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A L'OCCASION DU
VINGT-CINQUIÈME ANNIVERSAIRE
DE SON PROFESSORAT A L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN
1871 — 1896
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LEYDE — 1896
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LISTE
DES SOUSCRIPTEURS ET DES COLLABORATEURS
N.B. Le nom des collaborateurs est marqué (fun astérisque
S. É. le cardinal GOOSSENS, archevêque de Malines (lo ex.).
S. G. Mgr DOUTRELOUX, évêque de Liège (lo ex.).
S. G. Mgr Du ROUSSAUX, évêque de Tournai (j ex.).
S. G. Mgr Stillemans, évêque de Gand (j ex.).
S. G. Mgr Waffelaert, évêque de Bruges (j ex.).
*Mgr J.-B. Abbeloos, recteur magnifique de l'Université de Louvain.
F. SCHOLLAERT, ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique /'jo é';rj.
A. Nyssens, ministre de l'Industrie et du Travail.
A. Beernaert , ministre d'État, président de la Chambre des Représentants.
T. De Lantsheere, ministre d'État.
*Abel (C), professeur à l'Université, Berlin.
Adams (Fr.), Louvain.
Armand (L.), étudiant en droit, Louvain.
AUSLOOS (J.), étudiant en philosophie, Louvain.
Baguette (J.), Verviers.
*Bang (W.), professeur à l'Université, Louvain.
Barone (G.), professeur à l'Université, Naples.
*Barth (A.), membre de l'Institut de France, Paris.
*Basset (R.), professeur à l'École des Lettres, Alger.
*Beauvois (E.), Corberon (Côte d'Or).
Beety (G.), étudiant en philosophie, Louvain.
315S11
VI
Bernanda (K), étudiant en droit, Louvain.
Bertrand (G.), étudiant en médecine, Louvain.
Bethune (Bon Fr.), professeur à l'Université, Louvain.
Bezzenberger (A.), professeur à l'Université, Kônigsberg.
Bibliothèque royale, Bruxelles.
Bibliothèque du Ministère des Affaires étrangères y Bruxelles.
BiLAUT (R.), étudiant en droit, Louvain.
BOCKSTAL (abbé A.), vicaire, Alost.
Boetticher (E.), Berlin.
BoLAND (H. J.), avocat, Verviers.
Bollandistes {Société des), Bruxelles.
Bosquet (A.), Averbode.
Bossu (chanoine L.), professeur à l'Université, Louvain.
Brants (V.), professeur à l'Université, Louvain.
Breithof (N. E.), professeur à l'Université, Louvain.
Brialmont, lieutenant-général, Bruxelles.
Bruylants (G.), professeur à l'Université, Louvain.
BUSMAN (F.), professeur. Munster W.
Caeymax (abbé Ch.), candidat en philosophie et lettres, Louvain.
Camauer (A.), étudiant en philosophie, Louvain.
Capellen (L.), étudiant en philosophie, Louvain.
Carnoy (chanoine J.-B.), professeur à l'Université, Louvain.
Carnoy (Jos.), professeur à l'Université, Louvain.
Carton de Wiart (Edm.), étudiant en droit, Louvain.
Cartuyvels (Mgr Ch.), vice-recteur de l'Université, Louvain.
•Casartelli (L. C), recteur du Collège de Saint-Bède, Manchester.
Cauchie (abbé A.), professeur à l'Université, Louvain.
Ceulemans, curé-doyen de Saint-Pierre, Louvain.
•Chabot (abbé J.-B.), docteur en théologie, Paris.
*DE Charencey (C^e), président de la Société de linguistique, Paris (3 ex.},
Charlier (J.), étudiant en droit, Louvain.
•Chauvin (V.), professeur à l'Université, Liège.
*Ch A vannes (Éd.), professeur au Collège de France, Paris.
Chot Bemelmans (M.), Ivoz.
Claerhout (abbé J.), curé, Pitthem.
COENEN (L.), étudiant en droit, Louvain.
VII
*COLlNET (A.), professeur au Collège communal, Nivelles.
*CoLlNET (chanoine Ph.), professeur à l'Université, Louvain.
COLLARD (F.), professeur à l'Université, Louvain.
CORBIAU (J.), professeur à l'Université, Louvain.
*CoRDlER (H.), professeur à l'École des langues orientales vivantes, Paris.
CoREMANS, curé, Louvain.
CUMONT (Fr.), professeur à l'Université, Gand.
Daens (abbé A.), membre de la Chambre des Représentants, Alost.
Daris (chanoine J.), professeur au grand séminaire, Liège.
Daxhelet (A.), étudiant en droit, Louvain.
Debaisieux (T.), professeur à l'Université, Louvain.
De Bie (abbé J.), étudiant en théologie, Louvain.
De Bruyn (E.), étudiant en droit, Louvain.
Dejace (Ch.), professeur à l'Université, Liège.
De Lantsheere (J.), étudiant en médecine, Louvain.
*De Lantsheere (L.), professeur à l'Université, Louvain.
Delvaux, étudiant en médecine, Louvain.
Delvigne (Ad.), curé, Saint-Josse-ten-Noode.
Demolin (L.), docteur en médecine, Hérent.
De Moor (Fl.), curé-doyen, Deynze.
Denys (J.), professeur à l'Université, Louvain.
De Pelsmaeker (Pr.), avocat, Denderleeuw.
Deseille (L.), directeur du Collège Saint-Quirin , Huy.
*DevÉRIA, professeur à l'École des langues orientales vivantes, Paris.
DiEUDONNÉ, docteur en médecine, Louvain.
DOBBELSTEIN (G.), directeur du Collège Marie-Thérèse, Hervé.
DE DORLODOT (chanoine H.), professeur à l'Université, Louvain.
DOUTREPONT (G.), professeur à l'Université, Louvain.
Drion (Fr.), étudiant en droit, Louvain.
*Drouin (E.), Paris.
DUPRIEZ (L.), professeur à l'Université, Louvain.
EcTORS (Ch.), Louvain.
ESCOLLE (J.), étudiant à l'École des Mines, Louvain.
EVERAERTS (C), Louvain.
Famenne (G.), étudiant en philosophie, Louvain.
Feijen (abbé J.), bachelier en théologie, Louvain.
GîC5riî(^//ir fE^v c^CHîî«oyeii , Samt-Gcorgcs fEi^îsi-
GE!î;55fiî^ FftLj, LwavatiiL
*Gîf*^^E35f A-;:, secrétaire de Vérèché, Gyôr .Raab ; Hgs^tîc.
G^2ULBr T.'v étadhint en ârc^, Loinrain.
GlHL^^'îf ^:> profesear à l'Université, GancL
GîL^j^ G.t, pro4itsiear a njniversité, Loovain.
G^j«Linr l/'AL^IELXJi iO^, çtofesscat à IX'nîvcrsîté, Bruxelles.
Qfjl/ïh ■:èbbé E-;J, curé de Stockroye (Hasseit;.
Goit^AX^ HL^ professeur à l'Athénée, Louvain.
G</rfAEî:TS (C|, Louvain.
*f>E LA GEAi^^sekie (IL), Rennes.
lyE GtLfAJTAU,^ fSlgr ].}, professeur à rUniverâté, Loovain.
Gt'f>I>^>fef ffL.), professeur, Melle (Gand).
HAUrVASliy f'ébbé P.), étudiant en théologie, Louvain.
Haiz/T (J.), étadisint en médecine, Louvain.
£PE HAkLez (chev. Ch.), Liège.
f>K HarLEZ (chev. G.), Liège /"j ^jr.y.
HAt'^EUX (abbé J.), étudiant en philosophie, Louvain.
Ha VOIT DE Tekmicourt, professeur à TUniversité, Louvain.
^fEIft^LVXCK (chanoine Ad.), professeur à l'Université, Louvain.
HEt^^ELYJCCK (J.), étudiant en philosophie, Louvain.
HzifHK.VY^CK (Th.), avocat, Gand.
Hectoks, Louvain.
Hemervck (chanoine J.), professeur à l'Université, Louvain.
Vl^nQVîSEZ (T.), Herent.
HE5*ky (L.j, professeur à l'Université, Louvain.
•Uexrv (V.), professeur à la Sorbonne, Paris.
UVUS (G.), profe:sseur à l'Université, Gand.
*}A( K^jS (W,), professeur à l'Université de Colombie, New- York (États-Unis).
JAfOhri (yiiit), curé-doyen de Sainte-Gudule , Bruxelles.
)A(/iVKMiS IV.), Flémalle-Grande.
IX
James (abbé H.), curé, Petit-Hallet.
JEANMART (L.), étudiant en droit, Louvain.
JOUVENEAU (A.), étudiant en droit, Louvain.
Kaisin (A.), docteur en médecine , Floreffe.
Kaisin (L), étudiant en droit, Louvain.
DE Kerckhove (R. p., O. s. B.), Louvain.
DE Kerckhove (R.), étudiant en philosophie, Louvain.
*Kern (H.), professeur à l'Université, Leyde.
KiNON (V.), étudiant en droit, Louvain.
*KlRSTE (J.), professeur à l'Université, Gratz.
Laenen (abbé J.), étudiant en philosophie, Louvain.
Lambret (A.), étudiant en médecine, Louvain.
Lammens (J.), sénateur, Gand.
Leblus (E.), Louvain.
Lebrun (A.), avocat, Louvain.
Lebrun (H.), docteur en médecine, Louvain.
Lecat (M.), professeur, Rouveroy.
Leclef (J.), étudiant en droit, Louvain.
*Lecoutere (Ch.), professeur à l'Université, Louvain.
Ledresseur (C), professeur à l'Université, Louvain.
*Lefébure (E.), professeur à l'École des Lettres, Alger.
Lefebvre (F. M. J.), sénateur, professeur à l'Université, Louvain.
Lefebvre (chanoine F. M. E.), professeur à l'Université, Louvain.
*Legge (J.), professeur à l'Université, Oxford.
LÉOTARD (E.), doyen de la Faculté catholique des Lettres, Lyon.
Leplae (E.), professeur à l'Université, Louvain.
Leroy (chanoine L.), président du grand séminaire, Liège.
*LÉVI (S.), professeur au Collège de France , Paris.
LOOMANS, professeur à l'Université, Liège.
Lucas (chanoine Ch.), secrétaire de l'évêché, Liège.
Mabille (L.), professeur à l'Université, Louvain.
Maes (A.), notaire, Thildonck.
Malcorps (G.), Louvain.
Maquinay (H.), avocat, Verviers.
*Marre (A.), professeur à l'École des langues orientales vivantes de Paris,
Vaucresson.
*Mehren (A. F.), professeur à l'Université, Copenhague.
*MÉLIK — David Beg (S.), Paris.
Merkelbach (abbé H.), bachelier en théologie, Louvain.
Meulemans (D.), bourgmestre, Herent.
MiCHiELS (abbé A.), bachelier en théologie, Louvain.
MoELLER (Ch.), professeur à l'Université, Louvain.
MONCHAMP (chanoine J.), professeur au petit séminaire, Saint-Trond,
DE Montpellier, étudiant en droit, Louvain.
MOUSNY, étudiant en médecine, Louvain.
MOYERSOEN (R.), avocat, conseiller communal, Alost.
*MCller (Fr.), professeur à l'Université, Vienne.
Nederlandsche Boekhandel (L. H. Smeding), Anvers.
NÈVE (J.), étudiant en droit, Louvain.
NÈVE (LUD.), étudiant en philosophie, Louvain.
Neys (E.), avocat, Liège.
*Oppert (J.), membre de l'Institut de France, Paris.
Orsolle (E. J.), avocat, Bruxelles {2 ex,).
Pardon — Kumps (J.), Louvain.
Petit (R. P., S. J.), recteur du Collège des Jésuites, Louvain.
•PlEHL (K.), professeur à l'Université, Upsala.
de Pierpont (S.), Jambes.
*PlZZl (J.), professeur à l'Université, Turin.
•POELS (abbé H.), licencié en théologie, Louvain.
PONCELET (E.), étudiant en droit, Louvain.
PONETTE (R.), étudiant en droit, Louvain.
PONTHIÈRE (H.), professeur à l'Université, Louvain.
POTTIER (chanoine A.), professeur au grand séminaire, Liège.
POULLET (PR.)> professeur à l'Université, Louvain.
*PUINI (C), professeur à l'Institut des Études supérieures, Florence.
Rabosée (J.), étudiant en médecine, Louvain.
DE Ras (J.), archiviste, Maestricht (s ex,}.
Récollets (RR, PP,)y Louvain.
Renkin (J.), avocat, Bruxelles.
ROBERTI, étudiant aux Écoles spéciales, Louvain.
Roland (J.), étudiant en philosophie, Louvain.
•Roussel (A.), prêtre de l'Oratoire, Paris.
XI
DE Sauvage— DE Harlez, Liège. '
SCHEYS (A.), étudiant en droit, Louvain.
*SCHILS (abbé G. H.), curé, Fontenoille.
*SCHLEGEL (G.), professeur à l'Université, Leyde.
SCHRIJNEN (J.), professeur au Collège, Ruremonde.
SCHRIJVERS (R.), Louvain.
*SCHUCHARDT (H.), professeur à l'Université , Gratz.
*Senart (É.), membre de l'Institut de France, Paris.
Sencie (J.), professeur à l'Université, Louvain.
Silverijser (abbé F.), étudiant aux Écoles spéciales, Louvain.
*SôDERBLOM (N.), pasteur de l'église suédoise, Paris.
SOMERS (abbé A.), étudiant en droit canon, Louvain.
DE Spoelberg (vte G.), étudiant aux Écoles spéciales, Louvain.
DE Spoelberg (vte r.)^ étudiant en droit, Louvain.
Stalpaert (abbé F.), étudiant en philosophie, Louvain.
Standaert (abbé A.), licencié en droit canon, Louvain.
Steenhoudt (E.), pharmacien, Louvain.
VAN DER Stegen (A.), étudiant en droit, Louvain.
Stein (R. p., J.-B. s. j.), recteur du Collège Saint-François Xavier, Bombay.
•TcHÉRAZ (M.), professeur à King's Collège, Londres.
Thiéry (A.), professeur à l'Université, Louvain.
Thirion (V.), étudiant en droit, Louvain.
*TlELE (C. P.), professeur à l'Université, Leyde.
TiLMAN, inspecteur de l'enseignement, Bruxelles.
TiLTjES (N.), étudiant en médecine, Louvain.
TiMMERMANS (E.), étudiant en philosophie, Louvain.
DE T'Serclaes (Mgr Ch.), président du Collège belge, Rome.
TURRINI (G.), professeur à l'Université, Bologne.
Uystpruyst (A.), libraire, Louvain.
Vaes (G.), étudiant en droit, Louvain.
DE LA Vallée Poussin (Ch.), professeur à l'Université, Louvain.
*DE LA Vallée Poussin (L.), professeur à l'Université, Gand.
Van Biervliet (J.), professeur à l'Université, Louvain.
Van Bladel (H.), curé, Herent.
Van Damme (chanoine P. J.), professeur au grand séminaire, Gand.
Van den Abeele (abbé), directeur, Oostacker.
Vas i:»€9^ BBti>€i':3L J.^ ciré <5e y<!:iCrg-Dttrf:v gnrT D^RECîaâcaÏBî. Locrr
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VaS D€3^ Wî!LD«»'iaLaG s. p. J.* pnesBT des D agaâttica Ë»?, IjssiETsâm^
Vjts iDEfe Peslsx Ti-v Lîwc^asaL
VjibS EMflE5KiG£3i B-v Locr^aia.
^JLS liyy%JuZKESi dsxaûvae A.> professesar a iX^ahnezssSie, ljcnTaîi&.
Vas KEaiCH'^TC '2Mie%. Dcstcîbcisca.
Vas LACSt, L/dot^^^sii.
Vas Lott fPat. , Liomam.
Vas VLAjàiîElJiEa: J. , Loonm.
•£« VasCO-jkxlUj^ — AxslEC 1 J-;, professeisr à i'Ecofie sapcfîetsre des Lettres^
VgSbHAgQCS (J.:> énarfiantr co pbiiosopliîe, IjcmrmL,
VCKa^IE^T rj,i, prc4e9BcsBr a IX^ohnersîtc , Lomram.
*VéASSA fGO^SÇALTEî^ Lisbofiiic.
•d« Viuxsoîsy fP-î, Parâu
Vr.r2SCKGfl rE.>, ctndiant co droit, LoaTam.
VO!LiLes ^.^ arocat, Lomnadn.
Vfit/ySTES rG.;^ ftadtant en droit, Loavaîii.
WjkCr^SEZ Pj;, avocat, ToumaL
WACreBL^ J*i^ ftwfjant en philosopliîe , Louraiii.
*W£îâéfiyfcOI i^j, Leipzig.
•Wr£I>«fiA3rs fA.)v professeur à lUniversîté , Bonn.
•^'rc^SXJl ^'E^^ prKÂtsacm à TUnivcisîtc, Jena.
WriX£^l^ fA.;; étudiant en droit, Lonvain.
Wrrxiac^ fP,], profcsMMr à rUnîverâté, Loovain.
WtLUa^Si, cmé de Saînt-Joseph , Alost.
ZefH fabbé >Lj, étudiant en philosophie, Louvaîn.
Zr»ces^ rMgr J.>, %Tcaire-général , Li^c.
JM:o?s OAgr,, Inspecteur de l'enseignement moyen, Silalines.
MEjefi:.^^tLHAi Palangi )Iadan, Bombay.
9a .^3 E fA,;, Vr^Ac^acur au Conservatoire, Mons.
Vas de KeicKUOVZ (abbé), Destelbergen.
Vas LaeR, Entrepreneur, Louvain.
Monseigneur
Ma parole voudrait interpréter un sentiment qui soit celui de
tous les savants, signataires des travaux publiés en votre honneur.
Je me permets cependant de débuter par l'expression d'une pensée
moins impersonnelle, et qui est plus intimement celle du chef de
l'université à laquelle vous appartenez depuis vingt-cinq ans.
C'est en cette qualité, et non seulement comme modeste pion-
nier de l'orientalisme, que je trace la page d'en-tête de ce livre mé-
morial. Et si l'intervention du Recteur se produit d'une manière
insolite, c'est que vous êtes, cher Professeur, presque hors de pair
parmi vos collègues par vos travaux si variés, par la renommée que
vous avez conquise, par votre rare et absolu désintéressement.
Que dirai-je au nom des amis et des émules dans la science qui
ont voulu fournir leur apport, signé parfois d'un nom illustre, vous
offrant tout à la fois le tribut de leur plume et de leur cœur?
Votre activité et vos succès dans le domaine des études orien-
tales sont trop appréciés par le public d'élite qui s'associe à nous
aujourd'hui, pour avoir besoin de l'éloge que je pourrais en faire.
Dans vos écrits, aussi solides de fond que variés en leur objet, on
remarque cette étreinte puissante, cette hauteur de vues à laquelle
XIV
n'échappe jamais l'aspect élevé des questions qui vous occupent. .
Croyez-le bien, Monseigneur, les vœux que nous adressons à la
divine Providence pour qu'il vous soit donné de poursuivre vos
travaux longtemps encore, n'émanent pas d'un simple sentiment d'ad-
miration; ils s'inspirent avant tout de la sympathie que fait naître le
contact d'une noble et généreuse intelligence, qui, éprise de tous
les grands problèmes, vous donne mieux qu'au personnage de
Térence le droit de dire : ^ Homo sum , humani nihil a me alienum
jJ>uto.''
J.-B. ABBELOOS
recteur magnifique de l'Université de Louvain.
* Di ^ ±
H fô ii '^
m m m m
ira 9II T^ 391
JAMES LEGGË
February 13- 1896. f 7^^"" '^ .f ^"^ *"^^' ""^
Merature t» /^ Umvenity of Oxford.
Und Noah sprach:
VON
Prof. Dr. Carl ABEL.
Wie man die den indogermanischen Sprachen gemeinsamen, Wur-
zeln zu einer indogermanischen Ursprache reconstruirt hat, so lâsst
sich ans den dem Indogermanischen, Semitischen und Agyptischen
gleichzeitig gehôrenden Wurzeln ein noch altérer Typ ersehliessen und
nach 1 Mose 11 , 1 — 9 dem Altvater Noah in den Mund legen. Als
eine Probe geben sich die folgenden fttnf Satze, die wir ihm beim
Verlassen der Arche zuzuschreiben uns erlauben.
Da die IdentiiBcation der betreflfenden Wurzeln das Rûckgreifen auf
die agyptischen Laut- und Sinngesetze und die ursprûngliche Giltigkeit
derselben fur den ganzen dreistammigen Sprachbaum erheischt, so
wird die Vorbemerkung gestattet sein, dass der von mir angetretene
Nachweis agyptisch-semitisch-arischer Wurzelverwantschaffc von den
wenigen, welche ihm widersprachen , zwar in einigen einzelnen Wor-
ten angefochten, in den dargelegten Gesetzen aber weder angegrif-
fen noch auch nur berûhrt worden ist, wahrend andererseits die
billigenden Stimmen sich fttr je diejenigen ganzen Theile und Begrûn-
dungen der Lehre erklart haben, welche dem eigenen Gebiete nahelagen.
Dass wir uns bei der Aneinànderreihung von Familien, welche
gemeinsame Wurzeln aber verschiedene Flexionen zeigen, in einer pri-
mitiven wurzelbildenden , noch nicht flectirenden Zeit befinden, bedarf
keiner Erlauterung.
Nehmen wir an, Noah (von dem die Bibel allerdings nur einige
andere , weniger erfreuliche Sâtze Verbatim anftlhrt , 1 Mose 9 , 25) ,
habe bei dem Austritt ans dem Kasten die nach dem langen Regen
natûrliche Ansserung gethan »die Sonne scheint", so finden wir nach
der in diesem Idiom noch vôllig erkennbaren Bezeichnung des Speci-
fischen dnrch AUgemeinbegriflEe im Àgyptischen dafdr aal kl-i-l^ oder
sol kl'i'lj oder sol keial, oder sol kr-r^ oder sol hiel-e-ly oder har Aiel-e-l
n. s. w. — Worte , die uns aus verschiedenen Perioden der àgyptischen
Sprache erhalten sind, lautgesetzlich schwankend aber in allen môglich
waren imd sâmmtlich »das Licht glftnzt" bedeuten. Indogermanisch stellt
sich dafûr sol luc-et ein, insofem luc-et dem àgyptischen Gegenlaut des
eben citirten kl=^lak'h (durch lautwandelnden Lautwuchs vermehrt),
^ardere", entspricht; oder aus mehreren Idiomen gesammelt sol hell,
sol tjX'ioÇj oder Russ. coA-u-nt (mit lautwandelndem Lautwuchs), Deutsch
Sonn-e (mit Lautwandel) lich-t (Gegenlaut wie oben lak-h) und dazu
ihre ausgedehnten Sippen. Semitisch kônnen wir uns bei der Recipro-
citat von sol und rik-ioç an Î3n »lucere", lautwûchsig b'br\ „splendere",
genûgen lassen.
Nach diesem Eingang werden wir Noah's Freude sich weiter aussem
lassen dûrfen: „Ich sehe den Glanz": Aegypt. ^er (^ar) lôh (Jeh-lôh^ »ni-
tere", in einer Sprache, in welcher die formelle Unterscheidung der Re-
detheile noch fast ganzlich fehlen kann); wozu sich Semitisch im Licht
der àgyptischen Verwechslung von Transitiv und Intransitiv in ^er,
^splendere, videre, explorare", i-^j^ (mit lautwandelndem Lautwuchs)
i,splendere", "^in »resplendens", und in seiner diesmaligen Heranziehung
g^enlautig ^r\ «lucere", gesellen. Um auch den Gegensinn an dieser
besonders fruchtbaren Stelle zu berùhren, so verhalt sich das obige
lôhj „nitere", zu lah-i^ »vesper", gemass dem bekannten luc-us a non
lucendo; und g^enlautig-gegensinnig das vorerwahnte /liel-e-ly ^lucere",
zu Al-o-ly ^caligo", wie Aell zu Ifela^ Hôlle.
Nach dem ersten Blick auf das wieder sichtbai- gewordene Gestim
wendet sich des Geretteten Auge der Erde zu und sieht sie beruhigt
den Schleusen des Himmels und Quellen der Tiefe entronnen. -Das
Wasser hôrt auf" spricht er frôhlich zu den Seinen: Àgyptisch: uat
ne-n oder n-ne {ne-n und n-nCy ^cessare, déesse", mit Lautwuchs das
5 fi
eine Mal im Auslaiit, das andere Mal im Anlaut); Arabisch UU 0(5;
Englisch wet none, Lateinisch ud-um non» Wobei none^ non y nein, von
Grimm, Gramm. III, 745 aus ne ein^ ne oenum hergeleitet werden, ne-n
und n-ne^ aber dem aus ihnen erschlossenen reinen Negati vêtement «,
(Goth. ni y Lat. ne^ Griech. vr\y gegenlautend Griech. av, Latein ««,
Nhd. un) mit lautwûchsigem An- oder Auslaut entspringen.
Wenn Noah es darauf noch nôthig gefunden haben soUte, die
Seinen an die Rûckkehr der Taube mit dem Ôlzweig zu erinnern, so
erschwert er uns in dieser Ausserung einigermassen die ursprachliche
Wiedergabe, insofem die drei constituirenden Sprachstamme die Wur-
zeln, deren er sich bedient haben kônnte, nicht mehr aile oder we-
nigstens nicht mehr aile in den gleichen Bedeutungen bewahrt haben.
Eine Erscheinung, die so oft zwischen den mehreren Idiomen eines
einzigen Sprachstammes eintritt, und deshalb zwischen den verschie-
denen, so viel langer und starker differenzirten Stâmmen eines ur-
sprùnglich mehr oder weniger einheitlichen Sprachbaums um so er-
klariicher ist. Legen wir Noah in den Mund „Die Taube brachte den
Zweig", so treffen wir auf das agyptische Echo seiner Worte in
èr'0-(myp-i Sk keb , zu denen sich Indogermanisch fur das erste Wort
col'U'{myb-a und Russ. ro^y6b, fur das zweite ày-uv in der Bedeu-
tung ^holen" {q>€Çëiv xai àyuv ^ ferre et agere) und fiir das dritte
Sanskr. khup-a, Czech. kop-iMe^ arbor, ramus", fûgen. Das wan-
delvoUe Agypt. keb gestattet eine ausreichende Gleichung: fÛr ver-
schiedene Baume und Blatter belegt, stehen ihm fur »Holz, Zweig,
Stock" lautwandelnd Aeb-Uy kafy x^f ^^^ gegenlautig bek^ ^arbor",
bah y ^raraus", zur Seite. Nicht so gûnstig steht es im Semitischen.
Das Ebraische nachstliegende IIDîi «avis, passer", ist zwar nicht durch-
•
aus ^passer", aber noch weniger «columba", und kann demnach nur
in seiner allgemeinsten Bedeutung genommen werden; lautlich findet
es sich bei dem haufigen Stellentausch der beiden letzten Consonanten
in dreiconsonantigen Wurzeln eher zu ro.iy6b. H'DD entspricht keb und
khup-a durchaus; aber àysiv bleibt unvertreten, wenn man sich nicht
auf gezwungene Reprasentationen einlassen will.
Schliesslich fordert der Fûhrer der furchtbaren Seefahrt die Ge-
landeten auf, ihre Stimmen dankend zu erheben und zu jubeln und
zu preisen : Âgyptisch {ma) hel4y Ebrâisch Î3-Sl (in «Hallelujah" univer-
sal geworden) ^clamare, jubilare", Idg. hallen^ heulen mit der Schaar
ihrer Verwandten, wo sich gleicher Bedeutungsfortschritt zeigt wie in
Âgypt. «ôJ, «claraare", uôhfy „sermo", uôhb ^ ^respondere'' u. a. m.
Identificationen , die sich mit solcher Leichtigkeit zusammenhaii-
gend ergeben, ohne dass vielfach auf die alten gemeinsamen Laut-
und Sinngesetze des ganzen Sprachbaumes zurùckgegangen zu werden
braucht, tragen vielleicht dazu bei, Indogermanisten und Semitisten
den Schatz heben zu lassen, welchen die agyptische Etymologie fur
sie verwahrt. Obschon frûheren Stadien der Linguistik, welche ohne
das Agyptische zu arbeiten hatten , die Identificirung nicht gelingen
konnte, dûrfen Sem, Ham und Japhet gegenwftrtig erwarten, sprach-
wissenschaftlich als eins nachgewiesen und dabei jeder in seiner eige-
nen Etymologie wesentlich gefôrdert zu werden.
Zur Erkiarung der altpersischen Keilinschriften
VON
W. BANG,
Frofessor an der Universitât Lôwen.
Trotzdem Dr. Horn vor noch nicht gar zu langer Zeit^) der tra-
ditionellen Erklarung des Awesta, wenigstens fur den Augenblick,
jeglichen Wert abgesprochen hat — seine Worte lauten: y,Die Tradi-
tion ist j und das mit Recht^ bei den europàiscàen Iranisten in Misakredit
gekommen'' — gesteht jetzt Geldner in den Prolegomena zu seiner Neu-
ausgabe des Awesta (p. xlviii , b.) unumwunden ein , dass sein j^anfàng-
licher Siandpunkt den einheimischen Kommentaren gegenûher ein fahcher
war.'^^ y,Meine frilhere mit anderen geteilte Geringachtung dièses Werks''
fâhrt er fort j,hat im Lauf der Arheit steigender Wertschâtzung Platz ge-
macht. Ich danke die Bekehrung vor allem West. Dieser unerreicAte Meister
des PeAlevi hat mich in seinen zaAlreicAen Briefen mit magneti-
scier Kraft von dem Irrtum abgeleitet und auf die richtige Bahn gebracht.^^
Sind also einerseits — im diametralen Gegensatz zu Dr. Horn's
Behauptung — die meisten und berufensten Iranisten jetzt der Ansicht ,
dass man bei der Erklftrung des Awesta die einheimischen Hilfamittel
auf Schritt und Tritt zu beachten hat^), so ist ea anderseits unbe-
4) Cf. Horn in Z DM G. XLIÏÏ; p. 31.
2) Cf. Geldner Le. XLix,a. ,,/Ar Character ist im allgemeinen der der Interlinear-
version; sie ûberseizt meist Wort fur Wort, seltner umschreibt sic in ettocLs freierer Weise.''
Es freut mich , an dieser Stelle die vollstândige Uebereinstimmung von Geldners und meiner
eignen Ansicht constatiren zu kônnen ; cf. ZDM G. XLIV; p. 363 „ . . . sie ûberseizt bekannt-
lich immer Wort fur WorV^ und ibid, 364 „ . . . ich benutze die Pahlavi-Gâthâs ebenso wie
eine Interlinearversioh" cf. jetzt auch die Ausiassungen Huebsohmanns und Bartholomaes in
IF, VI; Anzeiger pp. 31 not. 4 und 41.
6
greiflich, warum man sich seit einiger Zeit bei der Interprétation der
altpersischen Keilinschriften von diesem gesunden philologischen Grund--
satz entfemt hat. Bei der Erklarung der altpersischen Keilinschriften
dûrfen wir uns in der That nur dann auf die eignen Fusse stellen ,
wenn sowolil die neususische als auch die assyr.-babylonische Version
uns voUstandig im Stich lassen : jeder andere Erklarungsversuch ist und
bleibt ^nur ein Gewaltakt" (cf. Thumb in KZ. XXXII; p. 125 sub 2).
Wenn z.B. Thumb selbst (1. c. p. 123—124) NR a. 56—60 hyâ . . .
hauvtaiy gastà durch Jaaae Dir dos gemgt BeitC^ libersetzt, so wftre ich
ohne die anarischen Recensionen vielleicht sehr geneigt, dièse Erklarung
als ^geistreich" (cf. KZ. XXIX; p. 586) zu bezeichnen doch ist
sie leider nicht geistreich genug. Huebschmann hat denn auch, gestûtzt
auf die anarischen Versionen, diesen » Erklarungsversuch" als voUstan-
dig verfehlt abgelehnt. (cf. KZ. XXXIV; p. 164—66).
Ich glaube einige Fàlle gefunden zu haben, in welchen eine durch-
gangige Beachtung der neususischen *) und assyrisch-babylonischen *)
Ûbersetzungen fur die phonetische, etymologische und textkritische Er-
kenntniss der altpersischen Sprachdenkmàler ^ von Nutzen sein dûrfte ;
ich biete sie meinem geliebten Lehrer, Prof. Dr. de HABiiEz als ein
kleines Zeichen meiner aufrichtigen Verehrung.
1. Altpers. Bardiya^ Armaniya etc.
In einer Note der WZKM. IX; p. 84 erlaubte ich mir, auf das
eigentûmliche Nebeneinander von
altp. Barâiya — ^. Sf^éQdriÇj
y, Ha^maniS = gr. ^Aj^ai/uévrjÇj
j, Jrmaniya = gr. 'ji(j/Li6Via ^
hinzuweisen uud dabei zu fragen, ob wir in diesen Formen den t'Um-
laut sehn dûrffcen , sodass Bàrdiva , Berdiva zu sprechen wâre M.
1) Assyriolog, Biblioth. herausgeg. von Delitzsch und Haupt. Ed. IX. Weissbaoh;
Neunis, Texi,
2) Assyr. Bibl. Ed. U. Bezold; Ass, Text.
3) Assyr, Bibl. Bd. X. Weissbaoh und Bano; Altpers. Text.
4) Cf. Spiegel, altp. Keilinschr.^, wo jedoch *Apfm(a mit ap. Armina verglichen wîrd.
Ohne damit eine bejahende Antwort auf meine Frage geben zu
wollen, vergleiche ich lieute die neusus. Formen:
Pirtiya = 3\ip. Bardiya^
Ârminiya = altp. Armaniya ,
die um so auffallender sind , als die Zeichen parj man resp. ma sich in
andem Wôrtem finden; warum batte man also nicbt ^Tartiya^ *Armaniya
gescbrieben, wenn man so ausspracb?
Dass i in Pirtiya geeignet ist, den Laut 5, den es nacb der obi-
gen Annahme in Bardiya - Firtiya gehabt batte , wiederzugeben , erbellt
aus dem Umstande , dass es = altp. ai stebt , welcbes sonst aucb durcb
neusus. e ausgedrûckt werden kann:
Cf. altp. Haraiva^ aw. Aaraeva y = ns. Arrima ^ ass. a-ri-e-mu.
„ Arbaira, gr. '!^(>/îïyAa , = ns. Arpera^ ass. ar-ba^-iL
„ Uvâdaicaya ==ns. Mateziij ass. feblt.
[Wegen des i-Umlautes vergl. nocb altp. ESayârSaj ass. ^i-Si-'-ar-H ^
ns. liSeriSSa und IkSerSa (ausgespr. kSerSa , f}SerSa) ; nacb letzterer Form
ist nicbt abzusebn, warum ZéçfSijg speciell griecbiscbe Umformung sein
soU; cf. HuEBSCHMANN, Fersische Studien; p. 167, Anm. 1].
2. Altp. ny bj mh.
In seinen dankenswerten JPer^c^e» Studien sagt Hoebschmann p. 17,
n° 108: 3,1m Zend war b bilabîal, daber mb (kambiSta-etc.) gescbrieben
wird, im Altpersiscben lasst die Scbrift die Ausspracbe unentscbieden ,
da der Nasal vor Verscblusslauten ûberbaupt nicbt gescbrieben wird.
Docb bindert nicbts anzunebmen , dass aucb bier nb^ np (z. 6. Kanpada^
Kanbujiya) gesprocben wurde. War ap. n ein reducierter Nasal?'*
Man vergleicbe:
altpers. neusus. ass.-bab.
Kàpada ^) KampantaS ').
Kâbujiya Kanpuziya kam-bu-zi-t'a.
4) Im Eigennamen-Verz. giebt Bezold, p. 58: (ka-) am (-ma-) bad; in Zeile 47 steht
davon nichts; man kann daher, nach dem neusus. Kampantaê^ das altp. Kàpada lesen.
^h\i^msi(\A m^ Xjmpmt^ffu 4tir Wfaaswsaa^^sRf^ jÉ^amiânni flgiywihflT ^Ttuttî^.
■W^ À«P Aj^mî^*^^^ ^ tv^ini iaaii im J^hçi. î "iuiiftna! mmmssL «m. Œfe
fm^iVD^^ t^^À^ ;«<9Wttilîî*^ ^ '^n»»n^*fiLi] flku ^pum bsoe rrjgftnwfraii àLanfi-
iimmm ;^iî^ ;t in k^i»xuà wdkikiar Wia^ ..^jBB&iEâarî'^ «m i&il3ft. «}%
Wii^ ^i;i 4»«»
fitfrià^iiUm h:i futff mit Aumabnie tod iiatrapSta^ nklit guiz klar. Tom
^fmf^U^y^'\mfi %itMàjfwaki ans wenigstenâ. Anf jeden Fall kt aœh
^^î^ m, m ^ i^ltp. <5, mAsm^ wir ^abarà Toraœeetzen mûseten, wenn
3* Altper& Ha^matâma.
Mnn^ (ïm alip. lUigmatàna (mu Akmatanaj ass. a-ffa-ma^a-^m») ohne
Wai^I nH»/^mimtehém iiit^ dOrfte nach den Bemerknngen Bkzolds und
lU^fMOMiMA^ j<fd/.i endgtltig festgestellt sein* Eine andere Frage ist.
9
ob man Hagmatàna iu seiner etymologischen Deutung von paràgmata
NR a 44 — 45 trennen darf. Ich glaube es nicht und schlage vor Hag-
fnatàna als aus hama-gmaiSna entstanden zu erklâren; cf. hamàtà fur
hama-màtà. Ist dies richtig, so wftre auch hagmàtâ Bh. II, 32 etc. zu
lesen (cf. IF. IV; pp. 126 ff.).
4. Altp. "^frastânika.
Die neusus. Uebersetzung bietet an Stelle von altp. duraiy die
Formen piriataneka, piriatineka und piriattineka. Das Wort sieht kei-
neswegs neusus. aus und da es andere Fâlle giebt, in denen fttr ein
ganz gewôhnliches Wort im Neusus. ein Lehnwort aus dem Altp.
erscheint, so glaube ich auch in obigen Formen ein Lehnwort sehn zu
dûrfen; p^riataneka , pirSaiineka weisen auf ein altp. ^frastànika hin
(vergl. pirramata = fràmàtà , pirrata = Frâda , pirrumartù = Fr avertie ;
wegen i = «.• takmàhpata = Tàfmaapàda ^ iStana = stâna etc.). Ausser
den bekannten Vergleichungen ist wohl auch pehl. atënîk herbeizuziehen ;
in welcher Weise dasselbe ûbrigens von Horn nachgewiesen sein soU,
(cf. HûBscHMANN, PcTS. Siudien j p. 14 n® 84) entgeht mir, denn es
findet sich schon in Spiegel's Trad. Litt. der Parsen, p. 458 mit der
Bemerkung »wohl von altb. sta atehen, abzuleiten", cf. Spiegbl, Corn.
I, p. 164.
5. Altp. Ardumanih
Nach Hûbschmann's Pers. Stud. p. 97 n° 965 schlftgt Nôldeke vor,
anstatt Ardumanii vielmehr AràdumaniS zu lesen. Dagegen vergl. die
assyr. Form Ardimanii (geschr. a-ar-di-ma-ni-tS). Ich bemerke dies, damit
sich die Lesart AràdumaniS nicht festsetzt, denn derartige „Mythen"
sind schwer auszurotten, wie Bartholomae in IF. V; p. 222 gezeigt
hat ') ; seine eigne Ansetzung altp. Uyâtû = Wbhwntz ist der beste
Beweis dafûr: denn trotzdem die assyr. Wôrter deutlich auf ein Ab-
stractum hinweisen, findet sich Uyàtû = Wohnaitz heute in allen
sprachvergl. Werken.
1) Cf. DERSELB. in ZDMG, XLVIH; p. 520.
10
6. Zu Bh. I, 61—66.
Seit ich in der ZDMG. XLHI; pp. 527- 528 dièse schwierige SteUe
besprochen liabe, ist sie teilweise oder ganz mehrfach Gtegenstand der
Erôrtemng gewesen; zuletzt in dem gedankenreichen Aufsatze Foy's
(cf- KZ. XXXm; pp. 419—432). Fot, der in richtiger Erkenntniss des
Guten, anstatt sich auf's Raten zu verlegen, die neusus. und assyr.
Version berucksichtigt hat , scheint dennoch zweimal von diesem Grund-
satze abgewichen zu sein, in L 63 und 1. 64 die nach Ausweis des neusus.
Textes zu lesen sind: yathà paruvamciy avathà adam akunavam. àyadanâ
tyà GaumcUa hya Maguk viyaka adam niyatrctrayam kàrahyà abicariS yai-
thàmcà màniyamcâ etc. Mit For yathâ paruvamciy avathà. adam akunavam
âyadanà etc. zu lesen, geht nicht w^en des Neususischen , denn ein
Satz Autta u ziyan nappanna hutta ist nicht mOglich. Das erste kutta
ist allerdings erg&nzt, dass es aber so aufgefasst werden muss, zeigt
das assyr. anaku etepuin, das man des anaku (am Schluss von 1. 25)
w^en nicht direct mit bitàti Sa ilàni (= altpers. àyadanâ) verbinden
kann. Auch das Folgende spricht gegen For's Auflfassung: adam niya-
tràrayam kàrahyà abàcariS-abicariS darf nicht von dem vorhergehenden
getrennt werden, denn im Neusus. steht vor taSêutum = kàrahyà noch
yiak = utà. Das Verbum niyat'ràrayam geh6rt demnach sowohl zum
vorhergehenden àyadanâ als zum folgenden abicariS; dieselbe Construc-
tion findet sich Bh. 1 , 57—58 (zu For, a. a. o. 422).
Was abàcariS-abicariS betriflft, so fehlen meines Ërachtens aile Er-
klarer darin, dass sie es syntactisch genau so behandeln, wie das fol-
gende yaithàmcà màniyamcâ] es mûsste dann doch wohl abàcarùcà
heissen, cf. Bh. I, 66: Pàrsamcà Màdamcà und dazu ibid. 41, 46. Es
liegen keine zwingenden Grande vor, Rawunson's erste Lesart zu ver-
lassen {abicariS)j zumal da nur durch sie das Fehlen von cà erklarlich
ist : abicarû (cf. pahl., neup. afzàr und HObschmann 1. c. n** 95 , 432).
resumiert yaithàmcà màniyamcâ ^ die ihrerseits wieder abicariS detailliren.
Die Stelle ist wohl zu ûbersetzen: „und (ns. yiak) dem Volke seine
Hilfsmittel (seinen XJnterhalt): das lebende Besitztum (Heerden etc.)
sowohl, als den immobilen Besitz (Haus und Hof)". Das sus. Wort
11
ist vielleicht putai zu lesen, doch ist es ein an. A«y., und kann zur
Erklarung nicht herbeigezogen werden.
7. Zur Religion des Darius.
Zu der in letzter Zeit besonders von dem Parsen M. Mon wieder
angeregten Frage nach der Religion der Achaemeniden mâche ich (un-
ter Hinweiss auf Wilhelm's Ausfûhrungen in ZD M G. XL ; p. 1 05 und
meine Bemerkungen , ibid., LXIII; pp. 533 und 674) darauf aufmerk-
sam , dass. Bh. IV, 78 — 79 Auramazdataiy jatà biyâ im assyrischen Text
(lin. 108) durch TJrmazda lîrur „Auramazda môge [Dichl verflucherù'^ ûber-
setzt wird. Eben dièses Verbum aràru gebraucht in demselben Zusam-
menhang schon Aiur-nâ^ir-abal {MonolitL Inschr.) I. Rawl., 27 n° 2,
1. 90) '). Die Vertreter des Zoroastriertums des Darius môgen mit sich
selbst ausmachen, wie sie dièse Worte mit der gesammten Lehre des
Awesta in Einklang bringen wollen. Im Uebrigen galt Auramazda den
Nicht- Ariem fur den »Gott der Arier" (sus. XJebers. Bh. III, 11. 77 u.
79 *• Uramaita ^nap ^ Arriyanam) schlechthin.
1) Denjenigen, die sich ein richtiges Bild von dem wahren Character von Bh. IV, 33 — 80
zu machen -wûnschen, ist die Lekttire dieser Inschrifl Asur-nâfir-ahals auf das angelegentlichste
zu empfehlen (Sohrader, Keilinschr. BibL I, p. 418 — 123).
Deux chapitres du Saurapurana.
PAR
A. BARTH.
Membre de l'Institat de France.
Parmi les sectes qui relient le vishnouisme contemporain à celui
du Mahabharata et des Bhagavatas des premiers siècles, parmi celles
du moins dont l'origine est à peu près datée et se rattache encore pour
nous à une personnalité distincte, une des plus anciennes est celle
des Madhvacaryas. Elle tire son nom de celui de son fondateur et pre-
mier âcàrya ou docteur, un brahmane du Deccan, du nom de Madhva
ou Madhu , que la légende de la secte fait naître en Tuluva '), sur la
côte de Malabar. Aujourd'hui encore, c'est là que sont le centre de
la secte et ses huit sanctuaires principaux, et que, dans le matha ou
monastère d'Udipi établi par le fondateur lui-même, un peu au !Nord
de Mangalore, réside le guru suprême de l'ordre. D'après la liste de
ces dignitaires *) conservée par la secte et qui paraît mériter confiance ,
Madhva aurait vécu de 1118 à 1198 A.D. Après de longs voyages de
propagande et de controverse , arrivé à l'âge avancé de 80 ans , il remit
la direction de l'ordre à Padmanabha, le premier de ses disciples et
se retira aux sources du Gange, à Badarika dans l'Himalaya, où il
vit encore, selon la légende, auprès de Vyasa, l'arrangeur des Vedas
et l'auteur des Vedantasûtras , du Mahabharata et des Puranas.
Les communautés des Madhvacaryas sont particulières au sud de
l'Inde: on ne les rencontre pas au nord des monts Vindhya. Elles se
1) Répond au district actuel de South Kanara de la présidence de Madras.
2) Satyavïratïrtha , le 35« guru était vivant en 1882.
13
composent de laïcs et de religieux: ceux-ci, les gurus ou pères spiri-
tuels, font dès leur noviciat vœu de renoncement et de célibat. Enfin,
comme toutes les anciennes sectes lettrées, les Madhvacaryas se pré-
sentent sous le double aspect d'une école philosophique et d'une secte
religieuse. Comme religion pratique et populaire, ils professent le vish-
nouisme, sans exclure toutefois de leurs sanctuaires les images de
Çiva, qui, pour eux, est le premier serviteur de Vishnu, du dieu
suprême. Comme école philosophique, ils forment l'extrême gauche du
Vedanta , et c'est de ce chef surtout qu'ils n'ont jamais cessé , malgré
leur faiblesse numérique, d'occuper une grande place dans la spécula-
tion hindoue. Comme tous les Vedantistes, ils reconnaissent en eflfet
pour leur autorité immédiate les Vedanta- ou Brahma-sûtras , et ils
ont même réussi à faire accepter par l'usage le titre qu'ils réclament
pour leur doctrine, celui de Bra/masanipradàya ^ „la (vraie) tradition
concernant le brahman". Mais contrairement à Vadvaitavàda , le monisme
de Çankara, qui déclare qu'il n'y a de vraiment réel que le brahman^
l'absolu, et qu'en dehors de lui toute distinction n'est qu'apparence
vaine, ils professent, en le tirant des mêmes textes, le dvaitavàda^ la
doctrine de la dualité ou de la distinction, qui maintient la réalité
distincte du monde et des êtres individuels. Madhva lui-même avait
commencé par être un advaitavctdin , comme le reconnaît la tradition,
et, comme paraît le prouver la finale tîrtha d'un de ses surnoms,
Ànandatîrtha , finale qui est aussi celle du nom de tous ses succes-
seurs, il a probablement appartenu à Tune des dix branches de l'ordre
des Daçanamins fondé par Çankara, celle dont les membres ajoutent
à leur nom cette même finale de ilrtha. Son oeuvre a donc bien été
une réaction contre la doctrine alors prépondérante et, dans cette
œuvre, il avait eu des prédécesseurs. L'idéalisme absolu de Çankara
et son corollaire, la doctrine de la Maya, de l'illusion, ne s'accor-
daient pas bien avec les dévotions sectaires, soit çivaîtes, soit vish-
nouit^s; ils n'avaient pas non plus toujours prévalu dans l'école. Le
vieux commentaire sur les Vedantasûtras , maintenant perdu, de Bo-
dhayana ne les reconnaissait pas, et, un siècle environ avant Madhva,
un autre chef d'école et de secte, originaire comme lui du sud de l'Inde ,
u
iimfMtsdt»^. et tesp^rairer, du m^mit et àes êcz^es &sb9^ Maôs ^ »in-
tradiistiôfi de Khàhrak fcdi bien «xtimittiLt lai&ale: ses mSxmatàomB^
diffirâlai àt eoocilkr a^ee le Te^Latâ^r éqoifiakkxtt peaqii% eeiks da
S^klv^^ et^ poor Im^ les èeeiaàeaiB de Çawkarii mt xsi qme des
bo^kM^ia^Séft ^ e^eat-âHifre des nihilistes y dégaKs. Mbigié cette opfoâ-
tîofi! Ibor&oiieiitale et po^r smke de ciceonstaiiees qui noos édi appcMi y
r^rém n'^e» a pas molss Téea en de boos rapports aTce qoeisfiies uiii^ du
fli6it» de ees adreraaires. Cest aiii» que, jœqa'a nos jons, les gnriB
dTTd^ ont mstmtexm eertaiœ lappcrts d'aSIîatioii aTee eenx dn grand
ttOftôMtère de Çrii^^iri en Myacnre ^), qui âont çir^îte et les isiiecesBeois
âintX» de Çaokdia, taodiai quUs tiaiteiit d'exeomnniiiiés et dliérétiqiies
k^ ^eetatenrai de B&mâiniia , qui iont pomtaiit rîsliDointes comine eox
et dont les doetiines se rapproehent beancoiq» des leai& De pareils
eompromis ne Mitt pas rares dans Iliistoire eoccnre ùxt embfooîllée des
deetes hiadoties.
Pour de phis amples détails snr les doctrines de Madlira, sor sa
decte^ M biographie et ses œuvres *), on pourra consulter Sofvadar'-
Ç€nuuamgraia f ehapitre Y; les Sdeet Worb de H. EL Whjbon, I, p. 139;
les ReporU cm tie êearei for êomêhii M8S. de E. 6. Bhaudaujuh: celui
de idS2— 1833, p. 16 et 202, et celm de 1883— 18S4, p. 74. Ces no-
tices sont faites d'après les traditions et les liTres de la secte: le
faetum qxri ya enivre provient de ses adversaires. Je Fempronte an
SaurapwrOmf dont nne bonne édition a paru en 1889, à Poona, dans
la collection intitulée Âtumdàçrama Sanêirii êtrieg.
Le Saurapuiftna, qui n'a de solaire que ce titre et la mention tout
épii!M>dique qu'il a été révélé à Torigine par Sûr3ra, le Soleil, appartient
au çivalsme intransigeant: Yishnu est le kiinkara^ Fexécnteur des ordres
de Çiva, est le credo qui revient à satiété d'un bout à l'autre du poëme.
1) La monaiière iliostré par ^yana.
2) Au nombre de 37 , parmi les quelles des commentaires sur les trois sources principales
du Veddnta, les Upaniihads, la BhagaTadgîtâ et les Vedântasûtras, commentaires dont la
composition est imposée par la tradition à tout Tedântiste qui prétend au rôle de réformateur
irt d« chef d'école*
15
Cela ne l'empêche pas d'être compté comme un upapurânay ou purana
secondaire, comme une sorte de supplément du Brahmapuràna qui, lui,
est vishnouite et est aussi désigné quelquefois sous le titre de Saura-
purana. Ce fait montre bien, après beaucoup d'autres, dans quel état
de syncrétisme vraiment chaotique toute cette littérature nous est
parvenue. L'acte d'accusation contre les Madhvacaryas , introduit sous
forme de prophétie, fait partie de trois chapitres, XXXV EU— XL, spé-
cialement dirigés contre les vaishnavas, les faux vaishnavas, et que
ceux-ci suppriment dans leurs manuscrits du Saurapurana, bien qu'au
fond ces chapitres ne leur soient pas plus hostiles que le reste de
l'ouvrage. Cette omission n'est pas une raisons suflBsante pour en sus-
pecter l'authenticité. Le fait même que le chapitre XL n'est guère
qu'une répétition du précédent, n'est pas plus probant en ce sens,
tant la composition du livre est lâche et décousue. L'interpolation ne
serait certaine que si l'on pouvait démontrer que la masse de l'ouvrage
est antérieure au XII® siècle et, ceci, nous le pouvons pas. On trouve
bien le Saura- ou l'Àditya-purana cité comme autorité dans beaucoup
de livres, entre autres dans le Caturvargacintctmani de Hemadri, qui
est du XlIIe siècle. Mais il est certain qu'il y a eu plusieurs ouvrages
de ce titre et, tant que ces citations n'auront pas été vérifiées dans
notre texte, elles ne sauraient être invoquées comme preuves. Tout ce
qu'il est permis d'affirmer, c'est que ces chapitres sont notablement
postérieurs aux dernières années du XII® siècle: ils n'ont plus que des
informations vagues sur les origines de la secte , et ils possèdent quel-
ques données sur sa propagation ultérieure. On n'entrevoit pas mieux
quelles raisons particulières ont pu désigner justement les Madhvacaryas
à la haine du rédacteur de ces morceaux. A en juger par les mahQ'
tmyas contenus dans l'ouvrage et qui se rapportent surtout aux sanc-
tuaires çivaîtes de Bénarès, le Saurapurana appartiendrait plutôt au
nord de l'Inde, où la secte n'a jamais pénétré.
Comme source d'information, cette haineuse satire est nulle. Les
objections de doctrine sont en grande partie fausses ou de simples
lieux communs. Les données géographiques sont peu précises et ne pa-
raissent s'accorder, ni avec la tradition des Madhvacaryas, ni même
16
entre elles. Autant que le vague des expressions permet d'en juger, le
berceau de la secte est placé ici dans la région orientale de la pénin-
sule, tandis que la tradition le met sur la côte occidentale. De plus
la propagation est représentée , une première fois , comme s'étant faite
du nord au sud, et, une seconde fois, comme ayant eu lieu dans le
sens inverse. On trouvera relevées dans les notes les principales de ces
divergences et contradictions. Le seul intérêt que présentent ces mor-
ceaux vient de la rareté, dans les Puranas, de factums semblables,
s'attaquant aussi directement à des faits modernes, et aussi de Tâpreté
sectaire qu'ils respirent. Sous ce rapport du moins, ils constituent un
témoignage immédiat et authentique.
CHAPITRE XXXYIII.
1-96. Jadis, sous le saint roi Pratardana, la religion et la piété fleurissaient sur la terre.
n n'y avait ni hérétiques , ni mécréants. Aussi les enfers se dépeuplaient-ils : les
damnés et les démons eux-mêmes se convertissaient et allaient au ciel. Yama,
le roi des enfers, étant venu se plaindre auprès des dieux de la désertion de
son empire, ceux-ci, sur le conseil de leur guru Brihaspati, décident un Eimnara ^)
à descendre sur la terre et à perrertir les hommes. Déguisé en docteur vaish^ava
et s' entourant de disciples , le Eimnara répand la fausse doctrine que Çiva n'est
que le serviteur de Yish^u, et vient la prêcher en présence même du roi Pra-
tardana. Celui-ci n'ose châtier un religieux mais il assemblera les brahmanes
pour le confondre.
CHAPITRE XXXIX.
1-36. Mais Eali, le démon de la discorde, pénètre dans l'assemblée qui, aussitôt, se
divise: une partie embrasse la fausse doctrine, et l'hérésie se répand sur la
terre: la vertu et la piété diminuent, et les enfers se repeuplent. Cependant
Yish^u dormait, ignorant de ces sacrilèges. Effrayé par de terribles prodiges,
il se rend avec Lakshml, son épouse, auprès de son mattre Çiva, o& viennent
aussi les autres dieux, et, tous ensemble, ils vont trouver le roi Pratardana.
Les dieux informent Çiva de ce qui s'est passé: le roi, qui sait maintenant à
qui il a affaire , coupe séance tenante la tète au Eimnara , à tous ses partisans ,
y compris leurs chevaux et leur bétail. „Et personne n^empècha le roi aux
pieuses pensées". Çiva le calme pourtant et recolle tout ce qu'il vient de casser :
]) Génies ayant une tête de cheyal.
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auront une tête de cheval, ceux qui ont insulté Çiva de la bouche; un corps de
cheval, ceux qui Tont insulté de leurs gestes et postures ^).
37. Brahma dit: Ainsi donc ces choses se sont passées aujourd'hui, sous le règne
de ce saint roi. Je vais vous dire maintenant ce qui arrivera un jour: écoutez
moi attentivement.
Quand le cruel Ealiyuga ^) sera venu, quand la surface de la terre sera toute
occupée par les Mlecchas ^), viendront des hommes vils, déchus de toute bonne
coutume.
Alors, au milieu du pays Àndhra^). il y aura un misérable brahmane (originaire)
de la région méridionale^), qui sera Pâmant d'une veuve brâhmaçl^).
40. Et du crime de cet exécrable brahmane naîtra un fils (lui encore) innocent qui,
forcément, cherchera à se distinguer et sera zélé pour l'étude.
Il ira saluer Tâcarya Padmapâduka ^), l'excellent maître du Yedftnta et con-
naisseur de la tradition Advaita, et lui adressera sa requête:
„Beigneur, je suis le brahmane Madhuçarman ^). Enseigne-moi, vénérable;
enseigne-moi tout le castra') du Yedanta, vénérable guru."
1) Les mudrâs f gestes et postares neitées pendant la prière et qui yarient selon les sectes. II semble
qae ce soit là un fragment de légende rendant compte de la forme hybride des Kimnaras.
2) L'âge de la discorde, Tépoqae actuelle da monde, qai a commencé en 8102 avant J.C.
8) Les étrangers, les barbares.
4) Ândhrïdeça, ce qai, à première yne, signifierait „le pays des femmes Ândhras". Celles-ci ont, en
effet, une mauvaise réputation, comme on le voit par exemple par le Kàmatûtraf ch. X, XI, XXVII.
Mais il est plus probable qu'il faut entendre „le pays de la langue Andhra". Chez Kumâbila Bhatta,
V Ândhrabhâihâ correspond aux langues dravidiennes du nord, particulièrement au Telugu, qui se parle au
nord de Madras, et s'oppose à la Drâvidaèhàshà, le Tamoul, qui se parle au sud. £t cette indication
s'accorde bien avec la plupart des données, qui placent le pays des Ândhras dans le bassin inférieur et
moyen de la Godavari et l'identifient avec la portion nord-est de la présidence de Madras et une partie
des états du Nizam. En tout cas le Saurapura^a s'éloigne ici beaucoup de la tradition des Madhv&cllryas,
qui place le berceau de la secte en pays Tuluva, sur la côte ouest. L'ancien empire des Ândhras s'ét&it
bien étendu jusque là; mais c'étaient là de vieux souvenirs depuis longtemps éteints au XII* siècle.
5) Bâkshinâiya^ expression vague, qui peut désigner tout homme né au sud des monts Vindhya.
Dans un sens plus restreint, elle désigne un habitant du plateau qui s'étend au sud de ces montagnes
jusqu'à la Krishna. Le pays Ândhra en est la portion orientale.
6) La naissance illégitime ou irrégulière fait partie des lieux communs de la polémique sectaire.
Il y a des histoires semblables sur la plupart des personnages marquants de l'hindouisme. Le bâtard
d'une veuve est, de ce seul fait, un excommunié. D'après la tradition des Madhvacaryas, le père du fon-
dateur se serait appelé Madhiga Bhatta.
7) D'après les Madhvacaryas, le guru de leur fondateur aurait été Acyutapreksha. L'un des noms
n'exclut pas l'autre, car tous ces personnages en ont plusieurs. Parmi les disciples de Çankara, il y a eu
un Padmapada, et il se pourrait que la confusion de ce nom avec celui de Padmapâduka ait été l'origine
d'une tradition qui fait de Madhvaearya l'arrière disciple, ou même le disciple immédiat de Çankara.
8) Çamuui est une finale qui peut s'ajouter au nom de tout brahmane. La forme ordinaire du nom,
dans les écrits de la secte, est Madhva; on trouve aussi Madhva. Notre texte porte toujours Madhu, quia
peut-être été choisi à dessein, parce que c'est un nom du Printemps, un des suivants de l'Amour (cf. XL,
88 et 72) et aussi celui d'un démon. D'après les Madhvacaryas, le fondateur se serait appelé Vasudeva
avant son initiation.
9) Corps de doctrine.
3
18
£t r&carya, qai est la bonté môme, voyant cette grande modestie, daignera,
plein d'une tendre affection, faire de lai le premier de ses disciples.
Ensuite, de jour en jour, (le disciple) lui témoignera son dévouement, et le
guru, de plus en plus satisfait, lui communiquera toute la doctrine.
45. Un jour pourtant le guru le surprendra s'apprétant à prendre sa nourriture sans
avoir fait l'ablution, le sandhya ') et les autres pratiques, en pleine rupture de
ses devoirs quotidiens.
Interrogé sur le fait par le guru, le bâtard de la veuve ^) répondra: „J'ai
usé de la loi commune '), Seigneur. Pourquoi te fâches-tu P"
Et l'àcârya dira: „Qui est ton père? qui ta mère?" — „Mon père*) est un
br&hmane, Seigneur, et ma mère une br&hma9i."
— „Parle qui est ton grand-père maternel? suivant quel mode^) ta mère
a-t-elle été épousée? où a-t-elle été accordée? Dis vite la vérité, sinon,
Je te réduirai en cendre, toi qui es déchu du lustre brahmanique." Ainsi
interpellé, (le disciple) avouera tout selon la vérité.
50. Et racftrya alors le maudira: „que notre siddh&nta") ne se manifeste jamais
(à toi); sois stupide désormais pour le siddhânta dans la doctrine Advaita".
— „Comment , ma fidélité à te servir sera donc sans fruits ? dis , vénérable".
— A ces plaintes et à beaucoup d'autres du (disciple).
Le maître répondra: „Tu saisiras le purvapaksha®); pour le siddhftnta tu
seras absolument aveugle. Ma parole ne saurait être vaine".
Ce Madhu donc n'aura d'yeux que pour le pùrvapaksha des çftstras et se
mettra à fausser le Yedanta.
A mesure que (l'âge) Eali progressera, ô de vas '') , cette hérésie de l'en-
nemi de Çiva peu à peu grandira.
55. D'abord, du pays Drâvi4a*), elle se répandra lentement dans le Earçfttaka et
dans le Tilanga^), sur les bords de la God&vari.
1) Oraison da matin et du soir.
2) Qolaka,
8) Par opposition à celle da novice.
4) Lire dans le texte tâio.
5) On sait qn'il y en a huit.
6) L'exposition complète d'une opinion contient trois membres: 1® le pùrvapaksha ou la première
thèse; 21^ Yaparapaksha ou les objections; 8® le siddhânta ou la conclusion, qui seule fait autorité.
7) Les dieux, à qui s'adresse le discours de Brakma. Les versete 52, 58 et la première moitié de
54 ne se trouvent pas dans tous les manuscrits. Il y a évidemment quelque désordre ici, soit par omis-
sion, soit par addition; car, jusqu'au verset 62, où la coupure est particulièrement choquante, les versets,
tels qu'ils sont chiffrés, se terminent au demi çloka.
8) Le Lrâvidadeça est le pays de la langue tamoule, l'extrême sud-est de la péninsule. Il est loin
du pays Tuluva, où la tradition des Madhvacaryas place le berceau de la secte et do son fondateur; plus
loin encore du pays des Àndhras, où le SoryapurSua fait naître Madhu.
9) Le Kamâpaka, le pays de la langue canarèse, répond au Mysore et à la partie occidentale des
19
Quand le Ealiyuga sera dans son plein , elle gagnera TÂryâTarta ^). Des
hommes y ils prêcheront le faux castra de la doctrine de la Mâyâ ').
Rien que pour les ayoir aperçus, on devra se plonger dans Teau tout ha-
billé. Comme Yishti s'appelle aussi Bhadrâ \ comme Râhu se dit aussi
Syarbhânu *),
Comme celui qui n'est pas l'Unique a nom Hari ^), ainsi ces (fourbes) se
diront asserteurs de vérités *). Détracteurs jurés du Yoga ^), contempteurs de
l'agnihotra *),
Ayant toujours à la bouche les Puràças et „ce qui est conforme au Ye-
d&nta" *), hommes par l'apparence seulement, sûrement destinés à l'enfer,
60. Et avec qui il suffira de converser pour déchoir du lustre brikhmanique.
Mieux vaut un bouddhiste, un jaina, ou un kapàlika '^).
C'est ouvertement (du moins) qu'ils nient l'autorité du Yeda. Mais ceux-ci!
(Tel) affirme l'autorité du Yeda, se donnant pour ce qu'il n'est pas: un con-
naisseur du Yeda.
62« (Tel autre) professe Dieu ^^) en paroles, et n'est en réalité qu'un misérable
athée.
états du Nizam. Le Tilanga, plas communément Tâlinça, le pays de la langue telugu, est la côte orien
taie, an nord du Dravida, jusqu'aux frontières d'Orissa. La partie nord du Kar^ataka et du Tilanga est le
pays des Andhras du verset 89.
1) L'Inde du nord, entre THimalaya et les Vindhya. Les communautés des Madhy&c&ryas ne pa-
raissent pas s'y être jamais établies à demeure.
2) L'illusion. La doctrine de la Maya consiste à nier la réalité du monde et des êtres contingents.
Elle est portée à son maiimum précisément par les Advaitins, que le Saryapuraça prétend représenter, et
le reproche est pour le moins singulier.
8) Viêhfif le 7"* Karava ou demi jour lunaire de la quinzaine, qui passe pour funeste, est appelée
par euphémisme Bhadrâ , la Propice.
4) Bâhu, le démon de l'éclipsé, dont le surnom de Svarbhânu signifie «lumière du ciel".
5) JnekCt que je prends comme locatif, ma paraît désigner Vish^u, qui, selon les çaivas, n'est pas
l'Unique, puisqu'il a Çiya pour supérieur et d'autres dieux pour égaux. C'est donc à tort qu'on l'appelle
Hari, comme Çi?a et le soleil qui, eux, sont des êtres uniques.
6) Tattvavàdin,
7) Le système de ce nom ou, en général, la dévotion mystique.
8) Le sacrifice journalier que doit célébrer tout brahmane. Les gurus des Madhvacaryas s'en décla-
rent afifranchis. Mais c'est là un privilège commun à tous les tannyàsifu, à tous ceux qui ont fait vœu de
renoncement absolu, qu'ils soient çaivas on vaish^avas.
9) Comme toutes les sectes, les Madhvacaryas reconnaissent l'autorité de certains Pura^a8. Ils
divisent de plus la littérature en „ce qui est conforme au Vedanta" et en „ce qui n'est pas conforme",
acceptant la première catégorie et rejetant la seconde.
10) Sectaires çaivas, mais considérés ici comme impures. On se détestait entre frères.
11) Içvaraf le Dieu personnel, providence et démiurge. Vaish^avas et çaivas l'affirment également;
également aussi ils le nient plus ou moins, selon qu'ils sont plus ou moins logiques dans leur adhésion à la
doctrine Advaita. Ce sont précisément les sectes admettant une certaine dualité, comme les Madhvacaryas,
qui sont le moins portées à le nier.
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Le Sûta^) dit: Après quoi, tous') partirent comme ils étaient venas. Et le
saint roi Pratardana ayant débarrassé son royaume de toute épine,
63. (Arriyé) à la fin de sa yie, obtint la déliyrance suprême qui consiste dans la
non -dualité '). Ensuite ce (Aladliu) aura des disciples nombreux :
Samny&sins *) par Fhabit seulement, faisant en réalité leurs propres affaires,
s'employant au service des rois, pleins de déguisements, adonnés aussi à des
dévotions impures^),
65. Ayant commerce avec des femmes qu'il est interdit d'approcher, mangeant et
buvant ce qu'il est défendu de manger et de boire , les uns se livrant à toutes
les jouissances,
Allant en char, recherchant avidement le service des rois , se plaisant à ravaler
l'Âdvaita, tout fiers de leurs livres secrets.
Quant au siddh&nta des autres écoles, ils ne le connaissent^) pas tel qu'il
est; car ils n'étudieront rien qu'avec la pensée d'y trouver faute, dans le Ealiyuga.
S'il faut proscrire jusqu'aux noms des autres dieux ^), comment se fait-il alors
que ces pervers récitent le Yeda et prétendent le soumettre à la discussion*)?
Ss auront beau parcourir encore et encore les excellents traités de la Ml-
m&m8&*); ne poursuivant que leur propre intérêt, de tout cela ils ne saisiront
que le pûrvapaksha.
70. Quant à leur propre (opinion), ils ne la diront jamais, parce qu'elle manque
de base; mais, (en vrais) plagiaires'^), ils dénigreront les Hamsas et les Para-
mahamsas ^^).
Le premier venu , (un enfant) à peine né ^'), ils le tonsureront et en feront
1) Lomahanha^a (ou, comme ici, Romaharsha^a), de caste an Sûta, on conducteur de char ou
écuyer, le principal interlocuteur du Saurapurilva, qu'il récite aux rishis réunis dans la forêt Naimisha.
2) Çiva, BrahmB et les autres dieux, le roi Pratardana et ses suivants.
8) Ou, ce qui revient au même: „qui est le but suprême de la doctrine Advaita". Il s'agit du
tâyvjya, de „l'abeorption" en Çiva, l'être suprême et unique.
4) «Celui qui a tout déposé", qui a fait vœu de renoncement absolu.
5) Kaulika, désignation des sectateurs de la Çakti, de l'énergie femelle. Ils sont bien plus nombreux
parmi les çaivas que parmi les yaish^ayas.
6) Le texte passe fréquemment du futur au présent. Parfois, comme ici, il mêle les deux temps
dans la même phrase.
7) Les MadhvlcSryas sont au contraire très éclectiques dans leur panthéon.
8) Tarka, terme qui peut s'entendre de tous les systèmes de philosophie. D'après ce qui précède et
ce qui suit, il parait désigner ici la casuistique liturgique de la MimBmsa.
9) Nom commun du système ritualiste de Jaimini et du système spéculatif du Vedlnta, mais qui
désigne plus spécialement le premier.
10) Jârafa, mot qui signifie à la fois bltard et plagiaire. C'est ici le pendant du parakîyeHa pan-
dim de XL, 69.
11) Deux degrés de l'ordre ascétique.
12) Les MadhySclryas recrutent en effet leur nonciat dès l'enfance, et ne regardent pas beaucoup
à la caste.
21
an supérieur de matha '), quant à la robe brune du moins , ces hommes vils.
GouYemer un matha , servir (les grands), amasser des richesses , courtiser des
femmes esclayes, brûler d'envie, (s'ils avouaient que ce sont là leurs mobiles,
ils seraient vraiment et) par cinq fois asserteurs de vérités').
„Le samsara^) est réalité" diront-ils, (se montrant) ainsi, il ne se pourrait
plus, asserteurs de réalités^). Ou bien encore: „Tout est un jeu de la M&ya",
(se déclarant) ainsi asserteurs de l'unique M&y&.
La pure réalité*), ils ne la connaissent pas, et ils enseignent que tout est
réalité. En paroles seulement, en ce misérable âge Eali, ils seront asserteurs
de réalités ').
75. A mesure , brahmanes '), que , dans l'âge Eali , les méchants prévaudront ,
prévaudront aussi , dans la région du nord *), ces faux vaishçavas ''),
A la seule vue d'un (de ces impies) proclamant l'égalité de Çiva'), croyant
à cette égalité, acquiesçant à cette égalité, on devra aussitôt se baigner tout
habillé.
Grâce à la voie qu'aura montré Madhu, prévaudront ainsi dans l'âge Eali
d'exécrables vaishçavas et, à leur suite, les Mlecchas, les Çûdras, les ex-
communiés.
C'est pourquoi, chefs des brahmanes, prêtez l'oreille à la glorification de
l'époux de P&rvati ; appliquez- vous sans cesse et sans jamais faiblir , à lui
prouver votre dévotion.
CHAPITRK XL.
1-30. Après avoir célébré Çiva, dont Yishçu et tous les dieux ne sont que les
humbles serviteurs, le SUta commence un nouveau récit. Çiva ayant réduit
en cendre E&ma (l'Amour), la veuve de celui-ci, Rati (la Volupté), accom-
pagnée du Printemps (Vasanta), de l'Egarement, du Mensonge, de l'Empor-
1) Un mafka est un collège on couvent, où résident les garus et les novices. La robe, ou plutôt
récharpe, brune est le vêtement des religieux.
2) Taiivavàdinf qualification que revendiquent les Madhvacllryas. Le mot tattva réunit les sens de
principe, entité, réalité, vérité.
8) Le cours des choses contingentes on, comme le définit Leconte de Lisle :
Le tourbillon sans fin des apparences vaines.
Les Madbvflcaryas en affirment la réalité. Le reproche suivant est faux.
4) L'absolu Çiva.
5) Çaunaka et les autres rishis à qui le Sota raconte le PurHua-
6) Vdieït l'Hîndoustan.
7) Par opposition avec les vrais, les purs vaish^avas, ceux qui, d'après le SaurapurSva, tout en
ayant une dévotion particulière à Yish^u, reconnaissent la suprématie de Çiva.
8) C'est-à-dire que quelque chose puisse être égal à Çiva.
22
tement et des antres soiTants de son mari, Tient implorer Brahmâ, afin qu'il
lenr permette de rainer sur la terre le culte de Çiva. Brahmâ leur déclare
que , pour le moment , cela est impossible, mais qu'un jour tiendra , dans l'âge
Kali, où leur Tengeance sera satisfaite.
3L Le Sûta dit: Alors done, quand sera Tenu l'âge Kuli, la ruine de toute reli-
gion, et que, atec ses Mlecchas, (comme un nouTel) Âne*), il opérera la dis-
persion des Taches des brahmanes.
Quand on n'entendra plus ni récitation du Yeda, ni formules d'oblation ;
que tout sera plein de bouddhistes et de jainas; que le brfthmane suiTra la
Toie des Mlecchas, et que le Çûdra lèTera la main sur le brahmane,
Alors, printemps') funeste aux Earç&tAS} fto^ Tilangas ^) et à bien d'au-
tres, un certain Madhu naîtra d'un brahmane au sein d'une toutc.
Et cet exécrable bâtard d'une touto demandera à doTenir le disciple du
noble Padmap&duka, le zélé interprète du Yedânta.
35, Et quand il aura étudié tout le ç&stra, rejetant ses obserTances quotidiennes,
il se mettra à ergoter: „à quoi bon l'agnihotra, à quoi bon le sacrifice?"
Le gnru ayant surpris ces propos , „ce ne doit pas 6tre un brahmane", pensera-
t'il , et , soupçonnant en lui quelque tare, il lui dira aussitôt :
Le Guru dit: „quelle est ta caste? dis-moi la Térité, contempleur du Yeda.
Tu renies l'acte saint issu, lui aussi, de Brahm&: tu ne saurais être fils d'un
brfthmane *)"
Madhu dit: „Je suis né d'un br&hmane et d'une brâhmai^i; il n'en faut pas
douter. Je te dis la Térité, non un mensonge. Comment pourrais-tu me mau-
dire»), gura?"
Le guru dit: „Ta mère, alors, par qui a-t-elle été donnée? de qui étail-elle
fille? quand, comment, à qui a-t-elle été donnée et suivant quel mode ? Réponds
sur le champ".
40. Madhu dit: „Ma mère était touto, Seigneur: elle doTint enceinte des œuvres
d'un pénitent br&hmane: je suis le fruit de cet (amour)".
Le guru dit: „Puisque, par fraude, tu as appris de moi notre çàstra, per-
Ters, que jamais la Toie du siddhftnta ne s'ouTre pour toi".
1) KÂara, ftne, aatre nom de Dhenuka, un démon qui, soos la forme d'an àne, troublait les pfttu-
ragM de VfindlTana et fut tué par KfUhQa. Les vaches, au propre et an fignré, comme troupeaux et
comme symbole du sacrifice, sont la subsistance des brahmanes.
2) Vasanta, comme Madhu, signifie printemps. Personnifié, il est un des suivants de Ksma et,
d'après XL, 72, Madhu aurait été son incarnation.
8) Cf. XXXIX, 66.
4) Le brfthmane et le sacrifice sont en quelque sorte frères, étant issus tous deux de Brahms.
6) Suivant la leçon çaptyate donnée dans Terrata et qui doit être fournie par les manuscrits; car
lo paçjfoêe du texte serait également bon.
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Madhu dit: ,,I1 en sera ainsi, vénérable: ta parole ne saurait être yaine.
Qae le pûrvapaksha donc se manifeste et s^affermisse en mon cœur*'.
Le guru dit: „Sois aveugle pour le siddhânta, et d'intelligence très sub-
tile pour le pûrvapaksha seulement, et que méchants soient tes disciples.
Par folies privés du siddh&nta, par avidité serviteurs des princes, par colère
ne proférant que de durs propos, par imposture beaux de costume seulement,
45. Adonnés aux sophismes, ils ne sauront rien de tous les Q&stras et iront dans
les terribles enfers promptement et pour longtemps".
Le Sûta dit: Ensuite, chargé de cette malédiction, le pervers Madhu fera
une exposition des sûtras de Badar&yai^a ^).
Et accepté comme Pac&rya Madhu dans la région méridionale, il sera grand
dans l'âge Eali. Quant à ses disciples et arrière-disciples '), (on ne les verra)
ni dans l'Aryavarta ^), ni en Utkala *),
Ni en Gau^a ^), ni sur les bords du Gange. Sur les bords de la God&varî
et au milieu des forêts de la Narbuda *) ils trouveront accès (d'abord).
A mesure que la marche cruelle de Eali progressera, un petit nombre de
ces sophistes apparaîtra çà et là dans le Mahâr&shtra ^).
50. Puis, dans un temps de grand malheur, troublé par de puissants Mlecchas,
le pervers, en se déguisant, se procurera accès en divers lieux.
Après avoir étudié et avoir été samny&sin pendant cinq années (seulement) ^),
cet (homme) à l'esprit faussé , entouré de disciples et de sous-disciples , professera
sa doctrine sophistique^).
„Le sams&ra est réalité", affirme (ce docteur) ; „il ne faut pas le supprimer,
1) Les VedantasQtras. Deux commentaires composés par Madhva nous sont parvenus, dont Tun a
été publié à Calcutta.
2) Fraiiçithya^ dans le sens de praçishya ou à^upaçisAya (verset 51); le mot, non relevé dans les
lexiques, se trouve aussi dans le Divyâvadânaf p. 158.
3) Cf. XXXIX, 56.
4) La province d'Orissa, sur la côte au sud du Bengale.
5) Le Bengale.
6) Nom moderne et non relevé jusqu'ici dans un texte sanscrit de la rivière sainte Narmadâ. Ncar-
buda en serait régulièrement Tadjectif, comme nârmada Test de Narmadâ. Mais, en admettant une assez
forte anacolutne, les versets 47 — 48 peuvent aussi se traduire: «Qu^nt à ses disciples et arrière-disciples,
ni dans TÂryâvasta , . . . ni sur les bords du Gange , (ni) sur les rives de la Godâvari, ni au milieu
des forêts de TArbuda, ils ne trouveront accès". L'Arbuda est le mont Abu, la montagne sainte du Râj-
poutâna.
7) Le pays des Mahrattes et de la langue Mâhrathl, la moitié méridionale de la présidence de
Bombay et la partie occidentale des états du Nizam.
8) Madhva paraît en effet avoir commencé son apostolat de bonne heure. D'après la tradition, il
aurait reçu Tinitation et composé son commentaire sur la Bhagavadgttâ à l'âge de neuf ans. La mention
de sous-disciples dès le début n'a non plus rien d'étrange. Il arrive fréquemment que des hommes âgés se
groupent autour d'un jeune maître et lui amènent leurs propres disciples.
9) Hetuvâda,
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car il tient ce qu'il promet''. Et c'est ainsi que cet assertear de faussetés es^
appelé asserteur de réalités^).
„Cet ensemble des choses contingentes')" (affirme-t-il encore) „e8t trompeur
et manifestament le produit de la May& ')". Et ainsi ces asserteurs de réalités ^)
ne sont au fond que des asserteurs de la May&.
L'excellent çSistra de Jaimini*), qui propage le karmakh&i^^ft ; l'excellent
ç&stra de Gautama'), qui établit (l'existence d') Içyara;
55. La doctrine de Eapila *), qui enseigne la distinction du purusha et de la prakriti ;
le Q&stra des Yaiçeshikas, qui établit (l'existence d') Içyara;
Le Yogaçastra de Patanjali qui, de l'aveu de tous, est un ç&stra çaiva; le
c&stra capital du Yedânta, qui enseigne l'Adyaita;
Tous les Yedas avec leur six Angas '), les Pur&ças , l'Itihâsa *), la Smriti ®),
les Upapura^as ^^) et les estimables Upasmritis ^^),
Tous, ils proclament bien haut, pour toutes ces sciences, qu'elles se servent
réciproquement de preuve , chacune selon sa spécialité , et qu'elles ont pour objet
le bien des hommes.
Si aussi il s'y trouve quelque légère contradiction (apparente), il n'y a pas
de contradiction en réalité. Tous ils déclarent que Maheçâna ^^) est audessus de
ce qu'il y a de plus haut.
60. Mais telle n'est pas l'opinion de ces pervers qui, exclus de la voie du Yeda,
proclament pour leur âcârya ce Madhu, le fils de la veuve.
Cet hypocrite, ce grand fourbe de Câ.rv&ka '^) qui a nom Madhu se fera donc,
6 brahmanes, dans l'âge Eali, le propagateur du mépris de Çiva.
Se tenir en dehors du siddh&nta par aveuglement, violer les castras par em-
portement, servir les princes par cupidité, par fraude tromper autrui , fréquenter
1) Tattvavàdin, Pour samsara, cf. XXXIX, 73.
2) Frapafica', c'est le samsara considéré, non dans la durée, mais dans un moment donné.
8) Lire dans le texte: màyânirmita,
4) La Mimâmsâ proprement dite, qai enseigne l'application du karmakhàudaf la portion pratique,
liturgique du Veda, tandis que le Vedânta a pour objet le jhànakhânda, la portion spéculative.
5) Le Nyâya. Pour le terme technique Içvara, et XXXIX, 62.
6) Le Sânkhya, qui professse la dualité radicale du purusha, T&me, et de la prakriii, la matière.
7) Les six Vedaogas ou «membres du Veda", la phonétique, le rituel, la grammaire, l'étymologie,
la métrique et l'astronomie.
8) Le Mahâbhârata.
9) En général, toute l'ancienne littérature non révélée; ici, dans un sens plus restreint, les livres du
droit et de la coutume.
10) Purânas secondaires: le SaurapurSça en est un.
11) Smritis secondaires.
12) Çiva. Inutile de faire observer combien ces prétentions sont contraires à la vérité.
18) Les Cârvâkas sont une secte de matérialistes purs.
25
les prostituées par luxure, être docteur par sophistique ')} ce seront là, brah-
manes , dans Tâge Eali , leur six façons d^enseigner la vérité ').
D'un enfant de cinq ans ils feront un yati'); d'un bambin qn ils auront peu
à peu attiré à eux, ils feront un supérieur de matha, par amour pour For,
les athées.
65. Du matha ils ne maintiendront que la transmission ininterrompue *), livrés (pour
le reste) à leurs passions *), esclaves des jouissances et de tous les vices , adonnés
à des amours serviles.
Saipnyâsins de nom seulement, (ils viendront) aux tirthas *) montés sur des
chars , avec des suivants , portés à dos d'hommes , sans la çikha ^) ni le cordon.
Et , embrassant leur parti , des laïcs ^) égarés afficheront le mépris de Çiva :
dévorés par l'orgueilleuse illusion d'être des vaishi^avas, ils iront droit en enfer;
Yaishi^avas , par le cosiume *) seulement , brahmanes par le cordon seule-
ment, docteurs par la violence seulement, savants par le sophisme ^) seulement.
Quelques uns étudieront bien les castras, mais uniquement pour réussir à
les corrompre , tenant caché le leur, paç^its ^^) aux frais d'autrui.
70-74. Les suivants de Kâma consolent Bâti. Ils lui promettent de se joindre à Ya-
santa, quand, dans l'âge Eali, il s'incarnera dans Madhu ^^), et de ruiner tous
ensemble le culte de Çiva.
1) Eetuvnda.
2) Taitvavâditâ.
8) Un religieux.
4) Fâramparya, la succession de guru en guru, pour maintenir la perpétuité des honneurs et des profits.
5) Abhirâgin, non relevé dans les lexiques.
6) Lieux de pèlerinage.
7) Le toupet ou la touffe de cheveux natés, dont le port varie suivant les sectes, et le cordon brahmanique.
Comme samny&sins, les gurus des Madhvâcâryas s'affranchissent en effet de ces particularités de costume.
8) Grihattha.
9) Par costume il faut entendre surtout les marques qu'ils s'impriment sur le front et sur diverses
parties du corps.
10) Docteurs.
11) Les Madhvâciryas regardent leur fondateur comme une incarnation de Vâyu, le dieu du vent:
leurs adversaires font de lui l'incarnation d'un Daitja, d'un démon.
Le Livre des Conquêtes de l'Afrique et du Maghreb.
PAK
RENE BASSET,
Direeteor de l'Ecole Sapérieurv des Lettres d'Alger.
La littérature arabe comprend une certaine catégorie d'ouvrages
auxquels on a attribué pendant longtemps j et particulièrement Ockley,
une valeur historique, mais qu'on a reconnus depuis pour être des
sortes de récits épiques, parfois en prose rimée, parfois en vers. Parmi
les oeuvres de ce genre on doit dter le FoiouA Ifiiqyah, ^Conquêtes de
nfriqyah et du Maghreb." A deux reprises, au Vil* et au XI* siècle
de notre ère, ces contrées, habitées par des populations berbères fu-
rent envahies et en partie soumises par les Arabes: chacune de ces
invasions donna naissance à une sorte d'épopée, si le mot n'est pas
trop ambitieux.
La première, celle qui contient le récit des exploits de 'Oqbah b.
^Amir et surtout de ""Abd Allah ben Dja^'far est en prose, quelquefois
rimée. La seconde') qui existait déjà au temps d'Ibn Khaldoun,
c'est-à-dire au XIV« siècle, est en vers souvent boiteux, mais souvent
aussi pleins [d'enthousiasme et d'énergie. C'est de la première que je
traiterai: elle n'est connue que par un court fragment traduit en
français. Elle se rattache à la série des Gestes en prose qui compren-
1) Cf. mon mémoire sur Un épisode d'une Chanson de geste arabe ^ Bulletin de Corres-
pondunce africaine. 1885, p. 136 — 148.
27
nent le Fotouh ech Châm (conquête de la Syrie); le Fotouh Mi^r (con-
quête de TEgypte) , le Fotouh el Djezirah (conquête de la Mésopotamie),
attribués au célèbre El Ouaqidi; la conquête de Behnesa dont Tauteur
prétendu serait Mohammed ben Mohammed el Mo'ezz; la conquête du
Témen et celle de la Mekke, œuvres supposées d'Abou'l Çasan ""Ali
el Bekri.
En général les manuscrits du Fotouh Ifriqyah ne portent pas de
noms d'auteurs: quelques uns cependant font exception. Celui qui est
désigné plus bas par la lettre E dit que l'ouvrage fut composé par
'Ala ed din Moghlataï ; les manuscrits B et S, par Abou'l Çasan Ahmed
ben ^Abd Allah ben Mohammed el Bekri. C'est à ce dernier parfaite-
ment inconnu , d'ailleurs , que sont attribués la Conquête de la Mekke ^)
et le roman de Ras el Ghoul *) ; le ms nomme pour auteur El Ouaqidi.
Quant à Moghlataï {^ISoIJua), c'est un personnage historique sur
lequels nous avons des renseignement certains. Abou ^Abd Allah ''Ala
ed din Moghlataï ben Qilidj ben ''Abdallah el Bakdjasi el ïJanefi naquit
en 689 h. (1290 de J. C): il était très instruit dans la science des
traditions et des généalogies: en 734, (1333 — 1334) il remplaça Ibn
Said en Nâs comme professeur de hadith à la Dhahiria du Qaire et
mourut dans cette ville le 24 de cha'bân 762 (29 Juin 1361)'). Ces
dates s'accorderaient assez bien avec celle à laquelle on peut foire
remonter la rédaction du Fotouh Ifriqyah ^ mais il existe des objec-
tions: la première est que bien que Moghlataï eût écrit plus de 100
ouvrages , au dire de ses biographes , ceux-ci ne citent que trois œuvres
historiques : La première , intitulée ^\^\ (3^ ^jï^ À i^W^ y^' est un com-
1) îOj^Î SCà^l iSiA f^ ^ idUJI S^JJÎ, Le Qaire 1287 hég.; 1303 hég.
2) Cf. mon mémoire sur V Expédition du Château d'or^ Rome 1893, in-8**.
3) Hadji Khalifah. Lexicon hihliographicum éd. Fluegel, t. II, Leipzig 1837, in-4® ,
p. 523; t. III, Leipzig 1842, p. 545: Ks Soyouti, Hosn el Mohadharah, le Qaire, 1299 hég.
2 V. iii-4**, t. I, p. 165; Edz Dzahabi, Liber classium virorum^ éd. Wuestenpeld , 1833 — 34,
XXII, 9; Ibn Ayâs, Tarikhr Mi9r, Le Qaire, 3 v. in-8**, 1312 hég., t. I, p. 210; Dorrat el
Islâk ap. Orietitalia, t. II, Amsterdam, in-8®, 1846, p. 409 — 410; Wuestenfeld, Die Ge-
schichtschreiber der Araber, Gôttingen, 1882 in-4®, n®. 420, p. 177; Rieu, Supplément to
the Catalogue of the arabic manuscripts in the Brilish Muséum^ Londres, 1894, in-4®,
p. 315, note 2 et les sources manuscrites qui y sont indiquées.
28
mentaire de l'ouvrage ,a-JI ^r^-j^ rj^ ^ ^-^^^ ^^j ^^^® lequel AbouU
QSâem Es Sohaili, mort en 541 hég. (1145 — 1146) essaya d'expliquer
les difficultés qu'on rencontre dans la biographie d'Ibn Ishaq *). La se-
conde est un abrégé de cet ouvrage, accru de l'histoire des Khalifes;
elle a pour titre iiàliil ^ «juu ^ ^Lâl^ ^^La^II h^a-*» ^\ s^là^ï ^1^ \ La
troisième est un appendice aux continuations du livre d'Ibn Noqtah
sur les noms des traditionnistes arabes: il traite surtout des noms des
poètes et des généalogistes '). Il est vrai que nous ne possédons pas la
liste complète de tous les ouvrages de Moghiatal. La seconde objection
est qu'un seul manuscrit, et non des plus anciens, le nomme comme
l'auteur du Fotouh. Il faut observer aussi que tous les manuscrits qui
nous ont conservé ce roman sont de provenance maghrébine; aucun
ne vient d'Orient ou d'Egypte, ce qui peut paraître étonnant quand
on songe que Tauteur a passé toute sa vie au Qaire. A moins de nou-
velles preuves , l'attribution de ce livre k Moghiatal ne peut-être adoptée.
La Conquête de Vlfriqyah nous est parvenue, à ma connaissance,
dans dix huit manuscrits que je désignerai par les lettres suivantes:
A et B manuscrits de Ouargla
G manuscrit de ""Adjadja
D manuscrit de Ngousa
E un manuscrit que j'ai acquis à Mazouna
F manuscrit de la Djami"" Zeitounah à Tunis
G manuscrit de Feriana (Tunisie)
H manuscrit du British Muséum n^. 306
I, J, K manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris n®» 1879,
1880, 1881
L, M, N manuscrits de la Bibliothèque Musée d'Alger n^» 1612,
1613, 1915
1) Hadji Khalifa Lex. bibL^ n^. 6881; un exemplaire existe à Leyde: Dk Goejk, Cata-
logua codicum orientalium Bibliothecœ Academiœ Lugduno-Baiavœ , t. V, Leyde 1873, in-8**,
p. 195, n^ MMCVn.
2) Un manuscrit existe à la Bibliothèque de Munich, n^. 448 (Aumbr, Die arabischen
Handschriften der K, Hof- und Staatsbibliothek in Mûnchen^ Munich 1864, in-8**, p. 153.)
3) Hadji Khalifa, Lex. bibl.^ t. V, p. 464. Dans ce dernier passage, la date de la mort
de Moghlataï est 763 hég.
29
manuscrit de Habicht
P , Q manuscrits de la Bib. de Leyde n^^ DCCLXXXIV et DCCLXXXV
R manuscrit de Gotha n». 1695.
Il est probable que ce chiflFre pourrait encore être accru par celui
d'autres exemplaires existant dans des collections particulières.
P. Le manuscrit A de Ouargla est intitulé KJb^î --y:i. Il est bien
écrit, incomplet du commencement et vocalisé en partie. La première
page renferme quelques lignes avant la prise de Mâhadyah. Il contient
les chapitres suivants:
^JbCJt — 5^ (îiciAA-î^) iLA,x-x,;>^ 83^ — 60. jjuJîMé H^^ (Sicca Veneria) — 7°.
8Ju> «jjê (Hydra) — 8^ vV^b^ 8^^ — 9. iu^' 83^ ^) — 10^ xâ^U.^!» 83^
(Constantine) ~1P. xiiUit 8^^^ (Carthage) — 12o. jjL- 85^. — 13°. «^j^
JU. — 14°. j^y^ 83^ (Sétif) — 15^ s^\^\ 8^^ (le Zab).
C'est généralement à la conquête du Zâb que s'arrêtent les ma-
nuscrits. Explicit ^jAftftJl JujJ» w>i ^^jmo^ vilju aU» uU^ xxSj^i -, yi wû/ U/
oU^<3 uv^>tt Xd'j:^^ t^ «^ifi ^3 &i?.m3 w|^^3 ^îO^Î^J^ *J aUï ^ê jjjLûjt
^ Uo ^3 xj^ë^ 2u^tfj iujtf *UI ^-T) v^-^3 iî-jUj c:^-**4.>5 iU^y J.U ^ yio: iC*jy
,^1 ^uji v; ^ wxJlj e/îs^mi jx^3 ^ e^^» Ji5 ^^ xr^
Comme on le voit, ce manuscrit fut terminé le 14 de §afar 1154
hég. (1°. mai 1741).
2. Le Mss. B de Ouargla appartient h une autre catégorie: les
récits des conquêtes de l'Ifriqyah sont abrégés au profit de ceux de l'in-
vasion du Maghreb, qui manquent dans la plupart des manuscrits. Le
premier chapitre est consacré aux hadith sur la conquête de l'Ifriqyah
Les suivants sont ainsi intitulés: 2°. iu^^ -^ iûiad (Sousse) — 3°. x^
ïUjj^ — 4°. vjLtU.^ iUjj^ ^yL5 XAoS (Sétif) — 5°. HjJ<^s> ^y^ ïjai — 60.
Jii>*0 XJLîJ^ -y3 'mH — T. i.^^ iuuOc« xuaJi — S**, («c) iUlîJLkuô -yCà ^uod
1) Il est à remarquer que la ville de Mâhadyah qui aurait été prise par les Arabes dès
leur entrée en Ifriqyah ne fut fondée que vers 912 de THégire par le Mahdi 'Obaïd Allah.
2) Le chapitre sur la prise de Tébessa a été traduit par A. Cuerbonneau: (Revue afri-
caine, t. XIII, p. 224, et dans la Revue orientale et Algérienne, janvier 1852).
30
(Constantine) — 9"- ^^^ JJLU ^5 'iiUi ^y3 iû^ — 10^ ^
yj4 1) — U\ iuuj^ ^-UL... ^5^5 i-»9 — 15^. Ul^ ^yh i^ (Agersif) —
16*'. ^Uàiî JLUX» j,*i5 i-aij (pour qL*»:^ ?) — 17^ ^-^iiî aLXUo iJoJL. ^^ jL-aJJ
- 18^ ^-iJLlu-. ^1 .îIJui Uw ^î ^^ ^^ iJLKX- j,y3 i-ir.
â\ Le manoacrit C, de ""Adjadja appartiait, quoique incomplet, au
m&ne type que le ma. B. En e&t, il commence au chapitre Lntitalé
^î jii *jlkx» -yi jUas. Voici les premières lignes : {m,c) j^JL-^ L^ q^^ J^
w.:>U ^^ r^y^ ^ J^ (Cherchel) J-i-i w.-:>l>o ^^^ > JLS U^^r LjL^5UwȔ
On voit que dans le manuscrit qui a servi de modèle èk celui-ci ,
le récit de la conquête de Djedar devait être précédé de celui de la
soumission de Cherchel. A la fin vient le récit de la construction d'une
ville merveilleuse par le roi Himyar qui régna sur le monde (tdULt ^
LijJ ^\\ c'est la Medinat el Hamr des autres recensions.
4". Le manuscrit D de Ngousa forme un volume d'écriture masure-
bine moderne: il est incomplet à la fin. Le premier feuillet a été
coupé verticalement à Tintérieur: U commence ainsi
A^ ^ u:î ^^ ^^î ^ir jT xUî ^
(*«>) ÎLJJ^ ^ 3U3 ^^
^ jOc jd:î ^^ ^Uc ^ ^Uc {sic) J^ UU JL5
*Jî e^ L^J» J^ Uà iuLc aJLiî ^^, ^^ ^
^ (*2C) i^V ^^^ f^ ^ <i <S^^^ («^) j^^ L^
jLjâc ^LT^ L^jUUjJ vçj^î L^ e/ouî
^ {^c) i^f\ ^ ^^î («c) >a U J5Î ^3 («c) ^^^^
Les chapitres ne sont pas indiqués par des titres; excepté le suivant :
1) D'après les indigènes, la ?ille de Djedar ne désigne pas l>mp]aœment où se trouTent
les édifices de ce nom, près de la llinah, entre Frendah et Tiharet, mais ce serait la ville de
Tlemcen On sait que celle-ci fiit d'abord bâtie à Tendroit qu'on appelle encore Agadir. Cf.
nne légende relative à rétablissement des musulmans dans cette contrée dans ma Mission
scientifique en Algérie et au Maroc (Bulletin de la Société de Géographie de rEsty i8S5,
p. 299).
31
5°. Le manuscrit E que j'ai acquis à Mazouna, se compose de
86 folios de 27 lignes à la page, d'une écriture maghrébine assez
laide , mais lisible. Les voyelles sont toutes marquées. , Le titre est
ainsi conçu (*î'c, lis. ^^) ^JIï ^ ^jS^Jm ^jJî ^ 'ù^^ jJUJi |,Uïi ^^tA^^ ^
On remarquera qu'il donne à Moghlatal le surnom d'El Ifriqi,
qui manque dans toutes les biographies.
Après une courte préface, l'auteur entre en matière par l'histoire
de la fondation de Qaïrouân par l'émir 'Oqbah ben ""Amir *) et la série
des chapitres continue ainsi: f^. 8 j^ L^ ^js> L« 3 iuXfll r^j-î^ x.„ />n. s
^ ^\ ^^ ^^^x.1^1 — f>. 24 îL,.,^ ^^ — f>. 27 v->^ s^j^ i^>^
ye^^il JJUi — f>. 28 ^^^Ajmi J^ v-^lil 1.5O0 XaoS — fo. 31 J^-aàJl i^^aï XaûS
jjj^ ^ — f». 45 jJUiJ^ j-..^ 3 Xaxa*- ^y3 Xaoj — fo. 47 }s^ ^yà iûûd
(«c. lis. ^U^Aà) — fï. 49 b^cXx» îCJuvX* ^y3 — f^. 54 iaL^ ^yLà iUaS —
f«. 55 JÛ-^' -y3 iûaS — f». 58 SCJU^JL^S -y3 ioai — f'. 61 âL>lj -y3 SLao-Ï
(Béja) — f^. 61 »^ 3 *Ui xiJ ^^1 tt5ait >UxX/. iCàUli ^y^ iûa3 — f». 70
çJU ^y^ — fo. 76 vjd^U ^y3 — f). 81 ^j-mo'ûj Jiîji 3 v^^i ^y3 (Mems î)
KâJ^3 ^LLj — f». 84 iûib^^l iûaï. — Explicit SûJb^l ^ycà ^ LiJc>5 U ,^»
»jw-*j^ «uaj l\4^ IjcXaam ^ «Ul J^3 iû^ o^>5 *J^î Ju^. — On voit que
ce manuscrit appartient à la classe de ceux qui traitent uniquement
de la conquête de l'Ifriqyah. Le héros principal est comme dans tous
les autres ^'Abd Allah ben Dja^r.
6°. Le manuscrit F appartient à la Bibliothèque de la Djami'
Zeïtounah à Tunis ^).
7°. Le manuscrit G existe à Feriana en Tunisie où je l'ai examiné
en 1887. Il ne comprend que les récits se rapportant à la conquête de
l'Ifriqyah ; mais une note , placée à la fin du volume , indique qu'il en
existe de plus complets. La copie qui a 47 pages est datée de 1293
hég. Voici la table des chapitres : p. 1 UgS^\ 'iJas> — p. 2 iLJb^i -vX« —
p. 3 ikfiijLlL ^"V^ è^^ o^ xj^bcj ^ftjo. ^ xUi lX-a^ V3/3 iy-H^^ "^^y^ (Le
1) Sur cette confusion de 'Oqbah b. Nafi* et de 'Oqbah ben 'Amir, précisément à propos
de la fondation de Qaïrouân, Cf. Houdas et R. Basset, Mission scientifique en Tunisie^
Alger 1884, in-S^ p. 83, note i,
2) Houdas et R. Basset, Mission scientifique en Tunisie, p. 67, n® 405.
32
grand roi qui dominait h Carthage paraît avoir été créé d'après Gré-
goire, le souverain de Sbeïtla (Suffetula) — p. 30 gJLi" (sic) J^ s^p —
p. 46 iCiiiAA^ »i>j-^ — p. 48 jùj\» vJLi Sjj-c — p. 51 8j«A-o> B^j-fi — p. 55
J^aL-*^ h)^ — p. 56 iU^Aj «jj^ — p. 60 îLJLlaJuMi Bjp — p. 63 XâUtl S^j-^
p. 77 o-^^l yû3 »3^ — p. 79 JI3 ^^ B^ji — p. 81 ^^ ^y>U 3 vJuLU «3^
,jf,J^\ ^3 L^ - p. 84 v^jJl 8;,/.
8®. Le ms. H existe au British Muséum, n^. 306: il est du XVIII® ou
du XIX« siècle. Le titre porte: (sic) Kaîu^ iU-»cX.^ ^yXJ »Â-p — Incipit:
L*-^ s^jMi\ ^i) i\ (sic) Kjjaî ^^ iLJbJt -ytâ iû^ cT^'^*^ ^ *^^ <i'*^ ^.*ûAisvit
(«c lis. qU^) oUfi ^î ^U^ ^Uj ^ o-«4^ï jH^ ^* ^j (•^^^^ ^^ fc^XâA^ï
9". Le ms. I se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris n». 1879
(Suppl. ar. 2429). Un passage relevé dans la préface par M. Zotenberg
dit que ce recueil a été compilé à la demande d'un certain Abou'l
'Abbâs Ahmed b. ""Abd Allah el Antaki, ami de l'auteur. La copie est
datée du mois d'octobre 1866 *).
10^ Le manuscrit S, également à la Bibliothèque nationale, est
du XVn« siècle: c'est un des plus anciens; n". 1880 (SuppL ar. 2342) ^).
11". Le manuscrit K, qui se trouve aussi à la Bibliothèque Natio-
nale, n*. 1881 (anc. fi« 824) est daté de 1148 hég. *).
12®. Le manuscrit L existe à la BibliothèqueMusée d'Alger*), n".
1612: il est incomplet du commencement et de la fin: on a essayé
de dissimuler cette lacune en grattant sur le premier feuillet le com-
mencement d'une ligne et en collant au haut de la page un morceau
1) Catalogua codicum mss, orientaliutn qui in Museo Briiannico asservantur^ Pars se-
cunda. 1, p. 14'!, Londres, 1844 in-f°.
2) Catalogue des manuscrits orientaux (fonds arabe) de la Bibliothèque Nationale y
1883—1895, p. 338, col. 2.
3) Ibid., p. 338.
4) Ibid., p. 338. C'est par méprise que M. de Slane, traduit ^L^jL»^) %>'^ par
„GoDquète de la Mauritanie,
5) Catalogue général des manuscrits des Bibliothèques Publiques de France ^ t. XVm,
Alger, Paris 1893, in-S», p. 447.
33
de papier avec ce titre: LiV^^ lÂXy** J^ &JLJI ^3 r^/ a*^^^^ *^^ r*^
^IjOLJI ob>^ Ju^. Il commence à la prise de Sicca Veneria : le texte est
généralement très semblable à celui de E — f^. 1 ^15 wJti -y3 jLaoJj —
f>. 2 8^wXa:> -yi iUi3 — P. 7 XUx»^ ^y^ iûiad — P. 8 (*2'c) 2um^1 -yS iUid —
f^. 11 SaJaJL^S^ (jsic) ^yiè iûû3 — P. 12 iL>|j ç.yLà iUa3 — f». 15 ^^3 iûû3
xâUi'. — f". 29 vjuJbU -y3 âUaS. Le ms. incomplet s'arrête avec le P. 31.
13^ Le manuscrit M (n^ 1613 de la Bibliothèque-Musée ^) d'Alger),
diffère pour la rédaction de ceux que je viens de mentionner, bien que
pour la disposition, il appartienne au groupe qui ne fait mention que
de l'Ifriqyah. L'introduction est semblable k celle de E, mais immé-
diatement après, commence une seconde préface annoncée par le titre
ordinaire, sans nom d'auteur, et contenant des traditions sur divers
passages du Qoran , l'histoire du Prophète et celle de ses premiers suc-
cesseurs (fo» 1^" — 12); le récit de la conquête de l'Ifriqyah est rattaché
à celui du règne de ""Othmftn b. ^AffiStn. Il comprend les chapitres sui-
vants: R 31 'i^^^ MsXj^ -y3 9aaà — f. 67 îCaaa^ «JLjcX^ -^ X-xiJJ. A
partir de l'histoire de la conquête de Sbibah ce texte s'accorde en gé-
néral avec les précédents — P. 132 {aie) otf ^UJ wAîii ^ya — fo. 137
^j KJLhXo -y3 — P. 138 HjJ^^^ XJLjJ^ -y3 — fo. 147 jiu^ XJLhXo -y3
— f>. 149 iû^' ^y3 — P. 150 KJukL-^ ^y^— P. 164âi>L ^yi— P. 165
Kftljiil -ycà — 191 j3Lw ^y^. La pagination change brusquement et le
f>. 142 succède au P. 191 — P 142 ^^^\ ^ ^^ — f>. 204 ^.^
14°. Le manuscrit N, (n°. 1915 de la Bibliothèque-Musée d'Alger^))
renferme une rédaction semblable à celle de E, mais il ne comprend
que le commencement. Après la préface (f*. 111), on trouve l'histoire
de la fondation de Qaïrouan (f^. 112), puis la conquête de Mahadyah
(fo. 116 — 117) *jJ4l< «-yîâ yô. La suite manque.
15**. Le manuscrit qui avait appartenu à Habicht ne m'est
connu que par la description qu'en donne Hamaker '). Il était daté de
1) Ibid., p. 447.
2) Ibid., p. 548.
3) Incerti aucloris liber de expxignatione Memphidis et Aleocandriœ^ Leyde, 1825
in-4«, p. XI.
5
34
1141 hég. et paraît avoir présenté le texte le plus complet, car il
était divisé en deux parties comprenant Tune quinze chapitres; l'autre
huit. Ces derniers, qui traitaient de la conquête de la Mauritanie et
où il était fait mention de la ville de Maroc, manquent dans les mss.
de Leyde dont je vais parler et quij se rangent ainsi dans la catégorie
des mss. ne traitant que de rifriqjah.
16^ Le ms. P, écrit en caractères africains, existe à Leyde (cod.
1196). C'est sans doute le plus ancien, puisqu'on le fait remonter au
XVIe siècle. Il fat apporté en 1640 ^).
IV. Le ms. Q également h Leyde (cod. 1342) contient une rédac-
tion plus abrégée que le précédent. On trouve au commencement une
harangue de ^'Oqbah b. ""Amir partant pour Tlfriqyah *).
18*». Enfin le ms. R qui se trouve à Gotha (n^ 1695) 3) est intitulé
iuju^l goà 3 o^^r*^^ *Ui^l S X-A^^^^ oL>yUJî. Incipit cr l5^' *" ^^^
jUp^^ 3 auu tl^ ^ 3 &Jlc aUI J^ Jui.-^ Lâaaâj LjuJLc: il est d'origine afri-
caine. Le premier récit est celui de la prise de Sicca Veneria (^Uj^à).
1) DozY, Catalogus codicum orientalium Bihliothecœ Academiœ Lugduno-Batavœ ^ t. II,
Leyde 1851, in 8^ p. 160, n*» DCCLXXXIV.
2) Ibid., p. 160, n*» DCCLDXXV.
3) Pertsch, Die arabischen Handschriften der herzoglichen Bibliothek zu Grotha, t. m,
Gotha 1881, m-8*>, p. 292—293.
Le Cheval en Amérique avant l'arrivée des Espagnols.
PAR
E. BEAU VOIS.
La domestication de certains animaux qui, tout en ayant été
pratiquée chez les anciens Grœnlandais, Canadiens et Mexicains, était
tombée en désuétude chez leurs successeurs du XVh siècle, est un des
indices les plus caractéristiques d'une influence exercée par des civili-
sateur précolombiens. Le cheval importé en Amérique par les Espa-
gnols s'était, à la vérité, tellement propagé dans des temps où les
indigènes continuaient à pratiquer leurs rites funéraires particuliers, que
la présence de ses restes dans quelques sépultures ne suffirait pas à
prouver leur origine précolombienne. Il faudrait pour cela pouvoir
donner aux tombeaux une date au moins approximative, ce qui est
souvent impossible dans l'état actuel de nos connaissances. En atten-
dant que nos notions soient plus précises à cet égard, nous pouvons
du moins signaler quelques faits qui tendent à prouver l'importation
du cheval européen dans le Nouveau Monde dès le moyen ftge. H est
bon de les relever, afin d'appeler l'attention des chercheurs sur tout
ce qui peut éclairer le sujet.
Il n'est plus guère de sceptiques qui révoquent en doute la colo-
nisation du Qrœnland par les Scandinaves ou leurs tentatives d'éta-
blissement dans le Vinland (Etats-Unis), le Markland (Nouvelle-Ecosse)
et le Nyaland (Terre-Neuve); or ces marins entreprenants avaient des
embarcations suffisantes pour transporter leurs plus gros animaux do-
36
mestiqaes de Norvège en Islande et de là en Gmmland Thorgils Orra-
beinsfostré partant, en 998, de Tune de ces dernières contrées pour
Tantre, avait en soin d'embarqner dans son navire des bestiaox et
notamment on bceof, qu'il jeta en mer pendant nne tempête et. par
suite de son naufirage, il perdit le reste sur le littoral inhospitalier du
Groenland ^). D'autres émigrants plus heureux avaient réussi à mener
des chevaux *) sur la côte orientale du détroit de Davis : il y en avait
aussi bien à Brattahlid dans la partie méridionale de cette côte, qu^
Lysui^cerd dans la partie septentrionale: lorsque Eirik le Bouge, le
découvreur du Groenland, se disposa à partir avec un de ses fils pour
coloniser le Vinland, il se dirigea à cheval vers le lieu d'embarque-
ment, mais il fit une chute à la suite de laquelle il renonça à Tentre-
prise. Ce n'était sans doute pas uniquement pour se rendre au port
qu'il avait pris une monture, mais bien aussi pour l'emmener dans la
future colonie *) Nous savons en effet que les Islandais établis en Yin-
l^uid j avaient transporté toute sorte d'animaux domestiques, notam-
ment des bêtes à corne dont ils vendirent le lait aux Skrselings , jusqu'à
ce que ces naturels eussent été effrayés par le beuglement d'un taureau ^).
Beaucoup plus tard , au XIYe siècle , après que la colonie septentrionale
du Grœnland eut été ravagée par les Skraelings, le prêtre Ivar Bardsen,
chargé de la visiter, n'y trouva aacun habitant, pas plus païen que
chrétien, mais il y restait à l'état sauvage des chevaux, des bêtes à
cornes, des chèvres*). L'élève du bétail avait été, avec la pêche, la
principale ressource des anciens colons européens: le lieutenant de
1) Floamannasaga dans Grœnlands historiske Mindesmœrker ^ t. D. Copenhague 4838
in-8*, p. 94 — 98. — Cfr. The voyage of Thorgils and his adventures on the East coast of
Greenland^ par EL Beau vois (Extrait de The national Magazine, New-Tork, Avril 1892
in-4^.X p. 13, 14, 20, 21.
2) Sor les cberaax transportés par mer dans les embarcations des Vikings au IX« siècle,
voy. JoH. Steenstbup, Normanneme, t. I, Copenhague 1876 in-8®, p. 358 note!: t. H, 1878,
p. 77, et t. rV, 1882, p. 137. note 3.
3) Episode des GrœnlancUiis , § 1, 4, et Saga de Thorfinn Karlsefniy § 4, dans Grœn-
lands hxstor. Mindesm, t. I, p. 216, 232, 390.
4) Epis, des Grœnl, § 5, et Saga de Thorfinn, § 9 — 10 dans Grœnl. histor. Mindestn.
t. 1, p. 238—40, 244, 422—4.
5) Relat. d'I. BardsE5 , dans Grœnl. hisL Mindesm. t. UI , p. 259.
37
vaisseau danois, D. Bruun, a exhumé en 1894 dans le district de Ju-
lianehaaby des ossements de vaches, de chèvres, de moutons, de che-
vaux et de chiens, dans le voisinage de b&timents en ruine, d'un, entre
autres, long de 206 pieds, qui avait servi d'étable *). Au point de vue
des animaux domestiques, les anciens Grœnlandais étaient beaucoup
mieux pourvus que leurs remplaçants modernes, les Danois, d'ailleurs
moins nombreux, qui vers le milieu du XIX^ siècle possédaient seule-
ment de 30 à 40 bêtes à cornes, 100 chèvres et 20 moutons*) et qui,
à en juger par le silence de H. Bink , à qui nous devons ces renseigne-
ments, n'ont pas de chevaux.
Les Graêls, qui avaient précédé les Scandinaves dans les expéditions
transatlantiques , avaient également , au rapport de ces derniers , trans-
porté des chevaux dans le Pays des hommes Blancs ou Grande Irlande.
L'Islandais Gudleif Gudlaugsson, surnommé le navigateur de Limerick,
en Irlande, se rendant de ce dernier pays dans son île natale, fut poussé
en 1030 sur le littoral d'une contrée transatlantique où l'on parlait le
gaélique et où il se rencontra avec une nombreuse troupe de cavaliers ')^
Pour d'autres pays de l'Amérique, les documents européens nous
manquent, mais on y peut suppléer pour le Mexique par d'anciennes
traditions et des effigies de chevaux peints ou sculptés. En apprenant
le débarquement de Juan de Grijalva à San-Juan de TJlua (24 Juin
1518), Montezuma fit peindre les Espagnols, leurs vaisseaux, leurs armes
et leurs chevaux; or en examinant les images de ces derniers, il re-
marqua leur ressemblance avec des animaux figurés dans de vieilles
peintures et appelés par les Mexicains mamaza *). Il avait notamment
vu dans un antique tableau, conservé par les habitants de Xochimilco
1) D. Bruun, V Expédition archéol. dans le district du Julianehaab en 1894, dans Geografisk
Tidsskrift. Copenhague 1895, in-4o., p. 45—46. — Cfr. BeiHirgske Tidende, 19 Févr. 1895.
2) RiNK, Grœnland, t. II, Copenh. 1857 in-8^ p. 169.
3) Eyrbyggja saga, § 64, dans GrœnL hist. Mindesm, t. l, p. 770.
4) Pluriel de mazatl, cerf, en nahua, d'où le nom de Castilan mazatl, cerf de Castille ,
c'est-à-dire cheval. — Les chevaux étaient aussi appelés chevreuils (en. espagnol venados)
par les Tarascs (Relaciôn de Michoacan , éditée par Nie. Léon dans Anales del Muséo Michoa-
cano, t, I, p. 137, 139 — 141); et par les habitants de Xalisco. (A. Tello, HistoHa de la
Nueva Galicia, p. 352 du t. II de la 1" Colecciôn de documentos para la historia de Mexico,
éditée par J. G. Icazbalceta, Mexico 1866 in-8**.
