une course rapide
dans les camps des sauvages. Le Père se rend en février
jusqu'au Lac Brochet pour y voir par lui-même les sau-
vages, et les assurer de la fondation projetée. Au mois de
mars, sans arrêt, nous le retrouvons au Lac des Bois, à
mi-chemin entre le Portage Fort de Traite et le lac Pélican.
Ce voyage donna 25 baptêmes.
Le 16 septembre de la même année, le Père Végreville
quittait le Portage Fort de Traite, pour se rendre au Lac
Caribou, cette fois, pour une fondation en règle. Le R. P.
A. Gasté, O. M. I. nouveau profès du mois de juin précé-
dent, et qui avait reçu son obédience immédiatement en
arrivant à l'Ile à la Crosse, et était reparti de suite, sans
repos, était son compagnon. Avec eux, le frère Péréard,
O. M. I., dont Mgr Grandin disait dans une lettre : le frère
Péréard qui avait ruiné sa santé en travaillant à l'établis-
sement de la mission du lac des Esclaves, va repartir pour
aider les PP. Végreville et Gasté au lac Caribou. Là il
dépensera les forces qu'il a recouvrées. (Cfr. Missions
0. M. I. 1861.)
Nos trois Oblats missionnaires arrivent le 21 septembre
à l'entrée du lac et le 4 octobre à l'autre bout.
Pierre Morin avait construit une résidence pour les
pères. C'était un presbytère tout d'une pièce, 5 mètres sur
5 mètres, fait de grosses perches superposées, légèrement
encochées l'une dans l'autre, et bousillée, c'est-à-dire
recouvertes d'un enduit de boue détrempée. Le toit fait de
petites perches rondes avait reçu d'abord une couche de
sable que le vent avait emportée. Les trésors et richesses
de nos apôtres consistaient en deux vieux châssis appor-
tés de l'Ile à la Crosse, pour remplacer les peaux.de par-
— 185 —
chemin de caribou qui avaient servi de vitres d'abord,
mais dont les loups et les chiens du voisinage avaient fait
régal depuis longtemps.
Que fut pour nos trois Oblats cette première année de
résidence au pays des Montagnais ?
A peine installés, et il fallut bien quelques semaines
pour rendre cette habitation habitable pour l'hiver, le R.
P. Végreville, sachant bien qu'il faut courir après les
brebis errantes, commence ses voyages. Le 11 décembre,
nous le voyons loin au Nord, à la limite des bois, puis à la
rivière du petit poisson, vers le lac la Loche. Au mois de
mars, c'est le P. Gasté qui se rend au bout du lac, revient
en mai. A cette même époque, le P. Végreville apparaît à
la rivière Rapide pour communiquer avec ses supérieurs de
l'Ile à la Grosse.
Au mois de novembre et décembre, les Montagnais vin-
rent en grand nombre au poste. Ils étaient plus d'un mille
alors. Mais leur ignorance de la religion les rendait indif-
férents. Le peu de relations qu'ils avaient eues avec les
blancs, en vendant leurs fourrures ou la viande de Caribou,
leur faisait voir le gain matériel en toutes choses et avant
tout. Connaissant les projets du ministre du Lac Laronge,
ils se tenaient sur la réserve, pour se donner au plus
offrant. Ils se trouve aussi un peu partout des hommes
pour qui tous les moyens sont bons ; et de tels hommes
avaient fait courir le bruit que les prêtres catholiques ne font
que paraître un instant, puis s'en retournent, que d'ailleurs
ils allaient être chassés du pays. Les sauvages repartirent
sans donner beaucoup de consolations aux missionnaires.
Le P. Végreville les suit à la raquette à sept jours de
marche. Son zèle fut récompensé, car nous voyons pour
cette année un total de 40 baptêmes.
— 186 —
1862. Vie à la maison.
On nous permettra de citer un jDassage des notes du
P. Gasté qui montrera ce qu'était la vie à la maison de ces
intrépides missionnaires. Quand le plus important fut
achevé, nous nous installâmes dans notre château. Son
unique appartement nous servait à la fois de chapelle, de
salle de cuisine, de communauté, réfectoire, dortoir, et
salle de réception des sauvages. L'ameublement était à
l'avenant. Notre unique table, en planches grossières et
mal jointes, nous servait d'autel le matin ; aussitôt la messe
terminée elle était dépouillée de ses ornements de circon-
stance, et reprenait sa simplicité et son usage ordinaire.
Nos sièges étaient les trois malles qui renfermaient notre
linge de corps. Du poisson, encore du poisson, toujours du
poisson, et rien autre chose, faisait tous les frais de la
table. Le frère Péréard faisait la pêche tous les jours,
et chargé de la cuisine, devait apporter à dos le bois de
chauffage car nous n'avions pas encore de chiens. Le bois
de chauffage servait encore à l'éclairage, et chacun, le soir,
pouvait jaser, lire écrire à la lueur du feu qui brillait dans
la cheminée. Le Père Gasté souffrait surtout de la difficulté
d'apprendre les langues : point de livres, ni de sauvages,
aux alentours de la mission, tout était désert, le Père
Végreville était plus souvent en voyage qu'à la maison. Au
fort de la Compagnie, il y avait une cuisinière pêcheuse qui
parlait le Montagnais, mais le pauvre père n'en pouvait
tirer autre chose que ces mots : nedesttha ille, soit, je ne te
comprends pas. On montre encore la roche plate sur
laquelle le père Gasté allait laver le linge de la petite
communauté.
Aux premières glaces, nous dit encore le père Gasté,
nous vîmes une grande quantité de sauvages, dans un état
de pauvreté extrême, qui n'avaient qu'un braguet pour les
— 187 —
couvrir et les protéger du froid. Ils comprirent à notre
façon de vivre qu'ils avaient peu à attendre de nous, sous
le rapport matériel, et désillusionnés pour la plupart, se
tinrent sur la réserve, attendant le ministre dont ils
espéraient recevoir davantage. Sans nous étonner nous
comprîmes ces dispositions, et c'est ce qui décida le Père
Végreville à les suivre à la raquette.
Qeare de voyage des premiers missionnaires.
Nos sauvages sont bons marcheurs, écrit le Père Gasté,
et le Père Végreville les étonna grandement en les suivant
si loin sans se laisser distancer par eux; ils précipitaient
cependant leur marche pour essayer sa valeur comme
marcheur.
Le Père Taché, qui avait voyagé en meilleure compa-
gnie, cependant, nous parle des peines et fatigues insépa-
rables d'une marche forcée de onze jours. Et ailleurs : une
quantité de neige rendait les chemins difficiles, certains
jours, le missionnaire se trouvait tellement fatigué, le soir,
qu'il lui eût été impossible d'aller plus loin. La fatigue lui
causa des douleurs de jambe qui l'incommodèrent pendant
un mois.
Cependant la confiance en l'avenir ne manquait pas à
nos missionnaires.
Nous les voyons abattre les arbres, équarrir, scier, et
monter la charpente d'une allonge en 1862 c'est-à-dire dès
l'été qui suivit leur arrivée au lac Caribou.
1863. ~ Le Père Végreville s'était fait missionnaire
ambulant. En mars 1863 il traverse le lac pour rencontrer
le chef Montagnais qui devait accompagner et guider le
ministre protestant dans son voyage parmi les Montagnais.
Il réussit à le faire changer d'avis, revient à la mission,
puis repart dans les camps pour fortifier ses chrétiens et
— 188 —
faire de nouvelles conversions. A la fin d'avril, sans repos
ni arrêt, il reprend ses raquettes, donne la mission au bout
sud du lac, se rend au Portage Fort de Traite, puis de là,
en canot, à l'Ile à la Crosse. Le but de ce voyage était de
ramener quelque engagé qui pût aider le frère Péréard
surchargé d'ouvrage.
Le cœur de Mgr Taché dut tressaillir de bonheur en
voyant le courage, les travaux, les succès de ses frères. La
mission était établie, ses fondateurs, des hommes d'apos-
tolat intense qui la feraient réussir. La moisson comptait
301 baptêmes dont 1-21 faits depuis la fondation, c'est-à-dire
en moins de dix-huit mois.
Le Père Végreville obtint facilement ce qu'il désirait, et
de suite reprit le chemin du lac Caribou. Il y arriva avec
les berges en septembre 1863.
L'allonge projetée était terminée. Nos pères purent loger
l'engagé et sa famille, mais surtout leur premier soin fut
de préparer une demeure au Dieu Hostie. Vivant près de
Dieu, dans la maison de Dieu, et avec Lui, nos apôtres
n'en auront que plus de courage à surmonter les difficultés
qui pouvaient se présenter. Ces difficultés arrivèrent à l'im-
proviste, et à la course. Les quelques ballots de marchan-
dises commandées à la Rivière Rouge ne parvinrent pas à
destination. Les Pères du Lac Caribou ne reçurent qu'un
poêle. Ils n'avaient rien dès lors pour payer leurs engagés
de travail ou de voyage, rien pour acheter la viande dont
ils pouvaient avoir besoin, et surtout, les rets épuisés par
deux ans d'usage étaient hors de service. Les bouches à
nourrir étaient plus nombreuses. Or survint la famine, le
caribou prit une direction inaccoutumée, pas de viande.
Les vieux rets laissaient passer le poisson. Il fut alors
décidé que le R. P. Végreville garderait seul la mission, et
que le Père Gasté se rendrait à l'Ile à la Crosse avec le
frère Péréard dont la santé était déjà bien ébranlée.
Ce voyage dont la première raison était qu'il serait plus
facile à un qu'à plusieurs de vivre au temps de famine,
— 189 —
avait une autre utilité, et celle-là de premier ordre aux.
yeux de nos missionnaires. Voici les faits : à l'automne
précédent, un maître d'école envoyé par le ministre du Lac
Laronge avait passé au Lac Caribou, pour se rendre au
Lac la Hache. La neige et le froid qui prit la rivière l'em-
pêchèrent de se rendre de suite aux petites maisons élevées
pour lui au Lac la Hache. Notre pédagogue fixe son camp
sur le chemin d'hiver des sauvages. Ces derniers se rendant
au poste pour y traiter la viande, sont arrêtés en chemin,
reçoivent bon prix pour leurs vivres. Par excès de zèle,
notre jeune prédicant s'avise même de régaler les sauvages
avec cette même viande qu'il a achetée à bon prix. Son
intention était, sans doute, d'empêcher ces pauvres gens de
se rendre à la mission, peut être aussi, de se concilier les
esprits, car, il avait failli être victime de la colère d'un
indien dans un moment de querelle. Il se rendit ensuite au
Lac la Hache quand la glace fut assez prise pour porter.
Mais alors les sauvages eurent vite fait d'oublier la géné-
rosité du prédicant qui n'avait plus rien pour payer. Puis
le caribou faisant défaut, le maître d'école dut battre
en retraite; il arriva au Lac Caribou, exténué et n'ayant pas
mangé depuis trois jours. De là, il devait descendre direc-
tement au Lac Laronge. Le P. Gasté partit en même temps,
ce qui lui permit de contrebalancer l'influence que le
voyage de ce sous-ministre pouvait avoir eu sur les sau-
vages du Sud. Le fait est que ce fut là le premier et der-
nier essai de ces messieurs au lac Caribou. C'est à cela
que fait allusion Mgr Taché quand il dit dans son livre :
Vingt années de missions : » jamais nos pères, vrais pas-
teurs des âmes, n'ont trouvé plus vrai le proverbe qui dit :
La faim fait sortir le loup des bois ».
Le P. Gasté se rendit donc à l'Ile à la Crosse, en 18 jours
de marche ; son arrivée causa beaucoup de surprise, les
nouvelles de la famine n'étaient guère rassurantes; mais
l'enthousiasme du jeune père, sa confiance en l'avenir, sa
joie de voir les Montagnais échapper au danger de l'héré-
— 190 —
sie, eurent vite rassuré tous les cœurs, à tel point qu'on lui
permit de prendre avec lui à son retour, un autre engagé
en remplacement du Fr. Péréard dont la santé était ruinée.
Le P. Gasté nous dit aussi quels jours heureux il passa
en la compagnie de Mgr Faraud, nouveau Vicaire Aposto-
lique élu du Me. Kensie, quel immense profit il put retirer
de cette rencontre, car il put copier, en entier, le Nouveau
Testament écrit en Montagnais par ce grand Evêque mis-
sionnaire. A son retour, il put se procurer du fil à rets,
surveiller, au Portage Fort de Traite, l'embarquement des
pièces de la mission. Là, il rencontre une autre famille de
métis qu'il n'hésite pas à engager encore.
Il y a plus : le père eut une entrevue avec le chef Mon-
tagnais qui avait résolu de confier ses deux enfants au
ministre pour les faire instruire, et réussit si bien près de
lui que ce chef lui remit de suite ses enfants, disant :
« Garde les bien, c'est mon cœur que je te donne ».
Le P. Végre\'ille ne fut pas peu surpris et heureux à la
fois, de voir son compagnon en si nombreuse compagnie.
Sept bouches de plus à nourrir auraient dû compter, ce
semble, à la table de ces pauvres qui venaient à peine
d'échapper à la famine. Et ils ne firent que se réjouir, tant
il est vrai que nos apôtres voyaient le doigt de Dieu dans
cette épreuve et redoutaient moins que jamais les priva-
tions.
Le Supérieur, en effet, n'avait pas trop souffert de la faim ;
entre temps il avait pu faire 15 nouveaux baptêmes; le
P. Gasté en avait fait 8 autres au bout du lac, et le total
de l'année donnait 41.
Ce n'est pas que tout fût rose cependant : le P. Végre-
ville, dans ces incessants et longs voyages, avait contracté
des rhumatismes aigus qui l'obligèrent à se décharger sur
le P. Gasté de la direction de la mission. Puis, avec la per-
mission de ses supérieurs, il se rendit à la rivière Rouge.
Il emmenait avec lui les deux enfants du chef confiés au
P. Gasté. Ce voyage du missionnaire usé avant le temps
— 191 —
par ces fatigues excessives eut une autre utilité : il sauva
la mission que menaçait une nouvelle épreuve.
Nos succès, écrit le P. Gaslé, n'étaient pas sans exciter la
bile de nos adversaires. Parmi eux, se faisait distinguer le
chef de district qui avait remplacé à l'ile à la Grosse, Mr
G. D'Eschambeault. Ce Monsieur rêvait du lac Caribou
pour ses coreligionnaires. Au point de vue financier, la
mission attirait les sauvages chrétiens qui chassaient les
fourrures au Sud, tandis qu'au Nord, c'était plutôt un
poste de vivres. Ce fut le prétexte invoqué pour supprimer
le poste. Les missionnaires n'auraient qu'à plier bagages,
ne pouvant faire eux-mêmes leurs transports. Les PP. Vé-
greville et Gasté ne s'émurent pas trop de ces bruits, car il
leur suffisait d'en appeler au gouverneur de la Compagnie,
et en cas d'insuccès d'appeler des traiteurs libres dans le
pays. Le voyage du Père réussit à merveille et au delà de
toute espérance. Ce même Mr. d'Eschambeault, chef de
district, si renommé pour sa droiture et son attachement à
la religion, et qui se trouvait alors en congé, consentit à la
prière de Mgr Taché, de venir prendre charge du Lac Cari-
bou, Il fit de ce poste un poste de fourrures, et par l'appui
moral de ses exemples et de sa bonne entente avec les
pères, ne contribua pas peu à affermir la mission nais-
sante.
Ce même été, 1864, le P. Gasté se rend à l'Ile à la Crosse,
pour y rencontrer le T. R. P. Vanderbergue, visiteur de
missions au nom du T. R. P. Général, Mgr Taché et Mgr
Grandin. Ce dut être une grande joie pour le jeune Oblat
isolé dans ce coin retiré du Nord, de passer quelques jours
en la compagnie de ses supérieurs majeurs réunis.
A son retour au lac Caribou à l'automne, le P. Gasté fut
reçu par Mr d'Eschambeault dont nous avons parlé.
1865. — Les notes du P. Gasté, cette année, nous disent
la peine qu'il éprouvait de ne pas assez posséder la langue,
pour faire tont le bien désirable. L'église aussi ne pouvait
— 192 —
contenir tous les sauvages, autre source d'indifférence. La
mission du printemps produisit d'assez heureux résultats,
puisque nous voyons un total de 98 baptêmes cette année.
Après cette mission, tous les sauvages se séparent et par-
tent à la suite du caribou. C'est la solitude et le repos après
l'affluence et le surmenage. Le repos que prend le père
consiste à descendre au Portage Fort de Traite, avec les
berges, visiter les chrétiens disséminés sur le chemin.
Là, il voit deux jeunes animaux que le R. P. Moulin,
nommé directeur de la mission, a amenés avec lui. Mais
lui-même, le P. Moulin était descendu à la rivière Rouge.
Le P. Gasté attendit. La première brigade des berges amène
un frère convers pour la mission. Avec la seconde brigade,
arrive Mgr Faraud, et le P. Gasté pousse jusqu'à l'Ile à la
Crosse avec sa Grandeur.
Le retour ne fut pas si agréable. L'épidémie de rougeole
sévissait de partout, depuis la rivière Rouge, jusqu'aux
confins de la grande rivière (Mackenzie). Déjà bien des vic-
times ont succombé. Le chef que nous avons vu confier ses
enfants au P. Gasté arrivait de la rivière Brochet (Norway-
House), terrassé par la maladie, il se dispose à mourir en
recevant le baptême des mains du P. Gasté.
Vu les circonstances, il tardait au Père de gagner sa mis-
sion au plus tôt. Il part sans attendre son supérieur, et
arrive au lac Caribou le 3 septembre. Il trouve la maladie
installée dans chaque famille. Pour comble de malheur,
nombre de sauvages arrivent des terres pour rencontrer les
berges, et succombent au mal. La mission est transformée
en hôpital. Le père put sauver la moitié des malades, et
ceux-ci, par reconnaissance, s'opposent au voyage du prêtre
parmi eux. Us redoutaient pour lui les mauvais portages
dans l'eau froide et profonde. Ils repartirent seuls au grand
désespoir du P. Gasté, amenèrent la contagion et la mort
parmi les camps. Cette année fut marquée du nom de la
grande rougeole.
Le P. Moulin, de son côté, nous donne une preuve de
— 193 —
cette activité qui le distingue en voyage. Xous voyons des
actes de baptême, faits au lac Bourbon (aujourd'hui lac
des Cèdres), le 16 septembre, et le 2 octobre au lac
Caribou.
1866. — Le P. Moulin, supérieur, marche sur les traces
du P. Végreville, son prédécesseur, et accompagne les Mon-
tagnais à la poursuite du caribou sur les terres. On parle
encore aujourd'hui des voyages du joyeux P. Moulin, plus
dur à la fatigue que les sauvages eux-mêmes. Le 4 novem-
bre, le Père était encore sur Kazan Lake, et la semaine
suivante, Mgr Grandin arrivait mourant de faim, le nez et
le menton gelés, les jambes hors de service. C'était la pre-
mière visite de l'évêque à cette mission lointaine. Mgr Gian-
din avait un grand cœur qui comprenait et ressentait les
souffrances de ses frères plus que les siennes propres.
C'est une de nos plus difficiles missions, écrivait-il. Elle
l'est beaucoup plus selon moi, que celle de Goodhope. Dans
cette contrée, le transport des approvisionnements est si
difficile que c'est à peine si on peut faire passer aux mis-
sionnaires ce qui est strictement nécessaire pour les empê-
cher de mourir de faim.
Sa Grandeur eut la doiileur de voir tant de fatigues et de
privations, unies à tant de zèle, méconnues des sauvages.
Il y avait peu ou point d'adultes convertis, et cette pre-
mière visite de l'évêque donne seulement 4 communiants et
7 confirmations. Cette année, 37 baptêmes.
1867. — Le R. P. Moulin se rend à l'Ile la Crosse, où
il arrive juste à temps pour voiries ruines fumantes de cette
mission (mars 1867).
Le R. P. LegofiF lui succède au lac Caribou en septembre
de la même année. Le P. Legofl est par excellence le mis-
sionnaire des Montagnais, il n'a pas d'égal pour la con-
naissance de la langue, et ses ouvrages parleront pour lui
après sa mort. Il faut connaître la langue Montagnaise avec
13
— 194 —
tous ses caprices et ses difficultés pour apprécier le mérite
des ouvrages du P. Legoff, et la mission du lac Caribou
revendiquera toujours l'honneur de lui avoir fourni les pre-
mières armes en cette étude qui a été l'œuvre de sa vie, et
a assuré tant de fruits à son ministère et à celui de tous ses
frères.
Cette année marque 18 mariages. En feuilletant avec soin
les registres, on découvre cependant que dans la plupart
des cas, il s'agit de jeunes gens baptisés quelques années
auparavant, ou encore de mariages contractés avec dis-
pense de disparité de culte. Les adultes résistaient encore.
1868. — Alors le P. Gasté reprend la tactique des
PP. Végreville et Moulin. Il suit à son tour les Montagnais
dans leurs pérégrinations sur les terres, et le premier des
missionnaires et des explorateurs aussi, il pousse jusqu'au
Doobant Lake à une distance de plus de 200 lieues au nord
du lac Caribou. Il faudrait un rapport spécial pour décrire
ce voyage à lui seul. Nous nous permettons de renvoyer le
lecteur à ce qu'en a écrit le P. Gasté dans les missions des
0. M. I., décembre 1870. Disons seulement que les exemples
de patience et de charité héroïque que donna le mission-
naire en cette occasion ne furent pas perdus. Quand sonna
l'heure de la grâce pour ces pauvres Montagnais, ils se
rappelèrent tout ce qu'ils avaient vu, ils en furent touchés
et d'un commun accord demandèrent le baptême. Ils
crurent à une religion qui inspire tant de dévouement.
Dans ce voyage aussi, le P. Gasté rencontra les Esqui-
maux, et depuis ce jour ne cessa de travailler au salut de ces
pauvres païens, car depuis lors les Esquimaux ne manquaient
jamais de venir chaque année au lac Caribou pour traiter
leurs fourrures. Qu'eût pensé alors le zélé missionnaire, si
on lui eût dit que son successeur qui devait entreprendre
cette mission des Esquimaux n'était pas encore né ? Sans
doute, il eût désespéré de voir jamais l'évangélisation de ces
pauvres païens. Et pourtant 32 ans plus tard, c'était lui
— 195 —
qui recevait au lac Caribou le jeune prêtre, l'initiait à la
vie de missionnaire, à la langue, lui encore qui dirigeait
ses premiers travaux, et aujourd'liui même que la fonda-
tion de la mission est décidée, c'est lui qui se montre plein
d'activité et de zèle pour aider à parfaire ce qu'il avait
commencé il y a 44 ans. L'année 1868 nous donne un total
de 38 baptêmes et 6 mariages.
1869. — L'année 1869 est marquée par le voyage du
P. Legoff à Saint-Boniface. A son retour, le Père amène un
postulant convers, le F. C. Guillet, qui devait être l'àme de
la mission Saint-Pierre, au point de vue matériel, et dont
le souvenir restera, avec celui du P. Gasté, à jamais gravé
dans le cœur des Montagnais du lac Caribou.
1870. — J'ai reçu les nouvelles que vous m'avez données
de la mission du lac Caribou. Pauvres Pères, pauvres
Pères, que de privations, que de souffrances! Mon Dieu,
venez à leur aide, consolez-les, fortifiez-les par votre grâce...
Ainsi parlait le T. H. P. Fabre, deuxième supérieur
général des Oblats, dans une lettre à Mgr Grandin.
Ne nous étonnons pas de voir Mgr Grandin de retour au
lac Caribou en 1870. Sa Grandeur y passe même trois mois,
avril, mai, juin. Elle put constater par Elle-même, comme
Elle le désirait, ce qu'était la vie des Pères au lac Caribou.
Devant l'indifférence des Montagnais, Monseigneur résolut
de retirer les Pères, mais il ne put résister aux prières du
P. Gasté qui demandait du temps encore pour ses chers
sauvages. Mgr Grandin le laissa seul avec le F. Guillet,
permit même d'élever une maison chapelle, moins par
confiance dans l'avenir que pour améliorer la condition
des missionnaires, ne fût-ce que pour quelques mois seule-
ment.
Le dévouement admirable du P. Gasté ne fut pas sans
récompense. Mgr Grandin venait à peine de quitter le lac
Caribou (juin 1870) quand, le 5 novembre suivant, Dieu
— 196 —
voulut manifester ostensiblement à son missionnaire
combien ses prières et ses sacrifices lui étaient agréables.
Ce jour-là, le Père célébrait le service anniversaire pour
les membres défunts de la Congrégation. Le célébrant
revêt les ornements sacrés et s'avance à l'autel. Aussitôt,
les assistants aperçoivent à quelques pieds de l'autel,
au-dessus de la crédence, de légers nuages de fumée, au
travers desquels se dessine une figure humaine, noircie
par le feu, les traits accusent la souffrance résignée. Sur la
poitrine, la croix d'Oblat, et sur le col de la soutane, un
petit collier de perles blanches imitant le collet romain.
Seuls, le P. Gasté et le F. Guillet qui sert à l'autel, n'ont
rien aperçu. La figure devient blanche et radieuse à l'éléva-
tion, autour de la tête, un nimbe lumineux qui fait briller
les nuages environnants. La vision suit tous les mouve-
ments du prêtre à l'autel; à l'absoute, elle se tourne vers le
catafalque, faisant face aux assistants, et après la dernière
prière, disparaît légèrement et avec grâce, laissant aux
spectateurs l'impression d'une âme grandement réconfortée
et joyeuse. Chacun s'empresse de faire mille questions au
P. Gasté qui ne soupçonnait rien de la grâce signalée dont
ses fidèles avaient été l'objet. Le Père fait une enquête,
tous les assistants, sous la foi du serment, témoignent de
la vérité de leurs dires. Interrogés séparément, leurs asser-
tions concordent parfaitement, le doute n'est plus permis.
Or le visage, les traits, le collier de perles, tels que le décri-
vaient les témoins, tout semblait indiquer qu'il s'agissait
du R. P. Mestre, ancien maître de novices à Saint-Boniface.
C'est sous sa direction que le P. Gasté avait fait son novi-
ciat. Mais on ne savait pas qu'il fût mort. On devine l'émo-
tion et la joie du P. Gasté quand le courrier de février lui
apporte la nouvelle de la mort du P. Mestre, décédé au
mois d'août précédent.
On ne saurait croire tout ce que fit alors le P. Gasté pour
la conversion des Montagnais. Il les pressait à temps et à
contre-temps, leur représentant avec bonté que Monseigneur
— 197 —
Grandin menaçait de retirer les Pères; il essayait de tou-
cher ces natures sauvages et froidement égoïstes. A ces
invitations pressantes, le Père joignait d'effrayantes péni-
tences corporelles dont son compagnon avait surpris le
secret.
C'est qu'en effet, si le Bon Dieu voulait bien témoigner
d'une manière sensible qu'il agréait les prières de son
apôtre, lui, cependant redoublait de crainte et d'anxiété :
cette année ne lui donne que 31 baptêmes.
1871. — Profitant de l'arrivée du P. Moulin que Mgr
Grandin envoie de nouveau à son secours, le P. Gasté
i-eprend de longs et pénibles voyages, mais n'obtient que
3:3 baptêmes d'enfants.
En 1872 les PP. Moulin et Gasté luttent de courage et
couvrent tout le pays du nord au sud et ne peuvent enre-
gistrer que 15 baptêmes, dont 6 d'adultes cependant.
L'année 1873 donne 92 baptêmes, dont 3 d'adultes seu-
lement. A l'été arrive le P. Blanchet qui devait laisser au
lac Caribou un autel en bois découpé, digne des meilleurs
ouvriers.
1874. — L'arrivée du P. Blanchet avait aussi pour but
de remplacer le P. Moulin, qui, voyageur infatigable, avait
à desservir les Montagnais de l'extrême-Nord, jusque sur
les terres des Esquimaux, et en même temps était chargé
de suivre les Cris des prairies à la chasse au buffalo. Nous
voyons ainsi le joyeux petit Père partant du lac Caribou,
visiter le lac Pélican, Cumberland, Le Pas, Grand Rapide,
Lac Winnipeg, Fort-Pitt, Saint-Albert, et de là, suivre les
Cris à la prairie. Le Père Gasté descendit avec lui jusqu'au
Grand Rapide, et rentra au lac Caribou, pour courir de
suite, aux premières glaces, jusqu'aux dernières limites du
bois.
— 198 —
Cette année donne un total de 45 baptêmes dont la majo-
rité est de métis ou de Cris visités au Sud.
Le 1'^' novembre, le P. Gasté bénit la nouvelle chapelle,
y célèbre la première messe, et érige le chemin de Croix.
1875. — L'année 1875 fut une année de grâces et de
bénédictions pour les missionnaires et leurs sauvages, tant
païens que fidèles, et aujourd'hui, missionnaires et chré-
tiens profitent des fruits de salut que le Bon Maître accorda
si généreusement alors à la mission Saint-Pierre.
Le 18 juillet, Mgr Grandin, dans sa troisième visite,
donnait la confirmation à 14 chrétiens ; à la mission le
P. Gasté n'écoutant que sa charité s'était chargé de sept
orphelins, sur lesquels il déversait les trésors de son affec-
tion, et que le F. Guillet civilisait, instruisait, et qui
seraient bientôt d'excellents catéchistes.
Le P. Blanchet avait quitté le lac Caribou. A cette époque,
apparaît le R. P. Bonnald qui devait bientôt consolider et
développer l'oeuvre d'apostolat commencée par les mission-
naires du lac Caribou parmi les Cris du Sud, au lac Péli-
can et Cumberland. L'itinéraire que suivit le P. Bonnald
nous donne une idée des travaux des Pères d'alors. Nous
le voyons à Prince-Albert, le 25 mai, à Cumberland le
2 juin, le IG au Pas, le 21 au Grand Rapide. En juillet,
il est de retour au Cumberland, puis, après avoir visité
tous les fidèles du district, monte au lac Pélican, et de là
au lac Caribou, ou il arrive le 26 septembre.
Le P. Gasté, en rentrant d'un voyage au Nord, 24 dé-
cembre 1875, eut le bonheur, dont lui seul put comprendre
et goûter toute la suavité, de baptiser, au lendemain des
fêtes de Noël, le chef des Montagnais, nommé la Tête-Rouge,
qui reçut au baptême le nom d'Etienne. Le nouveau con-
verti était, on peut le dire, le premier né des Montagnais,
le premier par son autorité incontestée et qui décida la
conversion de toute la tribu; bientôt 50 adultes le suivaient
de près au baptême ; la mission avait produit ses fruits, nos
i
— 199 —
apôtres entonnèrent le chant de la reconnaissance envers
Celui qui tient les cœurs dans sa main et les change à son
gré.
Ainsi, il fallut 15 ans de solitude, de privations, de péni-
bles travaux et voyages, pour amener la conversion du chef
de la nation Montagnaise, et ce ne fut que près de 20 ans
après la fondation de la mission que nos Pères purent ame-
ner toute la tribu dans le sein de l'Eglise.
Le plus grand pas était fait. La conversion du chef répon-
dait du succès. Nos apôtres vont-ils se reposer de leurs fati-
gues et chercher une existence plus confortable?
Ils ne sauraient oublier toutes ces âmes qu'ils ont visi-
tées de temps à autre dans leurs voyages au Sud, comme
en font foi les registres de la mission Saint -Pierre, qui
s'étendait de Doobant Lake au nord, jusqu'au lac Winni-
peg, au sud, soit une distance de près de 1.000 milles, soit
40G lieues. Ces missionnaires étaient les seuls, en effet, à
voyager sur tout ce parcours, exerçant le ministère, durant
leurs voyages, quand la nécessité le demandait; ils avaient
formé ainsi au lac Pélican, à Cumberland, au Pas, et au
Grand Rapide, des centres chrétiens qu'ils s'imposaient
volontiers de visiter; tout le ministère exercé sur cet
immense parcours était noté aux registres de la mission
Saint-Pierre.
Aussi, la tribu Montagnaise étant pratiquement gagnée,
nos apôtres, comme s'ils avaient peur de devenir prêtres
résidents, et perdre leur titre de missionnaires, s'occupent-
ils activement de ces chrétiens éloignés.
1876. — Dès l'année 1876, le P. Gasté envoie son com-
pagnon, le P. Bonnald, au lac Pélican en vue d'y établir
une mission permanente. Ce seul fait nous dit qu'il y avait
là déjà un centre de chrétiens assez nombreux. Nous pou-
vons dès lors nous faire une idée du zèle et des travaux de
ces missionnaires auxquels il avait suffi d'une visite de
temps à autre parmi ces gens pour former et conserver un
— 200 —
noyau de fidèles qui déjà méritaient d'avoir leur église et
leur prêtre à eux, tout aussi bien et presque en même
temps que les Montagnais plus favorisés depuis de longues
années.
En mars 1876, le Fr. Labelle, arrivé l'année précédente
avec le P. Bonnald, traverse deux fois le lac Caribou.
D'abord, pour porter les provisions et bagages du Père à
l'extrémité sud du lac. ensuite pour conduire le Père, qui
du Fort Gharley, se rend en canot au lac Pélican. Ces voya-
ges ne se faisaient pas avec tout le confort désirable, puis-
que le pauvre Frère perdit alors deux chiens qui périrent
de misères et de fatigues. Le P. Gasté visita lui-même le
lac Pélican l'été 1876, et comprenant qu'il ne fallait pas
songer à approvisionner le lac Pélican par le Lac Caribou,
décida de fonder aussi la mission de Cumberland.
Pour cela, le P. Gasté devait envoyer au Cumberland le
jeune Père qui viendrait lui tenir compagnie en remplace-
ment du P. Bonnald qu'il avait cédé si généreusement au
lac Pélican.
1877. — Ce sacrifice n'était pas au-dessus du courage
du P. Gasté. Le P. Paquette arrivait en 1877, et de suite, le
P. Gasté envoie le Fr. Labelle pour aider aux constructions.
Ce Frère écrivait au P. Gasté le 2 septembre : Mr Bélanger
nous a fait préparer une petite maison pour hiverner, en
attendant que la nôtre soit construite. Il n'y a rien ici, ni
planches, ni pièces pour la charpente, ni perches de cou-
verture, ni chevrons. Pour les portes et châssis, le bois
promis est encore debout, de sorte qu'il faudra employer
du bois vert, ou bien renoncer à bâtir cette année.
1878. La maison s'éleva en été 1878. Ainsi le P. Gasté
restait au lac Caribou, le P. Bonnald seul au lac Pélican, et
le P. Paquette seul au lac Cumberland. Cela seul suffit à
nous dire ce qu'étaient ces hommes qui entreprenaient et
acceptaient de tels travaux, sans même songer à la solitude
— 201 —
qui s'imposait à chacun d'eux par suite des énormes dis-
tances qui les séparaient.
1879. — Une lettre du P. Bonnald, dans nos missions,
nous dit qu'il reçut alors pour la première fois l'allocation
de la mission du lac Pélican. Jusquo-là cette mission avait
vécu des secours que lui prodiguait la mission Saint-Pierre.
Nous ne savons s'il en était de même pour la mission Saint-
Joseph de Gumberland, tout porte à le croire cependant;
cette dernière, n'existant que depuis un an, était redevable
de sa fondation au missionnaire du lac Caribou, tout comme
celle du lac Pélican.
(A suivre.) A. Turquetil, 0. M. I.
NOUVELLES DIVERSES
La Propagation de la Foi.
En 1910, les recettes de l'Œuvre de la Propagation de la
foi s'étaient élevées à 6.986.678 fr. 05 avec une augmentation
de 275.216 fr. 21 sur celles de l'année précédente. Nous
sommes heureux d'annoncer qu'en 1911, elles ont été de
7.274.226 fr. 59. C'est donc une somme de 287.548 fr. 54 à
inscrire en plus dans le budget annuel de l'apostolat. C'est
la plus forte offrande recueillie depuis la fondation de
l'Œuvre.
Voici par ordre les sommes les plus importantes conte-
nues dans cet imposant total :
Diocèses de France : 3.025.788 fr. 89;
» des Etats-Unis : 1.401.675 fr. 90 ;
. d'Allemagne : 537.612 fr. 31 ;
» d'Alsace-Lorraine : 392.950 fr. 23 ;
— 202 —
Diocèses de Belgique : 359.952 fr. 87;
d'Italie : 253.257 fr. 52 ;
» de l'Argentine : 242.302 fr. 93;
d'Espagne : 220.947 fr. 73;
d'Irlande : 134.117 fr. 20.
Tandis que l'an dernier, dix diocèses seulement avaient
offert à l'Œuvre une contribution dépassant 100.000 francs,
cette année, douze diocèses ont franchi cette étape glo-
rieuse :
1. New-York : 547.315 fr. 30;
2. Lyon : 481.137 fr. 20;
3. Metz: 222.244 fr. 73;
4. Boston : 175.817 fr. 75;
5. Strasbourg : 170.705 fr. 50 ;
6. Saint-Brieuc : 16.5.353 fr. ;
7. Nantes : 153.828 fr. 40;
8. Cambrai : 148.696 fr. 55;
9. Trêves : 136.188 fr. 45;
10. Quimper : 131.241 fr. 20;
11. Paris : 120.837 fr. 30;
12. Cologne : 113.596 fr. 24 ;
/
En tenant compte de la population catholique de chacun f
de ces diocèses, New- York occupe encore le premier rang
avec 0 fr. 44 par catholique ; 2° Metz avec 0 fr. 41 par catho-
lique ; 3o Lyon avec 0 fr. 33 par catholique ; 4° Saint-Brieuc
avec 0 fr. 27 par habitant.
— 203 —
ROME
I. — Cause du P. Albini.
Le 30 avril dernier, la Sacrée Congrégation des Rites, en
session plénière des Em. cardinaux, a procédé à la revision
des écrits du P. Charles-Dominique Albini.
C'est le premier pas que fait officiellement la Cause en
Cour de Rome.
Que l'on ne s'étonne pas de cette lenteur. Aux Rites,
sauf de rares exceptions, les premiers arrivés passent les
premiers. Or, la série est longue des causes qui attendent
leur tour pour la canonisation.
Puis, Rome, surtout en matière si délicate, pousse la
prudence à l'extrême : tout y est long parce que tovit y est
minutieux.
La revision dont il s'agit, qui est une opération assez
simple en elle-même, présuppose une étude faite par le
cardinal ponent, et celle-ci des investigations scrupuleuses
opérées par des théologiens ad hoc, lesquels paraissent se
donner comme mission d'exagérer encore la prudence et la
lenteur romaines.
On sait que le cardinal ponent dans la cause du P. Albini
est l'Em. cardinal Vives de l'Ordre des Frères Mineurs
capucins, préfet de la Sacrée Congrégation des religieux.
Le résultat de la revision n'a pas encore été publié offi-
ciellement, mais des renseignements très sûrs nous per-
mettent d'annoncer que les écrits du serviteur de Dieu sont
sortis triomphalement de cette épreuve.
La revision des écrits ne vise à rien de plus, du reste,
qu'à s'assurer de leur parfaite orthodoxie et qu'il ne s'y ren-
contre rien qui puisse faire obstacle à la canonisation.
C'est, avec le procès de non cultu qui se fera prochaine-
ment à Vico en Corse, ce qu'on peut appeler le côté néga-
tif de la cause.
— 204 —
Les procès diocésains de fama sanctitatis et miraculo-
ruyn (dans l'espèce ceux d'Ajaccio et de Nice), en forment
la base positive, du moins quant aux préliminaires de l'in-
troduction.
Inutile de décrire la longue filière qu'ont traversée les
procès. A ce point de vue, voici où en sont les choses.
Les interrogatoires des témoins dûment examinés, apos-
tilles, classés , ce que l'on appelle V Information et qui
n'est autre chose que la thèse fondée sur les interrogations
et tendant à démontrer la recevabilité de la demande d'In-
troduction ; les Lettres postulatoires des cardinaux, arche-
vêques, évêquesj chefs d'Ordres ou de Congrégations, au
nombre de plus de deux cents (le tout imprimé en un fort
volume), se trouvent déjà depuis quelque temps aux mains
du promoteur de la foi : quand ce dernier, vulgairement
appelé l'avocat du diable, aura formulé ses objections et
que l'avocat de la cause y aura répondu, tout sera prêt
pour la Congrégation pléniére qui aura à se prononcer sur
l'Introduction.
Nos lecteurs voudront bien prier, afin que, grâce à un
tour de faveur, notre vénéré P. Albini puisse être déclaré
Vénérable dans le courant de l'année prochaine.
Un mot encore pour remercier les Pères qui ont bien
voulu se faire les intermédiaires du postulateur auprès de
plusieurs évêques pour en obtenir des Lettres postulatoires.
II. — Induit pour la bénédiction collective
du scapulaire du Sacré Cœur.
Le Supérieur Général vient d'obtenir l'induit dont la
teneur suit :
Beatissime Pater,
Augustinus Dontenwill, Archiepiscopus titularis Ptole-
raaidensis, Superior generalis Oblatorum B. M. V. Immàe,
— 205 —
ad pedes Sanctitatis Vestrse humillime provolutus, suppli-
citer petit ut singuli ejusdem Congrégationis Presbyteri,
tempore Missionum et Exercitium spiritualium, immo
extra illud tempus, quotiescumque aliter nonnisi cum dif-
ficultate fieri polest, ob concursum Fidelium, valeant bene-
dicere Scapulare SSmi (lordis Jésus (dictœ Gongregationi a
S. Sede commissum) adhibendo formulam in numéro plu-
rali atque ita ut ipsi singuli fidèles illud sibimctipsis
imponant.
Et Deus
Die 11 maii 1912.
SSmus D. N. D. Plus Div. Prov. PP. X, per facultates
D. Gard. Secretario S. Officii impertitas, bénigne annuit
pro gratia juxta preces, ad septennium, servatis ceteris de
jure servandis.
Contrariis quibuscumque non obstantibus.
De mandato D. Gard. Secreiarii,
LfS.
Aloisius Giambeke.
Suhtitus pro Indulgentiis.
III. — Pauperes evangelizantur.
On lit dans VOsservatoi^e romano, les lignes suivantes
sous le titre : » Une colonie agricole reçue par le Saint-
Père. >
Le dimanche 21 avril dernier le Saint-Père a daigtié
paternellement admettre en son auguste présence une nom-
breuse députation de la colonie agricole de Porta Furba,
ressuscitée depuis peu à une nouvelle vie.
C'est une œuvre sainte, accomplie par les bien méritantes
sœurs Ursulines de la très sainte Vierge, qui, avec l'aide de
quelques Pères Oblats de Marie Immaculée, et tout parti-
culièrement du très zélé P. Ai'istide Ferri, qui y exerce
continuellement le ministère, ont inauguré et poursuivent
- 206 —
parmi les pauvres habitants de la région une œuvre de
régénération religieuse et morale.
La bénédiction de Dieu et la bienfaisance du Saint-Père
ont fait que les labeurs apostoliques des uns comme des.
autres ont produit des fruits abondants et précieux. Il y a
là 80 familles, soit un ensemble de 500 personnes, qui, abri-
tées dans de pauvres cabanes, étaient, il y a peu de temps
encore, absolument dépourvues de toute assistance reli-
gieuse. Les paternelles sollicitudes du Saint-Père, à qui
n'échappent pas les besoins spirituels des plus humbles
parmi ses enfants, et l'arrivée au milieu d'eux de ces vrais
anges consolateurs sous forme humaine, ont accompli le
miracle de l'heureuse transformation de cette colonie.
Dans la modeste maison habitée par les sœurs et dans la
petite chapelle dédiée à Notre-Dame du Bon Conseil et des-
servie par les Missionnaires, affluent nombreux les enfants,
qui fréquentent l'école, apprennent le catéchisme et accom-
plissent régulièrement leurs devoirs religieux.
Récemment, à l'occasion des solennités pascales, bien édi-
fiant a été le concours des hommes aussi bien que des
femmes à la sainte Table, de laquelle on a vu s'approcher,
à la grande édification de tous, des personnes qui, depuis
plusieurs dizaines d'années, s'en tenaient éloignées, et d'au-
tres qui, déjà avancées en âge, ne s'étaient jamais appro-
chées des sacrements. C'est vraiment toute une reflores-
cence de vie chrétienne qui est venue transformer et rendre
moins dure l'existence de ces pauvres habitants de la cam-
pagne romaine.
Bientôt la petite chapelle, devenue insuffisante pour
abriter les fidèles toujours plus nombreux, sera remplacée,
moyennant la générosité du Saint-Père, par une petite
église plus spacieuse, adaptée aux besoins de la colonie.
Ce matin donc une députation de Porta Furba : 160 per-
sonnes, parmi lesquelles 40 petites filles qui avaient fait
— 207 —
leur première communion, ont été présentées par les
sœurs et par les missionnaires au Saint-Père, qui a daigné
leur accorder une audience particulière qui fut très émou-
vante.
Sa Sainteté entra dans la salle où ces personnes se trou-
vaient réunies et, s'arrétant au milieu d'elles, agenouillées
tout autour, leur adressa des paroles tout empreintes de
paternelle bienveillance. Le Pape les exhorta à marcher
toujours dans le chemin de la vertu et appela sur eux
l'abondance des bénédictions célestes. Après la bénédiction
apostolique trois charmantes fillettes s'avancèrent, et la
plus âgée d'entre elles lut avec beaucoup de grâce quelques
paroles d'affectueux dévouement, après quoi, les deux plus
petites, qui se tenaient à ses côtés, offrirent au Saint-Père,
l'une un bouquet de fleurs de leurs champs, et l'autre une
petite corbeille qui contenait deux blanches tourterelles,
symbole de la candeur de leurs âmes innocentes. Le Saint-
Père agréa l'offrande en souriant, caressa les enfants en
ajoutant d'autres paroles affectueuses.
Les petites filles s'étant retirées, le président du futur
cercle de la jeunesse de la colonie vint se prosterner aux
pieds du Saint-Père, et prononça quelques paroles bien
senties, remerciant le Saint-Père d'avoir pourvu avec tant
de charité au besoin de leurs âmes.
A lui aussi, le Saint-Père daigna répondre en accueillant
les sentiments qui venaient de lui être exprimés, exhorta
ces jeunes gens à rester fermes dans leurs bonnes résolu-
tions, et de nouveau il les bénit.
Pendant que le Saint-Père se retirait au milieu de l'émo-
tion générale on distribua à tous une petite médaille en
souvenir de ce jour.
208
PREMIÈRE PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
A propos du « Bulletin paroissial » de Saint-Joseph
de Lo-well Mass.
Lowell est une ville d'à peu près 100.000 habitants, chef-
lieu du comté de Middlesex, au nord des Etats-Unis. Elle
fait partie de l'archidiocèse de Boston.
Cette cité, très industrieuse, très active, fut fondée en
1821 par des émigrants venus de Boston. On y remarque
des filatures, des fabriques d'étoffes, de tapis, de flanelles,
des usines pour la construction des machines à vapeur.
Quelques Canadiens, originaires de la province de Qué-
bec, attirés par le bruit d'industries naissantes, vinrent, il
y a cinquante ans, se fixer à Lowell. Les gages étaient
bons, le travail facile à trouver ; aussi, dès que la chose fut
connue, de nombreux Canadiens accoururent rejoindre
leurs compatriotes. Vers 1865, plus de 50.000 Canadiens
étaient établis dans la Nouvelle-Angleterre.
Devant ce flot d'émigrants, qu'ils se sentaient incapables
d'arrêter, les évêques du Canada, pour conserver ces âmes
à la foi catholique, firent appel au dévouement d'une jeune
Congrégation religieuse, fondée par Mgr de Mazenod,
évêque de Marseille, les Oblats de Marie Immaculée. Ces
religieux commencèrent par prêcher des missions dans les
régions occupées par les Canadiens. Ils obtinrent un
immense succès. On était alors en 1868. Les supérieurs
décidèrent, pour répondre aux désirs de Mgr Williams,
archevêque de Boston, d'établir une paroisse franco-cana-
dienne à Lowell, et, le 19 avril de cette année, les
PP. Garin et Lagier se fixèrent définitivement dans la
ville.
— 209 —
Impossible d'entrer dans tous les détails de cette fonda-
tion. Nous ferons simplement remarquer qu'il s'agit d'une
paroisse spécialement destinée aux Canadiens, paroisse de
langue française, créée dans le but de grouper les émigrés
du Canada pour conserver leur foi catholique, leur esprit
national et leur langue maternelle. D'autres paroisses
catholiques existent à Loweli, entre autres celle de Saint-
Patrice, réservée aux émigrés irlandais.
La paroisse établie par les Pères Oblats fut mise sous le
vocable de saint Joseph : le P. Garin fut le premier curé.
Aujourd'hui, sous la direction d'un seul curé, le R. P. Wa-
telle, elle comprend deux paroisses : Saint-Joseph et Notre-
Dame de Lourdes, celle-ci ouverte le 6 septembre 1008.
Saint-Joseph a deux églises paroissiales : Saint-Joseph,
l'église primitive, et Saint-Jean-Baptiste. De plus, on a dû
ouvrir une chapelle succursale : Sainte-Marie de South-Lo-
v^ell, qui sert à une population canadienne de 500 per-
sonnes, sur lesquelles il y a 318 communiants.
En 1911, cette mission franco-américaine de Saint-Joseph
de Loweli groupe 14.885 habitants. Elle est dirigée par
11 Pères Oblats, aidés de 43 professeurs. Frères, religieuses
et institutrices laïques. Les écoles libres, à la charge des
Pères, possèdent 2. 367 élèves, et les écoles publiques 405.
Tous ces détails, un peu longs, nous l'avouons, étaient
cependant nécessaires. Ils nous aideront à comprendre l'or-
ganisation de la presse paroissiale à Loweli et les magnifi-
ques résultats obtenus grâce à elle parmi cette population
profondément catholique.
Le Bulletin date de mai 1910. Il est mensuel et forme
une brochure in-8°, d'aspect attrayant, sous une couverture
voyante dont la couleur varie chaque mois. Le papier est
excellent. Le nombre des pages n'est pas fixé, tantôt plus,
tantôt moins, mais toujours une cinquantaine au minimum.
Entrons maintenant dans l'étude des détails. Laissons le
14
— 210 —
R. P. Watelle, supérieur des Oblats de Lowell et curé de
Saint-Joseph, nous exposer le programme de son Bulletin:
« Ce n'est pas, nous dit-il, un programme de combat.
Nous avons à en remercier Dieu, notre population est
bonne, elle est restée profondément chrétienne, et quicon-
que se lèverait pour attaquer notre religion serait tout
aussitôt méprisé. Nous n'avons pas d'adversaires sérieux :
inutile donc de combattre.
« Ce que nous avons à faire, c'est de maintenir et de for-
tifier nos fidèles dans la foi, de leur donner des convictions
religieuses de plus eu plus inébranlables ; c'est de les
mettre en garde contre les erreurs qui pourraient venir du
dehors.
« Ce que nous voulons faire encore, c'est de mieux grou-
per nos gens autour de leurs prêtres, de les mettre en rap-
ports plus intimes avec eux ; c'est de fortifier l'esprit de
paroisse, qui est un esprit de famille : la paroisse, c'est la
grande famille du bon Dieu... »
Quel moyen sera employé pour la réalisation de ce beau
programme? La dévotion au Sacré-Cœur. Le R. P. Watelle
est un apôtre du Sacré-Cœur, et vraiment en lisant le Bul-
letin de Lowell, on constate la réalisation textuelle des
promesses faites par Notre-Seigneur à la Bienheureuse Mar-
guerite-Marie (1). A Saint-Joseph, c'est une pluie de grâces
et de bénédictions qui se répand sur les fidèles, sur leurs
familles et sur toute la paroisse. Nous voudrions avoir le
temps et la place nécessaires pour faire de larges emprunts
au 'Bulletin afin d'encourager nos confrères à implanter
d'une manière intensive cette dévotion dans leurs paroisses.
Contentons-nous de signaler les observations suivantes :
« Il y a eu des premiers vendredis du mois, en 1910, où
nous avons distribué plus de cinq mille communions.
(1) La dévotion envers la Très Sainte "Vierge y est également
florissante. Nos lecteurs se souviennent de l'inauguration récente
de la grotte de Notre-Dame de Lourdes. (N. 4- l. R.)
— 211 —
« La dévotion au Sacré-Cœur, dans ce grand élan qu'elle
a créé vers la sainte Communion, a eu des manifestations
qu'il est bon de signaler, celle, par exemple, de la messe
des hommes à 5 heures. On ne manquerait certainement
pas de nous accuser d'exagération si nous disions que
chaque premier vendredi nous avons à cette messe de
5 heures de douze à quinze cents hommes qui s'approchent
de la sainte Table, et cependant le fait est là. Ce qui n'em-
pêche pas que le soubassement de l'église est rempli à la
même heure d'une foule si grande qu'elle s'y trouve à
l'étroit.
t Les communions se continuent plus nombreuses encore
aux messes de 5 h. 45 et de 7 heures.
€ Le soir a lieu le pieux exercice de l'heure sainte. A
6 h. 15, les femmes et les jeunes filles arrivent en foule.
Presque toutes sortent des manufactures et n'ont pas soupe.
On ne pense pas à ce détail quand il est question d'adorer
le Sacré-Cœur.
« A 7 h. }-2, c'est le tour des hommes. Le premier ven-
dredi d'août, l'heure sainte a été présidée par le R. P. Le-
lièvre, O. M. L, de la résidence de Québec. Ce religieux
apostolique a parcouru tous les moulins de Québec, a parlé
aux ouvriers de l'Ouvrier de Nazareth, s'est adressé à leur
cœur et les a conquis. Aussi ont-il répondu à cet appel, et
tous, en habit de travail, sont venus à Saint-Sauveur adorer
le Sacré-Cœur et entendre parler de son amour et de leurs
devoirs.
t Ils ont voulu que dans tous les moulins il y eût une
statue du Sacré-Cœur, et le premier vendredi la statue est
illuminée par de nombreux becs électriques. Les patrons
protestants eux-mêmes ont consenti à contribuer aux
frais.
t A Lowell, les hommes ont mis encore plus d'empresse-
ment à venir adorer le Sacré-Cœur ; ils persévéreront
comme ceux de Québec, et, comme à Québec aussi, ils ob-
tiendront d'insignes faveurs. »
0]2
Sept ou huit cents recommandations sont lues chaque
premier vendredi devant le Saint Sacrement exposé. Un
bon nombre sont insérées dans le Bulletin ; elles sont d'une
piété touchante.
Chaque catégorie de fidèles forme un groupe spécial
placé sous la direction de l'un des Pères et toutes ces Asso-
ciations rivalisent de piété, de zèle et de généreuse charité.
Le Tiers-Ordre de Saint-François marche en tête avec un
nombreux groupement. Puis les Enfants de Marie. Au
mois de mai dernier, cette Congrégation comptait huit cent
cinquante membres, et le Bulletin nous dit que c'est une
vraie pépinière de vocations religieuses. Les mères de famille
ont la société des Dames de Sainte-Anne. Les chefs de
famille ont la société de la Sainte-Famille. Pour les jeunes
enfants, voici la Congrégation des Anges gardiens. Lors-
qu'ils auront grandi, ils feront partie de l'association catho-
lique de la Jeunesse canadienne, sœur de notre vaillante
A. G. J. F.
Nous en oublions certainement, mais c'est un volume
qu'il faudrait écrire sur les œuvres de cette paroisse privi-
légiée. Dès maintenant, tirons une conclusion pratique
de tout ce que nous venons d'exposer si imparfaitement.
Ce qui fait la force des catholiques de Saint-Joseph de
Lowell, c'est leur union ; ils ne sont pas éparpillés, isolés,
anéantis, comme chez nous; ils sont réunis par groupes
compacts et solides, et sur ces associations, le respect
humain ne peut avoir aucune prise. Groupons-nous,
nous serons forts ; formons sans tarder le bloc du bon
Dieu!
Nous avons dit que les catholiques de Saint-Joseph sont
généreux, non seulement, et nous le verrons plus loin en
détail, pour leurs œuvres paroissiales, mais ils donnent
d'une façon magnifique aux œuvres générales. Un seul
exemple : Mgr l'archevêque de Boston appelle Saint-Joseph
— 213 —
de Lowell la paroisse porte-étendard de la Propagation de
la Foi, et Sa Grandeur ajoute : t Elle l'est du diocèse de Bos-
ton et peut-être du monde entier. » Saint-Joseph, en effet,
a versé, en 1910, à la Propagation de la Foi, la somme de
9.700 francs.
Entrons maintenant dans le détail de la rédaction du
Bulletin de Lowell. Nous n'insisterons pas sur les genres
d'articles que l'on retrouve dans toutes les feuilles parois-
siales; cependant, il serait injuste de ne pas faire remar-
quer avec quel goût parfait le R. P. Baron, directeur du
Bulletin de Saint-Joseph, choisit ou raconte les historiettes
qui abondent dans cette publication. Nous en avons déjà
reproduit plusieurs dans la R. B. P. L'empressement que
nos lecteurs ont mis à les donner dans leurs Bulletins nous
fait prendre la résolution de puiser et encore souvent à
cette source précieuse.
Doctrinales, paternelles et d'une piété communicative,
les notes pastorales du curé, le R. P. Watelle; charmantes,
spirituelles » t pleines de vie, les causeries du P. Lamothe.
Après avoir signalé, hélas ! en passant, l'histoire singuliè-
rement intéressante de la paroisse depuis sa fondation par
le P. Garin en 1868, nous parlerons brièvement des articles
spéciaux au Bulletin de Low^ell.
Sous ces titres : Conseils à un jeune homme; Conseils à
une jeune fille, voici toute une série de sages et de pieux
avis, aimablement présentés, qui pourraient être reproduits
ou au moins imités dans tous nos Bulletins paroissiaux.
La Page des petits donne surtout de délicieuses histoires
parfaitement appropriées à l'intelligence et au cœur des
plus jeunes lecteurs. A propos de ces articles, disons que
nos Bulletins français se tiennent trop dans les généralités.
Nous écrivons pour tous nos paroissiens, et bien souvent
nous n'atteignons personne. Donnons donc des articles bien
diversifiés, «'adressant à chaque catégorie de nos fidèles.
Que chacun désormais, père, mère, jeune homme, jeune
— 214 —
fille, enfant, trouve dans nos Bulletins un article qui lui
soit spécialement destiné.
Le Saint du mois est encore une excellente innovation
du Bulletin de Lowell. Nous donnons bien des articles sur
les fêtes liturgiques, mais, chaque mois, nous devrions
publier la vie de l'un des saints que l'Eglise propose à notre
vénération et surtout à notre imitation.
Il serait fort utile, pensons-nous, de faire dans nos Bul-
letins une large place aux réflexions, aux désirs, aux ques-
tions de nos lecteurs. Le Bulletin de Lowell, sous ce rap-
port, nous donne deux modèles à suivre : le Concours lit-
téraire et la Tribune des abonnés.
Le Concours littéraire, initiative du P. Brullard, a pour
but de faire traiter par les paroissiens un sujet intéressant,
pratique, et de permettre au rédacteur, en corrigeant ces
travaux, de redresser quelques inexactitudes, d'affirmer la
vraie doctrine sur les points proposés à l'étude des
concurrents.
Voici les principaux sujets proposés au Concours litté-
raire du Bulletin de Lowell :
Pourquoi j'aime la Sainte Vierge;
Mon pèlerinage au cimetière ;
Mes être unes à V Enfant Jésus ;
Mes lectures;
Vos désirs à propos du * Bulletin » ;
La vertu que je préfère.
Tous nos Bulletins peuvent très facilement proposer ces
sujets à l'étude de leurs lecteurs. C'est avec regret que nous
supprimons dans ce rapport déjà trop long quelques extraits
pris par nous dans les travaux primés à ce concours. Si,
comme nous osons l'espérer, dans l'intérêt du bien, nos
vénérés confrères adoptent cette idée de concours litté-
raires, nous donnerons dans la R. B. P. un article com-
plet reproduisant questions, réponses et critiques d'un sujet
traité dans le Bulletin de Lowell.
— 215 —
La Tribune des abonnés. — Le P. Baron, en créant cette
rubrique dans sa publication paroissiale, donne les raisons
suivantes de cette initiative :
f Dans les familles ou régnent la paix et l'union, on met
ses idées en commun, chacun a bien le droit de dire son
petit mot, de faire part aux autres de ce qu'il pense et
même quelquefois de faire charitablement de petites remar-
ques dont on s'empresse de tenir compte. Tout est pour le
mieux, dès lors que tout se dit avec l'approbation du chef
de la famille, le père, et que les enfants sont toujours prêts
à s'en rapporter, en fin de compte, à son jugement. Bien
que nous nous réservions, nous aussi, le droit de juger ce
qu'il convient de mettre ou d'omettre dans notre Bulletin,
nos abonnés, cependant, rendront à nous et à nos lecteurs
un réel service en nous communiquant ce qu'ils pensent en
ce qui regarde le bien de la paroisse ou le bien des âmes en
général
Toutes les réflexions ont un cachet personnel, une marque
de franche confiance, une liberté d'allures et d'expressions
qui ne seraient peut-être pas acceptées partout; mais,
positis potiendis, l'exemple est bon à suivre, et, en atté-
nuant certains termes, presque tous nos confrères pourront
adopter cette rubrique dans leurs feuilles paroissiales.
Nous arrivons maintenant à la partie : administration, du
Bulletin de Lowell.
Comme nous l'avons dit, il est mensuel et paraît le der-
nier dimanche de chaque mois pour le mois suivant.
L'abonnement pour les paroissiens est de 1 fr. 25 par an,
et pour les étrangers de 2 fr. 50. Le numéro est vendu un
sou.
Chaque abonné reçoit douze coupons, portant chacun le
nom d'un mois de l'année. Pour avoir un numéro du Bul-
letin, il n'y a qu'à présenter le coupon correspondant.
Depuis le 7 mai, le Bulletin a un supplément hebdoma-
daire de huit pages, grand in-4o, qui ne paraît pas le
— 216 —
dimanche où se distribue le Bulletin mensuel. Au 14 mai,
le Bulletin tirait à 2,500 exemplaires et le Supplément à
1.500(1).
Les dépenses pour le Bulletin se sont élevées, en 1910, à
6.250 francs, et les recettes à 6.997 fr. 30.
Les abonnements ne fournissent qu'une minime partie
de ces ressources, d'autant qu'il est donné gratuitement aux
œuvres un assez grand nombre d'exemplaires. Ce sont les
annonces qui, en réalité, payent le Bulletin. Nous sommes
en Amérique, et la réclame prend là des proportions encore
inconnues dans notre vieille Europe. Dans le Bulletin de
Lowell, le verso de presque toutes les pages est garni
d'annonces, mais d'annonces soigneusement choisies, pré-
sentant toutes un parfait caractère d'honnêteté, et les
Pères, sans crainte d'être contredits, recommandent cha-
leureusement les annonces aux lecteurs de leur Bulletin :
... Dès que vous avez besoin [dit le P. ^\'a telle] d'un
article pour votre ménage, consultez le B. P., c'est un guide
de commerce sûr, et bien renseigné, et bien complet
Vous avez le droit [ajoute-t-il] de croire que ceux qui
refusent de soutenir vos oeuvres paroissiales ne tiennent
pas à votre pratique.
Le Bulletin de Lovv"ell, dans son supplément, reçoit des
annonces gratuites : objets perdus, offres et demandes
d'emplois. Cette publicité est excellente, et nous avons
constaté avec plaisir qu'elle tend à se généraliser chez
nous.
Il faut se taire, bien que nous ayons à peine effleuré
notre sujet. Nous souhaitons en avoir assez dit pour
montrer quel heureux parti les Pères Oblats de Lowell
tirent de leur Bulletin pour la défense, le maintien,
l'accroissement de l'esprit catholique et national dans leur
paroisse. Que les différentes initiatives de ces saints et
vaillants religieux nous servent de modèles : concours
(1) Le tirage actuel est Je 4.000 exemplaires. (X. d.l. R.)
— 217 —
littéraires, tribune des lecteurs, surtout; nos Bulletins
seront plus vivants, plus attrayants, et par là même plus
efficaces pour le salut des âmes qui nous sont confiées.
t L'action Catholique. »
2« PROVINCE DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Lettre du R. P. Lecourtois au T. R. P. Général.
Mexico, 29 mars 1912.
Monseigneur et bien-aimé Père,
Vos enfants de Mexico se sont proposé, pour contribuer,
dans la mesure de leur pouvoir, à obtenir du ciel les
secours nécessaires dans la crise si grave que traverse en
ce moment le Mexique, de propager dans tout le pays le
« scapulaire du Sacré-Cœur » confié aux Oblats... Il est
encore à peu près inconnu ici. Avec la chaude approbation
du R. P. Provincial à qui j'ai exposé mon plan, je vais
commencer une campagne active pour la diffusion de ce
scapulaire. Après avoir demandé à Monseigneur l'Arche-
vêque de Mexico quelques mots d'encouragement, j'écrirai
aux 2.000 Prêtres du Mexique pour les inviter à travailler
dans ce but, pendant le mois du Sacré-Cœur.
Je vous prie donc, Monseigneur et bien-aimé Père,
sachant que vous approuverez aussi cette campagne, de
vouloir bien me faire adresser, à la réception de cette lettre,
un premier envoi de 150 facultés ou pouvoirs pour bénir et
imposer le scapulaire du Sacré-Cœur, déjà signées et où je
n'aurai qu'à inscrire le nom des destinataires — et de me
faire savoir en môme temps si je dois demander une
aumône pour chacune de ces facultés.
— 218 —
Combien de scapulaires pourrons-nous répandre ainsi, je
ne le sais, mais j'espère vous annoncer à la fin de l'année
que notre campagne a été des plus fructueuses.
Depuis huit jours je travaille, en prêchant dans notre
église, des exercices spirituels réservés aux hommes seuls,
à la réalisation du désir que vous aviez exprimé lors de
votre passage dans notre belle ville : la formation d'une
Association pieuse d'hommes.
De 150 à 170 ont répondu à mon appel et ce soir même je
vais leur proposer de les réunir en une Association
d' « Hommes du Cœur eucharistique de Jésus », dont le
règlement imposera à chacun :
Une heure d'adoration par mois — qui se fera, par groupe,
les dimanches, de 3 heures à 8 heures.
L'assistance à la messe de l'association, avec communion
le premier dimanche de chaque mois... et le soir, cérémonie
de réparation avec procession du Très Saint Sacrement.
Tout me fait espérer que cette œuvre, que vous avez ins-
pirée, réussira et se développera de plus en plus.
Votre bénédiction spéciale, que nous sollicitons pour ces
deux nouvelles entreprises de vos enfants de Mexico, sera
pour eux un gage assuré de succès.
Croyez, Monseigneur et bien-aimé Père, à la filiale
affection et à l'entier dévouement de vos humbles fils en
Jésus-Christ et Marie Immaculée.
Emile Lecourtois, 0. M. I.
219 —
VICARIAT DE L'ALBERTA SASKATCHEWAN.
Noces d'or d'oblation des RR. PP. Leduc et Tissier.
Le jour anniversaire de l'approbation de nos Saintes
Règles ramenait aussi le 50« anniversaire de l'Oblation
des Pères Leduc et Tissier, qui ont fait profession le
17 février 1863.
La cérémonie, faite en l'église Saint-Joachim à Edmonton,
eut un caractère tout intime, encore qu'elle fût honorée de
la présence de Mgr Grouard, Vicaire Apostolique d'Atha-
baska, arrivé la veille de Montréal ; du R. P. Grandin,
Vicaire des Missions ; du R. P. Laconibe, toujours intré-
pide; des Procureurs des missions d'Alberta, d'Athabaska
et du Mackensie ; et, cela va sans dire, des Pères de la
maison Saint-Joachim.
Mgr Grouard, si bien placé pour parler des privations,
des souffrances, et de l'isolement que l'apostolat impose
dans ces immenses régions, mit tout son cœur à en retracer
le tableau fidèle, non pas seulement tel qu'on le voit au-
jourd'hui, mais comme il était à cette époque déjà lointaine
de 50 ans. L'Evêque missionnaire rendit hommage au cou-
rage persévérant des jubilaires au milieu de tant de difS.-
cultés qu'ils ont rencontrées et surmontées.
Plusieurs fois, ils ont vu la mort de bien près : sans
médecin, sans remèdes, sans aide, sans secours, seuls
enfin, et pourtant, ils fêlent aujourd'hui le cinquantenaire
de cette vie ! Dieu les a gardés, la Vierge Immaculée les a
protégés. Ils sont là, pour l'encouragement des nouveaux
venus qui, certes, ne voudraient pas se plaindre, en regar-
dant ces vénérés jubilaires, toujours vaillants, toujours
contents, en raison même de leurs travaux, de leur pau-
vreté et de leur dévouement.
— 220
***
Le Père Tissier, fut d'abord envoyé à la Rivière la Paix
et y fonda Dunvegan, qui, à en croire les journaux de là-
bas, aspire aujourd'hui à devenir une ville, une grande
ville! Il est bon, en tout cas, de le consigner ici ; c'est bien
le Père Tissier qui en est le fondateur, lui qui le premier
eut la hardiesse de commencer et la persévérance de mener
à bonne fin la création d'un petit jardin pour subvenir à
ses besoins.
Longtemps, il y fut seul, chargé de visiter les sauvages
au pied des montagnes, en Colombie, et en aval vers le
Fort Vermillon. Durant ces courses où il contracta des
rhumatismes et des infirmités, le Père faillit mourir de
froid et de faim. C'était, entre autres fois, en 1871 : il était
allé chercher des provisions laissées dans une cache à
16 jours de marche de la mission Saint-Charles; il se gela
les pieds et eut, de plus, un doigt écrasé à la suite d'un acci-
dent, ce qui l'obligea à rester longtemps parmi les
sauvages.
Une autre fois, en 1882, la mission se vit dans la dure
nécessité de vendre ses 4 chiens, et le Père Tissier fut con-
traint de s'atteler lui-même au traîneau pour le transport
des provisions. Il s'épuisa au point qu'il dut quitter Dunve-
gan pour aller consulter un médecin. De nouveau, il vit la
mort de près et ne rentra à Saint- Albert qu'en juillet 1885*
Sa dernière obédience, datée de 1908, le charge de la
desserte des missions de Spruce-Grove, Winterburn et
Stony-Plain.
^%
Le Père Leduc n'avait pas encore 20 ans lorsqu'il fit son
Oblation perpétuelle. Il quittait le scolasticat de Marseille, en
1864, et était envoyé au Canada. D'abord professeur pendant
2 mois à l'Université d'Ottawa, puis en décembre, chargé des
— 221 —
missions situées le long de la rivière Galineau, il partit le
25 avril 1865 pour les missions du Nord-Ouest.
Le voyage d'Ottawa à Winnipeg, qui, actuellement, se
fait en 3 jours, dans de confortables Pulimanns, offrait
alors matière à sérieuse considération. On avait recours à
des moyens de transport aussi variés qu'incommodes. Pour
effectuer ce trajet jusqu'au fort Garry, il fallut au P. Leduc
un mois, dont 15 jours passés dans les grinçantes et histo-
riques charrettes de la Rivière Rouge.
La première mission confiée au dévouement apostolique
du jeune missionnaire fut celle de Pembina, sur la frontière
sud du Manitoba. Il y séjourna deux ans et, le 5 juin 1867,
partit pour Edmonton et Saint-Albert qui semblaient alors
des missions perdues au bout du monde. Il passa successive-
ment 8 ans à Saint- Albert, 4 ans au Lac La Biche, et revint
à Saint-Albert jusqu'à la fin de 1884. De 1885 à 1893, il
demeure à Galgary, reprend le chemin de Saint-Albert pour
la 4e fois, y passe 3 ans, puis 9 ans à Edmonton et enfin,
depuis 1906, il reste à Saint-Albert, soit 46 ans d'apostolat.
Notons que lors de son récent voyage en Europe, le R. P.
Leduc rencontra, pour la première fois depuis 46 ans, sa
sœur, religieuse de la Sainte -Famille, au Basutoland
depuis 1864.
Aux vénérés Jubilaires nos meilleures félicitations.
Ad multos annos.
— 222
VICARIAT DU MACKENSIE
I. — Lettre du Rév. P. X.-G. Ducot,
à Monseigneur le Supérieur général.
Mission de Sainte-Thérèse (Mackensie), le 22 janv, 1912.
Cette lettre, pas plus que les autres, n'était destinée à la publi-
cité. Toutefois, en raison de son intérêt et surtout de l'éditication
qu'elle ne manquera pas de produire, le vénéré Chef de la famille
a bien voulu la communiquer aux lecteurs des « Missions ».
Monseigneur et Très Rév. et bien-aimé Père,
Je ne veux pas laisser passer le courrier sans vous
envoyer l'expression de ma piété filiale et vous renouveler
l'assurance de ma soumission la plus entière à toutes vos
décisions ; c'est aussi dans ce but que je veux vous dire
quelques mots de notre petite mission.
Cette année-ci, nous ne sommes que deux Pères. Notre
Frère convers, après un séjour ici de deux années, est
remonté en été à la Providence, pour se préparer par la
retraite à son oblation perpétuelle.
11 nous a été impossible, malgré plusieurs tentatives, de
nous procurer un engagé pour les travaux manuels qui
sont assez considérables ici, soit en hiver, soit surtout en
été et à l'automne. Je ne puis guère plus m'occuper de
ces genres de travaux, ni môme entreprendre de voyages
pour visiter les camps. Tout retombe ainsi sur les bras de
mon cher confrère. Mais le travail, même de stricte
nécessité, comme la préparation des repas, le charriage
et le débitage du bois de chauffage, et les travaux inévi-
tables du saint ministère en ce temps-ci surtout, étaient
au-dessus de ses forces.
Nous avons d'autant plus souffert de ce manque de
— 223 —
Frères convers, que le Révérend Père et moi sommes
tombés malades de l'influenza en même temps. Les fati-
gues aussi causées par les Indiens v^nus pour la Noël,
exercices quotidiens préparatoires à la fête, instructions,
préparation au catéchisme des enfants et grandes per-
sonnes m'avaient complètement épuisé. C'est après cela
que j'ai été malade de l'influenza. Fatigués ou malades,
il a bien fallu aller de l'avant. C'est ce qu'on a fait. La
divine Providence n'a pas permis qu'il nous arrivât pire.
Et le Rév. Père mon compagnon et moi, nous commençons
à nous rétablir. Est-ce assez dire, Monseigneur et bien-
aimé Père, combien nous aurions besoin d'un bon, saint,
solide et dévoué Frère convers pour nous aider dans
l'œuvre que nous poursuivons ? Tant que nous en serons
privés, outre les inconvénients ci-dessus, il sera absolu-
ment impossible à mon socius de visiter nos Indiens dans
leurs camps. Ils en ont pourtant bien besoin, et c'est là
surtout, chez eux, éloignés des blancs, que l'on peut leur
faire le plus de bien. Car chez eux, on jouit de tout son
temps, on est tout à eux, et ils sont tout à nous, de cœur
et d'esprit, plus que partout ailleurs.
L'été dernier, Sa Grandeur Mgr Breynat, prenant en
considération nos renseignements et notre demande, s'est
décidé à envoyer un Père en visite chez nos Esquimaux
habitant les terres au delà du grand lac d'Ours, qui
devaient, pour la première fois, s'aboucher avec nos
Indiens Peaux-de-Lièvres et Flancs-de-Chiens. Déjà il y
a une trentaine d'années, j'avais sollicité et obtenu l'auto-
risation de visiter ce nouveau peuple. Mais jamais il
n'avait été possible de trouver une occasion favorable. Nos
Indiens et ces Esquimaux se redoutant mutuellement,
quand les premiers s'aventuraient sur les terres de ceux-
ci, dès qu'ils apercevaient la fumée de leurs campements,
ils se hâtaient de rebrousser chemin. Les Esquimaux,
de leur côté, aussitôt qu'ils entendaient les coups de feu
de nos chasseurs, se retiraient sans tambour ni trompette.
— 224 —
le plus prestement possible. Avec ce système, comment
espérer de jamais les voir? Mais les choses ont changé.
L'hiver passé, quelques touristes, une famille d'anciens
serviteurs de la compagnie de la Baie d'Hudson et un
explorateur envoyé par le gouvernement canadien, se sont
rencontrés au fond du lac d'Ours. Les uns avaient à leur
service des Esquimaux, d'autres quelques-uns de nos
Indiens. Que s'est-il passé ? Je ne le sais trop, mais nos
Indiens et les Esquimaux convinrent de se rencontrer en
été. C'est ce qui eut lieu, et c'est à cette rencontre que fut
envoj'é le R. P. Rouvière, monté tout exprès ici de Good
Hope.
Malheureusement, quand le Rév. Père arriva au fond
du lac d'Ours, la rencontre avait eu lieu. Tout s'était bien
passé. Les deux partis avaient échangé des présents en
signe d'amitié, mais s'étaient retirés sur leurs territoires
respectifs. Le Rév. Père en fut désolé, d'autant plus qu'il
dut attendre plusieurs semaines encore le touriste qui
devait l'aider à retrouver les Esquimaux. Il ne s'est pour-
tant pas découragé, et finalement, après plusieurs jours
de grosses fatigues pour remonter une rivière sans eau
(la rivière Dease), et après avoir eu beaucoup d'anxiété,
il a fini par découvrir, tout providentiellement, presque
miraculeusement, un camp esquimau où il fut reçu avec
une joie, un respect, un enthousiasme et de tels signes
d'admiration et de reconnaissance, qu'il dut en pleurer de
bonheur, quoiqu'il ne me le dise pas dans sa lettre.
Toutefois, la saison étant avancée, il ne put les voir que
peu de jours, il se hâta ensuite de se bâtir une cabane
pour l'hiver (ce n'est qu'un travail de quelques jours), afin
de pouvoir se mettre à la poursuite des autres camps
esquimaux, selon, sans doute, les renseignements reçus
des premiers.
Depuis cette époque, nous n'avons plus reçu de nou-
velles de notre cher confrère. Mais comme personne n'est
encore venu ici du fond du lac d'Ours, nous sommes sans
— 225 -.
inquiétude à ce sujet. Nous recevrons certainement une
lettre de lui, ou au moins nous en entendrons parler quand,
les jours devenus plus longs et moins froids, nos Indiens
du fond du lac feront, à Sainte-Thérèse, leur visite habi-
tuelle. C'est vers la date du 7 septembre que le R. P. Rou-
vière nous a envoyé plusieurs lettres, dont l'une est
adressée à Sa Grandeur Mgr Breynat. D'après ce que me
dit le Rév. Père dans celle à mon adresse, il a écrit beau-
coup plus longuement à Sa Grandeur. Je suppose que
notre bien-aimé Vicaire ne manquera pas de la communi-
quer à votre paternité.
Quelques jours après la réception de ces lettres, nous
fîmes notre récolte de pommes de terre. Mais les travaux
de bousillage de la maison et le manque de bras firent
retarder la récolte, qui était fort belle. Malheureusement,
elles durent geler en terre ou en les arrachant, car elles
pourrirent bientôt dans notre cave et nous dûmes en jeter
la moitié.
Le 2 novembre, nous dîmes, pour la dernière fois (nous
le croyions du moins), la messe dans notre église exté-
rieure où nous avions commencé à la dire le !«' juin, et
nous célébrâmes désormais la messe dans notre chapelle
Intérieure. Mais au bout de quelques jours, un accident
nous obligea à célébrer encore dans la grande église exté-
rieure. C'était le 12 et 13 novembre. Heureusement, le
temps était exceptionnellement doux. Nous n'eûmes pas
beaucoup à souffrir du froid. Mais il nous aurait été
impossible de célébrer seulement deux jours plus tard.
Au commencement du mois de décembre s'ouvrit notre
retraite annuelle, qui se termina le 8 décembre, fête de
notre très sainte et très aimable Mère Marie Immaculée.