38
ydes cavaliers montés sur des tanacamazatl qui sont comme de grands
cerfs on de paissants chevreuils" ^). Les analogies entre les cavaliers
blancs d'autrefois et ceux du XVIe siècle parurent tellement frappantes
à Montezuma qu'il r^arda comme de grands magiciens ceux qui avaient
longtemps à Tavance tracé des effigies si conformes à la réalité ').
En présence de ces témoignages si précis , on ne peut douter que les
Mexicains précolombiens n'eussent quelques réminiscences et même des
peintures plus ou moins exactes de chevaux, quoiqu'ils ne connussent plus
le noble animal. Dix sept ans avant l'arrivée des Espagnols, c'est-îi-dire
en 1502, des Blancs à cheval, avec leurs coiffures et en costume antique,
avaient été, ainsi que des poules de Castille, dessinés à la craie sur la paroi
d'un rocher à pic situé à Tamaçulapa dans laMixtéque ') (Etat d'Oaxaca).
Le costume démodé indique assez que le dessinateur n'avait pas pris
pour modèles les Espagnols des Antilles. D est vrai que Christophe
Colomb fit, en 1502, des descentes dans les îles et sur les côtes du
Honduras et de l'isthme de Panama, mais il n'avait pas de chevaux sur
ses navires , comme Las Casas le dit expressément % et probablement
pas non plus de gallinacés européens. Toutefois la coincidence des dates
ne doit pas être accidentelle: la réapparition des Blancs ranima l'es-
poir de ceux qui les attendaient comme des libérateurs^, et raviva
i) Gaballeros ea tanacamazatl que son sus cabalgadaras, como muy grandes dervos y
▼enadas poderosos (Tezozomoc, Crônica Meancana, ch. 109, p. 695 — 6 de Tédit. d'ORozco Y
Berra, Mexico 1878, in-4^. — Moctezuma estaba espantado de ver las gentes
blancas y ea caballos de muy grandes dervos aderezados, Uamados tonacamazatl. (D. Duran ,
Uistoria de las India^ de Nueva Espana, t. II, p. 12 — 13, Mexico, 1880 {0-4*").
2) Grandes sdbios en las artes màgicas, porque cotejando uno con otro, son los proprios
que han venido. (Tezozomoc, loc. cit. p. 696). — Montezuma, cuando los vido tan conformes
à lo que el prindpal abia visto y à lo que él ténia pintados le dixo: ^^fias de saber,
hermano Quilastli^ que agora veo que tus antepasados fueron verdaderamente sâbios y enten-
didos^ porque no a muchos dias que esos ay [alU\ traes pintados aportaron à esta tierra^\
(D. DuRAN, loc. cit. p. 13).
3) Estavan al traje antiguo, con sus monteras y d cavallo, y junto â ellos las gallinas
de Castilla. {Historia de la fundacion y discurso de la provincia de Santiago de Mexico^
par A. Davila Padilla, Madrid 1596 in-4**., L. II, ch. 90, p. 803).
4) Hist. de las Indias, L. II, cb. 20, p. 53 du t. II de l'édit. de ViaiL, Mexico, 1877,
in-4'*. — Cfr. A. de Herrera, Hist. gen, de los hechos de los Ckistellanos en las islas y
tierra firme del mar Oceano, Madrid, 1730 in-4°., déc. I, L. V, ch. 5, p. 131.
5) „Bient6t cessera l'immolation des victimes humaines: voici que viennent ceux qui
39
les souvenirs presque éteints des évangélisateurs du IX® siècle '). Mais
quel que soit le mobile auquel ait obéi l'auteur des dessins de Ta-
maçulapa, il n'a sans doute fait que reproduire d'anciennes peintures.
En Yucatan , où le cheval était appelé tzimin (tapir) *) , son effigie
figurait dans divers anciens monuments: „0n soupçonne", dit Fb. Alonso
Ponce qui visita la Nouvelle Espagne de 1584 à 1589, „que les indi-
gènes du Yucatan avaient connaissance du cheval; on a en effet
exhumé du jardin du cloître de Merida une pierre sur laquelle était
sculptée , et pour ainsi dire empreinte une jambe de cheval , en mé-
moire de quoi les Frères la firent encastrer dans un mur de ce jar-
din" ^. — En 1861, un voyageur américain a vu à 15 milles au nord
de Merida, à Xuyum, dans la propriété de D. Manuel Cazabes, deux
têtes de chevaux , de grandeur naturelle , paraissant faites d'un calcaire
dur. La crinière était hérissée comme sur la tête et l'encolure du zèbre.
Ces bas-reliefs, d'un travail artistique, gisaient alors sur le sol à pro-
ximité d'édifices ruinés *). — On peut laisser de côté le tzimin chdc (tapir
de la foudre) qu'adoraient les Izas de la lagune de Peten, car on pré-
tend que cette idole aurait été érigée en souvenir d'un cheval perdu
par F. CoETÉs dans cette contrée*). Les Lacandons, frères et voisins
doivent commander et s'emparer de ce pays", disait un Indien qui allait être sacrifié à
TIateluIco, près Mexico, peu avant l'arrivée des Espagnols. (G. de Mendieta, Historia eclesiâs-
tica indiana^ édit. par J. G. Igazbalgeta. Mexico, 1870, gr. in-8°. L. lU, cb. 12, p. 182).
1) Le célébra roi de Tezenco, Nezabualpilli, sans doute informé de Tappaiition des
Espagnols sur les côtes du Honduras, avait annoncé leur prochaine venue quinze ans avant l'ex-
pédition de Cortés, c'est-à-dire en 1502 ou en 1503, celle de Hernandez de Cordova ayant eu
lieu en 1517, et celle de Juan de Giijalva en 1518. Cette prédiction est donc contemporaine
des dessins de Tamaçulapa; celle-là et ceux-ci dénotent l'émoi causé par les explorations de
Cbristophe Colomb.
2) Hàllanse junto al rio de Lagartos algunas dantas^ à las cuales Uaman tzimines^ y de
la mesma manera Ilaman à los caballos, porque dicen que les parece mucho. (Relaciôn de Icuf
cosas que sucedieron al Padre Fray Alonso Ponce on las provincias de la Nueva Espaha,
publiée dans Colecciôn de documentos inédites para la historia de Espaiia, t. LVH et LVIU,
Madrid, 1872, 2 vol. in-8*»., t. H, p. 386.
3) Id. ibid. t. II, p. 444.
4) Stephens Salisbury, Los Mayas ^ Worcester, 1877, p. 25, cité par Ch. Rau, dans
Smithsonian Contributions to knowledge^ t. XXII, 1880, in-4**., p. 67.
5) DiÉoo Lopez Cogollddo , Historia de Yucathan , publiée par Fr. de Ayeta , Madrid ,
1688, in-fol., L. I, ch. 16, p. 54. — Juan de Villagutierre Soto-Mayor, Historia de la
conquista de la provincia de El-Itza, Madrid, 1701, in-fol. p. 100—102, 182, 500—502.
40
des Izas , mais plus rapprochés des pays où s'était fait sentir rinfluence
mexicaine, avaient ainsi que les Quiches donné au cheval le nom de
chevreuil^). Dans une contrée du Guatemala qui n'est pas spécifiée, „il
y avait une idole en forme de tête de cheval dont les yeux auraient
été enlevés, et des orbites vides de laquelle semblait couler perpétuel-
lement du sang , chose , dit-on , admirable à voir" *).
De ces faits et de ces récits, même de ceux qui sont légendaires,
il ressort que les peuples de l'Amérique centrale, comme ceux du Mexique,
connaissaient le cheval dès le moyen âge et en avaient perpétué le souvenir
aussi bien par des traditions que par des images, et même, pourrions-
nous ajouter, par un mot de leur langue, car d'après Tezozomoc et D.
DuRAN ') , le cheval dans les temps précolombiens s'appelait en nahua
tonacamazatl y nom supplanté après la conquête de Cortés par celui de
caualloj venant de l'espagnol caballo.
1) Id., ihid, p. 44. — Varca, Calepino^ cité dans Tfie names of the Gods in the Kiche
myths, par Daniel Brinton, Philadelphie, 1881, in-8®., p. 29.
2) B. DE LAS Casas, Apologética historia^ ch. 124, extrait à la suite de son Historia de
las Indias, éditée par le Marquis de la Fuensasta del Valle, Madrid, 1876, in-8®., t. V,
p. 457. — Cfr. ToRQUEMADA, Monarchia indiana^ L. VI, ch. 26, p. 54, du t. II de Tédit. de
Madrid, 1723, pet. in-fol.
3) Voy. plus haut, p. 3 — 4.
A Fragment of the Dinkart
an, fol. 2, q. 2)
BY
L. C. CASARTELLI.
This fragment is the first — though very imperfect — passage of
the D. K. which has corne down to us. As is well known , ail the extant
MSS. of this most interesting and very extensive Pehlevi work, — a
perfect encyclopaedia of Mazdayasnian theology, philosophy and ca-
suistry — are derived from one source, a MS. originally at Bagdad,
a copy of which was sent for a time to Surat, in India, and is now in
Bombay. The Persian MS. of Wksteegaard is also evidently derived
from the same original ^). It seems therefore , hopeless to expect that
any more complète text may be forthcoming. Unfortunately this unique
text is very defective in its earlier portion. Six entire folios of those
which were lost hâve never been recovered; they contain the whole
of the first and second books. The commencement of the third book is
also imperfect; „the first folio is lost, and fols. 2 — 4 are defective,
having the outer side-margin and about a quarter of each Une of text
tom off. Fol. 2 begins in the middle of an answer to the second of a
séries of twelve sceptical questions propounded by apostates." Dastur
1) See E. W. West, j^Pahlavi Literature ^^^ in Ctrundriss der iranischen Philologie^
Bd. II, p. 94, (Strassburg, Trubner, 4896).
2) West, ut sup,
6
42
Peshotan, the Editer of our only printed Edition of the D. K. '), speaks
of the original MS. as moth-eaten in thèse parts, and faithfully repro-
dnces the iacunae in his printed text. The damage extends to the eighth
question inclusively, the ninth being the first part of the text preserved
entire. The Dastur has net attempted any translation of the fragmen-
tary chapters , beginning straightway with question 9. The présent
brief paper is an attempt to transliterate and make some sensé out
of the first of the damaged chaptera , i. e. the second question of the
heretic {akarmôko). The Iacunae are reproduced as in P.'s édition.
hâvand âçl h6mand açrûnik va artêshlA' I Like in body (are) the profeBiiioiig of the
rtk va tâ(taryu»kth va hûttoakhshih va eâmâ-\ prieet^ the warrior, the agricnltnrist and
nthâ^ *) hamthi pavan dûwdeâah'hômâçt ') ! the artiBan , and in accordance with their
yashtano li aêrpato dtno
kûnishno zag-i paîlak aigha kûn-ac yin
ffûbiahno va kûniêhno açrûnàno hàdîno hâ-
vand âct Mmand artUhtâr pavan pânaHh
va vailtryôs] çrâgiahno
çakhiârth va hûtwakah pavan âçângarih
hûshmôrishno dûuâzdak
Mmaçt açrCn kamxâriha hamdàzalàh rû-
bdklh va afzûnik ddm va-
ra( avaçihoBhno a(to xah-ato drâyitû
khaxhm-dehetkno me» t/ekarimûnAto harviçpo
Mvonâ âçt Mmand va (V)*
patvandth-i lak aharmâko frtftAHhâ pavan
ddm marûctnUdrih çaritar
âàt tak-i mm {tik dât (2*^'
mokifto otff nitrUntak aîto dâm men avaçi-
limilarity in offerin^ the dwazdahhomaat . .
I , a prieBt, mnat practice re-
ligion, as it ia rerealed : „Act thon accor-
ding to the worda and actions of the prieata
of the Good Law".
Like in body (is) the warrior, in de-
fenoe ; and the agri [caltnraliat]
tending (and) managing *). And the
artûan in peaceful ooonpation and keeping
acconnta * the dtcazdah-
homatt, the priest in proportion to the
meaBnre of adTancenient and
iB prospering Création and deatroying fltth.
Bnt that which thon crieat ont.
violence would proceed from ÎL Each one
being like in body and ,
secondly, the conneotion of thee , o heretic ,
fraodnlently in deatmction
of Création, a worae law than thia law of
the Tiaiblv world. Seoondly
1) Bombay, vola, t— VII, 1874 — 94, atill in course of publication.
2) Uaed in a very similar taxt, apeaking of the duties of the four classea, Mainyo-i-
khard, xxxi, 12.
3) Wntten ail through KJ'inXi v}r.
4) i. e. cattle.
5} So as to make just chaires. Cf. HK.,
6) i, e^ .
, (Weeta note, SBK, vol. xxiv, p. 68.)
43
hashno zak-i lak aharmôko
çarîtar dàto patvandît pavan harnih-i
pavan duwâzdah hômâçt yashtano-i
Zartuhashto U aêrpato val
frashkarto avaçihasto zak'
aC'i lak shikufto aharmâk.
the greatest might hath protected Création
from destruction this most
wicked law of thine, o heretic. is connected
with tbe similarity in the
offering of dtaazdahhomost of Zaratusht. I,
the priest , ontil the Ré-
surrection destroyed this
thy prosperity, o heretic I
It is not quite clear what the captioua objection of the heretic
was ; it had , however, as we may judge , something to do with the
religious rite of purification called dwazdah-homaatj and the relations of
the four well-known classes or castes of Eranian society to its célé-
bration. Did he , perhaps , deny that the duty of performing the rite
extended to each and ail of the four classes?
The dwazdah-homast j it appears, was one of the purificatory céré-
monies , consisting in the recitation of certain long prayers during a
space of twelve dayes, or readings of multiples of the Tasna and
Vendidad: there seems, however, to be some discrepancy or uncer-
tainty in the traditional explanations ^).
As far as I can make out from this fragmentary passage, our
casuist lays down that ail the four classes, — priests, warriors, fiar-
mers , artisans , — are , as regards their bodily f rame , equal or similar
{ààvand âçt hômandy simili car pore praediti) and therefore , in this respect,
liable to the obligations of the purificatory rite. The duties of the four
castes in this world are set forth in terms very similar to those in
the analogous passage by the Mainyo-i-Khard (ce. xxxi, xxxii). The
chapter concludes with the usual abuse of the heretic and his wicked
System {çaritar dino).
The precept ^Km-ac yin gvJbishno^^ etc. is given as a quotation
from I, révélation" {pailak, i. e. the Avesta).
1) See E. W. West, Pahlavi Texts, in SBE. vol. V, pp. 242, 213, 381; vol. XVm,
pp. 168, 232, 241; vol. XXIV, p. 330. Darmesteter, Le Zend-Avesta^ vol. 1, pp. lxviii, lxix.
A comparison of ail the passages shows that Darmesteter is wrong in limiting the rite, as
he appears to do, to the case of women.
Une poésie syriaque de Grégoire Bar-ilébréiis
LB DOCTITOR J. B. CHABOT.
GBiooiRB BAR-HÉBBim, UD des écrivains les plus féconds parmi les
Syriens, naquit en 1236 et mourut en 1286. H appartenût h. la secte
des Jacobites ou Syriens monophysitea. Il nous reste de lui un grand
nombre d'ouvrages roulant sur les sujets les plus variés: l'histoire, la
philosophie, la théologie, l'exégèse, la médecine, la grammaire, la
litai^e, le droit, la poésie, les mathématiques, etc. [Toir sur cet
.auteur Assemani, Siôl. or., t. H, p. 246 et suiv. ; Wright, Syriac Li-
terature, 2* éd., p. 265 et suiv.; Abbeloos et Lamt, Bar Hebr, Chro-
nicon eccles., praef.].
La pièce de vers que nous donnons ici est tirée du recueil de ses
œuvres poétiques renfermé dans le ms. syr. 270 de la Bibliothèque
nationale (fol. 70—71). Elle est en vers de douze syllabes qui riment
invariablement avec le nom de l'évêqne nestorien Salomon, dans l'album
duquel l'auteur traça ces lignes. Nous avons essayé de conserver dans
la traduction latine quelques unes des antithèses et des assonances
qui constituent, en partie, les élégances de la poésie syrienne; mais
cette traduction ne saurait donner une idée exacte du genre poétique
de Toriginal dont le mérite consiste beaucoup plus dans l'agencement
des mots que dans la recherche et l'élévation des pensées.
n
45
f^A«îc2^fiai txr^n Klzicui.i rtlaiiaLs cosaft^^i
i ^y aiiv3L Tt^tftmi f^ouAu» f<lx&iX t^tsq jjL^irc^
lAii casai «nî!^ T^lljja r<lâij èiDKlMi
osAjjjAii cas K'iuso f^'ïas rtLajLcLu ÀK*
osa^r^Au ,\^. K'îea.i i^L^îad K'iArk. tHo^
œACfi^^Aii rtlA K'èdAç K'i^Lilsn Klz&ia o\r^ 10
•:*^^^snîi Kli^ÎKLs ^Aisa îttL^.1 K'îèuja ^j<^
:^,_OSa\èuka ftlXi ocairt^ r<ir<jj rdAoco tHonsa
: ^jVgi^Auo KîAi ocoirc^ ^A^r^ K^soLk. èeojjisa 15
OSOjaAuU ^j^ .ii\ n\l f<Sk3U$a r<\'A*7(l rdflDCU
46
èiAu ^r^ reifiaioDO rûiiib i^snlfis» wmf^m'A^ ^5
^^0 v^infiBa ^^omi% i^So^i oX
POEMA
DB AHORB DOCTRINAE
quod scripsit in libro ooUectionum viri nestoriani QomÎQe Salomonis.
Da requiem. Domine, animae sanctae sancti Salomonis, 4.
qui butyrum vitae vivis paras in quo delectentur.
Motibus Eoclesiastes motus istius aequiparantur ,
et sic decet ut suo nomine nominetur.
Doctrinis spiritualibns spiritus curabuntur: 5.
yel cogitationibus stultis mortui ab isto resuscitabuntur.
Naturae corporeae et terrestres, si sapientiam assequuntur,
agminibus Seraphim igneis statim assimilantnr.
Ad imaginem Creatoris creaturae quomodo adumbrantur,
nisi quia animam rationaiem et luddam sortiunturt lo.
Spirituales [naturas] igitur quo modo imitabuntur,
si in cythara decachorda terrena modulanturi
Yinculis materiae liberi si non constringuntur,
magis quam aquila supra orbem elevabuntur.
Diledione mundi vana qui non praeoccupantur, 15.
ipsi fulgoribus gloriosîs certo praevenientur ;
Deliciis ejus perituris si maculantur,
propinquis Deitati non coaptabuntur.
47
Qui lumine sapientiae praeeunte aetatem assequuntur^
honorem sibi comparant et feris non tradentur. 20.
Sancti si tenebris errorum irascantur,
laudibus puris Deitatis delectabuntur ;
In templo alto virtutis si elevantur,
juro ego ipsis: nunquam mortem experientur.
Pueri egregii silentio laudabili si sanctificantur, 25.
voces dulces olim strenue vociferabuntur.
Si strenui qui brevi négligentes fiunt increpantur,
pigris quid superest qui somno mergunturî
Cogitationes cunctae non possunt ut libello describantur,
quapropter silentio conclusiones absolvuntur. 30.
Defectum verborum meorum forte mei auditores meditabuntur,
et ab infirmitate notabili forsan sanabuntur.
Explicit.
Langue Basque et dialectes Chamrtiques.
Ll COHTB DR CHARENCËY.
L'extrême rareté des éléments sémitiques dam le Tocabalaire basque
a d^a été signalée. Elle semble, h première vue, d'autant plus étrange
qae pendant plusieurs siècles, les montagnards pyrénéens n'ont cer-
tainement pas pu se préserver de tout contact avec les envahisseurs
musulmans. Xons ne parlons pas ici, bien entendu de relations anté-
rieures avec les Phéniciens et les Carthî^nois. Sans doute, elles se
sont réduites h. bien peu de chose.
S'il existe on certain nombre de termes euskariens qu'à pre-
mière vue, on serait porté h croire d'origine sémitique, souvent un
examen plus approfondi démontre qu'il n'en est rien. Citons p. ex.
les suivants.
1". Bero, ,chaud" qui rappelle k la fois l'hébreu ig? *<*'''"■ »*^^f
exarsit" et le kopte (diaL thébain) &uip et, avec redoublement, bepbp ,
frpbp .^>eUere, ebullire"; (dial. memphitique), bepbcp, «ebuUire",
fecp&up , &Ui>p&cp , ,ejicere". Kons n'hésitons pas k préférer l'étymologie
gauloise. On a en bas-breton bero, berv, èerm, «bouillant, bouilli h
l'eau, on bouillon"; birvi, bervi, berfi, bermei», .bouillir" herouden»,
berndtn*, ,bouillon, temps d'ébullitiou"; birvidxk, .bouillant, pétulimt,
zélé". Une inscription gallo-romaine conservée au salon de Bourbonne-
lea-boins est dédiée Borvtmi Deo, sans doute ,1a déité présidant aux
sources thermales."
49
2o, Rarauy ^vallon" ne semblera point, à coup sûr, devoir être
dérivé de Thébreu *nn har^ ^montagne", si Ton se rappelle le gallois
arauj „ montagne" cité par Pictet et dont le savant Genevois ne craint
pas de rapprocher le sanscrit aranyay ^fôret, endroit isolé" et arana^
«étranger, éloigné".
3*^. Hiri^ » ville" rappelle pas mal, et pour le son et pour le sens,
l'hébreu l'iy Hr y hir^ «cité, ville", mais ce n'est là vraisemblable-
ment qu'une ressemblance illusoire, puisque la vielle forme ibérique
était m ou eli. Elle reparait dans certains composés, p. ex. Iliberia^
litt. » ville neuve", aujourd'hui Blnej à deux lieues environ de Per-
pignan — Eliberis^ même sens, actuellement Elvire près de Grenade en
Andalousie. Un concile s'y tint en 305. Il y a aux environs, une mon-
tagne appelée Sierra Elbira ou Elvira — Cocoliberisj litt. » ville neuve
des Caucones ou Cocones", à présent Colioure à six lieues sud de Per-
pignan, etc. etc.
Nous ne nions pas d'ailleurs qu'il existe en euskara, quelques vo-
cables de provenance sémitique, mais ils ont, presque sans exception,
été introduits par l'intermédiaire de dialectes voisins , p. ex. de l'es-
pagnol ou du portugais. Mentionnons entre autres, ffisu, ^chaux",
avec u final euphonique, cf. arabe giz, «craie", mais que nous retrou-
vons avec le même sens dans le portugais gis^ giz d'où, sans doute il,
a passé en basque. — zaragoil «culotte" de l'arabe serawcdj mais
par le canal de l'espagnol saragùellea. Ajoutons que ce mot semble
d'origine non pas sémitique, mais iranienne. Il reparaît en grec sous la
forme 2aijàfta{jay „bas, chaussettes à, la mode asiatique". St. Jérôme
désigne par mraballa^ une sorte de robe traînante, comme celles des
Perses.
Somme toute, nous n'avons guère rencontré comme terme usuel
basque de provenance incontestablement sémitique que nagusi^ «maî-
tre" et dialectiquement , nabusiy nauai. On ne saurait guère douter
que ce ne soit l'éthiopien néçusch^ «moaarque, empereur". Gomment
s'est-il introduit dans le langage des Euskaldunaks ? c' est-ce que nous
ne saurions dire.
Par exemple, si l'on dirige ses recherches du côté des langues
7
50
chamitiques, Ton arrivera à des conclusions tout autres. Dans un pré-
cédent travail, nous nous sommes efforcé de faire ressortir la ressem-
blance que, sous le rapport des pronoms personnels de la première et
de la seconde personne , le basque offre avec les dialectes kabyles ^).
Ainsi, Ton a pour y,je, moi'\ en basque ni ou nik (forme active),
nek dans le dialecte berber de Bougie, le chellouk du Maroc et le
zénaga. „Tuj toi'' se dira Ai ou AU (forme primitive ki^ kik) chez les
euskariens, ketcA en dialecte de Bougie et en zouaoua, kouk en zénaga.
La ressemblance, sur ce point, serait diflBcilement attribuable au seul
hasard et d'ailleurs les pronoms, spéc. les pronoms personnels, consti-
tuent une de ces parties du discours qui ne s'empruntent guère. Dès
lors, l'hypothèse d'un lien très antique de parenté entre l'euskara, d'une
part, et de l'autre, les idiAmes de l'Afrique boréale s'impose, pour
ainsi dire, d'elle même, à l'esprit. Remarquons que sur ce point, les
donnés philologiques s'accordent d'une manière frappante avec celles de
l'anthropologie. Le savant docteur Collignon n'a-t-il pas signalé l'étroite
ressemblance typique du Basque de race pure avec le Kabyle et
même l'Egyptien?
De quelque façon, du reste, qu'on prétende expliquer le fait, nul
ne saurait contester la présence de certains éléments berbers dans le
lexique basque. Tenons nous aux exemples suivants.
1». JkAefy „bouc", cf. béni-menacer et nSéen ^^^h i^Aerri, ikAerri^
^bélier", au pluriel , o^^/^ akhraren^ ikherran — dial. de Bougie, Zouaoua
et Aït-Kalfoun, ikerri, plur. ikraren — chaouïa, yU iker — zénaga, guérer —
aouélimidden , 0.: aker^ ekarre — ahaggar, Oo. : ekrar — sergou, akrar —
azger, Oo. . , akerer — keloui, : : , akha plur. : : : , ikiouan. Ces termes afri-
cains auraient-ils une parenté avec leurs correspondants sémitiques;
et phénicien, khary ^bélier" — assyrien khirou^ »bouc, bélier, étalon,
du menu bétail"? Il nous semble difficile de n'y pas rattacher le bé-
arnais quirou , »bouc". Ce serait un des rarissimes noms d'animaux
1) Des affinités de la langue Basque avec divers idiomes des deuœ continents,, extrait du
Bulletin de Vassociation française pour l'avancement des scietices (Année 1892).
51
domestiques empruntés par nos dialectes indo-européens à la source
sémitique ou chamitique.
2^. Aœerij aœari; » renard": Cf. le kopte (dial. baschmourique)
&akigak^, (dial. memphitique et thébain), feAuju^g^, «chacal". Ce terme
se retrouvait sous une forme peu différente en libyen. Baaaà{)i.a rà
dhonéyua oi Ai(iveç 'kéyovai , affirme Hésychius. Il existe sous une forme,
sans doute, plus primitive dans certains dialectes de la vallée du Nil;
Cf. atfar, wakarij «chacal" — saho, wakari ou wakâri. Pouvons-nous
ne pas en rapprocher le mot signifiant «renard" dans un idiome de la
Sibérie ? L'ostyak (dial. surgute) p. ex. appelle cet animal waxBar^ vakhsar.
Un nombre appréciable de mots se retrouvent à peu près identiques dans
les langues sibériennes et sémito-chamites. Bornons nous ici à un seul
exemple. En quoi le samoyède (dial. yourake et tawgu), jam^ yam «mer"
diffère-t-il de Thebreu yam^ du vieil égyptien jom^ yom qui ont le
même sens ? Plusieurs savants , ne l'oublions pas , se montrent fort dis-
posés à faire venir du Nord les ancêtres des races de Sem et de
Cham. L'éminent Quatrepages lui-même plaçait dans les plaines situées
à rOrient de TOural, le berceau primitif de Thumanité.
Enfin, ce que semble plus digne encore d'être signalé, certains
verbes de Teuskara offrent une physionomie bien africaine, citons p. ex.
egi, «faire"; Dial. harakta et taroudant, ^J eg — erre^ «brûler"; dial.
de Figuig, ^ err (même sens), d'une racine RR'y brûler, briller, être
jaune". — sar^ «entrer, introduire, s'introduire"; beni-ménacer, ^|j
sar^ «précéder, aller en avant". Il existe bien une racine sanscrite ^,
sar^ «ire, fluere'', d'où aâray «extendere", mais qui, sans doute, n'a
rien à faire avec les précédents.
Enfin terminons par l'étude de quelques vocables euskariens qu'en
dépit de leur ressemblance avec les correspondants berbers ou égyptiens,
nous n'oserions pas cependant déclarer incontestablement de prove-
nance chamitique.
1*'. Ethor ^ venir"; dial. du Touat et Gourara ww< atef «entrer",
harakta, acTef — beni-ménacer adef.
2^ Oyiy «blé, pain"; kopte (dial. baschmourique, Àik, â^ik, (dial.
52
thébaiD), o€ik, (dial. memphitique) u)ik «pain" et u)k »frumentum'\
Les Egyptiens ont dû savoir préparer cet aliment, dès la plus haute
antiquité, et en répandre la connaissance au loin.
3^ 0x0 j »loup". On a voulu rapprocher ce terme de l'espagnol
080 j ,ours"; béarnais ou8\ mais il s'agit ici d'espèces bien différentes
et qu'on ne saurait guère confondre l'une avec l'autre. Serait-il donc
trop téméraire de le rattacher au béni- menacer, ksourien, mzabite, zoua-
oua etc. ,^y^ ou ^yiji ouchchen, «chacal." ^yi^. iouchchen du rifféen et
dialect du Touat; au kopte oqu)H(g ouonshy „ chacal, loup." En viel
égyptien, comme nous l'a fait remarquer M. Maspéro, toounscA désig-
nait une sorte de lévrier à oreilles droites et, par suite, rappelant assez
le chacal.
4®. Hiru, «trois'' nous fait bien l'effet d'être intimement lié au
terme correspondant dans les dialectes Nord- Africains ; cf. aouelimid-
den, 30.: karadh^ «trois"; sergou +nD'/' gradet\ tamachek karad\
schellouk du Maroc, kérad etc. Le k initial tombe, comme Ton sait,
souvent en basque. Quand au rapprochement imaginé par le docte
chamitisant Judas entre hiru et le hdrom^ «trois" du magyar, il
semble difficilement soutenable. Ce dernier vocable est évidement de
formation relativement très récente. La forme ougro-finnoise primitive
s'est bien plus fidèlement conservée dans le suomi ou finlandais kolmCy
l'esthonien kolm.
5**. Alaba , «fille" rappelle un peu, et pour le sens et pour la forme,
le kopte A\ooa, «enfant, jeune homme", (dial. baschmourique , ^X^oai
(même sens). Cf. le tamachek ili «fille" — dial. de Ghât, elli — beni-
ménacer u*^., ilis, «fille". Peut-être préférera-t'on attribuer au mot
euskarien, une origine celtique. Nous avons en irlandais alaib «beau"
d'un vieux thème gaulois alabi\ quoi d'étonnant à ce changement de
sens? Est ce qu'en style de romance, toute femme n'est pas une belle ?
Belgium persicum.
PAR
V. CHAUVIN,
Profosaear à TUniversité de Liège.
Invité par les amis et les anciens élèves de M.^^ de Harlez à colla-
borer à la publication destinée à célébrer sa vingt-cinquième année de
professorat, j'aurais voulu retracer les services rendus par mon savant
et honoré confrère aux études iraniennes dont il est , incontestablement ,
le plus éminent représentant en Belgique.
Mais il m^a semblé que c'était à lui-même à le faire dans une
autobiographie qui serait, à la fois, une page intéressante d'histoire
littéraire et, par les détails qu'elle donnerait sur les efforts d'un tra-
vailleur qui ne doit rien qu'à lui-même, un exemple encourageant et
instructif.
C'est pour l'engager à nous présenter ce tableau que je veux lui
fournir, en esquissant l'histoire des études iraniennes dans notre pays,
le cadre où son tableau trouverait naturellement sa véritable place.
Le projet formé par le pape Calixte III, après la prise de Constan-
tinople , de susciter aux Turcs des ennemis en Orient et surtout en Perse ,
avait été accepté et poursuivi un certain temps par les princes de la
maison de Bourgogne. L'ambassade orientale qu'avait reçue Philippe le
54
Bon et celles qui avaient été confiées à des Belges, c'étaient là des
événements de nature à frapper les imaginations et à attirer l'attention
sur la Perse ^). Et comme , bientôt après , nos compatriotes prirent une
part considérable à la renaissance des études orientales amenée par la
réforme, on aurait dû s'attendre à voir nos savants consacrer une partie
de leur activité à la Perse.
Mais, malgré des circonstances si favorables, il n'y eut chez nous
que de faibles commencements.
Jean Lemaire de Belges publia, d'après des sources italiennes et
des correspondances diplomatiques, son Pamphlet intitulé Prologue de
r histoire moderne^ du prince Syach Ismailj dit Sophy Arduelin ^ Roy de Perse
et de Mede , et de plusieurs autres Terres et Provinces *).
La chose parut si intéressante à Amand db Ziericzee qu'il reprit le
sujet et le traita, probablement d'après le texte de Lemaire ^ mais en
le modifiant selon ses vues. C'est dans sa Chronica compendiosissimay éditée
en 1534 par le célèbre Titelmans chez Simon Cocus à Anvers, qu'on
trouve aux pages 108 v° — 111 r"" ^quadam notatu digna de Sophi rege
1) Sur la politique orientale de Philippe le Bon, voir de Barante, Histoire des ducs de
Bourgogne de la maison de Valois . . . Paris, chez Ladvocat . . . 1825, VII ; 129, 275 et Vffl ; 3, 257,
340, 356, 381 et suiv. — Bulletin du Bibliophile belge ^ I; 267. — Annuaire de la Bibl. roy.
de Belgique^ IX; 122 — 125. — J. de St Génois, Les voyageurs belges du XlIP au XVI^ siècle,
Bruxelles, Jamar. 1846, I; 20 — 24. — O'Kelly de Galway, Histoire des relations diplomatiques
et historiques des Pays-Bas et de la Belgique avec la Perse, Bmxelles, Comptoir universel
d'imprimerie et de Ubrairie, 1873, 10 — 18. — J. Finot. Projet d'expédition contre les Turcs
préparé par les conseillers du duc de Bourgogne Philippe le Bon. Dans Mémoires de la soc,
des sciences de Lille, 1890, et à part.
Charles le Téméraire. O'Kelly, 19 — 23. — Anselme Adome, sire de Corthuy, pèlerin
de Terre-Sainte . . . par M. E. de la Coste . . . Bruxelles, Charles Muquardt, éditeur . . . 1855,
266 et 289—297. St Génois, I;30— 32 et la Biog, Nat. V** Adoraes, 74— 79. — de Limburg-
Stirum, Anselme Adomes ou un voyageur brugeois au XV* siècle. Dans Messager des se.
histor.j 1881, 1 — 43. — E. Feys. Voyage d'Anselme Adomes au Mont Sinai et à Jérusalem,
Dans Annales de la soc. d'émulation ... (de Bruges) XLI; 135 — 222. C. Rendu, Rev, de V orient
latin, l; 633—634.
Voir aussi C. Pior, Relations diplomatiques de Charles-quint avec la Perse et la Turquie,
Dans Messager des se. histor, 1843, 44 — 70.
2) Maintenant dans J. Stegher , Oeuvres de Jejxn Lemaire de Belges . . . Louvain . . .
Lefever, 4 vol. in-8*. 1882 — 1891. L'écrit en question se trouve aux pages 199 — 219 du tome
ni. Pour les souixes voir III; 200, 215, 218 et IV; 377. Quant aux éditions du pamphlet, voir
J. Stecher, Jean Lemaire de Belges, sa vie, ses oeuvres. Louvain, Lefever, 1891, OUI — CIV,
Paquot, (édit. in-8^), III, 10—12.
55
Persarum, Hoste Turcarum^ collecta per ... Amandum Zierœeenaem, ordinis
Minoruni*^ ').
Puia , silence complet. Peut-être ne pourrait-on pas même citer en
Belgique d'impression ou de réimpression d'ouvrages dûs à des étrangers,
si nous n'avions les Relaciones de Pedro Teixeira (Anvers, Verdussen, 1610).
Pourtant la littérature aurait pu être alimentée par les Belges qui
ont voyagé ou résidé en Perse : Josse van Ghistele '), Aerts ^), van den
Brouk *), HusTiN '), Mouton ®), Hubert Lairesse ^), van Termondb •).
C'est surtout le carme déchaussé Mouton (Père Elie de S* Albert), né
à Mons en 1643, évêque d'Ispahan depuis 1693, qui aurait pu, grâce à
sa parfaite connaissance de la langue et des mœurs du pays, rendre de
grands services aux études iraniennes. S'il ne l'a pas fait, c'est que ses
importantes fonctions et de grandes missions, qu'il devait à la confiance
du roi de Perse, ne lui en ont pas laissé le loisir.
Après lui, il faut en venir tout de suite au XIX® siècle, et nous
rencontrons d'abord quatre savants vivant à la même époque: Van
Alstein, Burggrafp, Jacquet et Nève,
Van Alstein, né à Gand en 1792, mort le 22 février 1862, savait
certainement le persan®); mais il préférait garder pour lui les trésors
de sa vaste érudition.
BuRGGRAFF (1803 — 1881), outrc ses cours d'hébreu et d'arabe, qu'il
faisait régulièrement , a eu l'occasion d'enseigner parfois aussi le persan ^®)
et il a même formé un élève pour cette branche, comme on va le voir.
1) Ce livre rare se trouve à la Bibliothèque royale de Bruxelles.
2) Biog, nation, article de M. Stecher, et les sources qu'il cite. — CKelly, 23—27.
3) E. Neeffs, jRev. Cathol, XXXV; 574.
4) St. Génois, H; 59. — O'Kelly, 38-39.
5) Biog. nat.^ article de E. van Arenberoh et les sources qu'il cite. — Del Vaux, Dict,
biog. de la province de Liège 1845, 66. — St Génois, II; 204—205. — O'Kelly, 40.
6) O'Kellt, 40 — 44. — Hachez, Iconographie montoise, 1860.
7) St Génois, U, 204. — O'Kelly, 44— 45. — Bec de Lièvre, Biogr. Ziég., H, 193—194. —
Chardin, édit. Langlès, m, 130—132.
8) O'Kelly, 46.
9) Bibliotheca Hultfiemiana ou catalogue méthodique . . . tome VI; Gand. 1837, 294 et 296.
10) Pierre Burggraff^ sa vie et ses travaux par Victor Chauvin, Liège, Desoer, 1884,
10 et 20.
56
C'est E. Jacquet, né à Bruxelles le 10 mai 1811 et mort à Paris
le 7 juillet 1838, qui a fait le pjus. Inutile d'insister sur les services
qu'il a rendus aux études iraniennes: F. Nève, dans un beau mémoire,
lui a rendu suffisante justice ").
Quant à F. Nève lui-même, né le 13 juin 1816 et mort le 23 mai
1893, il étudia le persan sous la direction de Quatremère. Ayant lu
avec ce maître éminent une partie du Goulistâne et du Boustftne de
Sa^dî, «nous eûmes, dit-il, la velléité d'en donner une idée au public
par la citation de passages choisis que nous avions traduits h nos
risques et périls^)." Simple velléité restée sans suite. Mais, quarante
ans après , il publia le seul travail qu'il ait fait relativement au persan
et qui, comme tous ses écrits, porte l'empreinte d'une érudition aussi
profonde qu'étendue ').
Parmi nos contemporains, enfin, il y a trois savants qui comptent :
M. DE Norman, Fagnan et Orsolle. Chose digne de remarque, deux
d'entre eux sont montois comme Mouton.
Celui qui a eu l'odyssée la plus agitée, c'est M. le baron Louis de
Norman. Né au château de Ghlin, près de Mons, en 1841, il appar-
tient èi l'une des plus anciennes familles nobles des Flandres. Des revers
de fortune et des malheurs de famille le décidèrent à quitter la Belgique
en 1865 par aller rejoindre son oncle, le baron Schwartzenberg-Schwartz-
burg qui, sous le nom d'Emine Pacha, était alors gouverneur militaire
en Syrie. Vers 1870, M. de Norman est chargé par une des plus riches
maisons d'Angleterre d'aller étudier une affaire importante de travaux
publics en Perse. Mais cette affaire ne s'étant pas faite, après un an
de séjour à Téhéran , et sa mission étant terminée , il se fixa dans le
pays et entra au service du gouvernement persan comme ingénieur
militaire. En cette qualité, il construisit de 1874 à 1876 les deux
1) F. Nève. Mémoire sur la vie d'Eugène Jacquet^ de Bruxelles,., Dans le tome XXVII;
des Mémoires couronnés de VAcad. roy, de Belgique , et à part. Voir suiix)ut les p. 75 — 82 du
tirage à part.
2) Rev. catholique^ LU; 163.
3) Le poète Sâdi, moraliste oriental du XUI' siècle. Dans Rev, cathol.^ LII; 160 — 473
et 364—379. Aussi à part. Cfr. T. J. Lamy. Un orientaliste helge^ FéliayJean- Baptiste- Joseph
Nève. Dans Annuaire de VAcad. roy, de Belgique ^ur 1894et à part. Voir p. 46 du tirage à part.
57
premières chaussées empierrées qui furent exécutées dans ce pays, et,
comme récompense, il reçut le grade de major du génie. Après plusi-
eurs autres travaux, il fut attaché en 1877 comme drogman au ministère
des Affaires Etrangères , et fut successivement nommé l' drogman, ensuite
1^ conseiller de ce ministère. En 1879 il fut nommé colonel, en 1882
général de brigade et en 1888, général de division , tout en conservant
ses fonctions au ministère. Il fut souvent chargé de recevoir à la fron-
tière les hauts personnages qui visitaient le pays; par exemple, on
l'attacha à la personne du Prince Troubetzkoij lorsque, en 1882, celui-ci
vint comme chef d'une grande ambassade extraordinaire, composée de
l'élite de la noblesse russe, pour notifier l'avènement de l'empereur
Alexandre ILI ; pendant le séjour de cette ambassade à Téhéran, le baron
DE Norman fut chargé comme mehmandar de l'intendance générale du
palais de Nagaristan.
En 1883, il fiit attaché comme premier aide de camp interprète
à la personne de Son A. Imp. le prince Ezz-ed-Dowlèh, frère de S. M. I.
le Chah, qui représenta la Perse au couronnement de l'empereur de
Russie. Après avoir assisté en cette qualité à Moscou à toutes les solen-
nités du couronnement , il fut chargé par le gouvernement persan d'une
mission à Bucarest et à La Haye.
En 1887, il fut envoyé pour affaire à Moscou et y traita, avec la
compagnie belge des tramways de cette ville, la construction et l'ex-
ploitation de la première ligne de chemin de fer de la Perse, ainsi que
de celle des tramways de Téhéran. Inutile d'ajouter que M. de Norman
est grand officier, commandeur ou officier d'un grand nombre d'ordres.
M. le baron de Norman a beaucoup publié. Il passe en Perse pour
l'un des meilleurs littérateurs du pays *).
1) Voici la liste de ses principaux travaux; nous ne parlons pas de ceux qu'il fait jour-
nellement, pour ainsi dire, en qualité de premier drogman.
4. Traduction en persan de Busgh, Graf Bismarck und seine Leute wàhrend des Kriegs
mit Frankreich,
2. Avec la collaboration de M. le général Schindler, traduction en anglais du Journal du
second voyage de S. M. I. le Chah en Europe 1879. Londres. Bentley and Son. G. R. de Stanley
L. PooLE, Academy, XVII, 2 — 3.
3. Traduction du Code Napoléon.
8
58
M. Edmond Faon an, né à Liège en 1846, docteur en droit, élève
de Burggraff, a complété ses études à Paris. Nommé d'abord conserva-
teur des manuscrits persans de la Bibliothèque nationale, il est actuel-
lement professeur à la Faculté des lettres d'Alger. Nous donnons en
note la liste de ses ouvrages relatifs au persan , tout en rappelant qu'il
a fait beaucoup d'autres travaux et qu'on lui en doit notamment de
très importants pour l'arabe 0-
M. Eenest Ivan Orsolle, né à Mons, avocat à la Cour d'appel
de Bruxelles, a étudié beaucoup de langues, le latin, le grec, le grec
moderne, le turc, etc.; mais c'est surtout au persan qu'il s'est adonné
avec une prédilection marquée. Il connaît d'ailleurs la Perse, qu'il a
visitée , ainsi que la Transcaucasie ; grand voyageur, il a aussi parcouru
l'Inde anglaise, le Kashmire, Ceylan, Java, l'Indochine, la Chine, le
Japon, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, l'Egypte. Les ouvrages qu'il a
publiés font vivement désirer qu'il communique plus souvent au public
le finiit de ses persévérantes études *).
4. En français, le Recueil des décrets et ordonnances ayant rapport à Tordre du Lion
et du Soleil.
5. Collaboration à la rédaction en persan de plusieurs ouvrages de géographie.
6. Collaboration à un dict.-fi*ançai8-persan lithographie en 1879 à Téhéran.
7. Rédaction du premier journal français de Téhéran: VEcho de Perse.
8. Traduction de Tallemand en persan de Thistoire des Turcomans de Stein.
9. Publication annuelle dans d'almanach officiel persan d'un résumé des faits principaux
qui se sont passés dans le monde entier pendant le cours de Tannée précédente et d*une statistique
des différents pays.
1) 4. Catalogue des manuscrits persans de la Bibl. nation. Encore inédit.
2. Note sur Nâçir ibn Khosroû. Dans Joum. asiai. 1879, 1, 164—178. Cfr. Z D M G,
XXXIU; 645 et suiv. — W. Pertsch, Verzeichniss der persischen Handschriften d. Kôn, Bibl.
zu Berlin, 741.
3. Le livre de la félicité, par Nâçir ed-Dîn hen Khosroû, Dans ZDMG. XXXIV;
643—674. Cfr. Ibidem XXXVI, 106—114. Renan, Joum. asiat., 1881, 2, 59.
4. Compte rendu du 1^ volume du catalogue des mss. persans du British Muséum deRiEU.
Dans Rev, critique, 1881, 2, 41-43.
2) 1. Excursion en Portugal, Paris, D. Lubin; Bruxelles, Decq et Duhent, 1881. ln-8**. 87.
2. Le Caucase et la Perse, Paris, Pion. 1885. In-8**. 6, 414 et (2). 1 carte; 1 plan.
Les nombreux comptes-rendus dont cet ouvrage a été Tobjet sont énumérés dans le Literatur-
Blatt fur orientalische Philologie, O; 24. Ajouter: Rev. pol. et litt., 1885,^1, 13A;Revuedes
Deux-Mondes, 1 Mars 1885, couv.; Rev, de Belgique, Mars 1885, couv.
3. Les derniers Grecs d'Italie, Dans Rev. de Belgique, 1886, I; 352 — 361 et à part.
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Par ce qui précède, on voit que la part de la Belgique, dans les
études iraniennes, n'est pas sans importance. Mais on peut compter sur
un avenir plus brillant encore. D'une part, il y a l'impulsion féconde
que M. DE Harlez a donnée à ces études; d'autre part, on doit beau-
coup attendre de nos relations devenues plus fréquentes avec la Perse.
Rappelons , dans cet ordre d'idées , les deux ambassades venues de Perse *)
celle que nous y avons envoyée *), les visites du Chah en Belgique '),
les traités conclus entre les deux pays *) ; enfin , les travaux importants
de nos consuls *).
4. Théâtre étranger. Une comédie persane. Les Plaideurs. Dans Rev. britannique, 1887,
I; 5 — 40 et à part.
1) O^Kelly, 58—59; 62—63; 74-76. — Journal hist. et litt, XXVI; 454—452.
2) O'Kelly, 64-74. - Journ. hist. et litt., XXV; 476—479.
3) La première eut lieu en 4873; voir CKelly, 84 — 97. — La dernière, le 22 juin 1889
et les jours suivants.
4) Garcia de la Veoa, Recueil des traités et conventions concernant le Royaume de
Belgique, H; 600—604; m; 297—303; VU; 233; VIH ; 46; IX; 1 et 490; X; 26 et 259;
XI; 16, 44, 108, 436 et 429. — Voir aussi 0*Kellt, 54—57, 59—62, 78-82 et 98—99.
5) Rapport de M. Partoes, consul à Smyme, en mission enPerse, Garcia, lU; 304 — 312. —
Rapports de M. Keun, consul-général , i?ccu«Z consulaire, XVI; 36-47, 200—202, 329-340.
XVII; 107—108; XVIII; 559—566. — Rapports de M. le baron d*ERP, ministre, Rec\
consul. LXXII, 347—376 et LXXXI, 53 — 75. — Rapport de M. Hsnin agent consulaire à
Téhéran, LXXIX, 265—290.
Le sutra de la paroi occidentale de llnscription de Kiu-yong koan.
PAR
K CHAVANNES,
ProfasMiir av Collège de Tnuice.
Samanta^muIdM^aveça^açmi'^riuilopiiêa-prab^
dkârarfi'Mra ^).
Traduit snr ordre impérial par CAe-Aou^), originaire du royaume
dTTdjftna *) dans Tlnde du nord *), résidant au temple Ti-cAe-iony, grand
1) J'ai montré au congrès de Génère, en 1894, que ce sûtra était celui dont on trouvait
une rédaction abr^ée sur la paroi occidentale de la célèbre inscription de Km-yong koan (cf.
Note préliminaire sur rinscription de Kiit-yong koan par Edouabd Chavaxnes et Sylvain
LÉn, Journal asiatique, Septembre-Octobre 1894, p. 354 — 373). Dans la collection da Tripi-
taka Chinois que la Société asiatique doit à la libéralité de M. Rtauck Fujisuima , ce sûtra
est le premier dans le cinquième cahier de la lettre tcKeng J^ section pi-mi Mik |Ct -^ ).
2) 1^ ^£ . Buimu Nakho {Catalogue of the Chinese Tripitaka , n° 790 et appendice
n, n^ i6i) dit que Che-hou (B&napàla?) arriva en Chine en Tan 980 et qu'il traduisit en
Chinois 111 ouvrages du Tripitaka. — En 982, dit l'Histoire des Song (cbap. 490), Che-hou
traduisit, sur l'ordre de l'empereur T*ai'tsong, la lettre que le religieux Koang-yuen avait
apportée de la part de Mo-si-nang ^&L |lt Sl (que M. Sylvain Lévi identifie avec le lia-
hâsena lY, mentionné dans le Bfahâvaipça), roi de l'Inde. C'est également à Che-liou que l'on
doit la rédaction de quelques courts itinéraires dans llnde du Nord, l'Inde du centre et l'Inde
do Sud. Le Livre des Song (loc. dt.) nous a conservé la missive royale et les itinéraires; ces
textes ont été traduits par Staitislas Julien {Mélanges de géographie asiatique, tome I,
pp. 171—174).
3) ^ j^ 1^ ou-Vien-nang,
4) I/es mots ^^ O] JÉF = Vlnde du Nord, sont précédés des deux mots gg ^
qui ne signifient pas ici Vlnde de V Ouest, mais qui donnent à entendre que l'Inde du Nord
fait partie de l'Inde {T*ien ou T'ien-tchou), qui est à l'Ouest de la Chine.
61
maître de la propagation de la Loi des trois Recueils, çramana honoré
de la robe violette.
PREMIÈRE PARTIE.
Voici ce que j'ai entendu dire:
Un jour Bhagavat ("(tt:]^) se trouvait dans le palais des devas
Tuçitas (|H ^ ^ ) ^v^ 1^ toxiie des grands Bodhisattvas et leurs pa-
rents , ainsi que la foule des divers devas , le roi Brahma ( ^ ^ ) , le
deva Nftrftyana ( ^ ^ ^ ) 9 le deva Maheçvara ( ^ § ^ ) , les pre-
miers des devaputras et d'autres , qui étaient venus se réunir en grande
multitude.
Alors Bhagavat , prenant pour texte les six paramitAs ( jtj^ jH § ),
expliqua la Loi. Pour ce qui est de la dâna ( ^ )-pâramitâ. , ce qu'on
appelle la récompense effective de la bienfaisance répandue , c'est obtenir
la grande félicité et la multitude des vertus, c'est obtenir de ne plus
retourner dans les transmigrations et de subsister par soi-même; les
sept joyaux qui pleuvent du ciel sont alors trouvés sans avoir été
recherchés; toutes les grandes choses cachées apparaissent et se mani-
festent d'elles mêmes. Il expliqua la çîla ( /* )-paramitft ; ce qu'on ap-
pelle la récompense effective de la pureté et des défenses, c'est pouvoir
obtenir les cinq pénétrations^) et naître dans le Brahmaloka (^ ^).
Il expliqua la kçânti (^ ;^ )-pftramitâ ; ce qu'on appelle la récompense
effective de la patience, c'est obtenir la beauté d'un deva; la gracieuse
excellence, l'élégante majesté et toutes les joies apparaissent. Il ex-
pliqua la vîrya ( EQi^ |||i| ]|I^ )-pâramita ; c'est ce qu'on appelle désirer et
pratiquer l'avancement essentiel; il en résulte que si elle est vue par
un roi des démons, il se soumet; la récompense effective qu'on obtient.
1) Lee cinq pénétrations ^JL |ft ®^"^ '®** ^^^^ abhijnâs, à savoir: divya-cakfus ^ ||^
(vue divine); divya-çrotra ^ ^Ç- (ouïe divine); para-citta ^ f(^ (connaître les pensées
d'autrui), pûrva-nivâsânusnirti TS ^ (souvenir des denoeures antérieures); rddhi-mdhi ^
(règles de magie). Cf. Tchong ting kiao tch'eng fa chou et Mahâvyutpatti,
62
c'est d'être transporté hors de la naissance et de la mort, c'est en
l'espace d'un instant aller se promener dans le Buddhak§etra ( "^ ^J ).
Il expliqua la dhyftna ( jjjp )-pftramitâ ; ce qu'on appelle la récompense
effective de la réflexion pure c'est pouvoir obtenir le Çûraiigama-sa-
mâdhi ^) ( "^ f^ J^ H ^ ift ) ©t en outre obtenir d'innombrables cen-
taines de mille de kotis ( "0| flS ) de nahutas ( ^ ^ ^ ) de samâdhis.
Il expliqua la prajnâ {^ ^)-pftramita; ce qu'on appelle la récompense
effective de l'intelligence, c'est obtenir la multitude des grandes féli-
cités , c'est obtenir par elle de nombreuses connaissances , vastes et
grandes comme la mer.
Alors, quand cette foule de devas eut entendu cette loi des six
pftramitâs , elle en conçut une grande joie dans son cœur, et , jour et
nuit, elle ne pensait qu'à en pratiquer l'observation.
En ce temps , il y avait un deva des Trayastrimças *) {^ ^)\
1) Cf. BuNYiu Nanjio, Catalogue of the Chinese Tripitaka, n® 399.
2) On ne sait point encore exactement qui sont les devas Trayastrimças, c'est-à-dire les
trente-trois dieux; Schmidt (cité dans le Foe koue ki d*ÂB£L Rémusat, p. 65) les a rapprochés
des trente-trois Amshaspands de la Perse (et. J. Darmesteter, le Zend-Âvesta, Annales du
Musée Guimet^ tome XXI, p. 13, n° 36); Eug. Burnouf, de son côté, écrit (Introduction à
V histoire du Buddhisme indien^ 2^» édition, p. 541): ,,/e suis fermement convaincu que les
Trayastrimças des Buddhistes sont exactement les trente-trois dieux du Brahmanisme ^ Vune
des classifications les plus anciennes des Divinités atmosphériques et élétnentaires que Von
connaisse dans Vlnde." Cependant ces rapprochements restent hypothétiques, puisqu'on n*a
pas encore trouvé une énumération des devas Trayastritpças ; Childers {A dictionary of the
Pâli language^ au mot tâvalimso) dit: „J hâve not yet met with a list of the names of the
thirty three angels.'^ Les textes traduits en Chinois peuvent suppléer dans une certaine me-
sure à cette lacune; c'est ainsi que la traduction Chinoise du Saddharma-smrtyupasthàna-sûtra
(Cf. BuNYiu Nanjio, Catalogue of the Chinese Tripitaka ^ n** 679; édition japonaise du Tripi-
taka de la société asiatique, lettre î^, 2e cahier, chap. XXV, p. .32 v<>) énumère les trente-
trois dieux comme suit (M. Sylvain Lévi a bien voulu me donner en sanscrit les équivalents
probables des noms Chinois; je les indique entre parenthèses): Au centime est Indra qui est
appelé ^ ^. ^^ ^ , „le deva de la salle de la Loi excellente" (Saddharmasabhâdeva);
son nom de famille est Kiao-che-kia 'hfe p jfcfl {Kauçika)\ son nom personnel est neng-
Vien-tchou âfé ^ ^ (Çakra), Au Sud sont les huit dieux appelés: 1. >fit ||^ „qui pré-
side au pic" (çrûgadhifthita); — 2. 4i ijj J*5 „qui préside au sommet de la montagne" (griri-
mûrdhâdhisthita)', — 3. œ H^ JjC „ville de l'excellente apparence" (sudarçanapuri) ; — 4-
fjk ^jj^ jjilpO'Se-ti {paçabhûmi)'^ — ^* 'ft '^ Bt "^"^ préside à Kiu-Vo'* (kûtâdhifthita) ; —
6. ^K|| ^ „divers palais" (samyuktasabful)', — 7. >tt 8t S ^ , jardin de la joie"(nancgana
63
son nom était Manipitakavimala ( ^ /È |% ^ ^ )• -^vec cent mille
kotis de devas ses parents , et avec dix-huit mille devis ses parentes ,
ensemble dans les palais des devas ils comprenaient divinement les
transformations. Les sept joyaux ornaient les pavillons élevés et beaux ;
c'étaient des palais en foule, c'étaient des parcs en foule; dans les
étangs et les bassins, les fleurs et les fruits faisaient partout une élé-
gante décoration. Ce deva Manipitakavimala au milieu de toutes les
élégances , du soma ( j|^ ) , des fleurs et des devis , se livrait aux
transports de l'amour et de la joie; soit qu'il marchât, soit qu'il s'assit,
il était en leur compagnie et il éprouvait d'extrêmes félicités célestes;
dans le palais aux quatre portes des sept joyaux , il savourait les joies
des cinq sens, et, plongé dans l'ivresse, il s'abandonnait ^) à la volupté;
il montrait que son moi était négligent et licencieux et c'est ainsi
qu'il était aveuglé.
Or ce deva Manipitakavimala était arrivé h cette période du milieu
de la nuit où l'on rêve en dormant; toutes les devis lui faisaient une
vana)] — 8. Alf- DH „éclat" (prabhâ). — A Touest sont les huit dieux appelés: 4. jjfr tRII
BK ^ ^ i^ (pàrtjâtavand)\ — 2. g^ ^ ^escarpé et abrupt" (tatadurga)-, - 3. ^ ^
V&[ ^ ., divers escarpé et abrupt" (samyuktatatadurga); — 4. >^ ^S K^ |% {manipitaka)'^
(c*est le deva dont il est question dans le sûtra que nous traduisons); — 5. "b^ jj^ i^^
„lieu de la marche en rond" (mandakœârahhûmt) ; — 6. ^^ |fô , „palais d'or'\suvarnasabhâ): —
7. ^ ^^ ^ î „place de la chevelure et de Tombre" (Jieçachâyâyatana)\ — 8. ^ â JjjJ J|^ ,
qui préside au lieu de la flexibilité (?). — Au nord sont les huit dieux appelés: i. Sjk "Û^
j^ , „divers ornements" {samyuktàlamkâra): — 2. jJJ i^ Ji|g, „conforrae aux désirs, terre"
(manojiiabhûmi)', — 3. ^ J^ ^. „marche subtile" (siî/t^macdra) ; ~ 4. ^ ^ [^ |j| ,
„chant, son, joie" («aîWflri^dnanda); — 5. J^ jffi t^, ^prestige, vertu, roue" (rcW/iigrunaca/tra), —
6. H 4Fj , , lune, marche" (candrâcâra) ; — 7. ^ ^ ^ ^ ^ yen-mouo-fo-lo (yama-
pôla); — 8. j^ jjFr , „prompte marche" (âçucâra). — A lest sont les huit dieux appelés:
4. -^ H8, „ombre, éclat" (c/id2/<Spra6/w); — 2 ^ ^ ^ , „sage8se, marche"(pra;ndcdm);—
3. ^ ^ , „multitude, division" (?): — 4. ^ |^ i «qui préside à la roue" (cakrâdhisthita) ; —
5. Jl ^ 1 „supérieure marche" (lUtarâcâra); — 6. j^ ^ ||J ^prestige, vertu, visage"
{rddhigunamukha)\ — 7. j^ ^ ^ ^^ „pi'estige, vertu, feu, roue" (rdrfAt>undgrnîca/tra); —
8. ;^ JP: , „pur" (viçiiddha)).
4) Le mot ]ffi|j* doit être ici l'équivalent de È^ .
64
musique enchanteresse. Alors dans ce palais, il y eut un devarak§as
( ^ ^ ^ ) à la bouche enflammée qui fit entendre sa voix ; il donna
un avis à ce deva Manipitakavimala en lui adressant ces paroles: ^0
Manipitakavimala, dit-il, comment peux-tu te livrer à l'amour et k la
joie dans le palais et t'aveugler en t'abandonnant à la volupté? En
aucune manière tu ne t'éveilles pour reprendre ton calme. Toi, deva,
il te faut savoir que cette joie extrême ne sera pas de longue durée.
Dans sept jours, ta destinée aura pris fin. Quoique les réjouissances
célestes soient extrêmes et que le palais des sept joyaux ait une beauté
que rien n'égale, cependant ta destinée sera terminée et dans un in-
stant il ne t'en restera plus rien. Voilà à quoi il te faut vraiment
penser et il est nécessaire que tu avises promptement à ce qui t'est
avantageux." Quand le devarakças à la bouche enflammée eut prononcé
ces paroles, soudain il devint invisible.
Après que le deva Manipitakavimala eut entendu ces paroles, son
cœur fut pénétré d'une amère tristesse. Comme un homme ivre et
ayant perdu connaissance , il tomba ; son visage était contre terre ; tout
de son long il était étendu. Quaud la foule des devis vit cela, toutes
elles s'af&igèrent et vereèrent une pluie de larmes; saisies d'inquiétude
et de frayeur elles éprouvaient mille sortes de douleurs. Elles virent
derechef que la chevelure de la tête de ce deva était en désordre, que
ses vêtements, ses colliers et tout ce qui ornait son corps étaient en
désordre, qu'un côté de son visage était souillé de sang, que ses lèvres
et sa bouche étaient brûlantes et desséchées; elles sentirent redoubler
leur afliction et poussèrent des plaintes. Comme si un feu avait brûlé
leur cœur, elles perdirent connaissance et tombèrent à terre; il y en
eut aussi qui furent complètement troublées et qui perdirent l'esprit;
il y en eut aussi qui, comme des poissons hors de l'eau, se tordirent sur
le sol et poussèrent toutes sortes de gémissements en criant, en pleu-
rant et en invoquant le ciel; dans le nombre il y en eut qui ne per-
dirent pas l'esprit et qui remplirent d'une eau pure et fraîche un
précieux bassin céleste, puis qui répandirent et frottèrent sur son corps
du parfum de candana ( >f^ ^ ) ; les unes arrangèrent sa chevelure, les
autres mirent de l'ordre dans ses vêtements, les autres lui tinrent les
65
pieds dans leurs mains; alors le deva Manipitakavimala reprit peu à
peu connaissance ; un grand moment après qu'il eut repris connaissance ,
sa bouche prononça une longue plainte et il s'affligea extrêmement. Il
gémissait profondément et son corps et ses membres tremblaient, comme
rherbe qui s'agite sans s'arrêter sous le souffle du vent. Avec une voix
faible et basse il dévoila sa pensée: „Je vais aller en toute hftte là
où réside le deva (1^^ ^) Çakra." Quand il y fut arrivé et qu'il
se fut prosterné devant les pieds de Çakra il lui dit ceci: ^Maître des
devas, viens à mon secours; maître des devas, viens à mon secours."
Il lui dit, comme il a été exposé précédemment, les paroles qu'il avait
entendues du devarakças à la bouche enflammée: j,Dans sept jours je
dois certainement mourir: je pense que dansHes enfers\il y a une foule
d'angoisses et de douleurs; c'est pourquoi je suis venu promptement
exposer cela au maître des devas; à quel moyen recourir pour obtenir^
la délivrance , pour faire que je ne meure pas et ^que je ne tombe pas
dans les voies mauvaises (durgati) f\ Que le maître des devas veuille
me secourir pour éloigner de moi la mort et les tourments." — Telles
furent ses paroles.
Quand Çakra, le maître des devas, eut entendu ces paroles, son
intelligence et son cœur furent affligés et il dit au deva Manipitaka-
vimala: „Ne crains pas, Manipitakavimala; car il y a le Buddha,
Bhagavat, le maître des devas et des hommes, celui à qui nul n'est
supérieur, qui maintenant est apparu dans le monde; il a le remède
de la Loi qui peut sauver de la naissance, de la vieillesse, de la ma-
ladie et de la mort ainsi que de la douleur, ^qui éloigne les enfers\et,
d'une manière générale, ^ui fait s'évanouir en poussière tous les maux^
Lui donc qui est un père et une mère pourra te secourir et te donner
le calme. Voici ce que je te dis: Celui qui a la grande sagesse, le
Bhagavat, est maintenant dans le palais Tuçita; il te faut y aller
promptement."
Alors Çakra, le maître des devas, avec le deva Manipitakavimala
et les innombrables milliers de devis , allèrent au palais Tuçita, pour
visiter avec respect le lieu où était Bhagavat. Arrivés en ce lieu, ils
se prosternèrent la face contre terre et adorèrent les pieds de Bhagavat ;
9
66
ils tournèrent trois fois en rond et se tinrent devant Bhagavat. Alors
Çakra, maître des devas, plein de tristesse et d'inquiétude exposa à
Bhagavat que ce devarakças à la bouche enflammée avait dit au dev a
Manipitakavimala : «Dans sept jours ta vie doit finir.' YA quel moye^
Bhagavat ordonne- t-il de recourir pour qu'il se réforme et qu'il puisse
éviter cette infortune ?J
Quand Bhagavat eut entendu les paroles de Çakra, maître des devas,
et qu'il eut concentré sa pensée sur cette affaire, alors de sa bouche
il émit toutes sortes d'éclats bigarrés; cet éclat environna et illumina
les trois milliers de grands milliers de lokadhâtus, tous les devas, les
hommes , ainsi que les cent palais des Nftgas, des Gandharvas {^j^ Si ^ )«
des Asuras ( p^ ^ j^), des Garudas (^p ng ^),des Kinnaraâ( ^ ^ ^),
des Mahoragas ( ^ ^ ^ |^ )' des Yakças ( ^ 3C)' ^^ ^^^ Bak^ ( M ^J )•
Quand la lueur éclatante eut été proférée, cet éclat revint à la
place où était le Buddha: il tourna trois fois autour du Buddha et
rentra par sa bouche. Alors Baghavat dit au maître des devas, Çakra:
«Ecoute attentivement, maître des devas. Ce deva Manipitakavimala,
dans sept jours il est certain que sa vie finira; il doit descendre dans
les enfers pour y subir de grands tourments. Ses douleurs seront sans
limites, et il éprouvera de grandes terreurs; quand il sera sorti des
enfers, il renaîtra parmi les hommes, et, dans la maison d'un ouvrier
en bambous de la ville de Varâiiftsî ( lift j^ ^ )> il naîtra dans une étable
comme un démon femelle à figure de porc; il ne se nourrira que
d'excréments. Dans cette étable il y aura des centaines de milliers de
kotis de vers et d'insectes qui, sans cesse, pendant les trois périodes
de la journée, dévoreront le démon femelle; la chair de son corps
disparaîtra entièrement et il ne lui restera que les os;^par la force
du karman^j la chair de son corps lui reviendra de nouveau dans son
entier. Quand il aura eu ce corps pendant sept années révolues, alors
sa vie se terminera et il renaîtra comme tortue et se trouvera dans
un désert; dans ce désert on n'a point entendu parler de l'eau; à
combien plus forte raison n'y a-t-il pas d'eau. En outre il n y a pas
d'arbre, ni aucune ombre; il restera toujours en plein soleil et tout
67
son corps sera comme brûlé; il ne mangera que de la terre ardente!
en outre , sous les piqûres des oiseaux , son corps tombera pièce à pièce.
(Par la force du karman^ son corps se reproduira pour être de nouveau
désagrégé. Quand il aura subi ces tortures pendant cinq années, sa vie
sera terminée; de nouveau dans cette ville il naîtra comme poisson et
son corps sera large et grand; (par la force du karman^ il tombera
dans un lieu sans eau , et des loups , des rats , des chiens et des ani-
maux appelés ni'pei-kia ( ^ ^ j^B ) le prendront tous pour le dévorer ;
puis il y aura toutes sortes d'oiseaux et de quadrupèdes qui viendront
aussi pour le dévorer. (Par la force du karman) il trouvera l'eau qui
lui est nécessaire; il reviendra de nouveau à la vie et son corps se
reproduira. Quand il aura enduré ces tortures pendant trois ans, sa
vie sera terminée ; il renaîtra dans le Jambudvîpa ( ^ ^ ^ ) parmi
les sept classes (-tî^); il souffrira toujours beaucoup de tourments.
(Les sept classes d'infortunes) sont ce qu'on appelle: la lèpre blanche
( â II), pou'kie^souo (^ ^ 1^), tan^aùlo (*& ïg jg), tan^i^Ha {^
® J16E)î you-fou6) ^ + ^p|§), k'oei-koei (^ ^), être aveugle de nais-
sance (^"^). Quand il aura subi cette punition pendant soixante
années, il renaîtra comme un homme pauvre et méprisé; son corps sera
infirme et son intelligence faible; il ne suivra pas la religion et sera
loin de la Loi et des religieux bouddhiques; tous les hommes, en le
voyant , le détesteront ; il souffrira toujours de la faim et de la soif et
aura en outre beaucoup de maladies."
Alors, quand le maître des devas, Çakra, eut entendu ce que Bha-
gavat avait dit de toutes les soufirances qu'avait à endurer ce deva
Manipitakavimala , il fut fort effrayé et derechef fut affligé; il pro-
nonça ces paroles: ^11 n'y a personne pour le secourir; ô Bhagavat, si
tu ne prends pas pitié de lui pour le secourir, qui le secourra?" —
Bhagavat dit au maître des devas, Çakra: „I1 y a certes une dhâranî
dont le nom est : Samanta-mukha-praveça-raçmi-vimalo§nîça-prabhâ-
sarva-tathâgata-hrdaya-sama-virocana. C'est là ce qui le sauvera. Ses
fautes sont très graves ; il est difficile de le secourir de façon à ce qu'il
évite (le châtiment) ; ce secours cependant lui permettra de l'éviter. \
68
Quand ce (deva) aura porté (cette dhâranî) dans son cœur, plus tard, quand
la destinée qui lui est dévolue sera terminée, il pourra être heureux.
Quant à tomber après la fin de sa destinée dans tousses enfers)st dans les
naissances transversales, tout cela lui sera évité ; s'il pense incessamment
(à cette dhâranî), toutes les difficultés pourront être écartées à jamais. H
pourra de plus avoir une longue vie et l'accomplissement parfait des
saints désirs; en outre, il pourra voir sa propre nature se purifier."
Alore le maître des devas Çakra, les quatre grands devarâjas, Brahma,
le deva Narâyana ( ^ ^ ^ )» Maheçvara {-^ 1^ ^) et d'autres, joi-
gnirent les paumes des mains, et avec respect dirent à Bhagavat: ^0
Bhagavat, nous désirons que, en notre faveur, tu fasses augmenter ce
qui protège tous les devas. Bhagavat, tu es en outre comme un
dharmarâja qui, par la force du samâdhi, secourt et calme tous les
hommes dans le monde ^et les délivre entièrement même des maux
des enfers^ Bhagavat, de même que dans ce palais des devas Trayas-
trimças, tu observes tous les êtres qui sont dans le monde des quatre
dvîpas. Bhagavat Tathâgata, tu as une grande intelligence: nous
désirons qu'en faveur du monde tu entoures les dix côtés et que tu
nous fasses don d'un sceau de la Loi qui nous soit un grand secours."
Alors Çftkyamuni Tathâgata, ayant reçu le vœu exprimé à plusieurs
reprises de tous ces devas, entra dans le samâdhi dont le nom est
tcheou-pien-siang-koan-tch^a ( ^ |^ i@ ^ ^ )• Au moment où il entra
dans ce samâdhi , des cheveux du sommet de son crâne jaillit un éclat
pien-éiang ij^ify) qui environna et illumina le monde des dix côtés
puis revint s'arrêter dans l'éther comme un parasol précieux.
Alors Bhagavat regarda fixement Çakra et lui dit: „ Çakra, maître
des devas, écoute avec attention, écoute avec attention. J'ai un sceau
magique de la Loi dont le nom est: samanta-mukha-praveça-raçmi-
vimaloçnîça- prabhâ-sarva- tathâgata- hrday a- sama- virocana-samâdhi-dhâ-
ranî. C'est celle qu'ont énoncée simultanément quatre-vingt-dix-neuf
centaines de mille de kotis de nahutas de Tathâgata^, nombreux comme
les grains de sable du Gange (?jî^ ]y^)').^Cette dhftranî, s'il y a dans
1 ) Dans d'autres sûtras, cette expression est traduite en Chinois par les mots 4S |^ vb ^k .
69
la foule des êtres quelqu'un qui puisse la voir et l'entendre et par suite
se réjouir, toutes les actions criminelles qu'il aura accomplies dans les
trois mondes Oj (la nécessité où il est de tomber dans les enfers^ tous
les maux et jusqu'aux naissances transversales, tout cela pourra être
détruit et il sera délivré de la crainte^ Toutes ses fautes pourront
s'évanouir. Ce sera comme un grand feu qui incendie les herbes sèches ;
comme le vent qui souffle sur de la cendre et, en un instant, la dis-
perse et l'anéantit; comme encore, lorsque le ciel fait tomber une
grande pluie dont l'eau coule rapide, les herbes et les arbres des mon-
tagnes et des fleuves sont purifiés de toute leur souillure; comme, en
outre, l'or véritable chauffé au feu et ramolli à plusieurs reprises peut
alors devenir toutes sortes d'ustensiles/Celui qui conservera et récitera
cette dhâranî n'aura plus ni doute ni incertitude; il verra lui-même
son propre corps purifié des 3 karmans *j^ Ce sera comme le soleil pro-
duisant un éclat qui illumine tout, comme encore le poisson privé
d'eau qui, lorsqu'il retrouve de l'eau, profitant de Teau et y résidant,
peut de nouveau se réjouir. Si en outre, dans le monde, parmi tous
les êtres, il en est qui peuvent sans cesse réciter cette dhâranî, pourvy^
ce qui est de la longévité elle leur sera doublée et augmentée. Maître
des devas, écoute avec attention, reçois avec attention." Alors il pro-
nonça la dhâranî en ces termes:
namah aarvatathâgatânâm mahâcintâmaj),i jvcUana aâgaragarpbhira karsaya âha^haya
âkafthaya âyurndhara âynrpdhara sariifîhara samd/iara ksunu ksunu k§irii ksini aar^
vatathâgataaamaye tisfha ti§\ha durgati mahâbhuvana sâgara (?) aarp^odhaya bhagavati
aarvapdpam vimale jaya jaya lab[dhe] aphuta aphufa aphofaya spho^aya vigatâvarajie
bhayahare hara hara mftyudandahare abhayaprade itsnî^avilokite aamantamukhe aa^
mantavyavalokite mahâmâyâdhare mahâpâçadhare amoghapârçve amagnavtmale âkar^
§aya âkaraaya âkaddhaya âkaddhaya bhara\be\ bhara[be] aambhara aambhara vibhû'
aitabhuje mâhâmudrâvilokite jaya jaya aiddhe bodhani bodhani aambodhani aarpbo^
dhani çodhani çodhani aamçodliani aamçodhani aarvatathâgatakuLabhuje aamaye ^dhi§the
(pranaçyatu pâpam çoaayatu pâpam praaara(tu?) punyam vinaçyatu pâpamSaarva"
i) --^ 4y^ , le passé, le pi*ésent et Tavenir; ou peut-être: le monde des dieux, le monde
terrestre et le monde infernal.
2) San-ye ^^ âS, le trois karmans qui sont de vdc, de manas et de kâya.
70
kilbisahare maniviçuddhe çodhaya vimale mkasitapnnye kavaritabhuje ^stapâramitâ»
paripûrafii orji sarvatathâgatosn^favUokite avâhâ om aarvatathÂgataguhye 'dhisthânâ'
dhisthite avâhâ orfl âyurdade avâhâ om punyadade avâhâ orp, âyu§man dhâraip, avâhâ
orii aamharani avâhâ om punyavilokite avâhâ orp, mftyudande avâhâ om yamadaiide
avâhâ orp, yamadûte avâhâ orp yamaksa{yef) avâhâ orp aarpbharani avâhâ orp aarp~
hharani avâhâ orp aarpdhârani avâhâ orp pratiaarani avâhâ orp tejovati avâhâ orp
jayavati avâhâ orp aarvatatliâgatamûrdhâdhisihânâdhiaihite avâhâ.
maître des de vas, j'ai maintenant exposé cette dhâranî afin de
secourir et de calmer ce deva Manipitakavimala et de faire que pen-
dant les longues nuits il soit comblé d'avantages et se réjouisse."
SECONDE PARTIE.
Ensuite Bhagavat dit au maître des de vas, Çakra: ^Si en outre il
se trouve un homme qui puisse écrire cette samanta-mukha-praveça
raçmi- vimaloçnî^- prabhâ-sarva-tathàgata- hrdaya- sama- v irocana-dhâranî ,
^élever une pagode pour l'y placer ou réparer une ancienne pagode
pour Vy placer'^ puis, frottant de parfums et enduisant de parfums,
faire une offrande accompagnée d'un concert de musiciennes, si en
outre il maintient purs son corps et son âme et si, pendant les six pé-
riodes du jour et de la nuit, il récite cette dhâranî, si en outre il la
déroule cent huit foiSj^il pourra faire disparaître tout ce qu'il a com-
.mis de mal et naître dans toutes les conditions excellentes^ maître
des devas, si quelqu'un désire placer en lieu sûr cette ^connaissance
du cœur (hrdaya-vidyà)'*, si au moment où le soleil commence à paraî-
tre, il s'assied en se tournant vers l'Orient, si avec tous les parfums
il enduit le mandala ( ^ ^ ^ ), si , le visage tourné vers le soleil ,
il répand toutes sortes de fleurs et brûle les parfums agaru (*^ ;JC) %
turuçkas ( |t{{| n@ 1^ JÈB ) ^^ autres , si , se conformant à l'ordre donné ,
1) Le Fan i ming i isi (chap. VI) dit qu'on désigne V agaru (Kï ^jf^ pjfi) ou bois
d'aloès sous le nom de ^parfum qui s'enfonce dans l'eau*' y^ 7& (= a-^aru, sans pesanteur).
71
il se prosterne cent huit fois devant tous les Tathàgatas /s'il écrit cette
«connaissance du cœur" et la place dans une pagode, ce sera comme
si (la relique du corps entier^de chacun des Tathàgatas au nombre de
quatre-vingt dix neuf centaiifes de mille de kotis de nahutas de fois le \
nombre des grains de sable du Gange était placée dans la pagode et
il n'y aura avec cela aucune différence^ Qu'il écrive en outre la Bud-
dhoçnîça - vimala - samanta - mukha - trailoKja -Tathâgata-hrdaya-dhftranî *)
(#lSil^^PlHitt:«n^A!MSÊPM) et qu'il la place dans
la pagode. Cette dhâranî est ainsi conçue:
om traiyadhUa (?) sarvatathâgatahfdayagarhhe jvala dharmadhâtugarbhe aarri'
hara âyuhÇsamçodhaya pâparnSsarvatathâgatasamantoanMamm^ svâhâ.
maître des devas,fs'il y a une pagode appropriée à cette Bud-
dhoçnîça-vimala-samanta-mukha-trailokya-Tathftgata-hrdaya-dhâranî et
si on fait naître la vénération, toutes les actions qui sont des fautes
et qui abrègent la destinée pourront être supprimées) en outre, on
aura une longévité prolongée et la protection de tous les devas ; quand
la destinée d'un tel homme sera terminée et qu'il rejettera son corps,
ce sera comme un serpent qui change de peau. En outre, il pourra
aller naître dans le monde du calme et de la joie; /"il ne tombera pas
dans les enfers ni dans les naissances malheureuses, ni dans la région
de Yama (^j^iH^); il obtiendra en définitive de ne tomber dans
aucune voie mauvaise et il n'entendra plus le nom des enfers^ H obtien-
dra une récompense telle qu'il ne peut pas y en avoir de plus grande."
Alors , après que le maître des devas, Çakra, eut reçu cet avis dans
la résidence de Bhagavat, le deva Manipitakavimala sortit donc aussitôt
du palais; il commença par se fonder sur les règles énoncées par le
Tathâgata; conformément à la Loi, (il fit une pagode, à l'image que
prescrit la Loi]) il brûla des parfums , fit des prosternations et de tout
son cœur récita et implora la récompense qui éteint les fautes. (Au
moment où il faisait cela, tous les crimes qu'avait commis et toutes
i) Le titre sansciit de cette dh&rani est hypothétique; il est obtenu simplement en
plaçant un mot sanscrit sous le mot chinois correspondant.
72
les punitions sévères qu'avait encourues ce deva Manipitakavimala, furent
tous supprimés^ en outre et de plus il obtint un corps souverainement
vainqueur, comme est Tor pur; la prunelle de ses yeux était étincelante;
sa chevelure était éclatante et pure.(Eîn outre il obtint la présence de
tous les Tathâgatas qui alors apparurent devant lui dans Téther, et
les bouches de tous ces Tathâgatas disaient: «Excellent!''^ ce mo-
ment le deva Manipitakavimala obtint ^que ses actions fassent puri-
fiées , que ses fautes fussent anéanties^) il vit en outre que son être
produisait grandement la joie et le bonheur : alors il chanta une gâthâ ,
en disant:
^^Signification insondable des Tathâgatas!
Force glorieiAse qu^il est également dijicile de comprendre!
Si cependant la vraie Loi est accomplie,
On peut obtenir de voir la récompense actuelle."
n dit encore cette gâthû,:
j^Je me prosterne en adorant et je remets ma destinée dans le lieu de la vérité et
De Çdkyamuni, grand guide et maître , (de la réalité,
La conduite intègre donne ^ par sa pitié ^ le calme a tous les êtres;
Ijes désirs sont satisfaits comme par le joyau qui accomplit les souhaits^\
Quand le deva Manipitakavimala eut prononcé cette g&thft, il s'en
revint du palais avec toute la foule de ses parents, les devas et les
devis, et chacun d'eux tenait toutes sortes de fleurs célestes dont ils
ornaient leurs chevelures, et toutes sortes de parfums dont ils se ser-
vaient pour frotter et pour oindre de parfum , et encore des vêtements
célestes décorés d'une manière admirable. Avec eux était le deva Çakra
qui , lui aussi , tenait élégamment tous les parfums célestes , toutes les
fleurs et toutes les belles choses qui servent aux offi:andes. Puis ils
allèrent dans le palais Tuçita, à l'endroit oîi se trouvait Bhagavat.
Quand ils furent arrivés k l'endroit où se trouvait le Buddha, ils firent
une grande offrande, et derechef avec toutes les manières d'agir des
divers devas, ils firent une offrande. En outre ils firent en tournant
plusieurs centaines de mille de tours et quand l'offrande fut terminée,
ils s'assirent devant le Bhagavat et désirèrent entendre la Loi.
Alors, du milieu de l'assemblée, les quatre grands devarâjas, Brahma,
73
Nârâyana, Maheçvara et le grand maître des Rakças Vajrapâni, vin-
rent devant l'Honoré du monde, joignirent les mains et l'adorèrent.
Us dirent à l'Honoré du monde: »0 Honoré du monde, ce de va Mani-
pitakavimala , quelles actions avait-il autrefois [commises pour avoir
encouru une punition si terrible, pour recevoir de grands tourments et
une tristesse sans fin?" Le Buddha dit: ^Très-bien! Très bien! Ce sont
les hommes excellents qui se plaisent à demander de telles explications.
Ecoutez donc attentivement ce que je vais vous exposer. Vajrapâni,
au temps des générations passées, il y avait dans l'Inde du Sud une
ville dont le nom était Koang-yucn-man ( ^ [1] j^ ) » ^^ 7 avait là un
brahmane qui s'appelait Vimala ( ^ j^ ); il demeurait dans cette ville ;
il était un maître qui expliquait la Loi. Son naturel et son esprit
étaient intelligents et perspicaces; il excellait à distinguer les relations
de toutes les lois; son visage était admirable; son port était majes-
tueux ; ceux qui le voyaient en concevaient de la joie. Ceux qui étaient
bons et croyants, il leur expliquait cette „ connaissance du cœur" et
il la développait de nouveau afin d'être utile à tous les êtres. A cette
vidyârâja-dhâranî illustre il appliquait sans cesse sa pensée, son atten-
tion profonde et son étude. En ce temps il y avait d'autre part un
notable ( ^ ^ = grhapati) dont le nom était Koang-ming {^ ÇÇ ) *), qui
demeurait aussi dans cette ville; ses richesses étaient sans limites et
il possédait une grande opulence. Tous les Brahmanes lui obéissaient.
Or ensuite le Brahmane Vimala expliqua un jour en faveur des hommes
cette dhftranî royale de la „ connaissance du cœur". Alors le notable
Koang-ming conçut de la haine et formula cette pensée: j,Je couperai
pièce par pièce ce Brahmane comme s'il était un poisson ou une tortue ;
en outre, je lui remplirai la bouche d'ordures." Quand ce notable eut
formulé cette pensée et conçu ce sentiment mauvais, il reçut en con-
séquence la punition de la lèpre blanche ; il éprouva de grandes soufi&^n-
ces et des tourments extrêmes qui durèrent jusqu'à sa mort. Quand sa vie
1) Le mot koang est généralement la traduction de vaipulya^ et les mots yiten-man
traduisent le sanscrit pûrna,
2) Prabhâ (?).
10
74
fat terminée il naquit dans le gruid enfer Avtd ( ^ ^ ^ ift ^ )•
n resta là durant nn Ealpa et éprouva de grandes sonf&ances. Qaand
il fiit sorti de cet enfer il naqnit parmi les poissons et les tortues;
dans cet état il passa anssi un Kalpa et reçut nne dure punition. En-
suite quand sa vie fut terminée, il renaquit dans l'enfer kâlasûtra
t ^ li ^ ^ ^ ) et éprouva de grandes douleurs pendant encore un
Ealpa. Ensuite quand il fut sorti de cet enfer il naqnit aussitôt
comme aveugle dans la ville où il avait primitivement r^idé; dès sa
naissance, il n'avait pas d'yeox;(grftce h. des causes antérieures^ il
put entendre parler d'an hhik§a qui résidait dans un certain temple.
Son cœur conçut une foi profonde et il se mit lui-même ^ sa recherche.
Or ce bhikçu se conduisait toujours avec compassion; quand il l'eut vu
venir, son cœur compatissant le recueillit; bien plus, il lui donna îi
manger; ensuite il lui expliqua cette dharanl de la .connaissance du
rcœur" (hrdaya-vidya-dhâra^).(fLor8que (l'aveugle) eut pu l'entendre, il
I 7 fit grande attention et y appliqua sa pensée. Alors dans cette nais-
sance (il obtint la compréhension de ses anciennes destinées et il put
jj réfléchir h ce qui était leur origine Puis il s'appliqua k la réflexion
avec une grande force et eut un repentir immenseC) Quand il eut eu
ces pensées, sa vie finit et, grftce h la force majestueuse de cette dhft-
ranl, il obtint de naître dans le beau palais des devas Tu^tasj)\vec
la foule des devis, ses parentes, il éprouva de grandes joies. Ses autres
foutes ftirent abondantes et c'est pourquoi cette infortune maintenant
l'attendait. •
Yajrap&ni, celui qui, en ce temps, était le notable qui conçut
des doutes et prononça de mauvaises paroles, il n'est autre que le
deva Manipitakavimala. Yajrap&m, ce Manipitakavimala devait, après
avoir subi de si dnres punitions, pratiquer une excellente conduite,
confier sa destinée aux trois joyaux et graduellement s'assurer le fruit
excellent; il devait même parvenir, dans le fntnr, à obtenir la bodhi
du Buddba.
Vajrap&ni, celui qui était alors le brahmane Vimala, qui fut
ensuite le bhik^u qui expliqua à celui qui était aveugle de naissance
75
cette dhâranî, c'est Maùjuçri le kumâra ^) (;^ $5|ç 6îS 5^ ^ "F")-"
Alors, la grande assemblée des devas ayant obtenu d'entendre ce
récit des choses passées, soupira et dit: „ C'est une chose rare; c'est
une chose extraordinaire; c'est un sujet très spécial de réjouissance
sans limites." Alors, d'une voix haute, ils chantèrent cette gâthâ:
,,ia grande force glorieuse,, dont on ne peut concevoir le sens,
Délivre des trois voies ^) et le secours est obtenu ;
Elle est comme le joyau qui réalise les désirs et elle est du même rang ;
C^est là réellement le vrai samâdhi du Tathâgata^
Alors dans cette assemblée il y eut quatre-vingt douze mille devas
qui obtinrent de ne pas retourner dans le cycle des transmigrations,
(et cent mille kotis de devis qui changèrent de forme, et de femmes
devinrent hommes^ et qui aussi obtinrent de rester et de ne pas re-
tourner dans le cycle des transmigrations. Alors le grand chef des
Rakças, Vajrap&ni, dit au Buddha: ^0 Bhagavat, nous sommes loin
d'en comprendre le sens quand nous louons cette grande vidyâ-râja-
dhàranî; ô Baghavat, je désire que tu fasses une nouvelle explication
et que tu formules une règle qui fera que la foule des êtres dans les
temps à venir pourra trouver son avantage, être calme et heureuse,
et (ne pas tomber dans les enfers^ dans les naissances latéralas et dans
le domaine de Yama."^
Alors, Bhagavat ayant pris pitié de sa requête, s'adressa au grand
maître des Rakças, Vajrapâni, en ces termes: „ Ecoute attentivement;
écoute attentivement; je vais maintenant t'exposer cette dhâranî et
1) Dans le Sad-dharma-pundarîka ^ on trouve Manjuçrî désigné par le titre de kutnâra-
bhûta qui peut signifier ,,qui est prince i^oyaF* ou „qui est adolescent"; M. Kern {Saddhamia
pundarika^ p. 4, n. 2) adopte le premier sens, tout en indiquant la possibilité du second. Le
titre de kumâra-bhûta se retrouve dans le nom de plusieurs Bodhisattvas : Varuna-mati-kumàra-
bhûta,, sumati'kumâra'bhûtay etc. (cf. Mahâvyutpatti^ n°. 22). Je dois à Tobligeance de M. W. Bang
le renseignement suivant: dans Sanang-Setsen (Hist. des Mongols, édit. Schmidt, (p. 46, 1. q),
Manjuçrî porte Tépithète de dsalaghou qui signifie , Jeune, adolescent." Le même moi dsalag hou
se retrouve dans dsalaghou beye-tou = sanscr. kumara-butha.
2) L*expression ^^ ^^ , littéralement „le8 trois poussières" , me parait être ici l'équiva-
lent de Texpression homophone ^ ^^ : „le8 trois voies". Ces trois voies mauvaises sont celles
des enfers (naraka-)^ des prêtas (pitr\ et des animaux {tiryag-yoni-gati). Cf. Mahâvyutpatti,
Ti^, 211 et dictionnaire numérique Chinois à l'expression san t'ou.
fonnnler mie règle. Dans les temps et les dinsions à Tenir, s'il y a nn
homme de bonne famille on quelque femme de booDe &miUe ^quelque
bhik.^ on quelque bhik.^nni^ quelque upAsaka ou quelque upâsikà^qui
récite une fois cette ndyà-iâja (-dharanl), ce sera comme si cette per-
sonne disait le tour des pagodes des corps entiers des vingt Tathftga-
tacC)Si en ontre elle récite one fois ces deux (dhàranis), joyaux qui ré-
alisent les désirs, ce sera comme si, dans le lien où sont tes Tathftga-
tas au nombre de dix fois le nombre des grains de sable dn Gange de
cent«nea de mille de kotis de nahntas, elle plantait une radne de
bien (ku^ala-mûla) et elle obtiendra la récompense d'un grand bonheur.
[Les cinq continnités ') seront toutes anéanties f) il en sera de même
des enfers, des naissances transversales et du domaine de Tama; tontes
ses fautes, elle en sera délivrée et obtiendra en entre une grande
longévitéJ)Elle terminera sa destinée en se monde, comme nn serpent se
dépouille de sa peau, et alors elle ira mûtre dans le monde du calme
et de la joie et ne sera plus conçue dans le ventre d'une mère; an
milieu d'un lotus elle renaîtra naturellement; dans le lien oh elle
^naîtra, (elle obtiendra la connaissance de ses destinées antérieures^ en
outre, sans cesse, elle viendra eUe même rendre hommage à tous tes Ta-
thagatas; tont ce qu'elle demandera se réalisera aussitôt Si, en se con-
formant à la Loi, elle se pnrifie et se lave, si elle revêt des habits frais
et propres , fait un mandala (?) ^ ^ j^ carré .(se sert de bonne écorce
d'ormeau^ pour y écrire cette ^connaissance du cœur",(puis élève cinq
pagodes^ établit des antels aux qnatre angles, et, au cœur on centre de
cette construction, place an ^nilien des cinq pagodes ,1a connaissance
1) Lm £ 4jt W ift (en ganacrit les cinq ânantaryas, c'eetr4-dire tes cinq conti-
noités) «ont étinméréM dam le dictionnaire numérique Kiao-tch'eng fa chou et dans la iiahà-
vyulpatli (a'. 122); en Toici la liate dana l'ordre suin par la Uakâvyutpalti: i. matrghâta,
fnpper m min; en Chiaoii, ^B. -ffi, faire dn mal à m mère; 2. arhad-Dodha, frapper à
mort on Arhat; en Cbinoia, ^jSt j^ ||||, taer un Arbat; 3. pitrghâla, frapper son père;
en Chinoii, ^tër "^jti tner eon père; 4. «am9/ui-bheda,dé(uniondu«amp'ia;enC3iinoia, tt^ 4^
'a ffî ' iD^Rie leni; 5. talhâgatasyinlikedufta-ciUa-rudhirap&dana, (aire jaillir du sang ou
de inniitaioei peniées en préeence du Tathâgata; la traduction Cbinoise eat ici as<ei obscure:
77
du cœur", puis dans le cœur ou centre établit un disque de pagode ')
( >te î^)' 3^^ 1® ^^'^te du disque ( ;|î0 |^ ) accroche des soies de couleur rouge
pour en faire un écran, sur les autels place les 4 bouteilles saintes et les
4 brûle- parfums pour y brûler les 4 parfums, à savoir le parfum houo *), le
parfum tcKm % le parfum du candana et celui de Parthie *) répand les par-
fums en pâte de toutes les fleurs renommées, place les ustensiles ngo-
^'a (|^ >({tl) et fait le tour du mandala (.^ ^^)> récite cent-huit
fois les (dhàranîs), deux trésors qui font se réaliser les désirs, alors s'il
y a quelqu'un qui a été mordu par un serpent, ou si quelqu'un a
une maladie invétérée et que sa destinée soit près de sa fin, ou si
quelqu'un dans la force de l'âge (va mourir) prématurément, ou en-
core si quelqu'un redoute les blessures à la guerre, ou si quelqu'un dé-
sire avoir des descendants, cette personne doit devant le mandala placer
des feuilles de l'arbre ou-p'an ( 5£ J|9l >^ )> s'appliquer des feuilles de
cet arbre sur le corps et, auprès des pagodes et du mandala, concevoir
des pensées attentives et excellentes et accomplir toutes les oftandes.
Celui qui pourra, point par point, se conformer à cette règle /tout ce
qu'il aura accumulé pendant cent mille kalpas de fautes et d'obstacles,
il en sera entièrement délivré H toutes les souflErances , (toutes les mala-
dies^ toutes les craintes seront entièrement écartées/Jusqu'aux enfers ,
aux naissances transversales et au royaume de Tama, tous les mauvais
karmas, il pourra de même en être délivré]) certes , quant à tous les
crimes qu'il aura accomplis dans le monde, aux maux empoisonnés et
i) Jfl ft^. Le Fan i ming i tsi (chap. XIV, p. 17 v».) rapporte que, lorsque le Buddha
construisit la pagode de Kâçyapa Buddha^ il Toma au sommet d'un disque plat pour symbo-
liser le signe de la roue ft^ ifl . Luen siang est donc l'expression correcte qui désigne le
disque au sommet d'une pagode. Cependant on trouve parfois, comme ici, l'expression siang
luen (» roue contemplée) qui donne à entendre que les hommes voyaient de loin le disque et
le contemplaient ( Râ jjB ). Cf. aussi Julien , Hiouen Thsang , H , p. 363 , n. 2.
2) D'après le Fan i ming i tsi , le parfum h(mo ^p ^& est le kapi ( jbp Sl ) ; le dic-
donnaire de Boehtlingk identifie le kapi avec l'Emblica oflQcinalis, ou une espèce de karahja^
ou l'olibanum.
3) -^ ^ ; cf. p. 70, n. i.
A) D'après le Fan i ming i tei , le parfum de Parthie ^ Ê ^ semt le parfum de
Tukhàra :ftB :^ M ^" ^^ Kukkura ^ ^
aox soa&ances, tout cela sera anéanti, f Si qnelqa'nn s'applique ani-
qoement k rédter (cette dh&rani), cet homme dont la vie deyait être
courte pourra obtenir une grande longénté; s'il a qoelqne blessnre oa
abcès dont il ttonfire depuis longtemps et qae de tout temps on n'a pn
gnérir, il pourra s'en remettre; la racine de son corps sera par&ûte,
purifiée et subtilement belle. Les choses qne désirera sa pensée, loi
seront aussitôt accordées. (Et lorsque viendra la fin de sa destinée,
il ne verra pas devant ses yeux tous les mauxj) après sa mort, il
sera comme un serpent qui change de peau. Il ira naître dans le do-
maine de la joie et da calme. (Le lieu où il naîtra, ce sera un lotns
où il se produira par transformationj) tout ce qu'il aura ^ son usage
y sera extrêmement pai&àt;(i\ obtiendra la connaissance des destinées
antérieures) si, conformément h la r^le, chaque jour pendant les trois
périodes il récite (cette dbAranl) vingt et une fois, quand ses récita-
tions auront rempli une année entière , il obtiendra le samanta-mukha
praveça-prabha-samâdhi (^niS^^^^0 ift) (P pourra voir,
des dix côtés dans tous les pays de Buddha ( ^ ^ = Buddbak^etra),
ton» les Tatbâgatas?) En outre il obtiendra aussi la pureté sans tache ,
un corps brillant comme la flamme et extrêmement pur; il obtiendra
aussi la pureté du cœur. En même temps , dans la demeure des Buddhas
qui sont au nombre de quatre-vingt deux lois le nombre des grains
de sable du Gange de centaines de mille de kotis de nahutas, il plan-
tera une racine de bien. Le cycle de l'évolution dans son tour et son
retour le placera toujours dans la pureté. H faudra que, s'il demande
que des pays de Buddha (Buddhakçetra) viennent à lui, ils arrivent
tous; s'il veut naître dans le monde de la calme joie, conformément
à son désir il y n^tra.rÂ. sa mort, les maux corrélatifs (de ses Êiutes)
ne lui apparaîtront point; et même jusque dans ses rêves, il ne les
verra pas non plusî\Si le huitième jour, le quatorzième jour et le quin-
zième jour, il &it le tour de Ha pagode^du corps entier du Tatbâgata
et chante huit cent fois ces dhàranîs , deux grands joyaux qui réalisent
les désirs, au moment où il chantera, il se produira dans la pagode
le son d'une voix qui louera le marcheur et dira: «C'est bien!" Cet
homme, ^ut ce qu'il aura commis dans la vie présente de fautes.
79
et toates ses soufirances^ et jusqu'à ses passions, son aveuglement et ce
qui peut causer sa perdition , son ignorance et ses souillures , tout cela
sera supprimé^ Il obtiendra un corps sans tache et extrêmement pur.
(Si, de plus, im homme ou une femme, un jeune garçon ou une jeune
fille entend le son de cette récitation, tout ce que cette personne
aura commis de fautes , elle en sera entièrement délivrée^ Si le son
de la récitation descend jusqu'aux êtres inférieurs et atteint les
êtres ailés ou les êtres à quatre pattes, à deux pattes, à plusieurs
pattes, sans pattes et toutes les espèces d'insectes et d'êtres ani-
més, toute leur conduite passée ils en seront entièrement débarra-
sésj(j^Si, parmi les tombes, il y a des ossements déterrés, qu'on chante
vingt et une fois cette dhftranî sur la poussière qui les entoure et
qu'on la répande sur les os, l'âme qui leur correspond, dans quelque
lieu qu'elle se trouve et dans quelque enfer qu'elle soit tombée, sera
entièrement délivrée, aura une heureuse naissance et se rendra parmi
les devas^Sur le corps de celui-là, quel qu'il soit, deva ou homme
il pleuvra des fleurs merveilleuses qui descendront dans la tombe.
Bien plus , au moment où le marcheur chantera parmi les tombes ou
dans les montagnes, tout ce qu'il y aura d'êtres ailés ou de bêteâ mar-
chantes de quelque espèce qu'ils soient, qui dans leurs pérégrinations
arriveront là, tous pourront êtres délivrés (iu corps qui est une puni-
tion de leur conduite^ avoir une naissance heureuse et se rendre parmi
les devas. Celui qui lira huit mille fois la Buddhoçnîça-vimala-samanta-
mukha-trailokya-tathâgata-hrdaya-dhftranî ^) , le feu ne pourra plus le
brûler ;Aes actions mauvaises qu'il aura commises et jusqu'aux cinq
continuités *) il poun*a ainsi en être délivré^ S'il la chante cent millej
fois, au moment où sa vie finira, quand un messager de Tama lui '
passera la chaîne autour du cou et le tirera dans le domaine de Tama,
dans ce domaine tous les enfers s'écrouleront et ce seront eux, au con-
traire, qui concevront de la crainte; on ordonnera aussitôt à un tel
homme de s'en retourner et on le délivrera en disant que ce marcheur
1) Cf. p. 71, n. 4.
2) Cf. p. 76, n. 1.
80
est un envoyé du roi de la Loi qui s'est tenu ferme à une conduite
pure et réfléchie sans jamais hésiter. S'il désire naître dans le monde
de la joie calme , il ira naître là où le veut son désir. Celui qui chan-
tera cent mille fois cette dhâranî obtiendra un corps couleur d'or, un
visage d'une perfection achevée. Les Tathâgatas des trois générations ^)
le regarderont comme un fils unique. S'il en écrit cent mille exem-
plaires et qu'il fasse pour eux cent mille pagodes , qu'il les y place con-
formément à la Loi, et qu'il les rende parfeites, il est bien certain
qu'il ne reviendra pas dans le cycle des migrations et qu'il résidera
calmement dans les dix lieux ^). Ainsi ce sera comme si, dans la de-
meure des Tathâgatas qui sont au nombre de quatre vingt dix neuf
centaines de mille de kotis de nahutas de fois le nombre des sables
du Gange, il plantait une racine de bien et il pourra obtenir qu'on en
tienne compte. Alors il prononça la Gàthà suivante:
^^Dans une seule pagode placer la ^^connaissance du c(Bur^\
Y établir un pavillon de la Roue et V orner de banderoles^
r
1) Du passé, du présent et de l'avenir.
2) -p' jlh *" daça hhûmi. Le dictionnaire numérique Kiao tcKeng fa chou donne des
dix terres deux énumérations. L*une d'elles est identique à celle qu'on trouve dans la Mahâ-
vyutpatti, n**. 31; c'est la suivante: i. ttfr !§!., pramuditâ^ „la réjouie" (sous-entendu : terre
ou région); — 2. Sft jH^ , irimaW, „la sans-tache"; — 3. S| ■♦• , pra6/id-/;ari, „réclatante"; —
4. iR ^^ , arcismati , „la rayonnante" ; — 5. fi|| S^ , sudurjayâ , „la bien invincible" ; —
6. ïH ]|* , ahhimukhi, „celle qui est en face"; — 7. jfô ipr, dûram-gamâ ^ „celle qui va
loin" ; — 8. TK |M , acalâ, ^l'immobile"; — 9. ^ ^i, sâdhumatîf „la vertueuse"; — 10. jj^
^èt dharma-megha ^ „le nuage de la Loi". — Dans la seconde énumération du dictionnaire
numérique, les sept premiers termes sont identiques aux tenues des Çrâvakas énumérées dans
la Mahâvyutpatti (n® 50); cette énumération est la suivante: 1. ^J ^J, çukla-vidarçana-
hhûmi^ „la terre de la vision blanche" (le Chinois traduit le premier mot par ^* <■ «ec; il a
dû lire çufka au lieu de çukla); — 2. Ajj^, gotra, f>région de la race"; ~ 3. A. A ,
açtamaka , „région du huitième" (le Chinois ajoute le mot ^L » homme ; on remarquera que
cette région est en effet la huitième dans l'énumération des dix régions, si l'on part de la
région la plus élevée) ; — 4. H , darçana , „région de la vue" ; — 5. |^ , tanu^ f^région du
corps" (le mot Chinois signifie „mince"; en effet, tanu,, (cf. le latin tennis)^ a à la fois le sens
de „mince" et de „corp8"); — 6. iSà ;gfr , vîta-raga , „qui s'est délivré des passions" ; — 7.
Pj, SB, krtâvi, „expérimenté"; — 8. "^ >^ , „régions desPraft/e/MX-budd/io»"; — 9.
„région des Bodhisatttxis'' ; — iO. '^ , «région de fiuddha".
81
Oest comme si an cachait les corps entiers des Buddhas des trois générations I
Et qu^on en remplit cent mille pagodes; voilà ce qu'il faut savoir, J
TEii outre, ce sera comme si (cette personne) avait agrandi et
réparé toutes les anciennes pagodes]) elle obtiendra donc de ne pas
retourner dans le cycle des transmigrations, et ce lui sera une garantie
que, dans l'avenir, elle obtiendra la sagesse parfaite de premier rang
qui n'a pas de supérieure {anuttara-aamyak-aambodhi). Le bienfait de
cela s'étendra aux hommes et aux de vas et jusqu'aux insectes qui
seront délivrés des voies mauvaises et ne retourneront pas dans le cycle
des transmigrations; c'est un mérite sans limites qu'aucune louange
ne peut égaler.
Alors le grand maître des devas, Vajrapâni, les quatre grands
devarâjas, Brahma, le deva Nftrâyana, le deva Maheçvara, les devas
qui résident dans le palais Tuçita et aussi Çakra et le deva des Trayas-
trimças Manipitakavimala, tous, d'un commun accord, tournèrent trois
fois autour du Buddha et se tenant devant le Buddha ils joignirent
les paumes des mains et l'adorèrent; ils dirent au Buddha: „0 Bhaga-
vat, cette dhârftnî, joyau qui réalise les désirs, dépasse fort tout ce
qu'on peut penser ; c'est une chose fort extraordinaire , rare, difficile à
voir, difficile à, entendre. Bhagavat , voici ce que nous ferons d'un
cœur unanime dans les générations à venir: s'il y a parmi tous les
êtres un être qui, sans cesse, conserve et garde ce joyau qui fait se
réaliser les désirs, nous ordonnerons qu'il demeure longtemps dans le
monde pour être celui qui dégage et libère tous les êtres. Sans cesse,
avec un cœur sincère et attentif, nous le protégerons secrètement,
comme s'il était notre tout jeune fils.'* — Le Buddha dit: «Fort bien!
Fort bien! Agissez donc ainsi. Maintenant, ce gage de la vidyâ-rûja-
(dhàranî), joyau qui fait se réaliser les désirs, je vous le confie. Prenez
bien soin de le conserver." Quand le Buddha eut fini de dire ce sûtra,
tous les grands Bodhisattvas et tous les devas furent tous pleins de
joie, accomplirent les rites et se retirèrent.
11
Ln auxlttiras -j ^ à» et ^ /«.
Parmi les auxiliaires maltiples de la langue hiéK^lyphiqoe , il en
est deux qui se recommandent à l'attention de Tégyptologoe par leur
emploi fréquent: ce sont les verbes Ij §. à» et o ^ ^« signifiant tous
deux élre.
Chacun a un rôle qui lui est propre: le premier forme les impéra-
tif, il est l'auxiliaire du verbe passif, tandis que le second est la
caractéristique de )a voix passive et du participe.
Mais ces deux auxiliaires ont une fonction qui leur est commune:
ils entrent dans les mêmes combinaisons temporelles. Si nous prenons
comme paradigme le verbe ^ i' rex, savoir, nous verrons que les
roôtnes temps sont formés par les deux auxiliaires |] <^ â» et i^ <^ et
nous aurons les deux séries suivantes:
1 ^ i' "o" f à,àr,x =■ "^ â T 1 tu à rex
"• Il œ ^ T' Il "ààuàrexnà '^ ^ ^ "X" Il "êt-^ rex «â
83
I
i tua hr rex
tuà r rex
tua m rex
m. (j (^ ^ f "^ I â«â W rex c ^
(| ^ ^ <=> "^ ^ àua r rex ^ ^.
Montrer que le rôle respectif de au et de tu diffère dans ces for-
mes, rapprocher et opposer quelques-uns de leurs usages caractéris-
tiques , tel est le but que nous nous proposons ^).
Sous ce rapport, les phrases temporelles donnent lieu aux obser-
vations suivantes:
(1 ^, â« s'y place toujours dans le 2^ membre (proposition
principale).
unn
e
seper rk
m h àr uà
II
^
pa uxa aeper rfc au /c ar ua ar mau • . • •
Quand la lettre te sera parvenue , réunis toi . • . .
Tur. 66 . 7.
X^ft^ seper ta ia
I vv »
(j^
Mt rkj au k her
Quand ma lettre te sera parvenue, partage.
k^
dut dnà
A/NA/WA
mi-Mt^à.»m-A^'à*^^%.-
L. 348 , 9 , 7.
w ^
renti tuà ai au à her x^^ ^^ ^ ^^ ^^^
Lorsque je fus venu .... je remontai. ... je trouvai.
L. 348, 8, 4.
er dut per per{i) àm aen .... au a er x^^
[S']ils laissent sortir un sortant d'eux , je descendrai.
Pian;^i. ligne 24.
1) Les patientes investigations «le M. ërman, dans sa belle grammaire du nouvel égyptien
et sa grammaire égyptienne, toute récente, ont rendu ce travail possible.
La plupart des exemples cités ici sont pris çà et là dans ces deux livres.
^, .m .'OTitriire ne hi> iilaw* ni»> tas» la I'^ .oembre iea jbcueâ
_^pv -TT /*'« .i^^f ntf . . . , lU cit rem , . .
iJtianH il !»* Iterf;h*». m rronre
U l. 5. Ha». M. Aês. '>r. ill.
Voir iotre exemple :b. il -t.
Pins nvmftnt nrtmmti nous 1<* 7oyoiw ians le- l" eaMmJiê ôné
p>no h«nf, , c'*wt rniTÎÎiaïre p;^ mr <[m §e place iama le 1» meniDre le
la, phru"*» tpmjyir'-tlft.
I ^ i;«( H*!mt viqvent liço da reiatif ^" itti:
■ '-N , --«, '-^ — ^ ? -* ' ^^,
j .^.,.. j jf"^ -^^^^^, ^ — :.t\< ^ r ^
m . . . . ■iw/ BMW / fiti m itehhetf
Un homme. . . . i^ui » '!«« lioolenrs >iaiift Ir l'^on.
Eh. 51 , iO.
U^ I ? >^ .rfS ^ I I , > I ^ 1 ' ' ' I ^r' ^-^ --
*»/ V»* t'fhfin ta pfMti ém se» her jotf
n rcnrrmtfn. 1««< 'tienir et ils n'en allaioit.
(poar: qui n'en allaient), Orb. 3, 3.
,5 /«, ■<« tmtïve an contraire dans les propoaitiûna relatives en
/(« A#/ nii tmà àm
L'emdrwt o^ je m'arrêtai-
Lee 1, 2.
)^ ./A ^ . « I ^ '^^ ? ? I ... '* I """ 1=3 ï>r 4 1^ ^ ^
«// //// nti tut» k«f (itti n ret àuf matt
fiM iiU'ifU (((('(rrr plfM« prhi 'rna mort....
Hait, 3, 3. Ebm. 215.
85
La forme construite sur le modèle de au à rex exprime, en gé-
néral, ridée d'un état ou d'une action permanente. De là son emploi
pour exprimer une qualité et les circonstances accompagnantes de l'ac-
tion principale, le cadre^ pour ainsi dire, dans laquelle elle s'est produite.
ret àuf met
Un homme mort. Un mort.
Sait. 3, 3.
àuf her Semt er merit au hatef ua ut
n s'en alla vers le rivage tandis que son cœur était plein de chagrin.
Orb. 11, 1.
Des exemples précédents et d'autres qui, en grand nombre, vien-
nent les corroborer, on peut inférer que, vis à vis des formes en
%tu, les formes en (1 (§. âî^ impliquent souvent l'idée de simultanéité de
corrélation, si bien que, parfois, pour en rendre pleinement le sens,
il faut les traduire par le participe ou bien encore par l'indicatif
précédé d'une conjonction temporelle ou d'une particule copulative,
adversative etc. ^).
1) C'est bien le même sens qui s'est conservé en Copte dans l'exemple suivant:
ACiyœni JilUN.OI €lOg^I €pAT €2:€li ^lApo m Tiupioc
Il advint à moi, tandis que je me tenais sur le fleuve du Tigre (Daniel, Vision 14, 3).
Le symbolisme solaire dans le Rig-Véda.
Ph. colinet,
Profouenr à l'Vantnité ds LaDTaia.
La religion védique est, on l'a dit depois longtemp!) , nne religion
de lumière. La nature des dieux supérieurs de son panthéon est la
lumière suprême , inaccessible aux regards des mortels. Tels apparaissent
les Àditjas, et particulièrement Varuna, quelle qu'ait été sa nature
primitive ')- Le monde qu'ils habitent est de la même nature *) et
cette nature est désignée par le mot ôdiH, conçue comme la mère des
Àdityas, mais qui parait avoir été d'abord la contre-partie féminine,
l'épouse, dans un certain sens, de Dyaua, alors que ce dernier nom
n'avait pas encore été supplanté par celui de Varuna, son fils, pour
exprimer la notion de la grande divinité du Ciel ').
Cette région suprême , remplie d'une lumière qui ne faiblit jamais
et. que l'œil humain n'atteint point, se manifeste cependant d'une
maDière éclatante dans l'astre qui répand ici-bas, avec ses rayons, la
chaleur, la joie et la vie.
A. Le soleil a été créé, placé là-haut par Varuna qui lui a tracé
sa voie ^ travers les régions célestes.
«C'est dana l'abîme {c'est-à-dire le ciel sans fond) que le roi Varuna,
i) RoTH, Die hôchtten Gëtter der ariêchen Vôlker, ZDMG. VI.
2) CotiHET, La tutture du monde supérieur dans fa Rig-véda, Muaéon, 1890,
3) Id. La nature primitive d'Adili. Extrait deH Proceedings of the ninth inlemalional
Congresê of orientaliaU.
87
le saint , a érigé le tronc de l'arbre. Les rayons (du soleil), dont la base
est en haut , se dirigent en bas ; puissent-ils demeurer auprès de nous. Le
roi Varuna a fait au soleil une voie large, pour qu'il y marche; il a
donné deux pieds à celui qui était sans pieds, pour qu'il les avance .... ')."
„I1 a placé le soleil au ciel .... ')."
„Voici la ^grande magie de Varuna, le glorieux asurien, que je veux
proclamer. Debout dans les airs, il a mesuré la terre avec le soleil,
comme avec une mesure ')."
» Varuna a ouvert les voies au soleil; il a lancé en avant les flots marins
des fleuves {c^eat-à-dire des fleuves sortis de la mer). Comme un flot lancé, les
cavales ont suivi l'ordre ; Varuna a fait les grandes voies pour les jours *)."
„. . . . Le sage roi Varuna a feit au ciel cette balançoire d'or pour
qu'elle y brille*)."
B. Dans les passages suivants, le soleil apparaît comme le aermteufy
r espion de Varuna; ou comme le moyen ^ rœil, dont il se sert pour se
rendre compte des actions humaines qu'il punit ou récompense.
1,0 soleil, tu t'es levé devant nous, au chant de ces louanges,
(traîné) par tes coursiers, selon la règle; proclame notre innocence
devant Mitra, Varuna, Aryaman et Agni*)."