Quel beau temps que celui d'une retraite annuelle ! C'est
bien le plus agréable, le plus utile et le plus consolant de
l'année. Quel beau temps pour mourir que le jour de la
clôture I L'Oblat qui, ce jour- là, ne serait pas prêt à
paraître devant Dieu, le serait-il jamais? En ce beau jour,
15
— 226 —
mon très Révérend et bien-aimé Père, nous avons prié
beaucoup pour vous, ensemble le Rév. Père et moi, et en
particulier, et aussi beaucoup pour notre chère famille
religieuse.
Quelques jours après, nos Indiens ont commencé à arriver
de divers côtés pour se préparer à la fête de Noël ; alors
on a commencé les exercices préparatoires à cette fête. Et
au fur et à mesure que le nombre des assistants augmen-
tait, leur piété et leur ferveur semblaient croître aussi,
elles ont été en augmentant jusqu'au jour de la fête. La
joiii'née de Noël s'est passée tout entière dans la prière et
le recueillement. Car cette fête est pour tout le Mackensie
le jour d'adoration du Très Saint Sacrement, en union
avec Montmartre. A chaque demi-heure, nos Indiens se
succédaient à la chapelle et récitaient à haute voix des
prières ou chantaient des cantiques. A la bénédiction du
soir, tous étaient présents : vieillards, jeunes gens, enfants
(voire même quelques protestants). La chapelle était
toute bondée. Avec quel silence, quelle piété, quelle sainte
avidité ils écoutaient la parole du Rév. Père qui leur
expliquait l'Acte de consécration au Sacré-Cœur de Jésus !
Avec quel entrain ils répétaient dans leurs langues : Oui,
toujours nous vous aimerons; à jamais nous nous donnons
à votre divin Cœur 1 Vraiment, c'était un beau jour pour
ces chers enfants. On sentait qu'ils étaient heureux. On
en était heureux soi-même et on oubliait toutes les fatigues
que leur préparation avait causées.
Heureux ceux qui, dès le lendemain de cette belle fête,
purent se retirer dans la neige de leurs forêts, le cœur
tout plein et tout embaumé des grâces que le divin Cœur
de Jésus répandit sur eux durant ces jours si favorables
pour eux et pour nous !
Je termine. Monseigneur et bien-aimé Père, en vous
priant de nous bénir tous, mon confrère, mes Indiens et
ma personne. Comme Isaac, vous n'avez pas, mon bien-
aimé Père, des bénédictions que pour les meilleurs de vos
^
— 227 —
fils, vous en avez aussi pour les moindres de tous, ne
nous ne les refusez pas. O bien-aimé et très Révérend
Père, soyez respecté, écouté, béni et aimé de tous vos
enfants.
Xav.-Georges Ducot, 0. M. 1.
II. — Extrait d'une lettre du Rév. Père G. -A. Giroux
au R. P. Baffie, Assistant général.
Providence, 2 novembre 1911.
Mon Révérend Père,
Je suis d'autant plus heureux de vous envoyer cet acte
d'oblation que le frère est un excellent religieux, doué de
qualités précieuses pour nos parages si difficiles. Je recom-
mande ce frère à vos prières d'une façon spéciale à l'occasion
de son Oblation.
J'espère vous envoyer plus tard l'acte d'oblation de
5 novices qui, eux aussi, pourront rendre d'appréciables
services dans les diflérentes missions où ils seront envoyés,
sans parler de ceux qui resteront ici sur place.
Nous avons eu toujours grand besoin de frères dévoués,
généreux, qui ne reculent pas devant le sacrifice ; mais
aujourd'hui le besoin s'en fait sentir davantage, puisque
nous avons une école de 72 enfants et un hôpital entière-
rement à notre charge et que nous sommes obligés de cons-
truire pour un agrandissement considérable. Nous ne pou-
vons compter sur le secours des sauvages du pays : c'est
donc une entreprise hardie, vu le manque de ressources et
les nombreuses difficultés du pays. Mais Dieu ne nous a
jamais fait défaut, et nous espérons que sa providence
nous viendra en aide, en nous donnant des frères comme
les anciens. Plus que l'âge, les infirmités les ont mûris
pour le ciel où leur récompense sera grande.
Détail qui vous semblera prosaïque mais qui, pourtant,
— 228 —
en nos régions désolées, a son importance, la l'écolte des
pommes de terre a manqué au point que nous n'avons pas
eu le double de la semence. Heureusement que le bon Dieu
a permis que la pêche d'automne fût plus abondante, car le
froid s'est fait attendre cet année. Le résultat est que notre
poisson est passablement faisandé. Nous tâcherons de
prendre au collet quelques lièvres pour varier l'ordinaire
et ne pas effaroucher trop vite le goût délicat de nos
novices parisiens. D'ailleurs si cette nourriture suffit à
entretenir des religieux bien portants, elle laisse trop à
désirer pour des malades. Et pourtant nous voudrions
bien soigner les nôtres, surtout que ce sont des enfants
bien dévoués à la Famille.
En recommandant à vos bonnes prières, etc.
C.-H.-A. GiROUX, 0. M. I.
Note. — Mgr Breynat et les Oblats du Mackensie vien-
nent de faire une perte sensible dans la personne du doc-
teur J. Francis Rymer, qui était tout à la fois pour eux un
ami sincère et un précieux auxiliaire.
Né à Gi-oydon (Angleterre) en 1863, diplômé en 1887, il
exerça son art pendant 8 ans à la Chartreuse de Parkmins-
ter, Sussex. Abandonnant alors la civilisation, ce catho-
lique généreux eut l'héroïsme d'aller au Mackensie pour
y être le premier médecin résidant chez les sauvages de
l'extrême-nord. Au nombre des articles qu'il éciùvit sur nos
Missions du Mackensie nous citerons seulement « Amid
eternal ice and snow » (Parmi les glaces et neiges éternelles),
et la relation publiée par nos Petites Annales en janvier
dernier.
L'héroïque docteur a succombé à une seconde attaque
d'angine de poitrine survenue pendant qu'il écrivait une
ordonnance pour un pauvre sauvage, le 11 janvier. Il a pu
envoyer chercher le R. P. Duport au Fort Résolution et
recevoir les derniers sacrements avant de rendre son âme à
Dieu. R. L P. Iv. Dan.
— 22y —
VICARIAT DE KEEWATIN
Extrait d'une lettre du R. P. J. Thomas,
à Monseigneur le Supérieur Général.
Je quittai la mission de Norway House le 21 jan-
vier dernier pour aller passer un mois chez les métis du
Grand Rapide, au nord-ouest du Lac Winnipcg.
Le voyage fut des plus pénibles. Que de difficultés ne
rencontrai-je pas à trouver un homme pour m'accom-
pagner et des chiens pour me conduire ! C'est qu'en ce
moment la maladie exerçait ses ravages à Norway House
et je dus me contenter de partir avec un homme, un de
nos catholiques, à moitié malade. Il fallait le ménager le
plus possible, et travailler à sa place : marcher continuel-
lement dans la neige devant les chiens pour leur frayer le
passage. Malgré toute ma bonne volonté, le pauvre homme
prit chaud et froid, juste la veille d'arriver, et faillit mourir.
Vous devinez mon embarras. Enfin, après bien des péri-
péties, nous arrivâmes au Grand Rapide où le malade
resta plus de huit jours.
Il y a, en cet endroit, environ soixante catholiques, la
plupart métis canadiens-français.
Je ne dirai pas leur joie de voir le prêtre. Ils assistèrent
bien régulièrement à la retraite, aux instructions et accom-
plirent leurs devoirs religieux. Les enfants ne connaissaient
pas beaucoup leurs prières ni leur catéchisme; je leur fis
régulièrement la classe deux fois par jour. Enfin tous pro-
fitèrent du séjour du missionnaire parmi eux. J'étais bien
content de voir l'empressement, la bonne volonté de ces
pauvres délaissés (ils ne voient le prêtre que deux fois
l'an).
— 230 —
Au point de vue matériel ce n'était pas aussi intéres-
sant. On manquait de filets, donc pas de poissons. Pas de
viande non plus, personne ne faisant la chasse. La cuisine
ne fut pas fameuse ; heureusement qu'étant continuelle-
ment occupé avec mes métis, je trouvai que le temps
passait vite.
Le 23 mars je me rendis au Pas, en un voyage de
quatre jours, pendant lequel je baptisai un enfant. Au
Pas, j'eus le plaisir de rencontrer Mgr Charlebois, mais
l'entrevue ne fut pas longue. Sa Grandeur se préparait à
partir le lendemain de mon arrivée. J'en fis autant et pris
le train pour mon voyage en Europe.
En passant à Winnipeg et à Ottawa, je donnai quelques
conférences sur nos missions. Enfin j'arrivai à New^-York,
bien fatigué. Il y avait de quoi, d'ailleurs. Parti de Norway
HoQse, le 21 novembre, j'étais allé à Nelson House (400 kil.
au Nord), marchant toujours devant les chiens pour battre
le chemin ; couchant plus de dix fois à la belle étoile par
50 degrés centigrades et plus ; et après avoir visité les
sauvages au delà de Nelson House, je revenais à Norway
House après Noël. Quinze jours passés à la mission, le
temps était venu de faire le voyage au Grand Rapide ou
j'eus assez de misère. Il faut ajouter à cela les nuits d'in-
somnie sur les banquettes du Chemin de fer Pacifique.
Cependant je ne tenais pas à rentrer fatigué au pays.
La traversée fut excellente, sur le bateau « La Savoie ».
Réfractaire au mal de mer, je me remis un peu des fatigues
de mes voyages précédents et j'arrivai ici bien disposé.
Il vient de m'arriver mon obédience pour Cross-Lake et
je devrai y être seul en attendant un compagnon qui, je
le crains bien, ne viendra pas de sitôt. Malgré tout je suis
content, et d'ici, je pense souvent à mes pauvres sauvages
en me trouvant heureux et fier d'être Oblat.
Daignez, etc.
J. Thomas, 0. M. I.
231 —
VICARIAT DE CEYLAN (COLOMBO)
1°. — Jubilé de diamant du Révérend Père Chou-
navel, O. M. I., missionnaire de Ceylan.
Le 16 janvier dernier, Sa Grandeur Mgr Goudert, Arche-
vêque de Colombo, adressait au clergé et aux fidèles de
son Diocèse la circulaire suivante :
«: Le 4 mai 1902, plusieurs milliers de catholiques, plus de
« 50 prêtres, et, à leur tête, l'Archevêque de Colombo et
« trois autres évêques, se réunissaient dans la cathédrale
« Sainte-Lucie, pour commémorer un des plus rares
« événements qui puissent se produire sous un climat tro-
« pical, comme celui de Ceylan, le 50nie anniversaire d'or-
« dination sacerdotale d'un de ses missionnaires. Ce mis-
« sionnaire était le R. P. Chounavel qui, par son zèle vrai-
« ment apostolique, les nombreux travaux accomplis dans
« l'île, ses talents littéraires et sa vie exemplaire, exerça une
« influence exceptionnelle sur le clergé et les catholiques
« de Ceylan, et fut l'objet de leur profonde estime, de leur
€ admiration et de leur affection. La splendeur et l'enthou-
« siasme qui marquèrent la solennité de ce jubilé d'or,
« furent sans précédent dans le passé, et témoignèrent
« éloquemment et de la saine popularité dont jouissait le
« vénérable jubilaire, et de la foi et de la générosité des
« catholiques de Ceylan.
« Dix ans se sont écoulés depuis ce mémorable événe-
« ment, et, aujourd'hui, Nous sommes heureux de vous
« rappeler que le jubilé de diamant du R. P. Chounavel est
« pi'oche. Si les noces d'or d'un prêtre missionnaire sont
« chose rare, les noces de diamant sont chose plus rare
t encore : si rare même que, à notre connaissance, aucun
— 232 —
f prêtre, à Ceylan, n'y est encore parvenu. Le R. P.
« Chounavel n'a pas seulement vécu pour les voir, mais il
« est encore aussi bien portant, aussi vigoureux et actif
« aujourd'hui, qu'il l'était il y a 10 ans. Puisque l'on ne
t célèbre que si rarement le jubilé de diamant d'un mis-
« sionnaire, et que de plus le P. Chounavel est un prêtre
« qui, par le bien qu'il a opéré, les âmes qu'il a converties,
« les fatigues qu'il a endurées et l'exemple qu'il a donné, a
« bien mérité non seulement de cet archidiocèse, mais
« encore de l'Eglise entière de Ceylan, il est de toute con-
« venance que le 60™e anniversaire de son ordination sacer-
t dotale et de son arrivée à Ceylan, soit célébré avec la
« joie, la solennité et les actions de grâces qu'un tel événe-
« ment comporte.
« Nous n'avons pas besoin de donner ici le récit détaillé
« des travaux apostoliques du P. Chounavel, car ils sont
« bien connus de vous tous. Depuis le jour (24 avril 1852)
« où il quitta les rivages de France, il y a 60 ans, pour
t travailler dans cette île lointaine, jusqu'à ce moment, le
« vénérable missionnaire s'est dépensé avec un dévoûmenl,
« un désintéressement et une activité sans égale. Il a
t arrosé de ses sueurs presque toutes les missions des
« diocèses de Jaffna et de Colombo, et sa voix a retenti
« dans chacune des églises, depuis Mantotte jusqu'à Batti-
« caloa, dans le Nord, et depuis Puttalam jusqu'à Galle,
« dans le Sud, tandis que, par les livres édifiants qu'il a
« composés ou publiés, il a rendu un service signalé aux
t catholiques de tout Ceylan.
« Un prêtre dont la carrière apostolique est remplie de tant
t de bonnes œuvres, et qui, en dépit des 87 printemps qui
« pèsent sur ses épaules, est encore tout disposé à se
« dépenser pour le salut des âmes, a un droit incontestable
t à votre respect et à votre vénération.
« C'est pourquoi, dans le dessein de montrer l'estime et
t l'admiration que nous avons pour le P. Chounavel, et pour
« rendre grâces à Dieu de la longue et fructueuse- carrière
— 233 —
« dont il a daigné le favoriser, Nous avons décidé que la
f célébration publique de son jubilé aura lieu le jour même
t du 60"* anniversaire de son ordination, c'est-à-dire le
« 15 février prochain, dans notre cathédrale, à Kotahena.
« Ce jour-là, le vénérable jubilaire chantera la grand'messe
• avec assistance pontificale, en présence de tous les mis-
« sionnaires qui cette année, termineront leur retraite
« annuelle, le 15 février, et, nous l'espérons, d'un grand con-
« coui's de fidèles. Tous nous ofirirons à Dieu, en cette solen-
« nelle circonstance, nos ferventes prières, pour qu'il répande
i sur le P. Chounavel ses plus précieuses bénédictions,
« et prolonge encore son existence pour le bien des âmes
« et l'édification de tous. »
Conformément à cette circulaire, le 15 février, jour anni-
versaire du 60°^ anniversaire de son ordination sacerdo-
tale, le R. P. Chounavel a célébré solennellement son jubilé
de diamant. Le matin, il a chanté la grand'messe, avec
assistance pontificale, dans la cathédrale Sainte-Lucie, à
Colombo. Y assistaient tous les Pères Oblats qui avaient
pris part aux exercices de la retraite annuelle, les frères
Oblats convers de Maggona, les Frères des Ecoles Chré-
tiennes de l'Institut de Saint-Benoît, les élèves du grand
et du petit séminaire, les religieuses des différentes
communautés de la ville et une nombreuse assemblée de
fidèles. Le vénérable jubilaire, qui est enfant de la Lorraine,
était assisté à l'autel par deux autres Pères également
* Lorrains » : les RR. PP. Conrard et Groctaine (1).
Les élèves du collège Saint-Benoît ont exécuté le chant
et enlevé avec un véritable succès la « Messe Royale » de
Dumont. Une circonstance particulière a rehaussé l'éclat
de la fête : durant la bénédiction du Très Saint Sacrement
donnée par le vénérable Jubilaire, les 70 Pères Oblats qui
(1) Détail assez curieux, les noms et prénoms de ceux qui se
trouvaient à l'autel commencent par un C : Constant Chounavel,
Charles Conrard, et Charles Croctaine.
— 234 —
se trouvaient dans le sanctuaire ont renouvelé devant lui
leurs vœux de religion. La bénédiction s'est terminée par
le chant fervent et enthousiaste du Te Demn, par tout le
clergé, pour remercier Dieu des faveurs célestes accordées
au P. Chounavel, et par lui à un grand nombre d'âmes,
pendant ces 60 ans.
A l'issue de la grand'messe, Monseigneur l'Archevêque,
revêtu de la Cappa Magna, ayant à sa droite le P. Chou-
navel, et précédé par tout le clergé, s'est rendu en proces-
sion à la résidence des Pères de la cathédrale. Là, Sa Gran-
deur, s'adressant au Jubilaire, a fait ressortir, en termes
éloquents, le double sentiment qui remplissait les cœurs de
tous les prêtres présents à cette belle cérémonie : la joie et
la reconnaissance. Gomment ne pas se réjouir, en effet, et
comment ne pas remercier Dieu, en jetant un regard sur le
passé, et en constatant le progrés merveilleux que Ceylan
a fait au point de vue religieux, pendant 60 ans ? En 1852,
lorsque le P. Chounavel arrivait à Ceylan, comme prêtre
nouvellement ordonné, il n'y avait dans l'île que 125.320
catholiques , 34 missionnaires européens , 149 églises,
31 écoles avec 725 enfants, pas de prêtres indigènes ni de
Frères des écoles chrétiennes, pas de Frères convers ni de
religieuses, pas une seule institution catholique.
En 1912, il y a 322.165 catholiques, 167 missionnaires
européens, 66 missionnaires indigènes, 712 églises, 725 éco-
les avec 59.862 élèves, 122 Frères, 512 religieuses et 30 ins-
titutions catholiques.
Le P. Chounavel a non seulement été le témoin d'un
développement si étonnant ; il y a encore pris lui-même
une part active et prééminente par ses prédications, son
zèle infatigable, ses travaux littéraires et artistiques, et,
par-dessus tout, par l'exemple d'une vie vraiment aposto-
lique vouée tout entière à l'honneur de Dieu et au salut des
âmes. C'est à sa vie exemplaire, à l'emploi consciencieux et
régulier de son temps et à son dévouement sans bornes,
qu'il faut, après Dieu, attribuer son succès, comme mis-
— 235 —
sionnaire, à Ceylan. N'y a-t-il pas là de bien justes motifs
non seulement de se réjouir, mais encore de remercier Dieu-
grandement? Sa Grandeur termina en exprimant le souhait
que le P. Ghounavel puisse continuer pendant bien des
années encore à faire le bien par ses travaux et son
exemple.
Le P. Ghounavel, dont la modestie est bien connue,
remercia Sa Grandeur, par quelques mots que lui dicta son
cœur d'apôtre. — Il reçut ensuite les félicitations de ses
frères dans le sacerdoce et la vie religieuse, des frères de
l'Institut de Saint-Benoît, des religieuses et de plusieurs
autres personnes. A la fin du dîner servi à l'Archevêché, et
aui^uel prirent part tous les Pères qui avaient assisté à la
cérémonie du matin, le R. P. Jules Gollin, vicaire des Mis-
sions, proposa la santé du P. Ghounavel, dans un petit dis-
cours plein de sève, faisant particulièrement ressortir
l'exemple vraiment admirable que le vénérable Jubilaire
n'a cessé de donner comme Oblat. Si la longue carrière
qu'il a fourme, comme missionnaire, n'a cessé d'être si fruc-
tueuse, c'est moins à ses talents naturels qu'il faut l'attri-
buer, qu'à sa vie exemplaire ; car comme prêtre et comme
religieux, il a toujours été digne d'être proposé à ses frères
comme modèle de vie religieuse et sacerdotale.
Le R. P. Jeandel, représentant de Sa Grandeur Mgr Jou-
lain, évêque de Jaffua, paya ensuite un tribut de louanges
aux vertus, aux travaux apostoliques et à l'esprit religieux
du vénérable Jubilaire, et lui souhaita de vivre assez long-
temps pour voir son 90™* et même son lOO^e anniversaire.
Répondant à tous ces souhaits avec sa simplicité et sa
gaieté accoutumées, le P. Ghounavel ne parla plus de ses
fiasco, comme il l'avait fait, à l'occasion de ses noces d'or,
mais bien de ses miracles. Seulement, il conclut, non sans
malice, en disant : « Voilà, mes bien chers Pères, les seuls
« miracles que j'ai pu faire ; si vous voulez un jour être
t canonisés, je vous conseillerai de mieux vous y prendre,
« et d'en faire de plus sérieux. »
236
***
Quelques jours après, c'est-à-dire le lundi, 28 février,
l'église Saint-Joseph de Wennappuwa célébrait à son tour
le jubilé de diamant du P. Ghounavel. Il avait tant tra-
vaillé pour cette église et pour tout le district s'étendant
du Maha Oya au Deduru Oya ! Ce district, qui formait alors
une seule mission confiée à la sollicitude du vénérable
Jubilaire, est aujourd'hui un champ d'action où 20 mission-
naires, pleins de vaillance, suffisent à peine au travail. Les
grandes églises de Wennappuwa et de Maravila sont son
ouvrage. Plusieurs autres églises sont fières de posséder,
l'une un autel admirablement ciselé, une autre une chaire
imposante et finement travaillée, une troisième les stations
du chemin de la Croix ; tous ces chefs-d'œuvre dus aux
mains adroites du R. P. Chounavel. Enfin, c'est grâce à
son zèle, que de tous les districts de Ceylan, celui de Wen-
nappuwa (et Chilaw), compte la plus forte majorité catho-
lique. Les chrétiens de tout ce district n'avaient rien oublié
de tout cela, et, désireux de profiter d'une circonstance
aussi solennelle pour témoigner une fois de plus leur sin-
cère reconnaissance à leur ancien missionnaire, ils vinrent
nombreux (au moins 10.000) à la suite de leurs zélés mis-
sionnaires, dont pas un ne manqua à l'appel, prendre part
à la fête. Nombreuses aussi furent les communions que le
vénérable Jubilaire evit le bonheur de distribuer pendant
sa messe qui fut chantée et très solennelle. Après la messe,
plusieurs adresses et présents jubilaires furent offerts au
héros de la fête. Les catholiques de Wennappuwa lui
remirent une généreuse ofifrande, pour l'aider à publier sa
traduction singhalaise de la vie des saints.
Pour mieux faire connaître à nos lecteurs l'Oblat accom-
pli et le missionnaire hors ligne qui vient de célébrer ses
— 237 —
noces de diamant, nous donnons de sa vie la courte
esquisse suivante que le R. P. Flaugier, 0. M. I., a bien
voulu tracer.
« Comme l'a fait remarquer le R. P. Vicaire, dans son
toast, parmi les 70 prêtres qui entouraient le vénérable jubi-
laire, 3 ou 4 à peine étaient nés lorsque le Père Chounavel fut
ordonné prêtre. Il naquit en effet le 9 avril 1825, à Socourt
diocèse de St-Dié, dans le beau pays de Lorraine. Il com-
mença ses études primaires dans l'école de son village. Son
curé lui enseigna les premières notions de latin, et il put
entrer au séminaire d'Autrey en 1844. Après 4 ans passés dans
cet établissement, U entra au grand séminaire de son dio-
cèse, où il ne fit que commencer ses études théologiques, car
après un an, se sentant appelé à la vie religieuse, il obtint
son admission au noviciat de Nancy.
€ En 1850 il fit sa profession religieuse au grand sémi-
naire de Marseille, dirigé alors par les Oblats, et deux ans
plus tard il était ordonné prêtre, par le vénéré Fondateur,
qui ne laissait à aucun autre la joie d'imposer les mains à
ses enfants. La même année il recevait son obédience pour
Geylau, et disait adieu à la France qu'il ne devait plus
revoir. Ce voyage, qui se fait aujourd'hui en 15 ou 16
jours, ne devait pas durer alors moins de 5 mois, car, parti
de Marseille le 24 avril, il ne débarquait à Jaffna que le
25 septembre.
« Le voilà maintenant dans sa patrie d'adoption, dans
cette ile charmante et pittoresque qui fait l'admiration des
touristes. Mais notre missionnaire n'était pas précisément
venu en touriste, et si pendant 60 ans il parcourt cette île
en tous sens, ce n'est point pour en admirer la beauté,
mais pour courir après les brebis perdues, à l'exemple du
divin Maître.
« Les ouvriers faisant défaut, à cette époque surtout, on
ne les laissait pas moisir sur place, comme dira notre Jubi-
laire. Dès qu'ils savaient bégayer quelques mots de sin-
ghalais ou de tamoul, ils partaient en campagne. Aussi,
— 238 —
arrivé en septembre 1852, nous- trouvons déjà le bon Père
à Batticaloa au commencement de 1853. De là, il passe à
Trincomalie, à Mantotte, et fait un assez long séjour dans
le Vanni.
« A cette époque, Mgr Sémeria inaugura les missions
proprement dites, et le Père Chounavel, en compagnie du
Père Bonjean, fut un des premiers ouvriers. Jusqu'en
1861 il sera employé à ce consolant, mais fatigant mi-
nistère.
« A partir de 1863 nous le trouvons à Wennappuwa, à
Ghilav^^ à la résidence épiscopale de Jaffna, puis à Waikkal.
Retour à Wennappuwa en 1872, de là il part pour les Out-
Stations de Kurunegala. Nouveau retour à Wennappuwa,
cette fois comme Supérieur du district.
« En 1883 il passe au diocèse de Colombo, et devient
consulteur. La connaissance du singhalais et du tamoul
l'avait fait choisir par Mgr Bonjean comme interprète dans
ses visites pastorales. Mais c'est la vie de mission qu'il lui
fallait. Il reprend donc son bâton de voyageur, et sera tour
à tour chargé des missions de Bolawalane, et de Mutwal.
En 1886 il est curé de la cathédi-ale, et remplit en même
temps les fonctions de Vicaire général. En 1889 il prend
charge de l'importante mission de Sea-Street, puis de
Moratuwa, d'où il revient à résidence archiépiscopale, pour
reprendre sa mission d'interprète dans les visites pastorales,
tout en étant chargé de la mission de Borella. En 1907,
comme un jeune missionnaire, et prêt à aller partout où
l'enverra l'obéissance, il part pour Kurunegala, revient
pour quelque temps à Kotahena, et i*etourne enfin à son
cher Wennappuwa, où, malgré ses 88 ans, il travaille encore
avec l'ardeur et le zèle qu'il a toujours déployés partout,
prêchant quelquefois, non seulement tous les jours, mais
plusieurs fois par jour, sans compter les longues séances
au confessionnal. »
— 239 —
Puisque la vocation du vrai missionnaire oblat est
d'évangéliser les pauvres par la prédication tout aposto-
lique de la parole de Dieu, on peut affirmer, sans aucune
crainte de se tromper ou d'exagérer, que le P. Ghounavel a
admirablement correspondu à sa vocation. Il fut toujours
un prédicateur zélé et infatigable, et, maniant tour à tour
avec une égale facilité le singhalais et le tamoul, il exerça
sur les auditoires ceylanais, toujours compacts et souvent
très nombreux, une action difficile à décrire. On était
étonné d'abord d'entendre une voix si puissante sortir
d'un organe en apparence si faiide et d'un corps si petit,
mais on était aussitôt ravi de la pureté des accents de cette
voix. A ce premier charme succédait bien vite l'action sur
les cœurs, car le zélé missionnaire ne se prêchait jamais lui-
même, mais uniquement Jésus-Christ. Son unique ambition
était donc de produire dans les âmes des fruits de conver-
sion et de salut, et il y réussissait à merveille. Tel il fut
au début de sa carrière de prédicateur, alors que sous la
sage direction de Mgr Sémeria il rivalisait d'ardeur et de
zèle avec le P. Boujean, pour ébranler les foules et con-
vertir les âmes, par le ministère si fructueux des missions,
tel nous le retrouvons aujourd'hui, après 60 ans de prédi-
cations. La vaste église de Wennappuwa, qu'il a, pour
ainsi dire élevée de ses mains, retentit encore des accents
de sa voix, comme aux plus beaux jours. Qui dira surtout
la force et l'entraînement de sa parole, lorsqu'en vrai Oblat
de Marie Immaculée, comme il le fut toujours, il subjuguait
et gagnait les cœurs à la Reine des anges, pour conquérir
plus sûrement les âmes à Jésus-Christ? Toujours prêt à
publier et exalter, par sa parole, les glorieuses prérogatives
de l'auguste Mère de Dieu, il apporta toujours un zèle et
une ardeur enthousiastes à faire célébrer dignement ses
neuvaines et ses fêtes, et à propager son culte. Et lorsque
— 240 —
la voix de ce digne Oblat de Marie Immaculée aura cessé
de se faire entendre, les livres qu'il a composés, en perpé-
tueront les échos à travers les âges, et multiplieront les
fruits de ses prédications.
Travailleur infatigable, outre le travail de mission, si
pénible, si absorbant, on se demande comment il a pu, et où
il a trouvé le temps nécessaire pour publier tant d'ouvrages
et s'occuper de tant de traductions. Nous ne pouvons pas
ici donner la liste de ses ouvrages singhalais et tamouls,
qui ont fait tant de bien dans les missions, ni parler de
ses tableaux, « car il était peintre à ses heures ».
Malgré une santé qui paraît dès l'abord si délicate, il a
pu travailler tous les jours, de 4 h. du matin jusqu'à 11 h.
du soir, sans jamais ressentir la moindre fatigue. Il a pu tra-
verser des époques épidémiques, même de choléra, sans la
moindre atteinte de mal. De repos? jamais durant ses
CO ans de travail. Une seule fois, par obéissance sans doute,
il quittait sa mission pour aller se reposer dans les mon-
tagnes en compagnie de plusieurs Pères. Alors la lièvre, le
trouvant désœuvré, en profita pour lui faire sa visite. Il
revint dès le lendemain à son cher bureau et à son travail
de missionnaire, il était guéri. Curieuse médecine, la seule
qu'il ait jamais employée, durant tout le cours de sa vie.
***
Pour clore dignement les solennités de son jubilé de dia-
mant en lui laissant un souvenir bien cher à son cœur
d'apôtre, le P. Ghounavel a reçu la bénédiction apostolique
du Saint-Père qui a daigné apposer sa signature au bas
d'une belle et grande photographie de Sa Sainteté. Le grand
Pontife qui gouverne si glorieusement l'Eglise sait aussi
bien discerner le mérite caché : il lui a donc plu de donner
« peramanter » ce précieux témoignage au vétéran mission-
naire de Ceylan qui, depuis 60 ans, se dépense sans comp-
ter pour le bien de l'Eglise et l'honneur de la Congrégation.
— 241 —
Que Dieu daigne exaucer nos vœux et conserver long-
temps parmi nous ce modèle achevé pour qu'il serve
d'exemple vivant aux nouvelles recrues qui viennent grossir
nos rangs !
Ad mullos annos !
II. — Les retraites pascales.
Extrait d'une lettre du R. P. Favril, 0. M. I.
Le Révérend Père Supérieur m'exprime votre désir
d'avoir un compte rendu des différentes retraites données
dans le district de Mannar à l'occasion du devoir pascal.
Il me semble que le rapport devrait être fait par chaque
missionnaire du lieu où la retraite a été donnée.
Cependant, puisque vous demandez mes impressions, je
m'exécute.
Notre bon Père Supérieur m'avait demandé de venir
donner trois sermons à Mannar. Cette population Manna-
rienne, négligente et passablement indiflérente, est assez
difficile à remuer. Les trois sermons devaient être donnés
le soir, les 3 jours précédant la fête de saint Joseph.
Vers 5 h. du soir, le Père Supérieur et son vicaire par-
couraient les rues de la ville, pressant le peuple de la voix
et du geste, d'aller à l'église.
Malgré leurs efforts, le 1er et le 2^ jour, l'affluence du
peuple ne fut pas considérable.
La veille de la fête de saint Joseph, comme il y avait
vêpres et feux d'artifice, l'église était trop petite pour con-
tenir la foule. Ce fut un bon moment pour le prédicateur.
Durant ces trois jours, nous eûmes à peine 200 confes-
sions à Mannar et c'était juste de quoi ne pas se décourager.
Pendant la grande semaine, les Pères de Mannar eurent
plus de 600 confessions, ce qui les consola grandement. Le
bien de la retraite, pour n'avoir pas été visible sur-le-champ,
n'en était pas moins réel.
16
— 242 —
A Vankalai, où je suis de résidence, le bon P. Stanislas,
malgré des accès de fièvre, avait pris sur lui de prêcher,
pendant trois jours. Le Père Supérieur était venu pour
nous aider à entendre les confessions. Nous eûmes là un
bon coup de filet, puisque plus de 500 personnes remplirent
leur devoir pascal. Le missionnaire local eut bien à s'ex-
poser plus d'une fois aux chauds rayons du soleil, pour
faire venir les paroissiens au confessionnal et aux ins-
tructions. On n'obtient rien sans peine, et la fatigue ne se
sent plus quand on voit le bien qui en résulte.
Nos travaux de retraite pascale devaient s'en tenir là,
lorsque le P. Leblay, missionnaire de Pesâlai, s'apercevant
de la négligence de son peuple à remplir le devoir pascal,
parla de son embarras. Demain, dit-il, plus de 100 de mes
pêcheurs quittent leur village pour aller, à 120 milles de là,
pêcher dans un pays très éloigné d'une résidence de mis-
sionnaire. Si vous venez nous pourrons peut-être les arrêter
pour un jour et les confesser. Je ne pouvais lui refuser ce
service. Aussitôt arrivés à Pesâlai, nous envoyons le
sacristain porter la nouvelle qu'une retraite serait donnée
durant trois jours et que les hommes auraient à se confesser
le lendemain. Le soir, l'affluence du peuple n'était pas
considérable et le missionnaire local eu fut passablement
attristé. Les 2/3 des hommes en partance remplirent leur
devoir et le total des confessions et communions pascales
s'éleva à 250.
Au moment où je vous écris, je suis de retour de Arippu
où le P. William m'avait prié de venir pour lui rendre le
même service qu'au missionnaire de Pesâlai et en même
temps de prêcher une retraite de première communion.
Les anciens paroissiens étaient assez heureux de revoir
leur ancien Père et ne se firent pas prier pour venir aux
instructions.
En ce moment, le village est calme : le manque de
poisson les corrige du défaut de boire qui était autrefois
leur péché mignon.
— 243 —
Je ne crois pas qu'il s'y trouve de retardataires pour le
devoir pascal, et ma confiance est que notre pêche à Arippu
a été un succès.
Tel est, mon Révérend et bien cher Père, le récit succinct
des travaux qui ne sont pas de l'ordinaire dans nos mis-
sions. Nul doute qu'il s'y fait beaucoup de bien et que le
bien se ferait sur une plus grande échelle si nous pouvions
consacrer plus de temps à ces travaux.
Le grand nombre de nos stations à visiter durant le
temps pascal est pour nous l'obstacle à surmonter.
Dieu aidant, nous espérons pour l'année prochaine un
meilleur succès, supposant que les fièvres et autres ma-
ladies ne nous minent pas trop.
Agréez, etc.
A. Favril, 0. M. I.
ECHOS DE LA FAMILLE
Sa Grandeur Monseigneur le Supérieur Général se rendra
aux scolasticats de Turin et de Liège, pour y ordonner ses
fils, les 29 juin et 7 juillet prochain.
***
Durant ces derniers mois, à l'occasion des visites ad
limina, plusieurs Evêques sont venus faire une visite à
Mgr le Supérieur Général. Leurs Eminences les Cardinaux
Mercier, archevêque deMalines, et Billot, S. J., ancien pro-
fesseur de dogme à l'Université grégorienne, ont bien voulu
s'asseoir à la table généralice, le 5 mars dernier.
— 244 —
A noter le passage à Rome du R. Père Delouche, pro-
vincial de Belgique, venu pour demander des faveurs spiri-
tuelles (qu'il a obtenues) pour l'Œuvre de la Basilique du
Sacré-Cœur, à Bruxelles; et du R. Père Conrard, économe
vicarial et directeur de l'œuvre de la Presse à Colombo,
dont l'état de santé nécessitait le retour au pays natal après
25 ans de séjour à Geylan.
***
Le 26 février 1912, les Pères Conrard, Coumoul et Bougarel,
missionnaires de Ceylan, ont célébré, dans l'intimité, le 25^
anniversaire de leur ordination sacerdotale.
***
Un autre anniversaire de 25 ans, qui n'a pas fait beaucoup
de bruit, c'est celui de l'installation du scolasticat de Rome
dans le local actuel. La maison a été ouverte, le jour de
Pâques 1887, pour la célébration de la première messe du
R. P. Loos, aujourd'hui Supérieur de Strasbourg.
* *
En vertu d'un induit du 25 mars dernier, le noviciat, qui
depuis 1909 est établi à Brownsville (Texas), sera transféré
à Mission (autrefois La Lomita), dans un local plus spacieux
et spécialement destiné à un noviciat. La construction qui
promet d'être belle dans sa simplicité, devra être achevée
assez tôt pour recevoir 8 novices au mois d'août prochain.
Le R. P. Ortolan, dont le travail sur l'Histoire de la
Congrégation est déjà fort avancé, s'embarquera au Havre,
— 245 —
dans les derniers jours du mois de mai. Il ira en Amérique,
compléter sur place, par l'étude de nos œuvres du Canada
et des Etats-Unis, les longues recherches qu'il poursuit,
depuis plusieurs années, dans les Archives de la Maison
générale.
Il y a lieu de croire que le premier volume de l'Histoire
de la Congrégation paraîtra dans le courant de l'année
prochaine. Les autres suivront, à intervalles réguliers, de
façon que l'ouvrage soit terminé à l'époque où notre chère
famille religieuse célébrera les fêtes du centenaire de sa
fondation.
Pendant le Carême, les Pères missionnaires de la Province
Britannique ont continué la série de leurs travaux aposto-
liques. Du 1" au 2e dimanche, le P. Matthews à Holy-
Head. Du 10 au 24 mars, le même Père avec le P. Clarke
ont donné 15 jours de prédication à Bray, diocèse de Dublin ;
Les Pères Clarke et Moran ont prêché une retraite parois-
siale, du 21 au 28 avril, à Dungannon (Armagh). Enfin le
R. P. Mac Sherry et les Pères déjà nommés ont prêché des
retraites aux enfants de Marie, en divers endroits pendant
le Carême ; le R. P. Moran en a prêché une pendant la
semaine de Pâques, au couvent de Mallingard (Irlande.)
A Houston, diocèse de Galveston (Texas), où nos Pères
ont, en outre de la desserte du Pénitencier, la charge de
4.000 pauvres Mexicains, dispersés dans la ville et privés
de secours religieux, il faut construire une église et une
école pour les Mexicains, et aussi une résidence pour les
Pères qui s'occuperont d'eux. On a commencé les travaux
par la construction de l'église qui devra, pendant quelque
— 246 —
temps du moins, servir d'école. Un exemple entre beau-
coup, de la pénurie de secours spirituels dont souffre cette
population si digne d'intérêt, c'est qu'actuellement 150 en-
fants attendent pour leur première communion, sans avoir
de local où ils puissent se réunir.
Le noviciat Saint-Joseph de la province du Nord ne tar-
dera pas à quitter la propriété du Bestin, pour aller s'ins-
taller à Thy-le-Château. On travaille déjà à l'aménagement
de la nouvelle résidence qui, comme l'ancienne, se trouve
dans le diocèse et la province de Namur (Belgique). Sa
situation paraît cependant plus avantageuse que celle du
Bestin, tant à cause de sa proximité de la frontière fran-
çaise, qu'en raison de plus grandes facilités de communi-
cations, Thy-le-Château ayant une station de chemin de
fer.
***
Le Calholic Guardian de Jaffna a, dans son numéro du
20 avril dernier, commencé la publication d'un excellent
travail dû à un Oblat de Marie Immaculée sur l'Eglise
catholique à Ceylan.
On a appelé noces de rubis et même de radium les fêtes
célébrées à l'occasion du soixante-dixième anniversaire (70e)
de l'ordination sacerdotale du R. P. Damase Dandurand,
O. M. T., notre vénéré doyen d'âge, de sacerdoce et de pro-
fession religieuse. Il est né en 1819, a été ordonné en 1841
et a fait ses vœux perpétuels en 1842.
En la belle fête de Noël, cette année, il y aura 70 ans que
le P. Dandurand est Oblat pour l'éternité. Si rares que
soient, malheureusement, les communications qui par-
viennent aux « Missions » de la province du Manitoba,
I
I
— 247 —
nous voulons espérer qu'il se trouvera au moins une plume
dont la charité l'emportera sur tout le reste pour écrire la
relation d'une cérémonie qui n'a eu jusqu'ici, dans la
Congrégation, qu'un seul précédent (le R. P. Martin).
Nos lecteurs ont la plus haut le communiqué du Rév.
Père Procureur général près du Saint-Siège, au sujet de
la cause du P. Albini.
En attendant que Monseigneur le Supérieur général en
fasse officiellement la demande à la Congrégation, toute la
famille, tous nos amis, toutes les âmes sur lesquelles nous
avons quelque influence, voudront prier avec ferveur pour
l'heureuse marche de la cause du Serviteur de Dieu.
***
On lit dans les Missions Catholiques du 22 mars der-
nier :
« Nous avons la joie d'annoncer à nos lecteurs que M. le
chanoine Théodore Robert, directeur diocésain de l'Œuvre
de la Propagation de la foi, à Nantes, a été nommé récem-
ment prélat domestique de Sa Sainteté Pie X.
Nous joignons nos félicitations à celles de tous les amis
du nouveau prélat, et des missionnaires pour lesquels il
travaille avec tant de zèle depuis 25 ans.
248
VARIETES
Carnet d'un jeune Missionnaire de l'Athabaska.
(Voir Missiofis, juin 1911, p. 235, et décembre 1911, p. 480.)
En route pour l'Extrême-Nord.
Rentrons bien vite à Edmonton, faisons-y nos paquets
et hâtons-nous de pénétrer dans l'immensité sauvage,
quittes à fuir plus loin encore, si votre fameux progrès
s'avise de venir nous relancer jusqu'au fond de nos bois.
Donc, avec la première aurore du mois de juin, — le
Divin Cœur nous protège ! — nous partions en charrette,
les PP. Husson, Rouvière, le F. Kraut et moi. Trois jours
nous suffirent pour franchir, par d'abominables chemins
de forêts, les cent milles qui séparent Edmonton d'Atha-
baska-Landing.
Vous ne sauriez, mes bons amis, vous faire une idée de
l'intérêt que ce voyage présente aux jeunes missionnaires
qui le font pour la première fois. Tout est nouveau pour
eux, et naturellement, tout excite leur curiosité, depuis la
forêt usée de siècles jusqu'aux lacs peuplés de canards. Ni
hôtels, ni restaurants, bien entendu : à 11 heures ou midi,
dès qu'on rencontre un étang ou un ruisseau, première
halte.
Le P. Husson abat quelques arbres morts que je trans-
porte sur mes épaules pendant que le P. Rouvière s'en va
puiser un seau d'eau et que le F. Kraut déballe nos
instruments de cuisine : chaudière à thé, poêlon pour faire
frire le lard, pot de graisse et couverts en métal
— 249 —
A un mètre du brasier, le vieux missionnaire à la barbe
fleurie pique, un peu en biais, une perche à laquelle il
suspend la chaudière à thé, de telle façon que le poids de
celle-ci fasse incliner le tout au-dessus des flammes... et
voilà retrouvé le trépied de notre aïeul à tous !
Un quart d'heure après, assis sur le gazon, nous pre-
nons joyeusement et promptement notre premier dîner,
pour ensuite nous remettre en route plus gaillardement.
Notre phaéton vous offre un siège sur son chariot : si
vous avez tant soit peu le désir de vous déguiser en Ner-
vien du temps de Jules César, gardez-vous de décliner l'in-
vitation. — D'ailleurs, si vous connaissez passablement les
règles de la gymnastique, vous arriverez aisément à grimper
sur ce camion , et même à vous tenir entre les caisses,
ballots, barils et bottes de foin, au milieu desquels vous
vous serez juché Et puis, savez-vous, quand vous en
aurez assez d'être projeté de droite à gauche, d'une botte de
foin sur l'angle d'une caisse, il vous sera toujours loisible
de sauter à terre pour vous reposer de ces secousses et
contre-coups.
Vous vous y résoudrez bientôt peut-être : c'est ce que
nous fîmes nous-mêmes, pour pouvoir plus commodé-
ment réciter le saint ofiice.
Avant d'aller plus loin, laissez-moi vous dire un mot de
notre tabac, que vous ne connaissez sans doute pas. Ce
n'est ni du Colorado, ni du Levant, ni du Melior. D'où
vient-il ? Je n'en sais rien. Mais ce que je veux vous faire
remarquer, c'est que par ici le tabac coupé en filoches est
à peu près inconnu. Pour la plus grande facilité du con-
sommateur, les feuilles sont posées les unes sur les
autres, et tellement pressées qu'elles semblent collées.
C'est un vrai bloc que vous prendriez pour une planche.
Les « torquettes » (c'est leur nom) affectent toujours la
16*
— 250 —
figure du rectangle, mais les tailles varient. Vous trou-
verez du 15 X 8, du 12 X 6, du 12 x 4, du 8 X 6, l'épais-
seur se maintenant à 12 ou 13 millimètres. Deux torquettes
de 15 X 8 pèsent une livre et se vendent 3 fr. 75 à Edmonton
et 6 fr. 25 à Athabaska.
Voulez-vous bourrer votre pipe? Coupez à même dans
votre torquette, comme si vous faisiez de minuscules
tranches de pain pour mettre dans votre soupe. Frottez
et émiettez ces tranches avec votre main droite au fond
de votre gauche, et mettez le feu à cette poussière de tabac.
Il y en a qui aiment ces petites opérations préliminaires.
Moi, elles m'horripilent : aussi, je « hache » d'une seule
fois une torquette entière. Gela me demande un quart
d'heure de travail ce jour-là; mais les jours suivants, mon
tabac se trouve prêt, et, quand il me plaît de fumer une
pipe, je puis me satisfaire illico. — Pour l'instrument
comme pour le reste, tous les fumeurs ne partagent pas
les mêmes goûts. D'aucuns préfèrent se servir d'un
couteau de poche — c'est plus portable — et les autres,
d'une petite hache bien effilée : il m'a semblé que c'était
plus expéditif, et je m'y suis rallié.
Quant au goût de notre tabac, il faut en dire ce qu'on
dit de toutes choses. Si on y mettait le prix, ou trouverait
de la bonne machandise. Il y a du i nigger head * ou
« tête de moricaud » ; c'est pour ceux qui aiment le
« raide », de 1' « orinocco », pour les amateurs de tendre
et de doux, du « T and B » (prononcez : ti end bi), pour
qui veut se tenir dans un juste milieu.
Et, fume-t-on beaucoup dans le nord-ouest Canadien?
Plus, à mon avis, que nulle part ailleurs. « Oiseau rare »,
celui de nos Métis ou de nos Indiens qui n'ajoute pas
celle-là à ses autres bonnes qualités ! Ce qui plus est :
Mesdames Métisses et Sauvagesses se feraient un jeu de
soutenir un duel à la pipe contre les premiers fumeurs des
pays flamands, hollandais ou autres.
Fermons la parenthèse; mais encore fallait-il l'ouvrir
251
pour vous faire connaître la vérité sur le tabac comme sur
le reste. Je vous expliquerai plus tard que c'est une néces-
sité dans ces pays de maringouins.
Haltes consolantes.
Pendant trois heures, nous avons marché, prié, chanté,
fumé, t Faisons chaudière s c'est-à-dire collationnons :
un quart de thé bien chaud avec une tartine de beurre, et
les chevaux auront un peu de répit. Ensuite nous pour-
rons, en égrenant notre rosaire dans ou derrière le cha-
riot, attendre de trouver une bonne place pour y passer la
nuit. C'est que, voyez-vous, toutes les places n'offx'ent pas
les mêmes facilités pour le campement : il est telle et telle
condition à réaliser, et pour lesquelles nos voyageurs
sacrifieront, selon les cas, plusieurs heures de repos ou
plusieurs heures de marche. La proximité du bois sec et
de l'eau (rivière ou lac) est une de ces conditions, la plus
importante peut-être.
Quand donc le conducteur a reconnu un lieu de campe-
ment avantageux, on s'arrête, on donne aux chevaux la
liberté avec une brassée de foin ou quelques livres d'avoine,
on soupe, on se récrée, on prie, et chacun de s'enrouler
dans ses couvertures. Pour réparer les forces et remettre
en bon état les membres un peu abîmés par les cahots et
les kilomètres de la journée, vive le sommeil, surtout le
sommeil au grand air! Rien de tel, pas même les pastilles
Valda !
Il arrive aussi, une fois ou l'autre, que vous fassiez
halte non loin d'une hutte de Métis. Entrez-y sans façon,
distribuez à droite et à gauche les poignées de main, en
prenant bien garde de n'oublier personne, car la vieille
femme [squaio) qui, au coin du feu, fume son bout de pipe
au nom irrévérencieux, ne vous pardonnerait pas de pi'iver
de ce témoignage d'amitié son arrière petit-fils : vous le
— 252 —
trouverez caché dans un pan de la couverture dont sa
petite-fille (de la vieille) se couvre les épaules.
La figure de ces braves gens, plus encore que leurs
paroles (supposé qu'ils soient à même de s'entretenir avec
vous), vous exprime assez qu'en venant prendre sous
leur toit un demi-mètre carré pour y passer la nuit, vous
leur avez causé un plaisir énorme : ils s'en feront un
honneur dans la suite auprès de ceux qui vous imiteront.
Surtout, ils seront heureux de pouvoir le lendemain
matin assister à la messe, et y faire leurs dévotions, si
vous avez été capables de les y préparer. — Le bon Dieu
veuille donner un jour à quelques-uns d'entre vous de
goûter aux émotions de cette messe, sous la cabane de
l'habitant des bois ! Oh ! comme il est aisé de prier le
Verbe qui s'est incarné pour enrichir les pauvres, quand
tout, autour de vous, est pauvreté, dénuement et misère!
Et, quand on débute dans sa vie de missionnaire, comme
l'on pénètre bien mieux le sens des paroles liturgiques,
du t Munda cor meum » en particulier, et du « Dominus
sit in corde meo!... » Ah! oui, qae le Seigneur Jésus nous
purifie le cœur et donne à nos lèvres d'annoncer digne-
ment l'Evangile du pardon et de l'amour aux âmes qu'il se
réserve de nous confier !
Athabaska - Landing (1).
Je vous l'ai dit déjà, nous arrivâmes à Athabaska-
Landing le soir du troisième jour.
Le village (future ville, dit-on, quand le chemin de fer y
passera, ce qui pourrait fort bien arriver dans un an ou
deux), le village d'Athabaska-Landing, où nous voici, n'est
(1) '( Landùig » est quelque chose comme le participe présent
du mot anglais « lanU » qui signifie terre, pays. Joint à un nom
propre, comme ici, on peut le traduire par « embarcadère » ou
« débarcadère ».
— 253 —
donc, somme toute, qu'un petit port, un chantier de con-
structions navales... Je parle très sérieusement : ainsi,
quand nous allons nous enquérir de la date du départ
auprès de M. Fosseneuve, armateur, il nous montre du
doigt une demi-douzaine de grandes toues (bateaux plats)
inachevées encore, mais autour desquelles une vingtaine
d'ouvriers au moins sont à la tâche, celui-ci clouant,
celui-là calfeutrant, un troisième goudronnant, un qua-
trième préparant les rames.
Les rames / il faut bien leur donner ce nom-là, puis-
qu'ainsi elles s'appellent. Mais, de grâce, ne vous représen-
tez pas de ces petits avirons, sortes de grosses plumes,
dont on se sert chez nous pour lancer l'embarcation : ce
sont tout simplement des pieds d'arbres, grossièrement
équarris à la hache, que vous auriez beaucoup de peine à
soulever de terre. Elles peuvent mesurer 7 mètres de long,
largeur de la palette et grosseur du bras à l'avenant. Moitié
plus forte encore la rame-gouvernail, appelée souipe, de
l'anglais sweep. La vue de ces battoirs géants faillit
m'effrayer.
Grands préparatifs.
Nos barques sont des bateaux à fond plat de 16 mètres
sur 4 (1 mètre de profondeur).
Pendant les deux jours qui suivirent notre arrivée au
Landing, nous fûmes du matin au soir occupés à l'embar-
quement des pièces de toutes nos missions de l'Athabaska-
Mackenzie.
Vous n'ignorez pas en effet que l'approvisionnement de
tous ces postes est des plus coûteux et des plus difficiles.
Ce n'est qu'une fois par an que le Père Procureur peut opé-
rer l'expédition des articles utiles ou nécessaires, sacs de
farine, lard, riz, haricots, instruments de menuiserie, de
culture, poêlés, étoffes, filets, plomb, poudre, balles, etc
Si, par malheur, le Père en charge d'une mission oublie
— 254 —
dans sa liste d'allocation (remise chaque année à Monsei-
gneur le Vicaire apostolique) un objet dont il aura besoin,
ou bien qu'en cours de route les envois soient perdus ou
endommagés, le pauvre Père devra prendre patience pen-
dant près de deux ans, à moins que la nécessité ne l'oblige
à se procurer ces articles aux provisions de la Compagnie
ou du traiteur Partout il fait bon être prévoyant, ici
plus que nulle part, ou bien alors, gare la bourse, si peu
garnie déjà t
Donc, pour nous reposer du voyage d'Edmonton au Lan-
ding, nous passons des heures et des heures à entasser au
fond de nos bateaux des centaines de sacs et ballots de
tout genre. Nous nous installons aussi confortablement
que possible au milieu de tout ce train, et... vogue la
galère !...
Sur l'Athabaska.
Nous nous abandonnons au courant de la rivière. Pas
besoin de ramer. La fonte des neiges a provoqué une crue
assez grosse qui dispense nos hommes de ce travail pendant
les neuf dixièmes du temps. Seul est à son poste celui à
qui le capitaine a confié le gouvernail. Les autres hurlent
une chanson crise, en s'accompagnant du tambour sauvage,
ou bien cuvent Veati de feu dont ils ont absorbé plus que
de raison.
Notre flotte se compose de sept unités. Le chef de l'esca-
dre est ce métis canadien-français dont je vous ai déjà
parlé, M. Fosseneuve. D'Edmonton au Pôle Nord, on con-
naît de vue ou au moins de réputation le capitaine Shot, on
ne le désigne pas autrement.
C'est un excellent homme, qui a rendu et se propose de
rendre encore à nos missions du Nord des services que nos
Evèques et notre Procureur se plaisent à reconnaître. Il y a
des années déjà qu'il a mis à la disijosition des mission-
naires son expérience de vieux loup d'eau douce, et,
— 255 —
comme il se charge du transport de nos pièces à des prix
réduits, il a bien un peu droit à notre reconnaissance. Il
est, à sa manière, un vrai bienfaiteur.
Il fut pour nous (le P. Rouvièrr, le Fr. Kraut et moi)
plein d'attentions pendant le voyage, Le bateau n» 7 (cela
va de soi) devint vaisseau-amiral, du moment que nous y
prîmes place. Shot, qui avait déjà jeté ailleurs sa couver-
ture, se la fit apporter chez nous, signifiant qu'il y établis-
sait domicile, lui aussi. Bien volontiers, il venait avec moi,
à l'arrière du chaland, fumer sa pipe et chanter.
De temps en temps, il nous parlait de nos anciens, du
P. Taché, du P. Grandix, du P. Faraud, du P. Grouard,
du P. Glut, du P. Pascal (tous revêtus depuis de la
dignité épiscopale), du P. Laity, du P. Lecorre, de tous les
braves qu'il avait connus, — puis de ses enfants, de robus-
tes jeunes gens, dont il est fier, — puis de ses exploits,
comme chasseur ou voyageur, — puis de toutes sortes de
choses.
Sa compagnie, vous le pensez bien, était loin de me
déplaire : n'acquiert-on pas toujours, à les écouter, un peu
de l'expérience des anciens ?
Arrêt forcé : le portage Pélican.
Nous voici au portage Pélican : c'est comme qui dirait
la gare de la mission du Wabashaio, qui s'en trouve dis-
tante d'environ 50 milles. Nous n'y devions d'abord rester
que les deux heures nécessaires pour déposer les mar-
chandises de cette mission entre les mains du Fr. Poulain,
arrivé la veille pour s'en occuper. Mais le temps étant
devenu subitement impossible, le capitaine nous fit savoir
que la halte serait au moins d'un plein jour.
La nouvelle se répandit bientôt aux alentours que Shot
descendait deux jeunes missionnaires et, à onze heures et
demie du soir, on nous apportait un petit être qu'il s'agis-
— 256 —
sait d'enrôler parmi les enfants du bon Dieu. — Le
R. P. RouviÈRE étant mon ancien, j'aurais peut-être dû lui
céder l'honneur : mais au lieu de donner à ses quelques
brins de barbe cette marque de déférence, je fis valoir que
seul j'avais obédience pour le vicariat d'Athabaska, donc
seul juridiction au portage Pélican, conséquemment à quoi
il me revenait d'ouvrir mon ministère par le baptême de ce
sauvageon... Mon confrère se mit à sourire, — mais d'un
sourire de concessionniste — et, un quart d'heure après, le
Fr. Poulain, qui nous avait servi d'interprète, inscrivait
sur son carnet, pour en référer au P. Dupé, supérieur du
Wabaskaw, les nom et prénoms de son nouveau paroissien.
Après quelques moments de repos sous la tente, nous
célébrâmes la sainte Messe, au grand bonheur des catholi-
ques (une douzaine) qui n'ont que deux ou trois fois par an
la consolation d'assister au divin Sacrifice. — Je suis d'ail-
leurs bien aise d'ajouter en passant que nous avons pu
chaque jour immoler la sainte Victime. Pour cela, nous
avons dû sacrifier les douceurs du sommeil, à deux ou trois
heures du matin, mais, n'est-ce pas ? c'est vraiment ache-
ter le Ciel pour rien !
Le portage Pélican a sa célébrité. Il y a une dizaine
d'années, un brave homme quelconque y débarquait. L'his-
toire n'a conservé ni le nom de l'individu, ni le pourquoi
de sa halte. On sait seulement qu'en se promenant sur la
rive, il voulut allumer sa pipe. Son allumette provoqua
une épouvantable explosion. Le fumeur en fut quitte pour
une grosse peur et quelques légères blessures, qui ne l'em-
pêchèrent pas de se rendre à Edmonton (ou ailleurs). Il
raconta l'aventure : une société se forma avec un joli capi-
tal, dit-on, et une équipe d'ouvriers descendit au portage.
On creusa un puits... pour constater la présence d'un lac
de pétrole. Mais, avant d'exploiter cette huile de terre
(c'est ainsi que dans le pays on appelle le pétrole), il faudra
attendre que des milliers et millions de mètres cubes de
gaz se dépensent ou s'évaporent. Pour hâter ce jour, on a
— 257 —
mis le feu à l'orifice. Voilà près de dix ans que flambe
cette immense torche, permettant de lire en pleine nuit à
près d'un kilomètre... Et l'on dit encore que le Nord-Ouest
reste plongé dans les ténèbres!... Ce n'est pas la faute du
portage Pélican, au moins I...
Les rapides.
Quelques jours plus tard, nous arrivions aux grands
rapides : la rivière Athabaska (appelée aussi, dans cette
partie de son cours, rivière La Biche), peut avoir une lar-
geur moyenne de 2 kilomètres et elle roule un volume d'eau
considérable. De chaque côté, s'élèvent des rives de pierres
mollasses qui surplombent, et semblent menacer la tête du
voyageur. Leur hauteur doit atteindre 30 ou 40 mètres.
Au-dessus du rapide, elles sont plus élevées encore. Ces
énormes blocs, minés par le temps et rompus par les
glaces, ont formé au milieu de la rivière une masse com-
pacte, recouverte d'alluvions et de sable, où poussent de
grands sapins. Cette île, en interceptant le cours du fleuve,
a forcé l'eau à s'ouvrir violemment un passage de chaque
côté. Le courant étant déjà très fort au-dessus de l'île, l'eau
vient se briser sur les blocs énormes qui lui servent de con-
treforts, puis retombe en mugissant, et forme des cascades
qui se succèdent jusqu'au bas de l'Ile, où les deux bras de
la rivière se réunissent, présentant à leur confluent des
houles de 2 à 3 mètres de haut. Les eaux s'entrechoquant
et se brisant contre les rochers font un bruit à la fois sourd
et strident, plus fort que cent coups de canons de calibre et
partant tous ensemble (1)...
Sans accident, grâce à la merveilleuse adresse des gou-
vernails, tous nos chalands viennent aborder à l'extrémité
(1) Cette description est de Mgr Faraud, le premier Européen et
peut être même le premier homme qui ait osé franchir cet obstacle,
il y a 42 ans.
— 258 —
sud de nie... Je dis tnerveilleuse, parce que véritablement
l'opération est des plus délicates, le chenal affectant la
la forme de Z consécutifs et étant bordé de gros rochers
entre lesquels souvent il n'y a que tout juste assez déplace
pour la largeur de l'embarcation.
Le lendemain et les jours suivants, toutes les pièces sont
transportées par le moyen d'un wagon rudimentaire rou-
lant sur de vrais rails, à l'autre bout de File (2 petits kilo-
mètres), et avec nos bateaux ainsi allégés, nos hommes se
livrent au gros courant, et sautent les rapides. Nous
aurions bien voulu, le P. Rouviére et moi, nous joindre
à l'une des brigades de sauteurs, histoire de goûter au
délicieux frisson, mais nous étions fort occupés quand
les six premiers exécutèrent le mouvement, et le capi-
taine Shot ne sut pas nous trouver quand vint le tour du
septième.
Nous aurons d'ailleurs encore l'occasion de sauter des
rapides, car désormais le fleuve Athabaska en est pour
ainsi dire semé. Il y en a de superbes, un notamment que
l'on appelle la grande cascade. Les eaux se trouvant rela-
tivement hautes à l'époque de notre voyage, la chute pro-
prement dite n'était guère que de 2 ou 3 mètres. Deux
hommes, partis quelques heures avant nous pour recon-
naître l'état des lieux, vinrent nous l'annoncer. Le capi-
taine décida alors que toutes les barges sauteraient, avec
tout le chargement. Mais, au lieu de se contenter de quatre
ou cinq hommes par bateau, il doubla ou tripla l'escouade,
éliminant les jeunes, et confiant les rames aux plus robus-
tes de la troupe.
Grâce à ces précautions, dictées par la prudence aussi
bien que par l'expérience, nous effectuâmes le saut sans le
plus léger accident, car les quelques paquets d'eau que
nous cueillîmes en passant rentrent dans l'ordre des inévi-
tables... Je ne sais pas si beaucoup de blancs oseraient ris-
quer le coup, mais certes, c'est un des plus beaux instan-
tanés qui soient imaginables. Dommage que je n'aie pas
— 259 -
d'appareil ! Autrement, j'aurais pressé le bouton, et je vous
enverrais une épreuve...
A l'avant, un homme, armé d'une longue perche, qu'il
tient pointée, tel un long javelot, dans ladii-ection à suivre.
Au milieu, quatre ou huit autres, qui rament de toutes leurs
forces, et avec un ensemble parfait. A l'arriére, le guide,
un hercule de 35 ans. Ses yeux ne quittent pas un instant
la perche de l'homme d'avant. Celle-ci dévie-t-elle, en rai-
son d'un récif qui vient de se montrer à fleur d'eau, immé-
diatement le pilote doit imprimer à l'embarcation la nou-
velle direction. Aussi faut-il à ce gaillard un coup d'oeil et
une énergie plus qu'ordinaires. Il doit en même temps être
assez leste pour sauter instantanément trois ou quatre fois
de suite par-dessus son gouvernail, sans le lâcher, bien
entendu. Quelquefois il s'y fait attacher, pour n'être pas
emporté par une lame de retour...
L'homme à la perche indique l'endroit de la rivière où le
courant atteint la plus grande rapidité, une sorte de porte
à deux pans de murailles liquides et bouillonnantes. En
vertu de la loi physique qui régit la déperdition progressive
du mouvement donné à un corps, la proue du bateau, après
avoir passé la cascade proprement dite, poursuit son che-
min quelques mètres encore dans le vide... Nous nous
trouvons ainsi à une bonne brasse au-dessus de l'eau. Nos
rameurs alors étendent les rames pour amortir le choc, et,
dès que celui-ci s'est produit, déploient de nouveau toutes
les forces de leurs biceps, pour sortir au plus tôt du
remous. Autrement, celui-ci ramènerait sous la cascade le
bateau qui serait mis en pièce et coulé à fond... On enre-
gistre déjà un assez bon nombre d'accidents pour ces diffé-
rents rapides. La protection toute spéciale dont la très
sainte Vierge entoure ses Oblats nous permit de faire tout
ce voyage dans les meilleures conditions.
260
En steamer.
Le 18 ou le 20 (ma mémoire n'est pas sûre d'elle-même),
nous arrivions au Fort Mac-Murray. Le R. P, Croisé,
chargé des sauvages qui visitent ce poste, nous y attendait,
avec les FF. Gharbonneau et Grenn, le premier, chauf-
feur, le second, cuisinier à bord du Saint-Joseph : c'est le
steamer de la mission. Il peut avoir 17 mètres sur 5; les
engins et machineries sont évalués à 16 chevaux-vapeur-
Ces chiffres, comparés à ceux de vos plus petits trans-
atlantiques, vous font sourire de pitié peut-être. N'em-
pêche qu'avec ses deux grandes roues à bâbord et à tribord,
notre vapeur nous rend des services inappréciables. J'aurai
sans doute l'occasion de vous en reparler.
Le lendemain, nous donnions au digne capitaine Shot et
à ses hommes la poignée de main de Tau revoir, et, en
compagnie d'Oblats cette fois, nous nous remettions en
route pour une petite semaine encore, — pas la moins inté-
l'essante — vers le lac Athabaska.
Un jeune missionnaire de V Athabaska.
Nihil Obstat.
Roniae, 1' Junii 1912.
f A. DONTENWILL, 0. M. L,
Arch. Ptolern., Sup. Gen.
Publié avec la permission de l'autorité ecclésiastique.
Bar-le-Duc. — Impr. Saint-Paul. — 5241,6,12.
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE
N' 199. — Septembre 1912.
— -O^^i^
PROVINCE DU CANADA
Rapport sur le Scolasticat Saint-Joseph d'Ottawa
Par le R. P. P.-R. Villeneuve, O. M. I.
(Suite.) — Voir Missions de juin 1912, page 131.
Prise de possession.
Aux vacances de 1885, comme d'habitude, les scolastiques
prenaient leur repos à notre mission de Notre-Dame du
Désert, Maniwaki, à 90 milles d'Ottawa. C'était de tradi-
tion. Dès 1866, le P. Ryan, Supérieur du Collège, note que
les trois Frères scolastiques d'alors y sont allés chercher
un agrément réparateur. Depuis lors sans doute, très régu-
lièrement, on s'y rendait pour juillet et août. Les dernières
années, le nombre des scolastiques, les progrés de la
mission, et la toujours croissante cordialité de l'hospitalier
P. Pian, Supérieur, rendaient le séjour vraiment enchan-
teur. Et puis on y jouait à de sérieux jeux de rame en canot
17
— 262 —
d'écorce et de portage dans les montagnes, voire même de
chasse et de pêche, d'expéditions lointaines et de dures
nuitées, qui donnaient de l'endurance au corps et du cou-
rage au cœur, pour les saintes luttes de l'apostolat à venir.
Or donc, cette année-là, quand septembre s'annonça,
le bruit courut à la campagne que de Bethléem le Sco-
lasticat irait non point en Egypte mais en un délicieux
Nazareth,
Laissons le P. Duvic nous raconter ce qu'il en advint :
« A cette heureuse nouvelle, on fait à la hâte les pré-
paratifs de départ, les canots sont remis à l'eau et on
descend à toute vitesse la rivière Gatineau. Déjà nos
voyageurs sont en route depuis près de trois jours, ils
n'ont plus que 9 milles pour atteindre le terme du voyage :
ils font un de leurs derniers portages en suivant la route qui
longe la rivière, lorsque tout à coup ils aperçoivent, à
quelque distance, la voiture du scolasticat et celles des
Pères de HuU, venant au-devant d'eux. Leur joie est à son
comble lorsque, arrivés à l'extrémité du portage, ils trou-
vent sur le bord de la rivière, à l'île "Wright, toute une com-
munauté d'Oblats. C'est le R. P. Mangin, jusque-là leur
Modérateur et désormais leur Supérieur ; le R. P. Fayard et
son compagnon, arrivés tous deux récemment en Canada,
et venant, le premier de Belcamp-Hall, le second de Rome ;
puis, le R. P. Cauvin, l'ami dévoué et l'un des généreux
bienfaiteurs du scolasticat, et le R. P. Harnois, tous deux
de la maison de Hull ; quelques Frères scolastiques qui
prenaient leurs vacances au Collège, et enfin plusieurs
Frères convers. Se revoir et s'embrasser était pour tous
une joie inexprimable : ceux qui ont eu part à ces douces
effusions n'en perdront jamais le souvenir. Après avoir
pris de nouvelles forces et un peu de repos, on se remit en
marche et on arriva au scolasticat vers le coucher du
soleil. Les Frères donnèrent en arrivant une joyeuse acco-
lade à leur nouvel économe, le R. P. Van Laar^ qui les
— 2G3 —
attendait sur le seuil de la maison : puis leur première
visite fut pour la chapelle. Notre-Seigneur eut sans doute
pour agréables les actions de grâces que lui offrirent ses
jeunes Oblats : et, pour les engager à supporter avec cou-
rage les privations inséparables d'une nouvelle instal-
lation, ce divin modèle avait voulu leur donner lui-même
l'exemple, car la pauvreté régnait dans sa demeure comme
dans tout le reste de la maison. »
Le P. Van Laar, économe nommé, s'était d'abord ins-
tallé dans la maison, avec quelques Frères convers : au
1er septembre, il y avait célébré solennellement le saint
Sacrifice. Le 4, le Supérieur en prenait possession si7ie
strepitu. Le jour de la Nativité de la Sainte Vierge,
28 scolastiques y faisaient leur entrée toute jubilaire, et
5 autres Frères le lendemain arrivaient du noviciat.
Parlons de ce lendemain, 9 septembre. Il en vaut la
peine, puisqu'on pendit la crémaillère ad morem pau-
perum. Car, si l'on était déjà heureux du chez soi, le luxe
n'existait point : l'ameublement en était complet à ce point
que pour passer d'un exercice à l'autre, chacun devait
transporter avec lui sa chaise, de la classe au réfectoire, ou
du réfectoire à la salle commune. On montait l'eau à force
de bras, on se chauffait surtout de zèle et de patience. Mais
quand même, comme on l'aimait cet asile béni, et comme
on pressentait les bonheurs qu'un quart de siècle vient de
couronner !
Dans cette cérémonie d'inauguration, que la plume de
l'unique survivant des premiers directeurs s'est chargée de
peindre au naturel, on put voir sous quels auspices de
charité religieuse et de surnaturel bonheur, la nouvelle
communauté commençait son existence. Pour respecter la
teneur toute chaude et personnelle de cette lettre nous
devons la citer intégralement.
— 264
Lettre d'un ancien Directeur.
A mes Vénérés Pères et chers Frères du Scolasticat
d'Ottawa.
Mes chers Amis,
J'arrive trop tard pour les noces d'argent du cher Sco-
lasticat d'Ottawa. Je suis loin, vous le savez bien, du cours
sinueux du Rideau. Mais je serai là, présent d'esprit et de
cœur, à votre solennité jubilaire. Si, au dernier jour de ce
mois d'août, je porte l'austère parole de la retraite annuelle
à de bons prêtres, je prêterai quand même l'oreille aux échos
venus de Tau delà de l'Océan, et je mêlerai mes prières et
mes actions de grâces aux vôtres. La Vierge Immaculée,
pour qui les distances n'existent plus, fera de tout cela une
gerbe odorante et suppliante, qu'elle déposera devant le
trône de l'Eternel.
Et j'ai bien le droit d'être là-bas avec vous, en ce jour
jubilaire. Merci à vous d'avoir reconnu ce droit, malgré
qu'il vous fût notoire que je ne pouvais être là qu'en
esprit. Je fus un ouvrier de la première heure, à cet éta-
blissement fécond du scolasticat canadien. Et seul je
demeure parmi ces zélés directeurs qui étaient là, aux pre-
miers jours de septembre de l'an 1885. Ils sont partis, leur
noble tâche achevée, partis pour l'éternité, ce grave Père
Mangin, premier Supérieur, ce pieux et bon Père Fayard,
cet aimable P, Van Laar, providence de la jeune famille
qui venait s'abriter sous le toit du frais édifice.
Si je me souviens bien, c'est le 9 septembre, au lende-
main du jour de la Nativité de la Vierge, qu'eut lieu la
bénédiction et l'inauguration solennelle du nouveau sco-
lasticat. Jusque-là, nos jeunes Frères avaient reçu leur
formation au Collège d'Ottawa et suivaient les cours du
Séminaire. On avait jugé à bon droit que, dans cette
— 205 —
ruche universitaire, les futurs Oblats ne pouvaient avoir
cette vie de recueillement et de prière, cet isolement absolu
du monde qu'exigeait leur vocation apostolique et reli-
gieuse. Il leur fallait une vie bien à eux, des maîtres tout à
eux, un ensemble d'exercices aptes à les préparer à leur
sublime idéal. Le nouveau scolasticat allait leur donner
tout cela, il serait la pépinière de saints ouvriers évangé-
liques. Gloire et actions de grâces à Dieu ! Louange éter-
nelle à la Vierge Sainte, qui ouvrait son manteau maternel
pour couvrir et abriter les futurs apôtres, au jour même où
elle réjouit le monde par sa bienheureuse naissance I
C'est dire comme elle fut saintement joyeuse notre fête
d'inauguration, au lendemain même de l'arrivée des sco-
lastiques. Ils étaient là nombreux autour des nouveaux
directeurs, les doctes professeurs de l'Université, plusieurs,
jadis les maîtres de nos chers scolastiques, d'aucuns, leurs
condisciples, en tête l'illustre P. Tabaret, qui avait con-
tribué pour sa grande part à la fondation de ce nouveau
séminaire apostolique. Un vieillard aux cheveux blancs
présidait la fête, alerte, vif, aimable et toujours modèle
des vertus religieuses : c'était le R. P. Antoine, Provincial
du Canada, délégué du Supérieur Général. Lui, il était allé
chercher en Europe deux des professeurs.
Autour de ces vétérans de l'apostolat ou de l'enseigne-
ment, se groupaient nos jeunes Frères, heureux d'avoir un
home bien à eux, et quel séjour 1 Un magnifique établisse-
ment, l'une des beautés de la banlieue métropolitaine. Et
la Pro\^dence leur avait fait la part libérale : outre l'édifice
de pierres, spacieux, bien aéré, buvant la lumière par de
larges ouvertures, il y avait ces champs potagers, ce jardin
aux plates-bandes débordant de melons, de salsifis, de
rhubarbe et de céleri : ce parc favorable aux méditations
solitaires ; cette prairie faisant bordure à un quart de mille
de rivière où, baigneurs intrépides, ils pourraient rivaliser
avec les naïades et les tritons. Même, tout près de cette
vétusté Maison Blanche, seul reste de l'antique campagne
— 2o6 —
du Collège, il y avait cet enclos aux mélancoliques thuyas,
le cimetière de famille, où ils pourraient venir verser
leurs prières sur des tombes aimées et ils y viendraient
souvent, comme a chanté le poète Gerbet,
Par prémices,
Goûter la mort !...
Car la pensée de la mort est douce à un jeune cœur
dépris du monde. « Mourir, c'est voir Dieu », comme disait
Mgr Gay.
Ils devaient donc dire, eux aussi, dans un enthousiasme
plus justifié et plus personnel, ce qu'exclamait jadis le
vieux Balaam, à la vue des pavillons d'Israël : « Quam
pulchra tabernacula tua, Jacob ! et tenloria tua, Israël ! •
La joie était unanime, et comme toute joie religieuse, elle
eut son premier écho au pied des autels. Elle était bien
modeste, plutôt austère dans son dénuement, dépourvue de
toute prétention au style, cette chapelle de l'Immaculée,
qui ce jour-là, pour la première fois, reçut sa bénédiction,
vit le premier sacrifice, entendit les premiers chants et les
premières prières. Mais dès ce moment elle fut bien chère
à nos cœurs : en est-il un qui ne puisse dire, après une
longue et douce expérience : t Illic mandavit Deus vitam
et benedictionem » ?
La fête s'achevait dans des apages fraternelles, où notre
bon économe et ses cuisiniers improvisés firent bien les
choses, dans de joyeuses causeries et des ébats à travers
tout le domaine. Nos jeunes gens faisaient déjà, et avec
quelle complaisance, le tour du propriétaire !
Ainsi finit cette journée tout embaumée du parfum de la
prière et de la joie : c'était l'aube d'un radieux avenir.
Dès le lendemain commençait la vie sérieuse. Cette vie
intime d'un scolasticat pleine de silence, de prière et
d'étude, je ne veux pas la décrire. La monotonie du ta-
bleau ferait croire à la monotonie d'une existence, où
— 267 —
pourtant la joie est profonde et l'activité intense. Louis
Veuillot a écrit un beau chapitre, sous ce titre : t Est-ce
qu'on s'ennuie au couvent ? » S'il eût pénétré dans notre
Thébaide des bords du Rideau, il eût sans doute ajouté de
nouveaux traits à la gracieuse esquisse que sa plume si
gaie et si chrétienne a brossée, en réponse à l'impertinente
question. C'est le fervet upus, dans sa plus énergique
expression. Là, dans la prière et dans l'élude, de la cha-
pelle à la récréation, sous une discipline acceptée de tous,
dans un joyeux acquiescement aux exigences d'un règle-
ment qui ne laisse rien à l'imprévu, se réalise le mâle
dessein que la sainte Liturgie assigne à la formation des
élus : « Scalpri salubris actibus — Et tunsione plurima,
— Fabri polita malleo — Hanc saxa molem construunt ,
— Aptisque jtincta nexibus — Locantur in fastigio. »
Oui, tunsione plurima, vous le savez, vous qui avez passé
sous cette enclume, dans le laboratoire sacré où l'on fa-
brique des prêtres-missionnaires !
Là se bornait le travail fécond du scolasticat, dans une
ombre douce de silence et de piété. La prière alternait avec
les classes et les longues heures d'études, que venaient
soulager d'opportunes récréations et deux promenades heb-
domadaires. En ce temps-là les visites étaient rares, si
rares qu'en huit ans je ne fus appelé que deux fois au
parloir. Nous, professeurs, nous nous adonnions uni-
quement à notre tâche, qui nous paraissait suffisamment
noble et douce, faire l'éducation d'ouvriers évangéliques.
Bien rarement l'on quittait la solitude, pour aller porter
au dehors la parole de Dieu.
Au début, nous n'étions que quatre Directeurs. Le
P. Mangin, supérieur, cœur chaud sous une enveloppe de
glace, enseignait la théologie morale et l'éloquence
sacrée : il savait défendre ses pupilles contre les embal-
lements oratoires ! Le P. Fayard professait la théologie
dogmatique et le droit canon : si son passage fut court
parmi nous, il laissa le souvenir d'un homme d'étude et
— 268 —
d'oraison, bon et religieux modèle. Le P. Van Laar, Ba-
tave mâtiné d'Américain, prédestiné par son tempérament
à gérer nos finances où il n'y avait que des dépenses et
point de recettes, professait les cours alors appelés secon-
daires , l'Ecriture sainte et l'Histoire ecclésiatique , en
même temps qu'il était le préfet spirituel des Frères con-
vers. Il mettait dans ses cours un brio et une originalité de
langage, qui égayaient sa classe et donnaient du charme
à des matières arides. Quant à moi, le dernier venu, on
m'avait confié la philosophie.
Autour de nos chaires modestes se groupèrent bientôt
une quarantaine et plus de disciples, Canadiens-Français,
Irlandais-Américains, et quelques Français des Vieux Pays.