„Le soleil s'élève, ô Varuna, étendant votre œil au bel aspect Ô
dieux; lui qui contemple toutes les créatures, a observé le zèle pieux
chez les mortels'^."
1) I, 24, 7. Abudhné rajâ vdruno mnasyordhvdm stépam dadate pûtàdak§ah — nidnâ
sthur upâri hudhnà esâm asmé antdr nthitâh ketâvah syuh . .
Ibid. 8. urtim hi raja vdrunuç cakâra séryâya pânthâm dnveiavâ u — apode pâdâ
prâtidhâtave ^kar ....
LuDWiG, Der Vieda, IV p. 83 {Commentar) n'admet pas qu'il s'agisse du soJeil au vers 7; le
Ters suivant me paraît au conti-aire recommander très fort , ou même imposer cette interprétation.
2) V, 85, 2 . . . . dim séryam adadhât.
3) Ibid. 5. Imâm û §v âsuràsya çrutasya mahim mâyam vdrunasya prd vocam — ma-
neneva tasthiv&fi antàrik§e ui yô marné prthimm séryena,
4) VU, 87, 1. Rddat pathô vdrunah séryâya prarnarhsi samudrîyâ nadinâm — sârgo
nd 8r§td drvatir rfâyàh cakâra mahtr avdnxr àhabhyah,
5) Ibid. 5 . . . . Grtso râjâ vdrunaç cakra etàm divi prenkhâm hiranyâyam çuhhé kâm,
6) Vn, 62, 2. Sd sûrya prdti purô na ûd gâ ébh{ siômehhir etaçéhhir évaih — prâ
no mitrdya vdrunàya vocô 'nâgaso aryamné agnâye ca.
7) VII, 64, 4. tW vàm cdk§ur varuna suprâtikam devdyor eti séryas tatanvân — ahh{
yô viçm hhûvanâni cd§te sd manyûm mdrtyesv a ciketa.
«Hommage à l'œil de Varuna et de Mitra ')."
Le soleil est donc tantôt l'espion de Yamna , tantôt l'œil dn dieu.
L'emploi de ces termes n'est pas acàdentel ; il n'est pas le fait de l'in-
spiration momentanée d'un individn. Leur emploi simultané ne permet
guère non plus de les prendre dans un sens littéral. Une autre solution
s'imposera bientôt par la comparaison des passages suivants.
G. Dans un troisième groupe de passées, Sûrya apparaît comme
un simple inatrument de Varuna (et de Mitra) : il est leur roue, leur char,
leur navire.
vous avez engraissé toutes les vaches de Tétable; la roue [Htt.
bande de roue) unique, qui vous sert à vous deux, arrive derrière elles *)."
,0 Mitra, Varuna, gardiens de l'ordre, dieux aux bonnes lois, vous
montez le char, au ciel suprême *)."
,Et maintenant, arrivé en aa présence, je célèbre son visage de
fen; qu'il me conduise à voir la belle forme de la lumière au ciel, lui
qui préside aussi aux ténèbres. Lorsque nous montâmes , Varuna et moi ,
danH le navire, lorsque nous le fîmes mouvoir par le milieu de la
mer; lorsque, sur le dos des eaux, nous voguions et que nous balan-
cions la balançoire pour qu'elle brill&t: c'est alors que Varuna plaça
Vasiçtba dans le navire, et que le dieu aux grandes et belles œuvres
fit de lui un rçi; en ces jours heureux, lui, le prêtre, le fit son
cbantre, depuis le moment où les jours et les aurores s'étendent pour
(lui, pour Vasigtha, c'est-à-dire depuis sa naissance')."
1) X, 37, 1. Ntimo mitrâaj/a varunasya cdkiase.
2) V, 62, 2.... viçeâh pinviilhah ivâtaratya dhénâ ânu vâm ékah pav(r d vavarta.
Le sens donné à ce demi-vers est plausible en soi; le ver» suivant, cité plus loin, le rend
ceitaio ; Ish deux vent se soutiennent.
3) V, 63 , i. rtasya gopâv àdhi tifthalfw nithain aatyadharmana paramé vyâmani ....
4) VII, 88, 2, àdhâ nv àaya Bamdrçam jaganvân agnér ànîkam varunasya maAH —
»iiàr yàd dfmann adhxpd u dndho 'bki inô vâpur drçàye niniyât.
3. à yM ruhâva vàrunaç ca nâvam prà yàt santudrâm ïrdyâva mddhyam — âdhi
yàd apàm »nùhh\ç ciirâoa pfd pr-ehkhà inkhayâvahai çubhé kdm.
4. Vdirifthani ha wiruno nâvy âdhôd ffim cakàra avàpâ mdhobhik — «tolaram viprah
audinaivé àhnàin yàn nù dyâvas latànan yid Ufdsah.
Un sens très plausible de ces vers me paratt le suivant. Vasi^tha célèbre lui mënie sa dignité
de prCtra. Déjà ici, le prêtre appiiralt comme associé au gouvernement du monde; il n'est déjà
plus un simple intarinédiaire, un suppliant. Ou sait que plu» tard lee brahmanes s'attribuent un
^- ■
89
D. Voici maintenant une nouvelle série de textes , où l'union entre
Varuna et le soleil paraît plus intime ; on pourrait être tenté d'y ramener
les précédents, en les interprétant dans un sens figuré; mais ce serait
à, tort. Les textes de la dernière série suggéreront une autre solution,
plus satisfaisante.
»Sûrya se fait cette forme de Mitra, de Varuna, au sein du ciel, pour
qu'on la regarde. L'un (des côtés) est infini, son éclat est brillant;
l'autre est noir; les harits l'amènent (le matin) ^)."
„Nous le voyons qui s'avance sans tomber, l'amant des jeunes
filles; il a revêtu des (habits) bien attachés (?) qui s'étendent de tous
côtés, la manifestation bien aimée de Mitra, de Varuna*)."
» Votre magie (forme ou puissance surnaturelle, magique) Mitra,
Varuna se trouve au ciel; le soleil marche (comme) une lumière, une
arme aux couleurs variées')."
Cette union est exprimée d'une manière certaine, quoiqu'en ter-
mes peu précis dans le vers suivant :
»[Jne voie plus large a paru pour (donner) la liberté; le chemin
de la loi est tendu de rayons; l'œil de Bhaga est tendu de rayons*)."
Bhaga est évidemment nommé ici pour tous les Adityas. Le soleil, leur
œil, est tendu de rayons; mais leur demeure à eux est le monde de
la lumière suprême et inaccessible (cf. v. 2 et 3, dans mon étude sur
^Le Monde supérieur dans le Riff-Véda).
pouvoir direct sur les phénomènes de la nature ; le Rig-Véda lui-même présente parfois des traces
de cette conception. Dans notre hymne, Vasiçtha se contente encore d'une position subordonnée;
c'est par la faveur de Varuna qu'il occupe cette haute position. Varuna Ta fait prêtre dès sa
naissance. Ceci est peut être à l'adresse de Viçvâmitra, l'ennemi de Vasi^tha, dont la tradition
l'aconte qu'il était né fils de roi, et ne devint prêtre que plus tard.
i) I, 115, 5. Tan mitràsya mrunasyabhicàkse séryo rûpârn krnute dyôr upâsthe —
anantâm anyâd râçad asya pâjah krsnâm anyàd dharitah sâm hharanti,
2) I, 152, 4. Prayântam it pari jârdm kaninàm pdçyâmasi nôpanipâdyamânam —
ânavaprgnâ vitatâ vâsânam priyâm mitràsya vdrunasya dhâma.
Je traduis dhâma par manifestation, comme Ludwig ; le sens direct me parait être plutôt
celui de siège, trône: la ti*aduction donnée est plutôt le sens final, voulu par l'auteur; c'est
l'ensemble de l'hymne qui le recommande. Cf. Ludwig, der Rigveda, VI, p. 112, KZ, 28,
240 et Berqaiqne, La religion védique, UI, 210.
3) V, 63 , 4. Mdyd vâm mitrâvarunâ divi çritd sàryo jyôtiç carati citrâm âyudham,
4) I, 136, 2. Adarçi gâtàr urâve vârlyasi pânthà rtdsya sdm ayamsta raçmibhiç
câkfur bhdgasya raçmibhih,
12
90
Les passages déjà cités plus haut, où Sûrya est appelé l'œil de
Varuna, appartiennent aussi a cette catégorie.
E. Dans une dernière série de passages les rishis parlent de Varuna
et de Mitra , en leur attribuant directement ce qui, ailleurs, se dit du soleil.
i,Oui, je vois le char visible à tous, le char (qui roule) au-dessus
de la terre; qu'il goûte ces chants ')."
«Son revêtement est d'or, ses colonnes, d'airain; il resplendit au
ciel comme l'aiguillon du cheval
»La forme (de Mitra Varuna) est d'or lorsque l'aurore parait; les
colonnes sont d'airain lorsque le soleil s'élève. Mitra, Varuna, vous êtes
montés au dessus de la fosse, de là vous contemplez Diti et Aditi^)."
» Varuna, semblable à Dyaus, est descendu dans le fleuve, comme
une goutte brillante, un animal sauvage et plein de force')."
Terminons ces citations par l'hymne VII, 60, qui reproduit dans
leur ensemble plusieurs des idées qui viennent d'être analysées.
«Lorsque aujourd'hui, ô soleil saint, t'élevant au ciel, tu diras la
vérité à Mitra, à Varuna; puissions-nous, 6 Aditi, t'être chers auprès
des dieux, nous qui te célébrons, 6 Aryaman."
«Voici, 6 Mitra, Varuna, ce soleil qui s'élève en suivant la double
voie contemplant les hommes; le pasteur des êtres mobiles et immo-
biles, qui voit le bien et le mal chez les hommes*)."
«Il a attelé les sept Harits (sorties) de leur séjour commun; elles
4) I, 25, 18. Dârçam nû mçvâdarçatam dârçam râtham âdhi k^dmi — etâ juçata
me girah^
2) V, 62 , 7. Hiranyanirnig âyo asya athénâ v{ bhrâjate divy àçvâjanlva . . .
8. HiranyarUpam usâso vyùs^v âyasihûnam ûditâ sàryasya — à rohatho varurta
mitra gârtam âtaç caksâthe dditim dÙim ca.
Il faut noter qu'au vers précédent, cité plus haut, il est question de la roue unique de
Mitra et Varuna. Par Tensemble des trois vers, il devient évident qu'il s'agit du soleil en
rapport avec les deux dieux. — La fosse est l'atmosphère; Âditi désigne le monde supérîeur,
Diti le monde inférieur. Diti semble être ici un mot forgé pour l'occasion.
3) VII, 87, 6. âva sindhum vâruno dyaàr iva sthâd drapsô nâ çvetô mrgàs
tvmsrnân . . .
4) VII, 60, 1. Yâd adyà ttûrya hràvô 'nâgâ tidyân mitrdya vdrunâya satyâm —
vayàm devairâdite syâma tâva priyâso aryaman grndniah.
2. e§â syâ mitrâvarunâ nrcakçâ ubhé ûd eti séryo àbhi jmân — viçvasya stfiâtûr
jàgataç ca gopâ rjû mârtesu vrjinâ ca pâçyan.
91
le trament, baignées dans le beurre fondu (du sacrifice, la lumière).
Lui , votre serviteur, ô Mitra, Varuna, embrasse du regard les créatures ,
les races, comme des troupeaux/'
3, Vos coursiers pleins de douce liqueur {la lumière) se sont élevés;
le soleil est monté sur le flot lumineux. Les Àdityas Mitra, Aryaman,
Varuna , d'accord , lui ont ouvert les voies ').''
•
Le soleil, dans les rares hymnes qui lui sont consacrés, occupe
une position très élevée, mais subordonnée. On décrit sa marche, sa
beauté, ses bienfaits, mais il emprunte sa grandeur à Mitra, il est
appelé le visage des dieux, l'œil, c'est-à-dire l'espion qui leur sert à
se rendre compte des actions humaines. Cette position subordonnée est
précisée davantage dans les hymnes auxquels nous avons emprunté nos
premiers textes (A) (B) et (C) et oti il est mis en relation avec Mitra
et Varuça. Dans les séries (D) et (E) ces relations sont intimes, au
point que les deux termes semblent confondues dans la dernière.
Ces relations, disparates à première vue, de l'astre et des dieux s'expli-
quent, si l'on admet que le soleil est leur symbole. J'entends par symbole
un objet destiné à en rappeler un autre, mais distinct de celui-ci. Si
telle est la relation de Sûrya avec Varuna, il n'y a rien d'étonnant à
ce que, d'un côté, il soit la créature ou l'instrument de Varuna, et que,
de l'autre côté, il lui paraisse intimement uni. Le poète védique en disant
qu'il voit le char, qu'il lui adresse ses chants , emploie la même figure
que nous mêmes, lorsque nous parlons de combattre le croissant, de dé-
fendre l'honneur du drapeau etc. Il ne faudrait cependant pas identifier
absolument le symbolisme solaire des rshis avec le symbolisme purement
conventionnel de ces locutions modernes. Il y a ici un lien plus objectif.
VaruQa est le dieu lumineux de l'empyrée. Le soleil, plaicé plus près
i) Ibid. 3. âyukta saptâ haritah sadhâsthâd y à un vâhanti séryam ghrtâcih — dhamâni
milrâvarunâ yuvdkuh sâm yô yûthéva jâniniâni caste,
4. ûd vâm prkçàso mddhumanto asthur d siryo aruhac chukràm àrnah — yâsmâ
âditya àdhvano ràdanti miirô aryamâ mrunah sajo§âh.
Les races humaines sont comparées à un troupeau dont le soleil est le pasteur. Cette
idée a donné lieu à une conception particulière du soleil, célébré comme Pûçan, le nourrider.
92
de nous a des affinités de nature avec le dieu qu'il représente. C'est
là l'idée qui domine les passages de la série (C).
Des relations aussi étroites pouvaient engendrer facilement la con-
fusion dans rinde, où les idées panthéistiques , qui existaient déjà, en
germe à, l'époque la plus ancienne, tendaient sans cesse à s'accentuer.
Le nom d'Àditya appliqué plusieurs fois au soleil (cf. Bergaiqne, La
religion védique^ t. III, p. 99) indique peut-être cette confusion. Elle paraît
certaine dans le personnage de Savitar, qui réunit en lui la notion du
dieu invisible de Tempyrée et celle du soleil , son représentant visible.
Cette divinité n'est donc pas une création indienne , mais la concrétion
de deux notions d'abord distinctes, à laquelle on aurait appliqué le
nom de Savitar; ce nom, selon toute probabilité, aurait été d'abord
une épithète du soleil. C'est ce que je tâcherai d'établir dans un autre
travail.
Le symbolisme est 'un élément important de toute religion.
La religion s'occupe d'établir les rapports pratiques entre l'homme
et l'être ou les êtres supérieurs et mystérieux dont il se reconnaît
dépendant. Ces êtres sont placés loin de son regard et s'il lui
est recommandé de » s'enfermer dans sa chambre et de prier le Père
céleste dans le secret de son cœur", il éprouve aussi le besoin impérieux
de soutenir son attention par des symboles qui frappent ses sens ex-
térieurs. — Le symbole n'est pas sans inconvénients: dans Tesprit des
hommes ignorants, qui ne sont pas constamment rappelés au sens
véritable des choses, il risque de se confondre avec la réalité supérieure
ou même de la faire oublier. N'aurions-nous pas là une des sources du
développement, de l'évolution descendante des religions polythéistes?
Des phénomènes analogues se produisent dans d'autres domaines.
H existe une foule d'usages dans la vie civile, qui avaient un sens
précis lorsqu'ils ont été établis, qui ont dégénéré depuis en routine au
point de n'avoir plus rien de commun avec le sentiment qu'ils étaient
d'abord destinés à, exprimer ; les usages de la politesse chinoise, par exem-
ple, fourniraient une riche moisson de ces cérémonies devenues vides
de sens. — D'où vient que les poètes, qui veulent parler à l'imagi-
nation et au sentiment, s'ingénient sans cesse à créer des expressions
93
et des tournures nouvelles? C'est qu'ici encore l'emploi fréquent des
formes plus anciennes a produit l'accoutumance; celle-ci a engendré
la routine et puis l'oubli de la notion primitive. L'idée a disparu der-
rière le symbole, qu'il a fallu briser pour la retrouver vivante.
Le symbolisme dans le Rig-Véda n'est pas restreint au soleil,
mais il ne se présente pas toujours sous la forme rationnelle qu'on
pourrait appeler primaire. Ainsi l'oflârande aux dieux , invités à manger
des mets qu'on détruit, me paraît s'expliquer le plus naturellement
par une évolution descendante, qui, peu-à-peu, aurait fait perdre à
cette action le sens symbolique et rationnel qu'elle avait à l'origine.
Cette évolution elle même est conforme aux habitudes de l'esprit hu-
main, même chez des peuples d'une civilisation supérieure.
Histoire du Collège des Interprètes de Péking.
(fragment)
PAR
G. DEVÉRIA,
Professeur à l'Ecole Nationale des Langues Orientales Vivantes.
Trois-cent-quatre-vingt-huit ans avant la création de notre Ecole
nationale des Langues Orientales Vivantes dont nous venons de célébrer
le centenaire, la Chine possédait déjà, une institution très-analogue
appelée Sse i Koan ^ ^ ||f ') ! c'était là, qu'on professait les langues
vivantes, c'était là aussi que se recrutaient les interprètes qui, dans
les différents services du gouvernement chinois, devaient traduire les
écrits et les discours des Etrangers avec lesquels la Chine entretenait
des relations.
Amtot, dans le Tome XIV des Mémoires concernant les Chinois^ nous
avait dit que la création du Collège des Interprètes de Péking était
l'œuvre de la dynastie actuelle des TsHng en 1644; dès 1811 Abel
BiÉMUSAT rectifiait cette assertion et démontrait que cette institution
1) L'expression Sse i ou quatre barbares désignait plus spécialement des tribus du Sse-
ichou^n du côté du Thibet, mais ici son acception est plus large et s'étend aux barbares des
quatre points cardinaux, c'est-à-dire aux étrangers en général. Plus loin nous verrons dans le
nom de ce collège le caractère ^^ remplacé par ^B qui désigne et celui qui différencie les
langages, et les étrangers du Nord. Ce caractère a aussi le sens de ich*en BA exposer^ (exposer, Tun
à côté de l'autre, le langage du dedans et celui du dehors). — Ck)mmentaire du Tou chou
tsi tch'eng^ section Koan tck'ang lien^ K. CCCLXXX.
95
éteit un legs de la dynastie des Ming; mais, comme Amtot, Rémusat
se trompait en attribuant au XVII® siècle la confection et la publication
de la plupart des vocabulaires propres à chacun des bureaux du Collège,
vocabulaires dont notre Bibliothèque Nationale possède une collection
manuscrite malheureusement incomplète ^).
Amyot avait parlé de ces choses d'après un auteur chinois, un
certain Kiang Fan ;^ ^ , qui avait administré le Collège des Inter-
prètes vers Tannée 1695. A cette époque Kiang Fan^ seul responsable,
peut-être, des erreurs que j'ai signalées plus haut, livrait à l'im-
pression un ouvrage intutilé Sse i koan k^'ao *) ^ ^ f|f :% d'où Amtot
a tiré la série de notices que les Mémoires concernant lea Chinois nous
présentent sous le titre de Introduction à la connaissance des peuples qui
ont été ou qui sont actuellement tributaires de la Chine.
En 1872, Pauthier, désireux de posséder le texte original de Kiang
Fan me fit prier par M. Scjhepbr de rechercher cet ouvrage; j'étais
alors à Péking; aucun des libraires ou bouquinistes de la capitale
n'avait ce qui m'était demandé; l'ouvrage m'ayant été signalé dans le
Tchi'Uang^ j'écrivis à Mgr. GuiBRRr, vicaire apostolique de cette province ;
voici la réponse que je reçus de lui ') :
A Ningpo, on oonnait le titre de ce livre, mais c'est toat. A Hang-tcheoa on
le connait également; on a ajouté que les planches n'en existaient plus et qu'elles
avaient même disparu avant l'arrivée des Tch^ang mao dans la province. La réponse
de ChaO'hing a été plus explicite: ,,Ce livre, dit- elle, a été en effet composé par un
académicien du Tchi-kiang j mais il a été édité à Sou-tcheau où l'auteur avait trans-
migré; ses enfants ont vendu les planches d'impression à un Cantonnais. Mais où
sont-elles maintenant? On l'ignore. Peut-être les trouverait-on dans le Kouang-tongy
Voilà tout ce que nous avons pu découvrir. Si vous le faites chercher à SoU'tcheou
et à Canton je souhaite que l'on y soit plus heureux que nous.
1) Bibliothèque Nationale, relevé St. Julien, n® 986. Il y manque la partie Niu-tchi
{Jou-tchen) qu'a fini par découvrir M. Hikth et que M. le Dr. Wilhblm Grube, professeur à
rUniversité Impériale de Berlin , vient de publier sous le titre de Die Sprache und Schrift der
Ju6en. On trouvera dans un Mémoire de M. Terrien de Lâcouperie, intitulé The Ljurtchen
of Mandshuria , Tensemble de mes notes sur Torigine de ces vocabulaires composés sous les Ming.
2) C'est à tort que Pauthier, a cru qu'il fallait traduire ce titre par Histoire du
Bureau des Interprètes; comme on le verra plus loin, le titre de Sse i koan k*ao désigne un
Manuel à Vusa^/e des élèves du collège.
3) 27 Décembre, 4877.
96
Pas plus h Canton qu'à Sou-tcheou ou ailleurs nos recherches
n'aboutirent. Entre temps j'avais fait part de ma déconvenue au très
savant Archimandrite de Péking, Mgr. Palladius Kathaeow; dès le len-
demain, je recevais de lui deux volumes manuscrits, intitulés Sse-i-
koan ^^"«0 pt| H Hf :^, titre à peu près identique à celui de l'ouvrage
que je cherchais depuis six ans, et dont l'auteur, nommé Wang T%ong-t%ai
3E ^ ^ , avait été , comme Kiang Fan , administrateur du Collège des
Interprètes mais à une époque bien antérieure. Voilà comment, en cher-
chant Kiang Fan^ j'ai rencontré Wang Tsong^tsai.
C'est en 1578 que Wang Tsong-isai^ originaire de Kin^chan hien dans
la préfecture de Ngan-lou fou du Hou-pei , avait été placé à la tête du
Collège des Interprètes; il n'occupa ces fonctions que pendant deux
ans, après lesquels l'empereur Cken-T^ong lui confia le gouvernement
de la province du TcAi-kianç ; si court qu'ait été son passage au Collège
des Interprètes , Wang Tsong-isaï trouva néanmoins le temps de rédiger
une sorte de manuel dans lequel se trouvent réunies des notices devant
initier les commençants à la connaissance de chacun des peuples dont
ses bureaux pouvaient avoir à s'occuper; la copie que possède la bibli-
othèque de la Mission Ecclésiastique russe de Péking, est contemporaine
des Ming; elle est de la main d'un élève, nommé Li Fan, qui étudiait
au Sse i koan la langue du Xieng Mai.
L'ouvrage comprend dix chapitres principaux correspondant aux dix
sections qui constituaient alors le Collège des Interprètes. Certains cha-
pitres comprennent un plus ou moins grand nombre de subdivisions
dont le groupement est parfois fort peu scientifique , ainsi qu'en témoigne
la table que voici:
Chap. I. Tatan (Mongol),
Sabdiyision : Ouriangkaï.
Chap. II. Houei'Houei (Kusulman).
SabdiTisions : Tonrfan, Arabie, Samarqand, Ciampa, Japon, Cambodje, Jaya.
Chap. III. Tibétain (Si-fan).
Chap. IV. Ouigour (Kao-tch'ang),
Subdivisions: Ehamil, Ngan-ting, A-toan, Kiu-sien, Han-tong, Lonktohak, Ilibalik,
He-leon (HératP).
97
Chap. V. Jou'tchen.
Chap. VI. Pe-y.
Sabdiyisions : Muong Yang, Muong Ting, Nan-tien, Tsien-ngaï, Long-tchouen,
Wei-yuan, Wan-tien, Tohen-k'ang, Ta-heou, Mang-chi, Kin-tong, Ho-tsin,
Tcho lo tien.
Chap. VII. Birmanie (Mien-tien) ^).
Chap. VIII. Inde.
Chap. IX. Xieng Maï (Pa-pé).
(SubdiyisionB : Laos, Xieng Honng, Muong Ken).
Chap. X. Siam.
La préface dont je donne la traduction ci-après , nous dit de quels
éléments l'auteur s'est servi et dans quel but il a composé ses notices;
elle est en même temps un bien curieux plaidoyer en faveur de Tétude
des langues étrangères ; plusieurs des arguments que nous y rencontrons
auraient pu n'être pas déplacés dans le rapport que Lakanal présen-
tait, en 1795, à la Convention Nationale sur le projet d'organisation
d'une école nationale des langues orientales vivantes à Paris:
PBÉFAGB DE WaNG TsONO-TSAI.
A la saite des gaerres héroïques entreprises par KaO'hoang-ti ^\ la dynastie
actuelle, depuis sa fondation, commande à dix mille royaumes, et les enseignements
des saints souverains qui se sont succédé sur le trône, se sont répandus à tel point
que, là où peut atteindre un char ou un vaisseau, il n'y a pas de royaume qui, en
courbant la tète, ne se dbe vassal de la Chine et ne craigne d'être devancé par un
autre dans l'offre de ce qu'il a de plus précieux; un si grand concours de princes
(tributaires) ^) a rarement eu son égal dans le passé. L'expansion de l'influence im-
i) J'ai eu occasion de montrer à un ambassadeur birman qui était à Paris en 1884,
des suppliques afférents au bureau Mien-tien du Collège des Interprètes des Ming : ce personnage
ne put en comprendre un mot. Le terme Mien-tien ne parait avoir désigné beaucoup plus que la
Birmanie proprement dite; en effet, nous lisons dans l'Histoire des Mongols (Yuan chi lei-pien^
K. III, f^^ii et 12.) le très curieux passage suivant qui se rapporte à Tannée 1284: ,,Les douze tribus des
barbares du sud-ouest de Kien-tou et de Kin-ichi se soumirent; le J^ien-^ou était administré par
le Mien (la Birmanie); Kien-tou se soumet donc parce que le royaume de Mien est vaincu."
Kien-iou est le Chien-iou de 6. Babbr, le Caindou de Mabco Polo et répond à la partie du
Sse-tchotien qu'occupent les Lolos. Cf. G. Dbvéria, La frontière sino-annamite^ p. 146 note 2.
2) rai'tsou, 1368—1398.
3) L'expression wang hoei que je traduis par „concour8 de princes (tributaires)" n'est donc
pas un nom de chef d'une peuplade barbare ainsi que l'a supposé St. Julien. Wang hoei
est id une allusion au Wang hoei T*ou ^ -ô* S| <1® ^^^ Chi-kou (Vile siècle). Ce célèbre
13
98
périale au delà des frontières les plos reculées aurait pu se heurter à des difficultés
provenant de la diversité des langues et des écritures: sans interprètes comment 8*j
serait-on pris pour faire connaître au dehors les vertus de nos princes et nous ren-
seigpaer au dedans sur les dispositions des étrangers? Les desseins auxquels répond
la création du Collège des Interprètes (Sse i koan\ sont donc des plus vastes.
Lors de la fondation de cette institution, les professeurs venaient pour la plupart
de l'étranger, appelés par la Cour; leurs élèves se recrutaient parmi les plus intelli-
gents de nos enfants; ces jeunes gens étaient donc à même d'acquérir une connais-
sance exacte de tout ce qui concernait les pays dont ils avaient à s'occuper. Même
après plusieurs dizaines d'années et bien que les matières enseignées de la sorte
n'eussent été consignées nulle part, les élèves formés par ces professeurs pouvaient
encore se souvenir des leçons orales qu'ils en avaient reçues , et se passer de livres ;
mais deux cents ans se sont écoulés depuis lors, et le legs de ces hommes d'autrefois
g^est perdu dans l'oubli.
Nos professeurs officiels du Collège des Interprètes ne s'occupent plus aujourd'hui
que des langues et des écritures, et encore n'est-il pas sûr qu'ils les possèdent par-
faitement; que peut-il en être alors des autres branches de l'enseignement!
L'Empereur régnait depuis six ans ^) lorsque , malgré mon peu de mérite , je
fus élevé aux fonctions d'administrateur du Collège des Interprètes. Je m'y rencontrai
avec un envoyé Siamois dont l'arrivée à la Cour avait motivé la création d'une
section nouvelle dans notre Ecole ^). Quand j'avais le moindre instant de libre, j'en
profitais pour me rendre auprès de ce personnage. La somme de ce que j'appris de
lui sur la géographie, les itinéraires, les ressources commerciales, le langage et les
coutumes de son pays , est aussi nette que si on le voyait dans la main ; vu ce pre-
mier résultat, j'ai voulu procéder de la même manière pour les bureaux Tatan ') et
autres, mais de ce côté mes demandes de renseignements sont restées infructueuses.
Chez nous, nation civilisée, les magistrats, pour administrer leur circonscrip-
tion, disposent de documents formant des recueils qui témoignent des études approfondies
dont chaque région a été l'objet de la part de savants. C'est en s'inspirant des indi-
cations qui leur sont ainsi fournies que nos fonctionnaires peuvent ne pas se tromper
dans l'application du régime qui convient le mieux à leurs administrés.
lettré des Tang dit un jour à Tempereur Yang-ti: „Ies barbares qui viennent à la Cour ont
des bonnets et des vêtements différents des nôtres. U serait convenable de faire faire les
portraits de (cette) Wang-hoei (assemblée des princes)". Yen Chi-kou se chargea de Texécu-
tion de ce recueil de costumes. — Cf. St. Julien, Notice historique sur les Ton Kioue, p. 87;
Hoang TsHng tchi kong fou, f 9 des introductions, et la notice sur Yen Chi-kou dans
THistoire de récriture et de la peinture intitulée P*ei wen tch'ai chou hoa p*ou.
4) Chen-Tsong, 6* année Wan-Li, 4578.
2) En 4577.
3) Les Mongols.
99
N'aYons-nooe pas un intérêt, au moins égal, à bien connaître les régions et les
contâmes des trangers')? Dans la rédaction des correspondances que nous échangeons
avec eux, il peut se glisser des erreurs d'expression capables de créer des malentendus
qui sont autant de causes d'éloignement.
Si nous ignorons les étrangers, ceux-ci en profitent pour nous dissimuler leurs
affaires, et, s'ils nous ignorent, comment réussirions-nous à leur inspirer des senti-
ments d'affection ou de crainte. Telles sont les considérations qui m'ont amené à
compiler nos anciennes archives et à coordonner, en les contrôlant, tous les comptes
rendus officiels des faits se rapportant aux étrangers sous la dynastie actuelle.
Les traductions de chacun des bureaux du Collège des Interprètes nous ren-
seignent sur les conditions dans lesquelles les états étrangers se sont formés ou ont
disparu, sur le degré d'accessibilité des montagnes et des fleuyes de leurs territoires ,
sur leurs ressources commerciales et sur la diversité de leurs coutumes et de leurs
parlers. En ajoutant à ces données un résumé de leurs actes de résistance ou de sou-
mission enyers la Chine, et des yicissitudes de leurs choses militaires, nous formons
ainsi une série de notices devant trouyer leur place en tête du vocabulaire spécial à
chacun des bureaux du Collège. Les commençants y trouveront ce qu'il leur faut pour
connaître les pays dont ils auront à s'occuper, et j'aurai de la sorte apporté un sup-
plément assez important à l'enseignement que reçoivent nos interprètes. Peut-être
appréciera-t'on ce travail de compilation fait pour la première fois.
J'ai parlé des choses militaires; la critique pourrait me demander comment,
m'étant déjà chargé de la représentation de la personne du mort et des fonctions du
récitateur de prières, je puis prétendre en outre aux attributions toutes différentes
du sacrificateur.
A cela je répondrai en m'inspirant des paroles de Lou Kin-yu ^):
L'Empire du Milieu a vu sa puissance se modifier selon qu'il trayersait des
périodes de grandeur ou de décadence. Les barbares, tantôt ceux de l'est, tantôt
ceux du nord, ont été, tour à tour, puissants ou faibles en des temps différents. Des
situations différentes résultent du succès ou de l'insuccès d'une combinaison. Les
avantages d'une institution diffèrent selon qu'elle s'affermit ou s'ébranle. Vu les ya-
riations que subissent les choses dans leur cours, peut-on ne les examiner que sous
1) Le texte les désigne par Tépithète de A|| j^ ^6 XS , vagabonds ou chenapans
coiffés de chignons (chignon en forme de massue?). Cf. Kang-hi Tze tien au mot 6||.
2) Le texte chinois est ici très concis: -BB: f-^ 1f^ f^ Ict .^ mot-à-mot, ne pas
ccuiavre^ prier et cuisine! c^est que Liou Kin-yu a dit etc. etc, j'ai dû le paraphi'aser pour
le rendra intelligible. Ce passage est inspiré par quelques lignes du premier chapitre de
Tchoang tze; en voici la traduction de H. Giles: „If a cook is unable to dress bis funeral
sacrifices, the boy who impersonates the corpse, may not step over the wines and méats and
do it for him". — Lou Kin-yu alias Lou Tchi (751 — 805) était un ministre de Tempereur Te
Tsong des T'ang.
» •
100
une seule de leursfaces, et, puisque c'est en retraçant les éyénements afférents à chaque
région, et en consultant les textes sur les cas qui se présentent, qu'on peut être en
état de faire face à toute éventualité, pouyait-il j avoir un sujet que je pusse négliger.
Actuellement, grâce à l'action combinée de nos souverains et de leurs ministres,
les étrangers des quatre points cardinaux viennent tous apporter à la Cour l'expression
de leurs hommages; la tâche des Interprètes consiste à traduire tantôt des requêtes
dans lesquelles les étrangers sollicitent des titres et des fonctions, tantôt de lettres
accompagnant l'envoi des tributs. Si nous réussissons à nous acquitter de cette tâche,
c'est déjà bien; mais, en vérité, les affaires des étrangers étant, elles aussi, sujettes
à des variations , nous pouvons avoir à nous occuper parfois de toute autre chose que
du tribut et des demandes de fonctions administratives; dernièrement, par exemple,
le chef Ngan ^) sollicitait des livres sacrés de l'Inde ; le Siam réclamait un sceau que
lui avaient enlevé les gens du Dong-naï % Les requêtes adressées dans ces deux cir-
constances étaient sans précédent; comment, sans posséder des connaissances suffisam-
ment étendues, aurait-on pu se tirer d'affaire!
Or une lettre jetée a suffi à faire lever le siège de Leao tch^eng\ une pro-
clamation a mis fin aux troubles dont Kiong et Tso furent le théâtre '^). Les sages
de l'antiquité avaient donc raison d'attribuer à une tablette manuscrite d'un pied
de long autant d'efficacité qu'à trois armées. De tels moyens, employés à propos,
pouvant réussir même avec des nations étrangères du sud ou du nord, comment
pourrait-on ne pas traiter de pair Tart diplomatique et celui de la guerre!
Me sentant inintelligent et sans aptitude, je ne saurais m'exagérer le mérite de
mes notices; je n'en avais pas encore terminé le canevas que déjà j'étais remplacé
comme administrateur du Collège des Interprètes. Mon travail n'est qu'une compila-
tion incomplète et pleine d'erreurs; dénuée, comme elle l'est, de toute forme littéraire,
peut-il être question de la valeur de ce qu'elle dit des choses militaires. Ce sont les
additions et les suppressions dont mes successeurs l'amélioreront, qui seules mettront
mon travail à la hauteur des études de ce Collège ; je compte donc pour cela sur de
plus savants que moi.
Ecrit, un jour heureux du premier mois d'hiver de l'année Keng Tch^en, 10^ de
i) Ce nom me parait devoir désigner iVj9fan-fa(i4nefa)j^ ]^ , un chef mongol contemporain
de Tauteur.
2) Le Dong-naï (Tong niou) est une province de la Basse-Cocbinchine ; elle était autrefois
peuplée par la race Moi.
2) La ville de Leao tcKeng Jffip Mî dans la province du Chan-tong. Kiong et Tso ap-
partiennent à la province du Sse-tchouen. Lou Tchong-lien^ ministre de Tsi, vers Tan 300
av. J. C, fit lever le siège de Leao tch'eng grâce aux effets d^une lettre lancée avec un arc
par dessus les remparts. Lors de la répression des troubles de Kiong et de Tso, Sse Ma
jsiang-jou , au Ile siècle av. J. C. eut recours à un procédé analogue et fit plus par des pro-
K^lamations que par les armes.
• •
101
Wan-Lij par Wang Taong-tsai de Kin-chan, gradué métropolitain classé le 4», honoré
du titre de Tchong hien Ta-fou'y gonvemenr des territoires du Kiang-ai, chargé des
affaires de la guerre, co-président du Censorat, ancien administrateur du Collège des
Interprètes, sous-directeur de la Cour des Sacrifices.
L'ouvrage de Wan^ Taong-tsai ne nous donne malheureusement pas
tout ce que pouvaient faire espérer son titre et sa préface. Nous n'y
trouvons presque rien sur les langues et les écritures non plus que sur
le fonctionnement du Sse i koan.
L'ouvrage introuvable de Kiang Fan valait-il mieux? Nous ne le
connaissons guère que par les traductions qu'en a publiées Amyot, mais
c'est assez pour être autorisé à croire que Kiang Fan^ en 1695, a fait de
larges emprunts à l'œuvre de son prédécesseur du XVI« siècle.
Le grand catalogue analytique Sse k'^ou téfuan chou mou lou men-
tionne le Sse % koan k^'ao de Kiang Fan\ il y est classé dans la série
Té'oun mou ^ g , c'est-à-dire dans la catégorie des ouvrages dont la
Bibliothèque Impériale n'a pas trouvé d'exemplaires, ou qu'elle n'a pas
jugés dignes de figurer dans ses rayons. Voici le jugement dont Tœuvre
de Kiang Fan est l'objet:
8se i koan k'ao ^ ^ gg ^ , dix Kiuan, (propriété particulière de Pao Chi^
*^^ ifâ it ^ dô la province du Tchi-kiang). Cet ouvrage a été écrit sous la
dynastie actuelle (des TsHng) par Kiang Fan dont nous avons déjà cité un ouvrage
intitulé Tseou i Kao. Le Sae i koan k^ao résume ce qui concerne les vassaux étrangers
dont les envoyés viennent apporter le tribut à la Cour; il contient les lettres dont
les ont honorés les souverains de cette dynastie et l'énumération des présents qu'ils
ont fait remettre aux dits étrangers, toutes choses qui se trouvent consignées dans
nos documents officiels et dans la grande Encyclopédie administrative (Hoei tien). Ses
descriptions des pays étrangers et de leurs coutumes sont tirées des notices con-
tenues dans les Histoires des dynasties antérieures ; cette partie de l'ouvrage renferme
de nombreuses inexactitudes; viennent ensuite deux Kiuan de vers dont Kiang Fan
est l'auteur et dont il donne la transcription phonétique dans l'écriture de plusieurs
pays; ces vers n'ont rien à voir avec les étrangers, et de plus l'auteur n'a pu les
transcrire dans l'écriture de tous les pays; ce n'est donc qu'un badinage d'écriture
qui ne mérite pas d'être pris en considération.
La Grande Encyclopédie T'^ou chou tsi tcK-eng semble moins dédaign-
102
ense à V^ard du Sse i koan k'^ao de Kiang Fan : elle en cite quelques
lignes qui, comme ou va le voir, semblent appartenir à sa préface:
Le Sse i koan k'ao dit: Le Collège comprend deux divisions, celle de l'orient
et celle de l'occident: des examens ont lieu tons les dix jonrs afin qu'on puisse se
rendre compte du progrès des élèves.
A l'aide des lettres en usage dans chacun de nos bureaux , j'ai formé des com-
binaisons que j'ai rendues propres à des transcriptions, et, malgré l'obligation dans
laquelle je me suis trouvé d'avoir recours à des cbevillages , j'ai réussi à former ainsi
des morceaux d'une lecture facUe et offrant un sens. Seules les litanies bouddhiques
du bureau de l'Inde, vii leur difficulté de prononciation, n'ont pu me fournir d'élé-
ments transcriptifs.
Chaque bureau est donc pourvu d'une ou deux pièces de vers transcrites dans
les caractères qui lui sont propres et dont la prononciation est placée au dessous de
chaque caractère chinois. Cela constitue quelque chose d'original Les lettres étrangères
étant tantôt simples, tantôt composées , les unes s'écrivant horizontalement et les autres
verticalement, j'ai tenu compte de ces particularités.
Les abus de versification de Kiany Fan sont insuffisants à nous faire
condamner son Sse i koan k^ao dont Tensemble peut avoir plus de valeur
que ne lui en attribuent les Chinois. Il ne faut, en effet, accepter leur
critique qu'avec la plus grande défiance lorsqu'elle porte sur des publi-
<!Ë.tions traitant des pays étrangers. Tant que nous n'aurons pas eu sous
les yeux le Sse i koan K^ao de Kiang fan, je considérerai cet ouvrage
comme digne des recherches auxquelles je me suis livré autrefois à
Péking et que d'autres , je l'espère , voudront bien continuer.
Quelques mots sur les monnaies anciennes de l'Inde, à propos de
la question de l'origine de l'écriture.
PAR
E. DROUIN.
La vieille question de rorigine de l'écriture dans llnde s'est ravivée
depuis quelques mois, h. propos des nouvelles découvertes épigraphiques.
On sait qu'il y a deux alphabets distincts: Tun que Ton a appelé suc-
cessivement arien, ario-pali, bactrien, alphabet du Nord-Ouest, Gandh-
arien, alphabet du Nord et que Ton est convenu d'appeler aujourd'hui
kharoahthi'lipi s sa direction est de droite à gauche, comme les alphabets
sémitiques; Tautre qui a reçu successivement les noms de indo-pali,
alphabet des Làth, du Sud, des Maurya etc. et, en dernier lieu, alphabet
brahma-lipi. Il s'écrit de gauche à droite.
Tous les savants sont d'accord pour faire venir le premier de l'écri-
ture sémitique araméenne, mais les opinions sont très divisées quant
à l'origine de l'écriture brahma. Le Dr. G. Buehleb de Vienne a repris
la question avec éclat dans un récent travail qui a paru à Vienne;
Mons. J. Halévy lui a répondu dans sa Bévue Sémitique et le débat est
aujourd'hui limité entre ces deux champions. M. Buehler n'admet l'ori-
gine araméenne que pour le kharoshthi et il fait venir l'autre alphabet
de l'écriture archaïque des Phéniciens. D'aprè? M. Halévt, au contraire,
ces écritures proviennent toutes les deux d'une source araméenne com-
mune et, en outre, le brahma-lipi est postérieur au kharoshthi et lui
a emprunté environ le quart de ses lettres , le reste venant directement
104
de Taraméen ou du grec. Les deux savants sont également divisés sur
la date de l'introduction de récriture dans Tlnde : M. Halévt place cette
date peu après la conquête macédonienne vers 325 av. J.-C, tandisque
M. BuEHLER serait tenté de faire remonter à deux siècles plus haut,
vers Tan 500, la création des deux alphabets.
Les arguments que le savant de Vienne a fait valoir à Tappui de
sa thèse sont tirés de Thistoire littéraire de l'Inde, de la tradition
indigène, des Jatakas, des monuments épigraphiques et des monnaies.
C'est sur ce dernier point seulement que nous voudrions présenter
quelques observations.
L'histoire de l'ancienne numismatique de l'Inde est encore bien
incertaine; et si le^ Hindous ont connu la monnaie avant l'arrivée
d'Alexandre, rien ne prouve, jusqu'ici, que les pièces qui portent des
légendes soient antérieures à 325 , date avant laquelle ils n'ont pas
connu l'écriture, d'après M. Halévy ^).
Les plus anciennes monnaies de l'Inde dont on a trouvé des spé-
cimens dans toutes les parties de la péninsule *) se composent en eflfet :
1^ de pièces d'argent et de cuivre (celles-ci les plus rares); plates,
de forme irrégulière, tantôt rondes mais le plus souvent carrées, ne
portant aucune inscription mais seulement plusieurs symboles avec con-
tremarques ou surfrappes mises après coup, soit par les marchands,
soit par les offices des villes, où ces pièces devaient circuler.
2®. de monnaies de cuivre ayant les deux formes, ronde et carrée,
portant des légendes en caractères kharoshthi et brahma.
3®. de monnaies carrées en cuivre avec des types empruntés aux
monnaies gréco-bactriennes et, par conséquent, d'une époque postérieure
à la conquête.
Les Hindous appelaient la monnaie de cuivre pana^ et la monnaie
i) L'an 325 ne peut-être qu'une date maxima car en réalité ce qu'Alexandre apportait
était une écriture grecque et il a dû s'écouler plusieurs années avant que les officiers et scri-
bes araraéens aient eu le temps d'organiser l'administration des provinces conquises et de faire
pénétrer leur alphabet (v. infra).
2) Ce sont les monnaies que Prinsep et ses successeurs ont longtemps appelées early hud-
dhist coins. On en trouvera des l'eproductions dans Thomas-Painsep , Indian Antiquities pi. 9,
19, 20, 44. WiLsoN, Ariana antiqwi^ pi. XV et Cunningham, Coins of ancient India 1891.
105
d'argent karsha; plus tard, pour distinguer leur monnayage de celui
des Grecs, ils lui donnaient Tepithète de puràna ^ancien." Les plus
anciens purânas n'étaient frappés généralement que d'un seul côté.
L'unité de mesure pour les poids comme pour les monnaies était
la graine, rati, dont le poids était d'environ 11 à 12 centigrammes. Le
pana de cuivre pesait 80 ratis ou 9,33 grammes (avec des sous-mul-
tiples) et le karaha d'argent pesait 32 ratis ou 3,70 grammes ^). Aucune
monnaie d'or de l'époque ancienne n'est parvenue jusqu'à nous; mais
nous savons que, au milieu du premier siècle de notre ère , à l'époque
du Périple de la mer Erythrée, il y avait une monnaie d'or appelée
kaltia (xâXTig), du poids d'environ 3,35 grammes. Cependant comme
les paiements du tribut imposé par Darius à l'Inde se faisaient en
poudre d'or {fpfyy/uaTog , Hérodote III, 94), il est probable que cet or
était renfermé dans des sacs (kosAa) d'un poids déterminé — comme
cela a encore lieu aujourd'hui dans certaines provinces de l'Himalaya —
et qu'il y avait aussi des lingots (pindân) poinçonnés. Ce système mo-
nétaire n'avait rien de commun avec le système grec de l'époque
d'Alexandre, où la drachme d'argent pesait environ 4,30 grammes, le
chalque de cuivre 1 1 ,60 grammes ; ni avec le système perse , où le sigle
d'argent avait un poids de 5,57 grammes. Mais de quelle époque date
t-il, est-il même antérieur h Alexandre? Comme nous le dirons plus
loin, il a pu naître et se former pendant la période de cent ans qui
existe entre l'arrivée du conquérant et l'apparition de la première
monnaie carrée gréco-bactrienne. Sans doute les sigles d'argent perses
avaient eu cours dans l'Inde sous les Achéménides , car on en a trouvé
un certain nombre poinçonnés et revêtus de contremarques, mais ces
pièces n'avaient que la figure du grand roi et ne portaient aucune
légende , par la bonne raison que , dans tout l'Iran , on ne connaissait
que l'écriture cunéiforme. Les Hindous n'ont donc pas pu imiter ces
monnaies d'argent, ou, s'ils l'ont fait, c'était sur le modèle de leurs
1) La drachme du British Muséum portant le nom du roi Sophytes (Saubhûta) pèse 3
grammes 75 c. comme le karsha indien; mais c'est une pièce frappée par des Grecs et non par
les indigènes. On sait qu'elle à été copiée sur une drachme de Seleucus I Nicator (306 — 284
av. J.-C).
14
106
poids: le rati, le pana et le karsha qui remontaient, sans doute, à une
haute antiquité (sauf les appellations qui sont plus modernes) et qui
ont pu leur servir de monnaie comme chez les Assyriens et les Egyp-
tiens. Ce n'est donc pas par la circulation de la monnaie perse anépi-
graphe que les Hindous auraient pu apprendre l'art d'écrire.
Telle n'est pas l'opinion de Sie A. Cunningham, qui fait remonter
à la conquête de Cyrus l'art de frapper monnaie comme l'adoption de
l'architecture perse. Il s'appuie notamment sur le passage de Quinte-
Curce (VIII, 12) qui rapporte qu'à l'arrivée d'Alexandre à Taxila, le
roi Omphis (roi du pays d'Ambhi) offrit au héros macédonien et à ses
amis, des couronnes d'or et quatre vingt talents d'argent monnayé
{signati argentî). Je ne crois pas qu'il faille prendre à la lettre l'expres-
sion de l'auteur latin qui, comme l'on sait, n'est pas toujours précis
et qui, écrivant près de quatre siècles après Alexandre ne s'est pas
rendu compte* de la portée du mot signati^ d'autant plus que Arrien
(V, 3) dit simplement »deux cent talents d'argent," dQyvçiov ràXavra
ég Siaxôaia, entendant donner, par ce chiffre, une évaluation des pré-
sents apportés par le roi indien. Ces présents ont pu être simplement de
l'or en poudre ou en lingot ou mAme des sigles achéménides qui cir-
culaient alors comme on vient de le dire et qui continuèrent à circuler
pendant un siècle jusqu'à l'apparition de la monnaie gréco-bactrienne ^).
Cet argument de texte étant écarté, il reste celui de la forme
carrée à laquelle on attache une grande importance. On a dit que, si
c'étaient les Grecs qui avaient donné l'idée de la monnaie en général
aux Hindous, ceux-ci auraient adopté le type rond de leur modèle au
lieu de la forme irrégulière, que, par conséquent, la monnaie carrée
existait avant Alexandre dans l'Inde et que les exemplaires portant
les lettres kharoshthi et brahma, comme ceux avec de simples sym-
boles, en étaient la réprésentation. Nous avons répondu d'avance à
cette objection, en admettant que la monnaie carrée avait bien pu
être introduite dans l'Inde, même sous les Achéménides, sur le type
1) Hérodote (lU, 92, sq.) se sert des mêmes mots rA^mra àpyvptw quand il parle des
tributs payés à Darius par différents peuples qui cependant ne connaissaient pas encore la
monnaie.
107
des poids indigènes , à l'instar de la monnaie perse , sans que pour
cela les caractères alphabétiques que portent quelques-unes de ces
pièces carrées fussent de la même époque, attendu que les Perses ne
connaissaient que l'écriture cunéiforme et que leurs monnaies étaient
anépigraphes.
Si notre argumentation est vraie , il en résulte que les pièces car-
rées avec légendes ne peuvent avoir été frappées qu'après l'introduction
de l'alphabet araméen. L'administration et la chancellerie achéménide
étaient confiées, en Asie occidentale et en Egypte, à des Araméens. Cet
état de choses était tout organisé lors de l'arrivée d'Alexandre en Asie.
C'est ainsi qu'il se servit de ces fonctionnaires pour organiser les pro-
vinces, au fur et à mesure qu'il s'avançait dans l'Asie centrale, en
Sogdiane et dans l'Inde; c'est par eux que l'écriture alphabétique s'est
répandue successivement dans ces diverses contrées. Les lettres grecques
du reste ne se prêtaient pas facilement k l'expression des sons iraniens,
sogdiens ou indiens, tandis que l'alphabet sémitique, sauf quelques
modifications graphiques , était un instrument plus parfait.
Avec l'apparition des armées grecques sur les bords de l'Indus , tout
change. C'est à ce moment que l'on peut placer la drachme de Sophytès
et la pièce carrée de cuivre avec la légende AAESANJPOY qui a
peut-être été frappée dans l'Inde par le conquérant lui même. Quoi
qu'il y ait des doutes sur ce dernier point, rien ne s'oppose cependant
à considérer cette pièce carrée comme étant le point de départ du mon-
nayage indien avec légendes. Nous ne ferons donc aucune difficulté d'ad-
mettre que les premières inscriptions sur les monnaies indigènes (comme
dajaka negama^ vatasvakd) de même que les caractères alphabétiques poin-
çonnées sur les sigles perses 0> remontent au III«» siècle , de 300 à 250
av. J.-C, mais, il faut bien le dire, nous n'entrons dans le domaine de
la certitude qu'avec l'apparition des monnaies gréco-bactriennes frappées
un siècle plus tard sur le type carré indien. On connaît les pièces
carrées de Pantaléon, d' Agathoclès , d'Eucratidès , qui portent des lé-
1) Rapson, Coxinier-marks on early persian and indian coins dans le Journal of the
Royal asialic Society 1895 p. 865 sq. Le savant anglais est d'une opinion contraire.
i
'4
108
gendes en grec et en kharoshthi et dont on peut placer la date à Tan
200 environ av. J.-C. Grftce à ce double élément, la forme et la langue,
ces monnaies étaient destinées à circuler dans la Kophène et dans le
Penjab. A partir de cette époque, et pendant au moins deux siècles,
la forme carrée a été maintenue chez les rois gréco-bactriens et chez
les rois Sakas (Mauès, Azès, Azilizès etc.) leurs contemporains et suc-
cesseurs dans le haut Indus, pour la monnaie de cuivre, la monnaie
d'argent conservant toujours la forme ronde.
En résumé et faute de preuve certaine de l'existence de monnaies
k légendes avant le III® siècle, il nous paraît plus sage de s'en tenir à
la période vraiment historique qui ne commence qu'avec des monu-
ments ayant date certaine comme par exemple les inscriptions de Pi-
yadasi et les monnaies gréco-bactriennes. Au delà il n'y a que du
vague et des hypothèses. Au contraire, à partir de l'établissement des
Grecs en Bactriane , dans la Kophène et dans le Penjab , le monnayage
indigène se fait de plus en plus nombreux et alors apparaissent dans
l'histoire les monnaies de Taxila, d'Odumbara de Kuninda, de Kosambi,
des rois Sanga, des Andhras, avec des légendes tantôt en kharoshthi,
tantôt en brahma, tantôt bilingues avec les deux alphabets, et que
l'on peut sans danger placer dans les deux premiers siècles avant
notre ère.
Il résulte de ces considérations sommaires que la connaissance de
l'origine du monnayage indien est plutôt favorable à l'opinion qui place
la création des deux alphabets après l'arrivée d'Alexandre dans la Ko-
phène et sur les bords de l'Indus; et, de même que nous n'avons au-
cune trace d'écriture alphabétique en Sogdiane et en Bactriane comme
en Perse avant les conquêtes d'Alexandre, de même l'Inde n'a pas
connu l'écriture avant son contact avec les scribes araméens qui sui-
vaient l'armée macédonienne.
Notes historiques et linguistiques relatives à la religion des
anciens Magyars.
PAR
LE Docteur A. GIESSWEIN.
Il y a mille ans que les Hongrois ou Magyars ont occupé la terre
entre les Karpathes et le Danube, qu'on appelle d'après eux la Hongrie
{Magyar or szdg = terre des Magyars) , et il y a 900 ans qu'ils ont adopté
le christianisme. Ni livres saints, ni temples ou monuments nous
disent quoi que ce soit de leur religion ancienne. Seulement les récits
de quelques écrivains byzantins et arabes nous donnent des renseigne-
ments sur les mœurs et les institutions politiques et religieuses de ce
peuple, qui vint au VII ou VIII siècle s'établir entre la Caspienne et
la mer d'Azove dans les steppes de la Russie méridionale.
Plus tard ce sont les chroniqueurs latins du moyen-àge qui s'occu-
pent de ce peuple nouveau venu, mais pourtant ce qui se rapporte à
sa religion ce ne sont que des obiter dicta; même les chroniqueurs
domestiques, séparés déjà par des siècles de l'ancien paganisme, ne
nous peuvent donner beaucoup d'éclaircissements.
Ces relations toutes vagues doivent donc être complétées par les
dates de la mythologie comparée des peuples apparentés (c'est-à-dire
en premier lieu des Ostiaques et Vogouls, des Syryènes et Votiaques,
puis des Finnois ou Suomis, des Esthoniens, des Mordvines, des Ôéremis-
110
ses), et du folklore magyar. De même l'étude comparée des langues ouralo-
altaïques doit nous venir h, Taide dans ce travail. Seulement on ne
doit pas se fier trop aux étymologies avantureuses.
On croyait avoir trouvé chez l'écrivain byzantin Théophylacte
SiMocATTA, fleurissant au VII siècle, une description courte, mais
assez nette de la religion des anciens Magyars. Il nous dit des Turcs —
ainsi sont appelés les anciens Magyars chez les écrivains byzantins
postérieurs, (Constantin Porphteogénite , LfoN le Sage) — qu'ils vénè-
rent très extraordinairement le feu , honorent l'air et l'eau , récitent des
hymnes h, la terre, mais qu'ils n'adorent et ne nomment dieu que le
créateur du ciel et de la terre. A lui seul ils oflErent des chevaux, des
bœufs et des agneaux; ils ont aussi des prêtres qui prétendent leur
prédire les événements futurs. ^)
On a traité ce récit de manières très diflFérentes. Les uns cru-
rent en être autorisés de supposer, que les anciens Magyars étaient
de purs monothéistes, les autres contestèrent la véracité de ce récit,
s'imaginant que les anciens magyars devaient être de simples àama-
nistes, chez qui la sorcellerie et la magie constituaient à peu près la
religion tout entière. Ce mot èamanisme est devenu, comme on sait,
un des termes les plus commodes et aussi des plus vagues de la science
comparée des religions, pour dénoter la religion des peuples ouralo-
altaïques. Au fond il ne dit rien. Une étude plus approfondie de la
religion de ces peuples nous montre qu'auprès de la magie et de la
sorcellerie exercées chez eux, et à côté de la foule des esprits vénérés
par eux, on trouve partout l'idée d'un dieu Souverain, Seigneur das
cieux et des esprits peuplants la terre, les eaux, les forêts, les mon-
tagnes et l'air même.
On peut bien douter, que Théophylacte, dans le texte cité ait en
vue des Magyars, parceque le même auteur parle aussi d'un autre
peuple, appelé par lui Ovvvoiyovi^oc (chez Priscus 'Oy6yov(foi) bien
distinct des Turcs {Toù(j}coi) , qu'on pourrait avec plus de raison prendre
pour le peuple magyar (Hungari = Ouyvoiyov(Joi). Néanmoins les Turcs
i) Theophïl. Sim. , Hist. 1. VII. ch. 8.
111
de Théophylacte devaient être des proches parents des magyars, et il
semble que les moeurs et institutions de ces deux peuples étaient à
peu près les mêmes.
En effet les autres renseignements que nous avons sur la religion
des anciens magyars s'accordent au fond avec le récit de Théophylacte.
Ibn Rosteh , écrivain arabe du X siècle nous dit que les Magyars adorent
le feu. Le décret du concile de Szabolcs de l'an 1092 (Décret de St.
Ladislas I. 22) contient la prohibition suivante : „ De ritu ffenteliami. Qui-
cunque ritu gentelismi juxta puteos sacrificaverii , vel ad arbores et ad fontes
et lapides oblationes obtulerit , reatum suum bove luat.^^ Le notaire Anonyme
du roi Bêla (XIII siècle) écrit dans sa chronique des anciens Magyars:
^rnore paganismo occiso equo pinguissimo magnum al dam a s fecerunt ^)."
H est à remarquer que le sacrifice du cheval s'exerce encore chez
les Vogouls k demi payens, peuplade le plus prochainement apparenté
aux Magyars. On voit donc que deux traits caractéristiques du récit
de Théophylacte , le culte du feu et le sacrifice du cheval, sont con-
statés par diverses sources comme appartenants à la religion des an-
ciens Magyars.
Nous allons maintenant consulter la linguistique et le folklore sur
cette question. La comparaison du lexique des langues ouraliques nous
montre que le nom de Dieu en magyar Isten (JStàn) se trouve ici tout
isolé. Il y a dans les langues ouraliques plusieurs noms pour désigner
la divinité. Le plus répandu en est le suomi Jumala, esth. Jummalj
èéremisse Jumo^ Juma^ lapon Jubmely Ibmel. Selon Castr^n on devrait
faire dériver ce mot d'un thème verbal (en ^Momi juma-hte-) signifiant
y,tonner*\ avec le suflSxe -/a, -là formant des noms de lieu. Jumala serait
donc originairement lieu du tonnerre^ c'est-à-dire le ciel d'où vient la
foudre, une sorte de Jupiter tonans. Il est à remarquer que d'après
Ménandre les Avares , — sans doute un peuple ouralo-altalque aussi —
avaient invoqué , en jurant , le Dieu qui est dans le ciel , pour qu'il
foudroie ceux qui manqueraient à leur serment , *) et qu'en magyar le
1) Le mot aldamas vient de dld ^bénir". Aldamas signifie donc originairement ^^epulum
sacrum^^\ maintenant on entend par là un festin.
2) Exerpta e hist, Menandri. éd. Bonn, p. 355.
112
nom populaire de la fondre est laten nyila en vogoul târem lîal c'est-à-
dire Jlècke de Dieu,
Un autre groupe de ce nom est formé par le syryène jen , in ,
votiaque iii-mar^ »Dieu" {immar ciel), qui sont apparentés an suomi ilmaj
ostiaque jelem, vog. elm »air, ciel". C'est le Dyaus des peuples ourali-
ques. Outre ces noms plus ou moins communs nous avons dans l'ostia-
que tûrurriy tôreniy dans le vogoul târem, tôrem signifiant ^ciel" et »Dieu".
Le vogoul appelle la divinité suprême Num Tàrem aïe „ Suprême Ciel-
père" (Jupiter). Le mot tarem^ tàrem est sans doute en connexion avec
Tostiaque târam *fort'.
Seulement le magyar Isten ne trouve nulle part son équivalent.
Aucun essai d'étymologie basée sur le lexique des langues ouraliques
n'a réussi. Mr. Budenz avait tenté de la dériver de ia (iS) pour ôs {ôS
suomi isà) » ancêtre" pourvu du prétendu suffixe diminutif -ten (pour
ien)y mais il n'y a pas de semblable suffixe en magyar. Cette étymo-
logie est si artificielle qu'on voit au premier instant qu'elle n'a été
inventée qu'à grâce de la théorie du culte des ancêtres.
Il est donc évident que Isten est un nom d'emprunt de provenance
étrangère; et c'est l'iranien qui vient ici en premier lieu en considé-
ration. Les idiomes iraniens ont, de fait, fourni des noms d'emprunt à
toutes les langues ouraliques, il semble donc que les peuples ouraliques
étaient dès les temps les plus reculés, quand ils avaient encore un
domicile commun, en contact avec les peuples iraniens. Les mots
de ce genre, communs à plusieurs idiomes ouraliques sont par exemple.
szdz vog. 8âtj ost. »ô/, suomi aata^ esth. sada , mordv. Sada^ èérem,
Suda — ossète sade^ néopers. satj pehl. aatj (zend. çatem) »cent"; magy.
arany (ârêii) syryène zarnij vog. sorni^ ost. sôrni, mordv. aima y ôérem,
iôrtne, — zend. zaranya „or" etc. Les Magyars ayant occupé plus tard
de sièges plus méridionaux vinrent plus longtemps et plus immédiate-
ment en contact avec les peuples iraniens, ce qui nous explique ce fait
qu'ils avaient emprunté encore plus des termes que les autres aux langues
iraniennes. A ces termes appartient sans doute aussi le nom magyar
de Dieu Isten, qu'on doit rapprocher au persan jezdduj izdan (pehl.
jazddn) »Dieu esprit bon". On peut comparer encore le pers. Izad j,Dieu",
X
113
pehl. izat „nom des génies bons", ossète izàd „ange". Il semble que les
idées religieuses plus élevées des iraniens avaient influencé la religion
des anciens Magyars, ce qui fit qu'ils adoptèrent le nom iranien de la
divinité, qui supplanta l'ancien nom ouralique. Néanmoins on soup-
çonne que ce dernier se cache dans quelques mots à, ce qu'il semble
composés; tels seraient: imdd (ancien vimdd) »prier, adorer" pour im-àld
bénir Dieu {im = syryène-votiaque in) et ein-her »homme", „fîls du ciel",
cf. vog. elm-pi ^fils du ciel, nom du premier homme dans la légende
de la création".
Le souvenir des divinités mineures nous a été conservé par les
contes et les traditions populaires. Ce sont surtout les iiindéra qui y
jouent un grand rôle. Ces tûndérs sont une sorte de fées, qui demeu-
rent de règle dans un pays merveilleux lointain, au delà de la mer
d'Opérencia, où il y a des palais magnifiques, des arbres d'or, dont
les fruits sont des étoiles; où on trouve des bois d'or, d'argent, d'airain,
des sources d'or et d'argent, en un mot c'est un Eldorado parfait.
Quelquefois des tûndérs prennent leur logement dans des antres et des
montagnes. On se les imagine pour la plupart comme des femmes,
mais il y a aussi des hommes parmi eux. Les tûndérs ont même leur
roi. Elles peuvent se rendre invisibles et prendre une forme quelconque
selon leur plaisir. En un mot ce sont des êtres surhumains , doués d'un
pouvoir magique et d'une force surnaturelle.
Quant au nom de ces fées on a voulu le tirer du verbe éûny tûn-d
«paraître" (cf. tûn-d-ôkôlni «rayonner, briller"); ainsi /wW^r serait autant
que «l'apparaissant, l'apparition, la vision, le fantôme". Cependant cette
dérivation nous semble suspecte à cause du suffixe (^V), qui donne à
ce mot une mine étrangère. De fait, il est très douteux si la langue
magyare ait possédé, dès l'origine, un suffixe déverbal -aîr, -^, les mots
formés à l'aide de cette désinence étant ou entièrement empruntés (pour
la plupart au slave et à l'allemand), ou des formations tout à fait nou-
velles et artificielles ; cette terminaison pourrait encore appartenir à la
racine même; les trois ou quatre mots en -ar, -ér qui ont l'apparence
de provenir de thèmes verbaux magyars peuvent être d'origine étrangère
(qu'on compare vezér «dux", dérivé généralement de vez-et «ducere"
15
114
avec le turc arabe vezir)^ ou bien ils sont des formations postérieures
analogiques.
Nous croyons donc qu'on doit considérer aussi le mot tûndér comme
un emprunt d'une langue altaïque ou turque. On sait que les Magyars
furent dès le commencement de leurs temps historiques en connexion
avec des tribus turques; ils s'allièrent même avec une d'elles, qui
finit par se confondre tout entièrement avec eux. Le lexique de la
langue magyare contient par conséquent des éléments turcs assez con-
sidérables. Le mot qui vient ici en considération appartient à la famille
de l'altalque tenri {tenffri).
C'est le Dyaus des peuples altalques, dénotant le ciel et la divi-
nité suprême, le dieu du ciel. Nous en avons la racine dans l'ouïgour
taM-makj èagataï tûne-mek «luire, resplendir", d'où vient le mongol et
turc ienri «ciel (Dieu)", l'ouïgour ianari ^lumière, Dieu", le yakoute
tangara «Dieu", le turc-altalque tenere «ciel", khan tehere ou tenere khan
«Seigneur du ciel , Dieu", le èagataï tanri «Dieu", tûhûr «fée". ^)
Tenri est donc le dêva altaïque; il peut désigner et le ciel resplen-
dissant et l'Être suprême, le Père céleste et Seigneur des cieux, et
les esprits lumineux ou bons remplissants l'air et les cieux. C'est dans
ce dernier sens qu'il est entré dans le magyar sous la forme de
tiinderj où le d s'explique facilement comme épenthèse phonétique (cf. fr.
genre angl. gender).
Pour les esprits mauvais la langue magyare a deux termes: ôrdôg
'diable' ancien urdung {urdûng, cette forme pleine est conservé dans
ôrdôngôs démoniaque) et mano nom familier de Tesprit mauvais. Le
premier concorde à peu près avec le Kirgize: erten {erteng), Mr. Vamb^t
le rapproche aussi à Erlik nom du seigneur de l'Hades chez les turcs
altalques.
Il est. bien possible que ces deux mots contiennent la même racine
er, en turc «homme" (le m&le, le fort); Erlik, qui est, quant à sa forme,
un nom abstrait, serait donc autant que «la force" erteng au contraire
semble être un composé dont le second élément est peut-être la même
i) Cf. le soumerien dingira^ dimer ,^Dieu'\ chiDois tien^ japon, ien ^yCieV\
115
racine, qui a fourni le nom du ciel (teh-ri). On rencontrerait donc ici
le même changement sémantique, qu'on trouve dans le daêva «esprit
mauvais" de l'Avesta (sanscr. dêva «esprit bon, dieu") et notre «démon".
L'autre nom du diable mano est en rapport avec le suomi mana
«Seigneur de l'Enfer, Hades". On l'a rapproché aussi du zend mainyuy
ossète man «esprit".
Pour résumer cette étude nous constaterons que la religion des
anciens Magyars, avant de céder la place aux doctrines du christia-
nisme, avait subi l'influence des idées religieuses des peuples altaïques
et iraniens. Néanmoins, même dans son fond primordial, elle devait être —
comme nous le montre la religion primitive des peuples ouraliques —
autre chose encore que de la pure magie et sorcellerie. Les peuples
ouraliques , tout comme les altaïques reconnurent, comme il semble, dès
l'origine, au dessus de la foule des esprits qu'ils vénéraient, un Esprit
souverain ; c'est le Jumala des Suomis, le Numi Tàrem aïe ou «Supérieur
Ciel-père" des Ostiaques et Vogouls, le Tenere-Khan ou «Seigneur du Ciel"
des peuples altaïques.
Du contre-accusatif, du contre-génitif et du contre-nominatif,
ou des cas contraires
RAOUL DE LA GRASSERIE.
Nous voulons, dans cette petite étude, relever l'esistence, dans un
certain nombre de langues, de plusieurs cas logiques qui n'existent pas
dans les autres, qui n'apparaissent qu^indirectement et par opposition
à un cas direct généralement usité, et qui n'ont pas été relevés
comme tels et d'ensemble jusqu'à ce jour par les linguistes , quoiqu'ils
ne leur soient pas inconnus.
Tout le monde sait que les cas se groupent en deux classes bien
distinctes: les uns sont purement locatif a, et expriment comme tels les
relations de lieu et de temps; ils peuvent être très divers, traduisant
chacun des situations différentes, ou confluer en un seul cas, le locatif,
comme en sanscrit. Les autres sont logiques et expriment les relations
intellectuelles, celle de sujet ou d'objet, par exemple. Ces derniers
qui proviennent souvent des autres par une genèse que nous n'avons
pas à établir ici forment une liste bien connue, le nominatif, le gé-
nitif, l'accusatif, le datif, l'ablatif et l'instrumental, sans compter
le vocatif qu'il faut mettre tout-è,-fe,it à part. Le génitif exprime
la relation entre deux substantifs; raccusatif, celle de dépendance entre
un verbe et son complément, objet de l'action; le nominatif, l'équation
formant la proposition ; ce sont les trois cas constitutifs de celle-ci. Le
117
datif n'est, en réalité, qu'un second accusatif; tantôt l'ablatif, tantôt
l'instrumental jouent le rôle de sujet virtuel dans la tournure passive.
Tous ces cas sont directs en ce sens qu'ils naissent directement
dans le but d'exprimer un rapport avec l'action et non l'opposition à
un autre cas déjà, existant qui exprime ce rapport. C'est ainsi qu'on
marque par l'accusatif l'objet de l'action, sans s'inquiéter de savoir si
sa contre-partie, le sujet de l'action, possède, ou non, un indice; de
même, du génitif; peu importe qu'il dépende d'un nominatif ou d'un
accusatif; sauf en une langue spéciale que nous relèverons, son ex-
pression ne change pas. Mais il existe sporadiquement, et c'est le
point sur lequel nous appelons l'attention, dans certaines langues,
d'autres cas qui ne parviennent à une expression qu'en présence d'un '
cas contraire et pour y contredire; il leur faut ce réactif. Nous en
avons constaté trois: le contre-accusatif, le contre-génitif et le contre-
nominatif dont nous allons essayer de constater et d'expliquer la
genèse. Nous étudierons les langues dans lesquelles l'un ou l'autre
se rencontre, puis celles où ils se trouvent réunis.
I. CONTRE-ACCUSATIF.
Lorsque le substantif joue le rôle de sujet d'un verbe intransitif
ou neutre, il est au nominatif; il en est de même quand il est le sujet
d'un verbe passif, car la voix passive, comme nous l'avons démontré
ailleurs, n'est que la conversion du transitif en intransitif; enfin, si le
verbe transitif est privé de tout complément direct, il devient \m
verbe neutre ou absolu, et le sujet est encore au nominatif. Cela a
lieu dans toutes les familles de langues sans exception. Au point de
vue morphologique , quelquefois ce nominatif est marqué par un indice,
c'est ce qu'on peut constater dans les langues indo-européennes, le
plus souvent l'absence d'indice suflBt pour le désigner, c'est le zéro
initial h, partir duquel on note les autres relations seules par des
indices. Cette absence de marque est sa marque la plus éclatante:
elle correspond à son rôle prédominant de chef incontesté de la pro-
position.
118
Si le verbe est transitif et suivi d'un complément direct, d'un
accusatif y la situation du nominatif reste la même dans un grand
nombre de langues; on ne considère que la relation du sujet au
verbe; celle du verbe à son objet est uniquement l'affaire de ceux-ci.
Mais certaines langues en agissent différemment. Si le verbe transitif
a un objet, le sujet ne se met plus au nominatif, mais à un cas
spécial par opposition à, l'objet, h, un cas connu sous le nom de nomen
affentis ^ ce que nous appellerons le contre-accusatif.
Tout d'abord, parmi les langues australiennes, plusieurs de celles
qui sont connues font usage du contre-accusatif. Dans la langue du
Lac Macquarie il supplée à la fois au nominatif et à l'accusatif, cas
qui sont dépourvus d'indices , et lorsque le verbe est transitif et pourvu
d'un régime direct, le sujet revêt les indices to^ ko^ lo^ roj suivant les
cas. Il en est de même en Wiradurei, où le nominatif et l'accusatif
restent sans indices, mais où le nomen agentis prend le suflSxe tu. Ce
phénomène n'aflfecte que les substantifs et disparaît dans les pronoms.
En Eamilaroi ce cas porte le suf&xe du. C'est le même suffixe qui est
employé en Turrubul. Le contre-accusatif est aussi en usage dans la
langue de l'Australie occidentale où il atteint les pronoms eux-mêmes.
Tandisque le nominatif de la l^re personne est nganja, le nomen agentis
est ngadjo\ de même à la 2^ on a ngini et nyundo,
A une autre extrémité géographique , le contre-accusatif fait une
seconde apparition. C'est en Esquimau. Le sujet ordinaire et le com-
plément direct ont le même indice A ou / , mais s'il y a à, la fois sujet
et complément le sujet change d'indice, il devient un contre-accusatif
et se suffixe p. Exemple: teriana-p'takuvd ^ le renard le vit; au con-
traire, teriana-k'taiuvd j il vit le renard; upernakut apu-t nigellissarak y
au printemps la neige s'amoindrit.
A son tour, une langue très curieuse dans sa morphologie, le Basque,
emploie le même procédé; le sujet n'a pas d'indice: semea maitetua da^le
fils est aimé; semea aitu-K maitetua da^ le fils par le père est aimé; mais
le nomen agentisy c'est-à-dire le sujet d'un verbe transitif suivi d'un com-
plément direct prend l'indice k : gison-ak yan-du , l'homme mange cela.
L'interprétation du phénomène dans la langue basque est facile; le
119
contre-accusatif est en réalité , un instrumental, il a le même indice k,
la tournure primitive est passive \ au lieu de dire: ^l'homme mange
cela"; on disait „par l'homme est mangé cela".
Cette interprétation peut-elle valoir pour les autres langues, les
australiennes et l'Esquimau? Il n'y aurait là qu'une conjecture, par-
ce que l'indice p n'exprime pas par ailleurs en Eîsquimau l'instrumental,
pas plus que ceux du nomen agentis ne l'expriment dans les divers dialec-
te australiens.
Cependant cette conjecture se confirme et devient réalité si l'on con-
sulte les langues du Caucase; là le sujet d'un verbe transitif est presque
partout exprimé par l'instrumental , ce qui implique la préexistence de
la tournure passive, puisqu'en même temps l'objet de l'action ne porte
pas d'indice. Il s'agit d'ailleurs seulement des langues Caucasiques du
Nord, ce qui exclut le Géorgien. En Avare, par exemple, le sujet
se met à l'instrumental, et l'objet au nominatif; le sujet est donc un
nomen agentiSj un contre- accusatif \ au lieu de: »le frère achète un
cheval" on dit: „frère-par acheté cheval, wats-as b'0sckila'tshu'\ et:
dieu-par créé monde, allah-as ha-h-una dumiaL De même en Eazikumûk,
mais avec une nuance; l'actif ordinaire existe quand le sujet est de la
1ère ou de la 2® personne, mais s'il est de la 3©, il y a interversion et
la tournure devient passive; seulement l'agent, au lieu de se mettre
à l'instrumental, se met au génitif. En Artschi, le verbe transitif
n'apparaît que sous la forme passive et l'agent se met à l'ablatif-
instrumental , c'est l'objet qui porte les indices du genre et du nombre.
En Hûrkan, il y a oscillation entre les deux tournures de la propo-
sition transitive , l'agent se met à l'instrumental , tandis que le patient
n'a pas d'indice, ou bien l'agent n'a pas d'indice, et c'est le patient que
l'instrumental affecte; nous touchons ici le point de virement; il s'agit
bien d'un virement, car l'instrumental qui convient à l'agent ne con-
vient guère à l'objet. En Kurine, système analogue, l'agent se met à
l'instrumental. Dans la langue Ude, il y a deux tournures différentes.
Au lieu de dire: j'écris une lettre, on doit dire: »moi-par écrite
lettre" mais on peut substituer une autre forme „à moi est de lettre
écriture"; en d'autres termes, l'agent peut se mettre à l'instrumental
120
ou au datif; dans ce dernier cas, le verbe est considéré comme un
substantif; cette dernière construction est préférée, lorsqu'il s'agit des
verbes de désir, de crainte, ou de vue, de toucher, d'une opération
de l'esprit ou des sens. En Tchousch et en Tschetchenze, dans les ver-
bes transitifs, l'agent se met à l'instrumental: as luo^ par moi donné
au lieu de: je donne; ah luoj par toi donné; dà-s shieng ber-isA rrCà
Xallar luo, père-par à ses enfants pain donné est, au lieu de: le père
donne le pain à ses enfants. Cependant, comme en XJde, et dans les
mêmes cas, le verbe se met au datif, au lieu de l'instrumental: moi -à,
mon père aimé, au lieu de „moi-par mon père aimé", au lieu de: j'aime
mon père. Dans la tournure passive, l'ablatif (point de départ et cause)
l'instrumental (point de traverse et moyen); le datif (point d'arrivée
et but) se disputent le nomen agentis; le but convient mieux à l'action
psychologique, l'instrument à l'action matérielle.
H en résulte que l'ancien instrumental serait devenu le nomen
agentisj ou comme d'autres l'appellent, le cas actif, ou comme nous
l'appelons, le contre-nominatif y enfin et dans tous les cas le sujet réelj
puis le sujet formel y lorsque la tournure passive se fut peu h peu
convertie en tournure active. Cela expliquerait pourquoi le nominatif
proprement dit resterait sans indice, tandis que le sujet d'un verbe
transitif conserve son ancien indice d'instrumental.
II. CONTRE-GÉNITIF.
Ordinairement le mot qui, en français, est précédé de la préposition
de et dépend grammaticalement d'un autre se met au cas génitif, peu
importe que le mot dominant soit au nominatif, à l'accusatif ou h,
tout autre cas; vis-à-vis de ce mot, il reste toujours subordonné, il en
complète l'idée; quand je dis; le livre de Primus^ l'idée: le livre isolée
est incomplète, Primus est son déterminant.
Tel est, du moins, le concept le plus commun; quelquefois, il
est vrai, le mot à mettre au génitif reste invariable , mais alors il est
représenté auprès du mot dominant par un pronom possessif qui le
reproduit, et dans beaucoup d'idiomes, au lieu de dire: » livre de
121
Primas", ou »de Primus livre", on dit: ^Primas son livre", le principe
n'est pas altéré. Le substantif déterminé reste impassible, soit qu'il
prenne un indice spécial comme sujet ou objet de la proposition,
soit qu'il soit dénué de tout indice.
Mais il n'en est pas toujours ainsi , et le substantif déterminé est
quelquefois marqué comme tel , soit sans , soit en concurrence avec son
déterminant.
C'est ce qui se produit d'abord dans une langue très curieuse, le
Mochica; dans cette langue le nominatif a deux formes. Tune usitée
lorsque le substantif n'est pas qualifié par un nom au génitif, l'autre
quand il l'est par un nom au génitif de possession : choj-e fann-sa ,
du garçon le chien; e est le signe du génitif, 88 est celui du contre-
génitif. De même, dans l'Algonquin, le substantif dominant est dans
le même cas marqué par le suffixe m. Dans une autre langue amé-
ricaine le Chiapanèque, le substantif déterminé par un pronom possessif
est affecté dans sa constitution et modifie sa racine. Dans la langue
Bakairi, en la même situation, c'est-à-dire lorsqu'il est déterminé par
un possessif qui n'est autre qu'un génitif prominai, le substantif se
suffixe r; as-apu-ri^ ton bras; ch-apue-r j son bras; i-mati-r^ sa poitrine;
Dio8 mure-r, le fils de Dieu.
C'est le même système qu'on trouve en hébreu dans l'état con-
struit, lequel est trop connu pour que nous le décrivions ici; c'est le
substantif dominant qui y est modifié, par le raccourcissement de sa
forme, et non le déterminant.
Faut-il placer ici le cas de l'Esquimau , où le génitif est exprimé
par p % Non rigoureusement, car c'est le nom au génitif dans les autres
langues qui est affecté de l'indice; ainsi l'on dit axfexu-p saxpi-atu,
renard-de queue-sa, umia-p suju-a, bateau-de devant-son. Cependant, ce
n'est qu'une apparence, si nous comparons ce que nous avons dit de
la même langue pour le contre-accusatif. C'est le mot dominant dans
la proposition, le sujet, qui est affecté de l'indice /?, quand il domine
un accusatif. Il n'y a pas tournure passive latente, comme dans d'autres
langues. De même, dans ces mots-. „la queue du renard" c'est le renard
que cette langue considère comme dominant, c'est le possesseur; il y a
46
122
interversion de la hiérarchie des idées. Le nom au génitif dominerait le
mot qu'il détermine, comme le nominatif domine l'objet. Mais il n'y
a pas ici contre-génitif dans la forme, il existe seulement dans l'idée.
Une autre interprétation est cependant possible. Le p du sujet du
verbe transitif serait un instrumental , et celui du génitif serait un
véritable génitif, le nom dominant étant dans les deux cas considéré
comme subordonné.
Pour en revenir aux langues précédentes, comment comprendre
qu'elles aient marqué de l'indice de dépendance, non point le mot
déterminant, comme d'habitude, mais le déterminé? C'est qu'elles se
sont placées à un autre point de vue. Dans la relation génitive, c'est
le mot ordinairement au génitif qui est le possesseur, le maître; le
déterminant n'est que son auxiliaire, son serviteur. Dans les mots:
„le livre de Primu8^\ c'est réellement Primus qui doit dominer le livre.
Dans Je Jils de Primus^'' il en est de même, c'est Primus qui doit
avoir la position dominante. Si on y réfléchit bien, il paraîtra bientôt
étonnant que dans presque toutes les langues ce soit le contraire qui
ait lieu.
n y a eu ici, comme nous l'avons signalé déjà plus haut, à
propos de la tournure passive, interversion de l'idée génitive. La
tournure active nous semble seule naturelle, nous n'employons celle
passive qu'accidentellement et artificiellement; au contraire, d'abord
cette dernière avait paru seule possible , on ne pouvait joindre d'autres
mots que le sujet et l'attribut, et d'ailleurs l'attention se portait sur
l'action soufferte, non sur celle agie. Ce qui pour nous est complément
était sujet; de même ce qui pour nous est sujet était complément.
En ce qui concerne le génitif, même interversion; pour nous, c'est le
déterminé qui domine; pour beaucoup, ce fut jadis le déterminant, parce
que, si sa fonction de déterminer est subalterne et le subordonne, il
est dans l'ordre des idées toujours le générateur, le possesseur, l'être
substantiel.
L'Algonquin vient à son tour nous présenter le même phénomène dans
Tobviatif, nous ne ferons que l'indiquer ici, parce que nous y reviendrons
bientôt. C'est le substantif déterminé qu'il met en dépendance en y
123
suflELxant a, signe de l'obviatif, tandis que le déterminant préposé
reste invariable. Paul (héaniss-a^ Paul sa-fille. Mais ici le système est
beaucoup plus développé; on obtient une filière de contre-génitifs, en
employant le signe du subviatif yiwa avec celui de l'obviatif a. Le
génitif du génitif vient le premier, il reste invariable ; le génitif qui le
domine vient ensuite, il prend a, indice de l'obviatif; le nom déter-
miné le suit, il prend yiway signe du subviatif: Paul ot-âniss-a ot-aakik-o
yitoa = Paul sa-fille sa chaudière. C'est que dans l'idée de ces peuples
Paul domine Jille comme générateur, ^t fille domine chaudière comme
possesseur. Nous y reviendrons.
Notons en passant ce fait curieux qui tient au même ordre d'idées :
Dans la langue Abchaze, la forme du génitif varie, suivant qu'il
s'agit de déterminer un autre substantif sujet ou un autre attribut.
L'Esquimau le différencie aussi, suivant que le nom régissant est un
sujet ou un objet.
IIL CONTRE-NOMINATIP.
Le substantif jouant le rôle d'attribut se met ordinairement au
nominatif, comme le sujet, cela se comprend; dans l'équation de la
proposition le sujet et l'attribut sont sur le même pied; d'ailleurs,
l'attribut est presque toujours un adjectif; il est ainsi impossible de
le confondre avec le nominatif. Mais quelquefois c'est un substantif,
et la confusion peut naître; d'ailleurs, beaucoup de peuples ne consi-
dèrent pas l'attribut à ce point de vue de l'égalité ; il y a, au con-
traire, pour eux, de l'un à l'autre comme une sorte de mouvement
de rotation , d'autant plus que le verbe qui veut un attribut n'est pas
toujours le verbe être^ mais souvent les verbes sembler^ devenir, etc.
De lèi, les cas que, dans les langues finnoises, qui en font un grand
usage, on nomme le mutatif ou conversif et que nous appellerons contre-
nominatif, parce que c'est précisément par opposition au nominatif qu'il
se produit. L'expression de ce cas nouveau est assez rare. Il se fait
par deux moyens. Quelquefois on emprunte un cas locatif exprimant
la rotation, la conversion dans le mouvement. C'est ce qui a lieu en
124
finnois , où hi a, en même temps, les deux emplois : papi tuli pipa-ksi ,
le prêtre devient évêque. Ailleurs, par exemple, dans les langues slaves,
on emprunte l'instrumental.
Tels sont les cas nés seulement par opposition à d'autres cas: le
contre-accusatif y le contre-génitif^ le contre-nominatif \ ils tiennent à un
concept primitif inverse de celui actuel, dont on retrouve les fossiles,
et dans lequel ce qui est pour nous dépendant était alors dominant.
Nous allons en venir à un système primitif total où la hiérarchi-
sation n'est pas inverse de la nôtre en tous points, mais où les cas
absolus n'existent pas; nous entendons par tels ceux qui s'expriment
par opposition à l'action verbale qui forme le pivot autour duquel la
proposition gravite; les cas n'existent dans ce système que par l'oppo-
sition des substantifs les uns aux autres; s'il n'y a pas de sujet sub-
stantif, le régime direct auquel aucun sujet ne fait antithèse ne
s'exprime pas; il le fait dans le cas contraire; il en est ainsi de toutes
les autres fonctions logiques de la phrase, on n'a pas de cas propre-
ment dits, mais les contre -cas.
IV. TOTALITÉ DES CAS EXPRIMÉE PAR OPPOSITION À d'aUTRES , OU SYSTÈME
GÉNÉRAL DES CAS CONTRAIRES.
Nous relevons ce procédé dans les langues algonquines. Nous
avons déjà étudié leur expression du contre-génitif. Elles possèdent les
autres cas contraires de la manière suivante.
Si un nom animé est l'objet d'un verbe à la troisième per-
sonne, il se met à l'obviatif: nipahew kinosewd-a^ il tue des poissons.
H se met aussi k l'obviatif, même sans cette condition, si le verbe a
un double complément, un direct et un indirect, celui-ci sous-entendu
ou exprimé: ni miyaw n-tamiss-a, je {lui) donne ma-fille\ l'obviatif est
marqué par a. Que s'il y a un sujet de la 3® personne et deux complé-
ments, l'un direct, l'autre indirect, ou bien deux compléments directs,
mais l'un d'eux accompagné d'un génitif se rapportant à une personne
autre que les deux autres, ce dernier se met au surobviatif, l'autre à
l'obviatif: Faut o-ginissan o-ssoie-ian win-ini gaie = Paul a tué son frère
125
et sa femme (la femme de son frère) {ian est le signe de l'obviatif ;
ini , celui du surobviatif ) ; si , au contraire , on disait : Paul a tué son
frère et 8a femme (de lui , Paul), on n'emploierait que l'obviatif pour
les deux compléments.
Ce système se résume en ceci: les cas des substantifs ne s'établis-
sent pas dans ces langues par opposition au verbe, autrement dit, à
la proposition liée , mais par opposition de substantif remplissant une
fonction à un autre substantif remplissant une autre fonction et se
rapportant à un être différent, comme si le verbe n'existait pas. Ce
premier substantif ou pronom personnel qui commence la phrase n'a
aucun indice; le second, qu'il soit le nom dominant d'une relation
génitive, ou un mot régime d'un verbe, se met k l'obviatif; si un
troisième mot apparaît ensuite dans une troisième relation, il se met
au surobviatif. Il n'y pas dans ces langues de cas directs; il n'y a
que des cas existants par opposition de substantif à substantif, des cas
contraires.
Bien plus, cette marque de l'obviatif et du surobviatif envahit
jusqu'au verbe qui est traité à. son tour comme im substantif. Le
verbe neutre porte cette marque lorsqu'il se trouve entre un sujet et
un complément indirect non réfléchi, le verbe actif animé la porte,
s'il y a dans la phi-ase des êtres différents en rapport entre eux; tout
verbe, s'il vient comme troisième nom, c'est-à-dire s'il est précédé
d'un substantif déjà à l'obviatif, se met au surobviatif.
Le système algonquin renferme donc la totalité du processus dont
les langues auparavant citées ne présentent que des fragments.
Deux grandes idées se dégagent de l'existence des cas contraires,
par opposition aux cas directs.
La première, c'est que le point de vue primitif de beaucoup de
peuples sur la tournure et la hiérarchisation des idées dans la propo-
sition, a été tout autre que celui que nous possédons maintenant.
Dans la relation génitive, c'est le mot que nous subordonnons, qui
était le mot principal; dans celle de l'ensemble de la proposition ce
fut la conception passive qui servit de point de départ; on mettait le
nominatif où nous mettons l'accusatif, ce ne fut que tardivement que
126
le concept du transitif se dégagea. Enfin l'attribut n'était pas sur un
pied d'égalité avec le sujet; quand il était distinct du verbe, on lui
imprimait vis-à-vis du sujet un indice de subordination. Peu à peu la
phrase s'est retournée, mais il reste des vestiges de l'ancien état psy-
chologique; ce sont ces vestiges que nous avons retracés.
La seconde idée atteint la profondeur du langage primitif. Tout
d'abord il n'y a pas de proposition véritable, pas de pensée gramma-
ticale, il n'y a que des idées traduites par des mots. Les idées ver-
bales ne se distinguent pas des idées substantives ; toutes se classent
par opposition les unes aux autres; elles ne sont d'ailleurs en oppo-
sition que si elles ont des fonctions logiques différentes. L'objet est un
contre-sujet; le sujet, un contre-objet; le déterminé, un contre-génitif;
le génitif, un contre-déterminé. Ce système fragmentaire rejoint ses
tronçons dans l'algonquin.
Puis, ces cas, plutôt ces contre-cas primitif, disparaissent. Les
substantifs ne se lient plus directement entre eux; ils viennent pivoter
autour du verbe qui devient leur point d'attraction et d'unité , la
période prégrammaticale est terminée, et on entre dans celle d'une
psychologie et d'une grammaire retournées, intégrées, et ayant acquis
leur centre de gravité définitif.
s
Une page d'un manuscrit copte intitulé „Les mystères des lettres grecques"
(DESCRIPTION COSMOGONIQUE)
PAR
Ad. HEBBELTNCK
Professeur à l'UniTersit^ de LoaTain.
Le manuscrit copte-arabe dont nous reproduisons ici un passage,
appartient à la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford. Il porte le n® 393
du fonds HuNTiNGTON et a été catalogué par Uri ^Gnosticus in 4® LF'*\
avec la mention suivante:
„Code bombycinuSf copto-arabicm j foHorum 118, exhibet tractatum de
^mysteriiâ litierarum graecarum^ ubi auctor qui ATASIOS presbyier vocatur^
^omnia creationis^ providentiae et redemptionis opéra ex literie graecis educit
„et eliciiy ductis argumentis ex dicto illo: Ego mm a et a, principium et
jjlnis. Exaratus est anno martyrum 1109, Christi 1393".
Depuis le commencement du siècle dernier, ce manuscrit a attiré
à plusieurs reprises l'attention des égyptologues. Jablonsky, La Choze,
Christian Scholz et Woide en firent successivement l'objet de leurs
études. Jablonski et Scholz le transcrivirent même en entier, mais
personne d'entre eux n'entreprit de le publier. Jablonski mit en cause
la diflBculté du dialecte sahidique, peu connu à l'époque où fut reprise
l'étude de la langue copte.
En réalité, les hésitations qu'éprouve le traducteur des » Mystères
des lettres grecques'' n'ont pas considérablement diminué depuis qu'on
1»
» été familia^mé arec le dialecte de l'ïgypte sup^îeure. Elks ont,
de fait ^ lenr caœe dao.^ rob^earité même des idées éndâes par Faiiteor;^
flam la cois^tractioo embarras^iée de sa pfaraae, et dans les finîtes de
tout ^^enrre qui dé{)areot le mamiâcrit.
Le: déchiffrement de$i iriéro^jrphes ajant absorbé en grande partie
TactiTité de^ égypt/fAogae» pendant la première moitié de ce siècle , notre
manit^^t demeura longtemps onblié. M. DuLArsn» en prit tontefoiâ nne
copie qn^il dépof^a à la bibliothèque nationale de Paris {Çatnl. des mu.
crrient. T* I, fond» copte, n. 95); iL Eug. Rbviuloct tira profit de cette
tran^icription, dans son intéressante étnde snr les Sentences de Seemndus <).
V\vi» récemment enfin, M* AnfLiiiCAV s'est remis à Texamen du traité
d'Oxford et Ini a consacré un long article dans la Befme de VHiêtaire des
reliffionê% Noos y renvoyons le lecteur pour les données concernant
Torigine du manuscrit, Thl^rique des études dont il a &it Tobjet,
la pen^onne et la nationalité de Tauteur, Tépoque à laquelle il appar-
tient, ses tendances philosophiques et religieuses. Nous ne pourrions
traiter ici à fond toutes ces questions , ni les exposer en détail.
8ans prétendre les résoudre complètement, M. AmIlineau s'est
attaché à les mettre en lamière, en même temps qu'il donnait une
analyse , parfois assez détaillée du „ Discours sur les lettres grecques'.
Il remarque à juste titre, que le vrai nom de l'auteur est Vapa
(le moine) Sebas et non AlaMos comme l'ont écrit Uri (catal. d'Oxford)
et d'atitros. En effet, comme nous avons pu le constater nous même,
le manuscrit primitif d'Oxford (fol. 1) porte clairement les mots atia cefe^;
mais un scribe inexpérimenté , jugeant ce premier feuillet trop peu lisible,
Va fait précéder d'une copie dans laquelle, entre autres fautes, il a écrit
ATACC n4\rtp€c6TT€poc, au lieu des mots atia cefe^ niTipecfevTepoc
du texte ancien. Le groupe atac€, pris pour le nom du moine, aura
donné naissance au mot atacioc.
1) tCuoÊNR Ukvuxout, Première étude sur le mouvement des esprits dans les premiers
êiMen do notrû Mn Vie et sentences de Secundus^ d'après divers manuscrits orientaux. Les
annUiffiim dm Vi\ livre avec les ouvrages gnostiques, Paris, Imprim. nation. 1873.
2) T. XXI, p. 202 ot 8uiv. Paris 1890.
129
Nous croyons aussi avec M. Amélineau qu'en classant ce traité
parmi les documents gnostiquea^ on a envisagé sa tendance mystique,
plutôt que le fond de sa doctrine.
La publication du texte lui-même, que nous préparons en ce mo-
ment, facilitera la discussion de ce genre de questions.
Un de ces problèmes porte sur les idées cosmogoniques de l'auteur.
Il les développe et y revient, parfois en termes très obscurs, dans
toute la suite de son discours; mais il s'est appliqué à. les résumer
dans l'explication mystique du delta. Comme le dit l'inscription latine
mentionnée ci-dessus, Vapa Seba se flatte de retrouver dans la signifi-
cation mystique des lettres grecques , toutes les œuvres de la création ,
de la providence et de la rédemption et prend pour point de départ de
sa démonstration la parole du Christ: »Je suis V alpha et V oméga, le
commencement et la fin". Pour lui, le delta est non seulement, à
raison de ses trois angles, l'image de la Trinité une et indivisible, mais
il figure aussi l'urdvers créé , soutenu et gouverné par la Trinité sainte.
Craignant — non sans raison — de n'être pas sufisamment com-
pris du lecteur, Tauteur a jugé nécessaire d'insérer dans son texte
le dessin, colorié et orné, des caractères qu'il prétend expliquer. Nous
détachons ici du manuscrit la page curieuse qu'il a consacrée à l'inter-
prétation cosmologique du delta.
n entreprend donc de nous montrer, par l'image de cette lettre,
„quelle fut l'origine des choses, et comment Dieu créa le firmament et
^le fixa dans les régions supérieures; comment il plaça au dessus de lui
«l'eau , formant comme une toiture qu'il fit monter avec le firmament ,
,par la division des eaux supérieures et des eaux inférieures au ciel; et
• • • •
Ms. Oxf. 123 r. suiv. . . M^jg «g^ Aqujioni t\(s\ fiai xim rtujopn*
• • •
• • • •
c^inu|u)I grt rt€T2Soc€* AqKu) ^€ ji^nji^ooT CAnu|oi (sic Oxf.) JKu^oq m^^
• • • • • •
rtOTCTeR€l ") riAI MTAqpTlR€6u)fe €£p^iI JKH TlCT^}p^iJùJK\ glOTCOn '
à) CTenei pour rréyti toit.
17
130
^comment il y a dans les hauteurs, deux cieux, en dehors de celui qui
^est au dessus d'eux, existant avant eux dans la création, le lieu de
»repos du Saint des Saints, avant qu'il créât aucun être visible.
„I1 y a ensuite, entre les deux cieux créés avec le monde, les
»eaux supérieures séparées des eaux inférieures au firmament ^).
^Plus bas se trouvent les deux terres que séparent de nouveau les
„eaux appelées noun (abîme): au dessus de celles-ci, la première, la terre
„ habitée; en dessous, les deux terres catachtoniennes 2). — Traçons enfin
„la figure de la création, à savoir le delta.
• •
gji^ n€Tp€Tnu)p2: eÊo^ mgti njiK.oov ^TJKJK,dkiy ' JK.n jkjs.oov excAnecHT
• • • • • • •
MTII€ • ATIO 2S€ MAUJ Kg^ C€«|OOn gJlK. Tl2SlC€ IKSTI CrtTÇ JK.Tl^ . ^U)plC
• • • •
T€T ^JK TI2SIC€ JlK.JlK.OOV * AVIO €TrtigOpn *) €pOOT gJlK. TlCuartT * TAI
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[jiK.]nROCJ^oc rtcsri J^M^ooT rtTAvnuapx €do\ hj^kj^^oot eTCAntgoDi jKti.
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M€TCAn€CHT JiK.neCT€peojJ^À *
OAn€CHT ^e Ort C€U|OOTl rtCSTl T1RA£ CKAV ' ATu) OM C€U|OOn ^H
• • • •
Tj^Hxe MMAi rtori J(M^ooT €T€ MAI rtç €T€ JiK.ovT€ (sic) €pooT xç rtnovn •
• • • •
eqCATIUJODI X€ J^M^OOV MCSTJ nU|Opn HKà^ MTÇ TOlROTJlK.€rtH T€ " AVUi
• • • •
eqCAneCHT JVCJ^OOT rt(3ri riRAg^ MCMAV €T€ ^rtRATAR^OrtlOrt (sic) «€ *
ATio T€oc *) Ji^^p€^l^u)Rp^ic^eI (sic) Jun^C'^^HJS.^k mt^rthcic €T€ tai t€
TeXxA (sic).
1) Nous nous sommes attaché ici au sens, plutôt qu'à la lettre du texte copte, très tor-
turé en cet endroit.
2) Le texte parle clairement de „deux terres qui sont catachtoniennes". M. Amélineau croit
qu'il y a ici ,,une de ces erreurs qui remplissent malheureusement le manuscrit". La version
arabe confirme cette hypothèse; on y lit en effet: „la terre seconde^^ et non „le» deux terres''.
a) sic Oxf.; Dulaurier a transcrit cto ntgopn.
b) sic^ probablement pour riAoc; l'arabe traduit ^maintenant" TcnoT.
131
«Ceci représente la création, la figure de cette lettre à trois angles ;
„elle est en effet l'image qui représente la création entière. Tout en haut
„de la lettre — la tête étant sans inscription ^) — est le ciel supérieur au
«firmament. L'espace qui est au milieu , je l'ai marqué pour figurer les
«eaux supérieures au firmament; la ligne qui est au dessous et qui
«s'élève en forme de voûte , je l'ai tracée pour figurer le firmament.
• • • • • •
rtUJOJ^T*) HKOO£^ • qO UAp JiMTTTïTOC
• • •
JKTl^^'y^HJK.dk MTeRTHClC THpC * CA-
• •
T€ MTOC ^€ €Tn€ ^TCAngjm}! JMT€C-
T€p€ODJi^A
TJ^^HT€ ^iIC£Atq MTvnoc mjmk.oot
^€ excAnecHT jum^i avu> €T2Soc€
MTvnoc Ji^necT€peu)J^^i •
ùdttc
(ôuix du.
Tstrrc iri'
férùun au
VPM^N
1) «kTC^«j sans écritut*e La figure ci-jointe porte cependant au sommet de l'angle, une inscrip-
tion , à peine lisible , où Ton croit reconnaître les mots xnc itTne qui se retrouvent dans la suite
du discours (Ms. Oxf. 95 v.). On pourrait supposer qu'elle a été ajoutée après coup, pour faciliter
l'explication de la figure. On constate en effet, que pour cette inscription, de même que pour
celle du milieu: n«j ^a>& ne niCTepecoMd^ ^ le scribe s'est servi d'une encre plus faible. Mais
il parait plus naturel d'entendre par „la tête" la pointe extrême qui domine l'inscription
Tne. Cette interprétation est à rapprocher d'un auti*e passage où le sommet est appelée
visible et invisible à la fois (Ms. Oxf. 91 v), sans doute par allusion au ciel visible et au ciel
invisible, habité par le Saint des Saints. Ce ciel transcendant que Tauteur mentionne dans
sa description cosmogonique , mais qui ne se trouve pas marqué dans la figure du delta, corres-
pondrait à la pointe qui est sans inscription.
à) n convient de remarquer ici l'emploi réitéré de l'article m, forme qui se rencontre
rarement dans le reste du manuscrit et dans les textes sahidiques; de même, la forme igoMT
132
„La ligne inférieure est le type de la terre qui est en dessous
^du noun: elle est en couleur de sang. L'espace au dessus de cette
„ ligne figure les eaux du noun, séparant les deux terres.
»Au dessus, l'intervalle correspondant à la ligne tracée en couleur
verte, est l'image de la terre cosmique".
• • • •
• • • • • •
€qO MTTmOC MJ^M^OOT J^MIKOTM €Tg^ll TJK,VLT^ JMTK^i£ CHAT '
XaTi7V.H^€ *) OK €T€ riAI n€ Tljgo\£ €TCHR ^iïO\ [mat] Art à)
m • •
H^^oport €T£iu>u>q riAi ne titvtioc jvctikà^ j^riKocjvcoc *
Cette division du delta en six régions superposées, sert elle-même
de base à une nouvelle interprétation mystique. L'auteur se prépare
en effet à démontrer dans la suite» que le delta est en même temps
l'image de la Trinité, non seulement à raison de ses trois angles, mais
aussi parce qu'il comprend trois divisions dans sa partie supérieure: le
firmament, les eaux supérieures, le ciel appelé aussi ciel du ciel; trois
divisions dans sa partie inférieure: la terre cosmique, l'eau du noun, la
terre catachtonienne. Il n'y est pas fait de mention explicite du second
ciel, qui paraît devoir s'identifier avec le firmament. Le ciel où se re-
pose le Saint des Saints est également passé sous silence; apparemment
parce qu'il existait » avant la création du monde vmblé*\
Cette description cosmogonique est basée en grande partie sur le
récit de la Genèse. Certaines données cependant sont empruntées à d'autres
sources, celles par exemple qui concernent le séjour du Saint des Saints
et la région catachtonienne. M. Amélineau a déjà signalé l'intérêt qui
s'attacherait à la recherche de ces sources.
pour ogoMÎiT est peu usitée dans la suite. On sei*ait porté à soupçonner que ce passage a été
remanié ou du moins, fort négligemment transcrit. L'état du manuscrit, très usé à cet endroit, atteste
d'ailleurs que cette page a de tout temps, fixé Tattention et exercé la patience des interprètes.
a) d^nAH'&c fém,^ sans doute pour «^npKTc , intervalle , mot qui paraît n'avoir été signalé
jusqu'ici qu'avec l'indéfini or.
h) ha^T est omis à la fin de la ligne; ces sortes de lacunes se constatent en plus d'un
endroit du manuscrit.
V e d i c a.
PAR
V. HENRT,
Professeur à la Sorbonne.
1.) R. V. m. 38. 2 a.
Le texte porte indtd prcha jdnimâ kavindm , c'est-à-dire »... et in-
forme-toi des origines des sages divins." Le mot dont la traduction est
ici laissée en blanc se lit au texte pada de la 2e édition de M. Aufbeght
ind ^vigoureux", mais ne fournit aucun sens, puisqu'il ne représente
aucune forme grammaticalement correcte.
Avec inâj leçon du pada de M. Max MOlleb, glosée par SIyana et
adoptée par Grassmann, on obtient: „ei informe-toi des puissantes
origines . . ." On conviendra que Tépithète semble assez gauche , et que
l'insertion d'un ^^et", non pas même en tête, mais an milieu de la
proposition, est médiocrement justifiée.
Que si Ton lit tna vocatif en changeant l'accent et abrégeant la
finale, il vient: „0 fort [Agniî], et informe-toi...", ce qui non plus
n'est guère satisfidsant et laisse subsister la bizarrerie chevillée d'un
utd par&itement inutile.
Puisque cette conjonction est suivie d'un impératif, tout donne à
penser qu'elle était placée là pour en relier deux , par exemple »va et
informe-toi • . ." Dans cet ordre d'idées , on se trouverait amené à sub-
stituer quelque chose comme inva, mais la correction serait peut-être
un peu violente. Mieux vaudrait l'impératif athématique iné^ dont la
forme serait au pada inu qui respecte raccent et qui vraiment diffère
aussi peu que possible de laa, la lecture du texte samhitâ iniid n'ac-
cusant elle non plus qu'un bien léger changement à inotd.
Mais in inv est un verbe transitif, dont les sens assez divers et
élastiques peuvent être considérés comme dérivés d'une signification
causative générale telle que ^faire aller". Il nous faut encore lui fiûre
quelque violence pour le plier à l'acception intransitive qui semble
postulée par le contexte.
On voit où tend cette argumentation: comme le verbe i-nv- est
incontestablement le même que i ^aller" ') , et que , d'autre part , le
sufiBxe -nu' ne contient rien en soi qui justifie l'apport nécessaire de
la relation causative, je crois qu'il a conservé ici, par une exception
jusqu^à présent unique, sa signification primitivement intransitive, et
je restitue donc inàtd prcha , que je traduis : , Va t'informer . . ."
Peut-être la supposition de cet archaïsme téméraire trouvera-t-elle
un appui dans une autre hardiesse, non plus de sens, mais de forme,
que je crois entrevoir, sous le non-sens qui la déguise, dans une autre
stance du même morceau.
20 R. V. III. 38. 8 a b.
L'hymne tout entier, en effet, est peu clair: c'est un amphigouri
mystique compliqué d'un centon de termes rares; mais encore se
comprend-il en mot k mot. Seul, le passage visé est absolument inin-
telligible, faute d'un verbe dans la proposition: idd in nv àsya savitûr
ndHr me hiranydylm amdéim yâm dçiçretj littéralement «cela même en
vérité de ce Savitar personne à moi la splendeur d'or qu'il a répandue ')"•
Le substantif «essence", comme dépendant de idd et complément direct
du verbe absent, est naturellement suggéré par le mot sdkmyamj qui
se lit dans la stance précédente, et on le voit en quelque sorte glosé
par le texte du pftda b: l'essence de Savitar est sa splendeur. Le con-
i) Cf. Wbitnby, Roots, p. 8.
2) On pourrait épiloguer sur le sens précis du vb. çri, mais en somme il n*est pas
en cause.
135
cept est d'ailleurs conforme h l'esprit de mysticisme qui règne d'un
bout à l'autre du morceau. C'est donc, à n'en pas douter, de l'essence,
du principe immanent de ce Dieu, que le poète veut nous parler. Mais
que nous en dit-il î Rien : nous cherchons en vain Vâhhyàta de sa phrase.
Geassmann ^) se tire d'affaire en admettant une ellipse qu'il comble
par le seul effort de la pensée : »Das Wesen nun dièses Savitar niemand
nennt es mir (?) . . ." Je n'insiste pas sur un expédient que le grand
védisant lui-même n'a point pris au sérieux, car le point d'interroga-
tion est de lui.
M. W. Fox comprend: »Das (dort, am himmel) ist sein (wesen)
als Savitar*)...", et laisse un blanc pour les deux mots nâkir me^
qu'en note il propose de remplacer par nàké ""rye »dans le ciel propice".
J'avoue que j'ai peine à entrer dans son idée: s'il scande n&he drye^ la
chute est juste, mais le vers a une syllabe de trop; autrement, c'est
bien pire, car la fin de vers est fausse s'il admet l'abhinihita-sandhi
comme sa graphie tendrait à l'indiquer*). De plus, l'épithète drya est
assez peu claire là où elle se rencontre pour qu'on n'éprouve pas le
' besoin de l'insérer où elle ne se rencontre pas , et en fait je ne sache
pas qu'elle s'applique nulle part à la voûte (matérielle) du ciel ni à
rien d'analogue. Il ne se peut pas de suggestion plus malheureuse*).
1) R.V. I, p. 531.
2) ^L'essence d'Agni en tant qu*il est Tincarnation de Savitar" K. Z, XXXIV, p. 232.
3) Et j*ai tout lieu de croire qu'il Tadmet, si je me roporte à un autre passage (t&.,
p. 274) où son indulgence pour Fabbinihita-sandhi Tamène à fausser complètement le sens
d'une expression védique pourtant bien claire. Il s'agit de vkrttâh R. V. H. 27. 16 b: M. Fût
ne peut concevoir que les lacets de Varuna soient ^desserrés pour le trompeur", puisqu'au
contraii*e ils doivent l'enserrer; et en conséquence il substitue avicrttâh^ mot qui ne se lit
nulle part et qui exigerait de surcroît une correction de l'accent, soit ripdvé 'vicrttâh. U a
pourtant bien vu, en traduisant la stance, que le suppliant demande à „échapper à ces lacets."
Or, il n'y a aucun danger de tomber dans un piège lorsqu'il s'est déjà refermé et qu'il a saisi
sa proie; le péril n'existe que tant que le piège est ouvert, prêt à se resserrer sur le gibier
qu'il guette. C'est dans ce sens que les lacets du Dieu sont „làcheK pour le criminel", c'est-à-
dire ,,desserrés pour le saisir", et l'expression se retrouve sous la forme visita à la stance
A« V. IV. 16. 6, où les lacets de Varuna sont représentés tendus et „délié8" à travers l'espace
pour „lier" le menteur.
4) Ces inexpériences appelleraient de la part de M. Foy une plus grande réserve quand
il juge ses devanciers. Dans le même article (p. 224 i. n.), il constate que Beboaigme (Rel,
yéd., lU, p. 65 et 86) interprète le vr§abhô dhenûh de la stance précédente par le Dieu
136
La vraie solution est tout indiquée: il faut respecter ndiir et se
borner à chercher le verbe de la proposition qui se dissimule sous les
espèces de me. Cherchons dans cette voie : rien n'est plus commun dans
le Véda que Tidée „nul jamais n'a porté atteinte à la majesté, à la
puissance, à la splendeur, etc., du Dieu" '), et rien non plus ne l'est
davantage que l'expression de cette idée par le verbe mî » endommager"
avec ou sans préfixe^). L'aoriste de ce verbe, si nous le lisions dans
les textes sous sa forme sigmatique , serait nécessairement sg. 1 *dmaiçam ,
2 — 3 *dmai8j sans augment et atone *maisy comme nais de ni. Que
d'ailleurs cette forme ne nous ait pas été transmise, ce n'est pas une
raison qui doive la faire exclure; car on sait que ces types monosylla-
biques, possibles pour chaque verbe, sont pourtant assez rares. Je rem-
placerai donc sans hésiter me par mair^ qui donne un sens hautement
satisfaisant et procure en outre la restitution d'un type grammatical
intéressant et méconnu.
Si la correction est aisée, l'altération qui l'a rendue nécessaire
n'est pas moins concevable: dans un groupe de trois r tel que ndkir-
mairhir . . . , quelle que fût la graphie usitée , la disparition de 1' r
intermédiaire, qui en tout cas s'écrivait par le même signe que le pre-
mier, n'a rien que de naturel, et la rareté même du mot, jointe à la
fréquence de me^ a favorisé le maintien de la leçon fautive; car la
diphtongue ai a nécessairement été lue e, — les deux signes diflFérant
à, peine, — du jour où l'on s'est trouvé en présence de l'inintelligible
mot mai tout court.
Savitar „ohne eine erkl&rung tiber den zusammenbang zu geben*\ Or Bergai6N£ a écrit en
toutes lettres (p. 65) : „Le taureau-vache . . . représente Savitar nommé au vers auivanC
Discutable ou non, c'est bien là une interprétation qui vise le contexte et même se fonde sur
lui. — Tout cela n'empêche pas M. Foy d'avoir bien compris l'hymne, mis nettement en reliet
la charpente liturgique qui le soutient et apporté une sérieuse contiibution à la solution de
nombre de problèmes védiques. Il nous promet un excellent exégète, s'il consent à se défaire
des exagérations d'une tendance évhéméristique par trop marquée: dire que Târkçya est le
cheval de Trkçi (p. 267), c'est dire qu'il est „le cheval du marcheur" (trkçati gatau Dhâtup,
17, 8), et partant „le Soleil".
i) Cf. R.V. m. 39. 4, IV. 42. 6 (fin de vers pareille), V. 85. 6, VI. 7. 5, etc. etc.
2) Cf. R. V. I. 69. 7 , m. 32 . 8 Xdans la même division que notre hymne), VI. 30, 2 »
VIL 32. 5. etc.
137
Je lis donc tàd in nv àsya savitûr ndJdr mair, et je traduis: » Cette
essence de ce Dieu Savitar, que nul n'y porte atteinte", ou mieux »nul
n'y saurait porter atteinte , nul n'attente ^) à cette splendeur d'or qu'il
a répandue".
1) SÂTANA, bien que travaillant sur le texte fautif, a-t-il pu profiter de quelque lumière
traditionnelle remontant à l*époque où le texte était encore intact? Il glose nakih ko va
pariœhinatti khalu, ce qui peut s*entendre ^personne ne saurait concevoir'', mais aussi „nul
ne limite . . "
18
Zoroaster's successor in the pontifical office, according to Mas'udî
BY
A. V. WILLIAMS JACKSON
ProfoBBor at Columbia University, New-Tork City.
In his translation of the Avesta and elsewhere, Professer de
Harlez has done so much to contribute to our knowledge of Zoroas-
trianism, that students of the Avesta welcome even a trifle that adds
to the material he has so well coUected. It is with that idea in view
that the présent slight note is offered.
In Babbieb de Metnard's translation of Mas^dï') we read: „Tou8tasf
régna cent vingt ans avant d'^ adopter la religion des Mages, puis il mourut.
La prédication de Zeradecht dura trente-cinq ans , et il mourut âgé de
soiœante et dix-sept ans. Il fut remplacé par Khanas (?) le savant , origi-
naire de VAzerhayàn , et le premier mohed qui reçut IHnvestiture des mains
de Youstasf\ The obscure name Khanas {yj^:Ls>\ which is written with
a question-mark by Babbieb de Meynabd, is recognized at once by
the Avestan student, as a familiar personage under a disguised form,
The variant reading * (j^LoL> of mss, L", D , in Babbieb de Metnard's
édition , p. 448 , contains the key to the problem. Instead of Khânâs
or Khàmàs^ u^^^^ crl^l^, we must read (j*LoL> or v-j^uJ.^Lj> Jàmàsp,
none other than the sage Jamaspa of the Avesta, the brother of
Frashaoshtra and minister at the court of Vishtaspa (cfr. de Hap.t.tw;
1) Maçoudi, Les Prairies d'Or. Texte et traduction, t. D, p. 127.
139
Avesta trad,, pp. 354, 365). AU obscurity vanishes; the disguise is thrown
oflF, Jamasp is recognized ; we are dealing with a well-known name,
and there is doubtless more fact than fiction in Mas'ûdî's statement as
to the prophet's successor. Jâmaspa would hâve been just the one
upou whose shoulders the mantle of the depart^d Zoroaster would
rightly fall; and from the Jamasp Nâmah we can well believe that
this grave counsellor, this seer whose name became in the Orient
synonymous with wisdom, may hâve proved a worthy successor to
a noble pioneer *).
1) As the proof-sheet of the above reached me I received a copy of JusTi*s new and
valuable work Iranisches Namenbuch, I find that on p. 109, Professor Justi has noticed the
same passage. The coïncidence is interesting and I am happy to hâve the support of such
authority.
Een overblijfsel van eene verouderde declinatie in de taal der
Zend-Avesta.
DOOR
H. KERN.
Profe88or aan de Univeniteit te Leiden.
Elke taal is eene nalatenschap van ^t voorgeslacht aan de nakome-
lingen. Het is een schat die in den loop der eeuwen onophoudelijk
vermeerdering aan den eenen kant, verliezen aan den anderen heeft
ondergaan. De woorden zijn te vergelijken met munten, die gangbaar
blijven zoolang de daarop gedi*ukte stempel herkenbaar is, en die in
het tegenovergestelde geval omgesmolten , hemieuwd worden. Nu kan
het gebeuren dat enkele muntstukken van zeer ouderwetschen stempel
bewaard blijven, terwgl andere van dezelfde soort buiten koers geraakt,
verloren gegaan of omgestempeld zyn. ledere taal, mag men aanne-
men , zal woorden bezitten die een ouderwetsch karakter vertoonen , en
niettemin in zwang gebleven zijn als zeldzaamheden , als overblijfselen
uit een tijd toen soortgelijke exemplaren in overvloed voorhanden waren.
Als zulke zeldzaamheden in de taal der Zend-Avesta mag men
beschouwen kavi en hakhi^ alsook kainl. Over havi en hakhi zal ik hier
niet uitweîden , daar de declinatie dezer woorden , in verband met het
Skr. 9akhi^ reeds door anderen in hoofdzaak juist in 'tlicht is gesteld.
AUeen zou ik ter loops wel de vraag willen opperen of er niet naast
het oud-perzische Hakhâ-mani^ der Achaemeniden-inscripties een oudere
vorm Hakhâi'tnani^ in een anderen tongval zou bestaan hebben. Immers
141
alleen hieruit laat zich het Grieksche 'Axoti/A.évrig ongedwongen verklaren.
Kainî , meisje , staat voorzoover ik weet geheel alleen , hoewel het
van zelf spreekt dat er eenmaal ettelijke andere woorden van hetzelfde
slag moeten bestaan hebben. De nominatief luidt kainl^ en niet kaini^
zooals de Handschriften hebben. In dit geval betrapt men de afschrij-
vers gelukkig terstond, omdat zij ons een kaini-ca opdisschen. Dit nu
is een volstrekt onmogelijke vorm , omdat de klinker vôôr 't enclitische
ca steeds vol of lang is. De genitief luidt kaimnô; de accusatief ver-
toont zich als kaininè'mj wederom eene verbasterde uitspraak, of anders
eene slordigheid der afschrîjvers voor kainlnëm. Deze wanvorm kaininèm
is misschien de reden dat Chr. Baetholomae in zrjn verdienstelgk
Handbuch der altiranischen Dialekte^ blz. 83, het bedoelde woord als
een t«-stam opgeeft. Edoch er bestaan geen vrouwelijke t«-stammen,
noch in de taal der Zend-Avesta, noch in die van eenig Indoger-
maansch volk. Daarenboven levert het Sanskrit het voldingend bewgs
dat de stam van 't woord is kanln-^ ontstaan uit een ouder kaniauj
gelîjk bijv. pratîcas uit pratiacaa enz. Alleen uit kanïn kunnen de secun-
dair afgeleide verkleinwoorden kanln-aka , kanln-ikà , en 't adjectief kanlna
ontstaan zign.
Zoo het aan geen redelîjken twijfel onderhevig is dat kaimnô y
kaininèm tôt stam hebben kainln^ ouder kanln, kanian^ bliijft de vraag
over of ook de nominatief kainl en de datief plur. kainibyô daaruit te
verklaren zgn. Het is toch zeer wel denkbaar dat in dit woord, gelijk
in zooveel andere, twee verwante stammen elkaar in de declinatie
afwisselen, en dat kainî een stam is als Skr. nadiy bharantl, Grieksch
fiéXiTTu , (péçovaa. Uit zulk een vrouwelijken stam op ià^ Skr. l ^)
zou ook de Vedische genitief plur. kaninàm desnoods kunnen verklaard
worden. Doch aïs men overeenkomstige gevallen in 't Germaansch,
Latijn en Keltisch met elkaar in verband brengt, schijnt het verkiese-
lijk kainî te beschouwen als voortgekomen uit kainîn-Sj en 't Vedische
kanînâm als den genitief plur. van hetzelfde kanin. Zeker is het dat
1) Dat nadî uit nadia voortgekomen is, blijkt o. a. uit den genitief nadyas, datief nadt/at,
die alleen uit nadia + a9 , nadia + ai (Skr. e) kunnen ontstaan zijn.
142
de Germaansche declinatie der vrouwelgke woorden op i in den nomi-
natief, waartoe aile vrouwelijke tegenwoordige deelwoorden van 'tac-
tîef behooren, geheel overeenkomt met de verbuiging van kaim. Dus
Gotisch manageiy genit. sg. manageins) gibandei, gibandeins, Dat de no-
minatiefuitgang ei hier ait eins ontstaan is^ mag men veilig besluiten
uit zulke nominatieven als tuggâ, genit. tuggons] hana^ genit. hanins.
't Latijn heeft eene soortgelgke uitbreiding der vrouwelijke ia
(Skr. i)-stammen , en tevens der abstracta op ti. Het verschil is, dat
het Lat^'n niet ian heeft maar ion, waaraan in 'tSkr. ictn zou beant-
woorden. Dus opinioy opiniônia; actiOy versio enz. Daarentegen vertoont
het Keltisch, ten minste het lersch, wederom een stam met iàn of
ion y overeenkomende met het Germaansch, de taal der Zend-Avesta
en 't Vedische kanlnàm. Zulke lersche woorden als tuistiu , generatio ;
airitiuy receptio; toimtiny cogitatio; foditiu^ toleratio, e. dgl. komen,
wat hun vorming betreft, treffend met de Latijnsche overeen. De no-
minatief heeft een uit iô voortgesproten klank , hetgeen een natuurlijk
gevolg is van den oorspronkelijken uitgang op na. De genitief , waar
geen oorzaak van verlenging der klinkers aanwezig was, luidt tuistenj
airiten , toimten *). Mogelijk is in 't Latgn de lange klinker in de ver-
bogen naamvallen ontstaan uit den oudtîjds langen klinker van den
nominatief. Het kan ook zijn dat de klinker vôôr n in de sterke naam-
vallen gerekt werd, gelijk bij de woorden op or, als aorory %orôrem\
datoTj datôremy datôreSy (nomin. mv.), welke lange klinker ook in de
zwakke naamvallen doordrong. Hetzelfde is gebeurd bij de compara-
tieven op ior^ ius. Hoe het zij, het blijkt dat de declinatie waarvan
iainî in de Zend-Avesta als eenig voorbeeld is overgebleven , eenmaal
in 't Indogermaansch niet ongewoon was.
Moge deze kleine bijdrage de instemming verwerven van den
geêerden jubilaris, aan wien de studie van de Zend-Avesta zooveel
verplicht is.
1) Zie Zeuss-Ebel, 264 vg. vgl. Windisch, Kurzgefasste Irische Crrammatik, blz. 31.
Çunaskarna
PAR
J. KIRSTE,
Professeur à TUniversité de Oraz.
Le nom propre Çunaskarna se décompose tout naturellement en
çunaSj génitif du thème çvany chien, et karna^ oreille; il faut donc le
traduire par ,, Oreille-de-chien". La grammaire hindoue admet pour ce
mot le changement du visarga en «, et nous le trouvons par conséquent
dans le ^ana kaskâdi de Panini VIII , 3 , 48 , qui correspond au ffana
kautaskuiâdi du Rktantrat^âkarana 128 (éd. Burnell, Mangalore 1879).
Le commentaire du second passage ajoute en guise de restriction m,
ce qui signifie, qu'on ne dit çunaakarna que quand il s'agit d'une per-
sonne portant ce nom; autrement, c'est-à-dire quand on parle d'une
véritable oreille de chien, on doit se servir de la locution çunah karna
avec visarga. Quelle diflférence y a-t-il donc entre le nom propre et le
nom commun, et cette différence justifîe-t-elle le choix des termes
upàcQra (rapprochement) et upScarita (rapproché), par lesquels les gram-
mairiens désignent le changement du // *) en « , ou , comme on dirait
mieux, la conservation de l'ancienne sifflante? M. Whitnet en parlant
de ce changement dit {Skr. Gr.^ §171, b): „/« the later language^ the
rétention \of the sibilant] ia mainly determined hy the intimacy or the
antiquity and frequency of the combinationy Nous allons voir, si cette
assertion se vérifie dans notre cas.
i) Le visarga (séparation] équivaut à un /» allemand; voir Wagkernagel, Aliind. Gr. § 225, b.
144
Supposons qu'un professeur de zoologie remette à un de ses élèves
un objet, en l'invitant à le déterminer. Celui-ci voit tout de suite que
c'est l'oreille d'un animal, et après un examen plus attentif, il la recon-
naît pour celle d'un chien. Il répondra donc: »Une oreille — d'un
chien." Évidemment dans cette réponse l'idée d'oreille est limitée par
l'idée de chien ; néanmoins leurs rapports ne sont pas assez étroits pour
, annexer", comme dit la grammaire arabe, le premier nom au second. H
reste à l'état de nyu , indéterminé , et la locution employée se traduirait
o - G oi
par conséquent en arabe par waI^ o'^^ littéralement »une oreille à
un chien".
Supposons maintenant que le professeur fesse quelques observations
sur l'objet en question. H se servira probablement de l'expression:
^L'oreille du chien", dans laquelle, comme on voit, les deux noms
sont déterminés par l'article. En arabe on dirait v-JL^ï ^^ Ici il y a
déjà un rapport plus intime entre les deux termes, nommé xsUoi, an-
nexion, par les grammairiens arabes, de sorte que le premier nom se
met à l'état construit et se prononce plus brièvement qu'à l'état ab-
solu ^). Quant à l'article du second terme , il peut ou individualiser le
mot suivant ou être employé doQiatiûdœg , comme s'exprime la gram-
maire grecque, c'est-à-dire que l'individu devient alors le représentant
d'une catégorie, de l'espèce. Il est à remarquer que dans ce cas l'article
perd sa force déterminative , de sorte qu'une proposition relative qui se
rapporte au mot ainsi qualifié peut y être jointe sans le secours d'un
nom conjonctif en arabe (Voy. Caspari-TJricoechea , Gr. ar., § 537). Nous
devons en conclure que l'expression v-JlXJî ^1 prise dans ce sens qu'il
ne s'agit point de l'oreille d'un certain chien, mais de l'oreille de la race
canine en général, se rapproche de la locution v^ ^^ôï, oreille de
chien, à laquelle il nous faut arriver. Le premier terme est à l'état
construit, comme dans la locution dont nous venons de nous occuper,
1) En hébreu un nom à Tétat construit perd Taccent.
145
mais le second a changé, il est indéterminé et éveille par conséquent
l'idée générale de l'espèce, comme p. e. J^, chevaux, cavalerie.
Les rapports qui existent entre les deux termes s'en ressentent
bien entendu, et il ne semble pas douteux, que ce ne soit point dans
le sens d'une liaison plus intime, vu qu'un substantif qui représente
ridée du genre ou du collectif passe facilement à l'adjectif, ou nom
qualificatif. On s'en convainc en comparant p. e. l'allemand ^Hunde-
ausatellung^^ avec l'équivalent français ^exposition canine^\ ou, en français
même, ^Hmbre-poste^^ avec ^carte po8talé*\ „De chien" équivaut donc
à peu près à, l'adjectif » canine", et nous voilà non pas en pré-
sence de deux notions ^individuelles", qui se rapportent à un seul
objet, — comme en mathématiques on fixe la position d'un point à
l'aide des deux coordonnées — , mais d'une substance et de sa qualité.
Une conséquence importante se déduit de ce raisonnement. Cest
que nous sommes arrivés à l'unité de l'image, critérium des juxta-
posés, qui, il est vrai, dépend du temps, de l'usage, de l'appréciation
personnelle, du milieu enfin, dans lequel le terme prend naissance,
(v. A. Darmesteter, Traité de la formation des mots composés , 2^ éd. p.
13). D'un autre côté, l'origine même du juxtaposé nous explique, pour-
quoi il est si facile de défaire cette union tant soit peu arbitraire et
factice. Prenons p. e. l'expression éXÂ ^yj^ , une fille de roi ; évidemment
les enfants qui lisent des contes se représentent ce personnage en
l'opposant à une fille de paysan -^ owb, à la pauvrette, comme une
unité: une princesse. Mais si, par hasard, les pères de ces jeunes fil-
les entrent aussi en scène, on parlera tout de suite de la fille du roi,
de la fille du paysan léUJl oJ^, -^t vi>uj, par la simple raison que
»roi" et ^paysan" sont à présent des individus, et ne représentent plus
une classe tout entière. Comparez encore la filière „ maison du roi,
maison d'un roi, maison de roi, maison royale".
En tenant compte de l'unité d'image qui caractérise les juxtaposés.
1) Je ne peux pas entrer ici dans un examen plus détaillé de ces questions psychologi-
ques; voir aussi Becker, Org. d, SprJ^ §§ 31, 70.
19
146
on ne peut ne pas donner raison aux grammairiens hindous qui les
assimilent aux composés proprement dits , et les nomment aluksamctsas ,
c'est-à-dire composés sans suppression de désinence (Pinini, II, 1,4).
D'après cette définition, çunaskarna se range dans la classe des ^a^thisa-
mâsds ou composés à génitif.
Néanmoins dans un texte accentué on reconnaît quelquefois un
juxtaposé par son accent. Ainsi p. e. les deux udâttas de bf/iaspdti,
prouvent que nous avons affaire h un juxtaposé *) , tandis que am/iasas-
patiy quoique formé de la même manière, n'en porte qu'un. Ces deux
noms propres sont d'ailleurs très simples de formation, mais avant de
passer du juxtaposé » oreille de chien" au nom propre contenant les
mêmes éléments, nous avons encore à franchir deux étapes.
Figurons-nous qu'un chasseur a un camarade qui se distingue par
une grande finesse d'oreille. En parlant de lui il pourra se servir de
l'expression: »Jean, qui a une oreille de chien", et il pourra se faire
que cette dénomination métaphorique reste à l'individu ainsi désigné;
on dira alors en abrégeant »Jean à l'oreille de chien", ou, s'il y a
plusieurs Jean , le sobriquet „Oreille-de-chien" seul suflSra pour distin-
guer l'un de ses personnages des autres. Ce dernier procédé, c'est-à-dire
la dénomination d'un individu d'après une de ses qualités, se nomme
synecdoque. La métaphore et la synecdoque viennent donc se grefier
sur le juxtaposé, et il va de soi que l'unité d'image de ce dernier
n'en sera que plus accentuée, puisque ^ Oreille-de-chien" n'est en somme
rien autre chose que le substitut d'une qualité. Les lois qui régissent
la phonétique des mots simples s'appliqueront par conséquent aux noms
propres formés de la manière décrite, et comme le visarga ne peut
pas apparaître à l'intérieur d'un mot, l'orthographe çunaskarna^ ainsi
que çûnaççépa *) etc. s'impose.
1) Je sais parfaitement qu'on a voulu voir dans le premier terme de ce mot un thème
en as (Ascoli , Krit, St. p. 306) , mais je crois que la majorité des savants n'épouse pas cette
hypothèse. Je prends hrhas pour un génitif, comp. le synonyme „explicatif ' hrahmanaspati
(O1.DENBERG, ReL d, Veda^ p. 66), et je traduis le nom propre par „dieu de la végétation"
(v. HiLLEBRANDT, Ved, Myth., 1. 1, p. 408, et mon article sur la coupe des cheveux dans les ^^na/.
Graec, Graz, 4893, p. 8). Le fait que brhaspati est devenu plus tard le dieu de la prière,
prouve-t-il quelque chose pour l'acception primitive de brhas^ comme le prétend M. Oldenberg?
2) Ce mot est écrit çûnahçépa par M. Mueller dans son édition du Rigveda (I, 24, 12),
147
Toutefois on peut se demander, si l'on n'a pas le droit de disjoindre
les juxtaposés, quand même ils seraient des noms propres, dans un texte
analytique tel que le pada ; comme p. e. on peut expliquer ' EXXïjgtiovtoç
par "EXXriç nôvrog ou IlêkojiôvyrjGog par TléXonoç y^oog. (Meunier, Ann.
de rassoc, p. fencour. des et. gr., t. VI, pp. 276 ; 283). L'Atharva-Pratiçakhya
(IV, 67), il est vrai, exempte expressément les êamjms ou noms pro-
pres de toute analyse, mais le commentaire a soin d'ajouter que cette
règle n'est pas absolue, et en effet, pour citer un exemple qui tombe
dans notre domaine, çunaççépa est dépecé par Sâyana, dans son commen-
taire du Rigveda (I, 24, 12). Par contre brAaspdti est déclaré indisso-
lable par le Vaj. Prâtiçakhya V, 37 et l'Ath. Pratiçakhya IV, 59,
apparemment parce qu'on ne savait que faire de brkas ^).
Mais tout en admettant le dépeçage pour des noms propres tels
que çunaskarna et çunaççépa^ qui n'offrent aucune diflBculté étymologique,
nous devons tenir compte d'une observation des plus intéressantes faite
par la grammaire hindoue. Elle nous est fournie par Pânini (VI, 3, 21),
qui nous apprend que l'on ne maintient dans un ^a^tàisamâsa la dési-
nence du génitif que quand on veut injurier quelqu'un.
Le quatrième vàrttika (remarque) du sûtra allègue précisément le
juxtaposé çunaççépa en ajoutant samjMyàm *) , et Patanjali dans son
commentaire dit que pour çunaççépa^ nom propre, nous devons faire
un rapprochement {upaaamkhyana). Qu'est-ce que cela signifie? S'agit-il
d'une adjonction purement graphique, comme cela parait être Tavis
de M. KiELHORN, qui dans son édition du Mahàbhâ^a (t. III, p. 147)
imprime 5pT.*5ÏÏT Ç^nahçepa^ en rapprochant autant qu'il est possible
le visarga et la sifiBlante suivante? Je ne le crois pas. Si nous resti-
tuons l'orthographe çunaççépa, seule autorisée par la forme intérieure
du mot, si nous prenons en considération ce que nous avons dit plus
haut de la valeur intrinsèque des samjMSy et si, enfin, nous mettons
tandis que Aufreoht a çûnciççépa. Cette dernière orthographe est adoptée par MM. Mueller
et Reonier dans leurs éditions du Rigveda-Prâtiçâkhya XIV, 48.
i) L'étymologie fantaisiste donnée par le second passage et répétée par Sâyana (Rv. I
62, 3) ne masque qu'imparfaitement l'embarras des grammairiens à cet égard.
2) La Siddhântakaumudî ne porte pas cette restriction.
148
dans la balance le parallélisme des termes upaaamkhyàna et upScàra^
nous arrivons à la conclusion suivante:
En disant çunah çepa et çunah karna au lieu de çunaççepa et çunas-
karnùj c'est-à-dire en employant la forme disjointe du génitif au lieu de la
forme conjointe, on détruit à la fois l'unité d'image, la métaphore et la
synecdoque, et Ton revient à la locution analytique avec tout ce qu'elle
contient de dégradant. Appeler un homme çunaA karna au lieu de çunaskarna
impliquait donc la même injure, que si l'on dit à un Français nommé Oreille-
de-chien, à un Anglais nommé Dog's-ear, ou à un Allemand nommé Hunds-
ohr, respectivement oreille cCun chien ^ ear of a dog^ Ohr eines Hundea.
Une dernière remarque pour finir. Quand dans une famille il n'y avait
qu'un Çunaskarna, il n'était pas nécessaire de prononcer le mot tout entier
pour distinguer le porteur de ce nom des autres membres de la maison, il
suffisait de l'appeler Earna, comme on disait aussi Datta au lieu de
Devadatta. Voilà, à ce que je crois , l'origine du nom propre Karna qui ,
bien entendu, pouvait primitivement contenir un autre déterminant.
Cette économie du langage, en vertu de laquelle le déterminé survit
seul, quand un malentendu n'est pas à craindre , s'observe aussi dans
l'emploi dn mot Jimbre''' à la place de y,timhre-po8te^^ ^), et dans l'expres-
sion allemande „MahlzeiV^ au lieu de ^gesegnete MahlzeiV^
J'ose espérer que cette esquisse sommaire, que je détache d'un
travail plus étendu sur le visarga upacarita, prouvera du moins que
ce terme technique a été choisi par les grammairiens hindous à bon
escient, et j'ajoute encore deux exemples sémitiques qui montrent, eux
aussi, la conservation d'une ancienne forme par suite du rapprochement
de sens entre deux termes. En hébreu la désinence at du féminin s'est
maintenue à l'état construit: ^"yû ri!3^Q (la reine de Saba) en regard
de ni3^5, (reine) et en arabe vulgaire on dit de même medine (ville),
mais medinet en nabî (la ville du prophète).
i) Je ne puis partager Topinion de M. Dârmesteter, qui pour expliquer la formation de
ce mot, en appelle à IMnfluence anglaise (1. c. p. 159). Je pense au contraire que ce mode de
composition répond tout-à-fait au génie de la langue française, qui emploie dans l'espèce
„po8te" dans le sens de .,postal.*' Comparez ce que nous avons dit plus haut à ce sujet.
Le pied et la chaussure comme symboles juridiques
PAR
LÉON DE LANTSHEERE
Professeur à TUniversité de Loayain.
On trouve, au chapitre IV du livre de Ruth, la description d'une
coutume juridique singulière, en vigueur chez les Hébreux depuis des
temps reculés, et que l'histoire même de Boaz met en scène d'une
manière vivante. ,yHic autemj'' dit la VulgateO? n^at mos antiquitus
in Israël in ter propinquoe, ut si quando alter alteri suo iuri cedebat, ut
esset firma concessioy solvebat homo calceamentum suum et dabat proximo suo:
hoc erat testimonium cessionis in Israël. Diœit ergo propinquo suo Boaz:
Toile calceamentum tuum. Quod statim solvit de pede suo.^^
D'autre part, les formalités de la „renuntiatio levirV^ semblent se
rattacher, dans une certa,ine mesure, à une idée analogue. j,Si autem,^^
dit encore la Vulgate ^), „noluerit accipere uxorem fratris sui quae ei lege
debetur y perget mulier ad portam civitatis et interpellabit maiores natu
dicetque: Non vult f rater viri mei suscitare semen fratris sui in Israël y nec
me in coniugium sumere. Statimque accersiri eum fadent, et interrogabunt.
Si responderit: Nolo eam uxorem accipere, accédât mulier ad eum coram
senioribus et tollet calceamentum de pede eiuSy spuetque in faciem illius^ et
dicet: Sic fiât komini qui non aedificat domum fratris sui. Et vocabitur
nomen illius in Israël: Bomus discalceati.'*
4) Ruth IV, 7, 8.
2) Deut. XXV, 7—10.
150
Enfin, on rencontre à Babylone, dans une série particulière de con-
trats, une expression étrange: j,bud ïépi Xa A ina hâta 5...., fro
pede A . . . . in manibus B . . . ., pour qualifier une situation de droit
déterminée.
Ces formules diverses ne sont-elles pas apparentées entre elles,
n'ont-elles point leur source dans une conception commune aux Hé-
breux et aux Babyloniens, et quelle peut être cette conception?
C'est là un point qu'il a paru intéressant d'examiner.
I.
H importe de fixer d'abord le sens exact du passage du Livre de
Ruth que nous venons de citer, car la Vulgate manque tout au moins
de précision. Voici le sens du texte hébreu: ^C'était la coutume an-
cienne en Israël, en matière de retrait lignager et d'échange, afin de
donner la validité au fait juridique, que l'homme ôtftt sa chaussure et
la donnât à son co-contractant , et c'était là le témoignage en Israël.
Le retrayant dit donc à Boaz : Possède toi-même, et il ôta sa chaussure."
Les mots H^N^ et miDn sont deux termes techniques, deux exprès-
sions juridiques. Le premier désigne l'acte par lequel le ^Nj exerce
son droit de rachat , tel qu'il est réglé par la Loi ^). Le terme fran-
çais retrait lignager, emprunté au droit coutumier, correspond assez
bien à cette signification. Le second désigne l'échange d'une chose
contre une autre ou contre de l'argent, c'est-à-dire non seulement le
troc proprement dit, mais aussi la vente.
Des controverses se sont élevées sur le point de savoir si c'est Boaz
ou son parent qui ôte son soulier, et la question est importante, car
la portée exacte de l'acte que nous étudions en dépend^).
D'après la Vulgate, c'est Boaz qui s'adresse à son parent et lui dit
d'enlever son soulier; le parent obéit immédiatement. Le texte hébreu
4) Lévit. XXV, 24 et suivv.
2) Sur cette controverse, on peut consulter BvNiEUS, De calceis Hehrœorum (Lugd. Bat.
1724, petit in-4'*), Hvr. H, ch. VU, pp. 223—226, et les autorités citées; et Selden, De
successionibus ad leges Ebrœorum (Francf. sur l'Oder, 1695, petit in-4®), ch. XV, pp. 52 suivv.
151
confirme et renforce cette interprétation, bien qu'il diffère en un point
de la Vulgate. On y lit, en effet: y,Dixit redemptor ÎJQ^ ^N^-ÎlI lîQî^^l
l^y.i ^^2^1 '^"n^f? ^ Baaz: Posside tu, et extraxit caiceum êuumJ*^
Ainsi la phrase gagne en correction, car les deux verbes dixit et
extraxit ont le même sujet; elle indique, de plus, la relation étroite
qui existe entre la renonciation du parent en faveur de Boaz, et le
signe sensible de cette renonciation, à savoir l'enlèvement de son
soulier. EInfin la version des Septante est encore plus explicite:
ini To œ/zdXkcc^iia tou or^Scrat Tiavra \6yov. Kai ùitùvezo àvï;p to ùno^fia
ccjzoîj^ xai éiiâou Ta TrXïjcrtov auToi5 ts) dy/ifns^jovrt ztjV oc^YiTzticcj ocjxoij.
Kaè zoïko r^v fxaprjptov ev 'idpoî^X. Kai sinsv é ày/iazàç tw BooÇ' XTÎJdat
CTcCcuTO) t;ïv oi'^yiifTzdccif fiov, Kaè z^TicXi^daTo to z^TroJVjjuia ovToiï, xae liJwxsv
avTcj ).
Dès lors le symbolisme juridique ici décrit se comprend facilement.
Celui qui renonce à un droit (dans l'espèce la H^N^) enlève son soulier
et le donne au bénéficiaire de cette renonciation. De même dans les
contrats commutatifs (ici désignés par imori), celui qui cède son
droit, moyennant contre-valeur, ôte sa chaussure et la remet à son co-
contractant. Dans l'un comme dans l'autre cas, le soulier symbolise
le droit que l'on cède, l'enlèvement et la remise du soulier, le trans-
fert même de ce droit.
Le droit juif conserva cette formalité pendant longtemps. Les rabbins
et les talmudistes lui donnèrent une expression savante, en enseignant
que le pactum nudum ne suffit pas pour la transmission d'un droit ou
de la propriété, et en assimilant, en quelque sorte, l'enlèvement du
soulier à la tradition exigée en droit romain. A partir d'une certaine
époque, toutefois, le pallium ou le sudarium se substituèrent à la
chaussure, mais l'idée fondamentale subsista").
1) De même le texte arabe, le texte syriaque et la paraphrase chaldaïque de Jonathan.
2) R. Salomon Jarghi, ad Ruth. La paraphrase chaldaïque de Jonathan substitue chiro-
theca à calceus.
152
IL
La „discalceatio levirT offre un autre exemple de ce symbolisme-
Et Tanalogie avec le cas précédent est telle, que beaucoup d'auteurs
ont cru que rhiatoire de Boaz n'était que l'application de la loi deu-
téronomique relative au lévirat. Telle est notamment Topinion de Fla-
vius Josèphe, qui y trompé par cette coïncidence, donne une interpré-
tation absolument &u3se du passage de Ruth que noua venons d'exa-
miner, Marâ tous ne se sont pas laissé égarer , comme lui, par les
apparences, et déjà le célèbre Isaac Abarbanel indiquait, avec une
grande sagacité, les différences essaitielles qui séparent les deux hypo-
thèses. Sous citons son argumentation, parce qu'elle nous paraît à la
fois curieuse et péremptoire ^) : ^Existimarunt quidam historiam Boazi
et Buthae quoque fuisse ex vi iuris leviratus, et detractionem calcei,
quae illic legitur, fuisse Ulam ipsam HîT^nn , exutionem calcei , de qua
Lex in bac lege praecipit; adeoque hinc etiam docuerunt, fiHum pri-
mogenitum , quem pareret firatria , non vocatum fuisse nomme defuncti ,
sicut nimirum filius, quem Rutha peperit Boazo, non vocatus fuit
Machlon, sed Obéi Sed haec rêvera sententia pemiciosa est et erronea.
Nam Machlon non fuit frater Boazi , ut obligatus fuisset ducere firatris
sui defuncti uxorem. £t quamvis ad seniores, qui in porta erant,
dixerit: ^Partem agri, quae erat fratri noslro Elimelechoj vemdicRt Naomi,
quae reversa eêt e regiùme Moab *)'', non alia de causa vocat eum firatrem,
nisi quia fuit de Êimilia ipsius, non vero quod firater eius germanus
et verus fœrit. Nam Scriptura dicit diserte -) : ^Et Naomi kabebat SHID
eogTuUttm ez marito , mmm foriem , et êtremmm , de farniha EHmeiecii , et
Momen eius erat Boaz^). Quin et ipsamet dicit: „Propi«fuus uoêter est
vit ille, de eognatis noêtris eêt*y\ non vero dicit, quod frater EUmelechi,
multo minus Machlonis, fuerit. Et licet fuisset firater Elimelechi, sicut
i) Cité par Btsmvs, Le: cfr. Seldes, Le.
2) BDth rV, 3.
3) Both n, i.
4) Rath a, 20.
153
dicit supra, tamen non obligatus fuisset ducere Rutham, uxorem
Machlonis, fîlii Elimelechi. Quin et detractio illa calcei, non est
detractio illa cuius lex in hoc Deuteronomii loco meminit. Nam Ruth
non venit ad seniores in portam ad exuendum calceum de pede vindicis ,
et dicere: Non nuit leviratm iure ducere me, et inspuere in faciem ipsius
et dicere: Sic fiet viro etc. Eorum vero nihil commemoratur in historia
Boazi. Insuper, vera extat traditio, si duo fratres fuerint defuncto, et
primogenitus noluerit uxorem viduam ducere , minor natu non potuerit
id facere. Itaque si vindex ille, cuius meminit Boaz, fuit vindex propin-
quior, de iure non potuit Boaz leviri ius prsestare, quia non ita pro-
pinquus fuit. Haec omnia docent nuUam hic fuisse leviratus ius vel
offîcium."
Nous sommes donc en présence ici d'une espèce toute différente
de celle que rapporte le livre de Ruth, et pourtant la même concep-
tion juridique s'y rencontre.
L'office du levir était tout ensemble un droit et un devoir. Seule-
ment ce devoir n'engendrait pas une obligation civile, susceptible d'être
contrainte par voie judiciaire. Elle ne donnait naissance qu'à une obli-
gation naturelle, revêtue d'une simple sanction morale. Le levir ^ qui
refusait d'épouser la femme de son frère défunt , renonçait à un droit ,
et, à ce titre, il devait quitter son soulier, signe de ce droit. Mais,
en même temps, il manquait à un devoir, et, pour cette raison, il
n'enlevait pas lui-même et librement son soulier. Celui-ci lui était enlevé
par sa belle-sœur, par devant témoins, avec des marques de mépris, et
on lui donnait un surnom ignominieux.
Au fond de cette institution , nous retrouvons donc le même sym-
bolisme: le droit identifié avec la chaussure.
m.
Analysons maintenant les renseignements fournis par les sources
babyloniennes.
Ici, c'est le pied qui joue un rôle dans les actes juridiques,
spécialement dans les contrats de garantie ou de cautionnement.
20
154
L'exemple le plus simple nous cet fourni par un texte du temps de
Neriglissar.
No 1. Nrg. bP 16 ').
1. 5 SeJjiel kaspi ia Nabû-aplu-a^u.
2. apil'Su ia Sin-étir ina êli
3. La-ba-Si apil-Su Sa Nabu-mU'ié^tùik'Ud'da
4. ina Aràf^-samna i-nam-din
5. (ial) Hi-ma-tum bu-ud iêpi
6. ia La-ba-H na-a-Sa-ia.
{Témoins • . . . 1^ du mais de Siman , 1^^ année).
Traduction. 5 àekels d'argent, créance de Nabû-aplu-alu
fils de Sin-êtir à charge de
Labaâi, fils de Nabû-muâêtik-udda.
n paiera au mois d^Arah-samna
(La femme) Himatum pour le pied
de Labaâi a donné sa garantie.
Les expressions bud iêpi et naiu peuvent être considérées comme des
termes techniques. Voici encore un extrait d'un texte mutilé de la
même époque.
No 2. Nrg. 58 «).
9. Apla-a apil-iu Sa Bêl-ia ba-ud Sêpi [Na-di-Jnu
10. na-U. {Témoins , ... le 21 du mois, de Ab ^ 3^ année).
Traduction. Aplâ, fils de Bêlia, a garanti pour le pied de Nadinu.
Parfois pourtant on trouve nadanu au lieu de naSuy comme dans
ce texte du temps de Nabuchodonosor.
W 3. Nbk. 86 ').
L Sa-ma-'ilu apil-Su Sa Nabû-af^i-iddin
2. bu-ud Nabu-na^ir apil-Su Sa mu-Sê-zib
3. ina hâta Su-la-a apil-Su Sa Zir-ukin id^din
1) Babyloniache Texte ^ Heft VI, B, publiés par Evetts.
2) Ibidem,
3) Strassmaier, Babylonische Texte, Heft VI, 1. Ce contrat est traduit par MM.
Peiber et KoHLER dans Aus dem babylonischen Rectitsleben (KP.), t. I, p. 12.
155
4. ûmu 15 {kam) 5a ara]} MarfpeSvan ib-ba-kam-ma
5. a-na Su-la-a i-nam-din-su
6. M-i la i'tab-ku u mimma ma-Ia
7. in a u-il-tim Sa Su-la-a
8. Sa êli Nabu-na^ir Sa-ma-'-ilu
9. ùnam-din
{Témoins .... 1^ du mois d'Jb , 10^ année).
Traduction. Sama'ilu, fils de Nabû-a^i-iddin
pour Nabû-naçir, fils de MuSêzib
entre les mains de èulâ, fils de Zir-ukîn, a donné sa garantie ^).
Le 15 du mois de marhesvan (Nabû-naçir) apportera
et paiera à âul&.
S'il n'apporte pas, tout ce qui est
dans le titre de créance de èulâ
à charge de Nabû-naçir Sama-'ilu
le paiera.
Ici l'on ne trouve plus la mention du pied , Sépi ; la garantie est
donnée pour Nabû-naçir au lieu d'être donnée pour son pied. En re-
vanche , nous voyons paraître ici un terme nouveau , ina Ipâta , dans les
mains ^ qui exprime qu'une chose est entre les mains d'une personne
ou se fait par les mains d'une personne. Le contrat n° 86 du même
roi est conçu sur un modèle analogue au précédent; nous croyons
inutile de le reproduire.
Enfin, voici des formules complètes, qui comprennent à la fois
bûd Sêpif nàéu et ina T^âta.
N° 4. Cyr. 147^).
1. Bu'ud Sépi Sa Nabu-zir-liSir
2. apil-Su Sa Bél-usallim (Sal) Di'di-i-tum
i) Ce passage démontre à Tévidence, diaprés nous, que ina kâta signifie ici dans les
mains, et non hors des mains. Le verbe employé à la ligne 3, et clairement lisible, est id-din.
Or nadânu ne signifie que donner. Cfr. Tallqvist, Die Sprache der Cofitracte Nabû^na^ids,
pp. iO et 123. Les autres emplois de ina kâta s*expliquent fort bien par tna, locatif ou
instrumental.
2) Stbassmaibr, Op, cit, VII. Traduit KP., t. U, p. 36.
156
3. marat-m Sa Nabû-zir-lUir ina [Ipdta] Gimil-Samai
4. apil'Su Sa Marduk na-Sa-a-ta ki-i a-na a-Sar
5. Sa-nam-ma it-lal-ka
6. 35 sur KA.LUM.MA Di-di-fùtum]
7. a-na [Gimil-SamaS] ia-nam-din
{Témoins .... le 23 Adar , 3^ année).
Traduction. Pour le pied de Nabû-zir-lî§ir
fils de Bêl-usallim , (la femme) Didîtum,
fille de Nabû-zir-lîàir entre les mains de Gimil-èamaà,
fils de Marduk a donné sa garantie. Si dans un lieu
autre il se rend (à, savoir Nabû-zir-lî§ir)
35 gur de dattes Didîtum
donnera à Gimil-^maâ.
N^ 5. Nbk. 342 ').
L An-nU'tu {amêlu) mu-kin-ni-ê Sa ina pa-ni-Su-nu
2. (Sal) Si-lim-IS-tar bu-ud Sépi Sa La-ba-Si
3. fya-la-ni-Su a-di ûmu 10 Ipam Sa arafy Airu
4. ina ]pâta Iddin- Marduk ta-aS-u,
{Témoins.... 26 Nisan, 39^ année).
Traduction. Ceux-ci sont les témoins en présence desquels
(la femme) Silim-Iàtar, pour le pied de Labaài,
son gendre, jusqu'au 10 du mois d'Airu,
entre les mains de Iddin-Marduk , a donné sa garantie.
N° 6. VR. 67 , n° 3 = Nrg. 2. 6. 2. ^).
1. a-di'i umu Sa Pa-ni-Nabu-ti-é-mu
2. a^ji-Su Sa Ili-l^-nu-u-a
3. ultu a']}U'la'' ib-bi-ir
1) Stkasshaier, Op. cit., p. VI, 2. Traduit KP., t. I, p. 12.
2) Ce contrat a été ti^aduit et commenté par M. Oppert dans la Zeitschrift fur Assy-
riologie, t. HI, pp. 17 et suivv. Cfr. p. 124. Nous croyons que a^t/ia* signifie non pas ^moisson",
mais „au delà". Cfr. Tallqvist, p. 36. Nous ne pensons pas non plus que la femme BuraSu
soit gardienne de son mari, ni que nous nous trouvions en présence de deux conditions, Tune
résolutoire, l'autre suspensive. Voyez ]ilus loin.
157
4. {Sal) Bu-ra-Su bu-ud Sé-é-pi
5. Sa Ili-T^-nu-u-a muti-Su
6. ina kdta Pa-ni-Nabu-ti-ê-mu na-Sa-tam
7. iimu Sa i-tê-bi-ir lli-lpa-nt^t^a
8. ta-bak-kam-ma a-na Pa-fti'Nabu-ti'é'mu
9. ta-nam-din.
{Témoins . . . . 2 Ulul, 2^^ année de Neriglissar).
Traduction. Jusqu'au jour où Pani-Nabû-têmu
frère dllikanûa
reviendra de là-bas
(la femme) Buriaàu pour le pied
dllikanûa, son mari,
entre les mains de Pani-Nabû-têmu a donné sa garantie.
Au jour où il (à savoir Pani-Nabû-têmu) reviendra, Ilikanûa
elle apportera, à, Pani-Nabû-têmu
elle paiera (si son mari ne paie pas).
N^ 7. Nbk. 366 ^).
1. a-di ûmu 1 Sa araf^ Kmlimu Gu-da-du
2. apil-Su Sa Hi-in-ni-ili apil {amêlu) mar^banî
3. {amêlu) mu-kin-ni-é-Su a-na {alu) U-pi-ia ib-ba-kam-ma
4. a-na Bau-éréS apil-Su Sa Nabu-ban-a^i
h. u-kan-ni Sa Ka-li-mu-- apil-Su Sa
6. Ha-gu-ru ïa pu-du ïe-pi-Su ini l^âta
7- Bau-éréï iX-Su-u ina a-dan-ni-Xu
(lacune)
10. ki'i uk'tin-nU'UÏ za-ki
11. ki-i la uk-tin-nu-uï a-ki-i u-il-tim
12. , SÊ.BAB uHAB.BA-Xu a-na Bau-érélf il-ta-din
Traduction. Jusqu'au 1®' du mois de Kisilim, Gudadu,
fils de Hinni-ilî, fils
amènera ses témoins en la ville d'Upîa
i) Traduit dans KP., t. I, p. 12.
158
et contre Bau-êrê§, fils de Nabû-ban-a^)! ,
il fera témoigner que Katimu', fils de
IJaguru, pour le pied duquel entre les mains
de Bau-êrêâ il a donné sa garantie , au terme fixé
(lacune) [a payé]
S'il ne le prouve pas par ses témoins, conformément au titre,
il livrera le blé, avec l'intérêt, à, Bau-êrêâ
Quelle interprétation faut-il donner à, ces diflFérents contrats; que
signifie proprement cette garantie pour le pied du débiteur donnée par
un tiers au créancier?
D'après MM. Peiser et Kohler, le garant, dans ces espèces, libérerait
le débiteur et prendrait sa place, pour le cas où ce dernier ne rempli-
rait pas ses obligations ou s'en irait en un autre endroit. Le garant
délivre le pied du débiteur et le retire hors des mains du créancier ^).
D'après M. Oppert-), l'expression ^ina qatë signifie in manibus oxiper
manuSy pas autre chose ; le sens en est entre les mains j dans la possession. Les
deux mots se joignent a ^êpê^ et le membre de phrase exprime une
formule d'une énergie originale: les pieds d'L dans les mains de P."
Nous pensons, comme M. Oppert, que ina hâta signifie dans les
mains et non pas hors des mains. A notre avis, la garantie, dans les
contrats en question, laisse subsister l'engagement du débiteur princi-
pal, ou, en d'autres termes, ces contrats constituent bien des caution-
nements, où deux débiteurs sont tenus, en ordre successif, vis à. vis
du créancier, d'exécuter l'obligation, et non pas de simples novations
par changement de débiteur, où un débiteur nouveau vient prendre la
place de l'ancien. La caution ne libère pas le pied du débiteur hors
des mains du créancier, elle s'oblige pour le pied du débiteur, qui est
au pouvoir ou dans les mains du créancier. Les contrats n°s 3 et 7,
pour ne citer que ceux là, , démontrent clairement que la caution n'est
tenue de payer que si le débiteur principal ne s'est pas exécuté, et
que celui reste toujours in ohligatione.
1) KP., t. I, p. 12. Cf. Kohler, dans Babylonische Vertràge de M. Psissa, p. XXXV.
2) Loc. cit., p. 20.
3^9
Ibàt il iaxct lemsrgiier qat la aanànn n est pa;^ âBiûement ^gsram^
àe ToUigexiaiL TIïïp est . âan^ pr^qne xontieB Ifê e^^^sfê^ arr:ae&. imaim
& som «xécmian fi ^ «droc'^ €» ^^7 imdfmt: elle ^sranxit gnf^ le
âefahenr ptôera à ce moment, à œt «nârciiî^ ou, ce gui revism an
iMme^ elle gaTiiTn.ii la pr^enoe du àébîieur à J'enàroil toilIq fct an
£a W ie jin-Bmao. Lapreafflon tà«i«««, iqgihçpée à 1»
^ trigntfif' que la eanticm ajiparteia le àânieiir^ c esi-à-àÎTe le
&za pin^sT an Tnnmffnt xoâiqxié: smoB^ «iBe p&îera à sa plaœ^ ee
gn'a^nime le mot Twnurfw An fond,, la stmarioii n'^a pas skk aiiah>>
pe W9&: QeBe àe TindÎTiàii, qizi^ àai^ notre àrcm^ aralâe un fsfiét àe
cammerœ^ fi:vfie ^st;^ âiSeFenoe •KHTtfffok^ que céhii qui aralî^ie ^est
anitiaii Bobdàiç, liiii& gn'H n'iqq-raîl jais qu'il en «t été àe mte»
Ce qui nom îmsmse^ darasta^, c «t le ^nrmboËsme qn^isçifiqw
la :&]nxmle: ^ pieùÊ àe A dam îbê maim àe JL EDe sig^po^ que le
Jnàt ttcpÔÊ par 3^ et qui «te trouve âan^ ses mas^^ sent Rectifié a^^^at
ir ^w;^ /i^ ^ L'iwsiiiiiié joxiâiqiie de IxodiTidiL troinre sa i^E^iréaeixtBXiaa
Bemaoïik dais Bon jneâ, ed:. eomme eette adsritjé ^X^ à Taiwan ^
rohTiggtin'P conlxacliàe, ^en partie an ponrcor da crâoicàes*, on £[t que
son }mâ «t «iî2« leB mamë de oe decmes:.
Be même que, dis Ibe Bânsnx. eâhd qui oè^m une jartie de
Bon drcnt isiiiBttajt efetÉismmaKi m ckamÊmgre a sbi ccKXiDtEactSEtt^ de
iDême, k Balrrlozie, oshd qizi s'ffligage, qin laasisiBm xme partie de doa
droit ^ jemel mr fipmré mm pied k don eréaaiGier. La eàoaiâsizre n 'Kl qa^im
moreD de réalker^ par im &cte «rLéoeor^ ce qiie les BaifrlonieBS «xpi:^
maifiat ms imlsKtiosi mstiéiieQe. An iboid^ lldée ^ identique dims
le§ deux eaë: le pied cêî le êymivie dm droôL
ÎT.
OeCtie aumirTilffitâoB ë^'expliqi:ie aâsémeDl. J^n^ra Inen, éBe est fort
nfliszrBlle. Celtd-lk domine nne tiioae qui peut la loertre âoas ses pif^às:
eéhii-îk est maâtre et seigneur d inie propriété qm penî la f c»Tiler anx
160
pieds, celui-là, est souverain qui place ses sujets ou ses ennemis sous
ses pieds ^).
Nous retrouvons des traces de cette conception dans TEcriture et
dans les documents babyloniens.
On a souvent cité et commenté les mots: „In Idumaeam eœtendam
calceamentum meum\ qui figurent au verset 10 des Psaumes LX et CVIII.
Ils marquent la prise de possession d'Edom, figurée par la chaussure,
signe du droit*). D'autres passages attribuent au fait de fouler aux
pieds un sens analogue, par exemple: „Omnem locum quem cakabit planta
pedia veslriy dedi vobis" (Jos. 1,3) — „Dabo ipsi (à. Caleb) terram quam
calcabif' (Deot. I, 36) — „Ait (Josue) ad principes exercitus qui secum
erant: Ile et ponite pedes super colla regum istorum' (Jos. X, 24). —
jiDonec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum^y (Psaume CX, I). —
Cfr. encore Mich. 1,3; Malach. IV, 3; Psaume XCI, 13 et Luc X, 19.
Nous lisons de même dans les annales des rois d'Assyrie au cours
de ces énumérations pompeuses où ils se complaisent : ^ . . • ziiaru ,
dannu , mukabis kiSad aibiSu , daiS kullat nakiri ^)" : ^le mâle , le fort qui
met son pied sur la nuque de ses ennemis, qui foule tous ses adver-
saires." Et dans l'inscription archaïque de èamài-Ramman, nous trouvons
dais matâti : ^qui foule les pays aux pieds" *). De même encore, l'expres-
sion, cent fois repétée dans les sources, pour signifier ^soumettre à sa
domination, subjuguer" est ana Xêpi Suinuïu •). Une sculpture provenant
de Nimroud représente un roi mettant son pied sur la nuque d'un
vaincu ^).
Réciproquement, l'acte qui exprime la soumission consiste à saisir
les pieds de son vainqueur, c'est-à-dire, probablement, à. faire le simu-
1) BïNiBDS, loc, cit., a fort clairement développé cette idée.
2) Voyez des interprétations différentes dans Syn^eds, loc. cit., ch. VIII. Cfr. Bâlduinus,
De calceo aniiquo (Lugd. Bat. 1711), p. 242.
3) Cfr. l'expression assyrienne iapathi ikbidu. Annales d*ASur-bani-pal , VR, 1 — 10,
col. II, 1. 119.
4) Annales d'A§ur-nasir-pal , IR, 17—26. Col. I, 1. 14, 15; Col. III, I. 116. — Asar-
haddon, Prisme IR, 45—47, col. U, 1. 10.
5) Col. 1 , 1. 35.
6) Ana ^êptht uMknûu, ana ^êpia îiHkni^ ou u^akni^, passira.
7) Lâtaro, The monuments of Nineveh, 1*" série, pi. 82.
161
lacre de se mettre sous ses pieds. De là les mots si fréquents ^êpia i^bat
ou i^batu , »il prit ou ils prirent mes pieds"; Upia i^bat arduti êpuS ^), „ïl
prit mes pieds et se soumit'* (littéralement fit esclavage). L'histoire de Gygès
et des Cimmériens, dans les annales d'Aàur-bani-pal, est particulièrement
curieuse k ce point de vue^). Le roi de Lydie entend, en songe, une
voix qui lui dit: „ Saisis les pieds du roi d'Assyrie, et tu vaincras tes
ennemis en son nom". Gygès s'empresse d'obéir à l'oracle, et, depuis
ce jour, les Cimmériens, qui, eux, n'avaient point saisi les pieds du
roi d'Assyrie , sont vaincus. Plus tard , le vassal s'émancipa , et la défaite
en fut la conséquence. Son fils, instruit par son exemple, s'empressa
de saisir les pieds d'A§ur-bani-pal , et lui fit mander: »Tu es un roi
que Dieu reconnaît. Tu as maudit mon père et le malheur l'a frappé.
Moi, ton serviteur, qui te crains, bénis-moi et que je porte ton joug."
Nous avons ici le geste et la formule de la soumission.
Enfin, c'est toujours par application de cette idée que les dieux
sont représentés debout sur les montagnes ou sur des animaux sauva-
ges ^). Leur suprême pouvoir s'étend sur toutes choses , ils dominent
sur les cimes les plus élevées, sur les monstres les plus terribles, et
la nature entière est sous leurs pieds *).
i) IR, 35, no 1, 11. 17, 18.
2) Annales VR, 1—10, col. H, 11. 95 et suivv.
3) Bas-reliefs de Malthaï, de Boghaz-Keui et de nombreux cylindres.
4) Cfr. Mich. I, 3; Malach. IV, 3; Psaume XCI, 13 et S. Luc, X, 19. — Remarquons
encore que le soulier est le symbole de Tinvestiture dans le Ràmâyana. On y voit R&ma
remettre à Bharata ses deux souliers, avant de s^exiler, afin quUls soient la représentation
sensible du souverain légitime, et c'est au nom des souliers de R&ma que Bharata rend doré-
navant ses édits. Cfr. Sohoebel, Le Râmâyafia au point de vue religieux, philosophique et
moral, p. 49. Cfr. encore les très intéressantes Studien zum babylonischen Rechtswesen de
M. Feuchtwang dans la ZA, t. V, p. 29.
2i
Mahâbhàrata Xil, 12772—12811
DOOR
C. LECOUTEEE
Hoogleeraar te Leaven.
De bekende épisode van het Çvetadvipa, die in het twaalfde boek
van het Mahâbhàrata voorkomt ^), is stellig een der merkwaardigste
stukken van het heele epos.
De inhoud er van komt op het volgende neer. Bhîçma verhaalt
hoe de Wijze Narada , na NarEyana *), die als boeteling met Nara de
^açrama" Badarï bewoont, bezocht te hebben, zijne reis voortzet over
den berg Meru en in het Çvetadmpa of ^Witte Eiland" *) komt. Daar
aanbidt hij Narayana als opperste godheid , en deze verschijnt in zicht-
baren lijve, zet in eene lange rede zijn eigenlijk wezen uiteen, en
verklaart dat hij zich op die wijze nog nooit aan iemand heeft geopen-
baard. »De groote r^'^ Ekata, Dvita en Trita zijn herwaarts gekomen
om mij te aanschouwen, doch die gunst is him geweigerd geworden.
Niemand is in staat mij te zien y uitgezonderd diegenen j welke aan mij
van ganscher harte zijn toegedaan" (t. a. p., çL 12876 — 77; cfr. çL 12971).
1) Ik citeer overal naar de Calcutta-uitgaaf, D. III. Cfr. daarover A. Holtzmank, Boa
Mahâbhàrata und seine Theile, D. III (Kiel, 1894), bl. 2—6.
2) De verhooding van dien Nârâyana, den boeteling, toi den god Nârâyana wordt
nergens in de épisode uitgelegd.
3) Even goed kan men het coropositum Çvetadvtpa vertalen als: „eiland of gewest der
witten of blanken." Dit zij gezegd, om te voorkomen dat men ait de hier aangenomen ver-
taling welkdanig gevolg ook zou trekken.
163
De heele épisode wordt door fihîçma verhaald naar aanleiding van
Tudhiçthira's vraag: »Wie is de opperste god, de god der goden, de
pitâ der pitaras (ibid., çL 12653)?" De gang er van wordt belemmerd
door meer dan ééne bij -épisode, die er, zoo goed of zoo kwaad het
gaat , ingeschoven wordt. Zoo wordt er o. a. verteld van het offer, dat
zeker vorst Uparicara opdraagt; Narayana neemt daar zijn deel van
weg, zonder zich te vertoonen, terwijl de andere goden in zichtbare
gedaante optreden. De oflFerpriester Vrhaspati geraakt daardoor in
toom; om bem tôt bedaren te brengen, verhalen de drie broeders
Ekata, Dvita en Trita, die aan de plechtigheid deelnemen, wat hun
wedervaren is. Het moet aan Vrhaspati zàà verbazend niet toeschij-
nen , redeneeren zij , dat Narayana voor hem onzichtbaar is gebleven ;
eertijds zijn zg naar een verafgelegen gewest gereisd om er den god
te aanschouwen; docb eene strenge boete van duizende jaren en aile
andere pogingen hebben hen tôt het gewenschte doel niet kunnen
brengen. — Het is juist die geschiedenis der drie vrome Brahmanen
(waar in de hooger aangehaalde plaats op gezinspeeld wordt), die, om
de daarin voorkomende opgaven — welke aan te vuUen zijn met de
andere in den loop der heele épisode hier en daar gegeven berichten —
in opzicht van inhoud hoogst belangrijk is. Hoort wat de r^Vs ver-
tellen (ç/. 12772-12811)*):
— Wg zijn zonen van Brahman en gelden voor voortgesproten
uit zijn wil. Eensdaags gingen wij , om het (voor ons) hoogste heil
te bekomen, noordwaarts heen.
Wfl deden boete gedurende duizende jaren, en volhardden in de
strengste boetplegingen ; wij stonden onbeweeglijk op één been, en
werden uiterlijk ten eenen maie aan stukken bout gelijk.
Ten Noorden van den berg Meru, op de oevers van de Melkzee,
daar ligt de streek waar wij die strenge boete volbracht hebben.
1) Hoewel deze épisode overbekend is aan al wie iets aan Sanskrit heeft gedaan, werd
er, zoover ik weet, nog niets van in het Nederlandsch overgebracht. Deze proef weze een blijk
van rechtzinnige hulde en erkentenis, aan den geëerden Jubilaris door een zijner oud-leerlin-
gen aangeboden.
164
»Hoe zuUen wij er toe komen den goddelijken Narayana in zijn
eigen gedaante te aanschouwen , hem, den uitmuntenden , den weldoe-
ner, den eeuwigen Viçnu?
»Hoe zuUen wij er toe komen den goddelijken Narayana in zijn
eigen gedaante te aanschouwen?" dachten wij. Toen wij, na het vol-
brengen van onze boete, het zuiveringsbad namen, hoorden wij de
stem van een onstoflPelijk wezen;
eene stem, o Machtige! ') die op geheimzinnigen doch zachten
toon sprak en vreugde bij ons verwekte: „o Brahmanen! met een
zuivere bedoeling hebt gij eene voortreflfelijke boete gepleegd.
„Gy zijt (Narayana) toegedaan en wenscht te vememen hoe gij
den Machtige zult kunnen zien. — Ten Noorden van de Melkzee is
het Witte Eiland, het luisterrijke , gelegen.
^Daar wonen menschen aan den dienst van Narayana toegewijd;
zij zijn bekleed met den glans der maan; zij vereeren het Opperwezen
met innige godsvrucht.
„Zij dringen in het wezen van den eeuwigen God, die met dui-
zendvoudigen glans schittert, Zij hebben geene zintuigen, geen be-
hoefte aan spijs of drank, zien met onbeweeglijken oogappel, en ver-
spreiden een aangenameu geur.
^Deze het Witte Eiland bewonende menschen vereeren den Éénen
God. Gaat daarheen, o Afuni'Sj daar wordt ons de opperste God
geopenbaard" *).
Nadat wij allen deze tôt een onstoflFelijk wezen behoorende stem
gehoord hadden, begaven wij ons op den aangeduiden weg naar die
streek.
1) Dit epitheton slaat, niet op den toehoorder der drie Brahmanen, d. i. Vrhaspati, roaar
op Yudhisthira , aan wien Bhîsma de lange reeks verhalen richt, waar onze épisode slechts
een klein deel van nitmaakt. Aldus ook enkele epitheta*8 verder, terwiji door andere weer
de offerpriester bedoeld wordt. Dit ailes willekeurig, naar Indische wijze, of liever, volgens
de eischen van het vers; want, zooals ieder weet, zijn dergelijke „siei*aden'' anders niet dan
stoplappen. Cfr, bl. 166 , noot 2.
2) De tekst heeft: tatrâtmâ nah prakâçitah. De Pratâpa Chandra Rat vertaalt (naar
de Calcutta-uitgaaf nochtans): „There I hâve revealed myself" (Çântiparvan , bl. 752). Leest
hij wellicht vah in plaats van 7iahl
165
Wg bereikten het Witte Eiland, het uitgestrekte ; steeds dachten
wij aan het doel onzer reis en begeerden den God te aanschouwen;
doch daar gekomen konden wij niets zien ^).
Het Opperwezen zagen wij niet, daar onze oogen door zijn glans
met blindheid geslagen waren. Toen werd ons, door een gunst van
den God, bekend gemaakt,
dat het zonder lang genoeg gepleegde boete volstrekt onmogelijk
was Hem dadelijk te aanschouwen. Derhalve begonnen wij opnieuw
een zeer strenge boete, en volhardden er juist honderd voile jaren in.
Toen onze boet€ ten einde was, werd het ons gegeven schoone
mannen te zien, die blank van huid waren, met een glans als die
van de maan bekleed, en met aile gelukaanbrengende kenteekens
voorzien.
Zij hielden steeds hunne handen gevouwen; sommigen hielden het
aangezicht naar het Noorden , anderen naar het Oosten gekeerd, Brah-
man was het voorwerp hunner stille overpeinzingen. Deze grootmoe-
dige zielen waren in geestelijke overpeinzingen verslonden *).
En juist omdat zij aan hem alleen met hun gansche ziel gehecht
waren, werd Hari hun gunstig, o VoortreflFelijkste onder de MunVsl
gelijk de glans, dien de zon op het einde der wereld verspreiden zal,
aldus was de glans van elk dezer mannen. Wij dachten: »Dit
eiland is de zetel van macht en luister.
„Volmaakte gelijkheid heerscht hier; allen schitteren van denzelfden
glans. „Eensklaps zagen wij een plotseling opkomend licht, als dat
van duizend zonnen.
1) Ss. tato ^praiihato *bhavat. Men zal wel moeten lezen: ,^tatas pratihaid'\ want
apratihato geefb hier geen zin; tenzij men aan de lezing van de Bombay-uitgave (tadâpra-
tihato) de voorkeur wou geven. Chandra Ray zegt wel {loc. cit.^ bl. 752, noot 2), dat het
apratihatâh der Calcutta-uitgaaf „shouid be taken in the sensé of nâsti pratihato yasmât'\
en dat ,,the meaning, of course, would remain the sarae", doch dit blijkt mij niet. Bovendien,
de Calcutta-uitgave heefb niet apratihatâh; hoe zit dan de redeneering ineen?
2) Ëigenl. ,,het japas^ dat zij baden of opzegden, heette mânasa (= geestelijk japasy\
d. i. (zooals m. i. terecht Chandra Ray verklaart, loc, cit. bl. 753 , noot i ), hun gebed bestond
niet in het opzeggen van mantrà's^ maar in stille overpeinzingen of inwendige gebeden. Wel-
licht vertaalde men derhalve even juist: „Brahman was het voorwerp van de overpeinzingen
dezer grootmoedige zielen, die inwendig tôt hem hunne gebeden richtten^'.
166
Vrhaspati! Daarheen liepen dadelijk dç inwoners, in dichte
drommen ;
ieder hield de handen saamgevouwen, en, vol bl^dschap, zei j,nama9'^
(eer, aanbidding). Toen hoorden wij een groot geruisch door deze bid-
dende menigte voortgebracht,
Voorzeker droeg zîj aan haar God een offer op. Wat ons betreft,
plotseling verloren wij het bewustzijn tengevolge van zijn luister (van
den god ni.).
Onze oogen waren verblind; onze zinnen gedood; derhalve hadden
wfl geene gewaarwordingen meer. Doch elk woord (door deze menigte)
voortgebracht , hoorden wij.
(Zg zeide:) »Zege aan U, o gij lotosoogige! Eer aan U, schepper
van al wat bestaat! Eer aan U, o Hr§ïkeça, (Viçnu), o Opperwezen,
Eerstgeborene!"
Deze woorden hoorden wij uitspreken met duidelijkheid en op een
voor het oor aangenamen toon^). Ondertusschen blies een zacht, wel-
riekend windje,
en bracht ons de geuren van hemelsche bloemen , en van de plan-
ten, noodig tôt den dienst. Tôt deze mannen, die het pancakàla ken-
nen en eerbiedigen, die, den Éénen vereerende,
Hem in diepe godsvrucht met het hart, het woord en de daad
verheerlijkten , is ongetwijfeld Hari genaderd, ter plaats waar wij
hunne stemmen hoorden.
Doch wij zagen hem niet, bedwelmd als wg waren door zijne
màyà. — Toen het opgehouden had met waaien en het ofifer ge-
ëindigd was,
stonden wij daar, o voortreflFelijkste van Aûgiras' nakomelingen ! *)
met angstig gemoed. Te midden van deze duizenden mannen, allen
van edele afkomst.
1) Ss. çabdah .... çik^âkarasamanvitah. Chanora Ray vertaalt „80und . . . uttered
distinctiy and agreeably to the rules of orthoepy", en teekent daarbij aan (loc, ciL, bl. 754,
noot 2) ^^çiksha'* etc. „is the science of Oi*thoepy and is one of the Angas(limbs)ofthe Vedas'*.
2) Dit epitheton slaat op Vf haspati , Angiras' zoon. Zie DowsoN*s Dictionary . s. v. —
Cfr. bl. 164, noot i. '
167
was er niet één die ons groette of een blik op ons sloeg. Deze
schaar van munVs^ standvastige maunen en met echte vroomheid
vervuld ,
gaven geen acht op ons, zij die volkomen heerschappij over hen
zelven oefenden. Terwijl wij daar stonden, heel afgemat ten gevolge
der gepleegde boete, en van vermoeienis bezwijkende,
zeide een goddelijk, onstoffelijk wezen tôt ons: »Deze blanke
mannen, die geen stoffelijke zinnen meer hebben, zîjn in staat den
Gk)d te zien; alleen deze voortreffelijke tweemaal-geborenen zullen den
grooten God zien.
„Gaat heen, gîj munVsj daar van waar gîj onlangs gekomen zijt.
De God kan onmogelijk aanschouwd worden door iemand die niet aan
zijn dienst is toegewijd.
»De Bhagavaty op wien niemand, uit oorzaak van den verblinden-
den glans dien hij verspreidt, den blik kan gevestigd houden, wordt
zichtbaar enkel voor hen, die, na langdurige oefening, het voUedig
aan hem overgegeven zijn bereikt hebben.
„o Voortreffelijke tweemaal-geborenen ! op U rust een zware plicht. —
Wanneer, na het eindigen van den hrtayuga^ Vivasvat's tijdkring den
tetrayuga zal aanbrengen, dan zal een groote ramp overkomen. oDeugd-
zamen! dan zult gij moeten samenspannen met de goden om de ver-
vulling van het voorspelde te verhoeden".
Toen wij deze wonderlijke rede, aan den godendrank gelijk, ge-
hoord hadden , kwamen wij spoedig , dank der gunst van den God , in
ons vaderland terug.
Noch het plegen van strenge boete, noch het opdragen van offers
aan de goden en de afgestorvenen , konden ons het zicht van den God
verschaffen. Hoe zoudt gij hem zien % ^)
Narayana is het Opperwezen, de Schepper van het heelal; hij
i) Die woorden richten de vertellers tôt Vrhaspati, om hem aan te toonen dat het zoo
yreemd niet is, dat hij Nârâyana niet in zichtbare gestalte bij het ofifer heeft zien verschijnen
(Vgl. supra ^ bl. 163). Vrhaspati was overtuigd, naar het schijnt. want zijne gramschap be-
daarde, en hij zette, zonder verdere opmerkingen, de plechtigheid ^ooit.
168
verslindt de ofifers aan de goden en aan de afgestorveûen. Hij is zon-
der begin of einde; hij is de ongeopenbaarde , dien de goden en de-
monen vereeren. —
Tôt dusver het verhaal der drie Brahmanen. Op een andere plaats
in de épisode (çL 12704 en volgg.) wordt een uitvoeriger beschryving
van de bewoners van het Çveladvïpa gegeven; doch in hoofdzaak komt
die op het hier medegedeelde neen De lange redevoering, waarin
Narayana zich zelven aan Narada openbaart (p/. 12882 — 12973), even-
als de andere opgaven aangaande het wezen, de eigenschappen enz.
van den oppergod (zie o. a. Nai-ada's aanroeping , waar Narayana met
negenennegentig , meest ongewone, benamingen vereerd wordt, çL
12864, en pasa.)^ zijn al niet veel meer dan de uitwerking van de hier
neergeschreven gedachten \ terwijl nergens elders duidelijker inlich-
tingen over den eeredienst voorkomen. Het vertaalde stuk is dan ook
wel het belangrijkste van de gansche épisode.
Het hoeft nauwelijks gezegd dat het verhaal van die merkwaardige
en zonderlinge reis, door de drie broeders ondemomen, aan deaandacht
der Sanskritisten niet is ontsnapt, ja aanleiding heeft gegeven tôt meer
dan één onderzoek of poging tôt verklaring ^). Die berichten toch klinken
zoo ongewoon in de harmonie der Indische beschaving , dat als van lie-
verlede het vermoeden ontstond dit ailes aan vreemden, en wel Wester-
schen, invloed toe te schrijven; het »Witte Eiland" (of ^gewest") zou
Europa, of Hein-Azië, of Egypte, enz. zijn; de „blanke mannen" zouden
Europeanen, en de door hun beleden monotheïstische godsdienst zou
niet anders dan het Christendom wezen. — Van andere zijde is er op
gewezen dat men, alvorens uit zulke gegevens dergelijke gevolgen te
trekken, en te spreken van «christelijke bestanddeelen" in de Indische
letterkunde, ailes zeer nauwkeurig moet nakijken: wij hebben immers
1) Het çl. 13427 nochtans is bemerkenswaardig , omdat er duidelijk woràt in uitgespro-
ken dat Nârada, na zijne terugkomst van het Çvetadmpa in de ,^âçraraa" Badatn, door
Nârâyana (den boeteling) en Nara onderwezen werd en aldus tôt het geloof aan den Eénen
God {aikantitva) kwam.
2) Zie de litteratuur bij Holtzmann, loc. cit., bl. 229 — 230.
169
nog veel te weinig opgaven om dit ingewikkeld vraagstuk zoo maar
gladweg op te lossen. Hier is echter geen gelegenheid om dit nader
uiteen te zetten en te behandeleD. Ik moet raij bepalen bij een paar
opmerkingen , al kan ik die zelfe hier ter plaatse niet nader toelichten
en er de gegrondheid van aantoonen. Vooreerst , al is het m. i. niet
noodig ^ om de zoo merkwaardige épisode voldoende te verklaren, aan
invloed van Westersche beschaving en inzonderheid van Cbristendom
te denken, toch zou het onvoorzichtig wezen dien volstrekt te looche-
nen. Ik geef toe dat men uit de beschrijving van het Çveladmpa en
zijne bewoners niet volstrekt behoeft te besluiten dat daar de Wester-
wereld en Westersche toestanden mede bedoeld worden; dat zelfs de
hier beschreven godsdienst niet noodzakelijk een monotheïstische moet
zijn, en nog min dus het Cbristendom (het kan zelfs de vraag wezen,
in hoever dit ailes met monothéisme , naar onze opvatting , gemeens
heeft); maar het wil mij toeschijnen dat het even moeilijk is ailes
voor specifisch Indisch te verklaren, — Ten tweede, Holtzmann's stel-
ling, dat het „ùber das Vorhandensein christlicher Spuren in der
Indischen Literatur wohl noch lange (wird) gewagt sein, irgend be-
grûndete Vermuthungen aufzustellen" (t.a.p.^ bl. 230), zou men even
goed kunnen omkeeren, en beweren, dat het loochenen van dit «Vor-
handensein" niet min gewaagd is. Alsof de Indische letterkimde een
iets ware, dat, v66r de mogelijkheid van betrekkingen der christen-
wereld met Indien , volledig en afgewerkt stond , en sedert ongewijzigd
en onaangeroerd ware gebleven! — Wat er ook van zij, in verband
met de plaats die wij besproken hebben, komt het mij voor dat
men vooralsnu het best aile uitspraak van kant late, en wachte tôt
verdere opgaven voldoende licht over een zoo ingewikkeld vraagstuk
verspreid hebben.
22
La mention des Hébreux par les Égyptiens s'accorde-t-elle
avec la date de l'Exode?
PAR
E. LEFÉBURE
Frofessenr à l'Ecole Sapérieare dee Lettres d'Alger.
I.
Le vieux voyageur Cosmas prétendait que les traces laissées par
les chariots des Israélites, lors de TExode, étaient toujours visibles de
son temps aux bords de la mer Bouge. La même tendance à discerner
trop facilement les vestiges du passé existe encore. C'est ainsi que
Ch. Lknormant crut, comme le Dr. Heath, voir l'Exode dans les hié-
roglyphes, et Chabas, qui l'attaqua vivement sur ce point, n'a pas
échappé lui-même à la critique pour son identification des Hébreux
avec les Aperu de certains textes. L'opinion de Chabas, presque aban-
donnée aujourd'hui, après avoir été admise de prime abord, ne pouvait
assurément s'imposer d'une manière définitive, faute de preuves ab-
solues, mais elle ne mérite peut-être pas non plus le discrédit qui l'a
frappée.
Des deux principales objections pouvant lui faire échec, l'une phi-
lologique, l'autre historique, la première, que le p égyptien ne saurait
représenter le h hébraïque, est peu décisive. Il serait étonnant, quand
le h égyptien pouvait devenir dans les transcriptions de mots sémiti-
171
ques /, ua ') et w, que le p fût demeuré inflexible malgré les formes hp
pour h et ph pour p ^) qu'on trouve dans les hiéroglyphes. Aussi l'objection
a-t-elle plié à, la longue et se réduit-elle parfois à un peut-être: le nom
géographique Tapunn „e8t peut-être Dibon de Judà^'' ^). Ces sortes de chan-
gements ont lieu dans presque toutes les langues ; les Grecs prononçaient
Bubastis au lieu de Pi-beaet et Aprièa au lieu diAbra] les cunéiformes
transcrivaient p par b , comme b par p , dans les prénoms de Thotmès
III et d'Aménophis , et la Kepen égyptienne n'est assurément pas autre
chose que la Gubla ou Gebel sémitique *), la Bybloa grecque ').
La seconde objection, que Chabas serait en désaccord avec la
théorie habituelle de TExode, a plus d'importance que la première.
Voici d'abord les textes, bien connus, qui mentionnent les Aperu
d'une manière significative. Au fragment d'histoire ou de conte du
papyrus Harris n"* 500 ^) , le héros égyptien , Thoti , propose au chef
de Joppé de faire courir „un des Apuiru" comme messager. Aux pa-
pyrus de Leyde, étudiés par Chabas, deux lettres parlent de la nour-
riture èi fournir „aux Apuiriu qui charrient la pierre pour le grand
pylône de Pa-Ramsès Meriamen" (Ramsès II) et „aux Aperu qui char-
rient la pierre pour le temple du soleil de Ramsès-Meriamen , au sud
de Memphis"^). Au grand papyrus Harris, 2083 Apuiru sont mentionnés
avec leurs chefs ou Marinas , comme dépendant du temple d'Héliopolis *).
Enfin, la stèle dite de Hamamat désigne comme faisant partie d'une
expédition envoyée par Ramsès IV 800 Aperu des auxiliaires étrangers
d'An, le désert avoisinant Héliopolis®).
Une classe de gens nommés Aperu figure bien encore, dès l'ancien
Empire, dans un grand nombre de textes, mais il faut les distinguer
i) Maspero, Zeitschrift fur aegyptische Sprache^ 1879, p. 47.
2) Cfr. Todtenbuch, édition Naville, t. H, pi. 44.
3) M, 1881, p. 129; cfi-. Nombres, 21, 30.
4) Ezéchiel 27, 9, et Psaume 82, 7.
5) Chabas, Voyage d'un Égyptien, p. 157 — 158, de Sauloy, Mélanges d'archéologie
égyptienne et assyrienne^ t. VI, p, 200, et Krall, Studien, t. III, p. 5,
6) Verso , pi. 1 , 1. 5.
7) Chabas, Mélanges égyptologiques , t. I, p. 49, et t. II, p. 142 et suivantes.
8) PI. 31 , I. 8.
9) L. 17.
172
des premiers Aperu, dont le nom seul est accompagné du signe des
étrangers; le nom des Aperu indigènes s'écrit de plus par un signe
spécial, et désigne uniquement les marins composant „1 'équipage d'une
barque"; le mot aper signifie «équiper".
On voit de suite que la présence des Hébreux en Palestine sous
Thotmès III et en Egypte sous Ramsès IV, est embarrassante quand
on place l'Exode à, la fin de la XIX® dynastie '), après Thotmès III et
avant Ramsès IV, comme le font presque tous les savants: seulement
faut-il placer l'Exode à la fin de la XIX® dynastie? C'est une question,
car il y a réponse aux arguments qui appuient cette dat^, que rien
ne rend nécessaire.
II.
En premier lieu, les troubles qu'on suppose avoir existé en
Egypte lorsque les Hébreux s'enfuirent, ne caractérisent pas la XIX®
dynastie: la XVIII® finit de même, avec les rois hérétiques. D'ailleurs,
dans l'état de guerre continuel où vécut le pays sous le nouvel Em-
pire, les plus grands règnes ont pu avoir leurs revers, que les textes
n'auraient pas mentionnés, selon la coutume. L'histoire moderne nous
fournit des exemples sans nombre de la facilité avec laquelle un pays
peut être traversé en temps de guerre; ainsi sous Louis XIV, en 1707,
un parti d'ennemis enleva dans la plaine de Billancourt, près du pont
de Sèvres , le premier écuyer du roi , Beringhen , et aurait pu s'emparer
du duc d'Orléans, «dont ils méprisèrent le carrosse": quelques uns
même, déguisés, «eurent la hardiesse d'aller voir souper le Roi à
Versailles" «).
D'autre part, le long règne antérieur à l'Exode peut se retrouver
dans ceux de Thotmès III ou d'Aménophis HI aussi bien que dans
celui de Ramsès II, puisque la durée de ce long règne n'est pas pré-
cisée dans la Bible.
Enfin, la construction par les Hébreux de villes nommées Ramsès et
1) Brugsch, Egypt under the Pharaohs, t. II, p. 134.
2) Saimt-Simon, édition Chéruel et Régnier pils, t. V, ch. 9, pp. 159 — 162.
173
Pithom ne prouve pas que ces villes datent des Ramessides. La Bible
nomme , comme on le sait , pays de Kamsès la contrée que les Hébreux
occupèrent bien avant l'Exode ^), c'est-à-dire au temps de Joseph et
des Pasteurs. Ce fait montre qu'une certaine ville, ou région, avait
pris dune manière rétrospective le nom du plus célèbre des rois
égyptiens, et que ce nom passa dans la rédaction de la Genèse: de
même, en poésie, nous intervertissons parfois les noms de Lutèce et
de Paris, ou de Byzance et de Constantinople. Quant à, Pithom, où
dominent les monuments de Ramsès II, c'est sans doute que cette
ville frontière dont le site n'est pas entièrement fouillé encore, et où
l'on a trouvé un sphinx de la XII* dynastie, aura subi le sort des villes
frontières, sujettes à, être détruites et rebâties plusieurs fois.
ni.
Ces conclusions laissent toute sa valeur à, un renseignement qu'on
peut considérer comme capital , la date de l'Exode fournie par le Livre
des Rois: les grandes dates populaires établies comme celle-là, sur
place, et d'après des documents que nous n'avons plus, méritent sans
doute une tout autre confiance que nos calculs hypothétiques.
Selon le Livre des Rois, il se serait écoulé 480 ans entre l'Exode
et la fondation du temple par Salomon*), ce qui reporte l'Exode vers
le XV« siècle avant J. C, sous la XVIII» dynastie, et rend à la période
des Juges son développement normal. Placer Moïse après Ramsès II
qui régna au XIII« siècle, comme les plus récents travaux de l'égypto-
logie permettent de le constater, c'est à la fois rejeter la date du
Livre des Rois et diminuer de moitié le temps des Juges. Aussi voit-
on certains savants hésiter inconsciemment devant cette conclusion, et
tantôt l'admettre , tantôt la contredire. Renan , dans son Histoire du
peuple d'Israël y dit que » Moïse est antérieur de quatorze à quinze cents
i) Genèse, 47, il ; cfr. Lieblei», Recherches sur la chronologie égyptienne, p. 137 — 138
2) I Rois, 6, 1.
174
ans à Jésus" *) , puis il fait débuter vers 1 300 le règne de Kamsès II ,
après lequel il place TExode sous Séti IP), comme le voulait Osburn.
De même, dans la nouvelle édition de la Bible d'Oxford, l'Exode est
daté de l'an 1469 '), et présenté comme postérieur au règne de Ramsès
II, 1330 ans av. J. C.*).
Tout s'éclaircirait cependant si l'on tenait compte de la manière
dont Manéthon raconte l'expulsion des Pasteurs, qu'il associe intime-
ment aux Hébreux d'après Josèphe. L'historien national de l'Egypte
montre les Pasteurs défaits et chassés à quatre ou cinq reprises diflFé-
rentes, c'est-à-dire sous Amosis (Ahmès I), sous un Thotmès, fils de
Misphi-agmouthosis (Thotmès IV, petit-fils de Thotmès III), sous les
hérétiques désignés par le nom générique d'Akhenkhérès ou Khérès,
le Cenchrée de nos vieux chroniqueurs européens*), enfin, sous un
Aménophis (Ménéptahî), qu'il confond malheureusement avec l'Horus
contemporain des hérétiques, ce qui peut faire douter de ce dernier
épisode •). En tous cas, il ressort bien du récit de Manéthon qu'il y
eut avec ces expulsions autant d'Exodes, subordonnés aux succès ou
aux revers des ennemis de l'Egypte, et plus ou moins partiels. M.
Babelon cite, dans son Histoire ancienne de f Orient '') y divers établisse-
ments des Juife en Palestine durant leur séjour en Egypte. Le princi-
pal Exode aurait été celui de Moïse, et les autres sorties auraient été
presque complètement négligées comme peu importantes par l'écrivain
biblique. Il faudrait alors faire de Moïse, vers 1450, le contemporain
de Thotmès III ou d' Aménophis III , dont les longs règnes sont d'ailleurs
peu distants l'un de l'autre.
La théorie des sorties successives expliquerait d'une manière satis-
faisante la présence en Palestine des Aperu sous Thotmès III (d'après
1) T. I, préface, p. XVm; cfr. p. 211.
2) Ihid., p. 136, note 1.
. 3) Chronology of the Kings^ p. 46.
4) Planche 29, et Glossary of aniiquities, ctistoms^ etc,^ p. 171.
5) Cfr. Grégoire de Tours, Histoire ecclésiastique des Francs^ I; Mac Geoghan, Histoty
of Islande translated by Patrick O'Kelly, p. 48; etc.
6) Fragmenta historicorum graecorum, édition Didot, t. H, p. 174 — 178, et Josèphe,
Contre Apion, I, 14, 16, et 26—27.
7) T. VI, p. 208.
175
rhistoire de Thoti), comme des Habiri^) sous les derniers Aménophis
(d'après les tablettes cunéiformes). La soumission des tribus de Jacob-el
et de Joseph-el par Thotmès III concorde parfaitement avec la mention
des Aperu sous le même roi; ce seraient là, des Hébreux chassés par
l'expulsion d'Amosis; les Habiri des tablettes cunéiformes, très con-
testés il est vrai *), seraient les mêmes ou ceux du grand Exode ; les
Aperu de Ramsès II se rattacheraient à TExode du temps de Mé-
neptah; les Aperu de Ramsès III seraient des prisonniers de guerre,
et les Aperu du désert seraient, comme l'admet Chabas^, un reste
de population n'ayant pas suivi tout d'abord le gros des émigrants.
Il semble ainsi que les anciens Hébreux , difScilement saisissables grâce
à leur vie nomade, aient flotté longtemps de l'Egypte à la Palestine,
abordant ou quittant l'un ou l'autre de ces pays selon les circonstances.
Dans ces conditions , on ne s'étonnera pas qu'il y ait eu des Hébreux
en Palestine sous la XVHI® dynastie et en Egypte sous la XX«, de sorte
que l'opinion de Chabas sur le nom égyptien des Hébreux restera pro-
bable ou possible, si elle n'est pas certaine. Il faudrait, pour la rejeter ,
admettre qu'il exista dans les régions occupées par les Hébreux, et
aux mêmes époques, une population d'un nom analogue au leur , nomade
comme eux , et assujettie aux mêmes travaux qu'eux par les Égyptiens.
Mais quelle raison y aura-t-il de leur superposer cette espèce de double
ethnique, si bon nombre d'Hébreux ont abandonné l'Egypte et gagné
la Palestine à plusieurs reprises, et non en bloc avec le grand Exode?
L'existence du double des Hébreux, inconnu par ailleurs, serait assu-
rément plus surprenante que la connaissance par les Égyptiens d'une
race qui a si longtemps habité l'Egypte.
1) Cfr. Sayce, Proceedings of the Society of hiblical Archaeology ^ 1888, pp. 490 et 493.
2) Halévy, Journal asiatique^ Nov. — Dec. 1891, p. 547, et Fk. Hommel, Proceedings^
Mai 1895, p. 203; cfr. Dblattbe, Journal asiatique ^ Sept.— Cet. 1892, p. 286—291.
3) Recherches sur la dix-neuvième dynastie, p. 163.
Deux peuples méconnus
PAR
SYLVAIN LÉVI
ProfesBeur aa Collège de France.
I. Les Murundas.
La notice sur l'Inde ') insérée dans l'Encyclopédie Kou-hin-tou-chou
(section Pien-i-tien) donne sur l'Inde, postérieurement h, la dynastie
des seconds Han, rinformation suivante:
„Au temps des Wei et des Tsin (220—419) les relations entre la
Chine et l'Inde furent interrompues, et elles ne reprirent pas de long-
temps. Seulement à l'époque de la djrnastie Ou (222 — 277) le roi du
Fou-nan (Pégou, Siam) nommé Fan-tchen ') (^J^) envoya un de ses
1) Traduite en français par Pauthier, Examen méthodique des faits qui concernent le
Thian-tchu ou VInde, dans le Journal Asiatique, 1839, pp. 257 — 400, et séparément, Paris 1840.
Le même passage se trouve dans TEncyclopédie de Ma-touan-lin , livre 328, notice sur Tlnde,
d'où il a été traduit également par Pauthiee (publié en anglais dans VAsiatic Journal de
Londi'es, 1836, puis dans le Journal of the Asiatic Society of Bengal, 1837), et aussi par
Stanislas Julien, Journal Asiatique, 1847, t. II, pp. 81 — 121 ; reproduit en anglais dans T/mitan
Antiquary , 1880, pp. 14 — 24.
Les deux Encyclopédies ont, en fait, copié littéralement un passage de TUistoire des
Leang, ch. 54, notice sur le Tchoung-T*ien-tchou. J'ai vérifié et corrigé sur ce texte les tra-
ductions publiées.
2) Le mot fan, qui fait partie du nom du roi Fan-tchen, est le premier élément du
nom de tous les souverains du Lin-i (Campa). Voir Ma-touan-lin , Ethnographie des peuples
étrangers, trad. d'HERVEY de St. Denis, t. II, p. 420 sqq. Une dynastie nouvelle venait pré-
cisément de prendre possession du Fou-nan , et le nom de son fondateur Fan-che-man , puis de
Fan-tsin, enfin de Fan-tchen semblent indiquer que cette dynastie se rattachait à la famille
royale du Lin-i ou revendiquait le même titre.
177
parents nommé Sou-ou (^1^) en ambassade dans l'Inde. Parti du
Fou-nan , il sortit de l'embouclmre du fleuve Teou-kieou-li ^) , et suivit
la grande courbe du littoral droit vers le nord-ouest, entra dans un
grand golfe que bordaient plusieurs royaumes, et au bout d'un an et
plus arriva à l'embouchure du fleuve de T'ien-tchou (l'Inde). Il remonta
le cours du fleuve, parcourut 7000 li, et arriva à, destination. Le roi
de l'Inde fut rempli de surprise et s'écria: »Quoi! il existe des hom-
mes comme ceux-ci sur les bords des mers les plus lointaines!" Et il
ordonna de leur faire visiter l'intérieur de son royaume. Ensuite il
envoya deux hommes, Tchenn-soung etc. pour offrir en retour à Fan-
tchen et à Sou-ou quatre chevaux du pays des Tue-tchi. Ils n'arrivèrent
qu'au bout de quatre ans.
En ce temps-là l'empereur de la dynastie Ou avait envoyé un offi-
cier de second rang , K'ang-t'ai ( J^ ^ ) , en mission au royaume de
Fou-nan. Il y rencontra Tchenn-soung etc. et il les interrogea sur les
coutumes de l'Inde. Ils lui répondirent:
„C'est un pays où la loi du Buddha prospère. La population y est
droite et honnête, et la terre est très fertile. Le titre (hao) du roi est
Meou-loun (^ |Êï)« La capitale où il réside a une double enceinte de
remparts. Les rivières et les sources d'eau sont divisées en un grand
nombre de canaux sinueux qui aboutissent aux fossés des murailles et
se déversent dans un grand fleuve. Les palais et les temples sont décorés
d'ornements sculptés ou gravés ; dans les rues , les marchés , les villages ,
les maisons, les hôtelleries, les tours, on voit des cloches et des
tambours au son joyeux, de riches vêtements, des fleurs odorantes.
Les marchands y viennent par terre et par mer, et se rassemblent en
grand nombre et y offrent des joyaux et tous les objets de luxe que
le cœur peut désirer. A droite et à gauche il y a seize grands royaumes ,
ceux de Kia-wei (^ |^) (Kapilavastu) , Che-wei (^^) (Çrâvastî)
le-po ( ^ ^ ) {ou Che-po) etc. Plusieurs royaumes , même situés à
1) L'embouchure du Teou-kieou-li fô ^tSl 5fi|| est peut-être identique au port de TakMa
mentionné par Ptolémée (VII , 2 , 5) , et qui demeura florissant jusqu'à la fin du moyen âge.
Takôla, d'après Yule, était situé sur l'estuaire du Sit-taung.
23
n^ fon m I:^ft<îrriT> p»^^ à' 'iiieti*lf^r:&tl'jn pOftitiTe^ Le- dire rr-jal n'i pas pam
moir^i^ ^^'i^^ <^ii«r: fe Tf^t^. pArras.ift propo^tait de le e.JCLH'iêrer comme
&w? irswrfc^rriptïoTi ''kr imakàra^/u ,11 ûV a aai^im àonte. éerit-îl^>- sur
iia^ ^yfU^j^ me^m p^/ar «i/iXi ^eo eompjo^itkjti, ^graud"; niais le mc't .^anâ-
kril rf^pTéftfrrirré p^r /wi on rmm. ram est nkjm:* cUîr^. La restïtiidoii
ftyttrm^ par VAVtmnL est madnriissîble. Le titre de r/!2«tf e?t m-odeme,
et 1^ (^XTifitf^rH mef/u ne peat paâ représenter jwfivî ; sa Talenr en traits-
eriiAifm e^t inT?%riaiAf:Xàent mm ou *«>. La lettre /m, d'aatre part.
rfrf/ré«eïyt/^ ïu\mflh -^ n -^ vii%î^\H , Imm ou nr«t derant consoime. iletm^mm
tuni^ ramené ainiw à nn orignal : Mu-lmm -r eomwmme ou Mm-riÊni -^ corn-
mmw:^ \a %^h c/nreêspfjndsmct qui se rencontre parmi les noms etlmiques
de riri^le awàfmxi^ ^t Murumda^ Mmmnda qui satisfait à toutes les con-
ditujnn phfjfTMétiqnes^
\J\mXh\n de« Murunda^ est restée jusqu'ici mal connue, moins
en^s^ff^ par la faute des) documents que par la négligence des indianistes ^.
Vto3,hi£tf qni le^ désigne muB le nom de Maroundai, les place sur la
rive ^ocbe du Gange ^ au 9ud des Ganganoi ou Tanganoi établis dans
la vallée du Barabos^ la Sarayû de la géographie sanscrite, la Saiju
ou Ob/>gra d^î^ modernes. Un demi-siëcle après Ptoléiiék, Oppien désigne
^le iHmp\(i Maruandien^* comme ^riverain du Gange, dans la plaine
îndwfnne^'. Ijea cinq villes des Maroundai enregistrées dans les Tables
de ProLiMit% ne m laissent pas reconnaître avec précision: Boraita.
K/Vrygaza (Sôrygaza), Kondôta (Tondôta)^ Kelydna (Elydna), Aganagora
(Aragîira), Talarga, Mais la position donnée à Kôrygaza (long. 143° 30';
lat 2V 15' ne Técarte de Palimbothra (long. 143^ lat. 27') que par
un intervalle insignifiant; tandis que Talarga, la ville la plus orientale
1) Krarn^m m/ithfxiique ^ p. 29,
*2) IjAtmzn, /ruliw'Jie Allerthumskunde^ t. IP, p. 877 note; t. m, pp. 136, 155 — 157; Vivien
un SaïNT-Maiitin, fjlnde mr la géographie grecque et latine de Vlnde^ pp. 329—332; Cdn-
MimufAMf AfirM'/nt Geography of India^ p. 505—509; Mac Crindle, Indian Antiquary ^
i. XIII, pp. 'Mln(\.
179
des Maroundai est située dans le delta du Gange, presque immédiate-
ment au-dessous du point où le fleuve se divise en deux branches qui
vont ensuite se ramifier en plusieurs canaux. Les données de Ptolém^ée
concordent avec les informations chinoises et les expliquent. L'ambas-
sade du Fou-nan avait mis le cap au nord-ouest , en longeant timidement
les côtes; puis, arrivée aux bouches du Gange, elle avait remonté le
cours du fleuve pendant longtemps pour débarquer dans la capitale
même du royaume.
Les documents indigènes confirment ces deux témoignages. La
recension jaina de la Simhâsana-dvâtrimçikâ désigne le Marunda-rftja
comme le souverain de Kanyâkubja ") ; un autre ouvrage jaina , le
Prabandha-cintâmani de Merutunga désigne Pâtaliputra comme la rési-
dence du même prince^). L'une et l'autre ville étaient situées sur le
bord même du Gange; l'une et l'autre, rivalisant de splendeur, se
disputèrent le titre de capitale de l'Hindoustan jusqu'au jour où le
caprice du fleuve ruina l'une, tandis qu'un caprice de la fortune
ensevelissait l'autre. Le territoire qu'elles commandaient coïncide avec
le domaine assigné par Ptolémée aux Maroundai et couvre la région
moyenne de la plaine gangétique.
La dynastie des Murundas a laissé un souvenir durable dans les
traditions historiques de l'Inde. Leur nom se retrouve sous des formes
à, peine altérées dans les listes royales des Purànas brahmaniques:
Marundas, Murundas: Va.yu-P.; Purundas, Purandas, Puruûjas : Matsya-
P. ; Surundas , Gurundas : Bhâgavata-P. ; Svarandas : Brahmânda-P. ;
Mundas: Viçnu-P. La plupart donnent k cette dynastie treize princes;
seul le Bhâgavata en réduit le total à dix. Le Vâyu leur attribue une
durée de trois cent cinquante ans ^). Les Murundas sont classés par les
Purànas brahmaniques à la suite des Andhrabhrtyas , parmi les races
méprisées et d'origine étrangère qui se partagent l'empire de l'Inde:
Abhîras, Gardabhilas, Çakas, Tavanas, Tukhâras*). On Puràna jaina ,
1) Indische Studien, t. XV, p. 279-280 = Ckital. mss, Oxon., p. 152, n. 3.
2) Édit. Bombay, 1888, p. 27.
3) Çatâny ardhacaturthâni ^ Wilson traduit à tort ^^deux cent ans".
4) Vifnu-Purâna , trad. Wilson, éd. Fitzedward Hall, t. IV, pp. 203 et 206.
180
le Harivamça ^) nomme également la djrnastie des Murundas , mais il
ne leur donne qu'une durée de quarante années, et il les fait régner
pendant le troisième siècle après le nirvana du Jina (210 — 250 V.)
entre Pâlaka et les viçaya-bhûbhujas d'une part et les Puçpamitras
d'autre part. Mais cette chronologie est en désaccord avec d'autres tra-
ditions jainas. Le docteur PâDALiPTA-SûBi passe pour avoir converti à*
la religion des jainas le roi Murunda *) ; dans un autre récit , le même
personnage guérit le roi Murunda d'une céphalalgie en lui promenant
le doigt sur le genou , puis il part à Pratiçthâna ') PàDALiPTA-SûRi est
le contemporain et le maître de Nâgârjuna*) que les Bouddhistes et
les Jainas mettent en rapport direct avec le roi Çâlivâhana fondateur
de l'ère çaka (78 ap. J. C.)^). La légende de Pftdalipta nous montre
donc les Murundas établis soit-à Kanyâkubja, soit à Pàtaliputra **) un
demi-siècle avant l'époque où Ptolémjée recueille ses renseignements
sur l'Inde.
Un document épigraphique de haute importance atteste l'existence
de la dynastie Murunda, environ trois cents ans après l'ère çaka, entre
350 et 390 de l'ère chrétienne^). Le roi Samudragupta se glorifie, sur
le pilier d'AUahabad, d'avoir reçu les hommages des rois de l'Inde
entière , et parmi ces vassaux ou ces tributaires il nomme les Murundas.
L'auteur du panégyrique, Hariçena, a, sans doute h dessein, réuni
leur nom dans un seul composé evec les titres de daivaputra-^âhi-^àhànusâhi-
çaka. Le dernier, seul, est un ethnique: au sens propre il désigne,
comme on sait, les tribus scythiques qui s'ébranlèrent sous la poussée
des Yue-tchi , renversèrent le royaume grec de Bactriane et envahirent
l'Inde entre le premier et le second siècles avant l'ère chrétienne. Les
1) Pathak, Ind. Anliq,^ t. XV, p. 141.
2) Indische Studien, t. XV, p. 279.
3) Prahandha-cintâmani , loc. laud.
4) iWrf., pp. 95 et 308.
5) Bkal, The date of Nâgârjuna Bodhisattva, Ind. Antiq., t. XV, pp. 353 — 356; Pra-
bandha-cintâmani y loc. laud.
6) La deicription de la capitale et particulièrement de ses cours d^eau dans Thistoire
chinoise semble bien répondre à la situation de Pàtaliputra.
7) BuEHLER, Die indischen Inschriften und dos Aller der indischen Kunstpoesie^ Sitz-
BEB. D. KAis. Akad. d. Wiss., Wien , t. CXXII (1890), p. 6, note 2.
181
autres termes du composé: devaputra, sâhi, çâhânuçâhi sont les titres carac-
téristiques du protocole royal en usage chez les Kouchans ; nous en avons
de nombreux exemples dans les inscriptions de Kaniçka, de Huviçka et
de Vâsudeva. Us ne se rencontrent plus après eux ; les rois du Gândhâra
qui prétendent se rattacher à, Kaniçka ne conservent que le titre modeste
de §âhi. Par une rencontre frappante, l'incription de Samudragupta
rapproche les Murundas des populations scythiques qui les coudoient
dans les listes des Purânas,
Lassen a déjà, signalé la curieuse définition du dictionnaire de
Hemacandra (IV, V. 960) qui interprète Muranda comme un synonyme
de Lamp&ka. Nous savons par des témoignages précis que les Lamp&kas
sont les habitants du Lamghan ou Laghman actuel, au confluent de
l'Alingar et du Kabul-rud. L'historien tibétain du bouddhisme indien,
Târanâtha, nomme un mont Murunda situé dans le pays d'Udyâna (le
Chitral). L'école bouddhique des Muruntakas ') est peut-être en rapport
d'origine avec cette localité. Le nom des Murundas nous ramène ainsi
sur les confins de l'Inde et de l'Afghanistan, dans ce pays de Kipin
où tant de races se croisèrent dans le premier siècle avant l'ère chré-
tienne. Lassen supposait (t. III, p, 137) que les Murundas étaient une
tribu indigène du Laghman, refoulée par les Indo-Scythes et réfugiés
dans THindoustan. Les témoignages chinois conduisent à, une tout
autre conclusion.
La mission chinoise envoyée dans les pays du Midi par la dynastie
des Ou trouve le Fou-nan en relations régulières avec le royaume des
Murundas. L'époque de cette mission peut se déterminer avec une pré-
cision suffisante: elle était envoyée par le fondateur même de la
dynastie, Ta-ti, qui régna de 222 h, 252. Les deux officiers qui la
composaient , Tchu- Yng et Kang-taï, signalèrent cent et quelques dizaines
de royaumes , tant pour les avoir parcourus que pour en avoir entendu
parler. Us écrivirent à leur retour une relation de leur voyage qui
malheureusement n'a pas été retrouvée '). Plus de cent ans après leur
1) Wassilieff, Buddhismus, p. 253, n. 1.
2) Ma-touan-lin , Ethnographie des peuples étrangers à la Chine ^ t. II, Méridionaux,
p. 410—411.
182
exploration, un document chinoia associe encore le Fou-nan à l'Inde.
„Sou3 le r^ne de Mou-ti , raconte Thiatoire des Tsin Orientaux (section
de Mou-ti) la première année de la période Cheng-P'ing (357) le Fou-
nan et le Tchou-tchen-t'an ( ^ ||^ |g ) oflfrirent des éléphants appri-
Toiâés/' Le même fait est rapporté une seconde fois dans la même histoire,
à la Section des peuples étrangers (ch. 97, p. 8, r"^ Tckou-tclen-Can
ne peut se traduire que par ^Tchen-t'an de l'Inde"; le caractère Tckou
s'emploie fréquemment par abréviation au lieu de Tien-tchouj nom de
l'Inde ; devant un nom propre il marque régulièrement l'origine indienne
du personnage. L'interprétation, dans le cas présent, est du reste
garantie par un double témoignage. Le dictionnaire des composés Pei-
wen-iun-fou cite {s. v. Tchen-t'an) le passage de l'histoire des Tsin en
isolant le caractère tchou\ d'autre part le compilateur du Pien-i-tien
mentionne, dans la section de Tlnde, l'ambassade du Tchou-tchen-C an ^
en laissant de côté le nom du Fou-nan. Les caractères tchen-fam sont
dépourvus de signification et reproduisent certainement un mot étran-
ger; ils transcrivent fréquemment le sanscrit candana, santal. On pour-
rait donc songer à traduire Tchou-tchen-f an par „PIndien Candana^\
Cette désignation toutefois ne laisse pas de surprendre: si cancUina entre
assez fréquemment en composition dans les noms propres, on ne s'at-
tend guère à l'y voir figurer seul, alors surtout qu'il s'agit d'un per-
sonnage royal. En outre cette appellation de Tchou Tchen-t'an^ l'Indien
Candana, appliqué sans autre titre au roi qui envoie une ambassade
jure avec l'étiquette formaliste des historiens chinois. Tchen-t'an ne serait-
il pas un titre au lieu d'un nom? Les caractères tchen-t'an se retrou-
vent accolés au nom d'un roi indien dans deux ouvrages bouddhiques,
traduits du sanscrit en chinois: le Ta-koan-ien-king-loen (Nanjio, 1182)
et le Tsa-pao-teang-king (ib. 1329). Le premier est une version, exécu-
tée vers 405, du Sûtrâlamkâra-çâstra composé par le Bodhisattva
Açvaghoi^; le second, traduit en 472, est d'un auteur inconnu; le
titre chinois correspond en sanscrit à. Samyukta-ratna-pitaka-sûtra.
L'un et l'autre consistent en des récits édifiants, où l'histoire trouve
à glaner derrière la piété. Le roi des Tue-tchi Kaniçka est le héros de
183
quatre de ces contes ; chaque fois il y est désigné par la formule
Tchen-t' an-Ki-ni-tcK a. L'interprétation par candana est décidément inad-
missible dans ce cas. Mais tchen-Van s'emploie fréquemment aussi dans
les traductions de textes sanscrits pour désigner la Chine, La forme
savante Cîna-sthâna s'est altérée dans l'usage courant en Cîna-tthâna,
Cîn-thân, reproduit fidèlement par les caractères chinois. Le souverain
du pays ^) avait le titre de fi-pouo-fo-tan-lo , fils du ciel , transcription
du sanscrit devaputra. Le mot devaputra traduit exactement le titre
impérial chinois t'ien-izeu. Fils du Ciel. Mais l'usage indien, constaté
par les grammairiens dans les règles des formations tadrâjas ') trans-
porte au roi le nom du pays. Tchen-fan doit donc signifie à* la fois
„la Chine" et »le roi de Chine"; employé dans ce sens il est synonyme
de fils du ciel, devaputra. Devaputra est justement le titre officiel de
Kani§ka et de ses successeurs; il figure régulièrement dans leur proto-
cole, où ils l'avaient introduit à, l'imitation du formulaire chinois,
comme il 5 empruntaient aux Parthes le titre de Shâhân shah. Tchou-
tchen-Van est donc le Devaputra de F Inde ^ le souverain indien qui porte
le titre de devaputra. Ce titre, apporté par les Indo-Scythes, est resté
leur propriété exclusive; les dynasties indiennes ne l'ont pas reproduit.
L'ambassade du devaputra , arrivée avec celle du Fou-nan , venait d'un
royaume soumis aux Indo-Scythes. Les Murundas, avec qui le Fou-nan
entretenait des relations diplomatiques, étaient une dynastie indo-scythe ;
l'inscription de Samudragupta , à, peu près contemporaine de l'ambas-
sade envoyée à, Mou-ti, combine dans un seul composé devaputra-^âhi-
^âhânu^âhi-çaka-murunda ^ soit qu'il s'agisse de plusieurs princes rappro-
chés par la communauté d'origine et de race, soit que le prince des
Murundas soit désigné comme un Çaka et qualifié de ses titres propres *).
1) Ta-koan-ien-king-loen , ch. 3 et ch. 6; Tsa-pao-tsang-king , ch. 7, XV et XVI. Je
publierai prochainement une traduction de ces contes.
2) Cfr. I-TSiNG, Les Religieux éminents, trad. Chavannes, p. 56, note.
3) PâniNi, IV, i, 168—178.
4) Les Çaka-Murundas correspondraient exactement aux Çakas mentionnés par Var&ha-
mihira (Brhat-samhitâ , 16, 1) avec les Narmad&rdhas (coura supérieur de la Narmada), Çona
(riverains du Son), Udras (Crissa), Vaiîga (Bengale), Suhmas, Kaliôga (bouches de la Godavan),
Bàhltkas, Magadha (Bihar), Prâgjyotiça (Assam), Cîna (Chine).
184
L'avenir indiquera la solution à choisir entre ces deux hypothèses ;
quelle qu'elle doive être, un fait est désormais établi, les relations des
Murundas avec le Fou-nan, des Indo-Scythes avec Tlndo-Chine. Ces étran-
ges courtiers de la civilisation, venus des frontières septentrionales de
la Chine, des pâturages de Sibérie, des steppes du Turkestan, héritiers
de la culture hellénique en Bactriane, disciples des mages iraniens,
patrons du bouddhisme, protecteurs du jainisme, refoulés par des
poussées successives de l'Afghanistan au Penjab, duPenjabàla Joumna,
de la Joumna à la vallée inférieure du Gange ont servi enfin à porter
le génie brahmanique chez les barbares de l'Inde transgangétique ,
jusqu'aux confins de la Chine méridionale. Cet énorme mouvement
tournant ouvre à la fois les deux voies que la propagande bouddhique
va suivre pour conquérir l'Extrême-Orient. Aux deux extrémités de
l'ancien continent une singulière symétrie apparaît dans les destinées
des peuples. Le christianisme, traité en ennemi par la culture grecque
et romaine, convertit les barbares lointains pour répandre triompha-
lement dans l'Europe le génie de la Grèce et de Rome; le bouddhisme
combattu avec passion par l'orthodoxie brahmanique s'appuie sur les
conquérants barbares de l'Hindoustan pour répandre dans une moitié
de l'Asie la morale et l'exaltation religieuse de l'Inde qui l'a renié.
Nous pouvons suivre les Murundas dans l'Inde gangétique jusqu'
au commencement du Vile siècle. L'Encyclopédie de Ma-touan-lin *)
fournit en eflFet une notice sur le peuple des 0u4un ^ ^ ; la trans-
cription est une simple variante de Mou-lun et ramène de même à
Murunda.
»Le royaume des Ou-lun est à, 2000 H environ à l'ouest du Fou-
nan. Les routes y sont bordées d'arbres pi-pa et autres arbres fruitiers
qui donnent beaucoup d'ombrage. De plus le voyageur rencontre de
dix H en dix li un caravansérail pour se reposer et dans chaque cara-
vansérail il trouve un puits. Les habitants mangent du pain de froment
et boivent du vin de raisin qui a l'apparence de la colle forte fondue.
Mêlé avec de l'eau, ce vin est d'une saveur très agréable."
1) Ethnographie des peuples étrangers^ . . . Méridionaux . . . trad. d'HERVEY de St.-Denis,
p. 521.
185
Ma-touan-lin ajoute que ce royaume fut connu h l'époque des
Soei (589 — 618), mais il n'indique pas sa source. Peut-être comme le
conjecture M. d'Hervey de St. Denis , il a extrait sa notice du Fou-nan
tou-tchoen ou Relation du Pou-nan d'où il a tiré la notice précédente
sur le Ho-chan. Le Fou-nan-tou-tchoen , dont les indications semblent
se référer toutes à la période des Soei, était peut-être la relation des
ambassadeurs envoyés par l'empereur lang-ti (605 — 617) dans l'Indo-
Chine. L'Histoire des Soei donne des informations assez précises sur ce
voyage, au chapitre des Peuples Etrangers •)• Il est intéressant d'observer
que ces renseignements sur les Murundas de l'Inde sont encore parvenus
aux Chinois par l'intermédiaire du Fou-nan: les relations séculaires
des deux nations se perpétuaient encore au début du Vn« siècle.
IL Les Cancôkas.
Le pèlerin chinois Hiouen-Tsang , en quittant Bénarès, suivit le
cours du Gange, et après avoir fait trois cents H vers l'est il atteignit
un nouveau royaume; la traduction de Stanislas Julien, si sûre et si
précise à l'ordinaire, donne à ce royaume le nom chinois de Tchen-
tchou (HÊi)* J^lÎGn lui-même n'a pas manqué de signaler à chaque
rencontre cette choquante anomalie *). Tous les noms géographiques de
rinde sont reproduits par Hiouen-Tsang en caractères phonétiques qui
figurent la prononciation sanscrite; seul le royaume de Tchen- tchou
échappe à cette règle , et sans aucun motif apparent. Ce petit état n'a
jamais joué dans l'histoire politique ou religieuse de l'Inde un rôle qui
justifie cette dérogation. Et pourtant l'étrange destinée qui a valu au
Tchen-tchou cet honneur inattendu ne s'en est point tenue là. Julien
a relevé dans une encyclopédie bouddhique ') une variante de ce nom ,
sous la forme de Tchen-wang. Les deux appellations paraissent se con-
firmer mutuellement; l'une et l'autre signifient: le maître des guerriers
ou le roi des combats, Julien restitue hypothétiquement le nom sanscrit
4) Section du Midi, notice sur le Tchi-tou = Ma-touan-lin, op. laud.^ pp. 474—473.
2) Vie, 434; Mémoires, t. U, p. 377; t. III, p. 482.
3) Fa-iouen-tchou-lin , livre XXXVIII, fol. 49.
24
186
correspondant: Yodha- (ou Yuddha-) pati (ou râjd). La restitution de
Julien a passé naturellement dans le Mémoire analytique de Vivien de
Saint-Martin (p. 360), qui fixe le local de ce royaume aux environs de
Ghazipour; les auteurs du Dictionnaire de Pétersbourg la rappellent
à propos de Todhanîpura, nom de ville mentionné dans le Revâ-
mâhâtmya du Çiva-purâna. Cunningham, toujours fécond en imagina-
tions linguistiques, passe directement de Tchen-tchou à Ghazipur par
l'intermédiaire d'un prétendu nom sanscrit Garjana-pura »la ville du
firacas" puis par extension „la ville des mêlées bruyantes, la ville des
batailles" '); mais il n'en indique pas moins une longue série d'autres
équivalents possibles: Vigrahapati, Yudhanâtha, Ranasvâmi etc. Carl-
LBTLE, en bon disciple, enchérit sur le maître, et dans une longue
dissertation sur la Capitale du Roi-des-Batailles ^) , il allonge encore la
liste des prétendues restitutions possibles (Banâditya, Samgr&manatha ,
Samgrâinapati , . . . • etc.) et sur la foi de ces équivalences , promène
avec incertitude la mystérieuse capitale aux alentours de Ghazipour
même, à Samanpur (= Samarpur, = Samarapura = Samarapatipura),
à Ghamur (= Qahmaur = Ghamsân-pur = Ghamsanftpatipura ! ) à
XJdharampur (== Yuddharanapura).
Le problème, à le regarder de près, ne comporte point tant de
frais d'imagination, La variante Tchen-wang est née d'une distraction
de copiste; les deux caractères: tchou ^, chef, et wang 3E> ^^i> ^^
sont a peu près synonymes, ne diffèrent dans l'écriture que par un
point seulement; le compilateur du Fa-iouen-tchou-lin , en reproduisant
le nom donné par Hiouen-tsang , s'est laissé aller à, une confusion facile
de caractère: les auteurs d'Encyclopédies sont coutumiers de ces er-
reurs en tout pays. Le caractère tchen^ réduit a sa valeur phonétique,
transcrit le syllabe sanscrite can^ p. ex: tchen-to-lo = candra'). Le
caractère tchou ^ qui n'est pas enregistré dans la Méthode de Julien,
transcrit la syllabe sanscrite eu. Tchen-tchou permet de restituer avec
1) Ancient (xeography^ p. 438 sq.
2) Archaeological Survey^ vol. XXJI, p. 88 — 94.
3) Hiouen-tsang, t. II, p. 454; t. III, p. 100; et cfr. Julien, Méthode,., n® 1808.
187
assurance le mot sanscrit Cancu. Précisément ce nom se rencontre dans
la longue liste de peuples que Varâha-Mihira a insérée dans la Brhat-
samhitâ (XIV, 18). Les Cancûkas, forme dérivée de Cancû et sans doute
imposée par les nécessités de la versification, y figurent dans les popu-
lations du sud-ouest, côte à. côte avec une série de peuples désignés
par des sobriquets : Mâkaras (de makaraj monstre marin), Karnaprâveyas
(enveloppés dans leurs oreilles) , Khandas (nains ?), Mangeurs de viande
crue. Sans doute les Caflcûs ou Cancûkas devaient leur nom k une
particularité physique, car leur nom signifie: »bec d'oiseau".
De l'introduction de termes chinois dans le vocabulaire des Malais
PAR
A. MARRE,
Professear à l'École nationale des Langnes orientales vivantes.
Ainsi que je l'ai fait observer dans un Mémoire lu h l'Académie
des Sciences morales et politiques de Paris et intitulé: „ Malais et Chi-
nois; coup (Tœil sur leurs relations mutuelles antérieurement à F arrivée des
Portugais dans les Indes Orientales*' la liste des mots étrangers intro-
duits par l'usage dans le malais ne serait pas longue à faire, si l'on
en excluait les mots d'origine sanscrite, arabe ou persane. En effet en
dehors des vocables importés chez les Malais par la civilisation brah-
manique des Hindous et la civilisation de l'Islam , on ne rencontre plus
guère dans le malais d'autres mots orientaux étrangers aux racines
malayo-polynésiennes que des mots chinois, une centaine environ.
Bien que la Chine ait entretenu, dès les temps les plus reculés,
des relations politiques et commerciales avec les peuples malais et
javanais, elle n'a réussi à. introduire qu'un nombre très restreint de
termes chinois dans le malais, et l'on peut dire que l'influence de
l'antique et vaste empire de la Chine a été sans grande importance au
point de vue de la linguistique. Cela tient à. diverses causes qu'il serait
trop long d'examiner ici, mais que l'on peut résumer ainsi: 1*^ Dif-
férence de^ races et des religions; 2** Caractère de la nation chinoise
qui lui fait garder ses mœurs, ses coutumes, les particularités de son
genre de vie , au milieu des autres nations chez lesquelles elle s'établit ,
X
>
\
189
en formant des associations ou kongsi; 3°. La différence profonde qui
existe entre le génie propre à chacune des deux langues malaise et
chinoise. On sait combien le malais est remarquable par la simplicité
de sa grammaire, la clarté de sa construction, la douceur et la régu-
larité de sa prononciation, et enfin sa rapide propagation dans tous
les pays de TExtrême-Orient où il est regardé comme une sorte de
langue internationale, à, ce point qu'on a vu des Chinois habitant
des extrémités opposées de l'Empire, employer l'idiome malais pour
arriver à se mieux comprendre.
Dans cette brève notice je me contenterai de dresser la liste des
mots chinois que l'usage a introduits dans la langue malaise, et je me
fais un plaisir de l'offrir comme une faible marque de mon admiration
pour Mgr. de Haelez, l'éminent sinologue et orientaliste de l'Académie
royale de Belgique.