L'un de ces derniers a passé comme ces jeunes saints dont
la Compagnie de Jésus est justement fière, les Stanislas de
Kostka, les Louis de Gonzague, les Jean Berchmans : ce
fut le bon frère Dumet, venu de Lyon, que la mort mois-
sonna dès notre première année. Sa douce mémoire, faite
d'intelligence et de candeur, de piété ardente et de simple
amabilité, ne s'effacera point de la pensée de ceux qui l'ont
connu et aimé. Il fut le premier à prendre le chemin de
l'enclos solitaire, où nos morts attendent le grand réveil.
Consummatus in brevi,..
Quand on essuie les plâtres d'une maison neuve, on paie
le denier à Dieu. Nous le payâmes par plus d'une épreuve.
Bien des choses manquaient à ces débuts, le régime était
souvent ultra-frugal, et surtout... l'hiver vint nous sur-
prendre, sans feu ! Cela en dit long, au Canada. Quand
enfin la vapeur circula dans nos tuyaux, nouvel accident
qui nous causa une vive alerte. La chaufferie était alors
dans le sous-sol de notre maison, en sorte qu'il y avait
sous nos pieds comme une fournaise d'enfer. Or, un jour,
— c'était un dimanche, 25 janvier — la cheminée prit feu
et la flamme se communiqua au premier étage. Il était à
peu près 9 heures du matin. Dieu en soit béni, car si l'ac-
— 269 —
cident avait eu lieu la nuit, ciel ! quel effroyable holo-
causte ! Un brave scolastique, qui venait me consulter, —
c'était le frère J. Campeau, lui aussi passé maintenant
dans un meilleur monde — découvrit ce commencement
d'incendie. Il courut chez le P. Mangin, tout affolé : —
Mon Père, le feu, le feu ! — Et celui-ci, avec sa placidité
habituelle : Le feu ! eh bien, il faut l'éteindre. — Mais ce
disant, il était pâle d'émotion. En effet, on réussit à éteindre
cet incendie qui pouvait tout dévorer, et, à midi, tout péril
était conjuré. Mais une partie du corridor avait été dé-
foncée, et, en attendant les réparations nécessaires, le
chauffage dut être suspendu. Le froid était si intense que,
pendant deux jours, les cours furent interrompus, nos
scolastiques passant le temps à se réchauffer à la Maison-
Blanche.
***
Telles sont, chers amis, à vingt-cinq ans de distance,
mes réminiscences de nos débuts au scolasticat d'Archville.
Chère solitude, je lui dus bien des joies mêlées aux épreuves ;
encore aujourd'hui je vis sur un capital accumulé alors de
bénédictions célestes et d'études fécondes. Et quand, huit
ans plus tard, l'obéissance m'appela sur un autre champ
d'action, il m'en coûta bien des déchirements intimes, il
fallut, pour me rassurer, la voix divine qui me com-
mandait.
Dès cette aurore de la vie du scolasticat se formèrent ces
saintes traditions de piété et de travail, de régularité et
d'union fraternelle, d'amour de Dieu, des âmes, de la
sainte Eglise et de notre chère Congrégation, que ceux de
la première heure léguèrent à leurs successeurs.
O mes frères de là-bas, laissez-moi vous redire la parole
de saint Paul à Timothée : Depositum custodi.
21 août 1910. Un ancien Directeur.
Les Frères qui composaient la communauté étaient ainsi ré-
partis : le F. A. Ghaumond, diacre ; les FF. J. Magnan et J. Jacob,
sous-diacres ; les FF. A. Dumet, J.-H. Emard, H. Legault, A. Caron
270
Supériorat du R. P. Mangin.
(1885-1893.)
Le 13 septembre, fête du S. Nom de Marie, avait lieu la
première émission de vœux perpétuels. Elle fut bien douce
au cœur des témoins, cette oblation faite par celui-là même
qui devait être le troisième Supérieur de la communauté,
le F. Guillaume Gharlebois, avec pour compagnons les
FF. X. Portelance, O. Gornellier et A. Desilets. Peu de jours
après, quelques ordinands scolastiques se présentaient à la
cathédrale, ce qui, avec la reprise régulière mais non point
monotone des exercices et des cours, donnait au scolasticat
l'extérieur qu'il a gardé depuis ; toujours le même et tou-
jours aimable dans son austérité, pour tous ceux qui le
voient avec des yeux de fils éclairés par la foi et l'esprit
religieux.
De temps en temps quelque événement nouveau rompt
la trame uniforme des jours : tel par exemple, le 11 mai
1886, une cloche qui vient habiter le clocheton jusque-là
silencieux et vide du scolasticat, pour lui donner de l'âme,
une voix qui chante souvent, qui pleure parfois, qui com-
mande avec fidélité et douceur tous les jours; pressante
et J. Pelletier, minorés ; les FF. 0. Gharlebois, H. Gervais, A. Gi-
roux, E. Emerson, G. Gharlebois, X. Portelance, A. Thérien,
O. Gornellier, A. Desilets, T. Sullivan, P. Gagnon, A. Hébert,
H. Roy, A. Gratton, G. Desrochers, J. Gampeau, D. Dubois,
E. David, J. Tranchemonlagne, J. AUaire, H. Brunette, F.-X,
Brûlé, A. Naassens, J. Dacey, G. Lefebvre, H. Roy, L. Favreau
et M. Desjardins, simples Oblats. En plus, six Frères convers :
les FF. Proulx, Foret, Gapel, Dubois. Bélanger et Verret.
Nous ne pourrons évidemment désormais mentionner nommé-
ment tous leurs successeurs, mais ces premiers-nés de la nouvelle
maison méritent de passer à la postérité.
- 271 —
voix du devoir qu'on ne saurait entendre en vain sans
endurcir son cœur : Si vocem Domini audieritis... Cet
airain de 525 livres était dû à la munificence du Supérieur
de Bethsiamits, le R. P. Charles Arnaud.
Une pensée délicate voulut associer à ce timbre qui vibre-
rait chaque jour aux oreilles des futurs missionnaires, le
souvenir ému des deux PP. Fafard et Marchand, massa-
crés dans leur mission du Nord-Ouest, un mois plus tôt, le
2 avril, à l'occasion des troubles insurrectionnels.
Les noms de ces vaillants martyrs du devoir, anciens
scolastiques d'Ottawa, méritaient d'être coulés dans un
airain bénit pour pouvoir se graver dans les cœurs et servir
d'exemple aux générations successives de scolastiques, en
leur rappelant l'héroïsme des aînés.
La croix du P. Fafard, encore teinte de son sang, fut
aussi exposée peu après dans la salle commune des scolas-
tiques pour leur parler de devoir et de sacrifice.
La cérémonie de cette bénédiction , accomplie par
Mgr Grandin, de pieuse mémoire, fut suivie d'une repré-
sentation, œuvre du F. J. Bédard, bien propre à émouvoir
et à enflammer : on reproduisit quelques scènes relatives
au massacre de nos deux chers Oblats. Un premier acte
mettait en scène le conseil de guerre du lac la Grenouille
et les sauvages se rangeant à la révolte ; un deuxième fai-
sait assister aux cérémonies du Jeudi Saint dans l'église
de la Mission, rappelait les recommandations suprêmes des
deux Oblats martyrs et l'envahissement subit du lieu saint
par les Indiens rebelles ; enfin au troisième acte, on voyait
les corps mutilés des deux victimes, on entendait le récit
de leur fin héroïque, on apprenait le remords de quelques-
uns de leurs bourreaux, le repentir et la conversion au
catholicisme des autres : premiers fruits du sang versé
pour la cause de Dieu. Et la grande leçon qui se dégage
pour nous, c'est que la seule mesure du dévouement de
l'apôtre est le don de sa vie, même jusqu'à l'effusion du
sang.
272 —
Au mois de juillet suivant, la communauté, pour la der-
nière fois, prenait ses vacances complètes à Maniwaki,
non sans faire entre temps œuvres de zèle : les scolastiques
concouraient aux exercices d'une mission prêchée par le
P. Brunet, de Montréal; ils rehaussaient l'éclat des céré-
monies de la visite pastorale dans toutes les missions voi-
sines ; et, se distribuant les offices, ils préparaient aussi les
enfants du catéchisme pour la première communion et la
confirmation.
Pendant ce temps, resté avec quelques compagnons à
Ottawa, le bon F. Dumet remettait paisiblement son âme
au Maître qui, après l'avoir appelé à travailler dans sa
vigne, voulait le récompenser dès la première heure du
jour. Il s'en alla dormir dans notre petit cimetière de
famille, sur la propriété, au bout du jardin, où reposaient
déjà, sous leur modeste croix noire, le P. Déléage, les
FF. scolastiques Bresson , Ward , et les FF. convers
Girardin et Cooney. Les PP. Bennett et Pascal, les Frères
Martel, scolastique, et Chalifoux, convers, iront successi-
vement les rejoindre, au cours de la présente période. En
1890, on y transportera la dépouille mortelle des Pères Ta-
baret, Vincens, Dugas et Gigoux, déposée jusque-là dans la
crypte de l'église Saint-Joseph. C'est là que depuis vingt-
cinq ans ils sont visités, nos chers morts, d'un salut d'es-
pérance chrétienne et de charité fraternelle par nos quoti-
diens Be Profundis.
Si le ciel devait faucher prématurément quelques épis, il
mûrissait aussi de fécondes moissons. Le Noviciat de
Lachine a fourni le principal contingent des scolastiques
d'Ottaw^a. Pourtant, la nouvelle Province des Etats-Unis,
de son noviciat ouvert en 1884, a donné ses prémices, et
chaque année, jusqu'à la fondation de son scolasticat de
Tewksbury en 190G, elle a envoyé des sujets, tantôt cana-
— 273 —
diens, le plus souvent irlandais américains. C'était pour la
maison non seulement un appoint, mais encore une source
d'énergie nouvelle et comme un stimulant pour le premier
élément qui se trouvait ainsi renforcé bien que rendu
moins homogène. Cette généreuse infusion d'une vie supé-
rieure aux différences de races et de langues, elle vint aussi
des contingents de scolastiques européens que la persécu-
tion et les lois scélérates chassaient hors de France. De
telles immigrations portent le nombre de nos Frères à 42
en septembre 1886, pour monter jusqu'à 48 au moment du
Chapitre général de 1893, indépendamment de 7 Pères pro-
fesseurs et de 8 Frères convers. Tout ce monde butine in-
dustrieusement le miel de la vertu et de la science qui s'é-
panouissent en cet Eden de la vie religieuse.
4fc
Pendant ce temps, la maison s'achève et de^ient plus
commode. En septembre 1886, on construit un édifice à part
pour contenir les chaudières à vapeur (perpétuel danger
d'incendie jusque-là), avec une cheminée monumentale en
briques. Et, disons-le en passant : les scolastiques en ont
creusé les fondations, ce qui montre bien que le travail
manuel est toujours en honneur.
Parmi les améliorations notables dans l'ameublement et
la décoration intérieure, à noter que la chapelle s'enrichit
d'un harmonium, la bibliothèque de livres, et la sacristie
de divers objets de culte dont plusieurs offerts par le
R. P. Sardou, économe général.
A l'extérieur, les travaux de transformation ne sont pas
moindres : tracés d'ornementation régulière des abords de
la maison, ce qui suppose le nivellement des buttes et le
comblement des marais qui couvrent une partie de la pro-
priété ; puis plantations et transplantations d'arbustes par
centaines, défrichement de la prairie et du bosquet pour
y ménager des sentiers sinueux et des allées aux gra-
— 274 —
cieuses courbures : travaux, à la vérité, considérables,
qu'inspire activement le R. P. Supérieur et que les sco-
lastiques exécutent laborieusement sous l'impulsion du
R. P. Duvic, depuis son arrivée en 1887.
Mais si l'on prie avec ferveur, si l'on se livre fiévreuse-
ment à l'étude, et enfin si l'on pousse le défrichement avec
vigueur, on se réjouit de môme fort gaiement, aux heures
opportunes. La fanfare, fondée jadis au collège et qui con-
tinue sa vie active, vient mettre de l'éclat à toutes les fêtes;
cependant que d'autres artistes ne négligent point les har-
monies plus douces des instruments à cordes, des bois et
des claviers. On s'en sert aux grandes fêtes, à la suite de
la partie religieuse de ces solennités. Car déjà des tradi-
tions s'établissent, indépendamment de celles qu'on a con-
servées de l'ancien séjour, mais avec un déploiement de
pompes et un appareil jusque-là impossibles.
Faudra-t-il nommer la Noël avec ses messes nocturnes,
le réveillon, la visite à la Crèche édifiée annuellement par
nos chers Frères convers dans leur salle commune, autour
de laquelle on chante les naïfs couplets d'antan; l'anniver-
saire de l'approbation de nos saintes Règles, le 17 février,
et le dîner à Hull ; la saint Joseph, fête patronale du Supé-
rieur et de la maison; la saint Patrice, si chère à nos
Frères irlandais ; le mois de mai avec sa prédication quoti-
dienne par les scolastiques ; la Fête-Dieu, etc. ; toutes ces
fêtes religieuses laissent dans les âmes des souvenirs bien
doux.
Les philosophes ont leur fête de la sainte Catherine, et
les théologiens celle de saint Thomas, où les thèses et les
contre-thèses exercent à l'escrime de la pensée , sans
compter, à l'occasion, d'autres joutes oratoires.
Et puis les oblations, et puis les ordinations, toujours
précédées de longues retraites, où l'on vit dans les clartés
et les ivresses du Thabor. Un jour de fête couronne ces
silences prolongés : on y a souvent à table, outre le Père
prédicateur, quelques Pères de nos communautés voisines,
— 275 —
du Collège, de la maison de Hull ou du juniorat, fondation
cadette de la nôtre, dans la ville. L'affection de ces bons
Pères est un réconfort et une félicité pour une institution
telle qu'un scolasticat, qui a toujours besoin de s'appuyer
sur la tendresse et les ressources de l'âge de la sagesse.
***
A vrai dire, ces sympathies et ces visites ne nous sont
point rares. Outre celles de nos vénérés Visiteurs extraor-
naires, le R. P. Martinet, en 1891, par exemple, celles plus
fréquentes des RR. PP. Provinciaux, celles de nos illustres
évêques et valeureux missionnaires de l'ouest, en route
vers l'est du Canada ou même vers l'Europe, viennent
mettre liesse en notre studieuse atmosphère. Quelquefois,
néanmoins, ils nous font des déprédations qui nous ren-
draient sombres, sans les lumières vives de la foi, et les
consolations intimes de la grâce. Ils ont des regards d'envie
en présence de cette fraîche couronne de jeunes mission-
naires, et, faute de patience ou crainte de rivaux, il leur
arrive de cueillir les fleurs encore en boutons. On embrasse
les élus, on leur baise les pieds devant l'autel, on les laisse
partir et s'éloigner ou plutôt nous précéder dans la car-
rière apostolique. Quand celui qui part ainsi revient cou-
vert de la mitre et portant la crosse pastorale dans sa main
de missionnaire, tel Mgr Ovide Charlebois, son Aima Mater
tressaille d'allégresse. En entendant sa parole simple et
sublime d'évangélisateur, des yeux de nos jeunes gens jail-
lissent des larmes, et de leurs âmes généreuses de vifs désirs
d'apostolat. Toujours, du reste, ces glorieux Pontifes
dont la miséricorde de Dieu nous a faits les cadets dans les
liens de la religion, et les humbles conscrits sous la ban-
nière de l'Immaculée, toujours, quel que soit leur nom, ils
ravissent l'enthousiasme de nos cœurs et l'admiration de
nos pensées.
D'autres fois, c'est Mgr Duhamel, notre archevêque, qui
— 276 —
vient nous témoigner sa paternelle affection. Elle est géné-
reuse, elle est confiante. Ce vénéré Pasteur, qui a reçu le
sacerdoce de notre Congrégation, en quelque sorte, se plaît
à le déverser maintenant qu'il en a la plénitude, sur nos
ordinands avec surabondance et prédilection. Il aime aussi
à venir les voir de près produire le fruit de leurs travaux.
Aux examens semestriels, il préside souvent une séance
principale, entouré de nos doctes professeurs de l'Univer-
sité, et sourit des embarras que causent aux élèves les
objections des interrogateurs. Nous avons, nous aussi, des
Docteurs : on ne saurait voisiner avec l'Université sans
en éprouver les glorieux rejaillissements.
Depuis que le Père Martinet, Visiteur, a fait du scolas-
ticat, quant aux études, une partie intégrant© de l'Univer-
sité d'Ottawa, les Frères se présentent annuellement pour
y conquérir les grades universitaires en philosophie et en
théologie. Le doctorat, soit en philosophie, soit en théologie,
est communément hors de portée pour nos élèves, puisque
le premier exige trois années de cours et le second six;
voilà pourquoi, ce sont des diplômes de licenciés et de
bacheliers, qui envahiraient la communauté, si nous ne
nous contentions pas le plus souvent, à cet égard, d'un
simple jus ad retn. Deux de nos étudiants ont obtenu le
titre de Docteur en philosophie, et ils l'ont bien mérité.
A la suite des efforts dépensés pour atteindre les hau-
teurs de la métaphysique, une détente pour l'esprit s'im-
pose ainsi que le travail pour les muscles. On ne va plus à
Maniwaki passer les vacances, excepté peut-être dans une
courte promenade, mais en revanche les excursions se mul-
tiplient : tantôt aux Grandes Chutes de la rivière Le Lièvre,
tantôt sur le canal Rideau, vers Sainte-Brigitte.
***
Les années courent à ce train de vie. N'y a-t-il pas à
cette époque de notre relation, déjà 8 ans que le scolasticat
— 277 —
St-Joseph a eu ses commencements ? Le P. Fayard est parti
depuis six ans déjà prendre le rectorat de l'Université, et
ensuite travailler à la Colombie Britannique qui le rendra
à l'Europe comme Procureur Général de la Congrégation.
Le P. Van Laar a porté son zèle d'économe fondateur à
Liège, puis sa vaillance d'apôtre en Afrique; il a trouvé un
deuxième successeur dans le jeune Père Guillaume Charle-
bois, après le dévoué P. Brault. Il a fallu combler ces vides.
C'est en 1887 que les PP. Duvic, Poli et Valence ont pris pos-
session des places laissées vacantes par ces départs. Le der-
nier partage avec son collègue le double cours de philo-
phie, ainsi rétabli en deux années successives, comme anté-
rieurement. Le P. Poli enseigne principalement le dogme,
après le P. Fayard, et jusqu'à ce qu'il prenne la direction
du Séminaire en 1896. Le R. P. Duvic continue d'enseigner
la morale, depuis plusieurs années déjà, et poursuivra son
cours au moins vingt ans encore.
Pendant ce temps le P. Mangin a toujours tenu le gou-
vernail. Le Chapitre Général de 1893 l'a vu siéger comme
délégué de la Province du Canada : il en revient avec une
obédience qui lui confie la direction du Séminaire d'Ottawa,
comme successeur du futur archevêque de Saint-Boniface,
Mgr Langevin. Et c'est ainsi qu'il couronne ses fonctions
de modérateur, qu'il a exercées pendant 15 ans, à savoir
7 ans au Collège d'Ottawa et 8 ans à Ottawa-Est. Mainte-
nant qu'il repose dans la tombe, sa modestie ne nous em-
pêchera pas de lui rendre un dernier hommage. Ce fut une
figure inoubliable que cet impassible P. Mangin, austère il
est vrai, mais d'une bonté vive quoiqu'elle ne connût pas
les débordements, trop souvent factices et éphémères ; ce
fut un homme intérieur, apte à tremper les caractères, et
qu'on ne pouvait connaître sans l'estimer, et aussi l'aimer
quand cette connaissance allait jusqu'à son cœur. Peu
bruyant, il avait l'esprit droit, la volonté ferme, et exer-
çait une influence calme mais irrésistible sur tout son
entom-age. Il fut la cheville ouvrière de la fondation du
18
~ 278 —
scolasticat St-Joseph. Les liens de ceux, qui furent ses fils
sont demeurés aussi forts qu'ils étaient peu fondés sur la
faiblesse et sur une superficielle attirance. On le regretta.
On l'eût regretté plus encore, si on ne lui avait donné pour
successeur celui qu'on se plaît universellement à appeler
le hon Père Duvic.
(A suivre.) P.-R. Villeneuve, 0. M. I.
VICARIAT DE KEEWATIN
I. Chronique historique
de la Mission Saint-Pierre du lac Caribou,
depuis 1846 jusqu'à nos jours, 1912.
{Suite '.)
Par le R. P. A. Tcrquktil, 0. M. I.
Quoique le P. Gasté soit demeuré supérieur de district,
jusqu'en 1884, époque de la dernière visite de Mgr Grandin,
cependant nous laisserons dès maintenant à chaque mis-
sion ce qui lui revient de travaux, de peines ou de succès.
Chacune, en effet, avait ses registres séparés, son alloca-
tion et son directeur.
Il nous reste à voir dans les grandes lignes ce que fut la
mission Saint-Pierre, de 1880 jusqu'à nos jours.
De 1880 à 1884, nous enregistrons 259 baptêmes et
41 mariages. Le P. Gasté n'eut pas tant à voyager parmi
les Montagnais durant ces quatre années, et il ne le pou-
1. Voir Missions de juin 1912, page 177.
— 279 —
vait guère. Il était le seul prêtre résidant à la mission,
autour de laquelle s'étaient groupés un certain nombre de
sauvages ; à la maison se trouvaient trois Frères convers à
diriger. D'ailleurs, nous voyons les Pères et Frères des
trois missions voyager de l'une à l'autre, suivant que les in-
térêts des nouvelles fondations l'exigent, et aussi pour per-
mettre à ces vaillants missionnaires de se confesser au
moins une fois l'an.
C'est le P. Gasté qui descend en 1880, chez ses voisins les
plus proches, 270 milles, soit plus de 80 lieues.
Puis c'est le P. Paquette qui le vient visiter en 1881, et
lui amène du renfort en la personne du Fr. Gagnon. Ce
dernier ne devait paraître qu'un instant. Il mourait
d'accident le 25 octobre suivant, 6 semaines après son
arrivée.
L'année suivante, 1882, le P. Gasté s'absente 3 mois en-
core pour pouvoir faire sa confession annuelle.
Enfin, en 1883, il reçoit un compagnon en la personne du
P. Ancel, mais seulement après avoir fait le voyage du lac
Caribou à Cumberland, au printemps.
L'année 1884 fut marquée par la quatrième et dernière
visite de Mgr Grandin. Sa Grandeur fut vivement consolée
et édifiée de voir tout ce qui s'était fait depuis 1875.
A différentes reprises, de 1865 à 1875, écrit Mgr Grandin,
nous avons passé au Pas, au Fort Cumberland. Ces postes
étaient au moins aussi habités qu'aujourd'hui, mais les
habitants étaient abandonnés et partout grande indifférence
pour notre sainte religion. Jamais nous n'y avions exercé
de ministère si ce n'est pour baptiser quelques enfants.
Cette fois nous avons eu la consolation de distribuer la
sainte communion à une soixantaine de personnes et d'en
confirmer au moins trente, dont 15 venues du Pas.
En la mission du lac Caribou qui, pendant 20 ans, a si peu
répondu aux soins dévoués de ses zélés missionnaires, quel
changement nous voyons aujourd'hui; la bonne volonté
égale l'indifférence d'autrefois. Il y a 600 chrétiens et bons
— 280 —
chrétiens ; et dans le temps où les missionnaires avaient le
moins de consolation, combien d'âmes n'ont-ils pas envoyées
au ciel parmi ces sauvages en apparence si apathiques?
(Lettre de Mgr Grandin, juillet 1884.)
Nous nous plaisons, écrit encore le vénéré évêque, a ren-
dre témoignage au dévouement du cher Fr. Nemoz, qui,
grâce à sa bonne volonté et à son énergie, vous a construit
des habitations et des chapelles convenables.
Qui pourrait aussi supposer que le cher Fr. Guillet
fût étranger au bien qui s'est fait et se fait encore au
lac Caribou ? Malgré tout son travail, sa bonne volonté
lui fournit encore le moyen de rendre service à d'autres
frères. (Id.)
C'est alors que, en raison des énormes distances,
Mgr Grandin détache la mission Saint-Joseph Cumberland,
et la mission Sainte-Gertrude lac Pélican de la mission
Saint-Pierre lac Caribou. Le P. Lecoq de résidence à Cum-
berland sera supérieur des deux missions de Sainte-Ger-
trude et Saint-Joseph. Le P. Gasté sera supérieur au lac
Caribou, avec le P. Ancel pour compagnon.
Nous avons vu ce qu'étaient ces missionnaires du Nord,
ce qu'ils ont fait de 1846 à 188i.
Qu'étaient donc ces Montagnais qui se montrèrent si long-
temps rebelles, indifférents et apathiques?
Nous avons entrevu, au début de ces notes, le caractère
de ces pauvres sauvages, qui, dénués de tout, cherchaient
d'abord à améliorer leur condition matérielle et ne voj^aient
que le profit pécuniaire.
Leurs mœurs n'offrirent jamais d'obstacle bien sérieux à
l'Evangile, quoiqu'ils aient eu bien des réformes à faire,
dans leurs us et coutumes, même en ce qui concerne le ma-
riage. Ainsi, celui-ci se contractait plutôt à titre d'essai.
L'épouse qui avait la joie de donner des enfants à son
mari, surtout si ces enfants étaient des petits garçons,
était acceptée et généralement conservée. Dans le cas con-
— 281 —
traire, il ne restait à la malheureuse répudiée d'autre parti
que d'essayer ailleurs une alliance plus heureuse. De là au
divorce et à la polygamie, il n'y avait qu'un pas.
De religion, ces païens n'en avaient pas à proprement
parler. Quelques rites superstitieux, quelques simulacres de
magie blanche, c'était à peu près toute la science des Mon-
tagnais en spiritisme et communications avec les esprits
de l'autre monde. Mais ces traditions, ces usages supersti-
tieux leur tenaient à cœur autant qu'à d'autres peuples
leurs idoles chéries. C'est vraiment curieux, me disait
récemment encore une de nos chrétiennes les plus ins-
truites ; ces récits de l'Evangile et de l'Ancien Testament,
que je crois, que j'aime et étudie souvent, je n'ai pu encore
en faire entrer un seul dans ma tête; après les avoir lus si
souvent, je ne pourrais pas en réciter deux lignes par
cœur, et ces vieilles légendes Montagnaises, dont nous
rougissons aujourd'hui, je les ai entendues une fois ou
deux dans mon enfance, et je pourrais encore les débiter
tout au long, sans y changer un mot.
Ce que disait la bonne vieille de sa mémoire, appliquez-
le à la foi et au cœur des vieux païens, et vous aurez
la clé : Un sauvage entendait le P. Gasté parler du Ciel
et de ses habitants. « Ta ta ta, fit-il, nous savons bien
ce qu'ils valent ces gens d'en haut. Deux des nôtres y
sont allés, à ce qu'en disent nos traditions, et ils y ont ^^l
du propre! »
Tout allait bien quand les enseignements de la religion
semblaient correspondre aux traditions et coutumes du
pays. Ainsi la confession, dont une imitation était en usage
parmi eux, ne les surprit pas du tout, mais par contre, ils
comprenaient moins bien la nécessité de la contrition et du
ferme propos.
En vertu des "\aeilles traditions, aussi, ils n'admettaient
guère la nécessité de la confession en dehors de maladie
grave.
Par la même raison ils admettaient beaucoup de choses de
— 282 —
la Bible, sans les croire d'une foi qui méritât le nom de foi :
ainsi il croyaient au déluge non à cause de la révélation,
mais parce qu'ils avaient quelques traditions plus ou moins
informes à ce sujet. Plusieurs même se seraient volontiers
autorisés du texte de la Bible, pour se prouver à eux-
mêmes, qu'ils connaissaient déjà tout cela malgré de légères
différences, et que, par suite, ils n'avaient rien à changer à
leurs moeurs.
Cette disposition de vouloir rester Montagnais, tels qu'ils
étaient, c'est-à-dire de garder leurs traditions, était bien plus
accentuée par le fait que la plupart de leurs supertitions
concernaient spécialement le caribou qui est leur seul
moyen de subsistance. Ce sont de ces préjugés ridicules,
enfantins, sans relation aucune avec l'effet supposé, mais
qui sont bien difficiles à déraciner. A telle époque de
l'année, il ne faut pas manger telle ou telle partie de la
bête, il ne faut pas couper tel ou tel membre avec la
hache ; frapper le caribou, l'achever avec un bâton, ce
serait s'aliéner toute la race des reindeers qui irait pâturer
ailleurs et laisserait les Montagnais mourir de faim.
Prendre un caribou vivant pour l'apprivoiser serait un
crime énorme, et ils s'y sont toujours opposés. J'ai eu moi-
même maille à partir avec un sauvage pour avoir pris le
gras d'un caribou pris au collet. Il paraît que ma manière
de faire devait amener inévitablement la disette. Ils n'en fut
rien, mais la raison en fut que j'étais un blanc, un prêtre,
et que le caribou était bien libre, sans doute, de ne pas
s'ofienser de mon ignorance. Combien de fois le P. Gasté
a-t-il demandé à ces pauvres gens pourquoi ils coupaient
immédiatement le nez du caribou qu'ils venaient d'abattre I A
l'endroit du caribou, c'était un vrai culte. Leurs traditions,
d'ordinaire si inoffensives pour la morale, nous parlent de
celui que sa grand'mère a élevé. C'était un être moitié
homme et moitié caribou, il aimait les Montagnais ses
frères, c'est lui qui faisait venir à son gré les caribous, leur
a tracé le chemin au pays des Montagnais et a donné à ce
— 283 —
peuple les règles de la chasse dont nul n'osera jamais
s'écarter, de crainte de mourir de faim.
Faut-il ajouter que les prétendus sorciers étaient les plus
fermes appuis de ces superstitions ? La religion, la prière,
pouvaient être bonnes pour l'âme, mais cela nuisait au
succès de la chasse. Ils auraient voulu d'une religion qui
ne leur parlât que du « caribou ». « Allons donc, vous autres,
est-ce que la viande n'est pas bonne comme cela, est-ce que
vous ne l'aimez plus? voilà que vous priez avant de
manger! i et un autre : « Femme, si on avait écouté le
P. Gasté, nous n'aurions pas toute cette viande-là pour
l'hiver. * — C'était une mauvaise plaisanterie d'un sauvage
tournant en dérision le mariage. Il suffisait que le fils illé-
gitime tuât le caribou à volonté, pour que ces sortes
d'unions devinssent légitimes à ses yeux.
Les sorciers aidant, on en venait vite à croire que la
religion faisait mourir, les sacrements étaient médecine
trop forte pour des mangeurs de caribou, croyait-on, on en
mourait, etc., etc., et on citait volontiers l'exemple de ce
premier chef qui avait confié ses enfants au P. Gasté. L'un
des enfants était mort d'accident, l'autre avait succombé à
la rougeole, comme leur père, mais en tout cela on ne
voyait que l'effet du baptême.
Ces sortes de jongleries qui accompagnaient toujours les
pratiques de magie ne se font pas sans tambour. Ainsi
tambour et sorcellerie devenant synonymes, par le
baptême, il fallait renoncer à l'un et à l'autre. Le croirait-
on? Ces jeux insensés de passe-passe, où non le hasard
mais l'habileté du filou a tout à faire, ces jeux, dis-je,
avec accompagnement de tambour eurent beaucoup de
peine à disparaître. A qui connaît la simplicité d'esprit,
l'apathie et la force de la routine chez un sauvage, et plus
spécialement chez un Montagnais, toutes ces puérilités, ces
craintes imaginaires qui viennent à l'esprit, quand il s'agit
d'abandonner les traditions, les us et coutumes de ses
ancêtres et de son pays, tout cela devenait un obstacle
— 284 —
sérieux qui retarda pour beaucoup l'heure de la grâce,
autant et peut-être plus qui ne l'aurait fait l'habitude
des vices les plus honteux.
Il nous reste maintenant à voir ce que fut jusqu'au bout
la tactique du P. Gasté; nous comprendrons mieux son
œuvre.
De suite après son arrivée, le P. Ancel fait son premier
voyage au Nord, afin de se familiariser avec la langue; le
jeune Père ne s'était pas fait Oblat et il n'était pas venu
dans le Nord pour y cueillir des roses.
J'ai été le confident de ses premiers exploits, les sauvages
m'en ont souvent parlé, et il fallut au jeune missionnaire
une grande charité et un grand dévouement pour accepter
de bon cœur les différentes épreuves du début. Les circons-
tances étaient plutôt pénibles, vu surtout l'état d'esprit des
sauvages, mais le Père apprit la langue, et se mit ainsi en
état de faire du bien aux âmes.
A cette époque, le P. Gasté obtint des Esquimaux un
jeune orphelin qu'il se chargea d'élever, d'instruire. Son
but était d'en faire un catéchiste, et de l'employer plus tard
à la conversion de ses compatriotes. L'enfant grandit,
apprit le français qu'il parlait couramment au bout de
quelques années : le montagnais et le cris étaient devenus
sa langue. Mais il oublia sa langue, il n'eut pas non plus
le courage de retourner en son pays. Le peu qu'il voyait de
la vie esquimau, quand il en venait quelques-uns à la mis-
sion, lui fit peur. Il préféra se faire Montagnais, et onze ans
plus tard, se choisit une compagne parmi les filles de cette
tribu.
Reprenons la suite des événements : En 1890, nous
avons à signaler la visite du P. Ovide Gharlebois, O. M. I.,
missionnaire au lac Pélican, le môme qui, 22 ans plus
tard, devait revoir la mission Saint-Pierre, comme Vicaire
Apostolique.
— 285 —
1891. — Nous arrivons au temps où toutes les missions
dont nous avons parlé furent détachées pour former le
vicariat de Saskatchewan. Mgr Pascal, nouveau Vicaire
Apostolique, avait été missionnaire, lui aussi; il compre-
nait la vie de missions, et la décrivait, par la parole et par
la plume, avec une réalité saisissante.
De 1892 à 1910, Mgr Pascal put visiter la mission Saint-
Pierre deux fois par lui-même et une fois par son délégué.
1892. — En 1892, Mgr Pascal visita presque tout son
Vicariat, mais ne put se rendre jusqu'au lac Caribou. Le
R. P. Gasté descendit au lac Pélican, afin d'y rencontrer,
pour la première fois, le nouveau Vicaire Apostolique, et
recevoir sa bénédiction.
De là, le P. Gasté se rend en France, comme délégué du
vicariat au Chapitre général de 1893.
1893. — Nous avons dans ce voyage du P. Gasté, une
preuve de sa sollicitude pour sa chère mission. Le Père
quitte le lac Caribou, en janvier 1893, arrive à Prince
Albert, à la fin du mois, s'embarque au mois de mars,
assiste au chapitre en mai, et de suite reprend le chemin
du lac Caribou, où il arrive l'été de la même année. On ne
dira pas que le Père, fatigué d'une longue solitude au
pays des Montagnais, prit de longues et agréables vacances
à cette occasion. Il savait son compagnon seul, il aimait sa
mission, ses frères, ses sauvages; il revint à la hâte,
aussitôt le devoir accompli.
Deux ans plus tard, 1895, avait lieu la visite du R. P.
Rapet, délégué de Mgr Pascal. On pourra voir le compte
rendu dans les annales des 0. M. L, 1896. Ce rapport parle
assez peu de la mission Saint-Pierre, et nous ne savons
pourquoi. Les sauvages présents, malgré leur grand désir
de voir le grand Priant lui-même, se laissèrent conduire
par l'esprit de foi, et profitèrent de la médecine du Bon
— 286 —
Dieu qui rend le cœur fort. 31 d'entre eux reçurent le
sacrement de confirmation avec joie et reconnaissance.
Enfin, en 1897, tous, pères, frères, sauvages eurent la
consolation de recevoir pour la première fois leur nouvel
évêque. Il est vrai qu'on ne voit pas le cœur, me disait
longtemps après un sauvage, mais lui, le grand priant,
quand il parle, on le voit, son cœur. Après avoir attendu si
longtemps, les sauvages étaient fous de joie de voir le
Grand Priant, qui avec toute sa bonhomie et simplicité
parlait leur langue, entendait leurs histoires aussi bien
que leurs confessions, et donnait des avis touchant leur
bien-être matériel avec autant de charité que les remon-
trances et encouragements spirituels.
Nos deux missionnaires sont seuls de nouveau. Le sage
directeur de la mission songeait aux moyens d'affermir dans
le bien ses bons chrétiens. Il eût voulu procurer aux Monta-
gnais le bienfait d'une école. Les temps étaient durs; pas
de frère qui puisse se charger de cette œuvre, point de
maîtres laïques. Le P. Gasté choisit une enfant de la tribu
des Montagnais qu'il envoya au couvent, puis à l'école. Il
espérait, si l'enfant montrait d'heureuses dispositions, en
faire une institutrice ou maîtresse d'école à la mission
Saint-Pierre. Cette œuvre demandait bien des années pour
réussir, années de sacrifice pour les Pères du lac Caribou
qui devaient retranclier sur leur modeste allocation le mon-
tant de la pension de cette enfant.
A cette époque, nous voyons encore le R. P. Gasté sauver
la mission du lac Caribou, et tous ses sauvages de la ruine
et de la misère.
Les sauvages, décimés par la terrible maladie dont nous
avons parlé presque au début, avaient encore diminué con-
sidérablement depuis. Chaque année, ils contractaient le
germe de nouvelles maladies, provenant pour la plupart de
l'abus du thé et du tabac, et surtout du mauvais usage
qu'ils faisaient des vêtements de la civilisation. Leur mal-
— 287 —
propreté légendaire alla bien tant que dura l'âge des peaux
de caribou, et de demi-nudité. Avec nos vêtements de laine,
de coton ou de drap, ce fut autre chose. Ils disparaissaient
avec une rapidité qui déconcertait. De 1861 à 1898, ils
étaient tombés de 1.000 à 600. Triste progrès !
Quelques commis de la Compagnie crurent avoir trouvé
une idée de génie pour remédier à cet état de choses. Evi-
demment, ils ne considéraient que le point de vue financier.
Ils étaient de ceux dont parle Mgr Grandin : « négociants,
hérétiques, ennemis de nature, habiles à me donner des
soucis les plus amers », et ailleurs : « Le sauvage, cette
bête moins estimée du trafiquant Européen que la bête qu'il
lui faut tuer pour en avoir la peau. »
Ce sont des hommes de cette trempe qui inventèrent le
remède génial que voici : supprimer le poste; les sau-
vages, par suite, seront obligés de se rendre à quelque
autre poste. Là, on recueillera leurs fourrures, s'ils en
ont, sans faire plus de frais, et les dépenses qui se font
pour approvisionner le poste du lac Caribou n'existeront
plus.
On ne calculait pas évidemment ce que cette expulsion
forcée de leur territoire coûterait de sacrifices et de misères
aux malheureux Montagnais.
Le Père Gasté le comprit. Il comprit aussi le danger où
ils étaient de perdre leur foi en se dispersant de tous côtés
parmi des milieux protestants. Le Père court à Prince-
Albert, avertit de la position les autorités compétentes et
concurrentes. Ses démarches aboutirent à la venue de trai-
teurs libres dans le pays. Aujourd'hui, les deux plus
grandes compagnies de fourrures du Canada ont leurs
représentants au lac Caribou. Ceci montre ce qu'il y avait
de fondé dans la crainte de ces Messieurs d'autrefois, de ne
pouvoir couvrir leurs frais de dépense, alors que les sau-
vages étaient plus nombreux qu'aujourd'hui. Les sauvages
n'eurent qu'à gagner à la compétition, la mission elle-
même se trouva bien de cet état de choses, car ces trai-
— 288 —
leurs, contents de leur profit, aidèrent la mission dans une
large mesure, tant que dura leur commerce; ils ne se retirè-
rent qu'en 1904, à l'arrivée d'une compagnie plus puissante.
En 1900, arrivait le P. Turquetil, 0. M. 1. Le jeune
Père eut le bonheur inappréciable d'aller de suite sans
arrêt, au lac Caribou, y jouir de la présence et de l'expé-
rience du R. P. Gasté. Là aussi il trouva le bon P. Ancel
qui en était à sa dix-septième année. C'est dire l'unité
d'action, et aussi la parfaite entente, et par suite le succès
qui ne pouvait manquer de couronner les efforts de nos
missionnaires réunis.
1901. — Malheureusement, la santé du P. Gasté laissait
beaucoup à désirer. Mgr Pascal lui demande alors de faire
le plus grand sacrifice de sa vie : quitter le lac Caribou. Il
avait tant compté mourir parmi ses chers Montagnais ! Le
Père eut le courage de cacher aux sauvages le caractère de
cette obédience, qu'il redoutait être définitive; pour adoucir
la séparation, il laissa entrevoir la possibilité d'un retour.
Ce retour était possible, sans doute, mais combien peu
probable 1
A Prince-Albert, le P. Gasté remplit les fonctions de
supérieur local, d'administrateur, vicaire général, aumônier
des Sœurs, sans pouvoir oublier sa mission, t Chez nous i
signifiait invariablement le lac Caribou. Aujourd'hui même,
en 1902, nos bons sauvages s'étonnent que leur Vénérable
Père puisse encore leur écrire de si longues et si belles
lettres en leur propre langue, et en caractère à eux. C'est
que le cœur ne vieillit pas, et rien ne saurait détruire les
pures et saintes affections qui sont nées de 40 ans de
labeurs et de souffrances au pays de missions.
Le R. P. Ancel, directeur de la mission, connaissait trop
bien la tactique du R. P. Gasté et ses succès pour avoir à
innover.
En décembre 1901. il envoie son compagnon qui com-
— 289 —
tnençait à balbutier la langue, à sept jours de marche au
Nord. Le but de ce voyage du P. Turquetil était de le fami-
liariser avec la langue, aussi de rencontrer quelques
Esquimaux attendus en ces parages. Le Père revint à
Pâques. Il possédait maintenant assez la langue pour exercer
le ministère sans contrainte, il s'était même initié, durant
le trajet, aux éléments de la langue esquimau. Ce voyage
lui assura une grande influence sur les mangeurs de cari-
bous, et il fut aussi le point de départ de ces démarches
qui aboutissent aujourd'hui à la fondation d'une mission
pour les Esquimaux, au Chesterfield Inlet, côte ouest de la
Baie d'Hudson.
1902. — Mgr Pascal fit cet été sa seconde et dernière
visite au lac Caribou. Elle porta d'heureux fruits. Ce fut
comme le coup de mort de ces vilains jeux de passe-passe
dont nous avons parlé. Ils essayèrent bien de reparaître
encore, mais sans succès. Par délicatesse, Mgr Pascal
demande au P. Turquetil de se rendre si possible à Prince
Albert, l'hiver suivant. On y ferait la fête du R. P. Gasté,
saint Alphonse, 23 janvier, et le Père serait si heureux d'en-
tendre les nouvelles de sa chère mission t
1903. — Ce plan fut exécuté. De retour au lac Caribou,
le P. Ancel envoie son compagnon tenter un essai d'apos-
tolat chez les Esquimaux.
Le voyage ne réussit pas. L'un des hommes du Père
tombe gravement malade, le missionnaire ne peut se
résoudre à abandonner sur le chemin ce pauvre mourant,
il reste avec lui, l'instruit, le baptise sous condition (c'était
un protestant venu de Churchill). Le baptême rendit la vie
du corps et de l'âme à la fois. Mais il était trop tard pour
aller chez les Esquimaux. Le P. Turquetil revient à la
mission, et, sans arrêt, part aussitôt pour Prince Albert, la
santé ne permettant pas à son supérieur de faire ce voyage
qu'exigeaient les intérêts de la mission.
— 290 —
1904. — Outre les voyages dans les camps, dont chacun
a sa part, nous voyons le P. Turquetil à Prince Albert,
encore, pour mêmes raisons que précédemment.
1905. — Cette année, c'est un rendez-vous général de
tous les missionnaires du Vicariat à Prince Albert, pour les
fêtes jubilaires des RR. PP. Gasté et Moulin. Le compte
rendu de ces belles fêtes a été publié dans nos Missions.
On peut remarquer et on remarquera certainement l'adresse
des ]\Iontagnais mangeurs de caribou à leur Vénérable
Père. Elle dit ce qu'avait eu à souârir le missionnaire
dans ces contrées, elle dit aussi ce que furent sa charité et sa
patience dans les épreuves. Sa bonté, son zèle ouvrirent les
yeux de ces païens ; aujourd'hui qu'ils sont ses enfants, ne
pouvant avoir son corps, ils demandent un Christ, de gran-
deur naturelle, qui puisse leur rappeler toujours son sou-
venir à eux et à leurs enfants. C'est ce Christ qu'on voit à
gauche au coin de la chapelle de la sainte Vierge. L'état
actuel de l'église, en voie de réparation, n'a pas permis de
lui donner la place d'honneur qui lui est réservée.
Au retour de ces fêtes magnifiques, le P. Turquetil eut la
douleur de perdre son supérieur, le R. P. Ancel, qui fut
chargé de la direction de la mission de l'Ile à la Crosse, sa
santé ne lui permettant pas plus longtemps de supporter le
régime du Nord.
Le R. P. Egenolf, 0. M. L, de l'île à la Crosse, fut donné
comme compagnon au P. Turquetil, et tous deux, en com-
pagnie du Fr. Pioget, chargé de l'école depuis l'année pré-
cédente, reprirent le chemin du lac Caribou.
Le P. Egenolf pourrait nous dire ce qu'est un voyage en
canot de Prince Albert au lac Caribou. Il le fit pour la pre-
mière fois, non en bourgeois, mais en homme de canot. Ce
furent trois semaines de travaux forcés, à l'aviron, à la
perche, montant ou sautant les rapides, faisant portage et
n'ayant pour toute consolation qu'une demi-nuit de voile
sur le lac. C'est pendant cette dernière nuit, que nous
— 291 —
vînmes à pleines voiles toucher un récif, le vent soufflait
avec violence, et c'est ce qui nous sauva, les vagues énor-
mes, roulées en spirales au-dessus de ces roches, prirent le
canot et, d'un bond, le transportèrent de toute sa longueur
au delà du rocher à fleur d'eau; l'aviron seul et la main du
Père qui gouvernait eurent à souffrir de la présence de ces
malencontreux rochers.
En avril 1906, le P. Turquetil quitte la maison et ne
rentre qu'au mois de novembre. Ce fut son grand voyage
aux Esquimaux de l'Intérieur. Là, il apprit à connaître et
à aimer ces pauvres païens , car il eut la consolation
d'exercer son saint ministère et de régénérer quelques
enfants dans les eaux du baptême. Là, et là seulement, est
la source de charité qui unit le prêtre aux âmes qui lui
sont confiées. Le ministère une fois exercé, le prêtre
devient le père, et ces âmes, qui sont siennes, il les aimera
jusqu'à la mort.
Il en fut de môme pour notre missionnaire en cette
occasion. 11 sentit que l'œuvre de Dieu commencée devait
se continuer. Une fois de plus, la mission du lac Caribou
jetait des semences qui portaient fruit.
Sur ces entrefaites, le très Rév. Père Général des Oblats
de Marie Immaculée, cédant aux instances de Mgr Pascal,
l'avait déchargé du fardeau de vicaire de missions. Ce fut
le R. P. Grandin, vicaire de missions d'Alberta, qui
cumula la charge de vicaire des deux vicariats.
En hiver 1907, le P. Turquetil laissait encore une fois
seul son compagnon, que la solitude ne saurait effrayer,
et partait pour rencontrer, à Prince-Albert, le nouveau
vicaire, prendre sa direction et ses avis.
La réunion des deux vicariats en un seul étant provi-
soire, la question des Esquimaux dut être ajournée, les
supérieurs majeurs n'osant imposer de nouvelles charges
au nouveau vicaire dont on attendait la nomination dans
un avenir prochain.
— 292 —
Le P. Turquetil reprit le chemin de sa mission, contristé
de ces circonstances malheureuses, mais dégagé de toute
responsabilité à l'égard de cette œuvre. Il continua dès
lors, avec son compagnon, à soutenir et à fortifier les
Montagnais dans leurs bons sentiments.
Ce n'est pas que de temps à autre quelque faiblesse ne
vînt révéler la part du vieil homme chez ces pauvres sau-
vages. Quelques Montagnais d'Athabaska, grands joueurs
de tambour, avaient séjourné parmi eux. Le tam-tam
tendait à reprendre une nouvelle vie, la paresse, les que-
relles entre joueurs, entre époux aussi, par suite de la
misère qu'amène toujours le jeu avec ses risques et l'aban-
don du travail régulier, tels étaient les points qui lais-
saient le plus à désirer.
Le tambour rappelait la sorcellerie des anciens temps,
et les chants des jongleurs de jadis revenaient à la mémoire
des vieux et se gravaient dans celle des plus jeunes. Le
Père usa de fermeté, et l'abus qui menaçait de renaître
disparut, grâce à la bonne volonté de ces grands enfants.
Un autre danger vint à menacer nos chrétiens à leur
insu. Avec le commerce, s'introduisent, dans le pays, des
trafiquants qui, parfois, ne cherchent que le plaisir. La
danse allait devenir à la mode parmi les métis et les
sauvages de la place. Qui oserait condamner la danse en
elle-même ? Personne, sans doute, mais il est telle ou telle
circonstance qui la rendent mauvaise, assurément. Or, ces
pauvres gens du Nord n'ont jamais dansé ni vu danser.
Que connaîtraient-ils de cet art? Ceux qui les poussent
à la danse cherchent plutôt le plaisir, la sensualité. Les
premières impressions plutôt fâcheuses se répandirent
vite. Le Père qui veillait à l'intérêt de ses enfants leur
représente le danger, il les laisse libres de choisir, mais
se réserve le droit de punir quand il y aurait faute mani-
feste. Tous, d'un commun accord, s'engagent à renoncer
à ces plaisirs malsains, et tous depuis ont été fidèles à
leur promesse. L'un d'eux, que l'on pressait vivement de
— 293 —
coopérer à ces jeux, répondit librement : Je préfère rester
sans ouvrage que d'être indigne d'aller à l'église. Vous
avez là, d'un seul trait, le caractère de ces chrétiens, leur
attachement à la religion, leur confiance dans la direction
de leurs missionnaires.
Pendant l'été de 1907, le gouvernement offrit de traiter
avec les sauvages. Ceux ci acceptèrent. Ce fut pour eux
une occasion de venir chaque année à la mission. Le
Père ne laissa pas tomber cette occasion, et, chaque été,
vous voyez les exercices de la mission, tels ou à peu près
qu'ils se pratiquent dans les vieux pays, assidûment suivis
par un grand nombre de sauvages. Puis, raffermis dans
la foi, mieux instruits, purifiés de leurs fautes, fortifiés
par la sainte communion, nos chrétiens attendent du
gouvernement les quelques secours matériels qui leur
sont accordés chaque année.
En outre, chaque hiver, les camps sont tous visités,
selon le besoin et l'opportunité des circonstances. Ces
voyages ne sont pas toujours assez fructueux, car le séjour
dans les camps, en hiver surtout, est chose pénible. Les
sauvages n'ont pas de maisons. Ils commencent cependant
à bâtir quelques cabanes, d'autres \'ivent sous des tentes,
qui sont plus confortables que les loges pour le séjour
d'un missionnaire. Il y a bien des répugnances à sur-
monter dans ces séjours au camp, mais il n'y a pas d'autre
moyen sérieux de maintenir nos gens dans leurs bonnes
dispositions.
Outre ces travaux d'un ordre spirituel, le missionnaire
doit aussi s'occuper du matériel. Il n'a pas de Frère pour
l'aider et les engagés sont rares. Il lui faut donc se faire
chasseur, pêcheur, homme de chantier ou bûcheron, char-
pentier, menuisier, maçon, etc. S'il peut se suffire, sans
négliger le spirituel ni exposer son compagnon à la souf-
france, si ensemble ils peuvent adoucir, par le charme des
relations fraternelles, les conditions d'existence qu'ils ont
acceptée de bon cœur, si enfin ils peuvent continuer le
19
— 294 —
bien qui s'est fait grâce à l'héroïque dévouement de leurs
prédécesseurs, ils seront heureux et contents comme ceux-
ci l'ont été. Puisse le bon Maître leur accorder cette
grâce 1
Nous arrivons en 1910. Au mois d'août, Sa Sainteté Pie X
nomme le R. P. Ovide Gharlebois, 0. M. I., Vicaire aposto-
lique du Keewatin, et quelque temps après, Mgr Donten-
will , Supérieur général des Oblats de Marie Immaculée,
nomme Sa Grandeur vicaire des missions de ce vicariat.
Le premier acte du nouveau Vicaire apostolique concer-
nant la mission du lac Caribou fut d'envoyer le P. Tur-
quetil en voyage d'information sur les côtes ouest de la
baie d'Hudson, afin de voir ce qu'on pourrait faire pour
les Esquimaux. Le P. Egenolf, qui avait accepté de bon
cœur la solitude pendant le voyage de son supérieur à
Pi'ince-Albert, en hiver 1911, reste seul depuis Pâques
jusqu'à la mi-juillet.
A cette époque. Sa Grandeur Mgr O. Gharlebois, en
tournée pastorale, fit la visite de la mission. Cette visite a
produit de grands fruits. Ce sont spécialement l'application
pratique plus intense des décrets de Pie X sur la commu-
nion fréquente et la communion des enfants. Seuls les
prêtres, qui ont charge d'âmes, peuvent réaliser, plus que
les fidèles eux-mêmes, peut-être tout le bien que produit la
mise en pratique de ce décret angélique.
Le P. Turquetil, de son côté, rencontrait, à Churchill,
les Esquimaux des environs et ceux du Nord (Chesterfield,
Inlet et Fullerton). Le rapport qu'il fit de son voyage, les
informations qu'il obtint sur le nombre des Esquimaux,
leurs dispositions, la possibilité de fonder une mission au
centre de ce peuple nombreux, l'urgence même de cette
fondation, et, sans nul doute, les prières ferventes qu'a-
dressaient au ciel toutes les âmes généreuses qui, connais-
sant son voyage, désiraient la propagation de l'Evangile
en ces contrées, tout cela décida la Congrégation des
— 295 —
Oblats de Marie Immaculée à se charger de l'apostolat de ces
pauvres païens. Le bras de Dieu n'est pas raccourci, et la
Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, qu'il avait
choisie pour évangéliser les immenses territoires du Nord-
Ouest, garde à cœur d'accomplir jusqu'au bout la noble
tâche dont le divin Maître l'avait jugée digne. Evangelizare
pauperibus misit me.
Voilà, en résumé succinct, l'abrégé fidèle des travaux
accomplis par les RR. PP. 0. M. I., missionnaires au lac
Caribou, depuis 1847 jusqu'en 1912.
Pendant ces 75 ans, peu de Pères se sont succédé à la
mission Saint-Pierre. Deux apparaissent à ses débuts,
avant la fondation de 1847 à 1861, le P. Taché et le
P. Maisonneuve ; depuis la fondation jusqu'à nos jours,
nous voyons le P. Végreville, qui est le fondateur, l'àme
des premiers jours, mais dont la santé n'égale point le
zèle apostolique; puis, comme en passant, soit pour diri-
ger, soit pour aider, le R. P. Moulin et le R. P. Legoff, et
toujours, de 1861 à 1901, le R. P. Gasté, qui, tantôt seul,
tantôt avec un compagnon, continue pendant 40 ans cette
œuvre d'abord si ingrate, mais si belle et si consolante
ensuite.
On aimera à avoir une idée de l'état actuel de la mission.
Au matériel, ce que disait Mgr Grandin de la difficulté
d'approvisionnement en 1866 est aujourd'hui plus vrai
que jamais. La compétition des compagnies de fourrures
a fait monter la paie des hommes de berge. Sans doute,
les compagnies se compensent en forçant les prix de
transport de leurs marchandises. Mais le missionnaire, lui
qui doit payer le plein prix, n'a pas cette ressource de se
rattraper au magasin. Le transport revient aujourd'hui à
— 296 —
plus de 10 dollars, soit 50 fr. les 100 livres. On devine
quel tour de force doit faire le missionnaire pour ne pas
dépasser chaque année la faible allocation qui lui est
accordée : il a à peine une piastre par jour pour vivre,
faire vivre son compagnon, les orphelins qu'il élève, faire
la charité de temps à autre et subvenir aux dépenses
courantes inévitables.
Cette pauvreté se fait sentir dans les bâtisses. Et cepen-
dant la maison au poisson, le dépôt, les bâtisses de pêche-
rie, ont dû être remplacés, le toit de l'église a dû être
enlevé et changé. Tous ces travaux, avec ceux du jardin
qui demande une grande clôture pour le protéger des
chiens, retombent sur le missionnaire, qui ne peut trouver
personne et ne pourrait d'ailleurs payer des ouvriers.
L'église tout entière a besoin d'être retouchée pour être
habitable en hiver. La partie neuve (transept) a été bâtie à
la hâte, et on n'y est guère mieux que dehors. La partie
ancienne demande qu'on remplace les solives pourries,
probablement aussi les lambourdes, ainsi que les deux
premières rangées des pièces du bas, à ras du sol. Le
meilleur plan, à mon avis, le plus expéditif et le moins
coûteux, serait de fermer la partie nouvelle, l'abattre,
équarrir les pièces dont l'écorce n'a pas môme été enle-
vée, puis rebâtir sans transept. Le bois est encore bon,
puisque cette partie ne date que de sept ans. L'église
serait encore assez grande, et le bois du transept serait,
l'année suivante, utilisé pour remplacer les pièces de la
partie ancienne. Ce plan demanderait deux étés de travail,
permettrait d'avoir toujours une église debout pour le
culte, et serait infiniment moins coûteux que de tout refaire,
car le bois est rare dans un pays où on paie 7 fr. 50 une
planche.
Au spirituel, nos sauvages se divisent en deux camps :
ceux du Nord, les plus nombreux et peut-être aussi les
moins fervents, et ceux de l'Ouest. Sans distinction de
camp, on les diviserait mieux en deux classes : ceux qui
— 297 —
fréquentent la mission et séjournent assez longtemps, au
moins de temps à autre, et ceux qui ne viennent qu'aux
grandes fêtes et ne voient le prêtre qu'en passant. Les pre-
miers comprennent assez bien la religion et sont de vrais
chrétiens à foi vive et pratique, malgré les défauts com-
muns à tous les sauvages qui sont et seront toujours de
grands enfants.
Quant aux autres, leur religion parait être plutôt une
religion de respect humain. Ils sont poussés par la masse.
La tribu des Montagnais est si peu nombreuse aujourd'hui
(de 350 à 400), que le moindre écart de conduite est su de
tout le monde, jugé et critiqué à Tenvi. La bonne conduite,
les observances religieuses même proviennent ainsi trop
souvent du désir naturel de n'être pas méprisé, ni montré
du doigt, et pas assez de vraie conviction religieuse. Cette
seconde classe de sauvages ne travaille guère pour le Bon
Dieu qui entre bien peu dans leur religion. Ils ne sont pas
prosélytes : j'ai entendu des paroles comme celle-ci : Mon
mari a péché et oublié le Bon Dieu, cela le regarde, son
âme n'est pas la mienne, je fais attention à la mienne et
ne m'occupe pas du reste. Il n'y a guère de vrai christia-
nisme là dedans, il faut l'avouer. Ces mêmes sauvages
négligent beaucoup l'éducation religieuse de leurs enfants,
et surtout des orphelins qu'ils gardent ; on dirait qu'ils ne
reconnaissent pas d'âme à ces pauvres enfants. Nous
avons, par ce fait, beaucoup de difficultés à généraliser
partout l'usage de la prière en commun dans les familles.
Ces pauvres sauvages sont-ils la majorité? Pour donner
une réponse assez juste, il faut encore subdiviser cette
classe de chrétiens si peu fervents.
Je connais fort peu de sauvages qui n'ont qu'une religion
d'apparence dans tout l'ensemble de leur vie, et rien autre
chose, mais j'en connais beaucoup qui semblent n'avoir de
vraie foi surnaturelle et pratique que dans les grandes cir-
constances, et j'ai pensé souvent à la difficulté que nous
avions de les diriger, et à la nécessité où nous étions de
— 298 —
laisser le Bon Dieu juge de leur simplicité et bonne foi.
Car ceux dont je parle croient généralement en faire assez
d'observer la loi naturelle, beaucoup d'entre eux même ne
pèchent que par omission. Ceci, étant donné la nature
faible du sauvage, l'extrême liberté de la vie des camps, et
la fréquence des occasions en voyage, semble indiquer un
secours positif de la grâce. Car ce ne sont pas les conve-
nances sociales, ni le simple respect humain qui donneront
au sauvage la force de volonté de mener une vie naturelle-
ment si honnête et si proche de la vie chrétienne. Tout
au plus, peut-on mettre sur le compte du respect humain
l'observation des préceptes religieux, tels que réception des
sacrements, observance du dimanche, etc.
Les premiers sont réellement de bons chrétiens qui sur-
prennent par l'intelligence qu'ils ont des quelques vérités
religieuses qu'ils connaissent.
Mais tous s'abstiennent des vices honteux d'autrefois.
Les Montagnais, mangeurs de caribou, n'ont jamais été en
contact avec les blancs, l'ivresse est chose inconnue, ils en
ont horreur, n'en connaissent que les effets dégradants
qu'ils ont observés chez les autres. Pour la moralité, ils
soutiendraient avantageusement la comparaison avec n'im-
porte quelle autre tribu. Les registres signalent à peine
deux enfants illégitimes dans une période de dix ans.
Par contre, ces mangeurs de caribou sont assez peu civi-
lisés. De blancs, ils ne connaissent que les marchands de
fourrures. Le sauvage, fin observateur, a remarqué de
suite combien le blanc était avide de ses fourrures. De son
côté, il ne peut rien sans les blancs, mais il croit que le
blanc a besoin de lui. Au temps de la prospérité, il se
montre plein de suffisance presque insultante. Dans le
besoin, il est quêteur sans dignité ni vergogne.
La vérité oblige à dire que certains trafiquants man-
quent souvent de dignité avec les sauvages, devant les-
quels ils s'abaissent pour avoir la fourrure. Heureusement
ils sont exception. Mais il y a là certainement une raison
— 299 —
du peu de civilisation qu'on rencontre parmi les sau-
vages.
Reprenez un Montagnais de sa malpropreté. Bah ! dit-il,
nos pères ont vécu de même et n'en sont pas morts, c'est
ce qu'il pense du moins, s'il ne le dit pas toujours.
Je donnerai un dernier trait de leur caractère, ou plutôt
un de leurs défauts contre lequel le missionnaire a beau-
coup à lutter.
La femme autrefois était esclave, on la prenait de gré
ou de force, et on la gardait ou répudiait de même. Par
le mariage chrétien, la condition de l'épouse s'est trou-
vée améliorée. Mais il semble que l'on va aux extrêmes.
Dans la plupart des ménages, c'est la femme qui com-
mande. D'où vient cet excès ? La femme a-t-elle abusé, ou
bien est-ce manque de volonté chez l'homme qui, pour
avoir la paix, laisse passer inaperçues toutes les saillies de
caractère de son épouse ? La femme montagnaise est assez
généralement capricieuse, se laisse aller à la joie, à la
colère, au chagrin jusqu'à convulsion hystérique, et cela
pour des riens. Quoi qu'il en soit, elle domine et commande
le plus souvent, et l'homme qui abdique toute autorité au
foyer, lui, par contre, entend n'obéir à personne dès qu'il
met les pieds hors de sa maison. Il n'y a pas de chef qui
ait un semblant d'autorité. Faire des réunions dans le but
d'obtenir une entente générale sur un point est parfaite-
ment inutile ; ces indépendants ne s'entendront jamais
ensemble pour mieux réussir à la chasse, ou profiter d'un
avantage : chacun pour soi, non par égoïsme, puisqu'ils
s'entr'aident beaucoup en cas de besoin, mais par amour
de l'indépendance, pour avoir le plaisir de faire chacun à
sa tête. Nous luttons contre cette tendance malheureuse
qui est contraire au bon ordre et à la charité chrétienne,
en ce qu'elle engendre facilement des jalousies et des
petites inimitiés.
Voilà ce que sont nos sauvages. Il y a beaucoup de bien
à consolider chez eux, beaucoup de bonnes dispositions à
— 800 —
surnaturaliser, et bien des imperfections à déraciner.
L'instruction à l'église ne suffit pas, puisque la plupart
vivent dans les camps à de grandes distances. Il faut aller
au camp, y séjourner, de façon à pouvoir donner au sau-
vage, grand enfant, avis, remontrances, encouragements,
à chaque fois qu'il en a besoin. Il ne peut rester avec nous,
c'est à nous de rester avec lui.
Espérons que les visites fréquentes, régulières, avis de
vive voix, ou par écrit, et la sage direction du Vicaire apos-
tolique si expérimenté et zélé qui nous gouverne, aussi
l'application des décrets de S. S. Pie X, mettront vite le
missionnaire à même de faire rendre à cette portion de la
vigne du Seigneur tous les fruits qu'il en attend pour sa
plus grande gloire et le salut des âmes.
Lac Caribou, mission Saint-Pierre, décembre 1911.
A. TURQUETIL, 0. M. I.
II. Chez les Esquimaux du Keewatîn.
Par le R. P. A. Tukquetil, Oblat de Marie Immaculée.
I. — Notions générales.
Géographie. — Population. — Historique.
Changement du genre de vie selon les saisons.
Les Esquimaux habitent l'extrême nord de l'Amérique.
Ils ne descendent pas actuellement plus bas, au sud et à
l'est, que le 54e degré de latitude, à Hamilton Inlet, sur la
côte du Labrador, baignée par l'Atlantique.
Vers l'ouest, sur la côte orientale de la baie d'Hudson,
on les voit au sud jusqu'au 54e degré et 15', au cap Jones,
à l'entrée de la baie James.
— 301 —
Sur la côte occidentale de la baie d'Hudson, ils s'étendent
à partir de Churchill au 57e degré 30' sur les bords de la
mer du Nord, peuplant partout les rivages de la baie
d'Hudson et de la mer Arctique jusqu'à l'Alaska, et visitant
presque toutes les îles de l'archipel polaire, jusqu'au delà
du 85e degré de latitude, soit à moins de cinq degrés du
pôle.
La population esquimaude disséminée sur une côte dont
l'étendue déjà considérable s'augmente encore du fait de
sinuosités sans nombre, comprend dans le seul "Vicariat
apostolique du Keewatin, environ quatre mille âmes, dont
onze ou douze cents du côté est de la baie d'Hudson (Labrador
Ungava) et le surplus (deux mille huit cents) à l'ouest de
la même baie, sur les bords de la mer et dans l'intérieur
des terres sur un rayon de distances plutôt raisonnables.
Voici le dénombrement le plus approximatif que j'ai pu
obtenir :
I. — A l'est de la baie d'Hudson :
lo du Labrador au côté nord du détroit d'Hudson... 400
2« le long du détroit Davis 500
3o nord de la terre de Baffin 200
IL — A l'ouest de la baie d'Hudson (Keewatin) :
4° de Churchill au golfe Rankin 260
5° du golfe de Rankin à la pointe de Melville 1.100
6° à l'intérieur sud-ouest de Chesterfield (Ennadai,
lac Doobant Kasan et rivière Ferguson) 700
7o à llntérieur, nord-ouest de Chesterfield, jusqu'à
Backs River (mer Arctique) 700
Total 3.8(50
Autrefois cependant les Esquimaux s'avançaient plus au
sud. Lors de la découverte de l'Amérique et jusque vers
1630, on les voyait répandus sur toute la côte du Labrador
— 302 —
et même remonter le golfe Saint-Laurent à de grandes dis-
tances.
Tous les peuples qui vinrent jadis d'Asie en Amérique
eurent à soutenir de longs combats pour établir leurs
foyers et les défendre contre les nouveaux arrivants ou les
voisins jaloux. Chacun cherchait sa place au soleil et cher-
chait aussi la meilleure. Dans cette lutte pour l'existence,
le plus faible dut céder au plus fort et reculer au sud
comme au nord, laissant le vainqueur maître des contrées
les plus fortunées. Les traditions de toutes les différentes
tribus nous disent ces combats. L'histoire des premiers
jours qui ont suivi la découverte du nouveau monde,
nous raconte, elle aussi, que les peuples du centre de
l'Amérique du Nord, étaient les guerriers les plus valeu-
reux en tout ce pays. Outre la supériorité dans la lutte,
ils avaient une plus haute idée de leur force comme
société et tribu, vivaient en des villes fortifiées et recon-
naissaient une autorité et des lois.
De tous côtés, au nord, au sud, à l'ouest de ce peuple
vainqueur qui est au centre, les tribus inférieures se font
suite les unes aux autres comme des cercles se rapprochant
ou s'éloignant du centre en raison de leur importance
numérique et de leur valeur guerrière.
Plusieurs d'entre elles ont été divisées, et leurs membres,
rejetés à la fois vers le nord et le sud, se trouvent séparés
par d'énormes distances. Ethnologistes et linguistes recon-
naissent à certaines races de l'Amérique du Sud, une ori-
gine commune avec les nations voisines des Esquimaux,
comme si, vaincues sur un point, ces tribus avaient essayé
de se reprendre ailleurs et tenté de se frayer un passage au
milieu des tribus environnantes.
L'Esquimau, lui, habite le nord exclusivement et vous
ne le rencontrerez nulle part ailleurs.
— 303 —
Comment un peuple si fort, si industrieux, si riche en
belles et grandes qualités, comme nous le verrons, a-t-il
pu être refoulé exclusivement et pour toujours vers le
nord? Quelle fut son infériorité dans la lutte de jadis et à
quoi faut-il l'attribuer?
Immigrants de la dernière heure, les Esquimaux vinrent
en Amérique à une époque relativement plus récente. Aussi
le nez, les yeux, le teint même n'ont-ils rien perdu de leur
caractère asiatique. Leurs traditions, mœurs et coutumes
bien conservées ne laissent pas de doute sur leur pays
d'origine, alors que nous n'avons que des conjectures et
des opinions sur les autres tribus sauvages du nord.
Malgré les énormes distances qui les séparent de l'est à
l'ouest, les Esquimaux ont conservé partout la même
langue. Ceux du Labrador comprennent facilement leurs
frères de l'Alaska.
Ainsi l'Esquimau, arrivant le dernier, dans sa marche
vers le sud à la recherche de pays plus fortunés, rencontre
des ennemis parmi les premiers occupants. Et ces ennemis
l'emportent à la longue, parce que les premiers, ils ont vu
les Blancs qui se servent d'armes à feu, La lutte est iné-
gale, l'Esquimau se relire jusqu'aux terres stériles, » bar-
ren land «, vrai désert de glace. Son ennemi plus ancien
dans le pays, habitué à un climat plus tempéré, ne peut le
suivre jusque-là. Surpris, il regarde l'Esquimau vivre sans
feu et il l'appelle « mangeur de cru ».
Le » mangeur de cru » avait-il séjourné plus ou moins
longtemps au nord avant sa première apparition vers le
sud? Nous ne saurions l'affirmer ni le nier. Mais il nous
paraît indubitable qu'il était un des derniers immigrants,
vu les raisons données plus haut, et son apparition tardive
vers le sud semble confirmée par 1q fait qu'il s'est replié
— 304 —
aussitôt et exclusivement vers le nord, ce qu'il n'aurait pas
fait s'il avait trouvé la place libre.
Aujourd'hui le Montagnais semble plutôt craindre l'Esqui-
mau et l'appelle l'ennemi du « barren land ». Celui-ci
nomme le Cri, l'Iroquois et les autres tribus du sud : « les
ennemis ». Quant au Montagnais, l'Esquimau se contente
de le mépriser en l'appelant : t larve ou lente de vermine. >
Faut-il croire que, rejeté de partout, dès sa première
entrée dans la lutte, impuissant à tenir tête même au plus
faible de ses voisins, l'Esquimau n'a jamais plus depuis
osé lever la tête ?
Mais lui, ce peuple brisé, rebut et jouet supposé de tous
ses voisins ou ennemis, incapable d'aucun effort guerrier,
lui qui n'a pu se faire sa place au soleil, il a su pourtant
se créer une existence en ces déserts de glace qui lui sont
échus en partage. Le suivre dans les vicissitudes de sa vie
est pour nous un sujet d'étonnement et d'admiration.
L'hiver et l'été sont les deux seules saisons qui diffèrent
assez entre elles pour nécessiter un changement complet
dans la vie de l'Esquimau.
Maisons de neige, vêtements doublés de fourrures de
caribou, traîneau à chiens, en un mot tout l'attirail d'hiver
disparaît aux premières chaleurs pour faire place aux loges
ou tentes en peau de phoques ou de caribous, aux habille-
ments légers, au kayak ou canot qui répondent mieux aux
exigences de la belle saison.
Malgré ces changements dans le genre de vie en été et en
hiver, l'existence de l'Esquimau paraît plutôt une vie de
routine et de monotonie parfaite. Ainsi juge l'étranger qui
regarde en simple curieux et en passant; ainsi juge l'homme
— 305 —
civilisé que ses approvisionnements et sa demeure confor-
table garantissent contre les incertitudes de la chasse et le
caprice des saisons.
Il n'en va pas ainsi cependant.
La période de froid intense dure régulièrement cinq mois,
de décembre à avril. L'été, libre de glace compte à peine
deux mois. Entre ces limites extrêmes, il y a une période
intermédiaire de transition. Avril et mai d'une part, octobre
de l'autre, sont des mois de demi-saison qui répondent
assez mal à l'idée que nous nous faisons du printemps et de
l'automne.
Ces demi-saisons laissent peu de champ libre à la routine
et à l'habitude. Elles sont plutôt des alternatives assez
brusques de froid et de chaud, de calme et de tempête, de
pluie et de neige : véritable lutte des éléments entre eux
qui échappe à toute prévision et défie toute expérience.
Le gibier, lui aussi, change ses quartiers, et ses mœurs et
coutumes paraissent tout autres.
Ainsi la vie de l'Esquimau, qui doit se régler d'après les
caprices des saisons et dépendre de la chasse, est essentiel-
une vie pleine d'imprévu, de nouveau et d'intérêt.
A la fin de juin jusqu'à la mi-juillet, la glace, en partie
désagrégée, secouée par la double marée de chaque jour,
se détache enfin du rivage. Les canards, les oies arrivent.
Le caribou, harcelé par les mouches, approche de la côte ;
l'ours blanc abandonne les glaces flottantes, pour chercher
sa nourriture le long du rivage; le phoque se joue dans les
eaux peu profondes. Sur les glaçons, au large, le morse
aime à se reposer, ou bien encore aborde aux rochers de la
côte. La baleine blanche, en quête de menus poissons,
remonte les cours d'eau aussi loin que se fait sentir la
marée montante. Partout, avec le soleil, c'est la vie, le
mouvement et la joie.
— 30o —
Et l'Esquimau ne fait pas exception. Son canot est là,
toujours prêt à flotter, sa lance, ses harpons sont aiguisés,
son fusil, il en répond, car il a le coup d'oeil sûr de l'expert.
Que lui manque-t-il? Le beau temps? Il ne s'en soucie
guère, à vrai dire.
Le beau mois de juillet, le plus beau de l'année, n'est
pourtant pas un mois de plaisir. Le vend du nord, nord-
est et nord-ouest, qui souffle continuellement, imprègne
l'atmosphère de froid et d'humidité qu'il emprunte aux
glaces flottantes de la mer, et aux glaciers de l'intérieur.
Brouillard, pluie et grosse mer sont encore de ses méfaits.
A Churchill, limite extrême-sud des terres stériles * bar-
ren land » la neige à terre n'a complètement disparu que
vers la mi-juillet, et il n'y a pas de semaine, que je sache,
où Ton puisse se passer de feu. Pendant les deux mois que
Ton est convenu d'appeler mois d'été, je n'ai pas compté
plus de trois jours qui aient mérité ce nom.
Mais, en dépit des changements subits de température,
cette saison de mi-juillet-mi-août est la plus féconde en
ressources. La chasse bat son plein. De temps à autre, les
menus agréments de quelque poisson frais, quelques
menues graines ou fruits sauvages apparaissent : délica-
tesses d'autant plus appréciées qu'elles sont plus rares.
Chaque jour ajoute à la provision d"huile et de peaux
nécessaires pour l'année.
Septembre approche. Sur les terres, le caribou s'avance
en bandes serrées et hardies, sans nul souci du chasseur,
car en cette saison l'instinct lui fait oublier sa timidité et
sa prudence naturelle. L'animal est gras à pleine peau, sa
chair, par suite, plus délicate et plus substantielle. Le poil
nouveau, court et serré, à racines profondes dans la peau
encore épaisse, offre alors le vêtement idéal d'hiver.
L'Esquimau abandonne la côte pour s'enfoncer dans l'in-
— 307 —
térieur. Plus souvent, il remonte les fleuves et les rivières,
l'homme dans son kayak, la femme et les enfants côtoyant
le rivage.
La chasse commence. Sur terre, le fusil ou la flèche font
bien des victimes. Le caribou traverse-t-il à la nage les
rivières et les lacs qui s'opposent à sa marche rapide vers
le sud? Le canot léger gagne de vitesse sur lui, et un râle
d'agonie répond à chaque coup de la lance meurtrière. Les
cadavres flottent de partout. Nombre de ces animaux qui
ne doivent leur salut qu'à la multitude de la bande, sem-
blent plutôt courir sur l'eau. Les yeux hagards et les narines
dilatées, ils abordent enfin, affolés de terreur, s'élancent et
bondissent sur le rocher qui résonne et font voler en pous-
sière la mousse sous leurs sabots grands ouverts.
L'hiver, cependant, s'avance rapidement. La température
s'abaisse, les nuits sont froides. La neige, molle et fondante
d'abord, se congèle et acquiert bientôt une certaine consis-
tance, ce qui permet de s'en servir pour remplacer la loge
par une maison de neige provisoire ou à titre d'essai. Si
les murs faiblissent et que le dôme menace, l'enceinte cir-
culaire de blocs de neige recevra un toit plus léger en peau
de caribou. Cette maison provisoire .suffit à protéger ses
habitants contre les intempéries jusqu'à l'arrivée des grands
froids. Ce sera l'époque de la maison de glace définitive
dont nous reparlerons plus loin.
Pour le moment, supposons nos Esquimaux installés
dans leur palais de neige et à l'abri du froid. Il reste une
grande tâche à accomplir, pour le père de famille. Il doit
pourvoir à la subsistance des siens, et là il montre une
activité continuelle et fournit une somme de travail
étonnante.
Il fera d'abord plusieurs voyages au camp d'automne où
il a mis dans des caches la viande qu'il s'est procurée en
chassant le caribou. De tels voyages, en traînes à chiens,
à grandes dislances, aux jours courts et par les temps les
— 308 —
plus rigoureux ne s'effectuent pas avec la rapidité des
express ou de l'automobile, et encore moins avec le confort
des wagons modernes.
Heureux notre intrépide chasseur, s'il peut achever ces
transports pour les premiers jours de janvier. Heureux, s'il
a pu apporter à la famille les provisions en quantité suffi-
sante, au moins pour jusqu'au mois de février, car décem-
bre et janvier sont les mois les plus riches en difficultés et
misères de toutes sortes pour les Esquimaux du bord de la
mer.
La glace, en effet, ne s'étend pas loin du rivage, les tem-
pêtes continuelles l'empêchent de se former au large. Même
celle qui est prise est plutôt en mouvement perpétuel sous
l'action des vagues énormes qui la secouent, la brisent, et
parfois même la jettent à la côte, sous forme de grosses ban-
quises ou à la façon des icebergs.
Malheur à l'Esquimau qui n'a pas su prévoir ces temps
de disette et se prémunir de vivres en abondance, car le
caribou est parti bien loin au sud et le phoque, dernière
ressource, n'osant se fier à cette glace traîtresse, se tient au
large, à l'abri des tempêtes de glaces et des coups de
harpon.
II. — La chasse au phoque.
Chasse à la carabine sur la glace.
Chasse au harpon sous la glace. — Chasses diverses.