YOCABULÀIBB SPÉCIAL DES MOTS OHIVOIS, BK USAGE DAKS LA LANGUE MALAISE.
Ahoutoi
Anglou
Anglong
Babah
Bami
Bandji
Bangking
Boktchi
Botan
Datching
Djong
Gong
'* Chef chinois d'ane yille ou d'une contrée.
Bassin à braise, réchaud, et aussi pot-à-feu (artif.).
Cabinet de verdure, pavillon, tonnelle, kiosque dans
un jardin.
Un indigène d'origine chinoise.
Sorte de macaroni avec viande, crevettes et herbes po-
tagères.
Treillis en bois on en porcelaine dont on orne le dessus
des portes.
Grande boîte ronde, vernissée de laque, pour serrer
les habits.
Petit temple chinois doré.
Espèce de pivoine arborescente, que les Malais appellent
aussi Radja hounga, c'est une altération du mot chinois
moutan.
j^^^ Balances ; à la lettre grandes balances, de da, qui signifie
grand et tching, qui signifie balances.
i^ Jonque, bateau.
iS Instrument de musique à l'usage des Chinois; c'est une
^.r^
^
190
Goua
Hai
Hojf;
Houn
Keda
Keledang
Kelinting
Kelontang
Keng
Kentcheng
Kipsiau
Kiyan
Kong
Kongsi
Koua
Kountau
Kountchit
Kountouwan
^^
:\J>
of
Hountchoui
^y?^
Houioi
^
Kati
^^
tj^
¥
plaque de métal dont on tire des sons éclatants en
le frappant avec une baguette garnie de peau.
Pronom personnel de la 1^^^ personne (je ou moi) usité
surtout à Batavia, au lieu du pronom personnel pu-
rement malais akou.
Orang tchina hai^ un chinois de Canton.
Espèce d'oiseau figurant généralement sur les cotonnades
peintes.
Poids équivalent à 406 milligrammes et servant à peser
Popium, c'est une altération du moi chinois Foun^ qui
signifie Vioo de taël.
Pipe chinoise.
Société secrète.
Poids d'environ 600 grammes , équivalent à 16 tahils
ou taels; on distingue deux sortes de kati: le grand
kaii ou kati besar des Malais , de 650 grammes , et le
petit kati ou kati ketchil des Chinois, de 605 grammes.
Sorte de petit pot de terre, recouvert d'un vernis noir.
Arbre qui donne de bon bois de charpente et dont les
Chinois font des cercueils.
Pagode ou temple chinois; de kelin, nom d'un Bouddha,
et de ting pavillon.
Petit hochet d'enfant.
Cloisons imperméables par lesquelles les navires chinois,
malais et siamois sont partagés en un nombre indé-
terminé de compartiments.
Sorte de vilebrequin chinois.
Petit pot en terre grise avec bec et anse, pour faire
bouillir de l'eau, ou du café.
Abréviation de Houkiyan — Tchina Kiyan (chinois de
la province de Houkian).
Le son, le bruit d'un gong qu'on frappe.
Association, compagnie, fédération. Dans l'île de Bornéo
les Chinois sont organisés en kongsL Le mot est
composé de kong (public) et de si (entretien).
Jeu de cartes chinois composé de 180 petites cartes
oblongues.
Sorte de pantalon ou culottes.
Tresse ou natte de cheveux des Chinois.
Sorte de satin chinois de première qualité. C'est le satin
191
Koupiyah
Koutchai
• m
Koutchir
Kouwah
Kouwih
•y
Lakiyou
Lam
LamdouTp'pai
Lançkan
Liou
Litchi
^^
Loleng
Long
Lotang
Lotching
LoHchouwon
Lotek
05^
Loteng
^>j
LoUong
Lou
Loutchi
Niyolo
^
^t
Ouang et Ouwang (?)
Ouangkang
Oupau
Ouwé
Pakau
Pangking
&5
«.^
t
/13
• • ^ •••■
pour le tribut à l'Empereur; de koun (tribut) et touwan
(satin).
Sorte de bonnet chinois.
Espèce de poireau qui entre dans rassaisonnement des
autres légumes.
La queue d'un Chinois.
Sauce en général.
Petit gâteau, pâtisserie en général.
Sorte de sabre ou de coutelas.
Nom d'un remède contre l'hémorragie.
Nom d'une liane dont la racine produit des tubercules
qu'on emploie comme médicament contre la yariole et
les aphthes.
Balcon, balustrade de balcon.
Godille, d'où le yerbe miêliyou (godiller) et aussi ramer
à quatre.
Fruit savoureux, à pulpe fondante et parfumée de VEu-
phorhia litchi des naturalistes.
Lanterne en papier de couleur, de toutes formes.
Feu d'artifice.
Arme à feu.
Une sonnette , une cloche ; d'où l'expression menggoyang
lotching ou menggontchang lotching (sonner la cloche).
Sorte de soie chinoise de première qualité.
Poix ou brai employé dans le calfatage des nayires.
Partie d'une maison immédiatement sous les combles, étage
supérieur.
Femme publique, prostituée, courtisane.
Pronom personnel, de la 2^ personne (tu, toi, yous),
en usage surtout à Batavia.
Une espèce de prune.
Le réchaud dans lequel on brûle les petits bâtonnets
d'offrande.
Argent monnayé.
Sorte de navire chinois, plus petit que la jonque.
Petite bourse qu'on porte habituellement sur le ventre.
Espèce de poêlon en terre vernissée, avec anses et
couvercle.
Certain jeu de cartes analogue à notre vingt-et-un.
Lieu où l'on se couche, dortoir.
192
Pangsi
Pà'poui
Pau et Pou
Pekak
Pilau
^^ • I •
m
Pisau y*^
Po y
Pohok et Poko ^^ sJiP^
Potiya Lo^
Poungki i^^
Bandi ^5^j
Rouyang çjj^
Sampan ..Jû>^
Selampit
Sénat
Sengsai
Singkè
Sipit
Sipoua
Tahang
Tahil ou Taë/
Tarn
Tanglong
Tangsi
Tapekong
Taugai
Tauki
Tchamtchau
Tchan
Tchandau
Tchaouan
OJ9i*JLM
t •'•
A,
Soie mince de Chine employée pour flamme ou pavillon.
Certain oracle rendu par le moyen de deux bâtonnets.
Toile de coton. Étoffe de coton.
Jeu de cartes, qui se joue avec huit cartes.
Sorte de navire ainsi nommé chez les Chinois et aussi
chez les Malais; ceux-ci disent plus souvent j?ra^u ^
terme connu de tous les marins.
Couteau, pour pitcheou.
Sorte de jeu de cartes chinois , en usage chez les Malais.
Menthe poivrée.
Inspecteur ou chef d'un marché.
Petite corbeille plate.
Espèce d'étoffe de soie à plis.
Lance avec deux ou trois dents.
Canot ou petit bateau dont le nom est aujourd'hui
francisé. En chinois sampan signifie: trois planches.
Chez les Malais, il y a au moins une dizaine d'espèces
de sampan.
Longue natte plate faite de cordes ou de cheveux.
Sorte de barque chinoise.
Prêtre lettré, médecin.
Chinois pur sang, né en Chine.
Fendu à la façon des Chinois (en parlant des yeux).
Machine à calcul d'invention chinoise, avec des anneaux
mobiles.
Cuve , cuvier.
Poids de 38 à 40 grammes, représentant le poids de
deux piastres.
Petite cuillère en porcelaine bleue.
Lanterne chinoise en papier peint.
Espèce de cordage chinois.
Saint, sacré; d'pîi Boumah tapekong j maison sainte,
sacrée; temple.
Sorte de petite fève verte qui se mange comme légume
frais.
Chef d'une maison de commerce, chef de comptoir.
Petite cuillère, cuillère à thé.
Poix.
Opium gluant, visqueux, pour être mis dans la pipe.
Tasse sans anse pour boire, coupe.
193
Tchap (?)
Tchat
Tcheki
Tchengké
Tchentchodak
Tchenteng
Tchi
Tchiau
Tchikap
Tchina
Tchinggi
Tchintchau
Tchintchou
Tchiyou
Tchonto
Tchou
Tchoukin
TchouUm
Tchoun
Téh
Téh-ko
Teng
Tengko
Ti
Tikpi
Tongkang
Tongsit
Top
Touwakang
Touwi
v3^>^^
^
^^
3^
^
Sceau, cachet.
Couleur broyée et détrempée ayeo de l'huile; teinture,
yemis de bois employé par les Chinois et qui pro-
yient de Parbre nommé r^gas en malais.
Certain jeu de dés ayeo cartes.
Girofle, clou de girofle.
Espèce d'insecte phosphorescent.
Suryeillant, inspecteur, spécialement pour les fermiers
de l'opium.
Petit poids seryant à peser l'opium, il représente le Vio
du tahil ou taël.
Longue rame ; pentchiau , rameur qui fait usage de cette
longue rame*
Petites baguettes dont se seryent les Chinois pour manger.
La Chine, Chinois.
Mascarade d'enfants.
Boisson composée ayec des agar-agar, du sucre et du
gingembre.
Capitaine de nayire, de tchin (bateau) et tchou (mattre);
à la lettre: maître du bateau.
Distillé.
Modèle, échantillon.
Espèce d'arak, liqueur forte.
Vêtement de bain, court, ne descendant pas jusqu'aux genoux.
Quantité d'opium pour une pipe, et pipe à opium.
Pouce, la Vio partie du pied chinois.
Thé, infusion de thé (ayer té'h).
Pot à thé , théière, altération du chinois teh-ho ; en chi-
nois pot se dit: Ho.
Lanterne à huile , et non à bougie, comme le tanglong.
Opium tout préparé pour être fumé ou bien ayalé. Le
penengko est le fumeur ou ayaleur d'opium.
Le plus petit poids pour peser l'opium, équiyalent à
peu près à 4 centigrammes.
Fourche de combat, sorte de trident.
Longue barque, à fond plat, à deux mâts.
Cheyelure ou frisure roide.
Jeu de dés chinois.
Fanfaron, rodomont.
Gageure entre deux partenaires au jeu de cartes.
25
Aperçu sur les ouvrages lexicographiques de la langue arabe
récemment publiés en Orient
PAR
A. F. MEHREN
Professeur à TUniversité de Copenhagae.
A en juger par les derniers ouvrages si volumineux de la lexico-
graphie arabe, publiés en Orient, on supposerait la littérature arabe
encore dans toute sa vigueur, comme h son époque la plus florissante
du moyen âge. Et pourtant, personne ne niera qu'elle en est bien
éloignée , que , tout au contraire , la décadence la menace tous les jours
par l'invasion irrésistible de la civilisation européenne. Enfin, si l'on
nous demande: quel est donc le motif, commim en même temps aux
Orientaux et aux Occidentaux, de ces efforts surprenants, au moment
où la langue actuelle, connue sous le nom de langue vulgaire, ne
produit presque rien, si ce n'est de pauvres chansonnettes de cafés et
des récits burlesques de batailles des tribus Bédouines, nous répondrons,
que le vrai motif en est, de la part des Orientaux, l'amour d'une
patrie, actuellement en danger de se perdre, et la tendance h conserver
les souvenirs glorieux des siècles où elle était en lutte, pour la supré-
matie de la culture et de la civilisation, avec l'Europe entière; de la
part de l'Occident, l'intérêt qu'il y a de tracer le tableau le plus com-
plet possible du développement de l'humanité. En effet, on ne peut
qu'admirer la libéralité généreuse de tel ou tel Mécène oriental, qui se
195
charge de la publication de ces ouvrages volumineux, dont les édi-
tions , au moins à Textérieur, rivalisent avec celles publiées en Europe ,
et ne se soucie point, que les frais considérables en soient couverts ou
non. Les deux vastes dictionnaires de la langue arabe dont les éditions
se sont succédé à peu d'intervalle, le j^IAsân-uU Arahf et le y^Tadj
ul'Arom^'' y occupent sans doute la première place. Le dernier nous
est connu comme source principale du grand di ctionnaire de F. W. Lanis.
Après la publication actuelle de cet ouvrage , on aurait pu supposer que
le fond de cette mer de lexicographie arabe était atteint, quand peu
de temps après, une nouvelle publication du même genre, presque in-
connue en Europe, vint fixer Tattention des amateurs de la philologie
arabe: le vaste ouvrage collectif portant le nom bien modeste Lùân-
vl-Arabi „La langue des Arabes" en 20 volumes et composé par Moh.
b. Makarram b. AH Djernâl-ed-Din-Aboul-Fadhl^ généralement connu sous
le nom à^Ibn Makarram ou Ibn-Manzûry né Tan de l'hégire 630 et
mort en 711, âgé de 81 ans^). Occupant jusqu'à sa mort la fonction de
juge à Tripoli en Syrie, il acquit une grande renommée et par ses
poésies et traités de belle littérature*) et par ses connaissances de
l'ancienne poésie arabe et des traditions. Comme il appartient encore à
l'époque du développement de la littérature arabe nous commencerons
par examiner son grand ouvrage Lisân-ul-Arabi ^ en le comparant avec
celui de son successeur moderne, l'auteur du dictionnaire Tâdj uW'Arom
appartenant au XII« siècle de l'hégire. Le dictionnaire lAsân-ul-Arabi
est un vaste ouvrage collectif, ayant plutôt le caractère de diction-
naire de conversation. Il se rattache presque partout immédiatement
au célèbre dictionnaire de Djewhari avec les additions d! Ibn-al-Barri et,
en outre , contient de nombreuses citations des ouvrages des quatre
lexicographes renommés : al-Ta/idsib àHAbou Manhil Moh. b. Ahmed cU-
Azhariy aUMouhkam à^Ibn Sida y al- Andalotm , aUBjomhorah à^IbnDoreid
1) Dans la préface de Téditeur Ahmed Fâris bien connu par ]a rédaction du journal
al-Djéwàib, on trouve une grave méprise dans Tindication de la vie d'ibn Manzour: né en 690,
mort en 774 hégire.
2) Un bel échantillon de ces traités ^a été imprimé à Constantinople Tan 1298 deThégire,
il porte le nom de ,,)^\^ JuJUî ^ )^^^\ ^Lii ".
196
et al'Nihâjah '^Ahou-Sé'adat Ibn aUAtUr , dont il rendrait, selon
l'expression assez naïve de l'éditeur Ahmed Fâria^ l'étude immédiate
superflue. La cause, pourtant, qui a fait que cette collection n'a pas
acquis la célébrité commune du dictionnaire Qdmous de Firuzabddi
serait , selon le même Ahmed Fdria , qu'elle est beaucoup plus délayée ,
de manière qu'un article d'une page du Qdfnoûs en occuperait 4 et
peut-être encore davantage, car il ne traite pas seulement la matière
lexicographique, mais encore, quand l'occasion s'en présente, les questions
de grammaire, de jurisprudence, de poésie ancienne, d'explication de
versets difficiles du Coran et des plus anciennes traditions. On pourrait
croire, ajoute le même éditeur, que si Dieu n'avait pris un soin tout
spécial de la conservation de cet ouvrage, il serait tombé en oubli
et aurait été détruit comme les autres dont les noms seuls restent
mentionnés dans les préfaces de nos dictionnaires comme p. e. s-^ >Jt
à''l8â h. Ghâlib'), ^^UJ( à'Abou Ali al Qdli») j^^L?Oi à'al'Qazzâs et
autres. — Sans doute il pourra nous être bien utile, nous ayant conservé
le contenu presque entier de quelques auteurs anciens et originaux;
mais, manquant du souffle de l'esprit d'initiative, il a le caractère
d'une encyclopédie générale qui ne satisfait nullement notre goût comme
dictionnaire arabe; les articles tirés de diverses sources et placés sans
critique, selon la coutume générale des écrivains orientaux, l'un à
côté de l'autre, nous causent souvent des ennuis, tantôt par la répé-
tition tout h fait inutile d'un même contenu , et tantôt même par des
contradictions. Nous n'avons pas ici une science s'élargissant et se dé-
veloppant sous les mains d'un maître, comme c'est le cas pour les
plus importants dictionnaires de la langue française, mais le pastiche
et l'imitation appartenant déjà au temps de la décadence de la litté-
rature arabe du VII® siècle de l'hégire, quand le but principal était
de sauver de la destruction le plus possible. C'est en ce sens que
4) L'auteur du dictionnaire, mentionné par W. Lane, dans sa préface du Arab^-Engl,
dictionary, p. XV, mourut Tan de Thégire 436.
2) Voir sur Abou *Ali Ismaîl al-Q&Ii (f 356 hégire) mon article sur le dictionn. Kit
ul-misbâhi-l-muniH dans Z D M G., t. XXVII, 4873, pp. 204—40.
197
l'auteur, annonçant lui-même son ouvrage , s'exprime ainsi *) : » J'ai
composé cette collection dans un temps troublé par la diversité des
langues étrangères jusqu'à ce point que l'usage des mots arabes dans
leur signification originale est estimé vicieux, et celui de la langue
pure regardé comme erroné, tandis qu'on en répand des versions per-
sanes et qu'on s'eflForce, écrivant dans des langues étrangères, d'exhiber
sa connaissance de la pureté de la langue. — En effet j'ai achevé cet
ouvrage quand on ne possédait aucun dictionnaire suffisant, et j'ai
travaillé h sa perfection, comme Noé à son arche au milieu de la risée de
ses contemporains^), en lui donnant le nom de „la langue des Jrabea''
Quant aux ouvrages, indiqués ci-dessus comme sources principales
de cette collection , nous en donnerons quelques notices en commençant
par le plus important, le Sihâh à!Abou Na»r lamail al-Djawhari.
Le Sihâh ou Sahdh^ est connu partout comme source principale
de nos dictionnaires arabes, ayant acquis une célébrité bien méritée
comme le premier dictionnaire arabe, où les articles soient rangés
par ordre alphabétique du dernier et du premier radical des mots, de
manière que le dernier radical forme le chapitre et le premier, h son
tour, la section. D'origine persane, de la ville de Farftb, l'auteur fit
un séjour prolongé chez les tribus de Modhar et de Rabia, puis il
retourna au Khorasan et passa sa vie à Nisapour. L'intention de l'auteur
AboU'Nasr Ismail al-Djawhari était de recueillir, par ses conversations
avec les Bédouins, les plus pures expressions de la langue arabe. Malgré
tous ses efforts, un accident funeste mit fin à ses jours et nous laissa
son excellent ouvrage inachevé depuis la lettre u»; le reste fut com-
plété sur son brouillon par un disciple qui, ne possédant pas l'érudition
du maître, commit diverses fautes qui diminuent la valeur de l'ouvrage.
Il fut plusieurs fois abrégé, amendé et élargi par ses successeurs en
4) Voir la préface de Tauteur, p. 4, 1. 10 sq.
2) Expression du Coran, Sur. 41 v. 40.
3) Les deux formes de ]a vocalisation avec „i'* ou „a'* de la première syllabe sont indif-
tes, Tune étant le pluriel de Tadjectif ^sa^Uo, Tautre (Sahàh) une forme du singulier *»
; V. la préface de Hourîni de Tédit. de BoulIq, 4282, p. 4.
198
lexicographie, dont le plus renommé est Ibn-Barri (mort en 582 H. =
1186 J,-C.) P^r ses annotations, qui s'étendent jusqu'à la lettre lA.
Malgré tout cela, le Sihâh conserva sa célébrité exclusive jusqu'au
temps de Firouzâbadi, l'auteur du Qdmoûa (mort en 816 H. = 1413 J.-C.)
auquel les éditeurs ajoutent souvent la critique détaillée du SiAdA pour
relever la valeur de ce dernier ouvrage. Le rapport entre ces deux
dictionnaires a été exprimé par le poète moderne Abd-ul-Ganî Nabou-
lousi en deux vers assez piquants:
^Celui qui prétend que le SiàdA de Djawhari a perdu sa valeur
^après l'apparition du QdmouSj se rend coupable d'un mensonge; on
«l'appelle Qâmoua (c'est-à-dire »mer pleine de richesses") , mais sa plus
«grande richesse dépend des perles renfermées dans son sein" (jeu de
mots avec Djawhar «perle" et Djawhari). — L'auteur du SiAâh mourut
l'an de l'hégire 393 ou 398.
En arrivant aux sources secondaires du Lisân al-Arabi^ nous avons
à mentionner l'ouvrage qui port^ le nom de x«Uî v-ajJ^j «la purification
du langage". L'auteur Abou Manaour Muh. b. Ahmed al-AzAerij appar-
tenant aux lexicographes du IVe siècle de l'hégire (n. 282, f 370 H.)')
avait parcouru les districts des Bédouins, où il fit malgré lui un sé-
jour assez prolongé comme prisonnier d'une tribu. Comme il y em-
ployait ordinairement son temps à étudier la pure langue du désert, il
laissa comme fruit de son travail un dictionnaire passablement volumi-
neux en dix volumes, et un pareil sur les termes techniques de jurispru-
dence d'origine étrangère, en un volume. H était contemporain des gram -
mairiens renommés') al-Ze^^â^ (f 311), Ibn as-Sarrdg (1310) et Ibn ul
Anbari (f 328 H.) dont il fréquenta la société à Bagdad. — Lui et son suc-
e^seur espagnol du V® siècle de l'hégire Aboul-Hasan Ali ibn Sida A (né
aveugle à Murcie et mort en 458 H. à Dania) *) sont mentionnés comme des
lexicographes renommés de leur temps ; le dernier nous a laissé, outre un
i) Voir Abulfeda, Annales, éd. Reiske, t. IV, p. 75, dans la préface de Tédition du Sihàh
par al-Hurini Tan de Thégire 576 est indiqué comme date de sa mort.
2) Voir Abulp., Ann,, t. II, p. 548.
3) Sur ces philologues voir Abulf., Ann,, t. II, pp. 345, 347 et 409.
4) Voir ihid., t. III, p. 209.
199
commentaire de Hamasa, son dictionnaire portant le titre de Mohham
»le bien constaté", où les articles ont été rangés par classe de con-
sonnes initiales en commençant, à. Texemple du plus ancien dictionnaire
arabe, par le ""Ain de KhalU (f 160 H., ou, selon d'autres. Tan 170
hégire) ^) à la lettre ""Ain, que suivent les autres gutturales et ainsi de
suite les palatales, les dentales. On comprend facilement que cet arran-
gement cause bien des difl&cultés dans l'usage du livre.
Le Gomharah »la partie exquise" est le nom de l'ouvrage lexico*
graphique du célèbre philologue Ibn Doreid Abou Bekr Moh. Azdi , connu
par son poème al-Maqmrah. D mourut, plus que nonagénaire» en 317
ou 321 «) de rhégire.
Nous voilà arrivé à la dernière des sources: le ^Néhayah fi
Garibi'l'HadUi" »la perfection", dictionnaire arabe en cinq volumes du
grammairien Abou Saadat Ma^d-ed-Din b. Ab-al-Karim al^Gézéri^ connu
sous le nom à'Ibn eUAthir et frère du célèbre historien Abu-l-Hasan
Izz-eddifij dont nous possédons le grand ouvrage d'histoire universelle
^y^LXJt, publié par C. J. Tornbero. Appartenant à une famille illustre,
il naquit dans la ville de Gézirat-Ibn-Omar en Mésopotamie, Tan 644 de
l'hégire; de là il se rendit à MossouL Frappé d'un coup d'apoplexie et
privé de l'usage de ses mains et de ses pieds, il y vécut entouré d'une
société d'amis savants et composa avec leur aide son dictionnaire. Il
mourut à Mossoul l'an de l'hégire 606 ^).
Après avoir terminé la description du grand dictionnaire Lisân-ul-
Arabij la plus vaste composition qui ait paru jusqu'à présent, avec le
Sihdh comme point de départ , nous allons mentionner son rival le Qâ-
mous ^l'océan" de Firouzabâdi. L'auteur connu depuis longtemps par
nos lexicographes eui'opéens, Abou Thâhir Moh. Magd-ed-din Firouzabâdi
naquit à Eftrzîn *), petite ville de la Perse, l'an 729 de l'hégire, dix-huit
ans après la mort de l'auteur du Lisân-ul-Arabi) de là il se rendit
1) Voir t&ûi., t. II, p. 41 et Prolegom. d'Ibn Khaldoun, trad. de Siane, t. m, p. 311
et 314.
2) Voir Abulp., Ann,^ t. H, p. 377.
3) Voir Abulf., Ann.^ t. IV, p. 241.
4) Voir Babbisr de Metnabd, BicHonn, géograph, de la Perse ^ Paris, 1881, p. 471.
h MfurM/ ^f h r(rf»<(, frA<(M^riffirit/ 1^» villfî» rie Wagith et de Bagdad.
A(rr7^'< au f^/^\(fiit nu (W\ri^ oU il pT(4\Ui fhn leç<mft df58 savanid les plus
^MMl^^M H^ nt^u U^iu^^^, ^1. r1^« voyfif<o» trhn èUmùn» en Turquie et
i\t\i\*^ \'iiu\ht II M« M^ndll. h. /nlrld on 79f} i(«^ ofi, pondant un séjour
H'Hiih tlM^Inliio (rMMfiAo^i lo roi du Y/imoti Taccabla de ses faveurs.
JMfHfiUi f(«ftiMt(|i(o NOti Ifldi^mplio ^)f 11 iiViitm dans un pays sans être
l'MKjht (l(«M hiVMiiM NiK^MhiloiB ih U part du Bultan, comme de Mélik
(il UUh\{ l'ti iVvpIts dit ^iillnti llayiv/id t h. Oonstantinople ^ d'Ibn
lilililM h Mii^ilMii i4 dit ^MMid 1'ivnuM'tt4ti. Il mourut, Cadhi de Zabîd^ en
\s\{A\\{^ jimiImmmiu {W^ U\mn d^ lu vli^ (V^i?» do 00 au!^, Tan 816 ou 817 de
I h^iilMv il l\d lo dotoior do9) ^huut^ tvprtWntauU de la science arabe
\\\\ SWl' ^\M\\ V{^\\\s\\\^ lo vlU^llvMumlii? ♦♦^vSV4i/4 a rinju, comme nous
l\\\\^^H VU \u\H \M^^u\uu^M< i MU vu5»ti^ wmpU^UKHit d\me certaine utilité
\\\\\\'^ \\^\\\my^ i'\^\y\{{{ /^^f^ 1*/ ,^\4*i\ lo <^ii«^Wct il son tour a été
y^^^\ii\ \^\s\ \\\\ ^\iS\\\\ uvuulvw vU^ vHvuuuwt^ittHtr^i. dont le dernier fiit
(V » f* I Wv^l >>, W^.^tv <XV %.' A\4i\v^, r^uUHir de Touttï^ -lj
vA\^^ s^'^t< V vN' yv^v^wv^ vvmj^v^^^\t uue iutTv\hK^tiv>ii genênle
v^>N U^ \^^^^v v^vw ^v\\S>\W W vNM^uu^\t^uv n^r^cU tr^ devebppè. Notre
îS\\h^y\V\ V\VSSS\\\ <vv\\< V V^\^\U v^^^^î' l^^v^^4v^ivt ^'-^Vt^Wt-iwi ,«*^.4î>«^ A-^X«U%
S^^^,^\^^ V^>\ v^ v W^v U4\ vUî^^' .V.aV ^ ^Vv;ru; *î^ Ouir^ «l If^»
\w^\ V\ \ X\* - S*,\>-- \N NX - \ V% -^VX- ^
xix.^v »^ > :x\^^ ^::.Trr ^.un:- •!
201
position n'est qu'un commentaire verbal et ordinaire du Qdmous dont
le texte est renfermé entre parenthèse, interrompu de temps en temps,
quand l'occasion s'en présente, par des citations d'anciens poètes et
d'autres auteurs. Comparé avec le Lisân-ul-Arabi cet ouvrage nous semble
très inférieur et presque superflu ; il est pourtant d'une certaine valeur
pour comprendre facilement le texte quelque fois difficile du Qdmous.
Le X« et dernier volume nous présente la biographie de notre auteur ;
nous nous permettons d'en présenter l'extrait suivant aux lecteurs.
Abou-1-Faidh Moh., connu sous le nom de Mortadhâ tira son origine
de l'Inde, des environs de la petite ville de Bel^eram, près de Canoge
au nord du Gange, où il naquit l'an de l'hégire 1145 (1732 J.-C). De là.
il émigra en Egypte et entreprit de longs voyages qui le menèrent au
Témen, où il séjourna longtemps à Zabîd (d'où son nom de Zabîdift) et où
il fréquenta les lieux saints. L'intérêt qu'il porta à la patrie de Gazzali,
le ramena en Egypte, en 1167; il y continua ses études sous les plus
célèbres docteurs de la science et fréquenta les villes les plus impor-
tantes: Rosette, Damiette, Usijouth et la Haute-Egypte. Au Caire, où
il se maria, il commença son commentaire Ta^-ul-'' Aroûa qui lui valut
les plus favorables suffrages de tous les savants contemporains. Comme il
savait bien les langues persane et turque, il reçut un grand nombre d'amis
et de visiteurs, parmi lesquels les plus renommés docteurs du Gftmi-el-
Azhar. Souvent il organisait des séances littéraires fréquentées par une
foule de lettrés, accompagnés de leurs femmes cachées derrière les rideaux ;
alors son secrétaire tenait note des assistants , tout comme dans les pre-
miers siècles de l'Islam. Sur l'invitation du Sultan Abd-ul-Hamid I il
arriva à Constantinople, où le Sultan lui-même, avec son ministre Ragib"*
Pâsha, reçut de sa main le diplôme de licence dans la science des tra-
ditions. Après quelque temps de retraite dans sa maison, il mourut au
Caire victime de la peste, l'an de l'hégire 1205 (1791 J.-C.) et il fut
enterré dans la chapelle de Sitta Roqaijjah.
En dehors de ces grands travaux de lexicographie, nous avons une
quantité d'ouvrages traitant des branches spéciales de cette science, par
exemple la synonymique, les expressions de bon ou de mauvais aloi, les
provincialismes et les dialectes. Ils ont été publiés, soit par la presse maho-
26
202
métane au Caire et à Constantinopley soit dans l'imprimerie de la Miâ-
sion catholique à Beyrouth, qui a droit à toute la reconnaissance de
la philologie sémitique. Outre les éditions splendides des anciens poètes
paiens et chrétiens [Beyrouth, 1890 par le R. P. Chetko] et l'édition
du poète chrétien eUAkhtal [ibd., 1891, par le R. P. Salhani] nous
devons aux Jésuites les traités synonymiques ^x^^ ^^ wJJt ^Jjj y^lxS
(t 215 ou 216)1) [Beyr. 1894] ^\ A-Jl^ composé d'extraits de plu-
sieurs anciens traités par le R. P. H. Lammens [ibd. 1889]; luuUXJt Màyi\ id
de Hamadani Abd er-Rahmân b. Isa (1320 hégire)^) [2ii°« éd. 1885] et
le traité important XjUJî &a9 de Tsa'alibi (429 hégire) *) [éd. de Beyrouth
1885]; enfin le dernier de cette suite de traités Ji>UWI v'xXp ^d d'Ibn
Sikkit (t 244 hégire) *) selon la rédaction de Tebrizi, [éd. par le R. P. Chetko
vol. I, ibid. 1895]. Parmi les publications dues h la presse Islamite nous
fi
avons à mentionner comme appartenant à cette classe de livres: le wuU55 s-x>î
d'Ibn Koteiba (f 276 hégire) Cah. 1300 H. ^); /j^î de Gelâl-ed-Din as-Sojouthi
(n. 849 f 91 1 hégire) impr. au Caire l'an 1282 de l'hégire; J^lXit de Mobarrad
(1286 hégire) déjà, connu par l'éd. de W. Weight, Cahirah, 1308 hégire.
Grâce au bon goût et à la saine critique des éditeurs , on n'a touché
que bien rarement à la lexicographie de la langue vulgaire, qui ne
s'appuie sur aucune littérature, et dans laquelle on a peine à, distinguer
les éléments de bon aloi , qui ont été tirés des anciennes sources de la
langue et ceux qui dérivent de la néfaste influence étrangère ou de la
prononciation estropiée de la langue littéraire.
Toutefois il n'y a pas de danger que la langue vulgaire rende la langue
littéraire superflue ou en anéantisse l'intérêt. La condition nécessaire d'une
littérature, la culture d'esprit et l'initiative du peuple qui s'en sert,
lui manquant, elle est jusqu'à ce moment tout au plus tolérée, si non
objet de raillerie chez les gens un peu cultivés. Dans les éditions po-
1) Voir Tart. de M. Fleischer dans ZDMG,, t. XII, pp. 57—84.
2) Voir la préface de l*éditeur, p. IV.
3) Voir sur ce livre Ibn Khaldoun trad. de Slane, t. UI, p. 319.
4) Voir Ab. AnnaL, t. D, p. 203.
5) Voir Ab, Annal. IsL^ t. II, p. 265.
203
pulaires, par exemple dans les Mille et une Nuits et dans quelques journaux
où Ton a introduit une espèce de langue vulgaire, on lit cet idiome, chacun
selon son goût, le personnage un peu cultivé selon les règles de l'ancien
arabe, en rejetant peut-être les désinences grammaticales; le bas peuple
selon sa prononciation particulière s'approchant un peu de Tidiome dont
il se sert pour communiquer avec ses amis et ses égaux. Nous ne nierons
pas la possibilité d'un développement spontané de la langue vulgaire,
mais, pour cela, il faudra du temps et, en tout cas, il n'y a pas
de raison de craindre sa supérorité aussi longtemps que des oeuvres
scientifiques seront publiées dans la langue littéraire. — Quant èi
l'avenir, bien éloigné, nous ne pourrons nous en former aucune opinion,
ni tirer de sa condition présente aucune conclusion.
Le dialecte de Marach
PAR
S. MÉLIK— DAVID BEG
L'étude de ce dialecte a été faite sur un conte populaire et des locu-
tionây publiés dans la revue „Jraxe^^ (1889, liv. H, pp. 21 — 28). Ac-
tuellement à Marach on ne parle plus, en général, que le turc; il
est diflScile de dire au juste vers quelle époque on a remplacé l'ar-
ménien par la langue des Osmanlis. Cependant la préférence qu'on a
donnée au turc, n'a pas empêché le dialecte arménien de subsister; il
est encore parlé dans l'intérieur des familles, et les femmes qui sont
les meilleures gardiennes des usages et des traditions, le parlent avec
un accent pur et tout h fait local.
Le sujet de cette étude étant la phonétique des voyelles dans le
dialecte de Marach, la division la plus naturelle sera de suivre l'ordre
des voyelles.
A.
La voyelle a- subît plusieurs changements dont les plus sûrs sont
les suivants:
1) a- accentué se change en a- {au)-. Cette règle est absolue.
asitvauc pour astuac, mot savant qui veut dire Dieu.
toy = tajj qu'il donne,
goj = goy, qu'il vienne,
205
ûttstitoç = flstil, des astres,
hot = hflt, quantité,
krauk^ = krak'^, du feu,
tank" = tflk, dessous,
tirçûim = derjfln, du fil,
àabflw^t = Sabfl't, samedi, semaine,
§ot = âat, beaucoup,
Araiip = Arflb, Arabe,
hoc = hac, du pain,
avawg = avûfg, grand,
mord = mard, homme,
hramflttn = hraman, ordre,
tau&e = tase, dix, etc. etc.
o o
Cette loi s'applique même aux mots empruntés au persan, au
turc et h l'arabe.
erûKst = P. yssAoJjj qui a donné en turc l'expression ^^y^Jj
k\JS se rencontrer; en arménien, on l'a emprunté sous
la forme turque,
zgntai^n = P. ^J^j cachot,
^amxau = T. Lj^yà ou L^y> soupe,
tgmawx = T. ^L5^ ongle,
p^arfl« = T. n^ paras,
^auwcau = T. n/^ après,
iaulSau = T. «>yS vieux,
tivvflw = A. lx*> prière,
grzflfwk^ = A. vJX) P^* ^bJ ^^®^^l^s, biens; ce mot est
emprunté sous la forme du pluriel,
parak^att^ = A. ^^ji la bénédiction,
èahann^wman = A. jU^ l'enfer,
âûwr^t = A. oyi loi,
Bslaujnê = A. ^^"i\ foule, multitude, tous, etc. etc.
2) a- se change en ê- (e-).
Dans les exemples suivants:
ci^viur == jiavor, cavalier,
206
'1;ek'ëviur = ^tagavor, roi,
(fxiur = axoTj étable,
^ôk^'id = flôkHd, oeil,
kênêt = kflnaè, vert,
cutané = Câ:gil lever du soleil,
êraucin = aracen ils ont fait,
këhin = kaneu , il faut , etc.
n est difficile de dire pour quelle raison a- est changé en ê-; on
peut seulement faire les remarques suivantes:
Remarqiée I. a- est devenu ê- {e-) sous l'influence de tw-, comme
cieviur, *'t(?k'êviur etc.
Remarque II. a- devient ê- au commencement des mots devant les
lettres r- et 6 comme: ê<5k^ (fraucin etc.
3) a- non-accentué reste invariable.
astauc ; p«ra = bûri , bon ,
miacin, unigenitus,
papus, grand-père,
hasnas, que tu arrives,
la^tir = la^er, du linge,
oxauçkan = aiuhaç, carême,
flstuacacin , Dei genetrix ,
xayoî = xaîol, raisin,
dr^çanin = draçin, voisin,
^raup = Arab, Arabe,
mekotaun, fête des rats,
ancriv = anjrev, pluie,
Sâtanên, le diable,
hOTust, riche,
amên, tout,
«îjin, fille,
mâzir = mazer , cheveux ,
amas = amis, mois,
k^arsun = k^'arasun, quarante,
aten, temps.
207
arjive = aqêv devant, etc., etc.
Cette loi s'applique aussi aux mots empruntés:
muxanêtm = a. vi^o^u immoral, vil,
tavaur = t. J>^\^ troupeau ,
pOTflk^au'^t = a. >ii^y bénédiction,
èahûnnauman = a. j*â^ enfer,
p'^ûrau, muâûvarau = a. conseil, délibération,
ea'tçnên = t. ^^^-^V. heure du coucher,
amma = a. W mais, cependant,
Sflpahtan = T. qcXj>L*^ au matin,
xançm = T. jJL:> ou ^\j^ dame, etc. etc.
E.
Le changement de e- en i- est tellement fréquent dans ce dialecte,
et les exceptions sont si peu nombreuses qu'on peut admettre la loi
suivante :
Dans le dialecte de Marach e- se change en i- sans condition
d'accent.
httçd = heted, avec toi,
trçsid = eresid, à ton visage,
vtrêd = verayd, sur toi,
kttënç = getin, terre,
terçaun = derjan, fil,
mine = mec, grand,
ii = et, arrière,
ktàire = giàer, nuit,
mertlan = merel, mort,
frauzad = eraz, songe,
kmzmaunan = gerezman, cimetière,
mV = erek^ trois,
vêç = veç, six,
atin = aten, temps, époque, etc.
1
208
Remarque 1. Dans les mots d'une seule syllabe , e- se change en i<
hited, mine, et, v«ç, etc.
Remarque IL Tandis qu'en arménien moderne le signe du pluriel
est -er ou -«er, dans ce dialecte-ci il est toujours -ir ou -nir.
la'i: + ir, *têv + i> ailes, bras.
Remarque 111. Dans les verbes -emy (1« p. s.), -eè (2« p. s.), -enk'' ou
-emlé' (1® p.p.), 6t -en (3* p.p.) se changent en -m, -«, -inli^ ou -imk''
et -î;2 comme:
hism = his^»i, je tisse; birw = bir^^, tu portes,
ênw = auM, tu fais; uzw = uze^, tu veux;
\Amk'' = utenk''^ nous mangeons,
parki»^^ = park^*'', nous couchons,
xe^'tin = xau^t^», ils piquent,*
kest« = asefij ils disent, etc. etc.
Remarque IF. L'infinitif des verbes en -el devient -il dans le
dialecte présent.
k^ehV = k^aW,' marcher; camtV = cam^/, mâcher,
nstt/ = nst^/, s'asseoir; ceci/ = cece/, battre,
illi/ = elle/, se lever, etc.
Cependant e- subsiste dans les exemples suivants:
xelk'', esprit; mdik^ péché, faute,
mereltoç, des morts; mâilan, du mort,
cerk^ên, des mains; etc.
11 faut remarquer que tous ces mots-là sont des mots savants et
que dans trois de ces exemples e- est suivi d'un -r- ou -r- .
O- et AU-.
Ces deux voyelles ne diffèrent pas quant à la prononciation. Voici
les changements qu'elles subissent:
I) 0- (au-) accentué se change en iu- ou u- français; cette loi est
rigoureuse :
twskiur = oskr, os; ^Hut = p^or, ventre.
209
ciêvtW = jiavor , cavalier ; ^ek^yiur , roi ,
xîwç = xoç, plaie, maladie; iutYd = otk'', pied,
iitâp = osp, lentille; k%riu6 = k^roj, soeur,
iuniunç = anonç, à eux,
êtiur = ator, à celui-là,
êsiîmV = aaonk^ ceux-ci,
êsiuT = asor, h celui-ci,
hiun = hou, là-bas, là,
êxiuY = axor, étable, etc.
Il est à remarquer que ce changement n'a pas lieu devant les
suflBxes 'ot' on-aut' etrauç-:
xioi = hoî, la terre; ançnfli^, le passant,
tamaw^, le repassant; cçvai^, le tailleur,
xayo?, le raisin; uto?, le mangeur,
ennop, la neuvaine; telop, des enfants,
kntoçj des femmes; mereltoçy des morts, etc.
2) 0'{au') se change en u- dans:
tttoç, = otiç, des pieds; kwînoi = goîçol:, le voleur,
^uiqunoi — ào?çnoî, le chauffeur;
^uiwûîk^ = "totunk^ laissons , etc.
0'{au') dans tous ces cas est non-accentué.
3) (h{au-) se change en i-:
îski = oski, or,
6«rek''àab*ti = ôorek^ab^i, mercredi,
iri = du verbe ûîoraurel, bercer,
Dans ces mots o-{au) ne porte pas l'accent.
4) o-iau) devient ëau- dans:
eauc = auj, serpent; eaur = aur, jour,
Dans ces deux exemples o-iau-) est la première lettre du mot.
5) o-iaur) subsiste.
Il est inutile de donner des exemples, ceux qui ont été cités plus
haut le prouvent assez.
27
I
210
I-.
Les changements subis par cette voyelle sont les suivants:
1) i' se change en a- quand il porte l'accent:
mas = mis, viande; karm«r = karmir, rouge,
tauflS = tanis, tu portes; draçoh = draçin, voisin,
hasnas = hasnis, que tu arrives; para-bari, bon,
k^ana = k^ani, combien; amas = amis, mois,
ançna = ançni, qu'il passe; cace = cice, les mamelles,
coy = ji , cheval ; harsna k = harsanik^ mariage , noce , etc.
Remarque I. Le génitif et le datif des mots qui en arménien moderne
sont ordinairement en -i-, sont en -a- dans ce dialecte:
âuna, du chien; èaura», à l'eau,
êâa, de TÉLne; ^têk^êvura», du roi,
patoak^'û», du bain; têva», du diable, etc.
Remarque II. Le deddératif ou l'impératif accompagné d'un désir,
qui en Arm. moderne est en -e- à Marach est en -a-:
mêrna, qu'il soit mort, paçua, qu'il souffre,
ktrua, qu'il soit coupé, âinua, qu'il soit bâti etc.
2) t- se change en ë- dans:
pitë = piti, il faut; merne = merni, il meure,
ketëne = getine, la terre; hik*"^ = hogid, ton âme.
3) i' reste invariable quand il n'est pas sous l'accent:
mmcine, unigenitus; âtnua, qu'il soit bâti,
êôk^id, â ton oeil; irkuàab^ti, lundi,
èirik^âabti, mercredi; hingâab^i , jeudi ,
astuacacin, Dei genetrix, kiâirç, la nuit,
k^'îè, peu; htnke, cinq; atjit, fille, etc.
Dans le dialecte de Marach la voyelle u- devient au = o.
1) Au génitif et datif des infinitifs qui sont -oy en arménien ancien
et 'U en arménien moderne:
211
ketrelau = ktrelu, pour couper, a, de,
ie^naXau = dpnalu, pour toucher, a, de.
2) Dans certains mots où -« porte l'accent:
èaur (jur), eau; sntûwka (sntuk), la caisse,
taurs (durs) , dehors , "kiauxà (glux) , la tête ,
irïkaun (erekun), soir,
kauvèê (kuzê), il demande; kautçna (kudnê), il met, etc.
Enfin 3) u- reste invariable dans les mots suivants:
harktf, deux; papus, grand-père; t«r, donne,
te^nd, ta maison; s»rb, saint; t^tile, le manger,
maxduy à l'homme; ^t^k^ turc; harust, riche,
irkuàab'ti, lundi, etc.
-AY-.
Le diphtongue -ay de l'arménien ancien devient ê- dans ce dialecte ;
mais si, après -ay- se trouvent les voyelles -tw, alors -ay devient -ëau:
1) ay- se changeant en ë- :
virêd (verayd), sur toi; h^yilê (hayel), regarder,
ënê (ayn), lui; es (ays), celui-ci etc.
2) ay- se change en êau- sous l'influence de iu-:
êautiur (aydorik, aydor, etc.) à, celui-là,
êausiur (aysorik, aysor, etc.) à celui-ci,
êausiunk*" (aysoVik, aysonk^ etc.) ceux-ci, etc.
NB. La transcription des mots arméniens en caractères latins a été
faite d'après le système de Hubschmann.
Der Ursprung der indischen Schrift
VON
FRIEDRICH MULLER
Professor an der UnÎTenitat Wien
(mit einer Tafel)
Die indische Schrift ist keine auf indischem Boden gemachte Erfin-
dung, sondem, wie man jetzt weiss, ein von den Semiten ûbemom-
menes Cnltur-Element. Dies geht schon aus der inneren Form der Schrift,
d. h. aus der Auflfeâsung der einzelnen Laute und deren Darstellung
durch aussere Mittel, ganz deutlich hervor.
Die ehrwûrdige Schrift der alten Aegypter, die Mutter der Schriften
aller Cultur- Vôlker (mit Ausschluss Cliinas und Japans), basirt auf einem
Schrift-System , das aile Phasen der Entwicklung von der Bilder-Schrift
bis zur Lautschrift in sich vereinigt. Die Zahl ihrer Zeichen belftuft sich
auf ein halbes Tausend. Der alte Aegypter musste daher, wenn er das
Lesen vôllkommen erlemen wollte, eine grosse Menge von Bildem, be*
ziehungsweise der aus den Bildem hervorgegangenen Zeichen im Kopfe
haben. Welch ûberflûssige Belastung des Gedachtnisses !
Es war das Verdienst des Semiten, wahrscheinlich des semitischen
Eaufmanns, die Zahl von einem halben Tausend Zeichen auf nicht ganz
ein viertel Hundert zu reduciren. Das semitische Schrift-System be-
seitigte aile Varianten, welche das System der alten A^ypter so sehr
beschwerten und lôste die Lautschrift * von der Bilderschrift so vôllig
los, dass man die letztere in der ersteren nur in den seltensten Fallen
zu entdecken vermag. Welch nûtzliche Entlastung des Gedachtnisses!
DER URSPRUNG DER INDISCHEN BRAHMI-SCHRIFT.
Nord - Sernitisch.
Indisch. Sud- Sernitisch.
Alt-
Phônicisch.
Mêsa-Inscli.
Safa.
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Sabâisch.
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213
Das Schrift-System der Semiten bezeichnet aber nocb einen ande-
ren nambaften Fortschritt in der Gescbicbte der Scbrift-Entwicklung.
Dieser Fortscbritt bangt wesentlicb mit dem Bau der semitiscben Spracben
zusammeii.
Die semitiscben Spracben baben die Eigentbûmlicbkeit , dass jene
Elemente , welcbe den Wurzeln der anderen Spracben entsprecben , ans
drei Consonanten besteben. So bedeutet z.B. k-t-b ^scbreiben", q-t-l „tOdten".
Ans der Wurzel wird tbeils durcb Praefixe, tbeils durcb Suffixe der
Stamm abgeleitet , daneben aber aucb , und zwar in den meisten Fallen ,
nocb durcb ein Mittel, das den semitiscben Spracben eigentbûmlicb ist,
namlicb die regelm'dmge Vocalvariation im Inneren der Wurzel. So be-
deutet z.B. arab. kataha »er bat gescbrieben", qatala „er bat getôdtet"
dagegen kutiha „er ist gescbrieben worden", qutila »er ist getôdtet
worden". Die Form kàtih-un bedeutet «scbreibend", qâtiUun ^tôdtend",
dagegen ma-ktvh-un «gescbrieben", ma-qtuUun «getôdtet".
Es lasst sicb nun leicbt denken , dass in einer Spracbe , welcbe die
Formen nacb so starren allgemein giltigen Gesetzen bildet , die Wurzel-
Consonanten gegenûber den Vocalen im Bewusstsein stark bervortreten
und dass in der Scbrift dièse Elemente als die wicbtigsten zur Darstel-
lung gelangen, wabrend die Vocale, eben wegen ibrer gesetzmassigen
Anwendung, eines regelmassigen Ausdruckes gar nicbt bedûrfen. Der
Sémite konnte daber leicbt eine Scbrift sicb scbaflFen, in welcber blos
die Consonanten zum Ausdrucke gelangten, die Vocale dagegen dem
Spracbbewusstsein zur Erganzung ûberlassen wurden. Dièse Consonanten-
scbrift wendet der Sémite, obscbon sie spater durcb Einfûbrung der
Zeicben fur die Vocale erweitert wurde, nocb jetzt an, da er der
Vocalzeicben im gewôbnlicben Leben gar nicbt bedarf. Die semitiscbe
Scbrift ist, wenn wir sie ricbtig definiren woUen, weder eine Silben-
schrift^ noch eine reine Lautachrifl^ sondem ein Mittelding zwiachen bei-
den. Das Zeicben é bedeutet im Arabiscben weder ka, kij ku nocb aucb
k\ es kann aber dies ailes bedeuten.
Daber kônnen die ScbriftrErzeugnisse der Semiten nur von einem sol-
cben gelesen werden , der eine Kenntnisa der betreflfenden Spracbe besitzt ,
weil zur Erganzung der Vocale die Kenntniss der Spracbe unerlasslicb ist.
214
Die semitische Schriffc mit dem eben beschriebenen Cbarakter bat
der Inder zur Darstellung der von ihm gesprochenen Sprache ûbemom-
men. Dièse Sprache ist jedoch von den semitiscben Spracben grund-
verachieden und die semitiscbe Scbrift ist zu ibrer Darstellung voUkom-
men ungeeignet. Im Indiscben spielen die Vocale nicbt jene Nebenrolle
wie in den semitiscben Spracben, sondern vielmebr die HauptroUe.
Sie dûrfen nicbt, wie in den semitiscben Spracben, der Ergftnzung durch
die lebendige Kenntniss der Spracbe ûberlassen werden; im Gegentbeil,
sie fordern einen bestimmten scbriftlicben Ausdruck. Bios der Vocal a,
welcher etwa ein Drittel des gesammten Vocalismus reprâsentirt , kann
gleicbsam als selbstverstandlicb unbezeicbnet gelassen werden.
Dièses System der genauen Vocalbezeichnung wurde der aus dem
Semitiscben entlebnten Scbrift aufgepfropft , und es ist im bôcbsten
Grade intéressant wabrzunebmen wie der Ausbau der semitiscben Scbrift
zu einer Lautscbrift bei den Indern mit dem analogen Verfabren bei
den Semiten selbst vollkommen ûbereinstimmt.
Gleicbwie in den semitiscben Spracben wurden im Indiscben die
Vocale als Ergànzungen der Consonanten aufgefasst und denselben im
Inlaute nicbt parallel beigeordnety sondern untergeordnet j indem man die
Zeicben derselben oberhalh (i, é) oder unterhalb («) der Consonanten-
zeicben setzte. Die vôllige Gleicbbeit beider Système ergiebt sicb aus
der folgenden Zusammenstellung:
Arabiscb: Jjs q t 1
Hebraiscb: X^ÙTbo m 1 ;f m b
^ "^ ' ' i â 5
Indiscb: sri^": b A h
Der Inder scbreibt gerade so wie der moderne Perser, der mit der
Religion des Arabers aucb die Scbrift mit dem ibr inbarirenden eigen-
tbûmlicben Cbarakter annabm. Man vergleicbe:
jH^ O^r^ = pdr, §mrdn.
Eine solcbe AuflFassung der inneren Form der Scbrift widerstrebt ganz
dem Cbarakter der indiscben Spracbe und der Inder ware sicber, wenn
215
er die Schrift selbst erfunden batte, zu einem ganz andem, dem Cha-
rakter seiner Sprache mehr adaquaten Schrift-System gelangt.
XJnd dass die indische Schrift neben der inneren Form auch durch
die Oebereinstimmunff der einzelnen Conaonantenzeichen auf den semitischen
Ursprung deutlich hinweist, dies ist eine Thatsache, welche gegen-
wartig von Jedermann anerkannt wird.
Von der altesten Schrift der Inder, welche uns unmittelbar nach
der Berûhrung derselben mit den Griechen in zahlreichen Denkmalem
entgegentritt , kennen wir zwei Système, die Brahmî und die Kha-
rôçthî-Schrift. Ûber den Ursprung der beiden Schriften, welche mit
einander nicht zusammenhangen , bat in neuester Zeit G. Buehlbr in
zwei Abhandlungen , namlich Indian Studies in. (Wien 1895. 8^, 90 S.
mit einer Tafel ^ ) und TAe Origin of the Kharo^thî Alphabet *) sich aus-
fahrlich ausgesprochen. Er fûhrt die Brahmî-Schrift (die gewôhnliche
Schrift der Edicté Aèoka's) nach dem Vorgange A. Wkbers auf ein
nordsemitiachea speciell phônicisches Alphabet zurùck, wahrend er die
Kharôçthî-Schrift , nach dem Vorgange von Thomas, J. Taylor und
CuNNiNGHAM, aus eiuer aramaischen Quelle ableitet. Von diesen beiden
Schrift-Systemen ist das zweite, die Kharôçthî-Schrift , von begranzter
Anwendung; dièse lasst sich nur im Nordwesten Indiens auf einem
ziemlich genau umschriebenen Terrain nachweisen und bat innerhalb
der modemen Schriften Indiens kein aus ihr hervorgegangenes Tochter-
Alphabet hinterlassen ; dagegen kann die Brahmî-Schrift fur die Schrift
des ganzen, sowohl des arischen als auch des drawidischen Indiens gel-
ten, da sowohl ihre Denkmaler weit verbeitet sind, als auf sie auch
sammtliche nicht nur einheimischen , sondem auch mit der indischen
Religion und Cultur ûber Indien hinaus verbreiteten Schriften als auf
ihre Mutter zurùckgehen. Die Kharôçthî-Schrift zeigt auch ihre vôllige
Ahhàngigkeit von der semitischen Schrift darin, dass sie von rechts nach
links lauft und einen mehr cursiven Charakter darbietet, wahrend die
Brahmî-Schrift von links nach rechts geht und in ihrer ganzen Anlage
1) Sitzungsb. d. k. Akad. d. Wissensch. phil.-histor.-Klasse , Bd. CXXXII.
2) WZKM., IX, SS. 44—66, mit einer Tafel.
216
und Form eine Iftngere Entwicklungs-Phase auf dem Boden Indiens
voraussetzen lasst.
Da die Kharoçthî-Schrift nicht blos auf das nordôstliche Indien
beschrftnkt ist , sondern in die Gegenden des alten Ariana hineinreicht ,
so ist sie von rechtswegen nicht so sehr als eine indische Schrift ,
sondern vielmehr als eine vom Westen her nach Indien importirte
Schrift zu betrachten. Sie ist , wie ans der WZKM Bd. IX befindlichen
Tafel évident hervorgeht, eine auf die cursive araraaische Schrift
(wahrscheinlich Kanzlei-Schrift) zunlckgehende Schrift gleichen Charak-
ters und verdankt den Eroberungen der Achameniden ihre Verbreitung
ûber dièse Gegenden. Letzteres geht aus den Darlegungen aller For-
scher, welche sich mit dieser Frage befasst haben, mit Sicherheit
hervor.
Was nun den Ursprung der Brahmî-Schrift anbelangt, so hait sie
BuEHLER (vgl. besonders S. 80 der oben citirten Abhandlung) fÛr eine
Tochter der phôniciachen Schrift. Er meint, sie sei um das Jahr 800
V. Chr. von Mesopotamien aus den Indern zugekommen und zwar durch
die in diesen Gegenden Handel treibenden indischen Kaufleute. Infolge
dessen sucht er auf der Tafel , welche der Abhandlung beigegeben ist ,
die Brahmï-Schrift aus der altphônicischen Schrift, der Schrift des
Denkmals des KOnigs MêSa*" und der Schrift der assyrischen Gewichte
abzuleiten.
Ich muss gestehen, dass mich dieser Theil der BuEHLER'schen Un-
tersuchung nicht befriedigt und dass ich den hiebei gewonnenen Resul-
taten aus mannigfachen Grûnden nicht beizustimmen vermag.
Um die Ansicht zu beweisen, das phônicische Alphabet sei den
Indern nicht durch phônicische , sondern durch indische Kaufleute selbst
zugekommen, mûsste man annehmen, die Phônicier hatten an den
Tigris-Euphrat-Mûndungen Factoreien besessen und mûsste dann blos
Inschriften dieser Gegenden , nicht aber Inschriften , welche den Kûsten-
landern des Mittelmeeres angehôren , zur Vergleichung heranziehen. Und
zwar mûssten dies Inschriften von Immobilien sein, nicht aber Inschriften
von Gewichten, Mûnzen und dergleichen Gegenstanden, da letztere auch
ausserhalb des Handelsweges weiter befôrdert werden kônnen und fttr
217
die Ansiedelung eines Volkes in jenen Qegenden, wo die Funde ge-
macht worden sind , gar nichts beweisen.
Nun wissen wir aber, dass, wenn der phônicische Handel ehemals
an die Tigris-Euphrat-Mûndungen sich ausdehnte, er zu jener Zeil (um
800 V. Chr.) in diesen Gegenden nicht mehr blûhte , da hier die Chaldaer
bereits festen Fuss gefasst hatten. Wir mûssten also, wenn wir annehmen
wollen, dass das semitische Alphabet ûber Mesopotamien zu den Indem
gekommen ist, auf die aramàische Schrift zurùckgehen. Die phônicische
Schrift dûrfen wir absolut nicht zur Vergleichung herbeiziehen.
Wenn wir nun einen prûfenden Blick auf die BuEHLER'sche Tafel
werfen, so mûssen wir gestehen, dass die dort aufgestellten Verglei-
chungen gar nicht ûberzeugend sind. Bei zwei Buchstaben, welche aus
einer anderen Quelle leicht und natûrlich erklart werden kônnen, bei
dem b und dem w, muss Buehler Mittelformen construiren, die von
den phônicischen Grundtypen so stark abweichen, dass niemand an die
Môglichkeit derselben zu glauben im Stande ist.
Aber noch ein anderer sehr gewichtiger Grand scheint gegen die
BuEHLER'sche Ansicht zu sprechen. Cultur-Elemente werden ebenso wenig
wie die Religion aus weiter Ferne ffeholt , sondern in der Regel importirt.
Nur bei aneinander grenzenden VOlkern kann an ein Herûberholen
gedacht werden. Wenn indische Kaufleute nach Mesopotamien kamen,
so haben sie sicher ihre Qeschafte in der Sprache der Eingeborenen
Mesopotamiens abgewickelt und einer Schrift fur die Darstellung ihrer
eignen Sprache nicht bedurft. Wenn dagegen fremde Kaufleute zu den
Indern kamen , dann liegt es nahe anzunehmen , dass dièse Kaufleute
mit ihrer Schrift dem Inder, in dessen Sprache die Geschafte gefOhrt
wurden, zu Hilfe kamen und die Lautauffassung ihrer Muttersprache aut
das fremde Idiom ûbertrugen. Dièse Lautauffassung stimmt mit jener
des heutigen Semiten voUstândig ûberein. Als im Jahre 1859/60 nach
dem Blutbade in Damaskus der Metropolit Gregorius ^'Ata im hiesigen
Dominikaner-Kloster langere Zeil wohnte, wurde ich mit ihm durch
die Vermittlung eines hôheren Geistlichen bekannt. Der hochwûrdige
Herr, der ausser dem Arabischen keine Sprache verstand, ersuchte
mich , ihm bei der Anlegung eines kurzen arabisch-deutschen Vocabulars
28
218
behûlflich zu sein. Er schrieb dabei die deutschen Wôrter ^Wasser,
Butter, Tinte, Feder", folgendermassen nieder ^, yî*, vÎUIj, jÔS. Stimmt
dies nicht mit dem ûberein, was oben flber die Identitàt der inneren
Form von arab. JJS und altind. ^flj" bemerkt wurdeî
ô
Es geht daher ans der inneren Form der indischen Schrift mit
Sicherheit hervor , dass sie nicht aus der Fremde geholt , sondem dass
sie (gleich der Schrift der Griechen und italischen Vôlker, ferner den
Schriften der Tibeter, der Birmanen, der Siamesen, der Mongolen und
noch anderer Vôlker) aus der Fremde impartir t wurde.
Fur den Import der indischen Schrift aus dem Westen giebt es
drei Wege. Der erste Weg ist der Landweg ûber die Lander Irans,
der zweite Weg ist der Seeweg von den Tigris-Euphrat-Mûndungen
durch den persischen Meerbusen, und der dritte Weg ist gleichfalls
der Seeweg von den Kûsten des sûdlichen Arabiens.
Auf dem ersten und zweiten Wege kann die Schrift nicht nach
Indien gekommen sein , da sie (abgesehen davon , dass sie im ersten
Falle ein altérer Vorlaufer der Kharôçthî-Schrift sein mûsste, was ganz
unmôglich ist) in beiden Fallen auf das aramaische Alphabet zuruck-
gehen mûsste. Dann mûssten aber beide Schriften eine gleiche Stylisi-
rung und eine viel grôssere matérielle Verwandtschaft mit einander
aufweisen als dies gegenwartig der Fàll ist.
Es bleibt somit nur der dritte Weg ûbrig, nàmlich jener, der von
den Kûsten Sud- Arabiens nach Indien fûhrt. Auf diesem Wege lasst
sich auch nach meinem Dafurhalten die Importirung der semitischen,
speciell der sûd-arabischen Schrift nach Indien sowohl vom historischen
als auch vom palaographischen Standpunkte voUkommen befriedigend
erklaren.
Wahrend wir von den Phôniciem in Mesopotamien keine grôsseren
Denkmaler kennen, durch welche die Niederlassung dièses Handelsvolkes
in diesen Gegenden nachgewiesen werden kOnnte, kennen wir von
dem handeltreibenden Volke der Sabaer in Sûd-Arabien eine Menge von
Denkmalern. Und dièse Denkmaler scheinen blos ein Bruchtheil dessen
zu sein, was noch vorhanden ist und ehemals vorhanden war. Fast jedes
219
Jahr bringt neue Entdeckungen durch kûhne Reisende, welche das be-
statigen, was die islamitischen Araber von ihren heidnischen Vorgangem
in Sûd-Arabien berichten. Dièse Denkmaler sind mit einer Schrift be- _^/^
schrieben, deren Stylisimng auf den ersten Anblick an jene der ^^ "
Brahmï-Schrift erinnert, in welcher die Edicté Aâoka's, des indischen
Constantin y abgefasst sind.
Ueber das Alter dieser Inschriften sind die Qelehrten nicht einig;
manche rùcken sie in das zweite Jahrtausend v. Chr., wahrend andere
fur sie ein junges Datum in Anspnich nehmen. Mir erscheint die défi-
nitive Lôsung dieser Frage fur das ims beschaftigende Problem nicht
von solcher Wichtigkeit, dass man die Behandlung desselben von der
ersteren abhangig machen kônnte. Denn, wenn wir z. B. annehmen,
die indische Schrift reiche in das 8. Jahrhundert v. Chr., die sabaischen
Denkmaler dagegen in das 6. Jahrhundert v. Chr., so kônnen wir die
beiden Schrift^n doch mit einander vergleichen, insofem dann die indi-
sche Schrift als altère Schwester der sabaischen Schrift betrachtet wer-
den und fur beide eine altère Quelle, aus welcher sie beide hervorge-
gangen, angenommen werden muss. Ist ja Aehnliches bei der griechi-
schen Schrift mit Bezug auf die phônicische Schrift der Fall; die
griechische Schrift setzt eine viel altère Quelle voraus, als sie durch
die auf uns gekommenen phônicischen Denkmaler reprasentirt wird.
Und dennoch steht Niemand an , die griechische Schrift mit der phôni-
cischen zu vergleichen und von der letzteren den XJrsprung der ersteren
abzuleiten.
Wir ziehen mit T. Tatlor (den wir als Palaeographen ex professo
als den competentesten Beurtheiler dieser Frage betrachten) die Schrift
der thamûditischen Denkmaler von Safa bei Damaskus zur Vergleichung
heran, da dièse Schrift den Uebergang von dem alten syrischen Typus
des phônicischen Alphabets zu den sûd-semitischen Alphabeten bildet.
Da die Einfûhrung der sûd-arabischen Schrift in Indien nicht durch
im Schreibfache wohlbewanderte Gelehrte, sondem durch einfache
Kaufleute bewerkstelligt wurde und wahrscheinlich nicht von Jemen
oder Hadramaut, sondem von Oman aus stattgefunden hat, so dûrfen
wir die Quelle nicht direct in den sabaischen Denkmalem suchen, son-
220
iiern wir miU^en nnn eîn mît der «ahâÎBchea Schrift nahe verwandtes
AJpJmbet vorsttillea, da» îa maochen Punkten mit den nordsemitischeii
K\\iUiibiitim mehr HerûbrungHpunkte aafwies, als dies bei der Schrift
lUv niih&ïiU'Àmi Donkrrialer der Fall ist.
rji>r «clilagiînde HevveiH fur den Zusammenhang der indischen Schrift
mit d«m srtd'SemltiHclum Alphabete liegt in den Zeichen fûr b und «i,
iWi^ Un IiullHchen und SabttiHchen als voUkommen identisch sich erweisen,
dann In dm 7mchm fOr a und k (die mit den Figuren auf den Denk-
mdlern von Bafa zurnimmenstiramen) , dann in // und ^//, die nur von
sab, A und »ab.-Haf, ;f abgeloitot werden kônnen.
Wulter kann ich nicht urahin, das indische d aus dem sabaischen
(j/ ab/iilolton. IndiHclu^a JA^ wolchea Boehler aus dem d der Mêâa'^-In-
aohvlft ableitot, orklttre ich fftr ein halbiertes //<, das wiederum aus tA
(duvch WôglaHsung dos in dor Mit te desselben stehenden Punktes) her-
vorgogaugau int, in gan« dorselbon Weise wie é durch Halbierung des
i*4 (= ^abalschea Qaf) entstanden ist, ^) Aus dA ging v^ieder durch
VVoglaaaung doïi roehten goraden Striches die Form fur / hervor.
Iudî?4ohevHi <) kann ich nur von dem sab.-saf. 5 ableiten, da dieFigur
in beidtn^ FiiUon dieselbe ist und dor Laut des indischen </ mit jenem
do^ ïàomitiMibon > oino f\1v ungenbta Ohren leicht fassbare Aehnlichkeit hat.
Indiî^ehoîà jt geht auf dieselbo Quelle zurûck wie altind. ^, n&mlich
^uf d<v>4 :^i^b.-aaf, jS^ WiVhi'end fC\r <) das semit. 5 halb nach rechts gedreht
W'\u\l^» \\^x\\ t^ boî .* ^\xu uuigedreht \ind auf den Kopf gestellt. Man
Caswt^ <; (W^) ^U tOnewden Laut au ^> d^iher die Verwendung desselben
Auf w^^leht^r Stnt*^ j|t\loch, ob auf jener^ welche den phOnicischen
Vv^pnxug > cxlw auf jeuw> wt'^lcht^ den :!ivld-arabischen XJrsprung der in-
dUvb^u S<^hvift beha\n>tet > die grC^ere Wahrscheinlichkeit steht , dies
vUtvftt.^ '^ivk bt^tt^n eîu iUlck auf die TafeK welche den TorlieOTnden
kVi dei;- ^txi^chtung der iudfc^^^heiîi Vocale mîteseii wir^ ecwiform
[) thkaii st>wt>hl 1; LiJii liuch ùh liuJt :^i. umi ^h. Qui- i&ui'Uckg<ibtftr4 ctem livgt ije VV:ihme&-
uuing AU UrumJk)^ Ju*»* îi uttd c mil ^anwiil^e wâcht^lt) {joa-i^ buaji^u,y iiigi^gwx wùctim. wâùa»)^
221
der inneren Form der Schrift, vom Inlaute^ wo der Vocal an den
Consonanten sich stûtzt, ausgehen. Wie ich schon oben betnerkt habe ,
wurde der Vocal a unbezeichnet gelassen und der Vocal i durch einen
Strich oberhalb, der Vocal u durch einen Strich unterhalb des Conso-
nantenzeichens angedeutet. Als spater auch die Lângen ihren Ausdruck
fanden , wurde zu diesem Zweck das jeweilige Zeichen verdoppelt. Jetzt
noch ist dieser Process beitn u der Dêvanagarï-Schrift durchsichtig.
Daher sind die Zeichen fur anlautendes i und u keineswegs auf semi-
tisches ""ain und wcm zu beziehen, sondern sind aus den Zeichen fur
inlautendes % und u hervorgegangene Umbildungen ^ wobei dièse Zeichen
parallel den Consonanten ausgestaltet wnrden. Wenn die anlautenden
Vocale ursprûnglich und die inlautenden Vocale von ihnen abgeleitet
wftren, wie Buehler die Sache sich vorstellt, dann hâtte der Inder
sicher nicht b d h , sondern buddhih geschrieben, wie der Grieche bei der
XJmformung der semitischen Consonantenschrift zur reinen Lautschrift
dies gethan bat.
Ich betrachte die beiden Système der Brahmï- und der Kharô§thï-
Schrift wie zwei Wellen, die ûber Indien sich ergossen haben, von
denen die eine vom Sûden her, die andere vom Nordwesten her ûber
das von den Àrja's bewohnte Land sich verbreitete. Da die unter den
Achameniden aus Ariana dahin verpflanzte Karôçthî-Schrift , die von
der aramâischen Schrift ganz abhangig sich zeigt, nur ein kleines
Terrain im Nordwesten Indiens erobem konnte, wahrend die Brâhmî-
Schrift das ganze ûbrige Indien fur sich in Besitz nahm , und mit einem
ganz eigenthûmlichen Charakter und vôllig entwickelt uns entgegentritt,
so muss die Importierung des sûd-semitischen Alphabets in Indien lange
Zeit vor der Aufrichtung der achamenidischen Monarchie stattgefunden
haben. Jedenfalls ist die Schrift in Indien als eines der alleaten Cultur-
Elemente zu betrachten.
Deux déesses égyptiennes
PAR
KABL PIEHL,
Professeor à 11Jiiîv«aité dlJpsala.
En mentionnant le grand nombre de diyinités qne renferme le
panthéon égyptien, M. Le Page Benouf ajoute cette remarque: „1
êeveral timea made the attempt to drctw up an index of tke divine marnes
occurinff in the text , but found it necessaty to abandon tke enterprise' •).
Nous avons pu, nous-même, constater la parfaite exactitude de
cette observation, faite par Téminent égyptolc^e anglais. En effet,
à vouloir dresser un index de tous les noms des dieux égyptiens, on
serait amené à composer un livre, peut-être plus gros que le diction*
naire hiéroglyphique lui-même.
D'ailleurs , si la nature abstraite des titulaires de beaucoup de ces
noms en rend le recueil plus ou moins inutile, il £&ut néanmoins se
garder de confondre ces noms avec les appellations qui servent d'euTe-
loppes à des personnages mythologiques nettement déterminés. Au
nombre de ces derniers appartiennent les deux déesses auxquelles ces
quelques lignes sont consacrées.
Dans un ouvrage qui vient de paraître, il y a le passage de texte
suivant :
1) Lectures on the Religion of Ancien Egypt (London, 1880), pp. 85, 86.
223
ce que l'éditeur a traduit de la sorte: „0k Hapi! que soient à moi
Veau fraîche et ses grains de blé^ que soient à moi les pains de la déesse
Menqt y que soit à moi la bière de la déesse Khut^ que soit à moi le
laif *).
L'original du texte cité , qui est en écriture hiératique, montre que
la transcription que nous venons de lire est quelque peu incorrecte.
Après nepl^ il faut eflfacer le suffixe pronominal / qui n'est pas dans
l'original; le vase qui détermine le mot àret »lait", doit être suivi de
trois barres, au lieu d'une seule. De ces deux modifications, la première
est fort importante. Selon moi, elle nous force à regarder le mot nejn
comme un nom de divinité ^) , ce qui nous amène à proposer pour le
passage cité la traduction suivante: ^Oh Hapi, donne-moi de Peau! Oh
Nepit, donne-moi du pain/ Oh Menkety donne-moi de la bière/ Oh Achout,
donne-moi du lait/^^
La principale différence qu'il y a entre ma traduction du passage
cité et celle de M. Lieblein , c'est que suivant ce dernier savant, Menket
est la déesse du pain et Khut la déesse de la bière, tandis que pour
moi elles ont tout un autre rôle , Menket étant la déese de la bière et
Achout la déesse du lait.
H n'est pas bien difficile de trouver d'autres arguments en faveur
de mon interprétation de ces termes, les textes des basses époques
offrant des exemples nombreux où il est fait mention de l'une ou de
i) Lieblein, Le livre égyptien Que mon nom fleurisse^ pi. XI, col. II, ligne 3.
2) Ibid., p. 10.
3) Il paraît que la vraie transcription de ce nom de divinité est celle-ci: s l, l
Ce serait alors une déesse. Celle-là nous est d*ailleurs connue par d'autres textes (Cfr. p. ex.
Bruosch, Recueil de Monuments^ t. V, p. 20: O (j (j ^ ^). Il y a aussi un dieu Nepi ou Neperà
(PiEHL, Inscriptions hiéroglyphiques, troisième série, pi. XXXVI, 1. 4: (1 ^ cîi).
Nepi est à Nepït, ce que h i!=3 est à [) r=i ^ etc.
224
l'autre des deux déesses en question. J'en donne maintenant quelques
uns 9 pris au hasard parmi mes annotations lexicographiques.
A Edfou, il est dit d'un dieu-^^ ^ ^[^i—iJO ^ J ^
qu'il »se purifie dans la salle de manifestation avec du lait qui sort de
la vache Achou^ *). Dans le même temple , nous trouvons quelque part
sous la rubrique: °^ ^ '] o -^ «^^^^^^^ ^® lait", les paroles suivantes
nîè^ll-^v^:::^ î ^* ''^'^^ ^^^ ^® ^^^* (provenant) du derrière
de la vache Achou^^). Dans l'un et Tautre de ces deux cas, nous
voyons la vache Achout dans le rôle de dispensatrice de lait. Sur
l'identité de la vache Achout avec la déesse du même nom, mentionnée
dans le texte traité par M. Lieblejn , il ne peut guère y avoir de doute
car les déesses égyptiennes, fort souvent, prennent l'extérieur de vaches.
La déesse Im^ en particulier, aime èi se faire voir sous cette forme;
et nous savons d'ailleurs que Achout est un des surnoms fréquents de
cette déesse^).
A Dendérah, dans une énumeration d'offrandes, nous trouvons
l'expression que voici: ITIq ® 0/i^ '^^ millier de vases de
bière auprès de Menkef'% ce qui s'accorde aussi avec l'acception que
nous avons soutenue dans l'explication que nous avons proposée pour
le passage de texte cité d'après M. Lieblein. Menket se rencontre fré-
quemment èk Edfou, dans le rôle de fabricante de bière; elle appa-
raît très souvent dans cette fonction en même temps que la déesse
^v ^, comme le montre p. ex. le passage suivant: ^^^
0=1 U ^ ^=^^ ^viv lis. ^ rvl ^~^ ^^^^^ ^ rs % Ces deux déesses semblent
donc avoir pour terrain commun le patronage des boissons fermentées.
n est douteux que le rapprochement qu'il y a eu entre ^ ® ^ ç^
/WVWN
A
i) RocHKMOUXkix , Edfou y p. 199.
2) RoCHKMOÎiTllX, ibid. p. 67.
3) Bkugsch, Heligian und MytholiMjie der alten Âegypter^ p. 43.
4) Makhsttis» Dendérah y II» 7©.
5) ROCHEMOÎÎTKIX , Edfou^ p. 151.
225
Achout et ^ m oLTt , soit dû à Tassonance , phénomène d'ailleurs assez
fréquent dans les inscriptions des basses époques. Mais je ne serais
point étonné que le rapprochement de g^ « avec ^ . rs résultât d'une
identité de consonance entre les deux. Car le copte nous ofire, comme
équivalent de R «, la forme g^riK^O 9^i t)xdl^ presque avec le nom
de déesse ra çv Menke.
\) Peykon, Grammatica linguœ co}>ticœ, p. 193.
29
Una massima di sapienza popolare nell' Antigone di Sofocle e
nel Merzbân-nâmeh di Verâvîni
PER
J. PIZZI
ProfesBore nella R. Univereità di Torino.
Quando Sofocle introduce Antigone a dire, nel cospetto di Cre-
onte e del Coro , la ragione perché ella si è indotta a seppellire il corpo
deir estinto fratello Polinice, non ostante il decreto di Creonte che la
condannava a morte , pone in bocca alla eroica fanciulla le s^uenti
parole :
Tcvoç vofxou $rj xauxa npoç /aptv Xeyoaj
xac naïç aV aXXou çotgç, ei xoiJ^' >:fJi7rXaxov ^
lirjxpèç $' £V 'Aidov xaî TKXzpoç XÊxeuSoTotv
ovx eW d$sk(foç o(mç av pXaorrot Tiote.
Totw^s fxevTot (7 èytnpoTiiir^aaa iyà
VGjxw^ Kp/ovTt zmx £$0^' diiocprdvîiv
xai $îivà zokiiàv^ « xajryvijTOV xapa.
Nel Merzbân-nâmeh j antica opéra di novelle persiane, rifatta da
Verâvîni in istile artificioso intomo al 1210 d. C, si legge come Dahàk,
orribile tiranno, facesse prendere un giorno il marito, il figlio e il
fratello di una povera donna, di nome Hinbûy, per darli in pasto a
due neri serpenti natigli suUe spalle da due baci di Ahrimane, come
racconta Firdusi. La donna domandô grazia al tiranno, che le concesse la
227
vita soltanto, a sua scelta, di uno degl' infelici imprigionati. Menata al
carcere , essa fece questo ragionamento : ^^ ^^y /^ J^^ f^)y^ o)
-r*^ J^ £^ Q^vX-jo ^L^Jj 5 ^5 jly ^ ^1 lj aJT j^ ^o^^ txu.&^ y a-I"
^ o^jï^ o'^3 j'3 ^^^ ^^ ^^L-^ ^iî^^3 ^^iv^ y j^^ (Testo , in Scheper ,
Chreat. pera.^ t. II , p. iw). Queste parole, spoglie degli artifici retorici di
Verâvîni, [vogliono dire che Hinbûy penso' cosi „Io sono giovane e
posso avère un altro marito da cui puo' nascere un figlio che mi consoli
di questo che ora perdo, mentre il nuovo marito mi confortera délia
perdita di quest' altro. Dal padre e dalla madré che sono morti, è
impossibile che mi nasca un altro fratello a cui io ponga amore come
a questo". Abbandonô pertanto il figlio e il marito, stese la mano al
fratello e traendolo dal carcere lo salvo'. — Verâvîni aggiunge che
Dahâk , come ebbe inteso cio', condonô alla misera donna anche la vita
del marito e del figlio; e noi noteremo intanto che Dahàk fu più
umano e generoso di Creonte.
Ora, confrontando le parole di àntigone con quelle di Hinbûy, è
impossibile di disconoscere che esse , prescindendo dalle frasi ornate dello
scrittore persiano, sono pressochè uguali, il pensiero è certamente lo
stesso. Che possiamo noi ora inferirne , poichè non crediamo che somi-
glianza cosi' perfetta sia casuale) Abbiamo qui forse una leggenda
antica, di origine popolare, che in Persia è riuscita a una semplice
novella, mentre in Grecia ha ispirato una délie tragédie piu' belle?
E si noti che Dahâk e Creonte, imperiosi, crudeli, tiranni, oppressori
degl' innocenti, si assomigliano fra loro. abbiamo forse qui un antico
detto di sapienza popolare , che Verâvîni (che attingesa a libri antichi)
ha riferito quale l'ha trovato nelle sue fonti, e che Sofocle non ha
sdegnato di accogliere? Noi, benchè propendiamo per la seconda sup-
posizione, non sappiamo deciderci. Diremo piuttosto coi Mussulmani
^\ «IJî,^ e Iddio lo sa meglio di noi!
On «KHMfMi M) (te owto Hébntn.
iifwifi
M. K)Rr>l.
Nfi l'Uuo> lotion fiU l»iv<l(>vvîjnrn ron* li<e7Worven te hebben , vestigdai
/(. Il (lo M<>l'»'i^^t-i f»U hrrtltM^M oii hM>(U><)Uw^r>< in het vruchtbare KanaAn.
I\ r>v^(l (>p m»(»!Mlo^jko "itrtmmon (K>k koophandel dreven, legden zich de
/»n h l^^Ko l'|»M i tn^JuiiotuI (>}> dru iikkerbcniw toe. Geen enkele tak
V Ml m)s'o»Knid h(>ot't h\) do (»ido Hohi>^r>c ^rbloeid. Vooral de metaai-
f.Mvv<M K»i»sî .ih.fHJ {ty /iHM' Ifïriji jxmI. N(>i{ t^^ tyde van 3alomoQ's tempd-
f.i.iHv. r»t.M-;rrri (lo «thiiviofi (Ht don vrtvmdf» worden ontboden (1 Kon.
Mî h'»H ffvc'^h^»'^ iU^r Ho>»r(^|\M fnojgj^'ri in dit oj>/icht de Philist^nen
\M (l(* riH*M<(ipfi^ kv ld(^n, do/rvn ffrirrior^ <taari in de gt^schiedenisals Toor-
Im IN'li(k(» iiniMlcM («M >i( IfMitMlt^ro k(K>j»lîiMlofi te b()e»k. Toi op de markten
s'iM (h«l v«it<' n^'lmijo vi^îl<U>ii do/iV Kn^^^hchen dor oudbeid het werk
Ihmmi I \M»v<'M. l>vt*r l»*M»l do t(»(:M bokondo wereld werd hun bronzen
(M il i'ioM viMU'cdvv<'»k h<'h»omhL PaK*»ï». do yod dor Philistynen, werd
N» I» Mim si\s( iiK«N \iM(»N \0m .,iIo uiI viihIoi' vmi don ploeg" beschouwd.
ISil lu'l MMMH^NMMk ilo» t'hili**! (jhPM bi/.undor vool allrek vond bg
A\^ MitMriMvi^ IniMMi* mii^'mmom. lH:l»iH»ll K^HMi boUK)g, De voornaamste
vrvMi^M^ n ^;*'lrn wm IVMMh\M \n»i,u>u Iioumi» yf\\n, olie mi balseui; deze
^\>w!i\\ «^rwvild o|*u»*li»niU dovM di^ h(UhU>ldri|Vtnido industrieelen van
hv \ k>K^^^\MJ, ^^1. ""♦^^^ ^IdwMjIk vs^k , u^^nuild U>Ht>u iUlurlei voorwerpea
229
der uitheemsche nijverheid. Vooral het smeedwerk werd in dezen ruil-
handel door de Hebreërs gezocht (Ezech. H. 27).
Bij gelegenheid der groote jaarmarkten trokken de Palestijnsche
boeren naar de handelplaatsen der kust; eene gewoonte, die tôt in de
middeleeuwen stand hield. Door hetJEiar echter werddehandelinKanaAn
door rondreizende kooplîeden en kramers gedreven. De namen Bocher
en Tokely die den Palestijnschen koopman aanduiden, beteekenen oor-
spronkeiyk den „rondtrekkende". De zeehandel was bijna uitsluitend in
handen der Pheniciërs; aan den landhandel namen ook de Philistgnen
ijverig deel. De geleerde rabbijn van Brunswijk, Dr. L. Herzfeld, onder-
scheidt deze in Palestina rondtrekkende kooplieden in twee soorten. De
eersten dreven den grooten uitvoerhandel , en kochten de verschillende
landbouwvoortbrengselen van Kanaân tegen geld op. De anderen , minder
door de fortuin bedeeld, reisden de dorpen af, als kramers en kleine
ruilhandelaars. Onder deze laatsten rangschikken wij de Philistijnsche
smeden, op wie, naar onze meening, de schrijver van 1 Sam. 13, 19 —
22 doelt.
Wat de namen der voorwerpen betreft, die in dezen tekst voor-
komen , staan wg noch voor de lezing der Massoreten , noch voor onze
vertaling in. Van belang is alleen dat er spraak is van landbouwge-
reedschappen. Onder verwijzing naar Le Sanctuaire de Kirjath Jearim
bl. 111 — 119, laten wij ook de spraakkunstige moeielijkbeden rusten,
die deze verzen opleveren.
„ En er werd geen smid gevonden in heel het land van Israël , want de
PJiilistijnen hadden gezegd: opdat de Hebreërs geen zwaarden of lansen laten
maken (v. 19). En heel Israël moest neerdalen naar het land der Philistij-
nen om zeisen^ ploegkouters , bijlen en% te laten smeden (v. 20). Un de oude
verstompte wapenen toerden in zeisen , ploegkouters , bijlen en ? omgesmeed (v. 21).
En zoo gebeurde het^ dat op den dag des strijdes bij de soldaten van Saûl
en Jonathan noch zwaard noch lans werd gevonden (v. 22).
Volgens de traditioneele verklaring van dezen tekst, zouden de
Philistijnen aile Hebreeuwsche smeden gedood of in ballingschap weg-
gevoerd hebben. De Philistijnen , meende men , waren destijds volkomen
meester in het land van Israël, dat door Philistijnsche stadhouders
230
bestierd werd. Wij hopen echter in bovengenoemd werkje aangetoond
te hebben, dat het tijdperk van Samuel voor de Israëlieten een tydvak
van voorspoed is geweest. «Zoolang Samuel het volk richtte, woog de
hand van Jahve op de Philistijnen" (1 Sam. 7, 13).
Daarenboven zou deze maatregel der Philistijnen aan het ongeloo-
felijke grenzen. Men begrijpt, dat een overwinnaar de toapensmeàen van
een overwonnen volk uitroeit, doch wij gelooven niet dat ooit over-
winnaar aile smeden heeft ontnomen aan een volk, dat van akkerbouw
moet leven. Het verwondert ons daarom niet dat vêle nieuwere schrg-
vers 1 Sam. 13, 19 — 22 als ongerijmd en onhistorisch verwierpen.
Onzes inziens, moet de tekst heel anders worden opgevat. Gedu-
rende het richterschap van Samuel hadden de Philistijnen geduchte
verliezen geleden, en waren de Hebreërs tôt aan Ekron en Geth door-
gedrongen. De Philistijnen dorstten naar wraak, maar durfden geen
inval wagen. Zij zonnen dus op list en trachtten den vijand eerst te
verzwakken. Aan hunne smeden, die in kleine karavanen de dorpen
van Kanaftn plachten af te reizen en er hunne ijzerwaren te venten,
vaardigden zij een verbod uit, om in 'tvervolg dergelijke tochten te
ondememen. Wellicht waren deze reeds door den oorlog onderbroken
geworden. Van toen af „werd er geen smid meer gevonden in heel het
land van Israël". Ook de Arabische vertaler, die de gebruiken van het
land kende, heeft vs. 19 in dezen zin opgevat: »En er werd geen (Phi-
listijnsche) smid meer gevonden in heel het land van Israël, want de
Philistijnen hadden gezegd : wij zullen voortaan geen smeden in het land
van Israël laten trekken^\
De Hebreeuwsche boeren, die hun akkergereedschappen van de
rondtrekkende smeden plachten te betrekken, «moesten nu naar het
land der Philistijnen neerdalen". Overbodig te zeggen, dat de boeren
tegen deze reis opzagen , en daar de inlandsche smeden uiterst schaarsch
waren en zeer onbedreven in hun vak, behielpen zij zich meestal met
de oude gereedschappen. Vooral tôt het smeden van snijwerktuigen ,
zooals kapmessen en sikkels, voelden zij zich onbekwaam. Gelijk aan de
schamele schuurdeur van den armen Kempischen boer, een doornagelde
spade of schop niet zelden den dienst doet van schamier, zoo werden
231
toen door den Hebreeuwschen boer de oude lans en het verroeste zwaard
„in zeis, bijl of ploegkouter omgesmeed". Waarschijnlijk hadden de
Hebreërs, voor nieuwe gereedschappen , zelfs geen metaal tôt hunne
beschikking.
Uit y. 22 kan men opmaken, dat het gebrek aan lansen en zwaar-
den slechts na verloop van tijd ontstond, en eerst voor goed werd
opgemerkt toen de oorlog weer uitbrak. Niet na een vorigen oorlog
hebben de Philistijnen deze lansen en zwaarden aan de Hebreeuwen
afgenomen; maar j,het gebeurde, toen de strijd weer ontbrandde", en
de boeren te wapen liepen , dat Saûl zijne soldaten van goede wapenen
verstoken zag.
Onze veronderstelling , dat Philistijnsche smeden, wellicht in ge-
zelschap van Phenicische, door de dorpen van Kanaftn in kleine kara-
vanen rondtrokken, wordt gewettigd door den toenmaligen toestand
van handel en nijverheid, en het onderling verkeer der beide volken.
Men denke slechts aan de Zigeuners of ketellappers , die tôt op den
huidigen dag als kopersmeden door heel Europa rondtrekken , en die
jaarlijksche tochten der Philistijnsche smeden zuUen ons niet langer
bevreemden. Ook bg de Assyriërs schijnt een afeonderlijke stam het
ambacht van smid uitgeoefend te hebben. Op eene tablet uit de ver-
zameling van Révillout wordt melding gemaakt van „een schuldbrief
van Gimillu, den zoon van Marduk, van den stam der amederC^ (Procee-
dings, VoL IX, p. 288).
De traditioneele verklaring van 1 Sam. 13, 19 — 22 is onhoudbaar.
De innerlijke onwaarschijnlflkheid van dergelijken maatregel der Phi-
listynen, en vooral de tegenspraak, waarin deze opvatting staat met
aile gegevens omirent den toestand in Israël gedurende het tijdperk
van Samuel, maken haar onmogelijk.
I sedici buoni Genii del Prajna, appunti concernent! il
Buddhismo nel Giappone
PER
C. PUINI
Professore pre8B0 il R. Istitato di Stadii superiori di Firenze.
È noto corne nel buddhismo , e singolarmente secondo le dottrine
dei Tantra e délie Dharanï, le formule che esprimono alcune verità,
religiose o filosofiche, i nomi o gli epiteti di santi o di dei, ed anche
le lettre, che formano que' nomi o quegli epiteti, acquistano un potere
magico in favore di chi le pronunzia; producendo effetti più o meno
maravigliosi , conforme il concetto espresso nella formula mistica, o
conforme il carat^ere délia divinità, di cui s'invoca il nome. Questa sin-
golare credenza è una consequenza logica délia dottrina del Prajna
p&ramit&, che è la dottrina délia yacuità assoluta, negante la realtà
di tutte le cose, délie quali perciô non resta se non il nome che le
désigna : consequenza , che unita alla vecchia superstizione , cosi comune
nelle religioni primitive, del potere magico d'alcune singolari parole,
invocazioni e scongiuri , ha dato origine e grande svolgimento , nel sis-
tema buddhista, alla dottrina, sopra menzionata, dei Tantra e délie
Dharanï. Non essendovi nel mondo di reale che la parola, possederla
è possedere le cose : il solo pronunziare una formula mistica , è efficace
per acquistare la verità, che essa racchinde, o la beatitudine che essa
promette. Cosi, secondo la setta tanto diffusa nella Cina e nel Giap-
pone, cola detta Jiyau do aiyaUy o délia „Terra délia Puriià^\ che ha
233
per fondamento VAmitâbha vyûlia *) e il Sukhavati vyûha *) , basta invo-
care più volte il nome di AmitAbha buddha, per rinascere , dopo morte ,
nel Paradiso (sukAâvatf); e stand o al Prajna pâranitâ mira^ basta prof-
ferire la Dhârânî che lo esprime in compendio, per entrare in possesso
délia Scienza: ognuno sa, inoltre, quanto sia profittevole al devoto la
recitazione replicata délia notissima formula 6m mani padmé hûrh. La
stessa potenza hanno i nomi di alcune divinità. NelP invocazione a
Maricliij 6m Marichya svâAây ogni lettera ha potenza magica d'attirare,
in chi la pronuzia, varie sorte di benedizioni. Oltre a le divinità sin-
golari, vi sono gruppi o famiglie di personaggi divini, aventi ciascuno
speciali attribuzioni , dentro certi limiti. H gruppo di 16 divinità, che
fa argomento del présente articolo , protegge , come vedremo, la persona
del devoto, in varie occasioni délia vita. Appartiene alla scuola, che
ha tra le scritture principali il Prajna pâramitâ sûtra; il quale riduce
al nuUa , come di sopra ho accennato , ogni corpo e ogni fenomeno , e
fa del mondo una pura illusione, vuota d'ogni realtà; perciô questi
personaggi sono qualificati come attinenti al Prajna.
Il Dizionario giapponese-cinese , intitotato „ Wakan won aeki sit/o gen
ji kau^\ li chiama i Sedici Sen-siUy o Sen-sin-wan , i ^Sedid buoni genit*^
i „ Sedici sovrani degli spiriti beneficV\ e dice essere eglino menzionati
nelle scritture délie Dhârânî , D/idrnl mtra '). Nella stessa opéra è detto ,
che questa série di sedici dei, si compone dei „Dodici Sin-siyau^^ o
„jDodici Guardiani dimn%*\ e dei Chatur mahâdêva raja, o i qualtro dêva
raja del monte Mêru, protettori del mondo; i quali sono Dhritarâahta ^
protettore dell' Oriente, Virûdhaka^ protettore del Mezzagiorno, Virvr
pâkaka^ protettore delP Occidente, e Vaiçravana^ confuso con Kuvéra^
protettore del Settentrione. I Dodici Guardiani divini {Sin-siyau) , il cui
uflficio è di avez cura e custodia délie persone, appartengono , secondo
il Dizionario citato poco sopra, ai Buddha maeatri di medidna {Takuji
butu)j y^Bhaiahajya guru*^\ intendendo Vepiteto di medico, applicato à
que' buddha, anche nel signifîcato morale; perché è ad ogni sorta di
1) Nel 'Kan-gyur^ sezione Skon-hrtsegs ^ I, 5.
2) Nel 'Kan-gyur, sezione mdo-sde^ VII, 3.
3) Wakan toon seki^ X, 35, 8.
30
234
guai, fisici e morali, che essi procacciano rimedio. Hanno forse una
certa analogia coi personaggi del Dvâdaça buddhaka ^) , dove dopo la
enumerazione dei dodicî buddha, si dicono i benefizii risultanti dalla
recitazione dei loro nomi.
Un libriccino giapponese, che porta il titolo : „ / sedici sovrani apirituali
del Prajna^ con Vaggiunta del Rridaya aûtra^^ *) , dice Tufficio particolare
di questi personaggi. I quali, non ostante il loro epiteto di ^buoni**
{sen-sin) , sono raffignuti in atti fieri e quasi feroci ; ma il loro aspetto
terribile è per incitare il timoré a' cattivi spiriti, tenerli lontani, e
renderli impotenti a nuocere a gli uomini devoti, che prendono a pro-
teggere e custodire.
Questo libriccino è fatto d'un foglio piegato a paravento , formante
pp. 50 senza numerare. Trentanove pagine contengono il testo, tradotto
qui appresso; le altre undici pagine contengono il Mahâprahjâ pâramitâ
hridaya mira. È scritto in bei caratteri cinesi, con trascrizione inter-
lineare firokana; ma i nomi dei „ Sedici Genii^^ sono invece in scrittura
katakana. Il mezzo del foglio, ossia le pp. 18, 19, 20, 21 e 22, sono
occupate dalla figura d'un gruppo di divinità, , cosi disposte. Nel centre
«ta Çâkyamuni sopra un piedistallo terminato in fiore di loto , in atto
d'insegnare le legge ; alla sua destra è Manjuçri sur un leone ; alla sinistra
Samantabhadra sur un elefante. Ogni pagine è poi ornata deir immagine
délia divinità, del cui nome si narrano le virtù. Oltre quelle figure, in
principio ve n'è una di bonzo, con bordone nella mano destra e un
libro nella sinistra : suUe spalle porta a guisa di gerla , un banchetto ,
sopra il quale si veggono molti volumi. Il personaggio è chiamato „//
Maestro délia religione (che porta seco il) tripitakà*\ Sanzou fouêi. E un
titolo che vien dato a molti de' più famosi religiosi, che tradussero o
commentarono le Scritture. In fine del libretto sta la figura d'un demonio
sivaitico, con una coUana di piccoli teschi, e un serpe nella mano
sinistra. Questo personaggio porta il nome cinese di Shen-she Taiwan.
Non è agevole riportare nella forma sanscrita originale, i nomi
\) Nel 'Kari'gyur^ mdo'sde^ XXI, 7; e rgyud-sde^ XI, 7.
2) Fansiya siyuroko sinwau: Singiyau,
235
del tutto corrotti délia trascrizione katakana , che è allato ad ogni figura
dei Sedici Genii. Vi si puô forse riconoscere Kumbira (il 2°), Vajra{pant}
(il 3'), Kapila (il 4°), Uiigala (il S"*). Dondubhi{çvarà) (il 6®), Aniruddha
(il 7^), Çdléndra{râja) {V 8^), /«^ra (il 9"), rm>o(c//a««) (il 10^), Zwrera
(il 12°), e i quattro dêvarftja nominati più avanti. Pertanto io, a scansa
d'errori , io non ho fatto che trascrivere il katakana giapponese , a capo
d'ogni articolo risguardante le dette divinità,, senza aggiungersi il sup-
posto corrispondente sascritto. L'edizione del libretto è stata curata da
un religioso délia provincia di Okij e fur pubblicata ,, in un giorno fausto
„del 5° mese del 2** degli anni keiôya^^ ossia nel 1866.
Fanaia aiyuroku sinwaUy „J Sedici sorratii divini del Prajna {Fan8iyay\
1. Taidurada (porta in mano il vajra).
Tien lontana ogni malattia.
Se v'è tra' viventi chi voglia liberare Tesistenza da' mali futuri,
ascoltè Tinvocazione del mio nome, e le malattie d'ogni génère si al-
lontaneranno : il corpo avrà pace, e Io spirito letizia.
2. Kinbiro (è rappresentalo che pone la freccia ail' arco).
Dà quiète e sicurezza ail' anima.
Se v'è tra' viventi, chi sia turbato dalla pansa dei mali spiriti^
per l'eflBcacia dell' invocazione del mio nome , l'anima sua otterrà quiète
e tranquillità.
3. Basaro (con una spada in pugno).
Concède abbondanza di béni.
Se tra' viventi v'è chi desidera saviezza, pronunzi le lettere del
mio nome, e non tardera ad acquistare intelligenza grande e talento.
4. Kabiro (con una spada in pugno).
Per lui s'ottine stima ed affetto du tutti.
Se tra' viventi , v'è chi desideri essere amato e rispettato da agnuno ,
pronunzi le lettere del mio nome, e riuscirà, ad avère l'aflFetto di tutti
gli uomini.
236
5. Miyakiro (con una piccola ruota nella destra).
Aiuta rottenimento di pubblici uffici.
Colui che tra' viventi voglia ottenere un pubblico onorevole ufficio ,
invochi il mio nome, e di ventera tosto magistrato.
6. Dondobi (con un^ alabarda nella sinistra).
Fa paga ogni speranza.
Se tra' viventi, alcuno desideri vedere in se stesso (nella vita pré-
sente) adempirsi le sue speranze, scritto il mio nome (sur una carta)
lo ingolli, e presto si troverà esaudito.
7. Aniro (con una spada sotto il braccio sinistro).
Fa andar bene Tallevamento dei fîlugelli.
Coloro che vogliono avère la fortune d'un buono allevamento di
bachi da seta, devono scrivere il mio nome; e cosi scritto appiccarlo
nel punto délia loro casa, che guarda sud-est; allora i filugelli indu-
bitamente riusciranno a bene.
8. Siy aniro (una scure nella mano destra).
Fa essere meritevoli di gran fortuna.
Coloro , tra' viventi , che desiderano meritarsi i boni terreni , devono
scrivere il mio nome e attaccarlo nel punto nord-est délie loro case,
e arriveranno allora a grandissima prosperità.
9. Indaro (uno scacciamosche nella destra).
Prolunga indefinitamente la vita.
Coloro , tra' viventi , che desiderano la félicita di vivere lungamente ,
l'ottavo giorno di ciascun mese, pronunzino contotto volte le lettere
del mio nome, chè allora godranno vita lunga e felice.
237
10. Bairo (in costume d'asceta).
Promuove il sentimento religioso.
Chi tra* viventi desidera entrare in possesso délia piena intelligenza
délia dottrina religiosa, scriva le ]ettere del mio nome, e depongasi
su la testa quella scrittura, chè allora gli si risveglierà un' intelligenza
illimitata.
IL Makuro (una perla nella mano sinistra).
Protegge da ogni pericolo.
Affine di sopperire a qualsiasi caso straordinario, che avvenga nella
famiglia del devoto, si scriva il mio nome, e si deponga a sinistra e
a destra délia trave maestra délia casa: io ne diventerô allora il genio
custode, sempre soUecito e vigilante.
12. Kubiro (asta nella mano sinistra).
Procaccia abbondanza di cibo e bevanda.
Colui tra' viventi, che sia aflfiitto da' tormenti délia famé e délia
sete, scriva il mio nome, e lo attacchi alla porta di casa, cosi non
tardera ad avère mirabile abbondanza di vittovaglie.
13. Sindaro (con arco e freccia).
Sopperisce al bisogno délie vesti.
Se per avventura alcun fedele fosse sopraffatto da' rigori délia
stagione, e volesse procurarsi vesti acconcie; scriva in caratteri il mio
nome, e lo disponga in cima al berretto, oppure se lo metta in testa;
e allora secondo il suo desiderio, sarà provvisto di vesti nuove e adatte
alla stagione.
14. Batadoro (con una clava in mano).
Fa ascendere al trono d'un reame.
Se tra' viventi vi fosse alcuno, che desiderasse innalzarsî alla so-
vranità, dello Stato, scriva sopra cartoline blanche il mio nome, e per
centotto volte la ingoUi cosi scritto, e non tardera a salire sopra il
trono d'un re.
238
15, Bikaro (con la spada in pogno).
Fa devenire il defensore del popolo.
Se tra' viventi vi fosse chi sentisse il desiderio di diventare signore
d'un reame, scriva sopra una tabella di retinospora il mio nome, e
sotterri la scrittura in mezzo al territorio del reame agognato; cosi
arrivera a consegume la signoria.
16. Kubeiro (un asta nella mano sinistra).
Allontana gli odii e le inimicizie.
Se vi fosse alcuno , che avesse bisogno di sterminare nemici , scriva
sopra una tabella di retinospora il mio nome , Tesponga verso la parte
de' nemici ch' egli tenre^ ed essi saranno di subito scompigliati e distrutti.
>
\
Mourier
Amateur-Sinologue Danois
PAR
HENRI CORDIER
Professeur à l'École des Lances orientales vivantes, à Paris.
La suppression de la Compagnie de Jésus par Clément XIV (21
juillet 1773) eut le plus douloureux effet sur notre mission de Peking
— dont elle causa la ruine — et partant sur les études sinologiques
qu'avaient illustrées Gerbillon, Parrenin, Gaubil, Prémare, et que
représentaient encore Cibot^) et Amiot^). Ces derniers, ainsi que le P.
DE Venta VON ^), survécurent encore quelques années h la destruction de
leur mission et à leur remplacement par les Lazaristes; le dernier
supérieur des Jésuites français à Peking, le P. Bourgeois mourut le
29 juillet 1792, Tévêque de Nanking, Godefrot Xavier von Laimbeckhoven
s'était éteint à Sou-tcheou, du Kiang-sou, le 22 mai 1787. Lorsque
Pie Vn eût rétabli l'Ordre, et que l'ancien secrétaire du P. Gabriel
Gruber, le Polonais Thaddée Brzozowski eut été élu Général de la
Compagnie (2 sept. 1805), des anciens Jésuites, il ne restait plus à,
Peking que les PP. Joseph Bernard de Almeida*) et Alots de Poirot^),
1) + 8 août 1780.
2) + 8 oct. 1793.
3) + 27 raai 1787.
4) + 12 nov. 1805.
5) + 1814.
240
peut-être même le P. Jean Joseph de Grammont ^) , ancien interprète du
chevalier d'Entrecasteaux h Canton.
Pendant cet assombrissement temporaire dans le nord , un nouveau
centre d'études était créé d'autre part dans le sud de la Chine, à Macao
et à Canton. Robert Morrison, digne émule de Joshxja Marshman qui
évangélisa au Bengale, est le véritable fondateur de cette brillante
école sinologique anglo-américaine sur laquelle ont jeté tant d'éclat Sir
John Francis Davis, Walter Henry Medhurst , Elijah Coleman Bridgman ,
Samuel Wells Williams, Alexander Wylie, Sir Thomas Francis Wade
et, jusqu'à, nos jours, l'illustre octogénaire James Legge, leur con-
temporain.
En Europe, un renouveau se produisait: des sinologues plus re-
marquables par leur nombre et le bruit de leurs discussions que par
la qualité de leurs travaux, publiaient des livres qui n'offrent plus
guère qu'un intérêt de curiosité; ils tiraient leur origine, les étrangers,
de la tradition créée à, Saint Pétersbourg par Bayer, les Français, des
livres de Fourmont l'aîné, Jules Klaproth, Joseph Hager, Antonio
MoNTucci, l'abbé Dupayel, le baron Schilling de Canstadt, Stephkn
Weston, et brochant sur le tout de Guignes fils, arrivé de Canton —
où, le dernier il avait géré le consulat de France, — armé du Han-
taeu si-t/Cj dictionnaire de l'ancien vicaire apostolique du Chen-si le
franciscain Basilio Brollo, de Gemona, qu'il devait publier sous son
nom dans l'énorme in-folio qui encombre la bibliothèque de tout sino-
logue qui se respecte. De cette foule surgira , esprit lucide et créateur ,
Abel Rémusat, l'inspirateur de la tradition française actuelle.
Klaproth venait d'aborder l'étude du chinois — il nous apprend lui-
même*) qu'il commença ses recherches en 1797 avec Taide du il/iwewiw
Sinicum de Bayer — lorsqu'il se mit en rapport avec Mourier revenu de
Chine depuis douze ans. Cette correspondance avec Kiaproth figurait au
1) + à Macao, 1808, ou à Péking avant 18127
2) N° 737 du Catalogue de la vente de ses livres.
241
catalogue de la vente (1839) des livres de ce savant sous le n° 738 et
elle fut adjugée au prix de 30 fr. au libraire Dondet-Dupré. Je ne me
rappelle pas dans quelles circonstances elle est entrée, reliée et alourdie
par diverses pièces de Montucci, Kurz, etc., dans ma collection particulière.
Le nom de Mourier est bien français; mais notre sinologue était
un capitaine de l'infanterie danoise démissionnaire, qui, avec son beau-
père, était allé en Chine refaire une fortune qu'il trouva d'ailleurs
après quelques longues vicissitudes. Ses lettres, au nombre de dix-neuf,
autographes et signées, sont datées de Copenhague (1801 — 1804), et
rédigées en allemand. Je donne la traduction in extenso des deux pre-
mières et des deux dernières de ces lettres et de parties des autres.
I.
A Mr. J. Klaproth à Berlin.
Copenhague, ce 26 Septembre 1800')-
Je suis revenu ici seulement avant-hier d'un voyage de trois mois
en France et n'ai pu ainsi répondre plus tôt à votre lettre du 8 de
ce mois. J'accepte votre offre avec grand plaisir, je crains seulement
que l'avantage littéraire que vous tirerez de ma connaissance ne ré-
ponde pas à votre attente, car vraiment, je n'ai pas appris la langue
chinoise à fond , quoique je sois resté assez longtemps en Chine et que
je parle aussi un peu le chinois: tout le profit sera donc sans aucun
doute pour moi. Néanmoins, comme il me sera peut-être possible de
vous procurer par mes connaissances l'un ou l'autre livre sans grands
frais, j'espère que vous vous contenterez du peu que je pourrai faire.
Voilà, ce qu'il en est de ma connaissance de la langue: un moine
augustin espagnol , Fadre Juan Rodriguez da Stlva , maintenant évêque
de Valladolid (si toutefois il vit encore) qui avait été pendant plusieurs
années missionnaire en Chine et qui parlait couramment et correcte-
ment la langue du pays, m'a commimiqué quelques enseignements
dans cette dernière et prêté aussi le Hdn cm 8y yèf^ ou le Dictionnaire
1) Lettre n® 1 de la collection.
31
242
chinois-latin de la mission , ainsi que le Ching ml tung (chinois-espagnol).
J'ai réellement copié moi-même ces deux Dictionnaires, mais rérudition ,
comme c'est là souvent le cas, en est restée sur le papier et fort peu
dans ma tête. Ainsi, grâce à l'aptitude d'une oreille exercée, j'appris
à parler assez bien le chinois dans le pur dialecte de Nanking, le lus
également et — avec le P. Juan Rodriguez, je traduisis quelques livres
qui contenaient partie des récits et des bons mots, partie des sentences
juridiques (fabuleuses) d'un certain Paô Kùng, mais je n'appris que
peu de caractères très bien. Quand j'étais seul, la recherche laborieuse
d'après les racines, me fatiguait beaucoup et j'avais des raisons de
croire que cela n'en valait pas la peine. Aussi bien mon Espagnol et
les Becherchea phihsophiquea sur les Egyptiens et les Chinois^ de Paaw ')
ne me fortifièrent pas peu dans cette opinion. Je reconnais toutefois
maintenant que je regrette de n'avoir pas alors surmonté ma paresse
ou mon aversion, car en vérité, nous apprendrons peu de chinois dans
aucune autre branche de l'érudition, c'est cependant la peine de savoir
jusqu'où cela a mené une si grande nation dans les sciences. Même
à chacun l'exercice des facultés intellectuelles est utile et le fourmille-
ment d'assez grandes difficultés agréable. Quant à ce que je possède
en fait de livres chinois je ne le sais vraiment pas. Depuis 1785, année
de mon retour d'Asie, ils gisent par terre dans la poussière et l'oubli.
Je fis cadeau d'un bon exemplaire du Kânghg csû tien ^ M (Diction-
naire de l'empereur Kang-Hi) à, la bibliothèque Suhm^) [suhmischen]
maintenant bibliothèque royale, et j'en conservai un autre, auquel
manqueront certainement quelques volumes. Je dus racheter la plupart
de ceux que j'ai d'un jeune Français de Canton, qui parlait le chinois
très couramment, mais qui comme moi le lisait très peu dans la
langue ^). Je vais les rechercher et ceux d'entre eux qui vaudront quel-
que chose, seront mis à, votre disposition. Sûrement l'on ne trouvera
1) Pub. à Berlin, en 1773, 2 vol. in-8**.
2) Pierre Frédéric de Suhm, historien danois, né à Copenhague 18 oct. 1728; + dans
cette ville, 7 sept. 1798. Il céda pour une petite rente annuelle en 1796 à la bibliothèque
du Roi, sa collection de plus de 100 000 volumes.
3) Ga-LBErt, premier interprête du Cîonsulat de France à Canton.
243
pas ici le Xû King^)\ mais je vais essayer de le faire acheter là-bas ,
par quelqu'un qui part bientôt avec les bateaux pour la Chine.
Si je vais à Berlin au printemps , comme cela pourrait être facile-
ment le cas , ce sera pour moi un vrai plaisir de faire plus amplement
et personnellement votre connaissance.
Vale sane
MOURIEB.
IL
Copenhague , Novembre 1800 ^).
Après revision faite de la bibliothèque abandonnée sur le sol, je
n'ai trouvé de complets que les ouvrages, qui par leurs couvertures
extérieures cartonnées, avaient été tant soit peu garantis du sable
meurtrier des servantes; ce sont les suivants:
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T*4 <»
d
Cq r^
a>
5Ô'
1661
46
1707
Fourmont, page
430 Éd. 1768,
1735
33
1768
1661
Science militaire ou^^«-
py coUectio mandatorum.
a
d
1) ^ jÊ? , ChoU'king.
2) Lettre n^ 2 de la collection.
3) ^ ^ âfl H , T'oung kien kang mou y traduit depuis par le P. de Mailla.
^^ :^ M # ^ ' ^'" ^'^'''^ ^*""^*-
^^ 1$ lis ^^ ^^ ^ ^ ' ^*^** ^* r*s(Mten t/oo t*5ien toi; traduit en partie par le P. Amiot.
244
iiùen ') aniiff *)
^ antiqui iû
csu g cAê
p p
o
*è«»)
Novi
csë
et
yuè
antiqui
aevi
chào
memorabilia
dicta
f«*)
Ci
I Livres chrétiens des Missionnaires.
S*
Des quarante Kiuen de ce mirabilium il manque un volume, notam-
ment les kiuen 8 — 11. J'en ai traduit autrefois quelques histoires pour
apprendre à connaître les caractères. Elles contenaient des exemples
de l'amour fraternel et étaient fabuleuses.
Il me manque un volume, du Kiuen 25—27, du Szio Ky^) en
130 Kiuen. H y a encore divers autres livres en plusieurs volumes
qui sont tout à fait défectueux , ainsi que le Chuen csu goey •) ou Dic-
tionnaire des caractères des sceaux , qui a été très maltraité. Il manque
aussi plusieurs volumes du Kang hy csu tien''). J'en avais deux exem-
plaires avec moi et j'en donnai un k la bibliothèque Suhmique. Si par
hasard, quelque chose de tout cela pouvait vous servir, je le tiens
entièrement à votre service gratuitement. A l'occasion, je vous prierai
^) <K Œ ^ ^ Hiouen kin Tseu wei, composé en 4615, dictionnaire par clefs
[Or 8%ispendu],
^) ^ iS ÎÉ[ ^ C?ieng King tche kiai. Évangiles des dimanches et des principales
fêtes de Tannée, en 14 livres, par le P. Emmanuel Diaz (jeune).
3) p :t? #.
4) ^ "d^ ^ ^B Kin kou ki kouan; c'est le recueil bien connu de quarante contes;
cfr. Bih, Sinica, col. 1859-4866.
5) ^ 0Q, les Che ki, Mémoires historiques de Se-ma TsMen ^ M ^.
6) Cfr. Cat. de Klaproth, 2« partie, n** 182.
7) J^ ^ i^ ^ , le célèbre dictionnaire de l'empereur K'ang-hi.
245
de me dire sincèrement, si vous avez trouvé quelque chose de con-
forme à votre attente et à votre peine dans les livres classiques chi-
nois. Ce que j'en ai lu dans les traductions m'a toujours paru très en-
nuyeux et rebattu. Il est possible cependant que mes préjugés et les
abus bien connus du gouvernement chinois m'aient trop fortement
prévenu contre le côté scientifique de cette nation, peut-être aussi le
ton panégyrique de quelques missionnaires (entre autres Cibot) y a-t-il
beaucoup contribué. A la vérité, ils attribuent beaucoup d'inexactitudes
à Paaw, mais je ne puis cependant me figurer qu'il y ait quelque
chose de si joli et de sublime caché dans le Ku ven *) des livres classi-
ques ainsi que les Jésuites et même le P. Amiot si modéré, paraissent
le croire. Parmi les trois ou quatre ouvrages dont j'ai déchiffré quelque
chose avec l'aide d'un chinois demi lettré , celui qui me plut davantage
était un petit Recueil de bons mots, intitulé le Yë^ Siao Ka^ Sin (une
plaisanterie réjouit le cœur). Je ne l'ai transcrit qu'avec des caractères
latins — et au point de vue moral, il n'a aucune valeur, car il s'y trouve
parfois des obscurités, mais cela ne manque vraiment pas d'un certain
sel. Naturellement on m'objectera que je n'ai rien lu de classique (car
mon mentor ne le comprenait pas apparemment) c'est pourquoi je ne
puis baser mon jugement que sur des écrits plus nouveaux et peut-être
plus mauvais. Cependant quelques-uns d'entre eux me parurent vouloir
imiter ce que j'avais lu de classique dans les traductions. Quelques-unes
des Causes célèbres de Pao Kung n'étaient également pas sans intérêt,
quoi qu'elles fussent pleines de fables et d'extravagances. Elles me
plurent à cause de cela, beaucoup plus que les éternelles exhortations à
l'amour fraternel que les auteurs ne semblaient pas éprouver eux-mêmes.