En février, les jours grandissent, le temps est plus froid
encore, mais aussi plus calme. La glace prend sur de
grandes distances et acquiert bien vite une grande épais-
seur. Maintenant le phoque s'approche de la côte, car il lui
faut une glace bien franche et sûre pour y percer sa maison
de neige ou de glace, où il déposera bientôt ses petits. Il se
fraie donc un passage au travers de la glace. Ce passage, à
la surface, s'élargit et prend la forme d'une chambre ronde
— 309 —
avec toit en dôme. Pour respirer, le phoque se contentera
de pratiquer un tout petit trou à peine perceptible à la sur-
face de la couche glacée.
***
Vous aimeriez, sans doute, à assister à cette chasse au
phoque sur la glace.
Choisissons une de ces belles journées, belles surtout
parce qu'elles sont rares, où le temps est clair, où le soleil
brillant semble vouloir donner en lumière ce qu'il refuse
en chaleur.
Prenez vos habits d'hiver, sans oublier les souliers en
peau de phoque, à l'épreuve de l'eau ; armez-vous d'une
bonne paire de jumelles, et surtout de beaucoup de
patience, et... en route !
Et le fusil, la carabine ? Vous n'en aurez guère besoin.
Nous arrivons au rivage. Prenez garde à ces énormes
bancs de galets que la mer a roulés et déposés de-ci de-là,
aux jours des gran-^es marées (1). Ces cailloux se dérobent,
roulent sous le pied qui se ressent de leur dureté au travers
de la mince semolle des souliers mous et plats du pays.
Les hommes 'ious ont devancés et sont sur la mer. Si nous
nous avançons, nous ne trouverons partout que bancs de
neige trempée d'eau, ou encore de profondes crevasses
entre l*^" glaçons d'où jaillit avec force le flot de la marée
montante qui bientôt va couvrir toute la glace.
A quoi bon patauger ? Les chasseurs ne sont pas loin ;
nous pouvons les examiner à l'aise du haut de ces rochers.
De tous côtés, on aperçoit des taches noires immobiles,
(1) Plus vraisemblablement, la mer a dû couvrir autrefois tous
ces rivages sur une assez grande distance. La formation de la
terre l'indique bien, et surtout les traces d'hivernement des navires
(baleiniers), où aujourd'hui un canot peut à peine passer à marée
haute.
20
— 310 —
d'inégales dimensions, qu'on prendrait volontiers pour des
rochers qui émergent de la couche de glace. Ces taches
noires, ce sont les chasseurs et le gibier.
Il ne s'agit pas ici de lutter de vitesse avec un animal
qui s'enfuit, encore moins de braver un fauve qui attaque
le chasseur; il faut opposer la patience, l'habileté et la
ruse à l'instinct de timidité et surtout de défiance du
phoque.
Gomplaisamment étendu sur la glace, le phoque semble
jouir du soleil, de sa lumière, sinon de sa chaleur. Il s'en-
dort même d'un sommeil véritable, mais intermittent, qui
dure à peine quelques secondes pour se réveiller soudain,
inspecter, flairer, écouter tout à l'entour, et sans jamais
quitter le bord de sou trou, toujours prêt à y rentrer en se
laissant glisser au premier indice du danger.
Le chasseur, accroupi ou assis sur un glaçon, examine
sa proie dont il connaît si bien l'instinct. Parmi tous ces
phoques qui dorment et veillent tour à tour, il jette son
dévolu sur celui dont les allures et les manières semblent
accuser moins de défiance, ou mieux encor»^, s'il a la
chance d'en voir, il choisit l'un de ces phoques de la grande
espèce qui atteignent jusqu'à quatre mètres de longueur et
plus.
Alors commence le combat avec ses péripéties toutes
spéciales.
Si l'animal qu'il a choisi est à une grande distance,
quatre cents ou cinq cents mètres par exemple, le chasseur,
profitant du sommeil momentané du phoque, ira droit à
lui, aussi vite que possible, mais sans avancer bien loin
chaque fois, car ceux des phoques qui veillaient l'ont déjà
aperçu et glissé dans leurs froides demeures. Et le dormeur
a-t-il soupçonné quelque chose? Il a soudain levé la tête,
il regarde, flaire, écoute avec défiance. Le chasseur se tient
immobile. Quelques secondes d'attente, et le phoque ras-
suré, — il ne l'est pas toujours, mais je continue — se livre
de nouveau au sommeil. L'homme reprend sa marche, ses
— 311 —
mouvements répondant au sommeil de l'animal, comme
son immobilité parfaite répond à l'état de veille du gibier.
Après bien des alternatives de ce manège, voici le chasseur
arrivé à 200 mètres de sa victime. Il ne se lèvera plus, il
ira désormais à quatre mains (ou à quatre pattes) et encore,
à mesure qu'il approchera davantage, il se traînera à plat
ventre, s'aidant de ses coudes et de ses genoux pour
avancer.
Le dormeur semble-t-il se réveiUer pour ne plus dormir,
restant plus longtemps à épier les mouvements du chasseur?
Ce dernier, pour lui enlever toute crainte et défiance, gratte
la glace avec ses mains et ses pieds, imitant le bruit du
phoque qui joue inconsciemment sur la glace, ou bien
encore, il produit un son guttural plus ou moins semblable
à un ronron de chat, et qui imite bien la respiration
bruyante du phoque quand il jouit du soleil, heureux et
sans défiance ni crainte du danger. Même il ira jusqu'à
pousser devant lui un glaçon, lequel, percé au milieu d'un
petit trou, lui permet d'observer tous les mouvements du
gibier, sans en être aperçu. Quand enfin il a pu s'approcher
à 50 ou 60 mètres environ, le chasseur, profitant une der-
nière fois d'un moment de sommeil du phoque, épaule la
carabine et, dès que l'animal lève la tête, le coup part et
porte presque toujours, c'est vrai, mais souvent, hélas ! inu-
tilement. C'est, qu'en efiet, si le phoque ne tombe pas roide,
frappé d'une mort foudroyante, en un dernier mouvement,
il se glisse dans son trou, va mourir sous la glace et coule
au fond. Voilà pourquoi il faut s'approcher autant que
possible pour bien distinguer la tête du reste du corps et
frapper juste.
Il arrive aussi bien souvent que, avant que le coup parte,
le phoque a flairé le danger et disparu. Alors, au lieu du
coup de fusil, vous entendrez une sorte de grognement gut-
tural, « yackr », qui témoigne du désappointement du chas-
seur. Se remettre à l'affût et attendre meilleure chance,
voilà quelle sera son occupation toute la journée. Du matin
— 312 —
au soir, il restera là immobile, au milieu des phoques qui
l'entourent, mais à de trop grandes distances où le coup ne
serait pas assez sûr et n'aurait pour résultat que de les
faire disparaître tous. Tuer un ou deux phoques par jour
c'est faire bonne chasse, vu la quantité de viande et d'huile
que fournissent ces animaux. Mais il faut, à cette chasse,
une patience que seule la nécessité a su faire acquérir
à l'homme.
***
Pour se faire une idée complète de l'habileté que
déploient les Esquimaux dans la chasse au phoque, il
suffit de savoir que ceux qui n'ont pas de fusil réussissent
à approcher l'animal d'assez près — deux mètres environ —
pour le percer de leur lance ou de leur harpon, comme
nous le disions tout à l'heure.
Ce genre de chasse dure autant que la glace le permet.
Même, il arrive que des Esquimaux campés au large, avec
leur famille, se laissent surprendre par la débâcle et sont
emmenés en mer sur des glaçons flottants. Souvent, ils
abordent de nouveau, poussés par un vent favorable, après
quelques jours ou même quelques semaines de navigation
forcée, au hasard des flots ; parfois aussi, comme il est
bien facile de l'imaginer, ils ne reviennent jamais.
D'autres incidents moins tragiques, ce sont les rencontres
imprévues d'un ours blanc, ou bien encore d'une baleine,
lorsque le chasseur a établi son affût tout près de l'eau, sur
le bord de la glace.
Lorsque la saison ou d'autres circonstances ne permettent
pas de chasser le phoque au fusil ou à la carabine, l'Esqui-
mau a recours à la chasse au harpon. Dans ces deux
manières de chasser, beaucoup de procédés se ressemblent ;
la dernière, cependant, offre des particularités qui, sem-
ble-t-il, méritent d'être notées.
— 313 —
Cette fois, le phoque ne se trouve plus sur la glace,
attendant le soleil ; il est caché dans son trou. L'Esquimau
se sert d'un chien pour de'couvrir ce trou, puis il s'installe
patiemment à l'aflût. Pour arme, il a son harpon qui est
une curiosité dans son genre et d'invention remarquable.
Le chasseur harponne-t-il le phoque? Il doit donner un
coup sec et rapide, mais le mouvement de l'animal blessé
qui cherche à fuir n'est pas moins violent ni moins
brusque et le choc qui en résulte suffit pour faire glisser la
bride de sûreté. La tête du harpon se détache de la tige à
laquelle elle ne tient que par frottement ; et comme à cet
hameçon une corde est attachée, elle va se dérouler jusqu'à
l'extrémité qui est nouée autour du corps même du
chasseur (1).
Sans cette ingénieuse disposition du détachement auto-
matique de la tête du hameçon, le chasseur devrait laisser
échapper le manche qui se briserait à tout coup sous les
efforts violents de l'animal blessé.
Ainsi donc, harpon à la main droite et la gauche tenant
la corde, l'Esquimau attend patiemment que le phoque
vienne respirer jusqu'à la surface de son trou. Il attendra
parfois des heures, voire même des journées entières ; et
c'est alors qu'il faut à ces hommes une patience et une
énergie indomptables pour rester sur la glace, exposés au
froid extrême, et dans l'immobilité la plus complète, le
moindre mouvement suffisant à éventer l'animal qui peut-
être en ce moment s'approchait de son trou pour respirer.
(1) Le harpon se compose de quatre parties : 1») la tête mobile ou
hameçon barbelé, taillé en forme de lance avec crochet. Sa base
qui est creuse lui permet de s'adapter sur la tige. Au centre, un
trou a été ménagé pour passer et attacher la corde qui doit retenir
l'animal blessé. Cette tête est en ivoire, en silex ou en fer. 2°)
Une tige d'environ 40 à 50 centimètres dont une extrémité porte la
tête et l'autre est solidement fixée au manche. 3") Le manche, qui
a de 60 à 70 cent, de long, est assez gros pour permettre au chas-
seur de l'empoigner soUdement et être sur de son coup. 4») Enfin,
à l'extrémité du manche se trouve un tranche-glace qui sert à
évaser les trous dans la glace.
— 314 —
On ne le voit pas, on ne l'entend pas venir, et il faut bien,
pour avoir quelque chance de succès, se comporter toujours
comme si on le voyait épier le chasseur d'un air soupçon-
neux et défiant. C'est pour cette raison aussi que l'Esqui-
mau ne touchera ni n'agrandira jamais le trou de respira-
tion du phoque. Le vent l'a presque totalement recouvert
de neige congelée qui empêche de voir dans quelle direction
il va. L'ouverture est si petite qu'à peine la tête pourra y
pénétrer et il faut assurément une grande habitude au
chasseur pour ne pas manquer le gibier quand enfin il se
présente.
Le voici. Il ne se doute de rien puisqu'on entend sa respi-
ration bruyante. Lancé d'une main habile et sûre, le har-
pon, rapide comme la flèche, a déjà pénétré les chairs. Le
phoque blessé s'enfuit. Déjà le chasseur a rejeté le manche
qu'il tenait en main et donne de la corde à l'animal. Et ceci
demande une grande promptitude pour éviter de se faire
emporter quelque doigt, tant le phoque plonge avec vio-
lence et rapidité. La corde longue d'au moins dix mètres est
au bout. Le chasseur la retient de toute la pesanteur de
son corps et la force de ses bras, l'animal tirant jusqu'à
épuisement en sens inverse. Pendant quelques instants le
combat est violent ; peu à peu cependant l'effort est moins
intense. Le phoque blessé, à bout de souffle, doit venir
respirer encore à ce même trou où cette fois l'attend la
mort. Car déjà le chasseur a ressaisi le manche du harpon
et à peine l'animal donne-t-il le premier * puff » que la
tige qui surplombe le manche lui perce le crâne et en fait
un cadavre.
Le tranche-glace sert alors à agrandir le trou afin de
pouvoir sortir la bête, travail considérable parfois, vu
l'épaisseur de la couche et les dimensions de ces animaux
qui atteignent parfois jusqu'à douze pieds ou quatre mètres
de long.
315 —
Ce même harpon servira à la chasse à la baleine, en
été ; mais la corde ne se fixe pas au léger canot, le chas-
seur n'essaye pas de la retenir non plus, ce qui mettrait
inutilement ses jours en danger.
Au bout de la corde sont disposés des flotteurs faits de
peaux de phoque cousues ensemble en forme de sac et
gonflées d'air. Ces flotteurs opposent une grande résis-
tance à l'animal blessé qui veut fuir et essaie de plonger
le plus souvent à pic. Les efforts qu'il fait déchirent la
plaie profonde causée par le harpon barbelé, la douleur
excite l'animal qui redouble ses efforts et s'épuise ainsi
très vite. A peine quelques minutes et il lui faut revenir
respirer à la surface. Ces mouvements n'échappent pas au
chasseur qui se guide sur les déplacements des flotteurs, et,
dès que la bote blessée reparaît, la lance meurtrière
pénètre jusqu'au cœur et y porte la mort.
Lorsque l'on sait combien les kayaks ou canots recou-
verts de peaux de phoque sont dangereux et versants, on
comprend dès lors toute l'habileté que déploie l'Esquimau
pour lutter de vitesse avec ces monstres marins, et aussi
pour s'attaquer à eux, les harponner, ensuite les darder,
sans perdre l'équilibre et surtout sans s'exposer par
une fausse manœuvre à subir le contre-coup des bonds
violents et des ébats désordonnés de ces brutes que la
douleur affole.
(A suivre) A. Turquetil, 0. M. I.,
Missionnaire des Esquimaux.
— 316 —
NOUVELLES DIVERSES
Œuvre de la Propagation de la Foi.
Compte rendu de l'Œuvre de la Propagation de la Foi, 1911.
En 1910, les recettes de l'Œuvre de la Proj^agation de la
Foi s'étaient élevées à 6.986.678 fr. 05, avec une augmenta-
tion de 275.216 fr. 21 sur celles de l'année précédente. Nous
sommes heureux d'annoncer qu'en 1911 elles ont été de
7.274.226 fr. 59. C'est donc une somme de 287.548 fr. 54 à
inscrire en plus dans le budget annuel de l'apostolat. C'est la
plus forte ofifrande que nous recueillons depuis la fondation
de l'Œuvre ; pour la seconde fois, les recettes dépassent
7 millions. En 1890, lorsque, à l'occasion de son jubilé, Sa
Sainteté Léon XIII avait, dans son encyclique, recommandé
au monde catholique l'Œuvre de la Propagation de la Foi,
nous avions atteint ce chiffre encourageant ; mais nous
sommes aujourd'hui en avance de près de 200.000 fr.
Un tel résultat montre que, si l'Eglise est toujours grande
par le zèle de ses apôtres, elle sait inspirer à ses fidèles une
générosité que les épreuves, que les mille créations nou.
velles et nécessaires de la charité ne sauraient affaiblir.
Aussi remercions-nous de tout cœur ceux dont le zèle
inlassable a contribué à agrandir l'œuvre de Dieu : direc-
teurs diocésains et paroissiaux, chefs de dizaines, dévoue-
ments obscurs et cachés, tous ont droit à notre reconnais-
sance.
Dans ce budget de l'apostolat, les nations de la vieille
Europe ont, malgré les crises persistantes d'aujourd'hui et
les menaces de demain, offert des sommes égales, souvent
même supérieures à celles de 1910. Parmi ces dernières,
l'Angleterre et l'Irlande, l'Espagne et l'Allemagne sont au
premier rang dans cette progression consolante de l'Œuvre.
— 317 —
Si nous portons nos regards vers les autres continents
et si nous consultons le tableau des offrandes recueillies
pour l'Œuvre, nous voyons avec joie que plusieurs pays de
missions ont tenu à contribuer à la propagation du règne
de Jésus-Cbrist. Qu'elles sont touchantes ces petites
sommes que nous offrent ces pauvres néophytes, hier
encore païens 1 C'est le denier de la veuve de l'Evangile l
C'est le sou du pauvre qui, gagné à la foi, veut être con-
quérant à son tour.
Les espérances que nous donnait l'Amérique se réalisent.
La délégation des Conseils aux Etats-Unis continue, en
effet, ses succès sous la direction intelligente et active de
Mgr Freri, avec les concours si dévoués de M. l'abbé Juil-
lard, missionnaire apostolique, de Mgr Dunn, directeur
diocésain à New- York, et du Révérend M. Mo Glinckey,
notre directeur à Boston, ancien élève du Séminaire amé-
ricain à Rome et successeur du dévoué M. l'abbé Walsh,
appelé à la direction du Séminaire fondé en Amérique pour
les missions.
En Angleterre, M. l'abbé F.-E. Ross a secondé, avec
bonheur, les intentions des Conseils centraux et du Comité
de Londres ; aussi constatons-nous, de ce chef, une impor-
tante augmentation de recettes.
M. Dehaene et M. de Franceschi, de la Congrégation de
la Mission, commencent, de leur côté, à s'affermir au
Brésil comme mandataires de l'Œuvre. C'est également par
un travail incessant que les Pères Blancs dans la Répu-
blique Argentine, les Pères des Missions Africaines au
Mexique, les Lazaristes au Chili, ont pu recueillir, malgré
tous les obstacles provenant de fréquentes révolutions
intérieures, des sommes bien précieuses.
Quelques-uns, parmi nos délégués, ont dû interrompre,
à leur grand regret, leur dur et difficile travail ; à ceux-là
nous envoyons nos remerciements pour le passé et nos
vœux pour l'avenir; mais, dans les familles religieuses
auxquelles ils appartiennent, le dévouement est de tradi-
— 318 —
tion, et si un soldat tombe, d'autres s'empressent de
recueillir sa glorieuse succession.
Mais, malgré ces résultats, la charité catholique a-t-elle
dit son dernier mot en faveur de nos chères missions?
Nous répondrons par ces paroles empruntées au discours
que Mgr Demimuid, directeur général de la Sainte-
Enfance, prononça, le 3 mai 1898, dans la cathédrale de
Saint Jean :
« Sans doute, lorsqu'on pense à toutes les charges qui
incombent à présent à la charité et qui vont s'aggravant de
jour en jour, on ne saurait trop l'admirer et la louer. Mais
qu'à côté de ce chiffre, on mette celui qu'inscrivent, tous les
ans, sur leurs listes de souscription, les Sociétés de propa-
gande protestante. Je vais peut-être étonner plus d'un de
mes auditeurs, car la comparaison, trop facile à faire,
cependant, n'est pas assez souvent présentée au public
chrétien. Le budget de votre Œuvre de la Propagation de
la Foi, en y joignant celui, de moitié plus modeste, de la
Sainte-Enfance, s'élève, dans les années les plus prospères,
comme celle qui vient de s'achever, à 10 millions environ,
et celui que les Sociétés bibliques mettent annuellement à
la disposition des ministres de l'hérésie dépasse 100 mil-
lions I
« n est bien vrai qu'il convient de mettre, dans les pla-
teaux de la balance, auprès de l'apport relativement si
inégal de la charité catholique, le dévouement et l'abné-
gation de nos missionnaires, surtout la force incomparable
de la vérité et de la grâce divine. N'importe ! Si les res-
sources étaient plus abondantes, le bien se ferait dans une
plus large mesure. Et il sera toujours vrai de dire avec
Joseph de Maistre ; « Si l'on donnait au Pape, pour être
t consacré aux besoins des Missions catholiques, l'argent
t que les Sociétés protestantes dépensent en Bibles, il
i aurait fait aujourd'hui plus de chrétiens que ces Bibles
« n'ont de pages. »
— 319
Lettre de S. G. Mgr Donten-will, Supérieur Général
de la Congrégation des Missionnaires Oblats de
Marie Immaculée à M. le Président du Conseil
Central de l'Œuvre de la Propagation de la foi à
Lyon et Paris.
Vénéré Monsieur,
J'ai l'honneur de vous accuser réception de la lettre par
laquelle vous avez bien voulu me faire connaître que, sur
le produit des recettes de l'an dernier, les Conseils centraux
de l'Œuvre de la Propagation de la Foi ont alloué à l'en-
semble des Missions desservies par les Oblats de Marie
Immaculée, une somme totale de deux cent quatre-vingt-
cinq mille francs.
Ce m'est un devoir très doux à remplir que de vous offrir
l'hommage de notre reconnaissance, et je vous l'offre dès
aujourd'hui, au nom de nos chefs de missions, au nom de
leurs missionnaires et en mon nom personnel, puisque
vous m'obligez moi-même en venant au secours de mes
enfants et de leurs œu^Tes.
Oui, vénéré Monsieur le Président, je tiens à vous
exprimer notre reconnaissance et vous donner en même
temps l'assurance que, grâce aux allocations que vous leur
accordez, nos Missionnaires maintiennent et propagent la
Foi dans la portion de la vigne du Seigneur qui leur a été
confiée.
A dessein, j'ai dit t propager la Foi », et c'est un
bonheur pour moi de vous faire connaître que la vraie foi
oontinue ses conquêtes, que ses apôtres vont plus loin et
plus haut qu'ils ne sont jamais allés. Si héroïques, en effet,
que depuis 60 ans et plus se soient montrés nos Pères, ils
durent bien s'arrêter là où la vie semblait à peine possible.
— 320 —
subissant, dans les déserts de glace du Nord américain, ce
que Mgr Grandin, de vénérée mémoire, appelait le martyre
à coups d'épingles.
Or, je le déclare avec une joie et une fierté paternelles
que vous comprendrez : non seulement les demandes pour
ces postes sont plus nombreuses qu'il ne faut, mais encore
quelques-uns de nos Pères n'eurent pas plutôt appris
l'existence, en dehors du rayon de leurs courses habituelles,
de quelques milliers d'âmes rachetées par le sang de Notre-
Seigneur et privées des lumières de la vérité, qu'ils firent les
instances les plus pressantes et multiplièrent les requêtes
auprès de leurs supérieurs pour en obtenir la permission
d'aller fonder des missions chez les Esquimaux. C'est ainsi
que, dans le Keewatin, un centre de mission établi à
64 degrés de latitude va rayonner à 4 ou 500 kilomètres, et
qu'au Mackensie le cercle polaire arctique se trouve
franchi.
Toutefois, à quoi servirait le dévouement de ces apôtres,
si, avec la grâce de Dieu, ils ne recevaient par surcroît les
secours de votre œuvre providentielle ? Un détail sur cette
fondation esquimaude du Keewatin m'en fournit une nou-
velle preuve : c'est que pour se protéger contre le froid qui
dure 10 mois de l'année, il faudra pour le combustible une
dépense annuelle de 5.000 fr. de pétrole.
L'ardeur apostolique de mes fils n'est pas moindre sous
les autres latitudes. Permettez-moi de vous en donner un
témoignage aussi autorisé qu'impartial, celui de Son
Excellence le Délégué Apostolique des Indes Orientales, qui
classe nos Missions de Ceylan parmi les plus belles et les
plus consolantes : missions dont les ouvriers apostoliques
« sont de bons missionnaires, simples, dévoués, travaillant
pour Jésus Christ, sans bruit et sans ostentation ». Evêques,
supérieurs, religieux se voient décerner par Son Excellence
d'autres louanges, mais celles-ci suffisent à vous expliquer,
Vénéré Monsieur le Président, pourquoi j'ose affirmer au
nom de mes enfants qu'ils utilisent, pour la gloire de Dieu
— 321 —
et le salut des âmes, les généreux secours que vous leur
octroyez, et sans lesquels leur zèle serait paralysé.
A la reconnaissance, nous ajoutons la prière, ou plutôt,
la prière s'élève de nos cœurs pour traduire les accents de
notre gratitude. Nous prions pour vous, vénéré Monsieur,
qui êtes l'âme de cette oeuvre par excellence ; nous prions
pour vos collaborateurs et pour tous les membres de
l'Œuvre ; nous prions pour tous les bienfaiteurs dont le
dévouement et les aumônes ont grandi avec les difficultés
des temps.
Veuillez agréer, je vous prie,
Vénéré Monsieur le Président,
l'hommage de mon respect et de ma profonde reconnais-
sance en N.-S. et M. I.
t A. DONTENWILL, 0. M. I.
Arch. de Ptol., Sup. Gén.
Œuvre de la Sainte Enfance.
Lettre de Mgr Demimuid,
Directeur de l'Œuvre de la Sainte Enfance,
à Mgr le Supérieur Général.
Paris, le 14 juin 1912.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous informer qu'en raison de mon état
de santé, j'ai dû résigner mes fonctions de directeur géné-
ral de la Sainte Enfance, et prier le Conseil cental de cette
œuvre de me donner un successeur.
Ce successeur ^âent d'être nommé par le Conseil et agréé
par le Saint-Siège. C'est Mgr de Teil, Camérier secret de Sa
Sainteté et chanoine de Notre-Dame de Paris, qui entrera
en fonctions le 1" juillet prochain.
Je vous serais reconnaissant de vouloir bien, à partir de
- 322 —
cette époque, communiquer directement avec lui pour tout
ce qui concerne l'Œuvre.
Veuillez agréer, Monseigneur et Révérendissime Père,
l'expression de mes respectueux sentiments.
M. Demimuid,
Proton, ap., chan. hon.
A cette lettre, M. le Supérieur Général répondit ce qui suit, tant
en son nom personnel qu'au nom des vénérés Chefs de Missions
et des Missionnaires qui ont eu des rapports avec le vénéré Di-
recteur de rŒu\Te de la Sainte Enfance ;
Monseigneur,
Permettez-moi de vous exprimer mon profond regret de
la résignation de vos fonctions de Directeur général de la
Sainte Enfance, ainsi que la peine que je ressens de l'état
de votre santé qui vous a dicté cette détermination.
Je ne voudrais pas vous laisser déposer le fardeau sur les
épaules de votre successeur sans venir vous offrir, au nom
de la Famille dont je suis le Père, le témoignage de notre
profonde reconnaissance pour tout le bien que vous avez
fait à nos Missionnaires et à nos Missions.
Quand, Monseigneur, vous embrassez du regard le chemin
parcouru par l'Œuvre à laquelle vous vous êtes voué,
depuis le jour où vous la prîtes en main jusqu'au moment
où vous allez en céder la direction, ce doit vous être une
consolation bien douce, bien capable de vous aider à sup-
porter les épreuves de la maladie. Mais vous seriez bien plus
consolé encore, Monseigneur, s'il vous était donné d'enten-
dre les actions de grâces qui, des régions les plus infortu-
nées de la terre se sont élevées vers le ciel, de voir les
milliers et les milliers de petits anges qui jouent au pied
du trône de l'Agneau avec leurs couronnes et qui sont rede-
vables de cette couronne après Dieu à l'Œuvre de la Saintç
Enfance, à vous, Monseigneur. Quant à nous, nous n'ou-
blierons jamais l'exquise bonté avec laquelle vous avez
— 323 —
accueilli les requêtes de nos Missionnaires, et veuillez
croire, Monseigneur, que nos prières, nos supplications et
notre reconnaissance vous suivront dans votre retraite.
Que le bon Dieu et la Vierge Immaculée vous la rendent
douce et salutaire, qu'ils vous fassent goûter la suavité de
leurs consolations, comme gage de la récompense qui vous
est préparée dans un monde meilleur.
Veuillez agréer, je vous prie, Monseigneur, l'hommage de
ma gratitude et de mon respect en N.-S. et M. I.
•f A. DONTENWILL, 0. M. I.,
Arch. de Ptol., Sup. Gén.
Par retour du courrier, le vénéré Directeur de l'Œuvre écrivait
à notre Révérendissime Père :
Paris, le 22 juin 1912.
Monseigneur,
Je suis plus touché que je ne le saurais exprimer, de la
lettre que Votre Grandeur a eu l'extrême bonté et m'a fait
l'honneur de m'écrire, à l'occasion de ma démission de
Directeur de la Sainte Enfance. Ce m'est un grand récon-
fort, au moment de quitter, non sans quelque serrement de
cœur, une œuvre à laquelle j'ai été attaché pendant plus
d'un quart de siècle, de recevoir, des vénérés chefs de nos
grandes Congrégations, ces témoignages de trop grande bien-
veillance à mon égard; mais je puis bien affirmer que
nul, parmi ces témoignages, ne m'a plus ému et ne me lais-
sera une plus profonde et plus douce impression, que celui
que Votre Grandeur a daigné m'adresser et dont je la remer-
cie du fond du cœur.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect,
Monseigneur, de Votre Grandeur, le très humble et très
obéissant serviteur.
M. Demimuid,
Proton, apost., chan. hon.
324 —
Société Saint-Pierre Claver.
Pendant l'année 1911, les aumônes recueillies par la
Société se sont élevées à une somme totale de 294.000 francs,
soit une augmentation de 69.000 francs, sur l'exercice 1910.
Sur cette somme ont été attribués :
2.306 fr. au vicariat de la Gimbébasie ;
4.998 f r. 76 au vicariat du Natal ;
3.012 fr. 63 au vicariat du Basutoland ;
4.061 fr. 92 au vicariat de Kimberley;
113 fr. 06 de frais divers ;
soit un ensemble de 14.493 fr. 05.
PROVINCE DU CANADA
La Journée du Sacré-Cœur de Jésus,
à Saint-Sauveur de Québec.
La fête du Sacré-Cœur à Saint-Sauveur est une fête col-
lective, la fête générale, la fête de famille par excellence,
de la grande famille qu'est cette belle paroisse. C'est, à
n'en pas douter, l'impression de tous ceux qui ont eu la
joie de vivre la splendide journée du 14, impression que
tous les épisodes, toutes les cérémonies, toutes les mani-
festations de cette fête concourent à rendre plus intense et
plus profonde. Le simple compte rendu le dira mieux qu'au-
cune paraphrase.
Dès cinq heures du matin l'église était comble et, pen-
dant trois heures, deux ou trois prêtres ont, presque cons-
— 3-25 —
tamment, distribué la sainte communion. Rarement, même
aux plus -^rrandes fêtes de l'année, on avait constaté pareille
affluence à la sainte Table. C'est la caractéristique bien
consolante de cette journée, où, sans doute, les demeures
vont se pavoiser et les rues se parer pour le Divin Maître,
mais où, d'abord, les coeurs s'ouvrent pour l'accueillir.
Nous ne dirons rien de la grand'messe, solennelle comme
aux grands jours, du concours de fidèles devant le Saint
Sacrement dans la journée. C'est un autre cachet sur-
naturel de la fête, et bien dans l'esprit de ceux qui l'ont
voulue et préparée. Le R. P. Lelièvre est de ceux-là et en
première ligne : il faut le voir parcourir la paroisse, heu-
reux de l'ardeur apportée aux préparatifs du pavoisement
et de rillumination, stimulant les timides, encourageant
d'un mot gai et affectueux les plus zélés, joyeux de voir
beaucoup de décorations concentrées vers une statue ou
une image du Sacré-Coeur. De fait, la paroisse a sa parure
de fête et les rues où doit passer la procession, notamment
la rue Massue, ont grand air. Signalons parmi les très belles
décorations, celle du Couvent des Sœurs de Notre-Dame,
celle du Collège des Frères qui ont très ingénieusement tiré
profit du retrait de leur bâtiment, des arbres de leur par-
terre, de l'élévation du perron, en n'épargnant ni ornements
ni lumières pour faire un splendide reposoir.
Le temps est exceptionnellement beau, et une légère brise
fait chatoyer, en agitant la multitude des pavillons, les
couleurs vives dont s'embellissent les façades.
A trois heures, les dames et les jeunes filles se rendent en
très grand nombre à leur heure d'adoration. Le R. P.
Lelièvre stimule leur foi et leur entrain à la prière en mon-
trant les grâces à demander, les faveurs obtenues déjà et
les rapports établis par là entre le Sacré-Cœur et les épou-
ses, les mères, les filles chrétiennes de Saint-Sauveur, les-
quelles, bien souvent, ont été l'intermédiaire et l'instrument
des grâces de guérisons, de conversions, de bonne mort,
accordées aux ouvriers. L'infatigable apôtre du Sacré-
2)
— 326 —
Cœur semble pourtant avoir hâte d'arriver à la cérémonie
du soir, qui va être le point culminant de la » journée du
Sacré-Cœur ». Peu importent ses peines, ses travaux et
ses fatigues ; il lui faut pour le Cœur de Jésus une glorifi-
cation solennelle, et il l'aura.
Dès sept heures, les hommes se pressent dans l'église,
beaucoup n'y peuvent pénétrer ; tous portent l'insigne spé-
cial de la fête et que l'on voit aujourd'hui sur toutes les
poitrines. Du haut de la chaire le R. P. Lelièvre leur ins-
pire les sentiments dans lesquels ils vont, tout à l'heure,
faire l'escorte, la garde d'honneur du Sacré-Cœur dans les
rues et autour du monument, gage de leur gratitude, bril-
lamment illuminé ce soir, grâce à eux ; viennent ensuite les
avis relatifs au bon ordre de la procession, et enfin le
départ du cortège.
Il n'y a plus un souffle dans l'air, le Bon Dieu a, de son
côté, fait grandement les choses, et, en vérité, les ouvriers
le méritent bien. En rangs serrés, recueillis et conscients
de leur devoir, ils marchent au nombre de 6 à 8.000 — le
nombre est difficile à fixer — devant le T. Saint Sacrement.
Tous ont un cierge allumé à la main et chantent ou prient :
leur défilé, sur le trop petit parcours de la procession, dure
plus d'une heure. Il aboutit à un groupement, à l'intérieur
du parterre réservé pour eux, autour du monument du
Sacré-Cœur.
Là, le coup d'œil devient féerique : au milieu, la statue
du Sacré-Cœur se dresse surmontée d'une énorme cou-
ronne lumineuse, d'où partent quatre cordons de lumière
qui encadrent tout le centre du parterre ; en avant, l'autel
resplendit de plusieurs centaines d'ampoules électriques;
les milliers de feux des cierges et les flammes de bengale,
qui brûlent en arrière, complètent l'illumination. Ce plan,
conçu par le R. P. Legault et exécuté sous sa direction, est
du plus bel elTet; par cette nuit claire, il est plus beau encore.
Dans ce cadre, d'où s'élèvent en un puissant unisson ces
milliers de voix mâles soutenues par des instruments de
— 327 —
cuivre, le Sacré-Cœur va entrer en contact plus intime que
jamais avec ses fidèles ouvriers, tandis qu'il est là sur
l'autel, dans l'ostensoir.
M. l'abbé Halle, directeur du Collège de Lévis, donne du
haut de la chaire le mot d'ordre du Sacré-Cœur. L'orateur
dit l'admiration provoquée par le spectacle qu'il a sous les
yeux; et au Uieu de l'Eucharistie : * Maître du Ciel, dit-il,
regardez sur la terre. » Et Dieu répond : « Mon cœur et
mes yeux sont là » ; et l'orateur, au nom du divin Maître,
adresse à tous deux simples mots : Merci, et : En avant I
Merci pour le culte rendu au Cœur de Jésus dans cette
paroisse : culte social réclamé dès le début par le Sauveur
à la Bienheureuse Marguerite-Marie, vainement alors, mais
qui se répand aujourd'hui, suscité par des manifestations
comme celles-ci ; culte domestique : au foyer où règne
l'image du Sacré-Cœur, à l'atelier où la présence de ce gar-
dien divin réduit les besoins de la surveillance, dans la
paroisse dont on sent bien que le Divin Cœur est le maître
et l'âme ; culte individuel de piété et de sanctification par
la fréquentation des sacrements et l'assiduité aux premiers
vendredis du mois. Mais aussi : En avant I En avant contre
les ennemis de l'ouvrier ; guerre à l'ignoble intempérance,
guerre à l'indifférence, plus redoutable, certes, au peuple
canadien-français que le protestantisme qui ne l'entamera
point ; guerre au hideux blasphème, cette révolte absurde
et impie de l'être infime que nous sommes contre Dieu si
grand, si puissant, si bon. Il faut donc recueillir ce mot
d'ordre du Sacré-Cœur et lui promettre la fidélité à nos
engagements.
M. J.-A. Langlois, le député des ouvriers, lit ensuite, au
nom de tous, la belle consécration suivante, distribuée à
tous les assistants.
328
Consécration des ouvriers au Sacré-Coeur de Jésus.
t Cœur Sacré de Jésus, vous voyez ici groupés autour de
Vous tous vos fidèles ouvriers, heureux de cette belle fête
qui est leur œuvre et de ce triomphe qui est la récompense
de leur confiance dans votre miséricorde.
Nous sommes réunis devant ce monument de votre gloire
et de notre reconnaissance pour proclamer bien haut et
et dans toute l'ardeur de nos âmes chrétiennes votre sou-
veraine royauté. Nous la proclamons ce soir par ce diadème
éclatant dont nous sommes heureux de surmonter votre
statue ; mais comme ce symbole ne suffit pas à notre amour,
nous venons vous demander par un acte solennel que votre
règne arrive.
Cœur Sacré de Jésus, régnez donc entièrement sur nos
intelligences, sur nos cœurs, sur nos familles, sur notre
paroisse, sur notre ville, sur notre patrie.
Soyez le Roi et le Maître de nos intelligences, daignez
répandre sur nous la lumière de la vérité. Rendez notre foi
docile aux ordres et aux directions de notre Mère la sainte
Eglise ; préservez-nous de toutes les erreurs ; tenez-nous en
garde contre les idées de la franc-maçonnerie et du socia-
lisme dont cherchent à nous séduire, sous couleur de pro-
grès social, les adversaires de votre sublime doctrine d'a-
mour et de fraternité chrétienne.
Cœur Sacré de Jésus, soyez le Roi de nos cœurs, faites
que, vous aimant toujours davantage, notre zèle nous porte
à augmenter le nombre de vos consolateurs le premier
vendredi de chaque mois, le matin à la table sainte, et le
soir à l'heure d'adoration des ouvriers.
Cœur Sacré de Jésus, soyez le Roi de nos familles : ne
nous laissez pas oublier nos devoirs de catholiques ; pré-
sidez Vous-même à l'éducation chrétienne de nos chers
enfants, et faites que nous les conduisions toujours sur le
chemin de l'honneur et du ciel, par notre fidélité à nos pro-
messes de tempérance.
— 329 —
Cœur Sacré de Jésus, soyez le Roi de tout ce que nous
sommes et de tout ce que nous possédons.
Régnez sur nos ateliers où déjà trône à la place d'hon
neur votre image vénérée, bénissez nos instruments de
travail que beaucoup d'entre nous n'ont laissés ce soir que
pour venir vous acclamer ici ; éloignez de nous les grèves,
les différends entre patrons et ouvriers, afin que nous puis-
sions gagner notre pain quotidien honnêtement et paisible-
ment.
Cœur Sacré de Jésus, soyez à jamais béni et remercié
pour toutes les faveurs que nous avons reçues de Vous
depuis le 30 juin 1905, jour inoubliable de votre fête où,
pour la première fois, nous quittions nos ateliers en habits
de travailleurs pour former à Saint-Sauveur votre garde
d'Honneur, ô Jésus Ouvrier.
Daignez répandi'e encore sur nous de nouveaux bienfaits.
Bénissez-nous, convertissez-nous, sauvez-nous !
Faites, ô Cœur très miséricordieux de Jésus, que nous
vivions toujours en état de grâce pour vous consoler en ce
monde et vous aimer éternellement dans le ciel. »
Puis le R. P. Lelièvre prend la parole : il est l'artisan de
cette glorieuse journée ; mais il lui faut un résultat prati-
que. Il y a 7 ans, le 30 juin 1905, lui-même le rappelle, il
est passé dans les manufactures, pour recruter des adhé-
rents au culte du Sacré-Cœur : le mouvement créé alors
s'est étendu et développé pour aboutu" à des actes comme
celui de ce soir. Ce monument au Sacré-Cœur, ce sont les
ouvriers qui l'ont élevé, ce diadème de lumière, c'est eux
qui l'en ont couronné : cela ne sutîit pas.
Ceux qui ont dit que le prêtre perdait la confiance du
peuple canadien en ont menti. Le prêtre est aimé, car il est
l'homme et le représentant de Dieu. De par Dieu, il y a
trois cœurs faits pour être unis et portés l'un vers l'autre :
le Cœur de Jésus, le cœur du prêtre et le cœur de l'ouvrier.
Cela les Canadiens-Français ne l'oublieront pas, car leur
acte de baptême signé à Reims au baptême de Clovis a été
— 330 —
apporté sur le sol de la Nouvelle France par Jacques Cartier,
ratifié par Samuel Champlain et sanctionné par Jésus-
Christ lui-même. Aussi ils ne se laisseront entamer ni par
la Franc-maçonnerie ni par le socialisme. Eux les pauvres
et les affamés dont le Sauveur a pitié, ils continueront à le
consoler, ils demeureront étroitement unis en même temps
qu'ils iront au pain de vie qu'il leur offre.
Alors, le spectacle grandit jusqu'au sublime : ce prêtre
frêle et physiquement faible devient un chef écouté et obéi ;
il s'empare du souffle d'enthousiasme qui secoue cette masse
d'hommes, il leur montre la croix de tempérance scellée
par eux dans le monument, il leur montre l'ostensoir res-
plendissant sur l'autel :
t Promettez-vous, s'écrie-t-il, d'être fidèles au premier
vendredi du mois ?... Promettez-vous de garderies règle-
ments de la tempérance ?... Promettez-vous d'être toujours
les amis du Divin Cœur de Jésus ? » Et dans l'émotion gran-
dissante ces milliers de voix proclament avec force : « Oui
nous le promettons... Oui nous le promettons ! »
Voilà la réponse à ceux qui ont prétendu que le mouve-
ment inauguré en 1905 ne serait qu'un feu de paille ! ils se
sont trompés, ils doivent en convenir.
C'est fini ! après la bénédiction du T. S. Sacrement, un
dernier chant, un dernier merci dit par le P. Lelièvre, oq
se sépare aux accents du chant national : « 0 Canada »,
heureux d'avoir vécu cette journée inoubliable, d'en avoir
recueilli les salutaires enseignements et d'avoir, pour sa
part, contribué à faire au Divin Cœur de Jésus cette triom-
phante apothéose.
{L'Action Sociale du 20 juin 1912.)
331 —
VICARIAT D'ALBERTA-SASKATCHEWAN
I. — Extrait d'une lettre du R. P. Th. Ortolan
à Monseigneur le Supérieur Général.
Edmonton, Alta, Il juillet 1912.
Monseigneur et bien-aimé Père,
Vous avez reçu, je pense, la lettre que je vous ai envoyée
de « la Savoie » la veille de notre arrivée à New-York.
Depuis, j'ai eu plusieurs fois la pensée de vous écrire ;
mais cela m'a été impossible à mon grand regret, car j'ai
presque toujours été en courses. Et quelles courses!...
Vraiment interminables 1
A Montréal, je ne me suis arrêté que quelques jours.
J'en ai profité pour visiter Lachine et le Cap de la Made-
leine en compagnie du Révérend et aimable Père Dozois,
provincial du Canada. A peine étais-je au Gap depuis quel-
ques heures, que j'y ai reçu un télégramme du P. Grandin,
me priant de venir à Edmonton sans tarder. Ce télégramme
m'a un peu surpris, puisqu'on m'avait dit à Rome que la
première retraite de Winnipeg aurait lieu avant celles de
l'Alberta. Néanmoins, je suis parti aussitôt. — A Winnipeg,
j'ai eu le mot de l'énigme : le P. Grandin y était venu pour
s'entendre avec le P. Cahill et changer les dates. On devait
commencer par Edmonton, mais seulement le 8 juillet, de
sorte qu'avant cette époque j'avais le temps de me rendre à
Grouard. A Edmonton, je trouvai le P. Grandin qui, appelé
subitement à Saskatown pour une affaire urgente, ne peut
venir à Grouard, et me prie de le remplacer pour le
discours qu'il devait prononcer à la grand'messe le jour de
la fête du cinquantenaire de Mgr Grouard. C'était me
prendre un peu au dépourvu, car je n'avais nullement
— 332 —
pensé qu'il me faudrait traiter ce sujet si spécial. Pour un
autre sujet, j'aurais toujours été plus ou moins prêt, mais
pour celui-là !... Enfin, je vis bien que je ne pouvais refuser,
et j'acceptai.
Le lendemain de mon arrivée à Edmonton, je partis
donc pour le petit lac des Esclaves en compagnie de
quelques Pères; le voyage nous a demandé dix-sept jours
pour l'aller et retour. Mais quel voyage I Par quels
chemins ! Par quels moyens de transport ! Je vous
dirai simplement qu'au retour, nous n'avons trouvé, pour
faire les cent soixante kilomètres qui séparent Athabaska-
Landing d'Edmonlon, qu'une petite voiture découverte,
trop étroite pour nous contenir tous, de sorte que nous
avons dû nous mettre les uns sur les autres. Les chemins
étaient affreux, car il avait plu depuis plusieurs jours ; la
route était plutôt une série de marécages et de lacs qu'il
fallait traverser en passant presque continuellement dans
l'eau et la boue. Pour comble d'infortune, la pluie s'est
remise à tomber, et nous l'avons eue sur le dos pendant
deux jours et deux nuits, n'ayant, pour nous en préserver,
qu'un petit parapluie pour trois; c'était le mien, car les
autres n'en avaient pas apporté. Nous sommes arrivés ici
trempés et gelés. C'était le matin même de l'ouverture de
la retraite, et depuis quatre nuits nous n'avions pas dormi,
ou presque pas. Mais je suis heureux d'avoir goûté à la
vie de missionnaire. Je pourrai en parler en connaissance
de cause. Aucun de nous n'a été malade, quoiqu'il y eût de
quoi prendre une fluxion de poitrine. Dieu protège ses
enfants. J'ai pu commencer mes prédications, et nous voilà
déjà au 3* jour de notre retraite. La semaine prochaine, je
me rendrai à Winnipeg pour le même travail, puis à Gal-
gary, etc. Jusqu'à présent, tout parait bien aller, la santé
est bonne et l'on paraît content.
Les fêtes de Grouard se sont bien passées. Vous en
recevrez bientôt le compte rendu. Grouard est un site
vraiment beau et plein d'avenir. La ville est destinée à être
— 333 —
la capitale de l'AIberta du Nord qui s'ouvre grandement à
la civilisation jusqu'à l'Athabaska et la Rivière la Paix. Le
chemin de fer y arrivera bientôt. Plusieurs lignes mêmes
sont déjà projetées. Ce sera bien probablement un second
Edmonton.
Pardonnez-moi de ne pas écrire plus longuement cette
fois, car j'ai quatre sermons par jour, sans parler du reste.
Veuillez agréer. Monseigneur, l'expression de mes senti-
ments de profonde reconnaissance et de filial respect.
Th. Ortolax, 0. m. I.
II. — Extrait d'une lettre du R. P. Levern.
Chez les Pieds Noirs.
D'une lettre adressée de Gluny (Alta) à Monseigneur le
Supérieur général par le R. P. J.-L. Levern, le 3 décem-
bre 1911, nous ne voulons citer qu'un mot.
Bien souvent, on aime à publier le récit enthousiaste
de conversions, à dresser les statistiques des conquêtes de
l'Evangile et des triomphes de la foi ; rien, en effet, n'est
plus puissant pour encourager les jeunes gens pleins d'ar-
deur et de bonne volonté.
Il ne faudrait pas cependant regarder l'apostolat seule-
ment sous ce côté avantageux. Il faudrait aussi se rappeler
que le bon Dieu a son heure, que la grâce, qui parfois sol-
licite si longtemps nos cœurs, ne renverse pas toujours
tous les obstacles sur son passage. Les jeunes missionnai-
res doivent savoir que des difficultés très graves les atten-
dent, afin qu'ils ne soient pas trop surpris lorsqu'ils se
trouvent en face d'elles. A plusieurs reprises, nos Annales,
petites et grandes, ont réclamé des prières pour quelques-
unes de nos Missions les plus difficiles, celles des Pieds
Noirs en particulier. Ce n'est pas sans raison.
Dans la mission de Gluny, il y a un Père dévoué qui
« se trouve parmi les Pieds Noirs depuis son arrivée au
— 334 —
Canada en 1900 », et qui, malgré les peines et les souffran-
ces de toutes sortes qu'il y a endurées, « ne saurait com-
ment remercier Dieu et ses supérieurs de l'avoir choisi
pour être le missionnaire de ces chers païens ».
Le Fr. Barreau est là pour les travaux d'intérieur et
l'ouvrage de la mission. De plus, 6 sœurs de la Providence
de Montréal secondent le missionnaire de leur mieux par
leur dévouement à l'égard des sauvageons du pensionnat.
Avec de tels moyens pour faire le bien, ne serait-on pas
en droit d'espérer quelque résultat ? Hélas, quelle dou-
leur pour le missionnaire de constater la stérilité à peu
prés complète de son ministère, stérilité qui semble plutôt
aller toujours en augmentant. Les sauvages, en effet, se
montrent de plus en plus indifférents à l'égard de notre
sainte religion et s'adonnent plus que jamais à l'ivresse, à
la débauche, aux danses et à leurs stupides superstitions.
Si, du moins, les rares catholiques montraient un peu de
bonne volonté... mais sur les 10 familles qui, avec les
40 élèves du pensionnat, composent toute la mission ca-
tholique, une seule persévère jusqu'ici et est à peu près
irréprochable ; deux autres viennent de loin en loin à la
messe, et satisfont à leurs principaux devoirs ; quant aux
7 autres familles, elles n'ont plus guère de catholique que
le nom. Les élèves eux-mêmes s'empressent de secouer le
joug du Seigneur dès leur sortie de l'école ; un seul mani-
feste quelque velléité de persévérer, mais comme il n'est
sorti qu'en juillet dernier, il ne faut pas encore chanter
victoire.
Baptiser quelques nouveau-nés, administrer parfois le
baptême à quelques moribonds aux dispositions douteuses,
catécbiser les sauvages du pensionnat et les admettre aux
sacrements assez fréquemment, voilà le bilan du ministère
d'un pauvre missionnaire des Pieds Noirs. — Ne croyez
pas que, du cœur de l'apôtre, s'échappe une plainte contre
l'obstination des sauvages : non, « il s'inquiète, il craint
d'être un obstacle aux desseins miséricordieux de Dieu sur
— 335 —
ces pauvres âmes et il prie le Seigneur de lui inspirer
quelque industrie bénie de Lui-môme pour mieux faire son
œuvre » ; et il me semble, écrit-il, l'entendre enfin me ré-
pondre « Vade ad Ananiam ». Une suggestion, venant de
vous, vénéré Père, avec les encouragements que Mgr Légal
et le R. P. Vicaire me prodiguent, feront le plus grand
bien à ma chère mission, etc.
En terminant cette lettre, j'ose vous demander de prier
et de faire prier pour la conversion des pauvres Pieds
Noirs.
J.-L. Levebn, 0. M. I., prêtre.
VICARIAT D'ATHABASKA
Noces d'or sacerdotales de Mgr Grouard.
Un journal nous fait connaître que les 29 et 30 juin 1912,
on célébrera les noces d'or sacerdotales de Mgr Grouard,
et que la population de la ville du même nom a déjà com-
mencé les préparatifs de cette fête, unique jusqu'ici dans
la région du Lac des Esclaves.
A l'heure actuelle, les Missions ne savent absolument
rien de ce jubilé, si ce n'est que Sa Sainteté Pie X a voulu
envoyer au vénéré jubilaire une bénédiction spéciale pour
cette fête.
Il y a 49 ans que Mgr Grouard est dans le nord, chez les
Indiens. A cette époque, seuls les agents de la compagnie
de la baie d'Hudson, quelques trappeurs et l'un ou l'autre
représentant du gouvernement avaient visité la région du
lac des Esclaves. Il n'y avait pas de police à cheval (ni à
pied) et les faces pâles {les blancs) étaient pour les Indiens
une nouveauté aussi rare que peu aimée.
Depuis, il est vrai, la vallée de la Rivière la Paix a attiré
— 336 —
des colons, et Mgr Grouard, dans le sud de son Vicariat,
n'est plus isolé : mais plus que personne, il a contribué à
ce nouvel état de choses.
C'est lui qui a fait construire le premier bateau à vapeur
qui ait fendu les flots du Petit Lac des Esclaves et de la
Hivière la Paix ; c'est à lui que l'on doit la première scierie
et le premier moulin de la région ; c'est lui qui, le premier, a
labouré le sol fertile de la Rivière la Paix et qui a fondé la
ville de Grouard.
Nous sommes très heureux que soient reconnus les talents
dont la Providence a doué le vénérable Mgr Grouard, on
cite à l'appui qu'il a orné, de sa main, de très belles pein-
tures les quatre églises de Grouard, Athabaska-Landing,
Fort Vermillon, et Dunvegan, qu'il est excellent écrivain,
orateur puissant, qu'il connaît outre le français et l'anglais
7 ou 8 dialectes indiens.
Il est plus difficile de suivre le journaliste quand il
affirme que Mgr Grouard a 77 ans — bien que né en 1840, etc.
— Quoi qu'il en soit, c'est le 3 mai 1862 que le P. Grouard
a reçu l'onction sacerdotale à Boucherville.
Sa vie tout entière, consacrée à l'évangélisation des sau-
vages, dans des conditions exceptionnellement difficiles,
mérite d'être citée et montrée en exemple aux jeunes
missionnaires.
Nous espérons qu'elle le sera. En attendant, les Missions
s'unissent de grand cœur aux prières et aux vœux qui ont
marqué ce jubilé, et en offrent le respectueux hommage à
Mgr Grouard.
Ad multos annos.
— 337 —
VICARIAT DU YUKON
Extraits de lettres du R. P. Coccola au T. R. Père
Supérieur Général, et du R. P. Wolfe au R. P.
Bunoz, Préfet Apostolique et Vicaire des Mis-
sions du Yukon.
Mission du lac Stuart.
Fort Saint James B. C.
Monseigneur et biex-aimé Père,
Vous savez que le vicariat du Yukon marche à grands
pas dans la voie de la civilisation. Des chemins de fer sont
en construction, et, le long des lignes, des maisons surgis-
sent comme par enchantement. Il faut pourtant bien
l'avouer; il reste encore beaucoup à faire pour que le
progrès soit vraiment complet ; et pendant cette période
d'organisation, le missionnaire qui doit %-isiter ses fidèles
se trouve exposé à bien des mésaventures qu'il supporte le
plus gaiement du monde pour l'amour de Dieu et des âmes.
Parti d'ici, le lendemain de Noël, pour le lac Fraser, etc.,
par un froid de 56 degrés au-dessous de zéro, je poussai,
à mon retour, jusqu'à Burns Lake à travers des chemins
impossibles, dans l'espoir de goûter un peu de repos à mon
arrivée à la maison.
Mon espoir fut déçu. Depuis 4 jours, les traîneaux des
« Babines » m'attendaient pour me conduire chez eux. Il
fallait donc repartir au plus xiie, non, toutefois, sans avoir
visité les malades et procuré à ces bonnes populations la
faveur de s'approcher des sacrements.
Une fois chez les Babines, je me trouvais trop près
d'Hazelton — 125 kilomètres — pour me priver du bonheur
de rencontrer deux de mes frères en religion. Je désirais
aussi me confesser, ce que je n'avais pu faire depuis le
mois de juillet.
Deux jours après, un télégramme du R. Père Préfet
m'appelait à Prince-Rupert. Sans calculer les difficultés
d'un si long trajet en pareille saison, j'arrête un traîneau à
6 chevaux et nous voici bientôt en face d'un chemin de fer
en construction dont les attirails barrent le passage. Mon
conducteur ne s'embarrasse pas pour si peu. Il me plante
là, m'exprime le regret qu'il a de ne pouvoir aller plus loin
et fait volte-face. Gomment continuer le voyage ? Il y a bien
là, une voie ferrée en construction, mais la compagnie
refuse d'admettre les voyageurs, avant le complet achève-
ment, pour ne pas encourir la responsabilité des accidents
qui pourraient survenir. N'importe, il fait trop froid pour
demeurer ainsi dans la neige, j'escalade un wagon à outils,
je m'y blottis de mon mieux et attends qu'on vienne m'en
déloger. A 6 heures, les travaux cessent, le train se retire
lentement mais sûrement, et c'est dans cet appareil que
j'arrive heureusement à la station terminus où un train
régulier me dépose le lendemain soir à Prince-Rupert.
Je passai 6 jours chez le R. Père Préfet qui me donna
pour compagnon le jeune Père Wolfe avec lequel je fis route
pour revenir à la mission (1).
Aussitôt remis de nos fatigues, nous avons prêché les
exercices préparatoires aux fêtes pascales. Mes Indiens me
parlent souvent de vous, Monseigneur, et demandent s'ils
doivent désespérer de vous revoir. Vous connaissez d'ail-
leurs combien ils sont dévoués au Prêtre, les Babines sur-
tout, très désireux d'avoir un prêtre résidant parmi eux.
Voici d'ailleurs quelques nouvelles qui vous intéresseront,
je l'espère.
La réserve du Fort George a été cédée à la compagnie du
chemin de fer du Grand Tronc, l'automne dernier. Cette
année, ce chemin de fer ne sera pas loin du Fort George à
l'est; à l'ouest, il touchera Aldermere, laissant entre les
(1) Ce sont les péripéties du voyage de retour que le jeune Mis-
sionnaire a décrites dans la lettre suivante adressée au Rév. Père
Préfet.
— 339 —
deux un intervalle de 300 kilomètres à construire l'an pro-
chain. Il paraît que le Gouvernement va établir deux vil-
lages pour nos Indiens : le premier sur la rivière Fraser, à
15 milles plus haut que le Fort George, et l'autre sur la
Nechaco, à 25 milles environ de l'embouchure.
Nos gens seront ainsi plus éloignés de la mauvaise in-
fluence qu'une nouvelle ville exerce sur les sauvages. Et
remarquez que c'est au nom de la civilisation, du progrès,
qu'on déloge ces pauvres Indiens. Et l'on se voit obligé de
les soustraire à l'influence des <s pionniers de la civilisa-
tion » ! de les éloigner de leurs vices.
Le Gouvernement nous aiderait à construire une école
pensionnat pour les Indiens, à la condition de bâtir le long
de la voie ferrée; car « Stella » sur le lac Fraser est
regardé, pensons-nous, comme un point stratégique. Nous
faudra-t-il alors abandonner notre cher lac Stuart? Joseph
Prince, le chef Ghô et ses sauvages ne veulent pas en
entendre parler. Attendons.
En vous priant de nous bénir, etc.
N. CoccoLA, 0. M. I.
Mon Révérend Père Préfet.
Veuillez me permettre de vous adresser quelques mots
sur notre voyage, de Prince-Rupert au Lac Stuart. Le
13 mars, nous nous installions confortablement dans un
beau wagon, et nous franchissions ainsi fort aisément les
100 premiers milles de notre course. C'était trop beau... ou
trop monotone pour durer. En effet. A Vanarsdol, tout le
monde descend ; mais tout le monde n'est pas content.
Comment parvenir à Hazelton ? Soixante milles nous en
séparent, et il faut les franchir dans la neige, ici encore
très épaisse. Nombreux sont les voyageurs qui s'enquièrent
du train. A toutes les demandes, les employés répondent
invariablement : « Il n'y a plus de train. »
— 340 —
Nous aurions partagé l'infortune de tous nos compa-
gnons si la Providence, toujours bonne pour le mission-
naire, n'avait disposé les choses autrement. Avant même
que nous ayons mis pied à terre, le chef des travaux de la
ligne, ancien ami du P. Goccola, était venu nous promettre
de faire l'impossible pour nous aider à passer. Toutefois,
pas un mot ; le public ne doit rien savoir ; les ordres sont
sévères. Gomme en définitive, il ne s'agit pas de prêcher,
mais de sortir d'ici, rien de plus facile : on se taira. En
attendant le départ, nous assistons à un spectacle peu
banal. Il est 9 heures du soir ; tous les voyageurs, résignés
forcément à attendre au lendemain, sont descendus dans
un soi-disant grand hôtel où chacun se prépare, du mieux
qu'il peut, ce qui lui servira de lit pour la nuit.
Quant à nous, prévenus d'avoir à nous tenir prêts pour
11 heures, nous prenons place à l'heure dite dans la
voiture réservée au chef d'un train de marchandises. A
6 heures du matin, changement de train, mais, toujours sur
la recommandation du bienveillant ami du P. Goccola, nous
nous installons de la même façon dans la voiture du
conducteur.
Gette manière de voyager est assez curieuse, non seule-
ment parce que c'était un train de marchandises et que
nous nous trouvions au milieu des ouvriers, mais encore
parce que les rails étaient simplement posés sur la glace
et la neige. En certain endi-oits où le soleil donnait en
plein, nous passions dans la boue, ce qui n'était peut-
être pas sans danger, en dépit de la lenteur extrême du
convoi. Il nous a fallu une nuit et un jour pour franchir
60 milles !
A 5 milles de Hazelton, nous nous arrêtons dans une
vieille baraque , pompeusement appelée Grand Hôtel
Terminus. Des lits, ou ce qui en tient lieu, y sont entassés
pour les conducteurs de diligences et les voyageurs.
On se lève donc au petit jour; le traîneau est attelé et en
route! On monte, on descend, les cheveux glissent, tombent.
— 341 —
se relèvent jusqu'à ce qu'on arrive à trois milles de
Hagoulget, par New-Hazelton.
Ici, la réception est chaleureuse; les Pères Godfroy et
Lebert, entourés de leurs Indiens, vlennpnt à notre ren-
contre. Quatre jours se passent vite en cette mission hospi-
talière et nous continuons notre route vers Babine, non
plus en chemin de fer mais en traîneau à chiens. C'est
moins moderne mais toujours bon. Chemin faisant, nous
campons deux nuits dehors, la première, au bord d'un
beau ruisseau glacé, la seconde sur le sommet des glaciers.
Inutile de dire qu'il n'y faisait point chaud.
A partir de ce moment, nous n'avons plus qu'à descendre
jusqu'à Babine, où nous trouvons beaucoup de femmes,
mais quelques hommes seulement, les autres étant partis
pour la chasse.
Ici, également, nous faisons une halte de quatre jours ;
le Père Coccola prêche, confesse, distribue la sainte Com-
munion, visite les malades, leur prodigue ses soins, se
montrant en même temps pour eux médecin de l'àme et
médecin du corps. C'est ainsi que j'apprends à exercer le
ministère.
Je renonce à décrire toutes les péripéties de la dernière
partie de notre voyage. Pour aller au fort Saint-James, il y
a 150 milles à parcourir. En trois jours et demi on franchit
le lac Babine de 100 milles de long, puis vient le portage.
Nous tombons d'un trou dans un autre, piquant en avant,
piquant en arrière, penchant à droite, penchant à gauche ;
la glace ou neige gelée cède sous les pieds des chevaux qui
ont parfois de l'eau jusqu'au poitrail. Il arrive même aux
conducteurs de prendre leur part : que le siège cède, il
tombe dans l'eau avec celui qu'il porte. Cela ne fait pas
beaucoup de mal et l'on se console en riant de l'aventure.
Quoi qu'il en soit, le mercredi soir, hommes et chevaux n'en
peuvent plus. La nuit, heureusement, nous remet un peu
et nous atteignons le lac Stuart. Les derniers 40 milles sont
franchis et le vendredi, à 4 heures du soir, nous arrivons
22
— 342 —
sains et saufs. Quelle joie pour les Indiens de revoir leur
cher Père Goccola 1 ils se réjouissent aussi d'avoir un
prêtre de plus et en expriment leurs remerciements.
Pour nous, remercions Dieu, la Très Sainte Vierge et
Saint Joseph de nous avoir protégés tout le long de notre
voyage.
Je ne vous dirai rien de notre habileté de cuisiniers ; il
y a bien parfois des surprises qui prouvent que nous ne
sommes pas forts, mais on mange de bon appétit. .T'ai
commencé l'étude de la langue de nos Indiens et fais ce que
je peux pour aider le Père Goccola; j'ai déjà prêché deux
fois par interprète.
En terminant, je me recommande à vos bonnes prières,
afin que le bon Dieu m'aide et bénisse mon ministère ; à
mes côtés, se trouve un missionnaire modèle; puissé-je
l'imiter et marcher sur ses traces l
Veuillez...
Ch. WOLFE, 0. M. I.
VICARIAT DU KEEWATIN
Lettre du R. P. A. Grasté, O. M. I.,
à Monseigneur le Révérendissime Père Général.
Monseigneur et bien-aimé Pére,
Permettez-moi de vous remercier de nouveau et de tout
cœur de l'importante décision que vous avez bien voulu
prendre, relativement au Keewatin et au projet de fonda-
tion de mission chez les Esquimaux. Par cette décision si
bienfaisante et si opportune, le R. P. Turquetil et votre
humble serviteur et fils, voyons enfin nos vœux exaucés
— 343 —
ou du moins sur le point de l'être. Ces vœux datent
déjà de bien loin, puisque dès 18G9, ils déterminaient le
long voyage que je fis alors jusqu'au lac Rond, presque
vis-à-vis, mais à une distance considérable, de Chesterfield
Inlet, siège de la nouvelle mission ; ces voeux, dis-je,
avaient déjà l'approbation de Mgr Taché. Avec les encou-
ragements de Sa Grandeur, je reçus encore ceux du bon et
saint P. Legeard, de l'île à la Crosse. Ce voyage, qui me
prit près de huit mois, avait pour but d'aller rencontrer
nos Esquimaux de l'intérieur des terres, de les déterminer
à venir faire la traite de leurs pelleteries au poste de la
compagnie, voisin de notre mission Saint-Pierre du lac
Caribou. Gela nous aurait permis de jeter les premiers
jalons de leur évangélisation, en nous procurant le
moyen de les voir, sinon tous les ans, au moins de temps
en temps, de faire plus ample connaissance avec eux, et de
les amadouer ainsi peu à peu en attendant que possibilité
nous fût donnée de pouvoir travailler directement à leur
évangélisation. Car, à cette époque, celle de nos Monta-
gnais, connus sous le nom de « mangeurs de caribou » , qui
était encore à son début, ne nous laissait guère le temps
de nous occuper sérieusement d'autre chose.
Monseigneur et bien-aimé Père général, soyez assuré que
vous n'aurez point à regretter cette décision favorable que
vous avez bien voulu donner à cette fondation. En la dési-
rant avec tant d'ardeur, nous n'avions en vue avant tout
que la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes, et
des âmes les plus abandonnées, ce qui entre si bien dans
l'esprit de notre sainte vocation. En outre, quel honneur
cette fondation n'est-elle pas appelée à procurer à notre
chère Congrégation ! quel attrait nouveau ne va-t-elle pas
fournir aux vocations ! Cela est tellement vrai, qu'à Liège,
m'a dit notre cher P. Le Blanc, lorsqu'on a su son obé-
dience et à son départ, il s'est produit comme un renou-
vellement de sainte ardeur pour les missions étrangères et
en particulier pour celle du Keewatin, j'oserai presque
— 344 —
dire une explosion de sainte envie et de sainte jalousie.
De l'aveu de notre vénéré Fondateur, n'est-il pas vrai que
l'envoi de nos premiers Pères au Canada et surtout dans le
nord-ouest, cette contrée si rude, si pauvre, si froide, si
pénible sous tous les rapports, fut précisément le signal de
vocations multiples qui ne cessèrent depuis de venir vers
nous ?
Un autre fait tout récent, à l'appui de la même conclu-
sion, se trouve constaté dans les Annales de la Congré-
gation des sœurs d'Evron. J'avais été invité à assister à la
cérémonie de départ de la première escouade de ces reli-
gieuses qui allaient partir pour le nord-ouest canadien. Les
vocations étaient alors en décroissance sensible et la bonne
Supérieure générale en était tout attristée. « Soyez sans
crainte, ma bonne Mère, lui dis-je alors, ces religieuses que
vous envoyez là-bas vous attireront des vocations nom-
breuses. » A quelque temps de là, j'eus l'occasion de revoir
cette bonne Mère générale. Une des premières paroles
qu'elle m'adressa fut celle-ci : Mon Révérend Père, vos
pronostics se sont réalisés à la lettre, et j'en suis très heu-
reuse. Les vocations, depuis le départ des religieuses que
j'ai envoyées au Canada, se sont multipliées d'une manière
surprenante. « Donc, Monseigneur, bonne espérance pour
vous aussi et pour notre chère Congrégation. »
La bonne Providence m'a ménagé le vif plaisir de faire
la connaissance du bon et vaillant P. Le Blanc, le compa-
gnon si bien choisi du R. P. Turquetil. Sur les conseils de
notre Révérend et bien-aimé Père Provincial, le cher
P. Le Blanc a eu la bonté de venir nous demander l'hospi-
talité en se rendant dans sa famille, et, à son retour, il a
bien voulu nous consacrer deux jours. J'en ai profité pour
le conduire en pèlerinage à Avenières et à Pontmain, afin
d'attirer sur nos deux vaillants et héroïques apôtres, et sur
leur œuvre si méritoire, les faveurs, la protection et le
secours de notre bonne Mère du ciel. — Je l'ai aussi pré-
senté dans nos communautés encore subsistantes afin de
— 345 —
lui ménager, à lui et à son supérieur, le secours de leurs
bonnes prières et de leurs aumônes, et procurer à ces com-
munautés le plaisir de connaître de visu le compagnon du
P. Turquetil, dont elles avaient déjà lu des lettres édi-
fiantes que je leur avais communiquées. Et, bien qu'elles
m'eussent déjà remis de généreuses aumônes pour cette
mission si difficile qu'ils vont établir, elles ont encore
voulu en ajouter de nouvelles, et promettre de continuer
les saintes prières qu'elles font déjà depuis longtemps pour
le succès de ces deux hérauts de la bonne nouvelle. Bien
plus, dans une de ces communautés, la Supérieure, de son
propre mouvement, s'est engagée à faire faire à tour de
rôle, la communion chaque jour par un des membres de
la communauté pour cette belle œuvre. En outre, j'ai
voulu recommander notre cher P. Le Blanc, à plusieurs de
nos bienfaiteurs qui, eux aussi, ont fait de nouvelles
offrandes et ont paru bien heureux de voir un des deux
vaillants apôtres des Esquimaux. Le bon P. Le Blanc gar-
dera, j'en suis sûr, un souvenir reconnaissant de la géné-
rosité qu'il a partout rencontrée ici. — Grâce aux offran-
des qui m'avaient été faites pi'écédemment, et à quelques
petites économies, j'ai pu envoyer une offrande pour cette
fondation qui sera certainement onéreuse. Ma bonne vieille
sœur a bien voulu, pour sa part, offrir un secours. J'ai
également rempli deux caisses d'ornements, de linges d'au-
tel, calices, ciboire, chandeliers d'autel, souches, vête-
ments de corps. Le P. Le Blanc en prendra la charge à son
embarquement.
Monseigneur et très vénéré Père général, ne pouvant
plus faire autre chose pour notre chère Congrégation, je
me fais un devoir d'essayer de la servir encore en lui
venant en aide autant qu'il m'est possible de le faire.
Veuillez agréer, etc.
A. Gasté, 0. M. I.
346 —
VICARIAT DE CEYLAN
La dévotion à Notre-Dame de Lourdes, à Ceylan.
La dévotion à l'Immaculée Conception de la très sainte
Vierge a toujours été chère aux catholiques ceylanais, sur-
tout depuis que, dans une proportion de 80 %, ils ont été
confiés à la sollicitude et au zèle infatigable des fils de
Mgr de Mazenod, les missionnaires Oblats de Marie Imma-
culée. Grâce à ce zèle, le 50' anniversaire de la proclama-
tion du dogme de l'Immaculée Conception a été célébré en
1904, avec beaucoup d'éclat et un véritable enthousiasme,
par les 280.000 catholiques desservis par les Oblats, à
Ceylan. Transportés de joie en apprenant les merveilles
qui ne cessent de s'accomplir sur les lieux honorés par
l'apparition de celle qui , de sa bouche auguste , a fait
savoir qui elle était, en disant : « Je suis l'Immaculée Con-
ception », les catholiques ceylanais auraient bien voulu»
eux aussi, visiter ces lieux bénis et être témoins de ces
merveilles. Très peu d'entre eux ont pu réaliser ce désir de
faire le pèlerinage jusqu'à Lourdes, mais la masse des
catholiques s'est dit : « Puisque nous ne pouvons pas aller
« à Notre-Dame de Lourdes, Notre-Dame de Lourdes vien-
« dra chez nous. » Aussi, dans le seul diocèse de Colombo,
le nombre des églises et des grottes érigées en l'honneur de
Notre-Dame de Lourdes, augmente d'année en année, sur-
tout depuis 4 ou 5 ans. Sans compter la belle église cons-
truite, non loin de Colombo, il y a environ 30 ans, et dédiée
à Notre-Dame de Lourdes, église qui a toujours été le ren-
dez-vous de nombreux pèlerins dej^uis 1909, il n'y a pas eu
moins de 3 belles grottes érigées en l'honneur de Notre-
Dame de Lourdes.
— 347
La première a été élevée tout près de l'église Sainte-Croix
à Kalutara, petite ville qui est le chef-lieu du district du
même nom, admirablement située sur la côte et à l'embou-
chure de la grande rivière « Kala Ganga », à environ
45 kilomètres sud de Colombo. Le 8 décembre 1909 fut un
jour de fête vraiment extraordinaire, pour les catholiques
de ce district et des districts voisins. Entouré d'une large
couronne de missionnaires, et en présence d'une multitude
recueillie de fidèles, Monseigneur l'Archevêque de Colombo
bénit solennellement la statue de Notre-Dame de Lourdes
et inaugura la grotte qui, dès ce moment, devint le rendez-
vous de nombreux pèlerins. La fête annuelle a été célébrée
en 1910 et 1911 avec beaucoup de solennité. Quant au
nombre des pieux visiteurs, il devient de plus en plus
grand.
Le nombre des communions distribuées à la grotte
atteste la piété des pèlerins qui éprouvent une consolation
toute particulière à venir recevoir Jésus eucharistique sous
les regards de son Immaculée Mère.
Cette année-ci, l'affluence a été encore plus considérable
que les années précédentes, la bénédiction solennelle d'une
statue ayant donné à la fête un nouveau relief. Le pro-
gramme de cette fête fixée , cette année-ci , au 14 avril
(1er dimanche après Pâques), marquait pour la veille au
soir, bénédiction solennelle de la statue par Monseigneur
yArchevêque, vêpres pontificales suivies d'un sermon par
Sa Grandeur et de la bénédiction du Très Saint Sacre-
ment, et enfin une procession aux flambeaux; pour le
dimanche 14, messe pontificale suivie de la bénédiction
solennelle du Très Saint Sacrement.
Les pluies torrentielles des jours précédents cessèrent le
samedi à 3 heures de l'après-midi et, à partir de ce mo-
— 348 —
ment, les pèlerins commencèrent à se presser en foule
auprès de la grotte.
Toutes les parties du programme furent exécutées avec
une solennité et un ordre parfaits. Lorsque la statue fut
découverte, la foule contempla avec admiration sa douce
figure, douceur qui n'était cependant qu'un pâle reflet de la
douceur incomparable et toute céleste de l'Immaculée.
Après vêpres, Monseigneur l'Archevêque fit le récit de sa
dernière visite à Notre-Dame de Lourdes, parla de Berna-
dette et d'un miracle attribué à ses prières, et termina par
une chaleureuse exhortation à une dévotion encore plus
confiante et filiale à Notre-Dame de Lourdes qui ne man-
querait pas de protéger particulièrement le district de
Kalutara et ses habitants. Les paroles du premier pasteur
du diocèse sont tombées sur un auditoire trop bien disposé
pour qu'elles ne portent pas de fruits et n'exercent pas la
plus salutaire influence sur cette partie du troupeau confié
à ses soins.
La procession aux flambeaux vint clore le programme
du samedi soir, et elle fut vraiment magnifique. De la col-
line où est bâtie l'église et où a été érigée la grotte, la pro-
cession descendit dans la plaine et, après avoir suivi la
grand'route sur une assez longue distance, elle contourna
la colline pour la gravir par où elle en était descendue.
Pendant tout le parcours, la foule compacte et recueillie ne
cessa de prier ou de chanter VAve Maria de Lourdes.
Le lendemain, dimanche 14, dès 5 heures du matin^, com-
mencèrent les messes basses pendant lesquelles furent
distribuées de nombreuses communions. Dans l'intervalle,
la foule des pèlerins ne cessa de grossir et, lorsque Monsei-
gneur l'Archevêque commença la grand'messe, une petite
partie seulement de cette foule put trouver place dans
l'enceinte de l'église, tandis que des milliers de fidèles,
restés au dehors et exposés aux ardeurs du soleil, étaient
absorbés par la prière et la beauté des cérémonies de cette
messe si solennelle.
— 349 —
Après l'Evangile, un des missionnaires présents (R. P. Fi-
gurado) célébra d'une manière fort éloquente les gloires de
Notre-Dame de Lourdes. La messe terminée, la bénédiction
du Très Saint Sacrement donnée par Monseigneur l'Arche-
vêque clôtura cette belle cérémonie.
La foule énorme de pèlerins accourus de toutes parts
avait à peine commencé à s'écouler que la pluie recom-
mença à tomber par torrents.
Tous les heureux témoins de cette fête magnifique en
emportèrent le plus consolant souvenir dans leurs cœurs
avec la ferme résolution d'honorer, plus encore que par le
passé, Notre-Dame de Lourdes.
Le zélé missionnaire de Kalutara, le R. P. Hérel, dont la
piété filiale envers l'Immaculée avait surmonté tous les
obstacles et toutes les fatigues, voyait enfin cette magni-
fique manifestation religieuse du 14 avril 1912, comme celle
du 8 décembre 1909, couronnée d'un plein succès. Le digne
Oblat était ainsi amplement dédommagé et consolé par
Notre-Dame de Lourdes qu'il s'était eflorcé de faire mieux
connaître et mieux aimer.
^^^
A une dizaine de kilomètres sud de Kalutara s'élèvent, à
environ 1 mille de distance du rivage de l'Océan, une série
de collines dont la principale est couronnée par un calvaire
monumental, taudis que sa voisine, au nord, forme un pla-
teau occupé tout entier par la résidence centrale du vaste
établissement de Maggona, avec la nouvelle chapelle et
6 grandes constructions disposées symétriquement, et qui
fournissent un ample local aux Pères et Frères Oblats, au
noviciat des Frères indigènes, aux salles de classes et aux
ateliers de l'école industrielle.
A peu de distance de ce plateau central, et formant le
triangle, s'élèvent les maisons de l'Orphelinat de Saint-
— 350 —
Vincent, de l'Ecole normale et du Réformatoire qui, à lui
seul, couvre un grand espace.
Tous ces établissements et la vaste propriété qui les
entoure, forment un ensemble ravissant auquel il ne man-
quait plus qu'une grotte de Lourdes. Le R. P. Croctaine,
Supérieur de l'Œuvre, y a magnifiquement pourvu, en éle-
vant sur un site charmant , à proximité de toutes les
parties de l'établissement , la grotte tant désirée, où une
très belle statue de l'Immaculée a été installée en grande
pompe.
Gomme cette petite colonie compte un personnel de près
de 400 personnes, dont 350 enfants ou jeunes gens, il ne se
passe pas d'heure du jour où l'Immaculée ne voie à ses
pieds quelques-uns de ses enfants désireux de l'honorer,
de l'invoquer et de lui témoigner une confiance toute
filiale.
La grotte de Notre-Dame de Lourdes à Saint- Vincent de
Maggona est l'épanouissement et le fruit d'une dévotion
sans cesse croissante envers l'Immaculée Mère de Dieu,
dévotion qui a toujours été cultivée avec soin par les Pères
et les Frères Oblats qui ont eu à se dévouer et ne cessent
de travailler au développement des œuvres multiples et si
importantes concentrées dans ce bel établissement.