Si vous avez du temps de reste, j'attends là-dessus quelques ren-
seignements.
Santé et satisfaction
M. Klaproth , à Berlin *) Mourier.
4) "jt "^, kou wen, le style ancien, classique.
2) La couverture porte Tadresse suivante: Herrn H. Julius Klaproth (Spandauer Strasse
33). Fr. b. Hamburg, Berlin.
246
J'ai donné à Paumônier du bateau de Chine qui a déjà mis à la
voile , Tordre de se procurer à Canton le Xu King ^).
m.
Copenhague, ce 7 Novembre 1801*).
De Guignes est depuis quelques mois ici à, Copenhague et
est venu chez moi quelquefois. Je ne sais vraiment pas combien de
temps il a séjourné en Chine. Il y arriva en 1785, quelques mois avant
mon départ. Mais il a vécu longtemps à l'Ile de France (Maurice) où
il était marié, et d'où maintenant il est revenu avec un Danois. Il
est reparti au mois de septembre de cette année ') pour Paris. Qu'il
en soit ce qu'on voudra, l'homme paraît être tout-à,-fait un marchand.
Il m'a dit ne comprendre que peu ou point la langue, et le Prof.
MûNTHEE, qui l'a vu aussi, nous l'a afiBrmé. Afin d'être juste, je ne
dois pas me vanter non plus d'avoir si peu utilisé mon assez long
séjour en Chine , alors qu'un philologue ou un observateur philosophique
aurait pu le faire. Cependant quoique je n'aie pas été élevé pour faire
un négociant, mais un soldat, c'est cependant avec des vues mercan-
tiles que je suis allé en Chine
IV.
Copenhague, ce 19 Janvier 1802*).
J'ai vu dernièrement par le rapport de l'ambassade de
Stmes *) au gouvernement birman qu'il serait possible de pénétrer dans
le Tunnôn par cet empire si le gouvernement anglais de Calcutta fa-
vorisait l'entreprise
4) Chou- king.
2) Je ne donne qu'un court extrait de cette lettre qui porte le n^ 8 de la collection.
3) 1801.
4) Je ne donne qu*un court extrait de cette lettre qui porte le n® 12 de la collection.
5) Le colonel Michael Symes envoyé en 1802 pour la seconde fois en Birmanie à la
cour de Badoun-Meng par Wellesley, gouverneur-général des Indes.
247
V.
Copenhague, Octobre 1803 0-
Cher Ami,
Dans votre dernière lettre, vous avez exprimé le désir de savoir
quelque chose des circonstances de ma vie, et vraiment elles auraient
pu être, comme celles de la plupart des gens âgés de 57 ans, assez
instructives, si Tautobiographe était aussi sincère que Jean Jacques;
dans le fait, je ne me sens pas assez fort pour cela, quoique je n'aie
rien d'extraordinairement mauvais à confesser, aussi comme vous n'at-
tendez ni ne liriez un mémoire philosophique, vous vous contenterez
du suivant exposé dit en peu de mots.
Elevé de 11 à 17 ans dans une École militaire passablement mau-
vaise, je devins lieutenant d'infanterie en 1763, Le service déplorable
de la garnison me lassa bientôt et je désirai étendre avec profit ma
connaissance antérieure des langues en suivant les cours d'une Uni-
versité. En 1765, j'obtins un congé de trois ans du régiment et sans
cependant vouloir abandonner l'état militaire, j'étudiai successivement
à Leipsick et à Qôttingue. Les études que j'y fis ne furent pas aussi
approfondies qu'elles auraient pu l'être, car les sciences mathématiques
qui, vraiment, m'ont été toujours fructueuses et agréables, ne m'ont
pas été essentiellement utiles dans le cours de ma nouvelle carrière,
autant qu'elles auraient pu l'être à d'autres dans la même condition.
Après un court séjour en France et en Angleterre, je fus, par mon
mariage et mes relations de famille, déterminé h quitter en 1770 le
service militaire comme capitaine afin d'accompagner en Chine un
beau-père vieillissant, auquel des capitaux assez considérables avaient
été confiés, et où, par un plan séduisant, mais dangereux, il devait
de nouveau réparer la perte qu'il venait de subir d'une partie de sa
fortune.
Après beaucoup de chagrins et de dangers, et ayant moi-même h
1) Lettre n° 18 de la collection.
248
déplorer la perte de mon petit avoir, je fus, par suite d'événements
inattendus en Europe et dans les Indes, amené, non-seulement à être
tiré de ma misérable condition, mais après quelques années, à être
mis en état de gagner une fortune moyenne.
Un moine augustin, le P. Juan Rodbiguez da Sylva, qui avait
vécu pendant 16 ans en Chine comme missionnaire, et qui en lisait
et en parlait parfaitement la langue, me procura, h Macao, le Dic-
tionnaire chinois-latin de la mission espagnole, dont la copie est entre
vos mains, ainsi qu'un autre, d'après l'alphabet et avec caractères,
dans lequel j'ai trouvé quelquefois des locutions et des mots que ne
contient pas celui en latin. Il m'aida aussi à me retrouver dans le
labyrinthe de la prononciation avec le secours des cinq tons, que l'on
ne peut apprendre et utiliser qu'avec l'enseignement parlé. Malgré
cela, je ne fis aucun progrès dans la lecture, soit parce qu'il m'était
extraordinairement pénible de chercher par la racine chaque caractère
que j'oubliais aussitôt, soit parce que ce que je lisais ne me dédom-
mageait pas de ma peine.
Le P. Juan Bodriguez devint ensuite évêque et dut aller vivre à
Valladolid. S'il vit encore, je n'en sais rien; depuis 1785, je vis ici
dans ma ville natale ou à la campa^e où deux des enfants de mon
premier mariage, entourés eux-mêmes chacun de plusieurs enfants,
sont fixés.
Comme la Compa^ie Asiatique n'a pas maintenant de facteur
résident en Chine, il fieiut s'adresser aux voyageurs qui y vont lorsque
l'on veut avoir des livres de là-bas. C'était l'aumônier du bateau qui
avait rapporté le livre que je vous ai envoyé et si ce n'est pas une
œuvre à plusieurs volumes , cela peut encore être passable dans l'espèce.
Ce l«r Novembre.
Je reçois aujourd'hui votre lettre du 15 Octobre, avant d'avoir
fermé celle-ci parce que je n'ai pas encore reçu du professeur Mûnthsr *)
i) Frédéric Muenter, né à Gotha où son père, né à Lcebeck était prédicateur, le 14
Cet. 1761; + à Seeland, 9 atrU 1830, dont il était devenu évèque en 1808, après avoir été
professeur de théologie à Tuniversité de Copenhague depuis 1790.
249
le Monument de Yu ^) (il est trop occupé de faire sa cour et de ambiren) ,
pour penser à de semblables choses; il cherche spécialement un chapeau
d'évêque à Fynen^). Il me semble que les caractères de votre graveur
sont très bien réussis; notamment celui de Ku^^ dans lequel se déta-
chent les traits du pinceau, est à confondre avec ceux imprimés en
Chine même.
Je vous suis très reconnaissant de l'honneur que vous voulez me
montrer; puissiez- vous seulement récolter quelque solide avantage de
votre laborieux travail, et je serais suffisamment récompensé d'avoir
remis en meilleures mains quelque chose qui m'était inutile.
Il sera temps assez que vous me renvoyiez le Dictionnaire en été.
J'ai bien l'autre avec l'alphabet, mais ici il faut connaître d'abord le
son du caractère cherché avant de pouvoir s'en servir ; on a ainsi double
peine à l'établir.
Quand j'aurai le titre, je verrai à savoir ce qui peut être obtenu;
il est présumable qu'au printemps, deux navires de ce port mettront
à la voile.
Portez-vous bien,
MOURIER.
V X.
Copenhague, ce 30 Mars 1804').
Cher Ami,
n y a si longtemps que je n'ai entendu parler de vous, que
j'aurais presque ajouté foi au bruit de votre mort, si je n'avais appris
dernièrement que vous étiez à. Berlin. Aussi j'espère que vous vous
portez bien et que vous soignez vos chères études. Je vous fis prier
l'an dernier par Monsieur Pauli (Geh. C. K. et libraire) de me renvoyer,
avec d'autres livres de sa collection , le Hdn cm Sy Yèfj car j'en avais
besoin de nouveau. Il me répondit que vous me le renverriez vous-
1) Publié par Haoer, à Paris, en 1802.
2) Fyen, Fionie; on a vu qu'il avait été nommé à Seeland, Sjaelland.
3) Cette lettre, la dernière de la collection, porte le n^ iS&ts, adressée „frei", à Klap-
BOTH, Berlin, sans nom de rue.
32
250
même de Weimar ou même me l'aviez renvoyé, ce qui a été de sa
part un malentendu ou une négligence. Je réitère ici ma prière, car
l'autre que je possède contient k la vérité beaucoup plus de mots,
mais celui-là est d'un maniement plus facile et a de plus le pretium
affectionis que je l'ai transcrit moi-même. Je vois par les Miscellen que
le Dr. Hager veut en publier un; je présume que c'est précisément
celui-là ou un pareil, que j'ai vu à la mission française; car selon
toute apparence, il n'en est pas capable lui-même.
Il part actuellement d'ici deux bateaux pour la Chine: si vous
voulez avoir de là-bas quelque chose qui ne soit pas très volumineux,
vous devrez me l'écrire tout de suite. Je crois vous avoir déjà écrit
une fois que les bonnes gens à bord des bateaux apprécient beaucoup
la place et l'argent et qu'ils ne l'échangent pas volontiers contre des
articles de science. Néanmoins, je connais dans un de ces navires
quelqu'un qui peut-être prendra quelque chose pour moi.
En grande hâte.
Vale sane
MOURIEA.
A M. JuLius Klapeoth , Berlin.
C'est la dernière lettre de la collection.
Étude du PancarâtraO
PAR
A. ROUSSEL
Prêtre de TOratoire.
Ce poème est entièrement consacré à Krïshna dont il célèbre les
louanges. Il débute, suivant une habitude chère aux poètes hindous,
par un long prologue, où le verbiage le dispute au vide des pensées.
Pour eux
Le sujet n'est jamais assez tard expliqué.
Vyàsa récite à Çuka, son fils, ce poème, vishnouïte et krishnaïte
tout ensemble, qu'il tenait de la bouche de Nârada, à qui Çiva — auquel
Kjïshna lui-même l'avait communiqué — le transmit autrefois. Vyâsa
définit le Paficarâtra „la moelle appétissante du Véda, le quintuple en-
tretien , désiré , souhaité des dévots , la lampe dont le pur éclat dissipe
les ténèbres de l'erreur" *).
Il va sans dire que le Pancarâtra est, dans la bouche de celui qui
le récite, le premier des Çftstras, comme Vishnou-Krïshna le premier
des dieux, et qu'après en avoir pris connaissance on ne désire plus
rien, tous les vœux étant comblés; tels ceux qui boivent une fois
l'amrita, n'ont plus jamais soif*).
Croire en Vàsudeva, l'aimer, l'adorer, comme étant le Brahme
i) Le premier chiffre arabe désigne le Râtra ou Tune des cinq nuits qui partagent le
poème; le chiffre romain indique Vadhyâya et les autres chiffres arabes, les çlokas.
2) 4, I, 34, 43. - 3) Ihid., 81, 82.
252
suprême, tel est l'unique moyen de salut: cette doctrine résume le
Pancarfttra tout entier.
yySi Uari est content ^ à quoi sert f ascétisme?
S'il fCest pas content^ à quoi sert C ascétisme ^) ?**
Or, le moyen de plaire au dieu , le Pancarfttra l'enseigne. Brahmà
dit à son fils N&rada, en lui expliquant ce çloka: ^11 n* est point de loi^
ni cT ascétisme qui soit préférable au culte du vénérable Krishna , les fatigues
de r ascétisme sont même stériles pour le Vishnouite** ^.
La simple récitation des mantras yishnoultes par on Yishnoulte
fait disparaître les péchés passés, comme un brasier ardent les brios
de paille sèche qu'on y jette ^. La dévotion à Vishnou remplace tout ,
rien ne la remplace.
^Les étangs sacrés, au simple contact de Findévot, frémissent, la terre
tremble lorsquelle a le malheur de porter un indévof^ *).
Krïishna s^identifie, pour ainsi dire, avec ses fidèles serviteurs; il
semble ne vivre que pour et par ceux qui ne vivent que pour lui, que
par lui.
y, Les souffles vitaux du dévot , cest Krishna, et les souffles vitaux de
Krishna , ce sont les Fishnouttesj les Vishnouites s'absorbent dans la pensée
de Krishna et Krishna dans celle des Vishnouites^^ %
Bien n'est au-dessus du Brahmane , voué au culte de Krishna , mais
aussi rien n'est au-dessous de celui qui n^lige ses devoirs à ce sujet;
le Çvapaca, le pourceau, le Mleccha, lui sont préférables*).
Avant de prendre son repas , le Deux-fois-né en offîrira les prémices
à son dieu pour le sanctifier, malheur à lui, s'il oublie ce précepte.
JPour le misérable Deux-fois-né qui prend ses repas j sans rien offrir à
Sari, les sages enseignent que sa nourriture est pareille aux excréments,
sa boisson à Furine^^"^).
S'il est sage, le Yishnoulte ne se nourrira que d'aliments offerts
aux images de Krishna; ces aliments ont la vertu de délivrer du mal
\) i, n, 6. — 2) iWd., 48. — 3) 1, n, 20. — 4) iWd, 29. — 5) IbidL, 36.
6) Ibid., 40. — 7) Ibid,, 43.
253
de l'existence et par conséquent ils valent le salut suprême h ceux qui
les absorbent; témoin le Brahmane Dévala dont Brahmà raconte
l'histoire k son fils Sanatkumâra ^).
Dans le quatrième Adhyâya , nous voyons Janârdana faire lui-même
réloge des aliments présentés devant ses images; il assure au jeune
Brahmane Subhadra une sainteté éminente pour avoir mangé de ces
aliments, tombés dans la poussière du chemin et souillés par la dent
des bêtes fauves ^), Il l'invite même à choisir une faveur »/<? puis satis-
faire tous tes désirs'^ '), ajoute-t-il. Subhadra, par une inspiration sublime
et dans l'amour désintéressé qu'il éprouve pour le dieu , choisit le culte
de ses pieds, son unique désir, c'est de le servir; il ne veut point
d'autre récompense, il aime Dieu pour Dieu même.
Dans le V« Adhyâya nous voyons paraître ces formules protectrices
connues sous le nom de Xavacas ou cuirasses, qui jouent un si grand
rôle dans le Brihatstotraratnâkâra et qui ont pour effet de sauvegarder
de tout danger le fidèle qui les récite ou plutôt qui s'en revêt. Nous
les retrouverons plus loin.
Qu'on nous permette de signaler ici une coïncidence assez curieuse.
Dans son ouvrage intitulé: La Légende celtique et la poésie des cloîtres
en Irlande^ en Cambrie et en Bretagne^ M. de la Villemaequé observe
que la poésie lyrique des cloîtres n avait pas seulement des ailes ; elle avait
aussi des armes , des boucliers , des cuirasses , comme on les appelait ; il
parle de l'une de ces cuirasses fait^ par Gildas et qui consiste dans
«rénumération des différents membres de son corps que Gildas veut
voir protégés. Il les passe en revue tous, sans aucune exception^ depuis
la tête jusqu'aux pieds" *). C'est absolument le genre des Kavacas ou
cuirasses hindoues. Si l'auteur avait connu ces dernières il n'eût pas
manqué d y trouver une preuve à l'appui de sa théorie sur ce qu'il appelle
la famille indo-celtique^). Pour nous, nous croyons devoir nous borner
à relever cette coïncidence qui peut ne pas être simplement fortuite.
Après avoir mentionné une amulette en forme de boule qui, portée
4) 4, II, 69 et seq. — 2) 4. IV, 42 et seq. — 3) 4 , IV, 43. — 4) Introd. p. XXV et
sqq. M. Hersant de la Villemarqué vient de s'éteindre octogénaire, dans son manoir de
Keransker, voisin de Quimperlé (janvier 4896). — 5) Ihid,^ p. XII.
254
au cou, protégeait également contre toute sorte de périls et parlé de la
méditation ou dhyâna^ dont Nârayana est l'objet, on nous vante les mérites
de l'hospitalité , de celle surtout qui s'exerce à Végard des Vishnouïtes :
„ Celui qui honore le Viahnôuïte , honore V Univers tout entier . . • Celui
qui satisfait son hôte^ satisfait Hari ; celui qui satisfait Harij satisfait son
gourou ; celui qui satisfait son gourou , satisfait les trois mondes^^ ^).
Bien traiter son hôte, voilà, le suprême mérite; manquer, par contre,
aux devoirs de l'hospitalité, c'est le plus grand des crimes. L'auteur
énumère ici les forfaits auxquels est assimilé le manque d'égards vis-
à-vis des hôtes.
Au VII* Adhyâya, Nârada, parvenu au Kailâsa, nous vaut une
longue description de cette montagne sainte dont la faune et la flore
sont passées en revue. L'ascète visite Kiïshna, Çiva, Ganeça qu'il iden-
tifie en faisant d'eux autant de personnifications de Vishnou.
Invité par Çambhu, dans l'Adhyàya suivant, à choisir entre la dévotion
pour Hari et la dignité d'Indra ou de Brahme, Nârada opte pour la pre-
mière. Çiva, en faisant de Vishnou l'éloge le plus pompeux, félicite N&rada
de son choix. D'ailleurs — et dans les chapitres qui suivent on a soin
d'appuyer sur cette doctrine — tout n'est que vanité, illusion, hors
l'amour et le culte de Hari.
Plus loin , nous voyons Nârada mettre son père Brahmâ en colère
et tous deux se maudire réciproquement; celui-là renaîtra parmi les
Gandharvas, deviendra le jouet de Mâyâ et ne retrouvera sa première
dignité que par la dévotion à Krïshna; le second demeurera sans honneur
et ne reconquerra son rang divin qu'au bout d'une longue déchéance,
et par la faveur de Hari.
Dans le XI« Adhyâya nous retrouvons Nârada, devenu roi des Gan-
dharvas et prononçant l'éloge de Krïshna, ce qui lui attire l'estime
universelle; les dieux le comblent à l'envi des présents les plus rares.
Vient une série d'éloges, plus ou moins dithyrambiques, de Vishnou :
tout le monde y participe et, en première ligne, Brahmâ et Çiva.
Ananta dit h Çambhu que nul n'est capable de louer dignement Vishnou;
i) 4, VI, 36, 40.
255
tous en conviennent et tous n'en poursuivent qu'avec plus d'enthou-
siasme rénumération de ses vertus. Au Xin« Adhyâya, le Gandharva
Upavarhana (c'est-à-dire Nârada) va trouver Bhagavat pour implorer
sa protection contre tous les dieux. Bhagavat le rassure en lui aflSr-
mant que ses dévots serviteurs n'ont rien à craindre 0, pas même la
renaissance *) que pourtant il est si malaisé d'éviter. Son mantra n'est-
il pas à, la portée de tous, et n'est-il pas une vraie panacée pour ceux
qui le récitent avec foi? De son côté Yama se constitue l'esclave de
Vishnou, ce qui lui permet d'atteindre le Goloka le plus sublime')-
Çiva, au milieu d'un hymne en l'honneur de Vishnou, reconnaît
qu'il n'est rien que l'adorateur de Hari *) à qui d'ailleurs il doit tout
ce qu'il est s). Le laya prâkrîtika causera la perte de tout l'univers;
seuls les dévots de Krishna échapperont à ce cataclysme •).
Brahmâi crée une forme féminine qui devient la déesse de la séduc-
tion; elle tient dans l'assemblée des dieux et des déesses, sur l'amour,
un langage qui plaît infiniment aux Munis et aux dieux, et dont les
déesses ne peuvent supporter l'effronterie. Lakshmî et ses célestes
compagnes prennent à part cette Kntydstrl et la transforment à, demi,
puis elles l'envoient sur la terre où naquirent avec elle les vertus et
les vices de la femme.
Cette première nuit ou ce premier râtra se termine par une série
de questions de Nârada à Mah&deva sur la science de la libération
finale ou du Nirvana; leur solution est renfermée dans les autres râtras.
Toutes ces questions se résument en celle-ci: » Comment doit-on
aimer Hari?" Çiva commence par définir le Pancarâtra dont il énumère
les merveilleuses perfections. Puis, il décrit Vishnou, le Jiva étemel,
d'où procèdent tous les autres jlvas. D parle aussi des divinités qu'il
identifie avec les divers membres du corps: Dharma est la tête; Agni
le ventre; Lakshmî le cœur; Sarasvatî les rasanm etc^). Voilà ce que
Çiva nomme les premiers éléments de cette science de la dévotion à
l'égard de Hari. Il poursuit ses enseignements, et nous apprend, entre
4) i, Xm, 9. — 2) 76Mi., 10. — 3) Ihxd., 44. — 4) Ihid,, XIV, 12. — 5) 76id., 20.
6) îbid., 24. — 7) 2, I, 38 et seq.
256
autres choses, que la mukti ne vaut pas la seizième partie de la piété
envers Krishna ^), pourvu que celle-ci soit transmise par un Vishnouïte
de caste honorable, car celui qui la reçoit d'un Cândàla est un méchant
qui tourne le dos à Krïshna '). Çiva estime perdu le temps que Ton
passe sans chanter les louanges de Krishna^).
Brahmâ., pour avoir célébré Krïshna, mérita que celui-ci lui dît:
»Sois un autre moi-même". — Suit une description cosmique aussi
fastidieuse qu'interminable. Le monde est repris dès son origine, et Çiva
ne nous fait grâce d'aucun détail de sa formation non moins fantai-
siste que compliquée.
Çiva raconte Thistoire de R&dhà parallèlement à celle de Krïshna:
c'est un résumé de toutes les légendes krishnaïtes; il échappe complè-
tement k l'analyse. — Le narrateur a soin de noter au passage la vertu
incomparable des syllabes qui composent les noms multiples de ses
divinités favorites, ainsi que les mantras vishnouïtes. Dès le début du
Pancar&tra, l'auteur nous signale la puissance des formules et des
signes mystiques et principalement celle de certains caractères ou sym-
boles magiques , assez indéterminés dans leur nature , mais d'une effi-
cacité sans égale. Çiva récite une série de Kavacaa et indique une foule
de recettes plus infaillibles les unes que les autres; il serait parfaite-
ment oiseux de suivre l'auteur dans ses divagations interminables.
Râdhâ se transforme en cent façons, tout en demeurant la doublure
de Krishna. Au fond , les deux ne font qu'une même divinité : Brahme
ou Vishnou: ,7/ n^y a pas de différence entre eux y non plus çu' entre le
lait et sa blancheur^'* nous dit le poète, par la bouche de Çiva*). XJn
peu plus loin, il comparera le rôle de Bâdhà à celui de Targile dans
la fabrication des vases de terre:*) »Sans argile le potier ne peut
fabriquer un vase; de même, sans Bâdhâ, rien ne se peut, tandis que
tout est possible avec son concours". C'est ainsi que Râdhâ, qui naguère
encore n'était tout au plus que la forme ou l'apparence de l'univers,
puisqu'on l'identifiait avec la Mâyft de Vishnou, logée dans sa poitrine •)
\) 2, II, 2. — 2) Ihid., 13. — 3) Ibid., 26. — 4) 2, VI, 43. — 5) i6td., 29 et 30.
6) Cfr. 2, m, 28.
257
est maintenant la matière de toutes choses; il est vrai que, lorsqu'il
s'agit du monde apparent , les poètes de l'Inde n'établissent pas toujours
une distinction bien tranchée entre la matière et la forme, deux termes
d'ailleurs qu'ils ne comprirent vraisemblablement jamais comme nos
Scolastiques.
Çiva continuant d'instruire Nârada, lui dit: „Ze fait â^ habiter le
même monde ^ (T avoir la même grandeur^ d^être en présence, de ne faire
qu*un [avec KrUhna , telle esf] la quadruple délivrance qui a pour forme la
jouissance et procure le bonheur^^ *).
Il indique les moyens multiples d'atteindre le Nirvftna; puis il
enseigne la science du Yoga et mentionne les six cakras ou cercles
mystiques de l'ombilic ainsi que les veines ou les artères du corps qui
s'y réfèrent; nous sommes ici en pleine physiologie tantrique avec le
Mulâshâra, le Mardpûra, etc. Il va sans dire que la science n'a rien à
voir dans ces folles élucubrations — Krishna est représenté plus loin
sous la forme d'un gourou; de là, éloge du gourou en général: „/Sî le
gourou est content^ tous les dieux sont contents; mais les dieux seraient vai-
nement satisfaits , si le gourou ne Pétait pas*^ ^). Le vrai gourou , c'est
Krishna qui empêche la renaissance '). Le râtra se termine par la
description du corps de Krîbhna. Ce corps c'est le tejas ; imaginer qu'il
puisse être matériel, c'est insensé.
Le troisième râtra est consacré presque exclusivement à Ténumé-
ration de formules magiques, d'incantations dont Krishna continue
d'être l'objet. On y décrit la façon d'honorer le dieu, de procéder à son
culte. Cette liturgie compliquée occupe de nombreuses pages, remplies
de termes techniques, dont le sens est assez difficile à préciser. Il est ques-
tion des cérémonies usitées aux difiFérentes parties du jour. Le grand
mantr a dont parle le troisième Adhyftya est doué d'une telle vertu qu'il
sauve de la transmigration le Pâmara lui-même. L'auteur après avoir
épuisé, pour en vanter l'efficacité, les termes les plus laudatife, se résume
dans un mot: „A quoi bon en dire davantage? Il donne tout"*).
1) 2, vu, 3. Voir un passage analogue du Bhâgavata Purâna, 3, XXIX, 13. — 2) 2,
Vm, 20. — 3) Ihid,, 27. — 4) 3, I, 5.
33
258
Suivent diverses formules d'oflPrandes et de consécrations à Krishna.
Ses noms divers sont décomposés avec soin et leurs syllabes pesées au
poids du mysticisme le plus échévelé, qu'on nous passe Texpression.
Chacune d'elles renferme une vertu spéciale ; groupées de certaines façons,
elles produisent tels et tels effets. Tout ceci rentre dans l'exposé du Nyâsa.
Non seulement l'adorateur de Krishna doit surveiller ses paroles, mais il
doit aussi composer son attitude, prendre garde à ses gestes, ouvrir la
main, allonger les doigts de la manière indiquée par la rubrique.
Au V« Adhyftya se trouvent décrits le Vfindâvana^ le halpaka ^
le lotus à huit feuilles, Mukimda, son cort^e etc. etc. Puis, Ton
s'occupe de nouveau du lieu du sacrifice et de tous les détails qui
se rapportent au culte de Vishnou et de ses images que Ton oint,
que l'on habille et à qui l'on rend tous les offices que l'on rendrait
au dieu lui-même, s'il paraissait sous une forme corporelle. La
récitation des mantras est toujours la principale de ces prescriptions
liturgiques; le fr(fa, le man%^ sans parler des interjections saintes, des
cris sacrés , tel que Sxdhà , Rrim , Htam , RmM , etc. reviennent souvent
dans cette liturgie étrange.
Au VII* Adhyàya, se trouvent indiqués les moyens employés par
NiEUrada et d'autres ascètes pour atteindre la perfection. On y dépeint
aussi la fisiçon d'orner les temples, de disposer les objets du culte, les
offirandes de grains, de parfums etc., etc., la façon de préparer les
lampes que Ton allumait devant Timage ou la statue du dieu. Tous
ces rites , le iuddka les doit observer religieusement.
Le X* Adhj-àya nous enseigne les cérémonies que l'on doit observer
dans la quiniaine noire du mois de Cai/ra^ et les soins à donner aux
statues de Krishna^ depuis le bain jusqu'à Thabillement ^) détails de toilette
minutieusement décrits, comme tout le reste, dans cet ouvrage litur-
gique. On y recommande le culte de Durgà et du Gourou, qui dissipe
la nuit de Tignorance *)*
Le XI* Adhyùva promet les faveurs les plus signalés k celui qui
pratique ces observances: Ltihimi tout entière lui appartiendra, c'est-
259
à-dire la prospérité , le bonheur dans sa plus grande étendue ; h sa mort,
il habitera le séjour de Hari que Ton décrit une fois de plus. Il est ques-
tion d'offrandes d'aliments, tels que le lait et de récitations demantras,
cent huit fois répétées, celles-ci accompagnant toujours celles-là.
Cependant les récompenses promises par le XI« Adhyâya au dévot
qui observe le matin ces rites krishnaïtes , TAdhyâya suivant les assure
à celui qui les pratique le soir. L'on y retrouve, en conséquence, tout
ce qui concerne les offrandes de beurre, de lait etc. ; la façon de parer les
statues de Vishnou et spécialement celles qui, groupées deux par deux
à l'entrée des temples, s'appelaient pour ce motif mithunaa. Après avoir
rappelé toutes ces pratiques et, entre autres, celles du tarpana ou offrande
d'aliments dont on rassasie le dieu, qui sans doute emprunte, pour la
circonstance, l'estomac des Brahmanes, l'auteur (j'allais dire le rubriciate)
conclut dans le XIII® Adhyàya : „ Celui qui par la récitation , le sacrijice ,
la piijâf le tarpana j honore Mukanda^ en employant constamment Vun des
deux manus (formules de six et de vingt syllabes), obtiendra pour longtemps
et sans effort toute sorte de prospérités ^ puis il s'en ira vers la demeure
immaculée de Vishnou^^ ').
L'Adhyaya qui suit donne la recette pour neutraliser le poison des
serpents^); il décrit les danses liturgiques; la vertu du ksheda ou
kshveda , c'est-à-dire de l'anusvara , désigné encore sous le nom de vi^ha
et considéré ici comme un son mystique '). Ce visha protecteur, rapproché
du visha (venin) des reptiles dont il détruit la puissance, montre que
le calembour j si cher aux écrivains hindous, a sa place marquée dans
ce rituel. Le reste du râtra est consacré à énumérer les nombreuses
formules destinées à guérir de la lèpre , de la fièvre , etc. ou à procurer
les avantages les plus signalés, l'acquisition des richesses, l'obtention
d'un fils, la possession du monde même. On donne le nom du Rishi,
de la Devatà et du mètre de chacun de ces mantras.
Le quatrième râtra s'ouvre par l'énumération de cent huit noms de
Krishna; nous avons rencontré déjà ce chiffre consacré. Mahâdeva les
récite à Bhûmi. Il les donne pour les premiers de tous les noms.
i) 3, Xm, 27. — 2) Ihid., 40. — 3) i6td., 44.
260
y^comme . . . Mathurâ est le premier des tîrthas . . . comme je suis le premier
et toi la première des Fishnouïtes ^)." Çiva indique ensuite les avantages
attachés à, la récitation ou à l'audition de cette litanie; le principal est
de procurer de la descendance à ceux qui n'en ont pas ^). Les R&his
ayant demandé à ce dieu le secret de se sanctifier au moindre prix,
sans effort, il le leur dévoile: le nom de Hari, tout est là.
Vishnou avait confié à Çambhu la mission de lui gagner des cœurs;
celui-ci la remplit le plus consciencieusement du monde, sans songer
à se poser en rival et à se dire que puisqu'il a le don de conquérir les
âmes, autant le faire à son profit qu'au profit d'un autre. Il ne sera
pas toujours aussi désintéressé. La série des litanies, guirlandes ou
kavacas (tous ces noms conviennent également), une fois ouverte, ne
se fermera guère qu'avec le poème. Sur la demande de Pàrvatî, Çiva
donne une nouvelle liste des diverses appellations de Vishnou; il ne
s'agit plus de 108 noms, mais de mille bien comptés. A l'aide de ces
épithètes, il serait facile de reconstituer toute la vie du dieu, chacune
d'elles faisant allusion à l'un de ses exploits, ou rappelant l'une des
qualités merveilleuses de Celui qui na point de qualités. Cette énuméra-
tion ne remplit pas moins d'une quinzaine de pages du texte que j'ai
sous les yeux. Le fruit principal de la récitation ou de l'audition de ce
millier de mots, c'est le Nirvana. Çiva dit à Pàrvatî : „ Tout réussit à celui
qui récite un seul pada de ces çlokas y 6 ma bien aimée , à plus forte raison
à ceuœ qui les récitent tous'* ^). Il ajoute: f,Ce millier de noms ne doit pas
être transmis à celui qui n^est point Vishnouxte^ mais il faut le communiquer
à un fils y un disciple ^ etc. Ceuœ qui ne font que de maigres offrandes ne
le recevront pas *)." Cett« dernière prescription démontre que l'auteur du
Pancaràtra ne négligeait pas toujours le côté pratique. Çiva conclut
en déclarant que nul n'est supérieur à Vishnou et qu'au demeurant
tout se résume en Vishnou et dans le Vishnouïsme. *) Pàrvatî , tout en
se déclarant heureuse d'avoir appris cette série de noms, demande à
son époux quel est celui qui a le plus de vertus et que de préférence
4) 4, I, 5. — 2) Ibid., 40. - 3) 4, m, 184. — 4) Ibid,, 186—187. — 5) Ihid.,
189 sqq.
261
l'on doit répéter, lorsqu'on n'a pas le loisir de parcourir la litanie en
entier. Çiva répond: „Bdtnaj Râma^ ce seul nom vaut tous les autres ^)y
Le V® Adhyâya nous apprend que la prière-cuirasse trailohyamangala
valut jadis à Durgft son triomphe sur les grands Asuras^ Mahisha et
les autres ') ; mais il faut bien se donner garde de la communiquer à un
indigne; la mort serait le châtiment d'une telle profanation. Prajâpati
est le Rïshi de ce mantra ; la Gâyatrî son mètre et Nârayana sa devatà. *)
Voici un court échantillon des mantras protecteurs, il n'a que dix
syllabes, mais il suffit à garantir les deux épaules: „kl%m^glaum^ klim^
Çyâmaldngâya namasJ^ *)
On recommande aussi de porter au cou, en guise d'amulette, un
signe mystique gravé sur l'écorce de bouleau. *) On conseille également
certains tatouages liturgiques.
Le VII« Adhyâya s'ouvre par la description de la cuirasse Gopala.
Les phases de la lune sont placées sous la sauvegarde de Krishna que
l'on indique sous un nom différent pour chacune d'elles: j,que Govinda
protège Agneyâ; que Keçava protège Nairnti, etc.*)" C'est-à-dire: „que
Govinda nous garde ^ durant la période Agneyâ^ etc." Toutes les heures,
toutes les circonstances de la vie , le fidèle les recommande à sa divinité
favorite, à Vishnou. H va sans dire que cette formule protectrice suffit
à tout et que, sans elle, tout est non seulement insuffisant, mais parfaite-
ment inutile, sinon criminel. C'est le kathénothéisme appliqué aux mantras.
Sur la demande de Pârvatî, Mahâdeva récite le stotra aux mille noms
de Gopâla. Cet éloge de Krïshna n'est pas moins efficace que les autres ,
ni moins exclusif, non plus. Çiva assure qu'il suffit de le réciter pour
ne plus renaître; il sent le besoin d'appuyer sur ce point: j,Cest la
vérité y la vérité ^ 6 puissante (déesse): oui, la vérité; la vérité; Von nen
saurait douter. ^^ ') Négliger cette prière , c'est comme si l'on se rendait
coupable du plus horrible des forfaits: le meurtre d'un gourou*). Sa
récitation ou son audition, voilà „dans l'âge kali (celui où nous
vivons), le (seul) Dieu tout puissant, la seule Gangâ (aux eaux puri-
1) Ihid,, 213. — 2) ïbid, V, 5. — 3) Ma,, 8 et 9. — 4) /6{d., 43. — 5) i&td., 38.
6) 4, VU, 9. — 7) /d., Vm, 164. — 8) Ibid,, 168.
262
fiantes); il n^est point, non, il n'est point, il n'est point de saint
ailleurs'* ').
Le IX« et le X« Adhyâyas sont consacrés à l'énumération des offran-
des et de certains rites spéciaux qu'il faut observer religieusement, du
moins dans la mesure du possible. On y définit entre autres VAbhiga-
manaj VJJpâdâna^ le Svâdyâya^ Vljyây etc.
Dans le XI* Adhyâya, reviennent les prescriptions relatives à cer-
tains tatouages gr&ce auxquels on est sûr d'aller au ciel, lors même
que l'on viendrait à mourir dans un lieu souillé, tel qu'un cimetière*).
Du reste, il est à l'abri de la mort prématurée, celui qui médite sur
l'eau dont on a lavé les pieds de Krishna, c'est-à-dire de sa statue;
car cette pratique a pour effet de tuer le meurtre lui-même '). L'on
doit exécuter aussi des danses et des chants liturgiques: y^Celui qui y
dan% F âge kali , danse et chante devant Keçava , reçoit , à chaque pada , le
fruit de VAçvamedha; mais celui qui ne chante ^ ni ne danse devant lui,
n est-il pas consumé par le feu ? Ne va-t-il pas en enfer *) /"'
Le V« rfttra qui est le dernier continue l'énumération des pres-
criptions liturgiques dont les précédents sont remplis. Les termes tech-
niques y abondent également et, comme dans tous les rituels, l'auteur
se borne souvent h indiquer les premiers mots d'une formule, d'une
invocation, ses lecteurs étant supposés connaître le reste; en agissant
de la sorte , il ne s'écarte pas de son rôle de rubriciste , ou de rubricaire ,
comme on voudra l'appeler.
Dans le 1«' Adhyàya, il est question d'un mantra qui, outre un
Bishiy un mètre , une Devatd , possède un Vallabha *) un favori , lequel
naturellement est Hari; ce quatrième élément n'avait pas encore fait
son apparition.
Le second Adhy&ya nous parle des gr&ces attachées à la récitation
des mantras, le matin et le midi, à la porte du roi, dans les marchés,
les réunions , au milieu des jeux , etc. •) La principale , et c'est ce
qui cai^actérise cette dernière partie du rituel, c'est l'aff'ection d'un
1) 4, Vm, 176. — 2) 4, XI, 9 sqq. — 3) iWd, 21. — 4) JWd., 23 et 24. — 5) 5,
I, 22. — 6) Ibid. n, 6.
263
amant ou d^une amante; de sorte que cette liturgie finit par ne plus
être qu'un mot de passe, qu'une sorte de Sésame y ouvre-toi qui permet
de pénétrer dans les cœurs les plus fermés jusque-là. La morale ici
pourrait bien ne plus trouver son compte, mais nous savons que le
sensualisme est assez à la mode dans les religions de Tlnde. D'ailleurs,
au çloka 17®, le poète assure à. celui qui observera ses recettes l'empire
sur la volonté d'autrui; nul ne pourra rivaliser avec lui dans l'art de
se faire obéir '). Çiva parle ensuite des six angas *), c'est-à-dire des six
pratiques «sur lesquelles repose le culte de Vishnou", suivant le Bhâga-
vata Purâna ^), puis des çaktis que l'on doit adorer ; du bija , du madhya-
bîja , etc. Les invocations sont assimilées à des flèches qu'on lance vers
le ciel afin d'atteindre le cœur de Dieu, et, s'il m'est permis de par-
ler ainsi, de le blesser d amour pour ses fidèles; ce sont proprement ce
que nous appelons des oraisons jaculatoires. H est une interjection sacro-
sainte que l'on recommande spécialement, c'est PAat*); on ne saurait
trop la répéter. Il convient aussi de méditer sur les diverses demeures
de Krishna, sur ses membres, ses vêtements, etc., en les passant tous
en revue successivement.
Pârvatî, sans crainte d'abuser de la condescendance de son époux,
lui demande de lui apprendre les mille noms de Râdhâ*), déesse
qui, après avoir produit l'œuf de Brahmâ le détruisit, ce qui ne
l'empêcha pas d'atteindre la dignité de Gopî*) et de devenir l'épouse
favorite de Gopâla.
Çiva récite le mantra désiré. Je me bornerai à relever quelques-
unes de ces appellations de Eâdhâ. Elle est BAûtây Bhavisyâ, Bhavyâ''\
Bhavyagâtrâ^Bhavâgitâ. — Harinî^ Hârini, HàradAdrini *). — Elle révèle
la puissance du cri TAai, Thai; elle a pour forme celui de He, He ,
et le langage Hl, Hi^ lui est familier, etc.®). Telles sont les fleurs
dont se compose la guirlande de Kâdhâ. Comme toutes les autres
prières que nous avons rencontrées précédemment, celle-ci ne doit pas
être communiquée à l'indévot, à l'hérétique, etc. ^**).
1) Ihid. n, 47. — 2) Ihid., 24 et seq. — 3) 7, IX, 50. — 4) 5, IV, 13. — 5) Ibid., V.
6) Ihid., 4. — 7) 5, V, 120. — 8) Ibid., 133. — 9) Ihid,, 151—152. — 10) 5, VI, 15.
264
Vient ensuite ce que l'auteur nomme plus expressément la cuirasse
de Bftdhâi. Çiva qui la transmet à Pârvatî en est lui-même le Kfehi, de
même que Ràdhâ en est la DevatA, le mètre est rAnushthub et Tin-
teijection mystique Râm , le rempart 0- Notons cette dernière particu-
larité; nous ne la trouvons pas ailleurs. Ràdhâ., suivant l'usage en
pareil cas, protège sous des noms différents les divers membres du
corps. Le plus souvent, il est, ce me semble, parfaitement inutile de
chercher un rapport quelconque entre les uns et les autres. Toutefois,
il y a des exceptions du genre de celle-ci : y,que P éloquente me protège
la voix^).
Nombreux sont les avantages attachés h la récitation de cette
formule. Pour celui qui la porte k la tête, au bras, au cou, écrite
sur de l'écorce de bouleau , il devient Hari ; ici pas de doute ')• Çiva
ajoute: „C^est grâce à cette cuirasse que Brahmd émet r Univers, que Hari
le conserve et que moi , je le détruis^^ •).
Nârada demande à Çiva de lui révéler le manu mystérieux de Râ-
dhà. Le dieu le lui épèle, en lui indiquant la vertu propre à chaque
lettre. C'est ainsi que ce manu^ ou ce mantra commençant par Tin-
terjection sacro-sainte Klim^ il lui enseigne que le k signifie l'émission
de rUnivers, la lettré / son maintien, lï, sa destruction. Le binda^
c'est-à-dire Tanusvara «i, symbolise le Nirvana*). Mahadeva se lance
ainsi dans les interprétations les plus &ntastiques et ne ménage ni les
calembours ni les jeux de mots. Sur une nouvelle question de Nârada,
au sujet de Bâdhikâ, il entre dans des détails liturgiques pour la plu-
part souvent énumérés déjà, et il parle de certains jours de fête que
l'on doit solenniser par le jeûne , le onzième , par exemple «). Puis il
entame l'une de ces dissertations anatomiques, précédemment rencontrées
dans le cours du poème, et où la science, nous l'avons dit, n'a rien à
voir absolument. Çiva parle des conduits, c'est-à-dire des veines et des
artères probablement, qui circulent dans le corps humain; il les compte
par kotiSj c'est-à-dire par dizaines de millions; il en est qu'il étudie
1) 5, VII, 8. — 2) Ibid., 16. — 3) Ihid., 28. — 4) Ihid.. 29. — 5) 5, Vm, 3.
6) lUd,, 19.
265
plus spécialement : le Pradhâna , le Merudanda^ par exemple ^). Il men-
tionne également les six cercles mystérieux de l'ombilic , notamment le
Mviadhâra *). Le divin précepteur de Nârada recommande de nouveau
à son élève la pratique du Toga; la méditation sur Krïshna, ses
membres et ses armes; la récitation des mantras, etc. Parmi les
prescriptions multiples qu'il indique et qui toutes ont pour but de
dissiper les ténèbres du Samsara '), il en est une qui consiste à se fermer
les oreilles avec les pouces, les yeux avec les index, les narines avec
les médiums et la bouche avec les autres doigts*).
Tout se réfère au culte de Vishnou, le Hami^, le dieu suprême,
dont Nâxada, en terminant le Pancarâtra, promet la possession à tous
ceux qui boiront et feront boire aux autres le breuvage d'immortalité
de ce Castra.
Cette analyse du Pancarâtra nous montre que nous avons affaire à
une élucubration essentiellement liturgique et krishnaïte. Vishnou-Krishna,
telle est , en effet , la divinité dont l'auteur recommande le culte exclusif.
Çiva, loin de nous être donné comme son rival, n'est que son humble
serviteur, et c'est précisément dans sa bouche que l'auteur met les
prescriptions relatives au culte de son dieu favori.
Somme toute, le Pancarâtra ne renferme rien de bien saillant, de
bien original; il peut être rangé parmi ces innombrables écrits hindous
dont la fastidieuse lecture laisse Tesprit à peu près vide d'informa-
tions nouvelles, et qui, pour le fond comme pour la forme, sont
au-dessous du médiocre.
1) 5, X, 4. — 2) Ihid, 28. - 3) 5, XI, 48. — 4) Ibid., 14 etc.
34
{
Contributions aux études de la grammaire Japonaise
PAR
G. H. SCHILS.
I. L^ expression du nominatif en japonais.
La particule bien connue du nominatif de la langue japonaise tant
littéraire que vulgaire est wa. Dans le langage d'aujourd'hui on ne
l'omet pas. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Anciennement on l'a
omise, sans que nous puissions indiquer des règles fixes régissant cette
omission. Cette suppression de wa paraît avoir été fiiite au gré de celui
qui parlait. Ainsi, pour donner un exemple, dans une poésie tirée du
Man-yd-siu et attribuée à Dzi'iO'Ten-wo j fille de Ten-dzij qui date d'avant
702 de notre ère ^) , cette particule ne se trouve pas une seule fois où
aujourd'hui on la mettrait.
„Haru sugite natsû ki ni kerasi, siro tahe no koromo hosîi tsyô
^ama no kagu yama"
Pour arriver à une connaissance approfondie de cette particule wa^
nous la comparerons à celle de l'accusatif wo. Si la première de ces
postpositions indique le sujet de la phrase, la seconde en désigne le
1) Puisqu'elle succédait à son maii l'empereur Ten-mu, la 2« année de Dai-ho=:702
de notre èi*e.
267
complément direct: p. ex. Ten^wa aku-nin-wo batasu. „Le ciel punit les
méchants hommes", littéralement: Le ciel les méchants hommes punit.
Ce qui nous frappe d'abord dans ces deux particules, c'est la dif-
férence de la voyelle: a dans wa et o dans wo.
Cette voyelle o dans les particules de la langue japonaise a un
sens déterminé qui indique l'éloignement , et nous allons en fournir la
preuve. Nous la trouvons d'abord dans les pronoms démonstratifs.
Kare , radical ; ka celui-ci ; Kore , radical : ko^ Sore radical : so celui-là.
Nous le retrouverons ensuite dans le futur des verbes, par ex:
kakô j'écrirai. L'écriture des futurs montre même que cette voyelle ô
est composée de auj ayu. H serait donc à supposer qu'il y eût eu, à
une période préhistorique de la langue japonaise, une particule o=zaUy
ayu qui aurait indiqué l'éloignement: là, là-bas. Il ressort encore un
autre fait de la comparaison de wa avec ka. La voyelle a exprime
dans le radical ka l'objet plus rapproché, en opposition avec o.
Appliquons maintenant les résultats ainsi obtenus à notre sujet.
Wa indiquerait donc, relativement au verbe, l'objet le plus rapproché,
l'agent, je sujet de la phrase, tandisque wo indiquerait un objet plus
éloigné, le complément direct, l'accusatif.
Mais nous pouvons aller plus loin dans cette analyse.
Wa s'écrit Aa et se prononce wa. D'après les règles de l'euphonie
propres à la langue japonaise une consonne ajoutée à un mot, et qui
s'y lie intimement, s'adoucit généralement. Ainsi homme veut dire hito;
les hommes y par réduplication du nom, hito-bilo au lieu de hito-hito. Ce
phénomène nous fait conclure que ha est un affaiblissement de ka, en
sorte que ka = ha et ka, radical du pronom démonstratif seraient iden-
tiques. Le même raisonnement peut se faire pour wo-ho-ko.
Le sens primitif de la phrase que nous avons citée: Ten-wa
aku-nin-wo bataau serait donc celui-ci: Ten-ka aku-nin-ko bataau. Ciel-ci
méchants hommes là punir.
La particule ya de même, qui, dans certains cas, remplace la par-
ticule way doit être considérée comme l'affaiblissement de ka selon les
lois euphoniques de la langue japonaise. Déterminer le sens exact et
l'emploi de cette particule ya est assez difficile, puisque les grammai-
268
riens tant indigènes qu^européens ne sont pas d'accord. QuHl y ait une
diflFérence de sens entre wa et ga , c'est un fait qui ne saurait être con-
testé ^). Mais il est difficile d^admettre une origine différente de wa et
de ga. Nous pensons plutôt que c'est dans le cours du développement
du japonais et à une époque assez récente que cette différence s'est
formée par une sélection qui se constate souvent dans le parler humain.
IL Expression du génitif en japonais.
Dans la langue actuelle du Nippon, tant littéraire que vulgaire,
l'expression du génitif se fait par la particule no y par ex: hito-no yumi
= l'arc de l'homme, litt. : hominis arcus. Quelle a été l'origine de ce
mot? Cela serait aujourd'hui difficile à dire. S'il nous est permis d'émettre
une hypothèse sur l'origine de cette particule, nous y verrions une
contraction du verbe naruy na-u^^noy et nous baserions cette explica-
tion sur le fait que souvent en japonais des contractions analogues
ont lieu, et deuxièmement, que dans la poésie on met à la place de
no le verbe naru^ comme par ex: Kasuga-naru yama^ «les collines de
Kasuga". Cette forme se trouve dans une poésie de Abe-no-Nakomaro y
fils de Funamori ^) qui, dans le huitième mois de la deuxième année de
An-ki, partit pour la Chine avec Agatamori et Kibi Dai-zin^ afin de s'y
instruire de la littérature et de la civilisation chinoises.
La date si réculée de cette poésie, l'an 716, montre qu'alors les
Japonais connaissaient encore la signification primitive et l'origine du
mot no y puisque, à côté du mot naru^ on trouve dans la même ode le
mot noj et ce qui est plus curieux, dans la même phrase et dans des
conditions identiques. Ce texte nous paraît tellement important et dé-
monstratif à notre thèse, que nous n'hésitons pas à le transcrire ici
tout entier: »Ama-no hara furi-sake mireba Kasuga naru Mikasa no
yama-ni idesi tsuki Kamo".
„ Lorsque je regarde au dessus de moi la voûte du ciel, (je pense)
que la lune est montée sur la montagne Mikasa de Kasuga".
1) Vid. notre ouvrage: Elementa Linguae Japonicae Class. Leodii, 1884, § 56.
2) Le Nikon-gi cependant met en doute, si Abe-no-Nakamaru fût fils de Funamori.
269
Du reste, c'est un fait bien connu de tous les japonistes que le
mot naruy sous des formes contractées, joue, comme particule, un
grand rôle dans la grammaire japonaise. Nous ne mentionnerons ici que
la particule na des adjectife qui n'est autre chose qu'une contraction
de naru. Comme la particule toa , la particule no est quelquefois , quoique
plus rarement, omise dans le langage archaïque. Ainsi dans la poésie
composée par le Prince Si-ki, lorsqu'il se transporta du palais d'Jsuka
à celui de Fudi- Wara , nous trouvons l'expression Asîika Kaze = »le vent
d'Asuka". Cette poésie se trouve n h\ dans le Man^yo-siu.
Une particularité assez surprenante de la langue japonaise est l'em-
ploi de ya comme particule du génitif. On se demande si ce ya est
véritablement particule du génitif. Nous ne le pensons pas. A notre
avis il servirait simplement à séparer les deux substantifs en appo-
sition Tun avec l'autre, et l'intelligence comprendrait qu'il ne s'agit pas
ici d'un mot composé, mais de deux mots en apposition. Une autre
explication de ya dans le sens d'une particule du génitif ne nous pa-
rait pas possible.
En dehors de cette particule no y l'ancien langage du Nippon nous
a conservé une autre particule du génitif, savoir iau qui remplace par-
faitement no. Dans le langage actuel cette particule isu est tout-à-fait
inusitée, tandis qu'anciennement elle se trouve à côté de noj en sorte
qu'on peut dire que l'ancienne langue de Tamato avait deux particules
pour le génitif: no et i8u. Nous trouvons /^, par ex.; dans une poésie
de So'dzyo Hen-dzyoj appelé Mune-aada dans sa jeunesse. Ce poète, fils
du Kuffe Yasu'Yohe^ par chagrin de la mort du Ten-ai Bun-toku, devint
prêtre et mourut la 2® année de Kampeiy c'est-à-dire en 890. Dans
la dite poésie il dit: „Ama tau haze kumo-no kayoidzi fukitodziyo
Otome no sugata sibasi todomen."
»Les vents du ciel font descendre doucementles nuages, alors la
forme de Otome (une déesse) peut se voir un moment."
Dans ces vers nous voyons les deux particules tau et no employées
l'une à côté de l'autre.
Amatau'haze = „les vents du ciel", et immédiatement après kumo-no
kayoidzi = ^le chemin des nuages."
270
Cette particule tèu fat maintenue en usage assez longtemps, car
nous la lisons encore dans une poésie de Daùdzyo-Dai-dzin qui mourut
dans la 2^ année de Tsyô-kwan^ c'est-àr-dire en 1164 de notre ère, après
avoir vécu durant le règne de quatre Tensi. Voici cette poésie, tirée
du Si'ka-siû: ^Wada-no-hara kogi idete mireba hisakato no kumoi ni
mago oki tsu sira-nami."
^Lorsque la barque est allée dans la haute mer et que Ton re-
garde, Tonde blanche de l'océan semble confondue avec les murailles
formées par les nuages du ciel."
Nous y rencontrons oki'tsthsira-nami = les ondes blanches de l'océan,
à côté de Wada-no hara et hisa kata no kumoi. Du reste toute cette
poésie du Xn« siècle a un cachet archaJque particulier, La suppression
de la particule wa, le mot wada no hara y qui d'ordinaire se dit unabara
par contraction , le mot oki lui donnent cet aspect archaJque. Peut-être
aussi l'auteur qui portait les hauts titres de Ho^o-dzi-mhNiudo et de
Saki no K'^wanbaku, a-t-il voulu faire étalage de ses connaissances de
l'antiquité. Quel a été le sens primitifde cette particule? C'est fort difficile
à dire aujourd'hui, on pourrait la comparer peut-être h la racine tau
qui se trouve dans un grand nombre de mots japonais avec le sens
d! ajouter y accroître etc.; par ex. tsukuru etc.
Une conclusion s'impose à la fin de ce petit article sur la gram-
maire japonaise: c'est que dans la langue primitive du Tamato il y
avait probablement un plus grand nombre de particules que dans le
langage actuel, qu'elle était pourtant encore plus riche en formes que
celle d'aujourd'hui. Nous sommes aussi d'avis qu'il y a encore un vaste
champ de travail ouvert aux investigations des Japonistes, surtout pour
ce qui regarde l'ancienne langue de Yamato pour autant qu'elle nous
été conservée dans les documents écrits.
Parallèles en Folklore
PAR
G. SCHLEGEL
Professeur à rUniversité de Leyde.
Dans ce nouveau département de l'ethnologie, plusieurs mémoires
et articles intéressants ont déjà paru; mais, que nous sachions, le
folklore de la Chine n'a pas encore été comparé avec celui de l'Occi-
dent. Nous cueillerons ici quelques épis de la riche récolte que nous
offre le folklore chinois.
I. Feuilles i)'ab3R£ comme lettres d'amour.
Une des historiettes les plus répandues et les plus poétiques est celle
de »la Feuille rouge" racontée dans les Dictons poétiques y Cm oa '), en
ces termes:
Durant le règne de l'empereur Hi-tsoung de la dynastie des "Fang
(874: — 888 de notre ère), un certain Tù-yeou (-f ^) ramassa dans l'égoût
du palais impérial une feuille d'arbre rouge sur laquelle le quatrain
suivant était tracé:
1) ^ ^7. n existe plusieurs collections de ce titre, mentionnées par Wylie, Notes ^ pp.
198 — 200. Celle que nous mentionnons est probablement le ji^ ^^ ^ 3£, qui contient des
remarques, surtout sur les poètes des dynasties T*ang et Soung.
^^-^
T'S p.nr> a4i'>r^ ^^sKtîiœiiftcit ran*- Souiller **t j «krrrâi fe t^nxîa airraEt:
0$^'^ Ta r,A ^>n«: p^aanti^ feriK ^?îr ^lae feiili*-
iÈ u m jl m u ^
m ï, m ^ m m
An mor^î^^tit da relfa» 3 pon eette ùmSe dans Tég^jùt, qiaïul nue des
dMfi^ an pSkhkiM^ an Dom 4e Hâm f ^ ;^ ^) la nmaessi.
yifiM tard Tiot: derrat gooremeiir des enfants d*im certain Hah-
ff/rm f fl{^ ^Jf ^ lorwja^ftn eertatn Jour, l'empereur répodia trois miDe
dam^ d4^ i^>fi ^w^il y H AiT'TrjciKr , qui pestait le même surnom que la
darm^ Hau f la maria à ^/n goatrameor. Après la eérCTaonie du mariage ,
ih \mr^i Umn lai dettx de leur ecnrbeille une fémlle rooge qu'ils se
m^mif^irtmt motuelkment ^ quand Tiou dit: ,Est ce qne cda ne serait
qu'H4/M^miel f et u^(rsftr<:e pad plot&t nne prédestinatÛHir^ A quoi la
finfUH itA9f répfmdit:
ffVne pUu'ji de beaox yen descendit avec le courant,
f,Ki (leri'lant dix ans des pensées noires étreignirent mon coeur;
^Auymrd'hm pourtant, nous sommes devenus amis comme le
[phénix et sa femelle,
f,Ki TUjuH mv(m» aujourdliui que la feuille rouge était une
[bonne entremetteuse*'.
- m m ^ m niL ^
i- m m J& §^ m m
273
4 ^ ^ m M. M
■:^ ^ u m m n m')-
Depuis, Texpression ^Feuille rouge" est employée en Chine pour
désigner une entremetteuse.
Une historiette semblable est racontée dans la légende touchante
de Tristan et (ÏYseult. La dernière avait été demandée en mariage par
Tristan pour son souverain le roi March. Mais à bord du navire dans
lequel il ramenait la princesse, ils avaient, par une malheureuse mé-
prise, bu ensemble un philtre destiné seulement k être bu par le roi
et sa fiancée, la nuit de leur mariage. La conséquence en fut qu'ils
devinrent éperdûment amoureux l'un de l'autre, et, forcément, cher-
chèrent à se voir autant que possible. La femme de chambre d'Tseult
Brigitte, servait de confidente à leurs amours, et un jour Tristan
lui dit: »Dites à ma bien-aimée que je désire la voir, et que si elle
veut me recevoir, elle attende dans sa chambre jusqu'à ce qu'elle y
voie flotter un copeau marqué d'une croix; qu'elle descende alors dans
le jardin, où elle me trouvera à la source du ruisseau qui passe par
sa chambre".
Or le signe que Tristan employait pour faire savoir à la reine qu'il
l'attendait était de la nature suivante. Tout près de la chambre à coucher
de la reine était un jardin où se trouvait une source ombragée par
un grand tilleul, et on avait conduit l'eau de cette source de façon
qu'elle coulât directement à. travers l'appartement de la reine. Donc
lorsque Tristan voulut parler à sa maîtresse, il cueillit des feuilles de
ce tilleul et plaça dessus le copeau marqué d'une croix'). De cette
façon, les feuilles flottaient dans P appartement de la reine ^ qui attendait
ce message près du ruisseau ').
4) Voyez les encyclopédies ^ ^ J^ || , chap. LXI, fol. iO yo; ^ ^ fg BgÇ'
chap. XVIII, fol. 8 v», etc.
2) A cette époque personne en Europe, hormis les moines, ne savait lire ni écrire. Tristan
se servait donc d'une croix , tandis que les amoureux chinois correspondaient par écrit
3) Tristan und Isalde, Kapitel 22 und 23.
35
274
On trouve encore une historiette semblable en Portugal. Sur la
rive méridionale du Mendego, en face de Coïmbre et h côté du pont
k demi ensablé qui unit les deux bords de ce cours d'eau bourbeux,
on montre dans le jardin du vieux couvent de Santa-Clara un endroit,
qui porte encore le nom de Fonie des Amores. L'eau limpide qui sort
d'une fente de rocher, sous un bosquet de cyprès de Goa, coule dans
un canal rougi par les conferves sanguines et autres plantes aquatiques,
qui, d'après une croyance populaire persistante, doivent leur couleur
au sang d'Inès de Castro, répandu en ce lieu. C'est là que l'innocente
femme de Don Pedro (de Portugal) fut immolée à la colère du père de
ce prince et à la rage des courtisans. Inès s'était réfugiée dans le cou-
vent voisin, et le conduit qui alimentait d'eau cette maison, servait, disait-
on , à lui faire arriver la correspondance clandestine de son mari ^).
Nous mentionnerons encore incidemment que les Parisiens se sont
également servis des égoûts pour leur correspondance avec la campagne ,
pendant le siège de Paris par les Prussiens, et l'on vit alors des sol-
dats et des officiers allemands aux aguets près des embouchures fétides
de ces égoûts, pour intercepter cette correspondance qui, du reste,
n'était pas de nature amoureuse.
n. Arbres d'amour.
Tout le monde connaît l'histoire de Philémon et de Baucis racontée
par Ovide; ils furent par Jupiter changés en un cAéne et un tilleul,
dont les branches s'entrelaçaient d'une manière inextricable.
Dans la légende de Tristan et d'Tseult dont nous avons fait men-
tion, on trouve le même fait.
Lorsque les deux infortunés amoureux furent morts, le roi March
les ensevelit ensemble dans une même tombe de marbre. Du côté où
reposait Tristan le roi planta une vigne y et du côté d'Tseult un rosier.
Dans la suite, ces deux arbustes s'entrelacèrent si intimement qu'aucune
force humaine ne fut capable de les séparer*).
i) Le Portugal historique et pittoresque. Revue Britannique, juin 1870, p. 359.
2) Tristan und Isalde^ Kapitel 60.
275
La légende chinoise raconte qu'un certain Han P^'ang ( ^ ^ )
secrétaire du roi K^ang de la principauté de Soung (^jc J^ 3E > époque
des Tcheou) avait une très belle femme nommée Ho ( 'jfij' ), qui excita
ài tel point les passions du roi qu'il fit jeter son mari en prison , où
il se suicida. Le roi mena un jour sa veuve sur une haute terrasse
où il voulut la violer, quand la vertueuse dame se précipita de la
tour et fut tuée. Dans sa ceinture on trouva une lettre dans laquelle
elle priait le roi comme dernière grâce d'être ensevelie dans la même
tombe que son mari. Mais le roi, jaloux même après leur mort, les
fit ensevelir dans deux tombes opposées. Pendant la nuit cependant,
deux Catalpas veinés ') poussèrent sur les tombes, et ils devinrent en dix
jours tellement grands que leur% branches s'entrelaçaient ; les deux arbres
se penchèrent l'un sur l'autre et leurs racines se réunirent. Deux canards
mandarins, un mâle et une femelle, perchaient continuellement sur ces
arbres, où ils entrelaçaient leurs cous, en criant douloureusement. Le
peuple fat touché par cet événement, et nomma dès lors ces arbres
Siang-sze chou {i^ ]^1^) ou Arbres d'amour.
On fait allusion à cette légende dans le tercet suivant:
» Comme les arbres d'amour sont resplendissants!
»Se reposant l'un sur l'autre ils entrelacent leurs branches.
„En écoutant le chant des canards mandarins, les entrailles
[sont déchirées*' ^).
ï^ m -^ ^ m
^ ^ n m i^
m ^ "^ n ^ m
III. Hausdrâche.
Dans l'Allemagne entière une mégère ou méchante femme est nom-
1) 'aT JA. Bketscbneider, Botanicon sinicum^ p. 341 — 42.
2) ^)J ^1 ^^ cité dans TEncyclopédie Kouang-sze loui-fou, chap. XVIH, fol. 13 v®;
Maters, Chinese readers Manual^ n^ 154, donne une variante de cette légende d*après le
276
mée un dragon, et les hommes mariés, en parlant de leurs femmes,
les nomment peu galamment, des dragons familiers, Hauadrache. Les
allusions à ce fait sont innombrables dans la littérature allemande,
et surtout les y,Fliegende Blàtter^^ sont très riches à cet égard. Nous ne
mentionnerons ici que la légende racontée dans le n** 1314, où un
preux chevalier délivre une vierge ravie par un dragon. Pour récom-
penser son libérateur, elle lui promet de l'épouser. En ce moment, le
dragon expirant ouvre sa gueule et siflie ces mots : »Tu ne jouiras point
de ta victoire sur moi, chevalier insensé; elle ne te portera point
bonheur, car sache-le bien, tu n'as tué un dragon que pour être tracassé
la vie entière par un autré*\
Dans le voyage humoristique de „ScAulize und Mûller in Dreaden
und in der sàchsiscàen 8chw€iz*\ p. 23 , Mûller dit à quelques amis qu'il
a rencontrés dans la célèbre Vogelme%e^ où lui et Scbultzb avaient été
découverts par leurs épouses respectives:
„Je vous dis que c'est horrible quand un jeune homme amouraché
»se précipite dans la vie et croit qu'il a attrapé un ange et est traîné
^à l'autel par un ange pareil. Quand il a gardé son ange pendant quel-
»que temps, ses ailes croissent de plus en plus; et quand il y regarde
^plus attentivement, il s'aperçoit qu'il n'y a pas de plumes dedans, et
^qu'il a attrapé un dragon au lieu d'un ange — . Aussi bientôt le
^dragon commence à vomir du feu, et pour que la chaleur ne devienne
^pas trop violente, il est obligé de porter des culottes masculines, et
^de boucher la gueule du dragon avec des bonnets, des mantilles, des
«parasols et Dieu sait quoi encore".
En Chine une méchante femme est généralement nommée »le Lion
rugissant de Ho-toung" ^) ou bien un Koumbhândas ( j!l|| J^ ^ ) , une
espèce de démons monstrueusement difformes. On la nomme aussi la
Mère des neuf diables ijl^::^^) ou un Tigre fardé (19 flg J5^),
ou un Tigre furieux (^J^), mais on la nomme aussi un Dragon
(in loung) à, cause de l'anecdote suivante.
L'impératrice Hi (f|^|î), femme de l'empereur îFou de la dynastie
^)^#0^m«8i^'%-
277
des Liang (502 — 549 de notre ère) , était extrêmement jalouse. Après
sa mort, elle fut métamorphosée en un dragon^ et sous cette forme elle
apparut à l'empereur et l'avertit de ne pas se remarier. L'empereur
devint très inquiet quand le dragon fît jaillir l'eau dans un puits ouvert,
n fit faire une ma%%e de vêtements, plaça au dessus du puits une poulie
d'argent et un seau d'or, sacrifia toutes sortes de choses précieuses aux
mânes de son épouse-dragon, et n'osa jamais prendre une autre femme ').
On n'a qu'à puiser dans les immenses trésors de la littérature
chinoise pour trouver une foule de „folkloreia!e8^^ parallèles: malheu-
reusement les sinologues s'en sont peu occupés, et cette riche mine reste
inexploitée. Nous appelons leur attention sur ce nouveau champ de
travail.
4) Voir les ^ ^ .
Georgisches -qe
VON
H. SCHUCHARDT,
Profeseor an der Uniyereitat Oniz.
Das -qe der alteren georgischen Schriftsprache wird von TSubinow
in seinem Wôrterbuch von 1887 erklart mit georg. diay^ ta saiwirtoeliaj
russ. da, koneèno^ j,ja", ^allerdings". In seinem Wôrterbuch von 1840 hat
er es nicht, wohl aber fîndet es sich in der hier beigegebenen Gram-
matik S. XV unter den von den Konjunktionen abgesonderten „ parti-
cules affirmatives". Und zwar dies im Anschluss an Brosskts Éléments
S. 219 — 224, wo ùber dièse i, particules d'affirmation" ausfûhrlich ge-
handelt und insbesondere qe (^inséparable") als vulgare Nebenform des
fttr sich stehenden hi, «affirmation positive ou relative" bezeichnet
wird. Was die Litteratur betriflFt, kennt er es nur aus Antoni und
Phiralow; beim U welches «wahrlich" bedeutet, bemerkt er: «dans le
langage oral, on entend qe^ et non h%\ und femer: j^ki kiy qe qe,
dans la conversation , signifie «oui oui", «oui bien" ". In TSubinows
russisch geschriebener Grammatik von 1855 wird umgekehrt qe als
litterarische Nebenform von ki angefûhrt (S. 48 § 25); in seiner geor-
gisch geschriebenen von 1887 finde ich ki und qe weder unter den
Konjunktionen (S. XXVHI § 32) noch am Schlusse des Kapitels ùber
den Gebrauch der Pra- und Postpositionen , wo verschiedene Partikeln
und auch solche «zur Bekraftigung des Gesagten" zusammengestellt
sind (S. XXXVII § 43). Als bekraftigende Konjunktion erscheint qe
279
schon in SanSowanis georgisch geschriebener Grammatik (1737; hg.
1881): sadierowno arian^ romelni ts^aarulni dadierebith daidginebian uebrad
da arian eseni: ata^ ukwe, sadame, ertibamad, ce, maSa, kAtoCj
aba (S. 74). Die Gesellschaft ist eine zu bunte als dass sie uns die
besondere Bedeutung des qe errathen liesse. Wohl aber wird qe in
S.-S. OàBELiANis (1658 — 17 . .) georgisch-georgigchem Wôrterbuch (hg. 1884)
dem ki gleichgestellt : kia msgawsia da mSwenieri.
Es steht mir nun fest dass -qe noch eine ganz andere Bedeutung
bat als dièse affirmative, ja ich halte es nicht fflr unmOglich dass es
die letztere ûberhaupt nicht wirklich besessen hat, sondern nur einem
alten Missverstandniss verdankt.
Antoni sagt in seiner Grammatik (1767; hg. 1885) S. 171a § 259,
7, dass neben -en als Pluralzeichen der 3. Person auch -a», -win (wohl
"tman ?) und -qe gebraucht werden , und gibt als Beispiel fur das letzte :
uqwarsqcy was doch nichts anderes bedeuten kann als das etwas spâ^ter
angefûhrte uqwaratAy nftmlich „er ist ihnen lieb". Am Schlusse des
Kapitels ûber die Pra- und Postpositionen (S. 99 § 100) kommt neben
andern Anhangseln des Verbs, wie -tsa, -ya, auch -qe vor, und zwar
in dem Beispiel: datoits' qebiesqe y »sie haben ihn vergessen'* (?). Mit sehr
umfangreichen Partieen von Antonis Grammatik ist auch dièses Bei-
spiel in die handschriftliche Grammatik des Kapuzinermissionars ans
der zweiten Hâlffce des vorigen Jahrhunderts ûbergegangen , die Emilio
Tbza besitzt und die er mir gûtigerweise geliehen hat; es ist aber, den
sonstigen Beispielen ungleich, nicht ûbersetzt worden. Wahrscheinlich
hat der Italiener das -qe nicht verstanden; er sagt: „la quale parti-
cella è molto fuor delVuso anche nella Lingua de Libri, benche in
oggi i Giorgiani la spacciano per una grande galanteria" (das erinnert
an das miwenieri Okbelianis), und weiter, was sehr wichtig ist: „la qe
non si agiunge mai al Nome", sondern nur ans Verb (S. 131). Die drei
Stellen Antonis mit welchen Brossbt das -qe belegt, sind die folgenden.
S. 9 § 3: igiwe . . . . aabrunwel^ raitsaya akhwsqe bohd uxTfnx)tha aaotha
mekhontha saxelthay ^dieselbe Deklination welche die am Ende Konso-
nanten habenden Wôrter haben" (eig. » welche ihnen ist"); S. 136a
§ 197, 4: daekwethebiaqe kidurtlia ;^//î02ra»Ma hapobdiy „es stôsst ihnen
280
Abfall der analantenden Vokale zn"; S- 155A § 234, 1: erthiêagan etê'ar-
moebiesqe dzirisa, „9ie haben es von einem Stamm gebildet." In allen
diesen fûnf Pâllen ist -qe Ploralzeichen des Dativs der 3. Person. In
Antonis erster, angedmckter Grammatik kommt , wie ich ans Tsagarelis
O fframmatiieêlm literaiuré ffruzinêkoffo jazyka (1873) S. 23 entnehme,
der Satz Tor: romelniisa zepir si^awlad ujfmsqe aj^cU yrammatiiastÂa ,
^welche anawendig zn lemen nOthig ist den jnngen Grammatikem."
Von den beiden Bel^tellen die Bbosset ans Phiralows Lehrbnch (1820)
anfûhrty kann ich die eine (3. 24) iiberhaapt nicht finden; vieUeicht
ist msffaioêadwe als msgaw%adqe yerlesen worden. An der andem (Vorw.)
steht in der That uadwile^qe^ aber vieUeicht ist hier -qe f&r -^we ver-
schrieben oder verdmckt worden, da es ja nnr beim Verb anzntreten
pflegt. Von den fûnf Bel^tellen Tâusmows sind mir angenblicklich bloss
z wei zng&nglich. Khilila da Damana S. 30 1 Z. 1 : thutaa ip j^elmis'ipAo-
hiê ênattha da^wathqe^ «wenn ihr ihn auf die Teppiche des EOnigthnms
setzt", wo ich -qe auf den Dativ ênattha beziehe; Wisramiani S. 25
(Ausg. Yon 1884): hkqondaqe ;(waSiadi Moabadm didebuUAa, „die Magna-
ten Moabads hatten ein Geheimniss" (eig. „es war ihnen"). Dass in
der Rolle eines Pluralzeichens -qe auch im Wephxis-tqaosani vorkommt ,
ersehe ich ans dem WOrterverzeichniss am Ende der Ansgabe von
1891: qe, mrawlobithi ritsxwis gamomxatweli sitqwa.
Dièses -qe ist gewiss nichts anderes als jenes Pluralzeichen -q
welches ich in der ingiloischen Mundart nachgewiesen habe {Ueber den
paêêiven Charakter des Transitive in den kaukasischen Sprachen S. 86). Ob
es mit dem swanischen Pluralzeichen -x (s- ebenda S. 41. 42. 49. 55)
und dies etwa wiederum mit dem beim Nomen und Verb sich fînden-
den tscherkessischen Pluralzeichen -x^ C^- ©henda S. 7) und dem nomi-
nalen -khua und verbalen -kh- des Abchasischen (s. ebenda S. 4) verwandt
ist, wage ich nicht zu entscheiden.
A propos de la théorie bouddhique des douze nidânas
PAR
É. SENART
Membre de rinstitnt de France.
La théorie dite de ^renchaînement des Causes {pratltyaaamuipâdà)
ou des douze nidânas" *) se rattache aux vues essentielles du Boud-
dhisme; elle a été incorporée dans la promulgation solennelle de la
Loi, le dharmacakrapravartana. Elle a largement exercé la sagacité des
interprètes occidentaux. Cependant les plus ingénieux et les mieux
informés ont, jusqu'aux plus récents, désespéré d'en découvrir une
explication assez logique pour être réputée satisfaisante et définitive.
A la fois importante et obscure, il n'est pas surprenant qu'elle ait de
nouveau, dans les derniers temps , sollicité l'effort de plusieurs exégètes.
Ils l'ont envisagée de points de vue différents. M. Warren *) a pensé
qu'il suffisait, pour la bien entendre, de mieux définir la portée plus
souple , plus indécise qu'on ne l'avait imaginé , du lien logique qui en
soude les mailles. M. Waddell ^) a cru que de l'étude des symboles par
lesquels l'imagerie figure graphiquement cette doctrine il jaillirait une
lumière décisive. Tout récemment, M. Jacobi*) a cherché à la dé-
1) J'en rappelle la liste: avidyâ, samskâra, vijiiâoa, nâmarûpa, çadâyatana, sparâa, ve-
danâ, trçnâ, upâdâna, bhava, jâti, jarâmarana.
2) Proceed, Amer. Orient Soc, avril 1893, p., xxvn sqq.
3) Joum. Roy, AsiaU Soc, 1894, p. 367 sqq. et Buddhism in Tibet ^ p. i05 sqq.
4) Der Ursprung des Buddhismus aus dem Sàmkhya-Yoga ^ dans les Nachrichten der
kôn, Ges, der Wissensch, zu Gôttingen, 1896.
36
282
brouiller par la comparaison du Sâmkhya. Le sujet est à Tordre du
jour. Ou me permettra à mon tour de consigner ici quelques observa-
tions qu'il m'a suggérées.
Le rapprochement de M. Waddkll est intéressant pour les pein-
tures dont il fournit un commentaire instructif; il l'est peu pour l'in-
telligence de la théorie. L'image n'en peut donner qu'un reflet bien
vague. Jj avidyd y est représentée par le symbole d'une ^chamelle aveugle":
comment en conclure que le mot signifie, ainsi que le veut l'auteur,
la ^volonté inconsciente", et non l'^ignorance", au sens du Sâmkhya
ou du Vedânta î Les types appliqués à un même terme diffèrent parfois
d'une peinture à l'autre. Il n'y a visiblement aucune conclusion
précise h en tirer pour interpréter des mots abstraits dont les nuances
mêmes du langage sont souvent impuissantes à dégager exactement la
notion. Il en est que l'on tournerait aisément contre les traductions
de M. Waddbll. U entend upâdâna par ^avidité" ijreed)^ parce que
Temblème en est un homme qui cueille et entasse des fruits; mais si
upàdâna se confond, comme c'est certain, avec les skandhasy c'est-k-dire
les éléments constitutifs de la vie, n'est-il pas plus naturel de penser
que cette scène fait allusion aux ^fruits" du karman?
Pour expliquer la spéculation bouddhique, M. Waddell fait trop
souvent appel aux philosophèmes de l'Occident , pas assez à l'usage con-
staté des termes dans la littérature hindoue. C'est une méthode péril-
leuse. Le désir de retrouver dans l'Inde des pensées modernes qui y
auraient été devancées de tant de siècles, fait des ravages fâcheux. Il
faut prendre garde de méconnaître les lois mêmes du développement
de l'esprit. Des idées subtiles, complexes, ne s'ajustent pas si exac-
tement en des temps si éloignés et dans des phases de civilisation si
disparates. Il est plus utile et plus sage de chercher par quelles nu-
ances se diversifient au fond des thèses comparables dans la forme
que de multiplier des rapprochements plus piquants que solides.
Quoi qu'il en soit, c'est à l'interprétation des termes bhava et jâti
que M. Waddell paraît attacher le plus de prix. Le premier signi-
fierait la procréation, le second la naissance, non pas de l'individu
qui est conçu comme le sujet idéal de toute l'évolution, mais de
283
rhéritier qu'il se donne. Mais Burnoup a déjà, fait sentir combien il est
inadmissible de changer ainsi le sujet dans plusieurs chaînons. U est
particulièrement impossible de le changer ici, comme M. Waddell y
est acculé, entre jâti et jarctmaranaj quand les deux termes sont asso-
ciés si étroitement dans l'énoncé des quatre vérités , comme les phases
de l'existence d'un seul et même être. Mais c'est en analysant de près
la formule que l'on sent mieux combien est fragile toute la construc-
tion de M. Waddell, quelque ingéniosité qu'il y ait d'ailleurs portée.
Les juges les moins suspects ont reconnu ce qu'il y a dans le
pratîiyasamutpàda d'incohérence logique. Childers ^) et, plus expressément
encore, M. Oldenbsbg') ont déclaré qu'il était impossible d'en déduire
strictement tous les termes les uns des autres , que »les douze nidânas
ne sont pas considérés comme s'enchaînant nécessairement dans l'ordre
dans lequel ils sont donnés; qu'ils sont plutôt l'énumération des prin-
cipales causes auxquelles peut être attribuée l'existence, l'ordre dans
lequel ils sont énumérés étant, dans une certaine mesure, arbitraire".
Je crains que, en prêtant cet aveu à la théologie bouddhique, Childers
ne se soit bien avancé. Elle entend assurément établir entre les termes
une continuité normale, nécessaire. Autre chose est de savoir si cette
prétention est fondée, si elle a présidé à la conception première d'où
est issue notre formule. Pour l'admettre, il est trop malaisé d'y dé-
couvrir une logique solide.
M. Warren n'a pas levé cette difficulté. Il a raison à coup sûr
de reconnaître que le lien qui en rattache les différents termes ne
saurait être conçu avec la rigueur que nous portons dans la notion
de cause, que, de l'un à l'autre, le passage ne se peut couvrir qu'au
prix d'artifices divers. Mais un enchaînement si Êiiblement lié perd
toute valeur, toute originalité sérieuses. Même si l'on s'en contente,
M. Warrrn n'a pas écarté toutes les pierres d'achoppement: il con-
state que, à dire vrai, avec le huitième nidana, la tr^nà, la série re-
commence.
1) Dans CoLEBROOKB, MiscelL Essaya^ éd. CJowell, t. D, p. 454.
2) Buddha^ p. 243 sqq.
284
L'aveu est grave. La question, en effet, se pose d'abord de la
façon suivante: la nomenclature des nidânas représente-t-elle directe-
ment , ainsi qu'on paraît toujours l'admettre , la pensée originale , ré-
fléchie et consciente du bouddhisme sur l'origine de l'existence humaine?
Ou bien n'est-elle qu'une construction plus ou moins tardive où sont
amalgamées, sans un ordre logique sévère, des catégories primitive-
ment indépendantes , différentes dans les termes , quoique assez équiva-
lentes par le sens, en sorte que l'on n'y saurait, sans une extrême
illusion, chercher la forte structure d'une théorie autonome, sortant
tout armée d'une spéculation maîtresse d'elle-même?
La seconde alternative est, à mon sens, seule admissible.
Et, tout d'abord, elle n'a pas cette fixité invariable que suppo-
serait une structure parfaitement homogène; elle flotte en plusieurs
variantes. A côté des douze nidanas, il est ime énumération de cinq
vinnâna^ phassa^ vedanâ , tanhâ^ aainkhâra^ les samska>ras engendrant à
leur tour le vinnEna, en sorte que la chaîne est continue')* Et cette
liste n'est pas une simple réduction de la formule plus complète,
puisque les termes ne s'y suivent pas de même. Ailleurs *) le sixième
nidEna, sparéaj est omis. Mais la comparaison de certains articles
entre eux est surtout concluante.
On a beaucoup discuté sur le sens à'upàdàna. Ce n'est pas une
petite tâche que de définir les termes si souvent imprécis de la philo-
sophie hindoue. Cette préoccupation a rejeté dans Tombre un détail
qui est pourtant bien essentiel. Upâdâna, plusieurs textes le démon-
trent ') , n'est qu'une réduction pour upddâna siandAas ou , plus complè-
tement, panca upâdânasiandAas *) j soit = les cinq skandhas qui sont,
comme on sait: rûpa, vedanâ y samjnâ, samBkàra et vijMna. Les écoles
ne les énumèrent pas toutes dans le même ordre ; peu importe , toutes
4) Childers, s. V. 'paixccasamuyfâda, Cfr. Oldenbero, p. 244 sqq., et le texte cité
par Childbks, p. 577»: vinnânassa virodhena etthetam uparujjhati.
2) HoDGso», Essaya^ pp. 78, 80.
3) Mahâvagga, t. I, p. 6, l. 19; Feer, Joum, Asiat, 1870, t. I, p. 382, 406; Bubnoup,
Introduction y pp. 475, 494; Childbrs, s. v. upâdànam; Mahâvastu^ lU 332.
4) Childebs traduisait upâdûnakkhandhas : „le8 skandhas qui ont leur origine dans
Tupâdâna". C'est une intei'prétation absolument arbitraire.
285
s'accordent sur les noms. 11 saute aux yeux que trois au moins de ces
skandhas , bien que compris en bloc sous le chef à'upQdâna , reparais-
sent individuellement aux numéros 2, 3 et 7; un quatrième, rUpa, est
au moins directement rappelé par nàmarUpa; quant au cinquième,
samjnâj il est fort bien représenté par les deux termes ^adàyatana et
aparéa qui, suivant la définition p&lie, cakkhu{eiQ,.)8ampha88ajà saMSy
en dédoublent les éléments constitatifs. La série des skandhas figure
donc en réalité deux fois dans la formule. Le fait suffit pour en réduire
h sa valeur la portée spéculative. C'est se leurrer que de chercher
une déduction objective dans cette série composite: des catégories sco-
lastiques toutes faites y ont été manifestement fondues dans un ordre
plus ou moins accidentel, sur lequel d'ailleurs nous allons revenir.
Aussi cette énumération aurait-elle pu être aisément ou limitée ou
étendue. Nous en avons la preuve. Dans le Dvayatânupassanâmtta du Sut-
tanipata'), la douleur est tour à tour tirée des upad/na, de Vamjjây des
8amkiâra8, du vinnânay du pâassa^ de la vedanâ y dels, ianAâ y de Vupâdâna y
de Vflrambia, de YâAsray de Vinjita. Or la dérivation de la douleur est
le cadre primitif, le fond de toute la théorie.
D'ailleurs ni l'un ni l'autre des deux premiers termes, avidyS ni
samkâras, n'appartient en propre au bouddhisme. Ils n'auraient pas
de place dans une théorie qui résumerait spontanément les vues
originaires de la doctrine. Préparé par le mysticisme des upanishads,
par l'importance souveraine qu'elles attribuent à la gnose, le rôle de
VavidyS se poursuit dans la plupart des systèmes hindous; chacun en
colore la notion suivant ses tendances propres. Les bouddhistes n'y
voient que l'ignorance de leur loi de salut ^). C'est là une interpré-
tation pratique et terre h terre; jamais, par elle-même, elle n'eût
justifié la fonction ontologique, qu'assigne à Vavidyâ la place même
qu'elle occupe en tête des nidânas. Il y a fallu l'influence d'une tradi-
tion extérieure. C'est en effet au Sâmkhya-Yoga qu'appartient d'origine
le second terme : les samkâras ') , dans les idées communes au Sàm-
i) Éd. Fausbôll, p. 135 sqq. ^
2) Majjhima JVi7t., t. I, p. 54.
3) Garbe, Sâmkhyaphilosophie^ p. 269 sqq.; Oldenberg, Buddha^ p. 267—268; Ja-
OOBI, loc. laud.
286
khya et an Yoga , représentent les dispositions intellectuelles et morales
qui sont censées résulter de toute activité interne; elles s^accumulent
en quelque sorte à travers les existences successives , et Ton admet
qu^elles subsistent à Tétat de germes qui forment le substrat d'existences
ultérieures. Havidyâ est un de ces samsk&ras, et c'est pourquoi elle
figure comme la première cause du renouvellement de la vie. M. Jaoobi
a donc grand raison quand il conclut que c'est au Samkhya-Yoga que
les bouddhistes ont emprunté ces termes. Mais ceci emporte pour toute
rénumération une origine secondaire et un caractère composite.
Et que dire de nâmarupa% Le mot, comme Ta &it remarquer M.
Errn ^) , est pris à la langue du Yedanta. Mais , englobé ici dans une
série qui correspond aux skandhas, il ne peut essentiellement repré-
senter que le rûpa qui en est le premier élément •). Qu'il résulte d'une
altération de la nomenclature primitive ou de Tadoption peu éclairée
d'une notion qui n'avait pas ici de place Intime ici, il détonne dans
un ensemble que toutes ses affinités rattachent au Samkhya. One pa-
reille incohérence n'est pas pour donner à la formule l'autorité d'une
théorie conçue tout d'une pièce.
C'est le texte fondamental des quatre vérités qui fixe sous la forme
la plus authentique le sentiment des bouddhistes sur l'origine du mal.
La troisième se condense en ces mots: pancupadSnakkhandhà dukkhà, ^les
dnq skandhas sont la douleur"; la quatrième continue aussitôt: idam
kho pana .... dukkhaaamudayam .... yâyam tanhà ponobbhavikâ . . . • , ^quant
à l'origine de la douleur, c'est la aoifj qui porte vers de nouvelles
existences". Tout ici est simple et clair. Les skandhas étant les éléments
de l'existence, la „soif', le désir, en est la source. La théorie des,
quatre vérités ne va pas plus loin. La tanha forme ici le dernier
chaînon. L'énumération des nidanas prétend le renouer plus haut. Mais
c'est justement à ce point qu'on y a constaté , et fort justement , une
incohérence irréductible.
1) Der Buddhismus, trad. Jaoobi, t. I, p. 427.
2) C'est ce qu'ont senti les commentateurs méridionaux. Mais le système en vertu duquel
rûpa viserait le pramier skandha, et hâma les quatre autres (Childers, 8,v,) n'est manifes-
tement qu'un expédient scolastique sans portée.
287
Pris isolément les cinq derniers articles , de tarihà à jarQmaranaj ré-
sument fidèlement les notions anciennes : à la racine la tr^à , à laquelle
se rattachent les akandhaa {upàdànd), d'où suit Texistence, bhava^ im-
pliquée dans répithète panobbhavika. Jàti et jarâmarana ne sont que le
raccourci de la phrase consacrée: au lieu d'être paraphrasé^â/i/?! ûfei^As,
jarâ pi dukkhâj vySd/npi dukklià^ marariampi dukkham ^\ etc., le mal de l'exis-
tence est résumé dans ses aboutissements extrêmes, la naissance et la mort.
Que la théorie des nidanas se lie à. la formule des quatre vérités,
c'est ce que personne n'a pu méconnaître. Mais M. Rhts Davids ^) , avec
d'autres savants, y ont cherché un eflfort spéculatif, pour pousser plus
loin le problème essentiel de l'origine du mal. Je viens d'indiquer
pourquoi je n'y puis voir que la paraphrase d'un thème donné, et,
sans apport de pensée originale, le classement dans un ordre supposé
généalogique de catégories, qui pour une bonne part sont simplement
synonymes. M. Feer ') avait déjà» remarqué très justement que ^l'énu-
mération duodécimale ne représenterait guère que des équivalents soit
de la douleur elle-même, soit de la cause de la douleur." Le nom
même de nidàna semble à cet égard caractéristique. Suivant M. Kern ^),
le cadre des quatre vérités serait emprunté à la médecine laquelle
distingue quatre objets principaux: la maladie, l'origine de la maladie,
la guérison et le remède. Or le mot nidàna n'a pas , je crois , d'emploi
technique déterminé, dans la terminologie philosophique; il est, au
contraire, affecté par la terminologie médicale aux causes des maladies,
du mal physique. Dans le bouddhisme, il désigne les sources de la
douleur. Les nidànas sont les causes du duhkha.
Le noyau de la nomenclature est, en effet, dans les n^* 8 et 9,
tr^ et upàdâna^ où se résume sur l'origine de la douleur la doctrine
des quatre vérités. Les trois termes suivants out pu s'y souder naturel-
lement; ils sortent du même texte. Quant au reste, il se compose
essentiellement: V d'un emprunt fait à la théorie samkhya qui dérive
i) Mahâvagga, t. I, p. 6, 1. i 9.
2) Vinaya TexU dans les SB E, t. I, p. 446.
3) Joum. Asiat, 1870, t. I, p. 416.
4) Der Biiddhismus ^ trad. Jaoobi, t. I, p. 469 sqq.
288
le mal, c'est-à-dire l'existence même, de Yavidyâ et des samiâroê, et
2"" d'une répétition détaillée des skandhas déjà impliqués en bloc dans
upâdâna.
Mais d'où est venue l'idée de réunir tous les termes en une série
continue dont les éléments se commandent? Quelles raisons en ont
délimité l'étendue et imposé le cadre numérique î C'est encore la formule
des quatre vérités qui nous fournit la réponse.
Le sammàdittkisutta du Majjhima Nikaya^) présente les nidanas,
de telle sorte que le cadre des quatre vérités est en quelque façon
appliqué successivement à chacun ; y,yato • • . ariyasQvnko jaràmaranam ca
pajQnàii jaràmaranaaamudayan ca pajànàti jarctmarananirodhan ca pajQnàti
jarâmarananirodhayàminlpatipadan ca pajQnàti ettctvatà... sammQditthi hoti,
et ainsi de suite. La formule y est même transportée à un terme nouveau,
âhàra, au lieu de dukkha (p. 47). Le thème se prêtait donc à toutes sortes
de variations. En revanche, le Dvayatànupassanàsutta ^ déjà cité, après
avoir réduit les quatre vérités en deux articles, présente les nidanas
encore à l'état libre, si je puis ainsi dire: la douleur est tour à tour
dérivée de chacun d'eux, individuellement, sans qu'une relation de
dépendance soit établie des uns aux autres. La série reste ouverte:
avant même Xavijjiij elle commence par les upadhisy et, à partir de
Vupàdànay elle se continue par Irambhaj cthctra, ihjita (p. 143). Il semble
que nous remontions ici jusqu'à une époque où les spéculations n'étaient
pas enfermées encore dans une classification rigoureuse, he dukkàasa-
mudaya n'y est pas, ou n'y est pas encore, organisé en cakra.
Ce n'est point sans motif, en effet, que l'énumération est désignée
comme paticcasamuppctdacakka^ »la roue des causes qui se supposent l'une
l'autre". Le nom est d'autant plus remarquable qu'il est, au fond,
impropre. S'il y a enchaînement approximatif, il n'y a pas de «cercle"
fermé: on ne saurait dire que Vavidyâ ne puisse exister sans la mort.
Pour en donner l'illusion , il faut recourir à des paraphrases trop libres ,
comme lorsque M. Waddell substitue ^febirth:\ «renaissance", pour
représenter avidyâ. Peut-être est-ce pour échapper à une objection si
1) T. I, p. 46 sqq.
289
évidente qu'on a imaginé Ténumération réduite en cinq termes (p. 297) ;
le dernier, samkctra^ se peut, en effet, sans trop d'arbitraire, relier au
premier, vijnâna, qui le suit dans le tableau des skandhas. Quoi qu'il
en soit, la dénomination de cakra n'est certainement pas née de l'es-
sence même de la théorie; elle se rattache, à n'en pas douter, au sym-
bolisme du dharmacakrayravartana.
Cette image d'une roue en mouvement avait d'abord suscité la pensée
de faire évoluer l'exposition en douze étapes, à raison de trois pour
chacune des quatre vérités , d'où ce que M. Feer ^) a appelé «l'évolution
duodécimale". Si donc la notion de roue a éveillé l'idée de réduire la
doctrine en un enchaînement de causes, du même coup était donné le
nombre des termes qu'il devait embrasser ; l'un et l'autre élément remon-
tant à la même source.
L'essentiel de l'énumération était fourni par le texte des quatre
vérités. Pour la grossir au chiffre conventionnel, on n'avait que l'em-
barras du choix, tant étaient nombreux les équivalents dont disposait
le bouddhisme pour exprimer l'idée de la douleur et de ses éléments.
Mais cette explication ne suffit pas absolument; à côté de ce qu'elle
embrasse de phraséologie proprement bouddhique, notre nomenclature
révèle un élément extérieur, en une certaine mesure, hétérogène: ici
intervient l'imitation du Samkhya.
C'est le cas de rapprocher un passage vraiment topique du commen-
tateur Aniruddha*). Expliquant que la cause spéciale qui produit la
douleur est Vavidyà (l'ignorance), la tr^ict (la soif du désir), le dha--
rmctdharman (le mérite et le démérite), il ajoute: ^avidycL est l'eiTeur;
le samkàra de l'erreur est par ceux qui savent donné pour la cause
spéciale de la soif du désir, etc.". Cet et cetera ^ d'après l'interprétation
certaine de M. Garbe, vise le dharmSdharmau ^ un autre nom du karman.
La tr^Q était chez les bouddhistes le fondement unique de l'explication
primitive; elle en faisait sortir les skandhas ou éléments de l'existence,
puis l'existence concrète et ses douleurs, résumées dans la naissance, la
i) Journ. Asiat.^ 1870 t. I, p. 420 sqq.
2) Sâmkhyasûtravrtti ^ H, 1.
37
290
vieillesse et la mort. Ce sont les deux autres catégories, avidyS et
dharmcLdharmau ^ celle-ci représentée par son équivalent, les skandhas,
qui ont rempli les sept premières cases de Ténumération définitive.
Samkctra figurait au second rang comme amdyctsamkàra; c'est sans doute
pour cela, et afin de reconstituer, sans répétition matérielle, le chiffre
nécessaire, que la aanjM, au lieu d'être consignée nommément, a été
dédoublée en ses éléments constitutifs, ^adâyatana et aparéa: les sens
et cette mise en contact avec leurs objets propres d'où, suivant la
théorie hindoue, résulte la perception.
11 est vrai que notre formule est ancienne et le témoignage du
commentateur assez récent. Mais Aniruddha n'a ici rien inventé; il est
le porte- voix d'une tradition très vieille; les notions analogues du To-
gasûtra en font foi ^). L'imitation du Samkhya demeure donc ici cer-
taine. Mais c'est sur la base d'une formule bouddhique antérieure que
l'emprunt a été utilisé ; c'est le cakrapravartana des quatre vérités *)
qui a inspiré la nomenclature, qui en a déterminé la forme, qui en a
fixé les limites.
Je ne saurais , avec M. Jacobi •), y voir une refonte où se suivrait
pas à pas l'évolution des vingt-cinq Tattvas. Que le bouddhisme et le
Ss.mkhya s'accordent d'assez près dans la façon de considérer les éléments
de l'existence, d'identifier l'existence avec la douleur, c'est à merveille.
Quant à. la dérivation directe, immédiate, que suppose M. Jacobi, elle
ne se pourrait démontrer que par des coïncidences détaillées, formel-
les, qui manquent. Pour les deux premiers articles, M. Jacobi est bien
obligé de faire appel ailleurs qu'à» la catégorie des Tattvas , et la fin des
1) Jaoobi, p. 10.
2) G^est à la même formule que la catégorie des skandhas me païaît avoir emprunté
son nom. Le mot, au sens de branche^ ramification^ se pourrait attacher à bien d^autres de
ces nomenclatures dont les bouddhistes sont si prodigues. Pourquoi s*est-il fixé sur celle-K^i?
J*en trouve la cause dans remploi consacré de dukkhakkhanda (p. ex. Mahâvagga^ I, 2)
pour embrasser tous les aspects de la douleur. L'identification de diihkhaskandha avec
upâdànaskandha a fait le reste. Les cinq kleças imités du Sâmkhya Cvoy. plus bas) en ont
peut-être fouiiii le type et le cadre numérique. C'est au moins ce que donne à penser l'anti-
thèse dans laquelle sont affrontées des locutions comme kleçanirvâna et skandhanirvâna
(Childers, p. 267*).
3) P. 5 «qq.
N
291
deux nomenclatures coïncide aussi mal que le commencement. Les
données singulières et nettement caractéristiques , comme les karmendriyas ,
n'ont laissé aucune trace dans la série bouddhique. Le nombre des termes,
aussi bien que la prétention de les présenter comme un cercle fermé,
demeurent, dans cette hypothèse, inexpliquées.
Est-il bien vraisemblable que les bouddhistes eussent emprunté
une énumération dont les termes extrêmes, prakrti et puru^a^ rappel-
lent justement les deux doctrines qui les séparent le plus du Samkhyaî
Qu'ils eussent de propos délibéré copié la déduction des causes, alors que
la manière de. concevoir les eflfets, c'est-à-dire les choses en général,
— éternelles suivant le Samkhya, impermanentes et irréelles suivant le
bouddhisme, — établit précisément entre les deux doctrines la contra-
diction la plus flagrante?
Le souvenir de cette opposition s'est, à mon avis, conservé dans
la terminologie même de toutes les écoles bouddhiques. La satkâyadrdi
au nord, la sakkàyaditthi au midi, est signalée comme une des erreurs
les plus pernicieuses, un des trois sainyojanas. Childers s'approprie l'opi-
nion de Subhûti et dérive %akkâya de svakâya^ avec redoublement anomal
du k. Non content de contester l'étymologie (sat-kàyà) tentée par Burnoup,
il représente l'orthographe satkSya comme une restitution maladroite de
la forme pâlie mal interprétée. Il faut, je crois, renvoyer dos h dos
ces prétentions rivales. Les deux orthographes reposent également sur
une méprise plus ancienne; sakkâya- et saikâyavsda remontent l'un et
l'autre à. aatkctryavctda. Or le satkàryavàda , la doctrine de la perma-
nence des choses, est un théorème capital du Samkhya; ses adhérents
en reçoivent couramment le nom de Satkàryavàdins *). Sakhâyaditthi est,
suivant les interprétations bouddhiques *), l'erreur qui ajfirme l'existence
substantielle , la permanence de l'âme , du moi , attavâda. Ce point est
en effet de ceux qui, parmi beaucoup d'affinités, divisent le plus pro-
fondément le Samkhya et le bouddhisme. L'explication se légitime ainsi
comme une expression partielle de la valeur primitive du terme. Comme
1) Garbe, Sârhkhyaphilosophie^ p. 232.
2) Childers, «. u., et Bornouf, Introduction^ p. 263 — 264 note.
292
traduction exacte et complète, elle ne saurait se soutenir. Elle impli-
querait entre kâya et âtman dans la terminologie bouddhique une équi-
valence qu'il ne serait pas facile de justifier.
Certains passages canoniques reflètent du reste le souvenir vivant
d'un sens plus étendu , plus voisin des origines. Je renvoie, par exemple,
aux strophes 759 — 61 du Suttanipata:
Bûpa sadda rasa gandhâ phassâ dhammâ ca kevala
itthâ kantâ manâpâ ca yâvatatthïti vuccati II
Sadevakassa lokassa ete vo sukhasammatâ
yattha cete nirujjhanti tam nesam dukkhasammataiii II
Sukhan ti dittham ariyehi sakkâyassuparodhanaih
paccanikam idam hoti sabbalokena passatam II
M. Fausbôll *) traduit le commencement du troisième çloka: „by the
noble the cessation of the existing body is regarded as pleasure".
Mais la suppression du corps ne supprime rien; ce n'est qu'un recom-
mencement. Les deux doctrines que le texte entend opposer sont,
d'une part , celle qui s'attache aux choses extérieures en général {dhammâ
kevalS) dont elle admet la réalité; c'est le sathàryavûda du Sâihkhya;
de l'autre, la doctrine bouddhique qui la repousse et la nie. L'anti-
thèse qu'exige le contexte, commande cette interprétation.
On aurait dû écrire sakkariya ou aatkctriya. Mais on opérait sans
doute sur une forme %akkayya^ et la tradition de Tétymologie s'était
déjà perdue. Cette confusion montre au moins que les combinaisons
scolastiques , celles mêmes qui ont pris place dans les livres canoniques ,
peuvent fort bien n'être que secondaires et passablement artificielles.
Le cas, je pense, n'est pas unique. Les deux termes cL%ava et
ëàrava ou âsrava se correspondent au midi et au nord pour dire » pas-
sion". Le mot passe pour un équivalent de kleéa. Impressionné sans
doute par l'orthographe septentrionale, on l'a presque invariablement
dérivé de ct-sru. On n'a d'ailleurs jamais indiqué, entre l'étymologie
et l'emploi technique, de transition bien convaincante. M. Fausbôll
i) SBE, t. X, p. 444.
293
s'est lui-même rangé à cette dérivation ^). Je crois pourtant qu'il
avait jadis ') mieux vu en faisant de àaava l'équivalent de ûkraya \
Cette origine expliquerait l'attribution scolastique du mot: que Ton
songe à l'analogie de upadhi. Le souvenir en paraît du reste se per-
pétuer dans plusieurs textes, par exemple dans le vers 515 du Sutta-
nip&ta: chetvâ àsayàni âlayâni ca. Non seulement le voisinage de âlaya
est significatif; il le devient d'autant plus que, ailleurs (vs. 634 — 5),
c'est àsaya (dans l'adjectif nirâsayd) qui est rapproché à'âlaya. Il sem-
ble donc que nirSsaya soit = nirâaava : la littérature aurait gardé un
doublet du reflet pâli de â&raya. Mais la conscience s'en était perdue.
Quand le mot obtint droit de cité dans la terminologie scolastique,
on n'en savait plus ni Tétymologie vraie ni le sens primitif.
Je viens de nommer les upadAis. Là aussi, il y a des traces de
confusion. Que Vupadhi bouddhique ne se puisse séparer de Vupàdhi
du Samkhya, c'est ce qui ressort de l'étroite parenté du sens. D'après
Childers, upadhi désigne »le corps, un substratum de l'être"; upâdhi^
d'après M. Gaebe (p. 305): ^l'organe interne, le sens et le corps, et,
par leur union avec l'âme, les capacités de percevoir et d'agir". Upadhi
et upadhi auraient pu coexister comme quasi-synonymes. Mais le cas se
complique. Dans les locutions nirupadhiée^a et saûlpadhiêe^a {nirvana)^ so-
pàdisesa et nirupàdisesa ^ upàdi correspond, au midi, à upadhi du nord.
BuRNOUF avait, sans aucune préoccupation du point de vue que j'en-
visage , expliqué upadhi comme un équivalent des skandhas *). C'est ,
nous l'avons vu, en pâli et en sanscrit bouddhique, expressément le
sens de upâdàna^ lequel ne peut s'isoler à'upâdi% N'est-il pas bien
i) Suttanipâta^ Glossary, p. 373.
2) Dhammapada^ p. 279.
3) Pour âsrâva le pâli transcrit correctement assâva^ comme le montre anassâvin «lu
V. 833: sâtiyesu anassâm^ où le sens „sans entraînement pour les perceptions agréables'' est
très voisin de celui qui est attribué à âsrâtxi par les Jainas.
4) Introduction, p. 501 sqq.
5) Un passage d'Aniruddha (Sàmkhyasûtravrtti, I, i57) fait toucher du doigt la par-
faite équivalence des upddhis du Sâmkhya et des upàdâna-skandhas bouddhiques. Il fait dire
à un adversaire de la pluralité des âmes que, dans la théorie des opposants (et les bouddhistes
en sont à leur façon aussi bien que les vedântistes), upâdhivigama era mok^ah: via délivrance
294
probable qu'il s'est dans la terminologie bouddhique, produit des mé-
prises accidentelles, peut-être toutes mécaniques, — où l'emploi phi-
losophique de upâdâna pour dire «cause matérielle", a pu avoir sa part, —
qui ont amené, d'une part l'altération de upâdài en upàdhi^ d'autre
part sa bifurcation en upadhi et upàdi-upctdâna ? La supposition paraîtra
moins hardie, si Ton se souvient de ce qui se passe si souvent dans les
textes: que de fois les versions parallèles de stances bouddhiques ne se
correspondent-elles qu'au prix d'à-peu-près où semble retentir à tra-
vers des transformations diverses Fécho plus ou moins altéré de la con-
sonnance primitive!
Je dois avant de finir, ramener ces notes à leur point de départ;
j'en voudrais, si j'ose dire, tirer la moralité.
La théorie des nidanas se lie aux thèses fondamentales du boud-
dhisme. Cependant elle n'exprime déjà plus l'eflFort spontané de la re-
cherche. C'est une combinaison scolastique de catégories dont plusieurs
sont elles-mêmes dérivées. Elle repose sur des formules antérieures dont
les termes ont suggéré l'idée et fourni le cadre. Quoique ancienne,
elle est donc déjà, secondaire et par la date et par l'inspiration.
M. WiNDiscH a jadis, à propos du système Jaina, insisté sur ce
point que la plus grande partie de l'appareil philosophique y est un
placage savant. Il n'en est guère autrement dans le bouddhisme.
Même parmi les doctrines qui, étant communes à toutes les sections,
méritent de passer pour archaïques, l'analyse des nidanas prouve qu'il
faut déjà distinguer plusieurs étapes.
Quelque zèle que mettent les bouddhistes à multiplier les formules
numériques, cette apparence de rigueur ne doit pas nous tromper. Il
suffit d'une expérience sommaire pour reconnaître combien ces ordon-
nances sont incertaines et fluides. Les mêmes termes se résolvent en
divisions diverses; des catégories importantes sont tour à tour coor-
données ou subordonnées l'une à l'autre; d'autres passent, sans motif
apparent, d'un cadre dans un cadre voisin; une dénomination unique
n'est que la suppression des upâdhis*\ C'est rigoureusement la contre-partie de ce qu'exprime —
en sens inverse — le Dvayatânupassanâsutta quand il dit: ,^upadhi-paccayâ dukkha7h^\ „la
douleur (que supprime la délivrance) vient des upadhis.
295
groupe des composants très divers; des mots caractéristiques sont
employés avec des nuances très accusées.
De là découlent des conclusions pratiques.
C'est d'abord qu'il faut se garder d'attribuer h bien des nomen-
clatures la portée de spéculations réfléchies. Elles ne sont souvent
que le reflet atténué de vues altyérées par la tyrannie des cadres et
des mots. Cette métaphysique, aisément satisfaite de groupements
approximatifs, prodigue de divisions insignifiantes, est moins Téçho
d'une pensée créatrice qu'une scolastique prisonnière déjà d'une phra-
séologie absorbante. Et c'est par l'analyse et la filiation des termes
qu'il la faut étudier, plus que par des commentaires complaisants,
trop prompts à y admettre des visions conscientes et profondes.
Nous constatons d'autre part que les livres réputés les plus auto-
risés supposent déjà, dans les formules qu'ils associent, plusieurs stra-
tifications successives. Une induction qui s'accorde à merveille avec
les confusions matérielles que décèle la tradition. C'est donc que nos
rédactions, y compris le canon pftli, sont séparées des origines par un
intervalle qu'il n'est pas permis de négliger; la tradition a passé
d'abord par une période plus flottante; elle a sans doute traversé des
dialectes non régularisés encore, dont les altérations phoniques, plus
amples et plus indétemiinées , ont causé ou facilité plus d'une incor-
rection.
Après les recherches de MM. Kern, Gabbe et Jacobi, on ne peut
plus guère douter que le Samkhya-Toga n'ait eu sa part d'action sur
le bouddhisme. Il reste à en déterminer les conditions et le caractère.
Il y a plusieurs périodes à distinguer, même dans le bouddhisme le
plus ancien. Il sera important de discerner les éléments qui ont fait
corps avec les origines et les appropriations qui ne se sont consommées
que plus tard. Le bouddhisme est une religion, non un système phi-
losophique. La spéculation pure a joué dans ses débuts un rôle effacé.
C'est dans ses tendances morales qu'est le secret d'un triomphe que
l'originalité métaphysique ne lui eût point assuré.
Plusieurs emprunts s'orientent dans une direction significative. Les
cinq ileiaa du bouddhisme procèdent des cinq kleéas du Samkhya-yoga :
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297
prenait cela un peu à la façon dont il prenait le régime des castes ,
bien que le développement logique de sa doctrine allât h les con-
damner et à les supprimer.
A comparer ce que le bouddhisme doit aux systèmes ambiants,
on peut se promettre des synchronismes instructifs. Encore convient-il,
on le voit, de les manier avec circonspection.
38
Du génie du Mazdéisme
PAR
NATHAN SÔDEBBLOM.
La doctrine principale de TAvesta, le dualisme formé de deux êtres
indépendants, Ahura-Mazda et Angra-mainyu , dont le premier est
appelé „\e bon esprit" (Spenta-mainyu) en contraste avec „\e mauvais
esprit", donne a priori l'idée, que la race qui a professé cette reli-
gion avait un caractère sombre et lugubre et qu'elle avait surtout un
sentiment profond et tragique de la force du mal physique et du mal
moral, sentiment qui doit se manifester dans une piété ascétique et
farouche. Jamais le danger d'une construction aprioristique n'apparut
plus évident. Un des traits caractéristiques du mazdéisme est au con-
traire une foi saine et optimiste dans le bonheur et une répulsion
instinctive pour toute religiosité triste et fuyant le monde. Nous pouvons
appeler le mazdéisme une religion optimiste et rationaliste entre toutes.
Ce caractère distingue très nettement la religion des Éraniens de celles
des peuples voisins à l'est et à, l'ouest. Cet optimisme rationaliste se
retrouve dans les différentes doctrines des mazdéens et dans les divers
livres sacrés de leur religion, ce qui atteste l'unité psychologique du
système religieux de l'Eran.
1. Le dualisme mazdéen d'abord n'est pas un dualisme dans le
sens strict de ce mot.
H est vrai que, d'après cette religion, Forigine du monde dérive de
299
deux esprits opposés, et que tout dans l'univers appartient à l'un ou à
l'autre de ces deux ennemis {Bund., III, 27).
Sans doute certains théologiens du mazdéisme, obéissant à des
préoccupations, métaphysiques plutôt que strictement religieuses, ont
prétendu que les deux esprits du Bien et du Mal ont une origine com-
mune, Zervan Akarana, „le temps infini". Mais cette conception phi-
losophique, plus tard si répandue, fot étrangère au mazdéisme des
premiers temps.
D'après le savant parsi Jivandji Modhi, qui a pris la parole au con-
grès des religions à Chicago en 1893 «l'autorité divine s'exerce par l'in-
termédiaire de deux principes opposés, l'un représentant le progrès ou
le développement, l'autre le déclin ou le dépérissement", et » notre
monde est l'œuvre de ces deux causes, toutes deux au service de
Dieu" 0. Or l'Avesta ne nous paraît pas assigner aux deux principes
conti-aires cette origine commune.
De plus, le «dualisme" de TAvesta se rapporte seulement au commen-
cement du bien et du mal. On a immédiatement appliqué à la création
ce contraste si essentiel à la foi mazdéenne. Mais ce système ne nous
présente pas le mal comme un éternel problème sans solution. La lutte
n'est à aucun moment incertaine. Dès le commencement du monde
le triomphe de Mazda est annoncé comme inéluctable. Le livre appelé
Bundahishj I, 21 sqq. raconte la confusion d'Angra-mainyu devant
cette certitude. Quant à la Jin du monde, la religion éranienne est
plus moniste et plus optimiste même qu' aucune autre religion, que
nous connaissons. Le mal sera anéanti *) , Tenfer même sera brûlé ,
ainsi que le Malin. L'enfer contribuera au progrès du monde (Bund.
XXX, 31).
1) Bonet-Maury, Le Congrès des religions^ Paris, 1895, p. 48; Shahrastani, trad. Haar-
BRUEOKER, Halle, 1850, 1. 1, p. 282, qui distingue entre les Zer vanités et les vrais Zoroastriens,
ne compte poui*tant pas ces derniers parmi les dualistes.
2) La spéculation purement métaphysique du Dfnkard , Casartelli , La Philosophie reli-
gieuse du Mazdéisme sous les Sassanides^ Louvain, 1884, p. 59 — 61, sur Tindestructibilité de
la substance ne contredit pas en réalité cette donnée. Car suivant le passage du Dtnkard,
qu'a traduit Casartelli, le mauvais esprit, tout en existant encore, n'exercera absolument
aucune action.
300
2. La lutte de l'individu, comme e^lle d' Ahura-Mazda , contre le
mal est constante et sérieuse, mais jamais tragique ni étemelle.
La vie future, selon la doctrine claire et incontestable des livres
pehlevis, implique le salut final de tous. Toutes les punitions de l'enfer
ont pour but suprême de purifier le pécheur et de le rendre admissible
au bonheur céleste. Même les pécheurs les plus endurcis, qui ont subi
les terreurs de l'enfer, seront à la fin sauvés par le satûîA (SAdyast,
Vm, 7, Dâdistân, XIV, 8, Shikand, IV, 101; cfr. Shâyaat, XIV, 5,
Dddiaiân, LXXV). La critique de l'éternité des peines après la mort,
que nous trouvons dans le traité apologétique de Maedan-Fabukh , au
neuvième siècle p. Chr. {Shikandj XII, 47, XIV, 38, traduit par West)
n'exprime pas seulement l'idée d'un théologien vis à vis d'une doctrine
opposée, dans le judaïsme, le christianisme et l'islam, qu'il trouvait
cruelle et irrationelle , cette critique est tout à fait conforme à l'esprit
général du mazdéisme. Je ne connais aucun écrit mazdéen qui enseigne
explicitement Téternité des peines ').