Si nous quittons le sud, pour nous transporter, en sui-
vant toujours le littoral, vers le nord de Colombo, nous
traversons le populeux district de Négombo. Nous trouvons
dans ce district, non plus 14.000 catholiques, comme dans
celui de Kalutara, mais bien 54.000. Parmi eux aussi la
dévotion à l'Immaculée est en honneur et sur les 58 églises
ou chapelles que compte le district, nous n'en trouvons
pas moins de 18 érigées et sous son vocable, et rappelant
sans cesse et d'une manière plus directe aux 24.000 catholi-
ques qui les fréquentent, son Immaculée Conception, sa
— 351 —
divine maternité, ses autres glorieux privilèges et son
amour.
Depuis un certain temps, les catholiques du district de
Négombo portaient envie à ceux du district de Kalutara
dotés, comme on l'a vu, de 2 grottes de Lourdes. Cette
sainte envie promettait des fruits : le premier vraiment
beau et grandiose a été l'érection d'une grotte admirable-
ment située au pied de la colline où est construite l'église
de Kimbiilapitiya, dédiée elle-même à Notre-Dame de
Lourdes. Ce village est situé à 4 milles sud-est de Négombo.
La soirée du samedi 4 mai, ce ^•illage présentait un spec-
tacle sans exemple dans les annales de son histoire et de
son église. Une foule de plusieurs milliers de catholiques
était pieusement en attente devant la grotte nouvellement
érigée et attirant les regards par le site pittoresque et char-
mant qu'elle occupe : c'est presque le vrai Lourdes pyré-
néen en petit. Sur tous les visages il était facile de lire la
joyeuse avidité avec laquelle était attendue la statue de
l'Immaculée. Elle devait occuper la niche qui lui avait été
préparée dans la grotte et de là comme, d'un trône vraiment
beau de simplicité, devait devenir le doux aimant destiné à
attirer les regards et les cœurs de milliers de pèlerins.
Cette statue, qui mesure tout près de 2 mètres, est un
chef-d'œuvre d'exécution et d'art français. Elle est en fonte
colorée avec un goût exquis. Conformément au programme
de la fête, elle avait été d'abord transportée dans la vaste
et belle église de la Purification à Bolawalane, résidence
du Supérieur du district, et centre d'une mission importante
dans le voisinage de Négombo, à 3 milles et demi de Kim-
bulapitiya.
Le samedi soir, à 4 heures les cloches annonçaient, par
de joyeuses volées, l'arrivée de Mgr l'Archevêque à Bola-
walane. La vaste église non seulement était comble, mais
encore la place qui s'étend devant la façade et les avenues
étaient occupées par une foule compacte. Sur un brancard
monumental et richement décoré apparaissait la magnifique
— 352 —
statue de Notre-Dame de Lourdes. 10.000 fidèles l'entou-
raient, prêts à s'ébranler au premier signal pour lui faire
un cortège d'honneur jusqu'à son trône au milieu des ro-
chers. Mgr l'Archevêque, revêtu des ornements pontificaux
et entouré d'une nombreuse couronne de Missionnaires, fit
la bénédiction de la Statue et inaugura la cérémonie. Le
son des cloches, les bruyantes détonations semblables à un
feu nourri d'artillerie, faisaient résonner les échos d'alen-
tour; plusieurs fanfares jouaient, tandis que les douces-
voix de milliers d'enfants, se mêlant harmonieusement aux
voix plus graves des hommes, faisaient monter vers la
Reine des Anges l'expression de leur joie et de leurs
louanges en chantant : « Ave! Ave! Ave Maria! v
La procession qui venait de se mettre en marche couvrait
un espace de plus de 2 kilomètres de long. Elle était formée
d'une foule compacte d'hommes, de femmes et d'enfants
marchant en bon ordre sur plusieurs rangs. Elle s'avançait
majestueusement sur une route bordée des deux côtés de
fougère et de verdure interceptée, de distance en distance,
par des arcs de triomphe élevés, avec un goût artistique et
en styles variés, à de grandes hauteurs.
Les belles et précieuses bannières des confréries des dif-
férentes missions du district se balançaient gracieusement
au souffle de la brise du soir, et des milliers d'oriflammes
s'agitaient doucement dans les mains des petits enfants,
tandis que la Vierge Immaculée, portée sur son trône mou-
vant, abaissait ses regards pleins d'amour sur tout ce peuple
dont elle allait bientôt mettre à l'épreuve la foi et la
loyauté.
En effet, la procession ne s'était pas encore avancée bien
loin, qu'un vent violent s'étant levé, amoncela les nuages
dispersés qui bientôt se réduisirent en copieux torrents de
pluie. Tous furent mouillés jusqu'aux os, et aucun de ceux
qui composaient cette grande multitude ne laissa échapper
de ses lèvres une seule parole de regret ou de murmure.
Sans se débander, ils continuèrent leur marche, en chan-
— 353 —
tant des hymnes et en récitant des prières et des litanies,
suivant en cela l'exemple de leurs vaillants missionnaires
qui, eux-mêmes, trempés de part en part, accompagnaient
à pied les fidèles de leurs missions respectives.
Citons les Pères qui conduisirent si bravement cette mé-
morable procession : c'étaient les RR. PP. Goumoul, supé-
rieur du district, Milliner, Breton, Gomès, CoUorec, Julien,
Lefebvre, Sichet, Tabart, Bougarel et Guesnon, C'était un
spectacle émotionnant et une vraie leçon de choses, où
s'affirmèrent admirablement l'amour et la loyauté de ce
peuple envers l'auguste Reine du ciel.
Nul doute que les hymnes et les prières n'aient été pour
ses oreilles une harmonie d'une douceur exceptionnelle,
durant cette mémorable soirée. Il est vrai que la pluie
torrentielle nuisit à la beauté et à l'entrain de la céré-
monie extérieure ; mais, il n'en est pas moins vrai que
le courage montré ce soir-là par ces fidèles enfants de
Marie fortifie bien des cœurs chancelants et arrache à
des lèvres non catholiques des paroles d'admiration et de
surprise.
Vers 7 heures la procession arrive au pied de la grotte.
Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque, avec le clergé qui
l'entourait, s'avança à sa rencontre et procéda ensuite à la
bénédiction solennelle de la grotte. La statue fut alors
placée dans sa niche, au milieu des chants joyeux et des
acclamations de tout un peuple. Sa Grandeur ne voulut
point se séparer de cette multitude de fidèles, sans exprimer
par des paroles touchantes les sentiments de bonheur et de
joie que lui avait causés la démonstration publique d'amour
et de fidélité de ses enfants envers la Reine du ciel. De son
trône sublime, elle abaissait des regards pleins de tendresse
sur eux tous qui étaient rassemblés autour de son trône de
la terre. Son cœur maternel ne pourrait oublier leur amour
■et leur fidélité que même le plus fâcheux contre-temps
n'avait pu ralentir, et ne manquerait pas de les en récom-
penser, en faisant de cette grotte la source et le centre d'où
— 354 —
les hénédictions spirituelles et temporelles ne cesseraient
de se répandre sur eux avec abondance.
Après avoir reçu la bénédiction du Pontife, la foule pieuse
se dispersa, sans toutefois s'éloigner car, jusqu'aux pre-
mières heures du matin, nombreux furent ceux qui visi-
tèrent la grotte, en récitant des prières et en chantant de
pieux cantiques.
Le dimanche matin, le ciel était beau et sans nuages.
A toutes les messes dites à l'église et dans la grotte, l'as-
sistance fut nombreuse. Mgr l'Archevêque célébra ensuile
solennellement à la grotte, devant laquelle s'était massée
une multitude aussi nombreuse que la veille. Après l'Evan-
gile, le R. P. Agaccio, dans un éloquent sermon sur les
gloires de la Vierge Immaculée de Lourdes, montra la
réalisation de ces paroles : Vous êtes toute belle, ô Marie,
et la tache originelle n'est point en vous, t Tola jiulchra
es Maria, et macula originalis non est in te. » Le nombre
de ceux qui s'approchèrent de la sainte Table fut considé-
rable et, bien que Monseigneur ait dfi se faire aider par un
des prêtres présents, la distribution du pain des forts dura
longtemps. Après la sainte messe, le Saint Sacrement était
exposé à la grotte, et un acte de consécration à l'Immaculée,
spécialement composé pour la circonstance, fut lu par un
membre du clergé. L'invocation : « O Marie conçue sans
péché! priez pour nous qui avons recours à vous », fut
chantée par toute la foule et la bénédiction du Très Saint
Sacrement vint clore heureusement une cérémonie dont le
pieux souvenir demeurera gravé d'une manière ineffaçable
dans le cœur des heureux fidèles qui ont eu la joie d'y
prendre part.
Les catholiques du district de Négombo sont grandement
redevables à Sa Grandeur Monseigneur l'Archevêque de
Colombo pour le don magnifique de la belle statue de la
Vierge Immaculée de Lourdes. Ceux de Kimbulapitiya, en
particulier, ne cesseront d'en témoigner à Sa Grandeur' la
plus vive reconnaissance.
— 355 —
Le succès de celte fête inoubliable est dû, pour la plus
grande partie, aux efforts combinés et persévérants des
Pères missionnaires du district. Ils n'ont rien épargné pour
organiser et mener à bonne fin l'imposante manifestation
de foi et de piété qu'ils ont rehaussée par leur présence, ne
cessant de marcher, comme des chefs vaillants et intrépides,
à la tête des nombreuses phalanges formées par leurs
chrétiens. Notre-Dame de Lourdes se sera plu à reconnaître
en eux de dignes Oblats de Marie Immaculée.
L. J.-C. et M. I.
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ECHOS DE LA FAMILLE
Fête de saint Augustin.
C'est une vieille habitude pour nos Missions de se faire
l'interprète des vœux et des souhaits de leurs lecteurs auprès
du Révérendissime Père Supérieur Général, à l'occasion de
sa fête.
Qu'elles expriment ces vœux plus ou moins longuement,
avec plus ou moins d'art, une chose, du moins, ne varie
guère : l'assurance des bonnes et saintes prières par les-
quelles se traduisent les sentiments de tous les enfants à
l'égard de leur Père.
Les Missions ne voudraient point manquer à cette tradi-
tion, qui, pour elles, est plus qu'un devoir ; c'est pourquoi
elles demandent à leurs lecteurs d'unir en une ardente
supplication vers le ciel leurs meilleures prières, leurs
vœux les plus sincères comme ils unissent et confondent
leurs cœurs dans le respect, la piété filiale qu'ils portent
au chef vénéré, au père aimé de la famille.
— 356 —
Ces prières sont toujours nécessaires : dans toutes les
conjonctures, le secours de Dieu est indispensable à celui
qui a la responsabilité de conduire des hommes; mais
dans les circonstances actuelles, elles sont plus nécessaires
que jamais.
Monseigneur le Supérieur Général est, en effet, à la veille
de partir pour un voyage qui, quoique réduit le plus pos-
sible, sera encore bien long, bien fatigant et pendant
lequel périls et dangers de plus d'une sorte seraient à
redouter si la protection tutélaire de « l'Etoile de la mer »
et de la « Bonne Mère du missionnaire » n'était assurée,
d'une manière toute spéciale, à l'illustre visiteur.
C'est par de nombreuses et ferventes prières que nous
obtiendrons de Dieu, par l'intercession de la Très Sainte
Vierge, l'heureuse issue de ce voyage, tant au point de vue
de la santé de notre Père bien-aimé qu'au point de vue de
la visite des oeuvres si importantes de Geylan.
Le 20 octobre 1912, Mgr A. Dontenwill, Supérieur Géné-
ral, s'embarquera à Marseille pour la visite canonique des
missions de Geylan.
Notre Révérendissime Père sera accompagné pendant le
voyage par le R. P. Gonrard, Econome Vicarial de Geylan,
et par 4 des nouveaux missionnaires à destination de cette
mission. Les 2 autres Pères qui ont eu cette année leur
obédience pour Geylan partiront d'Angleterre au commen-
cement du mois d'octobre.
Avec le numéro de décembre prochain (le 200^ numéro
trimestriel), les Missions accompliront la 50* année de leur
existence.
Fondées en mars 1862, elles subirent une interruption
d'un an en 1871 : 50 ans se seront donc écoulés depuis leur
fondation.
— 357 —
Sans entrer, aujourd'hui, dans aucun détail, nous pou-
vons cependant faire connaître à nos lecteurs que, sans
changer en rien leur caractère, les Missions, dès l'ouver-
ture de leur deuxième cinquantenaire, réserveront une
partie de leurs pages à nos chers défunts.
Ce ne sera plus la longue notice biographique d'autrefois
qui équivalait à une brochure, mais plutôt un résumé
succinct de la vie de nos chers missionnaires, tel qu'il est
publié dans la plupart des Semaines religieuses, à la mort
des prêtres séculiers.
L'Osservatore Romano du 31 juillet 1912 publiait l'infor-
mation suivante : Le Saint-Père a daigné nommer à l'ar-
chevêché de Vancouver (Col. brit.) Mgr Timothée Casey,
évêque de Saint-Jean, Nouveau Brunswick (Canada).
On sait que le siège de Vancouver était vacant par suite
du transfert de Mç^r Me Neil à l'archevêché de Toronto.
Par les soins du R. P. Guinet, Supérieur du juniorat de
Waereghem (Belgique), une nouvelle notice sur la congré-
gation a été publiée. De l'avis de tous, elle ne laisse rien à
désirer. Texte, ilhistration et disposition, tout est réussi.
Les 13 et 14 juin dernier, le scolasticat d'Ottawa a célé-
bré solennellement la fête du Sacré-Cœur, La statue a été
portée en procession par les Frères scolastiques depuis la
maison Saint-Joseph jusqu'à l'église de la Sainte-Famille.
Nombreuses communions, et toute la journée exposition du
Saint Sacrement.
23
358
Le bulletin officiel du Saint-Siège {Acta Apostolicœ
Sedis), en son numéro 10 du 31 mai 1912, porte : que Notre
Saint-Père le Pape, Pie X, en une audience du 2 mai 1912,
a daigné accepter la démission de Mgr Miller, évêque titu-
laire de Tumène, de sa charge de Vicaire apostolique du
Transvaal.
*%
Le R. P. Martin, dont les études à Cambridge sont ter-
minées avec succès, a voulu, avant de s'embarquer pour la
mission de Geylan-Colombo, prêcher une retraite pascale
pendant la semaine sainte dans le pays de Galles.
Une lettre venue de là-bas nous apprend qu'à Llanrwst,
il y a eu cette année plus de 50 communions pascales
contre 6, il y a quelque dix ans.
Ces progrès sont d'autant plus consolants qu'ils ont été
plus longtemps attendus et chèrement payés. Présagent-ils
un retour du pays à la foi catholique? Espérons-le de la
toute-puissance de Dieu et de la miséricordieuse bonté de
Marie. En tout cas, à l'hostilité farouche que la population
protestante montrait au prêtre catholique lors de l'arrivée
du P. Trébaol, a succédé un courant de sympathie que l'on
ne cherche plus à cacher. Le « Messenger » que le Père
rédige avec tant de soin, en anglais et en gallois, est lu
avec beaucoup d'intérêt, non seulement par les catho-
liques, mais encore par les protestants qui le trouvent
i plein de choses donnant à réfléchir ».
Les RR. PP. Clarke et Matthews ont terminé une mis-
Bion de quinze jours, le 19 mai, à Haggardstown (diocèse
d'Armagh).
Le 2G mai, ils commençaient une mission à Beragh
— 359 —
(Comté de Tyrone), dans le même diocèse ; et ils ont ter-
miné le 16 juin un travail de huit jours à Moy (diocèse
d'Armagh).
***
Cette même semaine, le R. P. Moran prêchait une
retraite aux enfants de l'Ecole industrielle, Convent of
Mercy, Inchicore. Il a clôturé, le dimanche de la Pentecôte,
une retraite de huit jours prêchée dans l'église des Francis-
cains, Merchants'Quay, Dublin, à la « Brigade catholique » .
Il prêchera également la retraite annuelle des élèves du
collège de Sainte-Marie, dirigé par les Sœurs de l'Immacu-
lée-Gonception, à Leeds.
On lit dans les t Cloches » de Saint-Boniface : « Le P. G.
Simard, du juniorat d'Ottawa, est allé dans l'Ouest recueil-
lir les souvenirs des vieux Oblats, particulièrement du
R. P. Dandurand, en vue de l'histoire des débuts de la
Congrégation au Canada.
Quand paraîtront ces lignes, on aura terminé l'expédi-
tion des livres reliés contenant la traduction française de
nos saintes Règles. L'édition anglaise est également ter-
minée.
***
En route pour la mission des Esquimaux. Le 12 juillet,
le départ est proche, écrit le P. Le Blanc. On a commencé
aujourd'hui à charger nos bagages qui pèseront bien
40 tonnes (il est vrai de dire qu'il y aura 20 tonnes de
charbon, et 10 tonnes de planches).
Il y a eu fort à faire pour les derniers préparatifs. La
mission a suscité de nombreuses sympathies à Montréal et
dans les environs, sympathies qui ont valu aux mission-
naires des caisses de provisions pour l'hiver prochain.
— 360
La prochaine édition de notre « Manuel de prières et
Cérémonial » devra subir quelques changements par suite
de l'insertion des privilèges personnels, pouvoirs, etc., dont
nos missionnaires ont l'occasion de se servir dans l'exercice
du saint ministère. Les derniers exemplaires étant épuisés,
les Pères et Frères qui en désirent de nouveaux sont priés
de patienter un peu.
***
Le 28 avril, fête du patronage de Saint-Joseph, Mgr Cou-
dert, archevêque de Colombo, a solennellement béni une
statue de saint Joseph destinée à être placée à l'entrée
principale du Collège qui, depuis son origine, porte le nom
du glorieux patriarche et a reçu de lui tant de gages de sa
puissante protection.
Ce même jour, l'église de Wennappuwa dédiée à saint
Joseph a célébré avec un éclat inaccoutumé la fête du
patronage de son saint Protecteur. La cérémonie fut
rehaussée par l'érection d'un chemin de croix monumental,
offert par des bienfaiteurs de la paroisse. Nombreux sont
les fidèles qui ont assisté à la cérémonie de la bénédiction
et qui ont pris part à l'exercice du chemin de la croix.
Unicuique suum. Le c Catholic Times » décernait à tort
l'honneur d'être le plus ancien missionnaire d'Asie à un
prêtre de l'Inde, né en 1826 et envoyé en mission en 1855.
Cet honneur revient incontestablement à notre vénéi'é
P. Chounavel, dont le jubilé de diamant était relaté dans
les Missions, numéro de juin. Il est né en 1825, il a été
envoyé à Ceylan en 1852 où il arriva après plusieurs mois
d'un voyage qui s'effectua en doublant le Cap de Bonne
Espérance.
— 361 —
L'orphelinat Sainb-Joseph de Golombogam, au diocèse
de Jaffna, célébrait, le 28 avril dernier, le 50e anniversaire
de sa fondation ; Mgr Bonjean en ayant été le fondateur en
1862 et le premier directeur.
Depuis cette époque, l'établissement dont fait partie une
école industrielle florissante a toujours été dirigé par nos
Pères. C'est actuellement le R. P. Grautier qui, depuis plu-
sieurs années déjà, se consacre avec un inaltérable dévoue-
ment à la direction et aux progrés de cette œuvre. Il est
bien secondé, dans son travail, par 30 Frères de la Con-
grégation indigène de Saint-Joseph.
La fête du cinquantenaire, rehaussée de la présence de
Mgr l'Evêque de Jaffna, laissera un profond souvenir dans
l'âme de tous les assistants.
C'est avec une grande joie que nous faisons connaître à
nos lecteurs la création de trois nouvelles missions dans
les districts de Chilaw et de Kurunegala, diocèse de
Colombo.
La fondation de ces missions constitue un nouveau
progrès consolant accompli en vue de l'évangélisation des
bouddhistes. Dans ces contrées de l'intérieur, où la popu-
lation indigène est moins nombreuse que dans le voisinage
de la côte, nos zélés missionnaires pourront travailler plus
directement et d'une manière plus suivie à la conversion
des infidèles.
7000 confirmations ont été administrées par Monseigneur
l'Archevêque de Colombo dans la visite pastorale qu'il
vient de faire de 10 missions de son diocèse, qui en
compte 50.
***
Dans ce chiffre, ne sont pas comprises les confirmations
données dans les chapelles particulières. Nous n'en parle-
— 36-2 —
rions pas, si l'une de ces cérémonies n'avait été particuliè-
ment touchante, la Confirmation donnée dans la chapelle
des lépreux à Hendele.
La présence du premier Pasteur du diocèse, au milieu
de ces pauvres infortunés, les a remplis de consolations.
Avec quel soin ils avaient décoré de verdure leur jolie
chapelle, ses alentours et le chemin qui y conduit I L'un
d'eux a exprimé dans une adresse leurs sentiments de joie
et de reconnaissance. Mgr Coudert, après avoir confirmé
douze d'entre eux, leur a adressé des paroles pleines de bien-
veillance et d'encouragement. Ce fut une journée de bonheur
pour les pauvres lépreux.
A signaler, dans la visite de son diocèse par Mgr Joulain,
la réception particulièrement brillante et enthousiaste que
lui fit la mission de MuUaitivu, le 18 mai. Après la visite
des deux églises de Sainte-Marie et de Saint-Pierre où eurent
lieu les cérémonies de la Confirmation, Monseigneur de
Jaffna eut la consolation d'offrir le premier le saint Sacrifice
dans l'église nouvellement restaui'ée de Sainte-Anne à
SuUavatai.
^%
Brillants résultats aux examens de Cambridge pour nos
deux collèges de Ceylan. Saint-Joseph occupe, cette année,
le premier rang parmi tous les collèges des colonies an-
glaises, avec 68 admissions contre 49 l'an dernier. Le
collège Saint-Patrice de Jaffna a 27 admissions, contre 17
l'an dernier.
**^
Le Scolasticat de Rome a compté aux examens de fin
d'année : en théologie, 4 docteurs, 2 licenciés, 7 bacheliers ;
en philosophie, 4 docteurs, 2 licenciés, 1 bachelier ;
en droit canon, 2 bacheliers,
soit en tout 22 grades ; chiffre considérable, eu égard au
petit nombre de nos scolastiques de Rome.
— 363 —
DÉCRETS DES S. CONGRÉGATIONS ROMAINES
S. Congregatio Consistorialis.
DECRETUM
Gum semper et ubique cavendum sit ne quis Scripturas
Sanctas contra eum sensum interpretetur, quem tenuit ac
tenet sancta Mater Ecclesia (S. Trid. Syn., Sessio IVa); id
maxime necessarium est in Seminariis inter alumnos qui in
spem Ecclesiœ adolescunt. Hos enim prse ceteris oportet
sanis doctrinis imbui, quae venerandae Patrum traditioni
sint conformes et a légitima Ecclesise auctoritate probatae ;
arceri autem a novitatibus, quas in dies audax quisque
molitur, quaeque qusestiones prasstant magis quam ediii-
cationem Dei, quae est in fide (I* ad Tim., cap. iv°) ; si vero
insolitse legitimeque damnatœ, in destructionem sunt et non
in edificationem.
Jamvero evulgatumnuper est Paderbornse opusquodins-
cribitur « Kurzgefasstes Lehrbuch der speziellen Einlei-
tung in das Alte Testament » auctore D. Caroîo doct.
Holzhey, in quo juxta neotericas rationaiismi et hypercri-
ticae theorias de libris Veteris Testamenti fere omnibus, ac
potissimum de Pentateucho, de libris Paralipomenon,
Tobise, Judith, Esther, Jonse, Isaise et Danielis, sententise
audacissimse propugnantur, quse antiquissimam Ecclesiae
tradilionem, venerabili SS. Patrum dcctrinse et recentibus
Pontificœ Commissionis Biblicse responsis adversantur et
authentiam atque historicum valorem sacrorum librorum
nedum in dubium revocant, sed pêne subvertunt.
Hune itaque librum S. haec G. de mandato SSmi D. N,
Papae prohibet omnino, quominus in Seminaria introduca-
tur, ne ad consultationem quidem.
Gum vero alla habeantur similis spiritus commentaria in
Scripturas Sanctas tum Veteris tum Novi Testamenti, ceu
scripta plura P. Lagrange et recentissimum opus, cui titu-
lus : Die Heilige Schrift des Neuen Testaments, editum
Berolini an. 1912, auctore Br. Fritz Tillman?i, bœc quoque
expungenda omnino esse ab institutione clericorum SSmus.
D. mandat et prsescribit, salvo ampliore de ils judicio ab
illa auctoritate ferendo ad quam de jure peitinet.
— 364 —
Datum Romae, ex aedibus Sacrée Congregationis Consis-
torialis, die 29 junii, 1912.
G. Gard. De Lai, Episcopus Sabinen., Secretarius.
(Communiqué à fin d'insertion.)
VARIETES
Carnet d'un jeune Missionnaire de l'Athabasi^a.
(Voir Missions, juin et décembre 1911 et juin 1912, p. 248.)
La nourriture du missionnaire à Athabaska.
La question du c liquide » n'est pas difficile à résoudre :
nos gobelets de fer-blanc galvanisé (galvanisé n'est pas le
mot exact; je ne l'emploie que faute de savoir ce qu'est
l'espèce de vernis dont ce fer-blanc est recouvert) ne con-
naissent que l'eau du lac, ou le thé.
L'eau du lac est facile à trouver... Le thé peut durer long-
temps, si on sait s'y prendre. Les dimanches et jours de
fête, depuis quelque temps, notre thé est légèrement sucré.
Le café ne paraît sur notre table qu'aux grandissimes
solennités.
Le vin, la bière, le cidre ne nous réjouissent que dans
nos souvenirs ; le Champagne ne mousse ni ne pétille que
dans notre mémoire. Jamais ils n'ont consenti à venir jus-
qu'à nous.
***
Le tsolide», au contraire, exigerait de longues explications.
Vous savez peut-être ce que c'est que le « pémikan », la
viande sèche, la viande pilée, le poisson sec, etc.. Vous
avez entendu Mgr. Grandin ou Mgr. Grouard ou d'autres
missionnaires de par ici vous en exposer et la préparation
et l'usage... Vous en avez vu peut-être ? Qui sait ? peut-être
même avez-vous eu le courage (ou la curiosité) d'en casser
un morceau avec votre hache ou votre marteau... et, ce
— 365 —
morceau, vous l'avez rejeté, après avoir essayé en vain de
le mâcher.
Le goût, d'ailleurs, n'étant pas des plus fins, je ne m'étonne
pas que vous ayez dédaigné notre manger sauvage. Vous
pouviez avoir mieux, vous...
Les missionnaires, eux, durent longtemps s'y résigner,
et (vous en serez surpris) ils ne sont pas rares, les c vieux »
qui regrettent l'âge de la viande sèche : « Les dents se fai-
« saient à celte nourriture, assurent-ils, et, comme elle
« était très fortifiante, on finissait par l'aimer... Oui, c'est
dommage qu'elle disparaisse. »
Le fait est que, depuis cinq ou dix ans (1), nos t cor-
dons-bleus » nous en offrent assez rarement. Nous deve-
nons friands et difficiles. Il nous faut des pommes de terre,
quelquefois du riz et de la viande fraîche... et même du
pain à chaque repas.
Oui, le pain, le vrai pain, fait avec de la vraie farine (et
non plus, comme il y a quelques années encore, avec des
œufs de poissons pétris avec des patates et toutes sortes
d'autres choses), le vrai pain a fini par apparaître sur notre
table, et on lui a fait si bon accueil qu'il s'est cru obligé
d'y rester en permanence.
D'abord, on n'en voyait qu'aux jours de fête, puis les
rations (car chacun avait son morceau, coupé et mesuré
d'avance) se firent plus fréquentes ; puis elles devinrent
quotidiennes, et, enfin, tout d'un coup, il fut décrété qu'à
l'avenir, s'il plaisait à Dieu, chacun pourrait manger du
pain à la mesure de son appétit.
Dans l'histoire de nos missions d'Athabaska, je ne con-
nais pas de tournant plus décisif : ce fut une vraie révolution .
La cause? Il faudrait plusieurs pages pour l'exposer
complètement.
(1) Il faut remarquer ici que le narrateur parle d'une grande
mission centrale, o'S il y a école et couvent de sœurs, ce qui a fini
par améliorer le régime de tous. Mais la plupart des missions du
Nord-OueBt sont encore loin d'en être là. (Note de la Rédaction.)
— 366 —
Jusqu'en 1893, bon gré mal gré, le transport de nos mar-
chandises devait être confié à la Compagnie de la Baie
d'Hudson. Celle-ci, tout en déclarant qu'elle n'assumait
aucune responsabilité et qu'elle se soustrayait d'avance à
tout recours aux tribunaux pour le cas où les articles
qu'elle acceptait seraient perdus ou endommagés, fût-ce
même du fait de l'insouciance ou de la malhonnêteté de ses
employés, en était arrivée à faire à notre Vicariat des con-
ditions absolument intolérables.
« C'était, écrit Mgr Grouard, un monopole, avec les
« inconvénients ordinaires, c'est-à-dire un tarif exorbitant
t qui absorbait toutes nos ressources et nous réduisait à
« l'impuissance. Or, il n'y avait qu'un moyen de sortir de
€ ce triste état, c'était d'entreprendre nous-mêmes de
« transporter nos approvisionnements annuels. De là le
t projet de nous procurer deux petits bateaux à vapeur. Il
t y avait bien quelque témérité dans de semblables projets :
€ je crus néanmoins de mon devoir d'essayer de les réaliser,
€ mais sans grever le budget de nos missions, car, en cas
« d'insuccès, c'eût été courir à la ruine... Je profitai d'un
c voyage en Europe pour intéresser à nos oeuvres la charité
t des fidèles, et les aumônes que je pus recueillir furent
« consacrées à l'achat des machines et autres matériaux.
« Les débuts ne répondirent pas à nos espérances. Il nous
« fallut subir l'humiliation de voir nos ennemis et nos
t envieux triompher de notre insuccès. Cependant le bon
€ Dieu ne nous abandonna pas : il soutint notre courage
ï et nous suscita de généreuses sympathies. Nos efforts
« furent enfin couronnés d'une réussite complète...
t Depuis lors, ces petits steamboats ont continué leurs
€ courses chaque été, et le résultat pratique a été une éco-
« nomie qui m'a permis d'abord de fonder et de maintenir
« des oeuvres de la plus haute importance (nouvelles mis-
€ sions et couvents-écoles, notre grande arme de défense
« contre le protestantisme qui voudrait nous envahir) et
« ensuite d'améliorer le régime si peu substantiel de nos
— 367 —
« missionnaires du Nord, en les tirant de l'état de gêne
« dans lequel ils vivaient depuis trop longtemps déjà... »
Et voilà comme quoi, à la Mission de la Nativité, les
Oblats de Marie Immaculée mangent du pain, tout comme
vous... depuis plusieurs années déjà.
Et « entre votre pain et votre pouce » ? comme disent nos
bons paysans. Eh bien, voyez-vous, cela dépend de toutes
sortes de choses, surtout de la saison, et du pays...
Ainsi, au fond du Lac, où il y a des orignaux en masse,
nous avons de la viande pendant la moitié de l'année, et,
en nous contentant d'une pomme de terre à chaque repas,
nous pouvons finir les « vieilles » quand les t nouvelles »
arrivent : le calcul a été fait.
A la Nativité, où il n'y a d'orignaux que ceux que
nos Frères vont chercher au Fond du Lac, le plat de résis-
tance ordinaire, pendant toute l'année, c'est le poisson : ce
n'est pas aussi agréable, mais enfin on ne meurt pas de
faim avec...
Les traînes à chiens.
A la fin de novembre, excepté au large des Grands Lacs,
tout le Nord-Ouest n'est plus qu'un énorme bloc, alterna-
tivement de terre et de glace. Le froid a lancé ses ponts sur
nos rivières et nos marais (mashegs). Nous n'avons donc
qu'à remiser, jusqu'à la débâcle, nos esquifs, steamboats,
canots et embarcations de toute sorte. Désormais les traînes
et traîneaux seront nos véhicules, et nos chiens remplace-
ront rames et avirons : c'est le moment de nous entretenir
quelque peu de ce moyen de locomotion, dont nous avons
le monopole.
Voici comment le F. Leroux a fabriqué la traîne dont il
se sert.
Sous prétexte que les planches de bouleau, dont long-
temps on s'est servi dans le pays, ne sont pas assez solides
et ne glissent pas aussi bien, les planches de chêne commen-
cent à être employées de plus en plus, malgré leur prix élevé.
Le Frère en demanda une paire au R, P. Le Doussal :
— 368 —
elles pouvaient mesurer un peu plus de 3 mètres de long
sur 18 à 20 centimètres de large. En prenant bien garde au
« sens » du bois, l'artiste, à coups de bâche et de rabot,
réduisit ces deux planches, à l'une des extrémités, à 10 cent,
de largeur.
Cette opération préliminaire achevée, il fit passer ses
deux planches dans la vapeur d'eau, jusqu'à ce qu'elles
eussent acquis assez de malléabilité pour accepter la forme
ordinaire ; à l'extrémité diminuée, il releva en volute la
tète des planches, en les tenant étroitement serrées l'une
contre l'autre. Enfin pour que ce * chaperon » restât indé-
finiment tel quel, il le réunit au « plat » de la traîne au
moyen de deux solides cordes.
Il laissa passer ensuite plusieurs semaines sans s'en
occuper; puis un beau jour, constatant que toute la vapeur
d'eau qui s'était logée dans le bois avait disparu, il fit
courir tout le long de la traîne, en la fixant aux traverses
qui retenaient les deux planches réunies, une lanière de
peau de bœuf. Enfin, de deux planchettes taillées en biseau
(50 cent, de haut, il constitua un dossier, qui fut rattaché
au plat et au chaperon au moyen de cordes.
Restait l'enveloppe : un sac de 3 mètres de long sur un
et demi de tour, ouvert dans le sens de la longueur... C'est
là-dedans que vous mettrez vos poissons, votre train de
bagages, vos couvertures et... votre personne. Nos métis
l'appellent carriole.
A l'endroit où la volute commence, au bas, se trouve un
anneau formé par la lanière de bœuf et auquel on attache
les traits des chiens.
Voilà une traîne...
*%
Il y a longtemps que les Oblats du Nord-Ouest ont
corrigé le naturaliste Buffon : « La plus noble conquête que
l'homme ait jamais faite... », etc., etc.. C'est, pour eux,
celle de l'animal dont la queue a eu l'honneur d'une men-
tion dans nos saints Livres.
— 369 —
A remarquer d'ailleurs que ce sont les Montagnais qui.
les premiers, ont introduit implicitement cette modification
en donnant au cheval le nom de « gros chien »...
Autrefois il paraît que l'on ne connaissait que les harnais
de provenance sauvage et de peau d'orignal. Encore une
mode qui a fait son temps. Les attelages européens, en
cuir, sont aussi solides ; on n'a besoin que de les acheter,
c'est du t butin » des « grands pays »... voilà bien assez de
raisons pour se déterminer, n'est-ce pas ? Aussi ne trouve-
riez-vous plus que quelques sauvages qui restent fidèles au
système des aïeux...
Les harnais se composent d'un collier fermé, juste assez
grand pour que la tête de l'animal puisse s'y introduire en
forçant un peu, et de deux traits, qui sont maintenus à
bonne hauteur sur les flancs du coursier par une double
dossière et une sous-ventrière. Ces traits partent du collier
du chien no 1 pour s'accrocher au harnais du n» 2, et ainsi
pour les autres, car l'attelage ne se met pas de front, mais
de file, sur une ligne parfois assez longue, et les traits
des nos 4, 5 ou 6 (selon que vous avez de chiens), s'ac-
crochent, comme je l'ai dit plus haut, dans les * tires » de
la traîne...
Nos métis aiment beaucoup à voir sur le dos de leurs
chiens des tapis brodés, soit avec des fausses perles de
toutes les couleurs, soit avec de la fausse soie, aux nuances
les plus variées ; au sommet du collier, des aigrettes ;
sur la dossière d'avant, une douzaine de grelots; et enfin,
à l'endroit où la sous-ventrière rejoint les traits, deux ou
quatre sonnettes dorées ou argentées... C'est à qui, bien
entendu, se fera remarquer : vos châtelains ne sont pas plus
fiers de leurs pur-sang que nos métis et sauvages de leurs
c mâtins ».
Somme toute, comme vous le voyez, c'est, pour le harnais
et ses différents ornements, une reproduction en petit de ce
que vous faites pour vos chevaux. Il n'y a pas jusqu'aux
commandements qui ne soient les mômes ou à peu près.
— 370 —
i Marche », et ça part; « hue », et ça tourne à droite;
« dia », et ça tourne à gauche ; t ho », et ça stoppe.
Ici, comme partout, l'important c'est le dressage. Mais,
s'il faut en croire les gens qui s'attribuent un brevet d'expé-
rience, on se tromperait grossièrement, si l'on prétendait
arriver à dompter par la douceur une traîne à chiens.
En tout cas, je vous prie de le croire, nos chiens du Nord-
Ouest connaissent plus le fouet que les caresses, et d'or-
dinaire, le conducteur n'est pas porté à la clémence.
Gare à la pauvre bote qui excitera sa bile, soit en faisant
la paresseuse, soit en s'entêtant ! Le fouet, chargé de
grains de plomb, va tournoyer et s'abattre sur le derme du
coupable, avec un claquement que les hurlements de la
victime ne couvriront pas...
Les premières fois, je vous avoue que je trouvais le châ-
timent un tantinet sévère Pour un peu, j'aurais traité
l'homme de sans cœur, de bourreau, de barbare, de sau-
vage, de cruel, de bi-utal... etc : tous les synonymes y
eussent passé. Encore un point sur lequel j'ai modifié ma
manière de voir. Le peu d'expérience que j'ai acquise dans
le métier m'a convaincu que nos chiens, pour être extérieu-
rement pareils aux vôtres, n'en doivent pas moins dériver
d'une race différente, à moins que le traitement ne leur
soit entré dans le sang
Ce m'est un vrai plaisir de faire une exception pour les
chiens du Fr. Grenn. Sa traîne passe pour être une des
meilleures qui soient dans tout le nord, et pour la force, et
pour la rapidité ; et pourtant il est fort rare que le fouet
sorte de la carriole Les autres Frères, et surtout nos
jeunes gens, se demandent s'il n'a pas un truc... Je vous le
dis, ce petit frère-là, c'est un maître homme, sur toute la ligne I
***
Quelques chiffres, à titre de renseignement : une traîne
neuve se paie soixante francs; quatre harnais, cent; une
1
— 871 —
enveloppe, quarante ; une grelottière, vingt ; quatre son-
nettes, six; une aigrette, dix; quatre tapis, deux cents
Pour quatre chiens passables, il faut quatre cents francs;
et ce chiffre n'est qu'un minimum : je connais un chien
de devant qui a été vendu 425 francs, il n'y a pas trois
semaines; les trois autres ont été livrés pour plus de six
cents francs... Il est vrai, et vous ne l'ignorez pas, que,
dans nos contrées, l'argent a bien moins de valeur qu'en
Europe, moitié moins peut-être
La charge moyenne est de 50 kgs par chien ; mais, bien
entendu, il faut tenir compte de bien des choses. De jeunes
chiens qui seraient trop chargés le premier hiver resteraient
abîmés pour le reste de leurs jours ; avec des bêtes de deux
ou quatre ans au contraire, vous pouvez aller jusqu'à près
de 100 kgs, et, tant que votre traîne portera sur la neige
durcie d'un chemin déjà battu, vous aurez quelque peine à
suivre votre attelage, même au pas accéléré.
Le mot chemin appelle une explication. Nos immensités
{est-il besoin de le dire?) ne connaissent ni les voies natio-
nales, ni les routes même vicinales : nos fleuves et nos
lacs en tiennent lieu, tant qu'ils sont praticables en canot;
quand ils ne le sont plus, s'ouvrent les chemins d'hiver, sur
la neige ou la glace. Ceux qui relient deux points très fré-
quentés, par exemple la mission au Fort ou à la maison de
pêche, deviennent bientôt très durs, aussi durs que nos
rues macadamisées. Mais ces sentiers n'ont pas un demi-
mètre de largeur; si vous vous en écartez, soit en raison
des ténèbres, soit parce qu'ils sont recouverts de neige
nouvelle, vous vous en apercevez aussitôt, car à droite et à
gauche vous avez de quoi vous ensevelir.
S'agit-il de vous rendre dans un endroit de nos forêts où
rarement l'on passe? Alors un homme devra marcher
devant les chiens : ceux-ci, lancés de but en blanc dans la
neige molle, s'enfonceraient pour le moins jusqu'au poitrail,
et seraient à peine capables de se tirer d'affaire avec une
traîne vide. Il faut absolument qu'on leur aplanisse la diffi-
— 372 —
culte. Le coureur s'en chargera en frayant un chemin à la
raquette.
Vous savez ce que sont nos raquettes ? Des espèces de
planches ajourées, suspendues aux gros orteils par un lacet
de cuir souple qui vient ensuite nous emprisonner le talon.
L'intérieur de ces planches est fait de cordes et de lanières
solidement tressées en forme de grillage. Leurs dimensions
sont très variables : les raquettes d'enfant ont environ
65 centimètres sur 25, tandis que celles des chasseurs ont
parfois deux mètres sur un. Ces chiffres me dispensent de
vous dire qu'avec ces souliers originaux on ne risque pas
de se noyer dans la neige.
Mais il faut y être accoutumé pour pouvoir s'en ser\nr
sans trop de fatigue. Je n'ai pas encore eu bien souvent
besoin de les chausser, mais je sais déjà quand môme ce
que c'est que de rouler dans la neige, accident qui arrive
assez fréquemment aux novices, soit parce qu'ils oublient
de tenir les jambes suffisamment écartées, soit parce qu'ils
sont bientôt fatigués de se balancer pendant des heures de
droite à gauche et de gauche à droite.
Plusieurs fois, de dépit, j'ai voulu me libérer les pieds de
ces meubles embarrassants, et essayer de marcher ainsi,
dans la neige, jusqu'au genou... et plus haut encore :
c'était sauter de la poêle dans le feu, comme disent les
Anglais, et, bon gré, mal gré, il me fallait reprendre mes
souliers à neige.
Un jeune missionnaire de l'Athabasha.
Nihil Obstat.
Romse, 1= Septembris 1912.
f A. DONTENWILL, 0. M. I.,
Arch., PtoL, Sup. Ge'n.
Publié avec la permission de Vautorité ecclisiastiqHe,
Bar-le-Duc. — Impr. Saiat-Paul. — 5531,8,12.
i
MISSIONS
DE LA CONGRÉGATION
DES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE
N* 200. — Décembre 1912.
^-m^'^ —
PROVINCE DU NORD
Rapport sur la Maison de Liège.
Seconde partie.
Par le R. P. E. Neyroud, Supérieur.
(Liège, le 28 août, en la fête de Saint Augustin 1912.)
Monseigneur et Révérexdissime Père,
Il est très rare, dans nos Annales, de voir un Supérieur
commencer un rapport sur sa maison, puis ravi à son
champ d'action par les sages exigences du Droit Canon,
passer la plume à son successeur pour la partie « à
suivre ».
Cette exception paraîtra doublement regrettable à ceux
qui auront lu avec l'attention qu'elles méritent les pages
élégantes publiées dans le n<* de mars 1912, et voudront
bien parcourir les notes suivantes.
Le R. P. Thévenon n'a pu s'empêcher de le constater lui-
même : il était mieux qualifié que tout autre pour nous
4
— 374 —
donner une idée claire et complète non seulement « de
l'état actuel », mais aussi de l'histoire du Scolasticat.
Depuis 1887 jusqu'à 1911 le scolasticat n'a pas fait un pas
dans sa course errante à travers l'Irlande, la Hollande, la
Belgique, n'a pas accompli un progrès au point de vue
moral, intellectuel ou matériel, n'a pas traversé une
épreuve, n'a pas goûté une joie, sans que le R. P. Théve-
non, auteur ou témoin, puisse dire : Quorum pars magjia
fui. Sa vie s'est comme identifiée avec celle du scolasticat.
Et c'est pour cela même que cette regrettable exception
ne sera pas sans quelque avantage.
Pour habitués que nous soyons aux subtiles abstractions,
il nous arrive d'unir dans la vie réelle ce que la stricte
raison voudrait distinguer ^n'est-ce pas le propre de
l'amour de détruire ainsi les distances ?) et de traiter nos
amis comme l'humilité admet ou commande de nous
traiter personnellement.
Or c'est de tout temps que les saints, l'œil fixé sur un
idéal chaque jour plus parfait, se sont accusés durement
de rester trop loin de ce que leur amour avait rêvé. Mon-
seigneur de Mazenod, arrivé au terme d'une longue car-
rière toute consacrée à la poursuite de la perfection, n'écrit-
il pas dans son testament ; « Les innombrables infidélités
que j'ai à me reprocher et qui ont refroidi la charité dans
mon àme, malgré les grâces dont j'ai été comblé toute ma
vie, me font redouter la longueur et la sévérité de mon
purgatoire. » Est-il nécessaire d'être arrivé aux sommets de
la perfection pour sentir ce besoin de s'accuser, et tout vrai
religieux, dans la mesure même où il est fidèle à sa voca-
tion, n'éprouve-t-il pas cette désillusion en constatant la
distance entre ce qu'il a accompli et l'idéal même imparfait
et incomplet sur lequel son œil se fixe avec envie.
Mais l'historien impartial qui constate les efforts déployés,
les progrès accomplis, la distance mise entre ces héros et
les vulgaires grandeurs de ceux qui paraissent être quelque
chose selon le monde, reconstitue la véritable perspective et
— 375 —
présente, pour autant qu'ils reproduisent la sainteté de
Notre-Seigneur Jésu8-Ghrist, les saints comme modèles à
notre faiblesse.
Le R. P. Thévenon, s'indentifiant avec le scolasticat, a
fait large, plus large que la Règle ne demande à un supé-
rieur, même en cas de visite canonique, la part de la
faiblesse humaine. Il s'est accusé sans ménagement,
disons mieux, avec une sévérité qu'un œil moins habitué à
contempler les splendeurs raisonnantes de l'idéal, jugerait
volontiers exagérée.
En admirant cet acte d'humilité, je ne puis que me
réjouir du très doux devoir qui me reste, de rendre bon
témoignage au scolasticat tel que me l'a laissé, il y a un
an, le R. P. Thévenon : depuis un an, je jouis de ce que
j'oserai bien appeler « ma lune de miel », sans qu'un nuage
soit venu en voiler l'éclat. C'est avec une joie profonde que
j'ai vu le changement de Supérieur s'opérer au milieu des
plus affectueux regrets pour l'ancienne administration, de
la plus immédiate et la plus parfaite cordialité à l'égard de
la nouvelle. Quiconque est au fait de ce qu'est une commu-
nauté, de l'importance qu'j' revêtent les moindres détails,
de la force des habitudes acquises, et enfin de ce qu'il faut
de vertu vraie et surnaturelle pour passer joyeusement, du
jour au lendemain, sous la dépendance d'un nouveau
supérieur dont la mentalité sera peut-être fort différente
de celle de l'ancien, jugera aussitôt qu'un scolasticat où
ces sortes de changements ne servent qu'à réveiller l'es-
prit de foi, n'est pas indigne de continuer le scolasticat
fondé par Monseigneur de Mazenod. Concluons donc par
la formule du Pontifical : Quantum humana fragili-
tas nosse sînit, et scio et testificor ipsis dignos esse.
L'un ou l'autre témoin pourrait; sans doute donner un
assentiment prématuré ou se laisser aveugler par l'affec-
tion : c'est donc avec une reconnaissance profonde que nous
avons entendu des voix autorisées nous dire que les scolas-
tiques font une bonne impression, que l'on retrouve en eux
— 376 —
l'esprit et l'attitude d'autrefois ; et enfin un de nos véné-
rables anciens, un des derniers témoins de Montolivet, a
été charmé de retrouver dans le scolasticat de Liège, le
scolasticat de son temps. Pardonnez-moi, bien vénéré et
très cher Père Lemasson, de recueillir ici cette parole que
vous m'avez dite dans l'intimité : elle nous a trop fait
plaisir pour que nous la laissions perdre. Il y a 50 ans que,
les larmes aax yeux, nos prédécesseurs durent quitter
Marseille. Bien des petits détails ont dû varier depuis ce
jour : ce ne sont pas ces détails qui changent une institu-
tion, pas plus que les molécules se succédant dans un
corps vivant, n'en altèrent la substantielle unité : nous
avons conservé l'esprit de simplicité, la charité entre nous,
le respect et l'admiration de nos anciens, le zèle pour les
âmes ; en un mot l'amour de Dieu avec la caractéristique
de l'oblat : cinquante ans après, c'est la même vie qui
anime ce corps, c'est bien le même corps : Dieu en soit
béni !
J'ai parlé de zèle : on ne me pardonnerait pas, si je ne
disais un mot de nos missionnaires. Elle est restée
fameuse dans notre histoire cette consultation adressée
par notre vénéré Fondateur à la Congrégation tout
entière, sur l'acceptation des missions étrangères. La joie
calme et recueillie qui répond aux obédiences pour les
plus rudes missions, la sainte envie de ceux qui restent, la
« Veillée des armes » qu'on se plaît à passer avec ceux qui
parlent dans des conversations où les martyrs des Cata-
combes reconnaîtraient leurs frères, les larmes qui tombent
sur leurs pieds avec le baiser des lèvres, là dans le silence
de la nuit, en dehors de toute pompe officielle, les relations
de prières et de mérites qui continuent à unir ceux que
d'immenses distances séparent ; tout nous permet de
croire qu'ici encore le Fondateur, revenant sur terre,
reconnaîtrait ses enfants, vivant de son esprit, au scolasti-
cat de Liège.
Merci, Monseigneur, de l'espèce de privilège que vous
— 377 —
voulez bien nous accorder ; merci de jeter sur nous vos
regards paternels quand vous avez besoin, pour une mission
plus difficile, d'hommes à forte trempe religieuse : on nous
a appelés « les fournisseurs de l'Extrême Nord Améri-
cain ». Ce titre nous est précieux, non moins que les com-
pliments qui nous viennent de nos vénérés chefs de mis-
sions. Nous nous croirions injustes envers les autres sco-
lasticats si nous nous les appropriions exclusivement :
mais nous ne croirions pas répondre assez à la grâce de
Dieu si nous ne conservions précieusement cette faveur en
nos cœurs et ne travaillions à nous tenir à la hauteur où
elle nous suppose.
Tout ce qu'il me reste à dire pourra se grouper autour
d'un événement relativement considérable : le scolasticat
de Liège, placé jusqu'ici sous la dépendance immédiate du
Supérieur Général, allait être, comme toute autre maison
régulière, attribué à une province.
Je n'étonnerai personne en disant que ce transfert n'était
pas généralement désiré : comme autrefois sous la crosse
des abbés, nous trouvions qu'il faisait bon vivre sous la
main paternelle de nos supérieurs majeurs. Selon la for-
mule • quieta non movere, » nous savions ce dont nous
jouissions; en dehors de toute question de personne nous
ne connaissions pas ce qui nous attendait.
Hâtons-nous d'ajouter que cette appréhension n'était que
le produit de notre ignorance : quand nous vîmes à l'oeuvre
l'activité inépuisable de notre nouveau Provincial, nous
comprîmes vite que loin d'avoir lien à redouter, nous ne
pouvions, à ce nouveau régime, que gagner une fidélité
plus exacte aux traditions, un surcroît de vie intellec-
tuelle, un renouveau de vie religieuse.
Nos difficultés toutefois n'étaient pas purement d'ordre
sentimental. Sans doute l'idéal de la Règle est que chaque
province soit constituée avec tous ses organes, et pour un
être vivant est-il rien de plus nécessaire que les racines
— 378 —
par lesquelles il s'entretient et se perpétue ? Sans doute
encore le Chapitre de 1906, puis celui de 1908 avaient insisté
sur cette idée de décentralisation. Mais le scolasticat de
Liège ne se trouvait pas dans les conditions ordinaires.
Quatre provinces lui apportaient leur contingent d'étu-
diants, tels les quatre fleuves qui arrosaient le Paradis
terrestre. On ne pouvait songer à exiger d'elles qu'elles se
désintéressassent de la formation de leurs sujets. Gomment
dès lors régler les relations des différentes ijrovinces avec
leurs scolastiques sans nuire à l'unité nécessaire de l'éta-
blissement, sans priver personne de sa légitime part
d'action? Une autorité supérieure aux uns et aux autres
aurait toujours plus de prestige pour s'imposer, et sans
gêner l'initiative locale, donner une direction sans hésita-
tion et sans tiraillements.
De par ailleurs, s'il fallait faire un choix, à qui donner
la préférence ? Sept villes grecques se vantent d'avoir été
illustrées par la naissance d'Homère ; Gatane et Syracuse
revendiquent sainte Agathe pour compatriote ; et que de
fois dans l'antiquité chrétienne la possession des reliques
des saints a mis aux prises les villes et les peuples !
Le scolasticat de Liège est l'ancien scolasticat de Monto-
livet d'Autun, le scolasticat de la province du Midi en prin-
cipe.
En fait, le plus grand nombre de ses élèves lui venait de
la province du Nord. Et s'il fallait en appeler à la géogra-
phie, n'était-il pas enfermé dans les limites de la pi'ovince
de Belgique, jeune il est vrai, mais aspirant à ne le céder à
aucune de ses devancières ?
Pour ces raisons et pour d'autres sans doute, rencontrées
dans l'exécution pratique, on pouvait croire que l'idéal
resterait à l'état de projet dont la réalisation serait renvoyée
aux calendes grecques, quand le 31 décembre 1908, répon-
dant aux souhaits de bonne année de notre interprète ordi-
naire, le R. Père Supérieur parut avoir du nouveau à nous
manifester. Enigmatique un peu plus que d'habitude, il
— 379 —
nous donna les raisons qui le faisaient bien augurer de
l'année qui allait s'ouvrir. La dernière, longtemps tenue en
suspens, était que ce soir-là même, à minuit, le scolasticat
cessait d'être placé sous la dépendance immédiate du Très
Révérend Père Général, et était rattaché à l'administration
de la province du Nord.
Quatre jours après, le R. P. J.-B. L., Provincial du Nord,
venait faire acte officiel de supérieur et, comme il voulait
bien nous le dire aimablement, quelque temps plus tard,
entrait en jouissance du scolasticat.
Il ne sera pas indiscret, j'espère, de le révéler : la con-
naissance approfondie de la communauté qu'il acquit
aussitôt, surtout au cours d'une visite canonique, lui fut
une agréable surprise.
Quelques améliorations étaient depuis longtemps dans
les vœux de tous : énumérons rapidement celles dont le
scolasticat a bénéficié depuis.
La première question pour tout homme, et à plus forte
raison^ pour tout religieux, est celle de ses relations avec
Dieu : cela est vrai des sociétés comme des individus.
Dès l'apparition du Décret Sacra Tridentina Synodus,
la communion fréquente et quotidienne, déjà à peu près en
usage auparavant, était devenue la pratique de tous les
scolastiques, heureux d'aller puiser à la source de toutes
grâces le principe de leur sanctification et de leur dévoue-
ment. Les leçons données dans ce cœur à cœur quotidien
avec Jésus dans l'Eucharistie, les reproches adressés, les
encouragements prodigués, il n'appartient à aucun œil
humain de le sonder.
Pour augmenter la pureté du cœur et la rectitude de l'in-
tention, le R. Père Provincial voulut donner un nouvel élan
à la dévotion au Sacré-Cœur : une solennelle consécration
du scolasticat et de chacun de ses membres à ce Cœur
divin fut la prise de possession de l'administration provin-
ciale.
Il convenait d'en perpétuer le souvenir : le scolasticat de
— 380 —
Montolivet, transporté à Autun, s'était trouvé, grâce aux
Visitandines à qui nous succédions, et pour se distinguer
de la maison de Saint-Jean, désigné par l'appellation de
« Sacré-Cœur ». On résolut de revendiquer ce nom comme
un bien de famille. Le scolasticat de Liège serait donc
désormais le scolasticat du Sacré-Cœur : nomina sunt
signa conceptuum ; puisque c'était ainsi que nous le con-
cevions, c'était ainsi qu'il fallait le nommer. Espérons que
la réalité coi'respondra aussi à nos idées, vérifiant l'autre
partie de la doctrine scolastique : conceptus sunt signa
rerum.
Quand nos missionnaires ont constaté dans une paroisse
le nombre d'hommes ou de femmes qui ont répondu à
leur voix, ils ont par là-même pris le niveau religieux de
la paroisse : ils savent à quoi s'en tenir sur sa valeur. Il
ne saurait en être de même en communauté, où l'on se
trouve, par la force des choses, entraîné à faire ce que fait
tout le monde, surtout si l'impulsion supérieure est un peu
accentuée. Aussi, plus qu'à ces manifestations extérieures,
est-ce aux initiatives spontanées, parallèles à l'action offi-
cielle, qu'on peut juger du résultat. Cette initiative, favo-
risée et contrôlée, a produit des résultats que la statistique
ne saurait enregistrer, mais qui n'en restent pas moins
précieux pour la bonne marche de la communauté et la
formation des futurs missionnaires. Nous en bénissons le
Bon Dieu.
Après la formation morale et religieuse, la première
question dans une maison comme la nôtre est celle des
études. Le mouvement intellectuel ecclésiastique de ces
dernières années avait été trop bruyant pour qu'il fût pos-
sible d'en arrêter les échos à notre porte. Ne pouvait-on
craindre que les clameurs élevées si haut en faveur de ce
que saint Paul a appelé /"«^si nominis scientimn, la science
frelatée, n'eut trouvé quelque entrée au Casino ? Le Décret
Lamentàbili, suivi à brève distance par l'Encyclique Pas-
cendi, devait provoquer chez nous un de ces examens de
— 381 —
conscience toujours utiles, même quand ils se terminent par
une sentence de t non-coupable ». Grâce à Dieu, il fut aisé
au R. Père Provincial de constater qu'aucune réforme
grave ne s'imposait. Déjà avant son arrivée, quelques
livres permis autrefois à la lecture des scolastiques avaient
été retirés de la circulation. Notre Manuel d'histoire (Funk-
Hemmer), à l'esprit naturaliste, lui parut à bon droit
inquiétant. Il n'est que juste de constater que le R. Père Pro-
fesseur d'histoire en avait lui-même signalé des passages
franchement mauvais : faute de savoir où trouver le
Manuel parfait, il s'était chargé de corriger par l'enseigne-
ment oral et nous prenions patience. Enfin, au début de
cette année 1911-1912 nous avons pu mettre entre les mains
de nos élèves le Manuel Albers-Hedde, d'esprit parfait : si
certains détails de rédaction peuvent paraître défectueux
aux professionnels, c'est là un bien mince détail qu'il est
facile au professeur de modifier. Nous sommes ainsi
rentrés, même sur ce point, dans la plus pure tradition de
la Congrégation et exécutons à la lettre le texte de la Règle :
tous les livres mis entre les mains des élèves devront
respirer le plus pur dévouement, la dévotion envers la
Chaii-e de Pierre. Ce n'est pas seulement la soumission aux
Décrets officiels du Saint-Siège qu'il s'agit d'inspirer à nos
élèves : nous regardons comme notre plus sacré devoir de
les imprt'gner tellement de l'esprit de l'Eglise qu'ils puis-
sent mériter le bel élo^^e que le Bréxùaire fait de saint
Vincent de Paul : Serpentes evrores sirnul sensii et
exhorruit. Le Jansénisme du xviie siècle fut-il plus
ondoyant et divers, plus difficile à dépister que le ramassis
de toutes les erreurs dont souffre notre xx« siècle?
Aussi notre grosse préoccupation n'est pas d'entasser
dans la tête de nos élèves une quantité de notions particu-
lières, noms, dates, chiffres et formules. Les maîtres de la
science officielle en sont aujourd'hui à constater qu'ils ont
fait fausse route en procédant ainsi, même quand il s'agit
de préparer aux carrières libérales, et ils en reviennent
— 882 —
pratiquement au principe de saint Thomas : Cognitio sin-
gularium non perlinet ad perfectionem animœ intellec-
tivœ secundum cognilionem speculativam. Il ne s'agit
pas de bourrer la mémoire, mais de former l'esprit. Une
culture générale et désintéressée est regardée, par les meil-
leurs juges, comme une condition indispensable de la for-
mation d'un homme et à fortiori d'un théologien aux vues
larges et justes. L'Eglise a fortement combattu la tendance
à faire une place démesurée à l'érudition et à la critique :
nous croyons répondre à ses désirs non moins qu'à ceux
de nos supérieurs et de la Règle, en développant dans toute
la mesure possible, la philosophie rationnelle et la théologie
scolastique de saint Thomas. « Nous travaillons, s'il m'est
permis d'utiliser une phrase de l'Atni du Clergé, à mettre
nos scolastiques en garde contre ce pauvre snobisme à
l'aiïût de toutes les modes intellectuelles, prêt à faite risette
à tous les favoris du jour, à se donner pour entendu devant
les chétifs ignorants qui n'auraient pas reconnu en un
Boutroux, un Bergson ou un James, les hommes providen-
tiels suscités pour restituer le spiritualisme. »
Une condition pour se livrer à ces études arides et utiliser
ensuite, au sortir du scolasticat, les connaissances acquises
c'est une santé suffisante. Depuis longtemps le repos néces-
saire des vacances avait attiré l'attention des supérieurs. Il
y a généralement un inconvénient notable à laisser, pen-
dant six ans, sans interruption, des jeunes gens, dans les
endroits où ils se livrent à l'étude. L'esprit si pratique
de Pie X, en recommandant de supprimer ou de res-
ti'eindre les vacances des séminaristes dans leurs familles,
a noté aussi une nécessité d'avoir une maison de campagne.
Les séminaires de France avaient senti ce besoin et jusqu'à
la persécution et au vol officiel, il en était bien peu qui ne
jouissent d'une maison de repos. Cette nécessité était bien
plus urgente encore dans notre climat aux lourds brouil-
lards, dans notre air sans cesse envahi par les fumées du
charbon, du cuivre, du zinc, que vomissent, à jet continu,
— 383 —
les cheminées sans nombre qui pullulent sur le sol liégeois.
Bien des expédients avaient été essayés : Saint-Charles
ou Le Bestin ouvrirent successivement leurs portes à une
portion plus ou moins considérable de la communauté :
notre reconnaissance reste acquise à ces maisons pour ce
soulagement momentané si fraternellement offert. Ce n'était
là pourtant qu'un palliatif insuffisant et rempli d'incon-
vénients. Charneux d'abord, Oupeye ensuite nous avait
fourni un abri de fortune dans de vieilles usines aban-
données. En 1907, cette ressource devint impraticable, et les
deux années 1907, 1908, il fallut rester à Liège : au prix de
quels désavantages, ceux-là le savent qui virent les
vacances arriver et s'écouler sans apporter cette détente si
nécessaire après les examens et au milieu des chaleurs de
l'été; qui constatèrent aussi l'affaiblissement graduel des
santés.
En 1909, on trouva à louer, à Moresnet, à proximité
d'Aix-la-Chapelle, une maison irrégulière, abandonnée
par un pensionnat qui s'y était trouvé mal à l'aise. Bordée
par une grand'route, sans cour de récréation, elle présentait
bien des lacunes : mais les grands bois étaient si près, le
pèlei'inage voisin si pieux, les habitants si religieux ! Et
jjuis surtout, ce n'était plus Liège et les scolastiques accep-
taient volontiers de n'être pas mieux ; ils étaient si bien !
Une curiosité pieuse de Moresnet, c'est son Chemin de
Croix monumental, érigé dans le jardin des RR. PP. Fran-
ciscains, par le talent d'un frère convers. Que de pèlerins
nous avons rencontrés se rendant en groupe au petit sanc-
tuaire de Marie, hommes et femmes, récitant à haute voix
leur chapelet à travers les bois, et qui n'achevaient pas leur
pèlerinage sans avoir parcouru pieusement ces stations, où
l'art est si bien au service de la piété !
Une attraction naturelle du pays, qui recevait souvent
aussi notre visite, c'est ce que l'on appelle, je crois, en
allemand, vierlâuderblick, ou plus irrévérencieusement,
— 384 —
les trois poteaux, point de jonction de l'Allemagne, de la
Belgique, de la Hollande et du petit territoire de Moresnet
qui, oublié dans le partage, en a profité pour se constituer
en état indépendant.
Nous espérions avoir pour longtemps, là, notre pied-à-
terre, quand, en mai 1910, nous recevions avis que la mai-
son venait d'être vendue et qu'il ne fallait plus y compter.
Quelle déception et comment y remédier alors que deux
mois seulement nous séparaient des vacances ! On était au
premier vendredi du mois de mai : la sainte Vierge allait
intervenir auprès du Sacré-Cœur pour nous tirer d'em-
barras.
Presijue dans la même direction que Moresnet, au sommet
du plateau de Hervé, on avait entendu parler d'une ancienne
distillerie abandonnée. Une maison de maître offrant quel-
ques chambres, une grande salle d'usine, puis de vastes
écuries, c'était tout : mais en transformant un peu, on
trouverait là un abri suffisant ; et tout à côté, les grands
bois nous offraient leur ombre. L'achat fut résolu et aussitôt
exécuté, grâce à un canal dont la bonne Providence s'est
servie déjà bien des fois en faveur des Oblats. Les trans-
formations entreprises aussitôt nous permirent de nous
loger vaille que vaille dès le mois de juillet : personne ne
se plaignit, au contraire : la devise des scolastiques est
toujours : « Sans gêne, point de plaisir. » L'installation
pourtant était plus que modeste, et Notre-Seigneur lui-
même n'avait trouvé pour refuge qu'une partie do l'étable,
incomplètement adaptée. L'année suivante, une chapelle
de 15 mètres sur 9, taillée elle aussi dans l'ancienne écurie,
mais mieux appropriée à sa destination, nous permettait
d'offrir à Notre-Seigneur quelque chose de moins indigne.
Un vaste dortoir avait pris la place des anciens greniers à
foin. Vous-même, Monseigneur, voulûtes bien venir
honorer notre Panscherelle de votre présence et nous dire
votre satisfaction de l'installation de vos enfants. On peut
espérer que des améliorations successives feront, sans
— 385 —
grands frais, de cette acquisition une vraiment plaisante
maison de vacances, où nos débilites trouveront forces et
santé pour la plus grande gloire de Dieu. Nous sentons le
besoin d'en dire notre reconnaissance au Sacré-Cœur
d'abord, puis au R. Père Provincial et à tous ceux qui ont
concouru de quelque façon à nous donner cet abri.
Peut-être cette amélioration, obtenue plus tôt, nous eût-
elle permis de conserver parmi nous les scolastiques du
Midi et épargné, à la première province, les dépenses de
personnel et d'argent que nécessite l'installation d'une nou-
velle maison d'études. Le fait est que, depuis deux ans, les
santés se sont maintenues à un niveau relatif très satis-
faisant qui fait l'étonnement de notre médecin, heureux
d'avoir rarement à nous prouver le dévouement sans
bornes qu'il met si cordialement à notre disposition.
E>>t-ce notre climat qu'il convient d'inculper ? est-ce la
différence trop grande avec l'éblouissant soleil d'Espagne ?
Convient-il d'insister sur des santés déjà affaiblies ? Le fait
est que, en 1906, le Frère Buron Benito nous quittait pour
aller demander au climat de !a Péninsule une santé qu'il
ne devait plus retrouver. Loin de ses frères qui n'avaient
cessé de lui rester unis par la prière et la plus ardente
sympathie, il ne devait pas tarder à recevoir prématuré-
ment la récompense des travaux qu'il avait eu l'intention
d'entreprendre pour la gloire de Dieu. En 1910, la grippe
parut être spécialement meurtrière pour nos frères espa-
gnols ; trois d'entre eux furent presque simultanément
atteints de façon grave : le F. Fernandez, qui s'était
réfugié à Madrid, continua d'empirer, et quelques mois plus
tard il rejoignait au ciel son ancien compagnon du junio-
rat, le F. Buron Benito.
Ces maladies et ces morts pouvaient paraître découra-
geantes, alors surtout que nos chers Pères d'Espagne ont
tant de peine et déploient tant de dévouement pour pré-
parer à la Congrégation des religieux originaires du pays
même, qui seuls pourront nous implanter profondément
— 886 —
dans ce royaume. On a besoin pour se consoler de se sou-
venir que les pensées de Dieu sont bien éloignées des
nôtres, que souvent il prend, pour réaliser ses desseins,
des voies qui nous y paraissent diamétralement opposées,
et qu'enfin rien de stable et de sérieux ne se fonde que par
le sacrifice et la croix.
Puisque nous en sommes au chapitre des deuils, notons
ceux qui sont venus éclaircir les rangs des professeurs.
C'est le premier juin 1903, qu'une maladie de cœur
enlève le P. Félix Mauss à l'enseignement de la philoso-
phie. Sorti de Rome depuis quatre ans à peine, ce jeune
Père était déjà hautement apprécié de ses confrères comme
de ses élèves, et laissait espérer de longues et fécondes
années d'enseignement. Hélas! l'abnégation et le dévoue-
ment ne suffisent pas plus dans le professorat que dans la
prédication ; il faut la santé, et le climat de Liège qui
éprouve les scolastiques n'a pas de gâteries pour leurs
maîtres.
Deux ans plus tard, le 25 août 1905, c'était le P. Maillet,
arrêté inopinément pendant les vacances, au cours d'une
visite à son frère, et mourant loin* de ceux qu'il avait choi-
sis pour sa nouvelle famille très aimante et très aimée.
Depuis six ans seulement, le P. Maillet avait quitté le
ministère qu'il exerçait dans le diocèse de Lyon et était
venu demander aux Oblats, avec le mérite de la vie reli-
gieuse, un poste de professeur, mieux harmonisé à ses
goûts que le maniement immédiat des âmes : l'histoire et
les sciences avaient captivé ses bonnes grâces et se dispu-
taient les heures qui séparaient ses classes. Ce fut une bien
douloureuse suprise dans la communauté quand un télé-
gramme annonça inopinément que le P. Maillet avait com-
paru devant Dieu.
Avec un regret très vif de perdre un confrère aimable,
un professeur déjà expérimenté, on éprouvait le désagré-
ment de se trouverj'à la veille de la rentrée, obligé d'impor-
viser un successeur. Vraiment, si le vœu de la Règle n'est
— 387 —
pas toujours réalisé : Qui seminariis addicunhir , iW7inisi
difficile et raro imtnutandi sunt, c'est bien pour une
part que l'homme n'est le maître ni de la vie ni de la santé.
D'autres professeurs, en effet, sans être aussi gravement
frappés, ont dû aller demander à un ciel plus clément ou
à des occupations plus variées, le rétablissement d'une voix
sur le point de s'éteindre. Les administrations ont certes
toujours été larges de permissions pour les professeurs :
volontiers on leur accordait t quinze jours de vacances,
quinze grands jours, comme si Josuë marquait les heures » :
ces vacances, c[ui consistaient souvent en un changement
d'occupations, se trouvaient parfois insuffisantes : espérons
que, pour eux aussi, notre Panscherelle saura multiplier
les bienfaits.
D'autres deuils encore sont venus, en ces dernières
années, attrister la communauté de Liège, moins imprévus,
non moins regrettés. Le 20 juin 1905, c'était le P. Simonin
(Tustave, qui était frappé. Retiré à Liège, son amour de
la Congrégation lui avait inspiré des recherches fort inté-
ressantes sur les premières fondations : nos Annales ont
publié, de lui, le récit de notre passage à Notre-Dame du
Laus : d'autres narrations semblables restent en manus-
crit, contribution précieuse à l'historique de nos origines.
Le cher Père n'est d'ailleurs pas mort tout entier : comme
ces hommes illustres dont l'Ecclésiaste dit : Hœredltas
sancta nepotes eoruni, un trésor reste, à la Congrégation,
de ceux qui perpétuent son nom parmi nous.
Et notre cher Père Rpy, qui nous quittait le 27 avril
1911, voilà bien, entre toutes, une mémoire impérissable
dans nos cœurs. Une plume habituée à découvrir les
secrets de la sainteté promet de nous montrer bientôt les
sources où cette vie s'alimentait de sève surnaturelle, et je
n'ai pas à en esquisser ici le cadre. Qu'il me suffise de
remercier ici la Providence et nos Supérieurs majeurs,
d'avoir bien voulu nous laisser cette relique du Fonda-
teur, d'avoir donné au scolasticat celte grâce de voir de prés
— 388 —
ce religieux si profondément pénétré de l'esprit de sa voca-
tion, si absolument dévoué à la Congrégation, si soucieux
des intérêts extérieurs et de la vie intérieure de ses petits
frères, si parfaitement soumis à toutes les dispositions de
ses Supérieurs. Nos scolastiques en ont recueilli et s'en
redisent des traits qui seront utilisés sans doute en temps
opportun, mais qu'ils gardent en tout cas comme un par-
fum et un enseignement précieux.
Ce \ieillard, qui avait sa place bien marquée parmi les
potentats de la vie, in potentalihus octoginta anni, ce
juste que des lois persécutrices avaient forcé, vivant, de
fuir le sol de sa patrie afin de rester fidèle à sa vie reli-
gieuse, a été ramené, après sa mort, par les soins pieux de
sa sœur, dans le pays d'origine de la Congrégation. C'est à
Marseille, près du tombeau de notre vénéré Fondateur,
qu'il attend la résurrection glorieuse, là où il exerça son
premier et déjà si fructueux ministère.
Un mot sur nos frères convers : mais un mot du cœur,
mot de félicitations et de reconnaissance. De par leur situa-
tion, ils sont cachés parmi les cachés, humbles parmi
tous ceux qui se sont abrités dans la maison de Dieu, plus
inaperçus peut-être encore dans une grande maison comme
la nôtre, où, forcément, les lignes de démarcation sont
plus accentuées. A une époque où le seul souci est de voir
et d'être vu, où la course aux honneurs et aux bénéfices
est universelle, trouver des hommes qui, pour l'amour de
Dieu, ambitionnent d'être oubliés, comptés pour rien, qui
délibérément choisissent pour leur part le seul regard de
Dieu et de ses anges, c'est un spectacle, en vérité, fait pour
nous ravir d'admiration. Et quand, pendant près de qua-
rante ans, une vie s'est dévouée dans cet humble labeur,
toujours renaissant et toujours le même, quoi d'étonnant à
ce que les générations successives de scolastiques, versés
chaque année dans les vieux pays ou partis pour les nais-
sions lointaines, se fassent une joie de redire, à l'occasion,
leur reconnaissance à ces vaillants de l'humilité.
— 389 —
C'est donc de tout cœur que je m'unis à l'iiommage que
le R. Père Provincial rendait, au cours d'une visite cano-
nique, en mars 1910, au * doyen de nos frères convers j>,
notre cher frère Bourgarit, qui, depuis trente-sept ans
(aujourd'hui trente-neuf), a suivi le scolaslicat dans ses
diverses étapes et l'a suivi avec une intelligence et une
fidélité qui n'ont jamais failli. Dieu seul peut récompenser
de tels mérites, et nous le conjurons de paj-er largement,
dès ici-bas, les dettes que cette maison a contractées à son
égard.
A d'autres l'âge fait encore défaut pour mériter aussi le
même éloge : cet avantage ne leur viendra que trop vite ;
en attendant, tous se dévouent aux travaux d'intérieur :
la porterie, qui n'est pas une sinécure dans une grande
ville, une nombreuse communauté et le service des appels
au confessionnal ; puis le parc, la cordonnerie, la couture,
la sacristie, le réfectoire, les chambres, la basse-cour,
donnent à tous l'occasion d'acheter leur part de paradis à
beaux actes de vertu comptants.
Jusqu'à ces dernières années, il fallait y joindre la cuisine
et la lingerie. Mais le nombre de nos frères se faisait plus
réduit : de par ailleurs on crut réaliser quelques économies
en remettant ce double département aux mains de reli-
gieuses. Le résultat sera-t-il à la longue tel qu'on l'avait
espéré ? Il faut laisser à l'avenir le soin de répondre. C'est
une décharge en tout cas pour nos frères.
Ceux-ci n'ont pas tous assurément la stabilité de leur
doyen : pour des raisons d'utilité générale ou de conve-
nanf.es particulières, pour, en somme, bien des motifs, les
uns viennent, les autres s'en vont. De quelques-uns qui
avaient bien commencé, il faut dire, avec la même tristesse
qui emplissait le cœur de saint Paul à la pensée de ses
disciples infidèles : « Demas m'a abandonné par amour de
ce siècle ; il est parti pour Thessalonique, Crescens pour la
Galatie, Titus pour la Dalmatie. » Avaient-ils trop présumé
de leurs forces? S'étaient-ils trompés quand ils avaient cru
25
— 390 —
entendre l'appel du Maître : Veni sequere me? Ne faut-il
pas plutôt accuser l'infidélité qui se relâche peu à peu, l'in-
dépendancG d'une volonté qui redoute l'œil et les remar-
ques prudentes des Supérieurs, cherche à reprendre dans
la vie religieuse ce qu'elle avait sacrifié à la porte ? Il reste
l'acte de générosité qu'ils avaient fait en entrant : espérons
que le Bon Dieu lui gardera son poids dans sa balance, où
rien n'est perdu de ce qui a été fait pour Lui.
Et voilà les événements qui intéressent directement la
vie intérieure du scolasticat. Si nous voulions toucher à ce
qui le regarde pour ainsi dire ab extrinseco, il faudrait
dire un mot de la joie que nous apportent les visites de nos
chefs de missions et de tous les Oblats : en premier lieu,
c'est à vous que va notre reconnaissance, Monseigneur et
Vénéré Père, qui, trois ans de suite, avez bien voulu venir
imposer les mains à vos enfants de Liège, et, d'une main
aussi ferme que paternelle, assigner à leurs aînés le coin
du champ familial qu'ils devront arroser de leurs sueurs.
C'est toujours une grande époque au scolasticat que celle
des ordinations : elle est pour nous ce que la moisson est
à l'agriculteur ; elle est mieux que cela : le couronnement
de toutes les grâces que notre Roi et Maître a daigné
répandre sur nos âmes, au cours de longs mois d'études,
sa réponse aux petits actes de générosité que nous avons
su lui offrir. Quand c'est par la main d'un Supérieui* Géné-
ral que ces grâces nous arrivent, il nous semble revivre
les jours de Montolivet, alors que le Fondateur lui-même
se faisait une si grande fête d'exercer sa paternité et de se
donner pour fils dans le sacerdoce ceux que déjà la voca-
tion religieuse avait faits siens. Laissez-nous espérer,
Monseigneur, que cette espèce de tradition, commencée
depuis que vous êtes notre Père, ira s'affermissant d'année
en année et que longtemps les générations successives de
scolastiques recevront de vos mains l'imposition et l'onc-
tion sacerdotale.
A l'occasion de ces visites, Liège devient comme le centre
— 391 —
de vos opérations : pendant que vous allez porter tout
autour lumière, joie, réconfort, c'est ici que vous voulez
bien établir votre quartier général. Si le besoin de vous
donner à tous, oinnia omnibus, vous empêche d'être à
nous autant que notre affection filiale le désirerait pendant
ces jours toujours trop courts, votre personne vénérée est
pourtant là tout proche et c'est encore un mode de pré-
sence qui nous est précieux.
Me permettez-vous toutefois. Monseigneur, une plainte
filiale sur votre visite de 1911 ? Déjà, en 1910, l'équipe de
nos professeurs s'était vue quelque peu démantelée. En
1911, ce fut une débâcle : deux témoins des anciens jours
dont la vie tout entière avait été consacrée au scolasticat
de Liège, sans interruption pendant respectivement vingt-
quatre et vingt-sept ans, nous étaient enlevés simultané-
ment. Sans doute vous les destiniez à de plus hautes fonc-
tions : mais était-ce bien une consolation que de savoir par
votre propre témoignage qu'ils nous étaient enlevés au
moment où ils pouvaient mieux nous servir de guides ? Et
cette double perte a mis à mal pour plusieurs années notre
corps professoral. On a beau grandir son dévouement, y
mettre la bonne volonté la plus parfaite, on ne remplace
pas, du jour au lendemain, de pareils acquis. Vous aurez
du moins pour nous l'indulgence que l'on accorde à des
enfants mettant toute leur énergie pour faire face à une
situation difficile.
D'autres visites nous sont venues, soit des membres de
l'administration générale, soit de nos chefs de missions,
soit de missionnaires de passage dans nos régions. Il serait
fastidieux de les énumérer tous : mais c'est toujours un
sujet de profonde édification pour nous, d'entendre les
encouragements de ces chefs, les récits de ces vaillants :
c'est à eux que le scolasticat doit en grande partie cet élan
apostolique dont sont animés nos futurs Missionnaires,
non moins que l'amour pour une Congrégation où ils trou-
vent de si vraies et si généreuses vertus. A tous je dis ici
— 392 —
un merci bien cordial et exprime l'espoir de voir ces visites
se renouveler à l'occasion.
Sans doute il appartient au Très Révérend Père Général
de donner la première obédience au sortir du scolasticat, et
nul ne voudrait, par des voies détournées, gêner la liberté
de son choix. Mais qui ne le sait? l'entrain, le désir est
toujours une excellente préparation non moins qu'un prin-
cipe de sanctification, et c'est la Congrégation tout entière
qui bénéficie des mérites de chacun de ses membres.
Nos visiteurs n'ont pas tous passé par l'eau ou par le feu,
pour arriver jusqu'à nous : Liège se trouve à l'intersection
de grandes voies de communication et depuis que R. Père
Provincial a fixé parmi nous sa résidence, nous profitons
des nécessités administratives. Nous apprenons ainsi à
mieux connaître la Congrégation. Encore bien que les
exigences de notre vie d'études doivent réduire à leur strict
minimum les changements que chacune de ces visites
apporte à noire règlement, nous n'y sommes pas moins
sensibles et remercions tous et chacun du plaisir que nous
apporte leur présence.
Et j'ai fini : un simple souhait en terminant : le scolas-
ticat, je l'ai peut-être trop dit, paraît répondre, par son
esprit, aux vues de la Congrégation et de l'Eglise : malheu-
reusement le nombre de ses élèves a une fâcheuse tendance
à diminuer. Dix-sept nouveaux chevaliers sont partis cette
année pour les travaux de la vie active ; bien rares en com-
paraison sont les nouvelles recrues que vont nous envoyer
les noviciats. Les causes, il n'est nul besoin de les décrire
longuement : la crise, qui a sévi sur les séminaires de
France au moment de la Séparation et qui se fera sentir
pendant plusieurs années, est là pour expliquer ce recul et
n'est pas près d'être conjurée par les vocations venues des
pays voisins. Il faut bien le dire, le mouvement ne se porte
pas encore de notre côté dans les institutions de Relgique,
qui pourtant fournissent chaque année de nombreuses
recrues à des sociétés de missionnaires. En attendant donc
— 393 —
que les petits et les grands séminaires de P'rancc reprennent
leurs anciens cûectifs et nous donnent de bonnes et nom-
breuses vocations, c'est sur nos juniorals surtout que nous
devons compter, et ce sera avec le plus vif plaisir que nous
saluerons tout développement donné à cette œuvre si inté-
ressante. Ici, comme dans la famille naturelle, c'est l'enfance
qui est le garant de l'avenir : souhaitons que l'on ne puisse
pas nous reprocher, à nous les iniiiateurs de ces œuvres,
d'avoir laissé à d'autres d'en retirer les avantages.
La bénédiction d'un père affermit la maison des enfants :
daignez, Monseigneur, nous bénir tous et agréer l'hommage
filial que, pour le scolasticat de Liège, vous présente votre
très humble fils en Notre-Seigneur et Marie Immaculée.
E. Neykoud, 0. M. /., Supérieur.
PROVINCE DU CANADA
Rapport sur le Scolasticat St-Joseph d'Ottawa,
par le R. P. J.-M.-R. Villeneuve, 0. M. I.
(Suite.) — Voir Missions de juin 1912, page 131,
et septembre, page 261.
Supériorat du R. P. Du vie.
(1S93-1906.)
De même qu'il y a dans l'Eglise différents types de saints
canonisés, des saint Jérôme et des saint François de Sales,
il arrive également que tous les Modérateurs d'Oblats ne se
ressemblent pas. Pour ne parler que du scolasticat d'Ottawa,
au régime, hiéronymien du P. Maogin succéda quelque
— 394 —
chose comme le gouvernement du saint évêque de Genève.
D'aucuns se félicitèrent de cette variation, dont il ne fau-
drait pas d'ailleurs s'exagérer l'importance. Au demeurant,
les choses, tout en changeant un peu leur surface, gardè-
rent leur même fond de vertu et de force.
Le nouveau supérieur marchera en avant dans la voie
du progrès, sans se laisser détourner par aucune diversion
■étrangère au but qu'il s'est proposé. Le progrès pour lui
ne sera pas un simple recommencement ; ce sera le déve-
loppement de ce qui est acquis, l'amélioration croissante
de ce qui existe, en un mot, ce sera l'épanouissement d'une
lîeur déjà éclose, mais qui devra se transformer en fruit.
C'est ainsi que se réalisera, sans heurt, dans la formation
des Scolastiques, le progrès dans les sciences et les vertus
du missionnaire Oblat de Marie Immaculée ; par la mise
en œuvre des mêmes moyens employés jusqu'ici et pour
tendre vers de non moindres résultats.
Aussi, nous J)ornerons-nous à signaler, en cette nouvelle
décade, les événements extérieurs qui ont à peine ridé le
cours paisible des années toujours pareilles d'un scolasticat.
La vie du scolasticat est une vie d'études et de piété. Et
pour étudier il faut une bibliothèque dont la richesse con-
siste en ouvrages nombreux et choisis. Peut-être notre
extrême pénurie au commencement du scolasticat nous
a-t-elle réduits à la mendicité ? Le fait est que peu à peu
les rayons se garnissent, grâce aux libéralités de la Maison
générale d'abord, puis de quelques Supérieurs de la Pro-
vince, grâce, enfin, à l'industrie des préposés de la biblio-
thèque, les RR. PP. Duvic, Perruisset et Faure.
La chapelle s'enrichit de trésors plus précieux encore par
les souvenirs qu'ils évoquent et l'usage auquel ils sont des-
tinés que par la matière dont ils sont faits ; je veux dire,
d'abord un calice du P. Tempier et ensuite un autre de
notre vénéré Fondateur lui-même. On les cache soigneuse-
ment dans la sacristie pour ne les sortir qu'aux plus grandes
fêtes. Puis on installe un orgue, qui, sans être monumental,
— 395 —
suffit à rehausser l'éclat de nos cérémonies religieuses.
Pour psalmodier l'office, on a désormais quasi des stalles
de moines et les motifs de décoration dont les murs de la
chapelle sont revêtus mêlent leur note pieuse à ce concert
liturgique. C'est le F. Horeau, aidé des FF. Priour, Hanon
et Soubry, qui a mis là la poésie de son âme, comme elle a
jailli déjà de sa plume et ornera ensuite sa parole aposto-
lique dans les ranchos du Texas.
D'autres ont exercé leurs forces et leurs talents sur un
autre terrain. On a reculé de 100 pieds vers la rivière
l'antique Maison blanche (ancienne maison de campagne
de l'Université d'Ottawa) ; on a drainé le terrain de la pro-
priété, on a installé une pompe éolienne qui transporte l'eau
de la rivière au faite de la maison d'où elle est distribuée
par des artères aux différents étages. La lumière électrique,
le téléphone, l'atelier de reliure, le chauffage à basse pres-
sion sont autant d'innovations et de progrès à la réalisation
desquels le savoir-faire des scolastiques a grandement con-
tribué. Se souvient-on du temps où l'on faisait la lecture
spirituelle à la clarté d'une veilleuse à pétrole, et la lecture
des prières publiques à la chapelle à la lueur d'une bougie
placée sur un prie-Dieu ?
J'ai parlé des Frères scolastiques qui ont mis la main à
tout, mais il est juste de reconnaître que ce sont nos chers
Frères convers qui ont fait le gros de la besogne. Il en est
un parmi eux que nous nommerons sans crainte de blesser
sa modestie, puisqu'il est mort, et dans des circonstances
tragiques qui rendent son souvenir plus cher : c'est le
F. Cadieux auquel nous devons une grande reconnaissance
pour tous les services qu'il a rendus. Des œuvres qu'il a
faites avec toute sa piété, sa dévotion même et tout son
savoir-faire nous citerons la chapelle, la maison de cam-
pagne à la « Rivière Blanche » sans parler de notre église
paroissiale et du couvent de nos sœurs construiis sous sa
direction.
396
« Nous venons de citer la maison de campagne c La Blan-
che ». Ce seul nom évoque tout un monde de réminiscences
qu'il faut saluer au passage. D'abord, pourrait-on se deman-
der, qu'est-il besoin de maison de campagne, quand on a,
comme à Saint-Joseph, pour demeure un édifice entouré de
vastes prairies, de cours d'eau, de frais ombrages? Demandez
plutôt aux petits oiseaux s'ils ne désirent pas franchir les
grilles de leur cage, cette cage fût-elle dorée ? Et puisque la
jeunesse est volage, dit-on, faut-il s'étonner si elle aspire
comme les oiseaux à ne point rester enfermée toujours dans
sa cage? Ni les glissades, ni le patinage en hiver, ni, en été,
les jeux de paume tardivement construits ou les courses au
ballon ne suffisent à enlever la monotonie des horizons
toujours les mêmes quand on a, une fois, goûté l'air bruis-
sant des montagnes, la profondeur des solitudes de UlS
forêts et l'immensité des lacs sauvages. On n'y voit guère
que les fruits d'une nature encore vierge ; et le silence n'est
rompu que par les chants cachés sous la ramure ou par le
cri strident des huards plongeurs que répète l'écho au loin
derrière les monts. On aime à vivre, enfin, où les autres ne
vivent point. Oh! ces plaisirs des vacances, purs comme
les Ilots limpides et l'azur des nuits de juillet, qui ne les a
point connus ne les saurait comprendre. Chants et harmo-
nies du soir, éclatantes vibrations des échos des montagnes,
doux émoi de nos cœurs, chers anciens scolastiques, faites-
les revivre dans vos âmes et vous sentirez, à ce seul sou-
venir, s'adoucir quelque chose de vos amertumes et s'alléger
vos labeurs. Rappelez-vous aussi les plus pittoresques
encore et plus gigantesques expéditions du Poisson blanc.
Bref, si la terre a des coins pareils, qu'est-ce donc qui nous
attend dans le paradis du bon Dieu !
— 397 —
Nous l'avons dit, depuis 188G, on n'était plus allé qu'en
simple voyage à Maniwaki, et les campements de quelques
jours sous la tente n'avaient pas exclusivement les avan-
tages de la fête des Tabernacles. Le T. R. P. Supérieur
Général voulut bien autoriser un établissement fixe pour
les vacances, sur les bords du lac Mac Gregor, dans la
commune de Peikins, à quelque vingt milles d'Ottawa.
C'est là, au sein des Laurentides, que nous avons niché
notre castel de bois, plus gracieux qu'imposant, en dépit de
son faîte crénelé. Il est dû, comme nous l'avons dit, au
dévouement de nos Frères, ainsi que la chapelle — vrai petit
bijou de boiserie — dont la rustique modestie revêt un
cachet gothique. On y prie avec calme et simplicité : le soir,
au bruissement du feuillage qui l'environne et qui l'encadre;
on y prie au retour des courses de la journée à travers
d'autres lacs et vers d'autres montagnes; on y prie le matin,
quand montent vers Dieu les premières aspirations de nos
âmes. Le dimanche, elle voit accourir les familles du voisi-
nage, empressées d'assister à nos offices. A plusieurs
reprises, quelques frères dévoués se firent maîtres d'école
pour les enfants ou catéchistes de première communion, et
nos jeunes Pères y font souvent leurs débuts dans la pré-
dication.
Ces essais de ministère par nos scolastiques nous amè-
nent à parler d'une œuvre très importante qui s'est adjointe
au scolasticat, sous le supériorat du R. P. Duvic. La loca-
lité d'Ottawa-Est, où depuis quinze ans la maison était
établie, jadis à peu près déserte, devenait un village dont
les familles catholiques dépassaient la centaine. La fon-
dation d'une église paroissiale s'imposait et Monseigneur
l'Archevêque nous pressait d'en prendre la direction. Aprè^
— 398 —
un premier refus et de longues hésitations, la réflexion et
le zèle prudent nous obligèrent de nous rendre aux instances
réitérées du vénéré Prélat. Le bien des âmes et les avantages
qui résulteraient, pourle scolasticat, de cette œuvre parallèle,
déterminèrent l'autorité suprême de la Congrégation et le
Saint-Siège à nous donner les autorisations nécessaires.
C'est ainsi que sur notre propriété même est bâtie l'église
de la Sainte-Famille et que nous avons accepté à perpé-
tuité la desserte de cette paroisse canoniquement érigée.
Grâce aux mesures prises précédemment par l'établisse-
ment de classes et l'installation d'une chapelle dans la
Maison Blanche, grâce surtout à l'initiative du R. P. Guil-
laume Charlebois, curé fondateur, et à la forte impulsion
qu'il imprima à son œuvre dès le commencement, le succès
en fut assuré. Tour à tour on vit s'élever une école confiée
aux Sœurs grises d'Ottawa et une église provisoire, —
l'église actuelle — qui sans briller extérieurement par son
architecture est bien aménagée à l'intérieur et respire la
dévotion.
Le R. P. Charles Charlebois, frère du précédent, prit peu
après la direction de la paroisse; et depuis lors, secondé
habituellement par un vicaire, il mène efficacement cette
œuvre à bonne fin. Nous devons à la justice d'inscrire ici
le nom du R. P. Gornell pour son dévouement à l'œuvre de
la paroisse, dès son origine et plusieurs années par la suite.
Son souvenir est resté vif chez nos catholiques de langue
anglaise.
Voilà comment il se fait que, sans nuire en quoi que ce
soit à la régularité et au caractère'propre d'une institution
telle que la nôtre, nos scolastiques trouvent sur place
l'avantage de s'initier au soin des âmes, réalisant le conseil
de M. l'Abbé Guibert : « Il faut mettre en principe que
l'initiation aux œuvres de zèle est nécessaire dès le temps
de la formation religieuse. » Nos Frères s'appliquent donc à
faire les catéchismes, les jeunes Pères y prêchent quelque-
fois, et sans parler de l'organisation d'une fête annuelle en
— 399 —
l'honneur de saint Nicolas, vers la Noël, pour les enfants
qui suivent le catéchisme, tous les scolastiques assistent
aux cérémonies des grandes fêtes, pendant lesquelles les
fonctions liturgiques leur sont réservées.
Ce dernier avantage leur est également offert dans les
églises de nos Pères, à Notre-Dame de HuU, à Saint-Joseph
et au Sacré-Cœur d'Ottawa. Sans revenir sur les autres
avantages de ces relations bien comprises, il faut ajouter
qu'elles resserrent l'union entre les jeunes Oblats et leurs
aînés, et contribuent à développer parmi nous l'esprit de
famille.
Dans les grandes circonstances, il arrive qu'à la suite
d'invitations gracieuses des Révérends Pères Supérieurs,
toute la Communauté va s'asseoir à la table de ces mai-
sons hospitalières. Notre encombrante multitude n'enlève
rien au bon accueil et à la franche gaieté de tous. En retour,
ces bons Pères nous arrivent avec tous les retraitants de la
Province, vers la fin d'août, et, sans compter quelques
autres occasions, régulièrement à la fête du R. Père Supé-
rieur, maintenant le 27 décembre, la saint Jean. Nos diacres
profitent de la coïncidence heureuse de la fête de leur
patron, saint Etienne, avec celle de saint Jean, féteduRév.
Père Supérieur; ils célèbrent en même temps les secondes
Vêpres du premier martyr et les premières Vêpres de l'Apôtre
bien-aimé.
Une année ce fut la fête de notre Révérendissime Père
Supérieur général lui-même qu'on solennisa au scolasticat,
le 25 août 1894. C'était lors du passage du T. R. P. SouUier
qui fut pour nous une grande édification et un affermisse-
ment dans l'amour de notre sainte vocation.
Plus tard, les RR. PP. Tatin et Miller, assistants géné-
raux, nous honorèrent de leur présence, trop courte à notre
gré ; mais il serait trop long de nommer tous les visiteurs
distingués que nous avons eu le plaisir de recevoir pendant
cette période. A tous nous offrons nos sincères remercie-
ments.
— 400
***
Parlons maintenant des changements survenus dans le
personnel de la Communauté.
Pendant plusieurs années, à partir de 1893, un contingent
de Scolastiques venus d'Allemagne apportaient au scolas-
ticat Saint-Joseph le tribut de leurs talents distingués et de
leurs solides vertus. D'autres part, les Frères américains
devenant plus nombreux, le personnel scolastique de la
maison s'éleva, en 1903, jusqu'à 72 sujets, nombre qui n'a
pas été dépassé. Il a diminué plutôt, par suite de nom-
breuses obédiences hâtives motivées notamment par la
fondation d'un scolasticat au Texas, et le départ des scolas-
tiques de la première Province des États-Unis appelés à
former le scolasticat de Tewksbury.
Le corps professoral, sans varier quant à ses cadres, au
cours du long supériorat du R. P. Duvic, subit plusieurs
changements. Le R. P. Mangin revint de 1897 à 1898 pour
un court séjour avant de retourner travailler sur le terri-
toire des État-Unis. Les RR. PP. Poli, Valence, Malmartel,
Perdereau, G. Charlebois, Mac Gown, C. Charlebois, Ber-
néche, Perruisset, Faure, F. Blanchin, Baron, Cornell,
L. Simard, Jasmin, M. Magnan, J. Denizot, Rivet, O. Pa-
quette et Georges Simard, furent appelés à y remplir
diverses fonctions.
Le R. P. Royer, les épaules chargées de plus de 700 tra-
vaux apostoliques, après cinquante ans dépensés au minis-
tère des missions et des retraites, à peu près uniquement
au Canada, voulut venir se retremper au contact de la jeu-
nesse religieuse qu'il édifia par ses derniers jours et sa mort
dans le Seigneur, le premier jour de mai 1905.
La mort nous avait enlevé déjà le P. Malmartel, profes-
seur, et le P. Hermitte, à l'aurore de son sacerdoce. La
plume du R. P. Duvic s'est plu à retracer dans une pieuse
notice biographique les rares qualités et les douces vertus
— 401 —
de ce dernier. Los Frères scolastiques Jager, Botrelle,
Guertin et OBrien, les Frères convers Dubois, Deschênes,
Samoisette et Proulx, nous ont quittés, eux aussi, pour la
patrie. Notre cimetière a reçu de nos communautés voisines
les précieux restes des Pères Vaillancourt, Howe, Whelan,
Boisramé, Froc, Mac (Jurty et Fulham. Le F. Duchéneau,
scolastique, a été inhumé à Montréal.
La chronique de cette période serait ingrate si elle n'avait
un mot de souvenir pour l'établissement, dans leur cou-
vent, adjacent à notre bâtisse, des Religieuses du Sacré-
Cœur, originaires du diocèse de Vannes (France). Depuis
septembre 1902, elles nous rendent les services de sainte
Marthe au Sauveur, avec un dévouement et une prévenance
qui ne se lassent pas. Jamais elles n'ont paru se plaindre
de notre vie contemplative ni voulu nous faire partager
leurs sollicitudes : dévouement qui nous édifie beaucoup et
nous rassure d'autant. De leur établissement au scolasticat,
elles ont essaimé en d'autres fondations au Canada.
Un soir, en l'année idO'i, sous la véranda de la maison
de campagne, le bon Père Supérieur, contrairement à son
habitude, parut soucieux. A la lecture spirituelle, il nous
annonça sa convocation personnelle au prochain Chapitre
général. Il s'en alla, notre Cher Père, et notre fierté de le
voir ainsi honoré nous consola un peu de son absence.
Trois mois s'écoulèrent : enfin, il nous revint, après un
passage à Rome, à Liège et à Hûnfeld, maisons-sœurs de
la nôtre, en Europe. Hélas ! à peine avait-il franchi le seuil,
à son retour, qu'une maladie menaçante le clouait sur son
chevet. Pendant de longues semaines, la mort sembla
planer au-dessus de lui. Nos prières, nous osons le croire.
— 402 —
l'arrachèrent à ces augures sinistres, mais il lui en coûta
une convalescence douloureuse et le mal laissa des vestiges
toujours inquiétants. Pour décharger notre vénérable
Supérieur du poids de l'autorité que sa délicatesse et son
humilité faisaient lourde à son âme, le R. P. Guillaume
Gharlebois fut appelé à prendre la charge de Supérieur du
Scolaslicat Saint-Joseph, le 10 novembre 1906.
Avant de commencer le rapport proprement dit du Supé-
riorat du R. P. G. Gharlebois, nous croyons devoir dire un
mot de la transmission des pouvoirs des mains du R. P.
Duvic aux mains de son successeur. Ges notes, tirées
d'une lettre particulière, ne pourront être qu'un sujet d'édi-
fication pour tous.
« ... Geux qui d'expérience savent dans quelle mesure le
R. P. Duvic possédait tous les dons requis pour les fonc-
tions de Supérieur peuvent comprendre ce que fut pour
nous l'annonce même de son changement.
t Le perdre, ce Père tout fait de douceur, de sagesse, de
prudence, de tendresse et de condescendance, le perdre, lui
que l'on pourrait appeler « suavité », dans le langage du
suave Docteur, cette seule pensée était pour nous pleine
d'appréhensions et de regrets.
Nous avions connu en lui la mansuétude et le doux fleu-
rant de saint François de Sales, l'humilité de saint Vincent
de Paul, la simplicité et l'exactitude d'un M. Olier. Le
perdre, ce Supérieur qui n'a jamais pu se fâcher et qui
menait les scolastiques comme un berger fait des brebis
dociles et aimantes 1 Qui ne se rappelle le bonheur que l'on
goûtait à trouver une occasion de se présenter à lui l Tous
ces Oblats qu'il a formés peuvent dire mieux que nous
encore l'impression qui leur est restée si profonde dans
l'âme de cette vie pure et limpide, au mouvement régulier,
calme et puissant comme celui d'un beau fleuve , — vie
— 403 —
pourtant dont l'humilité nous a caché la profondeur de ses
Tertus.
« Eh bien, ce changement, qui aurait dû nous boule-
verser, s'est fait de la manière la plus paisible, la plus
imperceptible qu'on puisse imaginer. Il y a là un fait qui
relève de la psychologie religieuse, de la sainteté.
f Ce que c'est que la vertu d'un saint ! Elle est d'une clarté
si douce qu'elle fait même oublier son éclat. Eût-il été diffi-
cile, au cours naturel des choses, pour le R. P. Duvic, de
laisser planer sur notre maison des nuages de tristesse par
la seule annonce de son changement? Et pourtant rien de
cela n'est arrivé. Sa vertu a voulu non seulement nous con-
soler de sa propre retraite, mais encore nous réjouir, pour
ainsi dire, d'être remis à son successeur.
€ Le soir du mercredi 10 novembre, il avertit la commu-
nauté rassemblée d'une grave communication qu'il a reçue
de Rome. On lui donne un successeur. Fort simplement, il
explique que cet événement ne doit étonner personne. Les
motifs d'une telle décision ne font pas défaut. Sa santé
s' affaiblissant chaque jour lui rend pénible certaines obli-
gations de son office. Puis, il est déjà avancé en âge, et
depuis si longtemps supérieur... !
i Les supérieurs, nous dit-il, sont un peu comme ces
puits dont l'eau d'abord jaillissante quand ils sont fraîche-
ment creusés, devient, avec le temps, moins vive jusqu'à
ce qu'elle soit stagnante au point qu'il faille avec effort y
puiser ce qu'il en faut... D'ailleurs, il est heureux de son
remplacement qui lui permettra de se sanctifier en lui ôtant
tous les lourds soucis du supériorat. Et par-dessus tout, ce
qui doit nous rassurer et nous réjouir, c'est que la volonté
de nos vénérés Supérieurs est la volonté même de Dieu .
Enfin, c'est pour lui une grande consolation de rester
avec nous, car on le nomme professeur de morale...
Il nous disait toutes ces choses avec le naturel de ses
conférences ordinaires. Nous écoutions en silence, ne
sachant ni que penser, ni que faire. Nos cœurs auraient
— 404 —
voulu être tristes : les paroles de notre affectionné Père
nous le défendaient.
« Et à partir de ce moment-là jusqu'à l'arrivée du R. P.
Charlebois, dix jours plus tard, il continua de faire exacte-
ment tout ce qui était de sa charge avec une scrupuleuse
fidélité. Mais en même temps, il y mettait tant de délica-
tesse, de désintéressement que ses paroles et sa manière
d'agir montraient qu'il laissait le Supériorat aussi douce-
ment qu'un fruit mûr se détache de l'arbre. Presque chaque
soir, un petit mot discret de son successeur nous en faisait
d 'sirer le retour. Ses paroles étaient pleines de joie et de
confiance. Si bien que, quand au 16 novembre, le nouveau
Supérieur nous arriva, le R. P. Duvic n'eut qu'à transférer
à son successeur de main à main le no?ud du faisceau de
toutes nos volontés et la communauté se trouva comme par
enchantement soumise et unie à son nouveau Supérieur.
El depuis tout va comme au temps des moines. Je me suis
figuré notre communauté comme une nacelle qui passe
sans y songer d'un courant à un autre>ourant parallèle.
« Ah ! plaise au ciel que tous les Supérieurs trouvent
leurs sujets pareillement préparés ! Songez, de plus, quelle
situation délicate est celle d'un Supérieur vénérable et aimé
comme le R. P. Duvic, qui devient sujet de son sujet d'hier,
dans une communauté comme la nôtre. Assurément, ce
n'est pas ordinaire. Il faut que le cœur de l'un et de l'autre
soient fort trempés d'esprit de foi et guidés par des vues
uniquement surnaturelles. Ce qu'il y a de plus admirable,
c'est que cet état de choses fut tout à la fois le plus cher
désir du R. P. Duvic, et la première demande du R. P.
Charlebois lui-même au T. R. Père Supérieur Général,
après sa nomination. Lui-même nous l'a dit au soir de son
arrivée. Rien ne changera, assura-t-il... Et énumérant tous
les motifs de confiance qui le rassuraient dans ses nou-
velles fonctions : « Surtout, disait-il, ce sera la présence
« du R. P. Duvic, à nos côtés. Car nous ne pouvions nous
€ en séparer ; il lui fallait demeurer pour qu'il nous aidât
— 405 —
« de son appui, de ses conseils, de son concours, et de
€ ses exemples. »
« Il est vrai que le R. P. Charlebois était bien digne d'at-
tirer les regards de nos Supérieurs pour succéder au R. P.
Duvic. Bénis soient ceux qui ont ainsi inspiré leur sagesse!
Il est le véritable Elisée d'un pareil Elle. Depuis longtemps
son âme est l'écho de celle de son vénéré prédécesseur, qui
lui a communiqué, par des relations bien étroites et toutes
saintes, son esprit et son cœur. C'est ce qui fait que son
avènement s'est fait sans secousse, dans le calme des choses
et des personnes. Il ne nous est pas difficile, par conséquent,
de lui continuer le respectueux attachement, la vénération
et l'obéissance que nous a\ions pour son prédécesseur.
f Notre joie porterait au revers une empreinte de bien
t sensible tristesse, disait encore le Doyen des scolastiques,
t si au bonheur de marcher sur les pas d'Elisée n'était
« jointe la consolation de garder en même temps Elle avec
t nous. C'est une douce confiance de nos âmes que long-
€ temps l'obéissance le laissera parmi nous et que le
« céleste char de feu qui doit un jour nous le ravir ne vien-
« dra que bien tard le conduire en la patrie des divines
■< récompenses, b
» Dans sa réponse, le R. Père Supérieur n'a pas été
moins heureux. Et notre bon Père Duvic, ce n'est plus
comme un prophète qu'il nous l'a présenté, mais comme
un grand-père. Dans nos foyers canadiens, il n'est pas rare
de voir au coin du feu ces vénérables vieillards que sont
nos grands-pères demeurer au sein de la famille pour en être
l'âme et le bonheur, même quand le sceptre familial est
tombé de leur main moins assurée. On les comparerait
volontiers à de véritables reliques vivantes, qui comme
toutes les choses saintes sont d'autant plus merveilleuse-
ment puissantes qu'elles le paraissent moins. Mais rares
sont, je pense, les scolasticats qui comme le nôtre comptent
leurs trois générations... Et c'est pourquoi la réponse du
R. Père Supérieur n'a pas été sans nous attendrir.
— 406 —
(( Oui, vraiment, nous avons deux pères... Et quoi de plus
édifiant que de voir le grand-père obéir comme le plus
jeune d'entre nous et se conduire en tout avec une simpli-
cité, une humilité parfaites, comme si jamais il n'avait été
autre qu'un simple sujet. Et quoi de plus touchant aussi
que de voir notre Supérieur entourer d'une affection filiale
celui que l'obéissance a placé sous son autorité, mais que
son cœur reconnaît toujours pour son père ! »
(A suivre.) J.-M.-R. Villeneuve, 0. M. I.
PROVINCE D'ALLEMAGNE
Maison de Saint«Gharles.
{Suite du Rapport publié, w" de décembre fOli, p. 374,
juin 1911, p. 190, septembre 1911, p. 311, et mars 19 12, p. 27 .)
III. — De ceux qui ont bien mérité
de Sairit-Gharies. — Les Supérieurs.^
(Stiite.)
h) Les Supérieurs provinciaux. — Cependant, est-il
besoin de le faire remarquer ? Les Supérieurs locaux, qui se
sont succédé à Saint-Charles de 1885 à 1910, n'eussent rien
pu, du moins rien d'irnportant, indépendamment des Supé-
rieurs majeurs, provinciaux ou généraux, de même que
dans l'ordre naturel les causes inférieures ou secondes
dépendent dans leur activité des causes premières. Nous ne
saurions donc omettre de faire connaître aux lecteurs des
Missions la part et les mérites qui reviennent aux provin-
ciaux dans le bien réalisé à Saint-Charles. Or, pendant la
— 407 —
période qui nous occupe, notre maison a relevé successive-
ment de la juridiction de quatre provinciaux.
lo) Le R. P. Rey (1885-1893). — Le premier fut le vénéré
P. Rey, de douce mémoire. C'est vrai, la propriété de
Saint-Charles fut acquise sous le provincialat du R. P. Voi-
rin, comme nous l'avons marqué ailleurs {Missions,
décemb. 1010, p. 377) ; mais quand on s'y installa, le
R. P. Rey était déjà redevenu provincial du Nord. Il donna
toujours au juniorat de Saint-Charles, tout comme à celui
de Notre-Dame de Sion, une place à part dans son cœur et
dans ses soucis ; car il en favorisa le développement de
tout son pouvoir de provincial, et de toute l'influence dont
il jouissait auprès de personnes riches et généreuses : bref
il soutint le plus efficacement possible le R. P. Legrand
dans ses divers projets.
Outre ses visites canoniques, qui eurent lieu très réguliè-
rement, il en fît un grand nombre d'autres, dont quelques-
unes ont été très spécialement mentionnées par différents
chroniqueurs, entre autres le R. P. E. T. C'est ainsi qu'en
1889 il accompagna à Saint-Charles le T. R. P. Fabre,
quand ce dernier fit la tournée de nos maisons en Hollande.
Un jour, vers la fin de novembre de cette même année, il
arriva à une heure très avancée de la matinée, et dit la
sainte messe à midi, en présence de la communauté, qui
lui avait fait à cette occasion une réception enthousiaste.
En 1891 elle le reçut avec le même enthousiasme, quand il
vint pour passer tout le carême au milieu d'elle en l'absence
du R. P. Legrand, celui-ci ayant été chargé de prêcher la
station quadragésimale en Normandie. C'étaient alors des
fêtes et des joies pour ainsi dire ininterrompues ; et quand
après ce long séjour il dut retourner en France, où se trou-
vait sa résidence officielle, on organisa en son honneur une
fête d'adieu belle et touchante. Et c'était bien naturel. Car
toujours dans ses visites le R. P. Rey parut tel que les
anciens l'avaient connu à Sion, père bon, afi'ahle, condes-
— 408 —
cendant, nous allions dire mère tendre et aôectueuse, dont
le facile commerce ne pouvait que gagner tous les cœurs,
notamment ceux de nos junioristes.
Plus tard, même après son provincialat, quand le janio-
rat de Saint-Charles faisait déjà partie de la province d'Al-
lemagne, il ne cessa de s'intéresser à cette œuvre, qui
somme toute avait été la sienne. Parmi les diverses preuves
qu'il en donna, il en est une que beaucoup de jeunes Pères
sortis du scolasticat de Liège aimeront certainement à se
rappeler et pour laquelle nous demandons une petite place
dans les Missions : ce sera, ce nous semble, un hommage
modeste mais bien mérité rendu à la mémoire de celui que
tout le monde aimait tant. Voici donc à peu près ce que
notre chronique en rapporte à la date du 17 août 1899 :
« Grand événement, cher lecteur. Dans la matinée nous
avons la joie de recevoir sur nos hauteurs le R. P. Rey, an-
cien provincial du Nord. Soixante-dix Frères scolastiques
français, belges, anglais, etc., le suivent en rangs gais et
serrés. Oui, à la tète de ces jeunes marche le vénéré P. Rey,
vieillard plus que septuagénaire, donc un vétéran de la
Congrégation, dans la poitrine duquel bat un cœur d'or, un
cœur toujours jeune et vaillant, un vrai cœur d'Oblat. C'est
à sa générosité que les jeunes Oblats de Liège doivent la
belle excursion de ce jour, et nous le plaisir de donner
l'hospitalité à de nombreux Frères en religion. Nous
sommes heureux de voir à ses côtés le R. P. Beruad,
Supérieur du scolasticat de Liège, le R. P. Mauss, jeune
professeur venu récemment de Rome, et le bon P. S., de la
maison générale. Vers la fin du dîner, le Révérend Père
Supérieur (c'était le R. P. Watterott Ignace) se lève pour
porter un petit toast au plus digne des convives. Dans un
langage choisi et plein de cœur, riche de délicates allu-
sions et plusieurs fois souligné par nos applaudissements, il
rappelle d'abord ce que le R. P. Rey a fait de bien partout
où il a passé : à Tours en l'honneur de saint Martin, à
Montmartre en l'honneur du Sacré-Cœur, à Pont-Main en
— 409 —
l'honneur de la sainte Vierge, enfin et surtout à Saint-
Charles comme provincial. A l'instar du divin Maître,
pertransiit benefaciendo ; les pierres elles-mêmes le pro-
clameraient, si nous ne le disions pas ; du reste il n'aurait
guère pu faire autrement, car il est si bon, et omne agens
agit sibi simile. Puis le Révérend Père Supérieur remercie
ce bon Père au nom de nous tous, et invite la communauté
à l'acclamer more patrio. La fatigue seule empêche le
R. P. Rey de répondre longuement; mais nous savons que
les paroles de notre Père Supérieur ont trouvé de l'écho
dans son cœur. La réunion à la salle des séances est le
digne prolongement des agapes fraternelles. L'enfance elle-
même y revendique sa part : une députation vient, au nom
des junioristes, demander ce qu'il est très permis de désirer
pendant les vacances, savoir la grande clef des champs ; elle
leur est accordée séance tenante, on devine par qui. Le
R. P. Rey, que nous ne saurions trop remercier de nous
avoir procuré une si charmante fête de famille, descend
dans la soirée au noviciat pour y rejoindre les Frères sco-
lastiques et les reconduire dans la cité de Saint-Lam-
bert... >
Ce fut là sa dernière visite, mais ce ne furent pas ses
derniers honneurs à Saint-Charles. Jusqu'à sa mort, en
effet, nous continuâmes à faire chaque année, à notre
manière, la saint Achille, sa fête patronale, et jamais rien
de ce qui l'intéressait ne nous laissa indifiérents. La nou-
velle de sa nomination à la charge de quatrième assistant
général (février 1900) fut accueillie ici avec la joie la plus
vive ; ses noces d'or sacerdotales, célébrées à la maison
générale en décembre 1901, nous mirent également en fête ; et
si, au déclin de sa belle vie, les infirmités de l'âge lui enle-
vèrent conplètement le souvenir de tout le bien qu'il avait
fait, l'empêchant même de reconnaître ceux à qui il l'avait
fait, à Saint-Charles on ne l'oubliera jamais.
2o) Le R. P. Favier (1893-1895). — Notre second provin-
— 410 —
cial fut le R. P. Favier, actuellement économe général de
l'Institut, et il ne le fut que pendant deux ans, de 1893 à
1805, vu qu'en 1895 la maison de Saint-Charles passa de la
province du Nord à la nouvelle province d'Allemagne. Le
chroniqueur de cette époque est très sobre en fait de nou-
velles. La présence à Saint-Charles du R. P. Favier n'est
relatée que deux fois pour l'année 1893 : Nous transcri-
vons : t Du 19 au 2i3 octobre ont lieu les exercices de
la retraite annuelle prêehée par le Révérend Père provin-
cial pour les Pères... » — « 4 novembre : Fête de Saint-
Charles, très solennelle, rehaussée par la présence du
Révérend Père provincial. » Ce que ne disent point ces
notes laconiques, c'est que le Révérend Père a bien mérité
d'abord de toute la province d'Allemagne : car il en a pré-
paré les éléments et formé les premiers sujets comme
maître des novices. De plus, comme provincial, il a très
efficacement concouru à cette fondation, en cédant volon-
tiers à cette fin trois des maisons les plus prospères de sa
province. De plus il s'est acquis par ailleurs des titres parti-
culiers à la reconnaissance de Saint-Charles. Au risque de
blesser son humilité, nous en indiquerons quelques-uns, la
plus simple équité s'opposant à ce que nous les taisions tout
à fait.
Donc, quand l'acte d'achat de notre propriété de Ravens-
bosch fut signé en 1885, le R. P. Favier était l'un des
témoins légaux. Puis il prêta un concours actif et désinté-
ressé aux travaux d'aménagement et d'installation. Les
bonnes relations qui s'établirent dès l'origine et n'ont cessé
de régner entre Saint-Charles et Saint-Gerlach, les visites
traditionnelles et à époque fixe que ces deux communautés
voisines se font chaque année, remontent au temps où le
R. P. Favier était Supérieur de Saint-Gerlach et maître
des novices et trouvent en bonne partie leur explication
dans sa noble générosité. Enfin, depuis qu'il a la charge
d'économe général, il nous est resté dévoué et sympa-
thique; et pour peu que ses voyages dans le nord le lui
— 411 —
permissent, il en a toujours profité pour revoir cette maison
de Saint-Charles, à rbisloire de laquelle son nom appar-
tiendra désormais.
Pour tout cela, pour tant de services rendus, qu'il reçoive
ici l'expression de notre profonde gratitude, comme de la
vénération dont nous l'entourons.
30) Le R. P. Simon Scharsch (1895-1904). — Après le
R. P. Favier, la maison de Saint-Charles eut comme troi-
sième provincial le R. P. Simon Scharsch, présentement
troisième assistant général. Ce Père avait été auparavant
de maison à Saint-Charles même, de 1888 à 1892. Pendant
ces quatre années il fit toujours partie de l'administra-
tion locale comme assesseur, et du corps professoral comme
professeur de sciences et de musique, directeur de la chorale
et de la fanfare, etc., fonctions pour lesquelles, personne ne
l'ignore, il était excellemment doué. Aussi, quand au mois
de juillet 1892, l'obéissance le détacha du juniorat de
Saint-Charles pour le donner à la maison de Saiut-Ulrich,
le chroniqueur d'alors écrivit de lui ces lignes qui con-
tiennent un éloge Lien mérité ; « Nous avons aujourd'hui
(24 juillet 1892), le regret de voir partir le R. P. Scharsch,
qui est appelé à Saint-Ulrich. Pendant les quelques années
qu'il a passées ici, il a rendu de grands services et fait un
grand bien à nos chers enfants comme professeur, maître
de chapelle, directeur de la fanfare, confesseur et directeur
des consciences. Que notre bonne Mère Immaculée l'accom-
pagne à son nouveau poste, et rende fécond le ministère
qu'il va exercer. C'est le vœu que forment pour lui ceux
qui ont été témoins de son dévouement et qui n'oublieront
jamais le bien qu'il leur a fait. »
Le regret exprimé ici devait, dans un avenir assez proche,
se changer en joie. Car en 1895, dans la troisième année de
sa vie de missionnaire, le R. P. Scharsch fut préposé, le
tout premier, à la province d'Allemagne nouvellement
ërigée et formée des quatre maisons de Saint-Ulrich, de
— 412 —
Saint-Gerlach, de Saint-Charles et de Hûnfeld au diocèse
de Fulda ; il se trouvait donc élevé à un poste, revêtu d'une
autorité qui lui permettait de rendre à l'œuvre de notre
juniorat des services bien plus importants, de lui faire un
bien beaucoup plus appréciable. Et il n'y manqua pas.
Pendant son provincialut, qui dura neuf ans (de 189.5 à
1904), Saint-Charles était comme le rendez-vous préféré, le
but favori de ses voyages ; Saint-Charles, ainsi qu'un jour
il l'avouait lui-même fort aimablement, avait une puissante
force d'attraction, dont il éprouvait l'atteinte jusqu'au sco-
lasticat de Hûnfeld. Combien de fois, en effet, céda-t-il à
cette force ? D'après les données de notre chronique locale
nous eûmes le bonheur de recevoir sa visite en moyenne
quatre fois par an, les visites canoniques comprises.
Sans doute il fit plusieurs de ses visites comme compa-
gnon du Très Révérend Père général ou d'un de nos évê-
ques missionnaires ; d'autres fois c'était la tenue d'un conseil
ou d'un chapitre provincial ou quelque circonstance extra-
ordinaire qui l'amenait au milieu de nous. Ainsi, pour ne
citer que ces exemples, au mois de septembre 1896 il vint
présider au départ des premiers missionnaires destinés à
la Cimbébasie, savoir des PP. Herrmann, Bernard et Filliung
■Joseph, et du Fr. Havenith, Fr. C, et donna ensuite les
exercices de la retraite annuelle aux Pères et aux Frères
de la maison ; au mois de juin 1900, à la tête de tout son
conseil, il assista à la consécration de notre chapelle, et
eut l'honneur d'y chanter la première messe solennelle et
de porter au dîner le premier toast au prélat consécrateur,
Mgr Drehmans, notre évoque diocésain; au moisd'août 190^,
il voulut passer dans nos parages les jours qui précédèrent
immédiatement le chapitre général de Liège et qui furent
les derniers de son provincialat. Mais, abstraction faite des
causes occasionnelles de ses visites, toutes nous faisaient
goûter plus que de coutume les joies de la vie de famille ;
toutes nous apportaient des consolations, des encourage-
ments à vivre en fervents religieux, des conseils dictés par
— 413 —
un profond esprit de foi ; par leur caractère autant que par
leur nombre elles justifiaient pleinement la ^'racieuse parole
de Mgr Dontenwill aux junioristes, que le R. P. Scharsch
les aimait bien et les portait tous dans son grand et bon
cœur. Oui, derrière une volonté énergique et décidée elles
laissaient apercevoir un cœur guidé par une belle intelli-
gence et soucieuse du véritable bien-être spirituel et maté-
riel de notre juniorat, tout comme l'avait été le cœur de
l'inoubliable P. Rey. Pour ce qui est en particulier du
matériel, nous voudrions rappeler seulement en passant
que la maison de Saint-Charles doit au R. P. Scharsch, pour
autant qu'ils dépendaient de l'administration pro\'inciale,
tous les grands travaux et progrés qui signalèrent l'écono-
mat du R. P. Metginger (Cf. Missions, mars 1912, p. 40, et
juin 1912, p. 147) : ce dernier, de son propre aveu, eut tou-
jours en lui un excellent conseiller, et un ferme appui.
Depuis que le R. P. Scharsch est de l'administration
générale, c'est-à-dire depuis le mois de septembre 1904,
Saint-Charles n'est point devenu une terre étrangère pour
lui ; tout au contraire, les intérêts communs de la province
d'Allemagne étant spécialement confiés à sa sollicitude, il
a continué à s'intéresser vivement au sort de notre junio-
rat, à veiller sur cette chère maison avec un soin jaloux
comme un père sur un enfant de prédilection, à la suivre
attentivement dans sa niurche en avant. Or, il ne s'est pas
contenté de la suivre de loin : dans l'espace de six ans
(1904-1910), malgré la grande distance qui sépare Saint-
Charles de Rome, siège de l'administration générale, il est
venu nous voir sept fois, soit une fois par an, notamment
au mois de mars 1909 pour la visite canonique, et au mois
de juillet 1910 pour le jubilé de la maison ; et chaque fois,
mais surtout à sa visite canonique, il a donné à tous, Pères,
Frères et junioristes, des marques d'une touchante bien-
veillance, qu'il savait proportionner à l'âge et aux besoins
de chacun.
C'est pourquoi lui non plus ne sera jamais oublié à
— 414 —
Saint-Charles ; son nom brillera avec honneur dans les
pages de nos annales. Jusqu'ici nous avons toujours eu an
souvenir spécial pour lui au jour de sa fête, la saint Simen,
et en attendant que Dieu, dont il sert si fidèlement la cause,
lui rende au centuple tant de bien qu'il nous a fait comme
professeur, provincial et assistant général, nous nous
empressons de lui témoigner, à lui aussi, toute la recon-
naissance et toute la vénération qu'il mérite.
40) Le R. P. Ignace Watterott (1904-1910). — Nous avons
déjà rapporté ailleurs {Missions, juin 1913, p. 151). com-
ment, après l'élection du R. P. Scharsch à la dignité d'as-
sistant général, le R. P. Watterott, Supérieur de Saint-
Charles, devint son successeur comme provincial d'Alle-
magne, au mois de septembre 1904. Après sa nomination
définitive, il resta à Saint-Charles jusqu'au 11 octobre, jour
où il présida pour la première fois le conseil provincial et
nous fit ses adieux. Ce furent des adieux simples et cor-
diaux, mais pas encore les adieux sans retour de l'Apôtre
aux anciens convoqués à Milet : « Amplius non videbitis
faciem meam vos omnes. » Car la vie de provincial,
laquelle devait avoir pour lui la durée régulière la plus
longue (de septembre 1904 à octobre 1910), lui faisait
prendre fréquemment le bâton de voyageur ; les affaires de
la province, comme il s'exprimait lui-même, le condam-
naient à un va-et-vient, à un mouvement quasi perpétuel
et confirmaient ainsi le vita in viotu des philosophes. Or,
Saint-Charles fut l'une des maisons vers lesquelles il
aimait à diriger ses pas pour y faire halte ; il se disait heu-
reux de revoir Saint-Charles, où il avait travaillé pendant
treize ans, et les visites dont il l'honora furent, proportion
gardée, aussi nombreuses que celles de ses prédécesseurs.
Nous n'en rappellerons que les plus marquantes, en omet-
tant les visites canoniques.
\'> Au mois de janvier 1905 il se trouve au milieu de
nous du 20 au 2D, jour où Mgr Dontenwill confirme une
— 415 —
trentaine de nos junioristes. — 2« La môme année, du 23 avril
au 1er mai, il augmente par sa présence les joies de nos
vacances de Pâques. — 30 Deux fois, à savoir : en mai 1906
et en mai 1908, il fait tenir à Saint-Charles le chapitre pro-
vincial. — 40 Au mois de mars et au mois d'avril 1907, il
est ici avec son frère, le R. P. François W atterott, mission-
naire de la Cimbébasie. — 5^ Au mois de juillet 1909, il
accompagna à Saint-Charles Mgr Gênez, vicaire apostolique
du Basutoland. — 6° Au mois de janvier 1910 il y réunit le
conseil provincial, et au mois de juillet 1910 il \'ient
prendre part à nos fêtes jubilaires.
Il approchait alors de la fin de son provincialat, et il put
être fier de faire hommage de sa grande province à notre
bien-aimé Père, Mgr Dontenwill, spécialement de lui faire
don de ce juniorat de Saint-Charles, dont il avait lui aussi
procuré généreusement la prospérité matérielle, comme
le prouve tout ce qui s'est fait sous le supériorat du R. P.
Melzinger (Cf. Missions, juin 1912, p. 153, ss.).
Par là il a augmenté ce droit incontestable à notre recon-
naissance qu'il s'était acquis auparavant comme professeur
et Supérieur local ; et nous, à notre tour, nous continue-
rons à suivre vis-à-vis de lui l'exhortation de l'Apôtre aux
Hébreux : t Bene/icientiœ et conimiinionis ?ioUte obli-
visci. » (Hébr., xiii, 16.)
c) Les Supérieurs généraux. — Mais il en est d'autres,
dont il ne serait jamais permis d'oublier la bienfaisance,
et qui ont absolument droit à une place dans notre rap-
port : ce sont les Supérieurs Généraux, les chefs suprêmes
de notre famille religieuse. Jusqu'ici cinq ont succédé à
notre vénéré fondateur, savoir les Révérendissimes Pères
Joseph Fabre, Louis Souiller, Gassien Augier, Augustin
Lavillardière et Mgr Augustin Dontenwill, archevêque de
Ptolémaïs. La maison de Saint-Charles les a connus tous les
cinq durant les vingt-cinq premières années de son exis-
tence. Tous les cinq ont grandement mérité d'elle, tous
— 416 —
apparaissent au premier rang de ses bienfaiteurs. Or,
parmi leurs bienfaits, nous comptons de nouveau leurs
visite?, que nous allons indiquer brièvement, par ordre
chronologique, et toujours en pi-enant pour guide notre
codex historiens.
lo) Le T. R. P. Fabre. — C'est sous le généralat du
T. R. P. Fabre que la maison de Saint-Charles fut fondée.
Il n'y fit qu'une visite, qui eut lieu au mois de mai 1889 ;
mais cette visite comptera à jamais dans les annales de
notre chère maison et même dans celles de la Congréga-
tion. A cette occasion le premier et digne successeur de
Mgr de Mazenod voulut réunir ici les communautés des
trois maisons que la Congrégation occupait alors dans le
Limbourg : le scolasticat de Saint-François (Bleyerheide), le
noviciat de Saint-Gerlach (Houthem) et le Juniorat de
Saint-Charles. Ce fut une réunion vraiment grandiose et
jusque-là unique dans son genre, dont ceux qui y prirent
part ne perdront pas de si tôt le souvenir. Comme elle a
été racontée en détails dans les Missions (juin 1889, p. 224-
233), il nous suffira de l'avoir rappelée seulement.
2o) Le T. R. P. Soullier. — La chronique marque au
mois de janvier 1893 une visite du T. R. P. Soullier, qui
était encore à cette époque vicaire général de l'Institut; il
avait pour compagnon le R. P. Martinet, assistant général.
Voici les visites qu'il nous fit comme Supérieur général.
1'% 3 mars 1894, avec le R. P. Martinet, assistant géné-
ral, et le Révérend Père supérieur du scolasticat de Liège;
2e, du 2 au 4 mars 1895 ;
3e, du 10 au 12 décembre 1895, avec le R. P. Tatin, assis-
tant général, le R. P. Scharsch, provincial, et le Révérend
Père Supérieur du scolasticat de Liège ;
4e, 9 avril 1896, avec le R. P. Voirin, assistant général,
le R. P. Scharsch, provincial ;
5e, 10 décembre 1896, avec le R. P. Tatin, assistant gêné-
— 4J7 —
rai, le P. Scharsch, et le Révérend Père Supérieur du sco-
lasticat de Liège.
3") Le T. R. P. Augler. — Un jour, aux applaudisse-
ments de toute la communauté, le R. P. Augier nous dit
que, si le T. R. P. Soullier, son regretté prédécesseur, avait
été le créateur et le père de la province d'Allemagne, il en
était, lui, un peu le parrain. Ce parrain, il faut le recon-
naître, a prouvé maintes fois qu'il aimait beaucoup sa fil-
leule; mais, ancien junioriste lui même, béni de la main
du fondateur, il avait un faible pour la maison de Saint-
Charles, nous voulons dire qu'il l'aimait d'une affection
toute particulière, et le chroniqueur de cette époque semble
avoir voulu lui rendre la pareille, en décrivant le plus
minutieusement possible les visites dont le T. R. P. Augier
vint nous réjouir durant son généralat. En voici la liste et
les dates :
1''^, 17 août 1898, avec le R. P. Miller, assistant général,
et le nouveau Supérieur du scolasticat de Liège ;
2e, du 10 au 14 octobre 1898, avec son secrétaire par-
ticulier ;
oe, 19 août 1899, avec le R. P. Scharsch, provincial et le
Révérend Père Supérieur du scolasticat de Liège ;
4c, 18 et 19 octobre 1899 ;
5° Du 13 au 16 mars 1901, avec le R. P. Scharsch, pro-
vincial ;
Ce, du 16 au 18 juillet 1902, avec le même ;
7o, du 27 au 29 avril 1904 ;
8o, 16 et 17 juillet 1905, avec le R. P. Tatin, assistant
général.
40) Le T. R. P. Lavillardière. — Malgré la courte durée
de son généralat, le T. R. P. Lavillardière nous fit une
visite en compagnie du Révérend Père pro-Directeur de la
Sainte-Famille de Rordeaux, en 1906, un peu avant Nof^l,
donc trois mois seulement après son élection. Dans son
— 418 —
intention, ce ne devait être que le prélude d'une visite plu?
longue, qu'il nous ferait quand il verrait toutes les maisons
de la province d'Allemagne ; dans les desseins de Dieu, au
contraire, ce fut à la fois sa première et sa dernière visite
à Saint-Charles, vu que la mort devait l'enlever si tôt à la
Congrégation. Mais cette unique visite fut suffisante pour
mériter notre reconnaissance et perpétuer parmi nous le
souvenir de ce quatrième chef de notre famille religieuse.
50) Mgr Dontemcill. — Nous avions eu la singulière joie
et l'honneur de recevoir la visite de Monseigneur, notre
Révérendissime Père actuel, avant son élection, savoir au
mois de juillet 1900 (V. Missio?îs, décemb. 1910, p. 394), et
au mois de janvier 1905, pour la confirmation de nosjunio-
ristes. Aussi, quand il vint nous voir pour la première fois
comme Supérieur général, il pouvait nous dire en toute
vérité : t Nous nous connaissons déjà. » C'était au mois
d'avril 1909, peu avant le sacre de Mgr Cénez à Metz ; le
R. P. Delouche, provincial de Belgique, autre bonne con-
naissance de Saint-Charles, l'accompagnait. Sa seconde
visite eut lieu au mois de juillet 1910, pour nos fêtes jubi-
laires, que dans sa touchante bonté il avait tenu à prési-
der. Deo favente, nous le reverrons dans la seconde
période de notre histoire, et il n'ignore pas quel plaisir ce
sera pour nous chaque fois.
En donnant ici comme une simple nomenclature des
visites de nos Supérieurs généraux, nous ne voulions que
remplir un devoir élémentaire et suivre la ligne de conduite
de tous ceux qui rédigent des rapports pour nos annales.
Or, ces visites ne furent pas seulement pour nous des occa-
sions de grandes réjouissances ; tant s'en faut. Au milieu
des épreuves multiples que notre Congrégation traversait
dans d'autres pays, c'était pour nos bien-aimés Pères eux-
mêmes une vraie consolation de venir à Saint-Charles ;
chaque fois qu'ils y revenaient, ils étaient heureux de con-
stater de nouveaux progrès ; tous aimaient à regarder
— 419 —
Saint-Charles comme un établissement providentiel, comme
une œuvre de la plus haute importance pour l'avenir de la
Congrégation, et la marche des événements leur a donne
raison. Mais ce qui forme comme le caractère particulier
de leurs visites, ou mieux la noie dominante de leurs belles
allocutions, des exhortations paternelles qu'ils nous adres-
saient en public ou en particulier, c'est que tous avaient à
cceur de nous inculquer bien fortement l'amour de la Con-
grégation, un profond et filial attachement à cette mère,
si petite soit-elle entre tous les ordres religieux. Du reste
leur présence seule suffirait à raviver en nous ces senti-
ments qui doivent animer tout véritable Oblat de Marie-
Immaculée. Splendides et joyeuses réceptions, puissantes
acclamations, vigoureux et interminables applaudissements
dans les différentes réunions, magnifiques séances théâ-
trales, beaux chants, morceaux choisis d'orchestre et de
fanfare, etc ; on n'en finirait pas, s'il fallait dire toutes les
marques que Pères, Frères et junioristes donnaient alors
de leur amour aux chefs de la famille, amour qui allait à
la famille elle-même. Un mot résumera tout : leurs visites
furent simplement des fêtes délicieuses et inoubliables.
Inoubliables aussi les personnes des bien-aimés visiteurs.
Leurs photographies, grand format, nous les rappellent
plusieurs fois le jour, car elles ornent notre réfectoire. Au
milieu se dessine la douce image de notre vénéré Père en
Dieu, Mgr de Mazenod. Ce Père, dont nous connaissons
l'amour si ardent et si délicat pour sa famille religieuse, et
sous lequel fut créé le premier de tous les juniorats, semble
ainsi présider à tous nos repas ; et du haut du ciel, comme
le disait si bien l'un de ses successeurs, du haut du ciel ses
regards reposent certainement avec complaisance sur ce
Juniorat de Saint-Charles. Oui, et ses yeux et son cœur
resteront à jamais attachés à cette nombreuse et brillante
jeunesse accourue de l'Allemagne pour renforcer les rangs
de ses Oblats dans le monde entier.
(A suivre.) {Le chroniqueur de Saint-Charles.)
420
VICARIAT DU KEEWATIN
Chez les Esquimaux du Keewatin,
Par le R. P. A. Turquetil, Oblat de Marie Immaculée.
III. — Le camp d'hiver.
Construction de la maison; — Son intérieur;
— Ameublement. — Impressions. — Les tombes.
Durant les deux mois d'été, l'Esquimau se contente,
avons-nous dit, d'une loge ou tente faite de peaux de cari-
bou ; contre les premiers froids, il construit un abri provi-
soire ou « igglou î. Enfin, celui-ci doit bientôt faire place à
la maison de neige ou de glace définitive, car il ne suffirait
pas à protéger ses habitants contre les rigueurs d'un cli-
mat extrême qui semble vouloir arrêter toute manifestation
de la vie, pendant les G longs mois d'hiver.
L'ouragan emporte la neige folle et poudreuse, il la lasse,
la compresse en banquises énormes semblables aux vagues
de la mer. Ce froid intense la saisit, la congèle de part en
part sans y laisser trace d'humidité, comme s'il voulait lui
donner la consistance du rocher. L'Esquimau va en faire
sa pierre de taille, en construire une maison où il se rira
des éléments déchaînés, forçant ainsi le froid à le protéger
contre le froid lui-même.
Quand sont amassées et transportées on quantité suffi-
sante pour six longs mois de froid intense les provisions de
peaux, d'huile, de viande et de graisse, l'Esquimau est sans
inquiétude pour la nourriture, la lumière, la chaleur et le
vêtement. Il restera donc, lui et sa famille, à l'intérieur des
terres jusqu'au retour de la saison favorable.
— 4-21 —
Si les provisions sont insuffisantes, il installe ses quar-
tiers d'hiver sur la côte : mais, qu'il vienne sur la côte ou
reste plus avant à l'intérieur, il lui faut toujours cons-
truire sa maison de la même manière, 'avec les mêmes ma-
tériaux : la neige.
^**
Sous l'action d'un froid de 45 à 60 degrés, avons-nous
dit, la neige a acquis la dureté de la glace. Voici donc l'ou-
vrier au travail. L'esquimau trace d'abord sur la neige les
dimensions de son palais circulaire.
Les maisons de séjour ou maisons définitives (pour un
hiver) ont de 6 à 7 mètres de diamètre et 3 mètres environ
de hauteur au centre tandis que l'igglou ou abri qui sert
pendant les voyages, pour une nuit, ou doit être abandonné
bientôt, n'a qu'un diamètre de moitié etjdeux mètres ou
deux mètres trente de haut à son faîte, au centre.
L'Esquimau taille dans la neige durcie des blocs carrés
de 0 m. 60 à 0 m. 75 cent, de côté, sur 10 ou 12 centimètres
d'épaisseur, puis il les dispose en cercle, en dedans des
limites du plan qu'il a tracé. Chacun de ces blocs est taillé
si ingénieusement qu'un côté s'appuie sur le bloc voisin de
dedans en dehors, et que l'autre sert de point d'appui au
côté oblique du suivant. Le dessus est aussi taillé en biseau
de manière à donner une légère inclination à la seconde
rangée de glaçons et préparer la forme de dôme ou de voûte
que doit avoir la maison. L'ouvrier travaille de dedans et
c'est de l'intérieur qu'il mettra le dernier bloc qui sert de clé
de voûte. Il se mure ainsi et s'enferme. Pour sortir, 11 tail-
lera une porte au ras du sol juste assez haute et assez large
pour permettre à un homme de passer en rampant. Ce glaçon
détaché pour ouvrir la porte ne sera pas perdu. Tout le
monde une fois installé, on le remettra à sa place pour la
nuit... et on l'arrosera d'un peu d'eau, afin qu'il ferme her-
métiquement et ne laisse pas pénétrer le froid. Dans le
27
— 422 —
jour, chacun va, vient, et le froid se ferait sentir, n'étaient
les précautions que prennent les Esquimaux à ce sujet.
On n'entre pas d'emblée dans la salle d'habitation qui est
située au fond. En avant, il y a toute une série de maisons
de neige reliées ensemble par un corridor étroit et fermé.
Ces sortes de vestibules servent de salle de dépôt pour tout
ce qui ne saurait trouver place dans la salle qu'habite la
famille, outre qu'ils empêchent le froid extérieur d'arriver
jusqu'aux habitants de ces maisons sous neige. Vous aurez
ainsi parfois jusqu'à 12 à 15 maisons groupées, les trois ou
quatre premières alignées les unes à la suite des autres, et
toutes les autres accolées, communiquant directement entre
elles par une porte basse et étroite comme la porte d'entrée.
Il y a là 6 ou 7 familles seulement qui n'ont pour entrer
et sortir que cette unique porte, d'ailleurs toujours parfaite-
ment fermée, car non seulement on a scellé les blocs en sau-
poudrant de neige, et en arrosant les joints, mais encore le
vent et la tempête ont vite fait parfois d'amonceler la neige
tout autour et jusqu'au-dessus de ces maisons qui se
trouvent alors comme creusées dans la neige compacte et
profonde.
La température s'élève parfois, sans doute, mais il restera
toujours la ressource d'enfoncer sou couteau de chasse ou
sa lance au travers de la muraille et humer ainsi l'air très
vif du dehors. De ce moyen on n'abuse guère cependant,
car c'est au maître de maison qu'il appartient de donner des
ordres à la ménagère de céans.
Il va sans dire que sur le toit, et à mi-voûte, l'Esquimau
a poli, en l'arrosant d'eau, un glaçon aminci qui laissera
passer un peu de lumière et fera office de châssis.
La maison est debout et chacun d'y entrer. La mère de
famille installe d'abord le lit. Elle prend des blocs de neige
— 423 —
d'un pied de haut environ, elle y étend les peaux de caribou
ou de bœuf musfiué. Et c'est fini.
Après le lit, la lampe. Incapable de produire le nooindre
arbuste, cette terre refuse le feu, la chaleur et la lumière à
ses habitants. C'est le désert de glace. Eh bien, l'esquimau
saura trouver le combustible nécessaire à la vie de famille.
La lampe est l'objet le plus utile, mais aussi celui qui
demande le plus d'attention. Elle est faite de pierre
tendre et poreuse, comme notre pierre ponce, taillée en ovale
sur une longueur de 40 à 45 centimètres, en moyenne.
Sa surface est creusée d'avant en arrière, les bords
coupés à pic, à angle droit en arriére et en pente douce
en avant.
On l'alimente avec le blubber des phoques ou des baleines
ou encore le gras de caribou. La femme — car c'est elle qui
s'occupe de la lampe — obtient les premières gouttes
d'huile, du blubber, en le comprimant ou mieux en le mâ-
chant. Puis elle trempe dans l'huile ainsi obtenue quelques
brins de lichen, ou mousse sèche, qu'elle façonne ensuite
en forme de mèche et allume avec l'aide du silex. Peu de
flamme d'abord, mais peu à peu la pierre s'échauffe, fait
fondre le blubber ou gras qui devient huile. Celle-ci s'em-
brase à son tour, augmente la lumière et la chaleur. Il
suffit alors à la ménagère esquimaude de veiller à ce que la
fumée ne monte pas par excès d'huile.
Au dessus de la lampe est suspendue une chaudière
longue et étroite creusée dans la même sorte de pierre.
C'est là que la glace la plus rebelle deviendra eau sous l'action
du feu; là que l'Esquimau apaise sa soif et fait même une
cuisine bien simple et rudimentaire, il est vrai, mais qui varie
agréablement avec la viande crue et gelée qui constitue les
festins de l'hiver. Au-dessus de la marmite ou chaudière,
sur des os plantés dans le mur de glace, sont suspendus
les mitaines et les... souliers du chasseur qui -sient de ren-
trer, car il leur faut enlever toute trace d'humidité avant de
pouvoir s'en servir de nouveau. Ils gèleraient et seraient
— 4'34 -
un danger plutôt qu'une protection pour le malheureux qui
doit passer la journée du lendemain, au large, en quête de
nouveau gibier.
Quelle est bien l'impression que l'on relient d'une visite à
un camp d'hiver où plusieurs familles ont séjourné quelques
semaines ou même plusieurs mois?
On sent de suite une température tiède et lourde, si lourde
qu elle paraît étouffante, comme par excès de chaleur. Aussi
les hommes, mais les hommes seuls, y remédient en sim-
plifiant leur costume, liberté que ne prendra jamais une
femme ou une jeune fille.
Quant à l'odeur pénétrante dont l'air est sursaturé, elle
provient de tout un peu : du corps humain, des vêtements
de poil de caribou, de la graisse de phoque ou de baleine,
de la viande même, souvent faisandée à l'excès, sans parler
de certains détails... qui, on le devine assez, ont leur quote-
part dans cette atmosphère surchargée.
L'Esquimau, habitué à cette vie dès son jeune âge, ne
soupçonne même pas ce qui offense tant notre odorat moins
cuirassé.
Est-il possible à un Blanc de s'habituer au séjour parmi
les Esquimaux ?
Remarquons d'abord que c'est chose toute différente d'y
aller en curieux ou de s'y rendre par nécessité ou pour un
motif sérieux.
Le touriste, qui quittera le vaisseau pour visiter un camp
d'Esquimaux, en reviendra bien vite et regagnera à la hâte
sa cabine confortable. Il n'aura pas eu envie certainement
de goûter aux mets dont il a seulement perçu l'odeur. Et
je suis sûr cependant que ce même homme, pris par la
né«essité de la faim ou déterminé par une raison grave,
trouvera nourriture et logement acceptables, qu'il en sera
même content en définitive, par le seul fait qu'il échappe
au danger de mourir de froid et d'inanition.
— 42ô —
Bah I ce premier pas une fois fait, bien des préjugés
tomberont et les choses apparaîtront sous un nouveau
jour.
Il faut dire aussi que les Esquimaux de la côte sont bien
moins malpropres que ceux de l'intérieur. Les femmes
entretiennent les habits avec soin, les font sécher, etc. Rien
de souillé ou de corrompu ne traîne dans les chambres
d'habitation. Tout ce monde, même en hiver, recherche la
propreté du corps : ce serait toutefois exagéré de dire que
l'usage du bain quotidien pour les bébés est devenu
général.
Mais, après tout, qui oserait faire un crime à mes Esqui-
maux d'être habitués dès l'enfance à l'odeur désagréable,
nauséabonde même de l'huile de phoque? (C'est le phoque
fétide — Phoca fetida — des mers glaciales.)
Il reste un mot à dire cependant, sur ces tombes sans
nombre qui jonchent le sol. Je vous envoie la photographie
de l'une d'elles.
Gomme pour le campement, l'Esquimau choisira tou-
jours un endroit rocailleux et bien sec pour la sépulture des
morts.
L'été, le cadavre recouvert de ses habits de fourrure,
enveloppé dans des peaux de phoque ou de caribou, est
déposé à terre et recouvert de pierres. Sur ce tombeau pri-
mitif, on place tout ce qui a servi au défunt : canot, lances,
traîneau, pipe, fusil, etc. Rien de tout cela ne peut passer
en héritage ni servir à d'autres.
En été, quand la neige a disparu, le cadavre ainsi recou-
vert de roches est assez bien à l'abri des fauves. En hiver,
c'est autre chose. Le mort — et parfois, hélas I le moribond
qui n'a plus aucune chance de vivre — est simplement muré
dans sa maison de neige, et au printemps, à la fonte des
— 426 —
neiges, les botes se disputent ses restes, comme on le voit
par les ossements humains qui gisent autour des cam-
pements.
J'ai remarqué aussi que les Esquimaux, si scrupuleux en
ce qui regarde les objets ayant appartenu au mort, ne font
aucun cas d'ensevelir leurs morts tout proche de leur tente,
même en été. Sur le même banc de galets vous voyez une
loge ou tente et une tombe fraîche. Personne n'hésitera
non plus à installer ses pénates à proximité d'une tombe
ancienne où l'on distingue fort bien les os desséchés d'un
cadavre.
Il semble donc que l'Esquimau n'a pas peur des morts.
S'il s'abstient de toucher à tout ce qui leur a servi, ce sera
peut-être par superstition ou jjar croyance que les morts
possèdent encore dans l'autre monde.
IV. — Le camp d'été.
Emplacement. — Intérieur. — Travaux de la femme,
de l'homme. — Energie, Talents, Ressources.
Après une visite rapide au camp d'hiver, nous voici arri-
vés au camp d'été. — Mais quoi, ici-môme, sur ces bancs
de galets, sera le camp des Esquimaux ? Et pourquoi pas
tout à côté, où se trouve une belle place unie de mousse et
d'herbages mélangés ? au lieu d'avoir planté loges et tentes
sur ces roches menues et sans nombre dont la seule vue
inspire la crainte de se blesser les pieds ! C'est sans doute
pour éviter l'humidité de ces terrains de mousse et d'argile,
tantôt secs et durs comme la roche, tantôt détrempés et
tout de boue stagnante, selon qu'il gèle ou qu'il pleut. En
tout cas, cette manière de choisir l'emplacement du camp
n'est pas nouvelle, vous le verrez aux traces d'anciens
campements ici même et partout où vous irez.
427
Regardez, en passant, les ménagères esquimaudes àFou-
Trage. Celle-ci gratte le poil de phoque ou plutôt rase la
peau, maniant habilement le couteau en forme de croissant
que son mari lui a taillé dans une égoïne qui n'avait plus
de dents.
Ici, une autre passe les peaux à l'eau pour en dégager
l'excès de graisse qu'elles contiennent. Une autre encore
étend à terre pour les faii'e sécher les peaux destinées à
faire le parchemin imperméable pour les canots, sacs de
voyage, bottes, etc.. ; ou bien au contraire, elle les étend,
le poil tourné contre terre, dans des flaques d'eau sta-
gnante, pour pourrir la racine du poil qui tombera de lui-
même. Ces peaux épilées de la sorte ne sont pas étanches,
mais elles sont plus molles et servent pour les souliers
d'hiver quand la neige congelée n'a plus aucune trace
d'humidité.
Là, une prévoyante ménagère emmagasine de l'huile de
phoque dans des outres étanches faites de peaux de phoque
habilement cousues. Le plus intéressant peut-être, c'est la
cuisinière qui alimente et entretient son feu de gras et
d'huile de phoque. Le lard coupé en minces languettes fond,
«ouïe à grosses gouttes et s'embrase. Le feu est ardent.
C'est encore une peau de phoque, étendue à terre, poil en
dessous, qui fait l'âtre du foj^er ; deux ou trois roches
plates debout servent de cheminée et supportent en même
temps le chaudron.
Autour de la cuisinière, disons mieux, autour de la mar-
mite qui les intéresse beaucoup plus que la mine de leur
brave mère, bambins et bambines rôdent sans toutefois
perdre de vue le chaudron. Ils ne s'occuperont pas le moins
du monde des visiteurs. « Ventre affamé n'a point d'o-
reilles », dit le proverbe; et quand on voit ces enfants
Esquimaux tous gros et gras, pleins de santé et de vie, il
— 4-28 —
faut donc croire qu'ils ont toujours faim, bien qu'ils man.
gent à satiété aussi souvent qu'ils le désirent, sauf en temps
de famine ou de manque de provisions.
Au retour de la chasse, le soir, l'Esquimau rentre au
camp et y jouit de la vie de famille ; les délassements ne
sont pas inconnus : le chant, la danse, les tours de physi-
que plus ou moins compliqués, leur permettent de passer
agréablement les soirées. Mais, le plus souvent, ces soirées
sont employées, qui le croirait? aux œuvres d'art, sculp-
ture d'ivoire, objets d'ornementation, ou à la confection
d'objets nécesaires pour la pêche, la chasse, etc.
L'homme est régulier à l'ouvrage : il va à la chasse
chaque jour comme le fermier à son champ. L'abondance
ne l'arrête pas. Ce dont il n'aura pas besoin sera vendu au
loin pour se procurer quelques douceurs ou des objets
utiles. Le rêve est de pouvoir, à force de travail, monter un
bateau à voiles pour la chasse à la baleine.
Je n'ai pas vu d'Esquimaux passer des heures à jouer,
durant le jour, encore moins à flâner et jaser inutilement,
comme cela se pratique si communément chez les sau-
vages. Et cette activité incessante, cet amour du travail
explique comment en une région si désolée, ces gens par-
viennent à se pourvoir de vivres, de vêtements, dépourvus
de recherche et d'élégance, c'est vrai, mais fort bien appro-
priés à ces contrées et qui, étant de première nécessité, ne
doivent jamais manquer.
Le caribou est aussi d'un grand secours à ces pauvres
gens. Au point de vue du vêtement, il semble même réunir
tous les avantages. L'humidité ni le vent n'ont aucune
prise sur le poil court et serré de sa fourrure chaude et
légère. Mais sa chair est plutôt toujours pauvre. Le froid
intense des longs hivers l'amaigrit ; les mouches et mous-
— 429 —
tiques des marais le liaicèlent et le dévorent en été, ne lui
permettant pas de profiter du lichen frais et abondant que
porte le rocher débarrassé de la glace. Ce n'est guère qu'en
automne, quand le froid des nuits et les neiges nouvelles
engourdissent maringouins et moustiques, que le caribou
s'engraisse, fournit une nourriture plus substantielle et
offre du même coup le combustible.
Que si, dépistant les calculs des chasseurs, il se prend à
errer à l'aventure, oublieux de ses parages favoris, et visite
de nouvelles contrées, c'est alors pour l'Esquimau le
manque absolu de ressources : aliments, vêtements et feu.
C'est la mort !
C'est qu'en effet, la chasse constitue toujours un moyen
bien incertain de subsistance. Le bœuf musqué et le cari-
bou, seuls habitants de ces déserts, ont des mœurs nomades
et errantes qui ne relèvent d'aucune règle. Pour eux, le
mouvement c'est la vie ; sans cesse ils vont et viennent de-
ci, de-là, au gré des éléments ou de leur propre caprice.
D'ailleurs, décimés par une guerre sans relâche ni merci,
ils tendent à disparaître et ne suffiront bientôt plus aux
exigences de tout un peuple.
L'Esquimau va-t-il se laisser abattre ? Non. Ce que la
terre ne peut lui donner, il ira le demander à la mer, à
cette mer immense, sans limites, toujours riche et féconde
jusque dans ces régions désolées. Je dis à la mer, car les
épaves des fleuves et rivières sont bien rares. A la débâcle
des glaces, les grands cours d'eau qui se déversent dans la
Baie d'Hudson et dans la mer Arctique, depuis la pointe
de Melville, jusqu'aux bouches de la rivière au Cuivre,
viennent tous de pays déserts et sans végétation aucune.
Ils ne jettent à la mer que leurs eaux tumultueuses et fati-
guées de courir les rapides et les chutes parmi ces rochers
dénudés qui semblent vouloir s'opposer à leur passage.
L'Esquimau se tourne donc du côté de la mer. Le phoque,
le morse, la baleine, et autres monstres marins sont comme
tout enveloppés, entre chair et peau, d'une épaisse couche
— 430 —
de graisse qui a toute l'apparence du lard le plus pur... et
le plus parfumé. J'ai dit ailleurs qu'on utilisait la viande
comme aliment, la graisse comme combustible et lumi-
naire, la peau comme cuir d'excellentes chaussures imper-
méables et de grande résistance.
Les os des grands mammifères de la mer ont, sur les
cornes du bœuf musqué et du caribou, l'avantage des
dimensions, de la souplesse et de la résistance. Ils contri-
bueront largement à la fabrication de tous les instruments
de travail, chasse et pêche.
Taillés, cousus et chevillés ensemble, puis recouverts de
peaux de phoques, ces os deviennent aussi des canots
légers et rapides (kayaks) qui se jouent des flots et rivali-
sent de vitesse avec les monstres de la mer. Ne dirait-on
pas que, sous l'impulsion vigoureuse et habile de l'aviron
à double palette, ils ont repris une nouvelle vie et qu'au-
jourd'hui sur la surface des flots, comme jadis des profon-
deurs de l'Océan, ils s'élancent et bondissent à la poursuite
de leur proie !
De ces os encore, l'Esquimau fera son traîneau qui lui
permet de voyager plus à Taise ou même de changer de quar-
tier d'hiver, emportant avec lui tout ce qu'il a et doit avoir
pour faire face aux exigences de la vie nomade.
Considérée dans ses grandes lignes, la vie de l'Esquimau
accuse une énergie extraordinaire. Si nous nous arrêtons
aux détails, nous rencontrons en lui un ensemble de quali-
tés non moins frappantes. Le soin jaloux qu'il apporte à
bien faire toute chose ; le savoir-faire et l'habileté qu'il
déploie en maintes circonstances sont vraiment étonnants.
Nous l'avons vu construire son « igglou », élever le»
murs circulaires, leur donner une inclinaison régulière
pour en faire un dôme. Dans la construction du canot, son
habileté est plus remarquable encore. Sans autres instru-
— 431 —
xnents que ceux qu'il s'est fabriqués lui-même, en pierre, en
os ou en ivoire, il taille avec justesse et précision les épa-
ves de la mer ou plus souvent les os des mammifères. Pas
un clou, pas uue pointe, mais seulement quelques chevilles
en os, et de tous côtés, le nerf des animaux tressé en gros
fil qui sert, non pas à attacher, mais réellement à coudre, à
souder ensemble les différentes pièces du canot qui fait
maintenant un tout solide et compact. Rien ne joue ni ne
dépasse. Ainsi achevé, le canot supportera le choc et la
violence des vagues aux jours de tempêtes, sans se disjoin-
dre, sans se fausser, ni faiblir.
Les patins en ivoire que l'Esquimau applique à son traî-
neau méritent une mention. Ils sont faits de courtes lames
d'ivoire taillées dans les défenses des morses, ajustées les
unes à la suite des autres, sans solution apparente de con-
tinuité, à niveau égal et parfaitement régulier, et fixés au
montant par des chevilles : le tout d'une précision et d'une
solidité parfaites. La preuve c'est que ni les chocs, ni les
heurts du traîneau sur les blocs de glace, les bancs de
neige coupés, taillés en tous sens au caprice des vents et
enfin durcis et congelés, ni les chutes dans les crevasses et
autres mauvais pas d'une glace rugueuse, ni rien autre ne
parvient à disjoindre les patins ni à rompre les chevilles
qui les retiennent.