3. Quoique l'eschatologie, Frashokard etc., occupe dans le système
mazdéen une place des plus importantes, nous ne trouvons nulle part
dans le mazdéisme ce sentiment eschatologique, soit mystique, soit prati-
quement violent, qui a joué un si grand rôle dans le judaïsme apocalyp-
tique, dans certains groupes du christianisme primitif, dans l'islam et dans
le système athée du collectivisme moderne. Les livres sacrés du mazdéisme
affirment souvent la réalité d'une existence à venir, mais le désir impa-
tient d'être délivré de l'existence présente ne se fiiit pas sentir dans
ces divers écrits. Ainsi, le Bahman Yasht^ Il , 22—64, en parlant du mil-
lénaire qui doit s'écouler avant la venue du premier des deux précurseurs
du sauveur final, Saoshyans, le Messie des Éraniens, dépeint comme
un malheur immense le fait que les hommes perdront le désir de vivre
i) Il serait trop long d^expliquer ici les raisons, pour lesquelles je ne vois pas la néces-
sité d'attribuer aux Gâthas avec Mills, S.B,E.^t. XXXI, pp. 26,37, etMoDLTON, The Thinker,
1892, p. 478 sqq., la doctrine d'une damnation éternelle. D'après Mgr. db Hablez, TÂvesta
tout entier semble croire que les méchants resteront en enfer {Avesta, Paris, 1881, p. oxlv,
cfir. toutefois p. oxxvisqq.)* Malgré, cela j'estime que l'argument a silentio ne nous autorise
pas ici à conclure à une doctrine formelle, contraire à ceUe que confessent unanimement les
livres pehlevis.
301
et considéreront la, mort comme un don précieux. Pour le mazdéisme,
la fin du monde ne viendra pas comme un Dem ex machina. Il est
plutôt le couronnement de la victoire lente, mais sûre, qu'opèrent
toujours Mazda et ses serviteurs, qui sont aussi dans ce sens appelés
Booahyam %
4. La morale du mazdéisme montre le même caractère opti-
miste et rationaliste que nous avons relevé ailleurs. C'est un fait
très original et extrêmement intéressant que le mazdéisme a toujours
répudié l'ascétisme qui distinguait les religions avec lesquelles il entra
en contact. Cette forme de la piété, qui est liée le plus souvent à un
sentiment profond, mais confus, des douleurs de la vie et de la force
du péché, a été absolument étrangère à la morale saine et vigoureuse
du mazdéisme. La critique que fait le Vendîdâd de l'ascétisme est très
caractéristique, soit qu'elle vise les brahmanes ou les bouddhistes (de
Harlez), soit les chrétiens (Darmesteter), soit les manichéens (Spiegel),
soit des sectes que nous ne connaissons pas, mais qui peuvent être
considérées comme des précurseurs de Mani.
D'abord, en ce qui concerne le jeunes «personne, sans manger, n'a de
forces ni pour une pureté forte, ni pour cultiver activement la terre, ni
pour donner le jour à des enfants pleins de vigueur. Car tout être cor-
porel vit de nourriture; par le manque de nourriture tout meurt" (rie^ûf.,
III, 33). » Celui qui nourrit et développe (son corps) en mangeant de
la viande obtient le bon esprit, bien mieux que celui qui ne le fait pas"
{Vend. IV, 48). j, Celui qui enseigne la pénitence est un aahemmaoffha ^ un
destructeur de la sainteté, qui sera cruellement châtié" ( Vend. IV, 49 sqq).
Selon Saddar , LXXXIII , l'abstinence a pour les mazdéens une autre
signification que pour les autres. Ce qui, dans d'autres religions, est
l'abstinence de nourriture, c'est dans la nôtre l'abstinence du péché.
Toutes les macérations de soi-même, ordonnées par Mani sont at-
tribuées par le commentaire pehlevi de l'Avesta de Varstmansar îî ask
au mauvais démon. «Celui qui se macère détruit par cela le mondq
de la justice" {Dînkard IX , XXXIX). \
1) Cfr. Dâdistân, XXXVII, 69.
\m
\i\\ /^^('iit¥m{*H ti«l »u|»^M'louro il lu [ïuuvrotè, ,Je proclame. .. . pour
Im ilM^I' ilo hMvt^iih la im'IimIU^ mw (H)lui qui n'en possède point et
{viW (lu |H»44i^4^our iU^ iww^ n[{t wlui qui oVu a point {Fend. IV, 47).
//, Ai/ maééif vivut lulouK quo It^ o^UlHit »Jo proclame pour toi qui
a^ Uiu^ v^jK^i'^Oi (V ^kkM *AKA\H\AiVt \^ priorité sur celui qui nen use
jh^ImI i . . » vvll^> vlvi j»^v\> vU> luuvillo i^ur whii qui u a pas d^enfants'' {iàid.) ^).
It^ ywMi^ vU* U viv> VH»4vivi^uUv \>A iudiquét> par le commandement du
tUtiHikist i\ . \l\ ^ s, quo U* ma^d(HHi doit r^^citer VAkiÈmtmnr et VJâkem
\ W jioavo v*^»t<tuÛHl^ K}i mtiv>uali^W ?«> trouva m4me dans le res-
^H>v(^ ^K^VAV lu Ui^tuvv ^t Uivi^i^ Tuaiour do la Yie> qui sont le fond de la
V^i Mv^v^soMt iv»Mll\H^ vW VoudtdavU U l^ut tt-^marquer ici comime un. trait
vs^v^v.tvn;^t^quvv lv.< vv«liicUvuiH riùtt.^v YoudîdjBbd V^ à la r^le de la pu«
vvHv^ ^HH^ >tuuv> vli.>«i vvUHi^lcviiftiv>ii^ dtf la vw pratique^
ii% lo uiiUvlciv>uu\^ i% tvuj^ vvpudio lc5^ tjxcè?^ du culte d» morts et
Tt^ (u4nv<iv4tiK> v.vièlviUKHHv^u(» ^ >^ujt <t>uW pr^pt^ ce qui uous occupera
\A^\< v\\|»hv uv>uK>ui vhitu^ uu tiHvtùl do ptuït Wd^tw haleine^
I v\< v\HU io^ ol><!^i^atvv>uc!i qu\^ uou^ v^moii^ de tnin?> :$ulfiâi«it i mon-
Uv>A v(Uv> li> v,^ouiv> d\k uuw4vkH.<iH\^ ^M vî\^uUrtùre c^ ce v^ue supposid le mot
vl\U4Îvvuu\ (^V Uut uvHt^ ^»<v><ivv> vHiUv ;iuix>}8^-qut? U>îî^ do^tiWîs rufle itî'dgiun
uv^ (KHUvHU H^uhU^ v>\tv t>ivui cv>mpi45;. ui ^^f^njcîoî^'. suiv^uit leur jusw
Homère et les Arméniens
PAU
MINAS TCHERAZ
ProfeBsenr à King'B Collège, LondroB.
L'œuvre d'Homère, à l'exclusion de ses parties mythologiques et
héroïques, est d'une étonnante vérité. La description qu'il nous donne
de la vie orientale s'y applique encore aujourd'hui. M. A. Feillet, qui
a abrégé et annoté la traduction des épopées d'Homère par M. P. Giguet,
fait suivre des remarques suivantes le passage où Achille injurie Aga-
memnon, en l'appelant »œt7 de cAien*^ {xvvbç Ofifiar ej^tay): „Ce8 inju-
res n^ appartiennent plus à nos maure; les poésies et Homère sont F expression
vivante ctune civilisation particulière et primitive^ J'admets que cette in-
jure ne soit pas usitée dans les salons parisiens, mais on s'en sert
journellement en Orient. Les classes illettrées parmi mes compatriotes
arméniens font un fréquent usage de l'expression de chan aschg^ qui
représente fidèlement le juron d'Achille. Moïse de Khoren, qui a été
surnommé l'Hérodote de l'Arménie, raconta que Zarmaïr, chef des
Arméniens, est allé avec des Éthiopiens au secours de Priam, et qu'il
est tombé sous les coups d'Achille. On pourrait douter de l'authenticité
de cette alliance arméno-troyenne , à moins qu'on n'identifiât les Ar-
méniens avec »les Phrygiens de l'Ascanie la plus éloignée", comptés
304
par Homère au nombre des alliés des Trojens; mais la paroité entre
les Arméniens et les Troyens on Grecs est hors de doute. Les moeors
grecques peintes par Homère, je 1^ ai retrouyées presque entièrraient
chez les Arméniens contemporains, non pas dans les classes trans-
formées par la civilisation européenne, mais dans les classes populaires
qui ne connaissent ni lUiade ni TOdyssée, dans celles qui ne savent
ni a ni 6. J'en citerai, au hasard, quelques exemples.
Agamemnon sacrifiait avec les Grecs, un taureau au tout-puis-
sant Jupiter, et honorait Ajax du dos entier de la victime; mes com-
patriotes sacrifient à Dieu, et même aux saints, des vaches et des
moutons, et honorent le prêtre de la queue et d'une mamelle de la
victime {madagk), dont ils tournent la tête vers TOrient au moment
de r^orger.
De même qu'Homère, les Arméniens considèrent le sel comme
sacré, aussi sacré que le pain {aghmhatz).
Agamemnon consent, par exception, à ce qu'Achille prenne une
des trois jeunes filles qu'il avait laissées dans son palais, «sans lui
offiîr de présents"; encore aujourd'hui, les paysans d'Arménie ne
peuvent pas épouser une fille, sans offiîr de présents {JmêcUikK) à
son père.
Cette scène si archaïque où Hécube découvre d'une main son sein
et de l'autre le montre à son fils, pour l'exhorter au nom des ma-
melles qui l'avaient allaité, se répète encore aujourd'hui dans les &-
milles arméniennes, et j'ai connu à Gonstantinople une Arménienne
qui s'était servie du même moyen pour dissuader son fils d'épouser
une jeune fille dont elle connaissait l'immoralité.
Patrocle applique sur la plaie d'un guerrier une racine amère, qui
eflEace les douleurs, et quand il est tué par Hector, on le frotte d'une
huile épaisse, et l'on Êdt couler dans ses blessures un baume de neuf
ans; mes compatriotes conservent dans l'huile d'olive, ordinairement
pendant neuf ans, des fleurs qu'ils appellent barêam et kkamtaron^ et
guérissent avec ce baume toute blessure produite par une arme blanche.
Homère croit que Jupiter pèse dans des balances d'or la destinée
des mortels; les Arméniens croient qu'au jugement dernier. Dieu se
305
servira d'une balance d'or pour peser les vices et les vertus de chaque
mortel.
A la mort de Patrocle, Achille offre aux Grecs un abondant repas
funèbre; mes compatriotes font la même chose en l'honneur de leurs
morts, et appellent ce repas „pain d'âme" {hokou hatz).
Quand la mort frappe un Arménien, ses parents et alliés font
exactement ce que faisaient les Grecs et les Troyens; comme Achille,
ils s'arrachent la chevelure Oj s^ roulent de désespoir, font entendre
d'affreux gémissements; comme auprès du cadavre d'Hector, des chan-
teuses se tiennent près du défunt , elles entonnent des lamentations , et
pendant qu'elles font entendre des chants mêlés de soupirs, les femmes
gémissent tout autour; des Andromaques, des Hécubes et des Hélènes
arméniennes font l'éloge du trépassé dans des vers improvisés {jjovasaank
ou latz)j d'un art naïf, et qui sont aussi t^ouchants que ceux du père
de la poésie. Jugez-en par l'élégie suivante d'ime Arménienne d!Arabkir
sur la mort de son jeune enfant:
«Que je tombe victime de ta taille de cyprès, qui s'est fanée
comme une fleur! Te manquait-il le tendre genou de ta mère, pour
que ta tête soit ainsi tombée par terre? Que te manquait-il pour que
tu aies abandonné le foyer de ton père?"
«Le parent est arrivé; présentez-lui le plateau couvert de fruits.
Allez chercher un médecin pour mon fils malade. Réveillez mon enfant
sage, mon doux petit; il a trop sommeillé; réveillez-le pour qu'il n'ait
pas mal à la tête. Levez-vous, monsieur, regardez qui est venu vous
voir; allons nous asseoir dans le beau salon d'à côté. Pas le moindre
son ! n dort ; il ne s'éveille point. Quelle neige est tombée sur la tête de
mon entant, quelle noire calamité? Ne me trompez pas; le sommeil
ne saurait être si long. Il est mort, mon agneau! Mon foyer est ruiné
pour toujours!"
Je ferai remarquer , à cette occasion , que les Arméniens sont le
seul peuple de l'Asie Mineure qui ait gardé le souvenir de l'enlèvement
1) On voit parfois, dans 1* Arménie persane, des Arméniens et des Arméniennes se crotter
la tète, à la mort de leurs enfants ou de leurs frères et sœurs.
39
306
historique d'ime Grecque dans l'antiquité. J'ai publié, dans V Arménie
du 15 décembre 1891 , leurs légendes populaires relatives à Sourp
Serkis (S. Serge), qu^ils considèrent comme un brave cavalier arménien
qui a enlevé une belle Grecque. Ces traditions sont peut-être un écho
lointain de l'enlèvement d'Hélène par P&ris, et causent, encore aujour-
d'hui, un certain froissem^it entre les classes illettrées des Arméniens
et des Grecs. Les Trojens seraient-ils une tribu arménienne!
Cyrus de Groote en de godsdienst van Babel
DOOR
C. p. TIELE
Professer aan de UnÎTersiteit te Leiden.
De geleerden zijn verdeeld over de vraag , of de perzische koningen
van de dynastie der Achaemeniden , althans die van den ouderen tak,
reeds den zarathustrischen godsdienst hadden aangenomen. O&choon ik
over dit vraagstuk een bepaalde meening heb, wil ik het thans niet
behandelen. Want ik heb grond te vermoeden, dat Mgr. db Harlez
daaromtrent van een tegenovergesteld gevoelen is, en het zou on-
voegzaam zijn den man, aan wien ik door deze bijdrage mee hulde
wensch te brengen, hier te bestrijden. Mijn doel is alleen nog eens
nauwkeurig na te gaan , wat de inscripties , op bevel van Cyrus II
door de babylonische tafelschrijvers opgesteld , omtrent de verhouding
van dien vorst tôt den babylonischen godsdienst leeren.
De bedoelde inscripties zijn de welbekende teksten, waarvan de
eene, de Nabûnâ'id-Cyrus-Kroniek , het eerst in 1882 door Pinches
{TSBA.y VII, p. 139—176), de andere, de Cyrus-cylinder, het eerst in
1884 door Rawlinson en Pinches (V B. 35) werd uitgegeven. Ofechoon
hier en daar zeer geschonden en nog niet in allen deele voldoende
verklaard, zijn toch de nog leesbare gedeelten genoegzaam verstaan-
baar, om ze als historiebronnen van den eersten rang te mogen ge-
308
bruiken. Al heeft de koning ze niet zelf gesteld, wij mogen gerust
aannemen dat hij aan den inhoud zîjn voUedige goedkeuring hechtte.
Een vorst als hij zal niet zoo onvoorzichtig zijn geweest , vooral in
een door hem pas veroverd land, iets in zijn naam te doen afkondi-
gen , zonder vooraf van den inhoud nauwkeurig rekening te vorderen.
Wij mogen dus z^gen, zooals hij daar geteekend wordt wilde hij
zelf beschouwd zijn. En het is duidelijk, dat hij hier optreedt als
Redder, als omverwerper eener regeering, die de toongevers in Babel
verfoeiden, waartegen een deel des volks reeds in opstand was en
die y naar de opvatting der inlandsche priesterschap aan de Godheid
mishaagde, ja zelfs als hersteller yan den waren, alouden godsdienst
des lands.
Zoowel in den Cylinder als in de Kroniek is sprake van de zonde
van Nabûn&'id (Nabonnedus) , den laatsten inheemschen koning van
Babel, die echter niet tôt het beroemde huis van Nebukadrezar II
behoorde. Waarin die zonde bestond wordt duidelijk gezegd. Behalve
die van Eûtû en Borsippa, beide in de onmiddellijke nabgheid van
Babel gel^en, en die van Sippar, waar de zoon des konings met het
l^er stond en dat misschien destîjds reeds in de handen des v^ands
was y had de koning aile goden, althans der voomaamste steden van
Sumer en Akkad, naar de hoofdstad overgebracht , een beschikking
waardoor hij hen vernederde [para^ là simdtiiunu) en tevens Maruduk,
den grooten god van Babel vertoomde. Bovendien betaalde hij den
jaarlgkschen onderstand aan de tempels, althans aan den hoofdtempel
ÊSaggila niet meer, en wat misschien het ergste van ailes was, jaar op
jaar verzuimde hij, zooals de koningen verplicht waren, in de maand
Nîs&n naar de hoofdstad te komen, om het groote feest AMtu, het
feest des nieuwen levens te vieren. Wat Nabûn&'id bewoog al de goden
naar de hoofdstad te brengen wordt niet uitdrukkelgk gez^d. Zeker
is het dat hij daarmee althans tegenover hen geen oneerbiedigheid
beoogde, al schijnt hij in de vereering van den grooten Bel van Babel
zeer lauw te zgn geweest. Misschien had hij met den maatr^el die
zooveel ergemîs gaf tweeërlei bedoeling: vooreerst — want hg gaf het
bevel eerst toen hgzelf ten all^laatste naar Babel gekomen was — om
309
zichzelf te beschermen, ten andere om de heilige beelden niet in
's vijands handen te laten vallen. Met het eene beleedigde hij Maruduk,
wel in staat zijn eigen stad zelf te behoeden; met het laatste gaf hij
de steden van èumer en Akkad zonder goddelijke bescherming aan de
rampen van den oorlog en den opstand prijs, want, vertoomd over
zijn willekeurige daad, hadden zij nu ook zelven hun woonplaatsen
verlaten {izibu admanèunj Cyl. 9).
Hoe het zij, Cyrus beijvert zich om ailes wat Nabûnâ'id misdre-
ven heeft weer goed te maken. Hij doet opzettelijk uitkomen, dat hg,
gelgk reeds Sippar zonder tegenstand door zgn troepen was bezet, ook
Babel niet als veroveraar, maar als vriend {salimiS, genadig, Cyl. 22) was
binnengetogen en hij daar onmiddellijk door priesters en rijksgrooten als
bevrijder verwelkomd en als koning gehuldigd was (Cyl. 18). Ja, hij
stelt zichzelf, en de babylonische priesters hebben daartegen blijkbaar
geen bezwaar, als Maruduks nitverkorene voor. Toen de groote god
zich ontfermde (safyra, nsafpfpir) over al die van hun beschermgoden
beroofde plaatsen en over de bewoners van èumer en Akkad, die op
lijken geleken, en besloten had tôt herstel {taairà) van de gezamenlijke
landen des rgks, vestigde zich zijn blik op den gerechten koning Cyrus,
dien hij nu beschikte tôt uitvoerder zijner genade, wiens binnenste hg
bestierde, wiens hand hij greep, wiens naam hij verkondigde aan de
wereld en tôt de heerschappij over ailes uitriep (Cyl. 10 — 12). Zijn
eerste zorg is nu, op bevel van Maruduk (Cyl. 30 vgg.) de heilige
plaatsen die in den krijg schade geleden hadden en die meestal noordelijk
en oostelijk van Babel lagen *) weer op te bouwen. Dan volgt , van de
maand Kislev tôt de maand Adar, de terugvoering van al de naar
Babel gevoerde goden naar hun eigen woningen die hun welbehaaglijk
waren {iubat tub libbiy Cyl. 33 vlg., Kron. Rev. 21) en hij hoopt dat
zij daarvoor bij Bel, dat is Maruduk, den god van Babel, en bij Nabû,
1) Verscbeiden namen zijn hier iiitgevallen. Nog leesbaar zijn Assur, Agane, Zamban,
Mè-Tumat, Abnunnak (UmliaS), Dûrili toi de grenzen van *tland Kuti, aile aan den linker
Tigrisoever gelegen. Haoen, Cyru^-Texte^ in BA, II, 212 f., vgl. S. 233 leest voor Abnunnak:
Eânunnak, en op voorgang van Delitzsch den naam der stad, gewoonlijk Iâtar[àtè] gelezen,
âûâinak.
310
den god van Borsippa^ zîjn voorspraak mogen zijn om hem en Eam-
byzes zijnen zoon een lang en gelukkig leven te verzekeren. Naar aile
waarschijnlijkheid heeft hij daarop het Akîtufeest weer met grooten
luister doen vieren, Wij zouden dit met zekerheid weten, indien niet
de laatste regels zoowel van den Cylinder als van de Kroniek wanhopig
geschonden waren. Immers de groote dagen van dat feest waren de
8« en de 11« Nîsân (Nebuk., E. I. H., Col. II, 57) en het laatste
datum in de Kroniek genoemd is 4 Nîsân, het eind van den groo-
ten rouw over den dood van den stadhouder Gobryas (Ugbaru) ^) ,
en in de nog leesbare woorden der volgende regels : Nabu ana
É'iaggil usafpfyir nijfê ina pan Bêli .... goeden grond te vermoeden ,
dat daar van het groote feest en van de ontmoeting der twee goden
gewaagd werd.
Op éene plaats der Kroniek (Rev. 16 — 18) moet nog de aandacht
gevestigd worden. Zij luidt aldus: adi TIL ar^i Duzi ink-ku-me Sa {m.)
Gutium bâbani Sa É-Saggil NIGIN bat{bê)''ia Sa mimma ina É-Saggil u
êkurâti ul iSSakin û simanu ul êteTp. De plaats heeft verscheiden moei-
lijkheden. Tukkume wordt door Pinches , die aan tuipumtu gedacht heeft ,
vertaald: rebehj wat hier slecht past, want de Guti waren soldaten
van Gobryas en geen rebellen. Doch waarom niet eenvoudig «krijgs-
lieden" ? TuJpufntu beduidt ook ^striJcT^ *). Het ideogram TIL is altijd
»het einde, de voltooiing, 'tzij dat men gamarofkéi wil lezen". NIGIN
wordt gewoonlijk door de uitleggers weergegeven door upa^lpiruj wat
hier geen goeden zin geeft, tenzij men het met Pinches vertale: closed,
een beteekenis die 'twoord nooit heeft. Veeleer moet aan paSiru »(met
geweld) openen" gedacht worden. Het daarop volgende woord kan batla
of bêla gelezen worden. In 't eerste gevai wordt het met Sa verbonden ,
en verklaart men het: »tot het ophouden van dezen toestand". Deze
verkiaring is gewrongen. Waarom niet eenvoudig: j,uitgenomen dat"?
Bêla Sa mimma — ul iSSakin: Jiet wapen van niemand werd nederge-
1) Altbans wanneer de scherpzinnige conjectuur van Pater Sgheil op Kron. Rev. 22 vg.
juist is. Met Hagen's gissingen kan ik mij hier niet vereenigen.
2) SoHRADER, KIB.y 111,11, p. 134 en 235 heeft zich verlezen, en su, het ideogram
der maand Tammuz nog eens bij tukkumi gevoegd, wat hij dan ook natuurlijk onvertaald laat.
311
legd (in de tempels)" komt mij zeer gewrongen en niet zeer verstaan-
baar voor. Simanu boud ik voor een veldteeken, een standaard, mis-
schien figuurlijk gebezigd van een afdeeling soldaten. De zin van
H geheel is dan duidelijk. Cyrus erkent, dat er een onregelmatigheid
heeft plaats gebad, tegen z:gn bedoeling en althans niet op zîjn bevel.
Eenige krijgslieden uit Qutium, tôt Gobryas' léger behoorende hadden
de poorten van den hoofdtempel geforceerd, Maar ^behalve dat" was
er in Ê-âaggil en de andere tempels niets geschied en was geen veld-
teeken of troep daarbinnen gedrongen. Daarmede wil hij zgn eerbied
voor den nationalen godsdienst bewijzen ^).
De babylonische priesterschap beschouwde dus den perzischen Mo-
narch als door Maruduk zelven geroepen en uitverkoren om de orde
in bet land en den geregelden godsdienst te herstellen. Niet anders
de hebreeuwsche profeet, bij wien Jahve zelf spreekt: Hij is mgn
herder en hij zal al mijn welbehagen volbrengen, die hem Jahve's
gezalfde noemt j,wiens rechterhand de godheid vat om de volken voor
zich neder te werpen"; het laatste haast met de eigen woorden der
babylonische tafelschrijvers, Hierin is dus niets vreemds en het zou
voor Cyrus' persoonlgken godsdienst niets bewijzen. Maar te Babel
spreekt hijzelf ; althans niet zonder zijn goedkeuring wordt dit ailes
daar van hem gezegd, en bovendien noemt hij zich daar herhaaldelijk
een vereerder van Maruduk, den heer van Babel, en beschouwt hij
de andere landsgoden als de middelaars tusschen hem en dien god.
Was dit louter staatkunde, zooals wanneer later Darius Hystaspis,
wiens eigen god Auramazda was, gedoogt, dat men hem in Egypte
tôt een aanbidder van Amun-Rê verklaartî Het is mogelgk. Maar het
is evenzeer mogelijk, dat voor Cyrus zelf Maruduk slechts een andere
naam was voor Auramazda. Reeds lang vôor hem , de teksten bewijzen
het, wist men te Babel en te Nineve, dat dezelfde god bij verschil-
1) Dit was reeds geschreven toen ik Hagek's verkiariog leerde kennen. In meer dan één
opzicht stemmen wij overeen. Alleen leest hij nioin: ishurûni^ „omringden** en vertaalt
tukku^\ „8chî1den*\ waarmee dan toch altijd figuurlijk de troep bedoeld wordt. Bêla la
mamma — ul iSêakin^ zooals hij leest, vertaalt hij: niemandes Speer — kam hinein. Maar
kan hikânu dit ooit beteekenen?
312
lende volken andere namen draagt. Waarschijnlijk had Cyrus geen
bezwaar den hoogsten god te Babel Maruduk te noemen, te minder
omdat dit strookte met zîjn politiek belang. Hîj legt er nadruk op,
dat hij hem eigenlijk alleen vereert, natuurlijk met Nabû, den Zoon-
God, evenals Atar, de vuur-genius, nevens zijn vader Ahura-Mazda
vereerd werd. De andere goden zijn hem slechts een voorspraak bij den
éenen grooten God, gelijk de jongere Achaemeniden de stamgoden
{/ladd bagaibû vithihiS) naast Auramazda noemen en zelfe het Avesta
een tal van Tazatas toelaat. In elk geval bewjjzen de beide babylo-
nische inscripties van Cyrus niet^ dat hij geen Mazdayasner kan ge-
weest zgn. Wil men het betoog leveren , dat hij nog geen Zarathustriër
was, dan moeten daarvoor andere gronden worden aangevoerd.
Catur&ryasatyaparfksa
Extraits du XXIY« chapiti*e de la Madbyaroakavrtti
PAU
L. DE LA VALLEE POUSSIN
Professeur à rUniversité de Gand.
Les recherches de Minatepf complètent les indications, parfois
laconiques, souvent confuses, de Târanâtha et de Wassiliefp. Nous
commençons à connaître plus nettement les relations des diverses écoles
bouddhiques, non pas leur origine, révolution de leurs doctrines, la
constitution de leurs écritures — énigmes aussi obscures et aussi
désespérées qu'auparavant*) — mais Tétat d'esprit qui régnait dans
les nombreuses branches de la communauté à l'époque des pèlerins
chinois, et ces alternatives d'amitié et de luttes intestines qui pré-
paraient la dissolution prochaine du Samgha. Rapprochées dans la
confession d'un même symbole, croyant aux mêmes articles de foi
{çraddhàhgàni): âryasatyam triratnam karma karmaphalam {Dharmasam-
graha^ LXXXI), unanimes à reconnaître le même but et les mêmes
j,chemins de religion" (catvSri dharmapadàni: anityâh sarvasamskârâh /
duhkhâh sarvasamskSrâh / nirStmanah sarvasamskSrSh / çântam nirvSnam
ca {Dharma^ LV)), les sectes se trouvaient en désaccord formel et
irréductible, dès que la controverse mettait à nu les idées très divergentes
1) „2Vie histarical relation hetween ihe Hinayana and ihe Mahayana schools of Bud-
dhism is to me as great a puzzle as ever'\ M. Mûller, Introduction à la V^jracchedikâ.
{S, B, t. XLIX).
40
314
cachées sous les symboles commodes. — Les Mâdhyamikas , plus logiques
ou plus hardis, déclarent que Bouddha n'est qu'un nom, qu'aucun
dkarma n'a été connu, enseigné, vu par le Maître. Leur dialectique
ne distingue pas , semble- t-il , les dissidents Bouddhistes et les Vedântins :
s'ils rejettent la Çûnyatâ, les Çrâvakas doivent admettre la thèse du
svabhâva. D'autre part, les Çrâvakas démontraient, sans doute comme
le fait Çamkara lui-même {Ved. S. TI, 2, 32), la réalité des choses
(dharma); et portant la discussion sur le terrain, plus favorable en
apparence, de la tradition Bouddhique, ils reprochaient aux MahâySnistes
„de rejeter la doctrine des quatre vérités ^)" , doctrine sans laquelle ,
historiquement et dogmatiquement, le Bouddhisme ne saurait exister.
Nous trouvons dans la Madhyamakavrtti l'exposé fidèle, encore
qu'il soit tendancieux, de cette discussion capitale. Le vingt-quatrième
chapitre, intitulé y,caturârya8atyaparlk^a*\ met aux prises le partisan des
vieilles doctrines et le champion de la çûnyata. On ne peut accuser
Candrakïrti d'avoir fait trop belle la part de ce dernier, ou d'avoir
atténué la violence des objections qu'il espère pouvoir réfuter. — Voici ,
à grands traits, l'argumentation des deux adversaires.
I. Critique de la thèse des Çûnyatâ vSdins. — Les Mâdhyamikas
nient l'existence de la douleur, puisqu'ils aflBrment que les dharmas
sont vides. Pour eux, il ne saurait y avoir ni douleur, ni production,
ni destruction , ni chemin ; les vérités , fondement de la Bonne Loi ^) ,
l'Église, le Bouddha lui même n'existent pas.
IL Réponse: „Vous ne connaissez ni le sens, ni la portée de ce
mot „Çûnyatâ". En disant que les dharmas sont vides, la Prajnâ enseigne
qu'ils sont dépouillés de nature propre ') : ainsi se comprend la doctrine
1) Wassilieff, Buddhismiis. p. 262: comp. Kern, t. H, p. 491.
2) Comp. Bodhicaryâvaiâra^ IX, 41. Satyadarçanato muktili çûnyatâdarçanena kim/ na
vinânena mârgena bodhir ity âgamo yatah/
3) Af. Vrtti^ passim Aryalahkàvatâre: svabhâvânutpattim samdhâya mahâmate sarva-
dhai'mâh çûnyâ iti maya deçitâ iti (158 B)/ Dvyardhaçatikâyâm : çQnyâh sarvadharmâ
nihsvabhâvayogena (158 B).
315
de renchaînement des causes ^), les quatre vérités se démontrent d'elles
mêmes, et la théorie du karma reste debout. Mais si vous admettez
l'existence du svabhSva ^) , comment concilier cette thèse avec le dogme
du kçanikatva ^) , avec les âryasatyas ? Vous êtes forcés de nier l'action
et le fruit, le chemin, le samgha, la loi et Bouddha lui même.
L'auteur explique la distinction des deux vérités, thèse capitale du
MahSyâna, soutien de toute la dogmatique et de toute l'histoire du
Bouddhisme*). C'est une doctrine aussi vieille que l'Inde, car elle est
clairement exprimée dans les Upaniçads; Çamkara en tire le plus grand
parti (paramârthâvasthâ , vyavahârâvasthâ ; vidyâ, avidyâ) et la môme
terminologie est mise par les Brahmanes et par les Bouddhistes au
service de conceptions, sinon identiques, du moins proches parentes. La
1) Anavataptahradâvasarhkramanasûtre: yah pratyayair jâyati sa hy ajâto, na tasyotpâda-
svabhâvatâsti / yah pratyayâdhînah sa çûnya ukto yah çûnyatâm jânâti so' pramattah/ (M. V.
71 B). On lit fol. 113 A: pratïtya yad yad bhavati na hi tâvad tad eva tat/ na cânyad api
tat tasmân nocchinnam napi çâçvatam.
2) L*eiTeur capitale des non-Mâdhyamikas est Vàtmavâda ou satkàyadr^ti (svakâya^?
comp. Max Mûlleb, Dharmasamgrahd) [comp. Maitri Up. 111,2; VI, 30.] — Âryaratnakût :
âtmeti kaçyapa ayam ekântah/ nairâtmyam ity ayam dvitîyântah/ yad etad anayor antayor
madhyam / tad arupam anidarçanaro apratisthitam anâbhâsam avijiiaptikam aniketam ity ayam
ucyate kâçyapa madhyamâ pratipad /
3) U y a duhkha parce que ksanikatva: „anityasya dhruvâ pîdâ pïdâ yasya na tatsu-
kham/ tasmâd anityam yat sarvam duhkham tad abhijâyate (Çatârdhaçâstre^ M. V. 159 A). —
Or rêtre en soi est par déÛnition immuable (comp. Buddhacarita ^ chap. IX, 45 et suiv.).
4) Ce n*est pas pour tout le monde (bâlajana, prthagjana) que Bouddha a révélé la vérité :
adhigato maya dharmo gambhïro gambhîrâvabhâso* tarkâvacarah sûkçmah panditavijflaveda-
nïyah/ sacet tam aham paresâm arocayeyam/ pare ca me vibhâveyuh/ sa mama vighâtah
syât klamathah syâc cetasânudayah syât/ yan nv aham ekâkî aranye pravivikte drçtadhar-
masukhavihâram anuprâpto vihareyam . . . . (sUtra^ cité dans M. V. 156 B) i). U sera revêtu
de la „grande cuirasse*', celui qui contemplera sans frayeur le néant des dharmas (P. P. pas-
sim'). Mais si le monde se croit en contradiction avec Bouddha, Bouddha n'est pas en con-
tradiction avec le monde: „Loko maya ^rdham vivadati nâham lokena sâi*dham vivadâmi"
(âgamay cité dans M. V. 111 A).
1) Comp. Dulva, vol. IV, fol. 59, apud Feer, Textes extraits du Kandjour, p. 14. —
Lalita vistara^ chap. XXV, etc.
2) Cette idée, fi'équemment exprimée dans la littérature Bouddhique (Bodhicaryâvatâra
chap. IX, Comm.) n'est pas étrangère à la littérature orthodoxe. Voyez, par exemple, l'intro-
duction de Çariikara à la KausUaki Up. (trad. Cowell) : The puriûed understanding, not knowing
the true nature of Brahma would feel fear before the unconditioned Brahma, even though
it really causes no fear .... Hence to remove his fear .... the Çruti first describes the con-
ditioned Brahma sitting in the world of Brahma like a king in this world.
316
question d'origine est toujours tranchée en faveur des Vedântins. Le
procès n'est pas suffisamment instruit et toutes les sentences sont
révocables.
Dans cette note qui n'est qu'un fragment, j'essaie de marquer les
traits caractéristiques de la discussion ci-dessus résumée. Les kârikâs
ont été, autant que possible, isolées du commentaire. On y a ajouté,
çà et là , des extraits de ce dernier ^).
L
1. Tadi çûnyam idam sarvam udayo nSsti na vyayah
caturnâm Sryasatyanâm abhavas te prasajyate (149 A 1)^)
2. parijnâ ca prahânam ca bhâvanâ çântikarma ca
caturnâm âryasatyânâm abhâvân nopapadyate (150 A 1)
3. tadabhâvân na vidyante catvâry âryaphalâni oa
Bic Mb. c. phalâbhâve phalasthâ no {sic) na santi pratipannakâh ^)
4. samgho nasti na cet santi te 'stau puruçapudgalSh
abhâvâc câryasatyânSm saddharmo 'pi na vidyate
5. dbarme câsati samghe ca kathaih buddho bhaviçyati (150 A 4)
Mb. c. tad (tad) evam trïny api ratnâni bnivânah pratibadhase
*-'«bod^ 6- çûnyatâm *) phalasambhavam adharmadharmam eva ca
avam sarvasamvyavahSrâmç ca laukikân pratibadhase (153 B)
1) D'après les MSS. de la Société Asiatique et de Cambridge, grâce à Tobligeance de
M. Neil qui a bien voulu collationer mon texte. Sur la Madbyaroakavrtti et les Mâdhyamikas,
consulter Bubnouf, Intr,^ pp. 46*^, 507, 559; Bendall, Buddhist Sansk. mss.^ p. 114;
HoDGSON, Ess, Litt. Nepy p. 20; Wassilieff, Buddhismus, p. 317 et passim; Kern, Buddhia-
mus, t. n, p. 498; Sarvadarçanasamgraba (trad. Cowell, p. 22); Vedântasûtras , t. II, 2, 32
et CoLEBRooKE, Misc, Essaya); Ryauon Fujishima, Bouddhisme Japonais , Max Mûller, Intr,
à la Vajracchedikâ, S. B., t XLIX; Minayeff, Recherches sur le Bouddhisme (trad. AssiER de
Pohpignan) Musée Guimet 1894; Mabâvyutpatti ; Dbarmasamgraha.
2) babavaç ca mahântaç ca do^ bhavata [çûnyatâv|ldinah] apadyante / yadi sarvam idam
çûnyam syât tadâ yac cbûnyam tan nâsti yac ca nâsti tad avidyamânatvâd bandbyâputravan
naivotpadyate na câpi nirudhyata iti na kasyacit padârthasyodayo vyayaç ca / / Kadâ ca tad
rluhkbam âr3rasatyam yujyate yadâ samskâiûnâm udayavyayau sambhavatah / yadâ tu çûnyatvân
na kiihcid utpadyate na ca kimcin nirudhyate/ tadâ nâsti duhkham/ asati ca duhkhe kutah
samudayasatyam /
3) tatphalâilbapratipannakâh prayogasthâh /
4) çûnyatâm bruvâna ity anena sambandbah/
317
IL
7. atra brûmah çûnyatâyâm na tvaih vetsi prayojanam
çûnyatâ[m] çûnyatârtham ca tata evam vihanyase ') a^'tST*'^'
8. dve satye samupaçritya buddhânâm dharmadeçanâ
lokasaihvrtisatyam ca [satyam ca] paramSrthatah *) J^"^i^- ***^'
1) sa bhavân svavikalpanayaiva nâstitvam çûnyatârtha ity evam viparïtam adhyâropyB viparitam
yadi sarvam idam çûnyam udayo nâsti na vyaya ityâdinopâlambham bruvôno .... vihanyate / adhyaropya
vividhair abhûtaih parikalpair hanyata ity arthah / na tv ayam asmâbhir atra castre çûnyatârtha npalabham
upavarnito yas tvayâyam parigrbîtah çûnyatârtham câjâ[nâ]nah çûnyatâm api na jânâti/ na
câpi çûnyatâyâm yat prayojanam tad vijânâti/ tataç ca yathâvasthitavastusvarûpâparijfiânena
état tvayâ bahu câyuktaro asma[d]vyâkhyânâsambaddham evopa[154 A]varnitam / atha kitb
punah çûnyatâyâm prayojanam uktam etad âtmaparlksôyâm ^karroakleçakçayân rookçah JJ*- ^^ ^''
karmakleçâ vikalpatah / te prapancât prapailcas tu çûnyatâyâm nirudhyata" ity >) / ato nirava-
çeçaprapaiicopaçamârtham çûnyatopadiçyate tasmât ,,8arvaprapaiicopaçamah çûnyatâyâm prayo-
janam** / bhavârhs tu nâstitvam çûnyatârtham parikalpayan prapaiicajalam abhivardhamâno na Mb. C. evam
çûnyatâprayojanam vetti/ atha kâ punah çûnyatâ sâpi tatraivoktâ ,,aparapratyayam çântam sanivardliaya-
prapaficair aprapaâcitam / nirvikalpam a[nâ]nârtham état tattvasya lakçanam" iti / atah pra- J^ygm 'pr^^'
paâcanivrttisvabhâvâyâtii çûnyatâyâm kuto nâstitvam iti / çûnyatâm api na jânâti bhavân yam
cârtham upâdâya çûnyatâçabdah pravartate tam apîhaiva pratipâdayiçyâmah / yah pratîtyasa- Mb. yat/ canya-
rautpâdah çûnyatâm tâih pracakçmahe sa prajiiaptir upâdâya pratipat saiva madhyamâ iti yah tâyâm
pratyayair jâyati sa hy ajâto na tasya utpâda(h) svabhâvato sti ')/ yah pratyayâdhîna[h] [sa] çûnya ? '^SJi^^ g^^
ukto yah çûnyatâm jânâti so* pramatta iti bhagavato [gâthâ] vacanât ')/ evam pratityasamutpâdasya bbâvatâsti /
yo *rthah sa eva çûnyafôçabdasyârtho na punar abhâvaçabdasya yo *rthah sa çûnyatâ[çabda- **adliinu sa çn®
syârthah] / abhâvaçabdârtham ca çûnyatâi*tha[m] ity adhyaropya bhavân asmân upâlambhate / ÎJ'* q aDiSa!
kaç câsmâkam yathoktam upâlambham karoti / yo bhagavatpravacanopâdiçtâviparïtasatyad- bkato
vayavibhâgam na jânâti/ kevalam tu g[r]anthamâtrâdhyayanapara eveti/ (154B) ata âcâryah Mb. **can5 diç-
karunayâ parasyamithyâpravacanârthavibodhanirâsârtha[m] bhagavatprava[ca]nopadi9tâviparï- ^^ irantha
tasatyadvayavyavasthâm eva tâvad adhikrtyâha / dve satye . . . *. Mb. niriça^ ;
2) iha hi bhagavatâm buddhânâm satyadvayam âçritya dharmadeçanâ pravartate / katamat Mb. C.nirâpS^
satyadvayam lokasamvrtisatyam ca paramârthasatyam ca / tatra skandhâtmâ loka âkhyâtah / ^o . ^|(g q'
tatra loko hi niçrita iti vacanât/ panca skandhân upâdâya prajnapyamânah pudgalo loka ity diçtaliL
ucyate/ samantâd varanam samvrtih/ ajfiânam hi samantât sarvapadârthatattvâvacchâdanât Mbb. Bamvrtti
samvrtir ity ucyate / parasparasambhavanam va samvrtti[r] anyonyasamâçrayenety arthah / v^ ^bhi®
athavâ samvrttih samketo lokavyavahâra ity arthah/ sa câbhidhânâbhidheyajfiânajneyâdilakçanah/ mb. Bamvrti
loke samvrtir lokasamvrtih/ kim punar alokasamvrtir apy asti yata evam viçiçyate lokasamvrtir iti*)/ Mb. loka
yathâvasthitapadârthânuvâda esa nâtrai^â cintâvatarati / athavâ timirakâmalâdyupahatendriyavipa- ^'' ^^ ^
rïtadeçanâvasthânalokâs teçâm yâ samvrtir [asâu alokasamvrtir] ato viçiçyate lokasmavrtisatyam tarati / ^koma-
la**/ deçanî-
Bthâna®
1) Âtmaparïk^yâm (fol. 103, B 7) où ce passage est commenté: karmakleçâ vikalpatah
pravai'tante / te ca vikalpâ .... prapaiicâd upajâyante.
2) Comp. p. 319, 1. 5.
3) Restitue d'après Ms. C.
4) Comp. Bodhicaryâvatara , IX, 3, tatra loko dvidhâ drçto yogî prâkrtakas tathâ/ tatra
prâkrtaJio loko yogilokena bâdhyate.
318
9. ye 'nayor na vijânanti vïbhâgam satyayor dvayor
te tattvam na vijânanti gambhîrabuddhaçâsane ^
Ms. takçmatâ- 10. çûnyatSyâm *) adhilayaiii yat pnnah kurute bhavân
do^aprasaàgo nâsmâkam sa çûnye nopapadyate
11. na ca vayam abhâvârtham çûnyatârtham vyâcak§mahe
sarvam ca yujyate tasya çûnyatâ yasya yujyate ^)
yim
iti / etac ca madhyamakâvatâre vistarenoktam / tato veditavyam / lokasamvrtyâ satya[m] lokasaiù-
vrtisatya[m] / sarva evâya[m] [ajbhidhânâbhidheyajiiânajneyâdiYyavahâro' çeso iokasamyrtisatyam
ity ocyate / na hi paramârthata eva tat sambhavati / tatra hi „iiivrttam abhidhâtavyam nivrltiç
cittagocarah / anu[155 Ajtpannâniruddhâ [hi] nirvânam iva dbarmatâ" <) iti krtvâ kutas tatra
paramârthe \âcâm vrttih kato va jnânasya [/] sa hi paramârtho 'parapratyayah ^ntah praty-
âtmavedya âryânâm sarvaprapancâtito 'smin upadiçyate ^) / na câpi jfiâyate/ uktam hi pôiwam
„aparapratyayam çântam prapaâcair aprapaâcitam / ninrikalpam anânârtham état tattvasya
Iakçanam** iti/ paramaç câyam arthaç ceti pararaârthah / tad eva satyam paramârthasatyam /
Ms. aTaçeya^ anayoç ca satyayor vibhâgo vistarena madhyamakdvatârâd avaçreyah/ tad état satyadvayam
âçritya buddhânâm bbagavatâm dharmadeçanâ pravartate/ evam vyavasthitam deçanâkramam//
ye *nayor
i) Comp. MiNATEiF, Recherches y p. 226, un fragment de la Nâmcisamgxtitikà: „tathâ
coktam mûlamadhyamaka âryanâgârjunafKidaih : dve satye samupâçritya .... te dharmân na
vij^anti gambhîre buddha^Uane*\ MinayefT ajoute „sur les deux vérités, voyez kathâvatthupa-
karana, fol. 67—71 et Ahhidh. K. v. fol. 251". — Comp. Dharmasarhgraha , XCV et les ré-
férences indiquées dans les notes: Childebs, p. 409; Sohlaointweit, p. 35; Wassilieff, p. 294 ;
Feeb, Csoma de Carôs, pp. Sfô6, 368 (samvrtisatyam =: sammuti^, trath by gênerai consent"
opposée à la „self-evident truth**). Voyez aussi Bodhicaryâvatâra ^ chap. IX; Àryctsatyadvayâ-
vaiàrasûlra , cité dans M. Y. Dans le commentaire du çl. 9 , Tauteur parle de l'enseignement de
la Çûnyata et des dangers que présente cette doctrine „evam tâvad abhâva[rûpena] grh3ramânâ
Ms. grhi^ çûnyatâ grahîtaram vinâçayati / . . . . tad evam bhâvarûpenâpi . . . vinâçayati" ; les explications
se terminent par le passage dté plus haut, relatif au ^découragement de Bhagavat".
2) Ms. G. çûnyatâyâm adhilayam = adhiksepa (?)
3) yasya hi sarvabhâvasvabhâvaçûnyateyam yujyate tasya sarvam etad yathopavarnitam
yujyate/ kathaih krtvâ yasmât pratîtyasamutpâdam hi va3ram çûn3ratety âcakçmahe/ „y^^
pratyayair jâyati sa hy ajâto na tasya utpâda[h] svabhâvato 'sti yah pratyayâdhînah sa çûnya
ukto yah çûnyatâm jânâti so *pramatta" iti/ gâthâvacanât / / çûnyâh sarvadharmâ
Ms. C yajyata nihsvabhâvayogena iti prajnâj^âramttôbhidhânât / tasmâd yasyeyam çûnyatâ ngyate rocate
prmtûnksft^^ kçamate tasya pratîtyasamutj^do yTijyate tasya catvâry âryasatyâni yujyante/ katham krtvâ/
matpido juj- yasmât pratîtyasamutpannam eva hi duhkham bhavati nâpratîtyasamutpannam / tac ca nih
y»te tasya. .. • [157 Bjsvabhâvatvâc chûnyam sati ca duhkhe duhkhasamudayo duhkhanirodho duhkhanirodha-
1) Ms. nivrttum. Ce çloka est extrait du XVIII* chap. Atmapdriksâ où nous lison
(fol. 108 B) „yadi boddhaîr bhagavadbhir nâtmeti darçitam nânâtmeti kim tarhi ilarçitam iti
ucyate / nivrttavat bhidhâtavyam (?) nivrttiç cittagocarah / anutpannâ . . . . / iha yadi kimcid
abhidhâtavyam vastu syât tad deçyeta/ yadâ tv abhidhâtavyam nivrttim vâcyaviçayo nâsti/
tadâ kimcid api na deçyate buddhaih/
2) Ms. ^^torasminupa^, passage altéré: nopadiçyate na câpi jnâyate. Comparez la doctrine
védantique sur la connaissance du Brahman.
319
12. Svabhâvâd yadi bhâvânâih sambhavam anupaçyasi
ahetupratyayân bhSvan tvam evam sati paçyasi (158 A 3)
13. kâryaih ca kâranam caiva kartâraih karanaih kriyâm
utpâdam ca nirodham ca phalam ca pratibâdhase (158 A 4)
14. yah pratîtyasamutpâdah çûnyatâm tâih pracak§mabe
sa prajnaptir upâdâya pratipat saiva madhyamâ (158 B 1) ^)
15. apratîtyasamutpanno dharmah kaçcin na vidyate
yasmât tasmâd açûnyo hi dharmah kaçcin na vidyate (158 B 7)*)
16. yady açûnyam idam sarvam udayo nâsti na vyayah
caturnâm Sryasatyânâm abhâvas te prasajyate
17. apratityasamutpannaih kuto duhkhaih bhaviçyati
anityam uktam duhkhaih hi tat svâbhSvye na vidyate (159 A 5)
18. svabhâvato vidyamânam kiih punah samupadeçyate
tasmât samudayo nâsti çûnyatâm pratibâdhatah (159 B 1)
19. na nirodhah svabhâvena sato duhkhasya vidyate
svabhâvaparyavasthânân nirodham pratibâdhase (159 B 3)
20. svâbhâvye sati mârgasya bhâvanâ nopapadyate
athâsau bhâvyate mârgah svâbhâvyarii te na vidyate (159 B 5)
gâmÎDï ca pratipad yujyate . . . . / saddharmo pi yujyate sati ca saddharme samghe ca buddho
yujyate/ laukikâ lokottarâç ca padârthâh sarvaviçe^âdhigamâ yujyante/ dharmâdharmam tat-
phalam 8ugati[r] durgati[r] laukikâç ca sarvasamvyavahârâ yujyante/ tad evam „sanram ca
yujyate tasya çûnyat yasya yujyate"/ yasya tu sarvabhâvasvabhâvaçûnyatâ yujyate/ tasya Mb. tasya
sarvam etad yatboditam yujyate sampadyata ity artbah/
yasya tu çûnyatâ yatboditâ na yujyate tasya pratîtyasamutpâdâbbâvât sarvam na yu- titya
jyate/ yathâ ca na yujyate tatbâ vistarena pratipâdajriçyati /
1) Comp. MiNAYEFF, Recherches y p. 218 — Dharmasamgraha XLll, (notes et références,
p. 43) — yo yam pratîtyasamutpôdo betupratyayâpekçarûpavijnânôdînâm prâdurbhâvah sa ^g^ q ^opek-
svabbâvenânutpôdajfiah / yaç ca svabbâvenânutpôdo bbâvânâm sa çûnyatâ/. . . [138 B 3] tatbâ çya prâdu^
câryalahkàvatâre / svabbâvânutpattim samdbâya mabâmate sarvadharmâ[b] çûnyâ iti maya , J^'* "^^•"^
deçitâ iti / dvyardhaçatikâyâm / çûnyâb sarvadbarmâ nibsvabbâvayogena iti / yâ ceyam svabhâ.
vaçûnyâ sa prajnaptir upâdâya saiva çûnyatâ / upâdâyaprajnaptir iti vyavastbâpyate / cakrâdîny
upâdâya rathâh^ni ratbab prajfiapyate / tasya y^ svângâny upâdâya prajfiaptib / sa svabbâ-
venânutpattih / yâ ca svabbâvânutpattib sa çûnyatâ saiva svabbâvânutpattilakçanâ çûnyatâ
madbyamâ pratipad iti / vyavastbâpyate / yasya bi svabbâvenânutpattis tasyâstitvâbbâvab sva-
bbâvena cânutpannasya vigamâbbâvâ[n] nâstitvâbbâva iti/ ato bbâvâbbâvântadvayarabitatvât /
sarvasvabbâvânutpattilakçanâ çû[nya]tâ madbyamâ pratipan madbyamo mârga ity ucyate/ tad
evam pratîtyasamutpâdasyaivaitâ viçe^asamjflâb çûnyatâ upâdâyaprajnapti[r] madbyamâ pra-
tipad iti.
2) yatboktam çatake ,,apratïtyâstitâ nâsti kadâcit kasyacit kvacit/ na kadâdt kvacit
kaçcid vidyate tena çâçvata" iti.
Sic Ml. C.
320
21. yada duhkhaih samudayo nirodhaç ca na vidyate
mârgo duhkhanirodhatvât katamam prâpayiçyati (160 Al)
Ma. '^nânam 22. svabhâvenâparijnataih yadi tasya punah katham
Ma. yadiijiiâ. parijnânam nanu khila svabhâvah samavasthitah (160 A 2)
nam — Corri-
gé d'âpre» Ma. 23. parijnâvan na yujyante catvâry api phalâni ca (160 A 5)
24. syabhâvenSnadhigatam yat phalam tat punah katham
çakyaih samadhigantum sySt svabhgyam parigrhnatah (160 B 2)
25. phalâbhSve phalasthâ no^(f) na santi pratipannakâh
samgho nâsti na cet santi te 'çtau puruçapudgalâh
26. abhâvSc câryasatyânâm saddharmo 'pi na vidyate
dharme câsati samghe ca katham buddho bhaviçyati (160 6 4)
27. apratïtyâpi bodhirii ca tava [buddhah] prasajyate
apratîtySpi buddham ca tava bodhih prasajyate (160 B 5)
28. yaç câbuddhah svabhâvena bodhâya ghatayann api
na bodhisattvacaryâyâih bodhim te gamiçyati (160 B 7)
29. na ca dharmam adharmam va kaçcij jâtu kariçyati
kim açûnyasya kartavyam svabhâvah kriyate na hi (161A1)
30. vinâ dharmam adharmam ca phalam tava na vidyate
dharmâdharmanimittam ca phalam tava na vidyate (161 A3)
31. dharmâdharmanimittam va yadi te vidyate phalam
dharmâdharmasamutpannam açûnyam te katham phalam (161 A 5)
32. na kartavyam bhavet kimcid anâlabdhâ bhavet kriyâ
kârakah syâd akurvânah çûnyatâpratibâdhatah (161 B 1)
33. ajâtam aniruddham ca kûtastham ca bhaviçyati
vicitrâbhir avasthâbhih svabhâvaracitam dtam (161 B 3)
34. asamprâptasya ca prâptir duhkhaparyantakarma ca
sarvakleçaprahânam ca yady açûnyam na vidyate (161 B 6)
35. yah pratîtyasamutpâdam paçyatîdam sa paçyati
duhkham samudayaih caiva nirodham mârgam eva ca (162 A l) ').
1) Le chapitre se termine par la citation de deux passages relatife aux quatre vérités,
le premier extrait de VAryamarijuçripariprcchây le second de VAryadhyapitamu^tmitra: yena
maûjuçrîr anutpâdah saryadharmânôm drçtas tena duhkham par^flâtam/ yena nâstitâ s. dh.
drçtâ tasya samudayah prahînah/ yenâtyantaparininrrtah s. dh. dictas tena nirodhah sakçât
krtah/ yena raafijuçrîr abhâvah s. dh. drçtas tena mârgo bhâvitah [mafij. pariprcchâyâm].
Noie sur le mot èpfju^rUpiw
PAR
J. VAN DEN GHETN , S. J.
Bollandiste.
M. le Dr. 0. von Lemm , dans son travail sur les Actes apocryphes
des apôtres , dont il a publié naguère des fragments en langue copte ^),
prétend que le mot cpfx>îTaptOi/, terme de basse grécité , est évidemment
apparenté avec ^pi^^ol^ «soutien, appui", et qu'il traduit le mot latin
furca^). Toutefois, il accorde que le mot ipivn'zd.piov ne dérive pas im-
médiatement de ^pi^oL^ mais qu'il y remonte par l'intermédiaire d'un mot
latin hermetarium.
Le mot ipiiYixdpiov est d'usage courant dans la littérature ecclésias-
tique des Coptes. On le rencontre fréquemment dans les Actes des mar-
tyrs, où il désigne en général un bois, une colonne à laquelle on at-
tachait les condamnés pour les supplicier %
Au contraire , il se trouve très rarement dans les textes latins, et les
glossaires ne fournissent aucune mention du terme latin hermetarium y
que M. VON Lemm pense avoir été l'ancêtre immédiat du motipixrjrdpiov.
1) Bulletin de V Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, nouvelle série,
t. m (XXXV), n*» 2, p. 233 sqq.
2) Ihid,, p. 286—287.
3) Gomme le remaïque Justement M. von Lemm, Kiroher, Tattam et Parthey n'ont
pas été heureux dans l'interprétation de ce terme. Il faut ajouter à cette liste le nom de
Georqi, qui traduit ipiturrâptov par Aipf*àpto¥, caldarium, voir De Miraculis sancti Coluthi^
p. Lxiii sqq.
41
322
En grec , on trouve le mot dans le passage suivant de S. Athanase :
'AXXà vOv oi QœJixacrzoï 'Apeiavoi oi xaè rî/xâg ^ta|3aXXovT£g , ii ovç xai nkeïcrzoï
^txaoraç, xai^raç •yu/xvwcravTEç, inaùaoLV ini tûv xaXoufXÊVwv épfXYjTocpioyv x^€-
jxacr5)7vatj xai toctoutov avrâv TptTOV e|£Grav Taç Tiksvpdç^ oaov oifil oi akYjQoiç
KaKovpyoi ttûStiotê TieTiovôacrt '). S. Athanase rapporte le même fait dans
VJpoloffia de fuga sua , mais là le mot épixYixdpiov a disparu : ^ç ùs vexcGcroç
oûràç e^X^TTÊ, xai jui^i (ppov'Zi^oùaaç tov Tzvpoç^ juiiv^aaç Xocttov, oirwç xot/xo^êv
Êtç TOC TipoatùTia. , wg jxeto: yupovov [loyiç amàç im'^v(ùa9rjvai *).
M. VON Lemm croit que ce passage est le seul qui renferme le mot
ipfirjxdpiov. L'assertion est exacte , si on la restreint à la forme ipixYjzdpiov
du mot que nous étudions, mais nous allons citer quatre autres textes grecs
qui ont le même terme, quoique sous une physionomie un peu différente.
Le mot ipiiYjToipiov se présente également , mais un peu défiguré , dans
les Actes des SS. Cyrique et Julitte: l/sxXidaavzoç 91 ini 'zovzo zov ^t-
xaoToC, yikîCu dpiLî.)na.pi(ù àvapnoOdaco^ avzr}v eûrovoç ^ieoQai ^). TnfonoRE
d'Iconium répète le même texte dans sa lettre à Zosime: l/ezliddoonoç
il xae Tipoç TOVTO rov ii^aarov^ Kikîvei 'Ap/JLÊvra^tw chap^Oeîaav eirovwç ^ùdOai *).
L'éditeur de ces deux pièces dans les Analecta BoUandiana a été fort em-
barrassé par le mot ipiitvzoLpitù. La première fois, il écrit dpiievxapicù Ci) ^
le point d'interrogation est de lui, mais il a omis le mot dans sa tra-
duction latine. La seconde fois, il en fait un nom propre 'Ap/xcvtaptw ,
et il traduit: Praecipit Armentario, ut suapenaa ipsa valide dilanietur.
C'était revenir aux mauvaises traditions du moyen âge, car Ruinart
remarque que, dans un ms. de Colbert*), ce passage a été traduit:
Praeses indignons Armentario praecepit eœtentam eam decoriari •).
1) P. G., t. XXV, p. 640.
2) Ibid., p. 652.
3) Analecta Bollandiana ^ t. I, p. 198.
4) Ihid,^ p. 205. Cfr. Mai, Nov, Bibl, Patr,, t. VI, p. 418, qui donne une meilleure leçon
5) Ce manuscrit est aujourd'hui le n^ 5306 du fonds latin de la bibliothèque nationale de
Paris. Cfr. Cki-tal. cod, hagiagr, latin, hibl, nat. Parisiensis^ t. H, p. 43 sqq.
6) Acta martyruniy éd. d'Amsterdam, 1713, p. 479.
323
Pourtant, il y avait beau temps que Reiske avait fait remarquer
l'identité des deux mots armentarium {ermetarium) et ipixrjToipiov ^). Hase
avait également signalé cette correction de dpiiivzapi^ù en ipix/j-capicù k
faire dans le texte de Théodore d'Iconium^), et Combefis avait exacte-
ment rendu le sens du mot en traduisant : Sublimis e ligno seu equuleo ^).
C'est de la même façon que le traducteur ancien des Actes de S. Hip»
polyte avait traduit: Pw/xuXoç ex/Xeuasv ovtcv êv xâ ap/jLÊVTapew àvocpxindrivai^
iraius Bomulus iusait eum in eculeo levari *)•
Les Actes de S. Sabinus, martyr à Hermopolis en Egypte, ont
encore plus mal mené le mot. On y lit: 'ExAevcrev oÛtov dvaprYjOevza dç
Nous venons de citer les quatre textes grecs, sans compter celui
de S. Athânase, dans lesquels apparaît le mot ép^iriiapiov . Essayons
maintenant d'en établir Tétymologie.
Meursius rattache le mot à ïp^irfza^ armentaj et il ajoute que les
anciennes gloses latino-grecques interprètent armentarium par liXov èpiin^d"
piov •). Cette explication est sans valeur , et de plus elle fausse l'ortho-
graphe de ip[ir)Tdiptov , qui porte toujours l'esprit rude.
Du Cange a donné une explication plus ingénieuse que vraisembable ,
quand il dérive épiv^mpiov de sp/xar, les statues de Mercure que l'on
plaçait près des temples des dieux ou k l'entrée des carrefours. Il cite
k l'appui de cette opinion le passage suivant des Actes encore inédits
de S. Romain : O 'A(jxX>77rta^$ ^(oXiaaç ixéXevaev avTov xp£|ULacr5v5vat
'A(jyXYjmdi$Y]ç £xAa>crev ax/xov K(xxeve)(dfévai dno Toi *Ep|xâ ^.
1) Comment, de Constant. Porphyrogen, caerim, auL Byz., t . n, p. 71 , c, éd . de Bonn, t. II, p. 225 .
2) P, G., t. CXYII, p. 679, note 35.
3) Illustrium Christi martyrum lecti triumphi^ p. 238. Cfr. Act. Sanctorum, lun. t. M,
p. 27, n^ 6.
4) Acta martyrum ad Ostia Tiberina^ Romae, 1795, p. lxiv.
5) Ms. de Saint-Marc de Venise, n® goolix, Archiv fur slavische Philologie, t. XVm, p. 185.
6) Glossarium graecoharbarum , p. 212.
7) Glossarium ad scriptores mediae et infimae graecitatis, p. 436. Du Gange a lu par
en^eur àxè rSiv 'Ep/itâ. Les Actes inédits de S. Romain se trouvent dans deux manuscrits de la
bibliothèque nationale de Paris, les nn. 1485 et 1539 du fonds grec; le passage cité se lit
respectivement dans les deux manuscrits fol. 117 et 51. Cfr. Catalog. codic, hagiogr, graec,
bibl. nat. Parisiensis, éd. HAGiOGRArui Bollandiani et Henrious Omont, pp. 168, 238.
324
Dans la préface de son grand ouvrage Acta martyrum ad Ostia Tiberina ^),
DE Maoistris a émis l'idée que épiiYj^cipiov ^ cipixerdipiov pourrait venir de
âptôj (xpToi(M}^ c'est-àrdire aptoj auspendo. Rien n'est moins démontré.
Pour décider de l'étymologie du mot que nous étudions, il est
avant tout nécessaire de définir sa vraie et exacte forme. Quelle est cette
forme? Est-ce le épiirrcapiov du texte de S. Athanasb ou Vdpixevxdiotov des
Actes des martyrs? Les Coptes ayant toujours écrit ^^pjiiHTApioM (sah.) ,
^pjMCTApioH , €pjii€TApioH (boheir.), on serait assez disposé à croire que
c'est là. l'exacte graphie , surtout qu'un texte grec donne aussi ipixYj'zdptov^
et que la forme àpiuinapiov semble être le résultat de fausses transcrip-
tions ou d'altérations.
Dès lors , on peut se rallier à la théorie de M. von Lemm , qui tire
le mot ipfiYjzdipiov de sp/xa ^soutien, appui", et qui en fait l'équivalent
du latin furca *). Il n'y a , en effet , si l'on se réfère aux passages très
explicites que nous avons cités, plus aucun doute possible sur le sens
précis du terme, qui désigne un bois auquel on attachait les martyrs
pour les déchirer avec des ongles de fer.
1) p. X — XIII.
2) Bulletin de VAcad, de Saint-Pétersbourg, t. cit., p. 286.
Noie sur les lignes 30 sqq. de rinscription du cylindre de Cyrus
PAR
A. VAN HOONACKER
Professeur à rUniversité de Louyain.
L'inscription de Cynis, après avoir, 11. 28^ — 30», parlé des hom-
mages que vinrent ofl&ir au vainqueur les vassaux de Tempire et no-
tamment les rois du pays de T Ouest, poursuit en ces termes, 30^:
I§-tu ') a Kl (?) ma^zu ASâur Kl u ») Kl 31 A-ga-ni Kl
mâlu Ab-nu-nak mafpazu Za-am-ba-an matf^azu Mi-tur-nu Dur- AN Kl
a-di pa-at mdiu Ku-ti-i ma-^a-(zi )-ti ndru Dil^lat âa i§-tu ap-na-ma
na-du-u âu-bat-su-un 32 ilâni pi. a-ài-ib lib-bi-âu-nu a-na aà-ri-§u-nu
u-tir-ma u-àar-ma-a âu-bat da-ir-a-ta kul-lat niai pi. — §u-nu u-pa-a^-
^-rd-am-ma u-ti-ir da-ad-mi-âu-un 33 u ilâni pL mâlu âu-mi-ir u Ak-
kadi âa Nabu-na'id a-na ug-ga-tim bil ilâni pi. u-§i-ri-bi a-na pi-rib
èu-an-na Kl i-na ki-bi-ti Marduk bili rabi i-na §a-li-im-tim 34 i-na
ma§-ta-ki-âu-nu u-âi-âi-ib àu-ba-at tu-ub lib-bi, etc.
Comment faut-il interpréter ce passage?
H y est question des mesures prises par Cyrus pour assurer le
retour dans leurs sanctuaires respectifs, des dieux qui en avaient été
enlevés. Cela est exprimé clairement , d'abord 1. 32» : „ les dieux
1) Lacune.
2) Ici le texte offre un idéogi'amme composé (nom de ville), où Tidéogramme Btar entre
comme élément.
326
qui se trouvaient là (litt. : dans leur sein, en elles , à savoir dans les
villes et contrées énumérées), je les fis retourner en leur lieu et les
établis dans une demeure perpétuelle ...."; puis 1. 33 : „ei les dieux
de Sumir et d'Akkad que Nabuna'id, au dépit du Seigneur des dieux,
avait introduits à Suana (kt) (= Babel) ; sur Tordre de Marduk , le
grand Seigneur, je les rétablis en paix en leurs lieux, dans une
demeure agréable . . . .".
Ceci nous rappelle un passage du commencement de Tinscription
(1. 9 sqq.) où nous lisons pareillement qu'i/ (= Nabuna'id) avait introduit
à Babel des dieux emmenés d'ailleurs. Certes, ce n'était point par un
caprice impie, encore moins dans un esprit de dépouillement systé-
matique, que Nabuna'id avait agi de la sorte. Ses dispositions person-
nelles, que nous connaissons par ses propres inscriptions, étaient tou-
tes favorables aux sanctuaires du pays. Les temples de Sin à Harran ,
de âamaà à Sippar, ainsi que leurs traditions antiques, sont l'objet
de toute sa vénération; il s'impose pour en découvrir les origines et
pour les restaurer, les plus grands sacrifices. Il semble même, pour
autant que les premières lignes, fragmentaires, de l'inscription de
Cyrus nous permettent d'en juger, que les prêtres de Marduk h Babel
faisaient un grief au roi-archéologue de son excès de zèle pour les
sanctuaires du dehors, qui lui faisait négliger les intérêts du Seigneur
des dieux dans la capitale. Lorsque Nabuna'id se décida à faire venir
à Babel les dieux qui avaient leur siège dans d'autres villes, ce ne
put être que sous l'empire d'une pressante nécessité. C'est au moment
où Cyrus se préparait à porter le coup de grftce à l'empire babylonien,
qu'ils furent appelés à venir protéger contre le conquérant la capitale
menacée ').
La 1. 33 de notre inscription est parfaitement claire. Cyrus fait
retourner à leurs temples les dieux babyloniens que Nabuna'id avait
introduits à Babel.
Quant à la 1. 32, certains écrivains ont affirmé et d'autres répè-
tent à leur suite , » qu'il y est question des dieux que Nabuna'id avait
1) TiELE, BdbyU'Assyrische Geschichte^ p. 472.
327
V
transportés de Sumir et d'Akkad à Babel; Cyrus rend ces dieux à leur
ancien séjour et renvoie leurs adorateurs dans leurs demeures".
Mais il semble évident qu'en ce dernier endroit il ne peut point
s'agir de dieux de Sumir et d'Akkad ^ de dieux babyloniens ^ auxquels
Nabuna'id aurait fait subir un changement de résidence. Cela résulte:
P. Du fait que les dieux dont parle le v. 32 ne se trouvaient pas
à Babel au moment de la conquête de Cyrus, mais dans d'autres con-
trées, dans d'autres villes, à Assur, etc. H n'y a pas moyen de com-
prendre autrement les mots : ildni aSib libbièunu ana aSriSunu utir .... :
j,les dieux résidant en ces endroits, je les fis retourner en leur lieu...."
Il n'est d'ailleurs pas précisément question de ^umir et d'Akkad, 11.
30 — 31, et nous n'avons aucune raison de croire que Nabuna'id eût
fait venir à Babel les dieux d'ASàur par exempler!
2^ Cela résulte encore de la circonstance que d'après la fin de
la 1. 31 , les sanctuaires des dieux en cause gisaient (abandonnés)
depuis longtemps. Nous croyons que la proposition relative ia iStu ajh
nama nadû iubatsun est proleptique, se rapportant à ilâni qui suit im-
médiatement et non pas aux lieux dont l'énumération précède; l'expres-
sion hibatsun «leur demeure" nous paraît exiger cette interprétation.
Aux detneures abandonnées de la 1. 31 répondent les demeures durables ^
rendues aux dieux, de la 1. 32. — Or ce n'est pas des divinités trans-
portées par les soins de Nabuna'id, comme nous l'avons rappelé tout
à l'heure, que l'on aurait pu dire que leurs sanctuaires gisaient dans
l'abandon depuis les anciens temps, suivant le sens communément donné
aux mots iStu apnama.
3°. Cela résulte enfin, de manière à ne permettre aucun doute,
de la distinction établie par le texte même entre les dieux visés 1. 32,
et les dieuœ de èumir et d^Akkad que NabunaHd avait introduits à Babel (1. 33).
De quels dieux s'agirait-il donc, 1. 32? Écoutons la manière dont
l'inscription continue l'exposé des mesures prises à leur égard: „(les
dieux) dont depuis longtemps les demeures gisaient (abandonnées), les
dieux') qui se trouvaient en ces endroits, je les fis retourner en leur
1) Quorum ab antiquo iacebant domus deos habitantes in (lods) illis . . .
328
lieu et les établis dans des demeures perpétuelles; tous leurs hommes
(= leurs fidèles , leurs sujets) , je les rassemblai et les fis retourner dans
leurs demeures."^ H s'agit donc de dieux dont les sujets vivaient dispersés,
dans ASàur, Agani, Abnunak, etc.; puisque Cyrus, pour accomplir son
œuvre de réparation, commence par les «rassembler." Il ajoute qu'i/
fit retourner ces hommes dans leurs demeures. C'est tout au moins l'inter-
prétation la plus naturelle de utir\ ce verbe a ici pour accusatif
niSiSuny comme il vient d'être employé dans la même ligne avec ildni
comme accusatif.
Le langage de Cyrus est absolument parallèle à des phrases comme
celle que nous lisons par exemple Néhémie^ I, 9 b.
.Nous savons que les conquérants orientaux, déportant les peuples
vaincus à l'intérieur de l'empire, en emmenaient aussi les dieux en
captivité. C'est ce que nous apprend par exemple l'inscription du prisme B
d'Asarhaddon , col. IV 1. 25, où ce monarque, racontant les résultats
de son expédition contre les rois du pays de B&zu, dit qu'il emmena
comme butin en Assyrie râleurs dieux , leurs biens, leurs sujets." Voir
encore le prisme de Sanhérib, col. II 1. 59, IV 1. 29 etc. On se rap-
pellera à ce propos certains passages des prophètes hébreux , tels que
Amosy I, 15; V, 25 s.; Osée, X, 5, 6 etc.
Les dieux auxquels se rapporte la mesure décrite dans la ligne
32 du cylindre de Cyras , ne peuvent être , à notre avis , que les dieux
des peuples captifs auxquels le fondateur de la monarchie perse octroya
l'autorisation de retourner dans leurs pays. C'est à bon droit que Lyon,
entre autres, fait sur notre passage la remarque suivante: »The resto-
ration of the Jews (Ezra 1) was one act in a gênerai policy of Cyrus"
{^An assyrian manual , 1886, p. 84).
Dans les Keilsc/iriftteœte zum Gebrauch bei Vorlesungen de L. Abel et
H. WiNCKLER, la ligne 30*» ofi&re une lecture qui s'écarte de celle com-
munément suivie. Nous lisons ici, immédiatement après la lacune,
non pas : . . . a Kl , mais a-û/ï. S'il fallait s'en tenir à cette lecture ,
d'ailleurs facile à contrôler sur l'original, il en résulterait, semble-t-il,
que ùtu, au commencement de la phrase, ne devrait pas s'entendre
au sens de depuis corrélativement à jusqu^à. En effet adi^ figurant deux
329
fois de suite dans la même série de noms (iStu .... adi Aààur u . . . . ,
Agani , . . . . Dur AN Kl adi pat Çûti . . . .)j ^^ serait plus à considérer
comme terme corrélatif à iSiu; mais devrait se comprendre au sens de
avecj ainsi que. Le iStu qui précède servirait à introduire l'ensemble des
localités dont l'énumération est faite, comme complément indirect de
utirma ... k la 1. 32 : »De .... ainsi que (y compris) Aââur et ... .
Agani, Abnunak, Zamban, Mitumu, Dur AN El, ainsi que (y com-
pris) le pays de Çutu . . . . , je fis retourner en leur lieu les dieux qui
habitaient en ces endroits (et dont les demeures gisaient depuis long-
temps abandonnées) et je les établis dans des demeures durables. Tous
leurs hommes, je les rassemblai et les fis retourner dans leurs foyers.
Et les dieux de Sumir et d' Akkad que Nabuna'id , au dépit du Seigneur
des dieux , avait introduits à Suana(^e) ; sur Tordre de Marduk , le grand
Seigneur, je les établis en paix (î) en leurs lieux dans une demeure
agréable," etc.
Pour la manière dont nous croirions pouvoir comprendre adi . . . adi,
aux lignes 30 s., voir un emploi analogue de la particule, par exem-
ple Sanhérib Prism. II, 1. 13, 20, 81; IV, 27 etc. Il n'est pas impossi-
ble d'ailleurs qu'après iitu la lacune fut à combler par quelque in-
dication générale dans le genre de celle que nous lisons 1. 1 1 : (iàtu)
kullat matâti kalHina .... En ce cas adi s'expliquerait de la façon la
plus naturelle dans le sens de y co?npris.
Inutile d'ajouter que notre interprétation du passage ne dépend
pas, pour le fond, de la lecture adi à la 1. 30.
42
La symbolique des nombres dans les recettes magiques des traditions
et des usages populaires en Europe
PAR
G. DE VASCONCELLOS— ABREU
Professear au Cours sapérieur des Lettres à Lisbonne.
En lisant un jour des formules et des recettes magiques en usage
dans la médecine au commencement du moyen âge et conservées encore ,
plus ou moins, pendant toute cette période, dans la tradition popu-
laire chez nous comme chez d'autres, j'ai constaté leur analogie avec
des formules magiques qu'on trouve dans TAtharvavéda , v. g. V, 15;
16; etc.
Dans les unes comme dans les autres , le nombre a une importance
capitale, soit par diminution, soit par addition ou par multiplication,
soit par concordance ascendante du nombre des unités et des dizaines, etc.
Par la diminution des unités on enlève le mal, en réduisant les
unités à zéro ; par l'addition on monte très haut dans l'échelle des maux
qu'on veut chasser du corps du malade, ou qu'on veut conjurer.
Une autre importance du nombre est sa signification comme sym-
bole, et le rapport entre un nombre et un mot, qui rappelle combien
d unités il y a dans le nombre qu'on veut exprimer.
Cette importance est évidente dans la conjuration ou exorcisme
populaire, espèce de sortilège attribué à S. Cyprien et répandu dans
toute l'Europe.
331
Je ne prétends pas le moins du monde avoir remonté à Torigine
de ce symbolisme; je crois, pourtant, que dans les rapprochements que
j'ai faits, il y a quelque chose de curieux, sinon de vraiment intéres-
sant, au point de vue historique.
jjOn sait, dit M. Maspero^), le respect que les Orientaux ressen-
tent pour les nombres, et quelle puissance irrésistible ils leur accor-
dent: les Ghaldéens les appliquèrent à définir leurs maîtres et à cal-
culer la valeur qu'ils reconnaissaient à chacun d'eux."
L'usage existait en Asie depuis la plus haute antiquité. Le livre
de Daniel et quelques autres écrits où l'influence chaldéenne se &it sen-
tir, donnent h, certains nombres un sens mystique, symbolique et pro-
phétique. Une tablette de la bibliothèque de Ninive représente les prin-
cipaux dieux de l'Assyrie, chacun par l'un des soixante premiers nom-
bres entiers, et désigne les esprits par des fractions. Lenormant, auquel
j'emprunte ces faits , dit que les spéculations sur la valeur des nombres
tenaient une place très considérable dans les idées de philosophie reli-
gieuse des Ghaldéens^).
On sait aussi à quel haut degré les Hindous ont porté leur apti-
tude tout à &it particulière pour les spéculations mathématiques, et
l'on connaît bien leur méthode d'exprimer les nombres au moyen de
mots symboliques. Albiroûnî en foit mention^).
On lit à la page in de Vlntroductory Note de la ^Translation of
the Sûrya-Siddhânta^'' par le Rév. Ebenezer Burgess : » . . . the method
of expressing numbers , large or small , is by naming the figure which
compose them, beginning with the last and going backwards, using
for each figure not only its own proper name, but that of any object
associated in the Hindu mind with the number it represents. Thus,
the number 1,577,917,828 is thus given: Vasu (a class of deities eight
in number) — two — eight — mountain (the aeven mythical chains
4) HisU anc. des peuples de V Orient classique^ t. I, p. 673.
2) La Magie chez les Chaldéens et les origines accadiennes^ pp. 24—25.
3) Voyez Woepoke, Mém, sur la propagation des chiffres indiens.
332
of mountainB) — forra — figure (the nine digits) — seven — mouDtain
— lunar dayi (of which there are fifteen in the half-month)''.
Cot exemple est un passage de Touvrage (I, 37). Voici un autre
(I, 29).
„In an Age {Yugd)y the révolutions of the Sun, Mercury, and
Venus, and of the conjunctions (çlffàra) of Mars, Satum, and Jupiter,
moving eastward are four millions, three hundred and twenty thousand/'
Ce nombre 4.820.000 est exprimé dans le texte sanskrit par le
mot composé kAakatu^ka-radârnavds ^ qu'on peut traduire littéralement
)mr: Hont \oh océans {arnavà) et les dents {rada) suivis de quatre cieux
{tAfi^JIfatu^ka)
Or les océans sont 4
les dents sont 32
li« cieux (ou cavités, le ciel étant la cavité supérieure,
h ix>nd par dessus nos têtes) sont 0000
Donc 4.320.000
Ootto sorte d*algorithmie symbolique s'applique aussi à la prosodie.
Dans le ^rut^ibodia^ 43, on lit que dans le mètre iârdmla-uikndita la
i^Nciure se Mt suivant le nombre des mârtHMdaê et des wiums. Or les
mMi^^d^ sont leî^ soleils, c'est-à-dire le soleil autant de fois qu'il y
a do signes au xodiaque. donc 12 soleils; les mmmù sont 7. La césure
sN^ fmt» par conséquent, à la 13* syUabe et à la 7« apr^ celle-eL
Ou vxôut multiplier ces exemples
Dm\$ le II HYn& du «Op KttpfHê Pii/i^V<we" {^Safyrieom" éd.
\{vi¥> lUR OiiOOT ou (Î1M3ITIW, 1599, pw 4S— 44). MAinAKus Capsllà nous
din\u^ un h,Yuuu> au soleil oii i\n lit:
<V u^w\^n^ 'SOS $1? <^k>m(Vk^it e^i cv^^e lîe trois lettres dc«t les
Y^Wuï^ <^5;w^>t ^-K* + liM> ^ S. lJet^ Gïviô? les ont tràn^vnrite^ en letŒr
333
Ainsi T=400
H= 8
:s=200
Somme . • . 608
Voyez la note h la fin du volume par rapport à, la page 44 ut laud.
Les chrétiens employèrent ces lettres comme dessin sur les tom-
beaux, aux temps des persécutions.
En faisant faire un deuxième pas à la transcription des lettres
représentatives de la valeur 608 , on est arrivé h, écrire I H S , d'où la
légende Tesus hominum Salvator.
De ce même nombre 608 on a donné le monogramme
que pourtant quelques auteurs expliquent en lisant 318 et en accep-
tant le commentaire de S. Barnabjê pour le passage de la Genèse XIY,
14 sqq. *).
Ce commentaire accepté , le monogramme en question représente
les deux initiales du nom IH20Y2 avec la croix (7"= 300) au dessus.
D y a d'autres monogrammes du Sauveur. L'un, et le plus célèbre,
est celui que Constantin adopta, sans doute parce qu'il était connu
avant la vision de cet empereur, vision semblable à, celle de D. Afifonso
Henriquez, le premier roi du Portugal.
Ce monogramme se complète au IV« siècle par les lettres A et i2,
qui l'accostent à, droite et à, gauche.
Ces deux lettres -^ et »Î2 représentaient pour les catéchumènes les
paroles de S. Jean dans l'Apocalypse, I, 8; en outre elles avaient dans
la gnose les nombres correspondants \=A, 800 = fl. Mais d'un autre
côté, le nombre 801 était la somme des nombres correspondants aux
lettres de nèçioTBQà ^colombe".
4) Voyez SS. Pairum qui temp» apostolicis flomerunt, Bamabae . . . opéra . . . , éd. Cîote-
LEBios, Arasterdam, 1724, t. I, p. 28. Cfr. les notes.
334
n= 80
E= 5
P=100
/ = 10
2 = 200
r = 300
£= 5
P = 100
A= 1
Et alors les Gnostiques d'intervertir Tordre et d'écrire QA; c'est-
à-dire qu'à partir des Gnostiques l'alpha et Tôméga symbolisent les
paroles de S. Jsan, dans l'Apocalypse, et la colombe elle-même, sym-
bole du Saint-Esprit *).
C'est une tradition bien ancienne que Pyihagore a voyagé en Egypte,
en Chaldée etc., et s'est initié aux doctrines de la transmigration des
Égyptiens et au mysticisme numérique des Asiatiques, et a développé
son goût pour l'étude des nombres à Babylone.
Pour ma part je crois avoir démontré ') que la doctrine pythagori-
cienne de la métempsycose est indépendante de la doctrine de la trans-
formation volontaire des Égyptiens % et qu'entre la doctrine de Pytha-
gore et la doctrine hindoue il existe un rapport intime. M. le Dr.
L]£op. VON ScHROEDER {Pî/thagoras und die Inder^ 1884) professe l'opinion
que les idées philosophiques et religieuses de Pjrthagore étaient des idées
auxquelles on s'était arrêté dans l'Inde avant le VI» siècle av. J.-G.
Par rapport aux mathématiques, on sait bien depuis Woepcke, que les
chifl&res que nous appelons des chiffi^s arabes sont des chiflEres indiens;
et si l'on veut faire l'inventaire des biens communs qui appartiennent
en propre tant aux Pythagoriciens qu'aux Hindous, on n'oubliera, certes.
1) Voyez S, Epiphanii opéra ^ éd. Cologne, 1682, t. I, p. 240.
2) Boletim da Soc, de Geographia de Lisboa^ 2» Série, 4880, n*» 3, p. 209 sqq.
3) Gfr. en dehors des citations que j*ai faites , un ouvrage récent The Bock of the Dead,
The Papyrus of Ani in the British Muséum . . . by E. A. Wallis Budge, 1895, p. lxiv, lxvi.
335
ni le théorème pythagoricien développé dans les SulvaaUtraa, ni le nom-
bre irrationnel i^ 2 , ni le mysticisme des nombres.
Pour ce qui concerne le néo-platonisme et le gnosticisme, on sait
qu'ils doivent beaucoup à, TOrient et à, l'Inde, Clément d'Alexandrie
apostrophe Platon en lui disant qu'il sait bien quels ont été ses maîtres ;
Babylone en astronomie, l'Assyrie dans beaucoup de choses etc. S. Epi-
phane et le père de l'histoire ecclésiastique accusent Scythien d'avoir
importé de l'Inde, au II« siècle, des livres de magie dont les hérésies
conduisaient au manichéisme. Lassen a discuté avec netteté et une grande
sûreté d'exposition l'influence de l'Inde dans le néo-platonisme, le mani-
chéisme et la gnose ^).
n me semble donc qu'on peut conclure que la symbolique des nom-
bres et la substitution des nombres par des mots symboliques, est un
résultat dû aux traditions qui , importées de l'Inde, ont pris racine dans
un terrain convenablement préparé d'avance par des doctrines pytha-
goriciennes , par des doctrines gnostiques , et par des pratiques religieu-
ses chrétiennes.
1) Indische Alterihumskunde ^ t. III, p. 378 — 442. Voyez pour les mathématiques, Mo-
KiTz Caktob, Vorlesungen ûber Geschichte der Mathematik, Leipzig, 4880.
Les vocables malais empruntés au portugais
FAR
A. R. GONÇALVES VIANNA.
Quiconque connaît un peu le lexique portugais sera surpris, en par-
courant un vocabulaire bas-malais, du grand nombre de mots de cette
langue hispanique qui s'y rencontrent. Le plus souvent ces mots, in-
troduits depuis le XVI« siècle, lors des grandes navigations des Por-
tugais , désignent des objets matériels , des instruments , des outils ,
des parties d'édifices , ou bien des charges , des emplois , des professions.
D'autres expressions d'un caractère plus général, telles que des verbes
ou des adjectifs , y sont au contraire d'une rareté extrême.
On connaît la grande simplicité grammaticale de la langue malaise
et de celles qui appartiennent à la même famille, où la distinction
des différentes catégories grammaticales est si faiblement développée ,
si peu fixée , qu'on a peut-être le droit de leur refuser de vrais pronoms
personnels indépendants ; où les verbes , s'il est permis de donner ce
nom aux radicaux qui expriment des actions, des états ou des qua-
lités, n'ont qu'une seule forme vague, sans aucune modification mor-
phologique qui désigne le moment de l'action, ou la manière dont cette
action se relie à, d'autres membres de la période , ou au sujet de la phrase.
Cet étage linguistique, qu'on retrouve plus ou moins caractérisé
dans les parlers créoles, est éminemment favorable k l'adoption de
mots étrangers, car dès que ceux-ci se plient aux altérations phoné-
tiques exigées par les langues où ils sont introduits, ils y restent et
337
s'y mêlent aux autres vocables, sans troubler Taspect général de la langue.
J'ai relevé près d'une centaine de mots portugais dans trois voca-
bulaires malais *), et je tâiCherai d'en déduire les altérations phonétiques
qu'ils ont subies.
Tous ces mots n'ont pas une origine portugaise évidente. Je les
diviserai donc en deux groupes: ceux dont Tétymologie ne saurait être
révoquée en doute, et ceux dont cette étymologie ne repose que sur
des conjectures plus ou moins vraisemblables.
Jetons d'abord un regard sur le système phonétique du portugais
et du bas-malais.
Voyelles et diphtongues.
Le portugais possède , et a dû posséder au XVI» siècle , les voyelles
suivantes :
Orales toniques : à è ê i o 6 u {ou français),
exclusivement atones : a e q (o» français très faible).
Nasales : a e î du.
Diphtongues orales : àï au ^ eu êî eu iu in âî âii m.
Diphtongues nasales : aî au K ôÎ (que l'on écrit
aey àOy em j 6e^).
Le malais n'a ni voyelles ni diphtongues nasales; parmi les diph-
tongues orales, on ne peut lui attribuer avec sûreté que at, au^ et
encore ces deux groupes étant prononcés af, diij n'y forment-ils pas de
vraies diphtongues.
Les voyelles orales du malais sont: toniques: a e i o u {ou fr.)
Voyelle sombre, le plus souvent atone : f.
i) Leiifaden zur Erlemung der malayischen Umgangssprache, Berlin, 1890. — The
traveller*3 pronouncing handbook, London 1891. — Spreekt gij maleischf Leiden, sans date,
3^ édition. Voyez aussi Dr. Huoo Sohuchardt, Kreolische Studien, t. IX, Ueher das Malaw-
portugieifische von Batavia und Tugu,
2) L'accent aigu (') désigne la voyelle forte de la syllabe tonique d'un mot; l'accent
grave Ç) indique une voyelle ouverte, l'accent circonflexe («) une voyelle fermée; le signe (")
sert ici a mai^quer l'atonie, et en général la brièveté d'une voyale; o indique un u (pu fran-
çais) très faible; le signe (J est souscrit aux voyelles neutres, a, e (à peu pi^ eu, e muet
français); le tilde (^) surmonte les voyelles nasales a, ê, t, ô, u; il n'est employé dans l'ortbo-
graphe ordinaire que sur à, ô, faisant partie d'une diphtongue âe, ào, ôe.
43
338
Pour faire les rapprochements auxquels se prêtent les vocables
portugais introduits dans le bas-malais, il est utile de consigner ici
quelques lois phonologiques des voyelles portugaises.
1. e initial atone a la valeur de i: erguer = irguér \
2. o , tf atones se prononcent en général u {ou fr.) : portoo = pprtau = purtaU ;
3. tf, atones devant une voyelle ==?, u\ cear = stdrj soar=^suar\ i
4. a atone devient généralement n: ca8ar = cqzdr^
èj ê atones deviennent tous les deux §\ pedréïray cerbl.
6. f devant une consonne palatale = t : melàor = mïlààr (ancienne ortho-
graphe milAor)j
6. On ne rencontre les diphtongues nasales qu^à la fin des mots; au
(âo) et (em) seules peuvent y devenir atones: Idvaoy Idvem.
CONSOICNES PORTUGAISES.
Gutturales k (c, qu) ff (g, gu) n (ne, ng) ^) ,
Palatales ê(ch) « (nh) s(x) è{g,]) l{\hy) z.
Linguales t d n « (s, ç) (z,-s-) l r rr.
Labio-dentales / v.
Labiales p b m îi.
Au XVI® siècle on faisait une distinction entre ç {ce^ ci) et s (ss),
z et 8 sonore; pour notre étude, cependant, il serait inutile d'en tenir
compte, en ce qui concerne les mots portugais introduits dans le ma-
lais. Cette distinction se retrouve encore aujourd'hui dans le nord.
Consonnes malaises.
Gutturales
k
9
«').
Palatales
iy
dy
ny
Linguales
t
d
n
Labiales
V
h
m
sir.
to.
i) Le point qui surmonte la lettre indique ici la palatalisation : 6 » ch espagnol et an-
glais, il = ngr français, é^ ch fr., i — J fr., i ^ Il espagnol, l mouillé, ii^ ng germanique,
n guttural; ï, û^ i^u asyllabiques , à peu près t/, w anglais. Le son é a été remplacé par
i (c/» français) dans le sud du royaume, ainsi qu'au Brésil, et partout dans la langue littéraire,
le son tch n'ayant été conservé que dans le nord du Portugal pour ch , différent de ce = ^.
339
On voit que le système de consonnes du malais est beaucoup plus
pauvre que celui du portugais. Si nous comparons ces deux systèmes,
nous voyons qu'il manque au malais sept articulations portugaises,
c'est-à-dire les fricatives sonores é^ z et v; les fricatives sourdes s et
/; les liquides / et rr.
On peut considérer comme à peu près identiques: ty, à; ny^ n;
y^ ï; tt?, u. Le malais a encore dy^ que le portugais ne possède pas.
Nous pouvons, donc, nous attendre tantôt à, des changements
réguliers de sons , tantôt k des remplacements imitatifs , imitation mal
réussie lorsque le son portugais ne saurait être reproduit, pas même
sous une forme équivalente, comme c'est, par exemple, le cas pour
p malais répondant à / portugais.
n est de mon devoir d'avertir le lecteur que je me rappelle d'avoir
lu, il y a bien longtemps, un travail de M. Aristide Marre sur les mots
portugais introduits dans le malais; je n'en ai plus,* cependant, la
moindre idée, et il m'a été impossible de me le procurer pour le moment.
Il se peut donc que quelques-unes des remarques auxquelles a donné
lieu l'examen des deux tableaux ci-dessous , s'y trouvent déjà consignées.
De cet auteur je ne possède qu'une petite brochure sur les mots ma-
lais adoptés en Europe*).
Voici d'abord la liste de ces vocables portugais, divisés en deux
groupes: 1 Vocables malais d'origine portugaise évidente, II Vocables
malais où cette origine est plus ou moins plausible, et qui se prêtent
à des rapprochements curieux.
I. Vocables malais dérivés du portugais.
Malais
aya
albdhkà
Français
servante
levier
Portugais
aia
Prononciation
^^
atq
alavanca a^avahka
Français
dame de com-
pagnie
i) Le Dr. Huao Sohuohardt, dans sa précieuse monographie sur le créole malais-portu-
gais de Batavia, avait annoncé qu'il s'occuperait plus tard d'une étude sur les mots portugais
dans le bas-malais. Nous ignorons si cette étude a déjà été publiée.
340
Malais
Français
Portugais
Prononciation
Français
almdrij lamâri
armoire
armâris
(vulgo almdrtp)
antéro
entier
inteiro
intêïro
bandera
bannière
bandeira
bàndétra
bdhku
banc
banco
bàhkQ
bdsij bdêu{?)
plat
vaso
vdzp
vase, pot-à-
fleurs
beludru
velours
veludo
v^lûdQ
biola
guitare
viola
mbla
o
bola
boule
bola
bola
boya
bouée
boia
boia
o
brus
brosse
bruça
brusa
o
brosse pour les
chevaux
bûtan
bouton
botâo
bffiâu
dddu
dé à jouer
dado
dddQ
{dtjspens
garde-manger
dispensa
dîêpesa
dyandéla
fenêtre
janela
zqnèlq
gddyi
gages
gages
gaïiù
yarpu
fourchette
garfo
gàrfy
ff{&édya
église
igreja
igrêzq
glùdyo
glouton
guloso
gulôzQ
ingria
anglais
ingresia
%ngrez{ia)
langage d'An-
glais, langage
confus
kdJdu
bouillon
caldo
kdldQ
kdmar
chambre, salle
câmaTa
kdmar(i
kamédya
chemise
camisa
kçmîzq
kamidi
théâtre
comédia
kf^mèdta
comédie, théâ-
tre
karéta
charette
carreta
k^rrêta
341
Malais
Français
Portugais
Prononciation
Français
kdrtu
cartes à jouer
caria
kdrta
kédyu
fromage
queijo
kêi'zQ
kébis
chou(x)
couves
kd{u)vÎ8
kornél
colonel
coronel
(vulg.) kgrnèl
krabu
pendant d'oreille
cravo
krdvo
clou
lamâri (V. almdri)
lantéra
lanterne
lanterna
lanterne^
lélon
encan
leilâo
lêîlào
mantêga
beurre
inanteiga
mântézyq
médya
table
mesa
mêza
e
merinyu
agent de police
meirinho
mêirino
huissier
mingu
dimanche , se-
maine
domingo
dffmïnyQ
dimanche
mûsik
musique
mûsica
mûzika
o
mmtdrdi
moutarde
mostarda
mo'stdrda
nofia (.^
demoiselle j
^ 1
senhora
^nôra
nonya (r)
dame )
e
{dûit) pâhu
fausse (monnaie) (dinheiro)
{dinêtro) fdUg
falso
pasiydr
se promener
passear
paMdf
pelûr{u)
balle
pelouro
pe/d{u)ro
péna
plurne à, écrire
pena
pêna
plume
penîti, piniti
épingle
alfinete
alfenête, alfinétt
>
3
permi8i{?)
autorisartion
permiasâo
permisâu
pfrséru
associé
parceiro
pqrsêtro
pesta
fête
festa
fèstq
piatol
pistole
pistola
pîitbla
pîta
ruban
flta
flta
(bdtu) prum
fil-à,-plomh
linha de
{lihçL dé) prûmQ
prumo
\
342
malais
Français
Portugais
Prononciation
.Français
roda
roue
roda
rrbda
sdbtu
samedi
sâbado
sdb{q)dq
sâbufiy sdbon
savon
sabâo
sabàii
sdku
poche
saco
sdko
sac
8{à)ldda
salade
salada
9{a)lddq
s{d)pdtu
soulier
çapato
sqpdtQ
aâya
jupe
saia
sdia
o
sela
selle
sela
sèla
o
8Înyo (?)
monsieur
senhor
Hnôr
skola
école
escoia
Màla
o
soldddu
soldat
soldado
sôldddQ
spen (V. dispéns)
tempo
temps
tempo
fempQ
tinta
encre
tinta
tinta
o
encre, couleur
tiras
charpie
tiras
tirai
o
bandes
tudla
essuie-mains
toalha
tudia
o
tudla médya
nappe
^da mesa
tudla dçL mêza
tyenéla
pantoufle
chinela
ùinèla
o
•'
IL VOCABI.ES MALAIS DONT l'oEIGINE PORTUGAISE EST POSSIBLE.
dydnkar
ancre
âncora
dnJcQra
gagap
bégayer
gago
go^gs
bègue
indyin
essieu
engenho
••• ^
izenQ
machine
karidor
balcon
corredor
kQrredôr
corridor
kaaa
mousseline
cassa
kdsa
kdus
chaussettes
calças
kdkqb
pantalon,
chausses
343
Malais
Français
Portugais
Prononciation
Français
Idmpu
lampe
lâmpada
làmpqdq
mdrtil
Tna,rteau
marLelo
martèlff
menddit
coudre
emendar
imênddr
raccommoder
rapiécer
mîsigit
moaquée
mesquita
meakita
o o
miskin
pauvre
mesquino
niîskînQ
misérable, pi-
toyable, avare
monyet
singe
mono
môuQ
nila
indigo
anil
qnil
pdau
pot-èt-fleurs
vaso
vdzQ
pégan
saisir, pendre
pega
vm
anse
petikân
chien de fusil
CâO
pirià
plat, assiette
pires
pitié
sous-coupe
par
pour
por
Pgr
selûar
o
caleçon
ceroulas
8^ô[u\lqé
serûtu (V. tyerutu)
tdwon
abeille
tavâo
tavàU
e
taon
teldna
pantalon
pantalona
pàntqlônç
tçmbdku
tabac
tabaco
tabdkQ
tyap
cachet
chapa
ùdpq, èdpq
y
tyenii[u\
cigare
chita
ùita. èîta
o' o
tyita
indienne (étoffe)
charuto
ôqrutg, hqrutQ
plaque, cachet
wardnda
vérandah
yaranda
varànda
o o
balcon
tooldnda
hollandais
holanda
olànda
Hollande
En parcourant le premier de ces deux tableaux, on peut en dégager
les Êdts suivants:
1. Les voyelles tonique sont en général maintenues.
344
2. Les polysyllabes sont contractés , autant que possible, pour qu'il
en résulte des dissyllabes ayant l'accent tonique sur la pénultième,
constitution syllabique des vocables qu'aflFectionnent les langues poly-
nésiennes; ex: sdbtu, lélon, butan. Pour y arriver on a généralement
supprimé la voyelle atone initiale des mots portugais, surtout lorsqu'elle
se trouvait isolée, les mots commençant par une voyelle atone étant
très rares en malais; on a parfois aussi retranché toute une syllabe
initiale atone; ex. : fi{ç)ré(fya »igreja", spens ^dispensa", mtnffu ^àomuigo'\
pimti ,alfinete", lamdri ,almârio". Cette dernière forme est surtout
remarquable par la métathèse qu'ont subie les deux sons a/, quoique on
puisse aussi l'expliquer par Tintercalation d'un a après le /, avec chute
de Va initial.
3. Les diphtongues autres que ixij au ont perdu leur élément atone,
quelquefois avec changement de la voyelle tonique en une voyelle plus
fermée; ex.: bandera ^bandeira", kétfyu ,queijo", parséru ,parceiro'\
pflur{iê) ,pelouro", tdbis ^couves", merinyu ,meirinho".
4. Les voyelles et les diphtongues nasales portugaises, lorsqu'elles
se trouvaient à la fin des mots , ont été réduites , faute d'appui , à des
voyelles orales suivies de n ; dans le corps du mot elles ont été remplacées
par des voyelles orales suivies de la consonne nasale exigée par le pho-
nème initial de la syllabe immédiate; ex.: butan ^botâo", lélok ^leilâo";
bditië ybanco", tén^ ^tempo", bandera ^bandeira", speus ^dispensa".
5. Le malais ne possédant pas de fricatives sonores, exception
fiEdte de y^ w (peut-être des voyelles asyllabiques , ï, â, comme en
portugais), elles y sont représentées par des explosives:
^(j) P^^ ^- dyandéla ^^janela", hédi/u ^que^jo".
z par â^: médya ^mesa".
V par b : beludru ^veludo", biola j^ viola", hrdbu ^cravo".
par p{^ pasu ^vaso" (aussi bàsu).
Nous voyons qu'on a voulu maintenir la sonorité de la consonne
portugaise, en la remplaçant non pas par la fricative sourde, mais
bien par l'explosive sonore, qui, comme effet acoustique, s'en rappro-
chait le plus.
6. Aux fricatives sourdes ^ , /, étrangères au malais , on a substitué
345
les explosives homorganiques , également sourdes : ty h &y p h f; ex.:
tyenéla ^chinela", pita »fita", pinîti, peniti ^alfinete". Ces deux dernières
formes répondent à, la double prononciation du mot en portugais, alfi-
nête^ alfenête\ Vi tonique s'explique peut-être par reflfort fait pour
imiter le son fermé de Te, car il est douteux que la différence entre
è, ê; o, d puisse être attribuée au malais; les transcriptions sont en
effet on ne peut plus contradictoires sur ce sujet, et l'écriture en
caractères arabes ne prête aucun secours.
7. Quelquefois aussi les vocables ont été raccourcis par la perte
de syllabes, avant ou après la tonique; ex.: albdhka „alQ,ya,ïïCSL^\ fflodyo
»gulo8o", kdmar »câmara", apatu »çapato", les polysyllabes se réduisant
de la sorte, autant que possible, à des dissyllabes.
Jetons maintenant un coup d'œil sur le second tableau, ainsi que
sur certaines formes que nous avons fait suivre du signe (?).
Dydnkar ^âncora" pourrait être comparé à, kâmar »câmara" pour la
chute de Va final; mais pourquoi la consonne initiale dy% Peut-être
pour éviter une voyelle initiale, même tonique (cfr. wolândd)^ les voca-
bles malais commençant presque toujours par des consonnes.
Gdgap : on est tenté de rapprocher ce mot du portugais gago »bègue" ;
le ;?, toutefois, semble offrir des difficultés insurmontables.
indyin\ on peut accepter le rapprochement avec le mot portugais engenho.
Il y aurait eu d'abord le retranchement de la voyelle finale pour obtenir
un dissyllabe; puis dg pour i; puis encore le reculement de l'accent.
KaridoT : ^corredor" serait admissible, si la différence de signification
ne paraissait pas s'y opposer.
Kàsa » cassa". Est-ce le malais qui a emprunté ce mot au portu-
gais , ou bien est-ce celui-ci qui l'a pris du malais î La seconde hypo-
thèse paraîtra la plus légitime, si l'on réfléchit que ce vocable est
étranger aux autres langues romanes, et que l'étoffe ainsi appelée pa-
raît avoir une origine asiatique. (Voir Hobson-Jobson , s. v. muslin).
Kaus: on pourrait accepter le portugais ccdça^ mais le sens du mot
malais s*y oppose peut-être; il faut donc préférer le hollandais kousy
lequel d'ailleurs a été pris aux langues romanes, probablement au
castillan calças.
44
I
346
Ldmpu: la chute de la syllabe finale de Idmyada^ qu'on pourrait à
la rigueur expliquer par l'impossibilité où se trouvait le malais de
maintenir dans la forme lampda un groupe de trois consonnes, nous
&it plutôt penser au hollandais lamp.
Mdrtil. ScHUCHABDT n'hésite pas à y retrouver le portugais martélo\
le vocable malais cependant, il faut l'avouer, se présente à nous sous
une forme bien détournée
Mendditi comme pour gdgap, la terminaison est embarrassante.
Misiffit: ce mot qui a déjà fixé l'attention des auteurs du Glos-
saire des mots anglais employés dans l'Inde (Glossary of Juglo-Indian
Wbrda), cité plus haut, doit avoir pour le malais, ainsi que pour le
portugais, une origine immédiate arabe, masged. Le malais y a intro-
duit une voyelle {%) pour éviter le groupe Bg^ fricative sourde plus explosive
sourde; le portugais et le castillan ont changé cette explosive sourde
en k^ port, mesquita^ (d'après l'ancienne orthographe m^r^vtVa = meçkf ta),
castillan mezquita. Gomme le dit Hobson- Jobson , dans une note au bas
de la page, le -. a dû être prononcé ^(guttural) dans ce mot, et non
pas dj^ ce qui est bien surprenant, cette lettre arabe étant toujours
représentée par j {ge, gi) dans les langues de la péninsule hispanique.
D'un autre côté, pourquoi y a-t-on substitué / à rf pour le ù final?
Miakin: c'est l'arabe meskitij lequel est aussi l'origine du portugais
mesquinho (d'après l'ancienne orthographe, plus correcte, mezquinAo =
meçkîho), castillan mezquinoj italien meschinoj d'où le français mesquin.
Mônyet »mono": simple rapprochement. Peut-être le mot est-il
foncièrement malais.
NUa\ ce mot appartient aux langues aryennes de l'Inde (sanskrit
mla »bleu foncé, noir"), auxquelles les Arabes l'ont emprunté, le
communiquant ensuite au malais, aussi bien qu'au portugais^ où il se
présente précédé de l'article Jl {ennil). Pour le malais, on pourrait
aussi supposer une provenance directe de l'Inde, quoique la chute de
Va initial se justifie parfaitement bien sans cela (Voir p. 343).
NonUy nonya: voir stnyo.
Pdsuy boêu: est-ce là un doublet avec différenciation de sens? Mais
pourquoi y a-t-on maintenu le *, au lieu de le changer en dy^ puis-
347
qu'il était sonore ? Et encore , pourquoi p au lieu de b , qui est le rem-
plaçant normal du v portugais initial?
Pégah »pega'\ Ce n'est peut-être qu'une simple coïncidence de
formes; voir, cependant, Schuchardt, op. cit., p. 178.
Permîsi: il faut admettre la forme portugaise permisso (castillan
permise), inusitée à, présent et remplacée par permissao.
Petikdn: la dernière syllabe seule s'explique par le portugais cao
, chien d'arme-à-feu."
Por »por". L'emploi de cette préposition en bas-malais répond
plutôt à, celui de para dans le portugais moderne.
Pîrih » pires". On retrouve ce mot en hindoustani sous une forme
semblable au portugais {piriit). Laquelle de ces trois langues est celle
qui l'a possédé en propre? Le portugais, parmi toutes les langues
romanes , est le seul , que je sache , où l'objet soit désigné par ce nom ;
il en est de même pour châvena «tasse". Il faut donc penser à une
origine indienne pour ces deux mots, quoique les vocables portugais
introduits dans l'hindoustani ne soient pas rares.
Selûar »ceroulas": le mot malais paraît être un emprunt direct
fait à, l'arabe saruàl, dont le pluriel sarâuil a donné ceroulas, droilas
au portugais, zaragûelles au castillan, avec cette diflFérence que le mot
castillan est d'un usage limité, tandis que le portugais ceroulas est
devenu général pour désigner le » caleçon".
Sinyo »senhor", nonya, nona, senhora: déplacement de l'accent
tonique dans le premier de ces vocables, perte de la syllabe initiale
atone dans les deux autres.
Teldna «pantalona": ce mot existait-il déjà, dans le portugais au
XVn« siècle?
Tçmbâku: l'intercalation de m est assez étrange, elle écarte l'hypo-
thèse d'un rapprochement avec le mot portugais tabaco, lequel d'ailleurs
n'est pas ancien dans cette langue.
Le mot tudla offre ceci de remarquable , que non seulement il est
employé, comme toalha en portugais, pour «l'essuie-mains", mais aussi,
suivi du mot médya, pour la «nappe" toalha da meaa en portugais.
Tyap «chapa": on explique le mot portugais par "^klapp, radical
348
germanique y et aussi par ^plak^ également germanique. Dans cette
dernière hypothèse il y aurait eu une métathèse de sons i^klap). Il
nous semble vraisemblable que ce vocable nous soit venu de Tlnde
(voir HoBSON- JoBSON , s. V. chop). Le Dr. Schuchabdt, op cit. y croit que
l'existence de ce mot dans le bas-malais est due à l'influence du por-
tugais, ce qui n'exclut pas cependant l'hypothèse d'une origine indienne.
Tyerui[u]y êeriii[u] »charuto", anglais theroot , c'est là un mot tamoul :
les Malais et les Portugais l'auront sans doute reçu tous les deux du
sud de l'Inde.
Tyita ^chita": encore un mot venu de l'Inde; c'est le marathi ùit
(sanscrit cttra ^tacheté"), qui a passé en malais aussi bien qu'en
portugais.
Wardnda «varanda": sur ce mot dont l'origine sanscrite, si long-
temps acceptée comme incontestable, est plus que douteuse, voir
HoBSON-JoBSON , S. V. vetanda , et Skeat Concise Etymological Diction, of
the English language^ s. v. véranda ^ verandah] cfr. aussi le portugais
varào ^barreau".
Wolànda: l'étymologie portugaise nous paraît la plus vraisemblable,
car si les Malais avaient pris ce mot aux Hollandais, ils y auraient
gardé le A, d'autant plus probablement qu'ils y ont introduit un
phonème nouveau, le «?, pour éviter la voyelle initiale atone.
Ethnographie de la Chine septentrionale et son influence sur l'Europe
PAR
F. DE VILLENOISY
I.
L'isolement géographique des Chinois, qui depuis plus de quatre
mille ans peut-être, n'ont eu que des voisins comparativement bar-
bares, leur a permis d'évoluer sur place, k l'abri d'influences étrangè-
res , presque comme sur une planète à part. Cependant , quoique rares ,
il y a eu des relations entre la Chine et le reste du monde; son his-
toire a réagi sur la nôtre d'une manière tantôt directe, tantôt indirecte,
et il faut en tenir compte pour élucider certains points de Thistoire
des races aryennes. De même celles-ci, et d'autres encore, ont exercé
une action décisive sur la constitution de la race chinoise moderne.
Les plus anciennes traditions de la Chine nous la montrent civi-
lisée par des colons venus de l'ouest et qui ont formé sur le cours
inférieur du Hoang-ho un petit état, dont les provinces actuelles de
Ho-nam et de Chen-si étaient le noyau. Là ils étaient au milieu de
populations barbares plus anciennes, dont les unes furent absorbées,
les autres détruites. Des accroissements successifs firent acquérir l'accès
de la mer à l'est, puis permirent l'annexion des contrées au sud du
Tang-tse-Kiang jusqu'à la mer. Ils correspondent à l'absorption par
la race immigrante de deux groupes de tribus distinctes, dont les
premières étaient établies dans le quadrilatère formé par le Hoang-ho,
350
la grande muraille et la mer. Il y aurait lieu de se demander Torigine
des immigrants appelés par leurs plus anciens historiens les Cîent
ou les Dix mille familles; mais c'est de leur fusion avec les popola-
tions pré-chinoises dont il vient d'être question, qu'est issue la véritable
race chinoise.
Au sud des monts Kouen-lun, et de la chaîne qui les prolonge h
Test, le bassin du Tang-tse-Kiang était occupé par des populations nom-
breuses, ancêtres des Miao-tse, et dont les dernières tribus ne furent
soumises qu'en 1775. La conquête fort difficile des provinces méridio-
nales ne fut entreprise que par le grand empereur conquérant Thsin-
chi-hoang-ti ; le fait qu'elle n'a été complètement achevée qu'il y a
un siècle montre bien l'antagonisme ethnique des habitants et de leurs
vainqueurs. H y avait là une race dont les représentants, toujours
reconnaissables k leur langue, se retrouvent sur la frontière sino-thibé-
taine, en pleine Birmanie, k Formose et. jusqu'aux Philippines. Lors de
leur seconde campagne à, Formose, les Chinois prirent comme interprè-
tes des montagnards du Kouen-lun.
Tous les efforts des premiers souverains ont dû tendre à dédoubler les
tribus qui occupaient déjà le sol en deux groupes: l'un susceptible
d'être absorbé, l'autre qu'il fallait ou détruire ou repousser vers le
nord. On se défendit contre ce dernier par la construction de la grande
muraille, refaite sur une étendue plus considérable sous Chi-hoang-ti.
Des Monts Neigeux au golfe de Liao-toung s'étendait une zone succes-
sivement occupée par des nations, peut-être différentes de races, mais
toutes également vouées h la vie nomade. H y eut là,, à toutes les
époques, une mer humaine toujours en mouvement; le grand empereur
n'osa pas porter ses armes contre des tribus dont il devait bien con-
naître le courage puisqu'il en descendait probablement; il se borna à
leur opposer un obstacle matériel qui dura seulement quatre siècle,
sans jamais atteindre complètement le but désiré.
Je me propose d'examiner dans ce court travail l'action exercée
sur l'Europe et sur la Chine par les peuples ayant vécu dans cette
grande zone du nomadisme; ensuite de chercher à éclaircir l'origine
des colons fondateurs du vieil empire.
351
IL
De ce que les habitants de la vaste région bornée au sud par les
Monts célestes et la grande muraille ont été nomades à toutes les
époques de l'histoire, il résulte que nous n'avons pas le droit de les
considérer antérieurement comme Tartares, parce que des Tartares y
vivaient vers l'an 500 de notre ère. La migration des Tourgaoults du
Volga, qui tracassés par les fonctionnaires russes retournèrent en Chine
au nombre de 50,000 familles ou 300,000 individus en 1770 et de
20,000 familles l'année suivante, montre l'amplitude des mouvements
de population qui ont eu lieu dans ces plaines. Il était réservé h la
Russie de rendre sédentaires les derniers occupants du sol, mais il y
a tout lieu de croire que les Tartares Mongols que nous y voyons,
ont dû remplacer des races fort diflPérentes.
Les documents recueillis par les ethnographes et les anthropolo-
gistes tendent de plus en plus à établir que les différentes races hu-
maines ont occupé d'un pôle à l'autre des zones parallèles et continues.
Les nègres d'Afrique ont eu à l'est, et sous les mêmes latitudes, des
voisins de race noire, les néffritoSj qui ont occupé tout le sud du
continent asiatique, débordé en Afrique et en Océanie, remonté jus-
qu'au Japon. Les blancs caucasiens ont peuplé le nord de l'Asie,
pénétré en Chine et au Japon, où ils sont réprésentés par les Ainos,
apparentés d'assez près avec les habitants de la Russie d'Europe. Le
portrait d*Ainos dessiné à la chambre claire par le Dr. Mâoet, et
publié par Quatrefages, Histoire générale des races humaines j t. II, p.
467 , est absolument celui d'un Russe que je connais, fixé à Paris depuis
35 ans. Les Finnois qui ont occupé l'Asie septentrionale, auxquels
appartenaient les Scythes décrits par Hérodote et Hippocrate, et les
Huns décrits par Ammien Marcellin , constituent maintenant encore le
substratum ethnique de la majeure partie de la Russie d'Europe. Ils
y restent facilement reconnaissables, malgré leur mélange, au nord avec
les Slaves et les Germains, au sud avec les Tartares.