J'ai essayé jusqu'ici de donner une faible idée de la vie
active et particulièrement intéressante de l'Esquimau.
De ses moeurs intimes, de ses us et coutumes, de sa
religion ou de ses superstitions, je ne veux rien dire encore,
ne les connaissant pas assez bien, et l'erreur étant aisée à
commettre en pareille matière.
La mission une fois fondée, nous serons plus à même
d'étudier à fond toutes ces questions; la connaissance de la
langue, le séjour habituel sont nécessaires pour avoir des
données certaines et exactes sur ces différents points.
Je ne puis cependant pas terminer cette relation sans
donner quelques notes sur le caractère des Esquimaux
— 432 —
ceux du nord principalement; enfin je voudrais exposer
les raisons qui me semblent militer en faveur de la fonda-
tion et de la fondation sans délai d'un centre de missions
pour les Esquimaux.
V. — Caractère.
Supériorité sur les autres sauvages. — Amour du travail.
Aptitude pour les arts. — Espoir de conversion.
On a dit des sauvages qu'ils sont de grands enfants.
Celte définition, je l'ai adoptée depuis longtemps. L'expé-
rience de mes prédécesseurs à qui je suis tant redevable,
dix ans de séjour continu parmi les sauvages m'avaient
convaincu que pour réussir avec les Montagnais, il fallait
savoir les prendre et les traiter en grands enfants selon les
circonstances.
Pour ce qui est des Esquimaux de l'intérieur, en plu-
sieurs voyages et séjours parmi eux, j'avais pu constater
entre eux et les Montagnais certaines différences bien
marquées qui n'étaient point en faveur de ces derniers.
Pleins d'énergie, de savoir-faire et d'initiative, les Esqui-
maux montraient aussi une grande souplesse de caractère
et une étonnante facilité à se plier sans contrainte apparente
aux circonstances les plus diverses et les plus imprévues.
L'amour du travail, la gaieté franche et communicative de
leurs manières, dénotaient un esprit supérieur à celui des
Indiens.
Toutefois, soit disposition naturelle, soit habitude con-
tractée au contact des Montagnais avec lesquels ils ont des
rapports, les Esquimaux de l'intérieur montraient parfois
quelques-uns des signes d'infériorité et de faiblesse qui
font de l'Indien un grand enfant. Ainsi l'art, ou si l'on
aime mieux, le vice de la mendicité commençait à s'im-
planter parmi eux. Pour obtenir un peu de tabac, certains
n'hésitaient pas à s'abaisser et à s'exposer à la raillerie des
— 433 —
autres, quitte à se reprendre en ridicules accès de vanité
blessée en cas d'échec, ou de sotte suffisance, au temps de
la prospérité.
Il est vrai que, chez eux, mendier n'obligeait pas encore
à subir toute sorte d'avanies de la part du riche; donner
l'aumône n'accordait pas non plus le droit de se moquer à
plaisir du pauvre malheureux, de lui faire sentir sa
misère et sa dépendance envers son bienfaiteur : toutes
choses qui se font trop souvent chez les Montagnais.
L'Esquimau quémandeur était d'ordinaire plus digne.
Pour sauvegarder sa fierté, il recourait aussi à la ruse,
mais parfois aussi s'abaissait à contrefaire le pauvre à
l'excès, s'avouait incapable de se suffire par lui-même,
aliénant ainsi toute indépendance.
L'Esquimau du Nord, lui, ne donne aucune prise à la
critique sur ce point. L'indolence, la paresse, l'impré-
voyance du mendiant habitué à vivre en parasite,
comptant plus sur les autres que sur lui-même, sans
dignité ni personnalité et affectant par contre des airs de
grandeur sufiisante quand, par hasard, il réussit à quelque
chose, font place chez l'Esquimau du nord à l'amour du
travail, régulier et continu. Chacun pourvoit aux besoins
de sa famille, sans égoïsme ni mépris ou envie des autres.
Généreux et hospitaliers les uns envers les autres, chacun
agit, se meut, travaille à sa guise, libre et indépen-
dant, et tout ce monde réussit à rendre sa vie sup-
portable. Habitué ainsi à ne compter que sur lui-même,
l'Esquimau ne s'enfle pas de ses succès, ni ne se plaint de
la mauvaise chance.
Voici d'ailleurs des faits dont j'ai été témoin.
Le 16 du mois de mai, j'arrivais à l'embouchure de la
Rivière au Phoque (Seal River), côte ouest de la Baie
d'Hudson. Non loin de là, une grosse moitié de la tribu
montagnaise était campée d'un seul bloc. Un autre camp, à
— 434 —
4 ou 5 milles de distance, comprenait le reste de la tribu.
Tout ce petit monde vivait on ne sait trop comment de
quelques outardes bien rares. La cbasse ordinaire donnait,
en moyenne, une outarde par famille, tous les trois jours.
C'était bien le pays * de famine et de disette, dan nenekke »,
comme disent les » Mangeurs de caribou » en parlant des
environs de Churchill. Je sais que depuis cinq jours, nous
n'avions plus rencontré dans notre marche aucun gibier,
si ce n'est quelques perdrix blanches.
Nous traversons la mer « Botton's Bay » de l'ouest à
l'est, sur la glace, pour nous rendre à Churchill. La
marche était pénible. Partout d'énormes bourguignons (1) de
glace séparés par de profondes crevasses. La marée battait
son plein et l'eau couvrait la glace sur une très grande
étendue.
Deux jeunes Montagnais nous servaient de guides. Ils
avançaient lentement, tàtant la glace presque à chaque pas,
de peur de tomber dans quelque crevasse. A midi nous
allumons un peu de feu, car nous avions apporté uu peu
de bois, mais bien peu. Et du train où nous allons, nous
pouvons le ménager, ce bois; nous devrons sûrement
camper au large. Dans de telles conditions, c'est peu
réjouissant. Pas de feu, pas d'abri, pour nous sécher, une
glace douteuse. Nous étions mouillés jusqu'à la ceinture.
Avec cela, il nous reste quelques bouchées de * pemmican »,
assez pour aiguiser l'appétit et non le satisfaire.
Nos deux guides semblaient plutôt affolés, craignant
l'eau et ne sachant trop de quel côté se diriger. Nous voilà
donc, tristes voyageurs mal à l'aise, grelottant de froid,
affamés, avec la perspective d'un bien pauvre campement
sur cette mer sans horizon, quand, tout à coup nous nous
trouvons en face d'un campement d'Esquimaux. Tentes de
toile et de peaux, instruments de chasse et de pèche, rien
(1) On appelle ainsi des buttes ou mottes formées par des
ornières profonde?.
— 435 —
ne manque, c'est un campement en règle, un vrai séjour
sur la glace et en plein large.
Sans doute, pensez-vous, ce sont quelques pauvres
affamés que la disette retient ? — Pas du tout : voyez cette
chaudière qui contient au moins vingt livres de viande de
phoque. Aux alentours, les hommes sont à l'alfût. Le soir
ils rentrent prendre leur repas et un repos bien mérité,
tout en apportant les vivres du lendemain. En voyant, en
un tel endroit, ces vêtements légers, chauds, imperméables
à l'eau, en voyant cette nourriture saine, abondante, à quoi
bon faire le difficile ? j'étais émerveillé.
i Les Esquimaux vivent du phoque, me dit un de nos
guides, et c'est ainsi qu'ils font chaque année au prin-
temps ».
« Comment, m'écriai-je, vous, Montagnais, vous savez
cela et vous préférez jeûner sans relâche, grelotter avec vos
mocassins, éponges mouillées du soir au matin en ce pays
de marais, pendant des mois et des mois l Vous vous
servez de parchemins pour faire des sacs imperméables,
yous voyez les Esquimaux s'en faire des bottes et vous-
n'en ferez jamais une paire de souliers ?
Nous quittons le camp et nous suivons une piste de traî-
neau esquimau. Chose curieuse, sur cette piste, assez régu-
lière pourtant, nous ne trouvons ni eau ni crevasses. C'est
que les Esquimaux connaissent bien la glace; ils savent
éviter les mauvais pas, sans perdre de temps.
Plus loin, nous rencontrons trois hommes chassant le
phoque. Ils viennent du poste et leurs habits sont très
propres. Je m'adresse à l'un d'eux pour acheter une paire
de bottes de phoque, car j'avais les pieds à la glace. Il
n'avait pas sur lui de paire de rechange, mais sans hésiter,
il ôte ses propres bottes et me les donne, se contentant de
— 436 —
chaussettes courtes, ne lui couvrant que le pied, mais qui
sont imperméables comme les souliers et les bottes. Il
offre môme de faire le feu, mais, comme nous manquions
de vivres, je me contente de chausser mes nouvelles bottes
et l'on part. Nous suivons la piste des Esquimaux jusque
fort avant dans la nuit et arrivons à terre.
I
I
Depuis mon arrivée à Churchill, c'est-à-dire, depuis deux
mois et demi, je les vois tous les jours travailler sans
relâche. En juillet, à cause des tempêtes, les rets donnaient
peu. Les Montagnais jeûnaient et quêtaient sans relâche.
L'homme chasse le canard : lisez, attend, assis sur la
pointe de quelque rocher avancé sur la côte, que canards,
mauves huards, outardes viennent se planter au bout de
son fusil. Chasse de grande patience et de plus grand
insuccès encore. La famine, cela va de soi, se faisait
cruellement sentir. L'Esquimau, lui, ne manquait pas de
vivres. J'ai fait plusieurs visites au camp, mais n'ai jamais
rencontré aucun homme durant le jour; ils sont au travail.
Serait-ce parce qu'ils peuvent à peine suftire au strict
nécessaire? Mais, dans plusieurs loges, je vois nombre de
phoques, quelquefois jusqu'à dix empilés les uns sur les
autres, et les hommes, au lieu de rester à festoyer, sont
retournés à la chasse.
Excellent marin et accoutumé à la mer par tous les
temps, il ne lui faudra rien moins que la maladie pour
l'abattre et le jeter dans la misère en le réduisant à l'im-
puissance.
Eh bien, lors même qu'il se trouve dans la nécessité,
l'Esquimau du nord ne quémande pas. S'il reçoit quelques
secours, il se montre plein de reconnaissance si franche et
si joyeuse qu'on le croirait sans fierté. Et pourtant, il ne
s'autorisera pas de ses travaux antérieurs pour demander.
— 437 —
On m'assure que l'an dernier l'un d'eux se mourait presque
d'inanition auprès du poste, mais il attendit un secours
sans le demander.
De tels hommes ne peuvent manquer de donner satisfac-
tion aux maîtres qui les engagent au travail.
L'Esquimau comprend bien l'ouvrage qui lui est assigné,
quel qu'il soit. Il le fait de son mieux, sans chercher ni
conseils, ni approbations déguisées à droite et à gauche,
sans s'interrompre pour babiller, fumer ou se reposer.
Vous pouvez compter absolument sur lui. Je le vois ici
chaque jour, occupé aux travaux les plus divers, toujours
égal à lui-même, sans lenteur ni précipitation, apportant
la même attention aux ouvrages les plus communs qu'à
ceux de plus haute importance. La présence du maître
à ses côtés ne l'excite ni ne le meut pas plus que celle de
ses compagnons de travail.
Vous pouvez voyager partout au nord, en hiver, avec un
Esquimau. Pour construire l'igglou ou maison de neige,
pour sécher et amollir le cuir des vêtements, et pour ces
mille petits détails où vous aurez à recourir à son expé-
rience du climat, l'Esquimau sera toujours prêt, toujours
attentif et ne fera jamais sentir d'aucune manière qu'il se
croit nécessaire.
L'arrivée des Esquimaux de Fullerton surtout m'a
frappé. Deux baleinières à voiles abordent en même
temps. Sur le rivage, nombre d'amis attendent. En
quelques minutes, les bateaux sont déchargés, halés à
terre et toutes choses : rames, voiles, agrès, bagages, tout
se trouve à sa place dans un ordre parfait. Pas de démons-
trations bruyantes de joie : l'ouvrage d'abord, et l'ouvrage
se fait avec méthode et dans le calme. Point n'est besoin
de lancer des ordres de-ci, de-là; tout marche comme par
enchantement. Les souhaits de bienvenue, la poignée de
main s'échangent avec aisance. Je croyais rencontrer de
28
— 438 —
grands enfants et je me trouve devant des hommes dans
toute la force du terme.
Non, ce ne sont pas de grands enfants auxquels on peut
en imposer par des airs de grandeur et moins encore que
Ton peut amuser de ces petits riens qui captivent la curie"
si lé du sauvage ordinaire.
Un des officiers de la gendarmerie à cheval du nord-
ouest me disait en arrivant à FuUerton : « Les Esquimaux
du nord sont vraiment pleins de ressources et dignes de la
civilisation qui serait fière d'eux si elle les connaissait. »
Cet enthousiasme m'a gagné moi aussi, je l'avoue,
ï Voyez ces Esquimaux, me disait un autre, quel beau
caractère ! quelle différence avec tant d'autres sauvages,
timides, indolents, qui vont et "tiennent sans trop savoir
pourquoi, la tête basse et le regard plutôt hébété. » Et le
contraste est en effet frappant.
Il y a quelques années, un de ces Esquimaux du nord
descendit à Winnipeg. Chacun prit plaisir à lui montrer
les derniers progrès de la civilisation « high life ». En che-
min de fer, en tram\\"ay ou en automobile l'Esquimau se
sentait aussi à son aise que sur son traîneau à chiens. De
la lampe à huile de phoque ou de baleine à la lumière élec-
trique, de l'igglou ou maison de neige à ces grands maga-
sins qui étalent le luxe et la richesse et jusqu'aux grandes
manufactures, on apparence automatiques et qui semblent
créer des merveilles, il y a certes une différence énorme.
Notre Esquimau regardait, mais restait parfaitement à
l'aise. Rien de cette admiration naïve de l'enfant, de cet
étonnement intense qui captive toute l'attention et donne
un air niais et distrait.
Combien d'Indiens pourraient subir pareille épreuve sans
faiblir?
439
J'ai dit plus haut combien l'Esquimau du nord aime le
travail et la proiDreté.
Après la journée, surtout aux longues soirées d'hiver, il
s'occupe encore d'œuvres d'art. La pierre ponce, Tivoire,
les os prennent toutes les formes entre ses mains habiles.
Je ne parle pas ici des pipes, couteaux, lances, hameçons,
flèches, harpons, ustensiles de cuisine, etc. Ce sont des
objets de première nécessité et chacun s'en tire à merveille.
Il y a mieux. J'ai vu taillés et sculptés avec un art remar-
quable des ours blancs, des morses et des phoques. Un de
ces Esquimaux a même sculpté dans l'ivoire un Christ
miniature de 3 pouces U environ (7 à 8 centimètres). Il
copiait d'après un dessin et son ouvrage est un petit chef-
d'œuvre pour le naturel de la pose, les proportions et le fini
des moindres détails.
Dans ses habits, point de ces superfluités bizarres, de
goût sauvage, telles que rubans, tresses aux couleurs
disparates. Tous ses vêtements doivent être bieu justes
et tirés. « Vos souliers, me disait-on, ont été faits par les
Esquimaux du sud. » Ils manquaient, paraît-il, de propor-
tion et n'allaient pas à mon pied.
Ce n'est pas un peuple dégradé, impuissant, qui lutte à
peine et à contre-cœur pour son existence; il n'a même pas
l'air de soupçonner les difficultés qui l'environnent. En un
mot, de tous les sauvages que j'ai rencontrés jusqu'ici, ce
sont les Esquimaux du nord qui se rapprochent le plus du
monde civilisé. En serait-il ainsi s'ils étaient inférieurs
aux autres, comme on pouvait le craindre? Et s'ils com-
prennent et imitent si bien le monde civilisé, ne faut il pas
espérer que la religion du monde civilisé les attirera elle
aussi?
Oh ! combien ce peuple mérite qu'on s'occupe de lui ! Tous
— 440 —
les blancs : baleiniers, voyageurs, commerçants qui ren-
contrent les Esquimaux s'intéressent à leur bien-être maté-
riel. S'étonnera-t-on dès lors, si prêtre, missionnaire des
pauvres, je me sens au cœur un immense désir du salut de
ces pauvres âmes, toutes païennes encore, qui, avides de
civilisation, ne soupçonnent rien encore du premier et du
plus grand bienfait de la civilisation : la connaissance du
vrai Dieu?
VI. — Pour la nouvelle fondation
chez les Esquimaux.
Nécessité d'un centre de mission à Chesterfield.
Urgence de cette fondation.
Puisque, pour le moment, iln"est pas possible d'atteindre,
en partant d'un seul centre de mission, toutes ces popula-
tions disséminées sur plusieurs milliers de kilomètres, on
doit chercher, du moins, à en atteindre pratiquement le
plus grand nombre.
Chesterfield me semble le lieu le plus favorable pour
devenir le centre de l'apostolat chez les Esquimaux.
En effet, si nous retranchons, pour l'instant, les trois
groupes situés à l'est de la Baie d'Hudson, le long des
détroits d'Hudson, de Davis et de la terre de Bafûn, grou-
l^es séparés par la mer, à de grandes distances entre eux,
et où se trouvent onze ou douze cents Esquimaux, dont
une partie seulement du Vicariat du Keewatin, il nous
reste le plus grand nombre, 2.800 ou 3.900, à l'ouest de la
grande Baie, et pour tous ceux-ci Chesterfield semble tout
indiqué comme centre avec Repuise Bay comme limite au
nord, à 500 kilom. ; le Cap Esquimau, comme limite au
sud, à 300 kilom. Il suffit donc, étant données ces limites
extrêmes au nord et au sud, de prendre Chesterfield comme
centre d'un demi-cercle dont le rayon serait de 8 à 400 kilom.,
pour atteindre presque tous les Esquimaux qui sont sur
— 441 —
le continent et appartiennent au Vicariat apostolique du
Keewalin.
Ces distances sont énormes, dira-t-on ; c'est vrai, mais les
Esquimaux en parcourent chaque année de plus grandes
encore pour rencontrer un simple colporteur ambulant de
la tribu voisine. Ce marchand, à son tour, revient chez lui
et entreprend un autre voyage pour se rendre au poste ou
avant-poste intermédiaire le plus proche. Croira-t-on que
les Esquimaux des bords de la mer Arctique (Bouches de
Backs River) envoient ainsi chaque année des fourrures
jusqu'au lac Caribou, à plus de 600 milles (1.000 kilom.) au
sud-ouest de Gheslerfield ?
Les Esquimaux, sans doute, n'entreprendraient point de
pareils voj^ages, surtout en groupes, pour aller voir seule-
ment le Père; mais cette année même, la C'e de la Baie
d'Hudson établit un poste à Chesterfield qui attirera tous
ces voyageurs et d'autres encore. Au lieu d'avoir affaire
aux marchands ambulants dont l'approvisionnement est
forcément très restreint, beaucoup préféreront traiter direc-
ment eux-mêmes au magasin, où ils auront plus à choisir,
seront mieux payés, sans voyager davantage.
Je sais encore que la plus grande partie des Esquimaux
du nord résidant loin au nord de Chesterfield ; mais la raison
de leur séjour en ces pays extrêmement lointains n'existant
plus, ils se rapprocheront. Les baleiniers écossais qui les
avaient attirés et retenus à Repuise Bay et jusqu'à Lyons
Inlet, ont abandonné le pays. Les Américains qui approvi-
sionnaient les Esquimaux autour de Follerton en sont à leur
dernier voyage. La pêche à la baleine finie dans la Baie, les
pêcheurs se retirent. Les Esquimaux de ces parages, habi-
tués depuis longtemps déjà à un confort relatif ou plutôt
aux armes de chasse et instruments divers, n'hésiteront pas
à avancer cent milles au sud vers Fellerton, s'ils sont sûrs
de rencontrer les mêmes avantages. Pense-t-on qu'ils pré-
féreront retourner k l'âge de pierre, laisser la carabine pour
la flèche et la lance en silex ?
— 442 —
Autre avantage unique de Chesterfield comme centre :
c'est que du golfe, on peut, en été, visiter en canot le plus
grand nombre des Equimaux de l'intérieur. Ceux-ci sont
campés sur les lacs et rivières, qui presque toutes sont tri-
butaires du golfe de Chesterfield tant au sud qu'au nord.
Ainsi, la rivière Doohant qui vient du lac Athabaska, la
rivière Kasau, bien connue des Montagnaisdu lac Caribou,
et sur les bords de laquelle résident tant d'Esquimaux,
confluent directement vers ce golfe. D'autre part, quelques
courts portages entre les lacs intermédiaires suffisent pour
passer de la rivière Kasan aux rivières Ferguson etMaguse.
Enfin, de l'avis de tous les Esquimaux, c'est là qu'il faut
s'établir, car là seulement on peut compter sans faute sur
le caribou, hiver et été, le poisson, le phoque ainsi que la
baleine blanche pour nourrir les chiens. C'est dans les envi-
rons de Chesterfield, que la plupart des Esquimaux vien-
nent chaque année à l'automne chasser le caribou pour
se procurer les peaux dont ils ont besoin pour l'hiver.
L'église anglicane, grâce à ses ressources énormes, nous
a précédés dans le nord, sur la terre de Baffin, dans le
Cumberland Sound (nord de la Baie Frobisher). Le Révé-
rend M. Peck a établi une mission à côté d'une station de
baleiniers à Blacklead Island. De là, il est descendu cet été
même au détroit de la Baie, côte nord, amenant avec lui un
jeune prédicant qu'il a installé à Hachen lulet, pour des-
servir les Esquimaux des environs. La C'e Revillon a déjà
un poste en ces parages, et la Gie de la Baie d'Hudson s'y
fixe cette année.
Ces deux Révérends ont fait la traversée à bord du « His
M. S. Minto î (bateau : Service de Sa Majesté) qui m'a amené
de Churchill à York. Un schooner remorqué par le Minto
destiné aux travaux d'hydrographie et de magnétisme dans
le détroit, effectués au nom du gouvernement anglais, a
— 443 —
apporté maisons, provisions, charbon et tout le matériel
nécessaire à ces Messieurs.
Le gouvernement, sans nul doute, se montre très conci-
liant et très favorable à l'établissement de missions parmi
les Esquimaux. Les Rapports des officiers de police sont
tous en faveur de telles fondations et les représentent plu-
tôt comme nécessaires.
Voici donc la partie Nord-Est du Vicariat apostolique du
Keewatin occupée par les Sociétés protestantes, et un mil-
lier d'Esquimaux qui tombent du même coup sous leur
influence.
Restent ceux des rivages ouest de la Baie. Ils sont de
beaucoup les plus nombreux, les mieux groupés ; le recen-
sement a été fait avec assez de soin. Ils attirent beaucoup
l'attention des étrangers par leur sympathie pour le monde
civilisé. La Compagnie s'établit chez eux, le gouvernement
ne nous causera aucun embarras, mais nous verrait plutôt
avec plaisir. D'autre part, mon voyage, avec l'intention de
me renseigner sur ces Esquimaux, au point de vue de l'éta-
blissement futur d'une mission, est connu depuis Churchill
jusqu'à Fullerton. Les ministres d'York et de Churchill,
très conciliants d'ailleurs, ferment d'autant moins les yeux
sur nos démarches qu'il craignent plutôt de nous voir nous
implanter chez eux. Ce même révérend M. Peck, qui a tant
travaillé pour les sauvages Montagnais Cris et pour les
Esquimaux, doit descendre à Churchill, cet été, dit-on. Il
serait dès lors certainement à bord du « Pélican », steamer
la Cie de la Baie d'Hudson. Ce même steamer, à son retour
de Churchill, s'arrêtera à Ghesterfield pour y établir le nou-
veau poste de traite.
Etant données toutes ces circonstances — purement
humaines, et pourtant il en est d'autres ! —peut-on entendre
et remettre à plus tard? Ma conviction ab.solue est que tar-
der, c'est renoncer, et renoncer, c'est livrer tout un peuple
aux ministres de l'erreur qui approchent de plus en plus et
guettent déjà ces contrées; tarder, c'est renoncer à tout
— 444 —
développement du nouveau vicariat de Kecwatin vers le
nord. Dans le Vicariat on ferait le bien, je l'accorde, dans
les missions déjà établies. Partout ses missionnaires zélés
maintientlraient dans la foi catholique les tribus que nos
premiers Pères ont converties, c'est encore vrai ; mais l'ère
de l'apostolat, l'ère des conquêtes du bon Dieu sur les âmes
des païens serait close et tout ce peuple des Esquimaux
serait irrémédiablement abondonné !
Nous espérons qu'il n'en sera pas ainsi, et que pour une
question de méprisable argent, l'œuvre de la mission ne
sera pas arrêtée. Notre chère famille des Oblats sera là,
comme elle l'a été ailleurs, avec le secours de l'Œuvre de la
Propagation de la Foi, le bras de Dieu pour arracher les
âmes à l'empire du démon.
J'avoue que je me sens tout effrayé à la pensée des res-
ponsabilités qui pèseraient sur moi, si mon insuffisance
dans les circonstances actuelles allait mettre obstacle à
cette belle œuvre d'évangélisation. Mais, en avant, pour la
gloire de Dieu et le salut de mes pauvres Esquimaux !
t Da animas, cœtera toile : Donnez-moi des âmes et
prenez tout le reste 1 »
A. TURQUETIL, 0. M. I.
Missionnaire des Esquimaux.
— 445 —
VICARIAT D'AUSTRALIE
Rapport par le R. P. C. Cox, vicaire des Missions.
Glendalough, Leederville, Australie Occidentale.
15 juillet 1912.
Monseigneur et bien-Aimé
Père Supérieur général,
Il y a maintenant 16 mois que j'ai eu le plaisii* d'envoyer
à Votre Grandeur un compte rendu de ce que nous faisons
dans ce vicariat éloigné. Comme nos œuvres sont peu nom-
breuses, on ne peut nous demander qu'un rapport succinct
et sans s'attendre à y trouver beaucoup d'intéressants
détails. Néanmoins, nous sommes toujours occupés, et je
pense que nous pouvons, grâce à Dieu, nous rendre le
témoignage que nos travaux tendent à favoriser, maintenir
et même développer les intérêts de la religion, dans la
sphère où ces travaux s'accomplissent.
Je suis heureux de pouvoir enregistrer les efforts de nos
Pères et des chrétiens qui leur sont confiés, dans les dis-
tricts de Fremantle et de Fremantle Nord, pour aider Sa
Grandeur Mgr Clune à faire face aux difficultés financières
de son diocèse. Les arrangements, faits dans ce but, ne
nous ont pas permis, il est vrai, de payer la dette de 4200 livres
st. contractée pour l'agrandissement des écoles de Fremantle
Nord et Beaconsfield ; mais, cette dette n'est pas inquié-
tante.
Le 4 avril 1911, la communauté de Fremantle était hono-
rée de la présence de Monseigneur qui dîna avec les Pères
et témoigna son amitié et son affection pour les Oblats tra-
— 446 —
vaillant dans son diocèse. De nombreux et dignes repré-
sentants du clergé séculier, ainsi que des Pères rédempto-
ristes, se joignirent à nos Pères, pour souhaiter la bienve-
nue à Sa Grandeur, en cette circonstance.
Le 18 avril 1911, étaient annoncés officiellement les
changements qui allaient se produire dans notre petit vica-
riat. Le Révérend Père vicaire des missions était désigné
pour prendre la direction de l'établissement de Glenda-
lough, et le R. P. Flynn, remplaçait le Révérend Père
vicaire comme supérieur de Fremantle. Ce changement s'ef-
fectua le 1*' mai, et donna lieu à de nombreuses manifes-
tations d'estime et de reconnaissance envers le vicaire
des missions qui, pendant plus de 11 ans, s'est livré
à un travail incessant, dans le district de Fremantle. A
l'issue d'un meeting public, tenu à Fremantle, et au-
quel un grand nombre de protestants prirent part, un
beau calice d'or fut présenté au Révérend Père vicaire.
Dans une seconde réunion, les enfants de Marie lui oflfri-
rent une adresse et différents petits présents. Enfin, une
belle statue de l'Immaculée lui fut offerte par les enfants
du district, à l'issue d'une troisième assemblée.
^**
En juillet 1911, le R. P. Neville se rendit à Carnarvon,
port de mer dans le diocèse de Geraldton, 11 y passa un
mois pour aider le seul prêtre séculier chargé du ministère
paroissial. A la mission de Carnarvon, est rattaché un dis-
trict aussi étendu qu'un ou deux diocèses de France.
En dehors du ministère paroissial, les travaux accomplis,
■depuis mon dernier rapport, ont été : une retraite prêchée
par le R. P. Flynn aux dames ou sœurs de Lorette, du
couvent à^Osborne, 2 retraites prêchées par le Révérend
— 447 —
Père vicaire (1911-1912) aux enfants de l'école industrielle
de Glendalough, ainsi que les deux retraites annuelles aux
Pères du vicariat ; et la retraite des Frères convers prê-
chée en 1911 par le R. P. Me Callion et en 1913 par le
R. P. Smyth.
Pour tous les Oblats du Vicariat, le 6 novembre 1911 a
été un jour de joie et de bonheur causé par l'arrivée du
R, P. Hayes. Nous remercions Votre Grandeur de nous
avoir envoyé cet édifiant jeune Père. Quoiqu'il ne soit pas
encore bien robuste, sa santé s'est fortifiée et il trouvera
ici un vaste champ où dépenser son zèle. Après six mois
passés à Fremantle, il dut être transféré à Fremantle Nord,
car sa tâche était devenue trop fatigante pour lui, en raison
de l'absence du R. P. Me Callion dont la sérieuse maladie
a été pour nous tous une pénible épreuve. Gravement
atteint de fièvre typhoïde, en mars 1912, le R. P. Me Callion
ne put quitter l'hôpital pour rejoindre la communauté que
le 24 juin, et, jusqu'au 14 juillet, il demeura privé du
bonheur de dire la sainte messe.
Le travail imposé par le ministère paroissial continue à
être aussi ardu et absorbant que jamais, bien que derniè-
rement il ait subi une légère diminution par la fermeture
de l'asile des vieillards transféré à Claremont. Les districts
éloignés de Hope-Valley et de Jandakst sont encore des-
servis de Fremantle.
Dans les différentes écoles paroissiales, les enfants sont
plus nombreux : cette augmentation se fait surtout re-
marquer dans les écoles tenues par les Frères des Ecoles
chrétiennes. Cependant la population, telle que la donne
le recensement de 1911, est moins nombreuse qu'elle n'était
autrefois. Le chiffre pour Fremantle est de 14.499; pour
Fremantle Est, de 3.017; pour Fremantle Nord, de 3.331.
La population totale de cet immense Etat d'Australie Occi-
dentale, d'une superficie près de vingt fois celle de l'Ano^le-
— 448 —
terre, était, au 30 juin 1911, de 287.855 et de 302.241 au
30 juin 1912 (1).
Les diflérentes Confraternités de Fremantle et de Fre-
mantle Nord continuent à prospérer. Dans les deux en-
droits, les conférences de St- Vincent de Paul sont établies :
elles sont bien fréquentées et font un grand bien. Les
Sacrements sont mieux fréquentés, et les personnes fai-
sant la communion quotidienne forment déjà un bon petit
noyau. Les ouvriers, quoique trop souvent encore négli-
gents dans l'accomplissement de leurs devoirs religieux,
sont cependant, dans une large proportion, édifiants et
réguliers.
Les Sœurs de St-Joseph de l'Apparition travaillent avec
ardeur dans les écoles paroissiales et leurs enfants ont de
beaux succès aux examens. Les Pères donnent l'instruction
religieuse, chaque semaine, dans toutes les écoles.
Passant maintenant à Glendalough, je dois dire que bien
que le nombre des enfants de l'Ecole industrielle soit res-
treint, les Frères sont bien dévoués à leur travail, avec très
peu de relâche, d'un bout de la semaine à l'autre. Ils vont,
chacun à leur tour, à Fremantle, pour y passer, chaque
année, une quinzaine de jours, pour respirer un peu l'air
de la mer et se reposer. — Quelques additions ont été faites
aux dépendances de la ferme : pour faire face aux dépenses
nécessitées par ces additions, quelques morceaux de terrain
ont été loués à des jardiniers chinois. Nos enfants sont trop
peu nombreux et, pour la plupart, trop petits, pour pouvoir
nous être d'un secours appréciable dans les travaux de la
ferme. Cinq jours de la semaine, ils ont à consacrer 5 heures
par jour à leur éducation élémentaire, sous le contrôle des
inspecteurs de l'Etat. Leur maître d'école est le Frère Bo-
(1) Les Aborigènes ne sont pas inclus dans ces chiffres.
— 449 —
land qui trouve un peu de temps chaque année, avant
Noël, pour aller à Perth et à Frcmantle recueillir des sous-
criptions en faveur de l'établissement. Sans distinction de
croyance religieuse, beaucoup nous aident dans l'accom-
plissement de notre tâche.
Je suis heureux de dire que les relations de nos Pères
avec Sa Grandeur Mgr l'Evêque, avec tous les membres
du clergé séculier et avec les RPi. PP. Rédemptoristes, sont
tout à fait cordiales. Je crois que le travail que nous faisons
pour le bien des âmes est hautement apprécié par les
laïques. La maladie du R. P. M' Callion a donné lieu à
de nombreux témoignages de sympathie, entre autres la
promptitude avec laquelle a été souscrite une somme d'ar-
gent suffisante pour lui permettre d'aller faire un voyage
et un séjour dans les Etats de l'Est, dès qu'il se sentirait en
état de voyager.
Je prie Votre Grandeur et les Pères de l'Administration
Générale d'agréer l'assurance du dévouement avec lequel
tous nos Pères et Frères travaillent à la partie de la vigne
confiée à notre chère Congrégation en Australie, et je suis
très reconnaissant à Votre Grandeur de l'intérêt qu'elle ne
cesse de nous porter.
Daignez me bénir, Monseigneur et bien-aimé Père, et
agréer l'assurance du respect filial et de l'aSection de votre
humble et dévoué fils en N.-S. et M. I.
Charles Cox, 0. M. I.,
Vicaire des Missions.
— 450 —
NOUVELLES DIVERSES
ROME
Copie de la lettre que le Très Révérend Père Supérieur Général
a adressée aux Frères convers à l'occasion de la publication de la
traduction française de nos saintes Règles.
Rome, le 19 mars 1912, en la fête de saint Joseph.
Mes bien chers Frères,
Vous trouverez dans ce précieux petit livre la traduction
du texte latin de nos saintes Règles, telles qu'elles ont
été approuvées par Sa Sainteté le Pape Léon XII, par ses
successeurs sur la chaire de Saint-Pierre et, en dernier
lieu, par notre Saint- Père le Pape Pie X.
J'aime à croire que vous vous appliquerez, dans toute la
mesure du possible, à en suivre fidèlement toutes les pres-
criptions qui vous concernent. Je vous demande très ins-
tamment de vous montrer toujours dignes de votre nom
de religieux Oblals de Marie Immaculée, et pour cela, de
sanctifier votre travail en continuant les traditions d'humble
dévouement et de piété solide que vous ont léguées vos
aînés dans la famille.
C'est de tout cœur que je vous donne à tous, mes bien
chers Frères, ma paternelle bénédiction en Notre-Seigneur
et Marie Immaculée.
f A. DONTENWILL,
Arch. de Ptolémaïs, Sup. Gén.
451 —
Les Notices nécrologiques.
Depuis longtemps et à plusieurs reprises, la sollicitude
de rAdministralion Générale s'est inquiétée de ce que les
t Notices nécrologiques » avaient cessé de paraître. Et
cependant le nombre des nôtres qui sont allés au ciel
recevoir leur couronne augmente d'année en année, sans
que rien vienne nous rappeler leur physionomie morale,
leurs travaux, leurs vertus et leurs derniers instants.
Des vœux pour la publication de ces notices furent ex-
primés par divers Chapitres généraux. Le commencement
d'exécution qui les suivit, tout en prouvant la bonne vo-
lonté de tous, n'aboutit pas à des résultats pratiques. Il est
plus facile de réclamer la reprise de la publication des
notices nécrologiques que d'obtenir, chaque année, — sans
parler de l'arriéré de plus de sept cents notices — trente ou
trente-cinq notices nouvelles, étant donné que jusqu'ici
nous avions cru devoir leur donner le développement d'une
brochure.
C'est cette perfection même qui nous a arrêtés.
Lïmpossibilité de persister dans la méthode des longues
notices étant reconnue de tous, il n'y avait plus à choisir
qu'entre deux partis : ou bien continuer — comme c'est le
cas depuis douze ans — à ne plus faire paraître de notices,
ce qui va à rencontre de nos traditions, ou bien faciliter la
publication desdites notices en les ramenant à des pro-
portions plus modestes.
Notre Révérendissime Supérieur Général s'est arrêté à ce
dernier parti, et il a, en conséquence, pris les décisions
suivantes :
1) A partir du numéro de mars 1913, une partie de nos
t Missions » sera consacrée à la publication des notices
nécrologiques de nos chers défunts. Pères et Frères.
2) Ces notices seront rédigées dans le plus bref délai
— 452 —
après le décès, sous l'autorité du R. P. Provincial du
défunt.
o) Elles seront adressées au R. P. Assistant Général
chargé de la Province à laquelle appartenait le défunt.
Il n'est pas opportun d'assigner des limites à la longueur
de ces notices. Que ceux qui les rédigeront veuillent bien
ne pas perdre de vue que les nouvelles notices, insérées
dans les « Missions », devront être beaucoup plus succinctes
que les anciennes, publiées en volumes à part. En quelques
pages édifiantes, les Semaines Religieuses des diocèses par-
viennent à retracer la carrière de prêtres vénérables. On ne
voit pas pourquoi cette méthode, adoptée chez nous, ne
donnerait pas satisfaction. Le plus souvent, une dizaine ou
une douzaine de pages devraient être considérées plutôt
comme un maximum.
Il sera toujours opportun que, par les soins du R. P. Pro-
vincial, une vie plus complète ou une brochure plus dé-
taillée soit consacrée aux sujets exceptionnels, ceux, par
exemple, qui auraient exercé des charges importantes dans
la Congrégation, ou dont la carrière religieuse offrirait un
intérêt spécial au point de vue de l'édification et du recru-
tement.
Quant aux notices ordinaires, ainsi réduites, elles ne
demanderont pour leur rédaction ni de longs loisirs, ni de
patientes recherches. Paraissant dans un délai plus rap-
proché du décès, elles auront avec l'intérêt de l'édification,
celui, pour ainsi dire, de l'actualité et nous rappelleront le
devoir de prier pour nos morts. Enfin leur insertion dans
les « Missions », loin de nuire au caractère de revue de
famille qui est le leur, le renforcera plutôt, puisque, désor-
mais, on y trouva juxtaposés le récit des travaux des vi-
vants et le tableau des œuvres et des vertus de ce-ux des
— 453 —
nôtres que le bon Dieu a rappelés ù Lui et qui, là-haut,
rant^és autour de notre vénéré Fondateur, reconstituent
la Congrégation des Oblats de la Très Sainte et Immaculée
Vierge Marie.
PROVINCE BRITANNIQUE
Noces d'or sacerdotales du R. P. M. Brody.
Grâce à l'heureuse pensée du R. P. Louis Foley, supé-
rieur du juniorat de Belcamp Hall, une assemblée vraiment
imposante de Pères et de scolastiques Oblats se trouvait
réunie dans cette communauté, le 30 octobre 1912, pour
fêter le cinquantième anniversaire de l'ordination sacer-
dotale du R. P. Michel Brody.
Les compliments les plus flatteurs, les félicitations les
plus enthousiastes seraient peu de chose en comparaison
du simple état de services du vénéré jubilaire.
Ordonné prêtre, en 1862, au grand collège de Maynooth,
il exerça le ministère dans les rangs du clergé séculier,
pendant deux ans, à l'expiration desquels il réussit à réa-
liser un projet qu'il caressait depuis longtemps, celui
d'entrer dans une Congrégation religieuse. Il fut le bien-
venu, parmi les missionnaires Oblats de Marie Immaculée,
et le R. P. Cook, provincial, qui le reçut, l'envoya au novi-
ciat de Belmont House, dirigé alors par le R. P. Boisramé.
Le 14 mai 1865, le P. Brody prononçait ses vœux perpé-
tuels ; il recevait, presque aussitôt après, son obédience
pour Liverpool, où les PP. Jolivet, Lenoir, Redmond et
Coopman se dévouaient à la rude tâche de l'évangélisation
de la paroisse très peuplée de Holy-Cross. Pendant 6 ans,
leur nouveau compagnon travailla très activement, faisant
le plus grand bien, surtout en qualité d'aumônier de la
29
— 454 —
société de tempérance. Pendant l'épidémie de choléra, qui
sévit en 1867, le P. Brody, le P. Morgan O'Dwyer ainsi
que les autres Pères assistèrent, et le jour et la nuit, un
nombre considérable de malades atteints par le fléau.
De Liverpool, le Père passe à Rockferry, où pendant
5 ans il fait un bien considérable dans la société des jeunes
gens et dans une société semblable à celle qu'il dirigeait à
Holy-Cross. Il retourne dans celte dernière paroisse, non
sans avoir reçu les marques les plus touchantes de l'atta-
chement et de l'estime des fidèles qu'il quittait.
En 1878, il est nommé Supérieur à Sicklinghall. Il le sera
une seconde fois en 1904, mais après avoir passé des
années laborieuses à Leith, Inchicore, et à Rockferry pour
la deuxième fois, après avoir pris part à la prédication de
nombreuses missions, et avoir, pour sa plus grande joie et
consolation, fait deux pèlerinages, l'un à Lourdes, l'autre
à Rome.
Quelques-uns des épisodes de sa vie ont été rappelés
dans les discours pleins de verve et d'à propos que firent
entendre tour à tour le R. P. Daniel O'Reilly provincial,
le R. P. Louis Foley, supérieur, et le R. P. Ring, le « vété-
ran missionnaire » qui demeure toujours « vert et rigou-
reux », bien que son jubilé d'or remonte à 1909.
C'est par un discours tout aimable et fort judicieux que
le R. P. Brody, l'heureux et modeste jubilaire du jour,,
répondit aux félicitations qui venaient de lui être
adressées. Son état de santé parut à tous si satisfaisant, et
son humeur si alerte, qu'il laissa à tous les témoins le
doux espoir de le voir continuer, pendant de longues
années, de donner à-Belcamp Hall l'édification de sa vie
exemplaire d'Oblat de Marie Immaculée.
Les 8 Missions «, elles aussi, offrent, de grand cœur, ce
vœu au vénéré jubilaire : kd miillos annos.
\
— 455
PREMIÈRE PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
Scolasticat de Tewksbury.
Jours d'Ordination et de première messe.
II y a longtemps que nous n'avons eu l'occasion de donner des
nouvelles du scolasticat de ïewksbury. Nos lecteurs s'édifieront
des lignes suivantes qu'une plume amie a écrites pour eus.
Le samedi 15 et le dimanche 16 juin ont été pour le sco-
lasticat de la première province des Etats-Unis, une fête
ininterrompue et d'une solennité qui demeurera inoubliable.
Après l'ordination de 3 diacres faite le jeudi 13 juin par
Mgr Anderson, dans la chapelle du séminaire Brighton, le
samedi 15, quatre sous-diacres et quatre prêtres étaient
ordonnés par Son Eminence le cardinal O'Gonnell dans la
cathédrale Sainte-Croix de Boston. Cette ordination de
8 prêtres, dont 4 Oblats, est la plus belle et la plus impres-
sionnante que l'on ait vue depuis longtemps dans la cathé-
drale de Boston, si tant est qu'elle ait jamais été surpassée
ou même égalée. Avant de quitter le sanctuaire, Son Emi-
nence adresse aux nouveaux prêtres qui venaient de rece-
voir l'onction de ses mains une allocution chaleureuse qui
les remua jusqu'au fond de l'âme. Bien que Son Eminence
ait parlé pendant près d'une demi-heure, ce temps ne sem-
bla que quelques minutes, tant était grande l'avidité de
l'auditoire à savourer cette éloquente parole.
Les quatre nouveaux prêtres Oblats sont les RR. Pères
Herbert, P. Bessette de White Valley (Colombie Britan-
nique) ; Daniel P. Me Cullough de Lonsdale (Ontario);
— 456 —
Antoine-J. Swenceski de New ^\"estminster (Colombie bri-
tannique) ; Robert-J. Me Coy de Altoona, Pensylvanie
(E.-U.)
Le lendemain dimanche, 15 juin, ils montaient tous à
l'autel pour la première fois.
Le R. P. Bessette célébra sa première messe dans la cha-
pelle du Scolasticat. Le R. P. Me Kenna, supérieur, til
fonction de prêtre assistant et les frères Me Cartin et Jal-
bert diacre et sous-diacre, tandis que le frère Me Dermott
était maître de cérémonies. Le chœur exécuta avec beau-
coup de goût et de précision la grand'messe dont le Credo
était en chant grégorien. Le sermon fut donné par le
R. P. Me Kenna qui développa d'une manière impression-
nante et pleine d'onction le texte de l'Evangile : Xoyi vos
-me eleffistis, sed ego elegi vos... (Joan., xv, IG.) L'assis-
tance, fort nombreuse, comprenait un grand nombre de
personnes venues de Boston et de Lowell, et, au premier
rang, deux des sœurs du nouvel ordonné, venues de la
lointaine Colombie. Le soir, le P. Bessette donna la béné-
diction solennelle du Très Saint Sacrement.
Le P. Thomas Me Cullough célébra sa première messe
chantée et très solennelle, dans l'église Saint-André. Le
R. P. Cornell, O. M. L donna le sermon de circonstance,
devant un nombreux auditoire.
Le R. P. Antoine-J. Swenceski chanta solennellement sa
première messe devant le Saint Sacrement exposé pour les
Quarante Heures, dans l'église du Sacz'é-Cœur de Lowell,
avec le P. Fletcher comme prêtre assistant et les frères
Boldue et Loftus comme diacre et sous-diacre. Cette pre-
mière messe rehaussa d'un cachet tout particulier la fête
patronale du Sacré-Cœur qui se célébrait ce jour-là, et à
laquelle prenait part une fort nombreuse assistance. Immé-
diatement, après la messe, eut lieu la procession très
solennelle du Saint Sacrement qui fut porté par le jeune
Père. A la fin de la procession, ce fut lui aussi qui donna
la bénédiction du Saint Sacrement.
— 457 —
En cette mémorable journée l'église de l'ImmaculéeCon-
ception ne pouvait être oubliée. Aussi le R. P. Robert-
Joseph Me Coy y célébra-t-il sa première messe, assisté
par le R. P. Fox, et par les frères J. Me Cartin et Fallon
comme diacre et sous-diacre. L'assistance fut fort nom-
breuse, les parents du nouveau prêtre occupant le premier
rang. Afin que rien ne manquât à la solennité de la fête,
le R. P. Tighe, supérieur, prononça un éloquent discours
devant le vaste auditoire, prenant occasion de la présence
du nouveau prêtre pour faire ressortir la grandeur et la
dignité du sacerdoce catholique et les pouvoirs que l'ordi-
nation confère au prêtre, pouvoirs qui jettent dans la stu-
peur les anges eux-mêmes.
En résumé : les journées des 15 et 16 juin ont été vrai-
ment des journées mémorables non seulement pour la
maison de Tewksbury, mais aussi pour Lowell, la Pro-
vince tout entière et la Congrégation. Que Marie Immaculée,
la céleste Patronne de notre chère famille religieuse, lui
obtienne souvent de semblables journées !
0. M. I.
45vS
DEUXIÈME PROVINCE DES ETATS-UNIS
I. — La retraite annuelle de 1912.
Les Ohlats de la deuxième Province des Etats-Unis
eurent leur retraite annuelle du 9 au 16 juillet.
La lettre de convocation venue à temps était courte mais
formelle. Les soldats disciplinés aiment les ordres, surtout
s'ils sont brefs et clairs. Au jour indiqué, tous les appelés
étaient au scolasticat de San Antonio ; et tous étaient appelés
à l'exception de trois Pères, chargés par le R. P. Provin-
cial de leurs grandes paroisses, de deux absents en Europe
et des huit Oblats du Mexique. Nous étions 67. Si nous
fîmes une bonne retraite ? Demandez-le au cher Père Pré-
dicateur, le Rév. P. J. Dozois, Provincial du Canada, qui,
d'après son propre aveu, est très réservé en compliments,
et qui cependant, avant de nous laisser, avoua publique-
ment qu'il s'en allait émerveillé de la piété, de l'attention
et de la régularité de ses Frères retraitants. Evidemment
toutes ces qualités entrent dans l'ordre d'une retraite, et
ici comme partout le vrai Oblat est un homme d'ordre.
Mais il est juste de dire que si l'âme d'un chacun s'abreuva
avec tant de goût aux sources des eaux surnaturelles, c'est
qu'elle avait pour la servir un prédicateur numéro un,
nous voulons dire un ministre selon le Cœur de Dieu. La
retraite annuelle et générale est pour notre jeune Province,
peut-être la première et la plus puissante des causes de son
intense vitalité religieuse et apostolique.
Dans la retraite annuelle, en effet, toutes nos qualités
ont leur stimulant, et tous nos défauts leur remède. Les
leçons de la prédication, les soliloques du recueillement,
l'exemple des fervents, les effluves de la grâce, l'expansion
— 459 —
des caractères et des consciences, la gaieté saine des
confrères, l'exposé des travaux de l'apôtre pratique ; le
mot d'encouragement du Supérieur, et des compagnons
d'armes; les plans projetés à la lueur de l'expérience;
l'opiniâtreté du batailleur que n'ont point abattu les
revers ; le souvenir des vertus héroïques des anciens, morts
sur le champ de gloire ; le succès dans les entreprises que
d'autres ont lancées contre le mal ; le mot d'ordre de l'au-
torité ; l'union de tant de bras et de cœurs sous l'égide de
la Vierge Immaculée ; une revue d'année dans sa propre
âme et dans le champ du Seigneur; le renouvellement
collectif de nos serments de fidélité à Notre-Seigneur Jésus-
Christ et à la Congrégation ; une consécration souveraine
enfin de ce que nous avons et de ce que nous sommes au
Sacré-Cœur de Jésus : voilà autant de coups de ciseau qui,
tout en effaçant dans l'âme des retraitants certaines aspé-
rités, certaines imperfections, laissent toujours en elle pro-
fondément gravées d'heureuses traces dont l'empreinte
résistera longtemps aux intempéries morales ; voilà autant
de bienfaisantes impressions que l'âme aura doucement
reçues pendant la retraite et qui l'accompagneront durant
un an, pour le moins, sur le champ de son activité reli-
gieuse el apostolique.
Il n'est pas un des nôtres qui, de passage dans la
Province, surtout s'il vient pendant la retraite, puisse se
retirer sans féliciter ses Frères du Texas, et admirer en
eux l'esprit traditionnel de la Famille. Pendant les récréa-
tions du soir l'union fraternelle qui enlace nos cœurs se
manifeste dans toute sa perfection ; ces récréations en elTet,
les plus longues et les plus fraîches, nous permettent de
causer avec plus de goût et avec plus de monde.
Divers sont les ministères des Oblats du Texas ; les uns
travaillent parmi les Américains, ceux-ci parmi les
Allemands et les Italiens, ceux-là parmi les Polonais et les
Bohémiens, les autres parmi les Mexicains et plus du quart
d'entre nous travaillent parmi les uns et les autres. Tous
— 400 —
sont missionnaires, mais tel est missionnaire ambulant et
tel autre est missionnaire dans une paroisse, voire même
dans les prisons.
Que de questions ne se pose-t-on pas ? Que de faits à
rapporter ! Que d'histoires à entendre ! Le zèle qui nous
presse pour le salut des âmes, pour l'honneur de notre
Famille religieuse, pour l'évangélisation du Texas, trouve
de l'intérêt dans tout ce que chacun a enregistré d'exploits
ou de déboires.
Ces entreliens durent jusqu'à la tombée de la nuit ; alors
les pas se dirigent vers le grand portique du scolasticat, et
avant que la cloche nous appelle à la chapelle, de tous
ces cœurs de frères partent les notes joyeuses de quelques
cantiques populaires ; la récréation s'achève par ce concert
dont le dernier numéro est invariablement le « Chant du
soir ».
La chaleur qui ne peut, de toute l'année, abattre nos
énergies d'Oblats, crut devoir se venger, pendant les exer-
cices, et tenter de nous vaincre; elle dut battre en retraite
elle-même.
Le lecteur aura sans doute noté une ligne écrite plus
haut, où se trouvent ces mots sonores : « intense vitalité
religieuse et apostolique > de la deuxième Province d'Amé-
rique. Savez-vous que a la vérité doit sauver » même le
Texas ? C'est parce que ces paroles sont vraies que je les
souligne. De notre intense vitalité religieuse parleront en
connaissance de cause nos Supérieurs majeurs et ceux des
nôtres qui viennent nous connaître sur place : quant à l'in-
tensité apostolique de nos Oblats Texiens, n'en parleront
bien que ceux qui vivent constamment avec nous ou à
côté de nous. Mgr J.-W. Shaw, évêque de San Antonio, le
jour de la bénédiction de l'église des RR. PP. Rédempto-
ristes, dans sa ville épiscopale, proclamait, en parlant des
travaux apostoliques de ses prêtres, que les RR. PP. Oblats
sont ses meilleurs missionnaires. Il est bien certain cepen-
dant que nous ne sollicitons les compliments de personne ;
— 461 —
mais, d'un autre côté, nous sommes contents de voir rendre
justice à la Congrégation pour les efforts continus qu'elle
prodigue pour l'avancement du règne de Jésus-Christ au
Texas.
Notre Province vit déjà de sa propre sève et soutient
presque toutes ses oeuvres. Celles-ci, à l'exception d'un
petit nombre, sont de fondation récente et cependant déjà
florissantes. D'autres, bien riches en espérances, achèvent
de naître ou sont prêtes à éclore. C'est encore le temps de
la formation; demain, quand tout aura germé, les mains et
les cœurs se donneront au travail de culture. Le bon Dieu,
qui connaît la pureté d'intention et l'ardeur de volonté de
ses humbles ouvriers, continuera à les bénir.
Mais, que dis-je ? l'œuvre d'organisation n'est-elle pas
en progrès dans nos paroisses et nos missions établies ?
Les paroisses américaines sont, à ce point de vue, presque
parfaites. Nos paroisses mexicaines les suivent d'un peu
plus loin, c'est vrai, à cause du manque de matériel : mais
elles rapportent des fruits que le Maître du champ paj'era
sans marchander le prix.
L'organisation s'établit même dans nos villages ou ran-
chos, t villages visités de temps en temps ». Une mission
se donne chaque année dans toutes nos paroisses et dans
un bon nombre de ranchos : les missionnaires, nous les
prenons chez nous, et ailleurs, si c'est nécessaire. Les so-
ciétés, congrégations d'hommes surtout, sont à l'ordre du
jour. Dans ce genre d'entreprises, les commencements sont
excessivement durs, le maintien extrêmement difficile, mais
le couronnement sera consolant. Le blé mûrit maintenant
plus abondant qu'autrefois ; chaque année la récolte sera
aussi plus copieuse.
Presque toutes nos paroisses ont une école libre. Plus
d'un curé est actuellement en train de s'ingénier à donner,
lui aussi, ce complément indispensable à ses œuvres parois-
siales. L'année prochaine, espérons-le. ils auront trouvé ce
qu'ils cherchent.
— 46-2 —
Et puis de nouveaux ouvriers nous arrivent, ils sont déjà
■en route, 9 vont entrer dans leur beau noviciat de la
Lomita ; 60 jeunes gens sont à prendre les allures et la
formation de l'Oblat au juniorat. N'ai-je point raison de
parler de l'intense activité apostolique des Oblats au
Texas !
Je semble m'être éloigné un tant soit peu de mon
thème, et pourtant ce que j'ai écrit m'a été dicté par le
souvenir de la Retraite annuelle de tous les Oblats du
Texas.
Que le bon Dieu continue à ménager à notre belle Pro-
vince le grand bienfait d'une Retraite générale annuelle,
et nos Oblats du Texas et du Mexique en sortiront, chaque
année, plus dignes émules de lem-s frères qui cultivent
d'autres coins de la vigne du Seigneur.
Charles Sérodes, 0. M. 1.
II. — Extrait d'une lettre du R. P. J. Rose
à Monseigneur le Supérieur général.
Metepec, Etats d'Hidalgo-Mexique, le 31 juillet 1912.
Monseigneur et Révérendissime Père.
Veuillez m'excuser d'être si longtemps resté sans vous
donner des nouvelles de notre fondation de Metepec
et de mon état de santé depuis mon retour. Ma négligence
a bien droit à quelque indulgence de votre bonté, Monsei-
gneur, comme vous le verrez par ce que j'ai à vous dire de
nos travaux.
Mais auparavant permettez-moi de vous offrir nos félici-
tations et nos vœux pour votre fête qui s'approche. Notre
pauvre petite communauté mexicaine de ^letepec ne sera
pas la dernière à s'unir aux prières qui, en ce jour-là, plus
spécialement, s'élèveront au ciel pour demander au bon
Dieu la grâce de vous conserver la santé et de vous com-
bler de tous les dons parfaits que vous désirez.
— 463 —
Après vous avoir prié, Monseigneur, d'agréer le tribut de
nos vœux et l'assurance de nos meilleures prières, j'ai
hâte de vous parler un peu de nos chères missions.
J'arrivai à Metepec le 15 mai à 10 heures du soir après
un voyage d'une heure à cheval de la station du chemin de
fer, à travers des chemins détrempés et sous une pluie tor-
rentielle comme il en tombe ici. Le R. P. Stuhlmann qui
m'attendait avec impatience s'arrangea pour me procurer
des vêtements empruntés à l'un et à l'autre, mes malles
n'étant pas encore arrivées.
Le lendemain était la fête de l'Ascension ; et comme nos
villages sont éloignés, au lieu du repos dont j'avais besoin
«t de la réunion de famille que j'eusse désirée après mon
voyage, il me fallut jeûner jusqu'après midi et me mettre
à un travail bien dur sans désemparer. Huit jours après, le
R. P. Stuhlmann et moi nous commencions les exercices
d'une mission. Je dois vous dire tout de suite, qu'actuelle-
ment nous en avons prêché quatre et non sans consola-
tions, eu égard au milieu, comme j'aurai l'occasion de
l'indiquer tout à l'heure.
Pour avoir une idée de notre mission ou paroisse de
Metepec, il faut savoir qu'elle compte 8.570 habitants ré-
partis en quinze villages. Quatre de ceux-ci sont formés
d'habitations isolées, disséminées dans la campagne et
séparées les unes des autres par de grandes distances (1).
Sans parler de ces quatre derniers villages de ranchos
isolés, la distance entre les autres est appréciable. Entre
(1) Pour l'intelligence des lignes qui vont suivre et des futurs
rapports sur la mission, nous donnons le dénombrement de la
paroisse dont Metepec est le centre : Metepec 600 habitants, Santa
Ana 2.300, Santa Maria 900. La Magdalena 700, Tortugas 120, La
ferreria de Apulco 1.300, Tonalisco 1.500, La Pesuùa de Buey
180, Temascalillos 200, San Salvador 100, Apulco 250, Sacatepec
30, Napalillo 90, Palogardo 100 et Otontepec 200. Total 8.570.
— 464 —
Metepec et Santa Maria, par exemple, il y a une heure
trois quarts à cheval, et deux heures et demie à cheval de
Metepec à Pesuna de Buey. De là on comprend facilement
que, le dimanche, notre travail est extrêmement laborieux.
Le R. P. Metzger dit deux messes ; parti à six heures du
matin, il est de retour à une heure et demie de l'après-
midi. Le R. P. Stuhlmann part dés le samedi à Santa
Maria pour y faire le catéchisme, et retourne le lendemain
à midi et demi. Pour ma part, je dis la première messe
avec sermon à la paroisse, à cinq heures; à 7 heures je
pars à cheval pour dire une deuxième messe avec sermon
à La Magdalena. A mon retour, je commence à onze heures
et demie la troisième messe qui est chantée. Elle se ter-
mine à une heure, parce que, à celle-ci comme aux deux
précédentes, j'ai l'avantage de prêcher.
En un tel milieu, où la religion est si négligée surtout
parce qu'elle est ignorée, la prédication, l'instruction reli-
gieuse sous toutes ses formes s'impose de toute nécessité.
A Metepec même, centre de la paroisse, l'église n'est
malheureusement pas assez fréquentée, surtout par les
hommes. Les enfants eux-mêmes sont loin de nous donner
satisfaction, puisque sur 180 qui devraient venir au caté-
chisme, 40 seulement le fréquentent.
Nous aurons aussi fort à faire au point de vue des
mariages. Dans le pays, nous avons la plaie des prétendus
mariages civils qui précèdent le mariage religieux de dix
à trente ans parfois. On rencontre alors des hommes qui
sont mariés à l'église avec une première femme, mariés au
civil avec une autre, ce qui ne les empêche pas de vivre
avec une troisième, et cela encore à des degrés de parenté
prohibés.
Si donc à Metepec, après la mission, nous comptons
encore de 25 à 30 couples non mariés, à Santa Ana, dont
— 465 —
la population s'élève à 2.300 âmes, nous avons la douleur
de constater qu'il n'y a que 10 ou 12 familles mariées légi-
timement. Tout le reste vit en concubinage. A Apulco, c'est
la même chose.
Qu'il est triste, profondément triste, le sort des popula-
tions privées des secours de la religion et du ministère du
prêtre ! Sans doute, Dieu a visiblement béni notre premier
coup de filet je veux dire les quatre missions de dix jours
chacune que nous avons prèchées, mais ce bien nous
paraît peu de chose en comparaison de tout ce qui reste à
faire.
Soixante-dix-hnit mariages ont été régularisés ou plutôt
célébrés ; 1.300 confessions entendues et 1.800 communions
distribuées. Nous avons pu faire cesser le désordre qui
s'affichait dans quatre ménages polygames et d'autres
tares que l'Apôtre défend de nommer parmi les assemblées
des chrétiens.
Mais, me croira-t-on quand je dirai, au sujet de ces
78 mariages célébi'és, que 112 personnes sur 156 ne s'étaient
jamais confessées, n'avaient pas fait leur première commu-
nion ! Et cependant, si une partie de ces unions illégitimes
étaient de date récente, d'autres dataient de fort longtemps.
Ainsi 10 remontaient à 1 an, 10 à 2 ans, 6 à 10, 3 à 20, 2 à
30 et 6 remontaient à 4-3 ans ! A peu d'exceptions près, tout
ce monde travaille le dimanche comme les autres jours et
n'assiste pas à la messe. Il y a des enfants qui ne sont
jamais venus au catéchisme. Peut-on s'étonner, en ces con-
ditions-là, de l'ignorance, de la négligence, et des misères
qui en découlent?
Nous ne tarderons pas, s'il plaît à Dieu, à commencer
une nouvelle série de quatre missions dans d'autres villa-
ges. Quant au surplus des ranchos, comme il est impossi-
ble d'y prêcher, nous aviserons sur les meilleurs moyens
d'atteindre la population. Il nous faudrait le zèle d'un
saint Paul, une santé à toute épreuve et des années, des
— 466 —
années de travail pour arriver à ramener ce peuple à la:
pratique de ses devoirs religieux et à une vie chrétienne.
***
L'exercice du saint ministère n'est pas partout facile; on
s'expose même à aller quelque jour en prison. A Santa
Ana, en effet, on trouve encore des Indiens purs Otomites,
et dont un petit nombre seulement comprennent à peine
l'espagnol. Vis-à-vis du prêtre, ils montrent peu de con-
fiance et moins encore de docilité. Demandez-en des nou-
velles au R. P. Stuhlmann qui a dû batailler pour mettre
un peu d'ordre dans l'église. Voici des hommes qui vien-
nent d'assister à une grand'messe, mais celle-ci est à peine
terminée qu'ils se dirigent en procession vers la montagne.
Ils vont y chercher une idole ; il la redescendront et le len-
demain matin, à trois heures, ils tireront devant elle des
feux d'artifice, i castillos de fuego arti/îcial ». Ainsi on
commence par la messe, on finit par l'idole, on veut allier
le christianisme et le paganisme !
Vous voyez, Monseigneur, qu'il faut absolument com-
mencer à pied d'œuvre, avec les enfants; qu'il nous faut
avant tout enseigner le catéchisme et nous servir de ce
grand moyen que le Saint-Père nous indique comme le
plus nécessaire pour ramener le peuple à la pureté de la foi
et à la pratique de la vertu. C'est pourquoi, tous, sans
excepter le Frère, nous allons partout faire le catéchisme
et nous ne saurions trop déplorer la négligence des parents
qui ne nous envoient pas leurs enfants. Dans quelques
villages, nous n'en avons que six ou sept, mais nous ne
désespérons pas d'arriver à de meilleurs résultats : il ne
faut pas oublier que nous sommes arrivés d'hier.
Pour remplir la mission tout apostolique dont la Gon-
— 467 —
grégation a été chargée ici, nous comptons sur la grâce de
Dieu, nous mettons toute notre confiance dans notre Mère
Immaculée et nous recommandons nos œuvres, nos tra-
vaux aux bonnes prières de tous les membres de la Famille
et en particulier des novices et des scolastiques. Qu'ils
prient bien pour le salut de ces pauvres âmes abandonnées.
Evangelizare pauperihus inisil me.
J. Rose, 0. M.I.
III. — Développement religieux,
à Houston (Texas).
Avec toute la solennité que comporte le rituel et tout ce
que les cérémonies prescrites j^ar la sainte Eglise ont
d'imposant, l'église de l'Immaculée Conception, la maison
des Missionnaires et l'école construites tout récemment par
les Pères Oblats de Marie-Immaculée à « Magnolia-Park »,
ont été dédiées et bénites, le dimanche 6 octobre, fête du
saint Rosaire 1 Ce fut un jour de bien douce joie pour les
Pères Missionnaires : ils ont, en effet, réalisé ce que sou-
haitait leur légitime ambition pour la gloire de Dieu et ils
peuvent se rendre le témoignage de lui avoir donné un
nouvel élan. L'événement remplit une des plus brillantes
pages de l'histoire du progrès catholique dans ce pays,
progrès qui ne s'obtient qu'au prix d'incessants efforts.
Voilà pourquoi l'on peut dire de cette histoire que les
volumes en sont composés au milieu des peines de la terre
et reliées dans les joies glorieuses du ciel.
Mgr N. A. Gallagher, évêque de Galveston, assisté de
12 prêtres et escorté d'une garde d'honneur de 22 cheva-
liers de Colomb, en uniforme, a accompli l'imposante céré-
monie, tandis que le R. P. Valence, économe provincial,
remplissait les fonctions de diacre d'honneur au trône, le
R. P. Antoine, Supérieur du séminaire théologique de San
— 468 —
Antonio, chantait la Messe solennelle, ayant comme diacre
et sous-diacre, le P. Whelan de Del Rio et Gagliardoni de
Dallas.
Dans un éloquent discours, parfaitement adapté à la
circonstance, le R. P. Kirwin, Supérieur du séminaire
Sainte-Marie La Porte, fit ressortir le zèle des Mission-
naires Oblats, non seulement dans le ministère paroissial
et celui des Missions, mais encore dans la visite et l'assis-
tance des prisonniers, des pauvres et des indigents. Dans
les prisons, ils font entendre aux malheureux détenus les
consolantes invitations du divin Maire à toutes les infor-
tunes. Eq fait de réforme sociale, rien n'est ferme et
durable, si l'esprit de Jésus-Christ n'est pas l'inspirateur
de tout ce qui est fait et organisé dans ce but. Les Mission-
naires, non contents de subvenir aux besoins corporels des
malheureux, pénétrent jusqu'aux âmes pour les guérir de
la lèpre du péché. En terminant, l'orateur paya un juste
tribut de louange aux vaillants missionnaires de la fron-
tière qui, sous le nom de cavalerie du Christ, parcourent
en tous sens les pays de frontière, à la recherche des
brebis errantes.
Après la Messe, Mgr Gallagher adressa quelques paroles
de félicitations aux Pères Oblats, aux fidèles de la nouvelle
paroisse et à ceux accourus des autres paroisses de la ville,
pour être les témoins de l'imposante cérémonie et donner
ainsi une nouvelle preuve de l'intérêt qu'ils prennent à la
cause de la religion. Sa Grandeur dit aussi que les habi-
tants de « Magnolia-Park » doivent s'estimer heureux de
posséder au milieu d'eux une maison de la vaillante con-
grégation des Oblats. Ils doivent apprécier à sa juste
valeur le bienfait d'une église dont le zèle entreprenant et
inlassable des Missionnaires les a dotés, dans l'unique but
de pourvoir à leur bien spirituel. Ils doivent montrer cette
appréciation par leur empressement et leur régularité à
fréquenter les Sacrements et à assister à la sainte Messe,
non seulement le dimanche, mais encore en semaine toutes
— 469 —
les fois qu'il est possible de le faire. Mgr Gallagher insista
aussi et très vivement sur l'importance de l'école. Pour les
jeunes gens, dit-il, l'école est à certains points de vue
plus nécessaire que l'église ; car , s'ils négligent l'école,
quand ils auront grandi, il y a tout lieu de craindre qu'ils
ne se déshabituent bien vite de l'église. Les enfants doi-
vent être instruits dans la foi chrétienne et la doctrine de
l'Eglise, en même temps que dans ce qui forme la matière
de l'enseignement à l'école, car l'éducation religieuse est
plus nécessaire que tout le reste. Reconnaissant et appré-
ciant le bienfait de l'école dont ils sont redevables aux
Sœurs de la divine Providence, les catholiques de « Ma-
gnolia-Park » doivent se faire un devoir d'envoyer leurs
enfants à cette école. — « Oui, vous avez raison, dit en
terminant Mgr Gallagher, de vous réjouir de tous ces
avantages, et je m'en réjouis moi-même avec vous, en vous
exhortant de nouveau bien vivement à vous montrer
dévoués envers votre église et ceux qui font au milieu de
vous l'œuvre de Dieu.
Dans la soirée, vers 5 heures, eut lieu une cérémonie qui
vint clore dignement cette mémorable journée : ce fut la
bénédiction solennelle de la cloche offerte aux Oblats de
Magnolia-Park, pour la nouvelle église. Mgr Gallagher
officia avec la solennité et la splendeur que le rituel donne
à cette cérémonie.
Du Southern Messenger.
30
470
PROVINCE DE MANITOBA
Deux jubilés d'or : RR. PP. Joseph Mac Carthy
et Edmond Gendreau.
1" Cinquantenaire de la Profession religieuse
au R. P. Me Carthy.
L'église de la paroisse Sainte-Marie de Winnipeg a été
témoin le 15 août d'une solennelle et touchante cérémonie.
Un vénérable missionnaire Oblat, le R. P. Joseph Me Car-
thy. y a célébré le cinquantième anniversaire de son obla-
tion religieuse. Le jubilaire offrit lui-même l'auguste Sacri-
fice assisté des RR. PP. AUard et Poitras, comme diacre et
sous-diacre. S. G. Mgr Archevêque de Saint-Boniface assis-
tait au trône, ayant à ses cotés les RR. PP. Cahill et
Magnan, comme diacres d'honneur, et le R. P. Me Neil
comme prêtre assistant.
A l'issue de la messe, à laquelle de nombreux amis du
jubilaire avaient tenu à assister, Mgr Langevin prononça
une allocution dans laquelle il évoqua plusieurs souvenirs
de la vie du héros de la fête et fit un bel éloge de sa longue
carrière si bien remplie.
Un banquet eut lieu le midi au presbytère Sainte-Marie
en l'honneur du bon Père. Monseigneur y assista et un
grand nombre d'Oblats qui venaient de terminer le matin
même leur retraite annuelle.
Le vénéré jubilaire naquit à Dublin en 1839 et entra chez
les Oblats en 1860. Dès 18i)2, il fut envoyé au Canada et
lut d'abor.j professeur au collège Saint-Joseph d'Ottawa
- 471 —
tout en poursuivant ses études. Il vint à la rivière Rouge
en 1867 et fut ordonné prêtre par Mgr Taché le 2/i janvier
1869. Après son ordination, il demeura à l'ôvêché en qualité
de secrétaire et reçut bientôt la mission de desservir les
catholiques du Fort Garry et du voisinage. Le 15 juin
1869, Mgr Taché célébra la première messe à VVinnipeg
dans une école qui avait été ouverte le 1er mai précédent
par les Sœurs Grises. A partir de ce moment, le P. Me Gar-
thy commença à dire régulièrement la messe dans cette
école qui fut le commencement de la paroisse Sainte-Marie.
En septembre 1872, il fut remplacé par le R. P. .J.-B. Beau-
din, qui en 1874 construisit la première église Sainte-Marie
convertie plus tard en orphelinat. Le P. Me Carthy fut
alors employé à l'œuvre des missions. En différents temps
il demeura à divers endroits, entre autres à la Pointe des
Chênes, à Saint-Laurent et ailleurs. En 1881, il revint à
Saint-Boniface et y remplit l'office de secrétaire jusqu'en
1888, époque où il fut de nouveau attaché à l'église Sainte-
Marie. Il y célébra le vingt-cinquième anniversaire de son
ordination en 1894. En 1896, il fit le voyage d'Irlande et à
son retour publia quelques-unes de ses observations dans
le Nortlnvest Revieio. Il fit de nouveau le voyage d'Ir-
lande en 1904 et peu après son retour il fut transféré à
Duluth où il a depuis exercé le saint ministère et où il
retournera prochainement. Il a tenu à venir célébrer son
jubilé d'or à l'endroit où il a travaillé si longtemps et
auquel se rattachent pour lui tant de chers souvenirs.
Ad multos et faustissimos annos !
2° Cinquantenaire de l'ordination sacerdotale
du R. P. Gendreau.
Cinquante années de sacerdoce remplies d'œuvres et de
mérites : tel est l'événement que célébraient dans la joie et
la reconnaissance les paroissiens de Saint-Charles le
— 472 —
13 octobre dernier. Ces cinquante années méritent d'être
esquissées.
Ordonné prêtre eu la fête du Très Saint Rosaire, le pre-
mier dimanche d'octobre 1862, M. l'abbé Gendreau fut une
année vicaire à Compton et devint missionnaire des nou-
veaux cantons de Glifton, de Barford, de Hereford et
d'Auckland. Eu 1864 et 1865, il est curé de West Shefford
et desservant de Saiut-Joachim. De 1865 à 1868 il est
premier curé de Waterloo et desservant de Knowlton. De
1868 à 1874 il est encore premier curé de Cookshire et des-
servant de Bury. En 1871, il entreprend un mouvement de
colonisation qu'il dirige avec succès dans les cantons de
Dittou, de La Patrie, de Chesham et d'Emberton. Deux
ans plus tard le gouvernement fédéral lui confie l'organisa-
tion d'un mouvement de rapatriement de nos compatriotes
des Etats-Unis.
De 1874 à 1880, il occupe la charge de procureur au Sé-
minaire de Saint-Hyacinthe, son Aima Mater. Dix-huit
années de sacerdoce sont déjà écoulées dans un ministère
très actif, mais les rêves de sa jeunesse cléricale et le désir
de se dépenser de plus en plus l'obsèdent toujours. Depuis
longtemps la vie de missionnaire Oblat de Marie Immacu-
lée le fascinait et l'attirait. Prêtre déjà mûri par l'âge et les
travaux il va se faire novice à Lachine où il entre le 8 dé-
cembre 1880. De là il se dirige vers Ottawa où il remplit
les fonctions de procureur de l'Université de 1882 à 1891,
en même temps qu'il organise la Société de Colonisation
et du chemin de fer du Témiscamingue dont il devient le
premier président. Pendant cette période il fut délégué
dans l'Ouest par le gouvernement de la capitale poiu"
s'enquérir des rapports des missionnaires et des agents des
réserves indiennes. De 1889 à 1891, il fut aussi premier curé
de la paroisse naissante du Sacré-Cœur.
En 1891, il devint procureur provincial des Oblats des
provinces de Québec et d'Ontario, poste qu'il occupa jus-
qu'en 1894, époque à laquelle il devint supérieur de la
— 473 —
résidence et curé de Mattawa et des missions environ-
nantes. Après trois années il fut nommé assistant à Hull et
en 1898 il partit pour la lointaine et pénible mission du
Yukon. Vicaire général de Mgr Grouard, administrateur
du pays du Yukon et premier curé de Dawson, il demeura
quatre années dans ces froides régions. Le mauvais état de
ses yeux le contraignit à abandonner ce poste. Il revint au
Manitoba et fut de 1902 à 1906 supérieur et curé à Kenora.
Aumônier de l'Académie Sainte-Marie en 1906-07, de l'hô-
pital de la Miséricorde en 1907-08, il est depuis quatre ans
le vénéré curé de Saint-Charles, où il vient de célébrer le
cinquantième anniversaire de son ordination dans les sen-
timents d'une profonde gratitude au Seigneur qui lui a
accordé une carrière si longue et si bien remplie.
La fête avait été préparée de longue main. Le bon Père
chanta la grand'messe assisté du R. P. Vézina, 0. M. /., et
de M. l'abbé D. Lamy, directeur des Cloches. S. G. Mgr
l'Archevêque de Saint-Boniface, revenu de Montréal la
veille, voulut bien honorer la cérémonie de sa présence en
assistant au trône. Le R. P. Cahill, provincial, se trouvait
entouré de nombreux oblats, parmi lesquels notre vénéré
doyen le R. P. Dandurand.
Ici nous ne pouvons que mentionner le sermon donné
par le R. P. Portelance, curé du Sacré-Cœur de Winnipeg,
la causerie pleine de vie et d'entrain de Mgr de Saint-Boni-
face, et la réponse du bon Père Jubilaire. Tout ceci méri-
terait des pages dont nous regrettons de ne pouvoir dispo-
ser. Disons d'un mot que rien ne manqua à cette belle
fête, égayée par la note harmonique de la fanfare du
juniorat.
Ad multos et faustissimos annos.
474 —
VICARIAT DE UATHABASKA
I. — Jubilé d'or sacerdotal de Sa Grandeur Mon-
seigneur E. Grouard célébré à la Mission Saint-
Bernard (Grouard), les 28 et 29 juin 1912.
Au moment où la civilisation s'aventure jusque dans cet
immense pays, le jubilé sacerdotal de Mgr Grouard marque
une étape dans l'histoire de cette région et des missions
catholiques de l'Athabaska et de la rivière la Paix. Il était
juste qu'un tribut d'hommages reconnaissants fût rendu à
l'évêque missionnaire par ceux à qui il a fait tant de bien;
il était juste qu'un tribut d'admiration lui fût offert par
ceux qui l'ont vu à l'œuvre, et que ce jubilé vint rappeler
que si la religion et la civilisation ont fait de grands pro-
grès, ils le doivent, après Dieu, surtout au vénéré Jubilaire,
à ses missionnaires et aux bienfaiteurs de l'apostolat
catholique.
Aussi, ce fut pour les Oblats qui eurent le bonheur de
pouvoir y prendre part, une vraie fête de famille. Les mis-
sionnaires venus de loin eurent la joie de se revoir après
des années de séparation et goûtèrent le bonheur de témoi-
gner le respect et l'affection qu'ils lui portent comme à leur
évèque et à leur Père.
Chers lecteurs, ne l'oubliez pas, nous sommes ici en
Athabaska, et en dépit du bureau de télégraphe ouvert à
Grouard, en dépit des adjectifs superbes et pompeux qui
pourront glisser sous notre plume, nous restons dans les
missions du Nord-Ouest. Oh ! ce n'est pas à dire qu'à Saint-
Bernard on ne s'était pas préparé à la fête avec cette
patience que seul donne l'amour des enfants pour un
— 475 —
Père. Les guirlandes, les fleurs, les chants, les pièces de
théâtre disent assez le travail des enfants du couvent et des
bonnes religieuses qui les guidaient, les aidaient et les com-
plétaient. De leur côté. Pères et Frères de la mission ne
pouvaient rester inactifs : dresser des arcs de triomphe,
planter les bannières et les oriflammes, orner l'église, for-
maient le lot qui leur était échu, sans parler des arcs de
triomphe qui conduisaient de la mission à l'église, avec
leurs inscriptions appropriées ; le coup d'œil était superbe,
pour le pays. Le R. P. Falher n'avait épargné ni son temps
ni sa peine pour la réussite de la fête ; c'est lui qui avait
adressé les invitations. Mais en ce pays les, distances,
les intempéries — même quand l'hiver est passé — sont
souvent un obstacle que les bonnes volontés les plus
robustes ne peuvent surmonter. Des invités de marque,
Nosseigneurs Langevin, Légal, Pascal, Mathieu n'avaient pu
abandonner leurs travaux. Enfin, la coïncidence des fêtes
jubilaires avec le Congrès du parler français tenu à Qué-
bec empêcha nombre d'invités de se rendre à Grouard.