Nous voyons donc venir de l'extrême nord-est des peuples blancs
352
qui se sont déversés sur l'Europe, mais les descriptions qui en ont
été faites par les contemporains permettent d'établir qu'ils s'étaient
métissés avant leur départ. Les Scythes étaient des finnois k peu
près purs ; au contraire, les compagnons d'Attila, divisés en Huns blancs
et Huns noirs, étaient un mélange de Finnois et de métis de N%ritos,
de Mongols et de Finnois.
Les nomades qui erraient de l'Oural k l'Océan, et du cercle polaire
h la longue chaîne du haut plateau de Tlran , de l'Hindou-khoush , des
Pamir, du Euen Lun et des Monts Neigeux prolongée par la muraille,
ne disposaient que d'un nombre restreint de passages naturels pour
envahir les pays riches et civilisés, objets de leur convoitise, l'Europe,
l'Asie occidentale et la Chine. Toujours ils cherchaient à, franchir cette
barrière, et la force ou la faiblesse politique de leurs voisins les faisait
se porter vers la Caspienne ou la Mongolie. Si l'invasion était heureuse,
la zone nomadique se vidait de presque tous ses habitants, et dans
les steppes devenues désertes une race nouvelle pouvait s'établir,
devenir nombreuse et préparer des invasions nouvelles.
On vient de voir le départ des Finnois lors de l'émigration des
Scythes et des Huns, laisser la place libre pour l'expansion des Tartares
et autres Mongols, qui se jetèrent successivement sur les peuples séden-
taires d'Asie et d'Europe.
Avant l'époque des Scythes, d'autres races, toujours nomades,
avaient menacé la frontière chinoise^ s'étaient même emparé du trône
et avaient ensuite envoyé en Occident la majeure partie de leurs
hordes. La plus importante devait appartenir au rameau germanique
et s'être mêlée aux Scythes près du Chen-si septentrional.
Les royaumes assez nombreux formés sous la dynastie des Tchéou
avaient conservé plus ou moins les mœurs politiques purement chi-
noises, malgré une infiltration relativement considérable d'usages
empruntés aux anciennes races locales. Avec le règne de Thsin-Chi-
hoang-ti, il n'en est plus de même. Ce prince possède des conceptions
politiques, administratives et militaires absolument personnelles, en
tout inconciliables avec le traditionalisme de ses sujets, et lorsque
pour les appliquer »per fas et nefas" il lui faut vaincre l'énergique
353
résistance des lettrés, la facilité avec laquelle il y arrive démontre
surabondamment qu'il avait autour de lui des hommes nombreux,
intelligents et animés du même esprit. Il semble que nous ayons
affaire h un prince de race étrangère, ayant des ministres et des sol-
dats étrangers comme lui. Or nous savons que les rois de Thsin
avaient reçu leur fief de l'empereur Hiao-Wang comme prix des
services rendus par leur aïeul, écuyer de ce prince. Chez les peu-
ples dont l'état social correspond k celui des héros de l'Iliade, c'est
un poste important, et notre dignité de connétable en dérivait. Mais
le cheval était inconnu des anciens Chinois et les premiers peut-être
qu'ils aient possédés ont dû être les huit qui traînaient le char de Mon-
Wang, 3°*« empereur Tchéou. Les petits princes barbares du nord-
ouest, qui en envoyèrent d'autres en présents à ses successeurs, durent
les faire suivre de serviteurs au courant des soins k leur donner.
L'un d'eux fut sans doute l'aïeul des Thsin.
Le Chen-si où était ce fief avait toujours conservé, dans sa partie
septentrionale, divers ilôts de populations non chinoises dont le carac-
tère belliqueux devait assurer aux rois de Thsin la prépondérance
sur tous les autres royaumes chinois. H leur fut même possible, dès
le règne de Ping- Wang, de mettre leur suzerain en tutelle et de le
reléguer dans le Ho-nam, en exigeant la cession solennelle de sa capitale
occidentale du Chen-si. Divers indices permettent d'affirmer l'existence
des populations hétérochinoises de cette province: la direction de la
Grande Muraille qui la coupe vers le milieu, au lieu de suivre la
frontière géographique marquée par les deux coudes du Hoang-ho; les
mœurs guerrières des habitants ; l'extrême proximité des tribus pillardes
qualifiées, certainement k tort, par les historiens de Tartares occi-
dentaux et qui enlevèrent Pao-ssé, concubine de l'empereur Teou-Wang
en massacrant ce prince. Enfin la preuve la plus importante peut être
tirée des pratiques barbares observées aux funérailles des rois de Thsin,
et qui, à celles de l'empereur Chi-hoang-ti dégénérèrent en un véri-
table massacre. En 624, à la mort de Mon-Koun, roi de Thsin, le
défunt fut enseveli sur son char , et autour de lui un de ses fils , trois
enfants de sa famille, divers serviteurs, des tigres enchaînés etc., en
45
354
tout 177 personnes furent enterrées vives. A celle de l'empereur on
immola les épouses qui n^avaient pas eu d^enfants^ les concubines ^ de
nombreux serviteurs et une masse de bijoux et d'objets précieux fiirent
enfouis.
On a depuis longtemps rapproché ces rites cruels de ceux, qui
au dire d'Hérodote, s'observaient aux funérailles des rois Scythes et que
l'on a pu vérifier lors des fouilles faites dans les riches tumulus de
la Russie méridionale, autour de Eertch '). Mais le rapprochement
s'impose aussi avec les Gaulois de la grande invasion du VI* siècle,
que l'on sait être les mêmes que les Cimmériens déplacés lors de
l'arrivée des Scythes. Ils étaient de race germanique, et comme tels
antérieurs aux Scythes. Il faut y joindre les princes russes prédé-
cesseurs de S. Wladimir, et dont les cérémonies funèbres ont été
décrites par le voyageur arabe Ibn Peslan.
On peut donc se demander si avant l'occupation de la zone du
nomadisme par les Finnois, il n'y en a pas eu une autre par des
Germains, dont le sang coulait dans les veines du grand empereur
conquérant et qui furent plus tard représentés par les Massagètes
restés en Asie et par les Gètes refoulés en Europe, lors du grand mou-
vement de peuples de 597 avant notre ère. A ces peuples, ou aux
Finnois leurs successeurs près du Chen-si, se rattacheraient les Joung
des historiens chinois, ou Tartares occidentaux, qui n'ont rien de
commun avec les Tartares mongols des époques plus récentes.
III.
A côté de ces populations flottantes et si insaisissables pour l'his-
toire, se place le groupe compact de la nation chinoise. Mais, bien que
restée toujours sédentaire depuis son arrivée sur le bas cours du Hoang-
ho, elle n'en présente pas moins par son origine un problème égale-
ment obscur.
Le nom même fait défaut pour désigner les Chinois lors de leur
1) Antiquités de la Russie méridionale par MM. Kovdakof , comte Tolstoï et S. Rehïach,
édition française, pp. 109 — 119.
355
marche vers l'Orient et l'expression de Cent ou de Dix mille familles
qui leur est appliquée prête à, la controverse. Leur vie h cette époque,
telle que Mgr. db Hablez l'a décrite d'après les sources les plus an-
ciennes, rappelle beaucoup ce qu'est de nos jours celle des Boers de
l'Afrique australe, cultivateurs toujours et quand même, mais sachant,
s'il le faut, tenir l'épée pour la défense de leur ferme.
Ce que Hoaï-nan-tsen nous dit du palais de Tao, construit en
paille et en terre, c'est-à-dire en pisé, couvert de chaume, avec une
cour plantée où attendaient les visiteurs, l'existence de la tablette
placée près de la porte pour y inscrire les requêtes, du tambour pour
demander audience, correspond bien au même état social.
La région où ils se sont établis, devait avoir une population bien
clair-semée, car jamais les Chinois n'ont eu le véritable instinct mili-
taire. 11 est remarquable que tous ceux qui ont eu à les combattre ou
à les diriger déclarent qu'ils seraient d'excellents soldats s'ils avaient
de bons chefs, et cependant leur histoire les montre toujours vaincus
lorsque des généraux de leur race les menaient contre les étrangers.
C'est qu'à côté des qualités passives qui font le soldat discipliné, apte
à défendre le territoire envahi comme le pourrait faire une bonne milice,
et que le Chinois possède à un haut degré, il faut compter les qua-
lités actives qui seules constituent l'officier , le tacticien , le conquérant,
et qui lui ont toujours fait défaut. Les conquérants chinois comme
Chi-hoang-ti , et peut-être Pen-tchao, étaient d'origine étrangère.
Toujours ou presque toujours l'empire s'ast accru territorialement
par la lente assimilation des populations limitrophes et parfois de ses
envahisseurs. Cela nous permet d'expliquer certains points obscurs de
l'histoire. L'incertitude, les contradictions qu'elle présente pour la partie
la plus ancienne doivent tenir moins à la destruction des livres ordonnée
par Chi-hoang-ti (des textes écrits sur des planches devaient être peu
nombreux, et c'est sous son r^ne que le papier s'est répandu) qu'à
l'esprit systématique de la nation et au dualisme de ses premières
traditions. Je m'explique. Souvent les Chinois, comme les premiers
philosophes grecs, ont créé des systèmes pour régir toutes choses et
parfois les ont employés à tort pour l'interprétation des faits anté-
356
rieurs, au lieu de recourir à robservation ou à l'étude des sources.
En outre le noyau restreint des premiers colons, des Cent famil-
les, arrivé avec des traditions qui lui étaient propres a procuré une
plus haute civilisation à des tribus sauvages peut-être, mais numé-
riquement supérieures, et qui, elles aussi, devaient avoir un ensemble
de traditions nationales, peut-être même une cosmogonie. De ces deux
groupes hétérogènes, dont la fusion a créé la race chinoise , l'un a fourni
la culture intellectuelle, l'autre le nombre, c'est-èt-dire la masse elle-
même de la nation, et le second n'avait pas d'intérêt à sauver de
l'oubli une histoire qui n'était pas la sienne. De là, le contraste étrange
signalé par Mgr. de Harlez entre la simplicité des faits exposés par
le Livre de bambou et Szé-ma-ssien et les fables, la cosmogonie
étrange qui enveloppent les mêmes événements dans les historiens
postérieurs. C'est la réaction de l'esprit indigène contre la pure race
immigrée.
Le dualisme moral résultant d'un dualisme ethnique n'est pas une
pure et simple hypothèse. Quelque rapide que l'on suppose l'accrois-
sement numérique des nouveaux venus, ils ont dû être longtemps,
sinon toujours, moins nombreux que leurs voisins et sujets; ils les
assimilaient d'une manière progressive en les constituant en états vas-
saux, en marches dont l'existence est attestée dès le règne de Shen-
nong. C'est ainsi que sous lui les princes vassaux se révoltent et que
son successeur épouse une princesse de l'état de Si-ling. Parfois Tab-
sorption des éléments étrangers se faisait plus vite que leur assimi-
tation , et alors ils réagissaient sur leurs initiateurs , provoquaient dans
leur civilisation un mouvement de recul. Ainsi s'explique l'accusation
qui a pu être portée contre Shao-hao d'avoir permis que le chama-
nisme altérât la religion primitive; c'est une trace de l'influence pré-
pondérante de populations, qui peut-être avec les Tchéou sont arrivées
à une suprématie politique. Et en eflFet, c'est vers le nord que se con-
stituaient, semble- t-il, les états feudataires qui n'étaient qu'une étape
vers l'annexion. Sous la troisième dynastie, au contraire, ceux qui se
créent sont des apanages et concourent à morceler l'empire.
Mais si les Chinois actuels ne sont pas uniquement issus des Cent
/
/
357
familles multipliées indéfiniment sur un sol vierge d'habitants, si les
provinces, actuellement si chinoises, situées au sud du Tang-tsé-kiang
n'ont été unies à l'empire que vers 215 avant notre ère, si vers cette
époque il n'y avait peut-être pas encore de race mongole dans la
Mongolie actuelle, ou si elle y était au moins toute récente; si enfin
les habitants de l'empire sous les trois premières dynasties résultaient
d'un mélange où les descendants des Cent familles figuraient pour une
part minime , k quelle race appartenaient donc ces mystérieux étrangers ?
Le regretté Terrien de Lacouperie a fait faire un premier pas à
la question en établissant, ou en rendant au moins extrêmement vrai-
semblable, que les Cent familles avaient été avant leur exode les voi-
sins , peut-être les sujets du vieil empire d'Elam , et avaient probable-
ment reçu de lui l'écriture. D'un autre côté, Mgr, de Harlez a montré
que, bien loin d'avoir été soustraits à la barbarie par leurs premiers
souverains , les émigrants étaient arrivés dans leur nouvelle patrie déjà,
pourvus d'une haute culture morale et sociale, qu'ils y avaient vécu,
gouvernés par des princes dont le caractère nettement historique n'a
été défiguré que tardivement par la légende. Pour ce qui est de leurs
mœurs, si on les compare à celles des tribus sauvages qui habitaient
avant eux le bassin du Hoang-ho, on doit admettre qu'ils les avaient
apportées de leur ancienne patrie , qu'elles constituaient bien un patri-
moine national.
M. Capus , dans un remarquable article ^) a peut-être fourni un se-
cond élément. Il signale l'importance des obstacles montagneux grou-
pés autour du nœud que constituent les Pamirs, Ces chaînes disposées
comme les branches d'une croix de Lorraine, forment six compartiments
dont chacun a été le siège d'une civilisation distincte. Le passage d'un
compartiment dans un autre ne peut se foire que sur certains points
où de tout temps les migrations et les caravanes ont dû suivre la
voie imposée par le relief du sol. Autour de ces montagnes existent
diverses natures de terrains que chacune des races qui ont peuplé le
pays a recherché avec une prédilection particulière. L'Aryen a toujours
1) Anthropologie^ t. V, pp. 35 — 53.
358
été cultivateur, a toujours recherché les sols arables, apportant de la
terre dans les creux de la roche pour en constituer s'il n'en avait pas,
et n'est jamais devenu nomade, alors que le Turco-Mongol , nomade
par nature , et habitant né des steppes , est parfois devenu cultivateur.
Pour M. Capus la vocation des tribus aryennes pour la culture est
une règle qui ne souffre aucune exception; la carte des races se super-
pose exactement à celle par nature de terrain, et s'il se trouve des
cantons de culture qui ne soient pas possédés par des Aryens , on pos-
sède des indices de leur expulsion récente. Mais les Chinois eux aussi
apparaissent dès l'aurore de leur histoire comme des agriculteurs que
nul sol ne rebute; tels ils étaient déjà lorsque Yu fit faire la des-
cription des neuf provinces, et tels ils sont encore. La marche qui
des pays limitrophes de l'Elam les a conduits et la trouée de l'Ili, seul
point par où ait pu se &ire une migration , suit justement la zone
ininterrompue des terrains de culture , du domaine propre des Aryens ,
et les a menés au bassin du Tarim, par où ils ont pu atteindre les
rives du Hoang-ho.
Leur berceau aurait donc pu être près de la Caspienne sur les
derniers contreforts de la chaîne qui sépare la Perse du Turkestan , au
point peut-être où nos plus lointains ancêtres aryens se sont séparés
en rayonnant vers l'Europe, l'Iran, l'Afghanistan et l'Inde et peut-
être enfin dans la vallée du Hoang-ho. Ceux qui se sont dirigés vers la
vallée du Danube, à. travers la Russie méridionale, pour de là gagner
l'Italie et la Gaule, ne connaissaient encore que la civilisation de la
pierre polie, mais ils tentaient déjà la culture du sol. Ceux qui ont
gagné l'extrême Orient avaient atteint, dans le voisinage des grands
empires de l'Asie occidentale, une civilisation plus haute et une cer-
taine organisation politique. Mgr. de Hablez a démontré que le Shu-
King, comme les Koue-Tû, était un recueil de discours prononcés à la
cour et réunis par un des deux secrétaires historiographes de la droite
et de la gauche. A ces fonctionnaires de cour se joignaient d'autres
ministres, qui paraissent trop nombreux dans un empire aussi patriarcal
que celui qui précède la l" dynastie pour n'être pas un legs d'une
société plus complète. Or on rencontre dans une liste de fonctionnaires
359
du premier empire d'Assyrie le sultan de la droite et le tartan de la
gauche; on a voulu y voir des chefs militaires. Ne sont-ce pas les
prototypes des deux historiographes de la Chine primitive?
Peut-être trouvera-t-on bien aventureuse, presque paradoxale, cette
hypothèse que les fondateurs de la civilisation chinoise, si différente,
si éloignée de la nôtre, aient pu être des Aryens. Il faut cependant se
rappeler que les premiers pères de la race jaune par excellence ont
pu être ses pères spirituels sans être ses pères charnels. Après 5000
ans d'évolution dans un territoire isolé de toutes parts, au milieu de
populations différentes et plus nombreuses, que peut-il rester du sang
des 100 ou même des 10000 familles dans les veines des 400 millions
de Chinois actuels î Les Aryens d'Europe que nous prenons comme types
se sont multipliés sur un sol désert avant leur arrivée, ce que n'ont
pu faire leurs frères d'Asie; et cependant que l'on rapproche les mœurs
des Italiotes de celles des anciens Chinois décrites par Mgr. de Harlez,
Muaéon t. XIII, p. 97, la ressemblance est frappante. Le type physique
et la langue n'ont rien de commun , dira-t-on , mais lorsque deux races
se mélangent, la plus nombreuse impose son type physique et sa
langue, la plus civilisée apporte sa culture morale et perfectionne la
langue qu'elle subit; c'est ce qui a eu lieu. Du reste, tous les voya-
geurs qui ont parcouru la Chine septentrionale, ancien domaine des
100 familles, reconnaissent que la race jaune qui règne seule au sud,
dans les anciennes conquêtes de Chi-hoang-ti , se mêle graduellement au
sang caucasique, à mesure que l'on se rapproche du Hoang-ho, malgré
les invasions successives des peuplades mongoliques.
Eine sumerisch-assyrische Beschwfirungsformel
(IV. Rawl. 16 N^ 1)
VON
Dr. F. H. WEISSBACH
Der Text, den ich im Folgenden behandle, ist nicht vollstftndig
erhalten. Der Schluss, vermutlich die kleinere Halfle des Ganzen, fehlt.
Zu der aus den drei Stûcken K3586, K5015 und K5154 zusammenge-
setzten Haupttafel, welehe ein fast vollstandiges Obvers darstellt und
IV. R. 16, N** 1 verôffentlicht ist, sind spftter von Pinchbs und von
Bezold vier Duplicate gefunden worden : K 4667, Sm. 892 , Rm. 87 und
D T 38. Dièses letztgenannte , babylonisch geschriebene Tafelchen konnte
noch bei der neuen Bearbeitung des Inschriftenwerkes berûcksichtigt
werden (IV R. 2**^ éd. Add. and Corr.j p. 3). Es bietet eine betrachtliche
Anzahl Varianten zu ZZ. 37 — 61 und ergftnzt Z. 68 des Obverses; sein
Revers enthalt Reste von 28 Z., von denen 26 auf der Haupttafel
ganzlich verloren sind. Die ûbrigen Daplikate sind noch unverôffentlicht
und, bis auf K 4667, noch nicht im gedruckten Katalog beschrieben.
Doch scheint K 4667 nach Bezold^s Angaben [Catalogue of the K Col-
lection Vol. 2 p. 652) von geringer Bedeutung zu sein und jedenfalls
keine neuen Ergftnzungen zu bieten, Ûber die bisherigen Umschreibuii-
gen, Ubersetzungen und Erklarungen des Textes vonLENORMANT,OppKRT,
Halévy und Satce vgl. Bezold's Nachweise (a. a. O, p. 546).
Bei meiner eigenen Bearbeitung lege ich weniger auf die Ûber-
setzung, als auf die Umachreibunff des nichtsemitischen Textes Qewicht.
361
Es soll dièse ein Spécimen davon bilden , wie ich mir bei dem jetzigen
Stande unserer Kenntnis der sumerischen Sprache die strenge Abgren-
zung zwischen sicher erkanntem und vorlaufig noch zweifelhaftem denke.
Da ein grosser Teil der sumerischen Litteratur ideographisch geschrie-
ben ist und fast aile Zeichen polyphon sind, so kônnen wir nur ganz
allmahlich und zum Teil erst auf weiten Umwegen zur vôlligen 6e-
wissheit kommen. Fur sicher erkannt halte ich die Aussprache eines
sumerischen Wortes;
1. Wenn sie in der linken Spalte eines Textes der Klassen S^ oder
S^ gegeben wird;
2. Wenn sie in einem nichtsemitischen Texte als Glosse beigeschrie-
ben ist;
3. Wenn sie durch rein graphische oder auch durch Varianten mit
geringen lautlichen Verânderungen bestatigt wird;
4. Wenn sie durch phonetische Complemente oder
5. durch eine Etymologie an die Hand gegeben wird.
Dièse Bedingungen sind meines Erachtens ganz selbstverstandlich
und wohl auch allgemein anerkannt, wenn sie auch nicht immer be-
folgt worden sind. Es gibt aber noch zahlreiche Falle, wo die Lesung
zweifelhaft bleibt, obwohl eine oder auch mehrere der obigen Bedin-
gungen erfûUt sind. Ist z. B. die Erklàrung der Qlosse oder der linken
Spalte selbst polyphon, oder hat das Zeichen vor dem phonetischen
Complément mehrere Lautwerte, zu denen das Complément passt, so
muss die Lesung vorlaufig zweifelhaft bleiben. Nicht selten ist auch die
ZugehOrigkeit einer Glosse, die zwischen zwei Zeichen steht, ungewiss;
gehôrt sie zum ersten, zum zweiten oder zu beiden Zeichen? Verdach-
tig sind femer solche Lesungen, die durch leichte XJmbildung assyri-
scher Wôrter von zweifellos semitischer Abstammung entstanden sind,
wohl gar nur deren Status constructus oder eine Casusform derselben
darstellen. Selbstverstandlich soll damit nicht die Môglichkeit semiti-
scher Fremdwôrter im Sumerischen geleugnet werden. Im Gegenteil:
Da der grOsste Teil der erhaltenen sumerischen Litteratur, wenn er auch
nicht aus semitischer Zeit stammt, doch von Semiten aufgezeichnet
ist, so kann man schon principiell darauf rechnen, Semitismen in
46
362
reicher Anzahl vorzufinden, und zwar desto mehr, je jûnger der Text
ist. Indessen wird man doch wohl daran thun, wenn man solche Lesiin-
gen vorlaufig verwirft, bez. als zweifelhaft hinstellt. Ebenso unent-
schieden muss meines Erachtens die Lesiing bleiben, wenn fttr ein
Zeichen zwei oder mehrere sumerische Synonyme ûberliefert sind. Mit
diesetn gelegentlichen Beichtum steht in schroffem Gegensatze die
sonstige Armut an Sylben, wobei eine einzige oft ein halbes Dutzend
und mehr der verschiedensten Bedeutungen hat. Ist ja durch diesen
TJmstand schon die Vermutung wachgerufen worden, dass das Sume-
rische, gleich den intonirenden Sprachen Ostasiens, seine Homonymen
durch Tône unterschied. Eine weitere Schwierigkeit bilden die zahlrei-
chen zusammengesetzten Zeichengruppen. Sind dièse wirkliche Com-
posita, oder nur Idéogramme, deren Lesungen wir aus Mangel an
Glossen u. a. noch nicht kennenî
Dièse Frage lasst sich nur in wenigen Fallen beantworten und zwar
im ersten Sinne, wenn das Compositum sich im Assyrischen wieder-
findet. Andemfalls bleibt nichts ûbrig, als abzuwarten, bis ein neues
Syllabar oder ein ahnlicher Hilfsmittel eines Tages die Entscheidung
gibt. Hierher gehôrt auch die Frage nach der Aussprache der Deter-
minative, die sich jedenfalls nicht im Allgemeinen beantworten Iftsst,
sondem fdr jeden Fall eine besondere XJntersuchung erheischt.
Ich unterlasse es, diesen Vorbemerktmgen Beispiele anzureihen,
da ich an anderer Stelle ausfûhrlich auf diesen Gegenstand zurûckzu-
kommen hoffe. Einstweilen sei noch auf die Bemerkungen zur Umschrift
und Ûbersetzung des Textes hingewiesen.
XJmscheift.
Obv.
1. en SAG-BA SAG-BA GIS-9Ur-ra nu bal-e
2. ma-mit ma-mit li-çur-tu âa la e-te-ki
3. GIS-5Ur dingir-ri-e-ne-KID nu bal-e
4. û-i^u-rat ilaniP^ âa la na-bal-ku-ti
5. GIS-ÇXJr an ki-a nu kûr-ru-da
6. û-çu-rat âame-e u ir§i-tim âa la ut-tak-ka-ru
363
7. dingir di§ A-AN nu bal-e
8. ilu i§-ta-a-nu la muà-pi-lu
9. dingir LU BA KID nam-mu-un-da-an-bûr-ra
10. ilu u amelu la ip-pa-aà-§a-ru
11. gi§-pâr nu dib-ba hul-gâl-§ù dù-a
12. gi§-pàr-ru la e-ti-ku §a ana lim-ni ri-tu-ù
13. sa-pâr nu è-a b^l-gâl-âù LAL-E
14. sa-pa-ru la a-çi-e Sa ana lim-ni tar-çu
15. udug l)ul be-a a-lâ b^l b©"^ ekim b^l be-a galla ^ul b^-a dingir ^jul
^e-a maàkim ^ul ^e-a
16. lu-u li-tuk-ku lim-nu lu-u a-lu-u lim-nu lu-u e-kim-mu lim-nu
lu-u gal-lu-u lim-nu lu-u ilu lim-nu lu-u ra-bi-çu lim-nu
17. AN-RAB-KAN-ME be-a AN-RAB-KAN-ME-A be-a AN-RAB-KAN-
ME-KIL be-a
18. lu-u la-bar-tum lu-u la-ba-çu lu-u a^-^a-zu
19. LÛ-LIL-LA l,e-a KI-EL-LIL-LÂ fee-a KI-EL-UD-DA-KAR-RA l,e-a
20. lu-u li-lu-û lu-u li-li-tum lu-u ar-da-at li-li-i
21. nam-tar biil-gâl b^-a azag gig-ga he-a tu-ra nu dùg-ga ^e-a
22. lu-u nam-ta-ru lim-nu lu-u a-àak-ku mar-su lu-u mur-çu la
ta-a-bu
23. a sur-ra »^EN-KI-KID sag-bi in-gâ-gâ-e
24. §a ana me-e çar-ru-ti Sa »^E-a '-ir-ru
25. giâ-pâr «^'^EN-KI-KID be-ni-ib-dib[-bi]
26. gi§-pâr-ru §a »°E-a li-bar-rum
27. ku-sur-ra «^"èE-ELTEK-KID sag-bi ib-ta-an-B D-I
28. §a ku-sur-ri-e §a «^°Ni-sa-ba i-çar-ru-ru
29. sa-pâr «^^èE-ELTEK-KID Ije-ni-ib-SAr-ri-e-ne
30. sa-pa-ru §aî *^Ni-sa-ba lik-su-§u
31. GIS-gUr-ra ni-bal-e
32. ù-çur-tum ib-ba-lak-ki-tu
33. [GIS-ÇUr dingi]r GIS-HUr an-ki-a èÛ nam-ba-bar-ra
34. [li-çu-rat] ilaniP^ ù-su-rat àame-e u irçi-tim a-a ù-ma§-âar-âu
35. dingir gal-gal-e-ne KID im ba-ra-nu-tuk-a
36. §a ilaniP^ rabuteP^ la i-pal-la-^u
364
37. dingir gal-gal-e-ne KID *) sa he-en-dù ^)
38. ilanipi rabute?^ *) li-ik-su-âu *)
39. dingir gal-gal-e-ne KID ') nam-ha-ba-ra-tar-ru-da ')
40. ilaniP^ rabute?^ li-ru-ru-âu
41. é-A an-gà-gà-e*) -a
42. §a a-na bi-ti it-ta-nu-ur-ru
43. é sag- ') gâ-na ») be-ni-ib-tu-tu-ne
44. a-na bi-ti pi-hi-*)e li-§e-ri-bu-âu
45. ^)bar-ra nigi-e: àa ina a-fea-a-ti is-sa-na-ah-bu-ru 7)
46. bar-ra ki BA-RA LAL-E ^e-ni-ib-du-mu-ne
47. ina*) a-^a-a-ti a-àar la a-®) ri li-ru-§û'^)
48. kâ é'O-A an-gà-gà i«)-e-a
49. §a ina bai')-ab bi-ti *^) it-ta-nak-lu-ù
50. é ki nu")-ta-è b^-ni-ib-tu-tu-ne
51. ^*)a-na bi-ti ^') a-Sar la a-çi-e li-§e-ri-bu-§ù*')
52. g«ig GIS-SAG-GUL-ta mu-un-da-an- '0 t^M ti^T ")-ri-e-a
53. §a ina dal-ti u sik-ku-ri i-^al-lu-pu '•)
54. g«ig GIS-SAG-GUL-ta'«) SA nu GAB-Û-DA ^je-ni-ib-SAr-ri-e-ne
55. ^o)dal-tu*^) u sik-ku-ru mar-kas*') la pa-ta-ri lik-lu-Sii ^•)
56. I-DIB GIS-ZA-RA-ta mu-un-za-la-alj ").e-ne
57. âa ina as-kup-pa-ti u §ir")-ri i-zik-^u'*)
58. -') p» kâ-na «^ nu-kuà-Û-ta mu-un-sur-sur-e-ne *^)
59. âa ina ^ ka-nak-ki nu-ku-àe-e i-çar-ru-ru *•)
60. a DIM be-en-bal-e: ki-ma me-e lit-bu-ku-àù '•)
61. DTJG DIM be-en-gaz-e-ne : ki-ma kar-pa-ti li-ib-pu-Sù ^®)
62. la DIM be-en-è[t-US-ri-e-ne
63. ki-ma ^a-aç-bi li-pàr-ri-ru-àu
64. GUèUr-ra ni-bal-e: §a ù-ru ib-ba-lak-ki-tù
Varianten aus DT 38: 4) DI he-en-KA, — 2) [lik-]h4,'US'Su> — 3) naw-/ia-6a-da-an-
tar-ru NE. — 4) fehlt. — 5) gà-a-ta. — 6) i. — 7) bar-ra A'AN(:) ^a ina a-ha-a-ii i^-sa-
na-alj'hu'-t^ (:) nigi-e. Der assyrische Teil steht etwas tiefer. — 8) a-na. — 9) fiigt ma-
ein. — 10) 5u. — 41) na, — 12) gâ-gâ. — 13) bi-^u. — 14) fûgt -um ein. — 15) ana biti. —
«vir ^^vv
16) ÏM. — 17) >^] i^]'— ^^) P^' — "19) fehlt. — 20) [da]-al-tum.— 21) kds.— 22) fUgt
« <<
-^i ein. — 23) car. — 24) ka. — 25) -nu-kià-U-ta a-an-sur-ri-e-a. — 26) ra.
365
65. PA-bi be-ni-ib-tar-ru-[da]
66. gap-pi-§ù li-gaz-zi-[zu]
67. ab-ta TIG ba-ra-LAL-e : àa ina ap-ti
68. ')TIG-bi be-ni-îb-àum-mu-ne : ki-âad-su [Ift-bu-^u]
Rev.
1. 2. s. Obv. 68
3. [ab-]ta igi mu-un-in-bar-ri-e-ne
4. àa ina ap-ti çi-li ip-pal-la-sa
5. [igi-bi] be-en-sig- *)e-ne
6. pa-ni-§u lim-ba-çu
7. [ab . .] LAL-ta gù mu-un-na-an-de-e
8. âa ina ap-ti mu-sar-na i-§is-si
9. [ka-]bi ^e-en-tab-e-ne
10. pa-a-àù li-di-lu
11. ab-^ sag-ga-ta mii-un-da-ab-àU-àU-ne
12. §a ina ap-ti mu^-j^i it-ta-na-at-ba-ku
13. kakkul nu bad-da-ta he-ni-ib-èU-âU-ne
14. kak-kul-ti la pa-te-e li-ik-tùm
15. LAH-ga mu-un-âi-îb-gigig-ga
16. §a ina na-ma-ri i-te-ni-ik-ki-la
17. LAÇ-ga M »^ Babbar-è ^e-ni-ib-ZI-ZI-ne
18. ina na- si-it *° §am§-ài li-is-su-^ju
19- gigig-ga gîr-gîr-ri-e-ne
20. [§a . : . . . .] bir-M it-ta-nab-ri-ka
21 Ije-ni-îb-SAr-ri-e-ne
22 -ri lik-lu-§u
23 mu-un-âi-ib-KU-DU-ne
24. . . ;be]-ni-ib-§ub-bu-ne
1) Hiermit beginnt auf DT 38 der Revers, dessen erste zwei ZZ. obiger Z. 68 entsprechen.
2) Auf dem Original foigt ein radirtes ga, — 3) Rest eines radiilen Zeichens (&a?).
366
25 mu-un]-da t^] t;;<T-ri-e-a
« « '
26 b^]-ï^i-ib-âub-bu-ne
27 mu-un-da]-ab-DI-DI-ne
28 te
Ûbersetzung.
Obv,
1. 2. Beschwôrung. Bann, Bann, unverrûckbare Schranke,
3. 4. Schranke der Gôtter, die nicht zu durchbrechen ist,
5. 6. Schranke des Himmels und der Erden, unwandelbare,
7. 8. kein Gott vermag sie zu ûberwinden,
9. 10. Gott und Mensch nicht, sie zu lôsen;
11. 12. eine Falle, dem BOsen gestellt,
13. 14. eine Schlinge, dem Bôsen gelegt:
15. 16. Sei dies ein bôser Utuk, ein bôser Alu, ein bôses Gespenst,
ein bôser Teufel, ein bôser Gott, ein bôser Laurer,
17.18. ein Succubus(?), ein Incubus(î), ein Aufhocker (?) ,
19.20. ein Nachtmannchen , ein Nachtweibchen , ein Nachtfirftulein ,
21. 22. ein bôser Alp, ein arger XJnhold oder eine schlimme Erankheit:
23. 24. Rûckt es an gegen das schimmemde (î) Wasser Ea's ,
25. 26. so soll die Falle Ea^s es fangen.
27. 28. Dringt es an gegen das Gehege (?) Nisaba's
29.30. so soll die Schlinge Nisaba's es festhalten.
31.32. Will es die Schranke durchbrechen,
33. 34. so soll die Schranke der Gôtter, die Schranke des Himmels und
der Erden es nicht loslassen.
35. 36. Scheut es die grossen Gôtter nicht ,
37. 38. so sollen die grossen Gôtter es fesseln ^ ,
39. 40. die grossen Gôtter es gefengen halten.
41.42. Wendet er sich einem Hause zu.
4) DT 38: ergreifen.
367
43.44. so lasse man es in das verschlossene Haus hinein.
45. XJmgibt es die Seiten (scil. des Hauses),
46. 47. so bringe man es auf der *) Seite an einen Ort ohne Licht.
48.49. Bleibt es^) am Thore des Hauses*),
50. 51. so lasse man es ins Haus hinein an einen Ort ohne Ausweg.
52. 53. Versteckt es sich an Thûre und Riegel ,
54. 55. so soUen Thûr und Biegel y ein unlOsbares Band j es festhalten.
56. 57. Stûrmt es an Schwelle und Angel ,
58. 59. drângt es an Thûrpfosten und Thûrfûllung (?) ,
60. so giesse man es aus wie Wasser,
61. zerschmettere es gleich einem Topf,
62. 63. zerbreche es gleich einem Krug.
64. Will es durch die Umfriedigung eindringen,
65. 66, so schneide man ihm die Flûgel ab.
67. Hftngt es den Hais ins Zimmer hinein ,
68. so schneide man ihm den Hais ab.
Rev.
1. 2. s. Obv. 68.
3. 4. Blickt es J. in das Zimmer hinein,
5. 6. so schlage man es ins Gesicht.
7. 8. Spricht es unten(?) in das Zimmer hinein,
9. 10. so verri^le man ihm den Mund.
11. 12. Breitet es sich oben(?) im Zimmer aus,
13. 14. so soU ein kakkul-Qefôss ohne Ofinung (es) umsehliessen.
15. 16. Wird es bei Tage finster,
17. 18. 80 soU der Sonnenaufgang es mit (seinem) Lichte vertreiben.
19.20. Zuckt ein Blitz durch die Finstemis,
21. 22. 80 soU es festhalten.
4) DT 38: die. — 2) DT 38: an seinem Thore.
368
Bbmerkungen.
Der vorstehende Text gehOrt zur magischen Literatur der Assyrer.
In ein bestimmtes Werk (Série) lâsst er sich nicht einreihen, da der
Schluss mit Catch-line und Colophon verloren ist. Zimmbrn {Beitr.z. Kennt-
nis8 der bab. Religion, I, 52) hat vermutet, dass unser Text eventuell
zu der verlorenen 1. Tafel èurpû gehôrt habe, dann aber (a. a. 0.57)
dièse Vermutung — wie mir scheint , mit Recht — zu Gunsten einer
anderen aufgegeben. Zwischen dem Inhalte der 3. àurpu-Tafel, welche
besagt, dass der Priester der Gôtter, Marduk, Bann jeder Art lôst ,
und dem tinseres Textes wûrde ein Widerspruch bestehen, der inner-
halb einer und derselben Série undenkbar ist. Der Inhalt des vorlie-
genden Textes besteht aus 3 Teilen:
1. (Obv. 1 — 14). Es gibt einen Schutz gegen ailes bôse Wesen,
eine Schranke, die selbst gOttlicher Macht nicht weichen wûrde, ^ie
mamit (»der Bann").
2. (ZZ. 15 — 22). Aufzahlung verschiedener Arten von bôsen Wesen.
3. (ZZ. 23— Schluss). Nahere Ausffthrung, in welcher Weise dfe
Angriffe feindlicher Wesen erfolgen kônnen und wie sie mit Hilfe des
Bannes zurûckgeschlagen werden sollen.
Obv.
Zu Z. 1. Die genaue Aussprache des sumerischen Aquivalentes von
u^urtu ist noch unbekannt. Die Anwendung des Idéogrammes GIS-HUR
fur u^urtu „Bildwerk, Schnitzerei" findet sich erst in semitischen Texten •
Die beiden Beispiele, welche Dblitzsch {HîFB.^ 309*) fur HUR = e^eru
„bilden" gibt, môchte ich deshalb lieber zu e^eru „umschliessen" stellen.
Vgl. ûbrigens Jensen, Kosmologie^ 350.
Z. 8. muS'pi'lu. Die Ableitung dièses Wortes von Sapalu halte ich
immer noch fiir die wahrscheinlichste , obwohl ich den von Jensen {ZK
2,421) geforderten Beweis nicht liefern kann. Ist es vielleicht ein letzter
Best einer ehemals im Assyrischen bei Verbis primae jy gebrauchlich
gewesenen Aph^el-Bildung î
Z. 9. Die Aussprache der Postposition KID scheint mir nichts
369
weniger als sicher. Die seit Hincks angenommene Etymologie, welche
kii aus ki'ta entstehen lasst, scheitert meines Erachtens daran, dass
letztêres nie »am Orte", sondern stets nur »auf der Erde, unten"
bedeutet.
Z- 12. Wenn die Lesung gièparru sicher ist, ist es auch die des
sumerischen Aequivalentes, da das Wort keine semitische Etymologie hat.
Vgl. jedoch Meissnee Z A 9 , 278 Anm.
ZZ. 15 — 18. Die genaue Bestimmung der hier und sonst oft in
derselben Reihenfolge genannten Damonen wird voraussichtlich so lange
unmôglich sein, als wir noch nicht Material besitzen, in dem dieselben
naher charakterisirt werden. Ich gebe hier nur einiges zur Rechtferti-
gung meiner AuflFassung. Babi^u hait Tallqvist fflr den Alp; allerdings
bedeutet raba^u ^sich lagern'', aber wohl eher in dem Sinne von »auf-
passen, im Hinterhalte liegen, lauern". Auch Zimmeen »Aufpasser'\
labartum^ einen weiblichen TJnhold, mOchte ich mit dem Succubus
identificiren , der im jûdischen Aberglauben eine grosse RoUe spielt
iftid im alten Babylonien schwerlich gefehlt hat. Es liegt dann nahe,
fur laba^u, der fast immer dabei genannt ist, die Bedeutung Incubus,
des die Weiber belastigenden Alps, anzunehmen. Jensen und Zimmeen:
Schùttelfrost. Der afyfyazu^ der ^Anpacker'' muss seiner Natur nach den
beiden vorgenannten verwandt gewesen sein. TALLaviST „der Vampyr".
Ich mOchte eher an das Gespenst denken, das nachts einsamen Wan-
derern aufhockt , d. h. sich ihnen auf Schultem und Rûcken setzt.
namtar ist vielleicht das allgemeine Wort fur »Alp", da es ôfter
von ihm heisst, dass er sich auf die Brust des Menschen gesetzt habe.
Zimmeen: ^Seuche".
ZZ. 23—30. Die mythologischen Begriflfe : das schimmernde (?) Wasser
Ea's, die Falle Ea's, das Gehege Nisaba's und die Schlinge derselben
entgehen uns vor der Hand. Vielleicht ist das erstere nur poetische
XJmschreibung fur „Meer", das ^Gehege Nisaba's" desgleichen fur »Ein-
zaunung des Getreidefeldes". — Das sumerische an EN-KI-KID ent-
spricht genau âthiop. egziabehêr ; eine andere Frage ist es , ob die sume-
rische Zeichengruppe , die man zunachst als ideographische XJmschrei-
bung anzusehen hat, auch wirklich so gelesen wurde.
47
370
Z. 30. Das 4. Zeichen ist diX, wohl ein Fehler des Tafelschreibers
fur ia) jenes wûrde doch nur ana gelesen werden kônnen und den
Sinn ergeben , dass die Gôttin Nisaba in der Schlinge gefangen werden
soUe.
ZZ. 33.34. Die Erganzung, gemass ZZ. 3—6, darf wohl als sicher
gelten.
ZZ. 43.44. Der Sinn ist wohl: ^man lasse es in das Haus hinein
und schliesse dièses dann zu". Vgl. ZZ. 48 — 51.
Z. 47. aiar la art erklart Delitzsch {HWB. 50) als »Ort, wohin
man nicht den Weg nehmen kann, eine unwirtliche Stâtte. Hiergegen
sçheint mir zweierlei zu sprechen: Erstens wird der Inf. von T^J< sonst
'"O-ru geschrieben ; und zweitens bietet die Variante hier a-ma-ri , wfthrend
das Ideogramm dasselbe ist. a-ri hat also wohl einen ahnlichen Sinn
wie a-ma-ri , d. h. es ist Inf. Qal von ^^ j<.
Z. 52. Die Lesung ^"tj' ergibt sich aus dem ins Assyrische ûberge-
gangenen Hpl^u. Die Lesung der Zeichens t^^^ ist noch unbekannt;
nur dass sie auf -r endigte , dûrfte feststehen. Mit Beûnnow's Nrr. 4808
und 4815 hat es nichts zu schaflFen. Es findet sich in TJnterschriften
wie Bm. 132, K. 4614 u. ft. wieder. Auch das Zeichen maSkim (Br. 5658)
ist danach richtig zu stellen.
Z. 62. Dass la die wirkliche sumerische Aussprache des assyrischen
Wortes }ha^bu ist , beweist die Schreibung la (= LAL) fÛr ass. fia^ubu.
Bev.
Leider finden sich hier verschiedene dunkele Wôrter, sodass der
Sinn nicht voUkommen deutlich wird. Von Z. 20 an ist ausserdem der
grôssere Teil der Zeilen weggebrochen , von Z. 23 an fehlt auch die
assyrische XJbersetzung, Dunkel ist Z. 4 ^*-/i, das in der sumerischen
Zeile nichts entsprechendes hat, also den Sinn wohl nur wenig beein-
flusst, femer Z. 8 mu-mr-na, das vielleicht in einem gewissen G^en-
satze zu muf^-^ Z. 12 steht. Letzteres steht im Inschriftenwerke (und
auf dem Original)) so eng zusammen, dass es îast wie ein Zeichen
aussieht. Indessen wird man schon wegen des sumerischen Mg-ga-ta
371
kaum an etwas anderers als an mufyfpu »oben" denken kOnnen. Ist
muaarna dann vielleicht »unten"î Vom sumerischen ist noch -LAL-ta
erhalten, wobei wenigstens an Brûnnow Nr. 10113 {LJL = Sapala) und
Nr. 10274 {iul-ld = muSpak) erinnert sei. Doch ist ailes dies noch sehr
zweifelhaft. Der Sinn der schwierigen ZZ. 15 — 18 ist vielleicht fol-
gender : Wird es bei Tage einmal finster , was natûrlich auf damoni-
schen Einfluss zurûckgeht, so soU die Finstemis doch beim nachsten
Sonnenaufgang verschwinden , der schuldige Damon dann vertrieben
werden. Von Z. 21 an hOrt die Môglichkeit, eine znsammenhangende
tJbersetzung zu erhalten, wegen des verstûmmelten Zustandes des
Textes auf.
Zu dem Thierkuit der aiten Aegypter
VON
ALFRED WIEDEMANN
ProfesBor an der Universitat Bonn.
Vor etwa 7 Jahren habe ich in dem Muséon ^) die Angaben der
Denkmaler und der Klassiker zusammen gestellt und zu verwerthen
gesucht, welche sich auf den altagyptischen Thierkuit bezogen. Dabei
war besonders zu betonen, dass man bei den verehrten Thieren zwei
Kategorien zu unterscheiden habe: die als thatsachlich gôttliche In-
corporationen geltenden, und diejenigen, welche man hochhielt, weil
sie mit der gôttlichen Incorporationsform artengleich, bez. der betref-
fenden Gottheit, aus irgend einem mythologischen Grunde, lieb Waren.
Logisch ergab sich daraus , dass die Zahl der hoch gehaltenen Thierin-
dividuen beliebig gross sein konnte, wahrend es jeweils nur ein Gott-
Thier, also beispielsweise nur einen Apis, gab. Ein eigenartiges Denk-
mal, welches dem scheinbar widerspricht und welches auch sonst fur
die Beurtheilung der aegyptischen Religion von Interesse ist, môchte
ich im Folgenden besprechen.
1) Vm, p. 211 ff, 309 ff; vgl. Religion der alten Aegypter, S. 90 ff; Herodots zweites
Buch S. 272 ff. Die dort mehrfach citirte Arbeit Masperos ttber Stelen mit heiligen Thieren
steht jetzt etwas erweitert in dessen Études de mythologie, B. H, S. 395 ff.
373
Stelsn dna fiertiiiBr Muebud
Es Ut die untensteheod abgebildete Stèle 7295 dea Berliner Aegyp-
tischen Muséums , welche ich zusammen mit der hier gleichfalla
'^' ^sa fTTfc edirten Stèle 70
i^ der gleichen Samm-
lung Dank dem Ent-
gegenkommen des
H. Prof. Erman im
f I ' f-" ■ ^ ')■] I r^ \ ^ \ vergangenen Herbst
an Ort und Stelle
aufoebmen koDDt«.
Beide Denkmaler ')
bestehen ans Sand-
stein; ersteres ist 30,
letzteres 27 '"°- hoch ;
nur bei ersterem ist
der Fundort Abydos bezeugt *), ein Umstand , der freilich keinen Rïlck-
schlusa auf die Herkunft seines Widmers oder den Kultort der von die-
sem verehrten Gôtter zulasst. In Abydos liessen sich AngehOrige der
verschiedensten agyptiscben Stadte bestatten um in der Nahe des Oai-
risgrabes zu rahen ') , oder enichteten hier Votivstelen , wobei sie na-
turgemass zumeist des abydenischen Gottes Osiris, daneben aber auch
haafig ihrer heimischen Gôtter gedachten.
Auf dem Denkmale bringt zu oberst ein Mann in langem Gewande
der Gottheit elne Schale dar, auf der ein nnklarer Gegenstand — kaum
eine lodemde Flamme , deren Spitze umgebogen zu sein pflegt , eher eine
Sandale — steht. Ueber ihm die Inschrift: ,Geinacht (geweiht) von dem
kOniglichen Schuster des Osiris Amen-em-apt, dem richtig redenden."
Vor ihm sitzt Amon-Ra in gewOhnlicher Gestalt, bezeichnet als „Amon-
Ra im Thaïe, der Herr des Himmels". Hinter diesem steht eine Gans
auf einem Tempelthor. Darunter in der Mitte ein Altar, ûber dem drei
sich in einer Art Ereuz vereinigende Lotuablumen liegen. Rechts und
1) Erhan, Verxexchniis, S. 162f.
2) Passalacqua, Ca(, des ont., n" i367,
3) Plutai-ch, de Is. cap. 20,
374
links davon je ein Widder mit der Amons-Krone auf dem Haupte. Links
steht darûber „ Amon-Ba des Surerii" , in der Mitte » Amon-Ra, der Herr
des Himmels",rechts „Amon-Ra, der Lôwe der Tapferkeit, der grosse Go tt".
Der Titel des Widmers der Stèle findet sich auf der Berliner Stèle
70 wieder und dièse zeigt, dass das erste Zeichen als das Adjectiv i,kô-
niglich" aufzufassen ist ^), die folgenden Zeichen ergeben trotz der auf-
fitUenden Orthographie das Wort teb^ bez. tebuu ^Schuster". Den Be-
ruf des Schusters schildert ein Text der thebanischen Zeit"), der auch
dièse Stèle ungefïlhr angehOrt, als sehr unangenehm; inschriftlich fin-
den sich derartige Leute auch sonst erwâhnt, so in der 20*®° Dynastie
ein Schuster Paiaa und ein kOniglicher Schuster Nebi, dessen Sohn
kôniglicher Schreiber war. ^ .
Der Gott Amon-Ba in dem Thaïe erscheint gleichfalls auf der Ber-
liner Stèle 70, auf welcher zu oberst zwei «Manner der kOnigliche Schuster
des Osiris Ripa?*)", und vermuthlich dessen Sohn den ^Osiris" und den
«Anubis" anbeten. Die darunter befindliche Inschrift lautet: »Kônig-
liche Opfergabe dem Osiris in der Unterwelt, dem Anubis, dem Herm
der Todtengegend , dem Amon-Ra im Thaïe , damit sie geben aile schô-
nen und reinen Dinge dem Ka des Osiris, des kôniglichen Schusters
Ripa(î), des recht Redenden; sein Sohn Pa-ba-u'), der recht Redende;
1) Fur die hier einmal erscheinende Postposition von auten „Kôniglich" vgl. liée, de
trav, rel, à VÉg„ B. VI, 8.136, ftlr àhnlich wie mten geschriebene andere Titel l.c. IX, 58 f.
2) Pap. Sallier, U, pi. 8, 1.1 = Anastasi VII, pl.3,1.4. Ein Oberster der Schuster Ach-pet
erscheint auf der Stele Hannover, Muséum Restner, n^. 18.
3) Mariette, CaU Ahydos, p. 443, 393.
4) Die Lesung des Eigennatnens ist unsicher. Das schlecht eingegrabene dritte Zeichen
kann ein p oder eine Sonnenscheibe sein. In ersterem Faite erhlilt man den mir sonst unbe-
kannten Namen Ripa; in letzterem wûrde an den hâufigen Namen Râ zu denken sein, dessen
Vocalisation als Ri (vgl. ftlr die Lesung Iti Hlr den Namen des Sonnengottes neben Râ
Maspero, Aeg, Z., 1882, S. 124ff; 1883, S. llOff; Études de MythoL, B. H, S. 195sq.) der
Schreiber hier angedeutet h&tte.
5) Dem Vogel pa fehlen die Beine , wohl nur in Folge unsorgsamer Arbeit , wie dies
auch sonst (z. B. Mariette, Ckit. Ab., S. 51) bei Vogelbildern vorkommt. An andern Stellen
scheint das Fehlen beabsichtigt zu sein , so bei den Denkmâlern aus der P^i*amide Amenemha
m, auf denen sogar bereits eingegrabene Vogelbeine wieder ausgekratzt worden sind (Pétrie,
Kahun, pi. 5, S. 17). Der Gedanke, man habe in solchen F&llen die Beine fortgelassen , um
in mystischer Weise die Thiere am Entfliehen zu hindern, erscheint nicht ansprechend, da es
sich hier nicht um Bilder von Opfergaben, sondem nur um Schriftzeichen handelt.
375
die Hausherrin Mes-neter." Die in Rede stehende Gottesform ist allem
Anscheine nach eine thebanische. In Theben feierte man dem Amon
ein »Fest des Thaïes", ein Todtenfest in der gebirgigen Grabergegend ,
bei dem es von mindestens der thebanischen Zeit an bis zu der der
Qriechen ûblich war , das Bild des Gottes ûber den Nil setzen zu lassen. ^)
Der hinter diesem Gotte angebrachten Gtins fehlt auf der Stèle
scheinbar ihr Name, so dass dieselbe ebenso wohl eines der Lieblings-
thiere des Gottes, wie eine gôttliche Incorporationsfomi sein kOnnte,
die beide gelegentlich abgebildet auftreten. So zeigt die Turiner Stèle
282^ zwei Ganse ^die schône Gans^) des Amon-Ra" und »Amon-Ra,
die schône Gans", also den Gott als Gans und sein geliebtes Thier. Die
Anrufang richtet sich an „Amon-Ra, den schOngesichtigen unter der
GOttemeunheit , den Grossen an Tapferkeit *) unter den Gôttem". Auf
einer Kairener Stèle") heisst die Gans »die schône Gans des Amon"
und richtet sich die Anrufung an Amon selbst. Eine Stèle in meinem
Besitz bezeichnet das Thier als Amon-Ra und ruft diesen an. Eine Stèle
der Sammlung Abbott zu New York ") endlich zeigt auf der einen Seite
» Amon-Ra, der den Flehenden erhôrt" in der ûblichen Gestalt sitzend,
ihm gegenùber auf dem Tempelthor stehend »die schône Gans, die
Grosse an Liebe" {âa mer-t).
Als Widder tritt Amon-Ra auch auf andem Stelen auf, aber nicht
mît den hier erscheinenden Zusatzen. Die Stelen Turin 150 und 1514^
und eine Stèle in meinem Besitz nennen ihn nur Amon-Ra. Auf der
Stèle Turin 8*) sind zwei Widder abgebildet, doch zeigt die Beischrift,
ebenso wie die Anrufung , die sich auf Amon-Ra , den schônen Kopf-
1) Leps., D. m, pi. 152 a. Vgl. Wiedemann, Hérodote zweites Buch, S. 250.
2) Das Bild bei La^zone, Dtz. di mit^ pi. 22.
3) Die Gans heisst hier stets smen und das Wort, bez. smen-t findet sich mit der Grans
determinirt als mânnlicher, bez. weiblicher Eigenname; z. B. Lieblein, Dict, des noms, 2008,
331, 1506 - Mariette, Ckxt. Abydos, n^ 1112, 579, 1339.
4) Beispiele fûr das Wort pek-ti, das er als „Kraft*' auffasst, bei Piekrbt in Rev. égypt^
B. II, S. 74 sq.
5) Grébaut, Mus. égypt., pi. 3.
6) Rev, arch,, I. Ser. B. VU, 2, pi. 154; Lanzone, Diz. di mit^ pi. 361.
7) Lanzone, Diz, di mit, pi. 380.
8) Das Bild, 1. c. pi. 23.
376
beuger ^) bezieht , dass trotzdem nur an einen Gott zu denken ist , und
dass nur Grùnde der Symmetrie die doppelte Darstellung des Thieres
veranlasst haben. Auf unserer Stèle liegt die Sache anders; hier zeigen
die Beischriften , dass thatsachlich an zwei Widder zu denken ist. Der
erste derselben heisst Amon-Ra des Surerii und hat sich dièse Gottes-
form bisher nicht gefunden, Surerii ist ein Eigenname, fur dessen vo-
kalischen Auslaut Parallelformen z. B. in den in der 19**^ Dynastie er-
scheinenden Namen Naurii und Airii vorliegen *), der sonst aber dem
Namen Surere entspricht. Von Leuten, die diesen trugen, ist nur einer
von Bedeutung bekannt, der unter Amenophis III lebende Fûrst und
hohe Beamte Amen-em-hâ , genannt Surere. ^) Ob er oder ein gleichna-
miger Mann eine Kapelle erbaute, etwa wie um dieselbe Zeit Ameno-
phis , der Sohn des Hapi den Tempel von Deir el medinet *), in welcher
Amon als der Widder verehrt ward, dessen die Berliner Stèle gedenkt,
wage ich nicht zu entscheiden.
Der zweite Widder hat scheinbar zwei Namen, doch môchte ich
nur den »Herr des Himmels" auf ihn beziehn, wfthrend der zweite der
Name der Guns zu sein scheint, den der Kûnstler aus Raummangel
unter, statt ûber sie geschrieben hat. Zu dieser Vermuthung bewegt
mich der Umstand, dass ihr sonst ein Name ûberhaupt fehlen wûrde,
und dann, dass auch die Turiner Stèle 282 die Gans als Grosse an
Tapferkeit bezeichnet. Der Lôwe der Tapferkeit erscheint im Todtenbuch
cap, 162 mit der Federkrone und der Geisel als eine For m der pan-
theistisch gedachten Gottheit, also weder als Widder noch als Gans,
sondem eher , wie in einem Relief des Chunsu-Tempel zu Kamak ')
1) Pa-reheni. Das Wort ist in der thebanischen Zeit ein nicht seltenerEigenname; z.B. Stèle
in ELairo bei Mariette, Cat. Ahydos^ n® 1085 (Libblein, Bict des noms^ n** 624, Nachtrag
S. 961; Études égypU IX, 34), Stein ebenda bei Lieblbin, n*> 2017, Stèle Berlin 7291
{Verz, S. 137; Lbps., n** 379; Lieblbin, n** 742; Phot. Mertens, pi. 26. Das Determinativ
erscheint hier aïs Widderkopf mit dem Uraeus an der Stirn).
2) Mariette, Cal. Abydos, S. 77, 436.
3) Statuen im Louvre A 50 — 52 (Pierret , Inscr. du Louvre , I , p. 1 ; H , p. 38 ;
Champ., Not, II, p. 702) und London 604 (Lieblein, DicL des nofns^ n® 123).
4) Vgl. Proc. Soc, BibL Arch., B. XIV, S. 334.
5) Leps., Denkm., III, 219 a. Vgl. fiir den Lôwengott Pleyte, CAop. suppL du Livre
des Morts, chap. 162—163, S. 36 ff, 70.
377
menschengestaltig , aber mit Lôwenkopf. Mag aber auf der Berliner
Stèle der Lôwe der Tapferkeit ein Widder oder die Gkins sein, jeden-
falls zeigt das Denkmal einen Mann vier verschiedene Formen des
Amon-Ra verehrend, eine menschliche , eine Gans und zwei Widder,
so dass sich nach Ansicht des Widmers Amon gleichzeitig in vier ir-
dischen Gestalten verkôrpern konnte. Dièse eigenthùmliche Vorstellung
bedarf einiger weiterer Ausfùhrungen.
Es ist bekannt , dass in Aegypten Gleichheit der Namen nicht ohne
Weiteres Gleichheit der Gôtter verbûrgt, dass Horus von Edfu nicht
gleich ist Horus dem Sohne der Isis, oder Horus von Letopolis, aber
man wird zunachst geneigt sein, darin lokale Unterschiede zu erken-
nen, anzunehmen, dass sich die grossen persOnlichen Gôtter nach ihren
wichtigern Kultstatten spalteten, dass die Tempelbilder und lokalen
Verehrungsformen Verschiedenheiten hervorbrachten , welche in Orts-
bezeichnenden Beinamen ihren Ausdruck fanden. AUein , dièse Annahme
erschôpft die Erscheinung nicht. In Aegypten hat man denselben Gott
an ein und demselben Orte in mehrern Erscheinungsformen verehrt
und sich jede derselben als selbstandige Persônlichkeit gedacht. In
Anrufungen kann man, wenn Amon, der Kônig der Gôtter, neben
Amon, dem Herm der Throne der Welt, gepriesen wird, annehmen,
dass zwei Titel desselben Gottes vorliegen, und wird damit im AUge-
meinen dem Sinne des Anrafenden gerecht werden. Wenn aber in
Bildem neben einander mehrere solcher Formen eines Gottes auftreten,
dann muss sich auch der Aegypter daranter mehrere selbstandige Ge-
stalten gedacht haben. So betet in Karnak Thutmosis IH zehn neben
einander sitzende Gôtter an *). Jede der Gestalten heisst Amon , aber
bei jeder handelt es sich um einen besondern Gott , den die jeweils
menschlich dargestellte Gestalt verkôrpert. Da folgen sich z. B. Amon ,
der Herr der Throne der Welt; Amon-Ra, der Herr des Himmels; Amon
im westlichen Theben; Amon, der Stier seiner Mutter; Amon-Ra, der
Grosse an Liebe '), u. s. w. Wenn gelegentlich in solchen Fallen die
1) Leps.» D. ra, 36 c, d.
2) âa mer, Vgl. der Titel der Gans auf der Stèle Abbott.
48
378
Texte davon sprechen , man nenne hier den Qott in seinen Namen ^) ,
so darf man nicht an Namen in unserem abgeschwâchten Sinne des
Wortes denken. Fur den Aegypter ist der Name nicht ein leerer
Schall, sondern eine selbstftndige Individualitat, die neben und mit
dem so benannten Individuum fur sich bestand, so gut wie der Ka
mid andere unsterbliche Bestandtheile des Ichs').
Wir mùssen uns also an den Qedanken gewôhnen , dass in Aegyp-
ten derselbe Gott an dem gleichen Orte in eine grôssere Zabi in sich
selbstandiger Gôtter zerfallen konnte, eine Erscheinung, die sich ûbii-
gens auch anderwftrts wiederholt. Intéressant ist es dabei zu beob-
achten, dass gerade in der Zeit, in welcher dièse Zertheilung eine
grosse RoUe spielt, in der Blûtbezeit des neuen Reiches, auch die
entgegengesetzte Bewegung lebhaft in die Erscheinung tritt, das Be-
streben, die ganze Religion in eine henotheistische , bez. pantheistische
Form zu kleiden. Sei es, dass man aile Gôtter in einer persônlich
gedachten Spitze vereinte^), sei es, dass man die Universalgottheit ,
deren Gestalt verborgen ist, die nicht recht fassbar und doch in allem
ist, pries*). Derartige philosophische Bestrebungen werden bei den
hôher gebildeten Kreisen der Priesterschaft beliebt gewesen sein, wfih-
rend die Zertheilung der Gôtter eine mehr volksthûmliche Reiigions-
form darstellt, in welcher jeder Ort, jede Familie, jedes Haus seinen
eigenen Dâmon, Schutzgeist, Genius, oder wie man ihn sonst nennen
mag , zu haben strebte ; man fur jede Erscheinung des Lebens der Natur
wie des Einzelnen eines solchen hôhem Wesens bedurfte.
Hierbei môchte ich jedoch nicht annehmen, dass jeweils dièse
Einzelgôtter durch Zerlegung der Hauptgottheit entstanden sind, viel-
mehr wird man in ihnen hâuiSg ursprûnglich selbstandige Gôtter zu
erkennen haben, deren wahre Namen spater auch Beinamen einer
grôsseren Gottheit geworden sind. So erscheint es beispielsweise sehr
1) ren. Vgl. z. B. die Liste der „Namen des Osiris in jedem Orte, den er liebt, an dem
er ist" im Todtenbuch^ cap. 142.
2) Vgl. hiei-fiir Wiedemann, Le Livre des Morts im MusÉON, B. XV, S. 49 ff.
3) So der grosse Hymnus an Amon-Ra Pap. Bulaq, n** 17.
4) So der Hymnus, Leps., D. IV, 118, aus etwa der 20 Dyn., wie der Pap. Bulaq ^ n®17.
379
wahrscheinlich , dass es einst in Aegypten einen Gott »Herr des Him-
mels", einen andern «Herr des Ails" gegeben hat, und dass man erst
spâter dièse Namen zu Titeln des Ainon, des Osiris und anderer Ge-
stalten hat werden lassen, ahnlich wie es in Hellas mit Gottheiten
wie Hygieia, Eubuleus, Basileia und andem ') ging. In Aegypten lassen
bei dem Herm des Ails noch verhàltnissmftssig spate Texte seine an-
fangliche Selbstftndigkeit erkennen. Dièse Zusammensetzung der Gottheit
ans zahlreichen Einzelformen musste fur Aegypten eine weitere Folge
nach sich ziehn. Das Nilthal kennt nur persônlich, sei es als Mensch
oder als Thier oder als sonstiger fassbarer Gegenstand gedachte Gott-
heiten. Jeder Einzelform muss eine besondere Incorporation entspre-
chen und so kann es an ein und demselben Orte mehrere Incorpora-
tionen scheinbar derselben Gottheit geben, weil eben dièse Gottheit
nur scheinbar eine einheitliche ist, sich thatsachlich dagegen aus einer
Keihe selbstândiger Gottindividualitaten zusammen setzt.
Dies thut dem am Anfange dieser Zeilen ausgesprochenen Satze,
dass es jeweils nur einen Apis geben konnte, keinen Abbruch, denn
der Apis ist die Incorporation des Ptah in einer ganz bestimmten
Form. Andererseits aber ergiebt sich daraus, dass es sehr wohl neben
dem Apis andere Qestalten geben konnte, in welchen sich andere
Formen des Ptah verkôrperten. Wenn die Denkma.ler bisher keine
solche Formen kennen gelehrt haben , so lasst sich daraus kein Schluss
ziehn. Die uns vorliegenden Texte reden eigentlich nur von den grossen
Gôttern , denen die Haupttempel und die Verehrung der Grossen galten,
von den kleinem Gôttern , welche fur die Masse des Volkes die grôssere
Bedeutung besessen haben werden, von ail den heiligen Thieren, u.s.w.,
deren umfassende Verehrung die klassischen Autoren bezeugen, schwei-
gen sie so gut wie ganz. Und doch wâre gerade deren Kenntniss vom
grôssten Werthe, wenn man von den religiôsen Vorstellungen des
a,gyptischen Volkes, nicht nur der zufallig mâchtigsten Priesterschaften
ein Bild zu gewinnen trachtet.
Den wenigen bisher fur dièse agyptische Volksreligion vorliegenden
1) Vgl. UsENEK, Gôtternamen^ S. 216 ff.
380
Denkmalem reiht sich die hier behandelte Berliner Stèle an. Ans diesem
Grande habe ich geglaubt, dass ihre Publikation an dieser Stelle dem
Manne nicht unlieb sein wird, der, abgesehn von seiner eigenen wis-
senschaftlichen Thatigkeit, in der von ihm geleiteten Zeitschrift ftlr
die Erforschung der Religionsgeschichte des alten Orients eines der
wichtigsten Organe geschafifen hat. Ihm hierftlr zu danken, und ihm
zu dem heutigen Erinnerungstage auch meine herzlichsten Glûckwûn-
sche auszusprechen y mOge mir am Schlusse dieser Zeilen gestattet
sein.
Gâtha Vohukhs'athra. — Yasna Ll, 1—7
Uebersetzt und erklârt
VON
E. WILHELM
Frofestor an der Univenitât Jena.
Die einzelnen Strophen dièses Liedes scheinen so, wie sie ûber-
liefert sind, durchaus kein zusammenhangendes Ganze zu bilden, wie
schon Hauq angenommen hat. Es sind nur disieda membra wie Ts.
XXXI und XL VI, die bunt zusammengewûrfelt sind, in die einen
logischen Zusammenhang zu bringen , der wie ein leitender Faden durch
das Ganze sich zôge, ich fur ein ganz vergebliches Bemùhen halte.
Indessen darf uns dièse Lage der Dinge nicht abhalten, wenigstens
den Versuch zu wagen, einigermassen die Dunkelheiten und Schwierig-
keiten , die dièse Strophen dem Ûbersetzer bieten , aufzuhellen und zu
beseitigen. Ich lèse und ûbersetze also:
Str. 1. Vohû khs^athrem vairim \ hâgem aibi-bairiskiem
vîdus^emndi Izhâdt \ as^â antare-caraiti
shkyaothanâish mazdâ vahistem \ tat né ntictt vare^âné.
„Gute^ vmnschenawerte Herrschaft fàllt ah erhabenstea L008 dem zu,
der in Gerechtiffkeit Gaben verteilt. Die unier den Bandlun^en, wekhe
fur uns die béate ist, Mazda ^ will ich jetzt vollzieheny
M''
*'
^
382
Ich nehme vohûkh''athrem vairîm als Sabject zu dem Verbum antare-
caraiti. Das nur hier vorkommende bâffa soll nach der Tradition dieselbe
Bedeutung haben, wie ba^Aa Anteil, Teil, aber das letztere Wort hat
nicht nur kurzes a, es ist auch feminini generia. Zur Vergleichung
bietet sich altpers. hâga in dem Bh. I, 55, vorkommenden Monats-
namen bâgayâdiah und neupers. jlj Garten, ^^ j^ und jjb tributum.
Die Qrundbedeutung dieser Wôrter ist gewis Teil^ ich wage die Be-
deutung L008 = Gluck anzunehmen. Eine andere Frage ist, ob man
bc^em als Nomin. sing. und Apposition zu kh^athrem nehmen oder als
Accusativ von aibî-bairisAiem abhangen lassen soll. Statt mdiul'emnâish ,
welcher Lesart de Harlez, Baetholomae, Geldner und Mills folgen,
lèse ich mit Spiegel und Darmesteteb vldus^'emnâi. Mills ergânzt das
Subject, „vir sanctm^^ und sieht in vohûkM athrem das Object, er fasst
auch izhâdt als Instrumentalis. In vares^ânê seben Justi und Spiegel einen
Infinitiv im Dativ, wahrend mir es am einfachsten erscheint, mit
de Harlez und Mills das Wort als 1. pers. sing. imperativi zu nehmen.
Str. 2. ta vé mazdd paourvim \ ahurâ aa'A yêcâ
taibyâcâ drmaiiê \ dâisà â moi isAiôisA kAs^atArem
kAimâkem voAû mananAâ I vaAmâi dâidî savanAô.
jfUm dies bitte icA eucA zuerst y AAura Mazda und AaAa und dicA,
Armaiti! Gieb mir die HerrscAaft iiber Gliickagûter und durcA VoAu-
manô gewàAre mir zu eurem Lobpreise BeicAtum.^'
Ta ist wohl auf die Substantiva kAa^atArem und bâgem der vorher-
gehenden Strophe zu beziehen, es gehôrt zu vé ebenso gut wie zu
taibyâcâ y da von Dreien Gunstbeweise erbeten werden.
In yêcâ sehe ich eine Verbalform von iy^yâc; aiâ fasse ich als
Vocativ wegen des vorausgehenden vé^ das nicht auf mazdâ allein sich
beziehen kann. SavahAô scheint mir yenitivua partitivua zu sein, ab-
hangig von daidi^ wâhrend nach de Harlez^ Aufifassung vaAmâi savanAô
zusammengehôren wûrde. Mir scheint jedoch aavafiAô nur „irdiacAen
Nutzen'^ bedeuten zu kônnen; kAa^'mâkem wird bei dieser Aufiassung
383
nicht als Genitiv plur. des Pronom, d. 2. Person, sondem als neutrum
von kMmàka genommen und auf kMathrem bezogen.
Str, 3. â vé géuftâ hémyantê \ yôi vé shkyaothanâis sdrentê
ahurô as^â hizvâ \ ukhdhnis vanhémh mananhô
yaêa^àm tu pouruyô \ mazdâ fradakhskiâ ahl.
^Es versammeln sic A, euch zu hôren ^ die, welche durch eure Hand-
lungen^ Ahura^ Aaka^ sich leiten lassen, um zu euch zu heten^ durch
die Wbrie des Vohumanô, deren erster Lehrer ^ Mazda, du bisty
Wenn Haug in j^géush a" die „Erdseele'*' verstehen zu mûssen glaubt,
so scheint mir das ganz absurd zu sein. Offenbar correspondieren die
Worte géus^'â und hizvâ mit einander und der Sinn ist folgender: Zu
euch kommen , d. h. es nahen sich euch 1) mit dem Ohre , d. i. hôrend^
um eure Weisungen entgegenzunehmen , 2) mit der Zunge^ d. i. spre-
ckend = betend.
Beides , sowohl das Hôren als das Beten , wird veranlasst durch
die Worte des Vohumanô, der auch hier, wie in der vorhergehenden
Strophe die Rolle eines Mittlers ûbemimmt.
Str. 4. kuthrâ ârdish â fseratush \ kuihrâ merezhdikâ akhshtat ^
kuthrâ yasô qyén as^em \ ku spentà ârmaitish
kuthrâ manô vahishtefn I kuthrâ thwâ kh^athrâ mazdâ.
y, Wb ist die vollendete Meisterschaft ? Wb entsteht die Barmherziykeit ?
Wb gelangt man zu Asha? Wo ist Spenta Armaiti?
Wb ist der treffiiche Vohumanô? Wo dein Beich, o Mazda?''
Wahrend Mills ârôish von fseratush abhangen lasst, fasse ich es
als Genitiv, abhftngig vom folgenden a. Ûber fseratush vgl. Dabme-
STETER, Zend'Avesta^ 1. 1, p. 64, n. 12. Die Namen der Ames^'a-spentas^ die
hier aufgefûhrt werden, scheinen mir eine Steigerung zu enthalten,
die in dem Reiche Mazda's gipfelt. In den Fragen, welche hier in Str.
384
4 gethan werden, liegt meines Erachtens der sichere Beweis, weshalb
in Str. 3 nicht von der Erdseele^ wie Hauq meint, die Rede sein kann,
sondern nur vom Hôren. Auf die gethanen Fragen wollen die eine
Antwort hôren, welche sich von Ahura und Asha leiten lassen. Aber
sie nahen sich nicht blos, um zu hôren , sondern auch um zu beten,
um Worte des Gebetes auszusprechen , und dies geschieht in Str. 7.
Str. 5. vispâ ta peresas yathâ \ aiat hacâ gàm vtdat
vasiryd ahkyaothandis ereivô \ haa hukhraUiah nemahhâ
yé dâthaêibyô cresh ratûm \ khiayâ» asHvâo cistd.
„Nach ail dem fragt , um wegen aeiner Tugend Herden zu er hait en ,
der Ackerbauer^ der gesetzmàssiy handelt und einaichtsvoll ist, im Ge^
bete den, der yerecht regierend die Geschôpfe den rechten Fûhrer
kennen lehrt.^^
Das Particip peresaa steht statt des Verb. finit., wie so oft in diesen
Stûcken. YatM etc. halte ich mit Spieqel und de Harlez far einen
Absichtssatz , Mills dagegen sieht in diesen Worten einen indirecten
Fragsatz. In den Schlussworten \ yé data ist jedenfalls der zu suchen ,
an welchen die Fragen in Str. 4 gerichtet werden. In der Ubersetzung
von Spiegel sowohl wie in der von de Harlez und Dakmesteter wird
der, «welcher mftchtig und heilig ist und den Geschôpfen den rechten
Fûhrer verkûndet" als Fragender aufgefahrt, wahrend er doch, nach
dem ganzen Gedankeninhalte des Satzes der Gefragte sein muss. Denn
der, von dem ail die aufgezahlten Pradicate gelten, kann doch unmô-
glich ein Menschenkind sein, es muss der allunsaende Gott selbst sein.
Was die grammatische Construction betriflft, so ist einfach aus dem
Relativpronomen yé ein Accusativ des Demonstrativpronomens zu er-
gânzen. In der Poésie der Griechen und Rômer, vor allem bei Homer,
finden sich zahlreiche Beispiele dieser Art. Dass auch die Prosa der
Rômer solche Constructionen aufweist, dafûr bietet Cicero in seinen
TmcuL Disput. V, 7, gleich zwei Beispiele. Im Satze ^Xerœes praemium
propoauit, qui invenisset novam voluptatem^\ ist ei zu ergânzen,und in
385
den Worten „nos vellem praemio elicere poasemus^ qui noUa aliquid
attuiisset etc." der Accusativ eum. Mills ist meinem Vorschlage, den
ich vor etlichen Jahren ihm brieflich gemacht habe, gefolgt und hat
in seiner neuesten Ausgabe der Gâthâs, Leipzig, 1892/93, p. 346, in
der dort gegebenen lateinischen Ûbersetzung [eum] vor „çui creaiuria*^
eingeschoben und ûbersetzt, p. 347: Laws for créatures most righteow
justly ruling Ue givetht
Ist nun Str. 5, Ahura Mazda der Gefragte, dann reihen sich die
beiden folgenden Strophen 6 und 7 ganz ungezwungen an und ein
organischer Zusammenhang der Strophen 4 — 7 wird so hergestellt, auf
den bereits BLa^ug hingewiesen hat.
Str. 6. yé vahyô vahhéuah dazdi \ yascd hôi vârâi râdat
ahurô khiathrâ mazddo \ ai ahmâi akdt a^yô
yé hôi nôit vidâiti \ apémê anhémh urvaêsê.
j,Erj der das Allerbeate dem verleiàt , der ihm nach Wunach spendet y
Ahura Mazda kraft seiner Macht ^ aber das Allerschlechteste beim
Ausgange des Lebens dem giebt ^ der ihm keine Opfergabe bringt.'*'*
Nach meiner Auffassung trifft den Bôsen , den Irreligiôsen die
Strafe Ahura Mazda's gleich dann, wann er aus diesem Leben scheidet.
Die Tradition zwar meint, dass die Bôsen ihre Strafe vollkommen erst
zur Zeit des letzten Gerichtes erhalten wùrden , aber man darf wohl
kaum in den Worten: „apémé anhémh urvaêsê"^ das j,jûngste Gericht"
suchen. Zu ahmai in der zweiten Halfte des Verses b muss aus V. a,
dazdi ergflnzt werden. Mills, der den Anfang von V. A: „w the Lord
through his Kingd(mC^ ûbersetzt, ist genôtigt, yascâ auf Ahura zu be-
ziehen und ebenso hôi in V. c, wahrend er hôi in V. a durch y^agricolaé'
erklart. Das scheint mir nicht môglich zu sein.
Str. 7. ddidi moi yé gâm tas^ô \ apascâ urvarâoscâ
ameretâtd haurvdtd \ spénish/d mainyû mazdd
tévîshî utayûiti \ mananhd vohû séfhhê,
49
386
„6ieb mify der du die Herden und dae Wasser und die Baume ^
Ameretât und Haurvatât geschaffen hast, o seyenspendender Geist
Mazda f Kraft und Stàrke in HinsicAt auf die durch Vohumanô em^
ffangene Belehrunff.''
Die Duale haurvâtâ ameretâtaj die hier die Genien der Gtewftsser
und der Pflanzen bezeichnen , lasse ich mit der Pehlevi-ûbersetzung aïs
Apposition zu apascâ urvarâosca von tas^o abhftngen. Spisoel glaubt,
dass, wenn die AufiBEissung der Tradition richtig wftre, an haurvâtâ eta
ebenaowohl câ angeMngt sein mûsste als an apascâ etc. Dieser Einwand
scheint sich mir dadurch zu erledigen , dass hier auf das Metrum Bûck-
sicht genommen werden musste. Die geforderten sieben Silben geben
eben jene zwei Wôrter ameretâtâ haurvâtâ. Sénhê kann nicht Ace. plur.
sein 9 wie Sfiegbl frûher annahm, da ein solcher Accusativ auf ê ganz
allein in den G&th&s dast^nde, sondem ist als Locativ sing. zu ûber-
setzen ^ wie dies de Hablez ^ Mills und Dabmesteter thun. Den Sinn der
Worte mananhâ vohû sénhê trifft Dabmesteter mit seiner Erkl&rung:
^dans enseignement par Vohu Manôy c'est-à-dire: car f ai suivi y ou si fai
suivi la bonne doctrine.'*'^
Un dossier babylonien sur une seule pierre du IX® siècle avant
l'ère chrétienne
PAR
J. OPPERT
Membre de l'Institat de Franee, associé de rAcadémie royale de Belgique.
Le document dont je vais donner l'analyse et les traductions, a
été publié par M. Peisbe dans son livre intitulé Keilinschriftliche Acten-
stûcke n° I. La copie du texte a été faite avec la précision et la
conscience dans laquelle excelle l'auteur; le fait d'avoir mis à, la dis-
position du public savant tant de monuments importants avec un
zèle qui ne se lasse jamais , le rend fort précieux à ses collaborateurs.
Quant à l'interprétation des textes dont nous devons la connaissance
à M. Peiser, je me vois forcé à de grandes réserves. La traduction
que M. Peiser a ajoutée à sa transcription ordinairement exacte, n'est
pas acceptable pour le sens général de Tinscription , et ainsi qu'il ar-
rive souvent à nos confrères allemands , aucune personne tant soit peu
au courant des notions juridiques, ne pourrait Tadopter. Si nous choi-
sissons ce texte , c'est que nous offrons ici pour la première fois la vraie
explication d'un document important à plus d'un titre, et que nous
espérons en donner la véritable signification.
Ce qui distingue cette petite pierre conservée au Musée de Berlin,
c'est qu'elle contient deux actes relatifs à un même personnage, et
séparés par deux dates distantes entre elles de seize ans au moins. On
ne voit pas la connexion qui pourrait exister entre ces deux actes
388
réunis sur une même tablette, si ce n'est la personnalité d'un même
individu. Le premier document est daté de la 28« année de Nebobal-
adan, qui régna au moins 31 ans, et le second de la 11*^ année de
son fils et successeur, Marduknadin-sum : tous les deux étaient les
contemporains de Salmanassar III, qui régna de 906 à 861 avant
l'ère chrétienne. Nous réservons pour plus tard les questions histori-
ques intéressantes, et nous commençons par la transcription et la
traduction du document.
Transcription.
1. Dippi zinat {RALA) sa Bel-nadinabil Nabu-zir4ddin
Tabula portionis hereditariae quam Bel-nadin filius Nabuzaradani
2. avil ninku Dilbat {kï) ana Kidini abliau
administrator (urbis) Dilbat, Kidini, filio suo
3. quttinni izuzu. léqu bit {an) Lagamal
iuniori attribuit. Vectigal debitum templo dei Lagamal
4. urbu u telitu mala masu
nummos et ree consumendas quaeque sint
5. ina libbi Kiru zikaru ser irti {GAB) au ser êuni
in quibus arietem, carnem pectoris et carnem clunium
6. pani Kidini ablisu quttinnu nsadffil
fidei Kidini, filii iunioris sui commisit
7. 4 ffur sezir pi sulpi
IV cori sementorum in oris canalium
8. adi iiri. ^ zaqpi ina asar ^pi
una cum nemore palmarum (dabuntur) in coropensationem.
9. nimid (USSADU) amurri itti {DA) Nabu-gazir-abla avil nagaru
contiguus (ager est) occidentero versus Nabu gazir abla
10. némidu sadi DA ^/rba ahil Nanamhi
contiguus orientera versus (viro) Erba, filio Nanasuhi
11. nimidu eltanu DA naar Puratti
contingens septentriones versus ripae Ëuphratis,
12. 50 GJ ina qaballi ali bitu ipsu
L cannas in média urbe domum constructam,
13. nimidu amurri DA suqu suni
contiguas occidentem versus foro . . . . ,
389
14. nimidu bit Bel-nadin abil Nabu-zir-iddin
contiguas domui Belnadin, filii Nabuzaradani ,
16. bêli eqli arku (US?) saplis (KIT A) eadi
domini agri, in longum, infra , orientera versus,
16. DA za{?àuq) {an) Lagamal
iuxta fornm(?) dei Lagamal
}7. arku élis (ANTA) mti DA éuç u bit
in longum supra meridiem versus, iuxta forum et domum
18. Bel-nadin abil Nabu^zir-iddin
Belnadin filii Nabozaradani,
19. hamt saplis eltani DA bit Nabu-usabsi
in largum infra, septentriones versus, prope domum Nabu-usabsi
20. abil Nabu'zir-iddin y
filii Nabuzaradani ,
21. pani Kidini abihu quttinni ttsadffil
fidei Kidini, filii sui iunioris, commisit.
22. Pan Bel-ipus [abil sa] Adad-sum-erea
Coram Bel-ipus, (filio) Adadsumeris,
23. Mmallim abil Sin ....
Musallim filio Sin ... .
24. abil {TUE- US) Nadin (ÉENA)
filio Nadin ,
25. Ittabai abil Nabu ....
Ittabsi filio Nebo ....
26. tu {? son) {an) Lagamal
scriba (7) dei Lagamal ,
27. BeUerba abil Kurigalzu
Bel-erib , filio Kurigalzu ,
28. au (ami) tupsar aatir dippi Baniya
et scriba scriptore tabulae, Baniya,
29. abil Kandar-tm. Bilbat (ki)
filio KAndarusi. Dilbat
30. Sabqiu yum 12 kam mu 28 [kan] Nabu-abla-iddin ^
mense Sebat, die XII-% anno XXVIII- Nebobaladani ,
31. sar Babilu {KA-AN^BA-Kl)
régis Babylonis.
32. Dippi eqli sa Kidini abil Nabu-zur-idin
Tabula agri quem Kidini filius Nabuzaradani
390
33. avil aatir {8AE) bit (an) Lagamal ina qate
scriba dei Lagamal ex manibus
34. Nadin-abli abil Tabiç-tamnu imtahharu
Nadin-abal, filii Tabiq-tamnu emerat.
35. 1 guT sezir eqil gmnmari zaqpu
Triens cori sementorum, ager palmanim in terra,
36. au 1 çur \ ina pi aulpi
et UDus corus bes in oris canalium
37. napharia 2 gur sezir sa ina qate Nadin-abli chil Tabiq-tamna
in totum duo cori sementorum quos ex manibus Nadin-abal, filii Tabiq-tamnu
38. H \ ma (ra) | ma {nà) kaapi mahru
pro una mina, dextrante minae argenti emerat
39. nimidu amurri DA sa siAi sa (an) Ib
contiguos, ocddentem versus, dei Ib,
40. nimidu sadt DA adrï
contiguos, orientem versus, areis,
41. nimidu sûti DA Musibsa mar avil hazanna
contiguos, meiidiem versus (viri) Musibsa, homini institori,
42. nimidu eltani DA Muranu abil SJ^GA-bit-Ulbar (V)
contiguos, septentriones versus, (viro) Muranu filio Isim miti-UIbar (?)
43. Matima ina {ar) tat yume ina ahe able
Quandocunque in diebus sens, inter frati'es et filios
44. Jdanti nisuta au âalati
tribus agnatos vel cognâtes,
45. sa bit Asaridu iksudu va igabbu
quivis domum Asaridi aggressus erit et dicet
46. umma eqlu ul nadin au trasap ul mahir ^
ita: „A.ger non venditus pretium non acceptum
47. iqabbu kasap imhuru adi 12 ta-a-an
dicet pretium emptionis et insuper duodecies aucta pretio
48. itanappaly Ina kanak (aban) dippi suatu
muitabitur. Pro sigillé tabulae lapideae istius.
49. Pan Bel-nadin {SE)y abil Nabu-zir-iddin ^ avil ninku
Goram Bel-nadir, filio Nabuzaradani , viro,
50. Pan Bel-a^ abil Sanas-erba {èU)
coram Beliya, filio Samas,
51. pan Nabu'U^uranni abil Apibsu
coram Nebo-usuranni , filio Apipsu
391
52. au êatir dippi Nadin-abli abil avil ebar Marduk
et coram scriba scriptore tabulae, Nabin-abal sacerdote Marduchi
53. Kiêilivi yum 21 kamn sanat 11 kamn Marduk-nadin-swn
Mense Gislev, die XXI"*, anno XI"** Marduk-nadin-sum,
aar Babilu
régis Babylonis
54. ^upur Nadin-abbli abil Tabiq-tamnu kima kunuk kisu
Unguis Nadin-abai, filio Tabik-tamna pro sigillo suo.
Teaduction.
^Document relatif à la portion d'héritage que Belnadin, fils de Nebozaradan,
„adiiunistrateiir de la ville de Dilbat, a attribuée à Eidini son fils puîné.
„Les redevances dues au Temple du dieu Lagamal, en nature et en argent,
„de quelque manière que ce soit parmi lesquelles un bélier, la viande de devant
„et la viande des cuisses, il les a conférées à Eidini, son fils puîné.
„Quatre cors de semence de terrain, Temboucfaure des canaux, avec un parc de
,^dattiers sur pied, forme la compensation pour cette charge. Ce terrain est contigu
„à l'ouest à Nabu-Nasir-abal , le menuisier, contigu à Test à Irib, fils de Nannasuhi
„touchant au nord à l'Euphrate.
„Puis, cinquante cors de terrain au milieu de la ville, une maison bâtie
„au long, en haut vers l'ouest, sur le marché suni^ touchant à la maison de Bel-
,,nadin, fils de Nebozaradan, le propriétaire du champ, en large touchant à Test , au
„domaine(P) du dieu Lagamal, touchant en large, en haut, vers le sud, au marché
„et à la maison de Bel-nadin, fils de Nebozaradan, touchant en large, en bas, au
„nord, à la maison de Nabu-Usabsi, fils de Nebozaradan, il Ta conférée à Eidini, son
„puîné.
„Par devant , Bel-lbus , fils d*Adad-sum-eres , Musallim , fils de Sin- . . . . , fils
„de Nadin , Ittabsi , fils de Nabu- . . . . , le scribe du dieu Lagamal , Bel-irib , fils de
„Eurigalzu, et du scribe, qui a rédigé ce document Baniya, fils de Eandar-usi.
„Dilbat, au mois de Sebat, le 22^ jour, de Tan 28 de Nabobaladan, roi de
„Babylone.
„Document relatif au champ que Eidini, fils de Nabuzaradan, le secrétaire
„du Temple de Lagamal, a acheté des mains de Nadin fils de Tabiktammi.
„nn tiers de cor de semence de terrain , en palmiers sur pied , d'un cor et un
„tiers de terrains à l'embouchure des canaux, au total, deux cors (ou hur) de ter-
„rain que, des mains de Nadin, fils de Tabiktannu, il a reçu par le prix d'une et
„cînq sixièmes de mine.
392
,,Ce terrain touche à l'ouest, au {sihï) du dieu Ib, touche à Test aux aires (à
^battre le blé ?) touche au sud à Musibsa, Téconome , touche au nord à Muramu ,
„fîl8 de Magir-bit-ulbar (?)
^Quiconque qui à une époque quelconque dans la suite des temps, parmi les
„frères et les fils de la tribu, de ligne mâle, ou féminine, attaquera la maison
„d'A8arid et dira ainsi : le champ n'a pas été Tendu , cet argent n'a pas été reçu
„et dira ainsi remboursera le prix de l'achat, et sera puni d'une amende douze fois
„plus forte.
„Pour le scellement de ce document , écrit par devant Bel-nadin , fils de Ne-
„bozaradan, l'administateur , par deyant Belya, fils de Irib,
„par devant Nabu-uçuranni , fils d'Apipsu, et par devant le scribe qui a rédigé ce
„document , Nadin , de la caste des prêtres de Mérodach.
„Au mois de Cislev, le 2lcjour, l'an 11 de Marduk-nadir-sun, roi de Babylone.
„Ongle de Nadin, fils de Tabiktannu, (le vendeur du champ), pour remplacer
„8on cachet".
L'écriture de ce document n'est pas exempte de fautes assez nom-
breuses que l'on peut facilement reconnaître et rectifier, mais qui
dans un ensemble de textes moins connus, pourrait amener de graves
inconvénients , parce que la correction pourrait être taxée de hardiesse
et de témérité. C'est une de ces inscriptions où, pour la comprendre,
il feiut savoir d'avance ce qui a dû s'y trouver.
Remarques.
En dehors des erreurs et des fautes de moindre importance, que
M. Peiser a déjà soigneusement notées, il en est une dont il n'a pas
parlé, et qui est la plus grave de toutes.
C'est celle de la ligne 32, la première ligne de la seconde pièce,
où Kidini est nommé fils de Nebozaradan, au lieu de fils de Bel-nadin,
fils de Nebozaradan. Le nom du père de l'acheteur a été tout simplement
oublié^ car la raison d'être de la réunion des deux documents gravés sur
une même pierre n'existerait plus, si l'on admettait que le second con-
trat concernait un autre Kidini, oncle de son homonyme et qui aurait
conclu la première convention, quatorze ans plus tôt. Au contraire, la
pierre devait comprendre tous les titres de propriété que le même per-
393
sonnage pouvait faire valoir sur les trois terrains distincts. Le domaine
nommé dans la seconde pièce n'a rien de commun avec celui que Kidini
avait acquis auparavant comme compensation de la charge envers le
Temple, qui lui avait été imposée à titre onéreux; puisqu'il la possé-
dait déjà, il n'avait aucune raison , ainsi que semble le croire M. Peisee ,
de l'acquérir de nouveau. Quant au mot iéquj il ne saurait signifier
ici que l'impôt que le Temple tirait des adorateurs du dieu. Le fisc
et le Temple n'ont jamais fait de cadeaux , ni anciennement ni à notre
époque. Une grande quantité de textes ne sont compréhensibles pour
tout homme sensé, qu'interprétés sous ce point de vue; dans des cas
particuliers quand il n'est pas question d'un Temple, Ton peut quel-
quefois admettre l'acception du revenu. Nous avons exposé ces raisons
assez largement pour que nous ne nous croyions pas obligé de revenir
sur un point qui s'entend de lui-même.
La fourniture que Belnadin impose h son fils Kidini n'est pas un
droit sur une prestation (Recht auf eine Le%8tung\ qui a la prétention
de ressembler à quelque chose de juridique, mais qui au fond ne
signifie rien du tout : un droit sur une prestation s'appelle en allemand
une Forderung ^ en français une créance. Toutes les citations qu'entasse
M. Peisee, ne prouvent pas que c'est Kidini qui a une créance sur le
Temple, mais toutes prouvent le contraire. Ces prestations qui se nom-
ment en sumérien giaaubha^ et en assyrien iaqu ou izqu^ de p^i<, sont
spécifiées comme urhu et telitu^ que M. Peiser traduit dubitativement
par les mots Eingangmhgabe und Auflagen. J'approuve les points d'in-
terogation de l'^^uteur, qui, je le soupçonne fort, ne comprend pas plus
que moi ce qu'il a voulu dire par »une taxe sur ce qui entre", ou une
contribution sur des choses que , dans son opinion , l'homme en question
doit recevoir. Le mot urbu vient de eribu^ rentrer, et indique proba-
blement le numéraire, l'argent qui est à» payer, et telitu „ce qui vient
en surplus", ce sont, avec quelque vraisemblance, les livraisons en nature,
telles que l'huile, le blé, les viandes spécifiées dans le texte. Étymologi-
quement, on ne peut pas expliquer ces termes, car le peuple vivant attache
aux mots des idées spécialisées qui se moquent de toute philologie,
et je maintiens que ma manière de contredire mon honorable coUa-
50
394
borateor est très aeadémiqme et fort parlementaire^ dans un sens que ni
le citoyen Âcademns on les dialogues de Platon, le varbe mma^cùJkëêi^
on la section conique de la parabole ne pourraiait çgtainemfflrt pas
laisser devins.
Pour nous donc, wrhu signifie Taigait, telit», la livraison d^objets,
et je ferai remarquer que des centaines de textes foumiasent des in-
dications de cette sorte.
Le sens de tout cela est tout simpl^nent qu'il &ut sour^it devinar, &
où l'étymologie fondée sur les racines nous conduirait à de graves ^reurs.
Parmi les prestations en nature, réparties sur tous les ccmtribnar-
blés , se trouvent , pour la part de Belnadin , un bélier et de la viande
de poitrine et de la viandes des cuisses. £irru nkaru sêr irti am 9êr êmn.
Le signe que M. Psisbr lit si mal est, comme plusieurs fois, le ca-
ractère ^Tp^ ^T , la copule ; J^^ est irti , le devant, et ur on mim ^clnnes.
Un boucher assyriologue traduirait par , épaule et gigot'\ La quantité
de la fourniture était connue par les contractants, et n'est pas spécifiée
icL Le sens simple est généralem^it le sens vraL
La formule pan N. U9adgil désigne en politique Tinvestiture de la
charge de gouvernement, en droit, la collation à un tiers d'un once
ou d'un bénéfice.
La prestation imposée au fils cadet est compensée par une cession
de terrain. La compensation est exprimée par les mois que je lis
ina asar ^pi ^in locum conpensationis'\ Qu'on lise le dernier mot a//»,
ac^ , Mpi , le sens ne peut être que celui que j^indique : j'ai pensé à
323^ avec Tacception de ^transférer", mais j'ai préféré me souvenir de
nsîî ^accroître'', avec celle de dédommagement par acerescence.
Les terrains agraires sont, ici comme plus tard, désignés par les
mesures de capacité afférentes d'après une proportion fixe et invaria-
ble, tandis que les immeubles urbains sont évalués par les mesures
de superficie. Au douzième siècle, le cor équivalait toujours à 360,000
coudées babyloniennes carrées, dans les époques modernes à 54,000
1) Je rends troujoors /T»> yy dans la transcription par au^ seolement pour le distingner
du crochet u^ la prononciation a dû Atre la même.
395
aunes carrées. J'ai déjà prouvé que cette proportion de 6| à 1 pour le
carré , nous conduisait à un rapport de 2 582 à 1 pour le côté , qui re-
présente le rapport presque exact de ces deux mesures, La teneur du
traité se rapprochant davantage du système moderne, je suis incliné
h y adapter le mode plus récent ... et les quatre cors de terrain se pré-
senteraient alors exactement comme 216,000 aunes carrées ou 39 hec-
tares environ. Tout cela, dans l'hypothèse presque certaine de Tappli-
cation du système sextal, c'est-à-dire du cor de 180 qa ou cabs.
Cette superficie considérable étant spécificée par pi sulpi, peut-être
M. Peisee est-il dans le vrai quand il y voit des marécages. Nous tra-
duisons par ^embouchure des canaux", car en Babylonie, il se trouve
partout des marais: la valeur moindre des terrains milite pour cette
présomption, et à ces terres peu productives se joint un bois de pal-
miers, tel qu'il en existe beaucoup sur le bord de l'Euphrate.
En dehors de cette espèce de dédommagement pour la charge impo -
sée, en dehors de ce préciput, il est donné en legs un terrain de 50
cannes situé au milieu de la ville même de Dilbat, qui, d'après ce texte ,
devait se trouver sur Tune des rives de l'Euphrate. La maison bâtie est
située sur un des marchés {éûçi) de la cité , et mesurait 50 cannes pro-
bablement carrées, donc si nous appliquons la canne septimale des der-
niers rois, à peu près 4500 mètres carrés, ou un carré de 67 mètres
de côté. La maison était assez vaste, mais une partie de la sur&ce
était certainement prise par les cours intérieures et les jardins entou-
rant l'édifice lui-même. Bel-nadin , le père du bénéficiaire , avait détaché
cette maison de son propre domain e , dont il avait cédé la partie orien-
tale à son fils. Malheureusement , les dimensions des côtés ne sont pas
données , et dans les lignes 17 et 1 9 il se trouve une grave incorrection ,
le mot us „en long" étant fautivement écrit au lieu de sak „en large".
Comme je l'ai fait remarquer, les terrains sont toujours évalués par
des mesures de superficie, et les champs par les aires exprimées en valeurs
de capacité ayant le rapport invariable de 300 aunes carrées par un qa.
Dans la liste des témoins (1. 22), manque encore le mot de »fils",
il devrait y avoir: Bel-uçuranni , jtf& d'Adad-sum-eres. La lecture Bel-aA
epu8 de M. Peisee ne se recommande ni par les analogies, ni par
396
rexamen du texte que Ton ne devra suspecter que lorsqu'on ne pourra
pas faire autrement. Quant au nom Adad, personne ne comprendra
d'ici à peu d'années, pourquoi par un esprit de coterie et malgré
les preuves les plus directes la plupart des assyriologues s'exposent à
être sévèrement jugés par leurs disciples. Il n'y a que le nom Adad,
et il n'y a pas de Ramman ou Baman, et pour cette lecture il n'y a
pas même un commencement de preuves. Bamman n'existe pas, et si
l'on trouve un dieu Raman, comme Naman, Taman, Maman et Sulman
et Léman , toute la différence du Lieu des vents est de Baman , et
rien ne démontre leur identité. Quand à parler d'un nom occidental
{westlànckcA)j Adad n'est pas plus occidental que Bel et Istar, qui se
trouvent aussi dans les pays de l'ouest. Cette persistance à maintenir
un nom dont on connaît soi-même la fausseté, aurait été appelée par
EwALD du mot (f immoralité ou Unsittlichkeit.
Nous nous occuperons de la date du document et du personnage
royal à la fin de cette étude.
Le second contrat a trait à l'achat d'un terrain composé également
d'un bois de palmiers et d'un terrain marécageux: le premier mesure
un tiers de cor, ou 18000 aunes carrées, 32400 mètres carrés, 3| hec-
tares, et U cor de terres moins chères. Si l'on admet pour les palmiers
le prix connu plus tard de 6 ou 6| dixièmes de cab pour une drachme ,
le prix de 110 drachmes serait l'addition des 100 en 90 drachmes pout
le bois de dattiers, et il resterait 10 ou au plus 20 diuchmes pour
»les embouchures des canaux". Dans la dernière supposition, nous
aurons le prix d'une drachme par hectare, donc il y en a vingt-deux
dans notre affaire; l'étendue équivaut à. 90,000 aunes carrées, 162,000
mètres carrés ou 16 hectares.
Comme nous l'avons indiqué , le texte est mal écrit , surtout le nom
du père du vendeur est très obscur, c'est Tabiq-tamnu^ Tabiq-nanu^ Tab
y a nanu, et toutes ces formes sont difficiles à expliquer. L'inventaire
du voisinage; surtout des mots encore mystérieux, comme les sihi du
i) Je ne comprends pas bien le calcul de M. Peiser qui emploie des x et des y; mais
je pense que ce calcul n'est pas plus mathématique que son idée n'est vraisemblable.
397
dieu Ib, et les adn ou larl de la ligne 40, aires à battre le blé.
Mais dans la péroraison contenant la formule au sujet de l'éviction
et de la plainte en nullité, le document est précieux parce qu'il tran-
che la question de l'interprétation en faveur de notre traduction et
détruit la version d'ailleurs philologiquement inacceptable de M. Peisbr.
Nous prétendons que le texte édicté contre celui qui voudrait annuler
la vente à n'importe quelle époque, la peine de la résolution d'achat,
et en outre, une somme douze fois plus grande, en guise d'amende.
Dans ce cas, ce serait une somme de 32| mines ou de 2700 francs de
notre monnaie. Les documents de Ninive nous donnent raison, car
ils stipulent des amendes s'élevant à dix mines d'or, c'est-à-dire à 17000
si ce n'est 34000 francs.
M. Peisee a proposé de traduire ces quelques mots adi 12 ta-a-an
„et duodedea' par un intérêt d'une drachme par mois, donc 12 drachmes
par an, selon lui. Et dans les années embolimes, il faudrait donc ad-
mettre treize? Dans ce cas, on dit énergiquement que l'intérêt serait
d'une drachme par mine et par mois. Et cet intérêt serait payé,
selon M. Peisee, une fois seulement, de sorte qu'on pourrait toujours
annuler l'achat, en payant dans notre cas, la modique somme de neuf
drachmes. Cette interprétation de^ simples mots „^^ duodecies"^ est
tout aussi conforme au sens commun, que l'opinion de notre collabo-
rateur sur les trente-sixièmes , où une quantité ne serait pas la moitié
du double , même les trois quarts , et où deux unités ne constitueraient
pas les deux tiers de trois , mais les huit neuvièmes : ce sont des choses
que l'on ne discute pas.
Parmi les noms des témoins nous relevons celui de Bel-nadin, fils
de Nebozaradan, le père de Kidini, qui vivait donc encore quatorze ans
au moins après la rédaction du premier docimient.
Quant au nom du troisième témoin, écrit clairement Nabû-sis-ni,
la prononciation en est douteuse. Nahu-ahani »Nebo est notre frère",
n'est guère admissible ; mieux vaut Nabû-u^uranni „Nebo, protège moi".
Nous n'avons pas le droit, de substituer h ni le signe kak et de lire:
Nabu-ah-epus »Nebo a fait un frère".
Le nom du scribe est écrit SE-NJ-Jj ce qui peut se prononcer
398
Nadin-abla, {le D-M-N.) ^donne un fils", ou Idina ,donne", selon Tana-
logie de tant de noms formés de l'impératif avec ^à emphatique.
Abordons les questions générales. La première concerne le dieu
Lagamal, dont le nom, s'il est sémitique, signifierait, „le dieu qui ne
pardonne pas". Il est étranger au nom élamite, Lagamaruj cité par Sar-
danapale (t. III , col. VI , 1. 77) , comme dieu de Suse , et dont la citation
confirme le caractère historique du femeux Kedor la'omer, Kodallogomor
des Septante, si fameux par le XIV« chapitre de la Genèse ; la vraie forme
est Kudur-Lagamar. Notre dieu Lagamal est cité (B. Il, 60, 15), comme le
dieu urbain de la ville de Surippak, cité fameuse par la légende du
déluge, mais qui n^apparait guère dans les textes depuis cette catastrophe :
Surippak (comp. R. Il, 46, 1) était aussi la ville du dieu Malik, Mo-
loch. En tout cas, Lagamal avait un temple à Dilbat, où le dieu Ib
avait un sanctuaire réparé par Nabuchodonosor. Nous ne sommes pas
autorisé à identifier Ib avec Lagamal, qui a paru au P. Strassmaier
S. J. être une divinité féminine, reine de la ville des JKtsurraey des
frontières: nous croyons que cette désignation se rapporte à la déesse
Ishara.
Dilbat, la ville de la planète Vénus, était située sur TEuphrate , du
côté occidental ou arabe, comme l'indique ce texte même: il faut la
chercher à un endroit où le cours du fleuve lui permet de border un
champ du côté du nord. Beaucoup de textes de la collection de Berlin
sont originaires de cette ville célèbre jusqu'à l'époque babylonienne
la plus récente. La dernière pièce que nous avons de Darius, du 13
Elul, l'an 36, ou du jeudi, 12 septembre julien 485 a. J.-C, est datée
de la ville de Dilbat qui faisait un grand commerce de blé et de fruits
de toutes sortes: beaucoup de documents attestent son importance.
Au point de vue de l'histoire, le document présente un grand intérêt
h. cause de ses deux dates séparées par un intervalle de quatorze ans au
minimum. Le roi Nebobaladan, Nabu^bla-ddin^ »Nebo a donné un fils"
r^na au moins 31 ans à Babylone, comme ouïe voit au bas de l'inscrip-
tion monolithe publiée dans la collection du Musée britanique, volume V,
planche 61. Il fut le contemporain de Tuklat Ninipj mort en 930 a.^
J.-C, du règne entier d'Assurnasirabal (930 à 906), et mourut vers 893
399
Assurnasirabal le mentionne sous le titre de roi de Kardunyas (mono-
lithe in, 1. 19 et 20) et se vante d'avoir capturé ses troupes envoyées
aux secours des Supi. Néanmoins, Salmanassar, le fils de celui-ci, semble
avoir été lié avec le roi de Babylone, comme l'atteste Y histoire syn-
chronique) Nebobaladan mourut en l'an 8, de Salmanassar qui défit et
tua Mardek-bel-usati , fils de Nabobal Adan qui voulait détrôner son
frère Marduk-nadin-sum. Ce dernier fut rappelé sur le trône en 898
a. X-C, et l'on ne se trompe pas beaucoup si l'on place la date de la
seconde pièce en 887 a. J.-C, car c'est de son installation sur le
trône occupé d'abord par son frère, que devait se compter les années
de Marduhmadinsum. La date du premier document au contraire est
incertaine; nous ne savons pas si Nebobaladan a occupé le trône plus
longtemps que trois ans après la 28« année, et si l'usurpateur n'a
pas exercé son pouvoir pendant plusieurs années.
Notons à cette occasion que je maintiens toujours, jusqu'à, preuve
du contraire, la chronologie exposée en 1868 et que je regarde toujours
comme fausse celle de presque tous les assyriologues , qui n'ont, de
l'avis des hommes vraiment compétents, aucune autorité dans cette ma-
tière. Il ne me semble pas permis de sauter à pieds joints par dessus deux
cents données bibliques , mathématiquement avérées et s'accordant en-
tre elles, et il est absurde au point de vue purement scientifique de
sacrifier à une chronologie aussi mal assise que l'est celle des rois assy-
riens, la base chronologique sur laquelle se fondent les dates des Livres
des Rois. Il y a eu une interruption dans les éponymies, la date de
l'éclipsé d'Isid-salhê-iqbi est celle du 13 juin 809, et non pas celle du
15 juin 763. Il y a une éclipse en 930 à l'occasion de l'avènement
d' Assurnasirabal , dont il est absolument ridicule de nier l'existence,
et il n'y en a pas eu en 884, date admise par des savants incapables de
comprendre les question de pures mathématiques. Aucune raison n'a
été donnée jusqu'ici par ceux-ci : le seul argument devant lequel je m'in-
clinerais tout le premier, serait une donnée précise fixant un intervalle
entre deux éponymes ou deux faits, telle que la donnée relative aux 696
ans écoulés entre Qul-kisar et Nabuchodonosor I, ou les 1635 ans qui
séparent l'invasion de l'Elamite Kudure na Khunta de la prise de Suse
400
par Sardanapale. Si Ton peut présenter une pareille preuve, indiscu-
table et précise, fixant entre les deux éponymes, avant et après la
fameuse éclipse, et qui démontrerait la continuité, et n'agrandirait
pas l'intervalle des quarante-six ans que je crois nécessaires et réels,
alors je me joindrai aux autres; mais je ne céderai pas à. des raisons
qui ne peuvent pas raisonnablement passer pour telles.
J'admets donc pour la date du second document 887 a. J.-C, et
non pas 841.
Si nous demandons maintenant pourquoi ces deux textes sont soudés
ensemble , la réponse sera facile. Belnadin a réuni sur une même pierre
les titres affirmant sa propriété sur tout ce qu'il possédait „dans les
champs et dans la ville", comme disent les documents babyloniens, soit
qu'il eût acquis ces biens par donation, par héritage ou par achat. C'est
un inventaire général, affirmé par des documents officiels et devant
servir de base aux revendications de ses héritiers. C'est à ce titre
que ce petit document méritait surtout im examen particulier et con-
sciencieux.
TABLE DES MATIÈRES
Page
Liste des sousoripteors et des collaborateurs y
Dédicace par Mgr Abbeloos • . . , xin
Inscription chinoise par M. Leoqi xy
Cael Abel, TJnd Noah sprach • • . . 1
W. BAHQy Prof essor an der Universitât Lôtcen^ Zur Erklamng der altper-
sischen Eeilinschriften 5
A. Babth^ membre de V Institut de France j Deux chapitres du Sauraparâ^a. 12
Beké Basset y professeur à V École supérieure des Lettres d^ Alger ^ Le Liyre
des conquêtes de l'Afrique et du Maghreb 26
K BEAUYOïSy Le cheyal en Amérique avant l'arrivée des Espagnols ... 35
L. 0. Casastelli, a fragment of the Dinkart (III , fol. 2 , q. 2) . . . . 41
Dr. J. B. Chabot, Une poésie syriaque de Grégoire Bar-Hébréus. ... 44
C^^ DE Chaeehget, Langue basque et dialectes chamitiques ..... 48
V. CuAwnr, professeur à V Université de Liège y Belgium persicum ... 53
É. CHAVAnrBs, professeur au Collège de France j Le Sûtra de la paroi occi-
dentale de l'inscription de Eiu-yong koan 60
A. CoLiEET, professeur au Collège communal de Nivelles j Les auxiliaires
\\(à au et Q^ tu 82
Ph. Colihet, professeur à V Université de Louvain^ Le sjml^lisme solaire
dans le Big-Yéda . 86
6. DevAeia, professeur à V École nationale des langues orientales vivantes ^
Histoire du Collège des Interprètes de Péking (fragment) 94
£. Dboudt, Quelques mots sur les monnaies anciennes de l'Inde, à propos
de la question de l'origine de l'écriture 103
Dr. A. OxESSwEnr, Notes historiques et linguistiques relatives à la religion
des anciens Magyars 109
Baoul de la Geabseeib, Du contre-accusatif, du contre-génitif et du contre-
nominatif ou des cas contraires 116
J
402
Page
Ad. Hebbelthok , professeur à V Université de Louvain^ Une page d'un manascrit
copte intitulé „Le8 mystères des lettres grecques'^ (description cosmogonique). 127
V. Henrt, professeur à la Sorbonne , Vedioa 133
A. V. Williams Jacksoh, prof essor at Columbia University y New-York City^
Zoroaster's successor in the pontifical Office, according to Mas^ûdl, . . 138
H. Ebrh, prof essor aan de Universiteit te Leiden^ Een oyerblyfsel van eene
yerouderde declinatie in de taal der Zend-Avesta 140
J. EiRHTE, professeur à V Université de Oraiz, Çunaskarça 143
Léok De Laittsheebe, professeur à V Université de Louvain^ Le pied et la
chaussure comme symboles juridiques 149
C. Lecoutere, hoogleeraar te Leuven^ Mahâbh&rata XII, 12772 — 12811 . . 162
E. Lbféburb, professeur à V École supérieure des Lettres d^ Alger ^ La mention
des Hébreux par les Égyptiens s'accorde-t-elle avec la date de PExode? . 170
Stlyaik Léyi, professeur au Collège de France ^ Deux peuples méconnus. • 176
A. Mabbe, professeur à V École nationale des langues orientales vivantes ^
De l'introduction de termes chinois dans le vocabulaire des Malais. . 188
A. F. Mehbbk, professeur à V Université de Copenhague <, Aperçu sur les
ouyrages lexicographiques de la langue arabe récemment publiés en Orient* 194
5. Mélik— Datid Beq, Le dialecte de Marach '204
Friedbicb Muelleb, Prof essor an der Universitât Wien, Der Ursprung der
indischen Schrift (mit einer Tafel) , 212
Eabl Piehl, professeur à V Université d*Upsala, Deux déesses égyptiennes . 222
J. Pizzi, prof essore nella B, Università di Torino, Una massima di sapienza
popolare nelP Antigène di Sofocle e nel Merzbàn-nâmeh di YeràvînL 226
H, PoELs, De smeden bg de oude Hebreërs 228
C. PuiHi, prof essore presso il R, Istituto di Studii superiori di FirenzCj I
sedici buoni Genii del Prajna, appunti concementi il Buddhismo nel Gi-
appone 232
Hekbi Cobdibb, professeur à V École des langues orientales vivantes à Paris^
Mourier, amateur-sinologue danois 239
A. Roussel, prêtre de V Oratoire j Étude du Pancar&tra. 251
6. H. ScHiLS, Contributions aux études de la grammaire japonaise . . . 266
G. SoHLEQEL, professeur à V Université de Leyde, Parallèles en folklore . . 271
H. SoHUCHABDT, Profcssor an der Universitât Graiz, Georgisches -gc. . . 278
É. Sbvart, membre de VInstitut de France ^ A propos de la théorie boud-
dhique des douze nidânas 281
Nathah Sôdebbloh, Du génie du Mazdéisme 298
MiKAS TcHÉBAZ , professeur à King^s Collège^ Londres^ Homère et les Arméniens 303
C. P. TiELE, prof essor aan de Universiteit te Leideny Cyrus de Groote en de
godsdienst yan Babel 307
403
Page
L, Di LA Vallée Poubsik, professeur à V Université de G^atK^ , Oaturftryasatya-
parlkç&, extraits du XXIY» chapitre de la MadhyamakaTrtti .... 313
J. Yak dbk Gninry S. J., bollandisUj Note sur le mot ipfntrcipiov. . , 321
A. Yak Hoohaokeb, professeur à V Université de Louvain^ Note sur les lignes
1 30. 33 de rinscription du cylindre de Cyms 325
6. DE Yascokoellos— Abrsu, professeur au Cours supérieur des Lettres à
Lisbonne j La symbolique des nombres dans les recettes magiques des tra-
ditions et des usages populaires en Europe 330
A. R. GoKÇALYSs YiAKKA, Los Yocablcs malais empruntés an portugais . . 336
F. DE YiLLSNOisYy Ethnographie de la Chine septentrionale et son influence
sur l'Europe 349
Dr. F. H. Weissbaoh, Eine sumerisch-assyrische Beschwdmngsformel (lY.
Rawl. 16 N** 1) 360
Alfred Wiedehakv, Prof essor an der Universitàt Bonn^ Zu dem Thierkult
der alten Aegypter 372
E. WiLHELM, Prof essor an der Universitàt Jena^ (}âtha Yohukhs'athra. —
Yasna LI, 1— 7, ûbersetzt und erklârt 381
J. Oppebt, membre de V Institut de France ^ associé de V Académie royale de
Belgique^ Un dossier babylonien sur une seule pierre du IX^ siècle ayant
l'ère chrétienne 387
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