Du moins, Monseigneur le Supérieur général se fit repré-
senter par le R. P. Ortolan qui remplit à merveille son
office de légat a latere. D'Edmonton, purent venir les
RR. PP. Beaudry, Cunningham, Daridon, Cozanet. A son
grand regret, le R. P. Grandin, vicaire des missions d'Al-
berta Saskatchewan, avait été appelé, à la dernière heure,
à Saskatoon pour affaires urgentes. Plusieurs personnes
d'Edmonton, et d'autres amis de Mgr Grouard avaient tenu
à braver la longueur et les fatigues du voyage pour assister
au jubilé.
Le 25 au soir, la caravane d'Edmonton arrive, après
5 jours de voyage mouvementé. Elle est reçue par Mgr Jous-
sard, coadjuteur du vénéré Jubilaire, et par leR. P. Falher,
procureur des missions, et dès le premier instant, on
s'aperçut de l'accueil chaleureux que la mission Saint-
Bernard réservait à ses hôtes.
Enfin le 27, — la veille du jour fixé pour le jubilé —
— 476 —
ai-rive, MgrGrouard, de retour d'un voyage de 200 milles
non plus en antique charrette mais en wagon, je ne dis pas
en wagon de luxe. L'évêque, comme toujours, est souriant,
plein de bonne humeur, de simplicité et d'amabilité. Il
semble ne pas se ressentir des fatigues du voyage. Il est
tout surpris de ce qui se prépare, cai- il s'attendait bien à
quelque chose, mais à une grand'messe et une chanson.
Le P. Hautin avait accompagné le vénéré jubilaire
depuis la Grande Prairie ; puis le P. Girard vint de
Spirit River, le P. Bâtie de Wabaska, les PP. Le Treste
et Dupin, du Fort Vermillon, le P. Le Serrée de Saint-
Augustin, après avoir franchi des distances de 120 à 600 ki-
lomètres, par de mauvais chemins, ou en l'absence de che-
mins, sous les piqûres des maringouins. Les Pères du
district de l'Athabaska n'avaient pu venir, quoique du
même vicai'iat, la distance variant, entre 500 et 1.3CiO ki-
lomètres.
Les fêtes commencèrent le 28 au soir : Pères de la Mis-
sion, invités, religieuses, enfants du couvent, habitants de
Grouard, chefs Cris, tout le monde se réunit dans le jardin,
devant la façade de la mission, pour offrir au jubilaire les
adresses ou compliments, savoir : en français, par Mgr Jous-
sard, en anglais, par un enfant du couvent, en cris, par un
chef sauvage. Monseigneur répond dans les mêmes langues,
avec son ordinaire simplicité relevée de finesse. Puis, au
chant du Magnificat, on se rend processionnellement à
l'église, où le salut du Très Saint Sacrement clôt cette pre-
mière journée.
Journée du 29. — Mgr Grouard chanta pontificaleraent
la messe jubilaire, dans l'église si bien décorée, que si ses
modestes proportions ne nous eussent rappelés à la réalité,
nous aurions fini par croire que c'était une cathédrale. En
tout cas, les enfants ont chanté t superbement » la belle
messe du deuxième ton, et le R. P. Th. Ortolan monta en
— 477 —
chaire pour le discours de circonstance. Les quelques pas-
sages que nous en reproduisons ci-aprés pourront per-
mettre à nos lecteurs de juger de sa beauté, de son élo-
quence et de son délicat à-propos. Il développe magistrale-
ment ce texte : Jarn liions Iransiit, flores apparuerunt ^?^
terra nostra, surge et veni. L'hiver est enfin passé, les
fleurs ont apparu en nos contrées, levez-vous et venez !
Le sermon fut interprété en anglais parle R. P. Beaudry,
et en cris par le R. P. Cunningham, non pas d'une manière
quelconque, mais avec un rare bonheur d'expression, et
ces deux Pères surent si bien faire saisir aux métis et aux
cris toute la portée du premier discours, qu'on ne saurait
dire lequel des trois éléments fut le plus favorisé.
Le banquet. — Ce n'est pas tous les jours qu'on célèbre
les noces d'or d'un évêque en Athabaska. C'est la première
fois... Nous pouvons donc relever le banquet comme curio-
sité. Banquet en plein air ou sous la tente ; banquet où se
trouvait nombreuse et joyeuse assistance, et dont voici le
menu « très bon ». Il y avait de la dinde, je ne sais à quelle
sauce ; il y avait du bœuf venu de je ne sais où, il y avait
des pommes de terre. Et puis, il y avait le thé classique, et
comme dessert, comme gâteau, une pièce montée, montée
ou construite par les sœurs et qui représentait un bateau, le
Saint-Charles, premier bateau à vapeur qui ait navigué sur
la rivière La Paix, et ini fut construit par le jubilaire.
Enfin, pour la première fois dans l'histoire des missions,
des oranges paraissaient sur une table d'Oblat.
Dans une assistance qui comptait les Pères et les Frères,
le maire de la petite ^ille de Grouard, le député du district,
des chefs sauvages, des métis, des commerçants, des offi-
ciers de la police montée, des agents de la compagnie de la
Baie d'Hudson, des chasseurs, des trappeurs, des per-
sonnes de toute condition, sans distinction de langue, de
race ou de couleur, et qui toutes avaient vu à l'œuvre
l'évêque missionnaire, on pouvait s'attendre à de nombreux
toasts.
— 478 —
Les dix que j'ai comptés ont leur note caractéristique.
M. Larivière, maire de la ville de Grouard, parle au nom
de la population. Divers chefs sauvages, dont les noms se
traduisent par bœuf ou poisson, parlent parce qu'ils sont
naturellement orateurs.
Le député du district est d'autant plus qualifié pour par-
ler qu'il lui est arrivé de voyager avec Mgr Grouard, de
partager le même toit à la belle étoile, la même pitance et
les mêmes dangers ; il montre la valeur des exemples de
l'intrépide missionnaire.
Voici un vieux pionnier, agent de la célèbre et honorable
compagnie de la Baie d'Hudson, qui ne peut retenir ses larmes
en nous racontant les grandes actions du Jubilaire. Avec une
bonne dame de Grouard, les hommes ont un moment de
répit. Elle lit une adresse au nom des mères de famille
pour remercier Monseigneur du bien que ses efforts ont
procuré à leurs enfants. Quatre Oblats prennent ensuite la
parole : le P. Falher, au nom des Oblats de Marie Imma-
culée du vicariat d'Athabaska, le P. Beaudry, en cris, au
nom des métis qui doivent tant à Monseigneur pour leurs
écoles, le P. Le Treste, en castor, et Mgr Joussard, le coad-
juteur, en montagnais.
Après la lecture des lettres de félicitations adressées par
Nosseigneurs les Evêques et les Révérends Pères qui
n'avaient pu se rendre à l'invitation, Mgr Grouard répond
un mot aimable dans les diverses langues dont on s'est servi
pour le complimenter.
Pour la circonstance, le Saint-Père avait daigné envoyer
un télégramme de félicitations avec la bénédiction aposto-
lique au vénéré jubilaire ; malheureusement, ce télégramme
arriva trop tard.
Dans l'après-midi, on organisa une promenade, à travers
la petite ville de Grouard toute pavoisée comme pour un
triomphe. Le salut du Saint Sacrement donné avec toute
— 479 —
la solennité possible, précéda la séance de clôture qui eut
lieu à l'école.
Cette séance fut un succès : tout y contribua d'ailleurs :
le décor, les dialogues, les pièces, l'habileté des acteurs et
la délicatesse des sœurs qui avaient tout préparé, tout
composé. Il suffira de citer les titres des numéros du pro-
gramme pour montrer que tout était approprié à la fête :
Partez hérauts ; Pour être Missionnaire ; O bonne Mère
du Missionnaire servirent d'enti-'actes à 3 scènes : d'abord :
» Une vieille du lac Athabaska » ; puis « Un cam-
pement en plein air », et en dernier lieu « Scène chez le
P. dut. ï
En voyant se dérouler sous ses yeux ces souvenirs d'au-
trefois, le Vénéré Jubilaire était ému aux larmes et ia
soirée laissa à tous les assistants la meilleure impression.
Nous n'aurions donné, toutefois, de cette belle fête qu'un
résumé trop imparfait si nous ne citions au moins quelques
passages de l'éloquent discours du R. P. Ortolan à la messe
jubilaire.
« Jani hiems transiit... flores apparuerunt i?i terra
tiostra, surge et veni : L'iiiver est enfin passé... les fleurs
ont apparu... Levez- vous et venez.
Monseigneur,
« La date du 29 juin 1912 marquera dans l'histoire de
cette ville naissante que vous avez fondée, qui porte votre
nom, et le fera connaître avec vos vertus, vos labeurs et
vos bienfaits, jusqu'aux générations les plus lointaines.
€ C'est vous qui avez choisi ce site merveilleux, en même
temps que par votre travail assidu, votre persévérance à
toute épreuve, vous ouvriez à la civilisation ces régions
immenses.-
— 480 —
« Aujourd'hui la ville de Grouard est en fête. Les arcs
de triomphe, les guirlandes de verdure, les fleurs, les déco-
rations de cette église, ces magnifiques cérémonies, ces
chants, ces foules accourues, tout me dit que les cœurs
sont à l'allégresse.
t Oui, cette date du 29 juin sera désormais historique.
Elle est comme une étape, comme un instant d'arrêt, non
dans l'inaction ou le découragement, certes ! mais dans la
joie, dans la consolation, dans l'espérance : la joie de fêter
un grand pontife, qui est aussi un père tendrement aimé ;
la consolation en contemplant les progrès accomplis ; l'es-
pérance en découvrant déjà par la pensée ceux qui seront
encore réalisés dans la suite par votre initiative clair-
voyante et par votre action qui, malgré les années, ne
faiblit pas.
« Le liasse est un garant de l'avenir. »
t Qu'elle est grande, eu effet, l'œuvre qui s'opère ici !
Comment ne pas en être aussitôt frappé I C'est ce sen-
timent qui a mis sur mes lèvres les paroles de mon texte :
Jam hiems transiit... flores apimrueru7it : L'hiver est
liasse et les fleurs ont apparu. »
« Je ne parle pas seulement de l'hiver physique et sen-
sible qui, dans ces régions surtout, répand avec tant
d'abondance les glaces et les frimas... Cet hiver fait,
chaque année, place au renouveau du printemps. Malgré
ses rigueurs, il a même ses charmes, ses avantages et son
utilité.
« Mais il est un hiver autrement pénible, autrement ter-
rible, autrement désastreux... C'est celui qui ne se con-
tente pas de régner à la surface de la terre couverte de
neige, mais qui atteint les âmes et les sociétés ; l'hiver qui
étend les ténèbres spirituelles et cache la vue du divin
Soleil ; l'hiver qui non seulement engourdit les corps et
— 481 —
suspend les phénomènes de la végétation, mais qui jette le
froid au cœur, paralyse les âmes et trop souvent les plonge
dans l'abîme de l'éternelle mort. Car le froid intense, le
froid prolongé tue, qu'il soit physique ou immatériel.
« Or, cet hiver, le plus terrible de tous, régnait ici en
maître, il y a quelques années à peine.
t Dans ces régions désolées, c'était non seulement l'igno-
rance de la civilisation qui procure le confort moderne,
c'était aussi et surtout l'ignorance des vérités religieuses
qui, seules, peuvent assurer à l'humanité le vrai bonheur
en ce monde et en l'autre. »
« Dieu, dans sa miséricordieuse bonté envers les peu-
plades qui erraient dans ces vastes solitudes, leur envoya
les messagers de la bonne nouvelle, ses missionnaires, ses
apôtres, ses Oblats.
t Ils furent héroïques, nos premiers Pères ; pionniers ù
la fois de la civilisation et de l'Evangile... Malheureusement
ils sont trop peu connus. Leurs noms avec le souvenir de
leurs travaux et de leurs vertus s'effaceraient peu à peu
de la mémoire des liommes, si on ne s'eiïorçait dès main-
tenant d'empêcher l'oubli de couvrir leur tombe. Nous
espérons que cette œuvre de justice et de réparation sera
bientôt un fait accompli et que leur histoire désormais
écrite et publiée les fera revivre dans les siècles futurs.
« En attendant, ils revivent en vous, Monseigneur. Vous
les avez connus, vous les avez entendus, vous en retracez
l'image. C'est l'un de ces intrépides missionnaires, l'un des
plus saints évêques de ces contrées glacées, Mgr Grandin,
qui, de sa voix persuasive, vous dit, tandis que vous étiez
encore adolescent, les paroles du texte sacré que je citais
tantôt : Jam, hiems Iransilt... flores appay^uer uni in terra
nostra, surge et veni !
t L'hiver a disparu ! Nous avons commencé à défricher
— 482 —
ces terrains incultes ! Déjà des conversions se sont opérées,
des âmes, fleurs du ciel, commencent à s'épanouir ! Surge
et veni : Levez-vous et venez... Venez, vous aussi, travailler
avec nous, venez dépenser votre jeunesse et votre activité...
Venez... nous avons semé déjà la semence d'éternelle vie...
Vous, qui nous remplacerez dans le champ du Père de fa-
mille, vous sèmerez avec plus d'abondance, et vous récol-
terez à pleines mains.
c Et vous avez entendu cette voix ! Comme les Apôtres
que rien ne put retenir, quand l'appel du divin Maître
retentit à leurs oreilles, vous vous êtes aussitôt levé et
vous êtes venu sans retard... »
L'orateur montre ensuite combien furent nombreux les
appels divins dans l'existence de Mgr Grouard, et avec
quelle fidélité le jubilaire d'aujourd'hui y répondit.
D'abord, le Surge et veni du sacerdoce, puis celui de
l'apostolat ; enfin, celui de l'épiscopat.
Il dépeint successivement en celui qu'on fête en ce jour, le
prêtre modèle, le missionnaire ardent, l'évêque, successeur
des Apôtres, aimé et vénéré de tous ; puis il parle de ses
qualités personnelles qui répandent tant de charmes autour
de lui.
Citons, du moins, quelques passages de la péroraison :
€ Je sais. Monseigneur, que votre humilité déteste les
éloges. S'il n'avait tenu qu'à vous cette fête n'aurait pas eu
lieu, ou, du moins, se serait confinée dans des bornes plus
que modestes.
€ Mais c'est pour nous un acte de justice et un réel
bonheur de vous exprimer publiquement notre reconnais-
sance et notre admiration.
« Cette reconnaissance et cette admiration, je vous les
exprime d'abord au nom de notre Révérendissime Père
Supérieur Général qui, de Rome, m'a envoyé jusqu'ici
pour assister à cette belle fête.
— 483 —
• Je vous les exprime ensuite au nom de la Congrégation
des Oblats de Marie Immaculée tout entière, de cette chère
famille religieuse dont vous êtes l'un des membres les plus
méritants et les plus distingués.
t Au nom de tous vos collaborateurs, si heureux de se
ranger autour de vous et de marcher, soutenus de vos
conseils, de vos lumières et de vos exemples !
• Au nom de ces foules accourues de si loin, ex omni
tribu et lingua, de toute tribu et de toute langue, et qui
se pressent dans cette enceinte devenue trop étroite.
t Cette reconnaissance et cette admiration, je vous les
exprime en particulier au nom de ces âmes régénérées par
vous... et de ces peuples instruits, dirigés dans le chemin
de la vertu, conduits par vous vers le ciel.
t Au nom de la sainte Eglise dont vous avez contribué
si puissamment à étendre les frontières en lui conquérant
de nouveaux royaumes.
« Et pourquoi ne le dirais-je pas, puisque je parle devant
le Tabernacle... cette reconnaissance et cette admiration je
vous les exprime au nom de ce Dieu dont vous êtes le
ministre et le pontife ; de ce Dieu que vous avez aimé, que
vous avez chéri, pour lequel vous avez tout sacrifié, de ce
Dieu que vous avez voulu faire connaître et aimer de ces
peuples assis à l'ombre de la mort.
• Oh ! si un seul verre d'eau donné en son nom ne restera
pas sans récompense, que dire de toute une vie consacrée
à son service, à son apostolat, à son amour !
» Qu'elle sera douce à entendre la parole qu'il vous dira
un jour : Jam hiems iransiif... flores appariierunt in
terra nostra... Surge et veni. Il est passé enfin l'hiver de
cette terre, avec ses peines, ses fatigues, ses angoisses, ses
tribulations, ses crucifiements. Tout cela est passé, à jamais
passé : hiems transiit ! Dans ma terre à moi, dans la terre
des vivants, dans mon ciel des fleurs ont apparu, flores
apparuerunt : fleurs immortelles, âmes converties, peuples
sauvés. Surge et veni : Levez- vous et venez. Coronaberis
— 484 —
corona gloriœ et lœlitiœ : Vous serez couronné de la cou-
ronne de gloire et d'éternelle joie.
t Nous espérons cependant, Monseigneur, que cette cou-
ronne de justice ne vous sera donnée que plus tard. Par-
donnez à notre égoïsme ; mais nous avons trop besoin
encore de vos lumières, de vos encouragements, de vos
exemples. Souffrez donc que je répète, et au nom de tous ;
Ad multos annos. Longtemps encore vivez parmi nous.
Ad multos annos. »
0. M. I.
II. - MISSION DE LA NATIVITÉ - LAC ATHABASKA
Extrait d'une lettre du R. P. Le Doussal,
au Très Révérend Père Supérieur général.
Ici, mon Révérendissime Père, tout marche assez réguliè-
rement dans la Communauté ; les exercices de piété se font
exactement ; l'union fraternelle ne laisse non plus rien à
désirer. Quand les travaux de nos chers Frères exigent
une absence tant soit peu prolongée, ou pour les pêches ou
pour les chantiers, autant que possible, un Père les accom-
pagne partout, afin de conserver parmi eux le respect et
l'amour de la sainte Règle. Parfois ces absences de Pères
nous causent plus ou moins d'embarras ; malgré cet incon-
vénient, nous tenons beaucoup à ne pas changer cette
manière de faire.
En général, nos indigènes vont bien aussi, quoique la
civilisation nous apporte, tout bien considéré, plus
de préjudice que de profit. C'est que dans le nombre
des blancs qui nous arrivent en foule de tous les pays, on
en trouve beaucoup qui sont loin d'être des modèles de pro-
bité et surtout de piété. De là découlent bien des suites
fâcheuses pour nos pauvres Indiens qui, à ce contagieux
contact, perdent insensiblement toute leur bonne simplicité
d'autrefois. Je dois ajouter cependant qu'il y en a parmi ces
— 485 —
derniers qui, guidés par leur droiture naturelle et éclairés
par la foi, savent se précautionner contre cette détestable
contagion de la civilisation moderne.
Veuillez, mon Révérendissime et bien-aimé Père, agréer
l'expression du filial respect de tous vos enfants du Lac
Athabaska.
L. M. Le Doussal, 0. M. I.
VICARIAT DU BASUTOLAND
Extrait d'une lettre du R. P. J. Gérard
à Monseigneur le Supérieur général.
Roma Maseru, le 2 juillet 1P12.
Mon révérendissime et bien-aimé Pêrk,
C'est un véritable bonheur pour moi de venir vous rendre
visite, en ce beau jour de la Visitation de notre bonne et
Immaculée Mère que nous aimons et qui nous aime si ten-
drement, elle aussi.
Je ne saurais vous dire combien j'ai été touché de la
grande condescendance dont vous avez fait preuve en
m'écrivant une lettre si encourageante et en l'accompagnant
d'une belle image du Thabor et de la scène du pauvre
monde. Mille fois merci, de ces bonnes paroles qui sont
entrées dans mon vieux cœur et qui par le bien que j'en ai
ressenti m'ont montré que vous êtes notre bon Père en
même temps que notre général.
Soyez remercié également de m'avoir obtenu la permis-
sion de dire le saint Rosaire en place du bréviaire, ainsi
que la messe votive de la sainte Vierge et la messe des
morts, selon les jours, puisque mes 82 ans m'empêchent de
31
— 486 —
suivre au jour le jour notre Ordo. Je suis bien près de finir
ma carrière ; mon travail est bien peu de chose. Il consiste
dans la visite à domicile des vieux et des vieilles qui ne
peuvent plus venir à la ^Mission, afin de leur faire faire
leurs Pâques et de les préparer à leur prochain départ pour
le ciel. J'instruis aussi à domicile les païens et païennes
qui sont loin et qui veulent faire la paix avec le bon Dieu.
Dernièrement, c'était le tour d'un vieillard de 70 à 80 ans
qui faisait sa première communion. Après avoir lutté long-
temps contre la grâce, il accepta une médaille de saint
Benoît et il se convertit. Nous nous servons souvent de ce
moyen que Dieu couronne de succès.
La semaine dernière, un païen envoyait sa fille aînée —
excellente catholique — nous appeler auprès de lui afin de
« lui ôter ses péchés et de le baptiser ». Comme il est au
moins de mon âge, je vais l'instruire à domicile. Sa femme,
qui vit encore, veut, elle aussi, se convertir. J'espère beau-
coup que cette conversion d'un itehale comme « Sépota »
— c'est le nom du vieux — en amènera d'autres.
Cet homme qui se convertit après 50 ans d'attente n'est
pas pour nous un inconnu. 11 y a, en effet, dans le Basuto-
land, beaucoup de noirs que nous appelons Matebele. Leur
langue est celle des Zoulous qui, d'ailleurs, ressemble à la
langue basuto. Très durs à se convertir, une fois convertis
ils ont la persévérance. Celui dont je parle est un de ces
petits chefs de Matebele auxquels le roi Moshesh avait
recommandé de prendre soin de ses missionnaires romains.
Sépota, à la différence des autres qui ne voulurent pas nous
recevoir à notre arrivée dansla valléedeRoraa, nous accueil-
lit bien et nous fit présent de quelques boisseaux de grains
en disant : « Je ne vous le vends pas, je vous le donne pour
vous nourrir. » Nous étions encore sous la tente et il n'y
avait pas encore une seule âme convertie au bon Dieu. En
nous protégeant, — alors que les autres nous repoussaient —
non seulement il exerçait un acte de charité à notre égard,
vu que nous manquions de tout, mais encore il faisait un
— 487 —
grand acte de courage, car ici le respect Immain est assez
fort pour enchaîner ses victimes. Dieu, qui ne laisse pas
sans récompense un verre d'eau froide donné à ses pauvres,
à ses missionnaires, lui a donné en retour de sa bienveil-
lance le don inestimable de la foi, lui a ouvert les portes
du ciel !
Mon bien-aimé et révérendissime Père, que de chemin
parcouru dans cet espace de cinquante ans ! Remercions-en
le bon Dieu et notre Mère Immaculée. La première cérémo-
nie de baptême en Basutoland comprenait cinq adultes et
un enfant. Aujourd'hui, il y a des baptêmes dans nos mis-
sions qui comptent soixante et quelquefois quatre-vingt-cinq
baptisés. Le bon P. Valet, à Samarie, vient d'en faire un de
cent personnes. C'est, je crois, le plus grand qui ait eu lieu
dans le Basutoland. Nous pouvons donc dire avec le Psal-
miste : Laudateomnes génies, laudate eum omnespopuli,
car les conversions se multiplient tous les jours.
Que le Dieu des miséricordes bénisse par votre main.
Monseigneur, tous ces chers Basutos qui sont devenus, en
quelque sorte vos enfants en recevant le baptême par le
ministère de vos fils ! Bénissez-nous tous : Missionnaires,
Frères convers si dévoués, bonnes et dignes religieuses,
mais en première ligne notre saint et vaillant évêque,
Mgr Gênez, et notre Révérend Père Supérieur. Je ne saurais
vous dire combien je suis heureux de passer mes derniers
jours ici, ni les services qui me sont prodigués.
Notre cher P. Rolland va mieux. Que Dieu daigne lui
rendre la santé ! La belle mission qu'il a fondée à Gethsé-
mani montre ce qu'il fera encore s'il lui est donné de recou-
vrer toutes ses forces.
Voici venir, mon Très Révérend et bien-aimé Père, voici
venir le jour de la fête de votre illustre patron saint Augus-
tin. Tous vos enfants s'en réjouissent déjà* sur toutes les
plages du monde. Il vont demander avec ferveur que le
Cœur de Jésus habite toujours d'une manière particulière
dans votre cœur, qu'il vous console, qu'il vous éclaire et
— 488 —
qu'il vous fortifie dans le gouvernement de notre chère
Congrégation.
Un petit détail pour finir.
Nous avons ici le premier dictionnaire zoulou composé
en 1857. Il dit que les Zoulous donnent à l'arc-en-ciel le
nom de « maison ronde de la Reine du ciel », Vous serez
heureux d'apprendre, Monseigneur, que la plus renommée
de toutes les tribus de l'Afrique connaissait le nom de la
très sainte Vierge. Puisse-t-elle, par sa toute-puissante
intercession, aider ses chers Oblats à conquérir toutes les
àraes de ce pays à Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Jh. Gérard, 0. M. I.
ECHOS DE LA FAMILLE
Dès les premiers jours d'octobre, les journaux de Cey-
lan confirmaient l'annonce quïls avaient donnée à leurs
lecteurs de la visite de notre Révérendissime Supérieur
Général. Conformément au programme, le départ de Mar-
seille eut lieu le 20 octobre. En cours de route Monseigneur
voulut bien donner de bonnes nouvelles de la traversée et
remercier des prières qui étaient faites pour l'heureuse issue
de ce long voyage. Un télégramme adressé au Révérendis-
sime Père Vicaire Général annonçait l'heureuse arrivée à
Colombo, le -5 novembre. L'Etoile de la mer avait protégé
l'illustre voyageur et ceux qui étaient heureux de l'accom-
pagner. Nos lecteurs trouveront en dernier lieu les échos
de cette visite qui nous sont parvenus jusqu'au moment de
l'impression.
***
Le dimanche 13 octobre, avant d'entreprendre son voyage
pour la visite de Ceylan, Monseigneur le Supérieur Gêné-
— 489 —
rai H bien voulu bénir solennellement, avec l'assistance de
la communauté du scolasticat, une statue de Notre-Dame
de Lourdes placée à rentrée de la propriété de Roviano. Un
cordial merci aux deux généreux bienfaiteurs qui ont per-
mis d'élever ce petit monument à la gloire de l'Immaculée.
La Bonne Mère sera là désormais pour accueillir nos chers
scolastiques au seuil de la maison de campagne, et, pen-
dant toute l'année, elle entendra les prières des pieuses
populations d'alentour.
Par bref apostolique du 15 juillet 1912, Mgr Niceta Bud-
ka, préfet des études au séminaire archiépiscopal de rite
ruthène à Léopol (Galicie-Autriche) a été nommé évêque
pour les catholiques ruthènes du Canada. Le Prélat aura
sa résidence ordinaire à Winnipeg (archidiocèse de Saint-
Boniface).
***
Un décret du Saint-Siège (S. Congrégation de la Gonsis-
toriale), en date du 2'8 juin dernier, donnait à Mgr Bruchési,
archevêque de Montréal, un auxiliaire en la personne de
Mgr Georges Gauthier, curé de la cathédrale de Montréal.
Le R. P. A. Durif, provincial du Midi, arrivé au terme
de son second triennat, a remis la direction de la province
entre les mains de son successeur, le R. P. E. Blanc, jus-
qu'alors Supérieur de notre maison de Santa Maria a Vico.
C'est le R. P. A. Ferri, qui remplacera le nouveau Pro-
vincial dans la charge de Supérieur local de Santa Maria.
Par suite du départ du R. P. Ferri, l'œuvre de Porta Furba
(faubourg de Rome) passera entre les mains du R. P. De
Giovine, qui vient de la maison de Santa Maria.
— 490
^*^^
En la fête du saint nom de Marie — 15 septembre derniei'
— la petite paroisse de Sainte-Marie South Lowell célébrait
le sixième anniversaire de sa fondation comme mission, et
de son école. Un presbytère, d'aspect modeste, mais qui est
bien adapté à sa destination, vient d'être mené à bonne fin.
La jeune paroisse compte 3.220 âmes dont 325 enfants qui
fréquentent l'école paroissiale.
L'organe officiel du Saint-Siège a publié la nomination
du R. P. Charles Cox, O. M. I., comme administrateur
apostolique du Transvaal. Le 8 novembre, il est arrivé à
Colombo où Mgr le Révérendissime Père Général lui avait
donné rendez-vous. Pendant quelques jours le R. P. Cox
sera l'hôte de Monseigneur l'archevêque de Colombo, puis
il profitera du départ du prochain courrier de Durban pour
se rendre à son nouveau poste.
Dans le « Western Australian Record », qui s'est fait
l'écho du regret général causé par le départ du R. P. Cox,
on lit les lignes suivantes : « Durant les nombreuses années
pendant lesquelles le R. P. Cox a dirigé la mission des Pères
Oblats en Australie, il s'est fait une renommée d'or au loin et
au large. Sans parler de ses hautes qualités administratives
universellement reconnues, ni de son intelligence lucide qui
86 reflète dans des ouvrages littéraires religieux, — vrais
trésors pour les âmes qui veulent suivre la voie étroite de
la perfection — le vénérable supérieur des Oblats nous
apparaît comme un saint missionnaire enflammé de zèle
pour le salut des âmes et la plus grande gloire de Dieu. Sa
— 491 —
vie a été pour tous et pour chacun un grand exemple clans
le bien, et en lui se vérifie cet éloge de nos Saints Livres :
Ecce sacerdos inagnus qui in diebus suis placuit Deo et
inre7itus est justus. » Aussi, son souvenir demeurera long-
temps cher au cœur de bon nombre d'habitants de l'Australie
occidentale. »
***
Le témoignage qu'on vient de lire montre clairement le
vide que cause en Australie le départ du R. P. Gox, mais
aussi que nos Pères de ce Vicariat sont très estimés et font
un bien considérable en dépit de leur petit nombre.
La province britannique s'est montrée généreuse envers le
Vicariat d'Australie. Elle s'est privée des précieux services
<hi R. P. Callan qui sort de la Province pour prendre la
charge du Vicariat d'Australie. Le nouveau vicaire s'est
rencontré le 9 novembre avec le R. P. Cox et avec Monsei-
gneur le Supérieur GénéraL
Valayandam est un petit village de la cùte à 1 milles au
nord de Mullaitivu, diocèse de Jaffna. Il y a 5 ans, ce \'il-
lage, habité par de pauvres Hindous, n'était guère connu,
mais aujourd'hui c'est merveille de voir le changement sur-
venu. Le P. Jourd'heuil, qui le premier visita ce village,
réussit à convertir un pauvre païen. Voyant les autres assez
bien disposés, il acheta un lopin de terre près du rivage de la
mer, dans le but d'y construire une église. Le missionnaire
est appelé à .Jaffna. Le P. Marcellin le remplace, il élève
une chapelle provisoire et se voit remplacé à son tour par
le P. Alphonsus, qui eut le bonheur de mettre à exécution
les desseins de ses prédécesseurs. L'église dédiée au Saint-
Rosaire est fort belle. Elle peut contenir 50<) personnes.
492 —
***
C'est là que la fête du Saint Rosaire a été célébrée avec
une pompe inconnue dans ce pays. De nombreux catho-
liques venus de Mullaitivu et des villages environnants
pour prendre part à la fête s'approchèrent des sacrements.
Détail à signaler : il n'y eut pas moins de 800 personnes,
sans distinction de caste ou de religion, à participer aux
agapes ou petit repas de riz; tous s'estimant trop heureux
de recevoir le riz de la « Bonne Mère ». Tous les catholi-
ques assistèrent à la procession solennelle qui se déroula
sur une grande distance et où fut portée en triomphe la
statue de la Très Sainte Vierge. Les païens étaient dans
l'admiration. Tout fait espérer que la petite église recevra
de nombreux i^èlerins et que, grâce à l'attrait tout-puissant
qu'exerce sur les coeurs la Reine du Saint Rosaire, ce
village deviendra bientôt entièrement catholique.
La société de Saint-Vincent de Paul (conférence de
Jaffna) continue de se déveloj^per. Avec un budget qui
dépasse à peine 3.000 francs, pour l'exercice clos au 30 juin
dernier, elle a fait prospérer tout un ensemble d'oeuvres
charitables où les misères physiques et morales ont trouvé
un soulagement. Après avoir secouru 81 familles coro.pre-
nant 160 adultes et 147 enfants, elle a trouvé le moyen de
s'occuper :
1) du patronage Saint- Antoine, établi sur la paroisse
Saint-Jean et qui compte 110 membres ;
:2) d'une école du soir, à Notre-Dame des Miracles, où se
trouvent 25 enfants ;
o) des visites aux quartiers des Parias (ou Pariahs). Deux
fois par semaine, les enfants sont réunis sous un hangar
pour y apprendre les éléments de la religion. Grâce au
— 493 —
zèle des dévoués sociétaires, quelques-uns de ces pauvres
Parias, vrais déshérités de la caste, ont pu recevoir le saint
haptême;
4) des logements aux indigents. Deux maisons ont été
fournies à des familles nécessiteuses. Ce n'est que le com-
mencement d'une œuvre qui s'impose en faveur de nom-
breuses familles sans abri ;
5) des visites à l'hôpital, dans le but de consoler, d'édifier
les pauvres malades et de leur procurer quelques douceurs
à certains jours ;
6) des prêts de livres tamouls et de la distribution de
brochures religieuses ou de tempéi'ance ;
7) enfin, des aumônes du pain de saint Antoine.
Parmi les hôtes de distinction qui ont honoré d'une
visite la maison générale, nous sommes heureux de nom-
mer : LL. GG. Mgr d'Archambault, évêque de Joliette,
et Mgr Villard, évêque d'Autun ; Mgr Duparc, évêque de
Quimper; Mgr Morelle, évêque de Saint-Brieuc, et Mgr
Gouraud, évêque de Vannes. Le R. P. H. Gonstantineau,
provincial de la 2« province des Etats-Unis (Texas) est
arrivé à Rome le 10 octobre et en est reparti le 9 décembre,
après une heureuse conclusion des affaires qui intéressaient
ses missions.
***
Après une interruption de plusieurs années, nous sommes
heureux de signaler la réapparition du « Missionary Re-
cord », petites annales destinées à faire connaître aux
catholiques de langue anglaise les œuvres de la Con-
grégation. Nous souhaitons de grand cœur longue vie et
heureux succès à la nouvelle revue, dans l'espoir qu'elle
suscitera les vocations apostoliques, nombreuses et géné-
reuses, dont le besoin se fait sentir de plus en plus chaque
jour.
— 494
Les « Missions » sont chargées de faire connaître aux
Révérends Pères Provinciaux et Vicaires des missions que
les livres contenant la traduction anglaise de nos saintes
Règles sont terminés, et que le manuel de prières en
anglais l'est également ou sur le point de l'être. Pour tout
ce qui concerne les demandes d'exemplaires et le règle-
ment du prix, nos vénérés chefs de missions voudront bien
s'adresser directement au R. P. Daniel O'Ryan, économe
provincial de la province britannique.
C'est plus d'un simple écho que mériterait le fait suivant.
A l'occasion des noces d'or de la société saint Jean-Baptiste,
un monument à la mémoire du R. P. Durocher, 0. M. /., a
été inauguré à Québec, le 23 juin 1912, en présence de
Nosseigneurs Bégin, Langevin et Roy, ainsi que des notabi-
lités politiques du pays. Par une aima])le délicatesse, c'est
à Mgr l'archevêque de Saint-Boniface qu'a été réservé
l'honneur de dévoiler la statue de son frère en religion.
La cérémonie d'inauguration a pris les proportions d'un
événement qui restera gravé dans la mémoire des fidèles,
et d'une démonstration de sympathie envers les Oblats que
ceux-ci n'oublieront jamais. Ce beau monument, surmonté
de la statue en bronze du P. Duroclier, s'élève sur la place
qui a pris le nom de l'humble religieux. Un tel hommage
honore, sans doute, celui dont il rappelle le souvenir, mais
il honore aussi et grandement ceux qui savent manifester
avec tant d'enthousiasme et de piété leur reconnaissance
envers le religieux et leur amour envers le pi'être.
Notre bicn-aimé et Révérendissime Supérieur Général a
-confié aux « Missions » l'agréable message de remercier en
— 495 —
son nom les Pères qui lui adressent à Rome les bulletins
paroissiaux et autres publications qu'ils rédigent avec zèle
et succès.
Leur cadre ne s'y prêtant pas, les « Missions » ne citent
pas aussi souvent qu'elles le voudraient ces Bulletins, pas
plus d'ailleurs que les autres journaux, revues et annales
dirigés par les membres de la Congrégation. Mais Monsei-
gneur veut que les intéressés le sachent bien : leurs tra-
vaux, leurs progrès sont suivis avec attention. Il ne fau-
drait pas, en tout cas, croire que les moyens d'apostolat
par la presse ne sont pas appréciés à leur mérite. On ne
peut pas ne pas se rendre compte du bien qu'ils font
parmi les populations auxquelles ils rappellent leurs
devoirs religieux et les pratiques de la vie vraiment chré-
tienne.
***
Rien ne semble échapper à la vigilance de leur zèle, dès
qu'il s'agit de parfaire la mentalité ou le sens catholique de
leurs lecteurs. Pour en citer aujourd'hui un exemple entre
mille, prenons le Galendar, bulletin de la paroisse du Sacré-
Cœur à Lowell. Nous y voyons dans le numéro d'octobre
que non seulement on signale pour le blâmer mais encore
que l'on corrige le langage impropre dont se servent cer-
tains catholiques qui, en parlant des choses de notre sainte
religion, emploient des expressions ou des formules pro-
testantes.
Voici quelques notes qui nous viennent de nos Pères de
la paroisse Saint-Sauveur de Québec. Nous serions recon-
naissants à ceux des nôtres qui nous communiqueraient
des statistiques aussi édifiantes que celles-ci.
Dans cette paroisse fortunée, la fête des quarante heures
est un triomphe eucharistique : l'assistance des fidèles ado-
rateurs s'accroît chaque année ; pendant la nuit trois cents
— 496 —
hommes, nous disons des hommes, des ouvriers, passent
la nuit en adoration aux pieds de Notre-Seigneur dans le
sacrement de son amour.
***
La paroisse de Saint-Sauveur ne connaît pas le fléau des
écoles sans Dieu, des écoles neutres; mais 2.900 enfants
fréquentent les écoles catholiques, et sur ce nombre 558
d'entre eux ont fait leur première communion et ont reçu
la confirmation en mai dernier. On nous assure que c'est
par centaines que l'on compte les petits enfants qui font la
communion fréquente, avant de se rendre à l'école.
***
Pendant les quarante heures et le premier vendredi du
mois, soit le jour de la Toussaint et le jour des Morts, c'est
une vingtaine de mille communions qu'on distribue dans
cette église. Pour tout dire, en un mot, l'an dernier il y a
eu quatre cent soixante-six mille deux cents communions :
46Ô.200, près d'un demi-million de communions, dans une
paroisse de IG.OOO àraes.
***
Et le zèle, comme le bien, se communique. De Saint
Sauveur, il s'étend à Saint-Roch où une grande retraite
prèchée aux hommes par le P. Le Lièvre a été couronnée
d'un succès complet. En face de l'église s'élève un beau et
grand monument en l'honneur du Sacré-Cœur. On ne sau-
rait pas plus refuser son admiration au zèle de l'apôtre
qu'à l'enthousiasme de ces chers ouvriers, dévoués au
Sacré-Cœur et fidèles à la sainte communion.
A la date du 1" septembre, les Cloches de Saint-Boniface
— 407 —
annoncent la fondation d'une nouvelle mission indienne
dans la réserve de Berens River; c'est le R. P. S. Perrault,
0. M. I, qui en est chargé.
Neuf Ursulines allemandes, brevetées pour l'enseigne-
ment des trois langues allemande, anglaise et française,
sont arrivées à Winnipeg le 31 août dernier. 7 demeureront
à Winnipeg, chargées de l'école paroissiale Saint-Joseph, et
les 2 dernières iront à Pius-Colony, paroisse allemande du
diocèse de Régina. L'une et l'autre paroisse sont desservies
par nos Pères. Cette Communauté d'Ursulines qui vient du
Hanovre était passée de Bordeaux en Allemagne vers le
milieu du dix-septième siècle.
A Sifton, Mgr Langevin, assisté des RR. PP. Magnan,
Gendreau, Nandzik et Paul Kula^'3^ a confirmé 120 Polonais,
dont un tiers d'adultes. La petite église ne pouvait contenir
les centaines de Polonais et de ruthènes qui ont pris part à
la procession, bannières déployées et en chantant des
hymnes. Malgré les roulements de tambour d'un petit
groupe de schismatiques et de... presbytériens, cette
démonstration a été un grand triomphe pour les Catho-
liques. Les Polonais dont la première église a été brûlée
par leurs adversaires schismatiques et hérétiques peuvent
sans crainte bâtir une nouvelle église près de la station.
La mission de Gamperville vient d'être le théâtre de quatre
événements, tous heureux : une bénédiction d'église, un
baptême de cloches ; une cérémonie de Confirmation et un
iubilé sacerdotal. Le 13 juillet, à 8 heures, Mgr Langevin
— 498 —
a béni la nouvelle église en pierre. Il a expliqué comment
cette église est un grand monument de la foi et de l'abné-
gation de ses frères les Oblats de Marie Immaculée ; et en
même temps de l'esprit religieux des braves habitants de la
réserve de la Rivière aux Epinettes.
En effet, si l'église aurait dû nécessiter une dépense de
375. 000 francs et qu'en réalité elle n'en a coûté que 125. 000,
soit le tiers, cela vient de ce que Pères et Frères Oblats, et
en particulier le R. P. Adélard Ghaumont, supérieur de la
mission et principal de l'école indijstrielle qui compte 60
enfants, y ont travaillé de leurs mains en qualité d'artiste,
d'ouvriers et de manœuvres. C'est ce qui a rendu possible ce
superbe monument élevé par la Congrégation des O. M. I.
à la gloire de Jésus-Hostie et de Notre-Dame des Sept
Douleurs.
Il n'est que juste d'ajouter que les sauvages de la région
ont une foi vive et que pour leur église ils se montrent
généreux. Us ont apporté des matériaux, ils ont donné et
donnent encore de grand cœur de l'argent pour cette belle
œuvre. Voilà le champ d'action du bon Père Camper. Il
interpréta en sauteux le discours de Mgr de Saint-Boniface.
***
Le baptême de la cloche eut lieu le lendemain, dimanche
14 juillet, après une grand'messe chantée par le R. P.
Magnan, Econome provincial.
***
A 3 heures, cérémonie de la Confirmation donnée à 182
personnes de la mission. A l'issue de cette cérémonie, une
— 499 —
séance fut organisée en l'honneur de Mgr Langevin et du
R. P. A. Chaumont, dont c'était le jubilé d'argent sacerdotal.
Religieux aussi humble que méritant, disent tous ceux qui
le connaissent, il a été fêté bien malgré lui; mais il a reçu
en cette occasion un témoignage non équivoque et tout
spontané de l'estime et de l'affection reconnaissante de toute
la population.
Par les soins du R. P. 0' Dwyer, 0. M. I., de Kenora,
trois nouvelles chapelles ont été bâties cette année dans la
partie du diocèse de Saint-Boniface qui s'étend dans la pro-
vince de l'Ontario, l'une à Graham (Grand Tronc Pacifique)
de 50 pieds sur 30; l'autre à Dryden (34 sur 24) et la troi-
sième à Ignace (30 pieds sur 20).
Le R. P. J.-B. Martin, ayant terminé son séjour en
Angleterre, a reçu un accueil enthousiaste au collège Saint-
Joseph de Colombo. Il s'est mis aussitôt à l'œuvre et sa
tâche n'est pas légère : 4 heures d'enseignement par jour, à
une classe de 70 élèves. On sait que le collège compte
1.068 élèves, y compris ceux de l'école préparatoire Saint-
Charles,
Au 31 juillet, le personnel de Ceylan s'augmentait de
deux recrues, venues de Cimbébasie : le R. P. Joseph Poth-
mann, nommé professeur au scolasticat, et le Frère Michel
Heckenbach, qui va rejoindre les autres Frères à l'école
industrielle de Maggona.
Le R. P. Charles Lytton qui succéda au regretté
P. Charles CoUin comme supérieur et recteur du collège
— 500 —
Saint-Joseph, a été, sur sa demande, relevé de cette charge
qui commençait à devenir trop lourde pour son âge. Bien
que son rectorat ait été de beaucoup plus court que celui
de son prédécesseur, il a maintenu et plus que maintenu le
collège dans l'état de prospérité où il l'avait trouvé. Les
succès remportés aux derniers examens de Cambridge le
prouvent bien. Le R. P. Lytton a été nommé Chapelain
militaire des troui")es en garnison à Colombo.
Au R. P. Lytton a succédé le R. P. Emile Nicolas. Son
intelligence, ses titres et ses succès dans les études, son
expérience des hommes et des choses du pays qu'il habite
depuis plus de 20 ans, ses connaissances variées et appro-
fondies et en particulier sa connaissance de l'anglais, enfin
la brillante carrière qu'il a fournie au collège à la prospérité
duquel il se dévoue depuis sa fondation c'est-à-dire au delà
de quinze ans, le désignaient tout naturellement à remplir
les fonctions qui viennent de lui être confi.ées.
Le dimanche 25 août, en présence de la population catho-
lique de Bambalapitiya, des religieuses du couvent de la
Sainte-Famille et de leurs élèves, Mgr Coudert, archevêque
de Colombo, entouré d'une nombreuse couronne d'Oblats,
a solennellement bénit le bâtiment principal de la maison
provinciale. Pour clôturer la cérémonie, Mgr Coudert a
donné la bénédiction. Tous les visiteurs sont frappés de la
religieuse simplicité de la nouvelle construction qui a,
dans son ensemble, un certain aspect de grandeiir.
Cette nouvelle bâtisse, qui, dans le plan général, forme
la partie centrale et dont une aile, occupée par le noviciat,
— 501 —
a été inaugurée en mars dernier, est une simple structure
à un seul étage, mesurant soixante mètres sur quatorze.
Elle comprend la chapelle et 5 appartements spacieux pour
la résidence du Provincial et de la petite phalange de mis-
sionnaires qui se consacreront à la prédication des mis-
sions. Puisse bientôt se réaliser le dessein déjà formé par
les deux premiers é vaques Oblats de Ceylan, Mgr Séméria
et Mgr Bonjean, qui ne cessèrent d'appeler de tous leurs
vœux le jour où ils pourraient disposer d'une troupe d'in-
trépides apôtres pour prêcher des missions dans toute l'île.
Encouragé par les résultats consolants obtenus par la
conférence de Saint- Vincent de Paul sur la paroisse de la
Cathédrale à Colombo, le R. P. Vogel a décidé la formation
d'une semblable société pour la paroisse de Borella. (Ail
Saints). C'est sur cette paroisse que se trouvent l'Arche-
vêché, la Maison du Sacré-Cœur, l'établissement de la
Presse catholique, le Scolasticat-Grand Séminaire Saint-
Bernard et l'hôpital général de la ville.
A l'occasion de la visite pastorale de la vaste mission de
Kurunegala, où les catholiques sont moins nombreux et
plus dispersés, une église dédiée à Notre-Dame du Mont-
Carmel a été solennellement bénite. Le P. Thomas a réussi,
à force d'énergie, à mener à bonne fin cette belle église
préparée et commencée par ses prédécesseurs, les RR. PP.
Labouré, Stouter et Vogel.
***
La grotte de Lourdes récemment érigée à Kimbulapitiya
(voir Missions, p. 351) attire de véritables foules, en pèleri-
32
— 502 —
nages. Des missions distantes de plusieurs heures de
marche y envoient des contingents de trois et quatre mille
personnes. La route se fait en priant, ou en chantant;
beaucoup viennent à jeun afin de recevoir la sainte commu-
nion auprès de Notre-Dame de Lourdes. Missionnaires,
maîtres et maîtresses d'école donnent l'exemple, et les
enfants des nombreuses écoles du district de Négombo
obéissent volontiers à l'appel de la Vierge Immaculée.
Le 7 septembre, veille de la fête patronale de l'église
Sainte-Marie à Négombo a été bénit solennellement un
groupe représentant le couronnement de la Très Sainte
Vierge. Les statues sont en carton romain de 5 mètres de
haut; et le groupe, d'une grande valeur artistique, a été
médaillé à l'exposition universelle de Paris. Il y a lieu de
féliciter le R. P. Milliner, d'avoir réussi à doter son église
de cette oeuvre au cachet monumental et religieux.
Sans pouvoir entrer dans le détail des visites que font de
leurs diocèses les Evêques Oblats, il est permis, du moins,
de se réjouir des consolatioîis goûtées par les vénérés Pré-
lats en constatant, un peu partout, que la sainte Table
est fréquentée plus assidûment de jour en jour. Entre
toutes les missions de Ceylan, citons aujourd'hui celle de
Wennappuwa où Mgr de Colombo a remarqué, au cours
d'une récente visite, que grâce au zèle du R. P. Guglielmi,
la communion fréquente est en honneur parmi les hommes,
les femmes et les enfants.
— 503 —
Premiers échos de la visite de Monseigneur
le Révérendissime Père Général à Geylan.
Pressés par le manque de temps et d'espace, nous ne
pouvons aujourd'hui donner qu'un aperçu sur la réception
de Monseigneur le Révérendissime Père Général à Colombo.
Le prochain numéro des « Missions » publiera un récit
plus complet du voyage, de la réception faite à Colombo, à
Jaffna et aux principaux centres.
Le mardi 5 novembre à 4 h. du soir toutes les cloches des
40 ou 45 églises catholiques de la ville de Colombo son-
naient pour annoncer que le paquebot * Ernest Simonis »
des Messageries maritimes était signalé au loin. Aussitôt,
de toutes les parties de la ville, des groupes nombreux de
catholiques prenaient la direction du port. Beaucoup
d'autres n'avaient pas attendu jusque-là et lorsqu'à 5 h., le
navire attendu entra majestueusement dans le port, toutes
les avenues et le vaste débarcadère étaient déjà encombrés
par une foule sans cesse grossissante. Dès que « l'Ernest
Simonis » eut jeté l'ancre, un grand nombre de mission-
naires, ayant à leur tête les RR. PP. Jules Collin, vicaire
des missions, et J. Brault, vicaire général, allèrent rendre
leurs hommages à l'illustre visiteur. A 5 h. 45, Monseigneur
le Révérendissime Père, le R. P. Conrard et les 4 jeunes
Pères qui formaient sa suite quittaient le paquebot pour
prendre place dans le steamboat « Junie » parfaitement
décoré. Au débarcadère, aux sons joyeux de la fanfare et
au milieu du frémissement d'une foule immense, l'illustre
visiteur fut reçu par Monseigneur l'Archevêque de Colombo,
le clergé de la ville et les catholiques les plus marquants
tous accourus pour la circonstance. Le cortège se mit aus-
sitôt en marche vers la cathédrale. Impossible de décrire
aujourd'hui ce que fut cette marche triomphale. La « Bon-
jean Road », avenue de la cathédrale, la vaste place et la
— 504 —
cathédrale elle-même étaient envahies par la foule. Ce ne
fut pas saus peine que les Frères des écoles chrétiennes et le
clergé formant le cortège précédant les 2 Archevêques, purent
s'avancer au milieu du vaste édifice et arriver jusqu'au
sanctuaire. Après le chant de VEcce Sacerdos Magnus, du
Te Deujïi et la bénédiction du Très Saint Sacrement, une
adresse de bienvenue fut lue au Révérendissime Père par
M. E. de Sampayo, président de l'Union catholique. La
réponse comme l'adresse elle-même enthousiasma l'assis-
tance. Plus tard, nous nous ferons un devoir de les repro-
duire l'une et l'autre intégralement. Parlant du nombre
de fidèles réunis ce soir-là pour lui souhaiter la bienvenue,
Monseigneur le Révérendissime Père crut se trouver au
milieu d'une foule innombrable. Quand cette foule se fut
peu à peu écoulée, les 2 Archevêques accompagnés par un
nombreux clergé se rendirent à l'Archevêché. Dès le sur-
lendemain de son arrivée, Monseigneur le Révérendissime
Père Général visita la presse catholique de Borella dont le
directeur, le R. P. Gonrard, avait été son compagnon de
voyage. Monseigneur l'Archevêque de Colombo l'accompa-
gnait dans cette visite. Le jour suivant 8 novembre le sco-
lasticat et séminaire Saint-Bernard et le collège Saint-Joseph
recevaient tour à tour le visiteur pour une visite prélimi-
naire. Sa Grandeur allait dire la messe au séminaire Saint-
Louis, comme il l'avait dite la veille au scolasticat-sémi-
naire Saint-Bernard. Une visite à « Ail Saints », église
paroissiale de Borella, était annoncée pour le dimanche 10,
Monseigneur le Révérendissime Père devant y célébrer la
sainte messe.
Tels sont les commencements hâtivement décrits de cette
visite que tous nos missionnaires de Ceylan attendaient
avec la plus vive anxiété et qui promet de faire époque
dans l'histoire déjà si glorieuse de notre chère congrégation
dans l'île de Ceylan.
— 505
Un véritable désastre vient de frapper nos Pères de
Lowell. La magnifique église Saint-Jean-Baptiste, un des
plus beaux monuments religieux du pays et qui nous
faisait grandement honneur, vient d'être, en l'espace de
quelques heures, la proie des flammes. Il ne reste plus
que quatre grands murs qu'on dirait restés là pour cacher
l'immensité des ruines. C'est lamentable. Le feu s'est
communiqué avec une rapidité aussi extraordinaire qu'in-
contrôlable. Comment a-t-il éclaté ? Impossible de le dire.
Priez le bon Dieu, écrit le R. P. Watelle, Supérieur, que
nous puissions sortir de ce mauvais pas.
DÉCRETS DES S. CONGRÉGATIONS ROMAINES
S. Congregatio S. Officii (Sectio de Indulgentiis) .
Conceditur Indulgentia Plenaria
in honorem Beatae Mariae Virginis Immaculatae,
primo sabbato cujuslibet mensis lucranda.
(Acta Ap. Sedis, Vol. IV, pag. 623.)
{Ex audientia Sanctissimi, die 13 Junii 1912.)
Sanctissimus D. N. D. Plus div. Prov. Pp. X, ad augen-
dam fidelium devotionem erga gloriosissimam Dei Matrem
Immaculatam, et ad fovendum pium reparationis desi-
derium, quo fidèles ipsi cupiunt quandam exhibere satis-
factionem pro execrabilibus blasphemiis quibus Nomen
augustissimum et excelsœ prorogatives ejusdem beatse
Yirginis a scelestis hominibus impetuntur, ultro concédera
dignatus est, ut universi qui primo quolibet sabbato cuj us-
vis mensis, confessi ac sacra Synaxi refecti, peculiaria
— 506 —
devotionis exercitia in honoretn beatse Virginis Immacu-
latîfi in spiritu reparationis ut supra, peregerint, et ad
mentem summi Pontificis oraverint, Indulgentiam plena-
riam, def unctis quoque applicabilem , lucrari valeant.
Praesenti in perpetuum valituro absque ulla Brevis expe-
ditione. Gontrariis quibuscum ^ue non obstantibus.
M. Gard. RAMPOLLA,
L. ^S.
7 D. Archiep. Seleugien, Ads. S. 0.
S. Gongregatio de Religiosis.
DECRETUM
de professione religiosa la mortis periculo permittenda.
{Acta Ap. Sedis, Vol. IV, pag. 5S9.)
Spirituali consolationi Novitiarum sancti Dominici volens
consulere, et ne cœlesti religiosœ professionis merito ipsse
careant, quo professée moniales ex benignitate Sanctte Sedis
gaudent, S. Pius V, Constitutione Summi Sacerdotii data
die 23 Augusti 1570, concessit et induisit ut quoties aliqua
ex iisdem Novitiis nondum professa, de alicujus medici
judicio, ab hoc saeculo transitura cnnspiceretur, ipsa, dum-
modo in setate légitima esset constituta, valeret in mortis
articulo regularem professionem ante finem novitiatus
emittere ; atque adeo Novitise sic decedentes consequi pos-
sent indulgentias et alias gratias, quas moniales vere pro-
fessa consequebantur. Nec non iisdem monialibus novitiis
tune ita professis decedentibus plenariam peccatorum
suorum indulgentiam et remissionem in forma Jubilaei
largiri dignatus est.
Hujusmodi favor, vi communicationis privilegiorum,
fuit extensus ad omnes moniales et religiosos viros qui
cum Dominicana familia in privilegiis communicant. Simile
deinde privilegium alla religiosa Instituta a Romano Pon-
tiûce peculiariter obtinuerunt, vel in eorum Gonstitutio-
nibus a S. Sede approbatis dispositio inducta est qua
liceret ante expletum novitiatum professionem recipere
— 507 —
Novitiorum qui in mortis periculo versarentur. Quin immo
nec desunt Superiores religiosi, qui putantes se quosiibet
bonorum spiritualiuni sui Instituti participes efficere posse
Novitios periculose decumbentes, hos ad professionem
etiam perpetuam adraittunt.
Quapropter Sanctissimus Dominus noster Pius PP. X, in
audientia concassa infrascripto Cardinali Pra?fecto die
3 Septembris 1912, ut in re tam gravi omnes dubitationes
submoveantur, ac cupiens pro animarum bono hoc privi-
legium extendere, hsec statuere dignatus est.
In quocumque Ordiiie, vel quavis Congregatione aut
Societate religiosa, vel inonasterio sive virorum sive mu-
lierum, vel etiam in Institutis in quibus, quamvis vota non
emittantur, in communi tamen vita agitur, more Religio-
sorum, Uceat exinde Novitios, seu Probandos. qui medici
judicio graviter fegrotent, adeo ut in mortis articulo consti-
tuti existimentur, ad professionem vel consecrationem aut
promissionem juxta propiias Régulas seu Constituliones
admittere, quamvis tempus novitiatus vel probationis
iiondum expie verint.
Attamen, ut novitii seu probandi ad supradictam pro-
fessionem aut consecrationem aut promissionem admitti
queaiit, oportet :
1. Ut no\itiatum seu probalionem canonice inceperint.
2. Superior, qui Novitium seu Probandum ad profes-
sionem vel consecrationem aut promissionem admittit, sit
ilie qui monasterium vel novitiatus aut probandatus
domum actu regat.
3. Formula professionis vel consecrationis aut promis-
sionis sit eadem quoe in Instituto extra casum œgritudinis
in usu est; et vota, si nuncupentur, sine temporis deter-
minatione aut perpetuitate pronuntientur.
4. Qui hujusmodi professionem, consecrationem vel pro-
missionem emiserit, particeps erit omnium omnino indul-
gentiarum, suffragiorum et gratiarum, quse Religiosi vere
professi in eodem Instituto decedentes consequuntur ; eidem
autem plenaria peccatorum suorum indulgentia et remissio
in forma Jubilœi misericorditer in Domino conceditur.
5. Hsec professio vel consecratio aut promissio, prœter
— 508 —
gratias in prœcedenti articulo enuntiatas, nuUum omnino
alium producit effectum. Proinde :
A. Si Novitius seu Probandus post hujusmodi profes-
sionem vel consecrationem aut promissionem intestatus
decedat, Institutum nuUa bona vel jura ad ipsum perti-
nentia sibi ^indicare poterit;
B. Si convalescat antequam tempus noviciatus seu pro-
bandatas exspiret, in eadem omnino conditione versetur
ac si nullam professionem emisisset; ideoque : a) libère,
si velit, ad saeculum redire poterit; et b) Superiores illum
dimittere valent; c) totum novitiatus seu probandatus
tempus in singulis Institutis definitum, licet sit ultra
annum, explere débet; d) boc tempère expleto, si perse-
veret, nova professio seu consecratio vel promissio erit
emittenda.
Contra riis quibuscumque non obstantibus.
Datum Romae, ex Secretaria S. Congregationis de Reli-
giosis, die 10 Septembris 1912.
I. C, Gard. VIVES, Prœfectus.
L. >^ S.
7 DoxATus, Archiep. Ephesinus, Secret.
OBLATIONS
Année 1911
3013 DuPASSiEUx François-Marie, 6 janv. 1911, San Antonio.
3014 EsTEBAx, François-Félix, 2 février 1911, Urnieta.
3013 JuTRAs, Alfred (F. C), 17 février 1911, Tewksbury.
3016 Balmès, Hilaire-Jean-Marie, 17 février 1911, Turin.
3017 Allaire, Joseph-Roch, 17 février 1911, Olta^xa.
3018 Lay, Edmond (F. G ), 1er mai 1911, Maria-Engelport.
3019 BuRLAFisGER, Flonan (F. C.) ier mai 1911, Maria-Engel-
port.
3020 Manx'el, Santiago (F. C), 2't mai 1911, Jaffna.
3021 Lebednik, Jean (F. C), 10 juin 1911, Tewksbury.
— 509 —
3022 BoLK, Hermann (F. C), 24 juin 1911, Sa i ut-Charles.
3023 Stenzel, Joseph (F. G.), 24 juin 1911, Hûnfeld.
3024 Herda, Aloysius-Marie (F. C), 24 juin 1911, Hunfeld.
3025 ScHENDziELORz, Charles (F. C), 15 août 1911, Saint-
Gerlach.
3026 Berens, Léopold (F. C), 8 sept. 1911, Fort Smith (Mack).
3027 SoTO, Gumersindo (F. C), 29 septembre 1911, Urnieta.
3028 Stoll, Jean (F. C), 1" octobre 1911, Saint-François
Xavier (Atha).
3029 Angin, Joseph-Amédée, 6 octobre 1911, Liège.
3030 Brodeur, François-Xavier (F. C), lo novembre 1911, Cap
de la Madeleine.
3031 Maillien Alphonse (F. C), 8 déc. 1911, Fort Résolution
(Mack).
3032 Mauss, Georges-Henri, 8 décembre 1911, Turin.
Année 1912
Russ, Jean-Georges (F. C), 2 fév. 1912, Niaugana (Cimbébasie).
Girard, François-Xavier (F. C), 17 février 1912, Providence
(Mack).
KÉRAUTRET, Dcrrien-Marie (F. C), 17 février 1912, Providence
(Mack).
Bregula, François-Emmanuel (F. C), 19 mars 1912, Winnipeg.
Lamarche, Gustave-Joseph-Arthur (F. C), 19 mars 1912, Cap-
de la Madeleine.
Arcaix, Julien-Etienne, 1" mai 1912, Diano-Marina.
PoscHMANN, Léonard (F. C.) 9 mai 1912, Windhuk.
Hensienne, Adolphe (F. C), 19 mai 1912, Saint-Ulrich.
ScHRôDER, Jean (F. C), 26 mai 1912, Saint-Xicolas.
Stef, François (F. C), 26 mai 1912, Saint-Charles.
Pfeiffer Jean (F. C), 26 mai 1912, Maria-Engelport.
HuiTRic Hervé (F. C), 26 juillet 1912, Saint-Augustin, Atha.
Paffendorf, Alexandre-Fréd. -Guillaume, lo août 1912. Hunfeld.
Thivierge, Joseph-Alexandre (F. C), 8 sept. 1912, Lachine.
Moreau, Elzéar-Alexandre (F. C), 24 sept. 1912, Lachine.
Leguyer, Pierre-Louis-Marie (F. C), 3 oct. 1912, Waereghem.
RoY, Charles-Edouard (F. C), 13 novembre 1912, Lachine.
GÉR.\RD, Joseph (F. C), 1er décembre 1912, Saint-Ulrich.
— 510 —
OBÉDIENCES
données en 1912.
Pour :
Prov. du Canada.
RR. PP. Lortie, François-Albert, du Vicariat de Geylan.
Verreault, Georges-J.-E., du scolast. d'Ottawa.
Boileau, Georges-Erailien, »
Daoust, Isaïe, »
Paquette, Edouard, »
Bertrand, Joseph-Gédéas, »
Prov. Britannique.
RR. PP. Foley, Tiiomas, du scolast. de Liège.
O'Gounor, William, » »
Mac Intyre, Arthur, » »
i*"* Prov. des Etats-Unis.
R. P. Barry, Daniel, du scolast. de Tewksbury.
Prov. d'Allemagne.
RR. PP. Schwartz, Joseph, du scolast. de Rome.
Biba, G.-Antoine, du scolast. de Hiiufeld.
Peifer, Paul. » »
Frank, Guillaume, » »
Schmitz, Henri, » »
Knacksledt, Joseph, » »
2» Prov. des Etats-Unis.
RR. PP. Buron, Daniel, de la province du Midi.
Jalbert, Alphonse, du scol. de San Antonio.
FF. Scol. Genturioni, Pierre, du scol. de Turin.
Giesen, Jean, du scol. de Rome.
Prov. du Manitoba.
RR. PP. Perreault, Camille, de la prov. du Canada.
Ueberberg, Bernard, du scol. de Hiiufeld.
Kosian, Richard, » »
F. G. Majchrzak, Martin, de la Prov. d'Allemagne.
— 511 —
Prov. belge.
RR. PP. Hailliez, Léon, du scol. de Liège.
Nicks, Marcel, » »
De Hovre, Camille, » »
Baijot, Emile. » »
Vicariat d'Alta-Sask.
RR. PP. Husson, Auguste, du Vicariat du Keewatin.
Larose, Ludovic, du Vicariat de Geylan.
Daiton, Richard, de la Prov. du Manitoba.
Stuhlraann, Guillaume, du scol. de Rome.
Chevigny, Albert, du scol. d'Ottawa.
Fabre, Emile, du scol. de Turin.
Danis, Janvier.
Vicariat du Mackensie.
R. P. Robin, Alexis, du scol. de Liège.
Vicariat de la Colombie Britannique.
F. G. Jahier, Théophile, du Vicariat d'Alta-Sask.
Vicariat du Keewatin.
RR. PP. Leblanc, Armand, du scol. de Liège.
Girard W'ilfrid, du scol. d'Ottawa.
Vicariat de Ceylan.
RR. PP. Pothmann, Joseph, du Vicariat de Cimbébasie.
Gazuguel, Germain, du scol. de Rome.
Viard, Emile, du scol. de Liège.
Jaouen, Victor, » »
Baldel, Paul, » »
Rhode, Joseph -Félix, du scol. de Hiinfeld.
Engelhardt, Henri, » »
F. G. Heckenbach, Michel, du Vicariat de Gimbébasie.
Vicariat du Sud de l'Afrique.
RR. PP. Gox, Gharles, du Vicariat d'Australie.
Conroy, Richard, du scol. de Liège.
Vicariat du Basutoland.
R. P. Rindermann, Norbert-Georges, du scolast. de Hiinfeld.
Vicariat de Cimbébasie.
RR. PP. Meysing, Hermann, du scol. de Hiinfeld,
Zimmermann, Léon, » »
Vicariat d'Australie.
R. P. Gallan,. Eugène, de la Prov. britannique.
— 512 —
NÉGROLOGE DE L'ANNÉE 1911-1912
806. R. P. Trébuchet, Vincent, de la Province du Midi, décède'
à Diano-Marina, le 21 déc. 1911, à l'âge de 43 ans,
dont 18 de vie religieuse.
807. F. C. Reynier, Joseph, du Vicariat de Mackensie, décédé
à Saint-Henri, le 23 décembre 1911, à l'âge de
73 ans, dont 40 de vie religieuse.
808. R. P. Blum, Jacques, de la 2e Province des Etats-Unis, dé-
cédé à San Antonio, le 29 décembre 1911, à l'âge
de 29 ans, dont 10 de vie religieuse.
809. R. P. Weber, Michel, de la Province du Nord, décédé au
Bestin, le 1er janvier 1912, à l'âge de 72 ans,
dont 39 de vie religieuse.
810. R. P. Lemoine, Georges, de la Province du Canada, décédé
à Mattawa, le 18 janvier 1912, à l'âge de 52 aus,
dont 29 de vie religieuse.
811. R. P. Brullard, Pierre, Ire Province des Etats-Unis, décédé
à Lowell, le 25 janvier 1912, à l'âge de 62 ans,
dont 21 de vie religieuse.
812. R. P. Sandrasagara, Nicolas, du Vicariat de Ceylan, dé-
cédé à Jaffna, le 9 février 1912, à l'âge de 70 ans,
dont 40 de vie religieuse.
813. R. P. Babel, Louis, de la Province du Canada, décédé au
Lac Saint-Jean, le 1er mars 1912, à l'âge de 96 ans,
dont 64 de vie religieuse.
814 R. P. Shemmer, Joseph, de la Province d'Allemagne, dé-
cédé à Hi'mfeld, le 5 mars 1912, à l'âge de 38 ans,
dont 18 de vie religieuse.
815. R. P. Fouquet, Léon, du Vicariat de la Colombie Britan-
nique, décédé à Sainte-Marie, le 9 mars 1912, à
l'âge de 81 ans, dont 60 de vie religieuse.
816. R. P. Beaume, Auguste, de la Province du Midi, décédé
à Ajaccio, le 25 mars 1912, à l'âge de 55 ans,
dont 34 de vie religieuse.
— 513 —
817. R. P. Lestanc, Joseph-Jean-Marie, du Vicariat d'Alta Sask,
décédé à Calgary, le 4 mai 1912, à l'âge de 82 ans,
dont 58 de vie religieuse.
818. F. C. HœcH, Charles, de la Province d'Allemagne, décédé
à Saint-Charles, le 21 mai 1912, à l'âge de 44 ans,
dont 20 de vie religieuse.
819. R. P. Weinrich, François, du Vicariat de Natal, décédé à
Umtata, le 13 juin 1912, à l'âge de 41 ans, dont
21 de vie religieuse.
820. R. P. OziL, Firmin, de la Province du Nord, décédé à
Arcachon, le 16 juin 1912, à l'âge de 73 ans,
dont o2 de vie religieuse.
821. R. P. O'DoNOHOE, Hugues, du Vicariat du Sud de l'Afrique,
décédé en Angleterre, le 22 juin 1912, à l'âge de
30 ans, dont 11 de vie religieuse.
822. R. P. Bessières, Xavier, de la Province du Midi, décédé
à Marseille, le 27 juin 1912, à l'âge de 59 ans,
dont 36 de vie religieuse.
823. R. P. Chiappim, Jean, du Vicariat de la Colombie britan-
nique, décédé à Vancouver, le 18 juillet 1912, à
l'âge de 56 ans, dont 32 de vie religieuse.
824. F. C. Piquet, Antoine, de la Province du Nord, décédé
à Thy-le-Château, le 18 juillet 1912, à l'âge de
44 ans, dont 16 de vie religieuse.
825. F. G. TivENAN, Laurent, du Vicariat de Natal, décédé à
Durban, le ? juillet 1912, à l'âge de 82 ans,
dont 48 de vie religieuse.
826. R. P. MouRiER, Marie-Calixte, de la Province du Canada,
décédé à Lachine, le o août 1912, à l'âge de
77 ans, dont 59 de vie religieuse.
827. F. C. Lecoq, François, de la Province du Midi, décédé à
Madrid, le 6 septembre 1912, à l'âge de 76 ans,
dont 40 de vie religieuse.
828. F. C. Kenny, Patrice, de la Province Britannique, décédé
à Glencree, le 25 octobre 1912, à l'âge de 63 ans,
dont 35 de vie religieuse.
829. R. P. Dubreuil, Michel, delà l^e Province des Etats-Unis,
décédé à Lowell, le 25 novembre 1912, à l'âge
de 61 ans, dont 25 de vie religieuse.
— 514 —
TABLE DES MATIÈRES
Mars.
BREF confirmant la participsiion perpétuelle des Oblats aui
Induits, Privilèges, Indulgences et Facultés accordés aux
Redemptoristes 1
BRKF confirmant la faculté perpé'uelle pour les Oblats de
couférer le Scapulaire de l'Immaculée Conception (scapu-
laire bleu) 3
Province du Nord. — Scolasticai de Liège : Rapport sur la
maison de Liège, l" panie iR. P. Ch. Thévenon, super.)... 5
Province d'Allemagne. — Maison de Saint-Ulrich : Rapport
du R. P. Léglise au Très Révérend Père Supérieur Général. 19
Ma.\soD de St-Ch&rïf s (suite). {Le Chroniq de S t -Charles.). 27
Vicariat d'Alberta-Saskatcheivan : Rapport sur la Paroisse
de rimmaculée-Conception à Edmontoo (R P. L. Culérier). 46
Vicariat d'Athabaska : Rapport sur la Mission Saint-François-
Xavier, Lac Esturgeon ( J. Calais. 0. M. I.).. 50
NOUVELLES DIVERSES
Rome : En souvrnir du bon Père R^-y 61
//• Province des Etats Unis : fc'xtrait d'une lettre du
R. P. G.-E. Lecourtois au Révérendi^sime Père Supérieur
Général 63
Vicariat de VAlberta-Sashatchewan : Lettre du F. Guibert
à un Romain 65
Colombie Britannique : Les origines de nos missions de
rOrégon, d'après un mémoire du P. Ricard 67
Vicariat de Ceylan : I. — Une Grotte de Lourdes ô Maggona.
Lettre du R. P. Croctaine au R. P. J Collin, Vicaire des
Missions 84
Echos de la Famille 94
Personnel 1911. — R.ectification8 104
Moditications dans VOrdo 1912 105
Décrets des Sacrées Congrégations Romaines 106
Juin.
Province du Canada : Rapport sur le scolasticat de Saint-
Joseph d'Ottava 129
Province d'Allemagne : Maison de Saint Charles (suite.) (Le
Chroniqueur de Saint-Charles.) 145
Colombie Britannique : Les origines de nos missions de
rOrégon (suite.) 163
Vicariat de Keevatin : Chronique historique de la mission
Saint-Pierre du lac Caribou, par le R. P. A. Turquetil, 0. M. I. 177
NOUVELLES DIVERSES : La Propagation de la foi 201
Rome: I. — Cause du P. Albini 203
II. — Induit pour la bénédiction collective du scapu-
laire du Sacré-Cœur 204
III. — Pauperes evangelizantur 205
— 515 —
Première Province des Etats-Unis : A propos du « Bulletin
paroissial » de Saini-Joseph de Lowell Mass {L'Action ca-
tholique.) 208
2» Province des Etats-Unis d'Amérique : Lettre du R. P. Le-
courtois au T. R. P Général 217
Vicariat de VAlbertOnSaskatchewan : Noces d'or d'oblation
des RR. PP. Ledue et Tissier 219
Vicariat du Mackensie : I. — Lettre du R. P. X.-G. Ducot à
Mgr le Supérieur Général 222
H. — Extrait d'une lettre du R. P. C.-A. Giroux au R. P. Baffie,
Assistant général 227
Vicariat de Keevatin : Extrait d'une lettre du R. P. J. Thomas
à Mgr le Supérieur Général 229
Vicariat de Ceylan {Colombo) : I. — Jubilé de diamant du
R. P. Chounavel, 0. M. I., missionnaire de Ceylan 231
II. — Les retraites pascales. Extrait d'une lettre du R. P.
Favril, 0. M. 1 241
Echos de la famille 243
VARIÉTÉS : Carnet d'un jeune missionnaire de l'Athabaska. 248
Septembre.
Province du Canada. — Rapport sur le scolasticat Saint-
Joseph d'Ottawa (R. P. Villpneuve, O. M. I.) {suite) 261
Vicariat du Keewatin. — I. Chronique historique de la Mis-
sion Saint-Pierre du lac Caribou, 1846-1912 {suite) (R. P.
A. Turquetil, 0. M. I.) 278
II. Chez les Esquimaux du Keewatin (R. P. A. Turquetil,
0. M. I.) 300
NOUVELLES DIVERSES :
Œuvre de la Propagation de la foi 316
Lettre de S. G. Mgr Dootenwili, Supérieur Général, à M. le
Président du Conseil Central de l'Œuvre de la Propaga-
tion de la foi à Lyon et Paris 319
Œuvre de la Sainte Enfance : Lettre de Mgr Demimuid,
Directeur de l'Œuvre de la Sainte Enfance, à Mgr le
Supérieur Général, et réponse de ce dernier 321
Société Saint-Pierre Claver 324
Province du Canada : La Journée du Sacré-Cœur de Jésus,
à Saint-Sauveur de Québec 324
Vicariat d' Alberta-Sa^katchewan : I. Extrait d'une lettre du
R. P. Th. Ortolan, à Mgr le Supérieur Général 331
II. Extrait d'une lettre du R. P. Leverns, 0. M. I. : Chez
les Pieds Noirs 333
Vicariat d'Athabasha : Noces d'or sacerdotales de Mgr Grouard 335
Vicariat du Yukon : Extraits de lettres des RR. PP. Coccola
et Wolfe, 0 M. 1 337
Vicariat dtc Keewatin : Lettre du R. P. A. Gasté, 0. M. I.,
à Mgr le Supérieur Général 342
Vicariat de Ceylan : La dévotion à Notre-Dame de Lourdes,
à Ceylan 346
Echos de la famille 355
— 516 —
DÉCRETS DES S. CONGRÉGATIONS ROMAINES 363
VARIÉTÉS : Carnet d'un jeune Missionnaire de l'Athabaska
{suite) 364
Décembre.
Province du Nord. — Rapport sur la Maison de Liège
(2' partie), par le R. P. E. Nejroud, Supérieur 373
Province du Canada. — Rapport sur le Scolasticat St-Joseph
d'Ottawa (suite), par le R. P. J.-M.-R. Villeneuve, 0. M. I. 393
Prorince d'Allemagne. — Maison de St-Charles (suite), [Le
chroniqueur de Saint-Charles.) 406
Vicariat du Keewatin. — Chez les Esquimaux du Keewatin
(suite), par le R. P. A. Turquetil, 0. M. 1 420
Vicariat d'Australie. — Rapport par le R. P. C. Cox, vicaire
des Missions 445
NOUVELLES DIVERSES
Rome. — Lettre du T. R. P. Supérieur Général aux Frères
Convers, concernant les saintes Règles 450
Les Notices nécrologiques 451
Province britannique. — Noces d'or sacerdotales du R. P.
N. Brody 453
Première Province des Etats- Unis : Scolasticat de Teioks-
bury. — Jours d'ordination et de première messe 455
Deuxième Province des Etats-Unis. — I. La retraite annuelle
de 1912 (Charles Sérodes. 0. M. I.) 458
II. Extrait d'une lettre du R. P. J. Rose à Mgr le Supé-
rieur Général 462
III. Développement religieux à Houston (Texas) 467
Province de Manitoba. — Deux jubilés d'or 470
Vicariat de l'Athabaska. — I. Jubilé d'or sacerdotal de Sa
Grandeur Mgr E. Grouard 474
II. Mission de la Nativité — Lac Athabaska : Extrait d'une
lettre du R. P. Le Doussal au Très Rév. Père Supérieur
Général 484
Vicariat du Basutoland. — Extrait d'une lettre du R. P.
J. Gérard à Mgr le Supérieur Général 485
Echos de la Famille 488
Décrets des S. Congrégations romaines 505
Oblations ' 508
Obédiences 5^"
Nécrologe 5^*
Table des matières 514
Nihil Obstat.
Romae, 1» Septembris 1912.
7 A. DOKTENWILL, 0. M. I.,
Arch. Ptol., Sup. Gén.
Hublié avec la permission de l'autorité ecclésiastique.
Bar-le-Duc. — Impr. Saint-Paul. — 5739,12,12.
BINDING LIST DEC 1 1933
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